PARAPHRASE DE L'ODE XIV .
DU SECOND LIVRE D'HORACE,
Sur la necessité de la Mort.
LEE tems s'écoule incessamment
Tel est l'ordre des destinées ;
La Parque si rapidement ,
Des Humains file les années ,
Que de leurs déplorables jours ,
Souvent dans leur printems se termine le cours
En vain pour nous rendre propices ,
Les Deitez des tristes bords ,
Nous consumons en Sacrifices ,
Nos revenus et nos trésors
A
AVRIL. 1731. 665
A tous nos voeux inexorables ,
Rien ne peut arrêter leurs decrets implacables.
A ce superbe Souverain ,
Atropos ravit la lumiere ,
Un Berger sous la même main ,
Ferme sa mourante paupiere ,
En abordant le Phlegeton ,
Ils sont au même rang sous les Loix de Pluton.
Pourrois- je m'exempter de boire ,
De l'eau dont burent mes Ayeux ?
Ils ont tous passé l'Onde noire ,
Je la dois passer après eux ;
En me transmettant leur fortune ,
Ne m'ont-ils pas soumis à cette Loi commune è
Un Guerrier sort des Champs de Mars ,
Couronné des mains de la Gloire ,
Il a triomphé des hazards ,
Dont on peut payer la victoire ,
Sous une legere langueur ,
Je vois l'instant d'aprés succomber sa valeur.
Remarquez ce Nocher habile ;
Au gré des Matelots contens ,
Eviter et Caribde et Scille ,
Triompher
666 MERCURE DE FRANCE
Triompher des flots et des vents ;
Au Port il revient dans sa Barque ,
Chercher le trait mortel que lui garde la Parque.
Tel échappe au poison fatal ,
Sous une maligne influence ,
Que bien- tôt au Fleuve infernal ,
Précipite une défaillance ;
Heureux s'il sçait sans murmurer ,
Se soumettre à l'Arrêt qu'il ne peut differer !
C'est en vain que sur tes Boccages ,
Ton coeur s'égare avec ton oeil ;
Qu'attends- tu de ton Jardinage ,
Que l'arbre qui fait ton cercueil ?
Seul de sa livide verdure ,
Le funeste Cyprès couvre ta Sépulture.
Hélas ! digne objet de mes voeux ,
Celimene allumoit ma flamme ;
Quel Mortel étoit plus heureux ?
Mon ardeur embrasoit son ame;
Jaloux de ma felicité,
Le Destin la conduit sur les bords du Lethé.
> De tes amis illegitimes ,
Qui n'ont satisfait que tes yeux ,
Quem
AVRIL. 1731. 667
Qu'emportes-tu dans les abîmes ,
Où tu vas trouver tes Ayeux ?
Fruits et principes de tout crime ,
Tes avides neveux t'en rendent la victime.
Gardois- tu pour tes heritiers ,
Tes vins délicats de Falerne ?
Pour eux s'enfoncent tes Celliers ,
Pour toi s'ouvre le sombre Averne ;
La mort te frappe ce matin ,
Ce soir sur ton Cercueil ils feront un festin.
Le Chevalier de Montador.