LA TOURTERELLE.
LE
IDILLE.
E temps , aimable Tourterelle ,.
Qui triomphe à la fin de tout ,
Ne pourra- t'il venir à bout
D'adoucir la peine cruelle ,
Dont à chaque instant votre coeur ,
Sent renouveller la rigueur. “
Si
2566 MERCURE DE FRANCE
Si pour me dérober aux chaleurs excessives
Du chien enflammé de Procris ,
Je me promene sur ces Rives ,
Où Zéphire entretient par ses souffles chéris
Une fraîcheur toujours nouvelle ;
Loin d'y goûter quelque douceur,
Un Echo, de votre douleur ,
Interprete hélas ! trop fidele ,
En redisant vos tristes sons ,
ur mes plus doux plaisirs répand de noirs
poisons.
De votre Compagne chérie ,
Dessous la main de l'Oiseleur ·
Tombant à vos côtez sans vie •
Vous dûtes plaindre le malheur.
Mais
par les pleurs de tant d'années
A ses fâcheuses destinées
Vous n'avez que trop satisfait ,
Et si dans les lieux qu'elle habite ,
Elle ressent quelque regret „
C'est de voir le chagrin qui toujours vous agite.
Cessez donc de pousser d'inutiles soupirs ,
Jouissez enfin des plaisirs ,
Que vous présente la Nature ;
Elle a paré pour vous ses Forêts de verdure
Pour vous seule , cent et cent fleurs
Etalent à l'envi les plus riches couleurs .
Entendez le Zéphis volage ,
Oubliant
NOVEMBRE. 1993. 2364
Oubliant aujourd'hui son penchant naturel,
Vous promettre en sont doux langage ,
Un attachement éternel.
Vous même à vous- même importune ,
Si vous avez éte si sensible aux malheurs ,
Qu'a sur vous exercé la cruelle Fortune ,
Pourquoi refusez-vous de l'être à ses faveurs♪
Laissez l'homme verser des larmes ;
Lui seul a drait de s'affliger ;
Chaque jour lui fait voir de nouvelles allarmesşi
Rien ne peut l'en dédommager
Des plus vives douleurs un affreux assemblage ,
De sa condition est le triste appanage
Il naît , et déja ses sanglots
Semblent à sa premiere Aurore ,
Par avance annoncer des maux ,
Qu'il ne peut pas connoître encores
Son infortune avec les ans
Insensiblement se déploye ,
Les soins , les socis dévorants
Ferment son coeur à toute joye.
De sa propre raison tyran imperieux
Il u'écoute que son caprice ,
Et ne paroît ingénieux
Que pour se procurer quelque nouveau supé
plice..
A lui creuser son précipice
Plusieurs s'empressent avec lut.
L'un en tous lieux à forcé ouverte ,
Cons
1368 MERCURE DE FRANCE
Conspire indignement sa perte ,
Un autre fait semblant de lui servir d'appui ;
Mais en secret il se prépare
A lui porter le coup barbare
Qu'il médite depuis long-temps.
Ainsi nous voyons dans les champs
Un Loup avide de carnage :
De la Brebis prendre l'image
Pour mieux executer ses desseins violens.
Heureuse Tourterelle en vos disgraces mêmes
L'Auteur de vos peines extrêmes
Fut de tout temps votre ennemi ,
Nos maux , le plus souvent , nous viennent d'un
ami ;
Dans le temps même qu'il nous blesse ,
Séduits par une vaine erreur ,
Nous adorons la main traitresse ,
Qui nous a fait tomber dans le dernier mal
heur,
A. de la Boisseliere.