Titre
RÉPONSE du second Musicien au premier Musicien, sur les deux Ecrits qui concernent l'accompagnement du Clavecin inserés dans les Mercures de Févirer & de Mars de la présente année.
Titre d'après la table
Réponse sur l'Accompagnement du Clavecin,
Fait partie d'une livraison
Fait partie d'une section
Page de début
1079
Page de début dans la numérisation
30
Page de fin
1085
Page de fin dans la numérisation
36
Incipit
MR. je vois avec plaisir que vous corrigez vos sentimens. Vous disiez
Texte
REPONSE du fecond Muficien au
premier Muficien, fur les deux Ecrits qui
concernent l'accompagnement du Clavecin
inferés dans les Mercures de Février
de Mars de la préfente année,
Mg
R. je vois avec plaifir que vous cor
rigez vos fentimens. Vous difiez
ci - devant que la maniere ordinaire d'accompagner
ne valoit rien , que la votrė
feule étoit bonne préfentement vous
n'attaquez que notre façon de l'enfei-
I. Vol.
gner
1080 MERCURE DE FRANCE
gner , en difant que nous couduifons tes
perfonnes par des difficultés prefque
infurmontables . Vous avez fagement abai
donné une mauvaiſe Thefe ; il étoit in
foutenable que notre pratique ne valu
rien , ayant toujours été approuvée par
tous les Compofiteurs ', & pratiquée par
plufieurs d'entr'eux qui ufoient du Clavecin
, comme M M. de Lully , de la
Lande , Lalouette , fans compter ceux qui
font vivans , & les Maîtres de Clavecin ,
qui font eux-mêmes habiles Compofi
teurs. J'avouë que nous n'enfeignions
notre pratique que par les principes que
vous avez expofés , vous auriez raifon de
nous blamer ; mais depuis plus de ving
› les Sçavans expliquent la même
théorie que celle que vous vous appropriez
, & ce qui revolte le plus , c'eft que
vous ne l'ignorez pas. Je pourrois en peu
de mots rendre invalides toutes vos prétendues
Obfervations , en déclarant que
votre expofé eft faux ou alteré dans tous
fes chefs , le témoignage de beaucoup d'ha
biles Maîtres fuffit pour le prouver . Ma
pour mieux déveloper tous les replis d
votre politique , je vais répondre à quel
ques articles des plus neceffaires.
Votre but eft de faire entendre que la
regle d'Octave & fes exceptions font toute
notre ſcience , je ne comprens pas com-
1. Vol.
ment
JUIN. 1730. 1081
10
r
it
,
ment on peut parler fi hardiment contre
fa confcience '; les leçons de votre Maître,
qui vit encore , les livres de nos Ecolieres
que vous avez examinés , & les converfations
que vous avez euës avec plufieurs de
nous , tout ne vous reproche- t'il pas votre
ingratitude ? fans eux vous ne sçauriez
pas raifonner du fon fondamental
d'un Accord , de fes renverfemens & de
fes fucceffions les plus naturelles . Vous
ne pourriez pas expliquer les divers mouvemens
des diffonances les degrés du
mode où certains Accords conviennent
principalement , & le veritable endroit où
le mode change , c'eft par eux que vous
connoiffez la mécanique des doigts , que
vous trouvez aifément vosAccords, & enfin
tout ce que vous avez de bon dans votre
Méthode ; c'eft fur ces principes &
plufieurs autres que vous ignorez que font
fondées depuis long - tems les leçons que
nous donnons ; chaque Maître les arrange
comme il lui paroît le plus convenable
& donne des explications plus ou moins
felon la portée de l'Ecolier.
Ce qui vous fait efperer de perfuader
le Public que vous poffedez feul ces connoiffances
, c'eft qu'il en eft peu fait mention
dans les Méthodes que quelques
Maîtres ont fait imprimer ; mais qu'eft
ce que cela conclut pour les autres Maî-
I. Vol. B tres ?
1082 MERCURE DE FRANCE
tres ? peut-on juger des Méthodes de ceux
qui ne les ont point rendues publiques ?
vous pourrez dire encore qu'un Organiſte
renommé n'a point donné toutes ces explications
dans fon Traité d'Accompagnement
qu'il a fait graver. Je repondrai
qu'apparemment il a voulu faire une Méthode
à la portée des plus fimples , & a
laifle au Maître le foin d'en expliquer davantage
, lorfque l'Ecolier feroit en état
de le comprendre ; car vous ne sçauriez
nier que cette théorie ne foit fort abftraite
& très-difficile à mettre en pratique dans
les changemens de mode principalement,
& vous avez experimenté que des Dames
,fort habiles d'ailleurs au Clavecin , en
ont été rebutées , & vous ont même
quitté. Il y a quelque- tems que j'entrepris
d'enfeigner cette théorie aux commençans
, j'en trouvai peu capables de la
comprendre , & tout confideré , je conclus
qu'il étoit plus à propos de l'enſeigner
plus tard .
Mais , direz -vous , au moins ma Méthode
feule eft bonne , & les autres ne
fuffifent pas. On avoue que les autres ne
fuffifent pas pour perfectionner entierement,
fans quelques explications refervées
au Maître , & la vôtre auroit ce mé-
2 que
rite de plus , fi elle étoit moins difficile
& fi en y mettant quelque chofe du vô.
>
I. Vol. tre
JUIN. 1730. 1083
tre,vous ne l'aviez pas remplie de deffauts
dans fa pratique ; ce font ces deffauts qui
forment mes fix Objections écrites dans
notre Conference ; je m'étois propofé de
les prouver à fond dans ce préfent Ecrit;
mais il eft plus à propos que j'attende que
votre Méthode foit achevée d'imprimer ,
le Plan abregé que vous en avez donné
ne fuffifant pas pour connoître fi vous en
avez corrigé ou augmenté les imperfections
. Je viens de developer bien du faux
dans votre expofé ; je vais vous reprocher
dans un feul article la maniere avec laquelle
vous l'avez alteré , afin qu'on puiſſe
par là juger des autres.
Pour être en droit de dire que nos regles
font fauffes , vous citez celle qui dit
que le triton doit être fauvé de la fixte ,
en montant d'un dégré , enfuite vous
faites remarquer qu'il y a des cas où le
triton doit refter fur le même dégré pour
former l'8 , la 6º , la 3º ou la 5º , que ce
conflit de regles oppofées ne peut produire
que de la confufion . Je n'en difconviendrois
pas fi nos explications ſe bor.
noient à ce que vous rapportez ; mais
vous fçavez bien que ceux qui ont écrit
que le triton fe fauve ainfi, entendoient le
triton de la foû-dominante , dans le
grès le plus fimple des parties , le tout tiré
d'un renversement de la cadence parpro-
I. Vol.
Bij faite
1084 MERCURE DE FRANCE
faite ; dans ce cas ils ont dit vrai ; vous
fçavez auffi qu'ils ont enfeigné de vive
Voix que
la baffe pouvoit parcourir toutes
les notes de l'Accord avant de fe rendre
à la médiante où le triton doit être
fauvé , & même faire fur cette médiante
un Accord de 7 & 9 avant celui de fixte ,
ce qui fait que ce triton peut refter fur le
même dégré pour former l'8e , la 3º , lá
6 & la se ; vous fçavez tout cela , mais
vous n'avez garde d'en parler ; vous n'avez
pas voulu nettre non plus que ce triton
doit après tous ces retardemens monter
enfin d'un dégré , cela auroit trop fait
fentir que ce principe de fauver, en montant
d'un dégré , eft fondamental ; vous
n'avez garde , cela feroit oppofé au projet
que vous avez fait d'établir votre reputation
aux dépens de vos Confreres.
Cependant vous êtes obligé à la fin d'avoüer
que l'on peut apprendre par ces
principes , tout défigurés que vous les.
rendez ; comment auriez- vous pû nier ce
que l'experience a confirmé tant de fois ?
enfin je conte avoir déja beaucoup gagné
de ce que vous n'attaquez plus la bonté
de notre pratique , & que vous vous retranchez
à la faveur de la diffimulation
fur notre maniere de l'enfeigner feulement.
Pour moi je ne change rien à ma
Theſe je dis toujours que notre pratique
I. Vol
eft
JUIN. 1730. 1085
l'on
eft plus parfaite que la vôtre , & que
ne peut rien ajoûter à la précifion de notre
théorie , ce que je promets de prouver
lorfque votre Méthode fera achevéed'imprimer
, à moins que vous ne l'ayez
corrigée ; dans ce cas je vous rendrai toute
la juftice que vous meriterez . Je fuis &c.
premier Muficien, fur les deux Ecrits qui
concernent l'accompagnement du Clavecin
inferés dans les Mercures de Février
de Mars de la préfente année,
Mg
R. je vois avec plaifir que vous cor
rigez vos fentimens. Vous difiez
ci - devant que la maniere ordinaire d'accompagner
ne valoit rien , que la votrė
feule étoit bonne préfentement vous
n'attaquez que notre façon de l'enfei-
I. Vol.
gner
1080 MERCURE DE FRANCE
gner , en difant que nous couduifons tes
perfonnes par des difficultés prefque
infurmontables . Vous avez fagement abai
donné une mauvaiſe Thefe ; il étoit in
foutenable que notre pratique ne valu
rien , ayant toujours été approuvée par
tous les Compofiteurs ', & pratiquée par
plufieurs d'entr'eux qui ufoient du Clavecin
, comme M M. de Lully , de la
Lande , Lalouette , fans compter ceux qui
font vivans , & les Maîtres de Clavecin ,
qui font eux-mêmes habiles Compofi
teurs. J'avouë que nous n'enfeignions
notre pratique que par les principes que
vous avez expofés , vous auriez raifon de
nous blamer ; mais depuis plus de ving
› les Sçavans expliquent la même
théorie que celle que vous vous appropriez
, & ce qui revolte le plus , c'eft que
vous ne l'ignorez pas. Je pourrois en peu
de mots rendre invalides toutes vos prétendues
Obfervations , en déclarant que
votre expofé eft faux ou alteré dans tous
fes chefs , le témoignage de beaucoup d'ha
biles Maîtres fuffit pour le prouver . Ma
pour mieux déveloper tous les replis d
votre politique , je vais répondre à quel
ques articles des plus neceffaires.
Votre but eft de faire entendre que la
regle d'Octave & fes exceptions font toute
notre ſcience , je ne comprens pas com-
1. Vol.
ment
JUIN. 1730. 1081
10
r
it
,
ment on peut parler fi hardiment contre
fa confcience '; les leçons de votre Maître,
qui vit encore , les livres de nos Ecolieres
que vous avez examinés , & les converfations
que vous avez euës avec plufieurs de
nous , tout ne vous reproche- t'il pas votre
ingratitude ? fans eux vous ne sçauriez
pas raifonner du fon fondamental
d'un Accord , de fes renverfemens & de
fes fucceffions les plus naturelles . Vous
ne pourriez pas expliquer les divers mouvemens
des diffonances les degrés du
mode où certains Accords conviennent
principalement , & le veritable endroit où
le mode change , c'eft par eux que vous
connoiffez la mécanique des doigts , que
vous trouvez aifément vosAccords, & enfin
tout ce que vous avez de bon dans votre
Méthode ; c'eft fur ces principes &
plufieurs autres que vous ignorez que font
fondées depuis long - tems les leçons que
nous donnons ; chaque Maître les arrange
comme il lui paroît le plus convenable
& donne des explications plus ou moins
felon la portée de l'Ecolier.
Ce qui vous fait efperer de perfuader
le Public que vous poffedez feul ces connoiffances
, c'eft qu'il en eft peu fait mention
dans les Méthodes que quelques
Maîtres ont fait imprimer ; mais qu'eft
ce que cela conclut pour les autres Maî-
I. Vol. B tres ?
1082 MERCURE DE FRANCE
tres ? peut-on juger des Méthodes de ceux
qui ne les ont point rendues publiques ?
vous pourrez dire encore qu'un Organiſte
renommé n'a point donné toutes ces explications
dans fon Traité d'Accompagnement
qu'il a fait graver. Je repondrai
qu'apparemment il a voulu faire une Méthode
à la portée des plus fimples , & a
laifle au Maître le foin d'en expliquer davantage
, lorfque l'Ecolier feroit en état
de le comprendre ; car vous ne sçauriez
nier que cette théorie ne foit fort abftraite
& très-difficile à mettre en pratique dans
les changemens de mode principalement,
& vous avez experimenté que des Dames
,fort habiles d'ailleurs au Clavecin , en
ont été rebutées , & vous ont même
quitté. Il y a quelque- tems que j'entrepris
d'enfeigner cette théorie aux commençans
, j'en trouvai peu capables de la
comprendre , & tout confideré , je conclus
qu'il étoit plus à propos de l'enſeigner
plus tard .
Mais , direz -vous , au moins ma Méthode
feule eft bonne , & les autres ne
fuffifent pas. On avoue que les autres ne
fuffifent pas pour perfectionner entierement,
fans quelques explications refervées
au Maître , & la vôtre auroit ce mé-
2 que
rite de plus , fi elle étoit moins difficile
& fi en y mettant quelque chofe du vô.
>
I. Vol. tre
JUIN. 1730. 1083
tre,vous ne l'aviez pas remplie de deffauts
dans fa pratique ; ce font ces deffauts qui
forment mes fix Objections écrites dans
notre Conference ; je m'étois propofé de
les prouver à fond dans ce préfent Ecrit;
mais il eft plus à propos que j'attende que
votre Méthode foit achevée d'imprimer ,
le Plan abregé que vous en avez donné
ne fuffifant pas pour connoître fi vous en
avez corrigé ou augmenté les imperfections
. Je viens de developer bien du faux
dans votre expofé ; je vais vous reprocher
dans un feul article la maniere avec laquelle
vous l'avez alteré , afin qu'on puiſſe
par là juger des autres.
Pour être en droit de dire que nos regles
font fauffes , vous citez celle qui dit
que le triton doit être fauvé de la fixte ,
en montant d'un dégré , enfuite vous
faites remarquer qu'il y a des cas où le
triton doit refter fur le même dégré pour
former l'8 , la 6º , la 3º ou la 5º , que ce
conflit de regles oppofées ne peut produire
que de la confufion . Je n'en difconviendrois
pas fi nos explications ſe bor.
noient à ce que vous rapportez ; mais
vous fçavez bien que ceux qui ont écrit
que le triton fe fauve ainfi, entendoient le
triton de la foû-dominante , dans le
grès le plus fimple des parties , le tout tiré
d'un renversement de la cadence parpro-
I. Vol.
Bij faite
1084 MERCURE DE FRANCE
faite ; dans ce cas ils ont dit vrai ; vous
fçavez auffi qu'ils ont enfeigné de vive
Voix que
la baffe pouvoit parcourir toutes
les notes de l'Accord avant de fe rendre
à la médiante où le triton doit être
fauvé , & même faire fur cette médiante
un Accord de 7 & 9 avant celui de fixte ,
ce qui fait que ce triton peut refter fur le
même dégré pour former l'8e , la 3º , lá
6 & la se ; vous fçavez tout cela , mais
vous n'avez garde d'en parler ; vous n'avez
pas voulu nettre non plus que ce triton
doit après tous ces retardemens monter
enfin d'un dégré , cela auroit trop fait
fentir que ce principe de fauver, en montant
d'un dégré , eft fondamental ; vous
n'avez garde , cela feroit oppofé au projet
que vous avez fait d'établir votre reputation
aux dépens de vos Confreres.
Cependant vous êtes obligé à la fin d'avoüer
que l'on peut apprendre par ces
principes , tout défigurés que vous les.
rendez ; comment auriez- vous pû nier ce
que l'experience a confirmé tant de fois ?
enfin je conte avoir déja beaucoup gagné
de ce que vous n'attaquez plus la bonté
de notre pratique , & que vous vous retranchez
à la faveur de la diffimulation
fur notre maniere de l'enfeigner feulement.
Pour moi je ne change rien à ma
Theſe je dis toujours que notre pratique
I. Vol
eft
JUIN. 1730. 1085
l'on
eft plus parfaite que la vôtre , & que
ne peut rien ajoûter à la précifion de notre
théorie , ce que je promets de prouver
lorfque votre Méthode fera achevéed'imprimer
, à moins que vous ne l'ayez
corrigée ; dans ce cas je vous rendrai toute
la juftice que vous meriterez . Je fuis &c.
Langue
Vers et prose
Type d'écrit journalistique
Courrier des lecteurs
Faux
Domaine
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Est rédigé par une personne