Résultats : 2 texte(s)
Détail
Liste
1
p. 95-99
ASTRONOMIE. LETTRE de M. DELALANDE, de l'Académie Royale des Sciences, à M. DE LA PLACE, sur une Anecdote Littéraire.
Début :
Vous avez appris déja, Monsieur, avec satisfaction, les preuves que le [...]
Mots clefs :
Académie des sciences, Turquie, Porte, Interprète, Grand vizir
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ASTRONOMIE. LETTRE de M. DELALANDE, de l'Académie Royale des Sciences, à M. DE LA PLACE, sur une Anecdote Littéraire.
ASTRONOMI E.
LETTRE de M. DELALANDE , de
l'Académie Royale des Sciences , à
M. DE LA PLACE , fur une Anecdote
Littéraire.
Vous ous avez appris déja , Monfieur
avec fatisfaction , les preuves que le
Grand- Seignenr nous a données en
dernier lieu de fon goût pour les Sciences.
Le détail de ce petit événement fera
plaifir aux Gens de Lettres. Il eft d'ail96
MERCURE DE FRANCE.
leurs honorable à l'Académie des Sciencés
, & vous y trouverez peut -être une
raifon d'efpérer qu'un jour la Turquie
cette belle partie de l'Europe , fortira
de l'engourdiffement où elle eft depuis
la deftruction de l'Empire Grec.
I
Les Juillet dernier 5 M. le Chevalier de
Vergennes , Ambaffadeur de France à
Conftantinople , eut une vifite de l'interprété
de la Porte , qui venoit de la
part du Grand- Vifir. Cet Interprête lui
dit que le Grand-Seigneur avoit été informé
qu'il y avoit en France des Aſtronomes
célébres qui avoient publié nouvellement
des ouvrages généralement
eftimés . Sa Hauteffe ( ajouta- t-il ) qui a
du goût pour ce genre d'étude , defire
qu'on lui faffe venir avec le moins de
délai qu'il fera poffible , les meilleures
Tables d'Aftronomie , les obfervations
les plus parfaites & les découvertes les
plus récentes qui ont paru. Pour cet
effet le Grand-Vifir requit M. l'Ambaffadeur
de vouloir bien expédier un
Courier exprès pour les demander en
France & pour les rapporter . M. de Vergennes
l'affura de fon empreffement à
fe conformer aux ordres de fa Hauteffe ,
& à fatisfaire fon goût. Il promit d'en
rendre compte à M. le Duc de Praf.
,
lin
JANVIER. 1763 . 97
lin , Ministre des affaires étrangères ,
ne doutant pas qu'il ne donnât fes foins
pour que cette commiffion fut faite avec
autant de choix que de promptitude.
Les Couriers ne pouvant paffer à
Vienne en Autriche , fans être affujettis
à une longue quarantaine , M. de Vergennes
dépêcha un Janiffaire fur la frontière
de Turquie , avec une recommandation
de M. de Schwacheim au Commandant
Impérial à Semlin , pour le
prier de faire paffer par un Staffette fon
paquet à M. le Comte du Chatelet , Ambaffadeur
de France à Vienne , qui devoit
l'envoyer à Paris. M. de Vergennes,
pria M. le Duc de Praflin de lui faire
parvenir fa réponſe par la même voie ;
l'objet de la diligence qui lui étoit fi fort
recommandée pouvant être rempli fans
beaucoup de dépenfe par M. le Comte
de Kaunitz, qui ordonneroit l'expédition
d'un Janiffaire attaché au fervice de la
Poſte Impériale : il y a toujours plufieurs
de ces Janiffaires à Belgrade.
M. de Vergennes demandoit principalement
les obfervations du paffage de
Vénus fur le foleil , les ouvrages faits
fur les cometes depuis quelques années ,
& les découvertes nouvelles relatives à
l'Aftronomie. Les Turcs auroient bien
II. Vol. ES
98 MERCURE DE FRANCE.
voulu qu'il y joignît quelques ouvrages
d'aftrologie judiciaire & de prédiction
fur l'avenir ; mais il répondit décidément
qu'on n'en trouveroit point en
France , parce que ces fortes d'études Y
étoient totalement décriées .
*
Le Roi ayant appris l'empreffement
& la curiofité du Sultan , voulut lui
donner en cette occafion une marque
de complaifance & d'amitié ; & M. le
Comte de S. Florentin me fi : l'honneur
de me charger , en conféquence des
ordres du Roi , de remettre un état de
tout ce qui pouvoit être raffemblé à ce
fujet à M. Bignon , Bibliothécaire du
Roi , & de concerter avec lui l'envoi
de Livres qui pourroient plaire au Grand
Seigneur. Je m'acquittai avec empreffement
de cette commiſſion : mais vous
favez , Monfieur , qu'il n'y a en France
que trois Traités d'aftronomie élémentaire
, ceux de M. Caffini , de M. Le
Monnier & de M. de la Caille. J'y joignis
des traités particuliers , tels que ceux
de la figure de la terre , de M. de Maupertuis
, de M. de la Condamine , de
M. Bouguer & de M. Clairaut , les
tables aftronomiques de Halley , dont
j'avois donné en 1759 une feconde édition
, mon expofition du calcul aftronoJANVIER.
1763. 99
1
mique , la connoiffance des temps de
plufieurs années , où il eft parlé du paffage
de Vénus , le traité des cometes de
M. Clairaut , le traité de navigation de
M. de la Caille , & c. Tout cela fut relié
avec toute la propreté imaginable , &
envoyé à Marseille , d'où le Grand Seigneur
a reçu cet envoi avec une extrême
fatisfaction .
Il n'eft pas fort étonnant ,
fort étonnant , Monfieur
que les travaux , les voyages , les entreprifes
de l'Académie des Sciences , fous
la protection d'un Miniftre éclairé
ayent étendu la réputation littéraire de
la France jufques dans ces climats.
Il l'eft au contraire bien davantage
que l'efprit de recherche , d'obfervation
& de curiofité n'ait pas fait des
progrès plus rapides du côté du Levant.
On a vu dans les Etats de l'Impératrice
Reine , des Mathématiciens célébres, tels
que le P. Hell , enfeigner les Mathématiques
jufqu'aux confins de la Turquie ;
& l'on favoit à peine dans Conftantinople
à quoi ces études pouvoient fervir.
Puiffe le goût & la curiofité de Muftapha
II produire en faveur des Sciences
une heureufe révolution !
J'ai l'honneur d'être & c.
DE LA LANDE.
LETTRE de M. DELALANDE , de
l'Académie Royale des Sciences , à
M. DE LA PLACE , fur une Anecdote
Littéraire.
Vous ous avez appris déja , Monfieur
avec fatisfaction , les preuves que le
Grand- Seignenr nous a données en
dernier lieu de fon goût pour les Sciences.
Le détail de ce petit événement fera
plaifir aux Gens de Lettres. Il eft d'ail96
MERCURE DE FRANCE.
leurs honorable à l'Académie des Sciencés
, & vous y trouverez peut -être une
raifon d'efpérer qu'un jour la Turquie
cette belle partie de l'Europe , fortira
de l'engourdiffement où elle eft depuis
la deftruction de l'Empire Grec.
I
Les Juillet dernier 5 M. le Chevalier de
Vergennes , Ambaffadeur de France à
Conftantinople , eut une vifite de l'interprété
de la Porte , qui venoit de la
part du Grand- Vifir. Cet Interprête lui
dit que le Grand-Seigneur avoit été informé
qu'il y avoit en France des Aſtronomes
célébres qui avoient publié nouvellement
des ouvrages généralement
eftimés . Sa Hauteffe ( ajouta- t-il ) qui a
du goût pour ce genre d'étude , defire
qu'on lui faffe venir avec le moins de
délai qu'il fera poffible , les meilleures
Tables d'Aftronomie , les obfervations
les plus parfaites & les découvertes les
plus récentes qui ont paru. Pour cet
effet le Grand-Vifir requit M. l'Ambaffadeur
de vouloir bien expédier un
Courier exprès pour les demander en
France & pour les rapporter . M. de Vergennes
l'affura de fon empreffement à
fe conformer aux ordres de fa Hauteffe ,
& à fatisfaire fon goût. Il promit d'en
rendre compte à M. le Duc de Praf.
,
lin
JANVIER. 1763 . 97
lin , Ministre des affaires étrangères ,
ne doutant pas qu'il ne donnât fes foins
pour que cette commiffion fut faite avec
autant de choix que de promptitude.
Les Couriers ne pouvant paffer à
Vienne en Autriche , fans être affujettis
à une longue quarantaine , M. de Vergennes
dépêcha un Janiffaire fur la frontière
de Turquie , avec une recommandation
de M. de Schwacheim au Commandant
Impérial à Semlin , pour le
prier de faire paffer par un Staffette fon
paquet à M. le Comte du Chatelet , Ambaffadeur
de France à Vienne , qui devoit
l'envoyer à Paris. M. de Vergennes,
pria M. le Duc de Praflin de lui faire
parvenir fa réponſe par la même voie ;
l'objet de la diligence qui lui étoit fi fort
recommandée pouvant être rempli fans
beaucoup de dépenfe par M. le Comte
de Kaunitz, qui ordonneroit l'expédition
d'un Janiffaire attaché au fervice de la
Poſte Impériale : il y a toujours plufieurs
de ces Janiffaires à Belgrade.
M. de Vergennes demandoit principalement
les obfervations du paffage de
Vénus fur le foleil , les ouvrages faits
fur les cometes depuis quelques années ,
& les découvertes nouvelles relatives à
l'Aftronomie. Les Turcs auroient bien
II. Vol. ES
98 MERCURE DE FRANCE.
voulu qu'il y joignît quelques ouvrages
d'aftrologie judiciaire & de prédiction
fur l'avenir ; mais il répondit décidément
qu'on n'en trouveroit point en
France , parce que ces fortes d'études Y
étoient totalement décriées .
*
Le Roi ayant appris l'empreffement
& la curiofité du Sultan , voulut lui
donner en cette occafion une marque
de complaifance & d'amitié ; & M. le
Comte de S. Florentin me fi : l'honneur
de me charger , en conféquence des
ordres du Roi , de remettre un état de
tout ce qui pouvoit être raffemblé à ce
fujet à M. Bignon , Bibliothécaire du
Roi , & de concerter avec lui l'envoi
de Livres qui pourroient plaire au Grand
Seigneur. Je m'acquittai avec empreffement
de cette commiſſion : mais vous
favez , Monfieur , qu'il n'y a en France
que trois Traités d'aftronomie élémentaire
, ceux de M. Caffini , de M. Le
Monnier & de M. de la Caille. J'y joignis
des traités particuliers , tels que ceux
de la figure de la terre , de M. de Maupertuis
, de M. de la Condamine , de
M. Bouguer & de M. Clairaut , les
tables aftronomiques de Halley , dont
j'avois donné en 1759 une feconde édition
, mon expofition du calcul aftronoJANVIER.
1763. 99
1
mique , la connoiffance des temps de
plufieurs années , où il eft parlé du paffage
de Vénus , le traité des cometes de
M. Clairaut , le traité de navigation de
M. de la Caille , & c. Tout cela fut relié
avec toute la propreté imaginable , &
envoyé à Marseille , d'où le Grand Seigneur
a reçu cet envoi avec une extrême
fatisfaction .
Il n'eft pas fort étonnant ,
fort étonnant , Monfieur
que les travaux , les voyages , les entreprifes
de l'Académie des Sciences , fous
la protection d'un Miniftre éclairé
ayent étendu la réputation littéraire de
la France jufques dans ces climats.
Il l'eft au contraire bien davantage
que l'efprit de recherche , d'obfervation
& de curiofité n'ait pas fait des
progrès plus rapides du côté du Levant.
On a vu dans les Etats de l'Impératrice
Reine , des Mathématiciens célébres, tels
que le P. Hell , enfeigner les Mathématiques
jufqu'aux confins de la Turquie ;
& l'on favoit à peine dans Conftantinople
à quoi ces études pouvoient fervir.
Puiffe le goût & la curiofité de Muftapha
II produire en faveur des Sciences
une heureufe révolution !
J'ai l'honneur d'être & c.
DE LA LANDE.
Fermer
Résumé : ASTRONOMIE. LETTRE de M. DELALANDE, de l'Académie Royale des Sciences, à M. DE LA PLACE, sur une Anecdote Littéraire.
En juillet 1762, le Chevalier de Vergennes, ambassadeur de France à Constantinople, reçut la visite d'un interprète du Grand Vizir. Cet interprète transmit la demande du Sultan d'obtenir les meilleures tables d'astronomie, les observations les plus parfaites et les découvertes les plus récentes publiées en France. Vergennes promit de transmettre cette demande au Duc de Praslin, ministre des affaires étrangères, et d'envoyer un courrier express pour récupérer ces documents. En raison des quarantaines imposées à Vienne, Vergennes envoya un janissaire avec une recommandation pour le commandant impérial à Semlin, afin que le paquet soit transmis à l'ambassadeur de France à Vienne, qui devait l'envoyer à Paris. Vergennes demanda également au Duc de Praslin de faire parvenir sa réponse par la même voie, espérant que le Comte de Kaunitz ordonnerait l'expédition d'un janissaire attaché au service postal impérial. Le Sultan souhaitait également des ouvrages d'astrologie judiciaire et de prédiction, mais Vergennes répondit qu'il n'en existait pas en France, ces études y étant totalement décriées. Le Roi de France, informé de la curiosité du Sultan, décida de lui envoyer divers ouvrages d'astronomie. Delalande, membre de l'Académie Royale des Sciences, fut chargé de préparer une liste des ouvrages à envoyer. Il inclut des traités d'astronomie élémentaire, des travaux sur la figure de la Terre, des tables astronomiques, et des traités sur les comètes et la navigation. Ces ouvrages furent reliés avec soin et envoyés à Marseille, d'où ils furent expédiés au Sultan, qui les reçut avec satisfaction. Delalande souligna que les travaux de l'Académie des Sciences avaient étendu la réputation littéraire de la France jusqu'en Turquie, mais regretta que l'esprit de recherche et de curiosité n'ait pas progressé plus rapidement dans cette région. Il exprima l'espoir que le goût du Sultan pour les sciences produise une révolution favorable à leur développement.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
2
p. 141-147
PEINTURE. LETTRE de M. DELALANDE de l'Académie des Sciences à M. DE LA PLACE, sur un Tableau allégorique des vertus, formant le Portrait du ROI, peint par M. Amédée VANLOO, Peintre du Roi de PRUSSE.
Début :
Il n'est n'est point d'année, Monsieur, où l'on ne voye sortir de la Famille des [...]
Mots clefs :
Académie des sciences, Physique, Optique, Allégorie, Vertus, Portrait
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : PEINTURE. LETTRE de M. DELALANDE de l'Académie des Sciences à M. DE LA PLACE, sur un Tableau allégorique des vertus, formant le Portrait du ROI, peint par M. Amédée VANLOO, Peintre du Roi de PRUSSE.
PEINTURE.
, LETTRE de M. DELALANDE de
l'Académie des Sciences à M. DE
LA PLACE , fur un Tableau allégorique
des vertus , formant le Portrait
du ROI , peint par M. Amédée VANLOO
, Peintre du Roi de PRUSSE,
Il n'ef
L n'eft point d'année , Monfieur , où
142 MERCURE DE FRANCE .
l'on ne voye fortir de la Famille des
Vanloo des Morceaux de Peinture dignes
de faire honneur à la France , &
d'immortalifer leurs Auteurs; mais nous
n'avions point encore vu allier les charmes
de la Peinture avec le génie de la
Phyfique , comme dans le Tableau que
M. Amédée Vanloo vient de faire.
Tout Paris a voulu voir ce chef- d'oeuvre
d'optique , de perfpective , de compofition
& d'allégorie ; mais le temps
n'a pas permis d'en faire obſerver à
tout le monde les particularités , & elles
font trop curieufes pour ne pas en
donner au Public quelques détails .
Ce Tableau préfente d'abord à la
vue fimple un affemblage de plufieurs
figures qui expriment les différentes
vertus qui peuvent former un grand
Prince ; la Magnanimité eft affife &
appuyée d'une main fur l'écu de la
France ; elle tient de l'autre un Sceptre
& un dard brifé pour marquer la clémence
; le diadême qu'elle porte annonce
le deffein de faire le bien , & fon
Sceptre la puiffance de l'exécuter ; elle
a à fes pieds un lion ; c'eft le fymbole
de cette vertu.
Plus bas eft la Juftice , qui d'une main
tient une balance , de l'autre une épée
MARS. 1763. 143
pour
nue. Elle eft appuyée fur un lion
nous montrer qu'il faut qu'elle foit fecondée
de la force . Le mafque fur la
tête du lion annonce que la Juſtice fait
démafquer le vice & le punir. Les faifceaux
placés fous les lions expriment
l'accroiffement de force qui réfulte de
l'accord de ces deux vertus ; on y voit
auffi une corne d'abondance , pour indiquer
que tout profpére dans un Etat
où régne la Juſtice.
,
Derrière la magnanimité fe voit la
valeur militaire repréfentée par un
Guerrier tenant un drapeau qui enveloppe
plufieurs picques , pour montrer que
les hommes réunis fous l'étendard de
la vertu font invincibles. Derrière elle
fe voit une pyramide qui repréſente la
gloire des Princes perpétuée par des manumens.
A côté de la valeur militaire
eft l'intrépidité repréfentée par un Soldat
qui s'appuye fur fes armes. La vertu
héroïque eft à la droite , c'eſt un Guerrier
fous les attributs d'Hercule ; il tient
d'une main une maffue fur l'épaule , &
de l'autre les pommes d'or des Hefpérides
emblême du plus célébre de fes
exploits.
>
Au devant de la vertu héroïque eft
la vertu pacifique, repréſentée par Miner
144 MERCURE DE FRANCE,
ve , Déeffe de la Sageffe & des Arts : elle
tient d'une main une branche d'olivier
fur les armes de France , & porte de l'autre
la lance qui fervoit dans les anciens
tournois & dans les jeux qu'on
célébre durant la paix ; cette lance eft
éntourrée de ferpens , fymbole de la
Prudence.
Près de Minerve , eft la Générosité ;
c'eſt une jeune fille qui porte fur la tête
une gaze d'or & des perles : fes bras nuds
annoncent que le propre de cette vertu
eft de fe dépouiller de tout intérêt , & de
faire le bien , même fans efpérance de
retour. Elle s'appuye fur le bouclier de
Minerve, pour montrer qu'elle favoriſe
particuliérement ceux qui cultivent les
Arts & les Sciences ; elle tient même le
cordon de l'Ordre du Roi , comme une
des recompenfes diftinguées que M. le
Marquis de Marigny a procurées à plufieurs
Artiftes célébres que nous avons
actuellement. Au deffous de Minerve ,
font les attributs des beaux Arts.
Toutes ces figures forment jufqu'ici
un tableau qui feul feroit honneur à
M. Vanloo , mais ce n'eft rien encore
au prix de ce qui en refulte enfuite de
fingulier on regarde ce Tableau au
travers d'une efpèce de lunette dont
l'objectif
MAR S. 1763 . 145
J'objectif est un verre à facettes formé
de plufieurs plans , inclinés à l'axe du
tableau ; ces différentes refractions réuniffent
en un très - petit efpace toutes les
figures difperfées fur la furface du tableau
, en les diminuant de manière à
n'en former qu'une feule figure , & cette
figure eft la tête du Roi , exprimée
avec une reffemblance très- remarquable.
La figure de la Juftice eft ce qui forme
l'oeil du Roi avec une des faces de
la frifure qui approche le plus de l'oeil :
le Peintre nous dit par là , que rien n'é
chappe aux regards de la justice du Monarque.
La magnanimité donne auffi
une partie de l'oeil ; la joue l'oreille &
le fourcil qui exprime la volonté fuprê
me ; la tête de Médufe compoſe une
partie de l'autre fourcil : elle femble
nous dire que les regards d'un Prince
jufte épouvantent le crime & produifent
dans les coupables cette confternation
& cet anéantiffement qui reffemble
à la métamorphofé que la vue
terrible des ferpens de Médufe produifoit
autrefois.
La valeur guerrière donne une partie
du nez & de la bouche , parce que
la bouche est l'organe du comman de-
GE
1
146 MERCURE DE FRANCE.
ment ; la vertu héroïque donne une
partie de l'autre joue avec le coin de la
bouche ; elle finit le nez & les narrines.
Minerve donne l'oeil du Roi du petit
côté l'oeil de ce grand Prince voit avec
bonté ceux qui cultivent les vertus
les fciences & les arts. La Générofité
concourt à finir l'oeil du petit côté , la
tempe & un côté des cheveux . La Sculpture
, exprimée par une tête d'Apollon ,
donne le front & les lauriers dont il eſt
couronné. Le lion de la Magnanimité
forme l'autre tempe , & achève le front.
Le mafque produit la blancheur du front
& finit le fourcil. La crinière des lions
forme le toupet , qui eft blanchi par la
figure qui repréfentoit l'Intrépidité .
Vous voyez , Monfieur , par ce détail
combien il y a eu d'intelligence
dans la combinaifon de deux chofes
auffi étrangères & auffi différentes entre
elles , que le font d'un coté ſept à
huit figures , chargées de fignifications
allégoriques auffi bien imaginées , de
l'autre la reffemblance d'une feule tête.
On a vu quelquefois des effets de perfpective
& de dioptrique qui confiftoient
à faire voir fur une forme régulière
ce qui paroiffoit d'abord n'en avoir
point ; cela femble n'être pas diffiMAR
S. 1763. 147
cile , que
il ne faut deffiner
en regardant
au travers du verre dans lequel
le deffein doit être vu. Il en résulte
enfuite un objet quelconque dont la
forme vue de tout autre point eft difficile
à prévoir ; mais fi l'on veut qu'il
en réfulte des objets qui ayent une
forme régulière , cela paroit fort difficile.
La difficulté augmente encore ,
quand la forme des objets eft déterminée
d'avance pour être apperçue d'uné
telle maniere foit du point de vue ,
foit de tout autre point. Si l'on propoſe
enfin de former un portrait avec d'autres
figures qui y afent un rapport donné
, le problême paroît comme impoffible
& le fuccès de M. Vanloo pouvoit
feul ce me femble juftifier l'entreprife.
Il feroit à fouhaiter. qu'il fit
part au Public & aux Sçavans des idées
qui ont pu lui faire entreprendre un ouvrage
auffi fingulier & des moyens qui
lui en ont procuré le fuccès.
J'ai l'honneur d'être , & c.
DELALANDE
Ce Tableau a été préfenté à Sa
Majefté , par M. le Marquis de Marigny
.
, LETTRE de M. DELALANDE de
l'Académie des Sciences à M. DE
LA PLACE , fur un Tableau allégorique
des vertus , formant le Portrait
du ROI , peint par M. Amédée VANLOO
, Peintre du Roi de PRUSSE,
Il n'ef
L n'eft point d'année , Monfieur , où
142 MERCURE DE FRANCE .
l'on ne voye fortir de la Famille des
Vanloo des Morceaux de Peinture dignes
de faire honneur à la France , &
d'immortalifer leurs Auteurs; mais nous
n'avions point encore vu allier les charmes
de la Peinture avec le génie de la
Phyfique , comme dans le Tableau que
M. Amédée Vanloo vient de faire.
Tout Paris a voulu voir ce chef- d'oeuvre
d'optique , de perfpective , de compofition
& d'allégorie ; mais le temps
n'a pas permis d'en faire obſerver à
tout le monde les particularités , & elles
font trop curieufes pour ne pas en
donner au Public quelques détails .
Ce Tableau préfente d'abord à la
vue fimple un affemblage de plufieurs
figures qui expriment les différentes
vertus qui peuvent former un grand
Prince ; la Magnanimité eft affife &
appuyée d'une main fur l'écu de la
France ; elle tient de l'autre un Sceptre
& un dard brifé pour marquer la clémence
; le diadême qu'elle porte annonce
le deffein de faire le bien , & fon
Sceptre la puiffance de l'exécuter ; elle
a à fes pieds un lion ; c'eft le fymbole
de cette vertu.
Plus bas eft la Juftice , qui d'une main
tient une balance , de l'autre une épée
MARS. 1763. 143
pour
nue. Elle eft appuyée fur un lion
nous montrer qu'il faut qu'elle foit fecondée
de la force . Le mafque fur la
tête du lion annonce que la Juſtice fait
démafquer le vice & le punir. Les faifceaux
placés fous les lions expriment
l'accroiffement de force qui réfulte de
l'accord de ces deux vertus ; on y voit
auffi une corne d'abondance , pour indiquer
que tout profpére dans un Etat
où régne la Juſtice.
,
Derrière la magnanimité fe voit la
valeur militaire repréfentée par un
Guerrier tenant un drapeau qui enveloppe
plufieurs picques , pour montrer que
les hommes réunis fous l'étendard de
la vertu font invincibles. Derrière elle
fe voit une pyramide qui repréſente la
gloire des Princes perpétuée par des manumens.
A côté de la valeur militaire
eft l'intrépidité repréfentée par un Soldat
qui s'appuye fur fes armes. La vertu
héroïque eft à la droite , c'eſt un Guerrier
fous les attributs d'Hercule ; il tient
d'une main une maffue fur l'épaule , &
de l'autre les pommes d'or des Hefpérides
emblême du plus célébre de fes
exploits.
>
Au devant de la vertu héroïque eft
la vertu pacifique, repréſentée par Miner
144 MERCURE DE FRANCE,
ve , Déeffe de la Sageffe & des Arts : elle
tient d'une main une branche d'olivier
fur les armes de France , & porte de l'autre
la lance qui fervoit dans les anciens
tournois & dans les jeux qu'on
célébre durant la paix ; cette lance eft
éntourrée de ferpens , fymbole de la
Prudence.
Près de Minerve , eft la Générosité ;
c'eſt une jeune fille qui porte fur la tête
une gaze d'or & des perles : fes bras nuds
annoncent que le propre de cette vertu
eft de fe dépouiller de tout intérêt , & de
faire le bien , même fans efpérance de
retour. Elle s'appuye fur le bouclier de
Minerve, pour montrer qu'elle favoriſe
particuliérement ceux qui cultivent les
Arts & les Sciences ; elle tient même le
cordon de l'Ordre du Roi , comme une
des recompenfes diftinguées que M. le
Marquis de Marigny a procurées à plufieurs
Artiftes célébres que nous avons
actuellement. Au deffous de Minerve ,
font les attributs des beaux Arts.
Toutes ces figures forment jufqu'ici
un tableau qui feul feroit honneur à
M. Vanloo , mais ce n'eft rien encore
au prix de ce qui en refulte enfuite de
fingulier on regarde ce Tableau au
travers d'une efpèce de lunette dont
l'objectif
MAR S. 1763 . 145
J'objectif est un verre à facettes formé
de plufieurs plans , inclinés à l'axe du
tableau ; ces différentes refractions réuniffent
en un très - petit efpace toutes les
figures difperfées fur la furface du tableau
, en les diminuant de manière à
n'en former qu'une feule figure , & cette
figure eft la tête du Roi , exprimée
avec une reffemblance très- remarquable.
La figure de la Juftice eft ce qui forme
l'oeil du Roi avec une des faces de
la frifure qui approche le plus de l'oeil :
le Peintre nous dit par là , que rien n'é
chappe aux regards de la justice du Monarque.
La magnanimité donne auffi
une partie de l'oeil ; la joue l'oreille &
le fourcil qui exprime la volonté fuprê
me ; la tête de Médufe compoſe une
partie de l'autre fourcil : elle femble
nous dire que les regards d'un Prince
jufte épouvantent le crime & produifent
dans les coupables cette confternation
& cet anéantiffement qui reffemble
à la métamorphofé que la vue
terrible des ferpens de Médufe produifoit
autrefois.
La valeur guerrière donne une partie
du nez & de la bouche , parce que
la bouche est l'organe du comman de-
GE
1
146 MERCURE DE FRANCE.
ment ; la vertu héroïque donne une
partie de l'autre joue avec le coin de la
bouche ; elle finit le nez & les narrines.
Minerve donne l'oeil du Roi du petit
côté l'oeil de ce grand Prince voit avec
bonté ceux qui cultivent les vertus
les fciences & les arts. La Générofité
concourt à finir l'oeil du petit côté , la
tempe & un côté des cheveux . La Sculpture
, exprimée par une tête d'Apollon ,
donne le front & les lauriers dont il eſt
couronné. Le lion de la Magnanimité
forme l'autre tempe , & achève le front.
Le mafque produit la blancheur du front
& finit le fourcil. La crinière des lions
forme le toupet , qui eft blanchi par la
figure qui repréfentoit l'Intrépidité .
Vous voyez , Monfieur , par ce détail
combien il y a eu d'intelligence
dans la combinaifon de deux chofes
auffi étrangères & auffi différentes entre
elles , que le font d'un coté ſept à
huit figures , chargées de fignifications
allégoriques auffi bien imaginées , de
l'autre la reffemblance d'une feule tête.
On a vu quelquefois des effets de perfpective
& de dioptrique qui confiftoient
à faire voir fur une forme régulière
ce qui paroiffoit d'abord n'en avoir
point ; cela femble n'être pas diffiMAR
S. 1763. 147
cile , que
il ne faut deffiner
en regardant
au travers du verre dans lequel
le deffein doit être vu. Il en résulte
enfuite un objet quelconque dont la
forme vue de tout autre point eft difficile
à prévoir ; mais fi l'on veut qu'il
en réfulte des objets qui ayent une
forme régulière , cela paroit fort difficile.
La difficulté augmente encore ,
quand la forme des objets eft déterminée
d'avance pour être apperçue d'uné
telle maniere foit du point de vue ,
foit de tout autre point. Si l'on propoſe
enfin de former un portrait avec d'autres
figures qui y afent un rapport donné
, le problême paroît comme impoffible
& le fuccès de M. Vanloo pouvoit
feul ce me femble juftifier l'entreprife.
Il feroit à fouhaiter. qu'il fit
part au Public & aux Sçavans des idées
qui ont pu lui faire entreprendre un ouvrage
auffi fingulier & des moyens qui
lui en ont procuré le fuccès.
J'ai l'honneur d'être , & c.
DELALANDE
Ce Tableau a été préfenté à Sa
Majefté , par M. le Marquis de Marigny
.
Fermer
Résumé : PEINTURE. LETTRE de M. DELALANDE de l'Académie des Sciences à M. DE LA PLACE, sur un Tableau allégorique des vertus, formant le Portrait du ROI, peint par M. Amédée VANLOO, Peintre du Roi de PRUSSE.
La lettre de M. Delalande à M. de La Place présente un tableau allégorique des vertus, réalisé par M. Amédée Vanloo, peintre du roi de Prusse. Intitulé 'Portrait du Roi', cette œuvre combine les charmes de la peinture avec le génie de la physique. Le tableau représente plusieurs figures symbolisant différentes vertus d'un grand prince, telles que la Magnanimité, la Justice, la Valeur militaire, l'Intrépidité, la Vertu héroïque, la Vertu pacifique, et la Générosité. Chaque figure est représentée avec des attributs spécifiques. Le tableau utilise une lunette optique pour rassembler les figures dispersées en une seule image : la tête du roi. Chaque partie du visage du roi est formée par une vertu spécifique. Par exemple, la Justice forme l'œil du roi, la Magnanimité contribue à l'œil et au sourcil, et Minerve représente l'œil du roi du côté opposé. La Générosité et la Sculpture, représentée par une tête d'Apollon, complètent d'autres parties du visage. La lettre met en avant l'intelligence et la complexité de la combinaison des figures allégoriques pour former un portrait réaliste. Elle exprime également le souhait que M. Vanloo partage les idées et les moyens ayant permis la réalisation de cet ouvrage singulier. Le tableau a été présenté à Sa Majesté par M. le Marquis de Marigny.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer