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Titre

RÉPONSE aux Reflexions sur une These soutenuë dans les Ecoles de Medecine de Paris, concernant la qualité de l'Eau de vie, inserées dans le Mercure de France du mois de May 1730. page 868.

Titre d'après la table

Réponse sur la qualité de l'Eau de vie,

Fait partie d'une section
Page de début
1721
Page de début dans la numérisation
262
Page de fin
1730
Page de fin dans la numérisation
271
Incipit

Je vous avouë, Monsieur, que j'ai été extrêmement surpris de voir une personne

Texte
REPONSE aux Reflexions fur une
Thefe foutenue dans les Ecoles de Medecine
de Paris , concernant la qualité de
l'Eau de vie , inferées dans le Mercure
de France du mois de May 1730. page
868 .
J
E vous avouë , Monfieur , que j'ai été
extrêmement furpris de voir une perfonne
qui fait profeffion de la Medecine
fe déclarer contre M. le Hoc en faveur de
l'Eau de vie. Ce nom fpecieux n'en impofe
pas d'ordinaire , je ne dis pas aux
gens du métier , qui trouvent dans les
principes & dans les experiences dont leurs
livres font remplis des preuves des effets
funeftes de cette liqueur , mais même à
ceux qu'un jugement fain met en état de
profiter des évenemens qui ſe préſentent
tous les jours , & je me flatte que par des
raifonnemens fimples & àla portée de tout
le monde , je confirmerai dans leur fentiment
ceux qui ont la prudence de s'abftenir
de l'Eau de vie , & que je perfuaderai
du danger de cette liqueur ceux à qui elle
n'a pas encore alteré la raiſon .
Tout le monde fçait que l'Eau de vie
eft un extrait des parties fpiritueufes du
B. v vin
1722 MERCURE DE FRANCE
vin , d'où je conclus qu'elle en renferme
les qualités avec d'autant plus d'energie
que les principes font reunis fous un moindre
volume. Voyons donc les effets du
vin , & nous ferons à portée de connoître
ceux de l'Eau de vie.
Le vin , dit Fernel ( a ) rend le poulx
grand , fort , vîte & fréquent : à force de
s'en fervir fans ménagement , il le rend
inégal & dereglé; fa force (b)n'ayant pû être
domptée par le ventricule , fe répand par
tout le corps , il le fecoue tout entier
principalement le coeur & le cerveau ; il
attaque les nerfs ( c) & les membranes (d)
& devient une caufe de la goute ; enfin
il corrompt la maffe du fang , & cette
corruption fe communique au foye.

Le Critique aura de la peine à établir
fes experiences fur les débris de celles de
Fernel ; cependant jufqu'à ce qu'il l'ait fait,
je crois que celles de Fernel pafferont pour
conftantes ; mais comme dans les endroits
cités ce grand homme parle plus en Medecin
qu'en Philofophe , je vais tâcher de
rendre raifon de ce qu'il remarque.
Le vin étant compofé d'un foufre volatil
, & par conféquent capable d'une ex-
( a ) Pathol. Liv. 3. c. 4º
( b ) Ibid. Liv. I. c. 14.
( c ) Ibid. Liv , 6. c 18.
(d) Ibid. Liv. 6. c.41
panfion
A O UST. 1730. 1723
sanfion très confiderable , ne peut le mêler
au fang fans le rarefter très confiderablement
; donc le coeur en recevra une
plus grande quantité , donc le poulx de
viendra plus grand ; il deviendra plus
fort , puifque le fang fera plus d'effort
contre les parois de l'artere ; il fera vîte ,
parceque les fouffres du vin fe changent
facilement en efprits , & augmentent par
une fuite neceffaire le mouvement fiftaltique
des fibres ; il fera fréquent , parceque
la fréquence du poulx eft en raifon
compofée de la quantité du fang & des
efprits .
Sans décompofer les principes du vin ;
en voila plus qu'il n'en faut pour produire
les deux effets qu'apprehende M. Le Hoc,
fçavoir l'eretifme des fibres & l'épaiffiffe
ment des liqueurs .
Preuve de la premiere Propofition.
De ce que les ofcillations des fibres
augmentent à proportion de la viteffe de
la circulation , je concluerai qu'elles chaf--
feront de leurs pores ce mucilage limphatique
qui leur donne de la foupleffe ,
en même tems qu'il augmenté leur diamerre
; donc les fibres s'amaigriront , fe
fronceront , fe racorniront ; les bons effets
même de l'Eau de vie dans les fincopes ;
Bvj les
1724 MERCURE DE FRANCE
les affections foporeufes , les engourdiffe,
mens ne viennent- ils pas de l'irritation
des fibres , dont le reffort augmenté chaffe,
& rend à la circulation les humeurs qui
s'arrêtent dans les parties ? donc les fibres
fe crepent par l'ufage de l'Eau de vie. De
plus, que peut-on conclure des bons effets
de l'Eau de vie dans ces maladies , fi ce
n'eft qu'on peut s'en fervir comme d'un
remede ? & ne fçait- on pas que les remedes
n'agiffent qu'en faifant violence à la
nature ? delà vient qu'Hipocrate les appelle
des poifons , Pharmaca funt venena.
و
Preuve de la feconde Propofition .
Mais la circulation ne peut être plus
promte que les liqueurs ne foient plus
divifées ; donc la tranfpiration augmentera
, le fang fera dépouillé d'une partie
de fa ferofité , les globules qui le compofent
fe raprocheront ; donc il s'épaiffira .
. Combien de maladies ne produira pas
la compilation de ces deux caufes ? delà
le dereglement & l'inegalité du poulx
fuite neceffaire de l'inegalité du tiffu des
parties dont le fang eft compofé : delà cette
chaleur qui fe répand par tout le corps ,
ces fecouffes que reçoivent le coeur , les
nerfs , le cerveau ; en un mot , toutes les
fibres delà ces obftructions du foye qui y
caufent
:
AOUST. 1730. 1725
cauſent la corruption , & qui font fi fou
vent fuivies de l'hydropifie : delà l'interruption
de la circulation dans les glandes
finoviales , où la partie fibreuſe du fang ,
arrêtée , faute d'un vehicule füffifant , féjourne
, & s'épaiffiffant , forme ce tuf , ce
gipfe qui produit les nodofités & des
douleurs des gouteux : delà des engourdiffemens
, des ftupeurs , des affoupiffemens
, avantcoureurs de l'apoplexie : delà
cette hebetation de l'efprit qui rabaiſſe
l'homme à la condition des Quadrupedes.
Si nous penetrons à prefent dans le tiffu
-
des principes du vin , avec quel avantage
n'en établirons nous pas le danger le
fouffre volatil eft-il rien autre choſe qu'un
acide concentré avec un peu de terre &
de phlegme ? acide que la circulation ne
peut manquer de déveloper , & qui ne
peut que coaguler le fang.
Mais , dit le Critique , cette partie fpiritueufe
ne féjourne pas longtems dans les
vaiffeaux ; elle s'exhale promtement par
les pores de la peau .
C'eft ici que j'en appellerois fans crainte
à l'experience de tout le monde ; le con
traire n'arrive- t - il pas tous les jours ? la
foif, la bouche pâteufe , le gout defagréa
ble que l'on a le lendemain d'une débauche
, font- ce des preuves de la prompte
diffipation de ce poifon igné que l'on a
fait
126 MERCURE DE FRANCE
fait couler dans fes veines ? mais accordons
encore au Critique fa propofition ,
& qu'il ait la bonté de me fatisfaire fur
deux points. Je dis d'abord que fi le volatile
du vin féjourne peu dans les vaiſfeaux
, il ne peut produire qu'un effet peu
fenfible ; donc fi les vieillards & les gens
de travail veulent en tirer quelque utilité ,
il faut qu'ils en uſent fréquemment ; c'eft
ce queje ne crois pas que le Critique accorde.
En fecond lieu , je demande , ſuppofant
la verité de nos principes , s'il
voudroit le mettre dans le rifque d'ufer
d'un mauvais remede ou d'un aliment
dangereux fous prétexte qu'il n'agit que
peu fur le corps . S'il eft de cet avis , je crois
qu'il n'aura pas beaucoup de partifans.
Mais , continue-t- il , de ce que l'efprit
de vin coagule les liqueurs hors du corps,
s'enfuit- il , comme M. Le Hoc le préténd,
que pris interieurement il doive faire le
même effet ? l'agilité , la hardieffe , le courage
de ceux qui en ufent prouvent - elles
le ralentiffement , l'épaiffiffement des li ---
queurs .
Il feroit ridicule à M. Le Hoc de con--
clure tellement de l'un à l'autre , qu'il
voulut que tout fut égal dans deux cas
totalement differens. Les liqueurs tirées
des vaiffeaux n'ont plus de mouvement
progreffif , de mouvement de trituration ;
par
A O UST. 1730. 1727
par conféquent la force du poifon n'eft
plus contrebalancée , comme lorfqu'on le
fait prendre à un animal vivant. Tout ce
qu'on doit conclure des Obfervations de
M. Le Hoc , & ce qui fait merveilleuſement
pour lui , c'eft qu'il ne faut rien
moins qu'un mouvement continuel &
violent des liqueurs pour les garantir de la
promte coagulation qu'en font les fouffres
du vin.
L'agilité , la hardieffe & c. ne prouvent
certainement pas l'épaiffiffement des li
queurs ; mais quand elles font produites
par des fouffres volatils , n'en font- elles
pas fuivies c'eft ce que M. Le Hoc niera ,
& avec raifon , tant que nos principes fubfifteront.
L'Objection du Critique tirée de l'a
vantage qui revient de l'ufage de l'Eau de
vie aux vieillards & à ceux qui font un
violent exercice du corps , ne prouve pas
davantage contre M. Le Hoc . Je demanderai
d'abord fi ceux de ces Ouvriers qui
ne boivent que de l'eau ont moins de force
2 S'il oferoit affurer que l'ufage de l'Eau
de vie ne leur nuit pas à la longue. 3 °
Je dirai qu'il ne conclura rien d'une exception
à une regle generale. Il ne faut
pas donner à la propofition de M. Le Hoc
une extenfion qu'elle n'a Dire qu'il
n'y ait point de cas , point de perfonnes
pas.
1728 MERCURE DE FRANCE
qui un ufage moderé de l'Eau de vie
ne puiffe être avantageux , ce feroit avancer
une propofition auffi contraire à la
raifon & à l'experience , qu'il le feroit de
la permettre à tout le monde . On fçait
que dans la Flandre & dans tous les Pays
où l'on fe fert de biere pour boiffon or
dinaire , les perfonnes les plus fobres en
ufent avec utilité. Les fibres engourdies
par le mucilage épais de la biere ont be
foin d'être reveillées par quelque chofe
d'actif. Mais ce n'eft qu'à raison de cette
fobrieté qu'elles ne fe trouvent pas mal de
l'ufage de l'Eau de vie . Les vieillards font
dans un cas à peu près femblable ; ils
tranfpirent moins que les autres à caufe
de la roideur de leurs fibres qui commencent
à devenir cartilagineufes ; leur fang
eft moins divifé : delà les cattarhes , &c.
d'où il fuit que l'Eau de vie augmentant
le mouvement inteftin du fang , peut leur
être utile. Les gens de travail faifant une
grande diffipation d'efprits ont befoin
d'en reparer promtement la perte ; c'eſt ,
comme nous l'avons remarqué , ce que
fait l'Eau de vie , & ce qui peut leur en
rendre l'ufagé avantageux
.
Le Critique va chercher chicane à M.
Le Hoc fur ce qu'il allegue pour prouver
fon fentiment , que l'efprit de vin injecté
dans la jugulaire d'un chien le fait mounirs
A O UST . 1730. 1729.
rir ; il dit qu'il n'eft queftion que de l'Eau
de vie dans fa propofition ; mais fi l'efprit
de vin n'eft qu'une Eau de vie rectifiée ,
il n'y a pas de doute qu'elle ne doive produire
un effet femblable , quoique moins
promtement. De plus étant prife interieu
rement , elle ne paffe dans le fang que petit
à petit , & fon effet ne peut pas
nir auffi fenfible que par l'injection.
Il s'enfuivroit , ajoûte- t- il encore ,
dans
le fentiment de M. Le Hoc , qu'un homme
devroit mourir fubitement pour boire
de l'Eau de vie , comme les oifeaux en
buvant de l'efprit de vin . Ce raifonnement
ne vaut pas mieux que le précedent par la
même raiſon.
deve..
Je finitai par ces paroles de Sydenham ✈
qui ne s'accorderont pas avec le fentiment
du Critique : Plut à Dieu que l'on s'abftine
totalement de l'Eau de vie , ou qu'on ne s'en
Servit que pour reparerfes forces , & non pour
les éteindre , à moins qu'on ne trouvât plus à
propos d'en interdire entierement l'ufage interieur,
& de la laiffer aux Chirurgiens pour
le panfement des ulceres & des brulures. Dans
le premier cas même il ne veut pas qu'on
l'employe pure ; && ss''iill llee permet dans le
fecond , ce n'eft que pour garantir la partie
affligée de la putrefaction. Et fi , felon
* Cap. 6, fect. 6.
la
1730 MERCURE DE FRANCE
la remarque de Sennert les huiles diftil-
Fees & feches demandent à être mêlées
avec quelque matiere graffe , pour ne pas
durcir la matiere qu'on veut diffoudre ,
à combien plus forte raifon doit - on apprehender
les effets d'une liqueur auffi
fpiritueufe & auffi penetrante que l'Eaur
de vie.
je
Voilà , Monfieur , ce que j'avois à remarquer
fur les Reflexions de M. G. B. . '
n'ai pas crû pouvoir me difpenfer de
combattre fon fentiment qui m'a paru
trop dangereux dans la Pratique ; d'autant
plutôt que la Thefe de M. Le Hoc
ne fera pas vue d'autant de perfonnes que vûë
votre Journal. J'ai l'honneur d'être &c.
A Paris le 9. Juillet 1730. BRUHIER
D'ABLANCOURT , Docteur en Mede
cine.
* Prag. lib. x . part. 11, cap 27. p. 141.”
Signature

A Paris le 9. Juillet 1730. BRUHIER D'ABLANCOURT, Docteur en Medecine.

Genre
Collectivité
Faux
Lieu
Date, calendrier grégorien
Langue
Vers et prose
Type d'écrit journalistique
Courrier des lecteurs
Faux
Est probablement rédigé par une personne
Provient d'un lieu
Soumis par kipfmullerl le