Titre
RÉPONSE de Madame Meheult à la Lettre inserée dans le Mercure du mois d'Octobre dernier, page 2149. au sujet de son Histoire d'Emilie, ou des Amours de Mlle de...
Titre d'après la table
Réponse au sujet de l'histoire d'Emilie,
Fait partie d'une livraison
Fait partie d'une section
Page de début
2767
Page de début dans la numérisation
478
Page de fin
2770
Page de fin dans la numérisation
481
Incipit
La Lettrce que vous avez fait paroître, Monsieur, dans le Mercure, me comble
Texte
REPONSE de Madame Meheult à la
Lettre insérée dans le Mercure du mois
d'Octobre dernier , page 2149. au sujet de
son Histoire d'Emilie , ou des Amours de
Mlle de ....
A Lettre que vous avez fait paroître ,
Monsieur, dans le Mercure , me comble de tant de gloire , que je ne puis sans
ingratitude me dispenser de vous en marquer publiquement ma reconnoissance
d'ailleurs la Critique qui succede aux Eloges me demande une réponse , le silence
dans ces occasions peut être regardé comme un aveu tacite de sa défaite , un pareil
soupçon me seroit trop injurieux. Une
Femme doit sçavoir se deffendre , la résistance est pour elle une vertu essentielle.
Dès que l'on est informé, dites- vous ,
II. Vol que
2768 MERCURE DE FRANCE
que l'amour d'Emilie pour M. de Saint
Hilaire n'est qu'une feinte , l'esprit n'a
plus rien qui l'occupe , et ce vuide est
rempli par de longues conversations qui
ennuyent extrêmement le Lecteur.
Ce sentiment n'est pas assûrement géne
ral , ces longs entretiens ont eu le suffrage des Maîtres dans l'Art d'écrire , mais
chacun a sa façon de penser , et il me sieroit mal d'en parler davantage.
Les amours de mon Héroïne et du Comte viennent subitement , ils se plaignent
sans cesse , lors que rien ne semble les traverser.
La personne qui fait cette objection n'a
jamais aimé véritablement , les allarmes
sont le partage des amans , mais l'experience seule peut prouver ce que je dis.
On m'accuse aussi d'avoir fait mourir
mes Acteurs sans aucune utilité.
Ce raisonnement est si frivole qu'il ne
mérite pas la peine d'être relevé. Je n'ai
cherché dans mon Ouvrage qu'à rendre
les avantures vrai-semblables : former une
fiction et vouloir éviter le Romanesque ,
est une entreprise assez difficile . Il faut
puiser dans les sentimens, et chercher des
incidens ordinaires. Rien ne l'estplus que
la mort ; la douleur que cause un si triste
moment noustouche , nous émeut et nous
11. Vol. arrache
DECEMBRE. 1732 2769
arrache des larmes , d'autant plus volontiers que nous sommes tous les jours exposez à la même peine.
Enfin on me reproche que je ne devois
pas me servir des exemples odieux de Julie , de Messaline et de Marguerite de Valois que de semblables porttaits ne conviennent pas dans la bouche d'une Mere.
:
Si l'on me condamne , il faut auparavant proscrire les Livres qui sont entre
les mains de tout le monde. Pour moi ,
je n'avois pas 14. ans , que je sçavois l'Histoire Romaine par cœur. Hé ! qu'auroit
pu citer Mad. de Reville ? des Elus sanctifiez dès le berceau ? Flore donnoit dans
des foiblesses , et l'application n'eut pas
été juste. Des conversions ? elles sont toujours précedées du vice , ainsi j'aurois tombé infailliblement dans le même deffaut.
Emilie après son escapade devroit être
plus humble , et refuser sa main à M. de
S. Hilaire pour l'unique motif qu'elle ne
se croit plus digne de lui. C'est penser trop sagement ; j'eusse mal soutenu le caractere de mon Héroïne. Une coquette des plus étourdies ne devient pas
si- tôt raisonnable.
Je ne sçai , Monsieur , si vous trouverez cette replique suffisante , je suis un
foible Athlete , et si j'ose entrer en lice
II.Vol avec
2770 MERCURE DE FRANCE
avec vous , c'est moins pour remporter le.
prix , que pour vous assurer que je serai
toute ma vie , Monsieur , votre &c.
Brucelle Mebenst.
Lettre insérée dans le Mercure du mois
d'Octobre dernier , page 2149. au sujet de
son Histoire d'Emilie , ou des Amours de
Mlle de ....
A Lettre que vous avez fait paroître ,
Monsieur, dans le Mercure , me comble de tant de gloire , que je ne puis sans
ingratitude me dispenser de vous en marquer publiquement ma reconnoissance
d'ailleurs la Critique qui succede aux Eloges me demande une réponse , le silence
dans ces occasions peut être regardé comme un aveu tacite de sa défaite , un pareil
soupçon me seroit trop injurieux. Une
Femme doit sçavoir se deffendre , la résistance est pour elle une vertu essentielle.
Dès que l'on est informé, dites- vous ,
II. Vol que
2768 MERCURE DE FRANCE
que l'amour d'Emilie pour M. de Saint
Hilaire n'est qu'une feinte , l'esprit n'a
plus rien qui l'occupe , et ce vuide est
rempli par de longues conversations qui
ennuyent extrêmement le Lecteur.
Ce sentiment n'est pas assûrement géne
ral , ces longs entretiens ont eu le suffrage des Maîtres dans l'Art d'écrire , mais
chacun a sa façon de penser , et il me sieroit mal d'en parler davantage.
Les amours de mon Héroïne et du Comte viennent subitement , ils se plaignent
sans cesse , lors que rien ne semble les traverser.
La personne qui fait cette objection n'a
jamais aimé véritablement , les allarmes
sont le partage des amans , mais l'experience seule peut prouver ce que je dis.
On m'accuse aussi d'avoir fait mourir
mes Acteurs sans aucune utilité.
Ce raisonnement est si frivole qu'il ne
mérite pas la peine d'être relevé. Je n'ai
cherché dans mon Ouvrage qu'à rendre
les avantures vrai-semblables : former une
fiction et vouloir éviter le Romanesque ,
est une entreprise assez difficile . Il faut
puiser dans les sentimens, et chercher des
incidens ordinaires. Rien ne l'estplus que
la mort ; la douleur que cause un si triste
moment noustouche , nous émeut et nous
11. Vol. arrache
DECEMBRE. 1732 2769
arrache des larmes , d'autant plus volontiers que nous sommes tous les jours exposez à la même peine.
Enfin on me reproche que je ne devois
pas me servir des exemples odieux de Julie , de Messaline et de Marguerite de Valois que de semblables porttaits ne conviennent pas dans la bouche d'une Mere.
:
Si l'on me condamne , il faut auparavant proscrire les Livres qui sont entre
les mains de tout le monde. Pour moi ,
je n'avois pas 14. ans , que je sçavois l'Histoire Romaine par cœur. Hé ! qu'auroit
pu citer Mad. de Reville ? des Elus sanctifiez dès le berceau ? Flore donnoit dans
des foiblesses , et l'application n'eut pas
été juste. Des conversions ? elles sont toujours précedées du vice , ainsi j'aurois tombé infailliblement dans le même deffaut.
Emilie après son escapade devroit être
plus humble , et refuser sa main à M. de
S. Hilaire pour l'unique motif qu'elle ne
se croit plus digne de lui. C'est penser trop sagement ; j'eusse mal soutenu le caractere de mon Héroïne. Une coquette des plus étourdies ne devient pas
si- tôt raisonnable.
Je ne sçai , Monsieur , si vous trouverez cette replique suffisante , je suis un
foible Athlete , et si j'ose entrer en lice
II.Vol avec
2770 MERCURE DE FRANCE
avec vous , c'est moins pour remporter le.
prix , que pour vous assurer que je serai
toute ma vie , Monsieur , votre &c.
Brucelle Mebenst.
Signature
Brucelle Meheust.
Langue
Vers et prose
Type d'écrit journalistique
Courrier des lecteurs
Faux
Mots clefs
Domaine
Constitue la réponse à un autre texte
Concerne une oeuvre
Fait partie d'un dossier