Titre
A MLLE DE MALCRAIS. EPITRE.
Titre d'après la table
Epitre à Mlle de Malcrais,
Fait partie d'une livraison
Fait partie d'une section
Page de début
219
Page de début dans la numérisation
252
Page de fin
222
Page de fin dans la numérisation
255
Incipit
Une plume plus délicate
Texte
A MLLE DE MALCRAIS.
EPITRE.
Une plume plus délicate
Que n'est celle qui vous écrit ,
Et dont l'encens chatouille et flate
Le coeur , et satisfait l'esprit .
Cette plume à jamais celebre
Depuis la Seine jusqu'à l'Ebre ,
Depuis l'Ebre jusques aux bords
Qu'arrose la Tamise altiere ;
Enfin dont les nobles essors ,
Jusqu'aux lieux où naît la lumiere
Bientôt se feront admirer ;
Cette plume ajoute à sa gloire
La gloire de vous célébrer ;
Par-là croyant mieux s'assurer
Un nom d'éternelle mémoire
Voltaire en tous lieux si vanté
Unit son nom avec le vôtre ,
Et vous charmerez l'un et l'autre
La derniere posterité,
Touché de cet exemple illustre ,
Malcrais , que ne puis -je à mon nom
Assurer un aussi beau lustre
En
220 MERCURE DE FRANCE
C
En celebrant votre renom ?
Jusques-ici dans le silence ,
Content d'admirer vos Ecrits ,
Et charmé que toute la France
Vous en donnât le juste prix ,
J'ai sçû résister à l'envie ,
A l'ardeur de vous exalter ,
Mais enfin mon ame ravie
Ne sçauroit plus y résister.
Je veux d'une Muze nouvelle
Chanter les admirables traits ;
Et la Déesse la plus belle
Pour mon coeur auroit moins d'attrain ,
Que n'en à l'illustre Immortelle
Qui porte le nom de Malcrais.
Son esprit me la represente
Vive , gracieuse , amusante ;
De ses beaux yeux le feu charmant
Fenetre jusqu'au fond de l'ame s
Qui la voit , l'entend un moment ,
Ressent la plus ardente flame ,
Et fait en soi-même serment
De l'aimer éternellement.
Il fait ce serment en soi- même,
Non à l'objet de son ardeur ;
C'est en secret qu'il faut qu'on l'aime ,
Renonçant au bonheur extrême
De
FEVRIER 1734 . 228
De triompher de sa rigueur ;
Sa raison est saloy suprême ,
Et son esprit défend son coeur.
Oui , telle est l'adorable idée
Que je me fais de vous, Malcrais ,
Et ma plume s'est hazardée
A vous en tracer tous les traits.
Je jurerois qu'ils vous ressemblent ;
Vos charmants Ecrits les rassemblent,
Par-là , justement admirez ;
C'est d'eux que je les ai tirez.
Un Auteur a beau se contraindre :
Digne d'estime ou de mépris ,
La nature dans ses Ecrits
Le force toûjours à se peindre.
Quelque sujet que vous traitiez ,
Par tout on vous trouve admirable ,
Et quelque ton que vous preniez ,
Vous paroissez toûjours aimable.
Que l'on celebre vos talens
Du Couchant jusques à l'Aurore ;
Qu'on vous admire , j'y consens ;
Moi , je faisplus , je vous adore.
De mon coeur acceptez le don.
Pour que votre gloire y consente ,
De celui qui vous le présente ,
Je prétends vous cacher le nom .
L'ignorant , vous croirez peut-être
2
B Que
ނ
222 MERCURE DE FRANCE
Que ce don pourroit vous flater ,
Au lieu que me faisant connoître ,
Il pourroit bien vous irriter.
Ne pressez donc point ma disgrace ,
Et contentez-vous de sçavoir
Que se prêtant à mon audace ,
Vos neuf Soeurs sur le Mont Parnassé
Daignent par fois me recevoir.
Calliope ni Melpomene
N'ont jamais élevé mes sons ,
Quoique parmi ses nourriçons
Phoebus m'ait placé sur la Scene.
Voltaire plein d'un feu divin
Chausse le Cothurne tragique :
Ma Muse naïve et comique ,
Ne chausse que le Brodequin.
N. D.
EPITRE.
Une plume plus délicate
Que n'est celle qui vous écrit ,
Et dont l'encens chatouille et flate
Le coeur , et satisfait l'esprit .
Cette plume à jamais celebre
Depuis la Seine jusqu'à l'Ebre ,
Depuis l'Ebre jusques aux bords
Qu'arrose la Tamise altiere ;
Enfin dont les nobles essors ,
Jusqu'aux lieux où naît la lumiere
Bientôt se feront admirer ;
Cette plume ajoute à sa gloire
La gloire de vous célébrer ;
Par-là croyant mieux s'assurer
Un nom d'éternelle mémoire
Voltaire en tous lieux si vanté
Unit son nom avec le vôtre ,
Et vous charmerez l'un et l'autre
La derniere posterité,
Touché de cet exemple illustre ,
Malcrais , que ne puis -je à mon nom
Assurer un aussi beau lustre
En
220 MERCURE DE FRANCE
C
En celebrant votre renom ?
Jusques-ici dans le silence ,
Content d'admirer vos Ecrits ,
Et charmé que toute la France
Vous en donnât le juste prix ,
J'ai sçû résister à l'envie ,
A l'ardeur de vous exalter ,
Mais enfin mon ame ravie
Ne sçauroit plus y résister.
Je veux d'une Muze nouvelle
Chanter les admirables traits ;
Et la Déesse la plus belle
Pour mon coeur auroit moins d'attrain ,
Que n'en à l'illustre Immortelle
Qui porte le nom de Malcrais.
Son esprit me la represente
Vive , gracieuse , amusante ;
De ses beaux yeux le feu charmant
Fenetre jusqu'au fond de l'ame s
Qui la voit , l'entend un moment ,
Ressent la plus ardente flame ,
Et fait en soi-même serment
De l'aimer éternellement.
Il fait ce serment en soi- même,
Non à l'objet de son ardeur ;
C'est en secret qu'il faut qu'on l'aime ,
Renonçant au bonheur extrême
De
FEVRIER 1734 . 228
De triompher de sa rigueur ;
Sa raison est saloy suprême ,
Et son esprit défend son coeur.
Oui , telle est l'adorable idée
Que je me fais de vous, Malcrais ,
Et ma plume s'est hazardée
A vous en tracer tous les traits.
Je jurerois qu'ils vous ressemblent ;
Vos charmants Ecrits les rassemblent,
Par-là , justement admirez ;
C'est d'eux que je les ai tirez.
Un Auteur a beau se contraindre :
Digne d'estime ou de mépris ,
La nature dans ses Ecrits
Le force toûjours à se peindre.
Quelque sujet que vous traitiez ,
Par tout on vous trouve admirable ,
Et quelque ton que vous preniez ,
Vous paroissez toûjours aimable.
Que l'on celebre vos talens
Du Couchant jusques à l'Aurore ;
Qu'on vous admire , j'y consens ;
Moi , je faisplus , je vous adore.
De mon coeur acceptez le don.
Pour que votre gloire y consente ,
De celui qui vous le présente ,
Je prétends vous cacher le nom .
L'ignorant , vous croirez peut-être
2
B Que
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222 MERCURE DE FRANCE
Que ce don pourroit vous flater ,
Au lieu que me faisant connoître ,
Il pourroit bien vous irriter.
Ne pressez donc point ma disgrace ,
Et contentez-vous de sçavoir
Que se prêtant à mon audace ,
Vos neuf Soeurs sur le Mont Parnassé
Daignent par fois me recevoir.
Calliope ni Melpomene
N'ont jamais élevé mes sons ,
Quoique parmi ses nourriçons
Phoebus m'ait placé sur la Scene.
Voltaire plein d'un feu divin
Chausse le Cothurne tragique :
Ma Muse naïve et comique ,
Ne chausse que le Brodequin.
N. D.
Signature
N. D.
Langue
Vers et prose
Type d'écrit journalistique
Courrier des lecteurs
Faux
Genre littéraire
Domaine
Est adressé ou dédié à une personne
Est rédigé par une personne
Remarque
Pour l'attribution de ce texte à Néricault Destouches, voir sa republication dans [Paul Desforges-Maillard], Poésies de Mademoiselle de Malcrais de La Vigne, Paris, Veuve Pissot, Chaubert, Clousier, Neuilly, Ribou, 1735, p. 244-247. Voir aussi la réponse de Desforges-Maillard, sous le nom de Malcrais, dans le Mercure de mai 1734, p. 870-871.
Fait partie d'un dossier