Titre
LETTRE De Mr l'Abbé Vere sur les Eaux de Balaruc, à Me de Camus, Religieuse de Saint Pierre de Lyon.
Titre d'après la table
Lettre de Mr l'Abbé Vere, sur les Eaux de Balaruc, dont la lecture peut estre utile à beaucoup de personnes.
Fait partie d'une livraison
Page de début
103
Page de début dans la numérisation
108
Page de fin
130
Page de fin dans la numérisation
135
Incipit
Vous me demandez de mettre toûjours beaucoup de varieté / Les Eaux de Balaruc en Languedoc, où vous accompagnâtes
Texte
Vous me demandez de mettre toûjours beaucoup de vaI iiij
104 MERCURE
rieté dans mes Lettres , ce qui
donne , dites - vous , la facilité
d'en quitter & d'en reprendre
fouvent la lecture , fans que la
memoire foit obligée de fe
charger du commencement
d'un Article qu'on n'aura pas
lû entier.
Vous fouhaitez auffi d'y
trouver toûjours des Articles
qui regardent la fanté , à caufe
de l'utilité que l'on peut tirer
de ces fortes d'Articles , & je
crois ne pouvoir mieux vous
fatisfaire qu'en vous envoyant
la Lettre fuivante, je vous prie
de vous fouvenir que ce n'eſt
pas moy qui parle.
GALANT 105
LETTRE
De Mr l'Abbé Vere fur les
Eaux de Balaruc , à Me de
Camus , Religieufe de Saint
Pierre de Lyon.
Les Eaux de Balaruc en Languedoc , où vous accompagnates
autrefois feuë Me l' Abbeſſe de
Saint Pierre, & dont vous m'avez demandé l'analyse , fontfort
chaudes & fumeufes. Quand on
en verfe quelques gouttes fur la
teinture defleurs de Mauve , la
couleur violette en eft d'abord
106 MERCURE
•
Ce changée en une couleur rouge.
qui prouve que ces Eaux font
impregnées d'un fel acide , tresvolatil. D'ailleurs , une pinte mefure de Montpellier, de cet eau ,
c'est- à- dire , trois livres & quatre onces , fourniffent deux dragmes d'un fel fori raboteux , fort
poreux, & fort blanc qui dés
qu'on l'a exposé à un air froid ,
commence de prendre une couleur
grife cendrée , & qui devient d'un
gris affezfoncé, tirant unpeufur
le roux , quand on le conferve
long- temps dans des phioles de
verres, quoy qu'elles foient bien
bouchées. Ce fel appliquéfur la
GALANT 107
langue y excite une acreté qui
tient de l'acidité ; ainfi on peut le
régarder comme un felfalé acres
dont l'acreté n'eftpas violente , ou
comme unfelfalé acre- doux , qui
ne fouffre aucune fermentation
quand on l'arrose d'huile de Tartre, ilfefermente tres-aifément
ఆ d'une manierefenfible lorsque
fon tiffu eft penetré par quelques
efprits acides. Il agace agace un peu les
dents , lorsqu'il a eſté mêlé
avec la teinture defleurs de Mauil luy donne une couleur verte fort approchante de celle d'une
émeraude; maispeu d'heures aprés
cette couleur fe change en une
ve,
108 MERCURE
autre rouffatre femblable , ou peu
s'en faut , à celle du vin mufcat
de Frontignan.
à
Lorfqu'on les a fait diftiller au
Bain Marie, elles paroiffent tout
fait infipides & ne changent
point la couleur du papier bleu ,
& elles ne font qu'éclaircir la
couleur de la teinture de fleurs de
Mauve , on en infere qu'elles
laiffent , lorfqu'on les fait diftiller
tout leurfel dans le fond de l'alembic ; & ce fel aa unun tiffu plus
ferré que celuy du fel qu'on avoit
tiré auparavant des mêmes eaux,
lorfqu'on les avoit fait évaporer.
Il eftoitformé par cubes plus irre-
GALANT 109
&
guliersque ceux du fel marin. Il
tiroit fur le roux, & le fut entierement aprés avoir efté exposé
à l'air , devint tres -humide.
Lorfqu'on le deffeche , iljette une
odeur fulphurée douce , affez
agreable , qui approche de
celle qui fort de la pomme de Renette , lorsqu'on la met fur des
charbons ardens ; le fel qu'on tire
aprés la diftillation ayant le tiffu
plusferré,fefermenteplus difficiLement que celui qu'on tire aprés
l'évaporation de ces eaux. Mêlé
avec la teinture defleurs de Mauve, il luy donne une couleur bleüe,
qui devenant de moment à autre
110 MERCURE
plus foncée : enfin , en prend une
aprés une heure ou deux, qui tire
fur un vert clair, & enfuite fur
un vert unpeu foncé; & au bout
4. heures une couleur rouſſâcelle du muſcat ſefait
de
tretelle
que
remarquer.
On découvre que le fel fixe de
ces eaux eft un fel acre ou alkali
pur; en en faifant évaporer une
quantité confiderable par un feu
moderé, en mêlant demy once
de ce fel avec une once demie
de tête morte de bol , on en tire
durant cinq oufix heures d'un feu
de reverbere affez violent , un
efprit acide , & cet efprit excite
GALANT III
unefermentation tres-fenfible toutes les fois qu'on en verfe quelques gouttes fur du fel de Tartre
&de fang humain , &fur des
corps terreftres qui ont une configuration depores , à peu prés femblables à celles des pores des fels
appellez alkalis. Cet efprit agace
les dents , rougit le papier bleu,
la teinture du Tournefal , le Sirop
violat la teinture de fleurs de
Mauve.
Mais lorsqu'onfait une leffive
de la matiere contenuë dans la
cornuë où a efté ce fel , on en tire
un autrefel d'un tiſſu fi ouvert que
les efprits de nitre , de vitriol &
712 MERCURE
•
ces
defouffre, le penetrentfans exciter aucune fermentation fenfible ,
quoique l'huile de vitriol , mais
impregnée de parties falines , acides , plus groffieres que celles de
efprits , le fermente un peu. Ce
fel tout relaché quefûtfon tiſſu ,
donna dans une experience faite
depuis peu , une couleur bleuë à la
teinture de fleurs de Mauve qui
prit d'abord une couleur verte ,
enfuite une rouffâtre.
Vingt-unjours aprés qu'on a tiré
un efprit acide du fel de ces eauxe
mêlé avec dela tête morte de Bol,
en mettant dans un vafe une once
du mêmefelfans mélange, on tire
GALANT 113
quelques heures aprés &par un
feu peu violent une dragme &
trente-fix grains d'un efprit acide
qui a une force égale à celle de
l'efprit dontje viens de parler, &
qui produit les mêmes effets . Le
fel contenu dans la cornuë où eftoit
cet efprit feramaffe par grains de
figure à peuprés ronde , quiforme
depetits pelotons entaffez les uns
fur les autres. Le poids de ce fel
eft de fix dragmes vingt- qua
tre grains ; ainfi on voit que la diftillation fe faitfans perte fenfible.
de lafubftance du corps diftillé.
Enfin on tire aprés deux heures
d'un feu reverbere fort moderé ,
Avril 1710.
K
114 MERCURE
d'une demi- once du fel tiré de ces
eauxdiftillées dans le Bain- marie ,
fans mélange d'aucun autre corps ,
un efprit acide qui paroift avoir
unpeu plus de pointe que celuy
qui est tiré du fel de ces mêmes
eaux , mêlé avec une once &demie de la même tefte morte deBol.
Cequiperfuadeque le Bolpreparé
d'une certaine maniere ne donne
jamais rien du fien à l'esprit acide
tiré du fel falé acre fixe du fang
humain. Car s'ilpouvoit luy communiquer quelque acidite' , felon
le fentiment de quelques Medecins , il en communiqueroit fans
doute au premier efprit qu'on tire
GALANT 115
du fel des eaux de Balaruc , &
en ce cas cet efprit auroit dû avoir
plus de force que celuy qu'on tire
des mêmes eauxfans le fecours de
la tefte morte de Bol.
Au reste lorsqu'on afiny la diftillation du fel tiré au Bainmarie
de ces eaux , on voit que ce fel
s'y fond , & qu'il s'y vitrifie en
partie , puifqu'il s'attache fi fort
àlafurface interne de la cavité
du vaſe , qu'il en eft comme infeparable ; & cefelquoy qu'en partie vitrifié , ne laiſſepas de fefermenter un peu lorsqu'on l'arrofe
de quelques goutres d'huile de Vitriol ; mais fon tiffu eft trop ouKij
116 MERCURE
vert pourpouvoir eftre fermenté
par l'efprit du Vitriol , &par
autres acides.
les
On voit doncpar tout ce que je
viens de dire , que ces eaux font
impregnées d'unfel acide volatil ,
&d'unfel falé acre , tres -fufceptible de fermentation ; ainfi il
leur faut reconnoître deux fortes
de principes fermentatifs , l'un
actif, l'autre paffif, & ces deux
principes operent unefermentation
continuelle , & par confequent les
rendent chaleureufes & fumeufes; leur chaleur cependant eftfuportable , quelque violente qu'elle
paroiffe d'abord , puifqu'elle ne
GALANT 117
change point la confiftence & la
couleur verte des feuilles de l'OZeille , quoy qu'on les y faffe
tremper long-temps. On y peut
mettre un auf dont on ouvrira
la coque , & l'y laiffer une heure,
aprés laquelle on ne reconnoîtra
pasplus d'alteration dansfon blanc
dansfonjaune , que s'il avoit
toujours eftédans l'eaufroide. La
fumée qui fort de ces eaux fem
ble un peu fulphurée , fur tout
prés de lafource , qu'on appelle le
Bain des Pauvres , parce que
c'eſt-là où ils fe baignent: il en
faut donc conclure que ces cause
contiennent quelques parties ful
118 MERCURE
phurées , puifqu'onéprouve qu'el
les rendent la peau douce & un
péu onctueuse, & que le felfixe
qu'on en tire lorsqu'on les diftille.
au Bainmarie, jette lorſqu'il eft:
détaché une odeur douce & agreable , qui ne peut eftre l'effet que
d'un fouffre tres fin.
On n'a plus lieu de douter aprés
tout ce queje viens de dire
ces eaux ne foient déterfives,
propres à diffondre toutes fortes
d'humeurs vifqucufes. En voicy
la preuve. Rempliffez une grande cuiliere de fer de ces eaux, &
mettez-yle jaune &le blanc d'un
œuffrais , vous y verrez que
que
GALANT 119
dans demy heure, & lorfque vous
aurezplongé cette cuiliere juſqu'à
fon bord dans la fource de ces
eaux, que le blanc de l'œuffera
entierement diffout , fans que l'eau
contenue dans la cuiliere paroiffe
le moins du monde vifquenfe.
Pour le jaune il eft vray que fa
furface exterieure pâlit un peu ;
mais fa confiftance naturelle ne
s'altere point. Vouspouvezfaire
une feconde experience ; c'eft de
remplir une cuiliere de fer auffi
grande que la premiere d'eau de
la mer un peu chaude , & d'y
mettre le blanc & le jaune d'un
euffrais , er de plonger enfuite
120 MERCURE
cette cuiliere prefque jufqu'à fon
bord dans la fource des eaux de
Balaruc , & vous verrez qu'aprés l'y avoir laiffée une heure, le
blanc de l'œuf ne paroîtra qu'un
peu diffout , parce que l'eau de la
mer en avoit détaché quelques
parties feulement , qui l'avoient
renduë tantfoit peugluante. Mettez enfin les deux cuilieres fur
deuxfourneaux également chauds
&vous verrez que le blanc de
l'œufqui s'eſtoir diſſout dans les
caux de Balaruc fe coagulera en
fe rarefiant en prenant la forme d'une crème fouettée , au lieu
que le blanc de l'œuf qui avoit
efté
GALANT 121
efté mis dans l'eau de la mer, &
qui n'avoit pas efté diffout , devint dur &
compacte comme
le blanc des œufs cuits au miroir.
Ainficeux qui ont regardé le fel
des eaux de Balaruc comme une
efpece de fel marin , fe détromperont aisément , pour peu qu'ils
veuillent faire quelque attention
à ce que j'ay dit de l'un &
de
l'autre de ces deux fels.
Mais ilfaut vous parler àprefent des effets falutaires de ces
eaux. Elles fontpurgatives, mais
fans violence & fans excés à cause
des fels dont elles font impreignées.
Elles gueriffent les maux d'efto
Avril 1710. L
122 MERCURE
machqui viennent durelâchement
des differens vaiffeaux qui le compofent , ou de la trop grande aigreur , ou de la foibleffe de fon levain , ou des humeurs visqueuses
collées à fa furface interne , ои
d'une lymphe trop épaiffe qui coule lentement dans les vaiffeaux
lymphatiques arteriels reneux; &
cela parce que fi les vaisseaux de
ce vifcerefe trouvent relâchez&
commeparalytiques , elles diffipent
par leurchaleur les humiditez qui
en produisent le relâchement , &
elles rétabliffent le reffortpar leurs
parties falines : fi le levain eft
trop aigre , elles l'amortiſſent &
GALANT 123
l'adouciſſent par leurfelfixe. S'il
eft trop aqueux & par confequent
foible , elles l'aninent par leurfel
acide volatil , le débaraffent
par leurfelfalé : s'ily a des humeurs gluantes dans l'eftomach
qui en empêchent les fonctions ,
elles le nettoyent en divifant les
fucs collez àfafurface interieure.
Lorfqu'il y a trop d'épaififfement
dans la lymphe , que fes conduits
lymphatiques arteriels nerveux
reçoivent de fes arteres pour la
porter dans les vines , elles fondent par leur chaleur cette épaiffeur& la font par leurs parties
falines acres couler librement , de
Lij
124 MERCURE
mêmeque lefuc lymphatique trop
épais qui laproduit. Ainfices eaux
procurent une facile digeftion en
rétabliffant le ferment de l'eftomach. Elles gueriffent auffi les
maux qui dépendent du relâchement ou des fermentations vicieufes qui s'excitent dans les caviteż
des boyaux.
Vous jugez par là , Madame
que ces eaux font tres bonnes
l'afthme humide , & qu'elles ne
conviennent point aux maux de
poitrine & du bas ventre.
Elles mordifient , defféchent ,
incarnent cicatrifent les ulceres , fur tout ceux qui viennent
GALANT 125
des playes fimples ; elles font admirables pour les maux de tefte exterieurs , lefroidque l'onfent quelquefoisfur lefommet de cette partie , & pour lesfluxions desyeux
pourvû qu'on obferve de s'enfaire
arrofer le derriere de la tefte & la
nuque du col cinq oufixfois , fçavoir le matin & le foir durant
deux ou troisjours. Elles gueriffent lorsqu'on s'y baigne trois ou
quatre fois les douleurs de rhumatifme ; elles excitent d'abord une
fueur difficile à foutenir , il faut
faire enfuite fuer le malade une
beure ou deux dans un lit. Comme on en rend laplus grande parLiij
126 MERCURE
tie par les felles & qu'elles font
fort chaudes fondantes , elles
divifent, adouciffent & mêmedifSipent par les fueurs qu'elles caufent les humeurs qui caufent les
maux que je vous ay détaillez.
Ellesfont auffimerveillenfespour
lesparalyfies quifuivent les apoplexies , diffipant & diffolvant
par leur chaleur & leurfel fixe ,
T'humeur qui bouche les nerfs , &
animantpar leur fel acide volatil
l'efprit animal à qui elles ouvrent
les routes naturelles en augmentant la vigueur , & par là elles
rendent le mouvement auxparties.
paralytiques. Elles gueriffent les
GALANT 127
dévoyemens , les pâles couleurs ,
les maladies melancoliques ,
de même que les fiévres intermittentes croniques.
On les prend fur les lieux en
Automne au Printemps. Il
faut prendre garde fur tout que
l'airn'entredans les bouteilles dans
lesquelles on les puife ; on les peut
transporter avec cette précaution ,
en boire en tout temps ; on les
boit même à Paris avecfuccés ,
ce qui leve toutesfortes de doutes
fur le transport.
de commencer à en Avant
que
boire
lorfqu'on
afini
, il faut
fe
le
lendemain
de la
purgapurger;
L iiij .
128 MERCURI
tion on en peutprendre àjeun & à
diverfes reprifes treize à quatorze
verres ou gobelets d'environ demi
feptier chacun dans le cours tout
au plus d'une heure & un quart.
Le premier coup eft de chopine ou
de deux verres de fuite. Il faut
prendre aprés les avoir prifes une
demie écuellée de bouillon de poulet.
La meilleure partie s'en va ordinairement par lesfelles , & on continuë d'en boire plus fouvent pendant trois jours & quelquefois
pendant quatre. Lorsqu'on ne les
boit pas fur les lieux , ilfaut obferver de les mettre au degré de
chaleur qu'elles ont à leurfource,
GALANY 129
qui est une chaleur approchante
de celle d'un bouillon tres- chaud ;
pour cela ilfaut déboucher la bouteille , laiffer tomber legerement le
bouchon dans le gouleau , enforte
qu'elle foit entre ouverte , mettre
du foin dans le fond d'un chaudron enforte que le verre ne touche point le chaudron & enfuite
remplir le chaudron d'eau , à qui
on donne le degré neceffaire de chaleur. Jefuis , Madame , &c.
Cette Lettre a paru d'autant
plus curieufe à tous ceux qui
Font luë qu'elle fait connoître
que la matiere a efté bien ap-
130 MERCURE
profondie par le grand nombre d'experiences que l'on a
faites , ce qui donne lieu d'efperer un falutaire effet de l'ufage des Eaux dont il y eſt parlé, & il feroit à fouhaiter que
les remedes dont on nous parle
tous les jours cuffent un effet
auffi fenfible.
104 MERCURE
rieté dans mes Lettres , ce qui
donne , dites - vous , la facilité
d'en quitter & d'en reprendre
fouvent la lecture , fans que la
memoire foit obligée de fe
charger du commencement
d'un Article qu'on n'aura pas
lû entier.
Vous fouhaitez auffi d'y
trouver toûjours des Articles
qui regardent la fanté , à caufe
de l'utilité que l'on peut tirer
de ces fortes d'Articles , & je
crois ne pouvoir mieux vous
fatisfaire qu'en vous envoyant
la Lettre fuivante, je vous prie
de vous fouvenir que ce n'eſt
pas moy qui parle.
GALANT 105
LETTRE
De Mr l'Abbé Vere fur les
Eaux de Balaruc , à Me de
Camus , Religieufe de Saint
Pierre de Lyon.
Les Eaux de Balaruc en Languedoc , où vous accompagnates
autrefois feuë Me l' Abbeſſe de
Saint Pierre, & dont vous m'avez demandé l'analyse , fontfort
chaudes & fumeufes. Quand on
en verfe quelques gouttes fur la
teinture defleurs de Mauve , la
couleur violette en eft d'abord
106 MERCURE
•
Ce changée en une couleur rouge.
qui prouve que ces Eaux font
impregnées d'un fel acide , tresvolatil. D'ailleurs , une pinte mefure de Montpellier, de cet eau ,
c'est- à- dire , trois livres & quatre onces , fourniffent deux dragmes d'un fel fori raboteux , fort
poreux, & fort blanc qui dés
qu'on l'a exposé à un air froid ,
commence de prendre une couleur
grife cendrée , & qui devient d'un
gris affezfoncé, tirant unpeufur
le roux , quand on le conferve
long- temps dans des phioles de
verres, quoy qu'elles foient bien
bouchées. Ce fel appliquéfur la
GALANT 107
langue y excite une acreté qui
tient de l'acidité ; ainfi on peut le
régarder comme un felfalé acres
dont l'acreté n'eftpas violente , ou
comme unfelfalé acre- doux , qui
ne fouffre aucune fermentation
quand on l'arrose d'huile de Tartre, ilfefermente tres-aifément
ఆ d'une manierefenfible lorsque
fon tiffu eft penetré par quelques
efprits acides. Il agace agace un peu les
dents , lorsqu'il a eſté mêlé
avec la teinture defleurs de Mauil luy donne une couleur verte fort approchante de celle d'une
émeraude; maispeu d'heures aprés
cette couleur fe change en une
ve,
108 MERCURE
autre rouffatre femblable , ou peu
s'en faut , à celle du vin mufcat
de Frontignan.
à
Lorfqu'on les a fait diftiller au
Bain Marie, elles paroiffent tout
fait infipides & ne changent
point la couleur du papier bleu ,
& elles ne font qu'éclaircir la
couleur de la teinture de fleurs de
Mauve , on en infere qu'elles
laiffent , lorfqu'on les fait diftiller
tout leurfel dans le fond de l'alembic ; & ce fel aa unun tiffu plus
ferré que celuy du fel qu'on avoit
tiré auparavant des mêmes eaux,
lorfqu'on les avoit fait évaporer.
Il eftoitformé par cubes plus irre-
GALANT 109
&
guliersque ceux du fel marin. Il
tiroit fur le roux, & le fut entierement aprés avoir efté exposé
à l'air , devint tres -humide.
Lorfqu'on le deffeche , iljette une
odeur fulphurée douce , affez
agreable , qui approche de
celle qui fort de la pomme de Renette , lorsqu'on la met fur des
charbons ardens ; le fel qu'on tire
aprés la diftillation ayant le tiffu
plusferré,fefermenteplus difficiLement que celui qu'on tire aprés
l'évaporation de ces eaux. Mêlé
avec la teinture defleurs de Mauve, il luy donne une couleur bleüe,
qui devenant de moment à autre
110 MERCURE
plus foncée : enfin , en prend une
aprés une heure ou deux, qui tire
fur un vert clair, & enfuite fur
un vert unpeu foncé; & au bout
4. heures une couleur rouſſâcelle du muſcat ſefait
de
tretelle
que
remarquer.
On découvre que le fel fixe de
ces eaux eft un fel acre ou alkali
pur; en en faifant évaporer une
quantité confiderable par un feu
moderé, en mêlant demy once
de ce fel avec une once demie
de tête morte de bol , on en tire
durant cinq oufix heures d'un feu
de reverbere affez violent , un
efprit acide , & cet efprit excite
GALANT III
unefermentation tres-fenfible toutes les fois qu'on en verfe quelques gouttes fur du fel de Tartre
&de fang humain , &fur des
corps terreftres qui ont une configuration depores , à peu prés femblables à celles des pores des fels
appellez alkalis. Cet efprit agace
les dents , rougit le papier bleu,
la teinture du Tournefal , le Sirop
violat la teinture de fleurs de
Mauve.
Mais lorsqu'onfait une leffive
de la matiere contenuë dans la
cornuë où a efté ce fel , on en tire
un autrefel d'un tiſſu fi ouvert que
les efprits de nitre , de vitriol &
712 MERCURE
•
ces
defouffre, le penetrentfans exciter aucune fermentation fenfible ,
quoique l'huile de vitriol , mais
impregnée de parties falines , acides , plus groffieres que celles de
efprits , le fermente un peu. Ce
fel tout relaché quefûtfon tiſſu ,
donna dans une experience faite
depuis peu , une couleur bleuë à la
teinture de fleurs de Mauve qui
prit d'abord une couleur verte ,
enfuite une rouffâtre.
Vingt-unjours aprés qu'on a tiré
un efprit acide du fel de ces eauxe
mêlé avec dela tête morte de Bol,
en mettant dans un vafe une once
du mêmefelfans mélange, on tire
GALANT 113
quelques heures aprés &par un
feu peu violent une dragme &
trente-fix grains d'un efprit acide
qui a une force égale à celle de
l'efprit dontje viens de parler, &
qui produit les mêmes effets . Le
fel contenu dans la cornuë où eftoit
cet efprit feramaffe par grains de
figure à peuprés ronde , quiforme
depetits pelotons entaffez les uns
fur les autres. Le poids de ce fel
eft de fix dragmes vingt- qua
tre grains ; ainfi on voit que la diftillation fe faitfans perte fenfible.
de lafubftance du corps diftillé.
Enfin on tire aprés deux heures
d'un feu reverbere fort moderé ,
Avril 1710.
K
114 MERCURE
d'une demi- once du fel tiré de ces
eauxdiftillées dans le Bain- marie ,
fans mélange d'aucun autre corps ,
un efprit acide qui paroift avoir
unpeu plus de pointe que celuy
qui est tiré du fel de ces mêmes
eaux , mêlé avec une once &demie de la même tefte morte deBol.
Cequiperfuadeque le Bolpreparé
d'une certaine maniere ne donne
jamais rien du fien à l'esprit acide
tiré du fel falé acre fixe du fang
humain. Car s'ilpouvoit luy communiquer quelque acidite' , felon
le fentiment de quelques Medecins , il en communiqueroit fans
doute au premier efprit qu'on tire
GALANT 115
du fel des eaux de Balaruc , &
en ce cas cet efprit auroit dû avoir
plus de force que celuy qu'on tire
des mêmes eauxfans le fecours de
la tefte morte de Bol.
Au reste lorsqu'on afiny la diftillation du fel tiré au Bainmarie
de ces eaux , on voit que ce fel
s'y fond , & qu'il s'y vitrifie en
partie , puifqu'il s'attache fi fort
àlafurface interne de la cavité
du vaſe , qu'il en eft comme infeparable ; & cefelquoy qu'en partie vitrifié , ne laiſſepas de fefermenter un peu lorsqu'on l'arrofe
de quelques goutres d'huile de Vitriol ; mais fon tiffu eft trop ouKij
116 MERCURE
vert pourpouvoir eftre fermenté
par l'efprit du Vitriol , &par
autres acides.
les
On voit doncpar tout ce que je
viens de dire , que ces eaux font
impregnées d'unfel acide volatil ,
&d'unfel falé acre , tres -fufceptible de fermentation ; ainfi il
leur faut reconnoître deux fortes
de principes fermentatifs , l'un
actif, l'autre paffif, & ces deux
principes operent unefermentation
continuelle , & par confequent les
rendent chaleureufes & fumeufes; leur chaleur cependant eftfuportable , quelque violente qu'elle
paroiffe d'abord , puifqu'elle ne
GALANT 117
change point la confiftence & la
couleur verte des feuilles de l'OZeille , quoy qu'on les y faffe
tremper long-temps. On y peut
mettre un auf dont on ouvrira
la coque , & l'y laiffer une heure,
aprés laquelle on ne reconnoîtra
pasplus d'alteration dansfon blanc
dansfonjaune , que s'il avoit
toujours eftédans l'eaufroide. La
fumée qui fort de ces eaux fem
ble un peu fulphurée , fur tout
prés de lafource , qu'on appelle le
Bain des Pauvres , parce que
c'eſt-là où ils fe baignent: il en
faut donc conclure que ces cause
contiennent quelques parties ful
118 MERCURE
phurées , puifqu'onéprouve qu'el
les rendent la peau douce & un
péu onctueuse, & que le felfixe
qu'on en tire lorsqu'on les diftille.
au Bainmarie, jette lorſqu'il eft:
détaché une odeur douce & agreable , qui ne peut eftre l'effet que
d'un fouffre tres fin.
On n'a plus lieu de douter aprés
tout ce queje viens de dire
ces eaux ne foient déterfives,
propres à diffondre toutes fortes
d'humeurs vifqucufes. En voicy
la preuve. Rempliffez une grande cuiliere de fer de ces eaux, &
mettez-yle jaune &le blanc d'un
œuffrais , vous y verrez que
que
GALANT 119
dans demy heure, & lorfque vous
aurezplongé cette cuiliere juſqu'à
fon bord dans la fource de ces
eaux, que le blanc de l'œuffera
entierement diffout , fans que l'eau
contenue dans la cuiliere paroiffe
le moins du monde vifquenfe.
Pour le jaune il eft vray que fa
furface exterieure pâlit un peu ;
mais fa confiftance naturelle ne
s'altere point. Vouspouvezfaire
une feconde experience ; c'eft de
remplir une cuiliere de fer auffi
grande que la premiere d'eau de
la mer un peu chaude , & d'y
mettre le blanc & le jaune d'un
euffrais , er de plonger enfuite
120 MERCURE
cette cuiliere prefque jufqu'à fon
bord dans la fource des eaux de
Balaruc , & vous verrez qu'aprés l'y avoir laiffée une heure, le
blanc de l'œuf ne paroîtra qu'un
peu diffout , parce que l'eau de la
mer en avoit détaché quelques
parties feulement , qui l'avoient
renduë tantfoit peugluante. Mettez enfin les deux cuilieres fur
deuxfourneaux également chauds
&vous verrez que le blanc de
l'œufqui s'eſtoir diſſout dans les
caux de Balaruc fe coagulera en
fe rarefiant en prenant la forme d'une crème fouettée , au lieu
que le blanc de l'œuf qui avoit
efté
GALANT 121
efté mis dans l'eau de la mer, &
qui n'avoit pas efté diffout , devint dur &
compacte comme
le blanc des œufs cuits au miroir.
Ainficeux qui ont regardé le fel
des eaux de Balaruc comme une
efpece de fel marin , fe détromperont aisément , pour peu qu'ils
veuillent faire quelque attention
à ce que j'ay dit de l'un &
de
l'autre de ces deux fels.
Mais ilfaut vous parler àprefent des effets falutaires de ces
eaux. Elles fontpurgatives, mais
fans violence & fans excés à cause
des fels dont elles font impreignées.
Elles gueriffent les maux d'efto
Avril 1710. L
122 MERCURE
machqui viennent durelâchement
des differens vaiffeaux qui le compofent , ou de la trop grande aigreur , ou de la foibleffe de fon levain , ou des humeurs visqueuses
collées à fa furface interne , ои
d'une lymphe trop épaiffe qui coule lentement dans les vaiffeaux
lymphatiques arteriels reneux; &
cela parce que fi les vaisseaux de
ce vifcerefe trouvent relâchez&
commeparalytiques , elles diffipent
par leurchaleur les humiditez qui
en produisent le relâchement , &
elles rétabliffent le reffortpar leurs
parties falines : fi le levain eft
trop aigre , elles l'amortiſſent &
GALANT 123
l'adouciſſent par leurfelfixe. S'il
eft trop aqueux & par confequent
foible , elles l'aninent par leurfel
acide volatil , le débaraffent
par leurfelfalé : s'ily a des humeurs gluantes dans l'eftomach
qui en empêchent les fonctions ,
elles le nettoyent en divifant les
fucs collez àfafurface interieure.
Lorfqu'il y a trop d'épaififfement
dans la lymphe , que fes conduits
lymphatiques arteriels nerveux
reçoivent de fes arteres pour la
porter dans les vines , elles fondent par leur chaleur cette épaiffeur& la font par leurs parties
falines acres couler librement , de
Lij
124 MERCURE
mêmeque lefuc lymphatique trop
épais qui laproduit. Ainfices eaux
procurent une facile digeftion en
rétabliffant le ferment de l'eftomach. Elles gueriffent auffi les
maux qui dépendent du relâchement ou des fermentations vicieufes qui s'excitent dans les caviteż
des boyaux.
Vous jugez par là , Madame
que ces eaux font tres bonnes
l'afthme humide , & qu'elles ne
conviennent point aux maux de
poitrine & du bas ventre.
Elles mordifient , defféchent ,
incarnent cicatrifent les ulceres , fur tout ceux qui viennent
GALANT 125
des playes fimples ; elles font admirables pour les maux de tefte exterieurs , lefroidque l'onfent quelquefoisfur lefommet de cette partie , & pour lesfluxions desyeux
pourvû qu'on obferve de s'enfaire
arrofer le derriere de la tefte & la
nuque du col cinq oufixfois , fçavoir le matin & le foir durant
deux ou troisjours. Elles gueriffent lorsqu'on s'y baigne trois ou
quatre fois les douleurs de rhumatifme ; elles excitent d'abord une
fueur difficile à foutenir , il faut
faire enfuite fuer le malade une
beure ou deux dans un lit. Comme on en rend laplus grande parLiij
126 MERCURE
tie par les felles & qu'elles font
fort chaudes fondantes , elles
divifent, adouciffent & mêmedifSipent par les fueurs qu'elles caufent les humeurs qui caufent les
maux que je vous ay détaillez.
Ellesfont auffimerveillenfespour
lesparalyfies quifuivent les apoplexies , diffipant & diffolvant
par leur chaleur & leurfel fixe ,
T'humeur qui bouche les nerfs , &
animantpar leur fel acide volatil
l'efprit animal à qui elles ouvrent
les routes naturelles en augmentant la vigueur , & par là elles
rendent le mouvement auxparties.
paralytiques. Elles gueriffent les
GALANT 127
dévoyemens , les pâles couleurs ,
les maladies melancoliques ,
de même que les fiévres intermittentes croniques.
On les prend fur les lieux en
Automne au Printemps. Il
faut prendre garde fur tout que
l'airn'entredans les bouteilles dans
lesquelles on les puife ; on les peut
transporter avec cette précaution ,
en boire en tout temps ; on les
boit même à Paris avecfuccés ,
ce qui leve toutesfortes de doutes
fur le transport.
de commencer à en Avant
que
boire
lorfqu'on
afini
, il faut
fe
le
lendemain
de la
purgapurger;
L iiij .
128 MERCURI
tion on en peutprendre àjeun & à
diverfes reprifes treize à quatorze
verres ou gobelets d'environ demi
feptier chacun dans le cours tout
au plus d'une heure & un quart.
Le premier coup eft de chopine ou
de deux verres de fuite. Il faut
prendre aprés les avoir prifes une
demie écuellée de bouillon de poulet.
La meilleure partie s'en va ordinairement par lesfelles , & on continuë d'en boire plus fouvent pendant trois jours & quelquefois
pendant quatre. Lorsqu'on ne les
boit pas fur les lieux , ilfaut obferver de les mettre au degré de
chaleur qu'elles ont à leurfource,
GALANY 129
qui est une chaleur approchante
de celle d'un bouillon tres- chaud ;
pour cela ilfaut déboucher la bouteille , laiffer tomber legerement le
bouchon dans le gouleau , enforte
qu'elle foit entre ouverte , mettre
du foin dans le fond d'un chaudron enforte que le verre ne touche point le chaudron & enfuite
remplir le chaudron d'eau , à qui
on donne le degré neceffaire de chaleur. Jefuis , Madame , &c.
Cette Lettre a paru d'autant
plus curieufe à tous ceux qui
Font luë qu'elle fait connoître
que la matiere a efté bien ap-
130 MERCURE
profondie par le grand nombre d'experiences que l'on a
faites , ce qui donne lieu d'efperer un falutaire effet de l'ufage des Eaux dont il y eſt parlé, & il feroit à fouhaiter que
les remedes dont on nous parle
tous les jours cuffent un effet
auffi fenfible.
Langue
Vers et prose
Type d'écrit journalistique
Courrier des lecteurs
Faux
Mots clefs
Fait partie d'un dossier