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1784, 09, n. 36-39 (4, 11, 18, 25 septembre)
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17.40 Mo
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399
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Texte
MERCURE
DE FRANCE .
DÉDIÉ AU ROI,
PAR UNE SOCIÉTÉ DE GENS DE LETTRES,
CONTENANT
Le Journal Politique des principaux événemens de
toutes les Cours; les Pièces fugitives nouvelles en
vers & en profe ; l'Annonce & Analyse des
Ouvrages nouveaux ; les Inventions & Découvertes
dans les Sciences & les Arts ; les Spectacles ,
les Caufes célèbres ; les Académies de Paris & de
Provinces ; la Notice des Édits, Arrêts ; les Avis
particuliers , &c. &c.
SAMEDI 4 SEPTEMBRE 1784.
HATEAU
DEU
PARI
Chez PANCKOUCKE , Hôtel
rue des Poitevins .
Avec Approbation & Brevet du Roi,
BIBLIO
TABLE
PISCES
Du mois d'Août 1784 .
IECES FUGITIVES .
Imitation du Sonnet de l'Abbé
Parini ,
Epitre à M. de Monville,
Fable ,
Voyage dans l'Amériqne Septentrionale
,
,
114
Le Comte de Gleichen nou.
velle Hiftorique, 118
6
A deux Amies, 49
A un Sénateur ,“ १०
Des Maladies des Créoles en
Europe ,
Recherches fur l'Art de Voler ,
122
Zephirin , Conte ,
ib. 125
Vers à Mlle G..., 97
La Thebaide de Stace , 154
Air noté , 98
Nouveaux Proverbes Drama
A M. l'Abbé Crouzet , 145 tiques , 164
169
Françoife , 146
· 173
Caractère de la Galanterie Difcours en vers ,
ib.
Vies des Ecrivains Étrangers ,
Les Phyfionomies, Poëme, 177
Epure à l'Editeur d'un Recueil
de Poéfies ,
Charades , Enigmes & Logo - Variétés ,
gryphes , 7 , 68 , 103 , 149 NOUVELLES LITTÉR .
Plande Lecture ,
Le Décame on Anglois , 19
Eloge de M. d'Alembert , 69
De l'Electricité des Végé
raux ,
Le Cri d'un Citoyen ,
105
112
24 , 35 , 128
179
SPECTACLES.
Concert Spirituel,
8 Académ. Royalede Mufiq. 37
Comedie Françoife , 181
Comédie Italienne , 42,85 , 184
Annonces & Notices , 43 , 90,
137 , 186
A Paris , de l'Imprimerie de M. LAMBERT ,
rue de la Harpe , près $. Cône.
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 4 SEPTEMBRE 1784.
PIÈCES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
VERS
A M. DE BEAUMARCH AIS , fur fon
nouveau Projet de Bienfaifance.
QU'A U'A votre Figaró tout Paris applaudiffe ,
Je ne veux applaudir qu'à votre humanité.
Il eft beau de vous voir couronné dans la lice ,
Du prix de vos fuccès fonder une Nourrice
Pour l'enfant malheureux qui n'eft point allaité !
Refpectons maintenant le laurier dramatique ,
Et ne l'accufons pas de végéter fans fruit ;
Beaumarchais le cultive & le laurier produit;
Il fera déformais le gage fymbolique
Des talens , des vertus , du bonheur domeftique,
Les bienfaits de l'Hymen , jadis tant fouhaités,
A ij
4 MERCURE
Reçus dans les tranfports de la reconnoiffance,
Au nombre des fléaux font - ils , hélas ! comptés ?
J'ai voulu quelquefois vifiter l'indigence ,
J'ai vû mouillé de pleurs le berceau de l'enfance .
Infortuné ! comment , tu mets un fils au jour ,
Et l'on va t'enlever à la douce lumière !
Tu fors en criminel de ton humble féjour !
On te fait expier le bonheur d'être père !
Éloignez ce tableau de mes yeux révoltés.
Généreux Beaumarchais , la France vous contemple ,
Elle vous applaudit , & vous le méritez ;
Les riches vertueux vous prennent pour exemple;
Les pauvres vous mettront au rang des Déités.
La Patrie envers vous ne fera plus ingrate.
Dans le palais des Arts s'élève un piédeſtal
Qui porte avec orgueil votre buſte en métal :
D'un lâche défeſpoir au bas l'Envie éclate ,
Tandis que vous offrant fon joujou de cryftal ,
Un jeune Nourriffon vous fourit & vous flatte.
( Par M. l'Abbé de Verninac de Malecofte. )
Explication de la Charade , de l'Enigme &
du Logogryphe du Mercure précédent.
LE mot de la Charade eſt Soupape ; celui
a l'Enigme eft Non ; celui du Logogryphe
eft Bride , où l'on trouve ride.
1
DE FRANCE.
S
CHARADE
Faite au Château de Melleray , pour Mlle D.
AIR : Ah ! ma Voifine es tu fâchée ? ....
ON fitvotre taille légère
A mon premier ;
Quiconque foutient le contraire -
Fait mon dernier.
Life , avec vous quand on fe trouve ,
On s'y plait tant ,
Que mon tout eft ce qu'on éprouve
En vous quittant.
LECTEUR ,
ÉNIGM E.
ECTEUR , je fuis femelle , & femelle traîtreffe ;
Grands & petits font foumis à mes loix :
J'inſpire la terreur ainſi que l'alégreſſe.
Aimable & perfide à la fois ,
Par-tout on me redoute , & par- tout on me fête.
Tantôt , m'affublant de grelots ,
Dans de joyeux refrains femant quelques bons mots ,
Sous le mafque des Ris je fouffle la tempête ,
Et chacun applaudit à mes joyeux propos ;
Je fuis fans fiel alors , & n'en veux à perfonne.
Tantôt portant l'épouvante & l'horreur ,
AV
6 MERCURE
Les ferpens de l'envie excitent ma fureur ;
Je rampe fourdement , ou bien j'éclate & tonne ;
D'autant plus dangereufe en ma cauftique humeur,
Qu'en féduisant l'efprit , j'empoiſonne le coeur.
Bref, onme trouve aux champs , à la Cour , à la ville ;
Je fais fouvent du mal , & fuis fouvent utile .
JE
LOGOGRYPH E.
fuis , Lecteur , dangereufe femelles.
La rufe fut toujours ma compagne fidelle :
Je me tiens d'ordinaire au fond d'un bois épais ;
Dans le creux d'un foffé quelquefois je me plais :
J'ai concouru fouvent au gain d'une victoire ,
Et plus d'un Général me doit toute fa gloire.
Je possède neuf pieds ; en les défuniffant ,
Tu dois appercevoir un vice très - fréquent ;
La ville où réfidoit la Sibylle facrée
Que jadis confulta le fils de Cythérée
Lorfqu'il voulut defcendre au féjour de Pluton .
Je te préfente auffi cette Gorgone affreuſe
D'où naquit le courfier errant fur l'Hélicon
Le premier fondateur d'une Cité fameufe
Qui fe reconstruifit aux accords d'Amphion..
A bien chercher fi ton efprit s'applique ,
peux trouver encor un fruit aromatique ;
Ce qui couvre la mer quand elle eft en fureur ;
D'un arbriffcau la liqueur falutaire ;
;
DE FRANCE. 7
Un cabinet d'étude ; un élément trompeur ;
Et ce fouffle qui fait raiſonner maint Docteur.
Mais j'en ait dit affez , il eſt temps de me taire.
(Par M. H.....)
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
RAPPORT des Commiffaires nommés par
le Roi , pour l'examen du Magnétifme
Animal. in-4°. de 66 pages. A Paris , de
l'Imprimerie Royale , & fe trouve chez
tous les Libraires.
Il y a déjà plufieurs années que M. Meſmer
profeffe un nouvel art de guérir , fondé fur des
moyens, qu'il annonce comme certains , pour diriger
l'action d'un fluide qu'il appelle Magnétifme Animal,
dont il affure l'exiftence , & qu'il a donné comme un
remède univerfel.
Il n'a jamais entièrement développé fa doctrine
qu'à quelques initiés. Il s'eft borné à établir chez
lai un traitement qui a produit des effets très-extraor
dinaires , & à faire imprimer vingt-fept propofitions
fondamentales , qui n'éclairent point fur la pratique ,
& ne donnent qu'un apperçu de fa théorie.
Un grand nombre de perfonnes refpectables ont
cru à M. Meſmer , & font juftifiées par les phénomènes
dont elles ont été témoins .
Quelques Médecins , entr'autres M. Deflon , fe
font livrés à l'étude des principes & des procédés
de M. Mefmer , & font parvenus à produire exactement
les mêmes effets. Malgré les contefta-
A iij
8 MERCURE
tions qui fe font élevées entre- eux , le Public qui
ne peut juger que par les effets , & qui a vu ceux
opérés chez M. Deflon parfaitement , femblables à
ceux qui s'opéroient chez M. Mefmer , a dû les
croire tous deux également inftruits. Ils ont eu des
fuccès pareils , des partifans , des prôneurs , des
adeptes , des malades , même des malades qui ont
été guéris , quelques uns qui font morts , &
un grand nombre d'autres qui fe font dits foulagés.
M. Deflon , de plus , s'expofant à des défagrémens
dans fa Compagnie , pour avoir embraffé une
doctrine dont les avantages n'étoient pas démontrés
à fes confrères , a témoigné le zèle d'un homme
difpofé au martyre , & qui ne doit pas l'être fans fe
croire für de la vérité.
Ce fpectacle dans une Ville telle que Paris , & le
fpectacle bien plus piquant des crifes ou des convulfions
qu'on éprouvoit chez MM. Mefmer & Deflon,
ont du faire une grande impreffion . Ils font devenus
le fujet de toutes les converfations , & ont donné
lien aux exagérations de l'enthouſiaſme , comme
aux plaifanteries de la fatyre.
Le Gouvernement a laiflé dire & faire. Il a procédé
avec cette fage lenteur que demande l'examen
de toute doctrine nouvelle , lorsqu'on craint avec
raifon de s'opposer aux progrès des ſciences & des
découvertes utiles.
Il eft même vraisemblable que fi M. Meſmer &
fes partifans , ne fe fuffent pas enveloppés des ombres
du myftère , s'ils euffent fait connoître dans
toute leur étendue leurs principes & leur méthode ,
s'ils les euffent affez eftimés pour les abandonner à.
l'épreuve d'une difcuffion libre , le Gouvernement
ne s'en feroit jamais mêlé. Deus tradidit mundum
difputationibus. Les Rois fages font comme lui.
Ils favent rien ne peut
que étouffer vérité , que
rien ne peut propager une erreur , fur lesquelles cha
une
DE FRANC. E.
(
cun a la liberté & les moyens de dire . fon avis.
Mais cette petite avidité , à quelques égards innocente
, toujours mal -adroite & mal- entendue , qui
fait qu'on ne croit pas qu'un grand fervice rendu
généreufement au genre humain foit un affez beau
moyen de fortune ; l'envie de commencer par faire
fa part en argent , au lieu de l'attendre de la reconnoiffance
publique & de la réputation qui en eft
la fuite ; peut -être l'embarras de parler forfqu'on
avoit peu de chofe à dire , ont déterminé les Profeffeurs
du Magnétifme animal à en faire un fecret.
Ils fe font bornés au traitement des malades . Ils
n'ont invoqué que l'expérience fi incertaine des
cures , & la fingularité des émotions qu'on difoit les
produire.
Alors le Gouvernement qui n'aime pas à profcrire,
mais qui doit connoître , a jugé convenable d'être
inftruit ; & des opérations qui n'auroient dû naturellement
occuper que les favans & les gens de l'art ,
ont attiré les regards de l'Adminiftration .
Un Miniftre éclairé , courageux , zélé pour le
bien public, a propofé au Roi de faire examiner
avec foin le Magnétisme Animal. Mais joignant
dans cette recherche les grandes vues de l'utilité générale
au refpect qu'on ne doit jamais perdre pour
la propriété particulière , il n'a pas cru devoir obliger
M. Melmer de publier un ſecret que celui-ci VOLloit
fe réferver ou vendre . Il a profité des offres
qu'a faites M. Deflon de dévoiler à des Commiffaires
ce qu'il a de connoiffances far le Magnétifme
animal ; & quoique M. Mefmer prétende que
M, Deflon ne pofsède pas à cet égard fon véritable
fecret , la fimilitude parfaite de leurs traitemens ,
la parité des effets qu'ils produifent , la confor
mité des principes de M. Deflon avec les propofitions
publiées par M. Mefiner , ont fait penfer
qu'il étoit à peu près indifférent d'étudier le Magné-
Αν
10 MERCURE
tifme animal dans l'une ou dans l'autre de ces deux
écoles rivales .
d'Arcet Le Roi a nommé MM. Borie , Sallin
& Guillotin , Docteurs- Régens de la Faculté de Médecine
, pour examiner la doctrine & les procédés
du Magnétifme animal chez M Deflon , & en rendre
compte à Sa Majefté. Ces Médecins , auffi éclai
rés que prudens , ont demandé que pour cette commiffion
importante il leur fût adjoint on certain
nombre de Membres de l'Académie des Sciences , &
Sa Majesté a nommé MM . Franklin , le Roi , Bailli ,
de Bory & Lavoifier. M le Docteur Borie étant
mort dans le commencement du travail , le Roi
pour le remplacer , a fait choix de M. Majault ,
également Docteur-Régent de la Faculté de Mé
decine.
C'eft le rapport de ces neuf Cominiffaires qui
vient d'être imprimé à l'Imprimerie Royale , & publié
par ordre du Gouvernement , dont nous
allous rendre un compte détaillé , en confervant ,
autant qu'il nous fera poffible , les propres expreffions
de fes Auteurs.
Ils expofent d'abord la doctrine du Magnétifme
animal d'après ce que M. Mefmer en a publié en
1779:
Cette doctrine eft entièrement adoptée par M.
Deflon , qui s'eft engagé avec les Commiffaires ,
19.à conftater l'exiftence du Magnétifme animal ;
20. à communiquer les connoiffances fur cette
découverte ; 3 ° . à en prouver l'utilité dans la
» cure des maladies » . Il a fait tout ce qui a dépendu
de lui pour tenir fes engagemens ; il les a inftruits
des principes & des procédés du magnéti me ; il leur
en a enfeigné la pratique , la manière de toucher les
malades , & celle de diriger le fluide Magnétique fur
certaines parties , conformément à une méthode relative
à des pôles , auxquels M. Mefner , M. Delon
DE FRANCE.
& leurs élèves , croyent l'action de ce fluide affujétie
dans le corps humain.
Les Commillaires ne défignent , ni le nombre , ni
la pofition de ces pôles du Magnétifme animal ; ils
ne donnent qu'une idée vague de la manière d'opérer
; ils ne difent point ce que renferme le baquet
mystérieux. Il paroît qu'ils ont cru devoir cette difcrétion
à la confiance que M. Deflon leur a témoignée.
Ils n'ont pas voulu révéler fon fecret ; l'objet
de leur commiffion étoit feulement de faire connoître
fur quoi il porte , & à quoi il mène.
Ils n'ont détaillé que les procédés connus de tout
le monde par les traitemens publics , & les phé
nomènes , les crifes , les convulfions qui en ré
fultent.
Pour apprécier ces phénomènes , ils ne fe font
point arrêtés à ce qu'on leur a dir de l'influence des
aftres liée au Magnétifme animal. C'eſt ſur la terre
qu'i's ont cru devoir le confidérer , & dans l'action
qu'on lui fuppofe fur nous , autour de nous & fous
❞ nos yeux " .
39
Is fe font affurés que le baquet ne contient rien
d'électrique , ni d'aimanté. Ils fe font convaincus que
le fluide Magnétique animal échappe à tous les fens.
Ils ont remarqué les caufes naturelles qui ont fart
croire trop ég rement que la vue , le tact, & l'odorat
pouvoient avertir de fa préfence.
33
לכ
M. Deflon n'a pas in fifté fur cette poffibilité de
reconnoître par les fens le Magnétifme animal . Il a
au contraire , » expreffément déclaré aux Commiffaires
qu'il ne pouvoit leur démontrer l'existence du
Magnétifme quepar l'action de cefluide opérant des
changemens dans les corps animés ». C'est particulièrement
par fes effets curatifs dans le traitement
des maladies qu'il fe propofcit de le leur manifefter.
ور
ב כ
Les Commiffaires n'ont pas cru devoir adopter
cette méthode. L'effet des remèdes a toujours quelque
A vj
12
วี
MERCURE
Incertitude ; il faut une très- grande fagacité & une
longue expérience pour bien apprécier ce qui en réfuite.
On a fouvent dit , en Médecine comme en
Politique , poft hoc , propter hoc , & l'on s'eft ſouvent
trompé dans l'une & dans l'autre fcience. Quelques
cures éclatantes ne fuffifent pas pour prouver la bonté
d'un remède , on en obtient fans aucun remède. Les
Commiffaires rapportent plufieurs exemples de cures
de cette espèce , atteftées par des Médecins célèbres .
Et fi la nature guérit feule un grand nombre de maladies
, même graves , il en faut conclure que tout
remède fans action doit paroître en guérir beaucoup
.
en
Les Commiffaires ont donc cru devoir fe borner
à des preuves phyfiques , c'eft-à - dire , aux effets
» momentanés du fluide fur le corps animal ,
» dépouillant ces effets de toutes les illufions qui
peuvent s'y mêler , & s'affurant qu'ils ne peuvent
être dus à aucune autre caule qu'au magnétifme » animal ,

33
Ils ont fait les premières expériences fur euxmêmes
, une fois, chaque femaire, chez M. Deflon ,
dans une chambre féparée , à un baquet particulier ,
ils y font reftés jufqu'à deux heures & demie de
fute , la branche de fer appuyée fur l'hypocondre
gauche , entourés de la corde de communication ,
» faifant de temps en temps , la chaîne des pouces .
Ils ont été magnétifés tantôt par M. Deflon , tantôt
par un de fes difciples ; & les Commiffaires qui paroiffoient
les plus fenfibles , l'ont été le plus longtemps
& le plus fouvent; » ils n'ont rien éprouvé
qui fût de nature à être attribué à l'action du
- magnétisme. »
පා
Ils n'avoient d'abord été au baquet que tous les
huit jours ; ils ont voulu voir fi la continuité ne produiroit
pas quelque effet plus remarquable ; ils y ont
été trois jours de fuite , & n'ont obtenu aucun effet ,
DE FRANCE. 13
quoiqu'ils fuffent huit , « dont plufieurs ont des in-
» commodités habituelles . 53
Ils ont réfolu de faire des expériences fur des
perfonnes malades. On en a railemblé , chez M.
Franklin , fept , choifies dans la clafle du peuple, dont
deux enfans , favoir , une fille de neuf ans & un
garçon de fix. Magnétifés par M. Deflou , en préfence
des neuf Commiffaires , ces deux enfans attaqués
de maladies graves , n'ont rien fenti . Deux
femmes , dont l'une afthmatique , ayant le ventre ,
les cuiffes & les jambes enflés , & l'autre une tumeur
à la cuiffe , n'ont rien fenti non plus. Un
jeune homme qui avoit mal aux yeux a larmoyé.
Une femme qui a deux defcentes & le ventre d'une
fenfibilité très- grande , a éprouvé de la douleur fous
la preffion des doigts , & s'eft plainte , dans la fuite
du traitement , de mal à la tête , & de difficulté de
refpirer ; elle a eu des mouvemens précipités dans
la tête & dans les épaules , elle a été près de fe
trouver mal. Le feptième malade a éprouvé des
effers du même genre , beaucoup moins marqués.
1
"
53
Les Commillaires ont cru devoir faire enfuite une
expérience fur des malades d'un ordre plus diftir gué,
qui ne puffent être foupçonnés d'aucun intérêt ,
& dont l'intelligence fut capable de diftinguer
» leurs propres fenfations , & d'en rendre compte.
Deux hommes & deux dames ont été admis avec
les Commiffaires , au baquet particulier chez M.
Deflon. Un d'entr'eux , qui a une tumeur douloureufe
au genou , a cru y fentir une certaine chaleur. Une
dame attaque de maux de nerfs , a été fur le point
de's'endormir.au baquet ; magnétifée pendant unre
» heuré dix-neuf minutes fans interruption ,
plus fouvent par l'application des mains , elle a
éprouvé de l'agitation & du mal aife . M. R.... , malade
d'un engorgement dans le foye , eft venu trois
fois au baquet , & n'a rien ſenti . Mme de B.... atta
ל כ
le
14 MERCURE
quée d'obftructions , » y eft venue conftamment aved
les Commiffaires , & n'y a rien fenti ; mais il
faut obferver qu'elle étoit défendue par une grande
incrédulité.
» dans un
Un des Commiffaires , accès de migraine
, a été magnétifé par M. Deflon , pendant
» une demie heure , & n'a rien éprouvé.
M. Franklin a été magnétifé par M. Deflon , à
Paffy ; deux de fes parentes , fon Secrétaire , & un
Officier Américain qui étoit préfent , l'ont été pareillement
; aucun d'eux n'a rien éprouvé , » quoiqu'une
לכ
»
des parentes de M. Franklin fût convalefcente , &
» l'Officier Américain malade d'une fièvre réglée.
Quelques malades amenés par M. Deflon , ont ref
fenti les effets du magnétifme , comme au traitement
public.
que ces
Les Commiffaires ont cru pouvoir douter
effets appartinffent au magnétifme ; ils ont foupçonné
que l'imagination pouvoit y avoir part , & fe font
propofé de faire des expériences pour détruire ou
confirmer ce foupçon.
Ils ont entendu parler de M. Jumelin , Docteur en
Médecine , qui s'est fait , fur le magnétifme animal ,
des principes & des procédés différens de ceux de
MM. Melmer & Deflon ; il magnétife fans aucune
diftinction de pôles , quoiqu'il emploie , d'ailleurs ,
comme MM. Meſmer & Deflon , le doigt , la baguette
de fer, & l'application des mains.
ן כ
Les Commiffaires ont fournis onze perfonnes au
traitement de M. Jumelin ; dix n'ont rien fenti ; une
femme , magnétifée au front , y a fenti de la chaleur,
M. Jumelin premenant fa main , & préfentant
les cinq extrêmités de fes doigts fur le vifage de
» cette femme , elle a dit qu'elle fentoit comme une
flamme qui fe promenoit. » Elle a éprouvé la même
fenfation de chaleur à toutes les parties du corps que
M. Jumelin a fucceffivement magnétifées ; la chaleur
-33
DE FRANCE. IS
eft devenue générale , & elle s'eft plainte de mal de
tête.
Les Commiffaires ont jugé que l'imagination de
cette femme étoit plus facile à ébranler que celle des
dix autres malades , qui n'avoient éprouvé aucun
effet. Sa fenfibilité conftatée , ils ont cru néceffaire
» de la mettre à l'abri de fon imagination , ou du
» moins de mettre fon imagination en défaur :
on lui a bandé les yeux , & les phénomènes n'ont
plus répondu aux endroits où l'on dirigeoit le magnétifme.
1
On lui a débandé les yeux , » & M Jumelin
» ayant appuyé fes mains fur les hypocondres , elle
a dit y fentir de la chaleur , au bout de quelques
minutes elle s'eft trouvée mal. Revenue à elle , on
lui a bandé les yeux de nouveau , & on lui a fait
accroire qu'elle étoit magnétifée , » les effets ont été
» les mêmes , quoiqu'on n'agît fur elle , ni de près ,
» ni de loin. »
Au bout d'un quart-d'heure on a fait figne à M.
Jumelin de la magnétifer à l'eftomac , puis au dos ;
les fenfations ont diminué aulieu d'augmenter , la
chaleur du dos & des reins a ceffé.
Les Commiffaires ont conciu de cette expérience ,
que la méthode de magnétifer eft indifférente , que
la diftinction des pôles eft chimérique , & que l'imagination
a des effets très- marqués. Deux autres expé
riences , faites par M. Jumelin , ont donné les mêmes
réfultats & conftaté les mêmes effets de l'imagination .
Il feroit inutile d'objecter que M. Jumelin n'a pas
la bonne manière d'opérer ; » car on ne fe propofoit
pas , dans ce moment , d'éprouver le magnétifme,
mais l'imagination , »>
Les Commiffaires ont fuivi & perfectionné cette
méthode. Ils ont inventé un bandeau très- ingénieur ,
pour laiffer la refpiration libre , en oppofant à la
vue , & même à la lumière , un obftacle invincible.
16 MERCURE
8
"
1
On a éprouvé ce bandeau fur le domeftique de M.
Jumelin , on lui a perfuadé qu'il étoit magnétifé , &
il a éprouvé les phénomènes du magnétifme.
M. B..., homme inftruit , & particulièrement
» en Médecine , » a offert le même ſpectacle , les
yeux bandés ; éprouvant des effets lorsqu'on n'agiffoit
pas , n'éprouvant fouvent rien lorfque l'on
cagiffoit.
Les Commiffaires alors fe font mis à magnétifer
indifféremment , » à pôle oppofé , & à pôle direct ,
» ou à contre- fens ; & , dans tous les cas , ils ont
obtenu les mêmes effets. Il n'y a eu d'autre diffé-
» rence que celles des imaginations plus ou moins
fenfibles . »
35
T
Il eft reçu dans l'école de M. Mefmer & dans celle
de M. Deflon, que lorsqu'un arbre a été touché ſelon
les principes & la méthode du magnétifme , toute
perfonne qui s'y arrête , doit éprouver plus qu
" moins les effets de cet agent. » On a réſolu d'en
faire l'expérience à Paffy , en préfence de M. Franklin .
; M. Deflon a choifi le ſujet & l'a amené avec lui ;
c'étoit un jeune homme d'environ douze ans. On a
choifi un arbre : M. Deflon l'a magnétifé , & a dit
qu'il étoit néceffaire qu'il fût préfent à l'expérience
pour diriger la canne & fes regards fur l'arbre , afin
d'en augmenter l'action .
23
Le jeune homme a été amené les yeux bandés .
On l'a conduit à un arbre diftant de vingt- fept pieds
de celui qui étoit magnétifé ; au bout d'une minute
il a fué , touffé , craché , & a dit fentir une pe ite
douleur à la tête.
Au fecond arbre il s'eft fenti » étourdi , même
mal à la tête ; la diftance (toit de trente - fix pieds .
Au troisième arbre , l'é ourdiffement redouble
» ainfi que le mal de tête ; il dit qu'il croit approcher
de l'arbre magnétifé ; il en étoit à trente buit
pieds.
.23
DE FRANCE. 17
" Enfin , au quatrième arbre , non magnétifé , &
» à vingt- quatre pieds environ de diftance de celui
» qui avoit été , le jeune homme eft tombé en
crife ; il a perdu connoiffance , les membres fe
» font roidis , on l'a porté fur un gazon voifin , » où
M. Deflon l'a fait revenir.
39
per-
Un autre jour les Commiffaires réunis à Paffy ,
chez M. Franklin , avoient prié M. Deflon d'amener
des inalades , & de choir les plus fenfibles au
magnétifine . M. Deflon a amené deux femmes.
On les a féparées. L'une d'entre elles a des tayes fur
les yeux , on y a joint le bandeau ; on lui
fuadé que M. Dflen la magnétifoit ; on ne l'a nullement
magnétifée. Au bout de trois minutes elle a
fenti un friffon nerveux , puis une douleur derrière
la tête , dans les bras , dans les mains , elle s'eſt
roidie & a frappé des mains & des pieds d'une
manière très- bruyante.
ec
L'autre malade eft la Demoiselle B .... attaquée de
maux de nerfs. On lui a laiffé la vue libre &
» les yeux découverts ; on l'a affife contre une
pore fermée , en la perfuadant que M. Deflon
so étoit de l'autre côté occupé à la magnétifer. Il
» y avoit à peine une minute qu'elle étoit affile à
30
cette porte , quand elle a fenti da friffon ; après
» une autre minute , elle a eu un claquement de
» dents , & cependant une chaleur générale ; enfin ,
après une troisième minute , elle est tombée toutà
fait ea crife. » On n'avoit touché en aucune
manière les deux malades ; on s'étoit même abſtenu
de leur têter le pouls. Le travail de l'imagination
& la part qui lui appartient dans les crifes du magnétifme
, fe trouvoient conftatés autfi bien qu'on
le puiffe defirer.
On a eu occafion d'éprouver une feconde fois
les deux mêmes femmes , en des circonftances différentes.
On vouloit faire l'expérience de la tafle
18
7 MERCURE
30
magnétifée . Cette expérience confifte à choisir dans
» un grand nombre detaffes, une taffe que l'on magnétife.
On les préfente fucceffivement à un malade
» fenfible au magnétifme ; il doit tomber en crife
» ou du moins éprouver des effets marqués lorf-
» qu'on lui préfente la taffe magnétifée ; il doit
pêtre indifférent à toutes celles qui ne le font
39
" pas. "
La femme aveugle a été mandée chez un des
Commiffaires , où les autres fe trouvoient affemblés
avec M. Deflon. Celui- ci a magnétifé une
taffe. La femme étoit prévenue. On lui a préſenté
plufieurs taffes qui n'étoient point magnétifées , « la
feconde a commencé à l'émouvoir , & à la quatrième
elle est tombée tout- à -fait en criſe .
Mais ce qui eft décifif , eft qu'ayant demandé à
» boire , on lui en a donné dans la taffe magnétifée.....
elle a bu tranquillement , & a dit qu'elle
» étoit bien foulagée .... Quelque temps après , pendant
que M. Majault examinoit les tayes qu'elle
» a fur les yeux , on lui a préfenté derrière la tête
la taffe magnétifée pendant douze minutes ; elle
ne s'en eft point apperçue , & n'a éprouvé aucun
>> cffet. »
L'autre malade , qui étoit tombée en crife à
Paffy , en fe croyant magnétifée à travers une porte
, & qui n'y avoit pas vu tous les Commiffaires.
parce qu'il y en avoit une partie occupés dans l'au
tre appartement à lui donner cette perfuafion , a été
mandée dans une maison de la part d'une « Dame,
→ aunoncée pour être de province , & pour avoir
du linge à faire travailler. » L'appartement avoit
été difpofé de manière qu'il n'y avoit qu'un fiége
où elle pût s'affeoir ; & il étoit placé dans l'embrafure
d'une porte de communication , fermée par un
chaffis de papier.
Un feul des Commiffaires , inconnu à la Demoi-
1
DE FRANCE. 19
felle , étoit dans la même pièce avec la Dame qui
diftribuoit le linge à travailler. Il paroiffoit occupé
devant un Bureau , & l'étoit à écrire tout ce qui fe
paffoit.
*
сс
Les autres Commiſſaires étoient dans l'autre piéce,
& l'un d'eux , exercé à magnétifer, magnétifoit l'ouvrière
dans l'efpèce de niche où la difpofition
de la chambre l'avoit forcée à s'affeoir. Il la magnétifoit
à travers le chaffis de papier. « C'est un
principe de la Théorie du magnétisme, que cet
agent paffe à travers les portes de bois , les murs ,
» &c. un chaffis de papier ne pouvoit lui faire obf
tacle. » La Demoiſelle a été ainfi magnétifée pendant
une demie- heure , « à un pied & demi de dif-
» tance , à pôles oppofés , fuivant toutes les règles
"3 enfeignées par M. Deflon..... Pendant tout ce
» temps elle a fait gaiement la converfation; interrogée
fur fa fanté , elle a répondu librement
» qu'elle fe portoit fort bien. » A Paffy , elle étoit
tombée en crife au bout de trois minutes , tandis
qu'on ne la magnétifoit pas ici elle avoit été réellement
magnétifée pendant trente minutes fans effet.
>
On pourroit dire qu'elle étoit mal difpofée ce
jour - là. Mais le même Commiffaire qui l'avoit fi
long temps magnétifée inutilement derrière le chaffis
a paffé dans la pièce où elle étoit , & par fuite
de converfation , l'a engagée à fe laiffer magnétifer.
Il s'eft placé à la même diftance , n'a employé
que le doigt & la baguette de fer ; mais au lieu de
magnétifer comme derrière le chaffis , à pôles oppofés
, & felon les règles , il a magnétifé à pôles
directs & à contre- fens. « En agiffant ainfi , il ne
» devoit produire aucun effet , felon la théorie du
magnétifme. Cependant , après trois minutes , la
» Demoiselle .... a eu une crife convulfive complette
, & parfaitement caractérisée ; » certe criſe
a duré douze minutes ; l'imagination l'avoit fait
20 MERCURE
Сс
""
naître & l'a fait ceffer. Le Commiffaire a, dit
« qu'il étoit temps de finir . Il lui a préſenté les deux
doigts index en croix.... par cette pofture il la
magnétifoit à pôles directs .. il n'y avoit ... rien de
changé , le même taitement devoit continuer les
» memes impreffions. Mais l'intention a ſuffi pour]
» calmer la crife . »
20
39
Nous ne craignons pas qu'on nous reproche de
nous être trop étendus fur ces expériences décifives,
qui démontrent irréfiftiblement que l'imagination
tuffit feule pour produire tous les effets attribués
au magnétifime , & que celui - ci , employé à
Tinfçu du malade , & fans que fon imagination foit
en jeu, ne produit rien .
Mais les Commiffaires ne croyent pas que l'imagination
foit la feule caufe des effets procurés par
le traitement magnétique ; l'attouchement leur paroît
y devoir jouer un grand rôle.
ود
ככ
>
Le rapport intime , difent-ils , de l'inteftin colon
, de l'eftomac & de l'utérus avec le diaphrag
>> me eft une des caufes des effets attribués au
magnétifime. Les régions du bas ventre , foumi-
» fes aux différens attouchemens , répondent à différens
plexus qui y conftituent un véritable centre
» nerveux , au moyen duquel ... il exifte très -certainement
une fympathie , une communication , une
correfpondance entre toutes les parties du corps. »
Les ébranlemens donnés à ce centre nerveux , contribuent
à exciter l'imagination , & celle- ci , comme
toutes les affections de l'âme , porte fon impreffion
fur ce même centre , » ce qui fait dire communément
qu'on a un poids fur l'eftomac & qu'on
fe fent fuffoqué.... On fait que « le faififfement
» occafionne la colique , que la frayeur canfe la
diarrhée, que le chagrin donne la jauniſſe... Les
pleurs , les ris , la toux , les hoquets , & c .... tous
les effets obfervés dans ce qu'on appelle les crifes
ככ
DE FRANCE. 21
du magnétifine animal , naiffent donc , ou de
» ce que les fonctions du diaphragme font troublées
» par un moyen phyfique , tel que l'attouchement
& la preffion , ou de la puiffance dont limagi-
» nation eft douée pour agir fur cet organe , &
» troubler fes fonctions; » plus fouvent de l'un & de
l'autre réunis , & rendus plus actifs , fur - tout dans
le traitement public , par le concours & l'imitation
.
Les Commiffaires font des obfervations très - judicieuſes
, & appuyées par un grand nombre de faits ,
fur les effets de l'imagination & de l'imitation dans
les affemblées nombreuſes. Il faut les lire dans leur
rapport même.
De tout ce qu'ils ont exposé , ils concluent que
l'attouchement , l'imagination & l'imitation font les
vraies caufes des effets attribués au magnétiſme animal
; que l'imagination femble la plus puiffante ,
que l'attouchement fert à l'ébranler,& que l'imitation
répand fes impreffions.
M. Deflon ne s'éloigne pas de ces principes . Il
croit utile d'employer le pouvoir de l'imagination
dans la pratique de la Médecine;& il n'eft pas douteux
qu'on n'en puiffe obtenir fouvent des effets falutaires.
Mais ce n'eft pas quand ces effets font violens
, quand leurs fignes font des convulfions.
Alors l'influence de l'imagination déréglée & trop
exaltée eft prefque toujours nuifible.
Les convulfions excitées par les attouchemens &
par l'imagination , peuvent devenir habituelles ,
peuvent fe répandre dans les Villes par l'imitation ;
elles peuvent attaquer les femmes fur - tout , qu'on
a tant & fouvent fi infructueusement cherché à défendre
des maux de nerfs ; elles peuvent fe communiquer
aux enfans .
Le réſultat genéral du rapport eft , que « rien ne
prouve l'exiftence du fluide magnétique animal, » &
22 MERCURE
que les moyens qu'on a crus propres à diriger fon
action ne font pas exempts de danger,
Dans cet extrait , long fans doute , mais où nous
ne croyons pas avoir rien fait entrer de fuperfu ,
nous n'avons loué ni l'attention fcrupuleufe , ni la
fagacité , ni la méthode , ni la clarté , que MM les
Commiffaires ont déployées ; nous avons tâché de
les mettre fous les yeux de nos lecteurs . Ils fe'tromperdient
beaucoup cependant , s'ils fe croyoient difpenfés
de lire le rapport même dont nous avons
flayé de leur rendre compte. On ne peut difféquer.
un livre fans lui enlever fon plus grand charme ;
& l'Ouvrage que nous veuons d'analyfer fera
toujours recherché comme un modèle de l'ordre ,
de la fageffe & de l'intelligence qu'il faut porter
dans l'examen de toute doctrine nouvelle fur les
fciences Phyfiques , & comme un excellent morceau
de Philofophie , forti de la plume exercée d'un de
nos meilleurs écrivains.
LES Aventures de Charéas & de Callirhoé ,
traduites du Grec par M. Fallet ; feconde
Édition , revue & corrigée. A. Syracufe ,
& le trouve à Paris , chez Cailleau , Impr.-
Libraire , rue Galande. 2 vol. in - 12 .
Nous n'entrerons dans aucun détail fur
le fond de ce Roman , déjà connu , & dans
lequel on trouvera des fituations intéreſfantes
& des deſcriptions agréables ; on y
reconnoîtra la fimplicité des Romans Grecs ;
nous aurions feulement defiré que l'Auteur
cût été un peu moins prodigue des prières &
des facrifices offerts aux Dieux , & principalement
à Vénus , ce qui fait répétition , &
DE FRANCE. 23
rallentit quelquefois la marche ; les événemens
, quoique très preffés en quelques endroits
, confervent toujours de la vraifemblance
, & l'Auteur a fu faire paffer un
grand nombre de perfonnages fur la scène
Lans que jamais on perde de vûe le ſujet
principal ; le ftyle quelquefois trop négligé ,
a cependant de la chaleur , & eft conforme
au genre de l'Ouvrage. Nous allons citer un
morceau qui en pourra donner une idée.
Lorfque Callirhoé a appris que les barbares
avoient brûlé un vaiffeau dans la nuit ,
& que la mer avoit été teinte de fang , elle
préfume que Choréas , a péri. " A ces mots
Callirhoé déchira fes vêtemens , fe frappa
» le vifage , & courut ſe renfermer dans fon
appartement folitaire. Là , toute entière à
» fa douleur, elle laiffa échapper ces plaintes :
» O Chæréas ! mon vou le plus ardent étoit
» de mourir avant toi , ou du moins de t'ac
" compagner au tombeau , & tu n'es plus.
»
و ر
L'efpoir de te revoir , le plaifir de t'aimer
" toujours , me donnoient le courage de
fupporter la vie & mes misères . Je me
difois je le reverrai un jour , je lui conterai
tous les tourmens que j'ai ſoufferts
» pour lui , ils me rendront plus chère à fon
" coeur. Injufte Vénus , tu as vû feule Chaeréas
, tu ne lui a point porté de fecours
pendant cette nuit horrible ! que t'avoit
» fait le vaiffeau qui l'a tranſporté dans ces
lieux ? Pourquoi l'as- tu livré aux barbares ?
» Hélas ! nos pères attendent notre retour ,
"
39
و ر
24
MERCURE
"9
99.
als font maintenant fur le bord de la mer ;"
chaque galère qu'ils apperçoivent , ils
s'écrient : les voici ! Choreas , ramène enfin
Callirhoé ; on orne notre appartement ,
» on nous prépare le lit nuptial , & mon
époux eft mort ; il n'a point reçu les hon-
» neurs funèbres , & je vis dans l'efclavage
!
"
39 39
VOYAGE en Allemagne & en Pologne
commencé en 1779 , par M. de L. S. M. A.
S. D. P. A Amfterdam , & fe trouve à
Paris , chez Prault , Imprimeur du Roi ,
Quai des Auguftins.
UN Voyage dans des Pays auffi connus que
l'Allemagne & la Pologne , n'offre rien de
bien extraordinaire ; la defcription de la
plupart des villes de l'Europe & des moeurs
de fes habitans , ne peut guères piquer la
curiofité. Cependant celui que nous annon
çons fe fait lire avec quelque intérêt , quoi
qu'il ne préfente aucun événement fingulier.
Nous tranfcrirons quelques fragmens qui
nous ont paru devoir faire plaifir , mais
dont nous ne garantirons point la vérité.
A quelques lieues de Lintz , le Danube fe
trouve fi refferré par des montagnes , que
les bateaux defcendent avec la rapidité d'une
flèche , aufli ce paffage eft il fort dangereux ;
on manque le fil de l'eau , on va fe brifer
contre les rochers. Il eft de fondation ques
l'on prend- là une espèce de Moine , qui recommande
DE FRANCE. 25
commande l'âme des Voyageurs ; le bruit
que font tant de voix qui crient era pro
nobis , le fifflement des vents qui règnent
toujours en ces lieux , le mugiffement des
eaux & l'aspect des rochers dont font hériffes
les bords , & quelquefois le lit même
du,fleuve , forment un enfemble également
horrible à l'oeil & à l'oreille . Un bateau qui
nous précédoit , & fur lequel nous ferions
defcendus fi le Patron avoit été plus accommodant
, fe brifa , & tout le monde y périt.
Une loi de l'Empire condamne au gibet les
Patrons qui fe fauvent quand les bateaux
qu'ils conduifent font naufrage.
On voit à Vienne , à l'Églife de S. Étienne ,
une tour très - exhauffée , dont les pierres
font percées à jour comme celles du clocher
de Strasbourg. Les Bourgeois obtintent de
Soliman II , qui faifoit le fiège de cette ville
en 1529 , qu'on ne tireroit point contre cet
édifice ; & par reconnoiffance , les Viennois
placèrent un eroiffant & une étoile au haut
de la tour ; mais l'artillerie de Muftapha ne
l'ayant point épargnée au dernier fiège de
cette ville , on fubftitua une croix à la place
des armoiries Ottomanes.
Les tombeaux des Rois de Pologne font
dans l'Églife de S. Staniflas à Cracovie ; on
en remarque un entre autres fur lequel eft
une ftatue de Guerrier entourée de rats .
Popiel II , dit- on dans le pays , régnoit dans
le neuvième fiècle ; il avoit pour tuteurs deux
oncles , dont la prudence & la bravoure
Nº. 36 , 4 Septembre 1784. B
16
MERCURE
étoient connues de toute la Nation . Mais
l'époufe de Popiel les rendit bientôt fufpects
à ton mari , & de concert ils les empoifonnèrent
; du corps des deux cadavres fortit une
armée de rats qui dévorèrent le Roi , dont >
un voit l'effigie.
On fait voir dans l'Églife Cathédrale de
Nuremberg , dédiée à S. Pierre , un Chrift
que l'on rafe toutes les années , & qui a tou-s
jours de la barbe ; cette végétation furprenante
rappelle le bouillonnement du fang
de S. Janvier à Naples.
Les loix de la Pologne portent une peinę .
terrible contre ceux qui font convaincus
d'adultère ; l'hoimme adultère eft cloué contre
une muraille par l'inftrument de fon péché
; à côté de lui on pend un raſoir , avec
lequel il peut , s'il le veut , fe procurer la
liberté.
Le Code Pénal de Pologne a cela de bon
& de particulier , que la punition eft toujours
analogue au crime , quoique fouvent
fans prétention ; on arrachoit , par exemple ,
les dents à ceux qui mangeoient gras en
carême, Un homme convaincu de calomnie
étoit obligé de marcher fur quatre pattes , &
d'aboyer pendant un certain temps , dont la
durée étoit en raifon du tort qu'il avoit
voulu faire à fon prochain.
DE FRANCE. 27
OBSERVATIONS de M, l'Abbé Cavanilles ,
fur l'Article Efpagne de la nouvelle Encyclopédie.
Brochure de so pages . A Paris ,
chez Alex. Jombert le jeune , Libraire ,
rue Dauphine.
M. l'Abbé Cavanilles a regardé comme
une infulte faite à la Nation Espagnole ,
l'Article Espagne de la nouvelle Encyclopé
die ; & c'eft le defir de venger fa Patrie qui
lui a fait prendre la plume. Étranger jufqu'alors
à la Littérature , ou du moins à
l'Art d'écrire , une indignation patriotique
l'a fait entrer dans la carrière ; & ce motif
lui donneroit des droits à l'indulgence , fi
fon Ouvrage en , avoit réellement befoin.
Pour réfuter cet Article , qui repréſente l'Efpagne
comme une Nation moralement pa-t
ralyfée , M. l'Abbé Cavanilles nous offre le
tableau des richeffes de l'Eſpagne dans la Littérature
, les Sciences & les Arts . Nous fommes
fâchés que la forme de cet Ouvrage ne
nous permette point la voie de l'analyfe ;
car comment analyfer une nomenclature ,
quoique fouvent raiſonnée , de tous ceux qui
ont enrichi & qui enrichiffent encore l'Efpagne
par les monumens de leur génie , de
leurs lumières & de leurs talens ? D'ailleurs
il nous feroit difficile de difcurer le mérite
de tous les perfonnages qui y font cités . Il
paroît que l'Article dont il eft queftion exagère
les reproches faits à la Nation Efpapagne
Bij
28 MERCURE
gnole. On doit être fâché qu'il exifte , puifqu'on
le trouve injufte ; mais comme dans
lès événemens de la vie le mal eft fouvent à
côté du bien , il eft difficile d'en vouloir à
l'Auteur réfuté , quand on ſonge que ce même
Article , en engageant l'Abbé Cavanilles à
écrire , nous a procuré un Ouvrage trèsutile
à ceux qui voudront connoître l'Efpagne
ou la faire connoître par leurs Écrits.
On y verra avec plaifir & avec utilité le tableau
de la Littérature Efpagnole , & des pas
que cette Nation a faits dans la carrière des
Sciences & des Arts . Ce tableau prouve que
fon Auteur à un riche fonds de connoiffances
, & qu'il pouvoit trouver place lui même
dans la lifte des hommes qu'il oppofe aux
antagoniſtes de fa Patrie. Au refte , fon zèle
ne va point jufqu'au fanatifme. Il convient
que l'Article qu'il a cru devoir réfuter feroit
jufte à l'égard des Efpagnols du dix- feptième
fiècle. Tout , dit il , annonçoit alors le goût
le plus détestable. A côte des édifices les 33
"
plus réguliers , on en élevoit de nouveaux
» où les règles les plus fimples de l'Architec-
» ture étoient négligées. Les modèles les
plus excellens en peinture n'empêchoient
pas que les premiers élémens du deffin ne
fuffent ignorés dans les nouvelles produc-
» tions. La Sculpture fe bornoit à créer les
ornemens les plus ridicules ; le plus favant
» Mathématicien étoit celui qui avoit un
» peu d'Arithmétique & les premières propofitions
de la Géométrie. Il n'y eut plus
DE FRANGE. 2
» de Poéfie ; la Médecine & la Chirurgie
», détruifirent la Nature au lieu de la fecou-
» rir . Les Théologiens ne comprenoient
plus eux- mêmes leurs fubtilités , & c. »
*
Après avoir loué le zèle & les talens de
l'Auteur de cette Brochure , nous oferions
blâmer la vivacité avec laquelle il répond à
fon adverfaire , fi elle n'étoit juftifiée en quel
que forte par le motif qui l'a fait écrire. 11
eft des occafions où il eft permis d'être un
peu trop vif pour l'être allez.
ACADÉMIE FRANÇOISE .
LA Séance publique de l'Académie Françoife
, pour le jour de Saint Louis , devoit
néceffairement attirer un grand concours
d'Auditeurs , & offrir une Affemblée des
plus brillantes. Il y avoit trois Prix à donner,
un Prix d'Éloquence , un Prix de Poefie &
un Prix de Vertu ; & parmi les Spectatenes
fe trouvoit S. A. S. Madame la Ducheffe de
Chartres & M. le Comte d'Oels .
Le fajet du Prix d'Éloquence étoit l'Éloge
de Fontenelle; fujet d'autant plus difficile à
traiter , qu'il le paroît peut être moins au
premier coup- d'oeil. Le caractère de Fontenelle
eft plus connu que facile à faire fentir
: il s'agilfoit dans ce Difcours de peindreun
homme original , & d'apprécier un Au
teur dont les Ouvrages forment une époque
dans l'Hiftoire Littéraire ; auffi le Prix avoit-
B iij
30 MERCURE
il été déjà remis l'année dernière , l'Académie
n'ayant reçu aucun Difcours qui lui parût
digne d'être couronné. On fera moins furpris
que fes voeux ayent été remplis cette
année , en apprenant que l'Auteur de l'Ouvrage
couronné eft M. Garat , déjà diſtingué
par la même Académie. On y a trouvé ce qui
caractériſe tout ce qui eft forti de fa plume ,
un Auteur qui penfe avec jugement & qui
écrit avec imagination ; du bel efprit qui ne
nuit point à l'energie ni à la profondeur des
idées , & qui donne de l'éclat à fon ftyle .
fans rien ôter à la vérité de l'expreffion . S'il
a paru long à quelques perfonnes , ce n'eft
pas en appréciant l'effet qu'il a produit ,
niais en mefurant la durée de la lecture.
Elle a été faite par l'Auteur lui même ; c'est
une faveur particulière accordée à la demande
de M. Garat , ce qui ajoute un
nouveau prix à la gloire de fon triomphe
Littéraire.
M. le Chevalier de Florian , déjà couronné
pour une Pièce de Poéfie à la louange
de Voltaire , vient de l'être encore pour une
Églogue intitulée : Ruth & Booz , qui a éré
entendue avec la plus grande fatisfaction . Il
eft réfulté du genre de l'Ouvrage , & de la
manière dont il a été traité , un charme qui
a paffé dans tous les coeurs ; il y règne ce ton
religieux , fi naturel à la poéfie , & fi propre
à l'expreffion de la fenfibilité .
L'Acceffit a été donné à une autre Églogue ,
d'un Auteur mort avant la diftribution ; elle
DE FRANCE. 31
a pour titre Le Patriarche , ou le vieux
Laboureur ; & c'eft une chofe aflez remarquable
que dans ce moment , où les Auteurs
du jour préfèrent fi fouvent le brillant au
naturel , on ait eu à couronner deux Églogues
à la fois , c'est à dire , deux Ouvrages d'un
genre dont la fimplicité forme le caractère
& le principal mérite . M. Marmontel a lu
des morceaux de la feconde Églogue ; on
en a imprimé quelques uns , dont nous
n'avons pas cru devoir priver nos Lecteurs .
Le Laboureur eft repréſenté au milieu de la
famille & de fes petits fils.
L'ordre régnoit au ſein du peuple fraternel ;
Tous plioient fous les loix du fceptre paternel , t
Empire aimable & faint ! qu'un père eft un bon maître!
Damon feul préfidoit fur le détail champêtre;
Seul il dictoit les foins & les travaux du jour ,
Et l'inftant du départ & l'inſtant du retour.
Le foir , du lendemain fa voix régloit l'ouvrage ;
Il commande , & chacun jaloux de fon partage
Jufqu'à l'aube du jour , va du coq matinal ,
Pour le départ commun attendre le ſignal .
Mais d'un éclat nouveau déjà les cieux rougiffent ;
De l'étable fortis les boeufs au loin mugiffent ;
Dans les fillons ouverts , le coutre fe polit ;
Sous les ongles de fer la glèbe s'amollit.

La fueur à grands flots des fronts au loin ruiffelle ,
Une Chanfon foutient la force qui chancelle.
Biv
3:2 MERCURE
Damon , quoique affoibli , ne peut refter oifif:
D'une épine noueuſe a'dant ſon pied tardif,
Il va des bords du champ voir , diriger l'ouvrage ;
Sa voix des bras laffés ranime le
· ·
courage.
Mais lorsque s'emparant de la voûte azurée ,
Le nébuleux Décembre allongeoit la foirée ,
Un jeune enfant prenoit le faint Livre le feul
Quejamais avoit lû fen vertueux aïeul ;
Il le baife en l'ouvrant ; fa main reſpectucuſe
L'approche des lueurs d'une mèche onctueuse ;
Il lit , d'abord timide & bientôt enhardi :
Autour de lui foudain un cercle eft arrondi :
L'un debout , l'autre affis , tous ; fervent auditoire ,
En extafe écoutoient la véritable hiftoire.
Appliquant un cryftal fur fes yeux obfcurcis ,
Et du jeune Lecteur dirigeant les récits ,
Le vieillard lui difoir : lifez ces pages faintes ;
Abel , le jufte Abel de fon fang les a teintes.
De frère jufqu'on va la jalouſe fareur ?
Pourquoi le meurtrier fut- il un Laboureur ?
Il y a là de bien beaux vers ; le dernier ,
par exemple , renferme un fentin ent délicicux
; auffi les différens morceaux qui ont
été lûs , ont ils excité les applaudiflemens les
plus vifs & les plus réitérés . On en fera bien
eronné quand on faura que l'Auteur de cette
Pièce ignoroit jufqu'aux règles de la verfification
, ce qui eft prouvé par des hiatus &
DE FRANCE. 33
d'autres fautes pareilles , qui lui font échappés
dans ce même Ouvrage. On a témoigné
le defir le plus vif d'apprendre fon nom ;
mais les loix de l'Académie défendoient de
rompre le cachet qui le contient ; & M.
Marmontel n'a pu fatisfaire à la curiofité du
Public.
Le Prix de Vertu a été décerné à Madame
Legros , Marchande Mercière , qui le méritoit
d'autant plus , qu'elle ne l'avoit ni prétendu
, ni efpéré. Elle a , pendant plufieurs
années , donné des fecours pécuniaires & des
foins affidus à une perfonne qui étoit dans
l'infortune , fans afpirer même à la gloire de
l'avoir fecourue. En ayant fait la découverte
avec cette vive fatisfaction que les âmes communes
éprouvent en rencontrant une fortune
inattendue , elle a partagé & adouci fes
maux , comme on jouit de fon propre bonheur
& malgré le vif intérêt qu'a excité le
récit de la bienfaifance , il eft à préfumer
qu'elle a eu moins de plaifir à recevoir la
récompenfe publique de fes bienfaits , qu'elle
n'en avoit eu à les répandre.
L'Éloge de Louis XII eft propofé pour le
Prix d'Eloquence de l'année prochaine.
By
34
MERCURE
SPECTACLE S.
COMÉDIE ITALIENNE.
LA feconde repréſentation du Duc de
Bénévent a eu plus de fuccès que la première.
Les changemens que l'Auteur a faits
à fon Ouvrage ont donné plus de rapidité à
la marche , & ont réchauffé l'intérêt de l'action;
mais ils ne peuvent le fauver du reproche
d'invraisemblance qu'on eft en droit
de lui faire , & qui règne d'un bout à l'autre
de fa Pièce .
Dans le Conte de Voltaire , qui a pour
titre l'Éducation d'un Prince , Alamon ,
trompé par trois fripons qui lui faifoient
accroire
Qu'un Duc de Bénévent , dès qu'il étoit majeur ,
Étoit du monde entier l'amour & la terreur;
Alamon , qui
Entouré de Bouffons & d'infipides jeux ,
Quand il avoit dîné , croyoit fon peuple heurenx ;
bannit de fa Cour un vieux Serviteur du feu
* Comédie Héroïque en trois Ates & en vers ,
repréfentée pour la première fois le 16 Juillet dernier.
Elle fe vend chez Vente , Libraire , rue des Anglois ;
prix , 1 liv. 10 fols .
DE FRANCE.
3 *
Prince , fon père , le feul qui donnât de l'effroi
aux méchans qui l'entouroient ; devient
amoureux de la jeune Amide , qu'on le force
encore de bannir , parce qu'on craint fes
charmes & fa vertu ; voit les États envahis
, fes peuples égorgés par Abdalla , ett
lui même la proie du vainqueur , & réduit
au vil état d'un Muletier. C'eft - là , dit
le Conteur , que
Ses membres énervés par l'infâme molleffe ,
Prirent dans le travail une heureufe vigueur ;
Le malheur l'inftruifit , il dompta la pareffe :
Son aviliffement fit naître la valeur.
Quelque temps après , il voit fa maîtreffe
conduite au Turc qui la deftine à fes plaifirs ;
mais Amide profite de l'afcendant que lui a
donné fur le coeur d'Abdalla l'éclat de fa
beauté. Elle demande trois jours de délai à
fon nouveau maître , les obtient & en profire
, tant pour faire punir les Miniftres corrupteurs
du Duc , que pour engager ce Prince
à fuir , à rejoindre le vieux & brave Serviteur
qu'il a exilé , & à rentrer dans fes États
après en avoir chaffé les Barbares qui s'en
font emparés. Alamon part , retrouve dans
le coeur Vieillard une fidelité , une tendreffe
que on ingratitude auroit pu en bannir.
Bientôt fecondé par lui , il rentre en
maître dans fon palais, arrache Amide à fon
efclavage , après avoir remercié Abdalla
d'avoir developpé fon efprit & fon coeur , il
ajoute :
1
B v}
36 MERCURE
Soyez libre , partez , & fi vos deflinées ·
Vous donnent trois Fripons pour régir vos États ;
Envoyez- moi chercher : j'irai , n'en doutez pas ,
Vous rendre les leçons que vous m'avez données.
Tout cela eft naturel dans un Conte : l'efpace
de temps que le Conteur peut donner
à fa fable, en rend tous les incidens non-iculement
poffibles , inais encore vraisemblables ;
mais lorfque tous ces détails , tous ces événemens
fe trouve, t raffemblés dans le cours
de vingt quatre heures , y a t'il de la vraifemblance
: Non certainement. Or , examinons
l'ordonnance du Duc de Bénévent ,
dont l'Auteur a puifé le fonds dans le Conte
de Voltaire.
pas
la
Au premier Acte , Alamon , amoureux
de la belle Amide , fille de Géfimon , &
aimé d'elle fans le favoir , exile , fur une pré-.
tendue ingratitude , qu'il ne fe donne
peine d'approfondir , les deux feules perfounes
de les États dont il foit véritablement
aimé. Trompé depuis long temps par un
Miniftre perfide , qui a été autrefois fon Inftitureur
, il abandonne fon âme entière aux
lâches confeils de ce vil fcélérat , qui s'applaudit
de la foibleffe de fon maître.
Au fecond Acte , Gélimon , & fa fille-arrivent
au lieu de leur exil ; mais à l'inftant ..
même on vient leur apprendre que le Turc :
s'eft emparé des États de Bénévent , & qu'on
ignore la deftinée du Duc. Gélimon projette
de voler à fon fecours. Le Prince fugitif &
DE FRANCE. 37
déguifé , apprend par la bouche d'une espèce
de Magifter de Village ce qu'on penfe de lui
& de fon Miniftre ; fe reproche fa conduite
paffee ; fe revêt d'une ancienne armure , fe
préfente à Amide , la vifière de fon cafque
baiffée , apprend qu'il eft aimé , fe fait connoître
& part , animé par l'amour & guidé
par Gefimon , pour reprendre fes États.
,
Au troisième Acte , Abdalla paroît , on lui
préſente Amide ; la vue de la jeune beauté
lui infpire de l'amour ; elle demande au
Turc la punition du Miniftre , & l'obtient.
A l'inftant un bruit d'armes fe fait entendre.
On apprend à Abdalla que des Troupes le
font jetées dans la ville à la faveur de la nuit ,
qu'elles ont furpris les Turcs dans le fommeil
, & qu'elles fe répandent dans tous les
quartiers. Abdalla vole pour réparer le défordre
, mais il n'eft plus temps ; & Alamon
rentre en vainqueur , fuivi d'Abdalla , devenu
fon captif. La fin de la Comédie eft enfuite
exactement celle du Conte.
Nous n'entrerons point dans le détail des
défauts d'une pareille ordonnance ; il eft
inutile d'indiquer ce qu'un peu d'habitude
du Théâtre fait connoître au Spectateur le
inoins attentif , & ce qu'un fimple expofé
fuffit pour démontrer. Non - feulement tous
les événemens contenus dans les trois Actes
du Duc de Bénévent font impoffibles dans
l'espace de temps donné par les règles de
notre Scène , mais encore le but moral de
Voltaire eft manqué . Chez lui , c'eſt le mal3.8
MERCURE
heur qui inftruifit Alamon ; c'eft dans le travail
que les membres énervés trouvèrent une
heureuſe vigueur. Chez l'Auteur Comique
Alamon n'a pas le temps d'être malheureux.
Où & comment fes membres ont ils trouvé
de la vigueur ? Comment fon âme a- t'elle
pris tout- à coup une énergie qui lui étoit
abfolument inconnue ? Pour porter au Théâtre
le Conte de Voltaire avec quelque avantage
, il falloit le fuivre moins fervilement
rejerer dans l'avant fcène une partie des faits
qui compofent le premier Acte , & développer
les autres d'une manière dramatique &
intérellante.

On doit néanmoins des éloges à l'Auteur :
fon ftyle toujours , & fouvent même trop
facile , a quelquefois de la force & de la nobleffe
. Nous avons remarqué dans le fecond
Acte une Scène filée avec beaucoup d'adreffe ,
& qui ne manque pas d'interêt. Nous voulons
parler de celle où Alamon fe retrouve
avec Amide , qui ne le reconnoît point , &
apprend de la bouche même d'une amne
qu'il a outragée , combien il a été coupable
& combien il eft aimé. Nous n'oublierons
pas non plus de pa ler de la première Scène
du troisième Acte , où le Miniftre , devenu
l'Esclave d'Abdalla & le compagnon de malheur
d'un de fes Valets , cède lâchement au
forr qui le pourfuit , tandis que le Valer ſe
fait une jove maligne de detailler à fon ancien
Maitre tout ce que fa deftinée aura
de rigoureux . L'intention de cette Scène eſt
DE FRANCE. 39
bonne , & fon exécution annonce du talent
pour la Comédie.
Cette Pièce n'eft pas auffi bien jouée qu'elle
pourroit l'être. Les rôles font mal fçus , & ce
n'eft pas feulement dans cet Ouvrage que
nous nous fommes apperçus de la négligence
de certains Acteurs de la Comédie Italienne.
Nous les invitons , au nom du Public , à lui
épargner le defagrément d'être plus ſouvent
frappés de la voix du Souffleur que de celle
des Acteurs qui font en Scène. Rien n'eft plus
fatal à l'illufion & ne nuit davantage au charme
de la repréſentation .
&
LE Vendredi 13 Août , on a repréſenté ;
pour la première fois , l'Amour à l'épreuve,
Comédie en un Acte & en vers.
· Rofalie , Pupille de Linval , homme encore
jeune, & fair pour plaire , aime Dorlis ,
& garde le fecret de cet amour , parce qu'elle
ignore fi elle eft aimée . Dorlis , de fon côté ,
aime Rofalie ; il a gagné Marron , fa Suivante
, & la prevenne par un billet , qu'il
ne ta de oit pas à la venir trouver , afin
qu'elle l'introduit auprès de Rofalie. A la
fuite d'une converfation entre la Soubrette
& la Mirelle , & dans laquelle celle ci a
palé de Linval avec affez de chaleur pour
faire préfumer que c'eft lui qui a infpiré de
l'amour à Rotalie , la Soubrette laiffe tomber
le biller de Doil . Linval le ramaffe ,
croit y trouver des preuves d'intelligence en
40 MERCURE
tre Marton & Doris . Il fe croit joué par
Marton , lorfque la Soubrette , trompée par
les apparences , lui déclare que c'eft lui qu'on
aime : il la lutine , & lui remet fon billet gaîment
, en lui confeillant de mieux garder
ceux qu'elle recevra par la fuite. Cependant
Dorlis fe trouve au rendez- vous après le départ
de Linval ; & bientôt , par le retour imprévu
du Tuteur , il eft obligé de s'enfermer
dans un cabinet. De cette retraite il entend
une converfation entre Rofalie & Linval ,
& dans laquelle celui ci , qui commence à
fe croire aimé , queftionne fa Pupille , apprend
qu'elle aime Dorlis , & fe propoſe de
tourmenter un peu les deux amans . Comme
il ignore que Dorlis eft enfermé dans le cabinet
, il lui écrit de fe rendre chez lui , &
ordonne à Marton de lui faire promptement
parvenir fa lettre. Elle eft promptement remife
, comme on le préfume. Dorlis veut
fortir un moment pour ne pas compromet
tre Marton ; mais en defcendant il rencontre
Linval fur l'efcalier , & rentre avec lui fort
embarraffe , & dans une inquiétude qui rend
très- plaifante la fituation reſpective des deux
perlonnages. Ce que Linval veut de Dorlis ,
c'eft celui- ci facrifie fon amour à la reconnoiffance
que Rofalie doit à fon Tuteur ,
& qu'il lui déclare qu'il ne l'aime point. Il a
exigé la même chofe de Rofalie . Les amans
s'efforcent de mentir à leur coeur ; mais après
quelques efforts l'amour l'emporte , & les
deux jeunes gens laiffent éclater toute leur
que
DE FRANCE. 41
tendreffe. Linval les interrompt avec un air
févère , il ordonne même à Rofalie de lai
donner la main en préfence de Dorlis ;
comme elle balance il la prend , mais c'eft
pour la mettre dans celle de Dorlis , & confentir
au bonheur de Rofalie.
Cette petite Comédie , dont l'intrigue eft
peu de chole , eft vraiment eftimable par les
moyens ingénieux que l'Auteur a mis en oeu
vre pour mettre fes perfonnages en fituation.
Le dialogue eft naturel , vrai , & coupé avec
facilité. Le ftyle eft agréable & piquant , & la
manière adroite avec laquelle font ménages
les refforts comiques qui convenoient à la
nature de fon action , annonce une grande
connoiffance du Théâtre & un talent déjà
exercé. La Pièce eft bien jouée. M. & Mme
Reymond y font justement applaudis ; Mlle
Dufayel joue fon rôle avec intérêt & décence.
Quant au perfonnage de Linval , il est repréfenté
par M. Granger , & c'eft affez dire
qu'il l'eft de manière à prouver un Comédien
, & à donner de l'éclat au rôle.
ANNONCES ET NOTICES.
P
HYTONOMATOTECHNIE Univerfelle , par M.
Bergeret, Chirurgien- Démonftrateur de Botanique ,
in - folio. Le neuvième Cahier de cet intéreffant Ouvrage
contient au lieu de douze figures comme les
Cahiers précédens , les treize Plantes fuivantes :
Pezize écarlate , Pezize ocre blanc , Marchante
42 MERCURE
multiforme, Lichefe brun , Lichefe à gobelets , Nicotiane
ruftique , Pervanche majeure , Lierre terreftre
, Caillelait jaune , Opficy bourdon , Fraifier
ordinaire , OOrrttiiee ggrriieecchhee, Noifetier avelinier.
Toutes ces Figures font deffinées , coloriées & décrites
avec foin .
On foufcrit à Paris , chez l'Auteur , rue d'Antin ;
Didot le jeune , Imprimeur-Libraire , quai des Au
guftins , & chez Poiffon , Graveur , Cloître Saint
Honoré. La foufeription pour le papier de Hollande
eft de 108 livres par année pour fix Cahiers ; celle
pour le papier ordinaire figures coloriées , 54 livres ;
pour le papier ordinaire figures en noir , 27 liv.
LE Porte Feuille des Enfans , mélange intéref
fant d'Animaux , Fruits , Fleurs , Habillemens ,
Plans , Cartes & autres Objets deffinés fuivant des
réductions comparatives , & fous la direction de M.
Cochin , avec de courtes Explications & divers
Tableaux élémentaires , rédigé par une Société
d'Amateurs. Prix , 1 livre 4 fols le Cahier. A
Paris , chez Gogué & Née de la Rochelle , Libraires
, rue du Hurepoix , près le Pont S. Michel ;
Nyon l'aîné , Libraire , rue du Jardinet ; Mérigot
jeune , Libraire , quai des Auguftins ; Chéreau , rue
des Mathurins A Verfailles , chez Blaizot , Libraire
, rue Satory.
Le premier Numéro de cet Ouvrage eft en vente
du premier Mai ; le fecond paroît actuellement , &
forme avec le premier dix Planches en taille douce
qui réuniffent les Coftumes de douze Soldats anciens
; les figures & les defcriptions de trente - quatre
Quadrupèdes & de hait Oifeaux ; trois Plans deftinés
à commencer un Cours de Géographie élémen
taire & trois Tableaux imprimés.
Le titre de l'Ouvrage & le Profpectus lui-même
DE FRANCE. 43
fembloient ne promettre que des Gravures , & la
Société qui s'eft formée pour cette entreprife prenoit
l'engagement d'offrir à fes jeunes Elèves le plus
grand nombre d'objets intéreffans & inftructifs qu'il
feroit poffible ; mais les courtes explications dont
elle les accompagne augmenteront l'utilité de leurs
travaux ; elles paroiffent faites avec foin , & furtour
avec affez de précifion pour ne pas dégoûter
l'Enfant par une lecturé trop longue. Quant aux
Gravures , il ne pouvoit entrer dans le plan des Redacteurs
de donner des chef-d'oeuvres qu'on n'ofe
roit facrifier aux Enfans ; l'extrémité contraire étoit
feule à craindre. Ils ont été affez heureux pour trouver
un jufte milieu , & le Porte - Feuille des Enfans
pent devenir , au prix le plus modique , une production
utile à l'inftitution .
DESCRIPTION de l'Aéroftate de l'Académie de
Dijon , contenant le détail des procédés , la théorie
des opérations , les deffins des machines & les procèsverbaux
d'expériences ; le tout extrait du compte
rendu à cette Société par MM . de Morveau , Chauffier
& Bertrand , fuivi d'un effai fur l'application de
la découverte de MM. de Montgolfier à l'extrac
tion des eaux des mines . A Dijon , chez Cauffe , Imprimeur
du Parlement , place S. Etienne , & fe trouve
à Paris , chez Théoph. Barrois , Libraire , quai des
Auguftins.
Les différens rapports des expériences faites à
Dijon ne contiennent rien qui leur foit particulier ;
on doit néanmoius favoir gré aux Académiciens de
Texactitude de leurs obfervations & de la manière
claire dont elles font préfentées ; il paroît qu'on a
principalement arrêté la vûe fur les moyens de direction
, & l'on peut tirer quelque profit non - feulement
des tentatives faites , mais même des raifonnemens
fur lefquels elles étoient appuyées , on ne peut répon44
MERCURE
dre d'une manière plus fatisfaifante qu'on le fait
dans ce Mémoire , à la fameufe queftion : Eft- il
poffible de diriger les Aéroftates ? La deuxième Partie ,
concernant le gaz inflammable , mérite les plus grands
éloges ; nous obferverons que les deux expériences
du 25 Avril & du 12 Juin ont été faites avec la même
machine.
REPERTOIRE Univerfel & raifonné de Jurifprudence
, Ouvrage de plufieurs Jurifconfultes , mis en
ordre & publié par M. Guyot. Nouvelle Édition ,
corrigée & augmentée. A Paris , chez Vifle , rue
de la Harpe , & chez les principaux Libraires de
France.
Cet Ouvrage contiendra dix- fept volumes in - 4° .
dont le troisième fera publié dans le courant du préfent
mois de Septembre . A la fin du même mois ,
on fermera la Souſcription , qui a été fixée à 156 liv.
en feuilles ; mais on en ouvrira une nouvelle , qui
ne différera de la première qu'en ce que le premier
payement fera de 24 liv au lieu de 12 liv. qu'auront
payées les premiers Soulcripteurs. Cette feconde Soufcription
, fixée ainfi à 168 liv. , reftera ouverte julqu'au
moment où l'on publiera les cinq derniers
volumes , qui doivent être livrés gratis aux Soufcripteurs.
A cette époque , le prix des dix- fept volumes
fera de 192 liv. On prévient MM . les Soufcripteurs ,
qui n'ont pas retiré leurs exemplaires des Tomes I &
II , & qui defirent qu'on les leur expédie , que cette
expédition aura licu auffitôt qu'ils auront fait remettre
à Paris , chez le fieur Vifle , 12 liv. par volume ,
non compris la reliûre ou la brochure.
Nota. La reliûre en veau coûtera 45 fols , la re
liûre en bafarne 33 fols , la brochure en papier
6 fols , & la brochure en carton 10 fols par
volume.
La pofte ne fe charge que de volumes brochés.
DE FRANCE. 49
1
LETTRES d'un Solitaire à un Académicien de
Province ,fur la nouvelle Verfion Françoise de l'Hiftoire
des Animaux d'Ariftote. in- 4 °. Prix , 3 liv.
broché. A Amfterdam , & fe trouve à Paris , chez
Lamy , Libraire , quai des Auguftins.
L'Auteur de cet Ouvrage a voulu prouver , dans
trois Lettres , que M. Camus , à qui l'on doit une
nouvelle Traduction Françoife de l'Hiftoire des
Animaux , compofée par Ariftote , n'avoit fait que
copier celle de Scaliger , & avoit par conféquent tous
les défauts de cet Interprète Si les citations de l'Ouvrage
que nous annonçons font juftes , la Traduction
de M. Camus fourmille de fautes & de contrefens
, qui font d'autant plus dangereux qu'ils font
faire à Ariftote un tas de bévues contre l'Histoire
Naturelle. Nous ne prononcerons point fur l'exactitude
des citations grecques & latines dont cet Ouvrage
eft rempli , c'eft aux Commentateurs & aux
Naturaliſtes à décider qui eft - ce qui a tort de l'Auteur
de cet Ouvrage , d'Ariftote ou de M. Camus.
L'ART de foigner les Pieds , contenant un Traité
fur les cors , verrues , durillons , oignons , engelures ,
les accidens des ongles , & leur difformité. Nouvelle
Édition , augmentée d'un Chapitre fur la manière de
foigner les pieds des Soldats en garnifon , & dans
leurs mouvemens , & de deux planches pour l'intelligence
de cet Ouvrage ; préfenté au Roi , par M.
Laforeft , Chirurgien- Pédicure de S. M. & de la
Famille Royale. A Paris , chez l'Auteur , rue des
Moulins , butte S. Roch ; Méquignon l'aîné , rue
des Cordeliers , & à Vérfailles , chez blaizot , Libraire
du Roi.
M. Laforeft , après avoir profité des connoiffances
que M. Rouffelot , fon prédéceffeur pour le fervice
de la Cour , lui a laiffées dans fes manufcrits , & y
avoir ajouté celles que lui ont acquifes douze années
46 MERCURE
1
d'expériences , nous a donné , dans l'Ouvrage que
nous annonçons , toutes les notions connues fur l'art
de foigner les pieds. Il a fur- tout évité ce ton de
charlatanerie qui , attribuant à chaque remède des
vertus qu'il n'a pas , ou groffillant celles qu'il a , les
donne pour fpécifiques certains des maladies qui
affligent les pieds . Il convient qu'il n'en exifte pas ,
& que le foin , la propreté & les chauffures aifées
font les feuls Médecins. Cet Ouvrage nous a paru
d'autant plus utile , qu'en fuivant les préceptes qu'il
contient , on peut fans le fecours d'autrui , éviter &
remédier foi-même à tous les accidens. M. Laforeft
a élevé fon fils dans fes principes. Les perfonnes dont
la fortune eft bornée peuvent le préſenter fans crainte
chez lui , & les Pauvres y reçoivent gratuitement les
fecours néceffaires.
VUES des Alpes & des Apennins , deux Eftampes
gravées par Ouvrier , d'après Vernet. Prix , 3 liv.
chacune. A Paris , chez Voyfard , Graveur , rue de
la Harpe , No. 18 , en face de la rue Serpente .
Avec ces deux Gravures qui feront plaifir aux
Amateurs , on trouve chez le même la Fille rufée ,
par Prévôt ; le Petit Ma-ché , par Ouvrier ; le Marchand
de Rogome & les Balanceufes , par Germain ,
d'après Schenau ; prix , 1 liv . 16 fols chacune . Le
Beau Commiffaire & lajolie Charlatane , par Halbou,
d'après Eiſen , deux pendans d'une livre chaque.
Le Plaifir des jeunes Filles , Eftampe gravée
d'après Zucarelli , par Château. L'Alarme des.
Epoufes , gravée d'après le même , par Goumaz.
Prix 18 fols chaque . A Paris , chez M. Ponce , rue
S. Hyacinthe , N° . 19 .
PORTRAITde M Pilâtre de Rozier. A Paris , chez
DE FRANCE.
47
Beljambe , Graveur , rue des Foffés M. le Prince ,
No. 28 Prix , 12 fols.
On trouve au bas quatre vers à la louange de M.
Pilâtre de Kozier.
AUTRE Portrait de M. Pilâtre de Rozier , deffiné
d'après nature par Pujos , gravé par Legrand ; & fe
trouve chez Pujos , Quai Pelletier , près la Grève ,
& chez Vidal , Graveur , rue des Noyers.
NUMERO 8 du Journal de Harpe , par les meil
leurs Maitres, Prix , féparément 2 liv. 8 fols. Abonnement
15 livres franc de port. A Paris , chez M,
Leduc , an Magafin de Mufique , rue Traverfière-
Saint-Honoré,
METHODE de Harpe , fuivie d'un Recueil de
petits Airs de différens Auteurs , & d'une Inftruition
touchant la méchanique des Harpes anciennes & nouvelles
,, par M. Coufineau fils , OEuvre IV . Prix , 9 liv.
A Paris , chez MM . Coulineau , Luthier de la Reine ,
rue des Poulies , & Salomon , Luthier , place de
l'École.
L'Auteur , dans une Préface extrêmement modefte
, prévient qu'il ne croit pas que , même avec ſa
méthode , on puiffe apprendre à jouer de la Harpe
fans Maître ; mais il a cru devoir fixer les principes
& faciliter les pofitions , pour ceux qui s'occupent
de cet inftrument. En général cette méthode nous
paroît écrite avec une clarté , une piécifion qui annoncent
un homme parfaitement sûr de fon inftrument
, & qui aime mieux démontrer fimplement que
de s'amufer à faire des phraſes.
RECUEIL de Pièces pour le Clavecin ou Fortepiano
, par M. Séjan , Organiſte de l'Eglife de Paris ,
48 MERCURE
--
de Saint- André-des- Arcs & de Saint- Sulpice . OEuvre
II. Prix , 6 liv. Treis Sonates pour le Fortepiano,
Violon & Violoncelle obligés , pour la première
& la troisième . Quvre III , par le même. Prix ,
7 liv. 4 fols . A Paris , chez l'Auteur rue de
l'Éperon , la première porte - cochère à droite par la
rue Saint-André; Mlle Caftagnery , rue des Prouvaires
, & c .
On connoît peu les Ouvrages de M. Séjan ; la
manière dont il les exécute les faifoit defirer depuis
long- temps.
Pour les Annonces des Titres de la Gravure .
de la Mufique & des Livres nouveaux , voyez les
Couvertures .
VE
TABLE
ERS à M. de Beaumar
chais ,
3
Charade , Enigme & Logogryphe
,
Rapport des Commiffaires nom
méspar le Roi , pour l'examen
du Magnétifme Animal
,
Les Aventures de Chæréas
22
24
de Callirhol ,
Voyage en Allemagne & en
Pologne ,
Obfervations de M. l'Abbé Ca
va illes ,
Académie Françoife ,
Comédie Italienne,
Annonces & Notices ,
APPROBATION.
27
29
34
41
J'AI in , par ordre de Mgr le Garde des Sceaux ,
Mercare de France , pour le Samed 4 Septem. Je n'y ai
rien trouvé qui puifle en empêcher
l'impreffion
. A Paris ,
le 3 Septembre
1984. GUIDI,
{
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI II SEPTEMBRE 1784.
PIECES FUGITIVES.
n EN VERS ET EN PROSE.
A M. le Comte D'O EL S.
Oro1 dont le génie éclairant la valeur ,
Sair maîtriſer la foudre & fixer la victoire ;
Toi qui , dans les tranſports de la plus vive ardeur ,
Ne fis jamais un pas fans aller à la gloire ;
Digne Émule d'un Frère , auffi grand que Céfar ,
Qui fait mouvoir , agir , vaincre d'un feul regard ;
Par tes nobles travaux , par ton courage augufte ,
D'un culte mérité tu te rendis l'objet ; -
Mais la postérité , dont l'oeil eſt toujours jufte ,
Te trouvera trop grand pour n'être qu'un Sujet.
(Par L. M. de Caraccioli. )
N° . 37 , 11 Septembre 1784 C
MERCURE
CHANSON tirée de Hurluberlu. *
AIR: Philis demande fon Portrait.
LISE ISE me dit tout uniment
Que je fuis une bête ;
Je trouve cet aveu charmant
Autant que malhonnête ;
Cette injure a tant d'agrément ,
Qu'ilfaut qu'on la lui paſſe ;
Et dans un mauvais compliment
Elle met de la grâce.
EN me traitant du haut en bas ,
Life en eft plus touchante ;
C'eft qu'elle ne réuffit pas
A faire la méchante.
Quand par un mot injurieux.
Sa bouche veut déplaire ,
• Hurluberla , in - 8 ° . de 116 pages , avec les Airs nou
veaux notés à la fin , prix 1 liv. 16 fols broché , ſe vend
à Paris , chez Royer , quai des Auguftins , & l'Efclapart ,
Libraire , pont Notre- Dame ; & le matin , chez M. de
Reigny , rue de Buffaut , au coin de la rue du Fauxbourg
Montmartre. Les Airs gravés féparément fe trouveront,
avec d'autres Romances du même Auteur , chez Frère,
paffage du Saumon.
DE FRANCE.
Celui qui regarde ſes
Devine le contraire.
yeux
UN autre à ma place auroit dit
Ce qu'elle ignore encore :
Quelqu'un peut- il manquer d'efprit ,
Life , quand il t'adore ?
Quant à moi , j'exprime autrement
Mon ardeur & mon zèle ....
Mon efprit devient ſentiment ,
Quand je fuis auprès d'elle.
LORSQUE pour un objet charmant
Un Berger s'intéreffe ,
Il perd bientôt fon enjouement
A force de tendreffe .
Ton
courroux , Life , me ravit ;
Mais pour que je m'e venge,
Life , donne-moi ton efprit.....
Prends mon coeur en échange.
( Par M. Beffroy de Reigny. )
Cij
52 MERCURE
Explication de la Charade , de l'Enigme &
du Logogryphe du Mercure précédent.
LE mot de la Charade eft Tourment ; celui
de l'Enigme eft la Critique ; celui du Logogryphe
eft Embufcade , où l'on trouve abus
Cumes , Médufe , Cadmus , mufcade , écume ,
baume , Mufée, eau & âme.
CHARA D E.
EL de qui mon premier fut l'emploi dans la ville ,
Faiſant mon tout adroitement ,
Sur mon fecond fuit leftement
Jufqu'à ce qu'il trouve un aſyle.
( Par M. le Marquis de Fulvy. )
ÉNIGME - LOGOGRYPHE.
VRAIS, nous fommes un bien que le fage defire.
Pour nous avoir , il faut renverser un Empire ;
Si ce moyen vous gêne , effayez celui ci .
Prenez une rivière , & fans tant de fouci
Coupez- lui tête & queue ; eft-ce affez vous en dire ?
DE FRANCE.
53
LOGO GRYPHE
AMANT volage , être inconftant ,
MANT
Toujours lefte , toujours brillant ,
Je fais ma cour à la plus belle.
Senfible à mes plus chers defirs ,
Pour le prêter à mes plaifirs ,
Son beau ſein s'ouvre à l'infidèle ;
Mais fi je caufe les douleurs ,
Je m'abreuve auffi de fes pleurs ,
Et fouvent je meurs auprès d'elle.
Dans mes huit pieds eſt un oiſeau
Remarquable par fon plumage ;
Une graine fort en ufage ;
L'arbre le plus droit , le plus beau ;
Un Juge équitable & févère ;
Un inftrument d'Apothicaire ;
Un fleuve fameux par fes eaux ;
Le plus puiffant des animaux ;
Bref, la pièce fi néceffaire
A ce jeu dont nous fommes fous ,
Où les Dames ont le deffous.
Cii)
14
MERCURE
NOUVELLES LITTÉRAIRES .
VIE du Maréchal Duc de Villars , &c. &c.
écrite par lui même , & donnée au Public
par M. Anquetil , &c. & c. 4 vol . in 12. A
Paris , chez Moutard , Impr. Libraire de
la keine , rue des Mathurins , 1784,
Les perfonnes fatiguées de tant de compilations
hiftoriques faites for d'autres compilations
, de cette foule de livres qui n'apprennent
rien , de ces tableaux des nations.
qu'on fubftitue à leur hiftoire , & de ces verbiages
appelés de la philofophie , qui remplacent
le récit des événemens , liront avec.
intérêt ces Mémoires inftru&tifs. Le Héros ,
les temps , le nom du Rédacteur rendent cet
Ouvrage digne de l'attention de l'Europe entière.
Ce font les Lettres , les fouvenirs , le
Journal même d'Hector de Villars qu'on
communique au Public. Ces Pièces originales
, écrites de la main du Maréchal , ont été
miles en ordre par M. Anquetil , Auteur de
l'Esprit de la Ligue ; l'Hiftorien de ces Mémoires
méritoit un pareil Éditeur..
Quatre Tomes , il eft vrai , pour la vie
d'un particulier , peuvent effrayer des Lecteurs
févères. Tacite renferma dans quelques
pages la Vie d'Agricola ; mais quand on ſe
DE FRANCE
rappelle la longue & glorieufe carrière de
Villars , le Royaume , à deux doigts de fa
ruine , fauvé par ce Général , tant de grands
événemens à cette époque , fuivie de celle
non moins fingulière de la Régence ; lorfqu'enfin
il s'agit d'éclaircir l'Hiftoire de ces
fcènes fi variées , où tour à tour Guerrier ,
Négociateur , Homme d'État , Villars paroît
toujours l'un des premiers Acteurs , on
ne fe laffe point de l'entendre répéter fon
rôle. Retz & Clarendon font entrés dans de
plus grands détails encore , & l'on eft trop
heureux que de pareils contemporains tranfmettent
à la postérité les événemens auxquels
ils ont contribué.
Remarqué dès les premiers inftans de fa
vie militaire , Hector de Villars fut employé
feulement après la paix de Nimègue , d'une
manière conforme à fes talens. Louis XIV
étoit alors au faîte de fa gloire ; mais la
Flandre occupée malgré une renonciation
folemnelle , la Hollande prefque fubvertie ;
Gènes bombardée & réduite au dernier degré
d'humiliation ; le courageux Innocent XI
bravé dans Rome ; Strasbourg dépouillé
de fa liberté ; enfin ces inconcevables Arrêts
des Chambres de Metz & de Brifack , contre
des Princes Souverains , foulevoient 1Europe
contre Louis XIV , encore plus que
fes victoires ne l'avoient intimidée. Tant det
Puiffances s'étoient liguées à Augsbourg. Il ne
reftoit d'Alliés à Louis XIV que le Roi Jacques
à qui les Anglois venoient de repren
Civ
MERCURE
"
dre le droit de les gouverner , & l'Électeur
de Bavière Maximilien , le plus irréſolu des
Princes. Villars lui fut envoyé pour l'animer
contre la Cour de Vienne , & manqua fon
objet ; il fut plus heureux dans les diverfes expéditions
militaires confiées à fes foins durant
cette guerre : le grade de Lieutenant - Général
fut la récompenſe de ſes ſervices.
Si la paix de Rifwick avoit affoupi les
ennemis de Louis XIV , leurs reffentimens
renaquirent avec plus de force , lorſqu'on
vit la Monarchie Eſpagnole devenir l'apanage
de la Maifon de Bourbon . Le traité de
partage qui avoit divifé cette fucceffion , auroir
prévalu devant les Tribunaux ordinaires
fur le teftament de Charles II ; mais la
politique des Empires connoît d'autres maximes
; d'ailleurs , ce projet de difpofer de
l'héritage d'un Souverain avant la mort ,
étoit bien plus illégitime que le refus de
Louis XIV , de refpecter fes engagemens.
Les Mémoires de Villars jettent peu de lumières
nouvelles für les circonftances de
cette révolution .
Le Maréchal étoit alors Ambaffadeur à
Vienne. Sa miffion y fut plus orageufe que
profitable : le Confeil de Léopold l'accabla
de dégoûts , qu'il fupporta avec dignité juſqu'au
moment où il fut appelé dans les Armées.
On l'avoit deſtiné d'abord à celle d'Italie;
c'eft en y arrivant qu'il cita au Maréchal
de V. , témoin de la confiance que lui
DE FRANCE. $ 7
montroient les Soldats , ces deux vers de
Bajazet :
Comptez qu'ils me verront encore avec plaifir ,
Et qu'ils reconnoîtront la voix de leur Vifir ,
On fait que le Courtifan l'ayant ironiquement
félicité fur fes réminifcences de Comédies
, Villars lui répondit : J'enfais beaucoup.
il est vrai , quoique je n'en aie pas tant joué
que vous.
*
Inutile témoin de la méfintelligence des
Généraux , de leurs fautes , & des dégoûts
du Duc de Savoye , qu'on aliénoit de plus
en plus , Villars , à qui ce Prince s'en étoit
ouvert , revint à Paris , puis commanda , l'année
fuivante 1702 , l'Armée fur le Rhin
deftinée à joindre l'Électeur de Bavière.
L'audace de Villars , fes fuccès durant
cerre campagne , la victoire de Fridlingue ,
qu'il remporta fur le Prince de Bade , font
affez connues. Sur tous ces faits , les Militaires
trouveront des détails inftructifs dans
ces Mémoires , où les opérations font expofées
de la main même du Général. C'eſt à
cette occafion qu'il reçut le bâton de Maréchal
de France.
Pendant ce temps , l'Électeur de Bavière ,
toujours indécis , avoit mis fes Troupes en
mouvement contre l'Empereur , & traitoit
avec lui dans le fecret. il s'agiffoit cepen-
* Cette Anecdote ne fe trouve pas dans les Mémoires.
Cv
$.8 MERCURE
dant de fe réunir à cet Allié chancelant , &
d'en raffermir les difpofitions . L'activité de
Villars furmonte les obftacles : il joint l'É-
› lecteur par une marche aufli favante que.
difficile , paffe le Danube comme il avoit
paffé le Rhin'; & malgré fon Allié , gagne dans
les plaines de Donawert , cette première
bataille d Hochftet , dont une défaite plus.
mémorable au même lieu fit , l'année fuivante
, oublier la gloire.
Obfervons qu'après la victoire , un Officier
Général ofa propofer au Maréchal d'affaffiner
les fept mille prifonniers qu'on ve
noit de faire. Ce trait feul démontre à quel
point le métier de la guerre peut dénaturer
le coeur humain . Celui de Villars ent hor
reur d'un pareil maffacre : for humanité lui
avoit dejà fait réprimer l'indifcipline des .
Troupes & leurs brigandages . Dieu merci
écrivit il au Roi , le Soldat ne brûleplus.
L'impétuofité du Maréchal ne s'accordoit
ni avec le caractère ni avec les intérêts
de l'Électeur . Le Confeil de ce Prince & fa
Famille étoient dévoués à la Cour de Vienne .
La plus grande dextérité , les ménagemens
politiques auroient à peine détourné cette
influence qu'augmentoient la vivacité & les
reproches du Maréchal Incapable de diffimulation
comme de tempéramens , il avoit
demandé fa retraite, elle lui fut accordée fous
la forme d'une difgrâce , & des fervices écla
tans furent oubliés.
Dès cette époque , les dépêches de Villars
DE FRANCE.
19
peignent fon caractère. Il écrit à Chamillard
: J'apprends que le Roi vient de faire dix
Maréchaux de France , jefouhaiterois qu'il
eût fait autant de bons Généraux d'Armée....
Vous avez une tâche plus difficile que de gérer
les Finances , c'eft d'étudier les hommes qui
n'approchent jamais du Roi & de vous qu'avec
un mafque fur le vifage.
De retour à Verfailles , on l'envoie , en
1704 , foumettre les Rébelles du Languedoc.
Une guerre civile avoit été la fuite de la révocation
de l'Édit de Nantes .
· Malgré les fupplices &
les dragonades , les Calviniftes , appelés du
ridicule fobriquet de Religionnaires , avoient
porté chez l'Étranger leur induftrie & l'horreur
des perfécutions. Ceux qui reftoient
dans le Royaume , condamnés à une hypocrifie
continuelle ou aux peines les plus rigoureuſes
, alloient à la Meffe par crainte
des galères , & retournoient bientôt à leur
croyance par enthoufiafme . Tandis que l'on
vantoit à Louis XIV ces prétendues abjurations
, chaque jour on publioit quelque
Arrêt comminatoire contre les nouveaux
convertis ; on en étoit venu , en cas de refus
de Sacremens dans leurs maladies , à les condamner
aux galères perpétuelles s'ils réchappoient
, ou à être traînés fur la claie après
leur moit. Tant de violences n'étoient propres
qu'à échauffer les efprits déjà très inflammables
dans ces Provinces . Bientôt la
douleur devint du défefpoir , & le zèle du
G vj
60 MERCURE
fanatifme. Quelques exécutions nouvelles
firent éclater cette fureur cachée ; le Maréchal
de Montrevel l'avoit accrue par des rigueurs
qui prouvoient fon obeiffance au Miniftre
plutôt que fa prudence & fon humanité.
C'eft dans ces circonftances que Villars
parut en Languedoc.
Dans fon Chapitre embarraffé fur le Calvinifme
, le célèbre Hiftorien du fiècle de
Louis XIV s'eft permis deux phrafes bien
cruelles , bien contraftantes avec l'efprit qui
anime fes Ouvrages : Le Maréchal de Montrevel
, dit-il , fit la guerre à ces mijérables
comme ils méritoient qu'on la leur fit. On
roue , on brûle les prifonniers. * Villars ne
penfa point que ces potences , que ces bûchers
fuffent les inftrumens d'un Maréchal
de France. Je tâcherai , dit- il à Louis XIV
de terminer par la douceur des malheurs où la
févérité me paroît non feulement inutile , mais
totalement contraire.
Sa conduite répondit à la fageffe de cette
opinion. Il étudia les efprits , en pénétra la
maladie , réprima l'intolérance perfécutrice
des uns , défarma le fanatifme des autres : fa.
* Si un Hiftorien auffi éclairé , auffi tolérant que
Voltaire , a laiffé échapper de pareils jugemens ,
qu'eft- ce de nos autres Hiftoriens modernes ? Echos
ferviles des préjugés de parti , de Nation , de Religion
, toujours foumis à la crce , toujours féduits
par la puiffance, ils n'inſpirent que du dégoût à ceux
qui connoiffent les anciens .
DE FRANCE. 61
fermeté , fa philofophie , fa juftice lui concilièrent
la confiance univerfelle : il rétablit
le calme dans la Province en moins de tems
qu'on n'en avoit employé à aggraver les
troubles. ha
Ils ont eu divers Hifloriens , tous atteints
de l'efprit de parti ; Villars feul eft impartial
, c'eft à dire , feul véridique. Cette
partie des Mémoires doit être méditée par
ceux qui font appelés à combattre les paffrons
populaires..
En prouvant l'inutilité des exécutions , le
Maréchal de Villars cite un fait bien remarquable.
Quoique les fupplices fuffent beaucoup
moins fréquens , ils ne furent pas abfolument
fupprimés ; entre- autres on condamna
à la roue cinq Officiers Camifards ,
dont l'un, nommé Maillé, joignoit aux agrémens
de la figure un efprit au- deffus du com .
mun. Ce jeune homme écouta fon arrêt , &
marcha au fupplice en fouriant ; il pria le
Prêtre de ne point le fatiguer inutilement ; les
tourmens ne lui arrachèrent pas un feul
cri ; en expirant , il fit encore figne au
Prêtre de s'éloigner , & encouragea fes camarades
à ne point apoftafier.
Pendant que le meilleur Général de la
Monarchie pourfuivoit dans les cavernes
des Cévennes une poignée de fanatiques ,
les armes de Louis XIV étoient malheureufes
en Allemagne , en Flandre , en Italie
& par- tout. En 1705 , Villars reprend
le commandement contre les ennemis de
62 MERCURE
l'État , & ne le quitte qu'à la paix de Raftadt.
Cet espace de temps , fi glorieux pour le
Maréchal , occupe un volume de fes Mémoires.
Ce volume forme une fuite de particularités
militaires ou relatives au Maréchal
lui même ; ce font des matériaux hiftoriques
& des leçons pour les gens de guerre :
la poftérité ne s'intéreffera qu'aux grands
événemens auxquels ils font liés , & déjà
expofés dans une infinité de Livres.
Mais chaque page renferme un trait du
caractère de Villars. De ce genre eft fa Lettre
à Louis XIV , après la bataille de Malplaquet :
La perte des ennemis eft quatre fois plus
grande que la nôtre ; ils ont gagné le terrein
& nous la victoire........ les ennemis ont été
toujours repouffes , bien battus , & c . &c . Cela
n'empêcha pas ces Alliés bien battus de refter.
maîtres du champ de bataille & de s'emparer
de Mons. Ce langage choque peu dans la
bouche de Villars ; on pardonne les expreffions
de l'eftime de foi même , lorfque cette
eftime eft fondée fur de pareils tities .
Dans un inftant de défolation publique &
de découragement , il étoit heureux de retrouver
chez Villars cette confiance que tout
le monde avoit perdue . Elle fait un étrange
contrafte avec la foibleffe du Confeil de
Louis XIV . Par une Lettre de Torcy au Ma
réchal , il paroît qu'on fut fur le point d'ac
céder à l'affreufe deinande hafardée par les
Alliés , dans le délire des fuccès , & de s'engager
à détrôner Philippe V , tandis que les
DE FRANCE. 63
ennemis refteroient fpectateurs de cette
guerre dénaturée. Villars contribua à détourner
le Ministre de ces abjectes conditions ;-
il combattcit la pufillanimité des gens en
place , avec la même fermeté que la hauteur
des Alliés. On le voit toujours oppofé aux
partis de foibleffe , toujours contredifant le-
Miniftère , fouvent contrarié lui même , ab
horrant l'efprit de Cour , & dans fa défenſe
perfonnelle mettant la fierté d'un homme
qui tenoit dans fes mains la deftinée de la
France. Lesferviteursfidèles grondentfouvent,
écrivoit il à Mme de Maintenon , les Cour
tifansfeuls approuvent tout.
Ce tableau de misères & d'humiliations .
eft terminé par la mort de Louis XIV: Deux
jours avant cet événement , le Monarque
mande le Dauphin & quelques perfonnes de
la Cour , Villars du nombre : en leur préfence
, il demande pardon à Dieu d'avoir
fait la guerre & chargé fes peuples. Ainf
meurt ce Souverain , dont les Poëtes & les
Orateurs avoient trente ans célébré les con
quêtes. Six mois auparavant , P'Académicien
de la Chapelle , en recevant Villars à l'Académie
Françoife , qu'il compara au Sénat
Romain , s'éroir extafié fur le bros tant de
fois terrible que Louis XIV avoit levé contre
les audacieux Titans.
Tout change fous le Régent ; adminiftra
tion , formes , politique , alliances , moeurs ,
efprit général . Villars eft nommé du Confeil
de Régence & Préſident du Confeil de Guerres
64
MERCURE
Qui le croiroit ? La première féance de ce
Confeil de Régence le palla à décider fi le
Grand & le Premier Ecuyer auroient ou non
l'héritage des carroffes de Louis XIV. Après
de vifs débats , les prétendans furent mis en
poffeflion , & le jeune Koi fe vit fans équi
pages . Bientôt la plupart de ces Confeils.
font abolis , & de nouveaux fyftêmes adoptés
: il résulte de ces changemens des liaiſons
intimes avec l'Angleterre , & des brouilleries
avec l'Elpagne : fuivent les intrigues d'Albéroni
à la Cour de France , intrigues découvertes
, qu'on appela Confpiration ; puis la
détention du Duc , de la Ducheffe du
Maine & de leurs amis . Au milieu de ces
hoftilités domeftiques , Villars conferve une
neutralité qui augmente fa confidération &
nuit à fa faveur , il rend compte dans fes
Mémoires de ces anecdotes fur lefquelles cet
Ouvrage fixera l'opinion .
Après ces petites factions viennent les
folies du fyftême. Il paroît que Law s'étoit
occupé de gagner l'efprit du Maréchal : ce
commerce fut court. Villars peint l'état de la
France à cette époque ; il mit fous les yeux
du Régent la fortune incroyable d'une foule
de banquercutiers , & d'autres miférables éga
lement indignes de ces faveurs de la fortune
; l'or & l'argent profcrits dans le Royaume
, la cherté affreufe des vivres , la dimi
nution des revenus publics , tout crédit perdu
, le dérangement du change avec l'étranger
, les vols , les affaffinats multipliés , le
DE FRANCE. 65

luxe monté à un tel point d'infolence , qu'au
milieu de la misère publique, des particuliers
faifoient abattre , comme infuffifans , des
palais où le plus magnifique des Rois s'étoit
trouvé parfaitement logé.
Pendant que Law faifoit la guerre aux
propriétés , le Régent à l'Espagne , le Parle
ment au Contrôleur - Général , dans cette af
"freuſe confufion des fortunes, des affaires &
des moeurs publiques , Villars travaille à rallentir
le mouvement général ; on le voit auffi
bon Citoyen qu'il étoit Guerrier habile ,
cherchant à concilier tous les intérêts fans fe
Mailler dominer par aucun. Après le renvoi
de Law , le Maréchal contribua au choix de
fon fucceffeur , Pelletier de la Houffaye ; ce
fut le feptième Adminiftrateur des Finances
depuis la mort de Louis XIV , & dans l'ef
pace de cinq ans.
Des querelles ridicules fe joignoient à cette
misère déplorable. Le Duc de la Force eft
accufé d'un monopole fur les fuifs de Paris
& des Provinces . Décrété par le Parlement
il refufe d'ôter fon épée devant les Commif
faires chargés de l'interroger : de part & d'au
tre on argumente & l'on entaffe les citations
pour décider fi un Duc & Pair doit paroître
défarmé devant fes Juges. Villars opina que
M. de la Force ôteroit fon épée pour prêter
le ferment , & la remettroit pour l'interroga
toire , le Parlement prétendit que ce milieu.
ébranleroit la Monarchie ; pour la raffermir
on diſputa long - temps par intrigues & par
66 MERCURE
mémoires. Ces puérilités occupoient les ef
prits encore plus que le vifa ; on mettoit à
les foutenir infiniment plus de chaleur qu'à
remédier aux déprédations effrénées dont la
Nation étoit victime.
Ces Mémoires fe terminent en 1723. Le
Roi majeur avoit été facré ; le Régent n'étoit
plus ; le Gouvernement paffoit aux mains de
M. le Duc de Bourbon : Villars entre dans
tous les Confeils. Sa fortune à cette époque
ne lui laiffoit plus de plaintes à former . Ma
réchal de France , Duc & Pair , Gouverneur
de Provence , Grand-Eſpagne , Chevalier de
la Toifon d'Or , Membre des Confeils &
Académicien , il faifoit expier à fes envieux
les obftacles par lefquels ils avoient retardé
fon élévation.
Depuis cette date de 172 ;, jufqu'à la dernière
campagne du Maréchal , qui fut la der
nière année , il s'eft rendu compte , jour par
jour , de tout ce qui fe paffoit d'important
dans le Confeil & dans l'Etat. Ce Journal
n'a point la féchereffe des répertoires de ce
genre , il eft d'un ftyle noble , ferme & na
turel , image du caractère de l'Écrivain . L'hiftoire
particulière des dix années de cette
époque , y eft développée avec affez d'étendue
pour ne rien laiffer à regretter aux Amateurs
de ce genre de particularités.
Ce n'eft pas , il est vrai , l'importance
des
événemens
qui peut attacher
la curiofité
.
Tout fe paffe en guerre
de cabinet
. C'eſt
une fuite de négociations
entremêlées
de tra
DE FRANCE. 67
cafferies , de rufes , pour faire réuffir des
traités , & de rufes pour les rompre ; d'ailliances
fans but , détruites auffitôt que formées
.
Les défiances réciproques entre la Cour
de France, & celle d'Efpagne , les laifons
de celle- ci avec la Maifon d'Autriche , les
intrigues pour l'en détacher , la contrariété
des opinions dans le Confeil pour parvenir
à ce but , font la matière d'un volume. Il eft
précieux par le rapport fidèle des avis dans
le Confeil , & par les extraits des diverfes
dépêches des Ambaffadeurs.
On voit par ces dépêches que le Roi d'Efpagne
, Philippe V , revenu fur le trône après
avoir abdiqué , veut congédier fon Confeffeur
, le P. Bermudès ; le Père prend le cru
cifix pour jurer de fon innocence: refpectez
L'image de Jefus Chrift , lui dit le Roi , en lui
ôtant le faint fimulâcre . On conclut de cette
fcène que le Confeffeur fera renvoyé il
refte en place malgré la Reine , & intrigue
de nouveau. Cette foibleffe du Roi d'Eſpagne
eft fuivie de fa maladie qui attaque fa
raifon il ne fe laiffe plus couper la barbe
ni les ongles ; il foupe à trois heures après
minuit , fe couche à fix du matin , ne parle
à qui que foit , excepté à un de fes Valets
François , auquel il révèle les fecrets de
l'État , & que l'on achette par une penfion
de 600 liv.; fes journées fe paffent à pêcher
à la ligne. Enfin , dans fes promenades de
Madrid à Séville & de Séville à Madrid
` 68. ." MERCURE
cette Tête Couronnée , pour éviter de traverfer
les villes fur fa route , fait conftruire
des ponts fur chaque ruiffeau , & le fait efcorter
de fix Compagnies de Dragons. A la
même époque , le Roi de Portugal prenoit
la paffion des groffes cloches , en achetoit à
tout prix , dans tous les coins de l'Europe ,
& vuidoit fon tréfor à les faire baptifer.
Pendant ces vapeurs hypocondriaques du
Roi d'Espagne , on intrigue autour du malade
; Miniftres , Ambaffadeurs , Confeffeurs
fe difputent à qui lui arrachera des réfolutions.
Tant de meuvemens aboutiffent , en
173 , à un Traité entre l'Empereur , l'Angleterre
& l'Efpagne ; la France fe trouve
abandonnée de tous fes Alliés .
Villars impute au Cardinal de Fleury ce
difcrédit de la Monarchie. Il ne faut pas
connoître beaucoup le Miniftre & le Général
pour être perfuadé de leur incompatibilité.
Le Cardinal eft repréfenté , dans ces Mémoires
, comme une tête faine plutôt que
forte , comme un Courtifan fouple , fans
énergie dans l'efprit , fans attachement fincère
pour l'État , & beaucoup plus propre à
concilier des cabales de Cour qu'à gérer les
intérêts politiques de la Monarchie . Un jour
dans le Confeil , il dit que les Miniftres ne
devoient compte qu'au Roi de leur conduite.
Ils en doivent un plus fevère à Dieu & à leur
propre gloire , répliqua le Maréchal .
La modération du Cardinal ne s'offenfoit
point de ces vérités : peut être même trouDE
FRANCE. 69
veroit- on , avec juftice , cette rigueur de
l'Hiftorien très exagérée. Les mefures viriles
fans ceffe propofées par le Maréchal , & rejetées
par le Miniftre , euffent replongé la
France dans les misères d'une nouvelle guerre.
Vû l'épuiſement où le défordre des Finances
avoit jeté l'État , l'humeur pacifique
de Fleury balançoit heureuſement l'impétuofité
belliqueufe de Villars .
Tout le monde fait qu'en 1733 , cet orage,
que la prudence avoit écarté , éclata enfin
en Italie , & Villars fut chargé du commandement.
A 52 ans , il partit pour le Milanès
, s'en empara , & mourut l'année fuivante
à Turin , lieu de fa naiffance. Miniftre
d'État , & Généraliffime des Armées de France
avant la mort , il ne manqua rien à ſa førtune
, comme il n'avoit rien manqué à fa
gloire.
Le caractère de ce grand Officier eft tellement
empreint dans ces Mémoires , que
tout autre pinceau feroit fuperflu. L'âme de
Villars eft ici à découvert avec fes vertus &
fes défauts. Non- feulement fes actions furent
brillantes , mais elles furent bonnes ; dans
un rang inférieur , il eût été encore un Citoyen
précieux. On lui a reproché de la jacrance
& l'abus de la franchife ; lui- même a
fait fortir ces taches dans l'Hiftoire de fa
Vie.
L'exceffive confiance dans nos idées & dans
nos forces , eft un écart de fentiment autant
que de raifon. Si les hommes que le haſard
70 MERCURE
ou les talens ont placés au- deffus de leurs
femblables , fe permettoient d'en diriger le
fort d'après les impulfions de leur vanité , à
quels dangers les Peuples & les Armées ne
feroient ils pas expofes ? Defirons dans leurs
conducteurs un génie qui fache connoître fes
limites , & la modeftie qui apprend à ne pas
méprifer l'opinion d'autrui.
Sans doute les efprits comme Villars font
faits pour la maîtrifer ; mais c'eft en l'éclairant
fans l'offenfer . Il y a loin de la foupleffe
adulatoire d'un Courtifan , à la brufque hardieffe
d'un défapprobateur. Si Villars eût
écrit à Louvois les dures vérités & les reproches
dont il accabloit Chamillard , fa difgrâce
cût été le fruit de fon imprudence. Et
quelle imprudence que celle qui eût privé
le Royaume du Vainqueur de Denain ?
Sa mâle fermeté aura fans doute peu d'imi
tateurs . Il n'eft pas à craindre que cet exem
ple de facrifier la faveur à la vérité devienne
contagieux. Nos obfervations font un jugement
hiftorique , & non une leçon de morale
à des Courtifans ; mais lorfqu'on préfente
à l'eftime publique des vertus rares,
il faut marquer le point de leur excès & celui
où elles perdroient leur influence. La même
remarque pourroit s'appliquer à un contemporain
de Villars , célébré de nos jours , diftingué
par l'austérité de fon caractère dans
un féjour où il importe de n'en avoit aucun,
vrai jufqu'à la dureté dans la Cour du plus
fier des Souverains ; je veux parler du Duc
DE FRANCE. 70-
7
de Montaufier. Avec moins d'inflexibilité &
d'amertume , il eût mieux réuffi à faire goûter
les confeils , il n'eût point rebuté l'âme
d'un Élève qu'il épouvantoit , il eût dirigé
des inclinations que la rigueur s'efforçoit de
rompre.
On nous a donné , il y a quelques années ,
les Mémoires de Noailles. Il feroit piquant
de les rapprocher de ceux de Villars , & de
comparer les deux Ouvrages , ainfi que les
deux hommes. On verroit dans ce parallèle
un exemple de la prodigieufe différence que
met le caractère entre les grands talens ; mais
pour ofer les tenir dans la balance , il faudroit
avoir mérité d'y entrer foi- même.
( Cet Article eft de M. Mallet du Pan. )
LE Sylphe, traduit de l'Anglois. Deux Parties
brochées. Prix , 3 liv. A Genève , & fe
trouve à Paris , chez Mérigot le jeune ,
Libraire , Quai des Auguftins , 1784.
M. GRENVILLE , dégoûté du monde , où
ila qffuyé des revers , s'eft retiré dans une
petite Terre au pays de Galles , avec deux
filles encore jeunes . Le Lord William Stanley,
homme fans principes , mais plein de paffions
, ayant toutes les qualités aimables &
tous les travers , quelques vertus & tous les
vices des roués de la Cour , rencontre dans
un voyage les deux Demoiselles Grenville ; il
quitte fon cheval , & court après elles à tra
72 MERCURE
CURE
$
vers des rochets & des précipices ; une maffe
de terre venant à manquer fous lui , le fait
touler dans une abyme , & il ſe caffe une
jambe. Les deux foeurs vont à lui , on lui
prodigue tous les fecours poffibles ; il vient
du monde, & il eft tranfporté chez M. Grenville
, où il paffe fix femaines à jouir de
toutes les douceurs de l'hofpitalité. Les charmes
de Julie Grenville font naître dans fon
coeur des fentimens tendres. Il cherche à la
féduire ; mais n'ayant pu réullir , & n'étant pas
homme à vaincre une paffion , il n'a d'autre
moyenpour être heureux que d'offrir la main.
Il étoit amoureux , il falloit être heureux , il
l'époufa. La jeune & innocente Julie quitte
une folitude chérie , fe fépare d'un père &
d'une foeur qu'elle aimoit, & dont elle faifoit
le bonheur. A peine arrivé fur le théâtre
de Londres , & après y avoir préſenté fon
épouse , Sir William commença à reprendre
fes liaifons & les habitudes ; il paffoit fa
vie parmi tout ce que la Cour avoit de plus
dépravé , & fe livroit à tous les excès du jeu
& du plus affreux libertinage. Lady Stanley ,
la malheureufe Julie , commença à fentir le
fort qui la menaçoit , & à regretter le féjour
de fes montagnes . Chaque jour de nouvelles
fcènes venoient l'affliger ; le Lord Stanley
avoit déjà fait fuccéder l'indifférence à
l'amour , bientôt il y joignit les mauvais
procédés & les propos injurieux ; & Milady
n'eut plus qu'un tyran dans fon époux. Malgré
tout cela , quoique entourée de tous les
pièges
DE FRANCE. 73
pièges que les aimables de la Cour , qui s'em
preffoient de lui plaire , avoient rendus fous
fes pas , elle conferva fon innocence ; les
fentimens d'honnêteté & de vertu dans lefquels
elle avoit été élevée , lui tenoient lieu
d'amour ; elle avoit fa d'ailleurs apprécier
dès le premier jour le mérite des Courtisans ,
un feul lui avoit paru digne de fon affection
, & avoit obtenu fon eftime , par les
qualités rares qu'on voyoit raffemblées en
lui ; c'étoit le Baron de Tonhaufen ; mais
autant elle redoutoit peu les efforts de tous
les autres , autant elle fe tenoit en garde contre
celui- ci , & s'efforçoit d'arrêter les déve
loppemens des fentimens tendres qu'il lui
avoit infpirés . Le Lord Stanley , après avoir
entaffé folie fur folie , injure fur injure ,
perte fur perte , ne fachant où trouver des
reffources pour payer fes dettes & fatisfaire
à fes nouveaux plaifirs , après avoir mis en
ulage les moyens les plus odieux & les plus
coupables , fiait par fe brûler la cervelle ; &
l'infortunée Milady retourne auprès d'un
père & d'une foeur dorx les bras étoient toujours
ouverts pour la recevoir.
Mais avant cette mort il arrive un incident
dont nous devons rendre compte. Jette
par fon mariage fur une mer tumultucufe &
inconnue , ne voyant autour d'elle que des
hommes aimables & légers , des femmes
jalouſes & perfides , Lady Stanley ne favoit
à qui confier fes fecrets & fes peines ; fa
foeur , qui étoit fa meilleure , difons fon uni
Nº. 37 , 11 Septembre 1784. D
74
MERCURE
que amie , ne pouvoit lui offrir fes confeils
dans une infinite de circonftances ; Milady
toujours honnête , intereffante & franche
n'avoit pas même l'art de cacher fon embarras.
Un jour qu'elle y rêvoit , & qu'elle
comparoit en gémiſſant les jours tranquilles
& heureux qu'elle couloit au pays de Galles ,
avec la vie agitée & malheureufe qu'elle
menoir à Londres , elle reçoit une lettre d'un
Sylphie , qui lui marque qu'il veut lui fervir
de guide , qu'il fent pour elle tout ce qu'un
homme , tout ce qu'un ami , tout ce qu'un
génie célefte peut fentir , qu'il la voit fur le
bord du précipice , qu'il aura foin de veiller
fur elle , & de lui donner des confeils fur la
conduite qu'elle aura à tenir dans toutes les
circonftances difficiles , que ces confeils fcront
toujours dictés par la vertu & l'innocence.
Depuis ce moment , ce Sylphe lui reproche
toutes les foibleffes , lui donne un
plan de conduite envers fon mari , qu'elle
ne fuit pas toujours , & qu'elle, fe repent
bien de n'avoir pas fuivi. Elle ne peut rien
faire ni rien dire que le Sylphe ne le fache ;
en diroit qu'il devine fes fecrets ſentimens ,
& il ne luidit adieu que lorfque Mylord étant
mort elle n'a plus befoin de fes confeils.
De retour chez fon père , elle retrouve
le Baron de Tonhaufen , qui étoit né
dans ce canton , & avoit foupiré pour
elle avant d'entreprendre un voyage , pendant
lequel elle a été mariée au Lord Stanley.
On fent bien , d'après l'impreffion que le
DE FRANCE. 75
Baron avoit faite fur fon coeur , qu'elle fe détermine
fans peine à un nouvel engagement;
& elle apprend , ce que le fpectateur avoir
prefque deviné , que ce Baron de Tonhauſen ,
nommé autrefois Heari Wodley , eft le même
que l'aimable Sylphe à qui Milady a tant
d'obligations.
Voilà le fujet du Roman que nous annon-
Cons , & où l'on trouvera des incidens affez
bien ménagés & des développemens heureux.
La manière dont on a mis le Lecteur
dans la confidence , au fujet du Sylphe , mérite
des éloges , on n'en fait que ce qu'il
faut pour ne pas être trop étonné à la fin
de trouver ce Sylphe dans Tonhauſen ,
& on n'en fait pas affez pour pouvoir
affurer d'avance que c'eft lui . Ce perfonnage
du Baron eft le plus intéreffant. Milady
fe laiffe furperndre un peu trop tôt par fon
affection pour Tonhaufen , & eft un peu
trop prompte à la découvrir à fa foeur , quoique
fon amie & fa confidente..
La manière dont l'Auteur a entremêlé les
divers incidens de fon Ouvrage eft ingénieufe.
Il a fu mettre de la vraisemblance
dans quelques uns qui en paroiffoient peu
fufceptibles. Tel eft , par exemple, l'entrevue
de Milady & du Sylphe au bal , où elle
eft allée avec une fociété dont le Baron faifoit
partie.
Le ftyle manque un peu de chaleur ; mais
la forme épiftolaire que l'Auteur a adoptée ,
rend ce défaut un peu moins fenfible. E
DO
76 MERCURE
général , ce Roman eft fait pour amufer &
pour plaire. On eft fâché que Milady n'écrive
jamais qu'à la feur , & jamais à ( on père ,
pour qui l'on a cherché à intéreffer dans le
Commencement de l Ouvrage, Cette corref
pondance pouvoit donner lieu à des lettres
très -piquantes de part & d'autre. Les malheurs
d'une fille épanchés dans le fein d'un
père tendre , fage & vertuenx , euffent produit
un bien plus grand effet que confiés à
une four , & les réponfes de ce père pouvoient
contenir des leçons utiles & des détails
qui euffent fans doute beaucoup ajouté
au mérite de çet Ouvrage.
HISTOIRE des différens Peuples foumis à
la domination des Ruffes, ou fuite de
Hiftoire de Ruffie , par M. Levefque ,
2 Volumes in- 12 . A Paris , chez de Bu
l'aîné , Libraire , Quai des Auguftins.
M, de Voltaire , dans le premier Chapitre
de fon Hiftoire de l'Empire de Ruffie fous
Pierre-le- Grand , donne une defcription de
la Ruffie & des différens peuples dont cet
Empire immenfe eft compofé ; le nouvel
Ouvrage de M. Levefque eft comme l'extenfion
& le développement de ce Chapitre ; il
en eft auffi à quelques égards le correctif; il
eft pareillement à quelques égards le diminurif
& l'abrégé de l'Hiftoire Générale des
Huns , des Turcs , des Mogols & des autres
Tartares Occidentaux , par M. de Guignes ';
DE FRANCE. 77
il eft comme une moyenne proportionnelle
entre le grand & favant Ouvrage de M. de
Guignes , & le Chapitre court & fubftantiel
de M. de Voltaire. Et comme il enbraffe
des objets qui n'ont été traités dans aucun
de ces deux Ouvragés , il eft comme le fupplément
de tous les deux .
La Préface de M. Lévefque eft toute po
lémique ; il combat à droite & à gauche :
1. Contre l'Apologifte de M. de Voltaire
, contre l'Auteur des Réflexions far
'Hiftoire de Ruffie ( de M. Levefque , ) qui
l'accufe d'être un en mi fecret de M. de
Voltaire , & qui par- li peut être l'a difpofe
à le devenir ce ne feroit pas la première
fois qu'on auroit forcé un homme impartial
à fe jeter dans un parti , en commençant
par l'accufer d'en être . Quoi qu'il en foit , la
réponse de M. Levefque nous paroît honnire
& mefurée elle fefent da refpect qu'in
pire le grand Home dont il s'agit , S'il en
rejaillit une partie fur fon Apologifte.
Je dois plus de refpe&t à qui combat pour vous
Je laifferois plutôt la victoire incertaine
Que de répandre un fang hafardé pour Chimène .
2. Mais M. Levefque s'en dédommage
en combattant contre M. le Clerc , Auteur
d'une nouvelle Hiftoire de Rullie , où celle
de M. Levelque n'eft pas bien traitée ; il fe
permet contre M. le Clerc jufqu'aà perfifige
, qu'il faudroit toujours s'interdire
quand on a tort , parce qu'on a tort ; qurud
Dii)
78
MERCURE
on a raiſon , parce qu'on a raiſon , & que
c'eſt un moyen d'avoir tort.
Dans le corps de fon Ouvrage , il revient
à la charge contre M. de Voltaire , & on
fent déjà dans fon ton une légère diminution
de fes premiers égards , une ardeur polémique
plus déclarée . Il traite nettement d'infoutenable
le fyftême de M. de Voltaire fur
les Lapons. Nous allons mettre fous les
yeux de nos Lecteurs le fujet de la difpure ,
les raifons de M. de Voltaire , & les réponſes
de M. Levelque .
On a prétendu fur la foi d'Olaüs , dir
» M. de Voltaire , que les Lapons éro ent
» originaires de Finlande , & qu'ils fe font
» retirés dans la Laponie , où leur taille a
dégénéré. Mais pourquoi n'auroient - ils
pas choifi des terres moins au Nord , où
» la vie eût été plus commode ? Pourquoi
» leur vifage , leur figure , leur couleur
si tout diffère t'il entièrement de leurs pré-
» tendus ancêtres ? Il feroit peut- être auffi
» convenable de dire que l'herbe qui croît
و و
en Laponie vient de l'herbe du Dane-
" marck , & que les poiffons particuliers à
» leurs lacs viennent des poiffons de Suède.
Il y a grande apparence que les Lapons
font indigènes , comme leurs animaux font
» une production de leur pays , & que la
» Nature les a faits les uns pour les autres.
Ceux qui habitent vers la Finlande ont
adopté quelques expreffions de leurs voi
» fins , ce qui arrive à tous les peuples.
ود
DE FRANCE. 79
99
"
33
90
33
90
Mais quand deux Nations domment aux
chofes d'ufage , aux objets qu'elles voyent
» fans celle , des noms abfolument diffé-
» tens , c'eft une grande présomption qu'un
» de ces peuples n'eft pas une Colonie de
l'autre. Les Finlandois appellent un ours .
karu , & les Lapons muriet : le foleil en
Finlandois fe nomme auringa , en langue
Lapone beve. Il n'y a là aucune analogie.
» On auroit pu répondre à M. de Voltaire
, dit M. Levefque , qu'un peuple repouffé
par des forces fupérieures , n'eft
» pas maître de choifir pour afyle les terres
» où la vie eft plus commode: que les La-
" pons , loin de différer des Finnois par la
figure & la couleur , font de tous les peuples
ceux à qui les Finnois reffemblent le
plus : que la dégénération de la taille eft
» un effet conftant de l'extrême rigueur du
» climat qui agit de même fur les animaux ,
» & que la taille des Lapons n'a pas autant
» dégénéré que l'ont avancé quelques exa-
» gérateurs : que les animaux des Lapons ne
font pas plus propres à leur pays qu'au
Nord de la Finlande & à toutes les con-
» trées voifines de la mer-glaciale : que ce
» ne font pas même des genres particuliers
» d'animaux , mais des espèces ou des mo
difications de genres connus dans des pays
plus tempérés , & qui doivent à la rigueur
du climat les variétés qui les diftinguent :
que dans les divers Dialectes d'une même
langue , il fe trouve des mots differens
93
Div
80 MERCURE
»
ޔ
""
99
pour exprimer des chofes même d'ufage ,
foit que l'une des peuplades qui eurent
une origine commune , les ait empruntés
à d'autres peuplades étrangères & võifines ,
foit qu'elle les ait formés elle même de-
" puis la féparation : que les Lapons de Pi-
» tha & ceux de Torna ne diffèrent pas
» moins entre cux par le Dialecte ; que le
» Dialecté commun des Lapons ne diffère
s de celui des Finnois : qu'enfin il auroit pu
>> voir dans Scheffer une longue fuite de
" mots qui font les mêmes chez les deux
peuples.
و د
F
Voilà les pièces du procès. Le Lecteur
peut juger.
M.. Levefque traite à fond , en détail &
avec ordre , dans des Sections & des Chapitres
féparés , de tout ce qui concerne les
différens peuples dont il parle , de leurs diverfes
Tiibus , & des caractères qui les dif
tinguent , de leur extérieur , de lent habill-
Jment , de leurs habitations , de leurs richeffes
, de leur induftrie , de leur Religion ,
de leurs opinions , de leurs uſages , de leurs
leix , quand ils en ont , de leurs travaux , de
leurs divertiffemens , de leurs diverfes cccupations
; on le lit avec intérêt & avec plai
fit , quoiqu'il n'ait jamais à peindre que des
Sauvages , qui fe reffemblent tous beaucoup
pour le fond des moeurs , & qui ne different
que par quelques légères modifications.
L'Auteur a foin de diftinguer toutes ces différences
avec beaucoup de précifion . Son
DE FRANCE. 8L
Livre , quant au fond , eft un Livre utile ,
eftimable par les recherches qu'il fuppofe ,
les reflexions qu'il contient & l'inftruction
qu'il procare.
Quant à la forme , elle peut paroître quel
quefois un peu étrange pour une Hiſtoire ;
leftyle en général eft bon , mais l'Auteur fe
permet quelquefois des traits de poélie &
des figures de rhétorique , qui ne forment
point l'éloquence propre de l'Hiftoire , éloquence
grave , laquelle confifte dans les idées
& dans l'expreflion , & non pas dans les
formes oratoires & poétiques.
L'Auteur , par exemple , termine ainſi le
Chapitre de l'induftrie des Lapons.
و ر
C
Peuple malheureux ! tu ne pofsèdes pref-
» que rien encore : jamais la Nature ne t'accordera
ces funeftes fuperfluités , tous ces
» riens que nous trouvons d'un fi grand
prix , & qu'elle nous prodigue pour nous
» corrompre à la fois & nous punir ; pour
» nous rendre par fes dons empoifonnés
bien plus miferables que toi ; & déjà tư
touches à notre dépravation ! déjà ce n'eff
point à l'homme , c'eft au bien que tu ac-
» cordes ton eftime ! tu ne comptes pas les
» vertus , mais les rennes de celui qui reçoir
"
"
tes hommages : aveugle comme nous , tu
» n'es ni moins dur ni moins méprifable.
» Ta main cruelle r poufie l'infortuné qui
t'implore , ton coeur féroce n'éprouve pas
le doux épanouiffement de la pitié , un nerconnoîtras
jamais le plaifir de faire da
""
Dv
82 MERCURE
» bien ; tu ne recevras jamais la bénédiction
» du vieillard dont tes fecours auroient
» adouci la misère , tu ne recueilleras pas
» les larmes d'un père attendri , que res
» foins rendroient heureux dans la langueur
» de fes derniers ans ; la cupidité te tour
» mente , la jalousie te dévore , les querelles
" nées du choc des plus vils intérêts empoifonnent
tes jours ; prefque auffi méchant
que nous , tu partages déjà nos fup-
• plices !
""
"
Tout ce qu'il y a d'utile dans ces réflexions
, pouvoit être dit fans cette véhémente
apoftrophe , fans tout ce faux pathétique qui
ne fait qu'y donner un air de déclamation ;
mais nous avons cité ce morceau bien moins
pour critiquer M. Levefque , que pour avoir
occafion de remarquer l'énorme abus qu'on
fait aujourd'hui par tout de l'apoftrophe : on
n'écrit pas une page dans quelque genre que
ce foit fans prodigner cette figure ; cependant
les Rhéteurs avoient pris foin de nous
avertir qu'on ne peut en ufer trop fobrement
, & que toute apoftrophe fans effet
n'eft qu'une déclamation ridicule. Boffuet
ne s'eft point permis cette figure dans le Dif
cours fur l'Hiftoire Univerfelle ; & quand il
l'emploie dans les Oraifons Funèbres , il eft
sûr d'un grand effet ; le fujer , le lieu , le
moment , les difpofitions des Auditeurs ,
iles de l'Orateur même lui en répondent :
aujourd'hui l'apostrophe eft la forme da
difcours ordinaire & prefque le ftyle de l'exDE
FRANCE 83
pofition ; quelques Avocats modernes en
rempliffent leurs Plaidoyers & leurs Mémoires
, & de quoi s'agit il? de favoir, à qui
doit appartenir tel quartier de pré ou de
vigne :
Quelle loi
En a pour toujours fait l'octroi
A Jean , fils cu neveu de Pierre ou de Guillaume ,
Plutôt qu'à Paul , plutôt qu'à moi.
La Fontaine vouloit fans doure fe moquer
des mauvais Avocats de fan temps ,
lorfqu'il donnoit à la belette ce mouvement
oratoire :
Et quand ce feroit un Royaume ,
Je voudrois bien favoir , dit- elle , &c .
L'Intimé parodie la fauffe éloquence du
barrean , dans cette tirade :
Qu'arrive- til , Meffieurs ! on vient , comment vienton
? & c.
Aujourd'hui ces mouvemens , ces interrogations
ont fait place à des mouvemens encore
plus froidement , plus burlesquement
impétueux ; il faut des exclamations & des
apostrophes yous , eft la formule favorite.
Le début de M. Levefque parokra encore
un peu étonnant , & plus convenable à
un traité de Morale qu'à une Hiftoire.
" Confidérez un enfant encore au ber-
» ceau : vous le voyez déjà convoiteux ,
D vj
84
MERCURE
"
»
ود
les
» vienx , colère , impérieux. Tout ce qu'on
» foumet à fes regards , il veut le poffeder ;
» la poffeflion qu'on lui difpute le plus vi-
» vement , à laquelle on paroît le plus for
» tement attaché , eft celle qui fixe le plus
fes defirs ; il ne peut commander encore .
par la parole , il le fait par fes geftes inpétueux
, par la violence de fes cris , par
fes pleurs ; car c'eft par des larmes que
" foibles ont l'art de commander aux fers,
" Si fes cris ne peuvent rien obtenir , il
s'emporte , fon vifage s'altère , fon fang
qui coule avec plus de violence colore fes
» joues & fon front , fes larmes ceffent , &
» fes cris redoublent; il frappe fa nourrice ,
il frappe tout ce qui l'entoure. Les objets
brillans font toujours ceux qui excitent le
plus vivement fa cupidité; il ouble pour
» un morceau de clinquant le lait qui le
» nourrit. Témoin de tant de pallions tinies
» à tant de foibleffe , vous faites un retour
fur vous même , & vous dites en gémiffant
: voilà l'homme.
33
">
و ر
""
20
93
30
و د
33
"
1
" De même , pour bien connoître l'hu-
» manité , il faut d'abord l'étudier dans fon
» berceau , c'eft à dire , dans l'état de l'hom
>> me fauvage .
99
C'eft ce que fait l'Auteur dans tout fon
Livre; aufi , en critiquant dans ce début l'air
général de prétention , d'apprêt & d'étalage ,
& quelques détails vicieux , reconnoiffonsnous
qu'il s'adapte plus naturellement au
fujet , & qu'il y rentre plus promptement
DE FRANCE.
que d'autres exordes qu'on ofe moins cririquer.
Par exemple , il y a plus loin de cette
maxime :
" Omris homines qui fefe ftudent præftare
» cateris animalibus , fummá ope niti decet ,
» ne vitam filentio tranfeant veluti pecora ,
» qua itatura prona , atque ventri obedientia
» finxit , &c. »
à la conjuration de Catilina , ou de .
celle ci :
"
" Falso queritur de naturá fuá genus hu-
» manum , quod imbecilla , atque avi brevis
» fortepotiùs , quàm virtute , regatur, &c. »
à la guerre de Jugurtha , que du debut de
M. Levefque à fon fujer. Aut préféronsnous
à ces deux exordes de Sallufte ces deux-
' ci de Tacite :
« Urbem Romam à principio Reges habuere.
» Initium mihi operis Sergius Galba iterùm,
» Titus Vinius Confules erunt. »
Er celui- ci , de Tite - Live :
86
Facturufne opere pretium fim , fi à pri-
» mordio urbis res populi Romani perfcripferim
, nec fatis fcio; nec , fifeiam, dicere
aufim. "
"
و د
Et enfin celui- ci , d'Eutrope :
" Romanum Imperium , quo neque ab
» exordio ullum ferè minùs , neque incre
» mentis toto orbe ampliùs humana poteft
» memoria recordari , à Romulo exordium
» habet.
י כ
Le fujet n'eft jamais affez tôt expliqué.
36 MERCURE
HISTOIRE du Petit Pompée , ou la Vie &
les Aventures d'un Chien de Dame , imitée
de l'Angleis , par J. H. D. B*** . A Londres ,
& fe trouve à Paris , chez Couturier , Imprimeur
Libraire , Quai des Auguſtins ,
près l'Eglife. in- 12.
On s'imagine , en lifant le titre de cet
Ouvrage , que le petit Pompée , chien Anglois
, va être de Héros du koman , & que
s'il n'eft la caufe des aventures qui y font
tracées , du moins il y joue un grand role . Le
Petit Pompée paffe fouvent d'une main à l'au
tre, il appartient tantôt à une Ducheffe, tantôt
à une Femme de-Chambre , tantôt à une Cour
tifane, il fort d'un brillant hôtel pour entrer
dans une chaumière; mais il n'eft jamais ni
la caufe ni le noeud des événemens qui s'y
paffent; on fait à peine mention de lui au
commencement de chaque Chapitre , & à
la dernière page de l'Ouvrage ou le voit
mourir de vieillelle fans jamais l'avoir vû
malade , & fans l'avoir fuivi dans des détails
affez curieux pour en faire un Héros de Roman.
Au refte , ce cadre renferme un petit
Recueil d'Anecdotes qui , par elles mêmes ,
font faires pour être agréables au Lecteur.
On regrette en les lifant que l'Auteur n'ait
pas un peu plus foigné fon ftyle , qui , dans
quelques cudroits , merite cependant des
éloges
7
DE FRANCE. 87
Parmi les Anecdotes , on remarquera celles
d'Hyacinte & Betzy , de d'Azincourt & de
Saint Géran , d'Agathe & de James ; on ne
les lira pas fans quelque attendriflement ; &
ceft fur- tour après ces momens que l'on
verra avec regret reparoître le nom du petit
Pompée.
L'Auteur a répandu dans fon Ouvrage .
quelques portraits bien faits , nous en cite-
Fons deux qui pourront donner une idée du
Яtyle.
« Membrok étoit l'ouvrier de fa fortune ,
» qu'il n'avoit pas voulu rendre plus confidérable
pour jouir plutôt de lui- même, &
dépendre moins des hommes & des chofes.
Oublié de fes parens , qui lui avoient fait
prendre malgré lui le parti du Service , il
» avoit eu la conftance de fupporter la misère
fans leur demander du fecours ; l'art
» de fe faire eftimer fans déclarer fa naiffance
, qui étoit illuftre ; la patience d'acquérir
des talens néceffaires , qu'une éducation
négligée ne lui avoit pas donnés ;
» te fecret de fe faire des parens nouveaux
" par des facrifices faciles & nobles , par un
attachement inviolable à fes devoirs , &
» par une fidélité à toute épreuve ; fon bon--
heur étoit d'aimer & de le faire des amis :
» à quarante ans il fe plaifoit encore à faire
des ingrats ; à cinquante , il éprouva fes
amis , cur la faxefe de garder les douteux
» & le bonheur d'en trouver an vrai , avec
$8 MERCURE
"3
qui il vivoit à foixante , fans préjugés
» fans paffions , & c.
و د
97
"
"
33
ود
و د
» Je ne plains pas un homme qui eft mal-
» heureux pour avoir tout facrifié à l'am-
» bition ; qui , chaffe de la Cour , où il a
rampé quarante ans , pour paroître y or-
» donner quelque chofe pendant deux , n'eft
pas encore guéri de la frénélie , qui refufe
de donner à fon fils une femme noble
, riche & charmante qu'il aimoit, &
» dont il étoit aisé , pour lui faire époufer
» la file mauffade d'un nouveau Miniftre ,
qui pouvoir ce qu'il ne pouvoit plus lui-
» même pour l'avancement prétendu de ce
fils ; qui ftipule pour première condition
du mariage , que fon fils fera nommé de
lexpédition aux Indes la plus périllenfe
par le trajet , par les maladies , par la difetre
qui éteir connue , & par l'ennemi
» que l'on devoir y trouver en force , &
cela , pour qu'il eût un an plutôt le grade.
de Lieutenant de Vaiffeau. Si ce fils unique
eft tué au débarquement , ce père peut
fe trouver à plaindre , mais moi je ne le
plaindrai pas , & c. »
و د
"
»
"
99
29
23
Il exifte fous le même titre un Ouvrage
traduit de l'Anglois , par M. Touffain ; nous
devons prévenir le Public que celui que nous
annonçons n'a de FOuvrage original que le
titre & le texte des trois premiers Chapitres ,
& qu'il n'a rien de commun avec la traduction
Françoife.
DE FRANCE
ANNONCES ET NOTICES.
Lars Six Nouvelles de M. de Florian , Capitainé
de Dragons , & Gentilhomme de S. A. S. Mgr. le
Duc de Penthièvie , des Académies de Madrid & de
Lyon. A Paris , de l'imprimerie de Dider l'aîné ,
. petit format. Prix , 3 liv . Il y a quelques exemplaires
eu papier velin , Prix , f liv.
M. le Chevalier de Florian a pris pour épigraphe
ce vers de Lamote :
L'ennai naquit un jour de l'uniformité.
Ce ne fera jamais là le réfultat des fix Nouvelles que
nous nous empreffons d'annoncer au : Public , & que
nous ferons connoître plus amplement à l'article des
Nouvelles Littéraires.
L'AMT de l'Adolefcence , par M. Berquin.
Čet Ouvrage a commencé le premier Septembre.
La Soufcription pour 12 volumes diftribués
en 24 Cahiers , & pour les 3 vol. de l'Introduction
familière à la connoiffance de la Nature , eft de 13 1.
fols pour Paris , & de 16 liv
fels pour
4 la Province
, port franc par la pofte , & le treizième gratis,
Il faut avoir foin d'affranchir les lettres & le port de
Pargent. On foufcit à Paris , au Bureau de l'Ami des
Enfans , rue de l'Univerfité , N ° . 28 , au coin de la
rue da Bac; s'adreffer à M. Leprince , Directeur.
On trouve à la même Adrelle l'Ani des Enfans ,
24 vol . Prix , 26 liv. 8. fols port -franc par la pofte.
Le même Ouvrage en 8 gros vol . , 16 liv . 4 fols ,
au Ti port franc par la polte . Ceux qui prendront à la
fois quatre cxemplaires de l'une ou de l'autre Edition
de l'Ami des Enfans , aurent le cinquième gratis
-MERCURE
& ceux qui en prendront à la fuis douze exemplaires
auront en outre le treizième gratis , c'eſt-à- dire , 16
pour 12 , mais en fe chargeant dans l'un & l'autre .
cas des frais de
port.
Il est à préfumer que cet Ouvrage de M. Berquins
aura autant de fuccès que fon Ami des Enfans ,
orte production fi utile, & intereffante , qui a obreme
& confervera toujours un eſtime méritée .
LE Manteau Ecarlate , ou le Réve fuppofé , Comédie
Proverbe en un Acte & en profe, représentéepour
La première fois à Paris , fur le Théâtre de l' Ambigu
Comique , les Août 1784. Prix , liv. 4 fois. A
Paris , chez Cailleau , Imprimeur - Libraire , rue
Galande.
Un de nos anciens Fabliaux a fourni le fujet de
cette petite Pièce. Mme de Florvile eft la femme
d'un jaloux qui la tient comme prifonnière dans fon
château. Elle a pour amie Dorimène , qui vient
la voir par hafard , déguifée en homme , & cou
verte d'un manteau écarlate . Le mari arrive inopinéments
pour éviter une explication , la femme
fait cacher Dorimène , qui oublie fon manteau fur
une chaife. Le mari l'apperçoir en entrant ; ſa jafoufic
fe réveille ; mais Mme de Florville l'appaile
en lui difant que c'eft un manteau que fon frère eft
venu le prier d'accepter . M. de Florville s'endort ; &
à fon réveil il demande fon nouveau manteau ; mais
on lui dit qu'il a fans doute rêvé , & qu'il n'eft queftion
d'aucun manteau donné. Il interroge tout le
monde , & comme on lui répond qu'on n'a vû entrer
perfonne , il croit réellement être la dupe d'un
rêve , & demande pardon à fa femme. A peine la
paix eft - elle faite , que Dorimène fort d'un cabinet
avec le manteau écarlate ; & voilà que la jaloufie de
M. de Florville fe rallume encore ; mais Dorimène
DE FRANCE: gr
fe fait connoître ; M. de Florville eft tout honteux ,
& cette leçon le corrige .,
Cette Comédie a du ſtyle & du dialogue.
On trouve à la même adreffe , le Ballon , ou la
Phyficomanie , Comédie en un Acte & en vers ,
repréfentée pour la première fois à Paris , fur le
Théâtre des Variétés Amufantes , le 13 Novembre
1785. Le fonds de sette Pièce n'eft rien ; l'Aureus
n'a cherché qu'un cadre pour parler des ballons ;
elle eft écrite avec facilité.
DISCOURS. Four fervir à l'Éloge de M, Court de
Gebelin , Auteur du Monde Primitif , prononcé à
la Séance publique du Musée de Paris , du 9 Juin
1784 , par M. Quefnay de Saint - Germain . Confeiller
de la Cour des Aides de Paris , & Membre du
Mulée ; imprimé au profit de la Famille de M de
Gehelin. Prix , 3 liv in 4 avec le Portrait de M.
de Gebelin. A Paris , chez l'Auteur , rue Dauphine ,
hitel du Mafée ; Knapen , place du Pont S, Michel ;
Roycz , quai des Auguftins , & Delaguette , Imprimcur-
Libraire , rue de la Vieille Draperie.
Tout le monde applaudira fans doute au zèle de
M. Quefnay de Saint Germain ; il n'en fera pas ainfi
du ftyle de fon Ouvrage , qui nous a paru froid , &
qui pèche fouvent contre les règles les plus connues
de la Grammaire ; on ne fera peut ê:re pas plus tenté
d'approuver la fortie brufque & grauite contre l'Encyclopédie
, qu'il appelle une « volumineufe compila
tion alphabétique.... maffe indigefte & incohérente
d'idées difparates , fans lien commun , fans
» ordre & fans fuite , où l'on trouve des mots rela
atifs à la même idée , dont l'on est un chef d'oeuvre ,
» & l'autre un mauvais thême d'Écolier...... Et cet
Ouvrage , pris en maffe , nous a paru mériter les
» qualifications que nous ne lai avons pas données lé-
ל כ
$ 2 MERCURE
"
ןכ
-
gèrement , ni fans pefer la valeur de chaque ex-
" preffion . Nous exhortops , néanmoins nos
Lecteurs à lire dans l'Ouvrage de M. Quefnay de
Saint Germain quelques détails intéreffans fur la vie
de M. de Gebelin.
La Difpofition forcée des Bénéfices , par M. l'Abbé
Rharier , Avocat au Parlement. 3 vél . A Paris , chez
Cellot , Imprimeur- Libraire , rue des Grands Auguftins.
L'Auteur de cet Ouvrage prévient le Fublic que
depuis huit à neuf mois , ilfe répand deux contrefactions
de cet ouvrage , & que , pour obvier auraut
qu'il eft en loi aux abus réfultans de ces contreface
tions , il vient de prendre la pré aution d'écrire fon
rom an verfo du frontifpice de chaque Tome , avere,
tiffant que tous ceux qui auront été achetés , quelque
part que ce foit , depuis le huit Août 1784 inclufivement
, fans être revêtus de fa fgnature , feront
certainsment du nombre des contrefaits.
vers de Plutarque avec les Notes & les
Obfervations de MM. l'Abbé Brotier & Veauvillers
, quatrième Livraifon , formart le Tome IIe
des Vies des Hommes Iuftres. La cinquième Livrai
fon , ou le Tome XIV de la Collection , paroîtra
fous peu de jours . On peut le faire infcrire pour cette
Édition , en faiſant une fimple foumiffion de faire
prendre les volumes à mesure qu'ils paroîtront ,
Paris , chez Cuffas , rue du V eux Colombier , visà
vis la rue Caffette . Le prix pour Fin- 8 ° . fur carré
fin d'Angoulême , eft de 6 liv. 10 fols broché ; ce'ui
de ce même format ,, en papier d'Hollande , 15 liv. ,
& le même , tiré fur papier fin d'Annonay , de format
in - 4 ° . , 30 liv. chaque volume.
Nous avons annoncé avec de juftes éloges le prex
DE FRANCE. 93
mier volume de cette Collection. L'exécution des
autres cft toujours aufli foignée , & fait defirer la fin
de cette grande entreprife . Il paroît que depuis le
premier volume les Livraiſons fe font fuccédées plus
rapidement.
CHOIX de Lectures Géographiques & Hiftoriques,
préfentées dans l'ordre qui a paru le pluspropre à faciliter
l'étude de la Géographie de l'Afie , de l'Afri
que & de l'Amérique , précédé d'un Abrégé de Géographie,
avec des Cartes , par M. Mentelle , Hiftoriographe
de Mgr. le Comte d'Artois , de l'Académie
della Hiftoria de Madrid , de celle de Rouen , Cenfeur
Royal , &c. Tomes V & VI. A Paris , chez
F'Auteur , hôtel de Mayence , près le Notaire , rue
de Seine , F. S. G.
Ces deux Volumes terminent un Ouvrage trèsutile
, que nous avons annoncé avec de juftes éloges ;
les productions de M. Mentelle atteftent des connoitfances
très - étendues , & font faites avec une exactitude
bien propre à infpirer la plus entière confiance.
Celle-ci eft rédigée avec le plus grand foin ; la plus
faine critique à préfidé aux différens choix de l'Auteur
, qui rectifie une foule d'erreurs accréditées par
le récit de tant de Voyageurs infidèles ou mal inftruits.
MORT du Marquis de Montcalm , gravée par
Martiny, Prix , 3 liv. A Paris , chez Alibert , Marchand
d'Eftampes , rue Froidmanteau , près le Palais
Royal ; le fieur Lenvie , Marchand Fourniffeur du
Cabinet des Estampes du Roi , Galeries neuves du
Palais Royal N ° . 44 ; le ficur Bergny , rue Coquillière
, près celle Plâtrière .
Cette Eftampe , faite d'après la grande qui a éré.
préfentée au Roi au mois de Juillet dernier , fait
94
-MERCURE.
pendant à la mort du Général Wolfe, par Lutemberg.
QUATRIÈME Livraison des Estampes pour les
Euvres de Voltaire , in - 8 ° . A Paris , chez Moreau ,
Deffinateur & Graveur du Roi & de fon Cabinet ,
rue du Coq S. Honoré.
La quatrième Partie de cette riche Collection eft
dédiée à Son Alteffe Royale le Prince Frédéric Guillaume
Cette dédicace joint au mérite , d'un jufte
hommage , celui d'un heureux à- propos. C'eſt un
tribut que nos Arts rendent à l'un des plus grands
Princes de l'Europe ; & il ne pouvoit être offert par
de p.us dignes mains que par celles d'un de nos mettleurs
Artiftes.
Autour d'un écuffon , M. Moreau a repréfenté la
Paix qui tient la Guerre enchaînée ; & au milieu , le
Prince animant par fa préfence les Arts , qui s'em--
preffent de le célébrer Cette Eftampe , fort bien gravée
par M. Dambrun , & qui ne ſe reffent pas du
peu de temps qu'a dû employer l'Artiste , eft d'une
ingénieufe compofition .
La fécondité de M. Moreau , dont l'Euvre eft
déjà très-nombreux , ne nuit point à la beauté de
fes deffins ; il produit beaucoup , & il fait auffi bien
que s'il produifoit peu. Le plus grand éloge qu'on
puiffe donner à cette quatrième Livraifon , c'eft de
dire qu'elle eft digne des précédentes ; & quand cette
"Collection fera terminée , on dira que ce monument
eft digne du grand Homme à qui il eft érigé.
SARRATOGA , deffiné par Fauvel , gravé par Godefroy
, de l'Académie Impériale & Royale de
Vienne Prix , r liv. 16 fols . A Paris , chez l'Auteur ,
rue des Foilés de M. le Prince , vis - à - vis celle de
DE FRANCE.
Vaugirard , N. 127 , & chez Ponce , rue Saint-
Hyacinthe.
Cette Eftampe , qui fait fuite aux événemens de
la guerre de l'Amérique , reprefente le Général Buegoyneanettant
bas les Armes devant les Milices Américaines
, conduites par le Général Horatio Gates.
On hit au- deffous un Picis de la campagne de
Burgoyne.
"
PREMIER Pot- Pourri d'Airs choifis , tirés des
plusjolis Opéras - Comiques , arrangés pour la Harpe
ou le Forte piano , Violon , ad libitum , par M..
Leroi , Maître de Chant. Euvre VI . Prix , 2 liv.
8 fols. A Paris , chez l'Auteur au café de la Régence
, place du Palais Royal. Air , avec accompagnement
de Harpe , préfenté à M. le Comte de
Haga , par le même. Prix , liv. 4 fols . Romance
du Petit Page & Vaudeville de Figaro , accompa
gnement de Guittare , par M. Guichard. Prix 2 liv.
8 fols. A la même Adreffe.
――
--
SIX Duos concertans pour deux Violons , par M.
Watter. Prix , 6 liv. A Lyon , chez Caftaud , Marrehand
de Mufique , place de la Comédie , & à Paris ,
chez Cornouaille , rue S. Julien -le -Pauvic , N °. } ,
Six Quatuors concertans pour deux Violons ,
Alto & Baffe , par M. J. Amon , Élève de M. Punto.
Euvre I. Prix 9 liv . Mêntes Adrefies.
-
Six Duos à deux Violons , par M. Guthman.
Prix , 7 liv. 4 fols . A Paris , chez Imbault , rue &
vis-à- vis le Cloître S Honoré , maifon du Chandelier
, & Siéber , riême rue , chez l'Apothicaire
N°. 92.
JOURNAL Militaire , ou Pièces d'Harmonie
compofées & arrangées par les meilleurs Maîtres ,
96 MERCURE
pour deux Clarinettes , denx Cors & deux Baffons
obligés , & deux Clarinectes , deux Trompettes , deux
petites Flûtes, Fifres , Tambour , Tambourin , Cimbales
, Tiangle , Serpent ou Contre-Baffon , ad
libitum.
Le prix de l'abonnement pour ce Journal cft de
24 liv franc de port pour 12 Cahiers , avec la Mufique
Turque , & de 12 liv. fil'on ne veut que fix
inftrumens. Chaque Cahier fe vend féparément 3 liv.
A Strasbourg , chez Reinhard Storck , Luthier
Marchand de Mufique , au Concert des trois Cigognes ,
près le pont du Corbeau. Il paroît deux Cahiers de
ce Journal , contenant des Ouvertures & Airs choifis
d'Opéras nouveaux , une marche & une Allemande
nouvelle dans chaque Cahier.
Voyez pour les Annonces des Livres , de la
Mufique & des Estampes , le Journal de la Librai
rie fur la Couverture.
TABLE
A M. le Comte d'Oels , 49 Le Sylphe ,
Chanfon ,
71
76
30 Hiftoire des différens Peuples
Charade , Enigme & Logo Joumis à la domination des
gryphe ,
Vie du Maréchal Duc de Vil- Hiftoire du Petit Pompée , 86
64 Annonces & Notices , 89
Lars ,
52 Ruffes
APPROBATION.
J'At la , par ordre
de Mgr
le Garde
des
Sceaux
, le
Mercure
de France
, pour
le Samedi
11 Sept.
Je n'y
ai rien
trouvé
qui
puiffe
en empêcher
l'impreffion
. A
Paris
, le Lo Septembre
1784.
GUIDL
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 18 SEPTEMBRE 1784 .
PIÈCES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSÉ.
VERS
Faits & préfentés pendant la repréſentation
de Chimène , à M. le Comte D'OELS.
J'AI quelquefois en vers que l'on trouva paſſables ,
Célébré les Talens & les Arts agréables ;
Je voudrois bien tenter un plus heureux effort.
Je fuis femme , je fuis Françoife ,
J'aime la gloire avec transport;
Sur le plus beau fujet faut il que je me taiſe?
Le plus grand des Héros du Nord ,
Ce frère d'un grand Homme , & grand Homme luimême
,
Qui doit moins au fang dont il fort
Qu'aux fublimes effets d'un mérite fuptême ,
N°. 38 , 18 Septembre 1784.
E
98
MERCURE
Henri , le front ceint de lauriers,
Vient honorer nos jeux de fa préfence augufte .
France ! par un hommage auffi noble que jufte,
Offre- le pour modèle à tes plus grands Guerriers ;
Suffren , d'Estaing , Biron , & bien d'autres encore,
Sauront apprécier fes illuftres travaux :
De fe voir dans autrui le mérite s'honore ,
Et c'eft aux Héros feuls à fentir les Héros.
( Par Mlie Aurore , de l'Académie Royale
de Mufique. )
LE JARDINIER , LES CHENILLES
ET LE PAPILLON.
UN Jardinier un beau matin ,
Exterminoit dans fon jardin
Tout ce peuple hideux qu'on appelle Chenille ;
Pendant qu'il écrâſe & qu'il grille ,
Voltigeoit près de lui fur la rofe & le thim ,
Un Papillon, iffu de la même famille,
Qui lui- même eft Chenille , & déjà dans fon fein
Portoit de fon engeance un innombrable effaim ;
Mais ébloui par l'or & l'azur dont il brile ,
Le Jardinier fur lui n'ofa porter la main.
On refpecte le vice en habit de fatin ,
On le pend s'il eft en guenille .
( Par un Rochellois. )
DE FRANCE.
99
A Mme la Comteffe DE BEAUHARNOIS ,
en lui renvoyant le Rapport de la Faculté
de Médecine fur le Magnétifme Animal.
JE ne crois pas au Magnétiſme
Qui fait tourner tous les efprits ,
Et qui fuccède au fanatifme
Qu'on a vû régner à Paris.
Mais la magnétique influence
Des talens joints à la beauté ,
Sera toujours admife en France ;
Vainement l'incrédulité
Voudroit en nier l'exiſtence .
On peut en prouver les effets ,
Et l'on en reffent la puiſſance
Près de l'aimable Beauharnois.
( Par M. Levefque.)
A M. le Duc DE N........
ALLIER le goût de Mécène
Et les talens de Pollion ,
La grande âme de Scipion
Avec l'urbanité Romaine ,
Tel eft , je crois , votre portrait.
Eft-ce tout ? Non , je vous l'aſſure ;
E ij
100 MERCURE
Et pour achever ma peinture ,
J'y dois ajouter plus d'un trait.
L'inimitable Fabulifte
En vous feul revit aujourd'hui,
Les Grâces à côté de lui
ur
Oni mis votre nom fur leur lifte .
D'Horace , Émule & Traducteur ,
Vous nous rendez tout fon génie ;
Sous votre pinceau créat u
Les fleurs de l'antique Aufonie
N'ont rien perdu de leur fraîcheur.
Que dis-je ? on les croiroit éclofes
Dans les bofquets de Tivoli ,
Et vous avez même cueilli
Autant de lauriers que de roſes.
Quoiqu'ami de la vérité ,
Ce langage va vous furprendre :
Plus votre éloge eft mérité
Et plus vous craignez de l'entendre.
Comme vous paffez pour diſcret ,
Dans un innocent tête- à- tête
Permettez-donc que je m'apprête
A vous confier un fecret ;
Ce rendez -vous m'eft néceffaire ,
Et par le ciel même avoué ;
Mais vous n'y ferez point loué ,
Rien ne pourra vous y déplaire.
1
(Par Mme la Comteffe de Beauharnois. )
DE FRANCE. 101
Explication de la Charade , de l'Enigme &
du Logogryphe du Mercure précédent.
LE mot de la Charade eft Banqueroute ;
celui de l'Enigme eft Amis , où l'on trouve
Siam , & Tamife en ajoutant deux lettres ;
celui du Logogryphe eft Papillon , où l'on
trouve paon , lin , pin , Loi, pilon , Nil ,
lion & pion.
CHARADE.
Mon premier eft , adorable Glicère ,
Ce qu'à jamais je veux être avec vous ;
Mon fecond , ce qu'ici pour vous je voudrois faire ;
Mon tour de moi feroit jaloux ,
Si j'étois mon tout pour Glicère.
( Par M. de V..... )
ENIG ME.
Si j'ai mes quatre pieds , je maîtriſe mes ſens ;
Si je n'en ai que trois , je fuis enfant du temps .
(Par unjeune Habitant de la rue Beauregard. )
E iij
102 MERCURE
JE
LOGOGRYPH E.
E fers les Rois , les Amans & les Belles
Dans deux fens un peu différens .
Là , je fuis fans réplique & n'ai point de rébelles :
Ici , malheur aux fonpirans
A
Qui n'ont pas dans fon vol pris l'Amour par les aîles,
Et qui me font à contre- temps .
Je ne te dirai rien de mes pieds , de ma taille ;
Et fans m'affujétir à la commune loi ,
Lecteur , voici ce que chez moi
l'on travaille.
On pourra rencontrer , pour peu que l'
D'abord ce qu'il ne faut jamais abandonner ;
Une Sainte du premier Ordre ;
Un animal qui fait bien mordre
Quand il tient un morceau que je puis lui donner ;
Car je fuis affez riche , & fans trop me gêner ,
Nourrir toute une armée eft pour moi peu
Cependant , fi tu cherches bien ,
d'affaire.
Tu trouveras que j'ai ce qui s'appelle rien ,
Quoique je t'offre auffi celui qui peut tout faire .
Je pourrois ..... Mais pourquoi tout dire en parcil cas !
Il ne faut point épuifer la matière.
Si tu veux fortir d'embarras
Vas m'écouter à la barrière.
(Par M. Sant... )
DE FRANCE. 103
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
TÉLÈPHE en XII Livres.
Et quorum pars magnafui. Virg.
A Londres , & fe trouve à Paris , chez
Piffot , Libraire , quai des Auguftins ,
1784.
CETET Ouvrage , que tout le monde compare
d'abord à Télémaque , & qui eft en effer
un Roman moral & philofophique , écrit en
profe poétique , avec l'intention marquée &
remplie d'être utile au genre humain , eſt
dédié à M. du Breuil , Médecin , qui guérit ,
& dont le noble caractère & les talens fupérieurs
font très bien célébrés dans cette Épître
laconique en ftyle lapidaire :
Le respect ,
La tendreſſe ,
La reconnoiffance
Offrent cet hommage
A la vertu auftère ,
A l'amitié généreuse ,
A la puiffance confervatrice .
* Il s'en vend auffi une nouvelle Édition en deux
petits volumes , chez le même Libraire , & chez
Hardouin , Libraire , au Palais Royal,
E iv
184
MERCURE
Télèphe remonte , comme Télémaque ,
aux temps héroïques. Il eft fils d'Hercule ,
comme Télémaque eft fils d'Ulyffe , & plufieurs
traits célèbres de la Fable font adaptés
avec adreffe à l'Hiftoire particulière de Télèphe.
il paroît que l'intention principale
de l'Auteur a été de faire paffer fon Héros
par, toutes les fituations propres à développer
fa fenfibilité , fa tendreffe pour les malheureux
, fa haine pour les oppreffeurs ;
cette horreur de l'injuftice , ce courage toujours
prêt à s'armer pour l'innocence & la
foibleffe , contre la tyrannie & la baffeffe ,
fon fidèle miniftre , ce fentiment , vrai caractère
d'un fils d'Hercule , paroît être le
fentiment dominant dans l'âme du Héros &
de l'Auteur.
Télèphe ignore fa naiffance ; élevé à la
Cour de Theutras , Roi de Myfie , comme
dipe à la Cour du Roi de Corinthe , il fe
croit fon fils ; Theutras fe remarie , & à l'inf
tigation de fa nouvelle femme , dont il ef
père des fils , il révèle publiquement à fes
Sujets ce qu'il fait du mystère qui enveloppe
la naiffance de Télèphe on avoit trouvé
celui- ci expofé dans les forêts du Mont-
Sypile , comme Edipe dans celles du Mont-
Cithéron. A cette déclaration , Télèphe eft
abandonné de toute la Cour. « La pitié fauffe
» ou vraie , dit il , la curiofité importune
» furent les feuls fentimens qu'on me rémoigna.....
Les Dieux me font témoins
que mon défefpoir épargna toujours le
38
1
DE FRANCE. 105
و د
Monarque qui m'avoit appelé fon fils. Il
avoit confervé pour moi ce caractère faint
» & facré qui ne s'efface dans le coeur de
l'homme que lorfque toutes les vertus en
font bannies . Mais les lâches qui avoient
feint pour moi l'attachement le plus ten-
» dre , & qui venoient de refuſer mes pleurs ,
30
"1
voilà quels étoient les objets de ma fureur
» & de ma haine. Je ne regrettois point le
» trône que je perdois ; mais je demandois
ور
aux Dieux pour toute grâce , un jour , un
» feul jour de puiffance , pour humilier au
» moins une fois ces hommes avilis , auffi
» prompts à l'outrage qu'à la baffeffe. Je me
» les repréfentois rampans à mes pieds , &
» adorant ma fortune , & je leur difois
enfin : Je fuis vengé : vous avez fait une
39
ود
» lâcheté inutile. »
Télèphe mène dans des déferts une vie
paftorale , comme Télémaque dans les déferts
d'Oafis ; mais ce n'eft qu'une reffemblance
éloignée , les détails & les réſultats
font tout différens.
L'Auteur le tire de ce féjour pour le faire
paffer par de plus rudes épreuves. A Éphèſe ,
il voit le triomphe de l'opulence & du luxe
jufques dans les campagnes. Les palais qui
» s'élèvent dans la plaine & fur les côteaux
font entourés de vaftes enceintes , pour
affuter la tranquillité & la domination de
» leurs maîtres. L'indigent n'y fait où porter
» fes pas ; & tandis que les chemins font
» bordés de fleurs & de verdure , il ne peut
و د
"
Ev
106 MERCURE
>>
pofer les pieds que dans la pouffière , de
peur que les foupirs ne troublent les re-
» traites de l'opulence , & que les regards
» des riches ne foient profanés par fon af-
» pect. Hommes infortunés ! on vous prodigue
les outrages à proportion de vos.
malheurs , afin que , placés entre les befoins
» du corps & les humiliations de l'âme ,
" toutes vos fenfations le réduiſent à une
» feule le défeſpoir.
50
»
33
Télèphe eft réduit , pour pouvoir vivre , à
des travaux obfcurs & pénibles , à ces travaux
qui parent l'opulence & dégradent l'indigent
en le condamnant à une vie fédentaire
; il manie l'aiguille & la navette dans
de vaftes atteliers confacrés aux progrès du
luxe & à l'aviliffement de l'efpèce humaine ;
c'eft , fi l'on veut , Hercule filant aux pieds
d'Omphale ; mais Hercule étoit vaincu par
l'amour , & Télèphe par la pauvreté. « J'ai
» vécu à ce prix , dit il , mais j'ai réparé ma
honte , & mes mains depuis ont étouffé
" des tyrans. ”
Victime de l'avarice & de la calomnie
d'un fourbe qui , pour lui enlever un dépôt
facré , l'accufe lui - même de vol , n'ayant
point d'appui , point d'ami qu'il puiffe citer ,.
il eft condamné , car le pauvre , dès qu'il eſt
accufé , paroît convaincu : on le charge de
chaînes , on le conduit dans un lieu d'exil
Vaincu par la douleur , il rifque de deman
der qu'on relâche un peu fes chaînes ; le Chef
des Satellites témoigna fon étonnement d'enDE
FRANCE. 107-
rendre un captif qui ofoit lui adreffer la
parole : Il jeta fur moi un regard fou-
"
»
"3-
droyant , qui m'annonça que mes plaintes
étoient un crime , & que le repos des oppreffeurs
eft tellement facré , qu'il n'eft
" pas permis de le troubler par des larmes. »
Son courage le fauve ; il punit les Miniftres
de l'injuftice qu'il éprouve. Après
quelques autres voyages & quelques autres
aventures , étant à Athènes , il s'arme pour
la vengeance des filles de Pandion contre le
barbare Térée. Trahi par un perfide , il eſt
fait prifonnier , ou plutôt efclave; il eft enfermé
avec d'autres efclaves dans la vallée
de Clathmos , lieu d'horreur , qui repréſente
la Sibérie. C'est là que , par une rencontre
imprévue , & qui fait dans l'Ouvrage un
coup de théâtre intéreffant , le fecret de fa
naiſſance lui eſt révélé ; il apprend qu'il eft
fils d'Hercule ; il put dire alors :
Hercule ainsi que moi commença fa carrière ;;
Il fentit le malheur en ouvrant la paupière ;
Et les Dieux l'ont conduit à l'immortalité
Pour avoir comme moi vaincu l'adverfité..
Le fils d'Hercule ne fair plus fupporter les
outrages , il rompt fes fers , il écrâfe fes tyrans
, il s'élève au fommet d'un rocher jufqu'alors
inacceffible : delà il domine des
plaines inconnues , c'étoient celles du Mont-
Pangée , altaque Pangea , dans lesquelles fes
regards font d'abord frappés d'un combat
E vj
108
MERCURE
V
inégal entre des gens armés de toutes pièces ,
& une multitude foible & défarmée de
femmes , d'enfans & d'efclaves , qui n'avoient
que des pierres pour toute défenfe. Il parle
aux deux troupes du haut de fon rocher , il
fufpend le combat , on le prend pour un
Dieu ; il apprend que des efclaves opprimés
par des maîtres barbares , condamnés à mon
rir de faim dans une Ifle déferte , lorfque
l'âgé ou les infirmités leur rendoient le travail
impoffible , & chaffés pendant un fiège ,
comme bouches inutiles , de Toraxène , capitale
des Agathyrfes , leurs maîtres , avoient
été attaqués après le fiège par ces mêmes
maîtres , qui , dans l'impuiffance où ils étoient
de cultiver eux - mêmes leurs champs , fentoient
enfin le befoin qu'ils avoient de ces
efclaves dont ils s'étoient privés , & vouloient
les reprendre à main armée ; ceux ci
confultent leur libérateur , qui ſe rend médiateur
entre eux & leurs maîtres , & va
plaider la caufe des premiers au pied du
trône ; ce trône étoit occupé depuis peu par
une jeune Reine , belle & vertueule , trèsdifpofée
à rétablir l'humanité dans tous fes
droits. I hinoë , c'eſt ſon nom , devient ſenfible
pour Télèphe , au récit de fes aventures
, comme Didon pour Énée , comme
Eucharis & Calypfo pour Télémaque . Télèphe
, moins paffionné peut être , moins
profondément amoureux que Télémaque ,
l'eft beaucoup plus qu'Enée. Iphinoë veut
que les droits refpectifs des maîtres & des
DE FRANCE. 109
4
efclaves foient difcutés publiquement devant
elle. La tyrannie trouve toujours quelqu'un
pour la défendre & la flatter ; c'eft Télèphe
qui défend lui même la liberté. Tout ce
qu'une fi belle caufe peut infpirer d'éloquent
, de vertueux , de pathétique , d'énergique
à un homme de bien & à un homme
de génie , l'Auteur a fu le mettre dans la
bouche de Télèphe , & dans la defcription
d'une fête champêtre & toute fraternelle ,
qu'on célèbre en mémoire de la liberté que
Télèphe a procurée aux efclaves , & du partage
des terres auquel il les a fait admettre.
Mais l'Auteur fait bien voir par une feène.
touchante , qu'un amour effréné de la liberté
ne ferme point fes yeux aux avantages
de fervir un bon maître. Cléomède , Prêtre
du Dieu Terme , homme vertuenx , par
conféquent maître plein d'humanité , avoit
montré le plus grand zèle pour l'abolition
de la fervitude , & avoit fecondé de tout
fon pouvoir les efforts de Télèphe. Lorfque
Phidippe , autrefois efclave de Cléomède ,
fut appelé à fon tour pour jurer de maintenir
le nouvel engagement , il fe tourna vers
fes compagnons , & leur parla ainfi :
6
Je chéris comme vous les droits que
» vous venez d'acquérir , & je fuis prêt à
» braver la mort pour vous défendre contre
» les atteintes qu'on voudroit porter à votre
» liberté. J'ai combattu fur le Pangée pour
» vos intérêts , & plus d'un maître barbare
"
110 MERCUREA
a péri de ma main. Je vous demande pour
récompenfe qu'il me foit permis de vivre
» & de mourir efclave de Cléomèdé. Il éleva
mon enfance , il fupporta mes défauts , il
» me pénétra de les vertus , me confola par
fa bonté , & me contint par la fageffe. Ma
» vie a coulé paisiblement auprès de lui , &
» mon bonheur eft de le fervir. Je n'ai ja-
» mais éprouvé qu'an chagrin dans fa maifon.
Un jour je laiffai troubler fon fom-
» meil par ma négligence. Il s'apperçut de
» ma douleur , & me confola par des pa-
.99
roles pleines de bonté , qui redoublèrent
» mes remords , & me coûtèrent des lumes
» amères. Heureux Phidippe , s'écrièrent
» tous les compagnons , fervez toujours
» Cléomède. L'homme ne fe dégrade point
quand il immole fa volonté à celle de la
vertu qu'il admire. Parlez lui de notre re
connoiffance & de notre refpect ; & ſi jamais
vos devoirs vous deviennent pénibles
, fouvenez - vous que tous nos bras
font prêts à vous remplacer.
- "
و د
"
35
Cléomède embraffa Phidippe en pleu-
» rant. Ami , lui dit il , vivons enſemble ; en
» travaillant à la liberté de vos compagnons
» & à la vôtre , les Dieux me font témoins
» que je faifois le plus douloureux des facrifices
; que l'amitié me ramène dans ces
bras qui n'ont jamais fenti le poids des
fers. Ce n'eft point aimer l'efclavage que
» de fe foumettre à la voix de l'amitié ,
99
"
"9
&
DE FRANCE. ILE
» l'âme de Phidippe n'a jamais ceffé d'être
grande en obeiflant à des devoirs qu'il
>> chériffoit. »
39
C'est ainsi que dans cet excellent Livre
tout refpire & infpire la vertu douce , hu
maine , bienfaifante , aimable , tout en four.
nit le motif , tout en montre le prix : ce prix.
eft l'amour & le bonheur ; tout réfute les
préjugés cruels & nuifibles , le defpotifme
public & particulier , la vengeance, la haine ,
la guerre , cette fureur de conquérir & de.
ravager , dont l'erreur & l'inconféquence
humaine ont fi long temps fait une vertu ;
c'eft dans ce Livre qu'on voit , qu'on fent
comme dans Télémaque , qu'il n'y a pour
l'homme qu'une feule grandeur & qu'un intérêt
véritable , c'est d'être bon.
en
Télèphe & Iphinoë s'aiment , ils font dignes
l'un de l'autre , ils font libres tous deux ,
ils vont donc s'unir. Ils le voudroient , mais.
il y a encore ici un obftacle ; ce n'eft point
comme dans l'Énéïde la volonté de Jupiter ,
notifiée par Mercure , qui appelle Énée
Italie ; ce n'eft pas comme dans Télémaque ,
Minerve , qui , fous la figure de Mentor ,
pouffe Télémaque du hant d'un rocher dans
la mer , pour l'arracher d'une lle fatale à fa
vertu ; l'obftacle qui arrête Telèphe , au
moins pour un temps , eft d'autant plus invincible
, qu'il tient à un engagement facré ,
dont la vertu feule de Télèphe eft l'arbitre.
La première fois qu'il s'étoit armé , il avoit
eu le malheur de tuer , dans la chaleur du
112 MERCURE
combat , un vieillard qu'il prenoit pour un
des ennemis , parce qu'il étoit à leur fuite ;
il n'y étoit que pour traiter avec eux de la
rançon de fa fille , que ces Barbares avoient
enlevée ; le vieillard en mourant fe fait con--
noître pour un Grec , pardonne fa mort à
Télèphe , & le charge de rendre la liberté à
fa fille , & de la ramener au pied du Mont-
Lathinus , lieu de fa demeure. Télèphe
l'avoit juré ; mais jufques - là les occafions &
le pouvoir de remplir fon ferment lui avoient
toujours manqué. Télèphe , devenu libre ,
n'eft que trop porté à fe fixer auprès d'Iphinoë
, qui lui offre fon trône & fa main ; le
vertueux Cléomède lui fait fentir que fou
premier devoir eft de remplir fon ferment
& de délivrer Caridée , c'eft la fille du vieillard
; il lui déclare en même temps qu'il a
befoin de purifier fes mains du meurtre involontaire
qui les a fouillées , & il l'adreffe
au Grand Prêtre d'Éleufis , pour être purifié
& initié. L'idée de regarder fon mariage avec
Iphinoë , & la puiffance que ce mariage va
lui procurer , comme un moyen de délivrer
Caridée , en la redemandant à main armée
aux brigands qui l'avoient ravie , étoit trop
naturelle pour ne pas fe préfenter à un amant
& à un guerrier; mais Cléomède rejette cette
idée. Quels moyens , lui dit i , choififfez-
» vous pour accomplir vos promeffes ? A
peine Souverain d'un peuple qui a honoré
votre jeuneffe par fa foumiffion à vos
confeils , vous voulez le mener aux com-
&
"C
DE FRANCE. 113
*
bats & au carnage pour l'intérêt de vos
» fermens ! Ah! fans doute vous pensez que
"
les peuples ne font dans la main des Rois ,
» qu'un inftrument dont ils peuvent faire
ufage pour leurs intérêts , leurs paffions ,
leurs fermens & leur repos. Eft- ce pour
les faire égorger que vous voulez commander
aux Agathyrfes ? Eft ce pour vous
» rendre les Dieux propices que vous allez
» commencer votre règne par des facrifices
» de fang humain ? Eh ! quel fang , juſte
» ciel celui d'un peuple qui aura déposé
dans vos mains fon autorité & fa force ,
» à qui vous allez jurer de vous immoler
vous même pour fon repos & la sûreté !
Irez vous dire aux efclaves dont vous avez
brifé les fers : Payer- moi de votre vie le
» bien que je vous ai fait ; mon coeur a frémi
de la dureté de vos maîtres , qui vous aban
» donnoient à leurs ennemis , & je vais vous
» immoler aux miens. »
Entraîné par ces raifons ; Télèphe vent
partir pour remplir feul l'engagement qu'il
a feul contracté . Iphinoë , qui fe croit méprifée
, a toute la fureur d'une amante irritée
, mais ici l'Auteur n'auroit pas mal fait
peut être de fuivre de plus près Virgile &
Fénelon , qui , en pareil cas , font dire à Didon
toutes les extravagances que l'amour méprifé
infpire , mais qui ne les font point agir
en conféquence , du moins contre l'objet
aimé. Iphinoë agit , & elle agit mak Néocris ,
fa nourrice , veut la fervir , & la fert par
114
MERCURE
..
un menfonge , auquel Iphinoë s'affocie par
fon filence. Néocris veut perfuader à Telèphe
que Caridée n'eft autre qu'Iphinoë , qui
a été enlevée à fes raviffeurs par le Roi
des Agathyrfes , fon prédéceffeur . Iphinoë
n'a ni le courage ni la force de démentir
Néocris.
Ah ! tant pis , il étoit néceffaire de la démentir
; il est vrai que dès le lendemain
elle détrompe Télèphe , qui alors demande
la liberté d'aller délivrer Caridée & dégager
fes fermens. Iphinoë alors entre dans une
fureur naturelle peut-être , mais qui la dégrade
; elle fait enfermer Télèphe , elle le
fait enchaîner , elle veut le faire mourir ;
elle le fait ramener devant elle chargé de
chaînes , pour le braver & l'infulcer ; elle le
renvoie en prifon ; & dès qu'elle ne le voit
plus , elle veut aller elle même briſer fes
fers , elle veut abandonner pour lui fon
trône & fa patrie , & le fuivre au bout de
l'Univers ; puis elle veut qu'il parte fans la
voir , puis elle veut qu'il periffe dans fa prifon
; elle a bien toute l'agitation & toute la
mobilité d'idées de l'amour au déſeſpoir ;
mais ces chaînes bleffent l'imagination , du
moins celle de celui qui écrit ceci. Didon ,
dans la même fituation , ne fait rien de fem
blable , quoiqu'elle dife des chofes beaucoup
plus fortes , & qu'elle regrette de n'avoir
pas renouvelé pour l'ingrat qui la quitte
l'horreur du feftin d'Atrée , la fureur jalouſe
de Calypfo ne s'emporte pas à d'autres vio
DE FRANCE. 119
lences contre Télémaque , que de lui ordonner
de fortir de fon Ifle , & clle fent une
fecrette joie de ce que l'Amour engage les
Nymphes à brûler le vaiffeau préparé pour
le départ de Télémaque. La violence d'Iphinoë
eft d'un genre trop odieux , & elle a trop
raifon de dire : Les Dieux mêmes ne fauroient
me rendre mon innocence & ma gloire.
Il est peut - être affez étrange que dans
toute cette violence il n'entre pas un feuk
mouvement de jaloufie contre Caridée
qu'Iphinoë ne foupçonne pas que Télèphe
peut lui avoir caché le vrai principe de ce
grand empreffement de délivrer Caridée
qu'elle ne pense pas que peut être il l'a con
nue & qu'il l'aime : en tout , cette hiftoire du
vieillard Théoclès , tué dès l'entrée du Roman
par Télèphe , & qui le charge de délivrer
fa fille , cette Hiftoire promet plus
qu'elle ne tient dans la foite ; elle femble
annoncer entre Télèphe & Caridée des évévemens
plus intéreffans ; on croit d'abord
que Caridée fera l'Héroïne du Roman.
Ce font les rivaux & les envieux de Télèphe
qui le mettent en liberté ; car ils voyent
mieux qu'Iphinoë peut êrre où doit aboutir
toute cette grande colère contre Télèphe.
Déjà cette colère eft évanouie , & Iphinoë
ne fent plus que le défefpoir d'être féparée
de l'amant qu'elle croyoit haïr.
Télèphe eft parti , il eft purifié , il eft admis
aux mystères d'Éleufis ; il apprend que
Caridée eft entre les mains des Celtes , &
116 MERCURE
qu'elle va être immolée à leur Dieu Teuratès ;
avec le fecours de quelques amis , il parvient
à enlever Caridée la nuit même qui précède
le jour marqué pour l'affreux facrifice ; quand
il l'a fauvée , il lève fon voile , & reconnoît
Iphinoë.
Elle avoit prévenu Télèphe , elle avoit
délivré Caridée à prix d'argent , & l'avoit
reçue dans fes États comme un moyen d'y
rappeler Télèphe ; elle étoit enfuite allée
dans le temple de Vénus , pour demander à
cette Déeffe le retour de fon amant ; ce tem
ple étoit fitué fur la frontière : enlevée au
retour par des Barbares , elle avoit été vendue
aux Celtes ; elle avoit pris le nom de
Caridée , dans l'efpérance que Télèphe s'emprefferoit
de la délivrer , ce qui arriva. Rendus
l'un à l'autre ils s'uniffent ; mais les foins
du trône peuvent nuire au bonheur. Iphinoë
, dit Télèphe , foyons heureux , ne régnons
point. Ils abdiquent la couronne , après avoir
pris les mefurcs néceffaires pour affurer le
bonheur & la liberté des Agatyrfes.
Ce Roman ou ce Poëme a des épisodes
d'un prix ineftimable ; rel eft par exemple
celui de Sophosène , dont les vaftes connoif
fances en Médecine ne peuvent fauver la vie
à Iopis , fon amante ; cette paffion myſtérieufe
& infortunée eft décrite ici avec l'intérêt
le plus touchant. Le tableau de ce même
Sophosène , vainqueur de la contagion , &
rendant la vie & la fanté à tout un peuple ,
eft le triomphe de la fcience & du génie.
+
f
DE FRANCE. 117
L'épifode de Cléophis & de Mirène eft un
tableau fublime des charmes & des devoirs
délicats de l'amitié , une partie de cet épi
fode eft l'Histoire connue de Damon & de
Pithias , chez Denis le Tyran ; le refte eft
ine théorie noble , délicate & tendre , des
obligations journalières de l'amitié dans un
commerce intiine & fuivi , & du reſpect
que deux amis doivent conferver l'un pour
l'autre dans les moindres détails de la vie ,
pour le maintien même de l'amitié. Cette
théorie eft à la fois très - fentie & très -favante.
Le coeur le plus exercé à aimer peut
encore y apprendre beaucoup . L'intérêt redouble
, quand on fait quelle refpectable &
touchante allégorie préfente ce tableau. On
en peut juger par l'épigraphe.
La critique trouvera peut être que quelques-
uns de ces épifodes ne font pas affez
liés au fujer , & n'ont pas fur la totalité de
l'Ouvrage une influence affez forte. Tranchons
le mot ; on peut dire , on a dit & on
dira beaucoup que l'Ouvrage n'eft pas affez
bien fait , que les différentes parties qui le
compofent n'ont pas entre elles un rapport
affez marqué ni affez fuivi ; qu'il n'y a pas
affez d'intention & d'enfemble dans le choix
de ces différentes parties ; on en jugera d'après
les principes de goût vulgaires. Nous ofons
dire , d'après le mérite fupérieur & continu
des détails , que l'Ouvrage , pour mériter de
faire époque dans les Lettres , n'a pas befoin
d'être mieux fait ; que les parties , foit conf
148 MERCURE
tituantes , foit épifodiques , fe rapportent
par- tout à un même but & au but le plus
utile , la perfection de l'homme moral &
l'établiffement du règne de la vertu.
Quant au ftyle , nous demanderons combien
on compteroit d'Ouvrages François auffi
parfaitement écrits que celui- ci. Il y en a
fans doute , mais le nombre en eſt il grandè
MÉTHODE facile de conferver à peu
de frais les Grains & les Farines , par
M. Parmentier , Cenfeur Royal , & c.
avec cette Épigraphe :
Ni mon grenier ni mon armoire
Ne fe remplit à babiller. La Fontaine.
A Paris , chez Barrois l'aîné , Libraire ,
quai des Auguftins .
DE TANT de nouvelles obſervations &
d'expériences décifives que M. Parmentier a
faites pour prouver que , renfermer les
grains & les farines dans des facs ifolés ,
c'étoit le feul inoyen d'empêcher que cette
denrée de premier befoin ne contractât , par
fucceffion de temps , quelques mauvaiſes
qualités , & ne finit par devenir la proie des
animaux deftructeurs ; ce moyen , adopté à
Paris dans de grands établiffemens , ne permet
plus de douter qu'il ne mérite la préférence
fur toutes les autres pratiques connues
, & dont les inconvéniens font exposés
dans l'Ouvrage que nous annonçons.
DE FRANCE. 119
La méthode de l'Auteur eft en effet fimple
& commode ; elle eft conforme à la nature ,
à la raifon & à l'économie ; elle n'entraîne
ni inquiétudes , ni foins, ni dépenſes ; elle
prévient toutes les craintes du Marchand &
du Confommateur , & favorife le commerce
des farines , l'objet de tous les voeux des
bons Citoyens , & qui n'a trouvé juſqu'à préfent
des détracteurs que parmi les marchands
de grains. Voici de quelle manière
M. Parmentier en parle.
" Le commerce des farines offre une nou-
" velle fource de richeffe à la France , en
laiffant dans l'intérieur de chaque Province
le produit de la main d'oeuvre , les
farines bifes pour la nourriture du pau-
» vre , & des iffues pour engraiffer les bef-
و د
"
و د
tiaux , il mettra les Magiftrats à portée
» d'affeoir la taxe du pain , toujours en proportion
du prix des grains , fans fouler ni
le Public ni le Fabriquant ; il procurera
cette égalité fi defirée entre le Propriétaire
& le Confommateur , en donnant à l'un
le fuperflu de ſes récoltes , & en afſurant
à l'autre la nourriture dans tous les tems.
Enfin les avantages de ce commerce , appréciés
depuis que nous n'approvifionnons
plus qu'en farine , ont été favam-
» ment difcutés par un homme d'État , pré
» conifés par plufieurs Auteurs très eftimables
, & développés avec tous leurs rap-
» ports dans le dernier Mémoire que j'ai
publié fur les moyens de perfectionner
ود
ود
99
120 · MERCURE
"
promptement dans le Royaume la Meû-
" nerie & la Boulangerie . »
CATÉCHISME de Morale , Spécialement à
l'ufage de la Jeuneffe , contenant les devoirs
de l'Homme & du Citoyen , de quelque Religion
& de quelque Nation qu'ilfoit ; avec
cette Épigraphe :
Condo& compono qua mox depromere poffint.
A Paris , chez Lambert , Impr.- Libraire ,
rue de la Harpe , près S. Côme. Prix
liv. to fols broché.
Ce petit Ouvrage , malgré la modeftie
du titre , mérite d'être lû avec intérêt ; &
quoiqu'il foit principalement deftiné à la jeuneffe
, tous les âges en peuvent faire leur
profit. Ce qui le diftingue fur tout , c'eft la
clarté & la précision . L'Auteur a raffemblé en
peu de pages tout- ce qu'il eft effentiel de fa
voir en morale , & qui le trouve épars ou noyé
dans de gros & faftidieux volumes , & dont
cet abrégé peut tenir lieu à bien des égards.
La divifion en eft nouvelle, & plus conforme
à la marche naturelle de l'efprit. Après des
notions préliminaires où l'Auteur traite de
l'homme , pour examiner fi par les facultés
il eft tenu à des devoirs & capable de les
remplir ; après des définitions fimples & lumineufes
des termes qui font comme les
' principes de la morale , il en vient à la divifion
& à ce qui en eft le fondement . Il dif
tingue
DE FRANCE. 121
tingue deux fortes de morales : la morale de
la Raifon & celle de la Religion . La première
le borne à ce que nous dicte la faine
raifon fur nos devoirs & nos rapports avec
nos femblables . La feconde s'étend à ce que
la Religion nous a appris à cet égard , & de
plus à l'égard de Dieu . Quoiqu'on ait prefque
toujours confondu ces deux morales
l'Auteur obferve avec raifon que cette diftinction
eft très- fondée , & que la connoiffance
de la morale de la Raifon ne fuppofe
pas néceffairement celle de la morale de la
Religion , puifqu'il y a des devoirs à remplir
indépendamment de la connoiffance de l'Etre
Suprême & du culte qui lui eft dû ; connoiffance
tardive à acquérir , & dont l'homme
ne s'occupe que long- temps après la formation
de la fociété. Un avantage particulier
qui réfulte de cette diftinction , c'eft de prouver
à l'homme même qui a eu le malheur de
fecouer le joug de la Religion , qu'il n'eſt
pas difpenfé pour cela d'être vertueux . L'Auteur
a donc raifon de faire découler les principes
de la morale de la nature de l'homme ,
laquelle eft l'amour de foi. En trouvant la rai
fon de nos devoirs au dedans de nous- mêmes
, cette obfervation , loin de rien diminuer
de la vérité & de la fageffe de la morale
de la Religion , lui donne en quelque forte
une nouvelle fanction , en démontrant que
la révélation ne fait qu'ajouter un nouveau
développement aux devoirs que nous pref-
No. 38 , 18 Septembre 1754
F
112 MER CURE
crit la Nature , qu'elle ne renferme rien qui
ne foit conforme à la raifon & digne de
l'homme , enfin que ces devoirs n'ont rien
de muable ni d'arbitraire.
Il eft à defirer que le fuccès mérité de
cette première Partie , la feule que l'Auteur
publie en ce moment , le détermine à publier
la feconde , dont l'intérêt ne peut qu'aug
menter , fi l'on en juge par celui qu'infpire
celle- ci , à laquelle il ne manquoit que d'être
plus connue,
Nous ne fuivrons point l'Auteur dans le
cours de fon traité : il faut lire l'Ouvrage
même , qui n'eft pas long. On pourroit
miême lui reprocher d'être trop court : l'Auteur
s'en juftifie par la crainte qu'il avoit
d'ennuyer , ce qui n'arrivera pas. D'ailleurs
il fe trouvera naturellement , lors de la feconde
Partie , dans le cas de reprendre fes
mêmes principes pour les préfenter fous un
nouveau point de vue,
NECROLOGIE,
LA vie de Charles de Fieux , Chevalier de
Mouhy , mort depuis peu , n'a pas été moins
active que longue , du moins fi l'on en juge par
le nombre de fes Ouvrages. C'eft un de nos
plus volumineux Romanciers : le Répertoire,
la Payfanne Parvenue , Mémoires du Comte
de.... Démêléfurvenu entre le Paylan Par
DE FRANCE. 123
venu & la Payfanne Parvenue , l'Amekis , Mé
moires de Fieux , Pâris ou le Mentor à la Mode
, le Mérite Vengé , le Papillon , la Mouche,
nouveaux motifs de Converfion, Mémoires
d'Anne Marie de ...... , Vie de Spinelli , Mille
& une Faveurs , l'Art de la Toilette , Lettre
d'un Génois , Mémoires d'une Fille de qua
lité , le Mafque de Fer , Tablettes Dramatiques
, Répertoire des Pièces reftées au Thédtre
, les Délices du Sentiment , les Lettres du
Commandeur..... , Mémoires de Benavides ,
l'Amante Anonyme, le Financier , le Danger
des Spectacles ,&c. En voilà fans doute affez ,
même pour une vie de 82 ans ; c'eſt l'age
qu'a vécu le Chevalier de Mouhy.
i
*
Beaucoup de ces Ouvrages ont réuffi dans
le temps, & on lit encore la Payfanne Parvenue.
On voit que le Chevalier de Mouhy
cherchoit Touvent dans les titres & les fujets
de fes Romans des moyens , fi non de gloire ,
au moins de fuccès . Tantôt il modeloit fon
titre fur celui de quelqu'autre Ouvrage célèbre
telle eft fa Payfanne Parvenue , qui
rappelle le Payfan Parvenu de Marivaux
fes Mille & une Faveurs , dont le titre répond
aux Mille & une Nuits ; les Mémoires
d'une Fille de Qualité , qui rappellent les
Mémoires d'un Homme de Qualité de l'Abbé
Prévôt; tantôt il élevoit l'édifice de fon Ouvrage
fur quelque anecdote connue , comme
dans fon Mafque de Fer , où il raconte les
aventures du célèbre Prifonnier de la Baftille.
C'est un Roman qu'il a écrit , & ce n'eft
Fij
124 MERCURE
pas en cela qu'il diffère de ceux qui ont voulu
jufqu'à préfent expliquer cette aventure./ ?
Ce foin d'appeler des Lecteurs par, un
titre fingulier ou intéreffant , eft une rufe
fouvent ufitée & fouvent heureuſe . Auffi le
Chevalier de Mouhy a t'il obtenu plufieurs
fuccès , dont quelques - uns étoient mérités à
certains égards . Ses Romans circuloient dans
les maifons de la Capitale ; il eft vrai qu'ils
n'arrivoient pas toujours jufqu'au fallon .
L'on a raifon de penfer que la carrière du
Romancier eft ingrate pour la gloire ; que
ces fortes d'Ouvrages font moins d'honneur
à leurs Auteurs en général , qu'elles ne donnent
de plaifir aux Lecteurs ; fouvent ils font
lûs, recherchés ; ils amufent ou intéreffent
une claffe nombreufe de Citoyens , fans
qu'on fonge à regarder ou à demander le
nom de l'Auteur , pour lui payer le tribut
de gloire qui lui eft dû. Mais auffi comme
le Roman admet tous les genres , qu'il fe
prête à toutes les manières , à tous les ftyles ,
il offre à celui qui s'y exerce de nombreux
moyens de fuccès. Ce genre de Littératute,
( quoiqu'auprès de bien des gens , les
Anglois pallent pour y avoir mieux réuffi
que nous ) a fait , parmi nos Écrivains , fix
réputations différentes. Sans remonter affez
haut pour rencontrer ces Romans interminables
du temps de la Calprenède & des Ouvrages
de Mme de Villedieu , & fans porter
fur les Aureurs vivans un jugement qu'on
accule piefque toujours d'injuftice ou de
DE FRANCE. 725
-
Aatterie , fix divers Auteurs , l'Abbé Prévôt
, le Sage , Marivaux , Crébillon fils , Voltaire
& J.J. Rouſſeau , ſe font , comme Ro
manciers , diftingués dans la même carrière
avec des moyens très différens. Aucun
d'eux ne reffemble à l'autre ; & chacun d'eux
eft parvenu à paffer pour un modèle dans le
genre qui lui eft propre. L'Abbé Prévôt fait
fortir le pathétique du choix & de la difpofition
des faits qu'il raconte , il n'a guères
d'autre but , & n'ambitionne guères d'autre
récompenfe que les larmes de fes Lecteurs.
Le Sage, infpirépar une caufticité ingénieuſe ,
affaifonne tour du fel de la critique ; fon
Lecteur qu'il amufe , fourit à fes épigrammes
, & devient le complice de fa mali-.
gnice. Marivaux , plein de fagacité pour lire
dans les replis du coeur humain , & très in- l
génieux à en développer les mouvemens ,
offre une lecture des plus attachantes ; mais
on peut dire qu'il a moins exprimé le fentiment
des paffions , qu'il n'en a écrit l'Hiftoire
; & que par un talent prefque contradictoire
, il a fouvent renda fastrel
ce qu'il a obfervé avec vérité. Voltaire ,
Écrivain trop Philofophe pour vouloir toucher
fans inftruire , & trop gai ou trop
adroit pour prétendre à inftruire fans amufer
a répandu l'enjouement à pleines
mains ; fes Romans font une école de philofophie
, ouverte fous l'enfeigne de la gaî
té , & même du ridicule . Crébillon fils ,
moderne Pétrone , a repréfenté les moeurs
>
Fij
126 MERCURE
du grand monde dans lequel il a vécu ; appliquant
à l'expreffion de fes tableaux le privilège
d'exagération qu'on accorde d'ordinaire
au Romancier dans fes récits , il at
outré la peinture des moeurs ; mais ce qu'on'
peut remarquer en le lifant , c'eft qu'il a eu
l'art affez immoral d'exagérer le vice fans
le rendre ridicule. Enfin Jean - Jacques , éloquent
moralifte , s'exprimant avec encore
plus de chaleur que de fenfibilité , enflammant
plus qu'il n'attendrit , a fu , dans fon
Héloife , intéreffer tout à- la- fois le Philofophe
& Phemme paffionné mais mettant
trop fouvent l'Aureur à la place du perfonnage,
il a laiffé un Ouvrage plein de (ublimes
beautés , fans avoir fait un excellent
Roman .
Le Chevalier de Mouhy n'augmentera pas
le nombre de nos Romanciers originaux
mais on ne peut lui refufer de l'imaginarion ;
& on le lit quelquefois avec intérêt , quoique
fon ftyle foit toujours très défectueux. Vol.
taire difoit qu'on n'arrivoir pas à la poſtérité.
avec un gros bagage ; ce mot , qu'il femb'e
avoir réfuté par fes propres Écrits , n'en eft
pas moins une vérité.
( Cet Article eft de M. Imbert. )
* On a dir avec affez de vérité que dans l'Hé
loife , Jean- Jacques étoit le Secrétaire de toute la
famille.
DE FRANCE. 117
SPECTACLES.
CONCERT SPIRITUEL.
LA fymphonie de M. Janlon l'aîné, par
laquelle le Concert du 8 a commencé , eft
d'un fort bon effet ; l'andante eft d'un trèsjoli
chant. Mme Mara , qui a chanté trois
morceaux , n'a pas fait moins de plaifir qu'a
Fordinaire : nous ne parlerons que de l'air
Anglois qu'elle a exécuté. C'eft un cantabile
de Handel. Un morceau de musique de cer
ancien & très célèbre Compofiteur , étoit
fans doute une chofe curienfe à entendre ; il
offroit deux objets de comparaifon ; favoir ,
celui de la manière de ce grand Homme avec
la manière des autres Maîtres de fon temps ,
Italiens & François , & celui de la mufique
de ce temps avec la mufique moderne . Pour
le premier , quelque refpect que l'on ait pu
conferver pour nos anciens Compositeurs
François , nous ne balancerons pas à dire qu'ils
font tous bien loin d'avoir connu cette pureté
, cette clarté de ftyle , cette manière
fimple de diftribuer les accompagnemens , &
ce goût de mélodie fi intéreffint , fi agréable .
Handel , l'un des plus forts Harmoniftes de
Fiv
128 MERCURE
fon fiècle, égaloit pour le beau chant les meil
leurs Maîtres de l'Italic ; il pouvoit fe foutenir
à côté de Haffe , du fanicux Haffe , qui ,
pour cette partie , a fervi de modèle aux meil
leurs Compofiteurs modernes , & dont quelques
morceaux ont confervé leur fraîcheur
jufqu'à nos jours . Si nous comparons maintenant
Handel , ou plutôt la mufique de fon
temps avec celle que l'on fait aujourd'hui ,
nous ferons plus embarraffés. Comment recueillerons
nous les fuffrages du Public ? La
fenfation produite par le morceau dont nous
parlons , a été fort diverfe. La malle des Auditeurs
fans prétention , de ceux qui ugent
la mufique fur le plaifir qu'elle leur fait ,
paroiffoir s'ennuyer. Il falloit tout le talent
de Mme Mara , il falloit fe rappeler toute
la bienveillance qu'on lui doit , pour l'écou
ter fans impatience ; tandis que les Connoif,
feurs , enthoufiafmés de la réputation de, -
Handel , faifis peut - être de cet efprit qui
rend difficile fur les productions des Auteurs
vivans , & très indulgent fur celles des moits ,
qui rend , en un mot , laudator temporis
acti , ceux- là , dis je , mettoient cette mu-,
fique beaucoup au deffus de toute mufique
moderne. Dans cette diverfité d'opinions ,
nous oferons hafarder la nôtre. La mufique
de ce temps étoit d'un harmonie liée , toujours
très pure , mais toujours très recherchée
; cette recherche , prefque entièrement
perdue pour l'effet , pouvoit être
- 1
DE FRANCE. 129
fatigante à ceux qui en vouloient fuivre la
marche. Le chant des anciens étoit facile ,
agreable , & n'étoit pas fans expreflion ; mais
il le refufoit , par fa tournure compaffee , à
ces exploſions de l'âme , à ce feu poétique qui
aaiment la mufique aujourd'hui La monotonies'enfuivoit
quelquefois, & c'eft ce que nous
avons remarqué dans le morceau de Handel ,
malgré noire admiration . Galuppi eft le premier
qui ait fecoué ce joug , qui , en laiffant
le travail à la mufique d'Eglife , ait toujours
fur la scène prétendu à l'effet. Mais où nous
emporte cette difcullion ? Hârons nous de
parler de M. Brunetti , élève pour le Violoncelle
de M. Duport le jeune , & qui lui
fait le plus grand honneur; la manière charmante
& sûre dont il joue de cet inftrument,
a paru faite pour commencer avantageufe ,
ment fa réputation , & pour completter celle
de fon Maître. M. Brunetti , Mulicien de
Chambre du Prince des Afturies , retourne
en Efpagne ; peut- être eût il été à defirer
qu'il fût refté encore quelques mois à Paris ›
pour confolider les excellens principes ; mais
ilpart du moins avec un talent affez brillant
pour prouver que fon temps a été bien employé.
M. Duchêne a exécuté une Sonate fur
le forté piano organifé . On lui a trouvé.
beaucoup de mérite ; fa manière , peut être
un peu ancienne , l'a paru davantage par le
choix du morceau ; mais en cultivant fon
goût , il peut éviter ailement ce reproches
On a entendu au un nouveau Motet de
FV
130 MERCURE
M. Déformery , très bien chanté par MM.
Laïs & Rouffeau. Il feroit févère de rechercher
fi le chant gracieux de ce morceau n'ap
partient pas plus au Théâtre qu'à l'Églife .
Cette mufique eft bien écrire , l'harmonie
en eft bonne , la mélodie fort agréable ; &
au Concert Spirituel fur tout , il peut être
permis quelquefois d'oublier la ligne de démarcation
qui fépare les deux genres.
ACADÉMIE ROYALE DE MUSIQUE.
MARDI 7 de ce mois , on a donné fur ce
Theatre la première reprefentation de Diane
& Endimion , Paftorale en trois Actes , pa-
Toles de M. le Chevalier de Liroux , mufique
de M. Piccini.
Les amours de Diane & d'Endimion ont
déjà été mis fur la Scène Lyrique par Fonteneile
& Fuzelier ; M.le Chevalier de Liroux ,
en les traitant de nouveau , n'a point imité
ces deux Auteurs ; il n'a pas fuivi la tradition
de la Fable , qui fuppoſe qu'Endimion
répondit à l'amour de Diane. Dans fon
Opéra , le Berger aime la Bergère Ifménie
& ne voit qu'avec effroi la paffion que la
Déeffe a conçue pour lui.

Le premier Acte repréfente un beau
payfage , où l'on voit l'aurore fe développer
par degrés. Endimion , trifte & penfif , fort
d'un temple , où l'Oracle , qu'il alloit conDE
FRANCE. 635
fulter fur fon amour , lui a dit , d'une voix
menaçante :
Une Décffe , en couronnant tes feux,
Peut feule remplir ton attente.
Sa douleur ne l'empêche pas de chanter , ca
entrant fur la Scène , le réveil de la Nature
& les charmes que le Soleil & l'Amour ré
pandent fur l'Univers. Ifménie accourt pour
favoir de lui la réponſe de l'Oracle. Elle en
eft confternée ; mais fa tendreſſe généreuſe
s'immole au falut de fon amant , qui , de fon
côté , ne peut confentir à ce facrifice. Leurs
plaintes font interrompues par les cris des
Bergers , qui , effrayés par la vue d'un tigre
furieux , viennent invoquer le fecours d'Endimion.
Il s'arme pour aller chercher le monf
tre ; Ifménie prend un javelot & veut faivre
fon amant. Diane qui arrive avec les Nymphes
, voyant partir Endimion avec Ifinénie ,
conçoit un mouvement de jalousie ; elle fe
difpofe à aller auffi combattre le tigre ; mais
pendant que fes Nymphes font différentes
évolutions pour fe préparer à la chaffe , des
chants de victoire annoncent que le monftre
n'eft plus. Endimion arrive , & préfente à
Diane la dépouille du tigre , qu'Ifménie a tué
de fa main. Diane , dévorant la jalousie , con
çoir une vengeance cruelle ; & feignant de
vouloir récompenfer Ilménie de fa valeur
déclare qu'elle la reçoit dès ce moment au
nombre de fes Nymphes. Le choeur des
Nymphes & des Bergers célèbre cette faveur
F vi
132 MERCURE
J
de la Déeffe , & exécute un Ballet d'action
dont lefujet ft le triomphe d'Ifmenie ,
&fréception de Nymphe de Diane, imitee du
rit antique ; les Nymphes lui préfentent un
javelot , lui attachent le carquois
& elle
reçoit un ore des mains de la Déeffe , qui ,
l's ferventfas ceffe, tâche de penetrer le fecret
defon coeur.
1
Le fecond Ade fe paffe dans l'intérieur
du temple de Diane. L'Amour y detcend fur
un nuage , & aur once qu'il vient fe venger de
li Déelle , en derobant Ifmenie à fa vengance.
Il fe cache loifque Diane paroît.
Agitée tour à tou par fon amour , fa jalou
fie & la fierté , elle ne fait à quoi le réfoudre.
Une marche annonce l'arrivée des Piêtreffes
, qui amènent Ifménie couverte d'un
voile , pour la dévouer au culte de la Decffe.
Diane monte fur fon trône ; on chante'une
hymne en ( on honneur. Un Ballet d'action ,
qui y fuccède , repréfente une Nymphe
qu'un Berger veut feduire , & qui , piête à
céder aux aitraits de l'amour , finit par s'arracher
des bras de fon feducteur , & va fe
refugier au pied de l'autel. La Grande Prêfree
ayant préfenté enfuite finénie à Diane ,
lui dicte le ferment qu'elle doit prononcer:
Autel de l'innocence , afyle du bonheur ,
Témoin facré des veux que ma bouche prononce ,
Je jure de hair l'Amour ... Dieu féducteur ,
A tes coupables feux pour jamais je renonce.
2
DE FRANCE. 133
Ifménic s'efforce de repérer ce ferment
qu'elle ne peut prononcer que d'une voix
fo.ble & tremblante ; & au mot : Je jure ,
elle tombe évanouiefur les ma : ches de l'autel.
Les Nymphes & les Prêtrefies s'empreffent
de la fecourir , elle revient à elle ; mais lor
qu'on la preffe d'achever fon facrifice , elle
demande qu'on lui donne plutôt la mort.
Diane indignée ordonne aux Nymphes de'
venger fon autel profané. Elles font piêtes à
la percer de leurs flèches , lorfque l'Amour
paroît , réclame Iménie , & brave la Deelle ,
qui , après avoir fait fortir les Nymphes , '
reproche à ce Dieu les peines qu'il lui fait
éprouver ; elle perfifte à vouloir le venger
des deux amans qui l'ourragent ; l'Amour
promet de les defendre , & un duo termine'
cet Acte .
5
La decoration du troifième Acte repréfente
une forêt , & fur le devant de la Scène
eft une grotte environnée de joncs & d'abrif
feaux fleuris. Diane y vient de nouveau dé-'
plorer le trouble & I- s peines qu'elle éprou-'
ve: accablée de douleur , elle fe retire dans fa
grotte pour y chercher le repos . Endimion &
Ifménie arrivent dans ce lien , & fans appercevoir
Diane' , fe jurent un amour éternel.
Diane irritée fort de la grotte , & veur percer
Ifménie de fon javelor. Endimion retient fon
bras , & cherche à la fl chir . Des cris perçans.
interrompent leur dialogue ; ce font les
Nymphes , pourfuivies par l'Amour , qui
viennent fe refugier auprès de la Decffe ,
134
MERCURE
elle reproche à l'Amour fon audace ; illa
menace de la pourſuivre fans relâche ti elle
ne fait grâce aux amans qu'il protège. Elie
y confent enfin, elle renonce aux phisirs &
anx peines de l'amour , mit Endimion à
Ifinénie , & fort pour aller chercher lagloire
& de nouveaux exploits .
L'Amour couronne les deux amans , & les
transporte dans les jardins de fon palais de
Cythère. Un grand choeur célèbre leur bonheur
, après quoi l'on exécute un grand Ballet
d'action , dont le fujet eft le triomphe de
l'Amour. I eft compolé de quatre entrées
principales. La première reprefente Vénus
au milieu des Jeux , des Ris & des Grâces
qui attend le retour de Mars. Ce Dieu arrive,
& le bonheur de cette réunion eft figuré pag
un pas de deux. Un Danfeur , qui relfemble
plus à un Ciclope qu'à un demi Dieu, exécute
enfuite un autre pas de deux avec une Danfeufe
; & cela figure , nous dit - on , Hercule
& Omphale. Voici ce qu'on lit dans le Pro
gramme du Ballet , à la fin de l'Opéra : Hem
cule paroit pourfuivant Omphale ; cette Reine
fi belle lui préfente la fatale quenouille , & ne
veut céder qu'à ce prix. Le Compoſiteur a
fans doute jugé à propos de fupprimer
fatale quenouille , & nous croyons qu'il a
bien fait , mais nous croyons qu'il auroir
mieux fait encore de fupprimer cotre entrée ,
ainfi que celle de Pigmalion , qui fuit , &
dont l'exécution meſquine n'eſt ſuſceptible
d'aucun effet, Celle d'Orphée étant plus déDE
FRANCE" . -138
veloppée, pourroit produire plus d'effet ; mais
on ne conçoit pas comment l'on aimaginé de
reproduire fur le Théâtre Lyrique une action
pantomime , qui , étant abſolument etrangère
au fujet de cet Opéra , ne peut offrir
qu'une efquille très imparfaite d'un grand.
tableau qui , réuniffant l'intérêt de la Scène
au charme de la mufique , eft confacré fur
ce Théâtre par un fuccès conftant & immortel.
Nous ne reprocherons pas à l'Auteur
d'avoir altéré dans fon plan la tradition de
la Fable ; c'est une liberté bien permite aux
Poëtes ; mais c'est à condition qu'ils rempla
ceront par des beautés nouvelles l'avantage
qui résulte d'une action connue . Nous ne
releverons pas non plus les rapports trop
frappaus qui fe trouvent entre le fujer du
nouvel Opéra & celui d'Atys ; tout le
monde les a remarqués. Mais nous croyons
que l'Auteur pouvoit tirer un parti plus
avantageux de la manière dont il a conçu fon
fujer. L'expofition manque de clarté : on ne
fait pas fi Endimion a répondu aux voeux de
Diane; ce qu'on pourroit croire d'après ce
vers qu'elle dir dans la Scène quatrième du
premier Acte : Cruel Amour ! de l'ingrat que
jaimois tu caufes l'inconftance. Comme la
jaloufie de Diane eſt le mobile de toute l'ac
tion , il falloit , pour rendre certe jalouſie
iméreffante , commencer par montrer toute
Ja paffion de Diane pour Endimion ; & le
136 MERCURE
principal interêt portant für ks fentimens
de ce Beiger , il falloit le mettre plus fou
vent én Scène. Il n'a pas une feule Scène avec
Diane , & il ne paroît pas au fecond Acte.
L'intervention de l'Amour dans le temple de
Diane , an fecond Acte , eft un moyen trop
gratuit , trop facile , & qui n'eft pas même
dans l'efprit de la Mythologie , car le temple
d'une Divinire étoit facré pour les autres . Si
l'Amour a affez de puiffance pour en arracher
Ifménie malgre Diane , on fent qu'il n'y
a plus rien à craindre pour les deux amans."
D'ailleurs Diane , au troifième Acte , ne pré- ;
fente plus que les mêmes fentimens vagues
d'amour & de jaloufic , fans annoncer aucun
moyen déterminé de vengeance ; & le
denouement , quoique bien conçu pour l'ef
fet mufical , ne peut être d'un grand intérêt ,
parce qu'il n'eft produit que par cette même
intervention de l'Amour qui a dénoué le fe
cond Acte.
Cet Ouvrage métite cependant des éloges
à plufieurs égards : il eft en général coupé
d'une manière officieufe pour la mufique ,"
& préfente au Compofiteur des motifs d'airs
& de morceaux d'enfemble variés & contraftés.
Il a trouvé l'art d'introduire dans le
fajet même , du frectacle & des tableaux
agreables ; la Scène du dévonement d'Ifménie
au fecond Acte , pouvoit être du plus grand!
intérêt , fi routes les parties de l'act on euffent
répondu à l'idée du Poere.
Nous ne jugerons pas du fuccès de cer
DE FRANCE. 137
Opéra par l'effet des deux premières repréſentations
, qui n'a pas été aulli favorable qu'on
avoit droit de l'efpérer ; & nous attendrons
que la inufi que ait été exécutée avec la pré--
cifion qu'elle exige , & entendue avec l'attention
que mérite la réputation de fon Auteur
, pour en rendre compte , ainfi que des
différentes parties de l'exécution.
ANNONCES ET NOTICES.
THEATRE
HEATRE Anglois , ou Treduction des meilleures
Pièces Angloifes , Tragédies , Comédies , Opéras-
Lyriques & Comiques , Divertiffemens , &c. &c. &c.
depuis l'origine des Spectacles jufqu'à nos jours :
evec un Effai fur l'Art Dramatique , far l'établiffement
de la Scène Angloife , une notice de la Vie
des Auteurs , & leurs Portraits gravis par M. Viel;
Ouvrage entrepris par une Société de Gens de Lettres
, propofé par Soufcription , compo é de doaze
volumes par an , chaque volume contenant deux
grandes Pièces ou l'équivalent , format in - 8°. , beau
papier & beau caractère.
Il paroîtra tous les ois mois , trois volumes ,
dont le premier contiendra des Pièces de l'ancien
Théâtra ; le fecond , des Pièces de la feconde époque"
fixée vers le milieu de ce fiècle , & le troifième , des
Pièces de l'époque actuelle : par ce moyen - là , on
pourra juger des révolutions qu'a fubies le Théâtre
Anglois. On donnera à la fin de chaque Opéra la
mulique des plus jolies Ariettes ; & comme elle 'ne"
pourroit être adaptée aux paroles Françoifes , on la
donnera avec le texte Anglois , dont la Traduction .
fera à côté. Les Soufcripteurs recevrontvgratis , à la
1.1
138 MERCURE
fin de chaque année , un Recueil des plus jolies Poé
fies traduites de l'Anglois , & connues fous le nom
de la Mufe Britannique.
Le prix de la Soufcription eft de 36 livres par an
pour Paris , & de 42, liv. pour la Province & les Pays
Étrangers , franc de port. On fera libre de donner la
totalité de la fomme au moment de la Soufcription ,
ou de donner 6 liv. en foufcrivant , 6 liv. à la pre
mière Livraiſon , fixée au premier Septeinbre de
cette année , 9 liv . à la feconde , au premier Décembre
, 9 liv, à la troiſième , au premier Mars de l'année
1785 , & 6 liv. à la quatrième , au premier
Jain. L'Ouvrage , pour ceux qui n'auront pas foufcrit
, fe vendra à raifon de 4 liv. le volume. On
fouferira à Paris , chez la Veuve Ballard & fils , Inprimeurs
du Roi , rue des Mathurins ; Mérigot l'aîné,
Libraire , au Boulevard de la Porte S. Martin , &
fous le vestibule de l'Opéra ; Mérigot le jeune , Li-.
braire , Quai des Auguftins ; Belin , Libraire , tue.
S. Jacques ; Renaut , Libraire , rue S. Jacques , & au
Bureau du Théâtre Anglois , N. 6 , rue Saint- Appoline
, porte S. Martin.
Cet Ouvrage manquoit à notre Littérature , &
doit , s'il eft bien exécuté , intéreffer tous les Amna→
teurs de l'Art Dramatique. Il vient d'en paroître trois
Volumes , qui le diftribuent aux Adreffes ci deffus.
NOUVEAUX Elémens de matière Médicinale ,
extraits des Leçons publiques de M. de Lamare ,
Doyen des Profeffears Royaux au Lulovicée de
Médecine de Montpellier . Édition revue & corrigée ,
ia 4°. Prix , 8 liv . A Amfterdam , & le trouve
Montpellier chez François Tourrel , Libraire , ruč
de l'Aiguillerie , & à Paris , chez Méquignon l'aîné ,
rue des Cordeliers.
Ces Élémens font un extrait des Leçons que M de
Lamare a données pendant plufieurs années dans
DE FRANCE. 139
l'Univerfité de Montpellier , avec le plus brillant
fuccès ; & c'eft un préjugé en faveur de cet Ouvrage.
MANUEL de Jurifprudence Naturelle , ou Expofition
des Loix Naturelies qui ftatuent fur les engagemens
civils , de particulier à particulier, dans toute
Société. Prix , 3 liv . relié . A Paris , chez Durand
neveu , Libraire , rue Galande.
C'est une forte de compilation faite d'une manière
très - précife , & qui peut être très - utile à ceux
qui fe confacrent à l'étude des Loix .
DISCOURS fur la Profeffion du Procureur , Ouvrage
deftiné pour l'ouverture d'une Conférence fur
l'Ordonnance faite à Bordeaux en 1782 80 1783
par M. Davigneau , Avocat & Procureur au Paricment
de Bordeaux . in- 8 ° . A Genève , & fe trouve
à Bordeaux , chez Bergeret , Libraire , & Paris , chez
Delalain le jeune , Libraire , rue Saint Jacques .
Cet Ouvrage traite de la Profellion de Procureur
en général , & de celle de Procureur au Parlement.
en particulier , de l'origine & des fonctions des Procureurs
chez les Romains , de l'origine des Procu
reurs en France , de leurs fonctions , de leurs préro.,
gatives , de lexiftence morale dont ils jouiffent dans
la fociété , &c.
SECONDE A née de la Bibliothèque Phyfica-
Economique, inftructive & amusante , recueillie en
1783 , contenant des Mémoires & obfervations fur
Economie Ruftique , fur les nouvelles découvertes.
intéreJantes pour les Arts utiles & d'agrément ; avec.
des remèdes & procédés découverts en 1783, fur les
maladies des hommes & des animaux , & fur tous les,
objets d'agrément & a'utilité dans la vie. Nouvelle
Edition. 1 vol . in - 12 de 440 pages , avec des planshes
en taille- douce. Prix , a liv. 12 fols broché,
·140 MERCURE
franc de port par la pofte. On s'adreffe à Paris , chez
M. Buiffon , rue & hôtel Serpente ; on affranchit
l'argent & la lettre .
Ce Recucil in éreffant fe continue avec beaucoup
de fuccès ; le Public l'a accueilli avec d'autant plus
d'empreffement , qu'il y trouve tout ce qu'on invente
pour fon utilité , fon agrément , fa fanté , &c . Nous
en avons déjà fait connoître le mérite. On trouve à
la même Adreſſe l'année 1782 de cet Ouvrage , aux
mêmes conditions que ci - deffus . L'année 1784 pa
roîtra au commencement de Décembre prochain.
EUVRES choifies de l'Abbé Prévost , avecfigures ,
feptième Livraifon , contenant les deux derniers
Volumes de Clariffe & les deux premiers de Grandiffon
On foufcrit pour lefdites uvres , conjoin-.
tement avec celles de la Sage , à Paris , chez Cuchet ,
rue &t hôtel Serpente , & chez les principaux Libraire
de l'Europe .
La Collection des deux Auteurs formera 53 vol.
in- 8 ° . ornés de figures , faites fous la direction de
MM. Delaunay & Marillier ; favoir , 38 vol. des
OEuvres
vres de l'Abbé Prévost , dont il ne iefte que trois
Livraitons à faire , & is vol . des OEuvres de le Sage ,
qui font actuellement finies.
Le prix de la Soufcription eft de 3 liv . 12 fols le
vol. broché. On a tiré 24 exemplaires fur papier de
Hollande , à 12 liv. le volume broché.
LES Plaifirs de l'Amour ; deux Parties in - 12.
Prix , 2 liv . A Londres , & fe trouve à Paris , chez
J.G Mér ggoottllee jeune ,
On a réuni fous cetitrere , quai des Auguftins.. ,
deux Ouvrages : un perit
Roman , dont Paleno , fils d'an Sylphe & d'une
mortelle, & Thominle fille d'un incrtel & d'une
Sylphide, font les honneurs.Les incidens qu'il contient ,
font affez ordinaires ; il paroît méme que l'Auteur a
DE FRANCE. 141
changé le fyfteme reçu pour les qualités & les fentimens
qu'il doane aux Sylphes. Le fecond Ouvrage
eft intitulé les Groënlandais ; | Auteur ne nous a pas
paru plus heureux fur le choix des événemers qui le
compofent ; il a cru rendre fon Ouvrage plus précienx
en fe fervant des mots de la langue Groenlan
daife , & en confervant à fes perfonnages des noms
Groenlandais , ce qui en rend la lecture difficile .
CATECHISME Social , on Inftrustions élémentaires
fur la Morale fociale , à l'afage de la Jeuneffe , dédié
a S. A. S. Mgr. le Dac de Valois , par M. Ifnard. A
Paris , chez Guillot , Libraire de Monfieur , rue Saint
Jacques , vis - à - vis celle des Maihurins , in- 8 ° .
La Morale fociale eft la connoiffance des principes
d'après lefquels l'homme placé en fociété doit fe
conduire pour parvenir au bonheur focial. Voilà la
définition de l'Auteur ; il confidère enfuite les loix
naturelles pour l'homme ifolé & pour l'homme en
fociété. La morale fociale peut même varier , ajoutet'il
, fuivant les fuppofitions que l'on peut faire des
conftitutions fociales ; mais quelles que foient ces
fuppofitions , il y a néceffairement une conftitution
fociale la plus avantageule ; & c'eft relativement à
celle- là qu'on a traité de la morale dans l'Ouvrage
que nous annonçons.
L'Auteur convient que le fujet qu'il traite n'eft pas
neuf ; il ne réclame fur les Auteurs Modernes que
l'ordre , la brièveté , la fimplification .
Avis concernant les Livres dépareillés . Il n'y a
perfonne qui n'éprouve tous les jours le défagrément
d'avoir des Livres dépareillés ; & prefque tous ceux
qui ont des Bibliothèques ou de fimples Cabinets de
Livres, font journellement embarra ffés pour complet
ter des Ouvrages dont ils ont égaré certains Volu
142 MERCURE
mes ; un dépôt où l'on peut s'adreffer Four avoir des
Livres dépareillés eft donc d'une grande utilité à
Paris Féril , Libraire , rue S. André- des -Arcs , en
offre un au Public.
:
Il faut feulement avoir l'attention d'envoyer ,
avec la plus grande exactitude , les titres , l'année de
Pédition & le format , en défignant plus particulièrement
pour les in - 12. s'ils font grands ou petits , &
combien il y a de volumes à l'édition qu'on veut
completter. Les titres font portés fur un regiſtre tenu
à cet effet ; & quand le nombre des demandes eft
*fuffifant pour fournir à l'impreffion d'une feuille de
quatre pages in - 8 °. , le Libraire fait imprimer cette
feuille , & la fait circuler chez tous ceux qui font le
commerce de la Librairie , dans les grandes Bibliothèques
, Cafés , environs de Paris & autres ; lorfqu'il
a trouvé les volumes demandés , il en donde
avis par Japetite Pofteà celui qui en a fait la deamande.
Les frais d'impreffion & de port pour la
diftribution des feuilles de demandes étant plus confidérables
qu'il ne l'avoit imaginé d'abord , l'obligent
à exiger cinq fols pour l'enregistrement de chaque
article , & l'on pourra en tout temps faire répéter
une feconde fois fans frais les articles non trouvés ;
on obfervera à ce fujer que , malgré les foins &
toutes les recherches poſſibles , il eſt des Livres qu'on
ne peut trouver qu'après le déplacement & la vente
de certaines Bibliothèques, & enfin après avoir perfifté
long -temps dans la recherche de ces mêmes
Volunies,
Les perfonnes de Province doivent charger quelqu'un
à Paris de paver le droit d'enregistrement & de
recevoir les Volumes à mefare qu'ils feront trouvés.
On obfervera auffi qu'il ne ſe charge que de la recherche
des Volumes & non de la condition des reliûres.
On aura foin d'affranchir les lettres.
DE FRANCE. 143
VINGT- QUATRE petits Airs connus , Avec va
riations , & autres Airs pour deux Cors , par M.
Punto. Prix , 3 liv. A Lyon , chez Caftaud , Marchand
de Mufique , place de la Comédie , & à Paris ,
chez Cornouaille , rue S. Julien - le- Pauvre , Nº . 3 .
On fait que les compofitions de M. Punto n'ont
pas moins de charmes que fon exécution. On fera
surement empreffé de fe procurer tout ce qui fort de
fa plume.
}
L'INCONNUE Perfécutée , Comédie - Opéra en
trois Actes , repréfentée pour la première fois , par
l'Académie Royale de Mufique , le 21 Septembre
1781 , remiſe le 12 Mai 1782 , & le 14 Décembre
1783 , mufique del Signor Anfoffi. Prix , 24 liv. A
Paris , chez le Portier du No. 86 , rue de Cléry , près
la rue Montmartre ; de Roullède , Marchand de
Mufique , rue S. Honoré , près l'Oratoire ; Lawallel'Écuyer
, Cour du Commerce , F. S. Germain , &
Houbaut , place du Théâtre Italien .
On a tenté plufieurs fois de faire réaffir cet Opéra ;
chaque fois la mufique en a fait grand plaifir , &
cependant on ne peut pas dire qu'il ait véritablement
réuli au Théâtre. Ce n'eft pas néanmoins la muſique
qu'il en faut accufer. L'effet prodigieux qu'elle a fait
à Rome , où elle a , pour airfi dire , établi la gloire
& la réputation de fon Auteur , ne permet pas de
douter de fon excellence. Il ne faut pas s'en prendré
non plus à la manière dont les paroles Françoifes y
font adaptées. L'Auteur a fait à peu près tout ce que
lui permettoient le genre & le théâtre auxquels cet
Ouvrage étoit deftiné; mais cet exemple a dû convaincre
plus que jamais que ce genre & ce théâtre
étoient abfolument incompatibles . La Scène de
l'Opéra peut comporter la gaîté villageoife , un comique
fin , élégant fi l'on ofe le dire, que la rouche
144 - MERCURE
fpirituelle de M. Gréty fait nous rendre agréable ;
mais le comique burlefque des Italiens eſt toute autre
chofe , & contraſtera toujours avec une certaine
nobleffe que notre grand Théâtre Lyrique ne fauroit,
abandonner. Au furplus , cette obfervation ne porte
que fur le choix du local . Cet Ouvrage, exécuté partout
ailleurs , n'auroit plus les mêmes défauts ; en
Concert fur- tout , il y a une foule de morceaux qui
doivent faire le plus grand plaifir , & c'eft particu
lièrement à cet objet que les Partitions font deſtinées.
Nous fommes perfuadés qu'à la lecture , & dans des
exécutions particulières , cet Ouvrage obtiendra enfin
le fuccès qu'il mérite ; nous confeillerions même aux Au
teurs de lui donner entièrement la forme d'un Opéra-
Comique , il deviendroit alors d'une très - facile exécution.
Pour les Annonces des Titres de la Gravure ,
de la Mufique & des Livres nouveaux , voyez les
Couvertures.
TABLE.
3
VERS à M. le Com'e d'Oels , Télèphe en XII Livres , 103
97
98
Méthode facile de conferver
les Grains & les Farnes ,
99 Nécrologie ,
118
122
Le Jardinier, les Chenilles &
le Papillon ,
A Mime la Comtefe de Beau- Catéchisme de Morale , 120
harnois ,
A M. le Duc de N........ , ib. Concert Spirituel ,
Charade , Enigme & Logogry- Aca émie Roy. de Muſiq. 130
phe , 101 Annonces & Notices ,
AP PROBATION.
}
127
137
J'ai lu , par ordre de Mgr le Garde des Sceaux , le
Mercure de France , pour le Samed 18 Septem. Je n'y ai
rien trouvé e li puiffe en empêcher l'impreffion . A Paris ,
le 17 Septembre (984. GUIDL
1
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 25 SEPTEMBRE 1784.
PIÈCES FUGITIVES.
EN VERS ET EN PROSE.
VERS
Sur le plaifir que l'on a de voir enfemble
M. le Comte D'OELS & M. le Maréchal
DE BIRON.
LA reffem Areffemblance émeut, fon charme excite, entraîne.
Si l'Olympe en nos murs fe tronvoit réuni ,
Les Mufes fêteroient & B ** & Parny;
Des Grâces le, tribut s'offriroit à la Reine.
Saturne , à qui la terre a dû les fiècles d'or,
Vers Louis hâteroit fes pas que l'âge énerve.
Vergennes , dont le coeur nous retrace Mentor ,
Auroit à fes côtés la Vérité , Minerve ;
Et des mains de la Paix recevroit l'olivier.
Cérès ,,
que de fes fruits l'abondance couronne ,
Qui s'occupa du foin de les multiplier ,
No. 39 , 25 Septembre 1784 .
G
# brødenadyan at an emotio a pak 43 L
146 MERCURE
Courroit en arrivant s'établir chez Calonne.
Le Dieu de l'Eloquence embrafferoit Séguier.
Ainsi , lorfque chacun s'attache à ſon ſemblable ,
Paris n'eft point furpris que d'un preux Chevalier ,
Que du brave Biron Mars foit inféparable.
Par M. le Marquis de Fulvy. )
ÉPITRE à M. l'Abbé DE LILLE.
VAINEMENT les jardins par ta Mufe embellis ,
Serent un jour l'honneur de l'empire des lys ;
Vainement des beaux vers la jeune protectrice ,
Sûre de t'infpirer , daigna t'ouvrir la lice :
Tu l'avois bien prévu. Tes rivaux furpaffés
Brûlent Je te punir de tes fuccès paffés.
L'un , donnant de l'efprit.
Pour chercher un bon-mot fe met à la torture ;
L'autre , annonçant d'abord un naturel plus doux ,
N'a point de fel attique affaifonné les choux :
Le Parnaſſe , en nos jours , n'a plus de privilége ;
Et l'Écolier te juge en fortant du Collége.
Eft-il donc quelque ruche à l'abri des frêlons ?
Voltaire foixante ans fentit leurs aiguillons.
Son miel en fut plus pur. Sa Mufe octogénaire ,
En louant tes effais , t'enſeignoit à mieux faire .
Tu n'as point démenti ſon eſtime & ſes voeux .
Tes leçons & fes vers inftruiront nos neveux.
Beaux Arts ! Aeurs de l'eſprit | volupté douce & pure!
*
DE FRANCE. 147
Vous êtes le bonheur que cherchoit Épicure.
Votre ineffable attrait ne peut ſe définir .
Le travail vous fit naître & fait vous rajeunir.
L'effort le plus pénible eft d'en cacher les traces.
Il faut un air aifé pour attirer les Grâces.
C'est ainsi que tu plais . Sous la main des Lecteurs
Le fol le plus ingrat préfente encor des fleurs .
La langue eft plus hardie , & l'orgueil de la ville
Dédaigne moins les champs qu'a défrichés ton ftyle.
Sous tes crayons de feu que Marly paroît beau !
Tu verfes le nectar dont s'abreuva Boileau.
Tel , jadis Théocrite élevé dans la Grèce ,
Du fon de fes pipeaux adoucit la rudeffe.
Qui ne fe fent ému par tes accords divins ?
Qui ne te fuit déjà dans les Monts - Apennins ,
Lorſqu'égalant le vol des Mufes de Sicile ,
Tu mêles tes lauriers aux lauriers de Virgile ?
C'estpar des fictions que l'homme eft confolé.
Eh ! quel pampre mûri dans les champs d'Auvilé ,
Peut valoir ces raifins célébrés d'âge en âge
Que becquetoit l'oifeau trompé par leur image ?
Le triomphe des Arts eft de tout imiter.
L'Envie , en frémiffant , fert à les exciter.
Eh ! quel autre à les yeux doit fembler plus coupable?
Ajoute à les fureurs . Souviens-toi d'une Fable
Que l'Auteur de Zadig * embellit avant moi.
* On peut lire les deux fiècles au Tome ſecond du Mẻ-
lange des Poéfies de M. de Voltaire , page 239.
Gij
148 MERCURE
Puiffent les envieux la lire avec effroi !
Laffé de tout , heureux pourtant à fa manière ,
Un vieux Seigneur avoit une riche volière ;
Mille oifeaux récréoient fes yeux
Par la beauté de leur plumage
Ou par des fons mélodieux ,
Lui peignoient, en chantant leurs feux ,
Tous les plaifirs de fon jeune âge.
Sa main les nourriffoit. Il affembloit pour eux ,
Pour les petits de fa troupe choisie ,
Le millet le plus précieux .
Il les çût nourris d'ambroisie ,
Si l'ambroisie étoit ailleurs que dans les cieux ,
Ou dans les vers des favoris des Dieux.
Les corbeaux de fon voifinage ,
Auffi jaloux de leur ramage
Que follicités par la faim ,
Saifrent l'inftant favorable
De chaffer cette race aimable ,
Et ne trouvèrent que du grain,
Leur espoir fut trompé, Le maître inconfolable ,
Averti par les fons aigus
De cette engeance carnaffière ,
Les fit rôtir dans fa volière.
Mais fes pifcaux chéris.... il ne les revit plus.
( Par M. le Marquis de Ximenes. )
DE FRANCE. 149
Explication de la Charade , de l'Enigme &
du Logogryphe du Mercure précédent.
LE mot de la Charade eft Univers ; celui
de l'Enigme eft Sage ; celui du Logogryphe
eft Déclaration , où l'on trouve Loi , Claire ,
rat, lard, ration , rien , Roi.
EGLE
CHARA D E.
GLE m'adreffe ma feconde ,
Sur laquelle elle peint fon coeur.
Je la reçois , la lis avec ardeur ;
Puis mon tout la dérobe aux yeux de tout le monde.
Elle m'apprend l'inftant de mon bonheur.
J'y vole ; & mon premier , à mes deffeins propice ,
Dans le boudoir d'Églé perinet que je me gliffe ,
Et refte clos
Pour mes rivaux.
(Par M. de V...... )
ÉNIGM E.
LORSQU'EN
ORSQU'EN un jour de fête on tire le gâteau ,
Au Prince des Démons on réſerve un niorceau ;
De même en détaillant les talens d'un grand Homme,
On lui trouve un défaut : c'eſt ma part qu'on le nomme
Je détourne fouvent loin du célèbre Auteur ,
Le tribut de l'éloge , & fon parfum flatteur.
Giij
150 MERCURE
Comme un corps produit l'ombre , ainfi je fuis produite
,
Par les talens , les arts , & fur- tout le mérite ,
Et cependant je hais le favant & l'heureux ,
Puifque pour l'ignorant je prends parti contre-eux !
Enfin j'ai déchiré les Rouffeau , les Voltaire .
Juge donc , ô Lecteur ! du mal que je fais faire.
( Par M. C*** , de Rouen. )
LOGOGRYPHE.-
J'OFFRE ave ' OFFRE avec onze pieds , fous une horrible forme ,
Ce que les Villageois placent dans leurs jardins.
Ote-moi , cher Lecteur , un infecte difforme ,
Jefuis un meuble frais , corrigeant les badins .
ན་
( Par M. le Marquis de Fulvy, Y
RÉPONSES A LA QUESTION :
Lequel de ces deux malheurs éft le plus
» cruel pour un Amant, la mort ou l'infidélité
» de ce qu'il aime ? »
I.
LA mort de mon Amante eft moins à redouter
Que la douleur de la voir infidelle ;
J'aurois du moins , dans ma perte cruelle ,
La douceur de la regretter.
(Par M. de Hauffy de Robecourt , Avocat
du Roi au Bailliage de Péronne. )
DE FRANCE.
15.1
I I.
Le malheur d'un Amant trompé dans fa tendreffe ,
Ne peut jamais fe réparer.
A l'Amant que la mort prive de fa Maîtreffe ,
Il refte au moins la douceur de pleurer. *
(Par M. Roettiers , Gentilhomme Ordinaire du Roi.)
III.
De la mort d'une Amante un Amant fe déſole ;
Mais de fon inconftance il eft plus affligé.
L'amour- propre en eſt outragé ;
Et cet amour jamais ne ſe conſole.
(Par une Abonnée au Mercure. )
I V.
La mort de ce qu'on aime eſt un tourment affreux ;
Mais l'infidélité nous rend plus malheureux.
L'amour propre eftcent fois plus fort que fa tendreffe:
L'on hait plus fon Rival qu'on n'aime. fa Maîtreffe .
( Par M. le Chevalier de Meude-Monpas. )
V.
Aux Belles mon aveu ne fera point ma cour ;
Mais de franchiſe au moins je vais être un modèle.
Tous les matins au Dieu d'Amour
Je fais trois Oraiſons , & les fais avec zèle :
Une, pour qu'à Lifon il conferve le jour ,
Et deux , pour qu'elle foit fidelle.
>
* On trouvera beaucoup de reffemblance entre ces deux
Réponſes ; mais c'eft le hafard feul qui l'a produite.
Giv
152
MERCURE
V I.
LE GASCON ET UN INTERLOCUTEUR,
Dialogue.
LE GAS CON.
Qu'AGLAÉ mé trahiffe , ou paffé,l'ondé noire :
· Sandis , un pareil choix né fé propofé pas.
L'INTERLOCUTEUR.
Soit : mais il faut opter.
LE GAS CON.
Qu'ellé meure : en cé cas ;
Il n'eft qué dé fauver la gloire.
NOUVELLE QUESTION A RÉSOUDRE
"
Lequel eft le plus offenfant en amour :
trop defécurité ou trop dejaloufie.
"
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
RUTH , Églogue Sainte , qui a remporté
le Frix de Poéfie de l'Académie Françoife
en 1784 , par M. de Florian , Capitaine
de Dragons , & Gentilhomme de S. A. S.
Mgr. le Duc de Penthièvre. A Paris , chez
Demonville , Imprimeur Libraire de
l'Académie Françoife , rue Chriftine .
C'EST pour la deuxième fois que M. le
Chevalier de Florian eft couronné comme
DE FRANCE. 153
fe
Poëte. Les palines Académiques donnent une
forte d'illuftration littéraire ; mais , compétent
ou non , le Public appelle toujours à
fon tribunal les Auteurs que l'Académie a
jugés ; & ce fecond arrêt retranche un peu
à leur gloire , on y mer le dernier fceau.
Quelquefois l'Académie , ayant voulu prononcer
dans un concours peu heureux , s'eft
vue prefque forcée d'être indulgente , n'ayant
point affez à choisir pour montrer difficile
; & la malignité du Public eft toujours
affez difpofée à infirmer les jugemens qu'il
n'a point prononcés . Mais toutes les circonftances
le font réunies en faveur de l'intéreffant
Ouvrage de M. de Florian : la confcience
de fes Juges eft en repos ; la malignité
a gardé le filence ; ou plutôt , l'équité du Public
a jugé comme l'Académie. La lecture
qu'il en fit lui même le jour de la Séance ,
avoit beaucoup intéreffe ; & l'impreffion n'a
fait qu'ajouter à l'estime qu'on en avoit conçue.
De la délicateffe dans les fentimens ,
une noble fimplicité , une naïveté ingénieufe
& touchante , prêtent à fon Églogue un
charme que tous les coeurs doivent fentir ,
& que peu de talens peuvent infpirer.
M. de Florian en a puifé le fujer dans
l'Écriture- Samte. Cette fource , trop pew
connue des jeunes gens , a fourni de fublimes
beautés aux plus grands Poëtes de la Nation
Juftifions nos éloges par des citations ,
non pour faire connoître tout ce qui mérite
d'être lu ; ( il faudroit tranfcrire l'Ouvrage
Gy
154 MERCURE
>
entier ) mais pour expofer la marche de l'Au
reur. Après quelques vers intéreffans fur
l'amour filial , le Poëte raconte que Noëmi ,
fon époux & leurs deux fils , chaffés de
Bethleem par la famine , étoient venus fe
fixer dans les champs de Moab. Les fils de
Noëmi ayant perdu leur père , épouſent
chacun une Moabite ; mais leur mort fuit
de près leur hyménée. La trifte Noëmi ditadieu
aux deux veuves de fes fils , & fe difpofe
à retourner dans fa patrie. Ces détails
font racontés rapidement , parce qu'ils ne
forment qu'une efpèce d'avant fcène , &
que le goût indique toujours à M. de Florian
ce qui exige de la précifion , & ce qui doit
être développé.
·
Ruth , l'une des deux veuves , ne veut.
point quitter Noëmi . Ah ! laiffez - moi vous
fuivre , lui dit- elle :
Par- tout où vous vivrez , Ruth près de vous doit vivre.
N'êtes- vous pas ma mère en tout tems , en tout lieu ?
Votre peuple eft mon peuple , & votre Dieu mon Dieu
La terre où vous mourrez verra finir ma vie ;
Ruth dans votre tombeau veut être enfevelie.
Jufques- là , vous fervir fera mes plus doux foins ;
Nous fouffrirons enfemble ; & nous fouffrirons moins..
Elle dit. C'eft en vain que Noëmi la preffe
De ne point fe charger de fa trifte vieilleffe ;
Ruth , toujours fi docile à fon moindre defir ,
Pour la première fois refufe d'obéir.
DE FRANCE. 155
Tel eft le ton de l'Églogue ; telle eft la
fimplicité qui convient à ce genre. Mais ce
n'eft pas cette fimplicité nue & pauvre , qui
attefte plutôt l'impuiffance que le talent de
l'Auteur . Un Écolier qui fait des vers , même
avant d'avoir quitté fon collége , eft prefque
toujours naturel dans fon ftyle ; mais c'eft
un naturel qui tient à la foibleffe. Être fimple
avec élégance ; être naïf & piquant tout
à- la -fois , voilà le talent , voilà le fecret de
l'art.
En arrivant à Bethleem , Noemi voit les
plaines couvertes de moiffons , & fon coeur
s'ouvre à la joie :
Bientôt de leur retour la nouvelle eft femée.
A peine de ce bruit la ville eft informée ,
Que tous vers Noëmi précipitent leurs pas.
Plus d'un vieillard furpris ne la reconnoît pas.
Quoi ! c'eft- là Noëmi ? Non , leur répondit- elle ,
Ce n'eft plus Noëmi : ce nom veut dire Belle.
J'ai perdu la beauté , mes fils & mon ami ;
Nommez moi malheureuſe , & non pas Noëini
C'étoit le temps de la moiffon. Ruth de
mande à aller glaner :
Le jour à peine luit ,
Qu'aux champs du vieux Boos le hafard la conduir
De Boos dont Juda refpecte la fageffe ,
Vertueux fans orgueil , indulgent fans foibleffe,
Gvj
156
MERCURE
(
Et qui , des malheureux l'amour & le ſoutier ,
Depuis quatre-vingt ans fait tous les jouts du bien
il
Qu'on nous permette de nous arrêter
fur ce dernier vers , fi fimple & fi intéreſſant
à la fois. Si l'Auteur avoit dit feulement :
Qui fait du bien depuis quatre- vingt ans ,
auroit dir beaucoup ; mais l'expreflion de
tous les jours ajoute tout- à la fois au fentiment
, & donne au vers plus d'élégance . Ce
font de ces nuances qui n'échappent point
aux connoiffeurs , mais qu'on ne peut pas
même faire comprendre à ceux qui ne font
pas faits pour les fentir.
Ruth n'ofe marcher qu'après la dernière
des Glaneufes. Mais Boos , qui l'apperçoit ,
l'invite à venir partager le repas des Moilfonneurs
, qui l'accueillent avec joie . En recevant
leurs préfens , Ruth , qui fonge à la
pauvre Noëmi ,
Pleure & garde fon pain pour en nourrir fa mère.
Bientôt elle fe lève , & retourne aux fillons.
Boos parle à celui qui veilloit aux moiffons :
Fais tomber , lui dit- il , les épis autour d'elle ,
Et prends garde fur-tout que rien ne te décèle
Il faut que , fans te voir , elle penfe glaner ,
Tandis que par nos foins elle va moiſſonner.
Épargne à la pudeur trop de reconnoiffance ,
Et gardons le fecret de notre bienfaisance.
Ruth retourne vers Noëmi , & partage
DE FRANCE. 157
avec elle les bienfaits du vertueux Boos . Ma
fille , lui dit Noëmi , c'eſt Dieu même qui a
dirigé vos pas. Ce Boos eft de notre famille ;
retournez vers lui demain , & dites lui que
vous êtes la veuve de mon fils : vous appren
drez alors ce que nos loix ordonneur de
vous. Je ne peux vous en dire davantage ;
mais fongez que votre bonheur dépendra de
votre docilité. Ruth le lendemain fe diſpoſe
à obéir. Quelle fentibilité ! quelle grâce dans
la tirade qu'on va lire !
Le foleil n'avoit pas commencé fa carrière ,
Que Ruth eft dans le champ. Les Moiffonneurs laffés
Dormoient près des épis autour d'eux difperfés :
Le jour commence à naître , aucun ne fe réveille .
Mais aux premiers rayons de l'aurore vermeille ,
Parmi fes ferviteurs , Ruth reconnoît Boos.
D'un tranquille fommeil il goûtoit le repos ;
Des gerbes foutenoient fa tête vénérable.
Ruth s'arrêteô vieillard ! foutien du miférable ,
Que l'Ange du Seigneur garde tes cheveux blancs !
Dieu pour le faire aimer , doit prolonger tes ans ,
Quelle férénité fe peint fur ton vifage !
Comme ton coeur eft pur , ton front eft fans nuage.
Tu dors , & tn parois méditer des bienfaits :
Un fonge t'offre- t'il les heureux que tu fais ?
Ah ! s'il parle de moi , de ma tendreffe extrême ,
Crois- le : ce fonge , hélas ! eſt la vérité même.
Dieu pour fe faire aimer , doit prolonger tes
198 MERCURE
ans , nous paroît outré , moins par l'idée
que par l'expreffion. Il eft bien vrai de dire
qu'un vieillard auffi vertueux que Boos fert
à faire aimer Dieu ; mais il n'eft guères naturel
de dire que Dieu a befoin de lui pour
fe faire aimer ; & c'eft le fens que préfente
la phrafe. Excepté cette expreffion , tous ces
vers là ne laiffent rien à reprendre , & refpirent
la plus douce fenfibilité.
A la voix de Ruth , Boos fe réveille ; elle
ſe fait connoître pour la fille de Noëmi :
O ciel ! répond Boos , ôjour trois fois heureux !
Vous êtes cette Ruth , cette aimable étrangère ,
Qui laiffa fon pays & fon Dieu pour fa mère !
Je ſuis de votre fang ; & , felon notre loi ,
Votre époux doit trouver un fucceffeur en moi.
Mais puis-je réclamer ce noble & faint uſage ?
Je crains que mes vieux ans n'effarouchent votre âge.
Au mien l'on aime encor , près de vous je le fens ;
Mais peut-on jamais plaire avec des cheveux blancs ?
Peut être l'Auteur auroit- il dû en refter- là ,
& ne pas ajouter les trois vers fuivans au
difcours de Boos :
Diffipez la frayeur dont mon âme eft faifie:
Moife ordonne en vain le bonheur de ma vie;
' Si je fuis heureux feul , ce n'eft plus un bonheur. )
Un vieillard qui veut époufer une jeune per .
fonne , peut bien , fans ceffer d'intéreffer .
dire :
DE FRANCE. 159
Je crains que mes vieux ans n'effarouchent votre âge
Mais ajouter :
Si je fuis heureux feul , ce n'eft plus un bonheur.
C'eft aller trop loin ; c'eft exiger de l'amour ,
c'eft - à - dire , prétendre au delà des droits que
la vieilleffe peut réclamer. Il doit le defirer ,
l'espérer peu, & encore moins le demander:
il est une pudeur pour tous les âges. Cette
légère négligence ne fera pas fentie par tous
les Lecteurs ; mais l'Auteur a trop de délicateffe
dans l'efprit pour n'être pas des premiers
à s'en appercevoir.
Ruth accepte fa main ; leur hymen fe cé
lèbre , & le ciel le bénit en donnant à Boos
un fils qui doit être l'aïeul de David.
Noëmi le careffe ;
Elle ne peut quitter ce fils de fa tendreffe ,
Et dit , en le montrant fur fon fein endormi ::
Vous pouvez maintenant m'appeler Noëini .
La Pièce eft terminée par dix vers het
reux , qui fervent de Dédicace , & dont le
dernier fur tout a été vivement & juftement
applaudi
De ma fenfible Ruth , Prince , agréez l'hommage ..
Il a fallu monter juſques au premier âge ,
Pour trouver un mortel qu'on pût vous comparer ::
En honorant Boos , j'ai cru vous honorer.
Vous avez fa vertu , fa douce bienfaiſance ;
Yous moiffonnez auffi pour nourrir l'indigence :
160 MERCURE
Pieux comme Boos , auftère avec douceur ,
Vous aimez les humains , & craignez le Seigneur.
Hélas ! un feul foutien manque à votre famille :
Vous n'époufez pas Ruth , mais vous l'avez pour fille.
Tel eft l'intéreflant Ouvrage que l'Académie
vient de couronner . Il est sûr de figu
rer avantageufement dans la nombreufe collection
des Pièces qui ont obtenu le même
honneur , & dont le plus grand nombre ne
l'avoit pas fi bien mérité . Auffi les connoiffeurs
ne l'y laifferont ils pas erfeveli comme
tant d'autres Ouvrages qui giffent fous leurs
lauriers. On oubliera peut-être un jour qu'il
fut couronné par l'Académie ; mais le talent
dont il eft empreint fera toujours cher à ceux
qui , non contens d'une harmonie vide &
fonore , exigent des images poétiques , & qui
aiment fur tout que les vers ayent le mérite
de renfermer une idée ou d'exprimer un fentiment.
(Cet Article & lefuivantfont de M. Imbert. )
J
LE Patriarche ou le Vieux Laboureur
Eglogue qui a concouru pour le Prix de
Poéfie de l'Académie Françoife en 1784
imprimée au profit des Pauvres, Prix, 1122.f.
A Paris , chez Demonville, Impr.- Libraire
de l'Académie Françoife , rue Chriftine.
EN parlant de la Séance de l'Aca lémie
Françoiſe , nous avons rapporté quelques.
DE FRANCE. 161
vers de cette Églogue , Ouvrage fort extraordinaire
, & qui méritoit bien qu'on en fit
mention , tant par les beautés qu'il renferme
, que par les fautes qu'on y trouve.
L'Auteur ignoroit évidemment les premières
règles de la verfification."
La mort lui enleva ſon épouſe avant l'âge .
Ah! puiffent- ils au moins avoir été utiles !
Pour remplacer l'étoupe , le lin fuffit à peine.
M
Le plus mince Poëte fait que lui enleva , été
utiles , font des hiatus qui rendent les deux
premiers vers inadmiffibles , & que l'e muer
de l'étoupe fe trouvant là fans être élidé , fans
être mangé par une autre voyelle , donne au
dernier une fyllabe de trop. Il faut avouer
qu'on excuferoit prefque des Juges Littéraires
qui , deftinés à prononcer fur un Ouvrage de
Poéfie , en tombant fur de pareils vers , auroient
rejeté celui - ci fans aller plus loin. Ils
auroient pourtant perdu de beaux vers : rémoin
ceux que nous avons cités en parlant
de la Séance publique. Nous allons en rapporter
quelques autres que nous n'avons pas
pu citer , les fragmens que M. Marmontel en
avoit lus n'ayant pas encore été publiés lors
de notre article.
Après une lecture domeftique , on fait
une efpèce de concert chez le Vieillard :
D'innocentes chanfons , ou d'un pieux cantique ,
Le Vieillard à voix bafle accompagnoit leurs chants ;
Son âme étoit ouverte à des plaifirs touchans ;
162 MERCURE

Et, s'il goûtoit des voix la douceur réunie ,
Des coeurs bien mieux encore il aimoit l'harmonie.
Souvent de leurs concerts interrompant le cours
Ses enfans lui difoient : cher Auteur de nos jours ,
Sans doute , en l'étendant , Dieu fema votre vie
De bien des traits divers : contentez notre envie ;
Daignez les raconter : vos peines , vos malheurs ,
Soufferts , hélas ! pour nous , doivent toucher uos
coeurs.
Pourquoi de mes chagrins vous nourrir la mémoire ?
Mes jours font bien plus longs que ne l'eft mon hiftoire
,
Répondoit le Vieillard ; & quels traits curieux
Offriroient de mes ans le cours laborieux ?
Ces vers- là font affez bien , pour qu'on foit
étonné d'y trouver cette mauvaiſe phraſe :
En l'étendant , Dieu fema votre vie de bien
des traits divers. Le ftyle en feroit vicieux
dans tous les genres d'Ouvrages : il l'eft fur
tout ici , parce qu'il manque de naturel ; ce
qui eft très contraire au ton de l'eglogue . Mais
on eft bien plus furpris encore de voir terminer
cette tirade par le vers que nous avons
déjà cité :
Ah ! puiffent-ils du moins avoir été utiles !
En voici d'autres qui ne reffemblent guère
à celui-là , c'eft le Vieillard qui parle de fes
malheurs.
Etre ifolé , j'aurois moins fenti ma misères
DE
163
FRANCE.
Mais co mbien , dans les maux , c'en eft un d'être père
Que l'art du Laboureur eſt un art incertain !
Sa fortune dépend d'un foir & d'un matin :
Il voit au gré des vents errer les espérances.

Que dis- je toutefois ? En ma douleur amère ,
Dieu me gardoit encor pour foutien votre mère ;
Je courois dans fon fein répandre mes foucis ;
Nos pleurs en fe mêlant fe trouvoient adoucis.
Ajoutons encore ces vers charmans adreffés
par le Vieillard à fes filles :
Vous , mes filles , gardez les moeurs de votre mère :
Nul ruban ne chargea fon front enorgueilli ;
Un bouquet l'ornoit mieux quand je l'avois cueilli.
Fuyez une parare aux hameaux étrangère ;
La toifon des brebis convient à la Bergère.
Comment peut on favoir faire de fi bons
vers , ce qui femble demander un long ap
prentiffage , & ignorer les règles de la verlìfication
, qui , comme l'a dit M. Marmontel ,
peuvent s'apprendre dans un quart d'heure ?
L'Auteur de cet Ouvrage avoit deſtiné aux
Pauvres la valeur du Prix , s'il l'eût obtenu ;
c'eft pour remplir , autant qu'il eft poffible ,
fon intention, que M. Demonville a propofé
de l'imprimer au profit des Pauvres , & l'Académie
n'a pu que fouferire & applaudir à
fa propofition .
+
M. l'Abbé Ménard , Principal du Collège
de Châlons-fur- Marne , par une Lettre adref
164 MERCURE
fée à M. Marmontel , vient de faire connoître
l'Auteur Anonyme de cet . Ouvrage :
c'eft Dom Gérard , Religieux de l'Abbaye
de Trois Fontaines , dont il étoit Bibliothé
caire. Sa fanté étoit fi mauvaiſe , qu'il a pallé
prefque fans dormir les vingt dernières années
de fa vie. Son heureux caractère , fes
vertus que relevoit fa modeftie , ont rendu.
fa mémoire refpectable & chère à tous ceux
qui l'ont connu, M. l'Abbé Ménard annonce
qu'il a laiffé manufcrit un Poëme en 7 ou
Chants , fur l'Humilité , rempli , comme
fon Églogue , & de beautés & de défauts.
ASGILL , ou les défordres des Guerres
Civiles , par M. de Mayer.in- 12 de 130 p.
Prix , 1 liv. fols. A Amfterdam , & fe
trouve à Paris , tue & hôtel Serpente.
4
Un événement intéreffant de la dernière
Guerre , a fourni le fujet de ce Roman. Un
parti Anglois ayant emporté un fort du généralwashington,
toute la garnifon fut paffée au
fil de l'épée, à l'exception de trois hommes.
L'un des trois , très brave Capitaine , Huddy,
ayant été relégué pendant trois ſemaines à
bord d'un navire, fut mis à terre fous prétexte
d'un échange ; mais fans aucune forme de pro
cès,fans qu'on lui intentât la moindre accufation,
il futpendu au premier arbre qu'on rencontra.
Le général Washington , indigné de cet
acte de barbarie, écrivit fur le champ au géné
ral Clinton, pour demander qu'on livrât le Ca
DE FRANCE.
165
>
pitaine Lippincott , qui avoit fait pendre
Huddy.Le Général Clinton nomma un Confeil
de guerre pour juger Lippincott, mais ,
ayant été remplacé par Sir Gui - Carleton ,
l'affaire en étoit reftée là . D'après ces retards ,
qui reffembloient à un refus , Washington
ayant fait tirer au fort les Officiers Anglois
qu'il avoit en fon pouvoir , écrivit au fucceffeur
de Clinton que , fi l'on ne lui rendoit
juſtice , il alloit faire périr un de fes
prifonniers , pour venger la mort de Huddy,
& pour effrayer ceux qui feroient tentés
déformais de commettre de pareils attentats.
Afgill fut la victime choifie par le fort :
mais l'interceffion de nos jeunes Souverains
& du Miniftre qui vient de confommer le
bel ouvrage de la Paix , a dérobé au trépas
' ce perfonnage intéreffant , qui depuis eft
venu porter dans notre Cour l'hommage de
fa reconnoiffance.
C'eft fur ce fonds que M. de Mayer a bâti
le Roman que nous annonçons. C'eft en
ufant du droit de Romancier , qu'il a rendu
amoureux , chacun de fon côté , Afgill &
fa jeune foeur. Il n'a rien changé au fonds :
c'est un refpect qui lui étoit infpiré par le
goût & les convenances .
M. de Mayer a donné à fon ouvrage l'intérêt
du Roman ; mais il l'a écrit auffi en
homme accoutumé à manier le pinceau de
l'hiftorien , en homme qui fait juger & faire
connoître les grands événemens des Na- .
tions , & le caractère de ceux qui les gou166
MER, CURE

vernent. Il a femé fon ouvrage , ( avec
la précifion que fon fujet lui prefcrivoit ) de
réflexions utiles fur la guerre que nous venons
de terminer , & fur les guerres civiles
en général.
Mais ce dont on lui faura gré , c'est d'avoir
confervé quelques Lettres originales ,
écrites à l'occafion de cet événement. Telle
eft celle que la mère d'Afgill adreffa en remercîment
au Miniftre généreux qui lui avoit
rendu fon fils . Cette Lettre n'avoit pas été
publiée , & nous croyons qu'on nous faura
gré de la rapporter ici ; on y trouvera, non pas
la recherche du ftyle , mais le ton de la vérité
, l'éloquence du coeur , du coeur d'une
mère : Epuifée par de longues fouffrances ,
fuffoquée par un excès de bonheur inattendu
, retenue dans mon lit par la foi-
» bleffe & par la langueur , anéantie enfin ,
Monfieur, au dernier degré , il n'y a que
» mon extrême fenfibilité qui puiffe me
» donner la force de vous écrire. Daignez
» accepter , Monfieur , ce foible effort de .
ma reconnoiffance : elle a été mise aux
""
93
"
"
pieds du Tout- Puiffant ; & croyez-moi
» elle a été préſentée avec la même fincé-
» rité à vous , Monfieur , & à vos illuftres
» Souverains ; c'eft par leur augufte & falu ·
» taire entremife , ainfi que par la vôtre
» que , moyennant la grace de Dieu , j'ai
» recouvré un fils , à la vie duquel la mienne
étoit attachée. J'ai la douce affurance que
» mes voeux pour mes protecteurs & pour
DE FRANCE. 167
"
"
"
» vous , font entendus du Ciel à qui je les
» offre. Oui , Monfieur , ils produiront leur
effer vis- à- vis du redoutable & dernier
» tribunal , où je me flate que vous & moi
» nous paroîtrons enfemble; vous , pour recevoir
la récompenfe de vos vertus , moi
celle de mes fouffrances. J'éleverai
" ma voix devant ce tribunal imporfant
; je réclamerai ces regiftres faints où
l'on aura tenu note de votre humanité.
» Je demanderai que les bénédictions def-
» cendent fur votre tête , fur celui qui , par
» le plus noble ufage du privilége qu'il at
» reçu de Dieu , ( privilége vraiment célefte )
» a changé la mifère en félicité , a retiré le
glaive de deffus la tête d'un innocent , &
» rendu le plus digne fils à la plus rendre &
à la plus malheureufe des mères.
"
22
"3
» D'aignez agréer , Monfieur , ce juſte
tribut de reconnoiffance que je dois à vos
fentimens vertueux . Confervez- le , ce tribut
, & qu'il paffe jufqu'à vos defcendans,
" comme un témoignage de votre bienfai-
» fance fublime & exemplaire envers un
» étranger dont la Nation étoit en guerre
» avec la vôtre , mais dont la guerre n'avoit
point détruit les tendres affections.
Que ce tribut attefte encore la reconnoiffance
, long- temps après que la main qui
l'exprime aura été réduite en pouffière ,
» ainfi que le coeur , qui , dans ce moment-
» ci , ne refpire que pour donner l'explo-
" fion à la vivacité de fes fentimens ; tant
و د
"
و د
168 MERCURE
qu'il palpitera , ce fera pour vous offrir
" tout le refpect & toute la reconnoiffance
» dont il eft pénétré. THÉRÈSE ASGILL .
LETTRE au Rédacteur du Mercure.
LES
Es grandes Collections d'Antiques que Rome
raffemble , fourniflent , ainfi que les expofitions du
Sallon du Louvre , de refte incognite , c'est - à- dire ,
de têtes ou inconnues ou très - peu intéreffantes. Les
Artiftes & les Antiquaires ont fouvent fait , en
faveur des Poffeffeurs de ces Collections , de nobles
efforts pour donner à quelque Perfonnage , ou
Grec ou Romain , ces têtes & des ftatues mêmes
fur quelques traits de reffemblance , foit dans la
phyfionomie , foit dans l'attitude & l'action :
efforts le plus fouvent malheureux , & malgré lef
quels je crois auffi peu aux Cincinnatus des appartemens
de Verſailles dont l'original devoit être un
corps fortement mufclé & durci par l'âge , par le
Lervice militaire , par les plus rudes travaux de la
campagne , qu'à ce peuple de Philo ophes & d'Il-
Juftres raffemblés par le Cardinal A. Albani dans fa
Villa de la Via Salara , quoique chacun d'eux
foit annoncé par fon nom gravé après -coup d'après
l'eftime du Cardinal ou de fon Antiquaire.
·
Parmi les ftatues inconnues & innomées , Paris
en pofsède une qui , ainfi que le tombeau du Cardinal
de Richelieu , pourroit foutenir la comparaifon
avec les plus précieux monumens de la Grèce , &
par la nobleffe du deffin , & par la fineffe du travail
, & par cette fimplicité qui , dans tous les Arts,
annonce le beau & le fublime : ee Simplicité ,
» difoit le grand Boffuet , à laquelle , on a tant de
peine à revenir quand le goût a été gâté par des
n
ec
» nouveautés
DE FRANCE. 160
» nouveautés & par des hardieffes bizarres . » Hif
toire Universelle , Edition in 4 page 457.
in-
La ftatue dont je veux parler, tranfportée de
Marly à Paris , de l'ordre du Régent, eft adoffée au
treillage qui ferme les bofquets des Tuileries , à la
droite du baffin octogone , en face du pont tournant.
Je favois qu'elle étoit l'ouvrage de Legros , &.
qu'on la nommoit fimplement la Veftale. Frappé de
fon excellence , la vifitant à tous mes voyages de
Paris , & entrevoyant dans toute fon attitude. une intention
réfléchie & décidée , Je fis part de mes in
quiétudes à un des premiers Maîtres de l'Art *
le priai par écrit de m'apprendre , 1 ° . fi cette ftatue
étoit un original de Legros , ou s'il l'avoit copiée
d'après un antique que je croyois avoir vue à Rome,
au Capitole ou dans la Collection Barberine ;
2. fi la tradition des Artiftes offre quelque lumière
qui conduire à l'objet de cette repréſentation , & qui
le puiffe fixer.
" &
Cette figure , me répondit-il , eft en effet un
» des plus beaux monumens du jardin des Tuileries
, c'eft avec raifon que vous croyez l'avoir
> vue à Rome. Je ne me fouviens pas précifément
dans quelle Collection fe trouve l'original
; mais je fuis certain ( pour l'ayoir deffiné )
l'Académie de France à Rome en a un en
» plâtre moulé fur l'antique.
ככ
que
לכ
C'est donc une copie ; mais quelle copie !
», elle eft fupérieure à l'original. Un Sculpteur tel
» que Legros ne l'a pu copier fans l'embellir : la
» morbideffe des chairs y eft bien mieux rendue.
Les plis en tuyaux égaux qu'offie l'antique , font
* M. Cochin , Secrétaire - perpétuel de l'Académie de
Peinture & Sculpture.
Nº. 39 , 25 Septembre 1784. H
170
MERCURE
» dans cette copie variés , liés & formés avec une
» délicateffe infinie : beaux pieds , belles mains ,
belle tête , & c.
90
Quant à la queftion fi cette figure repréſente
une Veſtale , une Prêt effe ou autre chofe , je ne
l'ai entendu nommer que la Keftate de Leg os
» la tradition des Artiftes n'offre rien au-delà, »
Tandis que cette idée me rouloit dans la tête,
cherchant autre choſe chez Macrobe , je tombai
par hafard fur le vingt-unième Chapitre du Livre I,
ou voyant dans les révolutions aftronomiques les
principes du culte & des myftères de Vénus &
d'Adonis chez les Affyriens & les Phéniciens , d'Ifis ,
dOfiris & d'Horus en Egypte , de Cybele & d'Arys
chez les Phrygiens , de Cérès & de Proferpine en
Sicile , Macrobe nous apprend que dans fon
» Temple du Mont- Liban, Vénus étoit repréſentée
» la tête couverte d'un voile épais , la face trifte-
» ment appuyée fur fa main gauche enveloppée
dans la draperie qui entoure toute la figure : en
» la confidérant avec attention , elle paroît , ajoutea.
tail , verfer des larmes *.
כ כ
Voilà bien, trait pour trait, la Veftale de Legros: **
voilà la Vénus à la trifte penfée que Paris pofsede.
Macrobe y voit la Nature affligée de la retraite
da foleil dans les fignes inférieurs du Zodiaque . Il
voit la mort d'Adonis dans l'hiver qui enlève à la
* Simulacrum hujus Dea , in Monte - Libano , fingitur
capite obnupio , fpecie trifti , faciem manu læva intra amitum
fuftinens. Lacrima vifione confpicientium manare
videntur
** Autant que je m'en puis fouvenir, on retrouve une par
tie de ces traits dans la Veftale antique de la Galerie de
Verſailles. La pofition de l'autel qui lui forme accompagnement,
rentre dans l'idée fymbolique de la Vénus du Mong
Liban.
DE FRANCE. 171..
Nature fes charmes & fa fécondités enfin il voit
l'hiver , affaffin d'Adonis , dans le fanglier , animal
âpre, hériffé , fe vautrant dans la bourbe & dans la
fange , & devant à l'arrière-faifon la maurité du
gland , la nourriture favorite.
On retrouve la Vénus du Mont-Liban dans la
Déeffe Syrienne , dont le culte, & les temples font
décrits par Lucien , dans le Traité qu'il lui a confaeré.
Allyrien lui-même , né à Samerfate , il avoit vu
ces Temples & entretenu leurs Prêtres qui donnoient
la fondation de celui du Mont-Liban à Deucalion ,
qui l'éleva après le déluge fur le trou par lequel les
eaux qui avoient couvert la terre, rentrèrent dans fon
fein , fa première reſtauration à la fameufe Sémiramis
, & la feconde à Combabus .
Lucien, initié aux mystères des différens cultes, fe
tait fur leurs raifons occultes. Il nous apprend feulement
que deux fois chaque année un homme..
( Prêtre fans doute ) montoit à la fommité d'un de
ces énormes Phalli de trois cent coudées de hauteur
, & que l'on regardoit comme des monumens de
l'expédition afiatique de Bacchus * . Ce Prêtre paffoit
la feprjours en prières . S'il venoit à fuccomber
au fommeil , un fcorpion l'éveilloit par une profonde
bleffure , chofe , ajoute Lucien , mystérieuse
& divinc , ipare beopenia. En fuivant l'analogie
indiquée par Macrobe , ne pourroit- on pas voir dans
ce fcorpion le figne que quitte l'aftre du jour en ou
vrant l'équinore d'automne , premier pas de la
chûte du foleil dans les fignes inférieurs , pour me
fervir de l'expreffion de Macrobe . Les Recherohes
fur les Mystères du Paganisme , que prépare mon
illuftre Confrère , M. le Baron de Sainte- Croix , nous
* Les Phalli étoient fans doute fymboles myftiques des
rayons folaires qui répandent la chaleur & la fécondité lorfque
le foleil eft dans lesfignes fupérieurs.
Hij
372 MERCURE
donneront enfin fur ces objets des lumières certaines.
Le fanctuaire & les parvis du Temple décrit par
Lucien , étoient décorés de ftatues de Dieux & de
Héros. Alexandre étoit un de ces Héros. Sa ftatue ,
d'une beauté exquife , xápra xaλór , ainfi que cellede
la Reine Statronice , femble indiquer la main qui
a exécuté l'original de la Veftale de Legros."
Me feroit- il permis de terminer ces Obfervations
par des gémiffemens fur ce que chaque printemps
nos chef-d'oeuvres de l'Art , expofés en plein air aux
Tuileries , à Versailles , Marly , &c. ont à fouffrir des
mains mal-adroites chargées de les nétoyer , écurer ,
ratiffer , & qui en ufent avec eux comme le pratiquoit
fur lui même le Noble Valentin de notre
Maître François *. Les Florentins traitent avec
plus de refpect les chef-d'oeuvres qui décorent leur
Ville **. Quant aux Flamands & aux Anglois , les
Monumens publics en bronze offenferoient leurs
yeux s'ils n'étoient écurés , luiſans & brillans comme
leur batterie de cuifine .
Je fuis , &c.
Troyes , 15 Juillet 1784.
* Pantag. L. 3. C. 8.
GROSLEY , de l'Académie
Royale des Infcriptions
& Belles Lettres de
Paris.
** Obfervations de deux Gentilshommes Suédois fur l'Itae
& fur les Italiens , article FLORENCE.
DE FRANCE. 171
SPECTACLE S.
ACADÉMIE ROYALE DE MUSIQUE.
ON a continué les repréſentations de
Diane & Endimion ; mais les trois premières
ont été peu fuivies . On a trouvé l'action
languiffante & dénuée d'intérêt ; & les beautés
de la Mutique n'ont pas paru propres à
faire oublier ce défaut.
Nous n'entrerons pas dans de longs détails
fur les reproches qu'on peut faire à la Mufique
de cet Opéra : ce n'eft que fur les ou
vrages qui ont du fuccès que la critique
peut s'exercer avec quelqu'utilité ; & lorfque
le Public traite avec févérité l'ouvrage,
d'un grand Artifte , le devoir d'un Critique
qui aime les arts , eft de relever les
beautés qui le diftinguent ,plutôt que les fau
tes & les négligences qui le déparent .
que
·
Quoique cette compofition ne nous pa-,
roiffe pas en effet digue des, gands talens de
l'Aureur de Didon , on y retrouve fouvent
la touche du grand Maître.
L'air d'Endimion & celui de Diane , au
premier Acte , font d'une couleur vraie &
d'une mélodie douce & fenfible . Le premier
air de l'Amour au fecond Acte eft d'un effet
agréable & brillant,L'air de Diane , au même
acte ,je veux punir l'objet que j'aime , qu'on
appelle cavatine nous ne favons pas pour
Hij
174
MERCURE
>
quoi , eft d'un beau caractère & d'une belle
expreffion ; mais c'eft furtout dans le grand
air qui fuit , ceffe d'agiter mon ame , qu'on
retrouve le talent fupérieur de M. Piccini
qui peut-être n'a jamais allié plus heureuſement
que dans ce morceau , la beauté du
chant au mouvement jufte & aux accens
vrais qui concourent à l'expreflion fidelle
d'un fentiment paffionné : auffi a t -il été conf
tamment applaudi avec tranfport. Plufieurs
perfonnes ont cru appercevoir quelque rap
port entre cet air & celui de Didon au
troiſième acte, hélas , pournous il s'expoſe.Ce
reproche nous paroît fans fondement , il y a
dans l'accompagnement du dernier une phra
fequi peut rappeler , il eft vrai , un trait de
violon très piquant qui domine dans celui
de Didon ; mais le chant n'en arien de commun
avec celui ci , & le caractère & l'effet
de l'accompagnement font d'ailleurs trèsdivers.
Les reflemblances vagues, & particl
les font très communes en muſique ; & cela
tient à la richeffe même de l'art . Dans la
multitude infinie des combinaiſons déjà faires
des mêmes fons , il eft impoffible au
plus habile Compoſiteur de n'en pas rencon
trer qui ont été employées par d'autres ;
mais la reffemblance n'eft pas imitation ,
n'eft pas même toujouts réminifcence. C'eft
l'effet feul qui conftitue l'imitation ; & c'eſt
être vraiment neuf, que de tirer d'une forme
déjà connue , un effet faillant & nouveau .
Nous nous fommes étendus fur cette obfer.
DE FRANCE
175
vation , parce qu'il nous femble qu'on accufe
trop fouvent & trop légèrement les compofiteurs
de fe copier.
Nous citerons encore l'air de Diane , au
troisième acte : Non , rien ne peut brifer ma
chaîne , que nous avons trouvé d'un beau ca
tactère & d'une expreffion très animée. Il
étoit difficile de rendre avec une fenfibilité
plus vraie ces paroles : Endimion ,je veux re
voir ; c'est pour t'aimer que je refpire. Nous
obferverons feulement que le mot Endimion,
qui fe répète très fouvent dans cet air , yeſt
accentue d'une manière qui choque notre
profodie , & bleffe un peu l'oreille .
Nous croyons que le récitatif de cet Opéra
eft un peu négligé; nous en exceptons les
deux monologues de Diane , au deuxième &
au troisième Acte , qui nous ont paru accentués
avec le fentiment vrai des paroles & de
la fituation.
Les choeurs & les morceaux d'enſemble
font connoître à chaque inftant le grand
Compofiteur ; mais ont paru inférieurs à ce
qu'on attendoit de M. Piccini. Cependant, le
duo de Diane & l'Amour, au fecond Acte
& le trio du troifième Acte , auquel viennent
fe mêler les cris des Nymphes , font
d'un bel effet , & ont été vivement applau
dis. L'hymne que chantent les Nymphes au
fecond Acte , eft d'un chant fimple & doux ,
embelli par l'harmonie la plus pure & la
plus naturelle , dont l'effet répond heureufement
au caractère d'un cantique re
Hiv
176 MERCURE
ligieux chanté par de jeunes femmes.
Mlle Maillard , qui juftifie tous les
jours , & par fes progrès & par fon zèle ,
les efpérances que le Public a conçues de fes
talens , a joué & chanté le rôle de Diane
avec tout l'intérêt dont il eft fufceptible . Elle
a mérité & obtenu les plus grands applaudif
femens dans le bel air : Ceffe d'agiter mon
ame ; il feroit difficile de rendre avec plus de
chaleur & de fenfibilité qu'elle ne l'a fait ,fon
air du troisième Acte ; & ce qu'il faut furtout
louer en elle , c'eft que l'expreflion
qu'elle met dans fon chant comme dans fon
jeu , n'eft prefque jamais aux dépens de la
jufteffe & de la pureté des fons. Nous l'invitons
à ne pas fe relâcher dans les études ;
à profiter avec application des confeils précieux
des Maîtres habiles qui s'intéreſſeng
aux progrès de fon talent ; à apprendre d'eux
à porter la voix avec facilité & avec sûreté
dans les intonations difficiles , fur - tout dans
les cordes hautes ; & à ne pas chercher dans
les tons bas , une expreflion forcée qui altère
la douceur naturelle & le timbre fenfible
de fon organe. Nous l'invitons auffi à
foigner davantage la manière de ſe vêtir dans
fes rôles un habit plus fimple & drappé à
plus grands plis , lai auroit été plus avanta
geux , & cût en même temps mieux convenu
à la Déeffe des Bois . Les grands effets de l'action
théâtrale fe compofent de tous les
moyens d'intéreffer & d'être vrai ; & il n'y
en a point d'indifférent.
:
1
DE FRANCE.
177
Mlle Gavaudan la cadette a joué avec fineffe
& intelligence le rôle de l'Amour : elle annonce
un talent qui n'a befoin que d'être
cultivé par l'étude & de bonnes leçons . Elle
a obtenu furtout les plus grands applaudiffemens
dans fon premier air : Mes traits
& mon flambeau , &c.
"
Mlle Caftelnau a rendu d'une manière naturelle
& fenfible le rôle d'Ifménie , la grâce
de la figure ajoutoit un intérêt de plus à la fi
tuation vraiment touchante du fecond Acte ,
au moment où elle veut prononcer fon vou ,
& tombe évanouie au pied de l'autel . On
regrette que fa voix n'ait pas l'éclat & la
force qu'exigent un grand rôle & une mu
fique expreffive.
M. Lainez n'a pu développer dans le rôle
d'Endimion les talens qu'on eft accoutumé
à applaudir ; parce que ce rôle , & par l'action
& par la mufique , eft peu fufceptible
d'effet .
Nous remettons au Mercure prochain
quelques obfervations fur les ballets & lest
décorations .
P. S. Depuis que cet article a été envoyé à l'impreffion
, Mile Dozon a débuté fur ce Théâtre , dans
le rôle de Chimène , avec un fuccès & un éclat dont
il y a peu d'exemples . L'étendue & la beauté de fa
voix , la facilité &, la précision de fon chant , l'intelligence
& la fenfibilité qu'elle a montrées dans ce
premier début , annoncent un fujet de la plus grande
efpérance. Jamais Actrice , dans toute la gloire de
fon talent , n'a été plus univerfellement & plus vive
ment applaudie..
Hv
178
MERCURE
COMÉDIE FRANÇOISE.
LE 2. Août dernier , on a donné la ſeconde
repréſentation du Bienfait Anonyme , Diame
en trois Actes & en profe.
M. Robert & M. Bellemont étoient unis
par l'amitié & par l'intérêt. Ils étoient fur
le point de refferrer les noeuds de leur intimité
, en mariant le jeune Robert avec Sophie
, fille de M. Bellemont , lorsque le pèie
du jeune homme , pris par des Corfaires , a
été fait efclave , & conduit à Téruan . * Sa
rançon a été fixée à deux mille écus ; mais
des embarras furvenus dans les affaires de
M. Bellemont ne lui ont pas permis de venir
au fecours de fon ami , & le jeune Robert
fans fortune & fans appui , n'a pu qu'amaf
fer très - lentement , & à force de travail ,
une fomme qui ne fuffit point encore pour
opérer la délivrance de fon père. Placé chez
un Négociant de Bordeaux , les appointemens
que lui vaut fon emploi , il les
confacre , pour la plus grande partie
à completter les fonds néceffaires ; mais
fa tendreffe lui fait imaginer d'autres
moyens ; & dans l'intention de parvenir le
plus promptement qu'il lui fera poffible à
ramaffer les deux mille écus ; les jours de
fête & de repos , il remplit les pénibles fonc
tions de Batelier , afin que la perite rétribution
qu'il en retire puiffe fervir à hârer l'heu
*Ville d'Afrique dans le Royaume de Fez.
DE FRANCE 179
reux inftant qui lui rendra fon père. Un inconnu
le préſente dans fa barque , le remar
que avec intérêt , le queſtionne , apprend fes
malheurs , lui demande le nom de fon père ,
le lieu de fa captivité , lui donne fa bourfe,
& le quitte après l'avoir engagé à ne perdre
ni le courage ni l'efpérance . Quelque
temps après , le vieux Robert revient , &
croit que c'est à fa femme , à fon fils
ou à fon ami Bellemont qu'il doit fa délivrance
; mais ce n'eſt à aucun d'eux qu'il en
eft redevable. Le jeune homme fe rap
pelle l'Inconnu , & ne doute pas qu'il ne
Toit le Libérateur de fon père. Au même
moment le Négociant chez lequel M. Bellemout
a placé Robert , vient lui confier que
depuis quelques mois , on lui a pris dans
fon fecrétaire une fomme de quatre cent
louis. Bellemont répond de fon jeune ami ;
mais pour anéantir les foupçons que fait
naître le rapport du temps où le vol a été
fait , & celui où le vieux Robert a été délivré
, il fent bien qu'il faut abfolument dé
couvrir l'Inconnu , & le forcer à l'aveu de
fon bienfait. Le jeune Robert a un rival , ce
tival eft le fils da Negociant chez lequel il
travaille. It ne doute pas que , dans le défef ,
poir de n'avoir pu plaire , Leufon ( c'eſt le
hom du rival ) n'ait cherché à lui faire re
fufer la main de Sophie , en férriffant fa ré
puration. Leufon eft en effet l'auteur du vol.
Egaré par l'amour & par la jalousie , il eſt
devenu l'ennemi de Robert , mais en preg
Hvj
185 MERCURE
nant quatre cent louis dans le fecrétaire de
fon père, il n'a point cherché à faire tomber,
les foupçons fur fon ancien ami , & il a employé
la fomme à relever les affaires de M..
Bellemont , fans que celui- ci fut de quelle
main illa tenoir . Tourmenté par les remords,
il vient fe jeter dans les bras de M. de Saintefquieu,
homme refpecté de l'Europe entière
& l'honneur de la Guienne ; lui ouvre fon
coeur , le prie de fe charger de fa reftitution ,
& reçoit avec une réfignation faite pour an
noncer un retour véritable à la vertu , les
avis que lui donne cet homme refpectable.
C'est donc de la bouche même de M. de
Saintefquieu que M. Bellemont & le vieux
Robert apprennent que le fils de ce dernier
ne peut être foupçonné du vol des quatre
cent louis , & que la reftitution en a même
été faite . Cependant le jeune Robert a cherché
par tout l'Inconnu fans le pouvoir ren
contrer ; épuifé de fatigue & le chagrin dans
l'âme , il revient auprès de fon père , apperçoit
M. de Saintefquieu , fe précipite à fes
pieds , & s'écrie : le voilà , non père ,.
"3 voilà notre bienfaiteur. » Toute la famille
fe jette à fes genoux , les yeux mouillés de
larmes , & en faifant éclater les témoignages
de fa reconnoiffance . M. de Saintefquieu
refufe d'avouer le bienfait ; mais touché par
le fpectacle qui l'entoure , il fait voir par fa
fenfibilité & par le plaifir qu'il éprouve à l'afpect
du bonheur de cette intéreffante famille,
qu'il eft le Libérateur du vieux Robert. Le
jeune homme épouſe Sophie..
DE FRANCE. 181
Cette Pièce a été jouée , pour la première
fois , le 6 Octobre 1783. Le fonds en eft
tiré d'une Anecdote dont M. le Préſident de
Montefquieu eft le héros , comme nous
l'avons dit dans le Mercure du 17 Avril de
cette année. L'Auteur y a fait des changemens
très heureux , & des additions plus heureufes
encore. Il en a foigné le ftyle , auquel
on avoit reproché d'être trop verbeux ; &
fon Ouvrage , conduit aujourd'hui avec plus
de fageffe , & développé par des incidens
plus vraisemblables , produit un très grand
effet. On y remarque beaucoup d'efprit ,
mais encore plus de fenfibilité & de philofophie.
Il feroit difficile de voir un Drame
mieux repréfenté que celui- ci. M. Fleury ,
dans le rôle du jeune Robert ; Mile Contar ,
dans celui de Sophie , & M. Molé , dans le
perfonnage de Saintefquieu , ont mérité les
plus vifs applaudiffemens : le premier , par
une fenfibilité vraie & très bien graduée ; la
feconde , par une ingénuité pleine de grâces.
& d'intérêt , & le dernier , par une fimplicité
noble & attachante , apanage ordinaire
d'un grand coeur qui fait le bien pour l'amour
du bien même , & qui fuit l'oftentation & le
fafte de la bienfaifance . M. Saint Phal rend
très bien le petit rôle de Leufon . Une maladie
furvenue à M. Defeffarts a fait paffer le
rôle de Bellemont entre les mains de M.
Gérard . Cet Acteur y a mérité les fuffrages:
des Connoiffeurs , par un débit naturel , &
par une bonhommie franche & aimable.
182 MERCURE
COMÉDIE ITALIENNE,
LE7 de ce mois , on a donné , pour la pres
mière fois , Fanfan & Colas , ou les Fières
de Lait , Comédie en un Acte & en profe ;
par Madame de Beaunoir .
Fanfan , fils unique de Mme de Fierval ;
a infpiré à ſa mère une tendreſſe fi aveugle ,
qu'il devient ce qu'on appelle un enfant
gáté. Son anique plaifir eft de chagriner
tout ce qui l'entoure. Il traite fon Précep
teur avec mépris , frappe les Domestiques ,
brife , arrache & detruit les plantes & les
fruits du jardin , donne la volée au ferin de
fa mère , jette le chat dans le puits , & tord
le col au perroquet. En vain on veut éclairer
Mine de Fierval fur tous ces excès ; d'abord
elle promet d'être ferme & févère par tendreffe
, mais bientôt les carelles de fon fils ,
& la tournure artificienfe qu'il donne aux
excufes qu'il allègue , font retomber Mane de
Fierval dans fa première foibleffe ; & cette
foibleffe la porte non feulement à faire
grâce à Fanfan , mais encore à traiter fort
dutement tous ceux qui le font plaints de
lui. Perrette , Nourrice de Fanfan , vient ,
avec fon fils Colas , rendre une vifite à fon
nourriffon. Les villageois font parfaitement
bien reçus par Mme de tierval, mais Fanfanfe
refufe aux embraffemens de Colas, murmure
contre les égards que fa mère a pour eux; &
DE FRA NICE. 183
lorfqu'il en reçoit l'ordre d'aller leur chercher
des rafraîchiffemens , il court ravager le
jardin , & y maltraite Colas , qui va ly
trouver. Le bon petit villageois cherche à
diffimuler ce qui s'eſt paſſe ; ſes larmes lé
trahiffent , & quelques questions fuffifent
pour dévoiler tout le fecret de ce coeur ingénu.
Mme de Fierval s'alarme férieuſement
de tant d'infenfibilité & d'ingratitude . Le
Précepteur de Fanfan lui propofe un moyen
de mettre à l'épreuve le coeur de l'ingrát :
c'eſt de lui déclarer qu'il eft le fils de Perrette ,
& que Colas eft fils de M. de Fierval ; d'ajouter
que l'ambition avoit d'abord fait faire cet
échange à Perrette ; mais que les remords
l'ont forcée à découvrir la vérité. Perrette ſe
refufe à le prêter à un pareil projet ; & les
raifons qu'elle donne pour motiver fes refus
, font pleines de fens & de vérité. Elle fe
rend enfin par refpect & par tendreffe pour
Mme de Fierval , & fur tout fur l'affurance
qu'on lui donne que la fuppofition ne durera
pas huit jours. Ce n'eft qu'avec un extrême
chagrin que Fanfan apprend qu'il eft le fils
de Perrette , & c'eft avec un chagrin non
moins vif que Colas fe voit près de perdreune
mère qu'il adore. Cependant on revêt Fanfan
des habits de Colas , & Colas de ceux de
Fanfan . L'intéreffant villageois n'eft point
changé par l'éclat de fa fortune fuppofee.
Toujours bon , tendre & délicat , il accable
fon frère de lait d'égards & de foins ; il
s'occupe de fon fort à venir, de celui de fon
184
MERCURE
père , & lui promet de ne jamais l'oublier.
Tout ce qui fe paffe , la comparaifon de
F'intérêt qu'il infpire avec la dureté dont il a
ufé envers les autres , force Fanfan à rentrer
en lui même ; il fent tout ce qu'il perd en
quittant Mine de Fierval ; mais il fe réfout à
fe rendre au village , & à faire tout ce qui
dépendra de lui pour adoucir le fort de ceux
qu'il croit fes parens. Enfin Colas , qui commence
à fe croire fils de Mme de Fierval
fupplie fa mère de garder le feint Colas auprès
d'elle ; tous les Domeftiques viennent ,
implorent la même grâce de Mme de Fierval.
Fanfan , attendri & confondu , ne confidère'
plus que ce qu'il appelle fon devoir , & fe
prépare à partir . Mme de Fierval s'émeut ,"
le Précepteur convaincu que le coeur de
l'enfant n'eft point gâté , lui dévoile tout le
myftère ; Colas retourne de bon coeur dans
Jes bras de fa véritable mère , & Fanfan fe
hâte de profiter de l'exemple de fon frère ,
pour verfer fur lui les bienfaits dont Colas
a voulu le combler .
-
Deux excellentes Fables de M. l'Abbé Aubert
ont fourni le fonds de cette Comédie
qui jouit d'un très beau fuccès. Ce petit
Drame eft fort intéreffant ; il eft dialogué
avec beaucoup de naturel ; & le ftyle, propor
rionné à l'état de chacun des perfonnages ,.
nous paroît digne de beaucoup d'éloges ,
quoique nous y ayons de temps en temps remarqué
quelques locutions vicieuſes , & des
conftructions de phrafes un peu amphibolo
DE FRANCE 185
giques. Nous regrettons que Mme de Beaunoir
, retenue fans doute par une timidité
toujours très- eftimable , parce qu'elle annonce
de la modeftie , ait traité fon fujet en
un feul Acte . Il nous femble que fi elle
eût développé davantage les divers fentimens
auxquels Fanfan eft livré par le changement
inopiné de fa fortune , fon retour à la fenfibilité
auroit été plus frappant & plus vraifemblable.
Fanfan n'eft pas un enfant ordinaire
fa malice , fa fineffe & fon adreffe à
pallier fes torts , prouvent que fon efprit eft
très avancé ; on pouvoit donc , à notre avis ,
motiver d'une manière plus prononcée l'effet
que devoit graduellement produire fa chûte
& fon repentir. Au furplus , ce défaut , qui
n'en eft un qu'aux yeux de l'obfervateur févère
, cft racheté par tant de grâces , par une
fenfibilité fi vraie , & la morale qui rétulte de
la Pièce en fort fi naturellement , qu'il eſt
impoflible de ne pas dire avec Greffet :
Quelques taches , quelques défauts
Ne déparent point une Belle.
ANNONCES ET NOTICES.
REPERTOIR
ÉPERTOIRE univerfel & raisonné de Jurifpru
dence ; Ouvrage de plufieurs Jurifconfultes , mis en
ordre & publié par M. Guyot , Écuyer , ancien Magiftrat
, in 4° . A Paris , chez Viffe , Libraire , rue
de la Harpe. On vient de publier le Tome III de
cet Ouvrage. Le quatrième paroîtra le mois pro186
MERCURE
chain , & la foufcription fera fermée le premier da
même mois.
Les grandes Manoeuvres de Poftdam , avec un
Tableau de la Tactique Pruffienne fur l'ordre des
Batailles & le développement des Colonnes. A Strasbourg
, chez Treuftre , Libraire du Roi ; & à Paris ,
chez Hardouin , Libraire , au Palais Royal , aux
arcades à gauche , No. 14 .
La Tactique Prufhienne jouit d'une réputation de
fupériorité univerfellement reconnue , qui doit faire
accueillir cette Brochure.
TABLEAU Hiftorique des Propriétés & des Phénomènes
de l'Air , confidéré dans fes differens états
&fousfes divers rapports , par M. Rouland , Profeffeur
de Phyfique Expérimentale , & Démonftrateur en
I'Unive fité de Paris , in 8 ° . A Paris , chez Gueffier ,
Imprimeur-Libraire , au bas de la rue de la Harpe.
1 Le nom de M. Rouland fournit en faveur de cer
Ouvrage un préjugé favorable qui eft juftifié par
Poavrage même ; & les circonftances actuelles y
ajoutent un nouvel intérêt .
EQUITATION Militaire , oa Manière de dreffer
les Chevaux & d'apprendre aux Cavaliers à les
monter, à l'ufage de la Cavalerie & des Amateurs ,
traduit de l'Anglois par M. Bergetet de Frouville ,
Officier au Régiment Royal - Lorraine Cavalerie.
Prix , 2 liv . 8 fols. A Londres , & à Paris , chez la
Veuve Duchefne , Libraire , rue Saint Jacques.
Cet Ouvrage peut être utile dans les Corps militaires.
Le Faune François , Traité Hiftorique de tous les
Animaux qui habitent la France , par M. Buc'hoz ,
Médecin de Monfieur , de plufieurs Académies ,
DE FRANCE. 187
in 4º. Prix , 9 liv. A Paris , chez l'Auteur , rue de
La Harpe , au-deffus du Collège d'Harcour.
COLLECTION de Mémoires Chimiques & Phyfiques
, par M. Quatremere d'Isjonval. fome I , in -4°.
Prix , liv. broché. A Paris , chez Didot le jeune ,
Imprimeur Libraire , quai des Auguftins.
Les progrès nouveaux que la Phyfique & la Chimic
ont faits de nos jours , doivent rendre très inté
reffante la Collection que nous annonçons au Public ;
& il eft à d:firer que l'Auteur perfifte dans une entreprife
qui peut être d'une très -grande utilité. Il prie
les perfonnes qui auront acheté ce Recueil, de ne pas
le faire encore relier , parce qu'il fe propofe d'y
ajouter trois nouveaux Mémoires dans le courant de
cette année.
DISCOURS Philofophique fur les trois prin
cipes , animal , végétal & minéral , ou la Suite de
la Clefqui oavre les portes du fanctuaire philofophi
que; elle en décore beaucoup plus les mystères &
les fecrets les plus merveilleux , foit pour la fante
ou pour les Arts ; par Claude Chevalier , Comte du
Saint Empire Romain , Chevalier de l'Ordre Militaire
de l'Éperon d'or , Confeiller Médecin ordinaire
du Roi & des Cent- Suiffes de la Garde ordinaire
du Corps de Sa Majefté , & premier Médecin
du Corps de S. A. R. & Electorale Madame l'Electrice
douairière de Bavière , 4 Volumes in- 12.
Prix , 12 liv. brochés. A Paris , chez l'Auteur
Fauxbourg Saint Denis , nº . 30 , près de la barrière
, Quillau , Libraire , rue Chriftine , au Magafin
Littéraire , par abonnement ; Perit , quai de Gêvres.
L'Auteur annonce dans cet Ouvrage une mérempfycofe
affurément très furprenante , par la
moyen de laquelle on peut tranfmuer un animal
·
188
MERCURE
en un autre ; c'eft à-dire , le dépouiller entièrement
de les vertus naturelles , & lui faire prendre celles
d'un autre animal. Par ce fecret , on donnera la douceur
d'un agneau à un tigre , à un loup & aux ani
maux les plus cruels , & par la raiſon du contraite on
donnera à cet agneau , à use tourterelle & à tous les
animaux les plus doux , la fureur des animaux les
plus cruels.
Cette métemplycofe chimique s'étend auffi fur
tous les végétaux , en corrigeant toutes leurs mauvaifes
qualités , & en leur en donnant de très -bonnes ;
elle rend le vin & les fruits délicieux , ainfi que le
tabac , le thé & le café , qui , comme tout le monde
fait , font des objets de commerce très - conſidérables.
A l'égard des fleurs , on peut faire les chofes les
plus agréables , & en même-temps les plus utiles . On
donnera , fi l'on veut , toutes les propriétés & les
odeurs d'une rofe , d'un oeillet , d'une tubéreuſe, &c.
à un chou , à un porreau , à des raves , à des
falades , &c. , & on donnera aus fleurs toutes les
vertus & les odeurs de ces légumes . Voilà fans
doute de beaux & très- beaux fecrets !
SAINT Ambroife & Théodofe- le Grand, El
tampe de 19 pouces de haut , fur 18 de large , gravée
à Vienne , d'après P. P. Rubens , par J. Schmuzer.
Cette très-belle Eftampe peut faire pendant à
celle de Mutius Scévola , par les mêmes Auteurs .
Elle eft du plus grand effer par la vigueur du favant
barin qui nous a tranfmis ce Tableau d'un grand
Maître . En voici le fujet. L'Empereur Théodofe
voulant donner un exemple de févérité par la pumition
de la ville de Theffalonique, a livré fes citoyens,
pendant trois heures , à toute la fureur du foldat , & a
fait périr ainfi plus de fept mille ames. Ayant été
excommunié pour cet acte de cruauté, ce Monarque,
DE FRANCE. 189
jaloux de fe réconcilier avec l'Églife , fe préfente le
jour de Noël à la porte de la Cathédrale de Milan ,
accompagné de deux courtifans & de Ruffin , & il
en eft repouffé par Saint Ambroife , qui paroît en
habits pontificaux à la tête de fon Clergé.
Le Tableau eft plein d'une expreffion qui eft
confervée en entier dans cette Gravure , qu'on trouvera
chez les fieurs Artaria & Compagnie , de
Vienne , rue Saint Jacques , hôtel de Lyon , vis - àvis
Saint Yves , jufqu'à la fin d'Octobre , époque de
leur départ. On y trouvera auffi de très belles
épreuves de Mutius Scévola. Prix , 16 liv. chaque.
UN Médaillon de M. de Suffren en plâtre
très fin fans glace. Prix , 15 fols. A Paris , chez
Lemaire , de l'ancienne Académie de S. Luc , rue
des Prêtres S. Germain l'Auxerrois.
LES foins maternels ; gravé par J. G. Wille,
Graveur du Roi , de S. M. Impériale & Royale , &
du Roi de Danemarck , d'après le deffin de fon
fils Pierre - Alexandre Wille , Peintre du Roi . Prix ,
10 livres. A Paris , chez l'Auteur , quai des Auguftins
.
L'exécution de cette belle Eftampe répond à la
réputation des deux Auteurs.
PORTRAIT de M. l'Abbé Boffut , de l'Académie
des Sciences , peint par M. Dupleffis , gravé par
B. L. Henriquez , Graveur du Roi , &c.
Ce Portrait , qui peut fervir de frontispice au
Tome premier de la partie Mathématique de l'Encyclopédie
méthodique , Ouvrage qui paroît actuellement
, fe vend à Paris , chez Henriquez , Graveur
du Roi , rue de la Vieille Bouclerie , la ·
porte190
MERCURE
cochère au coin de celle Mâcon , n . 18. Prix ,
I livre 16 fols.
#
PLAN de a Bataille de Goudelour , donnée le
13 Juin 1783 ; entre l'Armée Françoife commandée
par M. le Marquis de Buffy, Lieutenant Général
des Armées du Roi , & l'Armée Angloife , fous les
ordres du Général Stuart . Prix , 1 livre to fols.. A
Paris , chez Dezauche , fucceffeur des fieurs Delifle
& Philippe Buache , premiers Géographes du Roi ,
rue des Noyers.
-
ading
On trouve à Paris , chez Voylard , Graveur , rue
de la Harpe , n . 18 , vis-à - vis la rue Serpente , les
Eftampes fuivantes : Les Défauts corrigés par
L'affront ; gravé par Ouvrier , d'après M. Chenau ,
Peintre de S. A. S. l'Electeur de Saxe . Prix , 3 livres.
Le Glouton , par le même , d'après M. Chenau..
Prix , 3 liv . Les Jardinieres Italiennes au Marché
, gravé par Ouvrier , d'après M. Pierre , premier
Peintre du Roi..Prix , 1 livre 4 fols. Les Villa
geoifes de l'Apennin , par le même , d'après M.
Pierre, Prix , 1 livre 4 fols Quatorze Sujets , par
Blomart, Prix , 1 livre 4 fols. Cupidon , Dieu de
l'Amour, copié d'après M. Vanloo. Prix , 12 fols.
- Vénus , Déeffe de l'Amour , copiée d'après M.
Lemoine. Prix , 12 fols. Combat entre la Frégate
Françoife la Surveillante & la Frégate Angloife
le Québec , d'après M. George Carter, Prix ,
I livre 4 fals. La Fille rufée, le Marchand de
Rogome , le petit Marché , les Balanceuſes , d'après
M. Chenau. Prix , 1 livre re fols les quatre.
-
QUATRB Sanates pour le Forte-Piano , & un
Dua
pour deux Forte- Piano , par M. Clementi ,
OEuvre XII. Prix , 9 liv. A Paris , chez M. Bailleux ,
6
DE FRANCE
་ ༡ ་
Marchand de Mufique , à la Règle d'or , rue Saint
Honoré, près celle de la Lingerie.
Tous les Amateurs de Clavecin connoiffent le
mérite de la Malique de M. Clementi , & verront
avec plaifir un nouvel OEuvre de cet habile Virtuofe.
VARIATIONS pour le Violon , Accompagne
ment de Baffe , pour le Vaudeville du Mariage de
Figaro , & l'Air dans mon petit réduit , par M. Au
toine Michaud. Prix , 2 liv. 8 fols. A Paris , chez
M. Michaud, rue des Mauvais - Garçons , près celle
de Buffy , chez l'Herboriste.
OUVERTURE de Blaife & Babet , arrangée pour
le Clavecin , avec Accompagnement de Violon , par
M. C. Fodor . Prix , 2 liv. 8 fols A Paris , chez M.
Boyer, rue Neuve des Petits- Champs, nº. 83 .
NUMÉROS 25 à 32 du Journal de Guittare ,
dont il paroît une feuille pat femaine , & pour
lequel on foufcrit chez M. Bailion , rue Neuve des
Petits-Champs , au coin de celle de Richelieu.
NUMERO 8 du Journal de Clavecin , par Tes
meilleurs Maîtres , Violon ad libitum. Prix , féparément
3 liv. Abonnement, 15 livres franc de port.
Numéro du Journal d'Orgue à l'ufage des Paroiffes
& des Communautés Religieufes , par M.
Charpentier, Organifte de Notre-Dame , &c , contenant
une Meffe en ré mineur. Prix , 4 liv. 4 fols.
Abonnement , 24 liv. franc de port. A Paris , chez
M. Leduc , au Magafin de Mufique , rue Traver
fière-Saint-Honoré.
NUMEROS 5 & 6 du Recueil d'Airs Italiens
des meilleurs Compofiteurs , traduits , gravés en
192 MERCURE
partition & avec les parties féparées. Prix , chacun
3 liv. 12 fols. Le Numéros eft une très- beile
Scène del Signor Martini , chantée avec grand fuccès
par Mme Todi Le Numéro 6 eft un bel Air de
Rifpoli à grand orchestre Ce Recueil , qui fe continue
avec beaucoup de goût & de foins , fe trouve
chez Imbault , rae & vis à- vis le Cloître Samt Honoré
, maifon du Chandelier , & Siéber , même rue ,
entre celles d'Orléans & des Vieilles Étuves , nº.
Voyez, pour les Annonces des Livres , de la
Mufique & des Eftampes , le Journal de la Librai
rie fur la Couverture .
TABLE.
VERS fur M. le Comte d'Oels Afgill ,
& M. de Biron ,
1848
145 Lettre au Rédacteur du Mer-.
Epitre à M. l'Abbé de Lille , cure 168
146 Acad. Roy. de Mufique , 173
Charade , Enigme & Logo Comédie Françoife ,
149 Comédie Italienne , grypke ,
Ruth , Eglogue Sainte , 152 Annonces & Notices ,
Le Patriarche, Eglogue , 160
APPROBATION. 3
178
182
185
J'AI la , par ordre de Mgr le Garde des Sceaux , le
Mercure de France , pour le Samedi 25 Sept. Je n'y
ai rien trouvé qui puiffe en empêcher l'impreffion. A
Paris , le 24 Septembre 1784. GUIDI
JOURNAL POLITIQUE
DE BRUXELLES.
TURQUI E.
'DE CONSTANTINOPLE , le 25 Juillet.
TRO
Rois objets forment toujours ici les
nouvelles publiques , les ravages de la
pefte qui a pénétré dans cette capitale , l'activité
finguliere des travaux militaires , &
l'infubordination de quelques Provinces . Le
Divan eft très -fréquemment affemblé. Chacun
forme des conjectures fur ces mouvemens
extraordinaires , qui n'ont d'autre but
probablement , que la sûreté ultérieure de
I'Empire.
Le vaiffeau Efpagnol , qui portoit à Sa
Hauteffe les préfens de la Cour de Madrid ,
a échoué près des Dardanelles heureufe-
:
ment cet accident eft furvenu affez près des
côtes , pour qu'on foit parvenu à fauver le
navire très - endommagé.
On débite l'anecdote fuivante , dépourvue
de vraisemblance..
N°. 36 , 4 Septembre 1784 .
a
( 2 )
Le Capigi - Pacha étant allé de la part du
Grand- Seigneur , demander la tête du Pacha de
Befferabie , cette commiffion lui a été funefte.
Le Pacha étant forti de la citadelle , le chargé
d'ordres lui fit part du fujet de fon arrivée ;
le Pacha parut recevoir avec foumiffion cet ordre
honorable du Grand- Seigneur , il demanda
du temps pour s'y préparer , & promit que , fi
dans l'efpace de quatorze jours , il ne pouvoit
parvenir à fléchir Sa Hauteffe , il donneroit fa
tête de bonne grace : le Pacha favoit qu'on n'avoit
d'autres reproches à lui faire que de s'être
enrichi confidérablement , il s'impofà lui-même
la loi du talion , & voulut que le membre qui
avoit péché fût puni ; il profita de ces quatorze
jours de délai pour envoyer fon fils à Conftantinople
, avec des fommes confidérables d'argent,
deftinées à fléchir ou à corrompre tant le Miniftere
que le Serrail . Le Pacha pouvoit tout.
efpérer de cette députation , mais fon impatience
& fes inquiétudes ne s'accommodoient
pas des retards , la chofe étoit trop importante
pour lui ; deux jours après le départ de fon fils,
il rencontre Capigi- Pacha fur le baftion , & le
tue d'un coup de piftolet chargé de fept balles.
DANEMARCK.
DE COPENHAGUE , le o Acût.
9
Le 5, le Prince-Royal eſt allé à Helſingor
& à Cronenbourg , pour y examiner les
divers établiffemens. La petite efcadre des
Yachts du Roi , fous les ordres du vice-
Amiral Fischer eft rentrée dans la rade de ce
port.
( 3 )
Le canal de Slefvic Holftein , qui réunira la
Baltique à la mer du Nord , fera fini inceffamment.
Sa longueur eft de cinq milles un quart , &
touche les villes de Kiel , Fridericftadt , Tonningue
& Tensbourg. Des bâtimens de 60 à 70
lafts pourront y naviguer : ce canal a fix écluſes.
A la premiere on a placé fur une table de marbre
l'infcription fuivante : Chriftiani VII juſſu &
fumptibus mare Balticum Oceano commiffum , 1782 ;
& à la derniere éclufe , celleci : Chriftiani juffu
& fumptibus Oceanus mari Baltico commiſſus, 1782,
Regno & patriæ meæ facrum.
L'on exporte annuellement plus de douze
mille chevaux du Dannemarck & du Holftein.
Il en fort beaucoup clandeftinement ,
fur-tout de Dannemarck, où les droits d'exportation
font de 5 rixd . & 18 groſches par
cheval. Dans le Holftein ces droits ne font
que de 2 rixd.
Le Roi de Suede eft arrivé à Stockolm le
2 de ce mois. Le lendemain , il y eut grand
lever , après lequel S. M. fe rendit à la Chapelle
de la Cour , où l'on chanta un Te
Deum , en actions de graces de l'heureux retour
de S. M. dans fes Etats.
ALLEMAGNE,
DE VIENNE , le 10 Août.
F
Chaque jour notre Souverain donne des
preuves de fon caractere. Paffant dernierement
près d'une carriere de fable , il apperçut
un Ecclefiaftique qui y couroit avec
a 2.
( 4 )
précipitation : l'Empereur le fuivit , & trouva
trois hommes enfevelis fous la carriere qui
s'étoit affaiffée . Un feul vivoit encore : S. M.
I. lui fit donner tous les fecours poffibles ; &
ce qu'il eft facile de preffentir , elle ajouta à
cette attention des actes de bienfaifance pour
la famille de ces infortunés.
Defirant détruire les dernieres traces d'op
preflion , dont les Juifs étoient affligés dans
Tes Etats , l'Empereur les a affranchi du droit
quadruple qu'ils payoient à leur mort : ils
ne feront plus taxés que comme les Chrétiens
eux - mêmes .
L'Evêque d'Ofnabruck eft l'objet des
prévenances & des attentions les plus délicates
de la Cour. On lui a ménagé tout ce
qui pouvoit flatter fes goûts & les amufemens.
Ce Prince a fait une courfe à Presbourg
d'où il eft revenu , & les fêtes ont recommencé.
L'excellente éducation qu'il a
reçue , jointe au naturel le plus heureux ,
font eftimer & chérir fes vertus , dans un
âge où l'on n'écoute gueres que les paflions.
S. A. R. vient de donner ici une nouvelle
preuve de fa fenfibilité : une veuve d'Officier
ayant imploré fes fecours , avec fix enfans
qui compofent fa malheureufe famille ,
ce Prince lui a fait délivrer 200 ducats.

Il fe faifoit ici une Gazette en langue
Grecque , pour l'ufage des particuliers de
cette nation , réfidant dans les Provinces
voilines : elle avoit paflé jufqu'à Conftanti(
5 )
nople , & les Turcs eommençoient à la lire,
lorfqu'un ordre du Grand-Seigneur en
a prohibé l'entrée.
S. M. I. voulant faire préfent d'un habillement
de huffard au Prince Alexandre-
Léopold , 4º . fils du Grand-Duc de Tofcane
, avoit chargé M. de Cobentzel , Ambaffadeur
. Impérial à Pétersbourg , de lui
envoyer des peaux de martre. L'Impératrice
de Ruffie ayant été inftruite de cette commiffion
, a envoyé quatre des plus belles
martres à S. M.I. , avec une lettre auffi agréa
ble que le préfent.
On a fait mettre l'Infcription fuivante ,
noble & fimple , au-deffus de la porte de
notre Hôpital Général ; faluti &folatio ægrotorum,
Jofephus II . Aug. an. MDCCLXXXIV.
Une lettre particuliere fait mention d'un
trait de fuperftition , pareille à celle où font
plongés quelques peuples décrits par les
navigateurs.
>
Le Curé du village de K.... fur le Danube
étant mort il y a quelques femaines , la Cure fut
donnée à un ancien Profeffeur , quoique la Com
niunauté defirâtardemment un Prêtre de 56 ans
qui faifoit depuis long-temps les fonctions de
Pafteur ; dès qu'on eut appris dans le village que.
ce n'étoit point lui qui avoit été nommé , le
Juge du village adreffa à la Régence , au nom
de la Communauté , la requête fuivante : >> Comme
notre village eft fort fujet aux orages , il
nous eft abfolument important d'avoir un Curé
bon Aftronome. M. Xavery , notre ancien coopérateur,
exerce avec fuccès depuis plufieurs
a 3
169
années l'aftronomie ; & toutes les fois qu'il a
conjuré les orages , ils ne nous ont fait aucun
mal ; maintenant on nous donne un Curé qui
à la vérité , a les cheveux bien poudrés, mais
il n'entend rien à l'aſtronomie ; la Communauté
en général fupplie donc qu'on lui nomme pour
Curé M. Xavery. Signé , le Juge & la Communauté
de K.... La Régence a répondu á la Communauté
que la conjuration du nouveau Curé
étoit auffi bonne que celle de l'ancien coopé
rateur , & qu'elle devoit le recevoir fans diffi
culté ; mais ces bonnes gens n'ont pas été tranquilles
jufqu'à ce qu'il y ait eu un orage que
le nouveau Curé a conjuré , & qui n'a heureufement
caufé aucun dommage . Depuis ce moment
, la Communauté commence un peu à revenir
fur le compte de fon nouveau Pakteur .
Le 24 Juiller un Commiffaire Impérial a
notifié aux Prémontrés d'Obrowitz près de
Brinn , l'ordre de leur fuppreffion. Même
notification a été faite le 20 aux Prémontrés
de Clofterbrug , près de Znaym.
DE FRANC FORT , le 23 Août.
Une conjecture peu fondée circule en ce
moment ; c'eft celle du transport à Vienne ,
pour y réfider , de toute la Famille du
Grand- Duc de Tofcane. Les mêmes lettres
de Vienne , qui rapportent ce bruit , difent
que le 11 Juillet , s'eft faite à Belgrade la
fecture du Firman de S. H. Le nouveau
Gouverneur dit à cette occafion : » Nous
» voulons être tous freres , confidérer les
→ jeunes comme nos enfans , les vieux comme
nos peres ; nous voulons être justes
( 7 )
& fuivre avec fidélité les ordres du Grand-
Seigneur , afin de remplir la volonté du
» Tout -Puiffant.
Le 6 de Juillet , écrit-on d'Efclavonie , font
arrivés à Aligra- Lisk , fix navires impériaux
qui ont remonté la Save , tirés par les galériens
tranfportés de Vienne à Peterwaradin . Cè
fpectacle faifoit frémir , & étoit bien plus capable
de donner de l'éloignement pour le crime
que les fupplices qui accoutument à la cruauté.
Ces malheureux n'ont pas encoré été fous le
toit depuis le premier Mai , ils dorment étendus
fur le rivage & mis à la chaîne , ils n'ont
pas de couverture dans la froidure , pas d'abri
contre la chaleur ; ils portent un habit d'ignominie
, appellent la mort à leur fecours & invoquent
la clémence du Souverain , qui abrégera
ce temps d'expiation autant que fa juftice le lui
permettra.
On apprend d'Hermanftadt , que la fortereffe
de Carlsbourg fera débarraffée de
tout ce qui eft étranger à l'état militaire . La
Monnoie & le Séminaire feront transférés
ailleurs . On augmente dans cette place les
munitions de guerre. Les Turcs , à ce qu'on
ajoute , réparent leurs fortereffes dans la
Bofnie.
Dans le Journal politique Allemand , qui
s'imprime à Hambourg , on porte les revenus
du Duc de Wirtemberg à trois millions
d'écus d'Allemagne , & la population de fes
Etats à 600,000 ames. Les revenus du
Landgrave de Heffe -Caffel , felon le même
Journal , font d'un & demi million d'écus ,
2 4
( ૪ )
& fes fujets au nombre de 330,000 . Nous
croyons le premier de ces états trop fort , &
le fecond trop foible , à moins qu'on n'excepte
de ce dernier le Comté de Hanau ,
donné en appanage au Prince héréditaire de
Helle , de fon vivant.
Près de Tarnowitz en Silélie , on exploite
une nouvelle mine de plomb très - riche ,
puifque le quintal du minéral contient 86
livres de plomb & deux onces d'argent.
L'Electeur a défendu aux Religieux-Auguftins
, Dominicains & Carmes , d'aller
quêter dans les pays de l'Electorat.
L'affaire du College des Comtés de Weftphalie
étant arrangée , on fe flatte que celle
des Comtes de Franconie fera bientôt terminée
à la fatisfaction des Etats de l'Empire ;
mais on croit qu'on prendra le parti d'arrêter,
que dans ce College toutes les affaires
collégiales fe finiront d'après la décision de
la pluralité , & fans avoir égard à la religion .
ITALI E :
DE MILAN , le 12 Août.
Monfeigneur Erba Odefcalio , Vicaire du
Chapitre , a pris ce natin poffeffion du fiege
Archiepifcopal , au nom de notre nouvel
Archevêque. Cette cérémonie , à laquelle
ont affifté tous les Chefs des départemens ,
s'est faite avec la plus grande pompe . Elle
avoit été annoncée la veille au fon de toutes
( 9. )
les cloches. Notre Archevêque fera inceffamment
fon entrée publique. Il fera complimenté
en cette occafion par tous les Tribunaux.
Malgré la longue féchereffe , les grains
femés fuivant les procédés du Chevalier
Marco Barbaro , donnent les plus grandes
efpérances. Le riz eft fur le point de fleurir ,
& quoique fa végétation n'ait pas été fecondée
par la pluie , fes tiges font plus fortes
que celles du riz , qui en a reçu la bénigne
influence. Le chanvre eft très -élevé. Le froment
a des tiges de 10 épis. Le millet eft de
très belle apparence ; & parmi les tournefols ,
on en trouve qui ont juſqu'à 38 fleurs fur
tige...
Il eft mort dernierement dans l'hôpital général
de cette ville un homme de 30 ans , de
taille ordinaire , qui avoit les cheveux , les cils ,
les fourcils , la barbe , les ongles des mains &
des pieds , enfin toutes les parties de fon corps
du blanc le plus parfait & le plus dégoûtant
à peu près comme ces Albinos de l'Afrique ,
de Ceylan , de Java , &c. Il avoit l'iris des
yeux également blanc , & les pupiles de couleur
de rofe : comme les Abinos , il ne pouvoit
fupporter la lumiere du foleil , M. Buzzi , Chirurgien
de l'hôpital général , a difféqué cet hé-
Jiophobe , & dans les recherches anatomiques
qu'il vient de publier , il prétend que la blancheur
extraordinaire de la peau & des poils des
héliophobes provient de l'épaiffiilement du corps
muqueux . Au refte , ce phénomene n'eft pas
unique dans ce pays ci ; il y a dans cette ville
as
( 10 )
une femme qui eft fucceffivement accouchée de
fept enfans , dont le 3e . le 4e, & le 5e. font hé
lophobe , & les autres bruns comme le pere &
la mere.
Ceux qui ont fréquenté les Glacieres qui
entourent le Mont Blanc , ont vu fans doute
dans la vallée de Chamouni deux enfans à
peu près femblables à l'Albinos Milanois ,
qu'on vient de décrire. Si je ne me trompe ,
l'un de ces enfans eft actuellement âgé de
quinze , & l'autre de douze ans. La foibleffe
de leur vue , de leurs organes , de leurs membres
qui les rend incapables des travaux de
la campagne , & toute leur configuration les
rapproche entierement de cette efpece dégénérée.
Il eft d'autant plus étonnant de
trouver en ces contrées des individus qui
lui appartiennent , qu'en général la race des
hommes , au pied de ces majestueux fommets
, reffemble à la nature : elle porte l'empreinte
de la force & de la grandeur . M.
Bourrit , de Geneve , a parlé de ces Albinos
, dans fa relation des Alpes : il feroit à
fouhaiter que les Obfervateurs diftingués ,
comme M. de Luc & autres , qui ont fi bien
étudié cette partie des grandes Alpes , euffent
donné une attention particuliere à ce phénomene
: il ne feroit pas moins fingulier que
l'Héliophobe de Milan fit auffi originaire des
Alpes qui avoifinent la Lombardie.
Les lettres du Lac - Majeur font le récit le
plus affligeant d'un orage qu'on a éprouvé
le 19 de ce mois , & qui a dévasté 32 villages .
( 11 )
"
La grêle eft tombée en fi grande quantité , que
dans certains diftricts , les arbres & les vignes
font entierement dépouillés de leurs feuilles .
Les collines offrent de loin l'image de la plus
grande défolation , & la teinte de fang que les
vignes ont prifes , augmente l'horreur de ce tableau
; un froid aflez vif a fuccédé à cet orage.
DE FLORENCE , le 6 Août.
Après 39 jours d'abfence , le Grand Duc
eft arrivé ici le 25 Juillet. Il s'eft rendu
auffi - tôt à la maiſon de plaifance de Poggio
Impériale , pour y revoir fon augufte épouife
& fes enfans.
á
Nous apprenons de Livourne , qué la
corvette Tofcane a remis à la voile le 23 ,
pour fe rendre à Porto Ferrajo , où elle porte
des munitions de bouche. Elle s'y joindra à
la galere le Cervo . Ces deux bâtimens ont
ordre de croifer fur nos côtes .
UneTartane Françoife , venant de Tunis ,
a mouillé dans la rade de Livourne . Le Capitaine
rapporte que les Tunifiens attendent
inceffamment l'efcadre Vénitienne , & qu'ils
fe difpofent à repouffer vigoureufement fon
attaque.
par
L'efcadre Angloife , commandée le
Chevalier Lindsay , eft auffi arrivée à Livourne.
Sa traversée de Naples ici a été de
7 jours. Cette efcadre a été renforcée par la
trégate le Phaeton , qui fe trouvoit dans le
même port.
a 6
( 12 )
DE ROME , le 8 Août.
Les députés du commerce de la ville
d'Ancone ayant préfenté à S. S. , une Requête
pour obtenir la permiffion de faire le
déchargement des vaiffeaux , qui ont achevé
la quarantaine dans ce port , le Confeil
auquel ledit Mémoire a été remis , a rendu
le Refcrit fuivant. Lectum ad inftantiam , &
ferventur ordines dati , & preces amplius non
recipiantur : S. S. voulant que l'Edit du 19.
Juin , relatif à cet objet , foit exécuté de
point en point. Cependant en conféquence
des nouvelles reçues de la Méditerranée , la
contumace ordonnée dans le port de Civita
Vecchia , aux bâtimens venant du Ponent ,
a été réduite de 14 à 7 jours feulement.
Le 30 du mois dernier , les Miniftres
du Roi d'Espagne & de Portugal eurent une
audience particuliere de S. S. à laquelle ils
notifierent , au nom de leurs Souverains refpectifs
; le mariage arrêté entre l'Infant D.
Gabriel - Antoine & l'Infante de Portugal
Mariane- Victoire , & celui entre l'Infant de
Portugal Jean Marie - Jofeph & l'Infante
d'Efpagne Charlotte- Joachim.
·
DE NAPLES , le 5 Août.
Il y a eu déja plufieurs relations du tremblement
de terre de la Calabre le Bibliothécaire
Torcia en donna une quelque tems
après la cataſtrophe. M. le Chevalier Hamilton
eft venu enfuite ; fa Lettre à ce fujer , à
la Société Royale de Londres , eft écrite
( 13 )
avec autant d'intérêt , que de fimplicité &
de candeur. Une troifieme relation beaucoup
plus étendue vient de paroître : elle eft
l'ouvrage du Sr. Sarconi , & contient dans le
plus grand détail toutes les circonstances du
défaftre.
Des lettres d'Otranto annoncent la mort.
du Capitaine Blackett , qui commandoit le
bâtiment la Grande - Ducheffe de Tofcane ,
dont on a parlé précédemment, Il s'y étoit
rendu pour attendre fon époufe , qui ne l'a
rejoint que peu de momens avant fa mort.
GRANDE- BRETAGNE,
DE LONDRES , le 21 Août.
Hier le Roi s'eft rendu à la Chambre.
Haute , & dans le Cérémonial accoutumé ,
il a prorogé le Parlement , par l'organe du.
Chancelier , après avoir prononcé le difcours
fuivant.
Mylords & Meffieurs , je ne puis mettre fin
à cette feffion de mon Parlement , fans vous
remercier de la maniere la plus cordiale , des
preuves réitérées que vous m'avez données de
votre zele , & de la diligence de votre attention
pour le fervice du public.
On doit attendre
les plus heureux effets des mesures que
vous avez adoptées pour mieux gouverner l'Inde ;
fur-tout de l'inftitution d'un Tribunal auffi bien
calculé pour juger les offenfes commifes dans
ce pays éloigné.
Je vois avec une grande fatisfaction les loix
que vous avez paffées pour la confervation , &
pour l'amélioration du revenu , Aucun effort ne
8
( 14 )
manquera de ma part , pour leur donner l'effet &
la vigueur,
Meffieurs de la Chambre des Communes ; le
zele & la libéralité avec lesquels vous avez
pourvu aux befoins du public , & les fecours
que vous m'avez accordés pour prévenir l'augmentation
de la dette de ma lifte civile , demandent
particuliérement mes remercimens ,
Je partage avec vous la douleur de voir les
fardeaux inévitables dont eft chargé mon peuple.
L'importance qui eft attachée au maintien
effectif de notre crédit national , après une
guerre longue & ruineufe , pouvoit feule me
réfoudre à cette pénible néceffité . Je me flatte
que les mêmes confidérations mettront mes fideles
fujets en état d'y faire face , comme ils l'ont
toujours fait , avec force & courage.
-
Mylords & Meffieurs ; le traité de paix définitif
, figné avec les Etats - Généraux des Pro-
'vinces -Unies , & la paix conclue dans l'Inde ,
ainsi que les affurances que je reçois des différentes
Cours , me promettent la continuation
d'une tranquillité générale. Je me flatte qu'après
une feffion auffi laborieufe , il ne fera pas
néceffaire de vous réunir à une période prochaine.
Plufieurs objets importans de commerce
, qui n'ont pas pû être réglés dans la derniere
feffion , requéreront naturellement votre
attention après les vacances : j'efpere que pendant
ce tems , après en avoir examiné à fond
les rapports , on conviendra des réglemens qui
paroîtront les mieux calculés pourtendre à la
profpérité de toutes les parties de l'Empire.
-
Voilà donc l'iffue de cette feffion fi mémorable
, née au milieu d'un choc d'intérêts
& de volontés , conduite de la part du Mi(
15 )
niftere avec une prudence qui a affoupi les
orages , & une activité encore fans exemple
dans les Annales du Parlement ; où les plus
utiles & les plus grands actes de légiſlation
ont été confommés , fans que leur nombre
ait nui à la maturité de leur examen , où
l'Oppofition prefque défarmée a dû céder
tantôt à la fermeté , tantôt à la modération
de fes adverfaires , & qui a montré ce que
peut dans un Gouvernement libre , une Adminiſtration
populaire , qui fait procurer au
Trône la confiance de la Nation .
Ce ne fera pas un moindre objet d'étonnement
pour la poftérité , que de voir des
affaires publiques auffi difficiles , auffi délicates
dans tous les fens , préparées , expofées
, défendues , terminées par les foins d'un
Adminiftrateur de 28 ans , affez fage , pour
s'éclairer de l'expérience de fes Coopérateurs
, affez courageux pour réfifter à une
faction toute puiffante il y a deux jours , &
ayant fu concilier à fes talens les fuffrages
que l'on ne pouvoit refufer à fes vertus. II
ne reste plus à M. Pitt qu'à honorer de plus
en plus une carriere auffi diftinguée , & qu'à
conferver les principes qui lui ont mérité
l'attachement du peuple , & celui du premier
Magiftrat de la nation.
Nous ne nous arrêterors point aux dernieres
Séances du Parlement. Le Roi a donné fon confentement
aux divers Bills , foit de Finance , foit
d'Adminiſtration , foit de Légiflation , dont nous
avons offert fucceffivement le tableau . Dans la
( 16 )
Chambre des Pairs , quelques- uns de ces Bills , furtout
la nouvelle taxe fur les fenêtres , ont excité
des débats fans efficacité. Celui qui rétablit dans
leurs domaines les héritiers des biens confifqués
en Ecoffe , a été attaqué par le Chancelier . Ce
n'eft pas que LordTurlow défapprosvât le principe
de ce Bill , mais fa forme & fa précipitation : il
demanda qu'on le remît à la Seffion fuivante.
Comme le projet de terminer le Canal commencé
entre la Clyde & le Firth de Forth , qui réunira
la mer d'Ecoffe à celle d'Allemagne , entre dans
les difpofitions de ce Bill , le Chancelier coinbattit
l'utilité générale de cette entreprise , comme
ne fervant qu'à l'Ecoffe , & fur- tout aux propriétaires
des terreins , des mines & des fabriqués de
Carron qui en font voifines . Le Comte de Durmore
, l'un des 16 Pairs Ecoffois , & dont les terres
font voifines du Canal , Lord Balcarras , auffi
Ecoffois , répondirent victorieufement au Charcelier
qui n'infifta pas.
Une des réfolutions importantes prifes
dans la feffion actuelle , eft celle de réparer
les anciennes prifons , & d'en conftruire de
nouvelles. Parmi les pouvoirs & inftructions
donnés à cet égard aux Juges des
Seffions , on leur a recommandé de choifir
avec foin l'emplacement de ces prifons , de
les rendre falubres , aërées , affez vaftes pour
contenir féparément les diverfes claffes de
prifonniers , favoir , ceux coupables de félonie
, ceux prévenus de félonie , ceux enfermés
pour mauvaiſe conduite , enfin les débiteurs
; de ménager un emplacement particulier,
où les prifonniers feront examinés
comme témoins , en cas de pourſuite ou
( 17 )
d'accufation pour félonie ; de féparer les
deux fexes , de conftruire des infirmeries
pour hommes & femmes , de plus une Chapelle
, & des bains chauds & froids pour l'uſage
des prifonniers.
Le 19 de ce mois , Sir Guy Carleton a
fait fes remerciemens au Roi , étant nommé
Commandant en Chef des forces britanniques
dans l'Inde. Il étoit difficile de faire un
meilleur choix. Le Général Carleton eft également
propre aux travaux militaires & à
ceux du Gouvernement ; mais l'on s'étonne
qu'à fon âge , cet infatigable Officier ait
accepté cette commiffion.
Les débiteurs enfermés à la prifon du
banc du Roi, au nombre de 800 , ont préfenté
une pétition au Parlement pour obtenir
un bill d'amnistie qui eft renvoyé à
la feffion prochaine. On affure que Lord
Mansfield lui foumettra pareillement un
nouveau Code de loix criminelles , dont
cet illuftre Magiftrat eft occupé depuis longtemps.
Le principe de ce plan eft l'abolition
entiere de l'homicide juridique , qu'on peut
regarder comme l'arriere - faix de notre ancienne
légiflation .
On a exécuté les de ce mois à Aylefbury
un jeune homme de 18 ans , nommé
J. Radley , qui avoit commis 23 vols différens
, de la fomme totale de 308 guinées.
Ayant été pris à la derniere récidive , il trouva
moyen de s'échapper , commit encore fix
vols de conféquence , & d'autres moindres
( 18 )
dans l'espace de fix femaines , & a fini par
les expier tous.
L'Angleterre a perdu le 10 M. Ramſay ,
célèbre Peintre de portrait , & de LL. MM,
Cet Artifte eft mort à Douvres à fon retour
du Continent, âgé de 71 ans. Il est également
regretté de fa famille , de fes amis &
de la nation . Auteur de divers Ouvrages
eftimables , il en écrivit plufieurs fur des ma→
tieres politiques , où il manifefta une connoiffance
exacte de la conftitution , dont il
étoit un zélé défenfeur.
La violation des fépultures eft un facrilege
trop commun de la part des Eleves en
Chirurgie ; mais elle n'eft pas toujours punie
comme elle vient de l'être à Aberdeen.
On avoit enfeveli une pauvre femme morte
à l'Hôpital. Quelques jeunes Chirurgiens
payerent les Foffoyeurs pour laiffer une
marque fur la tombe qui les aidat à la reconnoître.
Dans le but de les déforienter ,
quelqu'un effaça la marque , & la tranfporta
fur la foffe d'une femme morte depuis 4
mois . Les Chirurgiens trompés emporterent
ce dernier cercneil ; mais à l'ouverture il en
fortit une vapeur pareille à la flamme du
foufre , qui les fuffoqua à l'inftant : deux
femmes qui traverfoient la chambre , tomberent
mortes , & l'on compte onze perfonnes
victimes de cet accident.
L'un des objets , dira-t-on , de luxe , ou
de fantaisie , ou de folie , les plus fcanda(
119 )
leux , eft cet amour pour les chiens , devenu
épidémique. Rien de plus dégoûtant que
ce commerce de privautés avec ces animaux
dont on choifit les races les plus ignobles ;
rien de plus bête que les attentions qu'on
leur prodigue , & de plus affligeant pour un
homme délicat , que de voir les antichambres
, les fallons , les boudoirs peuplés de
ces incommodes fapajous. Faire fes délices
d'une pareille fociété, c'eft en être digne :
on conçoit cette foibleffe dans les femmes ;
mais que des hommes paffent leur jour à
careffer des barbers , à peigner des épagneuls ,
à les porter dans les rues comme une Bonne
porte fes nourriffons , il n'eft pas de fatyre
affez fanglante contre ce déréglement de
goût. On eft fatisfait quand l'on voit un agile
& propre levrier , compagnon des promenades
de fon Maître ; on eft touché des fervices
qu'un fier & fuperbe dogue rend à la
maifon ruftique , dont il eft le défenfeur &
l'ornement ; mais ce peuple rampant d'efpéces
écourtées , devenu des joujoux de toilette
, eft lé fléau comme la honte des grandes
villes. I eft étonnanr qu'aucun Souverain
n'air fongé à rendre cette manie tributaire
du revenu public. On y penfe férieufement
en Angleterre. La ville de Durham &
le Comté de Northumberland ont préfenté
une pétition à ce fujet ; le Gouvernement
trouvera là une reffource à laquelle tous les
gens fenfés applaudiront. Le Parlement prendra
auffi en confidération une autre extra(
20 )
vagance , également digne d'horreur & de
pitié , celle des duels . C'est l'Evêque de Lon-`
des qui doit porter une motion à ce fujet
dans la Chambre des Lords.
Le 17 , M. Pitt manqua d'être tué par un Jardinier
, près de Windfor. Ce Ministre avoit été
diner à la campagne , chez M. Jenkin on. Le
foir , en revenant à Londres , fon Poftilion s écarta
de la grande route , & ne pouvant plus
retrouver fon chemin , il pria M. Pitt de defcendre
de voiture & d'aller demander des renfeignemens
à une Ferme dont il étoit tout
près. A l'arrivée de M. Pitt tous les chiens
donnerent l'allarme , & le maître de la maifon
fortit avec un fuil chargé , menaçant de tirer
fur lui s'il bougeoit de la place. M. Pitt voulut
s'expliquer ; le Jardinier fit feu , & la balle perça
l'habit du Miniftre fans le bleffer. Le Poftillon
entendant l'explofion du coup accourut fur le
lieu , & fa préfence jointe aux raifons de
M. Pitt détermina enfin le Jardinier à laiffer
partir le jeune Chancelier & à lui enfeigner fon
chemin. On varie fur les circonſtances de cet accident
, mais le fond en eft très - vrai ,
On a enfermé à la ménagerie de la Tour
deux jeunes ours blancs amenés ici par l'un
des vaiffeaux revenus de Groenland : il eft
-peu à efpérer de conferver long-temps ces
animaux , vu la différence du climat.
Le délai que mettent les Capitalistes du Pays
de Galles à établir dans le Denbighshire une
Manufacture de toiles , eft très- étonnant. Un
Commerce femblable & une navigation par ca
naux au travers des lacs d'Elfemere pour joindre
les rivieres de Dée & la Severn , étant une
( 21 )
fois établis comme il feroit facile de le faire ; les
biens fitués dans les environs de Wrexham
Elfemere , Orton , & dans une grande partie des
Comtés de Denbigh & de Salop , fe compteroient.
bientôt au nombre des terres les plus lucratives
du Royaume,
M. Fitzmaurice , dans le moment actuel , eft
le feul protecteur de ce plan quoique fes biens
dans cette partie du Royaume foient beaucoup.
moins confidérables que ceux de plufieurs autres
particuliers. Cela eft d'autant plus étonnant que le
projet avoit reçu la fanation & l'approbation de
M. Brindley , ce fameux Conftructeur de Canaux
navigables .
Le bénéfice annuel que le Duc de Bridgewater
retire feulement du frêt des bateaux de fon
canal paffe la fomme de 12000 liv . fterl . Et
en outre cette navigation procure à tous les habitans
des environs des avantages fans nombre
qui leur font chérir ce Seigneur.
Le Comte Ferrers , le Lord Shelburne ,
& quelques autres perfonnages intimement
liés avec le Miniftre , font employés à l'inventaire
général des terres incultes. On affure
que M. Steele , Secrétaire de la Trésorerie ,
a été affez h ureux pour trouver le moyen
de fimplifier ce travail hériffé de difficultés.
Les perfonnes qui ont été affez prudentes pour
fuivre l'avis qui avoit été donné par le Morning
chronicle aux intéreffés dans les fonds de
Dublin de retirer leur argent & de le placer en
Angleterre , ont avantage leurs fonds de près de
onze pour 100 ; puifque depuis le mois de Février
nos fonds publics ont hauffé de trois à quatre
pour cents tandis que ceux de Dublin ont baiffé
de fept pour cent.
( 22 )
La pratique ufitée par les agioteurs pour tenir
le prix des fonds à leur volonté par les bruits
publics qu'ils femoient , ne pouvant plus avoir
lieu ; on ne voit plus de ces trafics ufuraires
qui dans les dernières années de la Guerre donnoient
fimplement pour le prêt de l'argent un
profit de 12 à plus de 20 pour cent.
La valeur des terres a furpaffé de beaucoup
le prix des fonds , le produit moyen des terres
un peu étendues & en bon état , étant actuellement
monté au point que 30 ans luffisent pour
être remboursé de fon capital , c'eſt- à- dire ,
qu'elles produifent près de trois & demi pour
cent.
Si nous l'avons bien compris , l'appareil
imaginé pour relever le Royal - George , confifte
dans le moyen fuivant. L'on a enfoncé
un certain nombre d'écrous dans chaque
côté du vaiffeau , entre les fabords
& dans les parties les plus folides du bordage
. A ces d'ecrous eft attachée une enceinte
de cables de la plus grande force , pris
de quatre gros vaiffeaux de guerre , ftationnés
eux- mêmes parallèlement au côté long
du Royal George , & fubmergés le plus
profondément poffible par un left extrêmement
pefant. Leur liaifon avec le vaiffeau
étant affurée de la maniere décrite , on les
déchargera de leur poids avec toutela promptitude
praticable , jufqu'à ce qu'il ne leur
refte de left que ce qui leur en faut pour flottifon
. En fe relevant ainfi fubitement , on
efoere qu'une partie confidérable du vaiffeau
fibmergé fe relevera auffi avec l'un ou l'autie
des quatre bâtimens.
( 23 )
Dans le cours de l'année 1767 , Ayder Aly
étant à Coulmoutour , fortit un jour avec fa fuite
vers les cinq heures du foir pour prendre l'air.
Une vieille femme le trouvant fur fon paffage ,
ſe profterna & s'écria : Juftice ! Ayder or
donna immédiatement à la voiture d'arrêter , fit
figne à cette femme d'avancer , & lui demanda le
fujet de fa plainte. Elle lui répondit : « Seigneur ,
» je n'avois qu'une fille , & Aggi Mahmout me
» l'a enlevée. » Ayder repliqua : « Aggi Mah-
» mout eft parti d'ici depuis plus d'un mois.
Pourquoi avez- vous laiffé écouler tout ce tems
fans vous plaindre ? » « Seigneur , j'ai
» remis plufieurs Mémoires à Ayder Sha , & je
n'en ai pas encore reçu de réponſe. »› →→→→ Ayder
Sha , qui étoit le principal Huiffier , précédoit le
Nabab, portant un large collier d'or , pour marque
de fa dignité. Cet Officier s'avance , & dit :
Cette femme & fa fille jouiffent de la plus
mauvaiſe réputation , & menent la vie la plus
» infâme. » Le Nabab donna ordre de retourner
à l'inſtant au Palais , & commanda à cette
femme de le fuivre . Toute la Cour trembloit
pour l'Officier qui étoit très-aimé ; mais perfonne
n'ofant demander grace pour lui , le fils d'Ayder`
engagea le Commandant des Troupes Européennes
de tâcher de lui obtenir fon pardon. Ce Géwéral
, en conféquence , le demanda à Ayder ,
qui le lui refufa avec la plus grande févérité.
Je ne puis , dit- il , vous accorder votre demande.
Il n'y a point de plus grand crime que celui
d'arrêter la communication entre le Prince &
Les Sujets. C'eft le devoir du Prince de faire
rendre une exacte juſtice , même à ſes moindres
Sujets. Le Souverain eft le feul Protecteur que
» Dieu leur a donné . Le Prince qui a la lâcheté
»de fouffrir que l'oppreffion demeure imponie
( 24 )
» parmi fes Sujets , mérite juſtement de perdre
leur affection & leur confiance , & il les force
» enfin à fe révolter contre lui . » Ayder , après
ce difcours , donna ordre qu'on conduisît Ayder
Sha fur la Place de la Parade , & qu'on lui donnât
deux cens coups de bâton . Il commanda en même
tems à un Officier de fes Gardes à cheval de partir
immédiatement avec cette femme pour la maiſon
de campagne où étoit alors Aggi Mahmout . Ses
ordres étoient , s'il trouvoit la fille , de la rendre
à fa mere , & de revenir avec la tête d'Aggi Mahmout
. Mais dans le cas où il ne trouveroit point
cette fille , il lui étoit enjoint de conduire Aggi
Mahmout à Coulmoutour. La fille fut trouvée ;
& la tête du Criminel apportée à Ayder. Aggi
Mahmout étoit âgé alors de foixante ans ; il avoit
occupé pendant vingt- cinq ans la place de principal
Huiffier d'Hyder Ali , & avoit eu pour fucceffeur
Ayder Sha . Le Nabab , pour récompenfer
cet ancien Officier de fes fervices , lui avoit donné
un Zoghir , ou Diſtrict confidérable de terres. Cet
homme étoit devenu amoureux de l'objet qui lui
coûta la vie , & il l'avoit enlevée , fur le refus que
lui avoit fait la mere de vendre fa fille , à caufe
qu'elle fubfiftoit des revenus qu'elle fe procuroit
en la proftituant .
Suite du Bill de l'Inde.
Art. XIX. La cour des Directeurs de la Compagnie
choifira , dans l'efpace d'un mois après
la paffation de cet acte , une perfonne en état de
préfider à l'établiffement du fort S. George de
Madraff , & deux autres perfonnes pour former
le Confeil de ladite préfidence : ladite Cour fera
de même pour P'établiffement du Confeil de Bombay
, fous les mêmes conditions que pour le fort
S. George de Madras .
Art. XX. Qu'il foit entendu par cet a&e ,
qu'en
1
( 25 )
qu'en cas que les membres préfens dans aucun
des Confeils , foit au fort William , foit à Bombay
ou Madraff , fuffent également divités d'opinion
; alors le Gouverneur Général , ou préfident
dudit Confeil , auroit la voix prépondérante.
Art. XXI . Il fera permis à Sa Majefté & à ſes
hoirs , par un écrit figné de la main , & contrefigné
par le Secrétaire d'Etat , chargé du département
de l'Inde , ou à la Cour des Directeurs ,
en vertu d'un écrit figné par eux , de révoquer
rappeller , & c . Je préfent Gouverneur du fort ·
Williain dans le Bengale , du fort S. George de
Madraffou de Bombay , ou tous autres employés
au fervice de la Compagnie , pourvu toutefois
que , quand cette révocation viendra de la part
de S. M. , un duplicata , figné de la main & contrefigné
par le Secrétaire d'Etat , foit remis dans
la huitaine à la Cour des Directeurs.
Art . XXII . Quand il viendra à vaquer quelque
emploi , par mort , démiffion , expulfion ou
rappel , dans aucune des préfidences ; dans ce
cas , la Cour des Directeurs de la Compagnie
procédera à la nomination d'une perfonne propre
à remplir cette place parmi fes ferviteurs , ex .
cepté la place de Gouverneur Général , celles
de Gouverneurs particuliers des deux préfidences
, & celle de Commandant en Chef d'aucun
des établiflemens , pour lefquelles places les Directeurs
pourront nommer qui ils jugeront à propos.
Art. XXIII , II eft ftipulé dans cet article , que
fi après avoir envain cherché , pendant l'efpace
de deux mois , à défigner à Sa Majefté des per-
Jonnes propres & habiles à gouverner l'Inde , les
Directeurs de la Compagnie échouoient dans
leurs recherches , il feroit alors permis à S. M.
de nommer & d'inveftir des pouvoirs de Gouver
No. 36 , 4 Septembre 1784. b
=
( 26 )
neur ou de membres du Confeil , les perfonnes
qu'elle jugeroit à propos de choifir , qui alors
ne feroient plus révocables par les Directeurs.
Art. XXIV. On n'acceptera aucune réfignation
, foit de l'office de Gouverneur - Général ,
Gouverneur ou commandant en Chef des diver-
Les préfidences , à moins qu'elle ne foit donnée
par écrit , qu'elle ne foit de la main de celui qui
réfigne , fignée par lui & fcellée de fes armes .
Art . XXV. Aucun ordre de la Cour générale
des propriétaires de la Compagnie , n'infirmera
les ordres des Directeurs , quand ils feront
une fois revêtus de la fanction du nouveau Budonnée
de la maniere qu'il eft fpécifié cideffus.
Art . XXVI, II ek ordonné qu'un acte paffé
dans la vingt - unieme année de S. M. , qui enjoint
aux Directeurs de la Compagnie des Indes
de communiquer les dépêches , lettres & ordres
relatifs au Gouvernement civil & militaire de
l'Inde , aux Lords de la Trésorerie , premier Lord
d'icelle , & à un des principaux Secrétaires d'Etat
, & regle les pouvoirs des Directeurs & des
propriétaires , foit annullé dans tout ce qui pourra
être contraire au préfent acte , pendant qu'il fera
en force .
Art. XXVII . Le gouverneur général & le
confeil du fort William auront le pouvoir & l'au
torité d'ordonner , contrôler , & diriger en tout ,
les divertes préfidences de l'Inde , dans ce qui
aura rapport à la paix & à la guerre , au revenu
& aux forces defdites préfidences , qui feront temues
d'obéir aux fufdits gouverneur- général &
confeil; à moins qu'elles n'euffent reçu des ordres
dire&s & récens des directeurs , contradictoires à
ceux dudit gouverneur- général ; dans lequel cas
ces ordres avec leur date devroient être envoyés
( 27 )
au confeil fiégeant au Fort William , & au got
verneur- général , qui , à la vue defdits ordres ,
feront tenus de s'y conformer eux - mêmes , & de
ne fe fervir de l'autorité qui leur eft déléguée ,
que pour les faire exécuter.
Lafuite à l'Ordinaire prochain.
IRLANDE. !
DE DUBLIN , le 15 Août.
-
Il paroît très décidé que le Parlement
d'Irlande s'affemblera , felon l'ufage , au mois
d'Octobre. Les befoins de l'Etat , les réglemens
de commerce , les affaires politiques
ne permettent pas de prolonger plus longtemps
fa féparation .
Toujours le même fpectacle de déclamations
pour la liberté , & d'attentats contre
la liberté , de proteftations en faveur de la
conftitution , & de violences contre fes adhérans
toujours des innocens emplumés &
gaudronnés : cela n'a même pas fuffi ; aujourd'hui
on les affaffine . Vers les 10 heures
du matin , le 1o de ce mois , la canaille
armée d'épées & de piftolets , s'eſt fa fie d'un
Marchand nommé Cromie , après l'avoir
emplumé , on l'a bleffé grievement au cou ;
le Shériff a difperfé le peuple lorfque la violence
a été commife.
Le bataillon des Grenadiers & l'infanterie légere
des Volontaires de Rathdowny s'étant réunis
le premier de ce mois , ont pris unanimement
les réfolutions fuivantes .
cc Arrêté , que nous garderons une fidélité inébranlable
envers notre très - honoré Souverain
& que nous conferverons également la plus prob
2
( 28 )
fonde vénération pour notre excellente conftitution
».
« Arrêté , que convaincus des avantages qui ont
réfulté jufqu'à préfent des affociations des Volontaires
armés , nous foutiendrons cette glorieuſe
caufe de tout notre pouvoir » .
« Arrêté , que c'est notre defir le plus ardent
d'être amis à jamais à notre foar la Grande-
Bretagne par les liens de la plus douce harmonie
& de l'unanimité la plus parfaite , mais qu'il feroit
abfurde de lui facrifier entiérement nos intérêts
& notre félicité » .
{ « Arrêté , que ce Royaume a été effentiellement
léfé par l'importation conftante & l'uſage
trop général des Manufactures étrangeres ».
CE
Arrête , qu'il eft de notre devoir , dans ce
moment de crife , d'accéder à la convention qui
a été géneralement adoptée dans tout ce Royaume
, de ne plus fe fervir des articles , de quelque
efpece qu'ils puiffent être , provenant de ces mêmes
Manufactures >> .
« Arrêté en conféquence , que nous n'acheterons
, pour notre ufage ou pour celui de nos familles
, que des marchandifes provenant des Manufactures
d'Irlande , jufqu'à ce que la Légiflature
ait affuré une protection convenable & permanente
au Commerce & aux Manufactures de ce
Royaume ».
Le Août , les Marchands Merciers de
Dublin ont arrêté dans une affemblée qu'ils
ont tenue à la bourfe , que leur Corps cefferoit
de faire aucune importation quelconque
de marchandifes pendant 4 ans , à moins
qu'on n'imposât fur les importations des
droits qui favorifaffent l'induftrie irlandoife.
En conféquence de cette réfolution encou
( 29 )
rageante , les Manufacturiers ont fait des
feux de joie & des réjouiffances.
Le 12 Août , dans une affemblée trèsnombreufe
des volontaires Irlandois , on a
condamné les fentimens que le Lord Charlemont
a manifefté dans fa réponſe à la dé
putation de Belfaſt , comme étant très - contraires
aux intérêts de l'Irlande , & tendans
à divifer la nation , au moment où l'union
eft le feul moyen qui puiffe la retirer de
fa fituation malheureufe. Il faut obferver que
c'eft un Anglois , un Eccléfiaftique , Lord
Bristol , Evêque de Derry , qui fourient ici
que les Catholiques doivent entrer dans le
Gouvernement.
Les Miniftres , difent nos Libellites , ont enfin
rompu la phalange des Volontaires Irlandois.
Le doigt du Comte de Shelburne paroît vifiblement
dans le plan infidieux dont ils fe font fervis
pour plier ce peuple à leur volonté . Ceux
qui ont figné la Réponse faite au Grand-Sheriff
du Comté de Kerry ( excepté Lord Glendere ,
M. Heuri Herbert , gendres de Lord Sackville ,
& Lord Kenmare , qui a été de la plus grande
utilité aux Miniftres dans un premier effort tenté
pour féparer les Catholiques Romains de leurs
freres les Proteflans ) , font tous Shelburniftes.
C'étoient autant de créatures que cet ex- Premier
Miniftre avoit à fa dévotion , mais leurs fignatures
auroient infailliblement perdu la caufe miniflérielle
, fi elle n'avoit été appuyée par les nobles
Lords & le grand Perfonnage de la Charabre
des Communes d'Irlande , dont il vient d'ètre
parlé . En conféquence , Lord Sackville a été envoyé
en Irlande pour enrôler fa famille dans le
b 3
( 30 )
--
parti ministériel. Il a rempli fa miffion à fou
hait ; ainfi l'Irlande ne doit plus efpérer de réforme
dans fa Légiflature. L'apoftafie s'infinuera
dans toutes les parties de ce Royaume , & les Irlandois
, en s'épuifant en clameurs timides & indignes
d'un peuple libre , deviendront auffi cor
rompus que nous-mêmes.
FRANCE.
DE VERSAILLES , le 25 Août.
Le 22 de ce mois , le Corps-de- ville de
Paris eut audience du Roi ; il fut préfenté à
Sa Majefté par le Baron de Breteiiil , Miniftre
& Secrétaire d'Etat ayant le département
de Paris ; & conduit par le fieur de
Nantouillet , Maître des Cérémonies , & par
le fieur de Watronville , Aide des Cérémonies.
Le fieur le Pelletier de Mortefontaine ,
élu Prévôt des Marchands , & les fieurs .
Mitouard & Pigeon , nouveaux Echevins ,
prêterent le ferment dont le Baron de Breteiiil
fit lecture , ainfi que du fcrutin qui fut
préfenté par le fieur le Pelletier des Forts
Avocat du Roi au Châtelet . Le Corps- deville
de Paris eut auffi l'honneur de rendre ·
fes refpects à la Reine & à la Famille Royale.
Ce jour , le fieur de. Fleffelles , ci -devant
Intendant de Lyon , que le Roi a nommé
Confeiller d'Etat , a eu l'honneur d'être pré--
fenté par le Garde des Sceaux de France , &
de faire fes remercimens à Sa Majesté.
Le 25 , jour anniverfaire de la naiſſance
du Roi, l'on a chanté , fuivant l'ufage ordiraire
, un Te Deum dans l'Eglife paroiffiale
de Notre -Dame de cette ville.
( 31 )
Le Roi a nommé aux places de Grands- Croi
vecantes dans l'Ordre de Saint - Louis , pour le
fervice de terre , le Comte de Caraman , Lieu
tenant général Commandant en fecond dans les
Evêchés , le Comte de Guibert , Lieutenant
général , Gouverneur de l'Hôtel royal des Invalides
, & le Marquis de Ray , Lieutenant général
; à celles de Commandeurs dudit Ordre ,
vacantes dans le même fervice , le Comte de
Cherifey , Lieutenant général , ancien Lieute
nant des Gardes du - Corps du Roi , de la compagnie
de Villeroy ; le Comte de Jumilhac ,
Lieutenant général ; le Marquis de Thiboutot ,
Maréchal - de camp , Infpecteur général d'Artil
lerie ; le fieur de Gomer , Maréchal - de- camp
Inspecteur géréral d'Artillerie ; le Comte de
Mun , Maréchal- de - camp , Lieutenant - commans
dant d'Efcadron des Gardes - du - Corps du Roi
en la Compagnie Ecoffoife ; & le Chevalier de
Coigny , Maréchal- de - camp.
Sa Majefté avoit précédemment accordé une
place de Commandeur , pour le même fervice ,
au Come d'Hoffelize , Maréchal -de-camp , avec
la permiffion de porter la décoration .
Sa Majesté a auffi nommé aux places de Grands
Croix , vacantes dans le même Ordre , pour lợ
fervice de mer,fle Comte de Breugnon , le Comte
de Barras -Saint - Laurent , le fieur de la Motte-
Lieutenans Picquet & le Marquis de Vaudreuil ,
généraux des Armées navales ; & aux places de
Commandeurs , vacantes pour le même fervice ,
le Marquis de Chabert , Chef d'Efcadre , le fieur
d'Albert de Rions , le fieur d'Aymar , & le Comte
de Bruyeres de Chalabre , Capitaine deVaiffeaux.
Le 25 de ce mois , fère de Saint Louis , le Ro
reçut , dans fon cabinet , Grands - Croix de l'Ordre
de Saint -Louis , le Comte de Guibert ,
le
b 4
( 32 )
1
Comte de Breugnon , le Comte de Barras-Saint-
Laurent ; & le Marquis de Vaudreuil .
Le Comte de Caraman , le Marquis de Ray
& le fieur de la Motte- Picquet étant abfens , ont
reçu de la part de Sa Majefté , la décoration de
Grands -Croix , avec la permiffion de la porter.
Sa Majesté reçut pareillement Commandeurs
dudit Ordre , le Comte de Cuerifey , le Marquis
de Thibourot , le Comte de Mun , le Chevalier
de Coigny , le Marquis de Chabert , le fieur d'Aymar
& le Comte de Bruyeres de Chalabre.
Le Comte de Jumilhac , le fieur de Gomer &
le fieur d'Albert de Rions , étant abfens , ont
reçu de la part de Sa Majefté , la décoration de
Commandeurs , & la permiffion de la porter.
Le Roi ayant reçu les Grands-Croix & Commandeurs
ci- deffus nommés , fe rendit à la Chapelle
, portant les marques de l'Ordre royal &
militaire de Saint - Louis , précédé de Monfeigneur
Conite d'Artois & des Princes de fon Sang ,
Chevaliers de Saint-Louis , ainfi que des Grands-
Croix & Commandeurs qui marchoient proceffionnellement
, fuivant leurs grades & leur ancienneté
dans le fervice , en conféquence de l'Edit
du mois de Janvier 1779. Après avoir affifté
à la grand'Meffe , chantée par fa Mufique & célébrée
par l'Abbé de Ganderatz , Chapelain de la
grande Chapelle , & à laquelle la Reine , Monfieur
, Madame , Madame Comteffe d'Artois &
Madame Elifabeth de France affifterent dans la
Tribune. Sa Majefté revint dans le même ordre
'dans lequel Elle avoit été.
Le même jour , les Princes & Princeffes , les
Seigneurs & Dames de la Cour , eurent l'honneur
de rendre leurs reſpects au Roi à l'occafion de la
fête de Sa Majefté ; la Mufique du Roi exécuta ,
pendant le lever , une fymphonie de la compofition
du fieur Harang , premier Violon de la Mu
( 33 )
fique de Sa Majefté , fous la conduite du fieur '
Dauvergne , Surintendant.
Leurs Majeftés fouperent ce jour à leur grand
couvert , pendant le repas , la Mufique du Roi
exécuta différens morceaux de mufique , fous la
conduite du méme Surintendant .
DE PARIS , le 1 Septembre.
Le Prince Henri de Pruffe , qui eſt dans
cette Capitale depuis quinze jours , fous le
nom de Comte d'Oels , occupe l'attention
du Public , & a fixé la fienne fur les objets
remarquables de ce féjour. Il eft inutile de
dire qu'il affifte fouvent aux divers fpectacles
, dont la réputation a piqué de tout tems
la curiofité des étrangers. Le 25 du mois
dernier , M. le Comte d'Oels honora de fa
préfence l'Académie Françoife , fiégeant au
Louvre pour la diftribution de fes Prix annuels
. Par- tout où ce Prince s'eft préfenté ,
il a reçu des preuves de l'opinion publique
fur fes talens & fur l'emploi brillant qu'il en
a fait.
Le Rapport des Commiffaires de la Faculté
& de l'Académie des Sciences , fur le
Magnétifme animal , a été fuivi d'un examen
de même genre , fait par la Société
Royale de Médecine ; il eft actuellement
public , & tout auffi deftructif des chimeres
qu'on a voulu tenter d'accréditer.
On peut regarder ce dernier Rapport comme
le coup de grace à cette doctrine & à ces
myftifications. M. Mefmer , dit-on , a écrit
à M. Francklin , l'un des Commiffaires , une
bs
( 34 )
fettre trop finguliere pour la rapporter : il
vaut mieux douter qu'elle aitjamais été écrite.
Le Parlement , à ce qu'on rapporte ', a
étendu dans toutes les villes , villages & paroifles
de fon diftrict , les défenſes de fonner
les cloches pendant les temps d'orage .
Il eft à defirer que tous les Parlemens du
Royaume prennent une femblable réfolution
: elle vient d'être juftifiée par un événe
ment récent , dont les détails fe trouvent en
ces termes dans les Affiches de Province .
Le 3 Août courant plufieurs orages s'étant
portés fur la vallée où eft fitué ce village , le Maitre
d'Ecole & quelques habitans guidés par leurs
ancien préjugés allerent fonner les cloches malgré
les exhortations du Curé , de M. & Mde la
Marquife de Cafeja , Seigneur de ce lieu , & de
moi , qui n'ai ceffé de leur repréfenter les dangers
de fonner pendant les orages . La foudre
tomba fur le clocher , tua roide un habitant ,
& bleffa à mort le Maitre d'Ecole , terraffa fous
la tour deux autres hommes & trois femmes
qui laiffent , l'un quatre , l'autre fept enfans en
bas age , fans pain & fans reffources , & leurs
femmes prêtes d'accoucher , le pays étant ruiné
par les fléaux de l'hyver dernier & la grêle qui
a accompagné cet orage . Peu après on vit brûler
Ja charpente de la fleche du clocher très- élevée ,
qui auroit incendié tout le village , fi le nommé
Pierre Guvot , Garde - chaffe & pere de famille ,
Charles Brocard , manouvrier , François Compant
& Jean Defchaud , maçon , à l'exemple & exhortation
du premier , ne fuffent montés fur la fleche
& n'euflent coupé les parties embrafées avec un
courage & des effors inouis fecondés par les fecours
de la communauté dirigés par le Seigneur,
le Curé & moi. Ce Seigneur ( M. le Marquis de
( 35 )
Cafeja ) a rendu compte fur- le champ & envoye
les procès - verbaux à M. l'Intendant pour demander
les fecours du Gouvernement , & fes
graces pour les victimes & les héros de cet événement
, dont l'horreur a altéré la fanté des
Dames , & compromis la vie de vingt habitans
& habitantes de ce lieu .
Il s'étoit repandu que des coups de vent
furieux avoient détruit les caiffes coniques ,
coulées à Cherbourg , ainfi que celles encore
fur la grêve. Ce bruit étoit fort exagéré.
La mer en effet a endommagé le cône
prêt à être coulé ; mais il fera facile de le
raccommoder. Quant à ceux déja placés ,
celui qui n'étoit rempli qu'aux deux tiers , a
été jetté fur le côté , mais l'autre eft refté
inébranlable. Cet accident ne dérangera
rien à la fuite de ces grands travaux .
On nous a adreffé de Befançon une rela--
tion du féjour de M. le Prince de Condé
dans cette ville , de 12 pag. in -folio . En
confcience , l'Auteur n'imagine pas qu'on
puiffe fe prêter à fon abondance , quelqu'intérêt
que puiffe infpirer d'ailleurs fa plume:
& le fujet. Entre les attentions par lesquelles
le defir de plaire à S. A. S. s'eft manifefté ,
celle de ménager au Prince l'ouverture de la
Salle de Spectacle , a été l'une des plus heureufes.
Cette Salle , conftruite fur les def
feins de M. le Doux , étant d'un genre abfolument
neuf en France , on nous faura grét
d'en donner une defcription fuccincte , d'après
l'Auteur de la relation.
b 6
( 36 )
La falle de fpectacle de Befançon , ifolée de
toutes parts , préfente un périftile de fix colonnes
coloffa es fur la principale vue. Sous le périftile ,
on trouve trois portes ouvertes fur un grand veftibule
orné de feize colonnes , à l'extrémité duquel
font les efcaliers de 16 pieds de large , qui
conduifent à la galerie & aux premieres loges . On
a pratiqu des deux côtés deux efcaliers ayant
chacun un vestibule , deſtinés aux fecondes , troifiemes
& quatriemes loges , deux autres eſcaliers
pour le fervice du théatre , plufieurs foyers , cafés
, &c. L'intérieur de cette falle , qui préfente
des loges en amphithéatre , offre un coup d'oeil
magnifique ; la fculpture , la dorure , les différens
ornemens qui la compofent , re'pirent le goût ,
l'élégance , la gaieté . Sa forme eft und mi cercle
; & l'avant- fcene étant plus ouvert que dans
aucune de nos falles connues , il n'y a pas une place
d'où l'on ne puiffe appercevoir le théatre à 25
pieds de ligne milieu . Tout le monde eft affis ; le
fond de l'amphitheatre- parquet fert d'appui à la
galerie ; le doffier de la galerie fert d'appui aux
premieres loges , ainfi de fuite , juſqu'à la quatrieme
divifion , qni eft terminée par vingt-huit
colonnes de deux pieds de diametre , & d'un enta ,
blement régulier très- orné & doré par parties.
Le plafond repréſente une banne fond bleu ; les
figures font blanches , les ornemens dorés , le
fond bretté en argent , les camées colorées & rehauffées
en or. Apollon placé au centre , gouverne
tous les artsagréables qui l'entourent , &
font défignés par une danfe de femmes
forme une large frife dont le fond eft breté en argent
avec les attributs qui déterminent chaque
art .
qui
Cet enfemble harmonieux eft plus élégant que
riche. Le furplus de cette banne forme le rideau
de l'avant - fcene , & les retrouffis qui font entre
( 37 )
les colonnes L'avant -fcène préfente un grand
arc appuyé fur une importe qui fait le tour de
la falle , dont le fond eft breté en or , & fur
lequel on a placé une bacchanale , des fêtes , des
jeux , des triomphes .
tre ,
L'orchestre eft pratiqué en partie ſous le théâ-
& renvoie les fons dans la falle par une vouffure
de bois nervée par derriere , & collée en
toile. Il rend les accompagnemens fans nuire aux
voix les plus foibles qui s'entrndent diftin&tement
de tous les points de la falle. Le théâtre
offre un profcénium fort large & pro.ond , après
lequel on apperçoit trois fcènes montées.
Cette falle bâtie en pierres , fculptée , dorée
en or fin , a été ordonnée par Arrêt en 1776 ,
& exécutée fous les ordes de M. de la Coré , Con •
feiller d'Etat , ancien Intendant de Franchecomté
, fur les deffins & conduite de M. le Doux ,
Architecte du Roi , dont le nom feul fait l'éloge
(1).
Les expériences dans les Provinces ne répondent
pas en général à la dignité de l'objet
& aux talens des Conftructeurs. A. Befançon
, il fe préparoit depuis long- temps
un énorme Ballon , qui eft refté un amas de
toiles il n'a pas été poffible de le gonfler ,
malgré tous les efforts poffibles. Une lettre
de Grenoble , du 26 Juillet , parle en ces
termes d'une infortune pareille..
( 1 ) La Salle de Spectacle de Besançon a coûté 160.000
liv, tout compris : nous croyons devoir rendre compte
au public de cette circonftance , qui pouve que la beauté
des formes & l'élégance font plus sûres de plaire aux
gens de goût, qu'un entaffement ridicule de détails fomptueux
, & d'ornemens mal- entendus .
Scribendi rectè , fapere eft principium & fons .
Cette maxime eft applicable àtous les Arts,
( 38 )
Voulez-vous fçavoir des nouvelles de notre
ballon ? Après avoir crévé deux fois fans quitter
place , on eft averti que la Princeffe de C...
paffe à Grenoble avec fon fils , & auffi- tôt on
s'empreffe de radouber le ballon ; le jour pris
pour fon afcenfion , on va pompeufement prendre
la Princeffe avec la mufique & un détachement
de Bretagne. A fon arrivée au jardin
de l'Oratoire où étoit le ballon , on y introduit
du gaz . Il s'enfle , & tout le glacis ainfi
que les deux rives de l'Ifére retentiffent d'applaudiffemens.
Mais , & fortune ennemie !" à
peine s'eft- il groffi juſqu'à la moitié de fon
volume , qu'il perd courage & fe recouche tout
doucement par terre. On propofe de recommencer
le lendemain . La Princeſſe avoit déjà
donné 18 louis pour le voir expirer : on la preffe
de retarder fon départ de 15 ou 18 heures ,
ý confent , nouvelle cérémonie de mufique
on y joint celles des boetes , c'eſt un bruit à
faire croire la ville prife d'affaut . Pour cette
fois , le ballon donna en fpectacle toute fa hauteur
& fa largeur : mais à peine la galerie fut elle élevée
d'undemi-pouce , que le feu prend à l'embouchure ,
& voilà une rumeur effroyable parmi les fpectateurs
. Les aéronautes crient au fecours
on
elle
fe hâte d'affaillir le ballon à coups de
couteaux pour les fauver. Ils ont été légérement
flambés. Cependant une noble ardeur
faifit les amateurs , ils délibérerent de faire un
nouveau radoubage & de tranfporter le balon
au champ de Mars : mais , au moment qu'on
prépare fon voyage , une troupe de fatellites
armés de requêtes , de décret & d'exploits
le faififfent au nom des créanciers qui avoient
fourni let toiles ; en forte que du féminaire il
va être transporté inceffamment à la Banche de
( 39 )
Cour (1 ) , c'eft le terme de fon voyage , &
de mon hiftoire .
Enfin une Feuille publique vient de rapporter
l'effai fait à Touloufe , plus hardi &
non moins malheureux .
Jeudi dernier 5 Août , M. Duvernay a tenté
ici une Expérience aréoftatique , qui avoit attiré
une foule de curieux & fur-tout d'Etrangers.
Le ballon fut chargé en 7 minutes ; mais , au
moment ou il devoit s'enlever avec la gondole ,
des lampes de fer blanc deſtinées à fupléer à la
déperdition du gaz , furent diffoutes par la chaleur
de l'huile , qui tomba toute bouillante fur
l'aréonaute , au point qu'il en fut couvert..
Heureufement fes rûlures n'ont pas été confia
dérables. Il a beaucoup à fe rejouir que l'afcenfion
du ballon ne l'ait pas expofé à cet accident
au milieu des airs. On le blâme de n'avoir
pas fait un premier effai de fes machines &
d'avoir cru trop légérement que la fiamme dés
lampes fût un moyen affuré dans les aréoſtats pour
Ja dilatation de l'air , au dégré fuffifant pour
l'afcenfion. On obferve que ces lampes , bien
p'us coûteufes qu'un fimple fourneau , produifent
une fumée très - nuifible à la raréfaction ,
quand elle fort des parties huileufes & graffes.
I eft à défirer , fi M. Duvernay s'expofe à une
feconde expérience , pour fatisfaire l'impatience
du Public , qu'un fuccès complet faffe entiérement
oublier les défagrémens de celle - ci .
Pour compenfer ces triftes exemples
nous dirons qu'à Guincamp , on a élevé un
Ballon fans accident , & même avec toute.
la gloire que mérite cette ardeur imitatrice.
Les Numéros fortis au Firage de la
(1 ) Lieu où fe font les ventes par autorité de Justice.
( 40 )
I
Loterie Royale de France , le i de ce mois ,
font : 6 , 71 , 51 , 65 , & 10.
PAY S- B A S.
DE BRUXELLES , le 30 Août .
On doit au courage de quatre matelots
Anglois le falut d'un vaiffeau prefqu'échoué
à la vue d'Oftende. Voici de quelle maniere
on raconte cet événement.
Hier à environ cinq heures du foir , un pinque
à trois mars , nommé la Brigite - Marie
Cap . Audets Tillen , venant de Frederikshall ',
chargé de bois pour Bruges , s'eft préfenté pout
entrer dans ce port , & y.eft entré en effet ;
mais le reflux étant plus fort que le vent , ce
navire a dérivé jufque fur le banc du côté de
Wert , où il a beaucoup fouffert , & a été fur
le point d'être perdu avec fa cargaison , Le gouvernail
a d'abord fauté , & il y a eu quelques
crevaffes dans le navire. Quatre Matelots Anglois
voyant le danger où étoit ce bâtiment ,
ont tâché d'en approcher par le moyen d'une
chaloupe à rames . Ils faifoient des bonds de
dix pieds de haut ; mais ils ont bravé le danger ;
ils ont attaché les amarres aux pilotis de la
tête du port : & au péril de leur vie , ils font
parvenus à fauver le navire & tout ce qu'il
portoit.
Un autre navire de Midelbourg a péri
peu de jours auparavant devant le même
port : l'équipage a eu le bonheur de fe fauver.
On n'avoit pas eu de nouvelles du vaiffeau
Hollandois le Drenthe , de 60 canons ,
difperfé avec toute l'efcadre dans la Méditerranée
par l'affreufe tempête du mois de
Février dernier , Le 4 Juillet , ' Hercule de la
( 41 )
même nation , commandé par le Capitaine
Melvil , a rencontré la grande chaloupe du
Drenthe , à la hauteur des ifles Baléares ; 5
mois entiers elle a flotté au gré des vagues ,
le Drenthe ayant été englouti avec tout fon
équipage.
Enfin, le Duc de Brunfwick vient d'être
formellement congédié , au moins par les
Etats de Hollande. Le 18 de ce mois , ils ont
pris la réfolution de lui retirer tous les em
plois , en lui confervant fes appointemens juf
qu'à la fin de l'année. Par le même decret , le
Feld- Maréchal doit s'éloigner du territoire de
la République. On attend ce que les autres
Provinces & les Etats Généraux , à qui la
chofe doit être portée , prononceront.
Il eft trop important & trop inftructif même
de connoître les motifs de cet acte pour
négliger d'en conferver ici l'expofé . Après
s'être étendu fur l'Acte fameux entre le Stathouder
& le Duc , les Etats de Hollande
ajoutent :
Qu'avec toutes les plaintes des confédérés
, & en particulier des Seigneurs Etats de
cette province , fur la malheureufe direction des
affaires du pays , il ne peut plus être douté de
l'influence dangereufe d'un tel Confeiller , qui
s'eft élevé à ce pofte ministériel d'une maniere
auffi impardonnable , & avec un fecret qui a voilé
cette conduite à la conféderation durant l'eſpace
de dix - huit années , & tâche de s'y maintenir
encore par le moyen de la confiance aveugle de
fon Alteffe fur fa perfonne , comme dans un pofte
légitiment acquis ; même de cette façon , que
tous les moyens employés fous main , de la mas
( 42 )
niere la plus amicale , pour détourner fon Afterfe
de l'appui dudit Duc , ont été inutiles ; c'eſt
pourquoi il ne refte plus actuellement d'autre
moyen , finon que LL. NN. & GG . PP. , pour
autant que cela leur concerne , s'acquittent de
leur devoir comme Souverains de cette Province :
& s'opposent de tout leur pouvoir contre les effets
ultériurs & dangereux dudit engagement
clandenin & fi léfif pour le Souverain , en extirpant
le mal jufques dans fa fource.
Que cette affaire n'eſt pas un objet , ni ne peut
l'être de la Juftice ordinaire , à qui il n'appartient
jamais de juger fur des objets concernant
les affaires du pays ; ni auffi en particulier , fur la
continuation ou non du ſervice de ceux que le
Souverain juge devoir en être démis ; & qu'il
confte ainfi , qu'il eft privativement du départe
ment du Souverain , de juger ce qui convient
d'être mis en oeuvre pour le bien de la chofe
commune & pour la confervation du pays contre
des entreprifes dangereuses.
Il a été trouvé bon & entendu de déclarer le
fufdit acte de convention , par lequel le Seigneur
Duc s'eft engagé , fans connoiffance ni confentement
des Seigneurs Etats & fous condition d'irrefponfabilité
auxdits Etats de cette Province
& autres Confédérés , d'être le Confeiller du Seignear
Stadhouder Héréditaire dans toutes les
affaires de ce pays , à quelque Département qu'el
les puiffent appartenir , & déférées par les Confédérés
à S. A. S. , pour nul & de nulle valeur .
Que le fufdit Seigneur Duc , par cette conduite
, s'eft oppofe aux intentions de tous les
Confédérés , qui lui étoient connues , de ne fe
mêler en rien des affaires politiques.
Que cette conduite renferme un mépris public
pour les Souverains refpectifs de ce pays ,
& qui attire la plus grande indignation de la part
( 43 )
de la Confédération. Que la perfonne du fufdit
Duc , qui a fçu détourner ainfi en fecret & en
vertu de cet engagement , le Sthatouder des
Confédérés pour l'attacher à lui feul , & s'ingérer
par là dans les fecrets de l'Etat , ne put
être confidérée que comme une perfonne trèsdangereuse
pour ce pays & pour ces raifons , &
par conféquent pour des raifons d'état , doit en être
éloignée.
Qu'en conféquence les Seigneurs Députés de
cette Province à la Généralité feront autorisés
& ordonnés par la préfente , de communiquer
- cette réfolution de L. N. & G. P. à l'affemblée
de L. H. P. & de diriger les chofes par là de la
maniere la plus forte ; qu'en des fondemens certains
& inconteftables pofés ci - deffus , ils infiftent
à cette affemblée que tous les Confédérés
veuillent bien concourir fans délai avec L. N.
& G. P. pour démettre le Seigneur Duc de
toutes les Charges militaires dont il a été revêtu
jufqu'ici dans le fervice de la Confédération , &
pour l'éloigner du territoire de cet Etat , afin de
rétablir le repos dans ce pays & l'harmonie parmi
les Hauts Confédérés ; & de déclarer encore
à l'affemblée de L. H. P. que L. N. & G. P.
ne reconnoîtront plus longtemps le Seigneur Duc
dans aucune des fufdites qualités militaires ,
ne confentiront dans quelques poftes pour lui
qui pourroient être portés fur la pétition de
guerre; & ne feront aucun des paiemens portés
à leur répartition , plus longtemps que jufqu'à
la fin de l'année courante , en vertu de leur confentement
; & que L. N. & G. P. font difpofées
de concourir avec les autres Confédérés , à l'égard
des moyens les plus propres pour éloigner
efficacement ledit Seigneur Duc du territoire de
cet Etat ; & que lefdits Seigneurs Etats , quant
à ce qui regarde leur territoire fouverain , le ré
ni
·( 44 )
fervent le droit de prendre à cet égard les précautions
néceffaires.
De plus , il a été trouvé bon & entendu , d'écrire,
& de donner ordre à tous les Officiers , dans
cette Province , qui étoient accoutumés de recevoir
des ordres dudit Duc , de ne plus les refpecter
pour autant que cela leur concerne ; &
qu'auffi les Seigneurs du Confeil commité feront
ordonnés de ne plus faire de paiemens que cette
année courante , fur les Poftes concernant ledit
Duc , fur l'état de la guerre.
Enfin , il a été trouvé bon & entendu que ,
pris en confidération que peut- être quelques autres
perfonnes ont eu la main dans la formation
dudit acte , & ont engagé S. A. S. à le paífer ,
il fera examiné par les . Seigneurs de l'ordre
Equeftre & autres Comités de L. N. & G. P. à
la grande befogne , de quelle maniere pourront
fe faire les informations à cet égard , & fervir
l'affemblée de leurs confidérations & avis.
Et qu'il fera envoyé extrait de cette Réfolu
tion audit Seigneur Duc pour le régler en con
féquence.
L'Ordre Equeftre , les villes de Delft , la
Brille , Enckhuiffen , Edam & Medemblick
ont proteſté dans les termes les plus explicites
contre cette réfolution . Rotterdam ,
Schiedam & Hoorn ont aufli protefté con- .
tre une partie de cet acte , enforte qu'il a
été décidé à la feule pluralité de to voix ,
contre 9 , ycompris celle du Corps Equefttre .
Les nouvelles de Hollande parlent d'une
Requête préfentée par les Catholiques aux
Etats de Hollande & Weft- Frife.
L'exercice de leur culte , difent - ils , dés
( 45 )
fendu durant la guerre avec l'Espagne , crainte
de troubles , a été toléré enfuite peu à peu
par connivence , & enfin plus ouvertement ;
diverfes réfolutions de L. N. & G. P. manifeftent
évidemment qu'elles étoient bien informées
de cet exercice , mais ne vouloient pas l'empêcher.
Quoique les anciens placards rigoureux
ne foient pas abolis expreffément , ils l'étoient
néanmoins de fait ; mais nonobftant cela , les
Baillifs & Officiers , fans y être autorisés par
le Souverain , ont refufé d'admettre cette exercice
, finon en exigeant à cet effet des contributions
plus ou moins fortes , très -aggravantes
pour la Religion Romaine . Ceux - ci cependant
ofent fe flatter d'être connus pour habitans paifibles
& pacifiques qui , malgré la grande différence
des opinions religieufes , ne font pas moins'
empreflés que les autres à prodiguer leurs biens
& leur fang pour le maintien & la prospérité
de cette République ; & confidérant que les principes
de tolérance religieufe répandus de plus
en plus , favorisent auffi les Réformés en d'au-.
tres pays , ils requierent refpectueufement » :
Qu'il plaife à L. N. & G. P. de défendre aux
Baillifs & Officiers refpectifs de cette Province ,
de recevoir des Habitans Catholiques Romains
y demeurans , aucun argent , foit à titre de reconnoiffances
, d'admiffion , de bienvenues , foit fous
telle autre dénominanion que ce pût être ; mais ,
contraire , de laiffer les Habitans Catholiques -Romains
de cette Province exercer leur culte paifiblement
& en conformité des Placards qui fubfiftent encore
à cet égard ; ou bien que L. N. & G. P. daignnty
pourvoir d'une autre maniere , telle que felon
Leur fagefle reconnue elles jugeront convenir , & c.
·
au
Une lettre de Madrid , en date du s
Août , de la teneur fuivante , donne quel(
46 )
·
ques éclairciffemens fur ce qui s'eft paffé
devant Alger.
« Toutes les Lettres particulieres , qu'on a reçues
de Carthagène , s'accordent , en convenant
que l'Expédition contre Alger n'a pas trop bien
réuffi : Elle a été fort contrariée par les vents &
par une groffe mer , extraordinaires en cette laifon
: Mais ce qui a encore contribué à fon peu
de fuccès , c'eft la défunion des Chefs. Dans la
Relation même que la Cour a publiée , Don
Antonio Barcelo donne affez à connoître , que durant
les attaques il n'a pas toujours été fecondé
felon fes defirs : Vif & ardent dans les entreprifes,
il a couru de grands dangers perfonnels ; & il en
a voulu faire courir á d'autres , qui croyoient que
c'étoient trop hafarder . La raiſon , qui fit que la
premiere attaque réuffit fi bien , & les fept fuivantes
fi mal , c'eft que le 12 Juillet les Chaloupes
- Canonnieres des Algériens n'étoient pas
encore prêtes , pour s'oppofer à celles des Efpagnols
: Mais , lorfqu'elles le furent les jours fuivans
, les Affaillans dûrent les combattre & les
chaffer , avant de pouvoir bombarder la Place
avec quelque effet ; & , comme elles étoient trèsnombreuſes
, c'étoit- là une tâche fort difficile .
finon impoffible à remplir . Par-là il eſt arrivé
que de 4000 bombes il n'en est tombé , dit- on ,
pas plus de 50 dans la Place. L'on compte que
nous avons eu 120 à 130 morts dans cette Ex¬
pédition. ››
Les mêmes avis apprennent que par une
Cédule Royale du premier de ce mois , il a
été défendu à Madrid de vendre aucun livre
étranger en Espagne , fans un examen &
une permiflion préalable du Confeil.
( 47 )
Le Prince Henri de Pruffe a féjourné huit
jours à Geneve , où le Duc de Glocefter fe
trouve depuis quelque temps. Le Duc de
Chablais étoit à la même époque dans fon
Duché fur les bord du Léman ; mais il n'a
point vu le Héros voyageur. Ce Prince a
porté fon attention fur tous les objets intéreffans
de cette magnifique contrée . Entre
les perfonnes & les lieux qu'il a vifités , il
faut remarquer le célébre Charles Bonnet ,
& le village de Ferney. Le Prince de Pruffe
a exprimé les regrets de ne plus trouver dans
cette terre l'illuftre Poffeffeur qui l'avoit embellie
, & que fa mort a fait rentrer dans
l'obscurité.
Caufe extraite du Journal des caufes célébres.
Foffoyeur condamné au carcan , pour avoir profane
la Sépulture des Fidèles.
Tous les peuples policés ont puni ceux qui
ofoient troubler les cendres des morts . Cette jufte
févérité eft fondée fur le refpe &t qu'on leur doit.
Les Sauvages même regardent comme les ennemis
les plus dangereux ceux qui violent les tombeaux
. Ce délit ne peut donc être trop lévérement
réprimé chez une Nation qui a une législation
éclairée : auffi a- t-il toujours été puni en France..
Qu'un voleur s'empare , par force ou par
adreffe , d'effets précieux , c'eft un délit commun
dans toutes les Sociétés , & qui ne furprend pas ;
mais qu'un homme , pour avoir quelques mauvaifes
planches & des morceaux de linge , porte
une main facrilege fur les corps enfermés dans
des tombeaux ; c'eft un de ces crimes qui éton
( 48 )
neront toujours : cependant le Parlement de Paris
a été obligé , depuis peu , de punir un coupable
de cette espece.
Un Foffoyeur de la ville de Gannat , nommé
Jean Laffimone , étoit dans l'ufage , depuis quelques
années , d'exhumer , pendant la nuit , les
corps morts. L'impunité l'avoit tellement enhardi,
qu'il ne prenoit plus la précaution de couvrir des
ombres de la nuit fes entreprifes criminelles . Souvent
, au milieu du jour , fous prétexte de creuſer
des foffes dans le Cimetiere , il expofoit les cadavres
nuds aux regards des paffans ; & , après les
avoir dépouillés , il les recouvroit de terre. Une
conduite auffi odieuſe inſpira la plus forte indignation
. On dénonça le criminel Foffoyeur au
Miniftere public , qui fit informer. Sur l'information
, il fut décrété de prife de corps & conf.
titué prifonnier. Par Sentence du Juge de Gannat
, le Foffoyeur fut condamné à faire Amende
honorable , & à être mis au carcan pendant trois
- jours & enfuite banni pendant trois ans . Sur
l'appel , le Parlement l'a feulement condamné ,
par Arrêt du 24 Février 1781 , à être mis au
carcan pendant deux heures , & il a été enjoint
au Sacriftain d'avoir , à l'avenir , plus d'attention
au choix de fes Foffoyeurs , & plus d'exactitude
à veiller à la décence qui doit s'obferver dans
le Cimetiere.

1
** M. le Comte d'Oëls , eft venu au Palais : il a
affifté à l'Audience de la Grand'Chambre. M.
Treilhard , qui plaidoit pour le Tuteur des enfans
de Madame la Princeffe de Guémenée contre le
Vicomte de Choiſeul , a terminé fon diſcours par
faire le portrait du véritable Magiftrat , & celui
du Héros guerrier . Le Public a fait à M. le Comte
d'Oels l'application du dernier , & a beaucoup
applaudi
JOURNAL POLITIQUE
DE BRUXELLES.
TUR QUI E.
DE CONSTANTINOPLE , le 2 Août.
ES dernieres nouvelles reçues de Smyrne
étoient déplorables. Cette ville qui comptoit
dans fes murs près de deux cent mille
ames , en a perdu quinze mille par femaine ,
depuis que la pefte y exerce ſes fureurs. Cette
mortalité n'épargne que ceux qui ſe tiennent
abfolument renfermés , ou qui ont trouvé
une retraite dans des campagnes ifolées. Les
comestibles font montés à des prix effrayans :
pour te les procurer , on eft obligé de recourir
aux Spenditori , efpece de monopoleurs
, ci -devant attaqués & guéris de la pete
, & qui s'expoſent impunément à fon in-
Auence .
·
Le Divan , dont les féances font toujours
très fréquentes , a expédié , felon le bruit
public , un ordre au Capitan Pacha de rentrer
dans ce port. Afon retour , on augmen-
N°. 37, 11 Septembre 1784.
C
( sa )
tera fa flotte de 24 caravelles , de 6 galeres ,
& de 115 vaiffeaux de tranfports ; après
quoi il remettra en mer pour aller on ne fait
où.
Une autre rumeur fait déclarer à la Porte
par les Ambaſſadeurs de France & d'Efpagne
, qu'ils ne chargeront plus de leurs dépêches
le Courrier de Conftantinople à
Vienne , mais que leurs propres meflagers
fe rendront en Dalmatie , d'où après avoir
traversé l'Italie , ils pafferont à leur deſtination.
Cette nouvelle route ne feroit pas plus
sûre que l'anciennes réflexion qui fuffit pour
douter du projet de cet expédient. Il aura
été fuggéré probablement par l'accident du
courrier volé près de Belgrade , accident
auquel la Porte a cru remédier pour l'avenir
, en condamnant aux dommages & intérêts
le village voifin du lieu où le vol a
été commis.
RUSSIE.
DE PÉTERSBOURG , le 3 Août.
L'un des voyages les plus rapides eft celui
du Prince Potemkin revenu de Crimée. Il a
fait en 10 jours cet immenfe trajet.
*
La mort inopinée du Lieutenant-Général
Landskoi a fait une impreffion affez profonde
fur notre Souveraine , pour la décider
à élever un Manfolée à cet Officier , péri à la
fleur de l'âge. Il avoit laiffé la plus grande
( 51 )
partie d'une fortune de quatre millions de
roubles à l'Impératrice , aux bienfaits de
laquelle il devoit cette opulence. Cette généreuſe
Princeffe a reftitué ces dépouilles à
la famille du défunt , & ne s'eft réſervé que
le rachat des terres qu'elle avoit données ,
valant 400 mille roubles , de la vaiffelle , des
tableaux , de la Bibliotheque & du Cabinet
de Médailles du Lieutenant- Général. Le fecond
fils du Landgrave de Heffe - Philipftadt
, âgé de 20 ans , eft en cette Capitale
, dans le deffein , à ce qu'on préfume ,
de s'attacher au fervice de cet Empire.
DANEMARCK.
DE COPENHAGUE , le 16 Août. *
Qutre l'efcadron de Huffards du Corps qui
étoit en garnifon à Helfingor , il eft encore
arrivé ici 2 autres efcadrons de Rothfchild
, auxquels on a affigné pour quartier
Fréderiesberg & les villages du voifinage.
La compagnie d'Afie a reçu l'agréable
nouvelle , que fon vaiffeau , le Chateau de
Dansberg, Cap. Engerslet , eft arrivé le 11
Janvier dernier à Tranquebar.
Le 20 , une efcadre Ruffe de 11 vaiffeaux
de guerre , commandée par le vice-Amiral
de Borrifow , a mouillé ici , venant de Cronf
tadt. On dit qu'elle doit fe rendre dans la
Méditerranée.
ALLEMAGNE.
DE HAMBOURG , le 18 Août.
L'on peut annoncer aujourd'hui le réful-
C 2
:( 52 )
tat des négociations relatives à l'affaire de
Dantzick. L'Impératrice de Rullie a répon
du qu'elle eût vu avec plaisir le confentement
du Roi de Pruffe , au pro, et d'accom
modement qu'elle avoit propofé ; mais que
ce Monarque infiftant fur les termes qu'il a
préfentés , elle employeroit fes bons offices
pour les faire recevoir. Ce plan a donc été
envoié à M. de Stackelberg , Ambaſſadeur
de Ruffie à Varfovie , où ce Miniftre en rédigera
la tranfaction définitive avec le Réfident
de Pruffe. L'Impératrice a jugé équitable
d'y inférer les trois points fuivans : 1. de
déterminer bien clairement ce qu'on entend
par effets royaux & militaires ( relativement
au paffage de ces effets, fans payer de droits
fur le territoire Dantzickois. ) 2 °. D'établir
à Forhwaffer un Agent de Dantzick; 3 ° . de
foumettre les bâtimens de cette ville , ainfi
que les Pruffiens à être vifités . Le fecond de
ces articles rencontre encore des difficultés :
mais qui ne tarderont pas à être levées de
"maniere ou d'autre.
DE VIENNE , le 17 Août.
La température de cette faifon participe
à la bizarrerie de celle de l'année derniere.
Au lieu des chaleurs ordinaires , nous avons
des torrens de pluies froides. Le Danube
s'eft débordé , & les troupes du camp de
Minkendorf ont été obligées de fe retirer
dans les villages voiſins. La même intempérie
s'eft faite fentir en Hongrie.
( 53 )
-
On parle de deux Edits rigoureux prêts à
être publiés par le premier , tous ceux qui
feront des billets ou lettres de change , avec
la conviction de le ir impuiffance à y faire
honneur , feront traités comme des voleurs
publics. Mais comment conftater cette conviction
? c'eft ce qui paroît au-deffus de la
force des loix humaines . Il faut être bien
sûr des Juges & des moyens qu'ils auront à
employer , pour éviter des abus qui compromettroient
à tout moment la confiance
du commerce .
Le fecond Réglement dont il eft queſtion ,
établiroit une nouvelle peine extraordinaire ,
à fubftituer à celle de mort , favoir de créver
les yeux des criminels dignes de perdre
la vie . Ce terrible expédient a été propofé
à S. M. I. , qui ne l'a certainement point
agréé encore.
Une lettre de Lippa du 1 de ce mois ,
contient les particularités fuivantes.
Vingt bandes de voleurs fe rendirent le 27
du mois paffé dans le village de Sarbofin , dont
M. de Forray eft Seigneur , arrivés au Château
fous la conduite de leur Chef , ils demanderen
à parler à M. de Forray fous prétexte de.
remettre entre les mains des voleurs qu'ils avoient
pris en conféquence de l'édit de l'Empereur
qui met les têtes de ces honnêtes gens à prix ;
des hommes qu'ils emmenoient avec eux , liés
& garottés ne contribuerent pas peu à intuire
en erreur le Seigneur qui vint à eux fans aucune
défiance : auffitôt que ces voleurs le virent ,
ils lui déclarerent que leurs prétendus prifon- ,
C 3
( 54 )
miers étoient leurs camarades & compagnons de
fortune ; qu'ayant réfolu auffi bien qu'eux de
quitter la profeffion qu'ils avoient exercéé
jufqu'alors , ils étoient venu pour lui en donner
leur parole & en mériter leur grace , qu'il fe
garderoit bien de leur refufer.
M. de Forray quoiqu'âgé de 70 ans conferva
toute la présence d'efprit dans ce moment critique
; après leur avoir témoigné combien il était
charmé de les voir revenir à réfipifcence , il
leur promit d'employer fes bons offices pour
eux auprès de l'Empereur , & les invita à donner
leurs noms pour qu'on pût les diftinguer des
autres voleurs qui n'auroient pas conçu le def
fein généreux , dont ils venoient de lui faire part :
le chef fentit le piége ; à quoi bon , dit - il , à
M. de Forray tant de formalités , nous ne voulons
pas en être dupes , le motif de notre arrivée
eft honnête ; que vos procédés y répondent
foyez généreux ; vous nous forcez à prendre des
précautions que nous aurions peut-être négligées
, venez avec nous , Monheur , fervez nous'
d'otage & foyez le gage du pardon que vous
nous promettez le feigneur fut obligé de fuivre
& ils partirent avec lui , le pistolet armé
à la main & menaçant les domeftiques en cas
de réfiftance . Ce fut en vain que M. de Laf
kowichs , gendre de M. de Forray s'offrit à prendre
fa place , il eut beau remontrer qu'un vieillard
n'étoit guere propre à faire voyage avec eux :
on ne l'écouta pas , il fut impitoyablement refufé
& l'octogénaire obligé à partir . Ces voleurs
s'appercevant que la marche étoit trop pénible
pour ce vénérable vieillard , envoyerent huit
hommes de leur troupe , prendre fon cheval au
château ; un domestique accompagné d'un pandoure
l'amene à fon maître , & ils continuerent
( 55 ).
1
ain leur route en efcortant leur Seigneut avec
le plus grand foin . Ce ne fut pas fans furprife
que la Dame du Château reçut le lendemain
de fon mari la lettre fuivante : Soyez fans inquiétude
, ma chere épouse , pour ce qui me regarde ;
on me traite avec des égards auxquels je ne me
Jerois pas attendu la générosité peut-elle encore fe
nicher dans des ames avilies par le crime ? on
me previent en tout je fuis pour ainfi dire plus
confus de leur honnêteté que de leur compagnie :
envoyez moi des vivres & repofez- vous du reftefur
mes compagnons.
La Dame eut foin d'expédier auffitôt tout ce
que fon mari avoit demandé & n'oublia pas d'y
joindre un tonneau de vin pour les voleurs ,
qui fut reçu comme le prélude de leur grace .
M. de Lagkovics étoit déja en route pour Vienne
; arrivé à Villegos , il apprit que fon beaupere
étoit aux environs de Dumbrick dans le
comitat d'Arad, toujours accompagné des fripons
repentans , & que l'Evêque du lieu étant
parti pour le délivrer , avoit eu tant de pouvoir
fur l'efprit de ces voleurs , qu'ils lui avoient lâché
leur prife , après lui avoir fait jurer fur fa
croix , qu'il fe réuniroit à M. de Forray pour obtenir
leur pardon ; ils ontajouté qu'ils ne laifferoient
pas pierre far pierre au château de Sarbofin ,
s'ils differoient long temps à l'obtenir.
Des voleurs s'étant gliffés dans le pavillon
de l'Augarten , où l'Empereur couche depuis
quelques jours , ils réveillerent S. M. I.
par le bruit de l'argenterie qu'ils entaffoient
dans leurs facs . Les Gardes étant accourus
ces hardis coupables ont été arrêtés & jettés
dans les prifons.
?
Le commerce , écrit - on de Munkatſch en Hong
C 4
( 56 )
grie , gagne tous les jours en activité , graces
Hux foins paternels de S. M. I. Il paffe fréquemment
par cette ville des chariots chargés de
marchandifes du pays pour la Gallicie , & de
eette Province pour ce pays. Le tabac eft un
des objets principaux de ce commerce. On envoie
d'ici beaucoup de fer travaillé & non travaillé
dans la Moldavie & une grande quantité
de potaffe en Pologne. Les forêts dans ces environs
abondent en bois pour la marine ; l'année
derniere les Dantzikois en ont beaucoup exporté
Il y a quelque temps qu'on a dévouvert ici des
mines d'alun , mais on ne peut les exploiter encore
faute d'ouvriers .
Jufqu'ici les Dinaftes dans la Gallicie & la
Lodomerie ont conftamment affermé aux Juifs
les fabriques de bierre , d'hydromel & d'eaude-
vie , ainfi que la plupart des maisons où
fe fait en détail la vente de ces boiffons. Il en
eft réfulré plufieurs inconvéniens qui ont excité
les plaintes du peuple , qui non - feulement étoit
exclus des avantages du commerce qu'il pouvoit
faire auffi lui-même, mais qui étoit encore
fouvent trompé fur la qualité de ces liqueurs ,
& en particulier fur celle de l'eau - de- vie qu'on
falfifioit ou qu'on camphroit , & qu'il étoit obligé
d'acheter. L'Empereur , fur les représentations
qui lui ont été faites à ce fujet , a ordonné
que d'ici à la fin de l'année 1786 , on fupprime
tous les baux faits jufqu'à préfent aux Juifs ,
des maisons , hôtelleries ou boutiques dans lef
quelles ces boiffons fe vendent en détail , &
qu'on leur ôte la fabrication de la bierre & de
l'hydromel. On leur laiffera feulement ce le de
l'eau-de-vie , qu'ils ne pourront vendre qu'en
gros & fans falfification , aux Matchands Chré(
37 )
tiens qui sen feront la revente en détail . Les contraventions
de la pir des Juifs feront punies
par la confifcation des liqueurs fabriquées ainfi
& des uftenfiles néceffaires à cette fabrication .
Les Dynaftes qui leur permettront de vendre
en détail & qui leur loueront des maifons
pour cet effet , feront condamnés à une amende
de 100 fequins. Le Gouvernement de Lemberg
a ordre de veiller à l'exécution de cette ordonnance.
9
L'on affure que le nouveau Code Autrichien
eft fous preffe , & qu'il fera m's en
exécution , au mois de Novembre. En attendant
, l'Empereur a privé les Juftices Seigneuriales
de l'exercice de la Juftice criminelle
, dont la connoiffance a été attribuée
aux Tribunaux des cercles.
DE FRANCFORT , le 16 Août.
Quelques Feuilles publiques ont rapporté
qu'étant à la chaffe , l'Empereur avoit malheureufement
tué un jeune homme fur le
bord oppofé du Danube que traverfoit le
cerf. Il est vraisemblable qu'on a confondu
cet accident avec celui arrivé réellement à
S. M. I. , & que nous avons rapporté : le
bois du cerf fit une affez forte contufion
dans le côté. Ce qui acheve d'ôter toute ,
probabilité au premier rapport , c'est que le
Danube et beaucoup trop large aux environs
de Vienne , pour qu'une balle puiffe
bleffer mortellement quelqu'un fur l'autre
rive , à moins que l'arme & fa charge ne
foient de tinées à une portée plus qu'ordinaire.
CS
( 58 )
Le Gouverneur de Hongrie a reçu l'ordre
de l'Empereur de faire procéder à la confcription
des habitans de ce Royaume & des
Provinces y incorporées , & numéroter auffi
les maifons . Mais S. M. I. a déclaré en
même temps , que fon intention n'étoit pas
dans ce moment d'y introduire la Confcription
militaire , & qu'elle defiroit feulement
de connoître la population de ce
Royaume.
Ŏn vient d'élever à Leipfick un Obfervatoire
pour lequel l'Electeur a donné 6000
florins.
Les lettres de Berlin nous confirment le
départ du Roi pour la Siléfie : le Prince
Royal y avoit précédé S. M.
ITALI E.
DE MILAN , le 19 Août.
Par un Edit du 15 de ce mois , S. M. I. a
ordonné la vente des biens qu'elle poffede
dans le Ferrarois , & ci-devant affermés . Le
Gouvernement donnera avis au public du
rems , du lieu , & de la maniere dont fe
fera cette vente. Il eft poffible que quelque
Puiffance voiline acquiere ces domaines ,
dont le revenu eft affez conſidérable .
L'Empereur voulant empêcher qu'on ne
manque de refpect aux troupes chargées de
veiller à la sûreté publique , vient de rendre
un Edit , qui porte, que dans le cas où le
Militaire feroit requis de donner de l'affiftance
, s'il arrivoit qu'on le provoquât , les
Oficiers employeroient d'abord les voies de
( 591 )
la douceur & de la conciliation , mais que
fi l'on maltraitoit les troupes , ou qu'on les
gênât dans l'exercice de leurs fonctions
alors il feroit permis de tirer à balle fur les
féditieux. Cet Edit a été rendu public dans
toutes les villes & garnifons , afin d'en affurer
la prompte exécution .
DE NAPLES , le 10 Août.
S. M. a daigné accorder fa retraite au
Prince de Cimitile , Secrétaire du département
des Finances. Il y a été nommé Confeiller
d'Etat. Il jouira des émolumens de
cette place , lefquels fe montent à 3000 ducats
par an. Le fieur Niccola Vefpoli , Avocat-
Fifcal , a été nommé Directeur du Confeil
des Finances ; il aura 3500 ducats d'ap
pointemens , & 3 mille autres de gratifications.
Il fera le rapport des affaires de fon
département à chacun des trois Secrétaires
d'Etat , alternativement dans l'efpace d'un
mois , & ces trois Miniftres feront rapport
à S. M. des affaires qui leur auront été communiquées.
31
DE ROME , le 16 Août .
On écrit d'lefi , »petite ville de la Marche
d'Ancone , qu'en travaillant aux fondemens
de l'Eglife des Moines de S. Foriano , on a
trouvé plufieurs belles ftatues de marbre ,
entre lefquelles il y en a une de grandeur coloffale.
Elles font d'un travail achevé , mais
la plupart manquent de têtes . Les perfonnages
qu'elles repréfentent , font tous revêtus
( GO ),
de cottes d'armes. On a trouvé une tête fé
parée de fon bufte , laquelle eſt en aſſez bon
état. Parmi les ftatues l'on én remarque une
qui a fur le devant la marque : diftinctive
A
dont étoient décorés chez les Romains les
enfans des Nobles , qui portoient la robe
Prétexte. En fouillant plus avant , on à
trouvé plufieurs morceaux de corniches d'un
marbre blanc très-fin , & d'autres colorés
d'azur , & travaillés en mofaïque. Le tout
étoit renfermé dans une espece de Temple ,
à l'égard duquel on n'a pu recueillir jufqu'ici
que des notions vagues & incertaines cea
pendant, comme on a déja trouvé quelques
morceaux de marbre, fur lefquels font gravées
des lettres : on efpere rencontrer quel
ques infcriptions , & autres monumens inté
reffans , qui donneront la clef du fujet de
ces antiquités.
Un Courier extraordinaire , arrivé de Liége ,
ayant apporté au Marquis Antici la nouvelle
de l'élection de l'Evêque , & une Lettre pour
faire part au Saint- Pere de cet événement , le
fufdit Marquis a obtenu deux brefs , dont le
premier confirme l'élection faite par le Chapitre
dans la perfonne du Comte de Hoensbroeck,
& le fecond autorife l'Evêque nouvellement élu
à exercer les fonctions épifcopales , en attendant
qu'il ait été propofé dans un Confiftoire . Ces
deux brefs ont été expédiés au fufdit Evêque
par le même Courier , qui étoit arrivé ici le
4 de ce mois.
Le Marquis Antici a reçu également des dépêches
de l'Archiduc Maximilien , nouvel Arg
cheyèque & Electeur de Cologne , par lesquelles
( Gro)
}
(
S. A. R. le nomme fon Chargé d'affaires auprès
du Saint- Sieger fe olie pat patho
L
DE BOLOGNE le 15 Août.
Nous venons de perdre le célebre Compofiteur
Martini , dont les talens extraordinaires
l'avoient fait furnommer le Dieu de
la mufique moderne. Il avoit mérité le fuffrage
des plus grands Souverains de l'Europe
, & entr'autres celui de l'Empereur &
du Roi de Pruffe. Les 3270A 12
On écrit de Venife que le 28 du mois 013
pafle , on vit entrer dans ce port , avec tout
fon équipage , le bâtiment national qui fur
la caufe de la rupture avec Tunis. Il fut
falué en figne d'allégreffe par tous les bâtimens
mouillés dans le port. On prétend
que la Régence de Tripoli a forcé cellet
de Tunis à mettre ce bâtiment en liberté
pour tâcher de prévenir les réfolutions ulté
rieures de la République de Venife. On ajoute
que la Cour d'Eſpagne a fait porter des
plaintes au Sénat de Venife , à l'occafion d'un
bâtiment vénitien qui avoit chargé à Conftantinople
des munitions deftinées pour Alger,
DE LIVOURNE , le 14 Août.t
Un vaiffeau , nouvellement arrivé de Tunis
, a rapporté de ce Royaume un fingulier
exemple de fidélité conjugale , & de févérité
contre fes infractions.
Un Capitaine de vailleau , Genois de nation ,
nommé Giovanni - Vician , s'étoit rendu chez un
juif pour y acheter des monnoyes & autres
antiquités , tandis qu'il étoit occupé à exami
ner cette collection , une femine Turque ac(
62 )
:
Court effrayée & entre dans la maifon du juif
qui avoit trouvé les moyens de la féduire &
de la ravir à fon époux à peine eft - elle introduite
, qu'elle eft auffitôt fuivie d'un grand
nombre de Turcs qui la reclament au nom de
fon époux & s'introduisent dans les différents
appartemens de la maifon : le juif qui connoif.
foit toute l'importance de cette inquifition ;
s'empreffe à cacher la femme & l'enferme dans
une chambre dérobée avec le Capitaine Genois ,
fans défiance ; ils n'y furent pas long tems fans
être découverts ; alors le juif changea de rôle
& fe porta pour accufateur du Capitaine le
malheureux & trop confiant Genois fut auffitôt
conduit devant le Dey qui après l'avoir
interrogé inutilement pour en tirer l'aveu
du crime dont on l'accufoit injuftement , le
condamna à fe faire circoncire pour prouver
fon innocence ; au défaut de quoi il devoit fe
réfoudre à fouffrir une mort ignominieufe : Le
fidele Genois refufa courageufement de fubir.
cette épreuve & affura qu'il fouffriroit plutôt
mille morts que d'abandonner la religion de
fes peres. Cet acte de générofité en rempliffant
les Turcs d'admiration , fit naître de la pitié
dans leurs coeurs , ils commençerent à foupçonner
le Juif, & inviterent le Dey à faire une
plus ample information du fait : leut demande
ayant été accordée , on découvrit l'innocence du
Chrétien , & le Juifayant été duement convaincu
du crime de rapt & de faux témoignage , fut
condamné à être brûlé vif , & la femme féduite
à être jettée dans la mer , coufue dans un fac de
cuir.
La corvette Tofcane a mis de nouveau
à la voile hier pour continuer fa croifiere fur
nos côtes,
( 63 )
L'efcadre angloife , aux ordres du Chevalier
Lindley , a appareillé ce matin , & a
fait route à l'oueft . Il s'en eft détaché une
chaloupe , qui eft deſtinée à conduire un
nouvel équipage au bâtiment la Grande
Ducheffe de Tofcane , qui fe trouve à l'ife
de Zante , d'où elle fe rendra à fa deftination.
. On attend inceffamment dans cette rade
une efcadre hollandoife qui eft déjà entrée
dans la Méditerrannée. Elle eft commandée
par un Vice- Amiral , & eft compofée
de trois vaiffeaux de ligne , un de 74 canons ,
un de 64, & l'autre de 54 , de deux frégatés
de 44 canons , & d'un cutter.
ESPAGNE.
DE MADRID , le 17 Août.
D. Antonio Tomé , Conful de la Chambre
Confulaire de Burgos , par reconnoiffance
des diftinctions & des privileges que
S. M. lui a accordés pour encourager la fabrique
de cuir qu'il a établie près de cette
ville , a conçu l'idée d'ériger en l'honneur de
S. M. une Statue pédestre en bronze dans la
grande place de Burgos . Le Roi ayant donné
fon agrément à ce projet , l'inauguration
de cette Statue a eu lieu le 26 Juillet , avec
toute la folemnité poffible : les fêtes ont
duré trois jours confécutifs. Le piedestal eft
de marbre jafpé ; on y lit l'infcription fuivante
en Eſpagnol. A Charles III, pere de
la Patrie, Reftaurateur des Arts : Don Anto(
64 )
nio Tomé, Conful de la Chambre Confulaire de
Burgos , le premier parmi fes compatriotes ,
qui ait offert à la poſtérité un monument à la
mémoire de fon augufte Bienfaiteur. L'an 1784
Les de ce mois S. M. a donné une Cé
dule de la teneur fuivante :
Dans la vue de faciliter le commerce de mes
fujets d'E pagne dans tous les ports privilégiés
des Indes , j'ai réduit de moitié par l'article 16
de mon Réglement , du 12 Octobre 1778 , les
droits qui le percevoient fur toutes les cargaifons
de regiftre , deftinées pour les petits ports
des Indes : mais l'expérience ayant démontré qué
ce commerce a befoin de plus grands foulage
mens encore , j'affranchis de tous droits quelconques
, les liquides , les denrées & les marchandifes
de crû Efpagnol , & je réduis à 4 pour
cent feulement , les droits qui étoient impofés
fur les marchandifes étrangeres , embarquées dans
les ports privilégiés d'Efpagne , & dans ceux des
ifles de Majorque , Minorque & des ifles Canaries
pour les ports de S. Jean de Puerto Rico , Saint-
Domingue , Montechrift , S. Yago , la Trinité &
Nuebitas dans l'ifle de Cuba , lille de la Marguerite
, Omoa & Puerto Truxillo dans le
Royaume de Guatemala , Sainte- Marthe , Rio
de la Hacha , Porto-Belo & Guayana ; quant au
commerce de la Louifiane , des deux Florides &
de l'ifle de la Trinité , il jouira toujours de l'entiere
liberté que je lui ai accordée par fes Réglemens
particuliers détaillés dans mes Cédules
Royales , des 22 Janvier 1782 & 24 Novembre
1783. Et afin qu'il ne s'éleve point de difficultés
dans la perception du droit molique d'Alcabala ,
impofé dans les Indes fur la vente des marchandifes
qui y font apportées d'Espagne , j'ordonne
à tous les Adminiftrateurs & Contrôleurs de mes
(-65 )
Douanes , dans les ports privilégiés d'Espagne &
de fes Ifles , de taxer & de fpécifier la valeur des
marchandiſes dans les rôles de regiftre , felon la
regle que j'ai établie par mon Ordre circulaire
du 8 Août 1782 , en taxant les marchandifes
Efpagnoles fur le pied de leur valeur dans les
Fabriques , & les marchandifes étrangeres felon
leurs prix courans dans le port d'Espagne où fe
fera le regiftre & l'embarquement , &c. Signé
de la main de S. M. à S. Ifledephone , les Août
1784.

Il s'éleva à cinq heures , le 18 du mois dernier,
un ouragan furieux á Iron & dans le voisinage ; le
ciel fe couvrit de nuages épais , accompagnés
d'éclairs , de tonnere & d'une très-groffe pluie.
Les nuages couroient toujours avec impétuofité
du nord- ouest , mais on apperçut dans une
région bien plus élevée une nuée blanchâtre
& épaiffe qui couroit dans un fens oppofé en
fud- eft . A cinq heures & demie ce nuage blanchâtre
créva & il tomba fur tout le territoire
d'Iron & de Fontarabie , pendant l'espace de 5
à 6 minutes , une forte grêle d'une groffeur extraordinaire
& fans exemple dans ce pays-ci . On
a apporté du Sanctuaire de N. D. de Guada-
Jupe fur la montagne de Jafquibel Olearzo , près
de cette ville un grélon qui pefoit 18 onces ,
& comme dans la route il aura diminué de fon
volume , il y a lieu de croire qu'il penit primitivement
de 23 à 24 onces . D'autres grêlons
pefoient une livre , & les moindres étoient
de la groffeur d'un oeuf de poule. Cette grêle
a cauté des dommages confidérables ; elle a
rompu tous les toiss & toutes les fenêtres des
mailons qui étoient au vent , & elle a haché
toutes les productions de la terre . Les Laboureurs
, qui fe flattoient d'une récolte abondante
en maïs & en pommes qui font la principale

( 066 )
richeffe de ce pays , fe voient réduits à la dera
niere néceffité , & font forcés de mendier , ne
pouvant point enfemencer de nouveau parce
que la faifon eft trop avancée , ni retirer aucun
fruit des productions que la grêle a détruites
.
Le Marquis de la Torre , Lieutenant- Général
& Miniftre Plénipotentiaire du Roi à la
Cour de Ruffie , d'où il étoit revenu par
congé , eft mort ici le 6 du mois dernier ,
âgé de 58 ans & demi . Il fit la guerre de
1741 en Italie , celle d'Allemagne en 1756,
comme Volontaire dans l'armée des Maréchaux
de Broglie & de Soubife , puis celle
de Portugal , & fut enfuite Gouverneur de
l'ifle de Cuba .
GRANDE-BRETAGNE.
DE LONDRES , le 24 Août.
Le vingt-unieme des navires de la Compagnie
des Indes de retour cette année
vient d'arriver à Plymouth. C'eft le Belmont
, commandé par le Capitaine W. Dick
Ga.nage. Il a laiffé à Sainte- Hélène , d'où il
a appareillé le premier de Juin , le convoi
des vaiffeaux qui vont aux Indes ; trois de
ceux qui en reviennent , mirent à la voile
quelques jours avant lui , & font attendus
d'un jour à l'autre . Le corps du Général
Cook étoit fur ce bâtiment ; la veuve de cet
Officier accompagnoit ce dépôt , qui fera
transféré à Westminster , où on lui élevera un
monument aux dépens de la Compagnie
des Indes .
Le Duc de Richmond , le Chevalier Wil(
67 )
liam Howe , M. Luttrell & quatre Ingénieurs
font à Portſmouth pour en vifiter les fortifications
, ainfi que celles du côté de Gof
port. L'intention du Gouvernement eft de
rendre Portſmouth imprenable , tant par
mer que par terre , fans recourir à nos Eſcadres.
Les Ouvrages commencés ne feront
finis que dans deux ans , & ceux qu'on pro-,
jette demandent encore plus de tems .
Le 24 de ce mois , le Bureau des Longitudes
s'eft affemblé à l'Amirauté . Plufieurs
Profeffeurs des deux Univerfités ont expliqué
le plan de leurs pendules. D'autres plans ont
été laiffés fur la- table pour être examinés
& rapportés , à la premiere féance . Les changemens
faits par le Chevalier Banks , ont
eu l'approbation du Roi & de l'affemblée .
Il eft queftion de quelques diffenfions peu
importantes à la Dominique entre le Gouverneur
& les Habitans ; mais les hoftilités
des Caraïbes à S. Vincent , ont déterminé le
Gouvernement à faire paffer dans cette ifle
deux compagnies du dix-feptieme régiment
actuellement à Hallifax. L'on fe flatte que ce
renfort mettra bientôt les naturels hors d'état
de nuire à la Colonie.
Le 10 de ce mois le cutter le Hunter , de
Yarmouth , Capitaine Fisher , en ſtation contre
les contrebandiers , prit connoiffance à fix heures
du foir d'un lougre , au travers de Fulneff. 11
étoit prêt à le joindre lorfqu'il furvint une brume
épaiffe qui le lui fit perdre de vue. Il continua
la chaffe fur le même rhumb ; mais la brume
( 68 )
s'étant bientôt diffipée , il ne lui fut pas poffible
de découvrir le lougre il changea alors la route ,
& mit le cap à terre . Un bâtiment qu'il rencontra
, lui apprit que le lougre contrebandier
avoit paffé une heure auparavant , faifant route.
au fud , toutes voiles dehors. Le Capit. Fisher
donna chaffe dans cette partie , & découvrit bientôt
à Beckwith le lougre pris de calme. I mit fa
chaloupe dehors , l'arma de dix avirons & de
douze hommes , aux ordres de M. Jay , fon fecond.
Celui - ci tenta plufieurs fois l'abordage ,
mais il fut toujours repouffé par la fupériorité ,
du logre , qui montoit feize hommes armés
d'artillerie. Après une quantité de coups donnés
& rendus , un des gens du contrebandier enjoua
M. Jay avec une espingarde , & le tua fur la
place , fans qu'il eût le temps de proférer un
feul mot. Les matelots de la chaloupe voguerent
alors à terre , en fuppliant les contrebandiers de
ne point faire feu ; mais ils ne cefferent de tirer
jufqu'à ce que la chaloupe fût à terre . On débarqua
le corps du malheureux Officier a Baxoù
les Coroners , après l'examen du calavre
ont prononcé : « Meurtre volontaire par des
inconrus .
ton ,
Ce procédé ne reffemble guères à celui
d'un fraudeur qui vient d'écrire à M. Pitt
la lettre fuivante , publiée par autorité . Elle
eft datée de Londres le 20 Août.
M. , la detreffe où fe trouve mon pays , éleve
dans mon coeur une voix qui me reproche qu'étant
jeune , fervant fur mer , & faifant des entrepriſes
àl'inftar depréfque tous les marins , j'ai fait du tort
au revenu public . En conféquence de cette convic
tion , je joins içi 300 livres en billets de banque ,
fomme confidérable pour ma petite fortune ; je
( 69 )
Vous fupple de les appliquer au fervice de mon
pays , & j'ofe efpérer pour le repos de ma confcience
, que je ferai compris dans l'ade d'indemnité
qui eft fur le point d'être accordé . Je prends en
outre la liberté de vous affurer que je n'ai jamais
agi avec violence contre les loix du Royaume , que
je n'ai point été contrebandier de profeffion , qu'il
n'existe aucun procès contre moi , & que je défie
qui que ce foit de m'en intenter . Je me flitte que
ce que j'ai dit & fait méritera votre approbation ,
ainfi que celle de mon pays , & me donnera un ritre
pour être mentionné particuliérement dans l'acte..
Je fuis avec le reſpect dû à vos vertus , &c . Signé,
T. T.
Je vous fupplie de faire inférer dans la Gazette
& dans le London Chronicle , que les fufdits billets
ont été reçus,
Pour couper , autant que poffible , les
voles à la contrebande , la Compagnie des
Indes va établir des magafins de les marchandifes
, & fpécialement de thé , à Leith.
Elle a fixé le prix des différentes qualités
de cette derniere denrée. Les droits du Roi
compris , le thé bohea coûtera aux Marchands
i fol & cinq deniers fterlings , le hyfon 5 fols
fterlings & 2 deniers. La réduction du prix
de toutes les efpeces , eſt à - peu - près de
moitié. La compagnie en mettra en vente
6,200,000 livres pefant au mois de Septembre.
. Rien n'eft plus frappant & plus inconcevable ,
dit un de nos meilleurs Auteurs d'économie politique
( M. Chalmers ) , que la différence exiftante
entre le régime & le fuccès des Colonies Angloifes
& des Colonies Françoiles des ifles à fucre. Les
\ ( 70 )
Colonies Angloifes fe font élevées dans le fein des
richeffes & du luxe : lesColonies Françoifes fe font
pourries au contraire à l'école du malheur. Nos
Colons jouiffoient d'un régime libre & tolérant :
les Colons François étoient gouvernés par un fyltême
de police rigoureux ; ils ne purent déployer
dans leurs premiers Etabliffemens que de foibles
efforts , vû leur manque de moyens ; leur économie
augmenta graduellement leurs fonds modiques
; & leurs bénéfices , quelque peu confidérables
qu'ils fuffent d'abord , firent profpérer peu à
peu leurs Etabliffemens ; une plantation de café ,
dont la culture ne demandoit d'abord que peu
d'habitans , fe convertit bientôt en une plantation
à fucre. C'eſt ainfi que les Colonies Françoiſes fe
font élevées avec une rapidité & une vigueur qui
ont étonné les Nations, tandis que les nôtres, gou.
vernées fur un plan d'adminiſtration , diametrale
ment oppofé à celui des François , imploroient fans
ceffe la protection & les encouragemens de la Métropole.
Mais il n'eft point d'encouragemens , continue
l'Auteur, qui puiffent foutenir desColons indolens
, magnifiques & vains , qui ont commencé
leurs Etabliffemens avec des fonds empruntés ,
peut- être à des intérêts ufuraires.
"
Les Planteurs François ont sû trouver des Capitaux
dans leurs propres reffources ; les nôtres ont
emprunté leurs fonds en Angleterre ; de tout tems
ils ont dû à la Gr. Br. tous les fonds qui leur ont
fervi à établir ou à perfectionner leurs plantations.
Malgré les productions qui parvenoient en Angleterre
, ces fonds ne nous rentroient jamais que difficilement.
La dette de nos Colonies eft a&uellement
de 50 millions fterl .; & fi cette fomme énor.
me , ou même la moitié feulement pouvoit être
employéedans ce moment- ci à des befoins domeftiques
, combien ne fomenteroit - elle pas la profpérité
de la Gr. Br . ?
(171 )
>
L'Adminiftration s'eft occupée vainement dans
différentes époques du foin de recouvrer nos
créances des Colons des ifles , & fi l'on admet les
Américains dans les ports des ifles à fucre , ce fera
augmenter la difficulté de ce recouvrement en procurant
à nosColons les moyens de faire paffer dans
les Etats-Unis des productions qui devroient être
uniquement appliquées à payer à la Gr. Br . les ins
térêts & le principal de leur dette.
On ne fait pourquoi les Américains s'emportent
contre notre refus de leur ouvrir nos
ifles, aujourd'hui qu'ils nous font auffi étrangers
qu'aux Efpagnols & aux François , dont
ils n'obtiennent pas plus de tolérance . Il eft
fingulier qu'ils regardent comme un Droit
éternel , celui dont ils jouiffoient avant d'être
féparés de nous, & nos Colonies comme
étant de leur domaine.
Le plus fort argument pour empêcher tout
commerce direct des Etats d'Amérique aux Ifles
Angloifes , eft la perfuafion où font tous les Fer
miers Canadiens , tant Anglois que François ,
qu'ils feront les feuls exportateurs de farines &
de merrein auxdites Ifles . L'exportation du grain
fut toujours confidérable pour l'Eſpagne comme
pour le Portugal , & l'année derniere un chargement
de farine de Quebec pour Corke étoit une
excellente affaire. Les Canadiens ignoroient tellement
l'ufage des Engrais , il y a dix ans , qu'ils
laiffoient ordinairement tout leur fumier fur la
glace en hiver , afin qu'au printems il fût em-.
porté par le dégel . Quelques Fermiers Anglois
leur donnerent des leçons dont ils profiterent fi
bien que leurs récoltes augmenterent en quantité
& en qualité.
( ( 72 )
Une trifte expérience nous démontre qu'il
vaut mieux leur tendre une main protectrice &
Tecourable que de chercher à les opprimer même
en idée ; or , pourrons - nous dire que nous protégeons
les Canadiens & les Loyalites qui le font
établis parmi eux , fi nous fermons la porte à
leur commerce & à leurs profits ? En nous conduifant
ainfi dans quel endroit les Canadiens
pourront-ils porter le furplus de leurs grains ou de
1 leurs farines ? Ce ne fera pas en Portugal , car
les Portugais les tireront à meilleur marché de
l'Amérique.
f .
Plufieurs particuliers du Canada y ont conftruit
des moulins , des greniers , & d'autres ouvrages
; ils ont acheté des navires , & c. dans l'efpérance
d'exporter leurs farines ; & il faut avouer
qu'ils ont un grand titre à ce profit après une
guerre longue & difpendieufe. Il y a dans le
Canada des entreprises en ce genre qui feroient
honneur aux efforts de la Métropole . Trois particuliers
Anglois ont dépensé dans cette Province
jufqu'à 6 ou 8 & 10 liv . fterling , en moulins ,
magafins & autres ouvrages de cette nature . Les
Canadiens ont ieur forfans
peine , du naufrage d'une
guerre civile
& à encourager l'agriculture dans
la Province ; il fe font flattes d'approvifionner les
Iles Angloires de l'Amérique , & de vendre à
meilleur marché que les Américains . Il feroit
trop dur de trouver pour Concurtens , dans les
places où ils commercent , les auteurs mêmes de
leurs malheurs.
à
tune fauvée Boergesde
au
Aujourd'hui que les François paroiffent
abandonner les Ballons , certe Aeromanie
gagne ici nos têtes froides & fenfées. Elle a
même paffé dans quelques Comtés , où ce
( 2 9031400 ak badinage T
(( 73 ))
#!
badinage exerce cinq ou fix Amateurs . L'un !
d'eux a publié fes obfervations dans un de
nos Papiers publics , qui s'exprime ainſi :
-
Un Correfpondant nous informe que vendredi
au foir [ 20] it a lancé dans la Place de Bloomfbury
trois ballons devant plufieurs , particuliers ,
pour leur démontrer que , quoique l'air qui nous
environne demeure dans un point fixe , celui dela
région fupérieure eft variable . Le premier .
ballon fut lancé à fix heures du foir. Il s'éleva
perpendiculairement auffi haut que les maifons..
Suivant alors la direction du vent , il gouverna
à l'eft nord eft , & s'étant élevé à un demi - mille ,
il décrivit un demi -cercle & porta au ſud oueſt.
Le fecond ballon fut lancé à neuf heures & demie
du foir , le vent Eft & par nord demi - Eft.
Après s'être élevé au - delà de l'atmosphere commun
? il dirigea par degrés fa route au nord ,
& difparut dans le nord-eft. A dix heures du
foir , le vent fe tenant au même point , le
troifieme ballon fut lancé . Il fuivit d'abord la
direction du vent pendant un espace de temps
confidérable ; mais étant parvenu à peu près à la
même élévation que le fecond , il fut tourmenté
tout -à-coup des quatre points du vent ,
& difparut également dans le nord- eft . - Les
ballons étant des corps extrêmement légers , ils
doivent , par cette raifon là même , ſuivre néceffairement
la direction du vent . Convaincu
de cette vérité , notre Correfpondant prévient
les navigateurs aériens [ s'il s'en trouve ici quelques
uns ] de gouverner leurs balons avec le
vent ; car, fi l'inexpérience les induit à croire
·
dans les régions différentes , le vent fouffie
dans la même direction , en partant d'un principe
auffi abfurde , il en résultera infailliblement
No. 37 , 11 Septembre 1784. d
(174 )) 1
la perte de leur ballon . Il n'est donc plus
doureux que des rames , ou tout appareil quelconque
qu'on imaginera pour diriger un ballon ,
deviendront toujours une invention beaucoup plus
dangereuse qu'utile. Les ballons font maintenant
fi communs , qu'on n'en fait plus aucun .
cas. Cependant , ils peuvent être de la plus grande
utilité pour les fciences . A l'aide de cette découverte
précieufe , & d'un quart de cercle , il
fera facile aux favans de déterminer à quels
dégrés d'élévation , le vent devient variable .
Ii leur fera également aifé , au moyen du quart de
cercle , de conftater fa viteffe . Suivant l'opinion
de notre Correſpondant , d'après une obfervation
oculaire , le vent varie à environ chaque
demi-mille perpendiculaire. Un ballon s'éleve
jufqu'à ce que l'air inflammable qu'il contient
entre en fermentation par l'action du vent : alors
la dilatation devient fi forte qu'elle creve le
ballon. Sans cet inconvénient un ballon continueroit
fon aſcenſion jufqu'à ce qu'il rencontiât
un air auffi léger que lui méme. Arrivé à ce
point , il flueroit alors jusqu'à l'entiere évapora
tion de l'air inflammable , lequel agit fur un
ballon de la même maniere qu'une tranfpiration
infenfible agit fur le corps humain , en pénétrant
par un nombre infini de pores. Enfin notre
Correfpondaat . conclut , d'après les obfervations
qu'il a faites fur les ballons , que fi l'achmoſphere
qui nous environne eft condenſé ou chargé de
parties putrides , celui de la région fupérieure
peut- être pur & fain . Or , fi une partie feulement
de l'élément aërien eft corrompue , il fera facile
de la purifier en brûlant des herbs falubres , & c.
On réufira également , en fulvan: ce mêre procédé
, à délivrer de la pefté , ou de toute autre,
maladie épidémique les lieux où ces horribles
(1750)
fléaux exercent leurs ravages , en brûlant de
même de grandes quantités d'herbes & de paille ,
car cet air raréfié agira avec tant de force fur
l'air putréfié , qu'il parviendra à de chaffer entiérement
.
Lord F. , très zélé pour l'Oppolition, 32'
qui paffe pour enderté , s'étant avile done
noncer un Ballon , qui devoit partir de fa
maifon dans Portland Place; cet effai iniric-'
tueux lui a attiré beaucoup de larcafmes . S
entr'autres le fuivant , répandu en form
d'avis.
2
F:, ci - devant matchand de chevaux , ayant été
défappointé par des pertes confidérables , fe vot
dans la néceffité de fe retirer des affaires , & Collicite
humblement l'attention du Public. S'étant
affocié à un jeune homme très-ingénieux & bien
connu , M. G. ils ont en vente une grande variété
d'excellens ballons ; ils devoient en élever
un , capital de leur magafin , fur Portland Place ,
mais un accident ayant fait manquer leur deffein ,
ils le reprendront fans perte de temps , & l'avis
de l'opération fera donné par fept coups de carions
, tirés des lieux fuivans ( les principaux
lieux d'affemblée du parti Fox ) . Pour prévenir
les erreurs , on ne rendra aucun argent aux
portes les Membres de la Coalition entreront
gratis .
L'anecdote rapportée fur M. Pitt , qui
s'étoit égaré dernierement dans les environs
de Londres , rappelle celle du fameux
Docteur Heylin , Auteur d'une defcription
générale du Globe , &c. Ce Docteur, accompagné
de fon valet , avoit également
perdu fa route dans un bois à quelques milles
d 2
1
(076-)
de fa maifon de Hampshire. Il étoit déjà minuit
qu'ils erroient encore, & la nuit étoit
fort fombre. Son valet , garçon tout- à - fait
ingénu , lui dit : Parbleu , Monfieur , de quõi
diable vous étes-vous mêlé de donner une defcription
du monde entier , puifque vous ne
pouvez pas trouver votre chemin à trois mille
de chez vous tout au plus ?
1
Les étrangers obfervent tous généralement que
l'Amerique a reçu abondamment les dons de la nature
, mais que les beaux arts y font peu cultivés.
Quelque juftes que foient ces réflexions , il eft certain
que ce vice dérive plutôt du manque d'encouragement
que du défaut de génie. Pour prouver
cette vérité , il eft bon de remarquer que trois des
plus fameux Artistes de l'Europe , font nés Américains
. On veut parler de M. Weft , de M. Copley
& de Madame Wright. Le premier eft Peintre
d'Hiftoire de S. M, Britannique. Il a orné les plus
belles Eglifes d'Angleterre de fuperbes tableaux
facrés quí , par la grandeur du deffin & du coloris ,
égalent , de l'aveu des connoiffeurs , ceux du Sal
ator Rofe. Le fameux tableau de M. Weft , qui
repréfente la mort du Général Wolf , a été copié ,
gravé & répandu par toute l'Europe. M. Co.
pley , ne jouit pas tout à - fait de la même réputa
tion , mais il l'approche de bien près. Son dernier
tableau repréfente la mort du Comte du Chatham
au Parlement dans la Chambre des Pairs . Le Peintre
a non- feulement donné la reffemblance parfaite
des Lords , mais il a fa marquer la douleur
fur tout les vifages des amis du Lord Chatham
& la joie la plus maligne fur ceux de fes ennemis,
L'objet du Lord Chatham , dans fa derniere féance
au Parlement , étoit de confeiller à la nation de
( 97 )
faire , le plus promptement poffible , la paix avec
l'Amérique , mais la parole lui manqua au milieu
de fon difcours , & il s'évanouit dans les bras du
Duc de Cumberland. Copleyla fenti fon fujet avec
l'enthousiasme d'un Patriote , & l'a rendu de la maniere
la plus digne d'éloge. Madame Wright
fe borne à imiter en cire les objets de la nature
morte , art dans lequel elle n'eut jamais d'égales .
Elle demeure à Londres dans le voisinage.de S. James,
& fa maifon eft ouverre à rous les amis de fa
Patrie.
Le projet d'une taxe fur les chiens , dont
nous avons parlé l'ordinaire dernier , n'eft
pas nouveau : un particulier avoit déja remis
un plan à ce fujet à Robert Walpole. Ce
Miniftre , après l'avoir examiné , dit à l'Inventeur
, que fon idée étoit heureufe , mais
que fi un Miniftre l'adoptoit , tous les chiens
du Royaume aboyeroient contre lui,
Le Duc de Devonshire a 365 fenêtres
dans fa maifon de Chafworth , 300 à fon
château d'Hardwick , 250 à Lanesborough ,
200 à Chefwick , & autant dans fon Hôtel à
Londres : c'eft en tot 1315 fenêtres taxées ,
pour lesquelles cependant il ne paye pas plus
de 40 liv. fterl. d'impôts. Plufieurs marchands
de Londres en paient davantage..
Le Capitaine Cook étoit né en 17 : 7 , près de
Whitby , dans le comté d'Yorck , & on le plaça
dans une petite boutique en qualité d'apprentif.
Il fe dégoûta de fon métier , & s'engagea pour fept
ans fur un vaiffeau charbonnier. En 1755 il palla
a fervice du Roi , à bord de l'Aigle , fous les
ordres du Capit. Hummet, & enfuite du Chvalier
Hugh Pallifer , qui pénétra fon mérite , &
d 3
( 78 )
qui l'employa d'abord au fervice du tillac ;
1656 il fut fait Maître du Northumberland, vail-
Leau à pavillon , monté par lord Colville , qui
commandoit l'efcadre d'Amérique. Ce fut alors ,
pour la premiere fois , qu'il ouvrit Euclide , &
qu'il s'appliqua de lui- même à l'étude des Mathématiques
& de l'Aftronomie , fans autre fecours
que celui de quelques livres & de fa propre intelligence.
Au fiege de Quebec , le Chevalier Saunders lai
confia une importante expédition ; il pilota les
bateaux destinés à l'attaque de Montmorency, conduifit
fon embarcation jufqu'aux hauteurs d'Abraham
, examina les paffages , & pofa des bouées
pour la fûreté des bâtimens qui alloient remonter
le fleuve . Son courage & fon adreffe lui affuerent
l'eftime & ia protection du Chevalier
Saunders & de lord Colville A la fin de la guerre ,
le Chevalier Pallifer lui fit avoir la commiffion
de mefurer le Golfe Saint - Laurent & Terre-
Neuve ; enfin en 1767 , lord Hawke , premier
lord de l'Amirauté , lui donna le commandement
du vaiffeau qui alloit obferver le paffage de
Vénus dans la mer du Sud.
Son efprit , comme fa fanté , étoit robufte &
infatigable; il étoit capable de plus grands travaux
; d'une tempérance rigoureuſe , d'un entendement
pénétrant , d'un jugement für , ferme &
réfléchi dans fes projets , également propre à les
concevoir, & à les exécuter; marque certaine du
génie.. Son courage froid & affuré étoit accompagné
d'une prétence d'efprit admirable ; jamais ,
durant fes pénibles & périlleux voyages , on ne
lui a furpris un moment d'abattement , jamais
une diftraction de fon objet , jamais une tentation
illicite . La nature feule avoit fait ce grand
caractere : les circonſtances & le bonheur de vivre
79
) dans un pays libre , où les plus obfcurs talens
font certains de fe faire jour , le mirent en activité.
Le bâtiment la Minerve eſt arrivé à Clyde
de Virginie en 21 jours. Il nous apprend que
le Sénat de cette Province a pris le 26 Juin ,
la réfolution formelle de furfeoir au paiement
de toutes les dettes à des fujets Britanniques
, jufqu'à ce que le Gouvernement
anglois ait reftitué ou procuré le recouvrement
des Negres enlevés & échappés de cet
Etat. Dans la Caroline , fans s'embarraſſer
de donner des prétextes , on a furfis à examiner
la légitimité des mêmes dettes juſqu'en
1786.
IRLANDE.
DE DUBLIN , le 25 Août.
Le refus péremptoire qu'a fait le Duc de
Rutland d'envoyer à Sa Majefté l'adreffe de
la ville de Belfast , eft une preuve incontes
table que le Miniftre a pris la fage réfoluten
d'agir avec vigueur dans l'occaſion . Il
fe tiendra une affemblée à Belfast , pour dé.
puter des repréfentans chargés de préfenter
au Roi en perfonne la pétition dédaignée par
le Duc de Rutland.
Le 18 de ce mois , le régiment des Dragons
- Légers de Drogheda a pris fes quartiers
en cette ville , pour en renforcer la garnifon
dejour en jour ces fecours font plus néceffaires
pour maintenir la Police .
d4
( 80 )
Une des gentilleffes ordinaires en ce pays,
& qui n'eft pas nouvelle , quoique plus fréquente
, eft de couper le jarret ( houghing
des paffans . Cette opération s'exécute fort
proprement, & avec tant de prefteffe , que
malheur à celui qui n'eft pas fur fes gardes.
Les foldats font fpécialement l'objet de
cette guerre de bouchers qu'on leur fait au
nom de la Liberté. Pas de jour qu'en n'apprenne
quelqu'une de ces énormités .
Un jeune foldat du 4. Régiment étoit en
fentinelle l'autre jour , à 2 heures de la nuit ,
lorfqu'un coquin fe gliffa, derriere lui dans
les tenebres , & lui coupa les tendons & les
mufcles de la jambe jufqu'à l'os. Ce nouveau
crime , qui avoit été précédé d'un pareil
quelques jours auparavant , a excité la
rage des foldats. Ils ont voulu découvrir les
uteurs foupçonnés de cet attentat ; ils font
fortis en troupe des cafernes , & leurs Offi
ciers accourus ont eu la plus grande peine à
les appaifer. Leur reffentiment eft fans doute
plus que légitime ; mais dans les circonf
tances il pourroit en réfulter les plus grands
malheurs.
Enfin , l'on vient de faire juſtice d'un des
poliffons gaudronncurs , emplumeurs , &c. & c. Le
nommé Garret Dingham ayant exercé fon talent
fur un Boucher , a été pourfuivi & condamné
à être fouetté autour de l'Hôtel - de - Ville & des
rues voifines. Pour affurer l'exécution de la fentence
, les Magiftrats fe font fait accompagner
des officiers de paix , & de détachemens con(
81 )
C
fiderables de la garnifon . Dans le cours de cerre
promenade , fe cortege & les gardes ayant été
aflaillis de pierres , les foldats, fans ordre , ont
tire une vingtaine de coups qui ont tué un
homme & en ont bleffé trois . Les deux premiers
foldats qui ont fait feu ont
été conduits en
prifon. Pendant la halte qu'occafionna cet accident,
on envoya demander du fecours au Château
& aux Cafernes d'où il arriva un renfort fuffilant.
Hier , après trois heures de l'après - midi .
les avenues du château furent fermées , &
perfonne ne put paffer outre,
ÉTATS - UNIS DE L'AMÉRIQUE.
PHILADELPHIE , le 10 Juillet
Hétendue ordinaire de l'article de la G. B.
nous a obligé de retarder celui de l'Amérique
; voici le précis de ce qui fe paffoit aux
dernieres nouvelles reçues , fur ce Continent
encore aux crifes de l'enfance , & fortement
tiraillé , juſqu'à ce qu'il parvienne à une
complexion mieux réglée.
Le Congrès eft actuellement féparé , & il ne
s'affemblera à Trenton que le 30 Octobre prochain.
Le Comité des Etats nommé pour fieger
pendant la féparation , fe tiendra à Annapolis
Avant de s'ajourner , le Congrés a fixé & refiteint.
en vertu de l'article IX de la Confédération , les
pouvoirs de ce Comité , dont le Préfident eff
M. Le Hardy , Membre du Sénat Américain pour
L'Etat de Virginie, cadangan
Le Congrès a auf fair de nouvelles requifitions
aux Etats , pour acquitter l'imérêt aviéré des
dettes publiques , & pour pourvoir aux dépenfes
di s
( 82 )
de l'année 1784 ; difpofitions & arrérages dont
nous avons rendu compte le mois de mai dernier.
Enfin , il a nommé M. John Jay , Secrétaire
d'Et au département des affaires étrangeres , &
M. Jefferfon , ci -devan : Délégué au Congrès pour
la Virginie , a été nommé pour aller réfider en
France , en qualité de Miniftre Plénipotentiaire
& comme Adjoint à M. A lams & à M. Franklin
pour négocier des traités de commerce au nom
des Etats-Unis .
Si l'on veut favoir où en font la concorde
& la tolérance entre les vainqueurs & les
vaincus , les Loyaliftes & les Infurgens , il
faut lire ce qui fuit.
> Le 3 Mai 1784 , l'Affemblée de Penfilvanie
compofée du Vice Préfident & de 43 membres ,
arrêté unanimement après un lông & fcrupuleux
débit , qu'il feroit avantageux pour la paix & la
fureté publique , que l'on paflât une loi aux fins
d'expulfer de cet Etat certains perfonnages puiffans
qui ont conftamment manifefté une oppofition
invétérée aux libertés du peuples
Arrêté unanimement que cette expulfion s'accorde
avec la conftitution de cet Etat , & qu'elle
n'eft point contraire aux articles du traité de paix
ratifié avec l'Angleterre ; que d'ailleurs elle eft
jufte , bien vue & neceffaire.
Ordonné que la fociété prendra dans fa prochaine
affemblée de nouvelles réfolutions tendantes
à confirmer la façon de penfer.
Au midi du même Continent ,
Au moment où nous nous flattions de jouir des
douceurs de la paix , nous nous trouvons cruellement
vexé par les infim's menées des Torys , auxquels
la douceur imprudente de notre Gouvernement a
laiffe liberté de refter parmi nous. Il y a qrel(
83 )
2
que temps que des munitions de mer furent condamnées
comme propriété de Torys confifquée ,
& qu'on donne avis qu'elles feroient vendues au
profit de l'Etat. Les mécontens eurent l'audace
de menacer la propriété perfonnelle de ceux qui
oferoient acheter . Un honnête Marchand de cette .
ville méprifa leur menace ; il acheta le tout à un
prix raisonnable ; les viperes que nous avons réchauffées
dans notre fein , mirent le feu au magafin
dans lequel étoient dépofées les munitions ,
& tout fut incendié . Le Gouvernement a promis
une récompenſe à celui qui dénonceroit à la Juftice
les auteurs de cet incendie , mais cela n'a
produit aucun effet.
On écrit de cette même ville de Charles-
Town le détail fuivant.
Le Gouverneur de la Nouvelle Ecofle , écriton
de Salem , a fait publier dernierement un acte
en vertu duquel tous & chacun des fujets de
S. M. B. dans cette Province font abíous , déchargés
& acquitté envers S. M. & fes fucceffeurs
de toutes efpeces de trahilons , lèze - Maiefté ,
murmures féditieux , libelles ou correspondances
criminelies par eux commifes & entretenues pour
aider , encourager ou affifter les anciens fujets de
S. M. aujourd'hui habitans des Treize - Unis , pendant
leur rebellion , ainfi que de toutes les peines
amendes , confifcations , peines de mort ou peines
corporelles qu'ils ont pu mériter avant la publication
du préfent , pour les fautes & crimes cide
flus défignés .
L
Douze Torys qui avoient pris les armes pendant
que les forces britanniques occupoient Charle
flown , & retournés fur leurs plantations à Fifhing
- Creek dans cet état ; furent vifités par leurs
anciens voifins qui avoient eu le malheur de prend
6
( 84 ) %
"
dre le parti des rebelles. Ces Whigs annoncerent
aux Torys que l'intention du peuple étoit qu'ils
quittaffent le pays fous une quinzaine de jours
avec leurs propriété . Mais les Torys , fourds a
leurs reinontrances , étant reftés chez eux , ils re
curent le 23. jour une feconde vifite des Whigs
qui en tuerent huit yourfervir d'exemple , & lait
ferent échapper les autres comme meffagers de
cette nouvelle auprès de leurs freres les Torys.
Les chevaux de frife qui ont obftrué pendant
quelque temps la navigation de la Delaware
, feront bientôt enlevés. Le célébre
Méchanicien , M. Arthur Donaldíon eft
chargé de cette opération , & a réuffi dans
la premiere épreuve qu'il a tentée.
L'Affemblée de Virginie a pris la réfolution
de ne laiffer aborder les Vailleaux venant d'Europe
, que dans les ports de Norfolk d'Alexandrie
& d'Yorck , & dans un port fur la rivière Rappahannock
; ils ne pourront pas remonter les rivieres
four charger ou décharger leurs Marchandifes.
On fe flatte de convertir par-là les ports
défignés en entrepôts confidérables , & d'y entretenir
une pépiniere de Matelois,
FRANCE
DE VERSAILLES , les Septembre.
Le fieur Terray, ct-devant Intendant de
Moulins , que le Roi a nommé à l'Intendance
de Lyon , & le fieur de Marizot ,
Maître des Requêtes , nommé à l'Intendance
de Moulins , ont eu l'honneur , le 28 du
mois dernier , d'être préfentés à Sa Majesté
(10
par le fieur de Calonne , Miniftre d'Etat.
Contrôleur général des finances , & de lui
faire leurs remercimens. Le lendemain ,
le Roi & la Famille Royale ont figné le contrat
de mariage du fizur Hocart , Lieutenant
au régiment des Gardes - Françoiſes , avec
Demoiselle Hocart. Le même jour, le Mar
quis de Gouvernet , de retour de fon Commandement
du Charolois , a eu l'honneur
d'être préfenté au Roi par le Duc de Fronfac
, premier Gentilhomme de la Chambre
de Sa Majesté.
DE PARIS , le 8 Septembre..
M. le Comte d'Oels continue à jouir
dans cette Capitale des amuſemens qu'on
s'empreffe à lui procurer , & des objets d'attention
, dignes de fixer celle d'un Prince ,
dont l'efprit capable de tous les talens , eſt
bien fait pour les fentir & pour les juger,
Un voyageur ordinaire , qui réuniroit autant
de connoiffances , de philofophie & d'amabilité
, feroit très remarquable : qu'est- ce
qu'un Prince illuftré par la gloire depuis 30 ,
ans , fur le grand théâtre de l'Europe M. le
Premier Préfident le conduifant il y a quel
ques jours , dans les différentes Chambres .
du Parlement , ils entrerent dans la Tournelle
, au moment où deux criminels alloient
être condamnés , au dernier fupplice. Le
Prince témoigna, avec beaucoup de fenfibi- zom
·
( 86 )
lité , fes fouhaits , pour que fa préſence pût
être utile à ces malheureux , & il les recommanda
à la bonté du Tribunal . Auffi-tôt
toutes les voix commuerent la peine de
mort en celle des galeres perpétuelles.
On parloit depuis quelque temps d'un incendie
très -confidérable au Port au Prince , en variant
fur les circonftances & fur les dommages ,
lorfqu'un navire , arrivé à Nantes , a confirmé le
défafire qui , dans la nuit du 29 au 30 Juin ,
a détruit les deux tiers de cette ville .
Le feu prit dans une Taverne , près de la mer ,
cù des matelots ivres fe battoient . Une chandelle
allumée tomba fur le chalit , dont la paillaffe
en feuille de canne , fut bientôt embrâfée ,
& avec elle le cabaret. Le vent d'eft donnoit
de l'activité aux flammes , tout le quartier fut
bientôt incendié. Le refte de la Ville dût fon
falut à M. de Mac'manara , qui étoit en rade avec
l'Amphion. Il envoya fes pompes & fon équipage
à terre , en coupant quelques maifons il
parvint à arrêter l'incendie. Neuf hommes ont
été brûlés , 28 autres griévement bleffés , 78 maifons
entiérement confumées , ainfi que 10 magafins
de Bordeaux , 6 de Marſeille , 4 du
Havre , &c. Notre Ville eft celle qui a le moins
perdu . La perte la plus confidérable eft celle de
30.000 barriques de farine. On évalue ce dommage
à 3,000,000 , & il n'eft pas exagéré..
*
Les Commiffaires nommés par l'Académie
pour examiner un moyen propofé par M. Muraz
d'augmenter la force des hommes appliqués à des
manivelles , ont fait le rapport fuivant.
M. Muraz ajoute un coude à la manivelle ordinaire
, & l'homme qui doit s'y appliquer monte
fur une bafcule qui tient à la partie la plus fail'(
87 )
lante de ce coude , par une corde ou une verge de
fer. Lorfque la partie de la bafcule où l'homme
eft placé cft le plus bas , un poids appliqué à
l'autre partie la fait remonter ; & ce poids doit
être tellement proportionné au poids du corps
de l'homme , qu'il n'ait à faire pour cela qu'un
très-léger mouvement : alors en s'approchant il
agit fur la manivelle d'une maniere plus avantageufe
qu'on ne le fait ordinairement , puifqu'à
l'effort des mufcles fe joint une partie du poids
de fon corps . C'eft à la feule diftribution de ces
différens efforts , car il n'y a certainement aucune
augmentation de force produite par la machine ;
c'eft , dis-je , à la diftribution de ces efforts que
font dus les grands avantages qu'une expérience
faite avec foin nous a démontrés .
Un homme employant cette machine , a élevé ,
par feconde , un poids de 229 livres d'eau à la
hauteur d'un pied ; au lieu qu'à la manivelle ordinaire
, il n'a élevé , dans le même temps & à
la même hauteur , qu'un poids de 146 liv. d'eau .
Nous croyons , en conféquence , qu'on peut faire
mention , dans le prochain volume du recueil
des Machines , de l'idée de M. Muraz , de fe fervir
d'une bafcule pour augmenter la force des hommes
appliqués à des manivelles. Ce moyen fimple ,
don't on pourra tirer parti dans beaucoup de cas ,
mérite les éloges de l'Académie .
Lettres Patentes du Roi , données à Verfailles
le 15 Août 1784 , regiſtrées en Parlement
le 31 du même mois , qui raprochent les paiemens
des rentes fur l'Hôtel - de - ville de Paris ,
& les règlent à époques fixes , de fémeſtre en
fémeftre.
Sa Majellé voulant qu'il ne foit plus éprouvé
de retards dans les paiements des arrérages des
rentes , tant viagères que perpétuelles , qui s'ac**
' )
quittent en l'Hôtel - de - Ville de Paris , a orden ,
né ce qui fuit :
1. Indépendamment des fonds ordinaires qui
font & continueront d'être destinés au paie-,
ment des arrérages des rentes perpétuelles &
viageres , qui s'acquittent à l'Hôtel - de- Ville de
Paris , il fera remis aux Payeurs defdites rentes ,
par l'Adjudicataire des Fermes générales , un
million d'augmentation dans le cours du mois
d'octobre prochain , & pareille fomme dans :
chacun des mois fuivans , jufques & , compris le
mois de Juin mil fept cent quatre vingt- fix ; le
tout pour fervir à l'entier acquittement de tous
les artérages defdites rentes échues jufqu'au
dernier Décembre mil lept ceat quatre- vingt-.
cinq.
}
II. Les arrérages des fix premiers mois mil
fept cent quatre vingt- fix , de toutes les rentes
perpétuelles & viageres , payables à l'Hôtel- de-
Ville , feront acquités en entier dans les fix derniers
mois de la même année; ceux defdits fix
dernier mois mil fept cent quatre-vingt- fix
Seront payés dans les fix premiers mois mil fept
cent quatre -vingt- fept , & ainfi de fuite , fans.
aucun retard ni interruption ; enforte que les
arrérages d'un fémeftre feront toujours acquittés
en entier devant le fémeure fuivant. Veut S.
M. que cet ordre ne foit jamais interrompu pour
quelque caufe & dans quelque cas que ce punte
être , même en temps de guerre ; à l'effet de
quoi elle à ordonné & ordonne expreffement au
Contrôleur Général des Finances , de faire remettre
exactement aux Payeurs défdites rentes ,
par chaque fémeftre , & de femaine en femaine
les fonds néceffaires pour l'acquittement des arré.
rages du fémeftre précédent.
III. L'Etat annexé fous le contre -fcel des pré
( 89 )
fentes Lettres-Patentes qui indiquera le mois
de chaque femeftre , dans lequel chaque Rentier
fera payé, en fuivant l'ordre alphabétique établi
pour le paiement défdites rentes ; fera im
primé & demeurera affiché dans les falles de
I'Hôtel -de -Ville de Paris où fe font lefditspaiemens
, pour être ledit état fuivi conftamment
& a toujours , fans que , fous aucun pré-,
texte , il puiffe y être fait aucun changement.
IV. Quant aux parties arriérées , faute par les
Propriétaires de s'être préfentés ou mis en régle
aux époques ou leurs arrérages étoient payables ,
elles feront acquittées dans le mois , à dater du
jour qu'elles auront été demandées & miles en
etat d'être reçues , fans que leurs paiemens
puiffent être retardés ni morcelés fous aucuns
prétextes.
V. Les rentes perpétuelles & viageres fur
l'Hôtel - de-Ville de Paris , devant le trouver au
Courant au premier Juillet mil fept cent quatrevingt-
fix , par l'effet des préfentes difpofitions ..
S. M. deftinera alors des fonds particuliers pour
rapprocher les paiements arriérésde tous les autres
objets employés dans les différens états,
TABLEAU des payements qui feront faits à l'Hôtelde
-Ville , par ordre alphabétique , pendant l'ans
née 1786.
Six derniers mois & année 1785.
Janvier.. A.. B.
Février.. C.. D .. E.
Mars.. F.. G .. H.
Avril.. J.. L.
Mai.. M.. N..O.
Juin, P..Q. , R₂ &c.
( 90 )
Six premiers mois & année 1786 .
Juillet..A.. B.
Acût .. C. , D. . E.
Septembre.. G .. H.
Octobre.. J. . L.
Novenibre..M.. N..O.
Décembre. . P.. Q.. R , &c .
PAYS - BAS.
DE
BRUXELLES , le & Septembre.
Quelques feuilles publiques ont parlé d'un
fecours de 15oo hommes , envoye par le
Roi de Naples à Malthe , à la requifition
du Grand- Maître , afin d'y appaifer des troubles
alarımans , excités , dit- on , par des Eccléfiaftiques.
Les mêmes Gazettes racontent
ainfi l'origine fauffe ou vraie de ces mouvemens.
Ils n'ont peut-être pas plus de fondement
que ce prétendu envoi de 1500 hommes
, qui n'eft qu'une fable.
Un Prêtre affaffiná fon oncle & fon neveu . Le
Meurtrier s'enfuit enfuite au Palais Epifcopal. La
Juftice demanda qu'on lui rendit l'Affaflin ; l'Evê
que refufa de le faire . L'Autorité du Grand-Maître
léfée par ce déni de Juſtice , il fit , quoiqu'avec
beaucoup de circonfpection , enlever par un détachement
le Meurtrier du Palais Epifcopal. Le
Clergé , furieux de cette étendue infraction de
fes immunités , chercha les moyens de s'en venger
fur le Grand-Maître. La cherté des grains lui fournit
bientôt une occafion favorable. Les Prêtres
fouleverent la populace , exciterent une fédition
qui avoit pour but de maffacrer le Grand - Maître
& d'afſujettir enſuite l'Ile au Clergé. Mais le
( ༡
Grand- Maître combattit en perfonne les rebelles ,
emprifon na les Boutefeux Eccléfiaftiques , leur
fit trancher la tête , qu'on expofa fur des pieux .
Cette exécution envenima la fureur du Clergé ,
qui en porta des plaintes ameres à S. S. Toutes
les répréfentations du St Siege n'étoient cependant
pas capables de convaincre le Grand - Maître qu'il
avoit eu tort . On convient généralement que cette
inflexibilité & ce zele pour le maintien d'une Juftice
impartiale lui ont coûté la vie. Les Prêtrés
mutins & vindicatifs , ne pouvant s'en venger à
force ouverte , affouvirent enfin leur haine en fe .
cret & par rufe . Un polfon violent termina les
jours de fon éminence . Mais la bonne harmonie
entre les Chevaliers & le Clergé n'a jamais été rétablie
depuis ce tems ; d'autant plus que le Grand-
Maitre actuel , François de Nation , de l'Illuftre
Maifon de Rohan , reftant fidelement attaché
aux principes de fon Prédéceffeur a fait rigoureufement
châtier plufieurs des Révoltés , &
veille fans ceffe fur les démarches des autres Eccléfiaftiques.
Ces circonftances font fi invraisemblables ,
& les conjectures qu'on y joint fi peu prouvées
, qu'on ne doit pas fe preffer d'ajouter
foi aux unes ni aux autres .
La démiffion de M. le Duc de Brunf
wick ne mettra pas fin aux difcuffions &
aux difficultés , lors même que toutes les
Provinces adhéreroient à cet acte de l'autorité
fouveraine des Etats de Hollande.
En vertu de leur réfolurion , on doit étendre
les recherches fur l'acte paffé entre le
Stathouder & le Duc , à tous ceux qui peuvent
y avoir participé.
( 92 ) ༡
"
C'est au milieu de cette difcorde inteftine
qu'il s'agit de conduire à une fin heureuſe
la négociation fi importante avec l'Empereur.
Ce Monarque a répondu au contre-
Mémoire de LL. A. P. , & M. de Bérkénrode,
l'un de leurs Plénipotentiaires auprès
de notre Gouvernement , a apporté luimême
à la Haye cette réponſe. On la regarde
comme un ultimatum , qui contient
en fubftance, fuivant les avis de Hollande ,
« Que S. M. I. renonce à fes prétentions territoriales
& pécuniaires , mais perfifte à demander
la liberté entiere de l'Efcaut, qu'il
» confidere déjà comme affranchi ; réfolu
» de regarder comme une déclaration de
" guerre toute oppofition à cette liberté ,
» ainfi qu'à celle de la navigation dans les
» deux Indes . S. M. I. demande en outre,
» à ce qu'on ajoute , la démolition des quatre
» Forts de Frédéric Henri , Liefkenfhok ,
Kruifchans & Lillo ».
Il s'eft tenu immédiatement une affent
blée extraordinaire du Confeil d'Etat , auquel
a affifté le Prince Stathouder. D'après
une réfolution de LL. HH. PP . , S. A. S.:
a expédié des ordres à tous les régimens ,
tant d'infanterie que de cavalerie , de fet
mettre fur le champ en état de marcher , →
& de fe procurer à cet effet tentes , bagages
, &c. On complette les Régimens , &
deux hommes par compagnie font chargés
des recrues ; enfin , mardi dernier , les Etats- 3-
( 93 )
Généraux ont pris à l'unanimité la réfolution
de refufer les demandes, exigées , d'éviter
tout acte d'aggreffion , mais de repouffer ,
s'il le faut , la force par la force. JO
Le Vice -Amiral Reynft eft parti pour la
Zélande , avec ordre , à ce qu'on affure ,
de s'oppofer au paffage de tout navire impérial.
On écrit de Paris , que M. Mefmer , bartu
par la Faculté , par la Société Royale de
Médecine , par l'Académie des Sciences ,
par des rapports qui font des modeles de
Logique & de Philofophie , & par le Public
éclairé , vient d'imaginer une derniere
reffource , c'eft de demander par Requête ,
des Commiffaires au Parlement. En recufant
anfi pour Juges d'une queſtion de Phyſi
que & de Médecine , des Phyficiens & des
Médecins , il la foumet à des Magiftrats ;
il ne manqueroit plus après cela que de voir .
M. Mefmer interpeller les Académies pour
décider fi la publicité de ce traitement eft ou
non contre la bonne police. M. le Comte
d'Oels ,acequ'on ajoute, a été curieux dejugera
par lui - même de ces grands myfteres ; mais les
efforts des Myftagogues n'ont pu opérer la
moindre fenfation fur un corps de Héros :
cela n'eft pas étonnant.
Il est beaucoup queftion dans les Pro
vinces-Unies d'une Harengere dévouée à la
Maifon d'Orange , & qui inquiette les Ré
gences des villes qui ne partagent pas four
1
( 94.)
affection pour le Stathouder. Un Papier public
parle ainfi de cette finguliere
femme.
Son nom de baptême eft Catherine , en Hollandois
, Kaat : fon nom de famille importe peu à
'favoir ; mais comme la profeffion
eft de vendre
des moules , fortes de perit poiffon à coquille ,
qu'on appelle Moffel en langue Hollandoife
, on
lui a donné le fobriquet de Kaat- Moffel. Elle parcourt
les villes avec fa marchandiſe
, affectant
de fe chamarrer
& de fe barder de rubans orange ,
en chantant la chanſon ſi familiere au peuple des
Provinces-Unies,Willelmus van Naffauwen, &c. Les
grands Officiers de plufieurs villes l'ont mandée
devant eux pour la réprimander
fur l'indécence
de fa conduite ; mais Kaat- Moffel , qui ne manque
pas de raifons , bonnes ou mauvaiſes , comme
toutes les femmes de fon état , trouve toujours ,
moyen de fe tirer d'affaire .
Un patriote ayant donné avis dernierement à
cette partie de la bourgeoifie de Zutphen qui tient
pour fa faction , que Kaat- Moffel devoit arriver
le foir dans la ville avec fes coquilles & fes
rubans jaunes , auffi -tôt grande rumeur parmi
les bourgeois. On fe raffembla , pour attendre
Kaat Moffel ; on patrouilla toute la nuit pour
la chercher ; & on ne la trouva pas , par la
bonne raison qu'elle n étoit pas venue. Ellevient
cependant d'être arrêtée à Rotterdam & l'on
recherche tes complices.

Articles divers tires des Papiers Anglois.
Samedi foir, le Hartswell , le Talbot & la Cérès,
de la Compagnie des Indes , font arrivés à Portfmouth
: le Walpole , qui vient de Bencoolen , oft
attendu d'un jour à l'autre .
Le monument qu'éleve la Compagnie des
( 951 )
>
Indes à la mémoire du Général Cook eft à
peu- près fini , & ne tardera pas à être placé à
Westminster..
Après la conclufion de la reyifion des fuffrages
à Weftminster , on pourra en publier l'Hiftoire.
complerte en un vol . in- 8 , & le faire relier avec
les Annales de Newgate.
GAZETTE ABRÉGÉE DES TRIBUNAUX ( 1) .
PARLEMENT DE PARIS , GRAND'CHAMBRE.
Caufe entre M. le Prince de Condé & le Comte
de Lauraguais.
M. le Prince de Condé a acheté l'Hôtel de
Brancas en 1768, moyennant 800,000l. , payables
après la perfection du décret , & , jufqu'au rembourſement
, il devoit l'intérêt fur le pied du
denier vingt- cinq. S'il furvenoit des oppofitions
au décret , M. le Comte de Lauraguais s'obligeoit
d'en apporter main - levée pure & fimple
dans la quinzaine de la dénonciation . Madame
la Comteffe de Lauraguais , ayant formé
oppofition au décret pour la confervation de
fon douaire de 10,000l . de rente , M. le Comte
de Lauraguais confentit que M. le Prince de
Condé gardât entre les mains 250,000 livres
faifant le fonds de cette rente au denier vingtcing.
La Sentence d'Ordre , rendue aux requêtes
du Palais le 14 Mai 1770 , ordonna , en effet ,
que M. le Prince de Condé garderoit ladite fomme
à 250,000 1. , dont l'intérêt , à quatre pour cent
( On fouferit pour l'Ouvrage entier , dont l'abonnement
eft de 15 liv . pir an , chez M. Mars , Avocat, rue
& Hotel de Serpente.
( 96 )
formeroit la shreté des 10,000 liv. de rente de
douaire. On fait qu'en 1768 , époque où
M le Prince de Condé avoit acheté l'Hôtel de
Brancas , le taux légal de l'argent étoit à quatre
pour cent , mais on fait auffi que , depuis , par
édit du mois de Février 1770 , il a été porté
à cinq ; cette circonftance a fourni a M. le Comte"
de Lauraguais un prétexte , pour demander que
M. le Prince de Condé fut tenu de lui rembourfer
50,000 1. fur les 250,000 1. qu'il a dans fes mains,
& de continuer la rente de zoo, 000 qui lui reftoient
fur le pied de cinq pour cent, ce qui formeroit
10,000 l. de rente , & , par conféquent , une
sûreté fuffifante pour le douaire de Madame la
Comteffe de Lauraguais , qui n'excede pas cette
fomme. Arrêt du premier Avril 1784 qui a
débouté M. le Comte de Lauraguais de fes demandes
, & l'a condamné aux dépens.
En faisant le récit de la caufe jugée en la
Grand- Chambre du Parlement de Paris le 25
Juin dernier , entre Mgr Comte d'Artois , le
créancier du fieur Forien & le Marquis de Coxiftomer
, nous avons dit à la page 369 du tome
17 de notre Collection , le fieur Forien ayant fait
banqueroute , &c . On nous a obfervé que ces expreffions
annoncent en général un crime , qui
ne doit être aucunement imputé au fieur Forien
Citoyen malheureux , mais honnête , qui a effuyé
des revers & des pertes immenfes par le fait d'au
trui. Etant donc mieux informés , & ayant même
pris lecture d'un Arrêt de la Cour des Aides de
Paris du 6 Avril 1781 , que les adverfaires du
fieur Forien ont tenté inutilement de faire caffer
an Confeil de S. M. , nous croyons devoir retracter
ce que nous pourrions avoir dit de nuifible
à la réputation du feur Forien.
'JOURNAL POLITIQUE
DE BRUXELLES.
DANEMARCK.
DE COPENHAGUE , le 25 Août.
LE
ES vaiffeaux de ligne l'Oldenbourg, la
Wagrie & le Dithmar font revenus ici de
leur croifiere dans la Baltique.
Six gabarres françoifes , chargées de mâts &
de bois de conftruction , & une frégate fuédoife
font arrivées ici le 14 de la Baltique ; elles font
reparties pour la mer du Nord.
Le 15 , 2 vaiffeaux de guerre & 2 frégates
Ruffes ont mouillé ici venant de la mer du Nord .
Le 14 , il est arrivé ici 195 bâtimens marchands
, le 15 cent-vingt , & le 16 dix.
Une lettre d'Iflande , du 4 Juin , porte ,
que la mifere des habitans de cette iſle eſt
inexprimable : les montagnes y étoient encore
couvertes de neige ; & la terre dans les
plaines n'eft dégelée qu'à 10 pouces de profondeur.
ALLEMAGNE.
DE HAMBOURG , le 26 Août. 1-
Il eft certain qu'au mois de Juin , on a
N°. 38 , 18 Septembre 1784.
( 98 )
expédié de Pétersbourg des ordres réitérés
d'établir des magafins en Livonie. D'après
les nouveaux arrangemens , on entretiendra
toujours trente mille hommes dans cette
partie de l'Empire. L'Impératrice a fait établir
pour chaque Gouvernement un fervice
de table de quarante perfonnes , du prix de
170,000 liv . tournois.
L'aggrandiffement de la Ruffie , depuis
fes nouvelles conquêtes , à beaucoup étendu
les titres de la Souveraine. Voici ceux que
cette Princeffe prend actuellement.
Catherine II, Impératrice & Antocratrice de
toutes les Ruffies , de Mofcovie , Kiovie , Wlademerie
, Novogrod , Czarine de Cafan , Czarine
d'Aftrachan , Čzarine de Sibérie , Czarine de la
Cherfonefe Tawrique , Dame de Plefcau , &
Grande -Ducheffe de Smolensko , Ducheffe d'EC
tonie , de Livonie , Carelle , Twer , Jugorie ,
Permie , Wiatka , Bolgarie & d'autres , Dame
& Grande- Ducheffe de Novogorod , de l'inférieure
Czernigovie , Refan , Polok , Rofton ,
Jarloslaw , Belo , Oferie , Udorie , Obdorie ,
Condinie , Wilefpk , Mftiflaw , Dominatrice de
tout le côté du Nord , Dame d'Iverie , & Princeffe
héréditaire & Souveraine des Czars de Cartalinie
& Georgie , comme auffi de la Cabardinie
, des Princes de Czircaffie , de Gor.ky &.
d'autres.
Depuis le commencement de Janvier jufqu'au
30 Juin , il eft entré dans les ports de
Pétersbourg & de Cronstadt , le nombre de
vaiffeaux fuivans.
Anglois , 116 ; Ruffes , 18 ; Hollandois , 67 ;
( 99 )
Danois, 19 ; Suédois , 23 ; Pruffiens, tr ; Portu “
gais , 1 ; François , s ; Elpagnols , 2 ; Dantzikois ,
4; Hambourgeois , 7 ; Flamands , 19 ; Vénitiens ,
2 ; de Brême , 2 ; Lubukois , 19 ; Norwégiens , 3 .
Ce qui forme en tout 318 vaiffeaux , dont la
plus grande partie étoient du port de 160 à 320
tonneaux , & un tiers d'Anglois feuls.
Les Ruffes conftruifent à Archangel , indépendamment
de deux vaiffeaux de guerre , quatre
autres gros bâtimens de 1000 tonneaux cha
cun deſtinés au commerce , & qui certainement
fe rendront dans l'Inde , attendu que toutes les
nations de l'Europe tournent aujourd'hui leurs
vues de commerce vers cette partie du monde
de préférence à l'Amérique , fur laquelle on n'a
pas encore beaucoup jetté les yeux à caufe de
l'état de pauvreté où se trouvent réduits les Etats-
Unis.
On peut juger de l'importance du commerce
des Hollandois avec le Japon , par les
dérails fuivans.
Indépendamment des grandes quantités de fucre
, d'épicerie & de marchandifes manufacturées ,
ils y importent annuellement plus de 200,000
peaux de cerf , & plus de 100,000 peaux de
boeuf & de vache ; ils en tirent la plus forte partie
de Siam , & les payent avec de l'argent fur lequel
ils font de gros bénéfices. Les marchandifes principales
qu'ils en exportent par an , tant pour le
Bengale que pour l'Europe , font environ 9000
caifles de cuivre , chacune de 120 liv. pefant , &
25 à 30,000 liv. de camphre. On a calculé que
les Hollandois gagnent fur les importations
comme fur les exportations 40 à 45 pour 100 .
Le commerce de blé en Pologne commence
déjà à fe partager la révolution de
e 2
( 100 )
la Crimée , qui en opere une fur la mer
Noire , attire de ce côté là une portion confidérable
des denrées de la Podolie & Volhynie.
Ci- devant le blé de ces Provinces
étoit entiérement tranfporté à Dantzick. En
cas de difette , ce changement influera d'une
maniere fenfible fur le Nord de l'Europe.
Le Roi de Pologne a appellé divers Savans
étrangers à l'Univerfite de Wilna : ent'a
tres M. Forfter , le fils , l'un des compagnons
du célébre Cook , dans fon fecond
voyage. M. Forster étoit précédemment à
Caffel, Profeffeur d'Hiftoire Naturelle.
Dans une Gazette Allemande on lit les
détails fuivans fur les vins de Hongrie.
Ceux de la Haute Hongrie font les vins de
Tokay , de Mufchlac , de Mifchkoz & d'Eriau ;
& ceux de la Baffe- Hongrie font les vins d'Edimbourg
, de Bude , de Neufiedel , de Goldberg
& de S. George . De chacun de ces vins , on
en fait quatre efpeces , dont voici les dénominarions
& la defcription , favoir :
1 °. L'effence que l'on fait avec des raifins choifis
& demi - féchés . On les met dans un tonneau
placé debout & dont le fond eft percé . Le propre
poids des raifins en fait fortir la liqueur qui eft
douce & épaiffe . En mêlant cette liqueur avec
le vin de la troifieme efpece , on en obtient un affez
bon vin de la feconde espece .
2. L'Aufbruch. Ce vin eft fait avec les raifins
qui ont donné l'effence. On verſe par -deffus
ces raifins du moût ou vin nouveau de raifins
frais , & les preffures . Le vin que l'on en
obtient eft celui qui eft vendu à l'étranger pour
du vin de Tokay ; il a un goût aromatique , & ne
devient bon à boire qu'après trois ans,
( 101 )
3°. Le Mufchlac. Ce vin fe fait avec le marc de
l'Aufbruch. On y verfe du vin nouveau & le preffant
enfuite avec la main ,
4°. Le Landvein ou vin commun fait de raifins
communs.
Ces vins font vendus dans le pays & à Vienne
aux prix fuivans , favoir :
L'Effence de Tokay, so á 60 ducats l'Antal.
L'Aufbruch de Tokay rouge , 25 à 30 ducats
l'Antal.
Ce vin eft rare dans le pays même.
L'Aufbruch de Tokay blanc , 15 á zo ducats
l'Antal .
Le Mufchlac , fait à l'année , 12 ducats .
L'autre Mufchlac ', to ducats ; ce vin eft doux
& fpiritueux.
Le Tokay ordinaire , 5 á & ducats.
Les vins de Mifchkoz , 6 à 7 ducats ; ils font fpi
ritueux , mais agréables à boire.
Les vins rouges d'Erlau , 4 à 6 ducats ; ils ont
la couleur & le goût des bons vins de Bourgogne .
Les vins rouges de Bude , 5 à 8 ducats ; ils font
aufi bons que les vins de Bourgogne.
L'Aufbruch des vins de S. George , 10 ducats
l'Antal.
L'Antal eft une mefure qui contient 26 quarts
de Hambourg. Les vins de Mufchlac , de Mifchkoz
, de Bude , d'Erlau & les Tokays ordinaires
font exportés dans des grands Antals qui doivent
contenir le double d'un Antal ordinaire , mais les
autres vins font envoyés dans des Antals ordinaires
.
On donne l'état fuivant de là navigation
& du commerce de Roftock en 1783.
Les Bâtiments arrivés font au nombre de 640 ,
favoir : 412 de Dannemarck & de Holſtein , 23
d'Angleterre , 2 de Dantzik 2 de France , 3 de ?
e 3
( 102 )
Hollande , 1 de Libau , 49 de Lubek , 28 de Norvege
, 9 de la Pomeranie Suédoife , 12 de la
Pruffe & de la Pomeranie Pruſſienne ,
Roffie , 74 de Schwerin , & ro de Wilmar.
13
de
Le nombre des bâtimens fortis eft de 632 ,
favoir : 286 pour le Dannemark & le Holſtein ,
z pour Dantzik , 21 Four l'Angleterre , 6 pour
la France , 4 pour la Hollande , 6 pour Libau ,
30 pour Lubeck , 34 pour la Norwege , 3 Pour
la Poméranie Suédoife , 7 pour la Pruffe & la
Pomeranie Pruffienne , 39 pour la Ruffie , 68 pour
Schwerin , & 24 pour Wilmar. Ces Bâtimens
de diverfes marchan lifes , comme planches
bois , eau - de-vie , merrein , fer , vinaigre
tabac , verre , feigle & dreche , poterie , & c , &c.
DE VIENNE , le 30 Août.
Les grandes manoeuvres ont été exécutées
au camp de Minkendorf, & ont excité l'admiration
des fpectareurs. Par un calcul exact
on porte notre armée , telle qu'elle eft actuellement
, à 363,395 . hommes.
I'Empereur vient de défendre les contrefactions
de livres imprimés dans fes Etats ,
en permettant celles d'ouvrages imprimés,
dans l'étranger.
La Langue latine, comme on fait , eft ufitée
en Hongrie & en Tranfylvanie , ainſi
qu'elle l'eft en Pologne . Cette différence
d'idiome influoit fenfiblement fur l'efprit national.
Par une Ordonnance publiée à Presbourg,
au mois de Mai dernier , toutes les
affaires fe traiteront en Allemand , à commencer
dans trois ans d'ici , & dès le pre(
103 )
mier Novembre prochain , on ne recevra
aucun jeune homme à l'Ecole Latine , s'il ne
fait lire & écrire en Allemand .
On a défendu à Prague aux Candidats de
Théologie , Catholiques , de fréquenter la
Maifon de prieres des Proteftans , où il fe
trouvoit toujours un concours de jeunes
Etudians , attirés par les fermons du Prédicateur
Schmid. Dorénavant les Religieufes
renouvelleront leurs voeux toutes les années ,
& feront libres par conféquent de rentrer
dans le monde.
Il paroît une Ordonnance de l'Empereur ,
relative aux mariages en Gallicie. Un homme
au- deffous de 19 ans , une femme audeffous
de 15 , ne pourront contracter le
lien conjugal : il eft permis entre perfonnes
-de diverfes religions tolérées ; même liberté
aux étrangers qui s'établiront en Gallicié.
Si les maîtres de métiers refufent d'employer
des ouvriers mariés , ceux- ci font autorifés
à travailler pour leur propre compte.
On mande de Triefte qu'on va y établir
un grand chantier , pour conftruire des vaiffeaux
de commerce , & même des frégates .
L'éternelle affaire des négocians Chomel
& Jordan d'Amfterdam vient d'être réveillée
, à ce qu'on affure , dans une note remife
au Chevalier Fofcarini , Ambaffadeur de Venife
, par le Miniftre de Leurs Hautes Puiffances
. On y menace la République de re-
*préfailles , fi elle ne paye soo mille flo-
י ד
e 4
( 104 ).
rins pour les frais de l'efcadre malencontreufe,
fi inutilement envoyée par les Hollandois
dans la Baltique. M. le Chevalier Fofcarini
a envolé cette demande preſque incroyable
au Sénat , qui l'a remiſe aux Sages-
Grands.
Chaque compagnie d'artillerie eft actuellement
portée à 184 hommes , & on a donné
à chaque régiment d'infanterie 10 pieces de
campagne & un mortier. Les travaux des
nouvelles fortereffes dans la Bohême font
toujours continués avec activité.
On a reflenti à Comore le 7 Août , deux lé
geres fecouffes de tremblement de terre , qui
n'ont occafionné aucun dommage.
DE FRANCFORT , le 3 Septembre:
S'il faut en croire des lettres de Conftantinople
, la Porte paroiffant s'être réfroidie
fur l'article important de la détermination
des limites avec l'Autriche , l'Internonce Impérial
, M. le Baron de Herbert en a porté
fes plaintes dans un Mémoire très - énergique
, où il infifte de plus en plus fur cet objet.
L'ex -Jéfuite Frank , Confeffeur de l'Electeur
Palatin , vient de prêcher publiquement
à Munich contre les Francs - Maçons , dont
il y a plufieurs branches ou fyftêmes dans
cette ville. Dans le fermon ils étoient défignés
fous le nom de Judas d'aujourd'hui , &
la divifion de ce morceau d'éloquence étoit
Judas le traître , Judás le pendu , Judas le
damné.
( 105 )
Le traité de commerce négotié depuis
long- temps entre la Cour Palatine & celle
de Stuttgard eft terminé. Une autre opération
également heureufe , eft celle d'extirper
la mendicité dans la Souabe ; elle a entiérement
réuffi , & l'on ne trouve plus un
vagabond entre Conftance & Ulm .
M. Munter , fils du prédicateur de Copenhague
, connu par une prétendue converfion
du Comte de Struenfée , vient d'être créé
Docteur dans l'Univerfité de Fulde. C'eft le
premier exemple d'un Proteftant qui ait reçu
ce grade dans une Univerfité Catholique
La ville de Lawingen , fituée fur le Danube
entre Ulm & Ratisbonne & peu éloignée du
Rhin , étant très- avantageufement placée pour
le commerce du Danube & du Rhin , fur-tout
auffi par les grandes routes qui s'y rencontrent
l'Electeur Palatin , Duc de Baviere lui a accordé
le privilege que non feulement toutes les marchandifes
, qui y entreront , jouiront à leur extation
d'une remife de trois quarts de droits de
Douane que l'on payoit dans la Baviere & le
Palatinat , mais auffi que l'entrepôt du fel pour
la vente étrangere y fera établi , afin que les
chariots de retour puiffent en prendre des chargemens.
La Maifon de Gfelle , Reinhard &
Compagnie eft chargée de l'exécution du plan
de commerce pour cette ville . Elle fera partir
toutes les femaines des Rouliers qui fe chargeront
des marchandifes fur la route de Strasbourg ,
Stutgard & Lawingen , & elle recevra par eau
à Heilbron , toutes les femaines , les marchan
difes venant de Mayence , qu'elle fera conduire
für le champ à Lawingen d'où partita chaque
es
( 106 )
"
femaine un bateau pour Vienne & même on
en fera partir plufieurs s'il eft néceffaire . Pour
la sûreté de la navigation fur le Danube , les
Patrons , qui y feront employés , ont fait une
caution judiciaire de 20,000 florins.
On donne comme exact le tableau fuivant
des Manufactures & du commerce de
Berlin en 1783 .
1º. Manufactures de foierie. 53 métiers pour
le velours . 1.192 pour étoffes. 154 pour bas. 526
pour rubans. 391 pour mi - foierie . Total des métiers
2,316 ; ils occupent le même nombre d'ouvriers
. La valeur de ces marchandiſes s'eft montée
à 1,749,596 dalers . On en a vendu dans le
pays pour 1,245,688 dalers , & dans l'étranger
pour 487,408 dalers.
2º. Manufactures de lainerie. 128 métiers
pour draps. 53 pour flanelles , frifes , bayettes.
1,846 pour étoffes de laine . 359 pour demi-laine.
13 pour étamines . 160 pour bas , bonnets , gands. ,
7 pour rubans de laine . Total des métiers 2566 ;
ils occupent 3022 ouvriers. Valeur de ces marchandiſes
1,782,404 dalers . Débit dans le pays
1,193,980. Débit dans l'étranger 509,404.
3º. Manufactures de toile. 78 métiers pour
toile unie. 46 pour toile damaffée. 114 pour
toile de couleur , ou fiamoife de fil . Total des
métiers 238 qui occupent autant d'ouvriers. Valeur
de ces marchandifes 122,800 dalers. Débit
dans le pays 94,700 . Débit dans l'étranger
28,100.
4°. Manufactures de coton . 679 métiers pour
Indiennes. 263 pour draps de coton & mouchoirs.
55 pour mouffelines. 25 pour velours fur coton.
4 pour futaines . 23 pour bas , bonnets & gands.
Total des métiers 1048 ; ils le même
occupent
nombre d'ouvriers. Valeur de ces marchandifes
( 107 )
595,446 dalers. Débit dans le pays 471,287 . Debit
dans l'étranger 124,159 .
5. Manufactures de peaux & de cuirs . 145
ouvriers pour la tannerie. 93 pour la mégifferie.
Total des ouvriers 238. Valeur de ces marchandifes
241,087 dalers . Débit dans le pays 171,876.
Débit dans l'étranger 69,211 .
6°. Diverfes autres manufactures. 202 fabricans
de plumes & plumets. 46 de blanc d'EL
pagne , crayons & de dragées à fuſil . 5 de cordes
pour clavecin . 16 ouvriers pour la préparation
des baleines . 607 ouvriers qui travaillent en
or & en argent. 9 de dentelles & de blondes . 72
fabricans de fii d'archal & de lames de métal
battu . 32 de vernis. 8 de pipes à fumer. ço de
broderie en foie , &c. 4 de favon , 600 de chapeaux
de paille . 25 d'acier & de fer , 59 de tapifferie.
4 d'effence de vitriol . 9 pour le blanchif
fage de la cire. 689 ouvriers pour l'impreffion
d'Indiennes. 790 pour le raffinage du fucre. 22
fabricants de fil. Le total des ouvriers de ces diverfes
manufactures fe monte à 3251. Valeur
de ces marchandifes 1,605,893 dalers . Débit.
dans le pays 1,110,383 . Débit dans l'étranger
323,530. Total des métiers 6,168 . Total des
ouvriers 10,113 .
Total de la valeur des marchandiſes fabriquées
ci 6,098,226 dalers . Total du débit dans le pays
4,288,584 . Total du débit dans l'étranger
1,541,812 . Somme pour les matériaux tirés du
pays 1,470,806 . Somme pour les matériaux tirés
de l'étranger 2,127,143 .
Le 14 , le Miniftre de l'Empereur pour la Bohême
, a déclaré dans une conférence , que l'Empereur
ayant promis aux Comtes Catholiques du
College de Franconie , de les protéger & maintenir
dans leurs droits , S. M. I. ne pouvoit point
e 6
( 108 )
accéder au dernier arrêté fait à la pluralité par
les Etats Catholiques au fujet de ce démêlé.
D'après cela il eft clair que cette grande affaire ,
qui paroifloit être terminée , ne l'eft pas encore.
ITALIE.
DE VENISE , le 18 Août.
Il s'eft tenu aujourd'hui un confeil , relativement
à l'affaire des différends entre cette
République & celle de Hollande , pour avifer
aux moyens de les terminer. Les Etats-
Généraux réclament aujourd'hui non -feulement
la fomme de 30 mille florins qu'ont
perdue quelques négocians Hollandois , mais
auffi les intérêts & tout ce qu'ils auroient pu
gagner , s'ils euffent fait valoir ces fonds."
Le Gouvernement n'a pas encore reçu de
dépêches du Chevalier Emo , Commandant
de l'efcadre deftinée contre Tunis. On en
donne pour caufe , que cet Officier attend
qu'il y ait eu quelque changement dans le
Confeil des Dix .
DE ROME , le 23 Août.
La converfion d'un Négociant Juif, appellé
Levi , a fait ici la plus grande fenfation.
Ce Juif , dit- on , eft puiffamment riche.
Il fréquentoit beaucoup une des principales
maifons de cette ville , où on lui avoit
fait plufieurs fois des queftions fur fa croyance,
fans pouvoir jamais en obtenir la moindre ré
( 109 )
ponfe. Ayant reconnu à ce qu'on prétend
l'erreur de fon culte , il réfolut d'embraffer
le Chriftianifme. Le Cardinal Vicaire en
ayant eu avis , le fit entrer dans la maifon
des Cathécumenes , pour l'inftruire des dogmes
de notre Religion . On efpere qu'il fera
pris des arrangemens , pour qu'il conferve
une partie des fonds de fon commerce ,
quoique les loix Juives s'y oppoſent. En
quittant fa maifon' , il laiffa fur la table un
billet , par lequel il déclaroit à fa femme &
à fes enfans , qu'il ne retourneroit plus dans
le quartier des Juifs .
DE NAPLES , le 30 Août.
Le Marquis de Caraccioli , Viceroi de
Sicile , a eu ordre de fe rendre à Caftellamare.
On aflure qu'après avoir eu un entretien
avec S. M. , il partira aufli-tôt pour Meffine ,
afin d'y exécuter les mefures prifes par le
Gouvernement , relativement à cette malheureuſe
ville.
Un bâtiment Turc ayant un équipage de
80 hommes , a été pris par une galéaffe armée
en courſe.
Nous éprouvâmes la nuit derniere un orage
affreux. La grêle étoit d'une groffeur
prodigieufe. Le dommage caufé aux vitres
s'évalue à 10 mille ducats. Toutes celles qui
étoient expofées à l'oueft , d'où fouffloit le
vent , ont été brifées. Dans le Palais feulement
il y en a eu plus de 1500. Cet orage
( 110 )
a été encore funefte à d'autres égards. Les
arbres des environs en ont fouffert confidérablement
.
Le Comte Michel Pignatelli vient d'être décoré
de l'Ordre de S. Janvier. Il étoit Ambaffadeur à
la Cour de Verfailles , mais le dérangement de fa
fanté lui a fait demander fa retraite qui lui a été
accordée ainfi qu'une penfion de 2000 ducats.
On affure que le Prince de Caramanica lui fuccédera
dans fon ambaffade .
2
GRANDE-BRETAGNE.
DE LONDRES , le 4 Septembre .
A l'abondance des affaires légiflatives &
parlementaires ont fuccédé les affaires plus
tranquilles du Cabinet . Pendant que les Repréfentans
du peuple font allés jouir des douceurs
de la campagne, jouiffance dont un
Anglois ne pourroit fe paffer en cette faifon
, les Miniftres travaillent à Londres avec
affiduité. M. Pitt vient de faire emplette
d'une petite maifon de campagne , retraire
modefte , voifine de la Capitale , à côté du
domicile de M. Macpherfon , l'Editeur & le
Traducteur d'Offian.
Le Général Campbell , ancien Gouverneur
de la Jamaïque , qui eft de retour avec fa
famille , a été préfenté le premier de ce mois
à S. M Cet Oficier eft très -regretté à la Jamaïque.
Il étoit chéri des habitans dont il
avoit fu fe concilier l'efprit . On lui fuppofoit
le deffein d'obtenir le commandement
( 111 )
de l'Inde ; mais il n'eft point nommé , non
plus que l'Amiral Byron , que les feuilles publiques
défignoient comme devant remplacer
''Amiral Hughes.
Le cutter de S. M. l'Expédition étant , il y
a 15 jours en ftation à l'ifle de Whigt , il ap
prit que deux gros lougres contrebandiers , l'un
de 20 , l'autre de 12 canons , fe préparoient à
décharger leurs marchandifes près de Chrift-
Church. Il marcha fur leurs traces , & avertit
à Spithead le Capitaine Thornborough de la Frégate
l'Hébé. Celui- ci leva l'ancre fur le champ ,
& tourna l'Ile de Whigth , dans l'efpérance de
rencontrer les lougres que le cutter pourſuivoit
d'un autre côté. En effet , l'Hébé les découvrit
& leur donne chaffe jufqu'à 8 heures du foir.
Le plus gros des contrebandiers ne pouvant
échapper , il pria le Cap. Thornborough de
ceffer fon feu , qu'il étoit prêt à fe rendre ;
mais à peine le Cap. eut-il fermé les fabords ,
& mis la chaloupe en mer pour amariner le
lougre , que celui - ci prit toutes les voiles &
décampa la nuit étant furvenue, l'Hébé le
perdit de vue. C'eft une leçon aux vaiffeaux
de Roi d'être moins crédules. Le lougre chargé
à Oftende a , dit - on , une cargaifon de 27,000
liv . fterl .
Un des papiers de l'oppofition expofe de
la maniere fuivante M. Pitt débiteur du
Public , & le Public créancier de ce Miniftre.
M. Pitt Débiteur; 1 °. pour la prévention
générale en fa faveur due au fouvenir de la
mémoire de l'illuftre Chatam , gravée dans
tous les coeurs anglois.
( 112 )
2º. De la confiance illimitée dans les vertus
& dans fon habileté , quoique les premieres
ne foient pas prouvées , & qu'il foit
trop jeune pour avoir acquis les fecondes.
30. Des adulations excitées par l'influence
fecrette qui l'ont porté au rang le plus élevé.
4° . D'avoir fermé les yeux du Public à
tous les argumens de l'oppofition , & à tous
les outrages qu'a reçu la conftitution .
Le Public créancierde ce Miniftre ; 1 ° . d'une
profufion de belles promeffes & de beaux dif
cours , d'affertions pour des faits , de déclamations
pour des argumens , de proteftations
pour la vérité , de babil au lieu d'ac .
tion , de vertus apparentes & de prétentions
pour de la capacité.
2°. Pour avoir donné de l'affabilité & de
l'efficace à un pouvoir caché derriere le trône ,
plus grand que le Trône , inconnu à la conftitution
, & feul moteur du Gouvernement.
3. D'une négociation de paix , qui a
cédé aux ennemis de l'Empire Britannique
la moitié de notre territoire au dehors , &
déhonoré le nom Anglois.
4°. En afferviffant la liberté de la preffe par
fes émiffaires en Irlande , & par la taxe oppreffive
fur le papier .
5°. Pour avoir nis fur les néceflités de la
vie un impôt , que les Propriétaires de la
Compagnie des Indes mettront dans leur
poche .
M. Fox n'eſt pas moins bien partagé que
( 113 )
fon adverfaire dans cette diftribution de flatteries.
On a rapproché ainfi ſa ſituation paffée
de fa fituation préfente.
En Décembre 1783 , Charles James Fox étoit
en réalité , le premier & feul Miniftre de l'Empire
Britannique. Son adminiftration avoit pour
foutiens deux partis puiffans réunis , dans lefquels
on croyoit compris toute la force , toute
la puiffance , tous les talens du Royaume . A
peine daignoit- on honorer du nom d'oppofition
les foibles reftes de l'ancien miniftère . Le Roi
étoit complettement au pouvoir de fes agens ,
& le peuple malgré la bizarrerie des principes
de la Coalition , n'étoit pas éloigné de fe foumettre
à un cabinet qui promettoit le retour
de la tranquillité , & un état de chofes ftable
& vigoureux. M. Fox ne fut pas encore fatisfait:
il voulut rendre fa retraite non - feulement
difficile , mais impoffible. Il ne fe propofa pas
moins que de s'inveftir de tous les pouvoirs du
gouvernement exercés par le milieu d'un Septemvirat
, que la fituation de l'Inde lui fournit
le prétexte d'établir . Un Edit fut fabriqué , le
Parlement chargé de l'enrégifrer. La Chambre
des Communes obéit à l'ordre , les Septemvirs
furent nommés , le peuple confterné , le palais
défert , tous les yeux tournés fur Ch . Jam. Fox .
·
Quel revers ! ce même M. Fox eft aujourd'hui
le repréfentant d'un bourg obfcur de l'Ecoffe
, c'eft lui dont on ne parle qu'au Scrutin de
Westminster , & qui ne fe montre plus que dans
le carroffe de Miftriff Armstead's. Cette tête qui
paroiffoit accablée de couronnes , ne femble plus
que celle d'un courtifan délaiffé , & cette main
qui touchoit au fceptre , ne s'occupe qu'à farder
les joues , & qu'à ajufter la frifure d'une femme
dont ce Grand- Vifir Britannique eft aujourd'hui
l'esclave .
( 114 )
"
Le feu Duc de Cumberland jouoit un jour
au billard , dans un lieu public , avec différentes
perfonnes , & par commodité , laiſſoit
de tems en tems fur la table fa tabatiere , trèsriche
préfent d'un Prince d'Allemagne. Tout
à coup la boëte difparoît : le Duc cherche en
vain dans fes poches ; il n'étoit point forti de
la chambre ; il fut propofé de fouiller chacun
des affiftans qui s'y prêterent de bonne
grace , excepté un feul , Lieutenant aux Gardes
à pied il jura qu'aucun homme vivant
ne le fouilleroit , & qu'il mettroit en péril le
premier qui oferoit le toucher. A cette déclaration
, tout le monde le regarda comme
le voleur : s'étant apperçu de certe opinion ,
il demanda la permiflion d'entretenir le Duc
en particulier , ce que Son Alteffe lui accorda
de bonne grace ; ils pafferent dans la chambre
voifine. Là , le Lieutenant informa le Duc
que depuis nombre d'années il fervoit le Roi
& la Patrie avec fidélité , qu'il n'avoit pas eu
le bonheur d'être avancé comme il croyoit
le mériter ; que chargé d'une famille nombreuſe
, il étoit pauvre , mais non pas juſqu'à
manquer aux devoirs de l'honneur . Il ajouta,
qu'ayant demandé dans une Taverne un
poulet pour fon dîné , & n'en ayant mangé
qu'une partie , il avoit enveloppé le rette dans
du papier , & l'avoit mis dans fa poche où il
étoit encore : il en fortit les débris & les
montra au Duc de Cumberland. Cette feule
raifon & la crainte d'un ridicule public
l'avoient fait réſiſterà la recherche demandée..
( 115 )
Son Alteffe ne put s'empêcher de rire , ni
d'avoir pitié en même tems du pauvre Lieutenant.
Îl le ramena dans la Compagnie , à
laquelle il attefta l'innocence du Prévenu .
Cependant la boëte ne reparut point, & l'on
fe retira très -furpris de l'incident. Le lendemain
, le Duc trouva fon bijou dans la doublure
de fon jufte- au- corps , en fit paſſer l'avis
à la Compagnie de la veille , & avancer le
Lieutenant , qui n'eut plus befoin à l'avenir
de garnir fes poches d'un poulet froid.
On peut fe rappeller qu'il a été queftion
autrefois d'une anecdote à peu près pareille ,
arrivée chez M. d'Argenfon.
Rien ne prouve mieux la différence que
le Gouvernement met entre les hommes
qu'une réponse faite à Pierre - le - Grand , à
Spithéad. Ayant oui parler du châtiment de
la calle infligé aux matelots , il defira voir
cette cérémonie ; malheureufement il n'y
avoit aucun coupable.Sur l'obfervation qu'on
lui en fit , Pierre dit qu'on prenne un de
mes gens : Prince , lui répondit on , ves gens
font en Angleterre , & par conféquent fous la
protection des loix.
Suite du Bill de l'Inde.
Art. XXVIII. Le gouverneur général & le
confeil du Bengale & les gouverneurs particuliers
& confeils de chaque préfidence , feront les
maîtres , quand une propofition aura été faite &
débattue en confeil , d'ajourner l'affemblée s'ils
le jugent à propos , pourvu que cet ajournement
ne foit pas d'un plus long terme que de 48 heures.
On ne pourra pas s'ajourner deux fois fans le
( 116 )
confentement de celui qui aura fait la propofition
difcutée.
Art. XXIX. Comme il répugne aux defirs ,
à l'honneur & à la politique de l'Angleterre , de
porter l'efprit de conquête , & d'étendre les poffeffions
dans l'Inde , il est défendu au Gouverneur-
Général & au Confeil- Suprême , fiégeant
audit fort William , de commencer la guerre avec
aucune puiffance , fans en avoir reçu l'ordre exprès
du Bureau établi pour gouverner les affaires
de l'Inde ; ou des Directeurs de la Compagnie ,
avec la fanction du Bureau ; lefdits ordres étant
fignés & fcellés par le Secrétaire d'Etat pour le
département intérieur ; à moins que les Princes
Indiens n'euffent commencé des hoftiltés , formé
quelque alliance hoſtile aux intérêts de la G. B. ,'
eu n'euffent le projet de lui faire la guerre , ou
aux Princes & poffeffeurs de territoires , fous la
protection ou garantie de la Grande- Bretagne ;
comme auffi de ne former aucun traité pour faire
la guerre à aucun Prince Indien , à moins qu'il
n'eût commencé des hoftilités lui- même , où ne
fe fût préparé à en commencer , ainſi qu'il a été
dit dans le cas où leldits Gouverneur Général y
Confeillers , Préfidens , &c. fe détermineront à
faire la guerre , ils feront obligés d'en donner
avis , le plus promptement poffible , au Bureau
d'adminiſtration , avec les plus amples informations
fur l'état des affaires , les caufes de cette
guerre , & les motifs qu'ils ont eu de la faire , &c.
:
Art. XXX. Il ne fera pas permis aux Gouverneurs
particuliers du fort S. George & de Bombay
, de faire la guerre , non plus qu'à aucun des
Etabliffe mens fubalternes de la Compagnie dans
l'Inde . Ils ne pourront pas davantage faire la paix
ou négocier aucun traité d'alliance avec les
Princes Indiens , excepté dans le cas où le dan
( 117 )
ger leur paroîtroit imminent , en inférant toujours
une claufe conditionnelle que lesdits traités
, négociations , &c . &c. feroient confirmés
par le Gouverneur - Général , à qui les autres
préfidences obéiront en tout ; & en cas de refus,
les Gouverneurs particuliers pourront être fufpendus.
Chaque préfidence rendra un compte
habituel & exact de tout ce qui fe paffera dans
fon diftri&t , & fera remettre le duplicata de fes
minutes au Greffier du Confeil - Suprême de
Bengale.
du
Art. XXXI. Toute perfonne employée au fervice
de S. M. , tant dans le civil que dans le militaire
, défobéiffant aux ordres qu'elle recevroit
Gouvernement - Général , pourra être interdite
de fes fonctions par ledit Gouverneur Général
& le Confeil - Souverain du Bengale, Chacun
defdits employés eft requis , par les préfentes , de
tranfmettre diligemment & fidélement au fort
William des copies vraies & exactes de tous ordres
, réfolutions & actes du Confeil de leurs
Préfidences & Gouvernemens respectifs , ainfi
que de communiquer tout ce qu'ils pourront découvrir
d'important au Gouverneur- Général &
au Confeil du fort William.
Art. XXXII. Et comme il paroît , qu'il est dû
des fommes confidérables par le Nabab d'Arcate
à des particuliers fujets de la Grande - Bretagne ,
& qu'il eft à propos que l'affiftance de la Compagnie
foit accordée aux créanciers de ce Prince
pour la sûreté de leurs créances , en ménageant
toutefois l'honneur & la dignité du Nabab ; il eft
ordonné par le préfent acte que les Directeurs de
la Compagnie des Indes entreront dans l'examen
le plus attentif , de la nature & de la juftice de
ces dertes , autant qu'il leur fera poffible de les
vérifier par les documens qu'ils ont en main ;
1
( 118 )
donnant en outre pour ſe mettre au fait de la
vérité , des ordres précis à leurs diverfes préfidences
pour completter les informations néceffaires
, & pour établir de concert avec le Nabab ,
des fonds pour acquitter les obligations qui leur
paroîtront être juftement dues ; felon leur droit
de précédence reſpective , & d'une maniere confiftante
avec les droits de la Compagnie , la sûreté
des eréanciers du Nabab , ainfi que l'honneur
& la dignité de ce Prince.
Art. XXXHI . Et pour ajufter & terminer fur
une baſe permanente les droits indéterminés des
Nabab d'Arcate & Rajah de Tanjaour, l'un envers
l'autre il eft ordonné que la Cour des Directeurs
prendra immédiatement en confidération
lefdits droits & prétentions , & cherchera les
moyens les plus fimples & les plus propres pour
juger de leurs différends , & les faire terminer
felon les principes , & les termes ftipulés & convenus
entre lefdits Nabab & le Rajah dans le
traité de 1762 .
Art . XXXIV . Comme il y a eu des plaintes
portées , que divers Rajahs , Zemindars , Polygars
, Talookdars & autres natifs , propriétaires.
des terres de l'Inde , ont été dépouillés injufte- .
ment de leurs domaines , droits , privileges &
jurifdictions ; que les tributs , loyers , & c . exigés
& payés par eux à la Compagnie des Indes
font devenus très- oppreffifs ; & comme les principes
de juftice & l'honneur du pays requierent
que ces fujets de plainte foient examinés , & s'ils
fe trouvent fondés , que l'on y remédie inceffamment
; il eft ordonné par les préfentes , que la
Cour des Directeurs de ladite Compagnie prenne
férieufemed : lefdites meſures en confidération
, & adopte les moyens néceffaires pour connoître
les caufes & la vérité de ces plaintes , &
( 1497 )
donner en conféquence des ordres & inftructions.
aux diverfes préfidences , pour réparer les injuftices
faites auxdits Rajahs , Zemindars , &c . felon
les loix de leur pays pour établir en outre
fur des principes de modération & de juftice ,
d'après la conftitution de l'Inde , des regles permanentes
par lefquelles ils feront déformais obligés
de payer leurs tributs ; de louer , affermer),
prendre à bail , &c. les terres dont ils font en
poffeffion.
Lafuite à l'Ordinaire prochain.
ETATS- UNIS DE L'AMÉRIQUE .
PHILADELPHIE , le 10 Juillet.
On a publié l'extrait fuivant d'une lettre
d'un Américain de diftinction d'Annapolis
à fon ami à Trenton , lettre trop curieufe &
trop inftructive pour être paffée fous filence.
La Grande - Bretagne , en adoptant un plan
de Commerce odieux & exclufif avec les Ïfles
des Indes occidentales , a dévoilé une politique
fordide qui a excité également les murmures des
habirans de ces mêmes Ifles & de ceux des Etats-
Unis de l'Amérique . Il fe peut néanmoins que
cette mefure, quoique bifarre, & fi contraire aux
vrais intérêts du Commerce , continue d'être adoptée
, même comme un fyftême , par la Grande-
Bretagne. Un procédé auffi atroce doit , & auroit
fans doute irrité dans les anciens tems l'indignation
d'un Peuple libre , qui auroit auffi- tôt réprimé
par de juftes repréfailles ces restrictions fur
le Commerce , qui , fi elles étoient fuivies par les
autres Nations, l'anéantiroient indubitablement ...
On devroit certainement fe décider à revêtir le
Congrès de pouvoirs compétens pour protéger
"( 120 )
notre Commetce. Tant que les Etats - Unis ne
feront point regardés par les Puiffances étrangeres
, comme ne formant qu'une feule & même
Nation , commerçant conjointement & de bonnefoi
avec toutes les Nations fur les principes d'une
exacte réciprocité , je crains que la Grande - Bretagne
ne fe décide point à leur accorder des privileges
étendus. Au contraire , encouragée par
la défunion qui regne dans nos Confeils & par le
manque de pouvoir & d'énergie dans nos Départemens
exécutifs , elle n'aura point à craindre
de repréfailles de la part des Etats - Unis , & nous
perdrons par-là le principal motif qui la portoit
à nous faire des conceffions . Que notre fituation
alors fera humiliante , quand toute l'Europe ne
nous confidérera ( & c'eft fous ce point de vue
qu'elle defire nous voir ) feulement que comme
de fimples confommateurs de fes Manufactures &
de fes productions , & comme des ouvriers utiles
pour lui fournir fes matieres premieres.
Le violent arrêté des Virginiens , pour fe
difpenfer de payer leurs dettes , fous le prétexte
qu'ils ont trop fouffert d pillages de
la guerre , comme fi les hoftilités de nation
à nation , difpenfoient jamais d'acquitter
fes créanciers , a été combattu par une minorité
bien intentionnée : elle a proteſté en
ces termes contre la réſolution.
Nous différons d'avis : I. Parce que ces Réfolutions
nous paroiffent porter une atteinte dire&e
au Traité récemment conclu avec la Grande-
Bretagne.
II. Parce que le refus , fait par Sir Guy Carleton
, avant la fignature du Traité définitive de
paix , de remettre les Nègres , étoit déjà connu
du Congrès , lorfqu'il ratifia folemnellement le
Traité
( 121 )
"
Traité de paix , en ajoutant , « qu'il ne fouffriroit
jamais , qu'il en fût violé aucune partie ,
> ni qu'il y fût fait aucune contravention , par ·
» quiconque & de quelle maniere que ce fûr >
du moins pour autant que cela feroit en fon
» pouvoir ".
III . Parce que le Congrès a enjoint aux Citoyens
de l'Amérique la pleine obſervation du
Traité ainfi ratifié.
IV. Parce qu'après cette Ratification . folemnelle
chaque Etat eft obligé , par tout lien facré
, de le mettre entierement à exécution .
V. Parce que , quoiqu'il foit reconnu que Sir
Guy Carleton a refufe de remettre les Nègres
il n'y a cependant pas de preuve , ni même de
foupçon ben fondé , que fon Souverain approu
vera une pareille conduite. Au contraire le Dr.
Franklin , notre Miniftre en Europe , donne pour
fon avis , que nous recevrons une réparation
pleine & ample de la part de la Grande-Brétagne.
VI. Parce que , fi la Nation Britannique s'eft
rendue coupable d'une atteinte non équivoque
portée au Traité , il ferot beaucoup plus magaanime
de la part des Etats de l'Amérique de
la rappeller au fentiment de fon devoir , en ob
fervant fidelement ce Traité de leur côté , quo
de juftifier & de légitimer fa conduite par une
violation plus infigne encore de la bonne- foi de
notre côté ; d'autant plus qu'il eft pour nous de
la plus haute importance d'établir notre réputa
tion parmi les Nations , comme fileles obfervateurs
de sa bonne foi & de l'honneur.
VII . Parce qu'en continuant les empê hemens
légaux au recouvrement des dertes Bitanniques ,
l'on expofera la propriété des Citoyens de cet
Etat à être faifie par le Guvernement Britan◄
No. 38, 18 Septembre 1784. f
122 )
nique , & que c'eft une mefure pleine de témérité
de violence , & de préjudice .
VIII . Parce que , le Congrès ayant enjoint ,
dans les termes les plus exprès , l'obſervation
fidele de chaque Article du Traité , ce qui contient
naturellement le payement des dettes Britanniques
, les Résolutions ci - deffus font une atteinte
manifefte , portée à l'autorité du Congrès.
Sgne, NATH. HARRISON , WILLIAM LÉE ,
HENRY IÉE , WILLIAM FITZHUGHS JOHN
BROWN , BALWELL BASSET.
FRANCE.
2.
DE PARIS , le 15 Septembre.
Les travaux de Cherbourg font fufpendus
pour cette année . On employera ce tems à
préparer les caiffes qu'on doit couler au Printems
prochain . Lorfqu'il y en aura 10 ou
12 de placées , on efpere qu'alors le fuccès
ne fera plus douteux .
La Requête de M. Mefmer au Parlement
eft publique , & ne paroît pas avoir le moins
du monde affoibli la fenfation des Rapports
dont nous avons parlé . Ce font des plaintes
contre M. Deflon , une invective contre la
Médecine en général , & des reproches aux
Commiffaires. M. Mefmer la conclut , en en
demandant de nouveaux au Parlement , qui
feront chargés de conftater l'exifience & l'utilité
defa découverte. La Cour a ordonné ,
dit- on , qu'il foit nommé quatre Médecins
deux Chirurgiens & deux Apothicaires pour
nouvel examen.
On nous écrit de Bourgogne le récit d'un
2
( 123 )
météore aqueux , obfervé le 28 Mars dernier.
Les détails de cette defcription peuvent
intéreffer les Naturaliftes , & même ceux qui
ne le font pas.
Depuis plufieurs jours le vent du fud fouffloit
avec violence , & la pluie étoit tombée fi abondamment
, que les eaux de la riviere de Seille
étant forties de leur lit , couvroient toute la
prairie ; lorfque le Dimanche 28 Mars , après des
alternatives de foleil & de pluie , il s'éleva fur
les onze heures du matin ', un ouragan des plus
violens. Sa direction qui paroilloit d'abord être
du ſud au nord' , varioit à chaque inftant , & fembloit
partir tout - à - coup de tous les points de
l'horion. Un très - grand nuage , noir dans fa
partie fupérieure , & roufsâtre dans l'inférieure ,
étoit fortement agité , & s'abaiffoit peu à peu
fur la prairie couverte d'eau , tout - à - coup l'on
vit une espèce de brouillard ou de fumée trèsépaifle
, s'élever de cette prairie qui reffembloit
à une mer : bien- tôt cette vapeur le condenfant ,
elle forma une colonne d'un gris roufsâtre , qui
atteignit le
nuage obfcur dont le ciel étoit cou.
vert pendant quelque temps l'eau paroiffoit
boillonner fortement , & s'élever en vapeurs
autour de cette colonne . J'en étois à une demilieue
; mais des perfonnes qui en étoient très près,
m'ont affuré qu'on voyoit ce Typhon pomper
l'eau , & la rejeter continuellement.
L'air étoit dans la plus grande agitation , &
l'on entendoit un bruit effrayant femblable à celui
que feroient beaucoup de voitures , roulant
rapidement en fens contraires . L'ouragan étoit fi
fort dans ce moment , qu'il renverfa des ma fons ,
arracha des arbres fort gros , & dévafta une
grande étendue de pays : une pluie abondante
f2
( 124 )
inonda la terre , Cependant le Typhon , qui jufques
là avoit refté pre que dans l'endroit où il
s'étoit forme , fut poullé par le vent d'oucit
qui domino t avec impétuofité : il quitra l'eau
qui lui fervoit d'aliment , & alla défoler le canton
fur lequel il paffa , en le couvrant d'une
grêle dont chaque morceau , gros comme une
fa iere de cristal , à angles inégaux , peloit communément
un quart de ivre , il y en avoit même
de plus gros. Ce Typhon , après s'être ainfi
déchargé d'une partie de ce qu'il contenoit , parut
un moment féparé de la terre , & prendre le
caractere que Muſchenbroeck & M. de Buffɔn
donnent aux trombes de mer. Sa bafe alors tenoit
au nuage confidérable dont j'ai parlé , & l'endroit
où il s'étoit brifé , fe terminoit en pointes
inégales. Une vapeur pouffée , ainfi que ce mé ,
téore , par le vent d'cueft , l'atteignit bientôt &
reforma une colonne entiere , qui , comme auparavant
, communiquoit du gros nuage à la
terre. Elle étoit pourtant moins compacte &
d'une couleur plus blanche ; on auroit cru qu'elie
étoit plus légère à en juger par la façon dont le
vent la poulloit ; enfin , après avoir paffé fur les
villages de Clémency , Vifargent , Sens , Frangy
, &c . où elle a fait plus ou moins de dégât s
je la perdis totalement de vue , après l'avoir obfervée
pend n plus d'une demi heure .
J'ai appris depuis que ce redoutable météore
avoit été pouffé du côté du bourg de Salieres
en Franche - Comté , trois lieues environ plus au
nord que je ne l'avois jugé , & qu'il y a détruit'
pieleurs maifons , & abattu plus de deux cens
pieds de gros arbres . Une remarque importante
à faire , & qui me paroît confirmer l'opinion
où l'on eft aujourd'hui , que les Trombes &
les Typhons font des phénomènes électriques ,
( 125 )
c'est que pendant toute la durée de ce méteoré,
on vit dans l'air & fur la terre les flames bleuâtres
& légères , femblables à cés feux- folets ,
communs dans nos campagnes , fur tout le long
des rivieres.
Un particulier , qui demeure très - près de
l'endroit où s'est formé ce Typhon , m'a dit ,
qu'ayant voulu ouvrir fa porte , pour mieux ju
ger de la direction que prenoit l'orage , il avoit
vu toute la terre couverte d'un feu parfaitement
reffemblant á l'efprit- de-vin enflâmé : effrayé à
cet afpect , il fe renferma dans fa maifon , & on
n'ofa fortir que lorfque l'orage fut entierement
diffipé.
J'aurois été très - curieux de vérifier fi cette
Trombe avoit influé fur la végétation dans l'efpace
qu'elle a parcouru . Mais les jours fuivans
le temps a été fi mauvais qu'il ne m'a pas été
poffible de me fatisfaire à cet égard , ni de confirmer
par une nouvelle obfervation , celle de
M. Brillare , de l'Académie d'Arras , fur la Trombe
qui eut lieu le 31 Juillet 1777 , dans le voifinage
de la Baffée , ni les idées de M. l'Abbé
Bertholon , M. le Comte de la RODDE , Capitaine
de Cavalerie , au Château de Moncony , près Loubans
en Bourgogne.
Il eft dangereux de trop vanter des actes
de vertu , qui fouvent ne font que des actes
de devoir. A la vue de tout ce qu'on imprime
en ce genre , depuis quelques années ,
on doit être très -réfervé à ne pas laiffer croire
aux hommes , qu'ils font des modeles d'honnêteté
, parce qu'ils n'ont pas eu le coeur
mauvais ou froid : mais le trait que nous
allons rapporter , mérite à fon Auteur une
£ 3
( 126 )
eftime diftinguée , paifqu'il renferme un facrifice
aux intérêts perfonnels es plus chers.
Jacques Garnier , garçon auffi fage que laborieux
, âgé de 42 ans , né à Montbard en Bourgogne
, y poffédoit un petit bien de plus de
2000 liv. qu'il cultivoit de fes mains ; il habitoit
avec une foeur , l'exemple de fon fexe par
fa piété , fa modeftie , fa charité & la pureté de
fes meurs . Ils perdireur , il y a quelques années ,
Jeur jeune frere , qui laiffa en mourant cinq enfans
en bas âge. Jacques Garnier & fa foeur formerent
Ja réfolution de tenir lieu de pere & de mere à
leurs neveux orphelins. A cet effet , l'un & l'autre
fe font voués au célibat , & ont rempli envers leurs
pupiles tous les devoirs du pere & de la mere les
plus tendres. La fille Garnier , qui poffede un petit
héritage , a voulu imiter les nobles fentimens
de fon frere , en confacrant ſes revenus à l'éducation
de ces orphelins. Elle fupplée par un travail
affidu à ce qui lui manque du côté de la fortune ,
pour acquitter ce qu'elle regarde comme une
dette facrée. Les enfans devenant plus grands ,
les dépenfes qu'exige leur éducation plus confidérables
, Garnier a cru devoir augmenter les facrifices
; il vient de fe dépouiller de tout ce qu'il
poffédoit en faveur de les neveux , par un acte de
notoriété , en donne la jouiffance à la foeur pour
continuer la bonne oeuvre , & exige que fon bien
retournera à l'aîné des enfans , qui fait fon cours
d'humanité , & donne des espérances.
Le généreux Garnier ne s'eft réservé que le
travail : fe fentant encore affez de forces , il, a
quitté la mailon , fon pays , & s'eft rendu à Paris
pour y gagner fa fubfillance , & dans le but d'envoyer
quelques épargnes à fes enfans adoptifs .
Cet homme refpectable eft employé actuellement
( 127 )
aux travaux du Palais de Juftice , en qualité de
manouvrier ; c'eft dans cet état quil s'eft préfenté
à ina vue. Connoiffant les facultés , je fus étonné
de le trouver dans cet état , qu'il ennoblit par les
motifs qui le lui ont fait embraffer .
Avec tant de vertus , il a la modeftie de croire
qu'il n'a rien fait que de très- ordinaire. La Religion
dont Garnier eft animé entre pour beaucoup
dans les facrifices qu'il a fait . Il a toujours eu les
moeurs les plus pures ; il eft fobre , laborieux
intelligent & propre à différens ouvrages de la
ville & de la campagne. Comme cet homme m'a
prié de contribuer à lui procurer une place folide,
je m'emprefferois de répondre à fes defirs , fi je
reftois plus long- temps dans la capitale , & fi
j'avois plus de connoiffance.
$
Nous avons rendu un compte détaillé des
expériences du Chevalier Marco Barbaro ,
dans le Milanais . M. l'Abbé Teflier , de l'Académie
des Sciences , vient de communiquer
à l'Editeur d'une Feuille publique , une
lettre de M. Bagot , Médecin à S. Brieux ,
qui rend compte de fes fuccès dans le même
genre de la maniere fuivante.
Après avoir blâmé , avec raifon , la maniere
de chauler les grains employés dans fon pays ,
M. Bagot ajoute » J'en ai adopté une autre ,
» que je regarde comme infiniment meilleure ,
quoique je n'aie pu réuffir à la faire pratiquer
par mes Fermiers ni par mes voisins . Eile
> m'a été fuggérée par le hafard ; & je ne fuis
» pas affez vain pour vouloir infinuer que je
» la dois à mes propres réflexions . En 1774 ,
j'avois fait défricher un mauvais coin de landes ,
pour agrandir une prairie artificielle . Ce ter-
→ rein pouvoit contenir un demi - journal , c'eſt-
£ 4
( 128 )
2
à - dire , 18,040 pieds quarrés de furface . Plufieurs
labours à la beche & à la houe ayanɛ
été donnés en faifon , je comptois femer vers
la m. Obre deux boiffeaux de froment ,
pefint enfemble 80 livres . Dans ce moment
je fus obligé de partir pour une ville voifine ,
& je chargeai de ce foin un domeft que qui
m'avoit paru intelligent , en lui recomman-
» dant fur tout de bien chauler la femence.
» Soit qué cet homme m'entendit mal ou au-
» trement , à peine fus e parti qu'il jetta dans
une cuve quatre livres de chaux vive , quatre
feaux d'eau & les deux boiffeaux de femence ;
il mêla bien le tout avec une pele & le laiffa
cuver depuis dix heures du matin jufqu'au
lendemain 8 heures. Dans ce moment mon
» épouſe étant allée par hafard au jardin trouva
la cuve prefque pleine d'un bled fort gros ,
gonflé du double & prêt à crever . Elle crut
ce grain perdu , & tout de fuite le fit étendre
à l'air fur des draps . Quatre heures après ,
quand il fut un peu de feché & fufceptible
» de fe laiffer man er elle l'envoya femer. Etant
»arrivé quelques jours après , je trouvai mon
champ femé & mon grain levé . Il n'avoit été
» que quatre jou s en terre. Ce bied , quoique
dans un mauvais terrein , fe foutint très-bien
pentant l'hiver Ift conftamment beau tout
le tems qu'il fut en trre , & me donna une
» récolte de 52 boiffeaux , c'eft - à - dire , 16 pour
» un , d'un très beau froment. J'ai , depuis ,
» réitéré cette préparation avec un fuccès fatisfaifant
, &c.
و ر
Voici une autre recette moins fimple ;
mais d'une bien plus merveilleufe efficacité.
Jufqu'ici on avoit relégué parmi les ſpécifi(
129 )
ques des Charlatans les poudres de végéta
tion : les faits contenus dans la lettre fuivante
, font abſolument contraires à cette opinion
.
Je vous prie , Monfieur , de faire connoître au
public le résultat des expériences que j'ai fait
faire à Saint - Cloud par ordre de S. A. S. Mgr.
le Duc de Chartres .
Un ancien Cultivateur me fit voir au mois de
mars dernier , une poudre compofée des parties
les plus efficaces des meilleurs engrais connus
& m'ayant affuré que cette compofition délayée
dans l'eau , fuivant la méthode qu'il prefcrit ,
formoit un excellent bain pour faire tremper les
femences , de maniere qu'on pouvoit mettre en
terre moitié moins de grains , & cependant récol
ter un tiers de plus que par la méthode ordinaire
.
Accoutumé , comme je le fuis , à ne rejétter
aucune des idées qui peuvent tendre à l'utilité ,
je voulus vérifier moi- même , par une expérience
nouvelle & bien conftatée , l'effet de cette
poudre , déjà plufieurs fois éprouvé dans différens
terroirs ; il m'a paru en général qu'on pouvoit
réellement concentrer dans un très - petit
volume , les parties vraiment efficaces des engrais
ordinaires . Une très - groffe botte de paille
qu'on donne à des chevaux pour litiere , devient ,
dans la foffe d'un cultivateur qui la laiffe confommer
, une très- mince pelotte de bon fumier ,
& fans être profond Chymifte , on peut concevoir
que cette pelotte contient encore beaucoup
de parties qui ne fervent point à la puiffance
de l'engrais , fur tout étant répandues fur le fol
à une certaine diftance du grain fémé.
Cette fimple & claire theorie , me conduifoit
( 137 )
à regarder comme poffible qu'un grain de femence
, imprégné d'une leffive très- forte , faturée
des portions les plus efficaces des bons engrais
connus , fût capable de produire une récolte
plus fure & plus abondante.
En conséquence , après avoir pris les ordres
du Prince , je fis donner, à l'ancien cultivateur
une pièce de terre , fituée dans le parc de Saint-
' Cloud , qui contenoit 289 perches , & qui avoit
été préparée toute entiere par le même Laboureur
pour porter de l'avoine .
La premiere moitié de ce champ , contenant
140 perches & demie , mefurées par un Arpenteur
, fut enfemencée par la méthode ordinaire
de vingt & un boilleaux d'avoine .
Sur la feconde moitié de pareille continence ,
furent feniés dix boiffeaux & demi de la même
avoine , préparée par un bain de la poudre propofee.
Cette premiere opération fut conftatée par un
procès - verbal du fieur Leroux Notaire , affifté
d'un Arpenteur , de deux Laboureurs & autres
témoins ; ainfi la moitié de la femence fut épar-
- gnée.
La récolte a été faite le mercredi 18 Août
dernier , avec les mêmes formalités , en préfence
des premiers Experts , & de quelques nouveaux
témoins .
Les 21 boiffeaux femés dans la premiere moitié
, fuivant la méthode ordinaire , ont produit
foixante & dix boiffeaux & demi.
Les dix boiffeaux & demi de la feconde moitié ,
femés fuivant la méthode nouvelle , ont produit
108 boiffeaux trois quarts , ce qui fait beaucoup
plus d'un tiers en fus .
Ainfi par l'ancienne méth ode , la femence a
donné trois & demi pour un.
( 131 )
Par la nouvelle , elle a donné dix & trois
quarts pour un.
Tels font , Meffieurs , les faits bien conftatés
que je vous prie de faire connoître à vos Lecteurs.
Ils parlent affez d'eux mêmes pour n'avoir befoin
d'aucun commentaire . L'Abbé BAUDEAU .
La Société royale des Sciences de Montpellier
s'empreffe d'annoncer qu'un de fes Membres
M. Brouffonet fils , vient de lui remettre une
fomme de 300 liv . qu'il define à un prix académique
extraordinaire. Il propofe , pour le fujet
de ce prix , l'Eloge hiftorique de Pierre Richer de
Belleval , premier Profeffeur de Botanique & d'Anatomie
dans l'Univerfité de Méde ine de Montpellier.
Pierre Richer de Belleval , a été le reftaurateur
de la Botanique dans les Ecoles de Montpellier ;
il a employé toute fa fortune à la recherche des
plantes du bas Languedoc , & à un Ouvrage botanique
très- étendu , qu'il s'étoit propofé de
publier. Un grand nombre de gravûres en cuivre
, faites avec une exactitue inconnude avant
lui , & qui exiftent encore , devoient entrer dans
cet Ouvrage on a de lui en outre plufieurs
Ecrits imprimés fur la Botanique. La ville de
Montpellier lui doit l'établiffement de fon Jardin
Royal des plantes , qu'il fut chargé de conftruire
par ordre de Henri IV en 1598 , c'est - à - dire ,
28 ans avant la fondation de celui de Paris . La
difpofition de ce jardin , qui peut paffer pour un
modele en ce genre , eft une preuve non équivoque
des connoiffances en Botanique de fon fondateur.
L'Eloge qu'on demande ne doit point tenir
du panégyrique , ni de l'oraifon funebre. Ce
qu'on exige principalement , c'est l'analyſe rai
fonnée des Ouvrages de Richer de Belleval , avec
f 6
( 132 )
des détails exacts & intéreffans fur fa vie autant
qu'on aura pu en raffembler. L'hiſtoire des progrès
de la Botanique . en Languedoc , celle du
Jardin Royal des plantes , doivent néceffairement
former une partie de cet Eloge .
Toutes per'onnes , n'importe de quel pays &
de quelle condition , pourront travailler fur ce
fujer , & concourir pour le prix , même les Affociés
étrangers & les Correspondans de la Société
. Elle s'eft fait la loi d'exclûre du concours
les Académiciens regnicoles . Ceux qui compoferont
font invités à écrire en François ou en
Latin.
On adreffera les Ouvrages francs de port à
M. de Ratte , Secrétaire perpétuel de la Société
royale des Sciences à Montpellier , où on les
lui fera remettre .
Les Ouvrages feront reçus jufqu'au 30 Septembre
1785 inclufivement.
M. Houet , Peintre du Roi , vient de publier
la fuite de fon Voyage pittoresque de
la Sicile , de Malthe & de Lipari. Ce nou
veau travail eft digne des précédens , & fait
le plus grand honneur au talent , au goût de
Artifte , ainfi qu'à la fagacité avec laquelle
il a obfervé les objets dont il rend compte.
Rien de plus intéreffant que le fujet de ce
troifieme Chapitre & des planches qui le
décorent : il s'agit de la malheureuſe ville de
Melline.
La premiere Planche de ce Chapitre préſente la
vue de la Calabre , du Phare de Meffine & du Cap
Pélore. Elle fait aufli connoître la fituation de
quelques Villes de Calabre renversées par le
tremblement de terre de 1783. La feconde Planche
( 133 )
offre le plan du Détroit où Canal de Meffine : on
y voit les diftances qu'il y a de la Sicile à l'Italie ,
& les pofitions refpectives de Caribde & de Scylla ,
la fituation de Meffine , celle du Lac Pentane &·
du Cap Pélore. La troifieme Planche montre un
beau bas relief en marbre , que l'Auteur a vu
dans une Eglife de Meffine , & qui repréfente un
fujet très- curieux de la Religion des Anciens . On
voit dans la quatrieme Planche un autre bas relief,
repréſentant une Vendange. Ce fujet antique décore
une Fontaine de Meffine.
Le fujet de la cinquieme Planche eft un Simulacre
de l'Affomption , qui a plus de 50 pieds de
haut , & qui eft porté tous les ans par plus de
cent hommes à la Proceffion , le 15 Août : elle
contient quarante perſonnes vivantes qui font en
actions. La fixieme Planche offre en grand la
jeune fille qui dans la Machine repréfentée par
I'Eftampe précédente , joue le perfonnage de la
fainte Vierge. On la voit dans l'état où elle eft
après la Fête , & lorfqu'elle va quêter quelques
aumônes par toute la Ville. Dans cette même
Planche , & au- deffous de cette figure , eft le Plan
du Port & de la Ville de Meffine.
Le texte offre tous les détails néceffaires
fur les antiquités de Meffine , & fur les ufages
de fes habitans . On y trouvera entr'auttres
, une defcription très- curieufe de la fête
du Bara , dont ni M. Brydone , ni M. de ,
Ricdefel, ni M. Pilati n'avoient parlé. On
ne fe feroit point une idée jufte du fameux
canal de Meffine & de fes environs , fans
avoir vu la planche qui les repréfente . Le
prix de cette livraiſon eft de 12 liv . chez
P'Auteur , rue du Coq S. Honoré, près le café
des Arts.
1
( 134 )
Plan de la Bataille de Goudelour , donnée le 13
Juin 1783 , entre l'armée Françoife , commandée
par M. le Marquis de Buffy , Lieutenant -Général
des Armées du Roi , & l'armée Angloife , fous les
or ires du Général Stuart . Prix liv. 10 fols.
A Paris , chez Dezauche , Géographe , fucceffeur
des Sieurs Delifle & Phil. Bu che , premiers Géographes
du Roi , rue des Noyers.
"
Henri Aymer de la Chevalerie ; ancien
Capitaine de Cavalerie au régiment de
Beauvilliers , & Chevalier de S. Louis , vient
de mourir à Dôle en Franche -Comté. Il
étoit né en 1699 , le 18 ° . enfant du même
mariage fon frere jumeau eft mort il y a
quelques années : l'aîné de la famille a auffi
18 enfans d'un feul mariage , dont deux jumeaux
.
PAY S - B A S.
DE BRUXELLES , le 13 Septembre .
Le Prince de Ligne a fait la revue des
troupes en garnifon à Anvers , & vifita les
poftes voisins des forts , occupés par les
Hollandois fur le bord oriental de l'Eſcaut.
Le 23 de ce mois , M. le Comte de Belgiojofo ,
Miniftre plénipotentiaire de l'Empereur à Bruxelles
, a remis à MM. les Commiffaires de L. H. P.
un Mémoire contenant les dernieres intentions de
l'Empereur fur fes demandes & prétentions à la
charge de la République : ce Monarque , malgré
toute la justice & l'équité de fes prétentions , préférant
le bien de fes Sujets à fes propres intérêts
perfonnels , & defirant donner à L. H. P.
une marque fenfible de fes fentimens concilia(
135 )
"
-
toires , veut bien fe relâcher & fe défifter de toutes
fes demandes , tant pécuniaires que territoriales ,
moyennant que les Etats- Généraux conſentent à
l'ouverture & à la liberté de l'Eſcaut , ainsi qu'à la
démolition & évacuation des Forts Lillo , Lief
kenshoek , Kraifchans , & Frédéric · Henri ; qu'à
cette condition , l'Empereur renonce à fes droits
fur la ville de Maeftricht , le Pays de Vroonhoven ,
& autres Territoires mentionnés dans le tableau
Tommaire de les prétentions , & que par raport
aux limites , on prendra des arrangemens amiables
qui couperont racine à toute difcuffion u !-
térieure Que S. M. I. , ne doutant point que la
République n'accepte avec empreffement cette
condition & moyen définitif , l'Empereur regarde
dès ce moment & fans autre délai , l'Escaut
comme libre & ouvert , & va donner immédiatement
fes ordres en conféquence : en avertiſſant
férieufement les Etats Généraux que la moindre
réfiftance de leur part , la moindre attaque contraire
à cette difpofition fera regardée comme une
hoftilité marquée & comme une déclaration ouverte
de guerre. Auffi- tôt après la réception de ce
Mémoire , MM. les Commiffaires de la République
ont répondu provifoirement le même jour
dans un pro-mémoria fort court qu'ils déclaroient
au nom de la République qu'elle regardoit
le Traité de Munfter de 1648 comme la base de
fon indépendance & de fa sûreté , & que c'étoit
là-deffus qu'elle fondoit fes droits fur la fermeture
de l'Efsaut ; que d'ailleurs ils demandoient le tems
néceffaire felon la conftitution des Provinces .
pour qu'il fût delibéré fur ce Mémoire , en ajoutant
qu'ils efpéroient peu de telles conditions ;
mais qu'en attendant , pour leur décharge & pour
celle de la République , ils déclaroient que s'il
'arrivoit quelque événement fâcheux par trop de
2
( 136 )
promptitude de la part du Gouvernement-géné
ral des Pays-Bas Autrichiens , les Etats - Généraux
n'en feroient regardés comme caufe aggreffoire .
Cette réponſe ayant été remife le même jour à
M. le Comte de Belgiojofo , ce Miniftre promit
d'avoir égard pendant quelque tems aux raiſons
qu'elle contenoit relativement à la conftitution
des Etats-Généraux , mais ne cacha point que fes
inftructions portoient qu'il devoit agir fans délai ,
conformément aux intentions de fon Maître.
Ainfi que nous l'avons fait précédemment
pour l'Irlande , quelques lecteurs nous fauront
peut-être gré de leur préfenter en raccourci
une fuite de faits hiftoriques , relatifs
à cet efclavage du commerce des Pays -Bas.
Depuis la paix de Munter , les Pays- Bas n'ont
préfenté que les raines de leur ancienne profpérité.
Lorsqu'on parcourt ces belles Cités , jadis
peuplées d'artifans industrieux , ces magnifiques
demeures du négɔce , où fe rendoient toutes les
marchandifes , tous les Facteurs de l'Europe ,
ce fleuve captif délaiffé de fes nombreux Navigateurs
, on n'eft pas étonné des efforts que
peut infpirer le fouvenir de cette fplendeur. Ce
font toujours ces Flamands , bons , patiens , laborieux
, économes ; ils n'ont pas fouffert une
feule perte de la part de la nature .
L'époque du déclin de ces Provinces & fon
origine font remarquables . A la douleur d'une
réfiftance infructueufe fe joignit , au feizieme
fiecle , celle de voir fept de leurs Confédérées
échapper à la tyrannie , & fonder un Empire fur
les débris des dix Etats humiliés. La Cour d'Efpagne
pirur les oublier à Manfter , & céda à la
Holland révoltée avec fuccès , l'opulence & les
reflources des Pays-Bas reftés fideles .
( 137 )

Cette ftipulation les bannit du commerce des
Indes Orientales ; toutes les embouchures de
P'Efcaut leur furent interdites .
Depuis la paix de Weftphalie , la rivalité de
la maifon d'Autriche avec la France , ayant attaché
la premiere à l'Angletere & à la Hollande
, les Pays - Bas furent oubliés . Ce fut le
Prince Eugene qui le premier reveilla l'attention
de la Cour de Vienne . Deux vaiffeaux fortirent
d'Oftende pour le Coromandel & en revinrent enrichis
: cet effai ranima l'éinularion Flamande
de nouveaux voyages profpérerent comme les
premiers. Les Actionnaires de rerte Compagnie
naiffante obtinrent de Charles VI un otro en
forme qui devoit confolider l'établilfement . Déjà
la réputation de la Compagnie s'afferm ffoit ; fes
actions jouilloient d'un cours avantageux ; fes
entrepôts dans l'Inde étoient fixés , & fès achats
nombreux , lorsqu'une nouvelle fingularité de
la politique vint renverser l'édifice .
La Grande - Bretagne & tes Provinces - Unies
furent follicitées par Charles VI de garantir la
Pragmatique - Sanction , cette ftipulation de la nature
, pour laquelle un Empereur étoit obligé
de confulter l'Europe. Les Garants exigerent la
fuppreffion de la Compagnie d'Oftende ; elle fat
fupprimée. On cita le Traité de Munter , ratifié
par celui d'Utrecht; mais lorsqu'on obligea le
Roi de Dannemarc à facrifier auffi la Compagnie
d'Altona , on ne lui avoit oppofé que les regies de
la bonne amitié & de la bonne intelligence.
Depuis 1727 , époque de l'aferviffement
d'Oftende , la Compagnie des Indes refta anéantie
, fes débris pafferent à Stockolm , à Copenhague
, à Trieste , où l'on a tenté vainement de
lui redonner un domicile.
En 1781 , époque où toute l'Europe parloit de
( 138 )
la liberté des mers , du commerce , de la na
vigation , Anvers préfenta une Requête au Souverain
pour lui rappeller que l'Escaut n'étoit
pas libre .
A la découverte des deux Indes , la Cour de
Madrid en avoit interdit la navigation à tous les
Espagnols , excepté aux Caftillans . L'Archiduc
Albert , en prenant poffeffion des Pays - Bas , en
1598 , fut obligé de priver fes nouveaux sujets
de ce commerce. Les Flamands protesterent avec
la plus grande force contre cette exclufion ;
mais les circonftances firent oublier leurs droits.
Lorfque Charles VI , hérita des Pays - Bas , il
confirma cet aviliffement , & il fut rég é
Jes Traités d'Utrecht & d'Anvers , qu'il poffede-.
roit les Pays-Bas aux mêmes titres & aux mêmes
réferves auxquels Charles VI les avoit poffé dés.
Refte à favoir , fi malgré ces privileges , malgré
les plaintes & les réclamations des Flamands , leurs
Souverains étoient les maîtres de céder à d'autres
Puiffances la navigation de l'Escaut & celle aux
Indes Orientales.
Par
Les Etats -Généraux viennent de répondre
au Roi de Pruffe , en fe retranchant fur
les formes de la Conftitution , & fur leur
douleur des troubles de la République . Cette
réponſe a été même publique , avant d'avoir
été expédiée .
Les autres Provinces font aujourd'hui
faifies de la réfolution des Etats de Hollande
, à l'égard de M. le Duc de Brunfwick.
Il n'eft pas befoin de dire que celle de
Frife y a accédé : Gueldres & Utrecht ont
été moins preffées , & ont remis leur délibération.
On dit que M, le Duc de Brunſwick
( 139 )
a écrit aux Etats de cette derniere Province ,
pour leur demander de lui laiffer ouverte la
voie de defenfe devant la Généralité , afin qu'il
ne foit pas condamné , fans étre entendu , &
privé feul d'un droit inviolable dans une Répu
blique libre.
L'Amiral Reynft eft arrivé à Middelbourg,
& a arboré fon pavillon fur la Libérté , de
74 canons.
L'efpace nous ayant manqué jufqu'à ce
jour , pour donner le précis du projet d'alliance
entre la France & la Hollande , tel
qu'il fe trouve dans le papier Hollandois ,
nous allons réparer cette omiffion.
ARTICLE I. Il y aura une amitié & union finceres
& conftantes entre S. M. T. C. , fes héritiers
& fucceffeurs , & les P. U. des P. B. Les hautes
parties contractantes apporteront en conféquence
Ja plus grande attention à maintenir entre elles &
leurs Etats & fujets refpectifs , une amitié & bonne
correspondance réciproques , fans permettre
que de part ni d'autre on commette aucune forte
d'hoftilité , pour quelque caufe ou fous quelque
prétexte que ce puiffe être ; en évitant tout ce qui
pourroit à l'avenir altérer l'union & la bonne intelligence
heureufement établies entre elles ; &
en donnant au contraire tous leurs foins à procurer
, en toute occafion , leur utilité , honneur &
avantage mutuels .
II . Le Roi T. C. & les Seign . E. G. fe promettent
de contribuer autant qu'il fera en leur pouvoir
, à leur sûreté reſpective ; dè ſe maintenir &
conferver mutuellement la tranquillité , paix &
neutralité , ainfi que la poffeffion actuelle de tous
leurs Etats , Domaines , franchifes & libertés ; &
( 140 )
de ſe préſerver l'un l'autre de toute agreffion hoftile
, dans quel que partie du monde que ce puiffe
être.
III . En conféquence de l'engagement contracté
par l'art . précédent , les deux haute parties contractantes
travailleront toujours de concer: pour le
maintien de la paix , & dans le cas où l'une d'elles
feroit menacée d'une attaque , l'autre emploiera
Les bons offices pour prévenir les hoftilités , & ramener
les chofes dans la voie de la conciliation.
IV. Mais fi les bons offices ci - deflus énoncés
n'ont pas l'effet defiré , dans ce cas S M. T. C. &
L. H. P. s'obligent des à - préfent à fe fecourir mutuellement
rant par terre quear mer. Pour quel
effet le Roi T. C. fournira à la République... hommes
d'Infanterie , .... de Cavalerie , ... Vailleaux
de ligne & Frégates ; & L. H. P. dans le cas d'une
attaque du terriroire François , fourniront ....
Vaiffeaux de ligne & .... Frégates. Les E. G. fourniront
leur contingent de troupes en argent , lequel
fera évalué par un art, ou convention féparée ,
à moins qu'ils ne préferent de le fournir en nature;
l'évaluation fe fera fur le pied fuivant favoir ,
hommes d'Infanterie & de Cavalerie ....
V. L. puiſſance qui fournira , ſoit en Vaiffeaux '
& Frégates, foit en troupes , les paiera & entretien
dra par tout où fon allié les fera agir ; & la puiffance
requérante fera obligée , foit que lesdits Vaiffeaux,
Frégates & troupesreftent peu ou long- tems
dans les ports, de les faire pourvoir de tout ce dont
ils auront befoin , au même prix , que s'ils lui appartenoient
en propriété . Il a été convenu que dans
aucun cas lefdites troupes ou Vaiffeaux ne pourront
être à la charge de la partie requérante , &
qu'ils demeureront néanmoins à fa difpofition pendant
toute la durée de la guerre , dans laquelle elle
fe trouvera engagée.
( 141 )
VI Le Roi T. C. & les Sgrs . E. G. s'obligent
à tenir complets & bien armés les Vailleaux & Frégates
& les troupes qu'ils fourniront réciproquement
; de forte qu'auffi - tôt que la puiflance requife
aura fourni les fecours ftipulés par 1 art. IV. ,
elle fera armer dans les ports un nombre fuffifant
de Vaiffeaux pour remplacer fur le champ ceux
qui pourroient etre perdus par les événemens de
la guerre & de la mer .
VII. Dans le cas que les fecours ftipulés ci - deffus
ne feroient pas fuffifans pour la défenſe de la puif-
Lance requérante , & pour lui procurer une paix
convenable , la puiffance requite les augmentera
fucceffivement felon les bafoins de fon allié . Elle
l'affiftera même de toutes les forces , fi les circonftances
le requierent ; mais il eft convenu expreffément
que dans tous les cas le contingent desSgrs.
E. G. en troupes de terre n'excédera pas l'évaluation
de hommes d'Infanterie & de hommes
de Cavalerie ; & la réſerve faite dans l'art . IV . en
faveur des Sgrs . E. G. à l'égard des troupes de
terre aura fon application .
1
....
VIII. Lorsqu'il fe déclarera une guerre mariti
me à laquelle les deux hautes parties contractantes
ne prendront aucune part , elles fe garantirot
mutuellement la liberté des mers , conformémert
au principe qui veut que le pavillon ami fauve ' a
marchandife ennemie, fauftoutefois les exceptions
énoncées dans Part . 19 & 20 du Traité de Com
merce, figné à Utrecht , le 11 Avril 1713 entre la
France & les P. U. , lefquels articles auront la
même force & valeur que s'ils étoient inférés mot
à mot dans le préfent Traité .
IX. Si ( ce qu'à Dieu ne plaife ) , l'une des deux
parties contractantes fe trouve engagée dans une
guerre , à laquelle l'autre fe trouvera dans le cas વે
de prendre une part directe , elles concertéront
( 142 )
entre elles les opérations qu'il conviendra de faire
pour nuire à l'ennemi commun , & pour obliger à
faire la paix ; & elles ne pourront défarmer , faire
ou recevoir les propofitions de paix ou de treve
que d'un commun accord.
X. Les deux hautes parties contractantes s'oblid'entretenir
en tout tems leurs forces en bon
gent
état, 5 elles auront la faculté de fe demander récipro
quement tous les éclairciffemens qu'elles pourront defi
rer à cet égard; elles fe confieront également l'état
de défen e où le trouveront leurs établiffemens
militaires dans toutes les parties du monde , &
concerteront entre elles les moyens d'y pourvoir .
XI. Les deux hautes parties contractantes fe
communiqueront de bonne foi les engagemens
qui peuvent exifter entre elles & d'autres Puiffances
de l'Europe , lefquels doivent demeurer dans
toute leur intégrité ; & elles fe promettent de ne
contracter à l'avenir aucune alliance & aucun engagement
de quelque nature qu'ils puiffent être ,
qui feroient contraires dire @ement ou indire&ement
au préfent Traité.
XII. L'objet du prétent Traité étant non - feulement
la sûreté & la tranquillité des deux hautes
puiflances ; mais auffi le maintien de la paix générale
, S. M. T. C. & L. H. P. fe font réservées la
liberté d'appeller de concert celles des Puiflances
qu'elles jugeront à propos , à participer & à accéder
au pretent Traité.
XIII. Pour d'autant mieux cimenter la bonne
correfpondance & l'union entre les Nations Françoife
& Hollandoife , il eft convenu , en attendant
que les deux hautes parties contra&ames faffent
entre elles un Traité de Commerce , que les Sujets
de la République feront traités en France relativement
au Commerce & à la Navigation, comme
La Nation la plus favoritée ; il en fera ufé de même
( 143 )
dans les P. U. à l'égard des Sujets de S. M. T. C:
Caufe extraite du Journal des caufes célébres [ 1 ] .
Accufation de Viol.
Dans un fiécle corrompu , le vice impudent
cherche à répandre le ridicule fur les crimes qu'il
enfante . Parmi les délits que le libertinage inf
pire , le viol eft un de ceux fur lefquels il ofe
plaifanter le plus ordinairement. De là eft née
cette opinion infultante pour les femmes : eft- ce
qu'on croit au viol , difent les débauchés ? Oui ,
l'on y croit , lorsqu'il eft prouvé , & les loix puniffent
de mort celui qui en eft coupable.
Ce crime n'eft pas commun dans les grandes
villes , où la prostitution eft regardée comme un
mal néceffaire ; mais dans les campagnes , il fe
rencontre encore des monftres qui olent attaquer
la vertu timide. On en trouvera un exemple dan's
le Procès fuivant.
Une jeune fille , nommée Je inne Delafte , avoit
reçu de la nature , pour fon malheur , ces chatmes
& cette fraîcheur qui infpirent des paffions .
Quoique pauvre & dans l'âge des foibleffes , elle
avoit confervé fa vertu ; on la citoit comme un
modele de fageffe . S'il y eût eu , dans la Paroiffe
qu'elle habitoit , un de ces établiffemens qui honorent
l'humanité en récompenfant les moeurs ,
elle auroit obtenu certainement une des couronnés
deftinées à la vertu ; mais l'infortunée devoit
éprouver un autre fort : fa beauté funefte devoit
[1] On fcuferit en tout temps pour le Journal des
Caufes célebres , chez M. Defellarts , Avocat , rre Dau
phine , Hôtel de Mouy , & chez Mérigot le jeune , Libraire ,
Quai des Auguftins. Pux , 18 liv. pour Paris , & 14 liv,
pour la Province,
( 144 )
re , pour elle , une fource intariffable de larmes.
Depuis ong- tems un jeune homme , fils d'un
laboureur de la Paroiffe d'Auzon , nommé Benoît
Bard , pourfuivoit cette fille. Ce jeune homme ,
né avec un tempéramment brutal , n'ayant pu
réuffir à l'éduire l'objet de fes defirs , réfolut d'employer
la violence pour fatisfaire fa paffion. Sachant
que la fille Delafte conduifoit le troupeau
confié à fa garde , dans un pâcage éloigné du
village , il faifit un moment où il n'apperçut aucun
laboureur dans les champs voifins , pour obten
r ce qu'elle lui avoit toujours refufé. Ce jeune
débauché aborda la malheureuſe victime de fa
luxure avec un air menaçant. Il lui dit , en proférant
les juremens les plus affreux , qu'il lui
donneroit la mort , fi elle ne confentoit pas à
fatisfaire fon infâme paffion . Ayant trouvé , dans
la bergere , le même courage à défendre ſa vertu,
voyant décidée à fouffrir plutôt la mort que
de permettre que lon innocence fût fouillée , il
la faifit , l'excéda de coups & la terrafla. L'infortunée
ayant alors perdu l'ufage de les fens , le
villageois brutal affouvit fa féroce paffion . Aufli
tôt qu'elle fut revenue à elle - même , elle fit retentir
l'air de fes cris . Des laboureurs accoururent
& trouverent le fcélérat qui infultoit encore la
victime de fa brutalité , Indignés d'une conduite
auffi odieuſe , ils accompagnerent la malheureuſe
bergere chez le vengeur public , qui rendit , fur
le champ , plainte contre le coupable . Sur l'information
, il fut décrété de prife de corps , &«.
fur les preuves qui en résulterent , condamné par
les Juges de la Sénéchauffée de Riom à être pendu .
Par Arrêt du 19 Avril 1780 , la Sentence des premiers
Juges a été confirmée , & Benoit Bard a été
renvoyé à Riom pour y fubir la peine prononcée
contre lui.
la
JOURNAL POLITIQUE
DE BRUXELLES.
TURQUI E.
DE CONSTANTINOPLE , le 12 Août.
E Pacha de Choczim a été étranglé le
Lois dernier,oclatête expofée devant
le Serrail , par ordre de S. H. On reprochoit
à ce Gouverneur des vexations & des imprudences
, dont on vient de faire brufque
juſtice.
Elle a été auffi rendue felon des lettres de
Bagdat , au Pacha de cette ville. Le peuple
indigné l'a attaqué dans fon propre Palais :
après une réfiſtance de quatre heures , ce
Gouverneur , travefti en femme , fe réfugia
chez un pêcheur : les Janiffaires l'y ayant
découvert , le ramenerent à la fortereffe, où
le cordon fatal termina la tragédie. Depuis
ce châtiment , le calme regne dans Bagdat.
Ali -Pacha , originaire de Perfe , a été remplacé
par deux Gouverneurs du choix des
Infurgens , & qui commandent par interim.
N°. 39 , 25 Septembre 1784. g
( 146 )
Le 1 de ce mois , il fe déclara un incendie
dans le quatier des Juifs , & qui dura 27
heures. 12000 maifons ont été confumées.
Malgré la préfence & les dons du Grand-
Seigneur, les Janiffaires ont prêté leur fe-
Cours avec la plus grande molleffe . Si l'incendie
a été arrêté , on le doit aux Grecs qui
cherchoient à fauver le Palais de leur Patriarche
, & d'autres édifices , appartenant à
leur nation. Prefqu'en même temps Andrinople
a été réduite en cendres. Le 19 Juillet,
la ville d'Erzerum, & non Arfindschan , comme
l'ont rapporté les Gazettes , a été engloutie
par un tremblement de terre,
POLOGNE.
DE VARSOVIE , le 28 Août.
LeRoivient de partir pour affifterà la Diete
de Grodno , & traverfera Pinn & Nieswitz.
Au premier de ces lieux , il verra le canal
d'Oginski , qui prépare la réunion de la mer
Noire avec la Baltique : le fecond eſt un
Duché appartenant au Prince Radziwill ?
Palatin de Wilna , à qui le Roi fe propofe de
faire une vifite. La Diete s'ouvrira le lundi
après la S. Michel .
On remarque qu'il n'eft indiqué aucun
point de délibération dans les Univerfaux
quoique cette formalité leur foit effentielle.
Cette omiffion a fait foupçonner qu'on fe
Fontenteroit d'ouvrir la Dięte , pour la limi̟-
( 147 )
4
ter d'abord , & pour la tranſporter à Varfovie
, ce dont les regnes précédens offrent des
exemples. Il eft plus probable qu'on y traitera
d'affaires très-importantes , & qu'elles y
feront propofées tout de fuite , fans être arrêtées
par les objets qu'euffent indiqué les
Univerfaux. Il eft queftion , à ce qu'on croit ,
de fixer la fucceffion du Duché de Courlande.
On nomme pour candidats le Prince
de Wirtemberg , Gouverneur de Finlande
le Prince Potemkin , & le Prince Stanislas
Poniatowski , neveu du Roi. Il eft incertain
encore fi le Prince Charles Biron , frere
du Duc regnant , & le Prince Charles de
Saxe, qui a déjà regné fur la Courlande , feront
fur les rangs.
Le bruit fe répand toujours qu'il y aura
des troupes Ruffes en Lithuanie pendant la
Diete. L'Ambaffadeur de Ruffie & le Réfident
de Pruffe font les feuls Miniftres , à ce
qu'on prétend , qui y affifteront.
Le Prince Louis de Wirtemberg eft arrivé
ici on le dit deftiné à la Princeffe , fille du
Prince Adam Czartoriski.
ALLEMAGNE.
DE HAMBOURG , le 2 Septembre.
Dans le mois de Juin , on comptoit a
Elbing 70 bâtimens qui prenoient leurs cargaifons.
Le commerce de Memel eft encore
plus actif; 300 navires de différentes
g 2
( 148 )
6
nations fe trouvoient dans ce port au mois
de Mai .
Autrefois les peuples du Nord ne buvoient pas
de vin ; ils fe contentoient pour leurs boiffons ,
de l'eau , de la bierre & de l'hydromel ; mais le
temps a tout changé ; aujourd'hui ils boivent du
vin , & l'ufage de l'hydromel eft entiérement
tombé. En 1779 , le vin de Bordeaux a coûté à
la Suède 156 , 394 rixdalers , & celui du Rhin
9 , 725 rixdalers ; fi on ajoute à ces vins les au
tres vins & les liqueurs de l'étranger ,, & que
l'on confidere que les Suédois aiment beaucoup
à édulcorer le vin avec du fucre , on ne croit pas
s'éloigner de la vérité en affurant que les boiffons
étrangeres coûtent annuellement à la Suède la
fomnie de 402 , 200 rixdalers de Suède.
+
Un Auteur Suédois , qui a rédigé des tableaux
de comparaifon de la culture du bled en Suède ,
a prouvé que , fur dix bonnes moiffons , il y en
en
avoit au moins deux à trois mauvaiſes , & il
conclud qu'il eft de la dernière néceffité d'établir
en Suède des magafins de bled pour en prévenir
la difette. FAR
On voit par une lifte qui paroît faite avec
exactitude , que les revenus du Duché de
Poméranie & de la principauté de Rügen ,
appartenant à la Couronne de Suede , fe
montoient dans l'année 1781 à 234,281
rixdalers & 44 Thellings , & les dépenfes à
199,489 rixdalers & 27 un quart fchellings ;
ainfi les revenus excédoient les dépenfes de
34,792 rixdalers & 16 trois quarts fchellings.
Des Enigmes ont occupé cette année une partie
du Public en Allemagne. C'est au mois de
Février qu'on commença à répandre , dans quelques
petites feuilles deftinées à la populace , une
149 )
Enigme qu'on attribua d'abord à un Prince Alle
mand d'autres la donnerent á M. de Goethe ,
un des écrivains les plus célebres de
contrée
, & Confeiller privé du Duc de cette
thei
mar. On avoit ajouté , en publiant F'Enigme ,
que celui qui la réfoudroit , recevroit un prix
de trente louis . Les poftes furent furchargées de
Lous côtés de lettres qui contenoient de prétendues
folutions. Un Confeiller du Confiftoire de
Berlin , M. Gedike , reçut ( fans doute á caufe
de la conformité de fon nom avec celui de
Goethe , prétendu inventeur ) un fi grand nombre
de lettres avec des folutions , un feul jour
de poffe fix a - la-fois avec l'épigraphe citò ) qu'il
fur obligé de faire p
publier un avis où il défavouoit
l'Enigme & le prix propoſe . On proteſta
auffi à Weimar contre P'honneur de cette invention.
Bientôt après , il fut queftion d'une autre
Enigme , dont le prix devoit être quatre mille
ducars . On répandit en même temps qu'une Académie
Hollandoife propofoit ce concours , & que
la folution fe trouvoit déposée & cachetée à l'A.
cadémie de Berlin , qui l'enverroit à une époque
fixe à toutes les Académies de l'Europe. Cela
occafionna un nouveau déluge de lettres ; on
prétend qu'on en écrivit même immédiatement
au Roi de Pruffe . Pour cette derniere Enigme ,
-on entreprit des voyages. Un Forgeron d'Op
penheim près du Rhin ) vint à Berlin
& fit une vifite à M. Gedike ; il avoit abandonné
dans le temps de l'inondation , fes outils ,
fa femme & fes enfans , & croyoit réfoudre le
grand problêine moyennant l'Apocalypfe . Les
explications étoient plus ridicules les unes que
les autres. Des gens de la plus haute condition
s'en font mêlés. Il eft vraisemblable que ces
Enigmes n'avoient point de folution , & qu'un
a
g3
( 150 )
plaifant a voulu jouer le Public ; pour prou
ver qu'il n'eft pas encore temps de crier contre
le trop de lumieres. Peut - être auffi certaines gens
qui , depuis quelques années , répandent métho
diquement des idées creufes dans toute l'Europe .
& qui font revivre avec tant de fuccès les hiftoires
des revenans , de la magie , de la pierre philofo
phale,ont lâché ces Enigmes ,pour voir jufqu'où on
avoit déja conduir , & jufqu'où l'on pourroit con
duire dans la fuite un public fi crédule. Plufieurs des
dipes ont trouvé dans ces Enigmes la pierre
philofophale , le rétabliſſement de la Religion
chrétienne , le règne de mille ans , une exhortation
au Roi de P. de rétablir le regne de
J. C. & c.
Un Ballon aëroftatique, lancé par le Doc
teur Grafmon à Bortzenbourg , dans le Duché
de Mecklenbourg , le 9 Juillet , à &
heures du matin , eft tombé en Séelande , à
2 heures & demi. Ceft donc un aëroſtat
Germanique , qui le premier , grace au vent ,
a traverfé la mer.
On trouve les particularités fuivantes dans
une lettre d'un Officier Allemand , écrite de
Madras , le 14 Avril 1784.
Le Miffionnaire Allemand Schwarz du pays
de Magdebourg , qui demeure à Madrats , a été
employé dans les négociations de la paix conclue
entre les Anglois & Tippoo - Saib. Ce n'eft pas la
premiere fois qu'on s'eft fervi de ce Miffionnaire
, réfident dans ces Indes depuis 40 ans
& eftimé généralement. Il poffede les langues
du pays , & le caractere des Princes lui eft trèsbien
connu. Un jour , en fa préſence , Haider
Ali fit châtier corporellement fon fils Tippoo
( 151 )
Baib déja Général , non que ce Prince eût com
mis une faute grave , mais pour amufer le MiG
fionnaire , en lui donnant une idée du pouvoir
les plus illimité . Tippoo s'eft fouvenu de la
chaleur avec laquelle Schwarz intercéda pour
lui , & lui a voué une affection particuliere . Selon
la même lettre , l'hiver aux Indes a été plus
rude qu'aucun de ceux dont on fe fouvienne. Il
eft très remarquable que la même obſervation
ait eu lieu en Amérique.
DE BERLIN , le 2 Septembre.
Le 1 de ce mois , le Roi eft revenu ici de
la Siléfie avec le Prince de Pruffe. Nous
avons auffi le Duc & la Ducheffe de Courlande
, & il n'eft pas certain qu'ils paffent
en Italie , comme on l'a préfumé.
La femme d'un foldat , du régiment de
Braun, vient d'accoucher de trois garçons ,
tous bien portans.
Le Roi de Pruffe ordonna à fon grand Chan
celier le Baron de Carmer , par un ordre du
Cabinet du 14 Avriill 1780 , qui dans le temps a
paru dans les papiers publics , de faire un Code
général fubfidiaire pour tous les Etats Pruffiens.
M. de Carmer vient de publier le premier vol .
de ce Code , mais feulement en forme de Projet.
Il demande les avis des Philofophes & des Jurif
confultes , & propofe même des prix pour ceux
qui enverront les meilleures remarques , tant fur
l'ensemble que fur chaque chapitre. Ce premier
volume concerne l'état domeftique , & contient
les droits & obligations des gens mariés , des
peres & des enfans , des maîtres & des domefti
ques. Ce qu'il y a fur- tout de remarquable ,
8 4
(( 152 )
c'eft la légalifation du concubinage , fous le titre
de mariage civil . Nous entrerons par la fuite dans
quelques détails fur cet intéreffant Projet.
DE VIENNE , le 7 Septembre.
Le 26 du mois dernier, FEmpereur , accompagné
du Général de Browne , eſt parti
pour affifter anx manoeuvres des troupes raffemblées
au camp de Turras. Le Prince
Evêque d'Ofnabruck s'y eft aufli rendu.
I
On travaille avec activité à régler les douanes.
Le 1 de Décembre on défendra encore
l'importation de 62 articles de marchandifest
Comme le fel & le tabac; le fel fe vendra
dans des dépôts fixés , par demi- once , &
déjà brûlé. Les frontieres feront garnies d'un
cordon , indépendamment des poftes militaires
déjà exiftans , toute contrebande prouvée
fera punie par une captivité perpétuelle
dans la Maifon de force , ou par les galeres.
On eftime les biens des Prémontrés qui
viennent d'être fupprimés , 5 millions de flo
rins. La table du Couvent , à ce qu'on rap
porte , coûtoit par an 25000 florins.
Par une réfolution de la Cour , les Seigneurs
perdent la jurifdiction fupérieure &
criminelle , qui dorénavant fera exercée par
fes Bailliages du cercle . Le fort des Emploiés
dans tous les départemens eft auffi arrêté.
Le nombre de ces Officiers & leurs honoraires
font fixés , & ces derniers augmentés à
peu près du double,
20
( ( 453) )
Il eft queſtion de conftruire une nouvelle
fortereffe fur les frontieres de la Siléfie , près
de Zuckmautel. Le camp de Bohêine fera de
40 mille hommes ; l'artillerie y a déjà commencé
fes exercices .
On avoit placé au cette ville un pote imetiere de S. Etienne en
, pour y dépofer des Aumônes.
Pour mieux exciter la charité , on y
avoit attaché un tableau , où fe trouvoient repréfentées
des perfonnes des deux fexes dans les
flammes du Purgatoire , & implorant l'affiftance
des Fideles ; mais fur le champ la Commiffion
cléfiaftique a fait enlever cette image.
ec-

Le Réglement de l'Empereur concernant
l'introduction de la langue Allemande en
Hongrie , y a caufé beaucoup de mécontentement.
On prétend qu'il y aura à ce fujet
, une députation au Souverain , pour lui
faire des repréſentations verbales ; celles par
écrit étant interdites. Les Hongrois ayant
paru craindre que par l'effet de ce changement
, on ne donnât les emplois à des Allemands
, S. M. I. les a raffurés par un Decret
, où elle protefte n'avoir aucunes vues
femblables. Voici quelques détails avérés fur
le jeune Prince François Jofeph de Toſcane ,
aujourd'hui fixé dans cette Réfidence.
** Il est né le 12 Février 1760. En fortant des
mains des femmes , on choifit pour fon ggouver
neur le Comte François de Colloredo , diftingué
par les connoillances & par les vertus. Ce Seigneur
eut le même, emploi auprès des autres
Princes de Tofcane. Ils furent élevés enfemble par
8 S
( 154 )
J
les mêmes maîtres. M. Louis inftruifit l'Archi
duc dans la grammaire , l'hiftoire & la géogra
phie ; le célèbre Abbé Fontana dans la phi
lofophie , & particuliérement dans la phyfique.
Pour converfer , l'Abbé Bandini , Bibliothécaire
de la bibliothèque Laurentienne , vint le voir
tous les jours. M. Pazzaglia lui apprit la mufique."
Dès fon enfance , le jeune Prince montra de
l'intelligence & de l'application . Il ſe diſtingua
par un caractere doux , refpectueux envers fes
parens & les maîtres , tendre envers fes frères
Dès que l'Empereur a été parvenu au trône ,
il a déclaré à fon frere le grand - Duc qu'il ne fe
marieroit plus , qu'il deftinoit fon fils aîné à lui
fuccéder , & qu'il feroit achever fon éducation
fous les yeux. La fucceffion immédiate du jeune
Prince occafionna beaucoup de négociations : on
ne fait pas encore exactement quelle en a été
l'iffue. On croit que le voyage de l'Archiduc
François a été retardé à caufe de ces différends.
On prétend actuellement que les deux freres fe
font réunis fur les mesures à prendre & fur la
deftination du Prince Le Comte de Colloredo a
été déclaré fon premier gouverneur ou grandmaître.
En partant pour Vienne , l'Archiduc fit
des préfens a les freres & foeurs & à fes inftituteurs.
Le Marquis Lambertini & M. Rollin ,
Lieutenans -Colonels des Chevaux- Légers , l'accompagnent
toujours & l'inftruifent dans l'Art
militaire. L'Archivaire Schmidt l'inftruit dans
l'hiftoire ; M. Schloifsnien dans la jurifprudence,
M. Bourgeois dans le génie. L'Empereur a laiffé.
le Prince lui-même faire les partages de fa journée.
Il paroît d'une conftitution un peu foible ;
maigre , blond , bien fait d'ailleurs & d'une
heureufe physionomie. Il parle avec la plus grande
facilité l'italien , le françois & l'allemand.
( ass )
Toutes les inftructions , il les reçoit actuellement
dans cette dernière langue. Il a beaucoup de
lecture pour fon âge , & fait honneur aux inftituteurs
qu'il a eus jufqu'ici. Il n'a pas feulement
lu la plus grande partie des anciens hifloriens.
claffiques , grecs & romains , en tout ou par extrait
; mais il eft auffi familiarifé avec beaucoup
de bons Auteurs modernes , fur - tout en hiftoire.
Il porte dans fes études de l'attention , comprend
facilement , & montre de la jufteffe dans
fes jugemens. Le caractère de fon coeur eft la
douceur & la bonté en voici un trait . Avant
le départ de fon pere , l'Empereur lui avoit fais.
un préfent de quelques centaines de ducats ; il
demanda à fon oncle la permiffion d'en difpofer
à volonté ; l'ayant obtenue , il les envoya à ceux
qui l'avoient fervi à Florence , & auxquels , en
partant , il ne croyoit pas avoir affez marqué fa
reconnoifiance. Il a eu beaucoup de peine à
fe féparer de fon pere. L'Empereur l'aime comme
fon fils , & cherche à le dédommager de ces
qu'il a perdu en quittant la Toſcane.
DE FRANCFORT , le 3 Septembre.
"
L'Electeur de Cologne a défendu le paffage
de fes Etats aux recrues que font les
Hollandois en Allemagne. Leur armée fouf-)
fre beaucoup de la défertion ; & il lui manque
au moins sooo hommes pour être complette.
Il y a eu cette année beaucoup d'émigrans des
pays fi fertiles arrofés par le Rhin , pour paffer en
Hongrie & dans la Pologne Autrichienne . La plupart
étoient des fainéans , jaloux du fort de leurs
voifins plus ailés , & perfuadés qu'on les recevroit

6
( 156 )
ailleurs , uniquement pour y travailler à la popula
tion. Lorfque les petites avances qu'on leur a faites
ont été diffipées , plufieurs ont cherché fortune
autre part. Ces prétendues Colonies ne font que des
Séminaires de mendians . Par-tout où l'on n'a pas
lieu de trembler en voyant augmenter fa famille, la
population s'augmentera aflez fans le fecours de ces
recrues étrangeres eg 2015)
}
rand Joap - ITALIEN par saing nois
arrab aliud sh alexs
DE VENISE, le 23 Août.ba
Des lettres de Livourne nous ont annoncé
, fur le rapport d'un navire de Cagliari
, que notre efcadre étant arrivée devant
Tunis , le Chevalier Emo en avoit encombré
le port , en y coulant à fond des
bâtimens chargés de pierres. Nous n'avons
jufqu'ici aucune nouvelle authentique de
cette expédition.
:
Le 8 de ce mois il s'éleva une tempête affreufe
accompagnée de grêle ; toutes les fenêtres qui
étoient au nord furent brifées . Un bâtiment qui
étoit en contumace ayant eu fon cable rompu ,
fut entraîné jufque fous les fenêtres du College
Ducal ; deux autres furent fur le point de chavirer
; une gondole prête à périr fe refugia près
d'un bâtiment qui fe trouvoit en quarantaine , &
qui recueillit les perfonnes embarquées dans la
gondole. how doing wova mataven
Le Patricien P. Pifani vient de donner ici
un fingulier exemple de générofiré . Ayant
gagné un procès qui l'a mis en poffeffion de
30,000 ducats de revenus , il a cru devoir
( 157 )
témoigner fa reconnoiffance à fon Avocat
le Comté Jofeph Alcaini , en lui faifant donation
d'une rente annuelle de 4000 ducats.
Le contrat étoit fait & figné ; mais le Jurifconfulte
, auffi défintéreffé que fon client
eft magnifique , a refufé, cette récompenfe,
en_conftatant fon refus par un acte notarial.
Des Lettres de Triefte font mention d'une action
entre les Turcs & les Montenegrins. Dans le
mois de Juillet dernier , 400 Albanois , dit - on ,
ont été tués ; & cinq Beglierbeys conduits prifonniers
dans les montagnes. L'armée Turque ayant
été mife en déroute , les Montenegrins ont fait un
butin confidérable . On ne peut exprimer l'ardeur
avec laquelle ces Montagnards combattent pour
leur liberté , les femmes refufent leurs faveurs à
leurs maris , s'ils ne reviennent chargés des dépouilles
de l'ennemi , & les jeunes filles ne donneroient -
point leur main à leur amant ,
fi elles n'en recevoient
le préſent de la tête d'un Turc.
*
Nous rions de pitié des abfurdités journalieres
que les étrangers & leurs Gazettes
ne ceffent d'inventer fur notre Gouvernement.
Nous lifons dans ces Répertoires
de menfonges périodiques , qu'à la cérémonie
des époufailles de la mer , le jour
de l'Afcenfion , un fpectateur s'étant mocqué
de cette fête , on l'avoit condamné à
être pendu. Les inventeurs de cette fable
devroient favoir qu'on pend ici beaucoup
moins légerement qu'ailleurs , & réferver ces
contes pour la premiere édition à faire des
mille & une nuit.
14
( 1589)
%%
DE MILAN , le 2 Septembre.
Le ciel a enfin exaucé nos prieres ; nous
avons eu de la pluie , elle a été accompa
gnée de beaucoup de grêle , qui a briſe la
plus grande partie des vîtres de cette ville ,
& endommagé les campagnes. Les eaux ont
formé un lac dans le bourg de Fontana ,
& l'on a été obligé de porter en bateau
des fecours & des vivres aux habitans .
Nous avons parlé de l'heureuſe récolte du
grain fermenté du Chevalier Mirco Barbaro. Ce
grain a produit généralement environ 40 pour un.
Le Marquis Francefco Catani a fait préfent à
l'inventeur de cette méthode de la cinquième
partie du produit de fa récolte , & l'a afluré
que fon grain lui avoit donné jusqu'à 80 pour
un; le riz qui avoit été fèmé dans un terrein ſec,
& dont l'épi étoit parvenu à maturité , n'a pu
réfifter à une féchereffe qui a duré fans relâche
pendant trois mois confécutifs. Le Chevalier
Marco Barbaro reçoit de toutes parts des demandes
de fon grain fermenté pour les prochai
nes femailles. Il en a préparé une grande quantité
qu'il diftribuera avec un imprimé où eft
expliqué la méthode qu'il faut fuivre .
DE ROME , le 30 Août .
Toutes les craintes fur les bâtimens arrivans
de l'Amérique , ayant ceffé , on vient
de permettre l'ouverture de la foire franche
de Sinigaglia , au 9 de Septembre prochain.
Aucun navire de la Méditerranée ne fera
L
( 159 )
admis , s'il n'a fait la quarantaine dans le
port d'Ancone.
M. Archerti qui étoit Nonce Apoftolique auprès
de l'Impératrice de Ruffie , eft actuellement
en route pour fe rendre en cette Capitale. Le
bâtiment fur lequel font les équipages eft arrivé
à Civita Vecchia .
Les affaffinats multipliés que les malfaiteurs
commettent pendant la nuit , ont fait
prendre au Gouvernement la refolutión de
les faire arrêter , même dans les lieux privilégiés
, ce qui s'exécute à la rigueur.
DE BOLOGNE , le 13
Août.
Les PP. Capucins de cette ville venant de
célébrer la fête de leur Confrere le Bienheu
reux Lorenzo de Brindes , ils ont eu la confolation
de s'appercevoir de la ferveur des Fideles.
Leur quête a produit 74 veaux , 8
boeufs , 28 corbeilles de riz , 180 corbeilles
de vin , une quantité d'argent , de grains ,
de farine , d'oeufs , de fruits , d'articles de
mercerie , & c. &c. En voilà bien affez pour
la fête la plus fplendide .
Le 19 de ce mois , il s'eft paffé à Imola une ſcene
très-tumultueufe au Théatre de l'Opera . Plufieurs
Auditeurs ayant redemandé un air qui leur avoit
plu , le Préfident crut devoir fe refufer à leur de
mande. Les inftances & les clameurs redoublerent.
Jaloux de foutenir fon autorité le Préfident
voyant que la chofe devenoit férieufe , ordonna de
baiffer la to le. Le tumulte augmenta de plus en
plus , & l'on fut obligé de recourir à la Garde pour
arrêter les mutins , Ceux-ci firent ferme contre les
( (1160 ) )
foldats armés , & les forcerent à les laiffer fortir
librement du Spectacle . On a envoyé la relation de
cet incident au Cardinal Valenti , Légat à Ravenne
; on attend fes ordres à ce fujet .
DE NAPLES , le 26 Août.
Une Tartane venant de Reggio , ayant à bord
une grande quantité d'argent retiré des ruines
des Eglifes de la Calabre ultérieure, eft arrivé
dans ce port le 13 de ce mois après avoir effuyé
une tempête affreufe, Plufieurs Officiers & Cadets
qui avoient accompagné Pignatelli font revenus
fur ce bâtiment.
73
4
Il vient de paroître un petit Ouvrage dédié à
la Reine , fur une nouvelle méthode d'allaiter
les enfans à la main , L'Auteur , M. Baldini
s'étant affuré par plufieurs effais de l'avantage
qu'il y avoit d'allaiter les enfans à la main , dans
Je
cas où les meres ne peuvent ou ne veulent
pas nourrir elles- mêmes leurs enfans , il a defiré
de faire connoître la maniere de faire prendre
commodément
& fans aucun rifque aux enfans
Te lait des animaux . Il a imaginé un moyen
artificiel , qui confifte en une petite machine
dont l'effet correfpond
à celui de la mammelle.
Le 20 de ce mois , le Véfuve a commencé
& continue de faire un bruit effrayant ,
avant - coureur fans doute d'une prochaine
éruption .
Le chebec royal eft enfin arrivé ici le 20 de ce
mois après une traverfée de 29 jours , pendant laquelle
il a effuyé alternativement des gros temps
& des calmes . Il a ramené ici le Vicaire- Général
Pignatelli , le Préſident Vivenzio , & le Juge Don
Gafpero Vanvitelli , lefquels ont été dès le même
( 161 ),
jour admis à la pratique & préſentés à S. M. , qui
a eu avec eux un long entretien , relativement à
Fobjet de leur miffion dans la Calabre.
ESPAGNE.
DE MADRID , le 3 Septembre.
La Gazette du Mexique du 19 Mai dernier
, rapporte les deux anecdotes fuivantes.
La premiere , que , dans le bourg de Xalapa ,
fe trouve le nommé Francifco Saenz de la Rofa
âgé de 122 ans ,
érant né en 1662. Il fe maria à
75 ans & eur 10 enfans. Malgré les fatigues journalieres
qu'il a éprouvées dans la profeffion de
muletier & de laboureur , il eft encore affez
vigoureux pour manier un cheval comme un
jeune homme. Ce qu'il y a de très - particulier ,
c'eft que ce centenaire ne dort pas plus d'une
heure par jour.
9
La feconde , que , dans le Village de Tecomic,
Jurifdiction de Xochimilco , on trouve un Olivier
, dont le tronc a 21 varres 3 quarts ou
près de $ 5 pieds & demi , mesure de France..
Et il eft certain que cet arbre ne peut pas être
d'une plus grande antiquité que la découverte
des Indes , puifque les Efpagnols ont apporté cet
arbre d'Europe en Amérique.
Il eft mort ici d'apoplexie un jeune Anglois
, fils unique d'un grand perfonnage ,
l'âge de 22 ans il étoit venu en cette Čapitale
pour époufer la jeune Princeffe de Stol
berg , foeur de la Marquife de la Jamaïque
& de la Ducheffe d Albanie. Son Banquier
avoit ordre de lui fournir jufqu'à 200,000 1 .
( 162 )
·
Iterl. Son cadavre a été embaumé & tranf
porté à Londres. Nous ignorons quel peut
être le nom de cet Anglois. Il n'y a de Pairs
Catholiques en Angleterre que le Duc de
Norfolck , dont l'héritier a embraffé la religion
anglicane , les Lords Arundel , Sturton ,
Shrewsbury , Dormer & Petre ; mais aucun
d'eux n'eft un grand perfonnage.
PORTUGAL. it
DE LISBONNE , le 27 Aoûr.
Le 13 de ce mois , on a reffenti dans
cette ville une chaleur fans exemple dans
ce fiecle- ci , & trois heures après midi , le
thermomètre monta à 106 degrés.
Un decret royal déclate nulle & de non
valeur dans les Etats de notre Souveraine la
bulle apoftolique de Clément XIII , qui confirmeit
l'inftitut des Jéfuites , & juftifioit leur
conduite. Le motif de ce décret eft que la ,
bulle n'a pas été foumife au Regium exe
quatur.
GRANDE-BRETAGNE.
DE LONDRES , le 11 Septembre..
Lord Sydney, en fa qualité de Secrétaire
d'Etat , M. William Pitt , comme Chancelier
de l'Echiquier , les Lords Walfingham
& Mulgrave , MM. W. Wyndham Gren
ville & Henri Dundas , ont été nommés
( 183 )
Commiffaires de S. M. pour l'adminiſtration
des affaires de l'Inde. Le Chevalier Bough
ton Rous eft Secrétaire de la Commiſſion i
fon féjour très -long dans l'Indoftan , & fon
expérience confommée dans les affaires de
cette contrée , ont décidé le choix de S. M.
Ce nouveau bureau fera logé près de la
Tréforerie , dans une maifon qu'habitoit
M. Horace Walpole.
M. George Crawford , Conful de S. M.
à Rotterdam , eft auffi nommé Commiffaire
pour traiter avec ceux de S. M. Très- Chrétienne
, d'un arrangement de commerce définitif.
Le navire armé la Neutralité , Parrivétà
Portſmouth , & venant de Gibraltar , a ap
porté des dépêches du Général Elliot. Elles
apprennent au Gouvernement que les fortifications
de cette place font aujourd'hui entierement
réparées.
Le Waren Haftings , le Francis & le Lafceles
, vaiffeaux de la Compagnie des Indes ,
font de retour. Ils font le nombre de 23 ,
& non de 15 , comme l'ont dit quelques Ga
zettes , des bâtimens de la Compagnie arrivés
dans le courant de l'année .
La Compagnie des Indes avoit en mer au premier
janvier de cette année 3 bâtimens , au
nombre defquels fe trouvoit la Refolution , qui a
été condamnée à Bombay. Vingt- trois font arrivés.
Elle en a expédié 13 depuis le mois de jan
vier , de forte qu'elle en a actuellement 43 on
mer dont deux feulement lui appartiennent à
titre de propriété . Les autres ont été frétés à tanc
par tonneau.
( 164 )
On équipe maintenant dans la Tamife
quatre vaiffeaux deftinés pour le Brefil . Ils
feront employés fur cette côte à la pêche de
la baleine , qui a été fort abondante au printemps
dernier.
Опа reçu le 2 de ce mois au Bureau de l'Amirauté
de nouvelles dépêches de l'Amiral Camp.
bell , Commandant à Terre- Neuve. Elles font
datées du 26 juillet . L'Amiral étoit alors à l'lfle
Saint- Jean , où il montoit le Salisbury de 50 canons.
Le floop le Thorn avoit fait voile pour
Quebec , afin de faire des obfervations dans le
Golfe & la riviere Saint-Laurent. Les frégates
la Leocadia & la Profelyte étoient en croifiere fur
les bancs, Le floop le Martin arrivoit à l'oueft
de l'Ifle , pour obferver fi les François n'empiétoient
pas fur les bornes qui leur ont été affignées
pour la pêche par le dernier Traité de Paix .
L'Amiral Campbell reftera à Terre - Neuve
jufqu'à la fin du mois de Septembre , terme de
Ja pêche. Les François ont une frégate de 24.
canons , & 4 cutters . pour protéger leur pêche.
On vient de donner une nouvelle conf
titution au Corps des Ingénieurs. Leur paie
& leur nombre. font réglés : ils feront 61
Officiers , outre le Grand-Maître & le Lieutenant
- Général de l'Artillerie. ( Ordnance )
Le Roi a de plus établi en faveur de ce
Corps fept places d'Officiers invalides.
La lifte de l'Amirauté , qui fe publie toujours
à la fin d'Août , porte 134 Vaiffeaux
actuellement en commiffion , dont 24 font
des vaiffeaux de ligne..
Il est très-probable qu'en peu de temps ,
( 165 )
l'Ecoffe changera confidérablement de face.
L'émulation générale dans le Royaume ,
pour améliorer toutes les branches du commerce
& de la navigation , s'eft répandue
en Ecoffe , & l'attention que le Parlement
vient de donner à fon fort , a caufé le plus
grand enthoufiafme.
h
La nouvelle de l'acte paffé au Parlement pour
reftituer les biens de la maifon de Perth aux hé➡
ritiers de cette illuftre famille , étant parvenue
dans le Comté de Perth , tous les fermiers de la
Baronnie de Kinbuck près de Dumblaine , qui
fait partie des domaines reftitués , fe font affemblés
pour célébrer cet événement. Ils ont tiré
un feu d'artifice , & ont donné un repas fplendide
où l'on a bu les fantés du Roi , de la Rei
ne , des Lords Dunmore & Balcarras , de MM .
Dundas , Cuningham & Dempfter , Membres du
Parlement qui ont foutenu le Bill.
Toutes les branches de la famille des Lochiel
fe font auffi affemblées , le 23 du mois dernier, au
Fort Williams , & ont arrêté de confacrer leur
reconnoiffance envers le Roi & le fouvenir de
l'événement , en érigeant une colonne au fommet
de la montagne de Ben.
L'armée qui a fervi au Malabar , pendant
la guerre, fous le commandement du Colonel
Morgan & du Colonel Forbes , eft revenue
au Bengale. Dans une marche de 1100
milles , la difcipline militaire a été fi bien
obfervée , qu'il n'y a eu aucune espece de
plainte de la part des habitans ou fermiers
contre les foldats .
Le Dividende des Actionnaires de la Compa(
166 )
2
gnie des Indes a été réglé par les révolutions de
fon commerce.
En 1708 , ce dividende fut feulement de 5
pour cent. En 1709 , il fut porté à 8 pour cent ;
& en 1710 , à 9 pour cent.
Pendant les 11 années qui fuivirent immédiatement
celle de 1710 , les Actionnaires eurent annuellement
un dividende de 10 pour cent ; mais
depuis 1721 jufqu'en 1731 , époque de dix années,
il demeura fixé à 8 pour cent. De 173 à 1743 , il
tomba à 7 pour cent. Il s'éleva à 8 pour cent pendant
les 13 années fuivantes;mais depuis 1756 jufqu'en
1766 inclufivement , il fut feulement de 6
pour cent. En 1767 , le dividende fut porté à 10
pour cent , & les années fuivantes á 12 pour cent ,
Enfin , en 1771 , le dividende monta jufqu'à 12
& demi pour cent ; mais dix-huit mois après , le
Parlement le réduifit á 6 pour cent , jufqu'à ce
que la Compagnie eût acquitté une fomme de
1,312,500 l.. Après avoir fatisfait à cet engage
ment , la Compagnie accorda un dividende de
pour cent ; elle le porta même á 8 pour cent ,
après avoir liquidé la moitié d'une autre dette
montant á 2,812,500 l . ft.
Les exportations des manufactures de
laine Angloife font montées l'année der
niere à environ 2,000,000 liv. fterl . On en a
fait des demandes confidérables en Ruffie 4
en Turquie , & fur les bords de la Baltique .
Les amis les plus chauds de l'Amérique
ne favent comment juftifier la réfolution
qu'elle a prife dernierement , de ne point
payer fes dettes à l'Angleterre. Si les Etats-
Unis ne la révoquent pas immédiatement ,
ils ne doivent plus efpérer de voir un jour
( 167 )
l'Amérique devenir une Puiffance commerçante.
Son nom fera fouillé d'un reproche
indélébile de mauvaife foi & de rapine. Quel
fera le Marchand affez hardi pour ofer rif
quer de nouveaux chargemens avant d'être
rembourfé de leur entiere valeur : & avant
que les liquidations foient faites en Europe ?
en feroit la foi du commerce, fi toutes
les fois que deux Etats font en guerre , les
individus de l'un , débiteurs des individus
de l'autre , eftimoient que le premier coup
de canon anéantit toutes les créances ?
Il faut convenir qu'on ne trouve nulle
part autant d'originalité dans l'ufage de la
fortune , & d'originalité noble & utile , qu'en
Angleterre . Ce ne font ni des Princes , ni des
Ducs qui en donnent l'exemple ; mais de trèsfimples
particuliers : voici une nouvelle preuve
-de cette affertion.
M. Shuttelworth , Gentilhomme (Gentleman )
de Lancashire, vient d'arriver d'un voyage en Amé
rique qu'il a fait dans fon propre Yacht. Il a mis
14 mois à traverser les côtes du nord de l'Amérique
, depuis le golfe de Floride jufqu'à la baye
d'Hudfon. Il eft entré en 147 ports , a parcouru
Loutes les rivieres , obfervé toutes les peuplades ,
& levé des cartes de ces côtes. Sa fortune eft de
20,000 liv . fterl . de rente. Depuis quatorze ans,
il voyage toutes les années dans une contrée ou
dans une autre avec ſon vaiffeau , nommé le Lively
, & de 140 tonneaux. Toutes les commodi
tés y font ménagées. Outre fa compagnie à lui ,
M. Shuttlawort a un équipage de 25 mariniers
& dix canons. Lui-même eft homme de mer trèsexpérimenté
, & le feul Capitaine de fon Yachts
( 168 )
Chirurgien , chapelain , cuifinier , excellentes
provifions , jufqu'à des femmes de bonne fociété
s'y trouvent. Dans la derniere courſe , le voyan
geur avoir une très-jolie françoiſe pour compas
gno. Sur la Delawarre , il a entretenu le Géné
ral Washington , a vu les Etats - Unis dans les premiers
momens de leur émancipation , & pénétré
jufqu'au territoire des Indiens . Enfuite il est allé
vifiter les réfugiés à Port- Roferway. M. Shuttlewort
eft actuellement dans fes terres , où il a
des mines de cuivre d'une grande valeur. Il ne
tardera pas à partir pour la méditerranée où il
levera de nouvelles cartes , & fera des obſervations.
La fameuse actrice Miftrefs Siddons a gagné
3000 liv. fterl . dans le courant de l'été ; favoir
1500 liv, à Edinbourg & autant à Dublin. 500 1.
de plus que lui a valu fon engagement paffager
à Corke , ont fervi à payer fes dépenfes.
Le Duc actuel de Portland , encore jeuné ,
& n'étant que Marquis de Titchfield, fe trou
vant dans une Cour d'Allemagne , s'entretenoit
avec le Monarque fur les mécontentemens
populaires qui régnoient alors en
Angleterre. Si j'étois placéfur votre Trône ,
dit le Prince , pendant trois jours , je vous
ferois connoître ce que c'eft qu'un Roi. - Je
ne penfe pas, répliqua le Marquis , que Votre
Majefté put conferver fa place fur le Trône
d'Angleterre pendant trois heures.

Le Comité du Confeil privé , nommé pour
examiner les repréfentations de M. Atkinfon à
l'égard des Loyaliftes , a établi dans fon rapport ,
que le nombre des nouveaux Planteurs dans la
nouvelle Ecoffe monte à près de 30,000 ; qu'ils
cultivent avec le plus grand foin les terres qui
1 leur
( 169 )
leur ont été octroyées ; que les François neutres
qui y demeurent encore , font toujours fort induftrieux
; que ceux d'entr'eux , qui , avant 1794 ,
étoient établis à Beauséjour , à Tintamare & dans
d'autres lieux de cette Province , fourniffoient au
Canada & à d'autres établiſſemens une quantité
confidérable de grain , & que , tant qu'ils ne
feront pas dans une fituation précaire par rapportau
climat fous lequel ils vivent , ils luivront l'exem
ple des nouveaux Planteurs , & apprendront d'eux
à tirer tout le parti poffible de l'agriculture ,
fur-tout fi on encourage l'induftrie des Colons ,
& fi on leur affure des marchés convenables . Le
pays abonde en bois , & principalement en chênes
blancs . On a déja établi dans la Province
un certain nombre de moulins anfcie , & on y
en conftruita davantage auffi-tôt que les encou
ragemens néceffaires feront donnés.
Il n'y a donc aucune apparence que les Etatsunis
obtiennent jamais le débit de leurs denrées
aux Antilles Angloifes qui , dorénavant , feront
approvifionnées par la nouvelle Ecoffe & par le
Canada.
Suite du Bill de l'Inde.
Art XXXV. Afin de mieux régler le gouvernement
civil & militaire de l'Inde , pour l'avantage
de la Compagnie , il eft ordonné par le préfent
a&te , que les Directeurs fe feront rendre
compte immédiatement de leurs établiſſemens
respectifs , tant civils que militaires , dans les
différentes préfidences & établiffemens de l'Inde
, & donneront les ordres néceffaires pour que
les retranchemens & réductions , qui pourront
être praticables dans chacun d'eux , y foient introduits.
Il est également ordonné que les prin
cipaux employés dans lefdits établiffemens , fe
ront tenus de donner des liftes exactes de tous
No. 39 , 25 Septembre 1784.
( 170 )
les emplois de l'établitlement civil de ladite
Compagnie , ainsi que de routes les forces militaires
qui fe trouvent dans les divers poftes &
comptoirs de la Compagnie & à fa folde ; diftinguant
les corps , les nations , ou le peuple
dont elles font tirées , ainfi que la paie & les molumens
des officiers brevetés ou bas- officiers ,
comme auffi la méthode qui peut être adoptée
pour introduire un fyftême de plus grande éconemie.
La Cour des Directeurs examinera auffitôt
qu'elle pourra le fait , le nombre des places
& emplois tant civils que militaires , qui font
néceflaires à la sûreté & au meilleur gouvernement
de l'Inde ; les falaires & appointemens qui
doivent leur être alloués , tant en temps de paix
qu'en temps de guerre : & chaque année , dans
l'efpace de quinze jours après la rentrée du Parlement
, ces états 'feront préfentés à la Chambre
des Communes par les Directeurs.
Art. XXXVI . Il eft défendu expreflément
par cet acte , en attendant que ces liftes folent
fournies , que les Directeurs envoyent aucun employé
civil ou militaire dans l'Inde , & quand
elles l'auront été , qu'il foit jamais envoyé un
plus grand nombre de perfonnes que celui qui
fe trouvera néceffaire pour agir en qualité de
furnuméraires , & remplir les places qui viendroient
à vaquer , dont l'on donneroit avis de
temps à autre à la Cour des Directeurs.
Art . XXXVII. Il eft ordonné par cet acte ,
que du moment où il commencera d'être en for.
ce , les promotions & l'avancement des ferviteurs
de la Compagnie fe feront par rang d'ancienneté
, tant dans le civil que dans le militaire ,
dans leurs fituations refpectives , à moins que les
Conimandans des divers Gouvernemens & Préfidences
n'aient des raifons valables & fuffilantes
( 171 )
2
2
Four fe conduire autrement , eu vertu d'une rém
folution du Confeil , & que tous les cas de cette
nature folent fidélement enregistrés , & les minutes
qu'ils en auront gardées , envoyées aux
Directeurs , en expliquant les raifons qu'ils ont
pu avoir d'en agir ainfi faute de quoi faire
lefdits appointemens , nominations , & c. feront
déclarés vacans , & les mesures prifes par la
Préfidence annulées .
: "
Art. XXXVIII . Il eft défendu expreflément
par les préfentes , qu'aucun cadet ou écrivain
foit envoyé dans l'Inde au- deffous de 15 ans , &
au - deſſus de 22 ; lefdits cadets , feront tenus de
fournir un certificat de leur âge , figné du curé
de leur paroiffe , & de préter eux - mêmes ferment
qu'ils le trouvent dans les termes ſpécifiés
par l'acte , & n'ont que l'âge requis : lequel acte
de preftation de ferment ou affidavit , demeu
rera entre les mains du Secrétaire de la Compagnie
, fi olle lejuge à propos.

Pourvu toutefois que cet acte ne change rien
à l'ufage reçu , & que tout officier breveté
dont l'âge n'excede pas 25 ans , puiffe être reçu ,
à l'avenir , cadet dans la Compagnie comme par
par le paffé.
Art. XXXIX . Cet article ordonne que toutes
les oppreffions , injures , injuftices , offenſes , crimes
, & c . & c . qui auront été commis dans l'Inde
par des fujets de S. M. ou des ferviteurs de la
Compagnie des Indes , feront & font déclarés ,
par les préfentes , amenables à toutes les cours
de juice , tant en Angleterre que dans l'inde
dont la jurifdiction peut s'étendre fur ces délits ,
qui feront punis de la méme maniere que s'ils
avoient été commis dans aucun des endroits foumis
immédiatement au Gouvernement de la
Grande- Bretagne,
h 2
( 172 )
Art . XL. Il eft expreflément ftipulé que toute
perfonne qui demandera ou recevra aucune fomme
d'argent , ou aucun effet de prix , foit que
ce foit pour lui , ou fous prétexte d'en avantager
la Compagnie des Indes , fera déclarée coupable
d'extorfion , & fera pourfuivie en conféquence
: en outre de quoi , celui qui aura reçu un
préfent , fera expofé à la confiſcasion d'icelui ,
au profit de S. M.
Art. XLI. La Cour , pardevant laquelle de
pareilles fautes & offenfes feront jugées , pourra ,
felon les circonftances , ordonner que le préfent
foit rendu à celui qui l'aura fait , ou ordonner
que le tout , ou partie d'icelui , ou telle amende
à laquelle il plaira à ladite Cour de condamner
le coupable , foit deſtiné au délateur , ou à celui
qui a intenté le procès , ainfi qu'il plaira à la
Cour d'en difpofer.
Art. XLII. Il eft entendu que les claufes d'un
acte paffé dans la treizieme année du regne de
Sa Majefté , qui condamne toute perfonne recevant
des préfens à certaines amendes & confifcations
, fe trouvent révoquées ; & lefdites claufes
font annuliées par le préfent acte.
Art. XLIII. Il doit être entendu toutefois que
la claufe qui précede , n'interdit pas à un avocat ,
médecin , chirurgien ou chapelain de recevoir,
des honoraires & émolumens , felon la forme,
ufitée dans leurs profeffions .
Art , XLIV. Il eft ordonné que toutes défobéiffances
volontaires de la part des Officiers de
la Compagnie , relativement aux inftructions
des Directeurs , à moins que ce ne foit dans des
cas abfolument néceffaires [ néceffité que feront
obligés de démontrer ceux qui fe fetont rendus
coupables de ces défobéiffances ] feront regardées
comme des fautes graves ( miſdemeanours )
& comme telles pourfuivies extraordinairement
en vertu du préfent a&te.
( 173 )
Art. XLV. II eft déclaré , que toute perfonne
au fervice de la Compagnie , qui fera concernée
dans quelque marché ou contrat contraire auxi
intérêts de ladite Compagnie , & fera accufée
de corruption , fera également poursuivie pour
ledit crime de miſdemeanor , de la manière cideffus
fpécifiée.

La Suite à l'Ordinaire prochain.
IRLANDE.
DE DUBLIN , le 6 Septembre.
L'Imprimeur du Journal des Volontaires
de Dublin , a été enlevé le 30 du mois dernier
par ordre du Vice -Roi , comme coupable
de trahifon , pour avoir publié un libelle
figné Murray , où fe trouve enrr'autres le
paragraphe fuivant , que les Savetiers & les
Ecoliers trouvent fort au-deffus du ſtyle de
Trafibule , de Timoléon & de Brutus.
сс
·
« O ! Irlande , malheureuſe Irlande ! Nous
laifferons-nous accabler fous le poids de la tyran
nie ? Nous endormirons nous les armes à la
» main ? Réveillons nous pour défendre la juftice
de notre caufe ; ne demeurons pas plus
long tems fans faire reffentir aux coupables ies
terribles effets de notre reffentiment ; arrachons
le pouvoir des mains de cestyrans , & montrons
» au monde que l'Irlande a encore affez de force
» pour être libre ».
5
53
Le projet d'affimiler les Catholiques aux
Proteftans , en remuant l'efprit des premiers
qui étoient fort tranquilles , eft une nouvelle
fource de divifions ; mais les perfonnes qui
h 3
( 174 )
ont échauffé la multitude , à la vue de fes
excès , commençant à craindre pour ellesmêmes
, s'occupent maintenant à rétablir le
calme. Les Citoyens les plus refpectables de
Dublin emploient toute leur activité contre
les mutins , & les divers Corps des Affemblées
paroifliales prennent les armes pour
aider la Magiftrature à maintenir l'ordre
public.
Mardi dernier , for les neuf heures du foir ,
il y eut beaucoup de tapage à la nouvelle prifon.
Les femmes condamnées à la tranfportation
formerent le projet de forcer la prifon , & de
s'échapper pour éviter de fe rendre à bord du
vaiffeau qui les attendoit. En conféquence , armées
de verroux , de pierres & de bouteilles de
verre , elles enfoncerent les guichets en jettant
des cris épouvantables , & fe jetterent fur le
Guichetier que probablement elles auroient tué
s'il ne s'étoit fauvé par une fenêtre au moyen
d'une corde La garde étant accourue dans la
prifon avec la bayonnette au bout du fufil
crut leur impofer filence , mais ces femmes défefpérées
l'attaquerent avec tant de fureur , qu'elle
fe vit dans la néceffité de faire feu fur elles . Deux
de ces malheureufes furent bleffées , & le tumulte
ceffa auffi - tôt. Un des garçons du Guichetier a
auffi été bleffé dangereufement.
Le 26 d'Août une Affemblée nombreuſe
des Paroiffiens de S. Nicolas , prit unanimement
les réfolutions fuivantes .
Nous déplarons fincérement avec le Maire &
les Magiftrats de Dublin , les troubles qui ne fong
arrivés que trop fréquemment dans cette Ville ,
& nous employerons tous les moyens légitimes
( 175 )
en notre pouvoir , pour rétablir la tranquillité
publique .
Si d'un côté nous blâmons les excès dont on
accufe quelques Manufacturiers de la derniere
clalle , de l'autre cependant nous fommes forcés
d'avouer , que la conduite qu'ils ont tenue eft,
l'effet du défelpoir d'un peuple malheureux , que
Pexcès de fa mifere à réduit à cette extrémité.
Nous fommes perfuadés que la plus grande partie,
d'entr'eux mettroient à profit leur industrie ,
on leur offroit une occafion de l'employer. En
confééquence , le moyen le plus propre de mettre
fin aux troubles de cette ville eft de concilier
les efprits des pauvres en encourageant les diffétentes
manufactures , dont la fubfiſtance du peuple
dépend , & de leur faire fentir qu'ils font euxmêmes
intéreflés à la tranquilité & à la profpérité
publique.
Enfin nous femmes fincérement pénétrés de la
fatale émeute qui a eu lieu mardi dernier dans
cette paroiffe ; mais il paroit , d'a rès le fentitiment
de ceux , qui de leurs habitations ont été
témoins de la fcêne , que la violence de la troupe
dans cette malheureufe affaire a été précipitée ,
déplacée & contraire aux loix de l'Irlande .
FRANCE.
DE VERSAILLES , le 15 Septembre,
Les Députés des États de Languedoc admis le
8 de ce mois à l'audience du Roi , furent préfentés
par le maréchal Duc de Biron , Gouverneur
de la province , & par le Boron de Breteuil ,
Miniftre & Secrétaire d'État ayant le département
de cette province. La Députation , conduite
par le fieur de Nantouillet , Maître des Cérémonies
, & par le fieur de Watronville , Aide
des Cérémonies , étoit compofée , pour le Clergé
de FEvêque de Lodève , qui porta la parole ,
h 4
( 176 )
du Vicomte de Bernis , Baron de Pierrebourg's
pour la Nobleffe ; des fieurs Chevalier de la Cofte
& de Bonnemain pour le Tiers-Etat ; & du
fieur de Rome , Syndic - général de la province.
La Députation eut enfuite audience de la Famille
Royale.
Le Roi & la Famille Royale ont figné le contrat
de mariage du Comte de Poulpry , Capitaine
de Cavalerie au régiment Colonel général ,
avec Demaiselle le Ferou , & celui du Préfident
de Mazirot , Intendant de Moulins , avec la Comteffe
de Châtenay..
Le Roi a nommé à l'Abbaye régulière de Flines
, Ordre de Citeaux, diocèle d'Arras , la Dame
du Chatel , Religieufe- profeffe de la même
Abbase.
DE PARIS , le 22 Septembre.
Dans ce moment , le magnétifme animal
a le dès fur les ballons , c'est- à -dire l'immenfe
gloire d'occuper tous les oifits , les
badauds , les conteurs , les fpéculateurs , les
amplificateurs de cette Capitale. On pourroit
comparer cette effervefcence à la convulfion
qui dans quelques maladies accompagne
l'agonie , s'il n'y avoit pas dix à parier
contre un , que les baquets , de jour en
jour plus fréquentés , ne perdront point un
profelyte.
Quoi qu'il en foit , les nouveaux Commiffaires
choifis par le Parlement pour l'examen
, dit- on , fnal de cet inconcevable fpectacle
, font MM. Bouvart , Malouet , Cofnier
& Thierry , Médecins ; Tenon & Louis ,
Chirurgiens ; Cadet & Sage , Apothicaires.
Ce choix paroît être généralement applaudi,
( 177 )
Nous parlâmes il y a quelque temps
d'un
inconnu trouvé fur les côtes de Normandie ,
& dont on cherchoit ici à deviner l'état &
la patrie : on nous a requis d'inférer dans ce
Journal la notice fuivante qui le concerne.
En arrivant à Paris , ce jeune homme eut le
bonheur d'êre logé dans une maiſon habitée par
la dame Billard , Marchande de galon . Elle le
reçut chez elle , où il est encore ; & elle en prend
autant de foin que de fes propres enfans . Le fieur
la Rive , Comédien François , ayant eu connoiffance
du jeune homme , en parla à ſa Compagnie.
Elle lui affura , par délibération unanime ,
une Penfion de 63 liv . par mois .
Un grand nombre d'étrangers l'ont vu , l'ont
entendu parler fans le comprendre , & lui ont
parlé fans en être compris. On a effayé près de
lui avec auffi peu de fuccès , prefque toutes
les Langues dont nous avons des Grammaires &
des Vo abulaires . Cependant il a la figure européenne
, & particulièrement celle des Peuples
du Nord de l'Europe . La feule connoiffance qu'il
paroiffe avoir , eft celle des objets qu'il a vus en
différens pays . Il ne paroît pas favoir écrire : les
caracteres informes qu'il trace reffemblent à ceux
d'un enfant , auquel on a commencé à montrer
les premiers élémens de l'écriture ; & leur direction
prefque perpendiculaire leur donne quelque
reflemblance avec ceux de l'écriture curfive en
ufage dans tout le Nord de l'Europe . Il n'a
jamais lu un foul mot de ce qu'il a écrit : on le lui
a demandé plufieurs fois , & toujours vainement.
Il a figuré , dans un deffein trè informe , un
navire qui a les femelles Hollandoites ; & il les a
reconnues fur des Bâtimens Hol'an lois dont on
Jui a montré la gravure. Il fait entendre par
hs
( 178 )
Lignes , qu'il connoît les Sauvages d'Amérique ,
leurs armes , leurs uftenfiles. Lorsqu'on lui a préfenté
une Mappemonde orientée , fait voir le
point où il eft , & demandé par fignes , d'où il étoit
venu ; il a montré le Sud-Ouest. Il a reconnu
particulièrement au Cabinet du Roi , les armes
& les uftenfiles des Sauvages de l'Amérique méridionale
quelques fruits de cette contrée
& deux infectes que les femmes fauvages fulpendent
à leurs oreilles comme un ornement ,
enfin il a paru faire entendre qu'il étoit né dans
une Ifle. Ces indices réunis femblent défigner les
Antilles ; & fa connoiffance des Bâtimens Hollandois
, indiquée par lui - même , peut porter plus
fpécialement les conjectures fur une Ifle Hollandoife.
Cependant , d'une autre part , il a reconma
es feuilles fur lefquelles font gravés des caraçderes
Malabares. Il a fait entendre qu'on en metpoit
au cou des Esclaves , & qu'on gravoit ces
caracteres avec un poinçon. Il a auffi défigné un
uniforme reffemblant à celui des Cipaies , & particularité
par les revers de la vefte . Mais lorfqu'on
lui a montré ſur la Mappemonde , les pays
où ces chofes fe trouvoient & demandé s'il
y étoit allé , il a répondu par des lignes négatifs.
S'il eft des Antilles , ou de Surinam , & Hollandois
, il peut en avoir eu connoiffance fans avoir
été aux Indes Orientales.
Lorfqu'on lui a préfenté des raquettes , dont
les habitans du Nord font ufage pour aller fur
la glace , il y a placé auffi -tôt les pieds , & a
montré qu'il y manquoit quelque chofe pour les
attacher.
Il paroft dans fes récits , parler de combats
de mer & de naufrage , de comptoir , d'argent ,
de Parens riches ; de papiers , de lettres & de
( 179 )
porte-feuille qui lui ont été dérobés . Hrépere
fouvent les mots pévu ou pelou. H fait entendre,
qu'étant enfant , il portcit un habit de Matelot
fait de toile de coton , avec une fraife de mouffeline
; que lorsqu'il s'eft embarqué , il porteit un
habit bleu avec des boutons de treffe d'or , des
revers & des paremens rouges ; qu'il avoit eu un
fufil , un grand chien de chaffe & des chevaux ,
qui lui appartenoient : ( en effet il fait conduire
un cheval ) .
L'idiome qu'il parle eft un compofé de mots
corrompus de différentes Langues , & d'un grand
nombre de mors François , tronqués , eftropiés ,
dont il peut avoir appris la plus grande partie
depuis qu'il eft en France : il en apprend tous
les jours quelques-uns . Lorfqu'il eft venu à Paris ,
il ne prononçoit pas les articulations b ,, r , ch, j
il les prononce actuellement & méme notre
mouillée. Sa profodie eft traînante : elle eft compofée
de fons longs , entremêlés d'autres fons plus
longs. Cette lenteur la rend douce , quoiqu'il
emploie principalement les articulations fortes p
t , g ,f, h.
Nous faifons des voeux pour que cet Avis parvienne
à fes Parens. Ajoutous ce qui peut fervir
à le faire reconnoître. Sa taille eft d'environ cinq
pieds. Il a les cheveux d'un châtain - clair , les
fourcils blonds , les yeux d'un gris - clair , petits
& un peu enfoncés , le front petit , le nez court &
un peu gros , la bouche de grandeur médiocre ,
Ja levre fupérieure un peu groffe , le cou un peu
court , les épaules larges & tant foit peu hautes
la main petite & bien faite , la jambe un peu
groffe.
L'avis fuivant qu'on nous fait paffer d'Au
vergne , pourra intéreffer quelques Agricul
h 6
( 180 )
teurs ; il feroit même utile de répéter l'expérience
dont il est queftion , d'uſage , au
refte , dans plufie irs pays , ce que l'Auteur
de l'asis paroît ignorer.

Je crois qu'on a cherché inutilement jufqu'ici
les moyens d'em êcher le bled de pourrir dans
l'épi a ant fa mitur.té , ce qu'on appelle en ce
pays - ci bruiné or pour prévenir cet accident
qui fait beaucoup de tort aux récoltes en certaines
an ées , je propote aux Laboureurs de ne
femer que du froment de l'année d'avant , c'eſtà
dire , de celui qu'i's ont récolté quatorze mois
avant ; & pour l'orge qu'on feme.
mois de
Mars , qu'ils fement de celui qu'ils ont cueilli
dix - huit moi avant. Celui de qui je tiens cette.
méthode m'a affuré que depuis plus de vingt
ans qu'il pratiquoit , il n'avoit jamais eu de
bled norge bruiné , quoique les champs de
fes voifins en uffent : au reefte , il prépare ce
grain , & y fait le même chaulage qu'on a l'ufage
de faire à tous les grain dans le pays.
On n'eft pas un Héros pour avoir éteint
le feu d'une cheminée : rien de fi commun
que cette espece de dévouement , qu'il faut
mettre à ſa place , fans la faire regarder comme
un prodige d'humanité: Les circonftances
rendent quelquefois ces actes de courage
plus recommandables , & telles font
celles dont on nous fait part dans le récit
d'un fait arrivé au château de C.
Les maîtres du château de C ... abfens depuis.
plufieurs mois , n'y avoient laiffé que le nombre
de domestiques néceflaires. Le 20 Mai dernier, s
jour & fête de l'Afcenfion , il faifoit une chaleur
exceffive , & depuis long- temps une féchereffe
( 181 )
confidérable ; la femme de charge , affife auprès
de la cheminée de fon office , dans laquelle il
n'y avoit que le feu fuffifant pour entretenir une
marmite , étoit feule & lifoit ; elle fut interrompue
par un bruit qui lui parut affez fingulieri
ceffa , & fa frayeur ceffa avec lui . Peu
de momens après , ce bruit recommençant & lui
paroiffant venir de la cheminée , elle s'en approcha
, & apperçut un feu , une flamme très - confi
dérable. Seule dans un château confié à fes foins ,
il eft aifé d'imaginer quelle fut fa frayeur . Sur
le champ elle donne l'alarme dans la baffe- cour ,
appelle du monde , & fait fonner la cloche de
la chapelle , pour affembler le voisinage. Dans
ce moment paffoit au bas de l'avant cour un
laboureur de la paroiffe de Louzenan , dont le
ma ître du château eft feigneur ; cet homme
accompagné de fa femme , conduifoit chez lui
huit vaches , qu'il avoit pris pour les påcager.
Afin de les mener plus commodément , il les
avoit couplées deux à deux au paffage d'un
petit foffé , une de ces vaches s'embarraffe dans
la corde de fa voifine , fe la paffe au col , & fit
tant d'efforts qu'elle s'étrangla . Cet honnête
laboureur étoit occupé à tâcher de dégager cette
vache , perte pour lui d'autant plus fenfible ,
qu'elle ne lui appartenoit pas , lorſqu'il eft frappé
à la fois par le fon de la cloche , les cris des
gens affemblés , la vue de la flamme : alors oubliant
fon propre intérêt , n'écoutant plus que
le cri de l'humanité , il quitte fa femme , court
& arrive au château tout hors d'haleine . On
étoit occupé à le procurer des échelles ; le danger
devenoit d'autant plus preffant , qu'un vent
d'eft rabattant la flamme fur la couverture , lincendie
pouvoit être général. Ce brave homme
accufant tout le monde de lenteur , ſe faifit d'une(
182
couverture mouillée , fe déchauffe , montefur la
galerie attenante au château , & , fans échelles
fans aucun fecours , fe crampone aux pierres
d'attente du pignon ; & , au grand effroi de tous
les affiftans , gravit & arrive fur la couverture ,
à près de 60 pieds de hauteur. Il fe traîne jufqu'au
pied de la cheminée , & là, avec la couverture
mouillée , il y pofoit une barriere au
progrès des flammes. On lui repréfentoit le danger
auquel il s'expofoit : n'importe , crioit - il ,
pourvu que je puiffe fauver le manoir de notre
bon feigneur , de notre doux maître : eh bien ,
fi je péris , j'aurai fait mon devoir ; il n'oubliera
jamais ma femme & mes enfans . Tout le monde
frémiffoit , lui feul étoit tranquille ; & aidé des
fecours qu'on adminiftroit d'en- bas , lui feul parvint
à éteindre la flamme. I defcendoit avec
prefqu'autant de péril qu'il étoit monté , puifque
ce fut par une échelle très élevée & prefque
perpendiculaire. Les pierres & les ardoifes lui
avoient mis les pieds & les mains tout en fang.
La vue du danger qu'il avoit couru parut luifaire
quelque impreffion ; on lui donna un verre
de vin qui le remit , & il fut rejoindre fa femme
& fes vaches , en fe félicitant de fon bonheur ,
d'avoir contribué à fauver le manoir de fon bon
maître. Il retourna dans fon village , & fembla
ne pas regretter la vache qu'il avoit perdue.
Dans le mois de Juillet le maître du château
revint dans fa terre , & apprit de tous les gens
ce beau trait. Le Recteur de cette paroiffe de
Lauzenan vint lui demander à dîner ; il fit des
informations fur le compte de ce brave homme ,
& apprit qu'il étoit auffi modefte qu'intrépide :
Jui - même n'avoit point parlé de fon action . Le
jour fut pris pour l'amener au château ; le maître
étant jaloux de lui témoigner fa reconnoiffance,
( 183 )
lui a affuré une récompenfe , toujours infiniment
au- deffous du mérite de l'action ; favoir , l'entier
remboursement du prix de la vache perdue , puis
une penfion de .... à lui & sux fiens en ligne
directe , à perpétuité.
Ce brave homme s'appelle Pierre CORBEL ,
il a une femme & plufieurs enfans ; il eſt âgé
d'environ quarante ans.
Le 14 Août , M. le Comte d'Oëls affifta
à Dijon à une féance extraordinaire & publique
de l'Académie .
M. de Morveau , Chancelier de l'Académie , a
ouvert la Séance par la lecture de fon quatrieme
Mémoire fur l'acide méphitique, dont l'objet étoit
de déterminer la puiffance diffolvante & les affinités
de cet acide . La Chymie doit une partie de fes
progrès aux Académiciens de Berlin . A cette occafion
, il eft remonté à la cauſe de fes progrès , a
fait obferver qu'ils font dûs à la protection qu'un
Monarque & des Princes Philofophes accordent à
ceux qui cultivent les Sciences.
M. Muret a fait lecture d'un Mémoire fur la
maniere de nourrir les enfans nouveaux - nés , auxquels
on ne peut pas donner des nourrices .
M. de Virely, qui l'année derniere a voyagé
dans le Nord , a lu des Obfervations d'Hiftoire
Naturelle qu'il a faites dans ce voyage : il a vu en
Weftphalie & fur les côtes de la mer Baltique ,
des lits de fable granitique & des blocs de même
genre de minéral , épars fur des tereins très - eloignés
des montagnes d'où ils ont pu être détachés ,
féparés même par de grands fleuves & par des
mers. Ces fables , ces blocs lui paroiffent des monumens
des révolutions que ce globe a ép ouvées
dans cette partie de l'Europe & de la formation de
la mer Baltique , à une époque poftérieure à celle
du déplacement de ces minéraux.
( 184 )
Cette lecture a été fuivie de celle de la partie
de l'Eloge de Vauban , par M. Carnot , dont les
détails relatifs à l'art militaire pouvoient intéreffer
M. le Comte d'Oëls .
La Séance a été terminée par un fragment d'un
Poëme de M. Baillot fur l'origine des Sociétés.
Les affiches de Touloufe rapportent la
lettre fuivante , écrite de Caftelnaudari , le
II de ce mois.
« Les ferpens infpirent une fi grande horreur
à la plupart des hommes , qu'on ne fauroit affez
confirmer l'efficacité des moyens qui s'emploient
pour remédier à leurs piquures. C'est dans cette
vue , que je rends public le trait fuivant , qui
s'eft paffé ces jours derniers . Le nommé Carden ,
mefureur de bled de cette ville , familiarifé avec
les ferpens & les viperes , crut faire parade d'intrépidité
, devant une nombreuſe aſſemblée , en
agaçant un de ces reptiles , qu'il tenoit dans
fes mains l'ayant porté dans fa bouche , il en
reçut plufieurs coups de dard à la langue. La
partie enfanglantée n'offrit d'abord qu'une fimple
piquure ; mais la douleur & le gonflement qui
en furent bientôt la fuite , lui firent fentir com .
bien il eft imprudent de fe jouer avec de pareils
animaux. L'accident étoit arr vé à 4 heures , & à
8 & demie , le malade refpirant à peine , ne
pouvant avaler , & encore moins parler , étoit
dans les mains du Vicaire de la paroiffe , qui
alloit lui adminifter les derniers fecours . Appellé
dans ce moment critique , je fis faire une forte
faignée . Je baffinai la partie affectée avec l'alkali
volatil fluor. Peu de temps après , le ma-
*Tade put en avaler 12 gouttes , mitiges dans
un demi-verre d'eau . On continua ainfi l'ufage
de l'aikali , de 4 en 4 heures. L'effet fut tel , que
( 185 )
le gonflement s'arrêta d'abord , & difparut par
gradation , au point que le malade reprit fon
travail le quatrieme jour. Le peu de fuccès de
la thériaque & des autres antidotes , qu'on avoit
employé d'abord , prouve combien l'alkali leur
eft fupérieur . Signé COFFINIERE , Maitre en
Chirurgie.
I
L'Expérience de MM. Robert eut lieu Dimanche
dernier aux Tuileries. Lorfqu'on tranfporta
la Machine fur l'eftrade , les cordes furent
tenues par M. le Maréchal de Richelieu , M. le
Maréchal de Biron , le Bailli de Suffren & le
Duc de Chaulnes. La Machine s'éleva à midi ,
emportant dans un char MM . Robert & M. Hullin
, leur parent. Ils ont toujours fuivi la direction
du vent, A 1 heure 50 min . on les perdit
de vue du haut du Donjon , où étoient placés les
Académiciens obfervateurs. Ils pouvoient être
alors à 12 ou 13 lieues au fud-eft des Tuileries.
Ils ont été apperçus à S. Juft en Picardie , &
nous apprenons dans l'inftant qu'ils font defcendus
fans aucun accident à 6 h. 40 min , du foir, au
château de M. le Prince de Ghiftelles , près Bethune
en Artois , à 50 lieues du point de leur
départ.
*
M. Blanchard vient d'apprendre à l'Univers
, par la voie du Journal de Paris , qu'il
étoit à Londres , d'où il partira , en traverfant
les courans , du 15 au 20 Septembre.
Quoiqu'il foit affezfatisfait de ſes ailes , cependant
il ne cache pas qu'il doit les changer.
Il previent au refte les vaiffeaux François ,
qui feroient fous voile , d'être prêts à le fecourir
, avis qu'on peut appeller la précaution
inutile , d'ailleurs , une quantité confidérable
de vaiffeaux Anglois ont été armés par l'Ami(
186 )
zauté , pour border les côtes , & aller au
large , le tout afin de fecourir les ailes de
M. B. Il fera , dit- il , accompagné de deux
Hommes célébres de l'Acad. de Londres ; apparemment
il veut dire la Société Royale.
M. B. finit par avertir fes lecteurs , que l'art
d'écrire lui eft étranger.
Le 7 de ce mois , le Chapitre Royal Noble & Séculier
de Laveine , Docete de Clermont en Auvergne,
érigé par le Roi fous la protection fpéciale
de la Rine , a reçu la décoration de la main de M.
l'Evêque de Clermont , repréſentant M. le Car
dinal de la Rochefoucault , Supérieur du Chapitre,
comme Abbé- Général de l'Ordre de Cluny . Cette
décoration confifte en une Croix d'or émaillée à
huit pointes , ornéed'une fleur- de- lys à chaque an
gle, fur le centre de laquelle de face eft le portrait
de la Reine en mignature , avec certe légende :
Marie Antoinette , Archiducheffe d'Autriche , Reine
de France , la Croix furmontée de la Couronne
Royale de France ; fur le revers , le chiffie de M.
le Cardinal de la Rochefoucault , auffi avec cette
légende Pietate & Nobilitate fundavit , 1782.
Cette Croix pend à un ruban bleu moiré , de deux
lignes moins large que celui de l'Ordre du Saint
Elprit.
Les Numéros fortis au Tirage de la .
Loterie Royale de France , le 16 de co mois,
font : 76 , 77, 53.61 , & 11.
PAYS - BAS.
DE BRUXELLES , le 20 Septembre,
Le Gouverneur - Général de cet. Etat
rendu le 19 du mois dernier, une Ordonnance
, qui permet l'exportation des lins.
Plus récemment , il vient d'être publié une
$
2
( 187 )
Déclaration de S. M. , concernant les libelles.
& écrits féditieux . Pour qu'on puiffe comparer
ce Réglement avec la Police emploiée
dans les autres Etats , en voici la teneur.
Sa Majesté étant informée , qu'on a répandu
fucceffivement dans le public des brochures fur
le projet d'une prétendue impofition de 40 pour
cent à établir fur les terres , dans lesquelles , en
vure d'inquiéter les habitans du Pays , on infinue
infidieulement que cette impofition feroit réfo
lue , tandis cependant qu'il n'a jamais été queſtion
de pareilles opérations pour ces Provinces; que d'un
autre côté , l'on s'apperçoit que depuis quelque
temps les libelles diffamatoires , les écrits fatyriques
& ceux qui ont pour but d'échauffer l'imagination
des peuples , & de tout attaquer fans
ménagement , fe multiplient de plus en plus dans
les Pays - Bas ; elle a , de l'avis de fon Confe
privé , & à la délibération des Séréniffimes Goue
verneurs--Généraux des Pays - Bas , ordonné & or
donne , que l'Edit du 12 Février 1739 , concernant
les libelles & écrits fatyriques , diffamatoires
ou féditieux , foit republié à la fuite de la préfente
Déclaration ; chargeant les Confeillers Fic
caux & autres Officiers de Juftice de veiller à
fon exécution , de faire les perquifitions les plus
exactes pour découvrir les auteurs , imprimeurs
& diftributeurs de pareils libelles , & de les pour
fuivre fans délai en Juftice , pour les faire condamner
aux peines comminées par cet Edit ;
enjoignant auxdits Confeillers Fiscaux d'agir
charge des Officiers de leur reffort qui commettroient
quelque négligence à cet égard , pour
Jes en faire punir felon l'exigence du cas .
Sa Majesté déclare au furplus , que lorfque
fuivant les difpofitions de cet Edit , il n'échoira
( 188 )
à charge des délinquans que la peine de banniffement
& de la confiſcation d'une partie de leurs
biens , ils encourront en outre un amende de
mille écus , & qu'au défaut d'acquitter cette amende,
ils feront enfermés pendant cinq ans dans une
prifon ou maison de force.
Ceux qui dénonceront les auteurs , imprimeurs
& diftributeurs des libelles ou écrits fatyriques
diffamatoires où féditieux , de maniere qu'ils en
puiffent être convaincus en Juftice , auront une
récompenfe de mil e florins , & les complices ,
qui cependant ne teront point les auteurs mêmes
de ces libelles ou écrits , jouiront également de
cette récompente & de l'impunité de leur délir.
Mande & ordonne S. M. a tous , ceux qu'il peut
appartenir de fe régler & conformer felon les peines
portées par l'ordonnance du 12 Février 1739 ,
qui font celles du dernier fupplice & confiscation
desbiens , à charge de ceux qui auront ofé compofer
ou répandre , vendre ou débiter quelques libelles
ou écrit qui attaquent aucuns points de notre
fainte Religion , ou fent contraires au bien & à
la tranquillité publique , à nos Hauteurs & Sou
verainetés , ou notre Gouvernement
:
M. Leftevenon de Huferswoude eft revenu
dans cette ville , pour y continuer les négotiations
commencées avec notre Gouvernement.
La réfolution de Leurs Hautes Puiffances
fur la derniere demande de l'Empereur
, n'a été que provifoire ; refte à connoître
les fentimens des Provinces refpe tives .
Les Erats Généraux ayant donné connoiffance
de ce qui fe paffe à la Cour de France
, M. de Berenger , chargé des affaires de
ceite Monarchie auprès de LL. HH, PP.
( 189 )
leur a remis la réponſe de S. M. T.. C. ,
conçue en ces termes :
Le Roi a reçu avec fenfibilité la communication
que les Etats - Généraux lui ont donnée du
Mémoire remis aux Plénipotentiaires Hollandois
à Bruxelles le 23 du mois dernier , & S. M.
juge ne pouvoir mieux répondre à cette nou
velle marque de confiance de la part de LL.
HH . PP. qu'en continuant d'employer fes offices
conciliatoires auprès de S. M. I.
Mais Sa Majesté ne doit point diffimuler à
LL. HH. PP. que fes démarches ne pouront être
efficaces , qu'autant qu'elles feront accompagnées
d'ouvertures propres à fervir de bale à un arrangement
d'une convenance réciproque. Ainfi
Sa Majesté croit devoir propofer à LL. HH.
PP. de chercher les expédiens propres à remplir
cer objet. Et fi LL. HH. PP. veulent bien
les lui communiquer , elle fe fera un véritable
plaifir de les porter à la connoiffance de S. M.
1. & de faire ufage de tous les moyens que les
liens qui l'uniffent à ce Monarque , pourront lui
fournir , pour l'engager à les prendre en confidération.
Dans l'état actuel des chofes , le Roi croiroit
trahir fon amitié pour la République & l'intérêt
qu'il prend à fa tranquilité , s'il n'exhortoit pas
LL. HH. PP. à perfifter dans la jufte modération
qu'elles ont montrées juſqu'à préſent , & à
s'abftenir de toutes démarches qui pourroient
bleffer la dignité de l'Empereur & qui ne ferviroient
qu'à éloigner la conciliation qui fait
l'objet des voeux de LL. HH. PP. comme de
ceux de S. M, I.
*** L'on apprend , que fur la réſolution prife le
30 Août par les Etats Généraux , au fujet des demandes
de S. M.I. , M. le Comte de Belgiojofo a
( 190 )
déclaré aux Plénipotentiaires de la République ,
que l'Empereur perfifloit de plus fort dans fes
réfolutions , & qu'il regarderoit comme une déclaration
de guerre , le premier coup de canon
tiré du fort de Lille fur les navires Impériaux.
On rapporte le trait fuivant du nouvel
Evêque de Liege , Comte de Hoensbroeck.
Parmi une foule d'Artifans qui follicitoient le
nouveau Prince de vouloir les employer au fervice
de la Cour , fe trouva fon ancien menuifier.
Admis à l'Audience , cet honnète Ouvrier
expofa fa demande : Non , bon Vieillard , repliqua
S. A. avec un fung- froid affecté , vous êtes hors
d'état de me fervir ; il faut que je me poūrvoie ailleurs.
Le vieillard , pétrifié par ce difcours , s'écria :
Je n'aurois jamais cru que M. le Comte de Heenfbroekpûtfirst
changer. Les yeux mouillés de pleurs,
il prend le chemin de la porte. Le Prince voyant
fon embarras , chargea fes domestiques d'offrir
au Menuifier des rafraichiffemens dans l'antichambre.
Ce fut- là que le bon vieillard s'abandonna
à la triſteffe , croyant n'avoir d'autres témoins
que les domeftiques. Je fuis , difoit- il, vieux ,
il eft vrai , ma s j'ai toujours employé des jeunes gens
robuftes , dont mes foins ont dirigé le travail. L'Evêque
ayant prêté une oreille attentive à fes plaintes
, rappella ce Menuifier : Cela ne peut avoir lieu
ajouta ril , bon homme ; vous êtes tout - à - fait hors
d'état. Il me semble pourtant , après avoir ſervi
V. A. pendant un fi long espace de temps ! C'est
précisément cela , interrompit le Prince généreux ;
vous m'avez fervi long-temps avec fidélité , c'eſt mon
tour de vous rendre fervice . Votre âge exige du repos
; Je viens de vous affigner une penfion pour le
refte de vosjours ; en vous procurant le néceffaire , elle
vous exempiera du travail . Și cette penfion n'étoirpas
( 191 )
Suffifante , fouvenez-vous que le Comte de Hoensbroek,
élevé à l'Epifcopat , n'a pas changé defaçon de penjers
adreffez vous à lui.
44 GAZETTE ABRÉGÉÉ DES TRIBUNAUX.
Caufe entre le fteur B ... de G... Capitaine des
Vaiffeaux du Roi , & la Dame fon Epoufe .
Séparation de corps.
La Jufice ne le détermine que très - difficilement
& à la derniere extrémité , s'il eft permis
de le dire , à prononcer fur les demandes en féparation
, tant qu'elle peut eſpérer de voir revivre
, entre deux époux , une union qui n'au-
Toit jamais dû s'altérer ; elle fufpend une décifion
toujours fâcheufe pour les deux Parties , quelle
qu'elle puiffe être. C'eſt par ces motifs que les
Magiftrats ordonnent fouvent qu'avant faire droit,
Ja femme fe retirera , pendant quelque temps ,
dans un Couvent , où le mari aura la liberté de
Ja voir. Après l'expiration du terme , ils examinent
encore la Crufe ; ils mettent dans la badance
la nouvelle conduite des deux Parties , &
prononcent définitivement fur leurs prétentions.
C'est le parti que la Cour a pris dans l'affaire
que nous indiquons. Le Sr. B ... des G …….
Capitaine des Vaiffeaux du Roi , âgé de 42 ans
a épousé , le 19 Décembre 1781 , la Demoifelle
Marie-Henriette de R ... , fille d'un Oficier de
Marine , âgée de 19 ans. Les deux époux ,
fuivant leur contrat , fe font mariés avec tous
leurs droits & prétentions , qu'ils ont évalués
pour chacun à 24000 liv. , le futur y fait à la
Demoiselle de R ... une donation en propriété
de tous fes biens , donation qui fera réductible au
fimple ufufruit , en cas de furvenance d'enfans .
-Tel paroît être le fens de la claufe , qui d'ailleurs
eft rédigée d'une maniere très obfcure .
#
Les Sr. & Dame B... des G ... nt reftés à
( 192 )
---
-
Breft chez les Sr. & Dame de R .... , pere &
mere de la Demoiſelle , depuis la célébration du
mariage jufqu'au 3 Février fuivant , c'est- à- dire
pendant fix femaines ou environ . Il paroît
qu'à cette époque le fieur des G... eft forti de
cette maifon. Quelle a été la caute de ſon départ
? C'eft fur quoi les Parties ne font pas d'accord.
La Dame des G ... prétend qu'elle a été
maltraitée par le fieur des G ... preique tous les
jours , & qu'une fcene plus violente que les autres
, qui fe paffa le 2 Février , obligea le fieur
des G. à prendre fon parti , & les fieur & dame
de R ... à lui interdire leur maiſon.- Le fieur
des G ... prétend , au contraire , qu'il ne fe retira
que parce qu'on lui avoit fait entendre que
Cette marque de déférence appaiferoit la Dame
des G ... qui , cependant , n'avoit aucun motif
réel d'être irritée contre lui . Quoi qu'il en
foit , il y a eu entre les deux époux une correfpondance
, de laquelle il femble réfulter que la
femme fe plaignoit , & que le mari avoit des
torts.. Celui - ci paroît confentir à une ſéparation
volontaire ; il a fini par s'y refuſer , & la Dame
des G... a formé une demande en féparation ..
Une Sentence du Bailliage d'Angers a admis la
Dame des G ... à la preuve de fes faits , & l'enquête
a été faite . Le fieur des G ... a interjetté
appel de ce Jugement . Arrêt du 27 Mai
1784 qui , avant faire droit . a ordonné que la
Dame des G ... feroit tenue de fe retirer , pendant
deux ans , dans un Couvent d'Angers , ou
le fieur des G ... auroit la liberté de la voir ;
qu'il feroit tenu de lui remettre toutes fes hardes ,
effets & meubles à fon ufage ; de lui avancer
2000 liv. pour les frais du voyage , & annuellement
4000 liv , pour icelui temps paffé , être
par la Cour ordonné
Qualité de la reconnaissance optique de caractères
Soumis par lechott le