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69
Incipit
HISTOIRE DES RECHERCHES SUR LA QUADRATURE DU CERCLE, ouvrage
Texte
H
ISTOIRE DES RECHERCHES SUR LA
QUADRATURE DU CERCLE > ouvrage
propre à inftruire des découvertes réelles
fur ce problême célébre , &c. A Paris ,
chez Jombert. 1755.
Il fuffit qu'une queſtion ait de la célébrité
dans une fcience , pour la voir auffitôt
exciter les efforts de ceux qui font les
moins capables de la réfoudre. La quadrature
du cercle , la tranfmutation des
métaux , le mouvement perpétuel , le problême
des longitudes nous en fourniffent
journellement des exemples. Pour un Chymifte
habile que l'efpérance de parvenir
au grand oeuvre a entraîné dans cette recherche
,
, que de gens épuiſent encore leur
fortune & leur fanté à combiner des minéraux
, fans fçavoir la différence dun acide
& d'un alkali ! combien de perfonnes recherchent
les longitudes ou le mouvement
perpétuel , qui ignorent les loix les plus
fimples de la méchanique , les procédés
les plus ordinaires de l'aftronomie & de la
Civ
16 MERCURE DE FRANCE.
navigation ! Mais c'eft fur- tout à l'occafion
de la quadrature du cercle que cette remarque
fe vérifie ; rien n'eft plus ordinaire aujourd'hui
, & rien ne l'a plus été dans tous
les tems que de voir ce problême tenté par
des perfonnes peu verfées dans la Géométrie,
ordinairement même fi étrangeres dans
cette fcience , qu'elles font obligées , par
un retour modefte fur elles - mêmes , de regarder
leur découverte comme une révélation
fpéciale dont la divinité les a favorifées.
Nous fommes cependant fort éloignés
de mettre le problême de la quadrature du
cercle dans le même rang que le mouvement
perpétuel & la pierre philofophale :
ces deux dernieres recherches ne peuvent
Occuper que des gens qui n'ont pas affez
de connoiffances pour voir le chimérique
de leur objet. La quadrature du cercle eft
un problême raisonnable , & qui devoit
naturellement occuper les Géometres. En
effet , l'objet de la Géométrie eft de mefurer
les différentes efpéces d'étendues ou
de figures : quand on dit mefurer , cela doit
s'entendre avec cette précifion qui eft la vérité
même , & par des voies telles que celles
que la Géométrie fe permet , c'est- à - dire
fans tâtonnement , fans méchanifme , &
d'une maniere démonftrative. La quadraAVRIL.
1755. 57
ture du cercle eft la mefure exacte de la
furface renfermée dans cette courbe fi fimple
, & néanmoins fi rebelle à la Geométrie
: on l'appelle la quadrature , parce que
la coutume étant dans toutes les mesures de
rappeller la grandeur mefurée à la figure la
plus fimple, les Géometres ont pris le quarré
pour celle à laquelle ils rappelleroient toutes
les étendues fuperficielles. Ainfi la quadrature
, la meſure d'une furface d'une
figure , font des termes tout-à-fait fynonimes
en Géométrie : de là l'on voit que c'eft
n'avoir aucune idée da problême ni de la
Géométrie , que de donner à ces termes
de la quadrature du cercle le fens qu'y
attache le vulgaire , en s'imaginant qu'il
s'agit de faire un cercle quarré.
De tout tems d'habiles Géometres ont
fait des efforts ou pour mefurer le cercle
avec toute l'exactitude poffible , ou
pour approcher de plus en plus de fa mefure
précife ; & leurs travaux ont fucceffivement
enrichi la Géométrie de belles découvertes
de tout tems auffi des pygmées
en Géométrie ont annoncé avec emphaſe
la découverte de la quadrature du cercle ,
& ont excité la rifée des Géometres intelligens.
Je dois remarquer que les premiers
ontrarement crû avoir touché le but , qu'ils
fe font prefque jamais mépris au point
Cv
18 MERCURE DE FRANCE.
de penfer qu'ils euffent trouvé la folution
parfaite du problème. On peut échouet
fans honte à la recherche d'une queſtion
géométrique , mais on ne peut fans honte
donner des paralogifmes pour de légitimes
démonftrations.
L'objet que s'eft propofé l'auteur de
l'hiftoire que nous annonçons , n'a pas
été de tirer de la pouffiere les méprifables
tentatives que la quadrature du cercle a
excitées ; des paralogifmes qui n'en ont
jamais impofé qu'à leurs auteurs , des prétentions
d'une abfurdité palpable , méritoient
trop peu d'occuper la plume d'un
hiftorien raifonnable. L'auteur a judicieufement
penſé ne devoir préfenter que les
découvertes réelles dont ce problême a été
l'occafion il n'a cependant pas entierement
négligé de faire connoître quelquesuns
de ceux qui ont acquis une malheureufe
célébrité par leurs mauvais raifonnemens
& leur obftination à youloir les faire
adopter. Nous allons donner à préfent une
idée un peu détaillée de ce que contient
cet ouvrage .
Après une préface où l'auteur expofe
quel a été fon objet , quelle utilité peut
réfulter de fon travail , & qui contient
plufieurs chofes inftructives concernant
la quadrature du cercle , & ceux qui s'obfAVRIL.
1755. 59
tinent à la chercher , il entre en matiere .
Le premier chapitre eft occupé à donner
une idée claire de la nature du problême ,
des moyens que la Géométrie permet d'employer
pour le réfoudre ; on y explique les
diverfes manieres de l'envifager , & furtout
l'utilité qu'on doit lui affigner . Nous
ne pouvons nous difpenfer de remarquer
avec l'auteur , que c'est une erreur , & une
erreur qui ne peut être accréditée qu'auprès
de gens entierement deftitués des notions
de la Géométrie & de l'Aftronomie' , que de
penfer que le problême des longitudes dépend
de celui de la quadrature du cercle :
c'en eft encore une que de croire qu'il y
ait des récompenfes à efpérer pour celui
qui réfoudra ce dernier problême. On convient
que la théorie de la Géométrie y gagneroit
une vérité nouvelle , quoique
peut-être fort stérile , mais la pratique
n'en recevroit aucun avantage : car les Géometres
ont des moyens affez fimples d'approcher
de la grandeur du cercle , jufqu'à
une telle exactitude qu'elle furpaffe de
beaucoup nos befoins. Il leur eft facile
d'affigner un nombre qui ne s'écarteroit
que d'un pied , ou d'un pouce , d'une ligne
; que dis- je ! de l'épaiffeur d'un chede
la véritable grandeur d'un cercle
, dont le demi-diametre feroit celui de
Cvj
60 MERCURE DE FRANCE.
la terre , & même d'un autre incomparablement
plus grand.
Après ces préliminaires , l'auteur fait l'hiftoire
de ce problême chez les anciens : c'eft
l'objet du fecond chapitre. Cette queftion ',
dit-il , a dû être prefque auffi ancienne
que la Géométrie ; car les premiers Géometres
s'éleverent bientôt au- delà des confidérations
élémentaires des figures rectilignes
, & après ces figures le cercle eft
celle qui fe préfente la prémiere. Auffi
Anaxagore s'en occupa-t- il dans fa prifon ,
& prefque dès le tems de ce Philofophe la
quadrature du cercle étoit devenue célebre
jufques auprès du vulgaire . Nous rencontrons
ici un trait curieux , c'eft qu'Ariftophane
joua les Géométres au fujet de la
quadrature du cercle , dans la perfonne du
célebre Meton , l'inventeur du cycle lunaire.
Ce Poëte l'introduit fur la fcene dans
fa comédie des Oiseaux , & lui fait tenir
des propos impertinens fur la Géométrie
& fur l'Aftronomie. Voulez- vous , dit Meton
à l'autre interlocuteur , qui lui demande
qui il eft & à quoi il eft bon ; voulezvous
, dit - il , que la regle & l'équerre en
main , je vous quare le cercle ? Ce trait peut
encore avoir rapport à la folie fimulée ,
par laquelle un autre Ecrivain nous apprend
que ce Mathématicien fçut s'exempAVRIL.
1755. 61
ter d'aller à la guerre de Sicile .
>
Ces plaifanteries d'Ariftophane n'empêcherent
cependant pas les Géométres , ou
contemporains , ou fucceffeurs de Meton ,
de continuer à s'intéreffer au problême de la
quadrature du cercle . Hippocrate le tenta ,
& en donna même une faufle folution
mais l'auteur de cet ouvrage le juftifie.
Quoiqu'ilen foit, les travaux d'Hippocrate
fur ce fujet font devenus recommendables
chez la postérité géometre par la découverte
incidente de fes lunulles abfolument quarrables.
On appelle ainfi une portion du cercle
en forme de croiffant dont on démontre
très-bien l'égalité avec une figure rectiligne
, quoique le moyen de quarrer le
cercle ait éludé jufqu'ici tous les efforts
de la Géométrie . Plufieurs Géometres modernes
ont amplifié cette invention d'Hippocrate
, ce qu'on trouve fommairement
expliqué dans une note.
Lorfque les Géometres ne peuvent par
venir à la dimenſion préciſe d'une figure
ils fe bornent à en approcher de plus en
plus près. Archimede recourut à cette
voie , & donna , comme tout le monde
fçait , le rapport de fept à vingt - deux
pour la raifon approchée du diametre à la
circonférence. On remarque ici quelques
fineſſes particulieres dans le calcul d'Ar62
MERCURE DE FRANCE.
chimede , & l'on cite quelques anciens
qui avoient laborieufement encheri fur fon
exactitude. Ce chapitre eft terminé par
quelques réflexions fur les courbes qui
dépendent de la quadrature du cercle ; on
démontre que c'eft en vain qu'on cherchera
par leur moyen la folution de ce problême
.
Le troifieme chapitre eſt deſtiné à faire
connoître les découvertes faites fur la mefure
du cercle , depuis la renaiffance des
fciences en Europe jufques à l'invention
des nouveaux calculs. On voit ici fucceffivement
les approximations de Metius
de Viete , d'Adrianus Romanus , de Ludolph
, les inventions de Snellius & d'Huygens
pour en diminuer le travail , la quadrature
prétendue de Gregoire de Saint-
Vincent , à qui l'on donne une place diftinguée
de celle des autres qui fe font
trompés fur ce fujet , la querelle qu'elle
excita , celle qui s'éleva bientôt après entre
Gregori & M. Huygens fur une démonftration
que le premier propofa pour
établir l'impoffibilité de la quadrature du
cercle , &c.
Le quatrieme paroîtra fans doute trèsintéreffant
aux Géometres , car il contient
les travaux de ceux qui ont employé les
nouvelles méthodes pour parvenir à la foAVRIL.
1755. 63
lution du problême : c'eft même à l'occafion
de cette recherche que plufieurs de
çes méthodes nouvelles ont été imaginées.
L'auteur fait à cette occafion l'hiftoire de
la naiffance du calcul intégral ; on y voit
comment Wallis , le premier , trouva une
fuite infinie de nombres pour exprimer la
grandeur du cercle , que Milord Brouncker
défigna d'une autre façon particuliere ;
mais ceci ne regardoit encore que le cercle
entier , Wallis ne put en faire autant à l'égard
de fes parties quelconques , dont la
mefure eft néceffaire pour la folution parfaite
du problême ; & ce fut en cherchant
à furmonter cet obftacle que le grand Newton
, jeune encore , & depuis peu initié
dans la Géométrie , trouva la théorie des
fuites infinies , le calcul appellé intégral
parmi nous , & plufieurs autres méthodes.
On trouvera ici expofé avec beaucoup de
foin & de clarté les divers dégrés par lefquels
les différentes inventions fe font
développées , & celles qui les ont fuivies ;
ces chofes & une foule d'autres également
intéreffantes , du moins pour les Géometres
, ne font gueres fufceptibles d'extrait ,
ou conviendroient peu à un ouvrage périodique
de la nature de celui- ci ; c'eft pourquoi
nous nous bornons à les avoir indiquées.
64 MERCURE DE FRANCE .
C'auroit été omettre une partie remarquable
de l'hiſtoire de la quadrature du cercle
, que de fupprimer entierement celle de
divers Géometres ou prétendus Géometres,
qui fe font fingularifés par leurs erreurs ou
leurs prétentions abfurdes fur ce fujet . On
en palle en revûe quelques- uns , je dis avec
l'auteur , quelques - uns , car cette matiere
feule fourniroit celle d'un gros volume.
Nous devons approuver fa délicateſſe à ne
pas s'étendre beaucoup fur des objets trop
peu dignes en effet d'occuper les loisirs d'un
Ecrivain fenfé , & trop peu capables d'amufer
les lecteurs raifonnables.L'ouvrage enfin
eft terminé par un dernier chapitre , où l'on
traite hiftoriquement deux autres problêmes
prefque auffi célebres que celui de la
quadrature du cercle , & qui ont été l'occafion
d'autant de méprifes ridicules ou
deshonorantes pour leurs auteurs : ce font
ceux de la trifection de l'angle & de la
duplication du cube. Ce dernier fujet nous
a paru traité avec le même foin , la même
exactitude , & ne peut manquer de plaire
aux Géometres.
ISTOIRE DES RECHERCHES SUR LA
QUADRATURE DU CERCLE > ouvrage
propre à inftruire des découvertes réelles
fur ce problême célébre , &c. A Paris ,
chez Jombert. 1755.
Il fuffit qu'une queſtion ait de la célébrité
dans une fcience , pour la voir auffitôt
exciter les efforts de ceux qui font les
moins capables de la réfoudre. La quadrature
du cercle , la tranfmutation des
métaux , le mouvement perpétuel , le problême
des longitudes nous en fourniffent
journellement des exemples. Pour un Chymifte
habile que l'efpérance de parvenir
au grand oeuvre a entraîné dans cette recherche
,
, que de gens épuiſent encore leur
fortune & leur fanté à combiner des minéraux
, fans fçavoir la différence dun acide
& d'un alkali ! combien de perfonnes recherchent
les longitudes ou le mouvement
perpétuel , qui ignorent les loix les plus
fimples de la méchanique , les procédés
les plus ordinaires de l'aftronomie & de la
Civ
16 MERCURE DE FRANCE.
navigation ! Mais c'eft fur- tout à l'occafion
de la quadrature du cercle que cette remarque
fe vérifie ; rien n'eft plus ordinaire aujourd'hui
, & rien ne l'a plus été dans tous
les tems que de voir ce problême tenté par
des perfonnes peu verfées dans la Géométrie,
ordinairement même fi étrangeres dans
cette fcience , qu'elles font obligées , par
un retour modefte fur elles - mêmes , de regarder
leur découverte comme une révélation
fpéciale dont la divinité les a favorifées.
Nous fommes cependant fort éloignés
de mettre le problême de la quadrature du
cercle dans le même rang que le mouvement
perpétuel & la pierre philofophale :
ces deux dernieres recherches ne peuvent
Occuper que des gens qui n'ont pas affez
de connoiffances pour voir le chimérique
de leur objet. La quadrature du cercle eft
un problême raisonnable , & qui devoit
naturellement occuper les Géometres. En
effet , l'objet de la Géométrie eft de mefurer
les différentes efpéces d'étendues ou
de figures : quand on dit mefurer , cela doit
s'entendre avec cette précifion qui eft la vérité
même , & par des voies telles que celles
que la Géométrie fe permet , c'est- à - dire
fans tâtonnement , fans méchanifme , &
d'une maniere démonftrative. La quadraAVRIL.
1755. 57
ture du cercle eft la mefure exacte de la
furface renfermée dans cette courbe fi fimple
, & néanmoins fi rebelle à la Geométrie
: on l'appelle la quadrature , parce que
la coutume étant dans toutes les mesures de
rappeller la grandeur mefurée à la figure la
plus fimple, les Géometres ont pris le quarré
pour celle à laquelle ils rappelleroient toutes
les étendues fuperficielles. Ainfi la quadrature
, la meſure d'une furface d'une
figure , font des termes tout-à-fait fynonimes
en Géométrie : de là l'on voit que c'eft
n'avoir aucune idée da problême ni de la
Géométrie , que de donner à ces termes
de la quadrature du cercle le fens qu'y
attache le vulgaire , en s'imaginant qu'il
s'agit de faire un cercle quarré.
De tout tems d'habiles Géometres ont
fait des efforts ou pour mefurer le cercle
avec toute l'exactitude poffible , ou
pour approcher de plus en plus de fa mefure
précife ; & leurs travaux ont fucceffivement
enrichi la Géométrie de belles découvertes
de tout tems auffi des pygmées
en Géométrie ont annoncé avec emphaſe
la découverte de la quadrature du cercle ,
& ont excité la rifée des Géometres intelligens.
Je dois remarquer que les premiers
ontrarement crû avoir touché le but , qu'ils
fe font prefque jamais mépris au point
Cv
18 MERCURE DE FRANCE.
de penfer qu'ils euffent trouvé la folution
parfaite du problème. On peut échouet
fans honte à la recherche d'une queſtion
géométrique , mais on ne peut fans honte
donner des paralogifmes pour de légitimes
démonftrations.
L'objet que s'eft propofé l'auteur de
l'hiftoire que nous annonçons , n'a pas
été de tirer de la pouffiere les méprifables
tentatives que la quadrature du cercle a
excitées ; des paralogifmes qui n'en ont
jamais impofé qu'à leurs auteurs , des prétentions
d'une abfurdité palpable , méritoient
trop peu d'occuper la plume d'un
hiftorien raifonnable. L'auteur a judicieufement
penſé ne devoir préfenter que les
découvertes réelles dont ce problême a été
l'occafion il n'a cependant pas entierement
négligé de faire connoître quelquesuns
de ceux qui ont acquis une malheureufe
célébrité par leurs mauvais raifonnemens
& leur obftination à youloir les faire
adopter. Nous allons donner à préfent une
idée un peu détaillée de ce que contient
cet ouvrage .
Après une préface où l'auteur expofe
quel a été fon objet , quelle utilité peut
réfulter de fon travail , & qui contient
plufieurs chofes inftructives concernant
la quadrature du cercle , & ceux qui s'obfAVRIL.
1755. 59
tinent à la chercher , il entre en matiere .
Le premier chapitre eft occupé à donner
une idée claire de la nature du problême ,
des moyens que la Géométrie permet d'employer
pour le réfoudre ; on y explique les
diverfes manieres de l'envifager , & furtout
l'utilité qu'on doit lui affigner . Nous
ne pouvons nous difpenfer de remarquer
avec l'auteur , que c'est une erreur , & une
erreur qui ne peut être accréditée qu'auprès
de gens entierement deftitués des notions
de la Géométrie & de l'Aftronomie' , que de
penfer que le problême des longitudes dépend
de celui de la quadrature du cercle :
c'en eft encore une que de croire qu'il y
ait des récompenfes à efpérer pour celui
qui réfoudra ce dernier problême. On convient
que la théorie de la Géométrie y gagneroit
une vérité nouvelle , quoique
peut-être fort stérile , mais la pratique
n'en recevroit aucun avantage : car les Géometres
ont des moyens affez fimples d'approcher
de la grandeur du cercle , jufqu'à
une telle exactitude qu'elle furpaffe de
beaucoup nos befoins. Il leur eft facile
d'affigner un nombre qui ne s'écarteroit
que d'un pied , ou d'un pouce , d'une ligne
; que dis- je ! de l'épaiffeur d'un chede
la véritable grandeur d'un cercle
, dont le demi-diametre feroit celui de
Cvj
60 MERCURE DE FRANCE.
la terre , & même d'un autre incomparablement
plus grand.
Après ces préliminaires , l'auteur fait l'hiftoire
de ce problême chez les anciens : c'eft
l'objet du fecond chapitre. Cette queftion ',
dit-il , a dû être prefque auffi ancienne
que la Géométrie ; car les premiers Géometres
s'éleverent bientôt au- delà des confidérations
élémentaires des figures rectilignes
, & après ces figures le cercle eft
celle qui fe préfente la prémiere. Auffi
Anaxagore s'en occupa-t- il dans fa prifon ,
& prefque dès le tems de ce Philofophe la
quadrature du cercle étoit devenue célebre
jufques auprès du vulgaire . Nous rencontrons
ici un trait curieux , c'eft qu'Ariftophane
joua les Géométres au fujet de la
quadrature du cercle , dans la perfonne du
célebre Meton , l'inventeur du cycle lunaire.
Ce Poëte l'introduit fur la fcene dans
fa comédie des Oiseaux , & lui fait tenir
des propos impertinens fur la Géométrie
& fur l'Aftronomie. Voulez- vous , dit Meton
à l'autre interlocuteur , qui lui demande
qui il eft & à quoi il eft bon ; voulezvous
, dit - il , que la regle & l'équerre en
main , je vous quare le cercle ? Ce trait peut
encore avoir rapport à la folie fimulée ,
par laquelle un autre Ecrivain nous apprend
que ce Mathématicien fçut s'exempAVRIL.
1755. 61
ter d'aller à la guerre de Sicile .
>
Ces plaifanteries d'Ariftophane n'empêcherent
cependant pas les Géométres , ou
contemporains , ou fucceffeurs de Meton ,
de continuer à s'intéreffer au problême de la
quadrature du cercle . Hippocrate le tenta ,
& en donna même une faufle folution
mais l'auteur de cet ouvrage le juftifie.
Quoiqu'ilen foit, les travaux d'Hippocrate
fur ce fujet font devenus recommendables
chez la postérité géometre par la découverte
incidente de fes lunulles abfolument quarrables.
On appelle ainfi une portion du cercle
en forme de croiffant dont on démontre
très-bien l'égalité avec une figure rectiligne
, quoique le moyen de quarrer le
cercle ait éludé jufqu'ici tous les efforts
de la Géométrie . Plufieurs Géometres modernes
ont amplifié cette invention d'Hippocrate
, ce qu'on trouve fommairement
expliqué dans une note.
Lorfque les Géometres ne peuvent par
venir à la dimenſion préciſe d'une figure
ils fe bornent à en approcher de plus en
plus près. Archimede recourut à cette
voie , & donna , comme tout le monde
fçait , le rapport de fept à vingt - deux
pour la raifon approchée du diametre à la
circonférence. On remarque ici quelques
fineſſes particulieres dans le calcul d'Ar62
MERCURE DE FRANCE.
chimede , & l'on cite quelques anciens
qui avoient laborieufement encheri fur fon
exactitude. Ce chapitre eft terminé par
quelques réflexions fur les courbes qui
dépendent de la quadrature du cercle ; on
démontre que c'eft en vain qu'on cherchera
par leur moyen la folution de ce problême
.
Le troifieme chapitre eſt deſtiné à faire
connoître les découvertes faites fur la mefure
du cercle , depuis la renaiffance des
fciences en Europe jufques à l'invention
des nouveaux calculs. On voit ici fucceffivement
les approximations de Metius
de Viete , d'Adrianus Romanus , de Ludolph
, les inventions de Snellius & d'Huygens
pour en diminuer le travail , la quadrature
prétendue de Gregoire de Saint-
Vincent , à qui l'on donne une place diftinguée
de celle des autres qui fe font
trompés fur ce fujet , la querelle qu'elle
excita , celle qui s'éleva bientôt après entre
Gregori & M. Huygens fur une démonftration
que le premier propofa pour
établir l'impoffibilité de la quadrature du
cercle , &c.
Le quatrieme paroîtra fans doute trèsintéreffant
aux Géometres , car il contient
les travaux de ceux qui ont employé les
nouvelles méthodes pour parvenir à la foAVRIL.
1755. 63
lution du problême : c'eft même à l'occafion
de cette recherche que plufieurs de
çes méthodes nouvelles ont été imaginées.
L'auteur fait à cette occafion l'hiftoire de
la naiffance du calcul intégral ; on y voit
comment Wallis , le premier , trouva une
fuite infinie de nombres pour exprimer la
grandeur du cercle , que Milord Brouncker
défigna d'une autre façon particuliere ;
mais ceci ne regardoit encore que le cercle
entier , Wallis ne put en faire autant à l'égard
de fes parties quelconques , dont la
mefure eft néceffaire pour la folution parfaite
du problême ; & ce fut en cherchant
à furmonter cet obftacle que le grand Newton
, jeune encore , & depuis peu initié
dans la Géométrie , trouva la théorie des
fuites infinies , le calcul appellé intégral
parmi nous , & plufieurs autres méthodes.
On trouvera ici expofé avec beaucoup de
foin & de clarté les divers dégrés par lefquels
les différentes inventions fe font
développées , & celles qui les ont fuivies ;
ces chofes & une foule d'autres également
intéreffantes , du moins pour les Géometres
, ne font gueres fufceptibles d'extrait ,
ou conviendroient peu à un ouvrage périodique
de la nature de celui- ci ; c'eft pourquoi
nous nous bornons à les avoir indiquées.
64 MERCURE DE FRANCE .
C'auroit été omettre une partie remarquable
de l'hiſtoire de la quadrature du cercle
, que de fupprimer entierement celle de
divers Géometres ou prétendus Géometres,
qui fe font fingularifés par leurs erreurs ou
leurs prétentions abfurdes fur ce fujet . On
en palle en revûe quelques- uns , je dis avec
l'auteur , quelques - uns , car cette matiere
feule fourniroit celle d'un gros volume.
Nous devons approuver fa délicateſſe à ne
pas s'étendre beaucoup fur des objets trop
peu dignes en effet d'occuper les loisirs d'un
Ecrivain fenfé , & trop peu capables d'amufer
les lecteurs raifonnables.L'ouvrage enfin
eft terminé par un dernier chapitre , où l'on
traite hiftoriquement deux autres problêmes
prefque auffi célebres que celui de la
quadrature du cercle , & qui ont été l'occafion
d'autant de méprifes ridicules ou
deshonorantes pour leurs auteurs : ce font
ceux de la trifection de l'angle & de la
duplication du cube. Ce dernier fujet nous
a paru traité avec le même foin , la même
exactitude , & ne peut manquer de plaire
aux Géometres.
Langue
Vers et prose
Type d'écrit journalistique
Courrier des lecteurs
Faux
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