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Titre

EPITRE. A M. Ferré, Brigadier, sur son Manteau ; par Mlle de Malcrais de la Vigne.

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49
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29
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54
Incipit

Brigadier non d'armée, ains d'un corps de Maltote,

Texte
EPITRE .
A M. Ferré , Brigadier , sur son Mantean
; par Mile de Malcrais de la Vigne.
B Rigadier non d'armée , ains d'un corps
Maitote ,
Malheureux Commandant , fragile Brigadier ,
Qu'un Directeur qu'il faut à genoux supplier
Et qui sur un bibus chipote ,
Eléve , abaisse , remet ,
ôte ,
Change et fait voler à son gré ,
Comme une légére balote ,
Que j'en veux au Destin , contre toi conjuré ,
Qui t'a par malice acoutré ,
D'une maniere si falote !
Tu méritois au moins d'être Auditeur de Rote.
de
Mais qu'y faire il faut vivre , et l'ame est bien
capote ,
Quand le corps n'est point restauré,
Traduction Françoise , qui a été imprimée à Ox
fort , 1733 chez Vvanecipsen , Libraire de l'Uni
versité , et la Planche gravée , fol. 132.
EI
JANVIER .
25 1734.
Et qu'il ne trouve à la Gargote ,
Ni pain, ni boeuf , ni gélinote ,
Ni Vin , ni Cidre , ni Poiré ,
Ni Choux , ni Rave , ni Carotte ,
Ni même la moindre Echalotte ;
C'est alors qu'un teint empourpre ,
Devient sec , pâle , ou sulphuré ,
Qu'en hyver sans cesse on grélote ,
Quand un habit tout délabré ,
Vaguement sur l'échine flote.
Loyal Garçon , pauvre Ferré ,
Si de la probité qui par tout t'accompagne ,
Les humains respectoient les droits ,
Tu choisirois sur les emplois ,
Dont nos riches Traitans disposent en Bretagne,
Certes , s'il dépendoit de moi ,
Je t'en donnerois un au païs de Cocagne.
Je considére et prise en toi ;
Cet esprit qui ne doit qu'à la seule nature
Les graces dont il est doté ,
Sans que l'étude ait ajoûté
Le moindre fard à sa parure.
Ton discours n'est point affecté ,
Il coule avec facilité ,
Amusant , badin , pathétique ,
Le véritable sel attique
S'y mêle avec aménité.
Tu sçais faire un conte à merveille ,
Ов
26 MERCURE DE FRANCE .
On croit voir tout ce que tu dis.
Il faut assurément que les jeux et les ris ,
Te parlent sans cesse à l'oreille ,
Aussi pour ton gentil esprit ,
Et non pour ton emploi petit ,
Tu vois la bonne compagnie ,
D'où par tes mots joyeux,la tristesse est bannie.
Que tu badines finement !
Que tu peins agréablement !
Mais voyons si ma Poësie
Sçaura peindre à son tour cet antique Manteau ,
Dont tu t'es par un tour nouveau ,
Attiré la galanterie ,
Un Railleur , s'il a bon cerveau
Doit entendre la raillerie ,

Approche , tire le Rideau ,
Regarde , voici le Tableau.
Ton Manteau jadis bleu , ne craint plus la vergette
.
Ses vieux ans qui l'ont annobli ,
Comme une Glace l'on poli.
Les subtils vermisseaux y trouvant leur cachette,
Broderent à points de chainette
Le drap et d'une et d'autre part.
L'adroite mitte encore y dessine avec art
Mainte délicate vignette.
FloJANVIER
. 1734. 、27
Flottant , garni de fleurs , sombrement azuré ,
L'ail s'y trompe , et le prend pour un satin
gaufré.
Ce Manteau dont ici tout le monde caquette
Suivant ce qu'un grand Clerc de ces cantons en
dit ,
Docteur mur et profond , Antiquaire en crédit ,
Fut le Manteau Royal de la Reine Gillette .
D'autres prétendent qu'il couvrit
Saint Antoine l'Anachotette ;
D'autres qu'il servit au Prophete
Qui sur un Char brulant fut en corps, en esprit ,
Porté du séjour de la Terre
Jusqu'aux lieux d'où part le Tonnerre.
De ce Manteau dont gens de poids
Ont à l'envi cherché l'origine secrette ,
Chacun jase , raisonne à sa guise . Or je crois ,
Que cette houpelande est faite .
De la grande moitié du Manteau qu'autrefois ,
Doué de charité parfaite ,
Monseigneur Saint Martin jetta sur le Sournois,
Le Truant déguisé qu'il trouva sans jacquette ,
Grelotant , soufflant dans ses doigts ,
Et qui cachoit un fin matois
Sous la mine la plus doucette .
Mais ce qui rend encore à tes yeux ce Manteau
Incomparablement plus beau ,
C'est que sans débourser , tu sçus en faire em-
· plette :
Enfin
28 MERCURE DE FRANCE
Enfin c'est un présent d'ami ,
Qui n'est point , comme on voit , libéral à demi.
Ce Manteau te sert de lorgnette ,
Par les trous dont il est rempli
De couverture à la couchette
A la Fenêtre de chassis ,
Housse sur ton Cheval , sur la table tapis ,
A la Cuisine il fait l'office
De passe purée ou coulis ,
Au plus fort de l'Eté le Zéphir qui s'y glisse
Folâtre en tapinois , et souleve ses plis ,
Dont quelques uns sont désunis.
On en fait , quand on veut , un Epervier pous
prendre
Les Poissons dans le sein des Eaux ,
Quelquefois au besoin, un Filet pour surprendre
La folle troupe des Oiseaux ;
Crible pour la récolte,il sert pendant l'Automner
A couvrir le panier , où coule du Pressoir
L'onde vineuse qui bouillonne ,
Ou bien le fond de l'Antonnoir ,
Pour empêcher les grains de passer dans la
tonne.
Manteau dont la posterité
Portera jusqu'aux Cieux le souvenir durable ,
O Manteau des Manteaux ! vêtement admirable
!
Qui , Ferré, ton Manteau , ce Manteau si vanté ,
Get Etendart de friperie ,
Dont
JANVIER 29 1734
Dont la possession a flatté ton envie ,
Peut-être , si tu veux , bon à tout , excepté
Pour garantir du froid , du vent et de la pluye,
Genre
Collectivité
Faux
Langue
Vers et prose
Type d'écrit journalistique
Courrier des lecteurs
Faux
Genre littéraire
Est rédigé par une personne
Remarque

Republié dans [Paul Desforges-Maillard], Poësies de Mademoiselle de Malcrais de La Vigne, Paris, veuve Pissot, Chaubert, Clousier, Neuilly, Ribou, 1735, p. 180-184 ; Poësies diverses de M. Desforges-Maillard [...], Amsterdam, Rey, 1750, 1ère partie, p. 161-165 ; Oeuvres en vers et en prose de M. Desforges-Maillard [...], Amsterdam, Jean Schreuder, Pierre Mortier le jeune, 1759, t. 2, p. 109-113.

Soumis par lechott le