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Titre

LETTRE aux Auteurs du Mercure, sur la Réponse insérée dans le Mercure du mois de Mars dernier, à l'Ordonnance de Bacchus.

Titre d'après la table

Lettre sur l'Ordonnance de Bacchus,

Fait partie d'une section
Page de début
1912
Page de début dans la numérisation
37
Page de fin
1929
Page de fin dans la numérisation
54
Incipit

Je trouve, Messieurs, une grande inadvertance, presqu'au commencement

Texte
LETTRE aux Auteurs du Mercure , sur
la Réponse insérée dans le Mercure du
mois de Mars dernier , à l'Ordonnance
de Bacchus.
J
E trouve, Messieurs, une grande inadvertance , presqu'au commencement
de la Réponse en question. Elle paroît
dès la fin de la seconde Période , c'est-àdire , à la page 488 , lig. 6. du Mercure.
Le raisonnement est si louche , que je serois plus volontiers porté à croire , que
celui qui a composé cette Piéce , étoit
moinsattentif à ce qu'il écrivoit , qu'à ce
qu'il avoit envie d'écrire.
Il a , au reste , fort mauvaise grace de
reprocher aux Gens tenans le Conseil du
Dieu
SEPTEMBRE. 1732. 1973
Dieu Bacchus , de n'avoir pas répondu à
ce que Virgile a écrit. Ce Conseil recon-.
noit , avec ce Poëte , que les lieux où il
y a une grande profondeur de terre, sont
meilleurs pour le bled , que les endroits
qui ont peu de fond , et que les superficies moins épaisses , que celles - là , conviennent au vin par préférence. Mais il
ajoute , que c'est abuser du texte Poëtique , que d'en inférer qu'il n'y a que
Joigny qui soit dans le cas d'avoir un territoire propre à la Vigne , ou que son exposition a cette propriété par excellence.
Chacun sçait que c'est un avantage commun à tous les lieux qui ont été les premiers cultivez en Vignes. Ce qui fait le
Vin délicat , c'est que les racines s'étendent plutôt en longueur qu'en profondeur ; mais ce n'est pas toujours ce qui le
fait bon et irreprochable. Il ne mérite pas
cette qualité , dès que cette petite épaisseur de terre est couchée et appliquée sur
des Bancs de craye et de tuf, comme est
le territoire de Joigny , au vû et au sçu
de tout le monde. Loin donc d'ici le prétendu Privilege singulier de cette Ville ;
Privilege exclusif, si on en croit le Député
qui parle pour elle ; mais dont ses habitans ne peuvent se glorifier sans une vaine présomption.
B iij Ce
1914 MERCURE DE FRANCE
Ce Député veut que nous marquions d'un
grand sérieux , ce que nous avons lû des
Poësies du P. Vaniere. Quoique l'Ordonnance de Bacchus l'insinue assez, et qu'il y
soit dit en termes formels, autant qu'une
Ordonnance en style burles quepeut le permettre, que la proposition du Poëte, prise trop généralement est fausse et démen.
tie par l'expérience , on ne laissera pas de
faire encore icy quelques réfléxions. C'est
être en effet scrupuleux jusqu'au ridicule, que de prétendre qu'on doit laisser sans
Vignes , des Côtes qui ne regardent pas
géométriquement le point de Midy en
face,quoique le grain de terre en soit bon;
comme s'il étoit besoin de tirer un allignement , et avoir son quart de cercle en
main lorsqu'on plante une Vigne , de
même que lorsqu'on dresse un Cadran.
Ce même Ecrivain convient qu'il ne faut
pas disputer des faits Or c'est un fait certain et prouvé par l'expérience de quinze
cens ans au moins , que des Côtes qui ne
sont point obverses directement au Midy , mais qui regardent un peu l'Orient ,
ou qui sont tournées vers le déclin du
Soleil , produisent du Vin aussi excellent
et même souvent meilleur que des Coteaux qui font face , en droite ligne , au
point méridional.
II
*
SEPTEMBRE. 1732. 1915.
Il est vrai qu'entre les Vignes situées
obversement au Midy ; il y en a quelquefois qui produisent un vin brulant: Mais si
ce Vin est bon, ce n'est pas toujours à cause
de leur exposition géométrique. C'est le
grain de terre qui fournit la substance
que les ardeurs du Soleil ne font que perfectionner. Un bon fond produit de ses
entrailles un bon raisin ; et c'est la chaleur
de la nuit, aussi bien que celle du jour qui
opere le dégré de maturité qui convient.Il
faut donc éviter de tirer une conclusion
trop generale en matiere de Physique
d'une proposition avancée par un Poëte
qui s'attache plus à rendre son Vers bien
harmonieux , qu'à approfondir les secrets
de la Nature; sans quoy l'on court risque
de tomber dans le Sophisme , qui prend
pour cause , ce qui n'est point cause. Une
preuve de cela , est que si c'étoit la plus
grande chaleur , tombant à plomb, qui
fait le meilleur raisin , il s'ensuivroit qu'il
seroit à propos d'ôter les feuilles de dessus le raisin pour le rendre meilleur ; ce
qu'on n'a garde de faire, parce que l'expe
rience fait connoître qu'une chaleur refléchie ou de réverbération , rend le fruit
plus sain et plus propre à faire de bon Vin,
qu'une chaleur directe.
Mais l'Ecrivain de Joigny est admiraBiiij ble
1916 MERCURE DE FRANCE
ble,lorsqu'il nous dit que le P.Vaniere fait
l'éloge de l'exposition de tout le Vignoble
de Joigny , en marquant le regard vers le
Midy , comme le plus favorable. La Providence, disoit- il au mois de Février 1731 .
nous a bienfavorisez , en nous environnant
de Collines , dont l'exposition nous répond
de la bonté de nos Vignobles. Il semble
que dès qu'une Ville est environnée de
Collines , il est impossible que toutes ces
Collines soient tournées vers le Midy
ou il faut s'abstenir de dire que la Ville
en est environnée , ou bien il faut avouer
qu'il y a de ces Collines qui sont tournées
vers l'Orient , d'autres vers l'Occident, et
d'autres encore autrement. Ce raisonnement louche me persuade que l'Auteur
n'y pensoit pas lorsqu'il a fait l'exclamation , qui contient ce que je viens d'allé
guer, et qu'alors il croyoit être à Auxerre,
qui véritablement est environné de tous les
côtez de Collines , qui produisent un Vin
de soutien, un Vin agréable et salutaire,au
lieu que je suis moralement assuré que les
habitans de Joigny , renieront presque
tout ce qui est au delà de leur Pont , ce
qui certainement comprend plus de la
moitié de l'Hémisphere, par rapport à
leur Ville.
Non seulement l'Ecrivain est refractaire
SEPTEMBRE. 1732. 1917
que
taire à l'Ordonnance de Bacchus , mais
encore il ose lui donner de fausses interprétations. Lorsque Bacchus , par exemple , nomme les Régions basses, moyenne
et supérieure il s'imagine que ce Dieu entend parler de celles de l'air ; et cela pour
avoir le plaisir de dire que cette Divinité
tient un langage qui sent le Copernic , et
qu'elle s'est répandue en propos vagues.
Peut on se figurer , sans être enlevé, comme Gyrano de Bergerac, dans les Régions sublunaires , que les Vignes soient plantées
dans une matiere aussi fluide et légere l'air ;et que la basse Région , dont
Bacchus parle , ne soit pas celle qui est de
niveau avec les Champs et les Prairies ?
Cette Divinité a déclaré , sans ambiguité,
que la moyenne Région d'un côteau , est
cet endroit où se rassemble la portion
la plus nourrissante du sol , après les pluyes,
et que la Région supérieure est celle du
terrain qui reste la plus dénuée de substance nutritive , et qui n'a , pour ainsi
dire , que les os. Le Conseil du Dieu
Bacchus n'a pû être si mal avisé , que de
confondre un Element avec l'autre , et de
prendre l'air pour la terre. Ainsi la remarque , que son langage conviendroit
mieux à un Traité d'Astronomie , qu'à
une déclaration sur la primauté des TerB v ritoires
1918 MERCURE DE FRANCE
ritoires, est mal placée et hors de son lieu.
Mais peut-on pardonner ce qui se lit
dans la page 490 ? Il faut être sujet à des
inattentions extrêmes , pour attribuer au
vulgaire de notre Ville une expresion qui
y est absolument inconnuë, que ni homme, ni femme , ni enfant , n'y ont jamais
employée. L'on s'y sert pour exprimer
l'ustancile en question , du même nom
qu'à Paris. Le Critique a pris , sans doute,
le Dictionnaire des environs de Montbar et de Sainte- Reine , pour le Dictionnaire d'Auxerre. Ce sont deux volumes
si differens , que je puis vous assurer que Benatron n'est pas un terme plus usité
dans le langage de notre Ville , que l'herbe de la Saingeon l'est dans les assaisonnemens, et que l'on n'y entend pas plus parler de l'un que de l'autre.
La Géographie du Défenseur des vins
de Joigny , me paroît aussi être un peu
embroüillée. On voit par ce qu'il dit au
bas de la même page 490. que ce n'est qu'à
regret qu'il avoue que Joigny appartient
au Pays Senonois , et qu'il aimeroit mieux
qu'il fût compris dans l'Auxerrois , afin
d'être de la Bourgogne. Il fait tout ce
qu'il peut pour accrocher sa Ville à cette
Province. Mais les Cartes citées dans l'Ordonnance de Bacchus , y sont contraires ;
et
SEPTEMBRE 1732. 1919
et contre cela point d'Appel. Ceux qui
sçavent l'origine des Impositions , n'ignorent point que le Pont de Joigny a
été regardé comme le premier sur la Riviere d'Yonne,qui soit situé dans la France , et que la formalité que ce Pont occasionne , vient de cette diversité de Territoire. Ainsi c'est encore une faute qui
s'est glissée dans le Memoire inseré dans
le Mercure du mois de Mars dernier ,
lorsqu'on y lit à la page 550. au sujet du
sieur Ferrand , celebre Peintre , qu'il naquit à Joigny en Bourgogne : les deux der
niers mots sont de trop.
'
Lorsque l'Ecrivain de cette Ville dit que
l'on a hazardé une Note sur l'Ordonnance de Bacchus , touchant le prix du
vin d'Auxerre , il a quelque espece de
raison. On lui avoue que la Note n'est
pas tout-a-fait exacte , en ce qu'elle ne
met pas le prix des vins d'Auxerre encore
assez au dessus de ceux de Joigny. L'Auteur Auxerrois apprehendant d'encourir
les peines portées par l'Ordonnance contre ceux qui ne disent pas la pure verité,
acouru promptement chez l'Imprimeur ,
et a fait mettre la chose dans toute son
exactitude ; sçavoir , que les vins d'Auxerre ont été vendus en 1730 , non 130.
et 140. livres au plus haut prix , mais
140. et 150, livres, B vj L'A
1920 MERCURE DE FRANCE
L'Apologiste de Joigny devoit avant que
d'écrire , se donner la peine de consulter
l'Errataimprimé à la fin du Mercure d'Octobre dernier , et il y auroit lû , que le
prix de 150. livres le muid fut celui du
vin de M. d'Orchy, alors digne Prieur de
Saint-Marien. C'est ce qu'il déclara 15 .
jours avant son décès , lorsqu'il eut pris
communication de l'Ordonnance. On ne
peut se dispenser de vanger la memoire
de ce Religieux , à qui on voit bien que
le Citoyen de Joigny en veut , lorsqu'on
fait attention à un petit mot qui lui est
échappé au haut de la page 49. Mais
pour suivre pas- à- pas ses Observations
Apologetiques , il est bon de lui faire remarquer qu'il a encouru la même peine
de l'Ordonnance , parce qu'il a allegué
faux en matiere grave , et de la compétence du Tribunal Bacchique , usant outre cola d'une réticence , dont les suites
pourroient tirer à grande consequence.
S'il s'est vendu à Auxerre du vin à pot
ou en détail à un prix plus modique qu'on
n'a fait à Joigny, ce n'étoit pas le meil leur vin , comme il a la hardiesse de le
dire; puisque sa bonne qualité le fait enlever encore tout chaud , et le fait conduire à Paris , en Normandie , en Picardie , en Flandres , en Artois et encore
plus
SEPTEMBRE. 1732. 1921
plus loin , mais c'étoit du vin de quelques Villages de la Vallée d'Aillant , qui
sont de l'Election de Joigny , que les
Habitans de ces lieux font voiturer à
Auxerre , pour y en trouver le débit
à la faveur du grand passage et de la modicité des droits , sans quoi , ils leur resteroient infalliblement ; et ces vins servent à la boisson des Paysans et des Artisans qui y affluent en bien plus grand
nombre qu'à Joigny.
Et quand même il y auroit eu du vin du
cru d'Auxerre , vendu à pot sur le pied
du prix de Joigny , cela ne viendroit que
de cette modicité des Droits d'Aydes
fondée sur les Privileges de la Bourgo- confirmez les Rois gne et autres , par
Louis XI. et Henry IV. comme aussi de
ce que la mesure est plus petite à Auxerre qu'à Joigny. L'Avocat de nos Adversaires , qui n'allegue que l'excedent
des Droits , nous prend apparamment
pour ces bons Limousins , à qui un Pape
de leur Nation promit , dit-on , de faire
avoir double récolte par an , à condition,
cependant, qu'au lieu que par tout ailleurs
on ne compte que douze mois par chacune année > on en compteroit vingtquatre dans leur Pays. Des que la pinte
est plus grande à Joigny qu'à Auxerre ,
il
1922 MERCURE DE FRANCE
il est juste qu'il y ait de l'augmentation
à proportion dans le prix de la vente qui se fait en détail.
Cet Ecrivain devient plus hardi à mesure qu'il approche de l'endroit où il veut
tirer son coup de pistolet. Sans sentir la
fausseté de son raisonnement , toute palpable qu'elle est , il dit qu'il suffit que
les vins de Joigny se trouvent bons pendant deux ou trois ans , pour qu'on puisse les transporter par tout où l'on voudra.
Mais où est la preuve que ces vins se trouvent bons pendant deux ou trois ans ?
C'est ce qu'il suppose et ce qu'il falloit
prouver. Il se peut faire que quelques
bouteillles tirées à propos d'un tonneau
se soient conservées sur le lieu , c'està- dire à Joigny même jusqu'à deux et
trois ans dans le fond d'une cave très profonde , ou dans un autre souterrain bien
frais. Mais il n'en suit pas de-là que ce
vin étant conduit bien loin , sur tout par
les voitures de terre , n'essuie pas de ces
revers de fortune dont l'Ordonnance à
parlé , qui seront tels que la fraicheur des
lieux les plus bas ne pourra le racommoder , et qu'on sera alors forcé pour le soutenir , de le couper avec du vin qui ait
du corps et de la moëlle. Bacchus à donc
décidé juste , parce qu'il étoit fondé sur
a
l'expe
SEPTEMBRE. 1732. 1923
l'experience. De sorte qu'il ne reste point
d'autre conseil à donner aux gens de Joigny , pour remedier à cet inconvenient ,
que de trouver un secret de transporter leurs caves toutes entieres et sans fracture , jusques dans les Pays où ils veulent
leur vin arive sain et sauf; encore
yconservera- t'il toujours son goût de terroir , c'est-à dire , de Craye et de Tuf,
qu'il a apporté en venant au monde.
que
La tournure des premieres lignes de
la page 492. fait voir que l'Ecrivain de
Joigny est accoûtumé à croire les choses legerement , et surtout celles qui renferment des suppositions sans preuve.
Peut-être auroit- il été plus réservé au
mois de Décembre 1731. si celui qu'il
attaque eut été encore vivant. Mais ayant
appris son décès , arrivé vers la S. Martin
précedente,il a crû que ce qu'il avanceroit
contre lui resteroit sans replique. Bien
plus , il se flatte peut-être que cette mort
fera que les vins d'Auxerre ne soutiendront plus leur réputation . Mais il se trompe encore ; la mort d'un seul homme n'a rien changé dans le Pays. Les
Vignes sont restées dans le même état ,
même sol , même exposition , même plan
de Pinot noir , clair et délié , même situation et même grain de terre ; nous ne
voyons
1924 MERCURE DE FRANCE
voyons pas qu'aucun tremblement ait
donné au Territoire une autre superficie
que celle qu'il avoit , et on ne peut lui
reprocher d'être fondé sur la craye ni impregné de pierres à fusil. Le Ciel , de son
côté, favorisera des mêmes benignes influences et des mêmes regards un terrain si bien composé : Les mêmes grapes
paroîtront chaque année aux mois accoûtumez. On continuera d'apporter la mêmeexactitude à tenir les Vignes exemptes
d'herbes et de toutes plantes étrangeres.
On aura la même attention à se servir de
perches transversales , pour ne pas laisser
ramper les grapes sur la terre , et afin que
la reverberation qui en résulte soit plus
forte et plus salutaire , à ne point prévenir la maturité pour les jours de la
récolte ; à mettre à part pour la boisson populaire les plus communs , s'il s'en
trouve à ne permettre l'entrée de la
Cuve à aucun de ces rameaux nerveux
et acres , qui supportent le grain et que
le Peuple appelle la Ralle. On aura la
même vigilance sur le grain du Raisin,
pendant qu'il baignera dans le mol de
la Cuve , ensorte que le degré de chaleur
qui s'y forme , contribuë à la délicatesse
comme à la couleur.
,
De tout cela il résulte un composé d'at tention
SEPTEMBRE. 1732. 1925
tention , de prudence et de connoissance
experimentale , qui est la seule drogue
que l'on puisse imputer à feu M.le Prieur
de Saint- Marien et à ceux qui ont pris
la peine de l'imiter ; ( a) drogue , comme
l'on voit , bien innocente , et dont les
grains ou les dragmes , qu'elle qu'en soit
la dose , ne peuvent produire qu'un bon
effet. Ces attentions coûtent des soins
et une dépense plus grande qu'on ne
croit ; mais ce sont des avances qui servent à faire travailler le petit Peuple ,
et dont l'achepteur dédommage bien vo
lontiers le vendeur. Au reste , quelque
forte que soit la dose d'attention et de
vigilance que M de Joigny puissent employer à la culture de leurs Vignes et à
la façon de leur vin , nous posons pour
certain , que jamais le vin de leur cru n'aura la bonté de celui d'Auxerre , parce
que la cause productive peche in radice.
Aussi est- il vrai de dire qu'on voit bien
des Commissionnaires de Joigny remonter jusqu'à Auxerre pour y acheter du
vin , dont ils accommodent leurs Correspondans ; mais on ne voit jamais ceux
(a) Celui qui s'en glorifie le plus ouvertement est son plus proche voisin , M. du Pile , dont les
Cuvées de vin sont toûjours d'une très-grande
réputation.
d'Auxerre
1926 MERCURE DE FRANCE
d'Auxerre aller acheter du vin de Joigny,
et la raison en est qu'on peut bien jetter du vin d'Auxerre sur celui de Joigny
pour l'améliorer , mais non pas du vin
de Joigny sur celui d'Auxerre. C'est ainsi
qu'en agissent les bons Connoisseurs ; et
si le commun des Habitans de Joigny ,
au lieu de s'accoûtumer à faire une infusion de quelques pintes de vin d'Orleans ou de Blois sur chacun de leurs
tonneaux , lorsque leur vin commence à
jaunir , prenoient la loüable coûtume d'y
mettre de bonne heure un broc de vin
d'Auxerre , ils verroient leurs vins augmenter de prix comme ils auroient augmenté en vigueur.
Autre supposition erronée de l'Ecrivain Champenois , qui mérite que Bacchus en fasse un exemple: c'est lorsqu'en
finissant il dit que l'Auteur de l'Ordonnance s'approprie sans scrupule les Pays
voisins , qu'il comprend dans le Territoire
d'Auxerre tous les Vignobles de dix lieuës
à la ronde , et qu'il s'égare même jusques
dans les Vignes de Dijon. C'est en imposer au public, sans faire attention que
c'est lui-même qui s'égare , et qu'il a
avoué que Joigny n'est qu'à six lieuës
d'Auxerre. Comment donc Bacchus auroit- il pûcomprendre dans le Pays Auxerrois
SEPTEMBRE. 1732. 1927
rois tout ce qui est à dix lieuës de cette
Ville à la ronde, et en même- temps en exclure joigny par un article formel de son
Ordonnance? Il y auroit une contradiction
manifeste.Très- constamment cette Topograpie est des plus mal en ordre. Il est
visible que d'une licue l'Ecrivain en fait
trois et même davantage. Il s'en faut donc
bien que le Territoire d'Auxerre ait ou
tant d'étenduë qu'il veut nous le faire
dire.Loin dele faire aller jusqu'à dix lieuës,
nous n'y comprenons pas même Chablies,
qui n'en est éloigné que de quatre. Mais
nous avons seulement donné à entendre
que ce Territoire commence à une lieuë
ou environ d'Auxerre vers le Septentrion ,
et qu'il remonte jusqu'à six lieuës ou environ le long des rivages de l'Yonne et de
la Cure , en y comprenant ce qui est éloigné d'une lieuë ou à peu près , du bord
de ces Rivieres.
En effet , il ya dans tous ces Pays- là ,
même superficie , même fond de terre, et
même culture de Vignes ; au lieu qu'à
Chablies , qui est à l'Orient et dans la
Champagne , tout change , Territoire
plan et façon de Vignes; il en est de même à
Joigny,qui est vers le Septentrion ou plutôt au Nord- Ouest , changement total
en genre de Terrain et de culture, et jus-
>
ques
1928 MERCURE DE FRANCE
ques dans le langage du métier. On n'y
connoît point , par exemple , le nom de
Pinot , si reveré à la Cour de Bacchus ;
mais on y parle de Houche , de Houchean ,
comme de Raisins du premier ordre.
Admirons donc à notre tour le Partisan des vins de Joigny , qui entousiasmé de son Pere Vaniere , d'ailleurs Poëte
naturel et Auteur d'un bon Livre , croit
qu'il faut toujours planter la Vigne sur
des Côteaux les plus approchans du perpendiculaire que faire se pourra. Bacchus
l'a renvoyé à des exemples de differens
climats de Bourgogne , dont le vin est
délicieux , quoiqu'en Pays presque plat ;
mais comme il n'est pas fait au langage
d'une Ordonnance qui combat ses prétentions , il dit que c'est s'égarer en pro-
-pos vagues , que d'apporter exemple sur
exemple du contraire de ce qu'il s'est
imaginé. C'est donc temps perdu que
d'alleguer tous les differens autres Vignobles du Royaume , pour confondre ces
prétentions , dès qu'on traite d'égarement les preuves des Adversaires
les exemples qui pulverisent le systême
opposé; c'est une affaire enfin dont il faut
laisser la décision au Public et demeurer
ensuite dans le silence , en se reposant
sur la fidelité et la vigilance des Offiet
ciers
SEPTEMBRE. 1732. 1929
ciers de Bacchus , qui en pareil cas ne
peuvent manquer de faire leur devoir.
Je suis , &c.
Collectivité
Faux
Langue
Vers et prose
Type d'écrit journalistique
Courrier des lecteurs
Faux
Est adressé ou dédié à une personne
Fait partie d'un dossier
Soumis par delpedroa le