Résultats : 1508 texte(s)
Détail
Liste
1251
p. 148-155
SPECTACLES DE LA COUR A VERSAILLES, ORDONNÉS par M. le Duc DE DURAS, Pair de France, premier Gentilhomme de la Chambre du Roi, en exercice pendant l'année 1763, & conduits par M. PAPILLON DE LA FERTÉ, Intendant des menus, Plaisirs & Affaires de la Chambre de SA MAJESTÉ.
Début :
LE Mardi 4 Janvier, les Comédiens François représenterent l'Irrésolu, Comédie [...]
Mots clefs :
Comédiens-Français, Comédiens-Italiens, Rôle, Tragédie
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SPECTACLES DE LA COUR A VERSAILLES, ORDONNÉS par M. le Duc DE DURAS, Pair de France, premier Gentilhomme de la Chambre du Roi, en exercice pendant l'année 1763, & conduits par M. PAPILLON DE LA FERTÉ, Intendant des menus, Plaisirs & Affaires de la Chambre de SA MAJESTÉ.
ARTICLE V.
SPECTACLE S.
SPECTACLES DE LA COUR A VERSAILLES,
ORDONNES par M. le Duc DE DURAS,
Pair de France , premier Gentilhomme
de la Chambre du Roi, en exercice
pendant l'année 1763, & conduits
parM. PAPILLON DE LA FERTÉ,
Intendant des menus , Plaifirs & Affaires
de la Chambre de SA MAJESTÉ.
LEE Mardi 4 Janvier , les Comédiens
François repréſenterent l'Irréfolu , Comédie
en cinq Actes & en vers du feu
fieur NERICAULT DESTOUCHES (a) ,
& pour petite Piéce le Charivari , Comédie
en un Acte & en profe (b) du
feu fieur DANCOURT. Le lendemain
( a) L'Irréfolu , repréfentée pour la première
fois en 1723 , avoit eu fix Repréſentations , remife
nouvellement au Théâtre avec plus de
fuccès.
(b) Première
repréſentation en 1697.
FEVRIER . 1763. 149
,
5, les Comédiens Italiens repréfenterent
Arlequin & Scapin rivaux , Comédie
Italienne , fuivie du Soldat magicien
Opera-Comique ; paroles du fieur L. B.
D. S.... Mufique du fieur PHILIDOR
(c).
Il n'y a point eu de Spectacle le
Jeudi 6 , à caufe de la Fête. Le Mardi
11 , par les Comédiens François , le
Curieux impertinent , Comédie en cinq
Actes & en vers du feu fieur NERICAULT
DESTOUCHES , fuivie du Fat
puni , Comédie en un Acte en profe :
Auteur Anonyme ( d) .
Le Mercredi 12 l'Académie Royale
de Muſique , conjointement avec la
Mufique du Roi , exécuta Hilas &
Zélis , Paftorale en un Acte , Poëme
d'un Auteur anonyme ; Mufique du
fieur de Bury , Surintendant de la Mufique
du Roi (e ) . Le rôle d'Hilas étoit
chanté par le fieur LARRIVÉE : celui
de Zélis par la Dlle LEMIERRE ( épouſe
du fieur LARRIVÉE . ) Le rôle de l'Amour
par la Dlle DUBOIS . Les principaux
Danfeurs & Danfeufes , dans le
(c) Première Repréſentation en 1760 fur le
Théâtre de l'Opera- Comique,
•
(d) Premiére Repréſentation en 1739.
(e) Premiére Repréfentation en 1762 .
Giij
150 MERCURE DE FRANCE .
Ballet , étoient les fieurs LAVAL
GARDEL , & les Dlles ALLARD &
VESTRIS .
Nous avons parlé avec de très-juftes
éloges de la mufique de cette Paftorale
à la dernière reprife des Caractères de la
Folie , Ballet du même Muficien , auquel
on l'avoit jointe. Cette Paftorale
en mufique avoit été précédée du Retour
d'Arlequin , Piéce Italienne , repréfentée
par les Comédiens Italiens.
Le 13 les Comédiens François repréfenterent
Phédre , Tragédie du feu fieur
RACINE. La Dile DUMESNIL jouant
le Rôle de Phédre , & la Dlle HUSSE
celui d'Aricie , le fieur BRISARD Thefee
; le fieur MOLE , Hippolite , & le
fieur DUBOIS Théramène.
Cette Tragédie fut fuivie du Confentement
forcé, Comédie en un Acte &
en Profe du feu ficur GUYOT DE
MERVILLE. (e )
Le 18 par les mêmes Comédiens le
Tambour nocturne , Comédie en cinq
Aces & en Profe du feu fieur Néricault
DESTOUCHES. (f) Cette Comédie
, qui a fait tant de plaifir à Paris ,
(e ) Premiere Repréſentation en 1738 .
(f)Imprimée dans les OEuvres de l'Auteur ,
jouée feulement dans les Provinces , repréſentée à
Paris la premiere fois en 1762 , par les foins &
avec des changemens du freur BELCOUR .
FEVRIER. 1763 . ISI
,
n'a pas moins amufé la Cour , par le
talent original , le naturel & l'intelligence
du bon comique des principaux
Acteurs . On fait particuliérement avec
quelle fineffe & quel art le fieur PRÉ-
VILLE varie continuellement le jeu du
rôle de PINCÉ dont la plaifanterie
feroit très-monotone fans cela. Le fieur
BELLECOUR , dans le Baron ; le fieur
MOLÉ , dans le Marquis ; la Dlle PREville
, dans la Baronne ; & la Dlle
LE KAIN , dans le rôle de Catau , ont
eu chacun le fuccès dû au talent avec
lequel ils jouent dans cette Piéce.
Pour petite Piéce on repréfenta le
Triple mariage (g) Comédie en un Acte
& en profe du même Auteur. Le Mercredi
, 19 , on éxécuta pour la feconde
fois la Paftorale d'Hilas & Zélis : les
rôles furent très bien rendus par les
mêmes Acteurs de la repréfentation
précédente , & les beautés diftinguées
de la mufique ont paru réunir les fuffrages
de toute la Cour , & ont fait à
l'Auteur ( le fieur de Bury ) tout l'honneur
que mérite fon talent.
Cette feconde repréfentation avoit
été précédée de la Comédie Italienne ,
intitulée la Joute d'Arlequin & de Scapin.
(g) Premiere repréſentation en 1724.
Giv
152 MERCURE DE FRANCE.
Le Jeudi 20 , les Comédiens François
repréſenterent Bajazet , Tragédie du
feu fieur RACINE . La Dlle CLAIRON
joué le rôle de Roxane , & la Demoifelle
Huss celui d'Atalide . Le fieur
MOLE le rôle de Bajazet le fieur
BRISART celui d'Acomat , & le fieur
DUBOIS Ofmin.
Après cette Tragédie , dont la repréfentation
intéreffa & toucha beaucoup
les Spectateurs , on donna le Philantrope
, Comédie en un Acte & en
profe du feu fieur LEGRAND ( h ) .
Mardi , 25 , les Comédiens François
repréfenteient la Piéce nouvelle , intitulée
Dupuis & Defronais , du fieur COLLÉ
(i ) , Comédie en vers & en trois
Actes , dont le fujet eft tiré des illuftres
Françoifes.
Un ouvrage dramatique où fe trouve
une connoiffance du monde la plus philofophique
& la plus délicate , où l'ef
prit ne femble prêter fon coloris que
pour fortifier le fentiment & orner l'inf
truction , où tout refpire les moeurs fans
trifteffe , & où tout infpire l'intérêt fans
( h) Jouée pour la première fois à Paris en
1724.
(i ) Cette Piéce avoit été repréfentée à Paris .
Voyez ci -après l'article de la Comédie Françoife.
FEVRIER. 1763. 153
affliger l'âme , ne pouvoit manquer
d'avoir un grand fuccès fur ce Théâtre .
Auffi la Cour a confirmé par fes fuffrages
la juftice que le Public avoit dérendue
à cette nouveauté. Il en a été
de même à l'égard du jeu des Acteurs
dont les trois principaux font la Dlle
GAUSSIN , pour le rôle de Mariane
: le fieur BRISART , pour celui
de Dupuis , & le fieur MOLÉ pour celui
de Desronais . Comme c'eft ce dernier
qui porte le plus de chaleur & de
mouvement dans la Piéce , nous ne
pouvons nous difpenfer de rapporter ,
fi l'on peut dire , le cri public , fur le
feu , fur le fentiment , le naturel & la
fine intelligence que met le fieur MOLÉ
jufques dans les plus petits détails de ce
rôle , qui ajoute encore à la réputation
qu'il s'étoit fi juftement acquife.
On donna pour feconde Piéce , le
même jour , les Folies amoureufes , Comédie
en vers , en trois Actes , du feu
fieur Regnard (k ). Le fieur BOURET
y joua le role de Crifpin.
Le Mercredi 26 les Comédiens Italiens
repréfenteremt Arlequin & Scapin
voleurs par amour , qui fut fuivie d'une
feconde repréfentation de Philemon &
(*) Première Repréfentation en 1704%
Gy
154. MERCURE DE FRANCE .
Baucis , Paftorale héroïque , exécutée ,
par l'Académie Royale de Mufique &
par la Mufique du Roi , telle qu'elle
l'avoit déja été ( & par les mêmes Acteurs
) le 30 Décembre dernier ( 1 ) .
L'exécution de toutes les parties de cet
Opera a été encore plus parfaite à cette
repréſentation ; & la Cour , qui l'avoit
redemandé , a paru y prendre un nouveau
plaifir. Le Poëme eft du fieur Roi ,
& la Mufique des fieurs REBEL &
FRANCEUR , Surintendans de la Mu--
fique de Sa Majesté.
Le Jeudi 27, les Comédiens François
ont repréfenté Ariane , Tragédie de
THOMAS CORNEILLE. La Dlle CLAIRON
jouoit le rôle d'Ariane , & la
Dlle Huss celui de Phédre. Les rôles
de Théfée & de Pirithoüis , par les fieurs
MOLE & BELCOUR.
On donna enfuite le Sage étourdi
Comédie en trois Actes & en vers du
feu fieur de BOISSI . ( m ) .
Les Lundi 17 & 24 Janvier il y a
eu Bal paré dans la Salle de la Comédie
du Roi , dont le parquet étoit monté au
niveau du Théâtre : elle étoit ornée de
( 1 ) Voyez le fecond Volume du Mercure de
Janvier.
(m ) Premiére repréſentation en 1748 .
FEVRIER. 1763. 155
,
beaucoup de luftres , foutenus & réunis
par des guirlandes de fleurs . Leurs
MAJESTÉS , M. le DAUPHIN Madame
la DAUPHINE & la Famille
Royale affiftent à ces Bals. Les Princes
du Sang , les jeunes Seigneurs & les
Dames de la Cour y danfent en divers
quadrilles , des entrées & ballets figurés,
dans les habits de caractères relatifs aux
fujets qu'ils ont choifis pour ces Ballets
, qui ont été extrêmement applaudis.
Le temps qu'ont duré ces Bals , depuis
11 heures & demi du foir , jufqu'à 6
ou 7 heures du matin , prouve combien
ils font agréables à ceux qui les compofent
& à ceux qui y affiftent.
SPECTACLE S.
SPECTACLES DE LA COUR A VERSAILLES,
ORDONNES par M. le Duc DE DURAS,
Pair de France , premier Gentilhomme
de la Chambre du Roi, en exercice
pendant l'année 1763, & conduits
parM. PAPILLON DE LA FERTÉ,
Intendant des menus , Plaifirs & Affaires
de la Chambre de SA MAJESTÉ.
LEE Mardi 4 Janvier , les Comédiens
François repréſenterent l'Irréfolu , Comédie
en cinq Actes & en vers du feu
fieur NERICAULT DESTOUCHES (a) ,
& pour petite Piéce le Charivari , Comédie
en un Acte & en profe (b) du
feu fieur DANCOURT. Le lendemain
( a) L'Irréfolu , repréfentée pour la première
fois en 1723 , avoit eu fix Repréſentations , remife
nouvellement au Théâtre avec plus de
fuccès.
(b) Première
repréſentation en 1697.
FEVRIER . 1763. 149
,
5, les Comédiens Italiens repréfenterent
Arlequin & Scapin rivaux , Comédie
Italienne , fuivie du Soldat magicien
Opera-Comique ; paroles du fieur L. B.
D. S.... Mufique du fieur PHILIDOR
(c).
Il n'y a point eu de Spectacle le
Jeudi 6 , à caufe de la Fête. Le Mardi
11 , par les Comédiens François , le
Curieux impertinent , Comédie en cinq
Actes & en vers du feu fieur NERICAULT
DESTOUCHES , fuivie du Fat
puni , Comédie en un Acte en profe :
Auteur Anonyme ( d) .
Le Mercredi 12 l'Académie Royale
de Muſique , conjointement avec la
Mufique du Roi , exécuta Hilas &
Zélis , Paftorale en un Acte , Poëme
d'un Auteur anonyme ; Mufique du
fieur de Bury , Surintendant de la Mufique
du Roi (e ) . Le rôle d'Hilas étoit
chanté par le fieur LARRIVÉE : celui
de Zélis par la Dlle LEMIERRE ( épouſe
du fieur LARRIVÉE . ) Le rôle de l'Amour
par la Dlle DUBOIS . Les principaux
Danfeurs & Danfeufes , dans le
(c) Première Repréſentation en 1760 fur le
Théâtre de l'Opera- Comique,
•
(d) Premiére Repréſentation en 1739.
(e) Premiére Repréfentation en 1762 .
Giij
150 MERCURE DE FRANCE .
Ballet , étoient les fieurs LAVAL
GARDEL , & les Dlles ALLARD &
VESTRIS .
Nous avons parlé avec de très-juftes
éloges de la mufique de cette Paftorale
à la dernière reprife des Caractères de la
Folie , Ballet du même Muficien , auquel
on l'avoit jointe. Cette Paftorale
en mufique avoit été précédée du Retour
d'Arlequin , Piéce Italienne , repréfentée
par les Comédiens Italiens.
Le 13 les Comédiens François repréfenterent
Phédre , Tragédie du feu fieur
RACINE. La Dile DUMESNIL jouant
le Rôle de Phédre , & la Dlle HUSSE
celui d'Aricie , le fieur BRISARD Thefee
; le fieur MOLE , Hippolite , & le
fieur DUBOIS Théramène.
Cette Tragédie fut fuivie du Confentement
forcé, Comédie en un Acte &
en Profe du feu ficur GUYOT DE
MERVILLE. (e )
Le 18 par les mêmes Comédiens le
Tambour nocturne , Comédie en cinq
Aces & en Profe du feu fieur Néricault
DESTOUCHES. (f) Cette Comédie
, qui a fait tant de plaifir à Paris ,
(e ) Premiere Repréſentation en 1738 .
(f)Imprimée dans les OEuvres de l'Auteur ,
jouée feulement dans les Provinces , repréſentée à
Paris la premiere fois en 1762 , par les foins &
avec des changemens du freur BELCOUR .
FEVRIER. 1763 . ISI
,
n'a pas moins amufé la Cour , par le
talent original , le naturel & l'intelligence
du bon comique des principaux
Acteurs . On fait particuliérement avec
quelle fineffe & quel art le fieur PRÉ-
VILLE varie continuellement le jeu du
rôle de PINCÉ dont la plaifanterie
feroit très-monotone fans cela. Le fieur
BELLECOUR , dans le Baron ; le fieur
MOLÉ , dans le Marquis ; la Dlle PREville
, dans la Baronne ; & la Dlle
LE KAIN , dans le rôle de Catau , ont
eu chacun le fuccès dû au talent avec
lequel ils jouent dans cette Piéce.
Pour petite Piéce on repréfenta le
Triple mariage (g) Comédie en un Acte
& en profe du même Auteur. Le Mercredi
, 19 , on éxécuta pour la feconde
fois la Paftorale d'Hilas & Zélis : les
rôles furent très bien rendus par les
mêmes Acteurs de la repréfentation
précédente , & les beautés diftinguées
de la mufique ont paru réunir les fuffrages
de toute la Cour , & ont fait à
l'Auteur ( le fieur de Bury ) tout l'honneur
que mérite fon talent.
Cette feconde repréfentation avoit
été précédée de la Comédie Italienne ,
intitulée la Joute d'Arlequin & de Scapin.
(g) Premiere repréſentation en 1724.
Giv
152 MERCURE DE FRANCE.
Le Jeudi 20 , les Comédiens François
repréſenterent Bajazet , Tragédie du
feu fieur RACINE . La Dlle CLAIRON
joué le rôle de Roxane , & la Demoifelle
Huss celui d'Atalide . Le fieur
MOLE le rôle de Bajazet le fieur
BRISART celui d'Acomat , & le fieur
DUBOIS Ofmin.
Après cette Tragédie , dont la repréfentation
intéreffa & toucha beaucoup
les Spectateurs , on donna le Philantrope
, Comédie en un Acte & en
profe du feu fieur LEGRAND ( h ) .
Mardi , 25 , les Comédiens François
repréfenteient la Piéce nouvelle , intitulée
Dupuis & Defronais , du fieur COLLÉ
(i ) , Comédie en vers & en trois
Actes , dont le fujet eft tiré des illuftres
Françoifes.
Un ouvrage dramatique où fe trouve
une connoiffance du monde la plus philofophique
& la plus délicate , où l'ef
prit ne femble prêter fon coloris que
pour fortifier le fentiment & orner l'inf
truction , où tout refpire les moeurs fans
trifteffe , & où tout infpire l'intérêt fans
( h) Jouée pour la première fois à Paris en
1724.
(i ) Cette Piéce avoit été repréfentée à Paris .
Voyez ci -après l'article de la Comédie Françoife.
FEVRIER. 1763. 153
affliger l'âme , ne pouvoit manquer
d'avoir un grand fuccès fur ce Théâtre .
Auffi la Cour a confirmé par fes fuffrages
la juftice que le Public avoit dérendue
à cette nouveauté. Il en a été
de même à l'égard du jeu des Acteurs
dont les trois principaux font la Dlle
GAUSSIN , pour le rôle de Mariane
: le fieur BRISART , pour celui
de Dupuis , & le fieur MOLÉ pour celui
de Desronais . Comme c'eft ce dernier
qui porte le plus de chaleur & de
mouvement dans la Piéce , nous ne
pouvons nous difpenfer de rapporter ,
fi l'on peut dire , le cri public , fur le
feu , fur le fentiment , le naturel & la
fine intelligence que met le fieur MOLÉ
jufques dans les plus petits détails de ce
rôle , qui ajoute encore à la réputation
qu'il s'étoit fi juftement acquife.
On donna pour feconde Piéce , le
même jour , les Folies amoureufes , Comédie
en vers , en trois Actes , du feu
fieur Regnard (k ). Le fieur BOURET
y joua le role de Crifpin.
Le Mercredi 26 les Comédiens Italiens
repréfenteremt Arlequin & Scapin
voleurs par amour , qui fut fuivie d'une
feconde repréfentation de Philemon &
(*) Première Repréfentation en 1704%
Gy
154. MERCURE DE FRANCE .
Baucis , Paftorale héroïque , exécutée ,
par l'Académie Royale de Mufique &
par la Mufique du Roi , telle qu'elle
l'avoit déja été ( & par les mêmes Acteurs
) le 30 Décembre dernier ( 1 ) .
L'exécution de toutes les parties de cet
Opera a été encore plus parfaite à cette
repréſentation ; & la Cour , qui l'avoit
redemandé , a paru y prendre un nouveau
plaifir. Le Poëme eft du fieur Roi ,
& la Mufique des fieurs REBEL &
FRANCEUR , Surintendans de la Mu--
fique de Sa Majesté.
Le Jeudi 27, les Comédiens François
ont repréfenté Ariane , Tragédie de
THOMAS CORNEILLE. La Dlle CLAIRON
jouoit le rôle d'Ariane , & la
Dlle Huss celui de Phédre. Les rôles
de Théfée & de Pirithoüis , par les fieurs
MOLE & BELCOUR.
On donna enfuite le Sage étourdi
Comédie en trois Actes & en vers du
feu fieur de BOISSI . ( m ) .
Les Lundi 17 & 24 Janvier il y a
eu Bal paré dans la Salle de la Comédie
du Roi , dont le parquet étoit monté au
niveau du Théâtre : elle étoit ornée de
( 1 ) Voyez le fecond Volume du Mercure de
Janvier.
(m ) Premiére repréſentation en 1748 .
FEVRIER. 1763. 155
,
beaucoup de luftres , foutenus & réunis
par des guirlandes de fleurs . Leurs
MAJESTÉS , M. le DAUPHIN Madame
la DAUPHINE & la Famille
Royale affiftent à ces Bals. Les Princes
du Sang , les jeunes Seigneurs & les
Dames de la Cour y danfent en divers
quadrilles , des entrées & ballets figurés,
dans les habits de caractères relatifs aux
fujets qu'ils ont choifis pour ces Ballets
, qui ont été extrêmement applaudis.
Le temps qu'ont duré ces Bals , depuis
11 heures & demi du foir , jufqu'à 6
ou 7 heures du matin , prouve combien
ils font agréables à ceux qui les compofent
& à ceux qui y affiftent.
Fermer
Résumé : SPECTACLES DE LA COUR A VERSAILLES, ORDONNÉS par M. le Duc DE DURAS, Pair de France, premier Gentilhomme de la Chambre du Roi, en exercice pendant l'année 1763, & conduits par M. PAPILLON DE LA FERTÉ, Intendant des menus, Plaisirs & Affaires de la Chambre de SA MAJESTÉ.
En 1763, sous la direction du Duc de Duras et de Papillon de La Ferté, plusieurs spectacles ont été organisés à la cour de Versailles. Le 4 janvier, les Comédiens Français ont interprété 'L'Irrésolu' de Néricault-Destouches et 'Le Charivari' de Dancourt. En février, les Comédiens Italiens ont joué 'Arlequin & Scapin rivaux' et 'Le Soldat magicien'. Le 11 février, les Comédiens Français ont présenté 'Le Curieux impertinent' de Néricault-Destouches et 'Le Fat puni'. Le 12 février, l'Académie Royale de Musique a exécuté 'Hilas & Zélis', une pastorale avec des rôles interprétés par Larivière, Mlle Lemierre et Mlle Dubois. Le 13 février, les Comédiens Français ont joué 'Phèdre' de Racine et 'Le Consentement forcé' de Guyot de Merville. Le 18 février, ils ont représenté 'Le Tambour nocturne' de Néricault-Destouches et 'Le Triple mariage'. Le 20 février, ils ont joué 'Bajazet' de Racine et 'Le Philantrope' de Legrand. Le 25 février, ils ont présenté 'Dupuis & Desronais' de Collé et 'Les Folies amoureuses' de Regnard. Le 26 février, les Comédiens Italiens ont joué 'Arlequin & Scapin voleurs par amour' et 'Philemon & Baucis'. Le 27 février, les Comédiens Français ont représenté 'Ariane' de Thomas Corneille et 'Le Sage étourdi' de Boissy. Des bals parés ont également eu lieu les 17 et 24 janvier, avec la participation de la famille royale et des membres de la cour.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
1252
p. 156-176
OPERA. EXTRAIT DE POLIXENE, Tragédie de M. JOLIVEAU, Secrétaire perpétuel de l'Académie Royale de Musique, mise en Musique par M. DAUVERGNE, Maître de Musique de la Chambre du ROI.
Début :
PERSONNAGES. ACTEURS. PIRRHUS, fils d'Achille, M. Gelin. TELEPHE, prince des Mysiens. [...]
Mots clefs :
Pirrhus, Polixene, Hecube, Amour, Dieux, Cœur, Fureur, Reproche
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : OPERA. EXTRAIT DE POLIXENE, Tragédie de M. JOLIVEAU, Secrétaire perpétuel de l'Académie Royale de Musique, mise en Musique par M. DAUVERGNE, Maître de Musique de la Chambre du ROI.
OPERA.
EXTRAIT DE POLIXENE ,
Tragédie de M. JOLIVEAU , Secrétaire
perpétuel de l'Académie Royale
de Mufique , mife en Mufique par
M. DAUVERGNE , Maître de Mufique
de la Chambre du Ro1.
PERSONNAGES.
PIRRHUS , fils d'Achille ,
TELEPHE , Prince des Myfiens.
HECUBE , Veuve de PRIAM ,
POLIXENE , fille d'HECUBE &
de PRIAM ,
JUNON
ACTEURS.
M. Geline
M. Pillot
Mlle Chevalier.
Mile Arnoud
THETIS , Mlle Rozet
LA GRANDE- PRESTRESSE DE
JUNON , Mlle Riviere,
LE GRAND-PRESTRE D'ACHILLE , M. Joli.
UN THESSALIEN ,
L'OMBRE D'ACHILLE ,
UNE TROYENNE ,
UNE THESSALIENNE ,
M. Durand.
LA JALOUSIE ,
LE DESESPOIR ,
LA
FUREUR ,
MlleBernard.
M. Larrivée.
M. Joli.
M. Muguet
FEVRIER. 1763. 157
Au premier Acte , la Scène eft dans
une Place publique de la Ville de LARRISSE
, ornée pour le triomphe de
PIRRHUS.
TELEPHE , en interrogeant PIRRHUS
fur ce qui peut troubler fon coeur ,
lorfque tout concourt à le faire jouir
d'un deftin heureux apprend qu'il
aime POLIXENE , & qu'il eft fon rival.
C'eft dans l'horreur de la deftruction
de Troye que PIRRHUS a conçu
cette funefte paffion. Il amenoit Po-
LIXENE dans fes Etats ; mais un orage
a féparé fes vaiffeaux de ceux qui la
conduifoient. TELEPHE , fans découvrir
fes feux s'efforce en vain de
combattre la paffion de PIRRHUS . La
cérémonie du triomphe de ce dernier interrompt
leur dialogue . Les Peuples &
les Guerriers. Theffaliens conduisent des
Captifs Troyens enchaînés ; ils chantent
les louanges de PIRRHUS. Ce Roi fait
ôter les fers aux Troyens , en diſant
»De ces Captifs qu'on détache les chaînes ;
» lls en ont trop fenti le poids:
>
» Que leurs coeurs connoiffent mes loir
Par les bienfaits & non pas par les peines.
Auffi-tôt , pour prix de leur liberté
158 MERCURE DE FRANCE.
ces Captifs témoignent leur reconnoiffance
en danfant , & fe joignent aux
Sujets de PIRRHUS pour célébrer fa
bonté. La Paix & l'Amour ont leur
part des éloges. On entend un bruit
finiftre ; c'eft JUNON qui du haut des
airs reproche à PIRRHUS un amour qui
l'offenfe. Elle menace les TROYENS ,
qu'elle pourfuit, & PIRRHUS lui- même,
des plus terribles traits de fa vengeance .
PIRRHUS qui n'envifage qu'un
avenir funefte , prie TELEPHE de ne
le pas abandonner. PIRRHUS fe plaint
qu'il éprouve feul la févérité des Dieux ;
il fait l'énumération des autres Héros
de la Gréce que l'on laiffe paiſiblement
emmener leurs Captives & en ufer
à leur volonté. Sur quoi l'intrépide
TÉLÉPHE l'encourage en ces termes.
,
» Eh bien , il faut braver l'orage :
» C'eft dans les grands revers que brille un grand
›› courage .
L'un & l'autre s'excitent à braver la
colère de JUNON.
Dans le deuxiéme A&te , la Scéne
eft au bord de la mer près des murs de
LARRISSE.
FEVRIER . 1763. 159
PIRRHUS vient prier la Mer de l'engloutir
, puifqu'il eft féparé de POLIXENE.
Soit par un accident naturel , foit
pour répondre à l'apoftrophe de PIRRHUS
, la Mer qui étoit calme commence
à s'agiter : PIRRRUS , par des
vers qui coupent la fymphonie , remarque
toutes les gradations de la
tempête qu'elle peint. Il craint que Po-
LIXENE n'en foit la victime. Sa crainte
redouble en appercevant des Vaiffeaux
prêts à périr. Il invoque THETIS : &
THETIS paroît ; tout eft bientôt calmé.
Elle fait une légére reprimande à fon
fils fur l'indifcrétion de fes feux. En lui
promettant de lui rendre fa Maîtreffe ,
elle l'avertit néanmoins de défarmer la
fureur de JUNON , parce que fon pou
voir limité ne pourroit le défendre contre
cette Déeffe .
PIRRHUS , qui n'eft occupé que de
fa paffion , exprime ainfi les premiers
mouvemens de fa joie , en quittant la
Scène :
» Je vais donc revoir POLIXENB ,
> Courons au- devant de ſes pas.
>> Si mon amour triomphe de ſa haine ,
>> Le courroux de Junon ne m'épouvante pas.
Des MATELOTS Theffaliens , échap
160 MERCURE DE FRANCE.
pés du naufrage forment un Divertiffement.
POLIXENE les fuivoit, elle arrive
à la fin de cette Scène. Les MATELOTS
& furtout les MATELOTES chantent
les douceurs de l'Amour. POLIXENE
dont cela aigrit la fituation , les fait écar
ter. Reftée feule , elle s'avoue & fe reproche
amérement le penchant qu'elle
éprouve pour PIRRHUS ; elle craint
qu'il ne life fa foibleffe à travers de fes
pleurs. Elle s'arme fi bien contre cette
foibleffe que dans la Scène qui fuit entre
elle & PIRRHUS , elle l'accable de
duretés , & finit par le prier de la laiffer
feule . HECUBE , échappée du même
naufrage , apparemment dans un autre
vaiffeau que celui qui portoit fa fille
furvient en ce moment. POLIXENE
vole dans fes bras. HECUBE apperçoit
PIRRHUS , le deftructeur de toute
fa Famille ; elle en frémit.
PIRRHUS à HECUBE.
» Ah ! voyez en PIRRHUS un Prince moins cou-
» pable.
HECUBE
» Je ne puis voir qu'un Vainqueur implacable ,
Dont l'afpect. eft pour moi plus cruel que la
» mort,
» O Dieux , pourquoi ce même orage,
» Qui m'a fait échouer ſur ce fatal rivage
» N'a t-il pas terminé mon fort?
FEVRIER. 1763.
161
POLIXENE veut la calmer , & en même
temps l'Amour , ingénieux à faifir
tous les pretexte , fe cache en elle fous le
motif de la piété filiale , pour implorer
PIRRHUS ; maisHECUBE s'en irrite.Ainfi
eftétabli dans cette Scène le caractère
altier de cette femme dont les Poëtes
ont toujours peint le défefpoir avec
les traits de la fureur. PIRRHUS néanmoins
ne répond à tant d'injures que
par ces vers adreffés à HECUBE.
>> Adoucir vos deftins , c'eft mon premier devoir:
» Oui , mon coeur n'en connoît plus d'autre.
» Ordonnez dans ces lieux , foumis à mon pou-
>> voir ;
» Tout mon bonheur dépend du vôtre.
HECUBE eft peu touchée d'une
proteftation auffi obligeante. POLIXENE
l'invite à goûter les douceurs de
l'efpoir elles joignent leurs voix pour
invoquer les Dieux.
Le troifiéme A&te commence dans
le Veftibule d'un Temple de Junon.
La Mufique peint un tremblement
de Terre. TELEPHE , feul alors fur la
Scène , annonce qu'à ce fléau fe joint
celui de la contagion.
162 MERCURE DE FRANCE.
» Un fouffe empoifonné , miniftre du trépas ,
» Moiffonne , à chaque inſtant , de nouvelles vic-
» times , &c .
Il craint que POLIXENE ne fuccombe
à ce danger ; il court pour la chercher
& pour l'en préferver. Il eft arrêté
par HECUBE qui connoît & approuve
fes feux . Elle lui préfente PIRRHUS
comme l'objet qui attire la colère
des Dieux ; elle veut engager cet
ami à l'immoler. Il en frémit. Sur quoi
HECUBE lui dit :
"
" · • ·
Il peut vous en punir.
S'il pénétre vos voeux ,
TELEPHE..
» Non , il eft magnanime.
HECUBE.
L'Amour jaloux eft toujours furieux.
TELEPH E.
Pirrhus eft un héros , il détefte le crime.
HECUBE lui rappelle en vain les
maux que PIRRHUS a faits à fa Patrie
à fa famille , & la mort que
PRIAM a reçue de fa main . TELEPHE ,
FEVRIER. 1763. 163
conftant dans fes principes , perfifte
dans fa réfiftance.
» La Victoire , ( dit-il , ) fouvent peut rendre
impitoyable ;
JJ
» Mais jamais d'un forfait je ne ferai coupable.
>
HECUBE , dans fa fureur , accufe
TELEPHE de lâcheté , elle trouvera
dit -elle, un autre bras pour la venger.
TELEPHE eft allarmé du danger où elle
va s'expofer ; mais cette femme violente
ne peut être détournée de fon
projet.
TELEPHE rend compte à POLIXENE
qui furvient , de la propofition barbare
que fa mère lui a faite. POLIXENE
en eft éffrayée pour PIRRHUS . Elle
ne peut diffimuler combien elle craint
l'effet du complot qu'HECUBE a formé.
Quoiqu'elle marque toute fa terreur
fur le danger qui menace fa mère
l'Amour jaloux éclaire TELEPHE fur
l'intérêt le plus fenfible pour POLIXENE.
Il lui déclare ouvertement fes foupçons.
Vous tremblez pour PIRRHUS , plus que pour
>>une mère .
164 MERCURE DE FRANCE.
POLIXENE veut s'en défendre ; mais
ce Prince , qui foutient toujours fon
caractère , calme ainfi les allarmes de
POLIXÉNE.
» Non , non , ( lui dit-i! ) ne craignez rien de
» mon amour extrême ;
>> Fe cours vous fatisfaire aux dépens de moi-
›› même :
Oui , je vais vous prouver que ce coeur ver-
>> tueux
Peut-être méritoit un fort moins malheureux.
POLIXENE, à elle- même , fe reproche
de n'avoir pu cacher des feux qu'elle
n'auroit jamais dû reffentir. Dans ce
moment les portes du Temple s'ouvrent,
& tout fe difpofe pour le facrifice qu'on
doit offrir à JUNON. Après les invocations
& les danfes religieufes des Prêtreffes
, interrompues par les cris doufoureux
des Peuples frappés de la contagion
, PIRRHUS vient lui-même invoquer
pour fes Peuples infortunés . La
Grande-Prêtreffe veut y joindre fes prières
; mais elle eft tout-à - coup faifie
d'un enthoufiafme prophétique , dont
les derniers vers contiennent l'Arrêt de
POLIXENE.
FEVRIER . 1763. 165
» Si vous voulez fléchir fa haine ,
Sur le tombeau d'ACHILLE immolez Po-
» LIXENE.
Les Prêtreffes rentrent. PIRRHUS
eft accablé de ce fatal oracle : les Peuples
généreux de LARISSE , tout fouffrans
qu'ils font , en murmurent . PIRRHUS
termine l'Acte en proteſtant qu'il
ne fouffrira pas que POLIXENE fubiffe
un fort auffi rigoureux.
Le quatrième Acte fe paffe dans le
Palais de PIRRHUS.
HECUBE n'a pû engager perfonne à
fervir fes deffeins
fanguinaires : elle en
eft furieuſe ; elle fe confole un moment
par un fentiment de courage.
» Ceſſons de vains regrets , je me reſte à moi-
» même.
Elle continue cependant à s'exciter à
la vengeance : elle fe promet de faire
du Palais un lieu d'horreur & de larmes
, fans s'expliquer fur les moyens .
POLIXENE vient apprendre en tremblant
à fa mère ce que l'Oracle a prononcé.
HECUBE dont la fureur fe
,
"
166 MERCURE DE FRANCE.
,
tourne alors contre JUNON. après
quelques imprécations contre les Dieux ,
promet à fa fille qu'elle ne périra pas.
TELEPHE peut , dit- elle , fauver fes
jours ; il a des Vaiffeaux & des Soldats
au rivage : elle va implorer fon
fecours.
POLIXENE , dans la fituation alors
de la fille de JEPHTE , n'eft pas d'abord
réfignée auffi modeftement : elle
ofe demander aux Dieux de quoi elle
eft coupable ? Mais bientôt elle fe reprend
.
ود
•
Je me plains du courroux du Ciel ,
» Quand je nourris un feu trop condamnable ! ..
Une réflexion tendre fuit ce repentir.
» Ah ! qui peut efpérer un fort plus favorable ,
» Si l'amour feul rend un coeur criminel ?
Les Peuples de Larriffe , moins généreux
par réfléxion , que dans le moment
qu'ils ont entendu prononcer la
mort de POLIXENE , demandent avec
rébellion que le facrifice s'achève .
PIRRHUS vient l'annoncerà POLIXENE;
celle-ci les plaint & les excufe : mais PIRRHUS
, dont le courage opiniâtre , ainfi
FEVRIER. 1763. 167
eſt
que l'acier , fe durcit fous les coups ,
PIRRHUS menace fes Peuples & JUNON
elle-même qu'il préviendra leur fureur.
Le moyen fur lequel il fe fonde
un paffage inconnu par lequel il peut la
faire échapper la nuit , conduite par fa
garde & par un Officier fidéle. POLIXENE
ne veut pas fuir fans fa mère .
PIRRHUS l'avoit prévu , tout eft difpofé
pour qu'elles partent enfemble.
POLIXENE qui n'a plus rien à ménager
, ne peut retenir une légère éffuion
de fa tendreffe pour PIRRHUS
dans le remerciment qu'elle lui fait .
POLIXENE à PIRRHUS.
» Plus vous vous montrez généreux ,
« Et plus je crains pour vous la colère des Dieux.
PIRRHUS.
» Quand POLIXENE à mon fort s'intéreſſe ,
» Pirrhus eft trop heureux.
» Le péril croît , craignez un Peuple furieux .
POLIXENE , àpart , en s'en allant.
» Qu'il en coûte à mon coeur pour cacher fa
> tendreſſe !
PIRRHUS s'applaudiffant déja du
fuccès de fon ftratagême , eft arrêté
168 MERCURE DE FRANCE.
par une main invifible . Il voit fortir de
Terre la JALOUSIE le DESESPOIR ,
la FUREUR & toute leur Suite . C'eſt ce
qui forme le Ballet dont nous avons
rendu compte dans le précédent Mercure
en parlant de la repréſentation de
cet Opéra.
PIRRHUS eft perfécuté par les flambeaux
de cette Troupe infernale ; le
poifon paffe dans fon coeur , il eft menacé
d'éprouver tous les tourmens qui
peuvent déchirer une âme , & la JALOUSIE
, laffe enfin de fa perfécution ,
finit la Scène avec lui comme ZORAÏ-
DE avec NINUS dans Pirame & Thibé.
ככ
LA JALOUSIE , à Pirrhus.
Téléphe adore Polixène ;
» Il eft prêt à te la ravir .
PIRRHUS fe difpofe à exhaler toute
la violence de la funefte paffion
qu'on vient de lui infpirer. TELEPHE
paroît , il fupporte d'abord les reproches
de fon ami ; TELEPHE a les forces
& la fermeté de la vertu ; il en accable
PIRRHUS à fon tour ; & celuici
, malgré les efforts de la JALOUSIE,
fecondée de la rage & du DÉSESPOIR,
céde auffitôt à ce pouvoir , & finit par
confier
FEVRIER . 1763. 169
confier fa maîtreffe à cet ami pour af
furer fa fuite , quoiqu'il le connoiffe
alors pour fon rival.
Dans le cinquième Acte le Théâtre
repréfente un Monument élevé aux Mánes
d'Achille. Un Autel eftfur le devant.
PIRRHUS eft feul , il s'applaudit d'avoir
pu triompher de lui-même ; il ne
fent pas moins ce qu'il lui en coûte. Il
termine fon Monologue par cette invocation
aux Mânes d'Achille.
» Mânes facrés , Ombre que je révére ,
» Et vous , Dieux tout-puiffans ! calmez votre
» colère ,
» Si l'Amour fit mon crime , hélas ! ce même
» Amour
» Met le comble à mes maux , & vous venge en
›› ce jour.
HECUBE vient apprendre à PIRRHUS
la mort de TELEPHE. Elle infulte
aux regrets fincères de ce Prince ,
en lui imputant la fin tragique de fon
ami. Elle prétend que c'eft lui -même
qui a guidé les affaffins dans les fentiers
obfcurs qui conduifoient au rivage.
PIRHUS , indigné , reprend en ce
moment la noble fierté d'où l'Amour
H
170 MERCURE DE FRANCE .
l'avoit fait defcendre dans tout le
cours de l'action , & répond à HECUBE.
>> Dieux , quelle horreur! qui , moi , quand , pour
>>fauver vos jours ,
» J'immolois jufqu'à ma tendreſſe !
» Quand , bravant de Junon la haine vengereffe ,
» Des maux de mes Sujets j'éternifois le cours !
HECUBE ne fe rend point ; elle perfifte
dans fes reproches injurieux . PIRRHUS
, dont la patience eft épuisée ,
lui dit enfin :
» C'en eft trop, je voulois aux dépens de ma vie ,
» Arracher votre fille à la mort :
» Mais , qu'elle vive ....ou qu'on la faerifie ....
» PIRRHUS l'abandonne à fon fort.
;
HECUBE , alors change de ton &
devient fuppliante , pour engager PIRRHUS
à fauver les jours de fa fille
mais c'eft en vain , PIRRHUS eft devenu
inexorable : la furieuſe HECUBE
apperçoit en ce moment POLIXENE ,
entre les mains des Sacrificateurs . &
ornée des funeftes guirlandes dont on
paroit les victimes . Elle ne fe contient
plus : elle tire un poignard de deffous fon
vêtement & le léve fur PIRRHUS . POFEVRIER.
1763. 171
LIXENE s'élance entre - deux & arrache
le poignard des mains d'HECUBE
en difant :
» Je frémis :
HECUBE.
» C'eft POLIXENT
» Qui vient défarmer ma fureur. "
POLIXEN E.
>>J'ai laiffé voir le fecret de mon coeur ;
» Si je mérite votre haine ,
» Bientôt ma mort ....
PIRRHUS .
Non plutôt qu'en ce jour
» Et la flamme & le fer dévaſtent ce féjour.
Le Grand- Prêtre reclame contre cet
irréligieux attentat de PIRHHUS, Ce
Prince animé par la déclaration de Po-
LIXENE , s'opiniâtre davantage contre
l'ordre des Dieux . Loin d'en être puni ,
le Monument s'ouvre . L'Ombre d'Achille
paroît , pour annoncer à PIRRHUS
le fort le plus flatteur.
»Pirrhus , au deftin le plus doux ,
»Le Ciel vous permet de prétendre :
» THÉTIS a de JUNON défarmé le courroux.
PIRRHUS remercie ; l'Ombre porte
fa bienfaifante attention jufqu'à or-
Hij
172 MERCURE DE FRANCE
donner elle-même la fête de ce grand
jour,
PIRRHUS demande l'aveu de Po-
LIXENE , qui à fon tour follicite celui
de fa mère. La cruelle HECUBE s'adoucit.
Les Guerriers & les Peuples
viennent célébrer l'hymen de PIRRHUS
& de POLIXENE,
OBSERVATIONS fur le Poëme
de POLIXENE.
Le Sujet que l'Auteur a choifi pour le premier
effai de fa Muſe avoit été traité plufieurs fois au
Théâtre Lyrique , mais toujours fans fuccès.
On ne peut refuſer à ce nouveau Poëme une
conduite raiſonnée , une action bien liée & des
Scènes affez réguliérement filées. Cependant il a
été l'objet de quelques cenfures , tant verbales ,
qu'imprimées dans des Ecrits publics . Nous altons
chercher à les réfumer & à les difcuter
par une critique impartiale , moins en faveur de
l'Auteur , qui fans doute le défendroit mieux luimême
, que pour l'intérêt de l'art dramatique
qui ne peut que gagner à ces fortes de difcuffions
, attendu qu'il n'y a pas encore de Poëtique
bien arrêtée pour ce genre de Poëmes.
En convenant que la fable de ce Drame eft
bien foutenue , on reproche d'abord qu'elle eft
contraire à ce que nous fçavons tous fur PIRRHUS
&fur POLIXENE. A cet égard le reproche
tombe de lui - même , fi cela a fervi à traiter
plus heureufement ce Sujet qu'il ne l'avoit été
auparavant, Il feroit dangereux néanmoins que
FEVRIER. 1763. 173
ces exemples fe multipliaffent , & qu'on y fût encouragé
par des fuccès ; car il eft des bornes aux
licences les plus étendues dans les Arts. On permet
au Peintre d'Hiftoire d'orner ſes ſujets , de
les modifier même à fon avantage ; mais on
ne lui pardonneroit pas de nous repréſenter les
grands traits hiſtoriques ou poëtiques d'une manière
trop oppofée à la connoiffance générale des
faits. On ne doit pas s'arrêter davantage aux inimitiés
des Pères de PIRRHUS & de TELEPHE
ni au paffage de ce dernier , de la Troade en Europe
pour retourner en Myfie. Il n'eft pas hors
du cours naturel des événemens & fur-tour
entre les héros , de voir une amitié très-étroite
entre les enfans d'ennemis irréconciliables. Quant
au voyage de TELEPHE , on ne voit pas quel eft
l'inconvénient de faire prendre le plus long à un
héros d'Opéra , lorsque cela peut être utile à la
conftitution d'un bon Poëme.
>
Il eft des queſtions plus importantes fur les
caractères des perfonnages & fur quelques parties
de la conduite de ce Poëme . 1º . Sur les caractères.
Le perfonnage fubordonné ( TELEPHE )
paroît , dit-on , fait pour être le plus intéreffant ,
parce qu'il eft le plus eftimable. En effet , ce caractère
, qui eft très- bien foutenu , a tous les avantages
de la vertu & du véritable courage , fans
en avoir le fafte , & il ſe manifefte dans tout le
drame , non par un vain étalage des maximes ,
mais par des actions dignes de toucher tous les
coeurs honnêtes. Cependant c'eſt le feul des perfonnages
véritablement malheureux dans le cours
de l'action , & le feul qui périffe à fon dénoûment.
A cela nous croyons que l'Auteur pourroit
répondre , qu'on eft obligé fouvent de mettre
le principal mobile de l'action dans les perfonf
H iij
174 MERCURE DE FRANCE.
nages fubordonnés , plutôt que dans les perfor
wages principaux. Que fi quelquefois la fcélérarelle
de ces feconds perfonnages eſt néceffaire au
mouvement de l'action & à l'intérêt des perſon ·
nagesprincipaux , lorfqu'ils font vertueux; d'autres
fois , par des moyens contraires , c'eſt la vertu de
ces perfonnages fubfidiaires qui fert à mettre dans
des fituations plus intéreffantes des caractères
mêlés de vices & de foibleffes , lefquels ne font
pas les moins propres à l'intérêt théâtral , &
prèfque toujours plus que les caractères entiérement
vertueux. De la première eſpéce font ici
les caractéres de PIRRHUS & de POLIXENÉ .
L'Auteur a donc dû les conftituer ainfi pour
remplir fon objet. Mais à l'égard de POLIXENE ,
fi l'on demande comment a-t- elle pû fe prendre
d'un penchant fi tendre & fi invincible pour un
Prince dont le premier aſpect ne lui a offert qu'un
vainqueur implacable , le fer & le feu à la main ,
ravageant fa Patrie , maflacrant tous les fiens
& particuliérement fon père , ce qui eſt ſpécialement
énoncé dans le Drame? Comment , malgré
la clémence de l'Ombre d'ACHILLE , cet
autre ennemi furieux de fa famille , comment ,
dit-on encore , peut- elle conſentir à recevoir une
main encore fumante d'un fang fi cher & fi refpectable
pour elle ? A cela nous convenons que
fi l'on ne confultoit que les moeurs & la nature
pour ces fortes de Poëmes , il feroit peut- être affez
difficile de répondre.
Quant à la conduite , il nous paroît que le
reproche qu'on fait à PIRRHUS de faire refter
TELEPHE avec lui , lorſqu'il eſt menacé par Ju-
NON n'eft pas auffi bien fondé que les autres.
Non feulement on fent bien que l'Auteur
avoit befoin de TELEPHE pour le fil de fon
FEVRIER . 1763. 175
fût
pas
action mais il a trouvé par - là , le moyen
de préfenter une vérité morale , bien importante
, contre les prétendus efprits-forts ,
qui cherchent toujours à affocier autant qu'ils
peuvent des complices contre le Ciel , & qui
femblent ne réunir leurs forces contre fes décrets
que pour mieux laiffer voir leur foibleſſe.
Il est peut- être vrai , comme on l'a remar
qué , que la colere des Dieux vengeurs n'y eft
pas peinte fous des couleurs bien redoutables.
Mais indépendamment du befoin qu'il y avoit
pour la marche de l'action que PIRRHUS ne
arrêté par un pouvoir irréfiftible dans la
paffion ; d'autre part , les Dieux font-ils moins
véritablement repréſentés par la rigueur des
châtimens que par les effets de leur clémence ?
Ce qui femble un peu plus difficile à concilier
eft l'appareil terrible & tous les efforts de la ALOUSIE
en perfonne avec la RAGE , le DESESPOIR
& tout l'Enfer déchaîné , pour verfer leur
fatal poifon dans le coeur de PIRRHUS , avec le
peu d'effet que cela produir fur lui , par la facilité
que TELEPHE trouve l'inftant d'après à le
calmer , & le confentement qu'il apporte à lui
remettre fa Maitreffe entre les mains. Paffant
aux détails , nous répondrons à ceux qui demanderoient
dans ce Poëme plus de Madrigaux
, plus de ces phrafes qui développent lesfentimens
du coeur ou les fentimens de l'efprit , que
le courage d'avoir fçû fe paffer de ces brillans
Lecours , en mérite d'autant plus d'éloges dans
un temps où l'on fait de ces frivoles Beautés
un abus , que les mêmes Critiques , qui les régrettent
davantage en cette occafion , condamnent
avec austérité dans tous les ouvrages modernes.
Peut-être eft- ce par un même motif , que
H iv
176 MERCURE DE FRANCE.
l'Auteur a dédaigné les négligences de ftyle , les
enjambemens de vers , & les répétitions des confonnes
dures dans un même vers , & qui fonnent mal
à l'oreille. La facilité d'éviter ce que la critique
reproche à cette égard , doit laiffer croire que
l'Auteur a facrifié volontiers cette molle & facile
délicateffe à l'énergie du fens & à l'éxactitude
du Dialogue lorfqu'il à crû qu'elle auroit
pû y mettre obftack .
On continue cet Opéra trois jours
de la femaine . N'étant pas informés ,
lorfque nous avons rendu compte de
la premiere repréſentation , que le Ballet
de la Jaloufie au quatriéme Acte
étoit de la compofition de M. de LAVAL
, nous avons obmis alors de faire
mention de cette circonftance .
Le Jeudi 20 Janvier on a remis les
Fêtes Grecques & Romaines , Ballet ,
pour le continuer les Jeudis fuivans . Le
Public a paru très-fatisfait de revoir cet
Opéra.
EXTRAIT DE POLIXENE ,
Tragédie de M. JOLIVEAU , Secrétaire
perpétuel de l'Académie Royale
de Mufique , mife en Mufique par
M. DAUVERGNE , Maître de Mufique
de la Chambre du Ro1.
PERSONNAGES.
PIRRHUS , fils d'Achille ,
TELEPHE , Prince des Myfiens.
HECUBE , Veuve de PRIAM ,
POLIXENE , fille d'HECUBE &
de PRIAM ,
JUNON
ACTEURS.
M. Geline
M. Pillot
Mlle Chevalier.
Mile Arnoud
THETIS , Mlle Rozet
LA GRANDE- PRESTRESSE DE
JUNON , Mlle Riviere,
LE GRAND-PRESTRE D'ACHILLE , M. Joli.
UN THESSALIEN ,
L'OMBRE D'ACHILLE ,
UNE TROYENNE ,
UNE THESSALIENNE ,
M. Durand.
LA JALOUSIE ,
LE DESESPOIR ,
LA
FUREUR ,
MlleBernard.
M. Larrivée.
M. Joli.
M. Muguet
FEVRIER. 1763. 157
Au premier Acte , la Scène eft dans
une Place publique de la Ville de LARRISSE
, ornée pour le triomphe de
PIRRHUS.
TELEPHE , en interrogeant PIRRHUS
fur ce qui peut troubler fon coeur ,
lorfque tout concourt à le faire jouir
d'un deftin heureux apprend qu'il
aime POLIXENE , & qu'il eft fon rival.
C'eft dans l'horreur de la deftruction
de Troye que PIRRHUS a conçu
cette funefte paffion. Il amenoit Po-
LIXENE dans fes Etats ; mais un orage
a féparé fes vaiffeaux de ceux qui la
conduifoient. TELEPHE , fans découvrir
fes feux s'efforce en vain de
combattre la paffion de PIRRHUS . La
cérémonie du triomphe de ce dernier interrompt
leur dialogue . Les Peuples &
les Guerriers. Theffaliens conduisent des
Captifs Troyens enchaînés ; ils chantent
les louanges de PIRRHUS. Ce Roi fait
ôter les fers aux Troyens , en diſant
»De ces Captifs qu'on détache les chaînes ;
» lls en ont trop fenti le poids:
>
» Que leurs coeurs connoiffent mes loir
Par les bienfaits & non pas par les peines.
Auffi-tôt , pour prix de leur liberté
158 MERCURE DE FRANCE.
ces Captifs témoignent leur reconnoiffance
en danfant , & fe joignent aux
Sujets de PIRRHUS pour célébrer fa
bonté. La Paix & l'Amour ont leur
part des éloges. On entend un bruit
finiftre ; c'eft JUNON qui du haut des
airs reproche à PIRRHUS un amour qui
l'offenfe. Elle menace les TROYENS ,
qu'elle pourfuit, & PIRRHUS lui- même,
des plus terribles traits de fa vengeance .
PIRRHUS qui n'envifage qu'un
avenir funefte , prie TELEPHE de ne
le pas abandonner. PIRRHUS fe plaint
qu'il éprouve feul la févérité des Dieux ;
il fait l'énumération des autres Héros
de la Gréce que l'on laiffe paiſiblement
emmener leurs Captives & en ufer
à leur volonté. Sur quoi l'intrépide
TÉLÉPHE l'encourage en ces termes.
,
» Eh bien , il faut braver l'orage :
» C'eft dans les grands revers que brille un grand
›› courage .
L'un & l'autre s'excitent à braver la
colère de JUNON.
Dans le deuxiéme A&te , la Scéne
eft au bord de la mer près des murs de
LARRISSE.
FEVRIER . 1763. 159
PIRRHUS vient prier la Mer de l'engloutir
, puifqu'il eft féparé de POLIXENE.
Soit par un accident naturel , foit
pour répondre à l'apoftrophe de PIRRHUS
, la Mer qui étoit calme commence
à s'agiter : PIRRRUS , par des
vers qui coupent la fymphonie , remarque
toutes les gradations de la
tempête qu'elle peint. Il craint que Po-
LIXENE n'en foit la victime. Sa crainte
redouble en appercevant des Vaiffeaux
prêts à périr. Il invoque THETIS : &
THETIS paroît ; tout eft bientôt calmé.
Elle fait une légére reprimande à fon
fils fur l'indifcrétion de fes feux. En lui
promettant de lui rendre fa Maîtreffe ,
elle l'avertit néanmoins de défarmer la
fureur de JUNON , parce que fon pou
voir limité ne pourroit le défendre contre
cette Déeffe .
PIRRHUS , qui n'eft occupé que de
fa paffion , exprime ainfi les premiers
mouvemens de fa joie , en quittant la
Scène :
» Je vais donc revoir POLIXENB ,
> Courons au- devant de ſes pas.
>> Si mon amour triomphe de ſa haine ,
>> Le courroux de Junon ne m'épouvante pas.
Des MATELOTS Theffaliens , échap
160 MERCURE DE FRANCE.
pés du naufrage forment un Divertiffement.
POLIXENE les fuivoit, elle arrive
à la fin de cette Scène. Les MATELOTS
& furtout les MATELOTES chantent
les douceurs de l'Amour. POLIXENE
dont cela aigrit la fituation , les fait écar
ter. Reftée feule , elle s'avoue & fe reproche
amérement le penchant qu'elle
éprouve pour PIRRHUS ; elle craint
qu'il ne life fa foibleffe à travers de fes
pleurs. Elle s'arme fi bien contre cette
foibleffe que dans la Scène qui fuit entre
elle & PIRRHUS , elle l'accable de
duretés , & finit par le prier de la laiffer
feule . HECUBE , échappée du même
naufrage , apparemment dans un autre
vaiffeau que celui qui portoit fa fille
furvient en ce moment. POLIXENE
vole dans fes bras. HECUBE apperçoit
PIRRHUS , le deftructeur de toute
fa Famille ; elle en frémit.
PIRRHUS à HECUBE.
» Ah ! voyez en PIRRHUS un Prince moins cou-
» pable.
HECUBE
» Je ne puis voir qu'un Vainqueur implacable ,
Dont l'afpect. eft pour moi plus cruel que la
» mort,
» O Dieux , pourquoi ce même orage,
» Qui m'a fait échouer ſur ce fatal rivage
» N'a t-il pas terminé mon fort?
FEVRIER. 1763.
161
POLIXENE veut la calmer , & en même
temps l'Amour , ingénieux à faifir
tous les pretexte , fe cache en elle fous le
motif de la piété filiale , pour implorer
PIRRHUS ; maisHECUBE s'en irrite.Ainfi
eftétabli dans cette Scène le caractère
altier de cette femme dont les Poëtes
ont toujours peint le défefpoir avec
les traits de la fureur. PIRRHUS néanmoins
ne répond à tant d'injures que
par ces vers adreffés à HECUBE.
>> Adoucir vos deftins , c'eft mon premier devoir:
» Oui , mon coeur n'en connoît plus d'autre.
» Ordonnez dans ces lieux , foumis à mon pou-
>> voir ;
» Tout mon bonheur dépend du vôtre.
HECUBE eft peu touchée d'une
proteftation auffi obligeante. POLIXENE
l'invite à goûter les douceurs de
l'efpoir elles joignent leurs voix pour
invoquer les Dieux.
Le troifiéme A&te commence dans
le Veftibule d'un Temple de Junon.
La Mufique peint un tremblement
de Terre. TELEPHE , feul alors fur la
Scène , annonce qu'à ce fléau fe joint
celui de la contagion.
162 MERCURE DE FRANCE.
» Un fouffe empoifonné , miniftre du trépas ,
» Moiffonne , à chaque inſtant , de nouvelles vic-
» times , &c .
Il craint que POLIXENE ne fuccombe
à ce danger ; il court pour la chercher
& pour l'en préferver. Il eft arrêté
par HECUBE qui connoît & approuve
fes feux . Elle lui préfente PIRRHUS
comme l'objet qui attire la colère
des Dieux ; elle veut engager cet
ami à l'immoler. Il en frémit. Sur quoi
HECUBE lui dit :
"
" · • ·
Il peut vous en punir.
S'il pénétre vos voeux ,
TELEPHE..
» Non , il eft magnanime.
HECUBE.
L'Amour jaloux eft toujours furieux.
TELEPH E.
Pirrhus eft un héros , il détefte le crime.
HECUBE lui rappelle en vain les
maux que PIRRHUS a faits à fa Patrie
à fa famille , & la mort que
PRIAM a reçue de fa main . TELEPHE ,
FEVRIER. 1763. 163
conftant dans fes principes , perfifte
dans fa réfiftance.
» La Victoire , ( dit-il , ) fouvent peut rendre
impitoyable ;
JJ
» Mais jamais d'un forfait je ne ferai coupable.
>
HECUBE , dans fa fureur , accufe
TELEPHE de lâcheté , elle trouvera
dit -elle, un autre bras pour la venger.
TELEPHE eft allarmé du danger où elle
va s'expofer ; mais cette femme violente
ne peut être détournée de fon
projet.
TELEPHE rend compte à POLIXENE
qui furvient , de la propofition barbare
que fa mère lui a faite. POLIXENE
en eft éffrayée pour PIRRHUS . Elle
ne peut diffimuler combien elle craint
l'effet du complot qu'HECUBE a formé.
Quoiqu'elle marque toute fa terreur
fur le danger qui menace fa mère
l'Amour jaloux éclaire TELEPHE fur
l'intérêt le plus fenfible pour POLIXENE.
Il lui déclare ouvertement fes foupçons.
Vous tremblez pour PIRRHUS , plus que pour
>>une mère .
164 MERCURE DE FRANCE.
POLIXENE veut s'en défendre ; mais
ce Prince , qui foutient toujours fon
caractère , calme ainfi les allarmes de
POLIXÉNE.
» Non , non , ( lui dit-i! ) ne craignez rien de
» mon amour extrême ;
>> Fe cours vous fatisfaire aux dépens de moi-
›› même :
Oui , je vais vous prouver que ce coeur ver-
>> tueux
Peut-être méritoit un fort moins malheureux.
POLIXENE, à elle- même , fe reproche
de n'avoir pu cacher des feux qu'elle
n'auroit jamais dû reffentir. Dans ce
moment les portes du Temple s'ouvrent,
& tout fe difpofe pour le facrifice qu'on
doit offrir à JUNON. Après les invocations
& les danfes religieufes des Prêtreffes
, interrompues par les cris doufoureux
des Peuples frappés de la contagion
, PIRRHUS vient lui-même invoquer
pour fes Peuples infortunés . La
Grande-Prêtreffe veut y joindre fes prières
; mais elle eft tout-à - coup faifie
d'un enthoufiafme prophétique , dont
les derniers vers contiennent l'Arrêt de
POLIXENE.
FEVRIER . 1763. 165
» Si vous voulez fléchir fa haine ,
Sur le tombeau d'ACHILLE immolez Po-
» LIXENE.
Les Prêtreffes rentrent. PIRRHUS
eft accablé de ce fatal oracle : les Peuples
généreux de LARISSE , tout fouffrans
qu'ils font , en murmurent . PIRRHUS
termine l'Acte en proteſtant qu'il
ne fouffrira pas que POLIXENE fubiffe
un fort auffi rigoureux.
Le quatrième Acte fe paffe dans le
Palais de PIRRHUS.
HECUBE n'a pû engager perfonne à
fervir fes deffeins
fanguinaires : elle en
eft furieuſe ; elle fe confole un moment
par un fentiment de courage.
» Ceſſons de vains regrets , je me reſte à moi-
» même.
Elle continue cependant à s'exciter à
la vengeance : elle fe promet de faire
du Palais un lieu d'horreur & de larmes
, fans s'expliquer fur les moyens .
POLIXENE vient apprendre en tremblant
à fa mère ce que l'Oracle a prononcé.
HECUBE dont la fureur fe
,
"
166 MERCURE DE FRANCE.
,
tourne alors contre JUNON. après
quelques imprécations contre les Dieux ,
promet à fa fille qu'elle ne périra pas.
TELEPHE peut , dit- elle , fauver fes
jours ; il a des Vaiffeaux & des Soldats
au rivage : elle va implorer fon
fecours.
POLIXENE , dans la fituation alors
de la fille de JEPHTE , n'eft pas d'abord
réfignée auffi modeftement : elle
ofe demander aux Dieux de quoi elle
eft coupable ? Mais bientôt elle fe reprend
.
ود
•
Je me plains du courroux du Ciel ,
» Quand je nourris un feu trop condamnable ! ..
Une réflexion tendre fuit ce repentir.
» Ah ! qui peut efpérer un fort plus favorable ,
» Si l'amour feul rend un coeur criminel ?
Les Peuples de Larriffe , moins généreux
par réfléxion , que dans le moment
qu'ils ont entendu prononcer la
mort de POLIXENE , demandent avec
rébellion que le facrifice s'achève .
PIRRHUS vient l'annoncerà POLIXENE;
celle-ci les plaint & les excufe : mais PIRRHUS
, dont le courage opiniâtre , ainfi
FEVRIER. 1763. 167
eſt
que l'acier , fe durcit fous les coups ,
PIRRHUS menace fes Peuples & JUNON
elle-même qu'il préviendra leur fureur.
Le moyen fur lequel il fe fonde
un paffage inconnu par lequel il peut la
faire échapper la nuit , conduite par fa
garde & par un Officier fidéle. POLIXENE
ne veut pas fuir fans fa mère .
PIRRHUS l'avoit prévu , tout eft difpofé
pour qu'elles partent enfemble.
POLIXENE qui n'a plus rien à ménager
, ne peut retenir une légère éffuion
de fa tendreffe pour PIRRHUS
dans le remerciment qu'elle lui fait .
POLIXENE à PIRRHUS.
» Plus vous vous montrez généreux ,
« Et plus je crains pour vous la colère des Dieux.
PIRRHUS.
» Quand POLIXENE à mon fort s'intéreſſe ,
» Pirrhus eft trop heureux.
» Le péril croît , craignez un Peuple furieux .
POLIXENE , àpart , en s'en allant.
» Qu'il en coûte à mon coeur pour cacher fa
> tendreſſe !
PIRRHUS s'applaudiffant déja du
fuccès de fon ftratagême , eft arrêté
168 MERCURE DE FRANCE.
par une main invifible . Il voit fortir de
Terre la JALOUSIE le DESESPOIR ,
la FUREUR & toute leur Suite . C'eſt ce
qui forme le Ballet dont nous avons
rendu compte dans le précédent Mercure
en parlant de la repréſentation de
cet Opéra.
PIRRHUS eft perfécuté par les flambeaux
de cette Troupe infernale ; le
poifon paffe dans fon coeur , il eft menacé
d'éprouver tous les tourmens qui
peuvent déchirer une âme , & la JALOUSIE
, laffe enfin de fa perfécution ,
finit la Scène avec lui comme ZORAÏ-
DE avec NINUS dans Pirame & Thibé.
ככ
LA JALOUSIE , à Pirrhus.
Téléphe adore Polixène ;
» Il eft prêt à te la ravir .
PIRRHUS fe difpofe à exhaler toute
la violence de la funefte paffion
qu'on vient de lui infpirer. TELEPHE
paroît , il fupporte d'abord les reproches
de fon ami ; TELEPHE a les forces
& la fermeté de la vertu ; il en accable
PIRRHUS à fon tour ; & celuici
, malgré les efforts de la JALOUSIE,
fecondée de la rage & du DÉSESPOIR,
céde auffitôt à ce pouvoir , & finit par
confier
FEVRIER . 1763. 169
confier fa maîtreffe à cet ami pour af
furer fa fuite , quoiqu'il le connoiffe
alors pour fon rival.
Dans le cinquième Acte le Théâtre
repréfente un Monument élevé aux Mánes
d'Achille. Un Autel eftfur le devant.
PIRRHUS eft feul , il s'applaudit d'avoir
pu triompher de lui-même ; il ne
fent pas moins ce qu'il lui en coûte. Il
termine fon Monologue par cette invocation
aux Mânes d'Achille.
» Mânes facrés , Ombre que je révére ,
» Et vous , Dieux tout-puiffans ! calmez votre
» colère ,
» Si l'Amour fit mon crime , hélas ! ce même
» Amour
» Met le comble à mes maux , & vous venge en
›› ce jour.
HECUBE vient apprendre à PIRRHUS
la mort de TELEPHE. Elle infulte
aux regrets fincères de ce Prince ,
en lui imputant la fin tragique de fon
ami. Elle prétend que c'eft lui -même
qui a guidé les affaffins dans les fentiers
obfcurs qui conduifoient au rivage.
PIRHUS , indigné , reprend en ce
moment la noble fierté d'où l'Amour
H
170 MERCURE DE FRANCE .
l'avoit fait defcendre dans tout le
cours de l'action , & répond à HECUBE.
>> Dieux , quelle horreur! qui , moi , quand , pour
>>fauver vos jours ,
» J'immolois jufqu'à ma tendreſſe !
» Quand , bravant de Junon la haine vengereffe ,
» Des maux de mes Sujets j'éternifois le cours !
HECUBE ne fe rend point ; elle perfifte
dans fes reproches injurieux . PIRRHUS
, dont la patience eft épuisée ,
lui dit enfin :
» C'en eft trop, je voulois aux dépens de ma vie ,
» Arracher votre fille à la mort :
» Mais , qu'elle vive ....ou qu'on la faerifie ....
» PIRRHUS l'abandonne à fon fort.
;
HECUBE , alors change de ton &
devient fuppliante , pour engager PIRRHUS
à fauver les jours de fa fille
mais c'eft en vain , PIRRHUS eft devenu
inexorable : la furieuſe HECUBE
apperçoit en ce moment POLIXENE ,
entre les mains des Sacrificateurs . &
ornée des funeftes guirlandes dont on
paroit les victimes . Elle ne fe contient
plus : elle tire un poignard de deffous fon
vêtement & le léve fur PIRRHUS . POFEVRIER.
1763. 171
LIXENE s'élance entre - deux & arrache
le poignard des mains d'HECUBE
en difant :
» Je frémis :
HECUBE.
» C'eft POLIXENT
» Qui vient défarmer ma fureur. "
POLIXEN E.
>>J'ai laiffé voir le fecret de mon coeur ;
» Si je mérite votre haine ,
» Bientôt ma mort ....
PIRRHUS .
Non plutôt qu'en ce jour
» Et la flamme & le fer dévaſtent ce féjour.
Le Grand- Prêtre reclame contre cet
irréligieux attentat de PIRHHUS, Ce
Prince animé par la déclaration de Po-
LIXENE , s'opiniâtre davantage contre
l'ordre des Dieux . Loin d'en être puni ,
le Monument s'ouvre . L'Ombre d'Achille
paroît , pour annoncer à PIRRHUS
le fort le plus flatteur.
»Pirrhus , au deftin le plus doux ,
»Le Ciel vous permet de prétendre :
» THÉTIS a de JUNON défarmé le courroux.
PIRRHUS remercie ; l'Ombre porte
fa bienfaifante attention jufqu'à or-
Hij
172 MERCURE DE FRANCE
donner elle-même la fête de ce grand
jour,
PIRRHUS demande l'aveu de Po-
LIXENE , qui à fon tour follicite celui
de fa mère. La cruelle HECUBE s'adoucit.
Les Guerriers & les Peuples
viennent célébrer l'hymen de PIRRHUS
& de POLIXENE,
OBSERVATIONS fur le Poëme
de POLIXENE.
Le Sujet que l'Auteur a choifi pour le premier
effai de fa Muſe avoit été traité plufieurs fois au
Théâtre Lyrique , mais toujours fans fuccès.
On ne peut refuſer à ce nouveau Poëme une
conduite raiſonnée , une action bien liée & des
Scènes affez réguliérement filées. Cependant il a
été l'objet de quelques cenfures , tant verbales ,
qu'imprimées dans des Ecrits publics . Nous altons
chercher à les réfumer & à les difcuter
par une critique impartiale , moins en faveur de
l'Auteur , qui fans doute le défendroit mieux luimême
, que pour l'intérêt de l'art dramatique
qui ne peut que gagner à ces fortes de difcuffions
, attendu qu'il n'y a pas encore de Poëtique
bien arrêtée pour ce genre de Poëmes.
En convenant que la fable de ce Drame eft
bien foutenue , on reproche d'abord qu'elle eft
contraire à ce que nous fçavons tous fur PIRRHUS
&fur POLIXENE. A cet égard le reproche
tombe de lui - même , fi cela a fervi à traiter
plus heureufement ce Sujet qu'il ne l'avoit été
auparavant, Il feroit dangereux néanmoins que
FEVRIER. 1763. 173
ces exemples fe multipliaffent , & qu'on y fût encouragé
par des fuccès ; car il eft des bornes aux
licences les plus étendues dans les Arts. On permet
au Peintre d'Hiftoire d'orner ſes ſujets , de
les modifier même à fon avantage ; mais on
ne lui pardonneroit pas de nous repréſenter les
grands traits hiſtoriques ou poëtiques d'une manière
trop oppofée à la connoiffance générale des
faits. On ne doit pas s'arrêter davantage aux inimitiés
des Pères de PIRRHUS & de TELEPHE
ni au paffage de ce dernier , de la Troade en Europe
pour retourner en Myfie. Il n'eft pas hors
du cours naturel des événemens & fur-tour
entre les héros , de voir une amitié très-étroite
entre les enfans d'ennemis irréconciliables. Quant
au voyage de TELEPHE , on ne voit pas quel eft
l'inconvénient de faire prendre le plus long à un
héros d'Opéra , lorsque cela peut être utile à la
conftitution d'un bon Poëme.
>
Il eft des queſtions plus importantes fur les
caractères des perfonnages & fur quelques parties
de la conduite de ce Poëme . 1º . Sur les caractères.
Le perfonnage fubordonné ( TELEPHE )
paroît , dit-on , fait pour être le plus intéreffant ,
parce qu'il eft le plus eftimable. En effet , ce caractère
, qui eft très- bien foutenu , a tous les avantages
de la vertu & du véritable courage , fans
en avoir le fafte , & il ſe manifefte dans tout le
drame , non par un vain étalage des maximes ,
mais par des actions dignes de toucher tous les
coeurs honnêtes. Cependant c'eſt le feul des perfonnages
véritablement malheureux dans le cours
de l'action , & le feul qui périffe à fon dénoûment.
A cela nous croyons que l'Auteur pourroit
répondre , qu'on eft obligé fouvent de mettre
le principal mobile de l'action dans les perfonf
H iij
174 MERCURE DE FRANCE.
nages fubordonnés , plutôt que dans les perfor
wages principaux. Que fi quelquefois la fcélérarelle
de ces feconds perfonnages eſt néceffaire au
mouvement de l'action & à l'intérêt des perſon ·
nagesprincipaux , lorfqu'ils font vertueux; d'autres
fois , par des moyens contraires , c'eſt la vertu de
ces perfonnages fubfidiaires qui fert à mettre dans
des fituations plus intéreffantes des caractères
mêlés de vices & de foibleffes , lefquels ne font
pas les moins propres à l'intérêt théâtral , &
prèfque toujours plus que les caractères entiérement
vertueux. De la première eſpéce font ici
les caractéres de PIRRHUS & de POLIXENÉ .
L'Auteur a donc dû les conftituer ainfi pour
remplir fon objet. Mais à l'égard de POLIXENE ,
fi l'on demande comment a-t- elle pû fe prendre
d'un penchant fi tendre & fi invincible pour un
Prince dont le premier aſpect ne lui a offert qu'un
vainqueur implacable , le fer & le feu à la main ,
ravageant fa Patrie , maflacrant tous les fiens
& particuliérement fon père , ce qui eſt ſpécialement
énoncé dans le Drame? Comment , malgré
la clémence de l'Ombre d'ACHILLE , cet
autre ennemi furieux de fa famille , comment ,
dit-on encore , peut- elle conſentir à recevoir une
main encore fumante d'un fang fi cher & fi refpectable
pour elle ? A cela nous convenons que
fi l'on ne confultoit que les moeurs & la nature
pour ces fortes de Poëmes , il feroit peut- être affez
difficile de répondre.
Quant à la conduite , il nous paroît que le
reproche qu'on fait à PIRRHUS de faire refter
TELEPHE avec lui , lorſqu'il eſt menacé par Ju-
NON n'eft pas auffi bien fondé que les autres.
Non feulement on fent bien que l'Auteur
avoit befoin de TELEPHE pour le fil de fon
FEVRIER . 1763. 175
fût
pas
action mais il a trouvé par - là , le moyen
de préfenter une vérité morale , bien importante
, contre les prétendus efprits-forts ,
qui cherchent toujours à affocier autant qu'ils
peuvent des complices contre le Ciel , & qui
femblent ne réunir leurs forces contre fes décrets
que pour mieux laiffer voir leur foibleſſe.
Il est peut- être vrai , comme on l'a remar
qué , que la colere des Dieux vengeurs n'y eft
pas peinte fous des couleurs bien redoutables.
Mais indépendamment du befoin qu'il y avoit
pour la marche de l'action que PIRRHUS ne
arrêté par un pouvoir irréfiftible dans la
paffion ; d'autre part , les Dieux font-ils moins
véritablement repréſentés par la rigueur des
châtimens que par les effets de leur clémence ?
Ce qui femble un peu plus difficile à concilier
eft l'appareil terrible & tous les efforts de la ALOUSIE
en perfonne avec la RAGE , le DESESPOIR
& tout l'Enfer déchaîné , pour verfer leur
fatal poifon dans le coeur de PIRRHUS , avec le
peu d'effet que cela produir fur lui , par la facilité
que TELEPHE trouve l'inftant d'après à le
calmer , & le confentement qu'il apporte à lui
remettre fa Maitreffe entre les mains. Paffant
aux détails , nous répondrons à ceux qui demanderoient
dans ce Poëme plus de Madrigaux
, plus de ces phrafes qui développent lesfentimens
du coeur ou les fentimens de l'efprit , que
le courage d'avoir fçû fe paffer de ces brillans
Lecours , en mérite d'autant plus d'éloges dans
un temps où l'on fait de ces frivoles Beautés
un abus , que les mêmes Critiques , qui les régrettent
davantage en cette occafion , condamnent
avec austérité dans tous les ouvrages modernes.
Peut-être eft- ce par un même motif , que
H iv
176 MERCURE DE FRANCE.
l'Auteur a dédaigné les négligences de ftyle , les
enjambemens de vers , & les répétitions des confonnes
dures dans un même vers , & qui fonnent mal
à l'oreille. La facilité d'éviter ce que la critique
reproche à cette égard , doit laiffer croire que
l'Auteur a facrifié volontiers cette molle & facile
délicateffe à l'énergie du fens & à l'éxactitude
du Dialogue lorfqu'il à crû qu'elle auroit
pû y mettre obftack .
On continue cet Opéra trois jours
de la femaine . N'étant pas informés ,
lorfque nous avons rendu compte de
la premiere repréſentation , que le Ballet
de la Jaloufie au quatriéme Acte
étoit de la compofition de M. de LAVAL
, nous avons obmis alors de faire
mention de cette circonftance .
Le Jeudi 20 Janvier on a remis les
Fêtes Grecques & Romaines , Ballet ,
pour le continuer les Jeudis fuivans . Le
Public a paru très-fatisfait de revoir cet
Opéra.
Fermer
Résumé : OPERA. EXTRAIT DE POLIXENE, Tragédie de M. JOLIVEAU, Secrétaire perpétuel de l'Académie Royale de Musique, mise en Musique par M. DAUVERGNE, Maître de Musique de la Chambre du ROI.
L'opéra 'Polixène' est une tragédie écrite par M. Joliveau et mise en musique par M. Dauvergne. L'action se déroule à Larisse et implique plusieurs personnages, dont Pirrhus, fils d'Achille, Télèphe, prince des Myciens, Hécube, veuve de Priam, et Polixène, fille d'Hécube et de Priam. Au premier acte, Pirrhus révèle à Télèphe son amour pour Polixène et son intention de l'emmener dans ses États. Un orage sépare leurs vaisseaux, et Télèphe tente sans succès de combattre la passion de Pirrhus. Lors du triomphe de Pirrhus, les captifs troyens sont libérés et célèbrent sa bonté. Junon apparaît et menace Pirrhus et les Troyens de sa vengeance. Au deuxième acte, Pirrhus prie la mer de l'engloutir après avoir été séparé de Polixène. Thétis apparaît, calme la tempête et promet de rendre Polixène à Pirrhus tout en l'avertissant de la colère de Junon. Polixène arrive et avoue son amour pour Pirrhus, mais elle le repousse. Hécube accuse Pirrhus de la destruction de sa famille, mais Pirrhus exprime son désir de les protéger. Au troisième acte, Télèphe apprend qu'une contagion frappe Larisse et craint pour la vie de Polixène. Hécube tente de le convaincre de tuer Pirrhus, mais Télèphe refuse. Polixène découvre le complot d'Hécube et exprime sa peur pour Pirrhus. Un oracle annonce que Polixène doit être sacrifiée sur le tombeau d'Achille pour apaiser Junon, mais Pirrhus refuse de la sacrifier. Au quatrième acte, Hécube décide de sauver Polixène en implorant l'aide de Télèphe. Pirrhus annonce à Polixène qu'il la fera échapper. La Jalousie, le Désespoir et la Fureur tourmentent Pirrhus, mais Télèphe accepte de l'aider à fuir malgré sa passion pour Polixène. Au cinquième acte, Pirrhus se réjouit d'avoir triomphé de ses passions et invoque les mânes d'Achille. Hécube annonce la mort de Télèphe, mais les détails de cette mort ne sont pas précisés. Pirrhus et Polixène se marient malgré les objections initiales d'Hécube. L'ombre d'Achille apparaît pour annoncer un destin favorable à Pirrhus. Le poème est critiqué pour ses divergences avec les faits historiques connus sur Pirrhus et Polixène, mais il est loué pour sa conduite raisonnée et ses scènes bien structurées. Les critiques soulignent également la complexité des caractères et la nécessité des actions des personnages subordonnés pour le développement de l'action.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
1253
p. 176-177
COMÉDIE FRANÇOISE.
Début :
LE 17 Janvier on représenta pour la premiere fois DUPUIS & DESRONAIS, [...]
Mots clefs :
Comédie, Succès, Pièce, Lecteurs
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : COMÉDIE FRANÇOISE.
COMÉDIE
FRANÇOISE,
LE 17 Janvier on repréſenta pour la
premiere fois DUPUIS & DESRONAIS,
Comédie nouvelle en trois Actes & en vers
libres , tirée des illuftres Françoifes.
Le fuccès de cette Piéce fut décidé
FEVRIER . 1763. 177
fans aucune contrariété & par les plus
grands applaudiffemens , dès cette première
repréſentation . Ce fuccès tout
brillant qu'il étoit alors l'eft devenu encore
davantage à chaque repréſentation
fubféquente ; le concours des fpectateurs
qui a toujours augmenté , & qui
paroît devoir fe foutenir encore longtemps
, le confirme de la manière la
moins équivoque & la plus flatteufe
pour l'Auteur. Elle ne l'eft pas moins
pour les Acteurs de cette Piéce , dont
le jeu admiré dès le premier jour , s'eſt
toujours perfectionné , & ne laiffe rien
à defirer. Nous avons eu rarement , .depuis
quelque temps , des fuccès auffi célébres
& auffi mérités à annoncer à nos
Lecteurs. C'eft avec beaucoup de regret
que nous fommes obligés de remettre
au prochain Mercure l'Extrait
de cette Comédie ; mais nous avons
craint qu'une analyſe précipitée , telle
que nous aurions pu la donner actuellement
, n'eût pas fatisfait fur ce qu'on
eft en droit d'attendre , à l'égard d'un
Ouvrage dont tous nos Lecteurs doivent
avec raiſon avoir la plus ayantageufe
prévention . ( a )
( a ) V. ce que nous avons dit plus haut de cet
se Piéce à l'Art . des Spectacles de la Cour.
FRANÇOISE,
LE 17 Janvier on repréſenta pour la
premiere fois DUPUIS & DESRONAIS,
Comédie nouvelle en trois Actes & en vers
libres , tirée des illuftres Françoifes.
Le fuccès de cette Piéce fut décidé
FEVRIER . 1763. 177
fans aucune contrariété & par les plus
grands applaudiffemens , dès cette première
repréſentation . Ce fuccès tout
brillant qu'il étoit alors l'eft devenu encore
davantage à chaque repréſentation
fubféquente ; le concours des fpectateurs
qui a toujours augmenté , & qui
paroît devoir fe foutenir encore longtemps
, le confirme de la manière la
moins équivoque & la plus flatteufe
pour l'Auteur. Elle ne l'eft pas moins
pour les Acteurs de cette Piéce , dont
le jeu admiré dès le premier jour , s'eſt
toujours perfectionné , & ne laiffe rien
à defirer. Nous avons eu rarement , .depuis
quelque temps , des fuccès auffi célébres
& auffi mérités à annoncer à nos
Lecteurs. C'eft avec beaucoup de regret
que nous fommes obligés de remettre
au prochain Mercure l'Extrait
de cette Comédie ; mais nous avons
craint qu'une analyſe précipitée , telle
que nous aurions pu la donner actuellement
, n'eût pas fatisfait fur ce qu'on
eft en droit d'attendre , à l'égard d'un
Ouvrage dont tous nos Lecteurs doivent
avec raiſon avoir la plus ayantageufe
prévention . ( a )
( a ) V. ce que nous avons dit plus haut de cet
se Piéce à l'Art . des Spectacles de la Cour.
Fermer
Résumé : COMÉDIE FRANÇOISE.
Le 17 janvier, la comédie 'Françoise' de Dupuis et Desronais a été jouée pour la première fois. Cette pièce en trois actes et en vers libres, adaptée des illustres Françaises, a rencontré un succès immédiat et unanime dès sa première représentation, marquée par de grands applaudissements. Ce succès s'est accru à chaque nouvelle représentation, attirant un public de plus en plus nombreux. Les acteurs ont été félicités pour leur interprétation, appréciée dès le premier jour et continuellement améliorée. Le texte souligne que de tels succès sont rares et mérités. Cependant, l'extrait de la comédie est reporté au prochain Mercure pour éviter une analyse hâtive qui ne satisferait pas les attentes des lecteurs concernant cette œuvre appréciée.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
1254
p. 178
COMÉDIE ITALIENNE.
Début :
ON a donné le 15 Janvier la troisiéme représentation du Milicien , Comédie [...]
Mots clefs :
Comédie, Musique, Acte
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : COMÉDIE ITALIENNE.
COMÉDIE ITALIENNE.
ONN a donné le 15 Janvier la troifiéme
repréſentation du Milicien , Comé
die nouvelle en 1 Acte mélée d'Ariettes
, qui avoit été interrompue par l'in
difpofition d'une Actrice. Cette Piéce
a été continuée .
Le 26 on a repréfenté pour la prémière
fois le Guy de Chefne ou la Fête
des Druydes , Comédie nouvelle en
vers , en un Acte , mêlée d'Arrietes.
La Mufique eft de M. la Ruette , Acteur
de ce Théâtre . Nous n'avons pas
encore été informés du nom de l'Auteur
des Paroles.
Cette Piéce a beaucoup réuffi &
elle est toujours vue avec grand plaifir.
C'est un des ouvrages de ce nouveau
genre , auquel le goût ait le
plus de part. Tout , jufqu'au Comique
, y eft d'un ton agréable , délicat
& fouvent affez fin , tant en paroles
qu'en mufique , affortis enſemble
avec beaucoup de grâces & d'intelligence.
C'est au gré de quelques Connoiffeurs
, une des plus jolies Bagatelles
auxquelles on puiffe accorder fes
fuffrages , fans déroger à la Raiſon , &
au principe fur les chofes d'agrément.
ONN a donné le 15 Janvier la troifiéme
repréſentation du Milicien , Comé
die nouvelle en 1 Acte mélée d'Ariettes
, qui avoit été interrompue par l'in
difpofition d'une Actrice. Cette Piéce
a été continuée .
Le 26 on a repréfenté pour la prémière
fois le Guy de Chefne ou la Fête
des Druydes , Comédie nouvelle en
vers , en un Acte , mêlée d'Arrietes.
La Mufique eft de M. la Ruette , Acteur
de ce Théâtre . Nous n'avons pas
encore été informés du nom de l'Auteur
des Paroles.
Cette Piéce a beaucoup réuffi &
elle est toujours vue avec grand plaifir.
C'est un des ouvrages de ce nouveau
genre , auquel le goût ait le
plus de part. Tout , jufqu'au Comique
, y eft d'un ton agréable , délicat
& fouvent affez fin , tant en paroles
qu'en mufique , affortis enſemble
avec beaucoup de grâces & d'intelligence.
C'est au gré de quelques Connoiffeurs
, une des plus jolies Bagatelles
auxquelles on puiffe accorder fes
fuffrages , fans déroger à la Raiſon , &
au principe fur les chofes d'agrément.
Fermer
Résumé : COMÉDIE ITALIENNE.
Le 15 janvier, la comédie 'Le Milicien', une pièce en un acte mêlée d'ariettes, a été représentée après une interruption due à l'indisposition d'une actrice. Le 26 janvier, la comédie 'Guy de Chefne ou la Fête des Druides', également en un acte et mêlée d'ariettes, a été jouée pour la première fois. La musique de cette pièce est composée par M. la Ruette, acteur du théâtre, mais l'auteur des paroles reste inconnu. La pièce a connu un grand succès, appréciée pour son ton agréable, délicat et souvent subtil, tant dans les paroles que dans la musique. Les connaisseurs la considèrent comme une des œuvres les plus charmantes de ce nouveau genre, offrant un divertissement raisonnable et agréable.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
1255
p. 15-21
LETTRE de Mlle *** à Madame... sur l'ÉMILE de M. ROUSSEAU. 1762.
Début :
VOUS me demandez, Madame, quels sont mes amusemens à la campagne ? [...]
Mots clefs :
Amusements, Campagne, Jeu, Lecture, Misanthropie, Vérité
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE de Mlle *** à Madame... sur l'ÉMILE de M. ROUSSEAU. 1762.
LETTRE de Mlle *** à Madame...
fur l'ÉMILE de M. ROUSSEAU ..
VOUS
17628
me demandez ,, Madame
quels font mes amuſemens à la campagne
? vous pouvez vous les imaginer
fans peine , la promenade , la chaffe , la
pêche , le jeu , la table , & puis le jeu
encore , car cet éternel jeu ne finit jamais
; un peu de lecture , quelques réflexions
bonnes bonnes ou mauvaiſes ;
voilà ce qui nous occupe , non pas
fans regretter Paris : car j'aime le Spec--
tacle , il n'y en a point ici : je chéris
la liberté , on en connoît ici que le
nom : on vous l'ôte a force de fe van--
ter qu'on vous la donne. Je conviens .
qu'on a partout des devoirs de fociété
à obferver , mais ils font plus gênans
à la campagne . Si le coeur étoit.
de la partie ; fi le dévoir devenoit un
16 MERCURE DE FRANCE.
goût , il feroit plus facile à remplir.
Mais on fe voit de trop près pour ne
fe point connoître ; & il eft difficile
de s'aimer , quand on fe connoît fi
bien. Pour me fauver de la néceffité de
jouer , je fuppofe quelquefois que j'ai
des brochures à lire qu'il me faut renvoyer
à Paris , & je dis fouvent la
vérité. Je n'ai eu que quatre jours le
livre d'Emile , & vous m'avouerez que
ce n'eft pas affez .Jel'ai cependant lû tout
entier, excepté une bonne partie de la pro
feffion de foi duVicaireSavoyard.M.Rouf
feau écrit trop bien , pour qu'on puiffe
fe refufer à l'envie & au plaifir de le
lire. J'ai reconnu dans fon Emile , l'aureur
de la nouvelle Heloïfe ; mais je
ne reconnois plus l'Auteur des difcours
contre les Sciences , & fur l'égalité des
conditions , ni même de la lettre contre
les Spectacles. On pardonnoit à M.
Rouffeau , un peu de mifantropie en
faveur de la pureté de fa morale . Il
nous difoit quelquefois des vérités un
peu trop dures ; mais il les difoit avec
l'énergie qu'elles infpirent. Si la vérité
ne plaît pas toujours , elle a du moins
le droit de convaincre. M. Rouffeau
ſe plaint de nos moeurs , il a raiſon . Je
crains bien que leur maligne influence
MARS. 1763. 17
n'ait aniolli les fiennes. Ce Philofophe
févère a déridé fon front. Dans fon
Emile il difcute des matières qui ne
me paroiffent guères propre à l'éducation
d'un jeune homme . Et je crois
qu'en pareil cas les leçons intéreffent
plus le maître que l'écolier. Peut- être ,
Madame , allez -vous me taxer d'ingratitude
envers M. Rouffeau ; vous me
repréſenterez que je lui dois avec mon
fexe beaucoup de reconnoiffance , de
tout le bien qu'il en dit , de ce qu'il
daigne même en parler , foit en bien
foit en mal. Mais je ne crois pas qu'il
fe faffe pour cela beaucoup de violence.
Il aime trop les femmes pour n'y pas
penfer , & pour n'en pas parler plus
qu'il ne voudroit. On m'avoit déja
prévenue qu'il nous exaltoit beaucoup
dans fon dernier ouvrage : je n'en
puis difconvenir. Mais nous ne devons
pas , ce me femble , en tirer beaucoup
de vanité. Il a eu foin d'effacer par le
trait le plus humiliant , tout le plaifir
que cela pouvoit nous faire. Il veut
qu'une femme foit femme , & rien de
plus. Si la comparaiſon eft permiſe
Joferai représenter à M. Rouſſeau ,
qu'un homme élevé comme tout homme
l'eft felon ſon état , eft bien plus
18 MERCURE DE FRANCE.
au- deffus de fon Etre , qu'un femme.
Cependant fouvent vous le voyez qui
non content de l'éducations qu'on lui
donne , veut franchir les bornes qu'elle
lui prefcrit. Son genie tranſcendant veut
être créateur. Il ajoute aux Arts & aux
Sciences , qu'il pofféde , & veut en
produire de nouvelles . S'il s'abîme dans
dans la fpéculation , il veut lire jufques
dans l'avenir ; il interroge les aftres ,
il mefure leur étendue , leur distance ,
il prédit les révolutions qui doivent
leur arriver ; il fait plus , il veut comprendre
celui qui les a créés. Tandis
qu'il n'eft point de limites pour fon
efprit curieux , qu'il veut pénétrer ce
qui eft impénétrable , & percer le voile
que la Providence a mis fur fes décrets ;
enfin tandis qu'il s'éleve juſqu'à la Divinité
même , il ne fera pas permis à
une femme de s'élever feulement jufqu'à
l'homme , en defirant la moindre partie
de l'éducation qu'on lui donne !
Seroit- ce en l'imitant qu'on fe rendroit
indigne de lui ? je conviens qu'il faut
que chacun refte dans fa fphère ; mais
celle d'une femme eft bien étroite , &
il eft naturel de chercher à fortir de
fa prifon. Je conviens qu'il y a des devoirs
d'état à remplir ; que ceux d'une
MARS. 1763. 19
femme font éffentiels , & qu'elle doit les
préférer à toute autre occupation. Mais
enfin toutes les femmes n'ont pas
dirai-je,le bonheur ? ..le mot feroit peutêtre
hazardé : toutes les femmes , dis -je ,
Ine font pas mères; ainfi elles ne peuvent
pas toutes être entourées de hardes d'En--
fans. Que celles qui n'ont pas ce glorieux
avantage, ayent la liberté du moins
d'être entourées de brochures ; il leur ref
tera encore affez de temps pour cultiver
leurs charmes , & pour plaire même
à M. Rouleau. Mais me dira-t- il ,
elles
auront le titre de bel-efprit , & toutefille
bel- efprit , reflera fille , tant qu'ily aura
des hommes fenfes fur la terre ? Heureufement
, qu'ils ne le font pas tous , &
les Demoiſelles beaux-efprits, ne trou--
veront que trop à qui s'allier . Mais fi
elles ne trouvoient pas. ( Le Ciel nous.
offre quelquefois des Phénomènes , la
terre pourroit en offrir à fan tour , ) fi
les hommes alloient devenir raiſonna--
bles ? Eh bien , elles auroient toujours
le tire de bel efprit , & à peu de frais ,
s'il faut feulement pour l'acquérir être
entourées de brochures . Si elles font for
cées de garder le célibat : cet état peut
avoir fes douceurs ; & quoiqu'en dife
M. Diderot , dans fon Père de Famille,,
1
20 MERCURE DE FRANCE.
il ne prépare pas toujours des regrets. La
liberté qu'il laiffe , peut dédommager du
ridicule attaché au bel - efprit . Mais M.
Rouſſeau me paroît trop généreux , de
rejetter ce ridicule fur nous feules : nous
fommes trop juftes pour le recevoir
entierement ; & nous nous contentons
d'en accepter au plus la moité : car
fi l'on compte au Parnaffe neuf Mufes
pour un Apollon , à peine peut-on compter
ici-bas , une mufe pour un bien plus
grand nombre d'Apollons ; & malgré
leur rareté , M. Rouffeau femble douter
encore de leur propre éxiſtence !
Je lui pardonne de nous avoir menacées
de ne point trouver d'époux ce font
de ces malheurs qu'on peut fupporter;
d'ailleurs , l'effet ne fuit pas toujours la
menace. Je lui pardonne auffi de nous
accufer de n'avoir point de génie ; nous
nous contentons de l'efprit , puifqu'il
veut bien nous le laiffer. Mais je ne
lui pardonne point d'ofer affurer , que
toute femme qui écrit a quelqu'un
qui lui conduit la main. Il ne nous
laiffe pas même la gloire de faire du
mauvais. Je ne fçai ; mais il me femble
qu'un Auteur eft trop amoureux de
fes ouvrages , pour les donner ainfi gra
tuitement. Il auroit pourtant dû nom-
?
MARS. 1763. 21
mer les plumes élégantes qui ont bien
voulu facrifier leur gloire à celles des
Sévignés , des la Suze , & des autres
Dames illuftres du dernier fiécle.
A l'égard des modernes qui ont quelque
réputation , M. Rouffeau auroit
pû les prier de fe laiffer enfermer ſeulement
vingt-quatre heures , avec de l'encre
& du papier , & par ce qu'elles auroient
produit , il auroit jugé de leurs
talens. Vous me direz , fans doute ,
Madame , qu'on peur douter de bien
des chofes , lorfqu'on doute de la révélation
: mais tout ce que M. Rouſſeau
dira contre notre Religion , ne lui portera
aucune atteinte. Qu'il prenne le
ton férieux , où le ton ironique , fes
raiſonnemens ne pourront l'ébranler ;
la Religion fe foutient d'elle-même , &
trouve un défenfeur dans chaque confcience
. Mais nous, qui ofera nous défendre
, quand M. Rouffeau nous attaque ?
Il faut donc fe taire , car je n'ai déjà
peut- être que trop parlé. Permettez -moi
feulement, de vous affurer de la vive
fincérité des fentimens avec lesquels
J'ai l'honneur d'être , & c.
fur l'ÉMILE de M. ROUSSEAU ..
VOUS
17628
me demandez ,, Madame
quels font mes amuſemens à la campagne
? vous pouvez vous les imaginer
fans peine , la promenade , la chaffe , la
pêche , le jeu , la table , & puis le jeu
encore , car cet éternel jeu ne finit jamais
; un peu de lecture , quelques réflexions
bonnes bonnes ou mauvaiſes ;
voilà ce qui nous occupe , non pas
fans regretter Paris : car j'aime le Spec--
tacle , il n'y en a point ici : je chéris
la liberté , on en connoît ici que le
nom : on vous l'ôte a force de fe van--
ter qu'on vous la donne. Je conviens .
qu'on a partout des devoirs de fociété
à obferver , mais ils font plus gênans
à la campagne . Si le coeur étoit.
de la partie ; fi le dévoir devenoit un
16 MERCURE DE FRANCE.
goût , il feroit plus facile à remplir.
Mais on fe voit de trop près pour ne
fe point connoître ; & il eft difficile
de s'aimer , quand on fe connoît fi
bien. Pour me fauver de la néceffité de
jouer , je fuppofe quelquefois que j'ai
des brochures à lire qu'il me faut renvoyer
à Paris , & je dis fouvent la
vérité. Je n'ai eu que quatre jours le
livre d'Emile , & vous m'avouerez que
ce n'eft pas affez .Jel'ai cependant lû tout
entier, excepté une bonne partie de la pro
feffion de foi duVicaireSavoyard.M.Rouf
feau écrit trop bien , pour qu'on puiffe
fe refufer à l'envie & au plaifir de le
lire. J'ai reconnu dans fon Emile , l'aureur
de la nouvelle Heloïfe ; mais je
ne reconnois plus l'Auteur des difcours
contre les Sciences , & fur l'égalité des
conditions , ni même de la lettre contre
les Spectacles. On pardonnoit à M.
Rouffeau , un peu de mifantropie en
faveur de la pureté de fa morale . Il
nous difoit quelquefois des vérités un
peu trop dures ; mais il les difoit avec
l'énergie qu'elles infpirent. Si la vérité
ne plaît pas toujours , elle a du moins
le droit de convaincre. M. Rouffeau
ſe plaint de nos moeurs , il a raiſon . Je
crains bien que leur maligne influence
MARS. 1763. 17
n'ait aniolli les fiennes. Ce Philofophe
févère a déridé fon front. Dans fon
Emile il difcute des matières qui ne
me paroiffent guères propre à l'éducation
d'un jeune homme . Et je crois
qu'en pareil cas les leçons intéreffent
plus le maître que l'écolier. Peut- être ,
Madame , allez -vous me taxer d'ingratitude
envers M. Rouffeau ; vous me
repréſenterez que je lui dois avec mon
fexe beaucoup de reconnoiffance , de
tout le bien qu'il en dit , de ce qu'il
daigne même en parler , foit en bien
foit en mal. Mais je ne crois pas qu'il
fe faffe pour cela beaucoup de violence.
Il aime trop les femmes pour n'y pas
penfer , & pour n'en pas parler plus
qu'il ne voudroit. On m'avoit déja
prévenue qu'il nous exaltoit beaucoup
dans fon dernier ouvrage : je n'en
puis difconvenir. Mais nous ne devons
pas , ce me femble , en tirer beaucoup
de vanité. Il a eu foin d'effacer par le
trait le plus humiliant , tout le plaifir
que cela pouvoit nous faire. Il veut
qu'une femme foit femme , & rien de
plus. Si la comparaiſon eft permiſe
Joferai représenter à M. Rouſſeau ,
qu'un homme élevé comme tout homme
l'eft felon ſon état , eft bien plus
18 MERCURE DE FRANCE.
au- deffus de fon Etre , qu'un femme.
Cependant fouvent vous le voyez qui
non content de l'éducations qu'on lui
donne , veut franchir les bornes qu'elle
lui prefcrit. Son genie tranſcendant veut
être créateur. Il ajoute aux Arts & aux
Sciences , qu'il pofféde , & veut en
produire de nouvelles . S'il s'abîme dans
dans la fpéculation , il veut lire jufques
dans l'avenir ; il interroge les aftres ,
il mefure leur étendue , leur distance ,
il prédit les révolutions qui doivent
leur arriver ; il fait plus , il veut comprendre
celui qui les a créés. Tandis
qu'il n'eft point de limites pour fon
efprit curieux , qu'il veut pénétrer ce
qui eft impénétrable , & percer le voile
que la Providence a mis fur fes décrets ;
enfin tandis qu'il s'éleve juſqu'à la Divinité
même , il ne fera pas permis à
une femme de s'élever feulement jufqu'à
l'homme , en defirant la moindre partie
de l'éducation qu'on lui donne !
Seroit- ce en l'imitant qu'on fe rendroit
indigne de lui ? je conviens qu'il faut
que chacun refte dans fa fphère ; mais
celle d'une femme eft bien étroite , &
il eft naturel de chercher à fortir de
fa prifon. Je conviens qu'il y a des devoirs
d'état à remplir ; que ceux d'une
MARS. 1763. 19
femme font éffentiels , & qu'elle doit les
préférer à toute autre occupation. Mais
enfin toutes les femmes n'ont pas
dirai-je,le bonheur ? ..le mot feroit peutêtre
hazardé : toutes les femmes , dis -je ,
Ine font pas mères; ainfi elles ne peuvent
pas toutes être entourées de hardes d'En--
fans. Que celles qui n'ont pas ce glorieux
avantage, ayent la liberté du moins
d'être entourées de brochures ; il leur ref
tera encore affez de temps pour cultiver
leurs charmes , & pour plaire même
à M. Rouleau. Mais me dira-t- il ,
elles
auront le titre de bel-efprit , & toutefille
bel- efprit , reflera fille , tant qu'ily aura
des hommes fenfes fur la terre ? Heureufement
, qu'ils ne le font pas tous , &
les Demoiſelles beaux-efprits, ne trou--
veront que trop à qui s'allier . Mais fi
elles ne trouvoient pas. ( Le Ciel nous.
offre quelquefois des Phénomènes , la
terre pourroit en offrir à fan tour , ) fi
les hommes alloient devenir raiſonna--
bles ? Eh bien , elles auroient toujours
le tire de bel efprit , & à peu de frais ,
s'il faut feulement pour l'acquérir être
entourées de brochures . Si elles font for
cées de garder le célibat : cet état peut
avoir fes douceurs ; & quoiqu'en dife
M. Diderot , dans fon Père de Famille,,
1
20 MERCURE DE FRANCE.
il ne prépare pas toujours des regrets. La
liberté qu'il laiffe , peut dédommager du
ridicule attaché au bel - efprit . Mais M.
Rouſſeau me paroît trop généreux , de
rejetter ce ridicule fur nous feules : nous
fommes trop juftes pour le recevoir
entierement ; & nous nous contentons
d'en accepter au plus la moité : car
fi l'on compte au Parnaffe neuf Mufes
pour un Apollon , à peine peut-on compter
ici-bas , une mufe pour un bien plus
grand nombre d'Apollons ; & malgré
leur rareté , M. Rouffeau femble douter
encore de leur propre éxiſtence !
Je lui pardonne de nous avoir menacées
de ne point trouver d'époux ce font
de ces malheurs qu'on peut fupporter;
d'ailleurs , l'effet ne fuit pas toujours la
menace. Je lui pardonne auffi de nous
accufer de n'avoir point de génie ; nous
nous contentons de l'efprit , puifqu'il
veut bien nous le laiffer. Mais je ne
lui pardonne point d'ofer affurer , que
toute femme qui écrit a quelqu'un
qui lui conduit la main. Il ne nous
laiffe pas même la gloire de faire du
mauvais. Je ne fçai ; mais il me femble
qu'un Auteur eft trop amoureux de
fes ouvrages , pour les donner ainfi gra
tuitement. Il auroit pourtant dû nom-
?
MARS. 1763. 21
mer les plumes élégantes qui ont bien
voulu facrifier leur gloire à celles des
Sévignés , des la Suze , & des autres
Dames illuftres du dernier fiécle.
A l'égard des modernes qui ont quelque
réputation , M. Rouffeau auroit
pû les prier de fe laiffer enfermer ſeulement
vingt-quatre heures , avec de l'encre
& du papier , & par ce qu'elles auroient
produit , il auroit jugé de leurs
talens. Vous me direz , fans doute ,
Madame , qu'on peur douter de bien
des chofes , lorfqu'on doute de la révélation
: mais tout ce que M. Rouſſeau
dira contre notre Religion , ne lui portera
aucune atteinte. Qu'il prenne le
ton férieux , où le ton ironique , fes
raiſonnemens ne pourront l'ébranler ;
la Religion fe foutient d'elle-même , &
trouve un défenfeur dans chaque confcience
. Mais nous, qui ofera nous défendre
, quand M. Rouffeau nous attaque ?
Il faut donc fe taire , car je n'ai déjà
peut- être que trop parlé. Permettez -moi
feulement, de vous affurer de la vive
fincérité des fentimens avec lesquels
J'ai l'honneur d'être , & c.
Fermer
Résumé : LETTRE de Mlle *** à Madame... sur l'ÉMILE de M. ROUSSEAU. 1762.
Dans sa lettre à Madame, Mlle *** décrit ses activités à la campagne, qui incluent des promenades, la chasse, la pêche, le jeu et un peu de lecture. Elle regrette de ne pas avoir plus de temps pour lire 'Émile' de Jean-Jacques Rousseau, bien qu'elle ait lu la majeure partie du livre, à l'exception de la profession de foi du Vicaire savoyard. Elle reconnaît Rousseau comme l'auteur de 'La Nouvelle Héloïse' mais ne retrouve pas le Rousseau des 'Discours contre les Sciences' ou de la lettre contre les Spectacles. Mlle *** critique Rousseau pour avoir adouci ses positions morales et pour avoir discuté de sujets inappropriés pour l'éducation d'un jeune homme dans 'Émile'. Elle souligne que Rousseau, malgré sa misanthropie, a une vision exaltée des femmes tout en les limitant à leur rôle traditionnel. Elle argue que les femmes devraient avoir plus de liberté et d'éducation, même si elles ne sont pas mères. Elle conteste l'idée de Rousseau que les femmes écrivains sont nécessairement guidées par quelqu'un d'autre et défend la capacité des femmes à écrire et à avoir de l'esprit. Enfin, Mlle *** affirme que les attaques de Rousseau contre la religion ne l'ébranleront pas et exprime son désir de se défendre contre ses critiques.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
1256
p. 62
LOGOGRYPHE.
Début :
Tout Rhéteur me connoît : Cicéron m'employa ; [...]
Mots clefs :
Prosopopée
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LOGOGRYPHE.
LOGO GRYPH E.
Tour Rhéreur me connoît : Cicéron m'employas
Mais furtout avec feu contre Catilina.
On trouve en moi le nom de cette Impératrice
En laquelle Jofeph eut une Protectrice ;
Le nom d'une Déeffe , & celui d'un Auteur
Dont la Fontaine fut habile imitateur ;
Un célébre Ecrivain dont Albion s'honore ;
Un précieux objet pour Vertumne & pour Flore ;.
Un des Rois d'Ifraël ; une fleur ; ce qu'enfin
On admire en Rouleau , Fontenelle & Rollin.
Par M. de LANEVERE , ancien Moufquetaire
du Roi ; à Dax .
1. J. Rouffeau de Genève.
Tour Rhéreur me connoît : Cicéron m'employas
Mais furtout avec feu contre Catilina.
On trouve en moi le nom de cette Impératrice
En laquelle Jofeph eut une Protectrice ;
Le nom d'une Déeffe , & celui d'un Auteur
Dont la Fontaine fut habile imitateur ;
Un célébre Ecrivain dont Albion s'honore ;
Un précieux objet pour Vertumne & pour Flore ;.
Un des Rois d'Ifraël ; une fleur ; ce qu'enfin
On admire en Rouleau , Fontenelle & Rollin.
Par M. de LANEVERE , ancien Moufquetaire
du Roi ; à Dax .
1. J. Rouffeau de Genève.
Fermer
1257
p. 71-75
DISCOURS prononcé dans l'Académie Françoise, le Samedi 22 Janvier M. DCC. LXIII, à la réception de M. l'Abbé DE VOISENON ; à Paris, chez la veuve Brunet, Imprimeur de l'Académie Françoise, au Palais & rue basse des Ursins. 1763. in-4°.
Début :
Le Public a vu avec plaisir un Eléve aimable de Thalie succéder à un des [...]
Mots clefs :
Discours, Académie, Ouvrages, Éloge poétique
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : DISCOURS prononcé dans l'Académie Françoise, le Samedi 22 Janvier M. DCC. LXIII, à la réception de M. l'Abbé DE VOISENON ; à Paris, chez la veuve Brunet, Imprimeur de l'Académie Françoise, au Palais & rue basse des Ursins. 1763. in-4°.
DISCOURS prononcé dans l'Académie
Françoife , le Samedi 22 Janvier
M. DCC. LXIII , à la réception
de M. l'Abbé DE VOISENON ; à
Paris , chez la veuve Brunet , Imprimeur
de l'Académie Françoiſe , au
Palais & rue baffe des Urfins. 1763.
in-4°.
J
Le Public a vu avec plaifir un Eléve
aimable de Thalie fuccéder à un des
plus chers Favoris de Melpomene , & a
applaudi au choix de l'Académie Françoife
, qui a nommé M. l'Abbé de Voifenon
à la place de M. de Crébillon. Ce
fut le Samedi , 22 Janvier , que M. l'Abbé
de Voifenon y vint prendre féance
& y prononça un difcours qui a mérité
les applaudiffemens d'une nombreuſe
Affemblée. On fçait quelle eft la diffi-
1
72 MERCURE DE FRANCE .
" .
culté de ces fortes d'Ouvrages , où fur
an plan tout tracé on éxige cependant
des chofes neuves. Sans s'écarter de la
Toute indiquée , l'ingénieux Récipiendaire
a fçu employer des tours nou
veaux qui l'ont , pour ainfi dire , tiré de
la claffe commune. Il fuccédoit à un
très-grand Poëte : fon difcours , quoiqu'en
profe , devoit donc refpirer la
plus haute Poëfie; & c'eft dans ce langage
fublime qu'il a dignement loué fon illuftre
prédéceffeur. » Le grand Corneille,
», dit- il , & le tendre Racine venoient
» d'être plongés dans les ténébres du
tombeau : leurs maufolées étoient
» placés aux deux côtés du trône qu'ils
avoient accupé ; la Mufe de la Tragédie
étoit panchée fur l'urne de Pompée
, & fixoit des regards de défolation
fur Rodogune , Cinna , Phedre,
Andromaque & Britannicus. Elle étoit
» tombée dans une létargie profonde ;
» fon âme ufée par la douleur , n'avoir
» plus la force que donne le défefpoir.
Dans l'excès de fon abbattement ,
fon poignard étoit échappé de fes
mains un morte! fier & courageux
» enveloppé de deuil , s'avance avec in-
» trépidité ; ramaffe le poignard & s'écrie
: Mufe , ranime-toi , je vais te ren-
» dre
ور
MARS. 1763. 73
I.
es
11-
é
en
dre
» dre ta fplendeur. La Terreur entendit
» fa voix & parut fur la Scène : Tu me
» rappelles à la lumière , & ton Génie
» m'a donné un nouvel être , dit- elle
» avec tranfport. A ces mots elle faifit
» une coupe enfanglantée , marcha de-
» vant lui , & fit retentir le Mont facré
» du nom de Crébillon. La Mufe re-
» prit fes fens ; les cendres de Corneille
» & de Racine s'animérent ; & leur
» Succeffeur fut placé fur le Trône éle-
» vé entre les deux tombeaux.
Après cet éloge poëtique , M. l'Abbé
de Voifenon entra dans quelques détails
au fujet des Ouvrages dramatiques
de fon Prédéceffeur. Il dit , en parlant
d'une de fes Tragédies. » Atrée &Thyefte ,
- ce chef-d'oeuvre d'horreur , fit une
» impreffion fi forte , qu'on détourna
» les yeux ; on la lut , on l'admira ;
, mais on n'en foutint la repréfentation
» qu'avec peine ; & c'étoit la louer que
» de n'ofer la voir.
L'éloge de M. de Crébillon, dont nous
n'avons rapporté qu'une petite partie ,
eft firivi des autres éloges d'ufage dans
ces fortes de cérémonies ; & enfin le
difcours eft terminé par la defcription
poëtique de deux Temples que l'Auteur
appelle le Temple de la fauffe Gloire , &
D
74 MERCURE DE FRANCE .
de Temple de la Gloire véritable. Il place
dans le premier les Gengiskan , les
Tamerlan les Alexandres & tant
d'autres qui les ont pris pour modéles ;
de là une defcription des malheurs que
caufe l'ambition des Conquérans . Le
Temple de la Gloire véritable eſt bien
différent. C'eſt le féjour des bons Rois
tels que Marc Aurele , Trajan , Titus ,
S. Louis , Louis XII, Henri IV; ce qui
améne très- naturellement l'élogedu ROI
LOUIS XV,qui doit être l'ornement de
ce Temple. C'eft par là que finit le
difcours de M. l'Abbé de Voifenon ,
dans lequel on a trouvé des tours nouveaux
, des penfées ingénieufes , & une
variété d'images & de ftyle peu ordinaire
dans les Ouvrages de cette nature.
M. le Duc de S. Agnan én qualité
de Directeur de l'Académie , répondit
au difcours du nouveau Récipiendaire.
C'étoit M. le Duc de Nivernois qui devoit
être chargé de ce travail , fi des affaires
plus importantes ne l'euffent occupé
ailleurs. C'eſt à quoi M. le Duc de
S. Agnan fait allufion quand il dit: » Les
›› grands intérêts qui lui font confiés
»peuvent feuls nous empêcher aujourd'hui
de regretter fon abfence . De là
MARS. 1763. 75
il paffe à l'éloge de M. le Duc de Nivernois
qu'il finit ainfi » Daignez ,
→ Meffieurs , oublier ce que vous per-
» dez en ce jour , & ne vous occuper
» que de la fatisfaction que vous au-
» rez bientôt de le revoir le rameau d'o-
» livier entre les mains , plus en état
» que jamais de vous aider à faire con-
» noître à la Poftérité la plus reculée
» juſqu'à quel degré notre bien - aimé
Maître & Protecteur a porté tant de
» fois , & fi récemment encore les
» fentimens d'humanité , de bonté &
» d'amour de fes Peuples : fentimens
» nés avec lui pour notre bonheur , &
» garants à l'Europe entière de l'ufage
» qu'il fait des dernières leçons de fon
augufte Bifayeul , toujours préfentes
» à fes yeux , & pour jamais gravées
» au fond de fon coeur.
C'eft avec ces mêmes traits d'une noble
fimplicité que M. le Duc de S. Agnan
avoit loué M. l'Abbé de Voifenon
, & le grand Poëte Tragique qu'il
venoit remplacer à l'Académie. On a
applaudi à ces divers éloges ; & le difcours
imprimé n'a point démenti les
pplaudiffemens de l'Affemblée .
Françoife , le Samedi 22 Janvier
M. DCC. LXIII , à la réception
de M. l'Abbé DE VOISENON ; à
Paris , chez la veuve Brunet , Imprimeur
de l'Académie Françoiſe , au
Palais & rue baffe des Urfins. 1763.
in-4°.
J
Le Public a vu avec plaifir un Eléve
aimable de Thalie fuccéder à un des
plus chers Favoris de Melpomene , & a
applaudi au choix de l'Académie Françoife
, qui a nommé M. l'Abbé de Voifenon
à la place de M. de Crébillon. Ce
fut le Samedi , 22 Janvier , que M. l'Abbé
de Voifenon y vint prendre féance
& y prononça un difcours qui a mérité
les applaudiffemens d'une nombreuſe
Affemblée. On fçait quelle eft la diffi-
1
72 MERCURE DE FRANCE .
" .
culté de ces fortes d'Ouvrages , où fur
an plan tout tracé on éxige cependant
des chofes neuves. Sans s'écarter de la
Toute indiquée , l'ingénieux Récipiendaire
a fçu employer des tours nou
veaux qui l'ont , pour ainfi dire , tiré de
la claffe commune. Il fuccédoit à un
très-grand Poëte : fon difcours , quoiqu'en
profe , devoit donc refpirer la
plus haute Poëfie; & c'eft dans ce langage
fublime qu'il a dignement loué fon illuftre
prédéceffeur. » Le grand Corneille,
», dit- il , & le tendre Racine venoient
» d'être plongés dans les ténébres du
tombeau : leurs maufolées étoient
» placés aux deux côtés du trône qu'ils
avoient accupé ; la Mufe de la Tragédie
étoit panchée fur l'urne de Pompée
, & fixoit des regards de défolation
fur Rodogune , Cinna , Phedre,
Andromaque & Britannicus. Elle étoit
» tombée dans une létargie profonde ;
» fon âme ufée par la douleur , n'avoir
» plus la force que donne le défefpoir.
Dans l'excès de fon abbattement ,
fon poignard étoit échappé de fes
mains un morte! fier & courageux
» enveloppé de deuil , s'avance avec in-
» trépidité ; ramaffe le poignard & s'écrie
: Mufe , ranime-toi , je vais te ren-
» dre
ور
MARS. 1763. 73
I.
es
11-
é
en
dre
» dre ta fplendeur. La Terreur entendit
» fa voix & parut fur la Scène : Tu me
» rappelles à la lumière , & ton Génie
» m'a donné un nouvel être , dit- elle
» avec tranfport. A ces mots elle faifit
» une coupe enfanglantée , marcha de-
» vant lui , & fit retentir le Mont facré
» du nom de Crébillon. La Mufe re-
» prit fes fens ; les cendres de Corneille
» & de Racine s'animérent ; & leur
» Succeffeur fut placé fur le Trône éle-
» vé entre les deux tombeaux.
Après cet éloge poëtique , M. l'Abbé
de Voifenon entra dans quelques détails
au fujet des Ouvrages dramatiques
de fon Prédéceffeur. Il dit , en parlant
d'une de fes Tragédies. » Atrée &Thyefte ,
- ce chef-d'oeuvre d'horreur , fit une
» impreffion fi forte , qu'on détourna
» les yeux ; on la lut , on l'admira ;
, mais on n'en foutint la repréfentation
» qu'avec peine ; & c'étoit la louer que
» de n'ofer la voir.
L'éloge de M. de Crébillon, dont nous
n'avons rapporté qu'une petite partie ,
eft firivi des autres éloges d'ufage dans
ces fortes de cérémonies ; & enfin le
difcours eft terminé par la defcription
poëtique de deux Temples que l'Auteur
appelle le Temple de la fauffe Gloire , &
D
74 MERCURE DE FRANCE .
de Temple de la Gloire véritable. Il place
dans le premier les Gengiskan , les
Tamerlan les Alexandres & tant
d'autres qui les ont pris pour modéles ;
de là une defcription des malheurs que
caufe l'ambition des Conquérans . Le
Temple de la Gloire véritable eſt bien
différent. C'eſt le féjour des bons Rois
tels que Marc Aurele , Trajan , Titus ,
S. Louis , Louis XII, Henri IV; ce qui
améne très- naturellement l'élogedu ROI
LOUIS XV,qui doit être l'ornement de
ce Temple. C'eft par là que finit le
difcours de M. l'Abbé de Voifenon ,
dans lequel on a trouvé des tours nouveaux
, des penfées ingénieufes , & une
variété d'images & de ftyle peu ordinaire
dans les Ouvrages de cette nature.
M. le Duc de S. Agnan én qualité
de Directeur de l'Académie , répondit
au difcours du nouveau Récipiendaire.
C'étoit M. le Duc de Nivernois qui devoit
être chargé de ce travail , fi des affaires
plus importantes ne l'euffent occupé
ailleurs. C'eſt à quoi M. le Duc de
S. Agnan fait allufion quand il dit: » Les
›› grands intérêts qui lui font confiés
»peuvent feuls nous empêcher aujourd'hui
de regretter fon abfence . De là
MARS. 1763. 75
il paffe à l'éloge de M. le Duc de Nivernois
qu'il finit ainfi » Daignez ,
→ Meffieurs , oublier ce que vous per-
» dez en ce jour , & ne vous occuper
» que de la fatisfaction que vous au-
» rez bientôt de le revoir le rameau d'o-
» livier entre les mains , plus en état
» que jamais de vous aider à faire con-
» noître à la Poftérité la plus reculée
» juſqu'à quel degré notre bien - aimé
Maître & Protecteur a porté tant de
» fois , & fi récemment encore les
» fentimens d'humanité , de bonté &
» d'amour de fes Peuples : fentimens
» nés avec lui pour notre bonheur , &
» garants à l'Europe entière de l'ufage
» qu'il fait des dernières leçons de fon
augufte Bifayeul , toujours préfentes
» à fes yeux , & pour jamais gravées
» au fond de fon coeur.
C'eft avec ces mêmes traits d'une noble
fimplicité que M. le Duc de S. Agnan
avoit loué M. l'Abbé de Voifenon
, & le grand Poëte Tragique qu'il
venoit remplacer à l'Académie. On a
applaudi à ces divers éloges ; & le difcours
imprimé n'a point démenti les
pplaudiffemens de l'Affemblée .
Fermer
Résumé : DISCOURS prononcé dans l'Académie Françoise, le Samedi 22 Janvier M. DCC. LXIII, à la réception de M. l'Abbé DE VOISENON ; à Paris, chez la veuve Brunet, Imprimeur de l'Académie Françoise, au Palais & rue basse des Ursins. 1763. in-4°.
Le 22 janvier 1763, l'Académie Française a accueilli l'Abbé de Voisenon pour succéder à M. de Crébillon. Lors de sa réception, l'Abbé de Voisenon a prononcé un discours acclamé par une nombreuse assemblée. Il a souligné la difficulté de créer des œuvres nouvelles dans un cadre préétabli tout en se distinguant par des innovations. Dans son discours, il a rendu hommage à son prédécesseur en évoquant la tragédie française, notamment Corneille et Racine, et en décrivant la Muse de la Tragédie ranimée par le génie de Crébillon. Il a également détaillé les œuvres dramatiques de Crébillon, mentionnant notamment la tragédie 'Atrée et Thyeste', jugée trop horrible pour être représentée. Le discours s'est conclu par une description poétique des temples de la fausse gloire et de la véritable gloire, ce dernier étant dédié aux bons rois, y compris Louis XV. M. le Duc de Saint-Aignan, en tant que directeur de l'Académie, a répondu au discours, regrettant l'absence de M. le Duc de Nivernois et louant ses qualités humaines et son dévouement. Les éloges ont été applaudis, et le discours imprimé a confirmé l'approbation de l'assemblée.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
1258
p. 76
LES APRÉS-SOUPERS de la Campagne, ou Recueil d'Histoires courtes, amusantes & intéressantes ; à Amsterdam, & se trouve à Paris chez Bauche , quai des Augustins , & Duchesne, rue S. Jacques. 2. vol. in-12 1763.
Début :
IL paroît que le Public reçoit avec plaisir les différens recueils où l'on réunit [...]
Mots clefs :
Contes, Histoires piquantes
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LES APRÉS-SOUPERS de la Campagne, ou Recueil d'Histoires courtes, amusantes & intéressantes ; à Amsterdam, & se trouve à Paris chez Bauche , quai des Augustins , & Duchesne, rue S. Jacques. 2. vol. in-12 1763.
LES APRÉS- SOUPERS de la Campagne
, ou Recueil d'Hiftoires courtes,
amufantes & intéressantes ; à Amfterdam
, & fe trouve à Paris chez
Bauche , quai des Auguftins , & Duchefne
, rue S. Jacques. 2. vol. in- 12
2763 ,
IL paroît que le Public reçoit avec
plaifir les différens recueils où l'on réunit
pour fon amufement un certain
nombre de Contes , choifis avec goût ,
& recueillis des meilleurs Auteurs. Parmi
ces diverfes collections , nous n'en
avons guères lu de plus agréables que
celle que nous annonçons aujourd'hui .
On y trouve des hiftoires piquantes ,
écrites avec efprit , & préfentées fous
un point de vue moral , qui joint toujours
l'utilité à l'agrément. Nous ferions
fort aifes d'entrer dans quelques
détails ; mais ces fortes d'avantures ne
font point fufceptibles d'analyfe ; ce feroit
ôter à nos Lecteurs une partie du
plaifir qu'il y a à les lire , que de les
annoncer par extraits,
, ou Recueil d'Hiftoires courtes,
amufantes & intéressantes ; à Amfterdam
, & fe trouve à Paris chez
Bauche , quai des Auguftins , & Duchefne
, rue S. Jacques. 2. vol. in- 12
2763 ,
IL paroît que le Public reçoit avec
plaifir les différens recueils où l'on réunit
pour fon amufement un certain
nombre de Contes , choifis avec goût ,
& recueillis des meilleurs Auteurs. Parmi
ces diverfes collections , nous n'en
avons guères lu de plus agréables que
celle que nous annonçons aujourd'hui .
On y trouve des hiftoires piquantes ,
écrites avec efprit , & préfentées fous
un point de vue moral , qui joint toujours
l'utilité à l'agrément. Nous ferions
fort aifes d'entrer dans quelques
détails ; mais ces fortes d'avantures ne
font point fufceptibles d'analyfe ; ce feroit
ôter à nos Lecteurs une partie du
plaifir qu'il y a à les lire , que de les
annoncer par extraits,
Fermer
Résumé : LES APRÉS-SOUPERS de la Campagne, ou Recueil d'Histoires courtes, amusantes & intéressantes ; à Amsterdam, & se trouve à Paris chez Bauche , quai des Augustins , & Duchesne, rue S. Jacques. 2. vol. in-12 1763.
L'ouvrage 'Les Après-Soupers de la Campagne' est un recueil d'histoires courtes disponible à Amsterdam et Paris. Il propose des contes amusants et intéressants, choisis parmi les meilleurs auteurs. Les histoires sont présentées sous un angle moral, combinant utilité et agrément. Le texte met en avant l'appréciation du public pour ce type de recueil et souligne que l'analyse des aventures gâcherait le plaisir de lecture.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
1259
p. 77-86
LETTRE sur un Poëme Latin, du Seiziéme Siécle de Monsieur de MASSAC, Receveur Général des Fermes du Roi, Abonné au Mercure, & de la Société Royale d'Agriculture de la Généralité de Limoges, à Monsieur DE MONT, de la même Société, Conseiller au Parlement de Toulouse & de l'Académie des Jeux Floraux.
Début :
En parcourant la nouvelle Edition du Dictionnaire de Moreri, vous avez [...]
Mots clefs :
Médecine, Poète, Physicien, Fontaines, Eaux minérales, Traduction, Société royale d'agriculture de la généralité de Limoges
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE sur un Poëme Latin, du Seiziéme Siécle de Monsieur de MASSAC, Receveur Général des Fermes du Roi, Abonné au Mercure, & de la Société Royale d'Agriculture de la Généralité de Limoges, à Monsieur DE MONT, de la même Société, Conseiller au Parlement de Toulouse & de l'Académie des Jeux Floraux.
LETTRE fur un Poëme Latin , du
Seiziéme Siécle de Monfieur de
MASSAC , Receveur Général des
Fermes du Roi , Abonné au Mercure
, & de la Société Royale d'Agriculture
de la Généralité de Limoges
, à Monfieur DE MONT , de la
même Société , Confeiller au Parlement
de Toulouse & de l'Académie
des Jeux Floraux.
MONSIEUR ,
>
En parcourant la nouvelle Edition
du Dictionnaire de Moreri , vous avez
trouvé , dites-vous qu'il y eft fait
mention d'un Raimond de Maffac ;
Auteur d'un Poëme Latin fur les Eaux
minérales de Pougues ( a ). Vous ne
( a ) Pougues , Village du Nivernois , entre
Nevers & la Charité, étoit autrefois fort renommé,
( je ne fçais s'il l'eft encore ) à caule de deux fentaines
dont les eaux avoient la vertu de guérir de
l'hydropifie & de la pierre. Quoique ces deux
fontaines , dont l'une s'appelloit de S. Léger , &
l'autre de S. Marceau , ne fuffent diftantes l'une
Diij
78 MERCURE DE FRANCE.
doutez point que cet ouvrage ne
foit entre mes mains ; & quoique M.
l'Abbé Goujet en ait parlé affez avantageuſement
dans fa Bibliothéque Françoife
, vous feriez - bien aife que je
vous fiffe connoître plus particuliére--
ment l'Auteur & fon Ouvrage.
Il m'eft d'autant plus aifé de vous
fatisfaire fur le fecond objet de votredemande
, que je viens précisément
de lire avec attention le Poëme dont
il s'agit. Quant aux particularités concernant
l'Auteur , que vous exigez auf--
fi , je ne puis vous en rapporter que
très -peu , qui ont ont échappé aux recherches
de M. l'Abbé Goujet.
par
Meffire Raimond de Maffac , dont
les defcendans ont joui fans interrup
tion de la nobleffe , qui avoit été accordée
Charles VII en 1434 à
Jean de Mafac fon bifayeul & Chef
de ma Famille , étoit originaire de
Clairac en Agénois , comme il le dit
lui-même. Il quitta fa Patrie pour aller
fixer fon domicile à Orléans l'an 1586..
Ce fait eft prouvé par une Enquête en
de l'autre que d'un pied , on remarquoit cepen-.
dant quelque différence dans le goût de leurs
eaux. Voyez le Traité de ces Fontaines imprimé
à Paris en 1581 .
MARS. 1763. 79
ปี
bonne forme faite le 15 Mars 1678
à la Requête de noble Augé de Maf
fac , Officier au Régiment d'Artois ;
piéce qui eft entre les mains de mon
Père.
Par l'Epitre Dédicatoire de Raimond
de Maffac , au Prince Charles de Gon
zagues de Cleves ( b) premier du nom ,
Duc de Nevers & de Rhêtel , Pair de
France , Prince de Mantoue , & Gou
verneur de Champagne , & de Brie ,
on voit que cet Auteur étoit d'un caractère
gai & qu'il étoit fort recherché
par les perfonnes de la premiere
Qualité. Plufieurs autres de fes écrits en
fourniffent auffi la preuve: On peut
conjecturer par la date de fes derniers
ouvrages , qu'il mourut au commencement
du dix -feptiéme Siécle . Indépendamment
de fa traduction d'Ovide en
vers françois , à laquelle fon fils Char-^
les de Maffac , travailla beaucoup , &
de fon Poëme fur les Eaux de Pou-"
gues , traduit auffi en vers françois par
le même Charles, il en compofa plufieurs
( b ) La branche des Gonzagues de Cleves fut
éteinte par la mort de Ferdinand Charles Gouza- "
gues IV. du nom , Duc de Mantoue & de Montferrat
, & le Cardinal de Mazarin acquit les Duchés
de Nevers & de Rhetel des derniers Ducs de
Mantoue. D iv
7
80 MERCURE DE FRANCE.
1
autres latins.J'en ai vu de fa façon à la tête
d'une édition de Juftin , qu'on réimprima
de fon temps . Il célébra les talens ,
de plufieurs Auteurs fes contemporains.
Il fut lui - même célébré par plufieurs
Sçavans , & fon Poëme latin , dont je
vais vous parler , eft enrichi de notes
grecques & latines de Jacques le Vaf
Jeur , Docteur en Théologie , né à
Vîmes dans le Ponthieu , près d'Abbeville.
Vous fçavez mieux que moi ,
mon cher ami , que la Poëfie Didactique
, ayant pour but principal d'inf
truire les hommes , la bonté des Poëmes
en ce genre doit fe régler fur l'utilité
du Sujet que l'on traite & fur les
avantages qui réfultent des inftructions
qu'on y donne. La beauté de la verfification
, l'abondance dans les images,
la force de l'expreffion & c. ne font
pour ainfi dire , que les machines que
fait jouer le Poëte pour amufer le Lecteur
; machines qui font cependant
néceffaires pour conftituer un corps
d'ouvrage , qui plaife en intéreffant ,
lectorem delectando , pariterque monendo.
Je puis vous affurer que ,
fi vous
lifez vous- même la feconde édition (c).
( c ) Elle fe trouve dans plufieurs Bibliothéques
, & notamment à Paris dans celle du Collé
ge Mazarin .
MARS. 1763.
81
du Poëme , intitulé : Remundi Maffaci
Clarici Agenenfis & Collegii Aurelianenfis
Falcultatis Medica Decani Pugea
, feu de Limphis Pugeqcis libri
duo.
Vous verrez avec plaifir qu'à la folidité
des préceptes repandus dans tout
l'ouvrage , le Poëte a ajouté un air
d'enjouement qui régne depuis le
commencement jufqu'à la fin. On y
y trouve en effet des comparaifons juftes
& bien afforties , de la facilité dans
la verfification , des expreffions délicates
, des tours heureux. L'agrément des
deferiptions fait difparoître la féchereffe
des préceptes. Le Poëte peint partout,
Et il me femble que fon pinceau rend
mieux les couleurs de la nature . Médecin
habile, Philofophe profond, il expofe
avec clarté cette phyfique obfcure , qui
étoit en vogue dans fon temps, & il en
tire dequoi expliquer clairement tout
ce qui a trait à fon ouvrage ; il féme
quelquefois des traits d'une érudition
peu commune ; ce n'eft pas tout : comme
le Poëme Didactique fans épiſode
feroit ennuyeux , il y en mêle fagement
quelqu'une. Enfin je crois qu'on
peut dire fans être taxé de prévention,
que cet ouvrage fait quelque hon-
D V
82 MERCURE DE FRANCE.
neur à fon Siécle. En voici une Ana“ -
lyfe fuccinte qui vous en donnera fans ;
doute l'idée que j'en ai conçue .
'ANALYSE DU PREMIER LIVRE..
Le Poëte , après avoir expofé fon
Sujet en peu de mots , paffe rapidement
fur l'invocation , & nous préfente
de la manière fuivante , le tableau
d'un homme qui reffent les douleurs de
la pierre ..
?
Calculus in cyſtam poftquam de rene pependit -
Labitur , atque fero fenfim impellente vagatur :
Sin minor ipfe locus fuerit , majufque locatum .
Tenditur ureter, tenfufque dolore fatigat
Humanum corpus repetito vulnere pun&um ,
Horrendæ indè cruces , atque irrequieta laborum ›
Colligitur rabies , jacet heu patientia victa ,
Æger agens morbum fecum fua damna ferendo ,
Carfitat huc illuc , ringens , tremebundus , anhelans
,.
Pertælus vitam , pertæfus lumina coeli ,
Mortem orat , Superofque infanâ voce laceffit :
Haud aliter taurus tacito percuffus afilo
Eftuat in rabiem, campos , montefque peragrans
Aëraque immenfum crebris mugitibus urgens ,
Seque fugit , fequiturque , malique renaſcitur Au-.-
&tor.
MARS. 1763. 83
Cette peinture me paroît d'une touche
førte & naturelle. L'Auteur explique enfuite
la formation , les fymptomes, & les
fuites funeftes de cette maladie. Il nous
apprend que ce n'eft pas feulement dans
les canaux urétaires des reins , que fe
forme la pierre : il en a vu lui - même
aux deux côtés du coeur , dans le pou
mon , dans le cerveau & dans d'autres
parties du corps . De -là , fon imagination
le tranfporte fur le bord de la fontaine
de Pougues , où le Dieu de la mé
decine va lui apprendre depuis quel
temps ces eaux coulent dans cette contrée
, avec quelles précautions il faut :
les boire , & comment elles ont la ver
tu de diffoudre la pierre. Le Dieu de
la Loire , dit-il , éleva avec foin une fille
qu'il avoit eue de la Nymphe Pégée.
Cette jeune Nayade fut bien- tôt recherchée
en mariage par tous les Dieux
champêtres ; mais elle dédaigna leurs
tranfports amoureux . Apollon l'apperçut
un jour dans le temps qu'elle chaf
foit. La Beauté , les Charmes , les Grâ
ces , le port majeftueux de la nouvelle
Diane , firent naître à l'inftant dans le
coeur du Dieu , un amour des plus vio--
lens . Il la pourfuivit , mais en vain ; elle
arrive en fuyant fur le bord de la Loire e
D-vj ¦
84 MERCURE DE FRANCE.
où fon père , pour la fouftraire aux
pourfuites d'Apollon , la change en fontaine
. Le Dieu qui la chériffoit , même
après fa métamorphofe , donne aux eaux
de cette fontaine , la vertu de guérir de
plufieurs maladies & particuliérement
celle de la pierre ..
ANALYSE DU DEUXIÉMÉ
LIVRE.
Le Poëte , à qui le Dieu de la médecine
avoit infpiré , pendant un léger
fommeil , ce qu'on a vu dans lé premier
Livre , fe tranfporte maintenant à
l'endroit où coulent les eaux qui font la
matière de fes Vers . Après les avoir
analyfées lui-même , il explique en Phyficien
la formation des fontaines. Il y
a , dit- il , dans la terre & furtout dans
les creux des rochers des réfervoirs où
l'eau fe ramaffant en grande quantité &
fe filtrant dans les canaux fouterrains
prend des couleurs & des goûts différens
, felon les matieres qu'elle rencontre
für fon paffage. Il paroît par ce que
dit notre Poëte , que l'efprit de vitriol
& de fouffre abonde dans les eaux de
Pougues ; ce qui leur donne tant de
vertu pour diffoudre les parties fablonneufes
& tartareufes qui forment la
1
MARS. 1763. 85
1
e
pierre. Après cet éxamen il place adroitement
l'éloge de Henry le Grand qu'il
prie de veiller à la confervation & à
l'embéliffement de ces fources falutaires
, qui font auffi éfficaces pour la
pierre que pour les maux de poitrine.
En finiffant il trace encore avec un
pinceau non moins délicat qu'énergique
, le portrait de plufieurs perfonnes
diftinguées qui avoient été à Pougues
chercher du foulagement à leurs douleurs.
Il faut lire dons l'Ouvrage même
l'éloge pompeux & magnifique qu'il
fait des Gonzagues , des Guifes , des
Longuevilles , des la Châtre. Je me borne
à vous rapporter le plus court ; c'eft
celui de Claude - Catherine de Clermont,
Baronne de Rhetz , & Dame de Dampierre
, fi célébre par fon efprit. Elle
fut Ducheffe de Retz & mourut en
1603 , âgée de foixante ans .
Nec tu carminibus noftris indicta manebis ,
REZIA , grandè decus Mufarum & nobilis arte ;
Et quæ docta fonas æquantia plectra Maronem ;
Parnaffi cultrix & Galli Neftoris uxor ,
Femina virtute & majorum ſtemmate fulgens ,
Sicque tuo fulgebit opus fub nomine noftrum.
Vous connoiffez depuis longtemps
#
86 MERCURE DE FRANCE.
Monfieur , quels font les fentimens
d'eftime , de confidération & d'amitié
avec lefquels
J'ai l'honneur d'être & c.
'A Brive-la-Gaillarde , ce 15 Décembre 17623
Seiziéme Siécle de Monfieur de
MASSAC , Receveur Général des
Fermes du Roi , Abonné au Mercure
, & de la Société Royale d'Agriculture
de la Généralité de Limoges
, à Monfieur DE MONT , de la
même Société , Confeiller au Parlement
de Toulouse & de l'Académie
des Jeux Floraux.
MONSIEUR ,
>
En parcourant la nouvelle Edition
du Dictionnaire de Moreri , vous avez
trouvé , dites-vous qu'il y eft fait
mention d'un Raimond de Maffac ;
Auteur d'un Poëme Latin fur les Eaux
minérales de Pougues ( a ). Vous ne
( a ) Pougues , Village du Nivernois , entre
Nevers & la Charité, étoit autrefois fort renommé,
( je ne fçais s'il l'eft encore ) à caule de deux fentaines
dont les eaux avoient la vertu de guérir de
l'hydropifie & de la pierre. Quoique ces deux
fontaines , dont l'une s'appelloit de S. Léger , &
l'autre de S. Marceau , ne fuffent diftantes l'une
Diij
78 MERCURE DE FRANCE.
doutez point que cet ouvrage ne
foit entre mes mains ; & quoique M.
l'Abbé Goujet en ait parlé affez avantageuſement
dans fa Bibliothéque Françoife
, vous feriez - bien aife que je
vous fiffe connoître plus particuliére--
ment l'Auteur & fon Ouvrage.
Il m'eft d'autant plus aifé de vous
fatisfaire fur le fecond objet de votredemande
, que je viens précisément
de lire avec attention le Poëme dont
il s'agit. Quant aux particularités concernant
l'Auteur , que vous exigez auf--
fi , je ne puis vous en rapporter que
très -peu , qui ont ont échappé aux recherches
de M. l'Abbé Goujet.
par
Meffire Raimond de Maffac , dont
les defcendans ont joui fans interrup
tion de la nobleffe , qui avoit été accordée
Charles VII en 1434 à
Jean de Mafac fon bifayeul & Chef
de ma Famille , étoit originaire de
Clairac en Agénois , comme il le dit
lui-même. Il quitta fa Patrie pour aller
fixer fon domicile à Orléans l'an 1586..
Ce fait eft prouvé par une Enquête en
de l'autre que d'un pied , on remarquoit cepen-.
dant quelque différence dans le goût de leurs
eaux. Voyez le Traité de ces Fontaines imprimé
à Paris en 1581 .
MARS. 1763. 79
ปี
bonne forme faite le 15 Mars 1678
à la Requête de noble Augé de Maf
fac , Officier au Régiment d'Artois ;
piéce qui eft entre les mains de mon
Père.
Par l'Epitre Dédicatoire de Raimond
de Maffac , au Prince Charles de Gon
zagues de Cleves ( b) premier du nom ,
Duc de Nevers & de Rhêtel , Pair de
France , Prince de Mantoue , & Gou
verneur de Champagne , & de Brie ,
on voit que cet Auteur étoit d'un caractère
gai & qu'il étoit fort recherché
par les perfonnes de la premiere
Qualité. Plufieurs autres de fes écrits en
fourniffent auffi la preuve: On peut
conjecturer par la date de fes derniers
ouvrages , qu'il mourut au commencement
du dix -feptiéme Siécle . Indépendamment
de fa traduction d'Ovide en
vers françois , à laquelle fon fils Char-^
les de Maffac , travailla beaucoup , &
de fon Poëme fur les Eaux de Pou-"
gues , traduit auffi en vers françois par
le même Charles, il en compofa plufieurs
( b ) La branche des Gonzagues de Cleves fut
éteinte par la mort de Ferdinand Charles Gouza- "
gues IV. du nom , Duc de Mantoue & de Montferrat
, & le Cardinal de Mazarin acquit les Duchés
de Nevers & de Rhetel des derniers Ducs de
Mantoue. D iv
7
80 MERCURE DE FRANCE.
1
autres latins.J'en ai vu de fa façon à la tête
d'une édition de Juftin , qu'on réimprima
de fon temps . Il célébra les talens ,
de plufieurs Auteurs fes contemporains.
Il fut lui - même célébré par plufieurs
Sçavans , & fon Poëme latin , dont je
vais vous parler , eft enrichi de notes
grecques & latines de Jacques le Vaf
Jeur , Docteur en Théologie , né à
Vîmes dans le Ponthieu , près d'Abbeville.
Vous fçavez mieux que moi ,
mon cher ami , que la Poëfie Didactique
, ayant pour but principal d'inf
truire les hommes , la bonté des Poëmes
en ce genre doit fe régler fur l'utilité
du Sujet que l'on traite & fur les
avantages qui réfultent des inftructions
qu'on y donne. La beauté de la verfification
, l'abondance dans les images,
la force de l'expreffion & c. ne font
pour ainfi dire , que les machines que
fait jouer le Poëte pour amufer le Lecteur
; machines qui font cependant
néceffaires pour conftituer un corps
d'ouvrage , qui plaife en intéreffant ,
lectorem delectando , pariterque monendo.
Je puis vous affurer que ,
fi vous
lifez vous- même la feconde édition (c).
( c ) Elle fe trouve dans plufieurs Bibliothéques
, & notamment à Paris dans celle du Collé
ge Mazarin .
MARS. 1763.
81
du Poëme , intitulé : Remundi Maffaci
Clarici Agenenfis & Collegii Aurelianenfis
Falcultatis Medica Decani Pugea
, feu de Limphis Pugeqcis libri
duo.
Vous verrez avec plaifir qu'à la folidité
des préceptes repandus dans tout
l'ouvrage , le Poëte a ajouté un air
d'enjouement qui régne depuis le
commencement jufqu'à la fin. On y
y trouve en effet des comparaifons juftes
& bien afforties , de la facilité dans
la verfification , des expreffions délicates
, des tours heureux. L'agrément des
deferiptions fait difparoître la féchereffe
des préceptes. Le Poëte peint partout,
Et il me femble que fon pinceau rend
mieux les couleurs de la nature . Médecin
habile, Philofophe profond, il expofe
avec clarté cette phyfique obfcure , qui
étoit en vogue dans fon temps, & il en
tire dequoi expliquer clairement tout
ce qui a trait à fon ouvrage ; il féme
quelquefois des traits d'une érudition
peu commune ; ce n'eft pas tout : comme
le Poëme Didactique fans épiſode
feroit ennuyeux , il y en mêle fagement
quelqu'une. Enfin je crois qu'on
peut dire fans être taxé de prévention,
que cet ouvrage fait quelque hon-
D V
82 MERCURE DE FRANCE.
neur à fon Siécle. En voici une Ana“ -
lyfe fuccinte qui vous en donnera fans ;
doute l'idée que j'en ai conçue .
'ANALYSE DU PREMIER LIVRE..
Le Poëte , après avoir expofé fon
Sujet en peu de mots , paffe rapidement
fur l'invocation , & nous préfente
de la manière fuivante , le tableau
d'un homme qui reffent les douleurs de
la pierre ..
?
Calculus in cyſtam poftquam de rene pependit -
Labitur , atque fero fenfim impellente vagatur :
Sin minor ipfe locus fuerit , majufque locatum .
Tenditur ureter, tenfufque dolore fatigat
Humanum corpus repetito vulnere pun&um ,
Horrendæ indè cruces , atque irrequieta laborum ›
Colligitur rabies , jacet heu patientia victa ,
Æger agens morbum fecum fua damna ferendo ,
Carfitat huc illuc , ringens , tremebundus , anhelans
,.
Pertælus vitam , pertæfus lumina coeli ,
Mortem orat , Superofque infanâ voce laceffit :
Haud aliter taurus tacito percuffus afilo
Eftuat in rabiem, campos , montefque peragrans
Aëraque immenfum crebris mugitibus urgens ,
Seque fugit , fequiturque , malique renaſcitur Au-.-
&tor.
MARS. 1763. 83
Cette peinture me paroît d'une touche
førte & naturelle. L'Auteur explique enfuite
la formation , les fymptomes, & les
fuites funeftes de cette maladie. Il nous
apprend que ce n'eft pas feulement dans
les canaux urétaires des reins , que fe
forme la pierre : il en a vu lui - même
aux deux côtés du coeur , dans le pou
mon , dans le cerveau & dans d'autres
parties du corps . De -là , fon imagination
le tranfporte fur le bord de la fontaine
de Pougues , où le Dieu de la mé
decine va lui apprendre depuis quel
temps ces eaux coulent dans cette contrée
, avec quelles précautions il faut :
les boire , & comment elles ont la ver
tu de diffoudre la pierre. Le Dieu de
la Loire , dit-il , éleva avec foin une fille
qu'il avoit eue de la Nymphe Pégée.
Cette jeune Nayade fut bien- tôt recherchée
en mariage par tous les Dieux
champêtres ; mais elle dédaigna leurs
tranfports amoureux . Apollon l'apperçut
un jour dans le temps qu'elle chaf
foit. La Beauté , les Charmes , les Grâ
ces , le port majeftueux de la nouvelle
Diane , firent naître à l'inftant dans le
coeur du Dieu , un amour des plus vio--
lens . Il la pourfuivit , mais en vain ; elle
arrive en fuyant fur le bord de la Loire e
D-vj ¦
84 MERCURE DE FRANCE.
où fon père , pour la fouftraire aux
pourfuites d'Apollon , la change en fontaine
. Le Dieu qui la chériffoit , même
après fa métamorphofe , donne aux eaux
de cette fontaine , la vertu de guérir de
plufieurs maladies & particuliérement
celle de la pierre ..
ANALYSE DU DEUXIÉMÉ
LIVRE.
Le Poëte , à qui le Dieu de la médecine
avoit infpiré , pendant un léger
fommeil , ce qu'on a vu dans lé premier
Livre , fe tranfporte maintenant à
l'endroit où coulent les eaux qui font la
matière de fes Vers . Après les avoir
analyfées lui-même , il explique en Phyficien
la formation des fontaines. Il y
a , dit- il , dans la terre & furtout dans
les creux des rochers des réfervoirs où
l'eau fe ramaffant en grande quantité &
fe filtrant dans les canaux fouterrains
prend des couleurs & des goûts différens
, felon les matieres qu'elle rencontre
für fon paffage. Il paroît par ce que
dit notre Poëte , que l'efprit de vitriol
& de fouffre abonde dans les eaux de
Pougues ; ce qui leur donne tant de
vertu pour diffoudre les parties fablonneufes
& tartareufes qui forment la
1
MARS. 1763. 85
1
e
pierre. Après cet éxamen il place adroitement
l'éloge de Henry le Grand qu'il
prie de veiller à la confervation & à
l'embéliffement de ces fources falutaires
, qui font auffi éfficaces pour la
pierre que pour les maux de poitrine.
En finiffant il trace encore avec un
pinceau non moins délicat qu'énergique
, le portrait de plufieurs perfonnes
diftinguées qui avoient été à Pougues
chercher du foulagement à leurs douleurs.
Il faut lire dons l'Ouvrage même
l'éloge pompeux & magnifique qu'il
fait des Gonzagues , des Guifes , des
Longuevilles , des la Châtre. Je me borne
à vous rapporter le plus court ; c'eft
celui de Claude - Catherine de Clermont,
Baronne de Rhetz , & Dame de Dampierre
, fi célébre par fon efprit. Elle
fut Ducheffe de Retz & mourut en
1603 , âgée de foixante ans .
Nec tu carminibus noftris indicta manebis ,
REZIA , grandè decus Mufarum & nobilis arte ;
Et quæ docta fonas æquantia plectra Maronem ;
Parnaffi cultrix & Galli Neftoris uxor ,
Femina virtute & majorum ſtemmate fulgens ,
Sicque tuo fulgebit opus fub nomine noftrum.
Vous connoiffez depuis longtemps
#
86 MERCURE DE FRANCE.
Monfieur , quels font les fentimens
d'eftime , de confidération & d'amitié
avec lefquels
J'ai l'honneur d'être & c.
'A Brive-la-Gaillarde , ce 15 Décembre 17623
Fermer
Résumé : LETTRE sur un Poëme Latin, du Seiziéme Siécle de Monsieur de MASSAC, Receveur Général des Fermes du Roi, Abonné au Mercure, & de la Société Royale d'Agriculture de la Généralité de Limoges, à Monsieur DE MONT, de la même Société, Conseiller au Parlement de Toulouse & de l'Académie des Jeux Floraux.
La lettre traite d'un poème latin du XVIe siècle intitulé 'Remundi Maffaci Clarici Agenenfis & Collegii Aurelianenfis Facultatis Medica Decani Pugea, seu de Limphis Pugeqcis libri duo', écrit par Raimond de Massac. Raimond de Massac est un noble originaire de Clairac en Agenois, qui s'est installé à Orléans en 1586. Le poème porte sur les eaux minérales de Pougues, un village du Nivernois connu pour ses fontaines aux vertus thérapeutiques contre l'hydropisie et la pierre. Le poème est dédié au Prince Charles de Gonzague de Clèves, Duc de Nevers et de Rethel. Il est apprécié pour son style didactique et instructif, décrivant les symptômes et les traitements de la pierre, ainsi que l'histoire légendaire des fontaines de Pougues. Raimond de Massac mentionne également des personnalités distinguées ayant visité Pougues pour ses vertus curatives. L'auteur de la lettre, Monsieur de Massac, Receveur Général des Fermes du Roi, partage des détails sur la vie et les œuvres de Raimond de Massac, soulignant la qualité littéraire et scientifique du poème. Il mentionne également des traductions en français réalisées par le fils de Raimond, Charles de Massac. La lettre se conclut par une analyse du poème, mettant en avant sa solidité des préceptes et son enjouement.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
1259
1260
p. 86-87
A L'AUTEUR DU MERCURE, Sur un Plagiat.
Début :
IL y a quelques années, Monsieur, qu'une personne envoya de Beauvais, [...]
Mots clefs :
Supercherie, Filouterie littéraire, Plagiat, Pirateries
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : A L'AUTEUR DU MERCURE, Sur un Plagiat.
A L'AUTEUR DU MERCURE ,
Sur un Plagiat.
y a quelques années , Monfieur ,
qu'une perfonne envoya de Beauvais , ›
ou d'Amiens , une piéce de vers qu'elle
foufcrivit pour en paroître modeftement
l'Auteur , dans l'idée fans doute que
M. PAVILLON de l'Academie Françoife
étoit inconnu dans la Capitale ;
cette fupercherie , pour ne rien dire de
plus , lui réuffit , & on vit paroître
au Mercure LES CONSEILS A IRIS ,
fous le titre , je crois , à moitié déguifé
, DE CONSEILS A UNE JEUNE DE
MOISELLE . J'en écrivis à l'Auteur du
Mercure qui la démaſqua dans le Mercure
fuivant . \-
Dans le premier volume de votre
Mercure de ce mois qu'on vient de
m'apporter , j'y trouve page 69 à -peu-.-
MARS. 1763.. ទ ៗ :
e
It
e
2-
Le ;;
de
tre
IS ,
gui
DEr
du :
Mervotre
2
nt
de
:
-peu
-.-
près la même chofe dans un autre genre,
c'eft l'ÉNIGME dont le mot eft Fiacre
ou Carroffe de place , qui a déja été
inférée au Mercure il y a quelques an--
nées.
Il faut efpérer que l'Anonyme de
qui vous la tenez vous enverra bientôt
l'Enigme des Coches publics qui , je
crois , eft dans le premier ou fecond vo--
lume du Mercure de M. Dufrefny..
Il eft pourtant bon de vous faire con--
noître ces pirateries , étant tous les
jours dans le cas d'être trompé de cette
manière par lé peu
de temps que
vous avez pour la rédaction de votre
Journal, qui ne vous permet pas de vous
reffouvenir à l'inftant des Ouvrages des
Auteurs dont veulent fe parer certains
plagiaires en abufant honteufement le
Public ; ce qui eft de la derniere éffron--
terie , furtout lorfqu'ils ofent y mettre
leurs noms ; cela devroit même avoir
fon eſpèce de punition proportionnée
à celles que les larrons trouvent dans
le's Loix.
Cette dénonciation de filouterie lit
téraire doit être rendue publique pour
l'éxemple . Vous en ferez au furplus l'u ---
fage que vous voudrez .
J'ai l'honneur d'être , & c.
C21 Janvier 176303. De la G ****
Sur un Plagiat.
y a quelques années , Monfieur ,
qu'une perfonne envoya de Beauvais , ›
ou d'Amiens , une piéce de vers qu'elle
foufcrivit pour en paroître modeftement
l'Auteur , dans l'idée fans doute que
M. PAVILLON de l'Academie Françoife
étoit inconnu dans la Capitale ;
cette fupercherie , pour ne rien dire de
plus , lui réuffit , & on vit paroître
au Mercure LES CONSEILS A IRIS ,
fous le titre , je crois , à moitié déguifé
, DE CONSEILS A UNE JEUNE DE
MOISELLE . J'en écrivis à l'Auteur du
Mercure qui la démaſqua dans le Mercure
fuivant . \-
Dans le premier volume de votre
Mercure de ce mois qu'on vient de
m'apporter , j'y trouve page 69 à -peu-.-
MARS. 1763.. ទ ៗ :
e
It
e
2-
Le ;;
de
tre
IS ,
gui
DEr
du :
Mervotre
2
nt
de
:
-peu
-.-
près la même chofe dans un autre genre,
c'eft l'ÉNIGME dont le mot eft Fiacre
ou Carroffe de place , qui a déja été
inférée au Mercure il y a quelques an--
nées.
Il faut efpérer que l'Anonyme de
qui vous la tenez vous enverra bientôt
l'Enigme des Coches publics qui , je
crois , eft dans le premier ou fecond vo--
lume du Mercure de M. Dufrefny..
Il eft pourtant bon de vous faire con--
noître ces pirateries , étant tous les
jours dans le cas d'être trompé de cette
manière par lé peu
de temps que
vous avez pour la rédaction de votre
Journal, qui ne vous permet pas de vous
reffouvenir à l'inftant des Ouvrages des
Auteurs dont veulent fe parer certains
plagiaires en abufant honteufement le
Public ; ce qui eft de la derniere éffron--
terie , furtout lorfqu'ils ofent y mettre
leurs noms ; cela devroit même avoir
fon eſpèce de punition proportionnée
à celles que les larrons trouvent dans
le's Loix.
Cette dénonciation de filouterie lit
téraire doit être rendue publique pour
l'éxemple . Vous en ferez au furplus l'u ---
fage que vous voudrez .
J'ai l'honneur d'être , & c.
C21 Janvier 176303. De la G ****
Fermer
Résumé : A L'AUTEUR DU MERCURE, Sur un Plagiat.
Une lettre adressée à l'auteur du Mercure dénonce des cas de plagiat. Quelques années auparavant, une personne avait envoyé une pièce de vers de Beauvais ou d'Amiens en se faisant passer pour l'auteur, profitant de l'inconnu M. Pavillon de l'Académie Française. Cette supercherie a réussi, et les 'Conseils à Iris' ont été publiés sous un titre déguisé. L'auteur de la lettre avait alors informé le rédacteur du Mercure, qui avait démasqué l'imposteur. Dans le premier volume du Mercure de mars 1763, l'auteur signale une autre forme de plagiat : une énigme dont le mot est 'Fiacre' ou 'Carrosse de place', déjà publiée quelques années auparavant. Il suggère que l'anonyme ayant envoyé cette énigme pourrait également être l'auteur de celle des 'Coches publics', présente dans un volume précédent du Mercure de M. Dufresny. L'auteur met en garde contre ces pirateries littéraires, soulignant que le peu de temps disponible pour la rédaction du journal empêche de vérifier immédiatement l'authenticité des œuvres. Il condamne sévèrement ces pratiques, comparant les plagiaires à des voleurs et suggérant qu'ils devraient être punis de manière appropriée. Il insiste sur la nécessité de rendre publique cette dénonciation pour servir d'exemple et prévenir de futurs abus.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
1261
p. 89-98
ANNONCES DE LIVRES.
Début :
COLLECTION de différens Morceaux sur l'Histoire Naturelle & Civile [...]
Mots clefs :
Libraire, Comédie, Musique, Évangile, Brochure
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ANNONCES DE LIVRES.
ANNONCES DE LIVRES.
COLLECTION de différens Morceaux
fur l'Hiftoire Naturelle & Civile
des Pays du Nord , fur l'Hiftoire Naturelle
en général , fur d'autres Sciences ,
fur différens Arts ; traduit de l'Allemand
, du Suédois , du Latin , avec des
notes du Traducteur. Par M. de Keralio
, Capitaine , Aide - Major à l'École
Militaire , & chargé d'y enfeigner la
Tactique. Tome premier , in-12.
Je vais jufqu'où je puis ;
Et femblable à l'Abeille , en nos jardins écloſe ,
De différentes fleurs j'affemble & je compofe
Le miel que je produis.
Rouffeau , Od. 1. du Liv. 3. Stroph. 30.
-
A Paris , chez R. Davidts , Libraire
quai des Auguftins , à S. Jacques . Cette
Collection très intéreffante , & dont
nous nous propofons de rendre compfera
bientôt fuivie de plufieurs au-
,
tres volumes,
LA MORALE ÉVANGÉLIQUE expliquée
par les SS . Pèrés ; ou Homélies
choifies des Pères de l'Eglife , fur tous
90 MERCURE DE FRANCE .
les Evangiles des Dimanches & Fêtes
de l'année. Ouvrage très-utile, aux Curés
, aux Eccléfiaftiques chargés d'inf
truire les Peuples ; & généralement à
tous les Fidéles qui veulent s'inftruire à
fond des vérités de la Religion . Par M.
l'Abbé Mary de la Canorgue , Prêtre ,
Licentié en Théologie. in- 12. Tom. I.
Paris , 1763 , chez Lottin le jeune ,
rue S. Jacques , vis- à -vis la rue de la
Parcheminerie.
Les jeunes Eccléfiaftiques qui fe
deftinent à inftruire les Peuples , qui
n'ont pas des facilités de puifer euxmêmes
dans les Pères, trouveront dans ce
recueil d'Homélies , les endroits les plus
beaux des SS. Pères. On y rencontre des
morceaux vifs & très - éloquens , des
comparaifons fort belles qui jettent un
grand jour dans la fuite du difcours :
partout beaucoup de lumiére & d'onc
tion , & cette véritable éloquence de
chofes & non de mots qui inftruit &
perfuade à la fois. Les fideles y trou--
veront une morale füre & une inftruction
folide.
Quelques perfonnes au premier coup
d'oeil ont cru que ces Homélies étoient
celles qui fe trouvent dans le Breviaire :
que l'on avoit raffemblées & fimple--
MARS. 1763. 95
le
X
Cup
'
nt
re :
Jement
traduites. Il y a cependant une
grande différence entre les unes & les
autres. D'abord il n'étoit guères poffible
de faire un recueil comme celuici
, fans fe rencontrer fréquemment
avec celles-là. D'ailleurs on ne trouve
ordinairement dans le Bréviaire qu'un
morceau qui a rapport à un endroit ou
à une partie de l'Evangile ; & ici prèfque
toutes les Homélies paraphrafent le
texte de l'Evangile en entier. Souvent
elles expliquent le fens moral , le figuré
& allégorique ; elles renferment même
quelquefois une triple explication de
tout l'Evangile.
-
On trouve chez le même Libraire
Les Stations de la Paffion de N. S.
Jefus Chrift , qui en contiennent
l'Hiftoire , avec des Réflexions & des
Prieres , &c. à l'ufage des Eglifes , Monaftères
& Communautés , où l'on fait
des proceffions pour adorer Jefus- Chrift;
Ouvrage propre aux Confrères de Jé
rufalem , aux Maifons Religieufes du
Calvaire , du Saint Sépulchre , des Filles-
Dieu & autres ; & généralement utile
à tous ceux qui veulent fe rappeller &
honorer le mystère de la Croix , dans
la fainte Quinzaine , tous les Vendredis,
J
92 MERCURE DE FRANCE.
ou durant tout le cours de l'année . Vol
in- 12. 1 liv. 6 f.
Le même Libraire Lottin , le jeune ,
vient d'acquérir du fond de M. le Prieur
les Exercices Religieux , utiles & profitables
aux Ames religieufes qui defirent
s'avancer en la perfection , avec
plufieurs avis , Inftructions & Pratiques
fpirituelles pour les y conduire & c.
Vol . in-12 . 2 liv. 10 f.
>
INSTRUCTIONS Chrétiennes fur les
huit Béatitudes tirées des faints Pères de
l'Eglife ; & en particulier de faint Auguftin
, fuivies d'une Priére & Afpirations
; ou Abrégé de toute la Morale
de l'Evangile , dans lequel le Chrétien
trouvera des règles fûres pour former
fes fentimens & fa conduite & des
motifs de confolation dans toutes les
épreuves de la vie. Par M. Cabrisseau ,
Théologal de Rheims. A Paris , chez
Lottin , le jeune , Libraire , rue S. Jacques
, vis-à-vis la rue de la Parcheminerie.
1763. Avec approbation & Privilège
du Roi.
,
LES DEUX LIVRES de S. Auguftin
, Evêque d'Hippone , à Pollentius ,
fur les mariages adultères , traduits en
MARS. 1763. 93
f
en
François , avec le Texte Latin à côté ,
des notes , & une differtation . Dédiés à
M. l'Evêque de Soiffons . Ouvrage utile
& même néceffaire à tous les Confeffeurs
, & finguliérement aux Millionnaires
employés chez les Infidéles . in - 12,
Paris , 1763. Chez G. Defprez , Imprimeur
du Roi & du Clergé de France,
rue S. Jacques . Prix , 2 1. 2. f. broché.
"
LETTRES Philofophiques , fur la
formation des Sels & des Cryftaux , &
fur la génération & le Méchaniſme organique
des Plantes & des Animaux, à
l'occafion de la pièrre bélemnite & de
la pièrre lenticulaire , avec un Mémoi
re fur la Théorie de la Tèrre . Par M,
Bourguet. Seconde édition , in- 12. avec
figures. Amfterdam , chez Marc- Michel
Rey , 1763 , & fe trouve chez Briaffon,
rue S. Jacques , à Paris.
VOYAGE du M. *** en Périgord ,
Vers & Profe . Brochure in - 12. Chez
Brocas & Humblot , rue S. Jacques.
DISCOURS fur la Satyre , Ouvrage
traduit de l'Italien .
Interest Reipublicæ cognofci malos.
Brochure in- 12 . Amfterdam , 1763 , &
94 MERCURE DE FRANCE.
fe trouve à Paris chez les Libraires qui
vendent les Nouveautés.
MARII CURILLI Groningenfis Satyræ.
Groninga , apud Jacobum Bolt ,
Bibliopolam. 1758.
GER. NICOLAI HERQUENII., Arcad.
Socii , & Acad. Reg. Pariſ. Litter.
& Antiq . Miniftri , Italicorum Liber
unus. Groninga. Typis Jacobi Bol
tii , Bibliopola. 1762 .
N. B. L'Auteur qui nous a fait l'honneur
de nous adreffer ces deux Ouvrages
dont nous n'avons qu'un très-bon
compte à rendre , ne nous dit pas
s'en trouve à Paris des exemplaires.
s'il
ÉSSAI fur les Bois de Charpente , ou
Differtation de la Compagnie des Architectes
& Experts des Bâtimens à Paris
, en réponse au Mémoire de M. Paris
Duvernai , Confeiller d'Etat , Intendant
de l'Ecole Royale Militaire , fur la
Théorie & la Pratique des gros Bois de
Charpente , dans leur exploitation &
dans leur emploi. Rédigée par MM.
Babuty , Defgodetz , & le Camus de
Mezieres. Brochure in- 12 . Paris , 1763 .
Chez Babuty fils , Libraire , quai des
Auguftins , à l'Etoile.
MARS. 1763. 95
e
&
L.
He
3 .
.es
CAQUET BON BEC , la Poule à ma
tante , Poëme badin.
Et frontem nugis folvere difce meis.
Ovid.
Brochure in-12 . 1763. Se trouve à Paris
chez Pankoucke , à côté de la Comédie
Françoiſe & chez Duchefne , rue S. Jaques.
JUDITH & DAVID , Tragédies . Par
M. L *** , Avocat . A Amfterdam, 1763;
& fe trouvent à Paris , chez Guillyn ,
Libraire , quai des Aug. au Lys d'or.
THEATRE de M. Nivelle de la Chauf
fée , de l'Académie Françoife . 5 vol.
in- 16. jolie édition. Paris , 1763. Chez
Prault , petit-fils , Libraire , quai des
Auguftins.
ABRÉGÉ de la Grammaire Françoife.
Par M. de Wailly, Nouvelle édition
in- 12, Paris , 1763. Chèz J. Barbou ,
Libraire- Imprimeur , rue S. Jacques
aux Cigognes. Prix , 1 liv. 4 f. Cette
Grammaire eft aujourd'hui adoptée par
l'Univerfité & par l'Ecole Militaire. On
trouve chez le même Libraire,la Grammaire
Françoiſe in - 12 . du même Auteur.
Le prix eft de 2 1. 10 f.
66 MERCURE DE FRANCE.
DUPUIS & DESRONAIS , Comédie
en trois Actes , & en vers libres , repréfentée
pour la premiere fois par les Comédiens
François ordinaires du Roi ,
le 17 Janvier 1763 , par M. Collé , Lecteur
de Mgr le Duc d'ORLEANS , premier
Prince du Sang. A Paris , chez.
Duchefne , Libraire , rue S. Jacqués , au
Temple du Goût. Le prix eft de 1 liv.
10 f. Le fuccès conftant de cette Piéce
charmante , que l'on voit toujours avec
le même plaifir , nous difpenfe d'en
rien dire ici de plus . On en verra l'extrait
à l'article des Spectacles.
N. B. On trouve chez le même Libraire
, les Piéces fuivantes.
L'AMOUR PATERNEL , ou la Suivante
reconnoiffante , Comédie Italienne
, en trois Actes & en profe. Par M.
Goldoni , compofée pour les Comédiens
Italiens ordinaires du Roi , & repréfentée
fur leur Théâtre au mois de Février
1763. Extrait , Scène , Part- ſcène , avec
les Lettres de M. Goldoni & de M.
Meflé , tant fur cette Piéce que fur plufieurs
autres objets des Spectacles. Prix
I liv. 4 f.
LE MILICIEN , Comédie en un Acte,
mêlée d'Ariettes ; par M. Anfeaume , la
Mufique
MARS. 1763. 97
*
1.
15
1-
er
ec
M.
Jurix
Ete,
la
que
(
.
pour
Mufique de M. Duny , repréfentée
la premiere fois à Verfailles devant leurs
Majeftés , le 29 Décembre 1762 ; & à
Paris , fur le Théatre de la Comédie
Italienne le premier Janvier 1763. Prix ,
1 liv . 4 f.
LE GUY DE CHÊNE , ou la Fête
des Druides , Comédie en un Acte &
en vers libres , mêlée d'Ariettes , avec
un divertiffement. Par M. de Junquieres
le fils. La Mufique de M. de la Ruette
repréfentée pour la premiere fois par les
Comédiens Italiens ordinaires du Roi ,
le Mercredi 26 Janvier 1763. Prix , 1 l .
4 f.
LA BAGARRE , Opéra bouffon , en
un Acte ; par M. Poinfinet ; la Mufique
de M. Vanmalder.
Non plau fus , fed rifus.
repréſenté pour la première fois par les
Comédiens Italiens ordinaires du Roi
le 10 Février 1763. Prix , I l. 10 f. avec
la Mufique.
POSTILLON PARISI EN , cu Conducteur
fidéle de la Ville , Fauxbourgs
& environs de Paris , dédié à Meffire
E
98 MERCURE DE FRANCE.
Jean- Baptifte-Elie Camus de Pontcarré,
Chevalier , Seigneur de Viarme & autres
lieux , Confeiller d'Etat & Prévôt
des Marchands de la Ville de Paris , par
MM. Louis Denis & Louis Mondhard
à Paris. Chez Denis , rue S. Jacques ,
vis-à-vis le Collége de Clermont , &
chez Mondhard, même rue & à l'hôtel
de Saumur. 1763.
COLLECTION de différens Morceaux
fur l'Hiftoire Naturelle & Civile
des Pays du Nord , fur l'Hiftoire Naturelle
en général , fur d'autres Sciences ,
fur différens Arts ; traduit de l'Allemand
, du Suédois , du Latin , avec des
notes du Traducteur. Par M. de Keralio
, Capitaine , Aide - Major à l'École
Militaire , & chargé d'y enfeigner la
Tactique. Tome premier , in-12.
Je vais jufqu'où je puis ;
Et femblable à l'Abeille , en nos jardins écloſe ,
De différentes fleurs j'affemble & je compofe
Le miel que je produis.
Rouffeau , Od. 1. du Liv. 3. Stroph. 30.
-
A Paris , chez R. Davidts , Libraire
quai des Auguftins , à S. Jacques . Cette
Collection très intéreffante , & dont
nous nous propofons de rendre compfera
bientôt fuivie de plufieurs au-
,
tres volumes,
LA MORALE ÉVANGÉLIQUE expliquée
par les SS . Pèrés ; ou Homélies
choifies des Pères de l'Eglife , fur tous
90 MERCURE DE FRANCE .
les Evangiles des Dimanches & Fêtes
de l'année. Ouvrage très-utile, aux Curés
, aux Eccléfiaftiques chargés d'inf
truire les Peuples ; & généralement à
tous les Fidéles qui veulent s'inftruire à
fond des vérités de la Religion . Par M.
l'Abbé Mary de la Canorgue , Prêtre ,
Licentié en Théologie. in- 12. Tom. I.
Paris , 1763 , chez Lottin le jeune ,
rue S. Jacques , vis- à -vis la rue de la
Parcheminerie.
Les jeunes Eccléfiaftiques qui fe
deftinent à inftruire les Peuples , qui
n'ont pas des facilités de puifer euxmêmes
dans les Pères, trouveront dans ce
recueil d'Homélies , les endroits les plus
beaux des SS. Pères. On y rencontre des
morceaux vifs & très - éloquens , des
comparaifons fort belles qui jettent un
grand jour dans la fuite du difcours :
partout beaucoup de lumiére & d'onc
tion , & cette véritable éloquence de
chofes & non de mots qui inftruit &
perfuade à la fois. Les fideles y trou--
veront une morale füre & une inftruction
folide.
Quelques perfonnes au premier coup
d'oeil ont cru que ces Homélies étoient
celles qui fe trouvent dans le Breviaire :
que l'on avoit raffemblées & fimple--
MARS. 1763. 95
le
X
Cup
'
nt
re :
Jement
traduites. Il y a cependant une
grande différence entre les unes & les
autres. D'abord il n'étoit guères poffible
de faire un recueil comme celuici
, fans fe rencontrer fréquemment
avec celles-là. D'ailleurs on ne trouve
ordinairement dans le Bréviaire qu'un
morceau qui a rapport à un endroit ou
à une partie de l'Evangile ; & ici prèfque
toutes les Homélies paraphrafent le
texte de l'Evangile en entier. Souvent
elles expliquent le fens moral , le figuré
& allégorique ; elles renferment même
quelquefois une triple explication de
tout l'Evangile.
-
On trouve chez le même Libraire
Les Stations de la Paffion de N. S.
Jefus Chrift , qui en contiennent
l'Hiftoire , avec des Réflexions & des
Prieres , &c. à l'ufage des Eglifes , Monaftères
& Communautés , où l'on fait
des proceffions pour adorer Jefus- Chrift;
Ouvrage propre aux Confrères de Jé
rufalem , aux Maifons Religieufes du
Calvaire , du Saint Sépulchre , des Filles-
Dieu & autres ; & généralement utile
à tous ceux qui veulent fe rappeller &
honorer le mystère de la Croix , dans
la fainte Quinzaine , tous les Vendredis,
J
92 MERCURE DE FRANCE.
ou durant tout le cours de l'année . Vol
in- 12. 1 liv. 6 f.
Le même Libraire Lottin , le jeune ,
vient d'acquérir du fond de M. le Prieur
les Exercices Religieux , utiles & profitables
aux Ames religieufes qui defirent
s'avancer en la perfection , avec
plufieurs avis , Inftructions & Pratiques
fpirituelles pour les y conduire & c.
Vol . in-12 . 2 liv. 10 f.
>
INSTRUCTIONS Chrétiennes fur les
huit Béatitudes tirées des faints Pères de
l'Eglife ; & en particulier de faint Auguftin
, fuivies d'une Priére & Afpirations
; ou Abrégé de toute la Morale
de l'Evangile , dans lequel le Chrétien
trouvera des règles fûres pour former
fes fentimens & fa conduite & des
motifs de confolation dans toutes les
épreuves de la vie. Par M. Cabrisseau ,
Théologal de Rheims. A Paris , chez
Lottin , le jeune , Libraire , rue S. Jacques
, vis-à-vis la rue de la Parcheminerie.
1763. Avec approbation & Privilège
du Roi.
,
LES DEUX LIVRES de S. Auguftin
, Evêque d'Hippone , à Pollentius ,
fur les mariages adultères , traduits en
MARS. 1763. 93
f
en
François , avec le Texte Latin à côté ,
des notes , & une differtation . Dédiés à
M. l'Evêque de Soiffons . Ouvrage utile
& même néceffaire à tous les Confeffeurs
, & finguliérement aux Millionnaires
employés chez les Infidéles . in - 12,
Paris , 1763. Chez G. Defprez , Imprimeur
du Roi & du Clergé de France,
rue S. Jacques . Prix , 2 1. 2. f. broché.
"
LETTRES Philofophiques , fur la
formation des Sels & des Cryftaux , &
fur la génération & le Méchaniſme organique
des Plantes & des Animaux, à
l'occafion de la pièrre bélemnite & de
la pièrre lenticulaire , avec un Mémoi
re fur la Théorie de la Tèrre . Par M,
Bourguet. Seconde édition , in- 12. avec
figures. Amfterdam , chez Marc- Michel
Rey , 1763 , & fe trouve chez Briaffon,
rue S. Jacques , à Paris.
VOYAGE du M. *** en Périgord ,
Vers & Profe . Brochure in - 12. Chez
Brocas & Humblot , rue S. Jacques.
DISCOURS fur la Satyre , Ouvrage
traduit de l'Italien .
Interest Reipublicæ cognofci malos.
Brochure in- 12 . Amfterdam , 1763 , &
94 MERCURE DE FRANCE.
fe trouve à Paris chez les Libraires qui
vendent les Nouveautés.
MARII CURILLI Groningenfis Satyræ.
Groninga , apud Jacobum Bolt ,
Bibliopolam. 1758.
GER. NICOLAI HERQUENII., Arcad.
Socii , & Acad. Reg. Pariſ. Litter.
& Antiq . Miniftri , Italicorum Liber
unus. Groninga. Typis Jacobi Bol
tii , Bibliopola. 1762 .
N. B. L'Auteur qui nous a fait l'honneur
de nous adreffer ces deux Ouvrages
dont nous n'avons qu'un très-bon
compte à rendre , ne nous dit pas
s'en trouve à Paris des exemplaires.
s'il
ÉSSAI fur les Bois de Charpente , ou
Differtation de la Compagnie des Architectes
& Experts des Bâtimens à Paris
, en réponse au Mémoire de M. Paris
Duvernai , Confeiller d'Etat , Intendant
de l'Ecole Royale Militaire , fur la
Théorie & la Pratique des gros Bois de
Charpente , dans leur exploitation &
dans leur emploi. Rédigée par MM.
Babuty , Defgodetz , & le Camus de
Mezieres. Brochure in- 12 . Paris , 1763 .
Chez Babuty fils , Libraire , quai des
Auguftins , à l'Etoile.
MARS. 1763. 95
e
&
L.
He
3 .
.es
CAQUET BON BEC , la Poule à ma
tante , Poëme badin.
Et frontem nugis folvere difce meis.
Ovid.
Brochure in-12 . 1763. Se trouve à Paris
chez Pankoucke , à côté de la Comédie
Françoiſe & chez Duchefne , rue S. Jaques.
JUDITH & DAVID , Tragédies . Par
M. L *** , Avocat . A Amfterdam, 1763;
& fe trouvent à Paris , chez Guillyn ,
Libraire , quai des Aug. au Lys d'or.
THEATRE de M. Nivelle de la Chauf
fée , de l'Académie Françoife . 5 vol.
in- 16. jolie édition. Paris , 1763. Chez
Prault , petit-fils , Libraire , quai des
Auguftins.
ABRÉGÉ de la Grammaire Françoife.
Par M. de Wailly, Nouvelle édition
in- 12, Paris , 1763. Chèz J. Barbou ,
Libraire- Imprimeur , rue S. Jacques
aux Cigognes. Prix , 1 liv. 4 f. Cette
Grammaire eft aujourd'hui adoptée par
l'Univerfité & par l'Ecole Militaire. On
trouve chez le même Libraire,la Grammaire
Françoiſe in - 12 . du même Auteur.
Le prix eft de 2 1. 10 f.
66 MERCURE DE FRANCE.
DUPUIS & DESRONAIS , Comédie
en trois Actes , & en vers libres , repréfentée
pour la premiere fois par les Comédiens
François ordinaires du Roi ,
le 17 Janvier 1763 , par M. Collé , Lecteur
de Mgr le Duc d'ORLEANS , premier
Prince du Sang. A Paris , chez.
Duchefne , Libraire , rue S. Jacqués , au
Temple du Goût. Le prix eft de 1 liv.
10 f. Le fuccès conftant de cette Piéce
charmante , que l'on voit toujours avec
le même plaifir , nous difpenfe d'en
rien dire ici de plus . On en verra l'extrait
à l'article des Spectacles.
N. B. On trouve chez le même Libraire
, les Piéces fuivantes.
L'AMOUR PATERNEL , ou la Suivante
reconnoiffante , Comédie Italienne
, en trois Actes & en profe. Par M.
Goldoni , compofée pour les Comédiens
Italiens ordinaires du Roi , & repréfentée
fur leur Théâtre au mois de Février
1763. Extrait , Scène , Part- ſcène , avec
les Lettres de M. Goldoni & de M.
Meflé , tant fur cette Piéce que fur plufieurs
autres objets des Spectacles. Prix
I liv. 4 f.
LE MILICIEN , Comédie en un Acte,
mêlée d'Ariettes ; par M. Anfeaume , la
Mufique
MARS. 1763. 97
*
1.
15
1-
er
ec
M.
Jurix
Ete,
la
que
(
.
pour
Mufique de M. Duny , repréfentée
la premiere fois à Verfailles devant leurs
Majeftés , le 29 Décembre 1762 ; & à
Paris , fur le Théatre de la Comédie
Italienne le premier Janvier 1763. Prix ,
1 liv . 4 f.
LE GUY DE CHÊNE , ou la Fête
des Druides , Comédie en un Acte &
en vers libres , mêlée d'Ariettes , avec
un divertiffement. Par M. de Junquieres
le fils. La Mufique de M. de la Ruette
repréfentée pour la premiere fois par les
Comédiens Italiens ordinaires du Roi ,
le Mercredi 26 Janvier 1763. Prix , 1 l .
4 f.
LA BAGARRE , Opéra bouffon , en
un Acte ; par M. Poinfinet ; la Mufique
de M. Vanmalder.
Non plau fus , fed rifus.
repréſenté pour la première fois par les
Comédiens Italiens ordinaires du Roi
le 10 Février 1763. Prix , I l. 10 f. avec
la Mufique.
POSTILLON PARISI EN , cu Conducteur
fidéle de la Ville , Fauxbourgs
& environs de Paris , dédié à Meffire
E
98 MERCURE DE FRANCE.
Jean- Baptifte-Elie Camus de Pontcarré,
Chevalier , Seigneur de Viarme & autres
lieux , Confeiller d'Etat & Prévôt
des Marchands de la Ville de Paris , par
MM. Louis Denis & Louis Mondhard
à Paris. Chez Denis , rue S. Jacques ,
vis-à-vis le Collége de Clermont , &
chez Mondhard, même rue & à l'hôtel
de Saumur. 1763.
Fermer
Résumé : ANNONCES DE LIVRES.
Le document de 1763 présente diverses annonces de livres et ouvrages publiés cette année-là. Parmi les publications notables, on trouve une collection de morceaux traduits de l'allemand, du suédois et du latin, dédiée à l'histoire naturelle et civile des pays du Nord, ainsi qu'à d'autres sciences et arts. Cette collection, traduite par M. de Keralio, est publiée chez R. Davidts à Paris. Un autre ouvrage mentionné est 'La Morale Évangélique expliquée par les SS. Pères', un recueil d'homélies choisies des Pères de l'Église sur les Évangiles des dimanches et fêtes de l'année. Cet ouvrage, rédigé par l'Abbé Mary de la Canorgue, est destiné aux curés, ecclésiastiques et fidèles souhaitant s'instruire des vérités religieuses. Il est disponible chez Lottin le jeune, rue Saint-Jacques à Paris. Le document liste également plusieurs autres publications religieuses et littéraires, telles que 'Les Stations de la Passion de N. S. Jésus-Christ', 'Les Exercices Religieux', et 'Instructions Chrétiennes sur les huit Béatitudes'. Des ouvrages philosophiques et scientifiques sont également mentionnés, comme les 'Lettres Philosophiques sur la formation des Sels et des Cristaux' de M. Bourguet. Enfin, le document mentionne des pièces de théâtre et des comédies, telles que 'Dupuis & Desronais' de M. Collé, et 'L'Amour Paternel' de M. Goldoni, ainsi que des grammaires et des poèmes. Ces ouvrages sont disponibles chez divers libraires à Paris.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
1262
p. 98
LETTRE de M. le Brun , Secrétaire des Commandemens de S. A. S. Mgr le Prince de Conti, à l'Auteur du Mercure.
Début :
J'apprends, Monsieur, avec beaucoup de surprise que quelques personnes, [...]
Mots clefs :
Renommée littéraire, Auteurs, Ouvrage
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE de M. le Brun , Secrétaire des Commandemens de S. A. S. Mgr le Prince de Conti, à l'Auteur du Mercure.
LETTRE de M. le Brun , Secrétaire
des Commandemens de S. A. S. Mgr
le Prince de Conti , à l'Auteur du Mercure.
:
J'apprends , Monfieur,avec beaucoup
de furprife que quelques perfonnes ,
dont fans doute je n'ai pas l'honneur
d'être connu , croyent , ou feignent de
croire que je fuis un des Auteurs du
nouveau Journal de la Renommée Littéraire.
Je vous prie de vouloir bien
rendre publique cette Lettre , où je déclare
que je n'aurai jamais de part à aucun
Ouvrage de ce genre d'ailleurs trèseftimable
, mais dont je n'ai ni le temps
ni le goût , ni le talent .
J'ai l'honneur d'être , &c .
des Commandemens de S. A. S. Mgr
le Prince de Conti , à l'Auteur du Mercure.
:
J'apprends , Monfieur,avec beaucoup
de furprife que quelques perfonnes ,
dont fans doute je n'ai pas l'honneur
d'être connu , croyent , ou feignent de
croire que je fuis un des Auteurs du
nouveau Journal de la Renommée Littéraire.
Je vous prie de vouloir bien
rendre publique cette Lettre , où je déclare
que je n'aurai jamais de part à aucun
Ouvrage de ce genre d'ailleurs trèseftimable
, mais dont je n'ai ni le temps
ni le goût , ni le talent .
J'ai l'honneur d'être , &c .
Fermer
Résumé : LETTRE de M. le Brun , Secrétaire des Commandemens de S. A. S. Mgr le Prince de Conti, à l'Auteur du Mercure.
M. le Brun, secrétaire du Prince de Conti, réfute des rumeurs le liant au Journal de la Renommée Littéraire. Il nie toute implication, affirmant manquer de temps, de goût et de talent pour ce journal. Il demande la publication de sa lettre pour clarifier sa position.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
1263
p. 118-129
EXTRAIT de la Séance publique de l'Académie des Sciences, Arts & Belles-Lettres de DIJON, tenue dans Grande Salle de l'Hôtel-de-Ville le 17 Août 1762.
Début :
LE Secrétaire perpétuel, après avoir fait quelques réflexions générales sur les [...]
Mots clefs :
Dissertation, Sommeil, Prélat, Philosophie, Secrétaire perpétuel, Graisse du vin, Esprit académique
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT de la Séance publique de l'Académie des Sciences, Arts & Belles-Lettres de DIJON, tenue dans Grande Salle de l'Hôtel-de-Ville le 17 Août 1762.
EXTRAIT de la Séance publique de
l'Académie des Sciences , Arts &
Belles-Lettres de DIJON , tenue dans
Grande Salle de l'Hôtel- de - Ville le
17 Août 1762.
LEE Secrétaire perpétuel , après avoir
fait quelques réflexions générales fur les
exercices littéraires & fur les différens
programmes des prix de l'Académie
obferva qu'elle avoit propofé deux fois
une queſtion de la plus grande utilité
, concernant la caufe de la graiſſe
du vin , & les moyens de l'en préferver
ou de le rétablir. Elle s'étoit attachée
, ajouta-t-il , d'autant plus volontiers
à cet objet , que les éclairciffemens
qu'elle defiroit , devoient mettre
la Bourgogne en état de conferver
MARS. 1763. 119
cette liqueur éxquife qui fait le fond
de fes richeffes & de fon commerce.
Mais les Mémoires qui furent envoyés
à l'Académie loriqu'elle interrogea
pour la premiere fois les Obfervateurs
de la Nature fur cette efpéce de dépériffement
du vin , n'ayant pas fuffifamment
rempli fes vues , elle ouvrit un
nouveau concours fur le même fujet ,
dans la jufte confiance que les recherches
, les expériences & les découvertes
répondroient à fon attente. Cependant
une feule Differtation qui lui fut adreffée
au mois de Mars dernier , n'ayant
encore obtenu ni fon approbation ni
fes fuffrages , la médaille qu'elle deftinoit
au meilleur ouvrage . fur la graiffe
des vins , a été réfervée pour l'année
1763 , à l'Auteur qui aura traité avec
le plus de folidité le problême qu'elle
vient de publier , fçavoir : Quels font ,
relativement àla Bourgogne , les avantages
& les défavantages du canal projette
en cette Province , pour la commu
nication des deux mers par la jonction
de la Sône & de la Seine ? Parmi le
grand nombre d'écrits qui ont paru
Tur le projet de ce canal , on a déja
touché, mais trop fuperficiellement, l'u-
'tilité & les inconvéniens qui en réfulte-
1:
120 MERCURE DE FRANCE .
roient. Aujourd'hui , l'Académie , en
fuppofant la poffibilité de cet établiffement
de quelque manière qu'on en détermine
le local , fe borne à l'intérêt ef-
Tentiel de la patrie , & demande précifément
fi l'exécution de cette vafte entrepriſe
, feroit plus avantageufe, qu'onéreuse
à la Bourgogne ?
M. Poncet de la Rivière , ancien Evêque
de Troyes , a lû enfuite une Differtation
fur l'Esprit Académique. Ce
que cet efprit eft en lui-même , & ce
qu'il eft par comparaifon avec les autres
; tel eft le plan de fon ouvrage , tel
eft l'objet de fes réfléxions. Sans s'arrer
ter à la définition que les Philofophes
donnent de l'efprit , il en revient à celle
qui lui femble la plus analogue au difcours
oratoire. Qu'eft-ce donc que l'efprit
, dit- il ? Un feu que la Nature allume
dans nos âmes , plus ou moins vif
felon le degré de chaleur & d'activité
qu'il plaît à l'éternel Auteur de notre
éxiftence de lui donner ; plus ou moins
brillant felon notre attention ou notre
négligence à réfléchir fur lui les lumiè
res qu'ont répandu les Aftres qui , dans
tous les fiécles, éclairérent le Monde littéraire
; plus ou moins borné felon no-
"tre hardieffe ou notre indolence à éloigner
MARS. 1763. 121
quagnér
fes limites ; plus ou moins fécond
felon la culture que l'émulation lui
donne ou que l'oifiveté lui refufe für
de plaire quand il en eft jaloux & digne
d'obtenir l'admiration lorfqu'il fe rend
habile à la faifir & capable de la fixer.
Quoique l'efprit ne foit point afſervi
aux pays ; qu'il anime les neiges & les
frimats de l'Amérique , comme il s'enflamme
au foleil brulant de l'Afrique
& de l'Italie ; cependant àle juger d'après
la diverfité qui fe trouve dans la façon
de penfer des différens peuples , ne diroit-
on pas que dépendant en quelque
forte des climats , il en prend les
lités & les défauts ; & qu'il tire , comme
les fruits , fa couleur & fon goût
du terroir où il fe produit. M. l'Evêque
de Troyes entre ici dans le détail
des différens caractères d'efprit des Nations
, & finit ainfi par celui du Francois.....
En France , amufant par fon
caractère , riche de fon fonds , propre .
aux plus grands éffors , capable encore
de produire les chefs - d'oeuvres qu'il admire
; fi , plus content de pofféder fes
richeffes que jaloux de les étendre , il
ne préféroit le talent délicat qui embellit
, au génie puiffant qui invente : fait
pour plaire , mais trop livré à cet attrait;
F
122 MERCURE DE FRANCE.
ingénieux dans fes penfées , peut-être
trop étudié dans fon langage ; voulant
des apprêts jufques dans la naïveté qui
les bannit ; portant les recherches de l'art
jufques dans les agrémens de la Natu
re ; Philofophe par fantaifie ; & , fi j'ofe
le dire , moins fage , parce qu'il fait entrer
de la mode jufques dans fa fagef
fe. Après avoir fait voir que l'efprit ne
dépend ni du fang ni de la naiffance ;
que , quoique reçu de la Nature , il eſt
le mérite de la perfonne ; l'Auteur donne
une idée de l'esprit académique , en faifant
le portrait des Affemblées où il doitfe
produire. Qu'est- ce donc , dit ce Prélat
qu'une Affemblée Littéraire , &
fous quels traits dois-je vous la repréfenter
? c'eft un corps d'hommes polis
& cultivés , livrés de bonne heure par
attrait , & dans la fuite attachés par goût,
à l'étude des Lettres ; dont les moeurs
font ornées par les Mufes ; dont le caractère
eft fans foibleffe , férieux fans
auftérité , fçavant fans féchereffe , agréable
fans affectation , épuré dans tous les
défauts qui font l'écueil de la fociété
& enrichi de tous les avantages qui en :
font l'agrément. Ce tableau fut fuivi de
l'énumération des talens propres à fou .
tenir la gloire de ces Affemblées . Par
>
•
MARS. 1763. 123
mi les différentes efpèces de fciences qui
font à rejetter , le Prélat s'éléve furtout
contre cette fcience qui n'eft qu'un
amas fonore & faftueux de connoiffances
vaines & stériles fouvent auffi
pernicieufes pour le coeur qu'agréables
à l'efprit ; qui ajoûtant peu au mérite
que l'on veut avoir , ôtent beaucoup de
celui que l'on a ; ne font à l'homme
qu'un honneur médiocre , & font prèf
que toujours une playe dangereufe au
Chrétien . Pardonnez - moi cette réfléxion
, Meffieurs , ajoûte le Prélat , je
me la crois permife , même dans une
Affemblée académique ; & je connois
affez vos coeurs pour ne pas craindre
d'en être défavoué. En confidérant les
différentes fortes d'efprits qui concourent
à former le caractère de l'efprit
académique, M. l'Evêque de Troyes
s'arrête principalement à ces efprits
amis de la fageffe qui vont fur les
tombeaux des Anciens Maîtres du Monde
recueillir les reftes de cette Philofophie
véritable qui épuroit les moeurs
en dirigeant les talens ; & dont les principes
tracés par des génies puiffans ,
mais par des efprits dociles , formoient
des Sujets aux Royaumes & des Citoyens
aux Républiques : Philofophie &
Fij
124 MERCURE DE FRANCE.
vantée...... Mais , oferois - je le dire ?
Philofophie aujourd'hui fi peu connue ,
fi méconnoiffable dans ces fectes altières
& impérieufes , ifolées & répandues ,
graves & fantafques ; en qui une farouche
frivolité qui ne connoit point de
loix , s'arroge le droit fuperbe d'en
donner ; dont le difcours n'eft que
fentence & paradoxe ; les principes qu'indépendance
& irréligion ; les actions
qu'un libertinage de moeurs déguifé ou
rafiné ; où fous le nom de fageffe , une
audacieuſe folie confacre les vertiges les
plus honteux à la raiſon , & peut-être
les plus dangereux pour les Etats ; dont
l'efprit oppofé à celui de la fubordination
, ne fe foumet que par contrainte
& en reclamant pour fa liberté ; où la
Religion méconnue dans ce qu'elle
commande , combattue dans ce qu'elle
enfeigne , ne trouve pas même dans
fes enfans ce refpect dont fes ennemis
ne purent autrefois fe difpenfer de l'honorer.
J'ai dû cette vivacité de réfléxions
, dit le Prélat , & à ma façon de
penfer & au caractère dont j'ai l'honneur
d'être revêtu. Je ne pouvois , Meffieurs ,
rendre un hommage plus glorieux à l'efprit
qui vous anime , qu'en réveillant
publiquement votre dégoût contre un
MARS. 1763. 125
efprit fi étranger à vos jugemens & à
Vos moeurs.
Ce Difcours fut fuivi de la lecture
d'un Mémoire de M. Fournier , contenant
des Obfervations fur les différentes
manières dont périffent ceux qui
font frappés de la foudre , fur les accidens
qu'ils éprouvent , & fur le traitement
qu'on doit employer lorfqu'ils
peuvent être rappellés à la vie.
Les femmes font auffi propres que
les hommes à l'étude des Sciences & à
la culture des Arts : c'est le fujet d'une
differtation de M. l'Abbé Picardet , où
en éffayant de prouver que les talens
& les difpofitions font les mêmes dans
les deux féxes ; il montre la frivolité des
prétextes qu'on employe ordinairement
pour étouffer dans les femmes l'amour
des Sciences , des Arts & des Belles - Lettres.
La délicateffe du tempérament ,
le défaut de goût pour les grandes chofes
& d'aptitude aux Sciences , l'efprit
de détail & les foins oeconomiques ,
font de vains préjugés qu'il expofe
qu'il combat & qu'il détruit. Les Sciences
& les Arts n'ont donc aucunes difficultés
qui doivent ralentir l'émulation
des Dames pour mettre encore dans
un plus grand jour la vérité de cette
Fiij
126 MERCURE DE FRANCE.
conclufion , M. l'Abbé Picardet jette
un coup d'oeil fur les Arts où elles réuffiffent
fupérieurement ; comme l'éloquence
, la mufique , la poëfie , la peinture
, l'astronomie , l'hiftoire naturelle ,
la médecine , la philofophie & la morale.
La Séance a été terminée par un Mémoire
de M. Marêt puifné , fur la méri
dienne. Après avoir obfervé la diverfité
des fentimens à ce fujet , l'Auteur annonce
qu'il va fixer les incertitudes qui
en pourroient naître en fifant voir
les avantages que procure ce fommeil,
& les précautions que l'on doit prendre
en s'y livrant. C'eſt l'intérêt de la digeftion
, dit- il , qui engage à blâmer
ou à louer la méridienne. Mais ce pro
blême fera réfolu dès qu'on aura prouvé
que loin de nuire à la digeſtion , cet
ufage lui eft favorable. D'après cet idée
il expofe fuccintement , fuivant les principes
de Boerhaave , le méchanifme de
la digeftion. » C'eft dans une diffolu-
» tion que la chaleur facilite , dans une
»décompofition qui eft le produit du
mêlange du fluide nerveux & d'un
commencement de fermentation pu-
"tride & acide , que confifte le mé-
» chaniſme de la digeſtion : pour déciMARS.
1763. 127
der fi la méridienne eft avantageufe
relativement à cet objet , il faut donc
s'attacher à examiner :
Si elle augmente la chaleur de l'eftomac ;
Si elle facilite l'abord du fluide nerveux dans ce
vifcère ;
Si enfin elle y favorife la fermentation.
Chacune de ces propriétés attribuées
à la méridienne eft examinée & prouvée
dans autant de paragraphes . Les objections
de différens Auteurs tant anciens
que modernes y font rapprochées &
réfolues. Mais malgré les avantages que
peut procurer la méridienne par elle
même , M. Marêt avertit que ce fommeil
éxige des attentions particulières
quand on s'y livre :
Le temps où elle doit commencer
Le terme auquel il faut la finir :
La fituation qu'on doit prendre en dormant :
La température du Lieu qu'on choifit
pour dormir , l'habillement-même
loin d'être indifférens , font de la plus
-grande impportance ; & tous ces détails ,
minucieux en apparence , ceffent de le paroître
dès qu'on les fuit avec l'Auteur.
Fiv
128 MERCURE DE FRANCE.
la
En effet , dans fa differtation , la phy
fiologie fe réunit à l'anatomie pour prouver
qu'il eft éffentiel » d'attendre que
» Nature nous engage elle-même à dor-
»mir ; de proportionner la durée du
fommeil , à la chaleur du tempérament
, à la qualité & à la quantité des
>> alimenś.
C'eft au peu d'attention que l'on fait
ordinairement à ces détails , que M. Maret
attribue tous les accidens qui ont
déterminé quelques Auteurs à décrier
la méridienne . Cependant il l'interdit
à ceux qui dorment plus des fept heures
que la raifon femble permettre de donner
au fommeil ; ainfi qu'à ceux qui ,
livrés au plaifir ou à l'étude , veillent
une grande partie de la nuit , dorment
le jour , & ne s'éveillent qu'après que
le foleil a parcouru la moitié de fa
carrière ; à moins que leur dîné ne foit
confidérablement retardé. Mais en général
, il croit que dans certaines circonftances
les hommes doivent fans
éxception fe livrer au fommeil après
le diné ; qu'il peuvent tous dormir
» quelquefois au fortir de ce repas , &
» qu'il y en a beaucoup qui ne pour-
» roient s'y refufer fans imprudence.
Chacune de ces propofitions eft juf
{
>
MAR S. 1763. 129
tifiée par des détails ; d'où il réfulte qu'on
doit regarder ceux qui font d'un tempérament
fanguin où bilieux , comme
les feuls auxquels la méridienne convienne
peu . L'Auteur termine fa differtation
en invoquant l'expérience ; non
comme une preuve de l'utilité de la
méridienne qu'il croit avoir fuffiſamment
établie ; mais comme une préfomption
favorable à cette habitude.
Que ceux qui blâment la méridienne ,
ajoûte-t-il , ceffent donc de prétendre
nous forcer à réſiſter à l'impulfion de
la nature ; elle nous invite à dormir
après le dîné la raifon d'ailleurs le
confeille , & l'expérience doit au moins
faire préfumer que c'est un moyen capable
de nous procurer la fanté la plus
defirable , & de nous faire parvenir à
un âge très-avancé.
l'Académie des Sciences , Arts &
Belles-Lettres de DIJON , tenue dans
Grande Salle de l'Hôtel- de - Ville le
17 Août 1762.
LEE Secrétaire perpétuel , après avoir
fait quelques réflexions générales fur les
exercices littéraires & fur les différens
programmes des prix de l'Académie
obferva qu'elle avoit propofé deux fois
une queſtion de la plus grande utilité
, concernant la caufe de la graiſſe
du vin , & les moyens de l'en préferver
ou de le rétablir. Elle s'étoit attachée
, ajouta-t-il , d'autant plus volontiers
à cet objet , que les éclairciffemens
qu'elle defiroit , devoient mettre
la Bourgogne en état de conferver
MARS. 1763. 119
cette liqueur éxquife qui fait le fond
de fes richeffes & de fon commerce.
Mais les Mémoires qui furent envoyés
à l'Académie loriqu'elle interrogea
pour la premiere fois les Obfervateurs
de la Nature fur cette efpéce de dépériffement
du vin , n'ayant pas fuffifamment
rempli fes vues , elle ouvrit un
nouveau concours fur le même fujet ,
dans la jufte confiance que les recherches
, les expériences & les découvertes
répondroient à fon attente. Cependant
une feule Differtation qui lui fut adreffée
au mois de Mars dernier , n'ayant
encore obtenu ni fon approbation ni
fes fuffrages , la médaille qu'elle deftinoit
au meilleur ouvrage . fur la graiffe
des vins , a été réfervée pour l'année
1763 , à l'Auteur qui aura traité avec
le plus de folidité le problême qu'elle
vient de publier , fçavoir : Quels font ,
relativement àla Bourgogne , les avantages
& les défavantages du canal projette
en cette Province , pour la commu
nication des deux mers par la jonction
de la Sône & de la Seine ? Parmi le
grand nombre d'écrits qui ont paru
Tur le projet de ce canal , on a déja
touché, mais trop fuperficiellement, l'u-
'tilité & les inconvéniens qui en réfulte-
1:
120 MERCURE DE FRANCE .
roient. Aujourd'hui , l'Académie , en
fuppofant la poffibilité de cet établiffement
de quelque manière qu'on en détermine
le local , fe borne à l'intérêt ef-
Tentiel de la patrie , & demande précifément
fi l'exécution de cette vafte entrepriſe
, feroit plus avantageufe, qu'onéreuse
à la Bourgogne ?
M. Poncet de la Rivière , ancien Evêque
de Troyes , a lû enfuite une Differtation
fur l'Esprit Académique. Ce
que cet efprit eft en lui-même , & ce
qu'il eft par comparaifon avec les autres
; tel eft le plan de fon ouvrage , tel
eft l'objet de fes réfléxions. Sans s'arrer
ter à la définition que les Philofophes
donnent de l'efprit , il en revient à celle
qui lui femble la plus analogue au difcours
oratoire. Qu'eft-ce donc que l'efprit
, dit- il ? Un feu que la Nature allume
dans nos âmes , plus ou moins vif
felon le degré de chaleur & d'activité
qu'il plaît à l'éternel Auteur de notre
éxiftence de lui donner ; plus ou moins
brillant felon notre attention ou notre
négligence à réfléchir fur lui les lumiè
res qu'ont répandu les Aftres qui , dans
tous les fiécles, éclairérent le Monde littéraire
; plus ou moins borné felon no-
"tre hardieffe ou notre indolence à éloigner
MARS. 1763. 121
quagnér
fes limites ; plus ou moins fécond
felon la culture que l'émulation lui
donne ou que l'oifiveté lui refufe für
de plaire quand il en eft jaloux & digne
d'obtenir l'admiration lorfqu'il fe rend
habile à la faifir & capable de la fixer.
Quoique l'efprit ne foit point afſervi
aux pays ; qu'il anime les neiges & les
frimats de l'Amérique , comme il s'enflamme
au foleil brulant de l'Afrique
& de l'Italie ; cependant àle juger d'après
la diverfité qui fe trouve dans la façon
de penfer des différens peuples , ne diroit-
on pas que dépendant en quelque
forte des climats , il en prend les
lités & les défauts ; & qu'il tire , comme
les fruits , fa couleur & fon goût
du terroir où il fe produit. M. l'Evêque
de Troyes entre ici dans le détail
des différens caractères d'efprit des Nations
, & finit ainfi par celui du Francois.....
En France , amufant par fon
caractère , riche de fon fonds , propre .
aux plus grands éffors , capable encore
de produire les chefs - d'oeuvres qu'il admire
; fi , plus content de pofféder fes
richeffes que jaloux de les étendre , il
ne préféroit le talent délicat qui embellit
, au génie puiffant qui invente : fait
pour plaire , mais trop livré à cet attrait;
F
122 MERCURE DE FRANCE.
ingénieux dans fes penfées , peut-être
trop étudié dans fon langage ; voulant
des apprêts jufques dans la naïveté qui
les bannit ; portant les recherches de l'art
jufques dans les agrémens de la Natu
re ; Philofophe par fantaifie ; & , fi j'ofe
le dire , moins fage , parce qu'il fait entrer
de la mode jufques dans fa fagef
fe. Après avoir fait voir que l'efprit ne
dépend ni du fang ni de la naiffance ;
que , quoique reçu de la Nature , il eſt
le mérite de la perfonne ; l'Auteur donne
une idée de l'esprit académique , en faifant
le portrait des Affemblées où il doitfe
produire. Qu'est- ce donc , dit ce Prélat
qu'une Affemblée Littéraire , &
fous quels traits dois-je vous la repréfenter
? c'eft un corps d'hommes polis
& cultivés , livrés de bonne heure par
attrait , & dans la fuite attachés par goût,
à l'étude des Lettres ; dont les moeurs
font ornées par les Mufes ; dont le caractère
eft fans foibleffe , férieux fans
auftérité , fçavant fans féchereffe , agréable
fans affectation , épuré dans tous les
défauts qui font l'écueil de la fociété
& enrichi de tous les avantages qui en :
font l'agrément. Ce tableau fut fuivi de
l'énumération des talens propres à fou .
tenir la gloire de ces Affemblées . Par
>
•
MARS. 1763. 123
mi les différentes efpèces de fciences qui
font à rejetter , le Prélat s'éléve furtout
contre cette fcience qui n'eft qu'un
amas fonore & faftueux de connoiffances
vaines & stériles fouvent auffi
pernicieufes pour le coeur qu'agréables
à l'efprit ; qui ajoûtant peu au mérite
que l'on veut avoir , ôtent beaucoup de
celui que l'on a ; ne font à l'homme
qu'un honneur médiocre , & font prèf
que toujours une playe dangereufe au
Chrétien . Pardonnez - moi cette réfléxion
, Meffieurs , ajoûte le Prélat , je
me la crois permife , même dans une
Affemblée académique ; & je connois
affez vos coeurs pour ne pas craindre
d'en être défavoué. En confidérant les
différentes fortes d'efprits qui concourent
à former le caractère de l'efprit
académique, M. l'Evêque de Troyes
s'arrête principalement à ces efprits
amis de la fageffe qui vont fur les
tombeaux des Anciens Maîtres du Monde
recueillir les reftes de cette Philofophie
véritable qui épuroit les moeurs
en dirigeant les talens ; & dont les principes
tracés par des génies puiffans ,
mais par des efprits dociles , formoient
des Sujets aux Royaumes & des Citoyens
aux Républiques : Philofophie &
Fij
124 MERCURE DE FRANCE.
vantée...... Mais , oferois - je le dire ?
Philofophie aujourd'hui fi peu connue ,
fi méconnoiffable dans ces fectes altières
& impérieufes , ifolées & répandues ,
graves & fantafques ; en qui une farouche
frivolité qui ne connoit point de
loix , s'arroge le droit fuperbe d'en
donner ; dont le difcours n'eft que
fentence & paradoxe ; les principes qu'indépendance
& irréligion ; les actions
qu'un libertinage de moeurs déguifé ou
rafiné ; où fous le nom de fageffe , une
audacieuſe folie confacre les vertiges les
plus honteux à la raiſon , & peut-être
les plus dangereux pour les Etats ; dont
l'efprit oppofé à celui de la fubordination
, ne fe foumet que par contrainte
& en reclamant pour fa liberté ; où la
Religion méconnue dans ce qu'elle
commande , combattue dans ce qu'elle
enfeigne , ne trouve pas même dans
fes enfans ce refpect dont fes ennemis
ne purent autrefois fe difpenfer de l'honorer.
J'ai dû cette vivacité de réfléxions
, dit le Prélat , & à ma façon de
penfer & au caractère dont j'ai l'honneur
d'être revêtu. Je ne pouvois , Meffieurs ,
rendre un hommage plus glorieux à l'efprit
qui vous anime , qu'en réveillant
publiquement votre dégoût contre un
MARS. 1763. 125
efprit fi étranger à vos jugemens & à
Vos moeurs.
Ce Difcours fut fuivi de la lecture
d'un Mémoire de M. Fournier , contenant
des Obfervations fur les différentes
manières dont périffent ceux qui
font frappés de la foudre , fur les accidens
qu'ils éprouvent , & fur le traitement
qu'on doit employer lorfqu'ils
peuvent être rappellés à la vie.
Les femmes font auffi propres que
les hommes à l'étude des Sciences & à
la culture des Arts : c'est le fujet d'une
differtation de M. l'Abbé Picardet , où
en éffayant de prouver que les talens
& les difpofitions font les mêmes dans
les deux féxes ; il montre la frivolité des
prétextes qu'on employe ordinairement
pour étouffer dans les femmes l'amour
des Sciences , des Arts & des Belles - Lettres.
La délicateffe du tempérament ,
le défaut de goût pour les grandes chofes
& d'aptitude aux Sciences , l'efprit
de détail & les foins oeconomiques ,
font de vains préjugés qu'il expofe
qu'il combat & qu'il détruit. Les Sciences
& les Arts n'ont donc aucunes difficultés
qui doivent ralentir l'émulation
des Dames pour mettre encore dans
un plus grand jour la vérité de cette
Fiij
126 MERCURE DE FRANCE.
conclufion , M. l'Abbé Picardet jette
un coup d'oeil fur les Arts où elles réuffiffent
fupérieurement ; comme l'éloquence
, la mufique , la poëfie , la peinture
, l'astronomie , l'hiftoire naturelle ,
la médecine , la philofophie & la morale.
La Séance a été terminée par un Mémoire
de M. Marêt puifné , fur la méri
dienne. Après avoir obfervé la diverfité
des fentimens à ce fujet , l'Auteur annonce
qu'il va fixer les incertitudes qui
en pourroient naître en fifant voir
les avantages que procure ce fommeil,
& les précautions que l'on doit prendre
en s'y livrant. C'eſt l'intérêt de la digeftion
, dit- il , qui engage à blâmer
ou à louer la méridienne. Mais ce pro
blême fera réfolu dès qu'on aura prouvé
que loin de nuire à la digeſtion , cet
ufage lui eft favorable. D'après cet idée
il expofe fuccintement , fuivant les principes
de Boerhaave , le méchanifme de
la digeftion. » C'eft dans une diffolu-
» tion que la chaleur facilite , dans une
»décompofition qui eft le produit du
mêlange du fluide nerveux & d'un
commencement de fermentation pu-
"tride & acide , que confifte le mé-
» chaniſme de la digeſtion : pour déciMARS.
1763. 127
der fi la méridienne eft avantageufe
relativement à cet objet , il faut donc
s'attacher à examiner :
Si elle augmente la chaleur de l'eftomac ;
Si elle facilite l'abord du fluide nerveux dans ce
vifcère ;
Si enfin elle y favorife la fermentation.
Chacune de ces propriétés attribuées
à la méridienne eft examinée & prouvée
dans autant de paragraphes . Les objections
de différens Auteurs tant anciens
que modernes y font rapprochées &
réfolues. Mais malgré les avantages que
peut procurer la méridienne par elle
même , M. Marêt avertit que ce fommeil
éxige des attentions particulières
quand on s'y livre :
Le temps où elle doit commencer
Le terme auquel il faut la finir :
La fituation qu'on doit prendre en dormant :
La température du Lieu qu'on choifit
pour dormir , l'habillement-même
loin d'être indifférens , font de la plus
-grande impportance ; & tous ces détails ,
minucieux en apparence , ceffent de le paroître
dès qu'on les fuit avec l'Auteur.
Fiv
128 MERCURE DE FRANCE.
la
En effet , dans fa differtation , la phy
fiologie fe réunit à l'anatomie pour prouver
qu'il eft éffentiel » d'attendre que
» Nature nous engage elle-même à dor-
»mir ; de proportionner la durée du
fommeil , à la chaleur du tempérament
, à la qualité & à la quantité des
>> alimenś.
C'eft au peu d'attention que l'on fait
ordinairement à ces détails , que M. Maret
attribue tous les accidens qui ont
déterminé quelques Auteurs à décrier
la méridienne . Cependant il l'interdit
à ceux qui dorment plus des fept heures
que la raifon femble permettre de donner
au fommeil ; ainfi qu'à ceux qui ,
livrés au plaifir ou à l'étude , veillent
une grande partie de la nuit , dorment
le jour , & ne s'éveillent qu'après que
le foleil a parcouru la moitié de fa
carrière ; à moins que leur dîné ne foit
confidérablement retardé. Mais en général
, il croit que dans certaines circonftances
les hommes doivent fans
éxception fe livrer au fommeil après
le diné ; qu'il peuvent tous dormir
» quelquefois au fortir de ce repas , &
» qu'il y en a beaucoup qui ne pour-
» roient s'y refufer fans imprudence.
Chacune de ces propofitions eft juf
{
>
MAR S. 1763. 129
tifiée par des détails ; d'où il réfulte qu'on
doit regarder ceux qui font d'un tempérament
fanguin où bilieux , comme
les feuls auxquels la méridienne convienne
peu . L'Auteur termine fa differtation
en invoquant l'expérience ; non
comme une preuve de l'utilité de la
méridienne qu'il croit avoir fuffiſamment
établie ; mais comme une préfomption
favorable à cette habitude.
Que ceux qui blâment la méridienne ,
ajoûte-t-il , ceffent donc de prétendre
nous forcer à réſiſter à l'impulfion de
la nature ; elle nous invite à dormir
après le dîné la raifon d'ailleurs le
confeille , & l'expérience doit au moins
faire préfumer que c'est un moyen capable
de nous procurer la fanté la plus
defirable , & de nous faire parvenir à
un âge très-avancé.
Fermer
Résumé : EXTRAIT de la Séance publique de l'Académie des Sciences, Arts & Belles-Lettres de DIJON, tenue dans Grande Salle de l'Hôtel-de-Ville le 17 Août 1762.
Lors de la séance publique de l'Académie des Sciences, Arts et Belles-Lettres de Dijon, tenue le 17 août 1762, le secrétaire perpétuel a mis en avant l'importance des exercices littéraires et des programmes de prix de l'Académie. Deux questions majeures ont été soulevées : la cause de la graisse du vin et les moyens de la prévenir ou de la rétablir. Ces éclaircissements sont cruciaux pour la Bourgogne, dont le commerce repose sur cette liqueur. Cependant, les mémoires envoyés lors du premier concours n'ayant pas été satisfaisants, un nouveau concours a été lancé sur le même sujet. La médaille pour le meilleur ouvrage sur la graisse des vins a été réservée pour 1763. Un nouveau sujet a également été proposé : les avantages et les désavantages du canal projeté en Bourgogne pour la communication des deux mers par la jonction de la Saône et de la Seine. M. Poncet de la Rivière, ancien évêque de Troyes, a lu une dissertation sur l'esprit académique. Il a défini l'esprit comme un feu allumé dans les âmes, dont la vivacité dépend de l'attention, de la culture et de l'émulation. Il a décrit l'esprit académique comme un corps d'hommes polis et cultivés, attachés à l'étude des lettres, avec des mœurs ornées par les Muses et un caractère sérieux sans austérité. La séance a également inclus la lecture d'un mémoire de M. Fournier sur les effets de la foudre et les traitements à appliquer. M. l'Abbé Picardet a présenté une dissertation affirmant que les femmes sont aussi aptes que les hommes à l'étude des sciences et des arts, réfutant les préjugés qui étouffent l'amour des sciences chez les femmes. Enfin, M. Marêt a lu un mémoire sur la méridienne, discutant de ses avantages pour la digestion et des précautions à prendre lors de ce sommeil. Il a conclu que la méridienne est bénéfique dans certaines circonstances et pour certains tempéraments.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
1264
p. 149-173
SUPPLÉMENT à l'Article des Piéces fugitives. SUITE de la Traduction de MAL-A-PROPOS, ou L'EXIL DE LA PUDEUR, Poëme Grec. QUATRIEME CHANT.
Début :
LA nuit, si chère à l'Amour & que ce Dieu embellit souvent de ses charmes [...]
Mots clefs :
Amour, Pudeur, Hymen, Volupté, Sirènes, Époux, Muses
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SUPPLÉMENT à l'Article des Piéces fugitives. SUITE de la Traduction de MAL-A-PROPOS, ou L'EXIL DE LA PUDEUR, Poëme Grec. QUATRIEME CHANT.
SUPPLÉMENT à l'Article des Piéces
fugitives.
SUITE de la Traduction de MAL-APROPOS
, ou L'EXIL DE LA Py-
DEUR , Poëme Grec.
QUATRIEME CHANT.
LAA nuit , fi chère à l'Amour & que
ce Dieu embellit fouvent de fes chat-
Gij
150 MERCURE (DE FRANCE.
.
mes , impatiente de fe rendre à Pa
phos , avoit preffé le Soleil de lui faire
place. Non qu'elle eût violé les loix
immuables de fon cours ; mais elle
avoit étendu les bords de fon voile
de telle forte , qu'à peine Phabus touchoit
à l'humide empire , que fes
derniers rayons avoient été abforbés.
Une quantité prodigieufe de flambeaux
avoient fait un jour nouveau ;
& ce jour est le vrai jour de Paphos.
A la lueur de ces Aftres factices , on
vit reparoître les Immortels Époux ; &
chacun deux fe rendit dans des cabinets
différens. Leur cour fe partagea
pour affifter à leur toilette. L'Hymen
vifita alternativement l'une & l'autre
lui-même avoit appellé la Galanterie ;
il l'introduifit , à celle de l'Amour , &
les Grâces fe déroboient tour-à-tour
pour y paffer quelques inftans . La
toilette , de l'Amour n'eft pas longue ;
il vola à celle de fa Pfyche , dans l'infant
que par les mains de la Pudeur
elle achevoit de prendre une feconde
robe nuptiale d'un tiffu d'argent le plus
éclatant , que les Arts avoient parfemé
des tréfors de l'Orient. Les Grâces
émpreffées autour d'elle , fe difpu
toient le prix du goût ; & chacune en
MARS. 1763. ISL
particulier s'applaudiffoit des ornemens
la Beauté rend fi faciles à placer
& auxquels elle prête tant d'agréque
ment .
Les toilettes étant finies , & les époux
encore plus parés de leurs charmes ,
que des ornemens qu'on y avoit ajoutés ,
au milieu des lumières cachées dans
les feuilles & dans les fleurs , de manière
que les unes & les autres paroiffoient
produire la clarté ; cette troupe
charmante traverfa les jardins pour
retourner au Palais principal. Au -devant
, étoit dreffé un trône de brillans ,
plus éclatans que le Soleil , fous un
Pavillon de la plus riche pourpre de
Tyr , rayonnée d'or & de diamans . Des
guirlandes de fleurs artificiellement
imitées par les pierres les plus précieuſes
, en renouoient les pentes , &
étoient foutenues par de jeunes zéphirs ,
dont les aîles tranfparentes & orientées
, s'accordoient harmonieuſement
avec les couleurs du Pavillon . C'eftlà
, que l'Amour & Pfyché fe placerent
pour voir la troupe agile des Plaiſirs &
des Amours fe jouer alternativement ,
fur un canal de l'onde , & du feu
que Vulcain avoit préparé pour le ter-
Giv
152 MERCURE DE FRANCE.
rible Dieu de la Guèrre. Tantôt l'air
embrafé offroit un fpectacle dont la vue.
avoit peine à foutenir l'éclat & à fuivre
la variété des fcènes. Tantôt , par
des machines que les Arts avoient fournies
, l'Onde pouffée en jets à perte
de vue , étoit recueillie en l'air dans des
vâfes portés par les enfans aîlés qui ,
en la réverfant , lui donnoient mille
formes différentes ; la lumière étoit
telle dans ces fêtes , qu'elle prêtoit
aux eaux l'apparence du criftal en fufion.
A ces jeux en fuccédoient d'autres
qui préfentoient l'image paffagère &
paifible des ravages & des embraſemens
qui , trop fouvent parmi les
Mortels ne font qu'un jeu du Maître
charmant , qu'on amufoit alors ,
tour -à - tour le Tyran & le Dieu du
monde. Quelquefois on appercevoit
des traits de flâme , pénétrer , fans s'éteindre
, la profondeur des Ondes &
en faire fortir les froides Déïtés fur des
Conques galantes. Les Amours , qui
avoient lancé ces traits ,, menoient en
triomphe ces Dieux des eaux enchaînés .
Tout ce que les armes de l'Amour avoient
fait de conquêtes remarquables dans
l'Empire de Neptune étoit rappellé
par des répréſentations animées. Chaque
,
,
MAR S. 1763. 153
partie de ces jeux , fi l'on vouloit les
bien peindre , fuffiroit à un Poëme
entier.
Plus puiffant au Parnaffe que le Dieu
même qui y régne , l'Amour avoit appellé
les Mufes , & les Mufes s'étoient
empreffées à fignaler leur zéle ,, par les
plus agréables effets de leurs talens . C'eft
à leurs foins qu'on devoit les preftiges
qui avoient figuré dejà les amours de
quelques Déités des eaux. Mais leur
chef- d'oeuvre en ce genre étoit préparé
dans l'intérieur du Palais ; on s'y
rendit donc , pour jouir d'un nouveau
fpectacle qui ne cédoit a aucun de
ceux qu'on venoit de voir , mais dont
mon foible ftyle (a) ne pourra donner
qu'un trait aride & fans coloris.
CINQUI É ME CHANT.
Dans une des Salles les plus vaſtes
du Palais , étoit difpofé un Théâtre
d'un genre & d'une forme dont notre
Grèce ne fourniroit que d'imparfaits
modéles toute la Cour de Paphos fe
raffembla dans ce lieu .
La Scéne n'étoit pas vifible aux Spec-
(a) On fait que les Anciens nommoient ainf
le poinçon avec lequel ils écrivoient fur les Tablettes
enduites de cire.
G v
$4 MERCURE DE FRANCE.
ateurs , lorfqu'ils entrerent pour fe
placer ; on auroit eu peine à la foupconner;
on n'y voyoit qu'un fuperbeAm
phitéâtre. Mais à peine les deux Fpoux.
y furent entrés , que la partie qui féparoit
la fcène difparut. On apperçut alors
un nouvel univers renfermé dans l'enceinte
de ce lieu ; des cieux , des mers ,
des campagnes , le terrible féjour des
enfers , & des Palais céleftes. La Nature
& l'Art magique , par leurs efforts réunis
, auroient peine à produire les prodiges
qu'offroit cette merveilleufe Scène.
Les Mufes s'étoient métamorphofées
fous diverfes formes , pour repréfenter
elles-mêmes les perfonnages d'un Drame
, dicté par Apollon , & qui retraçoit
en action les amours , les tourmens
& la félicité fuprême de la tendre Pfyché.
Cette repréſentation , qui n'étoit
point l'effet des Mafques groffiers en
ufage fur nos Théâtres ( b ) , étoit fi
fidéle , que Pfyché fut étonnée
fuite un peu inquiette de la Mufe qui
la repréfentoit : elle furprit les yeux de
l'Amour fouvent prêts à s'y méprendre
tant étoit parfaite l'illufion de la métaen-
(b) Sur les théâtres des Anciens les Acteurs
fe fervoient de mafques pour repréſenter les per
fonnages de leur Rôle.
MARS. 1763. 155
morphofe. Plus puiffante encore étoit
celle des accens qui renouvelloient
dans l'âme de Pfyché les fentimens
qu'elle avoit éprouvés . Ces accens
étoient dans un mode , & les vers dans
une mefure qui nous font encore inconnus.
Les chants , mariés à l'harmonie
de l'Orchestre , étoient apparemment
le langage même des Dieux pour
lefquels ce Spectacle étoit préparé. L'Amour
fourit à la vue de la Mufe qui
avoit emprunté fa figure ; il fe tourna
vers Pfyché pour confulter fon impreffion
; mais celle-ci , en portant fes
beaux yeux fur les fiens , lui dit , je
croirois voir l'Amour fur cette fcène
phantaftique , fi l'Amour n'étoit à mes
côtés ; mais on ne peut jamais fe méprendre
à la fiction , que quand il ne
daigne pas fe montrer lui-même.
A l'endroit du Drame qui rappelloit
les tourmens de la jeune Pfyché ; au
terrible afpect des enfers , repréfentés
très-vivement , & fur- tout à l'impitoyable
menace de lui ravir la beauté ; cette
tendre amante , par un mouvement involontaire
, fe précipita dans les bras .
de fon époux. Il en fut allarmé ; il
favoit mauvais gré aux Mufes du choix
de ces images douloureuſes , pour une
G vj
156 MERCURE DE FRANCE.
fete confacrée aux plus doux plaifirs.
Eh ! non , non , s'écria Pfyché , que
ne puis -je , tous les inftans de ma vie
immortelle , avoir un fouvenir auſſi vif
des maux que j'ai foufferts pour vous.
On ne jouit bien des délices de l'amour
que par la mémoire des peines qu'elles
ont coutées. L'Amour cependant fit
dire aux Mufes par le Dieu du goût que
l'on fixoit trop long- temps l'attention
fur de fi funeftes tableaux . Auffi-tôt on
en vit fuccéder de plus riants : la clémence
de Vénus & la félicité des deux
amans en étoient l'objet. C'est alors que
Terpficore , par des danfes voluptueufes
& gayes , vint effacer l'impreffion pathétique
que fes foeurs avoient procurée .
SIXIÈME CHANT .
Un autre Sujet tout différent occupa le
théâtre . La fatyre s'en étoit emparé. La
Scène ne repréfentoit plus qu'une vaſte
mer. On vit fur fa furface s'élever plufieurs
Syrenes , dont les figures féduiſantes
étoient auffi variées que leurs enchantemens
. Sans quitter l'humide fein de l'onde,
où plonge toujours la partie de leurs
corps , qui ne tient plus à l'humaine ſtruc-
&ture, elles formoient par des entrelacemens&
des bondiffemens fur les flots, des
efpèces de danfes , au fon de leurs chants
MARS. 1763. 157
,
mélodieux. Le tout refpiroit une volupté
fi dangereufe , que la plupart
des fpectateurs mêmes malgré la
force de leur divine exiftence en
étoient prèfque entraînés ; mais la plaifanterie
du Spectacle , qui furvint , fit
bientôt diſtraction à ce léger penchant
On apperçut des Barques fur cet
océan elles étoient , la plûpart , galamment
ornées , & paroiffoient chargées
de perfonnages qui repréfentoient
les principaux états de l'humanité. Ces
Barques n'avançoient pas toutes enfemble
on les voyoit d'abord dans le
lointain ; on remarquoit les mouvemens
oppofés qui fe paffoient entre des Nautoniers
expérimentés & des Paffagers
imprudens , qui les contraignoient à fe
détourner de leur route. Quelques Syrènes
fe détachoient pour aller au-devant
des Barques & fe faire voir de plus
près. Dès que les Barques en approchoient
, les artificieufes Syrènes , fe
replongeant dans l'onde , en reffortoient
à des diſtances éloignées. C'eſt ainfi
qu'elles attiroient , par ces feintes refuites
, les Paffagers jufques dans certains
efpaces , où étoient cachés fous les
flots des filets plus déliés que les cheveux
de leurs blondes treffes , mais plus
158 MERCURE DE FRANCE.
infrangibles que l'acier de LEMNOS.On
diftinguoit dans ces diverfes Barques de
fuperbes Archontes , de graves Aréopagites
, des héros de Mars , des difciples
de la Philofophie , enfin tous les
Ördres de la République , jufqu'à
d'auftères Sacrificateurs : chacun d'eux
difputoit avec foi-même quelques momens
; mais chacun d'eux veilloit l'inf
tant où les patrons des barques détournoient
la vue , afin de fauter plus librement
dans ces flots empoifonnés , à
l'aide des mains perfides que leurs tendoient
les Syrènes . D'autres fembloient
s'y laiffer gliffer mollement , & comme
par diftraction , croyant apparemment
par-là fe dérober leur propre foibleffe
& s'épargner le reproche de leur chûte.A
peine ces divers perfonnages tomboient
en la puiffance des Monftres charmans
qui les avoient furpris , qu'ils étoient
enchaînés de fleurs. Les Syrènes en
avoient qui étoient enchantées pour chaquefens
en particulier ; de forte que ces
victimes fe trouvoient arrêtées dans toutes
les parties de leur être. Ainfi que
certains animaux carnaciers fe jouent
quelque temps de leur proie avant que
de la dévorer telles ces femmes infidieufes
, faifoient en cent façons des
MARS. 1763. 159
jouets de leurs Captifs ; & par les formes
les plus ridicules qu'elles leur faifoient
prendre , elles les expofoient au
rire des Spectateurs , avant que de les
précipiter dans les abîmes de cet océan,
Les jeunes étourdis de notre Grèce nefurent
pas les moins amufans des per
fonnages de cette comique Pantomime..
Les Syrènes les faifoient tourner avec
une rapidité incroyable autour d'elles :
elles avoient pour cela des fouets de
toutes les paffions , qui leur donnoient
à chaque inftant des impulfions contraires.
Elles changeoient enfuite ces
Etres en différentes efpèces d'animaux ;
elles s'amufoient de leur babillage en
perroquets ; elles leur faifoient répéter
à-peu-près ce qu'ils auroient dit fous
leur forme naturelle ; elles les faifoient.
voler , comme des Etourneaux &
retomber dans la mer , où ils difparoiffoient
pour quelques momens. Enfuite ,
fous la forme de petits chiens , elles les
dreffoient fur le champ à plufieurs exercices
plus comiques les uns que les autres
; puis elles finiffoient par les tranfformér
en dogues furieux , dont les
rauques aboyemens étoient fuivis de
combats dévorans , qui fe terminoient
au gré du caprice de leurs cruelles maîtreffes
.
,
160 MERCURE DE FRANCE.
De toutes ces Pantomimes , dont
Momus avoit concerté les fcènes , il n'y
en eut point de plus piquante que la
dernière. On vit approcher une Barque
plus confidérable que les précédentes ;
les flammes ou banderoles étoient de
pourpre de Tyr & de tiffus de l'or le
plus pur. A mefure que ce bâtiment ,
chargé d'un nombreux cortége , approchoit
des fpectateurs , on y découvroit
de nouveaux ornemens. Le Chef fe
diftinguoit fur tous les autres par l'éclat
des plus riches étoffes & des pierreries
dont il étoit couvert. On voyait,
au mouvement perpétuel de fes mains ,
qu'il répandoit avec profufion toutes
fortes de richeffes aux Syrènes du fecond
ordre qui bondiffoient autour de
fa Barque , mais dont les charmes n'étoient
pas affez puiffans pour arrêter un
Dieu , car c'étoit le Dieu Plutus que
repréſentoit ce phantaftique perfonnage.
Il étoit alors en querelle avec l'Amour ,
& n'avoit point été appellé à ces fêtes.
Les Mufes , fouvent piquées des avances
humiliantes qu'elles font à ce Dieu
& du dédain dont il les reçoit ,
avoient faifi cette occafion de vengeance.
On reconnoiffoit Plutus nonfeulement
à fa fplendeur , mais à une
MARS. 1763.
161
certaine pâleur livide , qu'il porte luimême
fur le vifage , & qu'il communique
à fes favoris , abforbés dans le
foin d'accumuler & de conferver les
tréfors qu'il leur confie. Trois des principales
Syrènes attendoient cette précieufe
proie avec une nonchalance affectée
, qui leur en afſuroit davantage
la conquête . Elles formerent alors des
concerts fi touchans ; elles prirent des
attitudes fi enchantereffes , que l'âme
d'aucun Mortel n'eût pu foutenir , fi
l'on ofoit le dire , le poids délicieux
de cette volupté. L'âme du Dieu des
Richeffes ne fut pas inacceffible. Les
Syrènes avoient ajouté à leurs enchantemens
ordinaires le charme d'un parfum
plus fort que celui qu'on offre aux
autres Dieux , & dont l'yvreffe eft inévitable.
Plutus reçut en apparence
l'hommage des trois Syrènes , qui ne
faifoient que prêter à fa vanité un léger
tribut dont il alloit les dédommager
par celui de toutes fes poffeffions . Les
Syrènes éleverent les bras vers lui ; il
s'inclina pour recevoir leurs embraffemens.
Bientôt elles l'eurent enlevé de
fon bord , & la Barque avec tout le
cortége difparut au milieu de la troupe
des autres Syrènes. Les principales Ac
162 MERCURE DE FRANCE ,
au moien
trices de ce jeu foutinrent quelque
temps Plutus fur leurs bras , puis , par
un badinage enjoué , elles le plongerent
dans les eaux enchantées. C'eft alors
qu'on ne peut compter toutes les tranfformations
burleſques par lefquelles on
le fit paffer. La dernière amufa particu→
liérement la Cour du Dieu de Paphos .
On vit reparoître la tête de Plutus
fur la fuperficie de l'eau . Les trois
Syrènes , alternativement
d'un petit foufflet dont elles lui avoient
pofé le tuyau dans la bouche , gonflé
rent cette tête au point que toute fa
forme difparut , pour faire place à un
globe que l'air feul rempliffoit. Les Syrènes
alors s'écartérent ; & fe rejettant
en l'air l'une à l'autre ce globe de vent ,
elles donnerent le Spectacle riant d'un
exercice très-agréable jufqu'à ce que
ces jeux ayant affez duré , les Syrènes
fe plongerent avec leur proie au fond
de l'Océan. La Scène fe referma fubitement
telle qu'elle avoit été avant le
Spectacle , & toute la cour des deux
époux les fuivit à la Salle du Banquet .
SEPTIE ME CHANT.
Je ne décrirai point le lieu délicieux
& brillant deftiné au Banquet des DiMARS.
1763.
163
·
vinités de Paphos. Je ne ferai point
l'énumération des mets exquis dont
Comus avoit dirigé la compofition &
l'ordre des fervices. Lorfque les Dieux
habitent la Tèrre , ils fe plaifent à ufer
de la nourriture des Mortels , ainfi que
des autres plaifirs que leur bonté fouveraine
a attachés à chacun de nos
fens. Ce qui eft plus important à mon
Sujet ce font les rangs des principaux
convives ; l'Hymen avoit de droit le
premier il étoit placé entre les deux
Epoux. Ce fut lui qui pofa fur leurs
têtes les couronnes en ufage dans les
feftins.
Chaque affemblée , chaque événe
ment tant foit peu folemnef, fait naître
dans les cours fublunaires une multitude
de conteftations. Les Cours Céleftes
n'en font pas plus exemptes. Cependant
celle de l'Amour dans fes fêtes
particulières eft très-facile fur l'étiquette
; mais l'Hymen préfidoit à celleci
& l'Hymen , ( Tyran jufques dans
les Plaifirs , ) eft le premier qui ait introduit
les graves minucies du cérémonial.
Plus cérémonienfe que toute autre
& plus délicate fur les frivoles honla
Pudeur reclama en cette occafion
la place que la Volupté vouloit
neurs ,
1
#
164 MERCURE DE FRANCE.
occuper auprès de Pfyché. Toujours
fière par humeur autant que par étar ,
fouvent querelleufe par orgueil pour
des prérogatives qu'elle céderoit par
goût , cette majeftueufe Pudeur implora
l'autorité de l'Hymen , & l'Hymen
prononça en fa faveur. Pour confoler
la Volupté , l'Amour la fit mertre à fes
côtés. L'Amour déféroit encore aux
droits des premiers jours de l'Hymen,
O Hymen de combien d'années d'outrages
& d'affronts tu payes fouvent
les vaines déférences que tu éxiges
dans tes jours de Fêtes folemnelles ! La
place de Bacchus étoit marquée à la
droite de l'Amour, Ainfi la Volupté ne
fe crut point déplacée d'être entre eux.
Comus de l'autre côté fe rencontroit
près de la Pudeur. La vénérable Matrone
vit cet arrangement avec quelque
complaifance ; car de tous les Dieux
qui compofoient cette Cour , le délectable
Comus étoit celui avec lequel elle
fe permet un peu plus de familiarité.
Les Mufes étoient à la même table , &
Momus avec elles. Les Grâces avoient
refufé galamment de prendre place
pour fe réferver le plaifir de fervir les
nouveaux Époux. Des Bacchantes choifies
environnoient le lit de Bacchus.
MARS. 1763. 165
Chaque convive avoit un des demi-
Dieux de cette Cour, attaché au foin de
prévenir fes moindres defirs. Quelques
jeunes filles & quelques jeunes garçons
de Paphos , confacrés au temple , étoient
admis au même office.
D'autres tables raffembloient le refte
de la Cour , & la Gayeté , voltigeoit
alternativement des unes aux autres ;
tandis que dans l'intervalle des fervices ,
les Mufes faifoient entendre leurs concerts.
Bacchus ne contribuoit pas peu à
l'agrément de ce Banquet. Après les
premières coupes du nectar céleste , il
propofa le nectar de la Tèrre ; on en
avoit apporté de toutes les régions du
Monde. Ce fut la première fois que
dans une Ile de la Gréce on goûta
d'un vin recueilli dans les climats barbares
des Gaules. Bacchus l'avoit fait
réferver pour cette fête ; il voulut que
la Gayeté fe chargeât feule de le verfer.
Cette liqueur petillante comme elle , en
étoit l'image. Il en fit préfenter par
l'Amour à la belle Pfyché , dans une
coupe du plus pur criftal ; la févère
Pudeur crut qu'il étoit des fonctions de
fa charge d'examiner ce breuvage inconnu
, & voulut arrêter la main de la
jeune Epoufe prête à porter la coupe
166 MERCURE DE FRANCE.
té
par
fur fes lévres : mais celle-ci , en regar
dant avec une douce ingénuité la févère
Matrône , but la coupe fans héfiter ;
puis s'adreffant à elle , lui dit : O ! refpectable
Pudeur ; ce qui m'eft préfenl'Amour
ne peut m'être fufpect
& ne doit pas vous allarmer , puifque
l'Hymen ne s'y oppofe pas. L'Amour
paya du regard le plus tendre ce que
venoit de dire Pfyché , & l'Hymen luimême
ne put refufer d'y foufcrire, Bacchus
fit alors un figne à Comus , &
tous deux de concert engagerent la
Pudeur à vuider plufieurs coupes de la
même liqueur , à l'ombre de fon voile
qu'elle avoit rabaiffé, La Gayeté derrière
elle ,, en éclatoit de rire , & Momus
avec les Mufes préparoit déja des chanfons
à ce fujet. Mais ce filtre n'eut qu'un
effet momentané. La Pudeur en devint
un peu moins trifte , fans oublier les
entrepriſes que projettoit fon indifcret
orgueil , au milieu de la galanterie de
ces Fêtes.
HUITIEME CHANT.
la
Malgré l'impatience de l'A
joie & le plaifir prolongerent le feſtin
jufques affez avant dans la nuit . Enfuite
les époux pafferent chacun dans leurs
appartemens particuliers , où ils furent
MARS. 1763. 167
conduits en pompe , au fon de divers
inftrumens , & au bruit des acclamations
univerfelles ; après quoi on les
laiffa en liberté. La chambre dans laquelle
devoient fe réunir les deux époux
avoit à - peu - près la forme d'un tem,
ple. Sous une rotonde , la Volupté
y avoit fait préparer le lit nuptial. Il
étoit fermé d'une double enceinte de
baluftres , fur laquelle bruloient des
parfums céleftes , dans des caffolettes
d'or. Un double pavillon couvroit les
deux Enceintes. La lampe fatale , qui
avoit tant caufé de larmes à Pfyché ,
& qui fut cependant la fource de fa
félicité , avoit été fufpendue par la Volupté
au ciel du pavillon intérieur , avec
un tel artifice , que fans en apperce→
voir la flamme , fa lumière réfléchie
éclairoit le lit d'un jour fi doux & fi
voluptueux , que cet aftre nouveau du
myftère faifoit craindre le retour de
l'aftre brillant qui anime & féconde
l'univers.
L'Amour paffa le premier dans cette
chambre : il étoit précédé d'une troupe
d'enfans ailés , portans devant lui leurs
flambeaux allumés. Le fien étoit entre
les mains de la Volupté. Elle entra feule
avec l'Amour dans l'enceinte intérieu168
MERCURE DE FRANCE
re. La troupe badine des enfans de Cythère
fe difperfa dans les avenues . Pfyche
, pour fe rendre en ce lieu myſtéétoit
foutenue par l'Hymen
d'une main , & de l'autre par la Pudeur.
rieux ,
Il paroiffoit que tout alloit fe paffer
dans l'ordre antique & confacré par
l'ufage , fuivant lequel la Pudeur conduifoit
l'Epoufe jufques à la chambre
nuptiale , retiroit les voiles qui la couvroient
, l'attendoit le lendemain pour
les lui rendre & ne la pas quitter pendant
le refte du jour. On avança donc
jufques à la première enceinte fous le
grand pavillon extérieur. Le Mystère ,
éxact & fidele , gardoit l'entrée du fecend
, dont il tenoit les rideaux fermés.
Les Graces attendoient que la Pudeur
enlevât les voiles qui enveloppoient la
belle Pfyché , pour la porter dans leurs
bras fur le lit nuptial. La Pudeur au
contraire s'avança impérieufement pour
pénétrer dans la dernière enceinte
malgré les efforts du Myftère , qui en
défendoit l'entrée. L'Amour reclama
avec impétuofité contre la violence
qu'on éxerçoit dans l'aſyle facré de ſon
fanctuaire. L'Hymen dont la main
pefante brife fouvent l'édifice dont il
>
veut
MARS. 1763. 169
eut pofer les fondemens , l'Hymen
prétendit que ce fanctuaire étoit le fien ,
& que lui feul devant y donner des
loix , il vouloit que la Pudeur y préfidât.
Il menaçoit de fufpendre la fin de l'hymenée
, & de remener fur le champ
-Pfyché dans l'Olympe , attendre la décifion
des Dieux affemblés. Ce n'étoit pas
la première fois que l'Hymen avoit commencé
par intimider l'Amour : ce n'étoit
pas la première fois que ce dernier avoit
fini par s'en venger cruellement. Il fe
réferva cette reffource , & feignit encore
de céder pour cette fois. La Pudeur
encouragée par ce premier triomphe
porta fes prétentions jufqu'à vouloir
paffer la nuit dans la dernière enceinte ,
où la Volupté feule avoit le droit de
veiller. La Volupté , affez douce naturellement
, devint furieufe & fe récria
contre cette entreprife. Il fut réglé que
la Pudeur veilleroit dans la première
'enceinte , affez près néanmoins pourque
la nouvelle Epoufe put toujours entendre
fa voix. La cruelle gouvernante
en abufa tellement , qu'elle ne ceffoit
de l'appeller & de lui répéter des leçons
déplacées , fur lefquelles ni les reproches
impatiens de l'Amour , ni les cris de la
Volupté , ne pouvoient impofer filence.
H
170 MERCURE DE FRANCE.
Les Grâces craintives s'étoient difper
fées au premier bruit de la querelle ,
& les ordres de l'Amour même auroient
eu peine à les rappeller.
'Enfin cette nuit de trouble & d'allarmes
fit place au jour. L'opiniâtre Matrone
reconduifit Pfyché à fon appartement.
Trop nouvelle Déeffe pour connoître
toutes les prérogatives de fon
état , Pfyché flottoit entre la foumiffion
que la févère Pudeur exigeoit
d'elle , & la douleur amère d'affliger
L'Amour. De nouvelles fêtes embellirent
cette feconde journée : ce qui l'embellit
encore plus , fut la préfence de Vénus,
qui vint vifiter les époux. Son fils fe
plaignit à elle de la tyrannie que l'Hymen
& la Pudeur entreprenoient d'exercer
fur lui-même , jufques au centre de
fon empire & de celui de fa mère. La
Déeffe , fenfible aux plaintes de fon
fils , lui promit que dès que les fêtes
préparées par Terpficore , pour l'entrée
de la nuit fuivante , auroient pris fin ,
elle remonteroit à la cour célefte faire
parler leurs communs droits , contre les
ennemis fecrets qu'ils avoient appellés
eux-mêmes dans leurs états . Diffimulez
, dit- elle , mon fils , paroiffez toujours
obéir , c'eft le plus für moyen que
摆
MAR S. 1763. 171
'Amour & la Volupté puiffent prendre
pour détruire le pouvoir de l'Hymen
& de la Pudeur.
La feconde foirée fut plus prolongée
encore que la première. Les amuſemens
de Therpficore ayant occupé long-temps
une cour charmante , qui fe livroit au
plaifir dans l'ignorance des fecrets chagrins
qui en agitoient les chefs. Vénus
en retournant à l'Olympe , feignit de
quitter PAPHOS pour quelque temps.
La pudique Matrone en conçut l'espoir
d'un nouveau triomphe ; car la préfence
de Vénus étoit contraire à fes projets.
Dès la nuit fuivante , après le cérémonial
de la veille , elle avoit repris fa
place ordinaire ; mais n'ayant pû fe
défendre d'un léger fommeil , qu'avoit
peut-être occafionné l'exercice , quoiqu'affez
froid , de quelques danfes qu'elle
s'étoit permife , elle fe réveilla tout-àcoup
; & dans le dépit de la négligence
qu'elle fe reprochoit , elle voulut la réparer
avec éclat. Elle ouvrit , ou plutôt
déchira les rideaux de l'enceinte facrée.
Le Mystère alla chercher fa retraite dans
ceux du lit des Epoux , & la Volupté
indignée quitta la place. L'Amour en
ce moment ufa de cette perfide douceur
qu'il fait fi bien employer quelque-
Hij
172 MERCURE DE FRANCE .
fois , & ne fit à fon ennemie que de
tendres plaintes qui encouragerent
encore fa fermeté.
,
Cependant la Volupté éplorée avoit
répandu l'allarme dans l'intérieur du Palais
: elle gémiffoit avec les Grâces du
fort de leur maître , lorfqu'une lumière
céleste annonça le retour de Vénus.
Elles rentrerent avec elle dans la chambre
de l'Amour. A fon afpe&t , la Pudeur
troublée voulut fe retirer. Arrêtez.
, dit Vénus
, arrêtez
, imprudente
maîtreffe
, pour écouter
l'ordre
fuprême
des
Dieux
. Si je vous euffe trouvé
dans les
bornes
prefcrites
à votre
emploi
, mon
pouvoir
étoit
limité
, j'étois
contrainte
à foutenir
le vôtre
jufques
dans mon
propre
empire
mais vous
avez
paffé
ces bornes
immuables
, votre
injufte
ufurpation
vous
foumet
à mon fils & à
moi , c'eft à lui que les Dieux
ont déféré
le droit de prononcer
. La Pudeur
,
rougiffant
de colère
& de confufion
, fe
retira
pour
aller attendre
fon arrêt : il
ne fut pas différé
. Après
avoir confulté
un moment
avec
fa mère
, l'Amour
fit
déclarer
à la vénérable
Pudeur
, par la
bouche
même
de fon ennemie
( la Volupté
) , qu'elle
eût à quitter
fon empire
pour n'y jamais
reparoître
: c'étoit
l'exiMARS.
1763. 173
ler de la terre. Quelle région habitée
n'eft pas l'empire de l'Amour ?
Ainfi , pour avoir voulu MAL-APROPOS
ufurper des droits que l'Amour
ne devoit pas céder , la Pudeur en perdit
que l'Hymen même ne put lui rendre :
& l'Amour de fon côté perdit l'avantage
flatteur de la victoire , dans prèfque
toutes fes conquêtes. Perfonne n'y gagna
; la Volupté elle - même s'ennuya
bientôt de fes triomphes , & fe trouva
fatiguée de l'exercice d'un pouvoir fans
bornes & jamais contredit .
Depuis cette fatale époque , quelques
foins qu'ayent pris les Dieux pour réconcilier
la Pudeur avec l'Amour , il
veut toujours l'exiler des lieux où il
donne des loix , & la Pudeur ne fait
prèfque jamais lui céder ou fe défendre
que MAL- A- PROPOS.
» Toi feule , fage & tendre Delphire!
> toi feule as pû donner afyle à ces deux
» ennemis dans une paix inaltérable .
» C'eſt ce bienfait des Dieux qu'a voulu
» confacrer ma Mufe. Plus cette faveur
deviendra rare dans les fiécles futurs
plus on admirera ta gloire & le
bonheur de ton amant.
Par M. D L. G.
fugitives.
SUITE de la Traduction de MAL-APROPOS
, ou L'EXIL DE LA Py-
DEUR , Poëme Grec.
QUATRIEME CHANT.
LAA nuit , fi chère à l'Amour & que
ce Dieu embellit fouvent de fes chat-
Gij
150 MERCURE (DE FRANCE.
.
mes , impatiente de fe rendre à Pa
phos , avoit preffé le Soleil de lui faire
place. Non qu'elle eût violé les loix
immuables de fon cours ; mais elle
avoit étendu les bords de fon voile
de telle forte , qu'à peine Phabus touchoit
à l'humide empire , que fes
derniers rayons avoient été abforbés.
Une quantité prodigieufe de flambeaux
avoient fait un jour nouveau ;
& ce jour est le vrai jour de Paphos.
A la lueur de ces Aftres factices , on
vit reparoître les Immortels Époux ; &
chacun deux fe rendit dans des cabinets
différens. Leur cour fe partagea
pour affifter à leur toilette. L'Hymen
vifita alternativement l'une & l'autre
lui-même avoit appellé la Galanterie ;
il l'introduifit , à celle de l'Amour , &
les Grâces fe déroboient tour-à-tour
pour y paffer quelques inftans . La
toilette , de l'Amour n'eft pas longue ;
il vola à celle de fa Pfyche , dans l'infant
que par les mains de la Pudeur
elle achevoit de prendre une feconde
robe nuptiale d'un tiffu d'argent le plus
éclatant , que les Arts avoient parfemé
des tréfors de l'Orient. Les Grâces
émpreffées autour d'elle , fe difpu
toient le prix du goût ; & chacune en
MARS. 1763. ISL
particulier s'applaudiffoit des ornemens
la Beauté rend fi faciles à placer
& auxquels elle prête tant d'agréque
ment .
Les toilettes étant finies , & les époux
encore plus parés de leurs charmes ,
que des ornemens qu'on y avoit ajoutés ,
au milieu des lumières cachées dans
les feuilles & dans les fleurs , de manière
que les unes & les autres paroiffoient
produire la clarté ; cette troupe
charmante traverfa les jardins pour
retourner au Palais principal. Au -devant
, étoit dreffé un trône de brillans ,
plus éclatans que le Soleil , fous un
Pavillon de la plus riche pourpre de
Tyr , rayonnée d'or & de diamans . Des
guirlandes de fleurs artificiellement
imitées par les pierres les plus précieuſes
, en renouoient les pentes , &
étoient foutenues par de jeunes zéphirs ,
dont les aîles tranfparentes & orientées
, s'accordoient harmonieuſement
avec les couleurs du Pavillon . C'eftlà
, que l'Amour & Pfyché fe placerent
pour voir la troupe agile des Plaiſirs &
des Amours fe jouer alternativement ,
fur un canal de l'onde , & du feu
que Vulcain avoit préparé pour le ter-
Giv
152 MERCURE DE FRANCE.
rible Dieu de la Guèrre. Tantôt l'air
embrafé offroit un fpectacle dont la vue.
avoit peine à foutenir l'éclat & à fuivre
la variété des fcènes. Tantôt , par
des machines que les Arts avoient fournies
, l'Onde pouffée en jets à perte
de vue , étoit recueillie en l'air dans des
vâfes portés par les enfans aîlés qui ,
en la réverfant , lui donnoient mille
formes différentes ; la lumière étoit
telle dans ces fêtes , qu'elle prêtoit
aux eaux l'apparence du criftal en fufion.
A ces jeux en fuccédoient d'autres
qui préfentoient l'image paffagère &
paifible des ravages & des embraſemens
qui , trop fouvent parmi les
Mortels ne font qu'un jeu du Maître
charmant , qu'on amufoit alors ,
tour -à - tour le Tyran & le Dieu du
monde. Quelquefois on appercevoit
des traits de flâme , pénétrer , fans s'éteindre
, la profondeur des Ondes &
en faire fortir les froides Déïtés fur des
Conques galantes. Les Amours , qui
avoient lancé ces traits ,, menoient en
triomphe ces Dieux des eaux enchaînés .
Tout ce que les armes de l'Amour avoient
fait de conquêtes remarquables dans
l'Empire de Neptune étoit rappellé
par des répréſentations animées. Chaque
,
,
MAR S. 1763. 153
partie de ces jeux , fi l'on vouloit les
bien peindre , fuffiroit à un Poëme
entier.
Plus puiffant au Parnaffe que le Dieu
même qui y régne , l'Amour avoit appellé
les Mufes , & les Mufes s'étoient
empreffées à fignaler leur zéle ,, par les
plus agréables effets de leurs talens . C'eft
à leurs foins qu'on devoit les preftiges
qui avoient figuré dejà les amours de
quelques Déités des eaux. Mais leur
chef- d'oeuvre en ce genre étoit préparé
dans l'intérieur du Palais ; on s'y
rendit donc , pour jouir d'un nouveau
fpectacle qui ne cédoit a aucun de
ceux qu'on venoit de voir , mais dont
mon foible ftyle (a) ne pourra donner
qu'un trait aride & fans coloris.
CINQUI É ME CHANT.
Dans une des Salles les plus vaſtes
du Palais , étoit difpofé un Théâtre
d'un genre & d'une forme dont notre
Grèce ne fourniroit que d'imparfaits
modéles toute la Cour de Paphos fe
raffembla dans ce lieu .
La Scéne n'étoit pas vifible aux Spec-
(a) On fait que les Anciens nommoient ainf
le poinçon avec lequel ils écrivoient fur les Tablettes
enduites de cire.
G v
$4 MERCURE DE FRANCE.
ateurs , lorfqu'ils entrerent pour fe
placer ; on auroit eu peine à la foupconner;
on n'y voyoit qu'un fuperbeAm
phitéâtre. Mais à peine les deux Fpoux.
y furent entrés , que la partie qui féparoit
la fcène difparut. On apperçut alors
un nouvel univers renfermé dans l'enceinte
de ce lieu ; des cieux , des mers ,
des campagnes , le terrible féjour des
enfers , & des Palais céleftes. La Nature
& l'Art magique , par leurs efforts réunis
, auroient peine à produire les prodiges
qu'offroit cette merveilleufe Scène.
Les Mufes s'étoient métamorphofées
fous diverfes formes , pour repréfenter
elles-mêmes les perfonnages d'un Drame
, dicté par Apollon , & qui retraçoit
en action les amours , les tourmens
& la félicité fuprême de la tendre Pfyché.
Cette repréſentation , qui n'étoit
point l'effet des Mafques groffiers en
ufage fur nos Théâtres ( b ) , étoit fi
fidéle , que Pfyché fut étonnée
fuite un peu inquiette de la Mufe qui
la repréfentoit : elle furprit les yeux de
l'Amour fouvent prêts à s'y méprendre
tant étoit parfaite l'illufion de la métaen-
(b) Sur les théâtres des Anciens les Acteurs
fe fervoient de mafques pour repréſenter les per
fonnages de leur Rôle.
MARS. 1763. 155
morphofe. Plus puiffante encore étoit
celle des accens qui renouvelloient
dans l'âme de Pfyché les fentimens
qu'elle avoit éprouvés . Ces accens
étoient dans un mode , & les vers dans
une mefure qui nous font encore inconnus.
Les chants , mariés à l'harmonie
de l'Orchestre , étoient apparemment
le langage même des Dieux pour
lefquels ce Spectacle étoit préparé. L'Amour
fourit à la vue de la Mufe qui
avoit emprunté fa figure ; il fe tourna
vers Pfyché pour confulter fon impreffion
; mais celle-ci , en portant fes
beaux yeux fur les fiens , lui dit , je
croirois voir l'Amour fur cette fcène
phantaftique , fi l'Amour n'étoit à mes
côtés ; mais on ne peut jamais fe méprendre
à la fiction , que quand il ne
daigne pas fe montrer lui-même.
A l'endroit du Drame qui rappelloit
les tourmens de la jeune Pfyché ; au
terrible afpect des enfers , repréfentés
très-vivement , & fur- tout à l'impitoyable
menace de lui ravir la beauté ; cette
tendre amante , par un mouvement involontaire
, fe précipita dans les bras .
de fon époux. Il en fut allarmé ; il
favoit mauvais gré aux Mufes du choix
de ces images douloureuſes , pour une
G vj
156 MERCURE DE FRANCE.
fete confacrée aux plus doux plaifirs.
Eh ! non , non , s'écria Pfyché , que
ne puis -je , tous les inftans de ma vie
immortelle , avoir un fouvenir auſſi vif
des maux que j'ai foufferts pour vous.
On ne jouit bien des délices de l'amour
que par la mémoire des peines qu'elles
ont coutées. L'Amour cependant fit
dire aux Mufes par le Dieu du goût que
l'on fixoit trop long- temps l'attention
fur de fi funeftes tableaux . Auffi-tôt on
en vit fuccéder de plus riants : la clémence
de Vénus & la félicité des deux
amans en étoient l'objet. C'est alors que
Terpficore , par des danfes voluptueufes
& gayes , vint effacer l'impreffion pathétique
que fes foeurs avoient procurée .
SIXIÈME CHANT .
Un autre Sujet tout différent occupa le
théâtre . La fatyre s'en étoit emparé. La
Scène ne repréfentoit plus qu'une vaſte
mer. On vit fur fa furface s'élever plufieurs
Syrenes , dont les figures féduiſantes
étoient auffi variées que leurs enchantemens
. Sans quitter l'humide fein de l'onde,
où plonge toujours la partie de leurs
corps , qui ne tient plus à l'humaine ſtruc-
&ture, elles formoient par des entrelacemens&
des bondiffemens fur les flots, des
efpèces de danfes , au fon de leurs chants
MARS. 1763. 157
,
mélodieux. Le tout refpiroit une volupté
fi dangereufe , que la plupart
des fpectateurs mêmes malgré la
force de leur divine exiftence en
étoient prèfque entraînés ; mais la plaifanterie
du Spectacle , qui furvint , fit
bientôt diſtraction à ce léger penchant
On apperçut des Barques fur cet
océan elles étoient , la plûpart , galamment
ornées , & paroiffoient chargées
de perfonnages qui repréfentoient
les principaux états de l'humanité. Ces
Barques n'avançoient pas toutes enfemble
on les voyoit d'abord dans le
lointain ; on remarquoit les mouvemens
oppofés qui fe paffoient entre des Nautoniers
expérimentés & des Paffagers
imprudens , qui les contraignoient à fe
détourner de leur route. Quelques Syrènes
fe détachoient pour aller au-devant
des Barques & fe faire voir de plus
près. Dès que les Barques en approchoient
, les artificieufes Syrènes , fe
replongeant dans l'onde , en reffortoient
à des diſtances éloignées. C'eſt ainfi
qu'elles attiroient , par ces feintes refuites
, les Paffagers jufques dans certains
efpaces , où étoient cachés fous les
flots des filets plus déliés que les cheveux
de leurs blondes treffes , mais plus
158 MERCURE DE FRANCE.
infrangibles que l'acier de LEMNOS.On
diftinguoit dans ces diverfes Barques de
fuperbes Archontes , de graves Aréopagites
, des héros de Mars , des difciples
de la Philofophie , enfin tous les
Ördres de la République , jufqu'à
d'auftères Sacrificateurs : chacun d'eux
difputoit avec foi-même quelques momens
; mais chacun d'eux veilloit l'inf
tant où les patrons des barques détournoient
la vue , afin de fauter plus librement
dans ces flots empoifonnés , à
l'aide des mains perfides que leurs tendoient
les Syrènes . D'autres fembloient
s'y laiffer gliffer mollement , & comme
par diftraction , croyant apparemment
par-là fe dérober leur propre foibleffe
& s'épargner le reproche de leur chûte.A
peine ces divers perfonnages tomboient
en la puiffance des Monftres charmans
qui les avoient furpris , qu'ils étoient
enchaînés de fleurs. Les Syrènes en
avoient qui étoient enchantées pour chaquefens
en particulier ; de forte que ces
victimes fe trouvoient arrêtées dans toutes
les parties de leur être. Ainfi que
certains animaux carnaciers fe jouent
quelque temps de leur proie avant que
de la dévorer telles ces femmes infidieufes
, faifoient en cent façons des
MARS. 1763. 159
jouets de leurs Captifs ; & par les formes
les plus ridicules qu'elles leur faifoient
prendre , elles les expofoient au
rire des Spectateurs , avant que de les
précipiter dans les abîmes de cet océan,
Les jeunes étourdis de notre Grèce nefurent
pas les moins amufans des per
fonnages de cette comique Pantomime..
Les Syrènes les faifoient tourner avec
une rapidité incroyable autour d'elles :
elles avoient pour cela des fouets de
toutes les paffions , qui leur donnoient
à chaque inftant des impulfions contraires.
Elles changeoient enfuite ces
Etres en différentes efpèces d'animaux ;
elles s'amufoient de leur babillage en
perroquets ; elles leur faifoient répéter
à-peu-près ce qu'ils auroient dit fous
leur forme naturelle ; elles les faifoient.
voler , comme des Etourneaux &
retomber dans la mer , où ils difparoiffoient
pour quelques momens. Enfuite ,
fous la forme de petits chiens , elles les
dreffoient fur le champ à plufieurs exercices
plus comiques les uns que les autres
; puis elles finiffoient par les tranfformér
en dogues furieux , dont les
rauques aboyemens étoient fuivis de
combats dévorans , qui fe terminoient
au gré du caprice de leurs cruelles maîtreffes
.
,
160 MERCURE DE FRANCE.
De toutes ces Pantomimes , dont
Momus avoit concerté les fcènes , il n'y
en eut point de plus piquante que la
dernière. On vit approcher une Barque
plus confidérable que les précédentes ;
les flammes ou banderoles étoient de
pourpre de Tyr & de tiffus de l'or le
plus pur. A mefure que ce bâtiment ,
chargé d'un nombreux cortége , approchoit
des fpectateurs , on y découvroit
de nouveaux ornemens. Le Chef fe
diftinguoit fur tous les autres par l'éclat
des plus riches étoffes & des pierreries
dont il étoit couvert. On voyait,
au mouvement perpétuel de fes mains ,
qu'il répandoit avec profufion toutes
fortes de richeffes aux Syrènes du fecond
ordre qui bondiffoient autour de
fa Barque , mais dont les charmes n'étoient
pas affez puiffans pour arrêter un
Dieu , car c'étoit le Dieu Plutus que
repréſentoit ce phantaftique perfonnage.
Il étoit alors en querelle avec l'Amour ,
& n'avoit point été appellé à ces fêtes.
Les Mufes , fouvent piquées des avances
humiliantes qu'elles font à ce Dieu
& du dédain dont il les reçoit ,
avoient faifi cette occafion de vengeance.
On reconnoiffoit Plutus nonfeulement
à fa fplendeur , mais à une
MARS. 1763.
161
certaine pâleur livide , qu'il porte luimême
fur le vifage , & qu'il communique
à fes favoris , abforbés dans le
foin d'accumuler & de conferver les
tréfors qu'il leur confie. Trois des principales
Syrènes attendoient cette précieufe
proie avec une nonchalance affectée
, qui leur en afſuroit davantage
la conquête . Elles formerent alors des
concerts fi touchans ; elles prirent des
attitudes fi enchantereffes , que l'âme
d'aucun Mortel n'eût pu foutenir , fi
l'on ofoit le dire , le poids délicieux
de cette volupté. L'âme du Dieu des
Richeffes ne fut pas inacceffible. Les
Syrènes avoient ajouté à leurs enchantemens
ordinaires le charme d'un parfum
plus fort que celui qu'on offre aux
autres Dieux , & dont l'yvreffe eft inévitable.
Plutus reçut en apparence
l'hommage des trois Syrènes , qui ne
faifoient que prêter à fa vanité un léger
tribut dont il alloit les dédommager
par celui de toutes fes poffeffions . Les
Syrènes éleverent les bras vers lui ; il
s'inclina pour recevoir leurs embraffemens.
Bientôt elles l'eurent enlevé de
fon bord , & la Barque avec tout le
cortége difparut au milieu de la troupe
des autres Syrènes. Les principales Ac
162 MERCURE DE FRANCE ,
au moien
trices de ce jeu foutinrent quelque
temps Plutus fur leurs bras , puis , par
un badinage enjoué , elles le plongerent
dans les eaux enchantées. C'eft alors
qu'on ne peut compter toutes les tranfformations
burleſques par lefquelles on
le fit paffer. La dernière amufa particu→
liérement la Cour du Dieu de Paphos .
On vit reparoître la tête de Plutus
fur la fuperficie de l'eau . Les trois
Syrènes , alternativement
d'un petit foufflet dont elles lui avoient
pofé le tuyau dans la bouche , gonflé
rent cette tête au point que toute fa
forme difparut , pour faire place à un
globe que l'air feul rempliffoit. Les Syrènes
alors s'écartérent ; & fe rejettant
en l'air l'une à l'autre ce globe de vent ,
elles donnerent le Spectacle riant d'un
exercice très-agréable jufqu'à ce que
ces jeux ayant affez duré , les Syrènes
fe plongerent avec leur proie au fond
de l'Océan. La Scène fe referma fubitement
telle qu'elle avoit été avant le
Spectacle , & toute la cour des deux
époux les fuivit à la Salle du Banquet .
SEPTIE ME CHANT.
Je ne décrirai point le lieu délicieux
& brillant deftiné au Banquet des DiMARS.
1763.
163
·
vinités de Paphos. Je ne ferai point
l'énumération des mets exquis dont
Comus avoit dirigé la compofition &
l'ordre des fervices. Lorfque les Dieux
habitent la Tèrre , ils fe plaifent à ufer
de la nourriture des Mortels , ainfi que
des autres plaifirs que leur bonté fouveraine
a attachés à chacun de nos
fens. Ce qui eft plus important à mon
Sujet ce font les rangs des principaux
convives ; l'Hymen avoit de droit le
premier il étoit placé entre les deux
Epoux. Ce fut lui qui pofa fur leurs
têtes les couronnes en ufage dans les
feftins.
Chaque affemblée , chaque événe
ment tant foit peu folemnef, fait naître
dans les cours fublunaires une multitude
de conteftations. Les Cours Céleftes
n'en font pas plus exemptes. Cependant
celle de l'Amour dans fes fêtes
particulières eft très-facile fur l'étiquette
; mais l'Hymen préfidoit à celleci
& l'Hymen , ( Tyran jufques dans
les Plaifirs , ) eft le premier qui ait introduit
les graves minucies du cérémonial.
Plus cérémonienfe que toute autre
& plus délicate fur les frivoles honla
Pudeur reclama en cette occafion
la place que la Volupté vouloit
neurs ,
1
#
164 MERCURE DE FRANCE.
occuper auprès de Pfyché. Toujours
fière par humeur autant que par étar ,
fouvent querelleufe par orgueil pour
des prérogatives qu'elle céderoit par
goût , cette majeftueufe Pudeur implora
l'autorité de l'Hymen , & l'Hymen
prononça en fa faveur. Pour confoler
la Volupté , l'Amour la fit mertre à fes
côtés. L'Amour déféroit encore aux
droits des premiers jours de l'Hymen,
O Hymen de combien d'années d'outrages
& d'affronts tu payes fouvent
les vaines déférences que tu éxiges
dans tes jours de Fêtes folemnelles ! La
place de Bacchus étoit marquée à la
droite de l'Amour, Ainfi la Volupté ne
fe crut point déplacée d'être entre eux.
Comus de l'autre côté fe rencontroit
près de la Pudeur. La vénérable Matrone
vit cet arrangement avec quelque
complaifance ; car de tous les Dieux
qui compofoient cette Cour , le délectable
Comus étoit celui avec lequel elle
fe permet un peu plus de familiarité.
Les Mufes étoient à la même table , &
Momus avec elles. Les Grâces avoient
refufé galamment de prendre place
pour fe réferver le plaifir de fervir les
nouveaux Époux. Des Bacchantes choifies
environnoient le lit de Bacchus.
MARS. 1763. 165
Chaque convive avoit un des demi-
Dieux de cette Cour, attaché au foin de
prévenir fes moindres defirs. Quelques
jeunes filles & quelques jeunes garçons
de Paphos , confacrés au temple , étoient
admis au même office.
D'autres tables raffembloient le refte
de la Cour , & la Gayeté , voltigeoit
alternativement des unes aux autres ;
tandis que dans l'intervalle des fervices ,
les Mufes faifoient entendre leurs concerts.
Bacchus ne contribuoit pas peu à
l'agrément de ce Banquet. Après les
premières coupes du nectar céleste , il
propofa le nectar de la Tèrre ; on en
avoit apporté de toutes les régions du
Monde. Ce fut la première fois que
dans une Ile de la Gréce on goûta
d'un vin recueilli dans les climats barbares
des Gaules. Bacchus l'avoit fait
réferver pour cette fête ; il voulut que
la Gayeté fe chargeât feule de le verfer.
Cette liqueur petillante comme elle , en
étoit l'image. Il en fit préfenter par
l'Amour à la belle Pfyché , dans une
coupe du plus pur criftal ; la févère
Pudeur crut qu'il étoit des fonctions de
fa charge d'examiner ce breuvage inconnu
, & voulut arrêter la main de la
jeune Epoufe prête à porter la coupe
166 MERCURE DE FRANCE.
té
par
fur fes lévres : mais celle-ci , en regar
dant avec une douce ingénuité la févère
Matrône , but la coupe fans héfiter ;
puis s'adreffant à elle , lui dit : O ! refpectable
Pudeur ; ce qui m'eft préfenl'Amour
ne peut m'être fufpect
& ne doit pas vous allarmer , puifque
l'Hymen ne s'y oppofe pas. L'Amour
paya du regard le plus tendre ce que
venoit de dire Pfyché , & l'Hymen luimême
ne put refufer d'y foufcrire, Bacchus
fit alors un figne à Comus , &
tous deux de concert engagerent la
Pudeur à vuider plufieurs coupes de la
même liqueur , à l'ombre de fon voile
qu'elle avoit rabaiffé, La Gayeté derrière
elle ,, en éclatoit de rire , & Momus
avec les Mufes préparoit déja des chanfons
à ce fujet. Mais ce filtre n'eut qu'un
effet momentané. La Pudeur en devint
un peu moins trifte , fans oublier les
entrepriſes que projettoit fon indifcret
orgueil , au milieu de la galanterie de
ces Fêtes.
HUITIEME CHANT.
la
Malgré l'impatience de l'A
joie & le plaifir prolongerent le feſtin
jufques affez avant dans la nuit . Enfuite
les époux pafferent chacun dans leurs
appartemens particuliers , où ils furent
MARS. 1763. 167
conduits en pompe , au fon de divers
inftrumens , & au bruit des acclamations
univerfelles ; après quoi on les
laiffa en liberté. La chambre dans laquelle
devoient fe réunir les deux époux
avoit à - peu - près la forme d'un tem,
ple. Sous une rotonde , la Volupté
y avoit fait préparer le lit nuptial. Il
étoit fermé d'une double enceinte de
baluftres , fur laquelle bruloient des
parfums céleftes , dans des caffolettes
d'or. Un double pavillon couvroit les
deux Enceintes. La lampe fatale , qui
avoit tant caufé de larmes à Pfyché ,
& qui fut cependant la fource de fa
félicité , avoit été fufpendue par la Volupté
au ciel du pavillon intérieur , avec
un tel artifice , que fans en apperce→
voir la flamme , fa lumière réfléchie
éclairoit le lit d'un jour fi doux & fi
voluptueux , que cet aftre nouveau du
myftère faifoit craindre le retour de
l'aftre brillant qui anime & féconde
l'univers.
L'Amour paffa le premier dans cette
chambre : il étoit précédé d'une troupe
d'enfans ailés , portans devant lui leurs
flambeaux allumés. Le fien étoit entre
les mains de la Volupté. Elle entra feule
avec l'Amour dans l'enceinte intérieu168
MERCURE DE FRANCE
re. La troupe badine des enfans de Cythère
fe difperfa dans les avenues . Pfyche
, pour fe rendre en ce lieu myſtéétoit
foutenue par l'Hymen
d'une main , & de l'autre par la Pudeur.
rieux ,
Il paroiffoit que tout alloit fe paffer
dans l'ordre antique & confacré par
l'ufage , fuivant lequel la Pudeur conduifoit
l'Epoufe jufques à la chambre
nuptiale , retiroit les voiles qui la couvroient
, l'attendoit le lendemain pour
les lui rendre & ne la pas quitter pendant
le refte du jour. On avança donc
jufques à la première enceinte fous le
grand pavillon extérieur. Le Mystère ,
éxact & fidele , gardoit l'entrée du fecend
, dont il tenoit les rideaux fermés.
Les Graces attendoient que la Pudeur
enlevât les voiles qui enveloppoient la
belle Pfyché , pour la porter dans leurs
bras fur le lit nuptial. La Pudeur au
contraire s'avança impérieufement pour
pénétrer dans la dernière enceinte
malgré les efforts du Myftère , qui en
défendoit l'entrée. L'Amour reclama
avec impétuofité contre la violence
qu'on éxerçoit dans l'aſyle facré de ſon
fanctuaire. L'Hymen dont la main
pefante brife fouvent l'édifice dont il
>
veut
MARS. 1763. 169
eut pofer les fondemens , l'Hymen
prétendit que ce fanctuaire étoit le fien ,
& que lui feul devant y donner des
loix , il vouloit que la Pudeur y préfidât.
Il menaçoit de fufpendre la fin de l'hymenée
, & de remener fur le champ
-Pfyché dans l'Olympe , attendre la décifion
des Dieux affemblés. Ce n'étoit pas
la première fois que l'Hymen avoit commencé
par intimider l'Amour : ce n'étoit
pas la première fois que ce dernier avoit
fini par s'en venger cruellement. Il fe
réferva cette reffource , & feignit encore
de céder pour cette fois. La Pudeur
encouragée par ce premier triomphe
porta fes prétentions jufqu'à vouloir
paffer la nuit dans la dernière enceinte ,
où la Volupté feule avoit le droit de
veiller. La Volupté , affez douce naturellement
, devint furieufe & fe récria
contre cette entreprife. Il fut réglé que
la Pudeur veilleroit dans la première
'enceinte , affez près néanmoins pourque
la nouvelle Epoufe put toujours entendre
fa voix. La cruelle gouvernante
en abufa tellement , qu'elle ne ceffoit
de l'appeller & de lui répéter des leçons
déplacées , fur lefquelles ni les reproches
impatiens de l'Amour , ni les cris de la
Volupté , ne pouvoient impofer filence.
H
170 MERCURE DE FRANCE.
Les Grâces craintives s'étoient difper
fées au premier bruit de la querelle ,
& les ordres de l'Amour même auroient
eu peine à les rappeller.
'Enfin cette nuit de trouble & d'allarmes
fit place au jour. L'opiniâtre Matrone
reconduifit Pfyché à fon appartement.
Trop nouvelle Déeffe pour connoître
toutes les prérogatives de fon
état , Pfyché flottoit entre la foumiffion
que la févère Pudeur exigeoit
d'elle , & la douleur amère d'affliger
L'Amour. De nouvelles fêtes embellirent
cette feconde journée : ce qui l'embellit
encore plus , fut la préfence de Vénus,
qui vint vifiter les époux. Son fils fe
plaignit à elle de la tyrannie que l'Hymen
& la Pudeur entreprenoient d'exercer
fur lui-même , jufques au centre de
fon empire & de celui de fa mère. La
Déeffe , fenfible aux plaintes de fon
fils , lui promit que dès que les fêtes
préparées par Terpficore , pour l'entrée
de la nuit fuivante , auroient pris fin ,
elle remonteroit à la cour célefte faire
parler leurs communs droits , contre les
ennemis fecrets qu'ils avoient appellés
eux-mêmes dans leurs états . Diffimulez
, dit- elle , mon fils , paroiffez toujours
obéir , c'eft le plus für moyen que
摆
MAR S. 1763. 171
'Amour & la Volupté puiffent prendre
pour détruire le pouvoir de l'Hymen
& de la Pudeur.
La feconde foirée fut plus prolongée
encore que la première. Les amuſemens
de Therpficore ayant occupé long-temps
une cour charmante , qui fe livroit au
plaifir dans l'ignorance des fecrets chagrins
qui en agitoient les chefs. Vénus
en retournant à l'Olympe , feignit de
quitter PAPHOS pour quelque temps.
La pudique Matrone en conçut l'espoir
d'un nouveau triomphe ; car la préfence
de Vénus étoit contraire à fes projets.
Dès la nuit fuivante , après le cérémonial
de la veille , elle avoit repris fa
place ordinaire ; mais n'ayant pû fe
défendre d'un léger fommeil , qu'avoit
peut-être occafionné l'exercice , quoiqu'affez
froid , de quelques danfes qu'elle
s'étoit permife , elle fe réveilla tout-àcoup
; & dans le dépit de la négligence
qu'elle fe reprochoit , elle voulut la réparer
avec éclat. Elle ouvrit , ou plutôt
déchira les rideaux de l'enceinte facrée.
Le Mystère alla chercher fa retraite dans
ceux du lit des Epoux , & la Volupté
indignée quitta la place. L'Amour en
ce moment ufa de cette perfide douceur
qu'il fait fi bien employer quelque-
Hij
172 MERCURE DE FRANCE .
fois , & ne fit à fon ennemie que de
tendres plaintes qui encouragerent
encore fa fermeté.
,
Cependant la Volupté éplorée avoit
répandu l'allarme dans l'intérieur du Palais
: elle gémiffoit avec les Grâces du
fort de leur maître , lorfqu'une lumière
céleste annonça le retour de Vénus.
Elles rentrerent avec elle dans la chambre
de l'Amour. A fon afpe&t , la Pudeur
troublée voulut fe retirer. Arrêtez.
, dit Vénus
, arrêtez
, imprudente
maîtreffe
, pour écouter
l'ordre
fuprême
des
Dieux
. Si je vous euffe trouvé
dans les
bornes
prefcrites
à votre
emploi
, mon
pouvoir
étoit
limité
, j'étois
contrainte
à foutenir
le vôtre
jufques
dans mon
propre
empire
mais vous
avez
paffé
ces bornes
immuables
, votre
injufte
ufurpation
vous
foumet
à mon fils & à
moi , c'eft à lui que les Dieux
ont déféré
le droit de prononcer
. La Pudeur
,
rougiffant
de colère
& de confufion
, fe
retira
pour
aller attendre
fon arrêt : il
ne fut pas différé
. Après
avoir confulté
un moment
avec
fa mère
, l'Amour
fit
déclarer
à la vénérable
Pudeur
, par la
bouche
même
de fon ennemie
( la Volupté
) , qu'elle
eût à quitter
fon empire
pour n'y jamais
reparoître
: c'étoit
l'exiMARS.
1763. 173
ler de la terre. Quelle région habitée
n'eft pas l'empire de l'Amour ?
Ainfi , pour avoir voulu MAL-APROPOS
ufurper des droits que l'Amour
ne devoit pas céder , la Pudeur en perdit
que l'Hymen même ne put lui rendre :
& l'Amour de fon côté perdit l'avantage
flatteur de la victoire , dans prèfque
toutes fes conquêtes. Perfonne n'y gagna
; la Volupté elle - même s'ennuya
bientôt de fes triomphes , & fe trouva
fatiguée de l'exercice d'un pouvoir fans
bornes & jamais contredit .
Depuis cette fatale époque , quelques
foins qu'ayent pris les Dieux pour réconcilier
la Pudeur avec l'Amour , il
veut toujours l'exiler des lieux où il
donne des loix , & la Pudeur ne fait
prèfque jamais lui céder ou fe défendre
que MAL- A- PROPOS.
» Toi feule , fage & tendre Delphire!
> toi feule as pû donner afyle à ces deux
» ennemis dans une paix inaltérable .
» C'eſt ce bienfait des Dieux qu'a voulu
» confacrer ma Mufe. Plus cette faveur
deviendra rare dans les fiécles futurs
plus on admirera ta gloire & le
bonheur de ton amant.
Par M. D L. G.
Fermer
Résumé : SUPPLÉMENT à l'Article des Piéces fugitives. SUITE de la Traduction de MAL-A-PROPOS, ou L'EXIL DE LA PUDEUR, Poëme Grec. QUATRIEME CHANT.
Le texte est un supplément à un article du Mercure de France, présentant la suite de la traduction du poème grec 'Mal-Apropos, ou L'Exil de la Pydéur'. Le quatrième chant décrit une nuit à Paphos où la nuit a été prolongée artificiellement pour permettre aux Immortels Époux, l'Amour et Psyché, de se préparer. Leur toilette est assistée par l'Hymen, la Galanterie, et les Grâces. Une fois prêts, ils se rendent dans les jardins illuminés pour assister à des spectacles offerts par les Plaisirs et les Amours. Ces spectacles incluent des jeux d'eau et de feu, et des représentations des conquêtes de l'Amour. Les Muses, appelées par l'Amour, ont préparé des prestiges et des représentations animées. Dans une salle du palais, un théâtre magique montre un nouvel univers avec des cieux, des mers, et des enfers. Les Muses, métamorphosées, jouent un drame dicté par Apollon, retraçant les amours, les tourments et la félicité suprême de Psyché. Psyché est émue par la représentation et se jette dans les bras de l'Amour. Les Muses changent ensuite de scène pour montrer la clémence de Vénus et la félicité des amants, avec des danses voluptueuses de Terpsichore. Le sixième chant introduit une scène maritime avec des Sirènes qui dansent et chantent, tentant les spectateurs. Des barques représentant différents états de l'humanité naviguent sur la mer, attirées par les Sirènes. Les Sirènes capturent les passagers avec des filets et les transforment en animaux pour se divertir. La dernière pantomime montre le Dieu Plutus en querelle avec l'Amour, représenté dans une barque richement ornée. Les Muses se vengent de Plutus en le mettant en scène malgré son absence des fêtes. Le texte décrit ensuite une scène où Plutus est capturé par trois Sirènes. Ces dernières l'enlèvent et le plongent dans des eaux enchantées, où elles le transforment en un globe de vent. Après divers jeux, elles disparaissent avec leur proie au fond de l'Océan. La scène se referme, et toute la cour des époux divins suit les Sirènes vers la salle du banquet. Le banquet des divinités de Paphos est ensuite décrit. L'Hymen, placé entre les deux époux, pose des couronnes sur leurs têtes. Les convives principaux incluent l'Hymen, la Pudeur, la Volupté, l'Amour, Bacchus, et Comus. Les Grâces servent les nouveaux époux, et des Bacchantes entourent le lit de Bacchus. Bacchus propose un vin des Gaules, que Psyché boit malgré les objections de la Pudeur. Après le banquet, les époux se retirent dans leurs appartements. La chambre nuptiale est préparée avec soin, et la lampe fatale éclaire doucement le lit. La Pudeur et l'Hymen accompagnent Psyché, mais un conflit éclate entre la Pudeur et la Volupté. La Pudeur veut veiller près de Psyché, mais la Volupté s'y oppose. Finalement, la Pudeur veille dans la première enceinte, perturbant la nuit par ses leçons déplacées. Le lendemain, Vénus visite les époux et promet de soutenir l'Amour contre l'Hymen et la Pudeur. La nuit suivante, la Pudeur, après s'être endormie, ouvre les rideaux de l'enceinte sacrée, provoquant la fuite du Mystère et la colère de la Volupté. L'Amour utilise une douceur trompeuse pour apaiser la Pudeur. Le texte relate un conflit mythologique entre Vénus, la Pudeur, l'Amour et la Volupté. L'alerte est donnée au Palais lorsque Vénus revient, accompagnée des Grâces. La Pudeur, troublée, tente de se retirer, mais Vénus l'arrête pour annoncer un ordre divin. Vénus explique que la Pudeur a dépassé ses limites et doit donc être jugée par son fils, l'Amour. La Pudeur, confuse et en colère, se retire pour attendre son verdict. L'Amour, après consultation avec Vénus, déclare par l'intermédiaire de la Volupté que la Pudeur doit quitter son empire et ne jamais y revenir. Cette décision affecte tous les protagonistes : la Pudeur perd ses droits, l'Amour ne tire pas avantage de sa victoire, et même la Volupté se lasse de ses triomphes.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
1265
p. 174-177
SPECTACLES DE LA COUR A VERSAILLES,
Début :
LE Mardi 1 Février les Comédiens François représenterent le Glorieux [...]
Mots clefs :
Comédie, Spectacles, Ballet, Musique
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SPECTACLES DE LA COUR A VERSAILLES,
SPECTACLES DE LA COUR A VER
SAILLES,
LE Mardi 1 Février les Comédiens
François repréfenterent le Glorieux
Comédie en cinq Actes & en vers du
feu fieur NÉRICAULT DESTOUCHES .
Le fieur BELCOUR y jouoit le principal
rôle ( a ) . Pour feconde Piéce les
Orignaux , Comédie en un Acte , en
profe , du feu fieur FAGAN (b).
(a) Premiére Repréſentation en 17320
(b ) En 1737.
}
座
MARS. 1763. 175
€ Le Mercredi il n'y a point eu de
fpectacle à caufe de la Fête .
Le Jeudi les mêmes Comédiens re-
3
préfenterent Zulime , Tragédie du fieur
de VOLTAIRE (c). La Dile CLAIRON
jouoit le rôle de Zulime. La Dlle Du-
BOIS celui d'Atide ; la Dile PREVILLE
celui de Serame. Les rôles de Benafar
& de fon confident étoient remplis par
les fieurs BRISART & DUBOIS : ceux
de Ramir & du Confident, par les fieurs
le KAIN & d'AUBERVAL. La Tragédie
fut fuivie de l'Indifcret , Comédie
en un Acte en vers du même Auteur
(d) ..
"
Le Mardi 8 on repréfenta l'Esprit
follet , Comédie en 5 Actes & en vers
du feu fieur HAUTEROCHE ( e) , qui
fut fuivie du Cocherfuppofé (f) , Comédie
en un Acte & en profe du même
Auteur.
Le lendemain 9 les Comédiens Italiens
repréſenterent la Cantatrice , Comédie
Italienne , dans laquelle la Dlle
PICCINELLI exécutoit le rôle de Cantatrice.
Cette Comédie précédoit Ver-
(c) En 2740.
( d) En 1725.11
( e )En 1684.
f)Dans la même année.
Ħ iv
176 MERCURE DE FRANCE.
tumne & Pomone , ballet en un Acte ;
( extrait du ballet des Elémens ) repréfenté
par l'Académie Royale de Mufique
, conjointement avec la Mufique du
Roi. Le Poëme de ce Ballet eft du fieur
ROY , Chevalier de l'Ordre de S. Michel.
La Mufique , du feu fieur DESTOUCHES
. Les rôles de Vertumne & de
Pan furent exécutés par les fieurs GELIOTE
& GELIN ; celui de Pomone
par la Dile ARNOULD. Les Grâces &
l'expreffion des chants de ce ballet , l'ef
prit & l'agrément qui régnent dans le
Poëme , les talens fi connus & fi admirés
des Acteurs qui en rendoient les
principaux rôles , tant de charmes réunis
ne pouvoient manquer de plaire & de
rendre cette repréſentation très-agréable.
La Dlle LANI danfoit feule une
principale entrée dans les Bergeres . Le
fieur CAMPIONI & la Dlle DUMONCEAU
un pas de deux, Les fieurs LAVAL
& GARDEL danfoient dans les
Faunes , ainfi que les fieurs d'AUBERVAL
, GROSSET & CAMPIONI . Le
fieur LANI & la Dlle ALLARD exécutoient
les principales entrées dans les
Paftres.
"
Le Jeudi 10 , les Comédiens François
repréſenterent Mérope , Tragédie du
fieur de VOLTAIRE , dans laquelle la
MARS. 1763 . 177
Dlle DUMESNIL joua le rôle de Mérope.
(g).
Pour feconde Pièce le Galant Coureur
, Comédie en un Acte en profe du
feu fieur le GRAND ( h ) . Le fieur Mo-
LE y jouoit le principal rôle .
Le Mardi 15 , dernier jour du Carnaval
, par extraordinaire , les Sujets de la
Comédie Italienne -exécuterent à la
Cour deux Opéra- Comiques ; le Roi &
le Fermier , Paroles du fieur SEDAINE ,
Mufique du fieur MONCIGNI & On ne
s'avife jamais de tout.
On donnera dans le Mercure prochain
le Journal des autres repréfentations
jufques à la clôture.
.. N. B. Nous n'avons fait qu'annoncer
fommairement , dans le précédent
Vol. les premiers BALS DE LA COUR.
Nous ne doutons pas que nos Lecteurs
n'en defirent une relation détaillée jufques
à la fin du Carnaval : mais comme
ce genre de Spectacles doit à tous égards
être diftingué des repréfentations theatrales
dont nous venons de rendre compte
, on en a fait un Article particulier.
que l'on trouvera après notre Article des
Théâtres & autres Spectacles ordinaires .
(g) Première fois en 1743-
(h) En 1722.
SAILLES,
LE Mardi 1 Février les Comédiens
François repréfenterent le Glorieux
Comédie en cinq Actes & en vers du
feu fieur NÉRICAULT DESTOUCHES .
Le fieur BELCOUR y jouoit le principal
rôle ( a ) . Pour feconde Piéce les
Orignaux , Comédie en un Acte , en
profe , du feu fieur FAGAN (b).
(a) Premiére Repréſentation en 17320
(b ) En 1737.
}
座
MARS. 1763. 175
€ Le Mercredi il n'y a point eu de
fpectacle à caufe de la Fête .
Le Jeudi les mêmes Comédiens re-
3
préfenterent Zulime , Tragédie du fieur
de VOLTAIRE (c). La Dile CLAIRON
jouoit le rôle de Zulime. La Dlle Du-
BOIS celui d'Atide ; la Dile PREVILLE
celui de Serame. Les rôles de Benafar
& de fon confident étoient remplis par
les fieurs BRISART & DUBOIS : ceux
de Ramir & du Confident, par les fieurs
le KAIN & d'AUBERVAL. La Tragédie
fut fuivie de l'Indifcret , Comédie
en un Acte en vers du même Auteur
(d) ..
"
Le Mardi 8 on repréfenta l'Esprit
follet , Comédie en 5 Actes & en vers
du feu fieur HAUTEROCHE ( e) , qui
fut fuivie du Cocherfuppofé (f) , Comédie
en un Acte & en profe du même
Auteur.
Le lendemain 9 les Comédiens Italiens
repréſenterent la Cantatrice , Comédie
Italienne , dans laquelle la Dlle
PICCINELLI exécutoit le rôle de Cantatrice.
Cette Comédie précédoit Ver-
(c) En 2740.
( d) En 1725.11
( e )En 1684.
f)Dans la même année.
Ħ iv
176 MERCURE DE FRANCE.
tumne & Pomone , ballet en un Acte ;
( extrait du ballet des Elémens ) repréfenté
par l'Académie Royale de Mufique
, conjointement avec la Mufique du
Roi. Le Poëme de ce Ballet eft du fieur
ROY , Chevalier de l'Ordre de S. Michel.
La Mufique , du feu fieur DESTOUCHES
. Les rôles de Vertumne & de
Pan furent exécutés par les fieurs GELIOTE
& GELIN ; celui de Pomone
par la Dile ARNOULD. Les Grâces &
l'expreffion des chants de ce ballet , l'ef
prit & l'agrément qui régnent dans le
Poëme , les talens fi connus & fi admirés
des Acteurs qui en rendoient les
principaux rôles , tant de charmes réunis
ne pouvoient manquer de plaire & de
rendre cette repréſentation très-agréable.
La Dlle LANI danfoit feule une
principale entrée dans les Bergeres . Le
fieur CAMPIONI & la Dlle DUMONCEAU
un pas de deux, Les fieurs LAVAL
& GARDEL danfoient dans les
Faunes , ainfi que les fieurs d'AUBERVAL
, GROSSET & CAMPIONI . Le
fieur LANI & la Dlle ALLARD exécutoient
les principales entrées dans les
Paftres.
"
Le Jeudi 10 , les Comédiens François
repréſenterent Mérope , Tragédie du
fieur de VOLTAIRE , dans laquelle la
MARS. 1763 . 177
Dlle DUMESNIL joua le rôle de Mérope.
(g).
Pour feconde Pièce le Galant Coureur
, Comédie en un Acte en profe du
feu fieur le GRAND ( h ) . Le fieur Mo-
LE y jouoit le principal rôle .
Le Mardi 15 , dernier jour du Carnaval
, par extraordinaire , les Sujets de la
Comédie Italienne -exécuterent à la
Cour deux Opéra- Comiques ; le Roi &
le Fermier , Paroles du fieur SEDAINE ,
Mufique du fieur MONCIGNI & On ne
s'avife jamais de tout.
On donnera dans le Mercure prochain
le Journal des autres repréfentations
jufques à la clôture.
.. N. B. Nous n'avons fait qu'annoncer
fommairement , dans le précédent
Vol. les premiers BALS DE LA COUR.
Nous ne doutons pas que nos Lecteurs
n'en defirent une relation détaillée jufques
à la fin du Carnaval : mais comme
ce genre de Spectacles doit à tous égards
être diftingué des repréfentations theatrales
dont nous venons de rendre compte
, on en a fait un Article particulier.
que l'on trouvera après notre Article des
Théâtres & autres Spectacles ordinaires .
(g) Première fois en 1743-
(h) En 1722.
Fermer
Résumé : SPECTACLES DE LA COUR A VERSAILLES,
En février et mars 1763, la cour de Versailles a organisé divers spectacles. Le 1er février, les comédiens français ont joué 'Le Glorieux' de Néricault Destouches, avec Belcour dans le rôle principal, et 'Les Orignaux' de Fagan. Le 3 mars, ils ont représenté 'Zulime' et 'L'Indiscret' de Voltaire, avec Clairon dans le rôle-titre de la première pièce. Le 8 mars, 'L'Esprit follet' de Hauteroche et 'Le Cocher supposé' ont été présentés. Le 9 mars, les comédiens italiens ont joué 'La Cantatrice', suivi du ballet 'Vertumne et Pomone' de l'Académie Royale de Musique. Le 10 mars, 'Mérope' de Voltaire et 'Le Galant Coureur' de Le Grand ont été présentés. Le 15 mars, les sujets de la comédie italienne ont exécuté les opéras-comiques 'Le Roi et le Fermier' de Sedaine et Moncigni. Le texte mentionne également des bals de la cour et des représentations théâtrales ordinaires.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
1266
p. 178-181
SPECTACLES DE PARIS. OPERA.
Début :
L'ACADÉMIE Royale de Musique a remis au Théâtre le Mardi 22 Février [...]
Mots clefs :
Opéra, Musique, Prologue, Ouvrage, Succès
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SPECTACLES DE PARIS. OPERA.
SPECTACLES DE PARIS.
OPERA.
L'ACADÉMIE Royale de Mufique
a remis au Théâtre le Mardi 22 Février
TITON & L'AURORE, Paftorale Héroïque
en en 3 Actes, précédée d'un Prologue,
dont le Sujet eft PROMETHEE animant
des Statues d'hommes & de femmes
avec le feu du Ciel qu'il a dérobé .
Cet Opéra a été repréſenté pour la
première fois , au mois de Janvier 1753 .
Il eut alors le fuccès le plus éclatant &
le plus longtemps foutenu , qu'on ait
vu fur ce Théâtre. Une époque mémorable
, mais affligeante pour les Amateurs
de ce Spectacle , ajoute encore à
fa célébrité , en ce que cet Opéra a été
le dernier dans lequel M. GELIOTE
a chanté fur le Théâtre de Paris.
Le Public a prouvé dès la première
repréſentation de cette Remife que l'ouvrage
devoit à fon propre mérite , &
non pas aux circonftances , l'avantage
de lui plaire. M. PILLOT qui joue le
rôle de Titon , eft applaudi avec juftice
dans plufieurs endroits éffentiels de ce.
MARS. 1763 . 179
,
rôle. La mémoire récente encore de
M. GELIOTTE , & renouvellée journellement
par les repréſentations de la Cour
eft une ennemie qui fait honneur , même
en triomphant , au talent & à l'application
de M. PILLOT , bien moins
fecondé par l'organe que fon célébre
Prédéceffeur. Mlle LE MIERRE ( époufe
de M. LARRIVÉE ) fans avoir eu
les mêmes obftacles de comparaifon à
vaincre fe fait beaucoup d'honneur
dans le rôle de l'Aurore qu'elle chante
& qu'elle joue avec un égal fuccès . Les
rôles de Palès & d'Eole , quoique moins
intéreffans dans le fujet que les deux précédens
, font beaucoup d'effet , & font
très bien rendus ; le premier , par Mlle
CHEVALIER ; l'autre , par M. GELIN.
Ce dernier eft particuliérement très -applaudi
dans le grand morceau du fecond
Acte Vents furieux , &c , dans
lequel fa belle voix eft déployée avec
tous fes avantages. Mais ce qui , avec
beaucoup de plaifir , fait l'étonnement
& l'attention du Public , c'eft la manière -
dont M.MUGUETchante la célébre Ariette
du Dieu des coeurs &c. On peut avec
autant de justice lui attribuer ce que
nous venons de dire à l'occafion de
H vj
180 MERCURE DE FRANCE.
M. PILLOT , puifque cette Ariette étoit
exécutée par M. GELIOTE , & faifoit ,
une partie très - brillante du rôle de
Titon. On doit ajouter au fujet de
M. MUGUET qu'en donnant de juftes
éloges aux foins qu'il a pris de
chanter avec art ce Morceau , il eft redevable
auffi à l'avantage de fa voix du
plaifir que le Public trouve à l'entendre.
Cette favorable circonftance doit
fans doute encourager ce Sujet à redoubler
d'efforts & d'application pour
profiter du même avantage dans d'autres
occafions , & pour faire valoir par le
talent la faveur que la Nature lui a donnée
du côté de l'organe.
Nous ne parlerons point des parties
acceffoires dans cet Opéra ; les vers
& la Mufique fuffifent au fuccès de
l'ouvrage .
Les vers du Prologue font de feu M.
de la MOTHE . Le Poëme de feu M. de
la MARRE , Auteur du Poëme de Zaïde
(a). La Mufique de M. de MONDONVILLE.
(a)Nous ignorons par quel motif dans l'édition
des paroles de cet Opéra , on n'a fait ,
contre l'uſage mention uniquement que de
Auteur de la Mufique . Comme nous n'avons
aucune raifon pour priver la mémoire de feu Made
?
MAR S. 1763. 181
L'Extrait du Poëme fe trouve au Mercure
de Février 1753 .
On continue les Fêtes Grecques & :
Romaines les Jeudis . Le Public y entend
avec beaucoup de plaifir entr'autres
talens de ce Théatre M. LARRIVÉE
dans le rôle d'Alcibiade , ainfi que
dans le rôle de Prométhée au Prologue
de Titon & l'Aurore.
la MARRE de la gloire d'un ouvrage auffi agréable,
nous avons cru , conformément à tous les Journaliſtes
& les Bibliographes de ce Théâtre, devoir
la lui reftituer ici .
OPERA.
L'ACADÉMIE Royale de Mufique
a remis au Théâtre le Mardi 22 Février
TITON & L'AURORE, Paftorale Héroïque
en en 3 Actes, précédée d'un Prologue,
dont le Sujet eft PROMETHEE animant
des Statues d'hommes & de femmes
avec le feu du Ciel qu'il a dérobé .
Cet Opéra a été repréſenté pour la
première fois , au mois de Janvier 1753 .
Il eut alors le fuccès le plus éclatant &
le plus longtemps foutenu , qu'on ait
vu fur ce Théâtre. Une époque mémorable
, mais affligeante pour les Amateurs
de ce Spectacle , ajoute encore à
fa célébrité , en ce que cet Opéra a été
le dernier dans lequel M. GELIOTE
a chanté fur le Théâtre de Paris.
Le Public a prouvé dès la première
repréſentation de cette Remife que l'ouvrage
devoit à fon propre mérite , &
non pas aux circonftances , l'avantage
de lui plaire. M. PILLOT qui joue le
rôle de Titon , eft applaudi avec juftice
dans plufieurs endroits éffentiels de ce.
MARS. 1763 . 179
,
rôle. La mémoire récente encore de
M. GELIOTTE , & renouvellée journellement
par les repréſentations de la Cour
eft une ennemie qui fait honneur , même
en triomphant , au talent & à l'application
de M. PILLOT , bien moins
fecondé par l'organe que fon célébre
Prédéceffeur. Mlle LE MIERRE ( époufe
de M. LARRIVÉE ) fans avoir eu
les mêmes obftacles de comparaifon à
vaincre fe fait beaucoup d'honneur
dans le rôle de l'Aurore qu'elle chante
& qu'elle joue avec un égal fuccès . Les
rôles de Palès & d'Eole , quoique moins
intéreffans dans le fujet que les deux précédens
, font beaucoup d'effet , & font
très bien rendus ; le premier , par Mlle
CHEVALIER ; l'autre , par M. GELIN.
Ce dernier eft particuliérement très -applaudi
dans le grand morceau du fecond
Acte Vents furieux , &c , dans
lequel fa belle voix eft déployée avec
tous fes avantages. Mais ce qui , avec
beaucoup de plaifir , fait l'étonnement
& l'attention du Public , c'eft la manière -
dont M.MUGUETchante la célébre Ariette
du Dieu des coeurs &c. On peut avec
autant de justice lui attribuer ce que
nous venons de dire à l'occafion de
H vj
180 MERCURE DE FRANCE.
M. PILLOT , puifque cette Ariette étoit
exécutée par M. GELIOTE , & faifoit ,
une partie très - brillante du rôle de
Titon. On doit ajouter au fujet de
M. MUGUET qu'en donnant de juftes
éloges aux foins qu'il a pris de
chanter avec art ce Morceau , il eft redevable
auffi à l'avantage de fa voix du
plaifir que le Public trouve à l'entendre.
Cette favorable circonftance doit
fans doute encourager ce Sujet à redoubler
d'efforts & d'application pour
profiter du même avantage dans d'autres
occafions , & pour faire valoir par le
talent la faveur que la Nature lui a donnée
du côté de l'organe.
Nous ne parlerons point des parties
acceffoires dans cet Opéra ; les vers
& la Mufique fuffifent au fuccès de
l'ouvrage .
Les vers du Prologue font de feu M.
de la MOTHE . Le Poëme de feu M. de
la MARRE , Auteur du Poëme de Zaïde
(a). La Mufique de M. de MONDONVILLE.
(a)Nous ignorons par quel motif dans l'édition
des paroles de cet Opéra , on n'a fait ,
contre l'uſage mention uniquement que de
Auteur de la Mufique . Comme nous n'avons
aucune raifon pour priver la mémoire de feu Made
?
MAR S. 1763. 181
L'Extrait du Poëme fe trouve au Mercure
de Février 1753 .
On continue les Fêtes Grecques & :
Romaines les Jeudis . Le Public y entend
avec beaucoup de plaifir entr'autres
talens de ce Théatre M. LARRIVÉE
dans le rôle d'Alcibiade , ainfi que
dans le rôle de Prométhée au Prologue
de Titon & l'Aurore.
la MARRE de la gloire d'un ouvrage auffi agréable,
nous avons cru , conformément à tous les Journaliſtes
& les Bibliographes de ce Théâtre, devoir
la lui reftituer ici .
Fermer
Résumé : SPECTACLES DE PARIS. OPERA.
Le 22 février, l'opéra 'Titon et l'Aurore' a été représenté à l'Académie Royale de Musique à Paris. Cet opéra pastoral héroïque en trois actes, précédé d'un prologue, raconte l'histoire de Prométhée animant des statues avec le feu du ciel. Créé en janvier 1753, il a connu un succès retentissant et fut le dernier opéra dans lequel M. GELIOTE chanta à Paris. Le public a apprécié l'œuvre pour son mérite propre, indépendamment des circonstances. M. PILLOT, interprétant Titon, fut acclamé, bien que comparé à M. GELIOTE. Mlle LE MIERRE, épouse de M. LARRIVÉE, a également reçu des éloges pour son rôle d'Aurore. Les rôles de Palès et d'Éole, joués par Mlle CHEVALIER et M. GELIN, furent bien accueillis, ce dernier étant particulièrement applaudi pour son interprétation des 'Vents furieux'. M. MUGUET fut remarqué pour son interprétation de l'ariette 'Dieu des cœurs'. Les vers du prologue sont de M. de la MOTHE, le poème de M. de la MARRE, et la musique de M. de MONDONVILLE. Les fêtes grecques et romaines continuent les jeudis, avec des performances notables de M. LARRIVÉE dans les rôles d'Alcibiade et de Prométhée.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
1267
p. 181-182
COMÉDIE FRANÇOISE.
Début :
LE 26 Février on joua pour la 17e représentation Dupuis & des Ronais [...]
Mots clefs :
Éloge, Édition, Ouvrage
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : COMÉDIE FRANÇOISE.
COMÉDIE
FRANÇOISE.
LE
$
E 26 Février on joua pour la 17ª
repréſentation Dupuis & des Ronais
Comédie dont nous avons déja parlé
dans le Mercure précédent. Il eft , depuis
longtemps fi peu d'exemples d'un
pareil nombre de repréſentations fur ce
Théâtre , que cette feule circonstance
fait mieux que tout ce que nous
pourrions ajouter l'éloge le moins
fufpect de cet Ouvrage. L'analyfe
que nous en donnons ici , n'eft que
pour fatisfaire la première curiofité des
,
182 MERCURE DE FRANCE:
Lecteurs qui n'auroient pu fe procurer
l'édition de cette Piéce. Quand nous.
aurions étendu davantage notre Extrait
nous aurions toujours fait perdre trop
de
plaifir aux Lecteurs & fupprimé trop
de beautés dans le coloris de l'Ouvrage
, pour difpenfer de recourir à l'Ouvrage
même.
FRANÇOISE.
LE
$
E 26 Février on joua pour la 17ª
repréſentation Dupuis & des Ronais
Comédie dont nous avons déja parlé
dans le Mercure précédent. Il eft , depuis
longtemps fi peu d'exemples d'un
pareil nombre de repréſentations fur ce
Théâtre , que cette feule circonstance
fait mieux que tout ce que nous
pourrions ajouter l'éloge le moins
fufpect de cet Ouvrage. L'analyfe
que nous en donnons ici , n'eft que
pour fatisfaire la première curiofité des
,
182 MERCURE DE FRANCE:
Lecteurs qui n'auroient pu fe procurer
l'édition de cette Piéce. Quand nous.
aurions étendu davantage notre Extrait
nous aurions toujours fait perdre trop
de
plaifir aux Lecteurs & fupprimé trop
de beautés dans le coloris de l'Ouvrage
, pour difpenfer de recourir à l'Ouvrage
même.
Fermer
Résumé : COMÉDIE FRANÇOISE.
Le texte évoque la 17e représentation de la comédie 'Françoise' le 26 février, un exploit rare pour ce théâtre. Il propose une analyse pour les lecteurs absents, tout en déconseillant les résumés étendus pour préserver le plaisir de la découverte.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
1268
p. 201-204
OBSERVATIONS sur la Comédie de DUPUIS & DES RONAIS.
Début :
COMBIEN il seroit agréable pour nous de n'avoir jamais à rendre compte au Public, que d'Ouvrages [...]
Mots clefs :
Action, Genre, Comédie, Personnages
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : OBSERVATIONS sur la Comédie de DUPUIS & DES RONAIS.
OBSERVATIONS fur la Comédie de
DUPUIS & DES RONAIS.
COMBIEN il feroit agréable pour nous de n'avoir
jamais à rendre compte au Public , que d'Ouvrages
tels que celui dont nous venons de faire l'Extrait
! Certains de n'être pas contredits fur les
éloges , nous aurions la fatisfaction d'exercer une
critique , utile au progrès de l'art , fans bleffer
l'amour-propre des Auteurs.
Dans ce que nous avons déja dit au fujet de
cette Comédie ( a ) , nous avions réfumé à- peuprès
ce que le Public avoit le plus applaudi , & ce
qu'il a confirmé depuis par des fuffrages réfléchis.
Intérêt touchant fans trifteffe ; morale fans
pédanterie ; détails toujours agréables fans affectation
de tours brillans , d'où réſulte la jufteſſe
& la facilité dans le Dialogue ; par - tout un fentiment
puifé dans la nature & non dans le Roman
du coeur. Telle eft l'idée générale qui nous a paru
refter de cette Piéce à tous ceux qui la connoiffent.
Qu'il nous foit permis , pour notre
propre inftruction, d'y ajouter quelques réflexions.
particulières que l'ou vrage nous a fait naître.
Le fujer eft fort fimple. L'emploi qu'en a fair
l'Auteur pour fournir à trois Actes , fait d'autant
plus d'honneur à fon talent , qu'il ne laifie
appercevoir aucune extenfion forcée. Examinons
fes moyens.
Il ne pouvoit y avoir dans cette Piéce beaucoup
(a) Voyez le Mercure de Février , Article des
Spectacles de la Cour,
I v
202 MERCURE DE FRANCE.
de ce qu'on appelle communément ACTION . Un
Sujet auffi peu compliqué ne pouvant & ne devant
admettre la multiplicité des incidens , ni un
mouvement bien apparent dans la marche ou
dans la conduite du Drame . Mais quand d'autres
Modernes , furtout parmi les François , ne
nous auroient pas appris par leurs fuccès qu'il
y a différens genres d'ACTION , cette Piéce fuf
firoit peut-être pour nous le faire appercevoir.
Je ne fais fi l'on ne trouvera pas trop d'affectation
dans les termes , lorfque nous diftinguons
l'ACTION DRAMATIQUE en action phyfique & en
action morale. Je crois au moins pouvoir m'af
furer qu'il y a de la vérité dans la diſtinction
& que la Comédie dont il s'agit eft du genre
d'ACTION morale.
"
Ne pourroit-on pas confidérer comme action
phyfique ou matériele , celle qui par la force de
l'intrigue , par l'enchaînement des incidens , met
les perfonnages dans des fituations opposées.
l'une à l'autre , celle qui change alternativement
la fortune de divers projets , par des événemens
préparés mais imprévus , & enfin par
d'autres événemens indépendans de la volonté
'ou des fentimens de quelques perfonnages , rapproche
le terme ou dénoûment que cette même
ACTION avoit tendu à éloigner ?
Il devoit le rencontrer très - peu d'ACTION
de ce genre dans la Comédie de Dupuis & Des
Ronais. Tout ce qui peut avoir rapport au premier
genre eft l'incident très - ingénieu fement
trouvé , & très - habilement mis en oeuvre ) de la
Lettre de la Comtelle à Des Ronais entre les
mains de Dupuis , Nous reviendrons au mérite
de ce moyen.
Au contraire , ne pourroit- on pas placer dans
MARS. 1763. 203
le fecond genre d'ACTION , qu'on nous permertra
de nommer morale ou métaphysique , les ob f
acles qui résultent feulement du contraſte des
caractères ou d'un intérêt actif & puiffant oppofé
aux vues & aux défirs des perfonnages intérel
fans ?Ne peut- on pas ranger dans la même claſſe
un jeu de refforts que produit la feule gradation
de fentiment entre les perfonnages , & qui donne
aux uns une certaine force , indépendante des
événemens , fur les volontés des autres ? Le mouvement
qui résulte de cette forte de moyens
n'a fon principe & fon action que dans le coeur
& ne peut être fans doute bien ſaiſi que par l'efprit.
C'eft de ce fecond genre , tel que nous éffayons
de le définir , que l'Auteur a tiré le plus grand
parti dans fa Piéce . C'eſt par là que l'incident de
la lettre , qui pouvoit donner à Dupuis les plus
fortes armes contre l'importunité des deux Amans ,
& qui femble devoir , finon détruire , au moins
altérer cruellement le concert de leurs fentimens ,
devient au contraire l'occafion du triomphe qu'ils
remportent fur la volonté la plus obſtinément
affermie. C'eft la jufteffe avec laquelle Marian.
voit l'égarement momentané de fon Amant ,
dans la conviction d'un fait que les feuls foupçons
auroient pu lui exagérer ; c'eft le pardon
généreux & tendre qui en réfulte ; c'eft enfuire
la violence de Des Ronais qui donne lieu au facrifice
héroïque, mais naturel , que fait cette fille de
l'amour le plus légitime & le plus ardent , à la
feule manie de fon Père , qui , en le touchant invinciblement,
améne par une voie fort naturelle au
dénoûment qui paroiffoit défefpéré ; fans qu'aucun
des Perfonnages foit forti du caractère primitif
que l'Auteur leur a donné.Voilà des moyens
I vj
204 MERCURE DE FRANCE.
qui tiennent tous au coeur , fans fecours d'evénement,
Voilà donc cette gradation , ce reffort
de fentiment qui agit avec une force pour
ainfi dire coactive , & qui opére toute la condutte
& le dénoûment de ce Drame dont le fond eſt
un des plus fimples qui foit au Théâtre.
En applaudiflant avec tout le Public au talent
de l'Auteur & à l'art qu'il a employé dans cette
Comédie , nous n'en exhorterons pas moins les
Auteurs à fe défendre de la féduction de l'exemple.
Nous nous garderons bien d'encourager à
courir les hazards d'un genre , où les chûtes
feroient fans reffources , & où il ne faut pas moins.
qu'un fuccès auffi décidé pour juſtifier la hardielle
de l'entrepriſe.
Le Public , après avoir quelque temps balance
fur le caractère fingulier de Dupuis , ſemble avoir
reconnu combien il étoit néceffaire au jeu des
autres caractères . Peut- être on ne le foupçonnoit
pas dans la Nature , que par faute de réfléxions
, & encore plus faute de cette bonne foi
dont on manque avec foi-même auffi fouvent
au moins qu'avec les autres. D'ailleurs , on eft
obligé de convenir que tout ce que l'art le plus
délicat & le mieux raifonné peut fournir , a été
employé pour adoucir ce que ce caractère offre
d'abord d'injurieux à l'humanité.
N. B. En publiant la Lettre fuivante fur un
événement qui doit caufer tant de regrets au Public,,
nous tâchons de continuer de marquer notre empreffement
fur le tribut d'éloges qu'on doit aux per
fonnes célèbres . Ongoûte une espéce de confolation ,
en lifant l'hommage qu'on leur rend ; & notre
recenoiffance envers elles nous fais fouhaiter que
la pofléritéfe les repréfente telles que nous les avons
mais cela eft impoffible à l'égard de l'Actrice
charmante dont la perte nous eft fi ſenſible.
DUPUIS & DES RONAIS.
COMBIEN il feroit agréable pour nous de n'avoir
jamais à rendre compte au Public , que d'Ouvrages
tels que celui dont nous venons de faire l'Extrait
! Certains de n'être pas contredits fur les
éloges , nous aurions la fatisfaction d'exercer une
critique , utile au progrès de l'art , fans bleffer
l'amour-propre des Auteurs.
Dans ce que nous avons déja dit au fujet de
cette Comédie ( a ) , nous avions réfumé à- peuprès
ce que le Public avoit le plus applaudi , & ce
qu'il a confirmé depuis par des fuffrages réfléchis.
Intérêt touchant fans trifteffe ; morale fans
pédanterie ; détails toujours agréables fans affectation
de tours brillans , d'où réſulte la jufteſſe
& la facilité dans le Dialogue ; par - tout un fentiment
puifé dans la nature & non dans le Roman
du coeur. Telle eft l'idée générale qui nous a paru
refter de cette Piéce à tous ceux qui la connoiffent.
Qu'il nous foit permis , pour notre
propre inftruction, d'y ajouter quelques réflexions.
particulières que l'ou vrage nous a fait naître.
Le fujer eft fort fimple. L'emploi qu'en a fair
l'Auteur pour fournir à trois Actes , fait d'autant
plus d'honneur à fon talent , qu'il ne laifie
appercevoir aucune extenfion forcée. Examinons
fes moyens.
Il ne pouvoit y avoir dans cette Piéce beaucoup
(a) Voyez le Mercure de Février , Article des
Spectacles de la Cour,
I v
202 MERCURE DE FRANCE.
de ce qu'on appelle communément ACTION . Un
Sujet auffi peu compliqué ne pouvant & ne devant
admettre la multiplicité des incidens , ni un
mouvement bien apparent dans la marche ou
dans la conduite du Drame . Mais quand d'autres
Modernes , furtout parmi les François , ne
nous auroient pas appris par leurs fuccès qu'il
y a différens genres d'ACTION , cette Piéce fuf
firoit peut-être pour nous le faire appercevoir.
Je ne fais fi l'on ne trouvera pas trop d'affectation
dans les termes , lorfque nous diftinguons
l'ACTION DRAMATIQUE en action phyfique & en
action morale. Je crois au moins pouvoir m'af
furer qu'il y a de la vérité dans la diſtinction
& que la Comédie dont il s'agit eft du genre
d'ACTION morale.
"
Ne pourroit-on pas confidérer comme action
phyfique ou matériele , celle qui par la force de
l'intrigue , par l'enchaînement des incidens , met
les perfonnages dans des fituations opposées.
l'une à l'autre , celle qui change alternativement
la fortune de divers projets , par des événemens
préparés mais imprévus , & enfin par
d'autres événemens indépendans de la volonté
'ou des fentimens de quelques perfonnages , rapproche
le terme ou dénoûment que cette même
ACTION avoit tendu à éloigner ?
Il devoit le rencontrer très - peu d'ACTION
de ce genre dans la Comédie de Dupuis & Des
Ronais. Tout ce qui peut avoir rapport au premier
genre eft l'incident très - ingénieu fement
trouvé , & très - habilement mis en oeuvre ) de la
Lettre de la Comtelle à Des Ronais entre les
mains de Dupuis , Nous reviendrons au mérite
de ce moyen.
Au contraire , ne pourroit- on pas placer dans
MARS. 1763. 203
le fecond genre d'ACTION , qu'on nous permertra
de nommer morale ou métaphysique , les ob f
acles qui résultent feulement du contraſte des
caractères ou d'un intérêt actif & puiffant oppofé
aux vues & aux défirs des perfonnages intérel
fans ?Ne peut- on pas ranger dans la même claſſe
un jeu de refforts que produit la feule gradation
de fentiment entre les perfonnages , & qui donne
aux uns une certaine force , indépendante des
événemens , fur les volontés des autres ? Le mouvement
qui résulte de cette forte de moyens
n'a fon principe & fon action que dans le coeur
& ne peut être fans doute bien ſaiſi que par l'efprit.
C'eft de ce fecond genre , tel que nous éffayons
de le définir , que l'Auteur a tiré le plus grand
parti dans fa Piéce . C'eſt par là que l'incident de
la lettre , qui pouvoit donner à Dupuis les plus
fortes armes contre l'importunité des deux Amans ,
& qui femble devoir , finon détruire , au moins
altérer cruellement le concert de leurs fentimens ,
devient au contraire l'occafion du triomphe qu'ils
remportent fur la volonté la plus obſtinément
affermie. C'eft la jufteffe avec laquelle Marian.
voit l'égarement momentané de fon Amant ,
dans la conviction d'un fait que les feuls foupçons
auroient pu lui exagérer ; c'eft le pardon
généreux & tendre qui en réfulte ; c'eft enfuire
la violence de Des Ronais qui donne lieu au facrifice
héroïque, mais naturel , que fait cette fille de
l'amour le plus légitime & le plus ardent , à la
feule manie de fon Père , qui , en le touchant invinciblement,
améne par une voie fort naturelle au
dénoûment qui paroiffoit défefpéré ; fans qu'aucun
des Perfonnages foit forti du caractère primitif
que l'Auteur leur a donné.Voilà des moyens
I vj
204 MERCURE DE FRANCE.
qui tiennent tous au coeur , fans fecours d'evénement,
Voilà donc cette gradation , ce reffort
de fentiment qui agit avec une force pour
ainfi dire coactive , & qui opére toute la condutte
& le dénoûment de ce Drame dont le fond eſt
un des plus fimples qui foit au Théâtre.
En applaudiflant avec tout le Public au talent
de l'Auteur & à l'art qu'il a employé dans cette
Comédie , nous n'en exhorterons pas moins les
Auteurs à fe défendre de la féduction de l'exemple.
Nous nous garderons bien d'encourager à
courir les hazards d'un genre , où les chûtes
feroient fans reffources , & où il ne faut pas moins.
qu'un fuccès auffi décidé pour juſtifier la hardielle
de l'entrepriſe.
Le Public , après avoir quelque temps balance
fur le caractère fingulier de Dupuis , ſemble avoir
reconnu combien il étoit néceffaire au jeu des
autres caractères . Peut- être on ne le foupçonnoit
pas dans la Nature , que par faute de réfléxions
, & encore plus faute de cette bonne foi
dont on manque avec foi-même auffi fouvent
au moins qu'avec les autres. D'ailleurs , on eft
obligé de convenir que tout ce que l'art le plus
délicat & le mieux raifonné peut fournir , a été
employé pour adoucir ce que ce caractère offre
d'abord d'injurieux à l'humanité.
N. B. En publiant la Lettre fuivante fur un
événement qui doit caufer tant de regrets au Public,,
nous tâchons de continuer de marquer notre empreffement
fur le tribut d'éloges qu'on doit aux per
fonnes célèbres . Ongoûte une espéce de confolation ,
en lifant l'hommage qu'on leur rend ; & notre
recenoiffance envers elles nous fais fouhaiter que
la pofléritéfe les repréfente telles que nous les avons
mais cela eft impoffible à l'égard de l'Actrice
charmante dont la perte nous eft fi ſenſible.
Fermer
Résumé : OBSERVATIONS sur la Comédie de DUPUIS & DES RONAIS.
La critique de la comédie de Dupuis et Des Ronais met en lumière son succès auprès du public et des critiques. La pièce est louée pour son intérêt touchant, sa morale sans pédanterie, et ses dialogues naturels et justes. L'intrigue, bien que simple, est efficace et ne nécessite pas d'extensions forcées. La critique distingue deux types d'action dramatique : l'action physique, basée sur des événements extérieurs, et l'action morale, basée sur les caractères et les sentiments des personnages. La comédie de Dupuis et Des Ronais appartient à cette seconde catégorie, utilisant des obstacles résultant du contraste des caractères et des intérêts opposés. Par exemple, l'incident de la lettre devient une occasion de triomphe pour les amants grâce à la justice et au pardon de Marianne. Le dénouement est naturel et respecte les caractères initiaux des personnages. La critique conclut en exhortant les auteurs à éviter les dangers d'un genre où les échecs sont sans recours, tout en reconnaissant le talent de Dupuis et l'art employé dans la pièce. Le public a finalement reconnu la nécessité du caractère singulier de Dupuis pour le jeu des autres personnages.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
1269
p. 205-207
LETTRE de M. DE SAINT FOIX à M.****
Début :
Vous me demandez mon sentiment, Monsieur, sur l'idée d'un tableau auquel [...]
Mots clefs :
Actrice, Sentiment, Comédie, Talent
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE de M. DE SAINT FOIX à M.****
LETTRE de M. DE SAINT FOIX &
V
M.****
ous me demandez mon fentiment,
Monfieur , fur l'idée d'un tableau auquel
vous travaillez . Il repréfentera
dites-vous , Thalie éplorée , qui fait tous
fes efforts pour retenir une Actrice qui
veut la quitter. Je ne doute point de
l'habileté de votre pinceau ; je vous
dirai feulement qu'il y a des objets qui
font moins du reffort de l'imagination
que du fentiment ; je fuis perfuadé que
Thalie aura l'attitude & toute l'expreffion
convenables ; mais l'Actrice
Monfieur cette A&trice divine
, fon front , fes yeux , fon nez
fa bouche, tous fes traits fi délicatement
affortis pour lui compofer la phifionomie
la plus aimable & la plus piquante ;
fa taille de nymphe ; fon maintien libre ,
aifé & toujours décent , Mademoiſelle
Dangeville enfin ( car fa retraite duThéâtre
eft le fijet de votre tableau ) Mademoifelle
Dangeville , Monfieur , peuton
eípérer de la bien peindre ! Avec de
l'intelligence , du fentiment , de l'étude
& de la réflexion , on peut fe perfection-
,
&
206 MERCURE DE FRANCE.
bien rare ,
ner le goût , & devenir une Actrice trèsbrillante
; mais l'Actrice de génie eſt
& il y a la même différence
qu'entre Moliere & un Auteur qui n'a
que de l'efprit. Nous avons vu Mlle
Dangeville jouer dans les caractères les
plus oppofés , & les faifir toujours de
façon que nous en fommes encore à
ne pouvoir nous dire dans lequel nous
l'aimions le plus. On aura de la peine à
s'imaginer que la même perfonne ait
pû jouer avec une égale fupériorité l'Indifcrète
dans l'Ambitieux ; Martine dans
les Femmes fçavantes ; la Comteſſe dans
les Moeurs du temps ; Colette dans les
trois Coufines ; Me Orgon dans le Complaifant
; la fauffe Agnès dans le Poëte
campagnard ; la Baronne d'Olban dans
Nanine ; l'Amour dans les Grâces , &
tant d'autres rôles fi différens . Combien
de fois,à la premiere repréfentation
d'une Comédie , a-t-elle procuré des applaudiffemens
à des endroits où l'Auteur
n'en attendoit pas ! Je me fouviens
que le célébre Néricaut Deftouches
dont on alloit jouer une Piéce nouvelle,
craignoit pour un monologue & quelques
traits dans le cinquiéme A&te ; il
vouloit les fupprimer : donnez- vous- en
bien de garde , lui dit- elle , je vous réMAR'S.
1763. 207
ponds que ces traits & ce monologue feront
très- applaudis. En effet , elle joua
le tout avec un naturel , des grâces , une
naïveté qui déciderent la réuffite , &
triompherent de tous les efforts qu'une
indigne cabale avoit faits , pendant les
quatre premiers Actes , pour faire tomber
cette Comédie. Ce qui acheve de
caractèrifer la perfonne de génie dans
Mlle Dangeville , c'eft qu'elle eft fimple
, vraie , modefte , timide même ,
n'ayant jamais le ton orgueilleux du talent
, mais toujours celui d'une fille
bien élevée ; ignorant d'ailleurs toute
cabale , & dans le centre de la tracafferie
, n'en ayant jamais fait aucune.
J'ai cru Monfieur , puifque vous me
confultiez , que je devois vous communiquer
mes idées fur fon caractère , parce
qu'il me femble qu'il faut commencer
par connoître celui de la perfonne que
l'on veut peindre. Je fouhaite que vous
réuffiffiez ; je fouhaite que vous puiffiez
faifir cette âme fine , naturelle , délicate
& fenfible , qui vit , qui parle , qui voltige
& badine fans ceffe dans fes yeux
fur fa bouche & dans tous fes traits. Je
fuis , Monfieur , votre très- humble &
très-obéiffant Serviteur
,
SAINT FOIX,
V
M.****
ous me demandez mon fentiment,
Monfieur , fur l'idée d'un tableau auquel
vous travaillez . Il repréfentera
dites-vous , Thalie éplorée , qui fait tous
fes efforts pour retenir une Actrice qui
veut la quitter. Je ne doute point de
l'habileté de votre pinceau ; je vous
dirai feulement qu'il y a des objets qui
font moins du reffort de l'imagination
que du fentiment ; je fuis perfuadé que
Thalie aura l'attitude & toute l'expreffion
convenables ; mais l'Actrice
Monfieur cette A&trice divine
, fon front , fes yeux , fon nez
fa bouche, tous fes traits fi délicatement
affortis pour lui compofer la phifionomie
la plus aimable & la plus piquante ;
fa taille de nymphe ; fon maintien libre ,
aifé & toujours décent , Mademoiſelle
Dangeville enfin ( car fa retraite duThéâtre
eft le fijet de votre tableau ) Mademoifelle
Dangeville , Monfieur , peuton
eípérer de la bien peindre ! Avec de
l'intelligence , du fentiment , de l'étude
& de la réflexion , on peut fe perfection-
,
&
206 MERCURE DE FRANCE.
bien rare ,
ner le goût , & devenir une Actrice trèsbrillante
; mais l'Actrice de génie eſt
& il y a la même différence
qu'entre Moliere & un Auteur qui n'a
que de l'efprit. Nous avons vu Mlle
Dangeville jouer dans les caractères les
plus oppofés , & les faifir toujours de
façon que nous en fommes encore à
ne pouvoir nous dire dans lequel nous
l'aimions le plus. On aura de la peine à
s'imaginer que la même perfonne ait
pû jouer avec une égale fupériorité l'Indifcrète
dans l'Ambitieux ; Martine dans
les Femmes fçavantes ; la Comteſſe dans
les Moeurs du temps ; Colette dans les
trois Coufines ; Me Orgon dans le Complaifant
; la fauffe Agnès dans le Poëte
campagnard ; la Baronne d'Olban dans
Nanine ; l'Amour dans les Grâces , &
tant d'autres rôles fi différens . Combien
de fois,à la premiere repréfentation
d'une Comédie , a-t-elle procuré des applaudiffemens
à des endroits où l'Auteur
n'en attendoit pas ! Je me fouviens
que le célébre Néricaut Deftouches
dont on alloit jouer une Piéce nouvelle,
craignoit pour un monologue & quelques
traits dans le cinquiéme A&te ; il
vouloit les fupprimer : donnez- vous- en
bien de garde , lui dit- elle , je vous réMAR'S.
1763. 207
ponds que ces traits & ce monologue feront
très- applaudis. En effet , elle joua
le tout avec un naturel , des grâces , une
naïveté qui déciderent la réuffite , &
triompherent de tous les efforts qu'une
indigne cabale avoit faits , pendant les
quatre premiers Actes , pour faire tomber
cette Comédie. Ce qui acheve de
caractèrifer la perfonne de génie dans
Mlle Dangeville , c'eft qu'elle eft fimple
, vraie , modefte , timide même ,
n'ayant jamais le ton orgueilleux du talent
, mais toujours celui d'une fille
bien élevée ; ignorant d'ailleurs toute
cabale , & dans le centre de la tracafferie
, n'en ayant jamais fait aucune.
J'ai cru Monfieur , puifque vous me
confultiez , que je devois vous communiquer
mes idées fur fon caractère , parce
qu'il me femble qu'il faut commencer
par connoître celui de la perfonne que
l'on veut peindre. Je fouhaite que vous
réuffiffiez ; je fouhaite que vous puiffiez
faifir cette âme fine , naturelle , délicate
& fenfible , qui vit , qui parle , qui voltige
& badine fans ceffe dans fes yeux
fur fa bouche & dans tous fes traits. Je
fuis , Monfieur , votre très- humble &
très-obéiffant Serviteur
,
SAINT FOIX,
Fermer
Résumé : LETTRE de M. DE SAINT FOIX à M.****
La lettre de M. de Saint Foix répond à une demande d'avis sur un tableau représentant Thalie éplorée tentant de retenir une actrice qui souhaite quitter la scène. L'auteur admire l'habileté du peintre mais estime que certains sujets nécessitent plus de sentiment que d'imagination. Il exprime des doutes sur la possibilité de bien représenter Mademoiselle Dangeville, connue pour sa retraite du théâtre. Saint Foix décrit les qualités exceptionnelles de cette actrice, soulignant sa capacité à incarner divers personnages avec une égale maîtrise, allant de l'Indiscrète dans *L'Ambitieux* à la Comtesse dans *Les Moeurs du temps*. Il raconte également un épisode où elle a sauvé une pièce grâce à son interprétation remarquable. Saint Foix loue son génie, sa simplicité, sa modestie et son absence de cabale. Il conclut en espérant que le peintre réussira à capturer l'essence de cette actrice exceptionnelle.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
1270
p. 208-210
COMÉDIE ITALIENNE.
Début :
ON a repris sur ce Théâtre Sancho-Pança dans fon Isle, Opéra bouffon [...]
Mots clefs :
Comédie, Acte, Succès
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : COMÉDIE ITALIENNE.
COMÉDIE ITALIENNE..
ONa Na repris fur ce Théâtre Sancho-
Pança dans fon Ifle , Opéra bouffon
dont la Mufique admirable de M. Philidor
avoit fait le fuccès.
On a continué pendant le mois précédent
les repréfentations de la jolie
Comédie , mêlée d'Ariettes intitulée
Te Guy de Chêne , dont nous avons déja
parlé.
,
Le 4 Février on donna la première
repréſentation de l'Amour Paternel, ou
la Suivante reconnoiſſante, Comédie Italienne
en 3 Actes en profe de M. GOLDONI.
C'eft la première que ce célebre
Auteur ait compofée & fait repréſenter
depuis fon féjour en France . Elle a été
très-applaudie par les Spectateurs en état
de fentir les beautés de la langue Italienne,&
le genre caractériſtique de ce théâtre
, on pourroit dire même en général
celui de la vraie Comédie , que l'illuftre
M. GOLDONI a rétabli dans fa Patrie.
Cette Piéce a été interrompue après la
deuxiéme repréfentation par l'indifpofition
fucceffive de plufieurs Acteurs
qui ne pouvoient y être remplacés.
MARS. 1763. 209
Le 10 on donna la première & l'unique
repréfentation de la Bagarre ,
Comédie en un Acte , mêlée d'Ariettes.
Dans quelque indulgence que le goût
du Public l'eût entraîné jufqu'alors pour
certains Drames de quelques Opéra-
Comiques du nouveau genre , il n'a pas
jugé apparemment devoir faire grace à
celui-ci , qui a éprouvé toute la justice
de fes jugemens & la févérité de fes
cenfures. Il n'a pas réparu fur le théâtre.
Cette Piéce a été le premier Opéra-
Comique qui ait éprouvé ce fort ,
depuis la réunion au théâtre Italien.
Par une jufte prévoyance , l'Auteur
des paroles les avoit fait imprimer
avant la repréſentation . Il y a joint
une Préface , où en fe plaignant
de ce qu'il appelle les petits chagrins
qu'il a reçus du Public , il lui laiffe entrevoir
trop clairement l'opinion qu'il a
de fon goût & de fes jugemens. Il ménage
encore moins ( par la même prévoyance
) les Journaliſtes forcés par
état de rendre compte des petits chagrins
de certains Auteurs .
Il faut bien remarquer à l'égard de
cette Piéce , que la Mufique , dont il
refte une idée favorable , ne doit pas
être confondue dans la chûte.
210 MERCURE DE FRANCE .
Le 19 le Bon Seigneur , Comédie
nouvelle en un Acte en profe , mêlée
d'Ariettes , fut donnée pour la première
fois fur ce théâtre , & n'eut pas un fuccès
heureux mais il eft jufte d'obferver
que cette Piéce a éprouvé en cela,
le fort commun à tous les ouvrages faits
pour une fociété & pour une circonftance
particulière. Tout le mérite qu'ils
avoient eft perdu auprès du Public , qui
ne peut y être fenfible. C'eft une erreur
dans laquelle font tombés tant d'Auteurs
, dont la réputation même étoit
conftatée , qu'elle ne doit ni ne peut porter
atteinte à celle des Auteurs de cet
ouvrage , ni prévenir déſavantageuſement
fur leurs talens.
On a donné le 22 la troifiéme repréfentation
de l'Amour paternel , que l'on
continue depuis avec fuccès , ainfi que
celles d'Arlequin cru mort , Comédie
Italienne en un Acte de M. GOLDONI
repréſentée pour la première fois, le 24,
avec beaucoup d'applaudiffemens . L'abondance
des matières nous contraint à
remettre au Mercure prochain le plaifir
de parler avec plus d'étendue des ouvrages
& du génie de cet Auteur.
ONa Na repris fur ce Théâtre Sancho-
Pança dans fon Ifle , Opéra bouffon
dont la Mufique admirable de M. Philidor
avoit fait le fuccès.
On a continué pendant le mois précédent
les repréfentations de la jolie
Comédie , mêlée d'Ariettes intitulée
Te Guy de Chêne , dont nous avons déja
parlé.
,
Le 4 Février on donna la première
repréſentation de l'Amour Paternel, ou
la Suivante reconnoiſſante, Comédie Italienne
en 3 Actes en profe de M. GOLDONI.
C'eft la première que ce célebre
Auteur ait compofée & fait repréſenter
depuis fon féjour en France . Elle a été
très-applaudie par les Spectateurs en état
de fentir les beautés de la langue Italienne,&
le genre caractériſtique de ce théâtre
, on pourroit dire même en général
celui de la vraie Comédie , que l'illuftre
M. GOLDONI a rétabli dans fa Patrie.
Cette Piéce a été interrompue après la
deuxiéme repréfentation par l'indifpofition
fucceffive de plufieurs Acteurs
qui ne pouvoient y être remplacés.
MARS. 1763. 209
Le 10 on donna la première & l'unique
repréfentation de la Bagarre ,
Comédie en un Acte , mêlée d'Ariettes.
Dans quelque indulgence que le goût
du Public l'eût entraîné jufqu'alors pour
certains Drames de quelques Opéra-
Comiques du nouveau genre , il n'a pas
jugé apparemment devoir faire grace à
celui-ci , qui a éprouvé toute la justice
de fes jugemens & la févérité de fes
cenfures. Il n'a pas réparu fur le théâtre.
Cette Piéce a été le premier Opéra-
Comique qui ait éprouvé ce fort ,
depuis la réunion au théâtre Italien.
Par une jufte prévoyance , l'Auteur
des paroles les avoit fait imprimer
avant la repréſentation . Il y a joint
une Préface , où en fe plaignant
de ce qu'il appelle les petits chagrins
qu'il a reçus du Public , il lui laiffe entrevoir
trop clairement l'opinion qu'il a
de fon goût & de fes jugemens. Il ménage
encore moins ( par la même prévoyance
) les Journaliſtes forcés par
état de rendre compte des petits chagrins
de certains Auteurs .
Il faut bien remarquer à l'égard de
cette Piéce , que la Mufique , dont il
refte une idée favorable , ne doit pas
être confondue dans la chûte.
210 MERCURE DE FRANCE .
Le 19 le Bon Seigneur , Comédie
nouvelle en un Acte en profe , mêlée
d'Ariettes , fut donnée pour la première
fois fur ce théâtre , & n'eut pas un fuccès
heureux mais il eft jufte d'obferver
que cette Piéce a éprouvé en cela,
le fort commun à tous les ouvrages faits
pour une fociété & pour une circonftance
particulière. Tout le mérite qu'ils
avoient eft perdu auprès du Public , qui
ne peut y être fenfible. C'eft une erreur
dans laquelle font tombés tant d'Auteurs
, dont la réputation même étoit
conftatée , qu'elle ne doit ni ne peut porter
atteinte à celle des Auteurs de cet
ouvrage , ni prévenir déſavantageuſement
fur leurs talens.
On a donné le 22 la troifiéme repréfentation
de l'Amour paternel , que l'on
continue depuis avec fuccès , ainfi que
celles d'Arlequin cru mort , Comédie
Italienne en un Acte de M. GOLDONI
repréſentée pour la première fois, le 24,
avec beaucoup d'applaudiffemens . L'abondance
des matières nous contraint à
remettre au Mercure prochain le plaifir
de parler avec plus d'étendue des ouvrages
& du génie de cet Auteur.
Fermer
Résumé : COMÉDIE ITALIENNE.
En février 1763, plusieurs œuvres théâtrales ont été présentées. Le 4 février, la comédie italienne 'L'Amour Paternel, ou la Suivante reconnaissante' de Carlo Goldoni a été jouée pour la première fois et a été très applaudie. Cependant, elle a été interrompue après la deuxième représentation en raison de l'indisposition de plusieurs acteurs. Le 10 mars, 'La Bagarre', une comédie en un acte mêlée d'ariettes, a été représentée une seule fois et n'a pas été bien accueillie par le public, bien que la musique ait été jugée favorablement. Le 19 mars, 'Le Bon Seigneur', une comédie nouvelle en un acte en prose mêlée d'ariettes, a été donnée sans succès notable. Le 22 mars, 'L'Amour Paternel' a été rejoué avec succès. Le 24 mars, 'Arlequin cru mort', une comédie italienne en un acte de Goldoni, a été représentée pour la première fois avec beaucoup d'applaudissements.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
1271
p. 220-224
QUATRIÈME BAL, le 7 Février.
Début :
Le Sujet du Ballet préparé pour ce quatriéme Bal étoit les Élémens, distribué [...]
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : QUATRIÈME BAL, le 7 Février.
QUATRIÈME BAL , le 7 Février.
Le Sujet du Ballet préparé pour ce
quatriéme Bal étoit les Elémens , dif
tribué comme celui des Saifons e
quatre Quadrilles.
LE FE U
M. le Marquis d'ENTRAGUES,
M. le Marquis d'ESCARS .
Mde la Marquife de SALUCES,
Mde la Marquife de MAILLY,
L'AIR.
M. le Baron de FRISENDorff,
M. le Marquis d'HARCOUR . *
Mde la Marquife de STAINVILLE.
Mde la Marquife de BELSUNce.
* Au Bal ſuivant M. le Marquis de CHABRILLAN
prit la place de M. le Marquis d'HARCOUR.
MARS. 1763.
221
LA TERRE.
M. le Comte d'EGREVILLE,
M. le Marquis de POLIGNAC.
Mde la Marquife de GLION.
Mde la Marquife de NAGU.
L'EAU.
M. le Prince de BOURNONVILLE.
M. le Prince de GUIMENÉ.
Mde la Princeffe de CHIMAY.
Mde la Marquife de SERAN.
On s'étoit propofé , dans les habillemens
de ce Ballet , de repréfenter les
Elémens , moins par les Etres connus
dans les fictions ordinaires , que par la
fupofition de Corps fantaftiques qui
feroient formés de chaque Elément
même. L'éxécution a repondu à ce pro
jet , autant que l'art peut atteindre à
cette forte de repréfentation. Ainfi
pour les Perfonnages de la Terre , on
avoit arrangé des habits de forme fimplé
& peu drapée , dont les fonds , de
différens gris , étoient rayés de couches
, ou lames d'or & d'argent , tournées
en ornemens måles fur certaines
K. iij
222 MERCURE DE FRANCÈ.
parties. Le tout enrichi de pierreries.
Le Quadrille de l'Eau étoit très-brillant
, & paroiffoit vêtu de cet Elément
même , dont on avoit imité les diverfes
couleurs & quelques- uns de fes effets.
Celui du Feu fembloit couvert de feux
de différentes nuances , fans aucun rapport
aux repréſentations de Furies ou
de Démons. Ces trois Quadrilles étoient
fort riches. Dans celui de l'Airil régnoit
plus de galanterie : des fonds d'un bleu
célefte ornés de nuages légers & tranf
parens , de volans ddee gaze que l'air agitoit
, & d'étoiles brillantes entrevues
dans plufieurs endroits. Tels étoient les
habillemens de ce Quadrille.
Ainfi que dans le Ballet des Saifons,
les quatre Quadrilles entroient fur une
Marche , en groupes féparés les uns des
autres. Ils danfoient chacun des Entrées
adaptées au caractère de chaque
Elément. Ils fe mêloient enfemble, enfuite
ils fe repartageoient & formoient
des Danfes particulières à certaines diftances
les uns des autres. Enfin ils fe
réuniffoient pour former l'Entrée gé
nérale de la fin .
- Ce Ballet , dont la compofition étoit
ingénieufe & agréable , fut éxécuté
MARS. 1763. 223
avec une précifion que l'on auroit à
peine éxigé des gens de l'art ; & avec
des grâces plus faciles à rencontrer dans
des Danfeurs de l'ordre de ceux qui
figuroient à ces Bals , que dans ceux
mêmes qui font profeffion de ce talent
.
La compofition des Entrées de ce
Ballet étoit du fieur Lani , Maître des
Pallets de l'Académie Royale de Mufique.
Il fit une impreffion très-agréable
fur la Cour, qui le redemanda , & il fut
danfé deux fois .
Dans le même Bal on revit avec un
nouveau plaifir le Ballet de la Noce
de Village , qui avoit été redemandé
& qui fut danſé deux fois .
La Décoration de la Salle avoit été
totalement changée pour ce Bal . Elle
fut enrichie de Pierreries qui formoient
des ornemens dans toutes fes parties ,
relatifs à ceux de l'Architecture ou affortis
& mariés avec ces mêmes ornemens
ainfi que de fuperbes rofettes aux
endroits du plafond , d'où pendoient les
luftres. Ceux-ci étoient fufpendus - par
des guirlandes des mêmes Pierreries entremêlées
de fleurs .Toute cette brillante
décoration avoit été difpofée & exé-
,
Kiv
224 MERCURE DE FRANCE.
cutée par le fieur Levêque , Garde -magazin
général des Menus & Plaiſirs du
ROI.
Le Sujet du Ballet préparé pour ce
quatriéme Bal étoit les Elémens , dif
tribué comme celui des Saifons e
quatre Quadrilles.
LE FE U
M. le Marquis d'ENTRAGUES,
M. le Marquis d'ESCARS .
Mde la Marquife de SALUCES,
Mde la Marquife de MAILLY,
L'AIR.
M. le Baron de FRISENDorff,
M. le Marquis d'HARCOUR . *
Mde la Marquife de STAINVILLE.
Mde la Marquife de BELSUNce.
* Au Bal ſuivant M. le Marquis de CHABRILLAN
prit la place de M. le Marquis d'HARCOUR.
MARS. 1763.
221
LA TERRE.
M. le Comte d'EGREVILLE,
M. le Marquis de POLIGNAC.
Mde la Marquife de GLION.
Mde la Marquife de NAGU.
L'EAU.
M. le Prince de BOURNONVILLE.
M. le Prince de GUIMENÉ.
Mde la Princeffe de CHIMAY.
Mde la Marquife de SERAN.
On s'étoit propofé , dans les habillemens
de ce Ballet , de repréfenter les
Elémens , moins par les Etres connus
dans les fictions ordinaires , que par la
fupofition de Corps fantaftiques qui
feroient formés de chaque Elément
même. L'éxécution a repondu à ce pro
jet , autant que l'art peut atteindre à
cette forte de repréfentation. Ainfi
pour les Perfonnages de la Terre , on
avoit arrangé des habits de forme fimplé
& peu drapée , dont les fonds , de
différens gris , étoient rayés de couches
, ou lames d'or & d'argent , tournées
en ornemens måles fur certaines
K. iij
222 MERCURE DE FRANCÈ.
parties. Le tout enrichi de pierreries.
Le Quadrille de l'Eau étoit très-brillant
, & paroiffoit vêtu de cet Elément
même , dont on avoit imité les diverfes
couleurs & quelques- uns de fes effets.
Celui du Feu fembloit couvert de feux
de différentes nuances , fans aucun rapport
aux repréſentations de Furies ou
de Démons. Ces trois Quadrilles étoient
fort riches. Dans celui de l'Airil régnoit
plus de galanterie : des fonds d'un bleu
célefte ornés de nuages légers & tranf
parens , de volans ddee gaze que l'air agitoit
, & d'étoiles brillantes entrevues
dans plufieurs endroits. Tels étoient les
habillemens de ce Quadrille.
Ainfi que dans le Ballet des Saifons,
les quatre Quadrilles entroient fur une
Marche , en groupes féparés les uns des
autres. Ils danfoient chacun des Entrées
adaptées au caractère de chaque
Elément. Ils fe mêloient enfemble, enfuite
ils fe repartageoient & formoient
des Danfes particulières à certaines diftances
les uns des autres. Enfin ils fe
réuniffoient pour former l'Entrée gé
nérale de la fin .
- Ce Ballet , dont la compofition étoit
ingénieufe & agréable , fut éxécuté
MARS. 1763. 223
avec une précifion que l'on auroit à
peine éxigé des gens de l'art ; & avec
des grâces plus faciles à rencontrer dans
des Danfeurs de l'ordre de ceux qui
figuroient à ces Bals , que dans ceux
mêmes qui font profeffion de ce talent
.
La compofition des Entrées de ce
Ballet étoit du fieur Lani , Maître des
Pallets de l'Académie Royale de Mufique.
Il fit une impreffion très-agréable
fur la Cour, qui le redemanda , & il fut
danfé deux fois .
Dans le même Bal on revit avec un
nouveau plaifir le Ballet de la Noce
de Village , qui avoit été redemandé
& qui fut danſé deux fois .
La Décoration de la Salle avoit été
totalement changée pour ce Bal . Elle
fut enrichie de Pierreries qui formoient
des ornemens dans toutes fes parties ,
relatifs à ceux de l'Architecture ou affortis
& mariés avec ces mêmes ornemens
ainfi que de fuperbes rofettes aux
endroits du plafond , d'où pendoient les
luftres. Ceux-ci étoient fufpendus - par
des guirlandes des mêmes Pierreries entremêlées
de fleurs .Toute cette brillante
décoration avoit été difpofée & exé-
,
Kiv
224 MERCURE DE FRANCE.
cutée par le fieur Levêque , Garde -magazin
général des Menus & Plaiſirs du
ROI.
Fermer
Résumé : QUATRIÈME BAL, le 7 Février.
Le quatrième bal, organisé le 7 février, proposait un ballet sur le thème des éléments, divisé en quatre quadrilles représentant le feu, la terre, l'eau et l'air. Chaque quadrille était incarné par des personnages en costumes fantastiques évoquant les éléments. Le quadrille du feu était orné de feux de différentes nuances, celui de l'eau imitait les couleurs et effets de l'eau, celui de la terre portait des habits gris enrichis de pierreries, et celui de l'air était décoré de bleus célestes, de nuages et d'étoiles. Les quadrilles entraient en marche, dansaient des entrées adaptées à chaque élément, se mêlaient, se séparaient et se réunissaient pour une entrée générale finale. La composition du ballet, due au sieur Lani, fut exécutée avec précision et grâce, et fut redemandée par la cour. Le ballet de la Noce de Village fut également redansé. La salle fut redécorée avec des pierreries formant des ornements architecturaux et des rosettes au plafond, le tout exécuté par le sieur Levêque.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
1272
p. 224-232
CINQUIÈME BAL, le 14 Février.
Début :
Le Mai Flamand fut le Sujet d'un nouveau Ballet, pour cette dernière [...]
Mots clefs :
Seigneur, Cœur, Ballet, Filles
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : CINQUIÈME BAL, le 14 Février.
CINQUIÈME BAL , le 14 Février.
Le Mai Flamand fut le Sujet d'un
nouveau Ballet , pour cette dernière
Nuit. Plus Pantomime , plus en action
& plus compofé qu'aucun des précédens
, nous allons éffayer de détailler
la compofition & les parties du tableau
qu'il repréfentoit. L'objet en étoit l'hom
mage rendu les habitans d'un canton
de Flandres à un ancien & très - grand
Seigneur de ce Pays. On fuppofe quel'action
de cet hommage étoit de planter un
Mai devant fon château , avec tout
l'appareil & toute la gaîé des fêtes qui
peuvent embellir cette forte de cérémonial
champêtre.
par
Ainfi cela formoit deux corps de ballet
diftingués. L'un compofé du Seigneur
avec fa famille , les Seigneurs & Dames
de fa Cour ou de fa compagnie , &
tout le cortége qui accompagnoit les
Seigneurs de ce pays. Dans l'autre corps
de Ballet étoient les Habitans avec un
Bourgmestre à leur tête.
ر
MARS. 1763. 225
La Salle du Bal repréfentoit la Scène
convenable à cette action : un château
antique dans le fond , du genre des anciens
édifices de Flandres , & la partie
où l'on danfoit ornée de verdure & de
fleurs.
Diftribution des Perfonnages danfans
dans le Ballet.
LE
SEIGNEUR ,
Un SEIGNEUR de
fa Compagnie ,
Le Fils du SEIgneur
,
La Fille du SEIGNEUR
,
Une Dame de la
Cour du SEIGNEUR
,
M. le Marquis de
SERAN.
M. leMarquis d'AVARAI.
MM.. llee Comte de
LAVAIR.
Mde la Comteffe
d'ESPARBÉS
.”
Mde la Marquife
de BRANCAS.
La Gouvernante , Mdela Ducheffe de
MAZARIN.
Le Bourgmestre , M. le Marquis de
GARÇONS duVillage,
ouPayfans
Flamans.
VAUDREUIL.
FILLES du Villa
ge ou Flamandes.
M. le Duc de Mde la Marquife
FRONSAC .
de BEZONS .
K v z
226 MERCURE DE FRANCE.
M. le Marquis de
DURAS : mo ha
M. le Comte de
RABODANGE.
M. le Vicomte de
CHABOT.
M. le Comte
COIGNY.
de
M. le Chevalier de
COIGNYAY
Mde la Baronne de
WASSEBERGH
.
Mde la Ducheffe
de CoSSÉ.
Mde la Marquife
d'AVARAI.
Mde la Vicomteffe
de BEAUNE.
Mde de ROCHAMBEAU
.
Six Pages vêtus à l'antique & à la
Flamande.
Symphonistes.
Deux Pages , portant chacun un faucon
fur le poing , ouvroient la marche.
Enfuite paroiffoit le Seigneur , fuivi de
deux autres Pages , dont l'un portoir fa
Rondache & l'autre fon Epée. Le jeune
Seigneur , fa Soeur , avec la Gouvernante
, entroient à la fuite avec deux
autres Pages , dont l'un portoit un Arc
& l'autre une Lance. La Dame & le Seigneur
de cette Cour les fuivoient.
Le Bourgmestre ( vêtu de noir & dans
l'exact habillement des portraits de Wandeik
& Reimbranz ) étoit fuivi des Payfannes
Flamandes & dé Symphoniſtes ,
dont les inftrumens étoient ornés de rubans
& d'oripeaux,
MARS. 1763. 227
Le Seigneur , avec fa Famille & fa
Cour , alloir prendre place au fond de
la Salle. Quelques Garçons du Village
faifoient groupe au milieu de la Salle ;
d'autres pofoient par derriere des gradins
de gazon. On apportoit enfuite le Mai ,
& les Payfans Flamands qui le portoient
avoient des maillets & des coins pour le
planter.
Le Bourgmestre faifoit ranger les Filles
du Village en demi-rond. Il ordonnoit
enfuite aux Symphonistes de commencer
une Sérénade en l'honneur du
Seigneur , pendant laquelle les Garçons
élevoient le Mai , qui étoit orné de cercles
de fleurs par étages. Sur la fin de
la Sérénade , les Symphoniftes alloient
fe placer fur les gradins de gazons , au
pied du Mai qu'ils environnoient.
Ces Joueurs d'inftrumens , vêtus à
la Flamande & de couleur forte , ainfi
groupés au centre , faifoient valoir &
reffortir les autres parties éclatantes du
tableau .
Les filles du Village conduifoient
en danfant le Bourguemeftre à un fiége
préparé auprès du Mai en face de la
Cour. Dès qu'il y étoit affis , les Garçons
Flamands & les Filles formoient
enfemble plufieurs danfes autour de ce
Mai. K vj
228 MERCURE DE FRANCE.
Le Bourguemeftre fe levoit ; il alloit
inviter le Seigneur à danfer avec fa
Compagnie , & retournoit gravement
reprendre fa place. Le Seigneur fa
Famille & fa Compagnie , danfoient
des Entrées conformes à la dignité de
leurs caractères..
,
Tout le Village applaudiffoit par des
battemens de mains à la complaifance
du Seigneur & de fa Cour. Tous formoient
une Entrée de trois en trois, ce
qui faifoit quatre groupes aux quatre
coins de la Salle .
Les Pages s'approchoient du Mai , en
détachoient de très-longues guirlandes
de fleurs , dont il étoit entouré. Sur la
fin des précédentes entrées , ils alloient
occuper les quatre angles , & les deux
milieux de côté de la Salle , en tenant &
foulevant les extrémités des guirlandes ,
ce qui formoit un Baldaquin très- galant.
Sur des Allemandes que jouoit la
Symphonie , le Seigneur fe levoit avec
vivacité & alloit inviter les Dames du
Bal à danfer , en leur préfentant les
hommes de fa cour. Les Filles du Village
alloient prendre des hommes dans
le Bal , & tous enfemble danfoient
fous le Baldaquin de fleurs. Ce moment
MARS. 1763. 229
de mêlange des Flamands avec les autres
Perfonnes du Bal produifoit un
tumulte de gaîté très-piquant & trèsagréable.
Le Bourgmeftre interrompoit
ces Danfes ; & lorfque le Seigneur
avec fa cour avoit repris fa place au bas
des loges de SA MAJESTÉ , il raffembloit
tous fes habitans en demi cercle
& chantoit les couplets fuivans
fur
l'Air de la Ronde des Amours Grivois
ainfi qu'il eft notté ci- contre. Tous les
couplets étoient adreffés au Seigneur
& les Affiftans en répétoient le
refrain au Choeur,
Vla donc not' Mai qu'eſt planté !
Je viens compléter l'hommage.
Pour nous donner plus d'gaîté ,
Et couronner notre ouvrage,
Faut la chanson du Seigneur ;
C'est dans l'ordre & c'eft l'ufage ;
Le coeur doit donner au coeur ( refrain . )
Le vrai droit du Seigneur.
Son Domaine eft ben peuplé ;
Quoiqu'ça falle ben du monde ,
Tout ç'monde- là raſſemblé ,
F'roit chorus à notre ronde ,
Diroit comm'nous : »> notre bonheur
» Sur vos jours , fur vous fe fonde ;
230 MERCURE DE FRANCE.
> Tous nos coeurs ne font qu'un coeur ;
» C'eft l'vrai droit du Seigneur.
On l'aim'roit quand i'n' feroit
Pas d'une auffi bonn'famille :
Pourquoi ? ç'eft qu'il brillercit
Partout où la bonté brille .
Et quand nous l'chantons , l'ardeur
Qui dans tous nos yeux petille ,
Rend ben moins au rang qu'au coeur
De notre bon Seigneur.
A par foi chacun penſoit
C'que jly dis , qu'eft ben , c'que j'penſe
A tous nos coeurs ça peloit ;
Pour eux l'mien rompt le filence :
Au furplus ça n'fait qu'un coeur
De plus dans la confidence.
Ouvrons donc nos coeurs en choeur
A notre bon Seigneur.
Sa Famill' qu'il couv' des yeux
En bonté comin'ça lui r'ſemble !
Tous ont leur part dans les voeux
Qu'un mêm' zéle ici raffemble :
Ils aimont tant not' bonheur
Que pour nous ils n'ont enſemble
Qu'un mêm' coeur qui tient du coeur
De notre bon Seigneur .
MARS. 231
Avant de v'nir , je m'difois :
Comment eft-c' que j'vais m'y prendre ?
J'voulois chanter ; puis j'nofois :
V'la pourtant qui'l vient d'mentendre !
Sa bonté guérit d'la peur ;
Si ça m'fait trop entreprendre ;
Le pardon eft dans fon coeur :
C'eſt d'vrai droit du Seigneur.
Cette Ronde fut chantée très- agréablement
, avec beaucoup de naturel &
d'enjouement. Chaque couplet en étoit
univerfellement applaudi.
Après la Ronde , les Garçons alloient
inviter le Bourgmestre à danfer : il s'en
défendoit beaucoup , il refufoit même
les Filles : mais il étoit entraîné par
toutes ces troupes réunies . Enfuite il
s'animoit ; enforte qu'il danfoit une entrée
feul ; puis il alloit prendre le Seigneur
& fa cour, qu'il engageoit à danfer
avec lui . Les Garçons & les Filles formoient
un Rond , qui environnoit le
Seigneur , fa Cour & le Bourgmeftre.
Un groupe général de tous les perfonnages
terminoit le Ballet d'une manière
très- brillante.
La compofition générale du Ballet &
de toutes les Entrées eft du fieur de
132 MERCURE DE FRANCE.
Heffe ; le fieur Lani avoit compofé les
premieres Entrées du Seigneur & de fa
Cour.
Nous ne donnerons point le détail
des Habillemens , il nous fuffira de dire
que l'effet général en parut brillant &
agréable. Ils étoient tous dans le genre
convenable , & l'Enfemble produifoit
deux Tableaux réunis fidélement
”
,
copiés mais avec choix choix , d'après
Vauwermans , pour les Flamands de
qualité , & d'après Tenieres pour les
Villageois.
Ce Ballet eût le fuccès qu'on
s'en étoit promis . Il fut exécuté avec la
plus grande précifion & les grâces propres
du genre , dans tous les caractères
différens dont il étoit compofé . Il fut
redemandé & danfé trois fois dans cette
même nuit , & toutes les fois applaudi
avec une nouvelle vivacité.
M. le DUC DE DURAS , Premier
Gentilhomme de la Chambre en exercice
, fecondé de MM. les autres Gentilshommes
de la Chambre , faifoit les
honneurs à tous ces Bals.
Il y avoit dans les Salles joignantes
celle du Bal , toutes les fortes de rafraîchiffemens
que l'on pouvoit defirer,
ainfi que les Bouillons , confommés & c.
Le Mai Flamand fut le Sujet d'un
nouveau Ballet , pour cette dernière
Nuit. Plus Pantomime , plus en action
& plus compofé qu'aucun des précédens
, nous allons éffayer de détailler
la compofition & les parties du tableau
qu'il repréfentoit. L'objet en étoit l'hom
mage rendu les habitans d'un canton
de Flandres à un ancien & très - grand
Seigneur de ce Pays. On fuppofe quel'action
de cet hommage étoit de planter un
Mai devant fon château , avec tout
l'appareil & toute la gaîé des fêtes qui
peuvent embellir cette forte de cérémonial
champêtre.
par
Ainfi cela formoit deux corps de ballet
diftingués. L'un compofé du Seigneur
avec fa famille , les Seigneurs & Dames
de fa Cour ou de fa compagnie , &
tout le cortége qui accompagnoit les
Seigneurs de ce pays. Dans l'autre corps
de Ballet étoient les Habitans avec un
Bourgmestre à leur tête.
ر
MARS. 1763. 225
La Salle du Bal repréfentoit la Scène
convenable à cette action : un château
antique dans le fond , du genre des anciens
édifices de Flandres , & la partie
où l'on danfoit ornée de verdure & de
fleurs.
Diftribution des Perfonnages danfans
dans le Ballet.
LE
SEIGNEUR ,
Un SEIGNEUR de
fa Compagnie ,
Le Fils du SEIgneur
,
La Fille du SEIGNEUR
,
Une Dame de la
Cour du SEIGNEUR
,
M. le Marquis de
SERAN.
M. leMarquis d'AVARAI.
MM.. llee Comte de
LAVAIR.
Mde la Comteffe
d'ESPARBÉS
.”
Mde la Marquife
de BRANCAS.
La Gouvernante , Mdela Ducheffe de
MAZARIN.
Le Bourgmestre , M. le Marquis de
GARÇONS duVillage,
ouPayfans
Flamans.
VAUDREUIL.
FILLES du Villa
ge ou Flamandes.
M. le Duc de Mde la Marquife
FRONSAC .
de BEZONS .
K v z
226 MERCURE DE FRANCE.
M. le Marquis de
DURAS : mo ha
M. le Comte de
RABODANGE.
M. le Vicomte de
CHABOT.
M. le Comte
COIGNY.
de
M. le Chevalier de
COIGNYAY
Mde la Baronne de
WASSEBERGH
.
Mde la Ducheffe
de CoSSÉ.
Mde la Marquife
d'AVARAI.
Mde la Vicomteffe
de BEAUNE.
Mde de ROCHAMBEAU
.
Six Pages vêtus à l'antique & à la
Flamande.
Symphonistes.
Deux Pages , portant chacun un faucon
fur le poing , ouvroient la marche.
Enfuite paroiffoit le Seigneur , fuivi de
deux autres Pages , dont l'un portoir fa
Rondache & l'autre fon Epée. Le jeune
Seigneur , fa Soeur , avec la Gouvernante
, entroient à la fuite avec deux
autres Pages , dont l'un portoit un Arc
& l'autre une Lance. La Dame & le Seigneur
de cette Cour les fuivoient.
Le Bourgmestre ( vêtu de noir & dans
l'exact habillement des portraits de Wandeik
& Reimbranz ) étoit fuivi des Payfannes
Flamandes & dé Symphoniſtes ,
dont les inftrumens étoient ornés de rubans
& d'oripeaux,
MARS. 1763. 227
Le Seigneur , avec fa Famille & fa
Cour , alloir prendre place au fond de
la Salle. Quelques Garçons du Village
faifoient groupe au milieu de la Salle ;
d'autres pofoient par derriere des gradins
de gazon. On apportoit enfuite le Mai ,
& les Payfans Flamands qui le portoient
avoient des maillets & des coins pour le
planter.
Le Bourgmestre faifoit ranger les Filles
du Village en demi-rond. Il ordonnoit
enfuite aux Symphonistes de commencer
une Sérénade en l'honneur du
Seigneur , pendant laquelle les Garçons
élevoient le Mai , qui étoit orné de cercles
de fleurs par étages. Sur la fin de
la Sérénade , les Symphoniftes alloient
fe placer fur les gradins de gazons , au
pied du Mai qu'ils environnoient.
Ces Joueurs d'inftrumens , vêtus à
la Flamande & de couleur forte , ainfi
groupés au centre , faifoient valoir &
reffortir les autres parties éclatantes du
tableau .
Les filles du Village conduifoient
en danfant le Bourguemeftre à un fiége
préparé auprès du Mai en face de la
Cour. Dès qu'il y étoit affis , les Garçons
Flamands & les Filles formoient
enfemble plufieurs danfes autour de ce
Mai. K vj
228 MERCURE DE FRANCE.
Le Bourguemeftre fe levoit ; il alloit
inviter le Seigneur à danfer avec fa
Compagnie , & retournoit gravement
reprendre fa place. Le Seigneur fa
Famille & fa Compagnie , danfoient
des Entrées conformes à la dignité de
leurs caractères..
,
Tout le Village applaudiffoit par des
battemens de mains à la complaifance
du Seigneur & de fa Cour. Tous formoient
une Entrée de trois en trois, ce
qui faifoit quatre groupes aux quatre
coins de la Salle .
Les Pages s'approchoient du Mai , en
détachoient de très-longues guirlandes
de fleurs , dont il étoit entouré. Sur la
fin des précédentes entrées , ils alloient
occuper les quatre angles , & les deux
milieux de côté de la Salle , en tenant &
foulevant les extrémités des guirlandes ,
ce qui formoit un Baldaquin très- galant.
Sur des Allemandes que jouoit la
Symphonie , le Seigneur fe levoit avec
vivacité & alloit inviter les Dames du
Bal à danfer , en leur préfentant les
hommes de fa cour. Les Filles du Village
alloient prendre des hommes dans
le Bal , & tous enfemble danfoient
fous le Baldaquin de fleurs. Ce moment
MARS. 1763. 229
de mêlange des Flamands avec les autres
Perfonnes du Bal produifoit un
tumulte de gaîté très-piquant & trèsagréable.
Le Bourgmeftre interrompoit
ces Danfes ; & lorfque le Seigneur
avec fa cour avoit repris fa place au bas
des loges de SA MAJESTÉ , il raffembloit
tous fes habitans en demi cercle
& chantoit les couplets fuivans
fur
l'Air de la Ronde des Amours Grivois
ainfi qu'il eft notté ci- contre. Tous les
couplets étoient adreffés au Seigneur
& les Affiftans en répétoient le
refrain au Choeur,
Vla donc not' Mai qu'eſt planté !
Je viens compléter l'hommage.
Pour nous donner plus d'gaîté ,
Et couronner notre ouvrage,
Faut la chanson du Seigneur ;
C'est dans l'ordre & c'eft l'ufage ;
Le coeur doit donner au coeur ( refrain . )
Le vrai droit du Seigneur.
Son Domaine eft ben peuplé ;
Quoiqu'ça falle ben du monde ,
Tout ç'monde- là raſſemblé ,
F'roit chorus à notre ronde ,
Diroit comm'nous : »> notre bonheur
» Sur vos jours , fur vous fe fonde ;
230 MERCURE DE FRANCE.
> Tous nos coeurs ne font qu'un coeur ;
» C'eft l'vrai droit du Seigneur.
On l'aim'roit quand i'n' feroit
Pas d'une auffi bonn'famille :
Pourquoi ? ç'eft qu'il brillercit
Partout où la bonté brille .
Et quand nous l'chantons , l'ardeur
Qui dans tous nos yeux petille ,
Rend ben moins au rang qu'au coeur
De notre bon Seigneur.
A par foi chacun penſoit
C'que jly dis , qu'eft ben , c'que j'penſe
A tous nos coeurs ça peloit ;
Pour eux l'mien rompt le filence :
Au furplus ça n'fait qu'un coeur
De plus dans la confidence.
Ouvrons donc nos coeurs en choeur
A notre bon Seigneur.
Sa Famill' qu'il couv' des yeux
En bonté comin'ça lui r'ſemble !
Tous ont leur part dans les voeux
Qu'un mêm' zéle ici raffemble :
Ils aimont tant not' bonheur
Que pour nous ils n'ont enſemble
Qu'un mêm' coeur qui tient du coeur
De notre bon Seigneur .
MARS. 231
Avant de v'nir , je m'difois :
Comment eft-c' que j'vais m'y prendre ?
J'voulois chanter ; puis j'nofois :
V'la pourtant qui'l vient d'mentendre !
Sa bonté guérit d'la peur ;
Si ça m'fait trop entreprendre ;
Le pardon eft dans fon coeur :
C'eſt d'vrai droit du Seigneur.
Cette Ronde fut chantée très- agréablement
, avec beaucoup de naturel &
d'enjouement. Chaque couplet en étoit
univerfellement applaudi.
Après la Ronde , les Garçons alloient
inviter le Bourgmestre à danfer : il s'en
défendoit beaucoup , il refufoit même
les Filles : mais il étoit entraîné par
toutes ces troupes réunies . Enfuite il
s'animoit ; enforte qu'il danfoit une entrée
feul ; puis il alloit prendre le Seigneur
& fa cour, qu'il engageoit à danfer
avec lui . Les Garçons & les Filles formoient
un Rond , qui environnoit le
Seigneur , fa Cour & le Bourgmeftre.
Un groupe général de tous les perfonnages
terminoit le Ballet d'une manière
très- brillante.
La compofition générale du Ballet &
de toutes les Entrées eft du fieur de
132 MERCURE DE FRANCE.
Heffe ; le fieur Lani avoit compofé les
premieres Entrées du Seigneur & de fa
Cour.
Nous ne donnerons point le détail
des Habillemens , il nous fuffira de dire
que l'effet général en parut brillant &
agréable. Ils étoient tous dans le genre
convenable , & l'Enfemble produifoit
deux Tableaux réunis fidélement
”
,
copiés mais avec choix choix , d'après
Vauwermans , pour les Flamands de
qualité , & d'après Tenieres pour les
Villageois.
Ce Ballet eût le fuccès qu'on
s'en étoit promis . Il fut exécuté avec la
plus grande précifion & les grâces propres
du genre , dans tous les caractères
différens dont il étoit compofé . Il fut
redemandé & danfé trois fois dans cette
même nuit , & toutes les fois applaudi
avec une nouvelle vivacité.
M. le DUC DE DURAS , Premier
Gentilhomme de la Chambre en exercice
, fecondé de MM. les autres Gentilshommes
de la Chambre , faifoit les
honneurs à tous ces Bals.
Il y avoit dans les Salles joignantes
celle du Bal , toutes les fortes de rafraîchiffemens
que l'on pouvoit defirer,
ainfi que les Bouillons , confommés & c.
Fermer
Résumé : CINQUIÈME BAL, le 14 Février.
Le 14 février, un ballet intitulé 'Le Mai Flamand' a été présenté lors du cinquième bal. Ce ballet, plus pantomimique et en action que les précédents, mettait en scène l'hommage rendu par les habitants d'un canton de Flandres à un ancien et grand seigneur du pays. L'action principale consistait à planter un mai devant le château du seigneur, accompagné de festivités champêtres. La salle de bal était décorée pour ressembler à une scène flamande, avec un château antique en fond et des ornements de verdure et de fleurs là où l'on dansait. Le ballet se divisait en deux groupes distincts : l'un composé du seigneur, de sa famille, des seigneurs et dames de sa cour, et de leur cortège ; l'autre formé par les habitants, dirigés par un bourgmestre. Les personnages principaux incluaient le seigneur, sa famille, des membres de la cour, et divers nobles tels que le marquis de Seran, le marquis d'Avaray, et la comtesse d'Esparbès. Le bourgmestre, vêtu à la manière des portraits de Vandeyck et Rembrandt, était suivi par des paysans et des symphonistes. Le ballet débutait par l'entrée du seigneur, suivi de sa famille et de sa cour, puis par l'arrivée du bourgmestre et des habitants. Le mai, orné de fleurs, était planté au centre de la salle. Les symphonistes jouaient une sérénade pendant que le mai était élevé. Ensuite, le bourgmestre invitait le seigneur à danser, et tous les participants formaient des danses autour du mai. Le ballet se poursuivait avec des danses et des chants, notamment une ronde en l'honneur du seigneur. Après la ronde, les garçons invitaient le bourgmestre à danser, et tous les personnages se rejoignaient pour une entrée générale. La composition du ballet et des entrées était attribuée à M. Heffe, tandis que M. Lani avait composé les premières entrées du seigneur et de sa cour. Les costumes, inspirés des œuvres de Vauwermans et Teniers, étaient brillants et appropriés. Le ballet a rencontré un grand succès et a été redemandé trois fois au cours de la même nuit, chaque fois acclamé avec enthousiasme. M. le duc de Duras, Premier Gentilhomme de la Chambre, et les autres gentilshommes de la Chambre faisaient les honneurs de ces bals. Des rafraîchissements étaient disponibles dans les salles adjacentes.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
1273
p. 233-234
AUTRES BALS A LA COUR.
Début :
Il y a eu, pendant ce Carnaval, plusieurs Bals particuliers à la Cour. [...]
Mots clefs :
Jeunesse, Carnaval, Maréchale de Duras
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AUTRES BALS A LA COUR.
AUTRES BALS A LA COUR.
Il y a eu , pendant ce Carnaval ,
plufieurs Bals particuliers à la Cour.
Entre-autres, il y en avoit reguliérement
chaque femaine , chez Madame la Princeffe
de GUIMENÉ , où danfoit la
plus brillante Jeuneffe . Le Mardi
dernier jour du Carnaval , Madame
la Maréchale de DURAS en donna un
pour les Dames qui n'étoient plus dans
l'ufage de danfer. La plupart des Dames
& des Seigneurs qui formoient ce Bal
étoient Pères & Mères de ceux qui danfoient
cette même nuît à l'autre Bal.
Vers 5 heures du matin , toute la Jeuneffe
qui avoit danfé chez Mde la Princeffe
de GUIMENÉ fe rendit chez
Mde la Maréchale de DURAS , & les
deux Bals fe trouvant réunis , les Pères
danferent avec leurs filles , & les fils
avec leurs mères . Ce dernier Bal dura
jufqu'à 10 heures du matin.
On fit à cette occafion la Chanfon
fuivante :
AIR Monfeigneur , vous ne voyez rien dans
Annette & Lubin ) ou Dodo , l'Enfant dormira
tantôt.
A moi , charmant Anacreon;
234 MERCURE DE FRANCE .
J'invoque aujourd'hui ton génie.
Des Jeux prolonger la faifon ,
C'eft ajouter à notre vie.
Appellons ici la gaîté ,
L'innocence & la liberté.
氰
Enfans de quinze ans ,
Laiffez danfer vos Mamans.
Conviens , Amour , qu'ici des ans
Tu méconnoîtrois l'intervalle :
La moins jeune de ces Mamans
Peut de fa fille être rivale.
Appellons , &c.
Belles , qui formez des projets ,
Trente ans eft pour vous le bel âge
Vous n'en avez pas moins d'attraits 3
Vous en connoiffez mieux l'ufage .
C'est le vrai noment d'être heureux :
On plait autant , on aime mieux.
Enfans , & c .
Croyez - vous que le Dieu malin ,
Dont je chéris & crains la flâme ,
Allume aux rayons du matin
Le flambeau qui brûle notre âme ?
Son feu , fi je l'ai bien fenti ,
Reflemble aux ardeurs du Midi.
Enfans , &c.
Il y a eu , pendant ce Carnaval ,
plufieurs Bals particuliers à la Cour.
Entre-autres, il y en avoit reguliérement
chaque femaine , chez Madame la Princeffe
de GUIMENÉ , où danfoit la
plus brillante Jeuneffe . Le Mardi
dernier jour du Carnaval , Madame
la Maréchale de DURAS en donna un
pour les Dames qui n'étoient plus dans
l'ufage de danfer. La plupart des Dames
& des Seigneurs qui formoient ce Bal
étoient Pères & Mères de ceux qui danfoient
cette même nuît à l'autre Bal.
Vers 5 heures du matin , toute la Jeuneffe
qui avoit danfé chez Mde la Princeffe
de GUIMENÉ fe rendit chez
Mde la Maréchale de DURAS , & les
deux Bals fe trouvant réunis , les Pères
danferent avec leurs filles , & les fils
avec leurs mères . Ce dernier Bal dura
jufqu'à 10 heures du matin.
On fit à cette occafion la Chanfon
fuivante :
AIR Monfeigneur , vous ne voyez rien dans
Annette & Lubin ) ou Dodo , l'Enfant dormira
tantôt.
A moi , charmant Anacreon;
234 MERCURE DE FRANCE .
J'invoque aujourd'hui ton génie.
Des Jeux prolonger la faifon ,
C'eft ajouter à notre vie.
Appellons ici la gaîté ,
L'innocence & la liberté.
氰
Enfans de quinze ans ,
Laiffez danfer vos Mamans.
Conviens , Amour , qu'ici des ans
Tu méconnoîtrois l'intervalle :
La moins jeune de ces Mamans
Peut de fa fille être rivale.
Appellons , &c.
Belles , qui formez des projets ,
Trente ans eft pour vous le bel âge
Vous n'en avez pas moins d'attraits 3
Vous en connoiffez mieux l'ufage .
C'est le vrai noment d'être heureux :
On plait autant , on aime mieux.
Enfans , & c .
Croyez - vous que le Dieu malin ,
Dont je chéris & crains la flâme ,
Allume aux rayons du matin
Le flambeau qui brûle notre âme ?
Son feu , fi je l'ai bien fenti ,
Reflemble aux ardeurs du Midi.
Enfans , &c.
Fermer
Résumé : AUTRES BALS A LA COUR.
Pendant le Carnaval, plusieurs bals ont eu lieu à la Cour. Chaque semaine, un bal se tenait chez Madame la Princesse de Guiméné, attirant la jeunesse la plus brillante. Le Mardi gras, Madame la Maréchale de Duras a organisé un bal pour les dames qui ne dansaient plus, principalement les parents des participants du bal de Madame de Guiméné. Vers 5 heures du matin, la jeunesse du premier bal s'est rendue chez Madame de Duras, réunissant ainsi les deux bals. Les pères ont dansé avec leurs filles et les fils avec leurs mères. Ce dernier bal a duré jusqu'à 10 heures du matin. Une chanson a été interprétée, invitant à la gaieté, l'innocence et la liberté, et soulignant que l'âge de trente ans est le bel âge pour les femmes. La chanson encourageait également les enfants à laisser danser leurs mères et mettait en avant la beauté et l'expérience des femmes plus âgées.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
1274
p. 55-63
DIALOGUE entre DÉMOCRITE & MOLIERE.
Début :
N'EST-CE pas vous que les sottises des hommes faisoient rire ? [...]
Mots clefs :
Ridicule, Athéniens, Auteurs, Discours, Sottises, Corriger les hommes
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : DIALOGUE entre DÉMOCRITE & MOLIERE.
DIALOGUE entre DÉMOCRITE &
N
MOLIERE.
MOLIER É.
' EST - CE pas vous que les fottifes
des hommes faifoient rire ?
DEMOCRITE.
N'eft- ce pas vous qui faifiez rire les
hommes de leurs fottifes ?
MOLIER E.
Qui ; notre emploi fut très- différent ,
comme vous voyez.
DEMOCRIT E.
Je choifis le moins pénible , celui
en même temps , qui me parut le plus
Civ
$6 MERCURE DE FRANCE.
propre à corriger l'efpéce humaine de
fes travers.
MOLIERE.
L'expérience dut bientôt vous détromper.
Loin que ces ris perpétuels
guériffent les Athéniens de leurs folies ,
ils chargerent , dit-on , Hippocrate du
foin de vous guérir de la vôtre.
DEMOCRITE.
J'avoue que j'ai laiffé mes Compatriotes
auffi extravagans qu'ils l'étoient
d'abord. Mais vous-même , qu'euffiezvous
fait à ma place ?
MOLIERE.
Ce que j'ai fait depuis vous . Au lieu
de me livrer à un rire immodéré , &
dès-lors , un peu ridicule , j'aurois tracé
le tableau des travers qui le provoquoient.
DEMOCRITE.
C'eût été vous- même rifquer le fort
de Zeuxis , qui mourut , à force de
rire , en contemplant certain grotesque
portrait qu'il venoit de tracer.
MOLIER E.
Oh , pour moi , je n'ai jamais ri .
AVRIL. 1763. 57
DÉMOCRITE.
Vous euffiez donc pleuré.
MOLIERE.
Ne diroit- on pas , à vous entendre
que vos Athéniens eurent un brévet
exclufif de ridicule ? Nos François ne
pourront - ils , au moins , prétendre au
parallèle ?
DEMOCRITE.
J'en doute. Figurez-vous une Nation
Tégère , capricieufe , inconféquente ; approuvant
aujourd'hui ce qu'elle blâmera
demain ; fans but , fans réflexion , fans
caractére : changeant avec la même facilité
, de fyftême , de ridicules , de mo--
des & d'amis : une Nation , en un mot ,
qui n'a d'uniformité que dans fon inconftance....
Tels furent mes Compatriotes.
Auriez -vous eu de pareils objets
à peindre ?
MOLIERE,
A-peu-près ..
DÉMOCRITE ,
Par exemple , y eut- il jamais parmi
vous d'étourdi auffi effronté que notre
Alcibiade ?
Cv
58 MERCURE DE FRANCE .
MOLIER E.
Alcibiade eût été parmi nous un
homme à citer , une efpéce de Sage.
DÉMOCRIT E. •
Que dirons nous de ce Peuple qui
s'amufoit à plaindre le chien de cet
infenfé , & qui ne plaignoit pas tant
de maris dont il féduifoit , ou enlevoit
la femme ?
MOLIER E.
J'ai connu certaine contrée où les
maris fupportoient plus facilement ces
fortes d'affronts , qu'un coup donné
mégarde à leur chien .
DEMOCRITE.
par
Qui n'eût pas ri , à ma place , de
voir cette multitude orgueilleufe ériger
une foule de ftatutes aux Orateurs qui
fçavoient le mieux louer fes travers &
Les caprices?
MOLIER E.
Chez nous la multitude ne peut
rien ; auffi n'eft - ce pas elle qu'on loue.
Il eft, en même temps , affez rare qu'un
Grand outre la reconnoiffance envers
ceux qui l'ont le plus flatté. Il fe borne
à trouver l'éloge un peu mince , &
AVRIL. 1763. 59
à oublier jufqu'au nom de l'Auteur .
DEMOCRITE.
N'ai-je pas vû ces mêmes Athéniens
traiter plus mal leurs meilleurs Généraux
que leurs plus mauvais Rhéteurs ,
& bannir des Murs de leur Ville
ceux qui les avoient le mieux défendus
?
MOLIERE.
›
Nos François fuivent une autre méthode.
Ils payent fouvent d'un malin
vaudeville les plus grandes actions
comme les plus grandes fautes , &
nulle difgrace ne les afflige , dès qu'il
en peut naître une épigramme.
DEMOCRITE .
A propos d'épigramme , parlons des
Auteurs mes contemporains. Que de
jaloufies , que de petiteffes dans les
plus Grands! Que de prétentions , que
d'orgueil dans les plus Petits ! Je crois les
voir encore s'agiter , cabaler , s'entremordre,
s'entre-détruire, avec autant de
fureur que les Grecs , & les Troyens ,
autre espéce de foux , combattirent
pour une Beauté déja furrannée ..
Oh certainement , vos Auteurs ont
été plus raisonnables !
C vj
60 MERCURE DE FRANCE.
MOLIER E.
Il femble , au contraire , que vous
ayez voulu les peindre . Mais je pour--
rois ajouter plus d'un trait au tableau .,
Si les Ecrivains modernes font infé--
rieurs aux anciens , ce n'eft pas du côté
de la tracafferie .
DÉMOCRITE.
Paffe encore pour certains Auteurs
& furtout pour les Poëtes. Mais que
dire des Philofophes ? Quelle contrariété
dans leurs difcours , dans leur
conduite , dans leurs fyftêmes ! Chacun
d'eux crée un monde à fa manière
& fe perfuade avoir faifi la vraie. J'ai
auffi , moi-même qui vous parle , bâti
mon Univers. Après quoi , j'ai ri de ce
frêle édifice , comme j'avois fait des
tant d'autres.
MOLIERE..
"
Nous ne manquons pas , non plus ,
de ces fortes d'Architectes . Il n'en eft
aucun qui ne croye avoir bâti fur de
meilleurs fondemens que tous fes rivaux
. Mais , au bout d'un quart de fiécle
, on pourroit dire de ces Monumens
, comme de la Ville de Priam ::
c'est ici ou fut Troye
AVRIL. 1763 .
or
DEMOCRITE.
Une telle manie a dû vous fournir
plus d'une fcène vraiment comique.
MOLIER E..
J'ai refpecté le peu que nous fçavions
d'Aftronomie , c'est - à - dire , tout ce
qui m'a paru démontré fur cette matière.
Mais & peut-être j'eus tort ) je.
ridiculifai dans les femmes ces fortes de
recherches.
DÉMOCRITE . {
Quoi ! parmi vous les femmes s'amufent
à mefurer les Cieux ? J'en félicite
leurs époux . Nos Athéniennes
pour la plûpart , facrifioient à d'autres:
genres de curiofité.
MOLIER E.
Oh ! nous avons auffi des curieufes
de plus d'une espéce..
DÉMOCRITE.
Leurs maris font - ils jaloux ? J'ai beau
coup ri des vaines précautions de certains
époux d'Athenes , éviter cer
tain accident qu'on n'évite guères que
par hafard.
pour
MOLIER E.
De mon temps , plus d'un mari eut le
même. foible ; & moi-même je n'en:
62 MERCURE DE FRANCE.
fus pas exempt. Mais j'eus le courage
de fronder & mon ridicule , & celui
des autres : leçon qui fructifia au point
que
mes fucceffeurs font réduits à fronder
un ridicule tout oppofé.
DÉMOCRITE.
Eft- ce la feule de vos leçons qu'on
ait prife trop à la lettre ?
MOLIERE.
J'en puis citer d'autres . Par exemple
, j'ai ridiculifé , & prèfque à tous
propos , le jargon barbare , le craffeux
pédantifme des Médecins de mon fiécle.
Aujourd'hui c'eft l'élégance de
leurs difcours , de leur parure & de leur
équipage , qui fert de matière aux Sarcafmes
de Thalie. Il en eſt ainfi de
quelques autres travers , qui n'ont fait
que fe métamorphofer en travers non
moins bifarres.
DÉMOCRITE.
Avouez donc , entre nous , que votre
méthode pour corriger les hommes
n'eft pas plus éfficace que la mienne.
MOLIER E.
C'eft ce que je n'avouerai pas. Un
ridicule anéanti , fût-il même remplacé
AVRIL. 1763. 63
par un autre , eft toujours un ridicule
de moins.
DEMOCRITE.
Comment cela ?
MOLIER E.
C'eft que tous deux euffent pu exifter
en même tems. Aux Précieufes ridicu
les , ont fuccédé les Petites -Maîtreſſes.
Mais fi je n'euffe réuffi à diffamer les premieres
, on les verroit marcher de frontavec
les fecondes.
DEMOCRITE.
Que conclure , enfin , de tout ceci ?
MOLIERE
.
Que la fource du ridicule eft intariffable
chez les humains ; qu'on peut
en prévenir les débordemens , mais non
en arrêter le cours : en un mot , qu'un
Moliere y trouveroit toujoursà réprendre
, & un Démocrite toujours à rire.
Par M. DE LA DIXMERIE.
N
MOLIERE.
MOLIER É.
' EST - CE pas vous que les fottifes
des hommes faifoient rire ?
DEMOCRITE.
N'eft- ce pas vous qui faifiez rire les
hommes de leurs fottifes ?
MOLIER E.
Qui ; notre emploi fut très- différent ,
comme vous voyez.
DEMOCRIT E.
Je choifis le moins pénible , celui
en même temps , qui me parut le plus
Civ
$6 MERCURE DE FRANCE.
propre à corriger l'efpéce humaine de
fes travers.
MOLIERE.
L'expérience dut bientôt vous détromper.
Loin que ces ris perpétuels
guériffent les Athéniens de leurs folies ,
ils chargerent , dit-on , Hippocrate du
foin de vous guérir de la vôtre.
DEMOCRITE.
J'avoue que j'ai laiffé mes Compatriotes
auffi extravagans qu'ils l'étoient
d'abord. Mais vous-même , qu'euffiezvous
fait à ma place ?
MOLIERE.
Ce que j'ai fait depuis vous . Au lieu
de me livrer à un rire immodéré , &
dès-lors , un peu ridicule , j'aurois tracé
le tableau des travers qui le provoquoient.
DEMOCRITE.
C'eût été vous- même rifquer le fort
de Zeuxis , qui mourut , à force de
rire , en contemplant certain grotesque
portrait qu'il venoit de tracer.
MOLIER E.
Oh , pour moi , je n'ai jamais ri .
AVRIL. 1763. 57
DÉMOCRITE.
Vous euffiez donc pleuré.
MOLIERE.
Ne diroit- on pas , à vous entendre
que vos Athéniens eurent un brévet
exclufif de ridicule ? Nos François ne
pourront - ils , au moins , prétendre au
parallèle ?
DEMOCRITE.
J'en doute. Figurez-vous une Nation
Tégère , capricieufe , inconféquente ; approuvant
aujourd'hui ce qu'elle blâmera
demain ; fans but , fans réflexion , fans
caractére : changeant avec la même facilité
, de fyftême , de ridicules , de mo--
des & d'amis : une Nation , en un mot ,
qui n'a d'uniformité que dans fon inconftance....
Tels furent mes Compatriotes.
Auriez -vous eu de pareils objets
à peindre ?
MOLIERE,
A-peu-près ..
DÉMOCRITE ,
Par exemple , y eut- il jamais parmi
vous d'étourdi auffi effronté que notre
Alcibiade ?
Cv
58 MERCURE DE FRANCE .
MOLIER E.
Alcibiade eût été parmi nous un
homme à citer , une efpéce de Sage.
DÉMOCRIT E. •
Que dirons nous de ce Peuple qui
s'amufoit à plaindre le chien de cet
infenfé , & qui ne plaignoit pas tant
de maris dont il féduifoit , ou enlevoit
la femme ?
MOLIER E.
J'ai connu certaine contrée où les
maris fupportoient plus facilement ces
fortes d'affronts , qu'un coup donné
mégarde à leur chien .
DEMOCRITE.
par
Qui n'eût pas ri , à ma place , de
voir cette multitude orgueilleufe ériger
une foule de ftatutes aux Orateurs qui
fçavoient le mieux louer fes travers &
Les caprices?
MOLIER E.
Chez nous la multitude ne peut
rien ; auffi n'eft - ce pas elle qu'on loue.
Il eft, en même temps , affez rare qu'un
Grand outre la reconnoiffance envers
ceux qui l'ont le plus flatté. Il fe borne
à trouver l'éloge un peu mince , &
AVRIL. 1763. 59
à oublier jufqu'au nom de l'Auteur .
DEMOCRITE.
N'ai-je pas vû ces mêmes Athéniens
traiter plus mal leurs meilleurs Généraux
que leurs plus mauvais Rhéteurs ,
& bannir des Murs de leur Ville
ceux qui les avoient le mieux défendus
?
MOLIERE.
›
Nos François fuivent une autre méthode.
Ils payent fouvent d'un malin
vaudeville les plus grandes actions
comme les plus grandes fautes , &
nulle difgrace ne les afflige , dès qu'il
en peut naître une épigramme.
DEMOCRITE .
A propos d'épigramme , parlons des
Auteurs mes contemporains. Que de
jaloufies , que de petiteffes dans les
plus Grands! Que de prétentions , que
d'orgueil dans les plus Petits ! Je crois les
voir encore s'agiter , cabaler , s'entremordre,
s'entre-détruire, avec autant de
fureur que les Grecs , & les Troyens ,
autre espéce de foux , combattirent
pour une Beauté déja furrannée ..
Oh certainement , vos Auteurs ont
été plus raisonnables !
C vj
60 MERCURE DE FRANCE.
MOLIER E.
Il femble , au contraire , que vous
ayez voulu les peindre . Mais je pour--
rois ajouter plus d'un trait au tableau .,
Si les Ecrivains modernes font infé--
rieurs aux anciens , ce n'eft pas du côté
de la tracafferie .
DÉMOCRITE.
Paffe encore pour certains Auteurs
& furtout pour les Poëtes. Mais que
dire des Philofophes ? Quelle contrariété
dans leurs difcours , dans leur
conduite , dans leurs fyftêmes ! Chacun
d'eux crée un monde à fa manière
& fe perfuade avoir faifi la vraie. J'ai
auffi , moi-même qui vous parle , bâti
mon Univers. Après quoi , j'ai ri de ce
frêle édifice , comme j'avois fait des
tant d'autres.
MOLIERE..
"
Nous ne manquons pas , non plus ,
de ces fortes d'Architectes . Il n'en eft
aucun qui ne croye avoir bâti fur de
meilleurs fondemens que tous fes rivaux
. Mais , au bout d'un quart de fiécle
, on pourroit dire de ces Monumens
, comme de la Ville de Priam ::
c'est ici ou fut Troye
AVRIL. 1763 .
or
DEMOCRITE.
Une telle manie a dû vous fournir
plus d'une fcène vraiment comique.
MOLIER E..
J'ai refpecté le peu que nous fçavions
d'Aftronomie , c'est - à - dire , tout ce
qui m'a paru démontré fur cette matière.
Mais & peut-être j'eus tort ) je.
ridiculifai dans les femmes ces fortes de
recherches.
DÉMOCRITE . {
Quoi ! parmi vous les femmes s'amufent
à mefurer les Cieux ? J'en félicite
leurs époux . Nos Athéniennes
pour la plûpart , facrifioient à d'autres:
genres de curiofité.
MOLIER E.
Oh ! nous avons auffi des curieufes
de plus d'une espéce..
DÉMOCRITE.
Leurs maris font - ils jaloux ? J'ai beau
coup ri des vaines précautions de certains
époux d'Athenes , éviter cer
tain accident qu'on n'évite guères que
par hafard.
pour
MOLIER E.
De mon temps , plus d'un mari eut le
même. foible ; & moi-même je n'en:
62 MERCURE DE FRANCE.
fus pas exempt. Mais j'eus le courage
de fronder & mon ridicule , & celui
des autres : leçon qui fructifia au point
que
mes fucceffeurs font réduits à fronder
un ridicule tout oppofé.
DÉMOCRITE.
Eft- ce la feule de vos leçons qu'on
ait prife trop à la lettre ?
MOLIERE.
J'en puis citer d'autres . Par exemple
, j'ai ridiculifé , & prèfque à tous
propos , le jargon barbare , le craffeux
pédantifme des Médecins de mon fiécle.
Aujourd'hui c'eft l'élégance de
leurs difcours , de leur parure & de leur
équipage , qui fert de matière aux Sarcafmes
de Thalie. Il en eſt ainfi de
quelques autres travers , qui n'ont fait
que fe métamorphofer en travers non
moins bifarres.
DÉMOCRITE.
Avouez donc , entre nous , que votre
méthode pour corriger les hommes
n'eft pas plus éfficace que la mienne.
MOLIER E.
C'eft ce que je n'avouerai pas. Un
ridicule anéanti , fût-il même remplacé
AVRIL. 1763. 63
par un autre , eft toujours un ridicule
de moins.
DEMOCRITE.
Comment cela ?
MOLIER E.
C'eft que tous deux euffent pu exifter
en même tems. Aux Précieufes ridicu
les , ont fuccédé les Petites -Maîtreſſes.
Mais fi je n'euffe réuffi à diffamer les premieres
, on les verroit marcher de frontavec
les fecondes.
DEMOCRITE.
Que conclure , enfin , de tout ceci ?
MOLIERE
.
Que la fource du ridicule eft intariffable
chez les humains ; qu'on peut
en prévenir les débordemens , mais non
en arrêter le cours : en un mot , qu'un
Moliere y trouveroit toujoursà réprendre
, & un Démocrite toujours à rire.
Par M. DE LA DIXMERIE.
Fermer
Résumé : DIALOGUE entre DÉMOCRITE & MOLIERE.
Le texte relate un dialogue entre Démocrite, philosophe grec, et Molière, dramaturge français, sur leurs méthodes respectives pour critiquer les travers humains. Démocrite choisit de rire des folies des hommes, tandis que Molière préfère les représenter dans ses œuvres pour les critiquer. Démocrite reconnaît que ses compatriotes athéniens restent aussi extravagants qu'auparavant, mais Molière affirme que son approche a eu plus d'impact. Ils comparent les ridicules et les travers de leurs nations respectives, avec Démocrite décrivant les Athéniens comme capricieux et inconstants, et Molière reconnaissant des similitudes chez les Français. Ils évoquent également les comportements des écrivains et des philosophes de leurs époques, soulignant les jalousies et les prétentions. Molière mentionne que les ridicules évoluent mais ne disparaissent jamais complètement, et que chaque époque a ses propres travers. Le dialogue se conclut sur l'idée que le ridicule est intarissable chez les humains, et que chaque génération trouvera toujours des sujets à critiquer ou à moquer.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
1275
p. 69-93
LETTRE à l'Auteur du Mercure Sur les ÉNIGMES & les LOGOGRYPHES,
Début :
Vous ne sçaviez probablement pas Monsieur, que la premiere Enigme du [...]
Mots clefs :
Mot, Lettres, Indiquer, Corps, Combinaisons, Transpositions, Lecteur, Musique, Divisions, Énigmes, Logogriphes
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE à l'Auteur du Mercure Sur les ÉNIGMES & les LOGOGRYPHES,
réputées les mem→
bres de ce corps : comme dans cet ancien
Logogryphe Latin , dont le mot
eft mufcatum ; & où par la diffection
du mot , on trouve mus
muftum.
mufca &
Sume caput mus ) , curram : ventrem ( ca ) conjunge
, volabo. ( mufca )
Addepedes ( tum ) , comedes , ( muſcatum ) ;
& fine ventre ( ca ) , bibes. ( muftum ).
Le premier Logogryphe François qui
ait paru dans les Mercures , fe trouve à
la fin du 2 volume de Décembre 1727 .
Il est bien fait , & le Mercure du mois
de Février 1728 , pag. 310 , lui donne
pour auteur le Marquis de la Guefnerie
en Anjou. Cependant au mois de Juillet
fuivant, M. le Clouftier d'Andely p. 1612.
prétendit que les deux premiers qui
avoient paru dans le Mercure , & qu'il
ne cite ni n'indique , font de lui.
Mais il s'en faut bien que ces premiers
Logogryphes , introduits dans les MerAVRIL.
1763. 83'
cures de France il y a environ 35 ans ,
foient les plus anciens dans notre Langue.
J'en connois un du célébre Dufrefni
qui doit avoir au moins 50 ou 60
ans. Je ne fçais s'il fut imprimé en fon
temps dans le Mercure galant : encore
moins s'il eft le doyen des Logogryphes
François ; mais au befoin , il pourroit
leur fervir de modéle. Le voici . Le
mot eft Orange.
Sans ufer de pouvoir magique ,
Mon corps entier en France ( Orange ) a deux
tiers en Afrique. ( Oran ) .
Ma tête ( Or ) n'a jamais rien entrepris en vain ;
Sans elle , en moi tout eft divin . ( Ange )
Je fuis affez propre au ruftique , ( Orge )
Quand on me veut ôter le coeur ( An )
Qu'a vu plus d'une fois renaître le Lecteur,
Mon nom bouleverfé , dangereux voisinage ,
Au Gafcon imprudent peut caufer le naufrage.
( Garone. )
D'après ce Logogryphe & quelques
autres qui ont été goûtés , on en peut
établir les régles. La plupart de celles
de l'énigme lui font communes avec le
Logogryphe , mais le Logogryphe en
a de particulières que voici.
Préfenter d'abord une énigme fort
D vj
84 MERCURE DE FRANCE.
courte fur le mot entier du Logogryphe.
Je dis fort courte , parce qu'elle ne doit
fervir que d'introduction aux énigmes
qui doivent fuivre , fur les divifions ou
combinaiſons du même mot.
On pourroit objecter que l'a uteur
du Logogryphe précédent ne s'eft pas
affujetti à cette régle ; & que fon début
, Mon corps entier en France , n'eſt
pas une énigme ; puifqu'on peut dire
également de toutes les villes & de tous
les lieux du Royaume Mon corps entier
en France , comme il le dit de la
ville d'Orange : mais l'auteur y a fuppléé
avantageufement en ajoutant que
ce corps entier en France a deux tiers
en Afrique : ce qui ne peut plus convenir
qu'au mot Orange , & fait deux
énigmes en un ſeul vers .
Če ne feroit pas abfolument un défaut
, que la petite énigme préparatoire
du Logogryphe fur le mot entier convînt
à deux mots différens ; puifque les
énigmes fuivantes ferviroient à reconnoître
lequel eft le véritable. Il eſt cependant
mieux que l'énigme du début
ne puiffe pas recevoir deux différentes
explications.
Après l'énigme fur le mot entier
viennent les énigmes particulières fur
AVRIL 1763. 85
il
les démembremens & les tranfpofitions
de ce mot. Voici en quoi confifte leur
mérite ; 1º. dans la clarté de l'indication
des fyllabes ou lettres qui par leurs divifions
& combinaifonsforment de nouveaux
mots & donnent lieu aux nouvelles
énigmes. Rien n'eft plus clair
que cette indication dans le Logogryphe
que nous venons de citer. Ma
tete n'a jamais rien entrepris en vain
défigne bien la pre miere fyllabe . Sans
elle en moi tout eft divin : otez Or ,
refte Ange. Les autres mots font pareillement
indiqués fans équivoque :
comme Orge en retranchant la fyllabe
du milieu An , qui fait le coeur du
mot. & c. 2°. Dans la jufteffe de ces
énigmes fubalternes , qui ne doivent
être ni trop claires ni trop bbfcures :
j'ajoute , ni trop longues pour ne pas.
fatiguer l'attention du lecteur. Si une
énigme en forme doit être courte , à
plus forte raifon la briéveté convientelle
aux énigmes dont l'affemblage compofe
le Logogryphe . Elles ont ici toutes
les conditions requife's . 3 ° . Dans le nombre
des énigmes que le mot entier renferme
dans fes divifions. Il eft clair que c'eft
un mérite de plus pour un Logogryphe
, le reſte étant égal , de contenir
86 MERCURE DE FRANCE .
un plus grand nombre d'énigmes.
Il y en a fix dans celui d'Orange ,
quoique le mot n'ait que fix lettres .
L'Auteur auroit pu en tirer un plus grand
nombre d'énigmes , puifqu'il a négligé
les mots Orage , Rage , Age , Gare ,
Argo , &c. Il a fans doute craint
de devenir trop long ou trop confus.
4°. Enfin dans l'art de referrer le
tout dans le moins d'espace poffible , en
évitant les inutilités & les longueurs .
Ici l'auteur a renfermé fes fix énigmes
en neuf vers.
Les mots les plus favorables aux Logogryphes
font ceux dans lefquels on
trouve un plus grand nombre de mots
par de fimples divifions , lefquelles font
beaucoup plus faciles à indiquer que les
tranfpofitions de lettres . Tel eft le mot
Courage , dont les fimples divifons ou
retranchemens feront trouver Cou, rage;
Cour , age; Courge , Cage , Orage. &c.
Ainfi les mots les plus longs, quoiqu'ils
fourniffent d'ordinaire un plus grand
nombre de combinaiſons , font les moins
avantageux pour un Logogryphe. Imagineroit-
on que pour en faire un , on
eût choifi un mot tel que Métamorphofe ,
d'où l'on n'en peut guères tirer d'autre
qu'en fe donnant la torture , & où pour
AVRIL. 1763.
87
e
indiquer le mot , phare , par exemple ,
il faut avertir le Lecteur de raffembler
la 8 , la 9 , la 4 , la 7 & la 2º lettre
& qu'alors il trouvera ce qni fait
lefalu des navigateurs , c'eft ce qu'on
exprimera dans le vers fuivant ou dans
quelque autre auffi harmonieux :
Huit , neuf, quatre , fept , deux : je guide le
Nocher.
C'est au choix heureux de mots de
cette espéce qu'on a l'obligation d'avoir
vû longtemps les Mercures remplis de
Logogryphes dans ce ftyle.
On s'eft enfin laffé de ce langage
barbare , & plutôt que d'indiquer les
tranfpofitions de lettres par leur numé
ro , on a pris le parti de ne les point
indiquer du tout , & de faire dire au
mot entier du Logogryphe ; vous trouverez
en moi un adverbe , une Saiſon ,
un Elément , un Saint , un Pape , un
Empereur , un fleuve , une note de mufique
, &c. fans défigner l'ordre des lettres
qui forment ces mots , ce qui eft
auffi vague & auffi confus , que l'autre
expédient étoit uniforme & faftidieux.
Si les mots trop longs font rarement
propres pour un Logogryphe , les mots
les plus courts offrent quelquefois dans
88 MERCURE DE FRANCE.
un très -petit nombre de lettres un affez
grand nombre de combinaiſons , ce
qui leur donne une forte de grace , parce
qu'on ne s'attend pas à cette fécondité.
Par exemple on vous annonce un
mot de trois lettres , dans lequel on trouve
neuf ou dix mots différens , fur lef
quels on fera neuf ou dix petites énigmes
par diverfes combinaiſons bien indiquées
en devinant le mot ail,vous ferez
furpris d'y trouver lia , ali , lai , ai,
ia , al , la , note de mufique , la , article,
là , adverbe , il article ; & li meſure itinéraire
de la Chine.
Il y a des mots tellement compofés,
qu'en retranchant fucceffivement une
deux , trois , quatre lettres , il refte toujours
un mot entier & enfin une lettre ,
lefquels peuvent fournir matière à autant
d'énigmes,& faire de tout un joli Logogryphe.
Par exemple, canon , par le retranchement
fucceffif d'une lettre , devient
anon , non , on , & la lettre n. Silex
, mot latin , eft dans le même cas ;
on y trouve ilex , lex ex & x , fans
compter file & lis. Dans Avoie , nom
d'une Sainte que porte une rue de Paris
, en fuivant la même méthode , vous
trouverez voye , vie , ie , & l'e muet. Ce
mor a cela de particulier encore , que
> >
AVRIL. 1763. 89
les cinq lettres qui le compofent, font
a , i , o , u. Ces deux derniers Logogryphes
ont été faits & donnés au Mercure
il y a quelques années.
Le mot latin adamas fournit un
exemple encore plus fingulier & peutêtre
unique. En le rognant lettre à lettre
( qu'on me permette cette expreffion )
par le commencement , il deviendra
damas , amas , mas , as & s ; & en lė
mutilant à rebours , adama , adam , ada,
( Princeffe connue dans l'hiftoire ) ad
& a ; mais cela feroit un mêlange bizarre
de mots François , Latins & Efpagnols
qu'il faudroit diftinguer , ce qui
feroit difficile & de plus cauferoit des
longueurs & de l'embrouillement.
Un mot qui a plufieurs anagrames,
peut fournir un Logogryphe par de fim
ples tranfpofitions fans retranchement.
Je connois un Logogryphe dans ce cas
dont le mot eft nacre. On y trouve par
fimple tranfpofition de lettres , crane ,
carne , écran , Nerac , Rance , ( carrière
de marbre ) & ancre. 1
Depuis quelque temps , le défaut ordinaire
des Logogryphes du Mercure
eft de n'être Logogryphes que de nom ;
puiſqu'on y dit au Lecteur préciſement
tout ce qu'il faut pour lui faire trouver
90 MERCURE DE FRANCE.
le mot fans avoir rien à deviner , ce
qui provient de ce qu'on péche contre
la feconde des quatres régles que j'ai
données plus haut & qu'au lieu de faire
des énigmes fur les parties féparées du
mot total , on exprime ces parties par
des fynonymes équivalens à leur nom .
Je n'en chercherai point la preuve plus
loin que dans le Mercure de Janvier
où fe trouve l'énigme du Fiacre. Le
mot du fecond Logogryphe eft Soif:
l'énigme fur ce mot par laquelle on
commence le Logogryphe, eft affez bien
faite , mais trop longue , puifque la
préface d'un ouvrage n'en doit pas
faire prés de la moitié. Si la lecture
de cette énigme préliminaire n'a pas
fuffi pour me faire deviner le mot
Soif, le refte va me l'indiquer fi
clairement, qu'il ne me fera pas poffible
de m'y méprendre. Je pourfuis ma lecture
& je vois que l'on m'annonce que
je trouverai dans le mot que je cherche
, 1 ° . l'objet des foins d'Argus. Eftce
là une énigme ? C'eft comine fi l'on
me difoit,vous trouverez Io ; j'écris donc
Io : voilà déja deux lettres . 2° . Certaine
note de Mufique ; rien ne m'indique encore
laquelle c'eft des fept notes ; je
laiffe donc fon nom en blanc , & je conAVRIL
1763. or
,
inue . 3 ° . Un arbriffeau des plus touf
fus , ce pourroit être if ou bien hour.
Je fufpends mon jugement. Je lis juf
qu'au bout , & le dernier vers m'apprend
que le mot entier n'a que quatre
lettres. Or j'en fçais déja deux , i & o :
je reprens où j'en étois , & je vois 4 ° .
qu'il faut trouver dans le mot entier une
vertu théologale. Laquelle des trois ?
Ce ne peut être que foi , puifque le
mot entier n'a que quatre lettres , &
que i & o que j'ai déja font du nombre .
J'écris donc foi. Je conclus auffitôt que
l'arbriffeau dont j'étois en doute ne
peut être qu'if, puifqu'il fe trouve dans
le mot foi. Il ne manque denc plus
qu'une lettre. 5. Ce dont un chien quand
il peut fe régale. Autant vaudroit dire
un os. Or dans le mot os je trouve la
lettre o que j'ai déja , & de plus la lettres
; celle -ci eft donc la quatriéme qui
me manquoit.J'écris donc os.5º.Un terme
enfin de dédain , de mépris. On ne peut
exprimer plus clairement le mot fi, que
je trouve en effet dans les mots que j'ai
déja. Les quatre lettres du mot font
donc i , o , f & f. J'y cherche la note
de mufique que j'ai laiffée en fouffrance
; & je vois que ce ne peut être que
la note fi. Il ne reste plus qu'à faire un
92 MERCURE
DE FRANCE.
mot avec les quatre lettres trouvées ¿
o,f, s. Quatre lettres ne peuvent s'ar- .
ranger que de vingt- quatre façons différentes
, dont la moitié dans le cas préfent
ne pourroit fe prononcer. Dès les
premiers effais de combinaifons , je
m'apperçois que ces quatre lettres i ,
o, f, s , ne peuvent faire que les mots
fois & foif. Ce dernier mot explique
très-bien l'énigme du début : le mot
du Logogryphe eft donc foif.Toutes ces
opérations fe font beaucoup plus promptement
qu'elles ne peuvent fe décrire ;
enforte qu'à la feconde lecture
avoir rien deviné , je reconnois évidemment
que le mot cherché eft foif, &
que tout ce qu'on m'a dit avec apparence
de mystère , fe réduit à cette propofition
, Lecteur , faites un mot françois
de ces quatre lettres , i , o , f , s ;
or je demande fi c'eft- là un Logogryphe.
J'en dirois prèfque autant de l'autre qui
fuit , dont le mot eft mode , ainfi que'
de la plupart de ceux que je vois dans
les Mercures depuis quelques années.
fans
Il est vrai que fouvent le mot a
plus de quatre lettres, & que quoiqu'elles
me foient toutes indiquées auffi clairement
que fi l'on me les eût nommées ,
il feroit long & pénible d'en compofer
AVRIL. 1763. 93
#
an feul mot.Je me contente alors d'avoir
toutes les lettres du mot, & j'abandonne
fans regret une recherche purement ennuyeuſe
, qui n'éxige que la patience de
former 120 arrangemens différens , file
mot a cinq lettres ; 720, s'il en a fix ; ſept
fois 720 ou 5047 , s'il y a fept lettres
& c,ce qui n'eft plus que l'ouvrage d'un
manoeuvre. Il n'y a que l'utilité ou l'im-
-portance de l'objet , cu une raiſon d'interêt
, qui pût faire furmonter un tra
vail auffi rebutant.
J'ai l'honneur d'être , & c.
bres de ce corps : comme dans cet ancien
Logogryphe Latin , dont le mot
eft mufcatum ; & où par la diffection
du mot , on trouve mus
muftum.
mufca &
Sume caput mus ) , curram : ventrem ( ca ) conjunge
, volabo. ( mufca )
Addepedes ( tum ) , comedes , ( muſcatum ) ;
& fine ventre ( ca ) , bibes. ( muftum ).
Le premier Logogryphe François qui
ait paru dans les Mercures , fe trouve à
la fin du 2 volume de Décembre 1727 .
Il est bien fait , & le Mercure du mois
de Février 1728 , pag. 310 , lui donne
pour auteur le Marquis de la Guefnerie
en Anjou. Cependant au mois de Juillet
fuivant, M. le Clouftier d'Andely p. 1612.
prétendit que les deux premiers qui
avoient paru dans le Mercure , & qu'il
ne cite ni n'indique , font de lui.
Mais il s'en faut bien que ces premiers
Logogryphes , introduits dans les MerAVRIL.
1763. 83'
cures de France il y a environ 35 ans ,
foient les plus anciens dans notre Langue.
J'en connois un du célébre Dufrefni
qui doit avoir au moins 50 ou 60
ans. Je ne fçais s'il fut imprimé en fon
temps dans le Mercure galant : encore
moins s'il eft le doyen des Logogryphes
François ; mais au befoin , il pourroit
leur fervir de modéle. Le voici . Le
mot eft Orange.
Sans ufer de pouvoir magique ,
Mon corps entier en France ( Orange ) a deux
tiers en Afrique. ( Oran ) .
Ma tête ( Or ) n'a jamais rien entrepris en vain ;
Sans elle , en moi tout eft divin . ( Ange )
Je fuis affez propre au ruftique , ( Orge )
Quand on me veut ôter le coeur ( An )
Qu'a vu plus d'une fois renaître le Lecteur,
Mon nom bouleverfé , dangereux voisinage ,
Au Gafcon imprudent peut caufer le naufrage.
( Garone. )
D'après ce Logogryphe & quelques
autres qui ont été goûtés , on en peut
établir les régles. La plupart de celles
de l'énigme lui font communes avec le
Logogryphe , mais le Logogryphe en
a de particulières que voici.
Préfenter d'abord une énigme fort
D vj
84 MERCURE DE FRANCE.
courte fur le mot entier du Logogryphe.
Je dis fort courte , parce qu'elle ne doit
fervir que d'introduction aux énigmes
qui doivent fuivre , fur les divifions ou
combinaiſons du même mot.
On pourroit objecter que l'a uteur
du Logogryphe précédent ne s'eft pas
affujetti à cette régle ; & que fon début
, Mon corps entier en France , n'eſt
pas une énigme ; puifqu'on peut dire
également de toutes les villes & de tous
les lieux du Royaume Mon corps entier
en France , comme il le dit de la
ville d'Orange : mais l'auteur y a fuppléé
avantageufement en ajoutant que
ce corps entier en France a deux tiers
en Afrique : ce qui ne peut plus convenir
qu'au mot Orange , & fait deux
énigmes en un ſeul vers .
Če ne feroit pas abfolument un défaut
, que la petite énigme préparatoire
du Logogryphe fur le mot entier convînt
à deux mots différens ; puifque les
énigmes fuivantes ferviroient à reconnoître
lequel eft le véritable. Il eſt cependant
mieux que l'énigme du début
ne puiffe pas recevoir deux différentes
explications.
Après l'énigme fur le mot entier
viennent les énigmes particulières fur
AVRIL 1763. 85
il
les démembremens & les tranfpofitions
de ce mot. Voici en quoi confifte leur
mérite ; 1º. dans la clarté de l'indication
des fyllabes ou lettres qui par leurs divifions
& combinaifonsforment de nouveaux
mots & donnent lieu aux nouvelles
énigmes. Rien n'eft plus clair
que cette indication dans le Logogryphe
que nous venons de citer. Ma
tete n'a jamais rien entrepris en vain
défigne bien la pre miere fyllabe . Sans
elle en moi tout eft divin : otez Or ,
refte Ange. Les autres mots font pareillement
indiqués fans équivoque :
comme Orge en retranchant la fyllabe
du milieu An , qui fait le coeur du
mot. & c. 2°. Dans la jufteffe de ces
énigmes fubalternes , qui ne doivent
être ni trop claires ni trop bbfcures :
j'ajoute , ni trop longues pour ne pas.
fatiguer l'attention du lecteur. Si une
énigme en forme doit être courte , à
plus forte raifon la briéveté convientelle
aux énigmes dont l'affemblage compofe
le Logogryphe . Elles ont ici toutes
les conditions requife's . 3 ° . Dans le nombre
des énigmes que le mot entier renferme
dans fes divifions. Il eft clair que c'eft
un mérite de plus pour un Logogryphe
, le reſte étant égal , de contenir
86 MERCURE DE FRANCE .
un plus grand nombre d'énigmes.
Il y en a fix dans celui d'Orange ,
quoique le mot n'ait que fix lettres .
L'Auteur auroit pu en tirer un plus grand
nombre d'énigmes , puifqu'il a négligé
les mots Orage , Rage , Age , Gare ,
Argo , &c. Il a fans doute craint
de devenir trop long ou trop confus.
4°. Enfin dans l'art de referrer le
tout dans le moins d'espace poffible , en
évitant les inutilités & les longueurs .
Ici l'auteur a renfermé fes fix énigmes
en neuf vers.
Les mots les plus favorables aux Logogryphes
font ceux dans lefquels on
trouve un plus grand nombre de mots
par de fimples divifions , lefquelles font
beaucoup plus faciles à indiquer que les
tranfpofitions de lettres . Tel eft le mot
Courage , dont les fimples divifons ou
retranchemens feront trouver Cou, rage;
Cour , age; Courge , Cage , Orage. &c.
Ainfi les mots les plus longs, quoiqu'ils
fourniffent d'ordinaire un plus grand
nombre de combinaiſons , font les moins
avantageux pour un Logogryphe. Imagineroit-
on que pour en faire un , on
eût choifi un mot tel que Métamorphofe ,
d'où l'on n'en peut guères tirer d'autre
qu'en fe donnant la torture , & où pour
AVRIL. 1763.
87
e
indiquer le mot , phare , par exemple ,
il faut avertir le Lecteur de raffembler
la 8 , la 9 , la 4 , la 7 & la 2º lettre
& qu'alors il trouvera ce qni fait
lefalu des navigateurs , c'eft ce qu'on
exprimera dans le vers fuivant ou dans
quelque autre auffi harmonieux :
Huit , neuf, quatre , fept , deux : je guide le
Nocher.
C'est au choix heureux de mots de
cette espéce qu'on a l'obligation d'avoir
vû longtemps les Mercures remplis de
Logogryphes dans ce ftyle.
On s'eft enfin laffé de ce langage
barbare , & plutôt que d'indiquer les
tranfpofitions de lettres par leur numé
ro , on a pris le parti de ne les point
indiquer du tout , & de faire dire au
mot entier du Logogryphe ; vous trouverez
en moi un adverbe , une Saiſon ,
un Elément , un Saint , un Pape , un
Empereur , un fleuve , une note de mufique
, &c. fans défigner l'ordre des lettres
qui forment ces mots , ce qui eft
auffi vague & auffi confus , que l'autre
expédient étoit uniforme & faftidieux.
Si les mots trop longs font rarement
propres pour un Logogryphe , les mots
les plus courts offrent quelquefois dans
88 MERCURE DE FRANCE.
un très -petit nombre de lettres un affez
grand nombre de combinaiſons , ce
qui leur donne une forte de grace , parce
qu'on ne s'attend pas à cette fécondité.
Par exemple on vous annonce un
mot de trois lettres , dans lequel on trouve
neuf ou dix mots différens , fur lef
quels on fera neuf ou dix petites énigmes
par diverfes combinaiſons bien indiquées
en devinant le mot ail,vous ferez
furpris d'y trouver lia , ali , lai , ai,
ia , al , la , note de mufique , la , article,
là , adverbe , il article ; & li meſure itinéraire
de la Chine.
Il y a des mots tellement compofés,
qu'en retranchant fucceffivement une
deux , trois , quatre lettres , il refte toujours
un mot entier & enfin une lettre ,
lefquels peuvent fournir matière à autant
d'énigmes,& faire de tout un joli Logogryphe.
Par exemple, canon , par le retranchement
fucceffif d'une lettre , devient
anon , non , on , & la lettre n. Silex
, mot latin , eft dans le même cas ;
on y trouve ilex , lex ex & x , fans
compter file & lis. Dans Avoie , nom
d'une Sainte que porte une rue de Paris
, en fuivant la même méthode , vous
trouverez voye , vie , ie , & l'e muet. Ce
mor a cela de particulier encore , que
> >
AVRIL. 1763. 89
les cinq lettres qui le compofent, font
a , i , o , u. Ces deux derniers Logogryphes
ont été faits & donnés au Mercure
il y a quelques années.
Le mot latin adamas fournit un
exemple encore plus fingulier & peutêtre
unique. En le rognant lettre à lettre
( qu'on me permette cette expreffion )
par le commencement , il deviendra
damas , amas , mas , as & s ; & en lė
mutilant à rebours , adama , adam , ada,
( Princeffe connue dans l'hiftoire ) ad
& a ; mais cela feroit un mêlange bizarre
de mots François , Latins & Efpagnols
qu'il faudroit diftinguer , ce qui
feroit difficile & de plus cauferoit des
longueurs & de l'embrouillement.
Un mot qui a plufieurs anagrames,
peut fournir un Logogryphe par de fim
ples tranfpofitions fans retranchement.
Je connois un Logogryphe dans ce cas
dont le mot eft nacre. On y trouve par
fimple tranfpofition de lettres , crane ,
carne , écran , Nerac , Rance , ( carrière
de marbre ) & ancre. 1
Depuis quelque temps , le défaut ordinaire
des Logogryphes du Mercure
eft de n'être Logogryphes que de nom ;
puiſqu'on y dit au Lecteur préciſement
tout ce qu'il faut pour lui faire trouver
90 MERCURE DE FRANCE.
le mot fans avoir rien à deviner , ce
qui provient de ce qu'on péche contre
la feconde des quatres régles que j'ai
données plus haut & qu'au lieu de faire
des énigmes fur les parties féparées du
mot total , on exprime ces parties par
des fynonymes équivalens à leur nom .
Je n'en chercherai point la preuve plus
loin que dans le Mercure de Janvier
où fe trouve l'énigme du Fiacre. Le
mot du fecond Logogryphe eft Soif:
l'énigme fur ce mot par laquelle on
commence le Logogryphe, eft affez bien
faite , mais trop longue , puifque la
préface d'un ouvrage n'en doit pas
faire prés de la moitié. Si la lecture
de cette énigme préliminaire n'a pas
fuffi pour me faire deviner le mot
Soif, le refte va me l'indiquer fi
clairement, qu'il ne me fera pas poffible
de m'y méprendre. Je pourfuis ma lecture
& je vois que l'on m'annonce que
je trouverai dans le mot que je cherche
, 1 ° . l'objet des foins d'Argus. Eftce
là une énigme ? C'eft comine fi l'on
me difoit,vous trouverez Io ; j'écris donc
Io : voilà déja deux lettres . 2° . Certaine
note de Mufique ; rien ne m'indique encore
laquelle c'eft des fept notes ; je
laiffe donc fon nom en blanc , & je conAVRIL
1763. or
,
inue . 3 ° . Un arbriffeau des plus touf
fus , ce pourroit être if ou bien hour.
Je fufpends mon jugement. Je lis juf
qu'au bout , & le dernier vers m'apprend
que le mot entier n'a que quatre
lettres. Or j'en fçais déja deux , i & o :
je reprens où j'en étois , & je vois 4 ° .
qu'il faut trouver dans le mot entier une
vertu théologale. Laquelle des trois ?
Ce ne peut être que foi , puifque le
mot entier n'a que quatre lettres , &
que i & o que j'ai déja font du nombre .
J'écris donc foi. Je conclus auffitôt que
l'arbriffeau dont j'étois en doute ne
peut être qu'if, puifqu'il fe trouve dans
le mot foi. Il ne manque denc plus
qu'une lettre. 5. Ce dont un chien quand
il peut fe régale. Autant vaudroit dire
un os. Or dans le mot os je trouve la
lettre o que j'ai déja , & de plus la lettres
; celle -ci eft donc la quatriéme qui
me manquoit.J'écris donc os.5º.Un terme
enfin de dédain , de mépris. On ne peut
exprimer plus clairement le mot fi, que
je trouve en effet dans les mots que j'ai
déja. Les quatre lettres du mot font
donc i , o , f & f. J'y cherche la note
de mufique que j'ai laiffée en fouffrance
; & je vois que ce ne peut être que
la note fi. Il ne reste plus qu'à faire un
92 MERCURE
DE FRANCE.
mot avec les quatre lettres trouvées ¿
o,f, s. Quatre lettres ne peuvent s'ar- .
ranger que de vingt- quatre façons différentes
, dont la moitié dans le cas préfent
ne pourroit fe prononcer. Dès les
premiers effais de combinaifons , je
m'apperçois que ces quatre lettres i ,
o, f, s , ne peuvent faire que les mots
fois & foif. Ce dernier mot explique
très-bien l'énigme du début : le mot
du Logogryphe eft donc foif.Toutes ces
opérations fe font beaucoup plus promptement
qu'elles ne peuvent fe décrire ;
enforte qu'à la feconde lecture
avoir rien deviné , je reconnois évidemment
que le mot cherché eft foif, &
que tout ce qu'on m'a dit avec apparence
de mystère , fe réduit à cette propofition
, Lecteur , faites un mot françois
de ces quatre lettres , i , o , f , s ;
or je demande fi c'eft- là un Logogryphe.
J'en dirois prèfque autant de l'autre qui
fuit , dont le mot eft mode , ainfi que'
de la plupart de ceux que je vois dans
les Mercures depuis quelques années.
fans
Il est vrai que fouvent le mot a
plus de quatre lettres, & que quoiqu'elles
me foient toutes indiquées auffi clairement
que fi l'on me les eût nommées ,
il feroit long & pénible d'en compofer
AVRIL. 1763. 93
#
an feul mot.Je me contente alors d'avoir
toutes les lettres du mot, & j'abandonne
fans regret une recherche purement ennuyeuſe
, qui n'éxige que la patience de
former 120 arrangemens différens , file
mot a cinq lettres ; 720, s'il en a fix ; ſept
fois 720 ou 5047 , s'il y a fept lettres
& c,ce qui n'eft plus que l'ouvrage d'un
manoeuvre. Il n'y a que l'utilité ou l'im-
-portance de l'objet , cu une raiſon d'interêt
, qui pût faire furmonter un tra
vail auffi rebutant.
J'ai l'honneur d'être , & c.
Fermer
Résumé : LETTRE à l'Auteur du Mercure Sur les ÉNIGMES & les LOGOGRYPHES,
Le texte traite des logogryphes, des énigmes basées sur la manipulation des mots. Il commence par mentionner un ancien logogryphe latin et le premier logogryphe français publié dans les Mercures en décembre 1727, attribué au Marquis de la Guésnerie. Cependant, le Clouftier d'Andely a revendiqué la paternité des premiers logogryphes parus dans le Mercure. Le texte présente ensuite un logogryphe du célèbre Dufresny, daté d'au moins 50 à 60 ans avant la publication, utilisant le mot 'Orange'. Il explique les règles des logogryphes, soulignant l'importance d'une énigme introductive courte et claire, suivie d'énigmes sur les divisions et combinaisons du mot. Le texte critique les logogryphes récents du Mercure, les jugeant trop explicites et manquant de mystère. Il conclut en mentionnant des exemples de mots favorables aux logogryphes et des erreurs courantes dans leur composition.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
1276
p. 97-99
HISTOIRE POÉTIQUE tirée des Poëtes François ; par M. l'ABBE B... à Paris chez Nyon, Libraire, quai des Augustins, près le Pont Saint Michel, à l'Occasion ; 1763 ; un volume petit in-12. Avec Approbation & Privilége du Roi.
Début :
L'AUTEUR de ce petit ouvrage, aussi agréable que nécessaire pour l'intelligence [...]
Mots clefs :
Fable, Mythologie, Parnasse, Style
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : HISTOIRE POÉTIQUE tirée des Poëtes François ; par M. l'ABBE B... à Paris chez Nyon, Libraire, quai des Augustins, près le Pont Saint Michel, à l'Occasion ; 1763 ; un volume petit in-12. Avec Approbation & Privilége du Roi.
HISTOIRE POÉTIQUE
tirée des
Poëtes François ; par M. l'ABBE
B... à Paris chez Nyon , Libraire ,
quai des Auguftins , près le Pont
Saint Michel, à l'Occafion ; 1763 ;
un volume petit in- 12. Avec Approbation
& Privilége du Roi.
L'AUTEUR de ce petit ouvrage , auffi
agréable que néceffaire pour l'intelligence
de la Fable , ne s'eft pas borné
à une fimple expofition de la Mythologie.
Il la met , pour ainfi dire ,
en action ; tout femble fe produire &
agir fous les yeux du Lecteur ; & ,
pour entrer dans quelque détail , on
croit être le temoin des Scènes tragiques
qui affligerent la Ville de Thèbes ;
I. Vol. E
98 MERCURE DE FRANCE.
>
on croit fe trouver en perfonne au
fiége de Troye ; ce morceau furtout
réunit à la fois , l'intérêt , la force &
la précifion . MM . Corneille , Racine ,
Rouffeau , de la Motte Crébillon
Fontenelle , de Voltaire , Greffet , &c ,
ont fourni les traits de ce tableau. Ce
font ces mêmes Poëtes avec Malherbe
Quinaut , la Foffe , Voiture , Moliere,
Boileau , Campiftron , Danchet , la
Grange , & tout ce que nous avons
eu de plus diftingué fur notre Parnaffe ,
qui ont été la fource où l'Auteur a
puifé la partie agréable de cette hiftoire
doublement poëtique , puifqu'elle
offre tous les traits de la Fable fous
les charmes de la Poëfie . Cette idée
nous a paru très - heureuſe & nous
ofons dire que l'Auteur l'a parfaitement
exécutée. C'eft au Public d'af
furer le fuccès d'un Ouvrage dont l'utilité
ne doit point tarder à fe faire fentir.
Outre les morceaux en Vers dont
nous venons de parler , chaque trait de
la Mythologie eft expliqué en Profe par
l'Auteur , de manière à faire mieux fentir
les morceaux en Vers qui lui fuccédent
, & forment avec cette profe
un tout agréable & piquant . Le ftyle en
eft clair , précis , naturel & foutenu
›
BIBLIO
LYO
THEQUE
99
en-
AVRIL. 1763 .
d'un ton d'intérêt , propre à fixer
tion des jeunes Lecteurs auxquels ce Livre
eft deſtiné. Tout y eft épuré avec
un foin porté jufqu'au fcrupule , & qui
auroit pu nuire à l'Ouvrage ,
attention n'eût pas dû emporter néceffairement
la préférence .
tirée des
Poëtes François ; par M. l'ABBE
B... à Paris chez Nyon , Libraire ,
quai des Auguftins , près le Pont
Saint Michel, à l'Occafion ; 1763 ;
un volume petit in- 12. Avec Approbation
& Privilége du Roi.
L'AUTEUR de ce petit ouvrage , auffi
agréable que néceffaire pour l'intelligence
de la Fable , ne s'eft pas borné
à une fimple expofition de la Mythologie.
Il la met , pour ainfi dire ,
en action ; tout femble fe produire &
agir fous les yeux du Lecteur ; & ,
pour entrer dans quelque détail , on
croit être le temoin des Scènes tragiques
qui affligerent la Ville de Thèbes ;
I. Vol. E
98 MERCURE DE FRANCE.
>
on croit fe trouver en perfonne au
fiége de Troye ; ce morceau furtout
réunit à la fois , l'intérêt , la force &
la précifion . MM . Corneille , Racine ,
Rouffeau , de la Motte Crébillon
Fontenelle , de Voltaire , Greffet , &c ,
ont fourni les traits de ce tableau. Ce
font ces mêmes Poëtes avec Malherbe
Quinaut , la Foffe , Voiture , Moliere,
Boileau , Campiftron , Danchet , la
Grange , & tout ce que nous avons
eu de plus diftingué fur notre Parnaffe ,
qui ont été la fource où l'Auteur a
puifé la partie agréable de cette hiftoire
doublement poëtique , puifqu'elle
offre tous les traits de la Fable fous
les charmes de la Poëfie . Cette idée
nous a paru très - heureuſe & nous
ofons dire que l'Auteur l'a parfaitement
exécutée. C'eft au Public d'af
furer le fuccès d'un Ouvrage dont l'utilité
ne doit point tarder à fe faire fentir.
Outre les morceaux en Vers dont
nous venons de parler , chaque trait de
la Mythologie eft expliqué en Profe par
l'Auteur , de manière à faire mieux fentir
les morceaux en Vers qui lui fuccédent
, & forment avec cette profe
un tout agréable & piquant . Le ftyle en
eft clair , précis , naturel & foutenu
›
BIBLIO
LYO
THEQUE
99
en-
AVRIL. 1763 .
d'un ton d'intérêt , propre à fixer
tion des jeunes Lecteurs auxquels ce Livre
eft deſtiné. Tout y eft épuré avec
un foin porté jufqu'au fcrupule , & qui
auroit pu nuire à l'Ouvrage ,
attention n'eût pas dû emporter néceffairement
la préférence .
Fermer
Résumé : HISTOIRE POÉTIQUE tirée des Poëtes François ; par M. l'ABBE B... à Paris chez Nyon, Libraire, quai des Augustins, près le Pont Saint Michel, à l'Occasion ; 1763 ; un volume petit in-12. Avec Approbation & Privilége du Roi.
L'ouvrage 'Histoire poétique tirée des Poëtes François' a été publié à Paris en 1763 par l'Abbé B. chez Nyon, Libraire. Ce livre, approuvé et privilégié par le Roi, est un petit volume in-12. L'auteur ne se limite pas à une simple exposition de la Mythologie ; il la met en action, permettant au lecteur de visualiser des scènes tragiques comme celles de Thèbes ou du siège de Troye. L'ouvrage intègre des traits des grands poètes français tels que Corneille, Racine, Rousseau, La Motte, Crébillon, Fontenelle, Voltaire, et d'autres. Il combine les éléments de la fable avec les charmes de la poésie, offrant ainsi une histoire doublement poétique. Chaque trait de la Mythologie est expliqué en prose par l'auteur, enrichissant la compréhension des morceaux en vers. Le style est clair, précis, naturel et soutenu, adapté pour captiver les jeunes lecteurs. L'ouvrage est épuré avec un soin extrême, évitant tout élément qui pourrait nuire à son utilité et à son succès.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
1277
p. 109-123
ANNONCES DE LIVRES.
Début :
DICTIONNAIRE domestique portatif, contenant toutes les connoissances relatives à l'œconomie domestique [...]
Mots clefs :
Libraire, Académie, Ouvrage, Imprimeur, Édition, Dynamique, Mouvement, Volumes
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ANNONCES DE LIVRES.
ANNONCES DE LIVRES.
DICTIONNAIRE domeftique portatif
, contenant toutes les connoiffances
relatives à l'oeconomie domestique &
rurale ; où l'on détaille les différentes
110 MERCURE DE FRANCE.
branches de l'agriculture , la manière
de foigner les chevaux , celle de nourrir
& de conferver toute forte de beftiaux
, celle d'élever les abeilles , les
vers à foie ; & dans lequel on trouve
les inftructions néceffaires fur la Chaffe,
la Pêche , les Arts , le Commerce , la
Procédure , l'Office la Cuifine & c .
Ouvrage également utile à ceux qui vivent
de leurs rentes ou qui ont des terres
, comme aux Fermiers , aux Jardi
niers , aux Commerçans & aux Artiſtes.
Par une Société de gens de Lettres . In-
8° . Paris , 1763. Chez Vincent , Imprimeur-
Libraire , rue S. Severin .
,
Nous avons annoncé , l'année dernière
, la première partie du premier volume
de cet Ouvrage utile , contenant
les lettres A & B. Celle que nous annonçons
aujourd'hui , renferme la lettre
C.
LE GENTILHOMME CULTIVATEUR
, ou Corps complet d'Agriculture
, traduit de l'Anglois de M. Hall ,
& tiré des Auteurs qui ont le mieux
écrit fur cet Art. Par M. Dupuy d'Emportes
,
de l'Académie de Florence.
Tome 5. in-4°. Paris , 1763.. Chez
P. G. Simon , Imprimeur du Parlement,
AVRIL. 1763.
rue de la Harpe ; Durand , Libraire,
rue du Foin ; Bauche , Libraire , quai
des Auguftins ; & à Bordeaux , chez
Chapuis l'aîné.
din ,
HISTOIRE DE SALADIN , Sultan
d'Egypte & de Syrie ; avec une Introduction
, ou Hiftoire abrégée de la dynaftie
des Ayoubites fondée par Salades
notes critiques , hiftoriques ,
géographiques , & quelques piéces juftificatives.
Par M. Marin , de la Société
Royale des Sciences & Belles -Lettres
de Lorraine , de l'Académie de
Marſeille , & Cenfeur Royal.
Quis nefcit primam effe hiftoriæ legem , he
quid falfi dicere audeat , deinde ne quid
veri non audeat ?
Cic. de Orat. Lib . II,
Pont
2 volumes in- 12 . Paris , 1763. Chez
Grangé , Imprimeur- Libraire
Notre- Dame , près la Pompé , au Cabinet
de la Nouveauté ; Bauche , quai
des Auguftins ; & Dufour , quai de
Gêvres , à l'Ange Gardien ."
Le fuccès de la première Edition de
cet Ouvrage garantit celui de la feconde.
ESPRIT , Saillies & Singularités du
112 MERCURE DE FRANCE.
P. Caftel. In- 12 . Amfterdam , 1763. Et
fe trouve à Paris , chez Vincent , rue
S. Severin .
Nous rendrons compte avec plaifir
de cet Ouvrage rempli d'idées auffi fingulières
qu'amufantes.
MANDEMENT & Inftruction paſtorale
de Mgr l'Archevêque de Lyon ,
portant condamnation des trois parties
de l'hiftoire du Peuple de Dieu , compofée
par le F. Berruyer, de la Compagnie
de Jefus , des écrits imprimés
pour la défenſe de ladite hiftoire , & du
Commentaire latin du F. Hardouin , de
da même Compagnie , fur le Nouveau
Teftament. In- 12. Lyon , 1763. de
l'Imprimerie & chez Aimé de la Roche ,
Imprimeur de Mgr l'Archevêque & du
Clergé aux Halles de la Grenette ;
chez Claude Cizeron , Libraire , à la
defcente du pont de pierre , du côté de
S. Nizier. Et fe trouve à Paris , chez
Pankoucke , Libraire , rue & à côté de
la Comédie Françoife.
RECUEIL DE PIECES en Profe &
en Vers , lues dans les Affemblées publiques
de l'Académie Royale de la
Rochelle dédié à S. A. S. Mgr. leAVRIL.
1763. 113
Et
e
Prince de Conti , Protecteur de ladite
Académie . Tome 3. in- 8° . A La Rochel
le , 1763. Chez Jérôme Legier , Imprimeur
de l'Académie , au Canton des
Flamands ; & fe trouve à Paris , chez
Merigot Père , quai des Auguftins . Prix,
31. 10 f. broché , 4 1. 10 f. relié.
On trouve chez le même Libraire
l'Ordonnance de la Marine commentée
par M. Valier. In-4°. 2 vol . Prix ,
24 liv. relié.
LE LANGAGE DE LA RAISON ;
par l'Auteur de la jouillance de foimême.
Venitefilii , audite me ; timorem Domini
docebo vos.
Pf. 33. V. II .
Paris , 1763. Chez Nyon , Libraire ,
quai des Auguftins , à l'Occafion .
HISTOIRE Univerfelle , Sacrée &
Profane , compofée par ordre de Mefdames
de France. Tomes 15 & 16. in-
12. Paris , 1763. Chez Louis Cellot
Imprimeur - Libraire Grand'Salle du
Palais , à l'Ecu de France & rue Dauphine.
Ces deux nouveaux volumes ne font
•
114 MERCURE DE FRANCE.
que confirmer la réputation juftement
acquife de leur Auteur ( M. Hardion
de l'Académie Françoife ) dont l'Ouvrage
traduit en Italien fe trouve chez
le même Libraire .
VOYAGE Pittorefque des environs
de Paris , ou defcription des Maifons.
Royales , Châteaux , & autres lieux de
plaifance , fituées à quinze lieues aux
environs de cette Ville . Par M. D ***.
Nouvelle Edition , corrigée & augmentée.
In- 12. Paris , 1763. Chez Debure
Père , quai des Auguftins , à l'Image
S. Paul ; & Debure , fils aîné , même
quai , à la Bible d'or .
MELANGE de Maximes , de Réfléxions
& de Caractères. Par M. Durey
d'Harnoncourt , Licentié en Droit. On
y a joint une Traduction des Conclufioni
d'Amore de Scipion Maffei , avec
le Texte à côté. Nouv. Edition , revue
& corrigée par l'Auteur;in -8 °; Bruxelles,
1763 ; & fe vend à Paris , chez Valleyrefils
, Imprimeur-Libraire , rue de la
vieille Bouclerie , à l'Arbre de Jeffé.
L'Auteur dit , dans fa Préface , qu'il
s'eft propofé les deux grands modéles
qui font nos maîtres dans l'art de peinAVRIL.
1763. 115
dre les hommes , la Rochefoucault &
la Bruyere ; mais fans fe flatter de les
atteindre , & fans s'affujettir à leur manière
, c'est-à-dire à la précifion du premier
, & à la méthode de l'autre. On
trouvera ( dit - il ) ici , comme l'annonce
le titre , des maximes , des réfléxions
& des portraits ; mais ce ne font que
des découpures jettées fans ordre fur
le papier. On a cru que la diverfité qui
fait le prix de ces fortes d'Ouvrages
demandoit cette efpéce de négligence .
On peut comparer , ce me femble , les
écrits de ce caractère à ces bofquets
dont les arbres , plantés irréguliérement
par les feules mains de la Nature , donnent
à la vue un plaifir plus touchant ,
que ces jardins fomptueux , dont tous
les plans font alignés & tirés au cordeau
, & c.
Nous ne tarderons pas à rendre compte
de cet Ouvrage , qui fait honneur
à fon Auteur.
NOUVELLES Obfervations théoriques
& pratiques fur la Goutte , avec
le détail des plantes , &c , qui forment
le reméde fpécifique calmant la goutte ;
dédiées à M. le Marquis de Marigny
Commandeur des Ordres du Roi , Di116
MERCURE DE FRANCE.
recteur général de fes Bâtimens , &c.
Par M. Chavy de Mongerbet , Médecin
des Bâtimens du Roi. On a joint , à la
fin de ce Traité celui des hernies
avec le traitement de ces maladies &
de celles des relâchemens de matrice &
de fondement.
,
Hic non agitur de verbis , fed de rebus.
In-12. Paris , 1763. Chez Michel Lambert
, rue & à côté de la Comédie Françoife.
LA LOUISIADE , ou le Voyage de
la Terre-Sainte , Poëme héroïque . Par
M. Moline , Avocaten Parlement.
Dùmnumerat palmas , credidit eſſe ſenem. Mart.
in-8° . Paris , 1763. Chez Defaint , junior
, à la Bonne-foi.
CONTES MORAUX dans le goût de
ceux de M. Marmontel , tirés de divers
Auteurs , & publiés par Mlle Uncy ; tomes
III & IV , chez Vincent , rue S. Severin.
Nous rendrons compte à la fois de
ces deux nouveaux volumes, & des deux
qui les ont précédés.
ODE SUR LA PAIX , par M. Pioger,
Capitaine de Cavalerie. In -8 °, Paris
1763. Chez Cuiſſart , Libraire , Pont au
AVRIL. 1763. 117
1
1
1
Change , à la Harpe. Nous en rendrons
compte dans le Mercure prochain .
LE BUCHERON , ou les trois Souhaits
, Comédie en un Acte , mêlée d'ariettes
. Repréfentée pour la première
fois par les Comédiens Italiens ordinaires
du Roi , le Lundi 28 Février 1763 ,
in-8° . à Paris , chez Claude Hériffant,
Imprimeur-Libraire , rue Neuve Notre
- Dame , à la Croix d'or . Prix , 1 liv.
4 f. Mufique de M. Philidor. Voyez
L'Article des Spectacles,
NOUVEAUX Elémens de Dynamique
& de Méchanique , par M. Mathon
de la Cour , de l'Académie Royale
des Sciences & Belles - Lettres de
Lyon ; à Paris chez les Frères Periffe ;
& fe trouve à Paris , chez Rollin
rue S. Jacques , vol. in -8 ° de 130
pages avec figures. 2 liv. 10 f. broché,
Les Principes de la Méchanique & de
la Dynamique font abftraits difficiles
, même pour les Géométres ; les
plus habiles n'ont pas dédaigné de s'en
occuper de la manière , ce femble , la
plus élémentaire , & ils ne font pas
toujours d'accord fur les premières vérités
d'où il s'agit de partir.
118 MERCURE DE FRANCE.
L'ouvrage de M. Mathon eft traite
d'une manière nouvelle , & fa méthode
n'avoit point encore paru ; elle fe
réduit à l'équilibre ou à l'oppofition
qu'il y a dans les forces motrices ; jointe
à la réfiftance que l'Auteur fuppofe
dans la matière pour toute efpéce de
mouvement.
Les propriétés de l'équilibre font 1º.
l'égalité qu'il y a néceffairement entre
les fommes des forces oppofées, en quelque
fens que ce foit qu'on les décompofe.
2. L'égalité entre les fommes
des momens oppofés par rapport
à un point quelconque du plan dans
lequel font les directions des forces ,
ou par rapport à un axe quelconque
qu'on peut imaginer à volonté dans le
cas où les directions des forces ne feroient
pas toutes dans un même plan .
M. Mathon tire de ces deux propriétés
plufieurs équations algébriques qu'il
applique aux principaux problêmes de
la Dynamique ; ceux qui ont le plus de
rapport avec les grandes queftions qui
ont ététraitées par les Géométres; il s'agit
par exemple de trouver le mouvement
que recevra un fyftême de corps agité
par des forces quelconques ; de trouver
le mouvement que doivent prendre
L
AVRIL. 1763. 119
?
plufieurs corps frappés à la fois par
un autre ; la plupart des problêmes de
Dynamique viennent fe placer comme
de fimples corollaires des principes lumineux
que l'Auteur y établit tels
font les théories des centres d'ofcillations
des centres de rotations
des plans inclinés , des poulies , des
frottemens ; la charge que fupportent
ces points d'appui , ces léviers
& plufieurs autres queftions importantes
& délicates. Ce Traité quoique fort
court , ne laiffe pas de développer les
élémens de cette Science avec plus de
netteté qu'on ne l'a fait en même
temps qu'il s'éléve à des recherches
très-fçavantes ; on y voit l'efprit mathé
matique , c'eft-à-dire d'ordre, de fimplification
, de déduction , les nouveaux
théorêmes donnés par M. le Chevalier
d'Arcy , y font démontrés d'une ma
nière très-fimple. Et cet Ouvrage paroît
fort néceffaire à ceux qui voudroient
entreprendre de lire feuls ce
qu'ont écrit fur la Dynamique les Auteurs
illuftres qui s'en font occupés , tels
que MM. Bernoulli , Herman , Euler,
Clairaut , d'Alembert , &c .
,
CHARPENTIER , Libraire , quai des
120 MERCURE DE FRANCE
Auguftins , près le Pont S. Michel , à
S. Chryfoftome , a acheté de M. Prault,
petit-fils , les OEuvres de Nivelle de la
Chauffée , de l'Académie Françoiſe ,
nouvelle Edition , corrigée & augmentée
de plufieurs Piéces qui n'avoient
point encore paru . 1763.5 vol. in-12.
petit format. Cette Edition mérite à
toutes fortes d'égards d'être recherchée .
On la doit à un ami de l'Auteur,M . Sablier
, Affocié de l'Académie des Belles-
Lettres de Marfeille. Les OEuvres de
Deftouches , 10 vol . in- 12. petit format.
Les OEuvres de Théâtre de M. de Saint-
Foix , nouvelle Edition revue , corrigée
& augmentée de plufieurs Comédies
4 vol. in-12. 1762 . ,
AVIS AU PUBLIC,
SUR le Mémoire de M. DEPARCIEUX.
Nous avons dit dans notre dernier
Mercure, qu'on n'avoit tiré du Mémoire
de M. Deparcieux , fur le moyen
' d'amener la riviere d'Yvette à Paris ,
à la porte S. Michel , que le nombre
d'exemplaires qu'on vouloit donner ,
& cela étoit vrai ; mais on avoit eu
la précaution de ne pas rompre les
formes ; & voyant que bien des perfonnes
AVRIL. 1763.
121
fonnes le demandoient , on en a tiré
depuis quelques exemplaires qui fe
vendent chez M. Durand , Libraire ,
rue du Foin .
Quelques perfonnes,mais en petit nombre
, ont marqué de l'inquiétude fur le
goût de vafe ou de Marais , dont M.
Dep. parle dans fon Mémoire. Il a'oublié
de faire obferver que l'eau fur
laquelle ont été faites toutes les épreuves
, a été puifée dans le temps que les
feuilles des arbres achevoient de tomber
, encore toutes vertes & pleines de
fuc , qu'elles ne pouvoient manquer de
communiquer à l'eau , joint à ce qu'elle
doit néceffairement enlever des dépôts
qui font dans prèfque tout le cours de
cette rivière , qu'on ne cure jamais
ou que par parties , & de loin en loin
y ayant tels endroits que perfonne du
lieu n'a jamais vu curer ; goût qu'elle
ne prendra plus quand on fera obferver
le réglement pour le curage de la
rivière. Car il ne faut pas être grand
Phyficien pour fentir que l'eau ne peut
avoir ce goût en fortant de la terre &
après avoir été filtrée par un terrein qui
eft prèfque partout de fable vitrifiable
qu'elle lave depuis des Siétles ' ;
terrein de même nature que ceux des
I. Vol. F
>
122 MERCURE DE FRANCE.
hauts de S. Cloud , ville Davré , Ro
quencourt , Meudon , Vanvres Clamart
, Buc , & c. dont les eaux font
pourtant excellentes.
,
Pour ne laiffer aucun doute fur un
projet auffi important pour la Ville de
Paris , M. Dep. fe propofe de lever plus
expreffement toutes ces difficultés , quí
dans le fond ne peuvent guères faire
d'impreffion fur l'efprit des Magiſtrats
éclairés que cela regarde , qui s'en rapporteront
au jugement des perfonnes
capables d'examiner , qui affurent que
l'eau expofée à l'air libre , fans chaleur
& fans mouvement , a entièrement
perdu ce goût au bout de quelques
jours. On pourroit dire d'après cela ,
qu'importeroit-il qu'elle eût ce goût
en fortant de terre , puifqu'elle le perd ?
( fuppofition gratuite. ) Au furplus, c'eft
un goût qu'elle a de commun avec
l'eau de toutes les rivières plus ou
moins fort ; la Seine elle -même n'en
eft pas exempte quand elle eft baffe
en Automne ; on n'y fait pas attention
parce que perfonne n'en parle , &
cela parce que perfonne ne boit l'eau
de la Seine qu'après qu'elle a repofé
dans un réfervoir ou qu'elle a paffé par
une fontaine fablée ; il faudroit dans
AVRIL. 1763: 123
le's comparaifons mettre toujours toutes
chofes égales.
DICTIONNAIRE domeftique portatif
, contenant toutes les connoiffances
relatives à l'oeconomie domestique &
rurale ; où l'on détaille les différentes
110 MERCURE DE FRANCE.
branches de l'agriculture , la manière
de foigner les chevaux , celle de nourrir
& de conferver toute forte de beftiaux
, celle d'élever les abeilles , les
vers à foie ; & dans lequel on trouve
les inftructions néceffaires fur la Chaffe,
la Pêche , les Arts , le Commerce , la
Procédure , l'Office la Cuifine & c .
Ouvrage également utile à ceux qui vivent
de leurs rentes ou qui ont des terres
, comme aux Fermiers , aux Jardi
niers , aux Commerçans & aux Artiſtes.
Par une Société de gens de Lettres . In-
8° . Paris , 1763. Chez Vincent , Imprimeur-
Libraire , rue S. Severin .
,
Nous avons annoncé , l'année dernière
, la première partie du premier volume
de cet Ouvrage utile , contenant
les lettres A & B. Celle que nous annonçons
aujourd'hui , renferme la lettre
C.
LE GENTILHOMME CULTIVATEUR
, ou Corps complet d'Agriculture
, traduit de l'Anglois de M. Hall ,
& tiré des Auteurs qui ont le mieux
écrit fur cet Art. Par M. Dupuy d'Emportes
,
de l'Académie de Florence.
Tome 5. in-4°. Paris , 1763.. Chez
P. G. Simon , Imprimeur du Parlement,
AVRIL. 1763.
rue de la Harpe ; Durand , Libraire,
rue du Foin ; Bauche , Libraire , quai
des Auguftins ; & à Bordeaux , chez
Chapuis l'aîné.
din ,
HISTOIRE DE SALADIN , Sultan
d'Egypte & de Syrie ; avec une Introduction
, ou Hiftoire abrégée de la dynaftie
des Ayoubites fondée par Salades
notes critiques , hiftoriques ,
géographiques , & quelques piéces juftificatives.
Par M. Marin , de la Société
Royale des Sciences & Belles -Lettres
de Lorraine , de l'Académie de
Marſeille , & Cenfeur Royal.
Quis nefcit primam effe hiftoriæ legem , he
quid falfi dicere audeat , deinde ne quid
veri non audeat ?
Cic. de Orat. Lib . II,
Pont
2 volumes in- 12 . Paris , 1763. Chez
Grangé , Imprimeur- Libraire
Notre- Dame , près la Pompé , au Cabinet
de la Nouveauté ; Bauche , quai
des Auguftins ; & Dufour , quai de
Gêvres , à l'Ange Gardien ."
Le fuccès de la première Edition de
cet Ouvrage garantit celui de la feconde.
ESPRIT , Saillies & Singularités du
112 MERCURE DE FRANCE.
P. Caftel. In- 12 . Amfterdam , 1763. Et
fe trouve à Paris , chez Vincent , rue
S. Severin .
Nous rendrons compte avec plaifir
de cet Ouvrage rempli d'idées auffi fingulières
qu'amufantes.
MANDEMENT & Inftruction paſtorale
de Mgr l'Archevêque de Lyon ,
portant condamnation des trois parties
de l'hiftoire du Peuple de Dieu , compofée
par le F. Berruyer, de la Compagnie
de Jefus , des écrits imprimés
pour la défenſe de ladite hiftoire , & du
Commentaire latin du F. Hardouin , de
da même Compagnie , fur le Nouveau
Teftament. In- 12. Lyon , 1763. de
l'Imprimerie & chez Aimé de la Roche ,
Imprimeur de Mgr l'Archevêque & du
Clergé aux Halles de la Grenette ;
chez Claude Cizeron , Libraire , à la
defcente du pont de pierre , du côté de
S. Nizier. Et fe trouve à Paris , chez
Pankoucke , Libraire , rue & à côté de
la Comédie Françoife.
RECUEIL DE PIECES en Profe &
en Vers , lues dans les Affemblées publiques
de l'Académie Royale de la
Rochelle dédié à S. A. S. Mgr. leAVRIL.
1763. 113
Et
e
Prince de Conti , Protecteur de ladite
Académie . Tome 3. in- 8° . A La Rochel
le , 1763. Chez Jérôme Legier , Imprimeur
de l'Académie , au Canton des
Flamands ; & fe trouve à Paris , chez
Merigot Père , quai des Auguftins . Prix,
31. 10 f. broché , 4 1. 10 f. relié.
On trouve chez le même Libraire
l'Ordonnance de la Marine commentée
par M. Valier. In-4°. 2 vol . Prix ,
24 liv. relié.
LE LANGAGE DE LA RAISON ;
par l'Auteur de la jouillance de foimême.
Venitefilii , audite me ; timorem Domini
docebo vos.
Pf. 33. V. II .
Paris , 1763. Chez Nyon , Libraire ,
quai des Auguftins , à l'Occafion .
HISTOIRE Univerfelle , Sacrée &
Profane , compofée par ordre de Mefdames
de France. Tomes 15 & 16. in-
12. Paris , 1763. Chez Louis Cellot
Imprimeur - Libraire Grand'Salle du
Palais , à l'Ecu de France & rue Dauphine.
Ces deux nouveaux volumes ne font
•
114 MERCURE DE FRANCE.
que confirmer la réputation juftement
acquife de leur Auteur ( M. Hardion
de l'Académie Françoife ) dont l'Ouvrage
traduit en Italien fe trouve chez
le même Libraire .
VOYAGE Pittorefque des environs
de Paris , ou defcription des Maifons.
Royales , Châteaux , & autres lieux de
plaifance , fituées à quinze lieues aux
environs de cette Ville . Par M. D ***.
Nouvelle Edition , corrigée & augmentée.
In- 12. Paris , 1763. Chez Debure
Père , quai des Auguftins , à l'Image
S. Paul ; & Debure , fils aîné , même
quai , à la Bible d'or .
MELANGE de Maximes , de Réfléxions
& de Caractères. Par M. Durey
d'Harnoncourt , Licentié en Droit. On
y a joint une Traduction des Conclufioni
d'Amore de Scipion Maffei , avec
le Texte à côté. Nouv. Edition , revue
& corrigée par l'Auteur;in -8 °; Bruxelles,
1763 ; & fe vend à Paris , chez Valleyrefils
, Imprimeur-Libraire , rue de la
vieille Bouclerie , à l'Arbre de Jeffé.
L'Auteur dit , dans fa Préface , qu'il
s'eft propofé les deux grands modéles
qui font nos maîtres dans l'art de peinAVRIL.
1763. 115
dre les hommes , la Rochefoucault &
la Bruyere ; mais fans fe flatter de les
atteindre , & fans s'affujettir à leur manière
, c'est-à-dire à la précifion du premier
, & à la méthode de l'autre. On
trouvera ( dit - il ) ici , comme l'annonce
le titre , des maximes , des réfléxions
& des portraits ; mais ce ne font que
des découpures jettées fans ordre fur
le papier. On a cru que la diverfité qui
fait le prix de ces fortes d'Ouvrages
demandoit cette efpéce de négligence .
On peut comparer , ce me femble , les
écrits de ce caractère à ces bofquets
dont les arbres , plantés irréguliérement
par les feules mains de la Nature , donnent
à la vue un plaifir plus touchant ,
que ces jardins fomptueux , dont tous
les plans font alignés & tirés au cordeau
, & c.
Nous ne tarderons pas à rendre compte
de cet Ouvrage , qui fait honneur
à fon Auteur.
NOUVELLES Obfervations théoriques
& pratiques fur la Goutte , avec
le détail des plantes , &c , qui forment
le reméde fpécifique calmant la goutte ;
dédiées à M. le Marquis de Marigny
Commandeur des Ordres du Roi , Di116
MERCURE DE FRANCE.
recteur général de fes Bâtimens , &c.
Par M. Chavy de Mongerbet , Médecin
des Bâtimens du Roi. On a joint , à la
fin de ce Traité celui des hernies
avec le traitement de ces maladies &
de celles des relâchemens de matrice &
de fondement.
,
Hic non agitur de verbis , fed de rebus.
In-12. Paris , 1763. Chez Michel Lambert
, rue & à côté de la Comédie Françoife.
LA LOUISIADE , ou le Voyage de
la Terre-Sainte , Poëme héroïque . Par
M. Moline , Avocaten Parlement.
Dùmnumerat palmas , credidit eſſe ſenem. Mart.
in-8° . Paris , 1763. Chez Defaint , junior
, à la Bonne-foi.
CONTES MORAUX dans le goût de
ceux de M. Marmontel , tirés de divers
Auteurs , & publiés par Mlle Uncy ; tomes
III & IV , chez Vincent , rue S. Severin.
Nous rendrons compte à la fois de
ces deux nouveaux volumes, & des deux
qui les ont précédés.
ODE SUR LA PAIX , par M. Pioger,
Capitaine de Cavalerie. In -8 °, Paris
1763. Chez Cuiſſart , Libraire , Pont au
AVRIL. 1763. 117
1
1
1
Change , à la Harpe. Nous en rendrons
compte dans le Mercure prochain .
LE BUCHERON , ou les trois Souhaits
, Comédie en un Acte , mêlée d'ariettes
. Repréfentée pour la première
fois par les Comédiens Italiens ordinaires
du Roi , le Lundi 28 Février 1763 ,
in-8° . à Paris , chez Claude Hériffant,
Imprimeur-Libraire , rue Neuve Notre
- Dame , à la Croix d'or . Prix , 1 liv.
4 f. Mufique de M. Philidor. Voyez
L'Article des Spectacles,
NOUVEAUX Elémens de Dynamique
& de Méchanique , par M. Mathon
de la Cour , de l'Académie Royale
des Sciences & Belles - Lettres de
Lyon ; à Paris chez les Frères Periffe ;
& fe trouve à Paris , chez Rollin
rue S. Jacques , vol. in -8 ° de 130
pages avec figures. 2 liv. 10 f. broché,
Les Principes de la Méchanique & de
la Dynamique font abftraits difficiles
, même pour les Géométres ; les
plus habiles n'ont pas dédaigné de s'en
occuper de la manière , ce femble , la
plus élémentaire , & ils ne font pas
toujours d'accord fur les premières vérités
d'où il s'agit de partir.
118 MERCURE DE FRANCE.
L'ouvrage de M. Mathon eft traite
d'une manière nouvelle , & fa méthode
n'avoit point encore paru ; elle fe
réduit à l'équilibre ou à l'oppofition
qu'il y a dans les forces motrices ; jointe
à la réfiftance que l'Auteur fuppofe
dans la matière pour toute efpéce de
mouvement.
Les propriétés de l'équilibre font 1º.
l'égalité qu'il y a néceffairement entre
les fommes des forces oppofées, en quelque
fens que ce foit qu'on les décompofe.
2. L'égalité entre les fommes
des momens oppofés par rapport
à un point quelconque du plan dans
lequel font les directions des forces ,
ou par rapport à un axe quelconque
qu'on peut imaginer à volonté dans le
cas où les directions des forces ne feroient
pas toutes dans un même plan .
M. Mathon tire de ces deux propriétés
plufieurs équations algébriques qu'il
applique aux principaux problêmes de
la Dynamique ; ceux qui ont le plus de
rapport avec les grandes queftions qui
ont ététraitées par les Géométres; il s'agit
par exemple de trouver le mouvement
que recevra un fyftême de corps agité
par des forces quelconques ; de trouver
le mouvement que doivent prendre
L
AVRIL. 1763. 119
?
plufieurs corps frappés à la fois par
un autre ; la plupart des problêmes de
Dynamique viennent fe placer comme
de fimples corollaires des principes lumineux
que l'Auteur y établit tels
font les théories des centres d'ofcillations
des centres de rotations
des plans inclinés , des poulies , des
frottemens ; la charge que fupportent
ces points d'appui , ces léviers
& plufieurs autres queftions importantes
& délicates. Ce Traité quoique fort
court , ne laiffe pas de développer les
élémens de cette Science avec plus de
netteté qu'on ne l'a fait en même
temps qu'il s'éléve à des recherches
très-fçavantes ; on y voit l'efprit mathé
matique , c'eft-à-dire d'ordre, de fimplification
, de déduction , les nouveaux
théorêmes donnés par M. le Chevalier
d'Arcy , y font démontrés d'une ma
nière très-fimple. Et cet Ouvrage paroît
fort néceffaire à ceux qui voudroient
entreprendre de lire feuls ce
qu'ont écrit fur la Dynamique les Auteurs
illuftres qui s'en font occupés , tels
que MM. Bernoulli , Herman , Euler,
Clairaut , d'Alembert , &c .
,
CHARPENTIER , Libraire , quai des
120 MERCURE DE FRANCE
Auguftins , près le Pont S. Michel , à
S. Chryfoftome , a acheté de M. Prault,
petit-fils , les OEuvres de Nivelle de la
Chauffée , de l'Académie Françoiſe ,
nouvelle Edition , corrigée & augmentée
de plufieurs Piéces qui n'avoient
point encore paru . 1763.5 vol. in-12.
petit format. Cette Edition mérite à
toutes fortes d'égards d'être recherchée .
On la doit à un ami de l'Auteur,M . Sablier
, Affocié de l'Académie des Belles-
Lettres de Marfeille. Les OEuvres de
Deftouches , 10 vol . in- 12. petit format.
Les OEuvres de Théâtre de M. de Saint-
Foix , nouvelle Edition revue , corrigée
& augmentée de plufieurs Comédies
4 vol. in-12. 1762 . ,
AVIS AU PUBLIC,
SUR le Mémoire de M. DEPARCIEUX.
Nous avons dit dans notre dernier
Mercure, qu'on n'avoit tiré du Mémoire
de M. Deparcieux , fur le moyen
' d'amener la riviere d'Yvette à Paris ,
à la porte S. Michel , que le nombre
d'exemplaires qu'on vouloit donner ,
& cela étoit vrai ; mais on avoit eu
la précaution de ne pas rompre les
formes ; & voyant que bien des perfonnes
AVRIL. 1763.
121
fonnes le demandoient , on en a tiré
depuis quelques exemplaires qui fe
vendent chez M. Durand , Libraire ,
rue du Foin .
Quelques perfonnes,mais en petit nombre
, ont marqué de l'inquiétude fur le
goût de vafe ou de Marais , dont M.
Dep. parle dans fon Mémoire. Il a'oublié
de faire obferver que l'eau fur
laquelle ont été faites toutes les épreuves
, a été puifée dans le temps que les
feuilles des arbres achevoient de tomber
, encore toutes vertes & pleines de
fuc , qu'elles ne pouvoient manquer de
communiquer à l'eau , joint à ce qu'elle
doit néceffairement enlever des dépôts
qui font dans prèfque tout le cours de
cette rivière , qu'on ne cure jamais
ou que par parties , & de loin en loin
y ayant tels endroits que perfonne du
lieu n'a jamais vu curer ; goût qu'elle
ne prendra plus quand on fera obferver
le réglement pour le curage de la
rivière. Car il ne faut pas être grand
Phyficien pour fentir que l'eau ne peut
avoir ce goût en fortant de la terre &
après avoir été filtrée par un terrein qui
eft prèfque partout de fable vitrifiable
qu'elle lave depuis des Siétles ' ;
terrein de même nature que ceux des
I. Vol. F
>
122 MERCURE DE FRANCE.
hauts de S. Cloud , ville Davré , Ro
quencourt , Meudon , Vanvres Clamart
, Buc , & c. dont les eaux font
pourtant excellentes.
,
Pour ne laiffer aucun doute fur un
projet auffi important pour la Ville de
Paris , M. Dep. fe propofe de lever plus
expreffement toutes ces difficultés , quí
dans le fond ne peuvent guères faire
d'impreffion fur l'efprit des Magiſtrats
éclairés que cela regarde , qui s'en rapporteront
au jugement des perfonnes
capables d'examiner , qui affurent que
l'eau expofée à l'air libre , fans chaleur
& fans mouvement , a entièrement
perdu ce goût au bout de quelques
jours. On pourroit dire d'après cela ,
qu'importeroit-il qu'elle eût ce goût
en fortant de terre , puifqu'elle le perd ?
( fuppofition gratuite. ) Au furplus, c'eft
un goût qu'elle a de commun avec
l'eau de toutes les rivières plus ou
moins fort ; la Seine elle -même n'en
eft pas exempte quand elle eft baffe
en Automne ; on n'y fait pas attention
parce que perfonne n'en parle , &
cela parce que perfonne ne boit l'eau
de la Seine qu'après qu'elle a repofé
dans un réfervoir ou qu'elle a paffé par
une fontaine fablée ; il faudroit dans
AVRIL. 1763: 123
le's comparaifons mettre toujours toutes
chofes égales.
Fermer
Résumé : ANNONCES DE LIVRES.
En avril 1763, le Mercure de France publie plusieurs annonces de livres. Parmi eux, un 'DICTIONNAIRE DOMESTIQUE PORTATIF' traite de divers aspects de l'économie domestique et rurale, édité par une société de gens de lettres. Le 'GENTILHOMME CULTIVATEUR', traduit de l'anglais par M. Dupuy d'Emportes, est annoncé dans son cinquième tome. L''HISTOIRE DE SALADIN' par M. Marin, membre de plusieurs académies, est publiée en deux volumes. D'autres ouvrages mentionnés incluent 'ESPRIT, Saillies & Singularités' de P. Castel, un 'MANDEMENT & INSTRUCTION PASTORALE' de l'Archevêque de Lyon condamnant certains écrits, et un 'RECUEIL DE PIECES' de l'Académie Royale de la Rochelle. Le texte évoque également des publications sur la dynamique, la médecine, la poésie, et des recueils de maximes. Plusieurs de ces ouvrages sont disponibles chez divers libraires à Paris et dans d'autres villes. Par ailleurs, le texte aborde les propriétés de l'eau et sa perception gustative. Il observe que l'eau exposée à l'air libre, sans chaleur ni mouvement, perd son goût au bout de quelques jours. Cette observation remet en question l'importance du goût de l'eau lorsqu'elle sort de terre, car elle le perd rapidement. Le texte considère cette idée comme une supposition gratuite. Il note également que ce goût est partagé par l'eau de toutes les rivières, plus ou moins fortement. Par exemple, la Seine peut avoir ce goût en automne lorsqu'elle est basse, mais cela passe inaperçu car les gens boivent l'eau après qu'elle a reposé dans un réservoir ou passé par une fontaine filtrée. Le texte insiste sur l'importance de comparer des conditions égales pour évaluer ces caractéristiques.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
1278
p. 123-124
ACADÉMIE des Sciences & Belles-Lettres de DIJON.
Début :
L'ACADÉMIE convaincue que la matière importante qu'elle vient de choisir pour [...]
Mots clefs :
Académie, Dijon, Concours, Maladies, Mémoires, Antispasmodiques
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ACADÉMIE des Sciences & Belles-Lettres de DIJON.
ACADÉMIE S.
ACADÉMIE des Sciences & Belles-
Lettres de DIJON.
L'ACADÉMIE
convaincue que la
matière importante
qu'elle vient de
choifir pour le concours au prix qu'elle
adjugera dans le mois d'Août 1764 ,
ne peut être approfondie
qu'avec un
temps & un travail confidérables
, annonce
dès-à-préfent ce fujet qui confifte
à déterminer la nature des Anti-
Spafmodiques
proprement
dits , à expliquer
leur manière d'agir , à diftinguer
leurs différentes
espéces & à marquer
leur ufage dans les maladies ?
On ne répétera point ici les condiditions
& les formalités que les Auteurs
doivent obferver en envoyant
leurs mémoires à l'Académie ; toutes les
Fij
124 MERCURE DE FRANCE .
Sociétés Littéraires du Royaume les
ont fi fouvent rappellées dans leurs
programmes , que ceux qui fe préfentent
aujourd'hui aux concours Académiques
, n'ont plus befoin probablement
d'en être avertis .
La queftion que propofe l'Académie,
lui paroît fi intéreffante , qu'elle ne
veut point fixer l'étendue des mémoires:
quelque long que foit un ouvrage ,
s'il mérite fon approbation , il aura
droit à fes fuffrages & à la courronne
Académique.
Les paquets affranchis de ports , feront
adreffés à M. Michault , Secré
taire perpétuel de l'Académie , rue de
Guife , à Dijon .
Ils ne feront reçus que jufqu'au
ACADÉMIE des Sciences & Belles-
Lettres de DIJON.
L'ACADÉMIE
convaincue que la
matière importante
qu'elle vient de
choifir pour le concours au prix qu'elle
adjugera dans le mois d'Août 1764 ,
ne peut être approfondie
qu'avec un
temps & un travail confidérables
, annonce
dès-à-préfent ce fujet qui confifte
à déterminer la nature des Anti-
Spafmodiques
proprement
dits , à expliquer
leur manière d'agir , à diftinguer
leurs différentes
espéces & à marquer
leur ufage dans les maladies ?
On ne répétera point ici les condiditions
& les formalités que les Auteurs
doivent obferver en envoyant
leurs mémoires à l'Académie ; toutes les
Fij
124 MERCURE DE FRANCE .
Sociétés Littéraires du Royaume les
ont fi fouvent rappellées dans leurs
programmes , que ceux qui fe préfentent
aujourd'hui aux concours Académiques
, n'ont plus befoin probablement
d'en être avertis .
La queftion que propofe l'Académie,
lui paroît fi intéreffante , qu'elle ne
veut point fixer l'étendue des mémoires:
quelque long que foit un ouvrage ,
s'il mérite fon approbation , il aura
droit à fes fuffrages & à la courronne
Académique.
Les paquets affranchis de ports , feront
adreffés à M. Michault , Secré
taire perpétuel de l'Académie , rue de
Guife , à Dijon .
Ils ne feront reçus que jufqu'au
Fermer
Résumé : ACADÉMIE des Sciences & Belles-Lettres de DIJON.
En août 1764, l'Académie des Sciences et Belles-Lettres de Dijon lance un concours portant sur l'étude des antispasmodiques. Le sujet inclut la détermination de leur nature, l'explication de leur mode d'action, la distinction de leurs différentes espèces et l'indication de leur usage dans les maladies. L'Académie souligne la nécessité d'un temps et d'un travail considérables pour approfondir ce sujet. Elle n'impose aucune limite de longueur pour les mémoires soumis, à condition qu'ils soient approuvés. Les auteurs doivent envoyer leurs travaux à M. Michault, secrétaire perpétuel de l'Académie, rue de Guise à Dijon, avant une date limite non précisée. Les conditions et formalités de soumission sont supposées connues des participants.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
1279
p. 124-127
SÉANCE publique de l'Académie de BESANÇON pour la distribution des Prix.
Début :
LE 24 Août 1762, l'Académie de Besançon fit célébrer dans l'Eglise des [...]
Mots clefs :
Académie, Prix, Séance, Ordre, Besançon, Discours, Comte
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SÉANCE publique de l'Académie de BESANÇON pour la distribution des Prix.
SÉANCE publique de l'Académie de
BESANÇON pour la diftribution
des Prix.
LE 24 Août 1762 , l'Académie de
Befançon fit célébrer dans l'Eglife des
P P. Carmes une Meffe avec un Motet ;
le Panégyrique de S. Louis fut enfuite
AVRIL. 1763. 125
prononcé par M. Pavoy , Docteur en
Théologie , Curé de Pugé en Franche-
Comté. L'après - midi du même jour
l'Académie tint une Séance publique
pour la diftribution des Prix . M. de
Frafne , Avocat Général Honoraire du
Parlement de Franche-Comté , Préfident
de l'Académie , fit un difcours
relatif à l'objet de cette Séance. Il obferva
fur la réferve du Prix d'éloquence
pour l'année prochaine : " Que c'eſt un
» moment de repos qui devient l'affu-
» rance d'une récolte plus abondante
» pour l'avenir ; que d'efprit n'eft pas
» toujours également fertile dans fes
» productions ; qu'expofé à des varia-
» tions qui le rendent fouvent mécon-
» noiffable à lui-même , il reffent ainſi
» que la Nature , les influences du temps
» & des circonftances ; que dans un
" Sujet propofé pour un Difcours ,
" tout dépend de la manière de l'apper-
» cevoir , de l'impreffion plus ou moins
» vive qu'il fait dans l'âme & des idées
» qui en résultent ; que de là naît cet-
» te heureufe facilité à préfenter le
L
chofes fous l'afpect qui leur con-
» vient , à les traiter avec ordre , à leur
» appliquer des principes qui devien-
» nent une fource féconde de confé-
Fiij
126 MERCURE DE FRANCE.
» quences , & à répandre à propos fur
» tout l'ouvrage les agrémens du colo-
» ris ; qu'au contraire fi l'efprit foible-
» ment affecté ne faifit pas le véritable
» point de la queſtion à difcuter , il fe
» rétrécit en quelque forte , il tombe
» dans la langueur & de là dans les
» écarts.
M. de Frafne déclara enfuite que le
prix d'érudition avoit été décerné à
Dom Berthod , Bénédictin , Bibliothé
caire de l'Abbaye de S. Vincent de Befançon
, Auteur déja couronné plus d'une
fois par l'Académie ; que l'Acceffit
avoit été déféré en premier ordre à Dom
Coudret, Religieux de la même Abbaye,
& à l'Auteur de la Differtation qui a pour
devife Vivit poft funera Virtus. Le
mérite de ces deux derniers Ouvrages
fit remarquer à M. de Frafne » que
» quand on fuit d'auffi près le vainqueur
, on participe à fa gloire , &
» qu'il femble même que l'on peut
détacher
quelques fleurs de fa couronne
fans en diminuer l'éclat.
M. de Frafne annonça enfin que le
prix des Arts avoit été également adjugé
à M. Perreciot , Etudiant en Médecine
à Befançon & à André Vautheret,
Thuillier , demeurantau Village
AVRIL 1763. 127
"
de Four en Franche-Comté. Cette décifion
occafionna un acte de générosité
dont l'Académie eut la fatisfaction d'être
témoin avec le Public ; M. Perreciot
refufa de profiter du partage dont le
prix étoit fufceptible ; il s'empreffa de
céder à fon concurrent la médaille d'or
qui eft de la valeur de 200 liv . il ne fe
réferva que la gloire de la mériter deux
fois. Un procédé fi digne des Arts &
des Lettres aufquels il confacre fa jeuneffe
, excita l'admiration de toute l'Af
femblée. Dans la même Séance on inftalla
parmi les Affociés étrangers de l'Académie
le R. P. Pacioudi , Théatin
ancien Procureur général de fon Ordre,
Hiftoriographe de l'Ordre de Malthe ,
Bibliothécaire & Antiquaire de S. A. R.
le Duc de Parme , Membre de l'Académie
des Infcriptions & Belles-Lettres
de Paris , de celles de Florence , de Cortone
, de Pefaro , &c . On dérogea en
faveur de ce fçavant Etranger à l'ufage
des Académies de France ; on lui permit
de faire en Latin fon Difcours de réception,
auquel M. de Frafne , en qualité
de Préfident, répondit en François . La
Séance fut terminée par la lecture du
Programme des Sujets propofés pour
les Prix de 1763.
BESANÇON pour la diftribution
des Prix.
LE 24 Août 1762 , l'Académie de
Befançon fit célébrer dans l'Eglife des
P P. Carmes une Meffe avec un Motet ;
le Panégyrique de S. Louis fut enfuite
AVRIL. 1763. 125
prononcé par M. Pavoy , Docteur en
Théologie , Curé de Pugé en Franche-
Comté. L'après - midi du même jour
l'Académie tint une Séance publique
pour la diftribution des Prix . M. de
Frafne , Avocat Général Honoraire du
Parlement de Franche-Comté , Préfident
de l'Académie , fit un difcours
relatif à l'objet de cette Séance. Il obferva
fur la réferve du Prix d'éloquence
pour l'année prochaine : " Que c'eſt un
» moment de repos qui devient l'affu-
» rance d'une récolte plus abondante
» pour l'avenir ; que d'efprit n'eft pas
» toujours également fertile dans fes
» productions ; qu'expofé à des varia-
» tions qui le rendent fouvent mécon-
» noiffable à lui-même , il reffent ainſi
» que la Nature , les influences du temps
» & des circonftances ; que dans un
" Sujet propofé pour un Difcours ,
" tout dépend de la manière de l'apper-
» cevoir , de l'impreffion plus ou moins
» vive qu'il fait dans l'âme & des idées
» qui en résultent ; que de là naît cet-
» te heureufe facilité à préfenter le
L
chofes fous l'afpect qui leur con-
» vient , à les traiter avec ordre , à leur
» appliquer des principes qui devien-
» nent une fource féconde de confé-
Fiij
126 MERCURE DE FRANCE.
» quences , & à répandre à propos fur
» tout l'ouvrage les agrémens du colo-
» ris ; qu'au contraire fi l'efprit foible-
» ment affecté ne faifit pas le véritable
» point de la queſtion à difcuter , il fe
» rétrécit en quelque forte , il tombe
» dans la langueur & de là dans les
» écarts.
M. de Frafne déclara enfuite que le
prix d'érudition avoit été décerné à
Dom Berthod , Bénédictin , Bibliothé
caire de l'Abbaye de S. Vincent de Befançon
, Auteur déja couronné plus d'une
fois par l'Académie ; que l'Acceffit
avoit été déféré en premier ordre à Dom
Coudret, Religieux de la même Abbaye,
& à l'Auteur de la Differtation qui a pour
devife Vivit poft funera Virtus. Le
mérite de ces deux derniers Ouvrages
fit remarquer à M. de Frafne » que
» quand on fuit d'auffi près le vainqueur
, on participe à fa gloire , &
» qu'il femble même que l'on peut
détacher
quelques fleurs de fa couronne
fans en diminuer l'éclat.
M. de Frafne annonça enfin que le
prix des Arts avoit été également adjugé
à M. Perreciot , Etudiant en Médecine
à Befançon & à André Vautheret,
Thuillier , demeurantau Village
AVRIL 1763. 127
"
de Four en Franche-Comté. Cette décifion
occafionna un acte de générosité
dont l'Académie eut la fatisfaction d'être
témoin avec le Public ; M. Perreciot
refufa de profiter du partage dont le
prix étoit fufceptible ; il s'empreffa de
céder à fon concurrent la médaille d'or
qui eft de la valeur de 200 liv . il ne fe
réferva que la gloire de la mériter deux
fois. Un procédé fi digne des Arts &
des Lettres aufquels il confacre fa jeuneffe
, excita l'admiration de toute l'Af
femblée. Dans la même Séance on inftalla
parmi les Affociés étrangers de l'Académie
le R. P. Pacioudi , Théatin
ancien Procureur général de fon Ordre,
Hiftoriographe de l'Ordre de Malthe ,
Bibliothécaire & Antiquaire de S. A. R.
le Duc de Parme , Membre de l'Académie
des Infcriptions & Belles-Lettres
de Paris , de celles de Florence , de Cortone
, de Pefaro , &c . On dérogea en
faveur de ce fçavant Etranger à l'ufage
des Académies de France ; on lui permit
de faire en Latin fon Difcours de réception,
auquel M. de Frafne , en qualité
de Préfident, répondit en François . La
Séance fut terminée par la lecture du
Programme des Sujets propofés pour
les Prix de 1763.
Fermer
Résumé : SÉANCE publique de l'Académie de BESANÇON pour la distribution des Prix.
Le 24 août 1762, l'Académie de Besançon organisa une messe suivie d'un panégyrique de Saint Louis à l'église des Pères Carmes. L'après-midi, une séance publique eut lieu pour la distribution des prix. M. de Frafne, Président de l'Académie, prononça un discours soulignant que l'esprit n'est pas toujours également fertile. Le prix d'érudition fut attribué à Dom Berthod, Bénédictin et Bibliothécaire de l'Abbaye de Saint Vincent de Besançon, tandis que l'accessit fut partagé entre Dom Coudret et l'auteur de la dissertation 'Vivit post funera Virtus'. Le prix des Arts fut décerné à M. Perreciot et André Vautheret, ce dernier habitant Four en Franche-Comté. M. Perreciot céda sa médaille d'or à son concurrent, suscitant l'admiration de l'assemblée. La séance se conclut par l'installation du R. P. Pacioudi parmi les associés étrangers de l'Académie, qui fit un discours en latin, auquel M. de Frafne répondit en français. La séance se termina par la lecture des sujets proposés pour les prix de 1763.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
1280
p. 129-131
PRIX proposés par l'Académie des Sciences, Belles-Lettres, & Arts de BESANÇON, pour l'année 1763.
Début :
L'ACADÉMIE des Sciences, Belles-Lettres, & Arts de Besançon, distribuera le [...]
Mots clefs :
Prix, Académie, Médaille, Arts, Sujet, Valeur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : PRIX proposés par l'Académie des Sciences, Belles-Lettres, & Arts de BESANÇON, pour l'année 1763.
PRIX propofés par l'Académie des
Sciences , Belles - Lettres , & Arts de
BESANÇON , pour l'année 1763. ,
L'ACADÉMIE 'ACADÉMIE des Sciences , Belles-
Lettres , & Arts de Befançon , diftribuera
le 24 Août 1763 trois Prix différens.
Le premier Prix , fondé par feu M. le
Duc de Tallard , eft deſtiné pour l'Eloquence
; il confifte en une Médaille
d'or de la valeur de trois cens cinquante
ivres. Le Sujet du Difcours fera :
Fv
130 MERCURE DE FRANCE.
•
Combien les moeurs donnent de luftre
aux talens ?
Le Difcours doit être à-peu-près d'u
ne demi- heure de lecture. L'Académie
ayant réfervé le Prix de 1762 , en aura
deux de la même efpéce à diftribuer en
1763.
Le fecond Prix , également fondé par
feu M. le Duc de Tallard , eſt deſtiné
pour l'Erudition ; il confifte en une Médaille
d'or de la valeur de deux cens
cinquante livres . Le Sujet de la Differtation
fera :
Comment fe font établis les Comtes
héréditaires de Bourgogne ; quelle fut
d'abord leur autorité , & de quelle nature
étoit leur Domaine ?
La Differtation doit être à- peu près
de trois quarts d'heure de lecture , fans
y comprendre le chapitre de preuves ,
qui devra être placé à la fin de l'Ouvrage.
Les Auteurs qui auront à produire
des Chartres non encore imprimées ,
font priés de les tranfcrire en entier ,
pour mettre l'Académie à portée de
mieux apprécier les preuves qui en réfulteront.
Le troifiéme Prix , fondé par la V
AVRIL 1763
131
12
de Besançon , eft deftiné pour les Arts ;
il confifte en une Médaille d'or de la
valeur de deux cens livres, Le Sujet du
Mémoire fera :
Quelle eft la nature des maladies épidémiques
qui attaquent le plus fouvent
les bêtes à cornes ; quelles en font les
caufes & les fymptômes , & quels font
les moyens de les prévenir ou de les
guérir?
Les Auteurs ne mettront point leurs
noms à leurs ouvrages , mais feulement
une devife ou fentence à leur choix
ils la répéteront dans un billet cacheté
dans lequel ils écriront leurs noms &
leurs adreffes . Ils enverront leurs ouvrages
francs de port , au fieur Daclin,
Imprimeur de l'Académie , avant le premier
du mois de Mai prochain.
Les ouvrages de ceux qui fe feront
connoître par eux-mêmes , ou par leurs
amis , feront exclus du concours..
Sciences , Belles - Lettres , & Arts de
BESANÇON , pour l'année 1763. ,
L'ACADÉMIE 'ACADÉMIE des Sciences , Belles-
Lettres , & Arts de Befançon , diftribuera
le 24 Août 1763 trois Prix différens.
Le premier Prix , fondé par feu M. le
Duc de Tallard , eft deſtiné pour l'Eloquence
; il confifte en une Médaille
d'or de la valeur de trois cens cinquante
ivres. Le Sujet du Difcours fera :
Fv
130 MERCURE DE FRANCE.
•
Combien les moeurs donnent de luftre
aux talens ?
Le Difcours doit être à-peu-près d'u
ne demi- heure de lecture. L'Académie
ayant réfervé le Prix de 1762 , en aura
deux de la même efpéce à diftribuer en
1763.
Le fecond Prix , également fondé par
feu M. le Duc de Tallard , eſt deſtiné
pour l'Erudition ; il confifte en une Médaille
d'or de la valeur de deux cens
cinquante livres . Le Sujet de la Differtation
fera :
Comment fe font établis les Comtes
héréditaires de Bourgogne ; quelle fut
d'abord leur autorité , & de quelle nature
étoit leur Domaine ?
La Differtation doit être à- peu près
de trois quarts d'heure de lecture , fans
y comprendre le chapitre de preuves ,
qui devra être placé à la fin de l'Ouvrage.
Les Auteurs qui auront à produire
des Chartres non encore imprimées ,
font priés de les tranfcrire en entier ,
pour mettre l'Académie à portée de
mieux apprécier les preuves qui en réfulteront.
Le troifiéme Prix , fondé par la V
AVRIL 1763
131
12
de Besançon , eft deftiné pour les Arts ;
il confifte en une Médaille d'or de la
valeur de deux cens livres, Le Sujet du
Mémoire fera :
Quelle eft la nature des maladies épidémiques
qui attaquent le plus fouvent
les bêtes à cornes ; quelles en font les
caufes & les fymptômes , & quels font
les moyens de les prévenir ou de les
guérir?
Les Auteurs ne mettront point leurs
noms à leurs ouvrages , mais feulement
une devife ou fentence à leur choix
ils la répéteront dans un billet cacheté
dans lequel ils écriront leurs noms &
leurs adreffes . Ils enverront leurs ouvrages
francs de port , au fieur Daclin,
Imprimeur de l'Académie , avant le premier
du mois de Mai prochain.
Les ouvrages de ceux qui fe feront
connoître par eux-mêmes , ou par leurs
amis , feront exclus du concours..
Fermer
Résumé : PRIX proposés par l'Académie des Sciences, Belles-Lettres, & Arts de BESANÇON, pour l'année 1763.
L'Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Besançon attribuera trois prix le 24 août 1763. Le premier prix, doté d'une médaille d'or valant 350 livres, récompense l'éloquence sur le sujet 'Combien les mœurs donnent de lustre aux talents'. Le discours doit durer environ une demi-heure. Deux prix seront distribués en 1763, car celui de 1762 a été réservé. Le second prix, fondé par le Duc de Tallard et valant 250 livres, est destiné à l'érudition et porte sur les comtes héréditaires de Bourgogne, leur autorité et leur domaine. La dissertation doit durer environ trois quarts d'heure, sans compter le chapitre des preuves. Le troisième prix, doté d'une médaille d'or valant 200 livres, est destiné aux arts et traite des maladies épidémiques des bêtes à cornes, leurs causes, symptômes et moyens de prévention ou de guérison. Les œuvres doivent être soumises anonymement, accompagnées d'une devise ou sentence, avant le 1er mai 1763. Les candidatures révélées par les auteurs ou leurs amis seront exclues.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
1281
p. 132
SÉANCE publique de l'Académie Royale des Sciences & Beaux-Arts de PAU.
Début :
M. LE Baron de Navailles Pocyferre, Chevalier d'honneur au Parlement, ouvrit [...]
Mots clefs :
Académie, Discours, Directeur, Sciences, Arts, Parlement
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SÉANCE publique de l'Académie Royale des Sciences & Beaux-Arts de PAU.
SÉANCE publique de l'Académie Royale
des Sciences & Beaux - Arts de
PAU.
M. LE Baron de Navailles Pocyferre,
Chevalier d'honneur au Parlement , ouvrit
la féance par un Difcours fur les
avantages que l'on retire à célébrer les
grands hommes. Avantages également
précieux au coeur & à l'efprit. Il étoit
écrit avec goût & avec éloquence.
On fit lecture enfuite d'un Poëme
qui a remporté le Prix. Le Sujet propofé
étoit le Pacte de famille . M. Le
Mefle , de l'Académie des Sciences
Belles-Lettres & Arts de Rouen en eft
l'Auteur.
M. de Bordenave Caffou , Confeiller
au Parlement , & M. Bourdier de Bauregard,
Directeur des Domaines du Roi
en Bearn, qui avoient été élus pour remplir
deux places vacantes, y prononcerent
leur difcours de remercîment. M. le Directeur
( Navailles Pocyferre ) y répondit
au nom de l'Académie. L'Affemblée
étoit brillante & nombreufe , & applaudit
généralement & au Difcours
AVRIL. 1763. 133.
des Récipiendaires & à ceux du Directeur
qui méritoient les plus juftes éloges.
des Sciences & Beaux - Arts de
PAU.
M. LE Baron de Navailles Pocyferre,
Chevalier d'honneur au Parlement , ouvrit
la féance par un Difcours fur les
avantages que l'on retire à célébrer les
grands hommes. Avantages également
précieux au coeur & à l'efprit. Il étoit
écrit avec goût & avec éloquence.
On fit lecture enfuite d'un Poëme
qui a remporté le Prix. Le Sujet propofé
étoit le Pacte de famille . M. Le
Mefle , de l'Académie des Sciences
Belles-Lettres & Arts de Rouen en eft
l'Auteur.
M. de Bordenave Caffou , Confeiller
au Parlement , & M. Bourdier de Bauregard,
Directeur des Domaines du Roi
en Bearn, qui avoient été élus pour remplir
deux places vacantes, y prononcerent
leur difcours de remercîment. M. le Directeur
( Navailles Pocyferre ) y répondit
au nom de l'Académie. L'Affemblée
étoit brillante & nombreufe , & applaudit
généralement & au Difcours
AVRIL. 1763. 133.
des Récipiendaires & à ceux du Directeur
qui méritoient les plus juftes éloges.
Fermer
Résumé : SÉANCE publique de l'Académie Royale des Sciences & Beaux-Arts de PAU.
En avril 1763, l'Académie Royale des Sciences et Beaux-Arts de Pau a organisé une séance publique. Le Baron de Navailles Pocyferre, Chevalier d'honneur au Parlement, a inauguré la séance par un discours sur les mérites de célébrer les grands hommes, bénéfiques pour le cœur et l'esprit. Ce discours a été salué pour son goût et son éloquence. Par la suite, un poème sur le Pacte de famille, rédigé par M. Le Mesle de l'Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Rouen, a été lu et a remporté le prix. M. de Bordenave Caffou, Conseiller au Parlement, et M. Bourdier de Bauregard, Directeur des Domaines du Roi en Béarn, ont prononcé des discours de remerciement après leur élection pour occuper deux places vacantes. M. le Directeur, Navailles Pocyferre, a répondu au nom de l'Académie. L'assemblée, nombreuse et brillante, a applaudi les discours des récipiendaires et du directeur, jugés dignes des plus grands éloges.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
1282
p. 149-150
REGRETS d'un Habitant du Parterre, sur la retraite de Mlle DANGEVILLE.
Début :
O DANGEVILLE ! ô trop digne Mortelle ! [...]
Mots clefs :
Cœur, Regrets, Adieu
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : REGRETS d'un Habitant du Parterre, sur la retraite de Mlle DANGEVILLE.
REGRETS d'un Habitant du Parterre ,
fur la retraite de Mlle DANGEVILLE
.
DANGEVILLE ! & trop digne Mortelle !
Avec qui rien ne peut entrer en parallèle ;
Que de talens ! quel naturel , quel feu
Tuviens de nous montrer dans la Piéce nouvelle:(a)
( a ) L'Anglois à Bordeaux.
Għiij
150 MERCURE DE FRANCE.
Combien d'efprit ! que d'agrémens ! quel jeu
Actrice inimitable & cependant cruelle,
C'est donc là ton dernier adieu
Mon coeur en fait un libre aveu ,
Oui , ce coeur que ta perte touche ,
A fon chagrin ne met point de milieu.
Quand je vois cet Anglois farouche
S'attendrir par degrès , fe foumettre à ta loi , ¡
Je dévore les mots qui fortent de ta bouche :
Mais ce qui plus me charme en toì ,
C'eft cette ardeur , ce zéle pour ton Roi .
De la Marquife * on ne voit plas le Rôle ,
C'eft Dangeville & c'eft fon coeur qui vole
En chantant de la Paix l'ouvrage confommé
Et les bontés de ce Ror BIEN - AIMÉ.
Va , fois conrente , fois heureufe ,
C'eſt l'objet de tous mes fouhaits :
Ta retraite est bien glorieufe ;
Mais fouvien s- toi que pour jamais
Tu mets le comble à d'éternels regrets.
(b ) Mlle Dangeville yjoue le rôle de Marquife,
fur la retraite de Mlle DANGEVILLE
.
DANGEVILLE ! & trop digne Mortelle !
Avec qui rien ne peut entrer en parallèle ;
Que de talens ! quel naturel , quel feu
Tuviens de nous montrer dans la Piéce nouvelle:(a)
( a ) L'Anglois à Bordeaux.
Għiij
150 MERCURE DE FRANCE.
Combien d'efprit ! que d'agrémens ! quel jeu
Actrice inimitable & cependant cruelle,
C'est donc là ton dernier adieu
Mon coeur en fait un libre aveu ,
Oui , ce coeur que ta perte touche ,
A fon chagrin ne met point de milieu.
Quand je vois cet Anglois farouche
S'attendrir par degrès , fe foumettre à ta loi , ¡
Je dévore les mots qui fortent de ta bouche :
Mais ce qui plus me charme en toì ,
C'eft cette ardeur , ce zéle pour ton Roi .
De la Marquife * on ne voit plas le Rôle ,
C'eft Dangeville & c'eft fon coeur qui vole
En chantant de la Paix l'ouvrage confommé
Et les bontés de ce Ror BIEN - AIMÉ.
Va , fois conrente , fois heureufe ,
C'eſt l'objet de tous mes fouhaits :
Ta retraite est bien glorieufe ;
Mais fouvien s- toi que pour jamais
Tu mets le comble à d'éternels regrets.
(b ) Mlle Dangeville yjoue le rôle de Marquife,
Fermer
Résumé : REGRETS d'un Habitant du Parterre, sur la retraite de Mlle DANGEVILLE.
Le poème 'REGRETS d'un Habitant du Parterre' exprime la tristesse de l'auteur face à la retraite de Mlle Dangeville, une actrice renommée. L'auteur admire ses talents exceptionnels, son naturel et son esprit, notamment dans la pièce 'L'Anglois à Bordeaux'. Il loue particulièrement son interprétation du rôle de la Marquise, où elle démontre une ardeur et un zèle remarquables pour son roi. Sa performance émeut profondément, même les personnages les plus farouches. L'auteur regrette sa retraite, qualifiée de glorieuse, mais avoue que cette décision laisse un vide incommensurable.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
1283
p. 150-151
VERS adressés à M. FAVART, le jour de la première représentation de sa Piéce au sujet de la PAIX.
Début :
OUI, je te reconnois à ton nouvel ouvrage, [...]
Mots clefs :
Vers, Paix, Humanité, Histoire, Philosophie
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : VERS adressés à M. FAVART, le jour de la première représentation de sa Piéce au sujet de la PAIX.
VERS adreffés à . M. FAVART , le
jour de la première repréfentationide
fa Piéce au fujer de la PAIX.
OUU 1 , je te reconnois à ton nouvel ouvrages.
Favart , il eft digne de toi :
AVRIL. 1763. 151
En Philofophe, en homme ſage ,
De tes talens tu fais emploi ;
Nous devons tous te rendre hommage.
Chacun avec tranſport lira tes vers charmans ;
Le feu de ton génie y grave en traits de flamme
ces beaux fentimens
Ces vertus ,
Qui font l'image de ton âme.
Tu peins l'humanité prodiguant les bienfaits ;
L'amour modefte & vrai , l'amitié tendre & fûre
Les Rois Pères de leurs Sujets ,
Les héros amis de la Paix :
Tout refpire en tes vers l'honneur & la droiture .
Jouis , mon cher Eavart , de tes fuccès heureux;
Ils honorent ton fiécle , en te comblant de gloire;
Ce jour va faire époque dans l'Hiſtoire ;
Et tous les coeurs honnêtes , vertueux,
Seront toujours , pour toi , le Temple de Mémoire.
Par M...
jour de la première repréfentationide
fa Piéce au fujer de la PAIX.
OUU 1 , je te reconnois à ton nouvel ouvrages.
Favart , il eft digne de toi :
AVRIL. 1763. 151
En Philofophe, en homme ſage ,
De tes talens tu fais emploi ;
Nous devons tous te rendre hommage.
Chacun avec tranſport lira tes vers charmans ;
Le feu de ton génie y grave en traits de flamme
ces beaux fentimens
Ces vertus ,
Qui font l'image de ton âme.
Tu peins l'humanité prodiguant les bienfaits ;
L'amour modefte & vrai , l'amitié tendre & fûre
Les Rois Pères de leurs Sujets ,
Les héros amis de la Paix :
Tout refpire en tes vers l'honneur & la droiture .
Jouis , mon cher Eavart , de tes fuccès heureux;
Ils honorent ton fiécle , en te comblant de gloire;
Ce jour va faire époque dans l'Hiſtoire ;
Et tous les coeurs honnêtes , vertueux,
Seront toujours , pour toi , le Temple de Mémoire.
Par M...
Fermer
Résumé : VERS adressés à M. FAVART, le jour de la première représentation de sa Piéce au sujet de la PAIX.
Le poème célèbre la première représentation de la pièce de Favart au théâtre de la Paix en avril 1763. L'auteur admire les talents de Favart, ses vers charmants et ses nobles sentiments. Il met en avant l'humanité, l'amour modeste, l'amitié, les rois bienveillants et les héros pacifiques. Les succès de Favart honorent son siècle et seront toujours rappelés par les cœurs vertueux.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
1284
p. 151
AUTRES.
Début :
TOUJOURS Favart dans ses ouvrages, [...]
Mots clefs :
Esprit, Cœur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AUTRES.
AUTRES.
TOUJOURS Favart dans ſes ouvrages ,
A réuni tous les fuffrages :
C'eft un triomphe bien flatteur.
Mais je ne m'en étonne guère;
Avec efprit parler au coeur ,
Au coeur , comme à l'efprit , c'eft être für de
plaire.
TOUJOURS Favart dans ſes ouvrages ,
A réuni tous les fuffrages :
C'eft un triomphe bien flatteur.
Mais je ne m'en étonne guère;
Avec efprit parler au coeur ,
Au coeur , comme à l'efprit , c'eft être für de
plaire.
Fermer
1285
p. *152-152
AIR Du Vaudeville de l'Anglois à Bordeaux.
Début :
TON pinceau fçait charmer & plaire ; [...]
Mots clefs :
Paix, Anglais
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AIR Du Vaudeville de l'Anglois à Bordeaux.
AIR Du Vaudeville de l'Anglois à Bordeaux.
TON ON pinceau fçait charmer & plaire ;
Tu traces avec art
De tout François le cara Aère .
L'Anglois te dit : Favart ,
Touche là ; voici ton falaire.
Tu détruis ma haine à jamais.
Faifons la paix ;
Vive la Paix.
Par M. MARIN,
TON ON pinceau fçait charmer & plaire ;
Tu traces avec art
De tout François le cara Aère .
L'Anglois te dit : Favart ,
Touche là ; voici ton falaire.
Tu détruis ma haine à jamais.
Faifons la paix ;
Vive la Paix.
Par M. MARIN,
Fermer
1286
p. 167-178
SUITE DES SPECTACLES DE LA COUR A VERSAILLES.
Début :
LE Jeudi 17 Février, les Comédiens François représenterent Inès de Castro, [...]
Mots clefs :
Comédie, Rôle, Pièce, Théâtre, Représentation, Comédiens
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SUITE DES SPECTACLES DE LA COUR A VERSAILLES.
SUITE DES SPECTACLES DE LA
COUR A VERSAILLES .
L E Jeudi 17 Février , les Comédiens
François repréfenterent Inès de Caftro ,
Tragédie du feu fieur LA MOTTE ( a ) ,
& pour feconde Piéce l'Ecole amoureu--
fe , Comédie en un A&te & en vers du
fieur BRET ( b ).
Dans la Tragédie , le rôle d'Inès fut
( a) Première repréſentation d'Inès en 1720 ;
32 repréſent. de fuite.
(b) L'Ecole amoureuse en 1747. & repréſent.
168 MERCURE DE FRANCE .
joué par la Dlle GAUSSIN , celui de la
Reine par la Dile DUBOIS , & celui de
Conftance par la Dlle Huss. Le fieur
BELCOUR joua le rôle de Rodrigue , le
fieur MOLÉ , celui de D. Pedre , le fieur
BRIZART ,Alphonfe , le fieur DUBOIS,
l'Ambassadeur de Caftille , & le fieur
DAUBERVAL , le rôle de Henrique.
Le fieur MOLÉ , les Dlles Huss
PRÉVILLE , BELCOUR & LE Kain,
jouerent dans la Comédie.
Le Mardi 22 Fevrier , les mêmes Comédiens
repréſenterent les Femmes fçavantes
, ( c ) Comédie en vers , en cinq
Actes , de MOLIERE , Cette excellente
Piéce fut très-bien rendue ; elle fit fur
les Amateurs du vrai genre comique ,
l'effet qu'on doit toujours attendre des
Ouvrages de l'inimitable génie qui a
créé & en même temps . perfectionné
le Théâtre François , lorfqu'on apportera
, en remettant ces chefs-d'oeuvres ,
toutes les attentions qu'ils méritent .
La Dlle DUMESNIL jouoit le rôle
de Philaminte. Les Dlles PRÉVILLE &
Huss , ceux des deux filles. Belife
étoit jouée par la Dlle DROUIN , & la
Dlle BELCOUR jouoit le rôle de la
Servante Martine . Chrifalde & Arifte ,
( c ) Première repréſentation en 1651 .
par
AVRIL . 1763 . 169
2
par les fieurs BONNEVAL & DAUBERVAL.
Le rôle de Clitandre étoit joué
par le fieur BELCOUR ; ceux de Trillotin
& Vadius , par les fieurs DANGEVILLE
& ARMAND ; & celui de Julien,
par le fieur BOURET.
Cette Piéce fut fuivie de la Famille
extravagante ( d ) Comédie en un Acte
& en Vers du feu fieur LEGRAND.
Plufieurs des mêmes A&teurs & Actrices
de la grande Piéce repréfentoient
dans celle-ci , excepté le rôle de Cléon
Amant d'Elife , joué par le Sr MOLÉ ,
celui d'Elife par la Dlle DESPINAY , &
le rôle de Soubrette par la Dlle LE
KAIN. Le lendemain on repréſenta
pour la feconde fois Vertumne & Pomone
, Ballet extrait des Elémens, dont
nous avons parlé dans le Mercure de
Mars. Cette repréſentation d'Opéra fut
précédée d'une Comédie Italienne intitulée
le Diable boiteux , jouée par les
Acteurs de ce Théâtre.
Le 2 Mars on donna un Ballet en
un Acte intitulé la Vue , extrait du
Ballet des Sens; Poëme du fieur ROI
Mufique du feu fieur MOURet.
La Dlle LE MIERRE , ( époufe du
fieur LARRIVÉE , ) chanta le rôle de
( d ) Première repréſentation en 1709.
I. Vol. H
170 MERCURE DE FRANCE .
T
l'Amour , la Dlle VILLETTE , du
Théâtre des Italiens , ( époufe du feur
LA RUETTE ) chanta le rôle de Zé
phire. La Dile DUBOIS , l'ainée , celui
d'Iris , & le fieur LARRIVÉE celui
d'Aquilon. Une indifpofition accidentelle
dans la voix de la Dlle LE MIERRE
mit l'éxécution de ce Baliet en rifque de
n'être pas achevée , & nuifit à fon fuccès.
La Dlle LANI & le fieur GARDEL
danferent des Pas feuls ; le fieur LAVAL,
la Dile VESTRIS , les fieurs LANI
DAUBERVAL , les Dlles ALLARD &
PESLIN danfoient différens Pas
toutes les principales Entrées.
la
La repréſentation de cet Opéra fut
précédée d'une Comédie Italienne
nouvelle , en un A&te , intitulée Arlequin
cru mort , par le fieur GOLDONI .
Cette Comédie fit plaifir ; & l'on rendit ,
par des fuffrages très -honorables
même juftice aux talens de ce célébre
Etranger , que l'on avoit déjà rendue à
la repréfentation de l'Amour Paternel.
Le lendemain Jeudi 3 Mars
".
Comédiens François repréfenterent les
Déhors trompeurs ou l'Homme dujour,(e)
( e ) Premiere repréſentation en 1740. 17
repréſentations,
,
les
AVRIL 1763. 171
Comédie en cinq Actes & en Vers
du feu fieur DE BOISSY . Le Baron
étoit joué par le fieur BELCOUR ; le
Marquis , par le fieur MOLÉ ; M. de
Forlis , par le fieur BONNEVAL ; &
Champagne , par le fieur PREVILLE ;
le rôle de la Comteffe , par la Dlle DANGEVILLE
; ceux de Lucile & de Céliante,
par les Diles HUSS & PREVILLE;
celui de Lifette , par la Dlle BELCOUR .
La feconde Piéce étoit l'Ile déferte ,
Comédie en un A&te & en Vers , du
fieur COLLET. Le fieur MOLE y jonoit
le rôle de Ferdinand, le fieur BELCOUR,
celui de Timante ; & le fieur PRÉVILLE,
le Matelot ; les rôles de Conftance & de
Silvie , furent joués par les Diles PRÉ-
VILLE & HUSS.
Le Mardi , 8Mars , par les mêmes Comédiens,
le Dépit amoureux , Comédie
de MOLIERE en 5 Actes en Vers. (f)
Erafte étoit joué par le fieur BELCOUR
, & Gros- René , fon valet , par
le fieur ARMAND ; Valére , par le fieur
MOLÉ & Mafcarille ,, par le fieur
BOURET ; les deux Vieillards , par les
fieurs BONNEVAL & BLAINVILLE ;
le Pédant , par le fieur DANGEVILLE ;
Lucile, par la Dlle GAUSSIN , fa Sui-
(f) En 1658.
Hij
172 MERCURE DE FRANCE.
vante , Marinette , par la Dlle DANGEVILLE
, Afcagne , par la Dlle DUBOIS ,
& fa Suivante Frofine , par la Dlle LE
ΚΑΙΝ,
Pour feconde Piéce,on donna Annette
& Lubin , Comédie en un Acté , mêlée
d'Ariettes , de la Dlle FAVART & du
fieur L ***, Cette Piéce fut repréſen
tée par les Comédiens du Théâtre Italien
, ainfi qu'elle l'eft à Paris & par
les mêmes Acteurs.
Le lendemain , Mercredi , 9 Mars ,
après la repréſentation du Barbier paralitique
, Comédie Italienne , on éxécuta
le Devin du Village , ( g ) intermède ,
Paroles & Mufique du fieur ROUSSEau.
Le rôle de Colin , étoit parfaitement
rempli par le fieur GÉLIOTE, qui ne doit
rien du plaifir extrême que font fa voix &
fes talens à la difficulté d'en jouir depuis
fa retraite ; la Dlle VILLETTE
( époufe du fieur LARUETTE , ) a joué
& chanté très- agréablement le rôle de
Colette , dans lequel elle avoit déjà eu
du fuccès fur le Théâtre de l'Opéra ,
avant de paffer à celui de la Comédie
Italienne. Le fieur CAILLOT , Acteur
de ce dernier Théâtre , & des talens duquel
nous avons fi fouvent occafion de
( g ) Première repréſent . à l'Opéra en 1753•
AVRIL 1763. 173
parler avec de nouveaux éloges , a fort
bien chanté auffi le rôle du Devin dans
cet Interméde. On a pû reconnoître
quoique dans une petite étendue d'action
, ce que prête d'avantage au jeu
d'un chanteur l'habitude & l'art de la
Comédie . On parlera ci-après du Divertiffement
de la fin de cet Intermé-.
de , à l'Article de la feconde repriſe.
Le jour fuivant , 10 Mars , les Comédiens
François repréfenterent Brutus,
(h) Tragédie du Sr VOLTAIRE. Brutus
& Valérius , par les fieurs BRISART &
BLAINVILLE ; Arons , par le fieur
DUBOIS ; Titus , Fils de Brutus , par
le fieur LE KAIN ; Meffala , par le fieur
PAULIN ; Proculus , par le fieur DAUBERVAL
; Tullie , par la Dlle Huss , &
Algine , par la Dile DESPINAY.
Pour petite Piéce , l'Esprit de contradition,
Comédie en un Acte & en Profe,
du feu fieur DUFRESNI ( i ) . Le fieur
MOLE y jouoit le rôle de Valére ; le
fieur PAULIN , celui de Lucas ; le fieur
BONNEVAL , Oronte ; le fieur DANGEVILLE
, Tibaudois ; la Dlle DROUIN ,
Mde Oronte; & la Dlle Huss, Angélique.
(h ) Première Repréſentation en 1730.
35 repréfentations.
(i ) Première repréfent. en 1700. 16 repréf.
H iij
174 MERCURE DE FRANCE.
f
Le Mardi 15 , les Comédiens François
donnerent Mélanide , ( k ) Comédie en
Vers en cinq Actes , du feu fieur DE
LA CHAUSSÉE . Lefieur BRISART repréfentoit
le Marquis d'Orvigny ; le
fieur DUBOIS , Théodon ; le fieur BELCOUR
, Darviane , la Dlle GAUSSIN
Melanide ; la Dlle DROUIN , Dorifées
& la Dlle Huss , Rofalie.
A la fuite de cette Piéce les Acteurs
de la Comédie Italienne éxécuterent le
Bucheron , Comédie mêlée d'Ariettes.
Mufique du fieur PHILIDOR , Paroles
du fieur GUICHARD & du fieur C***
Cette efpèce d'Interméde comique ,
très-ſuivi à Paris & duquel nous parlerons
plus en détail ci- après , parut agréable
à la Cour ; ceux. mêmes qui n'approuvent
pas l'application des tours &
de l'accent de la Mufique Italienne aux
Paroles Françoiſes rendirent juftice aux
grands talens du fieur PHILIDOR : & le
fieur CAILLOT , qui a l'art de rendre
aimable tout ce qu'il éxécute , en adouciffant
cet accent mufical étranger à l'expreffion
de notre langue , réunit les
fuffrages des Amateurs de l'un & de
l'autre genre. On donnera connoiffance
de cet Ouvrage dans l'Article des
Spectacles de Paris.
( k) Première repréſent . en 1741. 16 repræl
AVRIL. 1763. 175
>
Le lendemain , 16 Mars , a été , pour
afnfi dire , un jour de fête diftinguée fur
le Théâtre de la Cour , par la réunion
des deux plus agréables Ouvrages en
Mufique & en Paroles dans différens
genres ,
éxécutés par les plus rares ta
lens propres à ce Spectacle. La troifiéme
repriſe de Vertumne & Pomone ,
Ballet , & la deuxième du Devin
du Village occupérent entiérement fa
Scène. Les Acteurs , dont on a parlé cideffus
parurent dans l'un & l'autre
Ballet s'être furpaffés. Le Divertiffement
de Vertumne & Pomone , compofé comme
tous ceux des autresSpectacles qu'on
avoit donnés , de plufieurs morceaux
choifis dans divers Opéra ou autres
Ouvrages , étoit particuliérement ajusté
pour donner beaucoup d'airs de différens
genres au fieur GÉLIOTE , qui
les chanta tous avec la même voix
qu'on a tant admirée & avec un
naturel dans les tours de fon chant &
des graces que peut- être , fans illufion ,
on pourroit regarder comme nouvellement
acquifes & ajoûtées encore à tout
ce qu'on lui connoiffoit de fupériorité
dans ce talent.
Le Divertiffement dans le Devin du
Village , fubftitué à celui de cet Inter-
Hiv
176 MERCURE DE FRANCE.
méde , étoit charmant par la variété &
par la gaîté des morceaux dont il étoit
compofé. Le fieur CAILLOT y chantoit
une Ariette compofée pour cet objet
par le fieur PHILIDOR : mais ce qu'il
y avoit de plus faillant & d'unique en
fon genre , étoit un Pas de quatre Villageois
& Villageoifes
, éxécuté par le
fieur LANI , la Dlle ALLARD , le fieur
DAUBERVAL
& la Dlle PESLIN . Ces
quatre Sujets dont l'affortiment
du genre
, des tailles & des talens , feroit impoffible
à raffembler
dans toute l'Europe
, éxécutoient
ce Pas avec une double
préciſion de jufteffe & de graces co miques, qui méritoient
toute l'admiration
dont ils furent honorés & qui comblerent
le plaifir que faifoit l'enſemble
de ce Spectacle.
Ces divertiffemens étoient arrangés
ainfi que tous les précédens , par le fieur
REBEL , Surintendant de la Mufique
du Roi , de fémeftre depuis le premier
Janvier. Le goût du choix & la plus délicate
analogie dans les rapports de genre
avec les Ouvrages auxquels ces Divertiffemens
étoient adaptés , ont reçu
& mérité de très-juftes éloges .
Le Jeudi , 17 Mars , on donna Zaïre , (1)
(4) Prem. Repréfent, en 1732. 30 Repréfent.
AVRIL 1763. 177
1.
Tragédie du fieur de VOLTAIRE
Orofmane , repréfenté par le fieur LE
KAIN ;Lufignan, par le fieur BRISART;
Néreftan & Chatillon , par les fieurs
MOLE & DUBOIS ; Zaïre , par la Dlle
GAUSSIN ; Fatime , par la Dlle PRÉ-
VILLE .
Ce même jour , qui étoit , felon l'ufage
, celui de la clôture des Spectacles
à la Cour , fut auffi marqué par une repréfentation
très- intéreffante fçavoir
celle de l'Anglois à Bordeaux , Comédie
en un Acte , en Vers libres , du fieur
FAVART , à l'occafion de la Paix , repréfentée,
à Paris pour la premiere fois ,
le Lundi précédent , on diroit avec le
plus grand fuccès , fi celui qu'elle a eu à
la Cour n'avoit été en quelque forte encore
plus éclatant. Nous parlerons
dans l'Article de Paris , de cette Piéce
nouvelle dont l'Auteur a eu l'honneur
d'être préſenté au Roi .
P
N. B. On a éxactement nommé , dans
cettefin du Journal des Spectacles de la
Cour , tous les Acteurs qui ont repréſen
té dans chaque Piéce du Théâtre François
, afin de conftater en même temps
les Sujets éxiftans à ce Théatre pendant
cette derniere année & le fervice qu'ils
Ну
178 MERCURE DE FRANCE .
ont eu l'honneur de remplir en préfence
de leurs Majeftés.
COUR A VERSAILLES .
L E Jeudi 17 Février , les Comédiens
François repréfenterent Inès de Caftro ,
Tragédie du feu fieur LA MOTTE ( a ) ,
& pour feconde Piéce l'Ecole amoureu--
fe , Comédie en un A&te & en vers du
fieur BRET ( b ).
Dans la Tragédie , le rôle d'Inès fut
( a) Première repréſentation d'Inès en 1720 ;
32 repréſent. de fuite.
(b) L'Ecole amoureuse en 1747. & repréſent.
168 MERCURE DE FRANCE .
joué par la Dlle GAUSSIN , celui de la
Reine par la Dile DUBOIS , & celui de
Conftance par la Dlle Huss. Le fieur
BELCOUR joua le rôle de Rodrigue , le
fieur MOLÉ , celui de D. Pedre , le fieur
BRIZART ,Alphonfe , le fieur DUBOIS,
l'Ambassadeur de Caftille , & le fieur
DAUBERVAL , le rôle de Henrique.
Le fieur MOLÉ , les Dlles Huss
PRÉVILLE , BELCOUR & LE Kain,
jouerent dans la Comédie.
Le Mardi 22 Fevrier , les mêmes Comédiens
repréſenterent les Femmes fçavantes
, ( c ) Comédie en vers , en cinq
Actes , de MOLIERE , Cette excellente
Piéce fut très-bien rendue ; elle fit fur
les Amateurs du vrai genre comique ,
l'effet qu'on doit toujours attendre des
Ouvrages de l'inimitable génie qui a
créé & en même temps . perfectionné
le Théâtre François , lorfqu'on apportera
, en remettant ces chefs-d'oeuvres ,
toutes les attentions qu'ils méritent .
La Dlle DUMESNIL jouoit le rôle
de Philaminte. Les Dlles PRÉVILLE &
Huss , ceux des deux filles. Belife
étoit jouée par la Dlle DROUIN , & la
Dlle BELCOUR jouoit le rôle de la
Servante Martine . Chrifalde & Arifte ,
( c ) Première repréſentation en 1651 .
par
AVRIL . 1763 . 169
2
par les fieurs BONNEVAL & DAUBERVAL.
Le rôle de Clitandre étoit joué
par le fieur BELCOUR ; ceux de Trillotin
& Vadius , par les fieurs DANGEVILLE
& ARMAND ; & celui de Julien,
par le fieur BOURET.
Cette Piéce fut fuivie de la Famille
extravagante ( d ) Comédie en un Acte
& en Vers du feu fieur LEGRAND.
Plufieurs des mêmes A&teurs & Actrices
de la grande Piéce repréfentoient
dans celle-ci , excepté le rôle de Cléon
Amant d'Elife , joué par le Sr MOLÉ ,
celui d'Elife par la Dlle DESPINAY , &
le rôle de Soubrette par la Dlle LE
KAIN. Le lendemain on repréſenta
pour la feconde fois Vertumne & Pomone
, Ballet extrait des Elémens, dont
nous avons parlé dans le Mercure de
Mars. Cette repréſentation d'Opéra fut
précédée d'une Comédie Italienne intitulée
le Diable boiteux , jouée par les
Acteurs de ce Théâtre.
Le 2 Mars on donna un Ballet en
un Acte intitulé la Vue , extrait du
Ballet des Sens; Poëme du fieur ROI
Mufique du feu fieur MOURet.
La Dlle LE MIERRE , ( époufe du
fieur LARRIVÉE , ) chanta le rôle de
( d ) Première repréſentation en 1709.
I. Vol. H
170 MERCURE DE FRANCE .
T
l'Amour , la Dlle VILLETTE , du
Théâtre des Italiens , ( époufe du feur
LA RUETTE ) chanta le rôle de Zé
phire. La Dile DUBOIS , l'ainée , celui
d'Iris , & le fieur LARRIVÉE celui
d'Aquilon. Une indifpofition accidentelle
dans la voix de la Dlle LE MIERRE
mit l'éxécution de ce Baliet en rifque de
n'être pas achevée , & nuifit à fon fuccès.
La Dlle LANI & le fieur GARDEL
danferent des Pas feuls ; le fieur LAVAL,
la Dile VESTRIS , les fieurs LANI
DAUBERVAL , les Dlles ALLARD &
PESLIN danfoient différens Pas
toutes les principales Entrées.
la
La repréſentation de cet Opéra fut
précédée d'une Comédie Italienne
nouvelle , en un A&te , intitulée Arlequin
cru mort , par le fieur GOLDONI .
Cette Comédie fit plaifir ; & l'on rendit ,
par des fuffrages très -honorables
même juftice aux talens de ce célébre
Etranger , que l'on avoit déjà rendue à
la repréfentation de l'Amour Paternel.
Le lendemain Jeudi 3 Mars
".
Comédiens François repréfenterent les
Déhors trompeurs ou l'Homme dujour,(e)
( e ) Premiere repréſentation en 1740. 17
repréſentations,
,
les
AVRIL 1763. 171
Comédie en cinq Actes & en Vers
du feu fieur DE BOISSY . Le Baron
étoit joué par le fieur BELCOUR ; le
Marquis , par le fieur MOLÉ ; M. de
Forlis , par le fieur BONNEVAL ; &
Champagne , par le fieur PREVILLE ;
le rôle de la Comteffe , par la Dlle DANGEVILLE
; ceux de Lucile & de Céliante,
par les Diles HUSS & PREVILLE;
celui de Lifette , par la Dlle BELCOUR .
La feconde Piéce étoit l'Ile déferte ,
Comédie en un A&te & en Vers , du
fieur COLLET. Le fieur MOLE y jonoit
le rôle de Ferdinand, le fieur BELCOUR,
celui de Timante ; & le fieur PRÉVILLE,
le Matelot ; les rôles de Conftance & de
Silvie , furent joués par les Diles PRÉ-
VILLE & HUSS.
Le Mardi , 8Mars , par les mêmes Comédiens,
le Dépit amoureux , Comédie
de MOLIERE en 5 Actes en Vers. (f)
Erafte étoit joué par le fieur BELCOUR
, & Gros- René , fon valet , par
le fieur ARMAND ; Valére , par le fieur
MOLÉ & Mafcarille ,, par le fieur
BOURET ; les deux Vieillards , par les
fieurs BONNEVAL & BLAINVILLE ;
le Pédant , par le fieur DANGEVILLE ;
Lucile, par la Dlle GAUSSIN , fa Sui-
(f) En 1658.
Hij
172 MERCURE DE FRANCE.
vante , Marinette , par la Dlle DANGEVILLE
, Afcagne , par la Dlle DUBOIS ,
& fa Suivante Frofine , par la Dlle LE
ΚΑΙΝ,
Pour feconde Piéce,on donna Annette
& Lubin , Comédie en un Acté , mêlée
d'Ariettes , de la Dlle FAVART & du
fieur L ***, Cette Piéce fut repréſen
tée par les Comédiens du Théâtre Italien
, ainfi qu'elle l'eft à Paris & par
les mêmes Acteurs.
Le lendemain , Mercredi , 9 Mars ,
après la repréſentation du Barbier paralitique
, Comédie Italienne , on éxécuta
le Devin du Village , ( g ) intermède ,
Paroles & Mufique du fieur ROUSSEau.
Le rôle de Colin , étoit parfaitement
rempli par le fieur GÉLIOTE, qui ne doit
rien du plaifir extrême que font fa voix &
fes talens à la difficulté d'en jouir depuis
fa retraite ; la Dlle VILLETTE
( époufe du fieur LARUETTE , ) a joué
& chanté très- agréablement le rôle de
Colette , dans lequel elle avoit déjà eu
du fuccès fur le Théâtre de l'Opéra ,
avant de paffer à celui de la Comédie
Italienne. Le fieur CAILLOT , Acteur
de ce dernier Théâtre , & des talens duquel
nous avons fi fouvent occafion de
( g ) Première repréſent . à l'Opéra en 1753•
AVRIL 1763. 173
parler avec de nouveaux éloges , a fort
bien chanté auffi le rôle du Devin dans
cet Interméde. On a pû reconnoître
quoique dans une petite étendue d'action
, ce que prête d'avantage au jeu
d'un chanteur l'habitude & l'art de la
Comédie . On parlera ci-après du Divertiffement
de la fin de cet Intermé-.
de , à l'Article de la feconde repriſe.
Le jour fuivant , 10 Mars , les Comédiens
François repréfenterent Brutus,
(h) Tragédie du Sr VOLTAIRE. Brutus
& Valérius , par les fieurs BRISART &
BLAINVILLE ; Arons , par le fieur
DUBOIS ; Titus , Fils de Brutus , par
le fieur LE KAIN ; Meffala , par le fieur
PAULIN ; Proculus , par le fieur DAUBERVAL
; Tullie , par la Dlle Huss , &
Algine , par la Dile DESPINAY.
Pour petite Piéce , l'Esprit de contradition,
Comédie en un Acte & en Profe,
du feu fieur DUFRESNI ( i ) . Le fieur
MOLE y jouoit le rôle de Valére ; le
fieur PAULIN , celui de Lucas ; le fieur
BONNEVAL , Oronte ; le fieur DANGEVILLE
, Tibaudois ; la Dlle DROUIN ,
Mde Oronte; & la Dlle Huss, Angélique.
(h ) Première Repréſentation en 1730.
35 repréfentations.
(i ) Première repréfent. en 1700. 16 repréf.
H iij
174 MERCURE DE FRANCE.
f
Le Mardi 15 , les Comédiens François
donnerent Mélanide , ( k ) Comédie en
Vers en cinq Actes , du feu fieur DE
LA CHAUSSÉE . Lefieur BRISART repréfentoit
le Marquis d'Orvigny ; le
fieur DUBOIS , Théodon ; le fieur BELCOUR
, Darviane , la Dlle GAUSSIN
Melanide ; la Dlle DROUIN , Dorifées
& la Dlle Huss , Rofalie.
A la fuite de cette Piéce les Acteurs
de la Comédie Italienne éxécuterent le
Bucheron , Comédie mêlée d'Ariettes.
Mufique du fieur PHILIDOR , Paroles
du fieur GUICHARD & du fieur C***
Cette efpèce d'Interméde comique ,
très-ſuivi à Paris & duquel nous parlerons
plus en détail ci- après , parut agréable
à la Cour ; ceux. mêmes qui n'approuvent
pas l'application des tours &
de l'accent de la Mufique Italienne aux
Paroles Françoiſes rendirent juftice aux
grands talens du fieur PHILIDOR : & le
fieur CAILLOT , qui a l'art de rendre
aimable tout ce qu'il éxécute , en adouciffant
cet accent mufical étranger à l'expreffion
de notre langue , réunit les
fuffrages des Amateurs de l'un & de
l'autre genre. On donnera connoiffance
de cet Ouvrage dans l'Article des
Spectacles de Paris.
( k) Première repréſent . en 1741. 16 repræl
AVRIL. 1763. 175
>
Le lendemain , 16 Mars , a été , pour
afnfi dire , un jour de fête diftinguée fur
le Théâtre de la Cour , par la réunion
des deux plus agréables Ouvrages en
Mufique & en Paroles dans différens
genres ,
éxécutés par les plus rares ta
lens propres à ce Spectacle. La troifiéme
repriſe de Vertumne & Pomone ,
Ballet , & la deuxième du Devin
du Village occupérent entiérement fa
Scène. Les Acteurs , dont on a parlé cideffus
parurent dans l'un & l'autre
Ballet s'être furpaffés. Le Divertiffement
de Vertumne & Pomone , compofé comme
tous ceux des autresSpectacles qu'on
avoit donnés , de plufieurs morceaux
choifis dans divers Opéra ou autres
Ouvrages , étoit particuliérement ajusté
pour donner beaucoup d'airs de différens
genres au fieur GÉLIOTE , qui
les chanta tous avec la même voix
qu'on a tant admirée & avec un
naturel dans les tours de fon chant &
des graces que peut- être , fans illufion ,
on pourroit regarder comme nouvellement
acquifes & ajoûtées encore à tout
ce qu'on lui connoiffoit de fupériorité
dans ce talent.
Le Divertiffement dans le Devin du
Village , fubftitué à celui de cet Inter-
Hiv
176 MERCURE DE FRANCE.
méde , étoit charmant par la variété &
par la gaîté des morceaux dont il étoit
compofé. Le fieur CAILLOT y chantoit
une Ariette compofée pour cet objet
par le fieur PHILIDOR : mais ce qu'il
y avoit de plus faillant & d'unique en
fon genre , étoit un Pas de quatre Villageois
& Villageoifes
, éxécuté par le
fieur LANI , la Dlle ALLARD , le fieur
DAUBERVAL
& la Dlle PESLIN . Ces
quatre Sujets dont l'affortiment
du genre
, des tailles & des talens , feroit impoffible
à raffembler
dans toute l'Europe
, éxécutoient
ce Pas avec une double
préciſion de jufteffe & de graces co miques, qui méritoient
toute l'admiration
dont ils furent honorés & qui comblerent
le plaifir que faifoit l'enſemble
de ce Spectacle.
Ces divertiffemens étoient arrangés
ainfi que tous les précédens , par le fieur
REBEL , Surintendant de la Mufique
du Roi , de fémeftre depuis le premier
Janvier. Le goût du choix & la plus délicate
analogie dans les rapports de genre
avec les Ouvrages auxquels ces Divertiffemens
étoient adaptés , ont reçu
& mérité de très-juftes éloges .
Le Jeudi , 17 Mars , on donna Zaïre , (1)
(4) Prem. Repréfent, en 1732. 30 Repréfent.
AVRIL 1763. 177
1.
Tragédie du fieur de VOLTAIRE
Orofmane , repréfenté par le fieur LE
KAIN ;Lufignan, par le fieur BRISART;
Néreftan & Chatillon , par les fieurs
MOLE & DUBOIS ; Zaïre , par la Dlle
GAUSSIN ; Fatime , par la Dlle PRÉ-
VILLE .
Ce même jour , qui étoit , felon l'ufage
, celui de la clôture des Spectacles
à la Cour , fut auffi marqué par une repréfentation
très- intéreffante fçavoir
celle de l'Anglois à Bordeaux , Comédie
en un Acte , en Vers libres , du fieur
FAVART , à l'occafion de la Paix , repréfentée,
à Paris pour la premiere fois ,
le Lundi précédent , on diroit avec le
plus grand fuccès , fi celui qu'elle a eu à
la Cour n'avoit été en quelque forte encore
plus éclatant. Nous parlerons
dans l'Article de Paris , de cette Piéce
nouvelle dont l'Auteur a eu l'honneur
d'être préſenté au Roi .
P
N. B. On a éxactement nommé , dans
cettefin du Journal des Spectacles de la
Cour , tous les Acteurs qui ont repréſen
té dans chaque Piéce du Théâtre François
, afin de conftater en même temps
les Sujets éxiftans à ce Théatre pendant
cette derniere année & le fervice qu'ils
Ну
178 MERCURE DE FRANCE .
ont eu l'honneur de remplir en préfence
de leurs Majeftés.
Fermer
Résumé : SUITE DES SPECTACLES DE LA COUR A VERSAILLES.
Du 17 février au 17 mars, la cour de Versailles a organisé une série de spectacles. Le 17 février, les Comédiens Français ont interprété 'Inès de Castro' de La Motte et 'L'École amoureuse' de Bret, avec des rôles principaux tenus par la Demoiselle Gaussin, la Demoiselle Dubois et la Demoiselle Huss. Le 22 février, ils ont joué 'Les Femmes savantes' de Molière, suivi de 'La Famille extravagante' de Legrand. Le 2 mars, un ballet intitulé 'La Vue' a été présenté, mais une indisposition de la Demoiselle Le Mierre a compromis sa réussite. Le 3 mars, les Comédiens Français ont joué 'Les Dehors trompeurs' de De Boissy et 'L'Île déserte' de Collet. Le 8 mars, 'Le Dépit amoureux' de Molière et 'Annette et Lubin' ont été représentés. Le 9 mars, après 'Le Barbier paralytique', 'Le Devin du Village' de Rousseau a été exécuté. Le 10 mars, 'Brutus' de Voltaire et 'L'Esprit de contradiction' de Dufresny ont été joués. Le 15 mars, 'Mélanide' de De La Chaussée et 'Le Bucheron' ont été présentés. Le 16 mars, 'Vertumne et Pomone' et 'Le Devin du Village' ont été repris. Enfin, le 17 mars, 'Zaïre' de Voltaire et 'L'Anglois à Bordeaux' de Favart ont été joués, marquant la clôture des spectacles à la cour.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
1287
p. 178-180
OPÉRA.
Début :
L'ACADÉMIE Royale de Musique a continué Titon & l'Aurore, (ainsi que [...]
Mots clefs :
Théâtre, Académie, Usage
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : OPÉRA.
OPERA.
L'ACADÉMIE Royale de Mufique a
continué Titon & l'Aurore , ( ainfi que
les Fêtes Grecques & Romaines les
Jeudi , jufques à la clôture de fon
Théâtre , laquelle s'eft faite cette année
, le Samedi 19 Mars , pour le com- le.compte
de l'Académie , & non pour les Acteurs
, comme il étoit d'ufage. Ceux- ci
ont penfé qu'il feroit plus utile au produit
du Bene-fit vulgairement nommé
Capitation , de donner quelques BALS
à la rentrée ; ils ont indiqué le premier
pour le 12 du préfent mois d'Avril.
M. MUGUET , dont nous avons précédemment
parlé à l'occafion de l'Ariette
du Dieu des Coeurs , a chanté le
rôle entier de Titon , dans lequel il a
été applaudi avec juſtice.
M. DUPAR , jeune Hautecontre
d'une figure & d'une taille avantageufe
pour le Théâtre , a débuté par un MorAVRIL.
1763. 179
ceau détaché. Les Connoiffeurs font
très-contens de la qualité de cette voix
qu'ils comparent même à celles dont la
mémoire eft célébre . Ils trouvent dans
ce Sujet le véritable caractère du fon
de Hautecontre joint à l'aptitude des
agrémens éffentiels dans le chant. Lorfqu'un
peu plus d'expérience & d'ufage
aura mis M. DUPAR en état d'être
mieux connu du Public , nous le ferons
nous-mêmes d'en rendre un compte
plus exact.
Mlle DUPLAN , jeune Sujet de l'Académie
, a eu occafion de paroître
quelquefois , & de faire entendre un
très-beau corps de voix , avec une difpofition
très-favorable à l'expreffion
d'un fentiment vif & des paffions les
plus fortes.
La figure de cette jeune Perfonne eft
heureufement coupée , & fpécialement
pour le genre d'expreffion auquel elle
paroît portée.
Les reprefentations des Jeudis , comme
nous l'avons déja fait remarquer ,
ont été une école très - avantageufe ,
tant pour former les jeunes Sujets de
ce Théâtre , que pour faire développer,
par l'ufage , les talens de quelques autres
qui n'ont pas de fréquentes occa
· ༄
Hvi
180 MERCURE DE FRANCE.
fions de fervir , & par conféquent d'être
connus du Public .
N. B. M. GELIOTE , dont nous.
avions indiqué la retraite du Théâtre
après les représentations de TITON &
L'AURORE , ne s'eft retiré qu'en 1754,
à la clôture du Théâtre , après les re- .
préfentations d'une remife de CASTOR
& POLLUX. Ce qui avoit induit en
erreur à cet égard , c'est qu'en effet il devoit
quitter après l'Opéra de TITON
& qu'il fut engagé à refterencore une
année
L'ACADÉMIE Royale de Mufique a
continué Titon & l'Aurore , ( ainfi que
les Fêtes Grecques & Romaines les
Jeudi , jufques à la clôture de fon
Théâtre , laquelle s'eft faite cette année
, le Samedi 19 Mars , pour le com- le.compte
de l'Académie , & non pour les Acteurs
, comme il étoit d'ufage. Ceux- ci
ont penfé qu'il feroit plus utile au produit
du Bene-fit vulgairement nommé
Capitation , de donner quelques BALS
à la rentrée ; ils ont indiqué le premier
pour le 12 du préfent mois d'Avril.
M. MUGUET , dont nous avons précédemment
parlé à l'occafion de l'Ariette
du Dieu des Coeurs , a chanté le
rôle entier de Titon , dans lequel il a
été applaudi avec juſtice.
M. DUPAR , jeune Hautecontre
d'une figure & d'une taille avantageufe
pour le Théâtre , a débuté par un MorAVRIL.
1763. 179
ceau détaché. Les Connoiffeurs font
très-contens de la qualité de cette voix
qu'ils comparent même à celles dont la
mémoire eft célébre . Ils trouvent dans
ce Sujet le véritable caractère du fon
de Hautecontre joint à l'aptitude des
agrémens éffentiels dans le chant. Lorfqu'un
peu plus d'expérience & d'ufage
aura mis M. DUPAR en état d'être
mieux connu du Public , nous le ferons
nous-mêmes d'en rendre un compte
plus exact.
Mlle DUPLAN , jeune Sujet de l'Académie
, a eu occafion de paroître
quelquefois , & de faire entendre un
très-beau corps de voix , avec une difpofition
très-favorable à l'expreffion
d'un fentiment vif & des paffions les
plus fortes.
La figure de cette jeune Perfonne eft
heureufement coupée , & fpécialement
pour le genre d'expreffion auquel elle
paroît portée.
Les reprefentations des Jeudis , comme
nous l'avons déja fait remarquer ,
ont été une école très - avantageufe ,
tant pour former les jeunes Sujets de
ce Théâtre , que pour faire développer,
par l'ufage , les talens de quelques autres
qui n'ont pas de fréquentes occa
· ༄
Hvi
180 MERCURE DE FRANCE.
fions de fervir , & par conféquent d'être
connus du Public .
N. B. M. GELIOTE , dont nous.
avions indiqué la retraite du Théâtre
après les représentations de TITON &
L'AURORE , ne s'eft retiré qu'en 1754,
à la clôture du Théâtre , après les re- .
préfentations d'une remife de CASTOR
& POLLUX. Ce qui avoit induit en
erreur à cet égard , c'est qu'en effet il devoit
quitter après l'Opéra de TITON
& qu'il fut engagé à refterencore une
année
Fermer
Résumé : OPÉRA.
En 1763, la saison de l'Académie Royale de Musique s'est achevée le 19 mars, avec une clôture bénéficiant à l'Académie plutôt qu'aux acteurs. Ces derniers ont proposé d'organiser des bals à partir du 12 avril. M. Muguet a interprété Titon dans l'opéra 'Titon & l'Aurore' et a été acclamé. M. Dupar, un jeune haute-contre, a fait ses débuts avec succès, impressionnant par la qualité de sa voix. Mlle Duplan, une jeune artiste de l'Académie, a également montré un beau timbre vocal et une grande expressivité. Les représentations du jeudi ont servi de formation pour les jeunes talents, permettant de développer les compétences de certains artistes moins fréquemment sur scène. Une note précise que M. Geliote s'est retiré du théâtre en 1754, après les représentations de 'Castor & Pollux', et non après 'Titon & l'Aurore'.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
1288
p. 180-192
COMÉDIE FRANÇOISE.
Début :
LE Mercredi, 2 Mars, on donna la premiere représentation de Théagêne & [...]
Mots clefs :
Théâtre, Public, Auteur, Pièce, Représentation, Talents, Comédie
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : COMÉDIE FRANÇOISE.
COMÉDIE
FRANÇOISE.
L E Mercredi , 2 Mars , on donna la
premiere repréſentation de Théagêne &
Cariclée , Tragédie nouvelle. Le pre- .
mier Acte de cette Tragédie fut applaudi
, de même que plufieurs endroits
dans les autres Actes ; mais le Public.
'ayant pas paru approuver la conduite
de ce Poëme , il a été retiré après cette
repréfentation. Cet événement ne doit
ni préjudicier à l'opinion avantageufe
qu'on avoit des talens de l'Autenr , nî
AVRIL. 1763.
181
à l'encouragement qu'ils méritent.
Quand on applaudit à la touche & au
coloris d'un Peintre , il peut fe tromper
fur l'effet de la difpofition dans un tableau
, fans perdre du côté de la gloire
de fon art , & fans que les Amateurs
attendent moins de fes autres productions
dans la fuite ...
Il y avoit , pour la repréſentation de
cette Tragédie , une décoration d'un
effet très-pittorefque. Les ruines qu'elle
repréfentoit , interrompoient cette ouverture
uniforme que l'on laiffe toujours
au milieu de nos Théâtres. Ce genre de
décorer , lorfque les fites de la Scène
y prêtent , devroit être regardé par nos
Décorateurs comme un effai propre à
les éclairer fur les moyens de varier plus
fçavament leurs ouvrages.
Les Comédiens François ont remis
au Théâtre le 28 Février le Somnam
bule , (a) Comédie en profe en un A&te.
Cette Piéce ( Auteur Anonyme ) que
l'on croît être l'ouvrage d'une Société
de gens du monde & de beaucoup d'efprit
, a eu plus de fucès à cette repriſe
que dans fa nouveauté. Elle a été jouée
très agréablement. M. BELCOUR repréfentoit
le Somnambule de la manière la
plus vraie & la plus amufante. Mlle
fa) Premiere Bépréfent. le 19 Janvier 1739.
182 MERCURE DE FRANCE.
DROUIN , qui jouoit un rôle de carac
tère , a mis auffi un comique d'intelligence
que la Piéce éxige & qui contribuoit
à fon agrément. La vivacité de M.
MOLÉ & les graces comiques de M.
PRÉVILLE , complétoient l'effet heureux
des repréſentations de cette Comédie
qui a été fuivie avec fuccès.
Une autre remife de Piéce fur laquelle
nous nous permettons fans fcrupule de
répéter les éloges que méritent les Comédiens
François , eft celle des Femmes
Sçavantes , de MOLIERE , repriſe
le même jour ( 28 Février. ) Nous en
avons parlé ci- devant dans l'Article des
Spectacles de la Cour. Nous annonçons
avec plaifir qu'il reft encore parmi nous,
une portion de Spectateurs ( ce n'eft pas
à la vérité la plus nombreufe , ) qu'un
goût de préférence attache à ces beanrés
, malgré leur ancienneté & malgré la
mode de certaines gentilleffes dramatiques
fardées des graces volatiles de la
Mufique nouvelle .
Les repréſentations des Femmes Sçavantes
ont été fort applaudies ; & ces
applaudiffemens n'avoient certainement
pas leur fource dans la frivolité du goût
dominant.
La Débutante pour l'emploi des caAVRIL.
1763. 183
+
ractéres qui a paru dans quelques rôles
de ce genre eft Mlle DORVILLE , foeur
de. Mlle RIVIERE ( ci-devant Mlle
CATINON , ) de Mlle CARELIN & de
Mlle BOGNIOLI . Le Public a reconnu
dans cette Débutante , qu'elle avoit part
à l'efpèce de patrimoine de cette famlle
pour les talens du Théâtre. Les fuccès
dans ce genre , où l'on ne paroît jamais
dans l'age qui féduit & intéreffe ne
peuvent être auffi brillans que dans d'autres
; mais Mlle DORVILLE a eu la
fatisfaction de montrer à des Spectateurs
éclairés une connoiffance raifonnée de
fon talent & une pratique du Théâtre
qui peut la rendre très - utile à tous ceux
pour lefquels elle fera employée.
›
Le Lundi 14 Mars on a donné la
première repréfentation de l'Anglois
à Bordeaux Comédie nouvelle en
vers libres & en un Acte , fuivie d'un
Divertiffement au fujet de la Paix, Le
plus grand fuccès , le plus unanime &
le moins fufpe & a couronné cet ouvra
ge . Le Public impatient de n'en pas voir
paroître l'Auteur, que fa modeftie avoit
fait fortir du Spectacle longtemps avant
la fin , après l'avoir inutilement deman
dé près d'un quart d'heure , ne permit
pas que l'on commençât le Divertiffe
V
184 MERCURE DE FRANCE .
W
ment , qu'au moins on n'eût publiquement
déclaré fon nom ; & lorfqu'un des
Acteurs eut nommé M. FAVART ( a ) ,
on applaudit pendant longtemps avec
une vivacité univerfelle. Cet Auteur a
été obligé à la feconde repréfentation
de céder à un empreffement auffi flat-
(a) Nous faififfons avec empreffement l'occa→
fion de rendre à cet égard un témoignage pur
blic à la vérité , & un témoignage que des circonftances
particulières nous ont mis en état
d'affirmer par ferment , s'il en étoit befoin . Nous
atteftons ici que M. FAVART eft feul l'Auteur de
cette Piéce. L'envie fecrette du Lecteur ou du
Spectateur qui cherche à fe venger pour ain
dire de ce qu'elle eft forcée d'admirer , le penchant
à croire autre chofe que ce que l'on nous
préfente ; la fauffe vanité de paroître inftruit de
certains fecrets de la Société toutes ces petites
caufes réunies , avoient concouru à accréditer une
efpéce de propos courant à la mode pour enlever
très-injuftement à M. FAVART l'honneur de
les talens , déja connus & eftimés , & fur le
loris defquels les Gens de Lettres , ( Juges natarels
en cette partié ) ne pourront jamais ſe méprendre
que volontairement. Au refte cet Auteur
, quoique dans un genre moins élevé , peut
Te flatter du même honneur qu'on a fait longtemps
à un grand homme , ( par la ridicule Fable
du Chartreux ) petit ftratagême de l'Envie
publique qui fe renouvellera fouvent contre bien
des Auteurs , tant qu'il y aura des Méchaas intéreffés
à femer un faux bruit , des Etourdis pour
Le débiter & des Sots pour le croire.
CoAVRIL
1763. 185
teur de la part du Public , & a reçu en
perfonne les témoignages éclatans de
fon fuffrage.
La morale la plus philofophique, embellie
des grâces & de toutes les fleurs
d'un ftyle où l'efprit & l'élégance brillent
toujours ; une délicateffe adroite à
peindre avec vérité deux Nations plus
rivales qu'ennemies ; des éloges fans flaterie
pour l'une & pour l'autre ; des critiques
fines & vives fans amertume fur
les caractères , les ufages & les moeurs
des François & des Anglois ; pardeffus,
tout , un fentiment vrai & touchant des
vertus de l'humanité ; voilà le précis de
l'ouvrage dont nous différons avec le
plus grand regret de donner un Extrait
détaillé : mais le peu d'efpace que l'abondance
des autres matières laiffe à
notre Article des Spectacles,nous oblige
à le remettre au Vol. du 15 de ce mois.
Cette Piéce a été jouée parfaitement;
& M. PREVILLE dans le rôle de Sudmner
a fait un plaifir tout nouveau .
Nous n'ofons prèfqu'ici rendre à Mlle,
DANGEVILLE le tribut d'éloges trop
mérités en cette occafion. Si ce tribut,
eft le dernier que nous devions payer
à cette inimitable Actrice , c'est renouveller
des regrets trop bien fondés.
186 MERCURE DE FRANCE.
AVIS SUR L'ÉDITION DE
L'ANGLOIS A BORDEAUX.
N. B. On apprend que plufieurs per
fonnes fefont affociées pour copier cette
Piéce aux repréfentations , afin d'envoyer
ces Copies à des Chefs de Troupes
de Province. On ne doute pas qu'il n'y
ait quelqu'Edition faite fur ces copies
& fans doute très-informe: On avertit
le Public que la véritable Edition fefait
chez DUCHESNE , rue S. Jacques ;
qu'elle fera facile à reconnoître par le
Divertiffement dont la Mufiquefera imprimée
à la fin , & par le Paraphe de
Auteur qui fera fur le titre.
9 Le Samedi , 19 Mars on donna
pour la clôture de ce Théâtre la quatriéme
repréſentation de cette même
Piéce ( l'Anglois à Bordeaux. ) Le concours
des Spectateurs y étoit auffi confidérable
qu'il puiffe être , les applau
diffemens perpétuels. Cette foirée ainfi
que toutes celles où cette Piéce avoit
été repréſentée , l'extérieur de l'Hôtel
des Comédiens a été illuminé.
L'Anglois à Bordeaux fut précédé
d'une repréſentation de Tancréde , dans
!
AVRIL. 1763. 187
laquelle Mlle DUBOIS , repréfentant à
la place de Mlle CLAIRON , eut un
fuccès très-agréable , & d'autant plus
flateur qu'il lui fut confirmé en fortant
du Théâtre , par le fuffrage de l'admirable
A&trice qu'elle avoit doublée &
qui avoit affifté à la repréſentation . ( b )
Mlle DUBOIS avoit déjà joué avec fuc
cès dans la repréfentation de Théagéne
& Cariclée , & dans celle de l'Orphelin
de la Chine . Paroître dans des rôles
que le Public eft accoutumé à voir ren
dre par Mlle CLAIRON & n'y être
que foufferte fans dèfagrément , feroit
pour une Actrice un titre de talent ; y
faire plaifir en beaucoup de parties , y
être applaudie de bonne foi , & ne paroître
dèfagréablement en aucun en
droit , c'eft , à ce qu'il femble , décider
Mlle DUBOIS , l'efpérance de ce Théâtre
pour le tragique . La conduite de
ce jeune Sujet dans l'étude de fon art ,
confirmera ou détruira cette efpérance.
Le même jour M. DAUBERVAL ,
Acteur du Théatre François , prononça
le Difcours fuivant.
(b ) La fanté de Mlle CLAIRON , quoiqu'extrémement
altérée , laiſſe eſpérer avec les fecours du
repos & du temps , un rétabliffement qui la ren
dra aux yeux du Public.
188 MERCURE DE FRANCE.
MESSIEURS ,
» Chargé de vous préfenter l'homma❤
» ge de notre reconnoiffance , il m'eft
» doux de penfer que cet emploi pré-,
> cieux à mon coeur appartient à celui
» fur lequel votre indulgence a le plus
» éclaté.
» Il eſt de ces momens où la Nature
» pour ainfi dire épuifée paroît rallen-
» tie dans fes productions,où les grands
» Modéles qui ont précédé , femblent
» avoir été formés aux dépens de leurs
Succeffeurs. Alors les difpofitions les.
» plus communes paroiffent avoir acquis
» quelques droits à votre bienveil-
» lance.
.
» Oui , Meffieurs , vous voulez bien
» avoir égard aux circonftances , & ne
pas nous juger toujours à la rigueur.
» Vous avez daigné jetter un regard
» favorable fur nos efforts , dans un
» temps où la retraite de M. GRAND-
" VAL vous laiffoit à regretter un Ac-
» teur inimitable , qui au talent le plus
» vrai joignoit l'art de rendre le Ridicule
fans rien faire perdre à fes rô-
" les dans leur nobleffe ; vous applau-
» diffiez en lui ce mérite fi rare d'être
AVRIL. 1763. 189
" le Peintre de fon Siécle , & de paroî-
» tre fur la Scène moins Acteur qu'-
» homme du monde ; l'homme même ;
» du jour qu'il repréfentoit.
כ
» Vous avez été frappés depuis , Mef-
» fieurs , d'une perte plus grande encore
: ce Spectacle vous la retracera
dans tous les temps. L'Auteur d'A-
» trée , de Rhadamifte , d'Electre, dont
le génie avoit porté tant de fois la
» terreur dans votre âme , l'Efchyle
François n'eft plus ; mais fes fublimes
» productions vous reftent , & fa gloi-
» re perfonnelle devient aujourd'hui
> celle de toute la Nation.
"
» Qu'il me foit permis , Meffieurs
» de guider vos regards vers ce Mau-
» folée que fait élever à ce grand Hom-
» me un Roi dont la tendreffe pater-
» nelle
pour fes Sujets perçe les ombres
?> de la mort.
» Nous ne vous envierons plus , Na-
» tions voiſines ! ces témoignages publics
de vénération pour les talens fu-
» blimes. Le marbre va vous exprimer
» cette grande vérité que le Père des
» Peuples eft auffi celui des Arts.
» Mais cet honneur rendu aux mâ-
» nes de CRÉBILLON eft encore atten-
» du de ceux du Grand CORNEILLE ,
190 MERCURE DE FRANCE .
» de RACINE , de MOLIERE ; oferaije
le dire , Meffieurs , ces mânes il-
» luftres l'attendent de vous.
»
» Héritiers de cette grandeur qui furt
" l'âme du fiécle dernier , tout ce qui
» lui eft échappé d'actions glorieuſes
» vous appartient . Ce lieu même vous
» rappelle encore à ces fentimens géné-
» reux qui ont arraché à l'infortune la
» petite fille du Grand CORNEILLE.
» Ce que vous avez fait pour le fang de
» ce grand homme marque ce qui vous
» refte à faire pour fa mémoire .
·
» Qu'il fera beau de voir un Monar-
» que & un Peuple rivaux fe difputer
» la gloire utile d'honorer les talens !
» quoi de plus propre à les encourager
» que ces témoignages éternels de votre
» admiration ? que ne devez - vous point
» attendre , Meffieurs , des Auteurs dra-
» matiques , lorfqu'ils pourront ſe flat-
» ter que les fuffrages dont vous les
» avez honorés feront perpétués fur le
» marbre ? oui , Meffieurs , les talens
» vous doivent tout leur éclat. Ils s'éteignent
loin du charme des applau
» diffemens & du flambeau de la criti-
» que . Que n'ont-ils de même leur four-
» ce dans le fentiment vrai du befoin de
> votre indulgence ! J'aurois en vous
AVRIL. 1763. 191
ม» la demandant , Meffieurs , l'efpoir fatisfaisant
de mériter un jour vos bon
» tés.
Ce Difcours fut généralement applaudi.
Le principal objet ( feu M. CRÉ-
BILLON , auquel pour la dernière fois
nous ajoutons - le Monfieur ) étoit récemment
renouvellé dans la mémoire
des Spectateurs , par un très -beau Portrait
de ce grand Poëte , que les Comédiens
venoient de faire placer depuis
quelques jours , au rang des illuftres
foutiens du Théâtre François. Ce Portrait
, admirable par la vérité de la reffemblance
& par toutes les grandes parties
de la Peinture , eft-l'ouvrage de M.
DOYEN , Peintre du ROI .
ne ,
Quoique la retraite de Mlle Dan-
GEVILLE ne paroiffe que trop certainous
remettons à donner les anecdotes
que nous fommes dans l'ufage
d'inférer dans nos Journaux fur les Sujets
de ce Théâtre en ces fortes d'occafions
: mais nous communiquerons un
des hommages que la Poëfie , qu'elle
a fi bien fervie , rend à cette excellente
Actrice.
#92 MERCURE DE FRANCE.
VERS à l'occafion de la retraite de
Mlle DAN GEVILLE.
Tout Paris l'adoroit , tout Paris la regrette ;
Du Théâtre François elle étoit l'ornement.
On ne perdra jamais d'Actrice plus parfaite :
Jamais on ne verra plus modeſte talent.
Chacun peut en juger par ce trait furprenant
Elle force l'envie à pleurer ſa retraite.
FRANÇOISE.
L E Mercredi , 2 Mars , on donna la
premiere repréſentation de Théagêne &
Cariclée , Tragédie nouvelle. Le pre- .
mier Acte de cette Tragédie fut applaudi
, de même que plufieurs endroits
dans les autres Actes ; mais le Public.
'ayant pas paru approuver la conduite
de ce Poëme , il a été retiré après cette
repréfentation. Cet événement ne doit
ni préjudicier à l'opinion avantageufe
qu'on avoit des talens de l'Autenr , nî
AVRIL. 1763.
181
à l'encouragement qu'ils méritent.
Quand on applaudit à la touche & au
coloris d'un Peintre , il peut fe tromper
fur l'effet de la difpofition dans un tableau
, fans perdre du côté de la gloire
de fon art , & fans que les Amateurs
attendent moins de fes autres productions
dans la fuite ...
Il y avoit , pour la repréſentation de
cette Tragédie , une décoration d'un
effet très-pittorefque. Les ruines qu'elle
repréfentoit , interrompoient cette ouverture
uniforme que l'on laiffe toujours
au milieu de nos Théâtres. Ce genre de
décorer , lorfque les fites de la Scène
y prêtent , devroit être regardé par nos
Décorateurs comme un effai propre à
les éclairer fur les moyens de varier plus
fçavament leurs ouvrages.
Les Comédiens François ont remis
au Théâtre le 28 Février le Somnam
bule , (a) Comédie en profe en un A&te.
Cette Piéce ( Auteur Anonyme ) que
l'on croît être l'ouvrage d'une Société
de gens du monde & de beaucoup d'efprit
, a eu plus de fucès à cette repriſe
que dans fa nouveauté. Elle a été jouée
très agréablement. M. BELCOUR repréfentoit
le Somnambule de la manière la
plus vraie & la plus amufante. Mlle
fa) Premiere Bépréfent. le 19 Janvier 1739.
182 MERCURE DE FRANCE.
DROUIN , qui jouoit un rôle de carac
tère , a mis auffi un comique d'intelligence
que la Piéce éxige & qui contribuoit
à fon agrément. La vivacité de M.
MOLÉ & les graces comiques de M.
PRÉVILLE , complétoient l'effet heureux
des repréſentations de cette Comédie
qui a été fuivie avec fuccès.
Une autre remife de Piéce fur laquelle
nous nous permettons fans fcrupule de
répéter les éloges que méritent les Comédiens
François , eft celle des Femmes
Sçavantes , de MOLIERE , repriſe
le même jour ( 28 Février. ) Nous en
avons parlé ci- devant dans l'Article des
Spectacles de la Cour. Nous annonçons
avec plaifir qu'il reft encore parmi nous,
une portion de Spectateurs ( ce n'eft pas
à la vérité la plus nombreufe , ) qu'un
goût de préférence attache à ces beanrés
, malgré leur ancienneté & malgré la
mode de certaines gentilleffes dramatiques
fardées des graces volatiles de la
Mufique nouvelle .
Les repréſentations des Femmes Sçavantes
ont été fort applaudies ; & ces
applaudiffemens n'avoient certainement
pas leur fource dans la frivolité du goût
dominant.
La Débutante pour l'emploi des caAVRIL.
1763. 183
+
ractéres qui a paru dans quelques rôles
de ce genre eft Mlle DORVILLE , foeur
de. Mlle RIVIERE ( ci-devant Mlle
CATINON , ) de Mlle CARELIN & de
Mlle BOGNIOLI . Le Public a reconnu
dans cette Débutante , qu'elle avoit part
à l'efpèce de patrimoine de cette famlle
pour les talens du Théâtre. Les fuccès
dans ce genre , où l'on ne paroît jamais
dans l'age qui féduit & intéreffe ne
peuvent être auffi brillans que dans d'autres
; mais Mlle DORVILLE a eu la
fatisfaction de montrer à des Spectateurs
éclairés une connoiffance raifonnée de
fon talent & une pratique du Théâtre
qui peut la rendre très - utile à tous ceux
pour lefquels elle fera employée.
›
Le Lundi 14 Mars on a donné la
première repréfentation de l'Anglois
à Bordeaux Comédie nouvelle en
vers libres & en un Acte , fuivie d'un
Divertiffement au fujet de la Paix, Le
plus grand fuccès , le plus unanime &
le moins fufpe & a couronné cet ouvra
ge . Le Public impatient de n'en pas voir
paroître l'Auteur, que fa modeftie avoit
fait fortir du Spectacle longtemps avant
la fin , après l'avoir inutilement deman
dé près d'un quart d'heure , ne permit
pas que l'on commençât le Divertiffe
V
184 MERCURE DE FRANCE .
W
ment , qu'au moins on n'eût publiquement
déclaré fon nom ; & lorfqu'un des
Acteurs eut nommé M. FAVART ( a ) ,
on applaudit pendant longtemps avec
une vivacité univerfelle. Cet Auteur a
été obligé à la feconde repréfentation
de céder à un empreffement auffi flat-
(a) Nous faififfons avec empreffement l'occa→
fion de rendre à cet égard un témoignage pur
blic à la vérité , & un témoignage que des circonftances
particulières nous ont mis en état
d'affirmer par ferment , s'il en étoit befoin . Nous
atteftons ici que M. FAVART eft feul l'Auteur de
cette Piéce. L'envie fecrette du Lecteur ou du
Spectateur qui cherche à fe venger pour ain
dire de ce qu'elle eft forcée d'admirer , le penchant
à croire autre chofe que ce que l'on nous
préfente ; la fauffe vanité de paroître inftruit de
certains fecrets de la Société toutes ces petites
caufes réunies , avoient concouru à accréditer une
efpéce de propos courant à la mode pour enlever
très-injuftement à M. FAVART l'honneur de
les talens , déja connus & eftimés , & fur le
loris defquels les Gens de Lettres , ( Juges natarels
en cette partié ) ne pourront jamais ſe méprendre
que volontairement. Au refte cet Auteur
, quoique dans un genre moins élevé , peut
Te flatter du même honneur qu'on a fait longtemps
à un grand homme , ( par la ridicule Fable
du Chartreux ) petit ftratagême de l'Envie
publique qui fe renouvellera fouvent contre bien
des Auteurs , tant qu'il y aura des Méchaas intéreffés
à femer un faux bruit , des Etourdis pour
Le débiter & des Sots pour le croire.
CoAVRIL
1763. 185
teur de la part du Public , & a reçu en
perfonne les témoignages éclatans de
fon fuffrage.
La morale la plus philofophique, embellie
des grâces & de toutes les fleurs
d'un ftyle où l'efprit & l'élégance brillent
toujours ; une délicateffe adroite à
peindre avec vérité deux Nations plus
rivales qu'ennemies ; des éloges fans flaterie
pour l'une & pour l'autre ; des critiques
fines & vives fans amertume fur
les caractères , les ufages & les moeurs
des François & des Anglois ; pardeffus,
tout , un fentiment vrai & touchant des
vertus de l'humanité ; voilà le précis de
l'ouvrage dont nous différons avec le
plus grand regret de donner un Extrait
détaillé : mais le peu d'efpace que l'abondance
des autres matières laiffe à
notre Article des Spectacles,nous oblige
à le remettre au Vol. du 15 de ce mois.
Cette Piéce a été jouée parfaitement;
& M. PREVILLE dans le rôle de Sudmner
a fait un plaifir tout nouveau .
Nous n'ofons prèfqu'ici rendre à Mlle,
DANGEVILLE le tribut d'éloges trop
mérités en cette occafion. Si ce tribut,
eft le dernier que nous devions payer
à cette inimitable Actrice , c'est renouveller
des regrets trop bien fondés.
186 MERCURE DE FRANCE.
AVIS SUR L'ÉDITION DE
L'ANGLOIS A BORDEAUX.
N. B. On apprend que plufieurs per
fonnes fefont affociées pour copier cette
Piéce aux repréfentations , afin d'envoyer
ces Copies à des Chefs de Troupes
de Province. On ne doute pas qu'il n'y
ait quelqu'Edition faite fur ces copies
& fans doute très-informe: On avertit
le Public que la véritable Edition fefait
chez DUCHESNE , rue S. Jacques ;
qu'elle fera facile à reconnoître par le
Divertiffement dont la Mufiquefera imprimée
à la fin , & par le Paraphe de
Auteur qui fera fur le titre.
9 Le Samedi , 19 Mars on donna
pour la clôture de ce Théâtre la quatriéme
repréſentation de cette même
Piéce ( l'Anglois à Bordeaux. ) Le concours
des Spectateurs y étoit auffi confidérable
qu'il puiffe être , les applau
diffemens perpétuels. Cette foirée ainfi
que toutes celles où cette Piéce avoit
été repréſentée , l'extérieur de l'Hôtel
des Comédiens a été illuminé.
L'Anglois à Bordeaux fut précédé
d'une repréſentation de Tancréde , dans
!
AVRIL. 1763. 187
laquelle Mlle DUBOIS , repréfentant à
la place de Mlle CLAIRON , eut un
fuccès très-agréable , & d'autant plus
flateur qu'il lui fut confirmé en fortant
du Théâtre , par le fuffrage de l'admirable
A&trice qu'elle avoit doublée &
qui avoit affifté à la repréſentation . ( b )
Mlle DUBOIS avoit déjà joué avec fuc
cès dans la repréfentation de Théagéne
& Cariclée , & dans celle de l'Orphelin
de la Chine . Paroître dans des rôles
que le Public eft accoutumé à voir ren
dre par Mlle CLAIRON & n'y être
que foufferte fans dèfagrément , feroit
pour une Actrice un titre de talent ; y
faire plaifir en beaucoup de parties , y
être applaudie de bonne foi , & ne paroître
dèfagréablement en aucun en
droit , c'eft , à ce qu'il femble , décider
Mlle DUBOIS , l'efpérance de ce Théâtre
pour le tragique . La conduite de
ce jeune Sujet dans l'étude de fon art ,
confirmera ou détruira cette efpérance.
Le même jour M. DAUBERVAL ,
Acteur du Théatre François , prononça
le Difcours fuivant.
(b ) La fanté de Mlle CLAIRON , quoiqu'extrémement
altérée , laiſſe eſpérer avec les fecours du
repos & du temps , un rétabliffement qui la ren
dra aux yeux du Public.
188 MERCURE DE FRANCE.
MESSIEURS ,
» Chargé de vous préfenter l'homma❤
» ge de notre reconnoiffance , il m'eft
» doux de penfer que cet emploi pré-,
> cieux à mon coeur appartient à celui
» fur lequel votre indulgence a le plus
» éclaté.
» Il eſt de ces momens où la Nature
» pour ainfi dire épuifée paroît rallen-
» tie dans fes productions,où les grands
» Modéles qui ont précédé , femblent
» avoir été formés aux dépens de leurs
Succeffeurs. Alors les difpofitions les.
» plus communes paroiffent avoir acquis
» quelques droits à votre bienveil-
» lance.
.
» Oui , Meffieurs , vous voulez bien
» avoir égard aux circonftances , & ne
pas nous juger toujours à la rigueur.
» Vous avez daigné jetter un regard
» favorable fur nos efforts , dans un
» temps où la retraite de M. GRAND-
" VAL vous laiffoit à regretter un Ac-
» teur inimitable , qui au talent le plus
» vrai joignoit l'art de rendre le Ridicule
fans rien faire perdre à fes rô-
" les dans leur nobleffe ; vous applau-
» diffiez en lui ce mérite fi rare d'être
AVRIL. 1763. 189
" le Peintre de fon Siécle , & de paroî-
» tre fur la Scène moins Acteur qu'-
» homme du monde ; l'homme même ;
» du jour qu'il repréfentoit.
כ
» Vous avez été frappés depuis , Mef-
» fieurs , d'une perte plus grande encore
: ce Spectacle vous la retracera
dans tous les temps. L'Auteur d'A-
» trée , de Rhadamifte , d'Electre, dont
le génie avoit porté tant de fois la
» terreur dans votre âme , l'Efchyle
François n'eft plus ; mais fes fublimes
» productions vous reftent , & fa gloi-
» re perfonnelle devient aujourd'hui
> celle de toute la Nation.
"
» Qu'il me foit permis , Meffieurs
» de guider vos regards vers ce Mau-
» folée que fait élever à ce grand Hom-
» me un Roi dont la tendreffe pater-
» nelle
pour fes Sujets perçe les ombres
?> de la mort.
» Nous ne vous envierons plus , Na-
» tions voiſines ! ces témoignages publics
de vénération pour les talens fu-
» blimes. Le marbre va vous exprimer
» cette grande vérité que le Père des
» Peuples eft auffi celui des Arts.
» Mais cet honneur rendu aux mâ-
» nes de CRÉBILLON eft encore atten-
» du de ceux du Grand CORNEILLE ,
190 MERCURE DE FRANCE .
» de RACINE , de MOLIERE ; oferaije
le dire , Meffieurs , ces mânes il-
» luftres l'attendent de vous.
»
» Héritiers de cette grandeur qui furt
" l'âme du fiécle dernier , tout ce qui
» lui eft échappé d'actions glorieuſes
» vous appartient . Ce lieu même vous
» rappelle encore à ces fentimens géné-
» reux qui ont arraché à l'infortune la
» petite fille du Grand CORNEILLE.
» Ce que vous avez fait pour le fang de
» ce grand homme marque ce qui vous
» refte à faire pour fa mémoire .
·
» Qu'il fera beau de voir un Monar-
» que & un Peuple rivaux fe difputer
» la gloire utile d'honorer les talens !
» quoi de plus propre à les encourager
» que ces témoignages éternels de votre
» admiration ? que ne devez - vous point
» attendre , Meffieurs , des Auteurs dra-
» matiques , lorfqu'ils pourront ſe flat-
» ter que les fuffrages dont vous les
» avez honorés feront perpétués fur le
» marbre ? oui , Meffieurs , les talens
» vous doivent tout leur éclat. Ils s'éteignent
loin du charme des applau
» diffemens & du flambeau de la criti-
» que . Que n'ont-ils de même leur four-
» ce dans le fentiment vrai du befoin de
> votre indulgence ! J'aurois en vous
AVRIL. 1763. 191
ม» la demandant , Meffieurs , l'efpoir fatisfaisant
de mériter un jour vos bon
» tés.
Ce Difcours fut généralement applaudi.
Le principal objet ( feu M. CRÉ-
BILLON , auquel pour la dernière fois
nous ajoutons - le Monfieur ) étoit récemment
renouvellé dans la mémoire
des Spectateurs , par un très -beau Portrait
de ce grand Poëte , que les Comédiens
venoient de faire placer depuis
quelques jours , au rang des illuftres
foutiens du Théâtre François. Ce Portrait
, admirable par la vérité de la reffemblance
& par toutes les grandes parties
de la Peinture , eft-l'ouvrage de M.
DOYEN , Peintre du ROI .
ne ,
Quoique la retraite de Mlle Dan-
GEVILLE ne paroiffe que trop certainous
remettons à donner les anecdotes
que nous fommes dans l'ufage
d'inférer dans nos Journaux fur les Sujets
de ce Théâtre en ces fortes d'occafions
: mais nous communiquerons un
des hommages que la Poëfie , qu'elle
a fi bien fervie , rend à cette excellente
Actrice.
#92 MERCURE DE FRANCE.
VERS à l'occafion de la retraite de
Mlle DAN GEVILLE.
Tout Paris l'adoroit , tout Paris la regrette ;
Du Théâtre François elle étoit l'ornement.
On ne perdra jamais d'Actrice plus parfaite :
Jamais on ne verra plus modeſte talent.
Chacun peut en juger par ce trait furprenant
Elle force l'envie à pleurer ſa retraite.
Fermer
Résumé : COMÉDIE FRANÇOISE.
Le 2 mars 1763, la tragédie 'Théagène et Cariclée' a été représentée pour la première fois. Bien que certains passages aient été applaudis, la pièce a été retirée après cette unique représentation en raison de l'absence d'approbation du public concernant la conduite du poème. Cet événement n'a pas affecté la réputation de l'auteur, dont les talents sont reconnus. Le 28 février, les Comédiens Français ont repris la comédie en prose 'Le Somnambule' en un acte, attribuée à une société de gens du monde. Cette représentation a connu un succès supérieur à la première, avec des performances remarquées de M. Belcour, M. Drouin, M. Molé et M. Préville. Le même jour, les 'Femmes savantes' de Molière ont été rejouées, acclamées par une partie du public appréciant les classiques malgré la mode des nouvelles pièces. Mlle Dorville a fait ses débuts dans des rôles de caractère, recevant des éloges pour son talent et sa connaissance du théâtre. Le 14 mars, la comédie en vers libres 'L'Anglais à Bordeaux' a été présentée, remportant un grand succès. L'auteur, M. Favart, a été acclamé par le public. La pièce a été jouée à plusieurs reprises, avec des représentations notables de M. Préville et Mlle Dangeville. Le 19 mars, pour la clôture du théâtre, 'L'Anglais à Bordeaux' a été représenté une dernière fois, avec un grand concours de spectateurs et des illuminations. Mlle Dubois a également été remarquée pour ses performances dans plusieurs rôles. M. Dauberval a prononcé un discours rendant hommage aux talents des acteurs et aux grands dramaturges français, soulignant l'importance du soutien du public pour encourager les auteurs dramatiques. Le texte annonce également la retraite de Mlle Dangeville, une actrice célèbre, et exprime la tristesse de Paris à cette occasion. Elle est décrite comme l'ornement du Théâtre Français et comme une actrice parfaite et modeste. Son talent était exceptionnel, au point de forcer même l'envie à pleurer sa retraite. Des hommages poétiques seront rendus à cette actrice en raison de son service remarquable à la poésie.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
1289
p. 192-202
COMÉDIE ITALIENNE.
Début :
ON trouve chez Duchesne à Paris un Extrait imprimé de l'Amour paternel, [...]
Mots clefs :
Comédie, Musique, Théâtre, Succès, Pièce, Créanciers, Mérite, Ariette
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : COMÉDIE ITALIENNE.
COMÉDIE ITALIENNE.
ONN trouve chez Duchefne à Paris un
Extrait imprimé de l'Amour paternel ,
Comédie Italienne dont nous avons parlé
dans nos précédens Mercures. Cer
Extrait , ainfi que les Lettres du Traducteur
, fuffit pour faire connoître à
ceux qui n'auroient pas lu les OEuvres
de M. GOLDONI , combien cet Auteur
mérite la célébrité qu'il s'eft acquife.
L'habitude où nous fommes de ne nous
plaire , de ne rire & de ne prêter quelqu'attention
qu'aux fcènes où paroiffent
ce qu'on appelle les Mafques ; d'ailleurs,
les grands talens des Acteurs qui les portent
actuellement , entr'autres l'Arlequin
& le Pantalon , tout cela n'a pas
permis à M. GOLDONI de les bannir
ici
AVRIL 1763. 193
,
ici comme il a fait de fon Théâtre patriotique
. Malgré cette efpéce de fervitude
, qui affujettit au comique un peu
chargé , il n'en a pas mis moins d'intrigue
, moins de conduite & d'enchaî →
nement dans la plupart des Scènes
moins d'ordre , & d'éloquence naturelle
dans le ftyle . Comme de nouvelles difficultés
font ordinairement créer de nouveaux
moyens aux véritables génies ,
celui - ci a tourné en plufieurs endroi's
de fes nouvelles Piéces , le Lazi au
profit du Sentiment ; c'eft particuliérement
ce qu'on ne peut conteſter dans
une Scène de l'Amour paternel , où
l'art confommé de M. CARRELIN eft
admirablement fecondé par l'heureux
naturel de Mlle CAMILLE . On peut
dire la même chofe de plufieurs parties
des rôles de Pantalon dans cette Comédie
& dans celles qui l'ont fuivie ,
-éxécutées avec un pathétique admirable
dans le genre par M. COLALTO , Acteur
Italien de ce Théâtre .
Dans, la Comédie Italienne en un
A&te , intitulée Arlequin cru mort ,
M. GOLDONI s'eft prêté encore
plus aux Spectateurs François en mettant
les fcènes plus étendues entre l'Ar-
I. Vol. I
194 MERCURE DE FRANCE.
lequin & le Scapin , qui font dans l'ufage
de parler François dans les Comédies
Italiennes . On fent , malgré cette
conformité avec les farces fur Canevas,
combien l'efprit de l'Auteur & fon génie
pour le vrai comique ajoutent d'agrément
à cette nouvelle fcène, par l'ordre
des idées & par l'efprit qui orne
les plaifanteries , conditions fans lefquelles
il n'y a nulle- part de plaifanterie
que pour ceux qu'il eft quelquefois
humiliant d'amufer. Cette Piéce donnée
pour la premiere fois le 25 Février , a
donc eu un fuccès plus étendu dans
tous les ordres des Spectateurs , même
parmi ceux qui ne peuvent plus s'amufer
que de l'Opéra- Comique : Avantage
fans doute fort au -deffous des talens
de l'Auteur & du mérite de fes Ouvrages
, mais qui doit être auffi précieux
pour lui que l'étoit autrefois pour Mo-
LIERE , l'honneur d'introduire la Comédie
, en la mafquant quelquefois des
livrées de la farce . Ceci doit s'appliquer
auffi à une Comédie en cinq Actes du
même Auteur , intitulée Arlequin Valet
de deux Maîtres , repréfentée pour la
rrefois le 4 Mars.Cette Piéce contient un
Imbroglio foutenu avec un Génié fin-
.:
AVRIL. 1763. 195
gulier & qui produit des Scènes fort comiques
. Elle a été fuivie & a paru réuffir
généralement.
n'a
Le 28 Février , on a donné pour la
première fois le Bucheron ou les trois
Souhaits , Comédie en Vers & en un
Acte , mêlée d'Ariettes ; elle fut unaniment
applaudie. Ce fuccès tres - mérité
tant par la Mufique que par la conftitution
agréable & riante du Poëme ,
fait qu'augmenter. Le Public l'a toujours
revue , jufqu'à la clôture de ce Théâtre ,
avec un nouveau plaifir ; nous en aurions
nous-mêmes à nous étendre davantage
fur cette Nouveauté , fi nous n'en
avions déja parlé dans les Spectacles de
la Cour. ( a ) Elle est tirée d'un Conte
de PERRAULT , imprimé à la tête de
la Piéce. Nous croyons que nos Lecteurs
en verront l'Analyfe avec plaifir.
EXTRAIT DU BUCHERON.
, fort d'une BLAISE le Bucheron
foret , un fagot & une cognée fur
l'épaule , une bouteille d'ofier à la
main. Il fe repofe ; tandis qu'il déplore
les peines de fon état , il en
( a ) Voyez ci-deffus l'Article des Spectacles de
la Cour.
I ij
196 MERCURE DE FRANCE .
ra ,
tend gronder le tonnerre , il tremble ;
MERCURE paroît fur un nuage : ah !
Seigneur , lui dit BLAISE , que je
fouffre toujours pourvu que je vive !
MERCURE , après l'avoir raffuré , lui
annonce qu'il aura trois Souhaits à former
qui feront accomplis , & lui recominande
en partant , de profiter de la
bonté de JUPITER . BLAISE exprime
d'abord fon étonnement , il fe livre
à la joie , il rêve à ce qu'il fouhaiteil
est bien embaraffé , tout ce qu'il
fe propoſe , il le rejette. Il avale le
refte de fa bouteille , comptant que cela
lui ouvrira l'efprit. MARGOT , fa femme,
le furprend , elle le gronde fur fon
oifiveté , lui reproche fon peu d'amour
pour elle pour fes enfans lui dit
qu'il ne fonge point à établir SUZETTE
, leur fille , que SIMON , riche Fermier
la demande en mariage ; à ce
nom BLAISE , hauffe les épaules ,
MARGOT , queftionne , & on la met
affez difficilement au fait de l'heureufe
avanture qui fait méprifer SIMON. Elle
fe radoucit,flatte fonMari autant qu'elle
l'a querellé ; il fort pour confulter le
BAILLI & appaifer fes Créanciers .
MARGOT , feule , fe fait un portrait
extravagant de fa grandeur future , &
,
AVRIL. 1763. 197
faute de joie ; SIMON vient s'informer
quand il époufera SUZETTE ?pour toute
réponse on lui rit au nez . Arrivent un
CABARETIER & une MEUNIERE ,
qui font les Créanciers ; on les reçoit
de même ; au mot de tréfor que lâche
MARGOT , ils ceffent leurs menaces ,
lui font les offres les plus obligeantes
& fe retirent perfuadés qu'elle a trouvé
un tréfor. SIMON eft auffi dans cette
erreur , SUZETTE la confirme en venant
parler gaîment de la richeffe prochaine
de fon père , MARGOT lui impofe
filence , & lui enjoint de ne plus
penfer à SIMON : elle avoue ingénument
qu'elle n'y a jamais penfé ; & fur
ce que la mère dit qu'elle lui réferve
quelqu'un qui fera mieux fon fait , la
jeune fille , qui a paru dans la première
Scène avec COLIN, fon amant , croyant
qué c'eft de lui qu'il eft queftion , le
nomme ; MARGOT s'emporte. SIMON
qui triomphe de la voir traverfée , rit ,
& SUZETTE s'obſtine à vouloir Co-
LIN. L'abfence de BLAISE inquiette
l'ambitieufe MARGOT , elle fort pour
l'aller rejoindre , en ordonnant à fa fille
de refter avec SIMOM , homme d'àge,
qu'elle ne craint pas comme le jeune
COLIN . Empreffemens & fleurettes de
I iij
198 MERCURE DE FRANCE.
la part de SIMON , éloges contraftés de
COLIN , cet amant furvient ; le bon
Fermier touché de leurs amours naïfs,
fait un retour fur lui-même & promet
de les feconder auprès de BLAISE.
>
BLAISE améne le BAILI , homme
qui vante beaucoup fes confeils &
qui ne fait que boire & manger en
préfcrivant toujours la modération. Le
BUCHERON rempli de fes idées de
fortune , entend avec peine une propofition
de mariage qui retarde l'accompliffement
de fes trois Souhaits , il fe
débarraffe de SUZETTE & de COLIN
par des promeffes vagues , & retient
SIMON qui le complimente. MARGOT
revient on fe met à table , chacun
donne un avis conforme à fon goût ,
on mange quelques petits poiffons ,
BLAISE excite fes convives & furtout
le BAILLI ; " encore , s'écrie- t-il , que
» n'avons je à la place , car je fçai que
» vous les aimez …….. là .... une belle
» anguille ! il en paroît une dans le plat
toute accommodée . BLAISE fe dépite
, MARGOT l'invective , le BAILLI
& SIMON mangent & boivent. La colère
& le déluge de propos de la femmé
réduifent le mari qui ne peut l'adoucir
parles deux fouhaits qu'il dit avoir encore
AV- RIL. 1763.. 199
à former , à fouhaiter fans y fonger .
qu'elle devienne muette ; elle veut continuer
fes injures , mais en vain ; de
rage elle renverfe les bancs & fort défefpérée
. Le BAILLI Confeille , BLAISE
fe défole & SIMON plaifante. SUZETTE
arrive tout en pleurant , elle fe plaint
que fa mère l'a battue , elle fe confole
dans l'efperance qu'on la mariera avec
COLIN , & s'afflige après l'explication
des deux malheurs , fçavoir l'anguille
& la perte de la parole. COLIN vient
demander fi MARGOT confent enfin à
l'accepter pour gendre , on le renvoye
à BLAISE , qui gémit de n'avoir plus
qu'un fouhait . MARGOT reparoît amenée
par une Commère qui lui fert d'interpréte
; Blaife propofe à fa femme de
la faire Reine , par fon dernier fouhait,
Reine & ne point parler , dit le
BAILLI , non , non. Cela met dans une
grande perplexité le mari , il s'attendrit ;
il maudit fon indifcrétion . Tout le monde
fe joint pour l'engager à rendre la
parole à la pauvre MARGOT ; il héfite
longtemps ; il céde , elle ne tient plus
en place , ce font des remercîmens , &
un caquet infinis . SIMON rit à gorge
déployée ; le BAILLI , dont la manie
eft de fe montrer le maître dit à
I iv
2.00 MERCURE DE FRANCE.
BLAISE que le fouvenir de fes dettes
tourmente , qu'il arrangera cette affaire
& obtiendra du temps des Créanciers.
Tout fe pacifie , le Bucheron reprend fa
cognée en chantant l'amour du travail
& des biens naturels , on fe difpofe à
unir COLIN & SUZETTE. La Piéce eft
terminée par un Vaudeville qui en dérive
, & dont le refrain eft : Trop de pe
tulance gâte tout.
REMARQUES.
On trouve dans ce petit Drame , une conduîte
fage , un ftyle proportionné au Sujet , des plaifanteries
unes , une gaité franche , des traits
même de Morale , mais jettés fans prétention }
les Ariettes y font adroitement enchâllées , & la
Mufique , qui eft de M. Philidor , eft de la plus
grande beauté. Les plaintes du Bucheron fur fa
mifére , le plaifir enfuite d'avoir trois fouhaits à
former , bonheur qui lui paroît un fonge , le
Quatuor des Créanciers , &c. le Trio des Confultations
, le Septuor de la fin , Morceau détaillé
fans la moindre confuſion & les airs de Sur
zette & de Colin tout cet enfemble faifit &
frappe par la vérité des caractères de chaque Interlocuteur
établis dans cette Mufique pittoresque.
>
›
Il n'y a que les Exemplaires pour la Cour
qui portent le nom de M. Guichard ; mais il
nous a écrit qu'il étoit fâché de le voir nommer
feul dans une Piéce faite cnnjointement avec M.
C***, qui lui en a infpiré l'idée d'après le Conte' ;
que même leur intention à tous deux étoit de
AVRIL 1763 .
201
garder l'Anonyme , fentant bien que le fuccès
des Comédies à Ariettes appartient plus de droit
aux Muficiens qu'aux Poëtes. Nous ne pouvons
qu'applaudir à la modeftie de l'un & de l'autre
& à l'équité de M. Guichard.
La Mufique de cette Piéce fait d'autant plus
d'honneur à M. PHILIDOR , déja fi connu par
fes précédens ouvrages ; qu'à la fcience de l'harmonie
, fur laquelle il a reçu des éloges fans
contradiction , il a joint en cette occafion l'ufage
du goût qui affortit le genre muſical_aux détails
des paroles. Sans ceffer d'être auſſi Harmonifte
, iikl a tourné fon génie à cette mélodie
agréable & phragée que notre Langue exige , &
à laquelle on reviendra toujours , malgré même
quelques fuccès dans un genre qui dénature en
même temps l'efprit de la Langue & celui dela
Mufique qu'on y veut adapter.
Tous les Acteurs ont joué dans cette Piéce
avec beaucoup de feu & d'intelligence . M.CAILLOT
, M. DE LA RUETTE , M. CHAMPVILLE &
M. CLAIRVAL , Miles LA RUETTE , BERAUD &
DESGLANDS en exécutoient les rôles,
>
Un Acteur nouveau , dans les rôles
de chant , a débuté für ce Théâtre
le 1 Mars par celui du Prince dans
Nintete à la Cour & par celui du Mπ-
ficien dans le Magafin des Modernes ,
avec beaucoup de fuccès ; le Public
a confirmé ce 1er fuffrage dans tous
les rôles par lefquels il a continué fon
début jufqu'à la clôture , qui ne s'aſt
pas faite comme celle de l'Opéra
I v
202 MERCURE DE FRANCE.
& du Théâre François , le dernier
jour avant la Semaine de la Paffion ,
mais le Samedi veille du Dimanche
des Rameaux. Pendant cette dernière
Semaine depuis le Dimanche , vingt ,
jufqu'au vingt- fix Mars , inclufivement ,
excepté le jour de la Fête de l'Annonciation
, on a éxécuté le Bucheron ,
dont on vient de parler & plufieurs
autres Spectacles mêlés de Mufique ,
du Répertoire de ce Théâtre & de celui
de l'Opéra - Comique , lefquels ont
été alors tous intitulés fur les Affiches ,
Piéces mêlées d'Arriettes.
On a donné le jour de la clôture
la quartorziéme repréfentation du Bucheron
, précédé du Roi & le Fermier.
On ne peut avoir un plus grand
concours de Spectateurs qu'en a eu
ce Spectacle , auquel la foule a toujours
été incroyable pendant cet hyver.
ONN trouve chez Duchefne à Paris un
Extrait imprimé de l'Amour paternel ,
Comédie Italienne dont nous avons parlé
dans nos précédens Mercures. Cer
Extrait , ainfi que les Lettres du Traducteur
, fuffit pour faire connoître à
ceux qui n'auroient pas lu les OEuvres
de M. GOLDONI , combien cet Auteur
mérite la célébrité qu'il s'eft acquife.
L'habitude où nous fommes de ne nous
plaire , de ne rire & de ne prêter quelqu'attention
qu'aux fcènes où paroiffent
ce qu'on appelle les Mafques ; d'ailleurs,
les grands talens des Acteurs qui les portent
actuellement , entr'autres l'Arlequin
& le Pantalon , tout cela n'a pas
permis à M. GOLDONI de les bannir
ici
AVRIL 1763. 193
,
ici comme il a fait de fon Théâtre patriotique
. Malgré cette efpéce de fervitude
, qui affujettit au comique un peu
chargé , il n'en a pas mis moins d'intrigue
, moins de conduite & d'enchaî →
nement dans la plupart des Scènes
moins d'ordre , & d'éloquence naturelle
dans le ftyle . Comme de nouvelles difficultés
font ordinairement créer de nouveaux
moyens aux véritables génies ,
celui - ci a tourné en plufieurs endroi's
de fes nouvelles Piéces , le Lazi au
profit du Sentiment ; c'eft particuliérement
ce qu'on ne peut conteſter dans
une Scène de l'Amour paternel , où
l'art confommé de M. CARRELIN eft
admirablement fecondé par l'heureux
naturel de Mlle CAMILLE . On peut
dire la même chofe de plufieurs parties
des rôles de Pantalon dans cette Comédie
& dans celles qui l'ont fuivie ,
-éxécutées avec un pathétique admirable
dans le genre par M. COLALTO , Acteur
Italien de ce Théâtre .
Dans, la Comédie Italienne en un
A&te , intitulée Arlequin cru mort ,
M. GOLDONI s'eft prêté encore
plus aux Spectateurs François en mettant
les fcènes plus étendues entre l'Ar-
I. Vol. I
194 MERCURE DE FRANCE.
lequin & le Scapin , qui font dans l'ufage
de parler François dans les Comédies
Italiennes . On fent , malgré cette
conformité avec les farces fur Canevas,
combien l'efprit de l'Auteur & fon génie
pour le vrai comique ajoutent d'agrément
à cette nouvelle fcène, par l'ordre
des idées & par l'efprit qui orne
les plaifanteries , conditions fans lefquelles
il n'y a nulle- part de plaifanterie
que pour ceux qu'il eft quelquefois
humiliant d'amufer. Cette Piéce donnée
pour la premiere fois le 25 Février , a
donc eu un fuccès plus étendu dans
tous les ordres des Spectateurs , même
parmi ceux qui ne peuvent plus s'amufer
que de l'Opéra- Comique : Avantage
fans doute fort au -deffous des talens
de l'Auteur & du mérite de fes Ouvrages
, mais qui doit être auffi précieux
pour lui que l'étoit autrefois pour Mo-
LIERE , l'honneur d'introduire la Comédie
, en la mafquant quelquefois des
livrées de la farce . Ceci doit s'appliquer
auffi à une Comédie en cinq Actes du
même Auteur , intitulée Arlequin Valet
de deux Maîtres , repréfentée pour la
rrefois le 4 Mars.Cette Piéce contient un
Imbroglio foutenu avec un Génié fin-
.:
AVRIL. 1763. 195
gulier & qui produit des Scènes fort comiques
. Elle a été fuivie & a paru réuffir
généralement.
n'a
Le 28 Février , on a donné pour la
première fois le Bucheron ou les trois
Souhaits , Comédie en Vers & en un
Acte , mêlée d'Ariettes ; elle fut unaniment
applaudie. Ce fuccès tres - mérité
tant par la Mufique que par la conftitution
agréable & riante du Poëme ,
fait qu'augmenter. Le Public l'a toujours
revue , jufqu'à la clôture de ce Théâtre ,
avec un nouveau plaifir ; nous en aurions
nous-mêmes à nous étendre davantage
fur cette Nouveauté , fi nous n'en
avions déja parlé dans les Spectacles de
la Cour. ( a ) Elle est tirée d'un Conte
de PERRAULT , imprimé à la tête de
la Piéce. Nous croyons que nos Lecteurs
en verront l'Analyfe avec plaifir.
EXTRAIT DU BUCHERON.
, fort d'une BLAISE le Bucheron
foret , un fagot & une cognée fur
l'épaule , une bouteille d'ofier à la
main. Il fe repofe ; tandis qu'il déplore
les peines de fon état , il en
( a ) Voyez ci-deffus l'Article des Spectacles de
la Cour.
I ij
196 MERCURE DE FRANCE .
ra ,
tend gronder le tonnerre , il tremble ;
MERCURE paroît fur un nuage : ah !
Seigneur , lui dit BLAISE , que je
fouffre toujours pourvu que je vive !
MERCURE , après l'avoir raffuré , lui
annonce qu'il aura trois Souhaits à former
qui feront accomplis , & lui recominande
en partant , de profiter de la
bonté de JUPITER . BLAISE exprime
d'abord fon étonnement , il fe livre
à la joie , il rêve à ce qu'il fouhaiteil
est bien embaraffé , tout ce qu'il
fe propoſe , il le rejette. Il avale le
refte de fa bouteille , comptant que cela
lui ouvrira l'efprit. MARGOT , fa femme,
le furprend , elle le gronde fur fon
oifiveté , lui reproche fon peu d'amour
pour elle pour fes enfans lui dit
qu'il ne fonge point à établir SUZETTE
, leur fille , que SIMON , riche Fermier
la demande en mariage ; à ce
nom BLAISE , hauffe les épaules ,
MARGOT , queftionne , & on la met
affez difficilement au fait de l'heureufe
avanture qui fait méprifer SIMON. Elle
fe radoucit,flatte fonMari autant qu'elle
l'a querellé ; il fort pour confulter le
BAILLI & appaifer fes Créanciers .
MARGOT , feule , fe fait un portrait
extravagant de fa grandeur future , &
,
AVRIL. 1763. 197
faute de joie ; SIMON vient s'informer
quand il époufera SUZETTE ?pour toute
réponse on lui rit au nez . Arrivent un
CABARETIER & une MEUNIERE ,
qui font les Créanciers ; on les reçoit
de même ; au mot de tréfor que lâche
MARGOT , ils ceffent leurs menaces ,
lui font les offres les plus obligeantes
& fe retirent perfuadés qu'elle a trouvé
un tréfor. SIMON eft auffi dans cette
erreur , SUZETTE la confirme en venant
parler gaîment de la richeffe prochaine
de fon père , MARGOT lui impofe
filence , & lui enjoint de ne plus
penfer à SIMON : elle avoue ingénument
qu'elle n'y a jamais penfé ; & fur
ce que la mère dit qu'elle lui réferve
quelqu'un qui fera mieux fon fait , la
jeune fille , qui a paru dans la première
Scène avec COLIN, fon amant , croyant
qué c'eft de lui qu'il eft queftion , le
nomme ; MARGOT s'emporte. SIMON
qui triomphe de la voir traverfée , rit ,
& SUZETTE s'obſtine à vouloir Co-
LIN. L'abfence de BLAISE inquiette
l'ambitieufe MARGOT , elle fort pour
l'aller rejoindre , en ordonnant à fa fille
de refter avec SIMOM , homme d'àge,
qu'elle ne craint pas comme le jeune
COLIN . Empreffemens & fleurettes de
I iij
198 MERCURE DE FRANCE.
la part de SIMON , éloges contraftés de
COLIN , cet amant furvient ; le bon
Fermier touché de leurs amours naïfs,
fait un retour fur lui-même & promet
de les feconder auprès de BLAISE.
>
BLAISE améne le BAILI , homme
qui vante beaucoup fes confeils &
qui ne fait que boire & manger en
préfcrivant toujours la modération. Le
BUCHERON rempli de fes idées de
fortune , entend avec peine une propofition
de mariage qui retarde l'accompliffement
de fes trois Souhaits , il fe
débarraffe de SUZETTE & de COLIN
par des promeffes vagues , & retient
SIMON qui le complimente. MARGOT
revient on fe met à table , chacun
donne un avis conforme à fon goût ,
on mange quelques petits poiffons ,
BLAISE excite fes convives & furtout
le BAILLI ; " encore , s'écrie- t-il , que
» n'avons je à la place , car je fçai que
» vous les aimez …….. là .... une belle
» anguille ! il en paroît une dans le plat
toute accommodée . BLAISE fe dépite
, MARGOT l'invective , le BAILLI
& SIMON mangent & boivent. La colère
& le déluge de propos de la femmé
réduifent le mari qui ne peut l'adoucir
parles deux fouhaits qu'il dit avoir encore
AV- RIL. 1763.. 199
à former , à fouhaiter fans y fonger .
qu'elle devienne muette ; elle veut continuer
fes injures , mais en vain ; de
rage elle renverfe les bancs & fort défefpérée
. Le BAILLI Confeille , BLAISE
fe défole & SIMON plaifante. SUZETTE
arrive tout en pleurant , elle fe plaint
que fa mère l'a battue , elle fe confole
dans l'efperance qu'on la mariera avec
COLIN , & s'afflige après l'explication
des deux malheurs , fçavoir l'anguille
& la perte de la parole. COLIN vient
demander fi MARGOT confent enfin à
l'accepter pour gendre , on le renvoye
à BLAISE , qui gémit de n'avoir plus
qu'un fouhait . MARGOT reparoît amenée
par une Commère qui lui fert d'interpréte
; Blaife propofe à fa femme de
la faire Reine , par fon dernier fouhait,
Reine & ne point parler , dit le
BAILLI , non , non. Cela met dans une
grande perplexité le mari , il s'attendrit ;
il maudit fon indifcrétion . Tout le monde
fe joint pour l'engager à rendre la
parole à la pauvre MARGOT ; il héfite
longtemps ; il céde , elle ne tient plus
en place , ce font des remercîmens , &
un caquet infinis . SIMON rit à gorge
déployée ; le BAILLI , dont la manie
eft de fe montrer le maître dit à
I iv
2.00 MERCURE DE FRANCE.
BLAISE que le fouvenir de fes dettes
tourmente , qu'il arrangera cette affaire
& obtiendra du temps des Créanciers.
Tout fe pacifie , le Bucheron reprend fa
cognée en chantant l'amour du travail
& des biens naturels , on fe difpofe à
unir COLIN & SUZETTE. La Piéce eft
terminée par un Vaudeville qui en dérive
, & dont le refrain eft : Trop de pe
tulance gâte tout.
REMARQUES.
On trouve dans ce petit Drame , une conduîte
fage , un ftyle proportionné au Sujet , des plaifanteries
unes , une gaité franche , des traits
même de Morale , mais jettés fans prétention }
les Ariettes y font adroitement enchâllées , & la
Mufique , qui eft de M. Philidor , eft de la plus
grande beauté. Les plaintes du Bucheron fur fa
mifére , le plaifir enfuite d'avoir trois fouhaits à
former , bonheur qui lui paroît un fonge , le
Quatuor des Créanciers , &c. le Trio des Confultations
, le Septuor de la fin , Morceau détaillé
fans la moindre confuſion & les airs de Sur
zette & de Colin tout cet enfemble faifit &
frappe par la vérité des caractères de chaque Interlocuteur
établis dans cette Mufique pittoresque.
>
›
Il n'y a que les Exemplaires pour la Cour
qui portent le nom de M. Guichard ; mais il
nous a écrit qu'il étoit fâché de le voir nommer
feul dans une Piéce faite cnnjointement avec M.
C***, qui lui en a infpiré l'idée d'après le Conte' ;
que même leur intention à tous deux étoit de
AVRIL 1763 .
201
garder l'Anonyme , fentant bien que le fuccès
des Comédies à Ariettes appartient plus de droit
aux Muficiens qu'aux Poëtes. Nous ne pouvons
qu'applaudir à la modeftie de l'un & de l'autre
& à l'équité de M. Guichard.
La Mufique de cette Piéce fait d'autant plus
d'honneur à M. PHILIDOR , déja fi connu par
fes précédens ouvrages ; qu'à la fcience de l'harmonie
, fur laquelle il a reçu des éloges fans
contradiction , il a joint en cette occafion l'ufage
du goût qui affortit le genre muſical_aux détails
des paroles. Sans ceffer d'être auſſi Harmonifte
, iikl a tourné fon génie à cette mélodie
agréable & phragée que notre Langue exige , &
à laquelle on reviendra toujours , malgré même
quelques fuccès dans un genre qui dénature en
même temps l'efprit de la Langue & celui dela
Mufique qu'on y veut adapter.
Tous les Acteurs ont joué dans cette Piéce
avec beaucoup de feu & d'intelligence . M.CAILLOT
, M. DE LA RUETTE , M. CHAMPVILLE &
M. CLAIRVAL , Miles LA RUETTE , BERAUD &
DESGLANDS en exécutoient les rôles,
>
Un Acteur nouveau , dans les rôles
de chant , a débuté für ce Théâtre
le 1 Mars par celui du Prince dans
Nintete à la Cour & par celui du Mπ-
ficien dans le Magafin des Modernes ,
avec beaucoup de fuccès ; le Public
a confirmé ce 1er fuffrage dans tous
les rôles par lefquels il a continué fon
début jufqu'à la clôture , qui ne s'aſt
pas faite comme celle de l'Opéra
I v
202 MERCURE DE FRANCE.
& du Théâre François , le dernier
jour avant la Semaine de la Paffion ,
mais le Samedi veille du Dimanche
des Rameaux. Pendant cette dernière
Semaine depuis le Dimanche , vingt ,
jufqu'au vingt- fix Mars , inclufivement ,
excepté le jour de la Fête de l'Annonciation
, on a éxécuté le Bucheron ,
dont on vient de parler & plufieurs
autres Spectacles mêlés de Mufique ,
du Répertoire de ce Théâtre & de celui
de l'Opéra - Comique , lefquels ont
été alors tous intitulés fur les Affiches ,
Piéces mêlées d'Arriettes.
On a donné le jour de la clôture
la quartorziéme repréfentation du Bucheron
, précédé du Roi & le Fermier.
On ne peut avoir un plus grand
concours de Spectateurs qu'en a eu
ce Spectacle , auquel la foule a toujours
été incroyable pendant cet hyver.
Fermer
Résumé : COMÉDIE ITALIENNE.
Le texte met en lumière plusieurs pièces de théâtre italiennes et françaises, en se concentrant particulièrement sur les œuvres de Carlo Goldoni. Un extrait imprimé de 'L'Amour paternel' de Goldoni, disponible chez Duchefne à Paris, témoigne de la renommée de cet auteur. Goldoni parvient à intégrer intrigue, conduite et éloquence naturelle dans ses scènes, malgré la préférence du public pour les masques traditionnels comme Arlequin et Pantalon. Dans 'Arlequin cru mort', Goldoni adapte les scènes pour plaire au public français tout en conservant l'esprit comique et l'ordre des idées. Cette pièce, représentée pour la première fois le 25 février 1763, a connu un succès notable. Le 28 février, la comédie en vers et en un acte 'Le Bucheron ou les trois Souhaits', mêlée d'ariettes, a été applaudie à l'unanimité. Tirée d'un conte de Perrault, cette pièce a été acclamée pour sa musique et son poème agréable. L'intrigue de 'Le Bucheron' raconte comment Blaise, un bûcheron, reçoit trois souhaits de Mercure et les utilise de manière comique et moralisante. La pièce se termine par un vaudeville et des remarques sur la conduite sage, le style proportionné au sujet, et les plaisanteries fines. Les auteurs Guichard et C*** montrent une grande modestie concernant la paternité de la pièce. La musique de Philidor est louée pour son harmonie et son adaptation au langage français. Les acteurs ont joué avec beaucoup de feu et d'intelligence, et un nouvel acteur a débuté avec succès le 1 mars. La saison s'est terminée le samedi avant le Dimanche des Rameaux, avec un grand concours de spectateurs pour 'Le Bucheron'.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
1290
p. 12-13
L'AMANT RÉVOLTÉ CONVERTI.
Début :
LE Tout-Puissant Dieu de l'Amour, [...]
Mots clefs :
Amour, Dieu, Haine, Satire
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : L'AMANT RÉVOLTÉ CONVERTI.
L'ÀMANT RÉVOLTÉ CONVERTI.
LA Tout-Puiffant Dieu de l'Amour ,
Avoit un jour bleſſé mon âme,
AVRIL. 1763 : 13
Moi, je voulois le bleffer à mon tour ,
Et j'aiguifois les traits d'une Epigramme ;
Quand ce Dieu , pour guérir mon mal ,
Vint me trouver avec Thémire .
Adieu ma haine & ma fatyre ,
Je ne fis plus qu'un Madrigal……… . }
Par M. B. P. D. GRA..... de Lyan.
LA Tout-Puiffant Dieu de l'Amour ,
Avoit un jour bleſſé mon âme,
AVRIL. 1763 : 13
Moi, je voulois le bleffer à mon tour ,
Et j'aiguifois les traits d'une Epigramme ;
Quand ce Dieu , pour guérir mon mal ,
Vint me trouver avec Thémire .
Adieu ma haine & ma fatyre ,
Je ne fis plus qu'un Madrigal……… . }
Par M. B. P. D. GRA..... de Lyan.
Fermer
1291
p. 35-37
VERS à Mde RICCOBONI, Auteur d'AMÉLIE, Roman de FIELDING, Auteur de TOM JONES & de JOSEHP ANDREWS.
Début :
AINSI de tes écrits les charmes ravissans, [...]
Mots clefs :
Ouvrage, Tendre, Heureux, Malheurs, Génie
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : VERS à Mde RICCOBONI, Auteur d'AMÉLIE, Roman de FIELDING, Auteur de TOM JONES & de JOSEHP ANDREWS.
VERS à Mde RICCO BONI ,Auteur
d'AMÉLIE , Roman de FIELDING
Auteur de TOM JONES & de Ja-
SEHP ANDREWS.
AINSI de tes écrits les charmes raviflans ,
La vivacité , la nobleffe
Unie à la délicateffe ,
Se rendent maître de nos fens !
Chaque trait qui naît fous ta plume
Eft l'empreinte du Sentiment ;
Et le beau feu que ton génie allume ,
Décide de nos coeurs le moindre mouvement
Par un penchant doux & facile ,
B vi
35 MERCURE DE FRANCE.
La tendre fierté de ton ſtyle
>
>
Les force à partager tes regrets , tes plaifirs
Et meut tous les efprits au gré de tes defirs
Et quel coeur barbare , infléxible ,
Peut ne pas devenir ſenſible , ( a )
Aux peines que reffent l'aimable Catesby ?
Qui n'eft pas pénétré de fa vive allégreffe ,
Lorſqu'elle voit enfin couronner fa tendreſſe
Par fa douce union à l'heureux d'Offery,
A cet objet , celui d'une longue triſteſſe ?
Cet objet qu'elle crut parjure , vicieux ;
Quel plaifir de le voir fincère , vertueux !
Lorfque l'on voit Fanni ( b ) ( amanre infortunée
! )
Pleurer fa trifte deſtinée ,
Qui pourroit ne pas s'attendrir ?
Quand du plus tendre amour on la voit embrasée ,
Par un indigne amant lâchement abuſée ;
Eh ! quel coeur pourroit , fans frémir ,
L'écouter , fe plaindre , gémir ?
Pour moi quand je l'entends à tous tant que nous
fommes
Nous reprocher ſes chagrins , ſes malheurs ;
Mon viſage bientôt eft baigné de ſes pleurs :
Je rougis d'être au nombre de ces hommes.
(a )Lettres de Milady Juliette Catesby à Milady
Henriette Campley fon amie.
( b ) Lettres de Miftris Fanni Butler à Milord
Charles Alfred , &c. ouvrage charmant de
Madame Riccoboni.
AVRIL 1763 . 37
>
De ta félicité que tu fais d'envieux ,
Heureux Fielding ! Ecrivain glorieux
Dé qui devoient les fortunes ouvrages
Par la main du Génie être un jour embellis ,
Et les fentimens annoblis
Ravir d'univerfels fuffrages !
Mais Dieux que dis-je ? .... & quel trouble eft le
mien ?
Cet ouvrage n'eft plus le tien
Oui , fous les mêmes noms qu'a peine on en con .
ſerve ,
C'est l'ouvrage du Goût , c'eft celui de Miner
Afes traits on le reconnoît :
L'Anglois fe voit détruit , & Fielding difparoît.
Heureux Fenton , plus heureufe Amélie , (c)
Vous que le fort enfin le plus fortuné lie :
Ah ! vous l'étiez juſques dans vos malheurs !
Dieux ! que la main qui les publie
En nous attendriffant adoucit vos douleurs !
Mais qu'à nos yeux votre bonheur augmente
Lorfque Riccoboni nous en peint les douceurs .
Généreufe , compatiſſante ,
Mère des Grâces , des Talens ,
M
Tendre Riccoboni ; tout par toi nous enchante
Notre félicité devient bien plus touchante ;
Nos malheurs bien moins accablans ,
Dès que c'eſt ta voix qui les chante.
(c ) Amélie , Roman de M. Fielding , deraïer
Ouvrage de Mde. Riccoboni.
Par le C. D. §. ´A ****
d'AMÉLIE , Roman de FIELDING
Auteur de TOM JONES & de Ja-
SEHP ANDREWS.
AINSI de tes écrits les charmes raviflans ,
La vivacité , la nobleffe
Unie à la délicateffe ,
Se rendent maître de nos fens !
Chaque trait qui naît fous ta plume
Eft l'empreinte du Sentiment ;
Et le beau feu que ton génie allume ,
Décide de nos coeurs le moindre mouvement
Par un penchant doux & facile ,
B vi
35 MERCURE DE FRANCE.
La tendre fierté de ton ſtyle
>
>
Les force à partager tes regrets , tes plaifirs
Et meut tous les efprits au gré de tes defirs
Et quel coeur barbare , infléxible ,
Peut ne pas devenir ſenſible , ( a )
Aux peines que reffent l'aimable Catesby ?
Qui n'eft pas pénétré de fa vive allégreffe ,
Lorſqu'elle voit enfin couronner fa tendreſſe
Par fa douce union à l'heureux d'Offery,
A cet objet , celui d'une longue triſteſſe ?
Cet objet qu'elle crut parjure , vicieux ;
Quel plaifir de le voir fincère , vertueux !
Lorfque l'on voit Fanni ( b ) ( amanre infortunée
! )
Pleurer fa trifte deſtinée ,
Qui pourroit ne pas s'attendrir ?
Quand du plus tendre amour on la voit embrasée ,
Par un indigne amant lâchement abuſée ;
Eh ! quel coeur pourroit , fans frémir ,
L'écouter , fe plaindre , gémir ?
Pour moi quand je l'entends à tous tant que nous
fommes
Nous reprocher ſes chagrins , ſes malheurs ;
Mon viſage bientôt eft baigné de ſes pleurs :
Je rougis d'être au nombre de ces hommes.
(a )Lettres de Milady Juliette Catesby à Milady
Henriette Campley fon amie.
( b ) Lettres de Miftris Fanni Butler à Milord
Charles Alfred , &c. ouvrage charmant de
Madame Riccoboni.
AVRIL 1763 . 37
>
De ta félicité que tu fais d'envieux ,
Heureux Fielding ! Ecrivain glorieux
Dé qui devoient les fortunes ouvrages
Par la main du Génie être un jour embellis ,
Et les fentimens annoblis
Ravir d'univerfels fuffrages !
Mais Dieux que dis-je ? .... & quel trouble eft le
mien ?
Cet ouvrage n'eft plus le tien
Oui , fous les mêmes noms qu'a peine on en con .
ſerve ,
C'est l'ouvrage du Goût , c'eft celui de Miner
Afes traits on le reconnoît :
L'Anglois fe voit détruit , & Fielding difparoît.
Heureux Fenton , plus heureufe Amélie , (c)
Vous que le fort enfin le plus fortuné lie :
Ah ! vous l'étiez juſques dans vos malheurs !
Dieux ! que la main qui les publie
En nous attendriffant adoucit vos douleurs !
Mais qu'à nos yeux votre bonheur augmente
Lorfque Riccoboni nous en peint les douceurs .
Généreufe , compatiſſante ,
Mère des Grâces , des Talens ,
M
Tendre Riccoboni ; tout par toi nous enchante
Notre félicité devient bien plus touchante ;
Nos malheurs bien moins accablans ,
Dès que c'eſt ta voix qui les chante.
(c ) Amélie , Roman de M. Fielding , deraïer
Ouvrage de Mde. Riccoboni.
Par le C. D. §. ´A ****
Fermer
Résumé : VERS à Mde RICCOBONI, Auteur d'AMÉLIE, Roman de FIELDING, Auteur de TOM JONES & de JOSEHP ANDREWS.
Le poème est adressé à Madame Riccoboni, auteure de l'œuvre 'Amélie'. Il met en lumière la vivacité et la délicatesse de son style, capable de toucher les cœurs et de susciter des émotions. Le texte mentionne des personnages des romans de Fielding, tels que Catesby, Fanny et Amélie, en soulignant les sentiments qu'ils inspirent. Il exprime l'admiration pour la manière dont Riccoboni adapte et améliore les œuvres de Fielding, rendant les personnages et leurs histoires plus touchants. Le poème se termine par une admiration pour Riccoboni, qualifiée de 'mère des Grâces et des Talents', dont la voix adoucit les douleurs et rend les malheurs moins accablants.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
1292
p. 61-62
A M. l'Abbé DE VOISENON, de l'Académie Françoise.
Début :
DOCTEUR charmant dans l'art de plaire, [...]
Mots clefs :
Amour, Docteur, Académie française, Arts
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : A M. l'Abbé DE VOISENON, de l'Académie Françoise.
'A M. l'Abbé DE VOISENON ,
de l'Académie Françoife.
DOCTEUR charmant dans l'art de plaire ,
Aimable éléve de l'Amour
Et le favori de ſa mère ,
Le Dieu des Arts vient en ce jour .
De vous ouvrir fon fanctuaire :
Sur vos pas au facré vallon
Ónt marché les Grâces légères;
Vous fuccédez à Crébillon
Quoique différens dans leur ton
Chez nous tous les talens font frères.
On l'a vu fous des traits nouveaux
Rendre fon luftre à Melpomène ,
Suivre les maîtres fur la fcène
Et comme eux refter fans égaux.
Le rideau s'ouvre , on voit la Haine
Secouer les fombres flambeaux ;
Les mânes quittent leur tombeaux ,
Et les Dieux leur féjour fuprême.
Le Spectateur pleure & frémir ;
Tout tremble , la critique même
Ferme les yeux , & l'applaudit.
Sous une plus riante image.
Vous nous préfentez le Plaifir :
L'Amour rit au fond d'un boccage ;
62 MERCURE DE FRANCE.
Les Ris , les Jeux & le zéphir
Folâtrent fous le verd feuillage ;.
Climène écoute vos chanfons ;
L'Amour dans vos vers l'intéreffe ;
Souvent elle interrompt vos fons
Pour fe livrer à fon ivreffe.
Crébillon plaît en éffrayant 3
Vous nous charmez par l'agréable :
Je ne fçais pas s'il eft plus grand ,
Mais je fçais qu'il eft moins aimable .
Par M. L. M. de V....
de l'Académie Françoife.
DOCTEUR charmant dans l'art de plaire ,
Aimable éléve de l'Amour
Et le favori de ſa mère ,
Le Dieu des Arts vient en ce jour .
De vous ouvrir fon fanctuaire :
Sur vos pas au facré vallon
Ónt marché les Grâces légères;
Vous fuccédez à Crébillon
Quoique différens dans leur ton
Chez nous tous les talens font frères.
On l'a vu fous des traits nouveaux
Rendre fon luftre à Melpomène ,
Suivre les maîtres fur la fcène
Et comme eux refter fans égaux.
Le rideau s'ouvre , on voit la Haine
Secouer les fombres flambeaux ;
Les mânes quittent leur tombeaux ,
Et les Dieux leur féjour fuprême.
Le Spectateur pleure & frémir ;
Tout tremble , la critique même
Ferme les yeux , & l'applaudit.
Sous une plus riante image.
Vous nous préfentez le Plaifir :
L'Amour rit au fond d'un boccage ;
62 MERCURE DE FRANCE.
Les Ris , les Jeux & le zéphir
Folâtrent fous le verd feuillage ;.
Climène écoute vos chanfons ;
L'Amour dans vos vers l'intéreffe ;
Souvent elle interrompt vos fons
Pour fe livrer à fon ivreffe.
Crébillon plaît en éffrayant 3
Vous nous charmez par l'agréable :
Je ne fçais pas s'il eft plus grand ,
Mais je fçais qu'il eft moins aimable .
Par M. L. M. de V....
Fermer
Résumé : A M. l'Abbé DE VOISENON, de l'Académie Françoise.
L'auteur adresse une lettre à l'Abbé de Voisenon, membre de l'Académie Française, pour le féliciter de ses talents littéraires. Il compare Voisenon à Crébillon, soulignant que leurs styles diffèrent mais que tous les talents sont frères. Voisenon est décrit comme un maître charmant dans l'art de plaire, un élève aimable de l'Amour et le favori de sa mère, le Dieu des Arts. Il a renouvelé l'art dramatique en rendant son lustre à Melpomène, la muse de la tragédie, et en suivant les maîtres sur scène sans jamais les égaler. Voisenon est loué pour sa capacité à représenter la Haine et les Dieux de manière poignante, faisant pleurer et frémir le spectateur, même la critique fermant les yeux pour l'applaudir. En contraste, il présente également le Plaisir, avec l'Amour riant dans un bocage, les Rires, les Jeux et le Zéphyr folâtrant sous le feuillage vert. Climène écoute ses chants, l'Amour l'intéressant souvent au point qu'elle interrompt ses sons pour se livrer à son ivresse. Le texte conclut en affirmant que Crébillon plaît en effrayant, tandis que Voisenon charme par l'agréable, sans juger lequel est plus grand, mais notant que Crébillon est moins aimable.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
1293
p. 94-103
HISTOIRE de JONATHAN WILD le Grand, traduit de l'Anglois de M. FIELDING, Auteur de JOSEPH ANDREWS & de TOM JONES, &c A Londres, & se trouve à Paris chez Duchesne, Libraire, rue S. Jacques, au Temple du Goût, 1763 ; deux volumes in-12.
Début :
L'OUVRAGE que nous annonçons est d'un genre singulier ; & le nom de [...]
Mots clefs :
Homme, Grand, Héros, Femme, Grandeur, Ouvrage, Innocent
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : HISTOIRE de JONATHAN WILD le Grand, traduit de l'Anglois de M. FIELDING, Auteur de JOSEPH ANDREWS & de TOM JONES, &c A Londres, & se trouve à Paris chez Duchesne, Libraire, rue S. Jacques, au Temple du Goût, 1763 ; deux volumes in-12.
HISTOIRE de JONATHAN WILD
le Grand , traduit de l'Anglois de
M. FIELDING, Auteur de JOSEPH
ANDREWS & de TOM JONES , &c
A Londres , & fe trouve à Paris chez
Duchefne , Libraire , rue S. Jacques,
au Temple du Goût , 1763 ; deux volumes
in- 12.
L'OUVRAGE que nous annonçons
eft d'un genre fingulier ; & le nom de
fon Auteur , fi connu en France par les
AVRIL. 1763. 95
Traductions qui ont été faites de plufieurs
de fesromans , prévient d'avance
en faveur de celui- ci. Sous le voile d'une
ironie foutenue depuis le commencement
jufqu'à la fin de l'Ouvrage, l'Au
teur cherche à défabufer les hommes
des idées fauffes & prèfque toujours
dangereufes , qu'ils fe forment communément
de la grandeur. Un infigne Scélérat
que des crimes de toute efpéce
conduifent enfin au dernier fupplice , eft
le héros qu'il a choifi pour relever &
cenfurer les préjugés , le mauvais goût,
l'efprit de parti & différens autres défauts
de fes compatriotes ; & quoique,
l'ouvrage foit fait principalement pour
la Nation Angloife , il n'y a point de
Peuple qui ne puiffe s'y reconnoître, ni
de Lecteur qui ne puiffe en profiter. On
ne s'attend pas que nous faffions le récit
des attentats horribles que l'on fait
commettre au fameux Scélérat qui joue
le premier rôle dans ce roman. Il n'eft
question que de vols , d'affaffinats & de
perfidies les plus atroces ; contentonsnous
d'en citer quelques exemples pour
faire connoître le genre de critique de
notre Auteur , toujours préfenté fous le
-voile de l'ironie.
Jonathan Wild , dit Legrand , chef
96 MERCURE DE FRANCE .
»
d'une troupe de voleurs , étoit iffu de
parens diftingués dans cette profeffion .
On l'envoya à l'école avec les autres
enfans de fon âge ; mais il montra
» pour l'étude la répugnance la plus
» marquée . Son Maître , homme de
» beaucoup de fens & de mérite , le
» difpenfa bientôt de toute peine à cet
» égard ; & tandis qu'il affuroit à fes
parens qu'il faifoit les plus grands
» progrès , il lui permettoit de fe livrer
» entiérement à fes inclinations , parce
» qu'il fentoit bien qu'elles le porte-
» roient à des objets plus nobles que les
» fciences , qui , comme on en convient
généralement , ne rendent aucun pró-
» fit , & ne font propres , qu'à empêcher
» un galant homme de s'avancer dans
» le monde. "
Wild y débuta par quelques traits de
friponnerie qui donnerent dès - lors de
grandes efpérances de fon talent. Il fit
connoiffance avec le Comte de la Rufe,
Chevalier d'induftrie ; & ils eurent enfemble
de fréquentes conférences fur
les principes fondamentaux de leur art.
On croit communément que les voleurs
confervent entr'eux une forte de probité
qui les empêche de fe nuire mutuellement.
Le grand. Wild étoit bien audeffus
AVRIL 1763: 97
deffus de ces petites foibleffes : nonfeulement
il croyoit qu'il eft indigne
d'un grand coeur de refpecter la bourfe
de fes camarades ; » mais il n'étoit pas
» même de ces hommes mal -nés , qui
» rougiroient de voir un ami , après
» l'avoir volé ou trahi. Ce caractère
» pufillanime a fouvent produit dans le
» monde les crimes les plus monstrueux .
" Un excès de modeftie dans ce genre
» a porté bien des gens à affaffiner , ou
» du moins à ruiner fans reffource ceux
>> contre qui leur confcience leur repro-
" choit d'avoir commis quelque pecca-
» dille , foit en débauchant leurs fem-
» mes on leurs filles , foit en trahiffant
» leur confiance , foit en rendant contre
>> eux un faux témoignage. Mais dans
» notre héros , tout étoit véritablement
» grand. Toujours maître de lui , il ne
"
craignoit point d'aller boire avec un
» homme qu'il avoit dévalifé le mo-
» ment d'auparavant. »
Sa conduite à l'égard de fon ami
Francoeur fut un chef- d'oeuvre d'héroïfme
en ce genre. Ce dernier étoit
un Marchand Jouiallier , qui affervi aux
idées populaires avoit la foibleffe d'être
compatiffant , fenfible & généreux . Il
portoit la fimplicité au point de ne jamais
II. Vol. E
98 MERCURE DE FRANCE.
tirer avantage de l'ignorance de ceux
~ qui venoient acheter chez lui , & de fe
contenter du profit le plus modique.
Sa femme étoit une ame commune
efpèce d'animal domeftique , qui avoit
la petiteffe de fe borner aux foins de
fa famille & de fe faire un devoir de
plaire à fon mari & de bien élever fes
enfans. Ce fut à cette femme , fi peu
manièrée , que Francoeur. préfenta le
grand Wild comme le meilleur de fes
amis. Les premières preuves que notre
héros lui donna de fon amitié , furent
de lui faire efcamoter fes bijoux , tirer
de lui des lettres de change , de le faire
mettre en prifon , de lui enlever fa femme
, &c. &c . & à chaque trait de perfidie
, il avoit la force & le courage de
fe préfenter à lui , tandis que des âmes
vulgaires fe feroient fait un devoir d'éviter
fa rencontre. » Il n'avoit ni l'ex-
» térieur foumis d'un Curé qui aborde
» fon Seigneur après s'être oppofé à
» fon élection , ni l'air, qu'affecte un
» un Médecin , qui apprend à la porte
» de fon malade , que , graces à fes foins ,
» le pauvre patient eft parti pour l'autre
» monde, nila contenance abbattue d'un
» homme, qui , après avoir long-temps
» lutté entre la vertu & le vice , &
»
AVRIL 1763.
TOPHEQUE
Gron
DE
LA
ה ד ו
s'être enfin
déterminé
pour le dern
» eft malheureufement
pris fur le fa
» dans fa première friponnerie
: Mais
» fon maintien noble , hardi , magna-
» nime & plein de confiance , étoit
» celui d'un homme en place , lorſqu'il
" affure un des fes protégés
, que le
» pofte qu'il lui avoit promis n'eft plus
» vacant , & qu'il eft actuellement
rem-
» pli par un autre qui le lui avoit de-
» mandé avant lui . Car de même que
» l'homme en place ne manque pas de
» vous reprocher aigrement
, que vous
» n'avez perdu l'emploi que vous fou: -
haitiez , que par votre négligence
» de même auffi notre héros commen-
» çoit par blâmer fon ami fans lui don-
» ner le tems de répondre ; & c . »
Wild ne croit pas avoir affez fait
contre Francoeur , s'il ne vient à bout
de le conduire à la potence . Déjà il á
trouvé le moyen de le repréfenter comme
un banqueroutier frauduleux , &
de faire arrêter fa femme comme complice.
Wild en impofe tellement aux
Juges de fon ami , qu'un Arrêt définitif
condamne enfin au dernier fupplice
l'infortuné Francoeur , qui , tout innocent
& tout honnête homme qu'il eft ,
eft fur le point de voir fa fentencé
E ij
100 MERCURE DE FRANCE
à
éxécutée. Il eft vrai que lorfqueJonathan
apprit le fort de fon ami , il eut un
un inftant de foibleffe. Il pâlit pour la
première fois ; il faillit de fuccomber
fous le poids des horreurs que lui caufoit
la destinée d'un innocent que luimême
avoit fait condamner injuftement.
Mais fa grandeur d'âme vint toutà-
coup à fon fecours , & lui fir blâmer
ces penfées ignobles , qui s'étoient élevées
malgré lui dans fon efprit. » Quoi !
» difoit-il , femblable à un enfant
» une femme , je perdrois en un inf
tant cet honneur que j'ai acquis avec
» tant de gloire ? .... Qu'est - ce après
tout que la vie d'un homme ? Des
armées , des nations entiéres n'ont-
» elles pas été fouvent immolées à la
» fantaifie d'un grand homme ? Et fans
» parler ici de cette première claffe de
» la grandeur , qui comprend les con
» quérans du genre- humain , combien
» de gens n'ont-ils pas été facrifiés fous
» de vains prétextes pour fatisfaire le
" reffentiment particulier , ou même
» pour exercer le génie d'un héros du
» fecond ordre ? Mais qu'ai-je fait après
tout ? J'ai ruiné une famille ; j'ai con-
» duit un innocent à la potence. Loin
de m'en repentir , je devrois pleurer
AVRIL 1763.
ΤΟΙ
?
comme Alexandre de n'en avoir
» pas ruiné davantage , ou fait pendre
un plus grand nombre.
Francoeur n'eut cependant pas le fort
qui fembloit l'attendre. Son innocence
fut reconnue de fes Juges ; & le grand
Wild reçut enfin la récompenfe dûe à
fon héroïfme. Il fut convaincu & condamné
à une mort qu'on ne pourra
s'empêcher d'appeller honorable , fi on
confidére les grands hommes qui ont
eu l'honneur de la mériter.
6
??
par
Jamais ce héros ne fut arrêté.
aucune de ces foibleffes qui déconcertent
les petites âmes , & qui font
» généralement comprifes fous la dé-
» nomination d'honnêteté. Il avoit entiérement
renoncé à toute pudeur ,
à tout fentiment de compaffion &
» d'humanité ; défauts , qui , comme il
» ne craignoit pas de le dire , étoient
» directement contraires à la grandeur ,
" & fuffifoient pour rendre un homme
» abfolument incapable de faire dans le
» monde une figure un peu honnête ...
» Il avoit compofé des maximes qu'il
» regardoit comme autant de moyens
» fùrs pour parvenir à la grandeur , &
» qu'il obferva conftamment dans toutes
fes démarches. En voici quelques-
E iij
102 MERCURE DE FRANCE.
» unes. Ne faire jamais à perfonne plus
» de mal qu'il n'eft néceffaire pour
» l'éxécution de fon projet ; parce que
le mal eft quelque chofe de trop
précieux pour le prodiguer inutile-
"
» ment.
» N'admettre parmi les hommes au-
» cune diftinction fondée fur l'amitié
» ou fur quelqu'autre raifon que ce foit ,
mais les facrifier tous également à ſon
» intérêt.
2
» Éviter la pauvreté & la mifére , &
» ne s'attacher , autant qu'il eft poffible ,
» qu'au pouvoir & aux richeffes.
» Ne jamais récompenfer perſonne
" felon fon mérité , & lui infinuer ce-
» pendant toujours que la récompenfe
» eft fort au- deffus de ce qu'on lui doit.
» Une bonne réputation eft comme
» l'argent ; on peut s'en défaire , ou
,, du moins la rifquer pour fe procurer
» quelqu'avantage.
" Les vertus , femblables à des pièrres
» précieuſes , fon aifément contrefaites.
» Parmi les unes & les autres , les fauf-
» fes parent également ceux qui les
" poffedent , & il y a bien ly. peu de con-
» noiffeurs affez habiles pour diftinguer
le vrai diamant du diamant factice.
Eien des fripons fe font perdus pour
AVRIL. 1763 . 103
»ne s'être pas livrés fans réferve à la
» friponnerie. Un homme qui ne joue
» pas tout fon jeu doit naturellement
» perdre ».
En voilà affez pour faire connoître
le genre de critique contenu dans ce
Roman , & le tour d'efprit qu'employe
l'Auteur pour reprendre les défauts qui
font l'objet de fa cenfure. On doit
fçavoir gré au Traducteur de nous avoir
procuré la connoiffance de cet Ouvrage
agréable & plaifant. Sa verfion nous a
paru fidéle fans fervitude , fon ftyle
aifé , mais fans négligence :
le Grand , traduit de l'Anglois de
M. FIELDING, Auteur de JOSEPH
ANDREWS & de TOM JONES , &c
A Londres , & fe trouve à Paris chez
Duchefne , Libraire , rue S. Jacques,
au Temple du Goût , 1763 ; deux volumes
in- 12.
L'OUVRAGE que nous annonçons
eft d'un genre fingulier ; & le nom de
fon Auteur , fi connu en France par les
AVRIL. 1763. 95
Traductions qui ont été faites de plufieurs
de fesromans , prévient d'avance
en faveur de celui- ci. Sous le voile d'une
ironie foutenue depuis le commencement
jufqu'à la fin de l'Ouvrage, l'Au
teur cherche à défabufer les hommes
des idées fauffes & prèfque toujours
dangereufes , qu'ils fe forment communément
de la grandeur. Un infigne Scélérat
que des crimes de toute efpéce
conduifent enfin au dernier fupplice , eft
le héros qu'il a choifi pour relever &
cenfurer les préjugés , le mauvais goût,
l'efprit de parti & différens autres défauts
de fes compatriotes ; & quoique,
l'ouvrage foit fait principalement pour
la Nation Angloife , il n'y a point de
Peuple qui ne puiffe s'y reconnoître, ni
de Lecteur qui ne puiffe en profiter. On
ne s'attend pas que nous faffions le récit
des attentats horribles que l'on fait
commettre au fameux Scélérat qui joue
le premier rôle dans ce roman. Il n'eft
question que de vols , d'affaffinats & de
perfidies les plus atroces ; contentonsnous
d'en citer quelques exemples pour
faire connoître le genre de critique de
notre Auteur , toujours préfenté fous le
-voile de l'ironie.
Jonathan Wild , dit Legrand , chef
96 MERCURE DE FRANCE .
»
d'une troupe de voleurs , étoit iffu de
parens diftingués dans cette profeffion .
On l'envoya à l'école avec les autres
enfans de fon âge ; mais il montra
» pour l'étude la répugnance la plus
» marquée . Son Maître , homme de
» beaucoup de fens & de mérite , le
» difpenfa bientôt de toute peine à cet
» égard ; & tandis qu'il affuroit à fes
parens qu'il faifoit les plus grands
» progrès , il lui permettoit de fe livrer
» entiérement à fes inclinations , parce
» qu'il fentoit bien qu'elles le porte-
» roient à des objets plus nobles que les
» fciences , qui , comme on en convient
généralement , ne rendent aucun pró-
» fit , & ne font propres , qu'à empêcher
» un galant homme de s'avancer dans
» le monde. "
Wild y débuta par quelques traits de
friponnerie qui donnerent dès - lors de
grandes efpérances de fon talent. Il fit
connoiffance avec le Comte de la Rufe,
Chevalier d'induftrie ; & ils eurent enfemble
de fréquentes conférences fur
les principes fondamentaux de leur art.
On croit communément que les voleurs
confervent entr'eux une forte de probité
qui les empêche de fe nuire mutuellement.
Le grand. Wild étoit bien audeffus
AVRIL 1763: 97
deffus de ces petites foibleffes : nonfeulement
il croyoit qu'il eft indigne
d'un grand coeur de refpecter la bourfe
de fes camarades ; » mais il n'étoit pas
» même de ces hommes mal -nés , qui
» rougiroient de voir un ami , après
» l'avoir volé ou trahi. Ce caractère
» pufillanime a fouvent produit dans le
» monde les crimes les plus monstrueux .
" Un excès de modeftie dans ce genre
» a porté bien des gens à affaffiner , ou
» du moins à ruiner fans reffource ceux
>> contre qui leur confcience leur repro-
" choit d'avoir commis quelque pecca-
» dille , foit en débauchant leurs fem-
» mes on leurs filles , foit en trahiffant
» leur confiance , foit en rendant contre
>> eux un faux témoignage. Mais dans
» notre héros , tout étoit véritablement
» grand. Toujours maître de lui , il ne
"
craignoit point d'aller boire avec un
» homme qu'il avoit dévalifé le mo-
» ment d'auparavant. »
Sa conduite à l'égard de fon ami
Francoeur fut un chef- d'oeuvre d'héroïfme
en ce genre. Ce dernier étoit
un Marchand Jouiallier , qui affervi aux
idées populaires avoit la foibleffe d'être
compatiffant , fenfible & généreux . Il
portoit la fimplicité au point de ne jamais
II. Vol. E
98 MERCURE DE FRANCE.
tirer avantage de l'ignorance de ceux
~ qui venoient acheter chez lui , & de fe
contenter du profit le plus modique.
Sa femme étoit une ame commune
efpèce d'animal domeftique , qui avoit
la petiteffe de fe borner aux foins de
fa famille & de fe faire un devoir de
plaire à fon mari & de bien élever fes
enfans. Ce fut à cette femme , fi peu
manièrée , que Francoeur. préfenta le
grand Wild comme le meilleur de fes
amis. Les premières preuves que notre
héros lui donna de fon amitié , furent
de lui faire efcamoter fes bijoux , tirer
de lui des lettres de change , de le faire
mettre en prifon , de lui enlever fa femme
, &c. &c . & à chaque trait de perfidie
, il avoit la force & le courage de
fe préfenter à lui , tandis que des âmes
vulgaires fe feroient fait un devoir d'éviter
fa rencontre. » Il n'avoit ni l'ex-
» térieur foumis d'un Curé qui aborde
» fon Seigneur après s'être oppofé à
» fon élection , ni l'air, qu'affecte un
» un Médecin , qui apprend à la porte
» de fon malade , que , graces à fes foins ,
» le pauvre patient eft parti pour l'autre
» monde, nila contenance abbattue d'un
» homme, qui , après avoir long-temps
» lutté entre la vertu & le vice , &
»
AVRIL 1763.
TOPHEQUE
Gron
DE
LA
ה ד ו
s'être enfin
déterminé
pour le dern
» eft malheureufement
pris fur le fa
» dans fa première friponnerie
: Mais
» fon maintien noble , hardi , magna-
» nime & plein de confiance , étoit
» celui d'un homme en place , lorſqu'il
" affure un des fes protégés
, que le
» pofte qu'il lui avoit promis n'eft plus
» vacant , & qu'il eft actuellement
rem-
» pli par un autre qui le lui avoit de-
» mandé avant lui . Car de même que
» l'homme en place ne manque pas de
» vous reprocher aigrement
, que vous
» n'avez perdu l'emploi que vous fou: -
haitiez , que par votre négligence
» de même auffi notre héros commen-
» çoit par blâmer fon ami fans lui don-
» ner le tems de répondre ; & c . »
Wild ne croit pas avoir affez fait
contre Francoeur , s'il ne vient à bout
de le conduire à la potence . Déjà il á
trouvé le moyen de le repréfenter comme
un banqueroutier frauduleux , &
de faire arrêter fa femme comme complice.
Wild en impofe tellement aux
Juges de fon ami , qu'un Arrêt définitif
condamne enfin au dernier fupplice
l'infortuné Francoeur , qui , tout innocent
& tout honnête homme qu'il eft ,
eft fur le point de voir fa fentencé
E ij
100 MERCURE DE FRANCE
à
éxécutée. Il eft vrai que lorfqueJonathan
apprit le fort de fon ami , il eut un
un inftant de foibleffe. Il pâlit pour la
première fois ; il faillit de fuccomber
fous le poids des horreurs que lui caufoit
la destinée d'un innocent que luimême
avoit fait condamner injuftement.
Mais fa grandeur d'âme vint toutà-
coup à fon fecours , & lui fir blâmer
ces penfées ignobles , qui s'étoient élevées
malgré lui dans fon efprit. » Quoi !
» difoit-il , femblable à un enfant
» une femme , je perdrois en un inf
tant cet honneur que j'ai acquis avec
» tant de gloire ? .... Qu'est - ce après
tout que la vie d'un homme ? Des
armées , des nations entiéres n'ont-
» elles pas été fouvent immolées à la
» fantaifie d'un grand homme ? Et fans
» parler ici de cette première claffe de
» la grandeur , qui comprend les con
» quérans du genre- humain , combien
» de gens n'ont-ils pas été facrifiés fous
» de vains prétextes pour fatisfaire le
" reffentiment particulier , ou même
» pour exercer le génie d'un héros du
» fecond ordre ? Mais qu'ai-je fait après
tout ? J'ai ruiné une famille ; j'ai con-
» duit un innocent à la potence. Loin
de m'en repentir , je devrois pleurer
AVRIL 1763.
ΤΟΙ
?
comme Alexandre de n'en avoir
» pas ruiné davantage , ou fait pendre
un plus grand nombre.
Francoeur n'eut cependant pas le fort
qui fembloit l'attendre. Son innocence
fut reconnue de fes Juges ; & le grand
Wild reçut enfin la récompenfe dûe à
fon héroïfme. Il fut convaincu & condamné
à une mort qu'on ne pourra
s'empêcher d'appeller honorable , fi on
confidére les grands hommes qui ont
eu l'honneur de la mériter.
6
??
par
Jamais ce héros ne fut arrêté.
aucune de ces foibleffes qui déconcertent
les petites âmes , & qui font
» généralement comprifes fous la dé-
» nomination d'honnêteté. Il avoit entiérement
renoncé à toute pudeur ,
à tout fentiment de compaffion &
» d'humanité ; défauts , qui , comme il
» ne craignoit pas de le dire , étoient
» directement contraires à la grandeur ,
" & fuffifoient pour rendre un homme
» abfolument incapable de faire dans le
» monde une figure un peu honnête ...
» Il avoit compofé des maximes qu'il
» regardoit comme autant de moyens
» fùrs pour parvenir à la grandeur , &
» qu'il obferva conftamment dans toutes
fes démarches. En voici quelques-
E iij
102 MERCURE DE FRANCE.
» unes. Ne faire jamais à perfonne plus
» de mal qu'il n'eft néceffaire pour
» l'éxécution de fon projet ; parce que
le mal eft quelque chofe de trop
précieux pour le prodiguer inutile-
"
» ment.
» N'admettre parmi les hommes au-
» cune diftinction fondée fur l'amitié
» ou fur quelqu'autre raifon que ce foit ,
mais les facrifier tous également à ſon
» intérêt.
2
» Éviter la pauvreté & la mifére , &
» ne s'attacher , autant qu'il eft poffible ,
» qu'au pouvoir & aux richeffes.
» Ne jamais récompenfer perſonne
" felon fon mérité , & lui infinuer ce-
» pendant toujours que la récompenfe
» eft fort au- deffus de ce qu'on lui doit.
» Une bonne réputation eft comme
» l'argent ; on peut s'en défaire , ou
,, du moins la rifquer pour fe procurer
» quelqu'avantage.
" Les vertus , femblables à des pièrres
» précieuſes , fon aifément contrefaites.
» Parmi les unes & les autres , les fauf-
» fes parent également ceux qui les
" poffedent , & il y a bien ly. peu de con-
» noiffeurs affez habiles pour diftinguer
le vrai diamant du diamant factice.
Eien des fripons fe font perdus pour
AVRIL. 1763 . 103
»ne s'être pas livrés fans réferve à la
» friponnerie. Un homme qui ne joue
» pas tout fon jeu doit naturellement
» perdre ».
En voilà affez pour faire connoître
le genre de critique contenu dans ce
Roman , & le tour d'efprit qu'employe
l'Auteur pour reprendre les défauts qui
font l'objet de fa cenfure. On doit
fçavoir gré au Traducteur de nous avoir
procuré la connoiffance de cet Ouvrage
agréable & plaifant. Sa verfion nous a
paru fidéle fans fervitude , fon ftyle
aifé , mais fans négligence :
Fermer
Résumé : HISTOIRE de JONATHAN WILD le Grand, traduit de l'Anglois de M. FIELDING, Auteur de JOSEPH ANDREWS & de TOM JONES, &c A Londres, & se trouve à Paris chez Duchesne, Libraire, rue S. Jacques, au Temple du Goût, 1763 ; deux volumes in-12.
L'ouvrage 'Histoire de Jonathan Wild le Grand' est une traduction de l'anglais par Henry Fielding, également auteur de 'Joseph Andrews' et 'Tom Jones'. Publié à Paris en 1763, ce roman utilise l'ironie pour critiquer les idées fausses et dangereuses que les hommes se forment sur la grandeur. Le héros, Jonathan Wild, est un scélérat dont les crimes variés le mènent au supplice. L'auteur choisit ce personnage pour dénoncer les préjugés, le mauvais goût et l'esprit de parti. Jonathan Wild, issu d'une famille de voleurs, montre dès l'enfance une aversion pour l'étude. Son maître, reconnaissant ses inclinations, le laisse se livrer à ses véritables aspirations. Wild commence sa carrière criminelle en collaborant avec le Comte de la Rufe, un autre voleur. Contrairement aux autres voleurs, Wild n'hésite pas à trahir ses camarades pour son propre intérêt. Un exemple notable de sa perfidie est sa relation avec Francoeur, un marchand joaillier compatissant et généreux. Wild escamote les bijoux de Francoeur, tire des lettres de change à son nom, le fait emprisonner et enlever sa femme. Malgré ces trahisons, Wild continue de se présenter à Francoeur avec assurance. Wild parvient même à faire condamner Francoeur à la potence pour banqueroute frauduleuse, bien que son innocence soit finalement reconnue. Wild est finalement condamné à une mort honorable pour ses crimes. Wild suit des maximes strictes pour atteindre la grandeur, évitant la pauvreté, sacrifiant ses amis à son intérêt et manipulant les perceptions des autres. L'auteur utilise ce personnage pour critiquer les défauts humains et les préjugés sociaux.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
1294
p. 115
AVIS AU PUBLIC.
Début :
FEU M Moriau, Procureur du ROI de la Ville, Magistrat respectable, [...]
Mots clefs :
Académie royale des belles-lettres, Bibliothèque
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AVIS AU PUBLIC.
AVIS AU PUBLIC.
FEEUU MMoriau , Procureur du Ror
de la Ville , Magiftrat refpectable ,
dont la probité & le goût pour les Lettres
faifoient le caractère , ayant laiffé
par fon teftament à la Ville de Paris ,
fa Bibliothéque à condition de la rendre
publique ; M. de Viarmes , Prévôt
des Marchands & Meffieurs les Echevins
toujours difpofés à procurer les moyens
de cultiver les Lettres , ont accepté le
legs de M. Moriau , & en conféquence
ils ont nommé pour Bibliothécaire M.
Bonamy , de l'Académie Royale des
Belles-Lettres , & pour Sous-Bibliothécaire
M. l'Abbé Ameilhon. Ainfi cette
Bibliothéque qui eft à l'Hôtel de Lamoignon
, rue Pavée au Marais , fera
ouverte pour la première fois le Mer-.
credi 13Avril de cette année après- midi,.
& continuera de l'être tous les Mercredis
& Samedis de chaque femaine , juf-.
qu'aux vacances . C'eſt un avantage pour
les perfonnes ftudieufes de ce quartier
de Paris , éloigné des autres Bibliothé
ques publiques
FEEUU MMoriau , Procureur du Ror
de la Ville , Magiftrat refpectable ,
dont la probité & le goût pour les Lettres
faifoient le caractère , ayant laiffé
par fon teftament à la Ville de Paris ,
fa Bibliothéque à condition de la rendre
publique ; M. de Viarmes , Prévôt
des Marchands & Meffieurs les Echevins
toujours difpofés à procurer les moyens
de cultiver les Lettres , ont accepté le
legs de M. Moriau , & en conféquence
ils ont nommé pour Bibliothécaire M.
Bonamy , de l'Académie Royale des
Belles-Lettres , & pour Sous-Bibliothécaire
M. l'Abbé Ameilhon. Ainfi cette
Bibliothéque qui eft à l'Hôtel de Lamoignon
, rue Pavée au Marais , fera
ouverte pour la première fois le Mer-.
credi 13Avril de cette année après- midi,.
& continuera de l'être tous les Mercredis
& Samedis de chaque femaine , juf-.
qu'aux vacances . C'eſt un avantage pour
les perfonnes ftudieufes de ce quartier
de Paris , éloigné des autres Bibliothé
ques publiques
Fermer
Résumé : AVIS AU PUBLIC.
L'Avis au Public annonce la création d'une bibliothèque à Paris, issue du legs de M. Moriau, Procureur du Roi. La bibliothèque, située à l'Hôtel de Lamoignon, ouvrira le 13 avril et sera accessible les mercredis et samedis. M. Bonamy et l'Abbé Ameilhon sont nommés Bibliothécaire et Sous-Bibliothécaire. Cette initiative bénéficie aux personnes studieuses du quartier.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
1295
p. 116-120
ANNONCES DE LIVRES.
Début :
RÉFLEXIONS sur la Musique, & la vraie manière de l'exécuter sur le violon [...]
Mots clefs :
Libraire, Méthode, Prix
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ANNONCES DE LIVRES.
ANNONCES. DE LIVRES.
RÉFLEXIONS fur la Mufique , & la
vraie manière de l'exécuter fur le vioion.
Par M. Brijon . in-4° . Paris, 1763 .
Chez l'Auteur , chez M. Prudent , Profeffeur
de Mufique & d'Inftrumens , rue
du Petit-Pont , au bas de la rue S. Jacques
, la porte cochère à côté d'un Marchand
de Papier , dans la cour, l'efcalier
à gauche ; & chez M. Vandemont , rue
Beaurepaire , près la rue Montorgueil ,
& aux adreffes ordinaires. Prix,en blanc,
avec les exemples & les airs gravés , 3 1,
12 f
POÉTIQUE FRANÇOISE , par M.
Marmontel. in-8° . 2 vol. diſtribués en 3 .
Paris ; 1763. Chez l'Efclapart , Librai
re , quai de Gêvres. Avec Approbation
& Privilége du Roi.
" Je divife ma Poëtique ( dit l'Au-
" teur ) en deux parties : l'une contient
» les idées élémentaires & les principes
» généraux ; l'autre en fait l'application
» aux divers genres de Poëfie.
» Il y a dans les Arts productifs qua-
» tre objets à confidérer l'Artifte
l'inftrument , les matériaux & l'ouvra
AVRIL. 1763.
117
"
ge . Trois font les moyens de l'Art
» le quatriéme en eft la fin ; & le meil-
» leur ufage poffible des uns relative-
» ment à l'autre , eft le réſultat de tou-
» tes les régles. Tel eft le plan fur lequet
» j'ai dirigé ma méthode.
montrer Nous ne tarderons pas à
avec quelle fagacité & quelle étendue
de lumières , l'Auteur a fçu remplir ce
Plan auffi fimple qu'utile pour ceux qui
aiment où cultivent les talens qui font
du reffort de la Poëfie.
PLAIDOYERS & Mémoires , conte
nant des questions intéreffantes , tant
en matières civiles , canoniques & criminelles
, que de Police , de Commerce
, avec les jugemens & leurs motifs
fommaires , & plufieurs difcours fur
différentes matières , foit de Droit Pu
blic , foit d'Hiftoire . Par M. Mannory.
ancien Avocat en Parlement. Tome 8°.
In- 12. Paris , 1763. Chez Claude Hériffant
, Libraire- Imprimeur , rue neuve
Notre-Dame , à la Croix d'or. Ce nouveau
volume n'eft ni moins varié , ni
moins utile , ni moins intéreffant que
ceux qui l'ont précédé.
MELANGES intéreffans & curieux
118 MERCURE DE FRANCE.
ou Abrégé d'Hiftoire Naturelle , Morale
, Civile & Politique , de l'Afie , l'Afrique
, l'Amérique , & des Tèrres Polaires
. Par M. R. D. S *** . in - 12. 2
vol . Paris , 1763. Chez Durand , Libraire
, rue du Foin . Nous parlerons
plus amplement de ces deux volumes
dont l'on paroît fouhaiter la fuite .
CONTES MORAUX , dans le goût de
M. Marmontel , recueillis de divers Auteurs
; publiés par Mlle Uncy. In-8°.
Tomes 3 & 4. A Amfterdam ; & ſe
trouvent à Paris , chez Vincent , rue
S. Severin.
- ANALYSE de la Coutume générale
d'Artois , avec les dérogations des Coutumes
locales. In - 12 . Paris , 1763. Chez
·Charpentier , quai des Auguftins , à S.
Chryfoftôme.
DISCOURS fur l'Émulation , adreffé
à la Société Royale des Sciences &
Belles-Lettres de Nanci. Par M. Bollioud
Mermet , Secrétaire perpétuel de
l'Académie des Sciences , Belles - Lettres
& Arts de Lyon. Brochure in-8°. A
Lvon , 1763 , chez les frères Periffe ,
Libraires , grande rue Mercière ; & ſe ;
AVRIL. 1763. 119
=
trouve à Paris chez Bauche , quai des
Auguftins, Prix , 12 f.
NOUVELLE MÉTHODE de cultiver
la vigne dans tout le Royaume ; plus
oeconomique & plus favorable à la perfection
du vin , que la méthode ordinaire
, prouvée par des expériences . Par
M. Maupin , ancien Valet- de-Chambre
de la Reine. In- 12 . Paris , 1763. Chez
Mufier fils , Libraire , quai des Auguft.
TRAITÉ DE LA DANSE , qui contient
les premiers principes de l'Art , la
nanière de marcher , de fe préſenter
faluer avec grâce , la façon de daner
le menuet comme il fe danſe auourd'hui
, lleess ddiifffféérreennss pas & figures
les contredanfes en ufage. Ouvrage
tile aux jeunes perfonnes qui defirent
e perfectionner dans cet exercice. Par
e fieut Joffou l'aîné , Maître à danfer
de l'Académie Royale établie à Angers
pour les exercices du corps . In-16. Angers
, 1763. Chez A. J. Jahier , Libraire-
Imprimeur du Roi , rue S. Michel ;
& fe trouve à Paris , chez Guyllin ,
quai des Auguftins. Prix , 15 f. broché.
OPHILIE , Roman traduit de l'An120
MERCURE DE FRANCE .
glois , par M. B *** ; 2 vol . in- 12 . Amf
terdam , 1763. Et fe trouve chez les Libraires
qui vendent les Nouveautés.
RÉFLEXIONS fur la Mufique , & la
vraie manière de l'exécuter fur le vioion.
Par M. Brijon . in-4° . Paris, 1763 .
Chez l'Auteur , chez M. Prudent , Profeffeur
de Mufique & d'Inftrumens , rue
du Petit-Pont , au bas de la rue S. Jacques
, la porte cochère à côté d'un Marchand
de Papier , dans la cour, l'efcalier
à gauche ; & chez M. Vandemont , rue
Beaurepaire , près la rue Montorgueil ,
& aux adreffes ordinaires. Prix,en blanc,
avec les exemples & les airs gravés , 3 1,
12 f
POÉTIQUE FRANÇOISE , par M.
Marmontel. in-8° . 2 vol. diſtribués en 3 .
Paris ; 1763. Chez l'Efclapart , Librai
re , quai de Gêvres. Avec Approbation
& Privilége du Roi.
" Je divife ma Poëtique ( dit l'Au-
" teur ) en deux parties : l'une contient
» les idées élémentaires & les principes
» généraux ; l'autre en fait l'application
» aux divers genres de Poëfie.
» Il y a dans les Arts productifs qua-
» tre objets à confidérer l'Artifte
l'inftrument , les matériaux & l'ouvra
AVRIL. 1763.
117
"
ge . Trois font les moyens de l'Art
» le quatriéme en eft la fin ; & le meil-
» leur ufage poffible des uns relative-
» ment à l'autre , eft le réſultat de tou-
» tes les régles. Tel eft le plan fur lequet
» j'ai dirigé ma méthode.
montrer Nous ne tarderons pas à
avec quelle fagacité & quelle étendue
de lumières , l'Auteur a fçu remplir ce
Plan auffi fimple qu'utile pour ceux qui
aiment où cultivent les talens qui font
du reffort de la Poëfie.
PLAIDOYERS & Mémoires , conte
nant des questions intéreffantes , tant
en matières civiles , canoniques & criminelles
, que de Police , de Commerce
, avec les jugemens & leurs motifs
fommaires , & plufieurs difcours fur
différentes matières , foit de Droit Pu
blic , foit d'Hiftoire . Par M. Mannory.
ancien Avocat en Parlement. Tome 8°.
In- 12. Paris , 1763. Chez Claude Hériffant
, Libraire- Imprimeur , rue neuve
Notre-Dame , à la Croix d'or. Ce nouveau
volume n'eft ni moins varié , ni
moins utile , ni moins intéreffant que
ceux qui l'ont précédé.
MELANGES intéreffans & curieux
118 MERCURE DE FRANCE.
ou Abrégé d'Hiftoire Naturelle , Morale
, Civile & Politique , de l'Afie , l'Afrique
, l'Amérique , & des Tèrres Polaires
. Par M. R. D. S *** . in - 12. 2
vol . Paris , 1763. Chez Durand , Libraire
, rue du Foin . Nous parlerons
plus amplement de ces deux volumes
dont l'on paroît fouhaiter la fuite .
CONTES MORAUX , dans le goût de
M. Marmontel , recueillis de divers Auteurs
; publiés par Mlle Uncy. In-8°.
Tomes 3 & 4. A Amfterdam ; & ſe
trouvent à Paris , chez Vincent , rue
S. Severin.
- ANALYSE de la Coutume générale
d'Artois , avec les dérogations des Coutumes
locales. In - 12 . Paris , 1763. Chez
·Charpentier , quai des Auguftins , à S.
Chryfoftôme.
DISCOURS fur l'Émulation , adreffé
à la Société Royale des Sciences &
Belles-Lettres de Nanci. Par M. Bollioud
Mermet , Secrétaire perpétuel de
l'Académie des Sciences , Belles - Lettres
& Arts de Lyon. Brochure in-8°. A
Lvon , 1763 , chez les frères Periffe ,
Libraires , grande rue Mercière ; & ſe ;
AVRIL. 1763. 119
=
trouve à Paris chez Bauche , quai des
Auguftins, Prix , 12 f.
NOUVELLE MÉTHODE de cultiver
la vigne dans tout le Royaume ; plus
oeconomique & plus favorable à la perfection
du vin , que la méthode ordinaire
, prouvée par des expériences . Par
M. Maupin , ancien Valet- de-Chambre
de la Reine. In- 12 . Paris , 1763. Chez
Mufier fils , Libraire , quai des Auguft.
TRAITÉ DE LA DANSE , qui contient
les premiers principes de l'Art , la
nanière de marcher , de fe préſenter
faluer avec grâce , la façon de daner
le menuet comme il fe danſe auourd'hui
, lleess ddiifffféérreennss pas & figures
les contredanfes en ufage. Ouvrage
tile aux jeunes perfonnes qui defirent
e perfectionner dans cet exercice. Par
e fieut Joffou l'aîné , Maître à danfer
de l'Académie Royale établie à Angers
pour les exercices du corps . In-16. Angers
, 1763. Chez A. J. Jahier , Libraire-
Imprimeur du Roi , rue S. Michel ;
& fe trouve à Paris , chez Guyllin ,
quai des Auguftins. Prix , 15 f. broché.
OPHILIE , Roman traduit de l'An120
MERCURE DE FRANCE .
glois , par M. B *** ; 2 vol . in- 12 . Amf
terdam , 1763. Et fe trouve chez les Libraires
qui vendent les Nouveautés.
Fermer
Résumé : ANNONCES DE LIVRES.
Le document de 1763 présente plusieurs annonces de livres publiés cette année-là. Parmi les ouvrages mentionnés, 'RÉFLEXIONS fur la Mufique, & la vraie manière de l'exécuter fur le vioion' de M. Brijon est disponible chez divers libraires à Paris. 'POÉTIQUE FRANÇOISE' de M. Marmontel, en deux volumes, explore les principes généraux de la poésie et leur application aux différents genres. 'PLAIDOYERS & Mémoires' de M. Mannory, ancien avocat, contient des questions juridiques variées ainsi que des discours sur le droit public et l'histoire. 'MELANGES intéreffans & curieux' de M. R. D. S *** offre un abrégé d'histoire naturelle, morale, civile et politique des différents continents. 'CONTES MORAUX' dans le goût de M. Marmontel, publiés par Mlle Uncy, sont disponibles en deux tomes. D'autres ouvrages mentionnés incluent une analyse de la Coutume d'Artois, un discours sur l'émulation, une nouvelle méthode de cultiver la vigne, un traité de la danse, et un roman traduit de l'anglais intitulé 'OPHILIE'. Chaque livre est accompagné des informations sur les libraires et les prix.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
1296
p. 148-169
EXTRAIT DE L'ANGLOIS A BORDEAUX.
Début :
Représenté pour la premiere fois par les Comédiens François, le 4 Mars 1763. [...]
Mots clefs :
Valet, Marquise , Anglais, Combat, Fierté, Maître
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT DE L'ANGLOIS A BORDEAUX.
M. Malé.
La Marquife de FLORICOURT , 1
Soeur de DARMANT , Mlle Dangeville.
Mylord BRUMTON , M. Belcour.
CLARICE , Fille du Mylord, Mlle Huff.
ROBINSON , Valet du Mylord ,
M. Armand.
SUDMER , riche Négociant Anglois, M.Préville.
La Scène eft à Bordeaux , dans la Maiſon
de Darmant.
MYLORD BRUMTON s'embarque à
Dublin pour aller à Londres avec
CLARICE fa fille , il tranſporte avec lui
la plus grande partie de fa fortune :
fon Vaiffeau eft attaqué par une Fré- +
AVRIL 1763. 149
E
gate Françoife commandée par DARMANT.
Après un combat très -vif , le
Vaiffeau Anglois coule à fonds ; on n'a
que le temps de fauver les gens de
1'Equipage qui font conduits à Bordeaux.
Le Mylord & fa fille font logés
chez DARMANT , qui employe tous les
moyens poffibles pour adoucir le fort
de fes prifonniers ; mais BRUMTON ne
veut accepter aucuns fecours .
Tous ces détails font exposés dans
la prémiere Scène entre DARMANT &
la Marquife de FLORICOURT,
L'Officier François fe plaint à fa
foeur , de la fierté fuperbe & dédaigneufe
du Mylord qui aime mieux expofer
fa fille aux befoins que d'accepter
un bienfait des mains d'un ennemi.
Mais mon frere , dit la Marquife , en
cherchant à rendre fervice au Mylord ,
ne fongeriez - vous point à fa fille ?
Cette Angloife eft charmante. DARMANT
avoue qu'il adore CLARICE ;
mais il veut qu'elle l'ignore.
,, L'amour dégraderoit la générofité.
LA MARQUISE
5
Qui vous fait donc agir ?
DARMA N. T.
L'humanité.
Giij
150 MERCURE DE FRANCE .
La Marquife fe moque de fa difcré
tion , elle lui confeille de fe déclarer à
Clarice & de faire enforte de gagner
la bienveillance du Mylord.
» Devenez fon ami.
DARMANT.
" Mes foins font fuperflus ;
>>Ses principes outrés d'honneur patriotique ,
» Sa façon de penfer qu'il croit philofophique ,
» Sa haine contre les François ;
>> Tout met une barrière entre nous pour jamais.
POLA MARQUISE.
>> Je prétens la brifer , j'entreprens le Mylord ,
» Nous verrons donc ce Philofophe ,
» Et s'il veut raiſonner ; c'eſt moi qui l'apostrophe.
» Cependant obligez le Mylord en filence
» Et cherchez des moyens fecrets.....
ל כ
DARMANT.
>>J'ai déja commencé ; mais n'en parlez jamais ,
D'un bienfait divulgué, l'amour-propre s'offenfe,
>> Le Valet Robinſon eſt dans mes intérêts ;
» Par fon moyen , fon Maître a touché quelques
>> fommes.
AVRIL. 1763 151
Sous le nom fuppofé d'un Patriote Anglois.
LA MARQUISE.
»Voilà comme il faudroit toujours tromper les
» hommes.
Robinson paroît :
LA MARQUISE.
Que fait ton Maître ?
ROBINSON.
Il penſe ,
DARMAN T.
Et Clarice ,
ROBINSON.
Soupire.
DARMANT demande à ROBINSON
ce que le Mylord penſe de la lettre de
change qu'il lui a fait parvenir ; le valet
lui répond que fon Maître n'a aucun
foupçon à cet égard , & qu'il croit que
le bienfait vient de SUDMER à qui il a
promis fa fille . ROBINSON ajoute : mon :
Maître
>> Convaincu qu'il lui doit ce fervice
Hâtera le moment de lui donner Clarice.
Giv
152 MERCURE DE FRANCE.
DARMANT.
» Clarice à Sudmer ?
ROBINSON.
» Oui.
DARMANT.
» Va-t-en.
ROBINSON fe retire ; c'eft par ces
mots que l'intérêt de la Pièce s'établit
& que fe forme le noeud.
La Marquife encourage fon frère.
CLARICE paroît ; elle vient prier Madame
de FLORICOURT de tirer fon père
de la profonde mélancolie où il eft
plongé ......
Il vous a entendu
(continue Clarice).
>> Jouer au Clavecin un concerto d'Indel ;
» Notre Mufique Angloiſe éxcite ſes tranſports
» Pour la premiere fois je vois ici , Madame ,
Le plaifir dans fes yeux & le jour dans ſon âme
DARMAN T.
» Ma foeur , ma foeur , courez au Clavecin .
La Marquife fait connoître qu'elle a
AVRIL. ་
153 1763 .
un autre projet ; elle quitte la Scène.
CLARICE veut rentrer ; DARMANT
l'arrête. Ils ont enſemble un entretien
qui développe l'intérêt. L'un & l'autre
épris de l'amour le plus tendre , diffimulent
leurs fentimens & font tous leurs
éfforts pour fe cacher les mouvemens de
leurs coeurs . Cette fcène filée n'eft point
fufceptible d'un extrait , parce qu'elle
dépend des gradations & des nuances; on
citera feulement ces vers qui la terminent
, & dits fupérieurement par M.
'MOLÉ.
> Le coeur reconnoît- il un Pays différent ?
C'eſt la diverfité des moeurs, des caractères,
Qui fit imaginer chaque Gouvernement.
>> Les Loix font des freins falutaires
» Qu'il faut varier prudemment ,
Suivant chaque climat , chaque tempérament ;
» Ce font des régles néceffaires ,
&
>
Pour que l'on puiffe adopter librement
→ Dės vertus même involontaires.
» Mais ce qui tient au Sentiment ,
N'a dans tous les Pays qu'une Loi , qu'un lan
" gage :
» Tous les hommes également .
» S'accordent pour en faire usage.
François , Anglois , Efpagnol , Allemand
Vont au- devant du noeud que le coeur leur
Gy
t
» dénote ,
154 MERCURE DE FRANCE.
>> Ils font tous confondus par ce lien charmant
» Et quand on eſt ſenſible , on eſt compatriote
>> Malheur à ceux qui penſent autrement ;
>> Une âme féche , une âme dure
» Devroit rentrer dans le néant:
» C'eſt aller contre l'ordre. Un Etre indifférent
>> Eft une erreur de la Nature.
DARMANT fe retire à la vue de
ERUMTON ; ce Mylord eft furieux de
ne voir que des jeux , jeux , de n'entendre que
des ris , des férénades , & d'être étourdi
de chanteurs qui avec leurs maudits tam-.
bourins paffent inceffamment exprès
fous fes fenêtres , pour le troubler dans
fes ennuis.
» Tandis
que la Difcorde en cent climats divers
» De tant d'infortunés écrafe les afyles ,
» Le François chante , on ne voit dans fes Villes
Que feftins , jeux , bals & concerts.
» Quel Dieu le fait jouir de ces deftins tranquilles
Dans lefein de la guerre il goûre le repos.
→ Sans peines , fans befoins & libre fous un Maître
» Le François eft heureux & l'Anglois cherche à
» l'être.
CLARICE.
20. Vous pouvez l'être auffi.
AVRIL 1763. 155
BRUMTON fait rentrer fa fille ; il:
gémit de fe voir retenu chez un peuple
frivole ; il fe précipite dans un fauteuil
& porte les yeux de tous côtés.
>>Tout ne préfente ici qu'un luxe ridicule.
( Il arrête fes regards fur une Horloge : .)
>>Quoi l'art a décoré jufqu'à cette pendule ?:
>> On couronne de fleurs l'interprête du temps ,
» Qui diviſe nos jours & marque nos inftans !
>>Tandis que triftement ce globe qui balance
>> Me fait compter les pas de la mort qui s'avance.
>>Le François entraîné par de légers defirs-
» Ne voit fur ce cadran qu'un cercle de plaifirs.
On tire le Mylord de fes réfléxions ,
en lui apportant de l'argent : BRUMTON
relit la lettre attribuée à SUDMER .
Mylord , je vous envoye une lettre de
change, &c.
Après en avoir fait la lecture , le Mylord
forme le deffein de ne plus demeurer
chez DARMANT. Il charge
fon valet d'aller lui chercher un autre
logement.
5. Pour vivre feuls dans l'ombre & le filénce.
La Marquife paroit , Brumton veutfe retirer
elle l'arrête :
G.vj
156 MERCURE DE FRANCE.
» En qualité d'homme qui penſe ,
» Je ne crois pas que Monfieur fe difpenfe
›› D'éclairer ma raiſon , mon coeur & mon efprit.
» Vous êtes Philofophe , à ce que l'on m'a dit.
D
·
» Communiquez un peu votre ſcience.
LE MYLORD.
Je pense pour moi feul.
LA MARQUISE. ·
» Ah ! quelle inconſéquence i
En vain le Sage réfléchit ,
Si la fociété n'en tire aucun profit ;
>>On doit la cultiver pour elle, pour foi- même.
Eh ! laiffez -là vos fonges creux ;
>> La meilleure morale eft de fe rendre heureux,
>>On ne peut l'être feul avec votre.ſyſtême ,
» Mon inftin &t me le dit & mon coeur encor
>> mieux !
>>La chaîne des befoins rapproche tous les hom
> mes ;
» Le lien du plaifir les unit encor plus.
>> Ces noeuds fi doux pour vous font-ils rompus?
>> Pour être heureux, fayez ce que nous fommes,
LE MYLOR D.
Connoiffez mieux l'Anglois ,Madame, ſon génie
Le porte à de plus grands objets.
AVRIL. 1763. 157
Politique profond , occupé de projets,
Il prétend à l'honneur d'éclairer fa patrie.
» Le moindre Citoyen , attentif à fes droits ,
Voit les papiers publics , & régit l'Angleterre ;
Du Parlement compte les voix ,
>>Juge de l'équité des Loix ,
Prononce librement fur la paix ou la guerre ,
» Peſe les intérêts des Rois ,
Et du fond d'un Caffé leur meſure la terre.
LA MARQUISE.
Jouiffez comme nous.
LE MYLORD.
Mais d'un fi doux lonfir
Quel eft le fruit ?
LA MARQUISE
Le plaifir.
LE MYLORD.
Le plaifir
LA MARQUISE
Je parois ridicule à vos yeux , je le voi.
Mais tout confidéré , quel eft le ridicule ?
Sous des traits différens dans le monde il ci-
>> cule.
Mais au fond, quel eft-il une convention ,
158 MERCURE DE FRANCE.
» Un phantôme idéal , une prévention.
Il n'éxifta jamais aux yeux d'un homme fages
Se variant au gré de chaque Nation ,
» Le ridicule appartient à l'ufage :
L'uſage eft pour les moeurs , les habits , le lan
22
gage .
» Mais je ne vois point les rapports--
»Qu'il peut avoir avec notre âme ;
» L'homme eft homme par -tout : fi la vertu l'en
» flamme ,
» C'eſt mon héros , je laiffe les dehors.
>> Quoi ! toujours notre efprit fantafque
»Ne jugera jamais l'homme que fur le maſque
Nous avons des défauts, chaque Peuple a les fiens.
»Pourquoi s'attacher à des riens?
» Eh ! oui , des riens , des miſéres , vous dis- je ,
Sa Qui ne méritent pas d'exciter votre humeur ;
»C'eſt d'un vice réel qu'il faut qu'on fe corrige :
>>Les écarts de l'efſprit ne font pas ceux du coeur.
BRUMTON eft frappé des lumières
philofophiques qui percent à travers le
tourbillon de la gaîté.
La Marquife dit du bien des Anglois
.
> Comment donc vous penſez &
~fs'écrie Brumton , enfaififfant la main de la Mare
quife. )
Ah ! vous mefédujrjez & vous étiez Angloiſes
AVRIL, 1763. 159
Madame de FLORICOURT qui con
noît dans ce moment tous les avantages
qu'elle a fur le Mylord , va plus loin ;
elle veut l'engager à figurer dans un
ballet. BRUMTON eft indigné de la
propofition ; la Marquife lui replique
vivement.
>> Et pourquoi chercher des raifons
» Pour nourrir chaque jour votre milanthropie
» Vous pensez , & nous jouiſſons :
Laiffez-là , croyez - moi , votre Philofophie ,
Elle donne le fpléne , elle endurcit les coeurs
» Notre gaîté que vous nommez folie ,
» Nuance notre efprit de riantes couleurs
» Par un charme qui fe varie ,
Elle orne la Raifon , elle adoucit les moeurs
»C'eſt un printemps qui fait naître les fleurs
» Sur les épines de la vie.
Madame de FLORICOURT quitte
BRUMTON en ne lui donnant qu'un
moment pour fe déterminer. Mylord
refté feul , fe reproche d'avoir marqué
trop d'aigreur à la Marquife ; car malgréfon
inconféquence , dit- il ,
» Je m'apperçois qu'elle a bon coeur ,
» Et fans qu'elle y fonge elle penfe.
44
» Allons , allons , Mylord , il faut quetu t'apaiſes,
160 MERCURE DE FRANCE.
Fais effort fur toi- même & pardonne aux Fran
çoiſes ;
t
On peut s'y faire....
DARMANT s'avance , il annonce au
Mylord que l'on va renvoyer des prifonniers
Anglois pour pareil nombre
de François , & qu'il l'a fait comprendre
dans l'échange. Qui vous en a prié ?
dit BRUMTON ; je ne veux rien devoir
qu'à ma Nation. J'ai fait des dépêches
pour Londres ; je trouverai fans vous la
fin de mes malheurs . DARMANT remarque
un nouvel accès d'humeur dans
BRUMTON.
DARMANT.
Ah ! je vois ce que c'eft : vous avez vû ma ſoeur
Ses airs évaporés & la tête légére....
MYLORD , à part.
» Veut-il interroger mon coeur ?
DAR MANT.
Oui je conçois qu'elle a pu vous déplaire.
LE MYLORD.
A quoi bon votre foeur ? je l'excufſe aiſément.
a Elle eft femme.
1
AVRIL. 1763. 160
DARMANT.
Son caractere...
LE MYLORD.
M'en fuis-je plaint ?
DARMAN T.
Non , poliment.
LE MY LORD.
Je ne fais point poli.
DARMANT.
Scachez que fon fyftême
»Eftde vous confoler,de vous rendre àvous-même,
»Si je ne l'arrêtois , Monfieur , journellement
Vous feriez obfédé.
LE MYLORD.
Monfieur , laiffez-la faire.
•
DARMANT demande à BRUMTON
fon amitié ou du moins fon eftime. Le
Mylord repart.
» Eh ! malgré moi , Monfieur , vous avez mos
» eſtime ; &c.
162 MERCURE DE FRANCE .
On annonce un Anglois ; c'eft SUDMER
; il fe précipite dans les bras du
Mylord , il fe retourne vers DARMANT ,
il le reconnoît pour fon bienfaiteur.
DARMANT n'a aucune idée d'avoir vu
SUDMER . Celui-ci lui dit :
>>>Je ſuis affez heureux moi ,pour vous reconnoître .
» Rappellez-vous que je vous dois la vie.
>>Vous changeâtes pour moi la fortune ennemies
( Portant la main fur fon coeur:)
» Voilà le livre où font écrits tous les bienfaits.
>>Vous êtes mon ami , du moins je fuis le vôtre
» C'eſt par vos procédés que vous m'avez lié :
›› Je m'en fouviens , vous l'avez oublié ,
as Nous faiſons notre charge en cela l'un & l'autre,
Il raconte les obligations qu'il a a
DARMANT. BRUMTON reproche à
SUDMER l'accueil qu'il fait au François.
Vous n'êtes pas Anglois,
SUDMER.
Je fuis plus ; je fuis homme.
Qu'avez-vous contre lui ? cette froideur m'af
>>fomme ;
Efclave né d'un goût national ,
AVRIL. 1763. 163
"
» Vous êtes toujours partial !
N'admettez plus des maximes contraires ,
Et comme moi voyez d'un oeil égal , ""
" Tous les hommes qui font vos frères.
J'ai détesté toujours un préjugé fatal.
,, Quoi ! parce qu'on habite un autre coin de terre
‚ Il faut ſe déchirer & ſe faire la guerre.
" Tendons tous au bien général ;
5, Crois- moi , Mylord , j'ai parcouru le monde ,
Je ne connois fur la machine ronde
» Rien que deux Peuples différens §.
Sçavoir les hommes bons & les hommes mé→
,, chans.
,,Je trouve par- tout ma patrie
Oùje trouve d'honnêtes gens
,, En Cochinchine , en Barbarie ,
,, Chez les Sauvages mêmes ; &c.
SUDMER invite DARMANT à être
de fa nôce ; BRUMTON fe retire pour
aller avertir fa fille de l'arrivée de
SUDMER. DARMANT ne peut cacher
fon trouble ; SUDMER le foupçonne
d'être fon rival: il veut s'en éclaircir.
DARMANT le quitte .
CLARICE paroît avec fon père ;
SUDMER la trouve charmante ; il lui
demande s'il aura le bonheur d'en être
aimé ; la réponſe de CLARICE donne
encore lieu à des foupçons. BRUMTON
164 MERCURE DE FRANCE.
répond pour fa fille. Je fçais , dit-il ,
comme ma fille penfe , & la reconnoiffance
qu'elle fent comme moi de vos
rares bienfaits , doit l'attacher à vous tendrement.
Quels font ces bienfaits ? re-:
plique SUDMER. Le Mylord lui montre
la lettre qu'il a reçue de fa part ; le Négociant
n'y comprend rien.
Je fais dans un courroux extrême , dit-il, )
Comment , quelqu'an a pris mon nom ,
Pour faire une bonne aЯtion
Que j'aurois pû faire moi-même ?
Il fort pour aller demander des éclairciffemens
au Banquier qui a payé la
lettre de change.
Dans la Scène fuivante le Mylord interroge
fa fille fur les difpofitions de
fon coeur ; elle lui répond avec une franchife
Angloife , qu'elle eft prête à obéir
à fon père ; mais qu'elle n'a pu fe défendre
d'aimer DARMANT. Le Mylord
eft frappé d'étonnement : fa fille le
raffure en lui difant que rien n'a fait
connoître fes fentimens à l'Officier François
, & qu'elle ignore de même les
fiens.
SUDMER arrive ; il n'a pû rien fçavoir
du Banquier. On appelle ROBINAVRIL.
1763. 169
SON ; ce valet forcé par des menaces
de découvrir la vérité , déclare que DARMANT
eft l'auteur des bienfaits que le
Mylord a reçus
"2
LE MYLORD.
O Ciel ! aimeroit-il ma fille ?
ROBINSON.
, Oh ! non , Mylord , iln'oferoit
C'est générosité toute pure.....
Le Mylord demande à CLARICE £
elle eft inftruite ; elle protefte que non.
La Marquife arrive ; fon frère la fuit.
Elle annonce que la paix eft ratifiée &
fait une peinture très-vive de la joie
publique. BRUMTON dit à DARMANT.
Nos Nations font réconciliées .
Par vos traits généreux vous m'avez corrigé,
Et l'amitié furmonte enfin le préjugé :
Que par cette amitié nos maiſons foient liées.
,,Pour vous marquer combien vous m'êtes cher,
Vous fignerez le Contrat de ma fille ""
,, Que dès ce ſoir je marie à Sudmer.
DARMANT eft confterné. La Marquife
rit ; le Mylord en demande la
raiſon; ta Marquise découvre l'amour de
166 MERCURE DE FRANCE .
fon frère pour CLARICE. SUDMER dit
à BRUMTON qu'il pourroit faire une
fottife d'époufer fa fille ; il ajoute :
"
""
Mon rival doit au fond avoir la préférence ,
Sous mon nom il a fçu faifir l'occafion
› D'avoir pour vous ,Mylord , un procédé fort bont
Si je deviens le mari de Clarice ; ""
,, Il eft homme peut-être à rendre encor fervices
„, Je ſuis accoutumé d'être ſon prête-nom .
Le Mylord donne fa fille à DARMANT
& lui- même épouſe la Marquiſe.
SUDMER applaudit à cette double al
liance & dit au François.
,,Daignez , mon cher Darmant , en cette circon .
,, ftance ,
,, Me foulager du poids de la reconnoiffance :
,,Jefens queje fuis vieux,je me vois de grands biens,
Je n'ai point d'héritiers ; foyez tous deux les
"
""
miens....
Point de remerciment , ce feroit une offenfe.
,, Si je vous fçais heureux , mes amis , c'eſt affez ,
C'est vous , c'est vous qui me récompenfez.
La Marquife termine la Pièce
"
quatre vers fuivans.
39
par
les
Lecourage & l'honneur rapprochent les pays,
,,Et deux Peuples égaux en vertus , en lumières,,
De leurs divifions renverfent les barrières
"> Pour demeure toujours amis.
AVRIL. 1763. 167
OBSERVATIONS SUR L'ANGLOIS
A BORDEAUX.
Il ne nous refte que peu de chofes à ajouter
à ce que nous avons dit fur cette Piéce dans le
précédent Mercure , auquel nous prions les Lecteurs
de vouloir bien permettre que nous les
renvoyons.
Tout le monde conçoit aifément ce que doit
être un Drame fait & conftruit pour une circonftance
à laquelle , action , intrigue , carac
tères , fituations , jeu de Théâtre , & furtout le
dénoûment doivent ſe rapporter. On peut donc
fentir par la difficulté de l'ouvrage , le prix de
l'intelligence & de l'art qui regnent dans celleci
; puifqu'en y faifant la plus légére attention ,
on apperçoit que cette Comédie fans éprouver
beaucoup de changemens , & fans aucun renverfement
de conftruction ni dans le fond ni dans
les détails , deviendra une Comédie de tous les
temps , & une Comédie toujours agréable.
On fe difpenfera de répondre à ceux qui ju
geroient le caractère du Mylord trop obstinément
mifanthrope. Il y a dans la conſtitution du
Drame & dans la néceflité des contraſtes , dequoi
juftifier à cet égard la touche un peu forte de ce
caractère. On doit fe prêter aux difficultés de
l'art pour nuancer le fond d'un caractère national
, de manière à produire par les conféquences
des mêmes principes , des fentimens , une humeur
& une conduite auffi oppofés qu'on les voit
à tous momens entre Sudmer & ce Mylord . L'ef168
MERCURE DE FRANCE .
fet qui en réſulte eft fans contredit affez agréable
pour ne pas s'attacher à en critiquer fcrupuleufement
les moyens , d'autant qu'ils ne préfentent
rien de forcé au premier afpect .
Les détails du rôle de la Marquife le rour
agréable de fa Philofophie , ce qu'il prêtoit au
plaifir de voir & d'entendre plus longtemps Mlle
Dangeville , l'objet de regrets fi juftes & fi vivement
fentis par le Spectateur, tout devoit nous
empêcher d'examiner s'il n'y auroit pas eu quelques
moyens de rendre les progrès de la conquê
te fur le Mylord un peu plus fenfibles dans leur
gradation.
Nous avons déja parlé précédemment du coloris
de cette Piéce. Aujourd'hui que nous venons
d'en mettre une partie fous les yeux du Public ,
ce feroit faire tort à l'Auteur , que de prévenir
les éloges qu'il recevra de chaque Lecteur ,
éloges plus fateurs pour lui que ceux que nous
répéterions ici.
Les Comédiens François ont fait l'ouverture
de leur Théâtre,Lundi 11 Avril,
par Sémiramis , Tragédie de M. DE
VOLTAIRE & le Somnambule.
Nous ne pouvons plus nous diffimuler
, ni au Public , la perte que nous
avions différé de conftater. Toutes les
follicitations , les offres les plus avantageufes
& les plus honorables , l'attrait
de fa propre gloire , attrait renouvellé
autant de fois que paroiffoit Mademoifelle
DANGEVILLE rien n'a pû la
détourner du projet annoncé de fa retraite,
,
AVRIL. 1763. 169
traite , malheureuſement trop indiſpen :
fa fanté.
fable
pour
Le Public , amateur du Théâtre , a eu
d'autres regrets à joindre à celui - ci , par
la perte de Mademoiſelle GAUSSIN.
M. DANGEVILE , frère de l'admirable
Actrice dont on ne peut fe confoler ,
vient auffi de fe retirer.
Le Compliment que M. DAUBERVAL
a prononcé à l'ouverture du Théàtre
, contenant le jufte tribut d'éloges
que nous nous propofions de payer
aux deux A&trices dont on vient de
parler nous allons le rapporter en
entier.
La Marquife de FLORICOURT , 1
Soeur de DARMANT , Mlle Dangeville.
Mylord BRUMTON , M. Belcour.
CLARICE , Fille du Mylord, Mlle Huff.
ROBINSON , Valet du Mylord ,
M. Armand.
SUDMER , riche Négociant Anglois, M.Préville.
La Scène eft à Bordeaux , dans la Maiſon
de Darmant.
MYLORD BRUMTON s'embarque à
Dublin pour aller à Londres avec
CLARICE fa fille , il tranſporte avec lui
la plus grande partie de fa fortune :
fon Vaiffeau eft attaqué par une Fré- +
AVRIL 1763. 149
E
gate Françoife commandée par DARMANT.
Après un combat très -vif , le
Vaiffeau Anglois coule à fonds ; on n'a
que le temps de fauver les gens de
1'Equipage qui font conduits à Bordeaux.
Le Mylord & fa fille font logés
chez DARMANT , qui employe tous les
moyens poffibles pour adoucir le fort
de fes prifonniers ; mais BRUMTON ne
veut accepter aucuns fecours .
Tous ces détails font exposés dans
la prémiere Scène entre DARMANT &
la Marquife de FLORICOURT,
L'Officier François fe plaint à fa
foeur , de la fierté fuperbe & dédaigneufe
du Mylord qui aime mieux expofer
fa fille aux befoins que d'accepter
un bienfait des mains d'un ennemi.
Mais mon frere , dit la Marquife , en
cherchant à rendre fervice au Mylord ,
ne fongeriez - vous point à fa fille ?
Cette Angloife eft charmante. DARMANT
avoue qu'il adore CLARICE ;
mais il veut qu'elle l'ignore.
,, L'amour dégraderoit la générofité.
LA MARQUISE
5
Qui vous fait donc agir ?
DARMA N. T.
L'humanité.
Giij
150 MERCURE DE FRANCE .
La Marquife fe moque de fa difcré
tion , elle lui confeille de fe déclarer à
Clarice & de faire enforte de gagner
la bienveillance du Mylord.
» Devenez fon ami.
DARMANT.
" Mes foins font fuperflus ;
>>Ses principes outrés d'honneur patriotique ,
» Sa façon de penfer qu'il croit philofophique ,
» Sa haine contre les François ;
>> Tout met une barrière entre nous pour jamais.
POLA MARQUISE.
>> Je prétens la brifer , j'entreprens le Mylord ,
» Nous verrons donc ce Philofophe ,
» Et s'il veut raiſonner ; c'eſt moi qui l'apostrophe.
» Cependant obligez le Mylord en filence
» Et cherchez des moyens fecrets.....
ל כ
DARMANT.
>>J'ai déja commencé ; mais n'en parlez jamais ,
D'un bienfait divulgué, l'amour-propre s'offenfe,
>> Le Valet Robinſon eſt dans mes intérêts ;
» Par fon moyen , fon Maître a touché quelques
>> fommes.
AVRIL. 1763 151
Sous le nom fuppofé d'un Patriote Anglois.
LA MARQUISE.
»Voilà comme il faudroit toujours tromper les
» hommes.
Robinson paroît :
LA MARQUISE.
Que fait ton Maître ?
ROBINSON.
Il penſe ,
DARMAN T.
Et Clarice ,
ROBINSON.
Soupire.
DARMANT demande à ROBINSON
ce que le Mylord penſe de la lettre de
change qu'il lui a fait parvenir ; le valet
lui répond que fon Maître n'a aucun
foupçon à cet égard , & qu'il croit que
le bienfait vient de SUDMER à qui il a
promis fa fille . ROBINSON ajoute : mon :
Maître
>> Convaincu qu'il lui doit ce fervice
Hâtera le moment de lui donner Clarice.
Giv
152 MERCURE DE FRANCE.
DARMANT.
» Clarice à Sudmer ?
ROBINSON.
» Oui.
DARMANT.
» Va-t-en.
ROBINSON fe retire ; c'eft par ces
mots que l'intérêt de la Pièce s'établit
& que fe forme le noeud.
La Marquife encourage fon frère.
CLARICE paroît ; elle vient prier Madame
de FLORICOURT de tirer fon père
de la profonde mélancolie où il eft
plongé ......
Il vous a entendu
(continue Clarice).
>> Jouer au Clavecin un concerto d'Indel ;
» Notre Mufique Angloiſe éxcite ſes tranſports
» Pour la premiere fois je vois ici , Madame ,
Le plaifir dans fes yeux & le jour dans ſon âme
DARMAN T.
» Ma foeur , ma foeur , courez au Clavecin .
La Marquife fait connoître qu'elle a
AVRIL. ་
153 1763 .
un autre projet ; elle quitte la Scène.
CLARICE veut rentrer ; DARMANT
l'arrête. Ils ont enſemble un entretien
qui développe l'intérêt. L'un & l'autre
épris de l'amour le plus tendre , diffimulent
leurs fentimens & font tous leurs
éfforts pour fe cacher les mouvemens de
leurs coeurs . Cette fcène filée n'eft point
fufceptible d'un extrait , parce qu'elle
dépend des gradations & des nuances; on
citera feulement ces vers qui la terminent
, & dits fupérieurement par M.
'MOLÉ.
> Le coeur reconnoît- il un Pays différent ?
C'eſt la diverfité des moeurs, des caractères,
Qui fit imaginer chaque Gouvernement.
>> Les Loix font des freins falutaires
» Qu'il faut varier prudemment ,
Suivant chaque climat , chaque tempérament ;
» Ce font des régles néceffaires ,
&
>
Pour que l'on puiffe adopter librement
→ Dės vertus même involontaires.
» Mais ce qui tient au Sentiment ,
N'a dans tous les Pays qu'une Loi , qu'un lan
" gage :
» Tous les hommes également .
» S'accordent pour en faire usage.
François , Anglois , Efpagnol , Allemand
Vont au- devant du noeud que le coeur leur
Gy
t
» dénote ,
154 MERCURE DE FRANCE.
>> Ils font tous confondus par ce lien charmant
» Et quand on eſt ſenſible , on eſt compatriote
>> Malheur à ceux qui penſent autrement ;
>> Une âme féche , une âme dure
» Devroit rentrer dans le néant:
» C'eſt aller contre l'ordre. Un Etre indifférent
>> Eft une erreur de la Nature.
DARMANT fe retire à la vue de
ERUMTON ; ce Mylord eft furieux de
ne voir que des jeux , jeux , de n'entendre que
des ris , des férénades , & d'être étourdi
de chanteurs qui avec leurs maudits tam-.
bourins paffent inceffamment exprès
fous fes fenêtres , pour le troubler dans
fes ennuis.
» Tandis
que la Difcorde en cent climats divers
» De tant d'infortunés écrafe les afyles ,
» Le François chante , on ne voit dans fes Villes
Que feftins , jeux , bals & concerts.
» Quel Dieu le fait jouir de ces deftins tranquilles
Dans lefein de la guerre il goûre le repos.
→ Sans peines , fans befoins & libre fous un Maître
» Le François eft heureux & l'Anglois cherche à
» l'être.
CLARICE.
20. Vous pouvez l'être auffi.
AVRIL 1763. 155
BRUMTON fait rentrer fa fille ; il:
gémit de fe voir retenu chez un peuple
frivole ; il fe précipite dans un fauteuil
& porte les yeux de tous côtés.
>>Tout ne préfente ici qu'un luxe ridicule.
( Il arrête fes regards fur une Horloge : .)
>>Quoi l'art a décoré jufqu'à cette pendule ?:
>> On couronne de fleurs l'interprête du temps ,
» Qui diviſe nos jours & marque nos inftans !
>>Tandis que triftement ce globe qui balance
>> Me fait compter les pas de la mort qui s'avance.
>>Le François entraîné par de légers defirs-
» Ne voit fur ce cadran qu'un cercle de plaifirs.
On tire le Mylord de fes réfléxions ,
en lui apportant de l'argent : BRUMTON
relit la lettre attribuée à SUDMER .
Mylord , je vous envoye une lettre de
change, &c.
Après en avoir fait la lecture , le Mylord
forme le deffein de ne plus demeurer
chez DARMANT. Il charge
fon valet d'aller lui chercher un autre
logement.
5. Pour vivre feuls dans l'ombre & le filénce.
La Marquife paroit , Brumton veutfe retirer
elle l'arrête :
G.vj
156 MERCURE DE FRANCE.
» En qualité d'homme qui penſe ,
» Je ne crois pas que Monfieur fe difpenfe
›› D'éclairer ma raiſon , mon coeur & mon efprit.
» Vous êtes Philofophe , à ce que l'on m'a dit.
D
·
» Communiquez un peu votre ſcience.
LE MYLORD.
Je pense pour moi feul.
LA MARQUISE. ·
» Ah ! quelle inconſéquence i
En vain le Sage réfléchit ,
Si la fociété n'en tire aucun profit ;
>>On doit la cultiver pour elle, pour foi- même.
Eh ! laiffez -là vos fonges creux ;
>> La meilleure morale eft de fe rendre heureux,
>>On ne peut l'être feul avec votre.ſyſtême ,
» Mon inftin &t me le dit & mon coeur encor
>> mieux !
>>La chaîne des befoins rapproche tous les hom
> mes ;
» Le lien du plaifir les unit encor plus.
>> Ces noeuds fi doux pour vous font-ils rompus?
>> Pour être heureux, fayez ce que nous fommes,
LE MYLOR D.
Connoiffez mieux l'Anglois ,Madame, ſon génie
Le porte à de plus grands objets.
AVRIL. 1763. 157
Politique profond , occupé de projets,
Il prétend à l'honneur d'éclairer fa patrie.
» Le moindre Citoyen , attentif à fes droits ,
Voit les papiers publics , & régit l'Angleterre ;
Du Parlement compte les voix ,
>>Juge de l'équité des Loix ,
Prononce librement fur la paix ou la guerre ,
» Peſe les intérêts des Rois ,
Et du fond d'un Caffé leur meſure la terre.
LA MARQUISE.
Jouiffez comme nous.
LE MYLORD.
Mais d'un fi doux lonfir
Quel eft le fruit ?
LA MARQUISE
Le plaifir.
LE MYLORD.
Le plaifir
LA MARQUISE
Je parois ridicule à vos yeux , je le voi.
Mais tout confidéré , quel eft le ridicule ?
Sous des traits différens dans le monde il ci-
>> cule.
Mais au fond, quel eft-il une convention ,
158 MERCURE DE FRANCE.
» Un phantôme idéal , une prévention.
Il n'éxifta jamais aux yeux d'un homme fages
Se variant au gré de chaque Nation ,
» Le ridicule appartient à l'ufage :
L'uſage eft pour les moeurs , les habits , le lan
22
gage .
» Mais je ne vois point les rapports--
»Qu'il peut avoir avec notre âme ;
» L'homme eft homme par -tout : fi la vertu l'en
» flamme ,
» C'eſt mon héros , je laiffe les dehors.
>> Quoi ! toujours notre efprit fantafque
»Ne jugera jamais l'homme que fur le maſque
Nous avons des défauts, chaque Peuple a les fiens.
»Pourquoi s'attacher à des riens?
» Eh ! oui , des riens , des miſéres , vous dis- je ,
Sa Qui ne méritent pas d'exciter votre humeur ;
»C'eſt d'un vice réel qu'il faut qu'on fe corrige :
>>Les écarts de l'efſprit ne font pas ceux du coeur.
BRUMTON eft frappé des lumières
philofophiques qui percent à travers le
tourbillon de la gaîté.
La Marquife dit du bien des Anglois
.
> Comment donc vous penſez &
~fs'écrie Brumton , enfaififfant la main de la Mare
quife. )
Ah ! vous mefédujrjez & vous étiez Angloiſes
AVRIL, 1763. 159
Madame de FLORICOURT qui con
noît dans ce moment tous les avantages
qu'elle a fur le Mylord , va plus loin ;
elle veut l'engager à figurer dans un
ballet. BRUMTON eft indigné de la
propofition ; la Marquife lui replique
vivement.
>> Et pourquoi chercher des raifons
» Pour nourrir chaque jour votre milanthropie
» Vous pensez , & nous jouiſſons :
Laiffez-là , croyez - moi , votre Philofophie ,
Elle donne le fpléne , elle endurcit les coeurs
» Notre gaîté que vous nommez folie ,
» Nuance notre efprit de riantes couleurs
» Par un charme qui fe varie ,
Elle orne la Raifon , elle adoucit les moeurs
»C'eſt un printemps qui fait naître les fleurs
» Sur les épines de la vie.
Madame de FLORICOURT quitte
BRUMTON en ne lui donnant qu'un
moment pour fe déterminer. Mylord
refté feul , fe reproche d'avoir marqué
trop d'aigreur à la Marquife ; car malgréfon
inconféquence , dit- il ,
» Je m'apperçois qu'elle a bon coeur ,
» Et fans qu'elle y fonge elle penfe.
44
» Allons , allons , Mylord , il faut quetu t'apaiſes,
160 MERCURE DE FRANCE.
Fais effort fur toi- même & pardonne aux Fran
çoiſes ;
t
On peut s'y faire....
DARMANT s'avance , il annonce au
Mylord que l'on va renvoyer des prifonniers
Anglois pour pareil nombre
de François , & qu'il l'a fait comprendre
dans l'échange. Qui vous en a prié ?
dit BRUMTON ; je ne veux rien devoir
qu'à ma Nation. J'ai fait des dépêches
pour Londres ; je trouverai fans vous la
fin de mes malheurs . DARMANT remarque
un nouvel accès d'humeur dans
BRUMTON.
DARMANT.
Ah ! je vois ce que c'eft : vous avez vû ma ſoeur
Ses airs évaporés & la tête légére....
MYLORD , à part.
» Veut-il interroger mon coeur ?
DAR MANT.
Oui je conçois qu'elle a pu vous déplaire.
LE MYLORD.
A quoi bon votre foeur ? je l'excufſe aiſément.
a Elle eft femme.
1
AVRIL. 1763. 160
DARMANT.
Son caractere...
LE MYLORD.
M'en fuis-je plaint ?
DARMAN T.
Non , poliment.
LE MY LORD.
Je ne fais point poli.
DARMANT.
Scachez que fon fyftême
»Eftde vous confoler,de vous rendre àvous-même,
»Si je ne l'arrêtois , Monfieur , journellement
Vous feriez obfédé.
LE MYLORD.
Monfieur , laiffez-la faire.
•
DARMANT demande à BRUMTON
fon amitié ou du moins fon eftime. Le
Mylord repart.
» Eh ! malgré moi , Monfieur , vous avez mos
» eſtime ; &c.
162 MERCURE DE FRANCE .
On annonce un Anglois ; c'eft SUDMER
; il fe précipite dans les bras du
Mylord , il fe retourne vers DARMANT ,
il le reconnoît pour fon bienfaiteur.
DARMANT n'a aucune idée d'avoir vu
SUDMER . Celui-ci lui dit :
>>>Je ſuis affez heureux moi ,pour vous reconnoître .
» Rappellez-vous que je vous dois la vie.
>>Vous changeâtes pour moi la fortune ennemies
( Portant la main fur fon coeur:)
» Voilà le livre où font écrits tous les bienfaits.
>>Vous êtes mon ami , du moins je fuis le vôtre
» C'eſt par vos procédés que vous m'avez lié :
›› Je m'en fouviens , vous l'avez oublié ,
as Nous faiſons notre charge en cela l'un & l'autre,
Il raconte les obligations qu'il a a
DARMANT. BRUMTON reproche à
SUDMER l'accueil qu'il fait au François.
Vous n'êtes pas Anglois,
SUDMER.
Je fuis plus ; je fuis homme.
Qu'avez-vous contre lui ? cette froideur m'af
>>fomme ;
Efclave né d'un goût national ,
AVRIL. 1763. 163
"
» Vous êtes toujours partial !
N'admettez plus des maximes contraires ,
Et comme moi voyez d'un oeil égal , ""
" Tous les hommes qui font vos frères.
J'ai détesté toujours un préjugé fatal.
,, Quoi ! parce qu'on habite un autre coin de terre
‚ Il faut ſe déchirer & ſe faire la guerre.
" Tendons tous au bien général ;
5, Crois- moi , Mylord , j'ai parcouru le monde ,
Je ne connois fur la machine ronde
» Rien que deux Peuples différens §.
Sçavoir les hommes bons & les hommes mé→
,, chans.
,,Je trouve par- tout ma patrie
Oùje trouve d'honnêtes gens
,, En Cochinchine , en Barbarie ,
,, Chez les Sauvages mêmes ; &c.
SUDMER invite DARMANT à être
de fa nôce ; BRUMTON fe retire pour
aller avertir fa fille de l'arrivée de
SUDMER. DARMANT ne peut cacher
fon trouble ; SUDMER le foupçonne
d'être fon rival: il veut s'en éclaircir.
DARMANT le quitte .
CLARICE paroît avec fon père ;
SUDMER la trouve charmante ; il lui
demande s'il aura le bonheur d'en être
aimé ; la réponſe de CLARICE donne
encore lieu à des foupçons. BRUMTON
164 MERCURE DE FRANCE.
répond pour fa fille. Je fçais , dit-il ,
comme ma fille penfe , & la reconnoiffance
qu'elle fent comme moi de vos
rares bienfaits , doit l'attacher à vous tendrement.
Quels font ces bienfaits ? re-:
plique SUDMER. Le Mylord lui montre
la lettre qu'il a reçue de fa part ; le Négociant
n'y comprend rien.
Je fais dans un courroux extrême , dit-il, )
Comment , quelqu'an a pris mon nom ,
Pour faire une bonne aЯtion
Que j'aurois pû faire moi-même ?
Il fort pour aller demander des éclairciffemens
au Banquier qui a payé la
lettre de change.
Dans la Scène fuivante le Mylord interroge
fa fille fur les difpofitions de
fon coeur ; elle lui répond avec une franchife
Angloife , qu'elle eft prête à obéir
à fon père ; mais qu'elle n'a pu fe défendre
d'aimer DARMANT. Le Mylord
eft frappé d'étonnement : fa fille le
raffure en lui difant que rien n'a fait
connoître fes fentimens à l'Officier François
, & qu'elle ignore de même les
fiens.
SUDMER arrive ; il n'a pû rien fçavoir
du Banquier. On appelle ROBINAVRIL.
1763. 169
SON ; ce valet forcé par des menaces
de découvrir la vérité , déclare que DARMANT
eft l'auteur des bienfaits que le
Mylord a reçus
"2
LE MYLORD.
O Ciel ! aimeroit-il ma fille ?
ROBINSON.
, Oh ! non , Mylord , iln'oferoit
C'est générosité toute pure.....
Le Mylord demande à CLARICE £
elle eft inftruite ; elle protefte que non.
La Marquife arrive ; fon frère la fuit.
Elle annonce que la paix eft ratifiée &
fait une peinture très-vive de la joie
publique. BRUMTON dit à DARMANT.
Nos Nations font réconciliées .
Par vos traits généreux vous m'avez corrigé,
Et l'amitié furmonte enfin le préjugé :
Que par cette amitié nos maiſons foient liées.
,,Pour vous marquer combien vous m'êtes cher,
Vous fignerez le Contrat de ma fille ""
,, Que dès ce ſoir je marie à Sudmer.
DARMANT eft confterné. La Marquife
rit ; le Mylord en demande la
raiſon; ta Marquise découvre l'amour de
166 MERCURE DE FRANCE .
fon frère pour CLARICE. SUDMER dit
à BRUMTON qu'il pourroit faire une
fottife d'époufer fa fille ; il ajoute :
"
""
Mon rival doit au fond avoir la préférence ,
Sous mon nom il a fçu faifir l'occafion
› D'avoir pour vous ,Mylord , un procédé fort bont
Si je deviens le mari de Clarice ; ""
,, Il eft homme peut-être à rendre encor fervices
„, Je ſuis accoutumé d'être ſon prête-nom .
Le Mylord donne fa fille à DARMANT
& lui- même épouſe la Marquiſe.
SUDMER applaudit à cette double al
liance & dit au François.
,,Daignez , mon cher Darmant , en cette circon .
,, ftance ,
,, Me foulager du poids de la reconnoiffance :
,,Jefens queje fuis vieux,je me vois de grands biens,
Je n'ai point d'héritiers ; foyez tous deux les
"
""
miens....
Point de remerciment , ce feroit une offenfe.
,, Si je vous fçais heureux , mes amis , c'eſt affez ,
C'est vous , c'est vous qui me récompenfez.
La Marquife termine la Pièce
"
quatre vers fuivans.
39
par
les
Lecourage & l'honneur rapprochent les pays,
,,Et deux Peuples égaux en vertus , en lumières,,
De leurs divifions renverfent les barrières
"> Pour demeure toujours amis.
AVRIL. 1763. 167
OBSERVATIONS SUR L'ANGLOIS
A BORDEAUX.
Il ne nous refte que peu de chofes à ajouter
à ce que nous avons dit fur cette Piéce dans le
précédent Mercure , auquel nous prions les Lecteurs
de vouloir bien permettre que nous les
renvoyons.
Tout le monde conçoit aifément ce que doit
être un Drame fait & conftruit pour une circonftance
à laquelle , action , intrigue , carac
tères , fituations , jeu de Théâtre , & furtout le
dénoûment doivent ſe rapporter. On peut donc
fentir par la difficulté de l'ouvrage , le prix de
l'intelligence & de l'art qui regnent dans celleci
; puifqu'en y faifant la plus légére attention ,
on apperçoit que cette Comédie fans éprouver
beaucoup de changemens , & fans aucun renverfement
de conftruction ni dans le fond ni dans
les détails , deviendra une Comédie de tous les
temps , & une Comédie toujours agréable.
On fe difpenfera de répondre à ceux qui ju
geroient le caractère du Mylord trop obstinément
mifanthrope. Il y a dans la conſtitution du
Drame & dans la néceflité des contraſtes , dequoi
juftifier à cet égard la touche un peu forte de ce
caractère. On doit fe prêter aux difficultés de
l'art pour nuancer le fond d'un caractère national
, de manière à produire par les conféquences
des mêmes principes , des fentimens , une humeur
& une conduite auffi oppofés qu'on les voit
à tous momens entre Sudmer & ce Mylord . L'ef168
MERCURE DE FRANCE .
fet qui en réſulte eft fans contredit affez agréable
pour ne pas s'attacher à en critiquer fcrupuleufement
les moyens , d'autant qu'ils ne préfentent
rien de forcé au premier afpect .
Les détails du rôle de la Marquife le rour
agréable de fa Philofophie , ce qu'il prêtoit au
plaifir de voir & d'entendre plus longtemps Mlle
Dangeville , l'objet de regrets fi juftes & fi vivement
fentis par le Spectateur, tout devoit nous
empêcher d'examiner s'il n'y auroit pas eu quelques
moyens de rendre les progrès de la conquê
te fur le Mylord un peu plus fenfibles dans leur
gradation.
Nous avons déja parlé précédemment du coloris
de cette Piéce. Aujourd'hui que nous venons
d'en mettre une partie fous les yeux du Public ,
ce feroit faire tort à l'Auteur , que de prévenir
les éloges qu'il recevra de chaque Lecteur ,
éloges plus fateurs pour lui que ceux que nous
répéterions ici.
Les Comédiens François ont fait l'ouverture
de leur Théâtre,Lundi 11 Avril,
par Sémiramis , Tragédie de M. DE
VOLTAIRE & le Somnambule.
Nous ne pouvons plus nous diffimuler
, ni au Public , la perte que nous
avions différé de conftater. Toutes les
follicitations , les offres les plus avantageufes
& les plus honorables , l'attrait
de fa propre gloire , attrait renouvellé
autant de fois que paroiffoit Mademoifelle
DANGEVILLE rien n'a pû la
détourner du projet annoncé de fa retraite,
,
AVRIL. 1763. 169
traite , malheureuſement trop indiſpen :
fa fanté.
fable
pour
Le Public , amateur du Théâtre , a eu
d'autres regrets à joindre à celui - ci , par
la perte de Mademoiſelle GAUSSIN.
M. DANGEVILE , frère de l'admirable
Actrice dont on ne peut fe confoler ,
vient auffi de fe retirer.
Le Compliment que M. DAUBERVAL
a prononcé à l'ouverture du Théàtre
, contenant le jufte tribut d'éloges
que nous nous propofions de payer
aux deux A&trices dont on vient de
parler nous allons le rapporter en
entier.
Fermer
Résumé : EXTRAIT DE L'ANGLOIS A BORDEAUX.
La pièce de théâtre se déroule à Bordeaux, dans la maison de Darmant, où Lord Brumton et sa fille Clarice sont hébergés après avoir survécu à un naufrage causé par un navire français commandé par Darmant. Brumton refuse toute aide, malgré la générosité de Darmant, qui est secrètement amoureux de Clarice. La Marquise de Floricourt, sœur de Darmant, encourage ce dernier à se déclarer à Clarice et à gagner la bienveillance de Brumton. Darmant aide secrètement Brumton financièrement, en se faisant passer pour un patriote anglais via son valet Robinson. Clarice, inquiète de la mélancolie de son père, joue du clavecin pour le distraire. Une scène entre Darmant et Clarice révèle leur amour mutuel, bien que tous deux tentent de le dissimuler. Brumton, frustré par l'insouciance des Français, est confronté par la Marquise, qui défend la joie de vivre française contre la philosophie austère de Brumton. Sudmer, un riche négociant anglais, reconnaît Darmant comme son bienfaiteur et critique l'attitude nationaliste de Brumton. Dans une autre scène, Sudmer rencontre Clarice et lui demande si elle pourrait l'aimer, mais la réponse de Clarice laisse place à des soupçons. Brumton répond à sa place, affirmant que sa fille est reconnaissante des bienfaits de Sudmer. Sudmer découvre qu'il a reçu une lettre de change en son nom, ce qui le met en colère. Robinson révèle que Darmant est l'auteur des bienfaits. Clarice avoue à son père qu'elle aime Darmant, mais nie toute connaissance des sentiments de ce dernier. La Marquise annonce la ratification de la paix et propose que sa nièce, Clarice, épouse Sudmer. Cependant, Sudmer reconnaît la générosité de Darmant et accepte que Clarice épouse Darmant. Le lord épouse alors la Marquise. Sudmer applaudit à cette double alliance et offre ses biens à Darmant et Clarice. La pièce se termine par une réflexion sur la manière dont le courage et l'honneur rapprochent les peuples, abolissant les divisions.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
1297
p. 169-173
COMPLIMENT prononcé par M. DAUBERVAL, à l'ouverture du Théatre François, le 11 Avril 1763.
Début :
MESESSIEURS LA fonction aussi flateuse qu'honorable que j'ai à remplir, met celui qui [...]
Mots clefs :
Acteurs, Comédie, Actrice, Art, Regretter , Théâtre français
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : COMPLIMENT prononcé par M. DAUBERVAL, à l'ouverture du Théatre François, le 11 Avril 1763.
COMPLIMENT prononcé par
M. DAUBERVAL , à l'ouverture du
Théatre François , le 11 Avril 1763 .
MESESSIEURS , JRS ,
" LA fonction auffi flateufe qu'hono-
» rable
que j'ai à remplir , met celui qui
» en eft chargé à portée d'ofer vous ren-
» dre compte de fon zèle , de fes efforts
» pour mériter vos bontés , & de folliciter
» votre indulgence dont perfonne n'a plus
II. Vol.
"
H
170 MERCURE DE FRANCE.
» befoin que moi. C'eft en connoiffant &
» en fentant tout le prix de ce précieux
» avantage , que je ne puis cependant
» me diffimuler qu'aujourd'hui il de-
» voit regarder un des Acteurs le plus
» en poffeffion de vous plaire ; vous
» feriez moins affectés des pertes qu'il
» vous apprendroit , fi vous aviez fous
» les yeux une des reffources qui vous
reftent. Vous préffentez aifément ,
» Meffieurs , que je vais parler de Ma-
» demoiſelle GAUSSIN & de Made-
» moiſelle DANGEVILLE.
"
» On a l'obligation à la premiere d'un
» genre nouveau de Comédie ; fa figure
» charmante , les graces ingénues de fon
» jeu , le fon intéreffant de fa voix ont
» fait imaginer de mettre en action des
» tableaux anacréontiques : fes yeux
parloient à l'âme ; & l'amour fembloit
l'avoir fait naître pour prouver
» que la volupté n'a pas de parure plus
piquante que la naïveté . Cette perte
» étoit affez grande ; celle de Mademoi-
» felle DANGEVILLE achève de nous
accabler.
"3
»
» Cette Actrice fi pleine de fineffe
» & de vérité , qui renfermoit en elle
» feule de quoi faire la réputation de
» cinq ou fix A&trices , cette favorite
AVRIL. 1763 . 171
des grâces à laquelle perfonne ne
» peut reffembler , puifque dans tous
» les rôles elle ne fe reffembloit pas elle-
» même : Mademoiſelle DANGEVILLE
» fe dérobe à fa propre gloire , & fair
» fuccéder vos regrets à vos acclama-
» tions .
» Vous n'avez rien épargné , Mef-
» fieurs , pour la retenir ; vos applau-
» diffemens réitérés exprimoient ce que
»vous paroiffiez en droit d'en éxiger ,
» & fembloient lui dire , vous faites nos
" plaifirs ; Thalie vous a ouvert tous
» fes tréfors ; elle vous a difpenfé les
» richeffes de tous les âges ; vos per-
» fections toujours nouvelles triomphe-
» ront dutemps . Pourquoi nous quittez-
» vous ?
»
» Les Auteurs lui répétoient fans
» ceffe : nous trouvons fi rarement un
» Acteur pour chaque caractère , vous
» les faififfez tous ; nous avons tant de
» peine à vaincre les cabales , votre
préfence les enchaîne . Notre art eft fi
» difficile , vous applaniffiez nos obſta-
» cles , vous n'en rencontrez point pour
» atteindre l'excellence du vôtre ; &c
vous fçavez fi bien le ménager , qu'il
» femble que ce foit la nature même
» qui vous en épargne les frais. Pour
"
Hij
172 MERCURE DE FRANCE .
"" chère
» quoi nous abandonnez - vous ? Enfin
» Meffieurs , vous regrettez un Actrice
» qui vous enchantoit , & nous ne nous
» confolons pas de nous voir privés
» d'une Camarade qui nous étoit auffi
que précieufe. Au lieu d'avoir
» le fafte trop ordinaire au grand ta-
» lent , elle ignoroit fa fupériorité &
» doutoit d'elle - même quand nous la
prenions pour modèle . Elle fçavoit
» par le liant de fon caractère fe con-
» cilier tous les efprits ; & fans fe don-
» ner aucun foin pour ſe faire un parti ,
» elle n'en avoit que plus de partiſans :
» nous l'admirions & nous l'aimions .
" Sa famille eft depuis long-temps ,
Meffieurs , en poffeflion de vous plaire;
», & fon frère , qui fe retire auffi , vous
a tracé fouvent le fouvenir d'un oncle
fon modèlé. L'un & l'autre ont
39
"
prouvé par leurs fuccès, dans ces rôles
» peu brillans par eux- mêmes, qu'aucun
» genre comique n'eft ftérile , que lorf-
», que l'on manque de talens .
Ces pertes multipliées , au lieu de
nous décourager , Meffieurs , vont-ré-
» doubler notre application pour avoit
droit à vos fuffrages : ce n'eft qu'en
» vous offrant des progrès dans nos ta
lens , ce n'eft qu'en en découvrait
AVRIL. 1763. 173
de naiffans , que l'on peut vous con- .
» foler , Meffieurs , de ceux que vous
» aurez peut-être trop long-temps fujet
» de regretter. »
M. DAUBERVAL , à l'ouverture du
Théatre François , le 11 Avril 1763 .
MESESSIEURS , JRS ,
" LA fonction auffi flateufe qu'hono-
» rable
que j'ai à remplir , met celui qui
» en eft chargé à portée d'ofer vous ren-
» dre compte de fon zèle , de fes efforts
» pour mériter vos bontés , & de folliciter
» votre indulgence dont perfonne n'a plus
II. Vol.
"
H
170 MERCURE DE FRANCE.
» befoin que moi. C'eft en connoiffant &
» en fentant tout le prix de ce précieux
» avantage , que je ne puis cependant
» me diffimuler qu'aujourd'hui il de-
» voit regarder un des Acteurs le plus
» en poffeffion de vous plaire ; vous
» feriez moins affectés des pertes qu'il
» vous apprendroit , fi vous aviez fous
» les yeux une des reffources qui vous
reftent. Vous préffentez aifément ,
» Meffieurs , que je vais parler de Ma-
» demoiſelle GAUSSIN & de Made-
» moiſelle DANGEVILLE.
"
» On a l'obligation à la premiere d'un
» genre nouveau de Comédie ; fa figure
» charmante , les graces ingénues de fon
» jeu , le fon intéreffant de fa voix ont
» fait imaginer de mettre en action des
» tableaux anacréontiques : fes yeux
parloient à l'âme ; & l'amour fembloit
l'avoir fait naître pour prouver
» que la volupté n'a pas de parure plus
piquante que la naïveté . Cette perte
» étoit affez grande ; celle de Mademoi-
» felle DANGEVILLE achève de nous
accabler.
"3
»
» Cette Actrice fi pleine de fineffe
» & de vérité , qui renfermoit en elle
» feule de quoi faire la réputation de
» cinq ou fix A&trices , cette favorite
AVRIL. 1763 . 171
des grâces à laquelle perfonne ne
» peut reffembler , puifque dans tous
» les rôles elle ne fe reffembloit pas elle-
» même : Mademoiſelle DANGEVILLE
» fe dérobe à fa propre gloire , & fair
» fuccéder vos regrets à vos acclama-
» tions .
» Vous n'avez rien épargné , Mef-
» fieurs , pour la retenir ; vos applau-
» diffemens réitérés exprimoient ce que
»vous paroiffiez en droit d'en éxiger ,
» & fembloient lui dire , vous faites nos
" plaifirs ; Thalie vous a ouvert tous
» fes tréfors ; elle vous a difpenfé les
» richeffes de tous les âges ; vos per-
» fections toujours nouvelles triomphe-
» ront dutemps . Pourquoi nous quittez-
» vous ?
»
» Les Auteurs lui répétoient fans
» ceffe : nous trouvons fi rarement un
» Acteur pour chaque caractère , vous
» les faififfez tous ; nous avons tant de
» peine à vaincre les cabales , votre
préfence les enchaîne . Notre art eft fi
» difficile , vous applaniffiez nos obſta-
» cles , vous n'en rencontrez point pour
» atteindre l'excellence du vôtre ; &c
vous fçavez fi bien le ménager , qu'il
» femble que ce foit la nature même
» qui vous en épargne les frais. Pour
"
Hij
172 MERCURE DE FRANCE .
"" chère
» quoi nous abandonnez - vous ? Enfin
» Meffieurs , vous regrettez un Actrice
» qui vous enchantoit , & nous ne nous
» confolons pas de nous voir privés
» d'une Camarade qui nous étoit auffi
que précieufe. Au lieu d'avoir
» le fafte trop ordinaire au grand ta-
» lent , elle ignoroit fa fupériorité &
» doutoit d'elle - même quand nous la
prenions pour modèle . Elle fçavoit
» par le liant de fon caractère fe con-
» cilier tous les efprits ; & fans fe don-
» ner aucun foin pour ſe faire un parti ,
» elle n'en avoit que plus de partiſans :
» nous l'admirions & nous l'aimions .
" Sa famille eft depuis long-temps ,
Meffieurs , en poffeflion de vous plaire;
», & fon frère , qui fe retire auffi , vous
a tracé fouvent le fouvenir d'un oncle
fon modèlé. L'un & l'autre ont
39
"
prouvé par leurs fuccès, dans ces rôles
» peu brillans par eux- mêmes, qu'aucun
» genre comique n'eft ftérile , que lorf-
», que l'on manque de talens .
Ces pertes multipliées , au lieu de
nous décourager , Meffieurs , vont-ré-
» doubler notre application pour avoit
droit à vos fuffrages : ce n'eft qu'en
» vous offrant des progrès dans nos ta
lens , ce n'eft qu'en en découvrait
AVRIL. 1763. 173
de naiffans , que l'on peut vous con- .
» foler , Meffieurs , de ceux que vous
» aurez peut-être trop long-temps fujet
» de regretter. »
Fermer
Résumé : COMPLIMENT prononcé par M. DAUBERVAL, à l'ouverture du Théatre François, le 11 Avril 1763.
Le 11 avril 1763, M. Dauberval prononce un discours à l'ouverture du Théâtre François. Il exprime son honneur et son zèle à remplir sa fonction et sollicite l'indulgence du public. Dauberval évoque la perte récente de deux actrices, Mademoiselle Gaussin et Mademoiselle Dangeville, dont les talents sont grandement regrettés. Mademoiselle Gaussin est louée pour son rôle dans un nouveau genre de comédie, ses charmes et sa voix intéressante. Sa disparition est comparée à celle de Mademoiselle Dangeville, actrice reconnue pour sa finesse et sa vérité, capable de briller dans tous les rôles. Le public et les auteurs regrettent son départ, soulignant son talent unique et sa capacité à surmonter les obstacles. La famille de Mademoiselle Dangeville, notamment son frère, est également reconnue pour ses succès. Malgré ces pertes, Dauberval encourage ses collègues à redoubler d'efforts pour mériter les suffrages du public, en offrant des progrès et en découvrant de nouveaux talents.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
1298
p. 173
COMÉDIE ITALIENNE.
Début :
LES Comédiens Italiens ont fait l'ouverture de leur Théâtre le même jour [...]
Mots clefs :
Comédiens italiens
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : COMÉDIE ITALIENNE.
COMÉDIE ITALIENNE.
LEE
S Comédiens Italiens ont fait l'ouverture
de leur Théâtre le même jour,
11 Avril, par les Soeurs Rivales , le Bucheron
, & Arlequin crú mort.
LEE
S Comédiens Italiens ont fait l'ouverture
de leur Théâtre le même jour,
11 Avril, par les Soeurs Rivales , le Bucheron
, & Arlequin crú mort.
Fermer
1299
p. 173-174
OPERA.
Début :
LA Salle de l'Opéra, comprise dans l'incendie qui a consumé (le Mercredi [...]
Mots clefs :
Salle, Académie royale de musique, État, Incendie
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : OPERA.
OPERA.
LA Salle de l'Opéra , compriſe dans
l'incendie qui a confumé ( le Mercredi
6 de ce mois ) quelques parties des Bâtimens
du Palais Royal , ayant été
totalement détruite par la violence
des flammes , en moins d'un quart
d'heure , l'Académie Royale de Mufique
n'a pu reprendre le cours de fes repréfentations
dans le temps accoutumé.
Cependant, l'attention du Gouvernement
pour tout ce qui peut intéreffer le
Public , n'a pas laiffé un moment d'incertitude
fur le fort d'un Spectacle auffi
néceffaire à l'amufement des Citoyens,
H iij
174 MERCURE DE FRANCE,
que convenable à la fplendeur de la Ca
pitale . Dès le lendemain de l'embrâſement
, M. le Comte de S. Florentin , Miniftre
& Secrétaire d'Etat , adreffa aux
fieurs Rebel & Francoeur , Directeurs de
cette Académie , des ordres par écrit à
l'effet d'affurer les Sujets qui la compofent
, de la continuité de leur état , en
enjoignant à chacun d'eux de ne fe pas
écarter , & d'être prêts à reprendre l'exercice
de leurs talens inceffamment ,
dans le lieu qui aura été déterminé ,
en attendant qu'on ait pris les mefures
& les moyens convenables pour la
conftruction d'une nouvelle Salle.
LA Salle de l'Opéra , compriſe dans
l'incendie qui a confumé ( le Mercredi
6 de ce mois ) quelques parties des Bâtimens
du Palais Royal , ayant été
totalement détruite par la violence
des flammes , en moins d'un quart
d'heure , l'Académie Royale de Mufique
n'a pu reprendre le cours de fes repréfentations
dans le temps accoutumé.
Cependant, l'attention du Gouvernement
pour tout ce qui peut intéreffer le
Public , n'a pas laiffé un moment d'incertitude
fur le fort d'un Spectacle auffi
néceffaire à l'amufement des Citoyens,
H iij
174 MERCURE DE FRANCE,
que convenable à la fplendeur de la Ca
pitale . Dès le lendemain de l'embrâſement
, M. le Comte de S. Florentin , Miniftre
& Secrétaire d'Etat , adreffa aux
fieurs Rebel & Francoeur , Directeurs de
cette Académie , des ordres par écrit à
l'effet d'affurer les Sujets qui la compofent
, de la continuité de leur état , en
enjoignant à chacun d'eux de ne fe pas
écarter , & d'être prêts à reprendre l'exercice
de leurs talens inceffamment ,
dans le lieu qui aura été déterminé ,
en attendant qu'on ait pris les mefures
& les moyens convenables pour la
conftruction d'une nouvelle Salle.
Fermer
Résumé : OPERA.
Le 6 mai, un incendie a ravagé la Salle de l'Opéra du Palais Royal en moins de quinze minutes, empêchant l'Académie Royale de Musique de reprendre ses représentations à la date prévue. Le gouvernement, reconnaissant l'importance de ce spectacle pour le divertissement des citoyens et la splendeur de la capitale, a réagi promptement. Le lendemain, le Comte de Saint-Florentin, Ministre et Secrétaire d'État, a envoyé des instructions écrites aux directeurs de l'Académie, Rebel et Francoeur, leur ordonnant de maintenir la disponibilité des membres pour reprendre les activités dès qu'un nouveau lieu serait trouvé, en attendant la construction d'une nouvelle salle.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
1300
p. 174-179
SUITE des Concerts Spirituels.
Début :
Il y a eu Concert tous les jours de la Semaine Sainte. [...]
Mots clefs :
Musique, Concert, Public, Chœurs, Talents, Applaudissements, Célébrité, Concerto
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SUITE des Concerts Spirituels.
SUITE des Concerts Spirituels.
Il y a eu Concert tous les jours de la Semaine
Sainte.
"
;
Dans les premiers , on a repris quelques- uns
des Moters à grand choeur qui avoient été éxécutés
précédemment Inclina Domine , de M.
BLANCHARD , Maître de Mufique de la Chapelle
du Roi. Confitemini , autre Moter à grand choeur
de M. l'Abbé GOULET , ancien Maître de Mufide
l'Eglife de Paris ; le Deus venerunt Moter
a grand choeur de feu M. FANTON , d'une belle
& fçavante diftribution & d'un grand effet. Le
Lundi Saint on avoit éxécuté pour la première
fois Dixit Dominus Domino meo , Motet àgrand
choeur del Signor Leonardo Leo , Ouvrage d'un
que
AVRIL. 1763. 175
affez beau travail pour l'harmonie & d'un genr
qui porte le caractère du temps où la Mufique
Italienne n'avoit pas encore été corrompue par
l'extravagance des faillies & par la furabondante.
affluence des tours d'éxécution .
On éxécuta le Mercredi Saint , l'admirable
Stabat de PERGOLEZE . Mademoiſelle HARDI ,
dont nous avons déja parlé , & M. AIUTO de la
Mufique du Roi y récitoient . On connoît le mérite
de ce célébre Motet ; on l'a donné les deux
autres jours fuivans , & il a été tous les jours trèsbien
éxécuté . Mademoiſelle HARDI y a eu beaucoup
d'applaudiffemens. Les autres grands Motets
qu'on a donnés avec le Stabat , n'ont ni moins
de mérite ni moins de célébrité dans leur genre.
Le même jour , on éxécuta le Miferere de feu
M. de LALANDE. Mademoiſelle ARNOULD y
chanta le récit Sacrificium Deo , avec cette expreffion
touchante qui eft naturelle à la qualité
de fa voix & au caractère de fon talent ; les applaudiffemens
qu'elle y reçut , font garans de cet
éloge. Le Jeudi , on donna le Motet connu fous
le nom de Meffe de GILLES ; ouvrage dont la
célébrité difpenfe d'ajouter aux éloge sde tous
les connoiffeurs.
Ce même jour ( Jeudi Saint ) M. AIUTO ,
par quelqu'accident imprévu , n'ayant pu arriver
de Verfailles pour le temps du Concert , M. BBSCHE
fe prêta à y fuppléer dans le Stabat. L'art
avec lequel il s'acquitta de l'éxécution de cette
partie , mérite autant d'éloges que fa bonne volonté.
Sans beaucoup de connoiffance en mufique
on conçoit facilement de quelle difficulté il eft
de convertir fur le champ une partie de deffus
en haute-contre , en n'altérant point la modu
lation d'un chant auffi précieux que l'eft
H. iv
176 MERCURE DE FRANCE.
celui du Stabat . C'eft ce que fit M. BESCHE avec
une préciſion , une fageffe & un goût qui attirerent
les applaudiffemens de tous les auditeurs.
Le Vendredi Saint , on donna le De profundis
de M. REBEL , Sur- Intendant de la Mufique du
Roi. Nous avons déja eu occafion de parler de
ce Motet , dont la célébrité eft actuellement établie
avec juftice. Il fut fort bien éxécuté & fit un
très- grand effet . On finit par le Stabat.
Les Moters du Samedi Saint furent Regina
cali , de M. l'Abbé TOUSSAINT , Maître de Mufique
de la Cathédrale de Dijon , qui parut être
goûté ; & un Salve Regina à grand choeur ,
de
M. KOHAULT , duquel nous avons parlé à l'occafion
des Duos de Luth & de Violoncelle avec
M. DUPORT. Ce Motet avoit été éxécuté le Jeudi
précédent entre les deux grands Moters & jugé
très digne d'être au même rang & de ter
miner un Concert. Le génie , le goût & l'agrément
regnent dans toute la compofition de ce
morceau : il eft travaillé d'une manière brillante ,
mais fans bifarrerie . Mlle FEL y chantoit des récits
avec un accompagnement de Violoncelle
obligé , éxécuté par M. DUPORT. C'étoit avoir
réuni tout ce qui eft le plus agréable au Public
dans un Motet qui par lui -même méritoit les
fuffrages.
Le jour de Pâques, on éxécuta Dominus regnavit,
de feu M. DE LALANDE . Mlle ARNOULD Y chanta
un récit. On finit par Deus venerunt , de feu M.
FANTON . Nous avons parlé plus haut de ce motet.
Il nous refte à ajouter que le Public & les connoiffeurs
paroiffent aimer beaucoup la musique de
cet Auteur & regretter que l'on n'en donne pas
plus fouvent.
M. BESCHE fit beaucoup de plaifir dans le pe
tit Motet de M. Mouret Benedictus .
AVRIL 1763. 177
Le Lundi , le Concert commença par Notus in
Judæa, de la compofition de M. MATHIEU , le fils ,
Ordinaire de la Mufique du Roi , & finit par Lauda
Jerufalem , de M. l'Abbé GIROULT , Maître de
Mufique de la Cathédrale d'Orléans.
Le Mardi de Pâques , Cantemus , motet de M.
GIRAULT , Ordinaire de la Mufique du Roi & de
l'Académie Royale , dans lequel il y a beaucoup
de chofes agréables & bien travaillées , qui furent
applaudies . Le Dixit , da Signor LEO .
Le Vendredi , après les Fêtes , il y eur Concert.
On y reprit le Miferere , de M. DE LA LANDE, dans
lequel Mile ARNOULD , avec plus de fuccès encore
que la premiere fois ,y chanta l'admirable recit Sacrificium.
L'impreffion qu'elle fit fur le Public
dans ce morceau fut univerfelle & de la plus
grande vivacité ; les applaudiffemens qu'on lui
donna exprimerent d'une manière inconteftable
la juftice que nous rendons ici aux grands talens
de Mile ARNOULD pour tout qui ce porte le caaractère
du Sentiment. i
2
On termina cé Concert par Mifericordias Domini
, Motet de M. BLANCHARD , digne du
métite reconnu de cet Auteur.
Le Dimanche de Quafimodo , jour de la clôcure
des Concerts , on commença par Lauda
Jerufalem de M. DE LALANDE Mlle ARNOULD
y chanta un récit. On reprit le Motet Mifericordias
Domini..
3
1.K
&
Ce Concet fut remarquable par une nowveauté
très - intéreſſante pour le Public ,
qui par le fuccès lui devint on ne peut pas plus
agréable . Mlle DUBOIS , de la Comédie Fran
çoife , dont nous avons eu occafion d'annoncer
les progrès dans le grand art de la Déclama
tion tragique, fit l'eflai le plus flatteur pour elle
Hv
178 MERCURE DE FRANCE.
de fes autres talens , en chantant à ce Concert
un Motet à voix feule de feu M. MOURET , avec
une très -belle voir, la plus belle articulation ' ,
la juftelle des fons & la précifion des mouvemens
, qu'on loueroit dans une Cantatrice confommée
& journellement exercée. On conjecture
facilement combien elle fut applaudie..
Les divers talens , foit fymphoniſtes , foit chanzeurs
qui font habituellement les plaifirs du Public
à ce Concert , ne nous fçauront pas mauvais
gré ne de pas répéter ni détailler ici tout ce
qu'ils ont reçus & mérités de nouveaux éloges.
M. GAVINIES , M. BALBASTRE , M. DUPORT "
prodige fur lequel nous n'avons plus d'expref
fions ) ont joué chacun des Concerto ou dés
Sonates dans plufieurs de ces Concets. Les Duos
entre M. KOHAUT fur le Luth & M. DUPORT
fur le Violoncelle , ont été fréquemment répétés
& jamais trop applaudis au gré du Public.
M. LE MIERRE , M, CAPRON , déja connus &
arès-goûtés du public, ont éxécuté fur le violon des
morceaux de diſtinction à pluſieurs de ces Concerts.
M. MAYER , dont on a parlé ci - devant, a
joué de la Harpe au dernier Concert , avec le
même fuccès qu'il avoit eu cet Hyver.
M. LEGRAND a éxécuté un Concerto fur l'Or
gue, qui a été généralement approuvé.
M. BOUTEUX joua le Vendredi 8 , un Concerto
de Violon dans lequel il eut beaucoup
d'approbateurs .
M. FELIX REINER , ordinaire de la Mufique
du Duc de BAVIERE , a éxécuté plufieurs fois .
divers morceaux fur le Baffon , avec beaucoup
de talent & une grande pratique de cet inftru
ment .
Nous croyons nous être rappellés les nou
AVRIL. 1763. 170
veautés en talens qui ont contribué à l'agrément
& à la beauté des Concerts pendant les trois
femaines de Pâques.
Nous ne devons pas obmettre que le jeune
M. DUBUT , cité dans le précédent Volume , a
paru dans prefque tous les Concerts fuivans , où.
il a toujours fait plaifir .
>
Mlle HARDI , qui a chanté à tous les Concerts,
& dont nous avons parlé au commencement du
mois , paroît avoir été la nouveauté intéreffante
cette année qui a fixé l'attention & les fuffrages
des Auditeurs. Il eft honorable pour ce
jeune Sujet d'avoir par une épreuve auffi peu
fufpecte que l'approbation univerfelle , prouvé
qu'elle mérite les bienfaits de fes auguftes Protecteurs.
Mlle ROZET a chanté plufieurs Moters à voix
feule avec une très- belle voix & les marques
d'un progrès fenfible dans l'art.
Mlle BERNARD , de laquelle on a parlé dans
plufieurs Mercures , a chanté auffi quelquefois.
Ce font Mlle FEL , Mrs GELIN , BESCHE &
MUGUET qui ont foutenu feuls , cette année, le
fonds de la Mufique pour les grands récits pendant
tout le cours des Concerts.
Le Public paroît confirmé dans l'opinion avan -
tageufe qu'il avoit conçue d'abord des nouveaux
Directeurs du Concert , par le bon choix des
ouvrages & des talens qui ont paru pendant
ces trois ſemaines de Pâques.
Il y a eu Concert tous les jours de la Semaine
Sainte.
"
;
Dans les premiers , on a repris quelques- uns
des Moters à grand choeur qui avoient été éxécutés
précédemment Inclina Domine , de M.
BLANCHARD , Maître de Mufique de la Chapelle
du Roi. Confitemini , autre Moter à grand choeur
de M. l'Abbé GOULET , ancien Maître de Mufide
l'Eglife de Paris ; le Deus venerunt Moter
a grand choeur de feu M. FANTON , d'une belle
& fçavante diftribution & d'un grand effet. Le
Lundi Saint on avoit éxécuté pour la première
fois Dixit Dominus Domino meo , Motet àgrand
choeur del Signor Leonardo Leo , Ouvrage d'un
que
AVRIL. 1763. 175
affez beau travail pour l'harmonie & d'un genr
qui porte le caractère du temps où la Mufique
Italienne n'avoit pas encore été corrompue par
l'extravagance des faillies & par la furabondante.
affluence des tours d'éxécution .
On éxécuta le Mercredi Saint , l'admirable
Stabat de PERGOLEZE . Mademoiſelle HARDI ,
dont nous avons déja parlé , & M. AIUTO de la
Mufique du Roi y récitoient . On connoît le mérite
de ce célébre Motet ; on l'a donné les deux
autres jours fuivans , & il a été tous les jours trèsbien
éxécuté . Mademoiſelle HARDI y a eu beaucoup
d'applaudiffemens. Les autres grands Motets
qu'on a donnés avec le Stabat , n'ont ni moins
de mérite ni moins de célébrité dans leur genre.
Le même jour , on éxécuta le Miferere de feu
M. de LALANDE. Mademoiſelle ARNOULD y
chanta le récit Sacrificium Deo , avec cette expreffion
touchante qui eft naturelle à la qualité
de fa voix & au caractère de fon talent ; les applaudiffemens
qu'elle y reçut , font garans de cet
éloge. Le Jeudi , on donna le Motet connu fous
le nom de Meffe de GILLES ; ouvrage dont la
célébrité difpenfe d'ajouter aux éloge sde tous
les connoiffeurs.
Ce même jour ( Jeudi Saint ) M. AIUTO ,
par quelqu'accident imprévu , n'ayant pu arriver
de Verfailles pour le temps du Concert , M. BBSCHE
fe prêta à y fuppléer dans le Stabat. L'art
avec lequel il s'acquitta de l'éxécution de cette
partie , mérite autant d'éloges que fa bonne volonté.
Sans beaucoup de connoiffance en mufique
on conçoit facilement de quelle difficulté il eft
de convertir fur le champ une partie de deffus
en haute-contre , en n'altérant point la modu
lation d'un chant auffi précieux que l'eft
H. iv
176 MERCURE DE FRANCE.
celui du Stabat . C'eft ce que fit M. BESCHE avec
une préciſion , une fageffe & un goût qui attirerent
les applaudiffemens de tous les auditeurs.
Le Vendredi Saint , on donna le De profundis
de M. REBEL , Sur- Intendant de la Mufique du
Roi. Nous avons déja eu occafion de parler de
ce Motet , dont la célébrité eft actuellement établie
avec juftice. Il fut fort bien éxécuté & fit un
très- grand effet . On finit par le Stabat.
Les Moters du Samedi Saint furent Regina
cali , de M. l'Abbé TOUSSAINT , Maître de Mufique
de la Cathédrale de Dijon , qui parut être
goûté ; & un Salve Regina à grand choeur ,
de
M. KOHAULT , duquel nous avons parlé à l'occafion
des Duos de Luth & de Violoncelle avec
M. DUPORT. Ce Motet avoit été éxécuté le Jeudi
précédent entre les deux grands Moters & jugé
très digne d'être au même rang & de ter
miner un Concert. Le génie , le goût & l'agrément
regnent dans toute la compofition de ce
morceau : il eft travaillé d'une manière brillante ,
mais fans bifarrerie . Mlle FEL y chantoit des récits
avec un accompagnement de Violoncelle
obligé , éxécuté par M. DUPORT. C'étoit avoir
réuni tout ce qui eft le plus agréable au Public
dans un Motet qui par lui -même méritoit les
fuffrages.
Le jour de Pâques, on éxécuta Dominus regnavit,
de feu M. DE LALANDE . Mlle ARNOULD Y chanta
un récit. On finit par Deus venerunt , de feu M.
FANTON . Nous avons parlé plus haut de ce motet.
Il nous refte à ajouter que le Public & les connoiffeurs
paroiffent aimer beaucoup la musique de
cet Auteur & regretter que l'on n'en donne pas
plus fouvent.
M. BESCHE fit beaucoup de plaifir dans le pe
tit Motet de M. Mouret Benedictus .
AVRIL 1763. 177
Le Lundi , le Concert commença par Notus in
Judæa, de la compofition de M. MATHIEU , le fils ,
Ordinaire de la Mufique du Roi , & finit par Lauda
Jerufalem , de M. l'Abbé GIROULT , Maître de
Mufique de la Cathédrale d'Orléans.
Le Mardi de Pâques , Cantemus , motet de M.
GIRAULT , Ordinaire de la Mufique du Roi & de
l'Académie Royale , dans lequel il y a beaucoup
de chofes agréables & bien travaillées , qui furent
applaudies . Le Dixit , da Signor LEO .
Le Vendredi , après les Fêtes , il y eur Concert.
On y reprit le Miferere , de M. DE LA LANDE, dans
lequel Mile ARNOULD , avec plus de fuccès encore
que la premiere fois ,y chanta l'admirable recit Sacrificium.
L'impreffion qu'elle fit fur le Public
dans ce morceau fut univerfelle & de la plus
grande vivacité ; les applaudiffemens qu'on lui
donna exprimerent d'une manière inconteftable
la juftice que nous rendons ici aux grands talens
de Mile ARNOULD pour tout qui ce porte le caaractère
du Sentiment. i
2
On termina cé Concert par Mifericordias Domini
, Motet de M. BLANCHARD , digne du
métite reconnu de cet Auteur.
Le Dimanche de Quafimodo , jour de la clôcure
des Concerts , on commença par Lauda
Jerufalem de M. DE LALANDE Mlle ARNOULD
y chanta un récit. On reprit le Motet Mifericordias
Domini..
3
1.K
&
Ce Concet fut remarquable par une nowveauté
très - intéreſſante pour le Public ,
qui par le fuccès lui devint on ne peut pas plus
agréable . Mlle DUBOIS , de la Comédie Fran
çoife , dont nous avons eu occafion d'annoncer
les progrès dans le grand art de la Déclama
tion tragique, fit l'eflai le plus flatteur pour elle
Hv
178 MERCURE DE FRANCE.
de fes autres talens , en chantant à ce Concert
un Motet à voix feule de feu M. MOURET , avec
une très -belle voir, la plus belle articulation ' ,
la juftelle des fons & la précifion des mouvemens
, qu'on loueroit dans une Cantatrice confommée
& journellement exercée. On conjecture
facilement combien elle fut applaudie..
Les divers talens , foit fymphoniſtes , foit chanzeurs
qui font habituellement les plaifirs du Public
à ce Concert , ne nous fçauront pas mauvais
gré ne de pas répéter ni détailler ici tout ce
qu'ils ont reçus & mérités de nouveaux éloges.
M. GAVINIES , M. BALBASTRE , M. DUPORT "
prodige fur lequel nous n'avons plus d'expref
fions ) ont joué chacun des Concerto ou dés
Sonates dans plufieurs de ces Concets. Les Duos
entre M. KOHAUT fur le Luth & M. DUPORT
fur le Violoncelle , ont été fréquemment répétés
& jamais trop applaudis au gré du Public.
M. LE MIERRE , M, CAPRON , déja connus &
arès-goûtés du public, ont éxécuté fur le violon des
morceaux de diſtinction à pluſieurs de ces Concerts.
M. MAYER , dont on a parlé ci - devant, a
joué de la Harpe au dernier Concert , avec le
même fuccès qu'il avoit eu cet Hyver.
M. LEGRAND a éxécuté un Concerto fur l'Or
gue, qui a été généralement approuvé.
M. BOUTEUX joua le Vendredi 8 , un Concerto
de Violon dans lequel il eut beaucoup
d'approbateurs .
M. FELIX REINER , ordinaire de la Mufique
du Duc de BAVIERE , a éxécuté plufieurs fois .
divers morceaux fur le Baffon , avec beaucoup
de talent & une grande pratique de cet inftru
ment .
Nous croyons nous être rappellés les nou
AVRIL. 1763. 170
veautés en talens qui ont contribué à l'agrément
& à la beauté des Concerts pendant les trois
femaines de Pâques.
Nous ne devons pas obmettre que le jeune
M. DUBUT , cité dans le précédent Volume , a
paru dans prefque tous les Concerts fuivans , où.
il a toujours fait plaifir .
>
Mlle HARDI , qui a chanté à tous les Concerts,
& dont nous avons parlé au commencement du
mois , paroît avoir été la nouveauté intéreffante
cette année qui a fixé l'attention & les fuffrages
des Auditeurs. Il eft honorable pour ce
jeune Sujet d'avoir par une épreuve auffi peu
fufpecte que l'approbation univerfelle , prouvé
qu'elle mérite les bienfaits de fes auguftes Protecteurs.
Mlle ROZET a chanté plufieurs Moters à voix
feule avec une très- belle voix & les marques
d'un progrès fenfible dans l'art.
Mlle BERNARD , de laquelle on a parlé dans
plufieurs Mercures , a chanté auffi quelquefois.
Ce font Mlle FEL , Mrs GELIN , BESCHE &
MUGUET qui ont foutenu feuls , cette année, le
fonds de la Mufique pour les grands récits pendant
tout le cours des Concerts.
Le Public paroît confirmé dans l'opinion avan -
tageufe qu'il avoit conçue d'abord des nouveaux
Directeurs du Concert , par le bon choix des
ouvrages & des talens qui ont paru pendant
ces trois ſemaines de Pâques.
Fermer
Résumé : SUITE des Concerts Spirituels.
Durant la Semaine Sainte de l'année 1763, des concerts spirituels ont été organisés quotidiennement. Les premiers concerts ont repris des motets à grand chœur déjà exécutés, tels que 'Inclina Domine' de M. Blanchard, 'Confitemini' de l'Abbé Goulet, et 'Deus venerunt' de M. Fanton. Le lundi saint, le motet 'Dixit Dominus Domino meo' de Leonardo Leo a été exécuté pour la première fois. Le mercredi saint, le célèbre 'Stabat Mater' de Pergolèse a été interprété par Mademoiselle Hardi et M. Aiuto, suscitant de nombreux applaudissements. Le même jour, le 'Miserere' de M. de Laland a été exécuté avec Mademoiselle Arnould chantant le récit 'Sacrificium Deo'. Le jeudi saint, le motet 'Messe de Gilles' a été joué, et M. Besche a remplacé M. Aiuto dans le 'Stabat Mater'. Le vendredi saint, le 'De profundis' de M. Rebel a été exécuté. Le samedi saint, les motets 'Regina caeli' de l'Abbé Toussaint et 'Salve Regina' de M. Kohault ont été interprétés, avec Mademoiselle Fel chantant des récits accompagnés par M. Duport au violoncelle. Le jour de Pâques, les motets 'Dominus regnavit' de M. de Laland et 'Deus venerunt' de M. Fanton ont été exécutés. M. Besche a interprété le petit motet 'Benedictus' de M. Mouret. Les concerts se sont poursuivis après Pâques avec divers motets et concerts instrumentaux, notamment des œuvres de M. Mathieu, l'Abbé Giroult, et M. Girault. Plusieurs artistes ont été salués pour leurs performances, notamment Mademoiselle Dubois, M. Gaviniès, M. Balbastre, M. Duport, M. Legrand, M. Bouteux, et M. Felix Reiner. Mademoiselle Hardi a été particulièrement remarquée pour ses interprétations. Le public a apprécié le choix des œuvres et des talents présentés par les nouveaux directeurs du concert.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer