A M. de M*** Fermier General, pour M. Ferré, Brigadier au Croisic en Bretagne, sur ce que son Capitaine General lui a interdit l'exercice de son Employ. Par Mlle de Malcrais de la Vigne.
Lettre en Vers sur M. Ferré,
Genereux de M***,
pour M. Ferré , Brigadier au Croisic en
Bretagne , sur ce que son Capitaine General
lui a interdit l'exercice de son Employ.
Par Mlle de Malcrais de la Vigne,
G Enereux de M ***
Malcrais , des Muses amie ,
Très-humblement vous supplie ,
D'user de compassion ,
Pour Ferré gentil génie ,
A qui , sans attention ,
On fait interdiction ,
De quoi ? pas moins
que de vie ,
II. Vol.
Gaz
JUIN. 1734-
337
Car, si fortune ennemie
Lui fait altercation ,
Et de sa Commission
Durement le congédie ,
C'est le mettre à l'agonie,
Dautant que l'extrême faim
Si ce qu'on dit est certain ,
Est extrême maladie.
Mal il n'a fait , je parie ,
J'en mettrois mon doigt au feu.
M *** , pensez un peu
Que la Capitainerie ,
En l'attaquant sur son jeu ,
C'est Malcrais qu'elle injurie.
Si Ferré n'eût point été
D'une exacte probité ,
D'une austere prud'hommie ,
Mes Vers auroient-ils chanté
Son fameux Manteau mitté ,
Dont en dépit de l'envie ,
Le mérite illimité
Vole à la posterité ?
La preuve est incontestable ,
Que c'est à travers les trous
De ce Manteau respectable ,
Que la vertu veritable
de tous..
Doit briller aux yeux
Ami zelé du Parnasse
JL. Vol.
Dy M.
1338 MERCURE DE FRANCE
M *** , écoutez - moi , >
Non , vous n'êtes point de glace ,
Je le sens , je le prévoi ,
Vous permettrez qu'on lui rende
L'usage de son emploi.
Ah ! Ciel , quel chagrin pour moi .
S'il faut que mon Héros vende
Pour avoir un peu de pain
Sa celebre Houpelande ;
Combien peut- être un douzain ;
Un Fripier dur et vilain ,
Qu'un cruel profit échauffe ,
Ne s'arrêtant qu'à l'étoffe ,
Ne prisant pas un fétu ,
Scs qualitez admirées ,
Et sa puissante vertu ,
Que mes Vers ont consacrées ;
Proprietez , que jamais
N'auront étoffes dorées ,
Ni les plus fins Vanroba
Dissipez l'affreuse peine ,
Qui me trouble le cerveau .
Grands Dieux ! quelle ame inhumaine
Peut ôter à Diogene ,
Son Ecuelle et son Manteau.
Ce Placet a été répondufavorablement.
Le destinataire est Monsieur de Monluçon d'après les Oeuvres nouvelles de Des Forges Maillard [...], Arthur de La Borderie, René Kerviler (éd.), Nantes, Société des bibliophiles bretons et de l'histoire de Bretagne, t. 1, 1888, p. 131. Cette poésie est republiée dans les recueils suivants : [Paul Desforges-Maillard], Poësies de Mademoiselle de Malcrais de La Vigne, Paris, veuve Pissot, Chaubert, Clousier, Neuilly, Ribou, 1735, p. 185-187 ; Oeuvres en vers et en prose de M. Desforges-Maillard [...], Amsterdam, Jean Schreuder, Pierre Mortier le jeune, 1759, t. 2, p. 114-116 ; Poésies diverses de Desforges-Maillard [...], Honoré Bonhomme (éd.), Paris, A. Quantin, 1880, p. 159-161.