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1
p. 3-16
TRAIT D'HISTOIRE Arabe.
Début :
Hataya, Poëte, raconte de lui-même, qu'ayant renoncé à la poësie, [...]
Mots clefs :
Calife, Dieu, Poète, Vieillard, Poésie, Prison, Vers, Prophète, Frayeur, Hataya, Hacler
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texteReconnaissance textuelle : TRAIT D'HISTOIRE Arabe.
TRAIT D'HISTOIRE
Arabe.
Ataya , Poëte ,
raconte de lui-
H même, qu'ayant
DE
LA
VILLE
noncé à la poëfie , le
Calife ordonna qu'on le
Mars 1714.
A ij
4 MERCURE
mit dans la prifon des
criminels. En entrant ,
dit- il , dans cette prifon ,
j'apperçus un vieillard ,
qui me parut un honnête
homme ; car les caracteres
de la vertu paroiffoient
fur fon viſage .
J'allai m'affeoir auprés
de lui fans le faluer ,
tant le chagrin & la
frayeur m'avoient troublé
l'efprit. Je demeurai
quelque temps en cet
état : mais le vieillard ,
GALANT .
S
pour diffiper ma frayeur,
me recita ces deux diftiques.
Les adverfitez
viennent de Dieu , &
l'impatience vient de
nous . Dieu m'a ôté ce
EZ
qui venoit de moy ,
m'a laiffé ce qui venoit
de luis c'est ce qui mefait
fouffrir
avec joye. Pourquoy
donc es-tu trifte ?
Entate
voyant
que j'étois
frapé de ce diftique
,
il me dit : fe fuis prêt
d'être condamné
à mort ,
A iij
6 MERCURE
,
€5 aprés ma mortje n'aurai
plus befoin de patien
се je te la laiſſe , 5
commence à enjouir pendant
ta vie à mon exemple.
Je rappellai mes tens
& mes efprits , & je le
priai de continuer à me
confoler. Ifmaël , me répondit
le vieillard , commencez
par me rendre le
falut & la civilité que .
vous devez aux Mufulmans
. Alors m'étant excufe
fur ma frayeur &
GALANT. 7
mon étonnement , il reilareprit
: On va m'appeller
tout à l'heure , pour me
demander où eft Hyla de
la race du Prophete . Si
je dis où il eft , j'offenferai
Dieu ; & fi je ne
le dis pas , on me fera
mourir. Ainfi je devrois
être dans un plus grand
étonnement que vous :
cependant vous voyez
ma patience & ma refignation
à la volonté de
Dieu. Je lui répondis :
A iiij
8 MERCURE
Que Dieu vous confole,
il vous fuffit. Je ne vous
reprendrai plus , me dit
le vieillard , & vous repeterai
le diftique autant
que vous le fouhaiterez ;
ce qu'il fit , & me dit
enfuite : Qui vous a
obligé de quitter la poëfie
, qui faifoit vôtre fortune
auprés des Grands ?
Il faut que vous continuiez
à faire des vers ,
& que vous leur donniez
cette fatisfaction ;
GALANT . 9
vous leur devez cette reconnoiffance
, & vous la
devez à vôtre
reputation
. A peine cut - il fini
ce difcours , qu'on nous
appella l'un & l'autre ,
& l'on nous mena dans
la chambre du Calife .
Quand nous fumes en ſa
prefence , il dit à Hacler :
(c'étoit le nom du vicillard
) Où eft Hila ? Vous
m'avez fait mettre en
prifon , répondit Hacler,
comment pourrois - je
io MERCURE
#
fçavoir de ſes nouvelles ?
Aprés quelques autres ,
demandes Almohdi en
colere dit à Hacler : Vous
m'indiquerez où il eft ,
ou bien je vais vous faire
couper la tête. Vous ferez
de moy tout ce qu'il
vous plaira , répondit
Hacler , je ne vous dirai
point où eft le fils du Prophete
; je ne veux point
offenfer Dieu ni le Prophete
en trahiffant fon
fils , & quand mefine il
GALANT . I
feroit entre ma chemiſe
& ma peau , je ne vous
dirois pas où il eft. Qu'-
on lui coupe la tefte, dit
le Calife , & auffitôt cela
fut executé. Enfuite ce
Prince me fit approcher
& me dit : Ou vous ferez
des vers , ou je vous
traiterai comme j'ai fait
Hacler. Je lui répondis :
Seigneur , fçais - tu ce
que c'est que poëfie ?
Sçais- tu que poëſie n'eſt
point ouvrage de main
12 MERCURE
mecanique qui fe puiſſe
faire de commande? Ainfi
, en te defobciffant je
ne fais point coupable :
un Poëte eft un homme
infpiré, non par fon Prince
, mais par le Seigneur
des genies ; cette infpration
ne vient que par
periodes. Tout ce que je
puis , c'eft de te promettre
de faire des vers
quand elle viendra. Hé
bien , répondit le Calife ,
retourne en priſon juſGALANT.
13
qu'à ce qu'elle te foit
venuë. Mais , repliqua le
Poëte , tu me permets
donc auffi de fuivre mon
infpiration telle qu'elle
me viendra , bonne ou
mauvaiſe , tu t'en contenteras
, & me donneras
la liberté ? Oui je te
le promets , répondit le
Calife. Le Poete rentra
dans la prifon d'où l'on
venoit de tirer Hacler à
aqui on avoit coupé la
tefte. Il prit ce fujer pour
14 MERCURE
fa poefie , & fit une fatyre
violente & inftructive
fur ce fujet , pour
blâmer la cruauté du Calife
, & auffitoft fe fit
mener devant lui , & lui
recita fa fatyre , lui difant
: Ton action injufte
contre Hacler m'a frapé
fi fort l'imagination dans
¡ce moment, que la verve
abondante eft venue qui
a inondé ma raiſon & ma
timidité ; maintenant je
fuis un infenfé qui ne
GALANT . 15
crains point la mort ;
fais- la moy donner , &
corrige - toy .Je ne regretteray
point la vie , fi j'ap
prens là - haut que c'eſt
la derniere dont tu auras
difpofé injuftement.
Cette
magnanimité de
Hataya toucha fi fort
le Calife , qu'il devint
plus humain , & recompenfa
magnifiquement
le Pocte , en faifant
pourtant brûler fes
vers , afin qu'on oubliât
16 MERCURE
entierement fes cruau
tez paffées.
Arabe.
Ataya , Poëte ,
raconte de lui-
H même, qu'ayant
DE
LA
VILLE
noncé à la poëfie , le
Calife ordonna qu'on le
Mars 1714.
A ij
4 MERCURE
mit dans la prifon des
criminels. En entrant ,
dit- il , dans cette prifon ,
j'apperçus un vieillard ,
qui me parut un honnête
homme ; car les caracteres
de la vertu paroiffoient
fur fon viſage .
J'allai m'affeoir auprés
de lui fans le faluer ,
tant le chagrin & la
frayeur m'avoient troublé
l'efprit. Je demeurai
quelque temps en cet
état : mais le vieillard ,
GALANT .
S
pour diffiper ma frayeur,
me recita ces deux diftiques.
Les adverfitez
viennent de Dieu , &
l'impatience vient de
nous . Dieu m'a ôté ce
EZ
qui venoit de moy ,
m'a laiffé ce qui venoit
de luis c'est ce qui mefait
fouffrir
avec joye. Pourquoy
donc es-tu trifte ?
Entate
voyant
que j'étois
frapé de ce diftique
,
il me dit : fe fuis prêt
d'être condamné
à mort ,
A iij
6 MERCURE
,
€5 aprés ma mortje n'aurai
plus befoin de patien
се je te la laiſſe , 5
commence à enjouir pendant
ta vie à mon exemple.
Je rappellai mes tens
& mes efprits , & je le
priai de continuer à me
confoler. Ifmaël , me répondit
le vieillard , commencez
par me rendre le
falut & la civilité que .
vous devez aux Mufulmans
. Alors m'étant excufe
fur ma frayeur &
GALANT. 7
mon étonnement , il reilareprit
: On va m'appeller
tout à l'heure , pour me
demander où eft Hyla de
la race du Prophete . Si
je dis où il eft , j'offenferai
Dieu ; & fi je ne
le dis pas , on me fera
mourir. Ainfi je devrois
être dans un plus grand
étonnement que vous :
cependant vous voyez
ma patience & ma refignation
à la volonté de
Dieu. Je lui répondis :
A iiij
8 MERCURE
Que Dieu vous confole,
il vous fuffit. Je ne vous
reprendrai plus , me dit
le vieillard , & vous repeterai
le diftique autant
que vous le fouhaiterez ;
ce qu'il fit , & me dit
enfuite : Qui vous a
obligé de quitter la poëfie
, qui faifoit vôtre fortune
auprés des Grands ?
Il faut que vous continuiez
à faire des vers ,
& que vous leur donniez
cette fatisfaction ;
GALANT . 9
vous leur devez cette reconnoiffance
, & vous la
devez à vôtre
reputation
. A peine cut - il fini
ce difcours , qu'on nous
appella l'un & l'autre ,
& l'on nous mena dans
la chambre du Calife .
Quand nous fumes en ſa
prefence , il dit à Hacler :
(c'étoit le nom du vicillard
) Où eft Hila ? Vous
m'avez fait mettre en
prifon , répondit Hacler,
comment pourrois - je
io MERCURE
#
fçavoir de ſes nouvelles ?
Aprés quelques autres ,
demandes Almohdi en
colere dit à Hacler : Vous
m'indiquerez où il eft ,
ou bien je vais vous faire
couper la tête. Vous ferez
de moy tout ce qu'il
vous plaira , répondit
Hacler , je ne vous dirai
point où eft le fils du Prophete
; je ne veux point
offenfer Dieu ni le Prophete
en trahiffant fon
fils , & quand mefine il
GALANT . I
feroit entre ma chemiſe
& ma peau , je ne vous
dirois pas où il eft. Qu'-
on lui coupe la tefte, dit
le Calife , & auffitôt cela
fut executé. Enfuite ce
Prince me fit approcher
& me dit : Ou vous ferez
des vers , ou je vous
traiterai comme j'ai fait
Hacler. Je lui répondis :
Seigneur , fçais - tu ce
que c'est que poëfie ?
Sçais- tu que poëſie n'eſt
point ouvrage de main
12 MERCURE
mecanique qui fe puiſſe
faire de commande? Ainfi
, en te defobciffant je
ne fais point coupable :
un Poëte eft un homme
infpiré, non par fon Prince
, mais par le Seigneur
des genies ; cette infpration
ne vient que par
periodes. Tout ce que je
puis , c'eft de te promettre
de faire des vers
quand elle viendra. Hé
bien , répondit le Calife ,
retourne en priſon juſGALANT.
13
qu'à ce qu'elle te foit
venuë. Mais , repliqua le
Poëte , tu me permets
donc auffi de fuivre mon
infpiration telle qu'elle
me viendra , bonne ou
mauvaiſe , tu t'en contenteras
, & me donneras
la liberté ? Oui je te
le promets , répondit le
Calife. Le Poete rentra
dans la prifon d'où l'on
venoit de tirer Hacler à
aqui on avoit coupé la
tefte. Il prit ce fujer pour
14 MERCURE
fa poefie , & fit une fatyre
violente & inftructive
fur ce fujet , pour
blâmer la cruauté du Calife
, & auffitoft fe fit
mener devant lui , & lui
recita fa fatyre , lui difant
: Ton action injufte
contre Hacler m'a frapé
fi fort l'imagination dans
¡ce moment, que la verve
abondante eft venue qui
a inondé ma raiſon & ma
timidité ; maintenant je
fuis un infenfé qui ne
GALANT . 15
crains point la mort ;
fais- la moy donner , &
corrige - toy .Je ne regretteray
point la vie , fi j'ap
prens là - haut que c'eſt
la derniere dont tu auras
difpofé injuftement.
Cette
magnanimité de
Hataya toucha fi fort
le Calife , qu'il devint
plus humain , & recompenfa
magnifiquement
le Pocte , en faifant
pourtant brûler fes
vers , afin qu'on oubliât
16 MERCURE
entierement fes cruau
tez paffées.
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Résumé : TRAIT D'HISTOIRE Arabe.
Le texte relate l'histoire d'Ataya, un poète arabe emprisonné sur ordre du Calife pour avoir renoncé à la poésie. En prison, Ataya rencontre un vieillard nommé Hacler, qui lui enseigne la patience et la résignation face à l'adversité. Hacler refuse de révéler la cachette de Hila, fils du Prophète, même sous la menace de mort, préférant mourir plutôt que de trahir sa foi. Le Calife fait exécuter Hacler et propose à Ataya de choisir entre écrire des vers ou subir le même sort. Ataya explique que la poésie ne se commande pas et promet de composer des vers lorsqu'il sera inspiré. Le Calife accepte et libère Ataya après qu'il ait écrit une satire contre la cruauté du Calife. Touché par la magnanimité d'Ataya, le Calife le récompense et fait brûler ses vers pour effacer ses cruautés passées.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 447-457
LETTRE sur les bruits Aëriens entendus près le Village d'Ansacq, écrite de Paris ce 15. Fevrier 1731.
Début :
Vous voulez que je vous dise ce que je pense, Monsieur, au sujet des [...]
Mots clefs :
Bruits aériens, Témoins, Explication, Illusion, Frayeur, Curé
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE sur les bruits Aëriens entendus près le Village d'Ansacq, écrite de Paris ce 15. Fevrier 1731.
LETTRE sur les bruits Aëriens entendus
près le Village d'Ansacq , écrite de Paris
ce 15. Fevrier 1731.
Ous . voulez
Viosense , Monsieur , au
que je vous dise ce que
je pense , Monsieur , au sujet des
bruits entendus en l'air près le Village
d'Ansacq , dont il est fait mention dans
le second volume du Mercure de Decembre
1730. Vous me demandez si je
crois le fait possible , si je le crois vrai ,
et supposé que je le croye , comment je
puis l'expliquer. Il faut vous satisfaire
je vais vous faire part de mes conjectures.
Le stile de la Relation faite par M. le
Curé d'Ansacq , qui paroît un homme
éclairé , le nombre des témoins dont il a
eu soin de recueillir les dépositions , les
précautions qu'il a prises pour s'assurer
de leur bonne foi , le nom de S. A. S.
Madame la Princesse de Conty , à laquelle
il adresse sa Relation , la multitude des
circonstances sur lesquelles les témoins
ne varient point , ne permettent pas de:
douter de la sincerité , non-seulement de
l'Auteur de la Relation , mais des differens
Particuliers qui ont déposé dans son
information ; ensorte qu'il est hors de
toute vrai-semblance de
"
penser que ni les
B vj uns
448 MERCURE DE FRANCE
uns ni les autres ayent eu desein d'en im
poser.
D'un autre côté le fait tel qu'il est rapporté
, paroît si extraordinaire et si ressemblant
dans son espece aux contes pueriles
du Sabbat , qu'un homme raisonnable
ne peut être tenté d'y ajoûter for.
Mais , dira-t'on , comment des témoins
de bonne foi peuvent- ils déposer d'un
fait visiblement faux ? Il faut donc qu'ils
soient dans l'erreur ; oui , sans doute ; et
quelle peut être la cause d'une erreur
qui roule sur des détails aussi circonstanciez
? sur lesquels les témoins s'accordent
parfaitement sans s'être concertez
? c'est ce qui reste à examiner.
que
S'il n'y avoit eu qu'un ou deux témoins,
il paroîtroit assez vrai-semblable de croire
que la frayeur leur eût fait prendre des cris
de bêtes , d'Oyes , de Canars sauvages ,
ou d'Oiseaux nocturnes pour ce qu'ils
ont crû entendre ; mais comme les témoins
sont en grand nombre et qu'ils ont
assuré M. le Curé qui les a questionnez
sur ce point , qu'ils connoissoient parfaitement
le cri de tous ces animaux et qu'ils
ne s'y étoient certainement pas trompez,
on ne peut s'arrêter à cette conjecture.
Le bruit qu'ils ont entendu sans voir
qui que se soit , ressembloit , disent- ils,
à des voix d'hommes , de femmes et
d'enfans
MARS. 1731. 449
d'enfans , à des éclats de rire et à des sons.
d'Instrumens; voyons s'il n'est pas possible
que sans qu'il y eut une multitude d'hommes
, de femmes, d'enfans ni d'Instrumens,
ils ayent entendu l'apparence de tous ces.
differens bruits par une voie toute simple.
et toute naturelle; c'est cette possibilité que
j'entreprens de
elle est telle que
prouver;
par le moyen que je propose , on peut
faire entendre partout où l'on voudra
les mêmes bruits qui ont été entendus à
Ansacq. Je crois , Monsieur , que vous .
n'en demandez pas davantage , vous de
vez être content de moi si je vous tiens .
parole ; je ne crains pas de vous en
manquer.
M. le Curé d'Ansacq , dans les Refle
xions qui suivent sa Relation , voudroit.
persuader que le sens de l'ouie est moins
sujet à erreur que celui de la vûë , mais
c'est gratuitement qu'il le suppose . Comme
la Sphere d'activité de la vie , pour.
me servir de ses termes , est beaucoup plus
étenduë que celle de l'ouie , il est bien vrai
que les erreurs de la vûë sont quelquefois
plus sensibles et aussi que nous avons
plus d'occasions de les appercevoir. Par .
la même raison il se pourroit encore que
nos yeux se trompassent réellement plus.
fréquemment que nos oreilles parce
que nous faisons plus souvent usage des.
yeux
3.
450 MERCURE DE FRANCE.
yeux , sans qu'on en pût conclure pour
cela que le sens de la vûë en lui- même
et par sa nature , fût plus sujet à l'illu ~
sion que celui de l'ouie ; on pourroit
même, avec autant de vrai -semblance ,
soutenir l'opinion contraire. En effet la
reflexion du son est souvent plus difficile
à reconnoître pour ce qu'elle est ,
que la reflexion de la lumiere. L'Echo
sera plus aisément pris pour une voix humaine
que la reflexion d'un Miroir pour
un objet réel. En general on juge d'ordinaire
beaucoup plus exactement de la
distance et de la situation d'un objet par
la vûë que par l'oüie. On reconnoît à
coup sur de quel côté est parti l'Eclair , et
on ne distingue pas toûjours bien de quel
côté vient le son d'une Cloche,
On se trompe si aisément en jugeant
d'où part le son quand les yeux n'aident
point au jugement qu'on en porte , qu'il
y a des gens que l'on nomme Ventriloques,
qui en se serrant le gosier et faisant une
certaine contraction dans les muscles du
bas ventre , articulent un son de voix
rauque et sourd , tel qu'à un ou deux pas
et même à côté d'eux , en prêtant l'oreil
le , on croit entendre une voix fort éloignée.
J'ai connu un Officier qui avoit ce
talent , j'y ai vû bien de gens trompez
en ma presence , et il m'a assuré qu'il
s'étoit
MARS. 1731. 45i
s'étoit quelquefois réjoui à l'armée aver
ses camarades , en leur donnant par ce
moyen de fausses allarmes.
Mais que le sens de l'oüie soit plus ou
moins trompeur que celui de la vûë , peu
importe à la question presente , pourvû
que l'on convienne ,comme on n'en peut
pas douter que l'un et l'autre sens est
susceptible d'illusion et très sujet à erreur.
C'est en suivant le parallele commencé
que nous pouvons trouver le dénouement
de la question proposée..
Si l'on agite rapidement en rond un
tison , ou un charbon allumé , l'oeil n'appercevra
qu'un cercle de feu non interrompu
; la raison en est sensible ; le char
bon parcourt successivement tous les
point du cercle; l'impression qu'il a faite
sur la vûë quand il étoit en haut , subsiste
encore quand il est en bas. La vîtesse
avec laquelle il est mû , fait que
l'oeil le voit à la fois dans tous les points
de la circonference , et n'apperçoit qu'un
cercle de feu continu. Differens sons qui
se succederoient rapidement les uns aux
autres , pourroient par la même raison
se faire entendre tout à la fois et en mê¬
me-temps. Une seule personne , si elle
pouvoit exprimer tous ces sons differens
et passer successivement, mais très-promp
tement d'un son à l'autre , pourroit donc
imite
452 MERCURE DE FRANCE
imiter le bruit confus et continu de differentes
voix , et par consequent ceux qui
l'entendroient sans voir l'Auteur du bruit,
eroiroient entendre à la fois toutes les
differentes voix qu'il contreferoit.
Mais pourquoi s'arrêter à prouver que
cela pourroit être ? Il y a des choses plus
réelles qu'elles ne semblent possibles. Telle
est celle dont il est question . Abandonnons
la preuve de la possibilité , et que
Pexperience du fait en décide . Il est constant
que bien des gens ont le talent dont
nous parlons. J'ai connu un jeune homme
qui derriere un Paravent imitoit d'une
façon surprenante un Choeur de voix
et d'Instrumens , le fameux Philbert, qui
a apporté en France la Flute Traversiere ;
avec une Poële , dès pincettes et sa voix ,
contrefaisoit , à s'y méprendre , le bruit
d'un ménage en rumeur, les cris du mari,
de la femme , des enfans , des chiens , des
Passans , du Guet et du Commissaire , et
faisoit accourir le voisinage. Depuis deux
ou trois ans la Cour et la Ville ont admiré
le même talent , peut être plus singulier
encore , dans le nommé Laillet ;
il alloit dans les maisons où il étoit mandé
, et sans sortir de la chambre où l'on
étoit , caché derriere uu Paravent ou un
rideau , il faisoit un bruit si varié et si
surprenant , en imitant un Concert , une
bagarre
MAR S. 1731 . 4532
bagarre , des éclats de rire , ou quelqu'au
tre bruit de cette espece , qu'on ne pouvoir
imaginer qu'il fût seul . Etant à souper
tête-à-tête avec un celebre Acteur
de l'Académie Royale de Musique , ona
assuré qu'ils ont fait monter dans la
chambre plus d'une fois le Guet , qui les .
trouvoit tranquillement assis à la table
vis-à-vis l'un de l'autre , et qui rappellé
par le même bruit , revenoit sur ses pasi
le moment d'après , avant que d'avoir
descendu le degré , et les retrouvoit aussi
tranquilles qu'il les avoit laissez.
Il est donc bien vrai et bien confirmé,
par l'experience , qu'un homme seul peut
imiter un bruit confus de voix et d'ins
trumens , assez parfaitement pour s'y mé
prendre. Or je dis qu'il est très possible:
qu'un homme placé derriere le mur audedans
du Parc d'Ansacq , où le bruit a
toûjours été entendu , se soit diverti à
joüer cetteComedie.Et il n'est pas necessaire
pour cela de lui supposer , à beaucoup
près , le talent d'un Philbert ou d'un.
Laillet , si ceux- ci ont pû tromper des
gens clairvoyans quelquefois préve→
nus et avertis , à combien plus forte raison
étoit- il aisé d'en imposer , par le même
moyen , au milieu de la nuit , à des
Paysans surpris , que les premiers sons
ent si fort effrayez , de leur aveu , que
l'un
454 MERCURE DE FRANCE
Fun d'eux ne voulut jamais permettre à
l'autre d'avancer pour chercher à reconnoître
d'où partoit le bruit . En lisant la
Relation dans cet esprit , on reconnoîtra
que tous les détails peuvent aisément s'ajuster
à cette Explication , sur tout si l'on
considere que la frayeur et la préocupa
tion peuvent avoir causé quelques éxagerations
et quelques erreurs même , dans
les circonstances du fait. Il n'est pas étonnant
, par exemple , que les Déposans
ayent jugé que la Scene se passoit en l'air,
puisqu'ils ne voyoient rien sur la terre
d'où ils pussent croire que le bruit partoit
; l'un d'eux dit , cependant , que
quelques-unes de ces voix ne lui avoit
paru qu'à la hauteur d'un homme ordinaire,
ce qui quadre fort à la supposition.
Il faut remarquer encore que c'est toujours
au- dedans du Parc que le bruit a commencé
à se faire entendre. Cette seconde voix
qui répondit sur le champ à la premiere du
fond d'une Gorge entre les deux Montagnes
( ce sont les termes du premier Déposant )
avant la confusion de voix qui se fit entendre
ensuite ; cette seconde voix , dis-je,
pouvoit être ou un Echo contrefait par la
premiere voix , ainsi que les bruits qui
ont suivi , ou peut -être un Echo veritable
qu'on sçait être beaucoup plus sensible la
nuit que le jour ; la refléxion de cet Echo
9
se
MARS. 1731. 455
se pouvoit faire sur la Côte opposée à celle
où se passoit le bruit , et c'est de cette
Côte oposée que l'ont entendu les deux
autres témoins qui alloient à Beauvais,
Il n'est pas étonnant qu'on ne distinguât
rien dans cette multitude de sons variés et
interrompus. Et quant au passage prérendu
de ce bruit le long de la rue et
devant la maison Presbiterale , il n'y a
qu'un ou deux témoins qui en déposent ,
et la frayeur dont ils avoüent qu'il étoient
saisis , pourroit bien leur avoir fait croire
ce bruit plus voisin qu'il n'étoit en effet ;
M. le Curé ne l'ayant pas entendu , quoiqu'il
soit dit qu'il passa devant sa porte.
On pouroit aussi supposer que l'Auteur
du bruit avoit pris ce chemin , ou que
sans sortir du Parc il en avoit suivi un à
peu près parallele à la rue du Village. La
situation du lieu et la connoissance du
Pays , pourroient en faire juger plus exactement.
Il est bien certain que dans ma suppo
sition les témoins auront crû entendre
tout ce qu'ils ont dit avoir entendu , et
qu'ils auront par consequent déposé comme
ils ont fait. M. le Curé d'Ansacq a
placé plusieurs des Habitans de sa Paroisse
, hommes , femmes et enfans , en differens
endroits pour chercher par leur
moyen à imiter les bruits entendus , et
速
456 MERCURE DE FRANCE.
il n'y a pas réussi. D'ailleurs il remarque.
qu'il n'est pas possible d'imaginer qu'il y
eût au milieu de la nuit un concours de
gens qui se fussent accordez pour donner
cette Scene.Nous avons prouvé qu'il n'en
falloit qu'un. C'est à M. le Curé d'Ansacq
à conjecturer qui ce peut être ; cela sera
du moins fort aisé , si la même chose
arrive encore. Quoiqu'il en soit , quelque
part où soient Loeillet ou ses Eleves ,
il est clair qu'ils ont de pareils Akousmates
à leur disposition.
Il n'est pas nécessaire de recourir à cet
te Explication pour chercher la cause de
la frayeur de ce Particulier de Clermont,
dont il est parlé dans l'Addition à la Relation
, lequel se jetta à bas de son che
val et à genoux il y a 15. ans , une nuit
en passant près du Village d'Ansacq, ayant
entendu ou crû entendre un grand bruit.
Je ne crois pas que vous ayez prétendu
me demander compte de toutes les ter
reurs paniques qui peuvent surprendre
un Voyageur ; je me suis seulement engagé
à expliquer comment une cause sim
ple et naturelle pouvoit avoir produit les
prétendus bruits aëriens dont il est parlé
dans la Relation , et je crois . y avoir satisfait:
Voilà , Monsieur , ce que je pense sur
les questions que vous m'avez proposécs
၂၄ ..
MARS. 1731. 457
je souhaite que ma Réponse puisse vous
Satisfaire , je ne vois que ce moyen de
concilier la vrai -semblance avec la bonne
foi des témoins , qui m'a paru ne devoir
Foint être suspecte. Je suis , & c.
près le Village d'Ansacq , écrite de Paris
ce 15. Fevrier 1731.
Ous . voulez
Viosense , Monsieur , au
que je vous dise ce que
je pense , Monsieur , au sujet des
bruits entendus en l'air près le Village
d'Ansacq , dont il est fait mention dans
le second volume du Mercure de Decembre
1730. Vous me demandez si je
crois le fait possible , si je le crois vrai ,
et supposé que je le croye , comment je
puis l'expliquer. Il faut vous satisfaire
je vais vous faire part de mes conjectures.
Le stile de la Relation faite par M. le
Curé d'Ansacq , qui paroît un homme
éclairé , le nombre des témoins dont il a
eu soin de recueillir les dépositions , les
précautions qu'il a prises pour s'assurer
de leur bonne foi , le nom de S. A. S.
Madame la Princesse de Conty , à laquelle
il adresse sa Relation , la multitude des
circonstances sur lesquelles les témoins
ne varient point , ne permettent pas de:
douter de la sincerité , non-seulement de
l'Auteur de la Relation , mais des differens
Particuliers qui ont déposé dans son
information ; ensorte qu'il est hors de
toute vrai-semblance de
"
penser que ni les
B vj uns
448 MERCURE DE FRANCE
uns ni les autres ayent eu desein d'en im
poser.
D'un autre côté le fait tel qu'il est rapporté
, paroît si extraordinaire et si ressemblant
dans son espece aux contes pueriles
du Sabbat , qu'un homme raisonnable
ne peut être tenté d'y ajoûter for.
Mais , dira-t'on , comment des témoins
de bonne foi peuvent- ils déposer d'un
fait visiblement faux ? Il faut donc qu'ils
soient dans l'erreur ; oui , sans doute ; et
quelle peut être la cause d'une erreur
qui roule sur des détails aussi circonstanciez
? sur lesquels les témoins s'accordent
parfaitement sans s'être concertez
? c'est ce qui reste à examiner.
que
S'il n'y avoit eu qu'un ou deux témoins,
il paroîtroit assez vrai-semblable de croire
que la frayeur leur eût fait prendre des cris
de bêtes , d'Oyes , de Canars sauvages ,
ou d'Oiseaux nocturnes pour ce qu'ils
ont crû entendre ; mais comme les témoins
sont en grand nombre et qu'ils ont
assuré M. le Curé qui les a questionnez
sur ce point , qu'ils connoissoient parfaitement
le cri de tous ces animaux et qu'ils
ne s'y étoient certainement pas trompez,
on ne peut s'arrêter à cette conjecture.
Le bruit qu'ils ont entendu sans voir
qui que se soit , ressembloit , disent- ils,
à des voix d'hommes , de femmes et
d'enfans
MARS. 1731. 449
d'enfans , à des éclats de rire et à des sons.
d'Instrumens; voyons s'il n'est pas possible
que sans qu'il y eut une multitude d'hommes
, de femmes, d'enfans ni d'Instrumens,
ils ayent entendu l'apparence de tous ces.
differens bruits par une voie toute simple.
et toute naturelle; c'est cette possibilité que
j'entreprens de
elle est telle que
prouver;
par le moyen que je propose , on peut
faire entendre partout où l'on voudra
les mêmes bruits qui ont été entendus à
Ansacq. Je crois , Monsieur , que vous .
n'en demandez pas davantage , vous de
vez être content de moi si je vous tiens .
parole ; je ne crains pas de vous en
manquer.
M. le Curé d'Ansacq , dans les Refle
xions qui suivent sa Relation , voudroit.
persuader que le sens de l'ouie est moins
sujet à erreur que celui de la vûë , mais
c'est gratuitement qu'il le suppose . Comme
la Sphere d'activité de la vie , pour.
me servir de ses termes , est beaucoup plus
étenduë que celle de l'ouie , il est bien vrai
que les erreurs de la vûë sont quelquefois
plus sensibles et aussi que nous avons
plus d'occasions de les appercevoir. Par .
la même raison il se pourroit encore que
nos yeux se trompassent réellement plus.
fréquemment que nos oreilles parce
que nous faisons plus souvent usage des.
yeux
3.
450 MERCURE DE FRANCE.
yeux , sans qu'on en pût conclure pour
cela que le sens de la vûë en lui- même
et par sa nature , fût plus sujet à l'illu ~
sion que celui de l'ouie ; on pourroit
même, avec autant de vrai -semblance ,
soutenir l'opinion contraire. En effet la
reflexion du son est souvent plus difficile
à reconnoître pour ce qu'elle est ,
que la reflexion de la lumiere. L'Echo
sera plus aisément pris pour une voix humaine
que la reflexion d'un Miroir pour
un objet réel. En general on juge d'ordinaire
beaucoup plus exactement de la
distance et de la situation d'un objet par
la vûë que par l'oüie. On reconnoît à
coup sur de quel côté est parti l'Eclair , et
on ne distingue pas toûjours bien de quel
côté vient le son d'une Cloche,
On se trompe si aisément en jugeant
d'où part le son quand les yeux n'aident
point au jugement qu'on en porte , qu'il
y a des gens que l'on nomme Ventriloques,
qui en se serrant le gosier et faisant une
certaine contraction dans les muscles du
bas ventre , articulent un son de voix
rauque et sourd , tel qu'à un ou deux pas
et même à côté d'eux , en prêtant l'oreil
le , on croit entendre une voix fort éloignée.
J'ai connu un Officier qui avoit ce
talent , j'y ai vû bien de gens trompez
en ma presence , et il m'a assuré qu'il
s'étoit
MARS. 1731. 45i
s'étoit quelquefois réjoui à l'armée aver
ses camarades , en leur donnant par ce
moyen de fausses allarmes.
Mais que le sens de l'oüie soit plus ou
moins trompeur que celui de la vûë , peu
importe à la question presente , pourvû
que l'on convienne ,comme on n'en peut
pas douter que l'un et l'autre sens est
susceptible d'illusion et très sujet à erreur.
C'est en suivant le parallele commencé
que nous pouvons trouver le dénouement
de la question proposée..
Si l'on agite rapidement en rond un
tison , ou un charbon allumé , l'oeil n'appercevra
qu'un cercle de feu non interrompu
; la raison en est sensible ; le char
bon parcourt successivement tous les
point du cercle; l'impression qu'il a faite
sur la vûë quand il étoit en haut , subsiste
encore quand il est en bas. La vîtesse
avec laquelle il est mû , fait que
l'oeil le voit à la fois dans tous les points
de la circonference , et n'apperçoit qu'un
cercle de feu continu. Differens sons qui
se succederoient rapidement les uns aux
autres , pourroient par la même raison
se faire entendre tout à la fois et en mê¬
me-temps. Une seule personne , si elle
pouvoit exprimer tous ces sons differens
et passer successivement, mais très-promp
tement d'un son à l'autre , pourroit donc
imite
452 MERCURE DE FRANCE
imiter le bruit confus et continu de differentes
voix , et par consequent ceux qui
l'entendroient sans voir l'Auteur du bruit,
eroiroient entendre à la fois toutes les
differentes voix qu'il contreferoit.
Mais pourquoi s'arrêter à prouver que
cela pourroit être ? Il y a des choses plus
réelles qu'elles ne semblent possibles. Telle
est celle dont il est question . Abandonnons
la preuve de la possibilité , et que
Pexperience du fait en décide . Il est constant
que bien des gens ont le talent dont
nous parlons. J'ai connu un jeune homme
qui derriere un Paravent imitoit d'une
façon surprenante un Choeur de voix
et d'Instrumens , le fameux Philbert, qui
a apporté en France la Flute Traversiere ;
avec une Poële , dès pincettes et sa voix ,
contrefaisoit , à s'y méprendre , le bruit
d'un ménage en rumeur, les cris du mari,
de la femme , des enfans , des chiens , des
Passans , du Guet et du Commissaire , et
faisoit accourir le voisinage. Depuis deux
ou trois ans la Cour et la Ville ont admiré
le même talent , peut être plus singulier
encore , dans le nommé Laillet ;
il alloit dans les maisons où il étoit mandé
, et sans sortir de la chambre où l'on
étoit , caché derriere uu Paravent ou un
rideau , il faisoit un bruit si varié et si
surprenant , en imitant un Concert , une
bagarre
MAR S. 1731 . 4532
bagarre , des éclats de rire , ou quelqu'au
tre bruit de cette espece , qu'on ne pouvoir
imaginer qu'il fût seul . Etant à souper
tête-à-tête avec un celebre Acteur
de l'Académie Royale de Musique , ona
assuré qu'ils ont fait monter dans la
chambre plus d'une fois le Guet , qui les .
trouvoit tranquillement assis à la table
vis-à-vis l'un de l'autre , et qui rappellé
par le même bruit , revenoit sur ses pasi
le moment d'après , avant que d'avoir
descendu le degré , et les retrouvoit aussi
tranquilles qu'il les avoit laissez.
Il est donc bien vrai et bien confirmé,
par l'experience , qu'un homme seul peut
imiter un bruit confus de voix et d'ins
trumens , assez parfaitement pour s'y mé
prendre. Or je dis qu'il est très possible:
qu'un homme placé derriere le mur audedans
du Parc d'Ansacq , où le bruit a
toûjours été entendu , se soit diverti à
joüer cetteComedie.Et il n'est pas necessaire
pour cela de lui supposer , à beaucoup
près , le talent d'un Philbert ou d'un.
Laillet , si ceux- ci ont pû tromper des
gens clairvoyans quelquefois préve→
nus et avertis , à combien plus forte raison
étoit- il aisé d'en imposer , par le même
moyen , au milieu de la nuit , à des
Paysans surpris , que les premiers sons
ent si fort effrayez , de leur aveu , que
l'un
454 MERCURE DE FRANCE
Fun d'eux ne voulut jamais permettre à
l'autre d'avancer pour chercher à reconnoître
d'où partoit le bruit . En lisant la
Relation dans cet esprit , on reconnoîtra
que tous les détails peuvent aisément s'ajuster
à cette Explication , sur tout si l'on
considere que la frayeur et la préocupa
tion peuvent avoir causé quelques éxagerations
et quelques erreurs même , dans
les circonstances du fait. Il n'est pas étonnant
, par exemple , que les Déposans
ayent jugé que la Scene se passoit en l'air,
puisqu'ils ne voyoient rien sur la terre
d'où ils pussent croire que le bruit partoit
; l'un d'eux dit , cependant , que
quelques-unes de ces voix ne lui avoit
paru qu'à la hauteur d'un homme ordinaire,
ce qui quadre fort à la supposition.
Il faut remarquer encore que c'est toujours
au- dedans du Parc que le bruit a commencé
à se faire entendre. Cette seconde voix
qui répondit sur le champ à la premiere du
fond d'une Gorge entre les deux Montagnes
( ce sont les termes du premier Déposant )
avant la confusion de voix qui se fit entendre
ensuite ; cette seconde voix , dis-je,
pouvoit être ou un Echo contrefait par la
premiere voix , ainsi que les bruits qui
ont suivi , ou peut -être un Echo veritable
qu'on sçait être beaucoup plus sensible la
nuit que le jour ; la refléxion de cet Echo
9
se
MARS. 1731. 455
se pouvoit faire sur la Côte opposée à celle
où se passoit le bruit , et c'est de cette
Côte oposée que l'ont entendu les deux
autres témoins qui alloient à Beauvais,
Il n'est pas étonnant qu'on ne distinguât
rien dans cette multitude de sons variés et
interrompus. Et quant au passage prérendu
de ce bruit le long de la rue et
devant la maison Presbiterale , il n'y a
qu'un ou deux témoins qui en déposent ,
et la frayeur dont ils avoüent qu'il étoient
saisis , pourroit bien leur avoir fait croire
ce bruit plus voisin qu'il n'étoit en effet ;
M. le Curé ne l'ayant pas entendu , quoiqu'il
soit dit qu'il passa devant sa porte.
On pouroit aussi supposer que l'Auteur
du bruit avoit pris ce chemin , ou que
sans sortir du Parc il en avoit suivi un à
peu près parallele à la rue du Village. La
situation du lieu et la connoissance du
Pays , pourroient en faire juger plus exactement.
Il est bien certain que dans ma suppo
sition les témoins auront crû entendre
tout ce qu'ils ont dit avoir entendu , et
qu'ils auront par consequent déposé comme
ils ont fait. M. le Curé d'Ansacq a
placé plusieurs des Habitans de sa Paroisse
, hommes , femmes et enfans , en differens
endroits pour chercher par leur
moyen à imiter les bruits entendus , et
速
456 MERCURE DE FRANCE.
il n'y a pas réussi. D'ailleurs il remarque.
qu'il n'est pas possible d'imaginer qu'il y
eût au milieu de la nuit un concours de
gens qui se fussent accordez pour donner
cette Scene.Nous avons prouvé qu'il n'en
falloit qu'un. C'est à M. le Curé d'Ansacq
à conjecturer qui ce peut être ; cela sera
du moins fort aisé , si la même chose
arrive encore. Quoiqu'il en soit , quelque
part où soient Loeillet ou ses Eleves ,
il est clair qu'ils ont de pareils Akousmates
à leur disposition.
Il n'est pas nécessaire de recourir à cet
te Explication pour chercher la cause de
la frayeur de ce Particulier de Clermont,
dont il est parlé dans l'Addition à la Relation
, lequel se jetta à bas de son che
val et à genoux il y a 15. ans , une nuit
en passant près du Village d'Ansacq, ayant
entendu ou crû entendre un grand bruit.
Je ne crois pas que vous ayez prétendu
me demander compte de toutes les ter
reurs paniques qui peuvent surprendre
un Voyageur ; je me suis seulement engagé
à expliquer comment une cause sim
ple et naturelle pouvoit avoir produit les
prétendus bruits aëriens dont il est parlé
dans la Relation , et je crois . y avoir satisfait:
Voilà , Monsieur , ce que je pense sur
les questions que vous m'avez proposécs
၂၄ ..
MARS. 1731. 457
je souhaite que ma Réponse puisse vous
Satisfaire , je ne vois que ce moyen de
concilier la vrai -semblance avec la bonne
foi des témoins , qui m'a paru ne devoir
Foint être suspecte. Je suis , & c.
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Résumé : LETTRE sur les bruits Aëriens entendus près le Village d'Ansacq, écrite de Paris ce 15. Fevrier 1731.
La lettre datée du 15 février 1731 aborde les bruits aériens entendus près du village d'Ansacq, mentionnés dans le Mercure de décembre 1730. L'auteur répond à une demande d'explication sur la possibilité et la véracité de ces bruits. Il souligne la crédibilité du curé d'Ansacq et des témoins, dont les dépositions sont cohérentes et recueillies avec soin. Cependant, le fait rapporté semble extraordinaire et comparable à des contes fantastiques. L'auteur explore la possibilité d'une erreur collective parmi les témoins. Il rejette l'idée que les bruits puissent être des cris d'animaux, les témoins ayant affirmé connaître ces sons. Il propose que les bruits entendus pourraient être des réflexions sonores ou des imitations par une seule personne, utilisant des techniques similaires à celles des ventriloques. La lettre mentionne des exemples de personnes capables d'imiter divers sons et bruits de manière convaincante. L'auteur suggère qu'un individu caché derrière le mur du parc d'Ansacq pourrait avoir produit ces bruits pour effrayer les paysans. Il explique que la frayeur et la précipitation des témoins pourraient avoir exacerbé leur perception des événements. L'auteur conclut en affirmant que sa théorie concilie la vraisemblance avec la bonne foi des témoins. Il n'entre pas dans les détails des terreurs paniques qui pourraient surprendre un voyageur, se concentrant uniquement sur l'explication des bruits aériens rapportés.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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3
p. 225
ITALIE.
Début :
Des bruits souterreins semblables à celui du tonnerre, ont causé ici [...]
Mots clefs :
Naples, Éruption du Vésuve, Frayeur
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texteReconnaissance textuelle : ITALIE.
ITALI E.
DE NAPLES , les Février.
Des bruits fouterreins femblables à celui du
tonnerre , ont caufé ici beaucoup d'allarmes . On
a craint qu'ils ne fuffent les avant - coureurs de
quelque catastrophe. Mais après une légere éruption
du Mont Véfuve ils ont ceffé , & les habitans
de cette Capitale font remis de leur frayeur.
DE NAPLES , les Février.
Des bruits fouterreins femblables à celui du
tonnerre , ont caufé ici beaucoup d'allarmes . On
a craint qu'ils ne fuffent les avant - coureurs de
quelque catastrophe. Mais après une légere éruption
du Mont Véfuve ils ont ceffé , & les habitans
de cette Capitale font remis de leur frayeur.
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