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1788, 12, n. 49-52 (6, 13, 20, 27 décembre)
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18.10 Mo
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411
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Texte
MERCURE
DE
FRANCE ,
DÉDIÉ
AU
ROI ,
PAR UNE
SOCIÉTÉ DE GENS DE
LETTRES;
CONTENANT
Le Journal Politique des principaux évènemens de
toutes les Cours; les Pièces Fugitives nouvelles
en vers & en profe ; l'Annonce & l'Analyfe des
Ouvrages nouveaux ; les Inventions & Décou
vertes dans les Sciences & les Arts ; les Spectacles
; les Caufes célèbres ; les Académies de
Paris &des Provinces ; la Notice des Édits ,
Arrêts; les Avis particuliers , &c. &c.
SAMEDI 6
DÉCEMBRE 1788 .
TEAL
PAIRES
ROYAL
A
PARIS,
Au Bureau du Mercure , Hôtel de Thous
rue des Poitevins , No. 18.
Avec
Approbation , & Brevet du Rois
LIBRARY
TABLE
FUGITIVES
.
Du mois de Novembre 1 7 8 8.
PIÈCES
L
Les deux Amis.
Cuvres de Plutarque.
Blançay
57
65
Les Elémens. 77
Hommage. Mémoires.
120
Infcription
Bouts Rimés.
Vers.
Epigramme.
49
La Femme infidelle. 130
Dictionnaire historique. 151
97 Des Etats Généraux.
Voyage en Turquie.
166
207
Les Zegris.
100
Epigramu
145
Répertoire univerfel
Le Muséum de Florence. 213
217
Le Serin inconfidéré. 147
Eplere à Zulime. 222
Ove.
1931
Lettre au Rédacteur. 195
Variétés. 78, 13 , 174.
Charades, Enigmes & Logog.
5,53 , 118, 148,204
SPECTACLES.
Concert Spirituel.
173
NOUVELLES LITTÉR.
Comédie Françoife. 176
Lenres fur l'Italie.
Comédie Italienne. 42 , 179.
Eloge de Louis XII. 29
uvres du Marg de Villette. Annonces & Notices, 47, 89,
381
139 185 235.
A Paris , de l'Imprimerie de MOUTARD ,
Audes Mashalins , Hotel de Cluni .
rule
MERCURE
DE
FRANCE.
SAMEDI 6
DÉCEMBRE
1788. ,
PIÈCES
FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
LA POULE ET LES DEUX COQS ,
FABLE.
UN vieux garçon de Coq s'étoit inis en ménage ;
De fa Poule gentille adorant les appas ,
Pendant fix mois entiers il ne la quitta pas ;
Mais bientôt il fut las d'un fi doux
cfclavage
Il dit à fa moitié : Je vais faire un voyage ,
Il le faut de néceffité ;
Je ferai de retour à la fin de l'Eté ;
Certain parent que j'ai m'offre fon héritage :
Mais pour que les ricurs, les défecuvrés , les fots ,
Ne vous mêlent jamais à leurs méchans propos ,
ASTOR
LIBRARY
NEW
-YORK
A 2
MERCURE
Il faut vous armer de courage ,
Et demeurer dans une cage ;
Mes ordres font donnés , rien ne vous manquera .
La Poulette reprit : Que me fait tout cela ?
Sans vous , mon cher époux , puis-je goûter le refte ?
Me laiffer au Printemps , quel veuvage funefte!
A ces mots ,
les larmes aux yeux ,
On fe fait des bailers , tendres , délicieux ;
L'époux jura d'être fidèle ;
Il en prit à témoin l'amour & l'amitié :
Er quant à la jeune moitié ,
La cage le jura pour elle.
Mais en agir ainfi ce feroit un abus ;
Un ferment qu'on enfreint eft un plaifir de plus.
Voilà le Coq parti : trifte fut la Poulette ;
Aller , venir , bâiller , pleurer dans fa retraite ,
C'est tout ce que l'on fait ; les Poules penfent peu,
Er celle-ci déjà mouroit à petit feu .
Mais voilà que fur l'entrefaite ,
Un jeune Coq des environs ,
A la voix éclatante , aux nerveux éperons ,
Orgueilleux & galant , doux & fier , vif & rendre ,
Vint
voyager
dans ces cantons.
La reclufe le fut , & ne put le défendre
D'un léger mouvement de curiofité ;
Hi s'y mêla , je penſe , un grain de vanité.
Enfin le jeune Coq vifite cette Belle.
DE FRANCE.
t
En la voyant , l'amour dans fes yeux fe peignit
D'un ronge plus brillant fa crête fe teignit ;
incline fou front , la careffe de l'aile ,
Prouvant de vingt façons qu'il eft enchanté d'elle.
Permettez-moi , dit-il , de venir vous revoir ,
Peut-être vos chagrins auront moins de pouvoir ;
Ces barreaux font affreux , votre vie eft cruelle.
La Poule y confentit ; l'amour fit fon devoir ,
De l'ardeur la plus tendre il embrafa leur ame .
Heureux qui peut brûler d'une fi douce flamme !
Dès-lors ces deux Amans , à travers les barreaux ,
De foupirs en foupirs , de propos en propos ,
Paſsèrent aux baiſers , c'étoit bien quelque chofe ;
Mais ce n'étoit pas tout : enfin on fe propoſe
D'être heureux tout-à- fait au retour de l'époux .
A quelque temps de là vint ce moment fi doux ;
Le vieux Coq , enchanté d'avoir fait fon voyage ,
Afa Poulette cavrit la
cage.
Le Lecteur devine aifément
Que cette cage
eft un Couvent.
( Par M. le Chev. de Rivarol. )
A ;
MERCURE
Explication de la Charade , de l'Enigme &
du Logogriphe du Mercure précédent.
Le mot de la Charade eft Biſcuit', celui E
de l'Enigme est Remife; celui du Logogriphe
eft Franchife, où l'on trouve France, Franche,
Francs, Sacre, Ane, Chien, Cerf, Axe,
Haie ( la ) , Caen, Nice, Air, Fraife, Serin ,
Crin, Scie, Frife ( la ) , Rhin, Chaire, Cain,
Aire, Anis, Chaine, Haire, Anchife, Arche,
Crane, Crife, Ancre, Ecran, Nacre, Ecrin.
MON
CHARADE.C
ON premier eft un animal ,
Mon fecondl eft un animal ,
Et mon tout eft un animal .
(Par M. Mauclerc , de Chalons. )
ÉNIGME.
LA Nature , avant moi , gouverne les humains ;
Mais je viens après elle , & je les porte à vivre
DE FRANCE. 7
De manière à trouver le bonheur dans leurs mains;
Mais on vieillic déjà quand on aime à me fuivre.
L'inconftant ne veut plus que les mêmes amis ;
Il aime fa maifon , dans fa maifon , la place
Où , fans aucun plaifir , d'abord il s'étoit mis ;
Et pour ne plus changer 'il n'eft rien qu'il ne faffe .
Le travail , le métier , l'habit , même l'humeur ,
Tout par moi devient doux , juſque-là qu'on fe plie
A fouffrir l'indigence au mépris de fa vie ;
Mais du riche blafé , qui vit dans la langueur,
Réduit à n'avoir plus aucune fanta'fic ,
Mon infenfible lime émouffe le bonheur.
Sans beaucoup m'en fervir , chaque jour une Bølle ,
Dans un coeur atiédi recoanoît mon pouvoir ;
J'affoiblis fa beauté ; mais anffi l'on'pout voir
Que j'accoutume aux traits d'une laide Mortelle ,
Orant-jufqu'au dégoût , qu'on n'avoit pas l'eſpoir ,
Quelque bonté qu'on cût , de fermonur pour elle.
(Par Mm.. la Conteſſe de L *** . )
LOGOGRIPHE.
L'AMOUR eft, cher Lecteur, ou doit être mon père,
Je ticos de lui pour l'indiferétion ;
J'ai trahi bien des fois un amoureux myſtère ;
J'ai fait la défolation
De plus d'une Beauté , qui , péchant en cachette ,
Croyoit fa faute très-fecrette ;
A 4
8 MERCURE
Mais fi je fuis un mal pour la fillette ,
Je fuis pour bien des gens un fujet de gaîté ;
C'est moi qui remplis leur attente ;
Affez fouvent , de mon utilité ,
Je donne une preuve parlante .
Dans mes neuf pieds , fans être grand Docteur,
On trouve une agréable fieur ;
Ce qui féduit l'âge mûr , la jeuneffe ,
Et qui plaît encor plus , dit-on , à la vicilleffe ;.
Ce qu'en fortant du nid prend un oiſeau léger ;
fait un tendre Berger
Ce
que
Quand il eft feul avec fa Mie ;
Ce qu'à la Pofte on rencontre fouvent ;
Ce qui fait peur au jeune enfant ;
Puis une étoffe; un grain; un des fept tons du chant;
Un terme de Chronologie ;
Et le furnoin de deux Rois très -Chrétiens.
Confultez fur ce point notre Hiftoire fidelle :
Voilà de mots une ample kyrielle ;
Il en refte encore un ,
garde-le pour tes chiens.
( Par Mile. Manon Vaudray, de Tou! )
DE FRANCE.
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
MOYSE confidéré comme Législateur &
comme Moralifte ; par M. DE PASTORET,
Confeiller de la Cour des Rides, de l'Académie
des Inferiptions & Belles- Lettres.
A Paris , chez Buiffon , Libraire , Hôtel
de Coëtlofquet, rue Hante-feuille, N° 20.
M. ASTRUC , ce Médecin fameux , dont
les connoiffances n'étoient point bornées à
l'Art qu'il exerçoit , & qui favoit de tout ,
difoit un de fes Confrères , même de la
Médecine ; M. Aftruc avoit publié un Livre
intitulé : Conjectures fur les Mémoires originaux
dont Moife s'eft fervi pour compofer
la Genèfe . Il ne paroît pas que les
Théologiens aient été alarmés ni du tire
de cet Ouvrage , ni de fon exécution ; Jorthodoxic
connue de l'Auteur étoit propre à
raifurer ; & d'ailleurs , pourvu que infpiration
foit reconnue , qu'importe queMoife
ait été infpiré pour dire des chofe abfolument
nouvelles , & dont les patériaux
n'exiftoient point , ou qu'il ait fé inſpiré
feulement dans le choix de ce matériaux
& dans l'ufage qu'il en a fait On en peut
A j
MERCURE
dire à peu près autant de l'Ouvrage que
nous annonçons ; Moïle n'a été proprement
ni Légiflateur ni Moralifte , il a été
tout ce que l'infpiration a fait de lui ; mais
puifqu'il a donné des Loix & des principes
de morale , on peut le contidérer comme
Légiflateur & comme Moralifte ; c'eft ce
que M. de Paftoret fait ici avec autant de
fageffe que d'érudition ; & fur cette matière
délicate , il eft non feulement irréprochable
, mais lumineux , méthodique , profond
, & , ce que les Savans font fi rarement,
inftructif.
L'Auteur , felon fa méthode ordinaire ,
très - favorable à l'inftruction , divife & fubdivife
beaucoup.
Sa divifion générale eft en ſept Chapitres.
Le ler . eft proprement l'Hiftoire de Moïfe,
& l'examen de quelques opinions qui le
concernent.
Le Ile . traite de l'Adminiſtration civile
& politique des Hébreux fous Moïfe , &
depuis la mort.
Ces deux Chapitres font fans fubdiviſion .
Le IIIe. , qui traite des Loix religieufes ,
et fubdivifé en cinq Articles , qui traitent :
12. Des Loix Juives relatives à l'Idolâtrie.
2. Des Prêtres , des Lévites , de lear
Conécration , de leurs Devoirs, & de leurs
Privilges .
3.Des Loix fur les Fêtes.
4 . les Loix fur les Sacrifices.
5 °. Ds Loix fur les impuretés, les voeux,
& c.
DE FRANCE. 午餐
1
Le IVe. Chapitre roule fur les Loix Civiles
, & eft divifé en quatre Articles , dent
le premier traite des Loix relatives aux perfonnes
; le fecond , des Loix fur les Ventes,
les Contrats , les Retraits , le Prêt , le Cautionnement
, l'Hypothèque , & c.; le toifième
, des Loix fur le Mariage , la Dot &
le Divorce , & ce troisième Article fe fubdivife
encore en fept Sections.
1. Loix générales fur le Mariage.
2º . Loix fur les Fiançailles .
3. Loix fur la Célébration du Mariage.
4° . Des Mariages prohibés par la Loi.
°. Des Mariages ordonnés par la Loi.
6°. Loix fur la Répudiation & le Divorce.
7°. Loix fur la Dot & fur les Biens ( dotaux
ou non ) farvenus pendant le Mariage .
Enfin le quatrième Article contient les
Loix fur les Succeffions..
Le Chapitre Ve, contient les Loix Criminelles.
Il a quatre Articles , dent l'un
traite de l'Inftruction criminelle ; le fecond,
des Peines en ufage chez les Hébreux ; le
troifième , des Loix fur les crimes qui offenfent
la Divinité , le quatrième , des Loix fur
les crimes commis par l'homme envers fes
femblables , & celui-ci fe fubdiviſe en ſix
Sections.
1º. Des Crimes du fils envers fon père.
2º. De l'Homicide , & des crimes qui y
ont rapport.
°. De l'Adultère.
4. De la Fornication , du Rapt , & de
A G
I 2. MERCURE
quelques autres crimes contraires à la
pudeur.
5. Du Vol, de l'Ufure, & des crimes qui
y ont rapport.
6°. Des faules Accufations, du faux Témoignage
, de la Calomnie , &c.
Le Chapitre VI . , qui traite des Loix
morales ; & le Chapitre VIIe. & dernier ,
qui contient des obfervations générales fut
la Légiflation de Moife , n'ont point de
fubdivifion .
Cette nomenclature sèche de Chapitres ,
' d'Articles & de Sedlions , n'orne pas beaucoup
un extrait fans doute , mais elle indique
au Lecteur où il doit chercher les
objets de fa curiofité ou de fa prédilection ;
& d'ailleurs elle eft la plus fidelle image du
plan & de la marche de l'Auteur ; & certe
tâche remplie , nous n'avons plus à préfent
qu'à voler librement fur la furface des objets
, & à montrer la manière particulière
de l'Auteur , en choififfant les traits qui nous
paroîtront les plus dignes de la cursofité
publique .
M. de Paftoret , qui ne perd pas une
occation d'embellir par les agrémens de la
Littérature les travaux du Savant & du Magiftrat
, peint avec intérêt Moife dans fon
enfance , fauvé des eaux par la fille de Phataon.
Ayant apperçu la corbeille , elle ordonne
qu'on la lui apporte & qu'on l'ouvre
devant elle . » Touchée de l'abandon
& des vagilfemens de cet être infortuné ,
DE FRANCE. 13
» la Princeffe en effuic les larmes ; & ne
» fe bornant pas à une pitié ftérile , forme
le projet de lui conferver la vie . Le voilà
» conduit dans le palais des Rois , cet en-
» faut débile , auquel Jéhova réferve la
grande deftinée d'être un jour le confi-
» dent de fes oracles & le Législateur de
» fon Peuple «<.
>>
Cette phrafe , par fon mouvement , par
fon harmonie , par fa forme & fa tournure
particulière , rappelle cette belle phrafe de
Pline , dont elle paroît être l'oppofé :
Jacet manibus pedibufque devinctis flens
animal ceteris imperaturum , &c.
Dans la même page 3 , l'Auteur ne patoit
pas s'expliquer avec allez d'exactitude ,
lorfqu'après avoir dit que Moile confacra
aux Arts & aux Sciences toutes fes plus
belles années ; il ajoute : » Et comme le fit,
plus de vingt fiècles après , un Impofteur
célèbre , il recevra , dans la maturité de
l'âge , l'infpiration divine «.
>>
"3
Affurement l'Auteur ne veut pas dire que
Mahomet ait reçu , comme Moïfe , l'infpiration
divine , & que tout ait été égal entre
cux à cet égard. Il y a sûrement ici une
faute d'impreffion , & l'Auteur avoit mis :
comme le feignit ; & non pas , comme le fit .
Parmi les Anciens , les uns ont vu dans
Mole un Légiflateur célèbre , les autres
n'y ont vu qu'un Magicien , d'autres que
le Chef d'un troupeau de Lépreux & de
Vagabonds chaffés ignominiculement d'E14
MERCURE
gypte , comme des coupables en exécration
aux Dieux , & repouffés dans un défert ,
où ils feroient morts de douleur & de misère
, s'il n'eût ranimé leur courage . M.
Huet , au contraire , rapporte à Meïfe tous
les Dieux & tous les perfonnages célèbres ;
il voit en lui fenl Oliris , Apis , Sérapis ,
Typhon , Orus , Anubis , Mnevès , Thauth ,
Thammus , Evandre , Orphée , Cécrops ,
Vulcain , Janus , Perfée , Minos , Rhadamante
, Veruumne , Priape , Apollon , Bac--
chus, Adonis, Pan , Efculape , & Mercure.
L'Auteur célèbre en Poëte
La fameuse journée
Où fur le Mont Sina la Loi nous fut donnée.
33
و د
» Combien ici tout eft grand ! quel appareil
pompeux ! comme tout imprime le
refpe &t & élève l'imagination ! L'Eternel
paroît au fommet de la montagne embrafée
; fes pieds repofent fur un ouvrage
( n'eft ce pas fur un nuage ? ) auf por
qu'un ciclfercin , & plus brillant que le
faphir. L'horizon eft enflammé de la lueur
majeftueufe des éclairs , & le bruit redoublé
des tonnerres fe joint au fon de
la trompete , échappé du fein d'un nuage
pour annoncer à l'Ifraélire étonné la préfence
du Seigneur. Déjà la trompette fe
tait , la foudre s'appaife, les élémens font
enchaînés ; la Nature filencieuſe écoute
» avec un refpect attentif les oracles du
93
DE FRANCE.
IS
Maître des Cieux & de la Terre «. Je fuis
vore Dieu , s'écrie-t- il , &c.
Il ne faudroit pas fans doute qu'um Livre
d'inftruction tel que celui- ci fûr écrit, d'un
bout à l'autre , de ce ton poétique & animé ;
mais quand l'occafion le préfente de tracer
de tels tableaux & qu'on en a le talent ,
on auroit grand tort de s'y refuſer. L'Auteur
a fait l'occation de montrer auffi fa
fenfibilité dans cette defcription du Jugement
de Salomon.
"3
و ر
و و
وو
و ر
"
"
Le crime avoit été commis pendant la
nuit & fans témoins , il falloit donc cher-
» cher la vérité au fond de l'ame des coupables.
Déjà le glaive eft fufpendu ; les
deux mères environnent le Monarque ;
» les Bourreaux font prêts ; les flancs d'une
jeune victime qui ignore fon malheur
» fes flancs vont être déchirés. Hélas ! en
périffant , ce rejeton infortuné n'aura pas'
» même la douceur de défigner , par fon
» dernier regard , celle dont il reçut le
jour. La fauffe mère , tranquille , couve
" une joie féroce ; elle triomphe de voir
ravir à fa rivale l'objet qui eût fait fon
» bonheur. Mais foudain la véritable mère ,
l'oeil égaré , la bouche plaintive , les ac-
" cens entrecoupés ...... Arrêtez, cruels,
» arrêtez. Non , je ne fouffrirai pas que
» mon fils périffe à mes yeux fous la main
» d'un barbare. Il faut perdre ou fa vie ou
la douceur de le ferrer dans mes bras.
>> Mon choix n'eft pas douteux , je me fa-
و ر
و ر
و ر
""
186 MERCURE
"> crifie. Qu'l vive, qu'il vive . Oui , il n'eſt
pas mon fils , il n'eft pas le mien , il elt
» celui de ma rivale : mais encore une fois,
» qu'il vive , qu'il refpire : Obfecro , Do-
» mine , dare vivum .
33
Dans l'Article quatre du Chapitre III, où
il s'agit des facrifices , l'Auteur obſerve que
Jéhova les preferit impérieufement & fous
les plus grandes menaces, & que cependant
il dit dans Ifaïe , dans Jérémie, dans Amos :
Que m'importent vos nombreufes victimos
? qu'ai - je befoin de vos béliers en
holocaufte , de la graiffe & du fang de vos
agneaux ? Vos fêtes , vos parfums , vos
animaux , toutes vos offandes me tou-
» chent peu , &c. ".
و د
93
و ر
Contradiction apparente , que les Pères
de l'Eglife ont très fenfément expliquée par
la préférence donnée à la pureté du coeur
fur ces facrifices , quoique commandés...
Cette préférence , mais fans l'abrogation
du précepte , eft très - bien marquée auffi
dans cette éloquente tirade d'Athalie , où
Racine met en beaux vers les paffages des
Prophètes que nous venons de citer.
Du zèle de ma Loi que fert de vous parer ?
Par de ftériles voeux penfez-vous m'honorer ?
Quel fruit me revient il de tous vos facrifices ?
Ai-je befoin du fang des boucs & des geniffes ?
Le fang de vos Rois crie & n'eft point écouté.
Rompez , rompez tout pacte avec l'impiété ;
DE FRANCE. 17
Du miticu de mon Peuple exterminez les crimes ,
Et vous viendrez après m'inimoler vos victimes .
A cette occafion , l'Auteur examine fi les
Juifs ont eu des facrifices humains , & s'ils
étoient ordonnés. Il convient qu'ils ont eu
de femblables facrifices ; mais bien loin
qu'ils fulfent ordonnés , Dieu lui - même
réclame contre set abus cruel par la voix
de fes Prophètes . Il eft dit feulement dans
le Lévitique , que tout homme confacré
par anathêne , mourra ; ce qui défigne feulement
des coupables condamnés à mort
pour de certaines violations de la Loi , &
qui étoient punis dans cette qualité de coupables
, mais non pas facrifiés comme victimes
.
Le Divorce étoit établi par la Loi de
Moife ; mais cette faculté étoit - elle accordée
indifféremment aux deux sèxes ? ou
étoit-elle exclufivement le partage des hommes
La Loi fe taifoit à cet égard ; &
eft difficile , dit l'Auteur , de penfer que les
femmes euffent le droit d'interpréter favorablement
ce filence. On ne voit pas qu'elles
l'aient ofé pendant un grand nombre
de fiècles ; le plus ancien exemple qu'offre
' Hiftoire des Juifs d'une répudiation femblable
, eft du règne d'Augufte. Salomé ,
foeur d'Hérode le Grand , répudia Coftobare
; action , dit Josèphe , contraire à nos
Loix , qui ne la permettent qu'aux maris.
Mais le même Josèphe nous apprend que
18 MERCURE
cet exemple ne tarda pas à être fuivi ; & fi
l'on en croit le Père Calmer , qui n'oublie
rien pour juftifer fon allertion , dans fa
Differtation fur le Divorce , le Chriftianifme
même dans les fiècles de l'Eglife naiflante ;
permit aux femmes , du moins en Cccident
, de répudier leurs maris , dans le fcul
cas , il eft vrai , où ils commettroient an
adulère.
Quant à la dot , on obferve ici qu'au
lieu que les Peuples modernes de l'Europe
foumettent les femmes à apporter une dot,
la plupart des Peuples anciens , à l'exception
des Romains , exigèrent la dot du mari;
que les Hébreux en particulier achetoient
kurs femmes plutôt qu'ils n'en étoient achetés.
Ce n'étoit pas toujours à prix d'argent ;
des grains , des troupeaux , des bijoux , la
liberté même y fuppléoient quelquefois :
des pendans d'oreilles & des bracelets d'or ,
de riches habits , des vafe ; précieux , un
certain nombre de chameaux , font la dot
qu'Ifaac offre à Rébecca. Jacob ne trouve
d'autre moyen d'obtenir kachel, que de fervir
gratuitement Laban , père de Rachel ,
pendant 14 ans , même pendant 21. Les
parens de la mariée lui faifoient feulement
quelques légers préfens pour fa parure.
Pallons à l'examen de quelques Loix criminelles
, & à la manière dont cette partie
importante de la Juftice étoit adminiftrée.
Les Juifs , dit l'Auteur , ne fe permettoient
point dans leurs interrogatoires de
DE FRANCE. 19
"
33
"}
و ر
33
tendre des piéges ou d'infpirer de la crainte
à accufé , ufage indécent & féroce , ajoutet-
il , qui s'eft malheureufement établi chez
la plupart des Nations modernes. » On
voit des Magiftrats indignes de ce nom ,
chargés du fort d'un de leurs concitoyens ,
» fembler d'abord le regarder comme criminel
, & chercher avec une attention
inquiète les preuves de fen forfait , plutôt
que celles de fon innocence . Vous
» n'êtes que forpçonné , ils vous fuppófent
convaincu . Les Magiftrats Hébreux
invitoient les témoins , ainfi que l'accufateur
, à penfer que le fang qu'ils alloient
faire répandre , ne celleroit de crier contre
eux s'il étoit répandu injuftement . Les expreffions
qu'on employoit à l'égard de l'accufé
, refpiroient l'humanité & une forte de
bienveillance. » Les Juges fe fouvenoient
» que ce malheureux étoit un de leurs fem--
blables , & qu'il pouvoir être innocent «.
Cette idée fembloit les animer fur-tout
au moment d'une condamnation capitale .
On les voit alors pénétrés de cette maxime,
infpirée par la raifon & par la Nature , que
la Société ne doit pas fouffrir qu'on lui arrache
légèrement les citoyens qui la compofent
, & dont elle eft la protectrice ; la
décifion, même prononcée, n'étoit point irrévocable.
Rentrés chez eux , où il leur
étoit commandé de s'abtenir du vin & de
minger fobrement , les Juges recommençoient
, deux à deux , en particulier , l'exa-
. "
MERCURE
men de l'affaire ; ils fortificient ou ils infirmoient
leur première opinion par la communication
des lumières & par la réflexion :
le lendemain , ils retournoient au Tribunal ;
ceux qui avoient condamné la veille , pouvoient
abfoudre ; mais ceux qui avoient abfous
la veille , n'étoient plus reçus à condamner.
Le jugement définitif porté , le coupable
marchoit au fupplice , accompagné de deux
Magiftrats , chargés d'entendre jufqu'au dernier
moment ce qu'il auroit à dire pour fa
défenfe , & de l'apprécier. De plus , un
Héraut invitoit à haute voix les Citoyens
à entreprendre la juftification du condamné
, s'ils avoient quelque chofe à dire en
fa faveur. Un Citoyen fe préfentoit il pour
fatisfaire à cette invitation , le condamné
étoit reconduit en prifon , & les preuves
de fon défenfeur examinées. La Loi , dans
des cas pareils , ordonne de ramener jufqu'à
cinq fois celui qu'elle a condamné.
On ne négligcoit rien pour obtenir l'aveu
du coupable ; enfin on lenivroit , pour lui
rendre moins cruelles les approches de la
mort.

L'Auteur prend plaifir à développer tous
·les avantages de cette équitable & humaine
circonfpection ; mais il ne nous diffitule
pas que Bainage & Calmer , dont les noms
font d'un allez grand poids fur la matière
dont il s'agit, ne croient point à tous ces dérails
de compaflion & d'humanité ; qu'ils
DE FRANCE. 21
ont prétendu , felon l'expreffion de l'Auteur,
qu'on nous trompoit par cette nartation
touchante. L'Auteur les combat avec
zele & avec force ; il s'étonne qu'on veuille
mieux connoître les ufages & les Loix
d'une Nation , que la Nation elle- même. Il
cre en preuve de l'ufage allégué , l'exemple
de Daniel entreprenant la défenſe de
Sufanne au moment où on la conduifoit au
fupplice.
Les Ifraélites n'avoient pas des fupplices
différens pour les différens citoyens. La
diverfité des crimes produifoit feule la diverfité
des peines. Ils ne pensèrent pas
» comme plufieurs Nations modernes , qui,
honorant la dignité du coupable jufque
fur l'échafaud où il va périr
"
ל כ
·
و د
,
voient
» encore un fang illuftre dans l'homme
qui a trahi fa Patrie , la Nature ou l'hu-
" manité ".
>
Moïfe , imité en cela par le Législateur
de la Perfe & par ceux de la Grèce , ne ,
prononça aucune peine contre le parricide.
Ges Légiflateurs ne crurent pas fans doute
un tel crime poffible. Le fupplice de mort
elt ordonné par la Loi de Molle contre
celui qui frappe fou père ou fa mère , les
ourrage ou les maudit.
Il y avoit des lieux d'afile chez les Juifs
mais ils n'étoient que pour les meurtres
iuvolontaires ; la Loi prefcrivoit expreffément
d'arracher de l'Autel le meurtrier vo -...
lontaire : Inftitution fage , dit l'Auteur ,
228 MERCURE
93
وو
ور
trop peu imitée chez d'autres Nations ,
où , par un facrilege horrible , les plus
vils fcélérats fe font toujours réfugiés dans
les Temples , comme file crime devoit
fe placer fous la protection desDieux ™“ .
L'infanticide étoit puni de mort , ainfi que
lafuppreffion de part & mêmel'avortement.
En permit cependant de tuer le fétus , foit
avec la main , foit avec des breuvages ou
d'autres remèdes , fi laccouchement étoit
laborieux , & qu'il y eût du danger pour
la vie de la mère ; cruauté néceffaire , dit
Tertullien , pour que l'enfant ne devienne
pas matricide. Si néanmoins l'enfant montroit
déjà la tête , on ne pouvoir plus lui
donner la mort , même pour fauver la
mière .
?
i
I'V 1
Si un homme en avoit bleffé un autre >
le coupable étoit obligé de dédommager
le bleffe , & de ce que lui coutoient les
Médecins , & des profits qu'il eût retirés
de fon travail. Si un Maître frappe fon efclave
jufqu'à le priver d'un oeil ou d'une
dent , l'affranchir eft la réparation qu'il luidoit.
En matière d'adultère , les Juifs fe contentoient
d'un feul témoignage, tandis qu'en
toute autre matière , un témoignage unique
étoit infuffifant. " Un feul témoignage ,
» s'écrie avec raifon l'Auteur, pour un délit
qui trouble le repos des familles , l'ordre
» des fucceflions , le bonheur de l'union !
» la plus tendre & la plus facrée « -!·
t
DE FRANCE.
23
L
Ce n'eft pas tout , ordinairement on
rejetoit la dépofition des parens & des
elclaves ; ici on l'adoptoit. On admettoit
des témoins plus fufpects encore , la bellemère
, la belle -fille , la belle - foeur .
>
">
Si de deux témoins , l'un afhrmoit le
crime , & l'autre le nioit , le témoin négatif,
venant le dernier , étoit cenfé parler pour
épargner à la femme le fupplice qui la mepaçoit
; fa dépofition étoit comptée pour
& celle du témoin accufateur confervoit
toute fa force : Etrange Jurifpru-
» dence , qui fuppofe une grande avidité
» de trouver un coupable ! Croira - t- on
» qu'un Rabbin , diftingué par fes talens
& fon érudition , a ofé dire en propres
» termes : Celui qui attefte l'adultère équivaat
à deux témoins ; mais celui qui le
» nie eft feul & n'équivaut qu'à un feul. Je
" ne me permets , dit l'Auteur
"
وو
,
aucune
réflexion fur ce paffage & fur cette opi-
» nion , qui vraiſemblablement eft un abus
» de ce vieux axiome : On doit plus de croyance
à une perfonne qui affirme, qu'à cent
perfonnes qui nient. La fenfibilité de mes
» Lecteurs fuppléera aifément à mon filence
for l'application horrible d'un adage de
Philofophie à la mefure des peines & à
» la certitude des forfaits «.
"
""
Mais pour pouvoir intenter l'accufation
d'adultère contre fa femme , il falloit que
le mari fût irréprochable à cer égard. Maritus
abfque culpâ erit , eit- il dit au Livre

24 MERCURE
ود
ور
des Nembres , Cháp. V , verf. 31 ; » idée
morale, qui produifoit , dit l'Auteur , le
double avantage de contenir les époux
» dans leur vie privée , & de les empêcher
de fe rendre légèrement accufateurs . En
leur infpitant une crainte falutaire , on´
favorifoit dans l'un & dans l'autre cette
» chafte fidélité fi néceffaire au bonheur
"
و د
» commun ".
> Ulpien , fur la Loi Julia , de Adulteriis
exige aufli la même condition dans le mari
qui accufe fa femme d'adultère : Judex
adulterii antè oculos habere debet & inquirere
an maritus pudicè vivens mulieri quoque
bonos mores colendi autorfuerit. Periniquum
enim videtur effe ut pudicitiam vir ab uxore
cxigat , quam ipfe non exhibeat.
L'homme fur feul puni pour la féduction
; la peine fut que le féducteur d'une
vierge non fiancée , lui donnoit une dot &
l'époufeit fans pouvoir jamais la répudier.
Refufoit-on de la lui accorder ? il donnoit
au père la fomme néceffaire aux filles pour
fe marier. On ajoutoit une amende pour
l'ignominie répandue fur la perfonne féduite.
L'amende fut plus forte encore dans le cas
du rapt ; elle fut même proportionnée aux
circonftances ; elle étoit plus forte , par
exemple , fi c'étoit un homme d'un rang
ou bas , ou médiocre , qui eût enlevé une
fille d'un rang très - fupérieur.
La peine du vol cft purement pécuniaire
chez les Juifs. A - t - on confervé la choſe
dérobée ?
DE FRANCE.
25
1
dérobée on la reftituera en y joignant le
double de la valeur L'a-t- on déjà vendue
ou tuée , fi c'est un animal ? on payera
cinq beufs pour un boeuf , quatre brebis
pour une brebis. L'Auteur explique toutes
ces différences par deux raifons ; l'une générale
, fur la différence entre les animaux
& les chofes inanimées quant à la reftitution
, fe tire de la néceffité de faire refpecter
davantage la propriété des animaux ,
qui , naturellement répandus dans les campagnes
, y font fous la fauve - garde publique,
au lieu que chaque Citoyen étant obligé de
garder les meubles , fon or , & c. il peut ,
fion les lui dérobe , imputer à fa négligence
une partie de fon malheur. L'autre raifon
eft particulière , & porte fur la différence
de cinq boeufs à quarre brebis. L'Auteur
croit que cette différence prend fa fource
dans l'utilité dont le premier de ces animaux
et pour l'Agriculture. La reftitution
étoit prife d'abord fur les effets mobiliers
du coupable , au défaut de meubles , on
vendoit fes immeubles ; s'il ne poffédoit
aucine efpèce de bien , on le vendoit luimême.
M. de Paftoret a foin d'offrir toujours
le parallèle des Loix & des ufages des Juifs
avec nos. Loix & nos ufages , & nous ne
gagnons pas toujours à la comparaifon . Chez
les Hébreux , on ne pouvoit enterrer que
hors des villes : Ils n'avoient pas eu , dit
» Auteur du barbarie d'enfevelir les morts
N ° 49. 6 Déc. 1788 .
">
B
26 MERCURE
» dans les villes & dans les Temples. Par
une idée digne de Mézence , ils ne ferçoient
pas les citoyens à n'offrir leurs
prières à l'Etre Suprême , que dans les
lieux où les infectes achevoient de dé
» vorer la dépouille de leurs ancêtres , à
ne s'agenouiller que fur les débris de
» ceux dont on mérita la tendreffe . Eh !
» pourquoi , malgré la volonté touchante du
» Monarque , voyons-nous encore des Pafteurs
, faits pour prefcrire l'obéiffance &
» l'humanité , réfifter aux défirs du Prince ,
& vouloir toujours environner d'infec
» tion les ferviteurs fidèles de l'Eternel !
Imitons ces Juifs que notre ignorance
dédaigneufe a fi fouvent calomniés . Une
montagne , un chemin , une caverne ,
le creux d'un rocher , renfermoient leurs
→ cendres ".
.
Si l'Auteur , dans l'examen qu'il fait des
diverfes Loix & des différens ufages des .
Hébreux , trouve fouvent à louer , il trouve
auffi quelquefois à blâmer ; cependant , fa
ces Loix étoient toutes contenues dans le
Pentateuque , cette difcuffion feroit téméraire
, & tout jugement d'improbation feroit
interdit ; mais on diftingue la Loi écrite &
la Loi orale. La première , quoiqu'abrogée
à beaucoup d'égards par la Loi de grace ,
eft l'objet de tous nos refpects . Quant à la
Loi orale, c'eft une tradition conftante parmi
les Rabbins , qu'outre les préceptes confervés
dans le Pentateuque , Moiſe , pendant
DE FRANCE. 27

les quarante jours qu'il paffa fur le Mont
Sinaï , en reçut de Dieu même plufieurs
autres qu'il ne tranfcrivit pas , & qui ne fé
font long temps confervés que par la tradition
orale. L'exil & les malheurs des Ifraélites
ayant rendu très - difficile cette tranf
miffion de la Loi orale , le Rabbin Jada
qui vivoit fous Antonin Pie , pour empê
cher qu'elle me pérît totalement , raſſembla
ce qu'il en put trouver dans la mémoire
des hommes & dans fa propre mémoire
& en forma le recueil qui s'appelle la
Mifna. On y joignit enfuite des difcuffions
& des décifions de plufieurs Rabbins , &
ces additions formèrent une forté de Commentaire
, dont la Mifna eft le texte , &
qu'on appela le Taimudou la Gémare. Or
lès opinions les décifions des Rabbins
& des Tahnndiftes , mêlées de tant de rêveries
, laiffent au raifonnement & à la
difcuffion la liberté la plus entière , &
c'eſt de cette liberré que M. de Paftoret
ufe avec beaucoup de fageffe & d'équité.
Un des traits qu'il admire le plus dans
la Légiflation de Moife , & qui a été le plus
imité par les grands Légiflateurs de l'Orient,
tels que Zoroaftre & Mahomet , c'eſt une
attention conftante pour la fanté des Ci- ,
toyens. L'ufage du porc , du lièvre , &c. des.
poillons fans écaille dont la chair eft graffe &
huileufe , de toutes les viandes pefantes ,.
celui des graiffes de boeuf, de chèvre
d'agneau , fut interdit , & cette interdiction
28 MERCURE •
étoit très - fage dans un pays où la chaleur
exceffive , relâchant les fibres de l'eftomac ,
rendoitla digeflion plus difficile & plus lente.
Il eſt encore défendu aux Hébreux de manger
du fang , & ils font d'un tel fcrupule fur
ce point & fur quelques autres femblables ,
que la boucherie eft chez eux un art difficile
, & que les Bouchers Juifs, font foumis
à des études fuivies & particulières.
Il y a fur leur profeffion plufieurs Livres
qu'il leur eft effentiel de connoître , &
qu'il leur eft ordonné d'étudier & de relire .
Buxtorf nous a donné la forme de leur
brevet , qui fuppofe un examen préalable
affez rigoureux
, & qui contient une injonction
de continuer les études néceffaires .
Hodiè exploravi & examinavi præftantem
& egregium N , filium N , & illum in arte
mactandi , peritum & induftrium , tùm ore,
tùm manu effe comperi . Ideò , illi pecus
maclare &inquirere permitto , & liberè comedi
poterit quidquid mactaverit & inquifiverit.
Hac tamen lege , ut adhuc per integrum
annum fingulis hebdomadibus femel , ritus
maclationis & inquifitionis diligenter perlegat
; anno verò fecundo , fingulis menfibus
femel ; tandem reliquo vita fua fpatio
fingulis trimeftribus fe.nel tantùm. Attefcante
Rabbino N.
L'Auteur examine fi Moïfe peut avoir
reçu des Grecs fes dogmes & fes Loix :
mais eft- ce qu'une opinion fi hautement
DE FRANCE. 29
démentie par la Chronologie , a pu être
foutenue par quelqu'un ? Cui , elle l'a été
par quelques Païens , également ennemis
& de la Religion Juive & de la Religion
Chrétiense , nommément par Celfe. St. Clément
d'Alexandrie & les autres défenfeurs
du Chriftianifine les ont aisément réfutés .
Mais les Grecs reçurent - ils de Moife une
partie au moins de leurs Loix & de leurs
coutumes ? Cette autre opinion a beaucoup
de partiſans parmi les Pères de l'Eglife , même
parmi des Savans modernes. M. de Paftoret
n'eft point de leur avis , & fans diffimuler
ni affoiblir leurs raifons , il les trouve abfolument
détruites par les raifons contraires
que Dom Calmet a pris foin d'y oppofer.
L'Auteur, dans ce folide Ouvrage , n'a pas
épargné l'érudition ; mais le Lecteur ne demande
pas mieux que d'être inftruit , ou ,
fi l'on veut , il confent du moins d'être
inftruit , pourvu qu'on lui rende l'inftruction
facile , & elle eft très-faciliée ici par
la méthode & par l'agrément.

B 3
.30 MERCURE
VARIÉTÉ S.
LETTRE fur les Nègres & l'esclavage.
JEE viens de lire , Monfieur , dans votre Nº. 36
F'extrait de l'Ouvrage de M. Schwarts fur les
Nègres. Révolté comme lui des cruautés qu'on
exerce envers ces malheureux , j'avois commencé
en Amérique un Effai fur les moeurs de St. Domingue
, & la manière de leur donner la liberté
fans nuire à la profférité de la Colonie. Ayapt
perdu depuis tous mes papiers dans le naufrage
que j'ai fait fur les côtes de France , j'avois renoncé
à ce projet ; mais l'intérêt que vous prenez
àl'humanité , m'engage à vous faire part de quelques
réflexions à ce fujet , que je vous prie de vouloir
bien imprimer, fi vous les en trouvez dignes,
Avant d'examiner fi M. S ... , dont les intentious
font refpectables , parle en homme qui connoît
le pays , & fi fon fykême eft praticable
Four mieux prouver combien il eft néceflaire d'abolir
l'eflavage , jetons un coup- d'oeil fur les
défordres que l'on voit dans les Colonies , dont
une partie en eft la fuite , & dont l'autre cefferoit
bientôt avec lui . Sans parler de la vanité ridicule
occafionnée actuellement par la différence de couleur
, & qui met tous les états de niveau ; vanité
qui caufe tant de duels , de débauches , de pertes
au jeu , & d'excès de toute espèce , quel est l'ordre
de Citoyens à St. Domingue , où l'on trouve des
meurs , de la bonne fai ? Par- tout on n'entend
DE FRANCE.
parler que de vols , de friponneries , d'empoifoanemens
, de paroles fauffes , de gens qui plaident
contre leurs fignatures : on n'y a d'autres plai
firs que la table , le jeu , la débauche la plus
crapuledfe ; chacun s'envie , fe déchire , cherche
à s'enrichir aux dépens de fon voifin ; par- tout
en entend grender le fouet , par - tout on voit
raiffeler le fang des Nègres, & leurs plaies frottées
de piment , pour en augmenter la douleur ; izi
c'eft une femme ( car elles font auffi cruelles que
les hommes ) qui fair empaler une Négreffe ; là
c'eft un habitant qui fait enterrer des Nègres jul
qu'au cou, & les lafle périr ainfi ; plus loin, un
autre qui les fait jeter dass un brafier ardent ; un
me. qui , non content des coups qu'il leur voic
dorner , les mord & leur piétine fur la figure. Si
je repréfente à l'un d'eux qu'on perd beaucoup
de Noirs par l'excès du travail , on me répond
Qu'importe que ces gueux-là meurent? Pourvu qu'on
faffe de gros revenus avec le fucre , on en achète
d'autres: & ces atrocités. & mille autres pareilles ,
dont on peut citer le temps , le lieu , & le nom
des bourreaux , fe renouvellent à chaque inftant
dans toute la Calonie . Telles font les murs de St.
Domingue , de la Jamaïque , de tous les lieux ou
Il y aura des cfclaves Negres ; & ce font ces genslà
qui difent qu'il faut aller en Amérique , fi l'on
veut avoir de Fefprit. Ah ! dites qu'il faut y aller ,
A l'on veut devenir fripon , crapuleux , barbare ,
infenfible à toutes les jouillances du coeur & de
Pefprit . En France en fe cache pour voler , pour
allaffiner ; à St. Domingue, on l'avoue , on s'en
vante inpaideiament.
Les Loix de la pudeur , ( j'en excepte , ainf
que fur tout le rette , quelques perfonnes eftimables
des deux sexes ) , la pudeur n'y eft pas
plas refpeciée ; on voit les femmes les plus riches
B 4
34
MERCURE
aller fur les navires Négriers , examiner & marchander
les efclaves nus. Vais - je à bord de ces
bâtimens je vois une foule de ces malheureux
entaffés , enchaînés ainfi que des criminels , fous
an pont fort bas , qui exhale une odeur infecte ,
& où ils n'ont prefque point d'air ni de jour. Si
Je les interroge , ils me difent que leurs Princes
n'entreprennent des guerres , que pour avoir
avec les prifonniers , de l'eau- de- vie , des fufils ,
& d'autres marchandifes d'Europe ; qu'on les a
amenés de plus de quatre cents lieues dans les
terres , à travers des déferts affreux , un bâton
fourchu au cou ; qu'un grand nombre a fuccombé
de fatigue en route ; qu'une partie a péri fur le
rivage , par le chagrin & le mauvais air ; qu'il
en eft mort beaucoup en mer , par les mauvais
traitemens & la mauvaiſe nourriture , qui a fait
fortir aux autres une multitude de puftules. J'apprends
que les Marchands qui veulent s'en défaire
ont des fecrets pour faire rentrer ces éruptions ,
ce qui en fait mourir encore une infinité après
qu'ils font achetés. Enfin, je vois que pour avoiraux
Antilles un Nègre fait au pays, il en coute au moins
dix hommes à l'Afrique , & que nous ne prenons
pas un morceau de fucre , une taffe de caféqui
n'ait fait répandre peut- être dix taffes de fang.
Témoin de ces horreurs , & convaincu que les
Nègres font toujours maltraités , quelque honnête
que puifle être l'homme que l'on envoie làbas
, parce que chacun , en arrivant , prend les préjugés
du pays , j'ai juré , fi jamais j'ai des biens
en Amérique , d'aller me jeter aux pieds du Roi
pour obtenir la permiffion de donner la liberté
à mes Nègres , en leur cédant un terrein & de
quoi vivre pendant un an. Mais vous ignoricz
peut-être , Monfieur , qu'à Saint Domingue il für
défendu de faire du bien ; apprenez à quel point
DE FRANCE. 33
.
on trompe la religion d'un Monarque fenfible, qui,
en montant fur le trône , a aboli la fervitude
dans tous fes domaines. Si l'on veut affranchir
un Nègre , il faut en demander la permiflion ;
c'eft une grace que l'on n'accorde guère que pour
un feul fujet , & pour laquelle il faut payer deux
mille livres par tête , fans compter les frais de
Bureau ; on ne permettroit pas , même en payant ,
de donner plufieurs libertés ; & d'ailleurs quel
particulier , à ce prix , pourroit affranchir tous fes
fclaves ? Non feulement cette Loi & l'esclavage
devroient être abolis , par cela feui qu'ils révoltent
la raifon & l'humanité , & produisent une
infinité de défordres ; je dis plus , la réforme ett
néceffaire , même pour la confervation de la Colonie
, & fi l'on n'en vient pas là , nous la perdrous
infailliblement peut-être avant un demi- hècle. On
fait que l'Afrique fe dépeuple tous les jours ; que
les efclaves que l'on trouvoit d'abord fur la côte ,
viennent à préfent de plus de 400 lieues dans les
terres ; que le prix en augmente fans ceffe , &
peut-être avaut trente ans ils deviendront fi chers,
qu'on ne pourra plus en acheter , ce qui entraî
neroit la ruine des Colonies ; d'ailleurs Saint-
Domingue , la principale , eft exposée à être
prife à la première invafion de l'ennemi
tant qu'elle ne fera défendue que par la Milice
blanche , dont on a éprouvé là nullité dans la
dernière guerre , tandis que l'on a été content
des Mulâtres & Negres libres , qui feuls pourroient
la défendre s'ils étoient en plus grand nombre
par la fubordination qui règne parmi eux.
>
La néceffité d'abolir l'efclavage me paroifant
fufifaminent démontrée , paffons aux moyens prcpofés
par M. S ... , dont le premier eft la défenfe
de continuer la traite des Nègres : aflurément il
n'y a rien de plus fage ; nos Marins pourroient
BS
34 MERCURE
s'occuper de plufieurs autres navigations dont
s'emparent les étrangers qui abondent dans nos
ports , & Sa Majefté ayant fait efpérer qu'elle
ôteroit un jour les gabelles , ils pourroient , par
la fuite, porter nos fels aux Peuples voifins . Quant
à ce que dit M. S ... que les Européens pourroient
travaillér la terre dans nos ifles , où il ya
quinze Noirs contre un Blanc , il ne fait pas fans
doute qu'on a éprouvé mille fois qu'ils n'y pouvoient
pas réfifter ; que le climat feul emporte
dans l'année la moitié de ceux qui y paflent ; &
que la nourriture du moindre Blane coutant plus
que celle de dix Nègres , les premiers ne gagneroient
jamais la leur , parce qu'ils font accoutu
més aux vivres d'Europe, qui fent fort chers en
Amérique, au lieu que celle des Nègres , compofée
de patates & d'eau, eft comptée pour rien là-bas.
le

Le projet de M. S ... , qui propofe aux habitans
de ne garder que leurs moulins , & d'aliéner à
des familles étrangères les différentes parties de
leurs habitations , re me paraît pas moins chimérique
, & me fait foupçovner qu'il ne connoît
pas pays. Comment peut- on comparer la culture
du fucre à celle du blé , de l'olive , de la
vigne ? On conferve le blé & l'olive long-temps.
avant de les envoyer au moulin ; quant à la vendange,
il y a peu de propriétaires qui n'aient un
prefbir que deux hommes font aller ; & même
avec une cuve où l'on foule le raifin , beaucoup
de particuliers s'en paffent ; au lieu que fi la canne
n'eft pas preflée douze heures après qu'elle eft
coupée , elle fe sèche ou le jus fe tourne. M.-
S... ignore- t -il qu'il faut près de trente perfonnes
à une fucrerie , foit pour fummis aux moulins &
aux fourneaux, foit pour faire le fucre & conduire
les charrettes qui portent les capass ? Ignoretif
que les cannes étant dures & très- ferrées , il faut
quatre fois plus de bras dans le même temps ,
DE
35
FRANCE.
pour couper up arpent en cannes , que hi cet arpent
étoit en blé , & que pour entretenir une
fucrerie qui ne doit pas arrêter quand on veut
faire de bon fucre , il faut encore près de trente
perfonnes à couper fans ceffe des cannes ? Que
pourroit faire une famille compofée de quatre en
cinq perfonnes? Leurs cannes feroient pourries dx
fois avant qu'ils en caflent aflez pour faire aller
les moulins. D'ailleurs , ces moulins , les étuves ,
les divers bâtimens, les fourneaux , les chaudières
les barriques, le fuif , la chaux, tout ce qu'il faut
pour faire le fucre eft fi cher , qu'on ne leur
donneroit pas la moitié du produit de leurs cannes ;
les petites habitations , qui font obligées d'aller
chez un voifin rouler ( faire le fucre) fi leurs moulins
nefont pas en état, ne tirent jamais que la moitié,
quoique leurs Nègres travaillent & portent les
cannes . Que votre atelier foit compofé de journaliers
ou d'efclaves , cela cft égal ; mais il faut
abfolument un atelier pour faire du fucre . En
général, ne comparons jamais l'Europe à l'Améri
que ; en France il faut travailler ponr vivre ;
bar , des Nègres qui fe contenteront de patates .
peuvent le repofer onze meis & demi par an , &
ils ne feront rien tant qu'ils feront avilis & qu'on
nxcitera pas leur apbition . Les partifaus de l'efclavage
, ayant ainfi convaincu M. S ... de ne
pas connoître la culture dont il parle , feront aifément
pafler pour des rêveries toutes les autres
chofes excellentes fans doute qu'il pourroit dire
d'ailleurs , & peut - être même s'en prévaudront
pour appeler vifionnaires tous ceux qui diront
qu'on peut affranchir leurs efclaves fans les ruiner
; tant il eft dangereux de mal défendre les
meilleures cauſes !
là-
Quoi qu'il en foit , voici quelques - uns des
moyens que je prendrois pour opérer cet affrau-
B 6
36
MERCURE
chiffement , dont je crois avoir démontré plus
haut l'abfolue néceffité : d'abord défendre la traite ,
ainfi que nous l'avons déja dit , & permettre a
chacun de donner la liberté à fes Nègres fans
payer ; ordonner aux Maîtres d'affranchir tous ceux
qui , par leur induftrie ou leurs amis , auroient
amallé le prix qu'ils feroient eftimés ; enfuite dé
clarer libres tous ceux qui naîtroient à l'avenir ,
& pour un certain temps feulement , obliger ,
depuis l'âge de quinze ans , ceux qui n'ont pas
un métier , ou une cabane & un petit champ ,
de travailler dans les habitations à un efcalin
( quinze fols ) par jour , logés & nourris ; je vais
prouver , par un calcul foft fimple que les habitans
y gagneroient, bien loin d'y perdre. Suppofons
un atelier de 200 têtes de Negres Créoles , comme
celui de l'habiration où j'étois , & l'on peur raifonner
à peu près de même pour toutes les autres
habitations que j'ai vues , même les caféyères &
les indigoteries . Comme fur ces deux cents têtes
il faut retrancher les domefliques , les vieillards ,
les femmes en couche & groffes avancées , & ks
inalades , on n'aura jamais plus de quatre vinges
Nègres travaillans , parmi lefquels il y a encore
des nourrices , des infirmes , & de la juneffe
qu'il faut ménager. Tous les Créoles conviendrant
que fi un pareil atelier fait quatre cents milliers
de fucre brut, un atelier de quatre- vingts forts
Nègres , choifis & toujours travaillans , en feroient
an moins cinq cents. Or quatre-vingts journaliers ,
à un efcalin par jour , même en payant plus
cher les Nègres à tales , comme les Sucriers &
les Tonneliers , fi on retranchoit les jours qu'ils
ne travaillent pas , comme les Dimanches
couteroient pas plus de trente -deux milk haft vent
livres par an , & ceft à peu près ce que valent
les cent milliers de fuere qu'ils feroient de plus.
A la vérité il faudroit les loger & nourrir ; mais
2 re
DE FRANCE. 37
&
les cafes font faites , & la nourriture ne couteroit
guère plus de quinze jours de travail par an ,
travail qu'il faut faire d'ailleurs dans l'état actuel
des chofes . Les barrières , les animaux , les champsde
patates , feroient gardés par des vieillards &
des enfans , à qui on ne donneroit rien ou prefque
rien que le logement & la nourriture , parce
qu'ils ne travaillent pas , & l'on en trouveroit
affez . Je conviens que pour avoir fans celle 80
Nègres travaillans , il faudroit en loger beaucoup
davantage chez foi , parce qu'il y en a toujours
quelques-uns qui font véritablement malades ,
des nourrices , par exemple , qui ne font pas grand
ouvrage , mais en ne leur payant que les jours
qu'ils travaillent , & ne donnant qu'un demiefcalin
aux nourrices , ce qui permettroit d'en prendre
deux au licu d'un Nègre , tout cela reviendroit
au même. Cependant les habitans qui épargneroient
une foule de dépenfes confidérables , entre
autres l'habillement & l'achat des efclaves , dépentes
qui coutent plus de feize mille livres par
an dans une habitation de deux cents têtes , pourroient
ainfi augmenter de moitié leur atelier , &
par conféquent augmenter leurs revenus ; d'ailleurs
la liberté ayant rendu les Nègres plus intelligens
& les habians , étant alors intérellés à en avoir
le moins poffible , ne feroient plus fouiller des
trous pour planter les cannes , & fe ferviroient
pour cela de la charrue, ce qui épargneroit beaucoup
de journées de Nègres , & a ceux-ci des
peines infinies. On dit en Amérique que les Nègres
ne favent pas labourer, & que les cannes viennent
mal dans les fillons ; mais comme j'ai vu & puis
prouver qu'avec de certaines précautions on peut
planter & même fouvent arrofer les cannes avec
la charrue , je fuis certain qu'on en adopteroit
la méthode , dès qu'il faudroit acheter les fueurs
de ces malheureux,
38 MERCURE
Cependant , pour leur élever l'ame & leur
donner du goût pour nos Arts & nos jouiflances ,
je voudrois que l'on caffàt le Code noir , monu
ment de barbarie qui déshonorera l'Europe dans
tous les fiècies ; qu'on leur donnât des facilités de
s'inftruire ; qu'on établit pour eux des écoles de
Théologie , de Droit , de Médecine ; qu'on les fit
Juges , Officiers de Troupes , Prêtres même , comme
dans les Colonies Efpagnoles ; enfin , qu'ils fullent
dans nos ifles auffi confidérés que les Blancs , &
que des Européens qui ne favent pas lire , ne fe
cruffent plus fupérieurs à des Negres inftruits.
Dès que les préjugés permettroient à ces derniers
de conduire des ateliers , ce qu'ils feroient mieux
& à meilleur marché que les Blancs , cette claffe
immenfe des gérans d'habitations , prefque entièrement
compofée de libertins & de gens fans aveu ,
fortiroit des ifles , & avec eux la corruption qu'ils
y apportent ; on n'y verroir plus arriver que des
Marins , des Marchands & des Artifans , qui , ne fe
croyant plus des Dieux comme à préſent , par
la comparaifon qu'ils font des Nègres à eux ,
prendroient des mccurs plus douces & plus fages .
Je voudrois encore qu'on établit des prix , des
distinctions pour les premiers Nègres nés efclaves
qui deviendroient habitaus ; on fait combien its
font ambitieux , combien ils aiment à primer , à
briller. Accoutumés à la charrue , qui épargne
beaucoup de bras , & difpenfés ainfi de fouiller
des trous de cannes , travail très - dur qui les
dégoûteroit d'en planter , les autres travaux d'une
fucrerie ne leur paraitroient plus que des jeux.
Flufieurs familles , jaloufes de fe diftinguer & de
faire étudier leurs enfans , fe réuniroient pour
acheter ou former une habitation , & ils travaillercient
, non chacun un champ féparé , mais de
concert & comme un atelier. Etant devenus plus
DE FRANCE. 39
riches , plus fenfuels , ils pulluleroient beaucoup ,
comme on en a la preuve par les Nègres libres ,
& ils confom neroient bien plus de nos marchandifes
de France , ce qui fereir gagner confidérablement
au Commerce & aux Manufactures.

Saint-Domingue , dira-t-on , deviendroit à la
longue une Province de Neirs gouvernée par des
Blancs ; qu'importe , fi les Blancs , qui ne forment
à préfent que le quinzième de la population , n'y
peuvent pas travailler la terre & y fant moins
attachés à la France que les Noirs ? car ceux- ci
fachant que leurs pareils font efclaves chez les
autres Nations , s'attacheroient à nous , ne vou,
droient rien acheter que de nous , le défendroient
comme des lions en cas d'attaque , & n'auroient
pas befoin de nos troupes.
Tel eft , Monfieur , l'apperçu du projet que
j'avois fait pour l'abolition de l'efclavage ; fi le
Public le trouve raifonnable , & que les circonftances
me le permettent, j'y donnerai un jour plus
d'étendue .
J'ai l'honneur d'être , MONSIEUR ,
Votre , &c . Le Marquis DE LA
FEUILLADE - D'AUBUSSON.
Au Château de Caftel- Nouvel , près Brive , en
Bas-Limoufin , ce 12 Septembre 1738.
40
MERCURE
SPECTACLE S.
COMÉDIE FRANÇOISE.
ONN fe plaint beaucoup du Public , fouvent
on a raifon ; mais l'a- t -on toujours ?
Cela eft au moins douteux . Cet article n'eft
pas un de ceux dans lefquels il nous feroit
poffible d'approfondir la queſtion . En attendant
que les circonftances nous donnent le
temps de l'examiner fous toutes les faces ,
jetons ici quelques idées préliminaires , &
tâtons , pour ainfi dire , la raifon des gens
éclairés , principalement de ceux dont la
partialité n'égare pas quelquefois les lumières.
Quand le Public eft en cabale , quand
il précipite fes opinions , lorfqu'avant le
neud de l'Ouvrage qu'on repréfente ſous
fes yeux , c'est-à - dire , avant de connoître
en quoi peut confifter l'intérêt , il éclare en
murmures indécens , qu'il paffe de là à une
licence effrénée , & qu'il réunit tous fes
efforts pour faire valoir le jugement aveugle
qu'il a rendu ; certainement il eft très - con-.
damnable. L'eft - il autant , ou même peut- il
l'être , lorfqu'après avoir été attentif & paDE
FRANCE. 41
tient, après avoir vu fe fuccéder rapidement
des chofes qui lui étoient défagréables , il
laiffe échapper par gradations les témoignages
de fon mécontentement , & repouffe
enfin l'Ouvrage qui l'ennuie, fans lui donner
à connoître fur quoi fon intérêt peut être
établi ? Nous ne le croyons pas. Il eft bien
vrai que l'intérêt de tout Ouvrage dramatique
doie aller en croiffant , & que de longs ,
même de triftes développemens peuvent
conduire à une fin intéreflante ; mais dans
une Pièce de Théatre , l'intérêt doit exifter
par- tout. L'expofition le prépare , le noeud
le fixe. , & les incidens qui amènent le dénouement
, le développent & l'échauffent
jufqu'à fon terme . Voilà un principe qui
tient à la raifon & à l'art.
Une Pièce en cinq actes , par exemple ,
qui n'aura laiffé appercevoir aucun motif
d'intérêt pendant les trois premiers , pourroitêtre
repouffée par le Public au quatrième ,
fans que l'Auteur eût le droit de fe plaindre
que de lui - même . C'est une bien foible
refource que celle de pouvoir dire : » On
» n'a pas voulu m'entendre juſqu'à la fin ""',
quand on a fourni d'une façon déplaifante
les trois cinquièmes de fa courfe. C'est l'en-
-femble d'une compofition qui fait un bon
tableau , & une compofition ne ceffera pas
d'être médiocre , parce qu'on y remarquera
quelques détails bien faits . Cette vérité eft
inconteftable. Le Public , pris en malfe , ne
fe dit pas tout cela ; mais il le fent , parce
}
42 MERCURE
que le fentiment des Arts naît avec tous
ceux qui font bien organifés ; & fans pouvoir
en développer les principes , on peut
en être fort bon Juge. Les femmes , nous
ne parlons pas de celles qui fe croient
favantes , nent guère que le tact exquis
qu'elles doivent à la Nature, pour pronon
cer fur les Arts , & elles ne fe trompent
guère quand elles en faivent tout bonnes
ment l'impulfion. Une grande partie du
Public mâle juge comme les femmes , par
fendment, & il juge fort bien , quand il
n'eft entraîné par aucun motif étranger à
ce qu'il éprouve au fond de l'ame.
Confidérons d'ailleurs qu'il eft aujourd'hui
très difficile de juger la Comédie proprement
dite. La Comédie , qui n'eft autre
chofe que la reprefentation des moeurs de
la Société , doit néceffairement , à meſure
qu'elles changent,varier fes formes, fes habitudes,
fonftyle & fa manière . Quand Molière
& Regnard écrivoient , chaque état étoit encore
à fa place ; chaque ordre des Citoyens
avoit fon langage , fes ridicules , fes procédés
qui lui étoient particuliers. Leur Comique
fouvent bourgeois , parce que le
plus grand nombre de leurs Juges étoient
pris dans la Bourgeoisie , avoit la pluralité
des fuffrages pour lui , & les expreffions
un peu fortes qu'ils employoient
pour exciter le rire , parvenoient à leur
but , parce qu'on ne trouvoit pas mauvais
d'entendre dire à la Scène ce que l'on diDE
FRANCE.
43
foit chez foi , & parce que la communication
entre les Grands & les Petits n'exiftant
pas encore au degré effrayant où elle eſt
aujourd'hui , on n'avoit pas encore adopté
par- tout ce jargon précieux & maniéré qui
eft devenu la Langue univerfelle. 7
Dans l'état actuel de la Comédie , tout
devient équivoque , parce qu'en lui enlevant
la franchife , on lui a ôté les plus
belles reffources. On a fuivi le ton général ;
on a mis fur la Scène des Grands , dés
Nobles , & on leur a donné un ftyle élégant
ou recherché , on a fait parler les
Bourgeois comme eux , & cette confufion
des rangs & des ftyles ayant été opérée
par les révolutions que la Société a éprou,
vées , à peine avoit on le droit d'exhorter
les Auteurs à s'en défendre . Que faire aujourd'hui
qu'imaginer pour obtenir des
fuccès ? On ne veut plus ni pleurer , ni
rire . Les idées fe heurtent, s'entre- choquent ,
fe contrarient , & dans ce flux éternel de
contradictions , le Public indécis , le Public
qu'on a détourné de fes premiers erremens ,
n'a plus qu'un goûr aufh vague , autli indéterminé
que le bur & les motifs des Ouvrages
qu'on lui préſente.
Obfervons encore qu'en proportion des
variations des moeurs , les convenances va¬
rient aufli. Le Comique eft éternel , parce
qu'il eft dans les chofes , le plaifant eft
mobile , parce qu'il eft dans les mots . Molière
& Regnard fe font permis beaucoup
44
MERCURE
de chofes il y a un fiècle , qu'ils ne fe
permettroient pas aujourd'hui , & certainement
ils ne craindroient pas , au temps où
nous fommes, de fe foumettre à ces forinules
de ftyle dont l'uſage général impoſe la loi
de fe fervir. Citer ces deux hommes comme
autorités , en fe fervant d'expreffions devenues
impropres & de mauvais ton , ce feroit
reffembler à quelqu'un qui , voulant porter
une immenfe perruque , s'autoriferoit de
l'exemple de Louis XIV.
Au refte , fi le Public eft aujourd'hui
peu accommodant, c'eft la faute des Auteurs ,
qui , en cherchant à travailler pour ce qu'on
appelle la bonne compagnie , ont altéré le
goût de la vieille & bonne Comédie. Il
eft fâcheux que les Ecrivains qui n'ont pas
eu les mêmes torts ,fouffrent de la mal - adreffe
de ceux qui les ont précédés ; mais s'il y a
du remède à ce trifte inconvénient , le remède
eft encore loin.
CE même Public , autrefois galant & indulgent
pour les femmes , vient de fort
maltraiter l'Amour exilé des Cieux , petit
Ouvrage en un Acte , attribué à une jeune .
& jolie Dame. Ily a pourtant des chofes fort
agréables dans cette Pièce , dont le fonds fe
réduit à ceci . L'Amour eft exilé de l'Olympe,
jufqu'à ce qu'il ait été bleffé des mêmes
traits auxquels il doit l'empire des coeurs.
Il l'eft par Pfiché ; il l'époufe , & il remonte
DE FRANGE. 45.
aux Cieux. Si les Spectateurs ont été févères
, les Lecteurs ne le feront pas ; car la
manière dont la Pièce eft écrite ne peut que
lui concilier beaucoup de fuffrages.
Pendant qu'on maltraitoit l'Amour , on
revoyoit avec enthoufiafme le Mariage de
Figaro, Ouvrage dont on a dit tant de bien,
tant de mal , & qu'on avoit vu cent fois .
On pourroit obferver qu'il y a dans cette
Comédie bien des expreffions de mauvais
goût , & on auroit raiſon ; mais l'Ouvrage
occupe , attache , il a du mouvement , & il
plaît. Plaire, c'eft le premier Art. On fe rappelle
avec quelle grace , avec quel , charme
feu Mlle. Olivier, jeune Actrice , trop tard
connne & trop tôt moiffonnée , templiffoit
le rôle du jeune Page , filleul de la Comteffe
Alma Viva. Nous nous la fommes rappelée
avec chagrin en voyant paroître une autre
Actrice dans ce rôle ; mais le fouvenir de
Mlle. Olivier ne nous a point rendus
injuftes , & nous dirons avec plaifir que
Mlle. Emilie Contat , qui le joue aujour
d'hui , y met de l'intelligence , de la vérité,
& de l'intérêt. Nous défirons bien que cet
éloge qu'elle mérite , engage cette Actrice
à redoubler d'efforts pour répondre à ce
que promet le nom qu'elle porte.
MERCURE
ANNONCES 21 NOTICES.
MÉMOIREfur l'analyse & les propriétés de l'Eau
minérale de Saint-Germain-en-Laye , lu à la Société
Royale de Médecine de Paris , par M. Chappen ,
Docteur en Médecine ; fuivi du Rapport de MM.
les Commifiaires , & des délibérations pour la taxe
de cette Eau minérale , extrait des regiftres de la
Société Royale de Médecine. Brochure de 52 pag.
S'adreffer pour cette Eau minérale , à Paris , au
Bureau des Eaux minérales , rue Plâtrière ; ou à
M. Dnguet, Me. Apothicaire , à la Croix- Rouge ;
ou à Saint-Germain , à M. Varlet , demeurant rue
des Coches.
Carte nouvelle de la France , divifée en fes
Gouvernemens & Provinces , & par Baffins &
Terreins de Fleuves & Rivières ; dreffée d'après
le Dictionnaire Hydrographique de la France ,
par M. Moithey , Ingénieur -Géographe du Roi ,
& Profeffeur de Mathématiques de MM. les Pages
de LL. AA . SS. Mgr . le Prince & Madame la
Princeffe de Conti . A Paris , chez l'Auteur , rue
de la Harpe , porte cochère , No. 109 ; & chez
Crépy, rue S. Jacques , N° . 252. Prix , 3 liv.
Carte des environs de la Mer Noire , par C. F.
de la Marche , fuccefleur du Sr. de Vaugondy ,
Géographe du Rei . Prix , 4 liv. 10 fcus. A Paris ,
chez l'Auteur , rue du Foin St-Jacques , au Collége
de Me. Gervais,
DE FRANCE. 47
Manuel du Pharmacien , ou Inftraction far les
différens objets d'études néceffaires aux Elèves en
Pharmacie par M. Demachy , Cenfeur Royal
&
Déinonitrateur d'Hiftoire Naturelle au Collège
de Pharmacie de Paris . 2 Vol . in-8 ° . Prix, 8 lv.
br. , 10 liv. rel. , 9 liv. francs de port par la Pofte.
A Paris , chez Buiffon , Lib . Hôtel de Coëtlofquer,
rue Haute-feuille , Nº. 20 .
Cet Ouvrage étoit attendu dépais long- temps ,
& il répond à l'attente du Public.
2
Réponse à MM. les Officiers du Corps Royal du
Génie , Auteurs d'un Memoire fur la Fortification
perpendiculaire ; par M. le Marquis de Montalembert,
Maréchal des Camps & Armées du Roi , de
l'Académie Royale des Sciences. 1 Vol . in - 8 °.
avec plufieurs Planches. A Paris , chez Didot fils
aîné , Libr. da Roi , ree Dauphine , Nº. 116.
Cet Ouvrage , qui paroît avec l'Approbation de
l'Académie Royale des Sciences , & fous fon Privilége,
contient une Difcuffion très- détaillés de la
Méthode en ufage par MM . les Officiers du Génie,
pour juger du degré de force des différens Sytemes
de Fortification , & de celle que l'Auteur peale
devoir lui être préférée . Il s'y trouve de plas une
Réfutation de tout ce qui a été dit dans l'Ouvrage
de MM . les Ingénieurs contre le nouveau Systême
développé dans les cinq Volumes de la Fortification
perpendiculaire.
Inftructions fur les affaires contentieufes des Negocians
, la manière de les prévenir ou de les
fuivre dans les Tribunaux ; nouvelle édition augmentée
, in - 12. A Paris , chez Leclerc , Lib. quai
des Auguftins. A Charleville , de l'Imprimerie de
Rancourt.
73
MERCURE DE FRANCE,
Itinéraire complet de la France , ou Tableau genéral
de toutes les Routes & Chemins de traverfe
de ce Royaume ; auquel on a joint l'Itinéraire des
Pays - Bas , & la direction des Routes aux Villes
capitales des Royaumes qui avoifinent la France s
orné d'une Carte géographique ; par M. L....
D... M... 2 gros Vol. in-4 . Prix , 18 liv . br.
avec la Carte. A Paris , chez Louette , Libraire ,
Cloître St-Germain- l'Auxerrois .
Le titre de cet Guvrage en explique le ſujet &
en démontre l'utilité.
Les Etats de Champagne , par M. Buirette de
Verrières ; Brochure de 61 pages . A Châlons, chez
Seneuze , Imp-Lib.
FABLE.
TABLE.
Charade, Erig. & Log.
3 Mer étis.
6 Comédie Françoife.
30
40
Annonces & Notices . 46
Moife confidéré comme Légif
lateur.
APPROBATION.
J'ai lu , par ordre de Mgr . le Garde des Secaux , AI
le MERCURE DE FRANCE , pour le Samedi 6
Décembre
1788. Je n'y ai rien trouvé qui puille en empêcher l'impreffion
. A Paris , les Décembre
SÉ LIS.
1788.
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 13 DÉCEMBRE 1788 .
PIÈCES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
ROMANCE .
APPRENEZ-MOI fi c'eft ainfi
Qu'on eft fidèle à la Maîtreffe ?
Loin de la jeune F ……………
De pleurs d'amour l'oeil obfcurei ,
J'y fonge & j'y fonge fans caffe.
L'HIVER a fait place au Printemps
Depuis que j'ai perdu ma Belle.
J'entendeis dire . O le bon temps !
Je voyois tous les coeurs contens ,
Et moi je gémiffois loin d'elle.
No. 5o. , 13 Dec. 1788. Ch
So MERCUKE
PRINTEMPS , tes dons font fuperflus :
Pour parer fon joli corfage ,
Hélas ! ces fleurs ne naîtront plus ,
Ni , difois-je , ces bois touffus
Pour cacher notre badinage.
J'ai vu dans ce riant vallon ,
De fon fouple & naiffant feuillage ,
Notre vigne enlacer le trenc
De l'arbre où j'ai gravé fon nom ....
Et j'ai pleuré fous fon ombrage.
CESSEE donc vos accords touchans ,
Ai- je ofé dire à Philomeles
Vous rappelez fus doux accens ;
Mais pour m'égayer par ves chants ,
Nous fommes trop lein du modèle.
POURTANT j'ai gémi dans ce bois ,
Voyant que l'herbe printanière
Que nous foulâmes tant de fois ,
N'avoit pas , au plus bau des mois ,
Repris fa parure ordinaire.
SOUDAIN j'ai tracé fur l'ormeau ;
גכ Gazon , à notre amour fidèle ,
» Ne croiffez qu'au Printemps nouveau ;
» Mais alors renaiffez plus beau ,
Pour fervir de trône à ma Belle « .
( Far M, le Ch. de N
DE
FRANCE.
DIALOGUE
Entre
BOILEAU &
HELVÉTIUS
BOILE A U..
Nous perdimes bien du temps , vous & mo .
HELVETI U S.
Je trouve que le vôtre fat très -utilement employé.
BOILEAU. Vous préchâtes la bienfaiſance aux
homines ; je recommandai le goût aux Anteurs.
Le goût n'en eft pas moins perverti , les hommes
n'en font pas plus bienfaifans.
HELVETIUS . Vous joignites pourtant l'exemple
au précepte , ce qui eit bien fare parmi les Ecrivains.
BOILEAU. Vous cûtes le même avantage ; ce
qui n'eft pas moins rare , nême parmi les Philofophies.
Ce n'eft pas d'ailleurs le feul point de
reffemblance qui exifte entre nous. J'eus pour en
nemis tous ceux que j'entrepris d'éclairer ; v us
futes perfécuté dans le fiècle qui profitoit de vos
lumièrés. Nos leçons nous ont furvécu ; mais
nous ne furvécûmes point à la perfécution.
HELVÉTIUS . Elle ne dut vous inquiéter que
foiblement. Les fuffrages de Louis XIV , ceux de
C2
52 MERCURE
tout ce que la Cour avoit de plus éclairé , ceux
même des plus grands Génies qui illuftroient ,
comme vous , le dernier fiècle , étouffoient les
fourdes clameurs des Cotins du temps.
BOILEAU. Croyez-moi , chaque fiècle & chaque
genre auront toujours leurs Cotins. Le mien
me traitoit de pitoyable Rimeur ; & il fut fifflé :
les vôtres , dit-on , vous firent des reproches plus
importans ; & ils furent accueillis .
HELVETIUS . Ils parvinrent à faire profcrire
mon Ouvrage par autorité.
BOILEAU. L'Ouvrage vraiment profcrit eft celui
qu'on ne lit point. Le lit-on ? nulle autorité
ne peut le profcrire./
-
HELVETIUS. La vérité eft une Ifle environnée
d'écueils . On prétendit que ma nef ne les avoit
pas efquivés tous , qu'elle avoit même été entamée
par quelques uns. Je foutins que ma nef
étoit faine & entière . On infiſta , & moi je n'infiftai
plus. Je déclarai franchement que fi par
hafard
mon vaiffeau avoit pris quelque fauffe route,
mon intention avoit , du moins , toujours été de
lui faire prendre la meilleure .
BOILEAU. Je parierois mon Art poétique & mon
Lutrin , que les délateurs ne furent pas encore fatisfaits
.
HELVÉTIUS . De tels paris ne vous priveront
jamais de vos deux Chef- d'oeuvres . Peut- on impofer
filence à l'Envie , & à certain Monftre plus
ardent , plus actif , plus dangereux que l'Envie
même ?
BOILEAU. Je vous difpenfe de le nommer ; cat
DE FRANCE.
53
une des chofes qui l'irrite le plus , c'eft d'être
appelé par fon nom.
HELVETIUS . Heureufement ce lieu paiſible n'eft
point de fon domaine.
BOILEAU. Je ne m'amuferai point ici à dogmatifer
, quoique j'aye fait autrefois une Satire
fur l'Equivoque , & une Epitre fur l'Amour de
Dieu . Mais j'avoue que j'ai peine à vous paffer
le réſultat d'un de vos principes les plus favoris .
HELVETIUS . Daignez vous expliquer.
BOILEAU . Vous donnez fur nous trop d'influence
à l'inftruction , & point affez à nos facultés
naturelles. Si je vous en crois , la feule éducation
met quelque différence entre les individus de la
même efpèce ; j'entends de l'efpèce humaine. Ce
que
fait un homme , un autre peut le faire . Ainfi ,
avec une éducation pareille à la mienne , Antoine,
mon Jardinier d'Auteuil , auroit pu me répondre
auffi élégamment que je lui écrivis ? Non , morbleu
! je ne croirai jamais qu'avec le fecours de
toutes les Univerfités de l'Europe , ni Cotin ni
Pradon euffent pu faire dix vers de l'Art Poétique.
HELVETIUS. Je le penfe comme vous ; mais on
a mal faifi mon principe. On particularife , & je
n'ai voulu que généralifer. Un de nos Ecrivains
célèbres , dans un genre où il est affez difficile
d'être même Ecrivain paffable , Montefquieu , avoit
paru donner trop à l'influence du climat fur les
meurs , le caractère &des facultés , foit morales,
foit phyfiques, de chaque Nation . Il nous donnoit
pour maxime une fimple hypothefe . J'en fentis
le foible , & j'entrepris de le faire fentir à d'autres
. Je voulus démontrer , & je penfe y avoir
C 3
54
MERCURE
réuffi , que tel ou tel genre d'inftruction influe
defpotiquement fur le caractère général d'un Peuple
; qu'il rectifie & fon caractère primitif, & juf
qu'à cette prétendue influence du climat ; que
Lycurgue auroit pu établir fes Loix à Sybaris
comme à Lacédémore , & que fans les Loix de
Lycurgue , les Spartiates pouvaient devenir euxmêmes
des Sybarites ; que Rome produifit des Héros
fous les Scipions , les Emiles , & c.; mais que
dans une République où l'inftruction auroit été
plus favante que guerrière , Célar , le premier
des Capitaines , auroit pu n'être que le premier
des Géomètres ou des Hiftoriens .
BOLLBAU. Céfar eût été Géomètre ou Hiftorien
, parce que la Nature l'avoit réellement créé
l'un & l'autre . Il fut également redevable à la
Nature , de fes prodigieux talens pour la guerre.
à
HELVETIUS . Oui ; mais dans un Gouvernement
pacifique , il n'eût peut- être jamais commandé une
Légion , il cût ignoré combien il étoit propre
Occuper la plumme des Hiftoriens , & auroit occupé
la fienne à célébrer les actions d'autrui .
:
BOILEAU. Je crois pourtant que Racine & moi
nous euflions fait des vers , quand même il n'y
auroit cu ni Cotins ni Pradons en France mais
qu'importe ? On peut fe tromper en fait de raifonneinens
, & ne point fe méprendre en fait de
conduite. C'eft fur ce dernier point que je vous
réferve un compliment.
HELVÉTIUS . Vous n'en fûtes jamais prodigue .
Il n'en fera que plus flattcur pour moi.
BOILEAU . Il vous eft dû. J'ai vu quelques
Ecrivains facrifier leur talent à la richeffe ; je
DE FRANGE,
SS
n'en ai vu aurun immoler , comme vous , la richeffe
à fon talent.
HELVETIUS. Mais vous - même ne .fîtes - vous
pas au vôtre certains facrifices ?
BOILEAU. Oui, fi c'en eft un de préférer le
Parnafle au Barreau , & de quitter un champ
couvert de ronces pour un parterre émaillé de
fleurs. Je fecouai la poudre du Greffe , & je ne
tardai point à me voir accueilli dans le Palais
de nos Rois. Mon amour- propre en fat d'abord
farré ; mais tout palle , & je Anis par préférer
au fuperbe Verfailles ma petite maiſon d'Auteuil.
HELVETIUS. J'ai moi - même préféré un riant
hermitage au riche & matériel Palais de Plutus .
T'ajouterai que ma retraite fut moins tardive que
la vôtre .
BOILEAU. Je le fais ; & j'en fais , de plus , la
railon. L'amour - propre vous relégua de trèsbonne
heure dans votre folitude ; l'amour-propre
me retint un peu tard à la Cour. Il fera toujours
plus facile de renoncer à l'argent, qu'aux honneurs,
à l'intérêt qu'à la vanité.
( Par M. de la Dixmerie. )
C 4
56 MERGURE
Explication de la Charade , de l'Enigme & ↓
du Logogriphe du Mercuré précédent.
LE
E mot de la Charade eft Coq d'Inde ;
celui de l'énigine et l'Habitude ; celui da
Logogriphe et Groffeffe , où l'on trouve
Rofe, Or , Effor, Ofe , Roffe , Ogre, Serge,
Orge, Ré, Ere, Gros, Os.
CHARA D´E.
Tupeux tous les huit jours jouir de mon premier,
Et mon tout finiſſant met fin à mon dernier .
( Par Mlle. J. des Andelis . )
ENIGM F.
Nous fommes deux ; notre union
N'opère que divifion .
( Par la même. )
LOGO GRIPHE.
UNE note , un pronem , te fuffifent , Lecteur ,
Pour voir en moi , dans l'Inde , un Pontife , un
Docteur.
( Par un Abonné. )
DE FRANCE.
57
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
EUVRES complettes de Gilbert. A
Paris , chez Lejay , Libraire , rue Neuve
des Petits- Champs , près celle de Richelieu
, au grand Corneille.
ON peut promettre
à ces OEuvres de M.
Gilbert, un fuccès dont il eft plus généreux
d'attribuer
l'efpérance
au talent reconnu de
ce Poëte , qu'à l'attrait du genre fatirique
pour le plus grand nombre des Lecteurs.
Cette édition eft ornée de fon portrait , au
bas duquel on lit ces vers :
Rouffeau fut fon modèle, & Defpréaux fon Maître.
Il offre quelquefois leur vers pur & nerveux ,
Et moiffonné plus tard , il auroit fu peut-être ,
De l'aveu d'Apollon , fe placer auprès d'eux .
Ces vers d'un Amateur anonyme , dont
l'efprit , le goût & les connoiffances font
dignes d'un véritable Hommé de Lettres ,
me paroiffent , pour la mémoire de M.
Gilbert , une diftinction fort honorable .
Si cet article , deftiné à rendre compte des
OEuvres de ce Poëte , n'eft pas tout- à - fait
C S
MERCURE
conforme à l'opinion qu'ils contiennent ,
c'eft qu'une infcription n'eft pas un examen
, & qu'un examen ne peut pas toujours
être un éloge .
On préfume bien que les jugemens portés
dans quelques Journaux fur ce jeune Satirique
feront contradictoires ; l'efprit de
parti , effet inévitable des hoftilités de la
Satire à l'égard des talens célèbres , furvit
fouvent à l'animofité des combattans euxmêmes,
& fi dans le monde il s'éteint faute
de nourriture , il trouve dans des Feuilles.
littéraires un aliment périodique . M. Gilbert,
confidéré comme Auteur de Satires , offre
la Critique l'occafion chérie de fignaler
envers des Ecrivains vivans une attaque
njurieuſe ou une défenſe adulatoire. Quant
au premier parti , on n'a point d'efforts à
faire ici pour en éviter le fcandale & la
honte ; quant à l'autre , ces Ecrivains même
en défavoueroient la foibleffe . Sculement
je ne crois pas devoir négliger les obfervations
commandées par l'opinion publique ,
& pour ne citer que Voltaire fur lequel
M. Gilbert a fait ces deux vers ironiques :
Sa profe , fans mentir , & fes vers font parfaits ;
Le Mercure , trente ans , l'a juré par extraits.
J'avoue que le Mercure , par cet extrait
encore , fera fidèle à fon ferment. Il eft
temps d'en venir à la profe & aux vers de
M. Gilbert lui - même. Né Lorrain , il a
DE FRANCE .
59
rendu hommage au Légiflateur de la Lorraine
, à un Prince qui difoit : » Je def
,,
>>
cendrois aujourd'hui du Trône , ſi je ne
pouvois plus faire du bien à mes Peuples « ,
Son Eloge de Léopold Ier . n'eft pas l'ouvrage
d'un bon Orateur , mais il eft celui d'un bon
Citoyen, Cet Eloge eft fuivi d'une Diatribe
au fujer des Prix Académiques. L'Auteur
les avoit difputés fans fuccès . On dit qu'il
faut pardonner aux vaincus cette vengeance
qui les confole. Soit : mais quel eſt
donç cet amour - propre mal-adroit , quel
eft ce procédé plus littéraire que moral ,
qui , pour fauver l'efprit, compromet le caractère
? C'étoit pour M. Gilbert un calcul
d'autant plus malheureux , que fa Diatribe
compromettoit fon efprit même.
Mais il ne faut juger le talent que fur
les Ouvrages où il fe manifefte. D'après ce
principe , nous laifferons de côté le Poëte
malheureux , qui fembloit la production du
délire , comme le prouve ce vers :
Je puis être , du moins , fameux par mon audace;
Et l'Héroïde de Didon à Enée, où on lit :
Viens , je languis ; je venx, dans nos embraffemens ,
Faire envier ton fort aux plus heureux Amans,
Ces vers expliquent comment Zaïre a
pu paroître à M. Gilbert un chef- d'oeuvre
faux. Il eft plus intéreffant de le confidé-
C6
MERCURE
rer comme Poëte lyrique. Son Ode fur le
Jugement dernier occafionnera quelques réflexions.
Dans cette Ode, le rhythme change
à chaque ftrophe , & pourtant cette variété
ne produit aucun effet d'harmonie . D'abord
c'eft que le Poëte a oublié que pour une
oreille fenfible , le mélange des mètres
n'eft ni indifférent ni arbitraire , & qu'ils
ont leurs mefures analogues dont il faut
obferver l'accord ; enfuite c'eft que le nombre
, la cadence & le développement de
la période poétique n'y correfpondent pas
avec préciſion au mouvement des fentimens
, des penfées & des images . Quant
aux fentimens , nous en parlerons tout à
T'heure. Pour les penfées , elles font trèscommunes
cependant en voici une qui
offre une apparence de grandeur. Le Poëte
dit aux coupables :
Oufuir ? où vous cacher? l'ail vengeur vous pourfuit,
"
.. !
T
Tout eft plein de l'Etre fuprême.
Mais on aimera mieux celle - ci du Père
La Rue , fur le Pécheur après fa mort :
N'ayant , dit- il , que fon péché entre fon
Dieu & lui , & fe trouvant de toute part
environné de l'éternité A l'égard des
images , en voici une qui mérite bien d'être
citée. Young, dans fon Poëme du Jugement
dernier , dit fimplement » Le temps eft
détruit , l'Univers effacé M. Gilbert
revêt cette idée d'une image admirable.
DE FRANCE. 61
L'Eternel a brifé fon tonnerre inutile ;
Et d'ailes & de faux dépouillé déformais ,
Sur les mondes détruits, le Temps dort immobile. ས ༩༦
C'est là peindre comme J. B. Rouffeau ,
qui a fait auili fur le Temps deux vers fublimes
:
Le Temps, cette image mobile
De l'immobile éternité.
Voici un fentiment touchant : " Quel
petit nombre s'eft rangé fous tes loix, "
dit le Poëte en s'adreffant à Dieu !
Des vieillards ! des enfans ! quelques infortunés !
Celui qui fuit doit être relevé. L'Auteur
prête aux élus ce langage fur les coupables
punis.
Vous pleurez ! vains regrets ! ces pleursfont notrejoie.
C'eft bleffer la vérité relative , de fuppofer,
aux ames épurées des Juftes une
fenfation contraire même à la fimple morale
humaine. Cette Ode a beaucoup trop
ce ton accufateur , fi cher à M. Gilbert. Il
s'y montre le délateur du genre humain an
Tribunal fuprême. Ce caractère dénature à
la fois les fentimens religieux & les moyens
de la poéfie. Un tel défaut eft encore plus
fenfible dans l'Ode fur le Jubilé . Ce fujet
eft du petit nombre de ceux que notre Re-
62 MERCURE
ligion rend acceffibles aux Mufes Françoi
fes ; il eft pour celles - ci l'heureuſe occafion
d'avoir auffi leur chant féculaire . Les
Jubilés profanes de l'Antiquité infpirèrent
le Carmen faculare d'Horace. La Religion
du Poëte Latin , toute fabuleufe , & parlà
même toute poétique , ne lui préfentoit,
dans la partie defcriptive du fujet , rien
que de familier à fon art ; mais c'eft de fon
coeur qu'il a tiré la morale que ne lui offroit
point un culte idolâtre , & il fe garde
bien d'en féparer le fentiment & l'indul
gence. Il fait chanter par les choeurs réunis
des jeunes filles & des jeunes garçons ,
ces deux vers charmans :
Di probos mores docili juventæ,
Difeneftuti placida quietem.
Voyons comment M. Gilbert a traité un
fujet plus moral à la fois , plus impofant &
plus aimable. Sur treize ftrophes , une feule
décrit féchement :
Toute une Nation , les enfans , les vieillards ,
Les vierges , les époux , les efclaves , leurs Maîtres,
Conduits en ordre par nos Prêtres .
L
Et trois autres qui , du moins , ont des
beautés , font employées à peindre les vieux
Guerriers , & le concours dans les Temples .
Mais à quoi a-t-il confacré les neuf Atrophes
qui reftent ? à une déclamation contre
l'impiété. C'eft n'avoir vu dans un beau
DE FRANCE. 63
fujet ni le cadre heureux du tableau intéreffant
des cérémonies les plus pittorefques
de notre Eglife , ni le motif précieux d'exprimer
en vers la morale fi pure da Culte
évangélique. Ce commerce céleste établi
entre l'homme & fon Dieu par la prière &
le pardon , n'offroit - il pas à la poéfie les
plus touchantes images ? Ces jours d'indulgence
infpiroient - ils le ton du reproche ?
Il nous femble que cette fête de la grace
devoit être chantée avec l'ame de Fénélon ,
dont fon inftitution offre le caractère. Ces
obfervations n'empêchent pas de reconnoître
dans certe Ode , de la verve , des
mouvemens heureux , & le talent du Verfificateur.
Ces qualités , jointes à l'imagination
poétique , annonçoient dans la plus
grande partie de l'Ode à MONSIEUR ,
homme digne de manier la Lyre de Rouffeau.
C'est l'Eloge que M. de la Harpe fit de
l'Auteur , en citant une ftrophe admirable
de fon Óde fur le Combat d'Oueffant. Je
ne m'arrêterai point fur cette dernière ,
celle où le talent de l'Auteur fe montre
avec le plus d'éclat , & qui , par cette raifon
, fembleroit devoir donner lieu à quelques
détails . Mais l'examen en a été fair
dans ce Journal même, par le Critique fupérieur
qu'on vient de nommer, & cet examen
n'en permet aucun autre , feulement au ſujet
des vers fuivans :
Des dangers qu'il affronte ,
Chacun de vous aurafon père fpectateur.
un
64
MERCURE
J'obſerverai combien cette penfée , d'ailleurs
mal exprimée , eft inférieure à ces
paroles fublimes de Galgacus aux Bretons :
Proindè ituri in aciem , & majores veftros
& pofteros cogitate. On a peu d'éloges à
donner aux autres Odes de M. Gilbert ,
bien peu fur- tout à celle où on lit ces vers
fur Leopold , qui a revivifié la Lorraine :
Il vient ; la paix le fuit, ces offemens horribles
Marchent, courent s'unir, font des hommes terribles.
L'Ode imitée de plufieurs Pfeaumes , &
compofée par M. Gilbert , huit jours avant
fa mort , offre des vers remplis d'une douleur
attendriffante :
Au banquet de la vie , infortuné convive ,
J'apparus un jour , & je meurs .
Je meurs , & fur ma tombe, où lentement j'arrive,
Nul ne viendra verfer des pleurs.
Les amateurs de la Poéfie lui accorderont
du moins des regrets . Ces regrets , il eft
vrai , ne peuvent être ni aufli purs ni auffi
grands que ceux dont jouit encore la mémoire
de Malfilâtre , qui , fupérieur à M.
Gilbert par le talent , l'eft auffi par l'ufage
qu'il en fut faire . Mais fi l'on rapproche la
Pièce intitulée le Poëte malheureux , premier
Ouvrage de M. Gilbert , & cette Ode
qui fut fon dernier , l'intérêt qu'elles infpirent
l'emportera , fans doute , fur l'imprefDE
FRANCE.
GS
fion contraire produite par le ton de fes
deux Satires. On ne veut point perdre de
vue cette obfervation dans l'examen qu'il
eft temps de faire de fon 18e. Siècle & de
fon Apologie.
Les Poéfies de ce genre peuvent être jugées
fous deux afpects . Il faut voir fi ce
qu'on y dit eft vrai , & fi ce vrai eft convenablement
énoncé. C'est une remarque
de Voltaire dans un examen pareil . Confidérons
d'abord le fond des choſes dans les
Satires de M. Gilbert .
Sa Satire du 18e. Siècle commence par
attribuer à un Monfire la perte des moeurs
& la chute des Arts. Si ce Monftre eft ce
qu'on a nommé la fauffe Philofophie , on
ne voit pas fur quoi l'Auteur fonde le pouvoir
qu'il lui fuppofe ; les Ecrits feuls de
cette fauffe Philofophie auroient fuffi pour
décréditer fes opinions. Il faut donc le dire ,
c'eft -là un des artifices de l'efprit de parti ;
l'objet de cette allégorie étoit d'attaquer ',
en le dénaturant , l'efprit philofophique de
ce Siècle. C'étoit , en apparence , démafquer
le vice ; c'eft , en effet , avoir maſqué
la fageffe. Une contradiction du Poëre rend
plus fenfible encore ce manque de vérité.
Tout le monde, dit- il, fans s'en appercevoir:
En ftyle de fermon ,
De longs Ecrits moraux nous ennuie avec zèle.
Hâtons-nous de le fuivre fur les pas de
nos Grands. Le reproche fuivant paroîtra
peu raifonnable :
66
MERCURE
Par d'autres avec art une paume lancée ,
Va , revient , tour à tour pouffée & repouffée .
Sans doute c'eft ainſi que Turenne & Villars
S'inftruifoient dans la paix aux triomphes de Mars .
Ce n'eft point là fe plaindre en Satirique
, mais en Pédagogue . La peinture qu'il
fait de leur dépravation offre des traits
mieux faifis , & plus dignes de la Satire.
Dans les vers contre les Femmes , le morceau
qui commence ainfi :
J'aurois pu te montrer nos Ducheffes fameufes.
"
eft plein de ces affreufes vérités que Boileau
trouvoit dans Juvénal. Mais ces vérités
difficiles fans doute à bien exprimer , ne
l'étoient point à reconnoître ; & pour éviter
en ce genre la déclamation & les lieux
communs , le Poëte doit avoir des vûes qui
lui appartiennent : c'eft ce qu'exprime ce
vers de Delpréaux :
La Satire , en leçons , en nouveautés fertile .
Ce mérite eft rare dans M. Gilbert ; il
n'offre guère qu'un exemple d'un apperçu
nouveau. C'eft dans un portrait qu'il nous
fuffit d'indiquer :
Parlerai-je d'Iris ? chacun la prône & l'aime .
La fauffe fenfibilité , par un contrafte excellent
, de ridicule y devient odieufe , ce
qui eft le complément de la Satire .
DE FRANCE. 67
Si dans la Satire morale , M. Gilbert tire
du moins l'avantage d'être vrai , du malheur
d'être le plus fouvent commun , on fait que
dans la Satire littéraire il joint à ce dernier
défaut de fes obfervations générales , l'injuftice
des applications particulières . Faire fentir
ici le ridicule de fes vers contre ceux
de Voltaire , ce feroit aujourd'hui paroître
fe défier de l'opinion publique ( 1 ). Je me
bornerai à unefeule preuve du défaut de vérité
qu'on reproche à M. Gilbert.
Les corrupteurs du goût en paroiffent les Dieux.
Si Clément les profcrit , La Harpe les protége.
Les Eloges de Racine , de Fénélon , de
La Fontaine , font-ils d'un Ecrivain qui protége
le mauvais goût Un menfonge ne
doit pas être un des moyens de la Satire.
Quant à fa critique générale des Arts , comme
il n'a guère fait que verfifier les plaintes
qui rempliffent depuis long- temps les
Feuilles littéraires , c'eft en qualité de Poëte
& de Verfificateur qu'il fe préfente maintenant
à la cenfure & aux éloges.
Il ne fuffit pas que la Satire foit vraie ,
on exige du Poëte l'art de la compofition ,
(1) Ces vers de M. Gilbert contre Voltaire font
une copie de ceux de Boileau contre Chapelain
Satire IV : c'eft un étrange renversement . Au refte,
M. Gilbert n'avoit pas toujours penſé de même .
Voyez dans les OEuvres de M. Paliff.... une Lettre
fur quelques Satiriques modernes.
68 MERCURE
8
c'est - à - dire , l'intérêt du plan & du ftyle.
Lorfque le fujer admet quelque étendue ,
Horace adopte la forme dramatique ; il
trouve toujours un motif ingénieux & un
cadre piquant . Un exemple de ce genre
de
beauté , c'eft la Satire où Dave fon Valet
profite de la liberté des Saturnales pour lui
dire fes vérités. La IXe. Satire de Boileau
offre le même mérite. Voltaire en a donné
un modèle dans le Pauvre Diable ; & l'Ombre
de Duclos fe diftingue de même par
une invention heureufe. M. Gilbert a refufé
ce plaifir à fes Lecteurs. Le plan de
fon 18e. Siècle ne préfente que l'uniformité
didactique. Dans fon Apologie , qui n'eft
que le commentaire de l'autre , il introduit
un Interlocuteur ; mais le motif du dialogue
n'eft point intéreffant , & le ton a trop le
caractère qu'exprime ce vers de l'Ouvrage :
Philofophe , excufez ma candeur infolente.
Le Philofophe pouvoit lui répondre avec
Boileau :
Je veux dans la Satire un efprit de candeur ,
Et fuis un effronté…
Si l'invention dans le plan manque à M.
Gilbert , du moins il parle fouvent la Langue
du Poëte , & il poſsède mieux encore
l'art du Verificateur. Nous ne nous arrêterons
point aux critiques de détail , elles ont
été faites ailleurs ; mais ce qu'il faut redire,
DE FRANCE. 69

c'eft que dans ces deux Pièces , Je talent ,
le vrai talent domine . Les bornes de ce
Journal ne permettent pas d'en rapporter
les preuves nombreuſes . Des citations nous
mèneroient trop loin; elles feroient d'ailleurs
inutiles , puifque ces deux Satires font connues
depuis long- temps . C'eſt par cette
dernière raifon que dans cet examen on
n'a point dû propofer un jugement , mais
plutôt démontrer l'opinion générale . On a
cru plus dignement l'interpréter , en indiquant
, de préférence , les morceaux de
l'Auteur , qui peuvent laiffer à la fois , fur
fon talent & fur fa perfoane , des impreffions
également honorables. On a réclamé
contre quelques qualifications , parce qu'il
eft dangereux de propager une erreur quelconque,
& lâche de perpétuer une injuftice.
D'après ce fentiment , on a dû omettre furtout
les vers de Satire perfonnelle : mais il
eft vrai de dire que quelques - uns de ces
vers , quoique dénués ordinairement d'efprit
& de goût dans la plaifanterie , ont au
moins un tour qui les grave dans la mémoire
; qualité d'autant plus perfide , que
la malignité qui les retient s'en fert habilement
pour en juftifier le fouvenir . Au
refte , fi M. Gilbert n'a pas craint d'attaquer
plufieurs des hommes les plus diftingués de
la Littérature , il a voulu fans doute imiter
les Satires, Athéniennes , qui , comme on
fair , avoient pour objet de tourner en ridicule
les Dieux & les Héros de la Grèce
79 MERGURE
,
& puifque ces Satires n'étoient regardées
que comme des jouets , joci , dit Horace
celles de M. Gilbert, qui n'ont rien d'Attique
en ce genre , fi ce n'eft cette injuftice,
font néceffairement encore plus fans conféquence.
Ce qui eft moins excufable &
un peu plus important , c'eft l'accufation
d'athéifme & d'irréligion , qui , de nos jours,
a été l'arme ordinaire de l'envie , & dont
la mode et heureuſement paflée . La cenfure
a fes limites ; & comme écrivoit Voltaire
à M. de Cideville : » Tous les honnêtes
gens qui penfent font crinques ; les
malins font fatiriques ; les pervers font des
libelles ".
Il réfulte des deux parties de cet examen ,
cette diftinction fenfible , que dans l'Ode ,
l'Auteur , malgré fes fautes , paroît avoir
poffédé les facultés qu'elle demande ; & que
dans la Satire , malgré fes beautés , il n'a pas
eu tous les moyens qu'elle exige . Il réfulte
enfuite du résumé général , que M. Gilbert,
envifagé uniquement comme Poëte & comme
Verfificatcur , s'eft montré l'un & l'autre
à un degré diftingué dans des détails
dont plufieurs font d'un mérite rare ; il
promettoit même , fous ces deux afpects ,
une forte de caractère. Il recherchoit furtout
dans fes expreffions la nouveauté des
alliances ; & dans fes vers , l'éclat d'une
mefure fonore. Mais ces effets , qui , dans les
grands Maîtres , ne font qu'une des parties
de leur art , paroiffent trop dans M. Gilbert
DE FRANCE.
71
le principal moyen de fon talent. Cet ex-.
polé nous amène à conclure que le genre
de l'Ode convenoit à ce Poete bien plus
que le genre de la Satire , qui eft ainfi caractérisée
par Defpréaux :

L'ardeur de fe montrer , & non pas de médire ,
Arma la Vérité du vers de la Satire.
-On faura gré à l'Editeur d'avoir donné
au Public les OEuvres completres de M.
Gilbert. L'Edition eft accompagnée d'une
Notice intéreflante far la vie de ce Pre
mort avant 30 ans , des fuites d'un accident
qui avoit aliéné la raifon.
( Cet Article eft de M. de Boisjoflin. )
LA Vifite d'Eté, ou Portraits modernes ;
par l'Auteur de Georges Bateman &
Maria, traduit de l'Anglois , par M. dɛ
LA MONTAGNE , Auteur de plufieurs
Ouvrages dramatiques. 1 Vol. in- 12. A
Paris , chez Knapen & Fils , Libr- Impr.
au bas du Pont Saint- Michel.
L'action de cet Ouvrage eft extrêmement
fimple ; néanmoins elle eft très - attachanie ,
& peu de productions de ce genre le feront
lire avec plus d'intérêt par les perfonnes
72 MERCURE
qui aiment que les Romans feient établis
fur des faits dont la vraiſemblance reffemble
à la vérité elle - même . Nous allons
faire connoître , le plus brièvement & le
plus exactement poflible, la fable de celuici
, dont l'intention morale nous paroît
excellente .
M. Conway vit dans la plus tendre intimité
avec fon épouſe Mathilde . Amateur
de Tableaux , d'Antiquités , de Statues , il
force quelquefois fa dépenfe fur ces objets ;
mais Mathilde répare ces excès par une
économie & par des privations qui ont
pour but de lui conferver le coeur de fon
époux. Madame Conway fe croit d'autant
plus obligée aux facrifices qu'elle fait , que
s'étant mariée malgré fon père, elle n'a point
apporté de fortune à fon mari . Rien ne
femble devoir troubler le bonheur dont
ils jouiffent , quand un Sir Harry Gaythor ,
ne , ami de M. Conway , vient à fe marier,
lui fait part de fon mariage , & l'invite ,
ainfi que Madame Conway, à venir paffer
T'hiver à la ville , en promettant d'aller
paffer avec eux une partie de l'été à la
campagne. Le voyage plait à M. Conway ,
& déplaît à fa femme , & les prétextes
qu'elle emploie pour fe difpenfer de le
faire , élèvent de petits nuages ( entre eux.
Cependant Mathilde fe détermine encore
à fatisfaire fon époux ; mais leur départ .
eft retardé par la mort prefque fubite d'un
de leurs enfans , & ils ne peuvent fe rendre.
à
DE FRANCE.
23
4
à Londres qu'à la fin de l'hiver. Sic Harry
les reçoit avec cordialité , Lady Gaythorne ,
avec des manières. Lady eft une de ces
femmes vaines , artificieufes , & coquettes,
qui , égarées par leur aveugle orgueil , fe
croient faites pour plaire & pour charmer ,
& dont la grande occupation eft de chercher
à réparer par les refources de l'Art les
petites négligences de la Nature. Elle fair
d'abord une médiocre attention à M. & à
Mme. Conway , & même elle les humilie
en quelque façon par les égards qu'elle
accorde devant eux à des originaux dont
l'Auteur trace des portraits affez piquans ; -
mais peu à peu elle s'humanife , & forme.
le projet de rendre M. Conway amoureux ,
par la feule raifon qu'elle lui connoît de
la philofophic , & une véritable tendreſſe
pour Mathilde . M. Conway eft d'autant plus
facilement féduir , que fa confiance dans fes
principes lui ferme les yeux fur les piéges
qu'on lui tend. Avant de quitter Londres ,
il a déjà trouvé Lady Gayrorne plus aimable
& plus fenfible qu'il ne l'avoit cru au
premier afpect. De retour chez lui avec
Sir Harry , Lady Gaythorne & quelques
autres perfonnes , il fe laiffe infenfiblement
entraîner , & il oublie tout ce qu'il doit
à fon ami & à fon époufe. Le remords.
commence à lui faire expier fa faute. Bientôt
une indifcrétion de Lady Gaythorne met
leur fecret dans les mains d'un méchant
homme, qui en inftruit Sir Harry. Malgré
N® . Jo . 13 Dức . 1788.
"1
74 MERCURE
le chagrin que celui - ci a éprouvé d'avoir
été trompé par fon ami & par fa femme ,
il tempère l'éclat de fon reffentiment , il fe
fépare de Lady Gaythorne , & il écrit à
Conway une lettre accablante par la mo
dération même des reproches qu'elle contient.
M. Conway ne peut fupporter le
poids de fa faute , il la diflimule pourtant
à Mathilde ; mais il tombe malade , & dans
un fommeil très- agité , il fait des aveux
propres à éclairer fa malheureufe épouſe ,
qui prend tout-à- coup la réfolution de vivre
avec fon mari comme avec le père de
fes enfans , mais en même temps comme
avec un homme qu'on a ceffé d'aimer. C'eft
en vain que Conway cherche à rendre fa
femme à fes premiers fentimens ; Mathilde
demeure inflexible . Conway au défefpeir
quite fa mailon , marche vers Londres , y
trouve le téméraire auteur de tons fes maux ,
fe bat en duel, mande fa femme , qui vient,
qui oublie tout & pardonne tout ; mais il
n'eft plus temps , rien ne peut rappeler à
vie infortuné Conway, qui , à fa dernière
heure , reçoit la vifite & le pardon
de Sir Harry , & expire dans les fouffrances
les plus douloureufes.
Tel et le fonds de ce Roman , qui eft
femé d'épifodes , dont les unes ont de la
gaîté , & les autres de l'intérêt. » Le but
moral en eft bien marqué ( dit le Traducteur
dans 22 une Lettre à M. le Cheva-
1.
DE FRANCE. 75
""
و د
و ر
33
""
» lier de Périgens , qui fert de Préface à fa
Traduction ) , & d'une grande impor-
" tance pour les perfonnes mariées. Les
fermes honnêtes & délicates verront
avec plaifir le fpectacle , bien rare de
" nos jours , des amours fecrets qui déchirent
un époux qu'un moment d'erreur
» a rendu infidèle envers fon épouſe . Les
hommes feront obligés de reconnoître
que , fi les foibleffes de ce genre ont
des conféquences plus graves lorfqu'une
femme en devient coupable , le crime
» en eft toujours le même dans fon principe
pour les deux fexes , & qu'ils font
également aftreints l'un & l'autre aux
Loix de la fidélité , ainfi qu'aux autres
devoirs qu'impofe le joug de l'hyménée
Cette morale ne fera guère de mife dans
le moment où nous vivons , parce qu'elle
eft abfolument contraire aux principes relâchés
qu'ont trop malheureuſemant adoptés
tous les ordres de l'Etat ; mais elle n'en eft
pas moins judicicufe ni moins vraie . Cette
Traduction et écrite avec pureté & avec
élégance : elle et accompagnée de Notes
critiques , qui prouvent que M. de la Montagne
joint du goût à une belle érudition
& à des connoiffances fort étendues .
و د
D2
46 MERCURE
EUVRES Complettes de Madame de
Graffigny. 4 petits Volumes. A Paris ,
-chez Letellier , Libraire , quai des Auguftins.
Cette édition , foignée & ornée d'un
portrait de l'Auteur , renferme tout ce qui
méritoit d'être recueilli . Après les Lettres
Péruviennes , cet Ouvrage d'un genre fi
neaf , d'un fentiment fi profond , d'un coloris
fi btillant & fi varié , on a placé les
Lettres d'Aza , qui ont le caractère & le
mérite de toutes les continuations.
La Pièce de Cénie , en cinq Actes & en
profe , eft , après Mélanide & la Gouver
nante , l'une des meilleures qui aient été
faites dans le genre pathérique. Cette eſpèce
de Roman et écrit avec délicateffe , &
plein de traits finement rendus.
La Fille d'Ariftide , autre Pièce en cinq
Actes & en profe , eft plus faite pour la
lecture que pour la repréſentation . Le fentiment
& l'honnêteté, refpirent dans ces
deux Drames . On ne peut leur reprecherque
quelques longueurs & une métaphy
fique un peu trop fubtilifée .
DE FRANCE. 79%
Ce Recucil eft terminé par une Nouvelle
Efpagnole , intitulée : Le mauvais
exemple produit autant de vertus que de
vices. Ce Conte intéreffant , queiqu'imparfait,
fut la première Production de Madame
de Graffigny. I cft très peu connu , &
n'exifte que dans un Ouvrage qui parut
en 1745 , fous le titre fingulier de Recueil
de ces Meffieurs. La diction parut recherchée
, mais remplie de graces & de fentimeat.
Les Lettres Péruviennes , fi connues
de touté l'Europe , & dont J. J. Rouffeau
lui-même faifoit un cas tout particulier ,
eurent un fuccès prodigieux & mérité.
C'est là qu'on trouve fouvent le ton des
Lettres Perfanes , & qu'on voit des peinteres
nouvelles de l'amour , & une foule
d'expreffions heureufes & fouvent créées .
Ces Lettres ont eu , comme tous les Ouvrages
originaux , l'honneur ou le malheur
de faire naire plafieurs imitations fans ftyle
& fans génie , qui , après avoir éte lues à
Paris , ont été, comme tant d'autres Romans ,
>>
Border le noir rivage.
On n'a pas l'honneur de fe faire admirer
, fans avoir celui de fe faire hair ;.
avec de grands talens & des vertus , on a
bientôt des ennemis. A ces titres , Madame
de Graffigny en mérita & en eut. Ils employèrent
contre clle leur arine ordinaire ,
D3
78 MERCURE
la calomnic. Cependant , forcés de refpecter
fes moeurs , ils l'accufèrent de n'être point
l'Auteur de fes Ouvrages , accufation renouvelée
contre toutes les femmes qui
ont écrit avec quelque fuccès , & prefque
toujours auffi dépourvue de vraifemblance
que de vérité. Zilia & Cénie font
deux foeurs qui fe reflemblent trop pour
n'avoir pas la même mère. -- Madame de
Graffigny mourut à Paris en 1758 , âgée de
64 ans. Elle étoit née à Nanci vers la fin
du fiècle dernier.
و د
-
Cette Collection fait fuite à celles qu'un
Littérateur eftimable a données des Cuvres.
de Mefdames de Landine , de l'Académie
de Lyon , de la Fayette & Tencin.
H
DE FRAN C.E. 79
VARIÉTÉ S.
SUR L'ENCYCLOPÉDIE.
Lettre de M. PANCKOUCKE aux Libraires.
MESS ESSIEURS ,
ON vient de mettre en vente la 19º. Livraiſon ( 1 )
de l'Encyclopédie ; la 30e . paroîtra dans le cou
rant du mois prochain , au plus tard . Elle contiendra
un Volume de Planches & quatre Parties
de Difcours. Cet objet , qui fera donné en compte ,
réglera en entier les deux Soufcriptions pour 53
Volumes de Difcours & 7 de Planches , dont
l'une eft au prix de 672 liv . & l'autre à celui
de 751 liv. Il me fera même du une petite foame
par les premiers Soufcripteurs , ainfi que par les
feconds , dont le montant fera joint au prix de
la 31e. Livraiſon. Il me fera dù en outre par les
Soufcripteurs à 751 liv. une fomme de 79 liv.
2
( 1 ) Cette Livraiſon eft compoſée du Tome V , Ire.
Partie , des Arts & Métiers ; - du Tome III , Ire . Partie ,
de l'Hiftoire du Tome III , lle . Partie , & du Tome IV ,
Ite. Partie , de l'Economie politique . Le prix de cette Li
vraiſon eft de 21 liv . en feuilles , & de 23 liv. br . Le port
elt au compte des Soufcripteurs.
D 4
MERCURE
dont ils tiendront compte fur les quatre dernières
Livraifons de l'Encyclopédie. Tout ce a
fera expliqué en détail dans un Mémoire codérable
qui et actuellement fous prefe , qui
parcîtra avec cette 30. Livraifon , & qui mettra
fin , à ce que j'efpère , à pluficus difficultés nou
fondées que quelques Soufcripteurs ont élevées ,
& fera connoître l'univerfalité , feus tous les
rapports , la grandeur de l'édifice que cent Aucurs
de la Capitale élèvent à la gloire des Lettres
& de la Nation.
Ce. Méncire contient douze objets principaux :

1º . Des repréfentations que j'adreſſe aux Sou
cripteurs , ou on leur annonce qu'ils auront 46 à
48 ( 1 ) Volumes à 6 Ev. au lieu de 12 ; quoiqu'en,
Frenant le véritable efprit du Profpectus , on pearrou
n'être tenu que deleur en donner 3 à 4 , & qu'un
Entrepreneur qui confultoit moins la perfection
de l'Ouvrage que fes intérêts , pourroit encore
s'y réduire aujourd'hui , en convertiffant en Suppiemens
los Volumes expédans relatifs aux Dictionnaires
dont le Profpectus fait mention.
2. Lettre aux Auteurs de l'Encyclopédie.
3 ° . Sur les prétendus bénéfices de cet Ouvrage.
4. Tableau & apperçu ( 2 ) du.nombre de Vol.
(1 ) Sur ce feul objet , les Soufcripteurs ont un bénéfico
de 88. liv Leur bénéfice total fera de plus de 600 liv.;
& l'Encyclopédie aquelle comprendra le quadruple de
la piemière. Tout cela et démontré dans les repréfent .
tations.
(2) On ne peut n'ême encore aujourd'hui que leur en
DE FRANCE.
de Difcours & de Planches que doit avoir l'Ercyclopédie
actuelle , avec le détail des accroiffe-:
mens , des changemens , des améliorations , des
parties nouvelles & omifes dans le Profpecus ,
qu'on a jugé à propos de faire & d'ajouter pour
compleuter & perfectionner ce grand Ouvrage.
Ce Tableau contient quarante- quatre Diviſions.-
Il faut que les Soufcripteurs le lifent en entier
s'ils veulent prendre une véritable idée de l'Encyclopédie
actuelle .
5°. Etat du nombre des Dictionnaires qui compofent
les quarante- quatre Divifions du Tableau.
6. Etat des Volumes qui exigent néceſſaire--
ment des Figures..
7. Sur la reliure de cer Quvrage , & fur les
Volumes qui peuvent être actuellement reliés : ces
Volumes font au nombre de 48,
8. Sur le temps où cette Encyclopédie. fera.
terminée .
9. Etat des nouveaux Volumes de Planches &
de Difcours qui paroîtront en 1789.
10. Sur le nombre de feuilles de chacun des
Volumes de Difcours , & fur celui des Planches
faivi d'un réſultat de compte pour les 53 Volumes
de Difcours & les 7 de Planches, pour le prix
de 672 liv. 1re. Soufcription , & de 751 liv. 2e.
Soufcription.
donner un apperçu ; mais cet apperçu no diffère de l'état
véritable , que dans 3 ou 4 Volumes de Difcours , & d'un
Volume de Planches , et plus ou en moins .
D S
MERCURE
dont ils tiendront compte fur les quatre dernières
Livraifons de l'Encyclopédie . Tout ce a
fera expliqué en détail dans un Mémoire cofdérable
qui et actuellement fous prefe , qui
parcîtra avec cette 30. Livraifon , & qui mettra
fin , à ce que j'efpère , à pluficus difficultés nou
fondées que quelques Soufcripteurs ont élevées ,
& fera connoître à l'univerfalité , fous tous les
rapports , la grandeur de l'édifice que cent Aucurs
de la Capitale élèvent à la gloire des Lettres
& de la Nation.
Cc. Méncire contient douze objets principaux :
1º . Des repréſentations que j'adreſſe aux Sou
cripteurs , cu on leur annonce qu'ils auront 46 à
48 ( 1 ) Volumes à 6 liv. au lieu de 12 ; quoiqu'en,
prenant le véritable efprit du Profpectus , on peurroh
n'être tenu que deleur en donner 3 à 4, & qu'un
Entrepreneur qui confultoit moins la perfection
de l'Ouvrage que fes intérêts , poutrot encore
sly réduire aujourd'hui , en convertiffant en Suppiemens
los Volumes excédans relatifs aux Dictionnaires
dont le Profpectus fait mention.
2º . Lettre aux Auteurs de l'Encyclopédie .
3. Sur les prétendus bénéfices de cet Ouvrage.
4. Tableau & apperçu ( 2) du.nombre de Vol.
( 1 ) Sur ce feul objet , les Soufcripteurs ont un bénéfico
de 88. liv Leur bénéfice total fera de plus de 600 liv.;
& l'Encyclopédie aduelle comprendra le quadruple de
la première. Tout cela et dimbatré dans les repréfens
tations.
(2) On ne peut même encore aujourd'hui que leur en
DE FRANCE.
de Difcours & de Planches que doit avoir l'Ercyclopédie
actuelle , avec le détail des accroiffe-:
mens , des changemens , des améliorations , des
parties nouvelles & omifes dans le Profpecus
qu'on a jugé à propos de faire & d'ajouter pour
compleuter & perfectionner ce grand Ouvrage.
>
Ce Tableau contient quarante- quatre Diviſions..
Il faut que les Soufcripteurs le lifent en entier
s'ils veulent prendre une véritable idée de l'Encyclopédie
actuelle.
5° . Etat du nombre des Dictionnaires qui compofent
les quarante- quatre Divifions du Tableau.
6. Etat des Volumes qui exigent néceſſairement
des Figures..
7. Sur la reliure de cer Quvrage , & fur les
Volumes qui peuvent être actuellement reliés : ces
Volumes font au nombre de 48,
8. Sur le temps où cette Encyclopédie fera
terminée .
9. Erat des nouveaux Volumes de Planches &
de Difcours qui paroîtront en 1789.
10°. Sur le nombre de feuilles de chacun des
Volumes de Difcours , & fur celui des Planches
faivi d'un réſultat de compte pour les 53 Volumes
de Difcours & les 7 de Planches, pour le prix
de 672 liv . 1re. Soufcription , & de 751 liv. 2c.
Soufcription.
donner un apperçus mais cet apperçu ne diffère de l'état
véritable , que dans 3 ou 4 Volumes de Difcours , & d'un
Volume de Planches , et plus ou en moins .
D'S
82 MERCURE
11. Sur l'Atlas , les Planches d'Hiftoire Naturelle
, & le payement des 79 liv. qui forment
la différence des deux Soufcriptions.
11º. Tableau général des Volumes de Planches
& de Difcours qui reftent à livrer ; des payemens
qui restent à faire , & de la forme de ces payemens.
En attendant , MESSIEURS , que ce Mémoire
paroiffe , vous pouvez l'annoncer à vos Soufcripteurs.
Je vous l'enverrai , franc de port , par la
Pofte. Il cft très- néceffaire que vous le falliez
parvenir à chacun d'eux en particulier , afin qu'ils
en aient connoiffance ; & j'efpère , quand ils
l'auront lu , que bien loin de fe plaindre de l'excédant
de Volumes qu'aura l'Encyclopédie , ils
approuveront les efforts que l'on a faits & que
l'on fait tous les jours pour perfectionner cet
Ouvrage , fi différent de la première Edition ,
que non feulement toutes les parties en ont été
refaites à neuf , mais qu'il comprendra plus de
cent mille Articles omis dans l'ancienne .
Paris , ce 12 Décembre 1788.
DE FRANCE.
$3
SPECTACLES.
ACADÉMIE ROY. DE MUSIQUE.
LE Vendredi , s de ce mois , on a donné
fur ce Théatre , la première repréfentation
de Démophoon , Tragédie Lysique en trois
Actes , de M. Marmontel , mife en mulique.
par M. Cherubini.
Hygin , au fecond Livre De Signorum
Cæleftium Hiftoriis , rapporte , d'après Philarque
, que » dans le temps qu'un certain
29
Demiphon régnoit à Phlagufe , ville de
» la Cherfonnèfe , une partie de fes Etats
» fut ravagée par une mortalité furprenante.
» Il envoya confulter l'Oracle d'Apolon ,
» qui , fans en dire la caufe , ordonna
» pour la faire ceffer , d'immoler tous les
ans aux Dieux Pénates , une jeune Elie
» iffue de parens nobles. Demiphon fit -
long temps tirer au fort les filles de les
Courtilans , jufqu'à ce qu'un Citoyen ,
qui tenoit à fa Cour un des premiers
» rangs , fe révolta contre fa barbarie
& refufa d'y expofer fa fille , à moins
que les filles du Roi n'y fullent foumiles
également. Demiphon , furieux contre ce
30
>>
*
>
D 6
8
MERCURE
ود
» Citoyen , nommé Maftufius , fit périr la
fille fans confulter la voix du Sort ". La
vengeance que le père en tira eft étrangère
au fujet.
Tel cft le fonds fur lequel Métaftafe a
établi l'un de fes Drames les plus intéreffans.
Son Demofoonte eft rempli de beautés
du premier ordre , & de défauts effentiels ,
dont le plus remarquable eft d'avoir compliqué
ce fujet avec une double intrigue
& une triple action . Nous allons donner
une courte analyfe de fa Pièce , avant de
parler de l'imitation qu'en a faite M. Marmontel.
L'Oracle d'Apollon , dans Métaftafe , a
prononcé que ces horribles facrifices ne
cefferoient que quand l'innocent ufurpateur
d'un Royaume viendroit à fe connoître. Ma
tulio , qui fe croit père de Dircé , ne peut
fouffrir que fa fiile foit expofée au fort ,
tandis que le Roi en a difpenfé les fiennes
en les éloignant. La hardielle avec laquelle
il en parle , irrite Démophoon au point
que , fans confulter le fort , il dévoue Dircé
au facrifice.
Cette Dircé cependant eft mariée ſecrètement
à Timante , que l'on croit fils &
héritier de Démophoon ; mais une Loi antique
, qui défendoit , fous peine de mort ,
toute alliance entre une fujette & l'héritier
du trône , empêthe ces époux de déclarer
leur union . Le Roi , qui l'ignore , deftite
à Timante la Princeffe Creüfe , fille du >
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MERCURE
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Citoyen , nommé Maftufius , fit périr la
fille fans confulter la voix du Sort ". La
vengeance que le père en tira eft étrangère
au fujet.
Tel cft le fonds fur lequel Métaſtaſe a
établi l'un de fes Drames les plus intéreffans.
Son Demofoonte eft rempli de beautés
du premier ordre , & de défauts elfentiels ,
dont le plus remarquable eft d'avoir compliqué
ce fujet avec une double intrigue
& une triple action . Nous allons donner
une courte analyfe de fa Pièce , avant de
parler de l'imitation qu'en a faire M. Marmontel.
L'Oracle d'Apollon , dans Méraftafe
a
prononcé que ces horribles facrifices ne
cefferoient que quand l'innocent ufurpateur
d'unRoyaume viendroit à fe connoître. Matulio
, qui fe croit père de Dircé , ne peut.
fouffrir que fa fiile foit expofée au fort ,
tandis que le Roi en a difpenfé les fiennes
en les éloignant . La hardieffe avec laquelle
il en parle , irrite Démophoon au point
que , fans confulter le fort , il dévoue Dircé
au facrifice.
Cette Dircé cependant eft mariée fecrè
tement à Timante , que l'on croit fils &
héritier de Démophoon ; mais une Loi antique
, qui défendoit , fous peine de mort ,
toute alliance entre une fujette & l'héritier
du trône , empêche ces époux de déclarer
leur union . Le Roi , qui l'ignore , deftine
à Timante la Princeffe Creüfe , fille du
DE FRANCE
S.SE
Roi de Phrygie , & envoie au devant d'elle
Chérinte fon fecond fils . Timante , que fon
père rappelle de l'armée , arrive au fecours.
de fon époufe ; mais l'intérêt qu'il met à
la défendre , le refus qu'il fait de la Princeffe
, fes fureurs , les violences qu'il fe
permet , font bientôt découvrir ce qu'il
vouloit cacher , & les deux époux font condamnés
à la mort.
Cependant Creüfe & Chérinte interc -
dent pour eux auprès du févère Monarque ,
& parviennent à exciter la pitié dans fon
coeur, A l'infant où il pardonne à ce fils
rebelle , celui - ci apprend que Dircé eft fille
de Démophoon. Il fe croit donc l'époux de
fa foeur , & ce nouvel incident excite en
lui un défefpoir dont tous les moyens qu'on
emploie pour l'appaifer , ne font qu'accroître
la violence. Enfin un autre billet
de la feue Reine , trouvé derrière une ftatue,
éclaircit toute chofe. L'échange a été mutael,
& Timante , au lieu d'être fils de Démophoon
, l'eft de Marufio . L'Oracle eft
accompli , les facrifices n'auront plus lieu ;
Timante vit heureux avec fon épouſe , &
Creüfe monte fur le trône avec Chérinte ,
qui en eft le véritable héritier.
1
Il étoit impoffible que M. Marmontek
fit ufage de ce dénouement , qui eft une
feconde Pièce attachée à la première. I
finit la fienne au pardon que le Roi accorde
aux deux époux. Voici a marche de fon
Drame.
86 MERCURE
Le peuple de Thrace ouvre la Scène en
Le plaignant aux. Dieux de l'affreux facrifice
auquel il eft foumis tous les ans. Voici
la réponſe de l'Oracle :
Lorfqu'on verra céder la force à la foiblefe ,
Lorfque du fier lion l'orgueil fera dompté ,
Qu'on verra le torrent dans fa courfe arrêté ,
Thraces , le Dieu confent que votre malheur ceffe.
Le peuple en conclut qu'il ne doit point
fair , & Aftor , Guerrier recommandable
de la Cour de Démophoon , fe plaint au
Grand - Prêtre de ce que fa fille éft foumife
au fort , tandis que celles du Roi en font
difpenfées. Il fort pour lui demander la
même faveur.
Dircé , dans un monologue , inftruit, le
Spectateur de fon fort. Elle a plus de raifons
que les autres d'être attachée à la vie ;
elle eft épouſe & mère. Ofmide , fon amant ,
fon époux , & fils de Démophoon , arrive
de l'armée d'après fes ordres . L'accueil
obligeant qu'il en a reçu , & qu'il attribue
à l'éclat de fes victoires , l'enhardit à tout
déclarer au Roi. Dircé n'eft pas fi confiante;
cependant elle fe laiffe aller un moment
à l'efpoir.
Démophoon paroît. Ce Roi féroce , irrité
de la demande audacieufe d'Aftor , & de
fes menaces , veut l'en punir en facrifiant
Dircé , fans attendre que le fort en décide.
Ofmide arrive dans ce moment , & avant
DE FRANCE. 87
qu'il ait pu s'expliquer , Démophoon lui
annonce qu'il a deſtiné fa main à la Princeffe
de Phrygie. On voit en effet paroître
fon vaiffeau , & cette Princeffe aborde , conduite
par Néade, fecond fils de Démophoon.
Ofraide fent bien que le moment n'eft pas
favorable pour l'aveu qu'il médite . L'Acte
finit par une fête donnée à la Princeffe Ircile.
Au fecond Acte , Ircile fe plaint à Néade
de la froideur qu'il lui témoigne depuis
qu'elle eft arrivée dans fes Etats. Ce jeune
Prince n'a pu fe défendre des charmes de
l'épouſe deftinée à ſon frère. Il laiffe échapper
fon fecret. Ircile en paroît d'abord
irritée ; mais elle foutient mal une feinte
qui s'accorde fi peu avec fon penchant. Of
mide vient les tirer tous deux d'embarras .
Il s'excufe , d'une manière auffi noble qu'adroite
, auprès de la Princeffe , de ne pouvoir
accepter fa main . Il eft l'époux d'une
autre , & il remet entre les mains d'Ircile
fon deftin , celui de fa femme & de fon
enfant. Il faut qu'elle-même paroiffe fe refufer
à l'hymen qu'on prépare , & pour
prix de ce fervice , il cède le trêne à fon
frère , qui deviendra digne alors d'être fon
époux. On conçoit que cette propofition
eft acceptée ; & tandis qu'Ircile & Néade
vont fupplier le Roi en faveur de Dircé ,
on voit cette infortunée conduite par fon
père, qui veut, par une prompte fuite , la
fouftraire à la fureur du Tyran. Les deux
époux déplorent le deftin qui va les fépa83
MERCURE
rer pour un temps . Ofmide fe promet bien,
d'aller la rejoindre ; mais à l'inftant où elle
va partir , on Farrête par ordre de Démophoon
. Ofmide ne fe poffède plus ; il pré
voit les crimes dont il peut fe rendre cou
pable , & l'Acte finit, par l'expreffion de
fon défefpoir.
Ses prières ardentes auprès de fon père
Quvrent le troifième. Il ne parvient pas à
Le Béchir ; il ne fait que l'éclairer fur les
fentimens qu'il a pour Dircé. L'avcu qu'il
cn fair , hâte encore le fupplice de cette
infortunée. Les inftances d'Ircile & de Néa
de , l'offre du trône que fait Ofmide à ce
dernier & que le Roi regarde comme une
bailiffe, achèvent d'irriter ce Tyran férece ,
qui ordonne que le facrifice fe falle à
Finftant. Ircile cfpère encore. Elle attend
la victime au paffage, pour obtenir d'elle la
permiffion de révéler fon fecret. Dircé , qui
craint que cette découverte n'expofe les
jpurs de fon époux & de fon fils , aime
mieux mourir & fe taire. Cependant on
la voit dans le Temple au milieu des apprêts
du facrifice ; elle est déjà renversée
fr les marches de l'Aurels déjà le Grand-
Prêtre lève le couteau facré fur elle ; mais
Ofmide , mais Aftor , fecondés par des
Soldats , fondent dans le Temple. Olmide
s'empare de la victime , & percera le coeur,
de celui qui ofera en approcher. A la vue
de fon père , il s'arrête , il dépofe à fes
pieds fon épée , n'a plus recours qu'à les
je
DE FRANCE.
larmes. Il demande auf la mort. Démo-.
phoon réitère l'ordre du facrifice . Ofmide ,'
privé de tout cfpoir , le fufpend , en déclarant
que Dircé eft fa femme , & ne peut
ête par conféquent la victime exigée par
les Dieux. Les deux époux embraffent les
genoux du Barbare , & leur enfant, qu'Ircile
& Néade lui préfentent , achève de le
troubler. La Nature fe fait enfin fentir dans
cete ame cruelle , & il pardonne aux deux
époux. Ainfi l'Oracle eft accompli : Ofmide ,
à la vue de fen père , eft le torrent arrêté
dansfa courfe , la force a cédé à la foibleffe ,
& Porgueil du Tyran a été dompté. Le
Spectacle fe termine par une Fête.
Cet Ouvrage , a eu beaucoup de fuccès
jufqu'au dénouement. La vue de l'enfant
a fait rire à la première repréfentation .
Nous espérons qu'aux fuivantes , exécuté
avec plus d'enfemble & de précifion , ce
dénouement , qu'un ou deux, vers pourroient
peut ê re préparer davantage , mais
êre
qui n'a de ridicule que les ris qu'il a excités
, fera mieux fenti , & obtiendra l'effet
qu'on en deit attendre. Dans le prochain
N°. , nous parlerons avec plus de détails
des beautés qu'on rencontre en foule dans
le Poëme & dans la Mufique. En compa
Fant quelques fcènes de M. Marmontel
avec celles de Métaftafe , on verra le parti
qu'il en a fu tirer. Si nous ofons nous,
permettre quelques critiques à l'égard du
Compoliteur , c'est que loin d'être faites
to
90 MERCURE
pour le décourager dans une carrière où il
débute d'une manière fi brillante , elles ne
ferviront qu'à donner plus de poids aux
éloges qu'il a fi bien mérités , & que nous
aurons grand plaifir à lui donner.
ANNONCES ET NOTICES.
VIE du Capitaine Cook , pour fervir de fuite
à fes trois Voyages ; traduite de l'Anglais du Docteur
Kippis , par M. Caftera . 1 Vol. in-4 ° . Prix ,
12 liv. bl. , 12. 10 f. br. , & 15 liv. rel.
Le même , in-8 °. 2 Volumes. Prix , 8 liv. bl.
8 liv. 10 f. br. , & io liv. rel. A Paris , Hôtel
de Thou , rue des Poitevins.
Mémoire qui a remporté le Prix au jugement
de la Faculté de Médecine de Paris , le 22 Novembre
1787 , fur la Queftion propofée en ces
termes : » Décrire la maladie du Méfentère pro-
» pre aux enfans , que l'on nomme vulgairement
» Carreau ; l'envifager dès fon principe ; recher-
» cher les caufes qui la produifent , & expofer
avec précifion les moyens de la prévenir , &
ceux de la guérir « . Par M. Baumes , Docteur
en Médecine de la Faculté de Montpellier , de-
' Académie Royale des Sciences , Belles -Lett es &
Arts de Dijon , & de la Société Royale des Sciences
de Montpellier , & c . A Paris , chez Théophile
Barrois , quai des Auguftins ; & chez les principaux
Libraires de France.
F
DE FRANCE.
91
Bibliothèques Portatives à fecret , à l'Angloife ;
choix de Livres inftructifs & amufans ; Livres
nouveaux en général , & particulièrement fur
l'Hiftoire de France , & c. A Paris , chez Koyez ,
Libraire, quai des Auguftins. Il répondra aux demandes
affranchies de Province , & fera pafler
les Catalogues d'explications , & les Livres , buit
jours après , de la reliure qu'on aura défirée .
Le même Libraire a un affortiment très-varié
de nouveaux Almanachis en tout genre.
Bibliothèque en Miniature , ou Boîte Angloife ,
de la forme d'un grand Volume , qui en renferme
fous clef 20 , 40 , & jufqu'à so , fuivant la grandeur
dont on veut les choifir. Prix de la Boîte &
des se Volumes , jolie reliure Angloife , variée
pour la couleur & la dorure , format in-folio double,
150 liv. Prix des moindres , format in- 49.
78 livres.
N. B. Dans ces Boîtes on insère ou des Romans
choifis , ou des Poéfies agréables , ou nos bons
Moraliftes , des Editions les plus nouvelles & des
plus beaux caractères , dont on fournit les Notes :
on peut en former autant de Bibliothèques fuivies
en chaque genre , propres à transporter facilement
à la campagne & en veyage ; favorables
enfin à la conſervation des Livres précieux , des
jolies Editions que tout Amateur veut bien foigner
; on pourra les avoir fous la main & fous
la clef, quand on voudra ne les laiffer voir à perfonne
, ni les égarer. On peut auffi les faire fervir
à des cadeaux d'Etrennes , à des Prix de Collége
, ou d'encouragemens utiles pour les jeunes
perfonnes , en y inférant la Petite Bibliothèque
claffique des enfans , ou Choix des Contes Moranx
, Fables , Converfations , Voyages amufans ,
& c. propres à être mis entre leurs mains , à 1 ↳
92 MERCURE
le Volume broché , & plufieurs autres Livres élémentaires
de ce genre , à choifir dans un Catalogue
des meilleurs Livres d'éducation , qui fe'
donne chez Royez , avec une autre Note d'Ouvrages
choifis fur le Bonheur, comme l'Art d'être
heureux fur la Terre , mis à la portée du Peuple
de toutes les Nations , in- 8 °. br. , 2 liv. 8 f.
Bibliothèque des Romans. Des oftacles avoient
depuis long- temps fufpendu le cours d'un Ouvrage
fi favorablement accueilli du Public dans
fa na flance , & honoré depuis du fuccès le plus
conftant. Des circonftances plus heureufes vont le
fire revivre. Un nouveau Propriétaire , aidé de
quelques Capitaliftes , a raffemblé les fonds néceffaires
pour raninier cette entreprife , & la porter
à la perfection dont cile eft fufceptible. On
aura foin de joindre aux extraits des Romans anciens
, ceux des Romans nouveaux , Anglois , Itąliens
, Efpagnols , Allemands , &c. au moment
oils paroîtront ; & le choix du Libraire doit
prévenir en faveur de l'exactitude des Livraiſons..
L'intelligence , le zèle & l'activité de M. Batien
font connus & lui ont mérité la confiance dut
Public. On fatisfera aux engagemens contractés
avec les anciens Soufcripteurs ; on donnera an
moins 2 Volumes par mois d'ici à la fin du mois
de Janvier prochain ; ils fe fuccéderont avec la
même rapidité dans le cours de l'année ; & à la….
fin de 1789 , on fera parfaitement au courant.
Le prix de la Souf.ription cft toujours , pour
Paris , de 24 liv . pour l'année , compelée de 16.
Volumes ; & pour la Previnte , franc de pert ,;
de 32 liv. On ne propofera plus déformais , aucun,
Labais , ni aucune de ces fpéculations.mercantilles
qui déshonorent une oeuvre littéraire ; & le prix
des années précédentes fera fixé irévocablement
à 24 liv. pris à l'aris
DE
FRANCE.
93
- On foufcrit à Paris , chez Jean - François Bafelen
, Libraire , rue des Mathurins , No. 7.
On a déjà fait paroître de l'année 1787 , les Vol.
Août , Septembre , & Octobre , Tome Ier.
Le Porte-feuille de : Enfans. N. 14. Prix, 24 f.
A Paris , chez Nyon f'ainé , Lib. rue du Jardinet ;
Mérigot le jeune , quai des Auguftins ; Née de la
Rochelle , rue du Hurepoix ; & Chereau , Md.
d'Eftampes , aux Piliers d'or , rue des Mathurins.
A Verſailles , chez Blaizot , Lib . Iue Satori .
Portrait de M. d'Eprémefnil, Conſeiller au Parlement
de Paris , deffiné d'après nature par M.
Quenedey , avec le Phyfionotrace de l'invention
de M. Chretien , Ordinaire de la Mufique du Roi.
Prix , 24 f. A Paris chez l'Auteur , rue des Bons-
Enfans , n° . 45 , & au Palais Royal , Arcade 180.
On connoit le procédé ingénieux employé pour
ces fortes de Portraits.
Portrait de Jacques Duval d'Eprémefnil ,
en deux formats , deffiné par Bernard , gravé
par Duché. A Paris , chez le Grand , rue Galande ,
nº 74 , hôtel Leſville.
Le même Portrait paroîtra in- 4 ° .
Galate , Paftorale imitée de Cervantes , par
M. de Florian , Lieutenant- Colonel de Dragons ,
Gentilhomme de S. A. S. Mgr. le Duc de Penthièvre,
de l'Académie Françoife, &c. se . édition ,
avec figures. A Paris , de l'Imprimerie de Monfeur
, & le trouve chez Debure , hôtel Ferrand,
rue Serpente , n° . 6 , & chez Bailly , rue St. Honoré
, barrière des Sergens.
Ces éditions multipliées confirment bien l'eftine
dont jouit ce charmant Ouvrage.
94
MERCURE
Des Etats Généraux & autres Affemblées Nationales.
Tomes VII , VIII , IX & X , in - 8 °.
d'environ 500 pages chacun. A Paris , chez Buiffon
, Libr. rue Haute-feuille , hôtel de Coëtlofquet
, No. 20. Prix , 4 liv. 10 f. par Volume br.
& S liv. franc de port par la Pofte. On affranchit
l'argent & la lettre d'avis.
Cette nouvelle Livraifon comprend tout ce qui
a rapport à la forme générale & particulière des
élections dans les Balliages & dans chaque District.
La forme des Lettres de convocation .
Les Lettres de convocation , & les Officiers publics
à qui elles doivent être adreffées .
La divifion des Provinces en Pays d'Etats, Fays,
Etats Provinciaux , Bailliages , Gouvernemens
Diſtricts , & Villes de commerce .
La forme de la tenue des Etats , leur pouvoir
& durée.
"
L'ordre des Séances.
Tous les Procès-verbaux & pièces exiftantes des
Etats de Philippe le Bel , du Roi Jean , & de
Charles V , qui n'avoient point été imprimés ; de
Charles VI , de Charles VII , non imprimés ; de
Louis XI , de Charles VIII , Louis XII , François
Jer,, Henri II , François II , Charles IX.
Galerie du Palais - Royal, gravée d'après les
Tableaux des différentes Ecoles qui la compofent,
avec un Abrégé de la Vie des Peintres , & une defcription
historique de chaque Tableau . A Paris ,
chez J. Couché , Graveur , rue Sainte Hyacinthe ,
No. 4 ; & chez J. Bouillard , rue d'Argenteuil ,
No. 95. 12e . Livraiſon .
Cette Livraiſon eft digne des mêmes éloges que
les précédentes . De pareilles entrepriſes , exécutées
avec ce foilà , méritent la reconnoiffance du
Public.
DE
FRANCE.
95
Portrait de feu Le Kain ,
Penfionnaire du Roi ,
dans le rôle d'Orofmane , gravé par M. de St-
Aubin , Graycur du Roi , & de fa
Bibliothèque ,
d'après le Tableau original de M. Lenoir, Peintre
du Roi ; Gravure de 14 pouces & demi de hauteur
fur 10 pouces de largeur . Prix , 6 livres . A
Paris , chez l'Auteur , rue des Prouvaires , N°. 54 ;
chez Legras , Lib. quai de Conti , près du Petit-
Dunkerque ; chez M. Desforges , à la Salle du
Theatre François chez M. Le Kain fils , Officier
de la Reine , rue du Four St-Germain , N ° . 36 ,
maifon de M. Chavignac. Les perfonnes infcrites
pour les Epreuves avant la lettre , les trouveront
aux adreffes ou elles fe font fait inferire..
C'eft toujours avec plaifir qu'on voit les Arts.
confacrés à célébrer les grands talens . Par - là
ils
femblent rappelés à leur plus noble deftination
; ils acquittent la dette de la Société envers
les hommes célèbres , & ils
acquièrent la gloire
en la
difpenfant.
Perfonne ne difputera au fublime Acteur dont
nous annorçons le Portrait , le droit de tranfmettre
fcs traits à la Poftérité . Il eft bien jufte ,
au moins , que l'on cherche à éternifer fon image ,
pufque , par fa nature même , fon talent fi admirable
ne peut fe
reproduire dans aucun autre
monument ; & l'on ne pouvoit choifir , pour ce
jufte hommage, ua Artite qui en fut plus digne
par fon talent. M. de Saint- Aubin s'est diftingué
depuis long-temps par fon riche barin ; & ce nou.
vel Ouvrage , par la
reflemblance , l'énergie du
trait , la fineffe du burin & la vérité de l'enfemble
, lui garantit un nouveau fuccès.
Nous
n'oublierons pas de faire
obferver ici que
ce Portrait eft un
hommage de la tendreffe filiale,
M. Le Kain , fils de cer Acteur célèbre , en acquittant
un dette de fon coeur , à mérité par-là
les éloges & la
reconnoiffance
du Public,
>
96 MERCURE DE FRANCE.
Deux Sonates en forme de Scenes de Mezzo ,
caractère pour la Harpe , praticables auffi fur le
Forté-Piano , avec Violon ad libit . , par M. J. B.
Krumpholtz , Cuv. 15e . Prix , 6 liv . A Paris
chez l'Auteur , rue d'Argenteuil , Butte S. Roch ,
Hôtel de la Prévôté , Ѻ . 14 ; & Naderaan ,
Luthier , même rue .
Six Ouvertures arrangées pour le Galeubet ,
par M. Châauminois , Muficien de S. A. S. Mgr.
le Duc d'Orléans ; OEuv. 1er. Prix , 6 livres. A
Paris , chez l'Auteur , rue du Mail , Hôtel des
Indes .
ROMANCE.
TAB L E.
Dialogue.
Charade, Enig. & Logeg.
Euvres de Gilbert.
La Vifite d'Eté.
49 OEuv. de Mme de Graffigny, 76
Variétés.
6)
57.
79
Académie Roy, de Muſiq. 83
71, Annonces & Notices. 9@
AP PROBATIO N.
J'Alu , par ordre de Mgr . le Garde des Steaux ,
le MERCURE DE FRANCE ཏི
, pour le Samedi 13
Décembre 1788. Je n'y ai rien trouvé qui puiflè
en empêcher l'impreſſion. A Paris , le 12 Décembre
SÉ LIS 1788.
MERCURE
DE
FRANCE.
SAMEDI 20
DÉCEMBRE
1788.
PIECES
FUGITIVES
EN
VERS ET EN
PROSE.
LE
COUSIN
JACQUES
Dans la
Planète de
MERCURE ,
annonçant
fon
Courrier
des
Planètes
aux
Lecteurs
de la
nôtre.
AIR : Voilà , mon Coufin ,
l'allure.
No.
PAR
vaux & par
chemins .
Mes
Coufins ,
Errant à
l'aventure ,
Banniflant les
chagrins ,
51. 20 Déc. 1788 .
98
MERCURE
Mes Coufins ,
J'arrive dans MERCURE (1 ),
Mes Coufins ,
Voilà quelle eft mon allure ,
Mes Coufins ;
Voilà quelle cft mon allure ,
(1 ) Note de l'Auteur. On voit que ce Profpectus, différent
des autres qui ont para fur le même fujet , a été fait exprès pour
le Mercure de France. Ce Journal`a annoncé pluſieurs fois
mon Courtier favorablement. Les Lunes , qui ne devoient
pas durer trois mois, felon certains Connoiffeurs , ont durê
deux ans . Le Courrier des Planètes , qui ne pouvoit pas
fe foutenir trois femaines , a paru très-exactement cette
année , fans effuyer une minute de retard , & fe foutient
encore plus que jamais. La Soufcription eft de 18 liv. pour
Paris , & de 21 liv . pour la Province, franç de port . Cette
feconde Année paroîtra tous les rers . & les 15 du mois ;
chaque No. fera de 7 pages : le premier fera livré le jour
de l'An ; le fecond le 15 de Janvier , & ainfi de fuite.
Les premières Livraiſons feront juger du plan que j'ai cru
devoir adopter pour me rendre plus digne des fuffrages.
L'Abonnement fe fait au Bureau du Coulin Jacques , rue
Phelypeaux , Nº . 36 , vis - à-vis la Vierge . La manière la
plus sûre & la plus prompte pour la Province , c'eſt d'envoyer
directement fon adreffe , & 21 liv. francs de port ,
à M Beffroy de Reigny , ou tout fimplement au Coufin
Jacques , à Paris, Il faut affranchir l'argent ; mais on pout
ne pas affranchir la lettre d'avis . On trouvera auffi chez
' Auteur la Collection de fes Premières Folies . Prix , 6) liv .
& la première Année complette du Courrier des Planètes
én 52 Numéros , au même prix que la feconde. >
DE
FRANCE:
Aux ordres des Deftins ,
Mes Coufins ,
Obéir fans
mugmure ,
Chanter joyeux
refrains ,
Mes Coufins,
Et fuivre la
Nature ,
Mes
Coufins ;
Voilà quelle eft , &c..
AIR:
Vraiment , ma Commère , oui.
Les Lecteurs . C'EST le Coufin ; c'eſt bien lui .
Le Coufin.
Vraiment,
Meffieurs,
vraiment, ou
Les
Ledeurs . Allons ,
voyons ; qu'il
s'explique :
Eft-il toujours
lunatique ?
Le Coufin.
Vraiment ,
Meffieurs ,
vraiment , ou
AIR : Non , je ne veux pas rire , moi.
Out , c'eft moi qui viens vous offrir
Un Livre pour vous divertir ;
C'est moi qui viens vous dire :
»
Meffieurs , voulez-vous rire « ?
Les
Lecteurs . Non , je ne veux pas rire , mois
Non , je ne veux pas rire.
AIR : C'eft ce qui me confole.
Le Coufin . Sous un faux air de gravité ,
On viſe à la
fublimité ,
E d
100 MERCURE
C'eft ce qui me défole ; bis .
Mais ma gaîté , qui déplaît tant 9
Rencontre encor plus d'un chalant ;
C'eft ce qui me confole ; bis.
DANS plus d'un beau cercle aujourd'hui ,
Règnent la trifteffe & l'ennui;
C'eft ce qui me déſole ; bis.
Mon Livre eft là , quelqu'un le prend ;
Puis on fe déride un moment ;
C'eft ce qui me confole , bis.
AIR ; Non , non , Doris , ne penfe pas.
Non , non, Meffieurs , ne penfez pas
Que raifon foit mélancolie ;
La gaîté fuit toujours les pas
De la faine Philofophie.
L'homme , fans cette volupté ,
S'enfonce dans la nuit obfcure :
Le Ciel fit pour lui la gaîté ,
Comme le jour pour la Nature , bis.
AIR ; N'allez pas mordre à la grappe.
Les Lecteurs , GARDONS - NOUS de ce langage ;
N'écoutons pas cet Auteur ;
Pour nous vanter fon Ouvrage ,
Il vient faire l'Orateur :
Le matois en rit fous cape ;
C'eft qu'il veut voir aujourd'hui
DE
FRANCE.
101
Si nous
mordrons à la grappe ,
En neus abonnant chez lui.
AIR Au coin du feu.
POUR plaire & pour
inſtruire' ,
Qu'aurez-vous à nous dire ?
Le
Coufin. De tout un peu.
On aime affez à lire
L'Ecrivain qui fait rire
Au coin du feu , bis .
TABLEAUX ,
Hiftoriettes ,
Moeurs & Loix des Planètes ,
Seront en jeu.
Du Ciel , dans mon
Ouvrage ,
Vous ferez le
voyage
Au coin du feu , bis..
AIR : Quand Biron voulut danfer.
Les Lecteurs .
ALLONS , il faut effayer , bis.
S'il peut nous
défennuyer , bis.
Donnez-nous de la morale ;
Soyez fou par intervalle...
Le Coufin. Je vous en
réponds.
Les Lecteurs. Nous nous
abonnerons .
COMBIEN de Cahiers par mois ? bis.
Le Coufin. Nous en
donnerons deux fois ; bis.
Un homme exact à fon pofte
Les mettra tous à la Poſte ...
،
102
MERCURE
Les Lecteurs. Si vos gens font prompe
Nous nous abonnerons.
AIR : J'ai vu la Meúnière.
Le Coufin.MALS
AIS ces Cahiers , auparavant,
Suivant ma manière ,
Seront collés bien proprement
Par-derrière & par-devant :
En peut- on trop faire
Pour votre agrément
Explication de la Charade , de l'Enigme >
du Logogriphe du Mercure précédent.
Le motde la Charade eft Mardi-&ras ;
celui de l'Enigme eft les Cifeaux ; celui dú
Logogriphe cft Lama.
CHARADE.
A Madame MOUTARD , le jour de fa Fête.
SOURCE de tous les maux , Idole des Humains ,
Mon premier, à tes yeux, étale en vain ſes charmes ;
Il n'eft cher à ton coeur, que lorfque , par tes mains,
paffe à l'Indigent & va fécher fes larmes.
DE
FRANCE.
103
Soutien de la vertu , mon fecond , jour & nuit ,
Veille fur ton
bonheur , à tes bienfaits préfide ;
Et mon tout , pour ta Fête , aimable
ADÉLAÏDE ,
Te réferve la fleur dont il eft
Pheureux fruit.
( Par M. Le Grand ,
Directeur
de
l'Imprimerie de la REINE. )
ENIGME.
JE
marché fur deux pieds ,
cependant j'ai fix faces ;
Je ne fus ja nais père , & j'ai vingt-un enfans ;
Du fort je
difpenfe les
graces..
On me voit à la Ville, à la Cour , chez les Grands ;
En quelque fens qu'on me tourne ou
n'emploie ,
Je porte dans mon fein la
triftefle ou la joie :
En un mot, fans procès je
condamne à la mort ,
Qu'on ait' raiſon ou qu'on ait tort.
(Par M. Martin , Imp. en Lettres. )
PIEDS
LOGOGRIPHE.
IEDS nus , couvert d'un frec , je fers Dieu nuir
&
jour ;
Et fans tête je fers le Dieu Mays &
l'Amour.
( Par M. Domont.
E 4
104
MERCURE
NOUVELLES LITTÉRAIRES .
EUVRES complettes de M. Marmontel
Hiftoriographe de France , & Secrétaire
Perpétuel de l'Académie Françoife. Edition
revue & corrigée par l'Auteur. Tom.
XIII , XIV , XV, XVI & XVII. A
Paris , chez Née de la Rochelle , Libr.
rue du Hurepoix , près du Pont Saint-
Michel.
Les cinq. Volumes que nous annonçons ,
complètent la Collection des OEuvres de
M. Marmontel. Il ne s'agit point d'analyfer
ici les Ouvrages qu'ils renferment. Il fuffit
de les rappeler , pout réveiller le ſentiment
d'eftime qu'ils ont mérité depuis long- temps.
Le XIIIe, & le XIVe . Volumes contiennent
la Traduction de Lucain , précédée d'une
excellente Préface dans laquelle nous avons
cherché vainement cette partialité fi fouvent
reprochée à M. Marmontel pour l'Auteur
de la Pharfale. Le XIVe . Volume eft
terminé par un Fragment d'un Poëme fur
la Mufique , qui n'avoit pas encore été mis
au jour , & fur lequel nos Lecteurs nous
DE
FRANCE.
105
fauront gré de les avoir
arrêtés un moment.
Le Poëte
fuppofe que Jupiter
affemble
les
Habitans de
l'Olympe pour la Fête féculaire
du Dieu du Jour.
Chacun fe place ; & fur le tapis vert,
Du temps paffé le registre eft ouvert.
Ce n'eft par-tout que folic & misère .
Tout eft en feu , la Chine &
l'Indoftan ,
Le Khan , le Czar , le Sophi , le Sultan ,
Les Rois
d'Europe , hélas !
juſqu'au Saint Père.
Et
demandez
pourquoi tout ce bruit- là ;
C'eſt que les Rois
s'ennuiroient fans cels.
Lors Jupiter,
enflammé de colère ,
Branlant la tête , &
fronçant le fourcil ,
Ce fourcil noir qui fait
trembler la sphère :
Dieux
infenfés , Dieux
fainéans , dit il ,
Eft-ce donc là le bien qu'on a dû faire ?
Quoi ! ces Mortels , qui
devoient
déformais
Etre fi bons , fi
modérés , fi fages ,
Sont plus
méchans & plus foux que
jamais !
De mal en pis vous menez tous les âges.
Il eft
inutile de faire
obferver à nos Lecteurs
la
piquante
facilité de ceş vers -là.
Apollon , pour
ramener la paix parrai
les
hommes ,
confeille d'y
envoyer la Mufe
du Chant. Les
miracles qu'elle a
opérés
fur les Tigres de la
Thrace , fur le Rho
E s.
106 MERCURE
dope & l'Hamus , font un préjugé pour
le fuccès Jupiter adopte cet avis , & Polymnie
fe difpofe à partir. Mais fur quels
bords defcendrai - je , dit-elle ?
La Grèce , hélas ! mon aimable Patrie ,
Par l'esclavage eft dès long-temps flétrie :
De leur berceau les Beaux-Arts font exclus.
Bords du Pénée , & vous , rive fleurie ,
Du beau Céphife ! ê regrets fuperflus !
Je cherche en vain ma retraite, chérie ;
On y gémit , & l'on n'y chante plus.
Enfin elle fe décide pour l'Italie , &
elle va préluder fur le tombeau de Virgile.
Là , lui apparoiffent trois célèbres Poëtes ,
Virgile , le Taffe , & l'Ariofte. Elle leur
communique fon projet , & les prie de lui
donner un Poëte vraiment Lyrique ; on lui
indique Métaftafe. La Mufe déploie toutes
fes merveilles à Naples , à Rome , à Venife.
Nous fouffrons d'avoir à fuppléer
notre Profe aux Vers charmans de M.
Marmontel , & nous ne réfifterons pas à la
tentation de tranfcrire cette jolie tirade
dont nos Lecteurs feront aifément l'appli
cation.
Des beaux enfans qu'on t'immole en Sicile,
Mufe , dis-moi comme on peut décemment
Peindre & voiler le cruel dévoûment.
Voiler & peindre eft un Art difficile.
>
DE FRANCE: 107
Laiffons fAmour pleurer fur ce larcin ;
Et feulement difons que peu fenfibles
A leur malheur , ils croiffoient dans le fein
De la Décffe , en émules paifibles ,
Et s'élevoient autour d'un clavecin.
On rencontre fouvent dans ce Poëme ;
dont le fujet eft plus ingrat qu'on ne le croiroit
d'abord , une foule de Vers didactiques
, où la difficulté vaincue a l'air &
tout le charme de la facilité même.
L'Art de faifir l'infaillible jufteffe
D'un fon donné par ces fibres d'airain ,
L'Art d'égaler , de paffer en vîteſſe
L'ivoire agile où voltige la main ,
De parcourir cette échelle brillante
Que la Nature a marquée au compas ,
D'y repofer la voix à chaque pas,
Mais pleine , égale, & jamais vacillante ,
L'Art plus exquis de fléchir à ſon gré
Tous les accens d'une voix affoùplie ,
Et d'exprimer dans fon juste degré
Le fentiment dont une ame eft remplie ,
Cet Art magique , &c.
Parmi ceux qui échappent au Sacrificateur
, la Mufe choifit Vinci , & lui communique
fon génie créateur. Ecoutons la
charmante leçon qu'elle lui fait :
E 6
MERCURE
A
Lorſqu'à tes yeux la Rofe ou l'Anémone
S'épanouit; quand les dons de Pomone ,
Le doux Raifin , la Pêche au teint vermeil ,
Sont colorés aux rayons du Soleil ,
Tu crois jouir de la fimple Nature ?
Apprends , mon fils , que la fleur , que le fruit ,
Tient fa beauté d'une lente culture ;
Que la Nature a d'abord tout produit
Négligemment comme le fruit fauvage ,
Comme la fleur des champs & des buiffons ;
Et que plus riche, & plus belle & plus fage ,
Elle doit tout à l'heureux esclavage
Où la tient l'Art, formé par les leçons.
Oui , fon Diſciple eft devenu fon Maître :
En l'imitant il fait la corriger ;

Il fuit fes pas pour la mieux diriger ;
Il rend meilleur tout ce qu'elle fait naître .
Sous un orme où l'on danſe ,
Tu vois fouvent Philémon & Baucis
Sauter enſemble ? Un pas lourd , mais précis ,
Marque le nombre & noxe la cadence.
Ce mouvement , dans le fon de la voix ,
A pour l'oreille un attrait qui l'enchante,
Dans fes forêts , le Sauvage qui chante ,
Fidèle au rhythme , en obferve les loix.
Tel eft le Chant , même dès fa naiſſance.
Et garde-toi , par l'erreur aveuglé ,
De lui donner un moment de licence :
Comme un pendule , il doit être réglé ;
DE FRANCE; 109
Et la meſure en eft l'ame & l'effence .
Ce n'est pas tout. Sufpendus à propos ,
Ses mouvemens font mêlés de repos :
Ainfi les fons , liés en période ,
Auront leur cercle auffi bien que les mots ;
Et , mon enfant , laiffe dire les Sots ;
Comme l'efprit , l'oreille a fa méthode.
Vinci triomphe de fes rivaux , mais non
de l'envie ; il meurt empoifonné. Haffe &
Leo héritent de fon talent & de fa gloire.
Mais Haffe eft amoureux de la Cantatrice
Fauftine; & malgré lui , par la féduction
de l'Amour , elle le force à brillanter ſon
ftyle . La Mufe défolée s'adreffe à Pergolefe ,
qui ramène le bon goût fans jouir longtemps
de fes fuccès , car il meurt dans la
fleur de l'âge. Après plufieurs talens que le
Poëte met en fcène , arrivent Traetta
Sacchini , & le fenfible . & riant Piccini.
- Alors Polymnie forme le projet d'aller en
France. Elle paffe par Genève.
Au bord du lac , dans un lieu révéré ,
Près de l'abîme où le Rhône s'épanche ,
Elle apperçoit un Temple , un bois facré ,
Et dans ce bois , un Prêtre à barbe blanche ,
La lyre en main , le front ceint de lauriers ,
Chantant l'Amour , les Belles , les Guerriers.
Ah ! c'eft Voltaire , & je fuis aux délices ,
S'écria- t-elle !

710 MERCURE
Après un difcours de Voltaire , tout à
' la fois & galant & critique , la Mufe pourfuit
fon voyage ; mais le Poëte la conduit
à Lyon , & s'arrête aux portes de Paris
au grand regret de fes Lecteurs.
On retrouve par-tout dans les Vers que
nous avons cités , & dans ceux que nous
pourrions citer encore cet abandon ' du
ftyle , cette molle négligence , qui n'eft
qu'un charme de plus dans ce rhythme &
dans ce genre de Poëme.
Le XVe. & le XVIe. Volumes contiennent
toutes les Pièces Dramatiques de M.
Marmontel ; & le XVIIe. & dernier renferme
fes Mélanges , parmi lesquels on trouve
une efquiffe ( qui peut bien paffer pour
un Tableau ) fur l'éloge de M. d'Alembert ;
une Lettre touchante fur la cérémonie du
Saere de Louis XVI ; d'excellens morceaux
de Morale & de Poéfie , &c. &c.
En parlant , dans divers Articles , de
l'édition complette de M. Marmontel, nous
avons rappelé au Public les divers Ouvrages
qui font fortis de fa plume ; voilà notre tâche
remplie. C'eft au Public maintenant , en
embraffant d'un coup d'oeil ce vaſte tableau ,
à réfléchir fur le talent qui l'a produit. Il
fera furpris fans doute de l'immenfe carrière
que M. Marmontel a parcourue , &
il fera bien plus furpris encore de le voir
obtenir des triomphes éclatans dans tous
les genres où il s'eft exercé. Il n'a point
échappé à la critique ; elle eft fi ingénieuſe ,
ffubtile ! D'ailleurs Voltaire a dit :
DE FRANCE:
Pour faire oeuvre parfait ,
Il faudroit fe donner au Diable >
Et c'eft ce que je n'ai point fait.
Ainfi M. Marmontel a pu mériter des
Cenfeurs ; mais il a dû auffi faire des jaloux ;
car , eût on fait cet uvre parfait dont
parle Voltaire , moins la critique auroit à
dire , & plus l'envie auroit à parler. Il
n'en eft pas moins vrai qu'en lifant le Recueil
de fes Ouvrages , on y trouvera un
excellent Ecrivain & un profond Littérateur
; on le verra briller far la Scène , tantôt
par des Tragédies qui , dans le cabinet ,
juftikent le fuccès qu'elles ont eu au Théatre
, tantôt fur le Théatre Lyrique qu'il a
enrichi du beau Potine de Didon , & dans
fes délaffemens , fur le Théatre Italien , où,
parmi tant d'autres Ouvrages , l'on revoit
toujours avec plaifir fa jolie Comédie de
Ami de la Maifon. En fongeant enfuite
que nous devons au même Ecrivain un
beau Roman qui puife fon principal intérêt
dans la plus fublime morale ; de charmans
Contes moraux, imités fi fouvent, jamais
égalés ; un excellent Cours de Littérature
; de très-jolies Pièces fugitives , &c.
on conclura qu'il eft rare de réunir autant
de titres de gloire , & que de pareils fuccès ,
s'ils enfantent quelques chagrins littéraires ,
offrent bien auffi de quoi s'en conſoler.
112 MERCURE
ABRÉGÉ Chronologique d'Edits , Déclarations
, Règlemens , Arrêts & Lettres-
Patentes des Rois de France de la troifième
race, concernant le fait de Nobleſſe ;
précédé d'un Difcours fur l'origine de la
Nobleffe , fes différentes espèces , fes
droits & prérogatives , la manière d'en
dreffer les preuves, & les caufes de fa décadence
; par L. N. H. CHÉRIN, Confeiller
de la Cour des Aides , & Généalogifte
des Ordres du Roi. In- 16. A Paris ,
chez Royez , Libr. , quai des Auguftins.
CET Ouvrage vraiment utile ne pouvoit
paroître dans des circonftances plus favorables
à la difcuffion de la matière qu'il
traite , & nous devons des éloges à la manière
dont il eft rédigé. Le but & l'utilité
de cette production eft d'apprendre à tout
Gentilhomme comment il doit prouver fa
Nobleffe, de quelque eſpèce qu'en foit l'origine;
comment fes aïeux l'ont acquife , f
elle eft de conceffion ; comment il peut
la perdre , & comment il peut la recou
vrer , fi lui ou fes pères ont dérogé.
-
A la tête de cet Ouvrage , fe trouve un
Difcours Préliminaire fort bien fait , &
/
DE FRANCE. 113
écrit avec une précifion qui n'ôte rien à
la clarté , dans lequel on trouve quelques
détails fur l'origine de l'inégalité en général;
fur l'origine de la Nobleffe à Rome & chez
les Gaulois; une expofition fuccincte des principaux
fyftênies fur l'origine de la Nobleffe
en France ; un morceau intéreffant fur la
Chevalerie ; une énumération des différentes
efpèces de Nobleſſe , &c .; un Tableau
des abus qui fe font introduits dans l'Ordre
de la Nobleffe, relativement aux ufurpations,
avec les moyens propofés par l'Auteur pour
couper la racine du mal . On y verra furtout
avec intérêt d'autres caufes du déclin
de la Nobleffe , prites dans la confidération
des moeurs actuelles : c'eft la manie de quit
ter la Province , de déferter les campagnes ,
l'envie d'obtenir à la Cour quelques diftinctions
paffagères , le goût immodéré des
plaifirs , le luxe , la dépravation des moeurs ,
& le célibat , qui détruifent la Nobleffe
& altèrent tous les Ordres de l'Etat. » Ét
combien de familles illuftres , s'écrie M.
Chérin , combien de noms célèbres font
» venus fe perdre dans cette capitale fa-
» meuſe , où s'engloutiffenr journellement ,
» comme dans un abîme fans fond , toutes
les races , toutes les fortunes & toutes
les vertus ".
03
و ر
-99
La compofition d'Edits , Déclarations &
Règlemens , qui contient 415 pages , concerne
les prérogatives des Nobles , leur
714 MERCURE
fucceffion , leurs anciens droits , & le gour
vernement de leurs poffeffions. On y trouve
différentes Loix Sumptaires affez curicules
qui règlent les habillemens par lefquels fe
diftinguoit anciennement l'état des perfonnes
, & en général des renfeignemens
nombreux fur les anobliffemens qui ont
été accordés en France ; fur les révocations
qu'ils ont éprouvées ; fur les taxes de confirmation
qui ont été ordonnées à leur égard ;
fur les privilèges des Parlernens , des Chambres
des Comtes , & c. On y a recueilli la
pulpart des Réglemens faits pour l'exécution
des recherches des faux Nobles.
Parmi un recueil de Pièces détachées
on remarquera un Mémoire de feu M.
Chérin fur les bâtards des Nobles , & une
Notice des différentes preuves de Nobleffe
qui fe fønt en France , &c.
La Table raifonnée des Matières , qui eft
le réſultat du Difcours Préliminaire , eft
fait avec foin , & l'Auteur nous paroît avoir
bien rempli fon objet.
Il paroîtra bientôt un fupplément à cet
Ouvrage.
DE FRANCE.
115
COURS raifonné de Pratique Civile , ou
la Procédure Civile du Palais ; fuivi
d'un Style de Procédure , correfpondant
au Cours de Pratique , contenant le développement
de la Procédure qui fe fait
dans toutes les Jurifdictions du Palais,
& des modèles de tous les Actes du minifère
des Procureurs ; par M. Rāvaut,
Procureur au Parlement. A Paris , chez
Nyon l'aîné & Fils , Libraires , rue du
Jardinet. Volume in-4°. de plus de 900
pages ; relié , 19 liv.
LA forme de procéder dans les Tribunaux
a toujours été fi inintelligible pour
les citoyens qui fe font trouvés dans la
néceffité d'en faire ufage , qu'elle a été
regardée comme un dédale dont les Praticiens
connoiffoient feuls les illues.
De temps en temps , quelques Ouvrages
fous le titre de Style ou de Traité fur la
Procédure , ont tenté d'indiquer la route
qu'il falloit fuivre ; mais s'ils ont tracé quelques
fentiers , ils n'ont pas conduit dans
116 MERCURE
les routes les plus sûres & les plus fréquentées
: il faut en excepter le Traité de la
Procédure Civile du Châtelet.
Un Ouvrage fur une partie fi compliquée ,
ne pouvoit être entrepris & exécuté parfaitement
, que par un Praticien confommé
dans fon état. Celui que nous annonçons
nous paroît devoir mériter l'accueildu
Public. La multiplicité des principes
qu'il contient , ne nous perimet pas d'entrer
dans fon examen ; mais il nous paroît
remplir parfaitement fon titre. L'Auteur ,
qui exerce fon état avec diftinction dans
la première Cour du Royaume , depuis
dix-huit ans , annonce s'être déterminé à
l'entreprendre pour l'utilité des jeunes gens.;
mais il a une utilité plus étendue. Le rap
prochement des Ordonnances , Edits &
Arrêts de réglement fur toutes les parties
des formes de la procédure qu'il embraffe ,
le rend utile & néceffaire à toutes les perfonnes
qui tiennent à l'adminiftration de la
Juftice , & à celles que la néceffité met
dans le cas de foutenir des conteftations.
DE FRANCE. 117
VARIÉTÉ S.
LETTRE au Rédacteur du Mercure,
MONSIEUR ,
Je vous prie de vouloir bien annoncer au Public
le 7e. Volume de ma Théorie des Matières
Féodales & Cenfuelles , en inférant dans le Mercure
la Lettre que j'ai l'honneur de vous adreffer.
C'eft- la fin d'un Ouvrage long & difficile , que
je n'euffe peut - être pas entrepris , fi j'en cuffe
mieux mefuré toute l'étendue lorfque j'en ai conçu
le plan , & que j'ai mis la main à la plumé pour
l'exécuter.
Ce Volume roule fur les Colombiers , les Garennes
, les Etangs , la Chaffe , la Pêche , les Succeffions
, la Prefcription , & les Terriers ; & il eſt
terminé par une Table générale de l'Ouvrage ,
que j'ai dreffée moi-même , & dont j'espère que
mes Lecteurs feront aflez contens.
De toutes ces parties , la Chaffe eft celle à laquelle
j'ai donné plus de développement , parce
qu'elle intéreffe un plus grand nombre de perfennes
, qu'elle eft d'un ufage plus habituel , &
qu'elle embraffe plus de détails qu'aucune des
autres parties.
Dans l'ordre de la Nature , la Chaffe a été la
première occupation de l'homine , & il n'en eft
118
MERCURE
point qui fe foit plus univerfellement propagée.
chez toutes les Nations fauvages ou policées ; il
n'en eft point qui ait eu plus d'apologiftes &
d'admirateurs . Les Poëtes & les Orateurs la célèbrent
comme un préfent des Dieux ; les Philofophes
& les Politiques la recommandent comme
un exercice falutaire à l'homme , & néceſſaire aux
Peuples guerriers , comme un exercice même qui
nourrit le goût pour la vertu. Tous donnent à
l'envi des préceptes & des règles pour réduire
cet exercice en Art , & en faciliter la pratique..
Enfin les Annales de l'Hiftoire univerfelle nous
atteftent que dans tous les âges & dans toutes les
parties du Monde connu , les Peuples fauvages &.
les Peuples policés , les fimples Particuliers & les
Perfonnages conftitués en dignité , les Sujets &
les Souverains fe font livrés à la Chaffe avec un
égal enthouſiaſine .
Cet enthouſiaſme & ces idées repofent fur des
bafes folides , fur le befoin , l'intérêt & le plaifir
de l'homme. Dans quelque état que vous le
niez , vous lui trouverez un motif pour chaffer.
pre-
Sauvage , ignorant l'agriculture , le commerce
- & les Arts , il doit chaffer pour fe nourrir & ſe
vêtir. Il doit chaffer encore pour éloigner de foi
les animaux dont il pourroit être la proie , & qui
troubleroient fa tranquillité
Agriculteur & civilifé , il a de nouveaux motifs
pour leur faire la guerre . Il faut qu'il les détruife
eu qu'il les écarte pour fauver fes troupeaux , fes
plantations , fes fruits , fa femence & fa récolte.
De plus , la Chaffe devient quelquefois pour lui
un objet de commerce important , ou bien il en
reite des avantages & des fervices confidérables ,
en dreffant certains animaux aux ouvrages domcftiques
& aux travaux de l'agriculture.
DE FRANCE. 119
Membre d'une Affociation politique , il a des
invafions à craindre & des ennemis à repouffer :
il eft obligé de s'exercer & de s'endurcir à la
fatigue , au maniement des armes , au métier de
la guerre ; & la Chaffe eft la meilleure école qu'il
puiffe fuivre dans les temps de paix ou de trève.
Placé dans une pofition où il peut fe permettre
des amuſemens & des plaifirs , il n'en trouve
point qui foient plus piquans , plus variés , plus
attachans , qui foient plus à la portée , & qu'il
puiffe fe procurer plus facilement, que ceux que
la Chafle lui offre ; elle en a pour fon indolence
& fa pareffe même. La Nature n'eft jamais
morte pour le Chaffeur , & toutes les faifons lui
payent un tribut de plaifirs,
Enfin , élevé à un rang où le goût de la repréſentation
ſe fait fentir , il peut aifément déployer
fon oftentation & fon luxe , étaler tout
l'appareil de fa grandeur & de fon fafte dans une
partie de Chaffe ; l'Empereur de la Chine , celui
du Mogol , les Rois de Perfe , chaffent bien moins.
pour le plaifir que pour l'eftentation ,
Je le répète ; prenez l'homme dans quelque pofition
que vous voudrez ; & vous le trouverez
Chaffeur, s'il peut ufer de fa liberté naturelle . Il
m'a fallu montrer comment cette liberté a été enchaînée
par degrés , comment un droit fi inhérent
à la propriété , a ceffé d'appartenir à tous
les propriétaires , & a dégénéré en une prérogative
particulière ; & pour rendre les gradations
& les viciffitudes plus fenfibles , j'ai diftingué les
époques , j'ai confidéré l'état de la Chafle chez
les anciens Peuples dont nous fommes defcendus ;
je l'ai confidéré depuis l'établiffement de notre
Monarchie jufqu'aux Loix de la 3me. Race fur
110 MERCURE
cette matière ; j'ai examiné fi jufque-là la Chaffe
étoit véritablement défendue ; j'ai marqué les révolutions
poftérieures furvenues dans la liberté
de chaffer , & les motifs de ces révolutions : j'ai
fait fortir de ces développemens & de ces rapprochemens
, des réfultats fur le droit de Chaile.
fur la vraie nature de ce droit , fur les perfonnes
qui peuvent chaffer ou faire chaffer, fur celles
qui ne le peuvent pas dans l'état actuel de notre
Légiflation : en un mot, j'ai pofé les règles , les
exceptions & les modifications qui conftituent
notre Droit en matière de Chaffe ; & pour que
ma Théorie fût complette , je fuis entré dans
tous les détails qui m'ont paru néceffaires , fur
les Gardes , fur les actions , la compétence & los
peines pour les délits de Chafie.
Ce que j'ai fait fur la Chaffe , je l'ai fait fur
la Pêche , fans cependant élever ces deux exercices
au même niveau. Quoique la Pêche foit
foeur de la Chaffe , quoique l'homme ait dû Fe
cher auffi -tôt qu'il a dû chaffer , la Pêche n'offre
pas le même degré d'intérêt & de plaifir que la
Chafe. Ce n'eft pas fur-teur une - occupation fi
falutaire , fi analogue au nianiement des armes &
au métier de la guerre , fi noble par conféquent
ni fi convenable aux perfonnes d'un rang diftingué.
Auffi Platon , qui recommandoit tant la
Chaffe aux jeunes gens , cherchoit à les éloigner
de la Pêche , qu'il regardoit pourtant comme une
efpèce de Chaffe ; mais comme une Chaffe propre
à entretenir l'oifiveté , & à infpirer le goût
de la piraterie & Végèce penfoit qu'il falloit
être aufli attentif à exclure les Pêcheurs des camps,
qu'à y attirer les Chaffeurs à la groffe bête.
:
Les exceptions & les prérogatives qui tiennent
au régime Féodal , dans la manière de recueillir
&
DE FRANCE.
"
& de partager les fucceffions , rempliffent une
partie affez confidérable du Volume que je public
dans ce moment. Comme les attributs de l'aineffe
& de la mafculinité font le centre de ces prérogatives
& de ces exceptions , j'ai tâché de faire
connoître ce qu'ils ont d'effentiel ; j'ai expofé la
diverfité des conditions auxquelles les Coutumes
les attachent , & je les ai analyfées dans leurs
différentes branches . J'ai remonté, par cette analyfe,
jufqu'à la fameufe Loi Salique , dont tant de
perfonnes parlent fans la connoître ; j'ai cher--
ché , à mon tour , quelle eft cette terre privilégies
dont les femelles font exclues par cette Loi .
& j'ai ofé contredire Eccard , le meilleur Commentateur
des Codes Salique & Ripuaire j'ai
même ofé contredire, encore une fois , l'Auteur de
Efprit des Loix. J'ai pu me tromper fans doute ;
mais la marche que j'ai fuivie eft fi fimple & A
propre à conduire à la vérité , mes rapprochemens
font fi naturels , & mon réſultat paroît fi vraifemblable
, fi certain même, que, fi j'ai erré , mes
Lecteurs me pardonneront sûrement ma méprife.
Si , au contraire , ils adoptent mon explication ,
s'ils font convaincus , comme moi , que la Terre
Salique n'étoit qu'un propre avitin , ils pourront
me favoir quelque gré d'avoir lancé un trait de
lumière fur un point de notre Droit reſté ſi longtemps
dans l'obfcurité.
a
:
Comme il s'élève fréquemment des queftions
de Prefcription en matière Féodale , j'ai cru devoir
donner une certaine étendue à cette partia
de mon Ouvrage , & envisager la Prefcription
fous affez de rapports , pour pofer des règles qui
embräffent au moins les cas les plus généraux &
les plus ordinaires . Je l'ai confidérée entre le Seigneur
& le Vaffal ; je l'ai confidérée entre le Seigueur
& le Cenfitaire ; je l'ai confidérée refpec-
N°. si, 20 Déco £788** F
12 MERCURE
C
tivement aux Tiers ; j'ai enfuite examiné fi le Roi
eft dans une claffe particulière quant à la Prefcription
; & j'ai fini par des obfervations fur les
caufes qui peuvent l'interrompre ou la fufpendre.
On s'occupe tellement aujourd'hui de la rénovation
des Terriers , on la regarde comme fi importante
dans toutes les Provinces , que je n'ai
pas cru devoir me borner à en établir la théorie ;
c'eft-à-dire , à traiter des déclarations nouvelles ,
de l'obligation d'en fournir , de ce qu'elles doivent
contenir , des voies ouvertes aux Seigneurs
pour sen obtenir ou pour renouveler leurs Terriers
, de la marche qu'ils doivent fuivre pour
cette rénovation ; de l'effet des Lettres à Terrier ;
des frais , du blâme , & de la réception des
nouvelles reconnoiffances ; de la foi due aux
Terriers & aux Regiftres de recette , J'ai de plus
propofé une Méthode pour la confection mécanique
des Terriers & de leurs acceffoires ; Méthode
qui embraffe l'arrangement des Archives ,
levée & l'ordonnance du plan , la manière de
le lier avec les titres ; la manière de dreffer
les cueilloirs , les répertoires, & tous les Regiftres
réceffaires ou uutiles ; la manière de rendre tout
ce travail auffi perpétuel ou auffi durable qu'on
puiffe le défirer ; Méthode néanmoins qui eft tirée
de la nature des chofes & du but qu'on fe propofe
ou qu'on doit fe propofer en entreprenant
la rénovation d'un Terrier , & qui eft fi fimple ,
fi naturelle , fi directe , & d'une exécution fi facile
, qu'un Procureur - Filcal , ou un Intendant
tant foit peu intelligent , & un Arpenteur qui
fait lever & laver un plan , peuvent , en fuivant
les procédés que j'indique , faire le Terrier de
la terre la plus confidérable du Royaume , & , à
plus forte raifon, l'entretenir fans le fecours d'aucua
Commilaire à Terrior, & d'aucun Archivifte.
DE FRANCE. 123
Enfin j'ai tâché de donner à chacune des parties
que j'ai traitées , tout le développement qu'elle
exige , faus fortir néanmoins des juftes bornes
qu'on ne franchit point fans devenir fatigant &
diffus. Je n'ai pu faire entrer tous ces développemens
dans un Volume ordinaire ; il m'a fally
couper mon VII . Volume en deux parties , dent
chacune a plus de 470 pages , en y comprenait
les Tables.
h
Ce feroft ici le lien de jeter un coup d'oeil fu
sont mon Traité , & d'en donner une analyſe
raifonnée ; mais cette analyfe feroit tardive poar
les parties mifes au jour précédemment , fur-teen
pour les quatre premiers Volumes il y a déjà
long-temps que le Public a une opinion furaces
quatre Volumes ; d'ailleers on ne doit pas aftené
dre de l'Auteur même un jugecut bien impara
tial fur fon propre Ouvrage , il ne lui appartient
ni de le louer ni de le critiquer. Un homme de
Lettres , que le Public eftime & qui a fouvent
enrichi le Mercure de ſes Production's & de fes Extraits
, s'étoit volontairement chargé de cette tâche.
Il f'avoit promis dans deux Notices qu'il a pupliées
, l'une fur mes quatre premiers Volumes ,
l'autre fur le cinquième ; Notices qui ne permettent
pas de douter de l'impreffion favorable
qu'il a reçue ; mais fes grandes occupations l'ont
empêché de remplir cet engagement , & j'ai été
réduit à annoncer moi- même la fin de mon Ouvrage
, & à me contenter , fur les fix autres Volumes,
des annonces honorables & flatteuſes, mais
très fuccinctes , qu'on a bien voulu en faire dans
des Feuilles qui ne comportent pas des détails
longs & des analyfes difcutées .
Ce que je regrette davantage , c'eft qu'on n'ai
pas examiné de plus près ce que j'ai dit fur k
Ceas & fur le Franc-Aleu , dans mon Ve. & mon
Fz
124
MERCURE
VIe. Volumes. Duffé je être contredit ou blâme ,
j'avouerai franchement que je fuis , dans la perfuafion
que j'ai trouvé prefqu'en friche ces deux
matières importantes de notre Droit François ;
que quand j'ai , entrepris de les traiter , nous
D'avions que des idées vagues , obfcures , incertaines
, & mêmes fanfles , fur le contrat de Cens
& fur la plupart de les accefloires ; que nous
n'avions pas de Traité de Franc Aleu › parce
qu'on ne peut pas appeler Traités les deux Mémoires
que Galland & Cafeneuve ont faits l'un
contre l'autre dans un procès ; & que cependant
les vrais principes de l'Alodialité ne peuvent
être trop approfondis , trop propagés & trop
connus , furtout dans un temps on ilimporte
freffentiellement aux bens Citoyens de le nour
rits de maximes fondamentales & folides .
Je fuis avec refpect ,
Cerudi a
-x as] •bM to N
adult sites ;
→ng £ limp anode/ 6
asmulov 215, 1011
1-159 on ing) ascitekta
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:
Visp 2
377
DE FRANCE.
ACADÉMIE FRANÇOISE.
T
LA Séance publique , tenue le 17 de ce
mois pour la réception de M. Vicq-d'Azyr
à la place de M. le Comte de Buffon a
été des plus brillantes. Le defir de l'enten
dre parler de fon illuftre prédéceffeur ,
c'cft- a- dire , d'entendre louer un homme
célèbre qui mérita fi fort la louange , par
un Académicien qui fait fi bien la déderher
, devoit déterminer l'affluence ; & la
préfence de M. le Comte d'Oels , qui venoit
ajouter de nouveaux motifs à l'admira
tion publique , n'a pu qu'augmenter l'in
térêt ordinaire à ces fortes d'Allemblées .
Quelque accontumé que foit M. Vicqd'Azyr
aux grands fuccès dans la carrière
des éloges , il pouvoit redouter des Audi
teurs qui devaient être fort exigeans , talkt
par ce qu'ils attendoient de lui- même , que
par la profonde eftime qu'ils fentoient
pour fon prédéceffeur ; & c'eft un beau
triomphe pour lui ” ; “ que d'avoir fatis
fait à l'attenté
& à Finagin
Fimagination
de c de ceux
qui l'ont entendu . Noble par Fidée e pat
l'expreffon , fon hommage a paru digne
de celui à qui il étoit adreffe ; il a fu l'apprécier
en Savant , & le louer en Orateur ;
& fon difcours a reçu les plus vifs & les
plus juftes applaudiffemens
. Un des mor
ceaux qui ont fait le plus de fenfation ,
1st
#26 MERCURE
c'eft le parallèle de M. de Buffon & de
Linné. On a applaudi à l'éloge de notre
jeune Monarque & de fon augufte Epoule ;
une Reine touchée de nos maux , un Roi
qui non content de les réparer , fe difpofe
à en târir pour jamais la fource , ne penyent
que vivement intérefer une Nation
auffi jufte que fenfible. Le Miniftre qui
coopère à ce grand Ouvrage , a dû avoir
part à ces éloges comme à notre reconnoiffance.
M. le Marquis de St. Lambert , en quar
lité de Directeur de l'Académie , a répondu
à ce Difcours ; il a loué le nouvel Académicien
avec autant de juftice que de grace
& d'élégance ; & l'hommage qu'il a rendu
à M. de Buffon , quoique l'ufage lui pref
srivit un cadre moins étendu , avoit une
précifion qui, fans rien faire perdre au
Héros , ne prouvoit que mieux le talent
du Panégyrifte.
M. l'Abbé de Lille a terminé & couronné
cette Séance par deux morceaux de fon
beau Poëme fur l'Imagination , Ouvrage
qui , aujugement de ceux qui l'ont entendu
loifir & jugé avec réflexion , doit ajouter
encore à la grande eftime qu'on a pour
fon talent. Il paroît que, délivré des entraves
du Traducteur , fon génie poétique fe
reffent de cette précieufe liberté. Dans les
morceaux qui ont été lus à cette Séance ,
la beauté des idées , la richelle de la poésie ,
& l'intérêt des divers tableaux , ont obtenu
des applaudiffemens univerfels.
DE FRANCE. 117
SPECTACLES.
ACADÉMIE ROY. DE MUSIQUE,
Lus repréſentations du Démophoon qui
ent fuivi la première , ont été , comme
nous l'avions prévu , mieux fenties & plus
goûtées. Au petit plaifir de donner des défagrémens
à l'Ouvrage d'un Littérateur trèsdiftingué,
a fuccédé le plaifir moins piquant
mais plus flatteur & plus pur , d'entendre
un Ouvrage agréable. Les préventions trop
ou trop peu favorables avec lefquelles
on avoit d'abord écouté la mufique , ont
difparu. On l'a jugée fuivant la véritable
valeur ; & le Compofiteur a lieu d'être fatisfait
de l'opinion qui en eft reftée ; favoir,
qu'avec autant de jeuneffe & auffi peu
d'habitude de notre Scène , il étoit impoffible
de débuter avec plus d'éclat , & que
eet Ouvrage même donne la preuve que
l'Auteur a tout ce qu'il faut pour faire
encore mieux . Nous allons entrer dans
quelques détails , ainfi que nous l'avons
promis.
En lifant dans notre dernier N° . le plan
de Métaitafe & celui de M. Marmontel ,,
F
123
MERCURE
en a déjà pu juger en partie du mérite de
ce dernier. Achevons ce parallele en faveur
de ceux qui n'ont pas lu Métaltaſe ,
ou qui ne l'ont pas fous les yeux.
C'eft un défaut effentiel dans le Drame
Italien, d'avoir ajouté à l'action principale la
feconde intrigue de Cherinto & de Creuf
Ce qui peut feul la faire pardonner à l'Auteur
, c'eft la néceffité , impofée par l'ufage ,
d'avoir toujours pour le fecond homme &
la feconde femme , deux rôles intéreffans ,
mais moins intereffans pourtant que les
premiers . M. Marmontel n'a pas entièrement
évité ce défaut , puiſqu'il a employé
aufli ces deux perfonnages , mais il l'a du
nioins prodigieufement adouci . La Creufa
de Métaftafe eft un caractère fort bizarre .
Très- amoureufe de Cherinto , elle eft cependant
fort bleffée de l'indifférence
lui témoigne le fils aîné du Roi. A l'inftant
où fon amant lui déclare malgré lui ,
fa flamine fecrète , où fon coeur , troublé ,
par cet aveu , eft prêt à en laiffer échapper ,
un femblable , Timante arrive , lui dit
très poliment , mais fans s'expliquer davantage
, qu'un obftacle invincible s'oppoſe à
leur union : il la fupplie de le refufer la
première. On croiroit qu'elle doit être)
fort aife d'un incident qui rend plus
libre un penchant dont le fpectateur ne
doute pas ; point du tout : elle ne revoit
Cherinto que pour lui demander la tête
de fon frère , qui l'a , dit- elle, outragée , &
t
que
DE FRANGE.
रहे
que pour l'accabler de inépris , parce qu'il
ne fe rend pas à fes voeux . Peu après , clie
fe plaint à Démophoon avec une fierté
qui révolte le Tyran lui-même. Elle veut
que Timante foit contraint à lui donner
la main , pour le feul plaifir de las refufer.
Au refe , ce caractère altier ne fe foutient
pas ; car c'eft elle - même qui , touchée des
malheurs de Discé , intercède pour elle .
M. Marmontel a été bien plus adroit en
donnant d'abord à fon Ircile un caractère
de douceur qu'elle ne dément pas.
Il peut être curieux de remarquer comment
ces deux Auteurs ont fenti différemment
les convenances theatrales. Dans
Métaftale , après la déclaration de Che-
Tinto, Timante paroît & renvoie fon frère
101 55
» Dis - moi , Cherinte , eft-ce-là la Princeffe de
Phrygic ?
CHERINTE. C'eft elle.
TIMANTE. Il faut que je lui parle. Pouf un
feul moment laiffe -nous.
CHERINTHE . J'obéis.,Apart. Quelle peine !
anwitasconia va s diet nôlk
Voici la fcène de M. Marmontel.A
·
OSMID E.
ANAYO . JOY
Princeffe, un malheureux vous demande la vie.
A moi !
IRGILE.
1
OSMI D E.
Ce n'eft qu'à vous que je puis recourir ,
FS
1130
MERCORE
Sans vous je n'ai plus qu'à mouri ;
Toute efpérance m'eft ravie.
Néade eft généreux ; il eft fage & difcret ,
Il ne trahirá pas fon ami dans fon frère ;
Et je puis dans fon fefn dépofer mon fecret.
On vous deftine à moi , je fuis époux & père.
Combien ce début eft plus touchant ! combien
les égards qu'il témoigne à Néade , &
cette confidence entière , font plus propres à
lui rendre laPrinceffe favorable ! Remarquez
qu'avant de la refufer , il lui dit pourquoi
il la refufe , & fes motifs font invincibles.
Cependant , pour adoucir encore jufqu'à
Tapparence d'un refus , il lui offre la main
de fon frère , à qui il cède le trône.
Que ne cède-t-on pas pour fauver ce qu'on aime
20
allo De
y joint même de la galanterie..T
! Au plaifir de voir tant de charmes ,
Mon frère a dû s'accoutumer.
All dans un coeur fait pour pour aimer , o7
Dans un coeur libre & fans alarmes ,
Quels feux vous devez allumer !
i
Qui , dans l'inffant où je lui donne enig
Mon héritage à recueillir
Il penfe moins à la couronne
Qu'à celle qui doit l'embellir.
Hem A
DE FRANCE 131 .
Quelque parti que M. Marmontel air
fu tirer de cette double intrigue , il faut
convenir que c'eft un défaut . Mais étoit- il
évitable ? Ne tenoit- il pas indifpenfable
ment au fujet , qui ne pouvoit fe paller
d'accefloires D'ailleurs il n'y a qu'une fcène
d'amour entre ces deux perfonnages , & elle
contient des détails charmans pour la mufr
que. N'eft- ce pas une excufe ? Le tranquille
Spectateur , préfent à l'effet d'un Drame
n'a pas été préfent à fa conftruction . Il
voit la faute , il ne voit pas ce qu'il en eouteroit
pour l'éviter , & qu'on ne peut fouvent
réformer un défaut fans en introduire
de plus graves. Il en eft de même
du dénouement. On ne fait , dit on , ce
que deviennent Ircile & Néade . Eh !
qu'importe , fi l'on ne s'eft bien intéreffé
qu'aux deux époux ? On a vu qu'il étoit
impoffible à M. Marmentel d'employer
le dénouement puérile & compliqué de
Métaftafe , quoiqu'il produife une charmante
fcene . Ne peut-on pas fuppofer que
l'affaire s'eft arrangée avec le Roi de Phrygie
, ou plutôt qu'Ofmide , heureux de fon ,
feul amour , aura perfifté dans fa renonciation
au trône ? Vouloit-on que l'Auteur
refroidit la fin de fon Drame par ces explications
?
Ces développemens , toujours très- difficiles
au Théatre , & inadmiffibles à notre
Théatre Lyrique , ont fait dire que la fé
rocité de Démophoon n'étoit pas affez moa
1
132 MERCURE
tivée. On n'a pas voulu voir qu'Aftor , qui
reparoît avec le Roi , vient d'avoir avec lui
une converfation violente , dans laquelle
il a porté l'infolence au dernier degré.
Démophoon eft furieux , & il fe venge
avec la barbarie d'un Thrace. Ce qui arrive
enfuite n'eft pas fait pour l'appaifer. C'en
eft allez , à ce qu'il nous femble , pour un
Théatre où l'on doit être avare de paroles.
On a critiqué des fautes de ftyle dans
cet Ouvrage , & plufieurs avec raifon. Il:
faut convenir que dans les fept à huit
cents vers qui le compofent , il n'y en a
guère que deux cents qui font pleins d'in-,
térêts , de douceur & de grace, tandis qu'on
en pourroit trouver une demi- douzaine ,
une douzaine peut être de négligés , &
même quelques-uns d'incorrects. Le Public
ignore , mais ceux qui écrivent pour le
Theatre favent bien comment il arrive que
dans une Pièce , même foignée en général
pour le ftyle, il fe rencontre de ces iné
galités. La marche dramatique , la coupe.
de la fcène , les formes de la mufique
exigent fouvent des changemens qui doi
vent être faits à l'heure même , & dans des
inftans où l'efprit du Poëte , diftrait par
d'autres foins , n'en peut apporter autant
que pendantfon inſpiration à cet objet. Enfin i
on doit être indulgent pour des fautes qui
font rachetées par des beautés. Citons encore
un morceau de M. Marinontel, imité de Métaftafe.
DE FRANCE. 333
Chez les deux Poëtes , le premier foin du
Prince en arrivant de l'armée , eft de s'informer
de fon fils . Voici le texte Italien
littéralement traduit.
TIMANTE. Et le petit Olinte , ce tendre gage
nos chaftes amours , que fait- il ? croît- il en
beauté ? A qui de nous deux reffemble-t-il ?
DIRCE. Il commence déjà d'un pied débile à
former des pas incertains . Il a dans tout fon air
cette douce fierté qui , dans toi , fut fi bien me
plaire. Lorsqu'il rit , il me rappelle ton image.
Quand je le contemple , c'est toi que je crois contempler.
Oh ! combien de fois , féduite par une
douce erreur de mes yeux , je crus ferrer le père
contre mon fein , en y ferrant le fils !
Voici la traduction de M. Marmontel.
DIR CÉ,
Foible enfant, cher objet de crainte & de tendreffe,
Qu'il me fera doux , fi je vis ,
De voir que dans mes bras ton père te carefie !
OS MIDE.
Dis- moi, du moins, dis-moi fi l'on voit dans fes traits,
Ta bonté , ta càndeur , ce fouris pleins d'attraits :
·Eft- ce à ma Dircé qu'il reffemble ?
DIR CÉ..
Tout ce que j'aime en toi, mon enfant le raiſemble.
Toname eftdans fes yeux, ton air tendre cft le fien.s
144 MERCURE
C'eft ta vivante image , & fouvent il me femble
Que fon regard me dit ce qu'exprime le tien.
3:
Il nous refte à parler de la mufique.
On avoit extrêmement vanté les talens de
M. Chérubini avant qu'ils fuffent connus,
en France. Cette mal-adreffe de l'amitié eft
fouvent plus fatale que les injures de la
hane. Comme on attendoit beaucoup de
ce jeune Compofiteur on l'a jugé avec
beaucoup de févérité . Cependant fon fuccès
a réfifté à cette épreuve dangereufe , &.
d'eft affez en dire pour fon éloge , en général.
On lui en doit de particuliers. Son
Ouverture eft d'un beau flyle , & s'allie
fort bien avec le ton du refte de l'Ouvrage.
C'est tout ce qu'on doit exiger , à ce qu'il
nous femble, d'une Ouverture. Le premier
Chour , & la fcène de l'Oracle , ont le
caractère fombre & religieux qui leur convient.
Le Rondeau , Ah ! quand je vivois
pour moi - même , parfaitement chanté par
Mme. St. Huberty , eft d'une mélodie délicieufe
, foutenu par un accompagnement
riche fans être confus. Le Duo entre Ofmide
& Dircé eft l'un des plus beaux que l'on
commoiffe. Il finit par un de ces traits impérieux
qui excitent Penthoufiafine dans
les ames les plus froides.
L'Air de Néade , au fecond Acte , chanté
par M. Rouffeau avec beaucoup de graces ?"
a paru auffi d'un chant extrêmement flatteur
DE FRANCE. 135
Le Duo qui fuit feroit charmant , fi fon
effer n'étoit pas affoibli par celui du premier
Acte ; mais il a du moins un mérite
proportionné à l'intérêt qu'on prend aux
perfonnages. On a beaucoup applaudi l'air
qui fe trouve dans l'excellente feène que
nous avons cirée , & que M. Lainez chante
avec une grandefenfibilité. L'air du Maître,
au moins à notre avis , celui qui prouve le
mieux l'homme qui entend la fcène & qui
a médité fon Art , c'eft celui de la zine.
fcène, que Mme . St. Huberty chante avec
cette manière vraie , pathétique , terrible,
f on ofe le dire , dont la première elle a
donné l'idée. Les deux époux ont encore
dans cet Acte un Duo d'un très - grand effet.
Cet Acte finit par un air de délire qui a
paru très beau, & que nous croyons même
très-bien fait , fuit qu'il doive la fenfation
qu'il produit, à fon mérite intrinsèque , ou
A la chaleur qu'y met M. Lainez.
A
Le Trio du 3me. Acte a . femblé un peu
long , ce qui vient peut - être de ce que
Fintérêt , aloss preffant , ne porte pas furt
les perfonnages qui font en fcène. Il est au
furplus d'une belle facture. La fcène 6me.
& les fuivantes contiennent une marche
d'un chant trifte & religieux un air de
Dircé marchant à la mort ; inchoeur det
Prêtres à l'inftant du facrifice un autre
choeur de Prétreffes pour confoler la victime !
ces différens morceaux ont un caractère trop
rapproché , trop uniforme, pour produire
1361 MERCURE
tout l'effet qu'on devroit attendre du mérite
de chacun d'eux. Il falloir peut- être les
couper par une expreflion toute différente.
Au refte , on n'en a pas moins admiré furtout
le choeur des Prêtreffes , qui a paru fupérieurement
fait. Il feroit difficile de juger
le morceau qui termine l'Ouvrage Il
faut, pour l'entendre, qu'il règne plus d'ac
cord entre les Acteurs qui l'exécutent , &
les Spectateurs . ba
Nous ne parlons pas de quelques autres
morceaux fecondaires dans les rôles d'Aftor
& de Démophoon . L'Aureur n'a pas du
leur donner le même effer dramatique
mais ils n'en ont pas moins de mérite mu
fical. Ces deux rôles ont été très-bien rent
dus , l'un par M. Lais , & l'autre par M. Chardini.
Les airs de danfe ont été trouvés pleins
de mélodie & de graces.
On voit par cette foule de citations , que
les beaurés abondent dans cet Opéra Peut
être y en a-t- il trop , & ceft le défaut le
le plus grave que nous aurions , à re-!
procher à l'Auteur. A force de s'occuper
de l'effet dramatique & d'employer!
les moyens qui le produifent , on parvient
à l'affoiblir. Ce défaur , qui , après
tout , eft unexpreuve de mérite , eft commi
tous les , jeunes Compofiteurs qui
antadurgénie , & l'expérience feule peut
les en garantir. Le ftyle de M. Chérubini
eft clair parce qu'il eft formé dans une
bonne école & cette qualité eft d'autant
3
DE FRANCE. 137
plus remarquable en lui , qu'on pourroit
lui reprocher peur être un trop grand ufage
des inftrumens. C'eft encore l'expérience
qui lui apprendra que tout ce qui n'eft
pas abfolument néceffaire dans l'Orcheſtre
eft nuifible , & doit être fupprimé. Nous
oferions même penfer que ce défaut ne
tient point à fa manière particulière ; mais
en fe propofant de travailler pour nous ,
il a dû étudier les Ouvrages qui réufiffent
le plus en France : or , dans cette étude , il
eft très important de faire cette diftinction ,
que ce n'eft pas à caufe de tel procédé que
ces Ouvrages ont réufli , mais qu'ils ont
réuffi malgré ce procédé. Au furplus , M.
Chérubini s'annonce d'une manière à faire
préfumer que fon fecond Ouvrage ne laif
fera rien plus à défirer.
Le Ballet du premier Acte, & celui qui
termine l'Opéra , tous deux de M. Gardel ,
ont paru très bien deffinés. Les premiers
Sujets de la danfe y font admirer leurs
talens. Les Pas de quatre de la fin , exécutés
par MM. Gardel & Veftris , & Mefdames
Pérignon & Elisberg , d'un caractère
différent de celui de Panurge , ont réuni
tous les fuffrages .
"I3$ MERCURE
ANNONCES ET NOTICES.
ANNÉE 1789 , ou Huitième Année de la
Bibliothèque Phyfico- Economique , Inftructive &
Amufante , contenant des Mémoires , Obfervations
pratiques fur l'Economie Rurale ; les nouvelles
Découvertes les plus intéreffantes dans les Arts
utiles & agréables ; la Defcription & la Figure
des nouvelles Machines , des Inftrumens qu'on
doit y employer , d'aprèsdes expériences des Auteurs
qui les ont imaginés ; des Recettes , Prati
ques , Procédés , Médicamens nouveaux , externes
ou internes , qui peuvent intéreffer les hommes
& les animaux ; les moyens d'arrêter les Incendies
& autres Evénemens provenant des vices &
de l'altération de l'Air , de l'Ean ; de nouvelles
Vues fur plufieurs points d'Economie domeftique ,
en général fur tous les objets d'utilité & d'agrément
dans la vie civile & privée , & c . &c. ,
avec des Netes. 2 Vol. in - 12 , avec des Planches
en taille-douce. Le prix de chaque Volume broché
eft de 2 1. 12 f. , franc de port par la Fofte dans
tout le Royaume. A Paris , chez Buiflen , Libr.
rue Haute-feuille , Nº. 20.
Get Ouvrage forme actuellement 12 Volumes
in-12 , avez 33 grandes Planches en taille- douce ,
favoir , l'année 1782 , 1 Vol.; 1783 , 1. Vol .;
1784 , 1 Vol. 1785 , 1 Vol . 1786 , 2 Vol .;
1787 , 2 Vol . 1788 , 2 Vol . ; & 1789 , 2 Vol.
Chaque année fe vend feule ou féparée , au
prix de 2 1. 12 f. le Volume , broché , franc de
port par la Pofte . L'argent & la lettre doivent
être affranchis.
Nous reviendrons fur les deux nouveaux Volumes
de ce Recueil vraiment utife .
DE FRANCE 139
.7
Almanach hiftorique de la Ville , Diocèfe & Bail
liage de Sens, pour l'année 1789 ; rédigé par M. T.
D.S. , Avocat en Parlement. A Sens , chez Mme.
veuve Tardé , Imp. du Roi ; & à Paris , chez Néc
de la Rochelle , Lib. rue du Hurepoix , N. 13. ,
Prix , 12 f.
Moyens comparatifs de libération des Dettes
nationales de l'Angleterre & de la France , contenus
dans un Effai fur les reflources actuelles pour,
rétablir les finances de la Grande- Bretagne ; par
M. George Cranford , Ecuyer. Ouvrage traduit,
de l'Anglois , & dans un Mémoire fur l'emprunt,
& la libération ; par M. Grouber de Groubental,
Noble de l'Empire . A Paris , chez l'Auteur , rue
de la Marche , au Marais , No. 6 ; & chez Viffe
Lib. rue de la Harpe , près celle Serpente.
Cette Brochure mérite l'attention de ceux qui
s'intéreffent à la chofe publique.
Entretiens de Clotilde , pour exciter les jeunes;
perfonnes du sexe à la vertu , & fervir de fuite
aux Entretiens d'Angélique ; in- 12. Prix, 3 liv, rel.
A Paris , chez Benoit Morin , Lib. rue S. Jacques,
près celle de la Parcheniineris.
Il eft à préfumer que cet Ouvrage édifiant aura
antant de fuccès que les Entreticas d'Angélique ,
auxquels il fait fuite.
Vau d'un Citoyen fur la converfion des Dîmes
en un Impôt territorial qui fera perçu au profic
de l'Etat ; dédié aux Etats- Généraux ; in- 8 ° . A
Paris , chez Defenne , Lib. au Palais -Royal.
Cette petite Brochure , qu'on attribue à un Avocat
au Parlement de Paris , contient des vues d'u
tilité publique qui méritent d'être méditées.
840 MERCURE 1
Le Sr. Defnos , Ingénieur- Géographe , & Libr.
de Sa Majefté Danoife , à Paris , rue S. Jacques ,
au Globe , prévient MM. les Libraires , Marchands
d'Eftampes & Bijoutiers des Villes de France & des
pays étrangers, qu'il vient de mettre en vente vingtquatre
nouveaux Almanachs pour l'année 1789 ,
qui , réunis à la Collection , la complette
cent ,
y compris ceux de Géographie & d'Hiftoire. Ces
Almanachs , pour n'être pas confondus avec les
autres, ferent compofés de 96 pages d'impreffion ,
de Chanfons , Ariettes , Vaudevilles , avec des
Romances dans le genre d'Eftelle ; ils feront enrichis
de 12 jolies Gravures , à côté defquelles les
Chanfors analogues feront gravées en taille-douce,
avec perte & gain , & un ftylet pour écrire , qui
en fait la fermeture. Volume in- 24 , relié en maroquin
, du prix de 4 liv. 10 f. pour Paris , & de
5. liv. pour la Province , rendu franc de port. Ceux
qur défireront s'en procurer , n'auront qu'à les
défigner par leurs numéros , fous lefquels ils fe
trouvent , dans le Catalogue qui fe diftribue gratuitement
, pour éviter les méprifes.
Ledit Sr. Defnos aflure aauuxx Commerçans une
remife Lonnete fur le prix ; il donnera en fus , à
ceux qui en prendront 12 , le 13e. gratis.
t
?
Petite Carte , Eftampe à mettre fous verre , repréfentant
la France divifée en fes Généralités .
Intendances & Pays d'Etats , avec les Chefs-lieux
des Elections , Bailliages , Territoires , Prévôtés ,
Subdélégations , &c . Cette Carte eft enrichie du
Portrait de M. Necker , Minitre d'Etat , Directeur
général des Finances qui fe vend 2 liv. A
Paris , chez le Sr. Defnos , Ingénieur- Géographe ,
& Libraire du Roi de Danemarck , rue S. Jacques,
N°. 254.
,
DE FRANCE 141
Lucrèce , de la Nature des Chofes , traduit en
vers par M.Leblanc de Guillet. 2 Vol . grand in- 8 °.
Prix , 15 liv. br. ou en feuilles , 18 liv. reliés . A
Paris , chez Moutard , Imp- Lib. de la Reine , rue
des Mathurins , Hôtel de Cluni ; Plaffan , Libr. ,
Hôtel de Thou, rue des Poitevins , N. 18.
34
Le même, papier fin. Prix , 24 liv. en feuilles .
Obfervations & Réſultats fur la progreffion du
déficit dans les Finances , fur les moyens de le
combler , fur les proportions proportionnelles des
Impôts , fur les Priviléges & Abonnemens , fur
les Rentes viagères , fur le Tiers -Etat , fur la
balance à établir entre les trois Ordres , & fur
la formation des Etats - Généraux ; par M. Tur...
A. D. E. D. A Neuchatel , & fe trouve à Paris,
chez Defenne , Libraire , au Palais Royal , &
autres Marchands de Nouveautés . ,
-
Le Vau d'un Agriculteur , ou Efai fur quelquesmoyens
de remédier aux ravages de la grêle ;
par M. Sonnini de Manoncourt , ancien Officier
de Marine , Correfpondant du Cabiner du Roi ,
Membre de l'Académie Royale des Sciences ,
Arts & Belles Lettres de Nancy , &c. &c. A
Berlin ou à Londres ; & fe trouve à Paris , chez
Née de la Rochelle , Libraire ; & à l'hôtel de
Calais , rue Coquillère. A Strasbourg , chez Salfemanne,
Libraire Académique ; & chez les principaux
Libraires de France . Brochure de 35 pag.
Prix , 20 f.
Cette Brochure doit intéreffer dans les circonftances
actuelles , & nous invitons à la lire . Parmi
les moyens que l'Auteur propofe pour obvier à la
cherté des grains , on remarquera celui qu'il trouve
dans la fabrication de l'amidon & de la poudre
à poudrer.
142
MERCURE
Efai fur l'Hiftoire Naturelle des Roches de
Trapp , contenant leur analyfe , & des recherches
fur leurs caractères diftinétifs ; fuivi du Tableau
fyftématique de toutes les espèces , & variétés de
Trapps & de Roches qui ont pour baſe cette
Pierre par M. Faujas de Saint- Fond in- 12 A
Paris , rue & hôtel Serpente.
*
+
Mémoires pour fervir à l'Hiftoire Naturelle de
la Provence , par M. Bernard , Directeur-Adjoint
de l'Obfervatoire Royal de la Marine de Marfeille,
des Académics de Marfeille & de Lyon , Cortefpondant
de l'Académie Royale des Sciences de
Paris . 2 Vol. in - 12. Prix , reliés , 6 liv. A Paris,
chez Didot l'aîné , Lib. rue Dauphine.
La Provence eft très-remarquable par fes pro
ductions , & offre un riche théatre à l'étude de
Hiftoire Naturelle : M. Bernard fe propofe de la
faire connoître fous cet afpect dans une fuite de
Mémoires. Les deux Volumes que nous annonçons
renferment deux Mémoires de M. Bernard ; l'un
fur le Figuier , l'autre fur l'Olivier , tous deux
couronnés par l'Académie de Marſeille ; un Mémoire
fur le Caprier , par M. Beraud , couronné
par la même Académie ; avec un autre Mémoire
fur la Folle Avoine , par M. Gérard . Ces divers
morceaux font curieux , & font défirer la fuite
'de cette Collection.
No ice des principaux Réglemens publiés en
"Angleterre , concernant les Pauvres , à laquelle on
a joint quelques Réflexions qui peuvent la rendre
utile aux Afflemblécs Provinciales ; Brochure
de 64 pages. A Londres ; & fe trouve à Paris ,
chez Méquigron le jeune , Libr. au Palais.
15
ADE FRANCCEE. 143
Catalogue alphabétique des Arbres & Arbriſſeaux
qui croient naturellement dans les Etats -Unis de
l'Amérique Septentrionale , arrangés felon le fyftême
de Linné ; traduit de l'Anglois de M, Hum
phry Marshall , avec des Notes & Obfervations
fur la Culture , par M. Lezermes , Adjoint à la
Direction des Pépinières du Roi. In- 8 °. A Paris ,
chez Cuchet , Lib, rue & hôtel Serpente.
La Maison de Molière , Comédie en cinq Actes
& en profe , repréfentée par les Comédiens François
ordinaires du Roi , le 20 Octobre 1787 , & à
Verfailles , devant Leurs Majeftés , le 14 Novembre
de la même année , Prix , 36 f. A Paris , chez
Guillot , Lib, rue S. Jacques,

Cette Pièce a eu du fuccès , & on la revoit ensore
avec intérêt.
03
:
Mémoire fur les Preffoirs à Vin , qui a remporte
, en 1786 , le Prix propofe par la Société
Royale des Sciences, & des Arts de Metz , fur ce
fujet » Déterminer la forme la plus avanta
geule à donner au Prefloir , le compofer de
'façon qu'il occupe le moindre efpace poffible ,
qu'il produife le plus grand effet , & qu'il
5 n'exige qu'une force médiocre pour le mettre
péen jeu ce Par M. Jaunez , Architecte à Metz.
Brochure de 32 pages. A Paris , chez Barrois aîné, ·
Libr. quai des Auguftins,
Lettre de M. de Rubin de Celis , Chevalier de
l'Ordre de S. Jacques , ancien Officier de la Marine
Espagnole , Membre des Académies Royales
de l'Hiftoire d'Efpagne & de la Marine de France ;
a MM. les Rédacteurs du Journal de Phyfique,
au fujet de l'extrait de l'Ouvrage de M. le Coufeiller
de Born , fur l'amalgamation des Métaux.
Brochure in 12 de 28 pages. A Paris , chez Méquignon
l'aîné , Lib. rue des Cordeliers , près dés
Écoles de Chirurgie.
144
MERCURE DE FRANCE.
La defenfe de Rhodes par le Grand- Maître Villiers
de l'Isle- Adam , contre So'iman II , peint par
Henri Corneille Vroom , deffiné par J. B. Hilaire ;
gravé à Paris , chez P. Enftache l'Epine . A Paris ,
chez l'Auteur , rue du Fouare , No. 21 ,
place Maubert.
près la
Cette Eftampe eft gravée avec le plus grand
foin ; tous les détails en font finis ; elle eft d'un
bel effet, & doit faire beaucoup d'honneur au burin
de M. l'Epine.
+3
Faute à corriger dans le N° . précédent.
Page 78 , ligne 15, Mefdames de Landine ; lifeg
M. de Landine.
TABLE.
LE Coufin Jacques.
Charade , Enig. Logog:
uvres de M.Marmon.el.
Abrégé chronologique.
Cours raifonné.
97 Variétés.
102 Académie Françoiſe.
104
112
125
Académ. Roy. de Muf. 127
115 Annonces & Notices. 138
APPROBATION.
J'ai lu , par ordre de Migr. le Garde des Sacaux ,
le MERCURE DE FRANCE , pour le Samedi 20
Décembre 1788. Je n'y ai rien trouvé qui puille
en empêcher l'impreffion. A Paris , le 19 Décembre
1788. SELIS.
SUPPLEMENT,
3
CONTENANT
LES PROSPECTUS ET AVIS
DE LA LIBRAIRIE.
PETITE BIBLIOTHÈQUE DES
THEATRES ,
contenant un Recueil choifi des meilleures Pieces
du Théatre François , tragique , comique,
lyrique & houffon , depuis l'origine des Spectacles
en France jufqu'à nos jours , in - 18 ,
compofée de 13 vol. chaque année.
LA petite Bibliothèque des Théatres peut être
regardée comme la Collection la plus complette
qui ait jamais paru en ce genre : elle
joint à cet avantage celui d'une belle exécution
, d'être imprimée fur beau papier , & d'un
format portatif. Cette petite Bibliothèque peut
très-certainement tenir lieu des OEuvres de tous
des Auteurs Dramatiques , puifque cette Collection
offre un choix des meilleures Pièces
tragiques , comiques , lyriques & bouffonnes ;
toutes font précédées des Jugemens & Anecdotes
auxquelles élles ont donné lieu ; elles
font également précédées des Epîtres dédicatoires
, Préfaces , Sujets , Sommaires , & des Vies
des Poëtes , avec leurs portraits , gravés par
les meilleurs Artiftes : chaque notice de la vie
d'un Poëte eft fuivie du Catalogue analytique
& anecdotique de fes Pièces de Theatre qu'on
n'a pas inférées dans la petite Bibliothèque des
Théatres.
Supplém . Nº. 51. 20 Décemb. 1788. *
( 2 )
La foufcription eft de 33 liv . par année pour
Paris , & de 36 1. pour la Province , les volu
mes envoyés francs de port par Ja pofte. I
fuffit d'écrire au Sr. Belin , Libraire , rue St.
Jacques , près St-Yves , feul chargé de la vente
de cette Collection ; il faut affranchir les lettres
& le port de l'argent.
Il paroit actuellement cinq années de cette
Collection , & qui forment maintenant 68 volumes
; favoir , 60 volumes de Pièces de Théatres
, 3 vol . d'Effais hiftoriques fur la Tragédie
, & vol . des Etrennes de Polymnie. Le
prix defdites cinq années eft de 165 liv . prifes
chez le Libraire Belin .
par-
Malgré tout le foin qu'on s'eft donné à faire
exactement la diftribution des volumes à mefure
qu'ils ont paru , comme il nous eft
venu plufieurs réclamations nous prions de
nouveau Mrs. nos Soufcripteurs , en faifant
leur renouvellement pour la préfente année
de vérifier leur Exemplaire eft complet ; il
fera fait droit à toutes les réclamations , & les
volumes manquant feront délivrés à Mrs. les '
Soufcripteurs avec le N°. 1. 1789.
Malgré la certitude où nous fommes que
tous nos volumes ont été diftribués avec foin ,
& qu'en outre ce remplacement de volumes
nous foit très - préjudiciable par le grand nom
bre de collections qu'il nous décomplette , nous
préférerons toujours à notre intérêt le plaifir de
faire tout ce qui pourra être agréable à Mrs.
nos Soufcripteurs . A dater du renouvellement ,
tout Soufcripteur ne fera plus admis à réclamer
aucuns volumes des années précédentes ,
1784 , 1785 , 1786 , 1787 , 1788 , même en les
payant cette condition fera de rigueur. Les
Soufcripteurs qui auront négligé ou oublié de
fuivre leur abonnement , ne feront admis à fe
( 3 )
complèter , pour les années qui peuvent leur
manquer , que pendant le courant de l'année
1789 , & paffé le 31 Décembre de ladite an
née , on ne fera plus admis à fe compléter.
ETRENNES DE POLYMNIE ou choix de
Chanfons , Romances , Vaudevilles , &c . avec
de la mufique nouvelle , & des timbres d'airs
connus.
Les Etrennes de Polymnie font formées de
l'élite des productions de nos meilleurs Poëtes
lyriques . L'accueil favorable que le Public a
accordé à ce petit Chanfonnier , n'eft plus douteux
, & il eft regardé comme l'un des plus jolis
Recueils qui aient paru en ce genre. Cinq
années de fuccès font l'éloge le plus complet
que l'on en puifle faire. Le compte favorable
que Mrs. les Journalistes en ont annuellement
rendu, prouve le foin particulier, que Fon a pris
à ne le former que de Chanfons & Romances
de nos meilleurs Poëtes & Muficiens . L'année
1789 eft actuellement en vente chez le Sr.
Belin , Libraire , rue St. Jacques. On peut fe
procurer chez le même Libraire les années
1785 , 1786 , 1787 , 1788 , au prix de liv.
16 f. chaque Exemplaire , & de 2 liv. franches
de port pour la Province. Il fant affranchir le
port de l'argent & des lettres d'avis.
1
OUVRAGES publiés en 1788. A Paris ,
chez Belin , Libraire , rue Saint -Jacques ,
près Saint- Yves , No. 26.
LES
CONVERSATIONS D'ÉMILIE
> 2 vol.
in - 12. cinquième édition , rel . 6 liv. &
sto br.5 liv.
( 4 )
Deux éditions de cet excellent Ouvrage étoient
déjà épuifées , quand , en 1782 , l'Académie
Françoife le couronna comme le meilleur Ouvrage
fur l'éducation. Cette cinquième & ders
nière édition a été revue avec grand foin fur
les manufcrits de l'Auteur , & augmentée d'en
viron foixante-douze pages. Cet Ouvrage élémentaire
eft très- utile pour la Jeuneffe , furtout
pour les jeunes Demoifelles , auxquelles
on peut en faire préfent pour étrennes.
LETTRES D'UN VIEILLARD à un Jeune Homme
qui entre dans le Monde , I vol.
in- 12. br. 1 liv. 16 (.
L'Auteur , dans ces Lettres , a eu pour objet
la Jeuneffe ; il a
fes fauffes idées ou le deffein de réforiner.
de lui imprimer de bons
fentimens , d'élever fon ame , & de diriger fes
fentimens vers des études qu'elle néglige . Ce
Mentor d'un jeune homme qui entre dans le
Monde , fait voir à fon Elève les écueils qu'il
faut éviter ; & ce qui conciliera à l'Auteur l'ef
time des perfonnes honnêtes , c'eft l'amour du
bien , ce font les vûes d'humanité qui paroiffent
avoir dicté plufieurs de fes bobfervations .
DICTIONNAIRE PORTATIF DES FEMMES
CÉLÈBRES , Contenant l'Hiftoire des Femmes
favantes , des Actrices , & généralement
desDames qui fe font rendues fameufes
dans tous les fiècles par leurs
aventures , les talens , l'efprit & le coutrage
; nouvelle édition revue & confidérablement
augmentée , 2 vol. in - 8 . rel .
12 liv.
On vient d'ajouter à cette même édition un
( 5 )
fupplément de prefque toutes les Femmes vivantes
, telles que Mefdames d'Arconville , de
Beauharnois , Beaunoir , de Boufflers , de Sillery
, de Keralio , Riccoboni ; & des A&trices
Mefdemoifelles Arnoult , Carline , Colombe ,
Colombe-Adeline , Contat , Dufay , Dugazón
Fannier Joli-Maillard , Saint-Huberti , Saint-
Val , & c. &c. &c.
MES SOUVENIRS , & autres Opufcules poé
tiques de M. Leguay , nouvelle édition ,
ornée de figures en taille- douce 2 vol.
in - 12. br. 4 liv.

Il n'eft pas poffible d'extraire les jolis vers
que des volumes renferment ; on n'a rien né
gligé , tant pour la partie typographique , que
pour la beauté du papier.
MÉMOIRES DE MADAME LA COMTESSE DE
ROCHEN , ou Aventores d'une Dame de
qualité , 3 vol. in- 12. br. vol . in- 12 . br. 4 liv. 10 f.
L'Auteur , a rendu fon Ouvrage inftructif &
amufants il eft rempli d'événemens extraordi
naires & intéreffans : des circonftances malheureufes
qui font furvenues à la Conteffe de
Rochen , l'ent forcé de quitter fa patrie ; elle
paffe par la Hollande , la Suele , le Danemarck
, &c. Elle fait une defcription très détaillée
de ces différens Royaumes , & raconte
quelques hiftoires particulières , qui attachent
le Lecteur ; en forte que ces Mémoires fontplutôt
une Hiftoire qu'un Roman.
LA VIE DE FRÉDÉRIC , BARON DE TRENCK ,
troifième édition 2 vol. in - 12. avec le portrait
de l'Auteur , br. 3 liv. 12 f.
!!!
üj
( 6 )
Peu de Livres contiennent des faits plus intéreffans
que ceux qui font confignés dans
cette Vie du Baron de Trenck : jamais homme n'a
été plus malheureux , & n'a foutenu l'excès du
malheur avec une conftance & une intrépidité
plus extraordinaires. Ceci eft une Hiftoire & non
un Roman ; c'eſt le récit d'événemens véritables ,
paffés fous les yeux de témoins qui vivent
encore , & dont l'Auteur , qui en cft le Héros ,
confent à être jugé par le Public équitable. Le
Traducteur a profité des reproches qu'on lui
avoit faits dans les premières éditions , d'avoir
omis quelques particularités concernant le
procès que cet illuftre malheureux a en à foutenir
pour
ventrer dans fes biens , & un plus
grand détail fur fon coufin , le Trenck Autrichien.
Le même Traducteur ( M. le Baron de Bock )
vient de publier , Recherches Philofophiques
fur l'origine de la Pitié , in- 12 .
br. 1 liv. 10 f.
Du même Auteur , les OEuvres diverſes , 2
vol. in- 12 . 5 liv. "
Contenant l'Effai fur l'Hiftoire du Sabéifme ,
auquel on a joint le Catéchifme de la Religion
des Drufes , & un Mémoire hiftorique fur le
Peuple Nomade , appelé en France Bohemien :
Je tome fecond contient les Apparitions ( Anecdote
) , le Voyageur & le Tribunal fecret.
L'ART D'APPRENDRE & D'ENSEIGNER LE
LATIN SANS MAITRE , & d'enfeigner en
même temps le Latin d'après nature , & le
François d'après le Latin ; mis à la portée
de toutes perfonnes raisonnables qui
( 7 )
favent lire & écrire ; par feu M. le Bel ,
Maître de Penfion , 2 vol. br . 5 liv . 4 f.
FRAGMENS, DE POLITIQUE ET DE LITTÉRATURE
, fuivis d'un Voyage à Berlin , 1
vol. in- 8. br. 4 liv. 10 f.
ZOOLOGIE UNIVERSELLE ET PORTATIVE
ou Hiftoire Naturelle de tous les Quadrupèdes
, Cétacées , Oifeaux & Reptiles -
connus ; de tous les Poiffons , Infectes &
Vers ou nommés , ou anonymes , mais
indigènes ; & d'un très grand nombre de
Poiffons , d'Infectes & de Vers anonymes
& exotiques ; par M. l'Abbé Playcard Auguftin
Fidèle Ray , i vol. in 4. en forme
de Dictionnaire , br. 15 liv.
T
OBSERVATIONS SUR LA COUTUME DU RESSORT
DU PARLEMENT DE METZ ; par feu
M. Gabriel , 2 vol. in-4. br. 24 liv .
M. Gabriel , Doyen , & Bâtonnier des Avocats
de Metz , avoit compofé cet Ouvrage pour
l'inftruction des jeunes Jurifconfultes , & ne
l'avoit pas deftiné à l'imprefion. Il en a fait un
legs à l'Ordre des Avocats du Parlement de
Metz ; mais le mérite de ces Ouvrages &
P'utilité de leur publication fe faifant fentir de
jour en jour , & l'opinion de M. Gabriel ayant
acquis la force d'une autorité , FOrdre des
Avocats s'eft déterminé à le rendre public.
M. Gabriel eft encore Auteur de l'Autorité
fur les vrais & faux Principes des Dixmes
, vol in-12 . br. 3 liv.
NOTICES GÉNÉRALES DES GRAVEURS divifés
( 8 )
C
par Nations , & des Peintres rangés
par Ecoles , précédées de l'Hiftoire de la
Gravure & de la Peinture , depuis l'ori
gine de ces Arts jufqu'à nos jours , &
fuivies d'un Catalogue raifonné d'une
Collection d'Eftampes ; par M. Hubert
Traducteur de la Mort d'Abel , vol.
in- 8. br. 8 liv.
LA CONSOLATION DU CHRÉTIEN , ou Motifs
de confolation dans les fouffrances
& dans toutes les circonftances de la Vie ;
par feu M. l'Abbé Roiffard , 2 vol . in- 12.
troifième édition , rel . s liv.
Les trois premières éditions de cet Ouvrage
ont été éputées en très-peu de temps ; il eft
rempli d'onction & de fentimens de piété qui
font aimer la Religion & rendent le calme à
l'ame.
LES SOUFFRANCES DE NOTRE SEIGNEUR
JÉSUS - CHRIST , traduit par le P. Albaume ,
3 vol. in-12 . 9 liv..
TRAITÉ DES JARDINS , ou le Nouveau La
QUINTINIE , en 4 vol . in - 8 . avec 24 fig.
Le tome premier contient le Jardin fruitier
; le tome fecond , le Jardin potager ;
le tome troifième , les Arbres d'ornemens;
de tome quatrième , les Serres chaudes &
les Arbres étrangers , rel . 22 liv.
Le come quatrième , contenant beaucoup de
figures , fe vendra feal pour les perfonnes
qui ont les trois premiers brochés, 7 liv .
THEATRE D'UN POETE DE SIBARIS , traduit
( 9 )
pour la premiere fois du grec , avee des
Commentaires , des Variantes & des Notes,
au Théatre
des Grecs , 3 vol. in 18. br. 6 liv.
pour fervir
de
Supplément
»
DE LA MONARCHIE FRANÇOISE ET DE SES
Loix par feu M. Chabrit , 2 vol. in- 8 . ;
br . 6 liv.
NB. On peut affranchir le port de la lettre
& de l'argent , & on recevra tous ces Ouvrages
br . francs de port, par la pofe , en ajou
tant 10 f. par in- 12 , 15 f. par in-8 .
THE General Advertifer , for Great Britain ,
Ireland and The United States of America.
ANNÉE 1739 .
C'EST la feconde année de ce Journal Anglois
que nous annonçons au Public ; l'accueil
qu'il a bien voulu faire à cette entrepriſe nouvelle
, nous fait un devoir de redoubler nos
efforts pour en rendre l'exécution encore plus
digne de fes encouragemens .
Nous n'infifterons pas fur l'utilité dont peut
être un pareil Ouvrage périodique en France
& fur tout dans cette Capitale , où la Langue
Angloife devient de jour en jour plus fami-,
lière. Nous n'avons à cet égard qu'à rapporter
ici ce qu'écrivoit un Correfpondant anonyme
du Journal de Paris , dans la feuille du 12 Fé
vrier dernier , Nº. 43.-
.
» J'aime à voir une Gazette Angloife , im-
» primée en Anglois dans la Capitale de la
France. Pour ceux qui aiment à fuivre le
cours des chofes humaines & à obferver les
» mouvemens qui agitent les Gouvernemens
» & les Peuples , il y a peu de lectures plus
( ia )
» intéreffantes que celle des Papiers Anglois.
» C'est là qu'on voit à découvert les principes
» de ce Gouvernement fi diverfement appré-
97
»
cié , les refforts qui le font mouvoir , les
» Aluctuations du crédit , de l'opinion , de la
» faveur populaire. Comme la Conftitution y
laiffe à chaque Citoyen le droit de dire &
» d'écrire tout ce qu'il penfe fur les affaires
publiques , l'enthoufiafme & la corruption ,
le patriotifme & l'efprit de parti élèvent
» à la fois leurs voix ; & cette contrariété de
paffions , de fentimens & d'intérêts divers ,
forme une image fidèle de ce peuple in-
» quiet , ardent , fier & jaloux de fon indépendance
, tourmenté de fa liberté , crai
» gnant fans ceffe de la perdre , & trouvant
» fa sûreté dans cette inquiétude même ; in-
» conftant dans fes goûts comme dans fes
principes ; agité tour à tour par des terreurs
imaginaires , & enivré d'efpérances chimériques
; toujours , comme dit Pope , trompe
& détrompé par lui-même.
ב כ
25
20
"
30
CC
» Still by herfuf abus'd or difabus'd
Le General Advertiſer ferà toujours compofe ;
1º. D'un choix de Nouvelles politiques , relatives
à la Grande - Bretagne & à l'Irlande ,,
ainfi qu'aux Etats - Unis de l'Amérique. La,
communauté de langage qui femble thir encore
ces deux Empires que la politique a divifés ,
ne permet pas de les féparer dans une feuille
écrite en anglois , & deftinée à l'inftruction &
à l'amuſement de ceux qui aiment & cultivent
cette Langue.
Des événemens particuliers , des pro-,
cès & des jugemens intére fans , des anecdotes
curieufes on propres à faire connoître les
moeurs & l'efprit d'un peuple fi digne d'être
obfervé.
( It )
3º. Des découvertes & inventions relatives à
l'Agriculture , aux Manufactures & aux Arts , &c .
4. De l'annonce des nouveautés qui auront
quelque fuccès fur les différens Théatres de
Londres , en recueillant les particularités les
plus curienfes relatives à cet objet.
5°. De l'annonce des Ouvrages principaux
qui fe publieront en Angleterre , dans toutes
les branches de Science & de Littérature , avec
une analyfe fuccin &te ou des fragmens intéreffans
de ceux qui mériteront le plus d'être connus.
6. De mélanges qui contiendront quelques
Pièces fugitives , en vers ou en profe , choi
fies avec attention ; des avis finguliers des
plaifanteries morales ou politiques , & c.
On conçoit combien une fi grande variété
d'objets , lorfque le choix en fera dirigé par le
goût , peut offrir à la fois d'inftruction & d'a
mufemens aux Lecteurs qui aiment à obferver
chez tuhnee
mens & des mceurs
grande Nation , le cours des évène
& à ceux mêmes qui ne
chercheroient qu'à fe familiarifer , fans beaucoup
de
23
chercherail & fans ennui , dans la Langue
Angloife. La multitude des Gazettes & des
Ouvrages périodiques de tout genre qui s'impriment
en Angleterre , ne laiffent que l'em
barras du choix pour les matériaux de celle
que nous offrons au Public François .
Nous continuerons de porter la même attention
à l'exécution typographique. Des Anglois
, qui ne croyoient pas qu'on pût imprimer
Paris avec une correction foutenue un Ouvrage
dans leur Langue , ont été étonnés de
trouver dans notre General Advertiſer beaucoup
moins de fautes que dans leurs meilleures
Gazettes . 7
On publiera , comme l'année dernière , 52
muméros par an ; chaque numéro fera com(
12 )
pofé de deux feuilles in- 4. , caractère perit
romain gros oeil , à double colonne. Il paroî
tra un Numéro le Lundi de chaque femaine.
Le premier N. fera publié le Lundi 5 Janvier
1789.
L'abonnement fera de 48 liv. , port franc
par tout le Royaume . On s'abonne en tout
temps , pourvu que ce foit pour une année
entière . Il faut affranchir le port des lettres
& de l'argent.
On foufcrit à Paris , chez FISSOT , Libraire ,
quai des Auguftins , No. 21 ; & chez les principaux
Libraires de l'Europe .
JOURNAL DES CAUSES CÉLÈBRES.
PEU d'Ouvrages périodiques réuniffent à
l'avantage de piquer la curiofité dans le moment
, celui d'intéreffer dans tous les temps.
Le Journal des Cauſes célèbres offre ce double
avantage. Chaque volume contient le commencement
, les progrès & la fin des différens
Procès qu'il renferme. On y trouve la peinture
des moeurs de la génération actuelle ; &
fouvent les évènemens bizarres ou extraordinaires
qui ont produit une Caufe célèbre , pré--
fentent des détails plus curieux & plus intéreffans
que ceux qui infpirent tant d'attraits
pour la lecture des Romans.
Il paroit un Numero de ce Journal tous les
quinze jours . Le prix de la Soufcription eft de
18 liv. pour Paris , & de 21 liv . pour la pro
vince . On foufcrit chez M. DES ESSARTS ,
Avocat rue du Théatre François , près la
Place ; & chez MERIGOT le jeune , Libraire ,
quai des Auguftins , près la rue Pavée.
"
Lu& approuvé. A Paris , ce 16 Décemb. 1788. CAILLEAU,
Ajoint.
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 27 DÉCEMBRE 1788 .
PIECES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
VERS
A l'Auteur de la Chanfon la plus Jolie .
PRE BRSONNE n'aime autant que mɔi
L'Auteur d'une Chanfon jolie :
L'Amour m'impoferoit fa loi ,
S'il connoiffoit bien ma folic.
Je me fais en beau le portrait
D'un Auteur à Chanſon jolie ;
No. 52. 27 Déc. 1788.
146
MERCURE
Chaque couplet eft un attrait
Qui fait augmenter ma folic.
MAIS je ne vois jamais de près
L'Auteur d'une Chanſon jolie ;
Ce feroit m'expofer exprès
A faire une tendre folię .
AUTREFOIS je fus te fujet
De plus d'une Chanſon jolie ;
Hélas ! je ne fuis plus l'objet
D'aucune agréablę folię .
POUR plaire aux Enfans d'Apollon ,
Faut-il être la plus jolie ?
Ah ! combien au facré Vallon
J'ai vu de laideur embellie !
Muse , de qui je prends leçon ,
Prête- moi ta douce harmonie ;
Fais que j'infpire une Chanfon
A l'Auteur de la plus jolie.
}
( Par Mme. la Bar. de Montanclos. )
DE FRANCE. 147
RÉ PO N S E.
JE vous dois , au lieu de Chanton ,
Un fentiment bien véritable ......
Pour plaire aux Enfans d'Apollon ,
Croyez qu'il fuffit d'être aimable.
Vous l'aurez toujours , en effet ,
Cet heureux talent de féduire ;
Si la beauté vous délaiffoit ,
L'efprit vous rendroit fon empire.
Quoi ! déjà vous dites : Je fus !
Quelle crainte & quelle foibleffe !
Ah ! la ceinture de Vénus
A votre taille ira fans ceffe.
-NINON' favoit , à foixante ans ,
Faire envier (es douces chaînes ;
Anacréon , en cheveux blancs ,
A charmé les Dames d'Athènes.
MUSE & Grace , offrez à l'Amour
Ce charme indépendant de l'âge ;
Mais:fi vous plaifiez moins un jour ,
Il faudroit aimer davantage. Į
LE Zéphyr, ea butte aux rigueurs
S'échappe au lever de l'aurore ;
-olsunM „M s. ) G 2
I
148 MERCURE
I
La Rofe fe couvre de pleurs ,
Mais fon épine tient encore .
A midi , quel brûlant tranſport !
La Rofe dit : Je fus trop fage ;
Et le foir , plus habile encor
Elle ouvre fon fein au volage.
>
Si vous aviez pareil deſtin ,
Je vous dirois : Faites comme elle ;
Mais près de vous , foir & matin ,
Le Zéphir doit être fidèle .
( Par M. Augufte Gaude. )
Explication de la Charade , de l'Enigme &
du Logogriphe du Mercure précédent.
LE Le mot de la Charade eft Orange ;
E
celui de l'Enigme eft Dé à jouer ; celui du
Logogriphe et Carme.
CHARA D´E.
CHAQUE Lecteur a mon premier ;
Pour mon fecond ,
C'eſt un poiffon ;
Et mon tout couvre mon premier,
( Par M, Mauclerc , de Châlons. )
DE FRANCE. 149
ENIGM E.
Tour mortel me connoît , & je fuis inviſible ;
Mon Empire eft brûlant , & glacé mais terrible ;
De Bellone & Céfar je fais l'affreux métier :
Je parcours l'Univers fouvent dans fon entier ;
Et tel qui fait le brave avant que je l'attaque
Pâlit dès qu'il me fent , & fond dans fa calaque.
Chacun craint ma préfence , & tout être vivant
Tremble quand mà fureur s'exerce dans fon fang.
( Par M. Arnaud de S. Maurice. )
,
LOGOGRIPHE
.
EN préfentant au lourd taureau
Un lieu qui lui donne la vie ,
J'offre , dans mon autre partie ,
Tout ce que l'homme a de plus beau.
Pour mon entier , crois m'en , Lecteur ,
C'eft la jactance d'un Auteur.
( Par un Aboané. )
G3
150
MERCURE
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
stion d M
LA Belle - Mère , ou les Dangers d'un
fecond mariage , Comédie en cinq Acles
& en vers ; par M. VIGÉE , Secrétaire
du Cabinet de MADAME ; repréſentée
pour la première fois par les Comédiens
François ordinaires du Roi , le Jeudi 24
Juillet 1788. Prix, 30 f. A Paris , chez
Prault , Imprimeur du Roi , quai des
Auguftins , à l'Immortalité.
LA première tepréſentation de cette Pièce
a éprouvé quelques contradictions , & l'Auteur
devoit s'y attendre. Ses Aveux difficiles
& la Fauffe Coquette avoient réuffi
à ce Théatre. Un feul fuccès auroit fuffi
pour lui faire des ennemis en nombre raifonnable;
deux fuccès ont dû doubler ce
nombre. Ils lai ont fait encore un autre
tort. De ces deux Pièces , l'une étoit en un
Acte , l'autre en trois ; c'étoit donc en lui
une témérité d'entreprendre une Comédie
en cinq Actes . Toutes deux étoient d'un
genre léger , galant, agréable : il n'étoit donc
pas capable de traiter un fujet férieux &
DE FRANCE. 151
attendriffant. Voilà ce que la prévention a
dû dire , & jamais elle ne manque de
moyens pour le faire écouter.
M. Vigée , en faifant imprimer cette
Pièce qui a eu fix repréſentations , met le
Public à portée de juger l'influence que ces´
différentes caufes ont pu avoir fur la première
.
Nous n'entrerons point dans le détail
du plan & de l'intrigue : c'eft ce qu'on a
déjà fait dans ce Journal , en rendant compte
des repréſentations
: nous nous bornerons à
donner une idée du ſtyle .
Un des principaux mérites du ftyle dramatique
eft de fe plier aux différens caractères,
& d'en marquer les diverfes nuances.
L'Auteur de la Belle-Mère nous paroît
avoir été fidèle à ce principe . Il y a de la
bonté , de la franchiſe dans le rôle de M.
de Belfont ; de la fineffe , & une fenfibilité
quelquefois affectée dans celui de Madamė
de Belfont ; de la grace & de la naïveté
dans celui d'Angélique , ainfi du reftè . Non ,
dit l'aimable Angélique à fa Belle Mère.
Non ,vous ne favez pas ce qu'il m'en a couté
Pour n'avoir jamais eu part à votre bonté :
Et cependant vingt fois , dans ma douleur amère ,
J'allois vous appeler du tendre nom de mère ;
Mais en vain de ce nom je fentois la douceur :
Arrivé fur ma bouche , il rentroit dans mon coeur.
G 4
152
MERCURE
Pour peu qu'on fache le fujet & le plan
de la Pièce , on reconnoît fans peine , aux
vers fuivans , que l'Auteur qui les
eft M. de Belfont.
prononce
Quoique vivant au fein d'un monde corrompu ,
Je n'ai pas cru devoir rougir de la vertu ,
Et l'honneur, de tout temps, fut ma plus chère idole.
Je n'adoptai jamais le fyftême frivole ,
Combattu quelquefois , fans ceffe accrédité ,
Qu'on eft dupe fouvent par trop de probité :
Je rejetai bien loin cette maxime affreuſe .
Auffi , dans tout le cours d'une vie orageufe ,
Quand parfois j'ai voulu defcendre dans mon coeur ,
J'ai toujours entendu ce cri confolateur :
→ Si l'infortune un jour trouble ton exiſtence ,
» Pour retrouver la paix , fonde ta conſcience «
L'adroite Belle-Mère pouvoit feule dire
à M. de Belfont , pour l'engager à lui faire
une donation de fes biens : J'aurois réparé
la perte que vos enfans avoient faite ,
Si leur attachement eût égalé le mien.
Ils m'évitent ; pourquoi ? vous le favez trop bien ;
C'eſt que de ma fortune on n'a rien à prétendre.
Les graces , c'eft vous feul qui pouvez les répandre.
Mais fi de vous , Monfieur , je pouvois obtenir
La faveur que j'attends , je n'aurois de plaifir
Qu'à faire , au moins , ceffer leur haine illégitime ;
Je dis plus ; qu'à gagner leur amour , leur eftime,
1
DE FRANCE. 153
Aleur faire oublier tous leurs chagrins fecrets ,
A les contraindre enfin, à force de bienfaits ,
De mevoirprès de vous, non comme une étrangère,
Mais comme leur amie ; & leur feconde mère.
Le Marquis parle convenablement à fon
rôle , quand il dit à Madame de Belfont :
J'aurois voulu hâter l'inftant de vous revoir ;
Mais de mon Régiment j'arrive hier au foir :
Car il faut tous les ans , pour bien ſervir fon Prince,
S'ennuyer quatre mois au fond d'une province ;
Et là , très-mécontent d'avoir quitté Paris ,
Aux autres enfeigner ce qu'on n'a guère appris.
On le reconnoît auffi dans la manière
lefte dont il traite l'Intendant Dumont ,
fon agent , qu'il a placé dans cette maiſon
pour intriguer avec la Belle-mère contre le
père & les enfans.
N'êtes-vous pas heureux d'avoir eu cette place ,
Vous que de vingt maiſons on a congédié ,
Yous que j'ai de chez moi fagement renvoyé,
Vous , le plus grand fripon.....
Et Dumont fe peint d'un feul trait , en
lui répondant :
Mais pas plus que les autres.
Enfin chaque perfonnage parle comme il
GS
154
MERCURE 1
convient à fon caractère. Ce n'eft pas tout
il faut encore que le ftyle fe modifie felon
les fituations , qu'il s'élève & fe renforce
quand il en eft befoin.
Interdùm & vocem Comadia tollit.
Ainfi , lorfque M. de Belfont reconnoît
le piége où trop , de foibleffe l'a entraîné.
fon ftyle doit changer avec les idées & tes
fentimens .
Iratufque Chremes tumido delitigatore, maqutud?
Mme. D E BEL FONS ISIJUS XJA
Le Marquis ! fur ce choix, qu'avez-vous à me dire ?
Son rang.
thefol
M. DE BELFO
Quel eft celui d'un Grand dégénéré ?
Il n'en a plus.
Mme. DE BELF ON T.
" v-zub ví
M.
Son nom ...e sody
DEBEL FONT.
Il l'a déshonoré.
La veren feule donne & maintient la nobleffe
Dès qu'on a pu defcendre à la moindre baſſefe , I
Rang , titres , dignités , honneurs , tout difparoît.
S'il aimoit votre fille , & s'il la méritoit ,
Pourquoi s'entouroit-il des voiles du mystère ?
DE FRANCE. 755
Ah ! le crime inquiet craint & fuit la lumière ;
Mais le jour le pourfuit. Oui, tout eft révélé, & c .
,
Un des principaux reproches qu'on a faits
à cet Ouvrage, eft relatif au caractère de
Madame de Belfont , & il faut avouer qué
ce n'eft pas fans fondement. On eût voul
pour Belle - mère une femme ambitieufe !
méchante , intéreffée , qui , d'elle même &
de fon propre mouvement cherchât à
mettre la diffention entre le père & les
enfans , & à s'approprier la fortune de l'un
aux dépens des autres : on cût voulu enfin
dans ce rôle , des couleurs fortes & prononcées
. M. Vigée au contraire s'eft étudié à les
adoucir. Sa Belle -mère, toujours entraînée
par un mouvement étranger, ne fait que
céder , par tendreffe pour fa fille , aux mauvais
confeils d'un Marquis intrigant. Elle
eft naturellement bonne & fenfible , &
dès qu'on lui ouvre les yeux fur l'homme
odieux qui s'étoit émparé de fa confiance ,
elle change , ou plutôt elle redevient ellemême
elle rend le porte - feuille qu'elle
s'étoit fait donner , fe jette dans les bras de
fon mari , reçoit dans les fiens les deux enfans
dont elle avoit tram la ruine , devient
heureufe , & rend tour le monde heu
reux autour d'elle. L'autre plan eût été plus
theatral ; mais l'Auteur a craint fans doute
que des Spectateurs François ne puffent
fupporter au Théatre comique un parcil
G 6
156 MERCURE
rôle de femme ; & fi l'on peut l'accufer
d'avoir trop peu préfumé de fon art ,
on doit du moins lui favoir gré d'avoir
ainfi jugé du Public. Mais quand il eûr
été moins timide , les mêmes précautions
lui étoient néceffaires par un autre motif.
Quelle Actrice eût voulu fe charger de ce
role ? Tout adouci qu'il eft , quelles difficultés
n'a-t- il pas eues pour le faire jouer ?
La plupart des gens qui jugent févèrement
les Auteurs Dramatiques , font loin de
foupçonner les entraves dont ils font chargés
, & les obftacles qu'ils ont à vaincre .
On a auffi prétendu que cette Pièce étoit
plutôt un Drame qu'une Comédie ; mais
on n'a pas fans doute voulu dire que ce
fût un Drame dans le genre de Natalie
de l'Indigent , de la Brouette du Vinaigrier,
&c. Ce font cependant là de vrais Drames ,
c'eft-à- dire , des Pièces de Théatre qui n'étant
d'aucun genre , ont pris ce nom , commun
à tous. Il y a des mots qu'on s'habitue
à employer fans y attacher une fignification
précife , & le mot Drame eft de
ce nombre. Ce feroit être fort- injuſte que de
claffer la Belle- Mère parmi ces Pièces conduites
& écrites fans art , où des perfonnages
du dernier ordre parlent en ftyle
ampoulé , où la prétention d'être naturel
fait qu'on s'écarte fans ceffe de la belle
Nature : mais fi l'on veut la mettre , pour
le genre , dans le même ordre que l'Ecole
des Mères , la Gouvernante & Mélanide
DE FRANCE. 187
quelque chofe qu'on ait pu dire autrefois
contre ces Pièces, l'Auteur n'aura point à fe
plaindre ; & il fera autorifé , par l'exemple
de la Chauffée & par celui de Térence , premier
modèle du Comique attendriffant , à
intituler Comédie un Ouvrage où il n'a pas
eu pour but de faire rire .
La Pièce est précédée d'une courte Préface
, & d'une Epître plus courte encore ,
que fon extrême briéveté nous permet de
rapporter toute entière.
" د
A Madame le Brun.
Reçois l'hommage de cette Fièce : ce
» n'est point à l'Artifte la plus célèbre que
je l'offre , c'eft à la foeur la plus tendre ,
à la meilleure amie ".
و و
"J
Il nous femble que ce fimple hommage
d'un Poëte à une célèbre Artifte , d'un ami
à fon amie , d'un frère à fa feur , eft infiniment
préférable à ces Dédicaces intéreffées
dont on importune les Grands , où
l'on fait d'eux quelquefois des portraits qui
leur reſſemblent fi peu , & où les Auteurs ,
quelque forme qu'ils prennent , fe peignent
de manière à faire juger qu'ils fe reffemblent
tous.
MER CURET
ZÉLIE dans le Défert ; par Madame
D ..... , ze. édition , avec un Supplé
ment. 2 Vol. in- 8 ° . A Londres ; & fe
trouve à Paris , chez Belin , Lib. rue S.
Jacques ; Defenne , au Palais - Royal.
On trouve chez les mêmes Libraires le
Supplément féparé.
IL eft doux pour le Littérateur chargé
de l'annonce d'un Ouvrage , de n'avoir que
des :fuccès à prédire. L'évènement n'a pas
trompé notre attente ; trois éditions allez
rapides de l'eftimable Production de Mme:
D ..... , annoncent l'univerfalité des fuf
frages qu'il a obtenus , comme elles pourroient
fervir à prouver que ce n'est pas
pour fon Auteur qu'un Obfervateur de nos
jours a publié cette réflexion : » Dès que
les femmes publient leurs Ouvrages , elles
ont d'abord contre elles la plus grande
» partie de leur sexe, & bientôt presque tous
» les hommes ".
و د
Comme on n'oublie pas facilement ce
qui a beaucoup intéreffé , on fe rappelle
fans doute les infortunes de Zélie. On la
revoit encore feule dans un Défert , éloignée
de fon père & de fon Amant , à la
merci des bêtes féroces , luttant contre les
privations & la mort , & n'ayant pour comDE
FRANCE. 159
pagne qu'une malheureufe victime de l'ai
mour , Nina de Lizadie , & c.
Mais en fe refouvenant que Ninette ,
autrement Madame Sping , devenue mère
à fon tour , confervoit pour Zélie ,, qui
avec M. d'Ermancour & leurs enfans , s'ét
toit fixée en Normandie , autant d'amitié
que de reconnoiffance , on défiroit entendre
encore parler de ces tendres époux , &
retrouver dans leurs enfans ces vertus que
le pinceau de Madame D ... fait rendre
fi touchantes...
Le Supplément dont elle vient d'enrichis
la 30. Edition de fon Ouvrage , remplit
l'attente & le voeu des Lecteurs. Ils y ver
ront avec plaisir le fils de Zélie revenir dans
ce Défert où il reçut le jour , & , comme fon
père , fenfible & tendre , connoître l'amour
dans ces plaines où tout lui rappelle l'image
des malheurs & des vertus de fes rendres
parens,
Ninette a une fille & un fils . On devine
que cette fille , que l'on appelle Nina , eft
le portrait de fa mère , & que le jeune
d'Ermancour ne voit point , dès fon arrivée
à Achem , les charmes naiffans de la belle
Nina fans en être vivement épris. On con
çoit bien aufli que les parens des deux jeunes
Amans défirent beaucoup une alliance projetée
dès la naillande de leurs enfans. y
Mais la jeuneffe du Chevalier , Bétat de
Marin qu'il a embraffe, reraident cette union.
Il eft d'ailleurs abbgé de s'embarquet , &
166 MERCURE
la nouvelle de ce voyage indifpenfable ar
rache à la fenfible Nina un aveu de fort
amour que fa délicateffe avoit toujours retenu.
C'est ce départ qui , changeant la
fcène , amène des incidens, dont l'enchaînement
& le récit font infiniment d'honneur
à Madame D ... Ils prouvent que
toutes les fois qu'elle voudra deffiner de
grands caractères , l'efprit & la fenfibilité
conduiront fes crayons vigoureux avec
beaucoup de fuccès.
Les vertus & les charmes de Nina lui
gagnoient tous les coeurs. Depuis longtemps
un Anglois , Lord d'Ourling , retiré
Achem , avoit conçu pour elle le plus
violent amour. L'arrivée du jeune d'Ermancour
avoit allumé dans fon coeur tous les
tranfports de la jalousie ; fon départ réveilla
fes efpérances. Nina , toute entière à
la douleur , après une longue maladie , ne
charmoit les ennuis de l'abfence de fon
amant , que par des pélerinages religieux
& par des promenades fur le bord de la
mer. Quelquefois même elle ofoit fe con
fier à ce perfide élément dont fes yeux
parcouroient l'immenfe étendue ; il lui
fuffifoit qu'il portât l'objet qu'elle adoroit ,
pour les fermer fur les dangers ; mais ces
promenades falutaires pour Nina , lui devinrent
bien funeftes. Des hommes maf
qués s'eraparent d'elle un jour que Madame
Sping ne l'avoit point accompagnée , &
l'enlèvent avec fa fidèle Norton.
%
DE FRANCE. 161
Le raviffeur eft ce Lord d'Ourling , qui
les conduit toutes deux dans un château
fitué fur le bord de la mer , & habité par
une Dame & une jeune Demoifelle. Nina
ne parvient à connoître ce raviffeur , qui
ne fe préfente point devant elle , & à
donner de fes nouvelles à fes parens , qu'après
avoir gagné un des domeftiques qui
l'approche , & qui , repentant d'avoir aidé
d'Ourling dans l'accompliffement de fes
criminels projets , ne refte à ſon ſervice
que pour être utile à Nina & lui procurer
fon évafion .
>
Un hafard malheureux & heureux à la
fois , la fert encore mieux que les foins du
fidèle Atquentil. Le Chevalier d'Ermancour
eft jeté , par un naufrage , fur la côte où
eft fitué le château du Lord d'Ourling ;
les efforts qu'il fait pour arracher à la
mort le Comte de Lizadie fon oncle , qui
périt fous les yeux , lui caufent une chute
& il a le malheur de fe caffer une jambe.
C'eft dans ce cruel état qu'il eft porté chez
l'Evêque de Malaca. Dans ces entrefaites ,
un vaiffeau François arrive dans le port fur
lequel domine le château de Lord d'Ourling.
Ce vaiffeau ramène de la France des
parens , des amis de Nina. La bonne Norton
, inftruite de tout ce qui fe pafle par
le fidèle Atquentil , fait favoir à fes amis
la malheureufe deftinée de leur chère Nina.
Bientôt les portes de fa prifon font enfoncées.
Bientôt elle fe retrouve dans ce vaif162
MERCURE
{
4
feau où on l'a portée , prefque mourante ,
& où elle n'eft rappelée à la vie que par
les foins de Sir Georges Harture , fon oncle
, & de Zélie , qui , ayant perdu fon mari
depuis peu , vient finir les jours dans fon
Défert.
L'inftant où Nina voit pour la première
fois cette Madame d'Ermancour , eft un
inftant bien déchirant. Ecoutons- la peindre
cettefcène touchante dans une lettre
qu'elle
écrit à fa mère. » Quand les foins ( de Ma-
ود
dame d'Ermancour ) m'eurent rendue à
» la vie , je la remerciai fans la connoître.
» Son air noble & touchant m'avoit prévenue
en fa faveur. Ah ! difoit- elle , en
me preffant contre (on coeur , voilà donc
la fille de mon enfant ! C'eft Madame
» d'Ermancour qui vous embraffe , me di-
» foit en même temps mon oncle. A ce
nom , je redoublai mes careffes ; je mêlai
mes larmes aux fiennes . Elle m'apprit ,
» en fanglottant , la perte qu'elle avoit faite,
& elle me montra les reftes de l'objet
» cher & facré qui faifoit couler fes pleurs.
Elle a renfermé dans une boîte d'or le
» coeur de fon époux. Voilà tout ce qui me
refte de lui , dit - elle en me montrant
» cette boîte enveloppée d'un crêpe noir.
" Je me jetai à genoux , & inclinée au-
» près de cette trifte repréſentation , je
priai l'Etre fuprême de recevoir dans le
fein de fa miféricorde l'ame pure & ver-
» tueufe de celui que nous regrettions ....
2
33

DERRANGE 163
""
"
Ah ! ma chère amie , me dit Madame
d'Ermancour , que tu as bien deviné les
fentimens que j'éprouve ! S'il n'a point
» entendu mes foupirs ni tes tendres prie-
» res , le fouverain Etre les a reçus favorablement.
Mon époux jouit maintenant
» d'un bonheur que rien ne peut troubler.
Calme -toi. Viens m'apprendre des nouvelles
de tes parens & de mon fils . Hé-
» las je comprois le trouver encore à
Achem avec fon oncle ".
"
و د
Il faut bien apprendre à cette mère infortunée
le malheur arrivé à fon fils , qui ,
foigné chez l'Evêque de Malaca, où pendant
long- temps il n'a pu voir perfonne , revoit
enfin fa mère , Nina & fes amis . Une fituation
bien intéreffante, & rendue d'une manière
neuve , c'eft celle où , condamné à
être boiteux toure fa vie & à fubir une
opération périlleufe , le Chevalier d'Ermancour
eft uni à fa chère Nina dans le temps
même où il craint de mourir fans pouvoir
emporter au tombeau le titre d'époux auquel
il afpire. C'ek dans l'Ouvrage qu'il
faut voir les tendres foins de cette généreuſe
Amante , qui , fachant que l'époux qu'elle
choifit doit refter boiteux , paroît l'en aimer
davantage. Pour moi , écrit- elle encore
à fa mère , je ne me chagrine point
" pour l'avenir. M. d'Ermancour fe fera
toujours remarquer & chérir par- tout où il
fera placé. D'ailleurs , quoique je n'ofe
" pas le lui dire , je ne fuis pas fi fâchée
ور
164 MERCURE
ور
95
"
» qu'il doit l'être lui- même de fon accident.
L'impoffibilité de monter à cheval le
forcera de refter plus fouvent auprès de
» moi. Je ne craindrai pour lui hi les malheurs
de la guerre , ni ceux de la chaffe ,
» & mon amour-propre trouve aufli fon
» compte dans cette fâcheufe aventure.
» M. d'Ermancour , beau , bien fait , pollédant
toutes les graces , toutes les vertus
tous les talens , étoit trop loin de moi ;
» ce petit défaut l'en rapproche . Il fera
fouvent dans le cas d'avoir befoin de
mon fecours ; quand je ne lui fervirois
que d'appui pour l'aider à marcher , je
ferois fière de cet emploi.
"
>
» Une honnête femme qui veut méritet
l'eftime & l'attachement de fon mari, ne
» doit pas fe contenter de lui plaire par
des attraits paffagers que le temps &
l'habitude effacent promptement. Elle
doit chercher à fixer fon coeur par des
liens plus forts & plus durables ; elle
doit lui être utile en partageant les pei-
» nes , en fe conformant à fes goûts, &C. «.
و د
Le tableau du repentir du Lord d'Ourling
& de fon retour à la vertu , ne peut
fe comparer qu'à celui de la fublime humilité
de Milord Edouard de la nouvelle
Héloïfe. D'Ourling veut expier fon crime
par fa mort ; mais il eft rappelé à la vie
& à l'honneur par les foins de Nina &
de fon époux. Il finit par épouser cette
femme dont nous avons parlé plus haut,
DE FRANCE. 165
& dont les vertus étoient enfevelies dans
le château où Nina avoit été enfermée .
Le caractère de cette femme que le Lord
avoit abandonnée après en avoir eu un
enfant , eft parfaitement defliné , & le
tableau de leur réunion eft fi touchant .
qu'on pardonne à d'Ourling les larmes
qu'il a fait répandre. Cette bonne & ten-"
dre Zélie meurt quelque temps après fon
arrivée au Défert , & lorfque fes cendres
y font réunies à celles de fon mari , nos
jeunes époux & leurs parens viennent tous
fe fixer à Paris .
Quand on lit cet Ouvrage intéreffant ,
où l'on ne trouve jamais ces éternels imbroglio
que les " Romans Anglois ou prérendus
Anglois ont tant mis en vogue ,
l'ame eft affectée des plus douces émotions.
On pleure , & ces larmes délicieuſes ,
qu'il n'appartient qu'aux ames honnêtes &
fenfibles de répandre , font l'éloge de cette
eftimable Production , & fuffifent fans doute
à la gloire de fon Auteur,
166 MERCURE
VARIÉTÉ S
NOT I CE
176
SUR la perfonne & fur les Euvres de
SALOMON GESSNER...
Monfieur ,.
PEERRMMEETTTTEZ MOI , de vous adrefer
Air Geffner une Notice que l'ai attendue en vain
de quelques-uns de nos Poëtes qui fembloit
devoir leur appartenir bien plus qu'à moi . Je vais
donc rompre ce filence , d'autant plus volontiers ,
qu'en vous parlant de lui , je fuis affuré de préfenter
à vos Lecteurs quelques pages intéreflantes .
Salomon Geffner naquit en 1730. A cette époque
, la Poélie , he jouifloit point en Allemagne, de
Cette confidération dont elle étoit honorée en
France & en Angleterre . Les Poctes Allemands
n'étoient presque tous que des Bouffons à gages ,
faits pour amufer la Noble Nation Germanique.
On croyoit auffi que les vers dérogeoient à la
dignité de la Religion , & qu'un homme fage ne
pouvoit point en lire . L'inftituteur de Geffner étoit
nourri de ces préventions fi propres à étouffer le
génie . Un Poëme , quelque édifiant qu'il fût , coutoit
des larmes au jeune Eleve , qui payoit chèrement
le court plaifir d'avoir lu des vers . Une éducation
auffi contraire aux goûts & au penchant
du jeune Geffner , influa malheureufement trop
DE FRANCE. 167
fur fon caractère. Il aima mieux ne point étudier ,
que de faire des études rebutantes . De là eft provenu
ce fonds d'indolence & même de pareffe
qui dominoit en lui. Il fallut attendre que l'âge
le mit hors des fières d'un Précepteur ignorant.
Il fallut que l'occafion pût dompter cette indolence
dont il avoit contracté l'habitude . Tous ceux qui
l'ont connu dans fa première adolefcence , étoient
loin de foupçonner ce qu'il feroit un jour . En
vain effayoit- on de lui apprendre le Grec & le
Latin . » Vous favez , écrivoit -il à ſon ami Fuesfli ,
que ma vocation ne put jamais être de devenir
un homme habile : de là vient que dans ma
jeuneffe j'étois abfolument fans émulation . Je
barbouillois beaucoup de papier ; mais fans but ,
fans intention . Il falloit donc néceffairement
» refter en retard , & par une fuite naturelle
mon talent y perdit beaucoup «.
>
On voit que Geffner eut à combattre non feulement
fa mauvaiſe éducation , mais encore fon
indolence. Il étoit déjà dans un âge affez avancé ,
lorfqu'il publia fes premiers Eflais. La Poéfie Paltorale
, qui n'avoit été connue jufqu'alors en Allemagne
que par les Traductions des Poëtes Etrangers
, y trouvoit des partifans , & une forte de
préférence fur tous les autres genres . C'eſt dans
ce monde idéal que Geffner fe fraya une route.
Il crut qu'on lui fauroit gré de peindre les doux
fentimens de la vie économique & innocente , &
les mouvemens tendres de l'amour & de la bienveillance.
Ce deffein étoit l'effet d'une émulation impré
vue. Une révolution fubite avoit infpré aux Allemands
l'amour de la Poéfic . Leurs Poëtes fe faifoient
entendre avec éclat dans la partie méridionale
, Haller-& Bodmer ; dans la feptentrionale,
Kleift & Klopstock jouiffeient d'une eftime gé
néralc ,
168
MERCURE
Il n'eft aucun pays auffi paifible que l'heureuſe
Helyétie , aucun ou l'on puiffe mieux réaliſer les
fables confolantes de l'âge d'or , aucun qui pût .
retracer plus fidèlement les moeurs paftorales ,
aucun où les vertus & les talens puiffent conduire
plus fûrement à un bonheur pur & à une renommée
fans mélange. Les fcènes romantiques , que
des fites variés multiplioient de Zurich à Rapperfchwil
, avoient attiré les Chantres de la Germanic
fur les bords rians du Sil & de la Limmat. On les
voyoit cueillir dans les bocages & fur les collines
qui bordent le lac , des fleurs dont la fracîheur &
le coloris ont égalé celles que les Anciens avoient
trouvées dans les campagnes de la Grèce & de
Rome. Zurich étoit devenue la patrie adoptive
des Mufes Allemandes & le Parnaffe où Klopftock
, Kleift , Vieland , & plufieurs autres , venoient
recevoir leurs immortelles infpirations. On
efpéra de voir renaître le fiècle d'or de la Poéfie Germanique
, ce beau fiècle confacré par les Menncfinger
& les Hadloub.
Geffner laiffa à Kleift le paysage , la peinture
de la Nature inanimée , & la manière des Sannazar
& des Grotius ; il peignit avec plus de fimplicité
que Vieland , & furpaffa Klopstock par l'art d'émouvoir
jufque dans les moindres nuances. Comme
la terre fourit au ciel au lever de l'aurore ,
de même elle paroît fourire à nos yeux fous le
riche & vivifiant pinceau de Geffner. Il monta
au plus haut degré du Pinde Germanique , dans
un temps où fa Langue n'étoit ni fi riche , ni fi
formée qu'elle l'eft aujourd'hui. Il étoit Suiffe ; il
écrivoit dans fa patrie où l'on corrompt la Langue
Allemande , & on admira la pureté de fon ftyle
& fon harmonic .
>
Si on veut analyfer fes Poëmes dramatiques
on y trouve des fictions intéreflantes , des caractères
DE FRANCE. 169
ères fagement deffinés , des fituations neuves.
Son langage eft celui des Graces ; nul trait de trop ,
rien de trop pen. Sa Mufe reflemble à la Vierge
modefte dont parle Horace. La Veftale pouvoir
écouter l'amour que Geffner avoit créé. Ses Faunes
n'effrayent point les jeunes beautés . S'il a quelquefois
l'humeur de Sterne & de la Fontaine , il n'en
a jamais les licences. Le goût le plus févère ne
trouve ni aucune lacune à remplir , ni une
Tournure à reprendre , ni un choix plus ingénieux
d'expreffions à fubftituer.
Communément on croit que la Poéfie Paftorale
eft très monotone & très- limitée ; mais en lifant
les Ouvrages de Geffner , on s'apperçoit que le
genre s'étend & que fes formes fe multiplient.
Daphnis eft un Roman Paftoral qui ne le cède .
point pour la fineffe & la naïveté au petit Roman
de Longus , & qui furpaffe de beaucoup celui- ci
par la variété des images & l'intérêt des fituations.
Erafte & Evandre font des Poemes inftructifs &
touchans par le contrafte qui règne entre le Monde
& la Nature. Le premier Navigateur réunit la
plus douce philofophie à l'éclat de la Féerie la
plus brillante.
Sous la plume de Geffner , les foères effrayantes
produifent plutôt un doux accablement que la
crainte & l'effroi. Telle eft l'impreffion que laiffent
les Tableaux du Déluge & la Mort d'Abel,
Ce dernier Poëme eft une Epopée qui unit , d'une
manière touchante , la majefté religieuſe à la fimplicité
paftorale. Combien d'images gracieufes ne
trouve- t-on point dans fes Idylles ! Ces productions
, difoit- il , font les fruits de quelques-
» unes des heures les plus douces que j'aye paffées.
» Il m'arrive quelquefois de m'arracher à la ville ,
& de chercher un afile dans des campagnes
N° . 52. 27 Déc. 1788. H
$170
MERCURE
» folitaires. Là le fpectacle des beautés de la
» Nature écarte de men ame tous les dégoûts ,
toutes les fâcheufes impreffions que j'y avois
appertées. Tranfporté à la vue de cet admirable
ffcctacle , pénétré de mille fentimens délicieux ' ,
fuis auffi heureux qu'un Berger de l'âge d'or ,
» & plus riche qu'un Roi «.
נ כ
"
33
je
que
On voit qu'il peignoit ce qu'il avoit fenti , que
fon ame étoit de moitié avec fon efprit : de la
vient qu'il a fi peu écrit , & qu'il a imprimé à
fes Productions ce caractère particulier qu'on a
vainement entrepris d'imiter. Le célèbre Ramler
les a traduites en vers ; mais fa traduction a prouvé
même dans la profe , Geffner avoit atteint le
dernier degré de l'harmonie , & de l'harmonie
la plus convenable au genre paftoral . Diderot a
été un peu plus heureux en tranfportant dans
notre Langue les Contes Moraux & les Idylles de
Geffner; mais on ne trouve plus cette aimable
naiveté , cette couleur raffante , ce charme qui
refpire dans Toriginal , & qui eft produit par la délicateffe d'une touche inimitable. Il eût fallu
favoir faifir comme lui la Nature , l'avoir vue
de près comme lui , l'avoir obfervée comme les
Allemands favent l'obferver , avec volupté & fans
diftraction , pour la peindre comme Geffner , fans
-altérer le modèle.
Les Allemands l'emporteront toujours fur les
François dans la Paftorale & dans la Poéfie defcriptive.
Ils trouvent dans leurs villes une moindre
mefure de ces plaifirs qui , en France , font fi
variés & fi piquans , & ils ont plus de ces beautés
champêtres qui font fi intéreffantes à peindre. Le
féjour des champs leur tient lieu d'Opéras, de Cer
médies ; on les voit s'ennuyer aux Spectacles de la ville , qui , à la vérité , n'ont nil le charme
mi le poli des nôtres. Auffi font-ils plus de cas que
DE FRANCE.
nous de tout ce qui leur retrace cette belle &
fimple Nature qu'ils voient fi fouvent & de fi
près. Peut - être il conviendroit de partir de ce
point , pour rendre raifon de la préférence que
les Allemands donnent fur nous aux Anglois. Il
leur eft plus facile de reffembler à ces derniers.
Un chapeau rond , des bottes , un habit boutonné,
un ton uni , des manières fimples , font , à trèsbon
marché , tous les frais de la reflemblance ;
mais les graces , les airs , la mobilité des François ,
exigeroient des études plus pénibles . On y renonce
par la difficulté de réuffir , & on prend de l'averhon
pour un modèle qu'on ne pouvoit imiter.
Ainfi l'amour propre des Germains , plus à fon
aife avec les Anglois , trop bleffé par nous , eft
une des caufes principales qui prononcent la féparation
des deux Nations pour tous les genres
quelconques. Les François doivent abandonner à
leur tour la Paftorale aux Allemands , par le même
matif que les Allemands nous cèdent les genres
brillans. Au lieu de les embellir par nos traductions
, nous les dépouillons des graces naturelles
qui leur font propres. Il fuffit de lire Haller &
Vieland dans les deux Langues , pour fentir coinbien
ils ont déchu dans la nôtre. Geffner eft peutêtre
le feul qui ait perdu le moins poffible à la traduction.
Ce bonheur tient à cette extrême pureté de
goût dont il eft pénétré , qui naturalife , pour
ainfi dire , dans un pays , les productions d'un
autre. Geffner a fi fidèlement rendu la Nature ,
que fes Traducteurs fe font trouvés quelquefois
dans l'impuiffance de la peindre d'une autre mánière
, & ils l'ont tranfportée dans leurs Ouvrages
toutes les fois qu'ils fe font contentés de traduire
littéralement Geffner.
C'eft cette fidèle imitation qui, après l'avoir créé
Peete , le rendit Peintre : il avoit jufque - là fais
Ha
772
MERCURE
de fes Tableaux autant d'Idylles, il fit de fes Idylles
autant de Tableaux . Il peignit agréablement le
Payfage qu'il avoit fi agréablement décrit. Il rend
compte dans fa Lettre fur le Paysage , des moyens
qui lui ont procuré fes fuccès dans un Art dont
il ignoroit encore les premiers élémens à l'âge de
trente-quatre ans ; mais il ne diffimale point les
refources qu'il a tirées de fes études poétiques.
La Poélie , dit- il , eft la véritable feeur de la
Peinture . L'Artifte ne doit poinr oublier de lire
les meilleurs Ouvrages des Poëtes . Ils enrichi
» ront fa fantaiſie des plus magnifiques tableaux «<.
Mais s'il recommandoit la Poéfie à la Peinture ,
il avoit aut l'attention de leur affocier la Mufique
& tous les Beaux- Arts. Ce n'eft point fans
deffein que les Grecs ont rapproché les Mufes
pour n'en faire qu'une famille . La matière & les
inftrumens different en vain ; le beau n'en eft pas
moins le but commun des Poëtes & des Artiftes ;
'ce beau idéal s'offroit fans ceffe à l'oeil & à l'imągination
de Geffner,
Si l'on rapproche enfaite l'homme du Poëte &
du Peintre , on cft frappé de fes vertus & de fes
talens , & on eft convaincu que rien n'infpire plus
-le goût du bón , que le fentiment da beat . Comme
ami , comme époux , comme père , comme Mar
giftrat , comme citoyen , il étoit toujours placé
dans la lumière la plas douce. Heureux dans fa
vie privée , il poffédoit celle à qui il avoit jadis
dédié fon Roman de Daphnis , qui lui en avoit
infpiré les plus douces peintures , & qui lui écrievoir
: Comment pouvez-vous refter à la ville
•» pendant les premiers jours du printemps ? Avezoyous
renoncé à voir les prairies s'embellir &
les arbres fe couvrir de fleurs ? Venez donc
» nous joindre à la campagne ; vous y trouverez
le Printemps ; vous m'y yerrez. Madame N.,,
בכ
DE FRANCE. 173
» m'a dit que vous avez écrit un Onvrage intitulé
" Daphnis ; & cependant, Monficur le mystérieux,
» vous me l'avez laiffé ignorer. Vous avez pour-
» tant vu que votre dernière chanfon m'a beau-
" coup plu ; je la chante tonjours.
DJ
» de
»Venez Jeudi prochain , fans y manquer ; je vous
attendrai le foir fous la feuillée ; mais apportez
» avec vous Daphnis , fans quoi , de mes jours
» je ne ferai plus votre amie. Voilà Daphnis ,
lui répondoit Gellner , le voilà imprimé. A qui
pourrois-je le dédicr plutôt qu'à vous , puifque
» votre approbation eft pour moi la plus piécicule
toutes , & puifque , fi l'on trouve dans mon
» Ouvrage l'amour représenté d'après Nature
c'est à vous feule que je le dois ? Quand je
penfois à Philis , je penfois à vous , & j'étois
» moi- même Daphnis . L'heureufe idée pour mon
» coeur d'écrire ce petit Roman ! Après demain ,
quelles délices ! après demain , je ferai fous la
» feuiliée ; je verrai le Printemps, je vous verrai«<.
כ כ
>>
Une autrte fois il écrivoit. - »Je ne veux point,
ôma Daphné ! d'autre récompenfe de mes ..
Chants , je ne veux point d'autre gloire que
» d'être affis à tes côtés , & de voir tes beaux.
» yeux , tendrement fixés fur les miens , m'annoncer
avec un doux fourire ton approbation « .
Son époule uniffoit à la plus rare beauté les
maurs les plus douces & le caractère le plus complaifant.
Il avoit trouvé en elle une amie foi
gneufe de fa renommée , dont le goût étoit exquis
& la critique éclairée . Heureux encore par fes
enfans , l'un d'eux lui promettoit de devenir un
jour un Peintre célèbre . Ceux qui ont alu fes Ouvrages
n'auront point de peine à croire qu'il pou
voit être comparé , dans le fein de fa famille , àí
Ragine faifant la procellion avec les enfans &
H ;
174 MERCURE
refufant une invitation de Cour, pour manger une
carpe avec eux. Geffner offre la même fenfibilité ,
la même bonhommie. Il étoit naturellement mélancolique
; mais fon front fe déridoit aux jeux
de fes enfans. Il portoit dans la Société cette bonne
honêteté qui eft fi rare & fi refpectable. Dans les
Banquets Socratiques , où il fe trouvoit au milicu
de fes amis , il fe permettoit cette plaiſanterie innocente
qui naît de l'à propos .
Son langage étoit vif & animé ; mais il avoit
befoin de connoître & d'aimer ceux avec qui il
s'entretenoit. Sa réferve pour les Etrangers reflembloit
à de la timidité , & fa modeftie achevoit de
lui donner une contenance gênée . Voici dans
quels termes j'ai parlé de lui dans mon Voyage
de Suifle . Je ne fuis point forti de la ville
( Zuric ) fans avoir rendu ma vifite à M. Geffner.
Je l'ai trouvé dans le coftume le plus fimple. Vous
ne fçauriez croire quel fentiment d'eftime le génie
infpire , quand il eft voilé d'une candeur modefte.
Combien de gens vous difent : Je fuis Poëte moi !
M. Geffner n'annonce rien ; la Renommée va lë
chercher , il n'a pas befoin de dire comme tant
d'autres : O Sainte Renommée , par pitié , parlezun
peu de moi !
Un des avantages inappréciables de la Conftitution
Républicaine , c'eft de compter pour beaucoup
les moeurs & les talens . Le génie & les vertus
y mènext fans intrigue aux dignités : il faut le:
croire , puifque Geffer a paffe la moitié de fa
vie dans les premiers emplois de l'Etat . Il fut
appelé , en 1765 , au Grand - Conſeil , & en 1767 ,
an Petit. Il obtint , en 1768 , le Bailliage d Elibach
; celui des quatre Gardes , en 1776. La
Maîtrife des Eaux lui fut conférée en 1781 , &
prorogée pour fix ans en 1787.
emplifoit tons , fes devoirs avec la dernière
DE FRANCE. 175T
7
exactitude , & il ne favoit point s'en difpenfer
par quelque motif que ce fut . Je ne puis vous
aller chercher , m'écrivoit-il , je vais an Confail. ,
-L'heure l'appeloit ; cette heure facrée ne fonnoit
point en vain pour lui. Hors du Sénat , il
trouvoit encore des occafions de s'acquitter prudemment
& fans bruit de fes fonctions. Son coeur
étoit rempli d amour pour la République . Il s'in
térefloit vivement au bonheur & à la gloire de
fes Concitoyens & encouragçoit tous ceux qui
pouvoient honorer leur pays. Le jeune Fifcher
a été le dernier à qui Geflner ait donné , peu de
temps avant fa mort , des preuves de zèle , de
protection & d'eftime.

L'Impératrice de Ruffie , l'immortelle Catherine
II , a donné à Geffner une marque d'eftime par
le don d'une Médaille d'or. Tous les Etrangers
de qielque rang & de quelque Nation qu'ils fuf
fent , Princes , Miniftres , Magiftrats , Poëtes ,
Savans , Ruffes , Anglois , François , Allemands ,
Italiens , lui donnoient fans ceffe d'autres témoignages
d'admiration non moins flatteurs . On
croyoit n'avoir fait que la moitié du voyage de
Sul , fi on n'avoit vu Geffner , fi on n'avoit
cbtenu de fes payſages , ou fon portrait , qu'on
confervoit précieufement. On alloit le chercher
jfque dans la campagne folitaire , où il étoit auffi
heureux qu'un Berger de l'âge d'or , & auffi riche
qu'un Roi.
Les Lettres , fa Patrie & l'Europe l'ont perdu
ke 2 Mars 1788 , âgé de 56 ans ( 1 ) . Ses Concitoyens
ne manqueront point de tranfmettre à la
poftérité la vie du Poëte eftimable dont je n'ai
pu préfenter que des traits généraux . Je l'ai affez
( 1 ) Il eſt mort d'ane ( patalyfie ... NI
H 4
476 MERCURE
connu pour l'eftimer , pour l'aimer & le regretter
mais trop peu pour que je puiffe croire que cette
Notice foit fuffifanté . Le fort nous avoit placés
l'un & l'autre à des diftances trop grandes , d'où
nous ne pouvions correfpondre que de loin en
loin . J'ai loué le Poëte & le Peintre de la Nature ,
avec la vérité & la fimplicité qui m'a paru lui
convenir ; d'autres charteront celui qui a fi bien
mérité de fa Patrie & des Mufes : je ferois tenté
de m'écrier avec un de fes Compatriotes ( 1) :
Heu cecidit ; cecinit qui primi funera fratris ,
Quis , rogo , quis Geffneri funefta maefta canet?
Mais je viens d'apprendre que des chants ugubres
ont non fenlement célébré le Poëte , mais
qu'on va lui élever un monument. Ce monument ,
Flacé fur un des plus beaux fites du monde , fervira
de perfpective à une promenade publique
& dominera fur deux rivières , le Sil & là Limmat.
Qu'on n'attende point un fuperbe Maufolée , ces
Pyramides faftucafes & ces fongs Obélifques qui
laiflent le voyageur auffi froid que le marbre qui
les élève. Rien n'approche en Suiffe de ce luxe
impefant. Les fouvenirs des victoires de Morat ,
de Morgarten , de Næftels , de Sempach , qui ont
reipu fes fers de l'Helvétie ; ceux de Guillaume
Tell & de Venkelried , qui en ont été les premiers
Libérateurs , font confacrés avec modeftie & fans
appareil. Ua monceau de pierre , un chiffre mil-
Haize expriment fouvent l'événement le plus précicux
à ces enfans de la liberté. Le Maufolée de
Geffner aura peu couté ; mais fon afpect fera paffer
dans l'ame du voyageur une douce trifteffe analo .
gue au fentiment que les OEuvres du Poëte inf-
( 1 ) Le Père Braunftein , de Lucerne."
DE
FRANCE.
17%
pirent. Des larmes fincères
honoreront ce monument
fimple, &
pittorefque ;
monument qui féra,
cependant aufli durable que les écrits de Geffner ,
& les Ouvrages de l'Artifte célèbre qué, les Gier
toyens de Zuric font venus chercher en France
pour éternifer leurs hommages, Houdoni, qui a
témoigné tant
d'empreffement à nous
tranfmettre
les traits de Voltaire , dont le cifeau a donné à
l'Amérique
Vashington , & à Paris la Fayette
c'eft lui qui doit
reproduire dans une
allégorie ingénieufe
ce que fut Geffner : la pin-
P
jamais ne repofe , & dont les mains
difpenfatrices qui
laiffent échapper çà & là des
couronnes & des
lauriers , apperçoit , fur les bords paifibles de la
Limmat, le Maufolée de Geffner, s'arrête, defcend,
& dépofe une de fes
couronnes. Cette allégorie,
dont l'idée eft
entièrement poétique , rend fidèle ,
ment la penfée de tous ceux à qui la mémoire de
Geffner eft précieufe . Je voudrois , & peut-être
co voeu elt- il déjà réalifé , je voudrois que l'Inf
cription
annorçât.combien les Mufes doivent prent
dre foin du Poete qui n'a vécu que pour elles,
Si j'étois , chargé de cette tâche ,
jinterrogerois
ces Filles du Ciel ; je leur dirois :
Veftrum erat, o Mufa, properanti obfiftere morti,
Duraque divinó fleclere fata fono. L
Vos decuit vitam longum producere in ævum
Vati qui veftros auxit honore choros ;
2
Et tu , Phoebe pater , vacuum depone pharetram,
Frange areum imbelli projice tela manu,
Sinequeant hæc arma tuos defendere Vatés,
Projice tela manu , jam nihil iſta valent.
Abjice & herbarumfuccos , limpiafque falubres
Et medicos cantus , fi nihil ifa juvan .
MERCURE
Mais cette tâche honorable eft déjà remplie ; ¦
déjà le Poéte qui n'eft plus a été célébré de la
manière la plus fimple & la plus touchante . On
retrouve dans les Hymnes Helvétiques ces formes
qui rappellent la manière des Anciens. Je ne traduirai
ici que la plus courte & la plus touchante i
des Idylles dans laquelle fes Concitoyens expriment
leurs regrets ( r)of
རྒྱུད་ འགས་
MORT DE GESSNER.
PHILON. Bonne Lyda, retourne fur tes pas, quitte
tés rubans de couleur , dénoue tes cheveux, & fais
une guirlande de cyprès : le Chantre de nos cantons
n'eft plus ; va gémir avec tes compagnes ; & lorfque
la Lune fe levera derrière la forêt de fapin ,
tu viendras avec elle fur la prairie , proche du
bois.
{
Ainfi parla Philon à Lyda : l'aimable fille refta
muette ; des larmes baignoient fes yeux bleus & >
couloient fur fes joues pâles. Sans répondre au
Berger , elle retourne apprendre cette trifte nouvelle
à fes compagnes.
( 1 ) La foufcription pour le Monument de Geffner n'a
té remplie que par les Citoyens de Zuric , qui n'ont point
voulu admettre des Etrangers. Ce fentiment exclufif eft
digne de nos éloges. Sans doute les fonds feront fuffifans
pour que l'Artiste puiffe produire un chef d'oeuvre fans
être retenu par la modicité du prix. On a préféré le marbre .
Je crois que l'offre que M. Houdon a faite d'employer le
bronze, eft à accueillir ; elle diminue la dépenfe. M. Houdon
eft le feu
feul de nos célèbres Sculpteurs qui puiffe
fondre en bronze. Son atelier eft difpofé , & fes productions
Pont familiarifé avec ces procédés nouveaux.
DEFRAN CIE.
170
-5 Toute la centrée et au même infant plongée
dans la triftefle . Les voix des jeunes Bergères ne
fe font plus entendre ; la flûte ne read aucun fon :
on n'entend par intervalles que le bêlement d'un
agneau égaré. Aflifes au bord du fleuve qui
coupe la forêt en deux moitiés , les Bergères treffent
en filence des guirlandes de cyprès.
Le jour fut calme , la nuit encore plus tranquille
: la Lune , provoquée par ce filence folen
nel, fe deva de meilleure heure ., jamant
Avec Lyda s'avancèrent fur la prairie , d'un pas
lent, à travers les allées de vieux chênes , les Bergers
& les Bergères. Les petits oifeaux fe torent &
n'osèrent voler. Le feuillage refta immobile , le
raillean couloit fans murmures. Cette fete lugubre
étoit facrée pour tous les êtres.
PHILON . Etes-vous tous ici ?
Cui , lui répondit- on .
PHILON. Suivez - moi en bon ordre ; allons
prendre ces pierres unies ; apportons les fous ces
vieux chênes couverts de mouffe , là nous drefferons
un Autel
Ils le fuivirent tous en filence , & en pou de
temps cette fimple conftruction fut achevée.
" PHILON. Placez vos guirlandes de cyprès fur
l'Aurel , & confacrons-les chacun à fa manière.
de
SP 3
Je confacre- la mienne au Chantre harmonieux
nos Cantons.
J'offre la mienne , dit Cléon , à l'ami de la
fine plaifanterie.
La mienne , dit Eglé , au fage & au fenfible
effner.
Je donne celle- ci , dit Théis , au Magiftrat humain
, au Citoyen populaire , à l'anii fidèle , au
père tendre , au meilleur des maris. 2 ...
fo MERCUREC
Lyda s'avança à fon tour : Je dédie ma guirlande
, dit-elle , au plus vertueux .. & cachant
avec fes cheveux fon vifage mouillé de larmes
elle fe profterna devant l'Autel. ⠀
Tous les autres en firent autant : on ſe tut.
Alors un léger tremblement fe fit fentir dans
toute la Contrée c'étoit un témoignage de la
part que toute la Nature prenoit à la perte de
fon Poete faveri." I 9
La troupe retourna dans le même ordre : chaeun
alla gémir dans fon champêtre domicile ;
chacun , en s'éloignant , tournoit les yeux mouillés
de larmes vers ce Maufolée modefte , confacré
par d'éternels regrets.
ཕ ། I
Vos Lecteurs , Monfieur , me liront point fans
attendriflement cette Idylle , qui reproduit dans leur
touchante fimplicité , ces Chants antiques dont les
Grecs nous ont laille des modèles trop
imités ( 1 ).
rarement
( Pir M. de Mayer. ).
(1) Salomon Geffner étoit fils de Jean Conrad Geffner ,
Confeiller du Grand-Confeil , mort en 1775 ; & de Dame
Yther Hirtael , fille de Salomon Hirtzel , mort en 1766.
Il avoit épousé , en 1761 , Dame Judith Heidegger , fiblic
da Sieur Henti Heidegger, Confeiller & Chef de Tribune
& de Dame Suzanne Muller.
7
Il en a eu cinq enfans , trois filles & deux garçons . Une
Alle & deux garçons hui furvivent. L'aîné de fes fils eft
actuellement à Rome , où il fe forme à l'Ecole des Maitres
d'Italic.
Les Poëtes Allemands qui ont célébré dans leur Langue
Ja mémoire de leur Concitoyen , font MM. Lavateri
ayantageufement connu , Wilf, Veith, Efcher , Heffe ,
Peftalutz , Schultheff , Wolff, & de Rédacteur des Gazettes
Allemandes de Zuric, que j'ai confultées.
DE FRANCE. 181
SPECTACLES.
COMÉDIE
FRANÇOISE.
LE Samedi , 6 de ce mois , on a donné la
première repréfentation de l'Entrevue , Comédie
en un Acte & en vers , par M. Vigée.
Le Marquis & la Marquife de ..... fe
font épousés comme s'époufent alfez généralement
les gens du grand monde. Quelque
convenance & point d'amour ; avec
de pareils motifs d'union , l'hymen eſt un
peu plus froid que de coutume. Les deux
époux ont vu s'écouler trois ans fans pref→
que fe connoître. La Marquife, aimable &
fenfible , reçoit les vifres d'un jeune Chevalier
, homme eftimable, pour lequel elle
a conçu un attachement dont elle ne connoit
pas encore le but , parce qu'elle ne
l'a pas bien examiné. Enfin le Marquis veut
marier une nièce , & il véu . inftruire la
Marquife de fon projet. Il lui demande pour
cela un rendez - vous , dans lequel il lur
trouve des graces, desattraits, un efprit, un
charme qu'il ne lui foupçonnoit pas . La
Marquife , de fon côté trouvé fon mari
très- aimable , & leur pofition refpective les
1,82 MERCUREA
>
net dans un embarras tout- à fait pla fant.
Le Marquis fort à regret; mais il refte dans
la maifon , & prend un prétexte pour reparoître.
La Marquife le revoit avecfatisfaction
; mais elle éprouve quelque trouble,
parce qu'elle attend le Chevalier. Comme
il tarde , elle finit par fe flatter qu'il
ne viendra point , & elle s'en confole. La feconde
entrevue des deux époux eft moins
embarraffée ; elle devient , tendre . Le Mart
quis fait la cour à fa femme , & la prie de
fouffrir qu'il continue de la lui faire pendant
une femaine comme Amant &
même., fi elle le veut , fous un nom fuppofé.
La Marquife confent , & retient font
Hari à Louper. A peine le petit repas eftil
fervi , qu'on annonce le Chevalier
La Marquife s'avance promptement vers
lui , & le jeune homme commence une
explication dont le ton équivoque met des
deux époux dans une polirion très -pénible,
La tìmidiré qui a quelque temps arrêté le
Chevalier , fe diffipe , & lui permet de demander
la protection de la Marquise pour
parvenir à épouser fa nièce. Le Marquis
ne peut plus fe modérer , il s'élance vers
le Chevalier , l'embraffe , & lui accorde fa
nièce avec des tranfports de joie & de reconnoiffance
dont le jeune homme eft cons
fondu , mais dont quelques mouvemens jas
loux de la part du Marquis ont fuffisamment
développé les caules de al obatiup: M
Le fonds de cette petites Piècë, eft, tuý
DE FRANGE . 183
d'une Anecdote très - connue , dont M. Im:
bert a fait , il y a quelques années , un fort
joli Conte en profe . Beaucoup de détails
heureux , d'idées fines & délicates ; des
fcènes filées avec goût , un ftyle aimables
facile & du ben efprit , ent mérité à cet
Ouvrage le fuccès qu'il a obtenu. Les deux
principaux rôles font joués par M. Molé &
par Mlle. Contat , avec autant de grace que
d'intelligence.
Quelques perfonnes ont crit remarquer
de la reffemblance entre cette Comédie &
la fauffe Antipathie , Comédie de la Chauffee
; mais s'il y en a les rapports font trèséloignés.
Dans la fauffe Anthipatie , Sain
flore époufe Silvie fans la connoître ; il fe
bat , s'enfuit le jour même de fon mariage,
Au bout de 12 ans , les époux , qui ont changé
de nomis , fe retrouvent , ne fe reconnoiffent
point , deviennent amoureux l'un de l'autre
, & fe défelpèrent en apprenant qu'ils
font tous deux mariés . Tous deux , veulent
faire caffer leur mariage , & découvrent
enfin que c'eft contre eux - mêmes qu'ils
veulent agir. Il n'y a sûrement que de trèspetits
rapports entré les deux intrigues ; &
il y a bien de la différence entre ce vers de
la Chauffée :
O fort trop fortuné ! c'eft mon époux que j'aime .
Et celui-ci , qui eft de M. Vigée :
Il est bien malheureux que ce foit-là ma femme !>
x84 MERCURE
COMÉDIE ITALIENNE.
LE Mercredi, 1a de ce mois , on a donné
pour la première fois , l'Embarras du Choix,
Comédie en un Acte & en proſe mêlée
de Mufique.
Ophémon a deux filles . L'une fe nomme
Thémidore , & l'autre Euphonie. Il défire
donner l'une des deux en mariage au jeune
Polyphile fon ami , & il lui envoie leurs
portraits. Ici commence l'embarras du jeupe
homme. Sans fe reffembler, Euphonie &Themidore
font charmantes ; il faut les voir &
les entendre. Les deux foeurs paroiffent. Eunie
, douce , fenfible & raifonnable ; Thémidore,
gaie , vive , aimable & fémillante ,
lui plaifent toutes deux , & fon embarras
redouble. Cependant Euphonie éprouve
une douloureufe inquiétude , parce qu'elle
aime Erafte dont elle eft , aimée. Sa four
lui arrache fon fecret , & l'ardeur avec
laquelle elle s'empreffe de la fervir , prouve.
en même temps & fon amitié pour elle &
fon penchant pour Polyphile . Pendant
qu'Erafte caufe avec Euphonie , Thémidere
occupe ailleurs Ophémon & Polyphile ;
mais leur retour fubit force le jeune homme
à fe cacher dans un cabinet. Pendant qu'il
eft caché , Thémidore & Polyphile fe quefDE
FRANCE.
185
>
tionnent d'abord , d'une manière mefurée
fur l'attachement qu'ils ont déjà l'un pour
l'autre, enfuite Ophémon , qui a été inftruit
de l'entrevue d'Erafte , à l'inftant même où
une lettre de fon père lui propofoit de
faire ceifer un procès qui les divife , en
donnant une de fes filles à fon fils , vient
faire le guer dans l'obfcurité , afin de découvrir
laquelle des deux aime Erafte . Thémidore
, plus courageuſe qu Euphonie vient´
pour délivrer le prifonnier , ce qui donne
lieu de croire qu'elle aime Erafte , ce qu'elle
avoue , afin d'épargner à fa foeur la première
humeur d'Ophémon , ce qui enfin
défcfpère Polyphile ; mais l'arrivée d'Euphonie
explique tout , & tout le monde eft
fatisfait.
peu
C'est au défir de rapprocher dans un
même cadre , & fans rivalité , Madame du
Gazon & Mlle. Renaud, dont les talens font,
chacun dans leur genre , également, ou à
près, chers au Public, qu'on doit la première
idée de cet Ouvrage. De jolis détails , des
couplers agréables , beaucoup de compli
mens & d'éloges qu'il étoit facile de reporter
des deux perfonnages de Thémidore
& d'Euphonie aux deux Actrices qui les
repréfentoient , ont d'abord excité de trèsvifs
applaudiffemens ; mais ces éloges ont
fini par paroître un peu longs , & l'intrigue
a feinblé froide. Les Spectateurs fe font
refroidis à leur tour , & l'Ouvrage s'eft
terminé fans murmare , mais fans applau1-
88 MERCURE
diffemens. C'étoit une intention heureuſe
que celle de raffembler dans une même
Pièce deux fujets très- diftingués ; il en devoit
néceffairement réfulter quelque intérêt
; mais pour que cet intérêt fût bien
établi , il auroit fallu le corroborer par un
autre. Au furplus , le peu de fuccès de cet
Ouvrage ne prouve rien contre le talent
de l'Auteur , & la manière dont il eft fouvent
écrit , peut parler en faveur de fon
elprit.
La Mufique eft d'un Compofiteur qui
n'a encore rien fait exécuter au Théatre ;
elle mérite des encouragemens . Nous y
avons fouvent diftingué des motifs de chant
faciles & agréables ; mais nous avons cru re
marquer que les accompagnemens en étoient
quelquefois un peu travaillés , principalement
les parties de quinte qui nous ont paru exceffivement
chargées. Il y a quelquefois de
ladreffe à être riche , fans affecter de le
paroître. Nous obferverons encore au Compofiteur
qu'il a très -bien fait, quand il a
travaillé pour Mlle. Renaud feule , de lui,
donner les moyens de déployer toutes les
reffources de fon organe , & toute la flexibilité
de fon gofier ; mais qu'il a peut- être fait,
une faute , rfque , dans un Duo dialogué ,
ila jeté pour elle des traits qui font difpa
roître abfolument le perfonnage , pour net
lailler voir que la Cantatrice. Nous ferions.
fachés qu'on qualifiât de reproches ces très
brièves obfervations , qui ne foat que le C
DE FRANCE. 187
réful at de l'intérêt que le Compofiteur
nous femble fait pour infpirer.
ANNONCES ET NOTICES.
NOTE des Ouvrages pour les Erfans , qui fe
trouvent au Bureau de l'Ami des Enfans , ruc de
l'Univerfité , N° . 28 , au coin de la rue du Bac.
L'Ami des Enfans , far M. Berquin , 24 Vol.
16 liv . f.
L'Ami de l'Adolefcence , par le même , 12 Vol.
précédé de l'Introduction familière à la connoiffance
de la Nature , 3 Vol . Les 15 Vol. 101. 4 f.
Sandfort & Merton , 7 Vol. 5 liv.
Le même , papier fin , orné de 14 jolies Grav .
port franc par la Pofte , 9 liv.
Le Petit Grandiffon , 5 Vol. 3 liv. 12 f.
Lectures pour les Enfans , ou Choix de petits
Contes & Drammes , également propres à les amufer
& à leur infpirer le goût de la vertu , 4e. édition,
Vol. 6 liv .
Chacun de ces Ouvrages , qui forment enfemble
5 Volumes ( tous actuellement terminés ) fë
vend féparément aux prix marqués ci- deflus , port
franc par la Pefte. Les per nnes qui prendront la
Collection de tous ces Ouvrages , ne payeront les
56 Volumes que 36 1v au lieu de 41 liv . , aufli
port franc far la Pofte . On reut fe procurer ces
Livres de tous les endroits de la Province , en remettant
le prix à la Pofte , & en affranchiffant le
188 MERCURE
port de l'argent & la lettre d'avis , dans laquelle
il est néceffaire d'inférer le reçu du Directeur de la
Pofte . S'adreffer à M. le Prince , Directeur du Ba-`
reau de l'Ami des Enfans , rue de l'Univerfité ,
Nº. 28 , à Paris.
Avis aux Libraires . La remife pour MM. les
Libraires fera de 6 liv. par Collection , en ſe chargeant
des frais de port. Ceux qui en prendront 4
Collections à la fois , aurent , outre la remife , la
se. gratis ; en forte qu'ils ne payeront les 5 Collectious
que 120 liv. pour 180 liv. Ainfi chaque
Collection ne leur reviendra qu'à 14 liv. pour 36 1 .
ee qui leur fera un tiers de remife fur chaque
Collection , avec des facilités pour le payement.
Ceux qui en prendront un plus grand nombre à la
fois , auront une plus forte remife . L'Editeur a cru
devoir rendre ces Ouvrages d'une acquifition plus
facile , pour prévenir l'effet d'une contrefaçon qui
fe répard dans la Province ; contrefaçon qui fourmille
de fautes , & dans laquelle on s'eft permis de
tronquer au hafard , & de retrancher même beaucoup
de pièces , afin d'impofer au Public , en lui
offrant à plus bas prix l'Ouvrage ainfi défiguré ,
quoique fous le même titre.
Du Traitement des Infenfés dans l'Hôpital de
Bethleem de Londres , traduit de l'Anglois ; fuivi
d'Obfervations fur les Infenfés de Bicêtre & de la
Salpêtrière ; par M. l'Abbé Robin , Chapelain du
Roi. A Amfterdam ; & à Paris , chez Lefclapart ,
Lib. de Monfieur , Frère du Roi , rue du Roule ,
No. 11 ; & chez tous les Libraires . Brochure in-
8°, de 56 pages.
On doit favoir gré à M. l'Abbé Robin d'avoir
traduit eet Ouvrage , qui peut être utile ,
fur- tout
dans un moment où les efprits font difpofés à
embraffer tous les objets de bien public.
DE 1.89
FRANCE.
Le bon
Jardinier,
Almanach pour l'année 1789..
Nouvelle
édition ; par M. de Grace , Cenfeur
Royal ,
Amateur & Cult vateur . Prix , 1 liv. 10 f.
relié. A Paris , chez Eugène Onfroy , Libr, rue S,
Victor , N ° . II .
Cet
Almanach a eu du fuccès.
Arcas ,
Paftorale fur les
Affemblées Provin
ciales ; par M. l'Abbé
Chaifneau , Curé de Maillot,
près Sens.
Brochure in-12 de 82 pages. Prix, 1 l
4. A Sens , chez la veuve Tarbé , Impr .; & à
Paris , chez Née de la Rochelle , Libr, rue du
Hurepoix; & Lefclapart, rue du Roule , N°. 11 ..
On trouve chez les mêmes Libraires Palémon ,
Paftorale du même Auteur ,
Tarifnouveau des Bois carrés ; Tarif pour la
vente des Bois , & autre Tarif de la meſure des
Cercles ; où l'on trouve tout faits les calculs de
ces trois parties ; par M. Fleury ; in- 12 de 74
pages. A Paris , chez Moureau , Libr,, quai des
Auguftins , No. 24. Prix , 36 f. , & franc de port
2 liv. 2 f.
La Préface , qui ne contient qu'une page &
demie, prouve l'utilité de cet Ouvrage,
Le modèle des jeunes gens dans la vie édifiante
de Claude Le Pelletier de Soufe , Etudiant en Philofophie
dans l'Univerfité de Paris ; par M. l'Abbé
Proyart , de plufieurs Académies , Principal da
College du Puy ; in-16. A Paris , chez l'Auteur
Cour des Capucins de la rue St-Honoré ; la veuve
Hériffant, Imp-Lib. , rue Neuve Notre- Dame ; &
Lefclapart , Lib . rue du Roule,

199
MERCURE
Bibliothèque des Dames . Rue & Hôtel Serpente.
Ce Volume contient la première Partie de l'Ouvrage
intitulé : De la Femme confidérée au phyfique
au moral ; par M. Rouffel. C'eft un Ouvrage
auffi connu qu'eftimé , & qui a fait le plus grand
honneur à fon Auteur.
PETITE Bibliothèque des Théatres. A Paris ,
chez Belin , Libraire , rue S. Jacques ; & Brunet ,
rue de Marivaux , place du Théatre Italien.
Ce nouveau Volume contient les Moeurs du
temps , & l'Anglomane de Saurin, avec les Carroffes
d'Orléans de la Chapelle , & les Trois Frères Riyaux
de la Font.
Paul & Virginie , édition in- 18 , avec Figures
corrigée & augmentée d'un Avertiffement. A Paris,
chez P. F. Didot le jcunc , Lib . quai des Auguftins.
Brochure avee Figures , en papier vélin , 6 livres ,
Idem , en papier fin d'Effone , 4 liv.; fans Fig.
liv. cf. Les Exemplaires du prix de 11. 10
-paroîtront aau 1er. Janvier 1789 ; mais les Exemplaires
avec Figures ne feront mis en vente que
quelques jours après , à caufe des foins T'on
sque
prend pour la perfection de la gravure des Fig.
dirigées par M. Moreau le jeune , fur fes deffins &
ceux de M. Vernet.
27
L'Etude de la Nature , peinte , diffinée & gravée
par Alexandre Moitte Prix , 3 liv . A Paris , chez
Autcur , quai des Auguftins , N° . 43. :
Cette Estampe eft gravée avec intelligence ;
ya de l'harmonie & de la grace ..
DE
191
FRANCE.
La Préfidente de Tourville , Eftampe . A Paris ,
chez Romain Girard , Marché Neuf , Quartier
-Notre Dame , près le Corps-de-garde , Nº. 8,
Prix, en noir , 4 liv. ; en couleur , ୨ liv.
·
Valmont and Prefidente de Tourville , Eftampe.
A Paris , chez Romain Girard , &c. Prix, en noir,
4liv.; & en couleur, 9 liv .
Ces deux Eftampes , tirées du Roman des Liai
fons dangereufes , font deſtinées à faire pendant.
Sainte Cécile , peinte & gravée par Bounieu, de
l'Académie Royale de Peinture . Prix
, 9 liv. Se
trouve à Paris , ainsi que toutes les Etampes du
même Auteur , chez M. Bouin , Md. de Musique ,
rue S. Honoré , près S. Roch , Nº. 504.
Cette Eftampe nous a paru d'une vigueur de
burin qui n'ôte rien à la
grace .
Evelina , Opéra en trois Actes , paroles de M.
Guillard , mutique de Sacchini , & fon dernier
Ouvrage repréfenté le 29 Avril 1788. Prix
24 liv. A Paris , chez Imbault , au Mont d'or ,
rue St. Honoré , entre l'hôtel d'Aligre & la rue
des Poulies , Nº 627.
2 Pour la facilité de
les Parties féparées des principaux morceaux.
des exécution , on as fait tirer
Les raifons particulières qui ont fait interrompre
des repréſentations de ce bel Ouvrage , n'avoient
aucun rapport avec fon mérite ni avec fon fuccès.
On vient de le remettre , & les Amateurs
auront le plaifir de trouver à l'inftant fur cette
Partition la caufe des beaux effets que l'exécution
leur fera entendre.
On trouve à la même adreffe la Partition & les
Airs d'Edipe, dont M. Imbault a fait l'acquifition,
192 MERCURE DE FRANCE.
Numéro 6 des Sonates chantantes pour deux
Flûtes ou deux Violons , ou Flûte & Violon , formées
d'un bon choix d'Airs d'Opéras , par Seufcription
. Prix , 9 liv. pour les 12 Numéros , 11.
4. chaque. A Paris , chez Mercier , à la Mufique
Royale, rue des Prouvaires, No. 33 ; & à Rouen ,
chez le Sr. Thiémé , Editeur.
Numéros 10, 11 & 12 du Journal de Violon, dédié
aux Amateurs , compofé de différens Airs , pour
2 Violons ou Violoncelles. Prix chaque, 2 liv. Ab.
pour 12 Nos. 15 & 18 liv. On foufcrit à Paris ,
chez M. Bornet l'aîné , Profeffeur de Mufique & de
Violon , rue Tiquetonne , No. 10 , où l'on trouve
la nouvelle Méthode de Mufique & de Violon du
même Auteur.
Faute à corriger dans le Supplém. di Ne précédent,
Ark Journal des Caufes célèbres ..
21 liv. en Province ; lifex , 24liv. en Province.
TABLE.
·
L
ERS . V
Réponse.
Chara le, Enig . & Legog. 148 |
La Belle- Mêre.
Comédie Italienne.
14 Variétés. 166
147 Comedie Françoise.
181
184
1750
Zélie dans le Déjert.
> 158 Annonces & Norices. 187
JA
APPROBATION.
'Arlu ,, par ordre de Mgr. le Garde des Sceaux ,
le MERCURE DE FRANCE , pour le Samedi 27
Décembre 1788. Je n'y ai rien trouvé qui puſſe .
en empêcher l'impreffion, A Paris , le 26 Décembre
3788, SÉ LIS.
B
JOURNAL
POLITIQUE
DE
BRUXELLES.
POLOGNE.
De
Varfovie , le 9
Novembre 1788 .
LA
nouvelle loi , dont nous avons rendu
compte , qui porte à rco,000
hommes
l'armée
Polonoile &
Lithuanienne , ayant
paffé à
l'unanimité , la Diète , ainfi que nous
le
rapportâmes , jugea
néceffaire de porter
l'attention la plus
férieufe fur le choix des
mains
auxquelles
elle alloit
confier un
pouvoir
aufh
conſidérable.
Anciennement
la
direction des forces
militaires
appartenoit
aux
Grands
Généraux
en 1768 ,
on
réduifit ces
Officiers
d'Etat à la fimple
préfidence
d'une
Commiffion de
guerre
nommée par
la Diète ; enfin , lorfque des
armes
étrangères
eurent mis la
République
fous le joug , les
Puiffances qui
difpofoient
de fon
Gouvernement ,
concentrèrent
, en 1775 , la totalité du pouvoir exé-
No. 49. 6
Décembre
1788.
( 2 )
cutif dans le Confeil- Permanent , dont
l'une des cinq divifions fut inveftie du
departement militaire . Quoique cette légiflation
forcée eût laillé dans les coeurs
de profonds
reffentimens quoique la
+ foumiffion aux volontés d'une Puiffance.
étrangère , reprochee au Confeil- Permanent
, eût indifpofé contre fon autorité.
un grand nombre de perfonnes , cepen .
dant ces mécontentemens n'avoient pas
encore ouvertement éclaté ; mais lorfqu'il
a été queftion de mettre 100,000
hommes , au lieu de 18000 , fous les
ordres de cette Puiffance exécutive &
fénatoriale , on s'eft alarmé , & l'on a
regardé dans l'avenir. Un Parti nombreux
a fur-tout manifefté fes craintes , que l'influence
étrangère par laquelle on accuſe
le Gouvernement de fe laiffer gouverner ,
ne difpofât réellement de la nouvelle armée
, & n'entraînât la République dans
une guerre contraire à fes intérêts . D'ail
leurs , on étoit las du joug « Le royaume
» de Pologne, a dit , en 1784 , un Voya-
>> geur Anglois très-eftimé , eft fous la
» protection , ou en d'autres termes , fous
» la main de la Ruffie , quigle gouverne
comme une de fes provinces : c'eſt
l'Ambaffadeur de l'Impératrice qui
» décide de toutes les affairest Cette
» Puiffance tient en Pologne dix mille
T
( 3 )
>> hommes , & dans chaque garniſon il
» y a un certain nombre de Ruffes joint
» aux troupes nationales en un mot ,
" les troupes Ruffes contiennent les
» Grands & la Nobleffe dans la foumiffion.
» Le même Voyageur ( M. Coxe )
prévoyoit qu'à la première circonftance
où la Pologne feroit laiffée à elle - même ,
on verroit renaître l'incendie . Les derniers
évènemens prouvent la jufteffe de cette
conjecture.
La 12. Séance de la Diète tenue le
lundi de ce mois , fut très- orageuſe ,
13
& dura depuis midi jufqu'à 4 heures
du lendemain matin . On attaqua, dans des
diſcours véhémens , le Prince Primat , frère
du Roi , & le Gouvernement aЯuel ; on
peignit avec force les vexations que les
Ruffes ont exercées en Pologne , & on
ſe permit dess comparaifons entre l'Exminiftre
principal d'un royaume de l'Europe
& le Primat de Pologne . Lorsqu'on
alla aux voix concernant la nouvelle dide
l'armée , la pluralité. rection
mi
publics fut en faveur du
des fuffrages
parti de la Cour , & du Département
aduel de la guerre dépendant du Confeil ,
Permanent mais cette pluralité de 30 ,
voix difparut , lorfqu'on recueillit les fúffrages
fecrets, & le projet d'une Comsub
a ij
( 4 )
miffion indépendante fut changé en loi
par une pluralité de 18 voix.
La nouvelle de ce fuccès fut reçue avec une
joie prefque générale . Pendant la Séance ,
on avoit diftribué copie d'une Note remife
à Berlin , au Comte de Neffelrode , Miniftre
de la Cour de Pétersbourg , & qui porte
que le Roi de Pruffe perfifte dans fa demande
qu'afin de conferver la paix & de
prévenir une invalion des Turcs dans les
Teneriffes
terres de la République , les troupes Ruffes
doivent abfolument en fortir. Le Parti de
l'Oppofition a été plus loin ; il a formé le
projet d'établir cette nouvelle Commiffion
indépendante, dans unlieu éloignéde la
capitale , afin de la fouftraire à l'influence
de la Cour. Plufieurs plans ont été également
remis à l'Affemblée , dans la Seance
du 15 , pour l'établiffement d'une Dieté
permanente,
D
Le 6 , jour de la 14. Séance , le Maréchal
de la Diète remit aux Etats une
Note , préfentée par l'Ambaffadeur de
Ruffie ; le Roi en appuya , dans un difcours
, la lecture & le contenu que voici :
» L'Ambaffadeur extraordinaire & plénipotentiaire
de S. M. l'Impératrice de
toutes les Ruffies , s'étoit impofé jufqu'à ce
moment un filence inviolable concernant
jes déterminations prifes par les Etats affemblés
, lesquelles , quoique attentatoires
( 5 )
menala
à plufieurs points de la Conftitution concertée
, en 1776 , avec les trois Cours y n'avoient
cependant pas porté un coup direct
à l'acte de garantiu de 1775. Les ordres
de l'Impératrice avoient eu conftamfentimens
affectueux
de S. M. I. envers la Nation Polonòife, &
le Souffigné auroit défiré qu'il n'eut janala
Y
mis dans la néceffité défagréable
de protefter contre des atteintes qui feroient
portées à la forme de gouvernement
fan&ionnée par l'acte de garantie
folemnelle du traité de 1775 ; mais l'idée
renfermée dans plufieurs projets , d'établir
une Diète permanente , & par conféquent
de renverfer cette forme de Gouvernedéclarer:
Qué
S. M. l'Impératrice , enrenonçant à regret
à l'amitié qu'Elle a vouée à S. M. le Roi
& à la Séréniffime République , regardera
le moindre
anie
ment , force le
Souffignent
a la Serent
fait
à
la
Conftitution
de 1775 , comme une infraction ax
Traites . » 4 916
« A Varfovie, le 5 novembre 1788. „ .
« Signé, STACKELBERG . »
Cette Note & le Difcours du Roi ont
produit dans l'Affemblée une fenfation
autfi "défagréable qu'extraordinaire . 25 Les
efprits fe font échauffés au point que e
Roi a juge prudent de lever la Séance .
Bientôt après les Nonces ont envoyé une
le
a 111
( 6 )
Députation à S. M. avec charge de lui
demander fi Elle vouloit fe ranger de leur
côté & prendre les armes contre les
Ruffes , rousfi Elle préféroit de prendre
parti pour ces Etrangers ; cas auquel ils
l'abandonneroient entièrement. Le Roi a
répondu à la Députation , qu'il manifefteroit
les intentions entre le 3 & le de
ce mois , mais qu'il exhortoit les Nonces
à faire attention à leurs démarches. Il a
été réfolu , le 7 , de ne point répondre à
la Note de l'Ambaffadeur de Ruffie , jufqu'à
ce que la Cour de Pétersbourg eût
redreffé les griefs de la Nation contre l'armée
Ruffe dans l'Ukraine , & de ne prendre
les armes que lorfqu'il ne restera plus
d'autre moyen de fe faire juftice. Les
Séances deviennent de jour en jour plus
critiques celle de lundi prochain ne le
fera pas moins. que l
les précédentes.n.V
L'Oppofition compte à fa tête un trèsgrand
nombre de Magnats , entre autres
les Princes de Czartoryski , Radziwill, Sapicha
, Sulkowski , le Maréchal Potocki , le
Comte Stanislas Potocki , le Palatin de
Siradie , M. Rzewuski , &c . &c.
mforts on J
aAs LOL E MAGN, ELASTOT
s De Hambourg , le 16 Novembre.
I tol
Le dernier
Armistice
entre
la Suède
& le Danemarck
ayant
été ratifié
par les Pari
ties contradantes , les troupes Dandifes fe
font retirées en Norwége , où ilparoît
qu'elles prendront leurs quartiers d'liver.
Sila paix ne fe rétablit
pas avantde prirtemps
, la fituation du Roi de Suède ne
fera pas auffi critique qu'elle l'a été &
des le milieu de ce mois il auroit raffemble,
au belein , 50,000 hommes fous fes drapeaux.
Toutes les provinces fe préparoient
à imter l'exemple des Dalecarliens . La
perite ifle d'Oeland armoit 5000 hommes,
& le Gouvernement de Mariestad 2000 .
La haine contre les ennemis de l'Etat .
T'harmonie &Penthoufi fine pour la défenſe
commune, font au point que le Roi aura
fi las circonftances
100,000 come
wi
fournit de quoi
le demandent , &
les payer . Ce n'eft pas qu'on n'ait
tenté de nouveaux moyens de défunir la
Nation ; mais le but de ces efforts , qui ,
fous un voile de patriotisme hypocrite ,
ne tendent qu'à livrer le royaume à la
difcrétion des Etrangers , a ouvert tous
les yeux. On jugera de la vérité de cette
remarque par le fait fuivant 2 m
Il circule à Stockholm , & par-tout le
royaume , quatre écrits qu'on alus avec
une indignation générale. Ces pamphlets
font, 1 ° . une lettre des Officiers de l'armée
en Finlande , adreffée à l'Impératrice
de Ruffie 2945un projet d'une nouvelle
a iv
( 8 )
3°.
forme de gouvernement , adreffé également
à cette Souveraine ; une exhortation
au Peuple Suédois , & 4° un acte de conjuration
de ne point porter les armes contre
la Ruffie , & d'infifter fur la tenue d'une
Diète 1668 ub catsfeerainreb 29.1
Les vaiffeaux de ligne le Dithmans , VEtoile-
du Nord& le Prince Frédéricolæ frégate
la Chriftiana , vaiffeaux desguerre
Ruffes , frégates & un brigantin de cette
nation , font arrivés à la rade de ce port.
Tous ces vaiffeaux ont beaucoup de málades
on geo - neme ) at $ ESDIVLIC'S
La Cour de Pétersbourg am annoncé
(au Public , dans fa Gazette officielle , la
mort de l'Amiral Greigh , décédé à bord
de fon vaiffeau amiral le Roftiflaf, dans le
port de Revel , le 26 octobre dernier .
Cette perte , inappréciable dans les conjondures
actuelles , a vivement touché
l'Impératrice , dont l'efcadre a été forcée
par la faiſon de rentrer à Cronstadt , fous
ordres du Contre- Amiral Spiridoff , qui
a remplacé M. Greigh dans le commandement.
ay sageqings I lepiotamêre !
$
1
2.
$100 so sb sen
Эт
De Vienne , le 16 Novembre.cra
arsinsup 2sh momaqara , almis? &
Une partie des équipages de l'Empereur
eft déja arrivée dans cettel capitale.Sa
M. I. après avoir tenu , ler , à Semlin ,
( 9 )
un Chapitre de l'Ordre militane de Marie
Thérèfeeft allee vifiter différens , Corps
de la grande armée , & quelques fortereffes
après cette tournés , elle reviendra
icis où on l'attend du 25 au 30
Les dernières lettres du Bannat nous ap-
-prénnent que les Turcs ont abandonné la
rives gauche du Danube , & qu'il
ne
s'en
trouve plus sque quelques détachemens
fur la Czerna, depuis Orfowa jufqu'à Méhadie.
Bar-tout où ils ont paffé , ils ont
laiffé des veftiges de dévaftation ; les villes
d'Oravicza & de Caransèbes font prefque
entièrement détruites . ab to sl
Les divers Corps de notre armée laiffés
dans le Bannat , font celui du Général de
Wartenfleben de ro,oco homines , près de
Caransebes ; celui du Général d'Harrach
de 6,000 , près de Vipalanka ; celui du Gé
néral d'Alton de 5,000 hommes , près de
Weiskirchen , & celui du Général de Claireufait
de 9,000 hommes , près de Pancfoinya
, ce qui fait en tout 30,000 hommes.
L'armée de Semlin eft à- peu-près de la
même force. La campagne paroît terminée
de ce côté , puifque les troupes vont
prendre leurs cantonnemens. On fit , le 3 ,
à Semlin , la répartition des quartiers d'hiver
Ellesconte en quatre divifions ; la
2premières, fous des ordres du Lieutenant-
Général de Brown , ferava Semlin & aux
a v
( 10
V
environs , & s'étendra jufqu'à Puterwaradin
; la feconde , fous les ordres du Général
Comte Jofeph de Kinski, aux environs
de Bude ; la troifième , fous les ordres
des Maréchaux de Lafoy & de Laudhon
, du côté de Prefbourg , & da quatrième
du côté de Linz . La marche des
troupes four ces quartiers , commencera
le 20 de ce mois .
abreie quiq est
Ces difpofitions ont été confirmées par
le Bulletin officiel du 15 , dont voici la
fubflance : h
KON VAI SINOI FO SINET
« Comme tout le Bannat eft a&uelle-
» ment évacuéspar les Turcs , one fait les
» préparatifs néceflaires pour les quartiers
» d'hiver. 35
Hobasin 2 SA
» Le Corps du Prince de Cobourg eſt
" entré , le 25 caobre, au camp près de
» Roman.up. ue stolov
« Le 29 octobre , le Général
de Splé-
" ny eft auffi arrivé à Roman ; il a détaché » auparavant
de fon Corps les Huffards
" d'Erdody
, le fecond régiment
d'Infan-
» terie des Valaques
, & deux divifions
» de Huffares
Czekters
, les premiers
dans
» le Bannat , & les autres dans la Tranfylvanie
, par le défilé d'Oytos.zuia
»
Le Maréchal de Romanzof eft à la
» rive gauche du Pruth, près de Tferzora;
» une divifion de fon Corps eft à la rive
d: oite près de Luboka ; le Général Sol(
m)
» tikof eft pofté près d'Orchey , vers la
» fortereffe de Bender.
On affure que le Maréchal- Lieutenant
de Fabris , Commandant en Tranfylvanie ,
a reçu également ordre de mettre fes
troupes en quartiers d'hiver.o ub , soub
La vigilance avec laquelle ce : Maréchal-
Lieutenant a , pendant 8 mois , défendu la Tranfylvanie
de toute invafion ennemie lui a mérité
les plus grands éloges de la part des connoiffeurs .
On fait que les défilés qui conduifent de cette pro-
Vince dans la Valachie , & qui ne pouvoient être
gardés que par quelques centaines d'hommes ,
avoient été attaqués tour- à tour par des détachemens
de la 8 mille Turès , & que toutes ces
gestour à tour par
attaques avoient été conduites avec le plus grand
courage , & dirigées fur- tout avec une intelligence
à laquelle on ne s'attendoit pas de
de leur
part; mais qu'elles avoient été conftamment rendues
infructueufes par les bonnes difpofitions de ce
Général , & par la promptitude avec laquelle il
voloit au fecours des poftes attaqués . On le rappelle
les craintes mortelles qu'on avoit en Hongrie
, lorfque l'armée du Grand- Vifir ayant pénétré
dans le Bannat , fe fut avancée jufqu'à
Caransebes , ayant à fa droite le défilé qu'on
appelle la Porre- de- Fer. Ce fut pour forcer ce
défilé que les Turcs firent les plus grands efforts ;
déja le Général Stader avoit été contraint d'abandonner
le défilé de Vulkani , lorfque M. de Fabris
e
Sulkumforces dans
le moment
approcha avec toutes fes
le plus critique , reperffa l'ennemi , & , mit ce
poftea lat de route infulte ultérieure. Sans
ce prompt fecours, plos de ab mille Tures qui
s'étoient raflemblés dans la Valachie , fe répandolent
dans la Tranfylvanie , & faciliroient en
a vj
( 12 )
même temps les opérations de l'armée du Grand-
Vifir , qui n'attendoit que la nouvelle de la réuffite
le cette attaque pour pénétrer plus en avant. »
de
er
" Quoiqu'on eût affuré , ily a quelque
temps , que l'Empereur avoit rejeté le
nouveau plan que la Chambre des Finances
lui avoit préfenté , pour établir
une contribution extraordinaire qu'on
nomme ici , comme par-tout ailleurs , le
Don gratuit , il eft conftaté que ce prétendu
refus n'a point eu lieu , puifqu'on
a commencé , le 1. de ce mois , a lever
cette contribution dans tous les différens
départemens de la capitale & des provinces
; de manière qu'à commencer de
cette époque toutes les caiffes des penfions
que le Gouvernement paie , fous
quelque dénomination que ce puiffe être ,
retiennent pour cent fur celles qui fe
trouvent être au- deffous de 1000 florins ,
de même que 10 & 15 pour cent für
celles qui font au deflus de 1000 & de
3000 florins. Le terme de cette contribution
n'étant point fixé , il eft apparent
qu'il s'étendra à toute la durée de cette
malheureufe guerre , qui coûte déja des
fommes immenfes, » monos olen
2
L'Empereur a élevé au grade de Gé-
Inéraux de Cavalerie , les
Lieutenans - généraux
de Barco & de Hohenzollern ; à
celui de Général d'Artillerie , les Licute(
13 )
1
nans-généraux de Fabris , de Vins & de
Clairfait, & à celui de Général Major, les
Colonels de Verre , Hannekart , Rohrenzoll,
3Corti Merfies & Bock, voluptoug
Un ordre de la Cour ayant défendu
au fordifantsComte Caglioftro l'exercice
de la médecine à Roveredo , ce particulier
a quitté cette ville le 22 novembre , pour
fe rendre à Trented and ul
Le Baron de Guldencrone , Miniftre
Plénipotentiaire de Danemarck 'auprès de
la Cour Imperiale , eft mort ici , le 10 ,
dans la 48 année de fon âge , à la fuite
d'une fluxion de poitrine .
• DeFrantfortfur le Mein , le 23 Novemb.
Deuxcompagnies
d'Artilleurs
parties
de
Berlin
pour
le
rendre
au
Corps
d'armée
qui
s'affemble
fur
les
frontières
" de
Pologne
. Ils
prendrons
de
l'artillerie
dans
la
fortereffe
de
Graudenz
.
Quatre
autres
compagnies
les
fuivront
inceffamment
.
Le
Juif
Benjamin
Ephraïm
eft
charge
des
fournitures
de
fourrages
pour
ce
Corps
d'armée
.
Le
Directoire
de
guerre
eft
occupé
à
conclure
des
matchés
ppour
des
fournitures
militaires
.
Les
ordres
font
donnés
d'établir
des
magafias
pour
une
armée
de
60,000
hommes
.
On
déja
engagé
un
certain
nombre
de
Sel(
14 )
liers de Boulangers & de Maréchauxferrans
pour l'annéesto angers a
his Les Huffards de Wolke , cantonnés à
Soldau , dans la Pruffe orientale , avoient
reçu l'ordre de fe tenir prêts à marcher le
20 octobre. Les régimens de Schwerin &
de Baning dans la Pruffe occidentale, ont
reçu de pareils ordres . Les chevaux deftinés
à l'artillerie font fetenus . Les Huffards
d'Usedom & le régiment d'Arnaud ont
quitté leurs quartiers dans le distria de la
Netze , & fe font déja rapprochés de la
frontière : ils font à Glemboka , Inowro
claw , Bromberg , Krone , & c.
Le Baron Adalbert de Harftall, Prévôt
de Thulba , a été élu aujourd'hui, avec les
folemnités ufitées , Prince - Evêque de
Fulde.Much world .
On lit dans le porte- feuille hiftorique
qui s'imprime à Berlin , que toute la maffe
du numéraire qui circule en Pologne , ne
s'élève pas au - delà de 40 millions de florins
de Pologne , ou de 6,666,666 rixdalers
& 16 grofchen , & qu'au
moins
la
moitié de ce numéraire eft concentrée à
environs. Depsis Varfovie & aux 1764
juſqu'en 1779, on a fabriqué en Pologne
pour 48 millions de florins d'efpeces de
monnoie ; favoir , 7 millions en billons ,
en
1,296,000 en efpeces d'or, & 39,704,990
en efpèces d'argent .
( 15 )
.a
Un voyageurs qui a parcouru houvellement
l'Allemagne , a configné dans fon Journal les détails
fuivans : On compte à Francfort fur le Mein
une population de 41,0ce ames , y compris 8,000
Juifs les réverus de Ville montert à 600,000
florins , dont 8o, cool font employés pour l'entretien
du militaire. La Ville de Hambourg ren
ferme dans 420 maifons une population de 2,300
habitans. La population de la Ville de Darmstadt
s'élève de 9 a 10,000 habitans , non compris la
garnifon ; a culture de la garance procure à la
Principauté de Darmiftadt plus de 150 000 florins
par an . Les revenus du Landgrave montent à un
million à 800,000 florins , y compris ceux du
Comté de Hanan - Lichtenbe g , qui s'élèvent à
600,000 livres de France. La Ville de Hanau ,
dans le Comté de Hanau -Munzenberg, apparte
nant au La dgrave de Heffe- Caffel , renferme dans
1,454 maiſons une population de 12,000 ames ,
y compris les Juifs , les revenus de ce Comté s'élèvent
à 500,000 florins : les falines de Manheim
rappo : tent 100,000 fons florins. à Af- On compte
cheffenbourg 400 maifons & 6oco habitans . 5 & 6oco habitans.
--
- sagolE SPA G N Elbano ub i
angolod
sb anoiling op 96 ples- us esq uválb's
in 200.000 yet, no
De Madrid le 12 Novembre.
JORT WE UP &
L'Infant D. Charles - Jofeph - Antoine ,
dont l'Infante Dona Marie- Anne-Victoire
accoucha , le 28 du mois dernier , n'a furpeu
de jours à fa mère ; la petitevérole
s'étant manifeftée après la naiffance ,
y a fuccombe le 9 de ce mois. il
que peu
( 16 )
On lit les détails fuivans dans une lettre
iamento in 28smeaume de Murcie! sign
d'Alhama , au royaume
t
fieurs vieillards , donques
-
unsrous
, plu
38ya dans cette ville & les environs , plu
ont plus de
100 ans , plufieurs plus de go & un plus grand 99 ,
nombre qui en ont au- delà de & de 80 , tous
robuftes , travaillant prefque avec autant de vigeur
que dans leur jeuneffe. Depuis dix ans en
a compté , parmi les morts , beaucoup de centenaires.
Le 16 du mois dern dernier en a enterré
un , c'étoit une femme nommée Ginefa Guerrero ,
âgée de 107 ans ; elle avoit confervé juſqu'au
dernier moment fes facultés intellectuelles ; elle
vivoit de fon travail , & l'exécutoit avec autant
d'ardeur & d'activité que lorfqu'elle étoit jeune:
elle avoit eu 26 enfans , dont il ne refte que fix
affez avancés en âge. Son caractère étoit gai ;
elle étoit fur-tout paffionnée pour la danfe , &
fur la fin de fa vie , il n'y avoit point de fêtes
ni de bals auxquels elle ne courût avec l'empreffement
d'une fille de 18 elle aimoit aufli
& fe de tous
ceux de fes voifins. On l'a vue fouvent faire à
pied des courfes de 3 lieues , pour prendre les
informations néceffaires , afin de les arranger fi
l'on faifoit des offres d'accommodement , ou de
les mieux conduire s'il falloit les poursuivre.
231
les procès , par goes
270
Le célèbre Imprimeur Bodoni, de Parme ,
a fait un voyage à Rome , dont une lettre
du mois dernier parle en ces termes :
M. Bodoni eft parti pour fos voyage de Rome &
de Naples , vers la fin du moisd'Août 1788. Il avoit
emporté avec lui quelques copies des plus beaux
livres de fes fuperbes éditions , telles que l'Anacréon
grec , le Long grec , le Théophrafte d'Amaduzzi
, grec & latin , & c. & particulièrement le
( 17 )
livre des épreuves de fes caractères , imprimés
fimplement fur vélin , fans vignettes lin , fans vignettes , ni orneinens
ou cadres.
A fon arrivée à Rome , il a été accueilli &
logé
pale
d'Espagne , fêré par tout
le Corps diplomatique , & par beaucoup de Car
dinaux le premier , outre un logement honorable
qu'il lui a accordé dans fon propre palais , lui
a donné à fa difpofition un carroffe , des chevaux ,
un cocher & un domeftique de fa livrée ; il Va
und
la
produit par toute la ville miniftériellement , & l'a
fouvent promené par le grand cours , dans fon
propre carroffe, en lui donnant la droite. A Rome,
on n'a pas d'exemple qu'un Artifte , de quelque
célébrité qu'il ait joui , ait reçu de pareils honneurs
tous les Ambaffadeurs ont invité M. Bodoni
à dîner chez eux. Le Cardinal de Bernis l'a fouvent
admis à table ; tous les lundis il étoit invité
à celle du Miniftre- d'Etat , Admis à l'audience
du Pape , Sa Sainteté lui donna fa main à baifer ,
& l'entretint une heure & demie. Huit ou dix jours
après , il partit pour Naples : il eft allé loger chez
le Duc de Gravina , Gouverneur du Prince héréditaire
.
:
sas veel
teng tou
GRANDE - BRETAGNE.
De Londres , le 24 Novembre.
de
Du 18 à.asjourd'hui , il y a eu peu
changement dans l'état du Roi . Les accidens
font les mêmes , & rien ne fait préfumer
encore une prompte ceffation de
l'état cruel de con
Cependant
le Parlement , qui s'eft affemblé le 20 , a
( 98 )
renvoyé toutes deliberations fur la nomination
d'une Régence ou d'un Regent ,
en s'ajournant purement & fimplement au
4 décembre prochain. Cette trifte Séance
a été remarquable par la delicateffe avec
laquelle les Membres des deux Chambres
fe font interdits de parler en aucune mamière
de la eirconftance qui avoit accéléré
leur convocation . L'ajournement laiffera
le temps d'affeoir une opinion moins incertaine
fur les craintes que donne Sa
Majefte. Nous ne rapporterons pas les
jugemens & les commentaires , plus qu'indifcrets
, des Papiers publics à ce fujet , en
obfervant qu'en pareil cas , à défaut d'une
parfaite certitude , le filence eft de devoir.
910
La Marine vient de perdre un de les
Chefs les plus eftimés , dans la perfonne
du Chevalier Edmund Affleck , Contre-
Amiral , qui s'étoit éminemment diftingué
dans la dernière guerre..
setubashi.
M. Dawfon , Capitaine de la frégate le
Phaeton , & dont le procès s'inftruifoit
devant un Confeil de guerre , a été caffé
par fentence rendue jeudi dernier &
déclaré incapable de fervice à l'avenir.
L'indifcipline fur ce vaiffeau étoit au point
que la Cour Martiale eft obligée d'en juger
fucceffivement la plupart des Officiers.
L'Amiral Elliot s'eft démis du Comman
dement de l'efcadre de Terre-Neuve , qu'il
( 49 )
Lea
avoit depuis trois ans. Son vaiffeau , le
Salisbury de 50 canons , conftruir à Plymouth
en 1768 , a été employé fix ans
au fer ice de Terre-Neuve , & fera remplacé
en 1789 , par un autre vaiffeau de
même rangush zen 291m9M zolelisupsi
On a reçu , par un bâtiment, de Brif
tol , des lettres de la nouvelle Ecoffe , da
tées du 19 octobre . La fregate l'Andromède
le Prince Guillaume Henri,
emonte
fe trouvoit alors à Hallifax , en parfaite
fanté , ainfi que fes Officiers & fon équipage
. Le Capitaine Sandys , qui commande
la frégate la Dido de 28 canons ,
& qui , en fa qualité de plus ancien Capitaine
, sa arboré le pavillon de Commodore
, s'étoit tranfporté fur l'Andromède
pour la vifiter , à la follicitation
du Prince. Le Commodore trouva ce
vaiffeau en très -bon état , & parfaitement
en ordre. Il en fit les complimens les
plus flatteurs à S. A. R. , & déclara que
c'étoit le vaiffeau de tous
le mieux tenne
MUTICH
ceux qui étoit fous fes ordres. Il a été enjoint
aux Commandans des autres vaiffeaux
de guerre d'adopter plufieurs des
réglemens faits par ce Prince , relativement
à fon équipage , & le Commodore luimême
a donné l'exemple , en les faifant
exécuter à bord de la fiegate la Dido.
а
?
Le Capitaine Salisbury , qui monte la
corvette le Termagant de 19 canons , pour
( 20 )
obferver les Contrebandiers , a fait fept
priſes en peu de temps . Il a rencontré , la
femaine dernière , le Walfingham , vaiffeau
de la Compagnie des Indes , dont l'équi
page s'étoit révolté. Le Capitaine du
Termagant a transféré à fon bord une par
tie de ces mutins , & les a conduits à Deal.
Le Walfingham avoit apportés diſoit- on ,
la fâcheufe nouvelle de la perte du Camden
, vaiffeau de la Compagnie , fubmergé
dans la baie de Bengale ; mais ce
bruit fe trouve dépourvu de fondement.
10
L'Amiral Greigh , que l'Impératrice de
Ruffie vient de perdre à Revel, étoit Ecof
fois de naiffance , & avoit confervé fon
grade de Lieutenant dans notre Marine .
A l'époque de la bataille que cet Amiral
livra aux Suédois , on remarqua ici qu'il
étoit fingulier de voir un Ecoffois à la
tête de la flotte Ruffe , un Irlandois ( le
Maréchal Lafty ) à la tête de l'armée Impénale
, & un Anglois cominander l'Ar- , &
tillerie des Ottomans . ( Ce dernier , qui eft
Ecoffois , fe homme Campbell , &tatembraffé
le Mufulmanifme il y a quelques
années ).

Il a été expédié du bureau du Secré
taire d'Etat , dans les différens ports d'Angleterre
, des défenfes d'admettre aucuns
vaiffeaux venant de Séville , de Malaga
d'Alicante , ou de telle autre partie de la
( 21 )
Méditerranée ou du Levant , & de fouffrir
qu'ils débarquent aucune partie de
leurs cargaifons , fans avoit fait une ftricte
quarantaine signaleWei , s.élanskanismo)
Les Lords de l'Amirauté ont donné au
Capitaine Knox le Commandement du
Centurion ded so can , à bord duquel le
Contre Amiral Charles Douglas doit ar
borer fon pavillon pour aller commander
la ftation de Hallifax.evvon stusdoftol
On a fairen dernier lieu , s'il faut en croire nos
papiers publics , la découverte d'une Baye fort étendue
fur la peninfule méridionale environ duCaprique
, à qua
rante de
où lesbaleines font en très grande abondance. Plus de
vaiflex que nous n'en empleyons aujourd'hui annuellement
à la pêche du Groenland , feroient
fûrs defe procurer dans certe Baye un chargement
complet en peu de temps , & d'en retirer un bénéfice
plus confidérable , le plus grand nombre de ces baleines
étant del'efpècedes fpinmzcites . Lá feule objec
tion contre ce nouvel établiffement, c'eft le voyage,
cinq fois plus long que celui du Groenland ; mais
cet inconvénient eft balancé par la certitude de fe
procurer une cargaifon de l'efpèce la meilleure &
la plus productive . Dans la pêche du Groenland ,
beaucoup de vaiffeaux rentrent en Angleterre fans
cargaifon plufieurs font perdus dans les glaces ,
quelques-uns ne prennent que la quatrième partie
de ce qu'ils pourroient conteair , ou tour au plus
de quoi faire face à leurs dépenfes , s'ils n'étoient
dédommagés par la gratification allouée par le
gouvernement. Dans la baye du fud , au contraire ,
la mer eft ouverte & dégagée des glaces . Il eft
néanmoins néceffaire de faire plufieurs réglemens
pour l'établiffement d'un commerce qui , avec tout
( 22 )
l'avantage qu'on a lieu d'en attendre , peut devenir
moins lucratif, fi l'on adopte des mesures contraires
à fon accroiffement. Par exemple , un particulier,
parti la faifon dernière pour la pêche, rapporte
qu'il a vu plus de centjeunes baleines fréquentant
cette baye plufieurs étoient jetées fur estivage
par les vagues , d'autres flortoient fur la furface
de l'eau , & dont on ne pouvoit tirer aucun parti ;
nonobftant cela , les Pêcheurs s'amufoient à les
tirer par divertiffement. Le gouvernement a aujourd'hui
fous les yeux un plan d'établiſſement &
de réglemens pour cette pêchel; mais il ofte à
favoir quel ufage il en fera 15 molini st
1
Nous terminerons l'extrait des IMé
moires de la vie de la Ducheffe de Kingf
ton, par quelques particularités de fon Procès
, & deux Anecdotes fingulières.
Le procès commença devant la Cour des Pairs ,
le 15 Avril 1776 , dans la falle baffe de Weftminſter
, & dura cinq jours. On y débattit le
point principal , i l'on admettroit la Sentence
des Doctor's Commons , fur la nullité prétendue
du premier mariage de la Ducheffe , comme fufceptible
d'empêcher la preuve effective de ce
mariage. Milord Thurlow , aujourd'hui Chancelier ,
& alors Procureur général , traita la queftion
avec ne force lumineufe , & l'accusée avec beaucoup
de févérité . Les Juges fe décidèrent contre
l'admiffion de la Sentence des Doctors Comrons.
Le fait des deux mariages fut clairement é abi ,
& entraîna la , condamnation de la Duchele. Le
principal témoin produit contre elle ,futune Miftriff
Craddock , anciennement domeftique de l'accufée ,
& qui avcit affifté à la célébration du premier
mariage. Cette femme , tombée dans la pauvreté ,
avoit eu recours à la bienfaifance de la Ducheffe ,
qui eut l'imprudence de lui refufer tout &fecours . 2
?
( こう
Miftrif Craddock ſe vengea de cette dureté , en
dévoilant ce qui s'étoit paffé à M. Evelyn
Meadowrs , héritier naturel du Duc de Kingston ,
& en dépofant contre fon ancienne maîtrelle. 75
La Duchefe fe rendoir à la barre, accompar
gnée de Miftriff Egerton dont le mari étoit de
la famille de Bridgewater ; de Miftriff Barington ,
veuve du général Barington frère du Pair de ce
nom ; duffeurDocteur Ifaac Schomberg , & du
Docteur Warren y actuellement vivant. L'accufée
avoit adopté une fingulière méthode de réfifter
à l'émotion que lui caufoit fon interrogatoire :
elle fe faifoit tirer quelques palettes de fang en
fortant de devant fes Juges.
Déclarée coupable , elle échappa à la peine
en réclamant le ( 1 ) Bénéfice de Clergie , auquel
elle avoit droit comine paireffe du royaume.
L'affaire ainfi terminée , les adverfaires de la
Ducheffe, redevenue Comteffe de Briftol , formèrent
un p'an de pourfuite pour la confiner dans
le royaume , & la dépouiller de fa propriéte perfonnelle.
On préparoit un Writ de ne exeat regno ;
elle en fut avertie à temps : pour maſquer fa fuite ,
elle fit courir fa voiture dans les rues les plus
fréquentées de Londres , & invita quelques perfonnes
choifies à dîner , tandis qu'elle fe rendoit
en pofte à Douvres , où le capitaine de fon yacht
l'attendoit pour la faire paffer à Calais . Elle y
féjourna quelque tems .
Mais fon fort étoit de courir le monde. Quelques
incidens la rappelèrent à Rome. Avant fon
départ de cette Métropole , elle avoit déposé fa
( 1 ) Bénéfice del Clergie , ou privilége Clerical
qui exempte de la brûlure à la main gauche , les
Eccléfiaftiques & les Pairs , pour certains délits
qualifiés de Félonie , tels que la bigamie.
( 24
1
"
vaiffelle à la banque , & laiffé dans ſon palais
un moine eſpagnol , pis que défroqué , nos méz
moires le qualifiant de renégat. L'ex- moine avoit
vendu les meubles de la Ducheffe & féduit
une jeune Anglaiſe , habitante du même palais ,
qu'il y abandounoit enceinte. A ces nouvelles la
Ducheffe accourut , mais trop tard ; elle en fut
pour fes meubles , & la pauvre fille pour fon
honneur ; quant à fa vaifielle , la banque la lui
rendit fidèlement , & elle revint à Calais , où elle
s'amufoit à raconter la fripoanerie du moine.
Avant fon procès , la Ducheffe avoit formé le
projet d'un voyage à Pétersbourg. Elle fit construire
, à cet effet , un vaiffeau d'une magnificence
rare ; on y ménagea un cabinet de peintures
, une falle à manger une cuifine , enfin
toutes les diftributions de l'appartement le plus
commode.
-

Pour s'affurer une réception plus favorable
de l'Impératrice , la voyageufe lui apportoit une
riche collection de tableaux de la fucceffion du
Duc de Kingflon . L'Impératrice, paſſant par-deflus
l'étiquette , la reçut très bien dans une maifon
de plaifance: non - contente de lui faire donner un
logement , elle fit réparer , à fes frais , fon vaiffeau
endommagé par l'ouragan qui défola Pétersbourg.
S'il eût été poffible qu'une tête comme celle de
notre héroïne lui permit d'être heureufe & tranquille
, fon repos étoit affuré ; mais elle étoit &
fe fentoit étrangère . L'Ambaffadeur d'Angleterre
ne lui marquoit d'égards qu'en particulier . Enfin ,
il manquoit beaucoup de chofes à une femme
qui en défroit beaucoup. Ayant remarqué à la
Cour des Dames qui portoient le portrait de
l'Impératrice au bout d'un ruban , comme un
ordre , elle fe flatta d'obtenir cette diftinction ea
achetant des terres en Ruffie ; elle fit donc une
acquifition d'environ douze mille guinées , &
follicita
( 25
follicita le ruban ; on lui répondit que la règle
invariable excluoit toute étrangère. Que faire de
ces terres ? Il n'y avoit de parti à en tirer qu'en y
établiffant une pêcherie & des coupes de bois. Un
faifeur de projets lui mit dans la tête d'y former
une diftillerie d'eau- de- vie. Plus certe idée étoit
bizarre , plus elle lui plut , & la voilà qu'elle devient
fabricante de brandevin..
Bientôt dégoûtée de ce métier , & d'une Cour
où fon ambition avoit reçu un échec , elle prit
le parti de retourner à Calais. Avant fon départ
elle eut une querelle avec M. Fofter , fon chapelain ;
elle ne lui donnoit que cent guinées , & elle lui
devoir une année . L'Impératrice fit offrir une retraite
à ce bon vieillard , qui dit à la Ducheffe en
ftyle laconique : Je fuis vieux , fans être bas !
Un pauvre abbé Sechand, qu'elle avoit pris pour
aumônier de l'équipage de fon vaiffeau , compoſé
de matelots françois , n'étoit pas mieux payé ,
& fur trop heureux d'aller chercher du pain dans
fa patrie.
La Ducheffe, en quittant Pétersboug , laiffa le foin
de fes affaires à un garçon Charpentier Arglois ,
dont elle avoit fait l'Intendant de fa diftillerie. Dans
fa route , elle recruta un Colonel au fervice de
l'Empereur , qui retournoit à Vienne trouver fa
femme & fes enfans. Très- peu empreffé de les
revoir , à ce qu'il parcît , il accompagna la Ducheffe
,
defe
dont
il prit
congé
en
lui
empruntant
une
montres & deux bagués , dont l'éclat devoit
lui rappeler les charmes de celle à qui elles appartenoient.
De retour à Calais, la Ducheffe ne ceffoit
d'entretenir les connoiffances des bontés que l'Impératrice
avoit eues pour elle. Elle ne manquoit
pas non plus de vanter la belle terre qu'elle avoit
achetée près de Pétersbourg , habitation remplie
de vaffaux fi feumis , qu'ils n'ofoiest approcher
N°. 49. 6 Décembre 1788.
( 26 )
de leur maîtreffe fans fe profterner & baifer d'abord
le bas de fa robe. Elle finit par pafler pour
l'intime amie de l'Impératrice. Ce qu'il y a defûr,
c'eft que dans une fête qu'elle donna à cette Souveraine
, le fervice fe fit tout en vaflelle d'argent ,
& la Duchelle employa 145 demetiques à elle.
Le teftament du due de Kingflon ayant été confirme
tranquille fur cet article , la Ducheffe re
penfa plus qu'à diffiper des revenus immenfes.
Tout en gardant fa maifon de Calais , elle en acheta
une a Paris.
મને સવા
Tout le monde connoit fon acquifition de Saint-
Affiffe , & les derniers évènemens de fa vie à Paris ,
où elle eft morte au mois de feptembre dernier ,
hôtel du parlement d'Angleterre , laiffant pour dernières
volontés un teftament bizarre , moitié felon
les formes Argloifes , moitié felon celles de France ,
& probablement inexécutable. On l'a embaumée ;
& quoiqu'elle eût ordonné que for corps fût tranf
porté dans le caveau des Chudleighs , cette difpofition
n'a point été exécutée .
Elifabeth Chudleigh , Comtelle de Bristol, qui ne
devoit le titre de Ducheffe de Kingflon qu'à la
politeffe ou à l'ignorance des étrangers s'eft peinte
un jour elle-même, en difant : Je me détefterois moins
mée, fi j'étois deux heures dans la même difpo
fition d'efprit. Sa conduite vérifia ce jugement , car
elle pafla alternativement d'une pallion à une
autre Cette inftabilité lui valur dans les premières
années de fa vie plus d'admirateurs que d'amis
réels ; enfuite elle s'attacha fréquemment out des
ingrats , ou des gens ind gnes d'elles smbios cisge
Dans un de fes voyages , elle rencontra une efpèce
de pélerin d'une figure avantageufe . Il avoit
l'oeil perçant , & quelque chofe de remarquable.
Dans l'enfemble de fes traits , quoique dif ofé à
cultiver une liaison avec la Duchefle , il préféroit
( 27 )
à la converſation un commerce épiftolaire. Sur de
l'effet de fon ftyle brillant , & voyant d'ailleurs
combien la femme à laquelle il avoit affaire étoit
fenable à la flatterie , il la quitta au moment même
où elle le prefloit le plus vivement de refter .
La correfpondance commerça ; les lettres étoient
pleines de l'admiration de l'Ecrivain pour un caractère
tel quecelui de la Ducheffe . Elle étoit plus qu'une
femme la merveille de fon fiècle ! la perfonne la plus
digne dela célébrité ! enfin, une espèce de déefe ! Cet
encens étoit plus flatteur par cela même qu'il venoit
d'un étranger. Sa Grace ne tarda pas à éprouver
de rendres tentimens pour le péle in ; & commé
il y avoit quelque chofe de mystérieux dans fes
manières , elle brûloit d'envie de développer cette
énigme il ne voulut pas la lui laiffer pénetrer ;
tout ce qu'elle put obtenir ce fut la promeffe d'une
entrevue. La correfpondance continuoit toujours
dans le même ſtyle . Enfin arriva le jour du rendez-
vous fiimpatiemment attenda par la Ducheffe ,
qui , au lieu d'un pélerin , trouva un abbé . L'étran
ger conta fon hiftoire : il étoit né Prince d'Albanie ,
avoit voyagé dans toute l'Europe fous différens déguifemens
, & ne s'étoit lié qu'avec des perfonnes
de for rang , c'est à dire , de la première diſtinction .
A Berlinste Prince Henry l'avoit honoré de fon
intimité : A Rome , il avoit fait une connoiffance
particulière avec la plus grande partie des CardimiximLeurs
Majeftés Napolitaines l'eftimoient
particulièrement mais c'étoft fur- tout de l'amitié
de l'Empereur qu'il pouvoit fe vanter. Ce flyle
opéra comme des paroles magiques. On demanda
le nom de l'étranger, & il s'annonça fous un de
ceux qu'il employoit dans les
celui
de
77drta. La Ďachelle lui préfenta une boite enrichie
de diamans pil admira quelle grace , quelle
nebleffe elle metroit dans fes procédés ; elle lui
bij
( 28 )
offrit une bague d'un grand prix : comme il étoit
Prince il parut honorer encore celle de quixilla
recevoite Aulanfin il s'expliqua.Satisfait d'avoir
vuples têtes couronnées , il retournoit dans fes
propres états jail s'eftimeroit heureux de voir fon
lit honoré d'une époufe telle que la Ducheffe Elle
l'entendit avec un aplaiſirb infini ; & finunt obftacle
infurmontable ne s'y fût oppofé , elle auroit peutêtre
donné fa main & fa fortune à un aventurier.
Ce #arta fut pris. Qu'étoit ce Warta La même
chevalier d'induftriequenousavons vu offrir 20,000
monténégrins aux Etats- Généraux contre l'Empereur
, enfermé en Hollande , & mort de fes propres
mains dans fa prifonsumi indmoɔ nu stiut
Lorfque la Ducheffe entreprit par terre un fecond
voyage à Pétersbourg , elle prévint le Prince
Radziwill , fon ancien admirateur , qu'elle pafferoit
fur fles terres. Ce Prince Polonois fixable lieu de
l'entrevue. Rien n'étant plus romaneſque , ces détai's
pourront amufer nos de teurso-
On affigna , pour lieu du rendez - vous , Berge,
village dans un duché appartenantau PrinceRadziwill
, & à environ quarante milles de Riga.Arrivée
dans cette ville , la Ducheffe y trouva un
officier de la fuites du Prince chargé de la prévenir
que fon maitre la difpenfor de l'étiquette ,
& fe propofoit de lui rendre vifite comme à une
amie. En effet, cette vifte fans cérémonie ferfitle
lendemain matin. Le Prince vint avec quarante
voitures à fix chevaux cremplies de festnièces ,
de femmes de condition de fa principauté & dime
fmoeciuésteé bdreilmlialntlee. Six chevaux de maing une
chiens , des ours & une garde de
houfards accompagnoient ce cortège. Une pareille
fuite dans un pays environité de forêts , donnoit
un air desféerie à cette entrevuegadoht slapfingularité
fut encore augmentée par la manière dors
( 29 )
5
le Prince eflaya d'amufer fon hôte. Il lui donna
deux fêtest: pour la première , il avoit faits bâtir
unwillage confiftant en quarante maiſons de bois
décorées de feuilles & de branchages Gesɔmaifons
formbient une enceinte circulaires au milieu
delaquelle on séleva strois falles spacieufesorune
poutde Prince la feconde pour fa fuite, & la troifième
pour le feltingEn rentrant dans le village
pourfovrendre aux falles , on trouva toutes les
maifons férmées les drabitans paroiffoient s'être
redrés pot taller prendre du reposa Les plaifirs
commencement par un magnifique feu d'artifice fur
ane pièce d'engou deux navires fe livrèrent enfaite
un combat fimulé , après dequel confervitun
feftmsfomptueus ; ntoarsen vaielle diargent.
La Dadrades plaie d'une réception ft magnifique,
fe monats de lapius grande gaieté ,Miwish
Quards on fun levé de table , le Prince: conduifit
la Ducheffe ausvillages dont les maifons s'ouvrirent
tout-à-coupi, & offrirent le fpectacle de
quaranteboutiques élégamment décorées & garnies
de meubles , d'étoffes & de bijoux. Le Prince fit
n.choix & lui préfenta une magnifique topaze ,
des bagues , des tabatières , en un mot , des bijoux
de toute efpèce. On regagna enfuite les falles ,
qui n'en formoient plus qu'une feule , & le bal
fut ouvert par le Prince Radziwill & la Ducheffe.
Lesmenuets & les contredanfes finis , la compagnie.
orquitta la sfalle du bal , qui dans un inſtant parut
en feu . On avoit difpofé des matières combufstibles
dans toutes les parties du bâtiment , auteur
duquel les peuple du village fe mità danfer. Cette
fête ,dont la defcription n'eſt point exagérée, coûta
au Prince Radziwill au moins 120,000 liv.os
ག"
Son Alteffcone s'en tint pas là. Ce Prince magnifique
donna une facondes fête à la Ducheffe ,
dans sine maifon descampagnes à dix milles de
buj
( 30 )
fa réfidence. Ce fut une chaffe à l'ours faite au
flambeau , dans une forêt. Un régiment d'houfards
, des torches à la main , formoient un cercle
dans lequel fe trouvoient des chaffeurs également
armés de flambeaux l'ours entouré de feux , fut
effrayé , pourfuivi & force felon l'ufage. Un grand
nombre de feigneurs Polonois affifterent à cette
chaffe. Pendant quatorze jours que la Ducheffe
pafla chez le Prince, elle dina & coucha dans dif
férentes maifons appartenantes à ce Magnat
Tous les trois ou quatre jours , on rencontroit
un camp formé de fa garde. Au fortif de la réfidence
, la Ducheffe trouva les routes illuminées.
Les gardes l'efcortèrent ; & à fon arrivée dans les
différentes villes du duché de Nichwitz , les Magiftrats
la complimentèrent , & firent tirer le
canon. anob. jul. & note Kup stibundel st
9

La Ducheffe eut auffi l'honneur de recevoir en
Pologne les hommages d'un des plus grands caractères
qui ayent paru fur la scène du monde ;
nous voulons dire le Comte O*** , encore vivant,
univerfellement eftimé , & dont le feu Roi de
Pruffe faifoit un fi grand cas , qu'il lui adreffa une
lettre avec cette fulcription : à l'ornement de la nasure
humaine. Il joua lui- même de fix inftrumens
au concert qu'il donna à la Ducheffe ; fa mufique
lui coûtoit 500,000 ducats
par an ; il avoit
théâtre où l'on jouoit la comédie en en françois
allemand & en polonois. Il poffédois les chevaux
les plus rares : celui qu'il donna à la Ducheffe lui
avoit été de Paleftine.
ן ו מ
« Nous avons vu la Ducheffe faire fes comptes
avec fon banquier le piftolet à la main ; c'étoit
compres
cette efpèce de bravoure plutôt un courage
réel , qui la foutenoit dans fes malheursi Tandis
que fon procès étoit pendant à la Chambre haute
elle montroit la violence de fon caractère toutes
( 31)
les fois qu'elle fortoit de devant fes Juges ; & au
moment même qu'on lui annonça qu'elle étoit
convaincue , l'idée de fe voir dépouillée par force
de fa propriété fe préfentant à fon efprit à peine
laiffa-t-elle le Chancelier achever de lui hire fa
fentence; elle fe tourna du côté de M. Glower ,
& lui dic: Vous l'entendeza je fuis condamnée ;
i y a des arquebufes & des piftolets à l'Hôtel
de Kingston coutez- y , chafez en tous les domeftiques
; /& prenez poffelhon de cette maifon
en mon nom , même par la force , s'il le faut.
Geftain qu'une fentence , fous l'humiliation de
laquelle d'autres auroient fuccombé , n'afecta que
très légèrement cette fen me fingulière & Hardie.
qui craignoit plus la perte de fon titre que celle
de fa réputation Ses domestiques furent frappés
de l'abfurdité qu'il y auroit à lui donner après
cette fentence un nom dont ellela dépoffedoir ;
ils lui demandèrent en conféquence comment elle
vouloit être défignée : Appelez- moi Ducheffe de
Kingston , & n'y manquez pas répondit- elle. »
cab fog vet al trob . 3 , Amifts udsmeliorevins
kenu slots K FOR A NECE storał sklekt
: notenoidh orten povath
De Verfailles , le 30 Novembre..
Jebul oli sanob l'op
QU JOVIN

Le Comte de Brienne ayant remis au
Roi fa démiffion de da Charge de Secrésaire
d'Etato de da Guerre Sa Majefte a
pourvu de cette Charge le Comte de Puyfégur
, Lieutenant- général de les armées
Membre du Confeil de la Guerre , qui à
eu l'honneur de faire aujourd'hui fes remerciemens
au Roi & fes révérences à la
Reine , ainfi qu'à la Famille Rove
Royale , étant
prefente par le Comte de Brienne.
$
biv
R
sb Le Roi a nomme à l'Evêché d'Autun
'Abbé de Talleyrand Perigord Vicairegénéral
de Reims ancien Agent géné
ral du Clergé.
de
M.Gojard, Surintendant des finances
Monfeigneur Comte d'Artois ca eu
Phonneur d'être prefente au Roi , le de
ce mois , par ce Prince.
ncubin203
MUSIC011 290 91815459
But
yobs'l
extraordinaire du Roi de Danemarck ,
éfenta les Gerfauts d'lflande au Roi Ce
préfent , que Sa Majefte Danoile eft dans
l'ufage de faire annuellement aub Roi ,
fut reçu par le Chevalier de
Fo
pitaine - commandant le vol du
Le 23 , le Baron de

Cadu
2919 29/991 291 selloa si desvi16:57 2nois
La Comteffe Amalric de Narbonne-
Pelet & la Marquifes de Murat l'Eftang
... ont eu l'honneur d'être préfentées à veurs
Majeftés & à la Famille Royaleb, sta première
par la Vicomteffe de Narbonne-
Pelet , dame pour accompagner
Madame ;
& la feconde , parla Comteffe dé Lablache.
Le sagola Ducheffe de Fleury apris les
grandes entréesatib
zab 8enisto 29h
Le même jour , le fieur de Bezance
Premier Prefident de la Cour des Aides
de Clermont-Ferrand, étant ici par congé,
a eu l'honneur d'être préfenté au Roi par
le Garde- des- Sceaux de Francenu Saha
208.
C
La Cour a pris aujourd'hui , pour 15
33 )
.P
jours , le deuil à l'occafion de la mort de
I'Infante Marie Anne Victoire de Portugal ,
époufe de l'Infant d'Espagne D. Gabriel.
sament De Parissarle Décembre. M
la confi
Ordonnance
du Roi , du 20 juillet , por
tane
réglement
fur
&
l'adminiftration
générale
des
Hôpitaux
e
du Confeil d'Etat du Roi , du 8 août
portant réglement
les, de départemens & municipales , fur les forpour
les AfflembléesBusin
mes de la répartition & affiette de la taille , capi
tation & autres impofitions, & celles de la nomination
à la collecte.
3
du 10 août , concernant les conteftations
relatives à la collecte , & les règles générales
derla perception. nlemA chasms
gus Arrêtsdu Confeil d'Etat du Roi , du 23
2 novembre 1788 y concernant le Com-
-merce des Grains, une si bej I
-sanGet Afrêbeft compofé du huit articles
; dontslal fubftance eft exprimée dans le
•spréambule
que voice :1845bnoost$12)
891 de Roi s'étant fait rendre compte du prix
des Grains, & des différentes circonftances qui influent
fur fa cherté , a appris avec pene que les
gerbes n'avoient pas quantité grains rendu
2 ordinaire ? & que les avoient été gé-
Cultivateurs de
હાર્ટ વર્ક-
agiralement trompts tans leur attente. Il eft de plus
supineetallement connu qu'une grêle défaftreuſe a
ravagé une veferétendue de terrains , & plufieurs
caules malheureufes out ainfi concouro à la mé-
&aliit des icons dans la plus nombreuse partie
b v
( 349)
des provinces du royaume . Sa Majesté néanmoins
eft informée qu'aucune diferte ne paroît à craindre;
mais il manque peut - être la quantité de fuperfiu
néceffaire pour entretenir le prix dans la jufte
meure quis feroit déftrable eft pas au pou-
Moir de Sa Majefté de dominer les loix de la Nature,
mais attentive à tout ce qui eſts foumis à
Pinence de fes foins & de fon autorité , Elle
a dabord défendu ftrictement exportation des
grains et en même temps Elle a maintenu la
plus parfaite liberté dans la circulation intérieure ,
afin quetoutes les provinces de fontoyaume puiffent
s'entraider matuellement : Sa Majefté par une
fuite de fon inquiétude paternelle , & fur des
Plaintes qui lui ont été adreffées , croit devoir
aujourd'hui mettre obftacle à un genre defpiellations
qui n'eſt point utile aux propriétaires,
& qui nuit effentiellement aux confommateurs ;
cenfont les achats & les accaparemers entrepris
Uniquement dans la vue de profiter de la hauffe
d
es prix, & qui infpirent enfuite le défir dan-
Sereux de vo,ir arriver ce renchériflement. De
teles fpéculations , qui ont leur avantage dans les
années abondantes, excitent des alarmes , & peuvent
avoir des conféquences fâcheufes lorfque
deja fort élevé. Sa
Majefté ne voulant cependant autorifer aucune
des inquifitions dont il eftffio facile d'abufer , a
cru devoir fe borner à rétablir , pour cette année ,
l'ancienne obligation de ne vendre & de n'acheter
que dans ainfi
les Officiers de police à portée d'éclairer la conduite
de ceux fe livreroient à un trafic délhonnête
; Elle a cru devoir en même temps renouveler
les anciennes ordonnances en interdifant
toute efpèce de Commerce de Grains aux
perfonnes chargécs de veiller fur la police & le
le prix
des fubfiftances
of
22
des marcus
afin
de
mettre
Day
S
1
bon ordre , & en étendant cette défenfe à tous
ceux qui ont le maniement des deniers royaux ,
ou qui font attachés de quelque manière à l'Adminiftration.
Elle promet en même temps fa protection
la plus particulière aux Négocians qui
introduifent en France des Bleds achetés dans les
pays étrangers , ou qui s'occupent de faire paffer
des Grains d'une province à l'autre , & d'égalifer
ainfi entre les Sujets les reflources & les moyens
de fubfiftance Sa Majesté ne peut garantir que ,
malgré ces précautions & toutes celles qu'Elle
prendra par voie d'administration , pour exciter
T'importation des Bleds étrangers dans le royaume ,
le prix de cette denrée ne feit constamment cher
cette année ; mais nonobftant l'état pénible de fes
finances , Elle accordera des fecours plus confidérables
que dans d'autres temps à la partie la plus
"indigente de fes peuples , & Elle ne ceffera de
faire tout ce qu'on peut raifonnablement attendre
de fa bienfaifance & de fes moyens. A quoi voulant
pourvoir, & c.
Ai Arrêt du Confeil d'Etat du Roi , du 23
novembre 1788 , pour encourager , par
des Primes , l'importation en France " des
Bleds & des Farines venant des Etats -Unis
de l'Amérique regei toslogy on dol
POMENACUM 250,00
Cet Arrêt dicté, comme le précédent ,
par la fâcheufe circonftance du renchériffement
des Grains , alloue une gratification
de 30 fous par quintal de bled ,
& de 40 fous par quintal de farine importé
en France des Etats -Unis de l'Amérique ,
à compter dan 5 février prochain , jufqu'au
30 juin fuivant .
Au malheur de cette rareté & de la
b vj
( 36 )
cherte des Grains , fe reuniffent le manque
d'occupations dans beaucoup d'ateliers ,
& la rigueur d'un froid tel , que ces jours
derniers , le thermomètre eft defcenda iki
a 90 & 11 degrés & demi au - deffous
dú poin de congélations in TOn
vient de publier la lifte générale
des numéros auxquelsfontéchusles 10,000
lots & les deux primes de faveur de la
loterie établie au profit des Hôpitaux , par
Arrêt du Confeil , du 13 ectobre 1787 .
Il y a eu un lot de 400,000l . au n . 16719;
un de 200,000 liv. au nº. 15942 ; un ce
100,000l. au n° 31834 ; deux de 80,000l.
34 ;
aux n ° . 1401 & 45849 ; quatre de 60,6501 .
aux n , 1816 , 27987 , 41580 & 49001 ;
fix de 50,000 fiv . aux n . 8884 , 12404 ,
17802,25976 , 35707 & 46507 , & plufieurs
autres de moindre fomme . Les deux
primes de- faveur , de 10.000 1. chacune
font échues aux numéros 12,152 , forti
16
premier, & 11,925 , forti le dernier . En
'n
On apprend de Breft , que les Ambaffadeurs
de Tippoo Saib , y font arrivés le
28 octobre ; on les a falués de 12 coups
de canon , & ils fe font rendus à l'Hôtelde
- ville , où le Comte d'Hector & M.
de Beaupreau , Intendant de la Marine ,
leur avoient fait préparer 3 logemens.
Après les vifites & complimens d'ufage.
les Envoyés allèrent voir le port le mer(
37 )
credi , le Comte d'Heitor les attendoit a
la tête de tous des Officiers de la Marineh
Ils ont vifité l'Académie la falle des
Modèles , le magafin générali Le jeudi , ils
virent lancer à la mer le vailleau neuf le
Duguay-Trouin ; enfuite ils montèrent
fur les Etats de Bourgogne de 118 CO. ,
en conftruction dans le baffin. La foirée
fe termina chez le Comte d'Hectorpor un
repas de 40 couverts . Les Ambaffadeurs
fe font embarqués pour l'Inde,de inc
vembre , fur la fregate la Théris, commare 7
dée par M. de Macnemara , qui a appa
reille le 14
xuebnersanus.leog.201
On nous a adreffé l'annonce d'une
nouvelle étuve à bled, que nous allons
faire connoître dans les termes de l'Inventeur
, ainfi qquuee ll''aavviiss ddoonntt iill a cru
néceffaire de faire préceder cette annonce.
La fituation des provinces de Flandre &
d'Artois eft d'autant plus avantageufe , qu'elles
peuvent exporter la plus grande partie de leurs
productions par le port de Dunkerque. Ces deux
provinces, qui récoltent beaucoup plus de froment
qu'elles n'en confomment , doivent avoir
conflamment ane branche de commerce en ce
genre qui cependants feroit plus lucrative fi elles
exportoient de préférence les farines , parce que
le principal mérite d'une matière que l'on deftine
au commerce , c'est d'avoir plus de prix fous un
moindre volume; les belles farines d'exportation
ont cet avantage fur les fromens dont le tranfport
par met fe fait difficilement , & font fujets à des
avaries confidérables ; d'ailleurs, le débit des belles
( 38 )
wote
tipas
, quil y a
l'art de
7
eft
farines eft toujours affuré , au lieu que celui des
grains ne l'eft pas , en ce qu'il y a prefque partout
des grains , & qu'il n'y a pas des farines de
première qualité dans les pays où l'on ignore
te dansles payson bon
iquer. Ceft un principe reconnu
dans l'économie politique , qu'il eft de l'intérêt
de manufacturer les denrées qu'on exporte , parce,
qu'au prix de la vente première on ajoute encore
celui de la main-d'oeuvre . Le commerce dduufrroment
n'eſt point une manufacture , il n'ajoute rien
à la matière ; mais fa converfion en fatines e
une manufacture induftrieufe , qui , en changeant
la nature du froment , deviendroit un commerce
très-lucratif pour ces deux provinces . Les farines
bien defféchées & exactement féparées de fon , ne
renfermant plus aucune caufe de fermentation , ſe
confervent à la mer & aux deux Indes. » er
« Ibne fuffit pas , pour faire de belles farines ,
d'avoir des grainsa de bonne qualité , comme
ceux de Flandre & d'Artois , il faut encore favoir
les moudre à propos de manière à en tirer tout
le produit fans altérer la qualité ; c'est ce qui s'opère
par la mouture à blanc , dites économique , telle
qu'elle fe pratique à Paris , & juíqu'à douze ou
quinze lieues des environs par cette monture on
nettoie les grains fans main-d'oeuvre , avec des
cribles & ventilateurs , en adaptant ces machines
aux rouages vdes moulins ; par cette mouture on
tire d'une même quantité de grain , par comparaifon
avec la mouture qui fe pratique en Flandre
& en Artois , une plus grande quantité de meilleure
farine . Getse mouture n'eft point brûlante &
ferrée comme celle des provinces où l'on ignore
l'art de fabriquer , d'ailleurs , toutes les parties du
grain étant moulues féparément , les farines , plus
dilatées , prenant plus d'eau au pétrin , donnent
par conféquent plus de pain , & de meilleure qua
6
7
( 39 ) 39.
100
lité; enfin, par la moutureja blanc,'dite économique,
un quintal ou 100 livres de froment blanc, tel que
celui de Flandre, d'Artois & du pays de Caux
produifent , favoir va lup
Carb Silleup exsingi
Farine blanche, première qualité, dite dep
supink (mornas68 liv,
substune &
minot. De up
Farine bife blanche , edite 3
Farine bife dite 4219.99
421q, oney ud sb'xing 4
Sɔn , recoupes & remoulages
Déchet
Poids égal à celui du bled of s
18
2
ICO liv.
Ileftoétonnant
que dans ces deux provinces
, où ilyades
fromens fupérieurs
à tous ceux de France , en n'ait pas encore formé des établiſſemens
de mou- ture à blancy dont les avantages
font fi générale- ment connus & qui mettroient
en activité la ton- mellerie , pour la fabrication
desbarils , en ouvrant un nouveau
débouché
au bois des hêtre ( 1 )
yas Le débouché des farines qui fe fabriqueroient
dans la Flandre & l'Artois feroit conſtant dans
tous les temps3 parce qu'aucune province de
France ne peut faire de meilleure farine , & l'établir
à plus bas prix que ces deux provinces. Les
Négocians de Dunkerque pourroient approvifionner
les Colonies en concurrence & avec avantage . La
belle qualité & la douceur du prix détermineront
MM. les Régiffeurs généraux des vivres de la Marinen
royale , à tirer de Dunkerque les farines néceffaires
à l'approvifionnement des vaiffeaux de
Sa Majefté , au port de Breft, & des magafins
du Roi dans des Colonies ; l'exportation étant
( 1 ) Le Mémoire en réponſe à l'Adminiftration
de Saint-Domingue , pour y conferver la farine ,
par M. JOYEAU , enfeigne la manière de faire les
barils & l'embarillement des farines d'exportation.
(( 40 )
permife , l'Efpagne & le Portugal , qui ont des
befoins fréquens , préféreroient les belles farines
de Flandre & d'Artois aux bleds de Dantzig
& Konisberg , que ces deux Royaumes reçoi
vent prefque toujours très fatigués , ayant de
l'odeur , &c. » if 31 0959
" Pour former des
les établiſſemens en ce genre,
il faut des moulins & des étuves. Comme il eſt
de la plus grande importance , pour faire de belles
farines , de ne moudre que des grains bien nettoyés
, il eft indifpenfable que les moulins ayent
poury deux étages au-deffus du
rezouvement
placer les cribles & tarrares ;
de la roue du moulin fait aller les cribles deſtinés
à nettoyer les grains , les meules qui les broyent ,
les bluteaux & bluteries qui féparent les farines
d'avec les fons ; ce qui produit une grande épargne
de temps , des frais de tranfport & de maind'oeuvre
, puifque ces opérations s'exécutent de
fuite par le même moteurdat rur
de
Ileft néceffaire d'avoir des étuves , parce que
toutes les années ne donnent pas conftamment
des beds fecs : il en eft de pluvieufes , dont les
bleds ne peuvent non - feulement fe conferver ,
mais même le bien moudre fans le fecours d
l'étuve , le feu čiant l'agent exclufif de la confervat
on des grains ainfi récoltés . Les feigles d'exérant
amfi qu'on le
pratique en Pologne & à Archangel fupportent
beaucoup mieux les longues traverfees . "
portation
réchés
à l'étuves
d'ex-
« Il eft également nécellaire de faire pafler à
l'étuve les bleds fatigués du transport par eau ,
pour leur faire perdre l'odeur & l'humidité qu'ils
auroient pu con: racter en route,, && leur rendre
la qualité première ; ce fecours , plus prompt & plus
actif que le pelage & le criblage , prévient encore la
germination . Les bleds nois ou mouchetés étant
ordinairement de quinze à vingt pour cent au- deffous
( 41)
du prix de ceux qui ne le font pas , le lavage à
grande eau , & le defféchement à l'étuve eft le
meilleur & le plus sûr moyen de les rendre propres
à la mouture fans , inconvéniens,
« Le
Le defféchement des farines par l'intermède
du feu a tant d'avantages réunis , que le commerce.
des farines de minor des provinces méridionales
de France eft bien diminué , depuis que plafieurs
maifons ont fait conftruire des étuves, notamment
M. Melinet & M. Beconnois à Nantes ,
& M. Planter à Vernon ; ces maifons font parvenues
à furpaffer la qualité des farines de Nérac
& de Moilla . On affure done avec confiance que
les fromens de la Flandre & de l'Artois donneront
des farines de minor fupérieures à toutes calles
qu'on fait en France , lorfqu'elles feront bien fa
briquées & étuvées avec foin, enotel ove
e
Si quelques Capitaliftes , Maifons de Commerce
, Propriétaires de meulins , ou autres , défirent
faire un établiffement en ce genre , foit en
grand, foit pour effais avecun feul moulin , ils peuvent
s'adreffer à M. JOXEAU, maifon deM. PETIT ,
Négociant, vis à - vis le paffage des Quinze-vingts,
vis-à- vis
grande rue du faubourg Saint- Antoine à Paris , avec
qui ils pourront traiter , tant pour conftruire les
moulins , que pour faire, dans ceux déja conftruits ,
tous leschangemens néceffaires pour opérer la mouà
blanc, dite économique , dont les produits
font détaillés ci-devant. Le fieur JOYEAU , qui a
une connoiffance parfaite des proportions combinées
des rouages des moulins , pour tirer tout le
parti poffible de la force motrice de l'eau , vient tout
récemment d'inventer une étuve plus économique
que celle dont on a fait ufage jufqu'à - préfent. Cette
étuve , chauffée avec le charbon de terre , et
conftruite de manière qu'on peut y étuver fucceffivement
di bled , de la farine, de la garance
& des fêves pour la traite des Noirs : on peutlui
ture a
( 42 )
donner vingt ou trente pieds carrés dans oeuvre;
elle chauffe par- tout également & à volonté , depuis
vingt jufqu'à foixante degrés , fans odeur & fans
fumée , le fervice des fourneaux fe faifant en dehors.
Elle peut être ifolée ou adhérente à un
magafin , & même en fervir en cas de befoin.
Celles de Nantes & de Vernon ne réuniffent pas
autant d'avantages , & font plus difpendieufes par
les frais de conftruction & le chauffage en bois ;
d'ailleurs à Nantes une étuve à farines n'eft pas
propre à deflécher du bled & des féves ; une
étuve à féves ne peut fervir au defféchement de
la garance ; mais dans celle-ci on , y fait l'un &
l'autre , fans qu'il en réſulte aucun inconvénient
pour chaque efpèce. »
Charles- Auguftin , Comte de la Touche-Tréville
, Lieutenant - général des armées navales ,
Commandeur de l'Ordre royal & militaire de
Saint-Louis , eft mort , à Paris , le 22 novembre.
Anne- Françoife- Charlotte de Clairon d'Hauffonville
, veuve de François- Antoine Pacifique
Baron de Zuckmantel , Commandeur de l'Ordre
royal & militaire de S. Louis , Ambaffadeur du
Roi à la Cour de Portugal , eft morte , à Paris ,
le 18 de ce mois.
Félicien Bocon de la Merlière , ancien Evêque
d'Apt , eft décédé, à Paris , le 26 octobre , dans
la 75. année de fon âge.
Jean-Jofeph - Victor de Caftellane - Adhémard,
Evêque de Sénez , Abbé- commendataire de l'Abbaye
royale de Notre-Dame de Nogent , diocèfe
de Laon , Confeiller du Roi en fes Confeils , eft
mort , à Sénez , le 7 du mois dernier , dans la
41. année de fon âge.
Les Numéros fortis au Tirage de la
Loterie Royale de France ,le r . de ce mois,
font : 11 , 27 , 60 , 63 & 31 .
(( 4343 )
Paragraphes extraits des Papiers Anglois & autres.
« Le bruit s'eft répandu que l'Impératrice de
Ruffie a refufé la triple médiation qui lui étoit
offerte. Si ce bruit fe, confirme , il eft à craindre
que rien ne fe termine en Pologne , & que les
deux Partis n'en viennent à des voies de fait , vu
que le Parti de l'Oppofition fe flatte d'être ap
puyé par un fecours étranger puiffant contre la
Ruffie . Gazette d'Amfterdam , n°. 94.
Le peuple de Conftantinople n'avoit été entretenu
par le Gouvernement , durant deux mois ,
que des grandes victoires & des avantages continuels
que le Grand- Vifir & les Séraskiers qui
commandent fous fes ordres, avoient remportés fur
les Autrichiens ; ces rapports avoient été appuyés
par l'arrivée fucceffive de quelques trophées &
d'un nombre de prifonniers. Depuis quinze jours
ou trois femaines , la chance paroît avoir tourné ;
& l'on apprend que les troupes ottomanes rétrogradent
ou évacuent même le pays ennemi. Airfi
nos premiers fuccès n'ont été que paflagers , ou
le Grand- Vifir n'a pas fu en profiter. Cette dernière
accufation a été faifie par fes ennemis , &
l'on ne fait point ce qui en arrivera ; mais du
moins , le 25 feptembre , fon ami & fubftitut , le
Caïmacan , auquel , en partant, il avoit confié fes
intérêts , a été à l'improvifte dépofé de fa charge ,
& remplacé par Muftapha-Pacha. L'intrigue doit
avoir été méditée d'avance & conduite en filence
puifque celui ci étoit arrivé en fecret la nuit précédente.
Il n'eft pas étranger à l'Adminiftration ,
dontil a déja rempli précédemment plufieurs des
premières places ; mais on le connoît pour ennemi
déclaré du premier Miniftre. Le temps nous
apprendra s'il en réfutera dans le Gouvernement
quelque révolution plus générale. M. de Heidenflams
&
( 44 )
Envoyé de Suède , ayant communiqué à la Porte
l'iffue glorieufe pour les armes du Roi , fon
maître , qu'a eue le combat naval du 17 juillet
dans la Baltique , a été complimenté à ce fujet
par le premier interprète du Grand-Seigneur ;
& ce Miniftre , qui eſt traité ici avec une diftinction
particulière , a été gratifié à cette occafion
d'une tabatière d'or , richement garnie de brillans.
( Gazette de Leyde , n°. 95. )
Le 19 feptembre , un efpion Turc ſe préſenta
aux avant-poftes Autrichiens , vis- à-vis Novi ,
difant qu'il avoit des chofes de la dernière impor
tance à communiquer au Général Laudhon . Ayant
été admis devant le Feld-Maréchal , il lui dit :
-
"
Géntral , fi tu veux m'en croire , retire- toi d'ici
le plus vite que tu pourras , bientôt tụ n'en aur- s
plus la facilité; car il arrive un Pacha avec ie
puiffante armée , qui te hachera en petits morceaux
toi & les tiens. Mon ami , reprit Laudhon ,
quand j'étois jeune , j'étois fort agile à la courfe ;
inais vois ces cheveux blancs , je fuis déja bien vieux ,
& je ne faurois plus courir. Ainfi j'attendrai ici
l'arrivée du Pacha. Adicu , mon ami , je te remercie
cependant de tes bons fentimens pour moi. Le Pacha
arriva effectivement deux jours après ; mais il ne
hacha perfonne en pièces , & il s'en alla comme
il étoit venu . L'efpion avoit fans doute été envoyé
à deffein d'effrayer Laudhon ...……. en vérité
il s'étoit bien pris !
Entre autres difpofitions que les Turcs avoient
faites à Dubitza, pour s'oppofer à l'affaut, ils avoient
bouché toutes les entrées de la fortereſſe avec du
bois. Pour y mettre le feu , le Feld- Maréchal
s'étoit adreffé à un Sergent Croate , connu par fa
bravoure : c'étoit une entrepriſe auffi difficile que
dangereufe. Cependant le Croate avança par la
brêche , & , malgré le feu vif des Affiégés , réuffit,
45
et
ཝཱ
avec de la poix ardente , à mettre le feu au bois ,
& la fortereffe étoit toute enflammée lorsqu'il
revint auprès du Feld- Maréchal . Laudhon lui demanda
s'il ne lui étoit arrivé rien de fâcheux.
Rien autre , votre excellence , répondit le fergent ,
fi ce n'eft , comme vous voyez , que ma moustacke eft
brilie , ce qui me fait beaucoup de peine.
Si ce
n'eft que cela , reprit Laudhon , le mal n'eft pas
grand votre moustache ne vous eft plus néceſſaire ,
car dès ce moment vous êtes Officier. Et en effet ,
il l'éleva au grade de Lieutenant , & lui fit préfent
d'un de fes plus beaux chevaux , outre les
frais de fon équipage.
:
-
Au mois d'octobre dernier, des Bouchers de Bordeaux
, revenant d'une Foire , arrivoient du côté
de Lormont au commencement de la côte , ils
mirent pied à terre & laiffèrent leurs chevaux
libres , penfant qu'ils fuivoient , comme ils y font
accoutumés. La plupart , en effet , tinrent la routes
mais l'un d'eux s'étant détourné , paffa fur une
terraffe qui fe trouvoit au niveau du toit d'une
maifon le cheval marchant toujours , faifoit
în ravage horrible fur la couverture qui crevoit
fous chaque pas ; enfin , le centre céda au poids ,
& l'animal tomba avec un déluge de tuiles , au
milieu des locataires , que les premiers fons du
fracas avoient faifi d'épouvanre ; mais ils manquèrent
mourir de peur à l'afpect du courfier ,
qui étoit , pour le moins , auffi étonné qu'eux,
( Affiches de Périgueux, )
N. B. ( Nous ne garantiffons la vérité ni l'exac
titude de cesParagraphes extraits desPapiers étrangers.)
( 46 )
GAZETTE ABRÉGÉE DES TRIBUNAUX.
PARLEMENT DE PARIS , GRAND'CHAMBRE.
Caufe entre Jean- Louis Vanier , Marchand Doreur
& Argenteur , les veuve & fils de Guillaume
Guinard, Maitre Charpentier, & M. le Procureur
Général , prenant le fait & caufe de fon Subflitut
au Bureau des Finances de Paris.
Réglement pour les maifons de Paris , fujettes
à alignement. Le fieur Vanier , Propriétaire d'une
maifon à Paris , fe préſente an Bureau de la Voierie,
pour obtenir la permiffion d'y faire des réparations
; elle lui eft refufée : nonobftant ce refus , le
fieur Vanier fait travailler. Le Commiffaire- Voyer
defcend fur les lieux , dreffe procès - verbal , dans
lequel il prétend que le fieur Vanier & le fteur
Guinard , fon Charpentier , ont fait , au préjudice
de la Déclaration du Roi , du 10 Avril 1783 , la
pofe d'un poitrail neuf, & différentes reconstructions
& confortations . — Sentence du Bureau des
Finances , du 31 Mars 1786 , qui , fur le réquifitoire
du Procureur du Roi , entérine le procèverbal
ci-deffus , & ordonne l'exécution de la Déclaration
du 10 Avril 1783 , & qu'en conféquence
les reconstructions faites & le poitrail pofé par le
feur Vanier, au mépris de la permillion demandée,
feront démolis dans le jour , fa maiſon & fon
emplacement confifqués , le condamne en cutre
en 3c00 livres d'amende , condamne pareillement
le fieur Guinard , Charpentier , en 1000 livres
d'amende , & le déclare déchu de fa maîtrife , le
tout exécutoire par provifion , & nonobftant l'appel.
Vanier & Guinard interjettent appel , & obtiennent
des défenfes d'exécuter la Sentence. Malgré
ces défenfes , l'Adminiſtrateur du Domaine fait
faire contre eux différentes faifies - exécutions , par
( 47 )
Juiffier
le ministère de Sapinault , Huiffier au Châtelet ,
qui fe permet d'y procéder en inférant dans fes
fignifications qu'il le fait fans s'arrêter ni avoir
égard à l'Arrêt de la Cour, rendu en la Grand'Chambre.
Pendant le cours de ces hoftilités fur le provifoire
, le fond s'inftruit. Le fieur Vanier demande
que l'état de fa maiſon ſoit conſtaté par une vifite
d'Expert ; un arrêt commet à cet effet le fieur de
Lépine , il dreffe fon rapport. Le fieur Vanier en
demande l'entérinement ; & attendu qu'il en réfulte
qu'il n'a ni conftruit , nj reconstruit , & que
les articles premier & trois de la Déclaration du
10 Avril 1783 , n'ordonnent l'alignement qu'en
cas de conftructions & de reconſtructions , il conclut
à l'exécution de cette déclaration , & l'infirmation
de la Sentence , en la nullité des contraintes
exercées contre lui , & au renvoi de la demande
avec dépens. D'autre part , le fieur Guignard étant
décédé , fa veuve & fon fils reprennent l'inftance ,
& demandent de leur côté l'infirmation de la Sentence
, la nullité des poursuites faites contre eux , la
permiffion de prendre à partie le Commiſſaire de la
Voyerie , les Juges qui ont rendu la Sentence , &
l'Huiflier Sapinault , fauf à M. le Procureur- Géné
ral à prendre contre eux pour la vindicte publique
tel'es conclufions qu'il avifera. La caufe portée
à l'audience , plaidant M Rimbert pour le fieur
Vanier, la veuve Guignard & fon fils , eft intervenu,
le 9 janvier 1788 , fur les conclufions de M. l'Avocat-
Général Séguier , Arrêt qui entérine le precès-
verbal du fieur de Lépine , infirme la Sentence ,
déclare nulles les faifies - exécutions & autres pourfuites
de l'Adminiftrateur du Domaine ; renvoie les
feur Vanier & Guinard , veuve & fils , de la demande
, &c. Faiſant droit ſur les conclufions de
M. le Procureur - Général , fait défenfes à Paul
Sapinault , Huiffier à cheval au Châtelet de Paris ,
( 48 )
de plus à l'avenir inférer dans fes fignifications ,
fans s'arrêter ni avoir égard à l'Arrêt de la Cour ,
rendu en la grand Chambre , & pour l'avoir fait
dans fes fignifications faites aux Parties de Rimbert
, le 2 avril dernier , ordonne qu'il fera & demeurera
interdit pendant un an . — Faifant pareillement
droit fur les conclufions de M. le Procu
reur-Général , fait défenfes aux Officiers du Bureau .
des Finances de Paris , de plus à l'avenir ordonner
la démolition d'aucune maifon , fans vifite préalable
& contradictoire , comme auffi d'ordonner audit.
cas que leur Sentence ſera exécutée dans le jour ,
nonobftant toute appellation , à peine d'en être
refponfables en leurs propres & privés noms , fi ce
n'est en cas de péril imminent , lors duquel il fera
procédé en la manière accoutumée . Enjoint aux
Commiffaires de la Voierie de délivrer des permi(-
frons , lorfqu'ils en feront requis ; finon permet
aux particuliers de fe pourvoir par appet de leur
refus , lefquels Officiers de la Voierie feront tenus de
conflater par écrit au bas de la Requête ou Mémoire
qui leur aura été préſenté à cet effet , &
d'y inférer les caufes de leur refus ; permet aux
Parties de M Rimbert de faire imprimer & afficher
le préfent Arrêt.
- Errata. C'eft la 19. Livraiſon des Portraits des
Grands-Hommes de la France , que le fieur Blin
a . publiée dernièrement , & non la 17 , comme on
l'a annoncé au précédent. Nº.
JOURNAL
POLITIQUE
DE
BRUXELLES.
POLOGIE.
De Varfovie , le 16 Novembre 1788:
DEPUIS
que le Parti Ruffe eft réduit, dans
la Diète , à une Minorité qui diminue
même chaque jour , le Parti Patriotique
pouffe de plus en plus fes avantages. La
Note de
l'Ambaffadeur Ruffe , que nous
avons rapportée , indifpofa
fingulièrement
la Chambre des Nonces , & le Roi mit le
comble à cette
fermentation , en appuyant
cette Note
comminatoire par un
Difcours dont voici la fubftance :
« Si l'on ne vouloit pas remplir les engage-
» mens ſtipulés par les Traités cités dans la Note
" dont on vient de faire lecture , ce feroit fe char-
» ger de la faute d'avoir rompu les promeffes ,
" occafionner les fuites les plus fâcheufes , &
» céder en même-temps à celui avec qui l'on
" a fait des Traités , le droit de
vengeance
» contre nous. A la vérité , nous avons des exem-
» ples de Payens qui ont rompu des Traités pa- .
No. 50. 13 Décembre 1788. C
( 30 )
» reils ; mais ceux- la feulement en remportèrent
» de la gloire , qui furent favorisés du hafard
de circonftances que
* & de routes fortes
nôtres
. Il fau-
»
même défend de comparer aux
» droit confidérer que l'armée de 100,000 hommes
a bien été enregistrée , mais que nous ne
» l'avons pas encore. Il faut que nous confidé-
» rions quelle étoit la fituation de notre pays ,
» lorfqu'on en fit le théâtre de la guerre ; que l'en-
» trée en eft ouverte de tous côtés , & où ( ce que
» Dieu ne veuille nous pouvons trouver au plus
» tôt les ennemis les plus cruels . Enfin , il faut
» que nous confidérions combien il eft facile que
> nous devenions la proie de perfuafions étrangères ;
» il faut que nous ayons , autant qu'il eft poffible ,
" tous nos voisins pour amis ; mais il n'y a aucune
Puifiance dont les intérêts foient moins contraires
aux nôtres que la Ruffie. C'eft à la Ruf-
» fie que nous fommes redevables de la reftitution
de quelques parties du pays déja pris en poffef
d'autres. La Ruffie nous donne les meilleures
perfpectives pour les progrès du Com.
» merce. La Ruffie, loin dee mettre des obftac es
» à la réfolution préfente d'augmenter les forces
» de notre patrie , l'approuve au contraire volontiers.
Si nous nous montrons portés pour l'lmpératrice
de Ruffie , nous parviendrons d'autant
» plus facilement & plus fûrement à effectuer nos
» difpofitions & nos améliorations intérieures , en
» quoi nous nous nuirions à nous- mêmes ,
fi nous
» éloignions de nous cette Princeffe magnanime. »
>>
>> fion par
Cette Exhortation Royale fur fi mal reçue
, qu'on tira le fabre dans plufieurs parties
de la falle , & qu'il ne refta d'autre
reffource contre l'orage que de lever
la Séance.
1
( 51 )
La réunion de la pluralité pour affranchir
la
République du féjour des troupes
étrangères , eft évidemment
combinée.
avec la Cour de Berlin . La Diète ne put
ignorer l'appui qu'elle en recevoit , à la
lecture de la Note que le Ministère de
Pruffe avoit remife au Comte de Neffelrode,
Miniftre de
l'Impératrice .
« Le Roi , y eft- il dit , eft très- fenfible à
» la
Déclaration de
l'Impératrice , par la-
» quelle Elle renonce au projet d'alliance
avec la République ; projet fait
& propofé par le Roi de Pologne même :
S. M.
Pruffienne garantit également
»
l'indivifibilité &
l'indépendance de la
»
République ; mais ayant considéré qu'un
» plus long féjour des troupes Ruffes en
» Pologne , d'où elles tirent leur fubfif-
» tance , pourroit entraîner la République
» dans une guerre avec les Turcs , & ex-
» poſer ainfi à un danger imminent les
≫ provinces de S. M. qui avoifinent celles
» de la République , Elle perfifte à de-
» mander que S. M.
l'Impératrice rap-
» pelle fes troupes du territoire de Po-
» logne , afin de conferver la paix , & de
»
détourner les malheurs de la guerre des
" provinces de la République & de fes
" propres Etats , &c. "
Immédiatement après la Séance du 53
les Nonces rédigèrent & portèrent au Roi
cij
( 52 )
les huit articles ou réquifitions que voici:
1º . De continuer la Diète jufqu'au parfait
arrangement des affaires de la République,
& jufqu'à une époque que les Etats auront
trouvée convenable. 2°. De ne point
faire ceffer les Séances pendant quelques
jours , fans l'agrément des Etats. 3 ° . De
laiffer aux Etats la nomination aux Ambaffades
. 4°. D'envoyer des troupes dans
les endroits où il eft à craindre que les
Grecs non-unis n'excitent des troubles (1 ) .
5 °. De requérir l'Impératrice de Ruffie de
retirer les troupes du territoire de la Ré
publique. 6º. De les en faire fortir par
force , au cas d'un refus. 7° . De communiquer
officiellement , & au nom de la
Diète , la Note de l'Ambaffadeur de Ruffie
à tous les Miniftres étrangers réfidans
ici ; 8°. enfin , d'adreffer des lettres à
toutes les Puiffances étrangères , pour les
inftruire des plaintes de la République tou
chant la préſence des troupes Ruffes en
Pologne , & les menaces de l'Ambaffadeur
de Ruffie.
Le Roi n'a point encore manifefté ſa
1
(1 ) Cette précaution eſt d'autant plus néceſſaire
, que durant les derniers troubles , ces Grecs
profitant de l'appui des troupes Raffes , exécutèrent
en Ukraine une St. Barthélemi . Is maffacrèrent
entre autres , dans la ville d'Human jufqu'aux
vieillards , aux femmes & aux enfans.
( 53 )
réponſe à ces propofitions , qui lui preſcrivent
d'obéir au vou national , de renoncer
à fon fyftême , & d'adopter le retour des
anciens principes. Si le projet d'une Diète
permanente , qui prend faveur , devient
loi , ainfi que l'eft devenu l'établiffement
d'un nouveau Confeil de guerre , la forme
de Gouvernement fous laquelle la Répu-
Blique a vécu depuis 1775 , fera abfolument
réformée .
3
Dans la 15. Séance du 10 , il fut arrêté
de proroger la Diète jufqu'au 10
décembre , fauf à la proroger de nouveau
à cette époque , fi les affaires publiques
l'exigent.
Dans la Séance du lendemain 11 , le
Secrétaire de la Diète ayant commencé
la lecture du projet de la Commiffion de
guerre, fut interrompu par quelques Nonces
de Lithuanie , qui fe déclarèrent réfolus
de ne confentir à rien , jufqu'à ce qu'ils
fuffent affurés que ce projet ne renferme
ancune atteinte à la parfaite égalité où
le Grand-Duché prétend être vis-à - vis du
Royaume de Pologne. Les débats furent
très-vifs , & empêchèrent que l'on pût en
venir à aucune conclufion .
Quelques Nonces remirent en délibération
le projet d'une Diète permanente
: c'étoit regarder comme non ave
nue la Déclaration de l'Ambaffadeur de
c iij
( 54 )
Ruffie , à laquelle cependant le Ministère
a été chargé de faire une réponſe plus
catégorique.
A la Séance du 12 , la lecture du projet
de la Commiffion de guerre fut encore
interrompue par les Nonces de Lithuanie ,
dontles prétentionsfurent cependant moins
exagérées . On alla aux voix , & il fut
décidé que , fur fix années , la Commiffion
de guerre fe tiendroit deux ans en Lithuanie.
La Séance du vendredi 14 , porta plus
particulièrement qu'aucune des précédentes
, fur le genre des relations qui ont
exifté jufqu'à préfent entre la Ruffie & la
Pologne. Le Prince Czartorynski , Nonce
de Wolhynie , préfenta le Projet d'une
note , pour demander l'évacuation des
troupes Ruffes. M. Stroynowski , Nonce
du même Palatinat , après quelques réflexions
fur la Note préfentée par le Comte
de Stackelberg , Ambaffadeur de Ruffie ,
lut le projet d'une réponse à cette Note :
M. Waleski , Palatin de Siradie , demanda
qu'elle fût communiquée aux autres Miniftres
des Cours Etrangères , réfidans à
Varfovie . Les Nonces de Podlachie préfentèrent
un mémoire d'un Citoyen de
leur Province , qui fe plaignoit d'avoir été
injuftement arrêté par des Officiers de
l'armée Ruffe , & plus encore de la ma(
$52)
nière dont le Prince Potemkin avoit reçu
fr plainte. Après cela , on continua la
lecture du projet de la Commiffion , &
l'on demeura d'accord fur quelques -unes
des fubdivifions du premier point.
Hier 15 , la Note au fujet de l'évacua- ›
tion des troupes Ruffes a paffé à l'unanimité,
auffi bien que la réponse à la Note,
de l'Ambaffadeur de Ruffie.
La première de ces Pièces , minutée , le
14 , par le Prince Czartorynski , Nonce de
Wolhynie, & préfentée hier au Comte de
Stackelberg par les Maréchaux de la Cónfédération
, eft conçue en ces termes :
« Les Souffignés , par ordre des Séréniffimes
Etats affemblés , ont eu l'honneur de remettre la
préfente Note à M. le Comte de Stackelberg, Ambaffadeur
de Sa Maj . l'Impératrice de toutes les
Ruffies , & de prier fon Augufte Souveraine de
donner une nouvelle preuve de l'intérêt qu'elle
toujours bien voulu prendre à ce pays , en donnant
ordre à fes troupes de l'évacuer. »>
« Les fufdits Séréniffimes Etats fe flattent que
S. M. I. voudra bien entrer dans leurs raifons , &
fentira Elle-même qu'une fi grande armée , telle
difciplinée qu'elle foit , ne peut qu'être onéreufe
au pays , & que fon féjour d'ailleurs pourroit fournir
une raifon plaufible à la Cour Ottomane d'y
faire auffi entrer fes troupes , & d'y établir même
le théâtre de la guerre : chofe qui occafionneroit
immanquablement fa ruine . »
« La magnanimité & les fentimens d'humanité
de S. M. Imp. , reconnus généralement de toute"
T'Europe , ne permettent pas de douter qu'Elle ne
civ
( 561)
fe faffe un plaifir de faifir cette occafion de prouver
à la Nation Polonoife que ceux qui ont recours
à fa juftice font toujours fûrs du fuccès .
Elle peut en même- temps être affurée d'acquérir
par- là des droits à la reconnoiffance de toute la
Nation , dont les fentimens de refpect lui font déja
connus. »
La foufcription pour l'achat des armes ,
monte déja à la valeur de huit cents mille
florins polonois , dont une partie a été
payée en nature , en hommes armés & en
munitions de guerre. Parmi ceux qui ont
foufcrit , on cite M. le Comte Malachowski
, Maréchal de la Diète , qui donne
12 canons , M. Hulewicz , Nonce de Wolhynie
, qui a offert un efcadron compofé
de 25 Gentilshommes , dumêmenom que
lui , ayant chacun 2 Pocztowys , ou Servans
d'armes , tous montés , armés &
équipés.
L'Etat- Major de l'armée fera compofé
de 18 perfonnes ; leur traitement montera
à la fomme de 298,000 florins de Po- .
logne ( 1 ) les 6 brigades de Cavalerie.
nationale coûteront 3,588,480 florins ;
8 poulks de Cavalerie légère , 3,333,930 ;
autant de Cofaques , 3,034,880 ; 2 bri-
( 1 ) Nous répéterons que le florin de Pologne
vaut 12 fols tournois.
( 57 )
gades d'Artillerie, 1,000,000; 2 de Gardesa
- pied, 757,248 ; 30 régimens d'Infanterie,
de campagne & de garnifon , 11,352,720 ;
les troupes du Grand-Duché de Lithuanie
coûteront 11,708,824 florins ; ce qui
fait en tout 35,074,072 florins pour toute
l'armée Polonoife compofée de 101,417
hommes.
On écrit de l'Ukraine, qu'un jeune Prince
Jablonowsky , ayant embraffé la religion
des Grecs Schifmatiques , s'eft mis à la
tête de plufieurs centaines de Cofaques
Haidamaques. Il eft à craindre que cette
bande ne renouvelle les fcènes d'horreur
que l'on a vues , il ya 15 ans , lorfqu'un
brigand , nommé Goula , à la tête de fem
blables Cofaques , exerça des cruautés.
inouies fur les Catholiques & les Juifs .
ALLEMAGNE.
De Hambourg, le 24 Novembre.:
Quelques jours après la fignature dur
dernier Armiflice , conclu entre le Roi de
Suède & le Prince Charles deHeffe , Commandant
des troupes Danoifes , celles- ci
ont évacué Kongelf , Wanefbourg & les
autres diftris de la province de Bohus-
Lehn , qu'elles avoient occupés ; leur der
( 58 )
nière colonne de 4 mille hommes eft également
fortie , le 6 , d'Uddewalla , après
avoir exigé du Magiftrat de cette place ,
une rançon de 50 mille thalers en espèces,
payables dans 4 mois , & pour la fûreté
defqul le Commandant Danois s'eft fait
livrer deux Otages , qu'il a conduits en
Norwége , où les troupes font rentrées .
Cette contribution fingulière & d'autres
exigées fous le même prétexte , ont paru
au Roi de Suède une exaction d'autant
plus criante , que le Ministère Danois a
conftamment protefté des fentimens d'amitié
avec lefquels il fe voyoit forcé de
fecourir la Ruffie par une invafion en
Suède .
M. Elliot , Miniftre d'Angleterre à Copenhague
, y eft revenu de Gothenbourg
le 14. Sa Maj. Suédoife a temoigné fa
fatisfaction des fervices que lui a rendus cet
Envoyé , par le préfent de fon portrait enrichi
de brillans .
Le Confeiller de Juftice Wardenburg eft
mort à Oldenbourg , dans la 86. année.
d ton âge , laiffant une poftérité de 151
individus , dont 100 font encore vivans . Il
a vu 23 enfans , 86 petits enfans , & 42,
arrière-petits enfans ."
L'éducation des moutons , lit- on dans un Journal
é onomique , a gagné infiniment dans la Saxe
( 59 )
Electorale, depuis l'année 1768 , où l'on introduifit
en Saxe 800 moutons d'Efpagne. On fit venir ,
avec ces moutons , des Bergers Espagnols , &
même des chiens pour leur garde , & on établit
une école de Bergers où l'on forma des Sujets ..
Par ce moyen , on eft parvenu fucceffivement à
améliorer l'éducation des moutons , de forte qu'ac
tuellement le ftein de laine , du poids de 22.
livres, eft payé 14 à 16 thalers. Le nombre des
moutons , dans la Saxe Electorale , a monté , en
1787 , à 1,564,346 ; celui des chevaux, à 120,387,
& celui des bêtes à cornes, à 710 241.Le même
Journal avance que l'exploitation des mines , en
Saxe , occupe plus de 2,000 Mineurs , & qu'el'e
produit par an deux millions de thalers.
manufactures de toiles , dont le fiége principal eft
dans la Haute-Lures
fourniffent , par an , pour
plus d'un million & demi de thalers de toiles.
Le tiers des habitans de la Saxe travaille aux
métiers , & dans des fabriques & manufactures ;
le centre du commerce de ce pays eft à Leipfick.
2
Les
A Oeifniz dans le Vogtland , fe trouve une
pêcherie de perles , qui eft exploitée pour le compte
de l'Electeur ; les coquilles à perles que l'on pêche
dans l'Elfter , ont communément fix pouces de
long fur deux pouces de haut , & un pouce un
quart de large les perles que l'on y trouve font ,
les unes bleuâtres , les autres grifâtres & d'un blanc
de lait ; la pêche dure environ fize à dix-huit fe
maines dans l'été : les frais montent à environ
400 thalers On fabrique à Placun , une grande
quantité d'indiennes & de mouffelines ; la filature
de coton y eft très-perfectionnée : huit onces de
coton donnent un fil de 22,500 aunes. A Radewilch
, près de Placun , fe trouve une grande
fabrique de marchandifes de cuivre & de laiton :
elle tire le cuivre du Mansfeld.
--
€ vj
( 60 >
1
De Vienne , le 22 Novembre.
La campagne paroît abſolument terminée
de notre côté , & même pai - tout , M.
de Romanzof est toujours immobile près
de Jaffy , & le bornant à obſerver l'armée
du Séraskier réuni au Khan des Tartares .
On affure que le Général Potemkin a tenté ,
le 3 , une furieufe & inutile canonnade fur
Oczakof, dont le fiége eft probablement
levé aujourd'hui , fi cette place réſiſtoit
toujours au 10 , comme on le rapporte.
Depuis l'évacuation du Bannat , l'armée
Ottoniane a pris fes quartiers d'hiver en
Servie , derrière Belgrade. D'après cet expofé
, il ne faut pas attendre de récits intereffans
de nos armées ; auffi le Bulletin
officiel du 15 , ſe borne -til à récapituler
nos avantages durant la campagne , c'eftà
- dire , la prife de Choczim , de Jaffy tout
ouvert & cédé aux Ruffes , des châteaux
de Drefnik , Sabafch , Dubitza & Novi.
Ces conquêtes paroiffent à l'Auteur du
Bulletin , balancer tous les accidens de la
campagne , l'invafion & la ruine du Bannat
, & c. & c.
Sa Majefté a nommé Feld- Maréchal-
Lieutenant , le Général- Major Schmidfeld
, Commandant de Péterwa: adin ; &
%
( 61 )
Elle a avancé au grade de Général - Major
d'Artillerie , le Comte de Thurn , du premier
régiment de Canonniers.
Le Courrier d'Hermanftadt , qui n'eſt
pas , à beaucoup près , le Courrier de la
vérité, comme fes relations hafardées nous
l'ont prouvé tout l'été , vient de préfenter
à fes Lecteurs un article , fur lequel bien
des perfonnes reflent dans le doute méthodique
.
« Le Capitaine Wallner , dit- il , eft mort de fes.
bleffures fur la route de Conftantinople . Le fort
du . Capitaine Jeleki & du Lieutenant Geiz a été en
quelque forte plus fortuné , puifqu'ils ont fauvé
leur vie, mais ils ont été exposés aux évènemens les
plus triftes. Ils fe trouvent à Conftantinople, d'après
leurs lettres , dont le contenu eſt trop intéreifant
pour ne pas le communiquer à nos Lecteurs ,
d'autant plus qu'il répand quelque lumière fur la
façon avec laquelle les Turcs traitent leurs prifonniers.
>>> で
« On me tranfporta , en dix jours , depuis le
couvent de Sinai ( près du défilé de Fomosh
jufqu'à Conftantinople. Nous ailions un train á
caffer le cou , & mon cheval tomba deux fois ;
mais je ne pouvois pas tomber de cheval , car on
nous avoit affis fur de grands bâts , lié les mains
derrière le dos , & attaché les pieds fous le ventre
des chevaux. On nous traita par-tout de la manière
la plus cruelle , & on nous fit fentir à tout
moment que nous étions entre les mains des barbares.
Le 12 avril , nous arrivâmes à Conftantinople.
Ici , on me pendit douze têtes , coupées à
des Chrétiens , à l'entour du cou , & de cette ma(
62 )
nière on me fit trave fer la ville , en m'expofant '
aux huées & aux infultes du peuple ; des femmes >
même me crachèrent au viſage. »
·Conftantinople , le 25 juin 1788. »
« GEIZ .
ככ
(
« Je vis , mais c'eft auffi tout le bonheur dont'
je peux me flatter. Les procédés cruels des barbares
paffent toute imagination , & je ne hafarde- ,
rois pas de vous en faire un détail. L'efpérance de
notre délivrance , quelque éloignée qu'elle puifle
être , eft no re unique confolation . Le Comte de
Choifeul Gouffier, Ambaffadeur de France , s'intérefle
vivement pour nous , & c'eſt à lui que nous
avons l'obligation , le Lieutenant Geiz & moi , de
n'avoir pas été mis aux fers. Nos gens languiffent
dans leurs travaux fous le poids des chaînes : la
pefte s'unir encore avec les autres maux dont nous
fommes accablés. Journellement il en meurt quatre
ou cinq dans notre prifon . De ma Compagnie , il
en eft mort deux ; de la Compagnie de allner ,
quatre ; de Sekel , deux , & un du Baron Rauber. »
Conftantinople , le 26juin 1788. »
«
T
« JELEKI. "
Quelques lettres particulières dé Conftantinople
parlent auffi du voyage terrible.
qu'on a fait faire à ces Officiers, liés & ga
ottés comme des ballots de marchandifes:"
ler fort a touché même le Gouvernement
, qui a réprimandé & puni les Officiers
Turcs chargés de conduire ces prifon
niers.
Plufieurs régimens , entre autrès ceux
de Callemberg, de Bréchainville & de Wolf(
63 )
fenbutel , font en marche pour revenir en
Autriche.
L'Empereur a dû partir de Semlin le 16
de ce mois , & eft attendu ici inceffamment.
L'Archiduc François a été fait
Grand'Croix de l'Ordre de Marie-Thérèfe.
On dit que les Généraux Pellegrini, Prince
de Cobourg, de Vins & Wartenfleben ont
été auffi nommés Grand'Croix de cet
Ordre.
Les travaux qui fe font dans les Arfenaux,
& les ordres qui ont été donnés
pour la levée des recrues , feroient des in-.
dices que l'on ne fonge pas encore à la
paix, On prendra , dans cette capitale , le
20. homme , & le 60º . dans les provinces.
-La fabrique d'armes doit fournir 70,000
fufils d'ici au mois de mars prochain.

La garnifon qui refte à Semlin eft des
1,000 hommes : on conftruit devant la
ville cent baraques , pour y loger quatre
bataillons. L'ordre a été donné de démolir
une partie des fortifications de la
digue de Befchanie : on a déja rompu les
deux ponts . Le 1 , les Turcs , au nombre
d'environ 600 , dont 400 Spahis , vinrent
fe jeter fur cette digue , mirent le feu
aux baraques & au bois des ponts démolis,
& atraquièrent nos poftes avancés , qui
fu ent obligés de recules ; un détachement
de notre Cavalerie furvint , & força les
-
( 6464 )

Turcs de retourner à Belgrade : nous avons
perdu à cette occafion 2 Officiers & 34
Soldats.
Les Généraux qui commandent fous
le Lieutenant général Comte de Brown ,
font , le Baron d'Alninzi , le Frince de
Wirtemberg , le Comte de Strafoldo & le
Prince de Waldek ; fous le Général de
Cavalerie Comte Jofeph de Kinsky , font ,
le Comte de Colloredo , le Baron de Neugebauer,
le Comte de Brechainville , le
Comte Tige de Blankenftein , le Duc
d'Urfel , le Comte Philippe Kinsky , de
Wenkheim , de Lilien l'aîné , le Comte
d'Harraucourt & le Comte de Kavangh.
Le Comte de Staray, le Prince de Hohen
lohe, les Barons de Keil & de Lilien le
jeune , fe rendent à l'armée dans le Bannat.
Le Général Majer de Quosdanowich
a pris le commandement des troupes.
qui restent à New- Gradiska ; le Lientenant-
général de Mitrowsky s'eft rendu
avec fon Corps à New- Gradiska , d'où
le Maréchal de Laudhon eft parti , le 6 ,
pour Semlin.
De Francfortfur le Mein, la 30 Novemb.
Le Roi de Pruffe , pendant une prome
nade qu'il a faite à Zinna , a eu , le 11
une entrevue , & a paffé la journée entière
( 65 )
du 12 avec l'Ele &eur de Saxe , qui chaffoit
lui-même à Zitzeroda, & qui eft revenu
le 14 à Drefde .
Il fe répandit , il y a quelque temps
que l'Empereur avoit écrit au Maréchal
de Romanzof,pour le déterminer à mettre
plus d'activité dans fes opérations. Ce
Général , dit- on , a répondu à S. M. qu'il
falloit attribuer la lenteur de fes mouvemens
aux circonftances fâcheufes où il
fe trouvoit : quoiqu'il fût le plus ancien
des Feld- Maréchaux , fon Corps d'armée
confiftoit à peine en 30,000 hommes de
mauvaiſes troupes , dénuées de tout ce qui
leur étoit néceffaire ; tandis que le Prince
Potemkin commandoit près d'Oczakof ,
dans la Crimée & le Nogay , une armée
de 140,000 hommes , à laquelle rien ne
manquoit .
Le nouveau fubfide de guerre , écrit-on
de Vienne , excite beaucoup de réclamations.
Les Hongrois fur- tout ne veulent
pas en entendre parler. Les divers Comitats
ont adreffé à ce fujet des remontrances
à S. M. I., dans lesquelles ils difent,
entre autres , qu'ils ont fourni prefque
feuls les vivres aux troupes durant la campagne
, & que ces groffes fournitures , dont
une partie fut livrée gratis , & l'autre pour
des contrats fans intérêt, les avoient privés
du néceffaire , & mis hors d'état de fup(
66 )
porter plus que les contributions ordi
naires .
Il est très- vrai , difent les mêmes lettres ,
que l'Empereur & l'Archiduc François ont
manqué d'être pris par les Turcs , lorſqué
l'armée s'eft ue obligée de fe retirer
de Caranfèbes. Voici ce que l'on raconté
à ce fujet : L'Empereur fe fit conduite
felon fon ufage , dans une chaile légère ,
devant les troupes ; M. de Brambilla , fon
premier Chirurgien , étoit avec lui La
Cavalerie Turque inftruite , par des Wallaques
perfides , de la marche de l'armée ,
profita de la nuit , qui étoit très - obſcure ,
& fondit à bride abattue fur l'aile où le
trouvoit l'Empereur. Cette furpriſe occa
fionna une confufion générale ; l'Empe
reur & M. de Brambilla quittèrent la
chaife , & montèrent des chevaux de main
pour le fouftraire à l'ennemi. Le cheval
de M. de Brambilla s'abattit ; il prit celui
du valet qui le fuivoit , & s'éloigna ; le
valet fut joint , & faifi par l'ennemi . Dans
cet intervalle , l'Empereur continua feul
le chemin , & s'égara ; il rencontra deux
Soldats , & leur cria s'ils le connoifoient !
Oui , répondirent- ils , vous êtes S. M.
l'Empereur : « Eh bien , reftez avec moi ,
» leur dit- il , je vous fais Officiers , fi je
» rejoins heureufement l'armée . » Mais
ces miférables le quittèrent quelques inf(
67 )

tans après . Cependant l'Empereur rejoignit
les troupes. On fit des recherches
pour découvrir ces deux coquins , qu'on
foupçonne être des étrangers , & d'avoir
déferté. L'Archiduc François fut de fon
côté dans un péril auffi imminent ; il étoit
perdu fans le Comte de Kinsky , qui l'accompagnoit
, qui ramena un régiment ,
forma un carré , plaça le Prince au milieu ,
& le fauva.
M. Zimmerman de Brunswick a publié à Londres
, en langue Angloife , un Ouvrage fur l'Economie
politique des divers Etats de l'Europe ; il
l'a Jiftribué en feize Tableaux , qu'il a accompagné
d'obfervations fur la Richeffe , le Commerce , le
Gouvernement , les Finances , l'Etat militaire &
la Religion de ces Etats. Voici quelques relevés
de cer Ouvrage. La valeur des exportations de
Ruffie pour la Grande-Bretagne , a monté , en
1785 , à 1,606,668 liv. fterl. , & à 233,998, celle
des importations. Les revenus annuels des Provinces
Unies s'élèvent à 4 millions & deini del. ft.
-
-
Le produit des mines de cuivre de Cornouaille
monte à 4,000 tonneaux , & celui des mines d'étain
, à 200,000 liv. fterl . L'exploitation des mines
de cette province occupe près de 80,000 hommes .
On eftime que le bilan du commerce d'Angleterre
eft de trois millions de liv . fterl. en fa faveur,
& tout le commerce national eſt évalué à 42 millions
de liv. fterl. Les revenus de la Compagnie
Angloife des Indes orientales s'élèvent , par an , à
environ 3 millions de liv. fterl . Elle emploie ro
navires. La population du Piémont monte à
2,450,000 ames ; les revenus du Roi de Sardaigne
s'élèvent à 27 millions de 1. de Piémont ; la Sar→
( ) 68 ) 68
daigne n'y fournit qu'un million . En 1785 , les Anglois
cnt exporté en Italie pour 513,008 1. ft. de
marchandifes , & ils en ont exporté pour 687,155
1. ft. La population d'Espagne monte à 10
millions & demi d'habitans ; en 1785 , les Anglois
ont exporté pour l'Efpagne pour 697,712 1. ft. de
marchandifes , & ils en ont importé en Angleterre
pour 788,0641.ft. L'exportation d'Angleterre
pour le Portugal , dans la même année, s'eft élevée
à 960,000 liv. ft. , & 'importation de ce royaume
en Angleterre à 728,000 liv. ft . Dans la
même année 1785 , il a été exporté d'Angleterre
pour la Turquie , pour 82,449 liv. ft. de marchardifes
, & il en a été importé en Angleterre pour
146,706 liv. ft.
ITALI E.
De Naples , le 10 Novembre.
Le Gouvernement vient d'envoyer aux
Gouverneurs des Provinces , la Circulaire
fuivante , dont l'importance fera faife
par tous ceux qui ont fuivi nos différends
avec le S. Siége .
« Il y déjà dix années accomplies , que la confécration
des Evêques a été retardée dans toutes
lés Eglifes Cathédrales du Royaume , à mesure
que les fiéges font venus à vaquer ; & l'on a fait
ainfi languir miférablement un nombre infini d'ames
, privées de leur guide fpirituel , & de Pafteurs
prépolés à leur garde. »
« Le Roi s'étoit flatté jufqu'ici , que le four
viendroit enfin où le fervice de Dieu & le falut
des ames fercient mis au - deffus des confidérations
( 69 )
de
55
re
e
e
humaines , & d'intérêts temporels mal- entendus.
Mais il a eu , dans ces derniers temps , des preuves
convaincantes du contraire ; & il a fait de ſérieufes
& profondes réflexions fur les préjudices qu'un
fi long veuvage des Eglifes caufe non- feulement
à l'état , mais beaucoup plus encore à la religion.
Il a penfé que certainement ce mal feroit imputé
par Dieu , à celui qui ne l'auroit pas réparé , fachant
bien que Dieu lui avoit conféré la puiflance
royale , non pas feulement pour régler la fociété
temporelle , mais auffi pour protéger la religion ,
& la maintenir pure & entière. «
"
" En recherchant donc les moyens de parvenir
à cette fin falutaire , j'ai réfléchi que la difcipline
actuelle , fuivant laquelle les Diocèfes font réglés
par les Vicaires Capitulaires , fuppofe qu'ils font
dans l'état ordinaire , c'est-à - dire , que les fiéges
ne reftent point vacans au-delà de trois mois
terme prefcrit par les canons & par les conciles
généraux , c'est- à- dire , par l'Eglife univerfelle.
Mais le long veuvage de plufieurs de nos Eglifes ,
rendant leur état vraiment extraordinaire , la difcipline
actuelle , d'autant plus qu'elle eft devenue
caufe de fi grands maux , doit , felon le véritable
efprit de l'Eglife , ceffer par interim dans ces fâcheufes
conjonctures , & jufqu'à ce que les chofes
foient remifes dans leur état ordinaire. 7
Et puifque, par une loi particulière & fondamentale
du Royaume , les Eglifes , & fpécialement
les Eglifes vacantes font fous la garde & la
protection de Sa Majefté , elle a réfolu , de l'avis
de la Chambre Royale , de recommander lefdites
Eglifes vacantes aux Evêques , felon l'ancienne
difcipline fondamentale & naturelle du gouvernemeat
Eccléfiaftique , difcipline obfervée conftamment
dans l'Eglife pendant les huit fiècles qui ont
précédé immédiatement ceux de la difcipline actuelle.
»
"( 70 )
« Pour cet effet , Sa Majefté a ordonné que les
Métropolitains , & à leur défaut , les Evêques les
plus anciens de la Province , examinent quels font
les Evêques les plus voifins des Eglifes vacantes
& en faffent le rapport à Sa Majeſté , afin qu'Elle
puiffe alors charger immédiatement les Métropofitains
eux- mêmes ou les Evêques les plus anciens ,
de recommander aux Evêques voifins le troupeau
abandonné de Jefus -Chrift , pour en prendre le
foin & la direction. »
« C'est par ordre du Roi que j'envoie à votre
Seigneurie illuftriffime cette réfolution fouveraine ,
pour qu'elle la communique auffi -tôt aux Métropolitains
de cette Province, ou à leur défaut , parce
que ces Eglifes Métropolitaines feroient veuves, aux
Evêques les plus anciens , & de leur en demander
le prompt & exact accompliffement au nom du
Roi, "
GRANDE-BRETAGNE
De Londres , le 2 Décembre.
Les Bulletins journaliers de la maladie de
S. M. n'offrent , depuis 8 jours , qu'un feul
& même rapport , c'eft- à-dire , celui de la
permanence des accidens . Comme ils ont
des retours périodiques , l'état journalier
du Roi offre des alternatives de fommeil
calme ou d'infomnie , d'agitation & de
repos , d'efpérances formées , détruites ,
renaiffantes , fuivant la fréquence des crifes
& la durée de l'altération momentanée
des facultés mentales de S. M. Ce
( 7 )
ES
7
déplorable évènement , politiquement plus
fâcheux , peut-être , que la mort mène du
Souverain , fi l'on devoit défefpérer de fon
rétabliffement , eft confidéré du même
oeil par la partie faine & la plus nombreufe
de la Nation. Quant à celle dont les fentimens
font pervertis par l'efprit de parti
&
par les paffions qui l'entretiennent , elle
n'enviſage en ce moment que ce qu'une
nouvelle domination pourroit promettre
d'utile à fon intérêt. Ainfi , les Papiers
publics fuivent l'impulfion de ces vues
particulières , font des bulletins , pénètrent
detin du Roi , interprètent l'avis des
Médecins , & préfentent les accès de la
maladie , comme incurables ou non , fuivant
que cette décifion convient à telle
Lou telle cabale politique . Nous nous abftiendrons
de rapporter ces verfions contradictoires
& fufpe&es , en nous bornant
à quelques particularités.
Il paroît que les eaux de Cheltenham ,
dont le Roi a fait ufage cet été , ont contribué
au dérangement fubit qu'il éprouve.
On affure que peu de temps avant la maladie
, il s'aperçut de quelque défordre
dans fa tête. Ayant un foir affifté à un
concert privé au château de Windſor , il
dit au Docteur Ayrton : « Je ne fais fi je
» pourrai long-temps entendre de la mufique
; il me femble qu'elle affe&e ma
( 72 )
" tête.... Dieu foit béni ! ajouta-t-il , en
» prenant la main du Doeur avec la
» cordialité qui le caractérife , les plus
» élevés d'entre nous ne font que de miférables
créatures ! »
Ayant craint , dès les premiers jours
de fon indifpofition , les accidens qu'il
éprouve , il avoit , dit- on , prié la Reine
de ne pas le quitter , fi ce malheur lui
arrivoit. L'extrême tendreffe & le fcrupuleux
attachement de cette vertueufe Princeffe
à fes devoirs , font trop connus pour
qu'il foit néceffaire d'ajouter que , jufqu'à
l'inftant oùil eft devenu indifpenfable de l'arracher
au fpectacle déchirant des maux de
fon augufte époux , elle a été conftamment
auprès de lui. Quelquefois il eft arrivé
au Roi de la méconnoître , & de s'écrier
: « Elle m'avoit tant promis de ne
» pas me quitter ! » Il ne faut pas tenter
d'exprimer ce qu'un pareil mot a de douloureux
pour celui qui le prononce , &
pour celle qui l'entend.
S. M. fe lève tous les jours , s'habille ,
fe promène dans fa chambre, & s'eft même
fair lire des prières par le Docteur Majen
die , qu'il a écoutées avec le calme de la
réfignation . Un jour , il aperçut les Princelles
fes filles qui fe promenoient dans le
jardin , il leur jeta des bailers précipités ,
&
( 73 )
"
& voulut ouvrir la fenêtre pour leur
parler.
Windfor étant à 20 milles de Londres ,
& ce voyage très-long pour les médecins,
ainfi que pour les nombreufes vifites qui
vont s'informer de la fanté du Roi , il a
été décidé de le transférer à Kew , mailon
de plaifance agréable , & peu diftante de
la capitale. Ce déplacement s'eft effectué
famedi dernier , à cinq heures & demie
du foir , fans que le Roi en ait aucunement
fouffert ; mais il ne s'eft rendu aux inftances
de changer de féjour
que furla
promeffe qu'il verroit la Reine & les
Princeffes ; elles l'avoient précédé d'une
heure à Kew . S. M. fut très - calme au
départ , demanda fa redingote , & donna
différens ordres : les colonels Manners ,
Goldsworthy & Gwynn les Ecuyers , montèrent
dans fa voiture. M. Pitt fut jufqu'à
quatre heures dans l'appartement du Roi ,
& fe promena avec lui jufqu'à l'inftant où
S. M. fe mit en route.
Jeudi prochain le Parlement ſe raſſemble
: quelques Gazettes ont déja arrangé
fes délibérations & la Régence : il eft
inutile de répéter ici ces fpéculations populaires.
Le 27, le Comte de Lufi , & le Baron
d'Alvenfleben , qui le remplace en qualité
du Miniftre de la Cour de Pruffe , eu-
No. 50. 12 Décembre 1788. d
( 74 )
rent à Windfor une Conférence avec le
Prince de Galles , au fujet de quelques
dépêches arrivées de Berlin .
Le dernier courrier parti pour le continent
, eft chargé de lettres de Son Alteffe
Royale pour la Haye , Berlin & le Danemarck.
D'autres lettres avoient été envoyées
auparavant par S. A. R. aux Princes
fes frères , qui les ont fait remettre aux
Cours d'Allemagne alliées de S. M.
Le nombre des enregistremens faits
pendant la femaine dernière pour matchandifes
exportées dans les
gers , a été ,
ports
Pour manufactures & productions
Angloifes & Irlandoifes
exportées franches de droits,
ou enregistrées pour payer
un droit
Pour manufa &ures & productions
Angloifes & Etrangères
chargées d'un droit à l'expor
tation
Pour manufactures & productions
Etrangères exportées
par certificat
étran-
Enregistrement.
381
.
87.
127:
TOTAL des enregistremens pour fonsiny
le dehors, faits la femaine sq f
dernière à la Douane , dans le nigswor
port de Londres
$95.
( 75 )
Le nommé Kirwan , âgé de 117 ans ,
eft mort le mois dernier à Ferns en Irlande.
ÉTATS - UNIS.
Extraits des divers Papiers Américains.
De Williamsbourg , dans la Caroline feptentrionale
, le 7 Août,
La Convention de cet Etat s'eft féparée
le 4 de ce mois , après de longues
délibérations & de vifs débats pendant
quinze jours , fans avoir adopté ni rejeté
la Conftitution propofée : elle
modeftement recommandé un certain
nombre de changemens ; lorfqu'ils fcront
convenus par les Etats
qui
l'ont
adoptée , & qu'ils feront partie de la
Conftitution fédérative , alors cet Etat
la ratifiera , & deviendra Membre de l'Union
fédérative , mais non auparavant.
Le Général Martin s'eft mis en marche ,
le 20 du mois dernier , avec une branche
d'olivier dans une main , & un fort détachement
de la milice de Holftein , c'eftà-
dire , l'épée dans l'autre , contre les villes
Chirkamawgée. Un autre détachement
eft parti en même- temps de Kentucky
pour agir conjointement avec ce Général .
Il est très -probable qu'au moyen de ces
dij
( 76 )
mefures on parviendra à exterminer ces
fléaux de notre tranquillité.
De Bofton , le 3 Septembre.
Un particulier , arrivé ici le trente-un
du mois dernier , de la Caroline feptertrionale
, nous apprend l'authenticité de
la nouvelle annoncée il y a quelques
jours , que la Convention de cet État
avoit refufé de ratifier la Conftitution ,
par une grande majorité. Les habitans
de la partie intérieure de l'Etat ont été
à une voix près contre cette Conftitution
, tandis que les habitans des parties
de l'Etat qui bordent les côtes de la
mer, ont voté uniformément pour elle . Ces
derniers ont pris la réfolution d'adreffer
une requête au premier Congrès , fous
le nouveau gouvernement , pour folliciter
la protection de l'Union , & leur perinettre
d'être repréfentés dans le Congrès
federatif.
.1.
De Richmond, dans la Virginie , te 5-
wind saun Septembre,
Vous avez fans doute entendu endu parler
du fort qu'a éprouvé la nouvelle Conftituuon
dans l'Etat de l L'Etat de la Caroline feptentrionale
; mais nous ne regardons pas ce
fefus comme devant entraîner des confér
( 77 )
quences fâcheufes. J'apprends par un ami
qui a parcouru depuis une grande partie
de cet Etat , & fur la véracité duquel
on peut compter , que fes habitans fe repentent
de ce qu'ils ont fait , & qu'ils
commencent à appréhender les conféquences
qui peuvent réfulter pour eux ,
d'être détachés de l'Union. Les Membres
choifis pour former leur nouvelle aflemblée
, qui doit avoir lieu au commencement
d'octobre , font , à ce qu'on affure ,
prefque tranfportés pour la Conftitution
fédérative ; & on compte qu'auſſi -tôt
qu'ils s'affembleront , il fera convoqué
une nouvelle Convention. »
Le 3 Octobre. Les Etats- Unis affemblés
en Congrès , ont arrêté , par leur réfolution
du 13 feptembre de cette année , que
le premier mercredi du mois de janvier
Frochain , feroit le jour fixé pour la nomination
d'Ele&eurs dans les différens Etats
qui avant ce jour , auront ratifié la
Conftitution
; que le premier
mercredi
du
mois de février prochain
, feroit le jour fixé pour que les Ele&eurs s'affemblent
dans leurs Etats refpectifs
, & qu'ils votent pour un Préfident
; & que le premier
mercredi
du mois de mars prochain
, feroit le temps
fixé pour commencer
les opérations.
diij
( 78 )
Le 30 Septembre , après midi , le Bill
pour procéder à l'élection de huit Repréfentans
au Congrès , de dix Ele&teurs &
d'un Préfident des Etats-Unis , a paffe en
loi ce Bill doit avoir fon effet le dernier
mercredi du mois de novembre. Les Elections
doivent fe faire dans les endroits
où l'on a coutume de voter pour les
Membres de l'affemblée ; les Confeillers
& les Candidats doivent être pris au
choix des votans de chaque partie de
l'Etat. Cette manière d'élire les Membres
de la Chambre des Repréfentans , a été jugée
la fcule que l'on pût adopter fans
violer la Conftitution des Etats - Unis.
FRANC E.
De Verfailles , le 3 Décembre.
Le 28 du mois dernier , l'Evêque de
Carcaffonnea prêté fermentde fidélité entre
les mains du Roi , pendant la meffe de Sa
Majefté.
2
Le Roi a nommé à l'Abbaye d'Orbais,
Ordre de S, Benoît , Diocèfe de Soiffons,
l'Abbé de Floirac , Vicaire- général de Paris ;
à celle de Belle- Aigue , Ordre de Citeaux ,
Diocèle de Clermont , l'Abbé Godard , Vi
caire général de Touloufe ; à celle de Bol
( 79 )
chaud , même Ordre , Diocèle de Périgueux
, l'Abbé Fénis de Lacombe , Vicairegénéral
de Tulles ; & à l'Abbaye de Celles ,
Ordre de S. Auguftin , fur la nomination
& préfentation de Monfeigneur Comte
d'Artois , en vertu de fon apanage . l'Abbé
de Talleyrand-Périgord, nommé à l'Evêché
d'Autun .
Le4 de ce mois , le Comte de Puyfégur ,
Secrétaire d'Etat , ayant le Département
de la Guerre , a , en cette qualité , prête
ferment entre les mains du Roi.
M. de Sauvigny, Chevalier de Saint-
Louis , Cenfeur royal , a eu l'honneur de
préfenter à Sa Majesté les numéros 55 ,
56 & 57 des Effais hiftoriquesfur les moeurs
des François, depuis Clovis jufqu'à Saint-
Louis.
De Paris , le 10 Décembre.
Plufieurs Municipalités du royaume
ayant formé le projet de demander des
Députés particuliers du Commerce aux
Etats -Généraux , la ville de Grenoble, dont
elles avoient follicité le concours , leur
a fait une réponſe negative , aujourd'hui
imprimée , & dans laquelle on remarque
cet efprit de jufteffe , & cette inteligence
des affaires publiques , que le Directeur
actuel des Finances a attribués aux Daudiv
( 80 )
phinois dans l'un de tes ouvrages , &
dont ils ont donné déja bien des preuves
antérieures .
« Huit Membres du Clergé & feize
Gentilshommes de Bordeaux ont adreffé
une lettre circulaire à un grand nombre
de perfonnes du Tiers-Etat , pour fe trouver,
à jour nommé, dans un endroit où l'on
devoit leur propofer quelque chofe de
très-intéreffant. Le 17 , l'affluence a été
fi grande , qu'il a fallu transférer la Séance
dans l'églife des Jacobins appelée le Chapelet
là , après que les Moines ont eu
mis ordre à tout , un Gentilhomme eft
monté dans la chaire, & a annoncé à toute
l'affiftance qu'elle étoit convoquée pour
avifer au moyen d'obtenir de la bonté de
S. M. , à la province de Guienne , de fe
former en Etats conftitués comme ceux
du Dauphiné des acclamations générales
ont répondu à l'Orateur ; alors un autre
Gentilhomme a expliqué que les Membres
du Clergé & de la Nobleffe , au nombre
de 24 , défiroient qu'un pareil nombre
de Membres du Tiers- Etat fe concertât
avec eux dans une Affemblée indiquée au
23 , pour rédiger & la requête au Roi ,
& le projet de la formation des Etats
de Guienne : cette feconde propofition a
été accueillie avec un tranfport , non moins
vif , de joie & de reconnoiffance . »>
( 81 )
« Le Duc d'Orléans , informé que
» différens fléaux ont ravagé les moiffons
» dans plufieurs endroits , & fait naître
» des craintes fur l'infuffifance de la rét
colte de cette année, a arrêté dans fon
» Confeil, le 29 du mois dernier , divers
» actes de bienfaiſance qui confiſtent en
» remife ou modération , jufqu'au premier
» juin 1789 , de plufieurs droits qui lui
» font dûs fur les grains vendus dans les
» principaux marchés de fon Apanage ;
» injonction aux Régiffeurs de fes do-
» maines de percevoir en nature les rentes
» & preftations en grains , & de les faire
» vendre aux marchés des lieux , au plus
bas prix courant & à petites meſures ,
» avec défenfes d'en vendre plus de 120 l.
» pefant à- la - fois , ou le même jour à
» la même perfonne. Les droits de fté-
» lage & mefurage font réduits à moitié
» dans la ville de Crépi en Valois ; &
» le produit de cette moitié , réfervée
>> fur les grains qui feront confommés
» dans cette ville & les faubourgs , fera
remis aux Officiers de Police & aux
Officiers-Municipaux, pour être par eux
employés à faciliter la fubfiftance des
plus pauvres habitans de la ville.
»
» Le droit de ftélage fur tous les grains
» vendus au marché de Soiffons , & qui
eft à raifon d'un boiffeau fur 24 , eft
dv
( 82 )
»
fupprimé ; & le droit de mefurage eft
» réduit à 18 den. par múid pefant 200 !.
poids de marc , pour tenir lieu du falaire
» des mefureurs . Les Régiffeurs des do
maines de ce Prince à Soiffons , à
Crépi , à Villers - Cotterets , à la Fère ,
à Coucy , à Laon & à Fère en Tardenois
, percevront en nature de grains
» toutes les rentes , redevances & pref
" tations dues à ce Prince , en froment ,
» feigle , méteil , orge , & feront tenus
de faire porter les grains qui en proviendront
, aux marchés des lieux ,
raifon d'un feizième par femaine , ou
» en plus grande quantité fi les circonf
» tances l'exigent , pour y être vendus
» au plus bas prix connu de chaque mar
» ché. »
à
Le Comte de la Luzerne , Miniftre &
Secrétaire d'Etat au Département de la
Marine, a reçu du Vicomte de Saint Riveul,
Chef de divifion des armées navales ,
commandant les bâtimens du Roi en
ftation au-delà du Cap de Bonne - Efpérance
, une lettre , datée de Pondichery ,
le 15 juillet dernier , dans laquelle on lit
les détails fuivans :
« Le navire particulier l'Hirondelle , de l'Hede-
France , dans fa route à Pondichéry , par le
canal des ifles Séchelles , eut connoiffance , le
6 juin au masin , d'une ifle d'une liene d'étendie
( 53 )

du nord au fud ; il s'eftimoit alors par 7 d 40'
de latitude fud , & par 56 30 ' de longitude
orientale du méridien de Paris : ce parage eft
à- peu près celui où font placées les illes Georges
& Roquepir , celle- ci un degré moins fud , mais
dont la latitude n'eft pas bien vérifiée.
En accoftant l'ifle pour la bien reconnoître
un grand feu , allumé promptement , annonça
qu'il y avoit des hommes , & fit foupçonner qu'ils
étoient naufragés . En conféquence le fieur Vaudé ,
Capitaine de l'Hirondelle , fe décida à tenter de
prendre un mouillage près de l'ifle , afin de fauver
les hommes qui pourroient s'y trouver. Le vent
étoit au fud bon frais par grains , la mer groffe
& les courans violens portant à l'oueft ; tous ces
obftacles réunis ne permirent pas au fieur Vaudé
d'accofter la terre affez près pour y chercher un
mouillage. Vers neufheures du matin , un canor,
parti de l'ifle , vint à bord de l'Hirondelle avec
quatre hommes ; ils firent le rapport du naufrage
du bâtiment l'Infulaire , de l'Ile de-France , depuis
quatre mois & demi : ils avoient été forcés , manquant
de vivres , de prendre un mouillage près
l'ifle où le bâtiment s'eft perdu , fes cables ayant
été coupés fur le fond ils ajoutèrent que le
Capitaine , quatre autres François , & 21 noirs
étoient encore fur l'ifle.
Le fieur Vaudé a en conféquence fait tous fes
efforts pour l'accofter; mais la force du vent , de
la mer & des courans a dégravé le bâtiment ; à
fix heures du foir , ne voyant prefque plus la
terre, & perdant tout espoir de la rapprocher
le
91
"
gros temps continuant encore avec plus de violence
, le fieur Vaude a pris le parti de continuer
fa route , & s'eft rendu à Pondichery , où
il a remis deux Officiers & deux matelots naufragés
; il y a auffi dépofé fon procès -verbal ,
-d v j
84 )
J'ai propofé , d'après ce rapport , au Comte de
Connway , d expédier fur- le-champ une corvette ,
pour aller chercher l'ifle , dont la latitude de d
eft parfaitement connue par une très-boane obfervation
du Cap taine de l'Hirondelle , & une autre
des naufragés , dont les réſultats font les mêmes.
Le Chevalier de Callam.and , commandant la
corvette le Fanfaron , a nis à la voile , le 11 de
juillet , pour cette miffion ; les deux Officiers naufragés
& un des matelots font fur cette corvette . »
La femaine dernière , nous avons annoncé
l'embarquement & le départ des
Ambaffadeurs de Tippoo Saib. Erant à
bord de li Thétis , Akbar- Alikan , l'un de ces
Envoyés Indiens , a remis à M. Ruffin ,
pour M. le Chevalier de Gentil , une lettre
dont voici la traduction , & qui répon
doit , comme on le verra , à l'adieu épittolaire
qu'il avoit reçu de M. de Gentil.
A l'ami fincère , le centre de l'amitié , M. le Chevalier
GENTIL BAHADOUR : puiffent fes fentimens
êtres éternels !
« L'agréable fouvenir de vos bons procédés &
de votre aimable fociété , & le regret de n'en
plus jouir , déchirent fans ceffe le coeur de vorre
ami. Que l'Etre fup ême , qui peut feul exaucer
nos voeux , faffe naître la poffibilité de nous
réunir encore une fois ! »
« Après avoir pris congé de l'Empereur de
France & de l'Impératrice , principal ornement .
de fa Cour , nous nous fommes mis en route ,
& , graces à Dieu , nous fommes arzivés en bonne
fante au port de Breft ; nous y avons féjourné
quelques jours , & demain ou après - demain , qui
eft le huitième de la lune de Safar , nous nous
propofons de nous embarquer , & de partir pour
notre patrie. "
:
85 )
« Plaife à la divine Providence de nous conduire
à bon port ! Nous avons reçu avec la
plus grande joie la lettre que vous avez eu la
bonté de nous écrire ; la bonne nouvelle que
vous nous donnez de la précieufe fanté de Leurs
Majeftés Impériales , a infiniment ajouté à notre
fatisfaction ; mais quelle douce joie n'avez - vous
pas répandue dans notre ame , lorſque vous
nous marquez que l'augufte Impé a rice avoit daigné
s'informer de ma fituation : un tel étoit malade
vous a-t- elle dit ; comment aura-t- il pu foutenir
les fatigues de la rout ? »
« Ces paroles fuffifent pour faire connoître
l'exceffive bonté de Sa Majesté Impériale , & pour
nous impofer l'obligation de prier Dieu pour fa
confervation. ”
« Daigne le Très- Haut prolonger fes jours ,
& lui accorder une nombreuſe postérité ; il eſt
vrai que les plus grands Souverains font cas des
prières des pauvres étrangers. »
« Quant à nous , nous avons été bien foibles
& languiflans jufqu'à la feptième journée , la huitième
a été meilleure , & depuis lors , nous nous
fommes bien port s. "
« Nous n'oublierons jamais les bienfaits dat
Leurs Majeftés Impériales nous ont comblés . Nous
ferons par-tout les panégyriftes de leur bienfaifance
. C'eſt une affurance que nous vous prions
de publier >>
« Ecrivez nous quelquefois , vous nous ferez
plaifir. A quoi ferviroient de plus lorgs détails ?
Traduit par moi fouffigné , Secrétaire- Interprète
du Roi pour les langues Oriertales
, à la fuite de la Cour , & fon
prem'erInterprète près les Ambaffaders
Indiens. A Breft , le 18 Novembre 1788.
RUFFIN.
( 86 )
:
Les Chevaliers de l'Ordre de Saint-
Michel fe font affemblés , le premier
décembre 1783 , au couvent des Cordeliers
de cette ville , & ont tenu un
Chapitre , auquel a préfidé , pour S. M. ,
le Duc d'Uzès , Pair de France , Chevalier
Commandeur des Ordres de Saint-
Michel & du Saint Efprit. Après un
Difcours qui a été prononcé par le fieur
Pourfin de Grandchamp , Secrétaire du
Roi, Chevalier & Secrétaire perpétuel
dudit Ordre , Membre de l'Académie
royale de Caen , & de la Société d'Emulation
de Liége , le Duc d'Uzès a reçu
Chevalier , au nom du Roi , le fieur
Couture ; enfuite' tous les Chevaliers , le
Duc d'Uzès à leur tête , fe font rendus
proceffionnellement en l'églife dudit
Couvent , & ont affifté à la meffe de
Requiem pour leurs Confrères décédés.
Par des lettres de Bayonne , du 15 novembre
, on a appris les particularités
fuivantes :
« Le 11 du courant , entre 4 & 5 heures du
» matin , notre rivière groffit tout d'un coup ,
» au point que l'eau monta fur le quai ; cepen-
» dant comme il ceffa de pleuvoir , nous en fûmes
quittes pour la peur & pour les frais de déplacement
de nos ma chandifes , que nous avions tranf
» portées de nos magafine à l'entrefol ; mais il
» n'en a pas été de même au bas de la rivière
» où la violence des courans a fait de grands ra
» vages : 23 bâtimens, quoique bien amarés de la
."9
2
( 87 )
"
»
» veille , ont été entraînés , & jetés dans divers
» endroits jufqu'à Portugalette. La plus grande
partie de ces bâtimens a été fort endommagée ;
» un navire & une frégate fe font ouverts : l'un étoit
chargé de morue de Norwége , & l'autre étoit
» fur fonleft ; unnavire de 120 tonneaux , n'ayant
» heureusement à bord ni monde , ni marchandifes
, a été entraîné jufqu'au - delà de la barre ,
" cù on l'a vu s'engloutir ; deux gabares , char-
" gées de 108 balles de laine ont auffi été
emportées au- delà de la barre , & ont difparu .
Quelques balles de leurs cargaifons , jetées fur
» la côte , font préfumer qu'elles ont fait nau-
» frage. Nombre d'autres gabares fe font brifées
» & perdues. Il manque fept hommes , dont deux
» Anglois & cinq Suédois : nombre d'autres font
» eftropiés. »
"
ב כ
"
Parmi les perfonnes qui ont montré
dans les campagnes le plus de zèle &
d'intelligence à fournir des travaux aux.
payfans pendant l'hiver , on a remarqué
dans le Diocèfe de Beauvais, M. Battaille ,
Chanoine régulier de l'ordre des Prémontrés
, & Prieur-Curé de Monceaux
près de Pont-Sainte - Maxence.
« La Seigneurie du lieu eft unie du bénéfice
& en fait partie , ce qui agrandit les facilités du
» Prieur-Curé à procurerdes fecours à fes Paroif
fiens. Pour prévenir le retour de la difette de
" bois qui fe fit fentir en 1784 , M. Battaille a
fait à fes va faux des conceffions de terrains in-
» cultes qu'ils ont planté en bois , fous les yeux ;
» avecles divers encouragemens qu'il leur a donnés ,
» les plantations profpèrent , & l'on ne doute pas
» qu'il ne s'en élève d'autres encore fur les terrains
( 88 )
de la Paroiffe qui restent en friche , & que
» le bienfaifant Curé fe propofe de concéder,
" Cette conduite pourroit fervir d'exemple aux
"
Seigneurs de Paroiffes , aux propriétaires de
» grandes terres , dans l'étendue defquelles il fe
» trouve encore des terrains immenfes à défricher ,
» à planter en bois , ou à confacrer à d'autres cul-
» tures auffi utiles.
» Pour donner de l'émulation à fes Paroiffiens ,
» & animer leur courage ax défrichemens , le
» Curé de Monceaux leur annonça au commer-
» cement de l'hiver dernier , fon défir de les
» occuper d'une manière fructueufe , & offrit du
» travail aux gens de bonne volonté , avec une
» rétribution au- deffus du prix commun du pays.
» I eft parvenu ainfi , en occupant tous les ma
» nouvriers , à défcher & planter une étendue
» de terrain de 300 arpens , qui donne les plus
» grandes espérances . »
Il n'y a plus de pauvres dans la Paroiffe de
« Monceaux . L'attention furveillaste du Prieur
» Curé à entretenir la paix entre fes Paroiffiers ,
» a banni les procès , qui ruinent les gens de la
» campagne. »
L'Académie royale des Sciences a tenu,
le 15 de ce mois , fa Séance publique de
rentrée .
N'ayant reçu aucun Mémoire qui ait déterminé,
comme elle le défiroit , l'effet qu'une lame circulaire
produiroit fur un vaiffeau , en fuppofant que
le prolongement de la quille pafferoit par le centre
de la lame, elle a renoncé à ce fujet , pour lequel
elle avoit propofé un prix extraordinaire.
Le grand nombre de pièces qui lui ont été envoyées
fur les moyens de perfectionner la pompe
Notre-Dame , & leur étendue , exigeant du
( 89 )
temps pour les examiner , l'Académie ne procła
mera fon jugement que dans fon affemblée publique
d'après Pâques prochain ; elle ne recevra
aucune pièce nouvelle , rais feulement des additions
à celles déja envoyées. Elle a remis auffi
à l'année 1791 , le prix pour la compofition du
Flintglas ; le prix fera de 12,000 liv.
>
M. Meffier , Aftronome de la Marine , & de l'Académie
royale des Sciences , a découvert de l'Obfervatoire
de la Marine , le 26 de ce mois
à une heure du matin , une nouvelle Comète ;
elle paroiffoit dans la conftellation de la Grande-
Ourfe , près de l'étoile Pfi: on la voyoit trèsbien
avec les lunettes ; à la fimp'e vue , elle n'étoit
pas encore vifible : le noyau de cette Comète eft
brillant , environné de nébulofité , avec une queue
de deux à trois degrés d'étendue , mais d'une lumière
très- faible. A une heure 39 minutes du matin.
fon afcenfion droite étoit de 166 degrés 46 minutes
, & fa déclinaifon de 47 degrés 29 minutes
boréale. A 2 heures 58 minutes , fon afcenfion .
droite avoit diminué d'une minute 30 fecondes,
& fa déclinaifon avoit augmenté de 14 minutes
30 feconde . L'on voit , par ces obfervations ,
que cette Comète ne fe couche point , qua fin
mouvement , en afcenfion droite , eft très - lent ,
& qu'il augmente beaucoup en déclinaiton , en
s'élevant vers le pole boréale .
L'Académie de Montauban diftribuera le 25
août 179 ;
1º . Ua prix d'éloquence de la valeur de 250 1. ,
dont le fujet fera : L'Eloge de Jean de la Valette-
Parifot , Grand-Maître de l'Ordre de Malte ;
2. Un pix de pareille valeur , deftiné à un
Difcours en vers fur le caractère diftinctif& les rapports
de l'Eloquence & de la Poifie;
3. Un prix de la valeur de 300l . qui doit être
( 90 )
adjugé au meilleur Mémoire fur la nature & les
différentes espèces de mines exploitables dans la Haute-
Guienne ; fur le degré d'intérêt & d'encouragement
qu'il convient d'accorder à leurs exploitations ; &
fur les moyens de faire valoir avantageufement quelques-
unes de ces mines , fans nuire à la valeur de certaines
productions territoriales.
Les Ouvrages pour le concours feront adreffés
francs de port , à M. l'Abbé Teulières , Secrétaire
perpétuel , rue du Temple , par tout le mois de
mai prochain. Ce terme eft de rigueur.
1
M. Ponce, Graveur ordinaire de M. Comte d'Artois
, & de plufieurs Académies , vient de publier
le quatrième Cahier , ou les 10 , 11 , 12 ,
& partie de la 13e livraifons de la Collection des
Illuftre - François , &c. que nous avons annoncé
précédemment , avec les éloges dus à l'Artifte
diftingué, Auteur de cette entrep ife . Ce 4º Cahier
in-folio eft du prix de 10 liv. , & comprend fept .
Eftampes , celle , extre autres , très- reffemblante
de M. le Comte de Buffon. Les Estampes font
des tableaux , compofés d'un portrait encadré dans
les fujets relatifs au Perfonnage repréſenté . Cette
Collection , très- digne du burn de M. Ponce , eft
exécutée avec beaucoup de goût , & enrichie de
notices hiftoriques écrites avec élégance , &
compofées avec exactitude. Chaque Fftampe fe
vendra féparément 36 f. , trois mois après la Livraifon
de chaque Calier. Chez l'Auteur
Sainte-Hyacinthe , n°. 19.
rue
Pierre- Otthon de Retz - Pelamourgue - Ma'c
vielle , des Seigneurs de Chanclos , Vicaire- général
du diocèfe de Mende , Archidiacre au Chapitre de
Mende , eft mort dernièrement dans cette ville ,
d'une attaque d'apoplexie. Il de cendoit de la bran
che de Retz- Breffollet , Seigneur de Cheminades ,
éteinte dans la maifon de Barentin Montchal ;
( 91 )
lefquelles branches defcendent également de l'ancienne
maifon de Budos , Vicomte des Portes- Bera.
trand , par Jeanne de Budos , tante de Charlot
Marguerite de Montmorency , mère du Grand-
Condé.
Pierre- Hippolyte de Beauvilliers , Marquis
de Saint- Aignan , Vice-Amiral , Commandeur
de l'Ordre royal & militaire de
Saint-Louis , eft mort à Paris , le de
ce mois.
Pierre- Gabriel , Vicomte de Buffevent ,
Sous-Lieutenant des Gardes- du - Corps du
Roi , Seigneur de Flevins , Petilliers
Barnay , &c. eft mort à Paris , le 23
novembre.
François- Bruno Barandier de la Chauf
fée d'Eu , Comte de la Chauffée , eft
mort , à Château-Thierry , le premier de
ce mois.
Elifabeth-Pérette- Dominique-Thérèſe de
Neufville , époufe de Jofeph -Paul-François
Defclaux Mefplez , premier Baron & Syn.
dic-général d'Epée de Béarn , eft morte,
à Paris , le 26 novembre.
LA
PAYS - BAS.
De Bruxelles , le 7 Décembre 1788 .
La Réponse de la Diète de Pologne à la
Note de l'Ambaffadeur de Ruffie , a été
arrêtée & lue dans la 18. Séance ; en voici
la teneur :
« Par ordre exprès du Roi & des Etats- Confédérés
de la Diète actuelle , les Souffignés ont
( 92 )
» l'honneur de remettre à M. le Comte de Stackelberg
, Ambaffadeur- Extraordinaire & Plénipoter
» tiaire de S. M. l'Impératrice de toutes les Ruffies ,
» la réponſe concernant la Note remife le cinq
» de ce mois. Cette Note , qui a été lue aux
» Etats affemblés , le lendemain fix , paroît con-
" tenir trois Points différens : « 1 ° . Le reproche
d'une infraction à la Conflitution de 1776. 2°. La
fuppofition de plufieurs projets tendans à bouleverfer
entièrement le Gouvernement de la République. 3 ° . Une
déclaration preffante de s'oppofer aumoindre changement
de la Conſtitution. » Chacun de ces articles a fixé
» l'attention des Etats aflemblés , & a amené la
» Réponſe.
» A l'egard du premier Article : Sile reproche
» d'une infraction faite par les Etats de la République
à la Conſtitution de 1776 ( qui n'a
» rien de commun avec l'acte de garantie de 1775 )
» eft fondé fur la réfolution prife par la Répu
""
blique pour rétablir la Commiffion Militaire ,
" les Etats affemblés font obferver que la Dière ,
» indépendante dans fa Souveraineté, comme tout
n autre pouvoir législatif , lorfqu'elle fait de nou-
» velles loix , lorfqu'elle en rétablit ou abroge
» d'anciennes , ne peut jamais être dans le cas de
les enf cindre. L'expreffion d'i fraction aux loix
nationales , inappliquable à la Diète , qi , par fa
» nature , eſt au -dellus des loix mêmes , ne faaroit
» convenir qu'à ceux qui lui font fubordonnés &
» qui ofent fui défobéir.
Quant aufecond Article ; L'inquiétude que l'on
n témoigne en fe repréfentant le renversement
» total du Gouvernement de la République , fupe
» pofe des projets qui tendent à ce but , & qui ont
" été agités par les Etats affemblés .. 1
" Rien ne fauroit tranquillifer davantage cette
" inquiétude , que l'affertion qu'un projet ne peut
( 93 )
?
» être regardé effectivement comme tel , ` s'il n'
n'a
» été lu dans les Seffions de la Diète , & mis
» en délibération ; & qu'il ne s'eft préfenté aux
" Etats affemblés aucun projet de certe nature &
» fous ette forme. Si l'inquiétude annoncée part
» de l'opinion générale dans la Nation d'une Dière
» permanente , l'effence du Gouvernement de la
» Pologne , libre , indépendant , & confiftant dans
» l'Union des trois Ordres , exempre cette opinion
» de tout reproche d'un renversement total du
» Gouvernement , puifque la durée du temps
» employé à la tenue des Dières , feroit le feul
objet d'une innovation .
" Quant autroisième Article : Si quelques chan-
" gemens à la Conftitution de 1775 devenoient
» néceffaires au bien du Gouvernement , les Etats
affemblés , qui ne ceffent d'avoir la plus haute
» opinion de la magnanimité & des intentions
» amicales de S. M. l'Impératrice , fcnt perfuadés
» d'avance , quecette AugufteSouveraine regarderoit
» avec un plaifir nouveau l'existence plusparfaite de
" la République. Dans cette perfuafion , il femble
aux Etats de la République , que les Négociations
avec Sa Majesté l'Impératrice & les Cours
» vo fines , foient le plus fûr moyen de parvenir
" à ce but. Les expreffiors inattendues de la
Note ont excité la fenfibilité de la Nation ,
» Tous fis voeux éloignent l'idee que Sa Majefté
veut renoncer un jour à l'amitié quu''Elle lui a
» vouée ; fi ce jour pouvoit arriver , il feroit pour
» la République celui d'une affliction générale..
Signé , MALACHOWSKI. SAPIEHA. »
Le Prince de Radziwill vient d'off ir à
la Nation 1,600 hommes , levés , équipés
& payés pour trois mois à fes dépens , 30
canons , & un contingen: annuel confide(
94 )
rable pour la Subvention militaire . Outré
fes impofitions ordinaires , le Grand-Duché
de Lithuanie a promis un Don-Gratuit de
fix cent mille florins.
GAZETTE ABRÉGÉE DES TRIBUNAUX .
PARLEMENT DE Toulouse , secondE CHAMBRE
DES ENQUÊTES .
Un Notaire eft- il tena de fe défaifir des Minutes de
fes Actes , & de les envoyer à un Greffe éloigné
de 30 lieues de fa demeure , pour y fervir à vérifier
l'écriture&la fignature d'un billet contefté en
Juftice?
› Arrêt du Parlement de Toulouſe , du 20 août
1786 , qui ordonne , entre autres difpofitions , une
nouvelle vérification de l'écriture & de la fignature
appofée au bas d'un billet du 21 Mars 1782 , attrbué
à Philippe Ferrière , fur les pièces de comparaifon
remifes aux fept Experts qui avoient déjà
procédé , & fur toutes autres pièces que les Parties
conviendroient de remettre aux nouveaux Experts.
La demoiſelle Goudardvoulant exécuter
cet Arrêt , obtint , le 14 acût 1787 , une ordonnance
de la Cour , portant que Me Aures , Notaire
de Montpellier, remettra fous les peines de droit ,
& par corps , dans huitaine , au greffe civil de la
Cour , les regiftres dont il eft détempteur , & où
fe trouvent les actes admis pour pièces de compáraifon
, & fur lefquelles les premiers Experts
ont procédé devant le Sénéchal de Montpellier.
Cette ordonnace fut notifiée à Me Aures, avec
commandement d'y obéir ; il en fit part à fa com
munauté , qui prit une délibération qui l'autorifa
à former oppofition à l'ordonnance de la Cour ,
& en même-temps donna pouvoir à fes Syndics
d'intervenir dans l'incident , & à prendre fon fait
95 )
& caufe. Me Aures forma oppofition à l'ordonnance
, & demanda provifoirement qu'il fût furfis
à fon exécution. Les Syndics des Notaires de
Montpellier intervinrent dans l'affaire , & formerent
auffi oppofition à l'ordonnance de la Cour.
>
La caufe portée à l'audience , M Roucoule ,
Avocat de la demoiſelle Goudard , conc ut au
rejet de l'intervention ou aux démis des oppofitions.
Me Bragoufe , & c. Syndics des Notaires ,
& de Me Aures , conclut à ce que la communauté
fût reçue partie intervenante à la rétractation de.
P'Ordonnance attaquée , & à la décharge de la remife
des regiftres dont il s'agit , aux offres par ledit
Me Aures d'exhiber dans fon étude , à Montpellier,
à qui il appartiendroit , fefdits regiftres , lorfqu'il
en feroit requis. Me Dambra, Procureur du fieur
Ferrière , Négociant de Montpellier , héritier de
Philippe Ferrière , déclara ne prendre aucun intérêt
à l'incident. M. Corail de Sainte- Foi , Subftitut de
M. le ProcureurGénéral , qui porta la parole danscette
caufe , regarda l'intervention de la communauté
des Notaires comme fondée , & obferva à
la Cour que cette cominunauté étoit intéreſſée à
ce que Me Aures réufsît dans fon oppofition ; c'est
la première fois, difoit-il , que la question done
il s'agit a éré agitée , & fa décifion doit être une
loi pour tous les Notaires du reffort de la Cour.
Au fond M. Corail de Sainte- Foi penfa que
l'oppofition devoit être accueillie , indépendamment
de l'intérêt particulier de Me Aures, auquel
la privation de fes minutes , & le voyage pour
les accompagner pendant le cours d'une longue
procédure , pouvoient être très préjudiciables ;
que le Public fe trouvoit également intéreffé à
ce qu'un auffi grand nombre de minutes ne fuffent
pas déplacées ; que toutes les ordonnances défendoient
aux Notaires de s'en défaiſir ; que celle
-
( 96 )
.
de 1667 vouloit que les Experts- vérificateurs procédaffent
dans le lieu du dépôt pub ic qui renferme les
pièces de comparaifo .; que les Notaires du Châ
-telet de Paris avoient obtenu , le 20 acût 1673 ,
des Lettres - Pater tes regiftrées au Parlement de
Paris le 7 feptembre fuivant , qui , vu l'importance
de leurs fonctions , les difpenfoient de tranf-
-porter leurs minutes hors du Châtele ou du Palais
à Paris , même quand il s'agiroit d'une infcription
de faux pendante devant un autre Parlement : que
les Arrêts de réglement de la Cour ordonnoient
qu'après le décès des Notaires , leurs minutes ref
teroient chez un Notaire du lieu où ils demeu
roient ; qu'elles appartenoient plus particulièrement
aux habitans de ce lien ; que ces habitans
pouvoient en avoir befoin à tout inftant , & fure,
tout de celles qui concernoient les difpofitions de
dernière volonté. Que dans un voyage de trente
lieues , des minutes pouvoient fe perdre , être erlevées
, périr par quelque accident ; enfin M.
Corail de Sainte- Foi obferva à la Cour que l'Or
donnance du mois de juillet 1737, concernant le
faux , titre 1 , article 16 , après avoir ordonné l'ap
port des pièces de comparafon au greffe du Juge ,
laiffoit à la difpofition de pourvoir à la fûre é des
regiftres de baptêmes , mariages , fépultures &
autres , dont les dépofitaires auroient continuellement
befoin pour le fervice du Public. Arrêt
du 8 mars 1788 , qui , évoquant le foit montré en
furfis , rejette l'intervention de la communautédes
Notaires de Montpellier, & débove Me Aures
de fon oppofition , avec dépens envers toutes les
Parties.
ERRATApour le précédent No. , art. de Francfort.
Pour lavillede Hambourg, lifez Hombourg -Safines
de Manheim , lifez Mungheint.
JOURNAL
POLITIQUE
DE
BRUXELLES.
DANEMARCK.
De Copenhague, le 26 Novembre 1788.
Nos troupes font rentrées en Norwége ,
& notre efcadre dans nos ports : le Prince-
Royal & le Prince de Heffe
féjournent
encore à Chriftiania , d'où ils font attendusdans
cette capitale . On travaillera cet
hiver à une plus parfaite
réconciliation de
notre Cour avec celle de Stockholm ; mais
l'Impératrice de Ruffie parle , dit-on , de
diЯter la loi à celle- ci , & de refufer la -
médiation des Cours de Londres & de
Berlin . Si ce rapport eft fondé , il nous
prépare à de triftes évènemens , dans le
cas où nous
perfifterions dans notre
adhéſion aux plans de la Ruffie .
La dernière
Convention
d'Armistice
conclue , les de ce mois , entre le Roi de
Suède & le Prince de Heffe , nous eft
No. 51. 20 Décembre 1788.
( 98 )
parvenue depuis quelques jours , & confifte
dans les articles fuivans :
ART. I. La trève entre les forces de terre & de
mer de S. M. S. , & celles fous les ordres du Prince
de Heffe , fera , en vertu de la préfente , prolongée
pour fix mois , à dater de l'expiration de celle
qui fubfifte actuellement.
II. Pendant toute la durée de l'Armistice , il ne
fe commettra aucun acte d'hoftilité , ou de voie de
fait , de la part des forces de terre & de mer de Sa
Maj . Danoife , fous titre de forces atxiliaires, contre
les provinces Suédoifes , ou les Sujets Suédois , &
une réciprocité parfaite à cet égard , fera obſervée
par les forces de terre & de mer du Roi de Suède ,
pour les provinces & Sujets appartenans au Roi de
Danemarck.
III . S. A. S. le Prince de Heffe donnera les ordres les
plus ftricts , pour que , pendant la durée de la trève,
aucune perfonne , d'une capacité militaire Danoife,
ne paffe les frontières de la Norwége , à moins
d'y être autorifée par un paffe-port de l'Officier
civil ou militaire , auquel S. M. S aura confié
l'exercice de fon autorité fur la frontière ; demême
le Roi de Suède donnera les ordres les plus ftricts
pour que , pendant la durée de la trève , aucune
perfonne , d'une capacité militaire Suédoiſe , ne
paffe la frontière de la Suède pour aller on Norwége
, à moins d'y être autorifée par un paffe - port
de l'Officier civil ou militaire auquel S. M. D. aura
confié l'exécution de fon autorité fur les frontières.
IV. S. M. S. agréera
que les malades qui pourront
refter en Suède ,
après la fortie de l'armée
du Prince de Heffe , feront
traités avec tous les
gards dus à leur état ,
Ils feront à mes frais ,
ainfi que les corvées que
l'on pourroit demander
pour eux,
·
( 99 )
Оп
& que quelques Officiers
foient nommés par le
Prince de Helle pour
veiller fur eux , & diriger
leur marche de retour
en Norwége , dès
qu'ils feront en état d'y
être tranfportés . /
V. Tous les prifonniers
feront relâchés de
part & d'autre , auffi- tôt
que faire fe pourra,
1
VI. Toutes les hoftilités
ayant ceffé entre les
troupes de S. M. S. &
celles fous les ordres du
Prince de Heffe , & la
tranquillité étant aufh
rétablie par mer & par
terre , les deux
royaumes
de Suède & de Danemarck
feront cenfés être
dans la plus profonde
paix , tout le temps que
durera cette trève ; & en
cas qu'aucune des deux
hautes Parties contrac
tantes eût à l'avenir l'intention
de recommencer
les hoftilités à la fin de
cette trève , elle fera tenue
de donner un averuffement
40 jours d'avance
.
VII. Cet Armiſtice ;
Oui ; mais ils ne ferviront
dans cette guerre,
ni contre l'Impératrice
de Ruffie , ni contre fes
Alliés.
J'accepte cet Armifdans
tous les points , tice fous la garantie des
e ij
( 100 )
fera garanti par les Cours
de Pruffe & de Londres.
Fait à Udwala , le
5 novembre 1788 , à 9
heures du foir.
Cours médiatrices , en
qualité de Chef des
troupes auxiliaires cédées
par S. M. D. à la
difpofition de S.M. l'impératrice
de toutes les
Ruffies.
Signé , CHARLES , Prince de Heffe.
POLOGNE.
De Varfovie , le 23 Novembre.
Le projet de fe délivrer des Ruffes , de
leurs troupes , de leur influence , des loix
auxquelles ils affujétirent la Nation , à
bras armé , en 1775 , fe pourfuit maintenant
à découvert , tant il eft vrai que
l'ouvrage de la force & la foumiffion par
contrainte , quelle que foit la main ou le
Parti qui l'opère , n'a de durée que celle
des circonftances qui ont facilité l'emploi
des moyens violens . Perfonne n'a exprimé
cette vérité avec plus d'énergie que M.
Cracki , Nonce de Czernichow , dans la
Séance où l'on a arrêté la réponſe à l'Ambaffadeur
de Ruffie ; réponſe que nous
avons fait connoître la femaine dernière.
M. Czacki fit le tableau des violences
anciennes exercées par les Ruffes , de
l'appareil militaire fous lequel ils firent
gémir la Diète de 1768 , de l'enlèvement
de l'Evêque de Cracovie , exilé dans les
déferts de la Sibérie , de celui de l'Evêque
4
( 101 )
21
1
de Kiovie de plufieurs Sénateurs ou
Nonces , arrachés de leurs foyers au milieu
de Varfovie , en préſence des Etats
affemblés , des cruautés exercées contre
les Confédérés de Bar , du partage des
poffeffions de la République , de la légiflation
qu'on lui dicta en 1775. Il cenfura ,
avec des expreffions non moins fortes
les termes de la Note de M. de Stackelberg ,
injurieufes à une Nation indépendante.
Cependant , fur l'avis très - fage de l'Evêque
de Plocko , on décida de dreffer la réponſe
avec décence & modération , ce qui fut
éxécuté. Le furlendemain , on répandit
qu'un courrier de Pétersbourg avoit apporté
l'avis de la réfiftance qu'oppoſeroit
l'Impératrice à la Combinaiſon formée
contre fes intérêts , & que fon Miniftre
ne tarderoit pas à quitter Varfovie. Ces
rapports n'ont fait aucune impreffion ; il
eft aifé de s'en convaincre à la lecture du
Journal des Séances de la Diète.
Par une fuite de fon mécontentement ,
le Roi s'étant trouvé gravement indifpofé ,
les Etats ne furent point affemblés le 17 ,
le 18 & le 19. Dans la Séance du 20 ,
on continua le travail de la Commiffion
de guerre
; enfuite le Maréchal de la
Confédération annonça que M. de Bucholtz,
Envoyé Extraordinaire du Roi de
Pruffe , lui avoit remis une Note , & il
e 11)
( 102 )
chargea le Secrétaire de la Diète d'en
faire la lecture. La voici en entier ; il ne s'y
trouve pas une ligne qui ne mérite une
férieufe attention.
NOTE.
« Le Souffigné , Envoyé Extraordinaire de Sa
Majefté le Roi de Pruffe , ayant envoyé au Roi
fon maître la réponſe que S. M. le Roi & les
Etats confédérés de la Diète de Pologne , lui ont
donnée , le 20 d'octobre , fur fa déclaration du 12
de ce mois , fe trouve expreffément chargé de
témoigner aux Illuftres Etats de la Diète de Pologne
, la vive fatisfaction dont S. M. a été pénétrée
, en apprenant par cette réponíe , qu'ils
ont rendu juftice à fes fentimens d'amitié pour,
la République , & qu'ils ont bien voulu affurer
que le projet d'alliance entre la Ruffie & la Pologne
, QUE S. M. LE ROI DE POLOGNE ET SES
MINISTRES ONT PROPOSÉE A LA COUR DE
RUSSIE , felon l'affurance de cette Cour, ne fait,
point l'objet de l'acte d'Union de la Diète préfente
, qui ne s'occupoit que de l'augmentation des
impôts & du Militaire de la République. »
Le Roi trouvant dans cette réponse une
preuve auffi agréable que convaincante de la
fageffe qui dirige les délibérations des Etats de la
préfente Dière , a appris avec le même plaifir que
ces illuftres Etats , fidèles à leurs juftes principes, ont
réglé dans la féance du 3 de novembre , par une
fanction publique , revêtue de toutes les formalités ,
conftitutionnelles, le commandement de leurs forces
Militaires d'une manière qui , en affurant l'indépendance
de la République , en écarte la poflibilité d'abus
defpotique & d'influence étrangère , dont tout
autre arrangement auroit été fufceptible . ».
« S. M. croit pouvoir attendre de la prudence.
( 103 )
1 & de la fermeté éprouvée des Etats de la Diète ,
qu'ils ne fe laifferont pas détourner d'un arrangement
qui fait tant d'honneur à leur fage prévoyance
, par l'allégation ou la préſentation de
quelque garantie particulière des Conftitutions précédentes
, qui ne PEUT PAS EMPÊCHER LA RÉPUBLIQUE
D'AMÉLIORER LA FORME DE SON GOUVERNEMENT
, fur-tout après les abus fraichement
éprouvés ; garantie qui n'eft pas même conforme
aux ftipulations primitives des Traités de 1773 ,
fur lefquelles les garanties font fondées , n'ayant
été fignées dans la Diète de 1775 , que par la
feule Puiffance qui la réc'ame à préfent.
و د
« Le Roi n'en eft pas moins prêt & difpofé
à remplir envers la féréniffime République fes
engagemens d'alliance & de garantie générale , furtour
pour lui affurer fon indépendance , fans vouloir
d'ailleurs s'mmifcer da s fes affaires intérieures
, ni gêner la liberté de fes délibérations
& de fes réfolutions , laquelle il garantira plutôt
de fon mieux. »
« S. M. fe flatte que les illuftres Etats de la
préfente Diéte , fe tiendront fermement perfuadés
de la fincérité & de la pureté de fes aflarances
& de fes intentions amicales pour la République ,
fans fe laifier prévenir par des infinuations finiftres
, dictées par un efprit de partialité , quoique
couvert du voile du patriotisme , ni par des déclamations
odieufes de quelques particuliers , qui
ne refpectent ni la vérité , ni les égards dûs aux
morts & aux vivans , & qui n'ont pour but que
de détacher la République de la Cour de Pruffe ( 1 ) ,
fa plus ancienne alliée , qui lui a quelquefois été
utile , & QUI DU MOINS NE LUI EST PAS A
CHARGE. »
(1) Aliufion au Difcours du Primat, fière du Roi
e iv
( 102 )
chargea le Secrétaire de la Diète d'en
faire la lecture. La voici en entier ; il ne s'y
trouve pas une ligne qui ne mérite une
férieufe attention.
NOTE.
« Le Souffigné , Envoyé Extraordinaire de Sa
Majefté le Roi de Pruffe , ayant envoyé au Roi
fon maître la réponſe que S. M. le Roi & les
Etats confédérés de la Diète de Pologne , lui ont
donnée , le 20 d'octobre , fur fa déclaration du 12
de ce mois , fe trouve expreffément chargé de
témoigner aux Illuftres Etats de la Diète de Pologne
, la vive fatisfaction dont S. M. a été pénétrée
, en apprenant par cette réponſe , qu'ils
ont rendu juftice à fes fentimens d'amitié pour,
la République , & qu'ils ont bien voulu affurer
que le projet d'alliance entre la Ruffie & la Pologne
, QUE S. M. LE ROI DE POLOGNE ET SES
MINISTRES ONT PROPOSÉE A LA COur de
RUSSIE , felon l'affurance de cette Cour , ne fait,
point l'objet de l'acte d'Union de la Dière préfente
, qui ne s'occupoit que de l'augmentation des
impôts & du Militaire de la République. »
Le Roi trouvant dans cette réponse une
preuve auffi agréable que convaincante de la
fageffe qui dirige les délibérations des Etats de la
préfente Diète , a appris avec le même plaifir que
ces illuftres Etats, fidèles à leurs juftes principes, ont
réglé dans la féance du 3 de novembre , par une
fanction publique , revêtue de toutes les formalités
conftitutionnelles, le commandement de leurs forces
Militaires d'une manière qui , en affurant l'indépendance
de la République , en écarte la poffibilité d'abus
defpotique & d'influence étrangère , dont tout
autre arrangement auroit été fufceptible.
)).
« S. M. croit pouvoir attendre de la prudence
( 103 )
& de la fermeté éprouvée des Etats de la Diète ,
qu'ils ne fe laifferont pas détourner d'un arrangement
qui fait tant d'honneur à leur fage prévoyance
, par l'allégation ou la préfentation de
quelque garantie particulière des Conftitutions précédentes
, qui ne PEUT PAS EMPÊCHER LA RÉPUBLIQUE
D'AMÉLIORER la forme de son Gou-
VERNEMENT , fur-tout après les abus fraichement
éprouvés ; garantie qui n'eft pas même conforme
aux ftipulations primitives des Traités de 1773 ,
fur lefquelles les garanties font fondées , n'ayant
été fignées dans la Diète de 1775 , que par la
feule Puiffance qui la réc'ame à préfent.
>>
« Le Roi n'en eft pas moins prêt & difpofé
à remplir envers la féréniffime République fes
engagemens d'alliance & de garantie générale , furtour
pour lui affurer fon indépendance , fans vouloir
d'ailleurs s'immifcer das fes affaires intérieures
, ni gêner la liberté de fes délibérations
& de fes réfolutions , laquelle il garantira plutôt
de fon mieux . »
« S. M. fe flatte que les illuftres Etats de la
préfente Diete , fe tiendront fermement perfuadés
de la fincérité & de la pureté de fes affurances
& de fes intentions amicales pour la République ,
fans fe laifier prévenir par des infinuations finiftres
, dictées par un efprit de partialité , quoique
couvert du voile du patriotifme , ni par des déciamations
odieufes de quelques particuliers , qui
ne refpectent ni la vérité , ni les égards dûs aux
morts & aux vivans , & qui n'ont pour but que
de détacher la République de la Cour de Pruffe ( 1 ) ,
fa plus ancienne alliée , qui lui a quelquefois été
utile , & QUI DU MOINS NE LUI EST PAS A
CHARGE. »
(1) Allufion âu Dilcouts du Primat, fière du Roi
e iv
( 104 )
" Le Roi croitavoir donné , par fa déclaration
du 12 d'octobre , & par celle qui a été faite en
dernier lieu au Miniftre de la Cour de Ruffie à
Berlin , des preuves non équivoques de fes fentimens
pour la sûreté & le bien - être de la République
, fans redouter aucunes autres confidéraions
d'ailleurs importantes , & S. M. efpère par
conféquent que les Etats confédérés de la République
, accueilleront cette nouvelle déclaration
avec cette attention & cette déférence qu'elle
mérite , par les fentimens de la plus pure & fincère
amitié , & du bon voifinage qui l'ont dictée ,
& par les vues non douteufes pour le bonhear
de la Pologne , qu'elle doit manifefter aux Mem-
Les noa privenús de la Diète . »
tait à Varfovie , ce 19 novembre 1788.
LOUIS DE BUCHOLTZ.
Après la leure de cette Note , M.
Potocki , Nonce de Podlachie , demanda
qu'elle fûtcommuniquée à M. le Comte de
Stackelberg , Ambaffadeur de Ruffie ; mais
il ne put appuyer fur cette propofition ,
parce que Sa Majefté ayant appelé à Elle
fon Miniftère , renvoya la Séance au
lendemain.
Le travail du 20 , fur la Commiffion
de Guerre , fut arrêté fur le point fuivant :
Que les Membres de la Commiffion devoient
être élus à chaque Diète , tout
de fuite après la jonction des Chambres .
Un Sénateur repréfenta que le Confeil-
Permanent avoit déja le privilége d'être
élu tout de fuite après les Chambres affemblées
, & que l'existence de ce Confeil
( 105 )
étant mife au nombre des lois cardinales
de la Pologne , on ne pouvoit aller aux
voix fer aucune propofition qui léfât fes
droits . Mais le difcours du Sénateur fut dé .
favorablement accueilli , parce que la
Nation refufe de regarder comme lois
cardinales , celles qui ont été di&ées par
les armées Ruffes , en 1775. L'un des
Miniftres propofa enfuite , qu'avant de
renverser une Conftitution garantie par
la Cour de Ruffie , on effayât la voie de
la négociation , pour voir fi elle n'y renonceroit
pas d'elle - même. Cette propofition
ne trouva pas plus de faveur que
l'autre , par la raison que la Nation ne
croit point que la voie de la négociation
foit propofable , dans toutes les chofes qui
ont rapport au Gouvernement intérieur
de la République. Là deffus Sa Majesté
appela fon Ministère , & renvoya la Séance
au lendemain. Mais les efprits étoient fort
échauffés ; l'on entendit plufieurs voix
qui invitoient à reprendre fes places , &
à continuer la Séance comme fi Sa Majefté
étoit préfente. Cette efpèce d'émeute
fut appaifée par un diſcours plein
de fageffe du Prince Sapieha, Maréchal
de la Confédération pour le Grand- Duché
de Lithuanie.
Le 22 , l'on a été aux voix fur la propofition
de la veille , & la pluralité a
e v
( 106 )
décidé que l'élection des Membres de
la Commiffion fe feroit tout de fuite
après la jonction des Chambres.
Le projet d'envoyer des Miniftres à
plufieurs Cours Etrangères , a paffé par
acclamation. Le fort du Confeil Permanent
, créé , les armes à la main , en 1775 ,
& accufé d'un dévouement abfolu à la
Ruffie , eft très -précaire , & les Patriotes
en demandent hautement la fuppreffion .
Le Parti Pruffien augmente de jour en
jour ; les plaintes journalières qui arrivent
des provinces méridionales contre les
troupes Ruffes , contribuent puiffamment
a groffir le nombre des coeurs ulcérés ..
On affure que les Maréchaux Potemkin
& Romanzoffont en route pour Péterfbourg;
le premier a laiffé au Prince Repnin
le commandement de l'armée près d'Oczakof
, & l'autre au Comte Soltikof
celui de fon Corps d'armée.
ALLEMAGNE.
De Berlin , le 30 Novembre.
Un
Le Roi eft arrivé ici de Potſdam le 25 ;
S. M. occupe les nouveaux appartemens
qu'on lui a préparés au château .
jordre du Cabinet,du 20 de ce mois,rétabliť
accife fur la farine ; mais pour rendre ce
( 107 )
droit moins onéreux , on l'a diminué de moitié
de fon ancien taux , & l'on a propofé l'autre
moitié de fon ancien produit fur le tabac
& le café. On paiera en conféquence
pour chaque fcheffel de farine de feigle
& d'orge, un grofchen ; pour chaque livre,
de café 2 grofchens & 2 pfen .; pour chaque
quintal de tabac national en feuilles , un
droit additionnel de 12 grofchens ; & pour
chaque livre de tabac en feuilles venant
de l'étranger , un droit additionnel de 8.
pfennings.
S. M. a donné le grand Ordre de l'Aigle-
Noir au Landgrave régnant de Hefe - Hombourg.
Les Employés aux charrois , au Commiffariat
de campagne , aux hôpitaux &
aux boulangeries , ont été affermentés la
femaine dernière. Une partie s'est déja
mile en route pour la Pruffe occidentale ;
les autres les fuivront inceffamment. Il
eft queftion d'affembler une feconde armée
dans la Siléfie .
« Les préparatifs de guerre , écrit-on
de Koenigsberg , deviennent ici très férieux.
Le 13 , il arriva une eftafette de
Berlin ; immédiatement après on expédia
les ordres néceffaires pour le rappel des
Soldats abfens par congé . On vifita auffi
les chevaux que l'on avoit marqués pour
le fervice de l'Artillerie . On attend acx
e vj
( 108 )
tuellement les derniers ordres pour la
marche des troupes fur la frontière de
Pologne .
De Vienne , le 30 Novembre.
Tout eft préparé au château pour la réception
de l'Empereur ; mais on ne fait
encore précisément quand S. M. arrivera
. Ce retour , fuivant quelques-uns ,
n'aura pas lieu avant le 14 du mois prochain.
Le Maréchal de Laudhon eft auffi
attendu à cette époque .
Le Maréchal de Lafcy & le Comte de
Pellegrini font revenus de l'armée en cette
réfidence ; le premier incognito , & s'étant
rendu immédiatement à fa maifon de cam .
pagne L'Artillerie hivernera à Bude , fous
les ordres du Général Baron de Rouvroy.
Les craintes du public fur l'accroiffement
futur des contributions que les dépenfes
énormes de la guerre rendent indiſpenfables
, font aujourd'hui juftifiées . La nouvelle
patente du Gouvernement concernant
les impofitions , a paru le 24. 1 ° .
Tous les Seigneurs & autres perfonnes
qui ont des terres , outre la contribution
ordinaire , payeront 60 pour cent ( 1 ) ;
(1 ) Il eft permis de foupçonner quelque erreur
d'impreffion dans la quotité de ces taxes. Comment
, outre les impôts ordinaires , les Seigneurs
payeroient- ils 60 pour 100 de leur reventi ? Aucune
propriété ne pourroit réfifter à ce fardeau.
( 109 )
20. tous les payfans poffeffeurs de fonds
30 pour cent ; 30. les Employés au fervice
du Gouvernement , excepté les Militaires
, 12 , outre 10 pour cent qu'ils
continueront à payer ; 4. les Banquiers ,
Marchands de toute efpèce , Avocats.
Agens , Notaires , Adminiftrateurs des
biens , Officiers de maifons, &c . , payeront
également 12 pour cent ; 5 ° . toutes les
perfonnes qui , à quelque titre que ce
foit , font exemptes d'impôts , doivent
être foumiles à la contribution fufdite ,
& rangées dans la claffe à laquelle elles
feront jugées appartenir. Ceux qui , fraudulufement
, chercheront à fe fouftraire
à cette charge publique , feront obligés de
payer quatre fois leur contingent , s'ils
viennent à être découverts. Il n'y a que
les domeftiques de livrée , & ceux dont
les revenus ou gages font au- deffous de
cent florins , qui ne porteront point cet
énorme fardeau .
Pour encourager les raffineries de fucre nationales
, un décret de la Cour établit , à compter du
premier janvier prochain , les droits d'entrée fuivans
fur les fucres étrangers ; favoir , 16 florins &
34 creuzers par quintal de fucre candi blanc &
brun ; 15 florins par quintal de fucre raffiné , fans
papier ; 14 florins & 30 creuzers par quintal de
facre raffiné , avec papier & corde ; & 13 florins
27 creuzers par quintal de fucre en farine.
Le 22 , entre 1 h . & midi , on reffentit à
I
( 110 )
-
Bude & à Effeg plufieurs fecouffes de
tremblement de terre. - Depuis le 15 , il
eft tombé beaucoup de neige à Gradiska
& aux environs. La garaifon de Gradiska-
Turc eft de 3 à 400 hommes.
L'état de répartition générale de nos
troupes , pendant l'hiver , offre le tableaut
fuivant :
I
« Dans la Moldavie. Généraux : Prince de
Cobourg ,, Splény , Barchizki , Jordis , Fabry ,
Filo , Schmerzing. Troupes : Bataillons de garnifon
, I de Kaunitz , 1 de W. Colloredo , 1 d'Empereur
, de Scroëder , 1 de Khevenhuller, 1
de Mitrowski , 1 de chaffeurs de Tofcane , I de
Pellegrini , 2 du premier régiment de garnifon
les dragons de Lowenshr , & les huffards d'Empereur
& de Barco. »

a Dans la Tranfylvanie. Généraux : Fabris ,
Rall , Bruglach , Plefferkorn , Ezenberg , Stader.
Troupes : 2 régimens de Szeklers , 2 régimens de
Valaques , 3 bataillons de Splény , 3. d'Orocz ,
1 de Langlois , les huffards Szeklers , les huffards
de Tofcane , les dragons de Savoie , & les cuiraffiers
d'Anfpak. "
"
War-
« Dans le Bannat. Généraux
: Clairfait , tenfleben
Hohenohe
, Zefchurz
, Beniorski , Vecfai , Harrach , Alton , Reil , Lilien le jeune , Wenkheim
l'aîné , Starai. Troupes : 2 régimens de frontières
, 1 bataillon
de garnifon
de Devins , I d'Alvinzi
, i d'Efterhazy
, 2 de campagne
de Caroli , 2 de Palfi , 2 d'Alvinzi
, 2 de Devins ,
de Durlach ,
z de Reiski , 2 de Latterman
2 i de Langlois
, 1 d'Eſtein , 1 de Brechainville 1 de Wolffenbutel
, I de Pallavicini
, les dragons de Wirtenberg
, les cuiraffiers
de Kavanagh
& d'Arrach
, les huflards d'Erdodi
, 2 diviſions
de
( 111 )
huffards de Græven , & 3 de Wurmfer. N. B. une
partie de ces troupes fe rendra dans la Hongrie,
du côté des Carpathes , & dans la Gallicie. »
Divifion de l'armée principale.
« Dans la Sirmie. Généraux : Brown , Alvinzi ,
Wirtenberg , Stuart , Strafoldo , Waldek , Magdebourg.
Troupes : 10 bataillons de grenadiers ,
2 d'Archiduc-Ferdinand , 2 d'Antoine Efterhazy ,"
2 de Sam. Giulay , les dragons de Lobkowiz ,
2 divifions de huffards de Wurmfer , les volontaires
de Servie , les chaffeurs de Zinzendorf , &
les mariniers ou czaïks. »
« Seconde divifion en Hongrie jufqu'à Bude.
Généraux Kinky , Gemmingen , Colloredo ,
Neugebkuer , Brechainville , Tige , Blankenftein ,
Urfel , Phil . Kinsky , Wenkheim le jeune , Lilien
l'aîné , Hartencourt , Kavanagh. Troupes : 2 bataillons
de Caprara , z de la Tour , 2 de Nadafdi
, 2 d'Alton , 2 de Neugebkuer , 2 de Ferd.
de Tofcane , 2 de Pellegrini , les régimens de ca
valerie de Schakamin , de Caramelli , de Zefchniz ,.
de Naffau , de Grand-Duc de Tofcane , de Jof.
de Tofcane. n
« Troifième divifion depuis Budejufqu'à Presbourg.
Généraux : Laudhon , Devins , Mitrowsky ,
Wallisſch , Klebec , Schlaun , Kaerschmitt , Schmaker
, Schindeer , Brentano , Bubenhofen . Troupes:
2 bataillons de Lafcy , i d'Empereur , I de Laudhon
, 2 de Wartenfleben ; en Autriche , 2 de Bretano
; dans la Croatie & l'Esclavonie , 22 bataillons
de troupes de frontières , 8 bataillons de régimens
de garnifon , 9 bataillons de régimens de campagne
; les dragons de Kinoki , les dragons de
Waldek , les cuiraffiers de Czatorisky , & 2 divifions
de huffards de Græven . »
( 112 )
De Francfort fur le Mein , le 6 Décemb.
Le courrier d'Hermanftadt , qui a remporté
pendant l'été au moins douze victoires
complettes fur les Turcs , en avoit
annoncé une nouvelle de M. de Romanzoffur
l'Hofpodar de Moldavie & Ibrahim
Pacha combinés ; tous les magafins pris , un
tiers de l'armée tué , un autre tiers prifonnier
, &c. Quoique ce grand évènement
fût rapporté fans date , ni fans lieu d'action ,
il n'en fut pas moins copié par la Gazette
de Prague & par la pluralité des Gazettes.
Le fait eft qu'il n'y a eu ni combat , ni apparence
de combat , comme on en jugera
par la lettre authentique de Vienne que
voici:
» L'entrée du Maréchal de Romanzofen Valachie,
dont on s'étoit plu à nous entretenir depuis le mois
de ſeptembre dernier , c'eft-à-dire , depuis que ce
Maréchal avoit quitté les bords du Niefter pour
opérer une diverfion en faveur de la maifon d'Au
triche , n'a point eu lieu , comme on le fait aujour
d'hui . Après avoir confervé pendant 6 à 7 femaines
la même pofition devant Jafly , fans avoir fait avec
fa petite armée un feul pas en avant , quoique les
Turcs & les Tartares fe fuffent trouvés vis - à-vis de
lui , il étoit occupé au commencement de ce mois ,
comme on vient de l'app endre , à faire des difpofitions
pour abandonner cette pofition , & prendre
à Jaffy fes quartiers d'hiver , avec la plus grande
partie de fes troupes , en diftribuant le refte dans
les environs de cette dernière ville. A l'époque du
( 113 )
4 novembre on n'avoit eu à Jaffy d'autres nouvelles
des Turcs & des Tartares , que celles qui y
étoient arrivées quelques femaines auparavant , fa
voir , qu'ils s'étoient tous retirés à Ifmaïl fur le Danube
, & que la plupart avoient même déja paffé ce
fleuve . Les opérations du Général Comte deSoltikow
étoient également arrêtées par la faifon trop avancée
, qui ne lui permettoit pas de rien entreprendre
contre Bender, cette place étant d'ailleurs défendue
par une forte garniſon , & n'ayant rien à craindre
dans la faifon actuelle. Du refte, ce n'eft qu'aux difficultés
invincibles que le Maréchal de Romanzof
éprouvoit pour fe pourvoir de vivres & des foutragesnéceffaires,
qu'on doit attribuer fon long séjour
près de Jaffy. La Podolie lui en fourniffoit , à la vérité
, quoiqu'en petite quantité, & avec la plus grande
répugnance de la part des habitans de cette province
, attendu qu'au lieu d'argent comptant , les commiffaires
Ruffes ne les paient qu'en papier , fur lequel
il faut perdre , pour le réalifer , au-delà de
15 pour cent ; de manière que quoique le Maréchal
ne fe laffât pas de demander des vivres aux
Commiffaires de fa Cour , il n'étoit guère poffible
à ceux-ci de lui en procurer , vu les obftacles
qu'ils rencontroient eux-mêmes à pouvoir le
fatisfaire. On voit par- là que fi jamais le feu de
la guerre éclatoit en Pologne , les divers corps
Ruffes trouveroient de grands avantages en s'établiffant
en Wolhinie & en Ukraine , où la fertilité
du fel fournircit abondamment à leurs befoins
fur-tout dans un temps où le manque
prefque total de numéraire les met dans le plus
grand embarras ; mais il n'eft pas probable qu'on
leur en laiffe le pouvoir fans combattre. »
,
On apprend de Kirckheim - Poland ,
que le Prince régnant de Naffau- Weilbourg,
Charles Chrétien , Général-Feld-Maréchal
( 114 )
du cercle du Haut- Rhin , y eft mort , le 28
novembre , dans la 54. année de fon âge,
d'une attaque d'apoplexie .
GRANDE - BRETAGNE.
De Londres , le 9 Décembre.
Depuis que le Roi a été transféré à
Kew , les bulletins de fa maladie different
très- peu des précédens , & n'annoncent ni
amélioration fentible , ni aggravation dans
l'état de S. M. Ces notices d'étiquette ,
font trop circonfpectes pour donner au
cune lumière fatisfaifante ; mais ce n'eft
point la faute des Gazettes fi nous ne
fommes pas mieux éclairés. La maladie.
du Roi , regardée par la Nation comme
une calamité publique , eft un texte de
défi pour l'efprit de parti , dont les trompettes
journalières fonrent la charge en
tons oppofés , fuivant l'intérêt de chaque
cabale . Aujourd'hui , cependant , les prin
cipaux doutes font levés , par la déclaration
affermentée que cinq Médecins
du Roi ont faire devant le Confeil Privé,
qui s'eft affemblé , le 3 , à Whitehall. Tous
fes Membres , de différens partis , avoient
été formés de s'y rendre, & s'y font
réunis au nombre de 54. ( La lifte officielle
de ce Confeil comprend en ce moment
( 115
120 perfonnes ) . Les Médecins furent mandés
& interrogés féparément : quelques
papiers ont attribué à Milord Stormont
une oppofition à la forme de ces interregatoires
; mais , comme le Confeil - Privé
fiége fous le ferment du fecret , il eft peu
à croire qu'aucun Membre l'ait violé , pour
fatisfaire la curiofité du Morning Herald
ou du Général Advertiſer.
Par fuite de fon dernier ajournement ,
le Parlement s'étant raffemblé le 4 , Lord
Cambden , Préfident du Confeil Privé
informa la Chambre- Haute , que depuis
fept femaines la maladie du Souverain
n'ayant offert aucun changement fenfible ,
le Confeil Privé avoit jugé néceflaire d'examiner
& d'entendre les Gens de l'art ,
defquels on pouvoit recevoir les informations
néceffaires : cinq Médecins avoient
été interrogés , & il demandoit la permiffion
de lire leur rapport à la Chambre .
L'opinion du Docteur Warren a été
" que S. M. étoit hors d'état de paroître
au Parlement ; que fon rétabliffement
» avoit des probabilités , & qu'il exiftoit
» nombre d'exemples de perfonnes gué-
» ries dans la même fituation .
» Le Chevalier Baker à- peu près d'acscord
avec fon confière.
» Le Chevalier Pepys a ajouté aux deux
» rapports précédens , que la maladie
( 116 )
» n'étant point héréditaire , le fuccès du
» traitement lui paroiffoit encore plus pro-
» bable , mais qu'il ne pouvoit indiquer
» avec la même certitude l'époque de la
» guérifon .
» Le Do&eur Reynolds a énoncé la
» même opinion .
» Celle du Docteur Addington a été
s encore plus pofitive ; il a cité des faits.
» Lui -même a élevé depuis quelques an
» nées , près de Reuding, un hofpice pour
» les malades atteints du même défordre
» phyfique que S. M.; prefque tous ont
» été guéris en moins d'un an , & il a les
» mêmes espérances à l'égard du Roi. »
Lord Cambden propofa enfuite que ce
rapport fût pris en confidération par la
Chambre le lundi fuivant ; ce qui fut agréé
à l'unanimité. La même le & ure & la même
réfolution occupèrent la Chambre- Baffe
fur la Motion de M. Pitt. L'un des
Membres , M. Vyner , objeâa qu'il feroit
peut-être convenable que la Chambre
elle-mêine entendît les Médecins . M.
Fox appuya , mais légèrement , cette
obfervation qui n'eut aucune fuite . Ce
jour- là , la Chambre fut fermée pour tout
le monde on y compta 442 Membres ,
de 558 qui en compofent la totalité légale.
L'affemblée de la Chambre - Haute fut
auffi très nombreuſe ; il s'y étoit réuni
( 117 )
137
Pairs. On trouveroit à peine un premier
exemple d'une auffi grande pluralité ,
à aucune époque , dans aucune Séance
des deux Chambres.
Hier 8 , elles fe font raffemblées , & fur
la Motion du Marquis de Stafford , Garde
du Sceau - Privé , la Chambre des Pairs a
arrêté de nommer deux Comités choifis
( Selects Commitiée ) , l'un pour examiner
ultérieurement les Médecins , & faire à la
Chambre le rapport de cet examen ; l'autre ,
pour confulter les Archives , & donner
auffi fon rapport. Les Communes ont pris
des réfolutions pareilles , & ont nommé
pour l'examen des Médecins , un Comité
compofé de MM. Pitt , W. Wyndham
Grenville , Rofe , Henri Dundas , Fred.
Montague , Powis , Sheridan , W. Huffey,
Lord Graham , Lord Belgrave, Lord North ,
Lord Gower, M. Wilberforce, M. Wyndham,
M. Yorcke , Sir Grey Cooper, le Maître des
Rôles, le Procureur-gén . , le Solliciteur-gén .
& le Lord Avocat d'Ecoffe . Tout autre té
moin que les Membres de ce Comité fera
écarté des féances de l'examen . Les cinq
Médecins qui y feront foumis , ont tenude
nouvelles confultations , pour rendre
leur opinion plus pertinente , & ils fe font
adjoint le Docteur Willis , arrivé jeudi de
Gredfort , dans le Comté de Lincoln , &
dont l'habileté eft fpécialement réputée
( 118 )
dans la connoiffance des maladies du cerveau
. Il a vu le Roi , qui lui a parlé de fon
état & du traitement avec beaucoup de
calme , en lui promettant toute déférence
à ce qu'il ordonneroit.
Les formalités conftitutionnelles dont
on vient de lire le détail , ces précautions
extrêmes du Corps légiflatif dans une circonftance
auffi délicate , prouvent le ref
pe&t religieux qu'on porte ici à la loi , &
la crainte falutaire de toute précipitation,
de toute innovation illégale , dont chaque
Membre du Parlement , comme du Minif
tère , eft pénétré . Cette prudence eft d'autant
plus remarquable , que la décifion
attendue intéreffe au plus haut degré le
parti qui possède le Gouvernement & le
parti qui le brigue .
Cette affligeante conjoncture occafionne
beaucoup d'agitation dans les efprits ; les
écrits fe multiplient . En voici un des plus
modérés fur les différentes queftions du
moment.
AFFAIRES NATIONALES. Novembre 1788 .
« Pendant ce mois , la Grande -Bretagne a été
vifitée de la plus grande calamité qu'elle ait
effuyée depuis nombre d'années. Dans un temps
où les affaires intérieures de la Nation offroient
l'afpect le plus heureux , & quand la vigueur du
Gouvernement faifoit refpecter notre nom par
tout le Globe , la déplorable maladie d'un Souverain
que fes vertus aimables & la douceur de
( 119 )
fon Adminiſtration ont rendu cher à fon peuple ,
infpire à tous les bons Citoyens la plus vive
inquiétude. Cependant il faut efpérer que ce défaftre
, quoique grand & de mauvais augure , ne
fera que momentané , & que la bonté de la Provider.
ce rendra le Prince aux voeux de fes fujets
pour une longue fuite d'années , & le laiffera
jouir de l'affection & de la reconnoiffance des
habitans des trois royaumes. En attendant ce
bienfait du ciel , il eft vrai néanmoins de dire
que les circonftances actuelles ont donné lieu à
un évènement dont il n'y a qu'un très- petit nombre
d'exemples dans les annales de notre pays ,
entre autres :
La Convention du Parlement ,
Dans laquelle les deux Ordres du royaume s'affemblent
après une prorogation , fans aucun avertiffement
formel de la Couronne. C'estune de ces grandes
occurrences , que dicte la néceffité de prendre
des mefures décifives , & l'efprit de la Conftitution
doit fuppléer ici aux défauts de formalité
qui , autrement , fufpendroit le mouvement vital
du Gouvernement.
Régence.
Le premier objet de ce Parlement irrégulier ,
mais pourtant abfolument néceffaire , fera fûrement
de nommer ure régence tant que durera
l'indifpofition de Sa Majefté. On a vu des temps
où l'ambition d'obtenir ce pouvoir de Vice Gérent ,
excita tous les efforts de l'intrigue dans ceux qui
afpiroient à cette prééminence enviée ; mais on
eft fondé à croire que , dans les conjonctures préfentes
, s'il s'élève quelque conteftation , elle n'aura
lieu qu'entre les partifans d'une Régence particulière
, & qu'elle fera foutenue , fans intérêts perfonnels
, d'un ou plufieurs individus , jaloux de
partager cette place importante . Si le Parlement
( 120 )
fe partage d'opinions , le débat roulera probablement
fur trois points . On examinera d'abord s'il
eft à propos d'établir une Régence ; s'il faut la
confier à une feule perfonne ou la partager entre
plufieurs ; & fi l'on fe décide pour plufieurs ,
quelles font celles fer qui doit tomber le choix,
& qui font les plus propres à exercer cette autorité
déléguée ? Il eft poffible que , par événement
, la détermination prife enveloppe dans fes
conféquences les droits & les intérêts les plus chers
de la nation .
Argumens contre une Régence.
Les contradicteurs d'une Régence feront naturellement
la remarque fuivante : qu'un Roi étant
expofé , comme le dernier de fes fujets , aux infirmités
de la nature humaine , la fûreté de fes
droits n'eft pas proportionnellement affez garantie
contre l'ambition de quelques individus , intéreffés
à croire & à faire croire généralement que l'indifpofition
du Monarque qui néceffite la Régence ,
continue encore même après qu'elle a ceffé. Si
l'on nomme une Régence , par quel indice pofitif
pourra- t-on enfuite reconnoître & déterminer
que le Roi eft en état de reprendre les fonctions
du Gouvernement ? A quel tribunal incorruptible
nous adrefferons-nous , pour prononcer
en dernier reffort fur cette capacité ? Il eſt rare
qu'un Régent ait réfigné volontairement l'attrayant
exercice de l'autorité royale ; & il eft fort à
craindre que pour ſe maintenir dans une place fiélevée
, des Régens , dans lefquels le goût de la domination
feroit accru par l'habitude de l'exercer ,
n'emploient tous les refforts de l'intrigue & du
crédit . Cette vérité reconnue , nous avertit de
nous affurer , par l'examen le plus févère , de l'hon
neur , du patriotiſme , de la loyauté & du défintéreffement
des perfonnes qu'on fe propofe de
nommer
( 121 )
nommer à une place anfi éminente ; car , à la
honte de l'humanité , l'histoire nous préfente plus
d'un exemple de la piété filiale faifant naufrage
contre cet écueil dangereux d'une ambition hardie
, qui ne connoit plus de frein . «
Le Prince de Galles.
Il eft à préfumer que ceux qui definent la Régence
à une feule perfonne , propoferont le Prince
de Galles , héritier préfomptif de la Couronne ,
& d'âge requis par lesloix pour gouverner: il femble
avoir le droit le plus naturel à exercer la puiffance.
royale durant la maladie du Souverain.
"
D'un feul Régent.
Quelque plaufible que foit la propofition de ne
confier la Régence qu'à une feule perfonne , les
membres de l'Affemblée nationale , tant les inté➡
reffés que ceux qui ne le font pas , peuvent y op
pofer des objections d'un grand poids . On peut faires
valor du moins avec autant de force & de jufteffe
, que , quoique le Prince de Galles , comme
héritier préfomptif de la Couronne , paroiffe avoir
un droit plus évident que tout autre à l'exercice
d'un pouvoir dont il fe trouveroit immédiatement
invefti après la mort de fon augufte Père ,
dont il eft le fucceffeur naturel & immédiat ; quoiqu'il
ait l'âge légal qui lui confère la capacité dé
fe charger de l'adminiſtration politique ; ce fercit
pourtant une expérience dangereuf , indigne de
la fageffe , du corps légiflatif , de confier à un Rés
gent fi jeune ce pouvoir executif, dont il pourroit
abufer au détriment de la nation ; ce pouvoir dont
l'exercice exige une habileté mûrie par le temps ,
& perfectionnée par des méditations politiques , par
des obfervations & des vues dignes d'une chofe fi
grande & fi difficile. On pourroit obferver que ,
quoique Sa Majefté régnante ait porté de bonne
heure le fceptre d'une manière glorieufe pour Elle
No. 51. 20 Décembre 1788 f
1
( 122 )
& infiniment heureufe pour fon peuple , ce n'eft
pas une raifon péremptoire fur laquelle on puiffe
fe fonder , pour croire qu'il en fera toujours de
même: on ne doit pas citer en preuve & en exemple
ce qui n'eft dû qu'à un heureux hafard . Les loix
du pays ont déterminé la fucceffion au pouvoir en
cas de décès ; mais dans l'occafion préfente, la Conftitution
nationale nous rend la liberté du choix ;
& toutes les loix de la prudence s'opposent à la
réfolution précipitée, qui placeroit les rènes du gouvernement
uniquement entre les mains d'un Régent
fans expérience , peut-être peu verfé dans la ſcience
épineufe de la politique , d'un caractère , il eſt
vrai , noble & généreux , mais non entièrement
exempt du foupçon d'une partialité incompatible
avec les devoirs de fa place. La dignité du Prince
de Galles ne fera point bleffée en recevant des
adjoints à la Régence. L'apparence même d'inftabilité
dans le gouvernement , pourroit devenir , durant
la crife préfente de l'Europe , pernicieufe à
nos intérêts , à ceux de nos Alliés , à notre influence
, à notre confidération politique.
D'une Régence partagée.
Il y a ici une Charibde à éviter , auffi bien qu'une
Scylla ; & tandis que la fageffe du Corps Légiflatif
peut réprouver l'opinion favorable à la nomination
d'un feul Régent , elle peut également
rejeter celle qui appelleroit à la Régence un tel
nombre de perfonnes , qu'il en résulteroit lesinconvéniens
d'une autorité morcelée , une obftruction
plutôt qu'un principe d'activité dans les opérations
du pouvoir exécutif. Au refte , en délibérant
fur ce fujet , il faut toujours fe fouvenir qu'on
ne fauroit donner trop d'attention à nous affurer
un efprit de perfévérance dans ces mefures falutaires
& judicieufes que le Roi a conſtamment fuivies
en gouvernant , &c. &c.
( 123 )
, pas
On a renouvelé aux bureaux de l'Amirauté
& de la Matine , l'avis qu'on exécuteroit
les loix à rigueur contre les Officiers
à demi- paie qui ne laifferont
l'adreffe du lieu de leur réfidence, ou qui
pafferont à tout autre fervice , fans en avoir
préalablement obtenu la permiffion en la
manière accoutumée .
Ce Département de l'Amirauté a or
donné une révifion complette des inftruetions
navales , dont copies font remiſes à
chaque Officier breveté, ou par commiffion
, lorsqu'il entre dans la Marine . On
révifera auffi les inftructions pour la manoeuvre
& le combat . Les deux Amiraux
qui font Commiffaires du Département ,
feront chargés de cette révifion , qui doit
être achevée au mois de mars 1789.
Le Crowns, de 64 canons, a appareillé de Chatam
pour Blackftokes, où il doit prendre fa poudre &
fes canons. Après fon arrivée à Spithéad , le Commodore
Cornwallis y arborera fon pavillon, & mettra
à la voile pour l'Inde.
L'Excellent , vaiffeau neuf de 74 , lancé depuis
peu à Harwich , eft forti du baffin après avoir été
doublé en cuivre .
L'Inflexible , de 64 , arrivé en dernier lieu
de Plimouth à Chatam , eft entré dans le baffin
pour être complettement réparé . Le Centurion , de
50, qui eft en ordinaire dans ce dernier port ,
fera mis fous peu en commiffion ; on le dit deftinė
pour Halifax.
Le Royal George , de 110 canons , lancé à Chafij
( 124 )
"
tam au mois de Septembre dernier , a ordre de
faire voile pour Plimooth.
L'état officiel des vaiffeaux en ordinaire dans les
différens ports au 30 Novembre dernier , eft de
130 vaiffeaux de ligne , 12 de 50 canons , 97 frégates
, 37 corvettes , brûlois , bombardes , & 7
cutters .
En outre ,

8
112 vaiffeaux de guerre en commiffion
; favoir , 16 vaifleaux de ligne , de 50
canons 34 frégates , 60 corvettes ou cutters.
· Total général de la Marine , 398 vaiſſeaux.
Plufieurs Perfonnes nous ayant demandé
une Notion exaête des claffes qui compofent
la Nobleffe en Angleterre , nous
leur répondrons en peude mots , qu'aucun
royaume de l'Europe ne renferme un
aufâ petit nombre de Nobles. Ce titre
de Nobleman eft exclufivement réſervé
aux Pairs , divités en Ducs , Marquis ,
Comtes , Vicomtes & Barons . Ils font maintenant
au nombre de 220 , qui avec 4 Prin
ces du Sang , 16 Pairs Ecoffois , 2 Archevêques
& 24 Evêques , forment la Chambre
Haute . Voilà le premier Ordre de l'Etat ;
le fecond eft compofé de la Commune
entière ( 1 ). Dans celle- ci, fe trouvent confondus
les Chevaliers Baronnets , les
Chevaliers par Ordres , tels que ceux de
la Jarretière , du Bain , &c. & les Chevaliers
dits Batchelors ( Bacheliers ) , titre donné
(1) Voyez Blackstone t . 1 , 1 , 2 : Nobility , les
Pairs ; Commonalty , les Communes : la loi ne
Commoft pas d'autre diftinction.
(( 125 )
quelquefois par le Roi à des Gens dè
Lettres , des Médecins , des Artiſtes , & c.:
(les Chevaliers Chambers, Reynolds, Strange
, font de ce nombre. ) Le titre de Chevalier
Baronnet eft feul héréditaire ; mais
aucune de ces Chevaleries ne donne la
Nobleffe. Ainfi , il n'exifte réellement
que 220 familles Nobles en Angleterre ;
encore la Nobleffe n'appartient- elle qu'aux
fils aînés des fimples Barons : les cadets
rentrent dans la foule .
On réimprime ici , en ce moment, un
Ouvrage remarquable , dont il n'exifte
qu'un très- petit nombre d'exemplaires fort
peu connus. C'eft le fameux pamphlet
adreffé à Cromwell , & dirigé contre lui.
pendant fon Protectorat , fous le titre de
Killingno murder(tuer n'eft pas affaffiner ) .
Cet Ecrit , dont le but eft de prouver que
l'ufurpation de Cromwell autorifoit tout
affaffin qui s'armeroit contre fa perfonne ,
eft plein de l'énergie , de l'élégance , de
l'ironie , tantôt fine , tantôt fanglante ,
qu'on a admirées dans les lettres de Junius,
auxquelles le pamphlet du 17. fiècle a évidemment
fervi de modèle . Ce qui le dif
tingue plus particulièrement encore de
tous les écrits du temps , c'eft la correction
du ftyle , tel qu'il femble appartenir
au temps d'Addiffon . Cet Ouvrage , néan-
-moins , eft parfaitement authentique dans
"
fuj
( 126 )
fa date , comme fon objet le démontre.
Divers Hiftoriens , entre autres Eittelton ,
en ) ont parlé.
On fait qu'il effraya l'ame du Protecteur
jufqu'à fa mort , précédée de la crainte
perpétuelle des affaffins , où vécut & mou
rut ce célèbre Ufurpateur . L'Auteur du
Killing no murder eft refté inconnu . Voici
l'Adreffe à Cromwell , qui fert de Préface
ou d'Introduction à l'Ouvrage.
ADRESSE A CROMWELL. 3
« L'Ecrit fuivant donnera à votre Alteffe une
idée de la manière dont j'ai employé quelques
heures du loifir qu'elle a bien voulu m'accorder.
Comment il vous plaira de l'interp : êter , je ne puis
le favoir ; mais ce que je dirai avec confiance , c'eft
que mon intention a été de faire rendre à votre
Alteffe cette juftice que tout le monde lui refufe ,
& de faire fentir au Peuple que plus il la diffère ,
plus il fe nuit , ainfi qu'à vous. »
« C'eſt à votre Alteffe qu'appartient incontefta
blement l'honneur de mourir pour le Peuple , & ce
doit être une confolation indicible pour vous , de
confidérer le bonheur dont vous allez combler le
monde en le quittant. Alors feulement , Milord ,
vous mériterez réellement les titres que vous ufurpez
aujourd'hui : vous ferez en effet le libérateur de
votre pays ; vous l'affranchirez d'un esclavage
prefqu'auffi dur que celui auquel Moïfe fut fouftraire
fon peuple : vous ferez ce vrai réformateur
pour lequel vous affectez de paffer mainte-
De cette époque datera le rétablifement
de la religion , l'affermiffement de la liberté
, la certitude de ces priviléges nationaux ,
dont la défenſe a armé le Parlement, Alors
mant. -
-
( 127 )
nous efpérerons d'autres lois que celles de l'épée
une autre définition de la juftice que le caprice
du plus fort. Nous efpérerons que la fainteté
du ferment reprendra fa force parmi les hommes,
que leur fûreté ne dépendra plus de leur fauffeté
& de leur perfidie , & qu'ils ne reffembleront
plus à ceux qui les gouvernent : voilà les bienfaits
que nous attendons de l'heureux moment où
votre Alteffe expirera. Ce n'eft qu'en mourant que
vous vous montrerez vraiment le père de la patrie
: tant que vous vivez , nous n'avons rien que
nous puiffions appeler notre propriété , & nous
attendons votre décès pour hériter. »
Que ces puiffantes confidérations arment & for
tifient l'ame de votre Alteffe contre les frayeurs
de la mort & les angoiffes d'une confcience bourelée.
Songez que l'avantage de votre mort compenfera
en quelque forte le mal de votre vie , & que
fi , dans la lifte effrayante des grands criminels ,
il est difficile d'en trouver dont l'exiftence , plus
que celle de votre Altefle , ait été fatale au repos
& au bonheur du genre humain , vos plus ardens
ennemis font forcés de convenir en mêmetemps
qu'il en eft peu dont la mort eût été un
bienfait auffi fignalé pour le genre humain.
Hâter ce moment falutaire , eft le principal motif
qui m'a mis la plume à la main ; & fi mon ouvrage
a le fuccès que j'ofe m'en promettre , j'efpère
que votre Alteffe fera bientôt à l'abri des
coups de la malice humaine ' ; j'eſpère que vos
ennemis ne pourront vous bleffer que dans une
partie infenfible , votre réputation .
« Quevotre Alteffe puiffe repofer promptement
dans l'afyle de la tombe ! c'eſt le voeu général de
votre patrie reconnoiffante ; c'eft le fouhait
des bons & des méchans : c'eſt peut-être , en un
mot, le feul point fur lequel toutes les feces
-
"
fiv
( 128 )
"
toutes les factions fe réuniffent dans leur ferveur
religieufe ; c'est notre unique prière du matin &
' du foir . Mais parmi tous ceux qui , dans leurs
oraifons , follicitent le Ciel de délivrer promptement
votre Alteffe de toutes les peines de ce bas
-monde , je vous fupplie de croire qu'il n'eft perfonne
de plus fervent ni de plus affidu que celui
qui a l'honneur d'être , avec le refte de toute la
nation , & de fe dire , fi V. A. le permet , de V.A.
"L'ESCLAVE & LE VASSAL ACTUEL. ( W. A. ) »
Robert Johnfon eft mort ces jours derniers
à Wirksworth , âgé de 100 ans. Il a
une foeur , actuellement vivante à Braffington
, âgée de 96 ans.
FRANCE.
De Verfailles, le 10 Décembre.
Le 7 de ce mois , le Roi a déclaré Miniftre
d'Etat le Comte de Saint- Prieft ,
lequel a , le même jour , pris , en cette
qualité , féance au Confeil d'Etat.
Le Roi a difpofé de la charge de Vice-
Amiral , dont étoit pourvu le Marquis de
Saint- Aignan , en faveur du Bailli de Raimond
d'Eaux , Lieutenant- général de fes
Armées navales . La quatrième charge de
Vice -Amiral , créée le 4 avril 1784 , pour
le Bailli de Suffren , & qui devoit être
fupprimée après lui , demeure éteinte par
fa mort.
Le fieur Blina eu l'honneur de préfenter
à Sa Majefté la 20e. Livraifon des Portraits
des grands Hommes , Femmes illuftres &
Sujets mémorables de France , gravés &
( 429 )
imprimés en couleur, dédiés au Roi (1 ).
Les fix Bureaux de Notables ayant
terminé l'examen des questions qui leur
avoient été propofées , & fait mettre fous
les yeux du Roi , les réfultats de leurs délibérations
, S. M. avoit fixé au 12 de ce
mois la clôture de l'Affemblée . En conféquence
, Elle s'eft rendue ce jour vers
midi & demi , dans une des falles du
château , préparée pour cette cérémonie ,
étant précédée de Monfieur , de Monfeigneur
Comte d'Artois , du Duc d'Orléans
, du Prince de Condé , du Duc de
Bourbon , du Duc d'Enghien & du Prince
de Conti . S. M. étoit accompagnée de
fes Grands & prentiers Officiers : le Prince
de Lambefc , Grand-Ecuyer de France ;
le Duc de Piennes , premier Gentilhomme
de la Chambre en furvivancé ,
repréfentant le Grand- Chambellan ; le
Maréchal Duc de Duras , premier Gentil
homme de la Chambre en exercice ; le
Prince de Luxembourg , Capitaine des
Gardes-du- Corps en quartier ; le Duc de
Liancourt , Grand Maître de la Garde -robe ,
& le Duc de Briffac , Capitaine- Colonel
des cent- Suiffes .
(1 ) Cette Livraiſon , contenant les portraits du
Cardinal Georges d'Amboife & de Suger , avec
une action de la vie de chacun de ces deux Miniftres
, fe trouve chez l'Auteur , place Maubert
n°. 17. fv
2
130 )
V
Après la Séance , le Roi étant rentré dans
fon appartement , les Notables , à la tête
defquels étoient les Princes qui ont préfidé
les Bureaux , ont eu l'honneur de
faire leurs révérences à S. M. dans fon
Cabinet ; ils fe font enfuite féparés par
Bureau , pour aller faire leurs révérences
àMonfieur, à Monfeigneur Comte d'Artois
, & aux Princes du Sang.
De Paris , Le 17 Décembre.
Arrêt du Confeil d'Etat du Roi , du 10
octobre 1783 , qui attache irrévocablement
à la Chancellerie de France une Bibliothèque
de Légiflation , Adminiſtration ,
Hiftoire & Droit public ; règle la deftination
, pourvoit à l'entretien cc aux accroiffemens
de ladite Bibliothèque , & en
affure la communication à tous les départemens
des Miniftres de Sa Majesté ; extrait
des regiftres du Confeil d'Etat .
Le Roi s'étant fait repréfenter dans fon Confeil
les arrêts rendus en icelui les 31 octobre 1759 , 8
décembre 1763 , 18 janvier 1764 & 3 mars 1781 ,
dont l'objet fut de mettre à portée de fes Miniftres
, & dans un feul dépôt acceffible à quiconque
voudroit le confulter , nos-feulement les loix qui
doivent éclairer toutes les parties de leur adminiſtration
, mais encore l'enchaînement des faits
qni ost , dass tous les temps , fervi de bafe au
droit public , & de motifs à la légulation , S. M.
4.rccoanu qu'après aveir , par fon arrêt du 3 mars
( 131 )
1781 , affigné à un établiffement de cette nature
la feule pla e qui convint à fa deftination , Elle
devoit encore fixer d'une manière particulière , &
affurer à perpétuité l'emploi , l'ufage & la communication
des lumières qu'il doit répandre , &
des fecours dont il doit être la fource. Sa Majesté ,
en effet , n'a point perdu de vue les motifs qui
engagèrent le feu Roi à jeter, en 1759, le premier
fondement d'une bibliothèque ministérielle , d'un .
côté , en faifant placer à Verſailles même une
collection complette de toutes nos loix anciennes
& modernes , & d'un autre côté , en y réuniffant en
1762 , un cabinet qui pût contenir un jour , &
tous les matériaux de l'Hiftoire , & tous les mo
numens du droit public de France. Si la diverfité
des travaux qu'exigeoient ces deux dépôts les ont
teaus quelque temps féparés , fi différentes circonftances
en ont changé le local, & ont varié les foins quiont
pu être donnés à l'un & à l'autre , il n'en étoit
pas moins conforme au vou de leur augufte fondateur
, qu'ils vinffect enfin fe réunir fous la garde
du chef de la justice , obligé , par fon titre & fes
fonctions , d'appeler fans ceffe au fecours du gouvernement
, & Fautorité des loix & le flambeau
de l'hiftoire . C'est donc pour remplir les intentions
du feu Roi , que Sa Majefté s'étant fait rendre
compte des accroiffemens fucceffifs qu'a reçus ,'
pendant près de trente ans , un des plus utiles.
établiffemens du dernier règne , a voulu , pour lui
donner fa dernière & invariable forme, attacher
irrévocablement à fa chancellerie une bibliothèque
deſtinée à devenir celle de tous fes Miniftres ,
& qui leur préfentant , & tous les textes des loix
qu'ils ont toujours intérêt de confulter , & tous
les monumens des faits qu'il leur eft fouvent néceffaire
de comoître , fournira dès- a- préfent an
Chancelier on Garde des Sceix de France, les
( 132 )
moyens & les fecours les plus efficaces pour hâter
les progrès des recherches relatives à la légiflation ,
à Phiftoire & au droit public , & deviendra dans
la fuite le centre de tous les travaux ordonnés
par S. Majefté , pour perfectionser fucceffivement
Toute efpèce de bien , & réformer peu - à - peu
toute efpèce d'abus.
( Cet Arret eft compofé de 15 articles ).
4 Arrêt du Confeil d'Etat du Roi , du 18
novembre 1788 , qui proroge jufqu'au
premier janvier 1790 , le délai accordé
pour l'entrée & le débit dans le royaume
des Mouffelines rayées , cadrillées & brochées
, dites Doréas , provenant du com
merce françois dans l'Inde .
La Clôture de l'Affemblée des Notables
s'eft faite à Verfailles, le 12 , dans les formes
accouturnées . Voici les Difcours qui ont
été prononcés à cette occafion.
DISCOURS DU ROI.
Meffieurs ,
En terminant vos Séances , je vous raffemble
autour de moi , pour vous témoigner ma fatisfaction
, du zèle & de l'application fuivie que vous
avez portés à l'examen des différens objets que
j'ai fait mettre fous vos yeux. Je peferai avec attention
le résultat de vos délibérations , & vais
faire préparer tout ce qui peut accélérer l'Affemblée
des États généraux : moment que je défire voir
arriver avec d'autant plus d'impatience , queje fuis
affuré qu'il portera un remède efficace aux maux
de l'État.
( 133 )
Difcours de M. le Garde des Sceaux .
Meffieurs ,
Vous venez de donner au Roi , par vos travaux
, de nouveaux témoignages de votre zèle.
Sa Majesté vous avoit réunis autour de fon
Trône pour l'éclairer par vos avis ; Elle les pèfera
dans fa fageffe. Certaine que l'affemblée des Étatsgénéraux
comblera le voeu de la nation , Elle s'occupe
continuellement de tout ce qui peut en hâter
le moment.
Quelle époque , en effet, plus mémorable pour
le règne de Sa Majefté , que celle où la profpérité
générale doit renaître , l'ordre fe rétablir dans
fes finances , la confiance publique s'affurer , l'impôt
devenir plus égal & dès -lors moins onéreux ,
l'industrie prendre un nouvel effor , le commerce
une plus grande activité , la fortune de l'État fe
raffermir , la légiflation civile & criminelle fe perfectionner
, l'éducation de la jeuneffe & les études
recouvrer leur ancien luftre !
Tel eft , Meffieurs , le tableau rapide de la révolution
importante à laquelle nous touchons .
Fuiffent ceux qui compoferont cette Affemblée
nationale , fe pénétrer de la néceffité d'être dirigés
vers un même but , la félicité publique ! Puiffe
cette grande vérité préfider à toutes leurs délibé
rations ! Puiflent des motifs de jaloufie , de diffention
& d'animofité , n'en point troubler la douce
harmonie , & tous intérêts particuliers s'anéantir
devant un feul , le puiffant intérêt de la Patrie !
Puiffe enfin chaque Membre des États ne jama's
perdre de vue que tous font frères & citoyens!
Et vous , Notables de tous les rangs , raſſemblés
de toutes les extrémités d'un vafte royaume , les
mêmes fentimens vous ont unis , un attachement
& un amour fans bornes pour votre Souverain ,
( 134 )
un zèle
pur pour le maintien
de la Monarchie
, un intérêt vif & fincère pour le bonheur
de tous. Rendus bientôt à vos. foyers & au milieu de vos concitoyens
, vous fortifierez
en eux ces mêmes fentimens
; ils redoubleront
de villes en villes; ils fe répéteront
avec acclamation
dans les démeures paifibles
de ces habitans
des campagnes
qui hono- rent leurs afyles par leurs vertus , de même qu'i
'ils les fécondent
par d'utiles & pénibles travaux . Vous attefterez
à ces hommes précieux à l'État , ce qu'ils favoient déjà , qu'ils font fans ceffe l'objet de la follicitude
paternelle
d'un Monarque
bienfaifant
, & qu'il s'approche
enfin ce jour glorieux
pour la France , où fes forces trop long- temps épuifées vont fe réparer , & le patriotifme
mutuel du Prince & des fujets , affurer la confiftance
politique de l'Empire
le plus floriffant
de l'univers.
Difcours de Monfieur.
SIRE ,
Votre Majefté vient de nous dire qu'elle eft
fatisfaite de notre zèle ; c'eft la récompenfe la plus
douce qu'en puiffent efpérer des François , des
Gentilshommes. Daignez donc , Sire , permettre
au premier d'entre eux , d'être auprès de Votre
Majefté l'interprète de leur reconnoiffance , & recevoir
avec bonté l'hommage de notre amour &
de notre profond refpe &t.
Difcours de M. l'Archevêque de Narbonne .
Sire,
Daignez agréer les voeux que nous formons
pour qu'aucun obftacle ne s'oppose à l'accompliſ
fement de vos deffeins paternels & généreux,
2
En examinant , comme Votre Majeſté nous l'a
preferit , les droits des différens Ordres de vos
Sujets , nous avons par-tout aperçu la trace de
( 135 )
leurs devoirs : Un des plus importans pour eux eft
d'éloigner avec foin de leur affemblée , les jaloufies ,
les rivalités , les défiances réciproques , toutes les
fuggeftions de l'intérêt perfonnel .
L'union des efprits & des coeurs peut feule la
rendre ce que Votre Majefté défire qu'elle foit ( 1 ),
ce qu'elle doit être , l'affemblée d'une grande famille
, ayant pour chef le Père le plus juste & le
plus tendre.
C'est l'harmonie des volontés particulières , qui
formera la maffe impofante de la volonté comune
& générale. Sans cette harmonié précieuſe ,
principe fécond de la profpérité des Empires ,
cette Affemblée tant defirée ; au lieu d'être la plus
puiffante des reffources , deviendroit elle-même un
nouveau malheur.
Chacun de ceux que la liberté des fuffrages y
appellera , fortira de la claffe plus ou moins diftinguée
que la Providence lui a affignée dans l'ordre
' des Citoyens , pour fe revêtir , en y entrant , du
caractère, j'ofe prefque de dire facré, représentant de
la Nation . Les nuances des conditions diverſes dife
paroitront devant ce titre véritablement national;
elles viendront toutes fe perdre , ſe fondre dans
celle qui doit les dominer toutes , l'honneur d'être
admis à concourir au bien commun du royaume ,
fous la protection immédiate de Votre Majefté.
De ce concours heureux naîtront des réfolutions
patriotiques , qui ne porteront l'empreinte
d'aucun Ordre particulier , qui feront l'expreffion
fidelle du you d'une grande nation manifefté par
fes repréfentans .
L'Ordre de l'Eglife , Sire , y paroîtra avec la
difpofition ( je ne crains point d'en être le garant )
(1 ) Arrêt du Confeil du 5 juillet 1788.
( 136 )
de faire tous les facrifices que pourra exiger l'intérêt
général.
Miniftres d'une Religion confolante , qui répand
fur toutes les claffes de l'ordre focial , l'impreffion
de fa grandeur , de fon utilité & de fà bienfaifance
, pourrions -nous n'y point porter ces vues
défintéreffées qu'elle nous preferit & qu'elle nous
infpire ?
Difcours de M. d'Ormeffon , Premier Préfident
du Parlement de Paris .
SIRE ,
La fin de cette Affemblée eft moins le terme de nos
travaux , que l'affermiffement de nos efpérances ,
& l'approche d'un moment auquel tient le bonheur
de la France... Ja of mar 10
·C'est ce grand objet qui a été le ſeal but de
notre marche , comme il eft , Sire le feul bat
de vos projets ; c'eft celui auquel fe font rapportées
toutes nos idées dans la difcuffion des détails dont
nous avons été occupés.--
Nous n'avons point en d'autre guide dans nos
recherches , que l'amour de la vérité , poist d'autre
fyftême dans le voeu de nos fuffrages & l'économie
de nos réfolutions, que de conftater les vrais prin
cipes , d'en prolonger la trace , d'en perpétuer le
règne , & d'en afiurer la ſtabilité.
51
Malgré des intentions foutenues par de fi nobles
motifs , qu'aurions - nous pu faire pour l'avantage
de la Nation , fi nous n'evífio s été conduits par
des Princes qui font les premiers modèles de ces
fentimens ; fi autour du Trône , & fons l'ombre
même de la puillance Royale , on ne nous eût
confervé cette pure & franche liberté de la Magiftrature
, qui ne connoit d'autre crainte que
celle de fe laiffer aller à la complaifance & à la
flatterie.
( 137 )
Nous étions fürs que des confeils qui ne feroient
point dictés par le refpect humain , feroient accueillis
par la confiance , & mis en ufage par les
infpirations de la fageffe.
Quelle heureufe fécurité pour des Magiftrats
-accoutumés à voir toujours au travers des moindres
intérêts des Citoyens , les intérêts de l'Etat , à
porter fucceffivement & par degrés vers le bien
public , les regards de la prudence , les pas de la
prévoyance , les précautions , les efforts , les actes
même réitérés d'une vigilance opportune & falu
taire , & à ne perdre jamais de vue cette longue
perfpective où on voit d'avance , par un enchaînement
de moyens utiles , la fortune publique
atteindre avec la même confiftance , jufqu'aux
fiècles les plus reculés.
Qu'il nous foit permis , Sire , de vous exprimer
les fentimens de ces dignes Magiftrats , avant qu'ils
fe préparent pour retourner à leurs fonctions.
Ni la diftinction des provinces cù leurs Compagnies
font départies , ni la diverfité de leurs
ufages , ne peuvent mettre aucune différence dans
leur zèle . C'eſt une même Puiffance qui les a conftitués
, une même Patrie qui les raffemble , un
même Peuple qui leur eft commis , les mêmes
loix qui leur font confiées. C'eft auffi un même
dévouement , c'est une même ame qui par- tout
fert le Souverain , défend la Patrie , régi les
Citoyens , & garde inviolablement le dépôt facré
des loix du royaume.
la
Des fentimens , Sire , non moins uniformes les
attachent à votre Perfonne ; près de vous fe font
gravés encore plus profondément dans leurs coeurs
l'amour que vous doivent tous les François ,
plus refpectueufe admiration pour vos vertus , là
reconnoiffance de vos foins paternels pour tous
vos Sujets.
( 138 )
Jufqu'au dernier jour de notre vie , nous ferons,
Sire , auffi fidèles à ces fentimens , que nous le
ferons aux devoirs de notre état , aux loix du
royaume, & aux principes invariables de la Monarchie
françoife.
Difcours de M. de Nicolai , Premier Préfe
dent de la Chambre des Comptes.
SIRE ,
Toujours occupée du bonheur de fes Sujets ,
Votre Majefté vient de charger les Notables de
préparer la convocation des Etats-généraux. Organes
de la bienfaifance du Souverain , & dépo
fitaires des intérêts de leurs Concitoyens , le zèle
le plus pur a dirigé leurs travaux ; ils ont ambisionné
de remplir dignement la tâche honorable
qui leur étoit impofée. Le devoir leur prefcrivoit
de préfenter à Votre Majefté les formes antiques
& précieufes de la Monarchie , de raffer
mir des bafes qui doivent refter à jamais inébranlables
& facrées , de diftinguer ces trois Or
dres conftitutionnels de l'Erar , dont l'effence eft
de former féparément leur délibération aux Etatsgénéraux
, mais dont l'efpir & les principes uni-.
formes , dont le patriotifme refferrent entre eux le
lien qui affureroit leur indépendance , fi elle n'étoit
, de tous les teraps , confacrée par l'égalité
du pouvoir & des fuffrages.
Le fentiment & la juftice ont d'abord fait exprimer
aux Notables un voeu qui a déja retenti
de la Capitale aux extrémités du royaume , celui
d'une contribution proportionnelle aux fubfides ,
fans diftinction de rangs , d'états & de priviléges ,
parmi les Citoyens du même empire.
Quel fpectacle , Sire , votre règne va bientôt
offrir à notre admiration , à notre reconnoiffance !
De grands malheurs réparés , la France rétablie
( 139 )
dans fes droits , la dette reconnue & confolidée ;
l'ordre dans les finances pour toujours affuré ,
le premier Souverain du monde abaiffant la hauteur
de fon fceptre devant la fainte majesté des
lois ; femblable à l'Etre fuptême , qui obéit à
l'harmonie de ce vafte Univers qu'enfanta fa
puiffance.
O ma Patrie ! reprends un nouveau luftre fous
le meilleur des Rois ; ranime cette énergie qui
t'affure la prééminence fur les autres Nations : que
l'Affemblée qui fe prépare , tende , fous l'autorité
de fon augufte Chef , à perfectionner notre
gouvernement fans le changer jamais.
Nous verrons les Concitoyens que nous aurons
choifis , apporter , dans les délibérations
un efprit libre & des intentions pures. Le falut
de la France , l'amour du bien public , feront
les feules paffions de nos repréfentans ; tout au
tre fentiment s'anéantira devant l'intérêt national ,
& , pour fe fervir des expreffions de nos pèras ,
les Etats-généraux ne feront compofés que des
Députés de la Nation & de François.
Ah , Sire ! ( nous aimons à le préfager ) que
vous ferez grand au milieu de la Nation affémblée
, lorfque dans fes tranfports elle vous proclamera
, comme autrefois le vertueux Louis
XII , le Père de vos Sujets ! Quelles émotions
délicieufes pour votre coeur , quand vous entendrez
le concert de louanges & d'amour d'un
peuple généreux & fenfible , qui confondra ,
dans l'objet de fon culte , le nom facré de la
Patrie & celui de fon Roi ! Vous recueillerez
nos bénédictions , vous jouirez de la fageffe de
vos lois , & d'avoir fait renaître la fplendeur de
la Monarchie. Notre bonheur fera votre ouvrage
& votre récompenfe , & nos derniers neveux
verront votre Majefté fe préfenter avec des titres
auff auguftes à la postérité.
( Les autres Difcours à l'ordinaire prochain. )
( 140
Une lettre authentique de Rennes, nous
inftruit d'un acte de défintéreffement patriotique
, à la publicité duquel nous nous
empreffons de concourir. Voici ce que
nous mande notre Correspondant :
« Jamais l'intérêt du peuple n'a fait naître tant
d'écrits , jamais on n'a paru le plaindre ; mais
enfin jufqu'à préfent ont s'étoit borné à des déclamations
ftériles ; il appartenoit à la munici
palité de la capitale de la province de Bretagne ,
de joindre la première les effets aux paroles ;
& tandis que d'autres fe contentoient d'indiquer
le bien à faire , elle a ofé faire tout celui qui
étoit en fon pouvoir , & donner par -là un grand
exemple. »
« Perfuadé que fa publicité ne peut qu'être
extrêmement avantageule pour la claffe trop longtemps
négligée , dont on paroît enfin s'occuper
férieufement d'améliorer le fort , je m'empreffede
vous envoyer copie de l'acte qui fuit :
« Nous fouffignés , Membres de l'affemblée
» municipale de Rennes , auxquels appartiennent ,
» à divers titres , les exemptions du logement
» des foldats , du cafernement , tant en nature
» qu'en argent , de la fourniture aux milices &
» de la patrouille ; confidérant que nous ne pou
» vons profiter de ces exemptions , qu'en aug
» mentant le fardeau du peuple, de cette claffe
» la plus malheureufe & la plus intéreffante des
" citoyens , fur laquelle retombe la furcharge
» qui forme fur elle un nouvel impôt , qu'elle
» n'a ni délibéré ni cenfenti ; déclarons renoncer
» perfonnellement auxdites exemptions , & nous
» foumettre à toutes les charges commtines ,
» parce que toutefois la fourniture aux milices
» & le fervice de la patrouille , ne pourront être
( 141 )
">
exigés de nous que par une contribution en
» argent.
Fait à l'Hôtel -de-Ville à Rennes , le 17 Ne
yembre 1788. Sigués , MM. Tréhue de Monthierry ,
Maire ; Gandon , Avocat & Procureur-Syndic de
la communauté ; Gazon des Rivieres , Général-Provincial
des Monnoies ; le Chapelier fils , Avocat ;
Rouefart , Tréforier des guerres & Echevin ; Bidard
, Tréforier de la ville ; Frot , Docteur agrégé
aux facultés des droits ; Lamy , Chevalier de Saint
Louis , menrbre de la Chancellerie ; Simonet, Négociant
; Richet , Négociant ; Buret père , adminiftrateur
des hôpitaux ; Buret fils , Greffier en
chef civil du Parlement ; Sevefne , Maître particulier
des eaux , bois & forêts ; Richelot , premier
Huiffier du Parlement & Notaire ; Glozen , Avocat
; Legué , Procureur au Préfidial ; le Minihy
père , Procureur au Parlement , & ancien Syndic
de la communauté , le Batard , maître en Chirurgie
; Tual, Syndic de la communauté de MM.
les Procureurs à la Cour , Dulatay l'aîné , Docteur
en médecine ; Pontallié , Notaire ; Vanneau , Syndic
de MM. les Procureurs au Préfidial , & Echevin
; Lemarchand de Lépiney fi's , Avo at 3 Greffier
de la communauté.
« Il n'eft pas inutile de faire remarquer qu'un
grand nombre de ces citoyens font exempts , à
d'autres titres que celui de la municipalité , des
charges dont ils demandent à partager le poids ,
ce qui ajoute encore au mérite de leur renonciation
, qui n'a cependant pas été fignée ( on le
dit à regret ) par tous les membres de la municipalité
Cet acte eft demeuré dépofé au Greffe de la
ville pour être préfenté à tous les privilégiés qui
voudront le foufcrire
Le 8 de ce mois , la France a perdu le
( 142 )
Bailli de Suffren de Saint - Tropès, Chevalier
des Ordres du Roi , Vice - Amiral de France ,
Ambaffadeur de la Religion de Malte ,
& dont les fervices diftingués pendant la
dernière guerre , vivront autant que
toire qui en perpétuera le fouvenir.
l'hif-
« La compofition des tableaux hiftoriques de
la Marine, confiée par le Roi au Marquis de
Roffel , ancien Capitaine des vaiffeaux de Sa
Majefté , eft une entrepriſe également honorable
au Maréchal de Caftries qui en a conçu l'idée ,
au Corps diftingué qui en eft l'objet , & à celui
de fes Officiers chargé de l'exécuter . Elle ne fe
borne pas , comme tant d'autres , à enrichir la
collection de quelques Amateurs ; fon but principai
eft de perpétuer la mémoire des actions
d'éclat qui ont fignalé le pavillon françois durant
la dernière guerre , foit dans des batailles ,
Yoit
dans des combats particuliers. Ces tableaux qui
les repréſentent , ferviront d'aiguillon comme de
récompenfe à la valeur & aux talens . »
« Le Maréchal de Caftries ordonna que les tableaux
des grands combats fuffent placés dans les
falles d'inftruction des trois grands ports , pour que
les Elèves euffent fous les yeux les exemples qu'ils
ont à imiter. Mais cette collection , qui intéreſſe
le Corps entier de la Marine , les familles des
Commandans ou Officiers , dont les actions font
le fujet de quelques- uns de ces tableaux , eft , pour
ainfi dire , nationale. Ce font des monumens de
notre hiftoire ; fous ce rapport ils appartiennent
au Public. La gravure feule pouvant multiplier
ces repréſentations glorieufes , le Marquis de Refel,
dont les tableaux ont remporté l'approbation de
Sa Majefté & des connoiffeurs , s'eft déterminé
à les faire grayer fucceffivement ; ils feront au
( 143 )
nombre de 18. Il a fait choix d'un Artiſte parfaitement
capable de cette difficile exécution , &
l'on ne tardera pas à publier le Profpectus détaillé
de cette entrepriſe , l'une des plus dignes du burin ,
flatteufe pour la France , & intéreffante pour la
curiofité des Etrangers. »
Les Numéros fortis au Tirage de la
Loterie Royale de France, le 16 de ce mo is ,
font : 5 , 50 , 9, 64 & 87.
PAYS - BAS.
De Bruxelles , le 14 Décembre 1788 .
On a remarqué que le Comte de Nef
felrode , nouveau Miniftre de Ruffie à Berlin
, logé d'abord dans un hôtel garni ,
vient d'y renouveler fon bail pour un mois,
fans prendre d'hôtel à lui ; ce qui indique
clairement la durée précaire du féjour de
cet Envoyé à Berlin : il y vit en fimple
particulier , & ne fréquente , à-peu- près ,
que l'Ambaffadeur Impérial.
Un vaiffeau Ruffe ayant pris & conduit
à Revel un bâtimentfous pavillon Pruffien ,
chargé de falaifons , & appartenant à des
Marchands de Memel , ces Marchands fe
font adreffés à la Cour de Pruffe , qui ,
fur leur repréſentation , a chargé fon
Miniftre à la Cour de Pétersbourg de
remettre un Mémoire , pour demander
fatisfaction de l'infulte faite au pavillon
( 144 )
Pruffien , par la punition exemplaire du
Capitaine qui l'a commife ; d'exiger que
fur- le - champ il foit envoyé ordre à Revel
de laiffer partir librement le vaiffeau avec
fa charge , pour l'endroit de fa deftination ,
après l'avoir dédommagé de fon délai ,"
ou de lui payer du moins fa cargaifon
fuivant la facture , outre le fret ; d'infider
enfuite à ce que Fon remette en liberté
le Conful Suédois de Riga , qui s'étoit
trouvé à bord du vaiffeau , & qui n'ap
partenoit pas à l'Etat Militaire ; & enfin
de pouffer l'affaire de façon que l'on ne
bleffât plus de la forte le refpeft dù au
pavillon Pruffien .
Paragraphes extraits des Papiers Anglois
& autres Feuilles publiques.
On apprend de Pologne , que le Roi de Pruffe
a pris la réfolution définitive de rendre cette République
indépendante , tant de l'Empereur que
de la Czarine , & que pour cet effet , il a fait avancer
une armée vers les frontières de la Pologne ,"
qui a même pénétré dans le pays . L'impératrice
eft tellement courroucée contre le Roi de Pruffe ,
qu'elle a donné ordre de, brûler un portrait de ce
Moparque qui fe trouve dans fon palais . ( The
Times. )
N.B. ( Nous ne garantiffons la vérité ni l'exachitude
de cesParagraphes extraits des Papiers étrangers. ).
JOURNAL
POLITIQUE
30.0
DE
50
BRUXELLES.ollso
usber
POLOGNE.os , lim
esquocsi
93.7
"
GORG VEDOg bos
1.4
De Varsovie, le 30 Novembre 1788.
LA Diète continue à déployer le même
efprit , & les démarches du Parti
Patriotique
gagnent chaque jour des Partifans. On
procède même avec moins
d'impétuofité
qu'on ne devoit en attendre d'une affemblée
auffi
nombreufe , & animée par
d'auffi grands intérêts. Les dernières Selfionsin
des Etatss ont eu pours principal
objet les détails de la conftitution du
nouveau Confeil de guerre,
indépendant du
Roi & du Confeil-
Permanent ; les articles
effentiels ont été arrêtés fans débats violens .
iup Dans la 23 Seffion, le Comte Potocki,
"Grand- Maître de l'Artillerie , & Palatin de
Ruffie , qu'on avoit
injuftement
foupçonné
d'attachement à la Cour de
Pétersbourg ,
fe lavalde cette imputation , & donna à
No.52.79
52. 27 Décembre 1788.
not shamsudeel emot able
g
2274
( 146 )
la Diète les plus fortes affurances de la
conformité de fes fentimens avec ceux de
la Patrie. L'époufe de ce généreux Citoyen,
dont la libéralité publique eft fuffifamment
connue , ayant offert au Tréfor de l'Etat
fes bijoux , eftimés 30mille ducats ,le Comte
Potockia retiré cette offre , en lui fubftituant
celle de 10,000 fufils pour l'Arfenal ( 1 ).
La 24° . Seffion fut occupée , en partie,
par la lecture de la réponse de l'Ambaffadeur
de Ruffie , à la Note qui lui a été
remife, concernant l'évacuation des troupes
Ruffes. Cette Réponſe porte :
« Le Souffigné , Amballadeur extraordinaire &
» Miniftre plénipotentiaire de S. M. l'Impératrice
» de toutes les Ruffies , a cru de fon devoir d'en-
» voyer à fa Cour , par un courrier , la note
»››qui lui a été remife de la part de l'illuftre Affem-
» blée des Etats , au fujet de l'évacuation des
» Troupes. Il ne fauroit diffimuler fa furpriſe de
» ce que des avis exagérés ont annoncé aux Etats
» de la République une grande armée Ruffe , tandis
» qu'il n'eft refté dans la Pologne qu'un petit
» Corps pour la garde des magaſins. Un féjour
» ou paffage de Troupes pareil , n'eft jamais con
» fidéré entre Puiffances, voifines & alliées , fous
» un point de vue fi peu favorable , fur-tout
» lorfqu'un détachement apthi veu nombreux paie
Polée
les vivres
& d'une
» qu'on lui fournit , & qu'il obferve la difcipline
la plus exacte. En attendant les ordres qui
» lui feront communiqués , le Souffigné peutaffurer
» d'avance le Roi & la République de la fatis-
» faction avec laquelle S. M. Impériale recevra
»
( 1 ) Nous rapporterons dans huitjours l'éloquent
& roble Difcours qu'il a prononcé à ce sujet,
t
( 147 )
´le témoignage des fentimens exprimés dans la
» note. »
« La part fincère que l'Impératrice ne ceffe
» de prendre au bien- être de l'illuftre Républi-
" que , & généralement à la profpérité d'une Na-
» tion voifine & alliée , dont le fort intéreffe
» de la manière la plus effentielle le fyftême
» politique de la Cour de Ruffie , juftifie ces fen-
» timens. í
Varfovie , le 26 Novembre 1788.
Signé , STACKELBERG.
Cette le&ure fut fuivie de celle d'un
nouveau rapport du
Général Ludowiski ,
fur la conduite & le nombre des troupes
Ruffes ; après quoi , M. Suchodolocki ,
Nonce de Chelm , propofa de fufpendre
toute réplique ultérieure à la Réponſe de
l'Ambaffadeur Ruffe , jufqu'à ce que la
République eût été fatisfaite fur l'objet
de fa demande.
Des plaintes pareilles , ainfi que nous
Favons annoncé , ayant été portées au
Chargé d'Affaires de la Cour de Vienne
cet Envoyé a remis , le 28 , à la Diète la
Note fuivante : -
CommeleSouffigné, chargé d'affaires de l'Empereur
, à envoyé fur-le-champ à fa Cour , la
Réclamation concernant quelques dommages
que doivent avoir foufferts les Sujets de la
Pologne de la part des Troupes Autrichiennes
" occupées au fiége de Choczim , qui lui fut remife
dans la Conférence du premier novembre , par
Leurs Excellences le Grand-Chancelier de la
» Couronne , & le Vice- Chancelier de Lithuanie ;
il vient de recevoir dans le moment le plein
g "
( 148 )
"
n pouvoir de les affurer en réponſes , que les`
dommages qui auront été caufés, à cette occafion,
» aux Sujets de la Pologne par les Troupes Au-
» trichiennes , feront réparés & payés , après
» qu'ils auront été duement vérifiés & conftatés ,
» avec cette bonne- foi & équité qui font la bafe
» de la conduite de l'Empereur envers tous fes
voifins , & particulièrement envers l'illuftre
République de Pologne ; & qu'en conféquence
» le Souffigné fera mis au plus tôt en état de les
" informer des difpofitions qui feront faites pa
» ordre de Sa Majefté Impériale & Royale ,
» afin que les informations & la liquidation des
demandes puiffent avoir lieu de concert avec
» les perfonnes qui feront nommées à cet effet
» par la République. " „
""
*
» Le Souffigné a été chargé en même-temps
» d'accompagner ces affurances de la remarque
que Sa Majefté le Roi & l'illuftre République
» auront fans doute reconnu de leur côté , avec
» fatisfaction , que les opérations actives des
་ ་
Troupes de Sa Majefté Impériale & Royale,
» dans la Moldavie, ont beaucoup contribué à
» procurer aux frontières de la Pologne , pendant
» cette campagne , une sûreté qui , en dépit des
บุ droits de la neutralité , étoit menacée d'un dan-
» ger évident par les Troupes Turques & Tar-
» tares fans difcipline ; de plus , que le fiége &
» la prife de Choczim ont rendu cette sûreté
» parfaite , puifqu'ils fixoient toute l'attention de
» ces Troupes , & les ont éloignées entièrement
" defdites frontières ; & enfin , que fi l'activité
» de cette entrepriſe a rendu néceffaires quelques
" mefures inévitables , pour empêcher que la
" place ne reçut les fecours que le droit des
" gens & celui de la neutralité défendent de
donner à une place bloquée , ces méfures ont
3
( 149 )
*
» produit un effet défirable pour l'intérêt propre
» de la République , & n'ont eu , au refte , d'autre
» but que de tenir à cet égard la place des dif-
» pofitions vigoureufes qui , en vertu de la Conf-
» titution du pays , n'avoient pu être accordées
» aux follicitations & aux plaintes des Com-
» mandans des Troupes Autrichiennes ; comme
aufli que les affurances & les éclairciffemens
» que le Souffigné prie leurs Excellences le Grand-
» Chancelier & Vice-Chancelier , de porter à la
» connoiffance de Sa Majesté le Roi & de l'il-
» luftre République affemblée en Diète , mettront
encore en un plus grand jour les fentimens équi-
" tables & amicals qui animent fon augufte Maître.
" Le Souffigné a auffi l'honneur de leur témoi
que Sa Majefté Impériale & Royale fe
" flatte
flatie avec confiance que le Roi & la République
de Pologne , montreront de leur côté
» les mêmes fentimens , en prenant le même foin
» d'écarter tout ce qui pourroit troubler l'harmonie
» qui fubfifte fi heureufement entre les deux
» Etats , & de remplir inviolablement tous les
» engagemens qui ont été contractés entre eux
» par les Traités les plus folennels,
"
A
MOTO ..
Varfovie , le 27 Novembre 1788.
Signé , DE CACHET.
La veille , c'eft-à-dire le 27 , jour de
la vingt- cinquième Seffion; il fut arrêté
par les Etats , fur la propofition du Prince
Sapieha , Maréchal de la Confédération
de Lithuanie , que les Officiers & les
troupes de la République reprendroient
le coftume national , en s'habillant à la
Polonoife.

Dans la Séance d'hier 29 ce Prince ,
g iij
( 159 )
qui avoit parlé avec l'éloquence entraînante
qui lui eft propre , a paru dans le coftume
Polonois , ainfi que M. Suchorzewski Nonce
de Kalifz . C'eftici le lieu de rappeler ce que
J.J. Rouffeau dit au ch. 3 de fes Confidérations
fur le Gouvernement de Pologne.
*
1:
« Je regardé comme un bonheur que
" les Polonois aient un habillement parti
» culier. Confervez avec foin cet avantage
; faites exa&ement le contraire de
» ce que fit ce Czar fi vanté, Que le Roi ,
» ni les Sénateurs , ni aucun homme pu
» blic ne portent jamais d'autre vêtement
s que celui de la nation , & que nul Polonois
n'ofe paroître à la Cour vêtu à la
» Françoiſe .
La dernière Note du Miniftre de Pruffe
a fait une fenfation générale : les Patriotes
ont furstout diftingué & commenté avec
amertume l'information curieufe contenue
dans cette Note ; favoir , que , d'après la
déclaration même de la Cour de Péterfbourg
, c'étoient le Roi de Pologne & fon
Ministère qui avoient propofe à cette
Cour le projet d'alliance entre la Ruffie &
la République. Depuis cette décou
verte , les pamphlets fe multiplient ici
contre le Parti Royalifte. Les foufcriptions
pour l'équipement de la nouvelle
armée continuent avec le plus grand fuccès
: les fonds augmentent chaque jour ; '
{
( 151 )
& fi cette ardeur fe foutient , en peu de
temps la libéralité publique pourvoira à
les compléter.
Parmi plufieurs Difcours dirigés contre
la Ruffie , dans la Diète de Pologne , on a
diftingué celui de M. Stanislas Potocki ,
Nonce de Lublin' prononcé dans la
Séance du 23 novembre. En voici l'extrait
: G
«Je me fens pénétré d'une douleur profonde ,
en voyant que nous faifons pour la Ruffie plus
qu'elle n'exige de nous , en étendant la force de
fes traités avec nous à des objets d'une fi petite
importance , & qui leur font abfolument étrangers.
Nous nous empreffons de fubir le joug ,
lorfque le moment de le fecouer eft arrivé ; nous
renonçons à l'indépendance de la République ,
lorfque le temps de la relever n'eft pas éloigné.
Illuftres États affemblés , je connois tout le prix
que doit mettre la nation Polonoiſe à l'amitié &
au bon voifinage de la Ruffie ; mais avant tout
il faut rendre à ce terme fa vraie fignification. Car
fi nous donnons le nom d'amitié à une influence
de cette Cour, telle qu'elle nous foumette arbitrairement
à fes volontés , ou à celles de fes repréfentans
; fi nous prenons pour marques d'amitié
les entraves d'une garantie impofée & étendue
malgré nous , au-delà de toutes bornes ; fi la République,
reftreinte dans fa fouveraineté, ne fauroit
faire un pas tel que celui de fixer le temps deftiné
à la nomination des Commiffaires de la guerre ,
fans s'attirer des menaces honteufes d'une vengeance
illimitée ; je demande : quelle eft la différence
que nous mettrons entre l'amitié & l'efclavage
? Je ne puis même concevoir quelle fera
la haine , puifquè l'amitié s'annonce ainfi .
g iv
( 152 )
Convenons ; quainfi que tout nous invite à
rechercher l'amitié & le bon voifinage de la Ruffie
, tout rous ordonne de repouffer avec force
ce fort honteux & malheureux , qui , fous le nom
de traités & d'amitié , d'hommes libres nous rendroit
fujets , & changeroit la Pologne d'Etat indépendant
en Province étrangère.
+
Craignons nous qu'un pareil pas ne nous attire
le reffentiment & la vengeance peu méritée de la
Ruflie ? Reftons dans une éternel aviliſſement ,
mais de ce moment renonçons au nom d'hommes
libres , pour pouvoir au moins être efclaves fans
honte.
Mais ce n'eft pas ainsi queje penfe au fujet de,
certe grande Souveraine qui gouverne l'Empire de
Rafie . Ce n'eft ni le reffentiment ni la vengeance,
mais un appui que nous avons lien d'attendre de,
fa manière de penfer noble & généreufe . Les
entreprifes grandes & hardies plaifent aux ames
grandes & élevées , tandis qu'un honteux aviliffement
devient l'objet de leur mépris .
Cette Souveraine n'a pas pris pour une infrac
tion faite aux traités , l'établiffement d'une armée
de cent mille hommes , peut-elle donc prendre
pour une violation de ces mêmes traités , quelques
arrangemens intérieurs qui ont rapport à cet établiffement
? Et lorfqu'elle paroît voir avec fatisfaction
la Pologne devenir une Puiffance refpectable
au-dehors , peut- on croire qu'elle veuille l'avilir
au-dedans , au point de garantir l'indépen
dance de la République contre la République ellemême
?
Il eftclair que la garantie de notregouvernement,
toujours libre & indépendant , ainfi que celle de ros
frontières , ne fauroit s'entendre que contre ceux qui,
voudroient la violer de force , & à fes rapports
directs des étrangers aux étrangers . Penfer autre-,
153 )
ce
W
re
a
-1
S
e
t nous
ment , feroit changer un acte d'amitié en un acte
de fervitude : la violence la plus marquée , au mé
pris des loix les plus fa
facrées des
l
impofer une pareille interprétation de la garantie ;
mais que celui qui la reçoit de gre pour fá patrie ,
ceffe de s'appeler libre & Polonois , je ne vois
en lui qu'un vil efclave .
par
L'Auteur de ce Difcours étoit déja connu
d'excellens Ecrits fur l'Adminiftration
& la Politique , par la fermeté pleine de
grandeur qui le caractériſe , & par
fon goût
éclairé pour les lettres & les arts.
ALLEMAGNE,
De Hambourg, le 7 Décembre.
lombast sh
Le Roi de Suède , après une tournée
dans la Warmie' , où il a été reçu aux
acclamations du Peuple , eft revenu , le 28
novembre , à Gothembourg. Les troupes
raffemblées dans cette ville & aux environs
entrent en quartiers d'hiver. S. M. S. a
nommé Chevaliers de l'Ordre de l'Epée ,
le Comte Watchmeißber , Colonel de la
Marine , & fait prifonier cet été , dans le
combat maritime avec les Ruffes &
Chevaliers de l'Etoile Polaire , M. de
Bedoire , & le Baron de Heidenflam , Miniftre
du Roi à la Porte Ottomane.
La flotte Suédoife , que les glaces retenoient
dans le port de Sweaborg , s'eft
1.
g v
( 154 )
dégagée, le 20, & eft arrivée fans accidentà
Carlferone. Les troupes de Finlande ont
pris leurs quartiers d'hiver. Le Peuple de
cette province eft fi animé contre les
Officiers qui défertèrent lâchement le
fervice l'été dernier , qu'on a trouvé à
Abo , leurs noms attachés à la potence
publique .

I
01
It paroît que le principal moteur de
l'infurrection de ces Officiers eft le
Baron de Sprengporten , qui a levé le
mafque ouvertement , en paffant au
fervice de Ruffie en qualité de Major
général. Avant de trahir auffi formellement
la pattie , il avoir, dit- on, formé le
complot de rendre la Finlande indépendante
de la Suède , & de la mettre fous
la protection de la Rufie. Le Duc de Su
dermanie a publié une lettre circulaire ,
par laquelle il exhorte les Sujets Finois à
Tefter fidèles au Roi & à l'Etat , & à arrêter
ceux qui tenteroient d'exciter des troubles.
L'Impératrice de Ruffie a nommé Muft
des Mahométans , dans fa province d'O
renbourg , Achun Muhammed Dehan Auffein
, & lui a affigné un traitement annuel
de 1500 roubles. L'Ukafe qui établit
ce Pontife , ainfi qu'un college ecclé
fiaftique particulier dans la Tauride , eft
du 3 octobre dernier , le fiége de cette
efpèce de Confiftoire eft à Ufa,
( 155 )
Plus de 600 perfonnes reléguées dans
la Sibérie , ayant fupplié l'Impératrice de
les admettre à fon fervice militaire , S. M.
leur a accordé cette grace , & ordonné
d'en former un Corps particulier.
Le froid eft exceffif à Pétersbourg , depuis
le 15 de novembre , & la Newa entièrement
prife de glace.
La cour de Ruffie a publié un fecond rapport
du Prince Potemkin, concernant l'expédition du Gé
néral Tekelli dans le Cuban .. Ce Général , aprèsi
avoir paffé la rivière de ce nom , difperfa les peu
plades qui s'étoient oppofées à fa marche vers Anapa.
Le 2 octobre , il repouffa l'ennemi , détruifit
des villages , & fit emporter le blé. Le 6 octobre ,
ée Général arriva à la rivière d'Ubino , & livra
le lendemain bataille à l'ennemi qui l'avoit harcelé
de tous les côtés ; l'ennemi fut difperfé : il laiffa
250 morts fur le champ de bataille. Treize prifonniers
ont affuré qu'il s'eft trouvé parmi eux
2500 Turcs , que le Grand-Amiral avoit envoyés
dans la contrée. L'ennemi a perdu en tout, d'après la
déclaration d'un déferteur Géorgien , 1500 hommes ,
au nombre defquels 700 Turcs. Laperte des Ruffes,
fuivant eux, confifte en 28 tués, 16bleffés grièvement
parmi lefquels fe trouve le Capitaine Lichtmeyer ,
205 autres bleffés , au nombre defquels le Général.
Jelagin. Après ce combat , le Général Tekelli continua
fa marche , & arriva , le 8 octobre , à la rivière
d'Amanfa , où il trouva le Général Taliſin ; il concerta
avec lui les opérations ultérieures , & pour
fuivit enfuite fa mache jufqu'à la rivière d'Echapla ,
d'où il fe propofoit de fe porter für Sona & fur
les forts ennemis. Cette dépêche porte encore
que l'adjudant - general Sinawin a croifé dans les
premiers jours d'octobre fur la côte d'Anatolie avec
& VI
( 156 )
´cinq bâtimens armés ; qu'il a détruit près de Wonna
plufieurs bâtimens ennemis chargés de chanvre, &
de goudron , & un magafin ; & près d'Herefinda ,
quatre autres bâtimens deftinés au transport des
Troupes , & qu'il eft retourné enfuite à la côte
de la Tauride.
De Vienne , le 4 Décembre.
-
L'Empereur , arrivé à Prefbourg le 2 ,
eft attendu au premier jour dans cette
réfidence. La femaine dernière , le
bruit mal fondé d'un Armiftice général &
illimité entre nos armées & celles des
Ottomans , avoit répandu une al greffe
univerfelle , & fait préfager légèrem.nt
le retour de la paix ; on fair aujourd'hui
qu'il a été feulement figné , le 24 novembre
, une Convention d'Armistice
local , entre le Comte Jofeph Kinski ,
Commandant des troupes en Hongrie , &
le Pacha de Romélie , avec obligation de
s'avertir 10 jours d'avance en reprenant
les armes . On parle auffi d'un accord
femblable entre le Comte de Brown , Général
de l'armée de Syrmie & le Pacha
de Belgrade. Ces arrangemens , deftinés à
procurer du relâche aux troupes pendant
'hiver , paroiffent fi peu fondés fur le
fuccès de négociations pacifiques , que les
préparatifs d'une feconde campagne , les
recrues , les approvisionnemens, les fabricasions
d'armes continuentici & en Autriche,
( 157 )
N
1
i
fans interruption : on a vu au Journal,
précédent , qu'on venoit encore d'augmenter
les impofitions. Nous avions railon.
de fuppofer une erreur groffière de la part
despapiers publics qui ont annoncé une addition
de taxe de 60 pour 100furles revenus
des Seigneurs , & c .: il n'eft point queſtion
du revenu dans la Patente de S. M. I. Les .
Contribuables Nobles payeront feulement
60 pour 100 de l'impôt ordinaire auquel
ils étoient taxés ; ainfi des autres claffes ( 1 ) .
L'Empereur a permis au Major Vukaffowich,
qui s'eft fi bien conduit à Monténégro , de lever
un corps de volontaires ; le Lieutenant Pavellich
& les jeunes V'ucaffowich & Machorcwich , qui
étoient avec lui , y feront employés , & ont reçu
chacun cent ducats pour s'équiper , Les foldats Licaniens
de la même expédition , ont obtenu une'
gratification de mille ducats ; le fergent a reçu cent
ducats , & obtient double paie durant fa vie; le
prêtre Krempotich, qui avoit accompagné le Major,
a étémommé Chapelain de la Cour avec 500 florins
d'appointemens.
DeFrancfortfur le Mein, le 13 Décemb.
Le tranport du domicile de l'Ele&eur
Palatin , de Munich à Manheim , a fait
naître différentes conje&ures : la plus
plaufible eft que ce changement a été
( 1 ) Ce feroit en France, par exemple , 12 fous
additionnels pour livre de la taxe principale.
( 158 )
occafionné par le mécontentement déclaré
de la Bourgeoifie de Munich . Alarmée,
dit-on , par des bruits fufpe&ts d'un
nouveau projet d'échange de la Bavière ,
de l'augmentation des troupes deftinées
au fervice de l'Autriche , d'un démembrement
du Duché de Neubourg de la Bavière
, elle s'affembla tumultueufement à
l'Hôtel-de-ville le 26 feptembre , & contraignit
la Régence municipale de préfenter
à l'Electeur la remontrance fuivante , où
d'ailleurs il n'eft pas queftion des griefs
politiques que nous venons d'énoncer.
« Séréniſſime Électeur ! Il n'y auroit rien d'étonnant
que nous gardaffions enfin le filence , & que
la Bourgeoisie , réduite maintenant à l'extrémité
du malheur , cédât à fa trifte deſtinée , puifque tant
& de fi légitimes repréfentations qu'elle a faites
jufqu'ici , font reftées fans effet , & qu'il femble
au contraire qu'elle n'en a été de jour en jour que
plus opprimée & vexée. Très - gracieux Prince ,
depuis tant de fiecles que fubfifte cet Etat , jamais ,
non, jamais, les Magiftratures, les Bourgeoifies , les
Corps de métiers n'ont été auffi abaiffés, & avilis
qu'ils le font aujourd'hui.
» Il n'eft pas de fimple Mayeur de village , qui
n'ait la liberté de porter des atteintes à notre
autorité & à nos priviléges.
» Et quand il s'agit de nous vexer , on eſt toujours
fûr d'être écouté , on eft fûr de trouver des appuis
Qui pourroit donc nous b'âmer , fi, nous nous
taifions aujourd'hui comme tant d'autres
chercher encore à prévenir une difgrace qui nous
paroît abfolument inévitable dans la déplorable
fituation où nous femmes ?
( 159 ) "
« Mais nous ne voulons point abandonner une
Bourgeoifie qui a mis toute fa confiance en nous ;
& nous nous expoferons nous- mêmes pour elle à
tous les rifques.
*
« Les Bourgeois fe font de nouveau montrés
aujourd'hui dans la chambre du Confeil , mais en
nombre extraordinairement confidérable : ils nous
ont donné les preuves les plus manifeftes des vexations
auxquelles ils font en butte , & de la décadence
déplorable de leurs affaires ; ils nous ont
prié avec les inftances les plus vives & les plus énergiques
, de venir implorer humblement V. A. S
& lui demander juftice , affiftance , protection &
grace. Ils nous ont remontré que déjà , depuis plufieurs
années , on leur a caufé toutes fortes de préjudices,
& que plufieurs claffes d'entre eux ont
été totalement ruinées de la manière la plus injufte
par le dépériffement du commerce ; que par la
réduction malheureufe des employés aux dicaftères
dont il eft aujourd'hui queftion , ils perdent
tout efpoir d'un fort plus fortuné à l'avenir ; qu'ils
ne peuvent plus fuffire aux taxes qu'ils ont à payer
pour le feul & vain titre de Bourgeois ; qu'ils ne
favent même où trouver de quoi fournir à l'entretien
journalier & néceffaire de leurs maifons ;
qu'ils ne fongent à leur fituation qu'avec le cha
grin le plus amer ; qu'ils cherchent inutilement
autour d'eux un remède à tant de maux , & quelqu'un
qui en ait compaffion ; qu'enfin ils défirent
la mort , comme préférable mille fois à la confervation
d'une vie auffi remplie de peines ...Voilà ,
Séréniffime Prince , voilà une partie de ce que
nous avons dû entendre de ce peuple en alarmes ,
& fes plaintes n'ont été que trop fouvent mêlées
de reproches durs contre nous , comme fi nous.
ne les foutenions pas affez.
Notre devoir , notre honneur, notre confcience
( 160 )
·
nous impofent la loi de faire les derniers efforts ,
& de fupplier Votre Alteffe , avec les inftances les
plus preffantes , d'écouter favorablement la Bourgeoifie
dans fes juftes demandes , de ne plus fouffrir
qu'on la traite avec ce defpotifme dont on ufe
envers elle , mais plutôt de la maintenir fortement
dans fes droits , franchifes & libertés ; de veiller
à ce qu'elle ne foit plus chagrinée par des nouveautés
pernicieuſes ; enfin , de nommer une commiffion
d'hommes juftes & impartiaux , pour exa
miner fes griefs & les redreffer. A quoi bon de
fi beaux priviléges , confirmation de Bourgeoifie
& autres femblables , fi l'on en accorde autant &
fouvent plus au premier venu , à tout étranger , à
chaque aventurier qui fe préfente ?
« La liberté & les franchifes de la Bourgeoifie
demandent que chacun foit maintenu & protégé
dans fes priviléges , fon honneur , fa vie & fes
biens, contre tous les efforts du pouvoir arbitraire..
Déjà plufieurs fages conftitutions ont été enfreintes
pour la perte du comme ce , & l'induftrie , fi
Chancelante , ne tardera point de tomber entière-,
ment . S'il ne reste aux Bourgeois que peu de dé~
bouchés, & que cependant on les diminue encore
leur ruine totale fera néceffairement inévitable. Le
Mitaire a fes ouvriers parmi lui ; la Nobleffe
tire beaucoup du dehors , ou fe fert des gens de
métiers qui habitent fes rerres ; les Eccléfiaftiques
n'ont que peu de befbins. Ainfi la claffe induftrieufe
de la Bourgeoisie n'eft employée , pour la plus
grande partie, que par fes co- Bourgeois , ou les
Employés aux dicaftères . Mais puifque les premiers
font déjà accablés , & que les autres , par la
diminution de leurs gages , ( diminution qui ne
produit qu'une foible économie pour V. A. &
qui porte les plus grands dommages à une multitude
d'hommes ) fe trouvent dans une gêne qui
i
( 161 )
er
approche de l'indigence , que refte- t- il à eſpérer
finon de voir le nombre des pauvres s'accroître de
plus en plus , & la misère devenir à la fin générale.
« L'affliction & le découragement ont pris la .
place de la joie & du bonheur ; les plus fombres
penfées ont remplacé la confiance univerfelle . La
Bourgeoifie ne peut que fe rappeler avec douleur
& trifteffe l'ancien état floriffant de fon commerce ,7
& la langueur affreufe qu'il éprouve aujourd'hui ,
fur-tout en fongeant au fort inévitable de la misère
qui menace fa poftérité.
« Ces remontrances font affez férieuſes & affez
étroitement liées avec le bien général de l'Etat ,
pour ofer croire que Vote Aftelle les regndera
comme une affaire de la plus grande importance,
qui peut avoir des fuites très pernicieufcs , &
qu'Elle prendra les mefures les plus efficaces pour
faire ceffer des fujets de plaintes fi légitimes & fi
grands , pour ne pas accroître l'indigence , déjà fi
alarmante, d'un nombre incroyable de Maçons , de
Charpentiers, & autres Journaliers ; enfin, pour ne
pas faire de cette Ville capitale un mité able repaire
de voleurs. Nous finiffens & réitérons fortement
nos prières à Votre Alteffe , pour qu'Elle
vienne à notre fecours ; & nous fommes, ainfi que
la Bourgeoifie , de Votre Alteffe Electorale , les
fujets très-foumis, »
Les BOURGMESTRES & CONSEIL.
Depuis la mort du feu Roi de Pruffe
on la formé 20 nouveaux bataillons de
troupes légères , chaque bataillon de 600.
hommes ; ce qui fait en tout 12,000. Hait ,
de ces bataillons font partie du Corps d'armée
qu'on affemble.fur les frontières de
( 162 )
Pologne. Comme les Ruffes ont abandonné.
leur projet de prendre leurs quartiers d'hi
ver fur les terres de la République , l'armée
Pruffienne ne paffera pas les limites.
Cependant on eft prêt à tout évènement ;
le Duc régnant de Brunswick fait même
travailler à fon équipage de campagne ,
l'on commence à parler de la formation
d'un Traité entre la Cour de Berlin & la
Pologne.
&
Le froid eft devenu ici exceffif, & dans
toute la Wétéravie , depuis quelques jours:
le Mein eft couvert de glaces.
ESPAGNE.
De Madrid , le 30 Novembre . -
L'Infant Don Gabriel , attaqué de la
petite vérole peu de jours après la mort
de fon époule & de fon fils , s'étant
trouvé plus mal le 22 au foir , il reçut les
Sacremens , & à minuit & demi ce Prince
expira. - Ses obfèques furent faites , le
24 , avec la pompe d'ufage . Le Roi voulut
refter fans gardes pendant cette céré
monie , afin que toute fa Maifon y affiftât.
Il y a beaucoup de malades au Palais ,
( 163 )
les Miniftres de la Marine & dés Finances,
le Duc de Grenade , la Comteffe de la
Corogne , plufieurs Seigneurs & premiers
Secrétaires des Miniftres font de ce nombre
.
On écrit de Denia , dans le royaume de
Valence
, que , le 16 , un ouragan furieux
& des pluies abondantes avoient dévasté
toute la campagne des environs , & cccafionné
le naufrage de onze bâtimens qui
fe trouvoient fur cette côte.
Le Confeil chargé par le Roi de l'affaire
du Marquis de R. , l'a déclaré innocent
des accufations portées contre lui,
& a prononcé , par le même jugement ,
qu'il s'étoit bien conduit dans fes fonctions
de Miniftre . S. M. en conféquence
lui a fait donner la liberté , & le choix du
domicile qui lui fera le plus agréable.
"
On apprend de Bilbao , du 11 , que la
mer , élevée à une hauteur prodigieufe
eft entrée dans la grande place , & qu'elle
a entraîné dans la rade & le mole tous les
bâtimens , navires & bateaux qui s'y trou
voient. La perte eft évaluée à 80 mille
piaftres .
Le bled devient rare & cher, ici de
jour en jour , malgré les précautions du
Gouvernement. Les Boulangers ont hauffé
le prix du pain; plufieurs provinces éprou(
164 )
vent la même difette ; vers le milieu du
mois , il ne reftoit de bled que pour 15
jours dans les magafins de Barcelonne.
GRANDE - BRETAGNE
De Londres , le 16 Décembre.
Pendant la femaine dernière , les bulletins
journaliers de Kew , plus développes
dans les avis particuliers , ont contoutu
avec la déclaration officielle des Médecins,
à ranimer l'efpoir de la Nation. Les nuits
du Roi ont été beaucoup meilleures ; il a
eu des fommeils de 5,6,7 , 8 heures non
interrompues; il a été beaucoup plus calme
dans la journée , & la fréquence des rechutes
a paru fenfiblement diminuer.
Cependant , le 13 , malgré un fommeil
tranquille de cinq heures la nuit précé
dente, S. M. fut inquiète , & cette agitation
le manifefta jufqu'au lendemain matin . Sa
tranquillité revint à midi ; la nuit fuivante
a été très bonne , le fommeil de fix heures ,
& aucune altération extraordinaire, n'a
reparu depuis . On attribue celle qu'éprouvale
Roi , famedi , à la rencontre de
la Reine, qu'il aperçut dans le jardin où
il fe promena quelque temps : cette ent
( 165 )
trevue accidentelle fut également touchante
pour tous deux ; S. M. reconnut
la Reine fur- le - champ .
)
L'amélioration qu'on s'eft flatté d'apercevoir
dans l'état de ce! Monarque ,
eft attribuée aux foins nouveaux & au
traitement plein d'intelligence du Docteur
Willis, Ge Médecin , jadis Eccléfiaftique ,
'occupe à travailler fur le moral du Prince,
& fe croiroit certain de fa prompte guérifon,
fi l'on pouvoit le diftraire des affaires publiques,
principalement celles de l'Europe
actuelles , qui le
préoccupent.sk
La queftion, de la Régence , fimple en
apparence , décidée hardiment depuis un
mois par les perfonnes même qui ont le
moins de droit à une déciſion , eft arrivée
à fa maturité. En lifant les difcuffions
publiées à ce fujet , on voit qu'il implique
le pouvoir du Parlement; que même , en
étant d'accord fur la nomination d'un
Régent unique , dans la perfonne du Prince
de Galles , il faut déterminer l'attribution
du droit de le nommer; que S. A. R.
peut être appelée à cette Vice-Royauté ,
par toutes les convenances , fans l'être
par un titre politif, dont la bafe repofe
dans le Parlement lui même ; que le Régent
d'une Minorité , ou le Régent d'un
Etat dont le Chef, par abſence , maladie ,
T
( 166 )
ou autres cauſes pareilles , refte incapable
de vaquer momentanément à l'Adminif
tration , ne font pas fynonymes ; que plus
ces différences font délicates , plus il
importe de les approfondir dans un pays
où les loix , rempart de toute liberté , ont
un fiége profond & facré ; qu'enfin , le
degré d'autorité à conférer à ce Régent
qui n'eft pas Roi , pendant la vie du Roi,
entraîne un examen férieux . Ainfi l'a vu
le Ministère , & l'on peut ajouter le public.
Delà , les débats Parlementaires dont nous
allons préfenter l'analyſe.
Le Comité nommé par chacune des
Chambres, leur a fait , le 10 & le 11 , le
rapport des 7 Médecins interrogés . L'im
preffion de ce rapport étant ordonnée ,
& l'extrait des papiers publics méritant
quelque défiance , nous nous abftiendrons
de rendre ici leur relation . Il fuffira de
dire, que cinq de ces Docteurs perfiftèrent
dans leurs premières réponſes pardevant
le Confeil-Privé tous furent d'accord,
1°. que le Roi étoit en cemoment hors d'état
de vaquer aux affaires publiques ; 2º. que
fa guérifon étoit probable , d'après l'exemple
de nombre de malades rétablis de la
même infirmité ; 3 °. que l'époque de ce
rétabliffement leur paroiffoit impoffible å
déterminer avec précifion. Interrogé fur
(( (1678)
l'origine du mal, le Do&eur Bakerrépondit
que S. M. avoit été fubitement atteinte
le 22 octobre au foir , & que le matin
il étoit fans fièvre . Le Do&teur Willis
donna l'opinion la plus fatisfaifante & la
plus détaillée ; il annonca les plus hautes
efpérances de guérifon les exemples
nombreux qu'il avoit eus fous les yeux ,
l'autorifoient à croire qu'en deux, trois ou
fix mois , S. M. pouvoit être rétablie.
Quoiqu'il n'eût pas aperçu encore de
fignes marqués de convalefcence , il les
fuppofoit peu éloignés , parce que l'irritation
nerveufe avoit ceffe . Quant à l'origine de ce
défordre , il l'attribua à une trop grande
application d'efprit , àune diète trop rigide,
& à un exercice trop violent. Après la
leaure de ce rapport dans la Chambre-
Baffe , le 10 , M. Pitt demanda la nomination
d'un Comité chargé d'examiner
& de rapporter à la Chambre les exemples
confignés dans fes Archives , ou autres
papiers d'Etat , & applicables au cas préfent
: « La queftion actuelle , dit- il , dans
fon préambule , intéreffe les droits de
P'Autorité Royale , les intérêts du peuple,
» le falut de l'Empire , les facrés fonde--
mens de la Conftitution. » Après ce
Miniftre , M. Fox prir la parole , & dit :

- J'ai le bonheur d'être d'accord , à pluſieurs
wh
211010
( ( 168 ))
?
égards , avec le T. H. M. affis vis- à - vis de moi
(M. Pitt ) . Je conviens avec lui que c'eſt le devoir
, l'indifpenfable devoir de cette Chambre
de pourvoir, fans perdre de temps , à ce qu'exi
gent les conjonctures : je dis fans perdre de temps ,
Scar il s'en est déja beaucoup écoulé. Je demande
adonc toute la célérité compatible avec une dé-
Jibération décente. On veut nommer un co- -
mité de recherches : je confens à ne pas m'op-,
pofer à cette motion , quoique j'en fente toute
l'inutilité ; ce fera encore du temps perdu.
•Tous les membres de cette Chambre font famidiers
avec l'hiſtoire de leur pays ; ils favent bien
qu'on n'y trouvera rien de ce qu'on y cherche.
toute par -Il exifte ure
perfonnere
fait mention; &
rang , de celles dont
jufqu'à ce qu'on me cite une feule preuve de l'interruption
du pouvoir foyal , tandis qu'il exiftoit
un héritier de la Couronne , qu'aucune raifon va
lable ne doit faire rejeter , & dans l'âge requis .
par les loix , je perfifterai à nier qu'il ne fe trouve
rien dans nos annales d'applicable aux circonftances
* actuelles. A mon avis , le fait de l'incapacité de
S. M. au Gouvernement bien & duement établi ,
de Prince de Galles a un droit auffi clair , auffi com
plet , auffi incontestable de s'emparer du Gouvernes
ment , au nom de fon père , qu'il l'auroit en cas
de décès de S. M. Mon opinion fe fonde,
non- feulement fur les analogies hiftoriques , mais
Sur toutes celles qui dérivent de l'efprit de la
conftitution & de la raifon. Je ne fuis , je penfe,
que l'interprète de la majorité de cette Chambre
& de la Nation. Si donc Son Alieffe Royale
a un on doit l'établir le plus
fible , car , quelque cifpofé que foit de Prince
par la bonté de fon coeur, à attendre avec, déférence
, & même patiemment , les opinions du
Parlement , la réclamation de f droits n'en
i
-
t évident over
exige
( 169 )
"
exige pas moins , de notre part , une confécration
immédiate. En conféquence j'aurois défiré
qu'on omît cette motion , pour nommer un
Comité de recherches ; mais comme je me
pique autant qu'aucun autre membre , de fuivre les
formes folemnelles & néc: flaires de dé ibération
je ne m'oppoferai pas au voeu général ; mais ,
je le répète il eft du devoir de la Chambre
de ne pas perdre de temps. Ce devoir devient
d'autant plus facré , qu'elle a fous les yeux
le rapport des Médecins. Les opinions , il eſt
vrai , font partagées ; les uns efpèrent beaucoup ,
d'autres peu ; mais il n'en exifte pas moins
trois points établis par cet examen : points qui
forment la baſe fur laquelle la Chambre doit travailler
à ce qu'exige la pofition préſente de la
grande Bretagne. 1. S. M. eft aujourd'hui complétement
incapable d'exercer les fonctions du
Gouvernement ; 2°. il est très-probable qu'Elle
fe rétablira; 3. impoffible de déterminer à quelle
époque. Affurément j'ai préfenté ces articles
d'une manière franche , vraie & non équivoque.
C'eft la fubftance des rapports , tout homme impartial
l'avouera . »
« Le T. H. M. répliqua le Chancelier de l'Echiquier
, vient de fignifier qu'il ne s'oppoferoit pas
à un Comité d'informations , quelque inutile qu'il
lui paroiffe : ainfi je garderois le filence , s'il ne
lui étoit échappé des opinions que je ne puis me
difpenfer de relever , des opinions qui feules
juftifieroient la néceffité de ce Comité . Quelque
idée que je me fois formée des opinions conftitutionnelles
du T. H. M. dans les occafions
précédentes ; de que que manière que j'aie penfé
de fa théorie & de fa pratique, je fuis forcé de dire
que l'avis qu'il vient d'expoſer , équivaut prefque`
à un crime de haute trahifon. Il ne fe contente pas
No. 52. 27 Décembre 1788. b
( (170 )
de s'élever contre la Conftitution ; il dément encore
chaque page de l'hiftoire. Je ne difcuterai
point la réclamation de l'héritier préfomptif. Si
jamais on nous préfente une pareille requête ,"
elle méritera toute l'attention du Parlement. Il
eft probable qu'elle aura lieu : on vient pour anf
dire de nous l'intimer. Eh bien , cela feul fuffit
pour y penfer férieufement , & pour délibérer
avec poids fur une question de cette importance.
Pour moi , je n'admettrai jamais que
perfonne ait le droit de réclamer l'autorité royale.
C'eſt au peuple d'Angleterre qu'il appartient
de pourvoir , par fes conftituans , à l'absence du
pouvoir exécutif de l'Etat : cette prérogative des
deux Chambres eft prouvée par des exemples.-.
Le Parlement a une voix , & s'il l'a , ce n'eft affurément
pas pour fe laiffer fubjuguer à l'avance
par une réclamation. Je défire qu'on fépare la
queftion de droit & celle de la convenance ,
moins que les deux Chambres ne confentent à
inveftir le Prince de Galles de la totalité ou
d'une partie de l'autorité exécutive : il n'y a
pas plus de droit qu'aucun autre individu. Mais
comme il eft poflible que les avis foient partagés
, il devient indifpenfable de remettre cette
difcuffion après l'examen attentif des exemples
que pourra nous fournir l'hiftoire .
W
« Si l'on ofe foupçonner les Miniftres de S. M.
de vouloir gagner du temps , il me fera facile
de diffiper cette opinion injurieufe. Dès que le
Parlement s'eft affemblé , ils lui ont fait part de
La trifte maladie de S. M. Ils ont proposé l'appel
général de la Chambre , pour donner la folemnité
néceffaire aux mefures à prendre. La première
a été de nommer un Comité qui établît à
fes yeux le fait d'une manière authentique. Le
( 171 )
Comité qu'on propofe aujourd'hui , eft deſtiné
des recherches fur les priviléges de la Chambre ,
& à les conftater. Que tous ceux qui nous
entendent, que tous ceux qui apprendront ce qui s'eft
paffé aujourd'hui dans le fanctuaire de la Conftitu
tion Britannique , fe fouviennent qu'en conféquence
de ce qu'on y a avancé , la Chambre doit prononcer
fur une question bien plus importante que celle
qui regarde S. M.; s'il peut en exifter de
réellement plus grave que celle à laquelle un Roi,
l'idole de fon peuple , eft pourtant intéreffé au
plus haut degré, La Chambre , dis-je , prononcera
décifivement fur une queſtion qui enveloppe les
droits les plus facrés du peuple , les intérêts de
l'Empire & les principes de la Conſtitution . »
>
Jeae fuispas , reprit M. Fox , l'Avocat du droit
héréditaire , dans le fens tombé en défuétude. J'ai dit
que le Roi , les Lords & les Communes avoient le
droit de le modifier ; -mais que les deux Chambres,
fans le Roi , n'ont pas ce pouvoir. En cela , je n'ai
rien avancé qui put me faire inculper de trahison ;
ee feroit l'opinion contraire qui m'attireroit
juftement le nom infamant de traître : -
Non les Chambres ne le peuvent : leurs
efforts feroient un attentat contre les loix. Je maintiens
donc de nouveau mon affertion. Oui , le
Prince a un droit évident à s'emparer de l'autorité
au nom de fon père , toutes les fois que S. M.
eft devenue incapable de l'exercer. Les deux
Chambres n'ont pas le pouvoir de le prévenir ;
de l'en empêcher encore moins de nommer
peut-être même de limiter le Gouvernement exé
cutif. Je ne me lafferai point de redire qu'à la
mort civile du Roi , Théritier préfomptif a le
droit incontestable d'adminiftref au nom du Roi
J'ai entendu le T. H. M. prononcer fouvent le
1. h it
#
( 172 )`
-
mot de Parlement . Eft - il bien sûr qu'en ce mo
ment nous faffions Parlement ? Pour moi jè connois
des affemblées , & des affemblées trop fages
, pour ufurper le nom de Parlement ; mais je
ne connois pas de Parlement fans un Roi. Il
eft clair jufqu'à l'évidence , qu'il n'y a pas
de Parlement, & qu'il ne peut en exifter qu'avec
le concours de la troifième branche de la Conftitution.
La Couronne n'eft pas élective ,
eft héreditaire , auffi long-temps qu'elle s'accorde
avec le bonheur du peuple & l'avantage du pays.
-
ici
elle
Le feul acte auquel les deux Chambres foient
autorisées , c'eft de rétablir la troisième branche
de la légiflature ; elles le doivent faire fur-le
ch. m , en reconnoiffant le droit de l'héritier
préfomptif. Si quelques Miniftres fe prévalent
d'une fituation telle que celle-ci , pour s'arroger
des droits qui ne leur appartiennent pas ,
leur
conduite mérite mieux l'épithète de trahison ,
que celle d'un membre qui , délibérant dans la
Chambre fur la Conftitution , croit que l'exercice
de la Souveraineté appartient plutôt à un
membre de la Famille Royale , qu'au premier
venu. »
adres
« Le T. H. Membre , reprit M. Pitt ,
» a mal faifi mon opinion invariable , &
» la voici : Dans le cas d'interruption
de l'autorité exécutive , c'eft aux deux
autres branches de la Légiflature à pourvoir
au vide de la troifième. - Aucune
» perfonne, de quelque rang qu'elle puiffe
» être , n'a droit autrement à l'exercer. La
loi veut qu'en cas de décès du Roi, fon
» héritier lui fuccède. Mais, encore un
»
-
( 173 )
" coup , dans une fimple interruption de
» l'exercice de la Souveraineté , perfonne
» n'a droit de fe préfenter de foi- même
» pour s'emparer de cette autorité . - C'est
» le devoir du Parlement de déterminer à
la » qui on doit confier ce pouvoir , pour
» confervation des droits du Roi & la fur
» reté de la Conflitution nationale. »
M. Burke fuivit M. Pitt , & parla , difent
les légendes hebdomadaires , avec fa vigueur
ufitée , c'est - à-dire , qu'il accufa le Miniftre
d'être le Compétiteur du Prince de
Galles à la Régence , & qu'il fe permit
quelques autres bouffonneries de cette vigueur-
là , qui firent crier à l'Ordre. M.
Pitt prit la peine de répondre à l'accufation
qu'on portoit contre lui , & perfifta
dans fes principes ; enfin , après cette
chaude converfation , le Comité fut confenti
unanimement , & compofé à - peuprès
des mêmes Membres qui ont formé
celui de la femaine dernière.
Lamême motion , le lendemain 11 , ayant
été portée par le Comte de Cambden , Préfident
du Confeil privé , dans la Chambre.
Haute , elle donna lieu à la même difcuffion
prématurée. Lord Cambden ayant témoigné
fa défapprobation des maximes de
M. Fox dans la féance des Communes de
la veille , Lord Loughborough , Chef des
hiij
( 174 )
Plaids communs , les défendit par un difcours
mefuré , mais rempli d'habileté &
de véritable force , c'eſt- à- dire , de logique
& de connoiffances : en voici quelques paffages.
Il est un principe étroitement lié avec les idées
que j'ai toujours eues de la Conftitution ; c'eſt que
la loi a porté la prévoyance jufqu'à indiquer
dans tous les cas poffibles , excepté deux , où réfidoit
l'autorité royale . Les deux cas exceptés font ,
1 ° , celui où le Roi , enfreignant le contrat entre
le peuple & lui , attaqueroit & renverferoit la
Conftitution , ce qui équivaudroit à une abdication
du trône ; 2º . P'extinction entière de la Famille
Royale. Dans tous les autres cas , la loi s'eſt
expliquée ; elle a défigné le fucceffeur , ou expreflément
, ou par analogie.
Ce droit de fucceffion a été fi incontestablement
décidé par la loi , que rien ne peut le changer ,
fi ce n'eft un acte du Parlement. Cette claufe a
même été inférée dans l'acte qui établit la Famille
actuelle fur le trône . C'eſt une chimère de fuppofer
que les deux Chambres du Parlement puiffent
admettre aucune atteinte à l'autorité de cette loi :
elles ne le peuvent pas plus que de paffer un
Bill de péage fur les grands chemins. Toute per
fonne , affirmant maintenant par écrit que deux
des branches de la Légiflature ont le pouvoir &
l'efficacité de toutes trois , eft affujétie aux peines
portées par l'acte de præmunire. Sans la troifième
branche de la Légiflature , les deux Chambres incomplettes
font incompétentes , & ne peuvent
procéder à aucune affaire , fi ce n'eſt à annoncer
à la Nation où réfide le pouvoir exécutif.
Si les deux Chambres prenoient fur elles d'élire
un Régent , comment procéderoit- on à cette Election
? Scroit- ce par fcrutin , ou à la pluralité des voix
( 75 )
-
dans les deux Chambres, fuivant Fufage ordinaire ?
En vérité, la chofe eft fi monftrueufe en elle-même,
qu'on pourroit tout auffi bien penfer à nommer
des Confuls , ou à nous donner le Gouvernement
des Marattes. Mais fuppofons pour un moment
que nous choffiffions un Régent , & foit que ce foit
tout autre que le Prince de Galles ; la loi regarde la
perfonne du Prince comme facrée. Ce feroit
donc crime de haute trahifon que d'attenter à
la vie du Prince , tandis qu'un pareil attentat fur
" celle du Régent feroit un meurtre ordinaire . Quelle
abfurdité ! Dans le fait , un Régent ainfi nommé
He feroit qu'un prête-nom , une poupée entre les
mains des deux Chambres ; & comme elles conferveroient
le droit de reftreindre , & peut- être
celui de retirer à elles le pouvoir , elles auroient
toute l'autorité légiflative & exécutrice . C'en feroit
fait de notre heureufe Conftitution.
Deuxfoleils , dit-il, ne peuvent briller en même-
"temps fijr le même hémisphère ; & peut-être ,
fila Régence étoit ôtée au Prince , deviendroit- il
néceffaire que S. A. R. fe retirât dans quelque
Pautre partie des Domaines Britanniques . Il en eft
une (PIrlande ) qui , quoique foumise au même
Monarque , & gouvernée par les mêmes loix , eft
"pourtant repréfentée par fon Parlement particulier.
Je ne doute pas que la loyauté , la juftice & le bon
fens de ce peuple ne le faffent marcher fur nos
trices , pourvu que nous fuivions celles de la loi
fondamentale ; mais adopteroient- ils notre élection
? Non affurément. Leurs droits font égaux aux
nôtres ,; ils peuvent choifir pour eux-mêmes ;
da moment que nous nous écarterions de la lơi ,
ils fe jugeroient autorités à fe féparer de nous .
·
&
La maxime que l'on effaye d'établir , renverſe
tousles principes d'une fuccellion héréditaire , elle
rend la Couronne élective & fait du Parlement
Tune diefe de Pologne.
2
hiv
( 176 )
Le Chancelier toucha la queftion avec
ménagement , & expofa différentes confi
dérations oppofées à celles de Lord Loughborough.
-
« Ce n'eft , dit-il , qu'avec une extrême répugnance
que j'entre dans la difcuffion détaillée
de la queftion qui nous occupe. Je regarde ce débat
comme inutile & délicat peu . Nonobftant
tout ce que vient de dire le noble & favant Lord,
fur la différence entre l'héritier préfomptif & les
fimples fujets , je perfifte dans l'avis contraire au
fien , & je m'y crois d'autant mieux fondé , que
j'a cherché à m'inftruire fur ce point autant qu'il
m'a été poffible. Je fais qu'en conféquence du
trifte état où se trouve actuellement S. M. , nous
fommes privés de la branche exécutive de notre
Conftitution ; les deux autres branches doivent
délibérer avec le plus grand foin
avant de fe
déterminer à remplacer celle qui manque , & de
nommer un Subftitut au Roi. Quant à l'opinion
que fa perfonne & celle de fon héritier préfomptif
font inféparables , d'après l'efprit de la
loi , c'eft une doctrine à laquelle je ne faurois
foufcrire ; cependant je me fais un devoir de
reconnoître la fupériorité du Prince , diftingué
des autres fujets par des priviléges particuliers ,
fi exactement déterminés , fi univerfellement reconnus
que je crois inu ile de les détailler
ici. "
2
Je ne vois point du tout l'urgence prétendue
des conjonctures préfentes ; je ne crois pas non
plus qu'elles exigent une nomination auffi prompte;
au contraire , il y auroit de l'indécence à prendre
une réſolution définitive fur des raifons auffi
légères que celles de l'indifpofition de S. M.
depuis quelques femaines : cette précipitation feroit
inexcufable ; & ce qui doit nous en fauver
3
( 177 )
$
la honte , c'eft que le rapport fait par les Médecins
au Comité , nous permet d'efpérer que ce
Roi chéri ne tardera pas à fe rétablir, Quelque
parti que puiffent prendre les deux Chambres ,
d'après telle analogie des exemples précédens
qu'elle veuille fe guider , la meilleure manière
de nous procurer des autorités vraiment inftruc
tives , c'eft de les tenir d'un Comité nommé
pour les recherches néceffaires. J'avoue que dans
le cas de décès du Roi , le droit à la fucceffion
ne peut même faire la matière d'une queſtion ;
mais pour une indifpofition paffagère , fe conduire
comme on le feroit fi le trône étoit
réellement vacant par la mort de celui qui l'occupoit
, ce feroit une innovation dangereufe , &
qui peut-être pourroit plonger notre patrie dans
des calamités qu'elle n'a pas encore connues . Je
-vous conjure donc , en fon nom , de différer à
prendre un parti décifif , jufqu'à ce que vous
ayez reçu des informations qui puiffent fanctionner
vos mefures. ››
Milord Stormont , dans une réplique au
Chancelier , fe hafarda à avancer que file
Parlement prenoit fur lui de difpofer de
l'autorité royale dans le cas préfent
l'Ecoffe regarderoit l'Acte d'union comme
rompu. Ala fuite de ces difcours , la quefrion
principale fut propofée & admife fans
divifion , & le Comité nommé le 12 .
Ce jour là , M. Welbore Ellis ayant préfentéle
rapport du Comité des recherches ,
inftitué par la Chambre - Baffe , M. Pitt en
requit l'impreffion , & fit la metion , que
le mardifuivant ( aujourd'hui ) la Chambre
Je format en Comité général pour confidérer
l'état de la Nation. h v
( 178 )
On a pu remarquer que M. Fox & fon
parti , titrés de Whigs rigoureux, d'hommes
populaires , de défenfeurs de l'autorité Parlementaire
, d'antagoniſtes à brûler de la
prérogative Royale , venoient de conteſter
au Parlement & au Peuple , un droit confacré
par la révolution de 1688 , à laquelle
cette même Oppofition vouloit élever , il
y a deux mois , une colonne commémorative
. La circonftance actuelle paroiffant
favorable à leurs intérêts , ces ardens Pa
triotes ont préconifé des maximes diamétralement
contraires à leurs principes fuppofés
. Par une autre fingularité , ce font
les Miniftres qu'on a vus foutenir les pouvoirs
du Parlement , & prendre le rôle
qu'auroient donné à leurs adverfaires ceux
qui jugent des hommes par leurs difcours ,
& du patriotifme par l'emphafe des déclamateurs
. Cette conduite de M. Foxayant
fait fur le Publie une impreffion infiniment
fâcheufe , il a jugé prudent de revenir fur
fes pas , & de s'expliquer dans la féance du
12. Il a avoué que S. A. R. feroit hastement
blâmable de s'emparer de la Régence ,
avant d'y être appelée par le Parlement ;
mais ila demandé que , fans délai , les Chambres
euffent à déférer ce pouvoir au Prince ,
par une adreffe à cet effet. Cette déclaration
de M. Fox a fourni à M. Pitt l'occafion
de faire la fienne avec une nobleffe
( 179 )
franche , en annonçant que fon avis avoit
toujours été que le Prince feul devoit être
Régent , Régent fans Confeil permanent ,
maître abfolu de choifir les agens de fon
autorité ; mais que cette autorité devoit
être déterminée par le Parlement . Divers
Membres parlèrent enfuite fur le même
fujer ; & , la motion de M. Pitt agréée , la
Chambre s'ajourna au mardi fuivant.
Nous donnerons la femaine fuivante
quelques détails de cette féance , ainfi que
de celle de la Chambre des Pairs le 15 ;
celle-ci a été très - animée , quoique fans
objet de délibération fixé S. Á . R. le
Duc d'Yorck & le Duc de Glocefter ont
parlé le premier de ces deux Princes ,
fur-tout , avec une modeftie & une fageffe
très-vivement applaudies. « Quoique hors
» d'ufage , a-t- il dit , d'exprimer mes opi-
» nions à vos Seigneuries , je fuis dans
>>
;
l'indifpenfable obligation de les affurer
» que mon Frère le Prince de Galles n'a
» réclamé jufqu'ici aucune part au Gou
» vernement ; que , pénétré des fentimens
» & des principes qui ont porté fur le trône
» la Maiſon de Brunſwick , S. A.R. fe char-
» gera volontiers du pouvoir quelconque
» qu'il plaira à V.S. & aux Communes
» de lui déléguer . Elle défire auffi ardem-
» ment votre unanimité dans une aufli
h vj
( 180 )
» trifte conjoncture, non feulement pour
» l'intérêt de la Nation , mais encore
» pour la confolation d'une Famille ac-
» cablée de la plus grande affli&tion , «< Le
refle de la converfation fut extrêmement
tumultuenx , par une altercation de
Lord Sydney, d'abord avec le Vicomte de
Stormont, enſuite avec Lord Rawdon, qui
l'avoit appelé à l'ordre . « Cet appel , dit
» Lord Sydney avec chaleur , eft anti-
» Parlementaire & indécent. Je ne fouf
frirai de réprimande ni du Noble Lord
» qui a parlé , ni de tout autre ; & fi
» quelqu'un á à m'en faire , c'eft hors de
» la Chambre & de la manière ufitée
» entre Gentilshommes. » Nous reviendrons
à cette Séance, qui finit par un ajournement
au lendemain .
La groffièreté des farcafmes , & la baf
feffe calomnieufe des imputations que fe
permettent nos Papiers , eft portée au plus
haut degré M. Pitt a été furtout l'objet
de ces turpitudes , que nous aurions honte
de relever; mais il eft permis de citer un
exemple d'une malignité plus gaie.
« Les infortunés Défenfeurs de l'Op-
» pofition , dit le World , foutiennent que
» M. Fox eft la terreur de la France. Ils
» pourroient porter leur éloge encore
» plus loin , en difant , avec vérité,
» qu'il eft la terreur de l'Angleterre , Cón(
181 )
fultez les Fonds publics. En effet,
ils ont baiffé depuis qu'on a craint le re
tour de l'Oppofition au Ministère ) .
Georges-Frédéric Moakes , commandant
un vailleau employé au fervice de la
Compagnie des Indes en 1719 , eft mort
dans fa maiſon près de Barnet , âgé de 107
ans & fix. móis.
Mitrefs Molloy & le fieur John Bryſon
font morts en Irlande , la première âgée de
102 ans , & l'autre de 103 .
FRANCE.
De Versailles , le 17 Décembre.
Le Roi a nommé à l'Evêché de Grenoble
l'Evêque d'Orange ; à l'Evêché de Marianna &
Accia , l'Abbé Joannis de Verclos , Vicaire de
Saint Sulpice ; à l'Abbaye d'Honnecourt , Ordre
de Saint-Benoît , diocèfe de Cambrai , l'Abbé
de Roux de Bonneval , Vicaire- général de Mâcon ;
& à celle de Mores , Ordre de Citeaux , diocèſe
de Langres , l'Abbé Lep ppe de Trevern , Vicairegénéral
du même diocète.
La Cour a pris le deuil fix jours , du 16 au
22 , à l'occafion de la mort de la Princeffe- Auguftine-
Caroline de Brunſwick- Wolfenbuttel ,
époufe du Prince Frédéric- Guillaume , Prince de
Wurtemberg.
De Paris , le 25 Décembre.
Arrêt de la Cour de Parlement , du 17
décembre 1783 , rendu les Chambres affemblies
, les Pairs y féant , qui condamne
un Imprimé ayant pour titre : Délibération
à prendre par le Tiers- Etat dans toutes les
( 182 )
Municipalités du Royaume de France , à
être lacéré & brûlé par l'Exécuteur de la
Haute-Juice.
- Cet Arrêt , rendu fur le Rapport de M.
Lefevre d'Amécourt , eft précédé d'un Ré
quifitoire de M. Séguier , Avocat- Général,
dans lequel on peut remarquer les traits
fuivans de l'éloquence ordinaire de ce
Magiftrat.
Nous dirons donc que nous envifageons cet
Imprimé comme le premier effort d'une anarchie
prête à éclater ; & fi la fageffe des Gardiens de
la Conſtitution ne fe hâte de prévenir l'effet de
cette production féditieufe , elle deviendrale germe
des défordres que le fyftême d'égalité fe flatte
d'introduire dans les rangs & dans les conditions.
La fimple lecture en fait découvrir les vues
& Pillufion , les loix y font entièrement méconnues
, les principes les plus vrais y font
dénaturés , les Corps les plus anciens renversés ,'
les Etats - Généraux eux-mêmes , réduits à une
impuiffance abfolue ; en un mot , la Conftitution
du Gouvernement François , cette Conftitution
qui exifte depuis tant de fiècles , & que l'ignorance
ou lamauvaiſe foi peuventfeules méconnoître ,
y eft totalement détruite , puifque la France cefferoit
d'être une Monarchie.
On ne s'en tient plus à propofer des doutes
furl'incertitude des premiers temps de la Monarchie,
fur les limites de la Souveraineté , fur la féparation
réelle des Ordres , fur l'étendue des Priviléges ,
en un mot , fur les droits de la Nation réunie ;
toutes ces queftions , autrefois problématiques ,
font décidées fuivant le génie & le caractère des
Ecrivains. Les fages inftitutions fur lesquelles repofent
les fordemens de la Monarchie font abo
183 )
lies ; les Loix demandées par la Nation , confenties
par le Souverain , exécutées pendant des fiècles
entiers , ne font plus que de vaines chimères ,
enfantées par l'ignorance & avouées par la foibleffe
. Nos principes eux-mêmes , la féparation des
trois Ordres de l'Etat , qui , chacun en particulier
, ne peuvent rien , & qui peuvent tout pour .
le bien public , quand un même efprit & un même
fentiment les réunit , ces bafes inaltérables de la
prospérité de l'Empire , doivent être envifagées
comme le fruit des erreurs du premier âge , ou
le produit d'une injuftice que la force feule pouvoit
ériger en Loi . Enfin , il eft peu d'Ecrivains
de quelque rang & de quelque condition qu'ils
puiffent être , qui , dans l'enthousiasme de leurs
idées , ne traitent nos ancêtres d'hommes fimples
& crédules, courageux mais ignorans , propres à
foamettre leurs ennemis les armes à la main
mais qui n'ont jamais refpecté les droits particuliers
du Peuple , ni connu le Droit public des
Nations , &c. &c.
2.
Cet ouvrage, vraiment féditieux , n'a été diſtribué
avec profufion , dans les circonftances actuelles ,
que pour foulever les efprits par la crainte de
la multitude , & pour mettre le Peuple en oppofition
avec le Clergé , la Nobleffe & la Magiftrature
, dans le moment où le Clergé , rempli
de cet efprit de charité qu'il puife dans la Religion
fainte qu'il nous enfeigne , est prêt à s'honorer
du facrifice de fes immunités ; dans le moment
où la Nobleffe , pénétrée de ces fentimens généreux
, & de ce vrai patriotifme qu'elle a toujours
fait éclater , paroît abandonner fes priviléges , &
ne fe réſerve que les diftinctions honorifiques
qui conftituent fon effence ; dans le moment où
Pes Magiftrats fe félicitent d'être rendus à leurs
fonctions , pour exercer le miniſtère le plus digne
des Organes de la Loi , en invitant tous les Ci(
184 )
toyens à s'occuper indiftinctement des ma'heurs
de la Patrie , & à ne fe difputer que le droit de
les réparer ; dans le moment , enfin , où les Princes
du Sang Royal , jaloux du titre de premiers Gentilshommes
du Royaume , confentent de ſupporter,
dans l'égalité la plus parfaite , les charges de l'Etat,
& fe font une gloire d'en donner l'exemple à toute
la Nobleffe.
M. le Duc & Mde la Ducheffe d'Or
léans , ont ordonné une diftribution de
mille livres de pain per jour , aux habi
tans pauvres de la paroiffe de S. Euftache
, à commencer du 21 de ce mois ,
jufqu'au quatrième jour qui fuivra le dégèle .
LL. AA. ont ajouté à.cet acte de bienfaifance
, digne de leur rang , l'ordre à
Intendant de leurs finances , de fournir
le bois , le pain , le bouillon , la viande ,
le linge dû aux femmes indigentes , fans
diftinction , qui accoucheroient fur la
même Paroiffe pendant les rigueurs du
froid. Raconter le fait , c'eft en placer
l'éloge dans tous les coeurs .
L'ouverture de la première affemblée des Etats
de Dauphiné , s'eft faite à Romans le premier
de ce mois. M. de Narbonne - Fri:qlar ,
Commiffaire du Roi , prononça un difcours ,
dans lequel il fit l'éloge du Roi , de M. l'Archevêque
de Vienne , préfident de l'affemblée , &
des affemblées des trois Ordres de la Province.
Enfuite l'Intendant annonça que Sa Majefté ,
pour ffurer le fervice de l'année 1789 , lui avoit
ordonné de continuer , pendant cette année ,
tous les recouvremens ; que néanmoins les Etats
étoient autorifés à déterminer l'impofition repré
fentative de la corvée. L'Intendant promit en(
185 )
-
fuite de remettre aux Procureurs-généraux-Syndics
, qui feroient nommés par l'affemblée , tous
Jes papiers relatifs aux perceptions qui fe font
dans la province , même ceux relatifs aux , ving
tièmes . L'Archevêque de Vienne fit un dif
cours contre le luxe , le célibat & l'irréligion ,
fource des maux qui agitent la France : il ajouta
que l'efprit de patriotifme pouvoit y remédier ,
& fit , en particulier , Péloge de celui des habitans
de la province , & de leurs lumières.
- Les
- féances du mardi , du mercredi , du jeudi & du
vendredi ont été principalement employées à vérifier
les pouvoirs de tous les députés aux Etats ,
ou la validité de leur élection , conformément
aux réglemens de formation , arrêtés par les trots
Ordres de la Province. »
Fin des Difcours prononcés à la clôture
de l'Affemblée des Notables.
A
Difcours de M. de Boifgibault , Préfident
de la Cour des Aides de Paris .
SIRE ,
Votre Cour des Aides a l'honneur de devoir
fon existence , tant aux Etats- généraux qu'à la
bienfaifance de vos illuftres Prédéceffeurs. Elle a
ofé la première élever fa voix dans les remontrances
qu'elle a eu l'honneur de préfenter à Votre
Majefté en 1775 , & rappeler ces antiques &
auguftes affemblées ; elle a émis fon you , toutes
les Cours , tous les Ordres de votre Royaume y
ont adhéré , & bientôt la convocation des Etatsgénéraux
eft devenue le vou même de Votre
Majefté , ainfi que celui de fes Sujets . Vous avez ,
Sire , auprès de votre perfonne , des Sujets également
fages , éclairés , dignes de toute votre
confiance & de celle de la Nation : ils reconnoiffent
, avec votre Majefté , la néceffité de cette
( 186 )
"convocation ; & les Notables de votre royaume,
raffemblés par vos ordres , ont recherché dans les
formes anciennes , celles qui leur ont paru le
mieux convenir aux dirconſtances actuelles.
" De quels fentimens patriotiques tous les coeurs
ne doivent-ils pas s'enflammer , à la vue d'un
pareil bienfait ! & que ne doit-on pas attendre de
leur réunion pour la félicité publique !
Votre Majefté va jouir du fpectacle attendrif
fant de voir tous fes fidèles Sujets fe jeter , avec
empreffement , dans le fein d'un Maître qu'ils refpectent
, d'un Père qu'ils adorent , d'un Roi jufte
& bienfaifant , dont ils fe feront un devoir de
'maintenir l'autorité , en perpétuant la gloire de
cer Empire. 2 3
Discours de M. l'Evêque de Châlons-fur-
Saône , Député des Etats de Bourgogne.
SIRE,
Les intentions bienfaifantes que votre Majefté
a daigné faire connoître à cette augufte Affemblée,
font des titres nouveaux à fa gloire & à notre
reconnoiffance . Ce dernier fentiment anime furtont
vos provinces de pays d'Etats , qui font depuis
long-temps en poffeffion de donner au refte
da Royaume l'exemple du zèle pour le bien
public.
22
Si les pays d'Etats , Sire , font religieufement
attachés à leur antique conftitution ; fi , lorſqu'on
a voulu y donner atteinte , ils n'ont
craint
pas
de porter eux-mêmes aux p
pieds du Trône leurs
doléances & leurs réclamations refpeétueufes ,
c'eft qu'ils connoiffoient le coeur paternel de Votre
Majefté , c'eft qu'ils favoient que le meilleur des
Rois veut être encore le plus jufte.
Mais , Sire , teus les ordres de ces provinces
n'en font pas moins difpofés aux plus grands
facrifices , lorfqu'il s'agira de partager également
( 187 )
les charges de l'Etat , de contribuer en commun
au falut & à la profpérité du Royaume , de concourir
enfin à la gloire & au bonheur de Vorre
Majefté.
Difcours de M. Angran , Lieutenant- Civi.
du Châtelet de Paris.
SIRE ,
*
Le temps approche où Votre Majeſté jouira
des fatisfactions qu'Elle s'eft préparées .
En affemblant fa Nation , Elle s'eft affuré
l'hommage de fa reconnoiffance.
Nos maux touchent à leur fin , l'arbitre de
notre bonheur s'eft montré fenfible à nos juftes
alarmes.
Nous ne lui dirons pas que les reffources de fon
royaume font inépuifables ; nous le bénirons d'en
avoir prévenu le dernier terme.
C'eft l'amour de vos Sujets , Sire , c'eſt leur
zèle qui eft fans meſure.
Votre Majefté en recueillera les effets dans
ceue Aflemblée patriotique , dont Elle s'eft plue
à concerter le plan avec tant de foin.
L'ordre qu'Elle a donné de fui indiquer la forme
qui pourroit rendre les Etats-généraux plus utiles
à fon royaume , eft un gage de la liberté qu'Elle
entend y faire régner.
Et cette liberté , en infpirant la confiance , refferrera
de plus en plus les liens de fidélité , de refpect
& de dévouement qui attachent la Nation
à votre autorité .
Les Notables , Sire , fe font permis de péné
trer plus intimement encore dans l'ame de Votre
Majefté,
Ils ont remarqué le défir vraiment royal
puifqu'il embraffe tous les Sujets , d'établir entre
eux, pour la contribution aux charges publiques,
une jufte égalité .
( 188 )
Les Princes , animés du même efprit , ont ré
clamé pour la clase la plus nombreufe des Citoyens
, dont le fort eft encore foum's à des
principes que le temps a changé en erreurs.
Qu'il eft heureux pour vos Officiers , Sire 9
de pouvoir annoncer des difpofitions fi favora
bles dans les affemblées particulières qui feront
tenues devant eux !
ten-
Sous l'autorité de fon Roi & la protection de
fon augufte Maifon , que ne doit pas attendre
de la part des hommes qui foutiennent l'Etat ,
par la doctrine & la valeur ,
par
celui qui f
ferme le plus d'infortunés , & qui pourtant , par
fes travaux , régénère prefque feul toutes les
reffeurces !
Le fuccès qui comblera fon attente , éternifera ,
Sire , la profpérité du royaume & la gloire de
Votre Majefté.
Difcours de M. le Peletier de Mortefontaine
Prévôt des Marchands.
SIRE ,
Rappelées au pied du Trône , votre bonne ville
de Paris & toutes les villes de votre royaume y
ont rapporté les mêmes voeux , le même zèle ,
le même dévouement pour Votre Majesté.
Nous avons cherché , Sire , dans les formes
anciennes , reçues & confacrées , dans les formes
légales & conftitutionnelles , dans les formes déja
pratiquées , les moyens les plus prompts , les
plus efficaces , les plus sûrs , pour que rien ne
pût arrêter l'accompliffement du bienfait que
Votre Majefté accorde à la Nation , ni en retarder
l'exécution .
Vous retrouverez , Sire , dans cette généreufe
Nation , la plus attachée à fes Maîtres , cet excellent
efprit qui fait foumettre tous les intérêts ,
même perfonnels , qui fait les confondre & les
( 189 )
rendre communs pour la félicité publique & la
profpérité de votre royaume.
t
C'est à ce but important que vont tendre toutes
les affections , tous les fentimens , tous les efforts
de tous les ordres de votre Royaume , réunis &
confondus dans l'ordre de Citoyen , ordre primitif
de la nature , de la raifon & du devoir.
Oui , Sire , vous retrouverez dans cette Na
tion l'efprit de nos pères , cer excellent , efprit
loyal & franc , cet efprit de dévouement à fes
Maîtres , qui a toujours caractérisé la Nation françoife
, cet efprit du coeur , s'il m'eft permis de
m'expliquer ainfi , bien préférable à ces théories
douteufes , fi fouvent oppofées aux faits & à
l'expérience , à ces demi-lumières , phare incertain
qui nous égare , préfent funefte & dangereux
, quand elles ne font pas confacrées à l'harmonie
fociale & à la félicité publique.
Il est de notre devoir , Sire , de recommander
à la protection fpéciale , aux bontés paternelles
de Votre Majefté , la nombreufe famille
des villes & des campagnes , dont Votre Majefté
s'eſt fi conſtamment montrée le père depuis fon
avénement au Trône, Elle eft jaloufe , Site , de
voir fon Maître ; elle eft jaloufe de reporter dans
fes foyers , le tableau des vertus de Votre Majefté
, à qui tous les Sujets font également chers ,
& qui s'eft conftamment montrée le tuteur , le
protecteur & l'appui de la portion nombreuſfe
indigente & foible de fes Sujets.
Ceft dans le coeur de Votre Majeſté , Sire ,
que font écrits tous leurs droits ; c'est votre coeur
qui les fera participer dans les formes & les proportions
que votre Majefté croira les plus propres
à leur bonheur , à ceux de l'innombrable famille
dont vous êtes le Père.
C'eſt en adaptant , Sire , le plus poffible , les
( 190 )
formes conftitutionnelles & légales aux circonftances
actuelles , que l'on peut efpérer d'arriver
aux moyens les plus efficaces pour conftituer ,
dans des proportions exactes , la meilleure repréfentation
de la Nation , capable de combiner avec
fuccès tout ce qui peut concourir à fa régénération
, à fa fplendeur , & à la gloire de Votre
Majefté.
Sur les repréfentations de M. l'Epine ,
Horloger du Roi , le Gouvernement vient
de réduire les droits fur les ouvrages
d'Horlogerie , à lafortie pour l'Etranger,
un quart pour cent de la valeur.
Anne Villienne Sainte- Mélanie , Religieufe
de la Congrégation de Notre-Dame
de Laon eft morte , âgée de 101 ans &
deux mois , dans la 74. année de fa profeffion.
Elle a confervé , jufqu'à fa mort ,
l'ufage de tous les fens , & fes facultés intelle&
uelles ; elle lifoit fans lunettes , &
fuivoit encore tous les exercices de la
Communauté.

PAYS - BAS.
De Bruxelles, le 22 Décembre 1788.
:
L'Empereur eft arrivé à Vienne le 5
de ce mois , & paroît jouir d'une fanté.
parfaite. A cette nouvelle , nos lettres de
Vienne, du 6 , ajoutent le rapport de quelques
petits faits , publiés officiellement.
(( 191 )
U
Offe
Le Général de Fabris , Commandant dans la
Tranfylvanie , mande le novembre , un
que que 14
détachement de volontaires fous les ordres du Lieutenant
Barankay ; fe rendit à Okna & delà à Rimnik
, qui avoit une garnifon de 82 Turcs & de plufieurs
Arnautes. Le Pacha Mustapha , qui y commandoit
, fe rendit après avoir perdu 29 hommes
de fa troupe , & il fut conduit à Hermanftad avec
plufieurs autres prifonniers & la caiffe des falines
d'Okna. Le rapport du Maréchal de Laudhon
eft que, le 13
novembre , le Pacha de Trawnik
avoit formé le projet de pénétrer ea deux colonnes ,
chacune de 1500 hommes , dans les montagnes de
Kafaraz ; mais nos patrouilles ayant découvert fon
deffein, il fut obligé de fe replier fur Banialuca.-
Le Géneral Clairfait mande que les volontaires
poftés à Vipalanka ont fait une excurfion, &ramené,
le 29 novembre, 1700 moutons , 200 bêtes à cornes ,
6 chevaux & 130 porcs. »
1
Des lettres de la Moldavie affurent queles Ruffes
n'ont fait aucun mouvement ultérieur; que le corps
du Général Elmpt eft toujours à Holwaka , à une
lieue de Jaffy , que celui du Maréchal de Roman-
του eft à Zugnora , à trois lieues de la même ville ,
& que felon toutes les apparences il n'ira pas plus
loin. Depuis le 1 novembre , l'armée du
Prince de Cobourg a pris fes quartiers d'hiver entrè
les rivières de Beftriza & de Sereth,
« Samedi dernier , dit une lettre de
Græz , du 28-02obre , un Officier Suedois
a paffé par cette ville , comme cour
rier , venant de Conftantinople , & allant
àStockholm avec des dépêches . Il n'a mis
que 27 jours pour ſe rendre de Conftantinople
à Trieſte. Il rapporte qu'il eft faux
que les troupes Afiatiques retournent par
( 192 ))
bandes dans leur patrie ; qu'au contraire
il arrivoit d'Affe beaucoup de troupes
fraîches dans cette capitale.
Depuis un mois , les gazettes ont été
remplies de lettres de Conftantinople
forgées en Allemagne , qui , parmi nombre
de contes rifibles , affirmoient un changement
dans le Ministère Ottoman . Sans
démentir ce fait , nous dirons que , quoique
ces prétendues lettres authentiques
ayent les dates du 10 & du 21 octobre ,
des lettres certainement beaucoup plus
authentiques , du 13 octobre & du premier
novembre , ne font aucune mention
de cet événement
P. S. De Londres , le 19. Mardi 16 , la
Chambre des Communes, comme nous l'avons
annoncé , a délibéré fur les rapports
des Comités , & a décidé contre l'Oppofition
, le droit du Parlement de décerner &
de régler la Régence. Depuis un fiècle on
n'avoit vu de Séance plus intéreffante.
500 Membres ont affifté à l'Affemblée ,
dont les avenues & les alentours étoient
occupés par une foule de perfonnes de '
tout état. M. Pitt a fait des efforts d'éloquence,
& a triomphé à la pluralité de 264
voix contre 204.
Qualité de la reconnaissance optique de caractères
Soumis par lechott le