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Titre

RÉPONSE de M. Barrés, Docteur en Médecine de Montpellier, aux Réfléxions de M. Bruhiers d'Ablaincourt, sur l'Eau-de-Vie, inserées dans le Mercure d'Aoust 1730.

Titre d'après la table

Réponse aux Reflexions sur l'Eau de vie,

Fait partie d'une section
Page de début
2369
Page de début dans la numérisation
50
Page de fin
2379
Page de fin dans la numérisation
60
Incipit

Je conviens, Monsieur, que je serois surpris comme vous, de voir un Médecin

Texte
REPONSE de M. Barrés , Docteur en
Médecine de Montpellier , aux Refle- Réfléxions
de M. Brahiers d'Ablaincourt
fur l'Eau- de -Vie , inferées dans le Mercure
d'Aouft 1730.
J
E conviens , Monfieur , que je ferois
furpris comme vous , de voir un Médecin
fe déclarer contre M. le Hoc , en
faveur de l'Eau-de-Vie , s'il en pouffoit
l'ufage jufqu'à l'abus , mais ma furpriſe
cefferoit avec d'autant plus de plaifir , que
je fentirois en moi-même , que je ne puis
lui donner une opinion fi dangereufe à la
faine pratique fans injuftice;je vous crois,
M. trop équitable pour le juger coupable
d'un crime fi énorme dans la Medecine
puifqu'il fçait tres-bien , avec tout le
monde , que l'abus de cette liqueur & de
tout ce qu'il y a de meilleur dans la vie ,
eft pernicieux : Vulgatiffimum eft nullum
effe bonum quod præpoftero ufu malum non
fiat.
que
Il ne s'agit donc de faire voir par
l'autorité ( vous nous avez mis dans ce
gout ) par la raiſon & l'experience , que
l'Eau- de- Vie s'étant introduite dans l'art
de guérir , ne fçauroit paffer fcrupuleufement
2370 MERCURE DE FRANCE
fement pour une Eau de mort. Je vous
entends , ce n'eft point dont il eft queftion
, & vous avoüez ( dites vous ) que
( a ) l'ufage moderé de cette liqueur eft
loüable dans la fanté & dans la maladie.
Quoique maintenant la conformité de
nos fentimens paroiffe dans tout fon jour,
qu'il me foit permis de paffer en revue
toutes les raifons que vous alleguez cantre
notre critique , que M. le Hoc auroit
pû éviter , s'il eut ainfi rangé la conclufion
de fa Théfe , donc l'abus de l'Eau- de- ›
Vie eft pernicieux à l'homme , car je le prie
de me dire , fi cette conclufion énoncée
en ces termes , donc l'Eau-de-Vie eſt une
Eau de morts ne donne point à entendre
que quelqu'ufage qu'on faffe de cette liqueur
, foit en fanté ou en maladie , elle
eft toujours une Eau de mort ? Quoiqu'il
en foit, nous l'avons conçue & nous l'avons
priſe en ce fens , il fuffit qu'on nous
en ait donné lieu pour nous rendre excufables
, dans le temps que tout le tort fe
tourne du côté de l'Auteur de la Théfe .
L'Eau-de-Vie eft un extrait des parties
fpiritueufes du vin , donc ( dites vous ).
elle en renferme les qualitez , avec d'autant
plus d'énergie que fes principes font
(a) Confultez Hip . Gal . Fern ,Egin . Heurm
& Comm. Varanda . Senn. &c.
réünis
NOVE MBRE. 1730. 2371
réunis fous un moindre volume , ce qui
n'eft pas bien feur ; car de même que
nous voiyons tous les jours des mixtes de
compofez où les fubftances qu'ils ont fournies
par la violence du feu , privées de la
vertu du mixte dans fon entier , foit
qu'on les examine féparément ou bien
toutes enfemble ; de même le vin dans
fon état naturel avec tout ce qui le compoſe
, ne pourroit- il pas produire un effet
different de celui des principes qu'on en
a tirés ? ( Cela foit dit en paffant ) ce qui
vous donne occafion de fubftituer les
effets du Vin à ceux de l'Eau -de-Vie.
Le Vin , dit Fernel ( prenez garde que,
cet Auteur parle icy de fon ufage moderé
) rend le poulx grand , fort , vite &
frequent , ajoutés comme lui & d'affez
courte durée , par confequent peu dangereux
à la vie , & peu contraire à notrecritique.
Vous expliquez enfuite ingénieufement
toutes ces differences de poulx par
l'expenfion tres-confidérable du fang que
le fouffre volatil du Vin occafionne , &
le changement des fouffres du Vin en
efprits animaux. On pourroit bien icy
donner d'autres raifons plus fimples &
plus naturelles de cette expenfion , mais
cela nous écarteroit trop de notre fujet ;
d'ailleurs croiyez - vous de bonne foy ce
changement des fouffres du Vin en efprits.
par
ani
2372 MERCURE DE FRANCE
animaux ; pour moi j'aimerois mieux , fi
j'étois à votre place , n'en point admettre
du tout , que de les réparer par la
quinteffence de cette liqueur que vous
voulez faire paffer pour une Eau de mort.
C'eft icy où nous avons fujet d'appeller
de l'injuftice , fur l'opinion que vous
avez de nous , en difant , avec Fernel ,
qu'à force de s'en fervir fans ménagement
, elle rend le poulx inégal , déréglé ;
vous pouviez dire bien davantage en un
feul mot , qu'elle tuë , & nous vous aurions
crû fur votre parole , fans avoir
recours à l'autorité de Fernel : Abufus
enim omnium rerum eft peffimus.
Votre réponſe en cet endroit , me fournit
l'occafion de vous dire une feconde
fois , qu'il ne s'agit point icy des effets
que l'abus de cette liqueur, produit ,
mais de ceux que l'ufage moderé laiffe
appercevoir avec plaifir aux perfonnes
qui en ufent , foit en fanté ou en maladie
; & que Sydenham même que vous
avez porté contre nous , ne défaprouve
pas dans le même paffage , puifqu'après
avoir dit : Plut à Dieu que l'on s'abſtint
totalement de l'Eau- de-Vie ; il s'eft comme
repris lui - même en continuant : Où
qu'on ne s'en fervit que pour réparer fes
forces dans la fanté altérée pour la rendre
vigoureufe dans la maladie , les affections
NOVEMBRE . 1730. 2373
tions loporeules , & c . pour réparer les
forces, Sydenham en permet l'ufage moderé
dans la fanté & la maladie , où il s'agit
de réparer les forces . Vous concluez
vous-même touchant les bons effets de
l'Eau- de-Vie dans les maladies , qu'on
peut s'en fervir comme remede , Phar
maca funt venena ; eft- ce donc une Eau de
mort , comme vous prétendez ?
Il feroit honteux à des gens qui font
profeffion de la faine Médecine , de ne
pas fçavoir que l'abus que le commun des
hommes fait de cette liqueur , donne origine
à mille maux , à la mort même qu'el
le anticipe ; & n'eft - ce pas fans fondement
que vous nous accuſez ( fans doute
fans y avoir pris garde ) de favorifer
cibus ,en difant toujours contre nous
cobien de maladies ne produira pas la
compilation de ces deux caufes dans le
dérangement & l'inégalité du poulx qu'on
remarque , à force d'en ufer fans menagement.
,
Suivant toujours de près votre réponſe,
n'a -t- on pas lieu de dire maintenant que
quand même on feroit affuré que le foufre
volatil de l'Eau - de- Vie , n'eft autre
chofe qu'un acide embarraffé fortement,
concentré avec un peu de terre & de
phlégme , la circulation & la chaleur de
tout le corps ne fuffiroit pas pour déveloper
2374 MERCURE DE FRANCE
:
loper une feule molecule ou partie intégrante
de cette liqueur , pour mettre
en liberté cet acide ,& par là en état d'agir
fur le fang ?
La foif, à la vérité , la bouche pateuſe ,
le gout défagréable , que l'on a le lende
main d'une débauche , prouvent pour vous
le féjour de ce poifon , igné de ce foufre
du vin qui fe change en clprits animaux ;
vous avez raifon , les effets de l'yvreffe
font paffez le lendemain , à l'abattement
près , & la cauſe refte conftamment malgré
fa volatilité dans le corps oifeufe ;
pour moi j'aurois crû que la foif , la bouche
pateufe , prouveroit plutôt la diffipation
, parce que le fang , felon vousmême
, étant dépouillé de fa partie ſéreufe
, échapée fous la forme d'infenfible
tranfpiration augmentée , pour lors les
glandes falivales font fruftrées de la juſte
quantité de liquide , pour délayer la falive
, qui a pris d'autres routes ; c'eſt ce
que nous obfervons dans les hydropiques,
ou dans ceux qui fouffrent des évacuations
féreufes immodérées.
Voyons préfentement fi nous feront
affez heureux pour fatisfaire à ces deux
points que vous nous propofez ; puifque
fuivant votre fentiment , le volatile du
vin , dites - vous , ne féjourne que peu de
temps dans les vaiffeaux , il ne peut produire
NOVEMM BRE. 1730. 2375
duire qu'un effet peu fenfible ; donc les
vieillards , & les gens de travail ne peuvent
en tirer d'utilité que dans l'ufage
réïteré. C'eft précilément ce qui leur arrive
en s'accoutumant peu à peu à l'ufage
de cette liqueur ; loin de l'abus , ce qui
ne leur eft point un grand mal ; mais il
n'en feroit pas de même ( a ) fi on les
en privoit. On demande enfuite fi nous
voudrions nous mettre dans le rifque
d'ufer d'un mauvais remede ou d'un aliment
dangereux , fous prétexte qu'il n'agit
que peu fur le Corps ; on reconnoît
d'abord une méprife de la part de l'Apologifte
, dans le mot de mauvais , qu'ilau
roit mieux fait de retrancher. Nous répondons
à cela en diftinguant , fous un
prétexre comme le nôtre , fondé fur l'authorité
, la raifon & l'experience , quel
danger y auroit- il ? Je foutiens la gagueure
, fous un prétexte extravagant ,
comme feroit tout autre ; je la renvoye
avec le remede , à celui qui voudroit favorifer
l'extravagance de ce prétexte.
N'a-t- on pas donné fujet à la conclufion
de la coagulation des liqueurs hors
du corps , à la coagulation des liqueurs
au dedans ? Pourquoi fe plaindre donc du
droit que l'on s'en eft fait.
(a ) Hipp. Aph. 49. & 50, Sect. 11.
Pour
2376 MERCURE DE FRANCE
Pour prouver l'épaiffiffement des liqueurs,
vous avez recours tantôt au mouvement
augmenté du fang à fa divifion ,
en faifant raprocher les Globules par la
tranfpiration , augmentée de la partie féreufe
qui entretient la fluidité de la maffe;
tantôt cette explication ne vous plaît
plus , & vous appellez votre acide concentré
, que la circulation , dites vous , ne
peut manquer de developer, & qui ne peut
que coaguler le fang. Enfin vous croyez
que ce foufre volatil ou acide concentré ,
n'épaiffit point les liqueurs , mais que ces
liqueurs font fuivies de l'épaiffiffement ,
vous auriez pû aifément mieux expliquer
votre penſée , qui peut être fort bonne ,
toute obfcure qu'elle eft.
L'objection du critique, tirée de l'avantage
qui revient de l'ufage de l'Eau- de- Vie
aux viellards , & à ceux qui font un violent
exercice du corps , prouve fortement
contre l'auteur de la théfe . Je demande làdeflus
à mon tour. 1º . Si ceux de fes ouvriers
qui travaillent aux champs , & c.
qui boivent du vin bien trempé ,ont moins
de force que ceux qui ne boivent que de
l'eau ? Qu'en penfe-t- on ?
2. S'il oferoit affurer que l'ufage moderé
du Vin ou de l'Eau- de- Vie leur nuit
à la longue, fon Apologiſte du moins n'en
feroit rien ; En effet , M. vous approuvez
l'ufage
NOVEMBRE. 1730. 2377
-
l'uſage moderé duVin & de l'Eau- de Vic.
Vous croyez même qu'on ne fçauroit s'en
paffer dans la Flandre & dans tous les Païs
où on fe fert de la Bierre pour boiffon ordinaire
, que les conftitutions humides
s'en accommodent très- bien dans l'ufage
un peu réïteré qu'on en fait toujours ,
loin de l'abus blamable ; que dans certaines
maladies & dans l'état de convar
leſcence les malades s'en trouvent bien
& le remettent plutôt en fanté ; ce qui
arrive infailliblement en fortifiant le
Ton des fibres de l'Eftomac , rétabliſſant
ainfi les digeſtions , ouvrant , débouchant
les conduits embourbez , faiſant tranſ
pirer ou prendre d'autres routes aux matieres
impures , qui furchargent le fang ;
vous prétendez que les Vieillards reffentent
auffi fes bons effets. Comment après
cela accorderez - vous le paffage de Sydenham
que vous n'avez cité contre nous
que pour perfuader que cette liqueur eft
une Eau de mort ?
Enfin feroit-il furprenant que le vin
changé en efprit de vin par le plus violent,
agent qu'on puiffe trouver , eut perdu
dans les altérations qu'il a fouffertes par le
feu , quelque fubftance eſſentielle à la nature
, enforte que produifant un tel effet
étant vin , il en produifit un autre étant
devenu Efprit de vin? Ce qu'on peut dire
C auffi
2378 MERCURE DE FRANCE
auffi de l'Eau- de- Vie , dont on fait l'Efprit
de Vin ; d'ailleurs une fcrupuleufe
exactitude dans les expériences doit-elle
paffer pour une chicane ou une querelle
des l'Illipuciens ? Nous ne fçaurions trop
nous tenir en garde contre les deffauts de
nos fens & contre l'erreur qu'ils nous of
frent fouvent fous l'apparence de la vérité
, & que la précipitation ou l'inadvertance
fait toujours adopter.
·
Je finirai par ces paroles de Varandeus :
Vinum igitur naturâfuâ & viribus calidum
ficcumque , calefacit , concoctionem juvat ,
facilimè mutatur , fubftantia humoralis &
fpirituofa damna citò reparat , & naturam
fanguinis fubit , ut pote fimilarium partium
& benè concoctarum , fuarum etiam tenuitate
partium avador & alimenti diftributionem
adjuvat , fi mediocritas accefferit
tam in qualitate , quantitate , quàm utendi
tempore , qualitate quidem fi temperatum
Lymphifque refractum fumatur , quod violen
tius & generofius eft , unde Hipp. Aphor.
quinquagefimo fexto , fectionis feptime , &
alibi οἶνος ἴσος ἴσῳ πινόμενος , aqualiter
aqua permixtum , & juvat fanos , & agros.
multos curat , quantitate , &c.
Voilà , Monfieur , ce que j'ai crû mériter
les nouvelles attentions de M. Bruhier
d'Ablancourt , Medecin , que j'eftime.
infiniment , par l'honneur qu'il a bien
youlu
NOVEMBRE. 1770. 2379
voulu nous faire , de répondre à nos Réfléxions
contre la Théfe de M. Hoc. Je
fuis , &c.
Genre
Collectivité
Faux
Langue
Vers et prose
Type d'écrit journalistique
Courrier des lecteurs
Faux
Soumis par kipfmullerl le