A MADAME la Princesse de Conti ,
premiere Douairiere.
ODE
PRophanes Nymphes du Permesse
Je ne veux plus suivre vos pas ,
Trop long-temps vos trompeurs app.
Ont séduit ma folle jeunesse ;
Plus j'approche du Monument ,
Plus je vois sans déguisement ,
Combien vos faveurs sont à craindre ,
Et ma maison est un flambeau ,
Dont l'éclat n'est jamais si beau ,
Que lorsqu'il est prêt de s'éteindre.
Tantôt sur un ton langoureux ,
Vous avez ajusté ma Lyre ,
Dont souvent mon tendre délire ,
Atiré des sons dangereux ,
Tantôt plus charmé pour Athénes ,
Des traits lancez par Démosthènes ,
Qu'intimidé par ses malheurs ,
Je n'ai pas craint sous vos auspices
De parcourir des, précipices ,
Que vous m'aviez semés de fleurs.
I. Vol.
Que Biiij
1078 MERCURE DE FRANCE
Que de jours remplis d'amertume ,
M'attira le couroux du Ciel ,
Quand je laissai couler le fiel ,
Où vous aviez trempé ma plume !
N'aurois-je pas perdu le jour ,
Dans l'horreur d'un affreux séjour ( a ) ,
Voisin de l'Empire des Manes >
Si mes vœux s'étoient reposez ,
Sus vos Hercules supposez ,
Qu sur vos feintes Arianes ?·
J'addressai mes humbles respects,
Au Dieu qu'adore une Princesse ,
Dont on prise autant la sagesse ,
Qu'on fut charmé de ses attraits ;
Alors , agréable surprise !
L'airain de mes Portes se brise ,
Ma fuite devance les vents ;
Et je vois la plaine liquide ,
M'ouvrir une route solide ,
A travers deux remparts mouvans.
粥
Compare , ô Chantre de la Grèce ,
A ces secrets miraculeux ,
Ceux que ton Héros fabuleux ,
Reçut d'une fausse Déesse ;
(a )Les Isles de fainte Marguerite.
1. Vol. Qui-
JUIN.
1732. 1079
Quiconque a Dieu pour son appui ,
Et ne met son espoir qu'en lui ,
Brave les fureurs de l'envie ;
Parmi les piéges des méchans ,
Au milieu des glaives tranchans ,
Ilne tremble point pour sa vie.
'Armé d'un si puissant secours
J'ai rendu ma course celebre ,
Depuis le Pô , le Tage et l'Ebre,
Jusqu'où Lamstel finit son cours ,
De l'Apennin aux Pirenées ,
J'ai vu des têtes couronnées ,'
Relever mon sort abbatu ;
Souvent les ames généreuses ;
Donnent aux fautes courageuses
Les Eloges de la vertu.
Sorti des Terres étrangeres ,
Od j'ai vû dix ans s'écouler ,
Qu'il m'est doux de ne plus fouler
Que l'héritage de mes Peres. !
Je vis sous leurs antiques toits ,
Qu'aux superbes Palais des Rois ,
Préfere mon ame charmée ,
Ou plus heureux , et plus Chrétien ,
1.Vol, By Mon
1080 MERCURE DE FRANCE.
1
Mon cœur ne se plaint plus de rien
Que d'un peu trop de Renommée.
M
C'est dans cet azyle assuré ,
Que souvent mes erreurs passées
Se sont en foule retracées ,
A mon esprit plus épuré.
C'est-là que ma Lyre profane ,
D'an Roy ( a ) que Dieu prit pour organe
Préferant les sacrez accords ,
J'ai cru que par de saintes rimes ,
Je devois réparer les crimes ;
De celles qui font mes remords.
Vous que vers lui par tant de graces ;
Le Seigneur s'est plû d'attirer ,
Vous qu'on peut bien plus admirer ,
Qu'on ne peut marcher sur vos traces.
Princesse , versez dans mon cœur ,
Pour en ranimer la vigueur ,
Ce feu divin qui vous éclaire ;
Et favorisez un projet ,
Qui peut-être a trop pour objet
Un nouveau désir de vous plaire..
M
Tandis qu'à l'Enfant de Cypris
( a) David.
1. Vol. Ma
JUIN. 1732. 1081
Majeunesse a rendu les armes,
J'ai de vous emprunté les charmes
Que j'ai dépeint dans mes Ecrits ;
'Aujourd'hui qu'ennemi des Fables ,
C'est aux veritez ineffables ,
Que mon Luth veut se consacrer ,
Je prens sur vos vertus augustes,
Celles que des rimes plus justes ,
Ont entrepris de célébrer.
M. D.B
Le 4 Mars 1732.