Titre
LE PROGRÈS DE L'ART DES JARDINS, Sous le Régne de Louis XIV.
Titre d'après la table
Le Progrès de l'Art des Jardins, Poëme,
Fait partie d'une livraison
Fait partie d'une section
Page de début
s. p.
Page de début dans la numérisation
10
Page de fin
2317
Page de fin dans la numérisation
16
Incipit
Quelque éclat que LOUIS ait acquis
Texte
LE PROGRES
DE L'ART
DES JARDINS,
Sous le Régne de Louis XIV.
Q+
Velque éclat que Lours ait acquis
par la Guerre ,
Il n'étoit pas toujours armé de sor Tonnere :
Quand la paix importoit au bien de ses Etats ,
Son cœur à ses douceurs ne se refusoit pas.
Aij Ma
2312 MERCURE DE FRANCE
Mais prenant son devoir de plus en plus pous
guide ,
D'un loisir paresseux il abhorroit le vuide ,
Et sans cesse occupé de mille soins nouveaux
Il ne se délassoit qu'à changer de travaux.
Ainsi , lorsque la paix trop long-tems fugi tive
Venoit à ses Lauriers marier son Olive ,
Egalant tour à tour les deux premiers Cé
sars ,
D'un regard favorable il honoroit les Arts.
Que dis- je même au fort des fureurs de Bel
lone
Il les faisoit fleurir à l'abri de son Trône ,
Et comblant les Sçavans et d'honneurs et dø biens ,
Il se les attachoit par les plus doux liens.
Eh! combien d'Arts aussi sous son heureux Ema
pire
A leur perfection n'a- t- on pas sçu conduire
Combien en a- t- on fait éclore d'inconnus ,
Et revenir au jour qui n'étoient déja plus ?
Les fruits presque étouffez au point de leur nais sance
Marquoient de nos Jardins la sterile impuis- sance ,
Ou par un sort semblable à la sterilité ,
Ils ne parvenoient point à leur maturité ;
Ils ne contractoient point ce coloris aimable
Le
NOVEMBRE. 1732. 2319
Le charme des regards , l'ornement de la Tag ble ,
Ni de ce goût exquis les savoureux appas
Dignes de contenter les palais délicats.
A
, peine , à peine même en la saison now
velle >
Par des légumes vils la térre payoit-elle
Des tristes Jardiniers les inutiles soins ;
Et le Ciel dédaignoit la voix de nos besoins.'
LOUIS veut y pourvoir , Lours dont la pruž dence
Egale la grandeur et la vaste puissance
Et dont l'esprit doüé d'un fin discernement
Sçait des talens divers profiter sagement.
Il voit la Quintynie , il le goûte , il l'ad
nime
Par les gages flateurs de la plus haute es time >
Et de ses propres yeux éclairant ses essais ,
Bien-tôt sur ses Jardins il en vit le succês.
Oui , bien-tôt il y vit ces fertiles Parterres ,
Ces Vergers fructueux , ces odorantes Serres ,
Et de ces Espaliers les dons appétissans ,
Par qui la volupté s'offroit à tous les sens.
Mais non c'étoit trop peu que , de la Quin
tynie ,
Ces fortunez Enclos montrassent le génie ,
Louis , qu'un cœur sublime en ses desseins con
duit ,
Aiij Veut
2314 MERCURE DE FRANCE.
Veut que toute la France en partage le fruit.
Aux ordres de son Roi ce grand homme est f
dele ;
D'un Jardinier parfait devenu le modele ,
Il en consigne l'Art dans un Livre fameux ,
Qui jusqu'aux derniers tems instruira nos Ne veux.
C'est là que penetrant jusqu'aux causes pre mieres ?
Au sein de la Nature il porte ses lumieres ,
Et de l'expérience empruntant le secours.
Des antiques erreurs désabuse nos jours.
C'est là qu'il nous prescrit la méthode pr dente
De choisir un terrain propre pour chaque
plante ;
Le moyen d'en connoître et d'en guérir log.
maux ,
Soulager les besoins , corriger les défauts.
C'est là que l'on apprend quelle adroite cul
ture
Peut hâter les progrès de la lente Nature ,
Ou , des Arbres trompeurs prévenant les af- fronts ,
Contraindre leurs rameaux à devenir féconds ;
Rameaux (qui l'auroit crû ) dont la séve as servie
Va se distribuer au gré de notre envie ,.
Et présente les fruits tellement dispersez ,
Qu'à peine avec la main on les eut mieux pla C'est
NOVEMBRE. 1732 2315
' est là qu'on va puiser la divine Science ,
Qui des Astres malins corrige l'influence ,
Par qui sur les Jardins l'hyyer n'a plus da
droits ,
Et dont la Terre enfin semble prendre des
loix.
Mais quelques dons qu'en soi le même esprig
rassemble ,
Il ne peut renfermer tous les talens ensemble.
Embrassant des Jardins la seule utilité ,
Ce Sçavant n'en avoit qu'ébauché la beauté.
Pour couronner l'ouvrage il en falloit u
autre 11
UA
D'un goût fin , délicat , tel enfin que le No
11201
Qui d'un Art enchanteur déployant les se
crets
A la Nature même, ajoutat des attraits.
Vous l'avez éprouvé , Fontainebleau , Versail les :
De vos Palais dorez les pompeuses murail
Jes ,
Et la riche splendeur de vos appartemens
J
Ne font pas tout l'objet de nos ravissemens ;
Et sans vanter ici les insignes spectacles ,
Dont à mille autres Arts vous devez les min
cles ,
L'Art sur qui ce grand Maître a porté le flame beau
tale en vos Jardins un spectacle aussi beau.
A iij C'est
316 MERCURE DE FRANCE
C'est à lui que l'on doit la galante parure
De ces Ifs qu'à son gré l'habile main
gure ,
Et de ces Boulingrains les tapis toujour verds ,
Par qui nous oublions l'outrage des hivers :
C'est à lui que l'on doit ces tentures fleu ries ,
Dont le riant aspect flatte nos rêveries •
Et ces voutes d'Ormeaux , dont le feuillage
épais
Au milieu des chaleurs nous fait goûter le
frais.
C'est à lui que l'on doit ces Cascades bril lantes ,
Et ces superbes Eaux jusqu'au Ciel jaillissan tes ;
Illustres Monumens où nos yeux éblouis
Reconnoissent le Régne et les soins de LOUIS
Priere pour le Roy.
Grand Dieu , qui dans le Roi que la France
pour Maître ,
As versé toutes les vertus
Qui le rendent dignes de l'être ;
Conserve-nous long- tems ce moderne Titus
Augmente d'année en année
Les fruits de son tendre hymenée;
Et fais à nos derniers Neveux ,
( En
NOVEMBRE. 1732. 2317.
( En transmettant son Trône à sa Lignée au
guste )
Goûter l'Empire doux et juste ,
Qui comble aujourd'hui tous nos vœux,
Arboribus morem imposuit Populisque.
Varier. Præd. Rust.
DE L'ART
DES JARDINS,
Sous le Régne de Louis XIV.
Q+
Velque éclat que Lours ait acquis
par la Guerre ,
Il n'étoit pas toujours armé de sor Tonnere :
Quand la paix importoit au bien de ses Etats ,
Son cœur à ses douceurs ne se refusoit pas.
Aij Ma
2312 MERCURE DE FRANCE
Mais prenant son devoir de plus en plus pous
guide ,
D'un loisir paresseux il abhorroit le vuide ,
Et sans cesse occupé de mille soins nouveaux
Il ne se délassoit qu'à changer de travaux.
Ainsi , lorsque la paix trop long-tems fugi tive
Venoit à ses Lauriers marier son Olive ,
Egalant tour à tour les deux premiers Cé
sars ,
D'un regard favorable il honoroit les Arts.
Que dis- je même au fort des fureurs de Bel
lone
Il les faisoit fleurir à l'abri de son Trône ,
Et comblant les Sçavans et d'honneurs et dø biens ,
Il se les attachoit par les plus doux liens.
Eh! combien d'Arts aussi sous son heureux Ema
pire
A leur perfection n'a- t- on pas sçu conduire
Combien en a- t- on fait éclore d'inconnus ,
Et revenir au jour qui n'étoient déja plus ?
Les fruits presque étouffez au point de leur nais sance
Marquoient de nos Jardins la sterile impuis- sance ,
Ou par un sort semblable à la sterilité ,
Ils ne parvenoient point à leur maturité ;
Ils ne contractoient point ce coloris aimable
Le
NOVEMBRE. 1732. 2319
Le charme des regards , l'ornement de la Tag ble ,
Ni de ce goût exquis les savoureux appas
Dignes de contenter les palais délicats.
A
, peine , à peine même en la saison now
velle >
Par des légumes vils la térre payoit-elle
Des tristes Jardiniers les inutiles soins ;
Et le Ciel dédaignoit la voix de nos besoins.'
LOUIS veut y pourvoir , Lours dont la pruž dence
Egale la grandeur et la vaste puissance
Et dont l'esprit doüé d'un fin discernement
Sçait des talens divers profiter sagement.
Il voit la Quintynie , il le goûte , il l'ad
nime
Par les gages flateurs de la plus haute es time >
Et de ses propres yeux éclairant ses essais ,
Bien-tôt sur ses Jardins il en vit le succês.
Oui , bien-tôt il y vit ces fertiles Parterres ,
Ces Vergers fructueux , ces odorantes Serres ,
Et de ces Espaliers les dons appétissans ,
Par qui la volupté s'offroit à tous les sens.
Mais non c'étoit trop peu que , de la Quin
tynie ,
Ces fortunez Enclos montrassent le génie ,
Louis , qu'un cœur sublime en ses desseins con
duit ,
Aiij Veut
2314 MERCURE DE FRANCE.
Veut que toute la France en partage le fruit.
Aux ordres de son Roi ce grand homme est f
dele ;
D'un Jardinier parfait devenu le modele ,
Il en consigne l'Art dans un Livre fameux ,
Qui jusqu'aux derniers tems instruira nos Ne veux.
C'est là que penetrant jusqu'aux causes pre mieres ?
Au sein de la Nature il porte ses lumieres ,
Et de l'expérience empruntant le secours.
Des antiques erreurs désabuse nos jours.
C'est là qu'il nous prescrit la méthode pr dente
De choisir un terrain propre pour chaque
plante ;
Le moyen d'en connoître et d'en guérir log.
maux ,
Soulager les besoins , corriger les défauts.
C'est là que l'on apprend quelle adroite cul
ture
Peut hâter les progrès de la lente Nature ,
Ou , des Arbres trompeurs prévenant les af- fronts ,
Contraindre leurs rameaux à devenir féconds ;
Rameaux (qui l'auroit crû ) dont la séve as servie
Va se distribuer au gré de notre envie ,.
Et présente les fruits tellement dispersez ,
Qu'à peine avec la main on les eut mieux pla C'est
NOVEMBRE. 1732 2315
' est là qu'on va puiser la divine Science ,
Qui des Astres malins corrige l'influence ,
Par qui sur les Jardins l'hyyer n'a plus da
droits ,
Et dont la Terre enfin semble prendre des
loix.
Mais quelques dons qu'en soi le même esprig
rassemble ,
Il ne peut renfermer tous les talens ensemble.
Embrassant des Jardins la seule utilité ,
Ce Sçavant n'en avoit qu'ébauché la beauté.
Pour couronner l'ouvrage il en falloit u
autre 11
UA
D'un goût fin , délicat , tel enfin que le No
11201
Qui d'un Art enchanteur déployant les se
crets
A la Nature même, ajoutat des attraits.
Vous l'avez éprouvé , Fontainebleau , Versail les :
De vos Palais dorez les pompeuses murail
Jes ,
Et la riche splendeur de vos appartemens
J
Ne font pas tout l'objet de nos ravissemens ;
Et sans vanter ici les insignes spectacles ,
Dont à mille autres Arts vous devez les min
cles ,
L'Art sur qui ce grand Maître a porté le flame beau
tale en vos Jardins un spectacle aussi beau.
A iij C'est
316 MERCURE DE FRANCE
C'est à lui que l'on doit la galante parure
De ces Ifs qu'à son gré l'habile main
gure ,
Et de ces Boulingrains les tapis toujour verds ,
Par qui nous oublions l'outrage des hivers :
C'est à lui que l'on doit ces tentures fleu ries ,
Dont le riant aspect flatte nos rêveries •
Et ces voutes d'Ormeaux , dont le feuillage
épais
Au milieu des chaleurs nous fait goûter le
frais.
C'est à lui que l'on doit ces Cascades bril lantes ,
Et ces superbes Eaux jusqu'au Ciel jaillissan tes ;
Illustres Monumens où nos yeux éblouis
Reconnoissent le Régne et les soins de LOUIS
Priere pour le Roy.
Grand Dieu , qui dans le Roi que la France
pour Maître ,
As versé toutes les vertus
Qui le rendent dignes de l'être ;
Conserve-nous long- tems ce moderne Titus
Augmente d'année en année
Les fruits de son tendre hymenée;
Et fais à nos derniers Neveux ,
( En
NOVEMBRE. 1732. 2317.
( En transmettant son Trône à sa Lignée au
guste )
Goûter l'Empire doux et juste ,
Qui comble aujourd'hui tous nos vœux,
Arboribus morem imposuit Populisque.
Varier. Præd. Rust.
Langue
Vers et prose
Type d'écrit journalistique
Courrier des lecteurs
Faux
Genre littéraire
Domaine
Résumé
Sous le règne de Louis XIV, le roi, connu pour ses conquêtes militaires, appréciait également la paix et les arts. Lors des périodes de tranquillité, il se consacrait au développement des arts et des jardins, honorant les artistes et les savants en leur accordant des honneurs et des biens. Avant l'intervention de Louis XIV, les jardins français étaient stériles et improductifs, avec des fruits rares et de mauvaise qualité. Le roi, avec sa prudence et sa puissance, décida de remédier à cette situation en découvrant et soutenant La Quintinie, un expert en jardinage. Grâce à La Quintinie, les jardins du roi devinrent fertiles et productifs, offrant des parterres, des vergers, des serres et des espaliers. La Quintinie consigna son art dans un livre célèbre, instruisant les générations futures sur la culture des jardins, le choix du terrain, le soin des maladies et les techniques pour hâter la croissance des plantes. Cependant, La Quintinie se concentrait principalement sur l'utilité des jardins. Pour ajouter beauté et charme, un autre expert, probablement André Le Nôtre, fut nécessaire. Ce dernier apporta un goût fin et délicat aux jardins, créant des paysages enchanteurs avec des parures galantes d'ifs, des tapis de boulingrins, des tentures fleuries, des voûtes d'ormeaux, des cascades brillantes et des eaux jaillissantes. Ces éléments devinrent des monuments illustres du règne de Louis XIV. Le texte se termine par une prière pour le roi, demandant à Dieu de conserver Louis XIV et de transmettre son trône à sa lignée auguste, afin que les générations futures puissent continuer à profiter de son règne doux et juste.