Titre
LE FAUNE, ÉGLOGUE. À M. le Come de Saint Florentin, pendant son séjour à Châteauneuf.
Titre d'après la table
Le Faune, Églogue,
Fait partie d'une livraison
Fait partie d'une section
Page de début
1024
Page de début dans la numérisation
423
Page de fin
1027
Page de fin dans la numérisation
426
Incipit
Muses, qui vous plaisez dans les gras pâturages,
Texte
LE FA UNE
{
EGLOGUE.
A M. le Come de Saint Florentin , pendant
son séjour à Châteauneuf.
M
Uses , qui vous plaisez dans les gras pêturages
,
Et vous entretenir de Bois et de Rivages ,
Donnez à vos chansons un peu de dignité ;
On n'aime pas toujours tant de simplicité ,
Le lierre rampant et la verte fougere ,
>
Aux grands , ainsi qu'à nous , n'ont pas le droit
de plaire ,
Offrez d'autres objets , et sçachez - en choisir
Qui puissent d'un Ministre amuser le loisir.
2
pro-
Dans le creux d'un Vallon , solitude
fonde ,
Lieux ignorant encor le tumulte du monde ,
Le jeune Celadon , et Daphnis , son ami ,
Virent sous un Tilleüil un vieux Faune endormi.
'Aussi - tôt se coulant à travers le Bocage ,
Tous deux de ce sommeil saisissent l'avantage ,
Et d'une chaîne faite , et de sauge et de Thym ;
Pour arrêter le Dieu , l'embarrassent soudain.
Car
MA Y. 1731 .
1025
Car il avoit souvent par force , ou par adresse ,
En fuyant de leurs mains éludé sa promesse ,
Et differé toujours de leur chanter les Vers
Qu'il avoit composés sur le vaste Univers.
Cette fois les Bergers craignent peu son caprice
,
Il s'éveille , et comme eux riant de leur malice
:
C'est assez , leur dit- il , enfans , rompez ces
noeuds ,
Il est juste à la fin de contenter vos voeux.
Les Bergers à ces mots s'asseyent pour entendre
,
Et le Faune commencé ainsi sans se deffendre.
Avant que le Soleil eut l'Empire des airs ,
Et qu'on peut distinguer et la Terre et les
Mers ,
Tout ce qu'offre à vos yeux avec tant d'artifice
,
De l'Univers entier le superbe édifice ,
Dans un commun principe ensemble confondu ,
`N'étoit qu'un noir brouillard vainement étendu
Une eau presqu'insensible , et sombre d'ellemême
,
Que d'un stérile noeud lioit un froid extrême.
Mais si- tôt que l'esprit qui voloit sur les
flots ,
Eût dans son vaste sein embrassé ce cahos ,
Sa féconde chaleur digerant la matiere , .
De l'Extrait qu'elle en fit composa la lumiere.
B vj
De
1026 MERCURE DE FRANCE
De ce jour toutefois , l'immortelle clarté ,
Ne fut point en tous lieux d'égale pureté :
La haute région plus vive et plus legere ,
En un feu tout divin vît transformer sa Sphere ,
La plus basse languit , et sa fausse vigueur ,
Ne pût précipiter un reste de vapeur .
Entre ces deux excès , la suprême sagesse ,
Bien tôt d'un ciel moyen fit briller la richesse
le Firmament conduisit les secours ,
Que sur nous l'Empirée épanche tous les jours.
Cependant par le feu , vers le centre chassées ,
Les tenebres s'étoient tout- à- fait condensées ,
Et d'un Globe solide inondé par dehors ,
Avoient pris sous les eaux la figure et le corps :
Mais lorsque resserrée en de justes limites ,
La Mer à son courroux eut des bornes pres
crites ,
Et par
La Terre s'éleva brillante des couleurs ,
Dont l'ornoient en naissant la verdure et les
fleurs.
Nul animal d'abord ne peupla les Montagnes ,.
Et les seules Forêts couvrirent les Campagnes :
Du jour trop répandu la molle impression ,
Bornoit au vegetable une foible action ,
Et n'eût produit jamais que d'inutiles Plantes ,
Si pour en ranimer les forces languissantes ,
De ses feux dispersés l'esprit avec succès ,
Dans le corps du Soleil n'eût réüni les traits,
AussiMAY.
1731. 1027
Aussi-tôt la Nature achevant ses Ouvrages ,
Les Oyseaux de leurs Chants remplirent les Boccages
,
Le Taureau rumina sur le bord des Ruisseaux ,
La Chevre et la Brebis chercherent les Côteaux ,
Le Loup du Bois voisin sortit pour les surprendre,,
Et le Chien accourut ardent à les deffendre.
Enfin pour couronner ces Miracles divers ,
Vous vintes , vous Mortels , habiter l'Univers .
Chef-d'oeuvre merveilleux de la Toute- Puissance,
Qui voulut sur vos fronts tracer sa ressemblance,
Tout reconnut vos Loix , tout servit vos desirs ,
Et tout brigua l'honneur d'entrer dans vos plaisirs.
Heureux si de vos champs , par un triste caprice,
Jamais l'ambition n'eût banni la justice ;
L'innocence et la paix , ineffables présens :
Que l'Olimpe ne rend qu'à ses plus chers enfans,
Devoient combler vos jours d'une joye éternelle ?
Ainsi l'avoit reglé sa bonté paternelle .
Rappellez des biensfaits à regret enlevez
>
Et les connoissez mieux , vous qui les recevez ; .
Mais déja ces Vallons me paroissent plus sombres
,
Bergers , et le Soleil laisse grandir les ombres ,.
Avant que tout-à- fait il passe sous ces eaux
Allez et retournez tous deux à vos Troupeaux.
M. de Richebourg-
{
EGLOGUE.
A M. le Come de Saint Florentin , pendant
son séjour à Châteauneuf.
M
Uses , qui vous plaisez dans les gras pêturages
,
Et vous entretenir de Bois et de Rivages ,
Donnez à vos chansons un peu de dignité ;
On n'aime pas toujours tant de simplicité ,
Le lierre rampant et la verte fougere ,
>
Aux grands , ainsi qu'à nous , n'ont pas le droit
de plaire ,
Offrez d'autres objets , et sçachez - en choisir
Qui puissent d'un Ministre amuser le loisir.
2
pro-
Dans le creux d'un Vallon , solitude
fonde ,
Lieux ignorant encor le tumulte du monde ,
Le jeune Celadon , et Daphnis , son ami ,
Virent sous un Tilleüil un vieux Faune endormi.
'Aussi - tôt se coulant à travers le Bocage ,
Tous deux de ce sommeil saisissent l'avantage ,
Et d'une chaîne faite , et de sauge et de Thym ;
Pour arrêter le Dieu , l'embarrassent soudain.
Car
MA Y. 1731 .
1025
Car il avoit souvent par force , ou par adresse ,
En fuyant de leurs mains éludé sa promesse ,
Et differé toujours de leur chanter les Vers
Qu'il avoit composés sur le vaste Univers.
Cette fois les Bergers craignent peu son caprice
,
Il s'éveille , et comme eux riant de leur malice
:
C'est assez , leur dit- il , enfans , rompez ces
noeuds ,
Il est juste à la fin de contenter vos voeux.
Les Bergers à ces mots s'asseyent pour entendre
,
Et le Faune commencé ainsi sans se deffendre.
Avant que le Soleil eut l'Empire des airs ,
Et qu'on peut distinguer et la Terre et les
Mers ,
Tout ce qu'offre à vos yeux avec tant d'artifice
,
De l'Univers entier le superbe édifice ,
Dans un commun principe ensemble confondu ,
`N'étoit qu'un noir brouillard vainement étendu
Une eau presqu'insensible , et sombre d'ellemême
,
Que d'un stérile noeud lioit un froid extrême.
Mais si- tôt que l'esprit qui voloit sur les
flots ,
Eût dans son vaste sein embrassé ce cahos ,
Sa féconde chaleur digerant la matiere , .
De l'Extrait qu'elle en fit composa la lumiere.
B vj
De
1026 MERCURE DE FRANCE
De ce jour toutefois , l'immortelle clarté ,
Ne fut point en tous lieux d'égale pureté :
La haute région plus vive et plus legere ,
En un feu tout divin vît transformer sa Sphere ,
La plus basse languit , et sa fausse vigueur ,
Ne pût précipiter un reste de vapeur .
Entre ces deux excès , la suprême sagesse ,
Bien tôt d'un ciel moyen fit briller la richesse
le Firmament conduisit les secours ,
Que sur nous l'Empirée épanche tous les jours.
Cependant par le feu , vers le centre chassées ,
Les tenebres s'étoient tout- à- fait condensées ,
Et d'un Globe solide inondé par dehors ,
Avoient pris sous les eaux la figure et le corps :
Mais lorsque resserrée en de justes limites ,
La Mer à son courroux eut des bornes pres
crites ,
Et par
La Terre s'éleva brillante des couleurs ,
Dont l'ornoient en naissant la verdure et les
fleurs.
Nul animal d'abord ne peupla les Montagnes ,.
Et les seules Forêts couvrirent les Campagnes :
Du jour trop répandu la molle impression ,
Bornoit au vegetable une foible action ,
Et n'eût produit jamais que d'inutiles Plantes ,
Si pour en ranimer les forces languissantes ,
De ses feux dispersés l'esprit avec succès ,
Dans le corps du Soleil n'eût réüni les traits,
AussiMAY.
1731. 1027
Aussi-tôt la Nature achevant ses Ouvrages ,
Les Oyseaux de leurs Chants remplirent les Boccages
,
Le Taureau rumina sur le bord des Ruisseaux ,
La Chevre et la Brebis chercherent les Côteaux ,
Le Loup du Bois voisin sortit pour les surprendre,,
Et le Chien accourut ardent à les deffendre.
Enfin pour couronner ces Miracles divers ,
Vous vintes , vous Mortels , habiter l'Univers .
Chef-d'oeuvre merveilleux de la Toute- Puissance,
Qui voulut sur vos fronts tracer sa ressemblance,
Tout reconnut vos Loix , tout servit vos desirs ,
Et tout brigua l'honneur d'entrer dans vos plaisirs.
Heureux si de vos champs , par un triste caprice,
Jamais l'ambition n'eût banni la justice ;
L'innocence et la paix , ineffables présens :
Que l'Olimpe ne rend qu'à ses plus chers enfans,
Devoient combler vos jours d'une joye éternelle ?
Ainsi l'avoit reglé sa bonté paternelle .
Rappellez des biensfaits à regret enlevez
>
Et les connoissez mieux , vous qui les recevez ; .
Mais déja ces Vallons me paroissent plus sombres
,
Bergers , et le Soleil laisse grandir les ombres ,.
Avant que tout-à- fait il passe sous ces eaux
Allez et retournez tous deux à vos Troupeaux.
M. de Richebourg-
Signature
M. de Richebourg.
Langue
Vers et prose
Type d'écrit journalistique
Courrier des lecteurs
Faux
Genre littéraire
Est probablement adressé ou dédié à une personne
Est probablement rédigé par une personne