Titre
HISTORIETTE. / CONTE Oriental.
Titre d'après la table
Historiette,
Fait partie d'une livraison
Page de début
87
Page de début dans la numérisation
93
Page de fin
101
Page de fin dans la numérisation
107
Incipit
Il y avoit en Orient une fille sage, & si sage
Texte
HISTORIETTE.
Pour satisfaire au goût
N" que le public a pour les
Historiettes, je tâcherai
d'en donner au moins
une, peut-estre deux dans
chaque Mercure,mais
pour varier il en faut de
toutes les especes. En
voici une dans le stile figuré
des Orientaux, qui
ne s'expriment que par
comparaisons,&croyent
briller dans la conrersation
à force de citerJe
Soleil, la Lune & les
Etoiles.
CONTE
Oriental.
Il y avoit en Orient
une fillesage,&sisage,
qu'elleresistoit aux desirs
d'un riche & puissant
Kalife,&ceKalifeestoit
si bon qu'il souffroit patiemment
qu'une fille lui
résistât
résistàt. Cette fille s'appelloit
Zaroïne, & comme
elle estoit au service
de la femme du Kalife
illavoyoit souvent; leurs,
conversations estoient
mêlées de maximes en
vers Arabes, car c'est
l'excellence des conversations
Orientales.
Un jour dans une dispute
sur l'amour, le Kalife
soutenoitàZoroïne
quelle devoit répondre
à sa passion & s'obstinoit
un peu trop à vouloir
qu'elle fût de son sentiment.
Voici comment
cette fille vertueuse reprima
l'ardeur du Kalife
dansla dispute.
Il faut sçavoir que le
« Kalife avoir pour le Soleil-
une veneration superstitieuse,
en forte qu'il
suffisoit de lui nommer
seulementcetAstre pour
lui inspirer du refpeéh
Zoroïne le prenant par
son foible,s'écria 1
Par ce Soileiljete jure,
Que ma vertu toujours
pure
Jamais ne s'éclipsera,
Tantqu'il nous éelaïrèrà.
Le Kalife crut entrevoir
dans ceferment que
Zoroïne seroitmoins vertueuse
lanuit que le jour;
ton ferment,luidit-il,
i: -
J C'est un sermentdesemme,
ilsied biendans
ta bouche,
Contre moi ta vertu tiendra,
Tant que le Soleilparoîtra>
,. - Maislesoir le Soleilsi
couche.
Sans doute, répondit
Zoroïne en quittant
brusquement le Kalife
qui l'avoiç fait asseoir
prés de lui sur un Sofa;
mais eu vois que je sçai
me lever avant que le
Soleil se couche. :
Le Kalife se flata encorequeZoroïne
ne l'avoit
quitté que parce
qu'elle avoit vu de loin
sa Maîtresse qui venoic
de cecôté-là: il chercha
l'occasion delaréjoindre
&l'ayantsurprise sur le
soir dans un jardin retilié
pli de plantes curieuses
il l'aborde, & pendant
qu'elle rêve à la maniéré
dont elle se pourra tirer
d'affaire, voici ce que
lui dit le Kalife..
» v.
Le Soleil ne luit plus,
belle Zoroïne
, & nos
Poëtes Arabes comparent
les femmesàcertaines
Plante,dont la vertu
n'estforte quependant
l'ardeur du Soleil; ainsi
les femmes estantmoins
fortes la nuitque le jour1,
illeur est pardonable d'être
moins vertueuses.
Leur force soutient leur
sagesse,
• Ainsi telsentiment d'amour,
Qui seroit un crime en
pleinjour,
- La nuit n'est quesimple
foiblesse.
Il te seroit honteux,
reprit Zoroïne,dedevoir
mon amour à la nuit SC
à ma foiblesse: crois que
je ferois gloiredet'aimer
si je n'avois pas juré le
contraire en presence du
Soleil. Puisque tu le
crains, répliqua le Kalise:
¥
Profite
-
donc de son a6:.,
sence,
Il ne verrapoint ton amour:
Dans ton fixe la nuit
dispense,
Dessermens qu'on afait
le jour.
S'il faut enfin t'aimer
reprit Zoroïne en fuyant,
- je neveux t'aimer qu'en
plein jour. Arrête-donc,
lui cria le Kalife, faut-il
me
me renvoyer ainsi de la
nuit au jour & du jour
à la nuit.Zoroïne fuyoit
toûjours & le Kalife ne
la pût rejoindre que le
lendemain,mais il la pressa
tant que pour s'en debarasser
elle lui promit
qu'elle iroit le trouver
dans son appartement,
& pour le prendre toujours
par sa superstition,
lui dit: Ouy je te jurepar
Le Kalife ne fit point
d'attention auvrai sens
de ces paroles, tant il
estoit transporté de joye,
& la voilà encore débarrassée
de lui; mais le
soir craignant qu'ellene
lui manquât de parole,
il fut l'attendre secretement
dans la chambre
où ellecouchoit; elle fut
fort surprise en y ren-
- trant à minuit d'y trouvercelui
qu'elle suyoit; v
elle demeura immobile: ;
Tesouviens-tu de tes dernières
paroles, lui dit le
Kalife : Je me souviens
destiennes, lui répondelle
en tremblant.
Dans mon sexe la nuit
dipense
Des sermens qu'onafait
le jour:
- Moi, j'ai juré que le
Soleil seroit témoin de
l'execution de ma promesse.
Ensuite elle ouvrit
sa fenêtre & regardant
le Ciel obscur, elle
s'écria: ParoisSoleil, Pa.
rois,vientéclairerun crime
queveutcommettrece
Kalifesi vertueux&si
bon ,situ approuvesson
crime, viens en estre témoin.
Ces paroles prononcées
dans l'horreur de la nuit,
firent impression sur le
Kalife,il demeura muée.,
&Zoroinecontinua dapeller
leSoleil : Viens
donc,s'écria-t-elle-, viens
donc;mais,continua-telle;
en regardant le
Kalife intimidé: le Soleil
ne paroitpoint, au
contraireleciels'obscurcit
de plusen plus.
Le Soleil ne viens point
cen'est qu'ensaprésence,
Queje t'avoispromisd'ecouter
ton amour,
C'estainsique lanuitdis- pense
Dessermensqu'onafait
le jour.
Pour satisfaire au goût
N" que le public a pour les
Historiettes, je tâcherai
d'en donner au moins
une, peut-estre deux dans
chaque Mercure,mais
pour varier il en faut de
toutes les especes. En
voici une dans le stile figuré
des Orientaux, qui
ne s'expriment que par
comparaisons,&croyent
briller dans la conrersation
à force de citerJe
Soleil, la Lune & les
Etoiles.
CONTE
Oriental.
Il y avoit en Orient
une fillesage,&sisage,
qu'elleresistoit aux desirs
d'un riche & puissant
Kalife,&ceKalifeestoit
si bon qu'il souffroit patiemment
qu'une fille lui
résistât
résistàt. Cette fille s'appelloit
Zaroïne, & comme
elle estoit au service
de la femme du Kalife
illavoyoit souvent; leurs,
conversations estoient
mêlées de maximes en
vers Arabes, car c'est
l'excellence des conversations
Orientales.
Un jour dans une dispute
sur l'amour, le Kalife
soutenoitàZoroïne
quelle devoit répondre
à sa passion & s'obstinoit
un peu trop à vouloir
qu'elle fût de son sentiment.
Voici comment
cette fille vertueuse reprima
l'ardeur du Kalife
dansla dispute.
Il faut sçavoir que le
« Kalife avoir pour le Soleil-
une veneration superstitieuse,
en forte qu'il
suffisoit de lui nommer
seulementcetAstre pour
lui inspirer du refpeéh
Zoroïne le prenant par
son foible,s'écria 1
Par ce Soileiljete jure,
Que ma vertu toujours
pure
Jamais ne s'éclipsera,
Tantqu'il nous éelaïrèrà.
Le Kalife crut entrevoir
dans ceferment que
Zoroïne seroitmoins vertueuse
lanuit que le jour;
ton ferment,luidit-il,
i: -
J C'est un sermentdesemme,
ilsied biendans
ta bouche,
Contre moi ta vertu tiendra,
Tant que le Soleilparoîtra>
,. - Maislesoir le Soleilsi
couche.
Sans doute, répondit
Zoroïne en quittant
brusquement le Kalife
qui l'avoiç fait asseoir
prés de lui sur un Sofa;
mais eu vois que je sçai
me lever avant que le
Soleil se couche. :
Le Kalife se flata encorequeZoroïne
ne l'avoit
quitté que parce
qu'elle avoit vu de loin
sa Maîtresse qui venoic
de cecôté-là: il chercha
l'occasion delaréjoindre
&l'ayantsurprise sur le
soir dans un jardin retilié
pli de plantes curieuses
il l'aborde, & pendant
qu'elle rêve à la maniéré
dont elle se pourra tirer
d'affaire, voici ce que
lui dit le Kalife..
» v.
Le Soleil ne luit plus,
belle Zoroïne
, & nos
Poëtes Arabes comparent
les femmesàcertaines
Plante,dont la vertu
n'estforte quependant
l'ardeur du Soleil; ainsi
les femmes estantmoins
fortes la nuitque le jour1,
illeur est pardonable d'être
moins vertueuses.
Leur force soutient leur
sagesse,
• Ainsi telsentiment d'amour,
Qui seroit un crime en
pleinjour,
- La nuit n'est quesimple
foiblesse.
Il te seroit honteux,
reprit Zoroïne,dedevoir
mon amour à la nuit SC
à ma foiblesse: crois que
je ferois gloiredet'aimer
si je n'avois pas juré le
contraire en presence du
Soleil. Puisque tu le
crains, répliqua le Kalise:
¥
Profite
-
donc de son a6:.,
sence,
Il ne verrapoint ton amour:
Dans ton fixe la nuit
dispense,
Dessermens qu'on afait
le jour.
S'il faut enfin t'aimer
reprit Zoroïne en fuyant,
- je neveux t'aimer qu'en
plein jour. Arrête-donc,
lui cria le Kalife, faut-il
me
me renvoyer ainsi de la
nuit au jour & du jour
à la nuit.Zoroïne fuyoit
toûjours & le Kalife ne
la pût rejoindre que le
lendemain,mais il la pressa
tant que pour s'en debarasser
elle lui promit
qu'elle iroit le trouver
dans son appartement,
& pour le prendre toujours
par sa superstition,
lui dit: Ouy je te jurepar
Le Kalife ne fit point
d'attention auvrai sens
de ces paroles, tant il
estoit transporté de joye,
& la voilà encore débarrassée
de lui; mais le
soir craignant qu'ellene
lui manquât de parole,
il fut l'attendre secretement
dans la chambre
où ellecouchoit; elle fut
fort surprise en y ren-
- trant à minuit d'y trouvercelui
qu'elle suyoit; v
elle demeura immobile: ;
Tesouviens-tu de tes dernières
paroles, lui dit le
Kalife : Je me souviens
destiennes, lui répondelle
en tremblant.
Dans mon sexe la nuit
dipense
Des sermens qu'onafait
le jour:
- Moi, j'ai juré que le
Soleil seroit témoin de
l'execution de ma promesse.
Ensuite elle ouvrit
sa fenêtre & regardant
le Ciel obscur, elle
s'écria: ParoisSoleil, Pa.
rois,vientéclairerun crime
queveutcommettrece
Kalifesi vertueux&si
bon ,situ approuvesson
crime, viens en estre témoin.
Ces paroles prononcées
dans l'horreur de la nuit,
firent impression sur le
Kalife,il demeura muée.,
&Zoroinecontinua dapeller
leSoleil : Viens
donc,s'écria-t-elle-, viens
donc;mais,continua-telle;
en regardant le
Kalife intimidé: le Soleil
ne paroitpoint, au
contraireleciels'obscurcit
de plusen plus.
Le Soleil ne viens point
cen'est qu'ensaprésence,
Queje t'avoispromisd'ecouter
ton amour,
C'estainsique lanuitdis- pense
Dessermensqu'onafait
le jour.
Langue
Vers et prose
Type d'écrit journalistique
Courrier des lecteurs
Faux
Genre littéraire
Mots clefs
Résumé
Le texte relate une historiette orientale, caractérisée par un style figuré riche en comparaisons et citations poétiques. L'intrigue se déroule en Orient et implique une jeune fille nommée Zaroïne, servante de la femme d'un puissant Kalife. Le Kalife, connu pour sa patience et sa bonté, tente de séduire Zaroïne, mais elle résiste à ses avances. Lors d'une dispute sur l'amour, Zaroïne exploite la superstition du Kalife envers le Soleil pour repousser ses avances. Elle jure par le Soleil que sa vertu ne s'éclipsera jamais tant qu'il éclairera. Le Kalife, dans une tentative de la séduire, compare les femmes à des plantes dont la vertu diminue la nuit. Zaroïne rétorque qu'elle ne veut aimer qu'en plein jour. Malgré cela, le Kalife, obsédé, poursuit Zaroïne et finit par la surprendre dans sa chambre. Zaroïne invoque le Soleil pour être témoin de son crime potentiel, ce qui impressionne le Kalife et l'empêche de passer à l'acte. Elle affirme que ses serments faits en présence du Soleil sont valides, même la nuit, et que le Soleil ne viendra pas tant qu'elle n'aura pas respecté sa promesse.