AUTRE.
Qui pourra
faire de mon corps ,
Une fidelle Anatomie ,
De mes membres épars connoître les rapports ,
Est digne de l'Académie ,
S'il me coupe la tête , il verra dans l'instant ,
Une Cité recommandable ,
Et par l'antiquité du temps ,
I. Vol.
E
JUIN. 1733. 7157
Ét par son climat agréable ;
Mais s'il rejoint má tête au milieu de m
corps ,
Et qu'il en sépare le reste ,
Il voit un composé de roue et de ressorts
Glorieux quelquefois et quelquefois funeste.
Admirez ma diversité ,
S'il prend ma derniere partie ,
Sans faire de cacophonie ,
Et qu'avec la troisiéme il m'ait bien ajusté ;
Pour me rejoindre à la cinquième ,
Conjointement à la sixième ,
Je deviens commode aux festins ,
Utile au Bal, à l'Audiance ,
Et comme piece d'importance ,
On me pare au Palais , et même aux Capucins ,
Mais quelle autre métamorphose !
Si l'Anatomis sçavant ,
Garde mon premier membre
dispose ,
> et du second
En conservant les deux suivans ,
Je strai tout d'un coup ce mot incomparable ,
Qu'un témeraire Auteur a tenté de bannir ,
Et que toujours nos Rois ont voulu retenir ,
Etant de leur vouloir le signe respectable ,
Sous un aspect nouveau , si l'on prétend me voir;
Que mon membre second , sans quitter le troisié.
ne ,
Se joigne étroitement au cinquiéme et sixième ,
1. Vol.
Je
1152 MERCURE DE FRANCE
e présente un objet aux yeux du Spectateur ,
Agréable au vendeur ,
Utile à l'acheteur ,
En un mot aux Mortels devenu nécessaire ,
Depuis qu'ils ont rendu l'aliment mercenaire.
Qu'on retourne ma queue et je suis bien changé ,
Vrai simbole de la sagesse ,
Hélas ! je rappelle sans cesse ,
Comment le Seigneur s'est vangé ,
D'un défaut ou d'une foiblesse ,
Dont le Sexe aujourd'hui n'est pas bien corrigé.
Pour finir cette Anatomie ,
Capable à la fin d'ennuyer ,
Comme un Calcul d'Astronomie ,
Du milieu de mon corps qu'on sépare un quartier
,
Qu'il marche à reculons et rejoigne ma tête ,
Qu'il reprenne la fin , hors le membre dernier ,
On trouvera le nom de l'aimable conquête ,
Que Jacob acheta quatorze ans de travaux ,
Et le Lecteur et moi nous prendrons du repos,
M. Dupin.