Titre
EXTRAIT d'une autre Lettre sur le même sujet.
Fait partie d'une livraison
Fait partie d'une section
Page de début
2989
Page de début dans la numérisation
532
Page de fin
2991
Page de fin dans la numérisation
534
Incipit
Dans le séjour qu'elle a fait au Château et au Village de M. d'Epinoy,
Texte
EXTRAIT d'une autre Lettre sur le
même sujet.
D
Ans le séjour qu'elle a fait au Château
et au Village de M. d'Epinoy ,
on a observé que la sagesse de cette jeune
Fille est à toute épreuve l'argent dont
elle ignore la valeur , et peut-être l'usage,
les ménaces et les caresses n'ont rien pû
sur elle ; l'approche seul d'Homme qui
veut la toucher , lui fait jetter des cris
perçans , et jette dans ses yeux et dans
tout son maintien un trouble que l'on
ne peut assurément pas imiter .
On trouve que M. l'Intendant a trèssagement
fait de la faire transferer dans
un des Hôpitaux de Châlons , qu'on
nomme la Renfermerie , pour être plus
à portée d'approfondir son état et son origine
, et pour lui donner l'éducation et
les instructions dont elle paroît déja ca- cả
pable.
Avant cette retraite , elle étoit beaucoup
plus sauvage ; ceux qui l'ont vwa
courir à la Campagne , disent que sa
course a quelque chose d'extrêmement
singulier ; son pas est court et peu avan,
cé , mais si précipité , et redoublé aveo
11. Vol. Diijant
2990 MERCURE DE FRANCE
tant de vitesse , qu'elle suivroit l'homme
le plus leger
et le meilleur coureur
Basque.
Cependant on l'employe aux ouvrages
de la Maison , elle se prête à tout de bonne
grace , rien ne paroît au dessus de ses
forces , ni contre sa volonté , persuadéẹ
qu'elle est , qu'il faut qu'elle obéisse pour
aller voir un jour la Ste Vierge sa Mere .
un
coup
M. l'Archevêque de Vienne passant
dernierement par cette Ville , voulut la
voir. Elle fut menée pour cela chez M.
l'Intendant par des Soeurs de la Maison.
Nous vîmes ce jour là , avec une espece
d'horreur , cette Fille manger plus d'une
livre et demie de Boeuf crû , sans y donner
de dent , puis se jetter avec
une espece de fureur sur un Lapreaiz
qu'on mit devant elle , qu'elle déshabilla
en un clin d'oeil avec une facilité qui suppose
un grand usage , puis le dévorer en
un instant sans le vuider. M. l'Archevêque
lui fit beaucoup de questions aux
quelles elle répondit comme elle avoit dé
ja fait à d'autres Personnes , sans oublier
l'avanture d'une Moresse , sa Compagne
de Voyage , qu'on a revue depuis , mais
qu'on n'a pû encore joindre. Les Soeurs
dirent que depuis quelque temps on travailloit
à la rapprocher par degrez . de
H.Vol notre
DECEMBRE . 1731. 2971
notre façon ordinaire de vivre , malgré
Pantipatie de son Estomach pour la viande
euite et le pain , ce qui la fait vomir jusqu'au
sang. On travaille singulierement
à lui apprendre les Principes de la Religion
, pour la mettre en état de recevoir
le premier Sacrement.
même sujet.
D
Ans le séjour qu'elle a fait au Château
et au Village de M. d'Epinoy ,
on a observé que la sagesse de cette jeune
Fille est à toute épreuve l'argent dont
elle ignore la valeur , et peut-être l'usage,
les ménaces et les caresses n'ont rien pû
sur elle ; l'approche seul d'Homme qui
veut la toucher , lui fait jetter des cris
perçans , et jette dans ses yeux et dans
tout son maintien un trouble que l'on
ne peut assurément pas imiter .
On trouve que M. l'Intendant a trèssagement
fait de la faire transferer dans
un des Hôpitaux de Châlons , qu'on
nomme la Renfermerie , pour être plus
à portée d'approfondir son état et son origine
, et pour lui donner l'éducation et
les instructions dont elle paroît déja ca- cả
pable.
Avant cette retraite , elle étoit beaucoup
plus sauvage ; ceux qui l'ont vwa
courir à la Campagne , disent que sa
course a quelque chose d'extrêmement
singulier ; son pas est court et peu avan,
cé , mais si précipité , et redoublé aveo
11. Vol. Diijant
2990 MERCURE DE FRANCE
tant de vitesse , qu'elle suivroit l'homme
le plus leger
et le meilleur coureur
Basque.
Cependant on l'employe aux ouvrages
de la Maison , elle se prête à tout de bonne
grace , rien ne paroît au dessus de ses
forces , ni contre sa volonté , persuadéẹ
qu'elle est , qu'il faut qu'elle obéisse pour
aller voir un jour la Ste Vierge sa Mere .
un
coup
M. l'Archevêque de Vienne passant
dernierement par cette Ville , voulut la
voir. Elle fut menée pour cela chez M.
l'Intendant par des Soeurs de la Maison.
Nous vîmes ce jour là , avec une espece
d'horreur , cette Fille manger plus d'une
livre et demie de Boeuf crû , sans y donner
de dent , puis se jetter avec
une espece de fureur sur un Lapreaiz
qu'on mit devant elle , qu'elle déshabilla
en un clin d'oeil avec une facilité qui suppose
un grand usage , puis le dévorer en
un instant sans le vuider. M. l'Archevêque
lui fit beaucoup de questions aux
quelles elle répondit comme elle avoit dé
ja fait à d'autres Personnes , sans oublier
l'avanture d'une Moresse , sa Compagne
de Voyage , qu'on a revue depuis , mais
qu'on n'a pû encore joindre. Les Soeurs
dirent que depuis quelque temps on travailloit
à la rapprocher par degrez . de
H.Vol notre
DECEMBRE . 1731. 2971
notre façon ordinaire de vivre , malgré
Pantipatie de son Estomach pour la viande
euite et le pain , ce qui la fait vomir jusqu'au
sang. On travaille singulierement
à lui apprendre les Principes de la Religion
, pour la mettre en état de recevoir
le premier Sacrement.
Langue
Vers et prose
Type d'écrit journalistique
Courrier des lecteurs
Faux
Résumé
Durant son séjour au Château et au Village de M. d'Epinoy, une jeune fille a montré une sagesse et une résistance exceptionnelles, restant insensible à l'argent, aux menaces et aux caresses. Elle réagissait violemment à la présence d'hommes, manifestant un trouble profond. M. l'Intendant a décidé de la transférer à la Renfermerie de Châlons pour mieux comprendre son état et son origine, et lui offrir une éducation appropriée. Avant son transfert, elle se comportait de manière sauvage, courant rapidement, mais était coopérative dans les tâches domestiques, croyant devoir obéir pour voir la Sainte Vierge, qu'elle considérait comme sa mère. Lors de la visite de M. l'Archevêque de Vienne, elle a consommé une grande quantité de viande crue et un lapereau avec facilité. Elle a mentionné une compagne de voyage nommée Moresse, que l'on a revue sans pouvoir la joindre. Les sœurs de la maison travaillent à l'habituer à une alimentation ordinaire et à lui enseigner les principes de la religion pour qu'elle puisse recevoir le premier sacrement.
Constitue la suite d'un autre texte