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1
p. 378-383
EXTRAIT d'une Lettre de M. Delisle, écrite de Petersbourg le 3. Janvier 1730.
Début :
Le 9. du mois de Novembre, j'ai fait chanter la Messe & le Te Deum en Musique dans [...]
Mots clefs :
Naissance du Dauphin, Réjouissances, Lumières, Armes, Fleurs
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texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT d'une Lettre de M. Delisle, écrite de Petersbourg le 3. Janvier 1730.
EXTRAIT d'une Lettre de M. Delijle;
i écrits de Peterjbourg le 3 . Janvier
1730.
LE 9. du mois de Novembre, j'ai fait char*-
ter la Messe & 1; Te Veum en Musique dans
j'Eglise^ Catholique , en action de grâces de
j'heureux Accouchement de la Reine, & de
]a Naissance de Monseigneur le Dauphin. J'y
avois invité non seulement tous les François
qui font dans cette ville , mais encore toutes
les personnes de distinction qu'il y a ici > com
me Officiers Généraux, Amiraux, Vice- Ami
raux, Contre- Amiraux , les principaux Mem
bres des différents Collèges , les principaux
Marchands , & tous les Académiciens. Toutes
ces personnes invitées se sont ensuite rendues le
même soir dans la maison de l' Académie oú
est l'Observatoire , & dans laquelle je demeu
re.
FEVRIER. 1750; J79
ré. Cette maison qui est isolée , est avantageu
sement située au milieu de la ville , à la pointe
de l'ifle appellée Vasile OHrou ; elle est com
posée de deux grands Corps de logis , au mi
lieu desquels est élevé l'Obscrvatoire. Toute
:1a maison, percée de plus de cent fenêtres ,
^étoic éclairée d'illuminations par des Pìramides
de lumières posées en dedans de chaque
fenêcie , suivant l'usage du pays- J'avois auífi
fait préparer un grand nombre de terrines pour
illuminer en dehors la tour de l'Obscrvatoire»
dans trois rangs , les uns au dessus des autres \
il y avoit une fort grosse boule transparente ,
qui devoir terminer cette illumination de ï*
Tour , & qui étant élevée tout au haut de
l'Obscrvatoire , à plus de deux cens pieds de
.hauteur > pouvoit être vûe de toute la ville
& des environs , & y montrer fur un fond
obscur les Fleurs de Lys des Armes de France
illuminées ; mais la grande tempête & le venc
-qu'il fit toute cette nuit à Peteríbourg, ne
permirent pas cette illumination de la Tour.
D; plein pied à mon Appartement est une
:grande Salle que j'avois fait préparer pour la
Fête; elle ctoit ornée des plus belles Tapisse
ries de haute & basse Lisse , au dessus desquel
les regnoit tout autour de la Salle une large
bande d' Etoffé bleue' , couverte de figures , de
Dauphins & de Lys de France. La voûte étoic
soutenue par huit Colomnes, autour desquel-
,fcs j'avois fait attacher en spirales des bran
ches d'arbres qui faisoient l'esset des Colonnes
torscs. Cette Salle étoit illuminée , de même
que le reste de la ftiaison , en Pîramides de
lumières dedans l'embrasure de chaque fenêtrer
Outre cela dans les deux fonds , par les
quels cette Salle est contiguê au reste de la
*. , H y Maison,
38o MERCURE DÉ FRANCE.
Maison , & dans lesquels il n'y a point de fé>
Jiêtres , il y avoir fur le mur quatre autres
plus grandes Piramides de lumières > & entre
ces Piramides , fur chaque fond , on voyoit
en haut comme dans un enfoncement un
grand Tableau transparent , sur lequel étoient
peintes des Devises qui convenoient au sujet.
Celui de ces Tableaux qui étoît le premier vû
en entrant , reprefentoic le sujet de la Fête.
Les deux Anges qui servent de Support aux
Armes de France , y étoient représentez en
pied s & au lieu de sòûtenir l'Ecuífon , ils recevoient
des Cieux un Enfant richement ernr
mailloté &accollé de l'Ordre du S. Esprit,
avec cette Inscription : C&lesti tr,unere Ui»
Gallia. La Traduction en Rulìe étoit au bas.
Du côté opposé > sur un Tableau de même
grandeur , étoit représente' un Dauphin au
tour du Sceptre Royal de France , lequel fer
retminoit en Ancre , avec cette Inscription*;
Spet fausta futuri , la Traduction en Ruflè
étoit au bas. Au fond de la Salle il y avoit
«ne grande Table de cent Couverts , dressée
en fer â cheval, & aux deux côtez vers le
bas , deux autres Tables de if. Couverts cha
cune; enfin vers le plus bas de la Table étoir
Choeurs , entre lesquels on passoit fous un
Berceau de vetdure , pour entrer dans la Salle.
Cette entrée étoit gardée par deux grands Gre
nadiers de la Garde de S. M. il y en avoit iSautres
à rentrée de la maison & de mon ap
partement. Entre l'Amphitheatre des Musi
ciens & les Tables il y avoit encorô un fore
grand espace vuide pour la Danse , fans in
commoder le Service des Tables , pour lequeî
il y avoit deux grands Buffets dressez aux deux
cote?
FEVRIER, ma. jSi
çâtez de la Salle. J'avois fait servir sur les
Tables une Collation en Ambigu , laquelle
faifoic un fore bel effet par le grand nombre
de bougies qui étoient fur ces Tables dans
des flambeaux de cristal. Toutes les Piramides
qui étoient aussi de cristal éroient ornées de
fleurs naturelles & artificielles ; toutes les
viandes étóient jonchées de Bouquets de lau
riers naturels . dorez 8r argentez par les extremitez
; j'avois auíïi fait représenter fur cette
Collation , autant que l'on avoit pû , des figu
res de Dauphins & dè Fleurs de-Lys , fur le»
Tourtes , les Pàtez , & dans les Candits.
Il y avoit au haut de la plus grande Piramide
, qui étoit placée au milieu de h plus
frande Table, un groupe de plusieurs figures
e relief, en cire , de près d*un pied de hau
teur , dorées , & les Draperies argentées. La
principale figure étoit debout , & represen
toit la France , ayant le Manteau Royal , 8c la
Couronne de Fiance. Elle tenoit fur fes bras
un Enfant nud , qui representoit le Dauphin.
Au bas étoit un petit Amour , qui mettant les
pieds fur un Carreau semé de Fleurs de-Lys ,
cherchoit à s'élever pour présenter à l'aucuste
Enfant la Couronne du Dauphin , 8t
fc Cordon de l'Ordre dû S. Efprir,. Ce groupe
qui étoit artistement entouré des plus belles
Tleurs naturelles & artificielles , étoit sur
monté d'une Arcade de feuilles de Lauriers ,
dorées 8r argentées. Au haut de cette Arcade
étoit une grande Fleur-de- Lys de Sucre caniîî
transparante > qui à la clarté des lumières paroissoit
d'or. Aux deux côtez , fur les pince»
du Fer à cheval , étoient deux autres figures
de même matière, dorées & argentées de la
»é.me manière j l'une representoit la Paix, 8c
H vj l'awî*
3 8 1 MERCURE DE FRAtíCE;
l'autre l' Abondance, avec léurs attributs, pour
marquerque cette Naissance étoit arrivée dans,
la Paix & l'Abondance. J'avois aussi fait met
tre fur la Tapisserie du fond de la Salle les
Portraits du Roy & de lá Reine. Enfirt
fur le bas de la Nappe du milieu de la grande
Table , on voyoit les Armes du Dauphin ,
peintes en grand. Voilà quelle étoit la disposi
tion de la Salle, dont on ne fit Touverturc
qu'après que toute la Compagnie sc'fû't assem
blée dans mon Appartement.
Les Amiraux & autres Officiers Généraux,
à mesure qu'ils arrivoient par eau dans leurs
Barques, etoient annoncez par les Timballes
& les Trompettes', & étoient reçus , les Gre
nadiers étant fous les armes , & leur Lieute»
nant à leur tête. Lorsque la Compagnie fut
doute aflemblée, & qu'au sortir de mon Ap
partement elle entra dans la Salle où 'les Musi
ciens la reçurent pat un Concert de tous leurs
înstrumens ; elle y fut agréablement surprise
de l'éclat de toutes les lumières & de la belle
■disposition de la Salle , que chacun prit plaisir
de voir plus d'un quart d'heureavant que de sb
mettre à table. Chacun s'étant ensuite placé
suivant son.rang , & les Dames ayant été eon*.
duites par les personnes les plus distinguées ,
le Repas fut accompagné de la- Musique , qui
joiia les plus belles Sonnâtes , & autres Airs
choisis. L'on y but les Santez de Leurs Ma
lestez & de Monseigneur lè Dauphin au son
des Timballes & des Trompettes , & ensuite
toutes les autres Santez , suivant la coutume
du pays, comme celles du haut Ministère,. de
Ï Amirauté, & de la Généralité , des fidèles
Serviteurs , des Absents , &c, J'y fis servît
avec profusion ks meilleurí vins du Rhin , de
Bouc»
FEVRIER. *7%tí. i%$
Bourgogne & de Canarie , faisant donner à
chacun celuy qu'il souhaittoit , & autant qu'il
cn vouloir. Après la Collation le Bal fut ou
vert par M. le General Major Tessin, Envoyé
du Duc de Holstein , qui dansa avec la fille
Je l'Arniral Sivcrs. On dansa non-seulemenc
dans la grande Salle , mais aussi dans les au*
tres Chambres de mon Appartement , & je fis
servir pendant le Bal tous les Rafraîchissemtns
que l'on souhaittoit- J'y avois aufli fait dresser
des tables pour ceux qui vouloient fumer ou
chanter , ou boire de la Ponche, à la manière
Angloife , afin que rien ne manquât dans cette
Fête , qui a dure jusqu'au lendemain huit heu
res du matin , avec une telle satisfaction de
tout le monde , que plusieurs personnes ont
allure qu'il n'y avoic point encore eu jufqu'aîors
à Peterfbourg une Fête plus belle & mieu*
ordonnée.
M. Delijle-, Astronome , de l'Academie
Royale des Sciences de Paris » Lecteur &
Professeur au Collège Royal de France, de
la Société Royale de Londres, & de celle de
Prusse, alla à Peterfbourg il y a quatre ans,
avec la permission du Roy , pour y travailler
avec plusieurs autres Sçavans, à un Observa
toire & à une A cademie des Sciences que le feu-
Czar avoit commencé d'y établi»
i écrits de Peterjbourg le 3 . Janvier
1730.
LE 9. du mois de Novembre, j'ai fait char*-
ter la Messe & 1; Te Veum en Musique dans
j'Eglise^ Catholique , en action de grâces de
j'heureux Accouchement de la Reine, & de
]a Naissance de Monseigneur le Dauphin. J'y
avois invité non seulement tous les François
qui font dans cette ville , mais encore toutes
les personnes de distinction qu'il y a ici > com
me Officiers Généraux, Amiraux, Vice- Ami
raux, Contre- Amiraux , les principaux Mem
bres des différents Collèges , les principaux
Marchands , & tous les Académiciens. Toutes
ces personnes invitées se sont ensuite rendues le
même soir dans la maison de l' Académie oú
est l'Observatoire , & dans laquelle je demeu
re.
FEVRIER. 1750; J79
ré. Cette maison qui est isolée , est avantageu
sement située au milieu de la ville , à la pointe
de l'ifle appellée Vasile OHrou ; elle est com
posée de deux grands Corps de logis , au mi
lieu desquels est élevé l'Obscrvatoire. Toute
:1a maison, percée de plus de cent fenêtres ,
^étoic éclairée d'illuminations par des Pìramides
de lumières posées en dedans de chaque
fenêcie , suivant l'usage du pays- J'avois auífi
fait préparer un grand nombre de terrines pour
illuminer en dehors la tour de l'Obscrvatoire»
dans trois rangs , les uns au dessus des autres \
il y avoit une fort grosse boule transparente ,
qui devoir terminer cette illumination de ï*
Tour , & qui étant élevée tout au haut de
l'Obscrvatoire , à plus de deux cens pieds de
.hauteur > pouvoit être vûe de toute la ville
& des environs , & y montrer fur un fond
obscur les Fleurs de Lys des Armes de France
illuminées ; mais la grande tempête & le venc
-qu'il fit toute cette nuit à Peteríbourg, ne
permirent pas cette illumination de la Tour.
D; plein pied à mon Appartement est une
:grande Salle que j'avois fait préparer pour la
Fête; elle ctoit ornée des plus belles Tapisse
ries de haute & basse Lisse , au dessus desquel
les regnoit tout autour de la Salle une large
bande d' Etoffé bleue' , couverte de figures , de
Dauphins & de Lys de France. La voûte étoic
soutenue par huit Colomnes, autour desquel-
,fcs j'avois fait attacher en spirales des bran
ches d'arbres qui faisoient l'esset des Colonnes
torscs. Cette Salle étoit illuminée , de même
que le reste de la ftiaison , en Pîramides de
lumières dedans l'embrasure de chaque fenêtrer
Outre cela dans les deux fonds , par les
quels cette Salle est contiguê au reste de la
*. , H y Maison,
38o MERCURE DÉ FRANCE.
Maison , & dans lesquels il n'y a point de fé>
Jiêtres , il y avoir fur le mur quatre autres
plus grandes Piramides de lumières > & entre
ces Piramides , fur chaque fond , on voyoit
en haut comme dans un enfoncement un
grand Tableau transparent , sur lequel étoient
peintes des Devises qui convenoient au sujet.
Celui de ces Tableaux qui étoît le premier vû
en entrant , reprefentoic le sujet de la Fête.
Les deux Anges qui servent de Support aux
Armes de France , y étoient représentez en
pied s & au lieu de sòûtenir l'Ecuífon , ils recevoient
des Cieux un Enfant richement ernr
mailloté &accollé de l'Ordre du S. Esprit,
avec cette Inscription : C&lesti tr,unere Ui»
Gallia. La Traduction en Rulìe étoit au bas.
Du côté opposé > sur un Tableau de même
grandeur , étoit représente' un Dauphin au
tour du Sceptre Royal de France , lequel fer
retminoit en Ancre , avec cette Inscription*;
Spet fausta futuri , la Traduction en Ruflè
étoit au bas. Au fond de la Salle il y avoit
«ne grande Table de cent Couverts , dressée
en fer â cheval, & aux deux côtez vers le
bas , deux autres Tables de if. Couverts cha
cune; enfin vers le plus bas de la Table étoir
Choeurs , entre lesquels on passoit fous un
Berceau de vetdure , pour entrer dans la Salle.
Cette entrée étoit gardée par deux grands Gre
nadiers de la Garde de S. M. il y en avoit iSautres
à rentrée de la maison & de mon ap
partement. Entre l'Amphitheatre des Musi
ciens & les Tables il y avoit encorô un fore
grand espace vuide pour la Danse , fans in
commoder le Service des Tables , pour lequeî
il y avoit deux grands Buffets dressez aux deux
cote?
FEVRIER, ma. jSi
çâtez de la Salle. J'avois fait servir sur les
Tables une Collation en Ambigu , laquelle
faifoic un fore bel effet par le grand nombre
de bougies qui étoient fur ces Tables dans
des flambeaux de cristal. Toutes les Piramides
qui étoient aussi de cristal éroient ornées de
fleurs naturelles & artificielles ; toutes les
viandes étóient jonchées de Bouquets de lau
riers naturels . dorez 8r argentez par les extremitez
; j'avois auíïi fait représenter fur cette
Collation , autant que l'on avoit pû , des figu
res de Dauphins & dè Fleurs de-Lys , fur le»
Tourtes , les Pàtez , & dans les Candits.
Il y avoit au haut de la plus grande Piramide
, qui étoit placée au milieu de h plus
frande Table, un groupe de plusieurs figures
e relief, en cire , de près d*un pied de hau
teur , dorées , & les Draperies argentées. La
principale figure étoit debout , & represen
toit la France , ayant le Manteau Royal , 8c la
Couronne de Fiance. Elle tenoit fur fes bras
un Enfant nud , qui representoit le Dauphin.
Au bas étoit un petit Amour , qui mettant les
pieds fur un Carreau semé de Fleurs de-Lys ,
cherchoit à s'élever pour présenter à l'aucuste
Enfant la Couronne du Dauphin , 8t
fc Cordon de l'Ordre dû S. Efprir,. Ce groupe
qui étoit artistement entouré des plus belles
Tleurs naturelles & artificielles , étoit sur
monté d'une Arcade de feuilles de Lauriers ,
dorées 8r argentées. Au haut de cette Arcade
étoit une grande Fleur-de- Lys de Sucre caniîî
transparante > qui à la clarté des lumières paroissoit
d'or. Aux deux côtez , fur les pince»
du Fer à cheval , étoient deux autres figures
de même matière, dorées & argentées de la
»é.me manière j l'une representoit la Paix, 8c
H vj l'awî*
3 8 1 MERCURE DE FRAtíCE;
l'autre l' Abondance, avec léurs attributs, pour
marquerque cette Naissance étoit arrivée dans,
la Paix & l'Abondance. J'avois aussi fait met
tre fur la Tapisserie du fond de la Salle les
Portraits du Roy & de lá Reine. Enfirt
fur le bas de la Nappe du milieu de la grande
Table , on voyoit les Armes du Dauphin ,
peintes en grand. Voilà quelle étoit la disposi
tion de la Salle, dont on ne fit Touverturc
qu'après que toute la Compagnie sc'fû't assem
blée dans mon Appartement.
Les Amiraux & autres Officiers Généraux,
à mesure qu'ils arrivoient par eau dans leurs
Barques, etoient annoncez par les Timballes
& les Trompettes', & étoient reçus , les Gre
nadiers étant fous les armes , & leur Lieute»
nant à leur tête. Lorsque la Compagnie fut
doute aflemblée, & qu'au sortir de mon Ap
partement elle entra dans la Salle où 'les Musi
ciens la reçurent pat un Concert de tous leurs
înstrumens ; elle y fut agréablement surprise
de l'éclat de toutes les lumières & de la belle
■disposition de la Salle , que chacun prit plaisir
de voir plus d'un quart d'heureavant que de sb
mettre à table. Chacun s'étant ensuite placé
suivant son.rang , & les Dames ayant été eon*.
duites par les personnes les plus distinguées ,
le Repas fut accompagné de la- Musique , qui
joiia les plus belles Sonnâtes , & autres Airs
choisis. L'on y but les Santez de Leurs Ma
lestez & de Monseigneur lè Dauphin au son
des Timballes & des Trompettes , & ensuite
toutes les autres Santez , suivant la coutume
du pays, comme celles du haut Ministère,. de
Ï Amirauté, & de la Généralité , des fidèles
Serviteurs , des Absents , &c, J'y fis servît
avec profusion ks meilleurí vins du Rhin , de
Bouc»
FEVRIER. *7%tí. i%$
Bourgogne & de Canarie , faisant donner à
chacun celuy qu'il souhaittoit , & autant qu'il
cn vouloir. Après la Collation le Bal fut ou
vert par M. le General Major Tessin, Envoyé
du Duc de Holstein , qui dansa avec la fille
Je l'Arniral Sivcrs. On dansa non-seulemenc
dans la grande Salle , mais aussi dans les au*
tres Chambres de mon Appartement , & je fis
servir pendant le Bal tous les Rafraîchissemtns
que l'on souhaittoit- J'y avois aufli fait dresser
des tables pour ceux qui vouloient fumer ou
chanter , ou boire de la Ponche, à la manière
Angloife , afin que rien ne manquât dans cette
Fête , qui a dure jusqu'au lendemain huit heu
res du matin , avec une telle satisfaction de
tout le monde , que plusieurs personnes ont
allure qu'il n'y avoic point encore eu jufqu'aîors
à Peterfbourg une Fête plus belle & mieu*
ordonnée.
M. Delijle-, Astronome , de l'Academie
Royale des Sciences de Paris » Lecteur &
Professeur au Collège Royal de France, de
la Société Royale de Londres, & de celle de
Prusse, alla à Peterfbourg il y a quatre ans,
avec la permission du Roy , pour y travailler
avec plusieurs autres Sçavans, à un Observa
toire & à une A cademie des Sciences que le feu-
Czar avoit commencé d'y établi»
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Résumé : EXTRAIT d'une Lettre de M. Delisle, écrite de Petersbourg le 3. Janvier 1730.
Le 9 novembre 1730, M. Delijle organisa une messe et un Te Deum en musique dans l'église catholique de Peterjbourg pour célébrer l'accouchement heureux de la Reine et la naissance de Monseigneur le Dauphin. Il invita tous les Français résidant dans la ville ainsi que des personnes de distinction, y compris des officiers généraux, des amiraux, des membres des collèges, des marchands et des académiciens. Le soir même, ces invités se rendirent à la maison de l'Académie, où se trouve l'Observatoire et où réside M. Delijle. La maison, située au milieu de la ville sur l'île de Vasile Ostrou, est composée de deux grands corps de logis avec l'Observatoire au centre. Elle était illuminée par des pyramides de lumières à chaque fenêtre et des terrines pour éclairer la tour de l'Observatoire. Cependant, une grande tempête empêcha l'illumination complète de la tour. Une grande salle, située au même niveau que l'appartement de M. Delijle, était préparée pour la fête. Elle était ornée de tapisseries, de bandes bleues avec des figures, des dauphins et des lys de France. La voûte était soutenue par huit colonnes décorées de branches d'arbres. La salle était illuminée par des pyramides de lumières et des tableaux transparents avec des devises appropriées au sujet de la fête. La salle contenait une grande table de cent couverts en fer à cheval, flanquée de deux autres tables de cinquante couverts chacune. Entre les chœurs de musiciens et les tables, un espace était réservé pour la danse. La collation servie était richement décorée avec des bougies, des pyramides de cristal ornées de fleurs, et des viandes jonchées de bouquets de laurier. Un groupe de figures en cire représentait la France tenant le Dauphin, entouré de symboles de paix et d'abondance. Les invités, annoncés par des timballes et des trompettes, furent reçus par des grenadiers. Après un concert des musiciens, ils prirent place selon leur rang. Le repas fut accompagné de musique, et des santés furent portées au son des timballes et des trompettes. Après la collation, un bal fut ouvert par M. le Général Major Tessin, et dura jusqu'au lendemain matin. La fête fut jugée par plusieurs comme étant la plus belle et la mieux ordonnée jamais vue à Peterjbourg. M. Delijle, astronome de l'Académie Royale des Sciences de Paris, lecteur et professeur au Collège Royal de France, membre de la Société Royale de Londres et de celle de Prusse, se rendit à Peterjbourg il y a quatre ans pour travailler à un observatoire et à une académie des sciences.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 162-167
De PÉTERSBOURG, le 28 Août 1764.
Début :
Les circonstances de l'événement qui s'est passé dans la Forteresse [...]
Mots clefs :
Forteresse, Décès, Prince, Impératrice, Manifeste, Catherine II, Sujets, Couronne, Décrets, Héritière, Légitime, Actions justes, Compassion, Caractère, Officiers, Trouble, Récompense, Scélérat, Serment de fidélité, Patrie, Attaque, Providence, Ennemis, Révolte, Commandant, Crime, Lieutenant, Synode
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : De PÉTERSBOURG, le 28 Août 1764.
De PETERSBOURG , le 28 Août 1764.
Les circonstances de l'événement qui s'eft paffé
dans la Fortereffe de Schluffelbourg & qui a fait
perdre la vie au Prince Iwan , ayant été rapportées
de différente manière , l'Impératrice a publié
à cette occafion le Manifefte fuivant.
» Catherine II , par la grace de Dieu , Impéra-
» trice & Souveraine de toutes les Ruffies , &c. &c.
ל כ
Lorfque , par la volonté de Dieu & au gré
NOVEMBRE . 1764. 163
53
50
des voeux unanimes de tous nos fidéles Sujets ,
nous montâmes fur le Trône de Ruffie , nous
» étions inftruite que le Prince Jean , né du mariage
du Prince Antoine de Brunswick-Wolfenbuttel
avec la Princeffe Anne de Mecklenbourg
étoit encore exiftant. Ce Prince , comme
on le fçait , avoit à peine reçu le jour , qu'il fut
illégitimement défigné pour porter la Couronne
Impériale de Ruflie , mais par les Décrets de la
Providence il en fut peu de temps après exclus
» pour toujours , & le Sceptre revint à la légitime
Héritière fille de PIERRE - LE - GRAND , notre trèschère
Tante l'Impératrice ELISABETH de glo-
» rieufe mémoire .
>>
"
A notre avénement au Trône , nos premiers
» foins , après avoir rendu nos juftes actions de
graces au Ciel , furent , par un effet de l'huma-
» nité qui nous eft naturelle , d'adoucir , autant
qu'il feroit poffible , le fort de ce Prince détrô-
» né par la volonté Divine & malheureux dès fon
enfance. Nous nous proposâmes d'abord de le
voir pour juger par nous- mêmes des facultés
de fon âme & lui affurer , convenablement à fon
» caractère & à l'éducation qu'il avoit reçue jufques
- là , une vie ailée & tranquille . Mais quelle
fut notre furpriſe de voir qu'outre un bégaye-
» ment incommode pour lui-même & qui rendoit
» fes difcours prèfque incompréhenfibles aux
သ
*
autres , il étoit abfolument dépourvu d'efprit &
» de raiſon ! Tous ceux qui fe trouvoient alors
» avec nous virent combien notre coeur fouffroit
» à la vue d'un objet propre à exciter notre com-
» paflion ; ils furent en même temps convaincus
» qu'il ne nous reftoit d'autre feoours à donner à
ce Prince , né fi malheureufement , que de le
» laiffer où il étoit , & de lui procurer toutes les
164 MERCURE DE FRANCÈ.
> aifances convenables à fa fituation. Nous don
» nâmes nos ordres en conféquence ; mais fon
'état ne lui permit pas d'y être fenfible , ne connoiffant
point les gens & ne fçachant pas diftin-
» guer le bien d'avec le mal , ni faire ufage de la
» lecture pour fe préferver de l'ennui , mettant
» au contraire toute fa félicité dans des chofes
qui marquoient le défordre de fon efptit.
သ
Ainfi , pour empêcher que , par des vues
particulières , quelque mal intentionné ne cherchât
à l'inquiéter en aucune manière , ou në
>> voulût fe fervir de fa perfonne pour troubler le
repos public , nous lui fimes donner une garde
>> fûre , & mîmes auprès de lui deux Officiers de
» la Garniſon , connus par leur probité & leur
» fidélité , l'un le Capitaine Wlaffieff & l'autre le
» Lieutenant Tichekin , qui , par leurs longs fervices
militaires , avoient mérité une récom-
» penfe & un emploi tranquille pour le refe de
» leurs jours. Il étoit recommandé à ces deux
> Officiers de prendre les plus grands foins de la
» Perfonne de ce Prince.
לכ
Cependant , malgré toutes ces précautions , il
a été impoffible d'empêcher qu'un Scélérat , par
» une méchanceté des plus noires & au mépris
» même de la vie , ne commit a Schluffelbourg
➡un attentat dont la feule penſée fait frémir . Un
» Sous-Lieutenant du Régiment de Smolensko ,
» Infanterie , nommé Bafile Miranowitz , né en
» Ukraine , petit - fils du premier Rebelle qui fuivit
» Mazeppa , & en qui il paroît que le parjure
s'étoit tranfmis par le fang , ayant palle fa vie
» dans la débauche , la diffipation & le défordre ,
s'étoit privé par là des moyens légitimes de
>> faire un jour une fortune honorable : ayant enfin
perdu de vue ce qu'il devoit à la loi de Dieu
NOVEMBRE . 1764. 165
» & au ferment de fidélité qu'il nous avoit prêté ,
» ne connoiflant le Prince Jean que de nom , &
>> bien moins encore les qualités de fon corps-
» & celles de fon âme , il fe mit en tête de faire
» par fon moyen une fortune éclatante , à quelque
prix que ce fût, & quelque fanglante que la
Icène pût devenir pour le Public.
»›Pour l'exécution de ce projet auffi déteſtable
que dangereux pour la Patrie & pour l'Auteur
» même , ce Sous - Lieutenant demanda pendant
→ notre voyage en Livonie qu'on l'envoyât , quoique
ce ne fût pas fon tour , faire la garde qui
» fe reléve tous les huit jours dans la Fortereffe
de Schluffelbourg : la nuit du au du mois
» dernier à deux heures après -minuit , il éveilla
☐ tout d'un coup fa grand'garde , la rangea de
front , & lui ordonna de charger à balles . Berednikoff
, Gommandant de la Fortereffe ,
» ayant entendu du bruit , fortit de fon quartier
» & en demanda la cauſe à Miranowitz lui - même
; mais , pour toute réponſe , ce Rebelle lui
donna fur la tête un coup de la croffe de fon
» fufil , & le fit arrêter. Il alla enfuite à la tête de
» fa troupe attaquer avec furie le petit nombre
» des Soldats qui gardoient le Prince Jean
>> mais ceux ci , qui fe trouvoient fous les ordres
>> des deux Officiers nommés ci -deſſus , le reçurent
» de manière qu'il fut obligé de fe retirer. Par
» une difpofition particulière de la Providence ,
» qui veille à la confervation de la vie des hommes
, il faifoit cette nuit là un brouillard fort
» épais qui , joint à la fituation intérieure de la
» Forterelle , empêcha qu'il n'y eût perſonne de
a bleffé ni de tué.
» Le peu de fuccès de cette première tentative
» ne pouvant faire défifter de fon projet de rébel166
MERCURE DE FRANCE.
>>lion cet ennemi du repos public , le défeſpoir
» lui fuggéra de faire amener d'un baſtion une
» piéce de canon avec les munitions néceſſaires ,
» ce qui fut d'abord exécuté. Le Capitaine Wlaf
» Geff & fon Lieutenant Tilchekin , voyant une
» force à laquelle ils ne pouvoient réûſter , crai-
>> gnirent un malheur beaucoup plus grand fi le
» Prince qui leur étoit confié venoir à être déli-
» vré ; & voulant épargner le fang innocent qu'il
>> en coûteroit à la Patrie dans de pareils trou-
» bles , ils prirent entre eux l'unique parti qu'ils
croyoient leur refter , celui d'affurer la tranquillité
publique en abrégeant les jours de l'infortuné
Prince . Confidérant d'ailleurs que s'ils
>> lâchoient un prifonnier qu'on s'efforçoit de leur
>> arracher avec tant d'acharnement , ils rifquoient
» d'être punis fuivant toute la rigueur des Loix ,
ils ôterent la vie au Prince , fans être retenus
par la crainte de recevoir la mort
main d'un Scélérat réduit au défeſpoir. Ce
» monftre , voyant devant lui le corps du
» Prince fans vie , fut fi frappé de ce coup inat-
» tendu , qu'il reconnut à l'inftant même fa témé-
» rité & fon crime , & en marqua fon repentir en
de la
préfence de fa troupe qu'une heure auparavant
» il avoit féduite & rendue complice de fon for-
» fait.
» Ce fut alors que les Officiers qui avoient
étouffé cette révolte dès fa naillance , s'aflurerent
, conjointement avec le Commandant , da
Rebelle , ramenerent les Soldats à leur devoir ,
» & envoyerent notre Confeiller- Privé - Actuel
» & Sénateur Panin , fous les ordres duquel ils fe
trouvoient , le rapport de cet événement qui ,
quoique malheureux , avoit cependant , par la
protection du Ciel , détourné un plus grand
>> malheur encore,
NOVEMBRE . 1764. 167
20
Ce Sénateur fit partir fur le champ le Lieute-
» nant- Colonel Cafchkin chargé d'inſtructions
fuffifantes pour affurer la tranquillité & le bon
ordre dans la Fortereffe , & nous envoya en
» même temps un Courier avec le détail de cette
» affaire . En conféquence nous ordonnâmes à
> notre Lieutenant - Général Weymarn , de ladivifion
de Pétersbourg , de fe tranſporter fur le
>> lieu pour y faire les informations néceffaires :
après les avoir finies , il vient de nous remettre
les interrogatoires , les dépofitions des témoins ,
» les preuves , & enfin le propre aveu du Scé-
ככ
>> lérat.
,
"
rap-
Ayant reconnu la grandeur de ce crime &
> combien il intéreffoit le repos de la Patrie
>> nous avons renvoyé cette affaire à notre Sénat
» & lui ordonnons , ainfi qu'au Synode , d'inviter
» les trois premières Claffes & tous les Préfidens
» de tous les Colléges pour en entendre le
sport de la bouche du Lieutenant Général Weymarn
qui en a pourfuivi les informations ; de
>> prononcer enfuite la Sentence felon les loix de
l'Empire , & de nous la préfenter lorſqu'elle
» aura été fignée , afin que nous la confirmions ,
(L. S. ) ( Signé ) CATHERINE,
» Imprimé au Sénat Dirigent à Pétersbourg , le
» 17 Août 1764. ३०
Les circonstances de l'événement qui s'eft paffé
dans la Fortereffe de Schluffelbourg & qui a fait
perdre la vie au Prince Iwan , ayant été rapportées
de différente manière , l'Impératrice a publié
à cette occafion le Manifefte fuivant.
» Catherine II , par la grace de Dieu , Impéra-
» trice & Souveraine de toutes les Ruffies , &c. &c.
ל כ
Lorfque , par la volonté de Dieu & au gré
NOVEMBRE . 1764. 163
53
50
des voeux unanimes de tous nos fidéles Sujets ,
nous montâmes fur le Trône de Ruffie , nous
» étions inftruite que le Prince Jean , né du mariage
du Prince Antoine de Brunswick-Wolfenbuttel
avec la Princeffe Anne de Mecklenbourg
étoit encore exiftant. Ce Prince , comme
on le fçait , avoit à peine reçu le jour , qu'il fut
illégitimement défigné pour porter la Couronne
Impériale de Ruflie , mais par les Décrets de la
Providence il en fut peu de temps après exclus
» pour toujours , & le Sceptre revint à la légitime
Héritière fille de PIERRE - LE - GRAND , notre trèschère
Tante l'Impératrice ELISABETH de glo-
» rieufe mémoire .
>>
"
A notre avénement au Trône , nos premiers
» foins , après avoir rendu nos juftes actions de
graces au Ciel , furent , par un effet de l'huma-
» nité qui nous eft naturelle , d'adoucir , autant
qu'il feroit poffible , le fort de ce Prince détrô-
» né par la volonté Divine & malheureux dès fon
enfance. Nous nous proposâmes d'abord de le
voir pour juger par nous- mêmes des facultés
de fon âme & lui affurer , convenablement à fon
» caractère & à l'éducation qu'il avoit reçue jufques
- là , une vie ailée & tranquille . Mais quelle
fut notre furpriſe de voir qu'outre un bégaye-
» ment incommode pour lui-même & qui rendoit
» fes difcours prèfque incompréhenfibles aux
သ
*
autres , il étoit abfolument dépourvu d'efprit &
» de raiſon ! Tous ceux qui fe trouvoient alors
» avec nous virent combien notre coeur fouffroit
» à la vue d'un objet propre à exciter notre com-
» paflion ; ils furent en même temps convaincus
» qu'il ne nous reftoit d'autre feoours à donner à
ce Prince , né fi malheureufement , que de le
» laiffer où il étoit , & de lui procurer toutes les
164 MERCURE DE FRANCÈ.
> aifances convenables à fa fituation. Nous don
» nâmes nos ordres en conféquence ; mais fon
'état ne lui permit pas d'y être fenfible , ne connoiffant
point les gens & ne fçachant pas diftin-
» guer le bien d'avec le mal , ni faire ufage de la
» lecture pour fe préferver de l'ennui , mettant
» au contraire toute fa félicité dans des chofes
qui marquoient le défordre de fon efptit.
သ
Ainfi , pour empêcher que , par des vues
particulières , quelque mal intentionné ne cherchât
à l'inquiéter en aucune manière , ou në
>> voulût fe fervir de fa perfonne pour troubler le
repos public , nous lui fimes donner une garde
>> fûre , & mîmes auprès de lui deux Officiers de
» la Garniſon , connus par leur probité & leur
» fidélité , l'un le Capitaine Wlaffieff & l'autre le
» Lieutenant Tichekin , qui , par leurs longs fervices
militaires , avoient mérité une récom-
» penfe & un emploi tranquille pour le refe de
» leurs jours. Il étoit recommandé à ces deux
> Officiers de prendre les plus grands foins de la
» Perfonne de ce Prince.
לכ
Cependant , malgré toutes ces précautions , il
a été impoffible d'empêcher qu'un Scélérat , par
» une méchanceté des plus noires & au mépris
» même de la vie , ne commit a Schluffelbourg
➡un attentat dont la feule penſée fait frémir . Un
» Sous-Lieutenant du Régiment de Smolensko ,
» Infanterie , nommé Bafile Miranowitz , né en
» Ukraine , petit - fils du premier Rebelle qui fuivit
» Mazeppa , & en qui il paroît que le parjure
s'étoit tranfmis par le fang , ayant palle fa vie
» dans la débauche , la diffipation & le défordre ,
s'étoit privé par là des moyens légitimes de
>> faire un jour une fortune honorable : ayant enfin
perdu de vue ce qu'il devoit à la loi de Dieu
NOVEMBRE . 1764. 165
» & au ferment de fidélité qu'il nous avoit prêté ,
» ne connoiflant le Prince Jean que de nom , &
>> bien moins encore les qualités de fon corps-
» & celles de fon âme , il fe mit en tête de faire
» par fon moyen une fortune éclatante , à quelque
prix que ce fût, & quelque fanglante que la
Icène pût devenir pour le Public.
»›Pour l'exécution de ce projet auffi déteſtable
que dangereux pour la Patrie & pour l'Auteur
» même , ce Sous - Lieutenant demanda pendant
→ notre voyage en Livonie qu'on l'envoyât , quoique
ce ne fût pas fon tour , faire la garde qui
» fe reléve tous les huit jours dans la Fortereffe
de Schluffelbourg : la nuit du au du mois
» dernier à deux heures après -minuit , il éveilla
☐ tout d'un coup fa grand'garde , la rangea de
front , & lui ordonna de charger à balles . Berednikoff
, Gommandant de la Fortereffe ,
» ayant entendu du bruit , fortit de fon quartier
» & en demanda la cauſe à Miranowitz lui - même
; mais , pour toute réponſe , ce Rebelle lui
donna fur la tête un coup de la croffe de fon
» fufil , & le fit arrêter. Il alla enfuite à la tête de
» fa troupe attaquer avec furie le petit nombre
» des Soldats qui gardoient le Prince Jean
>> mais ceux ci , qui fe trouvoient fous les ordres
>> des deux Officiers nommés ci -deſſus , le reçurent
» de manière qu'il fut obligé de fe retirer. Par
» une difpofition particulière de la Providence ,
» qui veille à la confervation de la vie des hommes
, il faifoit cette nuit là un brouillard fort
» épais qui , joint à la fituation intérieure de la
» Forterelle , empêcha qu'il n'y eût perſonne de
a bleffé ni de tué.
» Le peu de fuccès de cette première tentative
» ne pouvant faire défifter de fon projet de rébel166
MERCURE DE FRANCE.
>>lion cet ennemi du repos public , le défeſpoir
» lui fuggéra de faire amener d'un baſtion une
» piéce de canon avec les munitions néceſſaires ,
» ce qui fut d'abord exécuté. Le Capitaine Wlaf
» Geff & fon Lieutenant Tilchekin , voyant une
» force à laquelle ils ne pouvoient réûſter , crai-
>> gnirent un malheur beaucoup plus grand fi le
» Prince qui leur étoit confié venoir à être déli-
» vré ; & voulant épargner le fang innocent qu'il
>> en coûteroit à la Patrie dans de pareils trou-
» bles , ils prirent entre eux l'unique parti qu'ils
croyoient leur refter , celui d'affurer la tranquillité
publique en abrégeant les jours de l'infortuné
Prince . Confidérant d'ailleurs que s'ils
>> lâchoient un prifonnier qu'on s'efforçoit de leur
>> arracher avec tant d'acharnement , ils rifquoient
» d'être punis fuivant toute la rigueur des Loix ,
ils ôterent la vie au Prince , fans être retenus
par la crainte de recevoir la mort
main d'un Scélérat réduit au défeſpoir. Ce
» monftre , voyant devant lui le corps du
» Prince fans vie , fut fi frappé de ce coup inat-
» tendu , qu'il reconnut à l'inftant même fa témé-
» rité & fon crime , & en marqua fon repentir en
de la
préfence de fa troupe qu'une heure auparavant
» il avoit féduite & rendue complice de fon for-
» fait.
» Ce fut alors que les Officiers qui avoient
étouffé cette révolte dès fa naillance , s'aflurerent
, conjointement avec le Commandant , da
Rebelle , ramenerent les Soldats à leur devoir ,
» & envoyerent notre Confeiller- Privé - Actuel
» & Sénateur Panin , fous les ordres duquel ils fe
trouvoient , le rapport de cet événement qui ,
quoique malheureux , avoit cependant , par la
protection du Ciel , détourné un plus grand
>> malheur encore,
NOVEMBRE . 1764. 167
20
Ce Sénateur fit partir fur le champ le Lieute-
» nant- Colonel Cafchkin chargé d'inſtructions
fuffifantes pour affurer la tranquillité & le bon
ordre dans la Fortereffe , & nous envoya en
» même temps un Courier avec le détail de cette
» affaire . En conféquence nous ordonnâmes à
> notre Lieutenant - Général Weymarn , de ladivifion
de Pétersbourg , de fe tranſporter fur le
>> lieu pour y faire les informations néceffaires :
après les avoir finies , il vient de nous remettre
les interrogatoires , les dépofitions des témoins ,
» les preuves , & enfin le propre aveu du Scé-
ככ
>> lérat.
,
"
rap-
Ayant reconnu la grandeur de ce crime &
> combien il intéreffoit le repos de la Patrie
>> nous avons renvoyé cette affaire à notre Sénat
» & lui ordonnons , ainfi qu'au Synode , d'inviter
» les trois premières Claffes & tous les Préfidens
» de tous les Colléges pour en entendre le
sport de la bouche du Lieutenant Général Weymarn
qui en a pourfuivi les informations ; de
>> prononcer enfuite la Sentence felon les loix de
l'Empire , & de nous la préfenter lorſqu'elle
» aura été fignée , afin que nous la confirmions ,
(L. S. ) ( Signé ) CATHERINE,
» Imprimé au Sénat Dirigent à Pétersbourg , le
» 17 Août 1764. ३०
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Résumé : De PÉTERSBOURG, le 28 Août 1764.
Le 28 août 1764, Catherine II publie un manifeste concernant la mort du Prince Iwan, également connu sous le nom de Prince Jean. À son avènement, Catherine apprend que le Prince Jean, fils du Prince Antoine de Brunswick-Wolfenbuttel et de la Princesse Anne de Mecklenbourg, avait été illégitimement désigné pour porter la Couronne Impériale de Russie, mais avait été exclu par la Providence. Le sceptre revint alors à Élisabeth, fille de Pierre le Grand. Catherine décide d'adoucir le sort du Prince Jean, qu'elle trouve dépourvu d'esprit et de raison. Elle lui assure une vie tranquille et lui attribue une garde sûre composée du Capitaine Wlassieff et du Lieutenant Tischekin. Malgré ces précautions, un sous-lieutenant du régiment de Smolensko, Basile Miranowitz, tente de s'emparer du Prince pour faire fortune. Lors de cette tentative, les officiers préfèrent tuer le Prince pour éviter un bain de sang. Miranowitz, face au corps sans vie du Prince, reconnaît son erreur et se repent. Les officiers rétablissent l'ordre et informent le Sénateur Panin. Catherine ordonne une enquête dirigée par le Lieutenant-Général Weymarn, qui remet les preuves et les aveux du scélérat. L'affaire est ensuite confiée au Sénat et au Synode pour jugement selon les lois de l'Empire.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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