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1783, 07, n. 27-30 (5, 12, 19, 26 juillet)
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JOURNAL DE LA LIBRAIRIE.
LIVRES NATIONAUX précédés d'un abrégé de géogra-
L'Amour à la redoute , Poëme phie : 1782. 2 vol . in 83, br. 12l.
en denx chants , par M, de Lan- A Dijon ; chez l'Auteur , places.
xale. A Paris , chez la dame Ef- Fiacre , Ne, 989 ; chez Frantin,
prit, au Palais Royal. Impr. du Roi ; & le trouve à Pa
ris , chez Théoph . Barrois , Dr.
quai des Auguftin , & Moward ,
Libr . Impr. rue des Mathurins.
Catéchifine de morale , fpécialement
à l'ufage de la jeuneffe ,
contenant les devoirs de l'hom
me & du citoyen , de quelque religion
& de quelque nation qu'il |
foit : in 12, 1 , 19. A Paris, chez
Lambert & Baudouin , imp.- Libr.
ruedela Harpe, prés S. Côme,
Difcours en vers , fur la néceffité
du dramatique & du pathétique
en tout genre de poefie ; par
M. le Blanc: br. de 16 pag 12f.
A Paris , chez Deffenne , Lib. qu
Parais Royal.
Précis hiftorique de la ville de
Meifing , de la Sicile , & c. I vol,
in 12. de 120 pag. avec le plan
tophographique de Melline, br.
1 liv. 4 C. A Paris, chez Cailleau,
Libr.- Impr. rue Galande.
le
Rapport de MM. Cofnier
Maloet , Darcet , Philip
Preux , Defeffartz & Pauler
Doeurs-Régeus de la Faculté
de Médecine de Paris , fur les
Faftes juifs , romains & fran - avantages reconnus de la nouvelçois
, on Elemens pour le cours le méthode d'aduriniarer l'élec
d'histoire du college de Dijon ; Itricité dans les maladies nerveu--
fes , particulièrement dans l'épiepie
& dans la catalepfie ; par
M. Ledru , connu fous le nom
de Comus ; lu à l'affemblée de
cette faculté , dite du Prima
menfis , tenue au mois d'Avril
dernier.
Suite des Ouvrages de Géographie
qui le trouvent chez
Deinos , Ingénieur-Geographe ,
rue S. Jacques.
I
L'Italie reformée , ou nouveau
Plan de gouvernem développé ,
trad . de l'I alien : br. 1 liv .
Recherche fur le vrai imoyen
perfectionner & régler les penduies
; par M. Diderot : in- 8 °. br.
2 liv .
de Ce rapport eft précédé de l'apperça
du fyème de l'Auteur fur
l'agent qu'il emploie, & des avantges
qu'il en a tirés ; imprimé
par ordre aux frais du Gouver Tableau & Idée générale de
rement: in-8 . de 115 pag . A l'histoire de France , par Maclot :
Paris , de l'Impr. dePh.-D. Pier- rel . en veau , 2 liv. 10 fols.
res , Impr. Ord. du Roi , & de la Almanach hiftorique & géo-
Police , &c. rue S. Jacques ! - graphique , compofé de toutes
Recueil de pièces concernant les cartes de l'Europe : 2 vol . rel .
les exhumations faites dans l'en- en maroq. 18 liv.
ceinte de l'églife de la ville de Almanach géographique , pe-
Dunkerque , imprimé & putit Atlas élémentaire , ea 32 carbiré
par ordre du Gouvernement: tes générales : I vol. maroq . 121.
a Paris, de l'Imp. de MONSIEUR.
Théâtre de M. de la Place ,
contenant Venife fauvée; Adèle
de Ponthieu ; Jeanne Gray &
Polixène ; nouv. édition . A Paris
, chez Barrois aîné , Libr. quai
des Auguftins.
AVIS.
Suite des livres que Barrois le
jeune , Libr . quai des Auguftins ,
a aequis du fonds de M. P. Fr.
Didot le jeune ;
Onaniime, Differtation fur les
maladies produites par la maftur
bation ; par M. Tiffot : in- 12.4
iv. 1o fois.
Traité des nerfs & de leurs
smaladies ; par le même ; 6 vol ,
in- 12. 15 liv
Traité de l'épilepfie ; par le
aême : in-12. 3 liv.
Confultations choifies dans plu-
Almanach & petit Atlas , compofé
de toutes les provinces &
gouvernemens de la France : marequin
, 12 liv.
Idée générale de la géographie
& de l'hiftoire moderne : par M,
Maclót: maroq. 6 liv.
Almanach du voyageur, cu Indicateurfidèle,
qui enfeigne toutes
les routes de France : maroq,
liv.
Almanach topographique de
tous les lieux & promenades des
environs de Paris , en 16 carres
enlum . s liv.
Almanach , l'Enfant géogra
phe , ou Introduction à la géographie
, par demandes & par réponfes
, avec fig , enluminees : 6
livres .
Almanach iconologique , hiftorique
& chronologique des
feurs Médecins célèbres de l'U- Rois Mérovingiens , & portraits :
niverfité de Montpellier , fur des 30 fig. enlum . 9 liv.
maladies aigues & chroniques ;
10 vol. in 12.30 liv.
Médecine vétérinaire ; par M.
Vijet : 3 vol . in 8º . 21 liv.
ARRET S.
Arrêt du Confeil d'Etat da
Roi , du 2 Mai 1783 , portant défenfes
aux propriétaires des éta-
Matière médicale réformée , bliffemens de commerce qui auou
Pharmacopée médico chirurront obtenu des priviléges ou en
gicale ; par le même ; in-4° . 1 3 1. couragemens pécuniaires , de
MERCURE
DE FRANCE
.
( No. 28. )
SAMEDI 12 JUILLET 1783 .
A PAR I S.
JOURNAL DE LA LIBRAIRIE.
auront négligé de les faire retirer
d'ici à la fin de l'année couráare,
épeque à laquelle l'ouvrage fera
entièrement achevé.
LIVRES NATIONAUX.
Abrégé d'anatomie , à l'ufage
des élèves en chirurgie dans les
écoles royales de la Marine ,
ainfi que de tous ceux qui cu'ti- Délaffemens de l'homme fenvent
cette fcience : 2 vol. in- 12 , fible, ou Anecdotes diverfes; par
A Paris, chez Méquignon aîné ,
Libr. rue des Cordeliers.
Cérémonies & coutumes religieufes
de tous les peuples du
monde huitième livra fon . A
Paris, chez Laporte , Libr, rue
des Noyers.
:
M. d'Arnaud : tome I , feconde
partie. AParis , chez l'Auteur , rue
tas Poftes , près l'Eftrapade ; &
chez la veuve Ballard & fils, Impe
rue des Mathurins .
On trouve aux mêmes adreffes
Les Nouvelles hiftoriques ; par
Les Libr. ainsi que les Particu- M. d'Arnaud , tome 1II.
liers qui ont fouferit pour l'ou- Mémoires concernant l'hiftoivrage
intitulé : Cérémonies & re , les fciences , les arts , les
Coutumes religieufes de tous les moeurs , les ufages, & c. des Chipeuples
du monde, font inftam- nois ; par les Miffionnaires de
ment priés de faire retirer le plu- Pékin : tome IX, in- 4º. br. 10 l.
tôt poffible les livraifons qui ont 12 fol . rel . 12 liv. A Paris , chez
paru . Le Libraire ne répond pas Nyon l'alné, Libr. rue du Jardinct.
de fournir les fuites à ceux qui Les Enfans élevés dans l'ordre
de la nature , ou Abrege de l'hit- : Vile & morale de Bordeaux ; par
toire naturelle des Enfans du pre- M. de Ladebat , Directeur de
mier âge , à l'ufage des pères & l'Académie : in -4°. de 28 pag. A
mères de famille par M. de Bordeaux , chez Michel Racle ,
Fourcroy : nouv. édit. revue & Impr. rue S. James.
augm. br. 1 liv. 15 f. rel . 2 1. 5 f.
A Paris , chez Nyon l'aîné , Libr.
rue du Jardinet.
Explication d'un paffage des
Epidemies d'Hippocrate : br. in
3.1 1.4 f. A Paris , chez Hardouin
, Lib. rue des Prêtres Saint
Germain l'Auxerrois.
Nouveaux principes d'artillerie
de Benjamin Robins , commentés
par M. Léonard Euler,
traduits de l'Allemand , avec des
notes ; par M. Lombard , Profeffeur
royal aux Ecoles d'Artil
lerie à Auxonne : in- 8 °. br . 6 1 .
tel. 7 liv, A Dijon , chez Frantin,
La Thébaïde de Stace , trad. Impr. du Roi ; & fe trouve à Panouvelle
; par M.l'Abbé Cormi- ris , chez Jembert fils ainé , Libr.
liolle vol in- 12 . br. 7 liv. 10 f. du Roi, rue Dauphine.
Chez le même.
De la Monarchie françoiſe, ou
AVIS.
Avis à tous les Scufcripteurs
de fes Loix ; par Pierre Chabrit ; de l'Encyclopédie in-fol.
Confeiller au Confeil fouverain On a publié en 1777 & 1778
de Bouillon , & Avocat au Par- un Supplément à toutes les édilement
de Paris : tome I , in- 12 . tions de l'Encyclopédie in -fol.
A Paris , chez l'Auteur , rue des compofé de 4 vol. de difcours
Foffes de M. le Prince ; Mérigot & d'un vol . de planches . On peut
jeune , Libr quai des Auguftins s'adreffer , poui fe le procares, à
Paris , chez Laporte Libr. ne
des Noyers.
Relin, Libr. rae S. Jacques.
Recueil de fecrets sûrs & expérimentés
, à l'ufage des Artiftes ;
par M. Buc'loz , Auteur de dife
férens ouvrages économiques :
feconde édit. confi . aug. tome I ,
in- : 2. A Paris , chez l'Ateur , rue
de la Harpe.
On trouve chez le même la table
analytique des matières de ce
grand ouvrage : 2 vol . in fol.
Nyon l'aîné , Libr. rue du
Jardinet , vient d'acquérir ce qui
refte de l'édition de l'Honneur
Defcription de l'école de la vi- François ; par M. de Sacy : 8 vol.
fion , ou Cours fur le livre du in- 12 . 24 liv . Il s'occupe actúeilemicroſcope
moderne,avec lequel ment à faire imprimer les tris
on fe connoît au vrai , & la terre derniers vol. faifant fuite à cet
qu'on habite ; par M. Charles cuvrage : ils contiendront les
Rabiquau , Avocat en Parle- traits de valeur de la Nation
ment, privilégié du Roi pour Françoife dans le nouveau montous
fes ouvrages & expériences de , depuis fa découverte jufqu'à
pliyfiques & mechaniques:in- 8 . l'époque de la dernière guerre.
de 16 p. 1 liv. 4. A Paris , chez Il vient auffi d'acquérir le refte
Auteur , rue du Colombier , la des exemplaires de l'Odiffée
porte cochère à côté du Buralifte ; de M. de Rochefort : 2 vol. in-
& à fon Cabinet , vis- à vis l'an- 8 °. 12 liv. On trouve ouffi chez
sienne Comédie Françoife , au- le même Libr. l'Ilyade , du
deffus du Buralifte. même Auteur , 12 liv. I refte
Difcours prononcé à l'ouver- encore de ces deux ouvrages
turede la première affemblée pu- quelques exemplaires grand pablique
de l'Académie de peintu- pier , chacun is liv.
ze , ſculpture & archite&ure ci- Suite des livres que Barrois le
MERCURE
DE FRANCE.
( No. 29. )
SAMEDI 19 JUILLET 1783 .
A PARIS.
JOURNAL DE LA LIBRAIRIE.
LIVRES NATIONAUX. Defcription des projets & de la
Anacreon en belle humeur , ou conftruction des ponts de Neuilly,
les petits Soupers de Vénus, fixiè de Mantes , d'Orléans , & autres ;
me partie du plus jəli Chanfon duprojet du canal de Bourgogne
nier françois, élite des ineilleures pour la communication des deux
chanions , romances , vaudeviliners par Dijon , de celui de la
les , & c. des Auteurs les plus conduite des eaux de P'Yvette &
connus en ce genre : br. 1 liv. de Bievre à Paris ; par M. Perro-
&port franc pour la Province 1 1. net, Chevalier de l'ordre du Roi ,
4 fois, fon Architecte , & premier Ingé
On diftribue avec cette broch.nieur pour les ponts & chauffées,
la table alphab. des chaufons con- de l'Académie royale des Sciences
tenues dans les fix premières part. de Paris , & c . 2 vol. in-fol. atlas ,
de ce Chanfonnier. A Paris , ornés de 67 pl. en feuilles 144 l.
chez Defnus , Libr. rue S. Jacques. br. en cast. 153 liv . A Paris , de
On trouve chez le même la Impr. Royale ; & le trouve chez
Carte de l'empire des Turcs en Jombert, fils aîné , Libr. rue Dau
Europe,fubdivifée fuivant l'éten- phine ; & che Jombert le jeune ,
due de les gouvernemens , & où Libr. même rue.
fe trouvent la Tianfylvanie , la Dictionnaire militaire de Fran-
Valaquie , la petite Tartarie , ce ; par M. de Combles , Officier
&c. prix iliv. s fols. d'Infanterie : in- 8° . à 2 col. 9 I.
1
A Paris , chez l'Autoar , ræe Ja- ]
cob , no. 41 .
OEuvres complettes de Saurîn
de l'Académie Françoife : 2 vol.
On fouferit maintenant par in-8 ° . avec le portrait de l'Aufoumiffion
de prendre l'ouvrage teur , br . S liv. rel. 10 liv. A Pa
qui contiendra le détail des ferris , chez la veuve Duchefne , Libr.
vices de plus de 18,000 Officiers , rue S. Jacques.
& les Militaires retirés ou licenelés
, qui voudront y être compris
, font priés d'envoyer , franc,
Férat de leurs fervices , date par
date , grade par grade , & leurs
foumitions en même-temps que
lear Mémoire. Les Lib. pourront
envoyer aui leur foumiffion.
On fépare le tome II pour
completter l'édition précedente :
en broch , feulement , 3 liv.
Euvres fpirituelles & paftorates
de M. L. Carrelet ; feconde
édition revue & mife en ordre
par l'Auteur , Dijon , 1780 , 6
vol in-12. rel. 21 liv.
Etat de la France , contenant OEuvres fpirituelles & paftorale
Clergé, la Nobleffe & leTiers - les du même Auteur : tomeVII.
Etat : Recueil des devifes héral- in - 12. en feuilles , z liv. 10 fols.
d ques; par M. le Comte de W...
de M. de Combles , Officier
id Infanterie : in 12. 1 liv. 16 fols .
A Paris, chez l'Auteur , rne Jacob ,
2. 43.
Ce volume fert à completter
les fix premiers volumes de la
premiere edition. A Paris , chez
Théophile Barrois , Libr. quai des
Auguftins.
On fouferit maintenant par
Recherches für la nature & beep
foumiffion de prendre la fuite de traitement de la fièvre puerpera
cet ouvrage qui fera in- 8 ° , à rai- le , oa inflammation d'entrailles
four de 4 livres 12 fols le volume. des femmes en couches ; par M.
Hitoires édifiantes , pour fer- de la Roche , Docteur en Médevir
de lecture aux jeunes perfon- cine : 1783 , br. 2 liv . 8 fols . A
nes de Fun & de l'autre fexe : Paris , chez Didot jeune , Libr.
nouv. édit. mife en ordre, & con- quai des Auguftins.
fidérablement augment.; par M.
On trouvera chez le même
Collet , Prêtre de la Congréga- Libr. Panalyse du fyſtème nertion
de la Million , Docteur en veux , du même Auteur , 2 vol.
Théologie : in 12. de 464 p. rel . in- 8 . br. 7 liv. 4 f.
3 liv. A Paris , chez la veuve Du
chefne , Libr. rue S. Jacques.
>
Tableau généalogique , hiftorique
, chronologique , héral
dique & géographique de la Nobleffe
de France ; premières part.
pour les provinces de Picardie
Champagne , Flandre & Artois ;
par M. de Combles , Officier
d'Infanterie : 1 val. in-8° . 4 liv.
12 (. A Paris , chez l'Auteur, rue
Jacob , nº, 41.
Hiftoire Universelle depuis le
Commencement du monde jufqu'à
préfent , compofée en Anglois
par une fociété de Gens de
Lettres, nouvellement traduite en
François par une fociété de Gens
de Lettres ; enrichie de figures &
de cartes. Tome LV , formant
k XV. de Hift. Moderne , &
contenant la fuite de l'Hift . du
Japon , & partie de l'Hiftoire du
commerce & des établiffemens
des Européens dans les Indes
orientales : in- 8° . A Paris , chez cripteurs.
Moutard , Imp. Libr. rue des
Mathurins.
On fouferit maintenant par
foumiffion de prendre l'ouvrage
qu'on mertta fous preffe à la fin
du mois d'Août . Il n'y aura des
exemplaires que pour les Sous-
AVIS.
Livres nouveaux que Piffor,
MERCURE
DE FRANCE .
( No. 30. )
SAMEDI 26 JUILLET 1783 .
A PARIS.
JOURNAL DE LA LIBRAIRIE
LIVRES NATIONAUX.
Effai d'un tableau hiftorique
des Peintres de l'école françoife ,
depuis Jean Coufin , en 100 ,
juiqu'en 1783 inclufivement ;
avec le catalogue des ouvrages des
mêmes maitres qui font offerts à
préfent à l'émulation & aux hommages
du Public , dans le falon
de la Correfpondance : -4 ° . de
40 pages , br. liv . 4 fol . A Paris,
horel Villayer , rue S. André-des- ,
Ares ; & chez Knapen & fils, Libr.-
Ampr. aubas du pont S. Michel.
Hiftoire géographique , phyfique
, naturelle & civile de la Hollade
; par M. Lefrancq de Berlkly
: 4vol. in- 12 . g. 12 livres.
A Paris , chez Nyon l'aîné, Libr.
sue du Jardinet.
vrage où on veit l'origine des
foriétés , le développeme des
arts , & un nouveau plan d'éducation
& de légiflation ; par M.
Grivel , des Académies de Dijon
& de la Rochelle : 4 vol. in -12
avec 8 gravures , br. 7liv. 4 fols.
A Paris , chez Moutard , Inter-
Libr, rue des Mathurins.
Théorie de l'éducation; uvrage
utile aux pères de famille
& aux inftituteurs; par le mêne:
3 val. in- 12 rel. livres . Chez be
même.
Hiftoire de la république romaine
dans le cours du feptième
fiècle , en partie traduité du latin
fur l'origine ; en partie rétablie
ou compofee fur lesfiagmens qui
font refés de fes livres perdos ,
L'Ifle inconnue , ou Mémoires remis en ordre dans leur pace
du Chevalier des Gatlines ; ou- vérmable , ou la plus viaïcımbiable
, 1777 , vol . in-ą , rel. 54 18' &e, qui le trouvest chez 1 béo-
Ports , chi Théophile barrois , pare Barrois , Lib . quai des Au-
Libr . quai des duguflins. grins.
AVIS.
Avisconcernant les livres
de areillés.
Precis des maladies chroniques
& aigues, contenant i hificire des
maladies, la manière de les traiter
d'apies les plus célebres Médecins
avec des remarques trèsintéteffantes
pour la pratique ;
par M. Diaclot : 2 vol. 7-12, 4 1.
10 fols.
1
Effai des effets de l'air fur le
corps humain , trad. de l'anglois
d'Arbuthnot ; par Boyer de Prebandier
: n. 12. 2 liv. ie fol .
Les preinières Feuilles des demandes
n'ayant pas été bien faifies,
& quelques autres difficultes
inattendues ayant empêché de fatisfaire
à certains Numéros , Fé
til , Libr, rue Mazarine , è qui il |
fauts'adrefer, pour fatisfaire plus
partientièrement les demandeurs ,
vientd'augmenter ce nouvel éta
bliflement , & offre à tous ceux Traite des maladies de la peau,
qui fe fe font fait enregistrer, de par Turner , trad . de l'anglois
repéter les articles ron -trouvés , par Boyer de Prebandier : 2 vol.
fans qu'ils foient tenus de repayer in- 12.5 liv.
le droit d'enregiftrement. " On
pourra en tout temps les faire
répéter unefeconde fois fans frais,
ARRET S.
Arrêt du Confeil d'Etat du
Rei , du 29 Mai 1783 , qui fait
Les perfonnes qui n'ont pas defenfes à tous adjudicataires des
encore retiré les derniers vol . bois qui peuvent servir à l'approdu
Dictionnaire univerjel des vifionnement de la ville de Paris,
Sciences , & mis en ordre & de convertir en charbons ceux
pubilé par M. Robinet , font provenans de leurs exploitations ,
priésde le faire au plus tôt , par de fix pouces de tour & au-deffus,
ce qu'on va mettie le refte des qui feront débités en bois de
exemplaires en corps complers , corde . A Paris , de l'Impr. Roy.
& qu'alors il fera difficile d'avoirdes
volumes fepares. Cet ouvrage
, formant 30 vol , -4 , fe
wend à Paris , chez l'Editeur , rue
dela Harpe , à l'ancien College
de Bayeux,
Moutard , Impr. Libr . ruedes
Mathurins , vient d'acquérir de
M. Parckoucke les Mémoires
des Académies des Sciences & de
elle des Inferiptions , format
27-13. Il avoit acquis précédemment
le format in-4°.
L'Académie des Inferiptions
in-4° . eft en 41 vol .
La même in-12 eft en roo vol.
favoir, 19 de l'Histoire , & 81 des
Mémoires,
La dernière année qui a paru
de l'Académie des Sciences in 4 .
eft 1779 , & de l'ın - 12 . 1978 .
Saite des livres de médecine,
i
Edit du Roi , donné à Vertail
les au mois de Février 1783 , tegiftré
en la Chambre des Comptes
les Mai audit am, qui éteint
& fupprime, à compter de Pexercice
de la prefente année 1783 .
les offices des deux Contrôlcers
du Tréforier Payeur des gages
du Parlement de Paris ; des deux
Contrôleurs du Receveur &
Payeur des gages de la Cham
bre des Comptes de Paris ; des
trois Contrôleurs du Receveur
Payeur des gages de la Cour des
Aides de Paris ; des quatre Contrôleurs
du Treforter Général des
ponts & chauffées , & des deux
Contrôleurs des Receveurs des
tailles , ou Receveurs particuliers
des financos de l'élection de Paris.
A Paris, chez Cellot , "Libr
Impr, rue des grands Auguflins,
Jer . 133
MERCURE
DE FRANCE
DÉDIÉ AU ROI ,
PAR UNE SOCIÉTÉ DE GENS DE LETTRES ,
CONTENANT
Le Journal Politique des principaux événemens de
toutes les Cours; les Pièces fugitives nouvelles en
vers & en profe ; l'Annonce & l'Analyse des
Ouvrages nouveaux ; les Inventions & Décou
vertes dans les Sciences & les Arts ; les Spectacles,
les Caufes célèbres ; les Académies de Paris & des
Provinces ; la Notice des Edits , Arrêts ; les Avis
particuliers , &c. &c.
SAMEDI S
JUILLET 1783 .
A PAR.IS ,
Chez PANCKOUCKE , Hôtel de Thou ;
rue des Poitevins .
Avec Approbation & Brevet du Roi.
TABLE
Du mois de Juin 1783 .
PIÈCES IECES FUGITIVES .
Quatrain ,
Le Buveur d'eau , Chanfon, 4
& particulièrement des
Princes , 116
136
Traduction nouvelle des aumes
,
Epure à Zulmis ,
61 vres de Virgile , 177
62 Contes en vers,
188
102 SPECTACLES .
A M. Lavoifier ,
Vers à M. François ,
Mes Spécifiques ,
Pyramme & Thisbé ,
St- Ange ,
Réponse aux Vers de M. de Acad. R. de Mufiq. 45 , 96
89, 193
99
140
156 Concert Spirituel ,
Comédie Françoife ,
Comédie Italienne ,
VARIÉTÉ S.
Réponse de la Comédie Franfoife
àla Lettre de Mme Mignot
du Vivier ,
Lettre de M. Dupuis au Rédacteur
du Mercure , 85
Lettre au Rédacteur du Mercure
, 150
54
A M. Dumont , Peintre de la
Reine , 159
Georgette & d'Orly, Conte, 160
Charades , Enigmes & Logogryphes
, 7 , 66, 115 , 175
NOUVELLES LITTÉR
Reflexion de Machiavel fur la
première Décade de Tite
"Live ,
Nouvelle Bibliothèque de Société
, 23
Mémoire Phyfique & Médicinal,
&c.
Jeanne de Naples , Tragédie , Annonces & Notices , 56 ,
9
28
66
Effaifur l'Éducation des Hom-
Lettre fur les Mélanges tirés
d'une grande Bibliothèque ,
196
103 , 151 , 199
BIBLIOTHECA
REGIA
MONAGENSIS.
A Paris , de Imprimerie de M. LAMBERT & F. J.
BAUDOUIN , Ive de la Harpe , près S. Câme .
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI S JUILLET 1783 .
PIÈCES FUGITIVES.
EN VERS ET EN PROSE.
VERS à M. DE LA HARPE , en fortant
de la repréſentation de Philoctète.
Q U E tu m'as fait verfer de pleurs !
Comme ton Philoftète eſt touchant & terrible !
Que j'ai fouffert de fes douleurs !
Je ne fais pas le Grec , mais mon âme eft fenfible ;
Et pour juger tes vers , il fuffit de mon coeur.
La Harpe , c'eſt à toi de remplacer
Voltaire
,
Il l'a dit en mourant
: l'Hercule
Littéraire
T'a choifi pour fon fucceffeur
. *
Va , laiffe murmurer
une foule timide
D'envieux
défelés , d'ennemis
impuiffans
.
Piends
Philoctère
pour ton guide ,
* M. de Voltaire l'a dit , peu de jours avant la mort,
devant l'Auteur de ces Vers.
A ij
MERCURE
Comme lui tu fouffris du venin des ferpens ,
Et pofsèdes les traits d'Alcide .
( Par M. le Chevalier de Florian. )
RÉPONSE à la Chanfon intitulée : le Buveur
d'Eau , par M. de Saint- Ange , Nº . 23 .
AIR à faire.
Oro1 ! qui fis cette chanſon ,
Ne fois jamais mon Échanſon.
Garde pour toi ton froid breuvage :
Moi , je dis qu'en fon Paradis ,
Adam de l'eau fit peu d'ufage ,
PRIVÉ de feu , ton élément
N'a ni vertu ni fentiment ;
Mais du vin l'efprit efficace
Anima la Farre & Chaulieu ;
Si tu veux chanter comme Horace ,
Achète un muid de Condrieu.
EN VAIN tu nous vantes que l'eau
D'Amathonte ** fut le berceau ;
* Quand une Stance ou un Couplet finit par une rime
mafculine , l'autre doit commencer par une feminine ; &
vice versa. C'eſt une règle que l'on oublie quelquefois.
** L'Auteur , troublé fans doute par les vapeurs de la
DE FRANCE.
Ne fait-t'on pas que la Déeffe
Sur le gazon , dans un feſtin ,
Périroit d'ennui , de trifteffe ,
Sans Cérès & le Dieu du Vin ?
SI , quand je fuis avec Suzon ,
Le vin trouble notre raison ,
Tant mieux.... Toi , près de ta Bergère ,
Affis , fur le déclin du jour ,
Moi , j'aime & je bois tour- à - tour.
De la Fayette & Rochambeau ,
Tu ne paries qu'en buveur d'eau.
Prends du vin , pauvre camarade ;
Ofe alors chanter leurs travaux.
L'Anglois lui - même boit razade
A la fanté de ces Héros .
t
( Par un Difciple de Bacchus , de Bernai ,
en Normandie. )
liqueur qu'il chante , a confondu la ville d'Amathonte aves
la Déeffe qui y étoit adorée.
A iij
MERCURE
AIR DE PERONNE SAUVÉE ,
chanté par Mlle Audinot.
528
SI - TOT Lu
que
- bin m'ai-ma d'amour
ex -trẻ -me , Lu - bin fut cer
tain que je l'ai - mois de mê- me ;
il faut pourtant, difoit ma foeur,laiffer un
- peu lan guir fon fer vi - - teur ;
mais dans les maux que no-tre coeur -
par- ta-ge ,
ah! qu'un
ten dre a- veu
DE FRANCE. 7
nous fou -
la - ge ; Amour ,j'attends
le doux mo-ment où j'épou- fe - rai mon
amant , Amour, j'attends le doux moment
où j'é- pou- ferai mon tendre amant , A-mour ,
A- mour , ah!quel moment, ah! quel moment
charmant , ah! quel mo-ment
char-mant.
Ma foeur , chaque jour ,
A beau me faire entendre
Qu'il faut de l'amour
Comme elle fe défendre :
Aiv
MERCURE
Tout en grondant , ma bonne foeur
Va prendre pour époux fon Serviteur.
Près de Lubin j'aurois l'air moins tendre ,
Faut-il pas finir par fe rendre ?
Amour , j'attends le doux moment
Où j'épouferai mon amant.
(Paroles de M.de S *** , Mufique de M. Dezède. )
BON MOT.
UN Allemand , Muficien vanté ,
Dans un Concert faifoit crier merveille ;
Chaque Auditeur , de plaifir tranfporté ,
Inceffamment lui difoit à l'oreille :
Divin ! divin ! ah ! c'eft vraiment divin .
Plus altéré que fenfible au refrein ,
Di vin ! dit-il , où donc eft la bouteille ?
Y
Explication de la Charade , de l'Enigme &
du Logogryphe du Mercure précédent.
LE mot de la Charade eft Silence ; la note
fi, dans le ton de fol , fe trouve dix -huit fois
dans l'étendue de l'air ; celui de l'Enigine eft
Charme ; celui du Logogryphe eft Defir ,
ou fe trouvent dire , ride , ris , Sire , Ides ,
ire , Dei , fe , fi, re , fi.
DE FRANCE.
CHARADE.
Je dis à mon ami : vous m'êtes le premier
Je dis fouvent à l'aimable Glycère :
Pour toi je voudrois être à jamais le dernier;
Et quant au tout , Lecteur , je te dis de le faire.
ÉNIGM E.
JE nais dans ton jardin; j'ai quatre piés ; & bref,
Retranche le fecond , je tourne avec ton chef.
LOGOGRYPHE.
AIR: Ce fut par la faute du fort.
JADIS fur le Mont
Cytheron
Certain monftre , à demi-femelle ,
Défioit tous paffans , dit- on ,
Ayec une énigme cruelle :
ainfi ! Pour nous , il n'en eft pas
Que toute alarme ſe diffipe :
Pour l'énigme que j'offre ici ,
Tout Lecteur devient un Edipe.
ON a vû mes premiers regards
Ember l'heureuſe contrée
Αν
MERCURE
Où fur le trône des Céfars
Brilloit leur rivale adorée ;
Par-tout ils creufoient des tombeaux;
Cent peuples comptoient dans les larmes
Les triomphes de ces Héros ;
Je n'en dois ici qu'à mes charmes.
Aussi , je lis dans tous les yeux
Qu'en ce climat j'aurois dû naître ;.
A mes regards tout femble heureux ,.
Du moins en me voyant paroître ..
Que d'autres , les glaçant d'effroi ,
Traînent cent captifs fur leurs traces 3.
Pour cortège on voit près de moi
Les Vertus que fuivent les Grâces .
MAIS fi dans tes yeux animés
Éclate ton impatience ,
Des fept pieds en moi renfermés ,
Lecteur , renverfons l'ordonnance ;
Tu vois un Prophête fameux ;-
Un Acuve ; un mot fait pour te plaire
Puifqu'il rendit le peuple heureux
En m'uniflant avec fon père.
Je renferme auſſi l'attribut
Du Dieu que tout Rimeur implore;
Mais , Lecteur , pour aller au tur,
Ce mot en contient douze encara..
31
DE FRANCE.
Pour le trouver , ce mot flatteur ,
Ne fuis point la route commune ;
Si tu le cherches dans ton coeur ,
L'énigme a ceffé d'en être une.
( Par M. Damas . )
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
MÉMOIRES & Lettres de M. le Maréchal
de Turenne , pour fervir à l'Hiftoire de
Louis XIV, par M. le Comte de Grimoard
, préfentés au Roi , & agréés par
Sa Majefté , 2 Volumes in - folio. Prix ,
72 liv. reliés & 108 liv. grand papier. A
Paris , chez Nyon l'aîné , Libraire , rue du
Jardiner.
DEPUIS EPUIS qu'un Gouvernement doux a
permis aux Gens de Lettres & aux Gens du
monde l'entrée de ces Dépôts où font recueillis
les Dépêches , les Projets & les Correfpondances
Ministérielles de chaque Règne
, nous avons vû l'Hiftoire s'enrichir ,
s'épurer , des énigmes politiques s'éclaircir ,
des Hommes célèbres réhabilités , d'autres
justement condamnés . Nous avons apperçu
quelquefois la clef de l'intrigue fecrette de
chaque fiècle , clef fatale qui échappa prefque
toujours aux recherches trop circonf
pectes des Hiftoriens . Qu'un Defpote ' om-
Avi
12 MERCURE
brageux couvre d'un voile épais fes opérations
, puifqu'il peut en rougir & craindre
la Poftérité , il eft puni dès qu'il fe cache.
La France ne compte pas beaucoup de femblables
Rois ; la France n'a point de fecrets.
Nous fommes perfuadés que c'eft autant
à la facilité du Gouvernement qu'à l'empref
fement d'une famille augufte que nous
devons la publication des Lettres du Maréchal
de Turenne . Toutes les campagnes de
ce grand Homme font connues ; nove nous
difpenferons de les compter , ce feroit
compter les bienfaits , & les François n'en
ont point perdu la mémoire. Nous dirons
donc tout ce qu'il fut fans dire tout ce qu'il
fir. Sa carrière prefque toute militaire embraffe
un demi- fiècle de travaux. Il parut à
la Cour en 625 ; mais il ne s'y montra prefque
plus après la mort de Mazarin.
Ce n'étoit point là que Louis occupeit
fes Généraux. Turenne paffa fa vie dans les
camps , parcourant les frontières , repouffant
la guerre loin de nos foyers , par- tout
Guerrier tutélaire & Général compariffant .
Une difcipline févère protégeoit le vaincu ,
affuroit des fecours aux foldats , & dans fon
armée , l'ordre , l'abondance & l'économie.
Il favoit tenter de grandes chofes avec peu
d'hommes , parce qu'il favoit ne rien hafarder.
On ne doit point lui imputer les incendies
du Palatinar. C'eft à l'inflexible Louvois
que Turenne devoit renvoyer le cartel
de l'Electeur de Bavière , qui demandoit raiDE
FRANCE.
13
fon, l'épée à la main , au Général , du faccagement
de fes foldats .
Il mourat trop tôt pour la gloire des dernières
armes de Louis XIV . Il étoit prêt de
cueillir le plus beau de fes lauriers , & de
procurer la paix à l'Europe . « Cette der-
و د
"
20
"9
"
nière campagne , dit le Chevalier Folard ,
» fut le chef d'oeuvre du Vicomte de Tu-
» renne & de Montécuculli. Il n'y en a
point dans l'Antiquité de fi belle . Il avoit
épuifé pendant deux mois tout ce que
l'Art de la guerre peut fournir de reffources
pour les campemens , pour les marches
& contre marches , enfin il avoit
» trouvé le moment d'attaquer avec avan-
" tage Montécuculli lorfqu'un boulet de
» canon ôta la vie à ce grand Homme le
» 17 Juillet 1675 près de Salsbac. Il étoit
âgé de foixante quatre ans . Bien loin
d'attaquer les ennemis , on fe retira. La
difpute du commandement entre MM. de
Lorges & de Vaubrun ajouta à cette
» perte. La belle retraite faite par M. de
Lorges parut une victoire dans la confter-
» nation où étoit l'armée…….. »
"
""
و ر
ود
و د
Quelle nouvelle terrible pour le Roi
quand il reçut le billet fuivant du Marquis
- de Vaubrun : - M. de Turenne vient d'être
tué d'un coup de canon en mettant fes
troupes en bataille devant les ennemis , qui
marchèrent hier par Binel. Le 17 Juillet
1675 le Panegyrique de ce grand Homme
fut fait en peu de mots par Montécuculli ,
"
14
MERCURE
"
66
"""
qui fe retira difant qu'un Homme qui
» avoit eu l'honneur de combattre contre
» Mahomet Coprogli , contre M. le Prince
» & M. de Turenne ne devoit pas compro-
» mettre la gloire contre des gens qui ne
faifoient que commander des armées .
On doit le fouvenir du bon mot de Mme
Cornuel à la promotion des huit Maréchaux
de France qui fut faite à la mort de ce
grand Homme : c'eft la petite monnoie de
M. de Turenne. La France le regretta , hormis
Louvois , qui en étoit jaloux , & qui à la
conquête de la Franche- Comté lui avoit fait
préférer le Prince de Condé. Un fuperbe
maufolée attefte , à S. Denis , la reconnoiffance
de Louis XIV , & y appelle les hommages
des François.
Il ne nous refte plus qu'à ramalfer dans
ces deux Volumes in - folio les traits qui
achèveront de peindre Turenne.
"
"
23
66
Madame , écrit- il à fa mère , je ne ren-
» centrai pas ici M. le Cardinal de la Va-
» lette , à caufe de cela je ne vis qu'avant-
» hier M. le Cardinal ( Richelieu ) & le Roi
(Louis XIII ) ; le premier me dit qu'il fal-
» loit que mon frère parlât franchement , &
» qu'en ce cas il feroit fa caution auprès du
Roi. Il me dit auffi , vous n'irez point à la
» Baftille pour cette fois ; mais ne vous gou-
» vernez pas toujours de même que vous
avez fait. Je vis le Roi ; il me dit à l'oreille ,
vons foyez le bien venu ; je veux oubliez
abfolument ce qui s'eft paffé , & ne m'en
"
و د
DE FRANCE. 18
*
"
plus reffouvenir jamais . Je fuis fort aile
» de vous voir ici.
» Mon frère fut trouver le Roi à Sivri ,
» qui le reçut allez bien . Il étoit tout atten-
» tif à leurier des oifeaux , ce qui étoit un
» mauvais temps pour lui faire fa cour.
"
" Ma chère foeur , dit il dans une autre
Lettre , fi vous pouviez faire quelques
» ventes de bois , cela m'accommodercit extrêmement
; car je fuis obligé d'emprun-
» ter de l'argent pour vivre , & de le prendre
» à intérêt , qui eft une choſe qui incom-
" mode forr.
Il n'aimoit pas la Cour pendant les premières
années , " parce que , difoit il , je
» n'ai ni gens ni carroffe , allant à l'emprunt
» comme je fais. „
»
23.
357
Le luxe faifoit d'étranges progrès fous.
Louis XIII . M. de Turenne n'approuvoit
point , quoique jeune , une parure ruineafe.
- Mon frère , difoit il à fa foeur , avoit
trouvé néceffaire que je me fille encore
faire un habit , n'en ayant que deux à por-
» ter, un noir & le mien rouge en broderie,
que je potte fort , & qui paffe ; on reconnoît
bien toutefois que ce n'eft pas un ha-
» bit fait d'à cette heure. Tout le monde ,
jufqu'aux moindres , dépenfe prodigieufe-
» ment , & ils s'imaginent que cela eft honteux
de porter deux fois dans les grandes.
Allerblées des habits qui leur coûtent
» 2 ou 3000 liv. C'eft une grande folie de fe
ruiner, au point qu'ils four, pour des choles
20
16 MERCURE
"3
-
qui mettent fi peu en réputation un
» homme.» Il portoit à Drun un pourpoint
de futaine fur fes chauffes d'écarlate.
" Le Roi eft mort, dit- il ailleurs ( Louis
XIII ) Jeudi 16 Mai 1643 , à trois heures
après midi. Il eft véritable que jamais per-
» fonne du monde n'a fait une fi belle fin &
> conftante. Pour l'affliction à la Cour , elle
» y a été très médiocre. La Reine vint hier
ور
30
à Paris. Il y a de très grandes cabales pour
» faire changer le Confeil établi du temps
" du Roi. "
Viennent enfuite des détails très - exacts
fur les troubles de la Fronde & le Règne de
Louis XIV. Les Lettres de Turenne font
remplies , & deviennent importantes ; mais
fa correfpondance intime conferve le même
caractère. Il paroiffoit préoccupé des idées
de religion ; il cherchoit à s'inftruire . Des
doutes le pourfuivoient , il y revenoit volontiers.
" Brevin ( Miniftre ) , difoit- il à fa
» femme , eft tombé d'accord avec moi que
l'on n'inftruit point les gens de bonne-
و د
foi , & que chacun de fon côté fait voir
» la religion de l'autre pour en donner de
» l'averfion , de même que dans une Ville
و د
où il y a deux cabales vous ne trouvez de
» naïveté de pas un côté. » ➡ La Maréchale ,
qui étoit Calvinifte , de bonne - foi , étant
morte , M. de Turemme fit fon abjuration.
Elle ne contribua pas peu à ajouter un nouvel
éclat à la célébrité de Boffuet.
M. de Turenne ne recueilloit point les
DE FRANCE 17
"" -
bruits de Cour. Il donnoit même trop peu
de développement & de fuite aux nouvelles
qu'il mandoit à fes amis. - « Le Roi ,
» écrivoit- il en 1667 , a un peu d'inclina
» tion pour Mlle de la Vallière , mais cela
» ne l'embarraſſe pas dans fon domestique .
Le Comte de Schomberg , écrit - il
» ailleurs , mande que le Prince a fait des
» offres ( 1659 ) de faire un mariage de fon
» fils avec la fille de Cromwel ; le Roi de
» Portugal a fait faire des propofitions de
» mariage pour fon fils & la fille cadette de
» Cromwel. - Nous fupprimons ici toutes
les réflexions . Dans le même temps qu'un
Prince recherchoit l'alliance de Cromwel ,
la pauvre Henriette refloit dans fon lit ,faute
de bois pourfe chauffer. Elle étoit en France.
و ر
و ر
و د
"3
"3
")
" Il est très- vrai , mandoit M. de Tu
» renne , que tous les Presbytériens , qui font
» le parti le plus fort , font pour le Roi
d'Angleterre & pour M. le Duc d'Yorck.
Toute l'affaire de leur maifon dépend que
quelqu'un s'y montre promptement ; car
" file Parlement a le temps de faire fes
» levées , & que la flotte revienne , on chaf-
» fera toutes leurs créatures , & les chofes
» leur deviendront auffi impoffibles que du
» temps du Protecteur , & il faudra qu'ils
» attendent encore une autre révolution. »
← Mazarin n'écouta point Turenne . On
craignit de feconder à découvert le Duc
d'Yorck. Turenne ſe prêta au myſtère .
و د
" Le Duc de Mercoeur ( écrivent il en
18 MERCURE
33
" 1660 ) eft envoyé à Marſeille pour rétablir
» l'autorité du Roi , bleffée par les féditions
» exécutées en 16,9 par la mauvaife con-
» duite du fieur de Nionzelle , qui a voulu
» fe venger , par l'avis du premier Président
d'Aix , de ce que M. de Mercoeur avoit
» fait arrêter le fieur de Glandèves fon cou.
fin germain. On a réfolu de fe fervir de
» cette occation pour y bâtir une citadelle .
» Le fieur de Clervelle en fait le deffin. Ce
» n'eft pas une affaire de peu de jours , ni un
" pays habité par des Peuples qui faffent
» des réflexions fur leur conduite , "
و د
"
M. de Turenne ne laiffe rien à defirer
pour la correfpondance militaire & légiflative.
C'eft dans cette correfpondance qu'il
découvre les grandes refources , fon génie ,
fa fcience & le bien voir. Ce font des certitudes
qu'il donne , des réfumés favans & des
opérations efficaces qu'il indique. Il embraffoit
les intérêts de l'Europe . Tout paroiffoir
fe négocier à la Cour. C'eft dans la tente de
Turenne que les Mémoires & les Traités fe
dreffoient ; c'eft de là qu'il faifoit à Louvois
la leçon quand ce Miniftre paroifloit
lui donner des ordres ; c'eft dans cette correfpondance
qu'on voit percer la jalousie
& li fierté de Louvois. Le Morfeigneur qu'il
donnoit à Turenne lui coûtoit beaucoup.
Toutes les Lettres font preffantes , inquiertes
; il a toujours tout prévu . Il n'ofe ordonner
à Turenne , mais il dere , mais il
penfoit , mais le Roi attendoit , mais le Roi
DE FRANCE. 19
eroyoit , jugeoit à propos. Jamais Turenne
n'avoit allez fait ; quelquefois des reproches
, jamais des félicitations . Eh ! cependant
qui mérita jamais autant de remercimens
que Turenne ! Le Tellier bien plus fin , bien
plus doux , bien plus clair & plus calme ,
convenoit mieux au Général .. Qui fut auffi
favant dans l'Art irilitaire que Turenne ?
Qui réunir à ce haut degré de confiance ,
autant que lui , l'eftime de tous les Généraux
& de tous les Souverains de l'Europe. Le
Recueil de fes Lettres en eft un garant facré.
Il correfpond avec tous les Agens de l'Europe.
Il parle avec conviction , fans ce vain
luxe d'eloquence , fans fyftême . La vérité
et devant lui , il la peint nue comme elle
eft , fimple & forte comme elle cft. Il connoît
toutes les Puiffances ; il les a toutes
pelées dans fa balance ; il connoît leurs
richeffes dans l'un & l'autre numéraire , qui
font l'argent & les hommes ; car il est des
Rois qui ne confidèrent ces derniers que
comme un numéraire dont ils font trop
prodigues. Turenne a vû tous les Généraux ;
il fut le Médiateur entre prefque tous les
Rois , tous le recherchoient : que n'a- t- il
vécu pour jouir de la renommée !
Nous obferverons à l'égard de l'Édition
de fes Lettres qu'elle eft foignée , le papier
& le caractère en font beaux . Nous aurions
defiré qu'on eût réduit les Volumes ; tout ce
qui ne tenoit point à des développemens néceffaires,
pouvoit être fupprimé, Le Recueil
20 MERCURE
en cût été de beaucoup moins volumineux.
L'Éditeur , affurément bien recommandable
à plufieurs titres , a fans doute voulu refpecter
tout ce qui appartenoit à ce grand
Homme. Ce n'eft pas nous qui lui reprocherons
ce refpect religieux & malheureu
fement trop rare dans un fiècle où la qualité
d'Éditeur femble donner le privilège de
raccourcir , de mutiler fon modèle. Autrefois
un Éditeur étoit le Philoctète des Grecs .
Il s'emparoit des flèches d'Hercule non
point pour les brifer , mais pour les rendre.
redoutables . La Préface eft noble , courte ,
& dit fans prétention tout ce qu'elle doit
dire. L'Éditeur n'a pas cru devoir lier par
des Notes des faits intéreffans épars dans les
Lettres de M. de Turenne. Ceux qui favent
l'Hiftoire, fuppléent facilement à cette diftraction
, & peut - être l'Éditeur a - t- il cru
que ce travail feroit furabondant.
Nous allons tranfcrire la Lettre que
Louis XIV écrivit à l'Infante d'Efpagne . Elle
eft d'un genre de galanterie qui annonceroit
mal ce Roi fi on ne favoit point que Turenne
la dicta . Turenne qui aima comme
un autre, qui infpira plus que de l'attachement
à Mme de Longueville , à Mme de
Coatquen , & à qui Mme Henriette confioit
les fecrets ; Turenne parloit mal tendreffe
, ou bien il ne favoit pas faire parler
affez tendrement un Roi. Nous ne doutons
point qu'on ne trouve fingulier que
Louis XIV ait écrit & envoyé cette LetDE
FRANCE. 21
tre , lui qui fe connoiffoit fi bien en ftyle ,
& qui corrigeoit quelquefois les meilleurs
Auteurs , ainfi que les meilleurs Muficiens
de fon Règne .
Séréniffime Princeffe , il a été néceffaire
que tant de chofes s'ajuftaffent pour faire
que je puffe avec bienféance vous demander
l'honneur de vos bonnes grâces , & que
vous puiffiez me faire celui de m'y donner
part. Il paroît que Dieu veut bénir le commencement
& la fin de cette négociation ,
laquelle ne pourroit pas avoir des fuites heureufes
fi vous n'agréez ce que le Roi votre
père m'a fait l'honneur de me promettre . Je
vous fupplie très - humblement d'y donner
votre confentement , & ne conſidérer pas
la chofe comime néceffaire feulement à
nos États , mais me regardant un peu comme
une perfonne qui fouhaite beaucoup votre
amitié & votre eftime , & me faire la
grâce que votre coeur y réponde. Je vous
fupplie très - humblement de croire que
mon principal deffein s'attache à cela , &
que vous trouverez toujours en moi une
grande inclination à vous honorer & refpecter,
& à vous faire paroître par toutes
mes actions que je fouhaite très- fort que
vous ne vous repentiez pas du choix que
faire, yous aurez pu
"
22 MERCURE
ÉLOGE de Voltaire , fuivi de Poefies
diverfes , par M. le Chevalier de Cubières
. A la Haye , & fe trouve à Paris ,
chez Gueffier , Imprimeur- Libraire , rue
de la Harpe.
Voici un nouveau Recueil de Poéfies de
M. le Chevalier de Cubières . Celui ci , moins
volumineux que les précédens , offre un choix
plus varié & des Pièces plus foignées ; il gague
fur la qualité ce qu'il perd fur le nombre.
On avoit déjà vu dans le Mercure ,
l'Épître à Molière , où ce Recueil étoit annoncé
, l'Élégiefur la Mort de M. Bordes ;
les Vers à M. Dufaulx , fur la Traduction
de Juvenal , & c ....... On avoit diftingué dans
le Journal de Paris , l'Epitre à Hygie ; l'Épitre
au Vaudeville ; celle à un Abbé Jour
nalifte ; la Réponse de Madame de la Fayette
à l'Auteur du Roman de l'Aveugle par
Amour ; les Vers à MM. de l'Académie de
Lyon , pour les féliciter d'avoir reçu parmi
eux Madame la Comteffe de B..... ; & dans
l'Almanach des Mufes de cette année , on
avoit lû avec plaifir Thalie aux Comédiens
François. Toutes ces Pièces reparoiffent ici
avec des corrections plus ou moins confidérables
, & fuivies ou précédées d'autres
Pièces qui n'avoient pas encore vû le jour.
L'Éloge de Voltaire eft à leur tête ; cet Éloge
eft connu depuis long - temps ; l'Auteur , profitant
des confeils de fes amis & des critiDE
FRANCE.
23
ques de quelques Journalistes , a donné à cet
Ouvrage le degré de perfection dont il eft
fufceptible , en retranchant dans cette nouvelle
Edition des vers qui n'avoient pas
réufli dans les précédentes. Cet Éloge , nous
ne craignons pas de le répéter , eft une des
meilleures productions de ce genre , & la
plus eftimable peut- être de toutes celles qui
font forties de la plume de M. le Chevalier
de Cubières . Nous en rendimes un compte
détaillé lorsqu'il parut pour la première fois ,
& malgré le merite qui y règne , nous n'en
citerous rien. Nous allons citer quelques
morceaux de l'Epitre à Hygie. Elle fut faite
à l'occafion de la maladie de Madame la
Comtelle d'Artois.
Epitre à Hygie.
COMPAGNE & foeur de la jeuneffe ,
Toi , qu'au fein de la volupté ,
Des plaifirs & de la molleffe ,
On perd fouvent avec gaîté ,
Et que l'on regrette fans ceffe ;
Toi , qui du pauvre es la richeſſe ,
Hygie , aimable Déité ,
Fille du grand Dieu d'Épidaure ,
Pourquoi de tes heureux préfens
Priver , à la fleur de fes ans ,
Une Princeffe qu'on adore ?
Après avoir fait de cette augufte Princeffe
un éloge très mérité , & avoir parlé des dan24
MERCURE
P.
gers qu'elle a courus , le Poëte continue
ainfi :
C'EST aux foins d'un époux chéri
Que l'on doit la convalescence ;
Quand l'âme est heureuſe , je penfe
Que le corps eft bientôt guéri.
Santé , Déeffe trop volage ,
Comble notre félicité ,
Et par ton retour ſouhaité
De l'Hymen achève l'ouvrage ,
3
Tu m'exauces : du haut des cieux ,
Sur un nuage radieux ,
Verfaille enfin te voit defcendre ,
Et ton baume délicieux
Déjà commence à s'y répandre.
Thérèſe vit encor pour nous ;
Sa force renaît & s'augmente
A fon tour , de l'air le plus doux ,
Soulèvant la tête charmante ,
Elle fourit à fon époux.
DIVINITÉ , que je rappelle ,
Tu ne m'es pas toujours fidelle ,
Tu m'échappes de temps en temps ;
Moi -même , en de certains inftans ,
J'éprouve une langueur mortelle.
Avec
DE FRANCE. 25
Avec les jours de mon printemps
Duffes-tu fuir à tire -d'aîle ,
Pour moi feulement fois cruelle :
Je confens à ne te plus voir ,
Si
pour Thérèſe moins rebelle ,
Et prompte à remplir notre eſpoir ,
Tu reftes à jamais près d'elle .
Cette Pièce eft un modèle de fenfibilité
& de grâce ; c'eft , d'un bout à l'autre , l'effufion
d'un coeur honnête ; l'expreflion en
eft peu énergique , mais elle eft fimple &
douce , comme l'âme de celui qui la produit ;
on ne peut y defirer qu'un peu plus de précifion
, & quelquefois plus de coloris dans
les images.
Parmi les Pièces qui n'avoient pas encore
paru , il en eft une qui donne dans l'excès
contraire. Ce font les vers fur la dernière!
expofition des tableaux au Salon du Louvre.
Nous allons les citer , pour mettre nos Lecteurs
à portée de juger de leurs défauts.
Où fuis-je ! quel fpectacle à mes yeux ſe déploye ?
D'où viennent ces enfans de Mars ?
Quel eft ce Roi ? ce camp ? Et de la vieille Troye
Quelle main en ces lieux éleva les remparts ?
Est-ce une illufion ? un fonge ? une chimère ?
Je vois les demi-Dieux qu'a célébrés Homère ;
Je vois cent prodiges épars
Qu'avec raviffement tout un peuple contemple.
No. 27 , 5 Juillet 1783 .
B
26 . MERCURE
Vous qui charmez le coeur , ainfi que les regards ,
Ah ! je vous reconnois , je fuis dans votre temple ,
Je fuis dans le temple des Arts .
Beaux Arts , je vous falue ; & vous , nouveaux Appelles ,
Modernes Phidias , dont les talens divers ,
Sur des blocs animés , fur des toiles fidelles ,
Nous reproduisent l'Univers .
Évoquez des tombeaux les grands Hommes , les Belles,
Ils font dignes de vivre une feconde fois ;
Mais rendez fur- tout immortelles
Les grandes actions des Rois,
Mes voeux font exaucés.....
Après avoir parlé de Guftave , de Voltaire
, de Pafcal , & de Léonard de Vinci
M. de Cubières finit par cette apoſtrophe :
Des Talens & des Arts inquiets détracteurs ,
Vantez-nous à préfent les Romaines Écoles ;
Soyez à nos dépens de vils adulateurs ,
Et trouvez-nous légers , impatiens , frivoles ;
Nous le fommes fans doute ; oui , tels font nos défauts ;
Mais foyons vrais auffi , que ferviroit de feindre ?
Ainfi que les Romains , nous avons nos Héros ,
Et nous favons comme eux les chanter & les peindre.
Et vous , d'Angeviller , efprit fage & profond ,
Vous qu'à la Cour on aime autant qu'au double mont ,
Voulez- vous des talens , Protecteur noble & jufte , .
Rendre à ces orphelins leur antique fplendeur ,
Et moderne Mécène , aux jours d'un autre Augufte ,
1
DE FRANCE.
27
Des beaux fiècles de Rome imprimer la grandeur ?
Des enfans de Minerve encouragez l'ardeur.
Le François que l'on encourage
Aux plus rudes travaux , eft prompt à fe plier.
Lés mortels étonnés contemploient fon ouvrage ,
Et l'ouvrage à la fin étonne l'ouvrier .
&
Il y a là de bien beaux vers ; il y en a de
très-beaux auffi parmi ceux que le défaut
d'efpace nous force de fupprimer ; mais ils
donnent lieu à quelques obfervations critiques.
L'Auteur , en compofant cette Pièce , a
été enflammé par les tableaux qui frappoient
fa vûe. Il a cru devoir peindre à grands
traits , en parlant des chef- d'oeuvres de la
peinture ; mais l'enthouſiaſme va toujours
trop loin , lorfqu'il n'eft pas modéré par le
goût & dirigé par la raifon. Comment repro- .
duit on l'Univers fur des blocs ou fur des
toiles ? Ce n'eft point la nature entière , mais
les beautés douces ou terribles de la Nature ,
mais une nature choifie , qui exercent les
pinceaux du Peintre & le cifeau du Sculpteur.
L'on n'a jamais dit que faire un beautableau
ou une belle ftatue fût reproduire
l'Univers. C'eft prendre mal à propos le tout
pour la partie ; c'eft penfer d'une manière
vague , & écrire d'une manière plus vague
encore ; enfin ce n'eſt pas ainſi que l'on écrit
pour l'Univers. Eft- il fi étonnant d'une autre
part que fouvent l'ouvrage étonne l'ouvrier?
L'orgueil , fi naturel à quelques Artiſtes , ne
leur fait - il pas trop admirer leurs propres
Bij
28 MERCURE
ouvrages , quoiqu'ils ne foient rien moins
qu'admirables ? Et s'il eft vrai que l'étonnement
ne foit autre chofe, qu'une admiration
prolongée , comme l'a dit l'ingénieuſe Mme
de Lambert , combien y a t'il d'ouvrages,
foit de Peinture , foit de Sculpture , qui
leur ouvrier ! Les vers fuivans
, fur l'Ufage de la vie , nous femblent .
fans tache ; & nous ne croyons pas pouvoir
mieux terminer cet extrait qu'en les
citant.
n'étonnent que
La vie eft courte , & fon peu de durée
Nous dit qu'il faut la ménager ;
Et l'homme toutefois , sûr qu'elle eft meſurée ,
Ne travaille qu'à l'abréger. C
Est -il enfant ?.... A peine il commence de vivre ;
Aux fouffrances alors , aux douleurs tout le livre.
Adolefcent ?.... Des jeux , des plaifirs , des amours
L'eſſaim tumultueux l'égare ;
Dans l'âge mûr il le prépare
A ne rien faire en fes vieux jours.
RECUEIL de Pièces concernant les exhumations
faites dans l'enceinte de l'Eglife
de S. Eloy de la Ville de Dunkerque ,
imprimé & publié par ordre du Gouvernement.
A Paris , de l'Imprimerie de
MONSIEUR.
LA Religion & l'Humanité fe réuniffent
pour écarter les fépultures de l'intérieur des
Temples & des Cités . Nos Provinces pa-
1
DE FRANCE. 29
roiffent s'empreffer de foufcrire à cette
profcription prononcée par la Loi. Il n'y a
que la Capitale qui femble s'y refufer. Dès
1776 on a ceffé d'inhumer dans l'enceinte
de Dunkerque , lorfqu'en 1783 il a été quef
tion d'exhumer la majeure partie des corps
enterrés dans l'Eglife de S. Éloy , Paroiffe
de cette Ville. Bâtie en 145 2 , elle excédoit de
plufieurs toifes la rue principale ; & mettoit ,
par cette pofition , obftacle au commerce
intérieur, parce que le deffous des arcades de
l'ancienne Églife incendiée étoit la feule
communication pour cette partie de la
Ville , encore étoit- elle interdite aux voitures
, qui auroient ébranlé des voûtes fulpendues
& menaçant ruine. M. de Calonne
, Intendant de Flandre , a arrêté de
concert avec MM. du Magiftrat , la démolition
de la partie de l'Églife de S. Éloy qui
réduit la voie publique & l'élévation d'un
portail. Ces travaux qui s'exécutent maintenant
d'après les plans de M. Louis , Architecte
, ont néceffité l'exhumation dans une
partie de l'Églife.
S. Éloy eft la feule Paroiffe de Dunkerque
, & la fépulture de tous ceux qui
doivent y être inhumés , ce qui y avoit prodigieufement
accumulé les cadavres : en effet ,
il y en avoit de cinq à huit lits , féparés par
un ou deux pouces de terre feulement ;
aufli fe répandoit- il dans l'intérieur de l'Églife
des exhalaifons cadavéreuſes , & fouvent
les affiftans étoient obligés de quitter la
B iij
30 MERCURE
cérémonie funéraire au moment de la fépulture.
Il eft incroyable qu'on ait laiffé ſubſiſter
pendant autant de fiècles un pareil foyer
d'infection au ſein d'une Ville compofée de
vingt cinq mille habitans.
Dans ces jours où la piété réunit un plus
grand nombre de fidèles dans nos Temples ,
on en voit conftamment plufieurs que la
corruption de l'air écarte de leur enceinte ,
& pour qui cette indifpofition indifférente
en apparence devient l'époque d'une maladie
grave & fouvent meurtrière. L'épouse ,
le fils font frappés de mort par l'époux ,
par le père fur la tombe duquel ils venoient
invoquer le Ciel . Si on ajoute les
épidémies , & la peſte qui ont ravagé Dunkerque
à diverfes époques , on concevra tous
les dangers d'une pareille exhumation. Ils
font tels qu'on n'eût pas ofé l'entreprendre
il y a trente ans ; mais le fiècle actuel eft
éclairé , les fciences phyfiques ont fait des
progrès rapides ; nous avons des Chimiftes,
MM. Laborie , Cadet de Vaux & Parmentier
, qui fe font livrés aux objets de méphitifme
, qui ont appris les moyens de les
dompter ; & il ne peut plus arriver d'accident.
que par l'imprudence ou la négligence des
précautions indiquées. Ce font ces trois Chimiftes
qui ont été confultés fur l'exhumation
de Dunkerque. Les moyens qu'ils ont
propofés font le feu , la chaux vive , le lait
DE FRANCE.
de chaux , la détercation du nitré , l'évaporation
du vinaigre , des fumigations terreufes
& aromatiques , &c. Mais il ne fuffifoit
pas d'avoir indiqué des moyens victorieux
, il falloit , pour en affurer le fuccès , le
zèle , les lumières & fur-tout le courage refpectable
qu'y a mis M. Hecquet , Chirutgien
Major de l'Hôpital , Membre du Magiftrat
, à qui la direction de ces moyens a
été confiée. C'est dans le Journal qu'il a rédigé
, qu'il faut lire les détails de cette exhumation.
Près de neuf cent cadavres ont été
déterrés& tranfportés dans le cimetière nouveau
hors de la Ville , & il n'en eft réfulté
que deux feuls accidens de mort , accidens
occafionnés par imprudence , & qui prouvent
combien nos Chimiftes étoient fondés
à recommander la prodigalité des moyens
faits pour combattre le méphitifme , prodigalité
qu'on auroit pu leur reprocher fans
ces deux événemens.
Le Gouvernement a ordonné la publicité
du Recueil des Pièces relatives à cette exhumation,
comme devant être de la plus grande
utilité aux Villes qui auroient à entreprendre
des travaux de cette importance.
ÉLOGES lûs aux Séances publiques de la
Société Royale de Médecine. 3. Cahier.
A Paris , chez les Libraires qui vendent
les Nouveautés.
Nous avons déjà obfervé , en rendant
compte des deux premiers Cahiers de ces
Biv
132
-MERGURE
Eloges , qu'ils ont le mérite de renfermer
une analyfe très- bien faite , & un jugement
motivé & impartial des ouvrages du Savant
qu'ils font deftinés à faire connoître . De tous
ceux qui fe font exercés avec fuccès dans le
genre des Éloges hiftoriques , M. Vicq d'Azir
eft peut- être celui dans les Ouvrages duquel
on apprend le mieux à connoître l'étendue
du talent de ceux qu'il loue , & le degré d'importance
ou d'utilité de leurs travaux. Ce
mérite en fuppofe un autre , la connoiffance
approfondie de toutes les parties des Sciences
qu'ils ont cultivées , & celle de leur
hiftoire.
Quelques Littérateurs ont prétendu que
ce genre d'éloges étoit très facile. Ils ont
cru fans doute qu'il eft plus aifé d'expofer
avec clarté & avec fimplicité des idées juftes
& raiſonnables , que de combiner des périodes
harmonieufes. Mais lorfque ces idées ne
peuvent être que le fruit d'une longue appli
cation , & qu'elles fuppofent une grande
étendue d'efprit , s'il en coûte peu pour les
exprimer , il en a peut- être coûté beaucoup
pour les acquérir . Cette étendue d'efprit ne
feroit elle point un don de la Nature auffi
rare , auffi précieux que celui de bien tourner
des phraſes , ou d'exprimer d'une manière
extraordinaire des idées communes ?
L'art du ftyle eft un inftrument que celui
qui veut écrire doit apprendre à manier avec
adreffe & avec facilité. Mais ce n'eft qu'un
inftrument , il n'a de valeur réelle que par
A
DE FRANCE.
33
l'ufage auquel on l'applique ; & ceux quiregardent
ce mérite comme le premier de
tous , parce que c'eft le feul qu'ils poſsèdent ,
feroient bien mieux d'imiter la modeftie de
ce Mécanicien qui , montrant à un Savant une
machine qu'il venoit d'achever : Monfieur;;
lui difoit il , voilà une jolie machine , ditesmoi
unpeu à quoi elle pourroit fervir.
Ce Volume contient les Éloges de MM. le
Roy , Navier , Bucquer , Lieutaud , Gaubins ,
& une courte notice fur MM. Bonafos , Bernard
& Planchon.
Charles le Roy , le dernier des quatre fils
de Julien le Roy , qui tous ont acquis de la
réputation dans différens genres , fut à la fois
an Phyficien exact & un Praticien très célèbre.
Sa théorie des variations de l'atmofphère
qu'il explique par la quantité d'eau
plus ou moins grande , que l'air peut tenir
en diffolution dans fes différens états , eft lepremier
pas qu'on ait fait en phyfique
dans la connoiffance de ces phénomènes importans.
Il vint dans fes dernières années pratiquer
la Médecine à Paris..
33%
«Nous ne devons pas oublier , ( dit M. V..
» d'A. ) de donner une preuve de fa délica-
» teffe , en rapportant les moyens qu'il a
choifis pour acquérir le droit de pratiquer
» la Médecine à Paris. Il lui auroit été em
même temps facile & commode d'obtenic
une place qui lui en auroit donné le privilège
; mais il aima mieux fe préſenter
gg
280
Bw
34
MERCURE
. ود
...
» la Faculté de Médecine ; & après avoir
profeffé pendant vingt années , s'expofer
au défagrément & à l'ennui d'un examen
» & d'une thèfe , perfuadé qu'un Médecin
» ne peut offrir à cette illuftre Compagnie
» trop de témoignages de fon dévouement ,
» & au Public trop de titres pour mériter
» fa confiance. »
Nous rappellerons ici à nos Lecteurs
qui l'ont peut- être oublié , que l'Auteur de
cet Éloge , la Société devant laquelle il a été
prononcé , ont eu quelques démêlés avec la
Faculté. Si ce paffage eft une vengeance , il
faut avouer qu'il étoit difficile d'en imaginer
une plus noble .
En s'établiffant dans la Capitale , M. le
Roy faifoit un facrifice à la fortune de fes
enfans , & ce facrifice lui coûta la vie.
M. Navier , Médecin à Châlons - fur-
Marne , a rendu des fervices aux Sciences ,
par la découverte de l'éther nîtreux & des
combinaifons du mercure avec le fer , regardées
avant lui comme impoffibles . Il fut
utile à la Province qu'il habitoit , par le zèle
avec lequel ilfe confacra au foulagement des
malades dans les campagnes. Cependant à
peine étoit - il connu au - delà du pays où il
exerçoit fa bienfaifance. Il uniffoit à l'amour
de l'étude , à une humanité active & éclairée ,
la modeftie la plus vraie & le défintéreffement
le plus noble.
On a de lui un Ouvrage fur les contrepoifons
, objet important fur lequel la Mé,
DE FRANCE.
35
decine a fait encore bien peu de progrès , & il
nous manque encore une méthode certaine
d'empêcher le fuccès de ce genre d'attentat ,
qui tient , dit l'Auteur de l'éloge , le pre-
» mier rang parmi les crimes , comme l'hypocrifie
parmi les vices. "
་
"3
"
M. Bucquet , Membre de l'Académie des
Sciences , s'étoit acquis une grande réputa
tion dès la jeuneſſe , par fes cours & par fes
travaux chimiques. Son ardeur pour l'étude ,
fon amour pour la gloire abrégèrent la vie.
" L'enfeignement , lorfque l'on eft forcé
d'y donner beaucoup de temps , retarde
» la marche de l'efprit , en le retenant dans
» des routes connues. M. Bucquet , pour
» multiplier le nombre de fes expériences ,
» & afin de retirer plus de fruit de fes pei-
» nes , varioit fes procédés dans fes différens
» Cours de Chimie , de forte que ceux qui
» y affiftoient pendant plufieurs années ,
voyoient toujours une nouvelle fuite de
» faits. Il aimoit vraiment , &-il honoroit la
fcience qu'il enfeignoit fi bien ; quelques
» avantages qu'on lui ait offerts , il ne s'eft
» jamais déterminé à faire de ces leçons
uniquement deſtinées à l'amuſement de
» quelques curieux. Ses Cours particuliers
» avoient une certaine étendue qu'il ne diminuoit
jamais ; il ne fe propofoit pas
d'autre but que celui d'inftruire ; & il au-
» roit cru proftituer la fcience , & s'avilir
» lui - même , s'il avoit admis dans fon laboratoire
cette claffe d'Amateurs qui vou-
"
و د
ود
2
B vi
36
MERCURE
T
droient qu'on leur montrât toute la Chimie
dans une féance , & qui goûtent dans
» un Cours , comme au fpectacle , un plaifir
d'autant plus grand , que l'illufion eft plus
complette , & qu'ils ignorent plus profondément
les caufes des effets qui les
- étonnent .
90
C'eft ainfi que M. Vicq d'Azir fait préfenter
toujours les Sciences & ceux qui les
cultivent , fous un point de vûe qui les fait
paroître refpectables ; & c'eft une des plus
grandes utilités qui puiffe réfulter de ces éloges
publics. Ceux de Fontenelle ont contribué
plus qu'on ne croit à donner à la nation
des idées plus juftes de la véritable gloire...
M. Lieutaud , premier Médecin du Roi ,
Membre de l'Académie des Sciences , favant
Médecin , Anatomifte exact & laborieux
avoit paffe pour être peu favorable à la Société
Royale.
44
>
Nous n'ignorons pas , dit M. Vicq
» d'Azir , qu'il a été compté par plufieurs
» au nombre de ceux qui ont fait des efforts
» pour nuire à la Sociéte Royale . S'il en
étoit ainsi , ce qu'elle ne croit pas , en confacrant
à fa mémoire un témoignage authentique
de fes fentimens , elle montre-
» roit comment elle traite fes ennemis lorfqu'elle
les eftime. Que font à la postérité
les baines de quelques particuliers ? Mais
ce qu'il importe de lui apprendre , c'eft que,
» parmi nous , le mérite & la vertu ne reftent
» jamais fans éloge & fans récompenfe..
99
12
DE FRA NO E.
37
M. Gaubius , élève & fucceffeur de
Boerrhave , moins célèbre que lui dans les
Sciences , mais ayant mérité une réputation
au moins égale à celle de fon maître dans la
pratique de la Médecine , ne fût pas , à beaucoup
près , le plus connu des Médecins fortis
de cette école ; mais peut être a t'il été
celui qui a réuni à plus de véritables connoiffance
des talens plus réels. Il mourut en
1780. M. Vicq d'Azir termine ſon éloge par
cette réflexion.
« Les Sciences ont fait depuis quelques
» années de grandes pertes ; nous citerons ,
» pour nous renfermer dans notre fujet
» Morgagni , Van Swieten , Albinus , " Haller
, Linnæus , de Juffieu , Pringle , Gau-
» bius : quels noms , & quels regrets ! Si on
و د
و د
ajoute à cette lifte celle des hommes illuf-
» tres, récemment enlevés aux Lettres & à la
Philofophie , on prendra de notre fiècle
" une idée bien différente de celle que veu-
» lent en donner certains détracteurs qui ,
jaloux de fa gloire , à laquelle ils n'ont
» aucune part , & ne pouvant s'élever jufqu'à
Ini, font des efforts inutiles pour le
rabaiffer & le mettre à leur niveau .
20
30
99
" M. Bonafos étoit en même- temps Médecin
de l'Hôpital- Général , de l'Hôtel-
» Dieu , & de l'Hôpital Militaire de Perpi-
» gnan. Ainfi , la plus grande partie de fes
journées fe paffoit à confoler les pauvres ,
adouciffement qui eft peut être le feul
qu'un Médecin puiffe goûter au milieu
"2
28
38
MERCURE
"
des triftes occupations qui le furchargent.
Au mérite de ces foins tendres & touchans
, il joignoit celui de remplir pref-
» que gratuitement les deux premières de
» ces fonctions ; car les honoraires des Médecins
des Hôpitaux font fi modiques ,
qu'ils femblent ne les accepter que par
» excès de délicateffe , & pour diminuer ,
» autant qu'il eft en eux , le poids de la re-
» connoiffance dûe fi légitimement à leurs
» fervices. La bienfaifance eft un fentiment
gravé par la nature dans le coeur de tous
» les hommes ; elle devient néceffairement
» une habitude pour le Médecin compatiffant
& fenfible , qui , honoré de la confiance
du peuple , & ne perdant jamais de
» vûe le tableau déchirant des misères hu-
» maines , goûte chaque jour le plaifir d'effuyer
des larmes & de foulager des malheureux
, dont les maux phyfiques ne font
» pas toujours la plus grande infortune.
"
"
"
M. Bernard , Médecin de Douai , né avec
un talent très- diftingué , contribua beaucoup
à rétablir les études dans l'Univerfité de
cette ville. Après avoir montré de l'ardeur
pour le travail pendant quelques années , il
s'abandonna à l'amour du repos , foit indifférence
pour la gloire , foit qu'il ne voulut
pas fe contenter d'une gloire médiocre , foit
manque d'activité naturelle , foit enfin qu'un
caractère gai & ami de la Société l'entraînalfent
vers la diffipation . Il mourut à plus de
80 ans. Au contraire , M. Planchon , MédeDE
FRANCE. 39
cin de Leuze , né dans des circonftances qui
le forçoient à devoir tout au travail , s'y
livra avec ardeur , par néceffité comme par
goût ; & mourut très jeune , regretté de fes
compatriotes , qui fentoient tout le prix de
fes talens & de fon zèle .
ود
"
92
و ر
" Les États du Brabant , inftruits du fuccès
» de M. Planchon , crurent devoir lui en
témoigner leur fatisfaction , on pourroit
» même dire leur reconnoiffance ; car la
gloire littéraire , après avoir honoré celui
qui s'en eft rendu digne , rejaillit fur fa
patrie , & fes concitoyens ont raifon de
» s'en féliciter. La feue Impératrice , vou-
» lant récompenſer le zèle de M. Planchon ,
» & les fervices qu'il avoit rendus dans le
" traitement des épidémies , chargea M.
» Storck , fon premier Médecin , de lui
» écrire une lettre honorable , & de lui faire .
» parvenir une médaille d'or. Huit jours.
après il en reçut une feconde , dont le
" coin réuniffoit les portraits de Marie-
" Thérèſe & de Jofeph II. L'Empereur fe
» nontra jaloux de participer à ce bienfait ;
» & cette noble follici : ude eft d'autant plus
»
29
.
importante à remarquer , que ſon objet ,
» fans fafte & fans éclat , ne pouvant inté-
» reffer l'amour - propre du Prince , n'étoit
» que le mouvement naturel de fa juftice &
l'impulfion de cet amour du bonheur &
» de la gloire nationale , qui doit être la pre-
» mière , & peut- être la feule paffion des
"
و د
» Rois. »
MERCURE
M. Vicq d'Azir a fenti combien des éloges
décernés à des hommes dont le non étoit
prefque inconnus parmi nous , fans même
qu'on pût nous en faire des reproches fondés
, pourroit bleffer certaines gens qui fe
plaignent qu'on loue trop , & qui , pour la
plupart , s'ils étoient fincères , fe plaindroient
au contraire qu'on ne loue pas affez ;
& il termine fa notice far la vie de MM. Bernard
, Bonafos & Planchon par cette réflexion.
99
92
« Les grands noms , que toutes les voix
répètent avec admiration , font ceux qui
» ont le moins beſoin de nos éloges ; leur
place eft marquée dans l'Hiftoire des
» Sciences ; mais indépendamment du génie
qui préfide à leur développement , & qui
» en opère les révolutions , ne doit- on pas
» un tribut de reconnoiffance à ces hommes
laborieux qui s'occupent des détails , &
fans l'activité defquels l'édifice ne s'élèveroit
jamais Les Académies , fuivant certains
Critiques , prodiguent trop les éloges
Quand ce reproche feroit fondé à quel-
» ques égards , ne devroit- on pas facilement
» excufer un excès , qu'elles ne porteront
jamais affez loin pour compenfer celui de
» l'envie & de la méchanceté , dont les hom-
» mes qui cultivent les Sciences & les Let-
» tres ne font que trop fouvent les inftru-
» mens ou les victimes ? »
99
20
Ce que nous avons cité fuffit pour prou
ver que M. Vicq d'Azir eft du petit nombre
DE FRANCE. 41
des Écrivains qui ontconfervé un ſtyle naturel
& fimple ; & qu'il fait répandre dans fes
Éloges cette philofophie douce & fage , la
feule peut- être qui foit vraie & utile.
SPECTACLES.
COMÉDIE FRANÇOIS E.
LE Lundi 16 de ce mois , on a repréſenté,
pour la première fois, Philoctète , Tragédie
traduite du Grec de Sophocle , en trois Actes
& en vers , par M. de la Harpe.
+
Cette Tragédie a été imprimée au commencement
de l'année 1781. Nous en avons
rendu compte , dans le temps , à l'article
des nouvelles Littéraires , & nous lui avons
donné les éloges dont nous croyons encore
qu'elle eft digne. Non feulement nous avons
fait alors des obfervations fur la fimplicité
des moyens qui expofent , nouent & dénouent
l'action , fur l'art avec lequel Sophocle
a fu intéreffer pendant trois Actes , aidé
feulement de trois Perfonnages ; mais nous
avons remarqué auffi que la traduction de
M. de la Harpe joint la fidélité à l'élégance ,
la correction à la nobleffe. Comme , à notre
avis , le ftyle a du mouvement , de la chaleur
; comme le Traducteur nous paroît avoir
très heureuſement faili les tranfitions &
imité les formes du Poëte Grec , toutes les
fois qu'elles fe trouvent d'accord avec les
1
MERCURE 42
1
1
+
développemens que nos Spectateurs ont droit
d'exiger d'après notre fyftême dramatique ;
nous avons motivé nos éloges fur tous ces
détails , qu'il nous feroit poffible , mais qu'il
feroit inutile d'étendre. On peut louer impunément
Sophocle : non feulement il a mérité
toute la réputation , mais il eft mort il y
a vingt fiècles , & cette dernière raiſon eft
d'un grand poids auprès de ceux qui fe font
fait un fyftême de louer exclufivement les
morts , leurs amis & leurs protégés . On ne
loue pas M. de la Harpe auffi impunément.
Il tient un rang très diftingué dans notre Littérature
, il a obtenu des couronnes , & s'eft
montré digne des honneurs Littéraires . Voilà
plus de titres qu'il n'en faut pour exciter la
fureur des nuls & des médiocres. Auffi la
juftice que nous crûmes devoir lui rendre ,
en parlant du Philoctère , nous a t'elle valu
quelques unes de ces aménités périodiques
avec lesquels on compofe , ordinairement ,
certains Journaux dévoués à l'efprit de parti ,
à la prévention & à la haine. Nous avons
répondu par le filence à ces hoftilités malhonnêtes
, perfuadés , comme nous le fommes
, qu'on doit profiter de la critique éclairée
, même quand elle eft trop auftère ; mais
qu'il faut auffi favoir dédaigner les perfonnalités
& les injures . Aujourd'hui que le Public
judicieux a confirmé par les fuffrages * le
* Nous imprimons cet article après la cinquième
repréſentation , dont le fuccès a égalé celui des précédentes.
DE FRANCE.
43
jugement que nous avons porté de la traduction
de M. de la Harpe , il nous fera fans
doute permis d'élever la voix , & de nous
féliciter d'avoir vû Sophocle & fon Imitateur
fous les traits qui ont frappé les Amateurs
du Théâtre & de la faine littérature.
Mais ce qui nous flatte le plus dans le fuccès
de Philoctère , c'eft l'efpérance qu'il nous
donne que le fouvenir de cet Ouvrage fi fim
ple tout à la fois , fi fublime & fi intéreffant
, ramenera quelques efprits tout près de
s'égarer , & les éclairera fur tout ce que
l'on doit de ridicule à ces pantomimes Tragiques
, où l'on fupplée aux développemens
du coeur humain par l'amas des incidens &
- des fituations , & aux reffources du pathétique
par les tableaux les plus horribles & les
plus dégoûtans.
Ce feroit ici le cas de parler du Philoctète
de feu M. de Châteaubrun. Cet Ouvrage a
été repréſenté en 1755 ; & malgré les défauts
qu'on peut lui reprocher , il eft encore &
mérite d'être en eftime dans la Littérature.
Mais l'idée que M. de la Harpe en a donné
dans la Préface de fa Traduction , nous dif
penfe d'en rien dite , puifque nous ne pourrions
que répéter ce qu'il a penſé , fans nous
exprimer auffi bien que lui . Tout ce qu'il
dit du ftyle de M. de Châteaubrun ; de la
marche de fa Tragédie ; de l'amour fubit
qu'infpire à Pyrrhus la fille unique de Philoctete
; du tort que cette paffion fait à l'intérêt
principal , eft bien vû , & parfaitement
1
44 MERCURE
fenti. Tous ceux qui favent combien un Perfonnage
devient plus ou moins dramatique
en proportion des attitudes qu'on lui donne
& des fituations dans lefquelles on le place ,
penferont avec M. de la Harpe , que Philoctète
, fans fecours , fans confolateurs & feul
avec les maux , ainfi que Sophocle l'a peint ,
eft infiniment plus intéreffant qu'il ne l'eft ,
tel que M. de Châteaubrun l'a préſenté fur
notre Théâtre , c'eft à- dire , accompagné de
fa fille : parce que , quelque cruel que puiffe
être le reffentiment d'une injure , il peut être
adouci par les confolations de l'amour filial.
Moins Philoctère eft malheureux , moins il
doit attacher. Ce principe eft de tous les
temps. On lira avec plaifir toutes ces obfervations
détaillées dans la Préface de M. de
la Harpe. Il a jugé M. de Châteaubrun avec
un goût sûr & une railon très- faine ; il a traduit
Sophocle avec une manière digne des
beautés antiques de l'Ouvrage Grec. Ce double
éloge eft dû à M. de la Harpe ; & s'il ne
l'obtient pas de tous ceux qui le lui doivent ,
on ne peut attribuer cette injuftice qu'à l'humeur
qu'il a excitée dans un grand nombre
d'efprits , par une févérité fouvent exceffive.
Le rôle de Philoctère a été rendu par M.
de la Rive avec une grande fupériorité . On
lui a reproché des cris ; nous croyons que
ce reproche n'eft pas fondé. Le compagnon
d'Hercule n'eft pas un de ces hommes ordinaires
, à qui la douleur & l'infortune ôtent
toute énergie , c'eft un être à part , dont les
DE FRANCE. 45
forces doivent fe ranimer au feul reffentiment
de fon injure ,& fur tour à l'afpect d'Ulyffe ;
de l'homme dont il a le plus à fe plaindre
& auquel il a voué la haine la plus implacable.
D'ailleurs , ce n'eſt que par intervalles
qu'il a laiffé éclater ces cris qu'on lui reproche
, & par- tout il a montré du naturel , de
la nobleffe , de la fenfibilité , & cette fimplicité
touchante dont les anciens ont fait
un ufage fi heureux , & que nous avons
prefque oubliée,
Nous devons auffi des éloges à M. de
Saint- Prix. Il a jeté de l'intérêt & de la dignité
dans fon jeu. Son débit a eu de la vérité
, il y a femé des nuances qui annoncent
de l'intelligence . Nous l'invitons à profiter
de la bienveillance publique dont il peut fe
rendre digné , & fur - tour à fe défaire de
quelques défauts dont nous l'avons averti ,
& que nous ne croyons pas devoir répéter ici.
ANNONCES ET NOTICES.
PORTRAIT
ORTRAIT de M. Gros de Befplas , Docteur de
la Maiſon & Société de Sorbonne , Vicaire Général
du Diocèfe de Besançon , Abbé Commendataire de
l'Abbaye Royale de l'Épau , Prédicateur du Roi ,
Aumônier de MONSIEUR , Honoraire de l'Académie
de Dijon , peint par A. Pujos , gravé par Fr.
Herot Prix , 1 liv . 4 fols. Se vend chez M. de
Launay , Graveur du Roi , rue de la Bucherie ,
Une Anecdote bien honorable a donné lieu à
cette Gravure. C'eſt à un morceau d'Éloquence, fai46
. MERCURE
fant partie d'un Sermon de la Cêne , prêché par
M. l'Abbé de Befplas , qu'on doit le meilleur état des
Prifons & l'établiffement de l'hôtel de la Force . Il
eft doux de mériter la gloire par des talens utiles à
l'humanité.
Voici les vers qu'a mis au bas M. le Comte Louis
de Galard :
Organe du Très-Haut , il inftruifit les Rois ;
Au bonheur des humains il confacra fa vie ;
A la Chaire étonnée il preſcrivit des loix ,
Et fon aménité fut défarmer l'envie .
M. Coffon , Profeffeur en l'Univerfité de Paris ,
les a traduits en Latin :
Terruit attonitam verbis cæleftibus aulam ,
Et facri leges tradidit eloquii.
Publica profperitas , dum commovet , unde refurgat ,
Invidiam blando fubjicit ingenio.
LETTRES fur la Suiffe , adreffées à Madame de
M ***, par un Voyageur François , en 1781. On ›
y a joint une Carte générale de la Suiffe & des
Glacières du Favigny , la plus exacte qui ait encore
paru , ainfi qu'un Plan de Verfoi , & un Plan
desfouterrains des Salines de Bévieux . 2 Vol, in-8 ° .
Prix , 12 liv . A Genève , & fe trouve à Paris , chez
Jombert jeune , Libraire , rue Dauphine.
NOUVELLE Traduction de l'Effai fur l'Homme ,
de Pope , en vers François , précédée d'un Difcours ,
& fuivie de notes , par M. de Fontanes , in - 8 ° . Prix ,
3 liv. A Paris , chez Jombert jeune , Libraire , rue
Dauphine.
Nous rendrons compte inceffamment de cet Ouvrage.
17
-PARTITION de Renaud, Tragédie Lyrique en
DE FRANCE. 4/
trois Actes , dédiée à la Reine, mife en mufique par
M. Sacchini . Prix , 24 liv . A Paris , chez l'Auteur ,
rue Baffe du Rempart , n°. 17 , & aux Adreffes ordinaires.
Le grand fuccès de cet Ouvrage nous difpenfe de
tout éloge . Nous ne pouvons cependant refifter au
defir d'en remarquer quelques morceaux . L'ouverture
eft d'un très-joli effet. Le début eſt d'un caractère
guerrier , & annonce bien le ton du premier
Acte. Il eft à remarquer que dans cet Acte il y a
trois morceaux auxquels la fituation obligeoit de
donner le même caractère , & fur lefquels cependant
l'Art du Compofiteur a fu répandre beaucoup de va
riété. Nous parlons du premier air d'Hidraot , de
celui de Renaud & de celui d'Antiope dans le divertiffement.
Nous remarquerons encore dans cet Acte
l'air d'Adrafte , Et je pourrois être infenfible , d'une
expreſſion fi vraie , fi bien fentie , & tous les choeurs,
particulièrement celui du ferment , qui même après
celui d'Ernelinde a encore paru fuperbe. Le fecond
Acte eft celui qui contient le plus de morceaux de
chant. Que de charines dans cett : c avatine , Il retraçoit
à ma mémoire , qui annonce cet air de grande
expreffion , Ah ! que dis- tu , trop foible Armide , &
celle plus délicieufe encore par la vérité du ſentiment
qu'elle exprime , Cruel ! pourquoi m'as- tu trahie , &
le joli air, Barbare amour , dont on avoit mal -à - propos
critiqué le caractère , & fur lequel Mme Saint--
Huberti a ramené tous les fuffrages . La critique
étoit peut-être mieux fondée en condamnant l'invocation
d'Hidraot & d'Armide ; mais combien elle
fait reffortir le fuperbe choeur fouterrain des démons.
Au Théâtre ce choeur fe répète deux fois . L'Auteur a
fait graver un trio qu'il avoit fait pour cette place ,
& qu'on fupprime aux repréſentations . C'eſt au Public
Lecteur à juger fi l'on a eu raifon . Le final qui
termine cet Acte a été beaucoup raccourci aux répéti48
MERCURE
tions . L'action a pu y gagner de la rapidité , mais
le morceau a perdu de fon effet. Le troisième Acte
commence par un air ſuperbe , mais peut- être exiget-
il trop de force d'exécution pour l'Actrice déjà
épuisée par l'action des Scènes précédentes ; mais
qu'on retrouve bien la charmante manière de l'Auteur
dans le petit air , Eh ! comment veux-tu queje
vive? & dans l'air de Renaud , Renoncez à votre
haine , auquel il ne manque que d'être mieux en
fituation pour exciter les plus vifs applaudiffemens .
L'Opéra finit par un très bel air de bravoure. On
fait avec quelle fupériorité M. Sacchini traite ce
genres mais ce qu'on ne pouvoit guères eſpérer d'un
Etranger c'eft le foin avec lequel la Profodie Françoife
eft refpectée , & la grâce qu'il a miſe dans les
premiers airs de danfe qu'il ait jamais faits. Nous ne
dourons pas que cette mufique ne foutienne à la lecture
la réputation qu'elle s'eft acquiſe au Théâtre .
Pour les Annonces des Titres de la Gravure ,
de la Mufique & des Livres nouveaux , voyez les
Couvertures .
TABLE.
VERS à M. de la Harpe, 3 Eloge de Voltaire',
Réponse à la Chanfon du Bu- Recueil des Pièces concernant
veur d'Eau ,
Air de Péronne Sauvée ,
Bon Mot,
22
41
6
8
7
Eloges lus aux Séances publi
ques de la Société Royale de
Médecine,
les exhumations de la ville
de Dunkerque,
28
32
41
Charade, Enigme & Logogryphe
,
Mémoires & Lettres de M. le Comédie Françoiſe ,
Maréchal de Turenne , 11 Annonces & Notices ,
APPROBATION.
45
le
J'AI lu , par ordre de Mgr le Garde des Sceaux ,
Mercure de France , pour le Samedi Juillet . Je n'y ai
rien_trouvé qui puiffe en empêcher l'impreſſion. A Paris ,
le 4 Juillet 1783. GUIDE
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 12 JUILLET 1783
PIECES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSÉ.
VERS de M. le Chevalier DE P. à M. DE
FONTANES , fur fa Traduction de
"
'Eai fur l'Homme. *
Du Refnel , dans fes foibles rimes ,
Du Poëte de la raifon
A délayé les yers fublimes
Et la mâle précifion .
Dans fa froide & pâle copie ,
Vainement de l'original
On cherchoit l'âme & le génie ;
Le Lecteur difoit : tout eft mal .
Mais c'eft Pope qui vous infpire ,
Pope a frappé vos vers heureux ;
* On ' la trouve chez Jombert jeune , Libraire , rus
Dauphine.
N°. 23, 12 Juillet 1783 .
C
5
MERCURE
Et la critique doit vous dire
Qu'à préfent tout eft pour le mieux.
MON SOUHAIT,
SI j'ofois efpérer qu'un deſtin moins ſévère
Pût jamais accomplir mon unique fouhait ,
Ni l'or , ni le pouvoir des Maîtres de la terre ,
Ni l'éclat d'un grand nom , n'en deviendroient l'objet.
Que ne pais-je , éloigné du fracas de la ville ,
Vivre obfcur , ignoré , mais libre , mais tranquille ;
Un toit modefte , un bois , & fes foinbres détours ,
Un champêtre jardin , une compagne aimée ,
D'un travail modéré les utiles fecours ,
Que faudroit- il de plus à mon âme charmée ?
Un jardin fpacieux orneroit ma maiſon :
On n'y verroit point l'Art révolter la Nature ,
L'immoler à l'ufage , à la mode , au bon ton ;
Des fruits bien variés , chacun dans leur faifon ,
Des légumes choifis , formeroient fa parure .
L'abeille auroit mes foins. Ce peuple induſtrieux
Dans un coin du verger trouveroit fon aſyle ;
D'un efprit attentif & d'un oeil curieux ,
J'obferverois les moeurs & fon travail utile.
Là , j'aurois pour voifins d'honnêtes Villageois ;
Par mes foins , mes fecours , j'adoucirois leur vie ,
A leur tendre amitié je me ferois des droits ;
Jouiffant plus que nous des vrais biens de la vie ,
BIBLIOTHECA
REGIA
IMTRACE NOT
DE FRANCE.
SI
Du repos de l'efprit & de la paix du coeur ,
Le fort des Villageois pourroit nous faire envie :
Ils feroient trop heureux s'ils fentoient leur bonheur.
Nous vantons de nos Arts la magique impoſture ;
Mais qu'est- ce que nos Arts auprès de la Nature !
L'homme présomptueux a cru pouvoir l'orner ;
D'une main libérale on la voit nous donner
Tous les biens qu'il lui faut payer avec uſure.
L'ORDRE de l'Univers , le fyftême des cieux ,
Fixcroient tour -à- tour mon efprit & mes yeux :
Ces foleils attachés à la voûte azurée ,
Ces comètes , jadis l'effroi des Nations ,
Dont on a calculé la marche & la durée ,
Cet éternel retour des diverfes faifons ,
Seroient le vaſte objet de mes réflexions.
Le mortel , dont l'efprit fut orné par l'étude ,
Aux fens qu'il poffédoit a joint de nouveaux fens :
C'eſt dans les champs fur -tout , c'eſt dans la folitude
Qu'il goûte des plaifirs fans ceffe renaiffans.
Mon cabinet devient le temple du Génie,
Là , j'ai fu raffembler les plus fameux efprits ,
Dont leur fiècle fouvent n'a pas fenti le prix.
Eft - il fociété plus noble & mieux choiſie ?
Au fommet du Parnaffe , affis près d'Apollon ,
Voltaire règne en Dieu fur le facré vallon .
Nul Art n'eft étranger à fon puiffant génie ;
Melpomène , Clio , Calliope , Uranie ,
Cij :
52
MERCURE
L'ont porté dès l'enfance au haut du double mont.
Peuples jaloux , vantez l'Ariofte , le Tafſe ,
Virgile , Horace , Ovide , Efchille , Anacréon ,
Il n'eft point de rival que Voltaire n'efface .
OSEREZ-VOUS placer Pline auprès de Buffon ?
« Peintre de la Nature , & fublime comme elle ,
» Ses tableaux dureront autant que leur modèle. » ✶
Aux Hyperboréens n'envions point Euler;
Si Newton aujourd'hui revoyoit la lumière ,
Il viendroit embraffer Condorcet , d'Alembert.
Du Chantre des faiſons , la Muſe noble & tendre
Sait enchanter l'oreille en éclairant l'efprit.
Aimable Saint- Lambert , qu'on fe plaît à t'entendre !
Ton favoir nous étonne , & ta voix nous ravit.
VIRGILE avoit chanté les doux préfens de Flore ,
Les travaux de Palès , les fécondes moiſſons ;
De Lille s'empara de fa flûte fonore ,
Sa flûte a fous les doigts rendu les mêmes fons.
Vous , que n'égalent point & Properce & Catulle ,
B.... , Greffet , Bernard , Dorat & Defmahis ,
Dans le fiècle dernier vous n'avez point d'émule ,
A vos vers fur les fiens Chaulieu donne le prix.
Confervateurs du goût , vous vivez tous encore ,
Condillac , Watelet , Thomas , Raynal , Servan ,
* Ces deux vers appartiennent à M. de Bonnard,
DE FRANCE.
53
B...., Guibert , Saint- Marc , Chatelux & Treffan ,
Vous lui rendez fans ceffe un culte qui l'honore.
Sur les autels du Dieu je vois fumer l'encens ;
La Harpe , Marmontel , il reçoit vos hommages ,
C'est un père en vous tous qui croit voir les enfans ,
Et fon temple eft orné de vos charmans ouvrages.
De l'éloquent Rouffeau , Platon feroit jaloux ,
D'Antremont , Deshoulière eut moins d'efprit que
vous.
Auteurs , que vos Écrits charment toujours ma vie !
Je fens , en les lifant , mon âme s'ennoblir ,
Ma raifon s'épurer au feu de leur génie ;
Mon efprit s'éclairer & mes moeurs fe polir.
L'ENNUI traînant par-tout fa vague inquiétude ,
Tourmente les oififs ; mais , dans ma folitude ,
Occupé de vous lire & de vous méditer ,
Le trifte ennui pour moi n'eft point à redouter.
HEUREUX qui peut ainfi du fønge de la vie
Remplir tous les momens ! Heureux qui , fans lien ,
Loin du monde , & fur- tout des regards de l'envie ,
Le corps fain , le coeur pur , vit en paix , fait du bien !
MAIS , doublement heureux le mortel dont la vie
Eft pour jamais liée à la femme chérie
Qu'ont formé la vertu , les grâces , les talens !
J'ai trouvé ce tréfor que je cherchai long- temps :
Oui , depuis que l'Hymen unit nos deftinées ,
Cii)
54
MERCURE
J'ai vu dans le bonheur s'écouler mes journées .
Le plaifir qu'on partage en devient plus touchant ,
Nos efprits & nos coeurs n'ont plus qu'un fentiment.
De fes doux entretiens , de fa raifon aimable ,
Je goûte avec tranſport le charme inexprimable.
Sous mon paifible toit , le foir , quand je reviens ,
A fes empreffemens , à fes tendres careffes ,
Je vois que le bonheur n'eft point dans les richeffes ,
Et qu'une femme aimée eft le premier des biens .
Explication de la Charade , de l'Enigme &
du Logogryphe du Mercure précédent.
LE mot de la Charade eft Chercher ; celui
de l'Enigme eft Chou ; celui du Logogryphe
eft la Reine , où le trouvent Élie , Nil ,
lien , lyre.
CHAR A D E..
Mon premier , par un fort bizarre ,
Pour l'un ne fauroit être heureux
Qu'au même inftant , ( choſe affez rare )
Pour l'autre il ne foit malheureux .
Dans mon fecond , jadis en France
Nos Preux exerçoient leur vaillance ,
Et s'égorgeoient par paffe- temps.
Mon tout cft la touchante ivrefe
DE FRANCE.
55
Que votre voix enchantereſſe
Porte fans ceffe dans nos lens.
( Par M. de Saint - Gervais , Officier au
Régiment de Picardie. )
FIDELLES
ENIGM E.
IDELLES Soeurs , par Minerve engendrées ,
Nous exiſtons dans toutes les contrées ;
L'honneur fur nous établit ſon eſpoir.
Objet des Loix , nous les faifons valoir ;
Nous ne pouvons en être féparées :
On nous chérit , on nous laiffe ignorées ;
L'homme de bien trouve en nous fon devoir ;
Au vice auffi par le malheur livrées ,
En rougiffant nous cédons tout pouvoir.
LOGO GRYP H E.
JE fuis un titre en France à tout homme accordé ;
Mais fouvent titre vain , par l'orgueil commandé ,
Je perds de ma valeur en fervant trop de monde ;
Et tel qui , d'un faquin , a droit de m'obtenir ,
Du Grand juſqu'au faquin me renvoie à la ronde ,
Tant à mon vil ufage on doit s'affujétir !
De nos jours cependant j'occupe un rang fuprême ;
Placé tout près du diadême ,
Je défigne une dignité
Civ
36
MERCURE
Qui ne fauroit admettre aucime parité.
Mais fi j'aime à montrer cette prééminence ,
C'eſt en donnant l'exemple , & des hautes vertus ,
Et d'une utile bienfaifance ....
J'abuſe , cher Lecteur , de votre patience ;
A moi-même , il eft vrai , je ne reffemble plus ;.
D'un cas particulier naît cette différence.
Tout-à-l'heure avili , pour être trop banal ;
A préfent élevé , je n'ai pas un égal .....
J'ai huit lettres : eh bien , prenez les cinq dernières
Vous aurez mon diminutif;
Un pronom , un ſubſtantif
Se trouvent dans mes trois premières.
J'offre auffi , par Médée , un vieillard rajeuni ;,
Un juge des enfers ; un métal trop chéri ;
L'adverbe pofitif par lequel on affirme ;
Ce qu'au- deffus de tout en fecret on eſtime ;
Le fruit dans la fable fameux ,
Et que teignit le fang d'un couple malheureux ;
Un paffage public ; & ce que tout Poëte
Ne trouve pas toujours quand il en a befoin
L'un de vos fens ; & le mot que répète.
Un Egoïfte avec beaucoup de foin ;
;
Ce qui vous clôt chez vous ; trois notes de mufique ;
Le nom le plus augufté , & fi cher aux François ,.
Qu'aucun , fans être éinu , ne l'entendit jamais ;
Et deux furnoms au pays Britannique ;
Et celui qu'à nos Rois on donne en leur parlant ;
Une couleur bien trifte ; une fort belle étoffe ;
DE
57
FRANCE.
-
Ce qui marque la joie ; & ce que l'on entend ;;
Ce que fouvent attire une libre apostrophe ;
L'arbre témoin des plaifirs du hameau ;
De vos jardins brillans la fleur la plus jolie ;
De tout corps animal la plus dure partie ;
Un Difcours oratoire ; & le temps où l'oifeau
Pour le renouveler , dépouille fon plumage ;,
Le mot qui , du néant , vous eſt l'abſtraits image ;
Le travail d'un infecte ; & ce qu'avec tranfport
Vous prefsâtes au plus jeune âge ;
Ce que fouvent au. défaut du courage
Vous voyez le plus foible oppofer au plus fort 3;
Delà les monts , une fameuſe ville ;
Et de tout rimailleur le démon familier ;
Ce que font deux époux ; des nombres le premier.....
En voilà bien affez , le refte eft inutile..
Je puis avoir encor des prépofitions ,
Particules , négations ;:
D'autres mots, une foule immenfe.......
Mais , de vous dire tout , Lecteur ,
Permettez que je me diſpenſe ,.
Te n'en finirois pas ; ainfi donc , ferviteur..
( Par M. Baudrais: ))
Cw
58
MERCURE
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
ÉLOGE de M. d'Anville , prononcé dans
l'Affemblée publique de l'Académie des
Infcriptions & Belles Lettres , le 29
Avril dernier , par M. Dacier , nouveau
Secrétaire .
M.• DACIER , nommé depuis peu à la
place de Secrétaire Perpétuel de l'Académie
des Belles Lettres , fur la démiffion de M.
Dupuy , vient de juftifier pleinement la coufiance
de ce Corps illuftre , & de s'annoncer
au Public avec éclat , par l'Éloge de M. d'Anville.
Le fujet étoit heureux ; mais obſervons
qu'il eft peut- être beaucoup plus ailé
d'embellir un fujet commun que de remplir
un fujet diftingué , & de répondre à une
grande attente . Dans le premier cas vous
pouvez prendre fur votre propre fond ; on
vous permet les écarts , on vous en fait gré
même; ce font des ornemens dont vous enrichiffez
un fond fec & fterile ; dans le fecond
, on exige que vous ne foyez jamais ni
hors du fujet , ni au deffous . L'Auditeur n'eft
content que quand vous avez développé en
lui toute l'idée qu'il s'étoit faite d'avance du
perfonnage que vous célébrez , & qu'il ne
peut dire : ni j'aurois mieux dit , ni j'aurois
dit autre chofe.
DE FRANCE.
59
Tel eft le mérite fuprême de cet Éloge : à
chaque trait on reconnoît , on diftingue M.
d'Anville , ou plutôt on le voit , c'eſt luimême
, il refpire.
La grande révolution que les Éloges de
M. de Fontenelle ont produite , a été d'initier
les ignorans & les gens du monde aux myftères
de la fcience , de renverfer la barrière
que le pédantifine & la charlatanerie avoient
élevée entre l'intelligence d'un homme d'efprit
& le domaine des Savans , de ſubſtituer
des idées claires à la profufion faftueufe des
mots techniques , de répandre , en un mot ,
l'inftruction , en la rendant fimple , facile ,
& même aimable. Tout cela ne s'eft pas fait
fans contradictions & fans orages ; les contradictions
ont ceffé , les orages fe font diffipés
, & M. de Fontenelle eft reconnu depuis
long- temps pour un modèle en ce genre ;
mais on s'eft encore trompé fur la manière
de fuivre ce modèle. Il falloit fans doute
adopter fa méthode générale , & la perfectionner
, s'il étoit poffible ; mais il falloit lui
abandonner la manière particulière , qui ne
convenoit qu'à lui . Des hommes , de mérite
d'ailleurs , ont cru devoir imiter jufqu'à cette
manière particulière , ils n'ont fait que rappeler
la Fable de La Fontaine :
Ne forçons point notre talent ,
Nous ne ferions rien avec grâce.
C'eft foi-même qu'il faut être , & non point
un autre .
C vj
MERCURE
Ce n'eft que l'air d'autrui qui peut déplaire en moi..
C'eft auffi le fens de ce mot d'Horace ::
Monitus multumque, monendus.
Privatas ut quarat opes..
M. Dacier n'avoit pas befoin de cet avertiflement
, il a trop de goût & d'efprit pour
ne pas fentir que fa philofophie ne devoit
pas être celle de Eontenelle , mais la fienne ,
& que le portrait de M. d'Anville, ne devoit
être celui de Guillaume de l'Ile.
pas
Jean Baptifte Bourguignon d'Anville , naquit
à Paris le 11 Juillet 1697. Il deffingit
dans fes claffes la carte des pays décrits par
les Auteurs anciens qu'il étudioit ; « ils lui
30
39
"
وو
infpirèrent pour la géographie ancienne
» un amour de préférence qu'il a confervé
jufqu'à la fin de fa vie , foit par ce charme
inexprimable qui nous ramène toujours
» vers les objets auxquels notre âme doit
» fes premières jouillances , foit parce
qu'elle lui paroiffoit emprunter quelque
chofe de la majefté impofante des peuples:
dont elle éclaire l'hiftoire ..... Il effayoit de
fuivre les Phéniciens dans leurs navigations
, & d'en deviner le fecret; il ' cherchoit
à reconnoître la trace de ceux qui ,
» par l'ordre de Néchos , partirent de la
» mer rouge , firent le tour de l'Afrique ,
» & retournèrent en Égypte par la médi-
" terranée , après trois ans de navigation. Il
partoit de Carthage avec Hannon &
99
22
ور
Ja
1
DE FRANCE. 6,L.
2
"
"
و د
côtoyoit l'Afrique en feus contraire , jufqu'au
Cap des trois Pointes : il vifitoit
» avec Scylax les pays & les établiſſemens
fitués fur une partie des côtes de l'Europe ,
2 de l'Alie & de l'Afrique : il accompagnoit
» Hérodote dans fes voyages en Grèce , en
Italie , en Égypte , en Afie ; il pénétroit
» au- delà de l'Indus avec Alexandre . Il fui-
» voit les Romains dans leurs conquêtes , &
» leur favoit prefque gré d'avoir ſubjugué
» le monde qu'ils lui faifoient connoître. "
39
"
9
Ce n'eft pas là , comme on voit , une énu.
mération sèche ; l'Auteur peint les objets
il nous fait voyager avec M. d'Anville &
avec lui .
"
« En lifant les plus fublimes Écrits , M
d'Anville fermoit les yeux à tout ce qui
» ne concernoit pas la géographie : il s'étoit
» condamné à ne voir dans Homère & dans
Virgile que des noms & des pofitions de
peuples & de villes. Si par hafard quel-
» ques beautés étrangères à fon objet l'arrê-
» toient un moment , & furprenoient fon
» admiration , il s'en arrachoit auflitôt , &
» fe reprochoit ces légers écarts comme un
23
"
22
larcin fait à fa paflion favorite. Mais il
» n'eut guères à fe défendre de ces féduc-
" tions que dans fa jeuncife ; il fe rapprocha
davantage par la fuite du goût de
l'Abbé de Longuerue , fon maître , qui
difoit qu'avec le Recueil des antiquités &
des fentences tirées d'Homère , on pou-
"
19
62 MERCURE
voit très- bien fe paffer de l'Iliade & de
» l'Odyffée .
La fine & douce ironie que ce morceau
refpire , prouve le goût de l'Auteur fans bleffer
la mémoire de perfonne : la meture
en eft parfaitement jufte ; plus foible , elle
ne feroit pas fentie ; plus forte , elle dégraderoit
ceux qui en font l'objet ; & le coup
qu'elle pourroit encore porter , eft paré à
l'inftant par la reflexion fuivante.
"
و د
" On feroit tenté de plaindre une pareille
infenfibilité , fi on connoiffoit moins les
plaifirs vifs que procure la découverte
» d'une vérité à ces hommes utiles , qui font
» animés de la noble ambition d'ajouter à
la maffe des connoiffances humaines , &
» d'en reculer les limites . >>
Nous ne fuivrons point l'Auteur dans
l'énumération des différentes cartes & des
divers ouvrages géographiques de M. d'Anville
; cette analyſe indiſpenſable , mais qu'il
eût été fi facile de rendre ennuyeule , n'eft
favante qu'au degré néceffaire pour l'inftruction
; elle a d'ailleurs toute la netteté ,
toute la précision , toute l'élégance qui pouvoient
la rendre agréable. "
2
Paffons à un article toujours délicat , &
qui eft l'écueil ordinaire des Panegyriftes ,
c'eft l'aveu des défauts de l'homme qu'on
loue ; cet aveu eft très important ; car il
donne feul de la vraisemblance & du prix
aux éloges , comme M. de Fontenelle l'a
fouvent fait fentir. Des Pánégyriftes malDE
FRANCE. 63
adroits éludent la difficulté ; perfuadés qu'un
éloge ne doit contenir que des louanges , ils
diffimulent tout ce qui n'eft pas louable ;
mais quand cette réticence pourroit convenir
aux éloges oratoires , ce qui même eft
contraire à la pratique des grands Maîtres ,
elle ne conviendroit pas aux éloges hiftoriques
; fi l'éloge a fes droits & fes devoirs ,
l'hiftoire a auffi les fiens , dont la vérité eft
le premier ; ces éloges , dont l'ufage eft établi
dans tous les corps Littéraires , formeront
un jour la partie la plus intéreffante de l'hiftoire
de la Littérature ; mais il faut que cette
hiftoire foit fidelle ; fi elle ne préfentoit que
des hommes fans defauts , elle ne feroit pas
crue ; & qu'eft ce qu'une hiftoire , qu'eft ce
qu'un éloge qu'on ne croit pas . ? D'un autre
côté , cet aveu doit être fincère fans être
dur , il doit être fait avec toutes les précautions
qu'exige la raifon de corps , autfi impérieufe
que la raifon d'état ; car , après tout,
c'eft un confrère qu'on loue & qu'on blâme .
M. de Fontenelle avoit naturellement une
indulgence philofophique très propre à
pallier les défauts qu'il étoit contraint d'avouer.
Un défaut eft fouvent voifin d'une
bonne qualité dont il ne s'éloigne que par
abus & par excès ; M. de Fontenelle tiroit
un grand parti de ce voifinage ; le Savant
fauvage , qu'une vie fédentaire ou une humeur,
dure rendoit d'une fociété difficile ,
avoit une franchife dont le principe eft toujours
eftimable , & dont le monde s'étoit
64 MERCURE
peut -être trop écarté ; le Philanthrope ,
1 homme fans caractère , avoit une aménité
qui faifoit rechercher fon commerce. C'eſt
la doctrine d'Horace ; il laiffe à l'amour certe
erreur aveugle qui transforme les défauts en
beautés & les vices en vertus ; il la regrette
cependant même dans l'amitié , mais il fe
réduit à demander , pour les défauts de
l'ami , l'indulgence qu'un père a pour ceux
de fon fils ; il veut qu'on défigne ces défauts ,,
non par leur nom propre , qui les caractériferoit
durement , mais par le nom d'une
bonne qualité voifine.
Ex more imponens cognata vocabula rebus...
Parciùs hic vivit , frugi dicatur , ineptus
Et jactantior hic paulo eft , concinnus amicis
Poftulat ut videatur ; at eft truculentior , atque
Plus aqua liber, fortis fimplexque habeatur :
Caldior eft , aeres inter numeretur , opinor
Hac res &jungit , junctos & fervat amicos ..
M. Dacier fuit parfaitement cette règle.
M. d'Anville avoit un amour propre naïf
qu'il montroit à tout le monde fans offenfer
perfonne , & qui avoit chez lui des modifications
& des excufes qu'il n'a pas chez le
commun des hommes ; M. Dacier peint cet
amour propre dans toute fon étendue , mais
avec toutes les modifications & les excufes.
" En parcourant fans ceffe la terre , il
s'étoit en quelque façon approprié les
DE FRANCE. 68
"
ןכ
fieux dont il avoit rigoureufement déter-
» miné la pofition . Il contemploit avec complaifance
ces membres épars de fon empire
; & comme fes prétentions lui paroiffoient
fondées fur des autorités refpectables
, il voyoit avec peine qu'on osât
» les contefter , fur- tout quand il s'agiſſoit
» de quelque point de la géographie ancienne
qu'il croyoit avoir plus invariable-
» ment fixée , & dont il s'étoit réfervé plus
fpécialement la poffeffion ; la critique lui
paroiffoit alors une efpèce de facrilège
» contre l'objet même de fon culte ; & tranfporté
d'une colère religieufe , il s'écrioit
quelquefois : On profane toute l'antiquité.
» Cet enthoufiafme , qui eût fans, donte été
>> ridicule dans un homme médiocre , étoit
» bien excufable dans un vieillard qui n'a-
» voit penfé , qui n'avoit vécu que pour la
géographie , & à qui la douce habitude
d'être applaudi avoit dû donner une grande
» idée de fes talens. On peut dire même que
cet enthouſiaſme étoit refpectable par les
» grands effets qu'il a produits ; fans ce reffort
puiffant qui faifoit agir M. d'Anville ,
» nous ferions vraisemblablement privés
» d'un grand nombre d'excellens Ouvrages ;
& la géographie feroit encore dans l'état
où il l'avoit trouvée. »
"
""
. Cette dernière raifon eft fi forte , qu'elle
couvre & excufe tour , & qu'elle entraîne le
Lecteur , quoique toujours prévenu contre
les palliatifs & les précautions oratoires ;
- 66 "MERCURE
c'eft que ce n'en eft point une , mais l'expreffion
fidelle de la juftice & de la vérité.
Il en eft de même du morceau fuivant ,
qui eft le développement du précédent.
199
20
Peu répandu dans la fociété , vivant dans
» le paffe plutôt que dans le préfent , &
dans les pays étrangers plus que dans la
patrie , connoiffant moins les hommes
que le féjour qu'ils habitent , M. d'Anville
» occupoit volontiers les autres de fes travaux
, & croyant ne parler que de fa paffion
, il parloit de fes fuccès . Mais ces
effufions de coeur , ces épanchemens d'un
amour- propre naïf qu'il n'avoit point appris
à déguifer , méritoient de l'indul-
" gence , & ne pouvoient offenſer per-
» fonne on l'entendoit fans peine vanter
la perfection de fes Ouvrages , & dire de
la géographie ce qu'Augufte difoit de
» Rome : Je l'ai trouvée de brique , & je la
laiffe d'or. En effet , les écarts de l'amourpropre
ne font choquans que lorfqu'ils
portent fur des objets familiers au Public,
» & dont chacun peut fe croire en état de
juger.
20
20
22 19
Tout a été pour l'Auteur une occafion de
montrer fon goût exquis , fon bon efprit
fa philofophie fage ; un feul trait prêtoit à
la fenfibilité , il ne l'a point laiffé échapper ;
M. d'Anville perdit fa femme après cinquante
ans de mariage. " Heureux alors que
la privation des facultés de fon âme lui
» ait épargné le fentiment de cette affreuſe
99
DE FRANCE. 67
féparation il eft du moins defcendu doucement
au tombeau , la douleur l'y auroit
», précipité.
"" ور
C'eft ainfi que l'Auteur a toujours le fentiment
& l'expreffion de la choſe. Son goût
eft pur , fon ftyle précis , fon pinceau fidèle ;
il a , comme nous l'avons dit , la jufte mefure
de tout; il n'y a point - là d'à- peu - près ;
ni plus , ni moins , ni autrement , pourroit
être fa devife.
C'eft fur fon manufcrit , qu'il a bien
voulu nous communiquer , que cet extrait
a été fait .
LETTRES de deux Amans , Habitans de
Lyon , publiées par M. Léonard , en trois
Parties. Prix , 4 liv. 10 fols. A Londres ,
& le trouve à Paris , chez Defenne , au
Palais Royal , paffage de Richelieu .
ON connoît la fingulière catastrophe qui
a fourni le fujet de ce Roman . Deux amans
à Lyon étoient unis par l'amour le plus tendre,
& l'on peut dire le plus paffionné . Le
jeune homme reçoit une bleffure qu'on dé
clare mortelle ; c'étoit prononcer l'arrêt de
tous les deux. Ne pouvant vivre l'un fans
l'autre , ils fe décident à mourir enſemble .
Ils fe rendent à l'autel ; & deux pistolets
qu'ils s'étoient attachés au poignet du bras
droit , & qu'ils font partir en même temps ,
les renverfent morts dans les bras l'un de
68 MERCURE
l'autre. Il exifte deux vers de Jean - Jacques
Rouffeau fur cet événement : nous ne nous
rappelons que le dernier , qui caractériſe
bien cette action :
Le fentiment admire & la raifon fe tait."
C'eft fur cette tragique aventure que M. Léo
nard a bâti le fond du Roman qu'il vient de
publier. Il a changé le motif qui décide la
mort des deux amans. Nous examinerons fi
l'intérêt y a gagné ou perdu , quand nous aurons
fait connoître l'intrigue que l'Auteur a
imaginée .
Faldoni & Thérèfe font les deux amans.
Celle ci a pour père l'homme le plus vain ,
le plus dur & le plus implacable . Sa mère ,
Mme de Saint- Cyran , eft d'un caractère oppofé
; mais elle gémit de la tyrannie de fon
époux , fans pouvoir en affranchir fa fille.
Voilà ce que nous apprennent les premières
Lettres de Thérèfe , adreffées à Conftance ,
fon amie. Un honnête Curé , parrain de
Thérèfe , & ami de la maifon , y joue le perfonnage
d'un refpectable Prêtre & d'un homme
aimable . Faldoni , qui en eft connu , fe
fait préfenter par lui chez le père de Thé
rèfe. Celle - ci confie fon amour au fenfible
Curé , qui devient le protecteur des deux
amans . Cependant l'inflexible M. de Saint-
Cyran deftine à fa fille pour époux un homme
qui n'a d'autre mérite & d'autre vertu
que fes richeffes ; & le Curé par prudence engage
Faldoni à s'éloigner pour un temps de
Thérèfe. M. de Saint -Cyran préfente à fa
DE FRANCE. 69
وي
fille fon indigne prétendu. « Imaginez , dit
Thérèſe à fon amie , en lui en faifant le portrait
, un fantôme fec & long , dont le
» teint noir eft mêlé de jaune , qui élevoit
» d'un ton d'importance une voix fépul
crale , me parcouroit de fes deux yeux
creux & malhonnêtes , & fourioit à faire :
» peur , en repouffant fa bouche jufqu'à fes
» oreilles, »
"3
Faldoni apprend que fon père eft prêt à
rendre le dernier foupir ; c'eft une occafion
pour lui d'aller prendre congé de M. de St-
Cyran ; il y court , voit fa chère Thérèſe ,
&, entraîné par fon amour , il ofe l'avouer
à Mme de Saint Cyran . Cette tendre mère ,
après avoir fait de juftes reproches à ſa fille
& à Faldoni , finit par leur pardonner , & .
fait des voeux pour leur union . Faldoni revient
quand il a fermé les yeux à fon père.
Cependant Thérèſe , attaquée d'une maladie
de langueur , fait craindre pour fa vie . Le
père eft à Paris pour un procès . La mère , de
concert avec le Curé , introduit Faldoni auprès
d'elle , ce qui amène une ſcène touchante
; le Curé les unit en appelant fur eux
la bénédiction du ciel ; & la mère promet de
ne rien épargner pour faire confirmer cette
union. Faldoni propoſe à Thérèſe , après fon
rétabliffenient , de fuir avec lui ; elle s'y refufe
en lui objectant les loix de l'honneur ,
& couvre ce refus des expreffions les plus
tendres. Mais un grand malheur fait couler
les larmes des deux amans ; Mme de Saint70
MERCURE
Cyran meurt , & laiffe fa fille en proie à le
dureté implacable de fon père . Cet homme
inexorable a tout découvert ; fa colère fa
manifefte par un emportement effréné , &
par les plus cruelles perfécutions ; le Curé
lui- même , pour avoir voulu s'intéreffer auprès
de lui en faveur de Thérèſe , eſt chaffé
avec des menaces & des injures . Une fcène
d'éclat achève de brouiller tout , & met le
comble à la fureur de M. de Saint- Cyran . Il
appelle dans fon château Faldoni , pour
avoir avec lui une explication ; & abuſant de
fon autorité , il s'oublie jufqu'à le faire arrêter
; mais un frère de Thérèfe , qui ne joue
guères un rôle important que dans cette occafion
, lui fait rendre la liberté pour fe
battre avec lui . Faldoni eft bleffé . C'eft ici
que commence le dénouement. Les deux
amans , toujours féparés , fuccombent aux
perfécutions. Faldoni propofe à Thérèſe de
s'en affranchir l'un par l'autre. Ils se donnent
rendez vous dans la chapelle du château ; &
après la meffe , ils fe tuent fur les marches
de l'autel.
On voit , par cette analyſe , que M. Léonard
a changé le motif de la mort des deux
amans , qui , dans le fait , ne font morts l'un
& l'autre que parce que l'un des deux ne
pouvoit plus vivre . Mais on pourroit lui demander
i fes deux héros , tels qu'il les a
places , font réellement dans la néceffité de
mourir. Thérèfe n'a qu'à perfifter dans fes
refus , & attendre ; elle peut même proteſter
DE FRANCE. 71
contre la violence de fon père , Elle trouvera
de l'appui jufques dans fa famille , qui s'offre
à la feconder. Craint- elle l'éclat d'une réfiftance
ouverte? Mais le parti qu'elle prend eft
bien plus propre à faire du bruit , & il nous
femble que , hors le crime , il n'eſt rien
qu'on ne puiffe braver , quand on fe décide
à mourir auffi authentiquement. Qu'on réfléchiffe
au contraire à la fituation des deux
amans qui ont fourni le fujet de cet Ouvrage
, & l'on verra que dans la logique de
l'amour , leur double trépas eft motivé , parce
que l'un des deux doit mourir , & que l'autre
ne veut pas lui furvivre .
Pourfuivons nos obfervations critiques.
Ce Roman , écrit avec pureté & élégance ,
plein de détails charmans , n'eſt pas toujours
aufi touchant qu'il pourroit l'être . Pourquoi
cela ? La principale raifon , c'eft que M. Léonard,
à qui on ne peut refufer de la fenfibilité
, quand on a lû les Ouvrages qui ont
justement fondé fa répuration , s'eft plus
occupé dans celui ci à penſer qu'à ſentir ; en
méditant les Lettres qu'il fait écrire à fes perfonnages
, il a moins interrogé fon coeur que
fon efprit. Delà vient que fouvent un détail ,
qui eft bien en foi , vient couper ou affoiblir
l'intérêt , parce qu'on ne l'attendoit pas là.
Un exemple expliquera mieux notre idée.
Faldoni écrit une lettre paffionnée à Thérèfe ,
pour lui propofer de fuir avec lui . La lettre
qu'il écrit immédiatement après celle là , eft
un très long éloge de l'amitié , cet éloge eft
72 MERCURE
fort bien fait ; mais en le lifant après les
tranſports amoureux que Faldoni vient de
faire éclater dans la lettre précédente , il eft
impoffible de ne pas le trouver déplacé , contraire
à fa fituation ; ce n'eft pas là ce que le
Lecteur attendoit , & l'intérêt ne peut qu'en
fouffrir. En général , M. Léonard a mis dans
cet Ouvrage plus de tableaux & de raifonnemens
que de paffions ; il s'eft plus occupé
à écrire , à peindre , qu'à exprimer des fentimens
; & cependant , quel fujer exigeoit
une marche , pour ainfi dire , plus orageufe?
On voit que M. Léonard eft plein de la lecture
de la Nouvelle Héloïfe , avec laquelle
on lui a reproché trop de reffemblance.
Héloïfe eft l'Ouvrage d'un homme de génie
fans doute , mais que nous ne croyons pas
fait pour fervir de modèle aux Romanciers ;
& M. Léonard a pris de lui le défaut de met
tre trop fouvent l'Auteur à la place des per
fonnages.
Nous aurions defiré auffi que les perfon
nages fuffent plus connus ; on voudroit fa
voir mieux ce que c'eft que Faldoni ; quelle
eft la fortune ; quel eſt ſon état ou celui de
fes parens. On auroit voulu voir dès le commencement
le Curé plus familièrement
établi chez M. de Saint - Cyran ; on auroit
voulu être accoutumé à fa liaifon avec Thérèfe
, avant de lire la confidence qu'elle
lui fait de fon amour pour Faldoni. On
apprend bien cette intimité par quelques
mots ; mais on ne la voit pas affez pour
n'être
DE FRANCE. 73
n'être pas étonné d'abord malgré foi d'une
telle confidence faite par une jeune fille a
un ami de fa famille , il eft vrai , mais à un
Prêtre , à un Curé , démarche affez fingulière
pour avoit au moins befoin d'être for
tement motivée . Ce font des attentions qu'on
a droit d'exiger de l'Auteur d'un Roman ; elles
font un peu minutieufes ; mais le coeur est trèsminutieux
; le moindre détail peut augmen
ter ou affoiblir l'intérêt qu'on veut lui infpirer.
Difons pourtant que la plupart des inculpations
qu'on vient de lire , tombent plutôt
fur quelques morceaux que fur le total de
l'Ouvrage. Quoique nous ayons quelquefois
defiré plus de détails attendriffans , nous
n'avons pas moins donné des larmes à la
fenfible Thérèfe , qui développe dans toutes
fes Lettres l'âme la plus honnête & le coeur
le plus tendre. Faldoni montre dès le commencement
un caractère paffionné qui moive
la catastrophe , & le père une implacable
dureté qui la juftifie. Après avoir rendu
Mme de Saint- Cyran favorable aux amours,
des deux amans , & néceffaire à leur bonheur
, c'eft un coup de maître de la faire
mourir. Voilà l'art de préparer un dénouement.
Pour le Curé , il n'écrit pas une lettre
qui n'infpire la plus tendre vénération .
Nous avons reproché à M. Léonard de
tendre trop fouvent & trop uniformément
à l'élégance du ftyle : il faut convenir au
moins que fes efforts n'ont été rien moins
No. 28 , 12 Juillet 1783. D
74 MERCURE
qu'infructueux. Voici un morceau qui peut
Le détacher , & qui eft écrit avec autant de
grâce que d'intérêt. « Pour connoître un
mortel heureux , fixons nos regards fur le
fage nous le verrons tranquille dans les
fuccès comme dans les revers ; également
éloigné de la crainte inquiète & de l'efpérance
avide ; jouiffant , par un exercice modéré
de fes facultés , de rons les biens de la
nature ; ne fe refufant rien de ce que la raifon
lui permet ; s'abftenant fans effort de ce
qu'elle interdit ; fe fervant de la théorie des
plaifirs pour en régler l'ufage ; faisant à fes
principes le facrifice de les goûts ; réprimant
les faillies de fon efprit quand elles peuvent
l'égarer ; fe montrant dans la fociété l'ami
du genre humain ; toujours prêt à plaider la
caufe des abfens , à foutenir les droits du
foible , à prôner le mérite modefte ; indifférent
fur tous les fyftêmes , ne cherchant que
Ja vérité ; n'adoptant jamais une opinion.
fans l'avoir approfondie ; jamais ne portant
un jugement fans l'avoir médité ; faifant de
fes réflexions la bafe de fa conduite ; & pour
éviter les regrets , n'abandonnant au hafard
que ce qu'il n'a pu foumettre à la prudence.
On ne fauroit avoir plus d'indulgence pour
les hommes ; il les fert fans efpérer de reconnoiffance
; il fait plus , car il oblige celui qui
fonge à l'outrager , & ne punit les ennemis
que par des bienfaits ; la haine n'entre point
dans fon âme ; la haine n'appartient qu'aux
mes foibles , aux enfans , aux vieillards ;
DE FRANCE.
75
elle annonce l'impuiffance , & l'être qui fent
fes forces n'a pas befoin de haïr. Le Sauvage
écrâfe l'infecte & l'oublie ; le Philofophe fe
détourne & le laiffe vivre. Il ne connoît ni
l'ambition des rangs , ni l'amour de l'or.
Que lui fait la rifible importance d'un perfonnage
& la puérile vanité des titres ? S'il
étoit capable d'humeur , il en auroit contre
l'infenfé , qui ne juge de la valeur d'un homme
que fur les parchemins & fur les rubans
qui le chamarent ; mais rien n'altère l'égalité
de fon âme ; les traits du mépris gliffent fur
lui fans l'effleurer ; il marche à côté du fuperbe
fans l'appercevoir ; il vit dans le fein
de l'intrigue fans être agité par fon tourbillon
; il voit autour de lui des courtisans
fuer pour s'agrandir , des parvenus s'affeoir
fur le trône de la fortune ; tout l'amuſe , rien
ne le bleffe. Il ne rencontre point de rivaux
fur la route , parce qu'il n'afpire à rien ; il
eft accueilli des hommes , parce qu'il n'a
rien à leur demander. Que pourroit il fouhaiter?
Des biens , des honneurs ? Il eft perfuadé
que la carrière de la vie eft trop courte
pour s'occuper de ces foins , & il paſſe au
milieu des fociétés , fon bâton à la main
comme un Voyageur qui va partir , &c. »
Qu'on ne s'imagine point que nous avons
tranfcrit ce qu'il y a de mieux dans les trois
Parties de ce Roman, Nous aurions pu prendre
au hafard , & choisir tout aufli bien. Des
images agréables animent le ftyle de M.
Léonard , fans le rendre trop poétique ; &
Dij
76 MERCURE
il est enrichi de tableaux charmans. Enfin
nous croyons que cet Ouvrage fait connoître
fon talent fous un nouvel afpect , & qu'il ne
peut qu'ajouter à la réputation.
و
VOYAGE Littéraire de la Grèce , ou Lettres
fur les Grecs Anciens & Modernes avec
un parallèle de leurs moeurs , par M. Guys ,
Secrétaire du Roi , de l'Académie des
Sciences & Belles Lettres de Marſeille.
Troisième Édition , revue , corrigée , confiderablement
augmentée , & ornée de dix
belles planches. 4 Vol. in - 8°. A Paris ,
chez la Veuve Duchefne , Libraire , rue
S. Jacques,
CET excellent Ouvrage , dont nous annonçons
la troisième Édition , eft connu fans
doute de tous nos Lecteurs ; même avant les
changemens que l'Auteur a faits , il avoit eu
un fuccès aufli brillant que mérité. M. Guys ,
en parlant des Grecs, a fu s'approprier cet art
précieux qu'ils poffédoient fi bien , de rendre
l'inftruction agréable . Son Ouvrage eft un mê
lange d'érudition , d'efprit & de fenfibilité.
Le portrait des anciens Grecs , dont il cherche
la reffemblance chez les Grecs modernes
, amène les détails les plus attachans , &
réveille les plus agréables fouvenirs . Si l'on
gémit de voir ces peuples, fi floriffans autrefois
, fubjugués aujourd'hui , avilis dans l'efclavage
, avec quelle fatisfaction ne voit - on
pas leurs ufages & leurs moeurs furvivre à
DE FRANCE. 77
leur liberté ! Les obfervations de M. Guys
font presque toujours accompagnées d'anec
dotes qui en confirment la vérité. C'eſt ainfi
qu'il parle du goûr que les Grecs ont toujours
confervé pour la danfe. « Aujourd'hui ,
point de fêtes ni de folemnités pour les
Grecs , s'ils ne danfent prefque autour de
l'astel , ou au moins du temple , fuivant
la coutume de leurs pères ! Ils y font tel-
» lement adonnés , que rien n'eft capable
ور
"
de leur en faire perdre le goût. Un jeune
» Grec , pris de vin peut - être , paffant le
» jour de Pâques devant la Garde Turque ,
» à la tête d'un branle qu'il conduifoit , fut
arrêté. Il reçut fur le champ cinquante
» coups de bâton fur la plante des pieds ,
fut renvoyé dans cet état. On le vit avec
» étonnement tout de fuite aller en clopipant
, & fe foutenant à peine , rejoindre
» fa troupe , qui continuoit de danfer , pour
» reprendre fa place.
"
Les Grecs tiennent toujours , comme autrefois
, aux Chanfons & aux Contes. M.Guys,
pour nous en donner une idée , rapporte une
affez longue converfation , dont nous allons
citer un fragment , qui renferme tout - à- lafois
un Conte & une Chaufon. " Leilé paffoit
pour la plus belle fille de Damas ; Scanbah
n'avoit pas la beauté en partage , mais
elle étoit bien plus fpiritnelle. Son père ,,
qui étoit un Médecin Arabe , lui avoit ap
pris à lire; elle faifoit des vers, & elle chin ,
toit comme une Fée. Gémil étoit un jeune
Diij
75 MERCURE
Arabe riche & puiffant. On difoit : la belle
Leilé fera la femme du riche Gémil. Scanbah
Fentendit répéter fi fouvent , qu'elle en fut
piquée. Elle fit à ce sujet cette chanſon .
" Homme aveugle & léger , qui crois
trouver la fatisfaction de ton coeur dans
» ce qui plaît à tes yeux ; qui dans le defir
» d'un moment places le bonheur de la vie ;
» homme aveugle , ouvre les yeux de ton
» âme , & fais un choix digne de ta raifon.
» La beauté qui t'enchante eft la fleur du
» matin que tu jettes loin de toi le foir , lorf
qu'elle eft fanée. Sors des jardins de Da
mas : vas chercher dans l'heureufe Arabie
» ces plantes qui , en ſe ſéchant , répandent
» une odeur encore plus vive & plus agréa
ble que l'odeur du matin . Le temps , qui
détruir les fleurs & la beauté , perfectionne
, embellit toujours l'efprit , la fageffe
& les grâces.
" Cette chanfon parvint bientôt jufqu'à
Gémil : il en fut frappé , & ne dormit plus
qu'il ne fût affuré que Scanbah ne feroit
qu'à lui. Après bien des années de mariage ,
on les citoit encore comme le couple le plus
fidèle & le plus heureux.
Les paffages des Auteurs Grecs , que M.
Guys applique toujours heureuſement , en
parcourant la Grèce moderne , prêtent un
charme entraînant à la lecture de fon Ouvrage.
Il n'y a pas d'imagination fi froide que
de pareils tableaux ne puiffent émouvoir ; &
il n'y pas d'efprit fi fédentaire à qui cer
DE FRANCE.
79,
Ouvrage n'inspire le defir de voyager avec
l'Auteur. Comme il l'a écrit par lettres , &
qu'il n'a fuivi d'autre ordre que celui de fes
obfervations qu'il tranfcrivoit à mefure , il
les donne modeftement comme un effai qui
peut fervir à une hiftoire fuivie. Mais il lui
arrivera ce qui eft arrivé à Jules Céfar , qui ,
n'ayant voulu écrire que l'itinéraire de fes
conquêtes dans les Gaules , a laiffé une excellente
hiftoire. Il est une manière de jeter
des traits épars , qui ore l'envie de les raffembler
en un feul corps ; l'Auteur croit
n'avoir fait que préparer des matériaux , &
il a laiffé un bel édifice .
On trouve auffi dans cette précieufe Collection
des Lettres de M. Guys , fils aîné de
l'Auteur , qui prouvent qu'il eft fait pour
marcher dignement fur les traces de fon
père.
Le quatrième Volume renferme la traduction
d'une grande partie des Élégies de Tibulle
, & quelques Poéfies légères. Cette traduction
avoit déjà paru féparément. L'Auteur
y a fait d'heureufes corrections , qui
doivent en augmenter le mérite aux yeux des
connoiffeurs . Parmi les Poéfies légères , on
trouvera plufieurs couplets , qui font écrits
avec autant de grâce que de gaîté. Il y a de
charmans détails dans une Ode intitulée : les
Souvenirs , & dans une Épître intitulée : la
Maifon de Campagne du Marfeillois . Nous
allons terminer cet article par un fragment
de cette Pièce.
Div
80 MERCURE
Le lendemain , comme un nocher
Qui veut s'éloigner du rivage ,
Le deffein pris , je puis marcher ,
Car je n'attends ni le cocher ,
Ni le plus modefte équipage.
Par la porte des fainéans ,
Je vais , montant d'un pied tranquille ;
En vingt minutes , à pas lents ,
Je rejoins Horace & Virgile ,
Je redeviens hôte des Champs.
Spectateur oifif , immobile ,
Malgré moi , je découvre encor
Et les rochers voisins du port ,
Et les toits fumans de la ville.
Beaux Arts , c'eft pour vos favoris,
Qu'autour de ma maifon ruftique ,
De ces lares que je chéris ,
J'ai raffemblé quelques débris
De Rome & de la Grèce antique.
J'aime à voir ces pins toujours verds ,
Ces coteaux de vignes couverts ,
La fleur nouvelle à peine éclofe ;
Et ma vûe au loin fe repofe
Sur la vafte plaine des mers.
Sous un berceau , réduit champêtre ,
Je lis Horace le matin ,
J'y porte la rofe & le thin ,
Quelques oeillets que j'ai vû naître ,
J'en fais un bouquet fans deffein ;
DE FRANCE. $15
Oui , fans deffein ; mais Chloé paſſe ,
De nies mains fait tomber Horace , ´
Et mon bouquet eft fur fon fein .
L'AIGLE ET LE HIBOU , Fable écrite pour
un jeune Prince que l'on ofoit blâmer de ›
fon amour pour les Sciences & pour ies
Lettres. A Glafcow , & fe trouve à Paris ,
chez Prault , Imprimeur du Roi , Quai des
Auguftins. Brochure in- 8 ° . de 58 pages.
Prix, i liv. 16 fols.
•
UN Aigle , affez heureufement né pour
fentir que le fouverain pouvoir ne donne
pas les lumières & les vertus qui le font aimer
, non content d'admettre à la Cour les
Savans qui inftruifent , & les Sages qui con
feillent , fe dérobe un jour à fes Royaumes
pour parcourir notre globe , & pour étudier
les Nations.... Il s'arrête fucceffivement fur
les Alpes & fur les fommets de la Philofophie. ,
Ici , pour connoître les fondateurs de l'Encyclopédie
; là , pour fuivre la trace de lumière
que Voltairey a laiffée. Il voit enfuite
le confident chéri de la Nature , & cet Élysée
où repofe le Détracteur des Arts , fublime
extravagant.
Qui , de la barbarie ofant plaider la caufe ,
Prit pour raiſon fuprême un délire éloquent.
L'Aigle admiroit pourtant cette mâle éloquence....
De Monbar & d'Ermenonville , le voyageur
t
Div
82 MERCURE
Roi paffe en Angleterre , en Hollande ; d'Ef
pagne il va à Boston ; des mers du Nord à la
Chine. De retour enfin dans fes États , nouveau
Législateur , il change les refforts defon
Gouvernement
, il établit les rapports immé
diats qui lient le Peuple avec le Souverain,
& qui font le bonheur de l'un & de l'autre.
Pour fes délaffemens , deux de fes confidens ,
le Cygne d'Apollon & le Phénix , venoient
lui lire ou lui traduire Pope , Saint - Lambert
, Tacite , Raynal , Lucrèce , Mikon ,
Necker , &c. & il formoit fur eux fa raifon
& fes fujets ; tous les oifeaux applaudiffoient
à tant de bienfaits , & célébroient à
l'envi leur Monarque ; le Hibou feul blâ
moit cette bienfaifance , cette humanité , co
goût pour les Arts , cet oubli apparent du
pouvoir qui faifoient un grand Roi d'un Ma
narquefauvage.
En limitant mes droits , j'affermis ma puiffance ;
Magloire eft d'être bon , ma force eft d'être inftruits
J'abdique pour jamais un pouvoir fanguinaire ;
les loix , les moeurs embelliront ma Cour;
Sans eux , la Cour des Rois eft barbare our groffière.
Répond l'Aigle au Hibou , en le renvoyant
dans fa mâfure.
Les arts ,
Cette Fable , ou ce Poëme ( car l'Auteur
ne fait quel nom donner à cet Ouvrage ) eſt
adreffée à un jeune Prince qui veut s'inftruire
comme l'Aigle , pour pouvoir régner comme
lui. L'Auteur lui fait obferver les Aigles de
l'Europe entière , s'élevant déjà tous für l'alle
DE FRANCE.
des talens. De Florence jufqu'à Pétersbourg
il lui fait admirer des Princes occupés à réformer
les loix , à détruire les préjugés , à
protéger la liberté , à encourager le com
merce. On eft furpris que l'Aigle de Suède ,
qui en vaut bien un autre , ait été oublié.
Ces deux Pièces de vers femblent n'avoir
été compofées que pour donner lieu à un
grand nombre de notes qui ont fait le fuccès
de cette Brochure ; elles font oublier les incorrections
des vers ; elles font pleines de
réflexions profondes & vraies , rendues avec
énergie & avec élégance. Nos grands Écri→
yains y font deffinés d'après leur caractère.
" Voltaire réuniffoit dans fes moindres Ou-
» vrages le ton du monde & le langage de
la poéfie , une peinture vraie & un coloris
» brillant , le trait léger qui porte fur les
circonftances , & le trait folide qui doir
frapper en tout temps l'enthoufiafime qui
» élève aux grandes choſes , & la gaîté qui
» ramène au naturel , le négligé de la grâce
» & la pompe du génie ...... L'Ouvrage de
» M. de Buffon eft un des phénomènes de
» l'Univers qu'il peint..... Par fes grandes
» idées il a rendu la langue plus éloquente ,
& par fes grandes images, il l'a rendue
plus poétique....
,,
2
Le Difcours Préliminaire de l'Encyclo
pédie eft le coup d'oeil le plus vafte & le
plus jufte que l'on ait jeté fur toute l'or
bite des connoiffances humaines . Les deux
plus belles façades que je connoiffe , dir
D vj
84
MERCURE
foit unhomme de génie, font la colonnade
du Louvre & la Préface de d'Alembert... "
Un homme d'efprit feulement voyoit peutêtre
mieux , en difant de ce beau monument
littéraire , qu'il reffembloit à un grand &
vafte périftile , qui ne conduifoit qu'à des
matériaux , & non à un édifice .
"
"
ور
" Les paradoxes & les folies de J. J. Kouffeau
n'empêchent pas qu'il ne foit un des
hommes les plus éloquens . Son éloquence
» confifte dans fes mouvemens & dans fes
defcriptions ; tous fes mouvemens font
paffionnés , & toutes les deſcriptions magiques.
Il eft inventeur du genrefauvage ,
qu'il a trop confondu avec le genre na
turel , & dont il abuſe quelquefois pour
furprendre l'imagination. Enfin il couvre ,
» par les vérités de détail , le fond d'erreurs
» fur lequel il a bâti tous fes Ouvrages.
ور
و د
"
99
"
30
Montefquieu est un de ces hommes ex-
» traordinaires qui font époque dans les
fiècles , en formant à eux feuls un vafte
foyer de lumières. Le caractère de fon
génie eft l'élévation unie à la profondeur ;
il fe montre en même temps au fommet
» & au centre des fujets qu'il traite ; c'eft
» dans l'Esprit des Loix qu'il a paru grand.
Les vérités yfont détachées par leur maſſe ,
» & liées par leur baſe. »
و ر
MM. Washington , la Fayette , Francklin ,
Adams , Cook , ne font point oubliés par
l'Auteur ; ils le feront encore moins par la
poftérité.
DE FRANCE. 8,
3
"
»
On obferve dans une des notes que nous
parcourons , que trois fauffes idées ont entraîne
les Miniftres Anglois dans cette guerre ,
qui place une nouvelle Puiffance fur le globe
, & qui donne une nouvelle politiqué à
l'Europe. La première , que leurs Colonies
» étoient trop pauvres pour fe défendre
» contre la Métropole ; la feconde , qu'elles
» étoient trop nombreuſes pour demeurer
» unies entre elles ; la troisième , que les
» liens du fang les rameneroient au lien de
l'obéiffance. Ils n'ont pas fenti que les richeffes
s'épuifent par les victoires mêmes ,
» & que le courage augmente par la pau-
" vreté. Ils n'ont pas fenti que l'union de
» divers États , afpirant tous à l'indépen
» dance , ne forme qu'un feul & grand in-
» térêt qu'on ne peut féduire ni divifer , qui
» s'anime par les fuccès & s'éclaire par les
» défaftres. Ces erreurs politiques ont
rendu l'Amérique indépendante ; mais elle
n'eft pas libre ; c'eft par des loix fagement
combinées avec une dépendance générale ;
c'eſt par la puiffance publique , adroitement
amalgamée avec la propriété particulière; c'eſt
par l'égalité des perfonnes , rendue indépen
dante de l'inégalité des fortunes , qu'elle aura
une conftitution ftable , qu'elle formera
une nation prépondérante. Cette grande
création a été l'objet des méditations de l'Auteur
de ces notes ; il préfente aux nouveaux
Licurgues cinq combinaifons à faire pour fe
préſerver des maladies politiques qui détrui-
ور
86
MERCURE
firent Sparte , qu'on trouve dans quelques
Cantons Helvétiques , qu'on reproche à l'An
gleterre.... " Puiflances immortelles qui pré-
» fidez aux Nations , inſpirez l'Amérique !
aidez fon génie naiffant! accompliffez des
≫ voeux où l'Univers participe ! le genre-
» humain ofe vous fommer de lui créer un
» meilleur monde ; qu'il y ait une contrée
où l'humanité puiffe repofer fa tête , &
» la Divinité fes regards. » 1
MM. Paw & de Gaines ont reproché ,
avec fondement , à quelques Auteurs modernes
, & fur- tout aux Millionnaires , d'a
voir parlé avec enthouſiaſme des Gouvernemens
Chinois. On lit ici une apologie de ce
peuple , qui fait partager à l'Auteur l'accufa
tion de partialité que les Philofophes & les
Prêtres ont méritée . Dans l'énumération des
grands avantages que cetre conftitution réunit,
tout lui paroît digne d'éloge , tout l'élève
au-deffus de nos conftitutions Européennes ,
même l'inaltération de la langue qu'on
parle , & dont la vie la plus longue ne l'eft
pas encore affez pour connoître tous les
mots. Quel obftacle aux progrès des Sciences ,
des Arts , & des connoiffances en tout gen
re ! Il paroît que l'Auteur s'eft laiffé féduire
par la mode ou par les préventions d'un
corps qui , admis feul au milieu de cet Em
pire , a cru devoir louer par intérêt , & fans
doute par reconnoiffance.
En parlant des principes économiques
dontM. Quelnay a été l'Apôtre, & dont MM.
DE PRANCE. 87
ſi
de Vauban & Boisguilbert font les Auteurs,
principes qui ont eté fi peu accueillis , l'Aureur
s'écrie : Par quelle fatalité les para
" doxes font- ils fi bien reçus , & les vérités
nouvelles fi mal ? C'eft que les premiers
» amuſent la curiofité , & que les fecondes
alarment l'intérêt : il n'y a point d'erreur
qui ne foit adoffée à quelque intérêt
puiffant... Pierre- Léopold - Jofeph, Grand-
» Duc de Tofcane , les a faifies ces vérités ,
» & c'eſt par elles qu'il fait tout le bien
» qu'un Prince éclairé peut faire aux hom →
33
33
mes. L'ordre qu'il met dans les finances ,
» la liberté accordée au commerce & à la
≫ raiſon , les encouragemens donnés à la
culture , tous les établiffemens utiles qu'il
multiplie & qu'il foutient , feront de fon
» règne un morceau d'hiftoire qui repofera
» les efprits fatigués du fracas des grands
» Empires. Un François qui avoit l'honneur
» de s'entretenir avec lui , frappé des con-
30
noiffances fupérieures de ce Prince , ofa
lui demander comment il avoit pû les ac
» quérir : en lifant vos Livres , répondit- il ,
» & en parcourant les chaumières. »
L'abolition de l'abus main mortable par
Louis XVI , fera un des beaux Chapitres de
fon hiftoire. Des hommes qui aiment à deminer
tyranniquement , ont dit peut être
comme ce noble Polonois qui , entendant
parler du Code du Chancelier Zamoiski ,
en faveur des Serfs , s'écria , indigné : comment,
je n'ausai plus le droit de battre mom
83 MERCURE
efclave ? Quelques Seigneurs affurent
qu'ayant offert la liberté à des villages mainmortables
, ceux ci l'ont refufée. Comment
expliquer ce fait ? Par la réflexion de M. de
Vauvenargues : l'esclavage avilit l'âme aus
point de s'en faire aimer.
Les notes font d'un homme exercé à méditer
fur les objets qui intéreffent notre bonheur,
fur les événemens qui ont le plus de rapport
avec la fociété, & à rendre fes idées d'une
manière neuve , piquante & ferme. Ses vers
font d'un homme de beaucoup d'efprit , qui
n'eft pas familiarifé avec les formes poétiques
. Sa profe eft d'un Philofophe accoutumé
à penfer fans que l'imaginarion y perde
de fes agrémens. Les deux premières
Pièces paroiffent n'avoir été faites que pour
fervir de cadre à des efquiffes pleines de vérité
, d'expreffion & de chaleur , mais dans
lefquelles on apperçoit fouvent le travail ,
& quelquefois de la prétention . Ce reproche
eft celui que les Lecteurs ont fait à l'Auteur
, en lifant fa Brochure ; on n'auroit pas
voulu qu'il dît , en parlant de Voltaire : Que
tout fe changeoit en or au feu de fon génie ;
cet or étoit le plus ductile du monde ; il le travailloit
comme un Artifte ; il battoit monnoie
comme un Souverain ; & toutes fes idées ainfi
frappées , font encore dans la circulation publique.
On n'aime pas qu'il compare les Ouvrages
de J. J. Rouffeau à des pendules détraquées
, mais enrichies d'un carillon magnifique
& jufte. Il ne faut pas écouter l'heure
DE FRANCE. 89
qu'elles fonnent , mais l'air qu'elles jouent.
Il femble que ce même Rouffeau ait con
jurécontre les vérités établies , & qu'il aitformé
le projet de détrôner la raifon publique.
En parlant de la manière dont on s'établit
dans l'Amérique Septentrionale , fur le terrein
qu'en a acquis , le propriétaire , dit
l'Auteur , commence par abattre tous les
petits arbres , enfuite il attaque hardiment
les chênes ou les pins immenfes qu'on prendroit
pour les anciens Seigneurs de ce terrein ;
l'air & le foleil entrent pour lors dans un
commerce libre avec cette terre. Avec l'optique
des conjectures & le prifme des étymologies ,
on voit tout ce que l'on imagine , & l'on colore
tout ce que l'on voit....
B
Dans l'Hiftoire profane , il faut ſe borner
aux faits hiftoriques..... Les gouffres de l'Océan
font les feuls Livres qui contiennent les
faits que nous ignorons.
Le lointain eft la perspective , & , pour ainfi
dire , le ciel des grands Hommes....
:
Les corps politiques placés entre le Monarque
& les Sujets , font un lien de morale-
& un milieu de lumière.
Le frein de la renommée eft le dernier
que l'autorité ofe mordre......
Nous voilà juftifiés d'avoir condamné la
manière recherchée de l'Auteur ; & on pourroit
dite la dépenfe d'efprit qu'il a faite pour
des notes qui n'exigeoient que de la précifion
& des développemens.
༡༠
MERCURE.
ÉPITRE à l'Hymen , par M. Coller ,
Chevalier & Secrétaire de l'Ordre du
Roi , Secrétaire des Commandemens de
feu Madame Infante , & Cenfeur Royal.
Seconde Édition , revue & corrigée par
l'Auteur. A Paris , de l'Imprimerie de
Lambert & Baudouin , rue de la Harpe ,
près S. Côme.
CETTE Épître a paru , pour la première
fois , il y a dix huit ans , après avoir couru
manufcrite long temps avant cette époque.
Elle fut attribuée à M. Collé , Auteur de
Dupuis & Defronais , & de tant d'autres
Ouvrages eftimés & eftimables. L'Auteur la
fait reparoître avec d'heureufes corrections ,
& revêtue d'une autorité refpectable , le
fuffrage de Greffet , qui écrivoit à un de ſes
amis : « Je connoiffois déjà le nom de M.
Coller dans la Littérature , par fa ***
Comédie de l'Ifle Déferte ; j'ai été enchanté
du ton de fentiment & de vertu
» qui règne dans fon dernier Ouvrage , de fa
» manière d'écrire vraie , poétique & fans
» bouffiffure.
93
ور
»
Il feroit inutile d'ajouter rien à cet éloge ;
il nous fuffira de citer quelques uns des morceaux
qui nous ont paru le mériter le mieux.
Le Poëte cominence ainſi :
Délices des coeurs vertueux ,
Toi qu'on implore & qu'on outrage
DF FRANCE.
Qui fur l'amour as l'avantage
De purifier tous les feux
Qu'allume en nous ce Dieu volage.
O toi , par qui je ſuis heureux ,
Sage Hymen, reçois mon hommage ,
Reçois ces vers qu'à tes bienfaits
Confacre ma reconnoiffance.
Qui mérite mieux qu'on l'encenſe ,
Que toi , dont les ardens ſouhaits
Ne coûtent rien à l'innocence ?
Après avoir peint en détail le bonheur que
l'Hymen procure , M. Collet gémit fur les
époux infidèles , & termine ce tablean par
cette réflexion :
Hélas! infenfés que nous fommes!
Faudra-t'il toujours que les hommes,
Capricieux autant qu'ingrats ,
Forgent eux- mêmes leur martyre ,
Et par un excès de délire
N'aiment que les biens qu'ils n'ont pas ?
Terminons nos citations par ce tableau
frais & riant :
Mais , quel objet s'offre à ma vûe?
O charme ! ô joie inattendue !
Tout brille de nouveaux attraits ;
Tout s'embellit dans la Nature ;
Les champs ont repris leur parure ;
De ces bois l'ombrage eft plus frais ;
92 MERCURE
C'eft l'Hymen , c'eſt lui qui ſe montre ,
Mon coeur me rappelle fes traits :
Les vertus font à fa rencontre ,
Il eft entouré de bienfaits ;
Devant lui marche la fageffe ;
Le devoir eft à fon côté';
Et l'heureufe tranquillité ,
Qui près de lui fourit fans ceffe ,
Des roſes de la volupté
Couronne encore fa vieilleffe .
Ces vers- là portent leur éloge avec eux.
Nous y joindrions celui des qualités per
fonnelles de leur Auteur , éloge que nous
trouvons dans la bouche de tous ceux qui le
connoiffent , fi ce mérite ajoutoit à celui de
fon talent poétique.
ANNONCES ET NOTICES.
DESCRIPTION des Projets & Conftructions des
Ponts de Neuilly , de Mantes , d'Orléans & autres ;
du Canal de Bourgogne , pour la communication des
deux mers par Dijon , avec les éclufes & autres travaux
hydrauliques , ainfi que les machines qu'on y
employa , auxquels font joints les devis & les détails
eftimatifs. 2 Vol. in -folio , grand atlas , contenant
67 planches. Cet Ouvrage , fuperbement exécuté à
l'Imprimerie Royale , fe trouve à Paris , chez l'Auteur
, rue de la Perle , au Marais , & chez Jombert
ainé & jeune , Libraires ; rue Dauphine.
CARTES du Canada , du Mexique , & des EtatsDE
FRANCE.
93
Unis d'Amérique , en deux feuilles , par Guillaume,
Delife .
: Ces Cartes font nouvellement revues & augmentées
de nouvelles limites & divifions defdits États ,
fuivant le Traité de Paix de 1783 , d'après les meilleures
Cartes du Pays , tant gravées que manufcrites ,
& affujéties aux Obfervations Aftronomiques de :
MM . de l'Académie Royale des Sciences , par M.
Dezauche , fucceffeur des Sieurs Delifle & Philippe,
Buache , premiers Géographies du Roi & de la même
Académie . Prix , 2 liv. 10 fols. A Paris , chez l'Auteur
, rue des Noyers.
ANTIQUITÉS d'Herculanum , gravées par F. A..
David , avec leurs explications , par P. Sylvain Maréchal.
Tome IV. A Paris , chez David , Graveur ,
rue des Noyers , en face de celle des Anglois.
Il paroît deux Cahiers de cet intéreſſant Ouvrage
tous les deux mois , & l'on foulcrit en payant d'avance.
les deux derniers Numéros qui terminent le fixième
Volume.
VOYAGE de Chapelle & de Bachaumont , fuivi
de quelques autres Voyages dans le même genre. A
Genève ; & le trouve à Paris , chez Hardouin , Libraire
, rue des Prêtres - Saint-Germain , & chez
Belin , Libraire , rue S. Jacques.
Les Ouvrages qu'on a joints au charmant Voyage
de Chapelle font , 1º . Voyage de Languedoc & de
Provence , par M. L. F. 2 ° . Voyage d'Eporne , par
Defmahis. 3. Voyage du Chevalier de Parny.
4°. enfin Tangu & Félime , Poëme en quatre
Chants. Tous ces Ouvrages font connus & eftimés .
CÉRÉMONIES & Coutumes Religieufes de tous les
Peuples du Monde , en 4 Vol. in-folio , divifés en
quinze Cahiers ou Livraiſons, Huitième Livraiſon ,
94
MERCURE
qui termine le fecond Volume . Prix , 10 liv . broche.
A Paris , chez Laporte , Libraire , rue des Noyers.
Les Libraires , ainfi que les Particuliers qui ont
Loufcrit pour cet Ouvrage , font priés de faire retirer
le plus tôt poffible les Livraiſons qui ont paru , le Libraire
ne répond pas de fournir les fuites à ceux qui
auront négligé de les faire retirer d'ici à la fin de
l'année courante , époque à laquelle l'Ouvrage fera
entièrement achevé.
On trouve chez le même Libraire le Supplément
à toutes les Éditions de l'Encyclopédie in -folio , publié
en 1777 & 78 , composé de 4 Vol . de Difcours
& d'un Volume de Planches . Ce Supplément eſt néceffaire
aux poffeffeurs de l'Encyclopédie . On trouve
encore chez le même la Table Encyclopédique des
Matières de ce grand Ouvrage.
EUVRES de Plutarque , traduites du Grec par
Jacques Amyot. Tome VIII . A Paris , chez Jean-
François Baltien , Libraire , rue S. Hyacinthe , la
première porte-cochère à droite en entrant par la
Place S. Michel.
L'Éditeur de ce grand Ouvrage , dont l'exécution
eft toujours auffi foignée , a cru devoir fe rendre à
Fempreffement de plufieurs perfonnes qui ont defiré
jouir en même-temps des OEuvres Morales de Platarque
& des Vies des Hommes Illuftres ; & il s'eft
décidé à donner alternativement un Volume de l'un
& un Volume de l'autre. Celui -ci , qui eft le huitième
des OEuvres de l'Auteur , eft le premier des
Quvres Morales ; le Volume qui paroîtra à la fin de
Juillet , fera le fecond de la Collection , & le fecond
des Vies des Hommes Illuftres. Dans le courant de
Septembre , on aura le neuvième Volume , qui fera
le fecond des OEuvres Morales , & ainfi du refte . M.
Baftien invite fes Soufcripteurs à ne pas faire relier
cet Ouvrage avant qu'il fait fini , parce qu'au lieu
DE FRANCE.
25
Ferrata , il fe propoſe de donner à chaque Volume
des cartons pour corriger les fautes effentielles qui
auront pu échaper dans le précédent . Il promet de
faire fuccéder les Volumes avec la plus grande célé→
rité ; & fon exactitude eft affez connue pour ne laiffer
aucun doute fur l'avenir .
NUMÉROS 107 & 108 du Journal d'Ariettes
Italiennes , dédié à la Reine. A Paris , chez M. Bailleux
, Marchand de Mufique , rue S. Honoré , à la
Règle d'or. Le Numéro 107 eft une Scène & un
Rondeau , 108 eft un air de M. Sacchini , chanté par
Mme Mara au Concert Spirituel. Ce dernier eft un
des beaux morceaux de bravoure de ce célèbre Compofiteur,
kiers. -
-
CHANSON pour la Harpe , par Mile de Wal-
Romance pour le Forte- Piano de Mme Piis,
6 fols chaque. Trois Sonates pour la Harpe ou le
Clavecin , Violon obligé , par M. Raqué , OEuvre I,
Prix , 6 livres. A Paris , chez Couſineau , Luthier de
la Reine , rue des Poulies , & chez Cornouaille , rac
Saint-Julien- le-Pauvre , maiſon de M. Petit.
PREMIER Concerto de Violon à grand Orcheffre
, par M. Criftiano Stumpff. Prix , 4 livres
4 fols. A Paris , chez Michaud , rue des Mauvais-
Garçons , près celle de Buffy , maifon de l'Herboriste .
M. Stumpff eft avantageufement connu par des
Symphonies d'un bon effet. On doit bien préſumer
de ce nouveau Concerto ,
OUVERTURE & entre- Ate de la Fée Urgèle ,
Opéra en quatre Actes remis en Mafique par M. le
Comte de F. Officier au Régiment du Roi, Prix ,
2 liv. 8 fols. Deux Ariettes de Baffe-Taille du
même Opéra, Numéros 1 & 2. Prix, 4 liv. 4 fols.
-
96 MERCURE
Ariette pour un Deffus du même Opéra , Numéro
3. Prix , 2 liv . 8 fols . A Paris , chez Bignon ,
Place du Louvre , ou à la Salle de l'Opéra , & aux
Adreffes ordinaires.
Il eft difficile de juger ces morceaux , qui font
gravés en parties féparées , & qu'on ne peut bien
entendre qu'en Scène ; mais le parti qu'a pris M. le
Comte de F. d'effayer fes talens fur un Poëme en
poffeffion des fuffrages publics , devroit être imité par
tous les Amateurs & les jeunes Compofiteurs qui
veulent fe faire connoître. Duni étoit bien foible
lorfqu'il fit la Fée Urgèle ; on y trouve pourtant
encore des Airs d'un grand mérite , & qu'il eft difficile
d'égaler ; mais on peut aifément le furpaffer
dans les autres.
Voyez, pour les Annonces des Livres , de la
Mufique & des Eftampes , le Journal de la Librai
rie fur la Couverture .
TABL E.
VERS de M. le Chevalier de Lettres de deux Amans ,
P.,
Mon Souhait ,
Charade ›
67
49 Voyage Littéraire de la Gre-
50 ce , 76
Enigme & Logo- L'Aigle & le Hibou, Fable, 81
gryphe ,
Eloge de M. d'Anville ,
54 Epitre à l'Hymen ,
8 Annonces & Notices ,
APPROBATION.
99
92
JAI lu , par ordre de Mgr le Garde des Seeaux , le
Mercure de France pour le Samedi 12 Juillet . Je n'y ai
rien trouvé qui puiffe en empêcher l'impreſſion. A Paris ,
le 1 Juillet 1783. GUID L.
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 19 JUILLET 1783 .
PIÈCES FUGITIVES.
EN VERS ET EN PROSE.
LE CHEVAL ET LE CHIEN , Fable.
UN Courier vigoureux , bien fait , jeune , mais fat,
( Farsité par- tout fe gliffe )
Crioit tout haut à l'injuftice
De fe voir obligé d'obéir par état
Aux loix , il difoit au caprice .
D'un maître impérieux , tranchant du potentat.
Il en faifoit un jour la plainte
A Laridon ;
C'étoit le Chica de la maison ,
Docile , obéiffant , par amour ou par crainte ,
Et s'eftimant heureux : Quel mauffade métier ,
Difoit le vaniteux Courfier ,
De fervir nuit & jour les plaifirs ou la gloire
D'un Maître qui n'aime que lui ;
De n'avoir à veiller , dormir , manger ou boire ,
No. 29 , 19 Juillet 1783.
E
98
MERCURE
Que pour les affaires d'autrui !
J'en fuis bien las ! cet homme ne me laiffe ,
En vérité, ni trêve ni repos ;
C'eft de ces importuns qui vous tiennent fans ceffe ,
Et qu'on a toujours fur fon dos .
Encor s'il y mettoit un peu de politeffe !
Mais point du tout. J'entends pour tous couplets
De gros jurons que fans ceffe il répète ,
Puis fon fouet infolent..... En un mot , il me traite ,
D'honneur , comme un de fes Valets .
Souvent auffi lorfque fa morgue fière
A mis ma patience à bout ,
Indocile à fa voix , hériffant ma crinière ,
Dreté fur mes pieds de derrière ,
Prefque debout ,
Je le mets au hafard de mordre la pouffière.
Fort bien , ce font-là des exploits ,
Dit Laridon , fi je fais m'y connoître .
Il est beau de narguer ceux qui donnent des loix ;
N'a pas qui veut l'efprit de maîtriſer fon maître.
Enfin tu fais au tien donner quelques leçons ;
Mais entre nous , tų ne dis rien , beau fire ,
De l'étoile de fer qui brille à fes talous ,
Et dont les traîtres aiguillons ,
Trop voifins de ton flanc , l'écorchent fans mot dire.
Mon cher , un efprit fanfaron
Porte malheur ; Dieu veut qu'on le puniffe,
Si le fort a toujours raiſon ,
Le foible a tort d'aller lui dire non ;
BIBLIOTHECA
REGIA
MONACENSISI
DE FRANCE.
១១
Il faut que l'on commande ou que l'on obéiſſe.
Ainfi , fi tu m'en crois , tu vivras fans façon.
De quelque titre qu'on te nomme ,
Tu ne peux échapper à l'homme ;
Échappe au moins à l'éperon .
ÉLÉGIE Ve du Troifième Livre de Tibulle ,
Imitation abrégée.
Le Poëte malade écrit à fes Amis.
C'EN eft fait , je le fens ; voici ma dernière heure .
Déjà dans la fombre demeure
La parque m'appelle à grands cris.
Arrête , ô Déeffe inflexible ,
Arrête , & de mes jours fi chers à ma Noris
Ecarte le tranchant de ton cifeau terrible :
Je n'ai point mérité les coups dont je péris .
ai- je par la fatyre
JAMAIS , nouveau Zoïle ,
Dégradé l'art des vers ou profané la lyre?
M'a-t'on vû de l'erreur fuivre les étendards ,
Ou de la calomnie aiguifer les poignards ?
Ma bouche fans mon coeur ofant prononcer , j'aime ,
Forma-t'elle jamais des fermens indifcrets ?
Non , non : ma bouche ignore ce blaſphême ;
Et mon âme innocente , en paix avec ſoi -même ,
Ne fent point des remords les aiguillons fecrets .
NUL cheveu gris ne deshonore
E ij
100 MERCURE
L'ébène des cheveux dont mon front fe décore ;
La vieilleffe de loin pourfuivant mes beaux ans ,
Hâte en vain la lenteur de fes pas chancelans ;
Ma vie à peine a paffé fon aurore.
Pourquoi d'une main fans pitié
Dépouiller le rameau de fon fruit jeune encore ?
Ou pourquoi fouler fous fon pié
La grappe en fleur qui vient d'éclorre ?
O vous, Dieux fouterrains , Dieux de la fombre cour !
O fufpendez l'arrêt de mon heure fatale !
Je ne refufe point de connoître à mon tour
Le Cocite , & Caron , & la barque infernale.
Aux bois de l'Élysée , heureux fi quelque jour
Des Poëtes fameux j'habite le féjour !
Attendez feulement que de fes doigts livides ,
Sur mon front décrépit l'âge ait gravé les rides ;
Qu'entouré d'un cercle d'enfans ,
Je puiffe d'une voix caffée
Raconter à leur troupe , à m'entendre empreffée ,
Les Hiftoires du bon vieux temps.
Et vous , à l'amitié fi chers & ſi fidèles ,
Vivez , foyez heureux ; la vie a fes douceurs.
Vivez, & foit qu'enfin Lachéfis & fes foeurs
Me foient propices ou cruelles ,
Que Tibulle à jamais vive au fond de vos coeurs,
( Par M. de Saint-Ange. )
DE FRANCE. 101
Explication de la Charade , de l'Énigme &
du Logogryphe du Mercure précédent.
пот ,
LE mot de la Charade eſt Délice ; celui de
l'Enigme eft les Maurs ; celui du Logogryphe
eft Monfieur , ( titre que l'on donne à tout
homme en lui parlant ou en lui écrivant ) &
Monfieur, ( titre que portent uniquement
les feuls Frères aînés des Rois de France ) ,
dans lequel on trouve fieur , mon ,
Efon , Minos , or , oui , foi , mûre , rue ,
rime , ouie , moi , murs , mi , fi , re , Roi ,
Mif, Sir , Sire , noir , moire , ris , fon ,
noife , orme, rofe , os , fermon , mue , rien ,
foie , fein , rufe , Rome , Mufe , unis & un.
On y trouve encorefur, en , on , où , ou , ne ,
ni , &c. défignés dans les derniers vers du
Logogryphe.
ENIGM E.
EN laiffant mes piés tels qu'ils font ,
En groffeur à-peu- près j'égale un grain de fable;
Si vous les renverfez , je fuis alors un mont ,
Célèbre autant que refpectable.
( Par un Botaniſte. )
E iij
102 MERCUR
LOGOGRYPHE.
Au moral , ainfi qu'au phyſique ,
Je fais un grand plaifir aux amis , aux amans ,
Aux frères , aux époux unis de fentimens ,
Et que n'a point gagnés le froid philofophique ,
Si fort à la mode en ce temps.
Jamais l'ingrat ne connoîtra mes charmes.
Je fuis pour lui fans attraits , fans douceurs ;
Jamais il n'a fenti couler ces douces larmes
Que je fais fi fouvent verfer aux tendres coeurs.
Quand , par hafard , je me fais trop attendre,
९ Au moral je perds tout mon prix ;
Mais au phyfique il ne fait que s'étendie .
Dans mes fix pieds , Lecteur , vous trouverez compris
Ce que l'on fait quand on eft en voyage;
Un infecte rampant qu'on foule fans pitié ;
Ce qui dans une ville offre par- tout paffage ;
Ainfi que deux pronoms chéris de l'amitié ;
Au Parlement Anglois un mot fort en uſage ;
Un autre , mais latin , qu'on adreffe à Satan ;
Ce que vous attendez peut- être au jour de l'an ;
Et ce qu'on fait à table alors qu'on n'eft pas fage.
( Par Madame Muſſon. )
DE FRANCE. 103
NOUVELLES LITTÉRAIRES .
LETTRE fur l'état primitif de l'homme
jufqu'à la naiffance de l'esclavage , fur le
defir de l'Immortalité & fur l'Héroïsme
Militaire ; par M. P. D. L. C. A Amfterdam
; & le trouve à Paris , chez la Veuve
Ballard & fils , Imprimeurs du Roi , rue
des Mathurins , & chez Mérigot jeune ,
Libraire , quai des Auguftins.
UNE des influences les plus marquées
des hommes fupérieurs , c'eft d'entraîner la
multitude des efprits fur leurs traces , de
mettre à la mode le genre qu'ils cultivent
& qui les rend célèbres. Du temps de Voiture
& de Sarrafin , les converfations légères,
les cercles , la fine plaifanterie , les lettres
enjouécs & familières , les petites parties
où l'on étoit adinis feulement avec de l'efprit,
toutes ces chofes , qui ne compofercient
aujourd'hui à un homme qu'un mérite très
mince , étoient la prétention & l'ambition
des efprits les plus diftingués ; c'eft qu'elles
avoient fait la célébrité de Sarrafin & de
Voiture. La Bruyère penfe que ces deux
Écrivains trouvèrent ce goût établi & ne
firent que le fuivre ; il préfume que dans un
autre moment ils auroient pris un autre
genre d'efprit & un autre caractère de talent.
E iv
104
MERCURE
Cela eft vrai fans doute en partie ; mais ce
qui l'eft davantage encore , c'eft que leurs
Ouvrages rendirent pour quelques inftans
ce goût univerfel , & en firent le ton des
bons livres & de la bonne compagnie. Lorfque
le Livre du Duc de la Rochefoucauld
parut , tout le monde vouloit faire des reflexions
& des maximes. Dans ce temps un
ami trouve fon ami occupé à écrire avec
l'air d'une profonde méditation , & lui
demande ce qu'il fait je fais , lui répond
l'autre , des maximes de la Rochefoucauld.
Ce mot eft plaifant & peint à merveille
l'influence dont je parle. La Métaphysique
même a été à la mode en France , & ce n'étoit
pas la bonne ; c'étoit celle de Mallebranche.
Lorfque Fontenelle & Lamothe
régnoient fur la Littérature , il n'y avoit que
la fineffe & la jufteffe de l'efprit qui fuffent
en honneur . Voltaire , en leur ôtant l'empire
des Lettres , mit les grâces & la mobilité de
l'imagination en vogue. Une chofe affez remarquable
, c'eft que Racine & Boileau ,
les deux Écrivains fans contredit qui ont le
mieux fondu dans leur talent tous les caractères
d'efprit , avec cette jufteffe & cette proportion
élégantes qui forment les principes
éternels du bon goût , n'ont point entraîné
fur leurs pas une fi grande foule d'imitateurs.
On convenoit affez généralement qu'on ne
pouvoit prendre de meilleurs modèles ; mais
on en prenoit d'autres. Ils ont plus formé le
goût de la Nation qui juge , que le caractère
DE FRANCE.
IOS
1
des efprits qui produifent. Peut - être pour
former une école & dominer quelque temps
avec l'empire abfolu de la mode , parmi les
caractères de fon efprit faut- il en avoir un
qui domine extrêmement tous les autres , &
qui rompe quelquefois l'accord & l'harmonie
qui conftituent le bon goût , pour frapper
l'imagination avec plus d'éclat & de
force. Depuis Edipe , Voltaire pendant
douze ans eut peu de fuccès au Théâtre ;
& fi l'on en cherche la raifon , on la trouvera
peut-être en ce qu'il fe conformoit avec trop
de fcrupule à ce modèle de perfection - que
lui avoient laiffé Racine & Boileau ; il oſoit
peu , parce qu'il craignoit beaucoup de blef
fer le bon goût ; & il ne permettoit à aucune
qualité de fon efprit de s'élever trop
au deffus des autres , parce que la perfection
du talent eft de les fondre toutes enfemble.
Le befoin du fuccès l'emporta fans doute
lur fes principes ; il fit des fautes , & montra
du génie. On lui reprocha d'être infidèle au
bon goût , & il obtint de la gloire ; c'eft
alors qu'il eut une École , & que la foule
fut plus grande à fes Pièces qu'à celles de
Racine même. Gardez vous , difoit un de
nos premiers Écrivains à un jeune homme ,
de vouloir vous corriger de tous les défauts
de votre talent.
Rouffeau de Genève , en exagérant quelques
opinions , en a fait l'objet de prefque
toutes les difcuffions de morale. Du mon.
ent qu'il attaqua les Arts & la Société
Fv
106 MERCURE
on ne vit plus que des ennemis ou des défenfeurs
de la Société & des Arts. On a fait des
voyages autour du Monde prefque uniquement
pour favoir s'il a eu tort ou raifon
dans ce qu'il a écrit des Sauvages . Mais il eft
quelquefois plus facile de faire le tour du
Globe que de bien comprendre les opinions.
d'un Philofophe , & c'est ce qui eft arrivé à
plufieurs de ceux qui ont attaqué ou défendu
Rouffeau. On croit par exemple affez généralement
qu'il a dit que l'homme n'eft point
fait pour la fociété , & il a dit le contraire ;
que l'homme n'eft point fait pour marcher
debout fur fes jambes , & il s'eft donné lạ
peine de prouver phyfiquement le contraire ;
que l'homme fauvage avoit toutes les vertus
; & de ce que Rouffeau a imprimé, il réfulte
que le Sauvage eft fans vertu . Comment
arrive- t- il qu'on entende fi mal les
chofes dont on parle le plus , & qu'un Écrivain
qui eft lû de tout le monde , ne foit
compris prefque de perfonne ? Eft - ce fa
faute ? eft- il obfcur dans fon ftyle ou fubtil
dans fes opinions ? Si on en excepte cinq ou
fix Chapitres du contrat focial , on ne trouveroit
pas , je crois , un feul exemple d'obfcurité
dans tous fes Ouvrages , & tout le
monde fait que fes opinions font très - fortement
prononcées ; mais c'eft que tout le
monde veut juger un Philofophe , & que
peu de gens veulent lui donner l'attention
néceffaire aux matières qu'il traite ; c'eſt
que pour bien retenir un grand réfultat
DE FRANCE 107
philofophique il faut fe fouvenir d'une
longue chaîne d'idées ; qu'on oublic ces
idées à mesure qu'on les parcourt , & qu'on
finit par prendre le réſultat tout de travers.
L'Auteur des Lettres que nous annonçons
aujourd'hui , difcute & combat dans la
première l'opinion de Rouffeau fur la civilifation.
Son objet eft de fuivre les progrès
de la Société depuis la vie fauvage jufqu'à
l'établiffement de la fervitude politique ;
de prouver qu'à chaque progrès la condition
de l'efpèce humaine devient meilleure , &
qu'avec plus de lumières on a encore plus
de vertu & de bonheur. C'eft à regret que
nous le difons , mais nous n'avons guères
que des critiques à faire à l'Auteur ; nous
en ferons même beaucoup. L'Auteur s'occupe
d'objets abandonnés aujourd'hui de la
plupart des Gens de Lettres , foit parce qu'ils
exigent trop de méditation & d'étendue
d'efprit , & qu'il eft bien plus facile de trouver
& d'embellir même quelques lieux com
muns fur les paffions , fur les plaiſirs , fur le
monde ; foit parce que la vanité craint de
ne pas trouver affez de Lecteurs en traitant
des matières trop férieufes , & que la multitude
eft un fouverain dont la plupart des
Gens de Lettres Alattent les fantaiſies & corrompent
le goût . On en a vû même quelques
-uns tâcher de jeter du ridicule fur
ceux qui parlent du progrès des lumières ,
de l'hiftoire des Sociétés : l'hiftoire des couliffes
& des foyers de l'Opéra leur paroiffoit
Evj
108
MERCURE
bien plus digne de leur talent , & ils avoient
raifon. Mais ces Écrivains légers qui ne veulent
pas qu'on s'éclaire , & qui ont cru pouvoir
fe moquer des lumières parce qu'on
s'étoit moqué autrefois avec fuccès de la
fcience , ne fe doutent pas que s'il y a quel
que chofe de rifible au monde , c'eſt la colère
d'un faifeur de petits vers qui attaque
le goût du fiècle & de la Nation , parce.
qu'on préfère à fes Pièces fugitives l'Émile
& l'Effai fur les ufages & les moeurs des Nations.
Le meilleur moyen peut être de s'oppofer
à ce travers de la frivolité littéraire ,
c'eft d'examiner avec un grand intérêt & une
grande attention les Ouvrages qui ont un
objet utile : tel eft celui ci . L'Auteur a des
connoiffances qu'il doit encore plus à des
voyages qu'à des livres . C'eft après avoir vû
des Sauvages qu'il en parle , & c'eft un autre
motif de l'écouter avec attention .
Si l'hiftoire des Peuples fauvages , des
Peuples barbares & des Peuples civilifes
étoit bien connue , cette queftion ne feroit
peut- être pas difficile à réfoudre. En rapprochant
& comparant toutes les circonftances
de leurs moeurs & de leur vie , on
parviendroit fans beaucoup de peine à voir
dans quelle époque font les plus grands inaux
& les plus grands biens , & quels font les
temps les plus honorables & les plus heureux
pour l'espèce humaine. Mais on n'a de
la condition de l'homme , dans ces diverfes périodes
, que des notions très générales , tièsDE
FRANCE. 109
vagues & très - confules : comment comparer
& apprécier avec précifion & avec juf .
teffe des époques qui font toutes également
mal connues ? Il eft à - peu - près impoffible
que les jugemens qu'on en portera ne foient
auffi vagues & auffi incertains que les notions
fur lesquelles ils feroit fondés . Nous
favons en effet que ces époques ont été
féparées les unes des autres par des efpaces.
de temps confidérables ; que pour faire un
feul pas dans la civilifation il a fallu fouvent
un grand nombre de fiècles ; que
l'homme a vécu long - temps fans être en
état de fe faire une idée de la propriété ,
qu'après cette inftitution même , la plus
grande de toutes les révolutions qui fe
foient faites fur la terre , il n'a cultivé longtemps
encore que des Arts prefqu'auffi fimples
que ceux de la vie fauvage ; qu'enfin la
perfection lente des Arts néceffaires a fait
naître les Arts d'agrément , ceux de l'efprit
& de l'imagination. On apperçoit cette fucceffion
de chofes dans les hiftoires même
les plus mal faites ; & quand les Hiftoriens
ne nous en auroient rien appris , il fuffit de
connoître un peu l'homme , pour favoir
d'une manière certaine cette partie de fon
hiftoire : elle est écrite dans la nature de fon
efprit & de fes pallions . Mais cette connoiffance
de quoi peut elle nous fervir ? Elle
fe réduit à fixer les époques qu'il faut comparer
, & nous laiffe ignorer prefque tous
les faits fur lefquels il faudroit établir la
110 MERCURE
comparaifon. On ne voit clairement dans
l'hiftoire ni les circonftances qui peindroient
le fort dont l'homme a joui dans ces diverfes
périodes , ni celles qui l'ont fait paffer par
degrés de l'un à l'autre , ni les changemens
que les affections , fon efprit & fa deſtinée
ont fubis dans chaque progrès.
Où trouver ces circonstances fans lefquelles
il eft impoffible de réfoudre cette
grande queftion d'une manière fatisfaifante ?
Il eft poflible qu'elles ne nous aient jamais
été tranfinifes ; car pour en fentir l'importance,
il falloit plus de philofophie que n'en
ont eu même la plupart des Hiftoriens de
l'antiquité. On fait auffi que beaucoup d'hiftoires
fe font perdues dans les ruines de
l'antiquité , & que prefque toutes celles qui
nous font parvenues ont été mutilées . Dans
ces deux cas le mal feroit fans remède ; mais
il peut fe faire auffi que ces faits mal appréciés
par les Écrivains , racontés fans intérêt ,
mêlés avec d'autres faits d'un genre & d'un
intérêt tout différent , foient pour ainfi dire
perdus au milieu des événemens qui dominent
dans l'hiftoire .
Il n'y a que deux manières de furmonter
toutes ces difficultés.
L'une eft de rapprocher , de lire & de
méditer à la fois tous les monumens hiftoriques
, tous les récits des Voyageurs relatifs à
des Peuples qui fe trouvoient dans la même
période de Société , d'y chercher & d'y
trouver ces faits négligés qui dès qu'ils auDE
FRANCE. III
ront repris leur rang dans l'hiftoire , feront
pour ainfi dire des fanaux placés de diſtance
en diftance fur la route de la civilifation .
C'est la méthode de Ferguffon , de Robertfon
& de Millar * . On eft furpris des
lumières qu'ils en ont tirées ; c'est là que
l'on voit Tacite expliqué par Charlevoix ,
Charlevoix par Tacite , Homère par Abulgazar
, & les Miffionnaires des Lettres édi-.
fiantes par Hérodote & Diodore de Sicile.
Rapprochés & comparés ainfi par ces ef- :
prits philofophiques , les fragmens obſcurs
& mutilés de l'hiftoire de plufieurs Peuples ,
dont l'existence a été féparée par un grand
nombre de fiècles , font devenus plus d'une
fois une hiftoire complette & lumineufe de
l'eſpèce humaine dans tout une période de
civilifation ; on peut dire que c'eft du fein
des ténèbres qu'ils ont fait fortir le jour.
L'autre méthode confifte non à étudier
l'homme dans l'hiſtoire , mais l'hiſtoire dans
l'homme ; à deviner par ce qu'il eft fous
nos yeux & dans les circonftances où nous
nous trouvons , toutes celles où il a dû fe
trouver fucceffivement , ce qui a hâté
ou retardé fes progrès , fort que lui avoit
fait la Nature , & celui qu'il s'eft fait à
lui même par fes Arts & par fes Loix. On
multiplie les conjectures pour y embraffer
* De la Diftinétion des Rangs dans la Société ,
excellent Ouvrage , dont la Traduction fe trouve
chez Piffot , Libraire , Quai des Auguftins.
J
112 MERCURE
F
toutes les circonftances poffibles , & on les
unit aux événemens les plus frappans & les
plus certains de l'hiftoire , pour leur en donner
l'autorité ; c'eft la méthode de Rouffeau
dans le Difcours fur l'inégalité des conditions.
En exigeant plus de génie elle donne
peut être des lumières moins fûres , elle a
du moins l'inconvénient de fe prêter trop
aifement à tous les fyftêmes.
L'Auteur de la Lettre fur la civilifation
n'a fuivi aucune de ces deux méthodes.
Il fuppofe les faits , & les raconte comme
s'ils étoient hiftoriques ; mais les conjectures
font en trop petit nombre pour rencontrer
la vérité , & , ce qui eft plus fâcheux
encore , elles font plus d'une fois contredites
par la nature de l'efprit humain , d'où
elles devroient être déduites. Rouffeau a
mérité le même reproche dans la première
partie de fon Difcours ; mais dans la feconde
toutes les conjectures font fi naturelles , que
la vérité ne le feroit pas davantage ; elles
font en fi grand nombre, qu'elles femblent
épuifer toutes les poffibilités de l'hiftoire ;
il les affocie d'une manière fi intime à des
faits non conteftés, qu'il eft difficile de les en
diftinguer, & de ne pas leur donner la même
confiance. Je ne connois rien en philofophie
qui me paroiffe au deffus de ce morceau
, & c'est encore un des plus beaux mor
ceaux d'éloquence de notre langue. C'eſt
pourtant de l'Auteur de ce Difcours & de
plufieurs Ouvrages du même genre , qu'on
DE FRANCE. 113
ofe dire qu'il n'eft que le plus éloquent des
Rhéteurs. Nous ne favons pas comment on
peut être Rhéteur & Éloquent à la fois , &
nous croirons toujours que rien ne reflemble
moins à de la rhétorique que l'éloquence
appliquée aux grands objets de la morale &
de la législation .
Il fera facile de prouver que les conjectures
fur l'homme primitifne font pas auffi
heureufes que celles du Difcours fur l'inégalité
des conditions.
L'Auteur le repréfente d'abord le genrehumain
divifé en une multitude de familles
ennemies les unes des aurres , & toujours
en guerre. Parmi ces familles quelques unes
font plus puiffantes , & les plus foibles fe
réuniffent pour leur réfifter. Leur réunion
forme les premiers Peuples , les premières
Tribus. Cela peut s'être paffé ainfi ; mais
peut être cela s'eft il paffe autrement . Paffons
cependant fon hypothèſe à l'Auteur ;
mais il ajoute : " Voilà le fondement des
33
"
Républiques & des Monarchies ; il fallut
» créer des Chefs communs qui puffent
» repréfenter les pères de famille , lefquels
font les feuls Chefs dans l'état de nature ;
il fallut encore créer une police pour ter
miner les différends qui naiffoient en
foule entre ces familles affociées ; en conféquence
on fit des réglemens qui fe perpétuèrent
par tradition ; on eut des loix
» avant d'avoir aucune espèce d'induſtrie. »
Il est évident que l'Auteur fuppofe ici
.
:
114
MERCURE
des faits qui font démentis également & par
toutes les traditions hiftoriques & pr toutes
les notions fur la marche de l'efprit huinain.
Quand les familles fe réuniffent , on
n'a nul befoin de créer des Chefs , ils font
tous créés , ce font les pères de famille.
Ceux ci ne confentiroient certainement pas
à la réunion fi elle devoit être pour eux la
perte de leur puiffance & de leur autorité.
Ils repréfentent leur famille , & ne fe laiffent
repréſenter par perfonne. Voilà pourquoi
chez toutes les Nations naiffantes , ceux qui
en forment le confeil s'appellent Pères ,
Vieillards , Sénateurs , Seigneurs. On ne
crée pas plus des réglemens que des Chefs.
A cette époque les différends fe terminent
par le glaive & non par des loix . Les crimes
font punis par la vengeance , & il faut bien.
du temps & bien des progrès pour donner
l'idée d'une autre juftice. Un grand principe
dans l'étude de l'hiftoire & de l'homme
, c'eft que les hommes ne créent rien ou
peu de chofe , & qu'avant l'époque où tous
les Arts ont développé toute la raifon hamaine
, les inftitutions fociales ne font prefque
jamais que l'ouvrage des circonstances.
Il falloit donc penfer que les pères de famille
conferveroient le pouvoir qu'ils avoient
reçu de la Nature , & qu'au temps de cetre
première affociation on n'en fait pas affez
pour détruire une autorité & pour en créer
une autre.
" Les Nations confédérées devinrent
DE FRANCE. 115
"? puiffantes à proportion du nombre de
peuplades réunies . Dans les plus conſidé
rables , le loifir , la fecurité & le goût na-
» turel que les hommes ont pour le luxe
» firent bientôt naître des Arts d'agrément
qui adoucirent un peu les moeurs. Le
n
»
32
goût de propriété devint plus général ; &
" comme une découverte en amène tou-
" jours une autre , il y eut de ces Nations
qui ne tardèrent pas à fe diftinguer par
» leur induftrie. Les Sciences commencèrent
» à éclorre. »
"
99
L'Auteur parcourt ici d'un trait non feu
lement une multitude de fiècles , ce qui eft
fouvent néceffaire , mais plufieurs époques
très féparées , ce qui eft fans excufe. Comment
eft il poffible , par exemple , qu'il ne
fe foit pas arrêté un moment pour confidé
rer les effets de l'établiffement de la propriété
? C'est le dernier terme de l'état de
nature & le premier pas de la civilifation.
A til pu fe flatter d'apprécier l'homme
fauvage & l'homme focial , en négligeant
de retracer les influences de l'inftitution qui
établit entre eux toutes les différences qui
les diftinguent? C'eft l'époque dont Ferguffon
, Millar & Rouffeau fe font le plus attachés
à connoître & à peindre les effets.
Voyez avec quelle énergie & quelle éloquence
en parle Rouffeau , en les confidérant
toujours relativement à fon fyftême.
" Tant que les hommes fe contentèrent
» de leurs cabanes ruftiques , tant qu'ils fe
116 MERCURE
"
30
bornèrent à coudre leurs habits de peaux
» avec des épines ou des arrêtes , à fe parer
» de plumes & de coquillages , à le peindre
le corps de diverfes couleurs , à perfec-
» tionner ou embellir leurs arcs & leurs
flèches , à tailler avec des pierres tran-
» chantes quelques canots de pêcheurs ou
quelques grofliers inftrumens de mufique
; en un mot , tant qu'ils ne s'appliquèrent
qu'à des ouvrages qu'un feul
pouvoit faire , & qu'à des Arts qui n'a-
» voient pas befoin du concours de plufieurs
mains , ils vécurent libres , fains ,
" bons & heureux autant qu'ils pouvoient
» l'être par leur nature , & continuèrent à
""
"
20
jouir entre- eux des douceurs d'un com-
" merce indépendan ; mais dès l'inftant
» qu'un homme eut befoin du fecours d'un
» autre , dès qu'on sapperçut qu'il étoit
utile à un feul d'avoir des provilions pour
deux , l'égalité difparut , la propriété s'introduifit
, & les vaftes forêts fe changèrent
en des campagnes riantes qu'il fallut arrosfer
de la fueur des hommes , & dans lefquelles
on vit bientôt l'efclavage & la
» misère germer & croître avec la moiffon. "
Quel éclat & quelle force de ftyle ! Quel
talent de mêler & de fondre enfeinble les
couleurs les plus oppofées , de remplir l'âme
de fenfations contraires , en faisant toujours
dominer celle dont il veut far- tout qu'elle
refte frappée ! Je ne dis point que ce foient
là les véritables influences de l'établiffement
97
"
DE FRANCE. 117
de la propriété parmi les hommes . Reuffeau
faifoit un fyftême ; mais dans tous les
fyftêmes il faut en rechercher & en peindre
les effets. Millar & Ferguffon même ,
qui n'ont pris de parti ni pour ni contre la
civilifation,fe font attachés fur- tout à porter
la lumière fur cette époque. C'eft là qu'eft le
noeud de la queftion.
La manière dont l'Auteur fait naître les
connoiffances les unes des autres eft fujette
auffi à de grandes difficultés. Il fuppofe que
les premières font celles de la Médecine , &
que ce font les Médecins qui, pour tranfmettre
leurs obfervations d'âge en âge , ont inventé
les caractères hiérogliphiques. Il n'eft
pas raifonnable de chercher à connoître les
inventeurs de ces caractères. Pour peu que
l'on ait étudié l'hiftoire & l'homme, on doit
favoir que leur origine eft hors de la portée
de toutes les recherches. Il n'eft point de
peuple pafteur ni même de peuple fauvage
qui n'ait quelque figne pour le rappeler des
faits , des idées , & l'hiérogliphe n'eft pas
autre chofe. Le javelot , dit Hobbes , que les
Alains plantoient au milieu d'un champ de
bataille pour conferver le fouvenir de la victoire
qu'ils y avoient remportée , étoit une
efpèce d'écriture. Voilà comment l'homme
de génie apperçoit les rapports des chofes
qui paroiffent les plus différentes. Antérieure
à toutes les fciences , l'écriture hiéroglyphique
ne peut donc pas être leur ouvrage ;
elles ont pu la perfectionner , en changer ,
118 MERCURE
en fimplifier & en étendre les fignes ; mais
elles ne l'ont pas inventée. En parcourant
une partie des Pyrénées, j'ai trouvé l'écriture
hieroglyphique dans plufieurs cabanes des
pafteurs qui les habitent ; j'y ai vû des Hermès
, qui avec la pointe de leurs couteaux
gravoient, non pas fur des colonnes ni fur le
fronton des temples , mais fur le tronc nouveau
des fapins & des chênes , des caractères
qui leur rappeloient les objets extraordinaires
qu'ils avoient vûs , & dont ils ne vouloient
pas perdre le fouvenir , les engagemens
qu'ils avoient pris & ceux qu'on avoit
pris avec eux. Les caractères varient fouvent
d'une cabane à l'autre ; mais ils font
les mêmes pour tous ceux qui vivent fous
le même chaume. Très fouvent ils m'ont
parus choifis & combinés d'une manière trèsingénieufe
; cependant on ne voit guères là
de Médecins , & ceux qui y vont quelquefois
n'ont guères d'obfervations à faire fur
des gens qui fe portent prefque toujours à
merveille. En général , la Médecine ne peut
être ni le premier Art ni la première Science
que l'on cultive. Les Peuples naiffans ont
plus de befoins que de maladies ; ils font
même tellement accoutumés à jouir d'une
fanté inaltérable, que lorfqu'elle fe dérange
ils attribuent leurs maux à des caufes furnaturelles
; c'eft le mauvais efprit qui les a
frappés. Lorfque c'eft un Esprit qui nous a
rendus malades , il n'y a qu'un Magicien
qui puiffe nous guérir ; auffi leurs Médecins
DE FRANCE. 119
ne font ils prefque jamais que des jongleurs
& des charlatans , dont toute la ſcience confifte
à prononcer certaines paroles , & tout
l'art , à faire de certaines grimaces. On peut
fe rappeler à ce fujet l'hiftoire que rapporte
M. de Bougainville de ce malheureux petit
Sauvage qui avala du verre , & à qui l'Aumônier
du Vaiffeau eut le bonheur de donner
le Baptême à la dérobée , tandis qu'un
Médecin du pays faifoit mille geftes fur la
poitrine & fur la bouche , dont il vomiffoit
le fang à grands flots . Voilà chez prefque
tous les Peuples ce qu'a été la Médecine dans
le principe ; elle ne devient une ſcience
qu'avec le temps , & alors même y a-t- il
toujours d'excellens efprits qui ne peuvent
lui pardonner le vice de fon origine.
Ces réflexions fuffifent , ce me femble ,
pour montrer que l'Auteur , quoiqu'il ait de
l'efprit & des connoiffances , n'a pas affez
étudié l'efprit humain pour tracer d'une manière
fatisfaifante l'hiftoire hypothétique de
la formation des Sociétés. Il affiche un grand
mépris pour les opinions de Rouffeau ; mais
en méprisant même & en combattant fes
opinions , il eût bien fait de fuivre fon génie
à la trace. Les erreurs même d'un efprit
fupérieur jettent une grande lumière ; s'il ne
mène pas la vérité en triomphe devant lui ,
il la traîne captive à fes côtés , & on la voit
toujours fur fon char ou dans fes fers . Si les
conjectures de l'Auteur ne font pas auffi
heureufes que celles de Rouleau , fes re120
MERCURE
cherches dans l'hiftoire font encore plus
éloignées d'être auffi favantes & aufli étendues
que celles des Écrivains Anglois dont
nous avons parlé. Il a vû par lui même les
Sauvages de l'Amérique ; mais je ne fais fi
cet avantage n'a pas été pour lui la fource
d'un grand inconvénient. Il a cru que les
Tribus fauvages du Nouveau - Monde étoient
les modèles de toutes les Sociétés naiffantes
que dans tous les fiècles & fur tout
le Globe les Sauvages ont toujours eu un
feul & même caractère ; qu'ils ont toujours
été des Iroquois & des Hurons. C'est là
une grande erreur , & une erreur pourtant
bien commune. De ce que la plupart des
différences qui diftinguent les Nations civilifées
proviennent des différences de leurs
Arts , de leurs Loix & de leurs Gouvernemens
, on a imaginé que les Sauvages fans
Gouvernemens , fans Loix & fans Arts étoient
par-tout les mêmes . Mais les cauſes naturelles
ont leur influence comme les caufes
fociales ; & fi elles ne font pas auffi variées ,
elles n'en font fouvent que plus puiffantes.
La diverfité des climats & celle des moyens
de fubfiftance peut mettre entre un Madecaffe
& un Huron autant de différence qu'il
y en a entre un Angiois & un François . Pour
avoir une histoire complette de la vie fauvage,
il ne fuffit pas d'obferver & de marquer
le rapport des Peuples qui l'ont menée ,
il eft auffi important pour le moins de faifir
& de peindre leurs variétés. On peut reprocher
DE FRANCE. 121
cher cependant même à Robertfon & à Ferguffon
de s'être beaucoup plus occupés des
reffemblances. Les traits de l'Américain
dominent trop auffi dans le portrait qu'ils
ont tracé du Sauvage. On conçoit qu'ayant
beaucoup de Mémoires fur les Sauvages du
Nouveau- Monde & très peu fur les autres ,
ils ont pu être féduits par la facilité de peindre
ce qu'ils connoiffoient le mieux , & de
tout rapporter au tableau qu'ils avoient fous
les yeux. Mais cette faure fi difficile à éviter
& fi digne d'excufe dans des Écrivains qui
ont rendu de grands fervices à la Littérature
& à la Philofophie , jette des difficultés
incroyables fur la question que tant d'Hommes
de Lettres ont agitée depuis Rouffeau.
Qu'on nous permette de renvoyer au
Mercure prochain quelques réflexions que
nous avons à faire fur un objet fi intéreffant
; beaucoup de gens n'y voient que des
fpéculations d'où il ne peut réfulter aucun
bien ; mais c'eſt dans ces fpéculations qu'on
peut apprendre à connoître l'homme , le
bonheur que la Nature lui deftine , & les
Loix qui peuvent lui affurer ce bonheur.
Nos plus grands intérêts touchent de près à
ces fpéculations , qui ont encore un intérêt
qui leur eft propre.
( Cet Article eft de M. Garat. )
No. 29 , 19 Juillet 1783. F
122 MERCURE
DÉLASSEMENS de l'Homme Senfible , ou
Anecdotes diverfes , par M. d'Arnaud,
Tome Ier , première Partie . A Paris , chez
l'Aureur , rue des Poftes , près KEſtrapade ,
maifon de M. de Fouchy; & chez la Veuve
Ballard & fils , Imprimeurs du Roi , rue
des Mathurins.
Nous avons annoncé le projet de cet Ou
vrage avec la conviction de le voir réuflir ;
& ce fuccès n'étoit pas difficile à prévoir
d'après tant d'autres qui ont fondé la réputation
de M, d'Arnaud dans le genre du
fentiment. On ne peut que lire avec beaucoup
d'intérêt cette première Partie. Elle eſt
compofée de grand nombre d'anecdotes plus
ou moins longues , & de divers genres. La
Préface eft courte , originale & ingénieufe:
»
" Un homme s'avife de vouloir enfemencer
un espace de terrein affez étendu :
» un ouragan continuel défoloit la contrée.
Quelqu'un lui dit : mon ami , vous faiteslà
une énorme fottife ! ne voyez- vous pas
» que le vent emportera vos graines ? Mon
» ami , répart l'autre fans fe déconcerter ,
il fuffit que quelques unes viennent à
» bien: je me croirai trop payé de mon
travail. »
93
"
"
La première Anecdote eft un trait. de fermeté
& de juftice très- intéreffant. Alfred ,
l'un des Rois de la Dynaftie- Saxone an Angleterre
, parcourant un jour fes États , va
DE FRANCE. 125
demander l'hofpitalité à un de fes courtifans
, qui fe nommoit d'Albanac , & qui le
reçoit avec des tranſports de joie . C'étoit un
home courageux & incorruptible . Il fait
fervir fon Prince par trois filles qu'il a , toutes
trois charmantes ; mais Éthelwitha efface
fes deux foeurs par la beauté , les grâces , &
cette phyfionomie qui eft un charme encore
plus puiffant . Alfred n'y réfifle point ,
& il conçoit pour elle la plus violente paffion.
L'impreflion que fon coeur avoit reçue
étoit trop forte pour échapper aux yeux du
refpectable d'Albanac. Le Monarque paffa la
nuit à s'occuper , fans fermer l'oeil , de la
charmante Ethelwitha , & à parler de fes
charmes ; car il avoit fait coucher dans la
chambre un de fes courtifans. Il lui en parloit
encore lorfque le jour parut ; & il rêvoit
aux moyens de fatisfaire fa paffion.
- quand il vit entrer d'Albanac , tenant une
épée nue d'une main , & de l'autre fes trois
filles en deuil.jQue vois- je , s'écrie le Monarque
Sire , lui répond d'Albanac , j'ai cru
découvrir hier ce qui fe paffoit dans votre
coeur. Vous voyez ce fer ; fi vous avez le
projet de me déshonorer , je le plonge dans
le coeur de ces trois filles infortunées ; fi
votre amour eft digne de vous & de moi ,
choififfez & nommez votre épouſe.
Cette noble fermeté triomphe du coeur
d'Alfred , ou plutôt elle le rend à lui- même;
& il partage la couronne avec la belle
Ethelwitha..
Fij
124 MERCURE
1
La feconde Anecdote eft un acte d'héroïfme
, un trait de vertu furnaturelle . C'eſt
S. Vincent de Paul , qui , vifitant une ga
lère , fe charge des fers d'un malheureux
forçat pour le rendre à fa famille , qui ne
peut vivre fans fes fecours.
Parmi tous ces morceaux , que nous ne pou
vons fuivre en détail , l'un des plus intéreffans
, c'eft la nouvelle Clémentine . L'héroïne
de cette aventure vit encore ; & l'on ne
peur lire l'hiftoire de cette victime innocente
de l'amour & de la fenfibilité fans répandre
des larmes . Cette tendre Clémentine
alloit époufer un jeune homme qui l'aimoit
auffi tendrement qu'il en étoit aimé. Il eft
obligé de s'abfenter pendant quelques jours
pour aller chercher des papiers dont il avoit
befoin pour fon mariage; & cette abſence ,
quoique involontaire , & néceffaire au bonheur
des deux amans , eft encore un fupplice
trop rude pour l'extrême fenfibilité de Clémentine.
Elle reçoit enfin une lettre de fon
amant , qui lui annonce que tout eft arrangé,
& qu'il va fe mettre en marche pour ſon
retour. Clémentine , au jour indiqué , va
au- devant du carroffe de voiture qui doit
l'amener. Elle le cherche, prononce fon nom ;
mais , hélas ! au lieu du jeune homme elle y
trouve un oncle éploré qui lui annonce la
mort de fon amant ; avant d'expirer il a chargé
cet oncle d'aller confoler Clémentine.
Mais cette entrepriſe étoit au deffus de tout
pouvoir humain. « Dès ce moment ſon eſDE
FRANCE. 125
و د
و د
prit s'eft égaré , ſa raiſon l'a abandonnée ,
tous fes fens font livrés à un défordre que
» nul remède ne peut guérir , ni même foulager.
Cette malheureufe victime furvit
enfin à fon amant pour être toute entière
» au trait qui l'a frappée. Le croiroit- on ?
Depuis près de cinquante ans , malgré la
rigueur des faifons , elle fait à pied tous
les jours une route d'environ deux lieues ,
» & fe rend à l'endroit où elle eſpéroit trou-
» ver le jeune homine de retour ;
il ne lui
échappe que ces mots : Il n'eft pas encore
» arrivé ! je reviendrai demain. »
و د
>>
"9
و د
L'art de réveiller la fenfibilité de fes Lecteurs
eft un grand mérite , fans doute ; mais
dans l'Ouvrage que nous annonçons , M.
d'Arnaud n'a pas borné les efforts de fon
talent à faire couler des larmes inutiles :
c'eft en faveur de la vertu qu'il nous attendrit
; & ce Recueil , en exerçant la fenfibilité
des jeunes gens , deviendra encore un
véritable cours de morale. Au moment où
nous écrivons , la feconde Partie a paru . Elle
répond au mérite de celle- ci & à la répu
tation de fon Auteur.
Fiil
126
1
MERCURE
ODE fur la Paix , & Tableau de la Guerre
qui la termine , par M. Courtial . A Paris ,
chez Demonville , Imprimeur- Libraire de
L'Académie Françoife , rue Chriftine ; &
chez les Libraires qui vendent les Nou
veautés.
POINT de grand événement dans la Nation
qui ne faffe éclore des Odes . Mais le génie
qui les infpire n'eft pas toujours celui qui
dicte les bons vers. Si l'on ne peut pas toujours
donner aux Auteurs qui travalient
dans ces fortes de fujets , le titre de bons
Poëtes, on les confole au moins par celui de
bons patriotes.
M. Courtial s'eft montré plufieurs fois
dans cette carrière , & avec plus de fuccès
que plufieurs de fes concurrens. L'Ode qu'il
vient de publier eft un peu longue ; & il dit un
mot dans fa Préface contre ceux qui établif
fent pour règle de donner peu d'étendue à ce
genre de Poëme. Mais fi ce n'eft pas là une rè
gle, ilfaut convenir au moins que c'eft un con
feil utile , parce que plus on donne d'étendue
à une Ode , plus il eft difficile de la faire.
bonne. Voici les ftrophes qui nous ont paru
les plus eftimables .
De la France fur- tout reffources éternelles !
Les forêts dans les ports prennent foudain des aîles ; .
De l'Etna dans ſon ſein on croit voir les volcans ;
Là , font forgés ces traits , ces foudres redoutables ,
DE FRANCE. 127
Plus que ceux du ciel formidables ;
Là , l'airain en fureur bouillonne à flots brûlans.
Là , paroiffent guidés par le Dieu de la Guerre ,
Pleins d'une noble ardeur , armés de leur tonnerre
L'Anglois , l'Ibérien , & le bouikant François ,
Le Batave emporté loin de ſes marécages ,
Au fein des plus fanglans orages ,
Victime de la guerre , & même de la paix.
O REDOUTABLE mer ! tes ondes alarmées
Bouillonnèrent cent fois du fang de tant d'armées .
Que de Guerriers perdus dans tes énormes flancs !
Que de fois , entr'ouvrant leurs immenfes abymes,
Ton noir courroux prit pour victimes ,
Les vainqueurs , les vaincus , les morts & les vivans !
ESSA1 Hiftorique & Critique fur l'infuffifance
& la vanité de la Philofophie des Anciens ,
comparée à la Morale Chrétienne , traduit
de l'Italien de D. Gaetan Sertor , de
Florence , avec des notes du Traducteur.
A Paris , chez Berton , Libraire , rue Saint
Victor.
·
IL eft peut être plus facile de trouver la
vérité , quand on la cherche , que de la défendre
avec fageffe quand on l'a trouvée.
L'exagération & l'hyperbole deviennent le
partage de celui même qui a raiſon . Dans
les chofes facrées , ce penchant qu'ont tous
Fiv
128 MERCURE /
les hommes en difputant à s'écarter du juke
milieu, devient plus dangereux encore .
L'Ouvrage dont il eft ici queftion renferme
la morale la plus faine , & refpire à la
fois la haine du vice & l'amour de la vérité.
Mais l'Auteur défendoit une trop bonne
cauſe pour avoir befoin de dénigrer dans fes
adverfaires ce qu'ils avoient de vraiment
louable. Difons mieux , il ne fait que prouver
une opinion déjà démontrée ; on fait que
rien n'eft comparable à la pureté de la morale
chrétienne . Si Dom Gaetan vouloit abfolument
traiter ce parallèle , il pouvoit le
confidérer fous un afpect auffi édifiant &
plus utile ; fon érudition nous auroit été plus
profitable , fi , au lieu de nous prouver l'excellence
de notre morale chrétienne , ( dont
nous fommes tous convaincus ) fi au lieu de
nous énorgueillir de nos avantages , il nous
avoit fait rougir de notre coupable négligence
, en nous prouvant que les anciens ,
abandonnés aux ténèbres de leur raifon ,
avoient été quelquefois plus vertueux que
nous qui avons le bonheur d'être éclairés par
les lumières de la foi..
En parlant des Philofophes anciens , qu'il
évoque prefque tous , il a fait voir , & il le
devoit , d'après fon plan , la faufferé de leurs
opinions & le déréglement de leur conduite ,
les torts de leur raifon & les vices de leurs
coeurs. Tout cela feroit fort bien , s'il ne
leur refufoit pas toute eſpèce de vertu , par
la raifon qu'ils n'ont pas les vertus chrétienDE
FRANCE. 129
nes. Mais n'y a- t'il pas des vertus que le chriftianifme
ne donne pas , & qui ne font pas
contraires au chriftianifme ? }
Par exemple , il raconte l'anecdote du
Philofophe Épictère , à qui fon maître Épaphrodite
, dans un moment de colère , donna
un grand coup de bâton fur la jambe : Si
vousfrappez ainfi , lui répondit tranquillement
le fage Épictète , vous la romprez.
Épaphrodite ne s'arrêta point , il le frappa
encore plus rudement , & il lui rompit la
jambe en effet. Épictète , fans s'émouvoir ,
lui répondit avec le même fang- froid : Je
vous l'avois bien dit que vous me la rompriez.
Tout le monde a trouvé dans ce traitlà
quelque chofe de fublime ; & l'on ne
peut , fans furprife , entendre D. Gaetan , qui
n'y voit qu'une grandeur d'âme fauffe & apparente.
C'est être un peu difficile. Il faut
convenir qu'on ne canoniferoit pas un Chrétien
pour avoir dit ce mot là ; mais à coup
sûr , un pareil mot n'empêcheroit pas un
Chrétien d'être canonifé ; & il y a auffi peu
d'adreffe que de juftice à n'en pas faire
l'éloge. On voit qu'à la rigueur , les obſervations
de D. Gaetan fe réduiroient preſque à
prouver que les Philofophes Payens n'étoient
pas Chrétiens.
Au refte , nos reproches ne tombent que
fur l'exceffive rigueur de la juftice que D.
Gaetan exerce contre les Philofophes anciens
, & ne touchent point aux vérités qu'il
démontre. Encore une fois , fon Ouvrage
Fy
130 MERCURE
<
renferme la plus faine morale . Ajoutons
qu'on y trouve beaucoup d'érudition , &
qu'il fe montre fort inftruit de la queſtion
qu'il a voulu traiter : l'exagération même
que nous lui reprochons devient refpectable
par fon objet , puifqu'elle ne provient que
de fon amour pour la vérité. On doit aufli
des éloges à l'anonyme qui nous a fait connoître
cet Ouvrage par une fidelle traduction.
Il y a dans fon ftyle de la vérité , du
naturel & de la clarté,
LE Décaméron Anglois , on Recueil des plus
jolis Contes , traduits de l'Anglois , pas
Mill Mary Wouters. Vol. in 16 .. de 118
pages. A Londres , & fe trouve à Paris ,
chez la Veuve Ballard & fils , Impr. du
Roi, rue des Mathurins ; la. Veuve Du- ,
chefne , Libraire , rue S. Jacques , &
Mérigot l'aîné , vis- à - vis l'Opéra ..
Si ce petit Volume plaît au Public , l'Aureur
fe propoſe de continuer une collection
de pareils Ouvrages. Le premier Conte eft
Ingénieux ; il a pour titre : l'Esprit & la beauté.
Le fecond a pour titre : Memoire d'une Coquette.
Le fonds en eft plus trifte qu'intéreffant.
Il renferme les égaremens d'une Coquette
, fes humiliations & fon repentir. La
Généalogie allégorique de l'abfurdité, eft abfolument
dans la manière Angloife , & doit
perdre une partie de fon fel pour des Lecteurs
François. On lira avec plaifir la relation
DE FRANCE. 131
du contre-temps qu'effuyèrent les fept Sages
de la Grèce dans un Voyage qu'ils firent dans
la lune. Le Bonnet de Nuit a des momens intéreffans.
Le Volume eft terminé par l'Hiftoire
de MiffJonhson & de George Williams.
- L'Auteur , à titre de femme & d'étrangère
, a droit à l'indulgence des Lecteurs
François ; mais on va voir qu'elle écrit de
manière à n'en avoir pas befoin. Voici un
morceau du Contre temps des fept Sages ,
qui donnera une idée de fon ftyle.
"
-
Réuniffez , fi vous le pouvez , toutes les
Fées du Parnaffe & leurs favoris ; joignez-
» y tous les faifeurs de Romans & de Voya
" ges : eh bien ! ce que leurs fécondes ima-
» ginations pourront produire de plus riang
» & de plus fauvage , de plus majestueux
» de plus terrible & de plus beau , tout cela
» n'approchera jamais des jardins fuperbes
» & delicieux où fe promenèrent nos Sages.
"
Tantôt ils étoient frappés d'admiration en
» voyant les jeux hardis de la Nature ; tan-
» tôt le coeur plein d'une émotion involontaire
, ils fe laiffoient aller à la plus
douce mélancolie , & les heures fugitives
difparoiffoient.
» Ils venoient de s'égarer dans les myfté-
» rieux dérours d'un labyrinthe , où le bruit
» lointain des cafcades , le doux murmure
» des fontaines , les accens amoureux des
oileaux , le riant velouté d'un gazon naiffant
, le verd rendre des jeunes arbiesiqui
les ombrageoient , le parfum des fleurs
ود
23
F vi
132
MERCURE
qui fembloient fe multiplier fous leurs
" pas , avoient infenfiblement ralenti leur
» marche , & les retenoient comme enchan-
» tés , &c. »
"
On voit , par ce morceau , que la langue,
Françoife eft devenue familière à l'Auteur
de cet Ouvrage. Nous autions defiré ſeulementque
les fonds des Contes qu'elle a choifis
euffent plus de piquant & d'intérêt .
SPECTACLES.
ACADÉMIE ROYALE DE MUSIQUE...
MILLLEE SAINT HUBERTY a obtenu un
congé , qui privera le Public de fes talens
pendant deux mois . On continue les repréfentations
de Renaud & de Péronne Sauvée ;
Mlle Maillard a joué Mardi , premier de ce
mois , & le Vendredi fuivant , le rôle d'Arm
mide , dans le premier de ces Opéras , avec
un fuccès qui a confirmé les efpérances que
nous avions conçues du talent précieux de ce
jeune Sujet dès les premiers debuts , & que
nous avons annoncées en divers articles du
Mercure.
Safigure théâtrale , fa taille avanta
genfe , embellie des grâces de la jeuneffe ,
étoient bien propres à donner un nouvel
éclat à ce rôle. Son action a toujours été
animée & intérellante & fes mouvem
>
書
1
DE FRANCE. 133
mens preſque toujours juftes ; elle parcourt
& remplit la Scène avec l'aifance d'une Actrice
très exercée , & ce qui eft plus remarquable
encore , c'est l'accord qui règne entre
fon action & fon chant , & qui ſemble dirigé
par l'inftinct le plus heureux. Sa voix
franche , naturelle & fonore fe prête fans
effort à toutes les inflexions qu'exigent à la
fois & le goût du chant & l'expreffion des
paroles. On a été frappé de la manière noble
& naturelle dont elle a chanté le récitatif du
premier Acte , qui jufqu'à préfent avoit
paru difficile à bien rendre . Elle a chanté
avec beaucoup de jufteffe & d'expreffion les
beaux airs du fecond & du troifième Acte ;
mais c'eft fur- tout dans celui de Cruel !
pourquoi m'a tu trahie , qu'elle a mis la fenfibilité
la plus vraie & les accens les plus
touchans , avec des nuances adroites dans
le chant , & une action très paffionnée.
Cet effet a été vivement fenti , & les applaudiffemens
du Public , que Mlle Maillard a
reçus pendant tout le cours de fon rôle , ont
en ce moment redoublé avec les tranfports
les plus univerfels & les plus flatteurs.
Un talent fi intéreffant & fi décidé , développé
dans des rôles auffi importans que ceux
d'Ariane & d'Armide , & où un Sujet trèsjeune
avoit à lutter contre une Actrice confommée
& très chère au Public , doivent
faire regarder Mlle Maillard comme l'efpérance
du Théâtre Lyrique , fi elle continue
de perfectionner par l'étude les dens qu'elle
134 MERCURE
a reçus de la Nature . L'éclat de fes fuccès ne
doit pas lui faire oublier qu'il entre toujours
un peu d'indulgence dans les applaudiffemens
que le Public prodigue aux jeunes Sujets
dont les talens naiffans lui annoncent de
nouveaux plaifirs ; mais que cette indulgence
fe change quelquefois en févérité lorfque les
progrès du talent ne répondent pas aux efpérances
qu'on en avoit conçues. Nous l'invitons
à s'occuper effentiellement de l'art du
chant , art qui demande de longues & conftantes
études , & fur tour les leçons d'un
bon Maître . Nous l'invitons auffi à porter
plus de vérité & d'attention dans la Scène
muette , à mettre plus de variété dans fes
geftes , & à éviter de courber fon corps en
avant , attitude trop familière à plufieurs
Actrices , prefque toujours aufli incompa
tible avec la vérité qu'avec la grâce.
Le Vendredi 4 , la Reine , accompagnée de
Madame Élifaberh , a honoré le Spectacle de
fa préſence , & a daigné témoigner par fes
applaudiffemens qu'elle étoit fatisfaite des
talens & du jeu de la jeune Actrice .
Depuis la compofition de cet article , deftiné
à être imprimé l'ordinaire dernier , Mlle
Maillard a joué , pour la premiere fois , le
6 de ce mois , le rôle de Sangaride , dans
l'Opéra d'Atys ; & elle y a mérite les mêmes
éloges & les mêmes applaudiffemens que
dans celui d' Armide. Peut - être même que le
rôle de Sangaride , ayant des rouvemens
moins prononces & une fenfibilité plus
1
DE FRANCE.
135
douce , demande plus d'à plomb & de pureté
dans le chant , plus d'accord & de grâce
dans l'action ; mérite plus rare & plus difficile
dans un jeune Sujet , que celui des expreffions
fo:tes & des mouvemens abandonnés
que comportent les rôles plus paffionnés.
COMÉDIE ITALIENNE.
LE Mardi 24 Juin , on a repréſenté , pour
la première fois , l'Auteur Satyrique , Co
médie en un Acte & en vers .
Un jeune homme de beaucoup d'efprit ,
dont les moeurs font douces & la délicateffe
irréprochable , a cru trouver de la gloire
dans le renom toujours dangereux que peut
acquérir un Auteur Satyrique. C'eft principalement
fur les femmes qu'il a verfe oute
l'amertume de fes plaifanteries & de ſes farcafmes.
Ainfi , avec un coeur très honnête ,
& des qualités eftimables , il a fait de fes talens
un ufage fi mal entendu , qu'il peut déjà
compter un grand nombre d'ennemis. La
foeur de fon Imprimeur , femme prudente &
éclairée , fe propofe de lui faire ouvrir les
yeux fur les inconvéniens de l'erreur dont il
peut devenir la victime , elle fe flatte auffi de
lui faire abjurer le funefte goût qui le domine.
Mais que peut la raifon ? Quels effets.
peuvent produire les réflexions , même les
136
MERCURE
plus fenfées , fur la tête d'un jeune homme
emporté par la chaleur de l'âge , pénétré
d'un faux enthoufiafme pour le genre qu'il a
adopté , affermi dans fon goût par le fuccès
qu'obtient prefque toujours la malignité , &
plus encore par des fuccès perfonnels ? Comment
guérir un fou qui fe croit raisonnable ?
L'amour feul peut produire ce miracle . Auffi
la foeur de l'Imprimeur effaye t'elle de corriger
le Satyrique , en le rendant amoureux.
Elle a une très jolie nièce qu'on nomme
Madelinette. Elle engage fon frère à feindre
que cette Madelinette eft fa Servante , & à
n'employer qu'elle pour faire parvenir au
jeune homme les épreuves de les Satyres.
La naiveté , la candeur , les charmes de la
fauffe Servante produifent une impreffion
très-vive fur le coeur du Poëte ; il regrette
que tant de moyens de plaire ayent été accordés
à une fille deftinée à fervir. Tout en
revoyant fes épreuves , il fupplée aux fautes
qu'il veut corriger par des additions qui
prouvent le trouble de fon efprit & la fituation
actuelle de fon âme. On le plaifante un
peu fur les caufes de fa diftraction . Il fait
l'aveu de la paffion qu'il éprouve, & du projet
qu'il a formé d'époufer Madelinette . Ce
projet fournit encore de nouvelles raifons
de le plaifanter. A quel objet a- t'il livré fon
coeur ? A qui va t'il donner fa main ? A une
Servante. Rien ne peut le faire changer de
réfolution . Enfin on lui apprend que Madeli
nette eft parente de fon Imprimeur ; & celleDE
FRANCE. 137
ci , avant de devenir fa femme , exige de lui
qu'il renonce à la Satyre .
Cette petite Comédie eft de feu M. l'Abbé
de Voifenon . Un jeune homme , déjà connu
par des productions qui annoncent une tour
nure d'efprit très piquante & très originale ,
y a fait des changemens confidérables qui
l'ont mise en état d'être repréfentée. Elle a
été vue avec plaifir ; mais elle n'a pas obtenu
un grand fuccès , parce que , fi les détails en
font charmans , s'il y a de l'adreſſe dans quelques
fituations , il y a peu d'intérêt , & peutêtre
beaucoup d'invraisemblance dans l'action.
On a bien raifon de penfer qu'il ne faut
pas toujours chercher dans leurs Ouvrages le
caractère des Écrivains. On remarque dans
l'Auteur Satyrique des réflexions juſtes , des
obfervations victorieufes contre le genre de
la Satyre ; & fi quelqu'un a jamais annoncé
un goût entraînant pour ce genre , on peut
affurer que ce fut l'Abbé de Voifenon . Sans
parler des farcafmes , des épigrammes fanglantes
qu'il répandoit journellement dans
les cercles avec une malignité auffi féconde
que cruelle , il a laiffé des Mémoires où l'on
voit percer à chaque phraſe l'efprit fatyrique
& mordant qu'il blâme , à fi jufte titre ,
dans la Comédie dont nous venons de rendre
compte. Voilà donc la deftinée de prefque
tous les hommes , de blâmer dans les autres
les vices dont ils devroient commencer par
138 MERCURE
fe corriger eux- mêmes. La Fontaine a eu bien
raifon de dire :
On a pour les défauts la poche de derrière ,
Et celle de devant pour les défauts d'autrui.
Au prochain Mercure , on rendra compte
de la remife du Mariage Interrompu , des
repréſentations de Blaife & Babei , & du
début de M. Chenard. Tous ces Articles ont
été retardés par une indifpofition du Rédicteur.
ANNONCES ET NOTICES.
DICTION
ICTIONNAIRE pour l'intelligence des Auteurs
Claffiques , Grecs & Italiens , tant facrés que profanes
, contenant la Géographie , l'Hiftoire , la Fable
& les Antiquités , par M. l'Abbé Sabathier , Profeffeur
Émérite au Collège de Châlons-fur- Marne ,
Secrétaire - Perpétuel de l'Académie de la même
Ville , &c. Tome XXX. A Paris , chez Delalain
l'aîné , Libraire , rue S. Jacques.
La réputation de cet Ouvrage eft faite depuis
long- temps. Le Savant Auteur en eft à fon trentième
Volume. Quel courage n'a- t'il pas fallu pour entreprendre
un pareil Ouvrage ! quelle patience laboricule
pour l'exécuter !
Le même Libraire vient d'acquérir plufieurs Livres
importans , dont voici la lifte : Hiftoire des Infectes,
de Réaumur , 6 vol. in - 4 ° . fig. rel. , 90 liv.; Avis
au Peuple fur fa fanté , par M. Tiffot , 1 vol. rel ,
3 liv.; Effais fur les Maladies des gens du monde ,
du même , I vol . rel. , 2 liv . 10 fols ; l'Art de conDE
FRANCE 139
vertir le fer forgé en acier , par Réaumur , in- 4° ,
rel. , 5 lv.; l'Art & pratique de faire éclore les
Poulets , par le même , 3 vol . rel . , 9 liv.; Réflexions
fur la Poéfie & la Peinture , par Dubos , 3 vol.
rel. , 9 liv.; Chimie du goût & de l'odorat , 1 vol.
in- 8 ° . rel. , 6 liv.; Code des Curés , 4 vol. in- 1 2.
rel , 14 liv.; Code Rural , 3 vol. in- 12 . rel . , 7 liv.
10 fols ; Tarifdu Contrôle des Actes , 1 vol. in- 89.
rel. 6 liv. 3
ESSA1 fur la Maladie de Cythère. A Paris , chez
l'Auteur , rue Gît-le- Coeur , près S. André des- Arcs ,
hôtel S. Louis.
On voit que l'Auteur de la Brochure que nous
annonçons a mis dans fon titre de la modeftie , &
même une forte de politeffe , dont on doit lui favoir
gré. Les malades qui font l'objet de fes foins , font
très- difpofés à garder fidèlement leur fecret. I a
voulu fe prêter à leur goût , en jetant un voile
même galant fur la dénomination du mal dont ils ne
fe plaignent qu'en confidence.
Il a paru dans ce
une infinité
de remèdes
,
gente
qui tous ont eu un regne
d'un moment
. Celui
que
propofe
cene Brochure
eft revêtu
d'une
approbation
honorable
de la Société
Royale
de Médecine
, &
recommandé
par un fuccès
de vingt ans. L'Auteur
la puifé dans les trois règnes
de la Nature
. C'eft une
liqueur
que , fidèle
à fon principe
de difcrétion
, il
appelle
Eau d'Hippocrène
. Il faut s'en frotter
le corps
après
les préparations
, & avec les précautions
indiquées
dans la Brochure
. Cete liqueur
ne produit
aucun
des inconvéniens
attachés
aux autres
remèdes
. Elle
n'expofe
point
le malade
, & ne trahit
fon fecret
par
aucun
figne
extérieur
; elle ne tache
ni le linge
ni la
peau ; elle eft fans odeur , n'exige
point
qu'on
garde
la maifon
, puifqu'elle
a befoin
pour agir du grand
air & de l'exercice
; enfin , au lieu de maigrir
le
140
MERCURE
"
malade , elle lui donne de l'embonpoint. On voit
par-là que ce remède peut être heureufement &
commodément employé dans nos Troupes , puifqu'il
n'empêche point les Soldats de vaquer à leurs
exercices.
L'Auteur de ce remède a donné une preuve de fa
franchiſe & de fa générofité , en confiant fa compofition
à la Société Royale de Médecine ; elle eft
reftée en dépôt dans les Regiftres de cette Compagnie.
On trouvera de plus amples inftructions dans la
Brochure qu'il a publiée ſur cet objet.
TRADUCTION des Faftes d'Ovide , avec des
notes & des recherches de Critique , d'Hiftoire & de
Philofophie , tant fur les différens objets du fyftême
allégorique de la Religion Romaine , que fur les détails
de fon culte & les monumens qui y ont rapport ,
avec figures , par M. Bayeux , Avocat au Parlement
de Normandie. Tome premier . A Rouen
chez
Boucher le jeune , Libraire , rue Ganterie ; & fe
trouve à Paris , chez Lebarbier l'aîné , Peintre , rue
Bergère ; la Veuve Ballard & fils , Imprimeurs du
Roi , rue des Mathurins ; Dujand neveu , Libraire ,
rue Galande ; Nyon , rue du Jardinet , & Barrois
l'aîné , Quai des Auguftins.
L'Auteur nous a priés d'obferver que les foins
qu'exigeoient les gravures dont cet Ouvrage eft enrichi
, & les recherches immenfes qu'il a fallu faire
pour débrouiller le chaos des anciennes mythologies
& des anciens cultes , ont dû néceffairement en retarder
la publication ; mais que l'Ouvrage entier eft achevé,
& que les Volumes vont fe fuccéder avec la plus
grande exactitude. Il prévient également MM . les
Soufcripteurs , que fi la certitude des longueurs que
ce genre de travail devoit entraîner , l'a porté à ne
rien recevoir d'eux jufqu'à préfent , le fentiment de
DE FRANCE. 141
·
la même délicateffe le porte à offrir de dégager de
leurs foumiffions ceux d'entre eux qui n'auroient
plus le même defir d'acquérir l'Ouvrage ; il fuffiroit
pour cela d'en écrire au Libraire chez lequel ils auroient
foufcrit.
PETITE Bibliothèque des Théâtres , contenant un
Recueil des meilleures Pièces du Théâtre François ,
Tragique , Comique , Lyrique & Bouffon , depuis
l'origine des Spectacles en France , jufqu'à nos jours .
Ouvrage périodique , propofé par Soufcription ,
compofé de 12 Volumes chaque année , de format
in- 18.
Il paroîtra un Volume le premier de chaque mois ;
de manière
que l'année entière fera composée de
douze , qui contiendront quarante à quarante- quatre
Pièces , & jamais moins de quarante. On délivrera
d'abord un Volume de Tragédies , enfuite un Volume
de Comédies , &c. Chaque Pièce fera précédée de fa
Préface , d'une notice de la vie de l'Auteur , & des
Anecdotes les plus piquantes auxquelles elle aura
donné lieu . Cet Ouvrage fera divifé en quatre Parties
, & chaque Partie le fera conformément à la
nature des Pièces. L'une contiendra les Pièces du
Théâtre de l'Opéra , comme Tragédies , Paftorales ,
Fragmens , Ballets , &c. L'autre , celles du Théâtré
François , Tragédies , Comédies , &c. Chaque Pièce
de ce Recueil , foit tragique ou coinique , fera imprimée
féparément : ainfi , quoique réunies en un
Volume , les Lecteurs feront les maîtres de les détacher
pour les diftribuer de la manière qui leur conviendra
, & même par OEuvres de chaque Poëte.
Pour leur faciliter ce dernier avantage , chaque Volume
fera , au befoin , orné de deux frontispices.
L'un offrira le titre général de la Collection ; l'autre
celui des OEuvres particulières des Pièces de l'Auteur
contenues dans le Volume. Les Opéras , Comédies à
742 MERCURE
Ariettes , Opéras - Comiques , Opéras - Bouffons &
autres , feront terminés par la mufique gravée des
Ariettes les plus jolies . Ces différens airs détachés
feront gravés avec exactitude & le plus grand foin.
L'Ouvrage entier fera imprimé fur papier fabriqué
exprès par M. Réveillon .
Le format de cette petite Bibliothèque des Théútres
fera abfolument le même que celui des Après Soupés
de la Société , des Moraliftes , du Boileau , imprimés
chez M. Didot l'aîné. Le prix de la Soufcription
pour l'année entière eft de 36 liv. franc de
port dans tout le Royaume. La première Livraiſon
Te fera le premier Septembre ; la feconde , le premier
Octobre : ainfi de fuite de mois en mois , fans
interruption. Cette époque ne fera de rigueur qu'autant
que le nombre des Soufcripteurs fera fuffifant
pour pouvoir commencer & continuer fans interruption.
Il fuffit de le faire inferire pour l'année entière ,
ou d'envoyer , franche de port , une Soufcription
fignée , comme on s'engage à prendre l'année entière
de la petite Bibliothèque des Théâtres . On aura foin
de mettre fon adreffe Paffé le premier Septembre ,
on ne fera admis à foufcrire qu'en payant , & pour
l'année entière . On tirera quelques Exemplaires fur
papier véli pour les Amateurs des belles Éditions.
Le prix de la foufcription eft de 54 liv. Le prix de
chaque Pièce vendue féparément pour ceux qui n'auront
pas foufcrit , fera de 1 liv . 4 fols , & chaque
volume 4 liv On fera libre de foufcrire pour l'année
entière , & de ne payer les Volumes qu'à fur & mefure
qu'ils paroîtront . On foufcrit à Paris , chez
Bélin , Libraire , rue S. Jacques près S Yves ; &
chez Brunet , Libraire , rue de Marivaux , place du
Théâtre Italien .
On ne peut qu'applaudir au plan de cet Ouvrage
qui manquoit à notre Littérature. Il fuffit d'en lire le
Profpectus pour en fentir l'utilité . Il pouria tenir
DE FRANCE. 143
lieu d'une immenſe bibliothèque , & il offrira aux
Amateurs , fur beau papier , en beaux caractères , &
à peu de frais , ce qu'il leur feroit peut - être impoffible
de raffembler autrement.
LES Géorgiques de Virgile en vers François , par
M. l'Abbé de Lille , de l'Imprimerie de Didot l'aîné.
A Paris , chez Bleuet , Libraire , Pont S. Michel ,
1 Volume in- 18. Prix , 2 liv. 5 fols broché ; papier
d'Annonay , liv. broché ; in- 4° . & papier d'Annonay
, avec le Portrait de l'Auteur & des Figures ,
346 liv. broché .
Cette célèbre Traduction a acquis un nouveau
prix par les corrections & changemens confidérables
que l'Auteur vient d'y faire.
On trouvera féparément chez le feur Bleuet le
Portrait de M. l'Abbé de Lille in-folio , gravé d'après
le Delfin de Pujos , par Vin-Vangélefty . Prix , 3 liv.
COLLECTION des Moraliftes anciens , dédiée au
Roi. A Paris , chez Didot l'aîné , Imprimeur du
Clergé en furvivance , rue Pavée - Saint - André , &
Debure l'aîné , Libraire , quai des Auguftins.
Le Volume qui vient de paroître contient les Sensences
de Théogris , de Phocylide , de Pythagore &
des Sages de la Grèce , recueillies & traduites par
M. Lévesque. Il eft digne de ceux qui l'ont précédé,
tant par le mérite des Fragmens qu'il renferme , que
par l'exécution typographique.
LA Correction Conjugale , peint par A. E. G. ,
gravé par L. Valpergu . A Paris , chez M. Vandiol ,
rue Montmartre , la première porte à gauche par la
rue des Vieux Auguftins.
Sans expliquer ici le genre de cette Correction ,
nous vous contenterons de dire que le fujet n'en eft
pas commun ; car il eft rare de voir l'Hymen choifir
144
MERCURE
•
l'Amour pour l'inftrument de fes vengeances. Si
l'Auteur a donné une expreffion forte au mari , qui
auroit peut- être dû rire dans ce moment-là , c'eft
fans doute pour conferver à l'Hymen le caractère
d'austérité que
lui ont donné les Poëtes , & qu'on lui
a confirmé depuis.
ÉDUCATION de l'Amour , en deux Eftampes ,
peint par L. Lagrenée , gravé par J. Bouilliard. Prix ,
2 liv. chaque. A Paris , chez G. Couché , Graveur ,
rue S. Hyacinthe , maiſon de M. Leblanc.
Ces deux Eftampes font les deux premiers Ouvrages
qu'ait publiés M. Bouiliard. Ce coup d'effai
annonce un talent qui doit être encouragé. Les détails
font foignés , & l'effet en eft agréable.
ERRATA. No. 28 , page 56 , lig. 1 , vil , lifez:
vieil.
Pour les Annonces des Titres de la Gravure ,
de la Mufique & des Livres nouveaux , voyez les
Couvertures. T
TABLE.
L
126 E Cheval & le Chien , Fa- Ode fur la Paix ,
97 Effai Hiftorique & Critique ble,
Elégie cinquième du Troisième fur l'infuffifance & la variété
Livre de Tibulle ,
Enigme, Logogryphe,
97
ΙΟΙ
Lettre fur l'état primitif de
l'Homme ,
de la Philofophie des Anciens
, 127
Le Décaméron Anglois , 130
103 Acad. Royale de Mufiq. 132
Délaffemens de l'Homme Sen Comédie Italienne , 135
fible ,
"
122 Annonces & Notices ,
APPROBATION.
138
J'AI lu , par ordre de Mgr le Garde des Sceaux , le
Mercure de France , pour le Samedi 19 Juillet . Je n'y ai
rien trouvé qui puiffe en empêcher l'impreffion. A Paris ,
le 18 Juillet 1783. GUIDL
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 26 JUILLET 1783 .
PIÈCES FUGITIVES ,
EN VERS ET EN PROSE.
FRAGMENT d'une Építre à mes Livres..
O MONTESQUIEU , Légiflateur du monde ,
J'admire avec tranſport ta fageffe profonde :
Qu'en ton honneur des autels foient dreffés .
Mais un Roi Philofophe a connu ton Ouvrages
Grand Frédéric , merveille de notre âge ,
Immortel demi- Dieu far la terre adoré ,
Souffre que dans mes vers ton nom foit confacré.
Qui redoute l'éloge eft digne de l'entendre.
Aux champs de Mars , plus Guerrier qu'Alexandre,
Antonin fur le trône , Horace à Sans-fouci ,
Et fachant à la fois , d'un bras ſouple & hardi ,
Maîtriſer fans effort Pégaze & la Victoire ,
N°. 30 , 26 Juillet 1783 .
146 MERCURE
Sur ton augufte front mon oeil voit réuni
L'arbuste du Penée aux palmes de la gloire.
Et toi , l'illuftre ami de ce Roi généreux ,
Toi que l'envie accable & que l'envie honore ,
A tes nobles Écrits je ſuis ſenſible encore ,
D'Alembert , tu reçois mon encens & mes voeux.
O que j'aime à te voir d'un pas sûr & rapide ,
Parcourir en géant tous les degrés divers ,
Où le flambeau des Arts , lentement découverts ,
Éclairant des humains l'oeil aveugle & ftupide ,
Echauffa de fes feux ce ftérile Univers , &c.
•
(Par M. Breves , d'Angers. )
RÉPONSE Bachique à la Chanfon de
M. de Saint- Ange , Nº . 2 ;.
AIR: Un Chanoine de l'Auxerrois.
Vous aviez donc ba du Léthé
Le jour que vous aviez vanté
De Bacchus l'ennemic ;
Mais fur l'eau vos jolis Couplets ,
Quand on les trouve auffi bien faits ,
Croyez qu'on le défie
Que , peu fidèle à votre plan ,
Vous les avez faits en chantant :
Et bon , bon , bon , que le vin eß bon,
Amafoifj'en veux boire.
HAN STELLA
REGLA
NACENSIS
DE FRANCE.
147
CROYEZ-VOUS que ce foit à l'eau
De l'Hypocrène , que Boileau
Doive la poéfie ?
Bacchus autrement l'inſpiroit ;
C'eſt le verre en main qu'il trouvoit
Ces grands traits de génie ;
A Baville l'eût-on goûré ,
Si fon Apollon n'eût chanté :
Et ben , bon , bon , &c.
LAISSANT là leurs funeftes eaux ,
Si nos Hypocrates nouveaux
Envoyoient leurs malades
Tous les ans , pendant quelques mois,
Du meilleur des vins Champenois
Boire pleines rafades ,
Frais & difpos au jeu d'amour,
Ils chanteroient à leur retour :
Et bon , bon , bon , &c.
A vous je puis m'en rapporter ;
Car j'ai plaifir à confulter
Quelqu'un d'un goût folide:
Julie étoit- elle l'objet
Que dans fon exil regrettoit
Le malheureux Ovide ?
Ne regrettoit-il pas plutôt
La ville où l'on chantoit tout haut :
Et bon , bon, bon , &c.
Gil
148
MERCURE
LES vins du coteau Bourguignon
Perdront leur antique renom
Avant que la folie
Tire de mon frêle cerveau
Le plus petit couplet fur l'eau ,
Telle eft ma fantaiſie ;
Je la détefte abfolument ,
Et je veux mourir en chantant :
Et bon , bon , bon , & c.
( Par M. Santerre de Magny, )
VERS à M. DE LA HARPE , fur fa
Tragédie de Philoctère.
QuUAND Sophocle , à grands traits , peignant les
paffions ,
Des peuples de l'Attique enlevoit les fuffrages ,
Sans doute il étoit loin de s'attendre aux hommages
Qu'à fon mâle génie aujourd'hui nous rendons ;
Mais fi dans l'Élysée il entendit Corneille ,
Et l'Auteur d'Athalie & l'Auteur de Pyrrhus ,
Et celui qui peignit Mahomet & Brutus ;
Si ton nom quelquefois a frappé ſon oreille ,
Et s'il a reconnu , de ces illuftres morts ,
La touche vigoureufe & les tendres accords ;
Aux fureurs de Warwick , aux pleurs de Mélanie,
S'il fentit de tes vers la grâce & l'harmonie ,
Il dut croire la France accoutumée cafin
DE FRANCE. 149 .
A ce fublime fimple , à ce vrai - beau , qui dure
Autant que fon modèle , autant que la Nature .
De Sophocle , pourtant , le triomphe eft certain,
i
Dès long- temps parmi nous on retrouvoit à peine
Les traces que jadis y laiſſa Melpomène ;
Et l'ombre de ce Grec , évoquée à ta voix ,
L'a ramenée encore en ces lieux qu'autrefois
Ses regards fatisfaits euffent pris pour Athène.
Puiffe-tu , l'y fixant par de nouveaux efforts
O la Harpe , envers elle effacer tous nos torts !
( Par M. Baudrais. )
Explication de l'Enigme & du Logogryphe
du Mercure précédent.
LE
E mot de l'Enigme eft Anis , qui , renverfé
, fait Sina , mont célèbre dans l'Écriture
Sainte ; celui du Logogryphe eft Retour ,
où fe trouvent route , ver , rue , tu te ,
voter, retrò , or & rot.
Giil
Iso MERCURE
Sije
ENIGM E.
I je ne fuis pas une flûte ,
Je fuis du bois dont on les fait.
La pefte foit ! comme il débute ,
Dira quelqu'un ; c'eſt donc un flageolet :
Jufqu'à la fin écoutez , s'il vous plaît.
Mes frères , vains de leur écaille ,
Paffent tous les matins fur la tête du Roi ,
Tandis que trop fouvent , dans un pareil emploi,
Je fuis réduit à fervir la canaille.
LOGOGRYPHE - CHARADE
J'AI
En Calambourgs.
' AI trois lettres en tout ; mais l'une fe prononce
Comme l'impératif, qui , pour toute réponſe ,
Voit la Nature entière obéir fans efforts ;
Ma feconde à l'oreille offre , de tous les corps ,
L'admirable & frêle charpente ;
Ma dernière s'exprime ainfi que cette plante
De l'Inde , en nos Cités apportée à grands frais ,
Pour aider le travail d'un eftomac débile ;
Et je fuis dans l'efprit de tout Lecteur habile ;
Mais bientôt de fes yeux l'on me mettra plus près.
(Par M. Baudrais. )
DE FRANCE. 151
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
SUITE des Lettres fur l'état primitif de
l'Homme jufqu'à la naissance de l'Efcla
vage , fur le defir de l'Immortalité & fur
l'Héroïfme Militaire , par M. P. D. L. Č.
ON demande toujours quels font les
plus heureux des Peuples fauvages & des
Peuples civilifés : comment répondre à une
queſtion pofée d'une manière fi vague &
A générale ? De quels Sauvages & de quels
Peuples civilifés parle t on ? L'état de nature
& la civilifation n'ont pas de formes inva
riables & univerfelles. La variété que vous
appercevez dans l'homme façonné par les
Arts & par les Gouvernemens, je la découvre
dans l'homme qui obéit aux feules loix naturelles.
Les loix de la Nature comme celles
de la Société ſont tantôt douces & tantôt
terribles : comme la Société , la Nature pro-.
duit des hommes tantôt bons , généreux &
fublimes , tantôt farouches , perfides & féroces.
Elle a fon defpotifme & fa liberté
comme la civilifation . Voyez ce qu'elle fait
de lhomme dans des déferts & fous des
cieux arides , où nul oiſeau ne s'offre à la
flèche du Sauvage , où les glaçons femblent
être les feules productions de la terre ; elle
le rend farouche & fanguinaire ; il rugit de
faim & de férocité comme le tigre & le
Giv
152 MERCURE
3
léopard , parce que , comme eux , il eft expofé
à chaque inftant à manquer de proie,
Voyez ce qu'elle en fait au bord de ces mefs
orageufes , où tous les jours il doit difputer
fa proie contre les requins au milieu des
tempêtes : là un père , parce que fon fils , âgé
de trois ou quatre ans , a laiffé tomber dans
l'eau un petit panier de poiſſon , le prend
par les pieds , le fait tourner en cercle
comme dans une fronde , le lance contre la
pointe des rochers , & ne regrette que
fon
poiffon , lorfque le fang & la cervelle de
fon enfant ont rejailli fur fon viſage. La tyrannie
de Néron & de Domitien a - t - elle produit
des monftres plus atroces ? Mais que les
loix de la Nature s'adouciffent , & vous
verrez l'homme s'adoucir avec elles . Il fera
bon & généreux par tout où elle fera féconde
& libérale ; & s'il y a quelques excep
tions à cette vérité , fi l'on a vu l'homme
cruel dans des lieux où la Nature eft bien- :
faifante , il ne faut point douter que dans la›
communication & le mêlange des Peuples ,:
les moeurs d'une terre ftérile n'aient cor->
rompu les moeurs de ce fol fertile & heureux.:
C'eft dans quelques les des Indes :
Orientales que l'on a vâ fur-tout ce contrafte
monstrueux d'un heureux climat &
d'un Peuple féroce ; mais cette partie du
Globe eft précisément celle où les conquêtes
& les grandes révolutions ont le plus mêlé
toutes les races d'hommes & le plus altéré
les caractères indigènes. Le Malais armé de
DE FRANCE. 153
fon crid , & qui des bords de fon Ifle , comme
le Flibuftier des bords de fon bateau , s'élance
avec fureur fur tous les vaiffeaux qui
paffent , n'eft peut être qu'un Indien doux &
pacifique révolté par le défeſpoir contre.
tous les hommes. Je dirai donc à ceux qui fe
repréſentent l'état de nature & la civilifation
comme des chofes abfolues , dont l'une
eft toujours préférable à l'autre les deux
états que vous comparez , changent conti- ,
nuellement de caractère , & vous voulez.
en porter unjugement fixe & irrévocable ! Ici
je préfère le fort des Sauvages , & là j'aime
mieux celui des Nations policées & éclairées .
Si j'avois eu le bonheur de naître dans
ces beaux fiècles de la République Ro
maine , où elle expioit & réparoit les maux.
qu'elle faifoit à la terre , par l'exemple des
vertus qu'elle lui donnoit , j'aurois mieux
aimé vivre auprès des Dieux du Capitole
que fur les chars roulans du Scythe & du
Gelon. J'aurois penfe que la vie étoit un
bien lorfqu'on la recevoit fur- tout dans
les lieux où l'on pouvoit connoître l'âme
des Fabricius & des Paul Émile ; mais fi le
fort m'eût condamné à vivre ou à Rome ,
fous la tyrannie fanguinaire des fucceffeurs
d'Augufte , ou à Byzance, fous les tyrans imbécilles
& extravagans qui occupèrent le
trône de Conftantin ; j'aurois eru devenir
meilleur & plus heureux en devenant fauvage
ou barbare ; & , comme une multitude
de Romains , j'aurois renoncé aux Dieux &
Gv
154
MERCURE
aux Loix de ma patrie pour aller vivre parmi
les Huns & les Alains. Dans le tableau vafte
& mobile des fiècles & des Peuples , en
confidérant les diverfes formes que prennent
l'état de nature & la civilifation , on
les voit tour à tour répandre tantôt plus de
biens & tantôt plus de maux fur le genrehumain.
Ceffez done de vouloir foumettre à
une opinion invariable des chofes dont la
nature eft de varier fans ceffe , ou s'il vous
faut abfolument un fyftême , fortez du moins
du cercle étroit d'idées où vous renfermez
une question qui ne peut être bien réfolue
qu'en voyant tout ce qui s'eft paffe fur la
terre . Ne vous faites plus du Sauvage & de
l'homme civilifé des tableaux compofés d'une
vingtaine de traits que vous mettez fans
cefle en contrafte ; tâchez de les voir & de
les comparer l'un & l'autre dans l'infinie
variété que la Nature & les inftitutions fociales
donnent à leurs moeurs , à leurs caractères
& à leurs deftinées. Voyez , effayez
de faire le calcul de toutes les douleurs &
de toutes les jouiffances qui ont été fenties
du genre humain ; mettez dans une balance
le compte des biens & des maux que la
civilifation a produits , dans une autre celui
des biens & des maux qu'a produits l'érat
de nature , & pefez- les enfuite : je veux
croire que libre de toute prévention , vous
voudrez faire non le calcul d'après un (yftême
, mais un fyftême d'après le calcul ,
vous n'imiterez point en cela le Philofophe
DE FRANCE. 155
de Genève . Dans tous fes autres Ouvrages
fon génie ardent & paffionne pour la liberté
ne prononce pas les noms de Sparte & de
Rome fans attendriffement & fans enthoufiafme;
mais s'agit - il d'écrire fur les effets
de la civilifarion ? Rome , Sparte & la Grèce
femblent être effacées pour lui de l'hiftoire
du genre humain. Il ne fe fouvient plus
qu'Arifticle , Fabricius & Caton ont exifté.
Leurs noms , qui élevoient fon éloquence &
confacroient toutes les pages de fes Écrits ,
ne fe trouvent pas une feule fois dans fon
Difcours contre la Société. A peine il touche
à l'époque de l'établiffement de la propriété
, qu'il en fait fortir tous les malheurs ,
tous les vices & tous les crimes ; il oublie
que la civilifation , quoique née de l'inftitution
de la propriété , a des moyens de la
borner , de l'enchaîner , de la détruire même ;
que Lycurgue eut cette gloire , & que pendant
cinq fiècles tous ceux qui naifoient
Spartiates remercièrent Lycurgue & la Nature.
Il oublie que dans prefque toutes les
anciennes Républiques les loix opposèrent à
la propriété des barrières qu'elle refpecta
long temps; que des âmes nourries dans le
mépris de les jouiffances & de fon orgueil ,
la facrifioient fans ceffe au goût de la frugalité
, à l'amour de la patrie ; que dans ces
beaux fiècles , toujours fubordo..née on im
molée au bien public , elle fut l'occafion des
vertus les plus pures & les plus généreuses ,
avant de devenir la fource des vices & des
Gvj
156 MERCURE
crimes. Rouffeau ne fe dit point que s'il n'a pas
été donné aux plus belles inftitutions fociales
d'être éternelles , l'état de nature ne l'eft pas
davantage , puifque tous les Peuples en fortent
pour entrer dans cette civiliſation où il
ne voit que des défordres & des malheurs ;
il fe diffimule enfin que s'il y a des fiècles où
l'homme civilifé n'eft que méchant , il y a
des parties du Globe où l'homme fauvage
n'eft que féroce . Je fuppofe que vous ne
laifferez point échapper ces grandes confidérations
que l'efprit de fyftême a fait perdre
de vûe à l'un des efprits les plus philofophiques
de ce fiècle ; mais à combien d'études ,
de recherches & de méditations vous vous
condamnez ! Millar & Ferguffon , qui en ont
fait de fi profondes & de fi étendues, n'ont
pas voulu décider la queftion. Il faut parcourir
vingt fois tous les âges de l'hiftoire &
tous les climats du Globe , pefer , pour
ainfi dire , la deftinée de tous les fiècles &
de tous les Peuples , interroger fur le fort de
l'homme des milliers de monumens qui
reflent muets à cette question . La raifon , accablée
de la multitude d'objets qu'elle doit
rapprocher , eft humiliée du peu de lumières
qu'elle en tire: plus elle fe mefure avec ce
problême , plus elle reconnoît qu'elle n'est
pas encore en état de le réfoudre ; & de tant
de travaux la trifte preuve de fon impuiffance
eft l'unique fruit qu'elle recueille. Je
fais bien que les connoiffances que je demande
paroîtront peu néceffaires à ces efDE
FRANCE.
157
-
prits préfomptueux qui ne voient point de
bornes à l'efprit humain , parce que leurs
vûes font trop courtes pour les atteindre ;
qui voient du bon ton à prononcer avec
audace , & de la pédanterie à difcuter avec
profondeur ; incapables de favoir même s'ils
poſsèdent la vérité ou fi elle leur manque ,
parce qu'ils n'ont jamais connu ni la douleur
de ne point la voir , ni le fentiment
délicieux dont elle remplit l'âme par fa préfence.
Mais le bon efprit qui trouve fa -modération
dans fa force même n'a point l'ambition
de porter les jugemens au- delà de fes
connoiffances ; il s'arrête où les lumières
l'abandonnent , & pour s'avancer attend
qu'un nouveau jour l'éclaire .
Le moment où l'Auteur écrivoit fur
l'homme primitif l'invitoit même à cette
modération . On a cherché inutilement un
Nouveau Monde dans le Pôle auftral pour
la Géographie & pour le Commerce ; on l'a
trouvé pour la Philofophie & pour l'étude
de l'homme. Les Ifles nouvellement découvertes
dans les mers du Sud , montrent l'efpèce
humaine fous des formes fi intéreffantes
& fi nouvelles , que fi elles ne font pas une
fource de ticheffes pour l'avarice , elles peuvent
être du moins une fource de lumières
pour l'hiftoire de l'homme. La foif de l'or
& la paflion infenfée des conquêtes ne conduiront
parmi ces Peuples ni des Cortès ni
des Pizarre . On ne peut defirer de les connoître
que pour les inftruire ou pour s'inf
158 MERCURE
"
truire avec eux; ils ne peuvent intéreffer que
des Philofophes , & ce n'eft point là fans
doute la momdre partie de leur bonheur.
Ils ont été découverts par des hommes.
très éclairés , par des Navigateurs inftruits ,
auffi en état d'obferver l'homme que les
mers , & qui marquent dans leurs journaux
les moeurs & les ufages des Peuples
avec autant de précifion & d'exactitude que
les vents , les courans & les refcifs . Il y a
loin d'Oviedo à M. de Bongainville , &
d'Améric Vefpuce à M. Cook ; cependant
ces Navigateurs philofophes , occupés à bien
voir & à bien décrire les faits , n'ont pu les
méditer affez pour en tirer toutes les nouvelles
vûes qu'ils renferment ; les réſultats
de leur voyage nous manquent encore.
Pourquoi l'Auteur de la Lettre fur la civilifation
n'a-til pas fouillé dans cette nouvelle
fource de lumières ? Il n'en dit pas un feul
mot. Puifqu'il écrivoit fur l'homme , comment
s'est il cru difpenfé d'étudier l'homine
que ces découvertes lui offroient fous des traits
fi inconnus jufqu'à nos jours , & avec des
mours qui honorent la Nature ? Au lieu
d'un fyfteme il valoit mieux faire des recherches
; au lieu de lutter contre Rouſſeau , il
valoit mieux avoir l'ambition d'égaler M.
Paw. Quelle obligation nous lui aurions s'il
nous avoit donné fur les Infulaires du Sud
un Ouvrage du mérite des recherches fur les
Américains ! Ouvrage mal fait , difent les
Critiques qu'on appelle difficiles , fans ordre
DE FRANCE.
159
& fans méthode , plein d'humeur , d'orgueil
& de fyftêmes ; mais Ouvrage plein d'efprit ,
de connoiffances & de vûes nouvelles , le
premier de tous qui nous ait fait un peu
connoître ce nouveau monde , trouvé depuis
deux fiècles , & qui , j'ofe le dire , l'a découvert
pour la plupart des gens beaucoup plus
encore que Colomb & Vefpuce. Quel art
& quel talent d'attacher l'imagination & de
Fintéreffer , en appliquant fortement l'efprit
de mêler & d'unir enfemble l'hiftoire
de la Nature & celle de l'homme ! quels
vaftes rapprochemens des révolutions du
globe & des révolutions des peuples ! quelle
adreffe à confondre les menfonges des Voyageurs
en dévoilant leurs inepties !
L'Hiftorien du Commerce des Européens
dans les deux Indes , honore du titre d'homme
de génie, l'Auteur des recherches fur les Amé
ricains. J'ignore à quel degré de mérite il
faut parvenir pour mériter ce titre , qui
net un Écrivain au premier rang ; mais je
me plais à recueillir cet hommage rendu à
un Philofophe par un Philofophe célèbre ,
& j'obferverai en même-temps que la plupart
de nos Écrivains , en vers & en profe ,
daigneroient à peine accorder de l'efprit &
du talent à M. Paw ; qu'ils ne verroient dans
fes recherches que des connoiffances qu'ils
ne fe foucient point d'acquérir , & dans fes
vûes , que des ſpéculations qui peuvent fatiguer
le Lecteur. C'eft avec de tels principes
de goût que les fujets les plus féconds & les
plus intéreffans deviennent froids & ftériles ,
160 MERCURE
que le talent deftiné à embellir & à étendre
l'efprit humain , le refferre & le dégrade ;
que des Écrivains, doués d'ailleurs d'un ftyle
élégant & facile , ne pourroienr pas écrire
fur les grands objets une page qui méritât
d'être lûe par un homme qui penfe , & feroient
tranfportés , par les matières qu'ils traitent,
au milieu du fpectacle de toute la nature
des peuples répandus fur tout le globe ,
fans pouvoir trouver dans la richeffe & dans
la magnificence de leur fujet , une feule idée
de quelqu'intérêt ou de quelqu'utilité pour
les hommes.
On peut croire que fi l'Écrivain à qui
nous devons la lettre dont je rends compte ,
eût étudié les moeurs & la vie des Infulaires
des mers du Sud , avec l'efprit philofophique
de M. Paw , il n'eût pas été fi prompt à décider
la queftion qu'il a agitée : il eût penſé
peut être que tous les progrès dont nous
fommes fi vains , ajouteroient peu de chofe
au bonheur de ces hommes fi doux & fi
confians , qui partagent entre- eux , avec tant
d'égalité , les biens que la Nature leur prodigue
avec tant de largeffe ; qui, fans Loix , &
prefque fans Gouvernement , ont prefque
tous les jours cette poule au pot qu'Henri IV
n'efpéroit donner une fois la femaine à fon
peuple , que lorfque le génie de Sully auroit
perfectionné l'adminiftration du Royaume ;
qui , loin de craindre les plaifirs & de les
profcrire , en font leur religion & leur culte ;
où tout un village s'affemble pour célébrer,
par des chants & par des danfes , le moment
DE FRANCE. 161
où deux êtres font heureux ; qui croiroient
ne rien faire pour les étrangers en leur don-.
nant un afyle , s'ils ne leur faifoient part en-,
core de toutes leurs jouiffances. Mon idée:
n'eft point que ces moeurs foient les meilleures
, & qu'il n'y ait pas une autre perfection
; mais je dis qu'elles donnent l'idée
d'un bonheur que l'homme a connu rarement
fur la terre .
Eh ! quepeut- on apprendre à qui fait être heureux !
Je ferai une autre queſtion ; au milieu de
l'Europe éclairée & embellie par tous les
Arts & par toutes les Sciences , parmi ces Monarchies
brillantes de puiffance & de luxe ,
dans ces Républiques établies fur des loix fi
favantes, quel eft le peuple dont les moeurs
& la vie auroient préfenté à nos coeurs une
unage de félicité auffi douce & auffi touchante?
Je l'avoue cependant , ces tableaux peuvent ,
jufqu'à un certain point , nous tromper &
nous féduire , l'imagination aime à oppofer.
une vie facile & fans apprêts , à toutes les vo
luptés dont le genre- humain fe travaille dans
les grandes Sociétés , nous confondons même
trop fouvent , dans des defcriptions de pcuples
& de moeurs , ce qui fait la beauté ou
le charme d'un tableau , avec ce qui fait réellement
le bonheur de la vie. Nos jugemens
font à chaque inftant égarés par ces fortes
de méprifes , d'autant plus difficiles à éviter ,
que l'imagination les produit , & que l'imagination
feule peut donner à l'efprit ce tact
3
162 MERCURE
fin & pénétrant qui les apperçoit & les démêle.
J'avouerai plus encore ; je conviendrai
qu'un Sauvage né avec le caractère le
plus heureux , ne peut jamais être comparé à
un homme civilifé qui a élevé & éclairé fon
âme. Rouffeau lui - même eût avoué , fans
doute , que jamais on ne vit naître parmi
les Algonquins & les Hurons une âme auffi
fublime que celle de Socrate , de Brutus &.
de Fénelon. Je fens au fond de mon coeur ,
& je dirai toujours que ce font ceux qui ont
le plus de vertus & le plus de lumières , qui
font les plus heureux. Le bonheur d'un être ,
quel qu'il foit , ne peut être que dans fa perfection,
& la perfection de celui qui a reçu de
la Nature une intelligence & une confcience,
eft de porter jufqu'à leurs dernières bornes
fespenfees & fes affections bienfaifantes.
Quelle étrange deftinée feroit celle de
l'homme , s'il devoit craindre d'atteindre aux
vertus qui l'ennobliffent , s'il étoit inévitable
qu'il s'égarât toujours en s'éclairant ?
Je n'ai aucun fyftême , je cherche également
dans tous les vérités particulières qu'ils
renferment , & ces aveux ne me mettent
point en contradiction avec moi - même. Je
puis croire à la fois que le fort des Infulaires
des mers du Sud vaut bien le nôtre , & qu'on
peut encore ajouter infiniment à leur bonheur.
Je répondrai donc au vers que j'ai
cité : Eh! que peut - on apprendee à qui fait
être heureux ? A l'être davantage . Mais qui
ofera faire fortir ces peuples d'une ignorance.
DE FRANCE. 163
qui leur a fait tant de bien & fi peu de mai ?
Quelle main ofera toucher à une deftinée
qui eft l'ouvrage de la Nature , & que doivent
envier peut être tous les peuples civilifes
actuellement exiftans fur la terre ? Quelles
loix & quelles inftitutions feront affez pures
pour ne faire germer aucun vice & aucune
paſſion funefte dans ces âmes fimples
& naïves , en les remuant pour leur donner
de nouvelles idées & de nouvelles vertus ?
Je me fais bien l'idée d'un fyftême de civilifation
qui ajouteroit infiniment à la perfection
de l'état de nature le plus parfait ;
mais jufqu'à préfent , dans aucune Société
peut- être, le grand nombre n'a joui d'un fort
qui fût meilleur à l'homme que la condition
des Otaïtiens, des Madecaffes, &c. & il y a eu
une foule de peuples & de fiècles civilifés
où la multitude n'a eu pour partage que la
misère , les vices & l'oppreffion.
J'ole affirmer que pour fe hafarder , fans
la plus coupable imprudence , à faire fortir
ces Infulaires de la condition où les a retenu
la Nature , il faudroit un Légiflateur qui eût à
la fois la douceur de Penn , les vûes de Montefquieu
, & le caractère de Licurgue ; j'ofe
dire que ce n'eft pas une bienfaisance éclairée
qui leur a porté plufieurs de nos Arts , qui
leur a fait part de plufieurs de nos defirs &
de nos inventions , fans leur apprendre à
prévenir le mauvais ufage qu'ils en pourront
faire. Leur génie , éveillé par ces nouveaux
objets , par ces nouvelles jouiffances , peut
164 MERCURE
s'avancer en aveugle vers un état de civilifation
où ils ne trouveront que nos moeurs &
nos maux . Et ce nouveau Colomb , dont
l'éloquence & la poéfie de deux Nations rivales
célèbrent de concert le nom & les
découvertes , le vertueux Cook a préparé ,
peut-être par les bienfaits , le malheur de
ces peuples , dont il étoit l'ami & le père.
Combien l'homme le plus éclairé doit trembler
encore toutes les fois qu'il arrête de fa
main le cours naturel des chofes , & que fe
miettant , pour ainsi dire , à la place de Î'Être
Suprême , il produit des événemens dont
vont dépendre les deftinées d'une partie du
genre-humain !
›
Il eft à croire que fi l'Auteur de la Lettre
fur Homme primitif eût porté fes vûes fur
les Infulaires de la mer du Sud , il eût été
moins prompt à décider que l'homme gagne
toujours en faifant des progrès dans la civilifation.
Lorfqu'une queftion qui a divifé les
plus grands efprits paroît fi facile à réfoudre ,
il faut croire qu'on ne la voit point fous toutes
fes faces ; c'eft ce qui eft arrivé à l'Auteur ,
qui ne paroît point avoir eu cette crainte .
Il a eu un plus grand tort encore que celui
de ne l'avoir point envifagée dans toute fon
étendue i l'a confidérée principalement,
fous un point de vue où il ne pouvoit trouver
aucune des grandes difficultés de la queftion
. Il s'eft attaché fur- tout à prouver que
les progrès de la civilifation adouciffent les
horreurs de les guerres & les haines nationales;
DE FRANCE.
169
mais il falloit marquer d'une manière précife
les effets qu'elle produit dans l'intérieur
des Sociétés , avant de s'occuper de ſes influences
dans les rapports de nation à nation .
Voyons d'abord fi la paix qu'elle nous donne
n'eft pas achetée par le facrifice ou l'abandon
' des droits les plus facrés de l'homme , & ſi
tous les peuples civilifés ne font pas dans le
funefte repos de ces hommes dont parle
Tacite , qui donnoient le nom de paix à la
plus déplorable fervitude , miferrimam fervitutem
pacem appellant. S'il y a même quelque
chofe de prouvé fous le point de vue où
l'Auteur envifage la queftion , c'eſt que , juſqu'à
nos jours , les guerres chez les peuples civilifés
ont été plus longues & plus deftructives
que chez les Sauvages . Dans l'état de nature
les peuples font quelquefois féroces , & furtout
farouches ; mais ce n'eft que dans les
progrès de la Société que les paffions de la
gloire & l'ambition des conquêtes rendent
un peuple l'ennemi de toute la terre ; ce
n'eft qu'alors que toutes les Nations fe forment
une multitude d'intérêts toujours prêts
à fe croifer , & dont le moindre peut embrâfer
le globe. Qu'on ouvre un moment l'Ouvrage
de Montefquieu fur les Romains ,
qu'on jette les yeux fur l'admirable Chapitre
où il développe la Politique de Rome avec
les Nations ennemies ; ce n'eft pas fans effroi
qu'on y voit le génie le plus profond que la
civilifation ait jamais fait naître , opprimer
l'Univers pendant plufieurs fiècles par des
166 MERCURE
principes invariables. Les cruautés des Sauvages
, je le fais , révoltent davantage les
fens & l'imagination , on a peine à foutenir
le récit des fupplices qu'ils font ſouffrir à
leurs prifonniers ; on détourne les regards de
ces tableaux tracés par tant de Voyageurs &
d'Écrivains , où l'on voit une Tribu entière ,
hommes , femmes , enfans , armés de clous ,
de couteaux & de tifons , s'acharnant fur un
malheureux , & cherchant tous à fe furpaffer
en inventant des douleurs dont aucune ne
fera mortelic . Mais très fouvent , au milieu
de tant de bourreaux , il n'y a qu'une feule
victime ; & dans nos guerres on voit
fouvent vingt mille victimes & un feul bourreau.
Une ville livrée aux Hammes , où vingt
mille âmes périffent à la fois , révolte moins
l'imagination que le fupplice d'un feul prifonnier
Sauvage ; on n'y voit point un long
détail de cruautés & de douleurs , l'imagination
n'apperçoit que des flammes qui lui
cachent les infortunés qu'elles dévorent ;
mais le Philofophe ne juge point par ces impreffions
des fens , des maux que la guerre
fait aux hommes ; il compte les victimes , &
il voit que dans nos guerres favantes , fans
qu'aucun homme foit fouillé de fang , les
éclats d'une feule bombe font quelquefois
plus de ravages que des Armées de Sauvages
dans le cours d'une longue guerre.
Mon intention n'eft point de foutenir contre
l'Auteur que la civilifation ne pourra jamais
éteindre les guerres & les haines nationaDE
FRANCE. 167
les , ni d'imiter tant d'Écrivains frivoles, qui ,
fans aucune connoiffance de la nature de
l'homine , & des modifications infinies
qu'elle peut recevoir , fans avoir jamais médite
fur la puiflance prefque fans bornes
d'une légiflation éclairée , afin d'être applaudis
par ces Lecteurs fuperficiels , qui font
toujours du parti des idées communes , ne
parlent du projet d'une paix perpétuelle que
pour répandre le mépris & le ridicule fur la
plus belle & la plus douce eſpérance de
l'humanité. C'eft à l'éloquence qu'il appartenoit
de préfenter cette idee aux Nations de
l'Europe ; c'eft elle qui , en elevant les âmes ,
fait trouver facile toutes les grandes chofes
qu'elle propofe. Rien ne paroît impoflible
là où fe montre le génie. Le bon Abbé de
Saint- Pierre , né avec une âme fublime &
un efprit médiocre , a nui peut - être à fon
projet en le développant dans un ſtyle languiffant
& foible. J'ofe croire que fi Montefquieu
ou Rouffeau l'avoient propofé les
premiers , nos grands Politiques n'en anroient
point ri comme de l'impraticable paix
de l'Abbé de Saint - Pierre . Loin de rejeter
cette efpérance comme un rêve & une chimère
, je penfe donc au contraire qu'elle doit
être le but des opérations de tous les Gouvernemens
; il n'eft démontré que des liaiſons & des
rapports actuels des peuples de l'Europe entreeux
à une confédération qui les uniroit des
liens perpétuels d'une paix univerfelle , il n'y
a pas plusloin que de l'état où étoient la France
t
MERCURE
168
& l'Angleterre fous l'heptarchie & fous la fin
de la feconde race , à l'ordre établi depuis un.
fiècle dans ces deux Royaumes ; que ce projet
paroîtra toujours moins impoffible à mefure
que les loix politiques & civiles fe perfectionneront
dans chaque Empire ; & qu'enfin
fi elles reçoivent jamais le degré de perfection
que l'efprit humain eft capable de
leur donner , de cette foule de Gouvernemens
particuliers établis fur les vrais principes
de la juftice & du droit naturel , naîtra
une bienfaifance générale, & , pour ainfi dire,
un génie univerfel de légiflation affez puiffant
pour gouverner fans eonfufion & fans
trouble cette Société univerfelle formée de
toutes les Sociétés réunies. Mais fi ce projet
´n'a rien en foi de chimérique , d'après ce qui
eft néceffaire pour fon exécution , on voit
qu'il n'eft pas prêt à fe réalifer ; & dans la
queftion que l'Auteur agite , il faut raifonner
beaucoup fur l'expérience du paffé, fur l'état
actuel des chofes , & très- peu fur les efpérancés
de l'avenir .
En un mot , jufqu'à préfent les progrès de
la Société en ont fait faire à l'art de la guerre
autant qu'à tous les autres arts , & nous n'avons
fur les Sauvages que l'avantage de nous
détruire en plus grand nombre avec plus de
fcience & plus de génie. Ce point de vue ,
qui n'étoit pas du tout favorable à l'opinion
de l'Auteur , n'étoit pas , je l'ai déjà dit ,
celui qui forme véritablement la queftion ;
les Nations , qui ne font liées les unes avec
las
DE FRANCE. 169
les autres que par le droit naturel , font encore
à cet égard dans l'état des Sauvages. Il
n'y aura de civilifation entre- elles que lorfqu'elles
auront un droit civil qui leur fera
commun .
C'eft dans les relations qui uniffent entreeux
les membres d'une même Famille &
d'une même Société, que l'Auteur devoit examiner
les effets de la civilifation. Et fous ce
point de vue les objets les plus intéreſſans fe
préfentoient à lui dans un fujet philofophique.
Il eût vu l'homme , réduit d'abord par la
Nature à quelques fenfations groffières , dont
il perdoit le fouvenir à mesure qu'il ceffoit
de les éprouver , fe créer une âme en prenant
des affections plus conftantes , appren
dre dans la Société à devenir père , fils ,
époux , & même amant. Il eût vu commencer
ces affections que nous jugeons éternelles
, & que nous attribuons à la Nature ,
faute de connoître l'époque de la civilifation
où elles prennent leur origine , à peuprès
comme les Égyptiens faifoient fortir
leur fleuve du ciel , parce qu'ils ne favoient
point remonter à fa fource. Il eût affifté ,
pour ainsi dire , à la naiffance du coeur humain
. Il eût vu naître l'amour dans la vie
paftorale , dont l'amour le plaît toujours à
reproduire les images , & des recherches
philofophiques auroient ramené fous nos
veux les tableaux charmans tracés par Théorite
& par Virgile. En fuivant les progrès
de la civilifation & fes paffages de la vie paf
N°. 30 , 26 Juillet 1783. H
170 MERCURE
torale à l'agriculture , de l'agriculture aux
arts de luxe & de volupté , il eût vû fans
ceffe varier & changer le tableau mobile du
coeur humain ; des paffions vieillies s'éteindre,
& de nouvelles paffions fe former tout- à
coup ; comme l'aftronome voit dans le ciel
des aftres difparoître , & s'allumer de nouveaux
foleils. C'eft en étudiant & en traçant
ainfi l'hiftoire des paffions , qu'on peut apprendre
à les connoître , à apprécier les maux
& les biens que l'homme en reçoit , peutêtre
même à les diriger , à s'en rendre le
maître : c'eft- là le vrai tableau du coeur
humain & l'unique morale. Tandis que le
Poëte Dramatique & le Moralifte ordinaire
épuifent leur génie à faifir quelques traits
fugitifs , à peindre l'homme d'un moment ,
à faire parler des paffions dont ils ne connoiffent
ni l'origine ni la durée , le Philofo
phe qui poffederoit cette hiftoire , ne verroit
dans leurs plus fublimes productions que
quelques traits ifolés d'un tableau immenſe
qui feroit tout entier fous fes yeux , qu'un
petit nombre de vérités fubordonnées , qu'il
diftingueroit à peine dans la foule des vérités
importantes dont il tiendroit la chaîne entière.
C'eft alors que l'on reconnoîtroit combien
toutes les exhortations & tousles préceptes de
la moralefont inutiles pour changer les moeurs
d'un peuple dont on ne change point l'épo
que fociale: combien il est peu raifonnable
de prêcher la fimplicité des moeurs de la vie
paftorale, à unpeuple qui s'est avancé juſqu'à
DE FRANCE. 171
l'agriculture , & les vertus domeftiques d'un
peuple qui n'eft encore qu'agriculteur, à une
Nation enivrée des voluptés de tous les Arts :
on verroit que , pour vaincre une ſeule paſfion
, il faut changer les conftitutions entières
; & quoiqu'il lui ait manqué beaucoup
de connoiffances & beaucoup de vûes , quoiqu'on
puiffe lui faire de grands reproches ,
on avoueroit que Licurgue eft le feul homme
peut- être qui ait eu le génie de la morale &
de la légiflation . Le tableau que je defire a
été tracé en partie dans l'Ouvrage de Millar ,
dont j'ai déjà parlé , Ouvrage excellent , fingulièrement
eftimé parmi les Anglois , mais
inconnu parmi nous , quoiqu'il ait été traduit
dans notre langue. J'en ferois peu furpris fi ,
comme l'Ouvrage de Ferguffon , auquel il
peut fervir de complément, fon Livre exigeoit
l'attention forte & foutenue qu'on refufe
fouvent parmi nous aux plus beaux Ouvrages
; mais il a très- peu de ces idées générales
qui , aux efprits ennemis de la réflexion,
paroiffent d'autant plus obfcures qu'elles renferment
plus de lumières : il fe tient toujours
très près des faits ; fon Livre aux Lecteurs fuperficiels
, pent paroître un Recueil de faits
très- piquans , & d'autant plus curieux , que
prefque tous font perdus dans les Hiftoriens
& dans les Voyageurs.
Je me fais attaché dans cette critique à
faire voir ce qui manque à l'Ouvrage beaucoup
plus qu'à relever fes fautes. Mais n'eftse
point- là fouvent ce que doit être la criti-
Hij
170
MERCURE
que ? N'eft- ce point la feule même qu'il faudroit
employer , fi , comme le dit un homme
de goût & un Philofophe , les Ouvrages font
plus fouvent mauvais par les chofes qui manquent
que par celles qu'on y trouve ? Un grand
avantage encore de cette eſpèce de critique ,
& qui me la feroit toujours préférer , c'eſt
qu'elle eft plus douce & plus indulgente ,
qu'elle ne pourfuit pas impitoyablement
un Écrivain dans chacune de fes idées &
dans chacun de ſes mots ; qu'elle peut même
flatter fon amour- propre , puifqu'on lui propofe
des vûes qu'on le juge capable d'exécuter.
C'eft l'intérêt & l'importance du fujet qui
peuvent feuls excufer la longueur de nos obfervations
fur l'Homme primitif; le fujet des
deux autres Lettres n'a pas le même intérêt ,
& nous en dirons peu de chofes . Elles font
d'un bon efprit , qui a des connoiffances ;
mais les connoiffances & le bon efprit ne
fuffifent pas pour lutter contre de grands
Hommes. La Lettre fur l'héroïsme militaire
femble n'avoir d'autre but que d'attaquer le
fyftême de Montefquicu fur les climats. Nous
oferons dire à l'Auteur qu'il n'a pas affez
étudié ce fyftême ; qu'on ne réfute pas dans
deux ou trois pages deux Livres de Monrefquieu
; qu'il n'a pas très bien entendu
l'opinion qu'il combat , & qu'il oppofe de
petites difficultés aux grandes vûes d'un homme
de génie ; c'eft ce qui arrive fouvent ,
parce qu'il n'y a point de vérité morale qui
DE FRANCE. 173
ne puiffe être attaquée par des objections
qui paroiffent de bon fens , fur- tout dans les
matières où le bon fens ne fuffit pas ; mais
l'Auteur étoit capable de mieux voir avec
plus de travail & plus de méditation . Il net
veut point , dit- il , en croire les bruyans
échos de Montefquieu : c'est très - bien fait de
n'en croire que foi. Mais je doute qu'il entende
dans notre Littérature beaucoup d'échos
de Montesquieu . Il a eu de bruyans détracteurs
; & pour le petit nombre de ceux qui
ont ofé le défendre , il me femble qu'ils fe
font plus occupés à avoir raiſon qu'à faire
du bruit. C'eft principalement fes vûes fur
le climat que tout le monde a voulu combattre.
Mais on a fait là- deffus beaucoup de
mauvaiſes plaifanteries & peu de bons rai
fonnemens. Quand on difoit que Montef
quieu attribue tout au chaud & au froid , on
croyoit avoir réfuté Montefquieu . En général
, fi l'on en excepte un Chapitre du Contrat
Social , & une note du Poëme des Saifons
, où la queftion eft très- bien vûe , quoiqu'elle
n'ait pu y être approfondie , depuis
J'Efprit des Loix , on n'a guères écrit en
France fur cet objet que des choſes qui ne
valoient pas la peine d'être écrites . Quelques
Écrivains Anglois , au contraire , ont porté
beaucoup plus loin les vûes de l'Esprit des
Loix ; mais ces Écrivains profonds défendent
Montefquieu , & ne s'en moquent pas.
La Lettre fur le defir de l'Immortalité eft ,
fans nul doute , ce qu'il y a de meilleur dans
Hiij
174
MERCURE
la Brochure que nous annonçons . L'Auteur
a le mérite de paroître avoir fenti ce qu'il
écrit ; mais pourquoi mêler à des idées générales
, qui font intéretfantes , la fatyre d'un
grand Homme qui a été malheureux ? Pourquoi
, en parlant de l'immortalité , infulter
un Philofophe que fon génie a rendu immortel
? Dans la première Lettre , l'Auteur a attaqué
une opinion de Rouffeau ; certe attaque
en annonçoit une autre. Voici ce qu'on
lit dans la Lettre fur le defir de l'Immortalité.
« Je ne trouve rien de plus odieux que
l'orgueil d'un faux Philofophe , qui , ne
» voulant pas que le Public perde rien de
» tout ce qui le concerne , laiffe à ſa mort
le tableau des crimes & des ordures qu'il a
commis pendant fa vie..... Ces fortes de
» gens manquent toujours leur but ; ils peuvent
échauffer l'imagination , mais non la
fatisfaire..... Celui qui ne croit pas ce qu'il
» écrit, eft le plus fouvent froid , fec , diffus ,
» & n'intéreffe que foiblement. Bientôt le
» Lecteur s'apperçoit de la fupercherie du
Sophifte ; il fe met en garde contre la féduction
, relit l'Ouvrage en critique , &
finit par méprifer le Livre & fon Auteur...
J'avoue pourtant qu'il y a des Sophiftes
qui ont affez de talent pour faire fecte ,
pour féduire même des talens très inf
truits ; & dans le nombre de ceux que je
pourrois citer , il fuffit de nommer Jean-
Jacques Rouffeau. »
33
"}
"
ور
On croiroit d'abord qu'il n'y a que ces
DE FRANCE 175
derniers mots qui attaquent Jean Jacques
kouffeau ; mais il eft clair que tout le pa
ragraphe le regarde ; il eft clair que c'eſt
l'Auteur des Confeffions qu'on a voulu défigner
par le faux Philofophe qui laiffe après
fa mort le tableau des crimes & des ordures
qu'il a commis pendant fa vie. A quoi bon
tergiverfer & ne pas montrer nettement fa
penfee ? L'amour feul de la vérité peut
donner le courage d'accufer un homme
célèbre , lorfque ce n'eft point l'envie
ou la haine ; mais alors pourquoi ces ména
gemens qui trahiffent la vérité , fi c'est pour
-elle qu'on élève la voix , & qui font une injure
de plus pour le talent que l'on infulte ?
Nous ne voulons point caractériſer cette
manière de parler d'un homme tel que Rouffeau
; mais ne femble t'il point qu'on veuille
accomplir ce que prédifoit ce grand Homine ,
du tribut d'outrages & d'indignités qu'on
préparoit à fa mémoire en forme d'Oraifon
funèbre. Quant aux reproches contenus dans
ce paragraphe , que nous avons bien eu quelque
peine à tranfcrire , tous ceux que la haine
& l'envie n'aveuglent point, verront fans
peine combien ces reproches font fondés ; on
verra combien il eft jufte de confondre un
ami de la vérité qui écrit l'hiftoire des foibleffes
de la vie, pour s'en accufer, avec celui
qui décrit les vices de fon coeur pour en répandre
le goût & la contagion on fe demandera
fans doute fi l'Auteur d'Émile ,
de l'Héloïfe & du Contrat Social , avoit en-
HAV
176 MERCURE.
core befoin d'écrire quelque chofe pour fe
rendre immortel ; fi un hypocrite n'auroit
pas mieux aimé laiffé eroire à la postérité
que fes moeurs avoient toujours été aufli
pures que fa morale , & qu'il avoit pratiqué
la vertu auffi conftamment qu'il l'avoit aimée.
Nous laifferons à décider fi les délires
& les égaremens d'une imagination , à la
fois timide & ardente , ne doivent pas être
diftingués des deffeins réfléchis & foutenus
de la méchanceté ; s'il eft jufte que les hommes
méprifent & haïffent un homme qui ,
contrarié conftamment dans tous les goûts
& dans tous fes penchans , placé par le fort
dans une condition ignominieufe avec un
génie profond & élevé , n'a commis , pendant
foixante dix années qu'il a vécu , que les
fautes d'un enfant ? Si enfin l'extrême amour
de vérité qui a dicté fes Confeffions ne doit
pas lui faire acquérir plus d'eftime encore
que les fautes ne peuvent lui en faire perdre ,
fi l'homme qui a fait de pareils aveux n'eft
pas encore au-deffus de celui qui n'auroit aucune
foibleffe à avouer ; que la postérité prononce
; c'est à elle fur- tout que Rouffeau a
fait fes Confeffions..
Nous finirons en donnant à l'Auteur de
ces Lettres un confeil qui pourra lui être
utile , s'il eft jeune encore. Nous ne fommes
plus au temps où quelques vûes éparfes fur
des objets particuliers de politique ou de
morale pouvoient faire une réputation à
keur Auteur. On permet encore à un Poëte
DE FRANCE. 177
de faire imprimer une Ode ou une Épître ,
même un Madrigal ; ces Ouvrages ont atteint
leur but lorfqu'ils ont procuré un plaifir du
moment à des Lecteurs qui à tous les momens
veulent des plaifirs nouveaux ; quand
on écrit fur des objets férieux , on ne peut
intéreffer fes contemporains même , qu'en
répandant une grande lumière jufques fur la
poftérite. Nous avons une infinité de morceaux
excellens fur prefque tous les points
de morale & de légiflation ; on n'attachera
plus déformais un grand prix qu'à des Ouvrages
où l'on fera de toutes ces lumières
éparfes un corps de lumière. La Fable a fuppofé
que lorfque tous les êtres furent créés ,,
le maître des Dieux les fufpendit tous à une
chaîne attachée à fon trône. La gloire ne fera
déformais que pour les Écrivains qui fufpendront
toutes les vérités de détail à quelques
principes créés par leur génie. On ne
paroîtra pas fans doute tous les jours fous les
yeux du Public ; mais le befoin d'occuper
de foi à tous les momens eft le befoin d'un
efprit & d'une âme foible. L'homme de
génie tranfporte fes jouiffances comme fa
gloire dans la poftérité ; & il meurt content
sil laiffe un bel Ouvrage fur fon tombeau.
( Cet Article eft de M. Garat. ),
Hy
178
MERCURE
RAPPORT de MM. Cofnier , Maloet
Darcet , Philip , le Preux , Defeffarty&
Paulet , Docteurs- Régens de la Faculté
de Médecine de Pars , fur les avantages
reconnus de la nouvelle méthode d'admi
niftrer l'Électricité dans les maladies Nerveufes
, particulièrement dans l'Epilepfie
& dans la Catalepfie ; par M. Ledru
connu fous le nom de Comus; lû à l'Af
femblée de cette Faculté , dite du Prima
Menfis , tenue au mois d'Avril dernier,
Ce Rapport eft précédé de l'apperçu du
fyfteme de l'Auteur fur l'agent qu'il em→
ploie, & des avantages qu'il en a tires.
mprimé par ordre & aux frais du Gouel
n ement. A Paris , de l'Imprimerie de
hip pe Denys Pierres , Imprimeur ordi
naire du Roi , de la Police , &c. ruẹ
S. Jacques.
M. Ledru , fi long temps connu fous le
nom de Comus , a amufé les loisirs , & caprivé
l'admiration des curieux par des fecrets &
des fubtilités que lui fourniffoient fon adreffe
& une étude approfondie de la Phyfique,
Les phénomènes qu'il expofoit aux yeux du
Public , l'auroient fait paffer , quelques
fiècles auparavant , plutôt pour un Sorcier
que pour un favant Phyficien , & lui auroient
valu , à coup sûr , les honneurs d'un
Autodafé. Mais fon génie , qui ne s'etoit con
facré jufqu'ici qu'à nos plaifirs , vient de fe
DE FRANCE. 179
dévouer au bien de l'humanité ; & la décou
verte qu'il a faite lui donne des droits à la
reconnoiffance publique.
Il vient d'entreprendre la guérifon des maladies
nerveufes , notamment de l'épilepfie
( mal caduc ) qui , juſqu'ici , avoit échappé
au pouvoir de la Médecine. Toutes les maladies
affectent la fubftance nerveufe ; mais
il en eft qui lui font particulières , & dont
l'effet eft le dérangement du fenforium , partie
du cerveau qui fert de point central au genre
nerveux. Le Guide électrique , dont une
portion s'amalgame avec la fubftance nerveufe
, devient par là le miniftre des fenfar
tions & de l'action , L'interceptation ou le dér
rangement de cet agent occafionne les maladies
dont nous venons de parler, M. Ledru
a cherché dans la Phyfique un ftimulant
analogue à ce fluide nerveux , qui en puiffe
rétablir la circulation ; & il a cru l'avoir
trouvé dans l'électricité , adminiftrée fuivant
une méthode qui lui eft particulière . Dans
cette perfuafion , & après plusieurs effais
heureux , il a obtenu la permillion de traiter
des épileptiques , choifis à l'Hôtel - Dieu par
des Médecins de la Faculté , qui ont constaté
l'état des malades en les remettant dans fes
mains , qui ont fuivi leur traitement , & qui
ont pris acte à mefure des effets progreflifs
du remède. Parmi les fujets qu'il a traités ,
il faut diftinguer une fille de dix neuf ans ,
nommée Héron , qui , dans fes convulfions ,
pouloit des cris qui reffembloient au bruit
Hvj
180 MERCURE
du tambour , & que quatre hommes avoient
de la peine à contenir ; il faut diftinguer furtout
Chriftine Walerine , femme Clinger ,
qui avoit eu un accès de trente jours , pendant
lequel elle étoit reftée dans la plus parfaite
immobilité , fans manger ni boire.
M. Ledru a guéri tous les malades qu'il a
entrepris , après un traitement plus ou moins
long ; & il n'a voulu publier les fuccès
qu'après un laps de temps affez conſidérable ,
pour laiffer moins de doutes fur leur parfaite
guérifon. Ses procédés ont été examinés par
la Faculté avec l'attention la plus fcrupuleufe
; & d'après leur atteftation , on peut
regarder cette découverte comme un des
plus fignalés bienfaits que le génie ait répandus
fur l'humanité. L'hiftoire de cette découverte
eft revêtue des circonftances les
plus honorables. Un Prince cher à la Nation ,
Mgr. le Duc d'Orléans , en a parlé le premier;
un célèbre Miniftre , M. le Comte de
Vergennés , l'a favorifée ; un Magiſtrat bienfaifant,
M. le Noir , y a pris le plus grand
intérêt , & des perfonnes des plus diftinguées
par le rang & la naiffance ont affifté au traitement.
M. Ledru donne , dans l'Écrit que nous
annonçons , l'hiftorique des maladies qu'il a
traitées , & il cite le nom des malades quand
il lui eft permis de le faire. L'électricité n'expofe
à aucun danger , pourvu néanmoins
qu'elle foit adminiftrée avec les précautions
néceffaires ; car elle peut faire mourir , fi la
DF FRANCE. 181
commotion eft portée fur tels endroits du
corps humain , obfervés par MM. Ledru père
& fils. Ils font fi sûrs des endroits où l'on
peut la porter fans aucun danger , qu'ils fe
foumettent eux- mêmes au traitement qu'ils
font fubir aux malades .
Il réfulte de leurs expériences , que l'adminiftration
de l'électricité rend les accès
d'épilepfie plus fréquens , enfuite plus rares ,
& qu'elle les fait enfin ceffer tout à faits ,
qu'employée dans le temps de l'accès , elle
le tempère , & en abrège confidérablementla
durée ; que les accès par la continuation
du traitement s'affoibliffent au point de fe
convertir en fimples reffentimens ; qu'elle
favorife toutes les fecrétions , & même les
excrétions , & fait naître ou rétablit les évacuations
périodiques des femmes ; qu'elle
réveille , ranime & fortifie le mouvement
mufculaire ; & qu'enfin elle n'attaque point
l'a poitrine , & ne produit aucun des accidens
qu'on avoit craints.
SPECTACLES.
COMÉDIE FRANÇOISE.
LE Mercredi , Juillet , on a remis la Fille
Suppofée , ou le Mariage Interrompu , Comédie
en trois Actes & en vers , par M. de
Cailhava.
182 MERCURE
Une jeune Veuve qui plaide avec fon beaupère
, eft venue loger , fans le favoir , dans
la maifon du père d'unjeune homme qu'elle
eft fur le point d'époufer. Le vieillard revient
du voyage qui a cauſe ſon abſence . On eft
oblige d'avoir recours à une rufe . Le bonhomme
attend de Bordeaux une fille qu'il
n'a pas vue depuis l'âge de trois ans ; on
lui fait croire que la Veuve eft cette fille.
Cependant celle- ci fe reproche de tromper
la fenfibilité , & d'abuſer de la bonne- foi du
vieillard . On eft donc obligé de lui tout découvrir.
Comme fon avarice eft extrême ,
il trouve très mauvais que fon fils aime une
Veuve fans fortune. Diverfes raifons interrompent
ainfi le mariage des deux amans ,
juſqu'à l'inſtant où le beau père de la Veuve
confent à terminer le procès , & à lui donner
cent mille écus.
Cet Ouvrage a été donné , pour la première
fois , le 10 Avril 1769. Il fut trèsbien
accueilli à la première repréſentations
mais dans le cours des cinq qui la faivirent,
il fut très peu fuivi. Uue indifpofition du
célèbre Préville empêcha de donner la feptième
, qui avoit été annoncée. Depuis ce
temps la Pièce n'avoit pas reparu. Le fonds
eft tiré d'une Comédie de Plaute. M. de Cailhava
a fu accommoder à nos moeurs les
fituations qu'il a prifes dans le Poëte Latin
On lui a reproché , avec raifon , d'avoir multiplié
, fans une grande néceffité , les rufes
du Valet qui fait marcher l'intrigue , parce
DE FRANCE. 183
le dénouement eft tout à fait étranger à la
dernière rufe que ce Valet met en oeuvre.
On eft d'autant plus en droit de lui faire ce
reproche , que dans le Tuteur Dupé , M. de
Cailhava a lu vaincre une difficulte que les
Auteurs Comiques ont rarement vaincue ;
celte d'expofer , nouer & dénouer , toujours
par le ministère du même perfonnage. Cette
remife a eu du fuccès , & peut , en quelque
façon , dedommager l'Auteur d'avoir foupiré
pendant quatorze ans après la repriſe
de fa Comédie.
COMÉDIE ITALIENNE.
LE Samedi 28 Juin , M. Chenard a debuté
dans l'emploi des Baffes- tailles , par le rôle
de Jacques , dans les Trois Fermiers , &c.
Nous avons rendu compte , dans le tems,
du Début que M. Chenard a fait à l'Académie
Royale de Muſique . S'il y a du Iapport
entre plufieurs des moyens qu'un Acteur
doit employer pour obtenir des fuccès , tant
fur le Theatre de l'Opéra que fur celui de
la Comédie Italienne , il y a auffi une différence
très marquée entre quelques autres : en
conféquence n'us allons ajouter quelques détails
à ceux que nous avons dejà imprimés
en parlant de M. Chenard . Ce Comédien
nous paroît beaucoup mieux placé dans
l'Opéra Comique que dans le grand Opéra.
Sa figure , l'expreffion de fa phyfionemie , le
gente de fa voix , la nature de fon jeu con
184
MERCURE
+
1
viennent bien davantage à la Comédie qu'au
Drame noble. Il a de la gaîté , de l'aifance ,
peut être un peu de monotonie dans le gefte ;
mais fon jeu eft animé & guidé par une affez
belle intelligence pour que l'on puiffe
efpérer qu'il en fera difparoître les défauts
qui le déparent. Le feul que nous croyons
devoir lui reprocher publiquement , c'eft.
l'habitude qu'il paroît avoir contractée de
courir la Scène à grands pas , & de laiffer
ainfi fon interlocuteur dans une impoffibilité
fouvent abfolue de lui adreffer ce
qu'il doit lui dire. Il en résulte que la repréfentation
y perd de la vérité , le Spectateur
de l'illufion , & l'Acteur des applaudiffemens.
Nous l'inviterons aufli à modérer les
éclats qu'il donne fouvent à fa voix quand il
la porte dans les fons aigus. Ce paffage brufque
& imprévu , ces tranfitions dures frappent
défagréablement l'oreille , & alarment
la fufceptibilité des gens de goût . D'ailleurs,
on ne fauroit trop le redire , jamais l'expreffion
ne fe trouvera dans les cris : ou fi elle
s'y trouve quelquefois ; ce ne fera que dans
des fituations violentes , rarement admiffibles
fur le Théâtre de la Comédie Italienne ,
fur tout dans l'Opéra - Comique. Au reſte
nous croyons que M. Chenard peut être fort
utile à ce Spectacle , & devenir très - agréable
au Public..
2
LE Lundi jo du même mois , on a donné
la première repréſentation de Blaife &
Babet , Comédie en deux Actes & en profe
DE FRANCE.
185
mêlée d'ariettes , par M. Monvel , mufique
de M. D. Z.
Cette Comédie fait fuite au Trois Fermiers.
Babet s'eft levée de grand matin. Elle
attend Blaife , fon prétendu. En attendant
elle fait des bouquets pour la fête de fon
grand- père Mathurin. Le retard de Blaife lui
donne de l'humeur ; elle rentre chez fon
père quand elle le voit arriver. Blaiſe appelle
Babet . Elle eft quelque temps fans lui répondre.
Elle paroît à fa fenêtre , & c'est envain
qu'elle appelle Blaife à fon tour. Enfin
elle defcend . La vûe du bouquet donne de
la jaloufie à Blaife ; Babet en prend auffi
quand elle voit que Blaife porte un joli ruban
attaché à fa boutonnière. Les fuites de
cette jalousie brouillent les deux amans , qui
fe quittent en jurant de n'être jamais l'un à
l'autre . On annonce l'arrivée du Seigneur
du même M. de Belval à qui les Trois Fermiers
ont prêté , l'année précédente , une
fomme confidérabe , au moyen de laquelle il
a confervé fa Terre qu'il vouloit vendre. Il
rembourfe fes payfans , donne douze mille
livres pour marier fix jeunes filles , deux années
du revenu de fa Terre pour la dor de
Babet , & déclare qu'il veut que Blaife & la
petite fille de Mathurin marchent à la tête des
fixnouveaux ménages . Cette nouvelle augmente
la douleur que les deux jeunes gens ont
éprouvée depuis l'inftant de leur rupture. La
querelle amoureufe des deux jeunes villageois
amufe un moment M. de Beival , qui , après
>
186 MERCURE
avoir écouté tour - à- tour les plaintes de Blaife
& de Babet , fe donne le plaifir de les réconcilier.
Les amans tremblent d'abord de s'approcher
; chacun d'eux , fans ofer regarder
l'autre , lui apprend que c'étoit à lui qu'étoit
deftiné l'objet qui a caufé fa jalousie . Babet
reçoit le ruban , Blaife le bouquet ; puis ils
fe retournent & s'embra !lent. Alors toute la
famille vient offrir des bouquets au vieux
Mathurin , & c'eſt M. de Belval qui lui pré--
fente le premier.
Nous avons paffe fur quelques détails, ou
gais ou intéreffans , qui s'accordent très bien
avec la marche de la Pièce , mais qui au-
"roient donné à notre analyfe une trop grande
étendue.
Cer Ouvrage eft fort fupérieur à celui
dont il eft la fuite . Les brouilleries d'amans
fot très- communes au Théâtre ; mais celle
qui fait le fonds de cette Comédie eft filée
avec tant d'art , le caractère des deux jeunes
villageois eft d'une can leur & d'une naïveté
fiat chantes , que la fituation paroît abfolument
neuve. D'ailleurs , la mulique eft ravif
fanre. A une expreffion toujours vraie , toujours
locale , elle unit le mérite d'une mélodie
douce & remplie de grâces. M. D. Z.
a ramené quelquefois , avec beaucoup d'adreffe
, les motifs dans lefquels il a compofé
quelques morceaux de la mufique des Trois
Fermiers. Ces motifs font rappelés de
manière à ajouter de l'intérêt , & à faire
naître des fouvenirs agréables au Public , &
DE FRANCE. 187
avantageux pour la réputation de M. Monvel
& de M. D. Z. On ne fauroit donner trop
d'éloges aux Acteurs qui repréfentent les Perfonnages
de cette charmante Comédie.M.Rozière,
dans le rôle de Mathurin; M. Narbonne,
dans celui de Jacques ; M. Ménier , da s
celui de Delorme , ont fait un très grand
plaifir ; Mme Gonthier joue le rôle de la
Mère Alix avec une gaîté rare & pleine de
vérité. M. Michu a eté vrai & intéreffant
dans le rôle de Blaife . Mais il eft difficile de
peindre toutes les nuances de talent que
Mme Dugazon a développées dans le rôle de
Babet. Naturel , comique , naïveté , intelligence
, fenfib: lité; elle n'a laiffé échapper
aucun des traits qui forment le caractère du
perfonnage qu'elle avoit à repréſenter. M.
Granger a été noble , aimable & fenfible
dans le petit rôle de M. de Belval. En peu
de mots on peut affarer qu'on verra trèsratement
jouer un Ouvrage Comique avec
autant de perfection dans l'enfemble & dans
les dérails.
ANNONCES ET NOTICES.
HISTOIRE fecrète de Bourgogne , rar Mlle de la
Force. 3 Vol . in- 12 . fur papier fuperfin d'Annonay.
Prix , 18 liv. br. A Paris , de l'Imprimerie de Didot
l'aîné , rue Pavée.
Cet Ouvrage commence une Collection de Romans
hiftoriques qui paroîtra facceffivement. Sans
attaquer les Auteurs de ce geared Roman , on ne
188 MERCURE
4
peut pas fe diffimuler qu'il mérite un grave reproche.
Les partifans de la vérité ne fauroient voir avec
plaifir un genre qui tend à confondre le vrai avec
le faux , qui défigure les noms & les faits les plus
connus. Si le Romancier fe reconnoiffoit toujours
pour tel , s'il avouoit toujours par fon titre , qu'il va
parler plutôt d'après fon imagination que d'après
T'hiftoire , il feroit moins de dupes ; mais il donne
très-fouvent à fes récits les dénominations les plus
captieufes , les plus propres à furprendre la confiance
de fes Lecteurs; de façon qu'auprès de la postérité
furtout , il est sûr de couvrir de ténèbres les faftes
de l'Hiftoire déjà affez infectés d'erreurs . Il étoit au
moins à defirer qu'un Littérateur inftrait s'occupât
du foin de féparer dans ces fortes d'Ouvrages les
erreurs d'avec les vérités ; & c'est ce que vient d'entreprendre
l'Éditeur de l'Ouvrage que nous annonçons.
En réimprimant les Romans Hiftoriques , il y
joint une notice fur les perfonnages mis en jeu par
le Romancier , & des remarques qui rétabliffent les
dates & les faits altérés dans fon récit. Ce feul
expofé fuffit pour faire fentir l'utilité de cette entrepriſe.
EUVRES choifies de le Sage , avec figures. Première
Livraiſon , contchant le Diable Boitcux, I
vol. in -8°. Hiftoire de Gilblas de Santillane , 2 vol.
in- 8° . Aventures de Beauchêne , 1 vol. in 8 ° . A
Amfterdam & fe trouve à Paris , rue & hôtel
Serpente.
•
On voit que le malheur arrivé à M. Cuchet ne l'a
pas empêché de remplir fes engagemens. Cette
exactitude eft une preuve de fon zèle , & fait bien
augurer de cette entrepriſe , qui d'ailleurs nous paroît
faite pour réuffir . Les Romans de le Sagejouiffent
d'une eftime d'autant plus méritée , que fa réputation
paroît s'accroître de jour enjour. On ne lui a pas rendu
DE FRANCE. 189
de fon vivant toute la juftice qui lui étoit dûe ; c'eſt
qu'il n'étoit pas riche , & qu'il fut par conféquent ſans
prôncurs. La pauvreté d'un Auteur empêche fouvent
fes Ouvrages de faire fortune. Mais la poftérité , qui ne
voit plus l'homme , apprécie plus juftement fon mérite
; & nous rendons enfin un digne hommage à la
mémoire d'un homme à qui nous devons de bons
Romans , Crifpin rival de fon Maûre , & Turcaret.
Cette dernière Pièce tiendra toujours fon rang parmi
nos bonnes Comédies. Le dialogue vif & faillant de
le Sage répond à la vérité cauftique de fon pinceau ;
il possède le genre de la Comédie fatyrique. Il eſt
vraisemblable que Turcaret n'auroit pas été permis
de nos jours. Il eut de la peine à l'être du vivant de
l'Auteur ; mais ce qu'il y eut de fingulier , c'est que
les obftacles qu'il eut à vaincre ne lui furent pas fufcités
par les Financiers qu'il attaquoit fort vivement ;
mais par les Comédiens , qui ne jouèrent la Pièce
que moyennant des ordres fupérieurs.
Le Sage mourut très vieux ; & fa caducité fut
trifte. Par une fingularité affligeante , il ne jouiffoit
guères de fes facultés morales que dans le milieu du
jour. Le foleil en s'approchant de fon midi , lui rendoit
fa force & fa fenfibilité ; mais fon déclin le
replongeoit dans une foibleffe léthargique , bien
faite pour humilier la pauvre raifon humaine .
On foufcrit pour les OEuvres choifies de le Sage &
de l'Abbé Prévost , à Paris , chez Cuchet , rue &
hôtel Serpente , & chez les principaux Libraires de
l'Europe. La Collection des deux Auteurs formera
environ so vol in- 8 ° . avec des figures faites fous
la direction de MM. Delaunay & Marillier. Le
prix de la Soufcription eft actuellement de 3 liv.
12 fols le volume broché , & fera maintenu ainfi
jufqu'à la fin de Décembre prochain parlé lequel
temps on ne pourra plus foufcrire , & les volumes
feront alors du prix de 5 liv.brochés & 6 liv . reliés,
190
MERCURE
1
On a tiré 24 exemplaires fur papier de Hollande , à
12 liv. le vol. broché. La feconde Livraifon fe fera
à la fin du préfent mois de Juillet , & les autres fucceffivement
de mois en mois ; elles feront compofées
de trois à quatre volumes.
LES Enfans élevés dans l'ordre de la Nature , on
Abrégé de l'Hiftoire Naturelle des enfans du premier
age , à l'ufage des pères & mères de famille ; par
M. de Foureroy , Confeiller du Roi au Bailliage de
Clermont en Beauvoifis . Nouvelle Édition , revue &
augmentée. A Paris , chez Nyon l'aîné , Libraire ,
rue du Jardiner.
Cet Ouvrage utile , & infpiré par l'amour de
Phumanité , feroit eftimable par fon objet , quand il
ne le feroit point par fon exécution ; mais à ce mérite
, il joint celui d'être fidèle aux boas principes ,
& d'être fait avec autant de fagacité que de lagelſe.
MANUEL fur les Propriétés de l'Eau , particu
lièrement dans l'Art de guérir , par M. Macquarr ,
Docteur- Régent de la Faculté de Médecine de l'aris ,
Affocié ordinaire de la Société Royale de Médecine.
A Paris , chez Nyon l'aîné , Libraire , rue du
Jardinet.
MM. Colombier & de Fourcroy ont rendu à la
Société Royale de Médecine un compte avantageux
de cet Ouvrage ; c'eſt un préjugé en la faveur.
La quatrième Livraifon de l'Encyclopédie méthodique
fera mife en vente le Lundi 28 du courant,
Cette Livraiſon fera compofée ; favoir , Grammaire
& Littérature , Tome 1 , deuxième Partie ; Géogra
phie , Tome I , deuxième Partie ; Jurifprudence ,
Tome II , deuxième Partie ; Arts & Métiers , Tome
II , première Partie. Le prix de cette Livraiſon fera
de 22 liv, en feuilles , & de 24 liv. broché ,
DE FRANCE. 191
RECHERCHES fur la nature & le traitement de
la Fièvre Puerperale , ou Inflammation d'Entrailles
des Femmes en couches, par M. Delaroche , Médecin-
Confultant de Mgr. - le Duc d'Orléans , Membre du
Collége des Médecins de Genève , & de la Société
Royale de Médecine d'Édimbourg Prix , 2 l . 8 f. br.
A Paris , chez P. Fr. Didot le jeune , Imprimeur-
Libraire , quai des Auguftins.
Cet Ouvrage ne laiffe rien à defirer for le fujer
qui y eft traité. L'Auteur y marche au flambeau de
l'expérience. Il s'eft rencontré , fur les remèdes qu'il
propofe, avec M. Doulcet ; & cet heureux hafard n'eft
qu'un préjugé de plus en faveur du fyftême adopté .
On trouve chez le même Libraire , l'Analyse du
Systême Nerveux , du même Auteur, 2 vol. in- 8 ° .
Prix , 6 liv. br.
1
HISTOIRES Édifiantes , pour fervir de Lecture aux
jeunes Perfonnes de l'un & de l'autre fexe. Nouvelle
Édition , revue , mife en ordre , & confidérablement
augmentée , par M. Collet , Prête de la Congréga- ,
tion de la Miffion , Docteur en Théologie, Prix ,
3 liv relié. A Paris , chez la Veuve Ducheſne , Libr,
rue S. Jacques,
Duché , de l'Académie des Infcriptions , avoit fait
fous ce titre un Ouvrage que M. Collet a cru
fufceptible d'être perfectionné. Il lui a donné plus
d'étendue. A l'Hiftoire de Judith , qui eft plus à admirer
qu'à imiter , il a ſubſtitué celle de Jofeph. Il a
terminé celle de Mélanie , qui étoit incompletre , &
y a joint celles de Sainte- Adélaïde , d'Elifabeth de
la Croix , & d'Armelle Enfin il termine ce Volume
par deux Lettres , l'une fur les Spectacles , l'autre fur
la Lecture des Romans. On ne peut qu'applaudir aux
ûes morales & chrétiennes de M. Collet.
VRES Completes de M. Saurin, de l'Académic
192
MERCURE
Françoife . 2 vol. in- 8 ° . Prix , 8 liv, broc . A Paris ,
chez la Veuve Duchefne , Libraire , rue S. Jacques .
On fépare le Tome II pour compléter l'Édition
précédente. Il fe vend broché 3 liv.
―
JOURNAL de Clavecin , N° . 6. Ouverture de
Paifiëllo , arrangée par M. Blin . Rondeau à
quatre mains , par M. Kirkman ; le dernier morceau
eft de M. Hayden .
-
-
Un Air de Renaud ,
Un Air de Ballet d'Ar-
- Vivent les Fillettes
-- Un air de Péronne
Une Romance de M.
On s'abonne pour
Journalde Harpe , Nº. 7.
arrangé par M. Meyer .
mide , par M. Breidenbach .
en variation , par M. Fabry.-
Sauvée , par M. Raboin .
Fargere , par M Deleplanque .
ces deux Journaux , qui paroiffent exactement chez
ie Duc , rue Traverfiere S. Honoré , au Magafin de
Mutique . Prix de l'abonnement pour douze Cahiers ,
Is liv, franc d port. Chaque Cahier féparément ,
2 liv. 8 fols , auffi franc de port.
Voyez, pour les Annonces des Livres , de la
Mufique & des Eftampes , le Journal de la Librairie
fur la Couverture .
FRAGMENT
TABLE.
RAGMENT d'une Épître à
mes Livres ,
145
Réponse Bachique à la Chaxmitif
de l'Homme ,
Rapport de MM. de la Facul
té de Médecine ,
151
178
181
fon de M. de St Ange , 1 6 Comédie Françoife ,
Vers à M. de la Harpe, 148 Comédie Italienne ,
Enigme & Logogryphe , 150 Annonces & Notices ,
Suite des Lettresfur l'état pri-
APPROBATION.
183
187
JAI lu , par ordre de Mgr le Garde des Sceaux , le
Mercure de France , pour le Samedi 26 Juillet . Je n'y ai
rien trouvé qui puiffe en empêcher l'impreſſion. A Paris ,
le 25 Juillet 1783. GUIDI.
JOURNAL POLITIQUE
POLITIQUE
DE BRUXELLES.
TURQUI E.
De CONSTANTINOPLE , le 11 Mai.
CONFOR
ONFORMÉMENT aux ordres du Grand-
Vifir , il défile continuellement des troupes
vers la frontière où elles forment déja
un corps confidérable. Les Janıffaires ont
commencé leurs exercices & les continueront
journellement fous la conduite d'Officiers
habiles appellés de l'étranger. Le Divan
& plufieurs Mufulmans voient aujourd'hui
la néceffité de former nos troupes aux
manoeuvres . On croit toujours que la Porte
a en vue une entreprife fur la Crimée , ой
l'on a , dit - on , envoyé des Emiffaires pour
tâcher de foulever les Tartares. La divifion
de l'efcadre partie dernièrement fous les
ordres du Vice-Amiral , doit convoyer le
tranfport des troupes que l'on tire d'Afie.
Les troubles excités à Smyrne par les
recrues que l'on y fait pour les Algériens
s Juillet 1783.
( 2 )
J
font appaifés , & graces aux foins du Mufelim
, ces levées le continuent fans qu'ils
fe renouvellent. On croit qu'elles vont être
interrompues ; on compte déja 740 homines
, dont partie eft embarquée ſur un bâtiment
, & le refte le fera bientôt fur un
autre pour les rendre à leur deſtination .
ON apprend de Cherfon qu'on y a lancé
depuis peu 3 vaiffeaux de guerre , & que
autres croifent dans la mer Noire.
L'efcadre équipée à Cronstadt fous le
commandement de l'Amiral Tfchikakow
eft compofée de 10 vaiffeaux de ligne dont
3 font neufs ; elle n'attend que fes derniers
ordres pour mettre à la voile ; & il paroît
qu'ils feront expédiés à l'arrivée des premières
dépêches qui arriveront de Conſtantinople.
Parmi les productions des Arts ordonnées &
protégées par notre augufte Souveraine , les curieux
diftingueront un tableau exécuté par M. Brompton ,
Peintre Anglois , qui vient de l'achever à Czarko-
Zelo , & dont l'allégorie tient aux vues de notre
Cour , & aux grands armemens qu'elle prépare.
Il offre Impératrice affife fur fon trône , vétue
dans le coftame Ruffe , couverte du manteau Impérial
, montrant d'une main les pavillons & les
trophées de fes victoires fur les Ottomans. A fa
droite , fur un piédeſtal , ſe voient une égide , un
fceptre , des couronnes antiques , & en particulier
une couronne civique & une triomphale ; les armes
de l'Empire , les faifceaux & le code des Loix font
auprès. Dans le lointain eft une fuperbe colonade.
La Grèce repréfentée par une femme entourée de
tous -les attributs d'Achênes , eft aux pieds du trône ,
( 3 )
& femble implorer la protection de Catherine.
Apollon & les neuf Mules s'avancent d'un autre
côté ,d'un air fuppliant : le foleil de l'Orient éclaire
le front de l'Impératrice , qui les accueille avec
bonté. Dans le fond du tableau , on apperçoit la
ville de Cherfon , & la mer Noire couverte du pavillon
Ruffe , qui cingle vers Conftantinople.
Un Négociant a fondé dans la Ruffie
Blanche une bergerie à l'Angloife compofée
d'environ 1000 brebis ; leur nombre par fes
foins augmente tous les jours , & leur laine
fe perfectionne . La Société économique à
qui il en a fait paffer des échantillons , &
des couvertures de lit qui en ont été fabriquées
, lai a envoyé une médaille d'or
de 36 ducats .
DANEMARCK.
De COPENHAGUE, le 6 Juin.
LES Commodores Schultz , Krog & Ahrenfeld
, viennent d'être élevés au rang de
Contre-Amiral ; & M. de Sebeſtedt a été
nommé Commiffaire- Général de Guerre.
Sir Hughes Elliot , arrivé ici il y a quelque
tems en qualité de Miniftre Plénipo .
tentiaire de la Cour de Londres , a obtenu
fes lettres de rappel .
Les nouveaux droits que les Confuls &
Vice-Confuls du Roi avoient été autorifés
à percevoir pendant la durée de la guerre ,
viennent d'être fupprimés. Les Confuls &
Vice- Confuls de la Baltique les conferveront
feuls.
a 2
14 )
Le Roi a envoyé à la Compagnie Aſiatique
une lettre en date du 31 du mois
dernier , à l'occafion de la perte de 500,000
rixdahlers qu'elle vient d'effuyer par l'infidélité
de quelques uns de fes Employés.
S. M. qui ne veut point voter dans les
Affemblées de cette Compagnie , ni aucun
des Princes de fa Maifon royale en qualité
d'inté effés , a cru devoir dans ce moment
lui faire entendre fa voix ; c'est celle d'un
Souverain éclairé & d'un père tendre ; il
s'étend fur les caufes des défaftres qu'elle
a éprouvés , confeille les moyens qui doivent
les prévenir , fait l'éloge de la Direction
, & offre généreufement de dédominager
elle même la Compagnie. Si la Direction
eft rendue refponfable du vuide fait à fa
Caiffe , S. M. remplacera ce vuide ; fi les
intéreffés fe décident à écouter la voix de
l'équité & à renoncer à l'action que peutêtre
ils pourroient avoir contre la Direction ,
S. M. prolongera de 10 années l'octroi de
la Compagnie , c'eſt- à - dire juſqu'à la fin de
1802 , fans exiger pour cela aucun équivalent
, ni augmenter la rétribution qu'elle
paie à la Couronne.
Le 2 de ce mois il a été vendu à la bourfe
5 actions de la Compagnie des Indes occidentales
à 341 écus chacune & 3 de celle
d'Afie à 980 dollars. Les actions de nos
Compagnies ont éprouvé plufieurs variations
dans lesquelles quelques-unes ont perdu
1 }
& quelques autres ont gagné. On peut en
juger par le tableau fuivant de leur prix.
3 Janvier 1783.
Comp. Aliatique , 1336 à 1407.
-Des Indes oc. 560
De la Baltiq. 137
760 - D'affur. mar.
Comp. du Canal. 106 à 1071
4 Avril 1783 .
1400 à 1450 rixd.
43.0 à 440
123
620
1107
SUÈDE.
*
De STOCKHOLM , le 8 Juin.
- LE Prince Royal a été inoculé le 29 du
mois dernier avec tant de fuccès , que l'éruption
s'eft faite fans difficulté , & que
S. A. R. n'a pas été obligée même de garder
le, lit.
Le Comte de Lowenhielm , Envoyé extraordinaire
du Roi à Madrid , eft nommé
pour aller réfider en cette même qualité à
la Cour de Berlin ; & le Baron d'Ehrenfward
, frère du Miniftre de Suède , mort à
Berlin , doit le remplacer auprès de S. M. C.
ALLEMAGNE.
De VIENNE , le 14 Juin.
L'EMPEREUR Continue fon voyage , &
les nouvelles que l'on en reçoit nous apprennent
qu'il jouit de la meilleure fanté.
Le 22 Mai il étoit à Semlin où il s'étoit
rendu une foule prodigieufe d'étrangers &
même de Turcs empreffés de jouir de fon
a 3
( 6 )
·
afpect. Le 31 il arriva à Hermanſtadt , Capitale
de la Tranfylvanie , où il eſt reſté.
huit jours ; il a dû arriver le 13 à Kimpu-
Lungu dans la Buccowine . On ne croit pas
que fon retour puiffe avoir lieu avant la
fin du mois.
On écrit de la Pologne Autrichienne le
fait fuivant.
so Un Receveur des Impofitions ayant perdu au
jeu 8000 ducats de fa caiffe , prit un cartoffe de
louage , & fortit de la Ville avec la caffette qu'il
avoit emilie de pierres ; il feignoit de fe rendre
au lieu cu étoit la caiffe cu il devoit verfer la recetre
. Arrivé au mil eu d'un bois , il lâche fon piftolet
fur le cocher , qui tombe à terre il fe fait
à lui -même une légère bleflure , maffacre un des
chevaux , vaide fa caiffe , & court au plus prochain
village , en racoutant qu'il a été volé. On le félicite
d'avoir échappé à la barbarie des brigands , & d'en
ête qui te pour une beffure , La Juftice fe met à la
pour uite des voleurs , & l'on rencontre le malheureux
cocher , qui n'étant pas mort , & fe traînant
comme il pouvoit , révèle la fourberie & le crime
du Receveur, qui ne tardera pas , fans douté , à en
porter la peine.
و
M. > Antoniazzi Méchanicien habile
vient de mettre la dernière main à une machine
également utile & curieufe , c'eft un
Automate affis à une table , qui de la main
droite fait tourner avec roure la célérité
poffible un moulin à dévider la foie dont
le fil paffe entre les deux premiers doigts
de fa main gauche , qui eft élevée & qui
tombe auffi- tôt que la bobine eft de la groffeur
requife. Il ne faut pas d'autre attention
(27 )
que celle d'ôter les noeuds qui peuvent furvenir
. Cette machine travaille pendant 7-
heures fans difcontinuer ; & en la montant
2 fois par jour , elle gagne 2 florins à fon
maître.
L'Edit qui établit un Séminaire général
dans la ville de Prague pour les Eccléfiaf
tiques , tant féculiers que réguliers , contient
les difpofitions fuivantes.
>
» 1 °. Toutes les Ecoles & les Chaires de Théologie
& de Philofophie qui fe trouvent dans les
Couvens , fe : ont fupprimées au premier Novembre;
20. afin que les Clercs & Candidats déja admis
puitlent continuer le cours de leurs études , il leur
fera ordonné de fréquenter l'Univerfité Impériales
aux frais de leurs Couvens , s'ils font réguliers ;>
3 ascun novice ne pourra être reçu fans avoir
reté fix années dans le Séminaire pour y faire les
études de Philofophie & de Théologie , & y prendre
connoiffance des fonctions du ministère : même obli .
gation pour les Prêtres féculiers . Les années qui auront
été employées ailleurs utilement , feront déduites
du tems de Séminaire prefcrit. 4°. Ceux qui fe préfeateront
pour entrer dans le Séminaire , devront
être munis d'un billet de leur Evêque , s'ils ſe deſ.
tinent au Sacerdoce , ou da Supérieur du Couvent
dans lequel ils fe propofent d'entrer , ainfi que d'un
certificat de moeurs & d'une atteftation des études
qu'ils auront déja faites . 5. Tous les Elèves du
Séminaire feront logs & habillés uniformement.
6. Les Ordres Religieux payeront l'entretien des
fujets qu'ils enverront au Séminaire ; on n'excepte
que les Mandians. A l'égard de ceux- ci , la caiffe de
Religion y pourvoira .
Le village de St- Ofvald eft célèbre par la
fécondité extraordinaire de fes femmes ; le7
a 4
( 8 )
Avril 1781 , il y en eut une qui mit heureufement
au monde 4 enfans , dont 2 garçons
& 2 filles , une autre vient ces jours derniers
d'accoucher le matin d'une fille , & le foir
de 2 garçons ; elle n'a eu befoin dans cette
circonftance du fecours de perfonne ; elle
a vaqué à fes occupations habituelles , &
elle fe porte très - bien ainfi que fes trois.
enfans.
De HAMBOURG , le Is Juin.
S'IL faut en croire la plupart de nos papiers
, la guerre entre la Ruffie & la Porte
eft une affaire décidée ; plufieurs parlent de
la publication de la déclaration de guerre
de la première de ces Puiffances , & fixent
le 24 du mois dernier pour l'époque de
cette publication. Le moment des hoftilités ,
difent- ils , a été celui de l'arrivée du Prince
Potenkin à Cherfon . Le 2 Mai ce Général
étoit à Mohylow , & ne s'eft arrêté que
peu de tems dans la terre de la Comteffe
Branicka fa nièce . Il avoit été précédé dans
la Crimée par le Quartier Maître - Général
Kokowski , le Lieutenant Général Prince de
Warremberg , le Prince de Repnin , & les
Généraux Softikow & Bruce.
Les mêmes papiers qui ont annoncé déja
la prife d'Oczakow , l'annoncent encore aujourd'hui
; mais on a d'autant plus de raifon
de fe défier de leurs récits , qu'ils ne s'accordent
pas fur les circonftances ; les uns
fuppofent que cette place a été emportée
( 19 )
d'affaut , les autres qu'elle a capitulé à la
première fommation , quelques- uns ne parlent
pas de l'état de la garnifon que d'autres
font monter à 4000 hommes.
Toutes ces nouvelles , qui ne tarderont
fans doute pas à être confirmées ou détruites
, annoncent du moins que cette grande
affaire eft dans fa crife. Quant au parti que
prendra la Maifon d'Autriche dans ces circonftances
, les avis n'offrent rien que dé
vague & d'incertain. Ceux qui penſent qu'il
eft difficile qu'elle refte fpectatrice indifférente
, fe fondent fur les mouvemens de
fes troupes qui continuent , & qui peuvent
n'avoir d'autre objet que de mettre fes frontières
en fûreté & de former une armée d'obſervation.
» Les troupes qui devoient former le camp de Laxembourg
, lit-on dans quelques lettres , ont reçu
ordre de fe mettre en marche , & on préfume qu'elles
vont fe rendre en Hongrie. On prépare fans
ceffe des bateaux de tranfport fur le Danube. Un
détachement confidérable d'artilerie a défilé du côté
de la Hongrie & plufieurs Corps de cavalerie ont
pris la route de la Moravie. Des magafins confidérables
s'établiffent à Olmutz , & un cordon de Cro2-
tes & d'Esclavons garnit les frontières de la Turquie.
Les de ce mois un tranfport de munitions confidérable
eft parti de Budweiff & a pris la route de la
Hongrie vers le 15 il en doit partir un autre
un troifième le mettra en route le 20 , & on parle de
deux Compagnies d'artillerie & d'un détachement de
fapeurs & de mineurs qui fuivront inceffamment la
même deſtination « .
En attendant que ces obfcurités fe dif- '
as
( 10 )
1
1
fipent , nos papiers font remplis de fpécu
lations à perte de vue fur les grands évènemens
qui fe préparent ; le grand objet
de la Rutfie , felon eux , eft de rendre les
mers Ottomanes auffi libres que les autres
& de forcer le Sultan à adopter les principes
de la neutralité armée .
ג כ
Cependant , obferve un fpéculatif, quand la
Porte admettroit ces principes , il n'en réfulteroit pas
pour cela une liberté indéfinie pour la navigation de
la mer Noire & de l'Archipel . Elle ne peut qu'être
bornée à la navigation marchande fuivant le traité
de Kainardgi. Les Turcs font donc en droit d'exiger
qu'il ne paffe aucun vaiſleau de guerre dans le canal
de Conftantinople qu'il faut confidérer comme un
port. La sûreté de cette ville feroit bien précaire au
moment où des bâtimens armés pourroient paffer librement
fous fes murs. La Porte commettroit une
grande faute politique en le permettant & en accordant
une liberté de navigation fans reſtriction. S'il y
a quelques exceptions à faire à cette liberté , c'eſt
fans doute fur les mers que circonfcrivent de tous
côtés les poffeffions de cette Puiffance ; on ne peut lui
contefter le droit de regarder ces mers comme à
elle , & de n'y permettre que ce qu'elle juge convemable
à fes intérêts. Malgré l'acceffion du Danemarck
à la neutralité, armée , la navigation du Sund
& du Belt n'eft pas libre , puifque l'on paie & que
l'on payera toujours le paffage de Cronenbourg. Les
Puiffances du nord ont établi dans l'acte de la neutra-
Fité qu'il ne pourra fe tirer un coup de canon dans la
Baltique fans leur permiffion . Cette loi contre laquelle
perfonne n'a réclamé , peut engager d'autres
Puiflances à en faire auffi pour les mers qui baignent
leurs côtes ; & qui empêcheroit celles du midi de fe
réunir pour faire quelque réglement relatif à la sûreté
de leur commerce dans la Méditerranée «<?
( 11 )
Les Couriers font très- fréquens , à ce qu'on
affure , de Pétersbourg , à Vienne & à Berlin.
On porte l'armée du Roi de Pruffe à 224,415
hommes dont 171,190 d'infanterie , 42, 501
de cavalerie , & 10,760 d'artilleri .
Pendant que tout annonce les hoſtilités
commencées ou prêtes à l'être , une lettre
de Pétersbourg apprend la nouvelle d'un
évènement qui feroit d'une grande conféquence
dans la circonftance actuelle.
» Le 24 Mai , entre onze heures & midi , le feu fe
manifefta ici à l'Amirauté ; l'impétuofité du vent
étoit telle qu'une aîle de ce bâtiment fut d'abord embrafée
; il y avoit dans l'Amirauté même 2 vaiſſeaux
fur le chantier ; l'un eft de 100 canons , l'autre de
74 ; fi le feu les eût atteints , tout le bâtiment cú : été
la proie des flammes , & peut- être le Palais Impérial
& une partie de la ville auroient fubi le même fort.
Heureufement on donna fi à propos les ordres né
ceffaires , & ils furent exécutés avec tant d'activité
que l'incendie ne fit point de progrès plus rapides ; &
la perte , ( le bâtiment à part que l'on croit pouvoir
rétablir eu peu de tems comme il étoit avant cet évè
nement , ) n'eft pas , dit - on , confidérable ; on en ſera
moins étonné fi , comme on l'affuté , c'eft des 'ma.
gafins détruits par le feu & qui font à peu près le tiers
de ceux de l'Amirauté , qu'a été tiré tout l'équipement
de la flotte actuellement à Cronstadt ; il n'y
étoit refté que quelques voiles , des cloux , du fer ,
& du caivre en petite quantité «.
Des lettres de Cherfon annoncent que
le tranfport de 600 Colons partis en dernier
lieu de Livourne y eft arrivé heureufement ;
les Ottomans ne voient pas de bon oeil paffer
ces tranſports , mais juſqu'à préſent ils n'ont
a 6
( 12 )
!
3
pas eru dévoir l'empêcher ; la ville s'agrandit
rapidement ; on en porte les habitans à
50,000 ; le nombre des vaiffeaux conftruits
fur les chantiers depuis 5 ans eft de 80 de
différentes grandeurs , parmi lefquels il y en
a 7 de 60 canons & 20 frégates . Les vivres
font à très grand marché à l'exception du
vin ; les environs en font très agréables , l'air
pur & le fol fertile.
On dit que le Chapitre de Paffau s'eft
adreffé aux Etats de l'Empire pour les engage
à s'intéreffer pour lui auprès de l'Empereur
dans l'affaire du démembrement de
fon Diocèle & de fes poffeffions , mais il
n'a encore rien été décidé à la Diète fur ce
fujet.
L'efprit de confédération a éclaté de nouveau
dans ce Royaume. Un Evêque dans la Lithuanie
ayant obtenu de Rome un brevet qui l'autorifoit à
fupprimer deux couvens dans fon diocèfe , le fit exécuter.
Mais cette entrepriſe s'étant faite fans la participation
de l'Archevêque & du Prince Raziwil,
Vayvode de Wilna , ils chafsèrent l'Evêque de fon
Evêché. Sur cela le frère de l'Evêque affembla quelques
centaines d'hommes armés , entra avec eux dans
les villages dont l'Archevêque & le Prince de Raziwil
avoient fait prendre poffeffion & fit faire feu fur
les Commiffaires & les payfans. Il y a eu à cette occafion
20 Nobles & beaucoup de payfans de tués &
un grand nombre eft grièvement bleffé . Cette affaire
fait beaucoup de bruit ; le Confeil- Permanent a
donné ordre de l'examiner rigoureufement «.
On écrit de Bareith que le Margrave a
ordonné de mettre des paratonnerres par- tout
dans fon pays. L'Infpecteur de fes bâtimens
fera chargé de les faire exécuter.
( 13 )
» La terre n'eft pas encore tranquille ici , écrit- on
de Comorre , en date du 31 Mai . Le 12 nous avons
reffenti 18 nouvelles fecoufles légères ; mais celle de
ce matin a été auffi forte que celle du 22 Avril . Les
habitans ont quitté de nouveau leurs maiſons , & fe
font réfugiés dans les champs. Ils n'ofent plus y rentret
, & ils fe font décidés à camper fous des tentes
jufqu'à ce qu'il n'y ait plus rien à craindre « .
PRUSS E.
De BERLIN , le 14 Juin.
ON apprend de Potſdam que le Roi , accompagné
du Prince de Pruffe , y eft revenu
hier au foir , après avoir fait lui-même la revue
de fes troupes affemblées dans la Pruffe
occidentale. S. M. paroit avoir été fort fatisfaite
de leurs manoeuvres . Elle a fait diftribuer
plufieurs gratifications & remettre à
quelques Colonels la Croix de l'Ordre du
Mérite.
Les lettres d'Halberstadt rapportent que
le 26 du mois dernier un orage terrible accompagné
de grêle a détruit entièrement
les environs de cette Ville , ceux de Groningen
, Schwanebeck , Roterſdorf & Ofchersleben.
Les jardins , les prairies & les
champs font abîmés. Les rivières voisines
fe font débordées , & ont emporté des ponts
& des moles ; beaucoup de bétail a été
noyé.
L'Académie Royale des Sciences & Belles-
Lettres de cette Ville vient de publier le
programme fuivant.
» M. l'Abbé Raynal a propofé à l'Académie d'an
( 14 )
noncer le fujet d'un Prix dont il a fait les fonds ; &
I'Académie Y a confenti. Voici l'énoncé de la queftion.
1 °. Quels font les devoirs d'un Hiftorien &
quels doivent être fes talens ? 2 °. Quels font les
Hiftoriens anciens & modernes qui ont rempli avec
le plus de fuccès leurs obligations ? 3 ° . Les Hiftoriens
modernes ont - ils plus ou moins de difficultés à
Jurmonter que n'en eurent les anciens Hiftoriens ?
Le Prix fera une Médaille d'or de 52 Fréderics
d'or , faifant environ 1040 liv. tournois . Toutes
perfonnes pourront concourir pour ce Prix , excepté
les Membres ordinaires de l'Académie . Les Mémoires
feront écrits en François , en Latin , en Allemand,
en Anglois ou en Italien , au choix des Auteurs , &
auront l'étendue qu'on voudra. Les Auteurs ne fe feront
connoître ni directement ni indire&ement ; ils
mettront une devife à la tête de l'ouvrage , & y
joindront un billet cacheté qui contiendra la mêine
devife , avec leurs noms & les lieux de leur réfidence.
Les paquets feront adreffés , francs de port ,
à M. Formey , Confeiller Privé du Roi , Secrétaire
perpétuel de l'Académie , à Berlin : ils ne feront
reçus au concours que jufqu'au 31 Décembre 1784.
La proclamation du Prix fe fera dans la Séance publique
du 31 Mai 1785 ".
ITALIE.
De LIVOURNE , le 6 Juin. 1
LES bagages de l'Ambafladeur de Maroc
à Vienne , & les fuperbes chevaux dont
l'Empereur fait préfent au Prince Maure
font arrivés ici.
L'efcadre Ruffe qui eft toujours mouillée
dans ce port est prête à mettre à la voile ,
& n'attend pour cela que les ordres de
Pétersbourg
.
( 15 )
On écrit de Gênes que l'Archiduc
Ferdinand & fon époufe y font arrivés
le 29 du mois dernier ; ils étoient partis
de Milan le 27. On dit que l'objet de
leur voyage eft de fe rendre en Provence , &
que 2 galères de la République prendront
L.A. R. à bord & les conduiront à Antibes.
ESPAGNE.
De CADIX , le 4 Juin.
Les barques canonnières & les bombardes
qu'on a équipées & caréntes dans ce port ,
font au nombre de 40 , & n'attendent pour
appareiller que les 3 chébecs deftinés à les
elcorter jufqu'à Carthagêne. On Ture que
cet armement renforcé de deux vaiffeaux de
ligne fous les ordres da Chef d'efcadre Don
Antonio Barcelo , a ordre de faire voile pour
les côtes de Barbarie. Quelques perfonnes
prétendent même qu'il aura celui de bombarder
Alger , dans le cas où la Régence
de cette ville n'acceptera point les conditions
de paix qui lui ont été déja offertes.
La Compagnie d'Affurance qui s'eft formée
dans cette ville fous l'autorité du Tribunal
du Confulat , a fait un fonds de
410,000 pièces qui ont été divifées en 41
actions de 10,000 chacune. Elle eft fous la
direction de Don Ignace d'Aguirre. Elle fe
propofe d'affurer les bâtimens de toute efpèce
qui partiront de Cadix pour les Indes , l'Amérique
& les Ifles , ou qui reviendront dans
( 16 )
ce port ; ces bâtimens feront évalués avec
ou fans leurs cargaifons , à une fomme quelconque
; l'intérêt que prendra la Compagnie
fera très modique , & elle paycra les pertes
avec la plus grande exactitude .
ANGLETERRE.
De LONDRES , le 24 Juin.
Nos dernières nouvelles de l'Amérique
feptentrionale font du 6 & dù 14 Mai ; les
lettres particulières annoncent une révolu
tion plus favorable aux Loyaliſtes dans les
efprits des Américains ; mais les papiers publics
de cette partie du monde font bien
éloignés de la confirmer ; la manière dont ils
s'expriment fait voir que les fentimens d'indignation
& de haine ne font pas encore près
de faire place à d'autres plus modérés.
Les Agens Britanniques , difent - ils , répandus dans
tous les Etats , profitent des difcuffions intérieures
qui fe font élevées parmi nous pour effayer d'en
tirer parti & de favoriſer clandeſtinement leurs vues
particulières. On écrit de Rhode- Inland que les
réfugiés de cet Etat trouvent parmi les Habitans
des Avocats qui , dans toutes les occafions , font
valoir les mémoires qu'ils ne ceffent de préſenter
pour obtenir la permiffion de fe fixer au milieu de
nous . Que deviendra l'union qui doit régner entre
es Citoyens , fi les ennemis qu'on a vus les plus
acharnés contre notre Caufe font admis dans nos
Erats. Les principaux Habitans de Neu- Haven ont
donné un exemple qui a été fuivi dans quelques
endroits , & qui devroit l'être par- tout. Ils ont tenu
une affemblée , dans laquelle il a été arrêté , d'une
( 17 )
voix unanime , de recommander à leurs représentans
à l'affemblée générale , de préfenter & d'as puyer de
tous leurs efforts un bill , à l effet d'empêcher qu'au
cun des Habitans de cet Etat , après l'avoir quitté
pour le joindre à l'ennemi & combattre contie (es
frères , puifle jamais obtenir la liberté d'y revenir «.
Les différens Etats-unis s'occupent chacun
dans fon intérieur du foin d'y perfectionner
Pasimiciftration & de former des établiffemens
qui puiffent tourner à lavantage du
commerce des habitans . Les vues partiulières
feront fans doute adoptées par la généralité
; & le Congrès a , dit on , arrété un
plan pour ouvrir un commerce général , en
changeant la manière dont il fe fat aujourd'hui
, & fur-tout en fupprimant les entraves
qui le gênent par- tout ; le moyen d'éviter
les dingers des fauffes péculations & des
monopoles qui feroient très préjudiciab'es
dans les circonftances actuelles , fit un
des objets principaux de fon attention .
Parmi les détails que nous préfentent les
papiers Américains , on nous faura gré de
rapporter ceux ci ; ce font des réflexions inté
reffantes fur la vie d'un habitant de Philadelphie
, mort le 13 Novembre 1782 , dans la
102e. année de fon âge.
Edward Drinker étoit né le 24 Dé embre 1680 ,
dans une petite maiſon qui fait aujourd hui le coin
des rues appellées la rue Seconde & la rue du Noyer,
dans la ville de Philadelphie . Ses parens étoient
venus s'y établir du lieu appellé Beverly , dans la
baye de Maffachufet. Les bords de la Delaware ,
en cet endroit , où a été bâtie la ville de Philadelphie
, étoient habités , au tems de fa naiſſance , par
( 18 )
1
-
des Indiens & par un petit nombre de Suédois & de
Hollandois. Il difoit fouvent à fes compagnons qu'il
avoit cu illi des fruits fauvages , & chailé aux lapins
dans les Parties du terrein qui forment aujour
d'hui les quartiers les plus beaux & les plus peuplés
de la Ville. Il fe rappelloit l'époque du fecondvoyage
de Guillaume Penn en Penſylvanie , & montroit
l'emplacement de la petite baraque où logeoit
à fon arrivée ce Fondateur avec ceux qui l'accompagnoient
. A l'âge de 12 ans , il alla à Boſton
pour y faire fon apprentiffage di métier d'Ebéniste ;
en 174 ;, il retourna avec fa famille à Philadelphie ,
d'où il n'eft pas forti depuis. Il avoit été marié quatre
fcis , & avoit eu 18 enfans , tous de fa première
femme. Il avoit mangé à la même table avec quatorze
de fes enfans . Peu de tems avant la mort , il
lui naquit un arrière petit fiis la cinquième tête dans
l'ordre des générations , à compter de lui - même.
Il avoit confervé toutes les facultés de fon efprit
jufqu'à la dernière année de fa vie. Et même alors
la mémoire , que l'âge affoiblit fi généralement
n'étoit chez lui que très - peu diminuée . Il fe rappelloit
non- feulement les évènemens arrivés dans fon
enfance & fa jeuneffe , mais même ceux d'époq es
bien poftérieures ; & fa mémoire étoit fi bonne ,
que fon fils m'a affuré ne lui avoir jamais entendu
conter la même hiftoire deux fois à la même perfonne.
On peut remarquer à cette occafion ,
que , jufqu'à l'âge avancé , on ne fe rappelle que
rarement , les évènemens de l'enfance & de la jeuneffe
. Ce fait , & quelques autres , conduisent à
foupçonner qu'aucune des traces que les faits inpriment
dans notre mémoire ne s'oblitère entièrement
, quoique diverfes caufes puiffent , pour ainfi
dire , les recouvrir pour un tems . Combien de
fois , à la vue foudaine de certains objets , & particulièrement
en entendant des chants & des airs
que nous avons fu dans notre enfance , ne nous
3
( 191
-
aurive t- il pas de nous rappeller des évènemens de
ce âge dont nous pouvions croire que nous avions
Ferdu tout fouvenir ? J'ai connu un jeune homme
qui , lorfqu'il étoit pris de vin , parloit avec facilité
la langue Françoife , & qui , de fang froid , ne
pouvoit pas faire dans cette langue deux phrafes
de fite. Il l'avoit apprife dans fon enfance , & fembloit
l'avoir entièrement oubliée par le défaut d'u
fage . La Comteffe de L. V. L. avoit été élevée par
une femme du pays de Galles , qui lui avoit enſeigné
fon langage ; elle l'avoit oublié en apprenant
le François , qui étoit fa langue maternelle. Longtems
après , dans le délire d'une groffe fièvre , on
lui entendit prononcer des mots que perfonne de fa
maifon ne comprenoit. Une vieille femme du pays
de Galles , fe trouvant auprès d'elle , reconnut la
langue de fon pays ; cependant la Comteffe , après
fon rétabliffement , ne put jamais le rappeller un
feul mot de cette langue , dans laquelle elle avoit
fait des phrafes fuivies au milieu de fon délire.
Il faut croire que dans l'autre monde , nous tirerons
de grands avantages de cette tenacité de la
mémoire pour les progrès de notre efprit dans la
route des connoiffances fi néceffaires à notre bonheur.
Je reviens à Drinker. Sa vue lui manqua
entièrement plufieurs années avant la mort , mais
fon ouie fe foutint très - bonne juſqu'à la fin. Il
conferva aufli tout fon appétit , excepté dans les
dernières années de fa vie. Il déjeù soit habituellement
au fortir du lit avec la quantité de thé ou
de café que nous appellons pint ( équivalente àpeu
près à la chopine de Paris ) , & du pain & du
beurre en proportion. Il dinoit à onze heures
mangeoit beaucoup, & des nourritures folides. Il
prenoit du thé le foir , & ne foupoit jamais . Il
avoit perdu toutes les dents trente ans avant la
mort , ce que fon fils attribuoit à l'ufage exceffif
qu'il faifoit du tabac fumé ; mais le défaut de
( 20 )
*
>
-
maftication ne l'empêchoit pas d'avoir une di :
geftion prompte & facile & ne parut caufer
aucune altération dans fa fanté. J'ignore files
gencives endurcies par l'âge font jufqu'à un certain
point l'office des dents , ou fi les fucs qui détrempent
les alimens dans la bouche ou dans l'eftomac
, deviennent eux- mêmes affez actifs pour opé
rer la macération & la diffòlution , mais j'ai fouvent
obfervé des vieillards qui mangeoient beau
coup fans en être incommodés . Drinker étoit
très -curieux de nouvelles dans les derniers rems
de fa vie . Son éducation ne lui avoir donné de
goût pour aucun autre genre de connoiffance . C'eſt
un fait digne d'être obfervé, que l'âge ne fait qu'augmenter
ea nous le defir de favoir loin de l'affaiblir.
C'eſt une confolation pour ceux qui fe flatteht de
parvenir à la vieilleffe , de penfer qe les infirmités
auxquelles la nature a foumis nos corps dans l'âge
avancé , peuvent devenir plus fupportables par les
jouiffances qui nourriffent l'efprit, Drinker étoit
d'un caractère fage & modéré ; au milieu du travail
le plus pénible , de la féduction de la compaguie
, des malheurs de la vie & des calamités de
la nature , il ne s'eft jamais laiffé aller à boire
avec excès du vin eu des liqueurs fortes . Pendant
les 25 dernières années de fa vie , il buvoit deux
fois par jour un verre de la liqueur que nous appellons
Toddy , faite avec deux cuillerées à bouche
de liqueur fpiritueufe dans une demi- pinte d'eau .
Son fils , homme âgé de 59 ans , dit qu'il ne l'avoit
jamais vu ivre. Il eft probable que cet ufage des
liqueurs fpiritueules & l'époque à laquelle il a commencé
à en prendre , ont contribué à alléger pour
Jui le poids des années & vraisemblablement à
prolonger (a vie , fuivant ces paroles des Proverbes.
Date Ciceram marentibus & vinum his qui amaro
funt animo , bibant & oblivifcantur Egeftatis fue
& doloris fui non recordentur amplius. Ch. 31 ,
>
21 )
v. 6 & 7. Il a joui toute fa vie d'une fanté fi ferme ,
qu'il n'a jamais été alité que trois jours . Il ditoit
n'avoir aucune idée de la douleur qu'on appelle
mal de tête . Dans les dernières années de fa vie ,
fon fommeil étoit quelquefois interrompu par quelques
humeurs qui lui tomboient dans la gorge , &
qui produifcient ce que nous appellons la toux des
vieillards. Il étoit doux & modéré , mais ces qualités
n'étoient pas les feules qu'on pouvoit eftimer
en lui . Il étoit d'un caractère très - aimable. La
vieilleffe même n'avoit pas éteint fa bonne humeur.
Il étoit gai avec tout le monde. Il avoit des principes
de Religion auffi fermes que fa marche étoit pure .
Il étoit affidu au fervice de l'Eglife , & il eft mort ,
fe tenant affuré d'être heureux dans une autre vie.
La vie de cet homme fe trouve marquée par des
circonstances qui ne fe font raffemblées peut- être
pour aucun autre. Depuis les fiècles des Patriarches ,
aucun homme n'a été témoin d'une plus grande
quantité d'évènemens intéreffans . Il a vu le même
terrein couvert de bois & fervant de repaire aux
animaux fauvages , converti en une Ville , nonfeulement
la plus floriffante du Nouveau- Monde
mais le difputant à beaucoup de grandes Villes de
l'Ancien pour la richeffe & la culture des Arts. Il
a vu des rues régulières dans les mêmes lieux où il
avoit chaffé. Il a vu des Eglifes élevées , & les
louanges de Dieu chantées au fein de ces mêmes
marais oùil entendoit le coaffement des grenouilles.
Des magafins remplis des marchandifes des deux
Mondes fur les bords de la même rivière ou de
malheureux Indiens pêchoient pour fe procurer leur
fubfiftance journaliere. Des grands vaiffeaux dans
ce fleuve , qui ne connoifloit que des canots . Ua
vafte édifice raflemblant des Lég flateurs dont la
fageffe & le courage ont étonné le monde au même
lieu où les Chefs des Nations fauvages tenoient leur
Confeil en plein air autour d'un feu, Il a vu le
( 22 )
premier Traité conclu entre le peuple nouveau formant
les Républiques confédérées de l'Amérique
& la France , cette ancienne Monarchie , dans les
formes ufitées par les Nations policées , au même
endroit où il avoit vu Villiam Penn & les Indiens
traiter pour la première & la dernière fois , fans
employer le papier , l'encre & la plume. Il a pu
obferver tous les états intermédiaires par lefquels un
peuple a paffé du plus fimple & du premier degré de
la civilisation à une forme de fociété complettement
organifée. Il a vu enfin le commencement & la
chute de l'Empire de la Grande - Bretagne en Penfylvanie.
Il a fucceffivement obéi aux fept Souverains
qui ont régné de fon tems en Angleterre ,
& il eft mort citoyen d'un Etat républicain nouvellement
formé. Le nombre des Rois dont il
été le fujet , & une longue habitude de foumiffion
n'avoient pas éteint en lui l'amour de la liberté fi
naturel à l'homme. Ses bras affoiblis l'ont embraffée
, & fa vieilleffe a été confolée par le falut de
fon pays.
.
Nos vaiffeaux reviennent fucceffivement
des Ifles ; une divifion aux ordres du Commodore
Shirley eft entrée à Plymouth & à
Portſmouth après fix femaines de traversée
de St Euſtache ici. On attend d'un jour à
l'autre l'Amiral Hood ; le Monarque , un des
vaiffeaux qui compofent fa divifion , eft déja
à Spithead ; il vient de la Jamaïque , où l'on
attendoit l'Amiral Pigot , qui vers le 20 du
mois dernier étoit à Antigues avec 8 vaiffeaux
de ligne , au nombre defquels eft le Formidable
, de 90 canons , qu'il monte.
» La répartition des vaiffeaux de garde dars nos
Ports à été faire de la manière fuivante. — A Plymouth.
Les vaiffeaux l'Océan , le Blenheim , de
-
( 23 )
―
- -
A
90 canons , la Vengeance , de 74 ; le Crown , le
Sampfon , le Standard , de 64. - A Spithead & à
Portimouth. La Princeffe Royale , la Queen , de
90 , l'Edgard , Elifabeth , le Gange , le Triumph ,
le Pégafe , Hector , de 74 ; l'Ardent , de 64.
Chatham . Le Carnatic , le Goliath, l'irréfiftible
, le Powerful , de 74 ; le Diadême , le Dictateur,
de 64. - A Sheerreff. Le Scipion , de 64 ,
& l'Adamant , de so. L'Amiral Milbank commande
à Plymouth ; l'Amiral Montague à Spithéad & à
Portsmouth , & Sir Henri Parker à Chatham. Il y
aura toujours deux cutters employés au fervice de
chacun de ces Ports. On défarme à Plymouth
l'Union , de 90 canons , le Suffolck , de 74, &
I'Yarmouth , de 64. On fait les réparations dont
avoit befoin le Blenheim , à bord duquel l'Amiral
Milbank deit hiffer fon pavillon , & l'on travaille
avec la plus grande activité à finir la conftruction
du Royal Sovereign , de 120 canons ; on le propole
de le lancer à l'eau en Décembre prochain ;
immédiatement après on pofera fur le même chantier
la quille d'un autre vaifleau de même rang «<.
Le nouvel effai qu'on doit faire à Portf
mouth pour effayer de retirer du fond de la
mer le Royal George , eft remis à quelques
jours ; feu M. Spalding , qui avoit commencé
cette entrepriſe difficile , a perk &tionné la
cloche à plongeur dont on fe fert. Quelquesuns
de nos papiers offrent la notice fuivante
fur cet homme célèbre.
» M. Spalding étoit né à Edimbourg cù il faifoit
un grand commerce de raffinerie de fucre . Depuis le
Docteur Halley , perfonne n'a autant travaillé que
lui pour parvenir à fe tenir fous l'eau par le moyen
de la cloche à plonger. Pouflé par la curiofité , par
fa hardieffe naturelle , & par fon génie pour la méchanique
il a fait diverſes tentatives pour refter
( 24)
long-tems dans l'eau fous la cloche , & toutes fes
tentatives ont toujours réuffi . A la fin il étoit parvenu
à demeurer un jour entier fous douze à quatorze
braffes d'eau. Il y a quelques années qu'un navire
allant de Londres à Leith fit naufrage. M. Spalding
qui étoit intéreffé dans ce navire propofa aux copropriétaires
de la cargaifon de contribuer aux frais
de fon voyage , leur promettant qu'il retireroit une
partie des marchandifes naufragées . Ceux- ci n'ayant
pas adhéré à la propofition , il le chargea des frais
de l'entreprife & il retira de l'eau une partie confidérable
de la cargaifon que la Loi lui adjugea à lui
feul. Lors de la perte du Royal George l'Amirauté
eut recours à M. Spalding & convint avec lui qu'il
auroit le tiers de ce qu'il pourroit enlever de ce vaiffeau.
Il en tira quelques canons de fonte , plufieurs
canons de fer , & des munitions , le tout eftimé
3000 I. ft. L'hiver s'approchant , M. Spalding fut
obligé de fufpendre cet ouvrage , & la nation fait
une perte réelle par la mort de cet homme vraiment
utile. On lui avoit entendu dire qu'il parviendroit à
retirer du Royal George une bonne partie de fes
canons & de ſes munitions , & peut- être même à remettre
à flot ce vailleau . En cas qu'il eût trouvé la
chofe impraticable fon deffein étoit de tenter
de le brifer par une forte explosion de poudre
canon , au moyen de quoi il eût été poffible de
fauver les bois & les munitions qui auroient furnagé
«.
>
Le Confeil de guerre affemblé pour examiner
la conduite du Major Stanhope ,
Commandant des troupes de S. M. à Tabago ,
aufujet de la reddition de cette Ifle à la France.
C'eft le Gouverneur Ferguſon qui l'accufe.
Ses dépofitions & fes charges ayant été entendues
, le Major à été mis aux arrêts , &
a paru devant le Confeil ; il a achevé fa
défenfe
( 25 )
défenfe le 18 de ce mois , & fes amis en augu
rent qu'il fortira victorieux de l'accuſation; ce
pendant l'affaire n'eft pas finie ; le Gouverneur
Ferguſon a demandé la permiffion de répliquer
àquelques parties de la défenſe ; comme
cela cft contre l'ufage , le Confeil de guerre
après une mûre délibération , perfuadé qu'il
ne pouvoit refufer aucune des lumières dont
il avoit befoin pour prononcer fon Jugement,
a décidé qu'il l'entendroit , pourvu que le
Major Stanhope n'eût aucune objection contre
cette condefcendance ; celui- ci confulté ,
a defiré que fon accufateur fût fatisfait , &
ce nouveau plaidoyer a eu lieu . On en
ignore les fuites ; mais il eft vraisemblable
que le Major aura encore quelque chofe
à dire , & on ne peut lui refufer de l'entendre
, après avoir entendu fon accufateur.
» Dans la Séance de la Chambre des Communes
du 13 de ce mois le Secrétaire de la guerre rendic
compte du projet du Gouvernement relativement à
la réforme de l'armée ; il le préfenta comme um
objet très - intéreffant pour la nation , qui dans les
circonftances préfentes ne pouvoit que voir avec
plaifir tous les plans qui tendent à diminuer fes dépenfes.
Ce projet ne peut s'effectuer fur - le - champ
dans fa totalité , mais il y aura une grande différence
entre l'établiſſement de paix actuel & celui de
1763 , puifque la cavalerie qui à cette époque étoit
de 18 régimens qu'on a portés à 23 pendant la
guerre , fera réduite à 13 , & l'infanterie dont on
conferva 70 régimens à la paix de 1763 , fans
compter les régimens des Gardes , & qu'on a augmentés
enfeite de 44 , ſera fixée à 64. Plufieurs régimens
de Dragons feront convertis en régimens de
s Juillet 1783.
( 26 )
9
--
Chaffeurs pour détruire , s'il eft poffible , la contrebande
qui a fait tant de progrès depuis quelques années.
Cette mefure fera tiès - avantageufe au Gouvernement
& à la nation en général , mais fur-tout
aux Négocians honnêtes dont elle étendra confidérablement
le commerce . Les 65me & 68me régimens ,
quoiqu'ils ne foient pas compris dans ce nouvel établiffement
, feront néanmoins confervés à la place de
deux autres régimens envoyés dans l'Inde . Il
donna un état exact des troupes tant nationales qu'étrangeres
, &c. en Angleterre & au-dehors ; mais il
lui fut impoflible de donner celui de l'Irlande , parce
que le Parlement de ce Royaume n'a point encore
voté fon établiffement de paix. On confervera
plus d'Officiers a proportion que de foldats , par la
raifon , qu'un Officier ne le forme que par de longs
fervices , au lieu qu'en cas de befoin les nouvelles
recrues font bientôt mifes en état de fervir en les
incorporant avec les vieux foldats , ce qui permet
de réduire ceux -ci fans conféquence . Les cinq Corps
Provinciaux tranfportés depuis peu à l'établiſſement
Britannique montent à 3000 hommes environ , qui
feront envoyés dans la Nouvelle- Ecoffe & licenciés
fur- le- champ. Le Secrétaire de la guerre ne parla
point des troupes étrangères , parce que la paie de
ces troupes avoit été déjà votée pour l'année entiere,
que les ordres avoient éte envoyés en Amérique
pour leur prompt retour en Europe , où elles feront
renvoyées dans leur pays à leur arrivée . Les propofitions
qu'il fit enfuite relativement à l'armée & pour
fix mois feulement , furent converties par le Comité
en résolutions qui portées à la Chambre le 16 y
passèrent unanimemeat. Elles portent en ſubſtance
qu'il feit accordé 308,277 1. ft. pour payer 17,483
hommes de troupes de terre y compris 2030 invalides.
40,241 1. pour payer huit bataillons .
&
136,888 pour payer les troupes employées au -dehors
; 38,000 pour les cinq Corps Provinciaux for
(-27 )
més dans l'Amérique feptentrionale ; 205,343 . pour
l'entretien des troupes dans les Colonies d'Afrique &
à Gibraltar ; 81,376 pour les Officiers brèvetés employés
au-dehors dans les Compagnies ajoutées à
divers régimens d'infanterie , & 8131 pour la paie
des Officiers Généraux qui fervent dans la Grande-
Bretagne.
Le 17 M. Pitt ayant defiré que la Chambre fe for
mât en Comité pour délibérer fur le bill de réforme
des droits exorbitans affectés à plufieurs emplois pu
blics , le Lord John Cavendish qui n'avoit fait aucune
objection contre ce bill le 2 de ce mois , s'y oppofa
en difant qu'il étoit inutile dans tous les points ;
que les Chefs de chaque Bureau pouvoient faire les
règlemens néceffaires pour empêcher les abus . M.
Pitt témoigna quelque furprife de cette affertion , &
pour prouver combien peu il croyoit les chefs piopres
à opérer le bien qu'on en attendoit , il examina
fucceffivement les efpèces de monopoles que jufqu'à
préfent ils avoient fouffert. Dans les Bnreaux des
paiemens les Commis par exemple favent qu'il ne
leur eft pas permis de prendre aucun droit ; mais ils
s'en adjugent l'équivalent fous le titre de préfers ;
& il y en a un qui par ce moyen porte fes gages annuels
qui ne font que de 240 1. ft. à 2500. En parlant
des frais de Bureau du Lord North , il cita un
article affez fingulier qui le trouvoit dans fes comptes
; c'étoit celui de 340 guinées pour le fouet fervant
aux Huiffiers . M. Burke condamna l'auteur
du bili pour s'être livré à de petites recherches ,
fur de petites gens dans de petits emplois , tandis
qu'il avoit fouffert les plus grands abus exifter fous
fes propres yeux pendant qu'il étoit Chancelier de
l'Echiquier. Il trouva auffi le bill inutile . On temarqua
que M. Fox parla en faveur du bill & s'éleva
fur-tout contre le haut droit que l'on avoit pris dans
certains Bureaux pour des paffeports , en difant que
ceux à qui on les avoit fait payer 30 l . ft . au lieu de
-
b 2
728 J
1
71. 10 f. étoient en droit d'actionner les exacteurs
devant les Tribunaux . La Chambre s'ajourna enfuite
après quelques débats . Dans les féances du 20
& du 21 elle s'occupa d'une requête des Loyaliftes ,
affaire fur laquelle le Lord Cavendish a promis de
faire une motion le 24 , & d'une augmentation dans
les penfions des veuves des Officiers de la Marine
Royale « .
» Le Duc de Portland propofa il y a quelque tems
à S. M. de former pour le Prince de Galles un établiffement
fur le pied de 100,000 liv. ft. par an , &
faifit cette occafion de nommer quelques-uns des
principaux Offi.iers qu'il me:troit à la tête de fa
maiſon , & on dit que pour le moment le Roi fe contenta
de répondre : fort bien . Le Duc & M. Fox ,
ajoute-t-on , fe rendirent chez le Prince , pour le
confulter fur le choix de plufieurs autres Officiers de
fa maifon . A fon retour d'Irlande le Comte de Temple
eut une longue conférence avec le Roi , & l'on
croit que fur quelques propofitions qui lui farent renouvellées
, il déclara qu'il étoit prêt à accepter la
place de premier Lord du Tréfor . Comme on avoit
annoncé aux deux Chambres un meffage relatif à
l'établissement du Prince , le Duc préfenta au Roi les
papiers qu'il devoit figner ; & l'on prétend qu'alors
S. M. répondit , que le moment actuel n'étoit pas
celui qu'il falloit choisir pour faire à la Nation une
demande auffi énorme ; qu'il voyoit très clairement
que l'affectation que les Miniftres marquoient pour
la réforme & l'économie , n'étoit qu'un jeu intéreffé,
& que leur interpofition officieufe , entre lui & le
Prince fon fils , lui déplaifant fouverainement , il
ne vouloit rien entendre de plus fur ce ſujet.
Quoi qu'il en foit de ce récit qu'on ne garantit pas ,
le 22 les Pairs étant aflemblés en vertu d'une convo .
cation expreffe , le Duc de Portland leur préfenta uu
meffage du Roi , qui demande l'affiftance des Pairs
pour l'établiſſement de la maifon du Prince de
Galles. A peine eut- il ceffé de parler , que Lord
( 29 )
Abingdon , déclarant qu'il ne fe levoit point pour
former la moindre oppofition au meffage , continua
ainfi : le noble Duc auroit-il oublié que lorsque l'on
fit en dernier lieu une addition à la lifte civile , le
Miniftre qui manioit alors le gouvernail , engagea
folemnellement fa parole , que lorsqu'il s'agiroit
d'établir la maiſon du Prince de Galles , il ne feroit
pas demandé un shelling au Parlement ! voilà donc
ce même Miniftre qui donna dans le tems cette parole
, en confédération avec le Miniftre du jour pour
l'aider à défaire aujourd'hui ce qu'il a fait alors ! C'eft
celui qui vous ayant prom's autrefois d'amener l'Amérique
à vos pieds , vous a condents aux pieds de
l'Amérique ; qui ayant promis aux Membres campagaards
des Communes de gros revenus à tirer de
l'Amérique , les a embarqués dans la guerre , & leur
a dit enfuite qu'ils n'avoient point de revenus à attendre
de l'Amérique ; qui ayant fait à Dieu le ferment
folemnel de ne jamais abandonner les droits légifla
tifs de fon pays , a été le premier à abandonner ces
droits , non- feulement à l'Amérique , mais encore à
l'Irlande , qui ne les attendoit pas , qui ne les demandoit
pas ! Qu'après avoir fait tout cela , Lord
North demande aujourd'hui au Parlement ce qu'il a
promis de nejamais lui demander : Lord North agit
comme doit agir Lord North ; mais que des hom
mes qui fe font récriés contre ces farces frauduleufes,
en foient aujourd'hui les complices , c'eft une
énigme dont on ne trouve le mot que dans la politi
que du jour. Le meffage qu'on nous préfente ,
Mylords , eft fans exemple ; il s'agit implicitement
de payer les dettes du Prince de Galles ; or, le Parlement
s'eft fi pen mêlé en tout tems du paiement de
pareilles dettes , que celles que le Rei actuel a contractées
étant Prince de Galles ne font pas encore
payées. Il est également fans exemple que les Miniftres
d'un Roi d'Angleterre aient mis un Prince de Galles
en oppofition contre fon pere : il est un exemple
d'oppofition entre le Roi George II , & le Prince de
-
b3
( 30 )
Gailes ( aujourd'hui Roi ) ; mais c'étoit toute autre
chofe , c'étoit une oppofition du Prince aux Minif
tres du Roi & non pas des Miniftres du Roi à leur
Maître ; une oppofition de cette dernière eſpèce eft
un phénomène politique , réservé à ce moment- ci :
phénomène au reste qui étonnera moins fi l'on confidere
fon principe. Quel eft ce principe ? le voici :
c'est que P'homme du peuple eft devenu Miniftre du
peuple & non pas le Miniftre du Roi , & qu'il s'en
vante , &c. Le Comte de Teinple prefla vivement les
Miniftres d'informer la Chambre de leurs véritables
intentions ; fit mention de la fenfation que faifoient ,
dans le public , les bruits confus qui avoient couru fur
l'affaire de l'établiffement du Prince ; ajoutant que fi
ces bruits étoient fondés , il étoit très - éloigné d'approuver
les vues du Ministère , dont les membres ne
pouvoient décemment refufer de donner à la Chambre
les éclairciffements qu'elle avoit droit d'en attendre .
Le Vicomte de Stormont répondit qu'il n'étoit pas.
néceffaire encore d'entrer dans aucune difcuffion de
l'affaire , que l'objet du moment étoit de fe conformer
à l'ufage & de préfenter au Roi une adreſſe
de remerciements.-(Après une courte converfation ,
elle paffa fans oppofition . ) - Les mêmes obſervations
eurent lieu dans la Chambre des Commures ;
mais le meffage du Roi fut remis fans oppofition au
Comité de fubfides , & fera examiné demain.
» Le 17 de ce mois les Propriétaires & Planteurs
de l'ifle de Tabago tinrent une affemblée , dans laquelle
on leur fit lecture de la réponse de la Cour de
France à la requête qu'ils lui avoient fait préſenter ;
S. M. T. C. voulant les traiter favorablement , promet
d'accorder un tems fuffifant à ceux qui voudront
difpofer de leurs propriétés ; elle leur permet le libre
exercice de leur religion , & leur laiffe la faculté d'entretenir
leurs Miniftres ; leurs procès qui ne font pas
encore jugés , le feront conformément aux loix Angloifes
; les Tribunaux de l'Ifle prononceront en
dernier reffort , & les appels , s'il y a lieu , ne feront
( 31 )
faits qu'aux pieds du Trône. L'affemblée fe fépara
après avoir témoigné fa fatisfaction de cette réponſe,
& chargé le Préſident de recommander leurs intérêts
au Général Melville , qui avoit préfenté leur requête
à la Cour de Verſailles , & de faire enforte que leurs
prétentions foient réglées par un article qui feroit
inféré dans le Traité définitif de paix entre la France
& la Grande Bretagne « .
FRANCE.
DeVERSAILLEر le1er.Juillet.
Le Roi a nommé à l'Archevêché d'Auch
l'Evêque de Nanci , & à l'Evêché de Nanci ,
l'Abbé de Fontanges , Aumônier de la Reine ,
Vicaire- Général de Chartres .
Le 22 du mois dernier , le Maréchal Comte
de Vaux eut l'honneur de faire fes remerciemens
au Roi , & de prêter , en cette qualité ,
ferment entre les mains de S. M. Le même
jour , il eut celui d'être préſenté à la Reine
& à la Famille Royale .
Le même jour , la Baronne de Drée & la
Vicomtelle de Roncherolles eurent l'honneur
d'être préfentées à LL. MM. & à la Famille
Royale ; la première , par la Vicomteffe de
Damas , & la feconde , par la Marquife de
Roncherolles.
Mademoiſelle d'Angoulême eft morte à
Choify le 22 à 11 heures & demie du foir ,
âgée des mois & 16 jours , d'un épanchement
d'eau dans le cerveau . Le 24 , le corps
de cette Princeffe fut porté à St-Denys , cù
elle a été inhumée.
b 4
( 32 )
9
De PARIS, le 1er. Juillet.
Les avis apportés à Breft par le cutter le
Malin , préparoient à l'arrivée prochaine de
l'efcadre de M. le Marquis de Vaudreuil ;
mais on ne s'attendoit pas qu'elle paroîtroit
fitôt après le Malin ; elle a mouillé dans le
port le 17 , comme nous l'avons dit. Les
Jettres de Breft de cette date , contiennent les
détails fuivans .
L'efcadre eft rentrée en rade à 4 heures du foir;
elle eft compofée des 8 va ffeaux que le cutter nos
avoit annoncés. Ils ramènent les régimens de Boarbonnois
, de Saintonge , & de Royal Deux- Ponts
ainfi que beaucoup d'Aides-de- Camp , d'Officiers de
l'Eta Major de l'armée , &c . tels que MM de Viomefail
, Prince de Broglie , & c. M. le Comte de
Ségur eft parti pour Verfailles 2 heures après la entrée
de l'efcadre . M. d'Aibac de Rioux a été
chargé de conduire les 3 vaiffeaux de ligne qui vont
défaimer à Toulon ; les frégates la Cérès & l'Ama.
zone efcortent le Fantafque & l'Ile de France qui
portent à Nantes les régimens de Gâtinois , d'Agé.
nois & de Cambrefis . Le régiment d'Armagnac eft
feul resté aux Antilles ; il reviendra avec ceux qui
formeront les garnifons de ces ifles fur plufieurs
Aûtes & bâtimens de tranfport qui feront efcortés
par la frégate la Nymphe ".
Les Députés de la Province de Bretagne
font , dit- on , chargés d'offrir à S. M. de
mettre , aux frais des Etats de la Province , le
port de Saint-Malo en état de recevoir les
vaiffeaux du Roi . Si ce projet eft adopté , on
ne croit pas pour cela que celui de Cherbourg
foit abandonné.
( 33
}
) ༣༣
M. le Duc de Crillon & de Mahon ne s'eft
arrêté que fort peu de jours à Avignon ; il eft
à Paris maintenant ; mais il n'a point encore
paru dans le monde. Il eft retenu chez lui
parun mal auxjambes , dont la prompte guérifon
exige un grand repos.
M. le Vicomte de Choifeuil Stainville ,
a pris le nom de Maréchal de Choifeuil.
Nous nous empreffons de tranfcrire ici la
lettre fuivante ; elle fert à rectifier quelques
détails que , d'après divers papiers publics
nous avons donné fur un Officier quia mérité
de la célébrité & des diftinctions par les fervices
qu'il a rendus & qu'il rend encore
dans l'Inde.
» Plufieurs papiers publics , Monfieur , ont eu
occafion de parler du Chef d'un corps de troupes
européennes au fervice d'Aïder- Ali Khan on l'avoit
nommé Lally parce que les Anglois l'ont écrit de
cette manière , conforme à leur ortographe quand
on prononce Lallé. Cette manière d'écrire ce nom
avoit donné lieu à une autre erreur ; on s'eft cccupé
de la relever dans quelques Gazettes étrangères
, puis dans votre Journal . Mais on y a fubftitué
une erreur à une autre. Je vais mettre ici en
peu de mots ce que l'on pourroit défirer de favoir
par rapport à cet Officier , ne fur- ce que par amour
de la vérité & pour ne pas laiffer accréditer des
erreurs ( 1 ). Mais faites- moi auffi le plaifir d'im-
(1 ) J'ai toujours été fort empreffé de m'aflurer de la véracité
des faits qui appartiennent à la Géographie & à l'état politique
des lieux qu'elle fait connoître. Mais depuis un an j'y
donne une attention plus particulière , parce que dans le peu
de loifir que me laiffent mes autres occupations , je m'occude
la rédaction d'un Ouvrage qui peut rendre à peu près
fur l'Afie , l'Afrique & l'Amérique , le même fervice que
pe bs
( 34 )
primer ma note , qui juftifie en quelque forte le
ton d'affurance de mon affertion, Cet Officier
eft effectivement connu fous le nom de Lallé , fon
nom de famille eft Defm ... de la S... Il n'eft point
Lorrain ; car quoique François d'origine , il est né
fujet du Duc de Savoie ; la famille est très-honnéte.
Quant aux raifons qui l'engagèrent à déferter.
de Pondichéri , il eft bien certain que ce ne put
être le défordre qui régnoit dans l'Inde pendant la
dernière guerre de 1756 , terminée en 1763 , car
il ne pafla dans l'Inde qu'en 1763 : c'eft un fait
pofitif & fu de prefque tous ceux qui étoient dans
l'Inde alors. A fon départ il emmena environ so
hommes avec armes & bagages . Un corps de Cipayes
de la ga nifon le pourfuivit . Les fuyards
fe defendirent vigoureufement : prefque tous fe
rendirent auprès d'Aïder- Aly-Khan. Mais ce ne fut
point alors , comme on l'a dit , que M. Lallé parvint
à commander les troupes européennes au fervice
de ce Prince. Au contraire , il le quitta peu
de tems après , & fe retira prefque feul fur les
terres de Bazaletzing , frère de Nizam-Aly , Souba
du Décan . Bazaletzing avoit alors un petit corps
d'Européens qu'il avoit artiré à fon fervice ; le Chef
de ce corps étoit un certain M. Zephir , Parifien ,
dont le nom de famille étoit Babel . Prefque ea
arrivant , M. Lallé fut fait Officier ( car à fon départ
il n'étoit que Sergent ) & bientôt après Major.
Il fervit en cette qualité plufieurs années avec dif
tinction . Enfin après la mort de M. Zéphir & la
ma Géographie comparée rend fur les Etats modernes de
P'Europe. Cet Ouvrage paroîtra au mois d'O& obre avec des
Cartes , fous le titre de Lectures Géographiques & Hifloriques
Or , il n'y a forte de foins que je ne me fois donné pour
être en état de préfenter un tableau exact de l'état actuel de
l'Inde . Ce que je dis de M. Lallé fait partie des vérités que
je fuis parvenu à me procurer ; on en trouvera d'autres encore
dans mon Ouvrage.
( 35 )
retraite de M. Gardès , connu fous le nom de Bonenfant
, lequel avoit fuccédé à M. Zéphir , M.
Lallé eut le Commandement des troupes Européennes
. Les intrigues des Anglois à la Cour du Souba
du Décan , obligèrent quelque tems après Bazaletzing
de fe défaire des troupes Françoiles de fon
armée. Ce fut alors que M. Lallé , qui avoit déjà
obtenu de la Cour de France fa grace & un grade.
fupérieur , négocia pour pafler avec fa troupe au
fervice d'Aïder- Aly.Khan , qu'il a toujours fervi depuis
avec autant de zèle que dintelligence . D'après
la fource dont je tiens ce fait aiofi que beaucoup
d'autres fur l'Inde , je puis le certifier véritable .
Je fuis , & c. Signé MENTELLE , Hiftoriographe
de Monfeigneur le Comte d'Artois & Cenfeur
Royal ".
On nous mande les détails fuivans des
effets de la chûte du tonnere , qui peuvent
intéreffer les Phyficiens.
» Le 20 Mai dernier , le tonnerre tomba en feu
fur la girouette de la maifon de M. Amou.euze
de Vernuflon , à Montaigu , en Bas - Poitou , ii fit
une ouverture de dix pieds de long fur fept de large ,
enleva quatre carreaux da carrelage où il fe fit un
paffage & pénétra dans la falle ; le fil de léton de
la fonnette lui fervit de conducteur jufqu'à une
de les extrémités où il fe partagea en deux parties ,
l'une fut tomber auprès de la cheminée & defcendit
par le cordon de la founette qui étoit foie &
or , brûla environ la moitié de la touffe , & delà
palla fous une porte vitrée & fe perdit dans le
jardin. L'autre partie tomba à l'entrepied de la croifée
, brifa une partie de la boifure , & partie du
feu fe fit un paffage au travers du mur ; une autre
partie encore fe communiqua dans le fallon à la
faveur du même fil de la fonnette , paſſa ſur la
tête de Monfieur & de Madame Amoureuze & de
b 6
( 36 )
keur nièce, endommagea les hardes de l'une & de
l'autre en beaucoup d'endroits , & les brûla encore
au col , mais très-légèrement ; deux étincelles marquèrent
un peu les deux manches de l'habit de
M. Amoureuze qui éprouva une commotion affez
violente à la poitrine ; au même inftant , il alla
ouvrir la porte du fallen pour diffiper la fumée
qui étoit confidérable , & il cria à les gens qui
fe trouvoient au nombre de quinze dans la cuifine ,
de faire de même par-tout , ils ne répondirent que
par un cri , qui fit craindre quil n'y en cût que!-
qu'un de bleffé , heureufement perfonne ne l'a été.
Le tonnerre parcourant toujours le fil , étant parvenu
à la fonnette où il finiffoit , tomba fur une
pendule dont il enleva la ferrure fans l'endommager
, caifa les vitres , fondit le balancier , & le
refouda ; il brûla tout par- tout où il paffa , mais
le feu s'éteignoit fur le champ. Il paffa partie par
le jour du lévier , & partie par la porte ; le tonnerre
a découvert quelques endroits du toît en
tombant fur la maifon ; il ne reste ascun veftige
des matériaux qui ont été confumés par le globe
de feu qui , lorfqu'il tomba , étoit de la groffeur
d'un fauteuil ordinaire ; le fil de métal qui lui a
fervi de conducteur , a été coupé en plufieurs morceaux
plus ou moins grands «.
M. Couché , Graveur , vient de publier 2
Eftampes charmantes , d'après des tableaux
de M. Lagrenée. L'ane & l'autre qui forment
pendans , ont pour titre l'Education de l'Amour;
la première offre une belle femme lai
montrant à lire , & la feconde , cette même
femme lui attachant un bandeau fur les yeux;
elles ont été gravées toutes deux par M. Bouillard
, qui les a dédiées à M. le Marquis de
Coffé. Le même Artifte en public une troi(
37 )
fième , d'après M. Fragonnart , qu'il a gravée
avec M. Macret. Elle repréſente une
jeune femme fuyant à travers un champ de
bled , un Berger qui la fuit ; l'air tendre de
cette femme , les graces qu'elle développe
dans fa courfe femblent plus faites pour attirer
que pour éviter celui dont elle s'éloigne ;
il y a peu de tableaux plus agréables & d'un
plus grand effer ; elle a pour titre la Fuite à
deffein.
Nous avons annoncé dans un de ces Journaux
, que le 8 Avril dernier le Roi avoit
honoré d'un brevet de Confeiller d'Etat M.
Philpon de Piepape , Lieutenant Général au
Bailliage Préfidial de Langres. Le même jour ,
S. M. daigna acco . der un pareil brevet à M.
Gayant , Avocar du Roi au Bailliage Provincil
& Siége Préfidial de Sen! is . Nous apprenons
que cette diftinction flatteufe , fi propre
à répandre l'émulation dans les Tribunaux
des Provinces , à y retenir les anciennes
familles , qu'on en voittoujours fortir avec
regret , a fait dans la Ville de Senlis & dans
le reffort de fon Siége , une fenfation d'autant
plus vive, que M. Gayant y jouit d'une confidération
méritée par fon zèle & fes travaux
par les anciens fervices de fa famille , qui a
été long-temps dans les premières Charges
du Bailliage de Clermont en Beauvoiſis , &
Le prix de chacune des Eftampes de l'Education de la
même eft de 1 liv. ; & celui de la Fuire à deffein de 3. Elles fe
trouvent chez M , Couché , Graveur , rue Hyacinthe , maiſon
de M. Le Blanc.
3 8
qui eft depuis un fiècle & demi dans l'exercice
du Ministère public de la parole au
Préfidial de Senlis , & dont une branche qui
a paflé au Parlement , a produit une longue
fuite de Confeillers & Préfidens aux Requêtes
de la Cour , & un Prevôt des Marchands .
Le 21 du mois dernier , à deux heures après
midi , il s'éleva un curagan furieux dans la partie
de la province de Bourbonnois qui avoifine celle
de Forès . Une grêle d'une groffeur extraordinaire ,
pouffée par un vent impétueux , & fuivie d'une
pluie abondante qui dura près de trois heures ,
devafta le canton . La fureur de l'orage s'eft portée
principalement fur la terre du Conde , appartenante
au Comte de Viry. Les vitres du château
ont été briſées , les couvertures enlevées , beaucoup
d'arbres déracinés , les moiffons de dix domaines
entièrement ravagées , les labours nouvellement
faits , entraînés , & les prés enfablés , de
manière à n'efpérer aucune récolte ni de blé ni
de foin pour cette année. Il paroît que dix ou
douze paroifles des environs ont éprouvé le même
défaftre «.
·
Marie Thérèle , Princeffe de Hornes
d'Over Ifque & du Saint Empire , Comtelle
de Baucignies , Bailleul & Hautkercke , Baronne
de Boxtel , Locres , Lefdain & Melsbroeck
, veuve de Philippe-Jofeph , Prince
règnant de Salm - Kyrbourg , eft morte en
cette ville le 19 de ce mois , dans la 57e.
année de fon âge.
Marie Catherine Dubois de la Rochette ,
veuve de Charles Defchamps , Chevalier ,
Comte de la Villeneuve , eft morte à Cuillery
en Bourgogne , âgée de 68 ans.
( 39 )
De BRUXELLES , le 1er. Juillet.
LES lettres de la Haye portent que le nouveau
Miniftre de la République auprès du
Congrès , ayant demandé au Stadhouder de
vouloir bien expédier les ordres néceffaires
au vaiffeaude guerre l'Overyffel , qui doit le
conduire à fa deſtination , le Prince a demandé
aux Etats Généraux de l'autorifer à joindre
à ce vaiffeau un autre de So canons une frégate
de 36 , & un bâtiment léger , à l'effet
d'infpirer plus de refpect pour le pavillon de
la République. L. H. P. , par une réfolution
en date du 13 Juin , ont donné cette autorifation
, & requis , felon l'ufage , le Prince
de fixer le jour du départ de cet armement.
"
›
» L'affaire du jeune Enfeigne de Witte , ajoutent
les mêmes lettres , prend une tournure favorable
pour lui ; il inspire du moins une pitié générale , &
on croit que le jardinier Van Brakel eft le feul coupable
à punir. Au reste tout ce qu'on débite à ce sujet
eft encore bien vague , & la compaffion que le jeune
Officier infpire peut exagérer bien des détails . On
dit que la Cour de Juftice l'avoit condamné à mort .
Cette Sentence ayant été portée au Stadhouder , il
écrivit aux Etats de Hollande que pour des raifons
connues , il ne vouloit pas rechercher fi le cas de
cet Officier étoit pardonsable ou non , ni faire aucun
ufage de la prérogative relativement au droit de faire
grace ; qu'il abandonnoit le tout à l'examen & à la
décifion de L. N. & G. P. qui jugeroient fuivant leur
faceffe , fi le pardon pouvoir avoir lieu dans cette
circonftance. La guerre actuelle ayant montré la
néceffité d'avoir dans la République quelque port
sûr & profond où les plus grands vailleaux puffcut
---
40 !
entrer& mouiller facilement , on a fait divers plans
pour parvenir à ce bur. MM. les Fifcaux Van der
Hoop , Sterngracht , l'Amirul Reynft , & le Chef
d'efcadre Kinsbergen chargés de faire des recherches
à ce fujer , ont rempli lear commiffion , & ils viennent
d'en rendre compte aux Etats- Généraux « .
Les fecours dont la Compagnie des Indes
Hollandoifes a befoin pour remettte fen
commerce fur un pied floriffant , eft porté à
14 millions de florins. Les Etats- Généraux
s'occupent des moyens de le lui procurer.
» Il paraît , écrit- on de la Haye , que c'eft de
notre part que viennent les délais qu'éprouve la con.
clufion du traité définitif de paix , tout paroît convenu
entre la France , l'Efpagne & l'Angleterre ; il
n'en eft pas de même avec nous. No is avons de la
peine à nous réfoudre à céler quelque chofe dans
l'Inde , fur-tout a jourd hui qe Trinquemale eft
repris & que l'Angleterre n'a plus l'air d'être généreufe
en ne demandant que Negapatnam , Les nou
veaux Miniftres Anglois qui ont blâmé l'ouvrage de
leurs prédéceffeurs , le font impoft la loi de faire
mieux & ne peuvent qu'infiiter fur leurs demandes: il
faut donc que nous cédions quelque chofe ; & Négapatnam
ne fera pas une grande perte fi , comme
on le dit , il eft vrai qu'on peut former un établifle
ment à peu de diftance à Porto-Novo cc.
On lit dans une lettre de Paris les détails
fuivans , que nous nous empreffons de
tranfcrire.
» On parle beaucoup ici du nouvel Opéra de
Péronne Sauvée , jugé d'abord avec tant de févérité
, & avec lequel le Public fe réconcilie , puifque
les repréfentations l'attirent toujours , & que les
recettes , qui font le thermomètre des fuccès des
ouvrages de ce genre , ont été , pour les 6 pie(
41 )
>
mières feulement , au- delà de 24,000 livres. Un
fait qu'on ignore , qui mérite d'être connu , & qui ,
quoique vrai , paroîtra incroyable , c'eft que les
paroles ont été faites pour la mufique , que M. de Zéde
avoit déja compofée pour un autre Opéra , intitulé
le Patriotifme , qui devoit être donné aux Italiens .
Diverfes circonftances ayant fair retirer cette Pièce
du Théâtre Italien , auquel elle étoit deſtinée , M.
de Zéde engagea M. de Sauvigny à lui faire des
paroles pour fa mufique ; & c'est à cet arrangement
auquel il voulut bien fe prêter , que nous devons
Péronne Sauvée. Les gens de Lettres fentiront
toutes les difficultés d'une entrepriſe femblable
les efforts qu'elle a dû coûter , quelles reflources ,
quels talens & , pour ainfi dire , quelle foupleffe elle
fuppofe dans l'efprit de l'Auteur. Cette anecdote
connue fera lire le Poëme avec plus d'intérêt
encore , & ajoute , fans doute , au mérite qu'on
n'a pu lui refafer , même en ignorant la manière
dont il a été fait ( 1 ) . Il ne faut pas oublier
en finiffant , un trait fort plaifant que fournit la
première représentation . Elle fut , comme l'on
fait , un peu orageufe ; plufieurs morceaux , faits
pour produire le plus grand effer , ne furent pas
écoutés. Le tumulte redoubla , fur- tout au beau monologue
qui fait la 2e fcène du ze acte . Quelqu'un
qui fe trouvoit à l'amphithéâtre , immédiatement
au- deffus d'un des factionnaires du parterre , lui
-
(1) Peronne fauvée eft imprimée dans le 4me volume du joli
recueil des Après-foupers de la Société , dont le sme vol.
paroît : on connoît l'agrément & la variété de ce recueil . La
beauté de l'édition qui eft fortie des preffes de M. Didot l'aîné,
la mufique charmante de M. de Zéde , de M. le Chevalier
d'alleyrac qui l'accompagne . Il y en a 19 cahiers ; less qui
reftent à fournir ne tarderont pas à paroître . On foufcrit tou
jours au prix de 361. , à Paris , chez l'Auteur , rue neuve des
Bons-Enfans , vis - à- vis la cour des fontaines du Palais- Royal
( 42 )
:
cria Sentinelle , faites donc taire. Le foldat ,
qui étoit tout entier à l'action , & qui venoit
d'entendre l'Acteur chanter : Ah ! que je hais
l'heureux François , &c. Croyant que c'étoit à
cet Acteur qu'on vouloit qu'il imposât filence ,
répondit : il n'oferoit , mor .... me dire cela en
face ; mais que voulez - vous , j'ai ma configne ,
& je ne puis quitter mon pofte.
PRÉCIS DES GAZETTES ANGL . du 24 Juin .
Le tonnage des vaiffeaux pris pendant la dernière
guerre fur l'Amérique , la France , l'Efpague
& la Hollande , eſt évalué à plus de 270,000
tonneaux , ſavoir :
Sur l'Amérique ,
Sur la France ,
Sur l'Espagne , ·
Sur la Hollande ,
• $7,000.
· • • 113,000 .
76,000.
24,000 .*
270,000.
On a remarqué que la guerre préfente a porté
quelque atteinte aux anciens principes de la fecte
des Quakers ; on fait combien elle eft répandue en
Amérique , & que plufieurs domiciliés dans les
Etats-Unis entraînés par le torrent , ont pris les
armes & oat combattu pour leurs foyers. Cet
écart des anciennes obfervances a effrayé les Qua
kers auftères de la Grande- Bretagne . Dans leur affemblée
ordinaire du 9 de ce mois , & qui a été
terminée le 14 , ils ont composé une lettre circalaire
adreffée à leurs freres de la Grande - Bretagne ,
de l'Irlande & d'ailleurs , pour leur faire part de
leurs inquiétudes , & les exhorter à pleurer fur la
décadence lamentable qui prévaut parmi les amis ;
& de prier pour ceux qui au lieu de fe confier
au pouvoir feul qui peut les fauver , ont armé des
vaiffeaux , les ont remplis d'inftrumens de mort
& de deſtruction , & ont aidé au fupport de
( 43 )
la guerre par des contributions volontaires aur
emprunts du Gouvernement , & à forger des armes
pour l'oeuvre du fang & du carnage.
Le Gouverneur général & le Confeil de Bengale
ont pris dernièrement une réfolution qui donnera
une très-haute idée de leur juftice & de leur impartialité.
Autrefois les Directeurs permettoient aux
Officiers de la Compagnie qui , après avoir paffé
quelques années en Europe , retournoient au Bengale,
de reprendre le rang qu'ils auroient eu s'ils n'avoient
jamais quitté l'Inde. On en avoit vu plufeurs
qui , fimples Lieutenans à leur retour en
Europe , où ils paffoient des années entières à jouir
des agrémens de leur patrie , reparoître en Afe
avec le grade de Majors , & d'autres qui n'étoient
que Capitaines , y prendre après deux ans d'abfence
, celui de Lieutenant-Colonel. Le Confeil Supérieur
a décidé que ces Officiers à l'avenir conferveront
les titres qu'ils auront obtenus mais non
les fonctions , jufqu'à ce qu'ils aient fervi réellement
autant de tems que ceux qui ne font point
fortis de l'Inde ; on n'accorde qu'une exemption
de deux ans pour ceux que des befoins de fanté
auroient fait retourner en Europe.
On a répandu plufieurs bruits ces jours derniers
qui n'annonçoient rien moins qu'une grande révolu
tion dans l'Aminiftration , où l'on s'empreffoit de faire
rentrer le Comte de Shelburne , M. Pitt , le Lord
Thurlow , & c . On profitoit de l'arrivée récente
du Lord Temple , qui revient d'Irlande où il étoit
adoré pour le faire premier Lerd de la Trésorerie ;
mais tous ces bruits imaginés par les oififs , ne fe
font pas foutenus , & les mêmes papiers qui les
avoient répandus , fe font empreflés de les démentir.
Ils donnent pour caufe de ces changemens un
différend furvenu entre le Roi & fes Miniftres à
l'occafion de l'établiſſement du Prince de Galles
qui eft de 60,000 livres sterling , & qu'on vou-
Loit porter à 110,000. S. M. défiroit , dit - on ,
( 44
nommer les Officiers de la Maifon du Prince , qui
de fon côté fouhaitoit en avcir le choix , & on
prétendoit que les Miniftres étoient difpofés à le
fatisfaire.
C'eft avec beaucoup de plaifir qu'on va rapporter
l'anecdote fuivante concernant le Prince de Galles.
Ayant entendu dire à Windfor que le Lord S - r
H- avoit été arrêté pour une dette de 500
livres fterling , il feignit de ne prendre aucune part
à ce difcours , & il mit un billet de banque de
500 livres fterling fous enveloppe qu'il porta ,
déguifé en redingotte chez le vieux Lord , & remit
le paquet au domeftique , ajoutant qu'il n'étoit
pas befoin de réponfé. Cet acte de générofité
a été découvert par le domeftique qui reconnut le
Prince , & appercevant qu'il vouloit garder l'incognito,
ne le lui témoigna pas.
La liberté de la preffe eft d'une nature fi facrée ,
que le peuple ne peut voir fans indignation toutes les
démarches qui tendent à détruire ou à reftreindre
cette liberté. Un des plus grands griefs contre
l'adminiftration du Chevalier Robert Walpole étoit
la profufion avec laquelle il répandoit l'argent de
la Nation , pour acuparer toutes les preffes qui
alors n'étoient plus deftinées qu'à imprimer fes
panégyriques.
GAZETTE DES TRIBUNAUX.
PARLEMENT DE PARIS , GRAND'CHAMBRE.
Caufe entre Pierre L... Tuilier , au nom & comme
Tuteur de Marie -Catherine , fille mineure & naturelle
de Marie Jeanne L... fille majeure.
Et Edme Philippe S... Marchand de Beftiaux.
Demande en frais de Géfine .
Une fille qui a compolé moyennant une fomme
d'argent , avec celui à qui elle fe propofoit d'imputer
la paternité de l'enfant dont elle étoit enceinte , &
qui s'eft obligée formellement de ne point inquiéter
celui que des liaifons particulières pouvoient faire
7455ད
-
préfumer père ; une fille enfin qui a renoncé expreffément
à faire baptifer fous fon nom l'enfant dont
elle accoucheroit , peut-elle former contre ce même
particulier des demandes en reconnoiffance d'enfant ,
& en condamnation de penfion alimentaire . Déjà
⚫ condamnée en fon nom , & déboutée de la demande
qu'elle avoit formée , peut- elle renouveller enfuite ,
fous le nom de cet enfant naturel , la même prétentien
déjà proferite ? Telle eft la queftion que cette
Caufe préfentoit à juger. Voici le fait. Marie-
Jeanne-Pierrete L... Couturiere domiciliée au lieu de
la B... dans le diocèſe de Sens , avoit déjà eu quelques
foibleffes , lorfque dans le courant de l'année
1775 , elle s'apperçut qu'elle allcit devenir mère une
feconde fois : des rapports de voifinage & quelques
affiduités d'un nommé S ... Marchand de beftiaux ,
garçon ailé qui avoit placé chez la fille L... une de fes
nieces en apprentiffage , favorifoient le projet que
cette fille avoit de faire une déclaration de groffeffe
fur fon compte. Le fieur S... jaloux d'arrêter le cours
de propos injurieux à la réputation , & nuisibles aux
intérêts de fon commerce , & pour impofer à cette
fille un filence abfolu , lui fit propofer des moyens
de conciliation . Des médiateurs communs lui offrirent
de la part du fieur S... une fomme de 400 liv .
qu'elle accepta ; & le 8 Décembre 1775 il fut paffé
devant un Notaire du Bailliage de Sens un acte , pár
lequel la fille L... défapprouva les bruits qui couroient
fur fes liaiſons avec le fieur S... renonça à
tion , pourfuite , recours , prétentions contre lui ;
promit de ne le point rechercher ni inquiéter , &
déclara renoncer à faire baptifer fous le nom dudit
S... l'enfant dont elle étoit enceinte. Le 29 Février
1776 , la fille L ... accoucha d'une fille qui fut baptifeé
, comme fille d'elle & d'un père inconnu .
toute ac-
En 1778 , la fille L... qui avoit tiré fi bon parti du
fieur S... réfolut de le mettre de nouveau à contribu
tion. Elle renouvella les bruits qu'elle avoir déjà répandus
à l'occafion de l'enfant dont elle étoit accouchée
en 1776. Le fieur S... pour les faire ceffer , la
( 46 )
fit affigger devant le Juge de Saint - Vallery , pour en
avoir réparation : & il demanda en même tems l'entiere
exécution de l'acte du 8 Décembre 1775 &
3000 liv. de dommages & intérêts . Alors la
fille L... foutint directement , à la face de la Juſtice ,
la vérité des propos répandus dans le public fur le
fieur S ... & elle déclara qu'il étoit le père de l'enfant
dont elle étoit accouchée en 1776 : elle demanda
des dommages & intérêts ; qu'il fût tenu de fe charger
de l'enfant , & condamné à lui payer une penfion
alimentaire mais une Sentence du Juge de Saint-
Vallery déchargea S... du fait de groffeffe dont il
étoit prévenu , & condamna la fille L... en so liv.
de dommages -intérêts , avec dépens , impreffion &
affiches de la Sentence , appel au Bailliage de Sens .
Sentence confirmative du premier Juillet 1779 .
Alors la fille L... au lieu d'interjetter appel en la
Cour , préfenta requête au Juge de Brennai , pour
faire nommer un tuteur à ſa fille naturelle ; Sentence
du 24 Août 1780 qui la nomma tutrice & Pierre L...
fon frère , fubrogé tuteur ; alors en fa qualité de
tutrice , elle fit afligner le fieur S... devant les Juges
de Nemours , & forma la même demande dans laquelle
elle avoit fuccombé à Sens , & conclut à ce
que la penfion alimentaire qu'elle demandoit pour fa
fille naturelle , lui fût payée par avance , à compter
du 29 Février 1776 , jour de la naiffance de l'enfant :
par Sentence de Nemours du 4 Août 1781 , la fille
L... a été déclarée non - recevable en fa demande &
condamnée aux dépens. Cette fille qui ne réuffiffoit
point quand elle agiffoit en fon nom , fit affembler
de nouveau fes parens & amis , pour procéder
à l'élection d'un tuteur ad hoc , pour fa fille naturelle
, & faivre fur l'appel l'infirmation de la Sentence
de Nemours : Pierre L ... fut nommé tuteur :
il prit en la Cour les mêmes conclufions que la fille
avoit prifes , & à Sens & à Nemours , & demanda
fubfidiairement à être admis à la preuve des faits de
liaifons , fréquentations & familiarités , qui avoient
fubfifté entre la fille L... & le fieur S... Par Arrêt
--
47
du 14 Décembre 1782 la Sentence de Nemours a été
confirmée & le tuteur condamué aux dépens.
PARLEMENT DE NORMAN DIE .
Nouveaux Cimetières .
-
En l'année 1770 , le fieur Bas de Préaux , Receveur
des Tailles à Lifieux , fieffa de M. l'Evêque
de cette Ville , un terrain vain & vague , pour
cinq livres de rente foncière. Ce terrein , appelé
le Mont St - Urfin , eft fitué fur une hauteur efcarpée
, qui prétente un afpect agréable. Le fieur Bas
de Préaux y a fait bâtir une maison ; & avec beaucoup
de dépenfe , il eft parvenu à améliorer ce fonds ,
qi eft aujourd'hui bien cultivé & bien planté . -
s'étant agi en 1782 de choisir l'emplacement du
nouveau cimetière de la Ville , le Chapitre jetta
les yeux fur le Mont St-Urfin ; les deux autres
Paroiffes , St Germain & St - Jacques , portèrent leurs
vees for deux autres terreins ; dans la néceffité de
fe réunir à cet égard , l'Hôtel- de- Ville s'affembla ,
fit un Mémoire en forme de confultation , qu'il
adreffa au Collège des Médecins , qi répondit que
le Mont St - Urfin , par la nature de fon terrein
par fa fituation , par fon expofition au Nord & à
I'Eft , avoit tous les avantages defirés : fingulièrement
celui de la falubrité de l'air , objet qui avoit
décidé le Roi , dans fon Edit , & les Magiftrats
dans leur Arrêt d'enregistrement.
fultation envoyée à M. le premier Préfident &
à M. le Procureur Général , M. le Procureur.
Général donna fon requifitoire , & la Cour ordonna
qu'il feroit dreſſé Procès - verbal par un de
Meffieurs. Arrêt du 11 Avril 1783 , qui a débonté
l'Hôtel-de - Ville & le Chapitre de leur prétention
, & a ordonné qu'il feroit choifi tout autre
terrein que le Mont St - Urfin , pour y établir un
nouveau cimetière .
Cette con-
PARLEMENT DE PROVENCE.
Affurances , prefcription à cesujet.
Quand on facrifie la rigueur de la loi à l'hon-
C
( 48 )
rance.
-
nêteté des procédés , c'est une manière d'agir très
louable , fans doute ; mais fi l'intérêt d'un tiers s'y
trouve compromis , combien n'a- t- on pas de reproches
à fe faire ? Rendons cette vérité plus fenfible
par un exemple. Le 21 Juin 1780 , le Capitaine
Capoua fic affurer à Marfeille 700c liv. fur le corps
de la polacre St -Antoine & la Vierge des Carmes ,
dont il avoit à-la-fois le commandement & la propriété.
Ce Capitaine mit enfuite à la voile : le fuccès
de fon voyage juftifia fa prudence ; la polacre
échoua fur les côtes de Rouffillon , près de Collioure ,
le 27 Juillet. La déclaration du naufrage fut faite
à la Chambre du Commerce. Le Capitaine Ca.
poua de retour à Marseille , fe préſenta en Août
chez fes affureurs , produifit les pieces juftificatives
de la perte , & demanda le montant de fon affu-
Quelque convaincus que fuflent les afſureurs
de la juftice de la réclamation du Capitaine ,
ils crurent ne devoir y fatisfaire qu'après les trois
mois expirés. Le Capitaine entreprit un nouveau
voyage & laiffa fa police d'affurance au fieur
Chighifola. Ce Négociant fit de nouvelles démarches
auprès des affureurs à l'expiration des trois
mois. Il fut fouvent renvoyé da jour au lendemain
pour être payé ; enfin laffé d'une patience infructueufe
& d'une réclamation inutile , il fe pourvut
le 11 Novembre 1780 , devant le Lieutenant de
l'Amirauté de Marfeille , en payement des fommes '
affurées . Alors , les affureurs , qui , jufques là ,
avoient reconnu la detre , & qui avoient feulement
demandé du tems pour payer , opposèrent la fin
de non recevoir des trois mois , portée par l'article
49 du titre 6 de l'Ordonnance de 1681 .
Geur Chighlizola , de fon côté , demanda à faire
preuve de la promeffe faite par les affureurs , de
payer après l'expiration des trois mois . Sentence
qui admi à la preuve , & appel fur- le - champ ,
de la part des affreurs. Arrêt du 12 Mai 1783 ,
qui réforme la Sentence qui avoit admis à la preuve.
,
--
--
―
Le
JOURNAL POLITIQUE
DE BRUXELLES.
TURQUI E.
De CONSTANTINOPLE , le 17 Mai.
Nene Pur l'iffue des démêlés furvenus
N ne peut tarder de favoir à quoi s'en
entre la Ruffie & la Porte ; M. de Bulgakow
a reçu le 14 un Courier de Pétersbourg ;
les dépêches qu'il lui a apportées contiennent
l'Ultimatum de fa Cour , & la guerre
paroît inévitable fi le Divan refufe de foufcrire
à ces conditions . A mefure que l'épo--
que qui doit fixer nos incertitudes approche ,
le Gouvernement épa.ffit les ténèbres dont
il enveloppe fes deffeins , & perfonne n'oſe
parler des affaires publiques de peur d'être
étranglé fur- le- champ. Cette févérité a été
jugée néceffaire pour maintenir l'ordre au
milieu d'un peuple turbulent & dont l'effervefcence
eft difficile à contenir lorſqu'il eſt
queftion d'une guerre contre les Francs.
Les lettres du Caire nous préparent à
l'ouverture prochaine d'une nouvelle fcène
de fang en Egypte ; les Beys qui comman-
12 Juillet 178 3.
C
"
( 50 )
dent dans cette ville ont mis fur pied une
armée nombreuſe qui doit marcher actuellement
contre les Beys du parti oppofé . Ces
derniers qui ont des forces auffi confidérables
fe font préparés à une vigoureuſe réfiftance
; on s'attend à un choc également
terrible & opiniâtre dont l'iffue eft trop
incertaine pour ne pas inquiéter : ces troubles
peuvent durer & priver la Porte des
fecours que dans des circonftances plus
tranquilles elle auroit pu tirer de ce Royaume.
SUEDE.
De STOCKHOLM , le 13 Juin.
LE 9 de ce mois le Roi eft parti à bord
d'un vaiffeau pour ſe rendre à Abo & paffer
en revue les troupes de Fionie qui étoient
déja campées. Un Courier nous a appris la
fâcheufe nouvelle que S. M. a fait une
chûte de cheval , & qu'elle s'eſt démis le
bras gauche. Le Comte de Creutz arrivé ici
depuis le 7 de ce mois a accompagné S. M.
à Abo.
POLOGNE.
De VARSOVIE , le 13 Juin.
LE Prince Martin - Lubomirski , vient d'établir
ici , à fes frais , un conſervatoire où
l'on formera de jeunes gens des deux fexes
à la déclamation théâtrale ; on s'attachera
fur-tout à leur donner en même tems une
( 51 )
1
éducation honnête. Son but en formant cette
inftitution eft de donner à la nation une
Ecole d'Acteurs nationaux qui auront des
moeurs , & dont la conduite ne détruira pas
l'effet moral des Ouvrages dramatiques qu'ils
repréfenteront. Tous ces jeunes gens feront
vêtus d'une manière & d'une couleur uniformes
; les Maîtres ont été choifis avec
foin & font déja en exercice.
Le commerce des grains à Dantzick a
été affez favorable cette année , par les
chargemens qu'y ont fait les Anglois ; le
prix du feigle & du froment y font augmentés
, ils ne fe vendent pas le premier
au-deffous de 200 florins le laft , & le fromant
au deffous de 400 .
ALLEMAGNE,
De VIENNE , le 21 Juin.
Ce que nous favons de la marche de
l'Empereur fi intéreffante à fuivre dans les
circonstances actuelles , eft qu'il a dû arriver
le 20 à Léopol , où l'on croit qu'il fera
quelque féjour.
On dit que les Evêques de Lintz & de
Crems , que l'Empereur a nommés dernièrement
, n'ont pas encore reçu la confirmation
du Pape quoiqu'elle lui eût été
demandée au nom de l'Empereur par l'Archiduc
Maximilien pendant fon voyage &
fon féjour à Rome.
On affure que plufieurs régimens de
C 2
( 52 )
cavalerie font en marche pour se rendre
fur les frontières de la Moravie , & qu'on
établit des magaſins à Olmutz.
Le régiment de Huffards vacant par la
mort du Maréchal Comte de Nadafti a été
donné au Maréchal- Lieutenant Comte d'Erdody
.
Les tranfports des munitions de l'Autriche
& de la Bohême pour la Hongrie
ne paroiffent point fe ralentir. Le Commiffaire
Impérial envoyé à Lintz , a ordre
d'y tenir prêts les chevaux néceffaires pour
que leur marche ne foit point arrêtée. On
continue de travailler à des chevaux de
frife , & on en embarque fréquemment
des quantités confidérables fur le Danube.
S. M. I. a ordonné la réparation prompte
de toutes les chauffées de la Hongrie , &
en particulier du Bannat de Temefwar , afin
que les diligences & autres voitures publiques
foient moins expoſées à l'avenir aux
attaques imprévues des brigands qui infef
tent ce pays ; il eſt enjoint aux Poftillons
de fe munir de deux piftolets & d'un couteau
de chaffe. Les Maîtres de Pofte s'attacheront
à ne prendre à leur fervice que
des gens fûrs qu'on ne puiffe du moins foupçonner
de s'entendre avec les voleurs.
Les ordres donnés dans le Bannat commencent
déja à s'exécuter , la chauffée qui
eft conduite à travers des marais & qui va
depuis Verfecz jufqu'à Weiskirchen eft
finie , fon étendue fur, les marais eft de
1000 toifes.
( 53 )
De HAMBOURG , le 21 Juin.
LES bruits de la guerre prochaine qui
menace d'éclater entre la Ruffie & la Porte ,
quoiqu'incertains & contradictoires relativement
à fon époque , fe foutiennent toujours
; ceux d'une action entre les troupes
des deux Puiffances, & de la furpriſe d'Oczakow
n'avoient pas d'autre fondement , que les
mouvemens & l'approche de différens corps
fur leurs frontières refpectives . S'il faut en
croire plufieurs lettres , la Ruffie a fait remettre
aux Cours de Stockholm , de Copenhague
, de Berlin , & c. un manifefte ou
plutôt une déclaration contenant l'expofé des
motifs qui l'obligent de faire avancer fes
- troupes vers la Crimée & de prendre poffeffion
de cette prefqu'ifle . Ces motifs font
les fuivans.
>> La Porte depuis le traité de Kainardgi n'a ceffé
de contrevenir à les engagemens , foit en exerçant
des actes de fouveraineté dans quelques parties d'un
pays qui ne lui étoit plus foumis , foit en fomentant
des divifions dans la prefqu'ifle entière , en foulevant
ces peuples contre leur Kan légitime & forçant
celui - ci de fuir & de recourir à la protection de
la Ruffie qui eft parvenue à le rétablir , il eſt vrai ,
malgré les menées fourdes & l'argent que répandoient
les émiffaires de la Porte pour entretenir la
rebellion. Les actes arbitraires & defpotiques que
cette Puiſſance n'a pas craint d'exercer dans un pays
dont elle avoit folemnellement reconnu l'indépendance
ont eu lieu principalement à Taman . Un Officier
Turc , de l'ordre de fon Souverain , alla prendre
poffeffion de cette ifle. Le Kan averti de cette déc
3
( 54 )
marche & des prétentions de l'Envoyé lui dépêcha
un Officier pour favoir les raifons qui engageoient
le Grand- Seigneur à vouloir dominer dans un endroit
qui n'avoit jamais été détaché de la Souveraineté de
la Crimée & qui dans tous les tems en avoit fait
partie. Loin d'écouter les juftes repréſentations du
Kan , l'Officier Turc foulant aux pieds tout droit des
gens , & fans refpe&t pour le caractère facré du Miniftre
d'un Prince Souverain , fit trancher la tête à
cet Envoyé. Ces infultes ne pouvant manquer de fe
renouveller & de caufer les plus grands troubles
dans les Etats voifins de l'Impératrice ; pour les prévenir
& pour établir folidement les Tartares , dans
l'indépendance qu'elle leur a procurée , elle a jugé
devoir faire occuper le pays par fes troupes ; elle le
gardera en fa poffeffion jufqu'à ce qu'elle foit payée
des dépenfes qu'elle a faites pendant la dernière
guerre & depuis pour lui affurer la liberté & l'indépendance
«.
On fixe la date de cette déclaration au
13 du mois de Mai dernier ; un de nos papiers
s'exprime ainfi fur cette pièce.
» Si le Divan peut voir tranquillement la Crimée
fous la dépendance immédiate de la Ruffie , s'il ne
craint pas que des ports de cette prefqu'ifle
il forte
un jour une flotte qui jettera dans Conftantinople.
20 ou 30,000 Ruffes avant qu'on foit averti de leur
approche , il Feut fans doute éviter une rupture ;
mais le parti que la Porte a toujours en Crimée eft
trop nombreux ; le péril qu'elle court en laiffant les
Ruffes s'arranger & fe fortifier dans la Péninfule eſt
trop imminent pour ne pas s'attendre qu'elle regardera
la démarche hardie de la Ruffie comme une vio .
lation du traité de Kainardgi & comme une déclaration
de guerre , & qu'elle ne faffe les plus grands
efforts pour éloigner des bords de la mer Noire des
voifins auffi redoutables. Si à ces difpofitions vigoureufes
de la Porte ſe joint l'entremiſe des Puillances
155 )
Européennes qui ont intérêt à ce que l'Empire Turc
ne foit pas démembré ; files Puitfances du midi fe:
décident ouvertement , les hoftilités pourront bien
fe borner à la prise de poffeffion de la Crimée , & la
Ruffie contente d'affranchir pour jamais du joug la
belle partie de l'Afie qui l'avoifine , par une promeffe
encore plus folemnelle de la Porte , pourra bien re.
tirer les trouges à la follicitation des Puiffances
Médiatrices «<,
Nous n'ajouterons rien à ces obfervations ;
les démarches de la Ruffie & les armemens
de l'Empereur , font couverts d'un voile
trop épais pour pouvoir eflayer de découvrir
à travers , les difpofitions des Puiſſances de
l'Europe & la part qu'elles pourront prendre
à cette fameufe querelle. C'eft au tems à
nous éclairer , en attendant nous rapporterons
ici une lettre de Pologne qui contient
un fait bien fingulier , mais qu'on ne peut
garantir.
» On a reçu des avis qu'on affure venir de bonne
part & qui portent que le Kan de Crimée dégoûté
par les entraves que lui oppofe fans ceffe la Porte , &
par la difficulté de gouverner paifiblement & librement
un pays agité depuis fi long -tems , a pris le
parti d'abdiquer la régence. Les Tartares en conféquence
de fa déclaration ont voulu procéder à l'élection
d'un nouveau Chef ; mais le Général Ruffe qui
commande dans cette prefqu'ifle s'y eft oppofé , en
déclarant à fon tour , qu'il devoit donner préalablement
à la Cour connoiffance de l'abdication de l'ancien
Kan ".
Les lettres de la Haute - Autriche portent
que les orages & les pluies continuelles y
ont caufé beaucoup de dégâts , & que les
C 4
( 56 )
campagnes qui promettoient la plus belle
récolte ont été abîmées .
Le relevé des regiftres de toutes les Eglifes
des Etats du Roi de Pruffe porte le nombre
des mariages pendant l'année dernière à
43,744 ; celui des naiffances à 205,406 &
les morts à 171,104 ; on n'a pas compris
le militaire dans cet état..
» On eft enfin parvenu ici , écrit- on de Mayence,
à un nouvel arrangement avec la ville de Wurtzbourg
pour la navigation du Mein , en établiſſant de
l'uniformité dans les péages. Le Prince de Wurtzbourg
avoit fait propofer à l'Electeur d'annuller entièrement
tous les péages ; mais on a porté ce Prince
à fe défifter de cette prétention ; cependant on
n'atteindra point le but defiré fi le traité entre le Pa
latinat & le Wurtemberg fe conclut comme on le
croir , parce que le tranfit fur le Mein malgré la
diminution des péages deviendra alors beaucoup
moins confidérable «.
On lit dans quelques lettres de Prague
qu'il y a été publié un ordre fuprême portant
que lorfque la garde militaire fera requife
de prêter main forte , & qu'elle fe
trouvera maltraitée ou feulement empêchée
en rempliflant fon objet , elle ne ſe contentera
plus de tirer à poudre & en l'air , mais
qu'elle tirera à balle & directement fur les
oppofans. Ce n'eft que par des exemples de
févérité qu'on peut venir à bout de réprimer
la pétulante défobéillance d'une populace indifciplinable.
» Un Officier de nos Chevaux-Légers , ajoutent
ces lettres , donnant il y a quelques jours à dîner à
plufieurs de fes amis , remarqua fur la fin du repas
( 57 )
que fon valet- de-chambre prenoit un pistolet & fe
difpofoit à caffer la tête à un Capitaine qui étoit au
nombre de ſes convives ; il n'eut que le tems de détourner
le coup qui lui fracafla le bras à lui-même.
Il réfulte des informations prifes au fujet du coupable
qu'il est tombé en frénéfie ; il n'avoit donné auparavant
aucun indice d'une pareille maladie «.
Selon les lettres de Salzbourg , l'Archevêque
vient de fupprimer dans fon Diocèſe
les Frères & les Soeurs de la règle de Saint
François. C'étoient des perfonnes laïques qui
fe faifoient affocier aux Récollets . Il a auffi
ôté , dit- on , au Couvent des Religieufes de
Loretto une fomme de 25,000 florins , & l'a
affignée aux Urfulines qui s'occupent à élever
& à inftruire la jeuneſſe.
ITALIE.
De LIVOURNE , le 10 Juin.
ON apprend de Gênes que L. A. R. l'Archiduc
& l'Archiducheffe Ferdinand en font
partis le 4 , à bord d'une galère de la République
qui les a conduits à Nice.
Les lettres de Mogador portent que deux
bâtimens de guerre Anglois , à bord de l'un
defquels fe trouvoit le Secrétaire du Général
Elliot , font arrivés dans ce port à la fin du
mois de Mars ; l'objet de leur miffion eft
de renouveller les anciens Traités entre S.
M. B. & le Prince Maure ; & on affure que
la négociation eft déja fort avancée ; c'eft
le Chevalier Curtis qui a commandé la marine
Britannique à Gibraltar pendant le bombardement
, qui eft chargé de la conclure.
}
58 )
L'Electeur Palatin a été faire un tour
à Naples & doit retourner à Rome , où il
paflera encore quelques jours.
» Le Marquis de Maruzzi , écrit- on de Venife ,
Miniftre de Ruffie auprès de la République , eft
parti pour Pétersbourg ; on dit qu'il fera remplacé
inceffamment par le Comte de Woronzoff, en qualité
d'Envoyé extraordinaire & de Miniftre Plénipotentiaire
de l'Impératrice. Un Miniftre auffi diftingué
auprès de la République fera très- néceffaire , s'il eft
vrai , comme on l'affure , que la Ruffie va faire
paffer des forces de terre & de mer dans le Levant.
-On parle peu ici des affaires politiques de l'Europe
; mais on remarque que le Gouvernement s'occupe
fecrètement des mouvemens qui fe font autour
de nous . Si la guerre éclate entre la Porte & fes
deux Voifins , la fituation de la République fera un
peu embarraffante ; mais à l'Autriche ne feconde pas
les vues de la Ruffie , il fera bien difficile que certe
derniere puiffe étendre le théâtre des hoftilités du
côté de la mer Adriatique ; & on préfume que la
mer Noire ou les environs pourront fixer toutes les
troupes de terre & de mer deſtinées à agir contre le
Croiffant «.
Les lettres de Naples continuent de raffurer
fur la Calabre & fur Meffine ; les
fecouffes s'y font bien fentir encore de tems
en tems , mais elles font très-foibles , trèscourtes
à de grands intervalles . Les habitans
commencent à retourner dans leurs maifons ,
d'où l'effroi les avoit chaffés . Le Gouvernement
a deſtiné une fomme de 500,000 ducats
pour fournir les uftenfiles & les inftrumens
les plus néceffaires aux Agriculteurs
rétablir les magafins dans lefquels fera dépofée
la récolte prochaine , qui fera , dit-on ,
59 )
très abondante , ainfi que pour rebâtir &
mettre en état les Hopitaux .
Suivant les dernières nouvelles d'Alger ,
cette Régence éprouve quelques inquiétudes
fur les bruits de l'armement d'Espagne , &
prend les mesures néceffaires pour augmenter
fes forces & fe mettre en état de défenfe
dans le cas où cette ville feroit attaquée.
ESPAGNE.
De MADRID , le 16 Juin.
Nous venons de perdre l'Infant D.
Charles , né le s Mars 1780. Il est mort le
s de ce mois à 11 heures du matin , & il
a été enterré hier dans l'Eglife du Monaftère
Royal de Las Rofas ; ce Prince étoit le feul
fils qui reftoit au Prince des Afturies , qui
en avoit déja perdu un. La groffeffe de la
Princeffe fon époufe , qui entre dans fon
feptième mois , nous donne l'efpérance d'un
nouveau Prince qui remplacera la perte
>
que nous avons faite.
» Le 22 du mois dernier , écrit-on de Carthagène ,
le chébec la Sainte-Rite a jetté l'ancre ici à fon retour
d'Orao. Le Capitaine rapporte que le 9 un
chébec , un pinque & une nacelle remplis de Maures
s'étant approchés à environ une lieue de la place ,
s'y font emparés d'un bâtiment Génois forti de ce
port le jour précédent & chargé de différens comef .
tibles ; heureuſement l'équipage s'étoit fauvé à l'aide
de fa barque. Le Capitaine d'une polacre Napolitai
ne rapporte auffi que le 6 cinq barques Maurefques
avoient donné chaffe , à la vue de Palamos , à une barc6
760 )
que de fa nation qui leur avoit échappé à l'aide de
quelques pêcheurs qui l'avoient prife à la remorque
«.
ANGLETERRE.
De LONDRES , le 30 Juin.
Nos nouvelles de l'Amérique feptentrionale
fe réduisent à celles apportées par un
bâtiment arrivé dernièrement de Philadelphie
; tout étoit tranquille à fon départ ; les
déprédations & les excès commis par des
troupes de Sauvages fur les frontières de la
Virginie , avoient été heureufement réprimés
par un détachement de milice , qui
fous les ordres du Colonel Geft , les a attaqués
& les a détruits & difperfés. Ces
barbares paroiffoient être conduits par quelques
Emiffaires du Gouverneur de Québec
& par des Américains ; dans le nombre des
prifonniers qu'il a faits , fe font trouvés le
Capitaine Munro & un certain M. Fergufon
du Canada , qui ont été conduits &
pendus fur-le - champ à Buffalo Town : on
efpère que cet avantage dégoûtera pour
long- tems les Sauvages de ces incurfions ,
& que fur-tout le fort des deux perfonnes
qu'on vient de punir , refroidira l'acharnement
de leurs inftigateurs qui du moins.
craindront de fe mettre à leur tête.
L'efcadre de l'Amiral Hood dont l'approche
a été annoncée par le Pigmée de
16 canons , eft arrivée partie à Plymouth
partie à Portfmouth ; le Barfleur à bord du(
61 )
quel fe trouve le Prince William Henri ;
eft entré dans ce dernier port , où dès le 26 ,
plufieurs Officiers de marine s'étoient rendus
pour recevoir ce Prince qui eft arrivé le 27.
Le Pigmée avoit quitté la Jamaïque au commencement
de Mai , & à fon départ le vaiffeau
l'Ulyffe fe diſpoſoit à mettre à la voile
le 10 du même mois avec le refte de la
flotte : tout étoit alors tranquille dans cette
ifle.
Les lettres de l'Inde que le Subſtitut a
apportées n'ont été diftribuées que depuis
quelques jours. Parmi les détails qu'elles
contiennent on en trouve quelques - uns
de nouveaux fur l'ouragan qui força Sir
Edouard Hughes à s'éloigner de Madrafs. '
On lit entre autres ceux ci dans une lettre
datée de Bombay le 9 Janvier à bord du
Monarque.
" Je vous ai écrit par le Myrthe parti de Madrafs
en Octobre tout ce qui s'étoit paffé depuis la lettre
que je vous avois adreffée en Juin ; j'ajouterai ici le
peu de détails poftérieurs à cette époque que je puis
vous donner. Nous avons été chaffés de Madras par
l'ouragan le plus affreux qu'on ait jamais vu . Toutes
nos chaloupes étoient au rivage occupées à embarquer
de l'eau & des provifions ; la plupart font reftées
en arriere & il y en a fort peu qui aient pu fuivre
leurs vaiffeaux ; notre cutter a été englouti avec
s hommes. En 3 ou 4 jours nous avons été féparés
du reste de l'efcadre , & jufqu'au 21 nous n'avons
vu qu'un vaiffeau de la Compagnie . Cependant
malgré le gros tems , & les dommages que nous
avons foufferts , nous avons eu le bonheur de prendre
un bâtiment Hollandois & de le conduire ici ;
la prife cft arivée heureufement ; on l'évalue à
-
( 62 )
40,000 1. ft. fans le bâtiment. Comme nous étions
feuls aucun vaiffeau n'a droit de partager avec nous ,
& il nous appartient uniquement , fauf le droit de
Commandant de fir Edouard Hughes . Nous
avons vu arriver le refte de l'efcadre ; plufieurs vailfeaux
font en très- mauvais état , entr'autres le Superbe
, l'Aigle & le Burford ; les vaiffeaux de Sir
Richard Bickerton ont pea fouffert parce qu'ils font
doublés en cuivre . Heureufement nous trouvons ici
de quoi nous réparer. La plupart des équipages
étoient malades ; mais ils fe rétabliffent infenfiblement
à terre. L'intention de l'Amiral eſt de remettre
en mer au mois de Mars pour chercher l'ennemi ; il
n'eft plus à Trinquemale ; un navire de la Compagnie
qui a paffé devant la baie en venant ici n'y a
apperçu aucun vaiſſeau « .
Le Vice-Amiral Campbell , fe difpofe à partir
pour Terre- Neuve avec les vaiffeaux fuivans
; le Salisbury de so canons , l'Hébé
de 36 , le Profelyte & l'Eole de 32 , le
Merlin de 20 , le Thorn , le Marquis de Seignelay
, & l'Echo de 16 & le Lion de 10.
Cette petite efcadre eft prête à mettre à la
voile & n'attend pour cela que fes derniers
ordres .
La féance du Parlement du 24 de ce
mois eft faire pour fixer la curiofité , &
nous entrerons dans quelques détails .
Le 24 Juin , le Lord Cavendish , après avoir
rendu compre à la Chambre des Communes de la
Situation fâcheufe des Loyaliſtes & des droits qu'ils
ont à la protection du Gouvernement , termina fon
difcours par la motion » d'un bill pour nommer
» des Commiffaires chargés de prendre des infor-
>> mations fur la pofition des perfonnes dont la
» guerre d'Amérique a détruit cu diminué la for(
63 )
» tune «. Après quelques éclairciffemens demandés
& donnés à ce fujet , M. Balker fit les obfervations
ſuivantes. » Il eft naturel , dit-il , que la Grande-
Bretagne donne aux Loyaliſtes tous les fecours qui
font en fon pouvoir , & qu'ils font fondés à réclamer;
mais tout cela tient en grande partie au Traité
provifionnel . Ils y étoient recommandés au Congrès ;
& je crains fort qu'un bill ne foit pour eux un avis
qu'ils ne doivent point s'adreifer à cette Affemblée ,
ou que dans le cas qu'ils prendroient ce parti , le
Congrès les renverra au Gouvernement Britannique.
Selon moi , ceux qui ne font pas fpécialement exclus
par le Traité provifionnel , comme étant Sujets Britanniques
dans les lignes & portant les armes ,
doivent d'abord s'adreffer au Congrès . M. Fox répondit
que l'objet de la motion actuelle n'étoit
point de donner des fecours , mais d'établir une
Information , & qu'il falloit que le Gouvernement
für inftruit pour faire , avec connoiffance de cauſe ,
les démarches qu'il projette ; qu'il ne pouvoit fe
difpenfer d'être informé des droits de chacun des
réclamans avant de demander pour eux juftice au
Congrès. Le moyen adopté dans le bill eft le plus
propre que l'on puiffe employer pour feconder les
vues des Miniftres du Rei ; mais en même-tems
il ne faut point donner lieu de croire que par cette
démarche la Grande- Bretagne s'engage & s'oblige
à venir au fecours de tous ceux qui pourront en
folliciter. Le bill en queftion doit , au contraire ,
encourager une infinité de perfonnes à s'adreffer au
Congrès pour demander l'extenfion du se article
du Traité provifionnel , car je ferois très - fâché
d'apprendre que la Grande-Bretagne eût le moindre
doute de l'intention où eft le Congrès de remplir fes
engagemens «. Après quelques difcuffions , la motion
palla.
Le même jour, la Chambre s'étant formée en Comité
pour prendre en confidération le Meſſage du Roi ,
le Lord John Cavendish dit que le Comité devoic
( 64 )
être pénétré de reconnoillance pour les fentimens
généreux de S. M. , qui s'étoit déterminée à pourvoir
à l'établiſſement du Prince de Galles , fans demander
pour cet effet à ſon peuple une augmentation
de la lifte civile ; que S. M. avoit pris la réfolution
de fe charger de toute la dépenſe annuelle , &
d'accorder au Prince 50,000 livres par an ; mais
qu'on ne devoit pas ignorer l'état de la lifte ci-
'vile ; que so , 000 liv . environ avoient été deſtinées
pour payer des dettes , ce qui , pendant fix années ,
la réduiroit à 850,000 livres par an ; & que les
50,000 livres que le Roi donneroit annuellement
au Prince diminueroient tellement les revenus de
S. M. , qu'ils ne fuffiroient pas pour payer les
charges qui y font affectées ; que dans cette fituation
,fil n'étoit pas furprenant que S. M. demandât
à fes fidèles Communes un fecours pallager pour
les premières mifes de l'établiſſement du Prince ;
que S. M. étoit perfuadée que tout Membre de la
Chambre feroit flatté de voir la Famille Royale
établie convenablement & décemment ; que l'appartement
du Prince n'avoit pas été habité depuis
long- tems , qu'il y manquoit mille chofes pour le
rendre logeable ; que le Prince étoit encore jeune ,
& que par conféquent on ne devoit pas s'attendre
à une grande économie de fa part ..... Le Lord
Jonh Cavendish termina fon difcours en propofant
qu'il fût accordé une fomme de 60,000 livres à
S. M. pour les frais de l'établiffement du Prince
de Galles . Dans tous les débars qui eurent lieu
à cette occafion , on n'objecta rien contre la propofition
, mais il y eut de vives attaques contre le
Lord North , qui ne fe juftifia de la promeffe qu'on
lui reprochoit d'avoir fait autrefois à la Chambre
de ne rien demander à la nation pour l'établiſſement
du Prince de Galles , qu'en niant formellement
d'avoir pris un pareil engagement , & en déclarant
qu'il avoit feulement entendu dire que le Roi fourniroit
à l'entretien & à l'éducation de fon fils , qui
―
( 65 )
n'avoit alors que 15 ans , jufqu'à l'âge où il feroit
queftion de l'établir. M. Fox ne manqua pas d'attefter
que c'étoit en ce fens feul qu'il avoit pris les
expreflions du Lord lorfqu'il avoit parlé ainfi ; en
effet , ajouta-t- il , je me ferois oppofé à la demande
qu'il faifoit à la Chambre , s'il eût été poffible
d'entendre que 100,000 l. fterl . de plus mettroient
le Roi en état de fournir à l'établiſſement ſéparé
du Prince ; il eût été fimple de recommander d'ufer
de la même économie pour payer les dettes de la
lifte civile , & d'attendre l'époque actuelle pour
recourir à l'aide de la nation . Il confirma , par quelques-
unes de les expreffions , le bruit qui s'étoit
répandu qu'il avoit ouvert au Confeil l'avis d'augmenter
les revenus du Prince , en parlant de la
modicité de ce revenu , qui n'étoit que la moitié de
celui qu'avoient eu le Duc d'York depuis Jacques II
& Georges III , lor qu'il étoit Prince de Galles .
Lorfque cette affaire fut terminée , M. W. Pitt
fe leva pour rappeller aux Miniftres tout ce qui
leur reftoit à faire dans la feffion actuelle. Il rappella
les grandes & importantes affaires qui n'étoient
point encore réglées , tels que le traité
avec la Hollande , le traité de commerce avec
l'Amérique , qui devoit l'être fi promptement , les
traités définitifs avec la France , l'Espagne &
l'Amérique , indépendamment du bill pour aller
au fecours de la Compagnie des Indes , &c. &c. ,
& il demanda fur tous ces points quelques éclairciffemens.
Il obferva que , foit que l'Oppofition
fût fyftématique ou non , on ne pouvoit difconvenir
que fa conduite avec les Miniftres ne fût un
exemple de générosité , & qu'elle n'eût ni interrompu
, ni même troublé , en aucune manière ,
leurs négociations pour mettre la dernière main
au grand ouvrage de la paix. - M. Fox prit
alors la parole , & dit : » Je fuis déterminé à profiter
de l'exemple & des fautes des derniers Mi(
66 )
1
ftres. Comme ils ont fait beaucoup de mal en
précipitant la négociation , j'agirai certainement
avec plus de circonfpection & de prudence. Cette
conduite me paroît d'autant plus raisonnable , que ,
par une circonftance heureuse , la tranquillité &
la fécurité générale de toutes les Puiffances avec
lefquelles nous venons de faire la paix , & les
pouvoirs dont le dernier acte du Parlement a invefti
le Confeil privé pour négocier & conclure
tous les Règlemens de commerce avec l'Améri .
que , me laiffent le tems néceſſaire pour obtenir
de toutes les Puiffances contra&tantes , les meilleures
conditions qu'il foit poffible de prétendre.
Quant aux complimens que M. Pitt a fait à lui
& à fes Collégues , fur la difcrétion qu'ils ont eu
de ne point trop harceler le Ministère actuel relativement
à la paix , c'eft une générosité qu'il eft
aifé d'apprécier , quand on fe rappelle la manière
affez franche dont la Chambre a déclaré fon opinion
fur cette paix qui eft leur ouvrage. Au furplus
, je le répète , leurs fautes , même fur des
objets moins importans , me ferviront de leçon .
Perfonne n'a oublié l'embarras où ils fe font vus
au mois de Décembre dernier , par la lettre du
Lord Sidney , alors Secrétaire d'Etat , par leur
empreffement à fixer l'époque à laquelle la paix
ou la guerre feroit décidée . Leur méfavanture en
cette occafion m'avertit d'être plus prudent ; en
conféquence , quelqu'envie qu'ils témoignent de
favoir quand le traité définitif & le traité de commerce
avec l'Amérique feront conclus , ils voudront
bien me permettre de ne prendre aucun engage
ment relativement à cet objet & à tout autre ,
que je ne fois abfolument sûr de n'être point ,
comme eux , trompé dans mon attente «. M. Pitt
fit une courte réplique , dans laquelle il parla de
l'arrangement qui venoit probablement de fe faire
ce jour même , & en conféquence duq el le Lord
North avoit confeillé à M. Fox de ne s'engager
( 67 )
à rien. Il étoit alors près de huit heures , & la
Chambre fe fépara.
Bien des perfonnes font de l'opinion de
M. Fox , que le grand ouvrage du traité de
commerce avec l'Amérique ne doit pas être
précipité . Trop d'empreffement , difent- elles ,
feroit foupçonner au Congrès que nous avons
d'autres deffeins en vue qu'un traité de commerce.
En effet il feroit auffi abfurde de fuppofer
que deux Négocians commerceront
enfemble s'ils ne croient pas y trouver leur
intérêt , que de fuppofer qu'ils refuſent de
négocier lorfqu'ils feront fûrs d'y gagner
l'un & l'autre .
La veille du jour où la Chambre des
Communes s'occupa des Loyaliftes & de
l'établiffement du Prince de Galles , elle
prit en confidération l'état des manufactures
de toiles de coton & de lin de la Grande-
Bretagne. Cette affaire qui intéreſſe particulièrement
le commerce , donna lieu à
quelques débats. M. Stanley qui avoit une
motion à faire fur cet objet , y prépara la
Chambre par le difcours fuivant.
Il eft de la plus grande néceffité , dit- il , d'accorder
des remifes fur le favon , l'empois , le foufre ,
le vitriol & aurres objets dont on fait ufage pour préparer
les matières écrues deftinées à la fabrication
des toiles de lin & de coron. L'Etat a reti é depuis
quelques années les plus grands avantages des manufactures
de toiles de lin & de coton en ce qu'elles
ont favorisé beaucoup le commerce du Royaume , &
font devenues conféquemment une fource précieufe de
revenus pour le Gouvernement . La rivalité des manufactures
établies en Hollande , en Allemagne , en
( 68 )
.
France & en Suiffe , nous met dans le plus grand danger
de perdre les nôtres. Depuis que la paix eft conclue
, il s'eft introduit un nouveau fyftême de commerce
, & nous nous fommes vus privés de notre
commerce exclufif. On doit enviſager d'ailleurs que
la Grande - Bretagne comme un pays à manufactures
eft genée par mille entraves qui lui font propres , &
dont l'Irlande s'eft affranchie , au moyen de les avantages
naturels & du fage fyftême adopté par fon Parlement.
Je mets au nombre de ces entraves les taxes
onéreuses , le haut prix de la main - d'oeuvre , & les
droits établis fur les divers articles qu'on employe
pour réparer les matieres deftinées à la fabrication
des toiles de lin & de coton . Cette dernière entrave
eft inconnue dans tout autre Pays . Que ne fuir on
l'exemple de l'Irlande , qui a fupprimé tous les droits
de cette nature. Puifque la G. B. a accordé une exemption
aux manufactures de drap , je ferois d'avis que
celles de toiles de lin & de coton , qui ont finguliérement
profperé , méritent un ſemblable encourage
ment de la part du corps législatif. Je parle en ce moment
aux Lords de la Treforerie , comme à des membres
privés du Parlement , plutôt que comme à des
perfonnes , que leurs places peuvent rendre coupables
de partialité & d'entêtement à l'égard d'une
exemption qui diminueroit le revenu public. Ils deivent
envifager , qu'en renonçant à une petite portion
de revenu pour encourager une branche importante
de manufacture , ils feront profpérer cette manufacture
& augmenteront de fait les revenus de l'Etat . Les
articles fabriqués avec le lin, font en fi grand nombre,
qu'ils donnent de l'emploi à 800,000 fujets de S. M.
C'est un fait dont l'importance mérite toute l'attention
des Lords de la Tréforerie. L'efprit d'émigratión
qui règne actuellement , peut avoir les fuites les
plus funeftes . Des milliers de nos artifans iront chercher
leur fubfiftance dans des pays où les taxes font
plus legères , & où l'on donne plus d'encouragement
au commerce. Les avantages que l'Angleterre a eus
( 69 )
---
fur toute autre Nation , font beaucoup diminués. Les
machines qu'elle avoit inventées & perfectionnées
pour l'ufage des manufactures , dont l'objet é.oit d'épargner
du tems & du travail , & qui nous avoient
denné pendant quelques années un avantage décidé
fur tous les étrangers , ces machines , dis - je , font
connues de nos rivaux , elles font établies en Ho!-
lande , en France & en Suiffe. M. Stanley propofa
les réfolutions fuivantes . 1 ° . Que le Comité
eft d'avis que dans l'état actuel du commerce de la
G. B. la confervation des manufactures de toile de
lin & de coton , eft un objet de la plus grande importance
, & qui mérite la confidération férieufe &
immédiate de cette Chamore. 2 ° . Qu'on doit ac ·
corder une remife des droits actuellement établis
fur le favon & l'empois dont on fait ufage four préparer
les matières écrues deftinées à la fabrication des
toiles de lin & de coton , & pour achever le travail
de ces toiles. 3 ° Qu'on doit accorder une remife des
-droits établis actuellement fur le foufre & le falpêtre
employés à faire de l'huile de vitriol. 4° . Qu'on
doit fupprimer les droits établis actuellement fur l'importation
de la potaffe, des cendres de bois & de ferment.
M. Coke parla en faveur de la motion , & dit :
le Membre qui a fait la motion , a fi habilement traité
fon fujet , qu'il n'a rien laiffé à défirer pour convaincre
la Chambre des avantages qui réſulteroient de
l'adoption de cette réfolution & des trois autres qui
doivent être propofées par la fuite . Il y a cependant
un article dont il a oublié de faire mention , favoir
le montant du modique revenu dont on demande que
le public faſſe le facrifice , en faveur de deux des plus
importantes & des plus confidérables branches de
manufacture britannique. Je fais de bonne part , qu'en
accordant les remifes qu'on demande aujourd hui , on
n'ôte à l'Etat qu'une femme de 20,000 liv. ; mais on
demande à préfent le rétabliffement de l'impôt fur la
drêche , fupprimé en dernier lieu , lequel monte à
9000 par an , ainfi que l'expérience l'a démontré.
( 70 )
Il
--
Y a encore un autre droit dont M. Coke a parlé ,
& qui produiroit annuellement 2000 liv. Ainfi par
l'acquifition de ces deux revenus qui , joints enſemble
,fe monteroient à 11,000 liv . la perte réelle pour
l'Etat n'eft que de 9000 liv. , fomme qui doit paroître
bien modique lorsqu'on fait réflexion qu'elle
eft confacrée à encourager des manufactures qui donnent
du pain à 800,000 individus. Le Lord John
Cavendish dit , qu'il n'étoit pas parfaitement inftruit
de l'affaire en queſtion , & qu'ainfi il lui étoit impoffible
de déclarer s'il defiroit que les remiſes fuflent
ou ne fuffent pas accordées ; que pour cette raifon il
confentoi pour le moment à laiffer mettre fur le Bureau
les réfolutions , mais qu'il demandoit que cela
ne l'empêchât pas de s'oppofer au bill , lorsqu'il feroit
foumis à l'examen de la Chambre , & même de
s'oppofer au rapport. S'il ne s'agiffoit , ajouta -t - il ,
que de déterminer s'il faut donner du pain ou non à
80,000 manufacturiers Anglois , je direis hautement
que rien ne doit nous arrêter , relativement à
une pareille queftion ; mais , en fuppofant que les remiles
foient refufées , je ne vois pas qu'il en doive
réfulter des conféquences auffi fâcheuses , qu'on
cherche à le faire croire. Pendant la guerre , ces
manufactures ont profpéré & augmenté confidérablement.
Je ne vois pas pourquoi elles ne continucroient
pas de profpérer également pendant la
paix. Le tems de paix eft le plus propre aux arts &
aux manufactures , & il feroit abfurde d'imaginer
que les manufactures de toile & de coton font moins
floriffantes en tems de paix , qu'en tems de guerre . A
l'égard des remifes , M. Coke en fait monter le total
à 9000 liv. Il fe peut faire que les honnêtes
manufacturiers ne mettent que 9000 livres dans
leurs poche ; mais on ne confidère pas que les remifes
ont toujours engendré la fraude , & que le Gouvernement
pérdroit au moins trois fois autant , en
accordant l'octroi qu'on demande. Les Bureaux des
revenus publics ont fait une infinité d'objections qui
( 71 )
tendent toutes à prouver que la requête en queftion
feroit plus de tort au revenu public que de bien aux
manufactures de toile & de coton. Ainfi quoique je
ne vote point contre les réfolutions qu'on doit propofer
, il eft poffible que je m'oppofe au rapport.
>
Le Lord North infiita beaucoup fur la force des
argumens employés par le Chancelier de l'Echiquier
coatre les réfolations propofées . Je ne conçois point ,
dit- il , qu'une fomme aufi modique que celle de
9000 liv. , puifle produire les effets dont on nous a
fait un tableau fi effrayant . Elle ne peut , felon moi ,
ni faire fortir 800,000 manufacturiers du Royaume
fi elle eft refutée , ni en augmenter confidérablement
le nombre fi elle eft accordée. Dans ce dernier cas ,
on devroit même la regarder comme une forte de
menus plaifirs pour quelques gros manufacturiers ,
plutôt que comme un encouragement réel & efficace
pour le corps complet des citoyens qui s'adonnent
à cette branche d'industrie . - M. Dempfter
fit les reproches les plus vifs au Lord North, fur la
cruauté avec laquelle il s'oppofoit à l'encouragement
demandé pour des manufactures dont la G. B.
tiroit un fi grand avantage , tant pour fon commerce
, que pour fon revenu. Il ajouta que ce Miniftre
avoit tenu une conduite directement oppofée ,
lorfqu'il étoit à la tête de la Trésorerie , & que
d'ailleurs c'étoit une maxime invariable du Gouvernement
depuis la révolution , de ne mettre jamais
d'impôts fur les articles employés à préparer les matières
premières de toutes les manufactures de cuelqu'importance.
Il blâma l'opiniâtreté avec laquelle le
Secrétaire d'Etat & le Chancelier de l'Echiquier infiltoient
fur un objet de revenu qui paroît contraire
à tous les grands principes d'adminiſtration , & il
cita à ce sujet un paffage d'un Auteur François , dont
le réfultat eft que la plupart des Souverains , à force
de vouloir faire fervir le commerce au profit de leurs
finances , perdent en le détruifant tout l'avantage
qu'ils auroient pu en tirer & reffemblent au proprié
( 72 )
1
F
>
taire imbécille qui coupe le pied de fon arbre pour
chercher dans les racines le fruit qu'avec plus
de modération il auroit recueilli fur la branche
vigoureufe & dont rien n'auroit arrêté l'accroiffement.
Après des débats auffi animés , & dans
lefquels le Lord Mahon , les Chevaliers Adam Forgaffon
& George Yonghe , le Général Burgoin par
loient fortement en faveur de la motion , les é
folutions farent renvoyées à une autre féance du lendemain.
dit- on ,
L'arrivée du Lord Temple a ,
fortifié le parti de l'Oppoſition dans la Chainbre
Haute. On fait que dans la féance du 20 ,
il parla avec beaucoup de force , ainsi que
le Lord Abington , contre les Miniftres
qu'on a accufés de vouloir tout diriger jufqu'aux
volontés du Roi dans la formation
de la maifon de fon fils.
د ر
On affure , dit à cette occafion un de nos papiers
, que S. M. a offert récemment au Lord Tem- ,
ple la place de premier Lord de la Tréforerie , mais
que ce dernier s'eft exculé parce que le traité défini
tif de paix n'étoit point encore figné. On dit que s'il
eût accepté le Parlement auroit été diffeus , & cerre
conjecture ne paroît pas fans fondement à ceux qui
connoiffent le caractère ferme & les grandes qualités
du dernier Viceroi d'Irlande . En attendant voici
ce qu'on débite des difficultés qui ont eu lieu au
Confeil relativement à l'établiffement du Prince de
Galles. Le Roi defiroit que fon traitement ne fût ni
au-deffus ni au-deffous de 50,000 1. ft. M. Fox par
des raifons qu'on dit n'être connues que de lui & du
Prince vouloit qu'il lui en fût accordé ico, 000. Cette
difpute , ajoute-t- on , a un pe a divifé la coalition . Le
Lord North a été dans le Confeil de l'avis du Roi ,
& il s'eft tenu plufieurs affemblées chez le Duc de
Portland pour parvenir aux moyens de concilier les
efprits qui paroiffoient déja un peu aigris «<.
( 73 )
Selon plufieurs lettres d'Irlande , la difette
fe fait fentir vivement dans la partie feptentrionale
de ce Royaume , quelques-unes
font un tableau terrible de l'infortune à
laquelle les ouvriers fe trouvent réduits dans
quelques endroits .
» Une pauvre femme de Dunganon , chargée de
plufieurs enfans dont elle ailaitoit l'an , manquant
de tout, alla chez un Marchand de gruau d'avoine ,
erpofa la mifere à l'épouse de ce Marchand qui n'y
étoit pas , & lui offrit quelques hardes qu'elle avoit
apportées pour gage du paiement qu'elle étoit dans
l'impoffibilité de lui donner dans ce moment ; la
marchande refufa les hardes & ne livra point de
marchandise ; l'état de cette femme lui faifoit cependant
pitié. Lorfque fon mari fut de retour le foir
elle lui raconta ce qui s'étoit paffé , & ne lui cacha
point qu'elle avoit du regret de n'avoir pas donné ce
qu'on lui demandoit avec tant d'inftance & dont on
paroiffoit avoir un befoin fi preffant. Le mari qui s'é-
Toit couché en arrivant , fe leva à ce récit ; il connoiffoit
la femme dont on lui parloit , il fe hâte de
prendre une mesure de gruau tout cuit & tout préparé
, & vole chez l'infortunée ; il n'étoit plus tems ,
il la trouva étendue fur le plancher de fa chambre
morte de faim & de défefpeir , entourée d'enfans
qui crioient auprès d'elle , & tenant encore dans
fes bras celui qu'elle allaitoit & qui cherchoit en vain
quelques fecours fur fon fein flétri , froid & defféché
«.
Dans plufieurs endroits , ajoutent ces lettres
, divers particuliers ont réfolu de fuppri
mer le grain qu'ils donnoient à leurs che
vaux , & de le diftribuer aux malheureux.
" Il eft arrivé ici depuis quelques femaines
écrit-on d'Hereford , un particulier bien intéreffant
par fes longues infortunes & fa captivité . Il fe nom-
12 Juillet 1783.
d
( 74 )
me John Roach & étoit matelot de profeffion ; il a
été pendant is ans abſent de fa patrie , & de ces S
ans il en a vécu 12 dans les fers des Ind: ens & des
Espagnols. Ayant eu le malheur d'être pris par les
premiers dans la baie de Mexico , il fut dépouillé
nud & contraint de fuivre pendant 2 ans les nouveaux
maîtres dans leurs courfes . Ces Indiens font
les Heraquis. Ils m'ont point de demeures fixes ; ils
ne s'établiffent que pour peu de tems fur les lifieres
des bois pour y chercher leur nourriture , Ce foin &
celui d'éviter une autre Tribu Indienne errante
comme eux , & marchant toujours en nombre , &
qui eft leur ennemie font toute leur occupation. Après
avoir échappé heureufement à ces Sauvages , John
Roach fut pris par les Espagnols , enfermé , parce
qu'on le prenoit pour un efpion , dans différens cachots
, & enfin condamné à un efclavage perpétuel
& aux travaux des mines . Heureufement pour lui
avant qu'on pût mettre cette fentence à exécution ,
il avoit perdu l'ufage d'une hanche ; cela le fit dif
penfer du travail des mines dont il étoit incapable' ;
& enfin on l'a envoyé à la Jamaïque avec d'autres
prifonniers qui ont été échangés «<.
Un de nos papiers , contient l'anecdote
fuivante qui paroîtra bien étrarge & bien
horrible à nos Lecteurs. Nous ne la tranfcrivons
que parce qu'elle peut fervir de
leçon ; il place le lieu de cette fcène funefte
aux environs d'Ealing dans le Comté de
Middleſex.
» M. T. B. Ecuyer , & fon fils jeune homme qui
étudioit au collège d'Exeter à Oxford foupoient enfemble
ces jours derniers ; le lendemain le jeune
homme devoit reprendre les études ; fon pere à la
fin du repas fit apporter du vin , & envoya fes do.
meftiques fe coucher. Ceux - ci furent réveillés vers
les trois heures du matin par le bruit d'un coup de
( 75 )
·
piftolet ; ils fe levèrent & s'emprefsèrent d'accourir s
le premier objet qui frappa leurs yeux en entrant dans
la alle à manger fut leur jeune maître étendu fur le
plancher & nageant dans fon fang ; le pere affis fur
fon fauteuil paroiffoit dans un état de ftu eur &
d'infenfibilité . Ce fut avec peine qu'on l'arracha de
cette fale & qu'on le porta dans fon lic; il faroiffoit
ne point voir le fpectacle qui étoit devant es yeux ;
le lendemain il ignoroit cette horrible cataſt of he
& tout ce dont il s'eft fouvenu c'elt que fon fils lui
avoit parlé d'argent. On fuppofe que ce jeune nfortuné
qui retournoit à fon collège avoit eflayé de ti
rer parti de létat où le vin avoit mis fon pere pour
en obtenir une fomme ; que fur fon refus il avoit
menacé de fe tuer , & que pour effrayer le vieillard
il avoit pris un des piftolets qui étoient toujours dans
cette chambre , & ignorant qu'ils étoient chargés ,
avoit pouile fon jeu imprudent auffi- loin qu'il le fallait
pour en être la victime. Ce jeune homme laiffe
deux fours qui le pleurent , & qui , dit- on , à la veille
d'être mariées , ont perdu l'une & l'autre leurs amans
par des coups auffi funeftes & auffi imprévus. Il est
difficile de réunir dans une famille une pareille combinaifon
de malheurs , & de trouver un exemple
plus funefte des dangers de l'ivreffe «.
FRANCE.
De VERSAILLES , le 8 Juillet.
Le premier de ce mois , le Roi accompagné
de Monfieur , de Monfeigneur le Comte d'Artois
, fe rendit à l'Eglife de la paroiffe , où
il aflifta au fervice anniverſaire fondé pour
le repos de l'ame de la feue Reine . Madame
Elifabeth de France y affifta également .
Le Roia difpofé du régiment de royal Auvergne
en faveur du Vicomte de Rochamd
2
( 76 )
beau , de celui de Saintonge en faveur du
Vicomte d'Allemans , de celui d'Agénois
en faveur du Marquis de Rougé , & de
celui de Boulonnois en faveur du Prince de
Broglie. S. M. a auffi difpofé des places de
Meftre de Camp en fecond du régiment de
Saintonge en faveur du Comte de Chabannes
, du régiment d'Agénois en faveur du
Comte de Vauban , & du régiment d'Auxerrois
en faveur du Chevalier de Grave.
Monfeigneur le Comte d'Artois eft parti
le 3 pour le voyage qu'il fe propofe de faire
dans les Pays Bas . Ce Prince fera de retour
vers la fin de ce mois.
Le Marquis de Vaudreuil , Lieutenant-
Général des Armées navales , qui commandoit
l'armée du Roi aux ifles d'Amérique ,
étant de retour , a eu l'honneur d'être préfenté
le 6 de ce mois à S. M. & à la Famille
Royale par le Maréchal de Caftries ,
Miniftre & Secrétaire d'Etat , ayant le département
de la Marine.
De PARIS , le 8 Juillet.
M. le Marquis de Vaudreuil eft arrivé
famedi ; fon départ de Breft avoit été retardé
par les ordres néceffaires qu'exigeoit
le défarmement de fon efcadre ; M. d'Hector
qui reçoit à leur arrivée en Europe la
dépofition des Officiers qui fe font trouvés
à l'affaire du 12 Avril , a déja entendu ,
dit on , tous ceux qui font revenus avec
M. de Vaudreuil.
( 77 )
On a lu dans quelques papiers publics
que les Nègres de la Guadeloupe divifés
en deux parties en étoient venus aux mains
& ne s'étoient féparés qu'après un carnage
horrible , que n'avoient pu prévenir les
troupes envoyées pour les faire rentrer dans
le devoir. Tout cela fe réduit à quelques
coups donnés entre les Nègres de 3 ou 4
habitations ; une femme a , dit- on , été la
caufe de cette querelle.
Pendant plufieurs jours le foleil pâle &
rougeâtre n'a répandu qu'une lueur trifte ,
& telle qu'on pouvoit le fixer à toutes les
heures du jour ; malgré le brouillard fec &
épais qui l'environnoit , la chaleur a été étouffante.
On n'a pas manqué de trouver cet
état de l'athmofphère fort étrange , & le
peuple ignorant & crédule encore ému du
défaftre de la Calabre , a éprouvé des alarmes
que les gens inftruits , les Agriculteurs ,
les Laboureurs même n'ont point partagées.
M. de la Lande a publié à ce fujet les obfervations
fuivantes.
» Tout ce que nous voyons eft un effet très- naturel
d'une chaleur un peu forte fuccédant à de trèslongues
pluies , fans qu'il y ait eu, pour ainsi dire ,
de gradation . La première impreffion de cette chaleur
a dû fublimer tout à la fois une très- grande abondance
de parties aqueufes dont la terre étoit profondément
pénétrée & leur donner , dès le premier
tems de leur élévation , une qualité sèche & ua
degré de raréfaction plus grand que celui des brouil .
lards ordinaires . Cet effet , qui me femble trèsnaturel
, ne me paroît pas très nouveau : du moins
d ;
·('78 )
la période de 19 ans (qui ramène la lune à la même
pofition , dans les mêmes jours de l'année , & qui femble
avoir auffi quelque rapport avec les faifons ) nous
préfente un exemple qu'on peut citer. Voici ce qu'on
lit dans les Mémoires de l'Académie , parmi les
Obfervations météorologiques de 1764 fur le mois
de Juillet. Le commencement de ce mois a été humide
& la fin fort sèche ; depuis le deux jufqu'au
neuf le vent a toujours été au nord. Les matins il
faifoit du brouillard , & pendant le jour le ciel
étoit comme enfumée. Voilà qui reffemble affez à
notre fin de Juin, pour qu'on puifle dire que ce n'eft
pas une chofe inouie ; il n'y eut en 1764 que
orages & de la grêle , ainfi nous n'avons rien de plus
à redouter pour 1783 “.
des
Les orages ont commencé en effet à fe
manifefter le 3 de ce mois vers les 2 heures
de l'après-midi ; plufieurs coups de tonnerre
en annoncèrent un violent ; le vent qui étoit
au Sud changea tout- à coup & l'éloigna de
Paris. C'est dans les environs qu'il caufa
quelques ravages à Ville- d'Avré , la foudre
laboura un champ entier , & deux hommes
ont été perclus de leurs bras ; à Vanvres un
autre payfan a été tué.
C'eft principalement fur Sainte- Genevieve- des-
Bois que l'orage a éclaté avec plus de fureur . Ce
village eft à 6 lieues d'ici fur la route d'Orléans. On
dit que le tonnerre eft tombé jufqu'à 14 fois dans
l'endroit ; il a tué 4 perfonnes & en a bleffé quelques
autres. Les villageois effrayés & craignant fans.
doure que cet orage ne fût l'avant- coureur de quelques
tremblemens de terre avoient abandonné leurs
maifons & s'étoient répandus dans la campagne. Le
château qui appartient à M. de Sauvigny , Intendant
de la Généralité de Paris , a moins fouffert que
clocher de la Paroiffe , quoiqu'il ait été également
le
( 79 )
frappé de la foudre. Le fonneur a été tué l'un des
premiers «.
Les mêmes obfervations qu'on avoit faites
à Paris fur l'état de l'atmosphère ont été
faites en plufieurs endroits.
ور
Depuis le 14Juin , écrit on de Troyes en Champagne
, l'atmosphère de cette Ville & des environs a
été chargé d'une quantité fi prodigieufe de vapeurs ,
qu'elles ont conftamment intercepté la lumière du
foleil & terni fon éclat . Cet état du Ciel a été fuivi
d'orages qui fe font multipliés . Le 26 il y en a eu
un violent. Le village de St- Benoît a perdu 2 maifons
incendiées par la foudre . Le 27 , cette Ville &
fes environs étoient tout en feu ; on compte vingt
endroits où la foudre a laiflé des traces de fa fureur.
Heureureufement elles n'ont pas été auffi dangereu-
Les dans leurs conféquences qu'on auroit pu l'appré
hender ; c'eft fur tout aux clochers des Eglifes que
le tonnerre s'eft adreffé . St Nizier , les Chartreux ,
Feuges & St Leger en donnent la preuve. Cet effet fi
naturel de l'électriié du fer dont font armés ces
édifices , démontre la néceffité d'y établir des Paratonnerres
que la nouvelle Phyſique nous a défignés
comme des moyens utiles en ces occafions . Le
même jour , apprend-on de Chaource , le tonnerre
fe fit entendre de très -bonne heure , & redoubla fur
les deux ou trois heures après - midi . Le brouillard
épais qui occupoit pour lors tout l'atmosphère , interceptoit
à la vue la marche de la nuée. Ce fut furtout
autour de Chaource qu'il fembla devoir produire
les effets les plus funeftes . Cette Ville eft fituée
dans un fond , & dominée par plufieurs petites émi
nences , fur quelques - unes defquelles la foudre eft
tombée. Trois peupliers , fitués à la Tuillerie &
contigus à une ferme qu'ils couvrent de leur feuillage
, en ont été frappés & en lommagés fans que
la maifon couverte de chaume en air éré aucunement
atteinte. Une grange fituée à Merz- Robert a
d 4
( 80 )
1
été incendiée ainsi qu'une vache , fur la tête de laquelle
elle est tombée , dit- on , perpendiculairement.
Il n'y a guères de village qui n'ait effuyé quelque
perte , quoique le finage de Chaource ait échappé
au danger. Un domeftique revenant de la charrue
a été tué près de Chefley avec le cheval qu'il montoit
. Un autre cheval qui le fuivoit n'a été bleflé que
Jégèrement. La foudre eft tombée à la Navarie entre
deux femmes , fans leur faire de mal. Mais , pour
furcroît de malheur , les endroits que le feu céleste
a épargnés ont été dévaltés par la grêle. Avreuil ,
Van'ay, les Granges &c. font méconnoiffables . La
grêle eit tombée avec tant de force fur le finage du
premier de ces trois villages , qu'elle y a tué une bande
d'oyes , ainfi qu'un jeune homme de quinze à
feize aus qui les gardoit . La vaſte & fuperbe prairie
qui s'étend de Chaource à Brinon , eft entièrement .
inondée ".
La lettre fuivante contient des obfervations
intéreffantes auxquelles on ne fauroit
donner trop de publicité. Elle eft adreffée à
M. de la Lande de l'Académie Royale des.
Sciences , par M. de Fer , ancien Capitaine
d'Artillerie , de l'Académie de Dijon , &c.
» Lorfque je lus , Monfieur , à l'Académie , le 16
Mars dernier un Mémoire fur la poffibilité de conduire
la Loire & la rivière d'Eure à Verſailles , & de
fubftituer à la Seine un canal de navigation depuis
Paris jufqu'à Rouen , canal qui patferoit par Verfailles
, & rendroit cette ville une des plus floriflantes
du monde , vous parûtes defirer de connoître les
détails de cette grande machine. Mais j'eus l'honneur
de vous obferver que va le peu de tems qu'on
pouvoit donner dans une Séance Académique à une
pareil'e difcuffion , je ne pourrois vous offrir qu'on
apperça trop léger pour vous fatisfaire , parce qu'il
s'agiffoit d'embraffer à la fois fur les plans que j'avois
expofés , plus de 1 5o lieues de longueur de dif(
81 )
férens canaux , & l'enfemble beaucoup plus confidérable
du terrein que ces divers canaux devcient parcourir.
Cependant , quelques perfonnes de l'Académie
dont les connoillances feinblent fe rapprocher
des connoiffances de l'Ingénieur , ayant entendu ma
réponſe , ont penfé & répandent dans le monde
qu'ils doutent de la poffibilité de mes moyens . Its
s'étayent des nivellemens faits anciennement par M.
l'Abbé Picard , nivellemens dont vous avez rapports
les détails dans vo re grand ouvrage fur les canaux .
I eft vraisemblable qu'on a eu intention , Monfieur,
de vous adrefler un reproche indirect en paroiflant
combattre mon opinion , le Public m'accordant
quelque confiance , depuis que l'Académie a jugé
favorablement mon travail fur l'Yvette , travail qui
avoit paru fi extraordiniire au premier coup- d'oeil ,
V l'étonnante réduction que j'avois apportée dans ce
Projet dont quelques circonftances retardent l'exécution.
En effet , Monfieur , vous annoncez art.
439 , qu'il y a peu de différence entre les nivellemens
que vous déraillez , & ceux de M. l'Abbé - :
card. Néanmoins fi l'on prend la peine de vérifier
quelle eft certe différence , on la trouvera de près de
30 pieds , pour la feule diſtance du point de partage
du canal de Briare , au port de Valvin fur la Seine.
Je m'explique. M. l'Abbé Picard dit expreff ment
que le plus haut point da canal de Bria e cft de 58
toiles au- deffus de la Seine à Valcin , ou de 348
pieds , favoir 16 toifes de Valoin à Montargis , &
42 toiles de Montargis au print de partage du canal
de Briare . Au contraire , fuivant les mesures que
vous rapportez , le même point du canal de Briare
au -dellus de la Seine à Moret , eft de 370 preds , s
pouces 7 lignes , à qui il faut ajourer la pente de la
Seine depuis Moret jufqu'à Valvin . Voilà Monfieur ,
une erreur importante pour ne pas dire inouie. Mais
ce n'eft pas la feule. Si l'on fuit les autres nivellemens
dont vous rapportez les mesures , fans les
ds
( 82 )
avoir vérfiées , & fi on les compare à celles de M.
l'Abbé Picard , on aura lieu de craindre que la Loire
ne foit inceffamment changée en torrent , puifque le
réfultat de ces mefures annonceroit que cette rivière
auroit acquis depuis environ cent ans 15 pieds de
pente de plus depuis Briare jufqu'à l'embouchure du
canal d'Orléans près Combleux . Je vous avoue que
je ferois eff: ayé des malheurs que j'appercevrois fi
ce phénomène exiftoit , & qu'il mériteroit la plus
férieure attention de la part du Gouvernement . A la
vérité le plus petit de ces malheurs feroit d'abandonner
la navigation de la Loire ; s'il eſt prouvé , comme
je le penfe , qu'on ne pourra jamais établir un
fyftêm: général de navigation dans l'intérieur du
Royaume , qu'en fubftituant des canaux à toutes les
rivières dont le cours eft rapide , dont le volume des
eaux eft variable ; c'eft ce que je démontrerai dans
ma théorie générale des canaux de navigation en
parlant du Rhône & de la Garonne.
D'après l'expofé , Monfieur , que je viens de
faire , vous preffentez fans doute que le reproche
que plufieurs de ves Confrères le font permis de m'adreffer
, vous regarde uniquement. Car ces illuftres
Savans ne peuvent ignorer que les différences dont
je viens de rendre compte dans des nivellemens auffi
importans à l'objet dont je m'occupe , exigent un
travail très - long & très-pénible. Ce travail s'accroît
encore fi l'on fait que mes nivellemens ne s'accordant
ni avec les vôtres , ni avec ceux de Picard ; il
m'a fallu les vérifier avant d'occuper l'Académie de
ces différences . Vous favez , Monfieur , que je n'ai
point voulu donuer , avant de les avoir répétées plufeurs
fois , le réfultat de mes expériences fur les
moyens d'eftimer le déchet qu'éprouve par le frottement
une lame d'eau à la fortie d'un orifier , parce
que ces expériences que je fis au canal de Givors au
mois de Novembre dernier , contredifent les expé- ´
riences de Bernoulli , & celles de M. l'Abbé Boffut.
Je m'efforcerai , Monfieur , de conferver ce caractè
( 83 )
re de prudence fi néceffaire dans les fſciences exacter .
Je ne travaille ni lentement ni avec perte de tems. Je
paroîtrois plus fouvent à l'Académie , fi je pouvois
reftreindre mes idées ; file travail fait précédemment
fur les grands objets qui m'occupent eût été plus
complet. Si .... Mais j'en ai affez dit pour le Public.
J'efpere que vous me pardonnerez , Monfieur , des
obfervations qui l'intéreffent d'autant plus que la
haute réputation dont vous jouiffez en Aftronomie ,
femble devoir fixer fon opinion fur vos autres
Ouvrages. Je vous ai fouvent entendu dire , & dernièrement
à l'occafion de mon Mémoire fur le .
danger d'établir les pouffées horisontales dans les
monumens publics , que les erreurs des hommes célèbres
ne pouvoient être affez connues , fur-tout
lorfque ces erreurs conduifoient à une opinion qu'il
étoit important de déterminer. Je ne manquerai jamais
ni de courage ni d'énergie , pour mettre en
pratique une maxime qu'une fauffe délicateffe , partage
ordinaire des ames foibles ou des hommes médiocres
, peur feule s'oppofer, à ce qu'elle ne foit pas
plus généralement fuivie.
Je viens , Monfieur , de relever une erreur dans les
nivellemens dont vous avez rendu compte. Je vais
maintenant parler d'une autre nature d'erreur que je
croirois tenir effentiellement à votre opinion ; fi je
ne favois que vous ne vous êtes jamais occupé en détail
de la poffibilité d'eftimer la dépenfe des ouvragės
. Vous annoncez , art . 384 de votre grand ouvrage
fur les canaux , qu'il faudroit , pour achever l'aqueduc
de Maintenon , & avant qu'on pût eſpérer de
voir arriver la rivière d'Eure à Verfailles , ajouter le
double , c'eſt - à- dire , 44 millions aux 22 millions
que vous dites ( je ne fais d'après quelles preuves )
avoir été dépensés fous Louis XIV. Vous effrayez ,
Monfieur , par un tel apperçu . Mais lorsque dans des
projets de ce genre , on a le bon efprit de faire dif
paroître tout ce qui s'appelle luxe , magnificence ,
d 6
( 84 )
prodigalité , la dépenſe ſe réduit de telle forte qu'on
a peine à le concevoir. Vous avez vu que par ces
moyens fimples & raisonnables , j'ai pu rft . eindre à
moins d'un million la dépenſe du projet de l'Yvette
qui avoit été eftimée par MM. Perronet & de Chefy ,
à près de 8 millions ; & qu'en faifant ufage de mes
moyens , on pouvoit économier plus de 10 millions.
fur la conftruction du grand canal de Bourgogne pat
Dijon fans nuire à la folidité des ouvrages , en l'aflu
rant ,
au contraire , davantage. Je puis donc annoncer
qu'on pourra exécuter avec moins de 12 millions le
gran projet dont j'ai entretenu l'Académie , & que
s'il n'étoit queftion que de donner des eaux à Verfailles
pour les fimples befoins , en ne s'occupant pas
de plufieurs branches de la navigation intérieure importantes
à établir , la dépenfe feroit fi ordinaire
qu'il ne vaudroit pas la peine d'en parler. Vas reconnoiffez
, Monfieur , quelle prodigieufe différence-
Y a entre votre manière de voir & la mienne Mais
ceci ne doit pas vous paroître plus extraordinaire qe
lorfque j'ai établi dans un M³moire que j'adrefſai à
l'Académie en 1779 , qu'au lieu de 2454 toiles cubes
d'eau que plufieurs de vos Confrères , ainfi que vous
le rapportez art. 325 , avoient eftimé que devoit
coûter au point de partage d'un canal de navigation
le paffage d'un bateau , il n'en falloit pas même so
toifes cubes.
il
ད ལ
Au refte il faut , Monfieur , être de bonne foi . II
y a peu d'hommes en France , inftruits fur le fait
des canaux navigables. La raifon en eft fimple. Depuis
plus de 50 ans on a peu fait de travaux de ce
genre. Belidor eft le fenl Auteur qui ait écrit fur
cette matière , & tout le monde fait aujourd'hui apprécier
cet auteur. Ou ne trouve rien dans les Mémoires
de l'Académie des Sciences , de relatif à cette
partie fi importante. Le plus ancien Ingénieur de
France eft donc pour ainfi dire auffi reuf qu'un élève
à la fortie des écoles . On a beaucoup vanté le canal
de Languedoc , & le canal de Languedoc eft l'école
( 85 ).
la plus dangereufe où l'on puiffe aller étudier l'art
des canaux navigables . J'ai heureulement reconnu
il y a plus de dix ans cette vérité . J'ai ſuivi , j'ai
parcouru tous les canaux exécutés. Le canal de Givors
paroît avoir été conduit par la main du haſard.
Le canal de St. Omer eft un ouvrage qui annonce un
luxe qu'il faut je crois éviter dans les ouvrages pu
blics dont l'utilité eft le feul but. Le canal de Picardie
préfente un exemple d'économie dont les entre
preneurs ne taideront pas à fe repentir. J'en puis
dire autant du canal de Boifgelin en Provence , du
canal de Provins , du canal de Monfieur. Les canaux
de Briare , d'Orléans & de Loing , le canal de la
Brufch , le canal Crozat , tous les canaux de Flandres
& d'Hollande fe reffen ent tous du tems qui les a vu
conftruire. Vore grand ouvrage fur les canaux ,
Monfieur , confirme cewe vérité . Je ſuis faché d'avoir
peut- être fait trop appercevoir que les réflexions
que vous ajoutez à chaque article , n'annoncent
qu'un zèle étonnant pour la perfection de cette partie
fi utile au commerce , & à la fplendeur d'un grand
Etat. Mais il falloit dire au Public combien un Ingénieur
de profeſſion peut ajouter au travail d'un
grand Géomètre , d'un grand Aftronome , d'un
grand Mechanicien , quand ils auront traité des canaux
de navigation , & c'est ce que vous avez annoncé
vous-même en déclarant que vous n'aviez entrepris
cet ouvrage , qu'au défaut des Ingénieurs
qui auroient dû s'en occuper “,
De BRUXELLES , le 8 Juillet.
LA Grande affaire de la fuppreffion du
Tribunal Militaire à La Haye ne paroît pas
encore terminée. Le Stadhouder a cru devoir
faire des réclamations contre la réfolution
des Etats de Hollande & de Weft Frife ; &
ce n'eft que provifcirement qu'il a ordonné
( 86 )
au Confeil de guerre de fufpendre fes fonc
tions fur le territoire de la Province de Hollande.
Il écrivit , le r2 , une lettre à L. N. &
G. P. pour leur témoigner fa furprile tant de
leur réfolution que de fon exécution , dont on
ne lui avoit pas fait préalablement de communication.
Nous tranfcrirons ici la fubftance
des confidérations qu'il préfente à l'affemblée
, & dont il la prie de faire l'objet de fes
délibérations & de fon attention férieufe.
Il obferve d'abord qu'il exiltoit déja du tems
des Princes fes prédécefeurs Maurice , Fréderic-
Henri & Guillaume II , un haut- Confeil de guerre
qui exerçoit une jurifdiction & une autori : é fur toutes
les troupes de l'E at ; qu'il fut rétabli par Guillaume
III auth - tôt qu'il eut été revêtu de la dignité
de Capitaine Général de l'Union , & que le feu Stadhouder
fon pere le remit encore en fonction , lorfqu'il
eut été élevé à la même dignité . Il réfulte de
ces faits que depuis 35 ans ce Tribunal exifte fans
qu'on ait contefté nulle part fon autorité légale ; que
la Hollande & toutes les autres Provinces ont confenti
depuis au moins 30 ans , à porter fur l'état de
guerre les frais qu'il occafionne ; que les Etats Généraux
l'ont reconnu pour un Tribunal de 1 Union par
les ordres qu'ils lui ont fouvent adreffés ; que les
commiſſions du Préfident & du Greffier font en leur
nom , & que c'eft en vertu d'une pareille Commiffi 'n
& de leurs inftructions que l'Avocat fifcal de la Généralité
fait devant le Confeil les fonctions de Partie
publique. De ces obfervations le Prince conclut
qu'il ne fauroit penfer que l'intention de L. N. & G.
P. foit d'interdire toute jurifdiction & route autorité
à ce Confeil fur le territoire de leur Province , furtout
auffi long-tems que les hauts.Confédérés délibéreront
fur la propofition d'en retrancher les frais de
l'état de guerre . Il déclare qu'il croit que fi elles per(
87 )
fiftoient dans leur réfolution , il en résulteroit de
grandes & peut- être infarmontables difficultés , &
des fuites funeftes à l'adminiftration de la Juftice en
général , à l'honneur & à la difcipline des troupes en
particulier. Ildemande que jufqu'a ce que les hauts-
Confédérés aient prononcé fur la propofition relative
aux frais portés fur l'état de
il foit perguerre
,
mis au Tribunal de reprendre fes fonctions , & il
ajoute qu'il ne fouhaite rien avec plus d'ardeur que
de voir prendre de concert avec lui tels arrangemens
par lefquels cette affaire difcutée depuis fi long-tems
puiffe enfin être réglée d'une maniere invariable pour
prévenir tout confir de jurifdiction , fans que la di
cipline & la ſubordination fi effentielles dans le ſervice
militaire en ayent à fouffrir «.
Le Mémoire que les Directeurs de la Compagnie
des Indes ont préfenté aux Etats - Généraux
pour en obtenir un fecours de 14
millions de florins , offre l'état fuivant des
pertes de cette Compagnie pendant la guerre.
» Les Etabliflemens de Surate , Sumatra , Coromandel
, Bengale & Trinquemale ont été enlevés par
l'ennemi. L'inventaire du premier porte les effets
qui s'y trouvoient à 1,450,000 florins , & celui de Stmatra
à 350,000 . Quoiqu'on ne puifle fournir un
état auffi exact des pertes des trois autres parce qu'on
ne l'a point encore , on peut en juger par les effets
qui s'y trouvent année commune ; favoir fur la côte
de Coromandel 5,600,000 fl . au Bengale 1,800,000 ,
outre les fommes qui étoient vraisemblablement en
caiffe , dont la Compagnie fera refponfable , qu'on
ne fauroit fixer au jufte , parce que faute d'occafions
cn n'a point reçu d'avis , mais qu'on peut porter avec
probabilité à 1,000, coo . A cette perte au Bengale il
faut ajouter ce qui aura été reçu en ' errres de change
de 3,900,000 florins négociés en Hollande & dont
on ne peut fai e actuellement d'énumération exacte.
La perte effuyée à Trinquemale peut être portée à
+
( 88 )
-
200,000 florins. Il faut obferver qu'on ne compre
dans ces pertes que les effets & marchandifes , (aus y
comprendre les bâtimens & Etabliffemens , dans letpérance
дне los da traité de paix , on auta fuin à cet
égard des intérêts de la Compagnie. La prife de ces
établiſſemens offre donc feule une perte de 104 connes
d'or , ou 10,400,000 florins , Lans compter les
pertes des particuliers . Les vaiffeaux & navires
enlevés , pris ou détruits par l'ennemi forment en
core un objet d'autant plus important qu'il affecte
plus directement la caille de la Compagnie en Europe.
Dans ce nombre il faut remarquer fur tout l'en
lèvement de la Wrouwe Catherina- Wilhelmina
prife dès le premier moment de la guerre & évaluée
au moins à 500 , oco florins ; le Held Woltemate
destiné pour Ceylan en'cvé au delà du cap évalué à
900,000 ; 4 vailleaux revenant de la Chine pris &
brûlés dans la baie de Saldanha dont la cargaifon
montoit à 6,300 000 Arins & les navires à 700 030,
Il y a à déduire ce qui avoit été débarqué au cap
avant leur départ pour Saldanha , ce qu'on put
évaluer à 1,000,000 ; le vaiffea le Dankbaarheit
de retour du Bengale pris également à Saldanha évalué
à 1,400,000 ; la fire le Norbeck à 100,000 ;
e fin le Groenenda! & le Canada pris dans la baie de
Trinquemale , évalués avec leur charge à 500,000 .
Le total des pertes en vaiffeaux monte a 103 tonnes
d'or ou 10,300,000 florin . A quoi il fast encore
ajouter les frais de l'entretien des vaiffeaux que la
crainte des rifques de la guerre a fait féjourner à
Cadix & à Drontheim, ce qui monte à plus de
500,000 « ,
PRÉCIS DES GAZETTES ANGLOISES , du 30 Juin.
On croit que la taxe des quittances produira.
beaucoup au- delà de la fomme à laquelle elle a
été évaluée , & que le Gouvernement y trouvera
un excédent confidérable , qu'on pourra appliquer
au fond d'amortiffement , ou dont on difpofera fuivant
l'occafion ,
( 89 )
L'Emprunt & le Budget en général paroiffent condamnés
acarimement par le peuple , qui voit avec
peine charger l'Agriculture & le Commerce , pendant
qu'on épargne les objets de luxe. Auffi les
Miniftres doivent- ils s'attendre à bien des plaintes ;
le Lord S. a une adreffe inconcevable pour répandie
dans le public les principes qu'il defire lui faire
adop er. Sa maifon , depuis le Budget , reflemble
plus à une Bourfe de commerce qu'à la maiſon d'un
Pair ; il s'y tient des affemblées fréquentes &
nombreuſes , & l'on croit qu'il y eft rès - queſtion
des opérations actuelles de finances , & que c'eft
de-là que partent les opinions qu'on s'attache à
en donner au public.
Le prix des fonds de l'emprunt qui baiſſe jour
nellement , prouve bien évidemment qu'on avoit eu
tort d'accufer le Gouvernement de manoeuvres rela
tives à l'emprunt.
Dans les dernières conteftations , le Lord North
a agi comme il fera toujours en pareil'e occafion ,
c'eft - à - dire qu'il a conftamment été de l'avis de
S. M. De forte que le Cabinet eft partagé , & les
Whigs qui voudront refter en place feront abandonnés
à la difcrétion du Lord North. Tels font
les effets de la coalition ! Admirable union de
Membres difcordans , qui , dans le fait , ne font
que les volontés du Lord North.
Une lettre de Madrafs porte que la guerre entre
les Anglois & les Indiens peut être de longue duréé
fi ceux-ci font excités & affiftés par les François , &
fi des Officiers de cette Nation paſſent dans l'armée
d'Hyder- Aly.
Tour le bien qu'en peut attendre de l'arrangement
définitif de la paix doit néceffirement aboutir au
commerce ; car ce qui concerne les difcuffions territoriales
eft terminé dans tous les points & pour
tons lieux qui nous intéreffent . Il faut donc efpérer
qu'une grande extenfion de commerce nous dédom
magera de nos facrifices territoriaux.
( 90 )
La fureur pour les marchandifes d'Angleterre eft
fi grande aujourd'hui à Paris , que tous les Marchards
font obligés de donner un nom Anglois à
tout ce qu'ils veulent vendre. Il eft bien fingulier
que les habillemens de toutes les claffes de la nation
Françoise foient copiés d'après les nôtres , qu'on
regardoit comme fi ridicules il n'y a pas encore
Long- tems.
GAZETTE DES TRIBUNAUX ABRÉGÉE.
CONSEIL DU RO 1.
Requête Civile eft inadmisible contre un Arrêt
de partage.
LA question fi ce qu'on appelle Arrêt de partage
peut être attaqué par la voie de la Requête
Civile , a été négativement décidée au Confeil du
Roi dans l'efpèce fuivante. M. le Duc de
Charoft , Baron d'Ancenos , reclame des mouvances
qui lui font difputées par M. de Cornullier
de Luciniere , Confeiller au Parlement de Bretagne.
Rapport du procès fait en la première Chambe
des Enquêtes du même Parlement , le 17 Août
1780 , par M. de Boiftaillé , il y a diverfité d'opinions
fur un point de droit abfolument décifif ,
& qui confifte à favoir fi , avant la réformation
de la Coutume de Bretagne en 1580 , la confelidation
féodale avoit lieu en cette Province , lorfque
le poffeffeur d'un fonds roturier acquéroit le fief
dominant. - L'avis du Rapporteur est ainſi conçu :
Avant de paffer au jugement du procès , il fera
dit qu'il y a confolidation ; au contraire , celui du
Compartiteur porte : Avant faire droit fur les appellations
, tant en principal qu'en adhérant , il fera
dit qu'il n'y a confolidation. Au mois de Mars
1781 , la queſtion fur portée en la Grand'Chambre ,
―
――
(1) On foufcrit pour l'Ouvrage entier , dont l'abonnement
eft de 15 liv. par an . chez M. Mars , Avocat , tue & Hotel
Serpente.
( 91 )
de fubfifter
pour vuider le partage. Les Magiftrats , après avoir
entendu le rapport , furent , dit-on , d'avis que la
rédaction n'étoit pas régulière , parce qu'il n'y eft
point prononcé fur les fins de non - recevoir que
les Parties s'oppofent réciproquement , & parce
que MM. des Enquêtes le font partagés fur un
moyen , & non fur les demandes des Parties . Ce
qu'il y a de certain , c'eft que le partage continua)
- M. de Luciniere fi des démarches ,'
pour que M. le Duc de Charoft confentit à ce que
le partage deme. rât comme non-avenu ; il engagea
M. le Procureur - Général à fe rendre oppofant à
l'Arrêt de partage , & fit rendre plufieurs Arrêts
pour parvenir à le faire anéantir par la Chambre
qui s'étoit partagée . Ces tentatives n'ayant pas
réuffi , il fit fignifier à M. le Duc de Charoft , le
is Décembre 1781 , des Lettres de Requête Civile
contre l'Arrêt de partage. Arrêt du 17
Mai 1782 , qui entérine la Requéte civile , & remet
les Parties au même état qu'elles étoient avant
le partage , & condamne M. le Duc de Charoft
aux dépens. 26 Avril 1782 , Arrêt du Confeit
d'Etat du Roi , qui caffe l'Arrêt du Parlement de
Bretagne , du 17 Mai précédent ; déclare M. de
Luciniere non-recevable en fa Requête civile , &
renvoie en la feconde Chambie des Enquêtes du
même Parlement , pour vuider le partage .
PARLEMENT DE PARIS GRAND'CHAMBRE,
Caufe entre le nommé Moïfe Moulins , demandeur
en retrait au nom de fon fils mineur ;
nommé Flamand , acquéreur , défendeur au retrait
; Et le fieur Romagny , Huiffier , af
Signé en garantie pour raiſon de nullité dans
fon exploit.
-
- Le
UN père peut-il intenter un retrait au nom de
fon fils , avant que d'être nommé fon tuteur ? Peuton
arguer de nullité un retrait , parce que l'Huilfier
s'eft fervi pour records , dans fon exploit ,
( 92 )
d'un homme qui a été condamné à une amende
en matière criminelle , pour complicité de fauxfaunage
? Doit - on regarder cet homme contme
infâme ? Son témoignage ne peut il être reçu en
Juftice , lorsqu'il eft depuis douze ans Concierge
de prifons ? Le fieur Flamand avoit acquis un
héritage de très - modique valeur , mais dont la
convenance lui étoit infiniment précieuſe . Il croyoit
être tranquille , lorfque le nommé Moïfe Moulins ,
intenta le retrait de cet héritage au nom de fon
fils mineur , parent du vendeur , du chef de fa
difunte mère. Le fieur Moulins.fe fervit du miniftère
du fieur Romagny , Huillier , qui fe fir
affifter , comme il eft d'ufage , pour la validité
du retrait , de deux records , qui fignèrent avec lui
l'original & la copie de texploit , lequel contenoic
leurs noms , furnoms , & qualités ; il avoit d'ailleurs
obfervé fcrupuleulement toutes les formalités
requifes en matière de retrait . Les premiers
Juges ont déclaré le nommé Flamand déchu de
fon retrait. Appel de fa part & Arrêt infirmatif de
la Sentence le 21 Décembre 1782.
GRANDCHAMBRE.
Caufe entre les Prévôt des Marchands & Echevins
de la ville de Paris , Intimés , fur l'appel de leur
Ordonnance ; les fieurs Rinville , Saffroy , le
Mire , Heroy , Marchands de bois , Locataires
des chantiers , quai & hors la porte St- Bernard;
-
Et les Prieur & Chanoines réguliers de
St-Victor , Seigneurs & propriétaires desdites
maifons & terreins. Tranflation des Coches
d'eau , du port St - Paul à celui de St- Bernard.
De tout tems le port St-Paul a fervi à l'arrivage ,
embarquement & débarquement des Coches d'eau :
de tout tems auffi le quai St - Bernard , hors la
porte , jufqu'à la rue de Seine , a été deſtiné an
débardage des bois flotrés , & au commerce des
vins , auxquels la moitié de la berge fert de halle.
( 93 )
Il y a quelques années que des vues de bien pu
blic engagèrent à fermer une pa tie du bras de la
rivière qui mène au port St.Paul , par une eſtàcade
fur pilotis : cette féparation forme une garre aux
bateaux , contre les accidens qui peuvent arriver
dans le tems des glaces ; il paroît aujourd'hui que
l'ouverture ou baye qui fert de paffage aux Coches ,
entrans & fortans du port St- Paul eft devenue
trop étroite , qu'elle eft même périlleuse pour l'embarquement
& débarquement des Coches. Les entrepreneurs
qui ont traité à la fin de l'année dernière
avec le fieur Collet d'Hauteville , Adjudica-
, taire général du bail de toutes les voitures , tant
par terre que par cau , frappés des inconvéniens
qu'on vient d'expofer , ont follicité du Bureau de
la Ville une Ordonnance de tranflation de l'arrivage
des Coches au port St- Paul , à celui de Saint-
Bernard , fur lequel ils ont choifi cinquante toifes
de largeur entre la rue de Seine & le chantier
dit la Maifon rouge , qui eft au- deſſus de la hal e
' aux vins. Le 24 Mars dernier , le Bureau de la
Ville a rendu fon Ordonnance ; elle contient trois
diffofitions : la première ordonne ladite tranſlation
pour le premier Avril fuivant : la feconde accorde
pour le nouvel emplacement des Coches , cinquante
toifes , à partir de 60 au -deffus du pavé de la halle
aux vins la troisième révoque les permiffions accordées
aux Marchands de bois flottés , & leur
enjoint de faire le tirage des bois dans les endroits
qui feront indiqués par le Bureau ; enfin , l'exécution
de ce jugement eft ordonnée nonobftant oppofition
ou appellation quelconque. Les Marchands
de bois du grand chantier de St-Victor , ceux de
la Fleur-de- Lys & du Cadran bleu , dont la berge
eft destinée au nouvel établiſſement des Coches ,
& les Chanoines de St Victor , propriétaires de ces
terreins , fe font rendus Appellans de cette Ordonnance
, & ont obtenu un premier Arrêt de défenſe ,
qui a renvoyé les Parties à l'audience , toutes chofes
:
-
(
94
I
> demeurantes en cet état. Arrêt du 24 Mai 1783
qui a envoyé la caufe au 1er Samedi de Juillet prochain
, toutes chofes demeurantes en états pendant
lequel tems il feroit fait , par un Commiffaire de la
Cour , affifté d'un Ingénieur des ponts & chauffées ,
une vifite des lieux choifis pour le nouvel emplacement
des Coches , pour s'affurer des avantages ou
défavantages de la tranflation ; à laquelle vifite feroient
appellées les Parties intéreffées qui pourroient
faire tels dires , obfervations & requifitions qu'elles
jageroient convenables , dont feroit dreffé procèsverbal
enſemble de celles que pourroient faire toutes
les perfonnes préfentes à la vifite.
PARLEMENT DE NORMANDIE.
Contestation entre la Police Royale du Bailliage
de Rouen & le Haut-Jufticier d'Emandreville ,
dont la Jurifdiction s'étend dans la Paroiffe de
St-Sever , fauxbourg de Rouen . - Compétence.
Le fauxbourg St- Sever , féparé de la Ville par
le pont de bateaux , eft partagé , quant à la Juſtice ,
entre le Bailli de Rosen , Juge-Royal , & plufieurs
Hautes Juftices : celle d'Emandreville , appartenante
à M. le Prince de So bife , fe tient dans une des maifons
de ce fauxbourg. Le premier Mars 1780 ,
Me Beville , Commiffaire de Police du Bailliage de
Rouen , a donné des approchemens ( 1 ) à 14 particuliers
, dont 8 font jufticiables d'Emandre ville"
pour n'avoir point balayé devant leur porte . L'un de ces
8 particuliers , nommé Pain , Concierge , Sergent
de cette Haute-Juftice , & fe qualifiant Commiffaire
de Police de cette Jurifdiction , condamné comme les
autres , au Bailliage de Rouen , a exécuté la Sentence
; mais , M. le Prince de Soubife prétendant
que cette Sentence étoit un attentat aux droits de
fa Haute-Juftice , en a interjetté appel en la Cour
où il a intimé Me. Beville & le Procureur du Roi
(1 ) Ce terme répond à celui d'affignation .
( 95 )
de Police du Bailliage , en fon nom perfonnel
& a conclu contre lui aux dépens . Intervention des
Commiffaires , La Cour , par ſon Arrêt du 3
Aviil 1783 , conforme aux Conclufions de M.
Charles , Subftitut , faifant droit fur l'appel , a mis
l'appellation au néant ; ce faifant , a maintenu les.
Commiffaires de Police du Bailliage de Rouen dans
le droit de dreffer tous procès-verbaux contre les
délinquans à la Police , dans la ville & fauxbourgs
de Rouen , & a condamné le Prince aux dépens .
CAUSE EXTR. DU JOURN , DES CAUSES CÉLÈBRES ( 1 ).
PARLEMENT DE PARIS.
Penfion alimentaire démandée par une mère à sa
fille mariée,
Parmi les devoirs des enfans envers leurs père
& mère , un des plus facrés eft , fans doute , de
leur fournir la fubfiftance lorfqu ils font dans la
misère. Malheur à l'enfant qui refuferoit d'acquitter
cette dette ! Il outrageroit à la fois , la
nature , la religion & les loix. La juftice , indignée
, devroit imprimer fur le front du coupable
un figne d'opprobre ineffaçable , & l'abandonner
au mépris public : elle vengeroit , par ce jufte
châtiment , les liens les plus refpectables qui unif
fent les hommes . Heureuſement notre ſiècle , malgré
la dépravation des moeurs , voit rarement des
exemples d'infraction de ce premier des devoirs
des enfans. Celui que nous allons citer n'offre
point le fpectacle d'un refus révoltant de fournir
des alimens à ceux dont on a reçu le jour. C'eſt
une fille qui pré- end que la mère ne peut lui demander
une penfion , & qu'elle doit vivre dans la
maison, Ainfi l'obligation en elle - même n'étoit
pas conteftée ; il s'agiffoit feulement de fixer la
manière dont elle devoit être remplie. Un des
(1 ) On foufcrit pour ce Journal chez M. des Effarts , Avo
cat , qui nous a fourni lui- même cet extrait , & chez Mérigat
le jeune , Libraire ; prix 18 liv. & 24 liv. pour la Province.
( 96 )
&
plus éloquens Magiftrats du Royaume a porté la
parole dans cette caufe. Il a développé , avec cette
élévation & cette fenfibilité qui caractérisent lá
véritable éloquence , & qui accompagnent toujours
les grands talens , les principes qui doivent
fervir de règles dans cette matière importante ,
qui avoient leur application à l'espèce dont nous
allons rendre compte. La dame Berthelot eft fille
de la dame Triftan ; mais depuis le moment de
fa naiffance , des fecours étrangers ont pourvu à
fa nourriture , à fon éducation & à fon établiſſement.
Sa mère n'a jamais rieu dépensé pour elle.
Parvenue à l'âge d'être mariée , elle a époufé le
feur Berthelot , Horloger à Petiviers , & ne lui a´
porté en dot que fes talens & fes vertus. Peu de
tems après fon mariage , la dame Triftan , étant
fans reffource , vint trouver la dame Berthelot fa
fille , & lui demanda , à ce titre refpectable , de
la recevoir chez elle. La dame Berthelot , quoiqu'elle
n'eût jamais rien reçu de fa mère , l'accueillit
avec tous les fentimens dont la nature lui
faifoit un devoir. Mais bientôt l'incompatibilité des
caractères & dés humeurs de la mère , de la fille
& du gendre , faifant naître des différends fréquens
entre la mère & les enfans , la dame Triftan
trouva trop dure la vie commune avec les
enfans. Elle quita la maifon de fon gendre & de
fa fille , & les fit affigner pour les faire condamner
à lui payer une penfion alimentaire de 300 I.
Les fieur & dame Berthelot , qui avoient bien
voulu faire partager à leur mère & belle - mère
leur vie commune , n'étoient pas allez riches pour
pouvoir diftraite une penfion en argent , quelque
modique qu'elle füt . Ils avoient à peine 350 liv.
de rente , & ne vivoient d'ailleurs que du produit
de leur travail. Par Arrêt du 5 Août 1782 , la
dame Berthelot a été condamnée , fuivant fes offres
, à recevoir fa mère chez elle , à la nourrir
& à pourvoir à fes befoins dans fa maiſon.
JOURNAL POLITIQUE
DE BRUXELLES.
TURQUIE.
De CONSTANTINOPLE , le 12 Juin.
Tou
ous les mouvemens qu'on voit dans
cette Ville & les environs , les nouvelles
conftructions ordonnées dans nos
chantiers des vaiffeaux de guerre & de
plufieurs autres bâtimens , qui vont tant à
voile qu'à rames , les fréquentes affemblées
du Divan auxquelles le Capitan Bacha paroît
affidument quoiqu'il ait fait déja fa fortie publique
avec fa flotte , femblent nous préparer
à la guerre. L'ultimatum de la Ruffie n'eft
point encore arrivé comme on l'avoit cru ;
on prétend qu'on pourra le recevoir par
un nouveau Courier qu'attend le Miniftre
de cette Puiffance ; il mettra fin à notre
incertitude , & nous apportera enfin la paix
ou la guerre. Le peuple mécontent de ce
qu'on dit des prétentions de la Cour de
Pétersbourg , defire & demande une rupture.
19 Juillet 1783.
e
( 98 )
Les mouvemens qu'on remarque par- tout ,
font croire que le Gouvernement la juge
inévitable. Il a été fait des changemens dans
plufieurs Commandemens de Provinces. Le
plus important dans la circonftance actuelle
eft la nomination d'Haznadar , Ali - Pacha , au
Gouvernement d'Oczakow, qui a déja défendu
cette place dans la dernière guerre contre
la Ruffie.
Le Mufti Ibrahim- Effendi vient de mourir
fubitement ; on a attribué cet évènement à
une taffe de café préparée. Cette mort ne
paro cependant pas avoir d'autre cauſe
que l'âge avancé de ce Chef de la Loi ; il
avoit 90 ans . Son fucceffeur Nurri Effendi a
blanchi dans les affaires , & paffe pour avoir
beaucoup de connoiffances & d'excellentes
qualités.
Un décret publié la ſemaine dernière défend
aux domestiques & à la baffe claffe da
peuple l'ufage des étoffes des Indes ; cette
loi qui excite quelques murmures , a peutêtre
pour objet d'occuper le peuple & de
détourner fon attention des affaires publiques
.
Le Kiflar Aga & le Grand Ecuyer du
Grand Seigneur ont été déposés.
On a reffenti une légère fecouffe de tremblement
de terre le premier de ce mois ;
mais elle n'a caufé aucun dommage . Nous
fommes menacés d'un autre fléau qui fera
fans doute plus terrible ; la pefte fe manifefte
de nouveau & commence à faire fentir
fes ravages dans cette Ville.
( 99 )
RUSSIE.
De PÉTERS BOURG , le 10 Juin.
L'IMPERATRICE fe difpofe à partir le 20
de ce mois de Czarsko- Zélo pour le rendre
à Frédériks-Ham , petite Ville & port fur
les frontières de la Finlande Rufle & Suédoife
, les chevaux deftinés à lui fervir de
relais font déja partis d'ici pour être diftribués
fur la route. S. M. aura une entrevue
avec le Roi de Suède , qui en faiſant la revue
de les troupes dans la Finlande , pouffera
jufqu'à Frédériks Ham. La fuite de l'Impératrice
fera compofée de la Princeffe Dafchkow
de deux Dames d'Honneur , du
Comte Iwan-Czernichew , Vice Préfident
de l'Amirauté , de M. Narischkin , Grand-
Ecuyer , du Comte de Stroganow , de M.
Besborodka , Général - Major & Secrétaire du
Cabinet de S. M. I. , du Prince de Galitzin
le même qui avoit été chargé de compli
menter le Roi far la naiffance du Duc de
Smalande , & du Chambellan Narischkin ,
fils du Grand - Ecuyer.
,
Au retour de S. M. I. on formera un
camp dans le voifinage de cette Capitale
pour exercer les troupes qui en compofent
la garniſon , & il eft vraisemblable qu'elle
affiftera à leurs manoeuvres ; on dit auffi
que fi la guerre éclate , comme on a lieu
de le craindre , le Grand-Duc fe propofe de
faire une campagne.
e 2
( 100 )
DANEMARCK,
De COPENHAGUE , le 20 Juin.
LE Baron de Spreng Porten , Miniftre de
la Cour de Suède , eft parti pour Stockholm.
Il fe propoſe de paller fix mois - dans
fa patrie.
Il eft parti ces jours derniers un bâtiment
deftiné pour l'Amérique Septentrionale , &
un fecond deſtiné pour Ste-Croix.
Le Teneur de livres de la Compagnie Afiatique
qui s'étoit réfugié en Suède , eft revenu
ici en vertu d'un fauf conduit du Roi ; la
Compagnie a follicité elle - même ce faufconduit
, parce qu'elle a befoin de plufieurs
éclairciffemens que feul il lui peut donner.
Dans la dernière affemblée elle a élu deux
nouveaux Directeurs , qui font MM. Zinn
& Erichfen. Ses actions fe font vendues ces
jours paffés 1131 rixdahlers ; & celles de la
Compagnie des Indes Occidentales 318.
SUÈDE.
De STOCKHOLM , le 8 Juin.
LE bulletin du malheureux accident arrivé
au Roi par la chûte qu'il fit le 12 en
faifant manoeuvrer les troupes , ne contient
rien qui ne doive nous raflurer . L'espérance
d'une prompte guérifon eft fondée fur l'efpèce
de la fracture que les Chirurgiens ne
regardent pas comme dangereufe , & fur la
( 101 )
་
tranquillité , la patience & la fermeté de
S. M. Elle fe fit tranfporter fur - le- champ à
Tawaftehus , où elle a trouvé tous les fecours
& toutes les commodités que fon état
pouvoit exiger. On avoit cru que cet accident
pourroit retarder l'entrevue qu'elle
doit avoir avec l'Impératrice de Raffie ;
on apprend qu'elle aura toujours lieu le 30.
Le Baron de Wreide , Chambellan , eft parti
pour Frederiks - Ham , où il va en informer
S. M. I.
L'inoculation de la petite vérole du Prince
Royal a eu le plus grand fuccès ; il eſt main- ,
tenant parfaitement rétabli , & la Reine
recevra demain les complimens à cette occafion.
POLOGNE.
De VARSOVIE , le 18 Juin.
M. Archetti , Nonce du St - Siége ici , eft
parti d'ici le 14 de ce mois pour Pétersbourg ,
où il va terminer les différens objets pour
lefquels cette Cour s'eft adreffée à celle de
Rome ; le Coadjuteur de Plocko fera les
affaires de la Nonciature pendant tout le
tems qu'il refera abfent.
L'Impératrice de Ruffie a bien voulu être
la marraine de l'enfant , dont la Comteffe
de Branicka eft accouchée depuis quelque
tems ; le 22 du mois dernier il a été baptifé
par l'Archevêque de Mohilow ; c'eſt le
Feld Maréchal Comte de Romanzow qui l'a
c 3
( 102 )
tenu fur les fonts au nom de la Souveraine .
Cet enfant a déja été nommé par l'Impératrice
Officier au premier régiment de fes
Gardes ; & cette Princeſſe a fait remettre à
fes parens une épée d'or enrichie de diamans
qu'elle lui deftine .
ALLEMAGNE.
De VIENNE , le 28 Juin.
ON mande de Lemberg que l'Empereur
y eft arrivé le 24 de ce mois , & qu'il y
féjournera jufqu'au 4 du mois prochain ;
fa marche au fortir de cette Ville n'eſt pas
connue , non plus que l'époque de fon retour
dans cette Capitale.
On vient de publier une déclaration de
l'Empereur , en date du 28 Avril dernier ,
& conçue ainfi :
Il a été défendu par une Ordonnance antérieure
de s'adreffer à Rome au fujet de la réfignation des
Canonicats qui s'obtiennent par collation papale en
faveur d'un tiers . Nous déclarons par la préſente
qu'en général les réfignations des Bénéfices Eccléfiaftiques
faites en faveur d'un tiers ne feront permifes
ni va'ables en aucun cas , foit qu'elles aient
été faites du gré du Souverain Pontife , ou fans le
confentement du St - Siége «.
On dit qu'au retour de l'Empereur , il y
aura encore quelques fuppreffions de Couvens
qui tomberont principalement fur les
Ordres Mandians .
On raconte l'anecdote fuivante du
de S. M. I.
»
voyage
Le chariot qui porte fa cuifine part ordinaire(
103 }
ment 2 heures d'avance ; mais un jour il fut fuivi de
fi près par l'Empereur que les cuifiniers arrivés au
gîte avoient eu à peine le tems d'allumer le feu pour
préparer le repas . Le Prince imagina d'aller tout
feul & dans le plus grand incognito au Presbytère
où il trouva la table fervie pour 4 perfentes ; il y
dîna avec le Curé & 2 Chapelains ; le Sacriftain à
qui la quatrième place étoit deftinée fut obligé de la
lui céder. Après le repas l'Empereur fe faifant connoître
caufa dans le premier inftant la plus vive émotion
aux 3 Eccléfiaftiques ; ils fe remirent cependant
bientôt par la bonté de S. M. I. qui leur fit porter
par les gens le dîner qui lui avoit été préparé pendant
qu'il partageoit le leur , avec des préfens parmi
lefquels il y en avoit pour le Sacriſtain « .
De HAMBOURG , le 2 Juillet.
On n'a encore aucune nouvelle pofitive
fur l'état des négociations entre la Ruffie &
la Porte. S'il faut en croire plufieurs lettres
les prétentions qu'on forme contre la der
nière de ces Puiffances , ne lui laiffent que
le choix de la guerre , parce qu'elle ne
peut confertir aux facrifices qu'on lui de--
mande pour la paix.
Sahin Gueray , difent ces lettres , indépen
dant dans fa prefqu'ifle , exige aujourd'hui qu'on
Li abandonne encore la Tartarie de Budziack ; &
un grand nomb e des habitans de cette contrée inf
truits d'une demande qui ses expofe à tous les maux
- inévitables dans un pays qu'on le difpute & qui peut
porter une partie du poids de la guerre , l'abandonnent
pour le réfugier fur les terres de la Ruffie ; on
évalue le nombre de ces émigrans , qu'on exagere
fans doute , à 700,000 . Le deffein de Sahim Gueray
& celui de la Ruffie paroiffent être de s'emparer
€ 4
( 104 )
d'abord d'Oczakow , qu'on dit depuis long- tems
menacé , & où le Capitan Bacha inftruit de ces bruits
envoya le 24 Mai dernier un petit bâtiment pour
prendre des informations . La Cour de Pétersbourg
icfifte fur la liberté de la navigation dans la mer
Noire & de là par le détroit des Dardanelles dans
l'Archipel. Si elle l'obtenoit elle porteroit la navigation
& fon commerce au plus haut degré de
prospérité ; elle établiroit une communication libre
entre la mer Baltique , la mer Noire & la Méditerranée
; & elle pourroit abréger la navigation aux
Indes -orientales par la mer Cafpienne , ce qui fans
contredit opéreroit une révolution générale dans la
navigation & le commerce de toutes les Puiffances
Européennes «
Les mêmes lettres reviennent aux prétentions
que peut former la Maifon d'Autriche ,
dont les difpofitions font couvertes d'un
voile impénétrable , & dont les armemens
peuvent n'avoir d'autre objet que d'obferver
ceux de la Ruffie & de la Porte , & de main.
tenir la tranquillité fur fes frontières ou avoir
celui de foutenir auffi des prétentions . On lui
fuppofe le defir d'obtenir la reftitution de
tout ce qui , par la paix de Belgrade , a été
cédé à la Cour Ottomane , la Walachie jufqu'à
la rivière d'Aluza , la Servie avec Belgrade
, la montagne près de Somocz , une
grande partie de la Bofnie , la liberté de
la navigation fur le Danube & un commerce,
illimité avec toutes Provinces Tufques en
acquittant des droits qui feront fixés à une
taxe modérée ..
>>
» Cherfon , lit-on dans une lettre de Pologne ,
paroît être le point de réunion des troupes Rules
(
105 >
deftinées à agir contre les Turcs . Le Prince Potemkin
a dû y arriver le 21 du mois dernier ; il a reçu
avant fon départ de Pétersbourg des inftructions pré
cifes de l'Impératrice dans une audience qui a duré 4
heures. Un canot expédié immédiatement à Conf
tantinople porte , dit- on , au Miniftre de 1 Impératrice
fes dernieres propofitions ; & fur la réponſe
qu'y fera le Grand- Seigneur , & que le Miniftre fera
paffer fur - le- champ à Cherfon , le Prince Potemkin
agira conformément aux ordres de S. M. I. «
Les mouvemens dans les Etats héréditaires
de l'Empereur ne fe rallentillent pas
non plus.
» Il nous eft arrivé , écrit- on de Presbourg en
date du 18 , quatre bâtimens chargés de munitions
de guerre , & nous en attendons encore onze aujourd'hui
; la femaine dernière on a embarqué 400
artilleurs qui doivent fe rendre fur nos frontières ,
où il défile continuellement des troupes. Les régimens
en garuifon dans la Stirie , ont pris la route de
Fiame & de Buckari ; leur miffion eft d'en couvrir
les côtes & de les défendre en cas de befoin. On
conftruit dans le Texel quantité de bâtimens de différentes
grandeurs , dont on ne compte pas moins de
foo . On paroît s'attendre par tout à une campagne
prochaine qui pourra être prolongée fort
avant dans l'hiver ; on dit que l'Empereur a ordonné
de faire 18 000 lits pour le fervice de les troupes ,
dont les mouvemens feront réglés fur ceux des armées
Rufle & Turque «,
On lit dans une lettre de Copenhague
que la Compagnie Afiatique a reçu des nouvelles
de fes établiffemens , en date du s
Octobre de l'année dernière . Elles portent ,
dit- on , qu'au mois de Février de la même
année un gros corps d'Indiens avoit formé
CS
( 106 )
le deffein de ſurprendre cette place ; & que
l'arrivée de l'efcadre de M. de Suffren dans le
port le fit heureufement é houer.
» On a vu paífer ici , écri -on d'He fingor , fix
bâr mens François ; ce font la Néceffité de soo tonneaux
, Capitaine M de Bonaventure ; l'Aniproye
de même grandeur , Capitaine M. de Montend e;
la Guyane de 450 , Capitaine le Chevalier de Clof
nard ; la Dordogne , la Loire de 350 commandés
par M. du Clefme rs & le Chevalier de Roquefeuil ;
& le Fréderic- Guillaume de 500 par le Comte de
Puységur Cinq de ces vaiffeaux portent 24 canons ;
ils appartiennent au Roi de F ance & font commandés
par des Officiers de fa Marine «.
La Hollande qui envoyoit autrefois plus
de 90 bâtimens à la pêche de Groenland ,
n'en fait partir cette année que 39. Les Villes
maritimes d'Allemagne ont auffi diminué
le nombre des leurs . On n'en compte que
28. pour cette Vil'e & celles d'Altona ,
Gluckstad & Brême.
» La tolérance , écrit-on de Nemrod dans l'Ukraine
, fair ici des progrès. Un aflez grand nombre
de Proteftans étoient venus s'y établir depuis quelques
années ; le Comte Vincent Potocki , Grand-
Chambellan de Pologne , ne s'étoit pas borné à leur
accorder une protection ſtérile , il leur avoit fait des
avances en argent juſqu'à la concurrence de 120,000
forins ; il leur avoit enfin permis de bâtir une églife.
de leur rit , c'eft la première que les Proteftans auront
en dans l'Ukraine ; le Comte Potocki en a pofé
lui-même la première pierre le 4 da mois dernier
avec toutes les folemnités ordinaires en cette occafion
«.
- On lit dans une lettre de Munich , en date
du 27 Juin , les détails fuivans :
1
( 107 )
» Dimanche 22 de ce mois , à fix heures
du foir , les eaux de l'Ier qui baignent cette
réfidence Electorale , & les fauxborgs , fortirent
tout à coup de leur lit avec une telle impétuofité
, que dans un inftant l'alarme & l'épouvante
furent générales. Le danger que courorent les ha->
bitans les plus voifins de ce torent , fu . fi preflant ,'
qu'ils ne trouvèrent de sûreté que dans une fuite
précipitée. En m . ins d'une heure les habitations &
les jardins de tout le fauxbourg de l'Au , & du quar
tier de Lechel , furent couverts de plus de huit pieds
d'eau. Chevaux , beftiaux , qu'on n'avoit pas eu le
tems de faire fortir des écuries & gagner les hauteurs
peu éloignées , furent enlevés par la rapidité:
du courant , les uns avec tout le menu bétail noyés ,
les autres portés fur un terrein fubmergé déja ; ,
mais trop peu encore pour qu'il ne puffent pas y
prendre pied , & être préfervés. Les radea x dont
une grande quantité étoit raffemblée dans les environs
furent brifés ; & les poutres volumineules
dont ils étoient compofés , difperfées çà & là , renversèrent
les murs & les maifons les moins folides
contre lefquels elles furent jettées . Le lendemain 23,
les campagnes étoient enfevelies fous les caux à plus
de deux lieues à la ronde , au point que les légu
mes de toute efpèce , dont on fait ufage dans ce
pays - ci , & l'Allemagne en général , les fourrages
pour la plus part coupés déja , & les grains qui
donnoient les espérances de la récolte la plus opulente
, font totalement perdus & dévaftés . Le pont
qui traverse l'Ifer du côté de Lechel , & qui fupporte
des canaux , au moyen defquels prefque toutes
les maifons de cette réfidence , & les fontaines
publiques font pourvues d'eau , fut renversé par le
choc redoublé des pièces de bois mêlées , comme
on l'a remarqué , de glaçons d'une groffeur énorme
qui l'attaquèrent ; en un mot , toutes les digues &
éclufes furent emportées par ces maffes prodigieue
6
( 108 )
fes. La perte occafionnée par ce débordement fubit
fe monte , autant qu'elle peut être évaluée dans le
moment à près d'un million de France .
>
Ce
fléau n'a heureufement coûté la vie à perfonne de
cette Ville & de fes fauxbourgs. On en eft redevable
au nommé Antoine Fleck , natif d'Ausbourg ,
Grenadier dans le Régiment des Gardes à pied , au
fervice de l'Electeur. Če brave homme , appercevant
hommes , femmes & enfans au nombre de fept ,
qui furpris par la crue des eaux , n'avoient pu échapper
, luttoient contre le torrent , fe déshabilla fur -lechamp
, fe jetta à la nage , & au rifque de perdre
fept fois la vie , fut affez heureux pour la fauver à
ces fept perfonnes , qui compofoient une même famille.
Il fit plus , ces malheureux pleuroient une
vache qui étoit tout leur bien , & que le courant
emportoit ; ce Grenadier pour les confoler , brava
de nouveau le danger , il atteignit l'animal , monta
deffas , & l'encouragea tellement qu'il lui fit gagner,
non fans beaucoup de peines , le bord de la rivière ,
& le conduifi: fain & fauf à fes maîtres. On ne
doste pas que le Gouvernement inftruit de ces preu -
ves généreufes & fgnalées d'humanité , de courage ,
& de fenfibilné don ées par ce Soldat , ne s'occupe
de lui procurer la jufte récompenfe qu'il mérite .
On n'a plus rien à redouter de l'inondation . Les
eaux baiffent fenfiblement , & font à peu de chofe
près dans leur lit accoutumé ; mais la vaſe amoncelée
dans les ja dins , & dans la campagne , infecte
l'air , & occafionne des brouillards épais & continuels
, qui caufe des maladies , & des fièvres devenues
pre que épidémiques . Nous ignorons encore
le ravage & les malheurs que ce débordement
aura pu caufer dans tout le cours de l'Ifer , depuis
les confins du Tirol , où elle prend ſa ſource , juſqu'au
Danube , où elle fe jette entre Straubing &
Pallaw ❝.
( 109 )
ITALIE.
De FLORENCE , le 23 Juin.
ON éprouva ici hier , entre 5 & 6 heures
du foir,unefecouffe de tremblement de terre ;
ce mouvement qui a été obfervé généralement,
paroît être le contre- coup d'une fecouffe
plus violente qu'on fuppofe , avec
raifon , avoir eu lieu ailleurs.
» La guerre qui menace d'éclater dans le Levant ,
fixe l'attention de tous les Etats qui ont quelque part
au commerce de cette partie , & fur - tout de ceux
qui ont des poffeffions dans l'Archipel . La République
de Venife s'occupe à mettre les fiennes en état
de défenfe , & à l'abri de toute invafion qui pourroit
être tentée par les Puiffances en guerre & qui favent
le parti que celle qui s'en empareroit pourroit en
tirer , foit pour obferver les mouvemens de fon
ennemi , foit pour le priver des avantages qu'il
pourroit en tirer pour repofer fes flottes & les rafraîchir
«.
On lit dans quelques lettres de Tripoli
les détails fuivans :
» Le Bey de cette Régence ayant calculé qu'il lui
feroit plus avantageux d'occuper les navires aux ob.
jets d'importation ou d'exportation néceffaires à fon
pays , avoit fait équiper fes corfa res en marchandifes
, & il en étoit parti une divifion ; mais au bout
de quelque tems on a vu rentrer un de ces corfai es
marchands qui , à l'afpect d'un navire Napolitain
dont la cargaifon eft eftimée 1500 fequins , a oublié
qu'il étoit commerçant pour le fouvenir qu'il
étoit auparavant pirate , & il s'eft emparé de ce bâtiment
qu'il a conduit à Tricoli. Il paroît qu'il tera
difficile de changer l'inclination naturelle de ces
( 110 )
peuples , ou de détruire leur habitude du pillage ;
il feroit fâcheux que le Bey für perfuadé par ce premier
effai que le projet qu'il a conçu eft d'une exécution
impoffible , & qu'il y renonçât « .
ESPAGNE.
1
De MADRID , le 17 Juin.
D. Louis de Cordova , Commandant en
chef des forces navales , & le Comte de
Xerena , Capitaine- Général de la côte de
Grenade , font arrivés ces jours derniers à
Aranjuez.
On parle toujours beaucoup de l'expédition
de Carthagêne ; c'eft le nom que l'on
donne à celle que l'on dit avoir Alger pour
objet , par ce que c'eft dans ce port qu'ont
été raffemblées les forces qu'on y deftine.
D. Antonio Barcelo eft arrivé le 19 Mai ; il
en eft parti enfuite fur une chaloupe pour
fe rendre à A'icante , port qu'on juge mieux
fitué pour entreprendre une expédition furles
côtes de Barbarie .
» Le fameux Jofeph-Antoine Oliveira de Machado
, écrit-on de Lisbonne , vient de mourir dans
un couvent d'Evora. Il a fait venir avant d'expirer
deux Notaires & des témoins en préſence defquels
il a fait , dit-on , une longue déclaration dont rien ne
tranfire , mais qui pique d'autant plus la curiofité
qu'on fait qu'il avoit été le confident du feu Marquis
de Pombal , Juge du Tribunal de l'Inconfidence ,
Podeftat de Belem & principalement chargé de fes
ord es dans l'inftruction & le jugement des procès .
importans qui furent terminés à la fin de 1758 &
exécutés au commencement du mois de Janvier fui(
III )
&
vant. L'Evêque de Coimbre auquel on avoit reproché
d'a oir permis que les obsèques du Marquis
de Pombal fuffent célébrées avec trop de pompe ,
que l'on avoit mandé à la Cour à cette occafion
n'eft pas encore retourné dans fon diocèſe ; il eſt
dans une maison de campagne aux environs de
Lisbonne où il attend la permiffion de partir «.
ANGLETERRE.
De LONDRES , le 7 Juillet.
PARMI les nouvelles arrivées de New-
Yorck , il y en a une à laquelle on ne s'attendoit
guère dans la circonftance préfente ;
& qui ne paroîtra pas peu extraordinaire.
dé-
La goele te la Dove arrivée de St - Auguftin ,
nous apprend que le Major de Vaux , à la tête de
300 hommes tant matelots que troupes de terre ,
barqua fur l'ifle de New- Providence , & que le 8
ayant pointé un canon devant les quartiers du Gouverneur
& lui ayant fait la fommation d'ufage , il
s'etoit rendu fans réfiftance , de forte que l'ifle &
fes dépendances & 350,000 piaftres étoient tombés
entre nos mains Si cette expédition a été réellement
faite , elle eft poftérieure à la publication de la ceffation
des hoftilités , & tout doit être reftitué ; il eft
vraisemblable que fi nos troupes , ce qu'on a de la
peine à fuppofer , ignoroient cette publication , les
Efpagnols en étoient inftruits , & que c'eft certe raifon
feule qui les a déterminés à épargner le fang humain
, & à rendre une ifle & des effets que conformément
au traité nous ne pouvons garder . «.
Toutes les lettres confirment ce qu'on a
dit de la réfolution des Allemands à refter
en Amérique ; parmi les priſonniers de cette
( 172 )
Nation qui ont été faits pendant la guerre' ,
& dont on attend le retour , on n'en compte
guère que 800 , qui ne forment pas la dixième
partie de leurnombre ; & ceux- ci ne femblent
revenir à New- Yorck que par ce qu'il leur
eft dû de gros arrérages de leur folde. Ce
goût pour former des établiffemens dans le
pays où on les a conduits pour faire la guerre ,
eft devenu général à tous nos foldats ; les
Allemands l'ont communiqué aux Anglois ,
dont un grand nombre a demandé & obtenu
fa retraite.
» L'Affemblée de Virginie a fupprimé la prohibition
d'importer des marchandises de manufactures
Britanniques ; elle a contribué au paiement de la
dette publique par l'établiſſement de quelques impôts
qui feront levés jufqu'à ce qu'elle foit acquinée
& qui confiftent en 5 pour cent fer les produits des
terres , autant fur les marchandiſes qui viendront
d'Europe, & un pour cent fur celles qu'on apportera
des Indes occidentales . Elle a mis plus de modération
dans le traitement qu'elle fait aux réfugiés de
cet Etat ; elle leur permet de revenir & n'excepte
que ceux qui ont porté les armes contre leur pays.
Les malheureux qu'on a faits prifonniers à la
tête des Sauvages qui ont infeité les frontières de
cer Etat & de ceux de Maryland & de Penfylvanie ,
font le Capitaine Monrò , du Corps Royal d'Yorck ,
qui établi dans le Canada avoit acquis quelques propriétés
près da lac de Saratoga, & le Sergent Ferguffon
qui avoit d'abord appartenu au 26 ° régiment & avoit
été fant enfuite Capitaine dans le Corps des Chaffeurs
da Major Roger . On déplo e le fupplice qu'on leur
a fair fubir ; mais il n'étoit pas poffible de faire autrement
fi l'on vouloir mettre fin aux brigandages
des Sauvages , & fauver les habitans des frontières
( 113 )
du Tamawhac & du Scalpel . Si quelque Commandant
du Roi en Amérique ofoit employer encore ces
moyens de nuire & exciter les Sauvages à ces excès ,
il mériteroit d'être cité au Parlement pour recevoir
un châtiment exemplaire «<.
Les mêmes lettres en faifant mention des
améliorations introduites dans le commerce
& l'agriculture , obfervent que l'année dernière
la Virginie a produit la récolte la plus
abondante des différens grains cultivés en
Europe , que la meilleure qualité de tabac ,
celui dont le parfum eft le plus agréable
& qui fe cultive fur les bords de la rivière
d'Yorck , s'eft tellement multiplié , qu'il ouvre
la plus riante carrière à nos fpeculateurs.
» Le 30 du mois dernier le Lord John Cavendish
préſenta à la Chambre des Communes deux mellages
du Roi. Le premier portoit qu'en confidération
des fervices de l'Amiral Rodney S. M. avoit jugé à
propos de lui accorder une penfion de 2000 1. ft.
reverfible à fes deux plus proches héritiers ; le fecond
avoit également pour objet une penfion de
1500 l . ft. pour le Général Elliot révertible à fon
fis. S. M. ne pouvant charger la lifte civile au -delà
de fa propre exiftence , demandoit à la Chambre des
Communes de faire les fonds de ces deux penfions .
Ces meflages renvoyés au Comité de veies & de
moyens qui eut lieu le premier de ce mois , furent
pris en confilération. Le Lord John Cavendish
commerça un petit difcours far la légitimité de ces
dons que perfonne ne lui contefta , & ayant ajouté
quelques mots relativement à l'époque où commenceroient
ces penfions , il fur interrompu par un cri
général qui s'éleva & qui nomma le 12 Avril de
l'année derniere , & le 13 Septembre fuivant pour
celle de Général Elliot. Le Chancelier de l'Echiquier
s'arrêta en conféquence à ces époques , & il propola
( 114 )
ainfi les difpofitions de S. M. à l'égard de la penfion
de l'Amiral . Il a un petit - fils très-jeune qui héritera
de fon titre , mais qui peut mourir de bonne heure
& fans lignée , de maniere que ce titre pafferoit alors
au fecond fils de l'Amiral ; l'intention de S. M. eft
que dans ce cas la penfión revienne auffi à ce dernier.
La Chambre ne forma aucune objection , & le bill
qui autorife S. M. à accorder ces dons fut ordonné.
La Chambre fe forma enfuite en Comité
pour les affaires de la Compagnie des Indes ; S.r
Henri Fletcher prit la parole , & obfervant que depuis
que le tems que la requête de cette Compagnie
étoit fur le bureau , aucun Membre ne devoit ignorer
ce qu'elle contenoit ; il rappella les deux princi
paux objets de fes demandes qui font qu'on lui accorde
du tems pour payer ce qu'elle doit au Gouver
nement , & un fecours dont elle a le befoin le plus
preffant qui ne va pas à moins de 300,000 1. ft.
La motion qu'il fit pour qu'on lui accordât l'un &
l'autre palla ; mais la difcuffion des affaires même de
la Compagnie fut remife à la feilion fuivante , celleei
étant trop avancée pour qu'on pût s'en occuper ;
& l'on ne manque pas de faifir cette occafion pour regretter
le délai qu'une affaire de cette importance
eff yoit , & pour en accufer l'Adminiſtration précédente
, qui pourroit cependant apporter la meme
excufe que M. Fox , puifque fi les affaires dont il eft
furchargé ne lui ont pas permis de s'en occuper , il
étoit difficile aux Miniftres qui ont traité des préli
minaires de la paix de s'occuper de quelqu'autre objet
que de celui la.
Le bill de réforme fut rejeté le 30 du mois dernier
dans la Chambre haure , malgré les efforts de
plufieurs Pairs qui parlèrent vivement en la faveur ;
quelques uns mécontens de ce qu'il n'avoit pas paſſé
firent la proteftation fuivante . D'avis différent .
1º. Parce que les éclaircillemens mis fous les yeux
de la Chambre des Communes & qui prouvent les
7115 )
défordres & les abus fur lefquels elle fondoit le bill
en question ont été refufés par la Chambre haute.
2. Parce que les faits rapportés dans les débats
pour prouver les abus ont été reconnus généralement
pour être exacts ; & 3 °. parce que la Chambre en
rejettant ce bill , que nous avons raifon de croire
fondé fur des informations sûres & exactes , n'a pris
aucune mefure propre à le remplacer & à réformer
les abus dont il a ordonné la fuppreffion . Signés
Radnor, Osborne , Abingdon , de Ferrars , Say &
Seyle , Sidney , Nugent Temple , Chandos , Ferrers,
Chatham & Rutland «.
Le premier de ce mois il fut fait dans la même
Chambre , la deuxième lecture du bill , relatif
au commerce d'Afrique . Ce bill porte , que par les
articles préliminaires de paix arrêtés entre S. M.
& le Roi T. C. , il eft convenu que le Fort Sénégal
& fes dépendances feroient cédés à S. M. T.
C. , qui de fon côté garantifoit à S. M. B. la poffeffion
du Fort James & de la rivière Gambie. Que
ledit Fort & ladite rivière font fitués en dedans des
lim tes , entre le Port de Saliée & le Cap- Rouge , fur
la côte d'Afrique , & que par un acte de la cinquième.
année du règne de S. M. actuelle , S. M. ainfi que
fes hoirs & fucceffeurs avoient été mis en poffeflion
du Fort James & de la rivière Gambie , au lieu &
place de la Compagnie des Négocians faifant le
commerce d'Afrique , qui en àveit eu jufqu'alors
la poffeffion , en vertu d'un acte de la vingt-ticifième
année du règre de George . Si ladite Compagnie des
Ngociations faifant le commerce d'Afrique , étoit
mile en poffeffion defdits Port & rivière & de leurs
dépendances , qui s'étender t jufqu'au Cap- Rouge ,
pour être dirigés par elle de la même manière qu'ils
l'étoient avant la cinquième année du règne du Roi
actuel , cet arrangement contribeer it au maintien
& a l'avancemen du commerce de la G B. Le bill
ftare en conséquer ce que l'acte de la cinquième
année du règne de George III . fera révoqué , &
( 116 )
contient les difpofitions fuivantes : la Compagnie
d'Afrique fera mife en poffeffion du Fort James ,
de la rivière Gambie & de leurs dépendances , du
moment que cet acte aura paffé . Le commerce d'Afrique
fera libre & ouvert à tous fujets de S. M.
Aucun Employé du Comité de la Compagnie n'exportera
de Negres pour fon propre compte. Les Em
ployés du Comité ren front compte tous les ans fous
ferment ; & afin d'empêcher qu'il ne foit fait un
mauvais emploi des fommes accordées par le Par
lement , pour le foutien & la confervation des Fors
& Etabliflemens fitués far la côte d'Afrique , & pour
empêcher auffi que les marchand.fes & pro ilions
ne foient diffipées par les Employés de lalitë
Compagnie , le Comité dreflera tous les an: ua
compte de l'emploi des marchaadifes & provisions
envoyées à ces Etabliffemens , & de l'emploi des
fommes accordées par le Parlement pour l'année
précédente , & ces comptes front mis fous les
yeux des deux Chambres du Parlement , & délivrés
à l'un des Secrétaires- d'Etat .
.
On affure que la Maifon du Prince Guillaume-
Henri va être remife fur le pied où elle
étoit avant fon départ fur la flotte ; ce brait
vraisemblable en contredit un autre qui
s'eft répandu qu'il alloit paffer en Allemagne
& fervir contre les Turcs ; on ne croit pas
ici que la Cour de Londres , qui eft intéreflée
par fon commerce dans le Levant , à ce que
les Turcs y continuent leur féjour , confentit
à envoyer un de fes Princes dans une armée
chargée de l'exécution d'un plan qu'elle ne
pourroit voir avec plaifi . Ce Prince doit
paffer bientôt au grade de Lieutenant de vaiffeau
; fon rang ne le difpenfera pas des examens
préliminaires , & on eft bien fûr qu'ik
( 117 )
aura les voix de tous les examinateurs. On dit
auffi qu'on va lui faire prendre le titre de
Duc d'Yorck.
Quant au Prince de Galles , fon établiffement
ne fera pas augmenté ; il est réglé à
50,000 florins ; il paroît cependant par les
débats qui ont eu lieu au Parlement fur ce
fujet , que l'Oppoſition n'y auroit mis aucun
obftacle.
•
» Si j'ai une objection à faire dit le Lord Abingdon
, dans la Chambre haute , c'elt que ce que l'on
demande pour le jeune Prince n'eft pas affez confidérable
; je fuis très- éloigné de cette parcimonic
qui penfe que la dignité royale ne doit pas être
accompagnée de l'éclat qui lui convient. Le Lord
North cut donné 100,000 liv . ſterl . à un Traiteur ,
pour un feul déjeuner , & aujourd'hui parcâ manû
il en demande so, 000 pour un Prince. C'eft pour
des objets de la première efpèce qu'il faut ufer
d'économie & non pour ceux de la feconde ; d'ailleurs
ce Prince , lui-même , eft un jeune homme
plein de feu & de générofité. Je n'aime pas à voir
de vieilles têtes fur de jeunes épaules ; & pour cette
raifon , payons fes dettes , foyons libéraux envers
loi ; ôtons-le d'entre les mains où il fe trouve à
préfent ; & j'ole garantir qu'il deviendra dans la
fuire l'ornement & l'amour de fa patrie «<,
Le Difco , bâtiment Danois appartenant
à la Compagnie Danoife des Indes , & qui a
mouillé dans un de nos ports , nous a appris
qu'en quittant la rivière de Canton au mois
de Janvier dernier , il y a laiflé le Locko ,
l'Ofterly , l'Effex & l'Afie , vaiſſeaux de notre
Compagnie , qui avoient rencontré vers
les détroits de Malaka une frégate Françoiſe
& deux bâtimens de guerre Hollandois. Ils
( 118 )
L
échangèrent quelques coups de canon avec
les ennemis , & reçurent quelques dommages
; mais ils ont eu le bonheur d'échapper
& de fe mettre en fûreté.
» La Compagnie , dit un de nos papiers , a reçu
des nouvelles particulières fur le naufrage du vaiffeau
le Grosvenor , Capitaine Coxen , qui a péri au
mois d'Août dernier près du pays des Caffres .
Trois hommes de l'équipage , après un voyage long
& pénible qui dura plufieurs mois , arrivèrent au
Cap de Bonne- Efpérance , & annoncèrent que 1 5 perfonaes
avoient péri avec le vaiffean , & qu'ils avoient
avec plufieurs autres , morts de fatigue & de befoin
dans le voyage , abandonné le Capitaine , les paffagers
& la plus grande partie de l'équipage , dans un
en froit où les Hollandois s'empreffèrent d'envoyer
un détachement de cavalerie avec des provifions
pour les fecourir.
Le Capitaine Renwick , commandant
le Tartare , arrivé à Douvres , a arraiſonné
le vaiffeau Danois le Mars , venant de la Chine ,
dont il a appris les détails fuivans. Il y avoit au
Cap de Bonne-Efpérance 3 vaiffeaux Hollandois armés
en guerre , 3 frégates Françoiles , de 28 à 44
canons le vaiffeau Danois la Sophie- Madeleine
un navire de la Compagnie deftiné pour la Chine ,
2 autres pour l'Inde , un petit navire Autrichien . Les
vaiffeaux qui avoient mis à la voile du Cap, pendant
fon féjour , étoient 2 frégates Hollandoifes de 32
canons , pour les Indes Occidentales , un pour Middelbourg
, un pour Oftende , un Danois pour Copenhague
, un Portugais pour Batavia ; il étoit arrivé
d'Europe 2 petits bâtimens & un lénaut ſous pavillon
Impérial , & au mois de Février dernier il étoit
parti pour l'Ile Maurice , & delà pour Ceylan , 4
vaiffeaux Hollandois de 44 canons , chargés de troupes
Françoiles.
---
Si les Directeurs de la Compagnie ont
reçu quelques nouvelles de notre efcadre
( 119 )
1
dans l'Inde , aucune n'a tranfpiré. On lit
feulement dans une lettre particulière attribuée
à un Officier de l'armée de Sir Eyre-
Coote :
· » Les difficultés fe multiplient autour de nous
malgré nos fuccès conítans , la bravoure des troupes
& l'expérience du Général . La haine pour le nom
Anglois eft générale dans l'Inde entiere ; & elle eft
fondée fur les exactions & les barbaries exercées par
quelques hommes qui n'ont fu ufer de l'autorité que
pour en abufer. Cette haine née ainfi & fortifiée par
le retour fréquent des abus qui lui ont donné l'exiftence
, combat contre nous avec plus de fureur &
d'avantages que ne le feroient des milions de bras
armés. Renvoyez - nous les auteurs de cette fource
féconde de nos défaftres qui ont échappé au fupplice
qu'ils méritoient , & nous pourrons en vengeant
l'infortuné Lord Pigot , & leurs victimes Indiennes ,
donner quelque idée de notre juſtice , & ramener les
efprits que nous avons aliénés « .
Cette lettre très-vive , copiée dans tous nos
papiers , a donné lieu aux obfervations fuivantes.
"
2
Les mêmes événemens fe renouvellent d'un
fiècle à l'autre ; & rarement l'exemple du paſſé eſt de
quelque utilité pour l'avenir. Ce que nous voyons
aujourd'hui en Angleterre a été obfervé en Portugal
. Albuquerque , Nunio , Caftro , tous de grands
hommes pleins de capacité , de générosité &
enthoufiaftes de l'honneur , font morts pauvres,
Xarefo & plufieurs autres moins délicats , auxquels
on reprocha les atrocités des plus révoltantes dans
l'Inde , des meurtres qui mériteient la mort la plus
infâme , furent renvoyés dans leur pays chargés de
fers ; mais malheureufement les mêmes vaiffeanx
qui les y conduifoient y portèrent auffi la fortune
qu'ils avoient acquife par le brigandage ; elle
( 120 )
fervit à les faire abfoudre & on devoit s'y attendre.
On voit également en Angleterre nos Nababs revenir
innocens avec d'immenfes richeffes , acheter les
voix de quelques bourgs & repréſenter la nation au
Parlement ; eux qui n'ont jamais regardé le peuple
que comme des malheureux voués à leurs caprices &
deſtinés à travailler par toutes fortes de moyens à
leur fortune particulière «<.
On lit les détails fuivans dans une lettre de
Dublin.
» Je viens de recevoir une lettre d'un Genevois
qui eft en chemin pour fe rendre en Irlande . Il m'écrit
, que notre ami Melly a été mis en prifon à
fon arrivée à Genève , & qu'on inftruit une procédure
criminelle contre lui : l'information a été envoyée
au Lord Mahon , qui la communiqua directement
à M. Fox , Secrétaire- d'Etat pour les Affaires
Etrangères ; ce Miniftre expédia le même jour un
Exprès , avec une lettre au Confeil de Genève & une
autre à M. Brown , Envoyé de la Cour de Londres
à Berne , pour réclamer notre ami , comme ſujet
de S. M. B. Lord Mahon écrivit par le même Exprès
au premier Magiftrat de Genève , pour lui témoigner
fa furprise de cet acte . M. Melly étoit Membre
du Grand - Confeil de Genève. Il s'étoit rendu en
Irlande pour prendre des informations fur la nature
de l'afyle qu'on y prépare pour les Concitoyens. Il
n'avoit pas prêté ferment au nouveau Gouvernement,
& il n'étoit pas obligé de le faire, dès qu'il renonçoit
à tous fes priviléges Politiques. Il avoit prêté ferment
d'Allégeance comme fujet Irlandois à Waterfort
; de forte que fon emprisonnement ne oît
pas feulement ici un acte de violence ; mais encore
une atteinte au droit des nations «.
*
FRANCE .
( 121 )
FRANCE.
De VERSAILLES , le Is Juillet.
LE 6 de ce mois le Maréchal Duc de Laval
eut l'honneur de faire fes remercîmens au
Roi , & de prêter , en cette qualité , ferment
entre les mains de S. M.; il eut enfuite l'honheur
d'être préfenté à la Reine & à la Famille
Royale.
Le même jour LL. MM. & la Famille
Royale fignèrent le contrat de mariage du
Marquis de Courtarvel de Pezé , Meftre- de-
Camp en fecond du Régiment de Penthièvre
Dragons , avec Demoifelle de Lambert , &
celui du Comte de Dreux Nautré , Capitaine
au Régiment de Royal - Pologne Cavalerie ,
avec Demoifelle de Courcelles.
Le 8 , l'Ambaffadeur des Etats- Généraux
des Provinces- Unies eut une audience de
S. M. , à laquelle il préfenta fes lettres de
créance. Il fut conduit à cette audience par
M. de la Live de la Briche , Introducteur des
Ambaffadeurs , & M. de Secqueville , Secrétaire
à la conduite des Ambaffadeurs
précédoit.
De PARIS , le 15 Juillet.
>
Les nouvelles de Breft portent que l'on y
travaille au défarmement des vaiffeaux qui
viennent d'arriver des Antilles , & que les
Régimens qu'ils ont ramenés en Europe ont
été occuper leurs quartiers de cantonne-
19 Juillet 1783 .
L..
f
f
( 122 )
ment dans les environs , où ils resteront
jufqu'à nouvel ordre .
On apprend de Metz & de Strasbourg
qu'on travaille dans les arfenaux de ces places
, à remplacer ce qui a été perdu , pris ou
mis hors de fervice pendant la dernière guerre.
» On parle toujours beaucoup , écrit- on de Marfeille
, de l'expédition que l'Espagne projette contie
Alger . Quelques bâtimens fortis de Carthagène &
qui viennent de mouiller ici rapportent que le lendemain
de leur départ on s'attendoit qu'on metroit
dans ce port un embargo fur tous les bâtimens , juſqu'à
ce que l'armement qu'on y préparoit & qu'on
croit destiné pour bombarder Alger eût mis à la
voile. On préfumoit que cette expédition ne feroit
pas reculée fort loin. Comme le projet eft de D.
Antonio Barcelo , il faut croire qu'il eft sûr du fuccès
. Il ne voudroit pas terminer une longue & glerieufe
carrière par une entrepriſe haſardée. Quelques
perfonnes prétendent que l'on ne pourra rien
tenter contre la ville fi le vent lui eft contraire ; une
des difficultés qu'elles trouvent dans cette expéditien
, c'eft que les vaiffeaux de ligne & les chébecs
néceffaires pour foutenir les bombardes & les chaloupes
canonnieres que la marine des Algériens
pourroit attaquer avec avantage pendant la nuit , nC
pourroient pas les protéger efficacement , parce
qu'ils ne trouveroient pas affez de profondeur pour
elles. On croit bien qu'on pourra écrafer les batteries
des moles ; mais qu'il ne fera pas fi facile de
caufer des dommages à la ville , ce qui doit être le
principal objet de l'expédition. Au refte on ne connoît
pas le plan de D. Antonio Barcelo ; les moles
& le port ne réfifteront fans doute pas à fon feu , &
vraisemblablement il a des moyens particuliers pour
approcher la ville , malgré les ouvrages avancés
qu'elle a fait conftruire depuis la leçon que lui donna
Louis XIV. «
( 123 )
Parmi les Fêtes qui ont été données au
Prince de Condé , au Duc de Bourbon dans
le voyage qu'ils ont fait en Flandres & dans
quelques endroits de la Champagne , on
diftinguera celle que leur a donné, à Rocroy ,
le Comte d'Efterhazy.
» La fête dont nous venons d'être les témoins en
eft une pour toute la France ; & il eût été à defirer
qu'elle en eût pu être le témoin. Le Comte d'Efterhazy
fous le prétexte de faire faire devant les Princes
quelques fimples évolutions par les troupes qui
font fous fes ordres , leur a fait exécuter fur la
plaine de Rocroy toutes les manoeuvres de cette fameufe
bataille ; quel fpectacle pouvoit être plus inté:
effant pour le petit fi's du grand Condé ! «
Nous lifons dans une lettre de Reims qu'il
y a eu un typhon dans le courant du mois
dernier aux environs de cette Ville ; on fe
contente de remarquer qu'il a pompé une
partie de la rivière & mis à fec le grand canal.
On s'étonne qu'aucun Obfervateur ne nous
ait fait paffer la defcription de ce phénomène ;
nous la recevrons avec reconnoiſſance ,
en effet il a eu lieu .
Nous placerons des détails fur une Méchanique
affurément très- extraordinaire , & qui
eft faite pour piquer la curiofité du Public.
On avoit regardé jufqu'à préfent , comme trèsdifficile
en Mécanique , pour ne pas dire impoffible
, d'imiter les organes de la voix humaine ; &
tous les efforts de l'art fe font réduits à faire rendre
des fons harmoniques à des Automates fur différens
inftrumens. Le plus remarquable , & qui a paffé
avec jufte raiſon comme un chef-d'oeuvre dans ce
genre , a été le Flûteur de M. Vaucanſon , imité
f2
1124
1
ככ
depuis & perfectionné par différens Mécaniciens.
On a vu dans la Capitale plufieurs productions en ce
genre ; mais aucun Mécanicien , que nous fachions ,
n étoit parvenu à faire parler diftinctement des Automates.
Ce chef-d'oeuvre , qu'on défiroit fans l'efpérer
, étoit réservé à M. l'Abbé M **** , dont la
grande modeftie a empêché la célébrité due à ſes
talens ; il écrivit le 2 de ce mois à l'Académie Royale
des Sciences , pour demander des Commiffaires ,
afin d'examiner le mécanifme de deux têtes automates
de fon invention , qu'il a exécutées lui -même ,
& qui prononcert diftinctement les phrafes fuivan.
tes la première dit : » le Roi vient de donner la
Paix à l'Europe . La deuxième répond : » la Paix
couronne le Roi de gloire « ; & la première réplique:
& la Paixfait le bonheur des Peuples « . Enfuite
en pouffant un peu le cylindre moteur , la première
tête reprend , en s'adreffant à S. M .: » O Roi adorable
! Père de vos Peuples ! leur bonheurfait voir
à l'Europe la gloire de votre Trône «. On ne fera
aucune réflexion fur les difficultés vaincues dans
L'exécution de cette machine , fur ce qu'elle peut
procurer de lumières relatives au mécanisme de la
parole , & fur l'application avantageufe qu'on en
pourra faire pour l'éducation des fourds & muets
de naiffance ; on attendía que l'Académie ait donné
fon jugement. M. l'Abbé M **** , avant de fe décider
à préfenter fa machine parlante à l'Académie
Royale des Sciences , a voulu la foumettre à l'examen
de quelques Savans ; pour cet effet il invita
MM. Franklin & de Milly , de l'Académie Royale
des Sciences , MM. de Faujas & de Blagden , de la
Société de Londres , a&tuellement à Paris , de venir
la voir chez lui le 18 Juin dernier , & ces Savans
après l'avoir vue & entendue , ont paru auffi fatisfaits
qu'étonnés.
>
Diverſes lettres de Bretagne font mention
d'un fléau cruel qui caufe de grands ravages
( 125 )
dans cette province ; nous en extrairons les
détails fuivans.
La partie de notre Province dite Cornouailles , eft
dans une jufte confternation . On vient d'y découvrir
diverfes troupes de loups d'efpèce étrangère & avides
du fang humain , le nombre de leurs victimes eft
incroyable , on en compte environ 15. en un feul
jour, & leurs ravages qui fe manifeftent fur plufieurs
points à la fois , font plus terribles que ceux qui eurent
lieu dans le Gévaudan , cù ils étoient l'ouvrage
d'un feul animal . Ils nous font craindre pour l'avenir
, parce que les Veneurs prétendent que les jeunes
louvetaux , qui auront eu la chair humaine pour
première nourriture , l'aimeront de préférence . Un
de ces animaux , entié dans la ville de Quimperlay
même , y a devoré les chiens qui vaguoient la nuit.
Nos chaleurs fe mettent à la pourfuite de ces bêtes
féroces , les chiens les plus ardens à l'attaque des
loups ordinaires , font timides devant ceux -ci , qui
ayant margé des hommes & des cadavres exhalent
des miafmes putrides ; un homme bien intéreffant
par la réunion des vertus militaires & fociales , vient
de payer trop cher fon zèle. C'eft le digne Chevalier
de Couédic , gratifié par le Roi d'une Compa❤
gnie de Cavalerie , en confidération de la bravoure
de fon oncle , mort de fes bleffures après fon intréfidé
défense de la frégatte la Surveillante ; il donna
ja chaffe à un de ces animaux qui venoit de montrer
fa fureur dans la cour d'une de fes maifons , dité Lézardeau
, à la porte de Quimperlay , le loup s'étoit
retiré dans des bois adjacents , les chiens du Cheva .
lier l'attaquent avec molleffe , & retournent à lui plufieurs
fois ; il en tue un qu'il prend pour la bête qu'il
pourfuivoit & qui loin d'être effrayée du coup de
fufil , arrive fur M. de Couédic , qui n'appercevant
dans le fourré qu'une queue en trompette , ( il ignoroit
que c'eft ainfi que le loup de cette efpèce porte
la queue quand il eft en fureur , ) il le prend pour un
£ 3
7126 )
de fes chiens que la peur fait replier ; bientôt il
eft détrompé , affailli , bleffé fi grièvement qu'il en
eft mort ; dans le trop grand nombre de victimes
de la voracité de ces animaux , il y a des filles bien
intéreffantes par l'intrépidité de la défenfe de quelques
unes & le fentiment de celles qui ont été au fecours
de leurs compagnes ; on fe rappelle que les
mêmes accidens ont eu lieu en plufieurs endroits ,
notamment près Verdun, Ste-Menehould, Nogent-fur-
Seine , par des loups d'une efpèce exactement femblable
à celle qui nous caufe tant d'alarmes ; elle
différe des autres par la tête qui eft plus allongée de
4 pouces , les pattes qui font plus larges , les
griffes bien plus acérées ; un Veneur véritablement
patriote , & que Monfieur , Frère du Roi , a nommé
premier Louvetier de fon Apanage , d'après la lecture
de fes mémoires appuyés fur des faits incroyables ,
mais notoires & répandus par la voie de l'Imprimerie
Royale , a éte chargé par ordre fupérieur de la direction
des mesures les plus propres à les détruire. -
3 à
On a vu à la cérémonie des dernières
Calendes à Mezieres une choſe affez rare ;
le Curé , Doyen de cette ville , âgé de 80
ans , y a célébré la Meffe , ayant pour Diacre
M. le. Curé de Singly , âgé de 77 ans , &
pour Sous- Diacre , le Curé d'Eſtepigny , qui
eft âgé de 79. Le Curé de Mezieres célébroit
la cinquantième année de fa Cure ; après le
repas qu'il donna à cette occafion , il fit
offrir un bouquet au Curé de Donchery qui
y avoit affifté , & qui âgé de 78 ans , renouvellera
l'année prochaine la même cérémonie
chez lui , pour célébrer fa cinquantième
année de Cure.
Nous nous empreffons de placer ici la réponfe
fuivante , qu'on nous a fait paffer à
( 127 )
un article de ce Journal , page 180. Elle
intéreſſe un Méchanicien habile , connu par
plufieurs inventions utiles , telles que celles
d'uneferrure de combinaiſon , d'un reflort qui
empêche un fufil de partir lors qu'on le manie
, & c.
Le Méridien fonnant , que M. l'Abbé Galais a
placé , il y a douze ans , à une fenêtre de fon appartement
, ne peut ôter au fieur Reignier l'invention
de celui qu'il a annoncé . Il faut croire que
M. le Vicaire de Neauphle - le - Vieux n'a pas jugé
fa machine affez parfaite pour la faire connoître.
L'Artifte penſe avec ceux qui connoiffent la Gnomonique
, qu'un fil vertical n'a pu s'accorder que
pour quelques jours au foyer d'une loupe : d'ailleurs
un fil n'eft pas exact pour l'objet auquel on a voulu
le deftiner. Ces imperfections ont fans doute été
canfe que le Méridica fonnant , inconnu du Public ,
eft tombé dans l'oubli dès les premiers jours de fa
naiffance. Au contraire , le moyen qu'emploie le
fieur Reignier eft fi précis , qu'en tous tems , même
par un foleil très - pâle , l'échapement de la détente
s'exécute , & le Méridien fonne. On a même oui
l'effet de celui qu'il a pofé pour l'ufage public de
la ville de Sémur , avec moins de foleil qu'il n'en
fast pour appercevoir l'ombre d'ua ſtyle fur un
ordinaire ; cependant le rouage eft affez grand , puifque
le timbre de ce Méri lien eft une cloche de neuf
milliers. Au furplus , il feroit difficile de conftruire
une machine plus fimple que celle du fieur Reignier ,
tant pour la monture de la loupe que pour le mouvement
de la fonnerie , qui n'eft compofé que d'une
feule roue ; & fi l'Artiſte a fixé le prix de ces Méridiens
à 96 livres , cela ne vient que de la proprété
de l'ouvrage. C'est toujours à Sémur en Auxois ,
Duché de Bourgogne , que réfide le fieur Reignier ,
Mécanicien de S. A. S. Mgr. le Duc de Chartres.
£ 4
( 128 )
Cet Artifte , connu par diverfes inventions utiles ,
fournira l'armure pour l'échappement de la détente
des Méridiens en grand , au prix de 6 livres , & ,
il y joindra le plan & la defcription di rouage ;
en forte que tout Serrurier adroit pourra exécuter
cette nouvelle invention , fi toutefois il elt aidé
d'un Phyficien pour diriger l'armure dans la Méridienne
du lieu.
Nous ne pouvons nous difpenfer de donner
de la publicité à la lettre fuivante ; elle
tient à celle que nous avons déja publiée à la
fin de l'année dernière ; fi fon objet eft d'un
intérêt particulier , les détails que ce même
objet amène peuvent en avoir un plus général.
M. les lettres que j'ai reçues , relativement à celle
que vous avez eu la complaifance d'inférer dans
votre dernier Numéro de l'année dernière , augmentent
mes obligations envers vous. Plufieurs des
perfonnes qui m'ont fait l'honneur de m'écrire ,
tant avec leur fignature que fous l'anonyme , font
entrées avec moi dans des détails héraldiques , qui
m'annoncent qu'elles ont toutes les lumières qu'elles
me fuppofent. Il m'eft impoffible de fatisfaire au
defir qu'elles me témoignent de recevoir , par la voie
de votre Journal , les éclairciffemens raifonnés que l'on
veut bien me croire en état de donner. Cette difcuffion
fans étre même beaucoup approfondie , rempliroit
néceffairement une place , dont le plus grand nombre
de vos Lecteurs fercit dans le cas de me faire
des reproches plutôt que des remercimens . Non
eft his locus. Ainfi , M. , je me borne à ces remarques
& indications fommaires. 1º. Les lignes
de démarcation dans une fociété bien établie , ne
doivent jamais former des murs de féparation . L'aîneffe
politique d'un ordre ne doit point altérer la
fraternité de tous . Mais , du moment qu'on admet
( 129 )
an ſyſtème de nobleffe , la pureté des alliances doit
faire en ce genre une forte d'avantage & de diftinction.
2 °. Če feroir ifoler ou diviter les familles ,
ce feroit détruire l'harmonie , le foutien mutuel des
différentes claffes ou nuances du feul & même ordre
de nobleffe exiftant en France , ce feroit enfin trop
donner à l'opulence & à la faveur que de fubftituer
à la preuve de quartiers de certains Corps cu Chapitres
, une fimple preuve d'afcendance paternelle.
Il est un milieu conciliatoire entre les anciens règiemens
& les nouveaux projets , dans lequel j'efpère
de montrer & retenir le meilleur des deux
plans , fi d'autres occupations me le permettent
&, fur-tour , fi l'on m'y autorife. Non moins ami
que Montaigne & Montefquieu des partis mitoyens
& tempérés , lorfque je ne comptai que deux noms
François parmi les Chanoines de Strasbourg , lorfque
je vis un Seigneur , en époufant la fille d'un Chevalier
des Ordres , exclure fes enfans d'un Chapitre
ou vivoient fes fæcurs ; je répétai les anciens adages :
ne quid nimis....... in medio virtus. 3º. Ce
qu'il faudroit abfolument fupprimer , ce font les
faux - frais énormes dont l'établiſſement abufif répugne
au véritable eſprit de la nob'eſſe , ainſi qu'à
la primitive inftitution de certaines places , qui
destinées à devenir la reffoarce des pauvres , fem .
blent devenues le patrimoine des riches . Quant à
la portion de dépenfe abfolument indifpenfable ,
il feroit à defirer qu'on n'en exigeât point l'avance ,
mais qu'elle fe payât fucceffivement fur l'espèce de
bénéfices dont viendroient à jouir les fujets reçus.
----
-4° . Je fens combien il eſt trifte pour un bon
gentilhomme , bon père de famille , de n'être pas
affuré que la preuve qu'il a très - laborieuſement miſe
en règle pour fes enfans , puiffe fervir à fes petit34
enfans , parce que la perfonne & la méthode des
généalogies pourront changer en même-tems- que
les titres originaux pourront fe difperfer . Dans plus
fs
( 130 )
>
fieurs Ouvrages périodiques , & dans quelques
opufcules particuliers , je me fuis permis de faire
entrevoir les moyens qui me paroiffent les plus propres
à conftater , dans toutes les Provinces d'un
vafte Empire , l'état de la Nobleſſe qui l'habite , fans
favorifer la chicane & la vexation plus que la fraude
& l'ufurpation. Si l'Editeur de la Bibliotheque de
l'Homme d'Etat ne m'eût pas fait l'honneur d'employer
d'autres morceaux de ma compofition , je
regretterois moins qu'il eût égaré 1 ". l'article Nobleffe
, dans lequel , après avoir efquiflé l'hiftoire ,
& le tableau de cet ordre , je traçois le plan d'un
tribunal héraldique qui, non moins éloigné de la fatyre
& de la flatterie que du caprice & de la prévention, préferveroit
cet ordre de l'humiliation, des inquiétudes ,
de la vanité des chimères , de la perte du tems
de la ruine des recherches. 2 ° . Quelques difcuffions
de politique & de morale fur divers fujets , entr'autres
fur les Etats provinciaux & fur les moyens
à la fois les plusvigoureux & les plus humains d'extirper
la mendicité. 3 ° . Puifque la conftance & la
modeftie font les deux foeurs morales de la Nobleffe
civile , il eft facile d'accorder les droits naturels
& imprefcriptibles du mérite avec les prérogatives
conventionnelles & variables de la naiffance.
La plaifanterie d'une Gazette étrangère fur
la preuve de fept cens ans de l'Amiral Rodney
feroit très -fondée , fi le héros de l'Angleterre avoit
eu befoin de cette preuve pour jouir des honneurs
de la Pairie. Mais cette raillerie tombe du moment
qu'on reconnoît que c'eft volontairement que le
nouveau Lord a profité du haſard qui lui permettoit
de fournir cette preuve. C'est ainsi qu'il ſeroit
très-abfurde en France, qu'un Duguay-Trouin , qu'un
Chevert , ne pût manger & chaffer avec le Roi.
Mais cela ne rend: a point blâmable un d'Estaing ,
un la Fayette , qui join front les preuves de la naiffance
à celles de l'héroïlme. Je fuis , M. , & c. Signé,
le Vicomte de TOUSTAING - Richeboure.
( 131 ) ,
A
L'Académie des Jeux Floraux avoit annoncé dans
fon Programme, que le 3 Mai 1784 elle adjugeroit ,
felon l'ufage , une Eglantine d'or de la valeur de 450
liv. au meilleur difcours qui lui feroit préfenté fur le
fujet fuivant : lagrandeur & l'importance de la révolution
qui vient de s'opérer dans l'Amériquefeptentrionale.
Depuis cette annonce , un Citoyen diftingué
par fon rang , & plus encore par les fervices qu'il
rend à la Patrie , a offert à l'Académie de porter à
1200 liv. cette récompenfe littéraire , qui fera par
cette augmentation plus proportionnée au travail
qu'exige un fujet auffi intéreffant. L'Académie a
accepté , avec une vive reconnoiffance , le don de
ce bienfaiteur des lettres , dont la modeſtie la force
de taire le nom. Elle fe borne , dans ce Programme ,
à avertir les Auteurs qui voudront entrer en lice ,
que dans la partie de leurs Ouvrages où il fera
queftion de la Paix , ils doivent particulièrement
s'attacher à rendre publiques la fageffe & la modération
des principes & des vues de S. M. Les
auteurs feront remettre dans les quinze premiers
jours du mois de Février 1784 , par des perſonnes
domiciliées à Toulouſe , trois copies de leurs
Ouvrages à Monfieur l'Abbe D'AUNRERY , Confeiller
au Parlement , Secrétaire perpétuel de l'Académie.
Le port des Ouvrages qui feroient adreffés par la
pofte à M. le Secrétaire , doit être affranchi .
Parmi les Perruquiers-Coëffeurs qui ſe ſont attachés
à perfectionner leur art , l'on doit diftinguer le
fieur Gabeau ; il eft parvenu à faire des perruques
& des toupets qui imitent les cheveux naturels de
la manière la plus frappante. Il n'emploie dans fes
perruques que la même quantité de cheveux que
la nature place fur nos têtes : les bordures , d'une
fineffe extrême , fe collent fur le front avec un léger
enduit de pommade ; & les petits cheveux qui les terminent
, & qui femblent naître de la peau , donnent
à ces perruques un air de vérité difficile à furpaffer .
f 6
( 132 )
L'accommodage en eft aufli facile que celui des cheveux
naturels ; il eft fufceptible des différentes formes
qui peuvent convenir au caractère de tête de celui
qui s'en fert : la négligence même dans le Peigné
lemble ajouter à la vérité. On peut les confer
ver pendant la nuit , ou les faire replacer chaque
jours le procédé qu'on y employe eft le plus fimple
& peut être faifi à la première vue par le perruquier
ou le domeftique le moins adroit . La pommade
dont il fe fert loin de nuire à la peau la rafraîchit ,
fans gêner la tranfpiration . Il fait auffi des toupets
avec tiffu & fans titfu . Le fieur Gabeau , qui ne
reçoit le payement de les ouvrages
des perfonnes
qui lui feront l'honneur de l'employer ,
qu'après avoir rempli auprès d'eux les conditions
qu'il annonce , demeure rue des Déchargeurs , ancien
hôtel des Poftes .
>
,
» Nous annonçâmes au mois de Novembre dernier
le plan & les progrès de l'établiſſement de la correfpondance
générale & gratuite pour les Sciences &
les Arts , dont le chef-lieu eft à Paris , à l'hôtel Villayer
, rue St. André- des - Arcs . L'une des parties de
cette inftitution , a pour but de réunir fucceffivement
, foit dans la feuille de la correfpondance , foit
dans un fallon ouvert tous les Jeudis au Public , les
productions intérellantes des Sciences & des Arts ,
anciennes ou modernes de tous les pays ; déjà l'on a
joui d'une réunion d'ouvrages des Jouveret , Hallé
& Reftaut ; une femblable en l'honneur de M. Vernet
a reçu les applaudiffemens unauimes ; aujour◄
d'hui on offre un fpectacle également intéreſſant
celui des principaux Maîtres de l'Ecole Françoiſe ,
tant anciens que modernes & vivans , depuis 1500
jufqu'en 1783 incl fivement . 1 ° . Le fallon fera ouvert
au Public jufqu'au tems de l'expofition du Lou
vre les mardi & jeudi depuis 11 heures du matin jufqu'à
2. 2 °. On a fait imprimer un catalogue in-4 °.
de 40 pages petit- Romain , qui fous le titre d'Effai
d'un tableau hiftorique de l'Ecole Françoife , pré71335ད
fente fur chaque Peintre , avec l'indication de ſes prin
cipaux ouvrages , une notice propre à le faire connoître
, & fous chaque N° l'indication du tableau
expofé. Ainfi ce petit ouvrage ( 1 ) eft également
utile pour les perfonnes qui frequenteront le fallon ,
& pour celles qui ne feront pas à portée de cela.
Cet Effai eft précédé d'un précis fur le but de l'éta
bliffement en général , & de cette expofition en
particulier ; d'un autre fur les différentes époques de
I'Ecole Françoife . Il eft terminé par l'indication des
principaux cabinets qui font à Paris . On annonce an
fupplément pour les corrections ou les augmentations
néceffaires , fuivant les renfeignemens qu'on
pourra le procurer « .
» Plufieurs perfonnes , attachées au fervice de
S. M. , ayant defiré qu'on leur procurât des Taffetas
cirés , bleu de Roi , & perfonne n'ayant pu jufqu'à
préfent imiter folidement cette couleur , on prévient
Mrs. les Militaires qui voudroient en avoir ,
pour des Manteaux uniformes , qu'ils en trouveront
dans la Fabrique établie rue Pavée St- André- des-
Arcs , chez le Sieur Tourillon , Md. Tapiffier ; c'eſt
la même Fabrique annoncée dans ce Journal , relativement
aux vêtemens de Santé , imaginés par M.
Leroux , Phyficien de 1 Univerfité , & approuvés par
la Société Royale de Médecine. Ces Manteaux mettent
à l'abri de l'humidité , du froid , de la pluie &
des inconvéniens qui en réfultent , comme Rhuma
tifmes & c . Comme il y a beaucoup de nageurs qui
périffent dans l'eau par les crampes , on à fait des
effais qui affurent que des jarretieres de ce Taffetas ,
couleur cramoifie , les diffigent. On vient d'adreſſer
de Blois , à l'Auteur de ces vêtemens , une lettre
dans laquelle on lui marque que ce Taffetas ciré ,
furtout de couleur verte , a la propriété , de diminuer
beaucoup les douleurs qu'occafionne la goutre.
Ce qui prouve l'impénétrabilité de ces Etoffes
( 1 ) Il ſe vend 24 fols , au Bureau de la Correſpondance.
134 )
tant en foie , qu'en coutil & en toile , c'eft qu'on en
fait des feaux portatifs pour les incendies , qui contiennent
l'eau auffi exactement que tout autre vaſe.
L'expérience en a été faite publiquement chez M. de
la Blancherie. On en fait auffi des Scaphandres à
Air , pour aprendre à nager & pour fauver ceux qui
fe noyent. Il ne faut pas confondre ces nouveaux
Scaphandres avec ceux de M. l'Abbé de la Chapelle ,
qui font des Corfelers de Liége «.
M. Dezauche , Géographe , fucceffeur de
MM. de Lifle & Philippe Buache , premiers
Géographes du Roi , vient de publier les
Cartes du Canada , du Mexique & des Etats-
Unis de l'Amérique , en 2 feuilles. Ce font
les Cartes de M. de Lifle , revues & augmentées
des nouvelles limites & divifions
des Etats - Unis , fuivant le traité proviſionnel
de paix de 1783 , d'après les meilleures
Cartes du pays , tant gravées que manuf
crites , & affujetties aux obfervations aftronomiques
de MM. de l'Académie Royale
des Sciences ( 1 ') .
A cette annonce nous en joindrons une
autre très-intéreffante , c'est celle de l'Herbier
colorié de l'Amérique , publié ppaarr M.
Buc'hoz. La première partie qui vient de
paroître , contient 100 des plantes les plus
rares & les plus curieufes de cette partie
du monde. Plufieurs n'avoient pas encore
été claffées ; elles font toutes repréfentées
avec leurs couleurs naturelles . Cette pre-
(1 ) Ces Cartes faites avec beaucoup de foin & d'exactitude
& très-utiles pour donner une idée précife de l'étendue des
Etats-Unis , fe trouvent chez M. Dezauche , rue des Noyers ;
prix liv. 15 fols.
( 135 )
mière partie fera fuivie d'une feconde ( 1 ) .
» Le 29 Juin , jour de St - Pierre , fête patronale de
Sanois , route de Pontoiſe , les habitans de ce village
affemblés au Château , ont préfenté fix filles & quatre
garçons , défigués pour concourir aux Prix du
mérite. Deux garçons & deux filles , ont été nommés
par voie de fcrutin & de l'aveu libre des anciens &
notables habitans , préfidés par le Curé & fon
Vicaire. La première de ces filles a été couronnée
par les mains de M. l'Evêque de Glandève , au
bruit des fanfares, & des applaudiffemens de toute la
Nobleffe du canton , qui etoit invitée à cette fête.
-
Deux
Ces quatre Prix ont pour objets , le reſpect pour
les parers & les vieillards , & l'affiduité au travail &
aux devoirs de piété. Leur inſtitution a eu lieu cette
année pour la première fois , & elle eft due aux foins
de M. d'Auteroche , Seigneur du lieu il a été fecondé
dans cette cérémonie à la fois noble , touchante
& gaie , par fa famille & par le zèle infati
gable d'un Pafteur chéri de fes paroiffiens.
objets dignes de curiofité , ont frappé les yeux des
fpectateurs. D'abord plufieurs dames de confidération
, ont prodigué leurs careffes & leurs libéralités
aux quatre filles non couronnées ; procédé plein de
délicateffe , qui a ranimé leur courage & qui a fuppléé
, en quelque forte , aux honneurs de la couronne
qu'elles attendoient.
Enfuite une femme âgée de 81 ans , ayant été apperçue
dans une fituation qui peignoit la fenfibilité
& l'admiration , à l'afpect d'une fête qu'elle n'avoir
jamais vû , a été conduite au Château , affociée à
la jeuneffe , tant au repas qu'au bal qui leur a été
donné , & ramenée chez elle en triomphe , avec
une fomme d'argent , qu'elle a avoué n'avoir jamais
vu réunie dans fa chaumiere «<.
(1 ) Ce grand Ouvrage ſuperbement exécuté fe trouve chez
l'Auteur , rue de la Harpe , vis - à-vis la Sorbonne ; le prix du
vol. qui paroît eft de 180 liv.
( 136 )
François Gafpard , Comte de Poly , Marquis
de Thauffin , Lieutenant - Général des
Armées du Roi , eft mort le 24 du mois
dernier au Château de Cellieres en Franche-
Comté , âgé de 79 ans.
Les numéros fortis au tirage de la Loterie
Royale de France du premier de ce mois ,
font : 67 , 34 , 38 , 71 & 64.
De BRUXELLES , le Is Juillet.
LE Prince de Stahremberg , défigné il y a
quelque tems Grand - Maître de la Cour Impériale,
eft parti à la fin du mois dernier pour
fa deftination. Il a rempli pendant treize ans
le glorieux miniftère dont il étoit chargé ici .
L'Empereur lui a fait préfent de 2000 ducats
pour les frais de fon voyage , & l'Archiduchelle
, Gouvernante des Pays - Bas , lui a
donné fon portrait enrichi de brillans. C'eſt
le Comte de Belgiojofo qui le remplace.
ל כ
L'Overy fel de 64 canons , écrit-on de la Have ,
fit voile du1 Texel le 26 du mois dernier pour Phi
Jadelphie où il va conduire M. Van Berkel , Miniftre
Plénipotentiaire de la République auprès du Congrès
; ce vaiffean commandant eft accompagné du
Prince Héréditaire , de la frégate la Brille , & du
cutter le Lévrier. Les Etats- Généraex ont confeari
, à continuer jufqu'à la fin du mois d'Août prochain
, à la haute paye accordée aux troupes de terre
de la République depuis le commencement de la
guerre. La Régence d'Alger ayant menacé notre commerce
de quelques hoftilités , les négocians ont
préfenté une requête à L. H. P. pour demander la
protection des vaiffeaux de guerre de la République
contre les corfaires de cette Régence ; & il a été con(
137 )
venu de leur accorder au plutôt des convois pour la
Méditerranée «<.
- Une lettre d'Amfterdam , en date du 8 de
ce mois , contient les détails fuivans.
> Oa dit que fur la propofition de cette ville & de
celle de Dort , il a été fait à la généralité de la part
des Etats de cette Province , une motion tendante à
prier le Stadhouder de vouloir bien déclarer fous
quel rapport S. A. a effuyé des atteintes dans fes
prérogatives en qualité de Stadhouder & de Capitaine-
Général , ainfi qu'on l'a fuppofé dans le Mémoire
préfenté aux Etats- Généraux par le Miniftre
de Prufle. On ajoute que L. H. P. ont fait effectvement
la demande propofée au Prince qui jufqu'à
préfent n'a pas encore jugé à propos d'y répondre .
Les derniers objets des délibérations de l'Aflemblée
des Etats de la Province ont été 1 ° . l'affaire de l'Enfeigne
de Witte ; 2 ° . la décifion finale fi les membres
du Confeil de guerre fupprimé conferveront encore
leurs appointemens ; & 3 °. la demande que la
Compagnie des Indes fait de 14 millions à emprunter.
Un courier qu'on attend de Paris , influera
dit-on beaucoup fur la décifion de ce dernier point ;
en nous inftruifant fi l'Angleterre perfifte toujours
dans le facrifice qu'elle exige de nous de Negapatnam
“ .
PRÉCIS DES GAZETTES ANGLOISES , du 8 Juillet.
Il y a eu ces jours derniers une affaire affez extraordinaire
portée devant le Tribunal des Docteurs
communs ; il y a été prouvé que le Commandant
d'un vaiffeau de Roi , chargé de l'important emploi
d'escorter une flotte riche depuis Lisbonre , avoit
caché fes fignaux , éteint les lumières & laiſſé fon
convoi à lui-même , pour faire pendant la nuit la
prife d'un navire Hollandois qui fe trouvoit à fa
portée , dans le deffein d'empêcher un autre vaiffeau
de guerre qui étoit avec lui , de le feconder dans
( 138 )
T
eete chaffe , & de le priver de la part qui lui en
feroit revenue .
Le Comte d'Abingdon a fait dans un de fes derniers
Difcours au Parlement , ane fortie très- vive
contre la coalition . C'eft ainfi , dit-il , que penfe &
que s'exprime ce parti : » Détruifez l'influence de
» la Couronne dans les Communes ; donnez - məi
» l'influence d'une connexion , j'érigerai celle- ci à
» la place de celle-là ; & alors ce fera non Rex meus
» & ego , mais ego & Rex meus . Quant au peuple ,
je ne connois point de peuple que dans la Cham-
» bre des Communes ; & la connexion m'a livrée
>> celle- ci "<<.
5כ
Le Roi fe promenoit fur la terraffe de Windfor ,
lorfque le Prince Guillaume- Henri arriva Son
Alteffe Royale ne fit qu'un faut de fa voiture , &
courat vers S. M. qui le prit dans les bras , le preffa
contre fon fein avec tout le tranfport de l'amour le
plus tendre , & mena le jeune guerrier à la Reine ,
au milieu d'une maltitude de fpectateurs qui témoignoient
par leurs larmes la part qu'ils prenoient
à la joie & au bonheur de leur Souverain. Leurs
Majeftés , accompagnées du Prince Guillaume -Heari
& de toute la Famille Royale , fe font rendues , le 2
au foir , au Théâtre Royal dans Haymarket. Lorfque
le Prince Guillaume- Henri entra , les applaudiffemens
furent univerfels. Le jeune Prince portoit
l'uniforme de Garde de la marine , & parut trèsfatisfait
de la chanfon de mer chantée en fon honneur
par Banniſter.
On affure que la garnifon de Gibraltar ne fera
relevée qu'après la ratificatioin du Traité de Paix
définitif.
On affure que c'eſt l'intention du Miniſtère de
féparer le Parlement dans quinze jours , la feffion
étant trop avancée pour mettre fous les yeux limportante
affaire de la Paix avec la Hollande , du
Traité de commerce , du Traité définitif , & des
affaires des Indes Orientales .
( 139 )
GAZETTE DES TRIBUNAUX ABRÉGÉE .
PARLEMENT DE PARIS.
Caufe entre le Sieur Anquetil de Eriancourt .
Conful de France à Surate , & c . - Et les Armateurs
des Vaiffeaux le Duras & le Sévère.
Commerce de l'Inde.
Le Roi ayant établi , en 1773 , un Confulat à
Surate , fur la Côte de Malabar , nomma à cette
place le fieur Anquetil , Chef de la Nation Françoife
dans cette Ville depuis 1759. Les fieurs Bernier
, de Rothe & Foucault profitèrent de cette
circonftance pour expédier à Surate le vaiffeau le
Duras , avec une cargaifon de 1,200,000 livres ;
après avoir obtenu du Conful la promeffe de fes
bons offices pour le cho'x des Marchandifes en
France, & qu'il voudroit bien les continuer dans
Inde pour diriger la vente de cette cargaison &
l'achat des retours . Les Armateurs efpéroient gagner
400,000 livres dans l'Inde , & défiroient que ce
bénéfice , réuni aux 1,200,000 livres , fût employé
à la cargaison de Surate pour Europe ; ils prièrent
même le Conful de porter cette cargaifon jufqu'à
16 à 17 cents mille livres , & à cet effet de leur
procurer les fonds néceflaires par des traites fur
eux.- Le feur Anquetil partit fur le Duras , le
2 Avril 1774 , & aborda à Sarate le 5 Novembre
fuivant. Le Subrecargue ( le fieur du Laurens ) mourut
en Janvier 1775 , & le Conful pour le prêter
aux inftances des Armateurs , fe chargea des opérations
du vaiffeau comme ami feulement , & autant
que fa place pouvoit le comporter.
paroît que des malheurs fans nombre pourſuivirent
IL
(1) On foufcrit pour l'Ouvrage entier , dont l'abonnement
eft de 15 liv . par an . chez M. Mars , Avocat , rue & Hôtel
Serpente,
( 140 )
1
1
---
cet armement , & ils fe réunirent à la guerre des
Anglois contre les Marates , qui ruinoit le Commerce
dans l'Inde , & particulièrement celui de
Surate. Au commencement de 1776 , le produit
des fonds da Duras , loin de donner 400,000 liv.
de bénéfice , offroit en perfpective moins d'un million
; d'un autre côté les Armateurs avoient afnon- ´,
cé au fieur A queuil le vaiffeau le Sévère , avec une
cargaifon qu'il devoit échanger , tant à Surate qu'à
Mahé , contre un autre pour Chine . Le Conful de
Surate & le Commandant de Mahé avoient été
priés de préparer celle-ci . Cependant le Sévère
tardoit à paroître , & il falloit payer fa cargaifon
de Chine , ou la rendre aux Marchands . Dans
cette pofition , pour couvrir les pertes da Duras
& fournir aux befoins du Sévère , on crut devoir
profiter d'une occafion d'emprunter , offerte par
le heur Hornby , Gouverneur de Bombay. Ce Gouverneur
Anglois prêta 400,000 livres pour lequel
les il reçut une traite fur les Armateurs : au moyen
de cet emprunt , le Sévère fit en Chine un voyage
qui produifit un gros bénéfice , & le Duras revint
en Europe charge conformément aux voeux des
Armateurs. Ceux - ci au lieu d'accepter & de
payer la traite dont ils recevoient les fonds en
marchandifes , la refuferent fous prétexte que le
fieur Anquetil n'avoit pas pouvoir d'emprunter une
fi forte fomme . Ils la laifsèrent à fon compte &
fans faire attention que fa qualité de Conful lui
interdifcit le commerce , ils l'intérefsèrent à fon
infç , pour le montant de la traite , dans une portion
de la cargaifon qu'ils difoient en perte , &
ne donnèrent au porteur que le produit de cet intérêt
arbitraire. Le Conful , pour le payement du
refte de la traite proteftée , fut livré dans l'Inde
an recours du Gouverneur de Bombay , qui fit établir
une garnifon chez lui. Pour faire ceffer ces
violences , il abandonna fes bijoux , & engagea le
reſte de ſes effets , ce qui formoit un nantiſſement
-
---
( 141 )
-Son
plos que fuffifant , il fut encore livré aux hofti-
Inés des Anglois , qui le conftituèrent prifonnier
& le transférèrent dans la fortereffe de Tannah , dans
lifle de Salcefle , enfuite à Bombay , cù le fieur
Hornby le força de lui faire un billet de 189,700
livres , en apurement des comptes prétendus faits
par les Armateurs , & de ce dernier endroit on
l'embarqua pour l'Angleterte. — Tous les effets du
Conful & les papiers reftèrent à Surate entre les
mains des Procureurs du fieur Hornby , qui s'en
étoient emparés fans aucune formalité ; fes bijoux
& joyaux furent envoyés au fieur Hunter , Correfpondant
du fieur Hornby à Londres ; fes mcubles
& autres effets furent vendus à Surate & à
Bombay ; enfin après avoir efluyé toutes ces exactions
, il arriva en France dépouillé de tout.
premier foin fut de faire afligner en payement de
la traite . L'Amirauté accueillit prefque toutes les
demandes , fur l'appel en la Cour , Arrêt du 14
Avril 1783 , qui condamne les adverfaires du Conful
, & le fieur Bernier , l'un d'eux , par corps , à
luis rapporter acquittés & déchargés la traite de
400,000 livres , & le billet de 189,700 livres
fi mieux n'aiment les fieurs Bernier & Rabec , donner
caution de rendre le fieur Anquetil indemne de
toutes recherches & pourfuites qui pourroient être
faites contre lui par le fieur Hornby , ou à lui
payer 300,000 livres pour la valeur ; & en 20,000
livres de dommages & intérêts , avec l'impreffion
de l'Arrêt.... le tout aux frais des Armateurs , qui
font condamnés aux dépens.
---
Caufe entre la Communauté des Procureurs au Parlement
de Paris Et Me. Mollien , Avocat.
Avocat inferit fur deux Tableaux , peut traiter
d'une Charge de Procureur , fans être tenu de
juftifier du tems de Cléricature , ni d'infcription
à la Bazoche.
Ce droit des Avocats eft fondé fur des Arrêts
:
( 142 )
de Règlement . Il n'avoit pas fouffert de difficulté
jufqu'au moment où Me. Mollien avoir traité de
la Charge de Me. Moinot. Il a été refuſé à la
Communauté des Procureurs qui l'a néanmoins
affuré qu'elle n'avoit contre lui perſonnellement aucun
motif de refus , mas que la circonstance
dans laquelle il fe préfentoit , engageoit la Communauté
à fe conduire ainfi à fon égard.... Le Privilége
qu'il réclamoit , eft un effet de l'union qui
régnoit entre les Avocats & les Procureurs qui
faifoient ci devant Communauté ; mais aujourd'hui
que cette Communauté ne fubfifte plus , que les
Avocats ne venlentplus admettre fur leur Tableau les
Procureurs qui ont vendu leurs Offices , le défaut
de réciprocité d'égards engage la Communauté à
agir a trement. — Arrêt du 31 Mai 1783 , qui ,
fans s'arrêter à l'oppofition de la Communauté dont
elle eft déboutée , ordonne l'exécution de l'Arrêt
du 15 Avril , concernant la réception de Me. Mollien
, ensemble de l'Arrêt de Règlement de 1744 ,
condamne la Communauté aux dépens , & c.
BAZOCHE DU PALA IS.
La conteftation dont on vient de rendre compte ,
a excité le zèle des Officiers de la Bazcche pour le
maintien des règles particulières aux Clercs du Palais
, & notamment pour leur infcription fur le Regiftre
tenu par le Chancelier de cette Compagnie.
Me. Louis-André de Celles , Avocat Général ,
après avoir rapporté les difpofitions de l'Arrêt du
Parlement de 1744 , qui ordonne que.... » Ceux qui
» voudront demeurer chez les Procureurs au Parlement
en qualité de Clercs , à l'effet d'acquérir
» le tems néceffaire de dix ans , pour être admis aux
» Offices de Procureurs , feront tenus de fe faire
පා
infcrire fur le Registre de la Bazoche , finon &
» à faute de ce faire , qu'ils ne pourront être reçus
» auxdits Offices .... Et au cas que par la fuite ils
» fe fiffent infcrire fur ledit Regiftre , le temps de
( 143 )
Palais ne courra que du jour de leur infcription .
Me. de Celles en s'élevant contre la négligence de
la formalité de l'infcription , a requis la lecture à
l'Audience de la Bazoche , de l'Arrêt du Parlement ,
& que ledit Arrêt & lon Requifitoire faffent imprimés
& affichés dans les Salles du Palais .... Ce
qui a été ordonné le 10 Mai 1783 .
PARLEMENT DE NORMANDI E.
Procès entre le Sieur de Launey , Et la Demoifelle
de Minieres . Dédit de 20,000 livres
ftipulé dans un Contrat de Mariage , jugé incivil
, & cependant celui qui s'eft dédit condamné
en 20,000 livres de dommmages & intérêts.
Le fieur de Laaney, né d'une famille honnête , mais
peu riche , s'eft engagé dès la fleur de fon âge dans le
Régiment de Royal - Rouffillon Cavalerie. Sa bonne
conduite lui a toujours mérité la confiance de ſes
Chefs , & lui a valu les Grades auxquels il pouvoit
atteindre. Simple Maréchal-des-Logis , puis
Maréchal-Général- des Logis , employé aux Remontes
, il eft enfin devenu le plus ancien du Régiment
après 26 ans de fervice . En 1778 , le
fieur de Launey eut occafion de connoître la Demoifelle
de Minieres , riche héritière , qui demeuroit
chez un oncle Curé : il fut lui plaire.
Peu après appellé en Bretagne par ordre de fon
Corps , le fieur de Launey fe vit forcé de quitter
la Demoiſelle de Minieres , ou de faire le facrifice
de fon état. Alors ils fignèrent l'un & l'autre un
Contrat de Mariage dans lequel on lit ce qui fuir
après les claufes ordinaires . - » Et en outre la
» Demoiſelle confidérant que, le fieur futur époux
» eft actuellement au fervice , dont elle exige qu'il
fe retire pour l'époufer , pour le raffurer fur la
» perte de fon état qui ne peut qu'augmenter &
» lui être avantageux , fadite future épouſe lui a
» promis dès - à - préfent , à prendre fur tous les
( 144 )
» biens meables , préfens & avenir , la fomme de
» 20,000 livres exigibles à volonté ; de même que
» s'il arrivoit que ledit futur vînt à changer de fen-
» timent , ladite Demoiselle pourra l'obliger à lui
payer pareille fomme , dent du tout les Parties
» font convenues & demeuréés d'accord ,qu'elles pro-
-
t ;
ce
mettent & s'obligent refpectivement exécuter
» fous l'obligation de tous leurs biens , meubles
» & immeubles & héritages préfens & avenir. Fait
» double , & c. « ——— Le fieur de Launey le tranfporta
en Bretagne où fon devoir l'appelloit ; il follicita
& obtint le Grade de Sous-Lieutenant ,
que la Demoiselle de Minieres avoit ardemment
défiré. Au mois de Décembre de la même année
le fieur de Launey revint dans la patrie , & quitta
la place de Maréchal- des - Logis , incompatible avec
le grade d'Officier . Le 3 Mai fuivant , la Demoifelle
de Minieres écrivit néanmoins en ces termes
au fieur de Launey . » M. mon intention
» étoit autrefois de m'établir ; mais préfentement
» je n'y penfe plus , & vous prie de vous épargner
» la peine de venir au Presbytère , j'ai l'honneur
» d'être , &c. «‹ →→→→→→→→ Le fieur de Launey fit affigner
la Demoiſelle de Minieres à l'Officialité de Lifieux ,
aux fins de l'accompliffement des promeffes de mariage
ou de leur diffolution , auquel cas il demanda
fon renvoi devant le Juge-Royal , pour les dommages
& intérêts. Le renvoi ordonné , le fieur,
de Launey s'eft pourvu devant le Bailli de Bernay ,
où il demande 20,000 livres par forme de dédommagement
, & 10,000 livres par forme de réparation
. Sentence du 18 Mars 1779 , conçue
en ces termes : » Nous avons , faifant droit fur le
» principal , ladite Demoifelle de Minieres con-
» damnée en 9000 livres de dommages - intérêts
envers le fieur de Launey , & en tous les dépens.
ce
Sur l'appel , Arrêt du 18 Août 1781 , qui a
condamné la Demoifelle de Minieres en 20,000
livies de dommages intérêts , & aux dépens.
JOURNAL POLITIQUE
DE BRUXELLES.
RUSSIE.
De PETERSBOURG , le 17 Juin.
'IMPÉRATRICE a été inftruite par une
heureux qui lui eft arrivé aux manoeuvres
de fes troupes en Fionie ; mais comme il
lui annonce qu'il ne retardera pas fon voyage
à Frédériksham , le jour du départ de S. M. I.
eft toujours fixé au 20.
L'incendie du 24 du mois dernier , & les
fuites funeftes qu'il auroit pu avoir ont
fait décider que l'Amirauté fera transportée
hors de cette Réfidence. On la placera à
Cronstadt , où l'on établira une partie des
magafins ; le refte ſera porté à Oranic-Baum .
L'emplacement qu'elle occupoit dans cette
Capitale eft deftiné à divers édifices pour
plufieurs départemens . On fe propoſe d'en
faire un des plus beaux quartiers de la
Ville.
La Nobleſſe de ce Diſtrict s'eft aflemblée
il y a quelques jours au Palais d'Eté pour
26 juillet 1783. g
( 146 )
procéder à l'élection de Députés , dont la
fonction eft de veiller à l'économie intérieure ;
elle a été préfidée par le Feld- Maréchal ,
Prince de Galitzin , Gouverneur Général , &
fervie par les Officiers de la Cour. De pareilles
affen blées doivent fe tenir pour le
même objet dans toutes les Provinces de
l'Empire , conformément aux règlemens qui
ont été faits par l'Adminiſtration intérieure.
DANEMARCK.
De COPENHAGUE , le 1er. Juiliet.
IL eft arrivé , près d'Iflande , un évènement
bien fingulier , dont un Navigateur
Danois préfente ainfi le récit :
Ce navigateur partit d'ici au mois de Mars dermier
& toucha à environ 10 milles de l'Iflande à une
ifle , de la furface de laquelle s'élevoit une vapeur
épaiffe. Il crut d'abord qu'il avoit manqué la route
qu'il devoit prendre , mais ayant été convaincu du
contraire par des marques certaines , il prit cette ifle
pour l'Islande même qu'il préfumoit avoir été détruire
dans une grande révolution fouterraine. De
peur de toucher un fond ou des rochers il examina
la profondeur avec la fonde ; n'ayant trouvé que 10
pieds d'eau & ayant retiré avec la fonde des pièces de
pierre-ponce & du charbon il crut avoir trouvé la
confirmation de fa conjecture. Il fit enfuite le tour
de l'ifle dans le deffein d'y aborder quelque part ;
elle n'avoir qu'un mille de circonférence , ce qui le
fi revenir de fon opinion ; il continua donc fa route
& étant arrivé à l'endroit de la deftination il y apprit
l'ifle fumante qu'il avoit vue & examinée étoit
fortie de la mer depuis peu de tems. On remarque
que cet évènement eft arrivé à la même époque
que
-
( 147 )
cù la Calabre a été dévaſtée par un tremblement de
terie ".
Cet
évènement en effet fingulier ; n'eft
cependant pas une nouveauté. Les anciens
citent plufieurs exemples d'Ifles forties du
fein des eaux dans les mers du Levant ;
au
commencement de ce fiècle , en 1707 ,
il fe forma un écueil auprès de lIfle de
Thérafie ou de Santorin , à la fuite d'un
tremblement de terre ; & l'on trouve dans
le volume de l'Hiftoire de
l'Académie des
Sciences de Paris , année 1722 , des détai's
fur une nouvelle Ifle qui avoit paru
au mois de Décembre 1720 , entre celle de
Tercère & de Saint - Michel , deux des
Açores.
SUEDE.
De
STOCKHOLM , le 27 Juin.
TOUTES les
nouvelles qu'on reçoit de
Tavastehus depuis
l'accident
malheureux
furvenu au Roi , ont diffipé les inquiétudes
; S. M. n'a point de fièvre ; la guérifon
de fon bras avance ; & les Chirurgiens
ne mettent aucun obftacle à fon
prompt départ pour
Frédéricksham ; on croit
que S. M. pourra partir dans quelques jours.
ALLEMAGNE.
De
VIENNE , le s Juillet.
C'EST le 23 du mois dernier & non le
24 , que l'Empereur eſt arrivé à Léopol.
8 2
( 148 )
Il a dû y refter quelques jours , & on fe
flattoit qu'à fon départ il prendroit la route
de la Hongrie pour revenir dans eette Capitale
; fi c'eft - là ſa véritable marche , nous
pourrions efpérer de le voir ici vers le 11
de ce mois.
II
Le même brouillard qui remplit l'atmofphère
dans bien des endroits , & dérobe
les rayons du foleil qui font fi éclatans dans
cette faifon , fe fait remarquer ici ; il a été
pendant quelques jours auffi épais qu'au
mois d'Octobre.
On a fait dernièrement ici une nouvelle
épreuve du procédé imaginé par M. Frédéric
pour rendre les maifons incombuſtibles
; les incendies qui font fi fréquens en
bien des endroits , font defirer qu'on l'adopte
par- tout ; 1 Empereur l'a fait publier ;
il confifte en un compofé de neuf parties
d'argille , une de poil , une de tan , & une
d'eau de tannerie ; on y ajoute une treizièune
partie de cendres , avec une égale quantité
de fable , fi l'argille eft bonne & bien
graffe , & une 25e partie feulement de
fable & de cendres fi l'argille eft moins
bonne. On pétrit le tout avec de l'eau , &
on laiffe enfuite repofer cette pâte ; -on
l'étend fur un plancher uni en lui donnant
l'épaiffeur de 3 ou 4 doigts , & on attache
avec une ficelle bien frottée de favon , une
couche de paille de même épaiffeur . Outre
cette couverture préfervative il faut enduire
le bois & tout le toît d'une couche
épaiffe de la même pâte.
( 149 ) .
De BERLIN , le 4 Juillet.
LA Princeffe héréditaire de Pruffe eft
accouchée hier d'un Prince qui jouit , ainſi
que la mère , de la meilleure fanté.
La femaine dernière il eft arrivé ici un
tranfport de 400 recrues Heffoifes qui doit
être bientôt fuivi d'un fecond qui fera d'un
pareil nombre , & la femaine prochaine
on en attend un troifième qui fera de 200
hommes ; ces recrues deftinées d'abord par
le Landgrave pour les régimens qu'il a en
Amérique à la folde de l'Angleterre , étant
devenues inutiles par le retour prochain de
ces troupes , paffent au fervice du Roi &
complettent ceux de fes régimens qui font
répartis dans la Siléfie .
Les lettres de cette province & celles du
Comté de Glatz , contiennent le récit des
dégâts qu'une tempête violente & une pluie
exceffive y ont caufé le 21 Juin dernier &
les deux jours faivans. La ville de Neifs
& fes environs ont fur- tout exceffivement
fouffert. Plufieurs édifices publics , diverfes
maifons particulières ont été renversés ; les
ponts emportés , & les hommes & le bétail
entraînés par la rivière qui eft fortie de fon
lit ; les coups de tonnerre étoient effrayans.
On n'a point d'exemples de la violence de
la pluie qui tomboit ; une vingtaine de perfonnes
ont perdu la vie dans cette occafion
.
83
( 150 )
De HAMBOURG , le 8 Juillet.
"
ON eft toujours dans l'attente des grands
évènemens qui fe préparent dans le Nord ;
files négociations continuent à Conftantinople
, les mouvemens ne fe ralentiffent
pas fur toutes les frontières ; une armée de
70,000 hommes fe raffemble du côté de
la Crimée , une autre de 40,000 du côté
d'Archangelskoygorod ; toutes deux aux
ordres de deux Chefs féparés , le Prince Potemkin
& le Prince Repnin , relevant l'un &
l'autre du Feld-Maréchal Comte de Romanzow.
Les Turcs ont renforcé Oczakow , &
des troupes Ruffes raffemblées fur les bords
du Dnieper , funt prêtes à s'en approcher
comme le fit le Feld- Maréchal Comte de
Munich lorfqu'il s'en empara en 1737 .
Suivant des lettres de Pologne on y reçut ,
le 23 du mois dernier , la nouvelle qu'on
difoit pofitive, que plufieurs régimens Ruffes
étoient entrés en Pologne du côté de Kiovie
pour former deux camps , l'un à Human
& l'autre à Nimirow , dans le Palatinat de
Braclaw. Le véritable but de ces mouvemens
eft encore un fecret.
Les mouvemens ne font ni moindres
ni moins actifs du côté des Autrichiens.
» La trève , lit on dans une lettre , eft prête d'expirer
entre la Cour de Vienne & la Porte. La conjoncture
préfente exige , dit - on , que plufieurs arti
cles en foient changes quand on la renouvellera ,
parce que ce traité a été conclu dans un tems où la
Maifon d'Autriche ne fe trouvoit pas dans une pofi ion
( 151 )
auffi refpectable qu'aujourd'hui . Si les Turcs croient
qu'il eft au- deffous de leur dignité de céder , il fe
pourroit que la voie des armes fût le feul parti qui
reftât ; en tout cas l'Autriche y eft préparée. L'Empereur
en vifiant toutes les parties de fes Etats limitrophes
avec l'Empire Ottoman , a examiné les fortereffes
, les fleuves & toutes les autres circonftances
locales de l'E clavosie , de la Croatie , de la Hongrie
& de la Tranfylvasie. D'après les ordres on a
pourvu de nouvelles paliffades Peterwaradin , Brod ,
Gradifca , Pancfova , Teme war. On a rafé dans
Effeck 500 maifons des fauxbourgs , & les Francifcains
ont évacué leur couvent qui eft vafte &
qu'on deftine à former des cafernes pour 6000 hommes.
On a avancé plus loin vers les frontières les
magafins établis a Peft & à Bude ; on conftruit de
nouveaux affûrs à grandes roues pour faciliter le
tranfpoit de la groffe artillerie par les marais du
Bannar ; les charrons de Vienne ont reçu ordre de
fournir 500 charriots à l'armée , & on en a expédié
de pareils à ceux du plat pays . Des mouvemens aufli
peu ordinaires indiquent fans doute la poflibilité d'évènemens
intéreifans «< .
Cependant les négociations continuent
& on efpère qu'elles fe termineront par un
arrangement. On ne croit pas pourtant
qu'elles empêchent la rupture entre la Ruffie
& la Porte . En attendant que ces nuages fe
diffipent nos papiers ne font remplis que de
fpéculations à perte de vue , dans lesquelles
ils s'égarent en conjectures , & de pieces
pour confirmer différentes affertions qu'ils
ont hafardées quelquefois. Parmi ces dernières
en voici une fingulière qu'ils datent de
Riga.
» Les lettres de Pétersbourg nous laiffent dans
8 4
( 152 )
1
l'incertitude fur la guerre avec la Turquie ; au cas
qu'elle refufe d'obferver en entier le traité de
Kainardgi , & qu'elle continue à nourrir ou tolérer
en Crimée & dans le Cuban des troubles qui
naifent à notre sûreté , il faudra que nous repouf
fions la force par la force. A tout évènement nous
faifons des préparatifs convenables . L'Empereur a
autant de droit de fouhaiter un libre débouché pour
le Danube & la Hongrie , que nous pour Cherfon >
nos Provinces d'Ukraine & autres . Véritablement
il n'a pas , ni nous non plus , un nombre de vailfeaux
fuffifant pour le cabotage & le commerce qui
réfultera de cette liberté . Auf les nations cabotantes
& frettantes font- elles intéreffées comme rous à
cette augmentation de commerce , qui augmentera
leurs profits . Cette guerre , fi elle a lieu , eft donc
une guerre pour le bien public. Sil y avoit que'-
que nation qui affectât avec trop de partialité de
porter des munitions & des fecours à nos ennemis
, on aura toujours les moyens à Pétersbourg
de s'en reffentir par les douanes & autres opérations
dans nos ports . Les procédés des Puillances
Européennes à notre égard dans cette occurrence
feront la pierre de touche du fyftême politique qu'elles
veulent que nous adoptions à leur égard. Notre
Souveraine dans la derniere guerre a adopté une par
faite impartialité , qui la met en droit d'attendre affi
qu'aucune nation Européenne ne favorife les Mahométans
. Elle ne demandera pour les vaitſeaux , aux
fpectateurs , que ce qu'elle ne les empêche point
d'accorder à fes ennemis l'eau , l'air & les néceffi .
tés du moment ; & fi par humeur ou partialité quelqu'un
vouloit les refufer , elle eft déja fûre de les
trouver non-feulement en deçà du détroit de Gibral
tar , mais auffi au-delà ; les côtes d'Italie nous attendent
avec impatience ; nous les avons enrichis
dans notre précédente guerre. Qui pourroit refa
fer à nos flottes le droit d'y aller ? Qui pourroit
( 153 )
s'opposer à elles , fans rallomer par cette prétention
au droit exclufif des mers , le feu d'une guerre
plus générale que la derniere encore mal éteinte
& dont le moindre vent de partialité peut rallumer
les flammes qui feroient naturellement dangereufes
pour ceux qui le font épuifés à la foutenir. Si ,
contre toute attente & toute probabilité , le Turban
trouvoit des amis en Europe , n'en trouverions - nous
pas auffi , & que gagneroit - on à changer ou érendre
le théâtre ? nos armées pénétreroient-elles moins
dans le territoire Turc ? La Méditerranée est un autre
Océan commun à tant de peuples divers que ce
feroit une préoccupation puérile à l'un ou l'autre
d'entr'eux de s'en prétendre maître. Ce n'eft pas
comme notre Baltique une mer fermée , où toutes
les nations qu'elle baigne peuvent aifément & impartialement
prévenir qu'il ne le commette inutilement
des hoftilités par d'avides armateurs , quand
aucune d'elles n'eft impliquée dans la guerre ; ce fyftême
ne nuit à perfonne de ceux qui font étrangers
à cette mer : l'Océan , la Méditerranée baignent
cent peuples divers qui tous ont un même droit à
naviger , commercer & guerroyer fur leurs eaux.
L'Angleterre & l'Empereur de Maroc qui tiennent
le détroit de Gibraltar & qui refpectent le droit
des gens n'ont jamais penfé à déclarer fermé un
paffige que la nature n'a pas fermé , où leurs ca ·
nons ne peuvent atteindre , où les courans empêchent
même de ftationner , & qui conduit aux rivages
de nos ennemis . Nos flotres pourront donc
fi elles le veulent , aller trouver nos adverfaires dans
lars foyers : nous respecterons ceux des nations
étrangères à cette guerre , & nous chercherons les
côtes de nos ennemis fi nous le trouvons à propos.
Mais non ; efpérons plutôt encore que la paix pourra
fe maintenir, & que le bon Génie des Ottomans
prendra le deffus & les portera à un accommodement
raisonnable «<.
g S
( 154 )
Les lettres de la Pologne Autrichienne
contiennent des détails allez piquans fur les
habitans d'un certain canton de la Bohême
qui n'ont voulu reconnoître aucune des
Communions tolérées , & qui en conféquence
ont été envoyés à Joroskau en Galicie
, où ils arrivèrent , dans le mois dernier ,
fous une eſcorte militaire.
Ils étoient trente-neuf des deux fexes , tous compris
, & on les diftribuera dans les quartiers militaires
de la Gallicie & de la Bukowine , excepté
les filles & les veuves , qui feront confiées aux
Magiftrats , pour les placer au fervice d'honnêtes
gens . A Joroskau , lorfqu'on leur propofa de femblables
places , leur réponſe fut qu'elles fervoient
l'Empereur , & n'avoient pas befoin d'un autre fervice.
Malgré leur petit nombre , ces Diffidens fe divifent
encore en deux claffes : cinq familles ne veulent
reconnoître que l'ancien Teftament , obſervent
les ufages des Juifs , & le nomment Ifraelites ou
Abrahamites ; les autres ne veulent s'attacher à aucun
livre , & fe bornent à reconnoître un Dieu rémunérateur
& vengeur , de même que l'immortalité
de l'ame ; & ceux-ci font appel és Déiftes . Ils
ont refté trois jours à Jeroskau ; & pendant ce court
efpace le Chanoine , Charles Otto , Curé de la garnifon
, fe donna toutes les peines imaginables pour
en faire des Catholiques : tout ce qu'il obtint , ce
fut de porter deux perfonnes mariées & une veuve
à confentir de recevoir quelques inftructions ultérieures
; mais les argumens ne firent aucune im **
preffion fur la troupe : tant qu'on les laiffera enfemble
il ne paroît pas qu'il y ait rien de mieux à
efpérer. Selon le témoignage de M. Otto , les femmes
montrent encore plus d'opiniâtreté que les hommes
, & autant qu'il peur en juger , lear erreur n'a
pour caufe qu'un défaut de bonnes inftructions ,
155
que l'on peut attribuer à l'éloignement où étoient
leurs habitations de la paroiffe la plus voifine .
De FRANCFORT , le 7 Juillet.
ON mande de Dantzick un fait affez fingulier
& qui y a fait beaucoup de bruit.
» Le 28 Mai , Paul Czanski , Généra ! Poloneis
mourut ici fubitement , fans pouvoir recevoir les fecours
de l'Eglife . Comme la vie avoit été un peu
libre , l'Official défendit aux Curés & aux Supérieurs
des Couvens de l'enterrer ; un ami du Général
engagea le Magiftrat à faire des démarches auprès de
l'Officialité pour qu'elle levât cette défenfe ; le Magiftrat
s'y prêta & n'ayant pu rien obtenir , ordonna
que le corps fût déposé par provifion dans le caveau
de l'églife Luthérienne ; le même ami eſſay a d'engager
les Religieux de Stolzenberg à recevoir le corps
& à lui donner la fépulture ; ils s'en excusèrent für
la défenfe qu'ils avoient reçue ; comme leur couvent
eft fous la jurifdiction Pruffienne , il a pris le parci
de s'adreffer à la Régence de Marienwerder , qui a
fur- le-champ expédié deux refcripts qui enjoignoient
à l'Official de ne point s'oppofer à l'enterrement ,
peine de 100 ducats d'amende , & aux Religieux de
le faire avec toutes les cérémonies d'ufage «.
**
Une lettre de Lubeck en date du 29 du
mois dernier contient les détails fuivans .
Le Baron Frédéric Chr. de Wedel de Jarlsberg , &
le Grand Veneur Fr. Chr. Ernſt Comte de Rauzau ,
ayant enfemble quelques différends depuis quatre
mois , fe font battus en duel , hier matin , à Herrenburg
, à un mille d'ici , dans le Mecklenbourg,
Comme le rendez - vous étoit publiquement connu
il s'y raffembla beaucoup de fpectateurs . On difputa
pendant une demi-heure fur le choix des armes. Le
Baron de Wedel , peu exercé au piftolet , vouloit que
le combat ſe fît à l'épée ; le Comte de Ranzau pré-
•
g 6
( 156 )
tendoit que l'affaire étoit trop importante pour être
décidée autrement que par le piftolet ; il l'emporta
& tira le premier , lorfque les deux adveríaires
eurent été placés à 16 pas de distance . Ce coup
& celui du Baron de Wedel ne portèrent point, A
la feconde fois , celui- ci fut beflé dans le bas ventré.
Le Comte de Ranzau fauta promptement à cheval
pour fuir. Il ne diffipa qu'avec peine , accompagné de
fes amis , la foule des payfans qui , raffemblés par
ordre & armés de fourches , vouloient s'opposer à
leur paffage. Le bleffé & les perfonnes qui fe trouvoient
avec lui furent arrêtés . Les Chirurgiens ne
parent retirer la bille , & les recherches inutiles que
l'on fit pour la trouver rendirent la b'effure plus confidérable.
On ramena hier au foir le bleffé dans cette
ville ; le mouvement a fait reffortir la balle d'elle - même,
& comme il paroît que les inteftins ne font point
offenfés , on a les plus flatteufes efpérances pour le
retabliffement de M. de Wedel .
Il y a long- tems qu'on s'élève contre la
fureur des duels ; les loix divines & humaines
s'uniffent en vain pour les condamner
; le feul moyen de les réprimer feroit
de trouver un expédient qui , en confervant
l'honneur aux particuliers , maintînt
la loi dans toute la vigueur.
» Si tous les Princes de l'Europe , dit l'illuftre Auteur
des Mémoires de la Maifon de Brandebourg ,
n'aſſemblent pas un Congrès & ne conviennent pas entr'eux
d'attacher un déshonneur à ceux qui malgré
leurs Ordonnances tentent de s'égorger dans les
combats finguliers ; fi , dis - je , ils ne conviennent
pas de refufer tout a yle à cette eſpèce de meurtriers
& de punir fèrement ceux qui infulteront leurs
pareils , foit en paroles , foit par écrit ou par voies
de fait , il n'y aura point de fin aux duels «.
» On defireroit avoir des nouvelles d'Anne - Caro(
157 )
fine du Bois , fille de Barbe Pecaut & du fieur da
Bois , née à Strasbourg en 1749 ; fon père & fa
mère font morts , & elle eft intéreflée pour une
part dans la fucceffion du fieur Pecant fon grand- oncle
, Fournier de la chambre de l'Electeur Palatin ,
décédé à Manheim. On voudroit apprendre ou fon
exiſtence ou la mort ou ſa poſtérité , & en avoir des
preuves . On promet une récompenfe à ceux qui
pourront en donner. Il faut s'adreffer à M. du Sautoir
, rue & barrière de St-Jacq es à Paris , ou à M.
la Mothe , négociant à Manheim «.
ITALI E.
De LIVOURNE , le 27 Juin.
LES quatre galères de Malte , qui fous
les ordres du Commandeur de Freslon ,
Général des galères de la religion , avoient
été porter des fecours à Mefline & dans la
Calabre , ont mouillé ici le 14 du mois
dernier ; elles viennent de repartir fur la
nouvelle qu'il avoit paru quelques corfaires
Barbarefques dans les mers de Corſe.
On mande de Naples que de nouvelles
fecouffes de tremblement de terre éprouvées
le 4 , le 8 , le 11 & le 12 , dans la
Calabre , ont renouvellé les alarmes des
habitans ; il y en a une qui a paru trèsforte
& très longue ; mais on ignore encore
les dommages qu'elle a pu caufer. L'agitation
conftante de la mer depuis ce tems ,
& le phénomène qu'elle a montré le 20 ,
en fe retirant de fix palmes plus loin.
qu'elle ne le fait ordinairement , font crain1158
)
1
dre que l'on n'ait à s'attendre à quelque
défaftre nouveau.
» La Chambre de Santé , écrit - on de Venife , a
été avertie des progrès que font dans la Bofnie plufieurs
maladies qui le font manifeftées depuis quelque
tems. Ces maladies fe confondent fous l'apparence
de petite vérote , de dyffenteries & de fièvres
putrides ; mais comme elles font déja tiès -violentes ,
& qu'elles ont gagné Seraglio , Traunich , Caffero &
principalement les dépendances de Cuprés , on a jugé
des précautions néceffaires pour arrêter les progrès
de la contagion ; en conféquence , on vient de loumettre
la Dalmatie , les groffes Ifles , celles du Quarmer
, les bouches de Cattaro , Caftel - Novo , Car
zola & la République de Ragufe , à une contumace
de 20 jours. On la fera obferver pour les perfonnes,
les bâtimens , les marchandifes & le bétail «.
ANGLETERRE
De LONDRES , le Is Juillet. IS
Nos nouvelles de l'Amérique feptentrionale
ne nous apprennent rien de nouveau ; tout
y eft tranquille & le fera jufqu'à ce que cette
place foit évacuée ; on efpère qu'elle le fera
bientôt , on affure même que l'ordre pour
cet effet a été expédié au Général Carleton ,
avec des inftructions fur la manière dont
il doit fe conduire pour prévenir les défordres
qui peuvent arriver par la joie que
montreront les Américains , & par l'humeur
que nos foldats pourront prendre de
ces démonftrations. Les Loyaliftes qui n'afent
plus fortir de nos lignes & qui feroient
fort expofés s'ils reftoient à New -Yorck
( 159 )
après nos troupes , font tous leurs préparatifs
pour partir avec elles ; & ceux qui
vont chercher des établiffemens dans l'Acadie
, s'embarquent journellement.
;
» La nature , écrit un des nouveaux Colons arrivés
à Roſeway dans cette Province , a été très- libérale
envers cette partie de l'Amérique , elle nous paroît
en vérité très belle . L'entrée du Havre eft fermée
par deux Caps qui fe rapprochent du côté de
la mer , & qui s'élèvent beaucoup de cette entrée
au fond du Havre on compte près de deux lienes ;
le fond eft fi bon & fi commode dans quelques
endroits qu'il feroit ailé d'y tout difpofer pour
réparer un vaiffeau de 74 canons ; quantité de riviè
es déchargent leurs belles & fraîches eaux dans
ce Havre , & offrent à ceux qui ont befoin d'en
faire provifion des facicilités qu'ils ne trouveroient en
aucun autre endroit du monde. La terre , aux environs
du Havre , a une apparence fauvage , d'un côté elle
n'offre que des rochers ; mais de l'autre le fol eft
excellent , & il devient toujours meilleur en s'éloignant
du Havre. Nous avons une quantité prodigieufe
d'excellens poiffons ; j'en ai vu 24 très-beaux
vendus pour un dollar , & un ' feul qui pefoit fo
livres qui n'a pas coûré davantage. Je fuis convaincu
que ce canton , avec l'aide du Gouvernement , de
bonnes loix de l'induftrie , deviendra en peu de
tems un établiſſement confidérable ; il n'eft pas douteux
que la plupart des Loyaliſtes que leurs compatriotes
rejettent & privent de leurs biens ne viennent
grofhir cette Colonie «<,
Le Gouvernement adopte volontiers l'efpérance
de former fur le continent une
très-belle & très - vafte province , en état, avec
le Canada , de l'indemnifer un jour de fes
pertes , & de tenir en refpect la nouvelle
( 160 )
République fi un jour elle devient ambitieufe
; il a réfolu , dit- on , de former une
milice dans la nouvelle Ecoffe & le Canada ;
les habitans feront enrégimentés & chargés
de veiller à leur défenſe & à leur fûreté.
La banque de Philadelphie acquiert beaucoup
plus de confiftance & de crédit que
l'on ne l'imaginoit ; les Juifs y ont verfé de
groffes fomines , & les Hollandois lui en
font paffer de confidérables. On dit que M.
Van Berckel en partant d'Europe pour s'y
rendre , a emporté beaucoup d'argent comp
tant , qu'il a avec lui plufieurs Négocians
qui fe propofent d'établit à Philadelphie &
dans toutes les villes principales des Etats-
Unis des maifons de commerce ; on ne
voit pas ici de bon oeil ces opérations qui
ne peuvent tourner qu'au détriment du
nôtre ; on regrette fur- tout l'argent des Hollandois
qui paroît à préfent perdu pour
notre banque qu'il faifoit profpérer.
Parmi les projets du Congrès pour fe
fouftraire à la dépendance de l'Europe &
fournir lui-même à fes befoins , on remarque
les encouragemens donnés aux manufactures
de fer qui le mettront bientôt en érat
de fe paffer des armes que la nouvelle République
tiroit auparavant de Birmingham
& de Shefield, dont les manufactures ne tarderont
pas à bailler en conféquence.
L'Affemblée générale de Virginie a paffé
un acte intéreffant dont voici la fubftance.
Certe Affemblée générale a ftatué , en vertu de fon
( 161 )
autorité , que tous les droits & priviléges des Sujets
Proteftans de cet Etat , feront & font pour le préſent
pleinement étendus & communs aux Catholiques
Romains qui , ayant la fortune exigée par la Loi ,
fe conformant aux ufages civils , & obéiffant aux
Magiftrats , auront le droit d'être choifis eux-mêmes
pour remplir les Magiftratures & les Offices , tant
Civils que Militaires dans l'étendue de cet Etat ; cet
acte fupprime toutes les exceptions qui avoient été
faites dans l'acte paffé le premier Mars 1663 " .
y
L'Amical Pigot vient d'arriver de la Jamaïque
cù il s'étoit rendu de Sainte Lucie
pour en vifiter les chantiers & y mettre
l'ordre néceffaire ; les nouvelles que nous
avons de cette ifle , portent que le fucre
a manqué , ce qui forcera quantité de bâtimens
marchands à des frais confidérables.
pour former ailleurs leurs cargaiſons , s'ils
ne veulent pas revenir à vuide en Angleterre.
L'on y a perdu quantité de Nègres
par la petite- vérole , & on n'a pu éviter
une deſtruction totale qu'en inoculant
promptement tous ceux que ce fléau avoit
d'abord épargnés.
S'il faut en croire quelques uns de nos
papiers , on a reçu par la voie de Conftantinople
des nouvelles de l'Inde , par lefquelles
on apprend que Sir Edouard Hugues
eft parti de Bombay à la fin de Février avec
tous fes vaiffeaux réparés , dont 3 ont été
doublés en cuivre dans ce port.
»
Ils confiftent dans le Gibraltar , de 80 canons .
le Superbe , la Défenfe , le Sultan , le Cumberland,
le Héros , le Burford , de 74 ; le Monarque , de
70 ; le Worcester , l'Inflexible , le Magnanime ,
( 162 )
l'Afrique , l'Aigle , le Neftor , de 64 ; l'Ifis , le
S. Carlos , de so ; la Minerve , de 32 , la Médée ,
de 28 Total 18 vaiffeaux de ligne & frégates ; il y
en 'a encore 3 & une fregace à Goa , qui doivent l'avoir
rejoint ainsi qu'ils en ont reçu l'ordre. L'Amiral
fe rend , dit-on , à Madrafs ; & ceux qui calculent
la diftance de cette place , & qui favent que c'eft un
voyage de fix femaines , penfent qu'il a dû ſe trouver
en préſence de M. de Suffren vers le milieu du
mois dernier au plus tard « .
On n'eft pas fans inquiétude de ce qui peuts'être
paffé à cette époque & depuis , jufqu'au
moment où la nouvelle de la ceffation des
hoftilités fera arrivée dans l'Inde , le terme
fixé pour cet effet eft expiré ; mais il fe peut
qu'on n'en ait pas été informé à tems , & ce
n'eft peut- être que dans ce moment qu'on l'a
appris dans ces contrées éleignées . Quant aux
affaires de terre , nous n'avons point d'autres
détails que ceux que l'on lit dans la lettre fuivante
d'un Officier de la Compagnie , en
date du premier Décembre.
» La vie laborieufe à laquelle les calamités de
ce Pays ont affujetti depuis quelque tems tous les
Militaires , & la diftance où l'Armée a été de Bombay
, excuferent , j'espère , mon long filence . Depuis
mon arrivée dans l'Inde , je n'ai pas quitté les Armes
plus de quarante huit heures de fuite , en aucune faifon
de l'année , jufqu'à l'heure qu'il eft , & préfentement
je viens de recevoir l'ordre de partir fur-lechamp
pour Calicut , que nos Troupes ont récemment
conquis fur Hyder. Il eft certainement queftion
d'une Expédition importante vers ces Quartiers,
puifque 4 Bataillons de Cipayes , 900 Hommes d'Irfanterie
Européenne , & deux Compagnies complettes
d'Artillerie Européenne ont eu ordre depuis quel
( 163 )
que tems de fe tenir prêts à s'embarquer avec un
train d'Artillerie proportionné , afiu de joindre les
Troupes , qui font déja actuellement fur la partie
inférieure de cette Côte ; favoir , le 150me. Régiment
d'Infanterie du Roi , 2 Compagnies d'Arullerie
Européenne , 4 Bataillons de Cipayes , & 8.
Compagnies complettes de Grenadiers - Cipayes ,
outre 16,000 Niars & Tivys , habitans de cette
contrée. Nous aurions déja été à préfent en poffeffion
de Mangalor & en marche vers Serengapatnam ,
Capitale de Hyder , fi nous avions été affez heureux
pour porter les Marattes à des conditions de Paix.
Nos fuccès contre Hyder dépendront en gande partie
de la prompte conclufion de cette affaire , puifqu'alors
toutes nos forces peuvent agir avec sûreté contre lui
& le contraindre à partager fon Armée dans le Carnatic
, pour la défenfe de fes poffeffions fur la côte
de Malabar. La grande difette d'efpèces en cette partie
de l'Inde a beaucoup retardé nos opérations de
guerre. Je n'ai pas reçu une feule roupie de la Compagnie
depuis neuf mois ; & tous les Officiers dans
l'Armée , qui ont fait la Campagne contre les Marattes
, fe font battu pendant quatorze mois à crédit ,
c'cft-à-dire pour du papier , qu'on nomme Tranſport
de la Trésorerie , ( Treafury- Transfer , ) payables
Dieu fçait quand ou comment. Mais nous nous fom.
mes foumis à notre fâcheufe fituation avec bonne
volonté & joie , & avec cette reconnoiffance qui
eft due à nos généreux & dignes maîtres : & je
m'aflure , que je n'ai pas une feule connoiffance
dans l'Armée , qui ne fe contentât volontiers d'une
fimple picance de riz pour toute nourriture , & qui
ne répandit avec plaifir fon fang le plus pur por
venger la caufe de ceux qu'il a l'honneur de fervir.
Si nous pouvons conclure une Paix paffable avec les
Marattes , Hyder peut être sûr d'êre mené , comme
il ne l'a encore jamais été . Notre établiſſement Mililitaire
de ce côté - ci de la prefqu'Ile ( fur la côte de
1 164 )
Malabar ) eft fi nombreux , fi bien difcipliné , & fi
accou.umé aux entreprifes par notre conteftation
longue & ès-rule avec nos braves voisins , les
Marattes , q , fi nos Troupes d'ici pouvoient ête
menées contre lui , elles feroient comme un torrent ,
auquel il ne pourroit réfifter , & que , moyennant
une direction convenable , il fe verroit renfermé
entre deux puiffantes Armées. Il peut être foumis
par la fituation expofée de les Etats , favorable aux
incurfions ; ce qui n'eft pas le cas des Marattes , dont
le Pays eft afluré & entouré par des Montagnes ,
des pas étroits , des rivières , & des défilés «,
Le Parlement s'eft occupé de quantité
d'objets dans fes dernières féances ; plufieurs
ont pallé rapidement , quelques uns one occafionné
des débats qui offrent quelques détails
à la curiofité & que nous nous empreffons
de faifir.
» Le ; & les de ce mois , la Chambre haure
s'occupa du bill en faveur des débiteurs infolvables .
Le Lori Effingham propofa qu'on appellât des témoins
à la barre de la Chambre pour s'affurer de plufieurs
faits relatifs à leur miſérable ſituation ; différentes
liftes font menter le nombre de ceux qui
languiffent dans les prifons , les unes à 10,000 ,
les autres à 13,000 ; fi elles font juftes , que de
bras perdus pour le commerce & l'induftrie ! mais
il convient d'examiner fi le crédit n'en fouffrira pas ,
quels moyens pourroient prévenir les abus
& empêcher des hommes avides & de mauvaiſe
foi , de profiter de l'avantage de la loi qui ne doit
être que pour les infortunés. On en voit ordinairement
s'empreffer de fe rendre dans les prifons à
la première nouvelle d'un bill pareil , pour en fertir
enfuite lorfqu'il eft paffé , & s'acq . itter de cette
manière avec leurs Créanciers. Ce n'eft que par
des témoins qu'on entendra qu'on peut remédier
•
( 165 )
à ces inconvéniens , & empécher qu'une loi utile ne
devienne nuifible . Parmi les obfervations de ce Loid
pour démontrer la néceffité de fa propofition , il
infifta fur quantité d'abus relatifs aux dettes , & le
befoin d'une réforme dans la loi qui met la liberté
d'un homme en compromis pour de l'argent.
Il cita une femme dont la dette originale de 14
livres fterlings avoit été portée à so , par les frais
de Juftice , & qui fe trouvoit écrouée pour fa
vie faute de pouvoir la payer. Le Lord Mansfield
s'oppo a à cette motion ; il s'éleva avec force
contre les bills de cette eſpèce , & en fit voir les
abus lorfqu'ils étoient auffi fréquens . Il en fut paffé ,
dit-il , un en 1774 , un fecond en 1776 , un troifième
en 1778 , un quatrième en 1781 à l'occañon
des émeutes ; voici le cinquième : leur retour périodique
tous les deux ans eft de la plus dangereufe
conféquence ; il multiplie les débiteurs de
mauvaiſe foi , & ruine l'honnête marchand qui a
été furpris ; jamais je ne donnerai ma voix à celui-
ci. La Chambre frappée de cette obfervation ,
rejetta non- feulement la motion du Lord Effingham ,
mais renvoya encore à deux mois la feconde lecture
qu'elle devoit faire ce jour-là de ce bill ; &
le Lord protefia contre le refus qu'on lui faifoit
d'entendre des témoins , & contre le renvoi fi long
d'un bill dont la lecture lui paroiffoit preffée «.
ל כ
Jufqu'au 9 , les Pairs ne s'occupèrent que de
différens bills qui paffèrent fans oppofitions. Ce
jour- là , ils lurent celui de l'Accife , contre lequel
les Marchands de liqueurs diftillateurs & autres ,
avoient fait entendre leur confeil à la barre de la
Chambre ; leurs principales objections tomboient
fur l'inégalité de la peine affectée aux contraventions
; celui qui n'avoit contrevenu à la loi que
pour un objet de médiocre valeur , fe trouvoit
puni auffi févérement que celui qui avoit fait à
l'Accife un tort de 100,000 livres fterlings ; l'ordre
( 166 )
d'ouvrir leurs portes aux Employés à toute heure.
du jour & de la nuit leur paroiffoit génant ; &
ils trouvoient bien févère la peine infligée contre
ceux qui employoient & fabriqucient de fauffes
permiffions , & qui même avoient fimplement chez
eux les inftrumens qui peuvent fervir à en fabriquer
, tandis qu'on avoit que ces mêmes
inftrumens fervoient à une infinité d'autres ufages.
Le Lord Effingham appuya ces objections
de tout fon pouvoir ; mais cela n'empêcha pas que
les claufes dont ils fe plaignoient ne paffaffent à la
pluralité des voix, Le Duc de Portland avoit prouvé
la néceffité de la ſévérité , pour mettre un frein à la
contrebande , & pour re'ever un revenu qui étoit
autrefois de 50,000 liv . fterl. , & qui l'année dernière
en avoit à peine paffé 3000. Sur quoi le Lord
Effingham obferva que fi , lorfque l'on avoit paflé un
pour accorder à tout débiteur prifonnier, 4 pences
par jour , aux dépens de ceux qui les avoient fait
arrêter , on avoit dit qu'il mettoit le prix de la
liberté d'un Anglois à 4 pences ; aujourd'hui , depuis
le calcul du noble Lord , il ne fe tromperoit pas
beaucoup en évaluant celle de tout le Royaume à
45,000 liv . fterl , ou environ .
bill
Les féances de la Chambre des Communes n'offrent
rien de bien remarquable ; le 7 de ce mois ,
pendant qu'elle s'occupoir de la Compagnie des
Indes & fur-tout de lademande du fecours qu'elle fait
au Gouvernement , M. Jakfon fit une motion pour
réduire le dividende de Noël prochain à 3 pour 100
au lieu de 4. Il trouvoit indécènt & peu convenable
que les Actionnaires prétendiffent toucher un fi gros
intérêt tous les fix mois pendant que la Compagnie
étoit fi embarraffée . Son obſervation ne parut pas faire
beaucoup d'impreffion fur la pluralité des Membres ,
dont la plupart font en effet au nombre des Actionnaires
; ils dirent que la Compagnie avoit droit à quelqu'indulgence
après avoir foutenu prefque tout le poids
( 167 )
de la guerre dans l'Inde , & les Actionnaires à de
bons traitemens pour l'avoir foutenue avec zèle ; ils
ajoutèrent que les retours qu'elle attendoit en Europe
tant cette année que la prochaine fo: meroient
une femme de 11 millions , & qu'avec cela fes
affaires n'étoient pas dans un état qui rendît une réduction
de dividende néceffaire . Quelqu'un objecta
bien qu'il étoit fingulier qu'ils filent marcher de
front la néceffité des fecours & celle de laifler le dividende
tel qu'il eft ; mais cela n'empêcha pas les deux
propofitions de pafler également.
Le 8 offrit un fpectacle d'un autre genre ; ce fut
ure affaire de puntiglio qui occupa les représentans
de la Nation . Le bill en faveur des pauvres avoit été
renvoyé par la Chambre Haute avec des altérations.
On devoit faire la lecture de ces changemess , &
l'Orateur s'empreffa de prononcer auparavant le difcours
fuivant : Je fupplie la Chambre , dit-il , de
m'accorder toute fon attention . Les Pairs en altérant
le bill qui eft fous vos yeux , & qui ayant pour objet
d'établir un fond , & fürement un bill d'argent ,
viennent de porter atteinte aux priviléges de cette
Chambre , qui a déclaré plus d'une fois qu'elle les
maintiendroit & qu'elle ne fouffriroit pas que de pareils
bills fuffent mutilés dans la Chambre Haute.
Lorsqu'il s'eft préfenté des cas de l'efpèce de celui-ci,
la Chambre a choifi entre trois partis que voici : ou
elle avoit une conférence avec les Lords pour s'inftruire
des raifons fur lesquelles ils fondoient la différence
de leurs opinions ; où elle rejettoit le bill & en
faifoit un autre ; ou bien elle le rejettoit & n'en faiſoit
point de nouveau. Lorsqu'elle fuivoit le fecond parti ,
c'étoit dans la fuppofition que les corrections étoient
convenables & n'avoient pas été faites à deffein de
bletfer les droits de la Chambre ; celles qu'on venoit
de faire au nouveau bill portoient des marques certaines
d'un pareil deflein de la part des Pairs. Il eft
donc important de les arrêter dans une prétention
( 168 )
qu'ils manifeftent ouvertement , & que les Communes
confervent le droit exclufif que leur accorde la
conftitution de faire feules les bills d'argent , & de
fermer la bouche à ceux des Lords qui fe vantent que
tous les changemens qu'ils jugent à propos de faire
doivent être & font adoptés par la Chambre des Com-
Ce difcours produifit l'effet pour lequel il
avoit été prononcé. Le bill fut lû & rejetté . L'Orateur
le jetta avec indignation fous la table ; & M. Beckfort
ne jugeant pas que ce fût aflez , le prit & le porta luimême
hors de la Chambre .
munes. --
Outre les Confeils de guerre qui fe font
déja tenus , à l'occafion de divers évènemens
de la dernière guerre , il va s'en affembler un
autre pour juger la conduite du Lieutenant-
Colonel Wall , qui commandoit à Gorée en
Afrique , lorfque cet établiſſement nous fut
enlevé par les François ; on croit qu'il finira
comme celui de Tabago & celui de Penfacola
, que vient d'acquitter honorablement
le Capitaine Deans , qui commandoit les
troupes de marine lors de la reddition de
cette Place aux Eſpagnols .
Parmi les procès finguliers qui ont été portés
depuis long- tems au Banc du Roi , en
voici un d'une espèce très- étrange , qui mérite
quelques détails ; on en voit peu de ce
genre dans les pays étrangers , fur- tout entre
des Militaires.
Le Lieutenant Bourne ayant eu quelques démêlés
avec fir James Wallace , Capitaine du vaiffeau le
Guerrier , pendant qu'il fervoit fous les ordres de
celui - ci à la Jamaïque , lui demanda fatisfaction à
fon retour à Londres , & n'en obtint point . Inf.
truit enfuite qu'il avoit paru dans les papiers publics
( 169 )
blics un paragraphe & une lettre très- vive que
le Capitaine
ne défavouoit pas & où il étoit traité de lâ–ˆ
che ; il y répliqua par un libelle ; peu content de
cette vengeance , il rechercha encore celle qui eft fi
familiere aux militaires , & ne pouvant fe la procurer,
il donna quelque coups de canne à fon ennemi unjour
qu'il le rencontra. Tel étoit le fond de ce procès ;
l'Avocat du Lieutenant Bourne a fait envain valoir
comme un tiue à l'induigence , fon état , les préjugés
qui lui fent particuliers , l'infulte préliminaire qu'il
avoit reçue & l'impoffibilité d'obtenir aucune fatiffaction.
Le Tribunal a jugé qu'un délit de cette effece
commis par un Officier à l'égard de ſon ſupérieur
, méritoit de la févérité. Tour les coups
de canne il eft condamné à deux ans de prifon ,
il doit donner 1c00 liv. fterl. de fa bourfe ,
& deux garans qui en dépoferont joo chacun
Four fa conduite à l'avenir avec le Capitaine ; le libelle
a été auffi puni ; mais comme fir James Wallace
avoit été l'agreffeur par fon paragraphe &
par fa lettre le Tribunal a borné la peine à sol.
iterl. d'amende ; il y avoit une foule incroyable
à ce jugement ; quantité d'Officiers avoient accompagné
le Lieutenant , qui dit à fes Juges lorfqu'il
eut entendu la Sentence , fi elle eft conforme
aux loix j'ai appris à les refpecter , je m'y foumets ,
Mylords ; toute ma confolation eft dans la connoilance
de ma droiture & dans l'approbation
que donnent à ma conduite mes camarades , tous
gens d'honneur & de courage co
Ily a eu dernièrement une émeute à Newgate
de la
part de plufieurs prifonniers condamnés
au dernier fupplice , & qui avoient
tenté de s'évader ; leur complot auroit réuffi
fans l'un d'eux , qui le révéla à tems , & qui
à obtenu fa grace en confidération de ce fer-
26 Juillet 1783. h
( 170 )
"
vice . Dans les vifites qu'on fit fer - le- champ
dans les prifons , on trouva des armes à feu
que ces malheureux avoient eu le moyen de
fe procurer ; ils ellayèrent inutilement de
brifer les portes ; les fecours étoient prêts ,
on les força bientôt d'attendre tranquillement
leur deftinée .
Ily a eu auffi le premier de ce mois à Nottingham ,
une émeute ; elle a été occafionnée par le mécontentement
des Ouvriers contre le Maire de la Ville qui
avoit baiffé le prix de leurs journées parce que le
commerce languit. Ils s'affemblèrent en foule ,
fabriquèrent une effigie groffière de ce premier Magiftrat
, la placerent fur un âre & la promenèrent
par toutes les rues de la Ville ; ils s'affemblèrent enfuite
devant la maifon du Maire , attachèrent fon
effigie à la porte & la fouettèrent pendant un tems
confidérable : après cela ils caffèrent les vitres &
firent quelques autres dommages ; les domestiques
du Maire effayèrent de fe défendre ; ils chargèrent
des fufils qu'ils tirèrent , & bleffèrent quelques perfonnes.
Cela nefit qu'irtiter les mutins , on fut obligé
d'appeller le pouvoir Civil au fecours ; ce ne fut
qu'avec peine qu'on les diffipa. Le lendemain ils fe
raffemblèrent encore, & on a été obligé de former des
corps de gardes , & de faire marcher des patrouilles
. pour empêcher des défördres ultérieurs «.
FRANCE.
De VERSAILLES , le 22 Juillet.
Le Roi a nommé à l'Abbaye régulière
de Bucilly , Ordre de Prémontré , Diocèle
de Laon , le $ieur Warlomont , Procureur(
171 )
Général du même Ordre , à l'Abbaye régulière
de Braghac , Ordre de St - Benoît ,
Diocèse de Clermont , la Dame de Lantillac
- Sediere , Religieufe Profelle de l'Abbaye
de Bonne Saigne , mêre Ordre.
Monfeigneur le Comte d'Artois elt de
retour ici , du 18 de ce mois au foir , du
voyage qu'il vient de faire dans les Pays-
Bis. Ce Prince qui avoit été f igné pour un
mal de gorge dont il a été pris en route , eft
arrivé ici parfaitement bien portant.
D: PARIS , le 22 Juillet.
PARMI les lettres arrivées du Cap- François,
il y en a plufieurs qui entrent dans de nouveaux
détails far la vifite que le Prince Guillaume
Henri , fils du Roi d'Angleterre , a
faite à cet établiffement ; ils confirment ce
que nous avons déja dit de la galanterie que
lui fit M. de Galvez . Jaloux de témoigner à
ce Prince fon respect & fa reconnoiffance
il remit à un Officier Anglois de fa fuire , au
moment où il s'embarquoit , une lettre qu'il
le pria de ne donner au Prince que quand il
feroit à bord. Elle étoit conçue ainſi .
» Monfeigneur , les Troupes Efpagnoles répandues
dans les habitations de la campagne n'ont pas
eu le bonheur de prendre , comme les Françoifes ,
les armes pour falcer V. A. R. , ni celui de vous
donner des marques de refpect & de confidération
qui vous font dues ; c'eft un regret qu'elles conferveront
toujours . J'ai à la Loufiane le chef de la révolte
des Natchez, avec quelques- uns des fes compli-
>
h 2
( 172 )
ces : ils font aux cachots. Ils ont manqué à leur
parole & à leur ferment de fidélité . Un Confeil de
guerre , fondé fur des loix équitables , les a condamnés
à mort , & leur Sentence n'attend pour être
exécutée que ma confirmation , comme Gouverneur
de la Colone . Ils font tous Angleis. Voudriez-vous ,
Monfeigneur , accepter leur grace & leurs vies au
nom de l'Armée Espagnole & de mon Roi ? C'eft ,
je crois , le cadeau le plus digne qui puiſſe s'off: ir a
un Prince au nom d'un autre. Le mien eft très- généreux
, & il m'approuvera. Si V. A. R. daigne s'intéreffer
à ces malheureux , j'ai l'honneur de re
mettre ci- inclus un ordre pour qu'ils vous foient
rendus du moment que par quelque bâtiment il
vous plaife communiquer à la Loufiane vos volontés,
Il fera bien heureux pour nous , fi ceci peut vous
être agréable «.
Cette lettre étoit datée du 6 Avril ; le
Prince Anglois y répondit ainfi le 13 , à bord
du Barfleur , Port Royal de la Jamaïque.
par-
» M. Je ne trouve point d'expreffions affez fortes
pour témoigner à V. E. combien je fuis affecté de
la manière délicate avec laquelle vous m'avezfai :
venir votre gracieufe le tre , & de la conduite généreafe
que vous avez tenue envers ces malheureux dont
vous m'avez remis la grace. C'eft le don le plus précicux
que vous puiffiez nous faire ; il caractérife la
valeur héroïque de votre Nation , & il ajoute encore
aux fentimens de générofité que V. E. a fait éclater
en tant d'occafions dans cette dernière guerre.
L'Amiral Rowley enverra un vaiffeau à la Louifiane
pour chercher ces malheureus , qui , j'en fuis fûr ,
fe fouviendront toute leur vie de votre clémence .
J'ai envoyé au Roi , mon père , une copie de
votre lettre ; certainement il prifera toutes les attentions
que V. E. a eues pour moi . Je vous
prie de faire mes complimens à Madame de Gal-
-
( 173 )
vez , & d'être affuré que les politenes de V. E. ne
feront jamais oubliées de GUILLAUME - HENRY.
Une lettre de Cadix contient les détails
fuivans.
» Le 20 de ce mois il eft venu mouiller dans cette
baye un vaiffeau de guerre François parti du Cap St-
Domingue le 2 Mai Il nous a appris que Don François
Borja avoit appareillé du Cap le 27 Avril four
ramener les vaiffeaux & les troupes des Efpagnols . -
Un bâtiment parti de ce dernier port le 6 Mai , qur
a mouillé à Malaga a dépofé avoir rencontré l'efca- .
dre & le convoi de M. de Borja à 20 lieues de la Havanne
où don Jofeph Solano l'attendoit pour ramenere
Ero, e les troupes avec le tréfor dont il eft
chargé . Ai fi cette grande efcadre qui doit vivifier
notre ville , ne peut être attendue que dans le mois
d'Août , quoique nous avons reçu des avis qu'elle
a quitté la Havane le 8 Mai , ce qui ne s'accorde guè
re avec le rapport de ce dernier bâtiment.
1
Cette lettre ne nomme point le vaiffeau
François qu'elle dit avoir mouillé dans la
baie le 20 ; c'eft peut- être la Couronne. Le
bâtiment parti le 6 de la Havane'ne dit rien
non plus de la furpriſe de Providence par
300 Anglois , & qui , dit- on , a eu lieu le
6 Avril. Ce fience fait , avec raifon , douter
de cette nouvelle. La reprife de cette ifle
n'a pu être ignorée à la Havane plus d'un
mois après , & quelques lettres en auroient
parlé , fur tout celles adreffées au Gouvernement,
& aucune n'en fait mention. Il eft
donc un peu étonnant que cette nouvelle
vienne de l'Amérique feptentrionale , car
c'eft des papiers de ce pays que lés Gazettes
Angloifes l'ont extraite .
h3
(7 174 )
Les lettres de la Bourgogne & de la Franche
Comté nous préfentent une multitude
de détails fur la fecouffe de tremblement de
terre qu'on y a éprouvée ; nous en extrairons
les plus propres à donner une jufte idée
de ce phénomène.
nant ,
» Le 6 de ce mois , à 10 heures 3 ou 4 minutes du
matin , l'on a reffenti à Besançon , & à- peu - près dans
toute la Franche - Comté , une lecouffe de tremblement
de terre qui a duré au plus deux fecondes . Peu fenfible
pour ceux qui étoient en rafe campagne , elle
l'a été beaucoup dans prefque toutes les maifons ,
jufqu'à faire tomber quelques meubles , plâtres ,
tuiles , &c. Son mouvement a paru très - peu ofcillatoire
, mais vertical , & même de haut en bas ,
comme feroit la compreffion de l'air réagiſſant d'un
plancher fur l'autre & contre les portes & fenêtres.
Cependant elle étoit accompagnée d'un bruit raiforni
fouterrain ni aérien , mais comme inté .
rieur & ambiant , & tel qu'auroit fait une charge
de bled jetrée brufquement fur l'aire du grenier ; ce
fut le même ébranlement. Le tems étoit clair &
ferein , par un vent frais d'E. N. E. qui duroit depuis
plufieurs jours & qui fouffle encore , fans prefque
varier non plus que le baromètre. Il eſt à remarquer
qu'il n'y avoit pas quarante-huit heures que l'atmofphère
s'étoit dégagé d'une fumée ou d'un brouillard
fee & cependant affez épais pour dérober la vue des
montagnes , des nuages , des orages même quoique
très -fréquens , excepté les éclairs les plus vifs ,
quelques fois auffi le difque du Soleil , toujours enfumé
& colorié. Ce voile général couvroit l'horifon
depuis le 17 Juin . Hier 8 , à 11 heures
du foir , plufieurs perfonces prétendent avoir ſenti
une nouvelle fecouffe «.
Ces phénomènes devenus prefque géné(
175 )
raux , & obfervés jufques dans plufieurs
parties du Nord , ont répandu quelques
alarmes , que les Phyficiens fe font empreffés
de diffiper. M. de la Lande , qui a reçu quantité
de lettres à cette occafion , y a répondu
dans un papier public ; après avoir dit un
mot des fecouffes fenties dans la Franche-
Comté & en Bourgogne , il continue ainsi.
" On conçoit bien que la terreur a dû rapprocher
cet évènement du défaltre de la Calabre arrivé le 5
Février , & de l'apparition d'une Ile nouvelle qui
eft fortie du fein de la mer , au mois de Mars , par
une éruption volcanique près des côtes d'Illande ;
mais il n'y a certainement aucun rapport entre ces
différens évènemens . La Bourgogne ne préfente
aucun indice de volcans ni anciens ni récens ; & le
tremblement de terre qu'on y a éprouvé femble n'être
qu'un tonnerre fouterrain , une exploſion électrique
fufcitée par le brouillard fec & électrique dont tonte
la France étoit couverte , & qui avoit produit le 2 ,
aux environs de Paris , des tonnerres extraordinaires .
On fait depuis long- tems que la foudre part quelquefois
de la terre , comme elle part des nues , & qu'elle
eft fouvent produite par le défaut d'équilibre entre
la matière électrique de l'air & celle de la terre ; on
peut concevoir aisément que fi l'accumulation de
cette matière devient immenfe , l'ébranlement doit
fe faire fentir à une grande diftance. — M. Ribond ,
Procureur du Roi à Bourg en Breffe , & Secrétaire
de la Société Littéraire de la même ville , m'écrit que
lesbrouillards qui régnoient depuis dix jours parurent
fe rompre & fe diffiper ce jour -là ; c'eft l'effet naturel
de l'explofion & de la fecouffe qui venoient d'avoir
lieu entre l'air & la terre . Il y a donc lieu de croire
que ce tremblement de terre ne peut avoir aucune
fuite , ni fe répéter , la caufe ayant ceffé , & qu'il
n'a aucun rapport avec les évènemens arrivés dans
-
h 4
( 176 )
des pays éloignés où les volcans font un danger
continuel , dont la France eft heureufement préfervée
".
Le brouillard qui obfcurcit le foleil n'eſt
pas encore diffipé , malgré les orages qui
ont inondé Paris & fes environs. Mardi dernier
il y en eut un confidérable , pendant lequel
la foudre tomba en cinq ou fix endroits,
mais fans caufer aucun dommage & , fans
écrafer perfonne.
Le 23 Mai dernier , lit- on dans une lettre de
Château - Guerain , à 7 heures du foir , on a vu defcendre
perpendiculairement avec une précipitation
étonnante fur les Paroiffes de St - Mauris le Girard
& d'Entigny , diocèfe de la Rochelle , trois colonnes
de la groffeur d'une barrique ordinaire dans toute
leur longueur ; elles partoient de 3 nuages divifés &
éloignés les uns des autres d'un quart de lieue ; elles
aboutirent en un inftant aux nuages & à la terre ; elles
pompèrent l'eau des rivières avec une rapidité &
un bruit étonnant : ce dernier reffembloit à celui d'une
voiture roulant fur le pavé , & quelquefois à celui
du canon ; on voyoit s'élever dans leur intérieur
des flammes très vives , qui s'élançoient de toutes
parts fans être dirigées par le moindie fouffle de vent.
Les arbres les plus forts fe ployoient de manière à
faire croire qu'iis alloient rompre. Ce ſpectacle qui
dura environ une heure repandit l'épouvante parmi
les payfans qui prirent la fuite .
Ce phénomène dont on donne ainfi la
defcription , ne paroît pas être autre chofe
qu'un tiphon ; nous aurions defiré qu'en
eût joint à cette lettre quelques détails fur
la manière dont il finit.
Une lettre d'Annonai , en date du 26
( 147 )
*
Juin dernier , nous préfente les détails fuivans
d'une expérience très-fingulière .
» On vient de donner ici un fpectacle réellement
curieux , celui d'une machine faite en toile & cou
verte de papier , qui avoit la forme d'une maifon ,
ayant 36 pieds de long fur 20 de large & à - peu-près
autant de haut. On l'a fait élever en l'air par le
moyen du feu , à une hauteur fi prodigieufe , qu'elle
ne paroifloit plus que comme un tambour : elle a
été apperçue à trois lieues de cette Ville . Les Payfans
qui la virent , effrayés d'abord , crurent que
c'étoit la Lune qui fe détachoit du Firmament : ils
regardoient ce terrible phénomène comme le prélade
da Jugement dernier. J'ai vu cette machine
s'élever elle eut d'abord de la peine à s'élancer ;
mais quand elle fut remplie une fois de fumée ,
elle partit avec autant de rapidité qu'une fulée :
eile eft restée 7 à 8 minutes en l'air & eft allé tom-
·ber à un petit quart de lieue de l'endroit , d'où elle
étoit partie , fur une muraille un peu élevée , d'où il
n'a pas été posible de la retirer pour la préſerver
de l'action du feu qu'on y avoit mis , mais je ne fais
où ni comment , ainfi elle a été entièrement confumée
; c'eſt peut- être un bonheur , car un des inventeurs
parloit férieufement d'y monter : une feule
chofe l'arrêtoit , c'étoit l'embartas de pouvoir la
faire defcendre enfuite cù il voudroit ; mais il ne
doutoit pas qu'il ne pût aller très-loin , toujours par
le moyen du feu & cela fans aucun danger. On dit
que cet accident n'a point déccuragé ces Meffieurs ,
& qu'ils s'occupent à faire une feconde Machine :
la première , cependant leur coûtoit près de 100 pic
toles. On prétend qu'ils n'abandonneront pas leur
entreprife , & il feroit fâcheux qu'il leur arrivât
quelque malheur , ce qui paroît inévitable ; car fi
Ja poffibilité d'élever la Machine en l'air eft démontrée
, il n'en eft pas de même de celle de la diriger
& de la faire deſcendre à volonté «.
h S
( 178 )
Parmi les méchaniques intéreffantes en
voici une qui mérite d'être diftinguée .
>
>
» Le fieur Lacan , Horloger. Méchanicien , demeurant
rue Saint- Denis vis-à-vis Saint- Chaumond ,
Auteur d'un Baromètre annoncé il y a quelque
tems invite les Amateurs à voir celui qu'il
vient d'achever , & qui est beaucoup plus fenfible
que le précédent : les obfervations qu'il a faites
fur les effets du Mercure dans les tubes , l'ont conduit
à perfectionner cet inftrument , qui met tout le
monde à portée de connoître à chaque inftant les va
riations de l'atmosphère . Cette pièce est composée de
rouages de poulies qui font mouvoir quatre équilles
fur le même cadran. La première eft pour le Themomètre
, qui eft au centre , avec les divifions de
froid , de chaud , de chambre des mala les , du tempéré
& oranger. La feconde eft pour le Baromètre ,
qui eft au-deffis du Thermomètre , & dont le cadran
eft divifé en 32 degrés dans fon cercle , de pouce en
pouce , lefquels degrés marquent de 27 à 28 & 29 ,
tempête, grande pluie ou vent , variable , beau tems ,
beau fixe & très-fec. La troifième , qu'il nomme
éguille à fecondes , à caufe de fa fenfibilité , fait deux
fois le tour du cadran pendant que celle du Baromè
tre n'en fait qu'un de divifion , & que celle fenfible
eft de 64 tours d'afcenfion on d'efcenfion que lui fait
faire le mercute , de forte que cette éguille met à
même de juger à chaque feconde des variations continuelles
de l'atmosphère. La quatrième est pour
l'Hygromètre , qui marque l'humidité de l'air & la
féchereffe de la terre par la dilatation ou le reſſe : rement
des plumes remplies de mercure , qui font réunies
à un tube de verre. La boëte & cadre qui contiennent
cette Mécanique concourent à la rendre
propre
à orner un riche appartement. Il fait repréfenter
à la plaque fupérieure de la cage qui renferme
le mouvement , le chiffre de la perfonne à laquelle
( 179 )
on deftine le Baromètre , en l'adaptant , de manière
à laiffer voir partie des rouages de la Mécanique «.
Les Commiffaires des Etats de Bretagne
pour la navigation intérieure de la province
, nous ont écrit au fujet de l'article inféré
dans le Journal du 28 du mois dernier , que
nous n'avions pas reçu des informations
exactes , que la largeur ou la profondeur de
la rivière de Vilaine ne font rien à la poffibilité
de fa jonction avec la Rance , que
les plans , devis & eftimations des ouvrages
qu'on fe propofe de donner ne font pas encure
faits &c..
» Vous m'obligerez , Monfieur , de faire inférer
dans votre Journal le détail que j'ai l'honneur de
vous adreffer , d'un accident fan: exemple , dont eft
mort ces jours derniers , à l'âge de 30 ans , un brave
Officier qui en a été la victime. Sa mémoire m'eſt
trop chère pour ne pas m'empreffer de publier un
rapport exact d'un fait qui a déja été mal préſenté.
Le 27 de Mai dernier le Baron de la Ported'Anglefort
, Lieutenant-Colonel d'Artillerie , au
Département des Colonies , exerçoit la troupe aux
manoeuvres d'Infanterie fur la place du port de l'Orient
& en plein midi . Il donna un coup de plat d'épée
fur le dos à un Soldat qui , pour la troisième
fois , refufoit de prendre le pas de la colonne , queiqu'il
fût marcher, étant déferteur de plufieurs Régimens.
Ce Soldat fe retourna & d'un coup de fa
bayonnette , qui étoit alors au bout de fon fofil ,
il le traverfa de part en part & lui fit une bleffure
de trois à quatre pouces. L'Officier auroit pu éviter
ce furieux , mais il vouloit lui en impofer par une
bonne contenance . On doit cette juftice à fa géné
rofité que , bien loin de porter fa plainte au Confeil
de Guerre contre fon affaffin , il fit vivement folli
h 6
( 180 )
citer fa grace ; mais il ne put l'obtenir , parce que
l'Officier qui le remplaça dans le commandement la
porta à fon infu & fit condamner à la mort ce féroce
& malheureux Soldat . — Le fort de M. le Baron
d'Anglefort eft d'autant plus inté effant qu'il étoit
déja connu par les talens militaires , fon zèle , fa
bravoure & le fang- froid qu'il montra à l'affare de
Cancale , le 19 Mai 1779 , où il fe propofa pour
aller fur le bâtiment du Roi l'Eclufe , éteindre le
feu que les Anglois y avoient mis en l'abandonnant .
Il fut affez heureux pour arriver à tems & jetter à la
mer les poudres placées fur l'avant du bâtiment , afin
de le faire fauter. Il avoit déja cu ce jour- là un che
val tué fous lui en traverfant la plage . A cette époque
il obtint la Croix de St Louis , fur le compre
qui en fut rendu à M. de Sartine par M. le Prince de
Naffau , qui lui avoit confié le commandement de
l'artillerie de fa Légion , & qui 1 honoroit de fon
amitié & de fon eftime «<.
La Société Royale d'Agriculture de Lyon propofe
pour le Prix à donner en 1784 , le fujet fuivant , qui
lui a été indiqué par M. de Fleffelles , Intendant de
la Généralité. Conftruire un Four de Boulanger où
l'on ne brûlera que du charbon de terre . Le prix de
600 liv. ne fera décerné qu'après douze fournées ,
reconnues parfaites . La rareté des bois , & la proximité
des mines de charbon , rendent la folution de
ce problême particuliérement intéreffante pour la
ville de Lyon. Des favans étrangers fe font déja occupés
de cet objet . On pourra confuiter l'ouvrage intitulé
: New Invertiter , &c. ou Nouveau Four à
faire cuire du pain avec le charbon de terre , &c.
par M. Fréderic Holfche , Confeiller des mines du
Roi de Pruffe , in 4º . Berlin 1781. Les avis , mémoires
, plans , &c. feront adreflés , avant le premier
Avril 1784 , francs de port ; à M. l'Abbé DE VITRY,
Secrétaire perpétuel de la Société Royale d'Agriculture
, rue St - Dominique à Lyon ; ou envoyés
( 181 )
a
fous l'enveloppe de M. DE FLESSELLES , Intendant.
Elle a remis à l'année 1785 le Prix de 3co liv . deftiné
à la folution des queftions fuivantes : 1º : Quelle
eft la vraie théorie du rouiffage du chanvre. 29.
Quels font les meilleurs moyens d'en perfectionner
la pratique , foit que l'opérationfe faffe dans l'eau ,
ou en plein air ? 3 ° . Quels font les cas où l'une de
ces opérations eft préferable à l'autre ? 4° . Yauroit-
il quelque moyen de prévenir l'odeur défagréable
& les effets nuifibles du rouiffage de l'eau?
Les mémoires feront remis à la méme adrefle jufqu'au
premier Mais 1785.
La Société Littéraire , établie à Bourg en Breffe ,
annonce une activité de travaux qui fait honneur à
cette Ville , & qui deviendra utile à la Province ; le
Roi ayant permis ces Affemblées elles fe tiennent
régulièrement tous les quinze jours ; chacun y fait
des lectures à tour de rôle : les dix premières Séances
jufqu'au 26 Juin , ont été très-in: éreffantes ;
M. de la Beviere , Directeur , M. Aubry , Ingénieur ,
M. Vallée , fous- Ingénieur , M. du Tour , M. Dandelin
, M. du Noyer , M. le Baron de Bohan , MM .
Perrier , Mornier , Chefne , Picquet , Bernard &
Ribond , Officiers du Préfidial , M. Paret , Curé ,
M. Vermandois , Chirurgien , le P. Rouffeler , Auguftin
, ont lu divers Mémoires on Difcours fur la
Phyfque , l'Agriculture , la Littérature . On n'y a pas
oublié fur tout les établiffemens qui intéreffent la
Province de Breffe , relativement au climat , aux
maladies , à la culture , aux rivières , à la jurifpru.
dence ; on y a même fait l'éloge d'un des Membres
de la Société , mort depuis peu , & l'on efpére propofer
des Prix fur des fujets relatifs au bien du Pays .
M. de la Lande , de l'Académie des Sciences , & qui
eft né à Bourg , avoit entrepris , dès 1755 , de ráffembler
les gens inftruits qui fe trouvoient déja en
affez grand nombre dans fa Patrie ; mais ce nombre
7182 )
étant fort augmenté , M. Ribond, Procureur du Roi,
qui a renouvellé ce projet , a eu la fatisfaction de le
voir réuffir d'une manière qui fait honneur à une
Ville de huit mille ames , & à cent lieues de la Capitale.
Au refte , cette Ville étoit déja connue dans
Hiftoire Littéraire de la France ; fur les quarante
perfonnes de l'Académie Françoife , dans les commencemens
de fon inftitution , il y en avoit trois de
la feule ville de Bourg , Vaugelas , Méziriac &
Farer.
Marguerite-Louife-Françoife le Sénéchal
Carcado , Marquife de Molac , épouſe de
Corentin-Jofeph le Sénéchal Carcado , Marquis
de Molac , Lieutenant Général des Armées
du Roi , Commandeur de l'Ordre
Royal & Militaire de St Louis , eft morte
le 6 de ce mois au Château de Carcado en
Bretagne.
Les numéros fortis au tirage de la loterie
royale de France du 16 de ce mois , font :
67, 48 , 57 , 60 & 63 .
De BRUXELLES , le 22 Juillet.
UNE Ordonnance de S. M. I. publiée depuis
peu dans les Pays-Bas , établit un impôt
de 3 pour cent , fur tout le cuivre rouge
venant de l'Etranger , foit en feuilles , foit
travaillé ; les droits d'entrée auxquels il étoit
foumis feront perçus comme auparavant.
Les lettres de Hollande ne contiennent
rien de nouveau ; l'échange des actes de
ratification du traité d'amitié & de commerce
, ainfi que de la convention pour la repriſe
( 183 )
des captures entre la République des Provinces-
Unies & celle des Etats-Unis de l'Amérique
, a été fait. Ces actes ont été déposés
à la Haye , dans le Bureau fecret de L. H. P.
Les longueurs dans les Négociations qui nous cor
cernent , le alivement à la paix générale , lit - on
dans une lettre d Amfterdam , n'ont jamais été regar.
dées ici comme d'un bon augure ; & fi l'on parle
aujourd'hui des conditions que nous obtiendrons ,
il s'en faut de beaucoup qu'elles ( oient conformes à
nos espérances. Rien n'eft bien pofitif dans tout ce
qu'on débite à ce jet ; mais on prétend que le
Ministère Anglois veut abfolument retenir Negapatnam
, four fe didommager de la perte de Triaquemalle
; il ailure , dit -on , que la République doit
être moins affectée de la perte de ce comptoir, qu'elle
peut le remplacer en augmentant celui de Posto-
Novo ; mais ou're qu'en pareil remplacement eft
très-difpendieux , la fituation de Porto - Novo eft infniment
plus défavorable que celle de Negapatnam .
1º. Cette rale eft fituée plus au nord de Coromandel ,
que Negapatnam , & par conféquent moins favora
ble à nos Vaiffeaux qui ont befoin de faire échelle
en fe rendant à Batavia. 2 ° . Porto- Novo étant placé
entre Negapatnam qu'il a au fud , & Madrafs qu'il a
au nord , il femble que ces deux Places qui appartiennent
à l'Angleterre , feront à portée de gêner
fon commerce toutes les fois que l'intérêt de la G. B.
l'exigera «.
La lettre fuivante rectifie quelques détails
inférés dans une précédente que nous avions
reçue de Paris , au fujet de Péronne fauvée ,
& nous nous empreffons de la publier.
» Voici la première fois de ma vie que je me
permets d'écrire pour parler d'un de mes Ouvrages :
ce n'eft pas que j'en veuille prendre la défenfe ; un
( 184
}
-
autre motif me fait agir. Vous avez vu l'efpère
de perfécution qui s'elt élevée contre l'Opéra de
Péronne fauvée . Les curieux d'anecdotes favent que
cette perfécution avoit commencé avant le mois de
Septembre de l'année dernière , tems où et Ouvrage
devoit être repréfenté. Elle n'a femblé fe ralentir un
moment que pour éclater avec plus de violence deux
ou trois heures avant la première repréfentation.
Je crois n'avancer rien de trop en disant qu'il y a eu
peu d'exemples d'un auffi grand déchaloeine t . Des
Citoyens de tous les ordres annonçoient dans la
Salle & jufques fur le Théâtre qu'ils ne laiſſe oient
pas achever la repréfentation . Quel'e raifon en don .
noient is ? Le fujet même de la Pièce. Ce q i auroit
dû les difpofer favorablement , étoit précifément
ce qui les irritoit le plus ; comme s'ils avoient
craint qu'il y eût encore allez de patriotisme à Paris
pour foutenir l'Ouvrage contre la fureur des cabales .
-
Toures les différentes batteries , qui fembloiest
ne menacer que le Poète , étoient dirig'es contre le
Muficien : c'étoit à ce dernier précilément qu'en
you'oit cette légion d'Amateurs qui croit avoir opéré
la grande révolution dans la République maficale.
On l'avoit compris dans la pro chiption ; & quoique
étranger , on le fourthivoit à titre de Compofiteur
François. On étoit parvenu à force de ma èze
à éloigner M. de Zede du Thâtre Italien , lorsqu'il
me propofa de faire un Opéra. Use raifon fans eplique
exigeoit que l'Ouvrage fût promptement fsi- ,
& qu'on y inférât beaucoup de cho´es analogues aux
circonftances . Je me décidai donc à parodier . Je fis
choix d'ua fujet qui tient le milieu entre le gran i
Opéra & l'Opéra comique nouvellement introduit
à ce Spectacle , & je donnai à mon action les perfonnages
& la marche que je crus les plus favorables
au Compofiteur. Il étoit déja connu par un
talent très - original & peut être unique , celui d'ê re
( 185 )
vrai , tendre , ingéifieux & gai dans le genre paftoral.
Je crus qu'on me fauroit gré de prendre des payfans
Four mes Héros , & de laiffer à M. de Zede le foin
de les faire chanter. Après les obftacles infurmontables
que nous n'avons cellé d'éprouver , les
circonftances étant changées , j'ai fupprimé une
grande partie des chofes parodiées . Il re refte pref
que plus dans l'Ouvrage que ce qui eft paftoral , &
deux choeurs . Le premier au premier Acte : Ah !
reprenons notre courage. Dans l'Ouvrage d'où il a
été tiré , c'étoit un air chanté par un vieux foldat.
On peut juger au grand effet qu'il produit , quels
changemens le Compofireur y a dû faire . Le fecond
eft au fecond Acte : Enfin nous ferons informés des
noirs complots , &c . Ces deux morceaux qui ont
le plus brillant fuccès , peuvent paffer , avec raifon ,
pour avoir été recréés . Les fcènes des ennemis qui
terminent le premier Acte , celles de Marie , celles
du Général , le beau récitatif & l'air que chante le
père , enfin tout le fecond & tout le troisième Acte
ne font point parodiés. L'Auteur de la lettre
inférée dans votre Journal a donc eu tort , en me
louant beaucoup plus que je ne mérite , de ne rendre
pas à M. de Zede la j . ftice qui lui eft due. J'ai l'honneur
d'être , & c. Signé , DE SAUVIGNY.
――
PRÉCIS DES GAZETTES ANGL . du is Juillet.
On s'attend à la prochaine clôture du Parlement ,
& que le Roi viendra lui- même demain pour met
tre fin à la féance qui eft déja fort avancée & dont
la durée caufe déja quelques plaintes de la part de
plufieurs Membres qui font tous empreflés de retourner
chez eux ; le miniftere quoiqu'il n'ait pas
à fe plaindre de l'Oppofition ne fera pas fâché luimême
de voir la féparation de cette Affemblée qui
eft toujours gênante.
On dit que dans le dixieme des rapports que
( 186 )
les Commiffaires des Comptes ont remis à la Chambre
des Communes , il y a un article bien étrange
& qui mérite l'attention de la nation ; c'eft qu'il
fe trouve 170 millions qui ont été entre les mains
He fix particuliers nommés dans le rapport & dont
on n'a point de comptes.
Le Comte de Sandwich & l'Amiral Rodney tous
deux dans le même carroffe , qui étoit celui du premiér
, furent volés un de ces derniers jours par
un feul voleur qui prit la montre du Lord Sandwich ,
l'argent de l'un & de l'autre qui monte à environ
12 guinées pour chacun .
Les vols fe multiplient a un excès alarmant ;
on a vu un homme , lors de la derniere exécution
voler les mouchoirs des curieux que ce fpectacle
avoit attirés en foule à Tyburn ; cet évènement
n'eft pas étrange ; mais ce qui l'eft , c'eft que cet
homme fur qui l'on a trouvé quantité de mouchoirs
qui ne pouvoient lui appartenir , pourra en être
quitte pour quelques mois de prifon , s'il re fe
préfente aucun des propriétaires des mouchoirs
pour les reclamer & l'accufer. Il ne fuffit pas ici
qu'il foit faifi du corps du délit .
Le brouillard qui regne ici , écrit on de Douvres ,
eft tel que les habitans les plus âgés de la côte
ne fe fouviennent point d'en avoir vu un pareil .
2 vaiffeaux Hollandois de 44 canons chargés de
prifonniers de guerre qu'ils ramenoient à Portmouth
fe font égarés au milieu de cette brume ,
& ont reclamé les fecours du Capitaine Osburne
qu'ils ont rencontré revenant de Bologne pour les
mettre dans la route qui mene ici où ils viennent
d'arriver.
> On dit que le Comte de Welderen vient réfider
de nouveau ici en qualité d'Ambaffadeur des Etats-
Généraux des Provinces -Unies , & qu'une partie de
fes bagages eft déja arrivée. On ajoute que le Chevalier Yorke retournera auffi à la Haye pour y
( 187 )
reprendre le pofte qu'il occupoit avant la rupture.
L'avance prife par les Hollandois pour tout ce
qui concerne le commerce de l'Amérique caufe ici
beaucoup de jaloufie , & elle eſt fortifiée par toutes
les lettres de Hollande. Selon elles , M. Van Berkel
porte non - feulement des fommes très- confidérables
avec lui , deſtinées pour la banque de Philadelphie ;
mais il eft chargé d'offrir aux Etats- Unis le crédit le
plus illimité pour établir leur commerce & les mettre
en état de remplir leurs engagemens.
Les émigrations d'Europe en Amérique vont de
venir très fréquentes . Une Société de Négocians de
Londres , de Hambourg , fe font arrangés avec un
Américain diftingué pour favorifer l'émigration des
ouvriers de toutes les nations qui voudront paffer en
Virginie & dans le Maryland. Il eft déja parti trois
navires équipés par cette Société & qui portent des
habitans à ces Provinces.
M. Pitt a , dit- on , déclaré qu'il étoit très - bien
difpofé pour la plupart des Membres de l'Adminiftration
actuelle ; & cela fait préfumer qu'il rentrera dans
le Ministère avant que le Parlement fe raffemble.
Plus de 9000 Loyalistes , écrit on de New- Yorck ,
le coeur ferré & les larmes aux yeux ont appareillé
du Hook le 27 Avril pour la Nouvelle - Ecoile.—
Le Chevalier Gui Carleton a remonté la rivière du
Nord , pour avoir une entrevue avec le Général
Washington ".
GAZETTE DES TRIBUNAUX ABRÉGÉE ( 1 ) .
PARLEMENT DE PARIS .
Demande en entérinement de Requête civile. Teftament
mystique.
(1 ) On foufcrit pour l'Ouvrage entier , dont l'abonnement
eft de 15 liv, par an , chez M. Mars , Avocat , rue & Hôtel
Serpente.
* 183 )
-
Les Requêtes civiles fe mul iplient depuis quel
ques années. Les Parties mécontentes s'imaginent
réulfir dans le nouvel examen qu'elles propolent
fans faire attention que le mal- jugé feul n'eft pas un
moyen de Requête civile , & qu'il faut des moyens
indiqués
par la Loi. De là cette multitude de demandes
rejettées. Bierfon , riche voiturier é abli à
Roanne , mari d'Antoinette , a eu de fon mariage
les mineurs qui font Partie dans la Cauſe. — I fit
fon teftament en 1760 , & inftitua Pierre Briffat héritier
univerfel de fon mobilier & fa femme héritière
de les immeubles , ne laffant à es enfans que leur
légitime. L'i ftitution d'héritier mobiler n'avoit
été qu'un fideicommis : & Pierre Briflat qui ne
Fignoroit pas , avoit laillé tout le mebiler dans la
maifon du teftateur. La femme ne furvécut pas
long-tems à fon mari ; elle fit , le 26 Avril 1762 ,
un teftament myftique , par lequel elle donna au
fieur Forets , Marchand , par droit de légat , tous fes
meubles , or , argent , denrées dettes , & c . & nommapour
le réfidu de fes biens fes trois filles héritières
par égales portions . Elle déclara n'avoir pu figner
fon teftament à caufe de fon indifpofition , & conclut
qu'il fût clos & arrêté en la manière accoutumée,
&c. Ce teftament fut revêtu d'un acte de
fufcription fait par un Notaire en préfence des témoins
requis. La veuve Bierfon mourut le même
jour : & comme l'acte de fufcription ne fait pas mention
du jour , de l'heure , fi c'eft avant ou aprèsmidi
qu'il a été paffé , que d'ailleurs la teftatrice n'a
rien figns , on a jetté des doutes fur la validité du
teftament. Le fieur Forets en a fait faire l'ouverture
par le Juge & s'eft mis en poffeffion de l'univerfa'ité
du mobilier de la fucceffion , en a joui tranquillement
pendant plus de dix ans . Enfin les mineurs Bierfen
après avoir obtenu des lettres d'émancipation &
7189 )
' être fait nommer pour , curateur leur oncle ma
ten cl , ont formé contre Forets une demande en
reftitution de tout le mobilier dont il s'étoit emparé
; Forets ayant fait valoir le teftament du père &
ce'ui de la mère , les enfans ont demandé la nullité
du teftament de leur mère & de l'acte de fufcription.
Sentence contradictoire du Bailliage de Roanne le
13 Juin 1772 , qui a déclaré le teftament d'Antoinette
Sautel & l'acte de fufcription nul & de nul
effet :: a condamné le fieur Forets à reftituer aux enfans
les meubles & effets , & c . Et pour en conftater
la valeur Forets tenu de juftifier de l'inventaire
qui a dû être fait , & à défaut d'inventaire , donner
un état de mobilier certifié fincère & véritable , fauf
le contredit , la preuve de commune rerommée &
le ferment , à défaut de quoi feroit fait droit , &
Fo ets condamné aux dépens . Appel de la part
de Forets en la Commiffion de Lyon . Jugement contradictoire
qui a infirmé la Sentence de Roanne , &
déclaré le teftament valable. Ceft contre ce
Jugement que les mineurs ont pris des lettres de Requête
civile dont elles ort demandé l'entétinement ;
Arrêt le 9 Juillet 1782 qui a débouté les mineurs de
leur demande & les a condamnés aux dépens .
-
GRAND CHAMBRE.
―
Caufe entre les fieurs Brunon & Dherlieu & M. le
Procureur Général. Propriétaire de Greffes
ne pouvant exercer lui même , pour raifon
d'incompatibilité , avec un autre emploi qu'ilpoffede
, peut préfenter un homme au Roi , pour
exercer avec des provifions pendant un tems limité.
Le fieur Brunon , propriétaire des Greffes d'Aurillac
exerçoit ci-devant lui- même l'office de Greffier,
& étoit en même- tems Contrôleur des actes : un
( 190 )
Arrêt de 1776 rendu fur la requête de M. le Procureur
Général , avoit déclaré la double fonction de
Greffier & de Contrôleur des actes incompatible , &
avoir ordonné qu'il feroit tenu d'opter entre les deux.
Le fieur Brunon a choifi le Contrôle , & a voulu
faire exercer les fonctions de Greffier par un Commis
, à fa place & pour fon compte : autre Arrêt de
1778 fur la requête de M. le Procureur- Général , qui
a jugé que le Commis ne pouvoit remplir le Greffe ,
& que c'étoit éluder le premier Artét : les Officiers
do Bailliage d'Aurillac , ont nommé quelqu'un pour
exercer le Greffe , a la charge de compter des bénéfices
au propriétaire du Greffe , moyennant une rétribution
qu'ils avoient fixée , pour l'exerçant. La
perfonne nommée ayant été infidèle , les Juges
T'ont révoquée : alors le fieur Brunon a pris le parti
de prétenter lui- même un homme , ( le fieur Hippo.
lyte Dherlicu ) pour exercer le Greffe pendant neuf
ans avec des provifions du Roi. Les Officiers du Bailliage
ont refufé de le recevoir , fous prétexte que le
tems de l'exercice étoit limité. Appel de la
part du fieur Brunon de la Sentence de refus .
Arrêt du 19 Avril 1783 en faveur des fieurs Brunon
& Dherlicu.
GRAND'CHAMBRE.
---
Caufe entre Me Bifneau , Notaire au Mans ,
Intimé ; & Me Charpentier , Receveur des
Confignations , Appellant , en préſence de la
Communauté des Notaires de la même Ville ,
Intervenans.
Après l'ordre & diftribution des deniers provenus
d'une vente de meubles , Me Rifneau , Notaire ,
ayant été colloqué pour la fomme 205 liv . 11 fols ,
s'eft préfenté au Bureau des Confignations pour y
rece oir cette fomme ; le Receveur n'a fait aucune
difficulté de la lui payer , mais il a exigé que la
( 191 )
quittance de Me Bifneau fût paflée devant Me Martigné
fon Notaire ordinaire ; Me Bitneau foutenu
que comme créancier , il avoit le choix du Notaire ;
fur ce , conteftation élevée en la Séné hatflée du
Mans , entre Me Bifneau & Me Charpentier . La
Communauté des Noraires eft intervenue ; & par
Sentence du 14 Juin 1782 , Me Charpentier a été
condamné à payer la fomme de 205 liv . 2 fols ,
pour laquelle Me Bifaeau étoit colloqué , en donnant
, par Me Bineau , quittance devant tel Notaire
qu'il lui plairoit choifir : la même Sentence ,
faifant droit fur l'intervention de la Communauté
des Notaires , a fait défenſes au Re.eveur des Confignations
de chofie un Notaire parmi ceux de ladite
Communauté , pour recevoir toutes les quictances
& actes concernant les Confignations , exclufivement
aux autres Notaires de la ville du Mans ,
ordonné en conféquence , que les quittances & actes
feroient paffés & reçus pardevant les Notaires de
la ville di Mans indifféremment , lefquels feroient
choifis par les Parties , fans que le Receveur des
Confignations puiffe en nommer un pour faire ces
quittances , exclufivement à fes Confrères.
Appel en la Cour ; Arrêt du 7 Mai 1783 , confir
matif de la Sentence.
GRAND'CHAMBRE.
Caufe entre la Fabrique de St- Merry. Et la
dame veuve Camuzat , & trois autres Paroiffiens
oppofans à l'établiffement d'un Hofpice.
Plufieurs Paroiffes de la Capitale ont des Hofpices
pour les malades . Le Curé , les Marguilliers & les
perfonnes qui compofent le Bureau de Charité de la
Paroifle St-Merry, animés de l'amour du bien public
, avoient deffein d'en établir auffi un & de fonder
12 lits pour 12 malades non attaqués de maladies
( 192 )
-
contagieufes ; ils avoient deftiné à l'exécution de ce
projet une maifon appartenante à la Fabrique , fife
Cloître St- Merry . Après avoir donné congé aux locataires
, ils fe préparoient à y faire les difpofitions
convenables , lorfque quatre voifins de cette maifen
firent fignifier des oppofitions . Les Curé , Fabriciens
& Directeurs du Bureau en ont demandé mainlevée.
Arrêt du 9 Avril 1783 , qui a fait mainlevée
des oppofitions ; a autorifé les Curé & Marguilliers
& Bureau de Charité à paffer outre à l'établiffement
dudit Hofpice & a condamné les réclamans
aux dépens .
PARLEMENT DE DAUPHINÉ.
Procès en réparation d'injures.
---
Dans le village de Beaurepaire , une difpute s'étoit
élevée entre deux femmes du peuple ; la fcène fe paffoit
au milieu de la rue . Dans la chaleur du différend
, l'une fut accufée par l'autre d'avoir un enfant
qui appartenoit à trente- fix pères . La femme
infultée prit la voie de la plainte & de l'information
contre celle qui l'avoit calomniće. Appel
devant le Vi- Bailli de Vienne. Sentence qui annulle
l'infirmation & néanmoins accorde des réparations à
la perfonne offenfée . Appel refpectif par les
Parties. L'une demandoit la réformation de la Sentence,
relativement à la difpofition qui caffoit la pro
cédure , & demandoit fon exécution à l'égard des réparations
qu'elle adjugeoit. L'autre Partie concluoit
à la réformation de la Sentence , & à ce que
les Parties fuffent mifes hors de Cour & de procès ,
moyennant la déclaration , qu'elle reconnoifloit fon
adverfaire pour une femme de bien & d'honneur .
Cette Caufe portée à l'Audience de la Tournelle :
Arrêt du 14 Mai 1783 , qui a mis les Parties hors
de Cour & de procès , dépens compenfés...
la ſouſcription est ouverte jufqu'au
premier Septembre prochain
: lequel tems expiré, il n'en
fera plus reçu : l'oeuvre entier fera
traiter de la vente desdits établif- perfonnes qui auront fouferit ;
mens, fans en avoir obtenu la cet ouvrage fera de 18 liv. pour
permillion da Contrôleur-Géné- ceux qui n'auront pas fouferit ;
ral des Finances . De PImp. Roy.
Arrêt du Confeil d'État du
Roi , du 8 Mai 1783 , qui rend
communs àla fabrique d'Evreux,
tant le tableau de la fabrication délivré huit mois après la fouffait
pourla fabrique de Louviers, cription fermée . On fouferit d
que les Lettres patentes du pre- Paris chez le fiear Hazard, Rece
mier Mars 1781 , auxquelles led .
tableau eft annexé , excepté que
les Fabriquans d'Evreux ne poure
ront mettre à leurs étofes que
des lifières bleues . A Paris , de
PImpr. Royale.
veur de la Loterie royale de France
, rue de la Harpe ; il ne recevra
d'argent, de paquets & de lettres,
que francs de port
MUSIQUE,
Le Coucou , le Coq , la Pou-
GRAVURES. le & l'Ane , Ariette bouffonne
Cartes du Canada , du Mexi- d'un geme très-nouveau , & qui
que & des Etats Unis d'Améri- eft dans le diapafon de toutes les
que, en deux feuilles ; par Guill. voix , paroles & mufique de M.
Delifle : nouvellement revues & le Chevalier de B *** de Saintaugmentées
des nouvelles limites Salvy : 2 liv. '8 fols . A Paris , chez
& divifions defd . États , fuivant | Mad. Auvray , Marchande d'Efle
traité de paix de1783 , d'après tampes , rue S. Jacques , près S. !
les meilleures cartes du pays, tant Yves.
manufcrites que gravées , & affu- Partition de Renaud , Tragé
jetties aux obfervations aftrono- die lyrique en trois actes , dédiée
miques de MM. de l'Académie à la Reine , mife en mufique par
royale des Sciences , par De- M. Sacchini : 24 liv. A Paris,
zauche, fucceffeur des fieurs De - chez l'Auteur , rie Bafe - du-remlile
& Phil. Buache , premiers part , n° . 17 ; Sieber , M. de
Géographe salu Roi : zliv, 10f. Mufique , rue S. Honoré ; &qux
A Paris , chez l'Auteur , rue des adreſſes ordinaires.
Noyers.
>
LIVRES ETRANGERS.
IX. Difpofition genérale , con- A fyftem of furgery , & c . Syf
tenant parc & jardin de propreté, tême de chirurgic ; par M. Bencompofés
dans le goût anglois ; jamen Bell , Meinbre du Collége
le château ett fitué dans un coin Royal des Chirurgiens d'Edimdu
terrein : 1 liv. 4 fols. A Paris , bourg : tome I , in- 8 ° . 1783. A
chez l'Auteur , M. Penfe on , Ar- Londres chez Robinson .
chitecte , rue des Maçons. Bemerkungen über verfchie-
Plan & Perfpective d'un monu- dere gegenfioende , & c. Remar
ment national, ou place pour leques en forme de lettres , fur die
Roi & la Reine fur le terrein de
de celle de Saint- Michel , fous
le nom de Place des Vertus :
propofé par foufcription.
vers objets , faites dans un voyage
en plufieurs provinces de l'Alle
magne; par M. G. H. Hollenberg:
in-8 . de 254 pages avec
planches en taille-douce : 1782.
A Stendal , chez Franz & Groffe.
La foufcription eft de 12 liv.
favoir : 6 liv. d'avance , & 6 liv.
en remettant l'oeuvre avec le livre !
d'explication , à la fuite duquel
feront les noms & qualités des politique & diplomatique ; par
Dictionnaire univerfel des
fciences morale , économique ·
M. Robinet , Cenfeur royal :
tome XXIX , in-4° . br . 10 liv.
A Paris , chez l'Editeur , rue de
la Harpe , à l'ancien College de
Bayeux.
Les misères de ce monde, o
Complaintes facetieuſes de différens
arts & métiers de la ville
& fauxbourgs de Paris , précé-
Idées de l'hiftoire du bon hom-
Inquiry into the fource from me Misère : 1 vol. in- 12. de 188
whence the fymptoms of the pages : 1 liv. 4 fols. A Londres ,
fcurry and of putrid fevers ari- & le trouve à Paris , chez Cailfe
, by Fr. Milman. Lond. 1782 , leau, Libr.- Impr. rue Galande.
in-8 °. A Paris , chez Théophile Unmaffgeblicher vorſchlag ,
Barrois , Libr. quai des Auguftins, & c. Projet tendant à la réforme
Treatife on midwifery com- du bas Clergé , avec des maté
prehending the menagement of riaux pour celle du haut Clergé:
female complaints andthe treat- in- 8 ° . 1782, A Munich , cheg
ment of Children in carli infan- les Libr. qui vendent les nouveaucy,
by Alex. Hamilton . Lond. tés.
1781 , in-8 °, Chez le même. 1.
On foufcrit féparément pou
chez PH.-D. PIERRES , Imp
Jacques. Le prix de l'abon
la Table.
le JOURNAL DE LA LIBRAIRIE ,
heur Ordinaire du Roi , rue Saintat
eft de liv. 4 fols par année , avec
On s'abonne en teit temps , à Paris , Hôtel de
THOU , rue des Poitevins, Le prix eft , pour Paris ,
de trente livres , & pour la Province , port franc ,
trente-deux livres , q l'on remettra à lá Pofte
en affranchiffant le Port de l'argent & la lettre
d'avis.
9
Meffieurs les Soufcripteurs du mois d'Août fons
priés de renouveler de bonne heure leur Abonnement.
jeupe , Libr. quai des Augufsins
, a acquis du fonds de M.
P. Fr. Didot le jeune .
OEuvres de Chirurgie de M.
Goulard 2 vol. in 12.5 liv,
Contre-poifons de Parfenic ,
du fublime corrofif , du verd- degris
& du plomb , fuivis de trois
differtations ; par M. Navier : 2
vol. in- 12, 6 liv.
Manuel du jeune Chirurgien ;
par M. Nicolás : vol. petit in-
82. 9 liv.
Nofologie méthodique , dans
laquelle les maladies font rangées
par claffes , fuivant le fyfteme de
Sydenham & l'ordre des botaniftes
; par M. Sauvages : 3 vol. in-
8°. 15 liv.
ARRÊTs.
le pont de Séve. A Paris ,
Impr. Royale.
GRAVURES.
de
Antiquités d'Herculanum
tome IV , Nos I & II : chaque
cahier in-4° . 9 liv. in-8 ° . 6 liv.
A Paris , cher David Graveur,
rue des Noyers , nº. 7.
>
Combat de la Hogue, ampe
gravée par P. Voyfard, d'arres
B. Veft, & faifant pendant a
Général Wotlf: 6 liv. A Paris,
cher Ifabey , Marchand d'eftampes
, rue de Gêvres,
L'Ecueil de la fageffe , & la
tendre Amitié , deux Estampes
faifant pendant , gravées par de
Mouchy , d'après Hoin : chac.
2 liv. 8 fols . A Paris , chez l'Auteur
, cloître S. Bencit.
Arrêtde la Cour de Parlement, Vues du port S. Georges dans
qui ordonne qu'à l'avenir les va- l'Ile de la Grenade & du Fortcances
du Bailliage de Montdi- Royal & de la Martinique ; predier
& desJuftices qui y reffortif miere & feconde planches d'un
fet , commenceront au premier recueil des différens ports des
Septembre de chaque année , & fles Antilles : chacune 1 1. 10 f.
finitout le premier Vendredi 4 Paris, chez lefieur le Gouate
d'après les fêtes de la Touffaint ; rue S. Hy sein he, porre S. Michel.
extrait des regiftres du Parl . du MUSIQUE.
29 Avril 1783 A Paris,chezP. G
Simo & N H. Nyon , Libr.
Inpr.que Mignon S. André des
Arcs.
Arrêtde la Cour de Parlement,
qui ordonne que la Sentence
rendue en la Juftice de Bagnolet,
1e24 Avril 1722 , concernant la
police , l'ordre & la tranquillité
publique , fera exécutée felon fa
forme & tenear ; extrait des regiftres
du Parlement , du 19 Mai
1783. Chez les mêmes.
Journal de Clavecin , par les
meilleurs Maîtres , avec accompagnement
de violon ad libitum :
deuxième année , No.6 2 liv.
8. Chez Leduc , rue Traverfière-
S. H. au Magafin de Mufique.
Recueil d'afiettes , avec accompagnement
de guittare ; par
M. Loth lejeune , premier Violoncelle
du fpectacle de Rouen.
Cavre I , 3 liv . 12 fols . A Paris,
au Bureau du ficar Lawalle-l'Ecuyer
, cour du Commerce.
Trois fonates en quatuor, pour
le clavecin ou le fortepiano ,
avec accompagnement de deux
violons & baffe;par M. Bonjour,
Organiste de l'erchi-mona tère de
Saint-Remi : Euvre I , 7 liv. 4 1.
Lettres patentes du Roi , concernant
les octrois de la ville de
Paris ; données à Verfailles , le
premier Juin 1783 , registrées en
Parl. le 3 defdits mois & an. Chez
les mêmes.
Ordonnance du Bureau des Fi- A Paris , chez Boyer, au Manances
de la généralité de Paris , gafin de Mufique , rue neuve des
du 26 Mars 1783 , concernant le Petits - Champs , nº 83 ; & chez
paiement des droits de péage fur Mad. Lemenu , rue du Roule.
+
M
Douze Variations fur l'air de
Marlborough , pour un violon ,
avec accompagnement ; par F.
Bonnay, de l'Académie toyale
de Mufique : 21.8 fols . A Paris,
chez Michaud , rae des Mauvais
Garçons pris celle de Buffy; &
aux adress ordinairesde mufique.
LIVRES ETRANGERS.
Apperçu d'un citoyen fur la
curion des deux marines en
France in- 8 . de 60 pages. A
Amfterdam , & fe trouve à Paris,
chez l'Auteur , rue de Beaujolois ;
Grangé, Libr. au Cabinet littéraire,
Pont Notre- Dame.
Biographiska Lexicon , &c .
Dictionnaire biographique des
célèbres Suédois par M. G.
Gezelius , Prédicateur de la cour
de Suède troisième partie . A
Upfal , chez Swe ierus.
:
Le Criminel fans le favoir ,
Roman hiftorique & poétique : ¦
in- 12 . de 171 pages. A Amfter
dam , & fe trouve à Paris , che
Moutard , Impr.- Libr. rue des
Mathurins .
Defcription de nouveaux baromêtres
à appendices , qui ont un
niveau conftant , donnent la me
fure de la pelanteur de l'air dans
les profondeurs inacceffibles , &
à des hauteurs que l'obfervateur
ne pourroit ou ne voudroit pas
parcourir lui-même ; par M.
Changeux : in - 8 ° . br . avec fig.
Se trouve à Paris , rue & hôtel
Serpente.
Dictionnaire univerfel des
fciences morale , économique ,
politique & diplomatique ; par
M. Robinet , Cenfeur royal
tome XXX , in-4° . br . 10 liv.
A Paris , chez l'Editeur , rue de
la Harpe , à l'ancien Collège de
Bayeux.
On feufcrit féparément pour le JOURNAL DE LA LIBRAIRIE
chez FH.-D. PIERRES , Imprimeur Ordinaire du Roi , ree Saint-
Jacques. Leprix de Pabonnement eft de 7 liv. 4 fols par an , avec
Ja Table.
On s'abonne en tout temps , à Paris , Hôtel de
THOU , rue des Poitevins. Le prix eft , pour Paris ,
de trente livres , & pour la Province , port franc ,
trente- deux livres , que l'on remettra
la Porte ,
en affranchiffant le Port de l'argent & la lettre
'avis.
Meffieurs les Soufcripteurs du mois d'Août font
priés de renouveler de bonne heure leur Abonnement.
Libr. quai des Auguftins , vient
de recevoir de Londres :
The annual regifter , or, a view
of the hiftory , politics and literature
for the year , 1781 , in -8 ° .
London.
The hiftory of the reign of
Philipp the third king of fpain ,
by R. Watfon : 1 vol. in 4 .
Lond. 1783. t
& c. qui fe trouvent chez Théophile
Barrois , Libr. quai des
Anguftins.
Avis aux gens de la campagne,
ou Traité des maladies les plus
communes , avec des obfervations
fur les caufes des maladies
du peuple,fur l'abus des remèdes
& des alimens dont il fait ufage,
&c. par M. Didelot : in- 12. 2 l.
to fols.
ARRETS.
The hiftory of the progreff
and termination of the roman
republic , by Ferguſon : 3 vol. Arrêt du Confeil d'État du
in-4° . avec cartes . Lond. 1783. Roi , du 28 Juin 1783 , concer-
The hiftory offumatra contai- nant le tirage & le remboursening
an account of the government à faire aux mois de Dément
, laws , customs and man- cembre & de Janvier prochain ,
ners of the native inhabitants , des rentes créées par l'Ed . de Déby
W. Marfden : 1 vol. in-4° . cembre 1782. De l'Impr.Royale.
avec cartes London . 1783
The hiftory of the decline and
fal of the roman empire , by
Gibbon : 6 vol. in 8. avec car
tes. London . 1783 .
› The man in the moon or
ravels into the lunar regions, by
the man of the people : 2 vol .
An-12. London , 1783.
GRAVURES.
Deux Eftampes repréfentant
l'éducation , d'après L. Lagrenée :
chacune a liv. A Paris , chez J.
Couche , Graveur, rue S. Hyacinthe
, maifon de M. Leblanc.
La Fuite à deffein , Eftampe
gravée par C. Macret & J. Couché
, d'après Fragonard , 3 liv.
A Paris , chez le même. The royal kalendar , or complete
and correct annual regiſter Mort du Marquis de Montfor
England Scotland , Ireland , calm Gozon , Eftampe dédiée au
and America for the year 1783 , Roi , gravée par G. Chevillet
new edition corrected at the Graveur de S. M. Imp. d'après
reſpective offices : in- 12 . London , Vateau : 24 liv. A Paris chez
3783. les fleurs Bergny, rue Coquillière ;
The conftitutions of the feve- Albert , au Palais royal ; & Leral
independent ftates ofAmerica, noir , au Louvre.
the declaration of independence,
the articles of confederation betwen
the faid fates , the treaties
betwen his moft Chriſtian Majefty
and the united fates of
America , published by order of
congreff : in- 8°. Lond. 1782.¸
The english garden a poem in
four books , by W. Mafon : in-
$º. 1783-
Aview of the hiftory ofGreat
Britain during the adminiſtration
of Lord North : in- 8° . London ,
3783.
Suite des livres de Médecine , '
LIVRES ETRANGERS.
Account of an elastic trochar
conftructed on a new principle ,
for tapping the hydrocele ad abdomen
, by J. Audrée. London
1782 , in- 8 ° . A Paris, chez Théophite
Barrois , Libr. quai des Auguftins.
Almada Hill , an epiftle from
Lisbon, by W. J. Mickle. Oxford
, 1781 , in-4 . Chez le même.
An enquiry into the nature
caufes , ond method of cure of
nervous difordes , by A. Thontſon,
L. 1782. in- 8 ° .Chez le mêine.
Tales in verfe , by Pinkerton.
London , 1782 , in-4° . Chez le
même.
,
Hiftoriſch , moralifch und po
litifch abge faste beluftigungen
fur alle ftande , &c. Amulemens
The Mahomedan law of fuc- hiftoriques moraux & politiceffion
to the property of intefques pour tous les états : première
totes , in Arabick , engraved on partie , in 8. A Leipfick , chez
copper plates from an ancient Heinfius.
manuferit with a verbal tranilation
and explanatory notes , by
W.Jones . London , 1782 ', in-4º.
Chez le même.
Manuel du cultivateur , ou
Avis au peuple fur l'amélioration
de fes terres ; par l'Auteur
l'Agronome : 1783,2 part. in 1
D. Joh. Walbaum Chelono- rel. en 1 vol. Liv. A Amfterda
graphia , &c. Chelonographie, & fe trouve à Paris , chez Di
ou Defcription de quelques tor - jeune , quai des Auguftins.
tues ; par M. le Docteur Jean
ules Wilbaum : in-4 ° . de 132
pages , avec une planche , 1782 .
Lepfick, chez Glédufch
Thoughts on equal repréfentation
, & c. Penſées fur l'égalité
dans la repréfentation : in 8°. A
Londres , chez Blamire.
On foufcrit féparément pour le JOURNAL DE LA LIBRAIRIE
chez l'H . - D. PIERRES , Imprimeur Cidinaire du Roi , rue Saint-
Jacques. Leprix de l'abonnement eft de 7 liv . 4 fols par année , avec
la Table.
On s'abonne tout temps , à Paris , Hôtel de
THOU , rue des oitevins . Le prix eft , pour Paris ,
de trente livres , & pour la Province , poft franc ,
trente- deux livres , que l'on remettra à la Poite ,
en affranchiant le Port de l'argent & la lettre
d'avis.
Meffieurs les Soufcripteurs du mois d'Août fons
priés de renouveler de bonne heure leur Abonnement.
Ordonnance du Roi , du 13
Mars 1983 , pour mettre le régiment
d'Anhalt fous le nom de
Salm -Salm , & expliquer fes in
tentions relativement à ce changement.
A Paris , de l'Impr. Roy.
GRAVURES.
X. & dernière Difpofition géné.
rale pour la diftribution des jardins
de propreté , compotés dans
le goût anglois liv. A Paris ,
chez l'Auteur , M. Panferon , Architecte
, rue des Maçons.
Portraits dé Louis XVI , Roi
de France, & de Marie Antoinet
te , Reine de France : chacun
liv. 4 fols . A Paris , chez ifabey,
Marchand d'Eftampes , rue de
Givres.
MUSIQUE,
mis en musique par M. Sacchini ,
arrangees pour le clavecin ou
forte piano , avec accompagnecat
de deux violons & la boffe
chiffrée ; par Benaut liv 16
A Paris , chez Mile le raffen
rue-te la Monncie , & chez M
Caftagnery , rue des Prouvaire
•
Les variétés à la mode , feconde
fuite d'airs , Ariettes d'opéra
& operas- comiques , ariettes ita
liennes , romances , vautievilles
& duo , arrangés pour le clavecin
ou le forte- piano ; par M.
Célar : 3 liv. 12 fols . A Paris`,
chez Boyer , au Magafin de Mufique,
rue neuve des Parts -champs,
nº . 83 ; & chq Mad. Lemenu ,
rue du Roule.
" LIVRES ETRANGERS.
Chemical elays , & c . Effais Ariette avee accompagnement
de deux violons , quinte & baffe , chymiques par M. Watſon ,
dédiée à Mad . de la Haye de Car- Docteur en Theolugie , Membre
menin, Lieutenant Général de de la Société royale de Londres ,
Anitauté de France ; par C. Prefeffeur royal de Théologie
Remi 21. 3 fols. A Paris, chez dans l'Université de Cambridge :
l'Auteur, Cour des Religieux de t . III . in-12. 1782. A Londres ,
Abbaye S. Germain .
chez Cadell,
Journalde harpe , par les meil
leurs Mabres , v.7 : 2 liv . 8 f.
A Paris , chez Leduc rue Traverfière
S. Honoré.
>
Partition de la Mélomarie ,
Opéra comique en un alte
en
Military maxims , & c. Maximes
miiitaires , éclaircies par des
exemples ; par M. le Colonel
Jacques Calander : in 12. 1782.
Chez le même .
Monumens antiques , ou Colyers,
mêlé d'ariettes , dédié à S.sion d'anciens bas - re iefs &
A. S. Mad . de Condé , Princeffe de fragmens égyptiens , grecs ,
du fang, par M. S. Champei :
repréfentée pour la premiere fois
devant LL. MM. à Verfailles ,
par les Comédiens Italiens ordihairesdu
Roi, le 23 Janvier 1781,
&i Paris , le 29 fuivant : 18 liv.
A Paris , chez Deflauriers , Marchand
de papiers , rue S. Honoré,
à côté de celle des Prouvaires.
romains & étrufques , repréfentant
les cérémonies religieufes ,
les facrifices , les mariages , les
bacchanales , les guerres , les batailles
, & c . avec quelques obfer
vations fur la manière , la belle
compofition laperfe&tien qu'ils
avoient dans les arts du deffin &
de la feulpture ; ouvrage qui contient
200 planches en taille-douce,
la plupart deffinces & gravées par
M. Barbault , ci devant Penfionnaire
du Roi de France à Rome;
l'Egrind in-fol . A Rome , chez Bouchard
& Gravier.
Recueil d'ariettes , avec accom
pagnement de harpe : par M.
Dimen Maître de Harpe :
OEuvre I : 4 liv. 16 fols, A Paris ,
au Bureau du fieur Lawalle
Guyer , cour du Commerce.
Recueil d'ariettes de Regand Obfervations on fevers whepire
Britannique a été la fuite ;
par un Américain : in 8. 1783.
A Londres , Wilkie. chez
rein the different fpecies , nature
and method of treating thofe
difeafes are reprefented in now
and interefting points of vien, by
J. Roberts. London , 1781, in - 8.J.J. Rouffeau ; fur le caractère &
A Paris, chez Théoph. Barrois ,
Libr. quai -des Auguftins.
Des Pierres précieufes & des
Piertes fines , avec les moyens de
les connoitre & de les évaluer ;
par M. Dutens , nouvelle édition
revue & augmentée par l'Auteur;
in. 12. br. 2 liv. s fols . A Florence,
chez Molini ; & fe trouve à Paris ,
cher Onfroy, Lib. quai des Auguffins.
Réflexions fur les Confeffions de
le génie de cet écrivain ; &c. par
M. Servan , ancien Avocat Géné
ral au Parlement de Grenoble :
br. in 12. de 148 pages . l . 4 fols.
A Paris, chezles Lur. qui vendent
les nouveautes.
De la Sobriété & de fes avan
tages ; & c. traduction nouvelle
des traités de Leffius & de Cornaro
fur la vie privée : 12. de
312 p. liv. 10 f. A Paris , chez
Cailleau , Libr. Impr. rue Galande.
Political reflections on the late
colonial governements , & . Ré.
flexions politiques fur les anciens The hiftory of France , &c.
gouvernemens des colonies , dans Hiftoire de France , depuis le
fetquelles or expofe leurs défauts commencem du règne de Louis
conftitutioenéis , & l'on mentre XIII jufqu'à la paix de Munters
qu'ils ont produit naturellement par M. Valter Anderfon : tome
une rebellion femblable à celle IV & V , 1783. A Londrés, cheg
dont le démembrement de l'Em- | Becket.
On fouferit féparément pour le JOURNAL DE LA LIBRAIRIE ,
shez TH.-D. TIERRES , imprimeur Crdinaire du Roi , rue Sain
Jacques. Le prix de l'abonnement cft de 7 liv. 4 fols pas ainée , aves la Table.
、On s'abonne en tout temps à Paris , Hôtel de
THOU , rue des Poitevins. Le prix eft , pour Paris ,
de trente livres , & pour la Province , port frane ;
trente-deux livres , que l'on remettra à la Pofte
en affranchiffant le Port de l'argent & la lettre
d'avis.
Meffieurs les Soufcripteurs du mois d'Août font
priés de renouveler de bonne heure leur Abonnement.
LIVRES NATIONAUX précédés d'un abrégé de géogra-
L'Amour à la redoute , Poëme phie : 1782. 2 vol . in 83, br. 12l.
en denx chants , par M, de Lan- A Dijon ; chez l'Auteur , places.
xale. A Paris , chez la dame Ef- Fiacre , Ne, 989 ; chez Frantin,
prit, au Palais Royal. Impr. du Roi ; & le trouve à Pa
ris , chez Théoph . Barrois , Dr.
quai des Auguftin , & Moward ,
Libr . Impr. rue des Mathurins.
Catéchifine de morale , fpécialement
à l'ufage de la jeuneffe ,
contenant les devoirs de l'hom
me & du citoyen , de quelque religion
& de quelque nation qu'il |
foit : in 12, 1 , 19. A Paris, chez
Lambert & Baudouin , imp.- Libr.
ruedela Harpe, prés S. Côme,
Difcours en vers , fur la néceffité
du dramatique & du pathétique
en tout genre de poefie ; par
M. le Blanc: br. de 16 pag 12f.
A Paris , chez Deffenne , Lib. qu
Parais Royal.
Précis hiftorique de la ville de
Meifing , de la Sicile , & c. I vol,
in 12. de 120 pag. avec le plan
tophographique de Melline, br.
1 liv. 4 C. A Paris, chez Cailleau,
Libr.- Impr. rue Galande.
le
Rapport de MM. Cofnier
Maloet , Darcet , Philip
Preux , Defeffartz & Pauler
Doeurs-Régeus de la Faculté
de Médecine de Paris , fur les
Faftes juifs , romains & fran - avantages reconnus de la nouvelçois
, on Elemens pour le cours le méthode d'aduriniarer l'élec
d'histoire du college de Dijon ; Itricité dans les maladies nerveu--
fes , particulièrement dans l'épiepie
& dans la catalepfie ; par
M. Ledru , connu fous le nom
de Comus ; lu à l'affemblée de
cette faculté , dite du Prima
menfis , tenue au mois d'Avril
dernier.
Suite des Ouvrages de Géographie
qui le trouvent chez
Deinos , Ingénieur-Geographe ,
rue S. Jacques.
I
L'Italie reformée , ou nouveau
Plan de gouvernem développé ,
trad . de l'I alien : br. 1 liv .
Recherche fur le vrai imoyen
perfectionner & régler les penduies
; par M. Diderot : in- 8 °. br.
2 liv .
de Ce rapport eft précédé de l'apperça
du fyème de l'Auteur fur
l'agent qu'il emploie, & des avantges
qu'il en a tirés ; imprimé
par ordre aux frais du Gouver Tableau & Idée générale de
rement: in-8 . de 115 pag . A l'histoire de France , par Maclot :
Paris , de l'Impr. dePh.-D. Pier- rel . en veau , 2 liv. 10 fols.
res , Impr. Ord. du Roi , & de la Almanach hiftorique & géo-
Police , &c. rue S. Jacques ! - graphique , compofé de toutes
Recueil de pièces concernant les cartes de l'Europe : 2 vol . rel .
les exhumations faites dans l'en- en maroq. 18 liv.
ceinte de l'églife de la ville de Almanach géographique , pe-
Dunkerque , imprimé & putit Atlas élémentaire , ea 32 carbiré
par ordre du Gouvernement: tes générales : I vol. maroq . 121.
a Paris, de l'Imp. de MONSIEUR.
Théâtre de M. de la Place ,
contenant Venife fauvée; Adèle
de Ponthieu ; Jeanne Gray &
Polixène ; nouv. édition . A Paris
, chez Barrois aîné , Libr. quai
des Auguftins.
AVIS.
Suite des livres que Barrois le
jeune , Libr . quai des Auguftins ,
a aequis du fonds de M. P. Fr.
Didot le jeune ;
Onaniime, Differtation fur les
maladies produites par la maftur
bation ; par M. Tiffot : in- 12.4
iv. 1o fois.
Traité des nerfs & de leurs
smaladies ; par le même ; 6 vol ,
in- 12. 15 liv
Traité de l'épilepfie ; par le
aême : in-12. 3 liv.
Confultations choifies dans plu-
Almanach & petit Atlas , compofé
de toutes les provinces &
gouvernemens de la France : marequin
, 12 liv.
Idée générale de la géographie
& de l'hiftoire moderne : par M,
Maclót: maroq. 6 liv.
Almanach du voyageur, cu Indicateurfidèle,
qui enfeigne toutes
les routes de France : maroq,
liv.
Almanach topographique de
tous les lieux & promenades des
environs de Paris , en 16 carres
enlum . s liv.
Almanach , l'Enfant géogra
phe , ou Introduction à la géographie
, par demandes & par réponfes
, avec fig , enluminees : 6
livres .
Almanach iconologique , hiftorique
& chronologique des
feurs Médecins célèbres de l'U- Rois Mérovingiens , & portraits :
niverfité de Montpellier , fur des 30 fig. enlum . 9 liv.
maladies aigues & chroniques ;
10 vol. in 12.30 liv.
Médecine vétérinaire ; par M.
Vijet : 3 vol . in 8º . 21 liv.
ARRET S.
Arrêt du Confeil d'Etat da
Roi , du 2 Mai 1783 , portant défenfes
aux propriétaires des éta-
Matière médicale réformée , bliffemens de commerce qui auou
Pharmacopée médico chirurront obtenu des priviléges ou en
gicale ; par le même ; in-4° . 1 3 1. couragemens pécuniaires , de
MERCURE
DE FRANCE
.
( No. 28. )
SAMEDI 12 JUILLET 1783 .
A PAR I S.
JOURNAL DE LA LIBRAIRIE.
auront négligé de les faire retirer
d'ici à la fin de l'année couráare,
épeque à laquelle l'ouvrage fera
entièrement achevé.
LIVRES NATIONAUX.
Abrégé d'anatomie , à l'ufage
des élèves en chirurgie dans les
écoles royales de la Marine ,
ainfi que de tous ceux qui cu'ti- Délaffemens de l'homme fenvent
cette fcience : 2 vol. in- 12 , fible, ou Anecdotes diverfes; par
A Paris, chez Méquignon aîné ,
Libr. rue des Cordeliers.
Cérémonies & coutumes religieufes
de tous les peuples du
monde huitième livra fon . A
Paris, chez Laporte , Libr, rue
des Noyers.
:
M. d'Arnaud : tome I , feconde
partie. AParis , chez l'Auteur , rue
tas Poftes , près l'Eftrapade ; &
chez la veuve Ballard & fils, Impe
rue des Mathurins .
On trouve aux mêmes adreffes
Les Nouvelles hiftoriques ; par
Les Libr. ainsi que les Particu- M. d'Arnaud , tome 1II.
liers qui ont fouferit pour l'ou- Mémoires concernant l'hiftoivrage
intitulé : Cérémonies & re , les fciences , les arts , les
Coutumes religieufes de tous les moeurs , les ufages, & c. des Chipeuples
du monde, font inftam- nois ; par les Miffionnaires de
ment priés de faire retirer le plu- Pékin : tome IX, in- 4º. br. 10 l.
tôt poffible les livraifons qui ont 12 fol . rel . 12 liv. A Paris , chez
paru . Le Libraire ne répond pas Nyon l'alné, Libr. rue du Jardinct.
de fournir les fuites à ceux qui Les Enfans élevés dans l'ordre
de la nature , ou Abrege de l'hit- : Vile & morale de Bordeaux ; par
toire naturelle des Enfans du pre- M. de Ladebat , Directeur de
mier âge , à l'ufage des pères & l'Académie : in -4°. de 28 pag. A
mères de famille par M. de Bordeaux , chez Michel Racle ,
Fourcroy : nouv. édit. revue & Impr. rue S. James.
augm. br. 1 liv. 15 f. rel . 2 1. 5 f.
A Paris , chez Nyon l'aîné , Libr.
rue du Jardinet.
Explication d'un paffage des
Epidemies d'Hippocrate : br. in
3.1 1.4 f. A Paris , chez Hardouin
, Lib. rue des Prêtres Saint
Germain l'Auxerrois.
Nouveaux principes d'artillerie
de Benjamin Robins , commentés
par M. Léonard Euler,
traduits de l'Allemand , avec des
notes ; par M. Lombard , Profeffeur
royal aux Ecoles d'Artil
lerie à Auxonne : in- 8 °. br . 6 1 .
tel. 7 liv, A Dijon , chez Frantin,
La Thébaïde de Stace , trad. Impr. du Roi ; & fe trouve à Panouvelle
; par M.l'Abbé Cormi- ris , chez Jembert fils ainé , Libr.
liolle vol in- 12 . br. 7 liv. 10 f. du Roi, rue Dauphine.
Chez le même.
De la Monarchie françoiſe, ou
AVIS.
Avis à tous les Scufcripteurs
de fes Loix ; par Pierre Chabrit ; de l'Encyclopédie in-fol.
Confeiller au Confeil fouverain On a publié en 1777 & 1778
de Bouillon , & Avocat au Par- un Supplément à toutes les édilement
de Paris : tome I , in- 12 . tions de l'Encyclopédie in -fol.
A Paris , chez l'Auteur , rue des compofé de 4 vol. de difcours
Foffes de M. le Prince ; Mérigot & d'un vol . de planches . On peut
jeune , Libr quai des Auguftins s'adreffer , poui fe le procares, à
Paris , chez Laporte Libr. ne
des Noyers.
Relin, Libr. rae S. Jacques.
Recueil de fecrets sûrs & expérimentés
, à l'ufage des Artiftes ;
par M. Buc'loz , Auteur de dife
férens ouvrages économiques :
feconde édit. confi . aug. tome I ,
in- : 2. A Paris , chez l'Ateur , rue
de la Harpe.
On trouve chez le même la table
analytique des matières de ce
grand ouvrage : 2 vol . in fol.
Nyon l'aîné , Libr. rue du
Jardinet , vient d'acquérir ce qui
refte de l'édition de l'Honneur
Defcription de l'école de la vi- François ; par M. de Sacy : 8 vol.
fion , ou Cours fur le livre du in- 12 . 24 liv . Il s'occupe actúeilemicroſcope
moderne,avec lequel ment à faire imprimer les tris
on fe connoît au vrai , & la terre derniers vol. faifant fuite à cet
qu'on habite ; par M. Charles cuvrage : ils contiendront les
Rabiquau , Avocat en Parle- traits de valeur de la Nation
ment, privilégié du Roi pour Françoife dans le nouveau montous
fes ouvrages & expériences de , depuis fa découverte jufqu'à
pliyfiques & mechaniques:in- 8 . l'époque de la dernière guerre.
de 16 p. 1 liv. 4. A Paris , chez Il vient auffi d'acquérir le refte
Auteur , rue du Colombier , la des exemplaires de l'Odiffée
porte cochère à côté du Buralifte ; de M. de Rochefort : 2 vol. in-
& à fon Cabinet , vis- à vis l'an- 8 °. 12 liv. On trouve ouffi chez
sienne Comédie Françoife , au- le même Libr. l'Ilyade , du
deffus du Buralifte. même Auteur , 12 liv. I refte
Difcours prononcé à l'ouver- encore de ces deux ouvrages
turede la première affemblée pu- quelques exemplaires grand pablique
de l'Académie de peintu- pier , chacun is liv.
ze , ſculpture & archite&ure ci- Suite des livres que Barrois le
MERCURE
DE FRANCE.
( No. 29. )
SAMEDI 19 JUILLET 1783 .
A PARIS.
JOURNAL DE LA LIBRAIRIE.
LIVRES NATIONAUX. Defcription des projets & de la
Anacreon en belle humeur , ou conftruction des ponts de Neuilly,
les petits Soupers de Vénus, fixiè de Mantes , d'Orléans , & autres ;
me partie du plus jəli Chanfon duprojet du canal de Bourgogne
nier françois, élite des ineilleures pour la communication des deux
chanions , romances , vaudeviliners par Dijon , de celui de la
les , & c. des Auteurs les plus conduite des eaux de P'Yvette &
connus en ce genre : br. 1 liv. de Bievre à Paris ; par M. Perro-
&port franc pour la Province 1 1. net, Chevalier de l'ordre du Roi ,
4 fois, fon Architecte , & premier Ingé
On diftribue avec cette broch.nieur pour les ponts & chauffées,
la table alphab. des chaufons con- de l'Académie royale des Sciences
tenues dans les fix premières part. de Paris , & c . 2 vol. in-fol. atlas ,
de ce Chanfonnier. A Paris , ornés de 67 pl. en feuilles 144 l.
chez Defnus , Libr. rue S. Jacques. br. en cast. 153 liv . A Paris , de
On trouve chez le même la Impr. Royale ; & le trouve chez
Carte de l'empire des Turcs en Jombert, fils aîné , Libr. rue Dau
Europe,fubdivifée fuivant l'éten- phine ; & che Jombert le jeune ,
due de les gouvernemens , & où Libr. même rue.
fe trouvent la Tianfylvanie , la Dictionnaire militaire de Fran-
Valaquie , la petite Tartarie , ce ; par M. de Combles , Officier
&c. prix iliv. s fols. d'Infanterie : in- 8° . à 2 col. 9 I.
1
A Paris , chez l'Autoar , ræe Ja- ]
cob , no. 41 .
OEuvres complettes de Saurîn
de l'Académie Françoife : 2 vol.
On fouferit maintenant par in-8 ° . avec le portrait de l'Aufoumiffion
de prendre l'ouvrage teur , br . S liv. rel. 10 liv. A Pa
qui contiendra le détail des ferris , chez la veuve Duchefne , Libr.
vices de plus de 18,000 Officiers , rue S. Jacques.
& les Militaires retirés ou licenelés
, qui voudront y être compris
, font priés d'envoyer , franc,
Férat de leurs fervices , date par
date , grade par grade , & leurs
foumitions en même-temps que
lear Mémoire. Les Lib. pourront
envoyer aui leur foumiffion.
On fépare le tome II pour
completter l'édition précedente :
en broch , feulement , 3 liv.
Euvres fpirituelles & paftorates
de M. L. Carrelet ; feconde
édition revue & mife en ordre
par l'Auteur , Dijon , 1780 , 6
vol in-12. rel. 21 liv.
Etat de la France , contenant OEuvres fpirituelles & paftorale
Clergé, la Nobleffe & leTiers - les du même Auteur : tomeVII.
Etat : Recueil des devifes héral- in - 12. en feuilles , z liv. 10 fols.
d ques; par M. le Comte de W...
de M. de Combles , Officier
id Infanterie : in 12. 1 liv. 16 fols .
A Paris, chez l'Auteur , rne Jacob ,
2. 43.
Ce volume fert à completter
les fix premiers volumes de la
premiere edition. A Paris , chez
Théophile Barrois , Libr. quai des
Auguftins.
On fouferit maintenant par
Recherches für la nature & beep
foumiffion de prendre la fuite de traitement de la fièvre puerpera
cet ouvrage qui fera in- 8 ° , à rai- le , oa inflammation d'entrailles
four de 4 livres 12 fols le volume. des femmes en couches ; par M.
Hitoires édifiantes , pour fer- de la Roche , Docteur en Médevir
de lecture aux jeunes perfon- cine : 1783 , br. 2 liv . 8 fols . A
nes de Fun & de l'autre fexe : Paris , chez Didot jeune , Libr.
nouv. édit. mife en ordre, & con- quai des Auguftins.
fidérablement augment.; par M.
On trouvera chez le même
Collet , Prêtre de la Congréga- Libr. Panalyse du fyſtème nertion
de la Million , Docteur en veux , du même Auteur , 2 vol.
Théologie : in 12. de 464 p. rel . in- 8 . br. 7 liv. 4 f.
3 liv. A Paris , chez la veuve Du
chefne , Libr. rue S. Jacques.
>
Tableau généalogique , hiftorique
, chronologique , héral
dique & géographique de la Nobleffe
de France ; premières part.
pour les provinces de Picardie
Champagne , Flandre & Artois ;
par M. de Combles , Officier
d'Infanterie : 1 val. in-8° . 4 liv.
12 (. A Paris , chez l'Auteur, rue
Jacob , nº, 41.
Hiftoire Universelle depuis le
Commencement du monde jufqu'à
préfent , compofée en Anglois
par une fociété de Gens de
Lettres, nouvellement traduite en
François par une fociété de Gens
de Lettres ; enrichie de figures &
de cartes. Tome LV , formant
k XV. de Hift. Moderne , &
contenant la fuite de l'Hift . du
Japon , & partie de l'Hiftoire du
commerce & des établiffemens
des Européens dans les Indes
orientales : in- 8° . A Paris , chez cripteurs.
Moutard , Imp. Libr. rue des
Mathurins.
On fouferit maintenant par
foumiffion de prendre l'ouvrage
qu'on mertta fous preffe à la fin
du mois d'Août . Il n'y aura des
exemplaires que pour les Sous-
AVIS.
Livres nouveaux que Piffor,
MERCURE
DE FRANCE .
( No. 30. )
SAMEDI 26 JUILLET 1783 .
A PARIS.
JOURNAL DE LA LIBRAIRIE
LIVRES NATIONAUX.
Effai d'un tableau hiftorique
des Peintres de l'école françoife ,
depuis Jean Coufin , en 100 ,
juiqu'en 1783 inclufivement ;
avec le catalogue des ouvrages des
mêmes maitres qui font offerts à
préfent à l'émulation & aux hommages
du Public , dans le falon
de la Correfpondance : -4 ° . de
40 pages , br. liv . 4 fol . A Paris,
horel Villayer , rue S. André-des- ,
Ares ; & chez Knapen & fils, Libr.-
Ampr. aubas du pont S. Michel.
Hiftoire géographique , phyfique
, naturelle & civile de la Hollade
; par M. Lefrancq de Berlkly
: 4vol. in- 12 . g. 12 livres.
A Paris , chez Nyon l'aîné, Libr.
sue du Jardinet.
vrage où on veit l'origine des
foriétés , le développeme des
arts , & un nouveau plan d'éducation
& de légiflation ; par M.
Grivel , des Académies de Dijon
& de la Rochelle : 4 vol. in -12
avec 8 gravures , br. 7liv. 4 fols.
A Paris , chez Moutard , Inter-
Libr, rue des Mathurins.
Théorie de l'éducation; uvrage
utile aux pères de famille
& aux inftituteurs; par le mêne:
3 val. in- 12 rel. livres . Chez be
même.
Hiftoire de la république romaine
dans le cours du feptième
fiècle , en partie traduité du latin
fur l'origine ; en partie rétablie
ou compofee fur lesfiagmens qui
font refés de fes livres perdos ,
L'Ifle inconnue , ou Mémoires remis en ordre dans leur pace
du Chevalier des Gatlines ; ou- vérmable , ou la plus viaïcımbiable
, 1777 , vol . in-ą , rel. 54 18' &e, qui le trouvest chez 1 béo-
Ports , chi Théophile barrois , pare Barrois , Lib . quai des Au-
Libr . quai des duguflins. grins.
AVIS.
Avisconcernant les livres
de areillés.
Precis des maladies chroniques
& aigues, contenant i hificire des
maladies, la manière de les traiter
d'apies les plus célebres Médecins
avec des remarques trèsintéteffantes
pour la pratique ;
par M. Diaclot : 2 vol. 7-12, 4 1.
10 fols.
1
Effai des effets de l'air fur le
corps humain , trad. de l'anglois
d'Arbuthnot ; par Boyer de Prebandier
: n. 12. 2 liv. ie fol .
Les preinières Feuilles des demandes
n'ayant pas été bien faifies,
& quelques autres difficultes
inattendues ayant empêché de fatisfaire
à certains Numéros , Fé
til , Libr, rue Mazarine , è qui il |
fauts'adrefer, pour fatisfaire plus
partientièrement les demandeurs ,
vientd'augmenter ce nouvel éta
bliflement , & offre à tous ceux Traite des maladies de la peau,
qui fe fe font fait enregistrer, de par Turner , trad . de l'anglois
repéter les articles ron -trouvés , par Boyer de Prebandier : 2 vol.
fans qu'ils foient tenus de repayer in- 12.5 liv.
le droit d'enregiftrement. " On
pourra en tout temps les faire
répéter unefeconde fois fans frais,
ARRET S.
Arrêt du Confeil d'Etat du
Rei , du 29 Mai 1783 , qui fait
Les perfonnes qui n'ont pas defenfes à tous adjudicataires des
encore retiré les derniers vol . bois qui peuvent servir à l'approdu
Dictionnaire univerjel des vifionnement de la ville de Paris,
Sciences , & mis en ordre & de convertir en charbons ceux
pubilé par M. Robinet , font provenans de leurs exploitations ,
priésde le faire au plus tôt , par de fix pouces de tour & au-deffus,
ce qu'on va mettie le refte des qui feront débités en bois de
exemplaires en corps complers , corde . A Paris , de l'Impr. Roy.
& qu'alors il fera difficile d'avoirdes
volumes fepares. Cet ouvrage
, formant 30 vol , -4 , fe
wend à Paris , chez l'Editeur , rue
dela Harpe , à l'ancien College
de Bayeux,
Moutard , Impr. Libr . ruedes
Mathurins , vient d'acquérir de
M. Parckoucke les Mémoires
des Académies des Sciences & de
elle des Inferiptions , format
27-13. Il avoit acquis précédemment
le format in-4°.
L'Académie des Inferiptions
in-4° . eft en 41 vol .
La même in-12 eft en roo vol.
favoir, 19 de l'Histoire , & 81 des
Mémoires,
La dernière année qui a paru
de l'Académie des Sciences in 4 .
eft 1779 , & de l'ın - 12 . 1978 .
Saite des livres de médecine,
i
Edit du Roi , donné à Vertail
les au mois de Février 1783 , tegiftré
en la Chambre des Comptes
les Mai audit am, qui éteint
& fupprime, à compter de Pexercice
de la prefente année 1783 .
les offices des deux Contrôlcers
du Tréforier Payeur des gages
du Parlement de Paris ; des deux
Contrôleurs du Receveur &
Payeur des gages de la Cham
bre des Comptes de Paris ; des
trois Contrôleurs du Receveur
Payeur des gages de la Cour des
Aides de Paris ; des quatre Contrôleurs
du Treforter Général des
ponts & chauffées , & des deux
Contrôleurs des Receveurs des
tailles , ou Receveurs particuliers
des financos de l'élection de Paris.
A Paris, chez Cellot , "Libr
Impr, rue des grands Auguflins,
Jer . 133
MERCURE
DE FRANCE
DÉDIÉ AU ROI ,
PAR UNE SOCIÉTÉ DE GENS DE LETTRES ,
CONTENANT
Le Journal Politique des principaux événemens de
toutes les Cours; les Pièces fugitives nouvelles en
vers & en profe ; l'Annonce & l'Analyse des
Ouvrages nouveaux ; les Inventions & Décou
vertes dans les Sciences & les Arts ; les Spectacles,
les Caufes célèbres ; les Académies de Paris & des
Provinces ; la Notice des Edits , Arrêts ; les Avis
particuliers , &c. &c.
SAMEDI S
JUILLET 1783 .
A PAR.IS ,
Chez PANCKOUCKE , Hôtel de Thou ;
rue des Poitevins .
Avec Approbation & Brevet du Roi.
TABLE
Du mois de Juin 1783 .
PIÈCES IECES FUGITIVES .
Quatrain ,
Le Buveur d'eau , Chanfon, 4
& particulièrement des
Princes , 116
136
Traduction nouvelle des aumes
,
Epure à Zulmis ,
61 vres de Virgile , 177
62 Contes en vers,
188
102 SPECTACLES .
A M. Lavoifier ,
Vers à M. François ,
Mes Spécifiques ,
Pyramme & Thisbé ,
St- Ange ,
Réponse aux Vers de M. de Acad. R. de Mufiq. 45 , 96
89, 193
99
140
156 Concert Spirituel ,
Comédie Françoife ,
Comédie Italienne ,
VARIÉTÉ S.
Réponse de la Comédie Franfoife
àla Lettre de Mme Mignot
du Vivier ,
Lettre de M. Dupuis au Rédacteur
du Mercure , 85
Lettre au Rédacteur du Mercure
, 150
54
A M. Dumont , Peintre de la
Reine , 159
Georgette & d'Orly, Conte, 160
Charades , Enigmes & Logogryphes
, 7 , 66, 115 , 175
NOUVELLES LITTÉR
Reflexion de Machiavel fur la
première Décade de Tite
"Live ,
Nouvelle Bibliothèque de Société
, 23
Mémoire Phyfique & Médicinal,
&c.
Jeanne de Naples , Tragédie , Annonces & Notices , 56 ,
9
28
66
Effaifur l'Éducation des Hom-
Lettre fur les Mélanges tirés
d'une grande Bibliothèque ,
196
103 , 151 , 199
BIBLIOTHECA
REGIA
MONAGENSIS.
A Paris , de Imprimerie de M. LAMBERT & F. J.
BAUDOUIN , Ive de la Harpe , près S. Câme .
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI S JUILLET 1783 .
PIÈCES FUGITIVES.
EN VERS ET EN PROSE.
VERS à M. DE LA HARPE , en fortant
de la repréſentation de Philoctète.
Q U E tu m'as fait verfer de pleurs !
Comme ton Philoftète eſt touchant & terrible !
Que j'ai fouffert de fes douleurs !
Je ne fais pas le Grec , mais mon âme eft fenfible ;
Et pour juger tes vers , il fuffit de mon coeur.
La Harpe , c'eſt à toi de remplacer
Voltaire
,
Il l'a dit en mourant
: l'Hercule
Littéraire
T'a choifi pour fon fucceffeur
. *
Va , laiffe murmurer
une foule timide
D'envieux
défelés , d'ennemis
impuiffans
.
Piends
Philoctère
pour ton guide ,
* M. de Voltaire l'a dit , peu de jours avant la mort,
devant l'Auteur de ces Vers.
A ij
MERCURE
Comme lui tu fouffris du venin des ferpens ,
Et pofsèdes les traits d'Alcide .
( Par M. le Chevalier de Florian. )
RÉPONSE à la Chanfon intitulée : le Buveur
d'Eau , par M. de Saint- Ange , Nº . 23 .
AIR à faire.
Oro1 ! qui fis cette chanſon ,
Ne fois jamais mon Échanſon.
Garde pour toi ton froid breuvage :
Moi , je dis qu'en fon Paradis ,
Adam de l'eau fit peu d'ufage ,
PRIVÉ de feu , ton élément
N'a ni vertu ni fentiment ;
Mais du vin l'efprit efficace
Anima la Farre & Chaulieu ;
Si tu veux chanter comme Horace ,
Achète un muid de Condrieu.
EN VAIN tu nous vantes que l'eau
D'Amathonte ** fut le berceau ;
* Quand une Stance ou un Couplet finit par une rime
mafculine , l'autre doit commencer par une feminine ; &
vice versa. C'eſt une règle que l'on oublie quelquefois.
** L'Auteur , troublé fans doute par les vapeurs de la
DE FRANCE.
Ne fait-t'on pas que la Déeffe
Sur le gazon , dans un feſtin ,
Périroit d'ennui , de trifteffe ,
Sans Cérès & le Dieu du Vin ?
SI , quand je fuis avec Suzon ,
Le vin trouble notre raison ,
Tant mieux.... Toi , près de ta Bergère ,
Affis , fur le déclin du jour ,
Moi , j'aime & je bois tour- à - tour.
De la Fayette & Rochambeau ,
Tu ne paries qu'en buveur d'eau.
Prends du vin , pauvre camarade ;
Ofe alors chanter leurs travaux.
L'Anglois lui - même boit razade
A la fanté de ces Héros .
t
( Par un Difciple de Bacchus , de Bernai ,
en Normandie. )
liqueur qu'il chante , a confondu la ville d'Amathonte aves
la Déeffe qui y étoit adorée.
A iij
MERCURE
AIR DE PERONNE SAUVÉE ,
chanté par Mlle Audinot.
528
SI - TOT Lu
que
- bin m'ai-ma d'amour
ex -trẻ -me , Lu - bin fut cer
tain que je l'ai - mois de mê- me ;
il faut pourtant, difoit ma foeur,laiffer un
- peu lan guir fon fer vi - - teur ;
mais dans les maux que no-tre coeur -
par- ta-ge ,
ah! qu'un
ten dre a- veu
DE FRANCE. 7
nous fou -
la - ge ; Amour ,j'attends
le doux mo-ment où j'épou- fe - rai mon
amant , Amour, j'attends le doux moment
où j'é- pou- ferai mon tendre amant , A-mour ,
A- mour , ah!quel moment, ah! quel moment
charmant , ah! quel mo-ment
char-mant.
Ma foeur , chaque jour ,
A beau me faire entendre
Qu'il faut de l'amour
Comme elle fe défendre :
Aiv
MERCURE
Tout en grondant , ma bonne foeur
Va prendre pour époux fon Serviteur.
Près de Lubin j'aurois l'air moins tendre ,
Faut-il pas finir par fe rendre ?
Amour , j'attends le doux moment
Où j'épouferai mon amant.
(Paroles de M.de S *** , Mufique de M. Dezède. )
BON MOT.
UN Allemand , Muficien vanté ,
Dans un Concert faifoit crier merveille ;
Chaque Auditeur , de plaifir tranfporté ,
Inceffamment lui difoit à l'oreille :
Divin ! divin ! ah ! c'eft vraiment divin .
Plus altéré que fenfible au refrein ,
Di vin ! dit-il , où donc eft la bouteille ?
Y
Explication de la Charade , de l'Enigme &
du Logogryphe du Mercure précédent.
LE mot de la Charade eft Silence ; la note
fi, dans le ton de fol , fe trouve dix -huit fois
dans l'étendue de l'air ; celui de l'Enigine eft
Charme ; celui du Logogryphe eft Defir ,
ou fe trouvent dire , ride , ris , Sire , Ides ,
ire , Dei , fe , fi, re , fi.
DE FRANCE.
CHARADE.
Je dis à mon ami : vous m'êtes le premier
Je dis fouvent à l'aimable Glycère :
Pour toi je voudrois être à jamais le dernier;
Et quant au tout , Lecteur , je te dis de le faire.
ÉNIGM E.
JE nais dans ton jardin; j'ai quatre piés ; & bref,
Retranche le fecond , je tourne avec ton chef.
LOGOGRYPHE.
AIR: Ce fut par la faute du fort.
JADIS fur le Mont
Cytheron
Certain monftre , à demi-femelle ,
Défioit tous paffans , dit- on ,
Ayec une énigme cruelle :
ainfi ! Pour nous , il n'en eft pas
Que toute alarme ſe diffipe :
Pour l'énigme que j'offre ici ,
Tout Lecteur devient un Edipe.
ON a vû mes premiers regards
Ember l'heureuſe contrée
Αν
MERCURE
Où fur le trône des Céfars
Brilloit leur rivale adorée ;
Par-tout ils creufoient des tombeaux;
Cent peuples comptoient dans les larmes
Les triomphes de ces Héros ;
Je n'en dois ici qu'à mes charmes.
Aussi , je lis dans tous les yeux
Qu'en ce climat j'aurois dû naître ;.
A mes regards tout femble heureux ,.
Du moins en me voyant paroître ..
Que d'autres , les glaçant d'effroi ,
Traînent cent captifs fur leurs traces 3.
Pour cortège on voit près de moi
Les Vertus que fuivent les Grâces .
MAIS fi dans tes yeux animés
Éclate ton impatience ,
Des fept pieds en moi renfermés ,
Lecteur , renverfons l'ordonnance ;
Tu vois un Prophête fameux ;-
Un Acuve ; un mot fait pour te plaire
Puifqu'il rendit le peuple heureux
En m'uniflant avec fon père.
Je renferme auſſi l'attribut
Du Dieu que tout Rimeur implore;
Mais , Lecteur , pour aller au tur,
Ce mot en contient douze encara..
31
DE FRANCE.
Pour le trouver , ce mot flatteur ,
Ne fuis point la route commune ;
Si tu le cherches dans ton coeur ,
L'énigme a ceffé d'en être une.
( Par M. Damas . )
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
MÉMOIRES & Lettres de M. le Maréchal
de Turenne , pour fervir à l'Hiftoire de
Louis XIV, par M. le Comte de Grimoard
, préfentés au Roi , & agréés par
Sa Majefté , 2 Volumes in - folio. Prix ,
72 liv. reliés & 108 liv. grand papier. A
Paris , chez Nyon l'aîné , Libraire , rue du
Jardiner.
DEPUIS EPUIS qu'un Gouvernement doux a
permis aux Gens de Lettres & aux Gens du
monde l'entrée de ces Dépôts où font recueillis
les Dépêches , les Projets & les Correfpondances
Ministérielles de chaque Règne
, nous avons vû l'Hiftoire s'enrichir ,
s'épurer , des énigmes politiques s'éclaircir ,
des Hommes célèbres réhabilités , d'autres
justement condamnés . Nous avons apperçu
quelquefois la clef de l'intrigue fecrette de
chaque fiècle , clef fatale qui échappa prefque
toujours aux recherches trop circonf
pectes des Hiftoriens . Qu'un Defpote ' om-
Avi
12 MERCURE
brageux couvre d'un voile épais fes opérations
, puifqu'il peut en rougir & craindre
la Poftérité , il eft puni dès qu'il fe cache.
La France ne compte pas beaucoup de femblables
Rois ; la France n'a point de fecrets.
Nous fommes perfuadés que c'eft autant
à la facilité du Gouvernement qu'à l'empref
fement d'une famille augufte que nous
devons la publication des Lettres du Maréchal
de Turenne . Toutes les campagnes de
ce grand Homme font connues ; nove nous
difpenferons de les compter , ce feroit
compter les bienfaits , & les François n'en
ont point perdu la mémoire. Nous dirons
donc tout ce qu'il fut fans dire tout ce qu'il
fir. Sa carrière prefque toute militaire embraffe
un demi- fiècle de travaux. Il parut à
la Cour en 625 ; mais il ne s'y montra prefque
plus après la mort de Mazarin.
Ce n'étoit point là que Louis occupeit
fes Généraux. Turenne paffa fa vie dans les
camps , parcourant les frontières , repouffant
la guerre loin de nos foyers , par- tout
Guerrier tutélaire & Général compariffant .
Une difcipline févère protégeoit le vaincu ,
affuroit des fecours aux foldats , & dans fon
armée , l'ordre , l'abondance & l'économie.
Il favoit tenter de grandes chofes avec peu
d'hommes , parce qu'il favoit ne rien hafarder.
On ne doit point lui imputer les incendies
du Palatinar. C'eft à l'inflexible Louvois
que Turenne devoit renvoyer le cartel
de l'Electeur de Bavière , qui demandoit raiDE
FRANCE.
13
fon, l'épée à la main , au Général , du faccagement
de fes foldats .
Il mourat trop tôt pour la gloire des dernières
armes de Louis XIV . Il étoit prêt de
cueillir le plus beau de fes lauriers , & de
procurer la paix à l'Europe . « Cette der-
و د
"
20
"9
"
nière campagne , dit le Chevalier Folard ,
» fut le chef d'oeuvre du Vicomte de Tu-
» renne & de Montécuculli. Il n'y en a
point dans l'Antiquité de fi belle . Il avoit
épuifé pendant deux mois tout ce que
l'Art de la guerre peut fournir de reffources
pour les campemens , pour les marches
& contre marches , enfin il avoit
» trouvé le moment d'attaquer avec avan-
" tage Montécuculli lorfqu'un boulet de
» canon ôta la vie à ce grand Homme le
» 17 Juillet 1675 près de Salsbac. Il étoit
âgé de foixante quatre ans . Bien loin
d'attaquer les ennemis , on fe retira. La
difpute du commandement entre MM. de
Lorges & de Vaubrun ajouta à cette
» perte. La belle retraite faite par M. de
Lorges parut une victoire dans la confter-
» nation où étoit l'armée…….. »
"
""
و ر
ود
و د
Quelle nouvelle terrible pour le Roi
quand il reçut le billet fuivant du Marquis
- de Vaubrun : - M. de Turenne vient d'être
tué d'un coup de canon en mettant fes
troupes en bataille devant les ennemis , qui
marchèrent hier par Binel. Le 17 Juillet
1675 le Panegyrique de ce grand Homme
fut fait en peu de mots par Montécuculli ,
"
14
MERCURE
"
66
"""
qui fe retira difant qu'un Homme qui
» avoit eu l'honneur de combattre contre
» Mahomet Coprogli , contre M. le Prince
» & M. de Turenne ne devoit pas compro-
» mettre la gloire contre des gens qui ne
faifoient que commander des armées .
On doit le fouvenir du bon mot de Mme
Cornuel à la promotion des huit Maréchaux
de France qui fut faite à la mort de ce
grand Homme : c'eft la petite monnoie de
M. de Turenne. La France le regretta , hormis
Louvois , qui en étoit jaloux , & qui à la
conquête de la Franche- Comté lui avoit fait
préférer le Prince de Condé. Un fuperbe
maufolée attefte , à S. Denis , la reconnoiffance
de Louis XIV , & y appelle les hommages
des François.
Il ne nous refte plus qu'à ramalfer dans
ces deux Volumes in - folio les traits qui
achèveront de peindre Turenne.
"
"
23
66
Madame , écrit- il à fa mère , je ne ren-
» centrai pas ici M. le Cardinal de la Va-
» lette , à caufe de cela je ne vis qu'avant-
» hier M. le Cardinal ( Richelieu ) & le Roi
(Louis XIII ) ; le premier me dit qu'il fal-
» loit que mon frère parlât franchement , &
» qu'en ce cas il feroit fa caution auprès du
Roi. Il me dit auffi , vous n'irez point à la
» Baftille pour cette fois ; mais ne vous gou-
» vernez pas toujours de même que vous
avez fait. Je vis le Roi ; il me dit à l'oreille ,
vons foyez le bien venu ; je veux oubliez
abfolument ce qui s'eft paffé , & ne m'en
"
و د
DE FRANCE. 18
*
"
plus reffouvenir jamais . Je fuis fort aile
» de vous voir ici.
» Mon frère fut trouver le Roi à Sivri ,
» qui le reçut allez bien . Il étoit tout atten-
» tif à leurier des oifeaux , ce qui étoit un
» mauvais temps pour lui faire fa cour.
"
" Ma chère foeur , dit il dans une autre
Lettre , fi vous pouviez faire quelques
» ventes de bois , cela m'accommodercit extrêmement
; car je fuis obligé d'emprun-
» ter de l'argent pour vivre , & de le prendre
» à intérêt , qui eft une choſe qui incom-
" mode forr.
Il n'aimoit pas la Cour pendant les premières
années , " parce que , difoit il , je
» n'ai ni gens ni carroffe , allant à l'emprunt
» comme je fais. „
»
23.
357
Le luxe faifoit d'étranges progrès fous.
Louis XIII . M. de Turenne n'approuvoit
point , quoique jeune , une parure ruineafe.
- Mon frère , difoit il à fa foeur , avoit
trouvé néceffaire que je me fille encore
faire un habit , n'en ayant que deux à por-
» ter, un noir & le mien rouge en broderie,
que je potte fort , & qui paffe ; on reconnoît
bien toutefois que ce n'eft pas un ha-
» bit fait d'à cette heure. Tout le monde ,
jufqu'aux moindres , dépenfe prodigieufe-
» ment , & ils s'imaginent que cela eft honteux
de porter deux fois dans les grandes.
Allerblées des habits qui leur coûtent
» 2 ou 3000 liv. C'eft une grande folie de fe
ruiner, au point qu'ils four, pour des choles
20
16 MERCURE
"3
-
qui mettent fi peu en réputation un
» homme.» Il portoit à Drun un pourpoint
de futaine fur fes chauffes d'écarlate.
" Le Roi eft mort, dit- il ailleurs ( Louis
XIII ) Jeudi 16 Mai 1643 , à trois heures
après midi. Il eft véritable que jamais per-
» fonne du monde n'a fait une fi belle fin &
> conftante. Pour l'affliction à la Cour , elle
» y a été très médiocre. La Reine vint hier
ور
30
à Paris. Il y a de très grandes cabales pour
» faire changer le Confeil établi du temps
" du Roi. "
Viennent enfuite des détails très - exacts
fur les troubles de la Fronde & le Règne de
Louis XIV. Les Lettres de Turenne font
remplies , & deviennent importantes ; mais
fa correfpondance intime conferve le même
caractère. Il paroiffoit préoccupé des idées
de religion ; il cherchoit à s'inftruire . Des
doutes le pourfuivoient , il y revenoit volontiers.
" Brevin ( Miniftre ) , difoit- il à fa
» femme , eft tombé d'accord avec moi que
l'on n'inftruit point les gens de bonne-
و د
foi , & que chacun de fon côté fait voir
» la religion de l'autre pour en donner de
» l'averfion , de même que dans une Ville
و د
où il y a deux cabales vous ne trouvez de
» naïveté de pas un côté. » ➡ La Maréchale ,
qui étoit Calvinifte , de bonne - foi , étant
morte , M. de Turemme fit fon abjuration.
Elle ne contribua pas peu à ajouter un nouvel
éclat à la célébrité de Boffuet.
M. de Turenne ne recueilloit point les
DE FRANCE 17
"" -
bruits de Cour. Il donnoit même trop peu
de développement & de fuite aux nouvelles
qu'il mandoit à fes amis. - « Le Roi ,
» écrivoit- il en 1667 , a un peu d'inclina
» tion pour Mlle de la Vallière , mais cela
» ne l'embarraſſe pas dans fon domestique .
Le Comte de Schomberg , écrit - il
» ailleurs , mande que le Prince a fait des
» offres ( 1659 ) de faire un mariage de fon
» fils avec la fille de Cromwel ; le Roi de
» Portugal a fait faire des propofitions de
» mariage pour fon fils & la fille cadette de
» Cromwel. - Nous fupprimons ici toutes
les réflexions . Dans le même temps qu'un
Prince recherchoit l'alliance de Cromwel ,
la pauvre Henriette refloit dans fon lit ,faute
de bois pourfe chauffer. Elle étoit en France.
و ر
و ر
و د
"3
"3
")
" Il est très- vrai , mandoit M. de Tu
» renne , que tous les Presbytériens , qui font
» le parti le plus fort , font pour le Roi
d'Angleterre & pour M. le Duc d'Yorck.
Toute l'affaire de leur maifon dépend que
quelqu'un s'y montre promptement ; car
" file Parlement a le temps de faire fes
» levées , & que la flotte revienne , on chaf-
» fera toutes leurs créatures , & les chofes
» leur deviendront auffi impoffibles que du
» temps du Protecteur , & il faudra qu'ils
» attendent encore une autre révolution. »
← Mazarin n'écouta point Turenne . On
craignit de feconder à découvert le Duc
d'Yorck. Turenne ſe prêta au myſtère .
و د
" Le Duc de Mercoeur ( écrivent il en
18 MERCURE
33
" 1660 ) eft envoyé à Marſeille pour rétablir
» l'autorité du Roi , bleffée par les féditions
» exécutées en 16,9 par la mauvaife con-
» duite du fieur de Nionzelle , qui a voulu
» fe venger , par l'avis du premier Président
d'Aix , de ce que M. de Mercoeur avoit
» fait arrêter le fieur de Glandèves fon cou.
fin germain. On a réfolu de fe fervir de
» cette occation pour y bâtir une citadelle .
» Le fieur de Clervelle en fait le deffin. Ce
» n'eft pas une affaire de peu de jours , ni un
" pays habité par des Peuples qui faffent
» des réflexions fur leur conduite , "
و د
"
M. de Turenne ne laiffe rien à defirer
pour la correfpondance militaire & légiflative.
C'eft dans cette correfpondance qu'il
découvre les grandes refources , fon génie ,
fa fcience & le bien voir. Ce font des certitudes
qu'il donne , des réfumés favans & des
opérations efficaces qu'il indique. Il embraffoit
les intérêts de l'Europe . Tout paroiffoir
fe négocier à la Cour. C'eft dans la tente de
Turenne que les Mémoires & les Traités fe
dreffoient ; c'eft de là qu'il faifoit à Louvois
la leçon quand ce Miniftre paroifloit
lui donner des ordres ; c'eft dans cette correfpondance
qu'on voit percer la jalousie
& li fierté de Louvois. Le Morfeigneur qu'il
donnoit à Turenne lui coûtoit beaucoup.
Toutes les Lettres font preffantes , inquiertes
; il a toujours tout prévu . Il n'ofe ordonner
à Turenne , mais il dere , mais il
penfoit , mais le Roi attendoit , mais le Roi
DE FRANCE. 19
eroyoit , jugeoit à propos. Jamais Turenne
n'avoit allez fait ; quelquefois des reproches
, jamais des félicitations . Eh ! cependant
qui mérita jamais autant de remercimens
que Turenne ! Le Tellier bien plus fin , bien
plus doux , bien plus clair & plus calme ,
convenoit mieux au Général .. Qui fut auffi
favant dans l'Art irilitaire que Turenne ?
Qui réunir à ce haut degré de confiance ,
autant que lui , l'eftime de tous les Généraux
& de tous les Souverains de l'Europe. Le
Recueil de fes Lettres en eft un garant facré.
Il correfpond avec tous les Agens de l'Europe.
Il parle avec conviction , fans ce vain
luxe d'eloquence , fans fyftême . La vérité
et devant lui , il la peint nue comme elle
eft , fimple & forte comme elle cft. Il connoît
toutes les Puiffances ; il les a toutes
pelées dans fa balance ; il connoît leurs
richeffes dans l'un & l'autre numéraire , qui
font l'argent & les hommes ; car il est des
Rois qui ne confidèrent ces derniers que
comme un numéraire dont ils font trop
prodigues. Turenne a vû tous les Généraux ;
il fut le Médiateur entre prefque tous les
Rois , tous le recherchoient : que n'a- t- il
vécu pour jouir de la renommée !
Nous obferverons à l'égard de l'Édition
de fes Lettres qu'elle eft foignée , le papier
& le caractère en font beaux . Nous aurions
defiré qu'on eût réduit les Volumes ; tout ce
qui ne tenoit point à des développemens néceffaires,
pouvoit être fupprimé, Le Recueil
20 MERCURE
en cût été de beaucoup moins volumineux.
L'Éditeur , affurément bien recommandable
à plufieurs titres , a fans doute voulu refpecter
tout ce qui appartenoit à ce grand
Homme. Ce n'eft pas nous qui lui reprocherons
ce refpect religieux & malheureu
fement trop rare dans un fiècle où la qualité
d'Éditeur femble donner le privilège de
raccourcir , de mutiler fon modèle. Autrefois
un Éditeur étoit le Philoctète des Grecs .
Il s'emparoit des flèches d'Hercule non
point pour les brifer , mais pour les rendre.
redoutables . La Préface eft noble , courte ,
& dit fans prétention tout ce qu'elle doit
dire. L'Éditeur n'a pas cru devoir lier par
des Notes des faits intéreffans épars dans les
Lettres de M. de Turenne. Ceux qui favent
l'Hiftoire, fuppléent facilement à cette diftraction
, & peut - être l'Éditeur a - t- il cru
que ce travail feroit furabondant.
Nous allons tranfcrire la Lettre que
Louis XIV écrivit à l'Infante d'Efpagne . Elle
eft d'un genre de galanterie qui annonceroit
mal ce Roi fi on ne favoit point que Turenne
la dicta . Turenne qui aima comme
un autre, qui infpira plus que de l'attachement
à Mme de Longueville , à Mme de
Coatquen , & à qui Mme Henriette confioit
les fecrets ; Turenne parloit mal tendreffe
, ou bien il ne favoit pas faire parler
affez tendrement un Roi. Nous ne doutons
point qu'on ne trouve fingulier que
Louis XIV ait écrit & envoyé cette LetDE
FRANCE. 21
tre , lui qui fe connoiffoit fi bien en ftyle ,
& qui corrigeoit quelquefois les meilleurs
Auteurs , ainfi que les meilleurs Muficiens
de fon Règne .
Séréniffime Princeffe , il a été néceffaire
que tant de chofes s'ajuftaffent pour faire
que je puffe avec bienféance vous demander
l'honneur de vos bonnes grâces , & que
vous puiffiez me faire celui de m'y donner
part. Il paroît que Dieu veut bénir le commencement
& la fin de cette négociation ,
laquelle ne pourroit pas avoir des fuites heureufes
fi vous n'agréez ce que le Roi votre
père m'a fait l'honneur de me promettre . Je
vous fupplie très - humblement d'y donner
votre confentement , & ne conſidérer pas
la chofe comime néceffaire feulement à
nos États , mais me regardant un peu comme
une perfonne qui fouhaite beaucoup votre
amitié & votre eftime , & me faire la
grâce que votre coeur y réponde. Je vous
fupplie très - humblement de croire que
mon principal deffein s'attache à cela , &
que vous trouverez toujours en moi une
grande inclination à vous honorer & refpecter,
& à vous faire paroître par toutes
mes actions que je fouhaite très- fort que
vous ne vous repentiez pas du choix que
faire, yous aurez pu
"
22 MERCURE
ÉLOGE de Voltaire , fuivi de Poefies
diverfes , par M. le Chevalier de Cubières
. A la Haye , & fe trouve à Paris ,
chez Gueffier , Imprimeur- Libraire , rue
de la Harpe.
Voici un nouveau Recueil de Poéfies de
M. le Chevalier de Cubières . Celui ci , moins
volumineux que les précédens , offre un choix
plus varié & des Pièces plus foignées ; il gague
fur la qualité ce qu'il perd fur le nombre.
On avoit déjà vu dans le Mercure ,
l'Épître à Molière , où ce Recueil étoit annoncé
, l'Élégiefur la Mort de M. Bordes ;
les Vers à M. Dufaulx , fur la Traduction
de Juvenal , & c ....... On avoit diftingué dans
le Journal de Paris , l'Epitre à Hygie ; l'Épitre
au Vaudeville ; celle à un Abbé Jour
nalifte ; la Réponse de Madame de la Fayette
à l'Auteur du Roman de l'Aveugle par
Amour ; les Vers à MM. de l'Académie de
Lyon , pour les féliciter d'avoir reçu parmi
eux Madame la Comteffe de B..... ; & dans
l'Almanach des Mufes de cette année , on
avoit lû avec plaifir Thalie aux Comédiens
François. Toutes ces Pièces reparoiffent ici
avec des corrections plus ou moins confidérables
, & fuivies ou précédées d'autres
Pièces qui n'avoient pas encore vû le jour.
L'Éloge de Voltaire eft à leur tête ; cet Éloge
eft connu depuis long - temps ; l'Auteur , profitant
des confeils de fes amis & des critiDE
FRANCE.
23
ques de quelques Journalistes , a donné à cet
Ouvrage le degré de perfection dont il eft
fufceptible , en retranchant dans cette nouvelle
Edition des vers qui n'avoient pas
réufli dans les précédentes. Cet Éloge , nous
ne craignons pas de le répéter , eft une des
meilleures productions de ce genre , & la
plus eftimable peut- être de toutes celles qui
font forties de la plume de M. le Chevalier
de Cubières . Nous en rendimes un compte
détaillé lorsqu'il parut pour la première fois ,
& malgré le merite qui y règne , nous n'en
citerous rien. Nous allons citer quelques
morceaux de l'Epitre à Hygie. Elle fut faite
à l'occafion de la maladie de Madame la
Comtelle d'Artois.
Epitre à Hygie.
COMPAGNE & foeur de la jeuneffe ,
Toi , qu'au fein de la volupté ,
Des plaifirs & de la molleffe ,
On perd fouvent avec gaîté ,
Et que l'on regrette fans ceffe ;
Toi , qui du pauvre es la richeſſe ,
Hygie , aimable Déité ,
Fille du grand Dieu d'Épidaure ,
Pourquoi de tes heureux préfens
Priver , à la fleur de fes ans ,
Une Princeffe qu'on adore ?
Après avoir fait de cette augufte Princeffe
un éloge très mérité , & avoir parlé des dan24
MERCURE
P.
gers qu'elle a courus , le Poëte continue
ainfi :
C'EST aux foins d'un époux chéri
Que l'on doit la convalescence ;
Quand l'âme est heureuſe , je penfe
Que le corps eft bientôt guéri.
Santé , Déeffe trop volage ,
Comble notre félicité ,
Et par ton retour ſouhaité
De l'Hymen achève l'ouvrage ,
3
Tu m'exauces : du haut des cieux ,
Sur un nuage radieux ,
Verfaille enfin te voit defcendre ,
Et ton baume délicieux
Déjà commence à s'y répandre.
Thérèſe vit encor pour nous ;
Sa force renaît & s'augmente
A fon tour , de l'air le plus doux ,
Soulèvant la tête charmante ,
Elle fourit à fon époux.
DIVINITÉ , que je rappelle ,
Tu ne m'es pas toujours fidelle ,
Tu m'échappes de temps en temps ;
Moi -même , en de certains inftans ,
J'éprouve une langueur mortelle.
Avec
DE FRANCE. 25
Avec les jours de mon printemps
Duffes-tu fuir à tire -d'aîle ,
Pour moi feulement fois cruelle :
Je confens à ne te plus voir ,
Si
pour Thérèſe moins rebelle ,
Et prompte à remplir notre eſpoir ,
Tu reftes à jamais près d'elle .
Cette Pièce eft un modèle de fenfibilité
& de grâce ; c'eft , d'un bout à l'autre , l'effufion
d'un coeur honnête ; l'expreflion en
eft peu énergique , mais elle eft fimple &
douce , comme l'âme de celui qui la produit ;
on ne peut y defirer qu'un peu plus de précifion
, & quelquefois plus de coloris dans
les images.
Parmi les Pièces qui n'avoient pas encore
paru , il en eft une qui donne dans l'excès
contraire. Ce font les vers fur la dernière!
expofition des tableaux au Salon du Louvre.
Nous allons les citer , pour mettre nos Lecteurs
à portée de juger de leurs défauts.
Où fuis-je ! quel fpectacle à mes yeux ſe déploye ?
D'où viennent ces enfans de Mars ?
Quel eft ce Roi ? ce camp ? Et de la vieille Troye
Quelle main en ces lieux éleva les remparts ?
Est-ce une illufion ? un fonge ? une chimère ?
Je vois les demi-Dieux qu'a célébrés Homère ;
Je vois cent prodiges épars
Qu'avec raviffement tout un peuple contemple.
No. 27 , 5 Juillet 1783 .
B
26 . MERCURE
Vous qui charmez le coeur , ainfi que les regards ,
Ah ! je vous reconnois , je fuis dans votre temple ,
Je fuis dans le temple des Arts .
Beaux Arts , je vous falue ; & vous , nouveaux Appelles ,
Modernes Phidias , dont les talens divers ,
Sur des blocs animés , fur des toiles fidelles ,
Nous reproduisent l'Univers .
Évoquez des tombeaux les grands Hommes , les Belles,
Ils font dignes de vivre une feconde fois ;
Mais rendez fur- tout immortelles
Les grandes actions des Rois,
Mes voeux font exaucés.....
Après avoir parlé de Guftave , de Voltaire
, de Pafcal , & de Léonard de Vinci
M. de Cubières finit par cette apoſtrophe :
Des Talens & des Arts inquiets détracteurs ,
Vantez-nous à préfent les Romaines Écoles ;
Soyez à nos dépens de vils adulateurs ,
Et trouvez-nous légers , impatiens , frivoles ;
Nous le fommes fans doute ; oui , tels font nos défauts ;
Mais foyons vrais auffi , que ferviroit de feindre ?
Ainfi que les Romains , nous avons nos Héros ,
Et nous favons comme eux les chanter & les peindre.
Et vous , d'Angeviller , efprit fage & profond ,
Vous qu'à la Cour on aime autant qu'au double mont ,
Voulez- vous des talens , Protecteur noble & jufte , .
Rendre à ces orphelins leur antique fplendeur ,
Et moderne Mécène , aux jours d'un autre Augufte ,
1
DE FRANCE.
27
Des beaux fiècles de Rome imprimer la grandeur ?
Des enfans de Minerve encouragez l'ardeur.
Le François que l'on encourage
Aux plus rudes travaux , eft prompt à fe plier.
Lés mortels étonnés contemploient fon ouvrage ,
Et l'ouvrage à la fin étonne l'ouvrier .
&
Il y a là de bien beaux vers ; il y en a de
très-beaux auffi parmi ceux que le défaut
d'efpace nous force de fupprimer ; mais ils
donnent lieu à quelques obfervations critiques.
L'Auteur , en compofant cette Pièce , a
été enflammé par les tableaux qui frappoient
fa vûe. Il a cru devoir peindre à grands
traits , en parlant des chef- d'oeuvres de la
peinture ; mais l'enthouſiaſme va toujours
trop loin , lorfqu'il n'eft pas modéré par le
goût & dirigé par la raifon. Comment repro- .
duit on l'Univers fur des blocs ou fur des
toiles ? Ce n'eft point la nature entière , mais
les beautés douces ou terribles de la Nature ,
mais une nature choifie , qui exercent les
pinceaux du Peintre & le cifeau du Sculpteur.
L'on n'a jamais dit que faire un beautableau
ou une belle ftatue fût reproduire
l'Univers. C'eft prendre mal à propos le tout
pour la partie ; c'eft penfer d'une manière
vague , & écrire d'une manière plus vague
encore ; enfin ce n'eſt pas ainſi que l'on écrit
pour l'Univers. Eft- il fi étonnant d'une autre
part que fouvent l'ouvrage étonne l'ouvrier?
L'orgueil , fi naturel à quelques Artiſtes , ne
leur fait - il pas trop admirer leurs propres
Bij
28 MERCURE
ouvrages , quoiqu'ils ne foient rien moins
qu'admirables ? Et s'il eft vrai que l'étonnement
ne foit autre chofe, qu'une admiration
prolongée , comme l'a dit l'ingénieuſe Mme
de Lambert , combien y a t'il d'ouvrages,
foit de Peinture , foit de Sculpture , qui
leur ouvrier ! Les vers fuivans
, fur l'Ufage de la vie , nous femblent .
fans tache ; & nous ne croyons pas pouvoir
mieux terminer cet extrait qu'en les
citant.
n'étonnent que
La vie eft courte , & fon peu de durée
Nous dit qu'il faut la ménager ;
Et l'homme toutefois , sûr qu'elle eft meſurée ,
Ne travaille qu'à l'abréger. C
Est -il enfant ?.... A peine il commence de vivre ;
Aux fouffrances alors , aux douleurs tout le livre.
Adolefcent ?.... Des jeux , des plaifirs , des amours
L'eſſaim tumultueux l'égare ;
Dans l'âge mûr il le prépare
A ne rien faire en fes vieux jours.
RECUEIL de Pièces concernant les exhumations
faites dans l'enceinte de l'Eglife
de S. Eloy de la Ville de Dunkerque ,
imprimé & publié par ordre du Gouvernement.
A Paris , de l'Imprimerie de
MONSIEUR.
LA Religion & l'Humanité fe réuniffent
pour écarter les fépultures de l'intérieur des
Temples & des Cités . Nos Provinces pa-
1
DE FRANCE. 29
roiffent s'empreffer de foufcrire à cette
profcription prononcée par la Loi. Il n'y a
que la Capitale qui femble s'y refufer. Dès
1776 on a ceffé d'inhumer dans l'enceinte
de Dunkerque , lorfqu'en 1783 il a été quef
tion d'exhumer la majeure partie des corps
enterrés dans l'Eglife de S. Éloy , Paroiffe
de cette Ville. Bâtie en 145 2 , elle excédoit de
plufieurs toifes la rue principale ; & mettoit ,
par cette pofition , obftacle au commerce
intérieur, parce que le deffous des arcades de
l'ancienne Églife incendiée étoit la feule
communication pour cette partie de la
Ville , encore étoit- elle interdite aux voitures
, qui auroient ébranlé des voûtes fulpendues
& menaçant ruine. M. de Calonne
, Intendant de Flandre , a arrêté de
concert avec MM. du Magiftrat , la démolition
de la partie de l'Églife de S. Éloy qui
réduit la voie publique & l'élévation d'un
portail. Ces travaux qui s'exécutent maintenant
d'après les plans de M. Louis , Architecte
, ont néceffité l'exhumation dans une
partie de l'Églife.
S. Éloy eft la feule Paroiffe de Dunkerque
, & la fépulture de tous ceux qui
doivent y être inhumés , ce qui y avoit prodigieufement
accumulé les cadavres : en effet ,
il y en avoit de cinq à huit lits , féparés par
un ou deux pouces de terre feulement ;
aufli fe répandoit- il dans l'intérieur de l'Églife
des exhalaifons cadavéreuſes , & fouvent
les affiftans étoient obligés de quitter la
B iij
30 MERCURE
cérémonie funéraire au moment de la fépulture.
Il eft incroyable qu'on ait laiffé ſubſiſter
pendant autant de fiècles un pareil foyer
d'infection au ſein d'une Ville compofée de
vingt cinq mille habitans.
Dans ces jours où la piété réunit un plus
grand nombre de fidèles dans nos Temples ,
on en voit conftamment plufieurs que la
corruption de l'air écarte de leur enceinte ,
& pour qui cette indifpofition indifférente
en apparence devient l'époque d'une maladie
grave & fouvent meurtrière. L'épouse ,
le fils font frappés de mort par l'époux ,
par le père fur la tombe duquel ils venoient
invoquer le Ciel . Si on ajoute les
épidémies , & la peſte qui ont ravagé Dunkerque
à diverfes époques , on concevra tous
les dangers d'une pareille exhumation. Ils
font tels qu'on n'eût pas ofé l'entreprendre
il y a trente ans ; mais le fiècle actuel eft
éclairé , les fciences phyfiques ont fait des
progrès rapides ; nous avons des Chimiftes,
MM. Laborie , Cadet de Vaux & Parmentier
, qui fe font livrés aux objets de méphitifme
, qui ont appris les moyens de les
dompter ; & il ne peut plus arriver d'accident.
que par l'imprudence ou la négligence des
précautions indiquées. Ce font ces trois Chimiftes
qui ont été confultés fur l'exhumation
de Dunkerque. Les moyens qu'ils ont
propofés font le feu , la chaux vive , le lait
DE FRANCE.
de chaux , la détercation du nitré , l'évaporation
du vinaigre , des fumigations terreufes
& aromatiques , &c. Mais il ne fuffifoit
pas d'avoir indiqué des moyens victorieux
, il falloit , pour en affurer le fuccès , le
zèle , les lumières & fur-tout le courage refpectable
qu'y a mis M. Hecquet , Chirutgien
Major de l'Hôpital , Membre du Magiftrat
, à qui la direction de ces moyens a
été confiée. C'est dans le Journal qu'il a rédigé
, qu'il faut lire les détails de cette exhumation.
Près de neuf cent cadavres ont été
déterrés& tranfportés dans le cimetière nouveau
hors de la Ville , & il n'en eft réfulté
que deux feuls accidens de mort , accidens
occafionnés par imprudence , & qui prouvent
combien nos Chimiftes étoient fondés
à recommander la prodigalité des moyens
faits pour combattre le méphitifme , prodigalité
qu'on auroit pu leur reprocher fans
ces deux événemens.
Le Gouvernement a ordonné la publicité
du Recueil des Pièces relatives à cette exhumation,
comme devant être de la plus grande
utilité aux Villes qui auroient à entreprendre
des travaux de cette importance.
ÉLOGES lûs aux Séances publiques de la
Société Royale de Médecine. 3. Cahier.
A Paris , chez les Libraires qui vendent
les Nouveautés.
Nous avons déjà obfervé , en rendant
compte des deux premiers Cahiers de ces
Biv
132
-MERGURE
Eloges , qu'ils ont le mérite de renfermer
une analyfe très- bien faite , & un jugement
motivé & impartial des ouvrages du Savant
qu'ils font deftinés à faire connoître . De tous
ceux qui fe font exercés avec fuccès dans le
genre des Éloges hiftoriques , M. Vicq d'Azir
eft peut- être celui dans les Ouvrages duquel
on apprend le mieux à connoître l'étendue
du talent de ceux qu'il loue , & le degré d'importance
ou d'utilité de leurs travaux. Ce
mérite en fuppofe un autre , la connoiffance
approfondie de toutes les parties des Sciences
qu'ils ont cultivées , & celle de leur
hiftoire.
Quelques Littérateurs ont prétendu que
ce genre d'éloges étoit très facile. Ils ont
cru fans doute qu'il eft plus aifé d'expofer
avec clarté & avec fimplicité des idées juftes
& raiſonnables , que de combiner des périodes
harmonieufes. Mais lorfque ces idées ne
peuvent être que le fruit d'une longue appli
cation , & qu'elles fuppofent une grande
étendue d'efprit , s'il en coûte peu pour les
exprimer , il en a peut- être coûté beaucoup
pour les acquérir . Cette étendue d'efprit ne
feroit elle point un don de la Nature auffi
rare , auffi précieux que celui de bien tourner
des phraſes , ou d'exprimer d'une manière
extraordinaire des idées communes ?
L'art du ftyle eft un inftrument que celui
qui veut écrire doit apprendre à manier avec
adreffe & avec facilité. Mais ce n'eft qu'un
inftrument , il n'a de valeur réelle que par
A
DE FRANCE.
33
l'ufage auquel on l'applique ; & ceux quiregardent
ce mérite comme le premier de
tous , parce que c'eft le feul qu'ils poſsèdent ,
feroient bien mieux d'imiter la modeftie de
ce Mécanicien qui , montrant à un Savant une
machine qu'il venoit d'achever : Monfieur;;
lui difoit il , voilà une jolie machine , ditesmoi
unpeu à quoi elle pourroit fervir.
Ce Volume contient les Éloges de MM. le
Roy , Navier , Bucquer , Lieutaud , Gaubins ,
& une courte notice fur MM. Bonafos , Bernard
& Planchon.
Charles le Roy , le dernier des quatre fils
de Julien le Roy , qui tous ont acquis de la
réputation dans différens genres , fut à la fois
an Phyficien exact & un Praticien très célèbre.
Sa théorie des variations de l'atmofphère
qu'il explique par la quantité d'eau
plus ou moins grande , que l'air peut tenir
en diffolution dans fes différens états , eft lepremier
pas qu'on ait fait en phyfique
dans la connoiffance de ces phénomènes importans.
Il vint dans fes dernières années pratiquer
la Médecine à Paris..
33%
«Nous ne devons pas oublier , ( dit M. V..
» d'A. ) de donner une preuve de fa délica-
» teffe , en rapportant les moyens qu'il a
choifis pour acquérir le droit de pratiquer
» la Médecine à Paris. Il lui auroit été em
même temps facile & commode d'obtenic
une place qui lui en auroit donné le privilège
; mais il aima mieux fe préſenter
gg
280
Bw
34
MERCURE
. ود
...
» la Faculté de Médecine ; & après avoir
profeffé pendant vingt années , s'expofer
au défagrément & à l'ennui d'un examen
» & d'une thèfe , perfuadé qu'un Médecin
» ne peut offrir à cette illuftre Compagnie
» trop de témoignages de fon dévouement ,
» & au Public trop de titres pour mériter
» fa confiance. »
Nous rappellerons ici à nos Lecteurs
qui l'ont peut- être oublié , que l'Auteur de
cet Éloge , la Société devant laquelle il a été
prononcé , ont eu quelques démêlés avec la
Faculté. Si ce paffage eft une vengeance , il
faut avouer qu'il étoit difficile d'en imaginer
une plus noble .
En s'établiffant dans la Capitale , M. le
Roy faifoit un facrifice à la fortune de fes
enfans , & ce facrifice lui coûta la vie.
M. Navier , Médecin à Châlons - fur-
Marne , a rendu des fervices aux Sciences ,
par la découverte de l'éther nîtreux & des
combinaifons du mercure avec le fer , regardées
avant lui comme impoffibles . Il fut
utile à la Province qu'il habitoit , par le zèle
avec lequel ilfe confacra au foulagement des
malades dans les campagnes. Cependant à
peine étoit - il connu au - delà du pays où il
exerçoit fa bienfaifance. Il uniffoit à l'amour
de l'étude , à une humanité active & éclairée ,
la modeftie la plus vraie & le défintéreffement
le plus noble.
On a de lui un Ouvrage fur les contrepoifons
, objet important fur lequel la Mé,
DE FRANCE.
35
decine a fait encore bien peu de progrès , & il
nous manque encore une méthode certaine
d'empêcher le fuccès de ce genre d'attentat ,
qui tient , dit l'Auteur de l'éloge , le pre-
» mier rang parmi les crimes , comme l'hypocrifie
parmi les vices. "
་
"3
"
M. Bucquet , Membre de l'Académie des
Sciences , s'étoit acquis une grande réputa
tion dès la jeuneſſe , par fes cours & par fes
travaux chimiques. Son ardeur pour l'étude ,
fon amour pour la gloire abrégèrent la vie.
" L'enfeignement , lorfque l'on eft forcé
d'y donner beaucoup de temps , retarde
» la marche de l'efprit , en le retenant dans
» des routes connues. M. Bucquet , pour
» multiplier le nombre de fes expériences ,
» & afin de retirer plus de fruit de fes pei-
» nes , varioit fes procédés dans fes différens
» Cours de Chimie , de forte que ceux qui
» y affiftoient pendant plufieurs années ,
voyoient toujours une nouvelle fuite de
» faits. Il aimoit vraiment , &-il honoroit la
fcience qu'il enfeignoit fi bien ; quelques
» avantages qu'on lui ait offerts , il ne s'eft
» jamais déterminé à faire de ces leçons
uniquement deſtinées à l'amuſement de
» quelques curieux. Ses Cours particuliers
» avoient une certaine étendue qu'il ne diminuoit
jamais ; il ne fe propofoit pas
d'autre but que celui d'inftruire ; & il au-
» roit cru proftituer la fcience , & s'avilir
» lui - même , s'il avoit admis dans fon laboratoire
cette claffe d'Amateurs qui vou-
"
و د
ود
2
B vi
36
MERCURE
T
droient qu'on leur montrât toute la Chimie
dans une féance , & qui goûtent dans
» un Cours , comme au fpectacle , un plaifir
d'autant plus grand , que l'illufion eft plus
complette , & qu'ils ignorent plus profondément
les caufes des effets qui les
- étonnent .
90
C'eft ainfi que M. Vicq d'Azir fait préfenter
toujours les Sciences & ceux qui les
cultivent , fous un point de vûe qui les fait
paroître refpectables ; & c'eft une des plus
grandes utilités qui puiffe réfulter de ces éloges
publics. Ceux de Fontenelle ont contribué
plus qu'on ne croit à donner à la nation
des idées plus juftes de la véritable gloire...
M. Lieutaud , premier Médecin du Roi ,
Membre de l'Académie des Sciences , favant
Médecin , Anatomifte exact & laborieux
avoit paffe pour être peu favorable à la Société
Royale.
44
>
Nous n'ignorons pas , dit M. Vicq
» d'Azir , qu'il a été compté par plufieurs
» au nombre de ceux qui ont fait des efforts
» pour nuire à la Sociéte Royale . S'il en
étoit ainsi , ce qu'elle ne croit pas , en confacrant
à fa mémoire un témoignage authentique
de fes fentimens , elle montre-
» roit comment elle traite fes ennemis lorfqu'elle
les eftime. Que font à la postérité
les baines de quelques particuliers ? Mais
ce qu'il importe de lui apprendre , c'eft que,
» parmi nous , le mérite & la vertu ne reftent
» jamais fans éloge & fans récompenfe..
99
12
DE FRA NO E.
37
M. Gaubius , élève & fucceffeur de
Boerrhave , moins célèbre que lui dans les
Sciences , mais ayant mérité une réputation
au moins égale à celle de fon maître dans la
pratique de la Médecine , ne fût pas , à beaucoup
près , le plus connu des Médecins fortis
de cette école ; mais peut être a t'il été
celui qui a réuni à plus de véritables connoiffance
des talens plus réels. Il mourut en
1780. M. Vicq d'Azir termine ſon éloge par
cette réflexion.
« Les Sciences ont fait depuis quelques
» années de grandes pertes ; nous citerons ,
» pour nous renfermer dans notre fujet
» Morgagni , Van Swieten , Albinus , " Haller
, Linnæus , de Juffieu , Pringle , Gau-
» bius : quels noms , & quels regrets ! Si on
و د
و د
ajoute à cette lifte celle des hommes illuf-
» tres, récemment enlevés aux Lettres & à la
Philofophie , on prendra de notre fiècle
" une idée bien différente de celle que veu-
» lent en donner certains détracteurs qui ,
jaloux de fa gloire , à laquelle ils n'ont
» aucune part , & ne pouvant s'élever jufqu'à
Ini, font des efforts inutiles pour le
rabaiffer & le mettre à leur niveau .
20
30
99
" M. Bonafos étoit en même- temps Médecin
de l'Hôpital- Général , de l'Hôtel-
» Dieu , & de l'Hôpital Militaire de Perpi-
» gnan. Ainfi , la plus grande partie de fes
journées fe paffoit à confoler les pauvres ,
adouciffement qui eft peut être le feul
qu'un Médecin puiffe goûter au milieu
"2
28
38
MERCURE
"
des triftes occupations qui le furchargent.
Au mérite de ces foins tendres & touchans
, il joignoit celui de remplir pref-
» que gratuitement les deux premières de
» ces fonctions ; car les honoraires des Médecins
des Hôpitaux font fi modiques ,
qu'ils femblent ne les accepter que par
» excès de délicateffe , & pour diminuer ,
» autant qu'il eft en eux , le poids de la re-
» connoiffance dûe fi légitimement à leurs
» fervices. La bienfaifance eft un fentiment
gravé par la nature dans le coeur de tous
» les hommes ; elle devient néceffairement
» une habitude pour le Médecin compatiffant
& fenfible , qui , honoré de la confiance
du peuple , & ne perdant jamais de
» vûe le tableau déchirant des misères hu-
» maines , goûte chaque jour le plaifir d'effuyer
des larmes & de foulager des malheureux
, dont les maux phyfiques ne font
» pas toujours la plus grande infortune.
"
"
"
M. Bernard , Médecin de Douai , né avec
un talent très- diftingué , contribua beaucoup
à rétablir les études dans l'Univerfité de
cette ville. Après avoir montré de l'ardeur
pour le travail pendant quelques années , il
s'abandonna à l'amour du repos , foit indifférence
pour la gloire , foit qu'il ne voulut
pas fe contenter d'une gloire médiocre , foit
manque d'activité naturelle , foit enfin qu'un
caractère gai & ami de la Société l'entraînalfent
vers la diffipation . Il mourut à plus de
80 ans. Au contraire , M. Planchon , MédeDE
FRANCE. 39
cin de Leuze , né dans des circonftances qui
le forçoient à devoir tout au travail , s'y
livra avec ardeur , par néceffité comme par
goût ; & mourut très jeune , regretté de fes
compatriotes , qui fentoient tout le prix de
fes talens & de fon zèle .
ود
"
92
و ر
" Les États du Brabant , inftruits du fuccès
» de M. Planchon , crurent devoir lui en
témoigner leur fatisfaction , on pourroit
» même dire leur reconnoiffance ; car la
gloire littéraire , après avoir honoré celui
qui s'en eft rendu digne , rejaillit fur fa
patrie , & fes concitoyens ont raifon de
» s'en féliciter. La feue Impératrice , vou-
» lant récompenſer le zèle de M. Planchon ,
» & les fervices qu'il avoit rendus dans le
" traitement des épidémies , chargea M.
» Storck , fon premier Médecin , de lui
» écrire une lettre honorable , & de lui faire .
» parvenir une médaille d'or. Huit jours.
après il en reçut une feconde , dont le
" coin réuniffoit les portraits de Marie-
" Thérèſe & de Jofeph II. L'Empereur fe
» nontra jaloux de participer à ce bienfait ;
» & cette noble follici : ude eft d'autant plus
»
29
.
importante à remarquer , que ſon objet ,
» fans fafte & fans éclat , ne pouvant inté-
» reffer l'amour - propre du Prince , n'étoit
» que le mouvement naturel de fa juftice &
l'impulfion de cet amour du bonheur &
» de la gloire nationale , qui doit être la pre-
» mière , & peut- être la feule paffion des
"
و د
» Rois. »
MERCURE
M. Vicq d'Azir a fenti combien des éloges
décernés à des hommes dont le non étoit
prefque inconnus parmi nous , fans même
qu'on pût nous en faire des reproches fondés
, pourroit bleffer certaines gens qui fe
plaignent qu'on loue trop , & qui , pour la
plupart , s'ils étoient fincères , fe plaindroient
au contraire qu'on ne loue pas affez ;
& il termine fa notice far la vie de MM. Bernard
, Bonafos & Planchon par cette réflexion.
99
92
« Les grands noms , que toutes les voix
répètent avec admiration , font ceux qui
» ont le moins beſoin de nos éloges ; leur
place eft marquée dans l'Hiftoire des
» Sciences ; mais indépendamment du génie
qui préfide à leur développement , & qui
» en opère les révolutions , ne doit- on pas
» un tribut de reconnoiffance à ces hommes
laborieux qui s'occupent des détails , &
fans l'activité defquels l'édifice ne s'élèveroit
jamais Les Académies , fuivant certains
Critiques , prodiguent trop les éloges
Quand ce reproche feroit fondé à quel-
» ques égards , ne devroit- on pas facilement
» excufer un excès , qu'elles ne porteront
jamais affez loin pour compenfer celui de
» l'envie & de la méchanceté , dont les hom-
» mes qui cultivent les Sciences & les Let-
» tres ne font que trop fouvent les inftru-
» mens ou les victimes ? »
99
20
Ce que nous avons cité fuffit pour prou
ver que M. Vicq d'Azir eft du petit nombre
DE FRANCE. 41
des Écrivains qui ontconfervé un ſtyle naturel
& fimple ; & qu'il fait répandre dans fes
Éloges cette philofophie douce & fage , la
feule peut- être qui foit vraie & utile.
SPECTACLES.
COMÉDIE FRANÇOIS E.
LE Lundi 16 de ce mois , on a repréſenté,
pour la première fois, Philoctète , Tragédie
traduite du Grec de Sophocle , en trois Actes
& en vers , par M. de la Harpe.
+
Cette Tragédie a été imprimée au commencement
de l'année 1781. Nous en avons
rendu compte , dans le temps , à l'article
des nouvelles Littéraires , & nous lui avons
donné les éloges dont nous croyons encore
qu'elle eft digne. Non feulement nous avons
fait alors des obfervations fur la fimplicité
des moyens qui expofent , nouent & dénouent
l'action , fur l'art avec lequel Sophocle
a fu intéreffer pendant trois Actes , aidé
feulement de trois Perfonnages ; mais nous
avons remarqué auffi que la traduction de
M. de la Harpe joint la fidélité à l'élégance ,
la correction à la nobleffe. Comme , à notre
avis , le ftyle a du mouvement , de la chaleur
; comme le Traducteur nous paroît avoir
très heureuſement faili les tranfitions &
imité les formes du Poëte Grec , toutes les
fois qu'elles fe trouvent d'accord avec les
1
MERCURE 42
1
1
+
développemens que nos Spectateurs ont droit
d'exiger d'après notre fyftême dramatique ;
nous avons motivé nos éloges fur tous ces
détails , qu'il nous feroit poffible , mais qu'il
feroit inutile d'étendre. On peut louer impunément
Sophocle : non feulement il a mérité
toute la réputation , mais il eft mort il y
a vingt fiècles , & cette dernière raiſon eft
d'un grand poids auprès de ceux qui fe font
fait un fyftême de louer exclufivement les
morts , leurs amis & leurs protégés . On ne
loue pas M. de la Harpe auffi impunément.
Il tient un rang très diftingué dans notre Littérature
, il a obtenu des couronnes , & s'eft
montré digne des honneurs Littéraires . Voilà
plus de titres qu'il n'en faut pour exciter la
fureur des nuls & des médiocres. Auffi la
juftice que nous crûmes devoir lui rendre ,
en parlant du Philoctère , nous a t'elle valu
quelques unes de ces aménités périodiques
avec lesquels on compofe , ordinairement ,
certains Journaux dévoués à l'efprit de parti ,
à la prévention & à la haine. Nous avons
répondu par le filence à ces hoftilités malhonnêtes
, perfuadés , comme nous le fommes
, qu'on doit profiter de la critique éclairée
, même quand elle eft trop auftère ; mais
qu'il faut auffi favoir dédaigner les perfonnalités
& les injures . Aujourd'hui que le Public
judicieux a confirmé par les fuffrages * le
* Nous imprimons cet article après la cinquième
repréſentation , dont le fuccès a égalé celui des précédentes.
DE FRANCE.
43
jugement que nous avons porté de la traduction
de M. de la Harpe , il nous fera fans
doute permis d'élever la voix , & de nous
féliciter d'avoir vû Sophocle & fon Imitateur
fous les traits qui ont frappé les Amateurs
du Théâtre & de la faine littérature.
Mais ce qui nous flatte le plus dans le fuccès
de Philoctère , c'eft l'efpérance qu'il nous
donne que le fouvenir de cet Ouvrage fi fim
ple tout à la fois , fi fublime & fi intéreffant
, ramenera quelques efprits tout près de
s'égarer , & les éclairera fur tout ce que
l'on doit de ridicule à ces pantomimes Tragiques
, où l'on fupplée aux développemens
du coeur humain par l'amas des incidens &
- des fituations , & aux reffources du pathétique
par les tableaux les plus horribles & les
plus dégoûtans.
Ce feroit ici le cas de parler du Philoctète
de feu M. de Châteaubrun. Cet Ouvrage a
été repréſenté en 1755 ; & malgré les défauts
qu'on peut lui reprocher , il eft encore &
mérite d'être en eftime dans la Littérature.
Mais l'idée que M. de la Harpe en a donné
dans la Préface de fa Traduction , nous dif
penfe d'en rien dite , puifque nous ne pourrions
que répéter ce qu'il a penſé , fans nous
exprimer auffi bien que lui . Tout ce qu'il
dit du ftyle de M. de Châteaubrun ; de la
marche de fa Tragédie ; de l'amour fubit
qu'infpire à Pyrrhus la fille unique de Philoctete
; du tort que cette paffion fait à l'intérêt
principal , eft bien vû , & parfaitement
1
44 MERCURE
fenti. Tous ceux qui favent combien un Perfonnage
devient plus ou moins dramatique
en proportion des attitudes qu'on lui donne
& des fituations dans lefquelles on le place ,
penferont avec M. de la Harpe , que Philoctète
, fans fecours , fans confolateurs & feul
avec les maux , ainfi que Sophocle l'a peint ,
eft infiniment plus intéreffant qu'il ne l'eft ,
tel que M. de Châteaubrun l'a préſenté fur
notre Théâtre , c'eft à- dire , accompagné de
fa fille : parce que , quelque cruel que puiffe
être le reffentiment d'une injure , il peut être
adouci par les confolations de l'amour filial.
Moins Philoctère eft malheureux , moins il
doit attacher. Ce principe eft de tous les
temps. On lira avec plaifir toutes ces obfervations
détaillées dans la Préface de M. de
la Harpe. Il a jugé M. de Châteaubrun avec
un goût sûr & une railon très- faine ; il a traduit
Sophocle avec une manière digne des
beautés antiques de l'Ouvrage Grec. Ce double
éloge eft dû à M. de la Harpe ; & s'il ne
l'obtient pas de tous ceux qui le lui doivent ,
on ne peut attribuer cette injuftice qu'à l'humeur
qu'il a excitée dans un grand nombre
d'efprits , par une févérité fouvent exceffive.
Le rôle de Philoctère a été rendu par M.
de la Rive avec une grande fupériorité . On
lui a reproché des cris ; nous croyons que
ce reproche n'eft pas fondé. Le compagnon
d'Hercule n'eft pas un de ces hommes ordinaires
, à qui la douleur & l'infortune ôtent
toute énergie , c'eft un être à part , dont les
DE FRANCE. 45
forces doivent fe ranimer au feul reffentiment
de fon injure ,& fur tour à l'afpect d'Ulyffe ;
de l'homme dont il a le plus à fe plaindre
& auquel il a voué la haine la plus implacable.
D'ailleurs , ce n'eſt que par intervalles
qu'il a laiffé éclater ces cris qu'on lui reproche
, & par- tout il a montré du naturel , de
la nobleffe , de la fenfibilité , & cette fimplicité
touchante dont les anciens ont fait
un ufage fi heureux , & que nous avons
prefque oubliée,
Nous devons auffi des éloges à M. de
Saint- Prix. Il a jeté de l'intérêt & de la dignité
dans fon jeu. Son débit a eu de la vérité
, il y a femé des nuances qui annoncent
de l'intelligence . Nous l'invitons à profiter
de la bienveillance publique dont il peut fe
rendre digné , & fur - tour à fe défaire de
quelques défauts dont nous l'avons averti ,
& que nous ne croyons pas devoir répéter ici.
ANNONCES ET NOTICES.
PORTRAIT
ORTRAIT de M. Gros de Befplas , Docteur de
la Maiſon & Société de Sorbonne , Vicaire Général
du Diocèfe de Besançon , Abbé Commendataire de
l'Abbaye Royale de l'Épau , Prédicateur du Roi ,
Aumônier de MONSIEUR , Honoraire de l'Académie
de Dijon , peint par A. Pujos , gravé par Fr.
Herot Prix , 1 liv . 4 fols. Se vend chez M. de
Launay , Graveur du Roi , rue de la Bucherie ,
Une Anecdote bien honorable a donné lieu à
cette Gravure. C'eſt à un morceau d'Éloquence, fai46
. MERCURE
fant partie d'un Sermon de la Cêne , prêché par
M. l'Abbé de Befplas , qu'on doit le meilleur état des
Prifons & l'établiffement de l'hôtel de la Force . Il
eft doux de mériter la gloire par des talens utiles à
l'humanité.
Voici les vers qu'a mis au bas M. le Comte Louis
de Galard :
Organe du Très-Haut , il inftruifit les Rois ;
Au bonheur des humains il confacra fa vie ;
A la Chaire étonnée il preſcrivit des loix ,
Et fon aménité fut défarmer l'envie .
M. Coffon , Profeffeur en l'Univerfité de Paris ,
les a traduits en Latin :
Terruit attonitam verbis cæleftibus aulam ,
Et facri leges tradidit eloquii.
Publica profperitas , dum commovet , unde refurgat ,
Invidiam blando fubjicit ingenio.
LETTRES fur la Suiffe , adreffées à Madame de
M ***, par un Voyageur François , en 1781. On ›
y a joint une Carte générale de la Suiffe & des
Glacières du Favigny , la plus exacte qui ait encore
paru , ainfi qu'un Plan de Verfoi , & un Plan
desfouterrains des Salines de Bévieux . 2 Vol, in-8 ° .
Prix , 12 liv . A Genève , & fe trouve à Paris , chez
Jombert jeune , Libraire , rue Dauphine.
NOUVELLE Traduction de l'Effai fur l'Homme ,
de Pope , en vers François , précédée d'un Difcours ,
& fuivie de notes , par M. de Fontanes , in - 8 ° . Prix ,
3 liv. A Paris , chez Jombert jeune , Libraire , rue
Dauphine.
Nous rendrons compte inceffamment de cet Ouvrage.
17
-PARTITION de Renaud, Tragédie Lyrique en
DE FRANCE. 4/
trois Actes , dédiée à la Reine, mife en mufique par
M. Sacchini . Prix , 24 liv . A Paris , chez l'Auteur ,
rue Baffe du Rempart , n°. 17 , & aux Adreffes ordinaires.
Le grand fuccès de cet Ouvrage nous difpenfe de
tout éloge . Nous ne pouvons cependant refifter au
defir d'en remarquer quelques morceaux . L'ouverture
eft d'un très-joli effet. Le début eſt d'un caractère
guerrier , & annonce bien le ton du premier
Acte. Il eft à remarquer que dans cet Acte il y a
trois morceaux auxquels la fituation obligeoit de
donner le même caractère , & fur lefquels cependant
l'Art du Compofiteur a fu répandre beaucoup de va
riété. Nous parlons du premier air d'Hidraot , de
celui de Renaud & de celui d'Antiope dans le divertiffement.
Nous remarquerons encore dans cet Acte
l'air d'Adrafte , Et je pourrois être infenfible , d'une
expreſſion fi vraie , fi bien fentie , & tous les choeurs,
particulièrement celui du ferment , qui même après
celui d'Ernelinde a encore paru fuperbe. Le fecond
Acte eft celui qui contient le plus de morceaux de
chant. Que de charines dans cett : c avatine , Il retraçoit
à ma mémoire , qui annonce cet air de grande
expreffion , Ah ! que dis- tu , trop foible Armide , &
celle plus délicieufe encore par la vérité du ſentiment
qu'elle exprime , Cruel ! pourquoi m'as- tu trahie , &
le joli air, Barbare amour , dont on avoit mal -à - propos
critiqué le caractère , & fur lequel Mme Saint--
Huberti a ramené tous les fuffrages . La critique
étoit peut-être mieux fondée en condamnant l'invocation
d'Hidraot & d'Armide ; mais combien elle
fait reffortir le fuperbe choeur fouterrain des démons.
Au Théâtre ce choeur fe répète deux fois . L'Auteur a
fait graver un trio qu'il avoit fait pour cette place ,
& qu'on fupprime aux repréſentations . C'eſt au Public
Lecteur à juger fi l'on a eu raifon . Le final qui
termine cet Acte a été beaucoup raccourci aux répéti48
MERCURE
tions . L'action a pu y gagner de la rapidité , mais
le morceau a perdu de fon effet. Le troisième Acte
commence par un air ſuperbe , mais peut- être exiget-
il trop de force d'exécution pour l'Actrice déjà
épuisée par l'action des Scènes précédentes ; mais
qu'on retrouve bien la charmante manière de l'Auteur
dans le petit air , Eh ! comment veux-tu queje
vive? & dans l'air de Renaud , Renoncez à votre
haine , auquel il ne manque que d'être mieux en
fituation pour exciter les plus vifs applaudiffemens .
L'Opéra finit par un très bel air de bravoure. On
fait avec quelle fupériorité M. Sacchini traite ce
genres mais ce qu'on ne pouvoit guères eſpérer d'un
Etranger c'eft le foin avec lequel la Profodie Françoife
eft refpectée , & la grâce qu'il a miſe dans les
premiers airs de danfe qu'il ait jamais faits. Nous ne
dourons pas que cette mufique ne foutienne à la lecture
la réputation qu'elle s'eft acquiſe au Théâtre .
Pour les Annonces des Titres de la Gravure ,
de la Mufique & des Livres nouveaux , voyez les
Couvertures .
TABLE.
VERS à M. de la Harpe, 3 Eloge de Voltaire',
Réponse à la Chanfon du Bu- Recueil des Pièces concernant
veur d'Eau ,
Air de Péronne Sauvée ,
Bon Mot,
22
41
6
8
7
Eloges lus aux Séances publi
ques de la Société Royale de
Médecine,
les exhumations de la ville
de Dunkerque,
28
32
41
Charade, Enigme & Logogryphe
,
Mémoires & Lettres de M. le Comédie Françoiſe ,
Maréchal de Turenne , 11 Annonces & Notices ,
APPROBATION.
45
le
J'AI lu , par ordre de Mgr le Garde des Sceaux ,
Mercure de France , pour le Samedi Juillet . Je n'y ai
rien_trouvé qui puiffe en empêcher l'impreſſion. A Paris ,
le 4 Juillet 1783. GUIDE
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 12 JUILLET 1783
PIECES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSÉ.
VERS de M. le Chevalier DE P. à M. DE
FONTANES , fur fa Traduction de
"
'Eai fur l'Homme. *
Du Refnel , dans fes foibles rimes ,
Du Poëte de la raifon
A délayé les yers fublimes
Et la mâle précifion .
Dans fa froide & pâle copie ,
Vainement de l'original
On cherchoit l'âme & le génie ;
Le Lecteur difoit : tout eft mal .
Mais c'eft Pope qui vous infpire ,
Pope a frappé vos vers heureux ;
* On ' la trouve chez Jombert jeune , Libraire , rus
Dauphine.
N°. 23, 12 Juillet 1783 .
C
5
MERCURE
Et la critique doit vous dire
Qu'à préfent tout eft pour le mieux.
MON SOUHAIT,
SI j'ofois efpérer qu'un deſtin moins ſévère
Pût jamais accomplir mon unique fouhait ,
Ni l'or , ni le pouvoir des Maîtres de la terre ,
Ni l'éclat d'un grand nom , n'en deviendroient l'objet.
Que ne pais-je , éloigné du fracas de la ville ,
Vivre obfcur , ignoré , mais libre , mais tranquille ;
Un toit modefte , un bois , & fes foinbres détours ,
Un champêtre jardin , une compagne aimée ,
D'un travail modéré les utiles fecours ,
Que faudroit- il de plus à mon âme charmée ?
Un jardin fpacieux orneroit ma maiſon :
On n'y verroit point l'Art révolter la Nature ,
L'immoler à l'ufage , à la mode , au bon ton ;
Des fruits bien variés , chacun dans leur faifon ,
Des légumes choifis , formeroient fa parure .
L'abeille auroit mes foins. Ce peuple induſtrieux
Dans un coin du verger trouveroit fon aſyle ;
D'un efprit attentif & d'un oeil curieux ,
J'obferverois les moeurs & fon travail utile.
Là , j'aurois pour voifins d'honnêtes Villageois ;
Par mes foins , mes fecours , j'adoucirois leur vie ,
A leur tendre amitié je me ferois des droits ;
Jouiffant plus que nous des vrais biens de la vie ,
BIBLIOTHECA
REGIA
IMTRACE NOT
DE FRANCE.
SI
Du repos de l'efprit & de la paix du coeur ,
Le fort des Villageois pourroit nous faire envie :
Ils feroient trop heureux s'ils fentoient leur bonheur.
Nous vantons de nos Arts la magique impoſture ;
Mais qu'est- ce que nos Arts auprès de la Nature !
L'homme présomptueux a cru pouvoir l'orner ;
D'une main libérale on la voit nous donner
Tous les biens qu'il lui faut payer avec uſure.
L'ORDRE de l'Univers , le fyftême des cieux ,
Fixcroient tour -à- tour mon efprit & mes yeux :
Ces foleils attachés à la voûte azurée ,
Ces comètes , jadis l'effroi des Nations ,
Dont on a calculé la marche & la durée ,
Cet éternel retour des diverfes faifons ,
Seroient le vaſte objet de mes réflexions.
Le mortel , dont l'efprit fut orné par l'étude ,
Aux fens qu'il poffédoit a joint de nouveaux fens :
C'eſt dans les champs fur -tout , c'eſt dans la folitude
Qu'il goûte des plaifirs fans ceffe renaiffans.
Mon cabinet devient le temple du Génie,
Là , j'ai fu raffembler les plus fameux efprits ,
Dont leur fiècle fouvent n'a pas fenti le prix.
Eft - il fociété plus noble & mieux choiſie ?
Au fommet du Parnaffe , affis près d'Apollon ,
Voltaire règne en Dieu fur le facré vallon .
Nul Art n'eft étranger à fon puiffant génie ;
Melpomène , Clio , Calliope , Uranie ,
Cij :
52
MERCURE
L'ont porté dès l'enfance au haut du double mont.
Peuples jaloux , vantez l'Ariofte , le Tafſe ,
Virgile , Horace , Ovide , Efchille , Anacréon ,
Il n'eft point de rival que Voltaire n'efface .
OSEREZ-VOUS placer Pline auprès de Buffon ?
« Peintre de la Nature , & fublime comme elle ,
» Ses tableaux dureront autant que leur modèle. » ✶
Aux Hyperboréens n'envions point Euler;
Si Newton aujourd'hui revoyoit la lumière ,
Il viendroit embraffer Condorcet , d'Alembert.
Du Chantre des faiſons , la Muſe noble & tendre
Sait enchanter l'oreille en éclairant l'efprit.
Aimable Saint- Lambert , qu'on fe plaît à t'entendre !
Ton favoir nous étonne , & ta voix nous ravit.
VIRGILE avoit chanté les doux préfens de Flore ,
Les travaux de Palès , les fécondes moiſſons ;
De Lille s'empara de fa flûte fonore ,
Sa flûte a fous les doigts rendu les mêmes fons.
Vous , que n'égalent point & Properce & Catulle ,
B.... , Greffet , Bernard , Dorat & Defmahis ,
Dans le fiècle dernier vous n'avez point d'émule ,
A vos vers fur les fiens Chaulieu donne le prix.
Confervateurs du goût , vous vivez tous encore ,
Condillac , Watelet , Thomas , Raynal , Servan ,
* Ces deux vers appartiennent à M. de Bonnard,
DE FRANCE.
53
B...., Guibert , Saint- Marc , Chatelux & Treffan ,
Vous lui rendez fans ceffe un culte qui l'honore.
Sur les autels du Dieu je vois fumer l'encens ;
La Harpe , Marmontel , il reçoit vos hommages ,
C'est un père en vous tous qui croit voir les enfans ,
Et fon temple eft orné de vos charmans ouvrages.
De l'éloquent Rouffeau , Platon feroit jaloux ,
D'Antremont , Deshoulière eut moins d'efprit que
vous.
Auteurs , que vos Écrits charment toujours ma vie !
Je fens , en les lifant , mon âme s'ennoblir ,
Ma raifon s'épurer au feu de leur génie ;
Mon efprit s'éclairer & mes moeurs fe polir.
L'ENNUI traînant par-tout fa vague inquiétude ,
Tourmente les oififs ; mais , dans ma folitude ,
Occupé de vous lire & de vous méditer ,
Le trifte ennui pour moi n'eft point à redouter.
HEUREUX qui peut ainfi du fønge de la vie
Remplir tous les momens ! Heureux qui , fans lien ,
Loin du monde , & fur- tout des regards de l'envie ,
Le corps fain , le coeur pur , vit en paix , fait du bien !
MAIS , doublement heureux le mortel dont la vie
Eft pour jamais liée à la femme chérie
Qu'ont formé la vertu , les grâces , les talens !
J'ai trouvé ce tréfor que je cherchai long- temps :
Oui , depuis que l'Hymen unit nos deftinées ,
Cii)
54
MERCURE
J'ai vu dans le bonheur s'écouler mes journées .
Le plaifir qu'on partage en devient plus touchant ,
Nos efprits & nos coeurs n'ont plus qu'un fentiment.
De fes doux entretiens , de fa raifon aimable ,
Je goûte avec tranſport le charme inexprimable.
Sous mon paifible toit , le foir , quand je reviens ,
A fes empreffemens , à fes tendres careffes ,
Je vois que le bonheur n'eft point dans les richeffes ,
Et qu'une femme aimée eft le premier des biens .
Explication de la Charade , de l'Enigme &
du Logogryphe du Mercure précédent.
LE mot de la Charade eft Chercher ; celui
de l'Enigme eft Chou ; celui du Logogryphe
eft la Reine , où le trouvent Élie , Nil ,
lien , lyre.
CHAR A D E..
Mon premier , par un fort bizarre ,
Pour l'un ne fauroit être heureux
Qu'au même inftant , ( choſe affez rare )
Pour l'autre il ne foit malheureux .
Dans mon fecond , jadis en France
Nos Preux exerçoient leur vaillance ,
Et s'égorgeoient par paffe- temps.
Mon tout cft la touchante ivrefe
DE FRANCE.
55
Que votre voix enchantereſſe
Porte fans ceffe dans nos lens.
( Par M. de Saint - Gervais , Officier au
Régiment de Picardie. )
FIDELLES
ENIGM E.
IDELLES Soeurs , par Minerve engendrées ,
Nous exiſtons dans toutes les contrées ;
L'honneur fur nous établit ſon eſpoir.
Objet des Loix , nous les faifons valoir ;
Nous ne pouvons en être féparées :
On nous chérit , on nous laiffe ignorées ;
L'homme de bien trouve en nous fon devoir ;
Au vice auffi par le malheur livrées ,
En rougiffant nous cédons tout pouvoir.
LOGO GRYP H E.
JE fuis un titre en France à tout homme accordé ;
Mais fouvent titre vain , par l'orgueil commandé ,
Je perds de ma valeur en fervant trop de monde ;
Et tel qui , d'un faquin , a droit de m'obtenir ,
Du Grand juſqu'au faquin me renvoie à la ronde ,
Tant à mon vil ufage on doit s'affujétir !
De nos jours cependant j'occupe un rang fuprême ;
Placé tout près du diadême ,
Je défigne une dignité
Civ
36
MERCURE
Qui ne fauroit admettre aucime parité.
Mais fi j'aime à montrer cette prééminence ,
C'eſt en donnant l'exemple , & des hautes vertus ,
Et d'une utile bienfaifance ....
J'abuſe , cher Lecteur , de votre patience ;
A moi-même , il eft vrai , je ne reffemble plus ;.
D'un cas particulier naît cette différence.
Tout-à-l'heure avili , pour être trop banal ;
A préfent élevé , je n'ai pas un égal .....
J'ai huit lettres : eh bien , prenez les cinq dernières
Vous aurez mon diminutif;
Un pronom , un ſubſtantif
Se trouvent dans mes trois premières.
J'offre auffi , par Médée , un vieillard rajeuni ;,
Un juge des enfers ; un métal trop chéri ;
L'adverbe pofitif par lequel on affirme ;
Ce qu'au- deffus de tout en fecret on eſtime ;
Le fruit dans la fable fameux ,
Et que teignit le fang d'un couple malheureux ;
Un paffage public ; & ce que tout Poëte
Ne trouve pas toujours quand il en a befoin
L'un de vos fens ; & le mot que répète.
Un Egoïfte avec beaucoup de foin ;
;
Ce qui vous clôt chez vous ; trois notes de mufique ;
Le nom le plus augufté , & fi cher aux François ,.
Qu'aucun , fans être éinu , ne l'entendit jamais ;
Et deux furnoms au pays Britannique ;
Et celui qu'à nos Rois on donne en leur parlant ;
Une couleur bien trifte ; une fort belle étoffe ;
DE
57
FRANCE.
-
Ce qui marque la joie ; & ce que l'on entend ;;
Ce que fouvent attire une libre apostrophe ;
L'arbre témoin des plaifirs du hameau ;
De vos jardins brillans la fleur la plus jolie ;
De tout corps animal la plus dure partie ;
Un Difcours oratoire ; & le temps où l'oifeau
Pour le renouveler , dépouille fon plumage ;,
Le mot qui , du néant , vous eſt l'abſtraits image ;
Le travail d'un infecte ; & ce qu'avec tranfport
Vous prefsâtes au plus jeune âge ;
Ce que fouvent au. défaut du courage
Vous voyez le plus foible oppofer au plus fort 3;
Delà les monts , une fameuſe ville ;
Et de tout rimailleur le démon familier ;
Ce que font deux époux ; des nombres le premier.....
En voilà bien affez , le refte eft inutile..
Je puis avoir encor des prépofitions ,
Particules , négations ;:
D'autres mots, une foule immenfe.......
Mais , de vous dire tout , Lecteur ,
Permettez que je me diſpenſe ,.
Te n'en finirois pas ; ainfi donc , ferviteur..
( Par M. Baudrais: ))
Cw
58
MERCURE
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
ÉLOGE de M. d'Anville , prononcé dans
l'Affemblée publique de l'Académie des
Infcriptions & Belles Lettres , le 29
Avril dernier , par M. Dacier , nouveau
Secrétaire .
M.• DACIER , nommé depuis peu à la
place de Secrétaire Perpétuel de l'Académie
des Belles Lettres , fur la démiffion de M.
Dupuy , vient de juftifier pleinement la coufiance
de ce Corps illuftre , & de s'annoncer
au Public avec éclat , par l'Éloge de M. d'Anville.
Le fujet étoit heureux ; mais obſervons
qu'il eft peut- être beaucoup plus ailé
d'embellir un fujet commun que de remplir
un fujet diftingué , & de répondre à une
grande attente . Dans le premier cas vous
pouvez prendre fur votre propre fond ; on
vous permet les écarts , on vous en fait gré
même; ce font des ornemens dont vous enrichiffez
un fond fec & fterile ; dans le fecond
, on exige que vous ne foyez jamais ni
hors du fujet , ni au deffous . L'Auditeur n'eft
content que quand vous avez développé en
lui toute l'idée qu'il s'étoit faite d'avance du
perfonnage que vous célébrez , & qu'il ne
peut dire : ni j'aurois mieux dit , ni j'aurois
dit autre chofe.
DE FRANCE.
59
Tel eft le mérite fuprême de cet Éloge : à
chaque trait on reconnoît , on diftingue M.
d'Anville , ou plutôt on le voit , c'eſt luimême
, il refpire.
La grande révolution que les Éloges de
M. de Fontenelle ont produite , a été d'initier
les ignorans & les gens du monde aux myftères
de la fcience , de renverfer la barrière
que le pédantifine & la charlatanerie avoient
élevée entre l'intelligence d'un homme d'efprit
& le domaine des Savans , de ſubſtituer
des idées claires à la profufion faftueufe des
mots techniques , de répandre , en un mot ,
l'inftruction , en la rendant fimple , facile ,
& même aimable. Tout cela ne s'eft pas fait
fans contradictions & fans orages ; les contradictions
ont ceffé , les orages fe font diffipés
, & M. de Fontenelle eft reconnu depuis
long- temps pour un modèle en ce genre ;
mais on s'eft encore trompé fur la manière
de fuivre ce modèle. Il falloit fans doute
adopter fa méthode générale , & la perfectionner
, s'il étoit poffible ; mais il falloit lui
abandonner la manière particulière , qui ne
convenoit qu'à lui . Des hommes , de mérite
d'ailleurs , ont cru devoir imiter jufqu'à cette
manière particulière , ils n'ont fait que rappeler
la Fable de La Fontaine :
Ne forçons point notre talent ,
Nous ne ferions rien avec grâce.
C'eft foi-même qu'il faut être , & non point
un autre .
C vj
MERCURE
Ce n'eft que l'air d'autrui qui peut déplaire en moi..
C'eft auffi le fens de ce mot d'Horace ::
Monitus multumque, monendus.
Privatas ut quarat opes..
M. Dacier n'avoit pas befoin de cet avertiflement
, il a trop de goût & d'efprit pour
ne pas fentir que fa philofophie ne devoit
pas être celle de Eontenelle , mais la fienne ,
& que le portrait de M. d'Anville, ne devoit
être celui de Guillaume de l'Ile.
pas
Jean Baptifte Bourguignon d'Anville , naquit
à Paris le 11 Juillet 1697. Il deffingit
dans fes claffes la carte des pays décrits par
les Auteurs anciens qu'il étudioit ; « ils lui
30
39
"
وو
infpirèrent pour la géographie ancienne
» un amour de préférence qu'il a confervé
jufqu'à la fin de fa vie , foit par ce charme
inexprimable qui nous ramène toujours
» vers les objets auxquels notre âme doit
» fes premières jouillances , foit parce
qu'elle lui paroiffoit emprunter quelque
chofe de la majefté impofante des peuples:
dont elle éclaire l'hiftoire ..... Il effayoit de
fuivre les Phéniciens dans leurs navigations
, & d'en deviner le fecret; il ' cherchoit
à reconnoître la trace de ceux qui ,
» par l'ordre de Néchos , partirent de la
» mer rouge , firent le tour de l'Afrique ,
» & retournèrent en Égypte par la médi-
" terranée , après trois ans de navigation. Il
partoit de Carthage avec Hannon &
99
22
ور
Ja
1
DE FRANCE. 6,L.
2
"
"
و د
côtoyoit l'Afrique en feus contraire , jufqu'au
Cap des trois Pointes : il vifitoit
» avec Scylax les pays & les établiſſemens
fitués fur une partie des côtes de l'Europe ,
2 de l'Alie & de l'Afrique : il accompagnoit
» Hérodote dans fes voyages en Grèce , en
Italie , en Égypte , en Afie ; il pénétroit
» au- delà de l'Indus avec Alexandre . Il fui-
» voit les Romains dans leurs conquêtes , &
» leur favoit prefque gré d'avoir ſubjugué
» le monde qu'ils lui faifoient connoître. "
39
"
9
Ce n'eft pas là , comme on voit , une énu.
mération sèche ; l'Auteur peint les objets
il nous fait voyager avec M. d'Anville &
avec lui .
"
« En lifant les plus fublimes Écrits , M
d'Anville fermoit les yeux à tout ce qui
» ne concernoit pas la géographie : il s'étoit
» condamné à ne voir dans Homère & dans
Virgile que des noms & des pofitions de
peuples & de villes. Si par hafard quel-
» ques beautés étrangères à fon objet l'arrê-
» toient un moment , & furprenoient fon
» admiration , il s'en arrachoit auflitôt , &
» fe reprochoit ces légers écarts comme un
23
"
22
larcin fait à fa paflion favorite. Mais il
» n'eut guères à fe défendre de ces féduc-
" tions que dans fa jeuncife ; il fe rapprocha
davantage par la fuite du goût de
l'Abbé de Longuerue , fon maître , qui
difoit qu'avec le Recueil des antiquités &
des fentences tirées d'Homère , on pou-
"
19
62 MERCURE
voit très- bien fe paffer de l'Iliade & de
» l'Odyffée .
La fine & douce ironie que ce morceau
refpire , prouve le goût de l'Auteur fans bleffer
la mémoire de perfonne : la meture
en eft parfaitement jufte ; plus foible , elle
ne feroit pas fentie ; plus forte , elle dégraderoit
ceux qui en font l'objet ; & le coup
qu'elle pourroit encore porter , eft paré à
l'inftant par la reflexion fuivante.
"
و د
" On feroit tenté de plaindre une pareille
infenfibilité , fi on connoiffoit moins les
plaifirs vifs que procure la découverte
» d'une vérité à ces hommes utiles , qui font
» animés de la noble ambition d'ajouter à
la maffe des connoiffances humaines , &
» d'en reculer les limites . >>
Nous ne fuivrons point l'Auteur dans
l'énumération des différentes cartes & des
divers ouvrages géographiques de M. d'Anville
; cette analyſe indiſpenſable , mais qu'il
eût été fi facile de rendre ennuyeule , n'eft
favante qu'au degré néceffaire pour l'inftruction
; elle a d'ailleurs toute la netteté ,
toute la précision , toute l'élégance qui pouvoient
la rendre agréable. "
2
Paffons à un article toujours délicat , &
qui eft l'écueil ordinaire des Panegyriftes ,
c'eft l'aveu des défauts de l'homme qu'on
loue ; cet aveu eft très important ; car il
donne feul de la vraisemblance & du prix
aux éloges , comme M. de Fontenelle l'a
fouvent fait fentir. Des Pánégyriftes malDE
FRANCE. 63
adroits éludent la difficulté ; perfuadés qu'un
éloge ne doit contenir que des louanges , ils
diffimulent tout ce qui n'eft pas louable ;
mais quand cette réticence pourroit convenir
aux éloges oratoires , ce qui même eft
contraire à la pratique des grands Maîtres ,
elle ne conviendroit pas aux éloges hiftoriques
; fi l'éloge a fes droits & fes devoirs ,
l'hiftoire a auffi les fiens , dont la vérité eft
le premier ; ces éloges , dont l'ufage eft établi
dans tous les corps Littéraires , formeront
un jour la partie la plus intéreffante de l'hiftoire
de la Littérature ; mais il faut que cette
hiftoire foit fidelle ; fi elle ne préfentoit que
des hommes fans defauts , elle ne feroit pas
crue ; & qu'eft ce qu'une hiftoire , qu'eft ce
qu'un éloge qu'on ne croit pas . ? D'un autre
côté , cet aveu doit être fincère fans être
dur , il doit être fait avec toutes les précautions
qu'exige la raifon de corps , autfi impérieufe
que la raifon d'état ; car , après tout,
c'eft un confrère qu'on loue & qu'on blâme .
M. de Fontenelle avoit naturellement une
indulgence philofophique très propre à
pallier les défauts qu'il étoit contraint d'avouer.
Un défaut eft fouvent voifin d'une
bonne qualité dont il ne s'éloigne que par
abus & par excès ; M. de Fontenelle tiroit
un grand parti de ce voifinage ; le Savant
fauvage , qu'une vie fédentaire ou une humeur,
dure rendoit d'une fociété difficile ,
avoit une franchife dont le principe eft toujours
eftimable , & dont le monde s'étoit
64 MERCURE
peut -être trop écarté ; le Philanthrope ,
1 homme fans caractère , avoit une aménité
qui faifoit rechercher fon commerce. C'eſt
la doctrine d'Horace ; il laiffe à l'amour certe
erreur aveugle qui transforme les défauts en
beautés & les vices en vertus ; il la regrette
cependant même dans l'amitié , mais il fe
réduit à demander , pour les défauts de
l'ami , l'indulgence qu'un père a pour ceux
de fon fils ; il veut qu'on défigne ces défauts ,,
non par leur nom propre , qui les caractériferoit
durement , mais par le nom d'une
bonne qualité voifine.
Ex more imponens cognata vocabula rebus...
Parciùs hic vivit , frugi dicatur , ineptus
Et jactantior hic paulo eft , concinnus amicis
Poftulat ut videatur ; at eft truculentior , atque
Plus aqua liber, fortis fimplexque habeatur :
Caldior eft , aeres inter numeretur , opinor
Hac res &jungit , junctos & fervat amicos ..
M. Dacier fuit parfaitement cette règle.
M. d'Anville avoit un amour propre naïf
qu'il montroit à tout le monde fans offenfer
perfonne , & qui avoit chez lui des modifications
& des excufes qu'il n'a pas chez le
commun des hommes ; M. Dacier peint cet
amour propre dans toute fon étendue , mais
avec toutes les modifications & les excufes.
" En parcourant fans ceffe la terre , il
s'étoit en quelque façon approprié les
DE FRANCE. 68
"
ןכ
fieux dont il avoit rigoureufement déter-
» miné la pofition . Il contemploit avec complaifance
ces membres épars de fon empire
; & comme fes prétentions lui paroiffoient
fondées fur des autorités refpectables
, il voyoit avec peine qu'on osât
» les contefter , fur- tout quand il s'agiſſoit
» de quelque point de la géographie ancienne
qu'il croyoit avoir plus invariable-
» ment fixée , & dont il s'étoit réfervé plus
fpécialement la poffeffion ; la critique lui
paroiffoit alors une efpèce de facrilège
» contre l'objet même de fon culte ; & tranfporté
d'une colère religieufe , il s'écrioit
quelquefois : On profane toute l'antiquité.
» Cet enthoufiafme , qui eût fans, donte été
>> ridicule dans un homme médiocre , étoit
» bien excufable dans un vieillard qui n'a-
» voit penfé , qui n'avoit vécu que pour la
géographie , & à qui la douce habitude
d'être applaudi avoit dû donner une grande
» idée de fes talens. On peut dire même que
cet enthouſiaſme étoit refpectable par les
» grands effets qu'il a produits ; fans ce reffort
puiffant qui faifoit agir M. d'Anville ,
» nous ferions vraisemblablement privés
» d'un grand nombre d'excellens Ouvrages ;
& la géographie feroit encore dans l'état
où il l'avoit trouvée. »
"
""
. Cette dernière raifon eft fi forte , qu'elle
couvre & excufe tour , & qu'elle entraîne le
Lecteur , quoique toujours prévenu contre
les palliatifs & les précautions oratoires ;
- 66 "MERCURE
c'eft que ce n'en eft point une , mais l'expreffion
fidelle de la juftice & de la vérité.
Il en eft de même du morceau fuivant ,
qui eft le développement du précédent.
199
20
Peu répandu dans la fociété , vivant dans
» le paffe plutôt que dans le préfent , &
dans les pays étrangers plus que dans la
patrie , connoiffant moins les hommes
que le féjour qu'ils habitent , M. d'Anville
» occupoit volontiers les autres de fes travaux
, & croyant ne parler que de fa paffion
, il parloit de fes fuccès . Mais ces
effufions de coeur , ces épanchemens d'un
amour- propre naïf qu'il n'avoit point appris
à déguifer , méritoient de l'indul-
" gence , & ne pouvoient offenſer per-
» fonne on l'entendoit fans peine vanter
la perfection de fes Ouvrages , & dire de
la géographie ce qu'Augufte difoit de
» Rome : Je l'ai trouvée de brique , & je la
laiffe d'or. En effet , les écarts de l'amourpropre
ne font choquans que lorfqu'ils
portent fur des objets familiers au Public,
» & dont chacun peut fe croire en état de
juger.
20
20
22 19
Tout a été pour l'Auteur une occafion de
montrer fon goût exquis , fon bon efprit
fa philofophie fage ; un feul trait prêtoit à
la fenfibilité , il ne l'a point laiffé échapper ;
M. d'Anville perdit fa femme après cinquante
ans de mariage. " Heureux alors que
la privation des facultés de fon âme lui
» ait épargné le fentiment de cette affreuſe
99
DE FRANCE. 67
féparation il eft du moins defcendu doucement
au tombeau , la douleur l'y auroit
», précipité.
"" ور
C'eft ainfi que l'Auteur a toujours le fentiment
& l'expreffion de la choſe. Son goût
eft pur , fon ftyle précis , fon pinceau fidèle ;
il a , comme nous l'avons dit , la jufte mefure
de tout; il n'y a point - là d'à- peu - près ;
ni plus , ni moins , ni autrement , pourroit
être fa devife.
C'eft fur fon manufcrit , qu'il a bien
voulu nous communiquer , que cet extrait
a été fait .
LETTRES de deux Amans , Habitans de
Lyon , publiées par M. Léonard , en trois
Parties. Prix , 4 liv. 10 fols. A Londres ,
& le trouve à Paris , chez Defenne , au
Palais Royal , paffage de Richelieu .
ON connoît la fingulière catastrophe qui
a fourni le fujet de ce Roman . Deux amans
à Lyon étoient unis par l'amour le plus tendre,
& l'on peut dire le plus paffionné . Le
jeune homme reçoit une bleffure qu'on dé
clare mortelle ; c'étoit prononcer l'arrêt de
tous les deux. Ne pouvant vivre l'un fans
l'autre , ils fe décident à mourir enſemble .
Ils fe rendent à l'autel ; & deux pistolets
qu'ils s'étoient attachés au poignet du bras
droit , & qu'ils font partir en même temps ,
les renverfent morts dans les bras l'un de
68 MERCURE
l'autre. Il exifte deux vers de Jean - Jacques
Rouffeau fur cet événement : nous ne nous
rappelons que le dernier , qui caractériſe
bien cette action :
Le fentiment admire & la raifon fe tait."
C'eft fur cette tragique aventure que M. Léo
nard a bâti le fond du Roman qu'il vient de
publier. Il a changé le motif qui décide la
mort des deux amans. Nous examinerons fi
l'intérêt y a gagné ou perdu , quand nous aurons
fait connoître l'intrigue que l'Auteur a
imaginée .
Faldoni & Thérèfe font les deux amans.
Celle ci a pour père l'homme le plus vain ,
le plus dur & le plus implacable . Sa mère ,
Mme de Saint- Cyran , eft d'un caractère oppofé
; mais elle gémit de la tyrannie de fon
époux , fans pouvoir en affranchir fa fille.
Voilà ce que nous apprennent les premières
Lettres de Thérèfe , adreffées à Conftance ,
fon amie. Un honnête Curé , parrain de
Thérèfe , & ami de la maifon , y joue le perfonnage
d'un refpectable Prêtre & d'un homme
aimable . Faldoni , qui en eft connu , fe
fait préfenter par lui chez le père de Thé
rèfe. Celle - ci confie fon amour au fenfible
Curé , qui devient le protecteur des deux
amans . Cependant l'inflexible M. de Saint-
Cyran deftine à fa fille pour époux un homme
qui n'a d'autre mérite & d'autre vertu
que fes richeffes ; & le Curé par prudence engage
Faldoni à s'éloigner pour un temps de
Thérèfe. M. de Saint -Cyran préfente à fa
DE FRANCE. 69
وي
fille fon indigne prétendu. « Imaginez , dit
Thérèſe à fon amie , en lui en faifant le portrait
, un fantôme fec & long , dont le
» teint noir eft mêlé de jaune , qui élevoit
» d'un ton d'importance une voix fépul
crale , me parcouroit de fes deux yeux
creux & malhonnêtes , & fourioit à faire :
» peur , en repouffant fa bouche jufqu'à fes
» oreilles, »
"3
Faldoni apprend que fon père eft prêt à
rendre le dernier foupir ; c'eft une occafion
pour lui d'aller prendre congé de M. de St-
Cyran ; il y court , voit fa chère Thérèſe ,
&, entraîné par fon amour , il ofe l'avouer
à Mme de Saint Cyran . Cette tendre mère ,
après avoir fait de juftes reproches à ſa fille
& à Faldoni , finit par leur pardonner , & .
fait des voeux pour leur union . Faldoni revient
quand il a fermé les yeux à fon père.
Cependant Thérèſe , attaquée d'une maladie
de langueur , fait craindre pour fa vie . Le
père eft à Paris pour un procès . La mère , de
concert avec le Curé , introduit Faldoni auprès
d'elle , ce qui amène une ſcène touchante
; le Curé les unit en appelant fur eux
la bénédiction du ciel ; & la mère promet de
ne rien épargner pour faire confirmer cette
union. Faldoni propoſe à Thérèſe , après fon
rétabliffenient , de fuir avec lui ; elle s'y refufe
en lui objectant les loix de l'honneur ,
& couvre ce refus des expreffions les plus
tendres. Mais un grand malheur fait couler
les larmes des deux amans ; Mme de Saint70
MERCURE
Cyran meurt , & laiffe fa fille en proie à le
dureté implacable de fon père . Cet homme
inexorable a tout découvert ; fa colère fa
manifefte par un emportement effréné , &
par les plus cruelles perfécutions ; le Curé
lui- même , pour avoir voulu s'intéreffer auprès
de lui en faveur de Thérèſe , eſt chaffé
avec des menaces & des injures . Une fcène
d'éclat achève de brouiller tout , & met le
comble à la fureur de M. de Saint- Cyran . Il
appelle dans fon château Faldoni , pour
avoir avec lui une explication ; & abuſant de
fon autorité , il s'oublie jufqu'à le faire arrêter
; mais un frère de Thérèfe , qui ne joue
guères un rôle important que dans cette occafion
, lui fait rendre la liberté pour fe
battre avec lui . Faldoni eft bleffé . C'eft ici
que commence le dénouement. Les deux
amans , toujours féparés , fuccombent aux
perfécutions. Faldoni propofe à Thérèſe de
s'en affranchir l'un par l'autre. Ils se donnent
rendez vous dans la chapelle du château ; &
après la meffe , ils fe tuent fur les marches
de l'autel.
On voit , par cette analyſe , que M. Léonard
a changé le motif de la mort des deux
amans , qui , dans le fait , ne font morts l'un
& l'autre que parce que l'un des deux ne
pouvoit plus vivre . Mais on pourroit lui demander
i fes deux héros , tels qu'il les a
places , font réellement dans la néceffité de
mourir. Thérèfe n'a qu'à perfifter dans fes
refus , & attendre ; elle peut même proteſter
DE FRANCE. 71
contre la violence de fon père , Elle trouvera
de l'appui jufques dans fa famille , qui s'offre
à la feconder. Craint- elle l'éclat d'une réfiftance
ouverte? Mais le parti qu'elle prend eft
bien plus propre à faire du bruit , & il nous
femble que , hors le crime , il n'eſt rien
qu'on ne puiffe braver , quand on fe décide
à mourir auffi authentiquement. Qu'on réfléchiffe
au contraire à la fituation des deux
amans qui ont fourni le fujet de cet Ouvrage
, & l'on verra que dans la logique de
l'amour , leur double trépas eft motivé , parce
que l'un des deux doit mourir , & que l'autre
ne veut pas lui furvivre .
Pourfuivons nos obfervations critiques.
Ce Roman , écrit avec pureté & élégance ,
plein de détails charmans , n'eſt pas toujours
aufi touchant qu'il pourroit l'être . Pourquoi
cela ? La principale raifon , c'eft que M. Léonard,
à qui on ne peut refufer de la fenfibilité
, quand on a lû les Ouvrages qui ont
justement fondé fa répuration , s'eft plus
occupé dans celui ci à penſer qu'à ſentir ; en
méditant les Lettres qu'il fait écrire à fes perfonnages
, il a moins interrogé fon coeur que
fon efprit. Delà vient que fouvent un détail ,
qui eft bien en foi , vient couper ou affoiblir
l'intérêt , parce qu'on ne l'attendoit pas là.
Un exemple expliquera mieux notre idée.
Faldoni écrit une lettre paffionnée à Thérèfe ,
pour lui propofer de fuir avec lui . La lettre
qu'il écrit immédiatement après celle là , eft
un très long éloge de l'amitié , cet éloge eft
72 MERCURE
fort bien fait ; mais en le lifant après les
tranſports amoureux que Faldoni vient de
faire éclater dans la lettre précédente , il eft
impoffible de ne pas le trouver déplacé , contraire
à fa fituation ; ce n'eft pas là ce que le
Lecteur attendoit , & l'intérêt ne peut qu'en
fouffrir. En général , M. Léonard a mis dans
cet Ouvrage plus de tableaux & de raifonnemens
que de paffions ; il s'eft plus occupé
à écrire , à peindre , qu'à exprimer des fentimens
; & cependant , quel fujer exigeoit
une marche , pour ainfi dire , plus orageufe?
On voit que M. Léonard eft plein de la lecture
de la Nouvelle Héloïfe , avec laquelle
on lui a reproché trop de reffemblance.
Héloïfe eft l'Ouvrage d'un homme de génie
fans doute , mais que nous ne croyons pas
fait pour fervir de modèle aux Romanciers ;
& M. Léonard a pris de lui le défaut de met
tre trop fouvent l'Auteur à la place des per
fonnages.
Nous aurions defiré auffi que les perfon
nages fuffent plus connus ; on voudroit fa
voir mieux ce que c'eft que Faldoni ; quelle
eft la fortune ; quel eſt ſon état ou celui de
fes parens. On auroit voulu voir dès le commencement
le Curé plus familièrement
établi chez M. de Saint - Cyran ; on auroit
voulu être accoutumé à fa liaifon avec Thérèfe
, avant de lire la confidence qu'elle
lui fait de fon amour pour Faldoni. On
apprend bien cette intimité par quelques
mots ; mais on ne la voit pas affez pour
n'être
DE FRANCE. 73
n'être pas étonné d'abord malgré foi d'une
telle confidence faite par une jeune fille a
un ami de fa famille , il eft vrai , mais à un
Prêtre , à un Curé , démarche affez fingulière
pour avoit au moins befoin d'être for
tement motivée . Ce font des attentions qu'on
a droit d'exiger de l'Auteur d'un Roman ; elles
font un peu minutieufes ; mais le coeur est trèsminutieux
; le moindre détail peut augmen
ter ou affoiblir l'intérêt qu'on veut lui infpirer.
Difons pourtant que la plupart des inculpations
qu'on vient de lire , tombent plutôt
fur quelques morceaux que fur le total de
l'Ouvrage. Quoique nous ayons quelquefois
defiré plus de détails attendriffans , nous
n'avons pas moins donné des larmes à la
fenfible Thérèfe , qui développe dans toutes
fes Lettres l'âme la plus honnête & le coeur
le plus tendre. Faldoni montre dès le commencement
un caractère paffionné qui moive
la catastrophe , & le père une implacable
dureté qui la juftifie. Après avoir rendu
Mme de Saint- Cyran favorable aux amours,
des deux amans , & néceffaire à leur bonheur
, c'eft un coup de maître de la faire
mourir. Voilà l'art de préparer un dénouement.
Pour le Curé , il n'écrit pas une lettre
qui n'infpire la plus tendre vénération .
Nous avons reproché à M. Léonard de
tendre trop fouvent & trop uniformément
à l'élégance du ftyle : il faut convenir au
moins que fes efforts n'ont été rien moins
No. 28 , 12 Juillet 1783. D
74 MERCURE
qu'infructueux. Voici un morceau qui peut
Le détacher , & qui eft écrit avec autant de
grâce que d'intérêt. « Pour connoître un
mortel heureux , fixons nos regards fur le
fage nous le verrons tranquille dans les
fuccès comme dans les revers ; également
éloigné de la crainte inquiète & de l'efpérance
avide ; jouiffant , par un exercice modéré
de fes facultés , de rons les biens de la
nature ; ne fe refufant rien de ce que la raifon
lui permet ; s'abftenant fans effort de ce
qu'elle interdit ; fe fervant de la théorie des
plaifirs pour en régler l'ufage ; faisant à fes
principes le facrifice de les goûts ; réprimant
les faillies de fon efprit quand elles peuvent
l'égarer ; fe montrant dans la fociété l'ami
du genre humain ; toujours prêt à plaider la
caufe des abfens , à foutenir les droits du
foible , à prôner le mérite modefte ; indifférent
fur tous les fyftêmes , ne cherchant que
Ja vérité ; n'adoptant jamais une opinion.
fans l'avoir approfondie ; jamais ne portant
un jugement fans l'avoir médité ; faifant de
fes réflexions la bafe de fa conduite ; & pour
éviter les regrets , n'abandonnant au hafard
que ce qu'il n'a pu foumettre à la prudence.
On ne fauroit avoir plus d'indulgence pour
les hommes ; il les fert fans efpérer de reconnoiffance
; il fait plus , car il oblige celui qui
fonge à l'outrager , & ne punit les ennemis
que par des bienfaits ; la haine n'entre point
dans fon âme ; la haine n'appartient qu'aux
mes foibles , aux enfans , aux vieillards ;
DE FRANCE.
75
elle annonce l'impuiffance , & l'être qui fent
fes forces n'a pas befoin de haïr. Le Sauvage
écrâfe l'infecte & l'oublie ; le Philofophe fe
détourne & le laiffe vivre. Il ne connoît ni
l'ambition des rangs , ni l'amour de l'or.
Que lui fait la rifible importance d'un perfonnage
& la puérile vanité des titres ? S'il
étoit capable d'humeur , il en auroit contre
l'infenfé , qui ne juge de la valeur d'un homme
que fur les parchemins & fur les rubans
qui le chamarent ; mais rien n'altère l'égalité
de fon âme ; les traits du mépris gliffent fur
lui fans l'effleurer ; il marche à côté du fuperbe
fans l'appercevoir ; il vit dans le fein
de l'intrigue fans être agité par fon tourbillon
; il voit autour de lui des courtisans
fuer pour s'agrandir , des parvenus s'affeoir
fur le trône de la fortune ; tout l'amuſe , rien
ne le bleffe. Il ne rencontre point de rivaux
fur la route , parce qu'il n'afpire à rien ; il
eft accueilli des hommes , parce qu'il n'a
rien à leur demander. Que pourroit il fouhaiter?
Des biens , des honneurs ? Il eft perfuadé
que la carrière de la vie eft trop courte
pour s'occuper de ces foins , & il paſſe au
milieu des fociétés , fon bâton à la main
comme un Voyageur qui va partir , &c. »
Qu'on ne s'imagine point que nous avons
tranfcrit ce qu'il y a de mieux dans les trois
Parties de ce Roman, Nous aurions pu prendre
au hafard , & choisir tout aufli bien. Des
images agréables animent le ftyle de M.
Léonard , fans le rendre trop poétique ; &
Dij
76 MERCURE
il est enrichi de tableaux charmans. Enfin
nous croyons que cet Ouvrage fait connoître
fon talent fous un nouvel afpect , & qu'il ne
peut qu'ajouter à la réputation.
و
VOYAGE Littéraire de la Grèce , ou Lettres
fur les Grecs Anciens & Modernes avec
un parallèle de leurs moeurs , par M. Guys ,
Secrétaire du Roi , de l'Académie des
Sciences & Belles Lettres de Marſeille.
Troisième Édition , revue , corrigée , confiderablement
augmentée , & ornée de dix
belles planches. 4 Vol. in - 8°. A Paris ,
chez la Veuve Duchefne , Libraire , rue
S. Jacques,
CET excellent Ouvrage , dont nous annonçons
la troisième Édition , eft connu fans
doute de tous nos Lecteurs ; même avant les
changemens que l'Auteur a faits , il avoit eu
un fuccès aufli brillant que mérité. M. Guys ,
en parlant des Grecs, a fu s'approprier cet art
précieux qu'ils poffédoient fi bien , de rendre
l'inftruction agréable . Son Ouvrage eft un mê
lange d'érudition , d'efprit & de fenfibilité.
Le portrait des anciens Grecs , dont il cherche
la reffemblance chez les Grecs modernes
, amène les détails les plus attachans , &
réveille les plus agréables fouvenirs . Si l'on
gémit de voir ces peuples, fi floriffans autrefois
, fubjugués aujourd'hui , avilis dans l'efclavage
, avec quelle fatisfaction ne voit - on
pas leurs ufages & leurs moeurs furvivre à
DE FRANCE. 77
leur liberté ! Les obfervations de M. Guys
font presque toujours accompagnées d'anec
dotes qui en confirment la vérité. C'eſt ainfi
qu'il parle du goûr que les Grecs ont toujours
confervé pour la danfe. « Aujourd'hui ,
point de fêtes ni de folemnités pour les
Grecs , s'ils ne danfent prefque autour de
l'astel , ou au moins du temple , fuivant
la coutume de leurs pères ! Ils y font tel-
» lement adonnés , que rien n'eft capable
ور
"
de leur en faire perdre le goût. Un jeune
» Grec , pris de vin peut - être , paffant le
» jour de Pâques devant la Garde Turque ,
» à la tête d'un branle qu'il conduifoit , fut
arrêté. Il reçut fur le champ cinquante
» coups de bâton fur la plante des pieds ,
fut renvoyé dans cet état. On le vit avec
» étonnement tout de fuite aller en clopipant
, & fe foutenant à peine , rejoindre
» fa troupe , qui continuoit de danfer , pour
» reprendre fa place.
"
Les Grecs tiennent toujours , comme autrefois
, aux Chanfons & aux Contes. M.Guys,
pour nous en donner une idée , rapporte une
affez longue converfation , dont nous allons
citer un fragment , qui renferme tout - à- lafois
un Conte & une Chaufon. " Leilé paffoit
pour la plus belle fille de Damas ; Scanbah
n'avoit pas la beauté en partage , mais
elle étoit bien plus fpiritnelle. Son père ,,
qui étoit un Médecin Arabe , lui avoit ap
pris à lire; elle faifoit des vers, & elle chin ,
toit comme une Fée. Gémil étoit un jeune
Diij
75 MERCURE
Arabe riche & puiffant. On difoit : la belle
Leilé fera la femme du riche Gémil. Scanbah
Fentendit répéter fi fouvent , qu'elle en fut
piquée. Elle fit à ce sujet cette chanſon .
" Homme aveugle & léger , qui crois
trouver la fatisfaction de ton coeur dans
» ce qui plaît à tes yeux ; qui dans le defir
» d'un moment places le bonheur de la vie ;
» homme aveugle , ouvre les yeux de ton
» âme , & fais un choix digne de ta raifon.
» La beauté qui t'enchante eft la fleur du
» matin que tu jettes loin de toi le foir , lorf
qu'elle eft fanée. Sors des jardins de Da
mas : vas chercher dans l'heureufe Arabie
» ces plantes qui , en ſe ſéchant , répandent
» une odeur encore plus vive & plus agréa
ble que l'odeur du matin . Le temps , qui
détruir les fleurs & la beauté , perfectionne
, embellit toujours l'efprit , la fageffe
& les grâces.
" Cette chanfon parvint bientôt jufqu'à
Gémil : il en fut frappé , & ne dormit plus
qu'il ne fût affuré que Scanbah ne feroit
qu'à lui. Après bien des années de mariage ,
on les citoit encore comme le couple le plus
fidèle & le plus heureux.
Les paffages des Auteurs Grecs , que M.
Guys applique toujours heureuſement , en
parcourant la Grèce moderne , prêtent un
charme entraînant à la lecture de fon Ouvrage.
Il n'y a pas d'imagination fi froide que
de pareils tableaux ne puiffent émouvoir ; &
il n'y pas d'efprit fi fédentaire à qui cer
DE FRANCE.
79,
Ouvrage n'inspire le defir de voyager avec
l'Auteur. Comme il l'a écrit par lettres , &
qu'il n'a fuivi d'autre ordre que celui de fes
obfervations qu'il tranfcrivoit à mefure , il
les donne modeftement comme un effai qui
peut fervir à une hiftoire fuivie. Mais il lui
arrivera ce qui eft arrivé à Jules Céfar , qui ,
n'ayant voulu écrire que l'itinéraire de fes
conquêtes dans les Gaules , a laiffé une excellente
hiftoire. Il est une manière de jeter
des traits épars , qui ore l'envie de les raffembler
en un feul corps ; l'Auteur croit
n'avoir fait que préparer des matériaux , &
il a laiffé un bel édifice .
On trouve auffi dans cette précieufe Collection
des Lettres de M. Guys , fils aîné de
l'Auteur , qui prouvent qu'il eft fait pour
marcher dignement fur les traces de fon
père.
Le quatrième Volume renferme la traduction
d'une grande partie des Élégies de Tibulle
, & quelques Poéfies légères. Cette traduction
avoit déjà paru féparément. L'Auteur
y a fait d'heureufes corrections , qui
doivent en augmenter le mérite aux yeux des
connoiffeurs . Parmi les Poéfies légères , on
trouvera plufieurs couplets , qui font écrits
avec autant de grâce que de gaîté. Il y a de
charmans détails dans une Ode intitulée : les
Souvenirs , & dans une Épître intitulée : la
Maifon de Campagne du Marfeillois . Nous
allons terminer cet article par un fragment
de cette Pièce.
Div
80 MERCURE
Le lendemain , comme un nocher
Qui veut s'éloigner du rivage ,
Le deffein pris , je puis marcher ,
Car je n'attends ni le cocher ,
Ni le plus modefte équipage.
Par la porte des fainéans ,
Je vais , montant d'un pied tranquille ;
En vingt minutes , à pas lents ,
Je rejoins Horace & Virgile ,
Je redeviens hôte des Champs.
Spectateur oifif , immobile ,
Malgré moi , je découvre encor
Et les rochers voisins du port ,
Et les toits fumans de la ville.
Beaux Arts , c'eft pour vos favoris,
Qu'autour de ma maifon ruftique ,
De ces lares que je chéris ,
J'ai raffemblé quelques débris
De Rome & de la Grèce antique.
J'aime à voir ces pins toujours verds ,
Ces coteaux de vignes couverts ,
La fleur nouvelle à peine éclofe ;
Et ma vûe au loin fe repofe
Sur la vafte plaine des mers.
Sous un berceau , réduit champêtre ,
Je lis Horace le matin ,
J'y porte la rofe & le thin ,
Quelques oeillets que j'ai vû naître ,
J'en fais un bouquet fans deffein ;
DE FRANCE. $15
Oui , fans deffein ; mais Chloé paſſe ,
De nies mains fait tomber Horace , ´
Et mon bouquet eft fur fon fein .
L'AIGLE ET LE HIBOU , Fable écrite pour
un jeune Prince que l'on ofoit blâmer de ›
fon amour pour les Sciences & pour ies
Lettres. A Glafcow , & fe trouve à Paris ,
chez Prault , Imprimeur du Roi , Quai des
Auguftins. Brochure in- 8 ° . de 58 pages.
Prix, i liv. 16 fols.
•
UN Aigle , affez heureufement né pour
fentir que le fouverain pouvoir ne donne
pas les lumières & les vertus qui le font aimer
, non content d'admettre à la Cour les
Savans qui inftruifent , & les Sages qui con
feillent , fe dérobe un jour à fes Royaumes
pour parcourir notre globe , & pour étudier
les Nations.... Il s'arrête fucceffivement fur
les Alpes & fur les fommets de la Philofophie. ,
Ici , pour connoître les fondateurs de l'Encyclopédie
; là , pour fuivre la trace de lumière
que Voltairey a laiffée. Il voit enfuite
le confident chéri de la Nature , & cet Élysée
où repofe le Détracteur des Arts , fublime
extravagant.
Qui , de la barbarie ofant plaider la caufe ,
Prit pour raiſon fuprême un délire éloquent.
L'Aigle admiroit pourtant cette mâle éloquence....
De Monbar & d'Ermenonville , le voyageur
t
Div
82 MERCURE
Roi paffe en Angleterre , en Hollande ; d'Ef
pagne il va à Boston ; des mers du Nord à la
Chine. De retour enfin dans fes États , nouveau
Législateur , il change les refforts defon
Gouvernement
, il établit les rapports immé
diats qui lient le Peuple avec le Souverain,
& qui font le bonheur de l'un & de l'autre.
Pour fes délaffemens , deux de fes confidens ,
le Cygne d'Apollon & le Phénix , venoient
lui lire ou lui traduire Pope , Saint - Lambert
, Tacite , Raynal , Lucrèce , Mikon ,
Necker , &c. & il formoit fur eux fa raifon
& fes fujets ; tous les oifeaux applaudiffoient
à tant de bienfaits , & célébroient à
l'envi leur Monarque ; le Hibou feul blâ
moit cette bienfaifance , cette humanité , co
goût pour les Arts , cet oubli apparent du
pouvoir qui faifoient un grand Roi d'un Ma
narquefauvage.
En limitant mes droits , j'affermis ma puiffance ;
Magloire eft d'être bon , ma force eft d'être inftruits
J'abdique pour jamais un pouvoir fanguinaire ;
les loix , les moeurs embelliront ma Cour;
Sans eux , la Cour des Rois eft barbare our groffière.
Répond l'Aigle au Hibou , en le renvoyant
dans fa mâfure.
Les arts ,
Cette Fable , ou ce Poëme ( car l'Auteur
ne fait quel nom donner à cet Ouvrage ) eſt
adreffée à un jeune Prince qui veut s'inftruire
comme l'Aigle , pour pouvoir régner comme
lui. L'Auteur lui fait obferver les Aigles de
l'Europe entière , s'élevant déjà tous für l'alle
DE FRANCE.
des talens. De Florence jufqu'à Pétersbourg
il lui fait admirer des Princes occupés à réformer
les loix , à détruire les préjugés , à
protéger la liberté , à encourager le com
merce. On eft furpris que l'Aigle de Suède ,
qui en vaut bien un autre , ait été oublié.
Ces deux Pièces de vers femblent n'avoir
été compofées que pour donner lieu à un
grand nombre de notes qui ont fait le fuccès
de cette Brochure ; elles font oublier les incorrections
des vers ; elles font pleines de
réflexions profondes & vraies , rendues avec
énergie & avec élégance. Nos grands Écri→
yains y font deffinés d'après leur caractère.
" Voltaire réuniffoit dans fes moindres Ou-
» vrages le ton du monde & le langage de
la poéfie , une peinture vraie & un coloris
» brillant , le trait léger qui porte fur les
circonftances , & le trait folide qui doir
frapper en tout temps l'enthoufiafime qui
» élève aux grandes choſes , & la gaîté qui
» ramène au naturel , le négligé de la grâce
» & la pompe du génie ...... L'Ouvrage de
» M. de Buffon eft un des phénomènes de
» l'Univers qu'il peint..... Par fes grandes
» idées il a rendu la langue plus éloquente ,
& par fes grandes images, il l'a rendue
plus poétique....
,,
2
Le Difcours Préliminaire de l'Encyclo
pédie eft le coup d'oeil le plus vafte & le
plus jufte que l'on ait jeté fur toute l'or
bite des connoiffances humaines . Les deux
plus belles façades que je connoiffe , dir
D vj
84
MERCURE
foit unhomme de génie, font la colonnade
du Louvre & la Préface de d'Alembert... "
Un homme d'efprit feulement voyoit peutêtre
mieux , en difant de ce beau monument
littéraire , qu'il reffembloit à un grand &
vafte périftile , qui ne conduifoit qu'à des
matériaux , & non à un édifice .
"
"
ور
" Les paradoxes & les folies de J. J. Kouffeau
n'empêchent pas qu'il ne foit un des
hommes les plus éloquens . Son éloquence
» confifte dans fes mouvemens & dans fes
defcriptions ; tous fes mouvemens font
paffionnés , & toutes les deſcriptions magiques.
Il eft inventeur du genrefauvage ,
qu'il a trop confondu avec le genre na
turel , & dont il abuſe quelquefois pour
furprendre l'imagination. Enfin il couvre ,
» par les vérités de détail , le fond d'erreurs
» fur lequel il a bâti tous fes Ouvrages.
ور
و د
"
99
"
30
Montefquieu est un de ces hommes ex-
» traordinaires qui font époque dans les
fiècles , en formant à eux feuls un vafte
foyer de lumières. Le caractère de fon
génie eft l'élévation unie à la profondeur ;
il fe montre en même temps au fommet
» & au centre des fujets qu'il traite ; c'eft
» dans l'Esprit des Loix qu'il a paru grand.
Les vérités yfont détachées par leur maſſe ,
» & liées par leur baſe. »
و ر
MM. Washington , la Fayette , Francklin ,
Adams , Cook , ne font point oubliés par
l'Auteur ; ils le feront encore moins par la
poftérité.
DE FRANCE. 8,
3
"
»
On obferve dans une des notes que nous
parcourons , que trois fauffes idées ont entraîne
les Miniftres Anglois dans cette guerre ,
qui place une nouvelle Puiffance fur le globe
, & qui donne une nouvelle politiqué à
l'Europe. La première , que leurs Colonies
» étoient trop pauvres pour fe défendre
» contre la Métropole ; la feconde , qu'elles
» étoient trop nombreuſes pour demeurer
» unies entre elles ; la troisième , que les
» liens du fang les rameneroient au lien de
l'obéiffance. Ils n'ont pas fenti que les richeffes
s'épuifent par les victoires mêmes ,
» & que le courage augmente par la pau-
" vreté. Ils n'ont pas fenti que l'union de
» divers États , afpirant tous à l'indépen
» dance , ne forme qu'un feul & grand in-
» térêt qu'on ne peut féduire ni divifer , qui
» s'anime par les fuccès & s'éclaire par les
» défaftres. Ces erreurs politiques ont
rendu l'Amérique indépendante ; mais elle
n'eft pas libre ; c'eft par des loix fagement
combinées avec une dépendance générale ;
c'eſt par la puiffance publique , adroitement
amalgamée avec la propriété particulière; c'eſt
par l'égalité des perfonnes , rendue indépen
dante de l'inégalité des fortunes , qu'elle aura
une conftitution ftable , qu'elle formera
une nation prépondérante. Cette grande
création a été l'objet des méditations de l'Auteur
de ces notes ; il préfente aux nouveaux
Licurgues cinq combinaifons à faire pour fe
préſerver des maladies politiques qui détrui-
ور
86
MERCURE
firent Sparte , qu'on trouve dans quelques
Cantons Helvétiques , qu'on reproche à l'An
gleterre.... " Puiflances immortelles qui pré-
» fidez aux Nations , inſpirez l'Amérique !
aidez fon génie naiffant! accompliffez des
≫ voeux où l'Univers participe ! le genre-
» humain ofe vous fommer de lui créer un
» meilleur monde ; qu'il y ait une contrée
où l'humanité puiffe repofer fa tête , &
» la Divinité fes regards. » 1
MM. Paw & de Gaines ont reproché ,
avec fondement , à quelques Auteurs modernes
, & fur- tout aux Millionnaires , d'a
voir parlé avec enthouſiaſme des Gouvernemens
Chinois. On lit ici une apologie de ce
peuple , qui fait partager à l'Auteur l'accufa
tion de partialité que les Philofophes & les
Prêtres ont méritée . Dans l'énumération des
grands avantages que cetre conftitution réunit,
tout lui paroît digne d'éloge , tout l'élève
au-deffus de nos conftitutions Européennes ,
même l'inaltération de la langue qu'on
parle , & dont la vie la plus longue ne l'eft
pas encore affez pour connoître tous les
mots. Quel obftacle aux progrès des Sciences ,
des Arts , & des connoiffances en tout gen
re ! Il paroît que l'Auteur s'eft laiffé féduire
par la mode ou par les préventions d'un
corps qui , admis feul au milieu de cet Em
pire , a cru devoir louer par intérêt , & fans
doute par reconnoiffance.
En parlant des principes économiques
dontM. Quelnay a été l'Apôtre, & dont MM.
DE PRANCE. 87
ſi
de Vauban & Boisguilbert font les Auteurs,
principes qui ont eté fi peu accueillis , l'Aureur
s'écrie : Par quelle fatalité les para
" doxes font- ils fi bien reçus , & les vérités
nouvelles fi mal ? C'eft que les premiers
» amuſent la curiofité , & que les fecondes
alarment l'intérêt : il n'y a point d'erreur
qui ne foit adoffée à quelque intérêt
puiffant... Pierre- Léopold - Jofeph, Grand-
» Duc de Tofcane , les a faifies ces vérités ,
» & c'eſt par elles qu'il fait tout le bien
» qu'un Prince éclairé peut faire aux hom →
33
33
mes. L'ordre qu'il met dans les finances ,
» la liberté accordée au commerce & à la
≫ raiſon , les encouragemens donnés à la
culture , tous les établiffemens utiles qu'il
multiplie & qu'il foutient , feront de fon
» règne un morceau d'hiftoire qui repofera
» les efprits fatigués du fracas des grands
» Empires. Un François qui avoit l'honneur
» de s'entretenir avec lui , frappé des con-
30
noiffances fupérieures de ce Prince , ofa
lui demander comment il avoit pû les ac
» quérir : en lifant vos Livres , répondit- il ,
» & en parcourant les chaumières. »
L'abolition de l'abus main mortable par
Louis XVI , fera un des beaux Chapitres de
fon hiftoire. Des hommes qui aiment à deminer
tyranniquement , ont dit peut être
comme ce noble Polonois qui , entendant
parler du Code du Chancelier Zamoiski ,
en faveur des Serfs , s'écria , indigné : comment,
je n'ausai plus le droit de battre mom
83 MERCURE
efclave ? Quelques Seigneurs affurent
qu'ayant offert la liberté à des villages mainmortables
, ceux ci l'ont refufée. Comment
expliquer ce fait ? Par la réflexion de M. de
Vauvenargues : l'esclavage avilit l'âme aus
point de s'en faire aimer.
Les notes font d'un homme exercé à méditer
fur les objets qui intéreffent notre bonheur,
fur les événemens qui ont le plus de rapport
avec la fociété, & à rendre fes idées d'une
manière neuve , piquante & ferme. Ses vers
font d'un homme de beaucoup d'efprit , qui
n'eft pas familiarifé avec les formes poétiques
. Sa profe eft d'un Philofophe accoutumé
à penfer fans que l'imaginarion y perde
de fes agrémens. Les deux premières
Pièces paroiffent n'avoir été faites que pour
fervir de cadre à des efquiffes pleines de vérité
, d'expreffion & de chaleur , mais dans
lefquelles on apperçoit fouvent le travail ,
& quelquefois de la prétention . Ce reproche
eft celui que les Lecteurs ont fait à l'Auteur
, en lifant fa Brochure ; on n'auroit pas
voulu qu'il dît , en parlant de Voltaire : Que
tout fe changeoit en or au feu de fon génie ;
cet or étoit le plus ductile du monde ; il le travailloit
comme un Artifte ; il battoit monnoie
comme un Souverain ; & toutes fes idées ainfi
frappées , font encore dans la circulation publique.
On n'aime pas qu'il compare les Ouvrages
de J. J. Rouffeau à des pendules détraquées
, mais enrichies d'un carillon magnifique
& jufte. Il ne faut pas écouter l'heure
DE FRANCE. 89
qu'elles fonnent , mais l'air qu'elles jouent.
Il femble que ce même Rouffeau ait con
jurécontre les vérités établies , & qu'il aitformé
le projet de détrôner la raifon publique.
En parlant de la manière dont on s'établit
dans l'Amérique Septentrionale , fur le terrein
qu'en a acquis , le propriétaire , dit
l'Auteur , commence par abattre tous les
petits arbres , enfuite il attaque hardiment
les chênes ou les pins immenfes qu'on prendroit
pour les anciens Seigneurs de ce terrein ;
l'air & le foleil entrent pour lors dans un
commerce libre avec cette terre. Avec l'optique
des conjectures & le prifme des étymologies ,
on voit tout ce que l'on imagine , & l'on colore
tout ce que l'on voit....
B
Dans l'Hiftoire profane , il faut ſe borner
aux faits hiftoriques..... Les gouffres de l'Océan
font les feuls Livres qui contiennent les
faits que nous ignorons.
Le lointain eft la perspective , & , pour ainfi
dire , le ciel des grands Hommes....
:
Les corps politiques placés entre le Monarque
& les Sujets , font un lien de morale-
& un milieu de lumière.
Le frein de la renommée eft le dernier
que l'autorité ofe mordre......
Nous voilà juftifiés d'avoir condamné la
manière recherchée de l'Auteur ; & on pourroit
dite la dépenfe d'efprit qu'il a faite pour
des notes qui n'exigeoient que de la précifion
& des développemens.
༡༠
MERCURE.
ÉPITRE à l'Hymen , par M. Coller ,
Chevalier & Secrétaire de l'Ordre du
Roi , Secrétaire des Commandemens de
feu Madame Infante , & Cenfeur Royal.
Seconde Édition , revue & corrigée par
l'Auteur. A Paris , de l'Imprimerie de
Lambert & Baudouin , rue de la Harpe ,
près S. Côme.
CETTE Épître a paru , pour la première
fois , il y a dix huit ans , après avoir couru
manufcrite long temps avant cette époque.
Elle fut attribuée à M. Collé , Auteur de
Dupuis & Defronais , & de tant d'autres
Ouvrages eftimés & eftimables. L'Auteur la
fait reparoître avec d'heureufes corrections ,
& revêtue d'une autorité refpectable , le
fuffrage de Greffet , qui écrivoit à un de ſes
amis : « Je connoiffois déjà le nom de M.
Coller dans la Littérature , par fa ***
Comédie de l'Ifle Déferte ; j'ai été enchanté
du ton de fentiment & de vertu
» qui règne dans fon dernier Ouvrage , de fa
» manière d'écrire vraie , poétique & fans
» bouffiffure.
93
ور
»
Il feroit inutile d'ajouter rien à cet éloge ;
il nous fuffira de citer quelques uns des morceaux
qui nous ont paru le mériter le mieux.
Le Poëte cominence ainſi :
Délices des coeurs vertueux ,
Toi qu'on implore & qu'on outrage
DF FRANCE.
Qui fur l'amour as l'avantage
De purifier tous les feux
Qu'allume en nous ce Dieu volage.
O toi , par qui je ſuis heureux ,
Sage Hymen, reçois mon hommage ,
Reçois ces vers qu'à tes bienfaits
Confacre ma reconnoiffance.
Qui mérite mieux qu'on l'encenſe ,
Que toi , dont les ardens ſouhaits
Ne coûtent rien à l'innocence ?
Après avoir peint en détail le bonheur que
l'Hymen procure , M. Collet gémit fur les
époux infidèles , & termine ce tablean par
cette réflexion :
Hélas! infenfés que nous fommes!
Faudra-t'il toujours que les hommes,
Capricieux autant qu'ingrats ,
Forgent eux- mêmes leur martyre ,
Et par un excès de délire
N'aiment que les biens qu'ils n'ont pas ?
Terminons nos citations par ce tableau
frais & riant :
Mais , quel objet s'offre à ma vûe?
O charme ! ô joie inattendue !
Tout brille de nouveaux attraits ;
Tout s'embellit dans la Nature ;
Les champs ont repris leur parure ;
De ces bois l'ombrage eft plus frais ;
92 MERCURE
C'eft l'Hymen , c'eſt lui qui ſe montre ,
Mon coeur me rappelle fes traits :
Les vertus font à fa rencontre ,
Il eft entouré de bienfaits ;
Devant lui marche la fageffe ;
Le devoir eft à fon côté';
Et l'heureufe tranquillité ,
Qui près de lui fourit fans ceffe ,
Des roſes de la volupté
Couronne encore fa vieilleffe .
Ces vers- là portent leur éloge avec eux.
Nous y joindrions celui des qualités per
fonnelles de leur Auteur , éloge que nous
trouvons dans la bouche de tous ceux qui le
connoiffent , fi ce mérite ajoutoit à celui de
fon talent poétique.
ANNONCES ET NOTICES.
DESCRIPTION des Projets & Conftructions des
Ponts de Neuilly , de Mantes , d'Orléans & autres ;
du Canal de Bourgogne , pour la communication des
deux mers par Dijon , avec les éclufes & autres travaux
hydrauliques , ainfi que les machines qu'on y
employa , auxquels font joints les devis & les détails
eftimatifs. 2 Vol. in -folio , grand atlas , contenant
67 planches. Cet Ouvrage , fuperbement exécuté à
l'Imprimerie Royale , fe trouve à Paris , chez l'Auteur
, rue de la Perle , au Marais , & chez Jombert
ainé & jeune , Libraires ; rue Dauphine.
CARTES du Canada , du Mexique , & des EtatsDE
FRANCE.
93
Unis d'Amérique , en deux feuilles , par Guillaume,
Delife .
: Ces Cartes font nouvellement revues & augmentées
de nouvelles limites & divifions defdits États ,
fuivant le Traité de Paix de 1783 , d'après les meilleures
Cartes du Pays , tant gravées que manufcrites ,
& affujéties aux Obfervations Aftronomiques de :
MM . de l'Académie Royale des Sciences , par M.
Dezauche , fucceffeur des Sieurs Delifle & Philippe,
Buache , premiers Géographies du Roi & de la même
Académie . Prix , 2 liv. 10 fols. A Paris , chez l'Auteur
, rue des Noyers.
ANTIQUITÉS d'Herculanum , gravées par F. A..
David , avec leurs explications , par P. Sylvain Maréchal.
Tome IV. A Paris , chez David , Graveur ,
rue des Noyers , en face de celle des Anglois.
Il paroît deux Cahiers de cet intéreſſant Ouvrage
tous les deux mois , & l'on foulcrit en payant d'avance.
les deux derniers Numéros qui terminent le fixième
Volume.
VOYAGE de Chapelle & de Bachaumont , fuivi
de quelques autres Voyages dans le même genre. A
Genève ; & le trouve à Paris , chez Hardouin , Libraire
, rue des Prêtres - Saint-Germain , & chez
Belin , Libraire , rue S. Jacques.
Les Ouvrages qu'on a joints au charmant Voyage
de Chapelle font , 1º . Voyage de Languedoc & de
Provence , par M. L. F. 2 ° . Voyage d'Eporne , par
Defmahis. 3. Voyage du Chevalier de Parny.
4°. enfin Tangu & Félime , Poëme en quatre
Chants. Tous ces Ouvrages font connus & eftimés .
CÉRÉMONIES & Coutumes Religieufes de tous les
Peuples du Monde , en 4 Vol. in-folio , divifés en
quinze Cahiers ou Livraiſons, Huitième Livraiſon ,
94
MERCURE
qui termine le fecond Volume . Prix , 10 liv . broche.
A Paris , chez Laporte , Libraire , rue des Noyers.
Les Libraires , ainfi que les Particuliers qui ont
Loufcrit pour cet Ouvrage , font priés de faire retirer
le plus tôt poffible les Livraiſons qui ont paru , le Libraire
ne répond pas de fournir les fuites à ceux qui
auront négligé de les faire retirer d'ici à la fin de
l'année courante , époque à laquelle l'Ouvrage fera
entièrement achevé.
On trouve chez le même Libraire le Supplément
à toutes les Éditions de l'Encyclopédie in -folio , publié
en 1777 & 78 , composé de 4 Vol . de Difcours
& d'un Volume de Planches . Ce Supplément eſt néceffaire
aux poffeffeurs de l'Encyclopédie . On trouve
encore chez le même la Table Encyclopédique des
Matières de ce grand Ouvrage.
EUVRES de Plutarque , traduites du Grec par
Jacques Amyot. Tome VIII . A Paris , chez Jean-
François Baltien , Libraire , rue S. Hyacinthe , la
première porte-cochère à droite en entrant par la
Place S. Michel.
L'Éditeur de ce grand Ouvrage , dont l'exécution
eft toujours auffi foignée , a cru devoir fe rendre à
Fempreffement de plufieurs perfonnes qui ont defiré
jouir en même-temps des OEuvres Morales de Platarque
& des Vies des Hommes Illuftres ; & il s'eft
décidé à donner alternativement un Volume de l'un
& un Volume de l'autre. Celui -ci , qui eft le huitième
des OEuvres de l'Auteur , eft le premier des
Quvres Morales ; le Volume qui paroîtra à la fin de
Juillet , fera le fecond de la Collection , & le fecond
des Vies des Hommes Illuftres. Dans le courant de
Septembre , on aura le neuvième Volume , qui fera
le fecond des OEuvres Morales , & ainfi du refte . M.
Baftien invite fes Soufcripteurs à ne pas faire relier
cet Ouvrage avant qu'il fait fini , parce qu'au lieu
DE FRANCE.
25
Ferrata , il fe propoſe de donner à chaque Volume
des cartons pour corriger les fautes effentielles qui
auront pu échaper dans le précédent . Il promet de
faire fuccéder les Volumes avec la plus grande célé→
rité ; & fon exactitude eft affez connue pour ne laiffer
aucun doute fur l'avenir .
NUMÉROS 107 & 108 du Journal d'Ariettes
Italiennes , dédié à la Reine. A Paris , chez M. Bailleux
, Marchand de Mufique , rue S. Honoré , à la
Règle d'or. Le Numéro 107 eft une Scène & un
Rondeau , 108 eft un air de M. Sacchini , chanté par
Mme Mara au Concert Spirituel. Ce dernier eft un
des beaux morceaux de bravoure de ce célèbre Compofiteur,
kiers. -
-
CHANSON pour la Harpe , par Mile de Wal-
Romance pour le Forte- Piano de Mme Piis,
6 fols chaque. Trois Sonates pour la Harpe ou le
Clavecin , Violon obligé , par M. Raqué , OEuvre I,
Prix , 6 livres. A Paris , chez Couſineau , Luthier de
la Reine , rue des Poulies , & chez Cornouaille , rac
Saint-Julien- le-Pauvre , maiſon de M. Petit.
PREMIER Concerto de Violon à grand Orcheffre
, par M. Criftiano Stumpff. Prix , 4 livres
4 fols. A Paris , chez Michaud , rue des Mauvais-
Garçons , près celle de Buffy , maifon de l'Herboriste .
M. Stumpff eft avantageufement connu par des
Symphonies d'un bon effet. On doit bien préſumer
de ce nouveau Concerto ,
OUVERTURE & entre- Ate de la Fée Urgèle ,
Opéra en quatre Actes remis en Mafique par M. le
Comte de F. Officier au Régiment du Roi, Prix ,
2 liv. 8 fols. Deux Ariettes de Baffe-Taille du
même Opéra, Numéros 1 & 2. Prix, 4 liv. 4 fols.
-
96 MERCURE
Ariette pour un Deffus du même Opéra , Numéro
3. Prix , 2 liv . 8 fols . A Paris , chez Bignon ,
Place du Louvre , ou à la Salle de l'Opéra , & aux
Adreffes ordinaires.
Il eft difficile de juger ces morceaux , qui font
gravés en parties féparées , & qu'on ne peut bien
entendre qu'en Scène ; mais le parti qu'a pris M. le
Comte de F. d'effayer fes talens fur un Poëme en
poffeffion des fuffrages publics , devroit être imité par
tous les Amateurs & les jeunes Compofiteurs qui
veulent fe faire connoître. Duni étoit bien foible
lorfqu'il fit la Fée Urgèle ; on y trouve pourtant
encore des Airs d'un grand mérite , & qu'il eft difficile
d'égaler ; mais on peut aifément le furpaffer
dans les autres.
Voyez, pour les Annonces des Livres , de la
Mufique & des Eftampes , le Journal de la Librai
rie fur la Couverture .
TABL E.
VERS de M. le Chevalier de Lettres de deux Amans ,
P.,
Mon Souhait ,
Charade ›
67
49 Voyage Littéraire de la Gre-
50 ce , 76
Enigme & Logo- L'Aigle & le Hibou, Fable, 81
gryphe ,
Eloge de M. d'Anville ,
54 Epitre à l'Hymen ,
8 Annonces & Notices ,
APPROBATION.
99
92
JAI lu , par ordre de Mgr le Garde des Seeaux , le
Mercure de France pour le Samedi 12 Juillet . Je n'y ai
rien trouvé qui puiffe en empêcher l'impreſſion. A Paris ,
le 1 Juillet 1783. GUID L.
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 19 JUILLET 1783 .
PIÈCES FUGITIVES.
EN VERS ET EN PROSE.
LE CHEVAL ET LE CHIEN , Fable.
UN Courier vigoureux , bien fait , jeune , mais fat,
( Farsité par- tout fe gliffe )
Crioit tout haut à l'injuftice
De fe voir obligé d'obéir par état
Aux loix , il difoit au caprice .
D'un maître impérieux , tranchant du potentat.
Il en faifoit un jour la plainte
A Laridon ;
C'étoit le Chica de la maison ,
Docile , obéiffant , par amour ou par crainte ,
Et s'eftimant heureux : Quel mauffade métier ,
Difoit le vaniteux Courfier ,
De fervir nuit & jour les plaifirs ou la gloire
D'un Maître qui n'aime que lui ;
De n'avoir à veiller , dormir , manger ou boire ,
No. 29 , 19 Juillet 1783.
E
98
MERCURE
Que pour les affaires d'autrui !
J'en fuis bien las ! cet homme ne me laiffe ,
En vérité, ni trêve ni repos ;
C'eft de ces importuns qui vous tiennent fans ceffe ,
Et qu'on a toujours fur fon dos .
Encor s'il y mettoit un peu de politeffe !
Mais point du tout. J'entends pour tous couplets
De gros jurons que fans ceffe il répète ,
Puis fon fouet infolent..... En un mot , il me traite ,
D'honneur , comme un de fes Valets .
Souvent auffi lorfque fa morgue fière
A mis ma patience à bout ,
Indocile à fa voix , hériffant ma crinière ,
Dreté fur mes pieds de derrière ,
Prefque debout ,
Je le mets au hafard de mordre la pouffière.
Fort bien , ce font-là des exploits ,
Dit Laridon , fi je fais m'y connoître .
Il est beau de narguer ceux qui donnent des loix ;
N'a pas qui veut l'efprit de maîtriſer fon maître.
Enfin tu fais au tien donner quelques leçons ;
Mais entre nous , tų ne dis rien , beau fire ,
De l'étoile de fer qui brille à fes talous ,
Et dont les traîtres aiguillons ,
Trop voifins de ton flanc , l'écorchent fans mot dire.
Mon cher , un efprit fanfaron
Porte malheur ; Dieu veut qu'on le puniffe,
Si le fort a toujours raiſon ,
Le foible a tort d'aller lui dire non ;
BIBLIOTHECA
REGIA
MONACENSISI
DE FRANCE.
១១
Il faut que l'on commande ou que l'on obéiſſe.
Ainfi , fi tu m'en crois , tu vivras fans façon.
De quelque titre qu'on te nomme ,
Tu ne peux échapper à l'homme ;
Échappe au moins à l'éperon .
ÉLÉGIE Ve du Troifième Livre de Tibulle ,
Imitation abrégée.
Le Poëte malade écrit à fes Amis.
C'EN eft fait , je le fens ; voici ma dernière heure .
Déjà dans la fombre demeure
La parque m'appelle à grands cris.
Arrête , ô Déeffe inflexible ,
Arrête , & de mes jours fi chers à ma Noris
Ecarte le tranchant de ton cifeau terrible :
Je n'ai point mérité les coups dont je péris .
ai- je par la fatyre
JAMAIS , nouveau Zoïle ,
Dégradé l'art des vers ou profané la lyre?
M'a-t'on vû de l'erreur fuivre les étendards ,
Ou de la calomnie aiguifer les poignards ?
Ma bouche fans mon coeur ofant prononcer , j'aime ,
Forma-t'elle jamais des fermens indifcrets ?
Non , non : ma bouche ignore ce blaſphême ;
Et mon âme innocente , en paix avec ſoi -même ,
Ne fent point des remords les aiguillons fecrets .
NUL cheveu gris ne deshonore
E ij
100 MERCURE
L'ébène des cheveux dont mon front fe décore ;
La vieilleffe de loin pourfuivant mes beaux ans ,
Hâte en vain la lenteur de fes pas chancelans ;
Ma vie à peine a paffé fon aurore.
Pourquoi d'une main fans pitié
Dépouiller le rameau de fon fruit jeune encore ?
Ou pourquoi fouler fous fon pié
La grappe en fleur qui vient d'éclorre ?
O vous, Dieux fouterrains , Dieux de la fombre cour !
O fufpendez l'arrêt de mon heure fatale !
Je ne refufe point de connoître à mon tour
Le Cocite , & Caron , & la barque infernale.
Aux bois de l'Élysée , heureux fi quelque jour
Des Poëtes fameux j'habite le féjour !
Attendez feulement que de fes doigts livides ,
Sur mon front décrépit l'âge ait gravé les rides ;
Qu'entouré d'un cercle d'enfans ,
Je puiffe d'une voix caffée
Raconter à leur troupe , à m'entendre empreffée ,
Les Hiftoires du bon vieux temps.
Et vous , à l'amitié fi chers & ſi fidèles ,
Vivez , foyez heureux ; la vie a fes douceurs.
Vivez, & foit qu'enfin Lachéfis & fes foeurs
Me foient propices ou cruelles ,
Que Tibulle à jamais vive au fond de vos coeurs,
( Par M. de Saint-Ange. )
DE FRANCE. 101
Explication de la Charade , de l'Énigme &
du Logogryphe du Mercure précédent.
пот ,
LE mot de la Charade eſt Délice ; celui de
l'Enigme eft les Maurs ; celui du Logogryphe
eft Monfieur , ( titre que l'on donne à tout
homme en lui parlant ou en lui écrivant ) &
Monfieur, ( titre que portent uniquement
les feuls Frères aînés des Rois de France ) ,
dans lequel on trouve fieur , mon ,
Efon , Minos , or , oui , foi , mûre , rue ,
rime , ouie , moi , murs , mi , fi , re , Roi ,
Mif, Sir , Sire , noir , moire , ris , fon ,
noife , orme, rofe , os , fermon , mue , rien ,
foie , fein , rufe , Rome , Mufe , unis & un.
On y trouve encorefur, en , on , où , ou , ne ,
ni , &c. défignés dans les derniers vers du
Logogryphe.
ENIGM E.
EN laiffant mes piés tels qu'ils font ,
En groffeur à-peu- près j'égale un grain de fable;
Si vous les renverfez , je fuis alors un mont ,
Célèbre autant que refpectable.
( Par un Botaniſte. )
E iij
102 MERCUR
LOGOGRYPHE.
Au moral , ainfi qu'au phyſique ,
Je fais un grand plaifir aux amis , aux amans ,
Aux frères , aux époux unis de fentimens ,
Et que n'a point gagnés le froid philofophique ,
Si fort à la mode en ce temps.
Jamais l'ingrat ne connoîtra mes charmes.
Je fuis pour lui fans attraits , fans douceurs ;
Jamais il n'a fenti couler ces douces larmes
Que je fais fi fouvent verfer aux tendres coeurs.
Quand , par hafard , je me fais trop attendre,
९ Au moral je perds tout mon prix ;
Mais au phyfique il ne fait que s'étendie .
Dans mes fix pieds , Lecteur , vous trouverez compris
Ce que l'on fait quand on eft en voyage;
Un infecte rampant qu'on foule fans pitié ;
Ce qui dans une ville offre par- tout paffage ;
Ainfi que deux pronoms chéris de l'amitié ;
Au Parlement Anglois un mot fort en uſage ;
Un autre , mais latin , qu'on adreffe à Satan ;
Ce que vous attendez peut- être au jour de l'an ;
Et ce qu'on fait à table alors qu'on n'eft pas fage.
( Par Madame Muſſon. )
DE FRANCE. 103
NOUVELLES LITTÉRAIRES .
LETTRE fur l'état primitif de l'homme
jufqu'à la naiffance de l'esclavage , fur le
defir de l'Immortalité & fur l'Héroïsme
Militaire ; par M. P. D. L. C. A Amfterdam
; & le trouve à Paris , chez la Veuve
Ballard & fils , Imprimeurs du Roi , rue
des Mathurins , & chez Mérigot jeune ,
Libraire , quai des Auguftins.
UNE des influences les plus marquées
des hommes fupérieurs , c'eft d'entraîner la
multitude des efprits fur leurs traces , de
mettre à la mode le genre qu'ils cultivent
& qui les rend célèbres. Du temps de Voiture
& de Sarrafin , les converfations légères,
les cercles , la fine plaifanterie , les lettres
enjouécs & familières , les petites parties
où l'on étoit adinis feulement avec de l'efprit,
toutes ces chofes , qui ne compofercient
aujourd'hui à un homme qu'un mérite très
mince , étoient la prétention & l'ambition
des efprits les plus diftingués ; c'eft qu'elles
avoient fait la célébrité de Sarrafin & de
Voiture. La Bruyère penfe que ces deux
Écrivains trouvèrent ce goût établi & ne
firent que le fuivre ; il préfume que dans un
autre moment ils auroient pris un autre
genre d'efprit & un autre caractère de talent.
E iv
104
MERCURE
Cela eft vrai fans doute en partie ; mais ce
qui l'eft davantage encore , c'eft que leurs
Ouvrages rendirent pour quelques inftans
ce goût univerfel , & en firent le ton des
bons livres & de la bonne compagnie. Lorfque
le Livre du Duc de la Rochefoucauld
parut , tout le monde vouloit faire des reflexions
& des maximes. Dans ce temps un
ami trouve fon ami occupé à écrire avec
l'air d'une profonde méditation , & lui
demande ce qu'il fait je fais , lui répond
l'autre , des maximes de la Rochefoucauld.
Ce mot eft plaifant & peint à merveille
l'influence dont je parle. La Métaphysique
même a été à la mode en France , & ce n'étoit
pas la bonne ; c'étoit celle de Mallebranche.
Lorfque Fontenelle & Lamothe
régnoient fur la Littérature , il n'y avoit que
la fineffe & la jufteffe de l'efprit qui fuffent
en honneur . Voltaire , en leur ôtant l'empire
des Lettres , mit les grâces & la mobilité de
l'imagination en vogue. Une chofe affez remarquable
, c'eft que Racine & Boileau ,
les deux Écrivains fans contredit qui ont le
mieux fondu dans leur talent tous les caractères
d'efprit , avec cette jufteffe & cette proportion
élégantes qui forment les principes
éternels du bon goût , n'ont point entraîné
fur leurs pas une fi grande foule d'imitateurs.
On convenoit affez généralement qu'on ne
pouvoit prendre de meilleurs modèles ; mais
on en prenoit d'autres. Ils ont plus formé le
goût de la Nation qui juge , que le caractère
DE FRANCE.
IOS
1
des efprits qui produifent. Peut - être pour
former une école & dominer quelque temps
avec l'empire abfolu de la mode , parmi les
caractères de fon efprit faut- il en avoir un
qui domine extrêmement tous les autres , &
qui rompe quelquefois l'accord & l'harmonie
qui conftituent le bon goût , pour frapper
l'imagination avec plus d'éclat & de
force. Depuis Edipe , Voltaire pendant
douze ans eut peu de fuccès au Théâtre ;
& fi l'on en cherche la raifon , on la trouvera
peut-être en ce qu'il fe conformoit avec trop
de fcrupule à ce modèle de perfection - que
lui avoient laiffé Racine & Boileau ; il oſoit
peu , parce qu'il craignoit beaucoup de blef
fer le bon goût ; & il ne permettoit à aucune
qualité de fon efprit de s'élever trop
au deffus des autres , parce que la perfection
du talent eft de les fondre toutes enfemble.
Le befoin du fuccès l'emporta fans doute
lur fes principes ; il fit des fautes , & montra
du génie. On lui reprocha d'être infidèle au
bon goût , & il obtint de la gloire ; c'eft
alors qu'il eut une École , & que la foule
fut plus grande à fes Pièces qu'à celles de
Racine même. Gardez vous , difoit un de
nos premiers Écrivains à un jeune homme ,
de vouloir vous corriger de tous les défauts
de votre talent.
Rouffeau de Genève , en exagérant quelques
opinions , en a fait l'objet de prefque
toutes les difcuffions de morale. Du mon.
ent qu'il attaqua les Arts & la Société
Fv
106 MERCURE
on ne vit plus que des ennemis ou des défenfeurs
de la Société & des Arts. On a fait des
voyages autour du Monde prefque uniquement
pour favoir s'il a eu tort ou raifon
dans ce qu'il a écrit des Sauvages . Mais il eft
quelquefois plus facile de faire le tour du
Globe que de bien comprendre les opinions.
d'un Philofophe , & c'est ce qui eft arrivé à
plufieurs de ceux qui ont attaqué ou défendu
Rouffeau. On croit par exemple affez généralement
qu'il a dit que l'homme n'eft point
fait pour la fociété , & il a dit le contraire ;
que l'homme n'eft point fait pour marcher
debout fur fes jambes , & il s'eft donné lạ
peine de prouver phyfiquement le contraire ;
que l'homme fauvage avoit toutes les vertus
; & de ce que Rouffeau a imprimé, il réfulte
que le Sauvage eft fans vertu . Comment
arrive- t- il qu'on entende fi mal les
chofes dont on parle le plus , & qu'un Écrivain
qui eft lû de tout le monde , ne foit
compris prefque de perfonne ? Eft - ce fa
faute ? eft- il obfcur dans fon ftyle ou fubtil
dans fes opinions ? Si on en excepte cinq ou
fix Chapitres du contrat focial , on ne trouveroit
pas , je crois , un feul exemple d'obfcurité
dans tous fes Ouvrages , & tout le
monde fait que fes opinions font très - fortement
prononcées ; mais c'eft que tout le
monde veut juger un Philofophe , & que
peu de gens veulent lui donner l'attention
néceffaire aux matières qu'il traite ; c'eſt
que pour bien retenir un grand réfultat
DE FRANCE 107
philofophique il faut fe fouvenir d'une
longue chaîne d'idées ; qu'on oublic ces
idées à mesure qu'on les parcourt , & qu'on
finit par prendre le réſultat tout de travers.
L'Auteur des Lettres que nous annonçons
aujourd'hui , difcute & combat dans la
première l'opinion de Rouffeau fur la civilifation.
Son objet eft de fuivre les progrès
de la Société depuis la vie fauvage jufqu'à
l'établiffement de la fervitude politique ;
de prouver qu'à chaque progrès la condition
de l'efpèce humaine devient meilleure , &
qu'avec plus de lumières on a encore plus
de vertu & de bonheur. C'eft à regret que
nous le difons , mais nous n'avons guères
que des critiques à faire à l'Auteur ; nous
en ferons même beaucoup. L'Auteur s'occupe
d'objets abandonnés aujourd'hui de la
plupart des Gens de Lettres , foit parce qu'ils
exigent trop de méditation & d'étendue
d'efprit , & qu'il eft bien plus facile de trouver
& d'embellir même quelques lieux com
muns fur les paffions , fur les plaiſirs , fur le
monde ; foit parce que la vanité craint de
ne pas trouver affez de Lecteurs en traitant
des matières trop férieufes , & que la multitude
eft un fouverain dont la plupart des
Gens de Lettres Alattent les fantaiſies & corrompent
le goût . On en a vû même quelques
-uns tâcher de jeter du ridicule fur
ceux qui parlent du progrès des lumières ,
de l'hiftoire des Sociétés : l'hiftoire des couliffes
& des foyers de l'Opéra leur paroiffoit
Evj
108
MERCURE
bien plus digne de leur talent , & ils avoient
raifon. Mais ces Écrivains légers qui ne veulent
pas qu'on s'éclaire , & qui ont cru pouvoir
fe moquer des lumières parce qu'on
s'étoit moqué autrefois avec fuccès de la
fcience , ne fe doutent pas que s'il y a quel
que chofe de rifible au monde , c'eſt la colère
d'un faifeur de petits vers qui attaque
le goût du fiècle & de la Nation , parce.
qu'on préfère à fes Pièces fugitives l'Émile
& l'Effai fur les ufages & les moeurs des Nations.
Le meilleur moyen peut être de s'oppofer
à ce travers de la frivolité littéraire ,
c'eft d'examiner avec un grand intérêt & une
grande attention les Ouvrages qui ont un
objet utile : tel eft celui ci . L'Auteur a des
connoiffances qu'il doit encore plus à des
voyages qu'à des livres . C'eft après avoir vû
des Sauvages qu'il en parle , & c'eft un autre
motif de l'écouter avec attention .
Si l'hiftoire des Peuples fauvages , des
Peuples barbares & des Peuples civilifes
étoit bien connue , cette queftion ne feroit
peut- être pas difficile à réfoudre. En rapprochant
& comparant toutes les circonftances
de leurs moeurs & de leur vie , on
parviendroit fans beaucoup de peine à voir
dans quelle époque font les plus grands inaux
& les plus grands biens , & quels font les
temps les plus honorables & les plus heureux
pour l'espèce humaine. Mais on n'a de
la condition de l'homme , dans ces diverfes périodes
, que des notions très générales , tièsDE
FRANCE. 109
vagues & très - confules : comment comparer
& apprécier avec précifion & avec juf .
teffe des époques qui font toutes également
mal connues ? Il eft à - peu - près impoffible
que les jugemens qu'on en portera ne foient
auffi vagues & auffi incertains que les notions
fur lesquelles ils feroit fondés . Nous
favons en effet que ces époques ont été
féparées les unes des autres par des efpaces.
de temps confidérables ; que pour faire un
feul pas dans la civilifation il a fallu fouvent
un grand nombre de fiècles ; que
l'homme a vécu long - temps fans être en
état de fe faire une idée de la propriété ,
qu'après cette inftitution même , la plus
grande de toutes les révolutions qui fe
foient faites fur la terre , il n'a cultivé longtemps
encore que des Arts prefqu'auffi fimples
que ceux de la vie fauvage ; qu'enfin la
perfection lente des Arts néceffaires a fait
naître les Arts d'agrément , ceux de l'efprit
& de l'imagination. On apperçoit cette fucceffion
de chofes dans les hiftoires même
les plus mal faites ; & quand les Hiftoriens
ne nous en auroient rien appris , il fuffit de
connoître un peu l'homme , pour favoir
d'une manière certaine cette partie de fon
hiftoire : elle est écrite dans la nature de fon
efprit & de fes pallions . Mais cette connoiffance
de quoi peut elle nous fervir ? Elle
fe réduit à fixer les époques qu'il faut comparer
, & nous laiffe ignorer prefque tous
les faits fur lefquels il faudroit établir la
110 MERCURE
comparaifon. On ne voit clairement dans
l'hiftoire ni les circonftances qui peindroient
le fort dont l'homme a joui dans ces diverfes
périodes , ni celles qui l'ont fait paffer par
degrés de l'un à l'autre , ni les changemens
que les affections , fon efprit & fa deſtinée
ont fubis dans chaque progrès.
Où trouver ces circonstances fans lefquelles
il eft impoffible de réfoudre cette
grande queftion d'une manière fatisfaifante ?
Il eft poflible qu'elles ne nous aient jamais
été tranfinifes ; car pour en fentir l'importance,
il falloit plus de philofophie que n'en
ont eu même la plupart des Hiftoriens de
l'antiquité. On fait auffi que beaucoup d'hiftoires
fe font perdues dans les ruines de
l'antiquité , & que prefque toutes celles qui
nous font parvenues ont été mutilées . Dans
ces deux cas le mal feroit fans remède ; mais
il peut fe faire auffi que ces faits mal appréciés
par les Écrivains , racontés fans intérêt ,
mêlés avec d'autres faits d'un genre & d'un
intérêt tout différent , foient pour ainfi dire
perdus au milieu des événemens qui dominent
dans l'hiftoire .
Il n'y a que deux manières de furmonter
toutes ces difficultés.
L'une eft de rapprocher , de lire & de
méditer à la fois tous les monumens hiftoriques
, tous les récits des Voyageurs relatifs à
des Peuples qui fe trouvoient dans la même
période de Société , d'y chercher & d'y
trouver ces faits négligés qui dès qu'ils auDE
FRANCE. III
ront repris leur rang dans l'hiftoire , feront
pour ainfi dire des fanaux placés de diſtance
en diftance fur la route de la civilifation .
C'est la méthode de Ferguffon , de Robertfon
& de Millar * . On eft furpris des
lumières qu'ils en ont tirées ; c'est là que
l'on voit Tacite expliqué par Charlevoix ,
Charlevoix par Tacite , Homère par Abulgazar
, & les Miffionnaires des Lettres édi-.
fiantes par Hérodote & Diodore de Sicile.
Rapprochés & comparés ainfi par ces ef- :
prits philofophiques , les fragmens obſcurs
& mutilés de l'hiftoire de plufieurs Peuples ,
dont l'existence a été féparée par un grand
nombre de fiècles , font devenus plus d'une
fois une hiftoire complette & lumineufe de
l'eſpèce humaine dans tout une période de
civilifation ; on peut dire que c'eft du fein
des ténèbres qu'ils ont fait fortir le jour.
L'autre méthode confifte non à étudier
l'homme dans l'hiſtoire , mais l'hiſtoire dans
l'homme ; à deviner par ce qu'il eft fous
nos yeux & dans les circonftances où nous
nous trouvons , toutes celles où il a dû fe
trouver fucceffivement , ce qui a hâté
ou retardé fes progrès , fort que lui avoit
fait la Nature , & celui qu'il s'eft fait à
lui même par fes Arts & par fes Loix. On
multiplie les conjectures pour y embraffer
* De la Diftinétion des Rangs dans la Société ,
excellent Ouvrage , dont la Traduction fe trouve
chez Piffot , Libraire , Quai des Auguftins.
J
112 MERCURE
F
toutes les circonftances poffibles , & on les
unit aux événemens les plus frappans & les
plus certains de l'hiftoire , pour leur en donner
l'autorité ; c'eft la méthode de Rouffeau
dans le Difcours fur l'inégalité des conditions.
En exigeant plus de génie elle donne
peut être des lumières moins fûres , elle a
du moins l'inconvénient de fe prêter trop
aifement à tous les fyftêmes.
L'Auteur de la Lettre fur la civilifation
n'a fuivi aucune de ces deux méthodes.
Il fuppofe les faits , & les raconte comme
s'ils étoient hiftoriques ; mais les conjectures
font en trop petit nombre pour rencontrer
la vérité , & , ce qui eft plus fâcheux
encore , elles font plus d'une fois contredites
par la nature de l'efprit humain , d'où
elles devroient être déduites. Rouffeau a
mérité le même reproche dans la première
partie de fon Difcours ; mais dans la feconde
toutes les conjectures font fi naturelles , que
la vérité ne le feroit pas davantage ; elles
font en fi grand nombre, qu'elles femblent
épuifer toutes les poffibilités de l'hiftoire ;
il les affocie d'une manière fi intime à des
faits non conteftés, qu'il eft difficile de les en
diftinguer, & de ne pas leur donner la même
confiance. Je ne connois rien en philofophie
qui me paroiffe au deffus de ce morceau
, & c'est encore un des plus beaux mor
ceaux d'éloquence de notre langue. C'eſt
pourtant de l'Auteur de ce Difcours & de
plufieurs Ouvrages du même genre , qu'on
DE FRANCE. 113
ofe dire qu'il n'eft que le plus éloquent des
Rhéteurs. Nous ne favons pas comment on
peut être Rhéteur & Éloquent à la fois , &
nous croirons toujours que rien ne reflemble
moins à de la rhétorique que l'éloquence
appliquée aux grands objets de la morale &
de la législation .
Il fera facile de prouver que les conjectures
fur l'homme primitifne font pas auffi
heureufes que celles du Difcours fur l'inégalité
des conditions.
L'Auteur le repréfente d'abord le genrehumain
divifé en une multitude de familles
ennemies les unes des aurres , & toujours
en guerre. Parmi ces familles quelques unes
font plus puiffantes , & les plus foibles fe
réuniffent pour leur réfifter. Leur réunion
forme les premiers Peuples , les premières
Tribus. Cela peut s'être paffé ainfi ; mais
peut être cela s'eft il paffe autrement . Paffons
cependant fon hypothèſe à l'Auteur ;
mais il ajoute : " Voilà le fondement des
33
"
Républiques & des Monarchies ; il fallut
» créer des Chefs communs qui puffent
» repréfenter les pères de famille , lefquels
font les feuls Chefs dans l'état de nature ;
il fallut encore créer une police pour ter
miner les différends qui naiffoient en
foule entre ces familles affociées ; en conféquence
on fit des réglemens qui fe perpétuèrent
par tradition ; on eut des loix
» avant d'avoir aucune espèce d'induſtrie. »
Il est évident que l'Auteur fuppofe ici
.
:
114
MERCURE
des faits qui font démentis également & par
toutes les traditions hiftoriques & pr toutes
les notions fur la marche de l'efprit huinain.
Quand les familles fe réuniffent , on
n'a nul befoin de créer des Chefs , ils font
tous créés , ce font les pères de famille.
Ceux ci ne confentiroient certainement pas
à la réunion fi elle devoit être pour eux la
perte de leur puiffance & de leur autorité.
Ils repréfentent leur famille , & ne fe laiffent
repréſenter par perfonne. Voilà pourquoi
chez toutes les Nations naiffantes , ceux qui
en forment le confeil s'appellent Pères ,
Vieillards , Sénateurs , Seigneurs. On ne
crée pas plus des réglemens que des Chefs.
A cette époque les différends fe terminent
par le glaive & non par des loix . Les crimes
font punis par la vengeance , & il faut bien.
du temps & bien des progrès pour donner
l'idée d'une autre juftice. Un grand principe
dans l'étude de l'hiftoire & de l'homme
, c'eft que les hommes ne créent rien ou
peu de chofe , & qu'avant l'époque où tous
les Arts ont développé toute la raifon hamaine
, les inftitutions fociales ne font prefque
jamais que l'ouvrage des circonstances.
Il falloit donc penfer que les pères de famille
conferveroient le pouvoir qu'ils avoient
reçu de la Nature , & qu'au temps de cetre
première affociation on n'en fait pas affez
pour détruire une autorité & pour en créer
une autre.
" Les Nations confédérées devinrent
DE FRANCE. 115
"? puiffantes à proportion du nombre de
peuplades réunies . Dans les plus conſidé
rables , le loifir , la fecurité & le goût na-
» turel que les hommes ont pour le luxe
» firent bientôt naître des Arts d'agrément
qui adoucirent un peu les moeurs. Le
n
»
32
goût de propriété devint plus général ; &
" comme une découverte en amène tou-
" jours une autre , il y eut de ces Nations
qui ne tardèrent pas à fe diftinguer par
» leur induftrie. Les Sciences commencèrent
» à éclorre. »
"
99
L'Auteur parcourt ici d'un trait non feu
lement une multitude de fiècles , ce qui eft
fouvent néceffaire , mais plufieurs époques
très féparées , ce qui eft fans excufe. Comment
eft il poffible , par exemple , qu'il ne
fe foit pas arrêté un moment pour confidé
rer les effets de l'établiffement de la propriété
? C'est le dernier terme de l'état de
nature & le premier pas de la civilifation.
A til pu fe flatter d'apprécier l'homme
fauvage & l'homme focial , en négligeant
de retracer les influences de l'inftitution qui
établit entre eux toutes les différences qui
les diftinguent? C'eft l'époque dont Ferguffon
, Millar & Rouffeau fe font le plus attachés
à connoître & à peindre les effets.
Voyez avec quelle énergie & quelle éloquence
en parle Rouffeau , en les confidérant
toujours relativement à fon fyftême.
" Tant que les hommes fe contentèrent
» de leurs cabanes ruftiques , tant qu'ils fe
116 MERCURE
"
30
bornèrent à coudre leurs habits de peaux
» avec des épines ou des arrêtes , à fe parer
» de plumes & de coquillages , à le peindre
le corps de diverfes couleurs , à perfec-
» tionner ou embellir leurs arcs & leurs
flèches , à tailler avec des pierres tran-
» chantes quelques canots de pêcheurs ou
quelques grofliers inftrumens de mufique
; en un mot , tant qu'ils ne s'appliquèrent
qu'à des ouvrages qu'un feul
pouvoit faire , & qu'à des Arts qui n'a-
» voient pas befoin du concours de plufieurs
mains , ils vécurent libres , fains ,
" bons & heureux autant qu'ils pouvoient
» l'être par leur nature , & continuèrent à
""
"
20
jouir entre- eux des douceurs d'un com-
" merce indépendan ; mais dès l'inftant
» qu'un homme eut befoin du fecours d'un
» autre , dès qu'on sapperçut qu'il étoit
utile à un feul d'avoir des provilions pour
deux , l'égalité difparut , la propriété s'introduifit
, & les vaftes forêts fe changèrent
en des campagnes riantes qu'il fallut arrosfer
de la fueur des hommes , & dans lefquelles
on vit bientôt l'efclavage & la
» misère germer & croître avec la moiffon. "
Quel éclat & quelle force de ftyle ! Quel
talent de mêler & de fondre enfeinble les
couleurs les plus oppofées , de remplir l'âme
de fenfations contraires , en faisant toujours
dominer celle dont il veut far- tout qu'elle
refte frappée ! Je ne dis point que ce foient
là les véritables influences de l'établiffement
97
"
DE FRANCE. 117
de la propriété parmi les hommes . Reuffeau
faifoit un fyftême ; mais dans tous les
fyftêmes il faut en rechercher & en peindre
les effets. Millar & Ferguffon même ,
qui n'ont pris de parti ni pour ni contre la
civilifation,fe font attachés fur- tout à porter
la lumière fur cette époque. C'eft là qu'eft le
noeud de la queftion.
La manière dont l'Auteur fait naître les
connoiffances les unes des autres eft fujette
auffi à de grandes difficultés. Il fuppofe que
les premières font celles de la Médecine , &
que ce font les Médecins qui, pour tranfmettre
leurs obfervations d'âge en âge , ont inventé
les caractères hiérogliphiques. Il n'eft
pas raifonnable de chercher à connoître les
inventeurs de ces caractères. Pour peu que
l'on ait étudié l'hiftoire & l'homme, on doit
favoir que leur origine eft hors de la portée
de toutes les recherches. Il n'eft point de
peuple pafteur ni même de peuple fauvage
qui n'ait quelque figne pour le rappeler des
faits , des idées , & l'hiérogliphe n'eft pas
autre chofe. Le javelot , dit Hobbes , que les
Alains plantoient au milieu d'un champ de
bataille pour conferver le fouvenir de la victoire
qu'ils y avoient remportée , étoit une
efpèce d'écriture. Voilà comment l'homme
de génie apperçoit les rapports des chofes
qui paroiffent les plus différentes. Antérieure
à toutes les fciences , l'écriture hiéroglyphique
ne peut donc pas être leur ouvrage ;
elles ont pu la perfectionner , en changer ,
118 MERCURE
en fimplifier & en étendre les fignes ; mais
elles ne l'ont pas inventée. En parcourant
une partie des Pyrénées, j'ai trouvé l'écriture
hieroglyphique dans plufieurs cabanes des
pafteurs qui les habitent ; j'y ai vû des Hermès
, qui avec la pointe de leurs couteaux
gravoient, non pas fur des colonnes ni fur le
fronton des temples , mais fur le tronc nouveau
des fapins & des chênes , des caractères
qui leur rappeloient les objets extraordinaires
qu'ils avoient vûs , & dont ils ne vouloient
pas perdre le fouvenir , les engagemens
qu'ils avoient pris & ceux qu'on avoit
pris avec eux. Les caractères varient fouvent
d'une cabane à l'autre ; mais ils font
les mêmes pour tous ceux qui vivent fous
le même chaume. Très fouvent ils m'ont
parus choifis & combinés d'une manière trèsingénieufe
; cependant on ne voit guères là
de Médecins , & ceux qui y vont quelquefois
n'ont guères d'obfervations à faire fur
des gens qui fe portent prefque toujours à
merveille. En général , la Médecine ne peut
être ni le premier Art ni la première Science
que l'on cultive. Les Peuples naiffans ont
plus de befoins que de maladies ; ils font
même tellement accoutumés à jouir d'une
fanté inaltérable, que lorfqu'elle fe dérange
ils attribuent leurs maux à des caufes furnaturelles
; c'eft le mauvais efprit qui les a
frappés. Lorfque c'eft un Esprit qui nous a
rendus malades , il n'y a qu'un Magicien
qui puiffe nous guérir ; auffi leurs Médecins
DE FRANCE. 119
ne font ils prefque jamais que des jongleurs
& des charlatans , dont toute la ſcience confifte
à prononcer certaines paroles , & tout
l'art , à faire de certaines grimaces. On peut
fe rappeler à ce fujet l'hiftoire que rapporte
M. de Bougainville de ce malheureux petit
Sauvage qui avala du verre , & à qui l'Aumônier
du Vaiffeau eut le bonheur de donner
le Baptême à la dérobée , tandis qu'un
Médecin du pays faifoit mille geftes fur la
poitrine & fur la bouche , dont il vomiffoit
le fang à grands flots . Voilà chez prefque
tous les Peuples ce qu'a été la Médecine dans
le principe ; elle ne devient une ſcience
qu'avec le temps , & alors même y a-t- il
toujours d'excellens efprits qui ne peuvent
lui pardonner le vice de fon origine.
Ces réflexions fuffifent , ce me femble ,
pour montrer que l'Auteur , quoiqu'il ait de
l'efprit & des connoiffances , n'a pas affez
étudié l'efprit humain pour tracer d'une manière
fatisfaifante l'hiftoire hypothétique de
la formation des Sociétés. Il affiche un grand
mépris pour les opinions de Rouffeau ; mais
en méprisant même & en combattant fes
opinions , il eût bien fait de fuivre fon génie
à la trace. Les erreurs même d'un efprit
fupérieur jettent une grande lumière ; s'il ne
mène pas la vérité en triomphe devant lui ,
il la traîne captive à fes côtés , & on la voit
toujours fur fon char ou dans fes fers . Si les
conjectures de l'Auteur ne font pas auffi
heureufes que celles de Rouleau , fes re120
MERCURE
cherches dans l'hiftoire font encore plus
éloignées d'être auffi favantes & aufli étendues
que celles des Écrivains Anglois dont
nous avons parlé. Il a vû par lui même les
Sauvages de l'Amérique ; mais je ne fais fi
cet avantage n'a pas été pour lui la fource
d'un grand inconvénient. Il a cru que les
Tribus fauvages du Nouveau - Monde étoient
les modèles de toutes les Sociétés naiffantes
que dans tous les fiècles & fur tout
le Globe les Sauvages ont toujours eu un
feul & même caractère ; qu'ils ont toujours
été des Iroquois & des Hurons. C'est là
une grande erreur , & une erreur pourtant
bien commune. De ce que la plupart des
différences qui diftinguent les Nations civilifées
proviennent des différences de leurs
Arts , de leurs Loix & de leurs Gouvernemens
, on a imaginé que les Sauvages fans
Gouvernemens , fans Loix & fans Arts étoient
par-tout les mêmes . Mais les cauſes naturelles
ont leur influence comme les caufes
fociales ; & fi elles ne font pas auffi variées ,
elles n'en font fouvent que plus puiffantes.
La diverfité des climats & celle des moyens
de fubfiftance peut mettre entre un Madecaffe
& un Huron autant de différence qu'il
y en a entre un Angiois & un François . Pour
avoir une histoire complette de la vie fauvage,
il ne fuffit pas d'obferver & de marquer
le rapport des Peuples qui l'ont menée ,
il eft auffi important pour le moins de faifir
& de peindre leurs variétés. On peut reprocher
DE FRANCE. 121
cher cependant même à Robertfon & à Ferguffon
de s'être beaucoup plus occupés des
reffemblances. Les traits de l'Américain
dominent trop auffi dans le portrait qu'ils
ont tracé du Sauvage. On conçoit qu'ayant
beaucoup de Mémoires fur les Sauvages du
Nouveau- Monde & très peu fur les autres ,
ils ont pu être féduits par la facilité de peindre
ce qu'ils connoiffoient le mieux , & de
tout rapporter au tableau qu'ils avoient fous
les yeux. Mais cette faure fi difficile à éviter
& fi digne d'excufe dans des Écrivains qui
ont rendu de grands fervices à la Littérature
& à la Philofophie , jette des difficultés
incroyables fur la question que tant d'Hommes
de Lettres ont agitée depuis Rouffeau.
Qu'on nous permette de renvoyer au
Mercure prochain quelques réflexions que
nous avons à faire fur un objet fi intéreffant
; beaucoup de gens n'y voient que des
fpéculations d'où il ne peut réfulter aucun
bien ; mais c'eſt dans ces fpéculations qu'on
peut apprendre à connoître l'homme , le
bonheur que la Nature lui deftine , & les
Loix qui peuvent lui affurer ce bonheur.
Nos plus grands intérêts touchent de près à
ces fpéculations , qui ont encore un intérêt
qui leur eft propre.
( Cet Article eft de M. Garat. )
No. 29 , 19 Juillet 1783. F
122 MERCURE
DÉLASSEMENS de l'Homme Senfible , ou
Anecdotes diverfes , par M. d'Arnaud,
Tome Ier , première Partie . A Paris , chez
l'Aureur , rue des Poftes , près KEſtrapade ,
maifon de M. de Fouchy; & chez la Veuve
Ballard & fils , Imprimeurs du Roi , rue
des Mathurins.
Nous avons annoncé le projet de cet Ou
vrage avec la conviction de le voir réuflir ;
& ce fuccès n'étoit pas difficile à prévoir
d'après tant d'autres qui ont fondé la réputation
de M, d'Arnaud dans le genre du
fentiment. On ne peut que lire avec beaucoup
d'intérêt cette première Partie. Elle eſt
compofée de grand nombre d'anecdotes plus
ou moins longues , & de divers genres. La
Préface eft courte , originale & ingénieufe:
»
" Un homme s'avife de vouloir enfemencer
un espace de terrein affez étendu :
» un ouragan continuel défoloit la contrée.
Quelqu'un lui dit : mon ami , vous faiteslà
une énorme fottife ! ne voyez- vous pas
» que le vent emportera vos graines ? Mon
» ami , répart l'autre fans fe déconcerter ,
il fuffit que quelques unes viennent à
» bien: je me croirai trop payé de mon
travail. »
93
"
"
La première Anecdote eft un trait. de fermeté
& de juftice très- intéreffant. Alfred ,
l'un des Rois de la Dynaftie- Saxone an Angleterre
, parcourant un jour fes États , va
DE FRANCE. 125
demander l'hofpitalité à un de fes courtifans
, qui fe nommoit d'Albanac , & qui le
reçoit avec des tranſports de joie . C'étoit un
home courageux & incorruptible . Il fait
fervir fon Prince par trois filles qu'il a , toutes
trois charmantes ; mais Éthelwitha efface
fes deux foeurs par la beauté , les grâces , &
cette phyfionomie qui eft un charme encore
plus puiffant . Alfred n'y réfifle point ,
& il conçoit pour elle la plus violente paffion.
L'impreflion que fon coeur avoit reçue
étoit trop forte pour échapper aux yeux du
refpectable d'Albanac. Le Monarque paffa la
nuit à s'occuper , fans fermer l'oeil , de la
charmante Ethelwitha , & à parler de fes
charmes ; car il avoit fait coucher dans la
chambre un de fes courtifans. Il lui en parloit
encore lorfque le jour parut ; & il rêvoit
aux moyens de fatisfaire fa paffion.
- quand il vit entrer d'Albanac , tenant une
épée nue d'une main , & de l'autre fes trois
filles en deuil.jQue vois- je , s'écrie le Monarque
Sire , lui répond d'Albanac , j'ai cru
découvrir hier ce qui fe paffoit dans votre
coeur. Vous voyez ce fer ; fi vous avez le
projet de me déshonorer , je le plonge dans
le coeur de ces trois filles infortunées ; fi
votre amour eft digne de vous & de moi ,
choififfez & nommez votre épouſe.
Cette noble fermeté triomphe du coeur
d'Alfred , ou plutôt elle le rend à lui- même;
& il partage la couronne avec la belle
Ethelwitha..
Fij
124 MERCURE
1
La feconde Anecdote eft un acte d'héroïfme
, un trait de vertu furnaturelle . C'eſt
S. Vincent de Paul , qui , vifitant une ga
lère , fe charge des fers d'un malheureux
forçat pour le rendre à fa famille , qui ne
peut vivre fans fes fecours.
Parmi tous ces morceaux , que nous ne pou
vons fuivre en détail , l'un des plus intéreffans
, c'eft la nouvelle Clémentine . L'héroïne
de cette aventure vit encore ; & l'on ne
peur lire l'hiftoire de cette victime innocente
de l'amour & de la fenfibilité fans répandre
des larmes . Cette tendre Clémentine
alloit époufer un jeune homme qui l'aimoit
auffi tendrement qu'il en étoit aimé. Il eft
obligé de s'abfenter pendant quelques jours
pour aller chercher des papiers dont il avoit
befoin pour fon mariage; & cette abſence ,
quoique involontaire , & néceffaire au bonheur
des deux amans , eft encore un fupplice
trop rude pour l'extrême fenfibilité de Clémentine.
Elle reçoit enfin une lettre de fon
amant , qui lui annonce que tout eft arrangé,
& qu'il va fe mettre en marche pour ſon
retour. Clémentine , au jour indiqué , va
au- devant du carroffe de voiture qui doit
l'amener. Elle le cherche, prononce fon nom ;
mais , hélas ! au lieu du jeune homme elle y
trouve un oncle éploré qui lui annonce la
mort de fon amant ; avant d'expirer il a chargé
cet oncle d'aller confoler Clémentine.
Mais cette entrepriſe étoit au deffus de tout
pouvoir humain. « Dès ce moment ſon eſDE
FRANCE. 125
و د
و د
prit s'eft égaré , ſa raiſon l'a abandonnée ,
tous fes fens font livrés à un défordre que
» nul remède ne peut guérir , ni même foulager.
Cette malheureufe victime furvit
enfin à fon amant pour être toute entière
» au trait qui l'a frappée. Le croiroit- on ?
Depuis près de cinquante ans , malgré la
rigueur des faifons , elle fait à pied tous
les jours une route d'environ deux lieues ,
» & fe rend à l'endroit où elle eſpéroit trou-
» ver le jeune homine de retour ;
il ne lui
échappe que ces mots : Il n'eft pas encore
» arrivé ! je reviendrai demain. »
و د
>>
"9
و د
L'art de réveiller la fenfibilité de fes Lecteurs
eft un grand mérite , fans doute ; mais
dans l'Ouvrage que nous annonçons , M.
d'Arnaud n'a pas borné les efforts de fon
talent à faire couler des larmes inutiles :
c'eft en faveur de la vertu qu'il nous attendrit
; & ce Recueil , en exerçant la fenfibilité
des jeunes gens , deviendra encore un
véritable cours de morale. Au moment où
nous écrivons , la feconde Partie a paru . Elle
répond au mérite de celle- ci & à la répu
tation de fon Auteur.
Fiil
126
1
MERCURE
ODE fur la Paix , & Tableau de la Guerre
qui la termine , par M. Courtial . A Paris ,
chez Demonville , Imprimeur- Libraire de
L'Académie Françoife , rue Chriftine ; &
chez les Libraires qui vendent les Nou
veautés.
POINT de grand événement dans la Nation
qui ne faffe éclore des Odes . Mais le génie
qui les infpire n'eft pas toujours celui qui
dicte les bons vers. Si l'on ne peut pas toujours
donner aux Auteurs qui travalient
dans ces fortes de fujets , le titre de bons
Poëtes, on les confole au moins par celui de
bons patriotes.
M. Courtial s'eft montré plufieurs fois
dans cette carrière , & avec plus de fuccès
que plufieurs de fes concurrens. L'Ode qu'il
vient de publier eft un peu longue ; & il dit un
mot dans fa Préface contre ceux qui établif
fent pour règle de donner peu d'étendue à ce
genre de Poëme. Mais fi ce n'eft pas là une rè
gle, ilfaut convenir au moins que c'eft un con
feil utile , parce que plus on donne d'étendue
à une Ode , plus il eft difficile de la faire.
bonne. Voici les ftrophes qui nous ont paru
les plus eftimables .
De la France fur- tout reffources éternelles !
Les forêts dans les ports prennent foudain des aîles ; .
De l'Etna dans ſon ſein on croit voir les volcans ;
Là , font forgés ces traits , ces foudres redoutables ,
DE FRANCE. 127
Plus que ceux du ciel formidables ;
Là , l'airain en fureur bouillonne à flots brûlans.
Là , paroiffent guidés par le Dieu de la Guerre ,
Pleins d'une noble ardeur , armés de leur tonnerre
L'Anglois , l'Ibérien , & le bouikant François ,
Le Batave emporté loin de ſes marécages ,
Au fein des plus fanglans orages ,
Victime de la guerre , & même de la paix.
O REDOUTABLE mer ! tes ondes alarmées
Bouillonnèrent cent fois du fang de tant d'armées .
Que de Guerriers perdus dans tes énormes flancs !
Que de fois , entr'ouvrant leurs immenfes abymes,
Ton noir courroux prit pour victimes ,
Les vainqueurs , les vaincus , les morts & les vivans !
ESSA1 Hiftorique & Critique fur l'infuffifance
& la vanité de la Philofophie des Anciens ,
comparée à la Morale Chrétienne , traduit
de l'Italien de D. Gaetan Sertor , de
Florence , avec des notes du Traducteur.
A Paris , chez Berton , Libraire , rue Saint
Victor.
·
IL eft peut être plus facile de trouver la
vérité , quand on la cherche , que de la défendre
avec fageffe quand on l'a trouvée.
L'exagération & l'hyperbole deviennent le
partage de celui même qui a raiſon . Dans
les chofes facrées , ce penchant qu'ont tous
Fiv
128 MERCURE /
les hommes en difputant à s'écarter du juke
milieu, devient plus dangereux encore .
L'Ouvrage dont il eft ici queftion renferme
la morale la plus faine , & refpire à la
fois la haine du vice & l'amour de la vérité.
Mais l'Auteur défendoit une trop bonne
cauſe pour avoir befoin de dénigrer dans fes
adverfaires ce qu'ils avoient de vraiment
louable. Difons mieux , il ne fait que prouver
une opinion déjà démontrée ; on fait que
rien n'eft comparable à la pureté de la morale
chrétienne . Si Dom Gaetan vouloit abfolument
traiter ce parallèle , il pouvoit le
confidérer fous un afpect auffi édifiant &
plus utile ; fon érudition nous auroit été plus
profitable , fi , au lieu de nous prouver l'excellence
de notre morale chrétienne , ( dont
nous fommes tous convaincus ) fi au lieu de
nous énorgueillir de nos avantages , il nous
avoit fait rougir de notre coupable négligence
, en nous prouvant que les anciens ,
abandonnés aux ténèbres de leur raifon ,
avoient été quelquefois plus vertueux que
nous qui avons le bonheur d'être éclairés par
les lumières de la foi..
En parlant des Philofophes anciens , qu'il
évoque prefque tous , il a fait voir , & il le
devoit , d'après fon plan , la faufferé de leurs
opinions & le déréglement de leur conduite ,
les torts de leur raifon & les vices de leurs
coeurs. Tout cela feroit fort bien , s'il ne
leur refufoit pas toute eſpèce de vertu , par
la raifon qu'ils n'ont pas les vertus chrétienDE
FRANCE. 129
nes. Mais n'y a- t'il pas des vertus que le chriftianifme
ne donne pas , & qui ne font pas
contraires au chriftianifme ? }
Par exemple , il raconte l'anecdote du
Philofophe Épictère , à qui fon maître Épaphrodite
, dans un moment de colère , donna
un grand coup de bâton fur la jambe : Si
vousfrappez ainfi , lui répondit tranquillement
le fage Épictète , vous la romprez.
Épaphrodite ne s'arrêta point , il le frappa
encore plus rudement , & il lui rompit la
jambe en effet. Épictète , fans s'émouvoir ,
lui répondit avec le même fang- froid : Je
vous l'avois bien dit que vous me la rompriez.
Tout le monde a trouvé dans ce traitlà
quelque chofe de fublime ; & l'on ne
peut , fans furprife , entendre D. Gaetan , qui
n'y voit qu'une grandeur d'âme fauffe & apparente.
C'est être un peu difficile. Il faut
convenir qu'on ne canoniferoit pas un Chrétien
pour avoir dit ce mot là ; mais à coup
sûr , un pareil mot n'empêcheroit pas un
Chrétien d'être canonifé ; & il y a auffi peu
d'adreffe que de juftice à n'en pas faire
l'éloge. On voit qu'à la rigueur , les obſervations
de D. Gaetan fe réduiroient preſque à
prouver que les Philofophes Payens n'étoient
pas Chrétiens.
Au refte , nos reproches ne tombent que
fur l'exceffive rigueur de la juftice que D.
Gaetan exerce contre les Philofophes anciens
, & ne touchent point aux vérités qu'il
démontre. Encore une fois , fon Ouvrage
Fy
130 MERCURE
<
renferme la plus faine morale . Ajoutons
qu'on y trouve beaucoup d'érudition , &
qu'il fe montre fort inftruit de la queſtion
qu'il a voulu traiter : l'exagération même
que nous lui reprochons devient refpectable
par fon objet , puifqu'elle ne provient que
de fon amour pour la vérité. On doit aufli
des éloges à l'anonyme qui nous a fait connoître
cet Ouvrage par une fidelle traduction.
Il y a dans fon ftyle de la vérité , du
naturel & de la clarté,
LE Décaméron Anglois , on Recueil des plus
jolis Contes , traduits de l'Anglois , pas
Mill Mary Wouters. Vol. in 16 .. de 118
pages. A Londres , & fe trouve à Paris ,
chez la Veuve Ballard & fils , Impr. du
Roi, rue des Mathurins ; la. Veuve Du- ,
chefne , Libraire , rue S. Jacques , &
Mérigot l'aîné , vis- à - vis l'Opéra ..
Si ce petit Volume plaît au Public , l'Aureur
fe propoſe de continuer une collection
de pareils Ouvrages. Le premier Conte eft
Ingénieux ; il a pour titre : l'Esprit & la beauté.
Le fecond a pour titre : Memoire d'une Coquette.
Le fonds en eft plus trifte qu'intéreffant.
Il renferme les égaremens d'une Coquette
, fes humiliations & fon repentir. La
Généalogie allégorique de l'abfurdité, eft abfolument
dans la manière Angloife , & doit
perdre une partie de fon fel pour des Lecteurs
François. On lira avec plaifir la relation
DE FRANCE. 131
du contre-temps qu'effuyèrent les fept Sages
de la Grèce dans un Voyage qu'ils firent dans
la lune. Le Bonnet de Nuit a des momens intéreffans.
Le Volume eft terminé par l'Hiftoire
de MiffJonhson & de George Williams.
- L'Auteur , à titre de femme & d'étrangère
, a droit à l'indulgence des Lecteurs
François ; mais on va voir qu'elle écrit de
manière à n'en avoir pas befoin. Voici un
morceau du Contre temps des fept Sages ,
qui donnera une idée de fon ftyle.
"
-
Réuniffez , fi vous le pouvez , toutes les
Fées du Parnaffe & leurs favoris ; joignez-
» y tous les faifeurs de Romans & de Voya
" ges : eh bien ! ce que leurs fécondes ima-
» ginations pourront produire de plus riang
» & de plus fauvage , de plus majestueux
» de plus terrible & de plus beau , tout cela
» n'approchera jamais des jardins fuperbes
» & delicieux où fe promenèrent nos Sages.
"
Tantôt ils étoient frappés d'admiration en
» voyant les jeux hardis de la Nature ; tan-
» tôt le coeur plein d'une émotion involontaire
, ils fe laiffoient aller à la plus
douce mélancolie , & les heures fugitives
difparoiffoient.
» Ils venoient de s'égarer dans les myfté-
» rieux dérours d'un labyrinthe , où le bruit
» lointain des cafcades , le doux murmure
» des fontaines , les accens amoureux des
oileaux , le riant velouté d'un gazon naiffant
, le verd rendre des jeunes arbiesiqui
les ombrageoient , le parfum des fleurs
ود
23
F vi
132
MERCURE
qui fembloient fe multiplier fous leurs
" pas , avoient infenfiblement ralenti leur
» marche , & les retenoient comme enchan-
» tés , &c. »
"
On voit , par ce morceau , que la langue,
Françoife eft devenue familière à l'Auteur
de cet Ouvrage. Nous autions defiré ſeulementque
les fonds des Contes qu'elle a choifis
euffent plus de piquant & d'intérêt .
SPECTACLES.
ACADÉMIE ROYALE DE MUSIQUE...
MILLLEE SAINT HUBERTY a obtenu un
congé , qui privera le Public de fes talens
pendant deux mois . On continue les repréfentations
de Renaud & de Péronne Sauvée ;
Mlle Maillard a joué Mardi , premier de ce
mois , & le Vendredi fuivant , le rôle d'Arm
mide , dans le premier de ces Opéras , avec
un fuccès qui a confirmé les efpérances que
nous avions conçues du talent précieux de ce
jeune Sujet dès les premiers debuts , & que
nous avons annoncées en divers articles du
Mercure.
Safigure théâtrale , fa taille avanta
genfe , embellie des grâces de la jeuneffe ,
étoient bien propres à donner un nouvel
éclat à ce rôle. Son action a toujours été
animée & intérellante & fes mouvem
>
書
1
DE FRANCE. 133
mens preſque toujours juftes ; elle parcourt
& remplit la Scène avec l'aifance d'une Actrice
très exercée , & ce qui eft plus remarquable
encore , c'est l'accord qui règne entre
fon action & fon chant , & qui ſemble dirigé
par l'inftinct le plus heureux. Sa voix
franche , naturelle & fonore fe prête fans
effort à toutes les inflexions qu'exigent à la
fois & le goût du chant & l'expreffion des
paroles. On a été frappé de la manière noble
& naturelle dont elle a chanté le récitatif du
premier Acte , qui jufqu'à préfent avoit
paru difficile à bien rendre . Elle a chanté
avec beaucoup de jufteffe & d'expreffion les
beaux airs du fecond & du troifième Acte ;
mais c'eft fur- tout dans celui de Cruel !
pourquoi m'a tu trahie , qu'elle a mis la fenfibilité
la plus vraie & les accens les plus
touchans , avec des nuances adroites dans
le chant , & une action très paffionnée.
Cet effet a été vivement fenti , & les applaudiffemens
du Public , que Mlle Maillard a
reçus pendant tout le cours de fon rôle , ont
en ce moment redoublé avec les tranfports
les plus univerfels & les plus flatteurs.
Un talent fi intéreffant & fi décidé , développé
dans des rôles auffi importans que ceux
d'Ariane & d'Armide , & où un Sujet trèsjeune
avoit à lutter contre une Actrice confommée
& très chère au Public , doivent
faire regarder Mlle Maillard comme l'efpérance
du Théâtre Lyrique , fi elle continue
de perfectionner par l'étude les dens qu'elle
134 MERCURE
a reçus de la Nature . L'éclat de fes fuccès ne
doit pas lui faire oublier qu'il entre toujours
un peu d'indulgence dans les applaudiffemens
que le Public prodigue aux jeunes Sujets
dont les talens naiffans lui annoncent de
nouveaux plaifirs ; mais que cette indulgence
fe change quelquefois en févérité lorfque les
progrès du talent ne répondent pas aux efpérances
qu'on en avoit conçues. Nous l'invitons
à s'occuper effentiellement de l'art du
chant , art qui demande de longues & conftantes
études , & fur tour les leçons d'un
bon Maître . Nous l'invitons auffi à porter
plus de vérité & d'attention dans la Scène
muette , à mettre plus de variété dans fes
geftes , & à éviter de courber fon corps en
avant , attitude trop familière à plufieurs
Actrices , prefque toujours aufli incompa
tible avec la vérité qu'avec la grâce.
Le Vendredi 4 , la Reine , accompagnée de
Madame Élifaberh , a honoré le Spectacle de
fa préſence , & a daigné témoigner par fes
applaudiffemens qu'elle étoit fatisfaite des
talens & du jeu de la jeune Actrice .
Depuis la compofition de cet article , deftiné
à être imprimé l'ordinaire dernier , Mlle
Maillard a joué , pour la premiere fois , le
6 de ce mois , le rôle de Sangaride , dans
l'Opéra d'Atys ; & elle y a mérite les mêmes
éloges & les mêmes applaudiffemens que
dans celui d' Armide. Peut - être même que le
rôle de Sangaride , ayant des rouvemens
moins prononces & une fenfibilité plus
1
DE FRANCE.
135
douce , demande plus d'à plomb & de pureté
dans le chant , plus d'accord & de grâce
dans l'action ; mérite plus rare & plus difficile
dans un jeune Sujet , que celui des expreffions
fo:tes & des mouvemens abandonnés
que comportent les rôles plus paffionnés.
COMÉDIE ITALIENNE.
LE Mardi 24 Juin , on a repréſenté , pour
la première fois , l'Auteur Satyrique , Co
médie en un Acte & en vers .
Un jeune homme de beaucoup d'efprit ,
dont les moeurs font douces & la délicateffe
irréprochable , a cru trouver de la gloire
dans le renom toujours dangereux que peut
acquérir un Auteur Satyrique. C'eft principalement
fur les femmes qu'il a verfe oute
l'amertume de fes plaifanteries & de ſes farcafmes.
Ainfi , avec un coeur très honnête ,
& des qualités eftimables , il a fait de fes talens
un ufage fi mal entendu , qu'il peut déjà
compter un grand nombre d'ennemis. La
foeur de fon Imprimeur , femme prudente &
éclairée , fe propofe de lui faire ouvrir les
yeux fur les inconvéniens de l'erreur dont il
peut devenir la victime , elle fe flatte auffi de
lui faire abjurer le funefte goût qui le domine.
Mais que peut la raifon ? Quels effets.
peuvent produire les réflexions , même les
136
MERCURE
plus fenfées , fur la tête d'un jeune homme
emporté par la chaleur de l'âge , pénétré
d'un faux enthoufiafme pour le genre qu'il a
adopté , affermi dans fon goût par le fuccès
qu'obtient prefque toujours la malignité , &
plus encore par des fuccès perfonnels ? Comment
guérir un fou qui fe croit raisonnable ?
L'amour feul peut produire ce miracle . Auffi
la foeur de l'Imprimeur effaye t'elle de corriger
le Satyrique , en le rendant amoureux.
Elle a une très jolie nièce qu'on nomme
Madelinette. Elle engage fon frère à feindre
que cette Madelinette eft fa Servante , & à
n'employer qu'elle pour faire parvenir au
jeune homme les épreuves de les Satyres.
La naiveté , la candeur , les charmes de la
fauffe Servante produifent une impreffion
très-vive fur le coeur du Poëte ; il regrette
que tant de moyens de plaire ayent été accordés
à une fille deftinée à fervir. Tout en
revoyant fes épreuves , il fupplée aux fautes
qu'il veut corriger par des additions qui
prouvent le trouble de fon efprit & la fituation
actuelle de fon âme. On le plaifante un
peu fur les caufes de fa diftraction . Il fait
l'aveu de la paffion qu'il éprouve, & du projet
qu'il a formé d'époufer Madelinette . Ce
projet fournit encore de nouvelles raifons
de le plaifanter. A quel objet a- t'il livré fon
coeur ? A qui va t'il donner fa main ? A une
Servante. Rien ne peut le faire changer de
réfolution . Enfin on lui apprend que Madeli
nette eft parente de fon Imprimeur ; & celleDE
FRANCE. 137
ci , avant de devenir fa femme , exige de lui
qu'il renonce à la Satyre .
Cette petite Comédie eft de feu M. l'Abbé
de Voifenon . Un jeune homme , déjà connu
par des productions qui annoncent une tour
nure d'efprit très piquante & très originale ,
y a fait des changemens confidérables qui
l'ont mise en état d'être repréfentée. Elle a
été vue avec plaifir ; mais elle n'a pas obtenu
un grand fuccès , parce que , fi les détails en
font charmans , s'il y a de l'adreſſe dans quelques
fituations , il y a peu d'intérêt , & peutêtre
beaucoup d'invraisemblance dans l'action.
On a bien raifon de penfer qu'il ne faut
pas toujours chercher dans leurs Ouvrages le
caractère des Écrivains. On remarque dans
l'Auteur Satyrique des réflexions juſtes , des
obfervations victorieufes contre le genre de
la Satyre ; & fi quelqu'un a jamais annoncé
un goût entraînant pour ce genre , on peut
affurer que ce fut l'Abbé de Voifenon . Sans
parler des farcafmes , des épigrammes fanglantes
qu'il répandoit journellement dans
les cercles avec une malignité auffi féconde
que cruelle , il a laiffé des Mémoires où l'on
voit percer à chaque phraſe l'efprit fatyrique
& mordant qu'il blâme , à fi jufte titre ,
dans la Comédie dont nous venons de rendre
compte. Voilà donc la deftinée de prefque
tous les hommes , de blâmer dans les autres
les vices dont ils devroient commencer par
138 MERCURE
fe corriger eux- mêmes. La Fontaine a eu bien
raifon de dire :
On a pour les défauts la poche de derrière ,
Et celle de devant pour les défauts d'autrui.
Au prochain Mercure , on rendra compte
de la remife du Mariage Interrompu , des
repréſentations de Blaife & Babei , & du
début de M. Chenard. Tous ces Articles ont
été retardés par une indifpofition du Rédicteur.
ANNONCES ET NOTICES.
DICTION
ICTIONNAIRE pour l'intelligence des Auteurs
Claffiques , Grecs & Italiens , tant facrés que profanes
, contenant la Géographie , l'Hiftoire , la Fable
& les Antiquités , par M. l'Abbé Sabathier , Profeffeur
Émérite au Collège de Châlons-fur- Marne ,
Secrétaire - Perpétuel de l'Académie de la même
Ville , &c. Tome XXX. A Paris , chez Delalain
l'aîné , Libraire , rue S. Jacques.
La réputation de cet Ouvrage eft faite depuis
long- temps. Le Savant Auteur en eft à fon trentième
Volume. Quel courage n'a- t'il pas fallu pour entreprendre
un pareil Ouvrage ! quelle patience laboricule
pour l'exécuter !
Le même Libraire vient d'acquérir plufieurs Livres
importans , dont voici la lifte : Hiftoire des Infectes,
de Réaumur , 6 vol. in - 4 ° . fig. rel. , 90 liv.; Avis
au Peuple fur fa fanté , par M. Tiffot , 1 vol. rel ,
3 liv.; Effais fur les Maladies des gens du monde ,
du même , I vol . rel. , 2 liv . 10 fols ; l'Art de conDE
FRANCE 139
vertir le fer forgé en acier , par Réaumur , in- 4° ,
rel. , 5 lv.; l'Art & pratique de faire éclore les
Poulets , par le même , 3 vol . rel . , 9 liv.; Réflexions
fur la Poéfie & la Peinture , par Dubos , 3 vol.
rel. , 9 liv.; Chimie du goût & de l'odorat , 1 vol.
in- 8 ° . rel. , 6 liv.; Code des Curés , 4 vol. in- 1 2.
rel , 14 liv.; Code Rural , 3 vol. in- 12 . rel . , 7 liv.
10 fols ; Tarifdu Contrôle des Actes , 1 vol. in- 89.
rel. 6 liv. 3
ESSA1 fur la Maladie de Cythère. A Paris , chez
l'Auteur , rue Gît-le- Coeur , près S. André des- Arcs ,
hôtel S. Louis.
On voit que l'Auteur de la Brochure que nous
annonçons a mis dans fon titre de la modeftie , &
même une forte de politeffe , dont on doit lui favoir
gré. Les malades qui font l'objet de fes foins , font
très- difpofés à garder fidèlement leur fecret. I a
voulu fe prêter à leur goût , en jetant un voile
même galant fur la dénomination du mal dont ils ne
fe plaignent qu'en confidence.
Il a paru dans ce
une infinité
de remèdes
,
gente
qui tous ont eu un regne
d'un moment
. Celui
que
propofe
cene Brochure
eft revêtu
d'une
approbation
honorable
de la Société
Royale
de Médecine
, &
recommandé
par un fuccès
de vingt ans. L'Auteur
la puifé dans les trois règnes
de la Nature
. C'eft une
liqueur
que , fidèle
à fon principe
de difcrétion
, il
appelle
Eau d'Hippocrène
. Il faut s'en frotter
le corps
après
les préparations
, & avec les précautions
indiquées
dans la Brochure
. Cete liqueur
ne produit
aucun
des inconvéniens
attachés
aux autres
remèdes
. Elle
n'expofe
point
le malade
, & ne trahit
fon fecret
par
aucun
figne
extérieur
; elle ne tache
ni le linge
ni la
peau ; elle eft fans odeur , n'exige
point
qu'on
garde
la maifon
, puifqu'elle
a befoin
pour agir du grand
air & de l'exercice
; enfin , au lieu de maigrir
le
140
MERCURE
"
malade , elle lui donne de l'embonpoint. On voit
par-là que ce remède peut être heureufement &
commodément employé dans nos Troupes , puifqu'il
n'empêche point les Soldats de vaquer à leurs
exercices.
L'Auteur de ce remède a donné une preuve de fa
franchiſe & de fa générofité , en confiant fa compofition
à la Société Royale de Médecine ; elle eft
reftée en dépôt dans les Regiftres de cette Compagnie.
On trouvera de plus amples inftructions dans la
Brochure qu'il a publiée ſur cet objet.
TRADUCTION des Faftes d'Ovide , avec des
notes & des recherches de Critique , d'Hiftoire & de
Philofophie , tant fur les différens objets du fyftême
allégorique de la Religion Romaine , que fur les détails
de fon culte & les monumens qui y ont rapport ,
avec figures , par M. Bayeux , Avocat au Parlement
de Normandie. Tome premier . A Rouen
chez
Boucher le jeune , Libraire , rue Ganterie ; & fe
trouve à Paris , chez Lebarbier l'aîné , Peintre , rue
Bergère ; la Veuve Ballard & fils , Imprimeurs du
Roi , rue des Mathurins ; Dujand neveu , Libraire ,
rue Galande ; Nyon , rue du Jardinet , & Barrois
l'aîné , Quai des Auguftins.
L'Auteur nous a priés d'obferver que les foins
qu'exigeoient les gravures dont cet Ouvrage eft enrichi
, & les recherches immenfes qu'il a fallu faire
pour débrouiller le chaos des anciennes mythologies
& des anciens cultes , ont dû néceffairement en retarder
la publication ; mais que l'Ouvrage entier eft achevé,
& que les Volumes vont fe fuccéder avec la plus
grande exactitude. Il prévient également MM . les
Soufcripteurs , que fi la certitude des longueurs que
ce genre de travail devoit entraîner , l'a porté à ne
rien recevoir d'eux jufqu'à préfent , le fentiment de
DE FRANCE. 141
·
la même délicateffe le porte à offrir de dégager de
leurs foumiffions ceux d'entre eux qui n'auroient
plus le même defir d'acquérir l'Ouvrage ; il fuffiroit
pour cela d'en écrire au Libraire chez lequel ils auroient
foufcrit.
PETITE Bibliothèque des Théâtres , contenant un
Recueil des meilleures Pièces du Théâtre François ,
Tragique , Comique , Lyrique & Bouffon , depuis
l'origine des Spectacles en France , jufqu'à nos jours .
Ouvrage périodique , propofé par Soufcription ,
compofé de 12 Volumes chaque année , de format
in- 18.
Il paroîtra un Volume le premier de chaque mois ;
de manière
que l'année entière fera composée de
douze , qui contiendront quarante à quarante- quatre
Pièces , & jamais moins de quarante. On délivrera
d'abord un Volume de Tragédies , enfuite un Volume
de Comédies , &c. Chaque Pièce fera précédée de fa
Préface , d'une notice de la vie de l'Auteur , & des
Anecdotes les plus piquantes auxquelles elle aura
donné lieu . Cet Ouvrage fera divifé en quatre Parties
, & chaque Partie le fera conformément à la
nature des Pièces. L'une contiendra les Pièces du
Théâtre de l'Opéra , comme Tragédies , Paftorales ,
Fragmens , Ballets , &c. L'autre , celles du Théâtré
François , Tragédies , Comédies , &c. Chaque Pièce
de ce Recueil , foit tragique ou coinique , fera imprimée
féparément : ainfi , quoique réunies en un
Volume , les Lecteurs feront les maîtres de les détacher
pour les diftribuer de la manière qui leur conviendra
, & même par OEuvres de chaque Poëte.
Pour leur faciliter ce dernier avantage , chaque Volume
fera , au befoin , orné de deux frontispices.
L'un offrira le titre général de la Collection ; l'autre
celui des OEuvres particulières des Pièces de l'Auteur
contenues dans le Volume. Les Opéras , Comédies à
742 MERCURE
Ariettes , Opéras - Comiques , Opéras - Bouffons &
autres , feront terminés par la mufique gravée des
Ariettes les plus jolies . Ces différens airs détachés
feront gravés avec exactitude & le plus grand foin.
L'Ouvrage entier fera imprimé fur papier fabriqué
exprès par M. Réveillon .
Le format de cette petite Bibliothèque des Théútres
fera abfolument le même que celui des Après Soupés
de la Société , des Moraliftes , du Boileau , imprimés
chez M. Didot l'aîné. Le prix de la Soufcription
pour l'année entière eft de 36 liv. franc de
port dans tout le Royaume. La première Livraiſon
Te fera le premier Septembre ; la feconde , le premier
Octobre : ainfi de fuite de mois en mois , fans
interruption. Cette époque ne fera de rigueur qu'autant
que le nombre des Soufcripteurs fera fuffifant
pour pouvoir commencer & continuer fans interruption.
Il fuffit de le faire inferire pour l'année entière ,
ou d'envoyer , franche de port , une Soufcription
fignée , comme on s'engage à prendre l'année entière
de la petite Bibliothèque des Théâtres . On aura foin
de mettre fon adreffe Paffé le premier Septembre ,
on ne fera admis à foufcrire qu'en payant , & pour
l'année entière . On tirera quelques Exemplaires fur
papier véli pour les Amateurs des belles Éditions.
Le prix de la foufcription eft de 54 liv. Le prix de
chaque Pièce vendue féparément pour ceux qui n'auront
pas foufcrit , fera de 1 liv . 4 fols , & chaque
volume 4 liv On fera libre de foufcrire pour l'année
entière , & de ne payer les Volumes qu'à fur & mefure
qu'ils paroîtront . On foufcrit à Paris , chez
Bélin , Libraire , rue S. Jacques près S Yves ; &
chez Brunet , Libraire , rue de Marivaux , place du
Théâtre Italien .
On ne peut qu'applaudir au plan de cet Ouvrage
qui manquoit à notre Littérature. Il fuffit d'en lire le
Profpectus pour en fentir l'utilité . Il pouria tenir
DE FRANCE. 143
lieu d'une immenſe bibliothèque , & il offrira aux
Amateurs , fur beau papier , en beaux caractères , &
à peu de frais , ce qu'il leur feroit peut - être impoffible
de raffembler autrement.
LES Géorgiques de Virgile en vers François , par
M. l'Abbé de Lille , de l'Imprimerie de Didot l'aîné.
A Paris , chez Bleuet , Libraire , Pont S. Michel ,
1 Volume in- 18. Prix , 2 liv. 5 fols broché ; papier
d'Annonay , liv. broché ; in- 4° . & papier d'Annonay
, avec le Portrait de l'Auteur & des Figures ,
346 liv. broché .
Cette célèbre Traduction a acquis un nouveau
prix par les corrections & changemens confidérables
que l'Auteur vient d'y faire.
On trouvera féparément chez le feur Bleuet le
Portrait de M. l'Abbé de Lille in-folio , gravé d'après
le Delfin de Pujos , par Vin-Vangélefty . Prix , 3 liv.
COLLECTION des Moraliftes anciens , dédiée au
Roi. A Paris , chez Didot l'aîné , Imprimeur du
Clergé en furvivance , rue Pavée - Saint - André , &
Debure l'aîné , Libraire , quai des Auguftins.
Le Volume qui vient de paroître contient les Sensences
de Théogris , de Phocylide , de Pythagore &
des Sages de la Grèce , recueillies & traduites par
M. Lévesque. Il eft digne de ceux qui l'ont précédé,
tant par le mérite des Fragmens qu'il renferme , que
par l'exécution typographique.
LA Correction Conjugale , peint par A. E. G. ,
gravé par L. Valpergu . A Paris , chez M. Vandiol ,
rue Montmartre , la première porte à gauche par la
rue des Vieux Auguftins.
Sans expliquer ici le genre de cette Correction ,
nous vous contenterons de dire que le fujet n'en eft
pas commun ; car il eft rare de voir l'Hymen choifir
144
MERCURE
•
l'Amour pour l'inftrument de fes vengeances. Si
l'Auteur a donné une expreffion forte au mari , qui
auroit peut- être dû rire dans ce moment-là , c'eft
fans doute pour conferver à l'Hymen le caractère
d'austérité que
lui ont donné les Poëtes , & qu'on lui
a confirmé depuis.
ÉDUCATION de l'Amour , en deux Eftampes ,
peint par L. Lagrenée , gravé par J. Bouilliard. Prix ,
2 liv. chaque. A Paris , chez G. Couché , Graveur ,
rue S. Hyacinthe , maiſon de M. Leblanc.
Ces deux Eftampes font les deux premiers Ouvrages
qu'ait publiés M. Bouiliard. Ce coup d'effai
annonce un talent qui doit être encouragé. Les détails
font foignés , & l'effet en eft agréable.
ERRATA. No. 28 , page 56 , lig. 1 , vil , lifez:
vieil.
Pour les Annonces des Titres de la Gravure ,
de la Mufique & des Livres nouveaux , voyez les
Couvertures. T
TABLE.
L
126 E Cheval & le Chien , Fa- Ode fur la Paix ,
97 Effai Hiftorique & Critique ble,
Elégie cinquième du Troisième fur l'infuffifance & la variété
Livre de Tibulle ,
Enigme, Logogryphe,
97
ΙΟΙ
Lettre fur l'état primitif de
l'Homme ,
de la Philofophie des Anciens
, 127
Le Décaméron Anglois , 130
103 Acad. Royale de Mufiq. 132
Délaffemens de l'Homme Sen Comédie Italienne , 135
fible ,
"
122 Annonces & Notices ,
APPROBATION.
138
J'AI lu , par ordre de Mgr le Garde des Sceaux , le
Mercure de France , pour le Samedi 19 Juillet . Je n'y ai
rien trouvé qui puiffe en empêcher l'impreffion. A Paris ,
le 18 Juillet 1783. GUIDL
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 26 JUILLET 1783 .
PIÈCES FUGITIVES ,
EN VERS ET EN PROSE.
FRAGMENT d'une Építre à mes Livres..
O MONTESQUIEU , Légiflateur du monde ,
J'admire avec tranſport ta fageffe profonde :
Qu'en ton honneur des autels foient dreffés .
Mais un Roi Philofophe a connu ton Ouvrages
Grand Frédéric , merveille de notre âge ,
Immortel demi- Dieu far la terre adoré ,
Souffre que dans mes vers ton nom foit confacré.
Qui redoute l'éloge eft digne de l'entendre.
Aux champs de Mars , plus Guerrier qu'Alexandre,
Antonin fur le trône , Horace à Sans-fouci ,
Et fachant à la fois , d'un bras ſouple & hardi ,
Maîtriſer fans effort Pégaze & la Victoire ,
N°. 30 , 26 Juillet 1783 .
146 MERCURE
Sur ton augufte front mon oeil voit réuni
L'arbuste du Penée aux palmes de la gloire.
Et toi , l'illuftre ami de ce Roi généreux ,
Toi que l'envie accable & que l'envie honore ,
A tes nobles Écrits je ſuis ſenſible encore ,
D'Alembert , tu reçois mon encens & mes voeux.
O que j'aime à te voir d'un pas sûr & rapide ,
Parcourir en géant tous les degrés divers ,
Où le flambeau des Arts , lentement découverts ,
Éclairant des humains l'oeil aveugle & ftupide ,
Echauffa de fes feux ce ftérile Univers , &c.
•
(Par M. Breves , d'Angers. )
RÉPONSE Bachique à la Chanfon de
M. de Saint- Ange , Nº . 2 ;.
AIR: Un Chanoine de l'Auxerrois.
Vous aviez donc ba du Léthé
Le jour que vous aviez vanté
De Bacchus l'ennemic ;
Mais fur l'eau vos jolis Couplets ,
Quand on les trouve auffi bien faits ,
Croyez qu'on le défie
Que , peu fidèle à votre plan ,
Vous les avez faits en chantant :
Et bon , bon , bon , que le vin eß bon,
Amafoifj'en veux boire.
HAN STELLA
REGLA
NACENSIS
DE FRANCE.
147
CROYEZ-VOUS que ce foit à l'eau
De l'Hypocrène , que Boileau
Doive la poéfie ?
Bacchus autrement l'inſpiroit ;
C'eſt le verre en main qu'il trouvoit
Ces grands traits de génie ;
A Baville l'eût-on goûré ,
Si fon Apollon n'eût chanté :
Et ben , bon , bon , &c.
LAISSANT là leurs funeftes eaux ,
Si nos Hypocrates nouveaux
Envoyoient leurs malades
Tous les ans , pendant quelques mois,
Du meilleur des vins Champenois
Boire pleines rafades ,
Frais & difpos au jeu d'amour,
Ils chanteroient à leur retour :
Et bon , bon , bon , &c.
A vous je puis m'en rapporter ;
Car j'ai plaifir à confulter
Quelqu'un d'un goût folide:
Julie étoit- elle l'objet
Que dans fon exil regrettoit
Le malheureux Ovide ?
Ne regrettoit-il pas plutôt
La ville où l'on chantoit tout haut :
Et bon , bon, bon , &c.
Gil
148
MERCURE
LES vins du coteau Bourguignon
Perdront leur antique renom
Avant que la folie
Tire de mon frêle cerveau
Le plus petit couplet fur l'eau ,
Telle eft ma fantaiſie ;
Je la détefte abfolument ,
Et je veux mourir en chantant :
Et bon , bon , bon , & c.
( Par M. Santerre de Magny, )
VERS à M. DE LA HARPE , fur fa
Tragédie de Philoctère.
QuUAND Sophocle , à grands traits , peignant les
paffions ,
Des peuples de l'Attique enlevoit les fuffrages ,
Sans doute il étoit loin de s'attendre aux hommages
Qu'à fon mâle génie aujourd'hui nous rendons ;
Mais fi dans l'Élysée il entendit Corneille ,
Et l'Auteur d'Athalie & l'Auteur de Pyrrhus ,
Et celui qui peignit Mahomet & Brutus ;
Si ton nom quelquefois a frappé ſon oreille ,
Et s'il a reconnu , de ces illuftres morts ,
La touche vigoureufe & les tendres accords ;
Aux fureurs de Warwick , aux pleurs de Mélanie,
S'il fentit de tes vers la grâce & l'harmonie ,
Il dut croire la France accoutumée cafin
DE FRANCE. 149 .
A ce fublime fimple , à ce vrai - beau , qui dure
Autant que fon modèle , autant que la Nature .
De Sophocle , pourtant , le triomphe eft certain,
i
Dès long- temps parmi nous on retrouvoit à peine
Les traces que jadis y laiſſa Melpomène ;
Et l'ombre de ce Grec , évoquée à ta voix ,
L'a ramenée encore en ces lieux qu'autrefois
Ses regards fatisfaits euffent pris pour Athène.
Puiffe-tu , l'y fixant par de nouveaux efforts
O la Harpe , envers elle effacer tous nos torts !
( Par M. Baudrais. )
Explication de l'Enigme & du Logogryphe
du Mercure précédent.
LE
E mot de l'Enigme eft Anis , qui , renverfé
, fait Sina , mont célèbre dans l'Écriture
Sainte ; celui du Logogryphe eft Retour ,
où fe trouvent route , ver , rue , tu te ,
voter, retrò , or & rot.
Giil
Iso MERCURE
Sije
ENIGM E.
I je ne fuis pas une flûte ,
Je fuis du bois dont on les fait.
La pefte foit ! comme il débute ,
Dira quelqu'un ; c'eſt donc un flageolet :
Jufqu'à la fin écoutez , s'il vous plaît.
Mes frères , vains de leur écaille ,
Paffent tous les matins fur la tête du Roi ,
Tandis que trop fouvent , dans un pareil emploi,
Je fuis réduit à fervir la canaille.
LOGOGRYPHE - CHARADE
J'AI
En Calambourgs.
' AI trois lettres en tout ; mais l'une fe prononce
Comme l'impératif, qui , pour toute réponſe ,
Voit la Nature entière obéir fans efforts ;
Ma feconde à l'oreille offre , de tous les corps ,
L'admirable & frêle charpente ;
Ma dernière s'exprime ainfi que cette plante
De l'Inde , en nos Cités apportée à grands frais ,
Pour aider le travail d'un eftomac débile ;
Et je fuis dans l'efprit de tout Lecteur habile ;
Mais bientôt de fes yeux l'on me mettra plus près.
(Par M. Baudrais. )
DE FRANCE. 151
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
SUITE des Lettres fur l'état primitif de
l'Homme jufqu'à la naissance de l'Efcla
vage , fur le defir de l'Immortalité & fur
l'Héroïfme Militaire , par M. P. D. L. Č.
ON demande toujours quels font les
plus heureux des Peuples fauvages & des
Peuples civilifés : comment répondre à une
queſtion pofée d'une manière fi vague &
A générale ? De quels Sauvages & de quels
Peuples civilifés parle t on ? L'état de nature
& la civilifation n'ont pas de formes inva
riables & univerfelles. La variété que vous
appercevez dans l'homme façonné par les
Arts & par les Gouvernemens, je la découvre
dans l'homme qui obéit aux feules loix naturelles.
Les loix de la Nature comme celles
de la Société ſont tantôt douces & tantôt
terribles : comme la Société , la Nature pro-.
duit des hommes tantôt bons , généreux &
fublimes , tantôt farouches , perfides & féroces.
Elle a fon defpotifme & fa liberté
comme la civilifation . Voyez ce qu'elle fait
de lhomme dans des déferts & fous des
cieux arides , où nul oiſeau ne s'offre à la
flèche du Sauvage , où les glaçons femblent
être les feules productions de la terre ; elle
le rend farouche & fanguinaire ; il rugit de
faim & de férocité comme le tigre & le
Giv
152 MERCURE
3
léopard , parce que , comme eux , il eft expofé
à chaque inftant à manquer de proie,
Voyez ce qu'elle en fait au bord de ces mefs
orageufes , où tous les jours il doit difputer
fa proie contre les requins au milieu des
tempêtes : là un père , parce que fon fils , âgé
de trois ou quatre ans , a laiffé tomber dans
l'eau un petit panier de poiſſon , le prend
par les pieds , le fait tourner en cercle
comme dans une fronde , le lance contre la
pointe des rochers , & ne regrette que
fon
poiffon , lorfque le fang & la cervelle de
fon enfant ont rejailli fur fon viſage. La tyrannie
de Néron & de Domitien a - t - elle produit
des monftres plus atroces ? Mais que les
loix de la Nature s'adouciffent , & vous
verrez l'homme s'adoucir avec elles . Il fera
bon & généreux par tout où elle fera féconde
& libérale ; & s'il y a quelques excep
tions à cette vérité , fi l'on a vu l'homme
cruel dans des lieux où la Nature eft bien- :
faifante , il ne faut point douter que dans la›
communication & le mêlange des Peuples ,:
les moeurs d'une terre ftérile n'aient cor->
rompu les moeurs de ce fol fertile & heureux.:
C'eft dans quelques les des Indes :
Orientales que l'on a vâ fur-tout ce contrafte
monstrueux d'un heureux climat &
d'un Peuple féroce ; mais cette partie du
Globe eft précisément celle où les conquêtes
& les grandes révolutions ont le plus mêlé
toutes les races d'hommes & le plus altéré
les caractères indigènes. Le Malais armé de
DE FRANCE. 153
fon crid , & qui des bords de fon Ifle , comme
le Flibuftier des bords de fon bateau , s'élance
avec fureur fur tous les vaiffeaux qui
paffent , n'eft peut être qu'un Indien doux &
pacifique révolté par le défeſpoir contre.
tous les hommes. Je dirai donc à ceux qui fe
repréſentent l'état de nature & la civilifation
comme des chofes abfolues , dont l'une
eft toujours préférable à l'autre les deux
états que vous comparez , changent conti- ,
nuellement de caractère , & vous voulez.
en porter unjugement fixe & irrévocable ! Ici
je préfère le fort des Sauvages , & là j'aime
mieux celui des Nations policées & éclairées .
Si j'avois eu le bonheur de naître dans
ces beaux fiècles de la République Ro
maine , où elle expioit & réparoit les maux.
qu'elle faifoit à la terre , par l'exemple des
vertus qu'elle lui donnoit , j'aurois mieux
aimé vivre auprès des Dieux du Capitole
que fur les chars roulans du Scythe & du
Gelon. J'aurois penfe que la vie étoit un
bien lorfqu'on la recevoit fur- tout dans
les lieux où l'on pouvoit connoître l'âme
des Fabricius & des Paul Émile ; mais fi le
fort m'eût condamné à vivre ou à Rome ,
fous la tyrannie fanguinaire des fucceffeurs
d'Augufte , ou à Byzance, fous les tyrans imbécilles
& extravagans qui occupèrent le
trône de Conftantin ; j'aurois eru devenir
meilleur & plus heureux en devenant fauvage
ou barbare ; & , comme une multitude
de Romains , j'aurois renoncé aux Dieux &
Gv
154
MERCURE
aux Loix de ma patrie pour aller vivre parmi
les Huns & les Alains. Dans le tableau vafte
& mobile des fiècles & des Peuples , en
confidérant les diverfes formes que prennent
l'état de nature & la civilifation , on
les voit tour à tour répandre tantôt plus de
biens & tantôt plus de maux fur le genrehumain.
Ceffez done de vouloir foumettre à
une opinion invariable des chofes dont la
nature eft de varier fans ceffe , ou s'il vous
faut abfolument un fyftême , fortez du moins
du cercle étroit d'idées où vous renfermez
une question qui ne peut être bien réfolue
qu'en voyant tout ce qui s'eft paffe fur la
terre . Ne vous faites plus du Sauvage & de
l'homme civilifé des tableaux compofés d'une
vingtaine de traits que vous mettez fans
cefle en contrafte ; tâchez de les voir & de
les comparer l'un & l'autre dans l'infinie
variété que la Nature & les inftitutions fociales
donnent à leurs moeurs , à leurs caractères
& à leurs deftinées. Voyez , effayez
de faire le calcul de toutes les douleurs &
de toutes les jouiffances qui ont été fenties
du genre humain ; mettez dans une balance
le compte des biens & des maux que la
civilifation a produits , dans une autre celui
des biens & des maux qu'a produits l'érat
de nature , & pefez- les enfuite : je veux
croire que libre de toute prévention , vous
voudrez faire non le calcul d'après un (yftême
, mais un fyftême d'après le calcul ,
vous n'imiterez point en cela le Philofophe
DE FRANCE. 155
de Genève . Dans tous fes autres Ouvrages
fon génie ardent & paffionne pour la liberté
ne prononce pas les noms de Sparte & de
Rome fans attendriffement & fans enthoufiafme;
mais s'agit - il d'écrire fur les effets
de la civilifarion ? Rome , Sparte & la Grèce
femblent être effacées pour lui de l'hiftoire
du genre humain. Il ne fe fouvient plus
qu'Arifticle , Fabricius & Caton ont exifté.
Leurs noms , qui élevoient fon éloquence &
confacroient toutes les pages de fes Écrits ,
ne fe trouvent pas une feule fois dans fon
Difcours contre la Société. A peine il touche
à l'époque de l'établiffement de la propriété
, qu'il en fait fortir tous les malheurs ,
tous les vices & tous les crimes ; il oublie
que la civilifation , quoique née de l'inftitution
de la propriété , a des moyens de la
borner , de l'enchaîner , de la détruire même ;
que Lycurgue eut cette gloire , & que pendant
cinq fiècles tous ceux qui naifoient
Spartiates remercièrent Lycurgue & la Nature.
Il oublie que dans prefque toutes les
anciennes Républiques les loix opposèrent à
la propriété des barrières qu'elle refpecta
long temps; que des âmes nourries dans le
mépris de les jouiffances & de fon orgueil ,
la facrifioient fans ceffe au goût de la frugalité
, à l'amour de la patrie ; que dans ces
beaux fiècles , toujours fubordo..née on im
molée au bien public , elle fut l'occafion des
vertus les plus pures & les plus généreuses ,
avant de devenir la fource des vices & des
Gvj
156 MERCURE
crimes. Rouffeau ne fe dit point que s'il n'a pas
été donné aux plus belles inftitutions fociales
d'être éternelles , l'état de nature ne l'eft pas
davantage , puifque tous les Peuples en fortent
pour entrer dans cette civiliſation où il
ne voit que des défordres & des malheurs ;
il fe diffimule enfin que s'il y a des fiècles où
l'homme civilifé n'eft que méchant , il y a
des parties du Globe où l'homme fauvage
n'eft que féroce . Je fuppofe que vous ne
laifferez point échapper ces grandes confidérations
que l'efprit de fyftême a fait perdre
de vûe à l'un des efprits les plus philofophiques
de ce fiècle ; mais à combien d'études ,
de recherches & de méditations vous vous
condamnez ! Millar & Ferguffon , qui en ont
fait de fi profondes & de fi étendues, n'ont
pas voulu décider la queftion. Il faut parcourir
vingt fois tous les âges de l'hiftoire &
tous les climats du Globe , pefer , pour
ainfi dire , la deftinée de tous les fiècles &
de tous les Peuples , interroger fur le fort de
l'homme des milliers de monumens qui
reflent muets à cette question . La raifon , accablée
de la multitude d'objets qu'elle doit
rapprocher , eft humiliée du peu de lumières
qu'elle en tire: plus elle fe mefure avec ce
problême , plus elle reconnoît qu'elle n'est
pas encore en état de le réfoudre ; & de tant
de travaux la trifte preuve de fon impuiffance
eft l'unique fruit qu'elle recueille. Je
fais bien que les connoiffances que je demande
paroîtront peu néceffaires à ces efDE
FRANCE.
157
-
prits préfomptueux qui ne voient point de
bornes à l'efprit humain , parce que leurs
vûes font trop courtes pour les atteindre ;
qui voient du bon ton à prononcer avec
audace , & de la pédanterie à difcuter avec
profondeur ; incapables de favoir même s'ils
poſsèdent la vérité ou fi elle leur manque ,
parce qu'ils n'ont jamais connu ni la douleur
de ne point la voir , ni le fentiment
délicieux dont elle remplit l'âme par fa préfence.
Mais le bon efprit qui trouve fa -modération
dans fa force même n'a point l'ambition
de porter les jugemens au- delà de fes
connoiffances ; il s'arrête où les lumières
l'abandonnent , & pour s'avancer attend
qu'un nouveau jour l'éclaire .
Le moment où l'Auteur écrivoit fur
l'homme primitif l'invitoit même à cette
modération . On a cherché inutilement un
Nouveau Monde dans le Pôle auftral pour
la Géographie & pour le Commerce ; on l'a
trouvé pour la Philofophie & pour l'étude
de l'homme. Les Ifles nouvellement découvertes
dans les mers du Sud , montrent l'efpèce
humaine fous des formes fi intéreffantes
& fi nouvelles , que fi elles ne font pas une
fource de ticheffes pour l'avarice , elles peuvent
être du moins une fource de lumières
pour l'hiftoire de l'homme. La foif de l'or
& la paflion infenfée des conquêtes ne conduiront
parmi ces Peuples ni des Cortès ni
des Pizarre . On ne peut defirer de les connoître
que pour les inftruire ou pour s'inf
158 MERCURE
"
truire avec eux; ils ne peuvent intéreffer que
des Philofophes , & ce n'eft point là fans
doute la momdre partie de leur bonheur.
Ils ont été découverts par des hommes.
très éclairés , par des Navigateurs inftruits ,
auffi en état d'obferver l'homme que les
mers , & qui marquent dans leurs journaux
les moeurs & les ufages des Peuples
avec autant de précifion & d'exactitude que
les vents , les courans & les refcifs . Il y a
loin d'Oviedo à M. de Bongainville , &
d'Améric Vefpuce à M. Cook ; cependant
ces Navigateurs philofophes , occupés à bien
voir & à bien décrire les faits , n'ont pu les
méditer affez pour en tirer toutes les nouvelles
vûes qu'ils renferment ; les réſultats
de leur voyage nous manquent encore.
Pourquoi l'Auteur de la Lettre fur la civilifation
n'a-til pas fouillé dans cette nouvelle
fource de lumières ? Il n'en dit pas un feul
mot. Puifqu'il écrivoit fur l'homme , comment
s'est il cru difpenfé d'étudier l'homine
que ces découvertes lui offroient fous des traits
fi inconnus jufqu'à nos jours , & avec des
mours qui honorent la Nature ? Au lieu
d'un fyfteme il valoit mieux faire des recherches
; au lieu de lutter contre Rouſſeau , il
valoit mieux avoir l'ambition d'égaler M.
Paw. Quelle obligation nous lui aurions s'il
nous avoit donné fur les Infulaires du Sud
un Ouvrage du mérite des recherches fur les
Américains ! Ouvrage mal fait , difent les
Critiques qu'on appelle difficiles , fans ordre
DE FRANCE.
159
& fans méthode , plein d'humeur , d'orgueil
& de fyftêmes ; mais Ouvrage plein d'efprit ,
de connoiffances & de vûes nouvelles , le
premier de tous qui nous ait fait un peu
connoître ce nouveau monde , trouvé depuis
deux fiècles , & qui , j'ofe le dire , l'a découvert
pour la plupart des gens beaucoup plus
encore que Colomb & Vefpuce. Quel art
& quel talent d'attacher l'imagination & de
Fintéreffer , en appliquant fortement l'efprit
de mêler & d'unir enfemble l'hiftoire
de la Nature & celle de l'homme ! quels
vaftes rapprochemens des révolutions du
globe & des révolutions des peuples ! quelle
adreffe à confondre les menfonges des Voyageurs
en dévoilant leurs inepties !
L'Hiftorien du Commerce des Européens
dans les deux Indes , honore du titre d'homme
de génie, l'Auteur des recherches fur les Amé
ricains. J'ignore à quel degré de mérite il
faut parvenir pour mériter ce titre , qui
net un Écrivain au premier rang ; mais je
me plais à recueillir cet hommage rendu à
un Philofophe par un Philofophe célèbre ,
& j'obferverai en même-temps que la plupart
de nos Écrivains , en vers & en profe ,
daigneroient à peine accorder de l'efprit &
du talent à M. Paw ; qu'ils ne verroient dans
fes recherches que des connoiffances qu'ils
ne fe foucient point d'acquérir , & dans fes
vûes , que des ſpéculations qui peuvent fatiguer
le Lecteur. C'eft avec de tels principes
de goût que les fujets les plus féconds & les
plus intéreffans deviennent froids & ftériles ,
160 MERCURE
que le talent deftiné à embellir & à étendre
l'efprit humain , le refferre & le dégrade ;
que des Écrivains, doués d'ailleurs d'un ftyle
élégant & facile , ne pourroienr pas écrire
fur les grands objets une page qui méritât
d'être lûe par un homme qui penfe , & feroient
tranfportés , par les matières qu'ils traitent,
au milieu du fpectacle de toute la nature
des peuples répandus fur tout le globe ,
fans pouvoir trouver dans la richeffe & dans
la magnificence de leur fujet , une feule idée
de quelqu'intérêt ou de quelqu'utilité pour
les hommes.
On peut croire que fi l'Écrivain à qui
nous devons la lettre dont je rends compte ,
eût étudié les moeurs & la vie des Infulaires
des mers du Sud , avec l'efprit philofophique
de M. Paw , il n'eût pas été fi prompt à décider
la queftion qu'il a agitée : il eût penſé
peut être que tous les progrès dont nous
fommes fi vains , ajouteroient peu de chofe
au bonheur de ces hommes fi doux & fi
confians , qui partagent entre- eux , avec tant
d'égalité , les biens que la Nature leur prodigue
avec tant de largeffe ; qui, fans Loix , &
prefque fans Gouvernement , ont prefque
tous les jours cette poule au pot qu'Henri IV
n'efpéroit donner une fois la femaine à fon
peuple , que lorfque le génie de Sully auroit
perfectionné l'adminiftration du Royaume ;
qui , loin de craindre les plaifirs & de les
profcrire , en font leur religion & leur culte ;
où tout un village s'affemble pour célébrer,
par des chants & par des danfes , le moment
DE FRANCE. 161
où deux êtres font heureux ; qui croiroient
ne rien faire pour les étrangers en leur don-.
nant un afyle , s'ils ne leur faifoient part en-,
core de toutes leurs jouiffances. Mon idée:
n'eft point que ces moeurs foient les meilleures
, & qu'il n'y ait pas une autre perfection
; mais je dis qu'elles donnent l'idée
d'un bonheur que l'homme a connu rarement
fur la terre .
Eh ! quepeut- on apprendre à qui fait être heureux !
Je ferai une autre queſtion ; au milieu de
l'Europe éclairée & embellie par tous les
Arts & par toutes les Sciences , parmi ces Monarchies
brillantes de puiffance & de luxe ,
dans ces Républiques établies fur des loix fi
favantes, quel eft le peuple dont les moeurs
& la vie auroient préfenté à nos coeurs une
unage de félicité auffi douce & auffi touchante?
Je l'avoue cependant , ces tableaux peuvent ,
jufqu'à un certain point , nous tromper &
nous féduire , l'imagination aime à oppofer.
une vie facile & fans apprêts , à toutes les vo
luptés dont le genre- humain fe travaille dans
les grandes Sociétés , nous confondons même
trop fouvent , dans des defcriptions de pcuples
& de moeurs , ce qui fait la beauté ou
le charme d'un tableau , avec ce qui fait réellement
le bonheur de la vie. Nos jugemens
font à chaque inftant égarés par ces fortes
de méprifes , d'autant plus difficiles à éviter ,
que l'imagination les produit , & que l'imagination
feule peut donner à l'efprit ce tact
3
162 MERCURE
fin & pénétrant qui les apperçoit & les démêle.
J'avouerai plus encore ; je conviendrai
qu'un Sauvage né avec le caractère le
plus heureux , ne peut jamais être comparé à
un homme civilifé qui a élevé & éclairé fon
âme. Rouffeau lui - même eût avoué , fans
doute , que jamais on ne vit naître parmi
les Algonquins & les Hurons une âme auffi
fublime que celle de Socrate , de Brutus &.
de Fénelon. Je fens au fond de mon coeur ,
& je dirai toujours que ce font ceux qui ont
le plus de vertus & le plus de lumières , qui
font les plus heureux. Le bonheur d'un être ,
quel qu'il foit , ne peut être que dans fa perfection,
& la perfection de celui qui a reçu de
la Nature une intelligence & une confcience,
eft de porter jufqu'à leurs dernières bornes
fespenfees & fes affections bienfaifantes.
Quelle étrange deftinée feroit celle de
l'homme , s'il devoit craindre d'atteindre aux
vertus qui l'ennobliffent , s'il étoit inévitable
qu'il s'égarât toujours en s'éclairant ?
Je n'ai aucun fyftême , je cherche également
dans tous les vérités particulières qu'ils
renferment , & ces aveux ne me mettent
point en contradiction avec moi - même. Je
puis croire à la fois que le fort des Infulaires
des mers du Sud vaut bien le nôtre , & qu'on
peut encore ajouter infiniment à leur bonheur.
Je répondrai donc au vers que j'ai
cité : Eh! que peut - on apprendee à qui fait
être heureux ? A l'être davantage . Mais qui
ofera faire fortir ces peuples d'une ignorance.
DE FRANCE. 163
qui leur a fait tant de bien & fi peu de mai ?
Quelle main ofera toucher à une deftinée
qui eft l'ouvrage de la Nature , & que doivent
envier peut être tous les peuples civilifes
actuellement exiftans fur la terre ? Quelles
loix & quelles inftitutions feront affez pures
pour ne faire germer aucun vice & aucune
paſſion funefte dans ces âmes fimples
& naïves , en les remuant pour leur donner
de nouvelles idées & de nouvelles vertus ?
Je me fais bien l'idée d'un fyftême de civilifation
qui ajouteroit infiniment à la perfection
de l'état de nature le plus parfait ;
mais jufqu'à préfent , dans aucune Société
peut- être, le grand nombre n'a joui d'un fort
qui fût meilleur à l'homme que la condition
des Otaïtiens, des Madecaffes, &c. & il y a eu
une foule de peuples & de fiècles civilifés
où la multitude n'a eu pour partage que la
misère , les vices & l'oppreffion.
J'ole affirmer que pour fe hafarder , fans
la plus coupable imprudence , à faire fortir
ces Infulaires de la condition où les a retenu
la Nature , il faudroit un Légiflateur qui eût à
la fois la douceur de Penn , les vûes de Montefquieu
, & le caractère de Licurgue ; j'ofe
dire que ce n'eft pas une bienfaisance éclairée
qui leur a porté plufieurs de nos Arts , qui
leur a fait part de plufieurs de nos defirs &
de nos inventions , fans leur apprendre à
prévenir le mauvais ufage qu'ils en pourront
faire. Leur génie , éveillé par ces nouveaux
objets , par ces nouvelles jouiffances , peut
164 MERCURE
s'avancer en aveugle vers un état de civilifation
où ils ne trouveront que nos moeurs &
nos maux . Et ce nouveau Colomb , dont
l'éloquence & la poéfie de deux Nations rivales
célèbrent de concert le nom & les
découvertes , le vertueux Cook a préparé ,
peut-être par les bienfaits , le malheur de
ces peuples , dont il étoit l'ami & le père.
Combien l'homme le plus éclairé doit trembler
encore toutes les fois qu'il arrête de fa
main le cours naturel des chofes , & que fe
miettant , pour ainsi dire , à la place de Î'Être
Suprême , il produit des événemens dont
vont dépendre les deftinées d'une partie du
genre-humain !
›
Il eft à croire que fi l'Auteur de la Lettre
fur Homme primitif eût porté fes vûes fur
les Infulaires de la mer du Sud , il eût été
moins prompt à décider que l'homme gagne
toujours en faifant des progrès dans la civilifation.
Lorfqu'une queftion qui a divifé les
plus grands efprits paroît fi facile à réfoudre ,
il faut croire qu'on ne la voit point fous toutes
fes faces ; c'eft ce qui eft arrivé à l'Auteur ,
qui ne paroît point avoir eu cette crainte .
Il a eu un plus grand tort encore que celui
de ne l'avoir point envifagée dans toute fon
étendue i l'a confidérée principalement,
fous un point de vue où il ne pouvoit trouver
aucune des grandes difficultés de la queftion
. Il s'eft attaché fur- tout à prouver que
les progrès de la civilifation adouciffent les
horreurs de les guerres & les haines nationales;
DE FRANCE.
169
mais il falloit marquer d'une manière précife
les effets qu'elle produit dans l'intérieur
des Sociétés , avant de s'occuper de ſes influences
dans les rapports de nation à nation .
Voyons d'abord fi la paix qu'elle nous donne
n'eft pas achetée par le facrifice ou l'abandon
' des droits les plus facrés de l'homme , & ſi
tous les peuples civilifés ne font pas dans le
funefte repos de ces hommes dont parle
Tacite , qui donnoient le nom de paix à la
plus déplorable fervitude , miferrimam fervitutem
pacem appellant. S'il y a même quelque
chofe de prouvé fous le point de vue où
l'Auteur envifage la queftion , c'eſt que , juſqu'à
nos jours , les guerres chez les peuples civilifés
ont été plus longues & plus deftructives
que chez les Sauvages . Dans l'état de nature
les peuples font quelquefois féroces , & furtout
farouches ; mais ce n'eft que dans les
progrès de la Société que les paffions de la
gloire & l'ambition des conquêtes rendent
un peuple l'ennemi de toute la terre ; ce
n'eft qu'alors que toutes les Nations fe forment
une multitude d'intérêts toujours prêts
à fe croifer , & dont le moindre peut embrâfer
le globe. Qu'on ouvre un moment l'Ouvrage
de Montefquieu fur les Romains ,
qu'on jette les yeux fur l'admirable Chapitre
où il développe la Politique de Rome avec
les Nations ennemies ; ce n'eft pas fans effroi
qu'on y voit le génie le plus profond que la
civilifation ait jamais fait naître , opprimer
l'Univers pendant plufieurs fiècles par des
166 MERCURE
principes invariables. Les cruautés des Sauvages
, je le fais , révoltent davantage les
fens & l'imagination , on a peine à foutenir
le récit des fupplices qu'ils font ſouffrir à
leurs prifonniers ; on détourne les regards de
ces tableaux tracés par tant de Voyageurs &
d'Écrivains , où l'on voit une Tribu entière ,
hommes , femmes , enfans , armés de clous ,
de couteaux & de tifons , s'acharnant fur un
malheureux , & cherchant tous à fe furpaffer
en inventant des douleurs dont aucune ne
fera mortelic . Mais très fouvent , au milieu
de tant de bourreaux , il n'y a qu'une feule
victime ; & dans nos guerres on voit
fouvent vingt mille victimes & un feul bourreau.
Une ville livrée aux Hammes , où vingt
mille âmes périffent à la fois , révolte moins
l'imagination que le fupplice d'un feul prifonnier
Sauvage ; on n'y voit point un long
détail de cruautés & de douleurs , l'imagination
n'apperçoit que des flammes qui lui
cachent les infortunés qu'elles dévorent ;
mais le Philofophe ne juge point par ces impreffions
des fens , des maux que la guerre
fait aux hommes ; il compte les victimes , &
il voit que dans nos guerres favantes , fans
qu'aucun homme foit fouillé de fang , les
éclats d'une feule bombe font quelquefois
plus de ravages que des Armées de Sauvages
dans le cours d'une longue guerre.
Mon intention n'eft point de foutenir contre
l'Auteur que la civilifation ne pourra jamais
éteindre les guerres & les haines nationaDE
FRANCE. 167
les , ni d'imiter tant d'Écrivains frivoles, qui ,
fans aucune connoiffance de la nature de
l'homine , & des modifications infinies
qu'elle peut recevoir , fans avoir jamais médite
fur la puiflance prefque fans bornes
d'une légiflation éclairée , afin d'être applaudis
par ces Lecteurs fuperficiels , qui font
toujours du parti des idées communes , ne
parlent du projet d'une paix perpétuelle que
pour répandre le mépris & le ridicule fur la
plus belle & la plus douce eſpérance de
l'humanité. C'eft à l'éloquence qu'il appartenoit
de préfenter cette idee aux Nations de
l'Europe ; c'eft elle qui , en elevant les âmes ,
fait trouver facile toutes les grandes chofes
qu'elle propofe. Rien ne paroît impoflible
là où fe montre le génie. Le bon Abbé de
Saint- Pierre , né avec une âme fublime &
un efprit médiocre , a nui peut - être à fon
projet en le développant dans un ſtyle languiffant
& foible. J'ofe croire que fi Montefquieu
ou Rouffeau l'avoient propofé les
premiers , nos grands Politiques n'en anroient
point ri comme de l'impraticable paix
de l'Abbé de Saint - Pierre . Loin de rejeter
cette efpérance comme un rêve & une chimère
, je penfe donc au contraire qu'elle doit
être le but des opérations de tous les Gouvernemens
; il n'eft démontré que des liaiſons & des
rapports actuels des peuples de l'Europe entreeux
à une confédération qui les uniroit des
liens perpétuels d'une paix univerfelle , il n'y
a pas plusloin que de l'état où étoient la France
t
MERCURE
168
& l'Angleterre fous l'heptarchie & fous la fin
de la feconde race , à l'ordre établi depuis un.
fiècle dans ces deux Royaumes ; que ce projet
paroîtra toujours moins impoffible à mefure
que les loix politiques & civiles fe perfectionneront
dans chaque Empire ; & qu'enfin
fi elles reçoivent jamais le degré de perfection
que l'efprit humain eft capable de
leur donner , de cette foule de Gouvernemens
particuliers établis fur les vrais principes
de la juftice & du droit naturel , naîtra
une bienfaifance générale, & , pour ainfi dire,
un génie univerfel de légiflation affez puiffant
pour gouverner fans eonfufion & fans
trouble cette Société univerfelle formée de
toutes les Sociétés réunies. Mais fi ce projet
´n'a rien en foi de chimérique , d'après ce qui
eft néceffaire pour fon exécution , on voit
qu'il n'eft pas prêt à fe réalifer ; & dans la
queftion que l'Auteur agite , il faut raifonner
beaucoup fur l'expérience du paffé, fur l'état
actuel des chofes , & très- peu fur les efpérancés
de l'avenir .
En un mot , jufqu'à préfent les progrès de
la Société en ont fait faire à l'art de la guerre
autant qu'à tous les autres arts , & nous n'avons
fur les Sauvages que l'avantage de nous
détruire en plus grand nombre avec plus de
fcience & plus de génie. Ce point de vue ,
qui n'étoit pas du tout favorable à l'opinion
de l'Auteur , n'étoit pas , je l'ai déjà dit ,
celui qui forme véritablement la queftion ;
les Nations , qui ne font liées les unes avec
las
DE FRANCE. 169
les autres que par le droit naturel , font encore
à cet égard dans l'état des Sauvages. Il
n'y aura de civilifation entre- elles que lorfqu'elles
auront un droit civil qui leur fera
commun .
C'eft dans les relations qui uniffent entreeux
les membres d'une même Famille &
d'une même Société, que l'Auteur devoit examiner
les effets de la civilifation. Et fous ce
point de vue les objets les plus intéreſſans fe
préfentoient à lui dans un fujet philofophique.
Il eût vu l'homme , réduit d'abord par la
Nature à quelques fenfations groffières , dont
il perdoit le fouvenir à mesure qu'il ceffoit
de les éprouver , fe créer une âme en prenant
des affections plus conftantes , appren
dre dans la Société à devenir père , fils ,
époux , & même amant. Il eût vu commencer
ces affections que nous jugeons éternelles
, & que nous attribuons à la Nature ,
faute de connoître l'époque de la civilifation
où elles prennent leur origine , à peuprès
comme les Égyptiens faifoient fortir
leur fleuve du ciel , parce qu'ils ne favoient
point remonter à fa fource. Il eût affifté ,
pour ainsi dire , à la naiffance du coeur humain
. Il eût vu naître l'amour dans la vie
paftorale , dont l'amour le plaît toujours à
reproduire les images , & des recherches
philofophiques auroient ramené fous nos
veux les tableaux charmans tracés par Théorite
& par Virgile. En fuivant les progrès
de la civilifation & fes paffages de la vie paf
N°. 30 , 26 Juillet 1783. H
170 MERCURE
torale à l'agriculture , de l'agriculture aux
arts de luxe & de volupté , il eût vû fans
ceffe varier & changer le tableau mobile du
coeur humain ; des paffions vieillies s'éteindre,
& de nouvelles paffions fe former tout- à
coup ; comme l'aftronome voit dans le ciel
des aftres difparoître , & s'allumer de nouveaux
foleils. C'eft en étudiant & en traçant
ainfi l'hiftoire des paffions , qu'on peut apprendre
à les connoître , à apprécier les maux
& les biens que l'homme en reçoit , peutêtre
même à les diriger , à s'en rendre le
maître : c'eft- là le vrai tableau du coeur
humain & l'unique morale. Tandis que le
Poëte Dramatique & le Moralifte ordinaire
épuifent leur génie à faifir quelques traits
fugitifs , à peindre l'homme d'un moment ,
à faire parler des paffions dont ils ne connoiffent
ni l'origine ni la durée , le Philofo
phe qui poffederoit cette hiftoire , ne verroit
dans leurs plus fublimes productions que
quelques traits ifolés d'un tableau immenſe
qui feroit tout entier fous fes yeux , qu'un
petit nombre de vérités fubordonnées , qu'il
diftingueroit à peine dans la foule des vérités
importantes dont il tiendroit la chaîne entière.
C'eft alors que l'on reconnoîtroit combien
toutes les exhortations & tousles préceptes de
la moralefont inutiles pour changer les moeurs
d'un peuple dont on ne change point l'épo
que fociale: combien il est peu raifonnable
de prêcher la fimplicité des moeurs de la vie
paftorale, à unpeuple qui s'est avancé juſqu'à
DE FRANCE. 171
l'agriculture , & les vertus domeftiques d'un
peuple qui n'eft encore qu'agriculteur, à une
Nation enivrée des voluptés de tous les Arts :
on verroit que , pour vaincre une ſeule paſfion
, il faut changer les conftitutions entières
; & quoiqu'il lui ait manqué beaucoup
de connoiffances & beaucoup de vûes , quoiqu'on
puiffe lui faire de grands reproches ,
on avoueroit que Licurgue eft le feul homme
peut- être qui ait eu le génie de la morale &
de la légiflation . Le tableau que je defire a
été tracé en partie dans l'Ouvrage de Millar ,
dont j'ai déjà parlé , Ouvrage excellent , fingulièrement
eftimé parmi les Anglois , mais
inconnu parmi nous , quoiqu'il ait été traduit
dans notre langue. J'en ferois peu furpris fi ,
comme l'Ouvrage de Ferguffon , auquel il
peut fervir de complément, fon Livre exigeoit
l'attention forte & foutenue qu'on refufe
fouvent parmi nous aux plus beaux Ouvrages
; mais il a très- peu de ces idées générales
qui , aux efprits ennemis de la réflexion,
paroiffent d'autant plus obfcures qu'elles renferment
plus de lumières : il fe tient toujours
très près des faits ; fon Livre aux Lecteurs fuperficiels
, pent paroître un Recueil de faits
très- piquans , & d'autant plus curieux , que
prefque tous font perdus dans les Hiftoriens
& dans les Voyageurs.
Je me fais attaché dans cette critique à
faire voir ce qui manque à l'Ouvrage beaucoup
plus qu'à relever fes fautes. Mais n'eftse
point- là fouvent ce que doit être la criti-
Hij
170
MERCURE
que ? N'eft- ce point la feule même qu'il faudroit
employer , fi , comme le dit un homme
de goût & un Philofophe , les Ouvrages font
plus fouvent mauvais par les chofes qui manquent
que par celles qu'on y trouve ? Un grand
avantage encore de cette eſpèce de critique ,
& qui me la feroit toujours préférer , c'eſt
qu'elle eft plus douce & plus indulgente ,
qu'elle ne pourfuit pas impitoyablement
un Écrivain dans chacune de fes idées &
dans chacun de ſes mots ; qu'elle peut même
flatter fon amour- propre , puifqu'on lui propofe
des vûes qu'on le juge capable d'exécuter.
C'eft l'intérêt & l'importance du fujet qui
peuvent feuls excufer la longueur de nos obfervations
fur l'Homme primitif; le fujet des
deux autres Lettres n'a pas le même intérêt ,
& nous en dirons peu de chofes . Elles font
d'un bon efprit , qui a des connoiffances ;
mais les connoiffances & le bon efprit ne
fuffifent pas pour lutter contre de grands
Hommes. La Lettre fur l'héroïsme militaire
femble n'avoir d'autre but que d'attaquer le
fyftême de Montefquicu fur les climats. Nous
oferons dire à l'Auteur qu'il n'a pas affez
étudié ce fyftême ; qu'on ne réfute pas dans
deux ou trois pages deux Livres de Monrefquieu
; qu'il n'a pas très bien entendu
l'opinion qu'il combat , & qu'il oppofe de
petites difficultés aux grandes vûes d'un homme
de génie ; c'eft ce qui arrive fouvent ,
parce qu'il n'y a point de vérité morale qui
DE FRANCE. 173
ne puiffe être attaquée par des objections
qui paroiffent de bon fens , fur- tout dans les
matières où le bon fens ne fuffit pas ; mais
l'Auteur étoit capable de mieux voir avec
plus de travail & plus de méditation . Il net
veut point , dit- il , en croire les bruyans
échos de Montefquieu : c'est très - bien fait de
n'en croire que foi. Mais je doute qu'il entende
dans notre Littérature beaucoup d'échos
de Montesquieu . Il a eu de bruyans détracteurs
; & pour le petit nombre de ceux qui
ont ofé le défendre , il me femble qu'ils fe
font plus occupés à avoir raiſon qu'à faire
du bruit. C'eft principalement fes vûes fur
le climat que tout le monde a voulu combattre.
Mais on a fait là- deffus beaucoup de
mauvaiſes plaifanteries & peu de bons rai
fonnemens. Quand on difoit que Montef
quieu attribue tout au chaud & au froid , on
croyoit avoir réfuté Montefquieu . En général
, fi l'on en excepte un Chapitre du Contrat
Social , & une note du Poëme des Saifons
, où la queftion eft très- bien vûe , quoiqu'elle
n'ait pu y être approfondie , depuis
J'Efprit des Loix , on n'a guères écrit en
France fur cet objet que des choſes qui ne
valoient pas la peine d'être écrites . Quelques
Écrivains Anglois , au contraire , ont porté
beaucoup plus loin les vûes de l'Esprit des
Loix ; mais ces Écrivains profonds défendent
Montefquieu , & ne s'en moquent pas.
La Lettre fur le defir de l'Immortalité eft ,
fans nul doute , ce qu'il y a de meilleur dans
Hiij
174
MERCURE
la Brochure que nous annonçons . L'Auteur
a le mérite de paroître avoir fenti ce qu'il
écrit ; mais pourquoi mêler à des idées générales
, qui font intéretfantes , la fatyre d'un
grand Homme qui a été malheureux ? Pourquoi
, en parlant de l'immortalité , infulter
un Philofophe que fon génie a rendu immortel
? Dans la première Lettre , l'Auteur a attaqué
une opinion de Rouffeau ; certe attaque
en annonçoit une autre. Voici ce qu'on
lit dans la Lettre fur le defir de l'Immortalité.
« Je ne trouve rien de plus odieux que
l'orgueil d'un faux Philofophe , qui , ne
» voulant pas que le Public perde rien de
» tout ce qui le concerne , laiffe à ſa mort
le tableau des crimes & des ordures qu'il a
commis pendant fa vie..... Ces fortes de
» gens manquent toujours leur but ; ils peuvent
échauffer l'imagination , mais non la
fatisfaire..... Celui qui ne croit pas ce qu'il
» écrit, eft le plus fouvent froid , fec , diffus ,
» & n'intéreffe que foiblement. Bientôt le
» Lecteur s'apperçoit de la fupercherie du
Sophifte ; il fe met en garde contre la féduction
, relit l'Ouvrage en critique , &
finit par méprifer le Livre & fon Auteur...
J'avoue pourtant qu'il y a des Sophiftes
qui ont affez de talent pour faire fecte ,
pour féduire même des talens très inf
truits ; & dans le nombre de ceux que je
pourrois citer , il fuffit de nommer Jean-
Jacques Rouffeau. »
33
"}
"
ور
On croiroit d'abord qu'il n'y a que ces
DE FRANCE 175
derniers mots qui attaquent Jean Jacques
kouffeau ; mais il eft clair que tout le pa
ragraphe le regarde ; il eft clair que c'eſt
l'Auteur des Confeffions qu'on a voulu défigner
par le faux Philofophe qui laiffe après
fa mort le tableau des crimes & des ordures
qu'il a commis pendant fa vie. A quoi bon
tergiverfer & ne pas montrer nettement fa
penfee ? L'amour feul de la vérité peut
donner le courage d'accufer un homme
célèbre , lorfque ce n'eft point l'envie
ou la haine ; mais alors pourquoi ces ména
gemens qui trahiffent la vérité , fi c'est pour
-elle qu'on élève la voix , & qui font une injure
de plus pour le talent que l'on infulte ?
Nous ne voulons point caractériſer cette
manière de parler d'un homme tel que Rouffeau
; mais ne femble t'il point qu'on veuille
accomplir ce que prédifoit ce grand Homine ,
du tribut d'outrages & d'indignités qu'on
préparoit à fa mémoire en forme d'Oraifon
funèbre. Quant aux reproches contenus dans
ce paragraphe , que nous avons bien eu quelque
peine à tranfcrire , tous ceux que la haine
& l'envie n'aveuglent point, verront fans
peine combien ces reproches font fondés ; on
verra combien il eft jufte de confondre un
ami de la vérité qui écrit l'hiftoire des foibleffes
de la vie, pour s'en accufer, avec celui
qui décrit les vices de fon coeur pour en répandre
le goût & la contagion on fe demandera
fans doute fi l'Auteur d'Émile ,
de l'Héloïfe & du Contrat Social , avoit en-
HAV
176 MERCURE.
core befoin d'écrire quelque chofe pour fe
rendre immortel ; fi un hypocrite n'auroit
pas mieux aimé laiffé eroire à la postérité
que fes moeurs avoient toujours été aufli
pures que fa morale , & qu'il avoit pratiqué
la vertu auffi conftamment qu'il l'avoit aimée.
Nous laifferons à décider fi les délires
& les égaremens d'une imagination , à la
fois timide & ardente , ne doivent pas être
diftingués des deffeins réfléchis & foutenus
de la méchanceté ; s'il eft jufte que les hommes
méprifent & haïffent un homme qui ,
contrarié conftamment dans tous les goûts
& dans tous fes penchans , placé par le fort
dans une condition ignominieufe avec un
génie profond & élevé , n'a commis , pendant
foixante dix années qu'il a vécu , que les
fautes d'un enfant ? Si enfin l'extrême amour
de vérité qui a dicté fes Confeffions ne doit
pas lui faire acquérir plus d'eftime encore
que les fautes ne peuvent lui en faire perdre ,
fi l'homme qui a fait de pareils aveux n'eft
pas encore au-deffus de celui qui n'auroit aucune
foibleffe à avouer ; que la postérité prononce
; c'est à elle fur- tout que Rouffeau a
fait fes Confeffions..
Nous finirons en donnant à l'Auteur de
ces Lettres un confeil qui pourra lui être
utile , s'il eft jeune encore. Nous ne fommes
plus au temps où quelques vûes éparfes fur
des objets particuliers de politique ou de
morale pouvoient faire une réputation à
keur Auteur. On permet encore à un Poëte
DE FRANCE. 177
de faire imprimer une Ode ou une Épître ,
même un Madrigal ; ces Ouvrages ont atteint
leur but lorfqu'ils ont procuré un plaifir du
moment à des Lecteurs qui à tous les momens
veulent des plaifirs nouveaux ; quand
on écrit fur des objets férieux , on ne peut
intéreffer fes contemporains même , qu'en
répandant une grande lumière jufques fur la
poftérite. Nous avons une infinité de morceaux
excellens fur prefque tous les points
de morale & de légiflation ; on n'attachera
plus déformais un grand prix qu'à des Ouvrages
où l'on fera de toutes ces lumières
éparfes un corps de lumière. La Fable a fuppofé
que lorfque tous les êtres furent créés ,,
le maître des Dieux les fufpendit tous à une
chaîne attachée à fon trône. La gloire ne fera
déformais que pour les Écrivains qui fufpendront
toutes les vérités de détail à quelques
principes créés par leur génie. On ne
paroîtra pas fans doute tous les jours fous les
yeux du Public ; mais le befoin d'occuper
de foi à tous les momens eft le befoin d'un
efprit & d'une âme foible. L'homme de
génie tranfporte fes jouiffances comme fa
gloire dans la poftérité ; & il meurt content
sil laiffe un bel Ouvrage fur fon tombeau.
( Cet Article eft de M. Garat. ),
Hy
178
MERCURE
RAPPORT de MM. Cofnier , Maloet
Darcet , Philip , le Preux , Defeffarty&
Paulet , Docteurs- Régens de la Faculté
de Médecine de Pars , fur les avantages
reconnus de la nouvelle méthode d'admi
niftrer l'Électricité dans les maladies Nerveufes
, particulièrement dans l'Epilepfie
& dans la Catalepfie ; par M. Ledru
connu fous le nom de Comus; lû à l'Af
femblée de cette Faculté , dite du Prima
Menfis , tenue au mois d'Avril dernier,
Ce Rapport eft précédé de l'apperçu du
fyfteme de l'Auteur fur l'agent qu'il em→
ploie, & des avantages qu'il en a tires.
mprimé par ordre & aux frais du Gouel
n ement. A Paris , de l'Imprimerie de
hip pe Denys Pierres , Imprimeur ordi
naire du Roi , de la Police , &c. ruẹ
S. Jacques.
M. Ledru , fi long temps connu fous le
nom de Comus , a amufé les loisirs , & caprivé
l'admiration des curieux par des fecrets &
des fubtilités que lui fourniffoient fon adreffe
& une étude approfondie de la Phyfique,
Les phénomènes qu'il expofoit aux yeux du
Public , l'auroient fait paffer , quelques
fiècles auparavant , plutôt pour un Sorcier
que pour un favant Phyficien , & lui auroient
valu , à coup sûr , les honneurs d'un
Autodafé. Mais fon génie , qui ne s'etoit con
facré jufqu'ici qu'à nos plaifirs , vient de fe
DE FRANCE. 179
dévouer au bien de l'humanité ; & la décou
verte qu'il a faite lui donne des droits à la
reconnoiffance publique.
Il vient d'entreprendre la guérifon des maladies
nerveufes , notamment de l'épilepfie
( mal caduc ) qui , juſqu'ici , avoit échappé
au pouvoir de la Médecine. Toutes les maladies
affectent la fubftance nerveufe ; mais
il en eft qui lui font particulières , & dont
l'effet eft le dérangement du fenforium , partie
du cerveau qui fert de point central au genre
nerveux. Le Guide électrique , dont une
portion s'amalgame avec la fubftance nerveufe
, devient par là le miniftre des fenfar
tions & de l'action , L'interceptation ou le dér
rangement de cet agent occafionne les maladies
dont nous venons de parler, M. Ledru
a cherché dans la Phyfique un ftimulant
analogue à ce fluide nerveux , qui en puiffe
rétablir la circulation ; & il a cru l'avoir
trouvé dans l'électricité , adminiftrée fuivant
une méthode qui lui eft particulière . Dans
cette perfuafion , & après plusieurs effais
heureux , il a obtenu la permillion de traiter
des épileptiques , choifis à l'Hôtel - Dieu par
des Médecins de la Faculté , qui ont constaté
l'état des malades en les remettant dans fes
mains , qui ont fuivi leur traitement , & qui
ont pris acte à mefure des effets progreflifs
du remède. Parmi les fujets qu'il a traités ,
il faut diftinguer une fille de dix neuf ans ,
nommée Héron , qui , dans fes convulfions ,
pouloit des cris qui reffembloient au bruit
Hvj
180 MERCURE
du tambour , & que quatre hommes avoient
de la peine à contenir ; il faut diftinguer furtout
Chriftine Walerine , femme Clinger ,
qui avoit eu un accès de trente jours , pendant
lequel elle étoit reftée dans la plus parfaite
immobilité , fans manger ni boire.
M. Ledru a guéri tous les malades qu'il a
entrepris , après un traitement plus ou moins
long ; & il n'a voulu publier les fuccès
qu'après un laps de temps affez conſidérable ,
pour laiffer moins de doutes fur leur parfaite
guérifon. Ses procédés ont été examinés par
la Faculté avec l'attention la plus fcrupuleufe
; & d'après leur atteftation , on peut
regarder cette découverte comme un des
plus fignalés bienfaits que le génie ait répandus
fur l'humanité. L'hiftoire de cette découverte
eft revêtue des circonftances les
plus honorables. Un Prince cher à la Nation ,
Mgr. le Duc d'Orléans , en a parlé le premier;
un célèbre Miniftre , M. le Comte de
Vergennés , l'a favorifée ; un Magiſtrat bienfaifant,
M. le Noir , y a pris le plus grand
intérêt , & des perfonnes des plus diftinguées
par le rang & la naiffance ont affifté au traitement.
M. Ledru donne , dans l'Écrit que nous
annonçons , l'hiftorique des maladies qu'il a
traitées , & il cite le nom des malades quand
il lui eft permis de le faire. L'électricité n'expofe
à aucun danger , pourvu néanmoins
qu'elle foit adminiftrée avec les précautions
néceffaires ; car elle peut faire mourir , fi la
DF FRANCE. 181
commotion eft portée fur tels endroits du
corps humain , obfervés par MM. Ledru père
& fils. Ils font fi sûrs des endroits où l'on
peut la porter fans aucun danger , qu'ils fe
foumettent eux- mêmes au traitement qu'ils
font fubir aux malades .
Il réfulte de leurs expériences , que l'adminiftration
de l'électricité rend les accès
d'épilepfie plus fréquens , enfuite plus rares ,
& qu'elle les fait enfin ceffer tout à faits ,
qu'employée dans le temps de l'accès , elle
le tempère , & en abrège confidérablementla
durée ; que les accès par la continuation
du traitement s'affoibliffent au point de fe
convertir en fimples reffentimens ; qu'elle
favorife toutes les fecrétions , & même les
excrétions , & fait naître ou rétablit les évacuations
périodiques des femmes ; qu'elle
réveille , ranime & fortifie le mouvement
mufculaire ; & qu'enfin elle n'attaque point
l'a poitrine , & ne produit aucun des accidens
qu'on avoit craints.
SPECTACLES.
COMÉDIE FRANÇOISE.
LE Mercredi , Juillet , on a remis la Fille
Suppofée , ou le Mariage Interrompu , Comédie
en trois Actes & en vers , par M. de
Cailhava.
182 MERCURE
Une jeune Veuve qui plaide avec fon beaupère
, eft venue loger , fans le favoir , dans
la maifon du père d'unjeune homme qu'elle
eft fur le point d'époufer. Le vieillard revient
du voyage qui a cauſe ſon abſence . On eft
oblige d'avoir recours à une rufe . Le bonhomme
attend de Bordeaux une fille qu'il
n'a pas vue depuis l'âge de trois ans ; on
lui fait croire que la Veuve eft cette fille.
Cependant celle- ci fe reproche de tromper
la fenfibilité , & d'abuſer de la bonne- foi du
vieillard . On eft donc obligé de lui tout découvrir.
Comme fon avarice eft extrême ,
il trouve très mauvais que fon fils aime une
Veuve fans fortune. Diverfes raifons interrompent
ainfi le mariage des deux amans ,
juſqu'à l'inſtant où le beau père de la Veuve
confent à terminer le procès , & à lui donner
cent mille écus.
Cet Ouvrage a été donné , pour la première
fois , le 10 Avril 1769. Il fut trèsbien
accueilli à la première repréſentations
mais dans le cours des cinq qui la faivirent,
il fut très peu fuivi. Uue indifpofition du
célèbre Préville empêcha de donner la feptième
, qui avoit été annoncée. Depuis ce
temps la Pièce n'avoit pas reparu. Le fonds
eft tiré d'une Comédie de Plaute. M. de Cailhava
a fu accommoder à nos moeurs les
fituations qu'il a prifes dans le Poëte Latin
On lui a reproché , avec raifon , d'avoir multiplié
, fans une grande néceffité , les rufes
du Valet qui fait marcher l'intrigue , parce
DE FRANCE. 183
le dénouement eft tout à fait étranger à la
dernière rufe que ce Valet met en oeuvre.
On eft d'autant plus en droit de lui faire ce
reproche , que dans le Tuteur Dupé , M. de
Cailhava a lu vaincre une difficulte que les
Auteurs Comiques ont rarement vaincue ;
celte d'expofer , nouer & dénouer , toujours
par le ministère du même perfonnage. Cette
remife a eu du fuccès , & peut , en quelque
façon , dedommager l'Auteur d'avoir foupiré
pendant quatorze ans après la repriſe
de fa Comédie.
COMÉDIE ITALIENNE.
LE Samedi 28 Juin , M. Chenard a debuté
dans l'emploi des Baffes- tailles , par le rôle
de Jacques , dans les Trois Fermiers , &c.
Nous avons rendu compte , dans le tems,
du Début que M. Chenard a fait à l'Académie
Royale de Muſique . S'il y a du Iapport
entre plufieurs des moyens qu'un Acteur
doit employer pour obtenir des fuccès , tant
fur le Theatre de l'Opéra que fur celui de
la Comédie Italienne , il y a auffi une différence
très marquée entre quelques autres : en
conféquence n'us allons ajouter quelques détails
à ceux que nous avons dejà imprimés
en parlant de M. Chenard . Ce Comédien
nous paroît beaucoup mieux placé dans
l'Opéra Comique que dans le grand Opéra.
Sa figure , l'expreffion de fa phyfionemie , le
gente de fa voix , la nature de fon jeu con
184
MERCURE
+
1
viennent bien davantage à la Comédie qu'au
Drame noble. Il a de la gaîté , de l'aifance ,
peut être un peu de monotonie dans le gefte ;
mais fon jeu eft animé & guidé par une affez
belle intelligence pour que l'on puiffe
efpérer qu'il en fera difparoître les défauts
qui le déparent. Le feul que nous croyons
devoir lui reprocher publiquement , c'eft.
l'habitude qu'il paroît avoir contractée de
courir la Scène à grands pas , & de laiffer
ainfi fon interlocuteur dans une impoffibilité
fouvent abfolue de lui adreffer ce
qu'il doit lui dire. Il en résulte que la repréfentation
y perd de la vérité , le Spectateur
de l'illufion , & l'Acteur des applaudiffemens.
Nous l'inviterons aufli à modérer les
éclats qu'il donne fouvent à fa voix quand il
la porte dans les fons aigus. Ce paffage brufque
& imprévu , ces tranfitions dures frappent
défagréablement l'oreille , & alarment
la fufceptibilité des gens de goût . D'ailleurs,
on ne fauroit trop le redire , jamais l'expreffion
ne fe trouvera dans les cris : ou fi elle
s'y trouve quelquefois ; ce ne fera que dans
des fituations violentes , rarement admiffibles
fur le Théâtre de la Comédie Italienne ,
fur tout dans l'Opéra - Comique. Au reſte
nous croyons que M. Chenard peut être fort
utile à ce Spectacle , & devenir très - agréable
au Public..
2
LE Lundi jo du même mois , on a donné
la première repréſentation de Blaife &
Babet , Comédie en deux Actes & en profe
DE FRANCE.
185
mêlée d'ariettes , par M. Monvel , mufique
de M. D. Z.
Cette Comédie fait fuite au Trois Fermiers.
Babet s'eft levée de grand matin. Elle
attend Blaife , fon prétendu. En attendant
elle fait des bouquets pour la fête de fon
grand- père Mathurin. Le retard de Blaife lui
donne de l'humeur ; elle rentre chez fon
père quand elle le voit arriver. Blaiſe appelle
Babet . Elle eft quelque temps fans lui répondre.
Elle paroît à fa fenêtre , & c'est envain
qu'elle appelle Blaife à fon tour. Enfin
elle defcend . La vûe du bouquet donne de
la jaloufie à Blaife ; Babet en prend auffi
quand elle voit que Blaife porte un joli ruban
attaché à fa boutonnière. Les fuites de
cette jalousie brouillent les deux amans , qui
fe quittent en jurant de n'être jamais l'un à
l'autre . On annonce l'arrivée du Seigneur
du même M. de Belval à qui les Trois Fermiers
ont prêté , l'année précédente , une
fomme confidérabe , au moyen de laquelle il
a confervé fa Terre qu'il vouloit vendre. Il
rembourfe fes payfans , donne douze mille
livres pour marier fix jeunes filles , deux années
du revenu de fa Terre pour la dor de
Babet , & déclare qu'il veut que Blaife & la
petite fille de Mathurin marchent à la tête des
fixnouveaux ménages . Cette nouvelle augmente
la douleur que les deux jeunes gens ont
éprouvée depuis l'inftant de leur rupture. La
querelle amoureufe des deux jeunes villageois
amufe un moment M. de Beival , qui , après
>
186 MERCURE
avoir écouté tour - à- tour les plaintes de Blaife
& de Babet , fe donne le plaifir de les réconcilier.
Les amans tremblent d'abord de s'approcher
; chacun d'eux , fans ofer regarder
l'autre , lui apprend que c'étoit à lui qu'étoit
deftiné l'objet qui a caufé fa jalousie . Babet
reçoit le ruban , Blaife le bouquet ; puis ils
fe retournent & s'embra !lent. Alors toute la
famille vient offrir des bouquets au vieux
Mathurin , & c'eſt M. de Belval qui lui pré--
fente le premier.
Nous avons paffe fur quelques détails, ou
gais ou intéreffans , qui s'accordent très bien
avec la marche de la Pièce , mais qui au-
"roient donné à notre analyfe une trop grande
étendue.
Cer Ouvrage eft fort fupérieur à celui
dont il eft la fuite . Les brouilleries d'amans
fot très- communes au Théâtre ; mais celle
qui fait le fonds de cette Comédie eft filée
avec tant d'art , le caractère des deux jeunes
villageois eft d'une can leur & d'une naïveté
fiat chantes , que la fituation paroît abfolument
neuve. D'ailleurs , la mulique eft ravif
fanre. A une expreffion toujours vraie , toujours
locale , elle unit le mérite d'une mélodie
douce & remplie de grâces. M. D. Z.
a ramené quelquefois , avec beaucoup d'adreffe
, les motifs dans lefquels il a compofé
quelques morceaux de la mufique des Trois
Fermiers. Ces motifs font rappelés de
manière à ajouter de l'intérêt , & à faire
naître des fouvenirs agréables au Public , &
DE FRANCE. 187
avantageux pour la réputation de M. Monvel
& de M. D. Z. On ne fauroit donner trop
d'éloges aux Acteurs qui repréfentent les Perfonnages
de cette charmante Comédie.M.Rozière,
dans le rôle de Mathurin; M. Narbonne,
dans celui de Jacques ; M. Ménier , da s
celui de Delorme , ont fait un très grand
plaifir ; Mme Gonthier joue le rôle de la
Mère Alix avec une gaîté rare & pleine de
vérité. M. Michu a eté vrai & intéreffant
dans le rôle de Blaife . Mais il eft difficile de
peindre toutes les nuances de talent que
Mme Dugazon a développées dans le rôle de
Babet. Naturel , comique , naïveté , intelligence
, fenfib: lité; elle n'a laiffé échapper
aucun des traits qui forment le caractère du
perfonnage qu'elle avoit à repréſenter. M.
Granger a été noble , aimable & fenfible
dans le petit rôle de M. de Belval. En peu
de mots on peut affarer qu'on verra trèsratement
jouer un Ouvrage Comique avec
autant de perfection dans l'enfemble & dans
les dérails.
ANNONCES ET NOTICES.
HISTOIRE fecrète de Bourgogne , rar Mlle de la
Force. 3 Vol . in- 12 . fur papier fuperfin d'Annonay.
Prix , 18 liv. br. A Paris , de l'Imprimerie de Didot
l'aîné , rue Pavée.
Cet Ouvrage commence une Collection de Romans
hiftoriques qui paroîtra facceffivement. Sans
attaquer les Auteurs de ce geared Roman , on ne
188 MERCURE
4
peut pas fe diffimuler qu'il mérite un grave reproche.
Les partifans de la vérité ne fauroient voir avec
plaifir un genre qui tend à confondre le vrai avec
le faux , qui défigure les noms & les faits les plus
connus. Si le Romancier fe reconnoiffoit toujours
pour tel , s'il avouoit toujours par fon titre , qu'il va
parler plutôt d'après fon imagination que d'après
T'hiftoire , il feroit moins de dupes ; mais il donne
très-fouvent à fes récits les dénominations les plus
captieufes , les plus propres à furprendre la confiance
de fes Lecteurs; de façon qu'auprès de la postérité
furtout , il est sûr de couvrir de ténèbres les faftes
de l'Hiftoire déjà affez infectés d'erreurs . Il étoit au
moins à defirer qu'un Littérateur inftrait s'occupât
du foin de féparer dans ces fortes d'Ouvrages les
erreurs d'avec les vérités ; & c'est ce que vient d'entreprendre
l'Éditeur de l'Ouvrage que nous annonçons.
En réimprimant les Romans Hiftoriques , il y
joint une notice fur les perfonnages mis en jeu par
le Romancier , & des remarques qui rétabliffent les
dates & les faits altérés dans fon récit. Ce feul
expofé fuffit pour faire fentir l'utilité de cette entrepriſe.
EUVRES choifies de le Sage , avec figures. Première
Livraiſon , contchant le Diable Boitcux, I
vol. in -8°. Hiftoire de Gilblas de Santillane , 2 vol.
in- 8° . Aventures de Beauchêne , 1 vol. in 8 ° . A
Amfterdam & fe trouve à Paris , rue & hôtel
Serpente.
•
On voit que le malheur arrivé à M. Cuchet ne l'a
pas empêché de remplir fes engagemens. Cette
exactitude eft une preuve de fon zèle , & fait bien
augurer de cette entrepriſe , qui d'ailleurs nous paroît
faite pour réuffir . Les Romans de le Sagejouiffent
d'une eftime d'autant plus méritée , que fa réputation
paroît s'accroître de jour enjour. On ne lui a pas rendu
DE FRANCE. 189
de fon vivant toute la juftice qui lui étoit dûe ; c'eſt
qu'il n'étoit pas riche , & qu'il fut par conféquent ſans
prôncurs. La pauvreté d'un Auteur empêche fouvent
fes Ouvrages de faire fortune. Mais la poftérité , qui ne
voit plus l'homme , apprécie plus juftement fon mérite
; & nous rendons enfin un digne hommage à la
mémoire d'un homme à qui nous devons de bons
Romans , Crifpin rival de fon Maûre , & Turcaret.
Cette dernière Pièce tiendra toujours fon rang parmi
nos bonnes Comédies. Le dialogue vif & faillant de
le Sage répond à la vérité cauftique de fon pinceau ;
il possède le genre de la Comédie fatyrique. Il eſt
vraisemblable que Turcaret n'auroit pas été permis
de nos jours. Il eut de la peine à l'être du vivant de
l'Auteur ; mais ce qu'il y eut de fingulier , c'est que
les obftacles qu'il eut à vaincre ne lui furent pas fufcités
par les Financiers qu'il attaquoit fort vivement ;
mais par les Comédiens , qui ne jouèrent la Pièce
que moyennant des ordres fupérieurs.
Le Sage mourut très vieux ; & fa caducité fut
trifte. Par une fingularité affligeante , il ne jouiffoit
guères de fes facultés morales que dans le milieu du
jour. Le foleil en s'approchant de fon midi , lui rendoit
fa force & fa fenfibilité ; mais fon déclin le
replongeoit dans une foibleffe léthargique , bien
faite pour humilier la pauvre raifon humaine .
On foufcrit pour les OEuvres choifies de le Sage &
de l'Abbé Prévost , à Paris , chez Cuchet , rue &
hôtel Serpente , & chez les principaux Libraires de
l'Europe. La Collection des deux Auteurs formera
environ so vol in- 8 ° . avec des figures faites fous
la direction de MM. Delaunay & Marillier. Le
prix de la Soufcription eft actuellement de 3 liv.
12 fols le volume broché , & fera maintenu ainfi
jufqu'à la fin de Décembre prochain parlé lequel
temps on ne pourra plus foufcrire , & les volumes
feront alors du prix de 5 liv.brochés & 6 liv . reliés,
190
MERCURE
1
On a tiré 24 exemplaires fur papier de Hollande , à
12 liv. le vol. broché. La feconde Livraifon fe fera
à la fin du préfent mois de Juillet , & les autres fucceffivement
de mois en mois ; elles feront compofées
de trois à quatre volumes.
LES Enfans élevés dans l'ordre de la Nature , on
Abrégé de l'Hiftoire Naturelle des enfans du premier
age , à l'ufage des pères & mères de famille ; par
M. de Foureroy , Confeiller du Roi au Bailliage de
Clermont en Beauvoifis . Nouvelle Édition , revue &
augmentée. A Paris , chez Nyon l'aîné , Libraire ,
rue du Jardiner.
Cet Ouvrage utile , & infpiré par l'amour de
Phumanité , feroit eftimable par fon objet , quand il
ne le feroit point par fon exécution ; mais à ce mérite
, il joint celui d'être fidèle aux boas principes ,
& d'être fait avec autant de fagacité que de lagelſe.
MANUEL fur les Propriétés de l'Eau , particu
lièrement dans l'Art de guérir , par M. Macquarr ,
Docteur- Régent de la Faculté de Médecine de l'aris ,
Affocié ordinaire de la Société Royale de Médecine.
A Paris , chez Nyon l'aîné , Libraire , rue du
Jardinet.
MM. Colombier & de Fourcroy ont rendu à la
Société Royale de Médecine un compte avantageux
de cet Ouvrage ; c'eſt un préjugé en la faveur.
La quatrième Livraifon de l'Encyclopédie méthodique
fera mife en vente le Lundi 28 du courant,
Cette Livraiſon fera compofée ; favoir , Grammaire
& Littérature , Tome 1 , deuxième Partie ; Géogra
phie , Tome I , deuxième Partie ; Jurifprudence ,
Tome II , deuxième Partie ; Arts & Métiers , Tome
II , première Partie. Le prix de cette Livraiſon fera
de 22 liv, en feuilles , & de 24 liv. broché ,
DE FRANCE. 191
RECHERCHES fur la nature & le traitement de
la Fièvre Puerperale , ou Inflammation d'Entrailles
des Femmes en couches, par M. Delaroche , Médecin-
Confultant de Mgr. - le Duc d'Orléans , Membre du
Collége des Médecins de Genève , & de la Société
Royale de Médecine d'Édimbourg Prix , 2 l . 8 f. br.
A Paris , chez P. Fr. Didot le jeune , Imprimeur-
Libraire , quai des Auguftins.
Cet Ouvrage ne laiffe rien à defirer for le fujer
qui y eft traité. L'Auteur y marche au flambeau de
l'expérience. Il s'eft rencontré , fur les remèdes qu'il
propofe, avec M. Doulcet ; & cet heureux hafard n'eft
qu'un préjugé de plus en faveur du fyftême adopté .
On trouve chez le même Libraire , l'Analyse du
Systême Nerveux , du même Auteur, 2 vol. in- 8 ° .
Prix , 6 liv. br.
1
HISTOIRES Édifiantes , pour fervir de Lecture aux
jeunes Perfonnes de l'un & de l'autre fexe. Nouvelle
Édition , revue , mife en ordre , & confidérablement
augmentée , par M. Collet , Prête de la Congréga- ,
tion de la Miffion , Docteur en Théologie, Prix ,
3 liv relié. A Paris , chez la Veuve Ducheſne , Libr,
rue S. Jacques,
Duché , de l'Académie des Infcriptions , avoit fait
fous ce titre un Ouvrage que M. Collet a cru
fufceptible d'être perfectionné. Il lui a donné plus
d'étendue. A l'Hiftoire de Judith , qui eft plus à admirer
qu'à imiter , il a ſubſtitué celle de Jofeph. Il a
terminé celle de Mélanie , qui étoit incompletre , &
y a joint celles de Sainte- Adélaïde , d'Elifabeth de
la Croix , & d'Armelle Enfin il termine ce Volume
par deux Lettres , l'une fur les Spectacles , l'autre fur
la Lecture des Romans. On ne peut qu'applaudir aux
ûes morales & chrétiennes de M. Collet.
VRES Completes de M. Saurin, de l'Académic
192
MERCURE
Françoife . 2 vol. in- 8 ° . Prix , 8 liv, broc . A Paris ,
chez la Veuve Duchefne , Libraire , rue S. Jacques .
On fépare le Tome II pour compléter l'Édition
précédente. Il fe vend broché 3 liv.
―
JOURNAL de Clavecin , N° . 6. Ouverture de
Paifiëllo , arrangée par M. Blin . Rondeau à
quatre mains , par M. Kirkman ; le dernier morceau
eft de M. Hayden .
-
-
Un Air de Renaud ,
Un Air de Ballet d'Ar-
- Vivent les Fillettes
-- Un air de Péronne
Une Romance de M.
On s'abonne pour
Journalde Harpe , Nº. 7.
arrangé par M. Meyer .
mide , par M. Breidenbach .
en variation , par M. Fabry.-
Sauvée , par M. Raboin .
Fargere , par M Deleplanque .
ces deux Journaux , qui paroiffent exactement chez
ie Duc , rue Traverfiere S. Honoré , au Magafin de
Mutique . Prix de l'abonnement pour douze Cahiers ,
Is liv, franc d port. Chaque Cahier féparément ,
2 liv. 8 fols , auffi franc de port.
Voyez, pour les Annonces des Livres , de la
Mufique & des Eftampes , le Journal de la Librairie
fur la Couverture .
FRAGMENT
TABLE.
RAGMENT d'une Épître à
mes Livres ,
145
Réponse Bachique à la Chaxmitif
de l'Homme ,
Rapport de MM. de la Facul
té de Médecine ,
151
178
181
fon de M. de St Ange , 1 6 Comédie Françoife ,
Vers à M. de la Harpe, 148 Comédie Italienne ,
Enigme & Logogryphe , 150 Annonces & Notices ,
Suite des Lettresfur l'état pri-
APPROBATION.
183
187
JAI lu , par ordre de Mgr le Garde des Sceaux , le
Mercure de France , pour le Samedi 26 Juillet . Je n'y ai
rien trouvé qui puiffe en empêcher l'impreſſion. A Paris ,
le 25 Juillet 1783. GUIDI.
JOURNAL POLITIQUE
POLITIQUE
DE BRUXELLES.
TURQUI E.
De CONSTANTINOPLE , le 11 Mai.
CONFOR
ONFORMÉMENT aux ordres du Grand-
Vifir , il défile continuellement des troupes
vers la frontière où elles forment déja
un corps confidérable. Les Janıffaires ont
commencé leurs exercices & les continueront
journellement fous la conduite d'Officiers
habiles appellés de l'étranger. Le Divan
& plufieurs Mufulmans voient aujourd'hui
la néceffité de former nos troupes aux
manoeuvres . On croit toujours que la Porte
a en vue une entreprife fur la Crimée , ой
l'on a , dit - on , envoyé des Emiffaires pour
tâcher de foulever les Tartares. La divifion
de l'efcadre partie dernièrement fous les
ordres du Vice-Amiral , doit convoyer le
tranfport des troupes que l'on tire d'Afie.
Les troubles excités à Smyrne par les
recrues que l'on y fait pour les Algériens
s Juillet 1783.
( 2 )
J
font appaifés , & graces aux foins du Mufelim
, ces levées le continuent fans qu'ils
fe renouvellent. On croit qu'elles vont être
interrompues ; on compte déja 740 homines
, dont partie eft embarquée ſur un bâtiment
, & le refte le fera bientôt fur un
autre pour les rendre à leur deſtination .
ON apprend de Cherfon qu'on y a lancé
depuis peu 3 vaiffeaux de guerre , & que
autres croifent dans la mer Noire.
L'efcadre équipée à Cronstadt fous le
commandement de l'Amiral Tfchikakow
eft compofée de 10 vaiffeaux de ligne dont
3 font neufs ; elle n'attend que fes derniers
ordres pour mettre à la voile ; & il paroît
qu'ils feront expédiés à l'arrivée des premières
dépêches qui arriveront de Conſtantinople.
Parmi les productions des Arts ordonnées &
protégées par notre augufte Souveraine , les curieux
diftingueront un tableau exécuté par M. Brompton ,
Peintre Anglois , qui vient de l'achever à Czarko-
Zelo , & dont l'allégorie tient aux vues de notre
Cour , & aux grands armemens qu'elle prépare.
Il offre Impératrice affife fur fon trône , vétue
dans le coftame Ruffe , couverte du manteau Impérial
, montrant d'une main les pavillons & les
trophées de fes victoires fur les Ottomans. A fa
droite , fur un piédeſtal , ſe voient une égide , un
fceptre , des couronnes antiques , & en particulier
une couronne civique & une triomphale ; les armes
de l'Empire , les faifceaux & le code des Loix font
auprès. Dans le lointain eft une fuperbe colonade.
La Grèce repréfentée par une femme entourée de
tous -les attributs d'Achênes , eft aux pieds du trône ,
( 3 )
& femble implorer la protection de Catherine.
Apollon & les neuf Mules s'avancent d'un autre
côté ,d'un air fuppliant : le foleil de l'Orient éclaire
le front de l'Impératrice , qui les accueille avec
bonté. Dans le fond du tableau , on apperçoit la
ville de Cherfon , & la mer Noire couverte du pavillon
Ruffe , qui cingle vers Conftantinople.
Un Négociant a fondé dans la Ruffie
Blanche une bergerie à l'Angloife compofée
d'environ 1000 brebis ; leur nombre par fes
foins augmente tous les jours , & leur laine
fe perfectionne . La Société économique à
qui il en a fait paffer des échantillons , &
des couvertures de lit qui en ont été fabriquées
, lai a envoyé une médaille d'or
de 36 ducats .
DANEMARCK.
De COPENHAGUE, le 6 Juin.
LES Commodores Schultz , Krog & Ahrenfeld
, viennent d'être élevés au rang de
Contre-Amiral ; & M. de Sebeſtedt a été
nommé Commiffaire- Général de Guerre.
Sir Hughes Elliot , arrivé ici il y a quelque
tems en qualité de Miniftre Plénipo .
tentiaire de la Cour de Londres , a obtenu
fes lettres de rappel .
Les nouveaux droits que les Confuls &
Vice-Confuls du Roi avoient été autorifés
à percevoir pendant la durée de la guerre ,
viennent d'être fupprimés. Les Confuls &
Vice- Confuls de la Baltique les conferveront
feuls.
a 2
14 )
Le Roi a envoyé à la Compagnie Aſiatique
une lettre en date du 31 du mois
dernier , à l'occafion de la perte de 500,000
rixdahlers qu'elle vient d'effuyer par l'infidélité
de quelques uns de fes Employés.
S. M. qui ne veut point voter dans les
Affemblées de cette Compagnie , ni aucun
des Princes de fa Maifon royale en qualité
d'inté effés , a cru devoir dans ce moment
lui faire entendre fa voix ; c'est celle d'un
Souverain éclairé & d'un père tendre ; il
s'étend fur les caufes des défaftres qu'elle
a éprouvés , confeille les moyens qui doivent
les prévenir , fait l'éloge de la Direction
, & offre généreufement de dédominager
elle même la Compagnie. Si la Direction
eft rendue refponfable du vuide fait à fa
Caiffe , S. M. remplacera ce vuide ; fi les
intéreffés fe décident à écouter la voix de
l'équité & à renoncer à l'action que peutêtre
ils pourroient avoir contre la Direction ,
S. M. prolongera de 10 années l'octroi de
la Compagnie , c'eſt- à - dire juſqu'à la fin de
1802 , fans exiger pour cela aucun équivalent
, ni augmenter la rétribution qu'elle
paie à la Couronne.
Le 2 de ce mois il a été vendu à la bourfe
5 actions de la Compagnie des Indes occidentales
à 341 écus chacune & 3 de celle
d'Afie à 980 dollars. Les actions de nos
Compagnies ont éprouvé plufieurs variations
dans lesquelles quelques-unes ont perdu
1 }
& quelques autres ont gagné. On peut en
juger par le tableau fuivant de leur prix.
3 Janvier 1783.
Comp. Aliatique , 1336 à 1407.
-Des Indes oc. 560
De la Baltiq. 137
760 - D'affur. mar.
Comp. du Canal. 106 à 1071
4 Avril 1783 .
1400 à 1450 rixd.
43.0 à 440
123
620
1107
SUÈDE.
*
De STOCKHOLM , le 8 Juin.
- LE Prince Royal a été inoculé le 29 du
mois dernier avec tant de fuccès , que l'éruption
s'eft faite fans difficulté , & que
S. A. R. n'a pas été obligée même de garder
le, lit.
Le Comte de Lowenhielm , Envoyé extraordinaire
du Roi à Madrid , eft nommé
pour aller réfider en cette même qualité à
la Cour de Berlin ; & le Baron d'Ehrenfward
, frère du Miniftre de Suède , mort à
Berlin , doit le remplacer auprès de S. M. C.
ALLEMAGNE.
De VIENNE , le 14 Juin.
L'EMPEREUR Continue fon voyage , &
les nouvelles que l'on en reçoit nous apprennent
qu'il jouit de la meilleure fanté.
Le 22 Mai il étoit à Semlin où il s'étoit
rendu une foule prodigieufe d'étrangers &
même de Turcs empreffés de jouir de fon
a 3
( 6 )
·
afpect. Le 31 il arriva à Hermanſtadt , Capitale
de la Tranfylvanie , où il eſt reſté.
huit jours ; il a dû arriver le 13 à Kimpu-
Lungu dans la Buccowine . On ne croit pas
que fon retour puiffe avoir lieu avant la
fin du mois.
On écrit de la Pologne Autrichienne le
fait fuivant.
so Un Receveur des Impofitions ayant perdu au
jeu 8000 ducats de fa caiffe , prit un cartoffe de
louage , & fortit de la Ville avec la caffette qu'il
avoit emilie de pierres ; il feignoit de fe rendre
au lieu cu étoit la caiffe cu il devoit verfer la recetre
. Arrivé au mil eu d'un bois , il lâche fon piftolet
fur le cocher , qui tombe à terre il fe fait
à lui -même une légère bleflure , maffacre un des
chevaux , vaide fa caiffe , & court au plus prochain
village , en racoutant qu'il a été volé. On le félicite
d'avoir échappé à la barbarie des brigands , & d'en
ête qui te pour une beffure , La Juftice fe met à la
pour uite des voleurs , & l'on rencontre le malheureux
cocher , qui n'étant pas mort , & fe traînant
comme il pouvoit , révèle la fourberie & le crime
du Receveur, qui ne tardera pas , fans douté , à en
porter la peine.
و
M. > Antoniazzi Méchanicien habile
vient de mettre la dernière main à une machine
également utile & curieufe , c'eft un
Automate affis à une table , qui de la main
droite fait tourner avec roure la célérité
poffible un moulin à dévider la foie dont
le fil paffe entre les deux premiers doigts
de fa main gauche , qui eft élevée & qui
tombe auffi- tôt que la bobine eft de la groffeur
requife. Il ne faut pas d'autre attention
(27 )
que celle d'ôter les noeuds qui peuvent furvenir
. Cette machine travaille pendant 7-
heures fans difcontinuer ; & en la montant
2 fois par jour , elle gagne 2 florins à fon
maître.
L'Edit qui établit un Séminaire général
dans la ville de Prague pour les Eccléfiaf
tiques , tant féculiers que réguliers , contient
les difpofitions fuivantes.
>
» 1 °. Toutes les Ecoles & les Chaires de Théologie
& de Philofophie qui fe trouvent dans les
Couvens , fe : ont fupprimées au premier Novembre;
20. afin que les Clercs & Candidats déja admis
puitlent continuer le cours de leurs études , il leur
fera ordonné de fréquenter l'Univerfité Impériales
aux frais de leurs Couvens , s'ils font réguliers ;>
3 ascun novice ne pourra être reçu fans avoir
reté fix années dans le Séminaire pour y faire les
études de Philofophie & de Théologie , & y prendre
connoiffance des fonctions du ministère : même obli .
gation pour les Prêtres féculiers . Les années qui auront
été employées ailleurs utilement , feront déduites
du tems de Séminaire prefcrit. 4°. Ceux qui fe préfeateront
pour entrer dans le Séminaire , devront
être munis d'un billet de leur Evêque , s'ils ſe deſ.
tinent au Sacerdoce , ou da Supérieur du Couvent
dans lequel ils fe propofent d'entrer , ainfi que d'un
certificat de moeurs & d'une atteftation des études
qu'ils auront déja faites . 5. Tous les Elèves du
Séminaire feront logs & habillés uniformement.
6. Les Ordres Religieux payeront l'entretien des
fujets qu'ils enverront au Séminaire ; on n'excepte
que les Mandians. A l'égard de ceux- ci , la caiffe de
Religion y pourvoira .
Le village de St- Ofvald eft célèbre par la
fécondité extraordinaire de fes femmes ; le7
a 4
( 8 )
Avril 1781 , il y en eut une qui mit heureufement
au monde 4 enfans , dont 2 garçons
& 2 filles , une autre vient ces jours derniers
d'accoucher le matin d'une fille , & le foir
de 2 garçons ; elle n'a eu befoin dans cette
circonftance du fecours de perfonne ; elle
a vaqué à fes occupations habituelles , &
elle fe porte très - bien ainfi que fes trois.
enfans.
De HAMBOURG , le Is Juin.
S'IL faut en croire la plupart de nos papiers
, la guerre entre la Ruffie & la Porte
eft une affaire décidée ; plufieurs parlent de
la publication de la déclaration de guerre
de la première de ces Puiffances , & fixent
le 24 du mois dernier pour l'époque de
cette publication. Le moment des hoftilités ,
difent- ils , a été celui de l'arrivée du Prince
Potenkin à Cherfon . Le 2 Mai ce Général
étoit à Mohylow , & ne s'eft arrêté que
peu de tems dans la terre de la Comteffe
Branicka fa nièce . Il avoit été précédé dans
la Crimée par le Quartier Maître - Général
Kokowski , le Lieutenant Général Prince de
Warremberg , le Prince de Repnin , & les
Généraux Softikow & Bruce.
Les mêmes papiers qui ont annoncé déja
la prife d'Oczakow , l'annoncent encore aujourd'hui
; mais on a d'autant plus de raifon
de fe défier de leurs récits , qu'ils ne s'accordent
pas fur les circonftances ; les uns
fuppofent que cette place a été emportée
( 19 )
d'affaut , les autres qu'elle a capitulé à la
première fommation , quelques- uns ne parlent
pas de l'état de la garnifon que d'autres
font monter à 4000 hommes.
Toutes ces nouvelles , qui ne tarderont
fans doute pas à être confirmées ou détruites
, annoncent du moins que cette grande
affaire eft dans fa crife. Quant au parti que
prendra la Maifon d'Autriche dans ces circonftances
, les avis n'offrent rien que dé
vague & d'incertain. Ceux qui penſent qu'il
eft difficile qu'elle refte fpectatrice indifférente
, fe fondent fur les mouvemens de
fes troupes qui continuent , & qui peuvent
n'avoir d'autre objet que de mettre fes frontières
en fûreté & de former une armée d'obſervation.
» Les troupes qui devoient former le camp de Laxembourg
, lit-on dans quelques lettres , ont reçu
ordre de fe mettre en marche , & on préfume qu'elles
vont fe rendre en Hongrie. On prépare fans
ceffe des bateaux de tranfport fur le Danube. Un
détachement confidérable d'artilerie a défilé du côté
de la Hongrie & plufieurs Corps de cavalerie ont
pris la route de la Moravie. Des magafins confidérables
s'établiffent à Olmutz , & un cordon de Cro2-
tes & d'Esclavons garnit les frontières de la Turquie.
Les de ce mois un tranfport de munitions confidérable
eft parti de Budweiff & a pris la route de la
Hongrie vers le 15 il en doit partir un autre
un troifième le mettra en route le 20 , & on parle de
deux Compagnies d'artillerie & d'un détachement de
fapeurs & de mineurs qui fuivront inceffamment la
même deſtination « .
En attendant que ces obfcurités fe dif- '
as
( 10 )
1
1
fipent , nos papiers font remplis de fpécu
lations à perte de vue fur les grands évènemens
qui fe préparent ; le grand objet
de la Rutfie , felon eux , eft de rendre les
mers Ottomanes auffi libres que les autres
& de forcer le Sultan à adopter les principes
de la neutralité armée .
ג כ
Cependant , obferve un fpéculatif, quand la
Porte admettroit ces principes , il n'en réfulteroit pas
pour cela une liberté indéfinie pour la navigation de
la mer Noire & de l'Archipel . Elle ne peut qu'être
bornée à la navigation marchande fuivant le traité
de Kainardgi. Les Turcs font donc en droit d'exiger
qu'il ne paffe aucun vaiſleau de guerre dans le canal
de Conftantinople qu'il faut confidérer comme un
port. La sûreté de cette ville feroit bien précaire au
moment où des bâtimens armés pourroient paffer librement
fous fes murs. La Porte commettroit une
grande faute politique en le permettant & en accordant
une liberté de navigation fans reſtriction. S'il y
a quelques exceptions à faire à cette liberté , c'eſt
fans doute fur les mers que circonfcrivent de tous
côtés les poffeffions de cette Puiffance ; on ne peut lui
contefter le droit de regarder ces mers comme à
elle , & de n'y permettre que ce qu'elle juge convemable
à fes intérêts. Malgré l'acceffion du Danemarck
à la neutralité, armée , la navigation du Sund
& du Belt n'eft pas libre , puifque l'on paie & que
l'on payera toujours le paffage de Cronenbourg. Les
Puiffances du nord ont établi dans l'acte de la neutra-
Fité qu'il ne pourra fe tirer un coup de canon dans la
Baltique fans leur permiffion . Cette loi contre laquelle
perfonne n'a réclamé , peut engager d'autres
Puiflances à en faire auffi pour les mers qui baignent
leurs côtes ; & qui empêcheroit celles du midi de fe
réunir pour faire quelque réglement relatif à la sûreté
de leur commerce dans la Méditerranée «<?
( 11 )
Les Couriers font très- fréquens , à ce qu'on
affure , de Pétersbourg , à Vienne & à Berlin.
On porte l'armée du Roi de Pruffe à 224,415
hommes dont 171,190 d'infanterie , 42, 501
de cavalerie , & 10,760 d'artilleri .
Pendant que tout annonce les hoſtilités
commencées ou prêtes à l'être , une lettre
de Pétersbourg apprend la nouvelle d'un
évènement qui feroit d'une grande conféquence
dans la circonftance actuelle.
» Le 24 Mai , entre onze heures & midi , le feu fe
manifefta ici à l'Amirauté ; l'impétuofité du vent
étoit telle qu'une aîle de ce bâtiment fut d'abord embrafée
; il y avoit dans l'Amirauté même 2 vaiſſeaux
fur le chantier ; l'un eft de 100 canons , l'autre de
74 ; fi le feu les eût atteints , tout le bâtiment cú : été
la proie des flammes , & peut- être le Palais Impérial
& une partie de la ville auroient fubi le même fort.
Heureufement on donna fi à propos les ordres né
ceffaires , & ils furent exécutés avec tant d'activité
que l'incendie ne fit point de progrès plus rapides ; &
la perte , ( le bâtiment à part que l'on croit pouvoir
rétablir eu peu de tems comme il étoit avant cet évè
nement , ) n'eft pas , dit - on , confidérable ; on en ſera
moins étonné fi , comme on l'affuté , c'eft des 'ma.
gafins détruits par le feu & qui font à peu près le tiers
de ceux de l'Amirauté , qu'a été tiré tout l'équipement
de la flotte actuellement à Cronstadt ; il n'y
étoit refté que quelques voiles , des cloux , du fer ,
& du caivre en petite quantité «.
Des lettres de Cherfon annoncent que
le tranfport de 600 Colons partis en dernier
lieu de Livourne y eft arrivé heureufement ;
les Ottomans ne voient pas de bon oeil paffer
ces tranſports , mais juſqu'à préſent ils n'ont
a 6
( 12 )
!
3
pas eru dévoir l'empêcher ; la ville s'agrandit
rapidement ; on en porte les habitans à
50,000 ; le nombre des vaiffeaux conftruits
fur les chantiers depuis 5 ans eft de 80 de
différentes grandeurs , parmi lefquels il y en
a 7 de 60 canons & 20 frégates . Les vivres
font à très grand marché à l'exception du
vin ; les environs en font très agréables , l'air
pur & le fol fertile.
On dit que le Chapitre de Paffau s'eft
adreffé aux Etats de l'Empire pour les engage
à s'intéreffer pour lui auprès de l'Empereur
dans l'affaire du démembrement de
fon Diocèle & de fes poffeffions , mais il
n'a encore rien été décidé à la Diète fur ce
fujet.
L'efprit de confédération a éclaté de nouveau
dans ce Royaume. Un Evêque dans la Lithuanie
ayant obtenu de Rome un brevet qui l'autorifoit à
fupprimer deux couvens dans fon diocèfe , le fit exécuter.
Mais cette entrepriſe s'étant faite fans la participation
de l'Archevêque & du Prince Raziwil,
Vayvode de Wilna , ils chafsèrent l'Evêque de fon
Evêché. Sur cela le frère de l'Evêque affembla quelques
centaines d'hommes armés , entra avec eux dans
les villages dont l'Archevêque & le Prince de Raziwil
avoient fait prendre poffeffion & fit faire feu fur
les Commiffaires & les payfans. Il y a eu à cette occafion
20 Nobles & beaucoup de payfans de tués &
un grand nombre eft grièvement bleffé . Cette affaire
fait beaucoup de bruit ; le Confeil- Permanent a
donné ordre de l'examiner rigoureufement «.
On écrit de Bareith que le Margrave a
ordonné de mettre des paratonnerres par- tout
dans fon pays. L'Infpecteur de fes bâtimens
fera chargé de les faire exécuter.
( 13 )
» La terre n'eft pas encore tranquille ici , écrit- on
de Comorre , en date du 31 Mai . Le 12 nous avons
reffenti 18 nouvelles fecoufles légères ; mais celle de
ce matin a été auffi forte que celle du 22 Avril . Les
habitans ont quitté de nouveau leurs maiſons , & fe
font réfugiés dans les champs. Ils n'ofent plus y rentret
, & ils fe font décidés à camper fous des tentes
jufqu'à ce qu'il n'y ait plus rien à craindre « .
PRUSS E.
De BERLIN , le 14 Juin.
ON apprend de Potſdam que le Roi , accompagné
du Prince de Pruffe , y eft revenu
hier au foir , après avoir fait lui-même la revue
de fes troupes affemblées dans la Pruffe
occidentale. S. M. paroit avoir été fort fatisfaite
de leurs manoeuvres . Elle a fait diftribuer
plufieurs gratifications & remettre à
quelques Colonels la Croix de l'Ordre du
Mérite.
Les lettres d'Halberstadt rapportent que
le 26 du mois dernier un orage terrible accompagné
de grêle a détruit entièrement
les environs de cette Ville , ceux de Groningen
, Schwanebeck , Roterſdorf & Ofchersleben.
Les jardins , les prairies & les
champs font abîmés. Les rivières voisines
fe font débordées , & ont emporté des ponts
& des moles ; beaucoup de bétail a été
noyé.
L'Académie Royale des Sciences & Belles-
Lettres de cette Ville vient de publier le
programme fuivant.
» M. l'Abbé Raynal a propofé à l'Académie d'an
( 14 )
noncer le fujet d'un Prix dont il a fait les fonds ; &
I'Académie Y a confenti. Voici l'énoncé de la queftion.
1 °. Quels font les devoirs d'un Hiftorien &
quels doivent être fes talens ? 2 °. Quels font les
Hiftoriens anciens & modernes qui ont rempli avec
le plus de fuccès leurs obligations ? 3 ° . Les Hiftoriens
modernes ont - ils plus ou moins de difficultés à
Jurmonter que n'en eurent les anciens Hiftoriens ?
Le Prix fera une Médaille d'or de 52 Fréderics
d'or , faifant environ 1040 liv. tournois . Toutes
perfonnes pourront concourir pour ce Prix , excepté
les Membres ordinaires de l'Académie . Les Mémoires
feront écrits en François , en Latin , en Allemand,
en Anglois ou en Italien , au choix des Auteurs , &
auront l'étendue qu'on voudra. Les Auteurs ne fe feront
connoître ni directement ni indire&ement ; ils
mettront une devife à la tête de l'ouvrage , & y
joindront un billet cacheté qui contiendra la mêine
devife , avec leurs noms & les lieux de leur réfidence.
Les paquets feront adreffés , francs de port ,
à M. Formey , Confeiller Privé du Roi , Secrétaire
perpétuel de l'Académie , à Berlin : ils ne feront
reçus au concours que jufqu'au 31 Décembre 1784.
La proclamation du Prix fe fera dans la Séance publique
du 31 Mai 1785 ".
ITALIE.
De LIVOURNE , le 6 Juin. 1
LES bagages de l'Ambafladeur de Maroc
à Vienne , & les fuperbes chevaux dont
l'Empereur fait préfent au Prince Maure
font arrivés ici.
L'efcadre Ruffe qui eft toujours mouillée
dans ce port est prête à mettre à la voile ,
& n'attend pour cela que les ordres de
Pétersbourg
.
( 15 )
On écrit de Gênes que l'Archiduc
Ferdinand & fon époufe y font arrivés
le 29 du mois dernier ; ils étoient partis
de Milan le 27. On dit que l'objet de
leur voyage eft de fe rendre en Provence , &
que 2 galères de la République prendront
L.A. R. à bord & les conduiront à Antibes.
ESPAGNE.
De CADIX , le 4 Juin.
Les barques canonnières & les bombardes
qu'on a équipées & caréntes dans ce port ,
font au nombre de 40 , & n'attendent pour
appareiller que les 3 chébecs deftinés à les
elcorter jufqu'à Carthagêne. On Ture que
cet armement renforcé de deux vaiffeaux de
ligne fous les ordres da Chef d'efcadre Don
Antonio Barcelo , a ordre de faire voile pour
les côtes de Barbarie. Quelques perfonnes
prétendent même qu'il aura celui de bombarder
Alger , dans le cas où la Régence
de cette ville n'acceptera point les conditions
de paix qui lui ont été déja offertes.
La Compagnie d'Affurance qui s'eft formée
dans cette ville fous l'autorité du Tribunal
du Confulat , a fait un fonds de
410,000 pièces qui ont été divifées en 41
actions de 10,000 chacune. Elle eft fous la
direction de Don Ignace d'Aguirre. Elle fe
propofe d'affurer les bâtimens de toute efpèce
qui partiront de Cadix pour les Indes , l'Amérique
& les Ifles , ou qui reviendront dans
( 16 )
ce port ; ces bâtimens feront évalués avec
ou fans leurs cargaifons , à une fomme quelconque
; l'intérêt que prendra la Compagnie
fera très modique , & elle paycra les pertes
avec la plus grande exactitude .
ANGLETERRE.
De LONDRES , le 24 Juin.
Nos dernières nouvelles de l'Amérique
feptentrionale font du 6 & dù 14 Mai ; les
lettres particulières annoncent une révolu
tion plus favorable aux Loyaliſtes dans les
efprits des Américains ; mais les papiers publics
de cette partie du monde font bien
éloignés de la confirmer ; la manière dont ils
s'expriment fait voir que les fentimens d'indignation
& de haine ne font pas encore près
de faire place à d'autres plus modérés.
Les Agens Britanniques , difent - ils , répandus dans
tous les Etats , profitent des difcuffions intérieures
qui fe font élevées parmi nous pour effayer d'en
tirer parti & de favoriſer clandeſtinement leurs vues
particulières. On écrit de Rhode- Inland que les
réfugiés de cet Etat trouvent parmi les Habitans
des Avocats qui , dans toutes les occafions , font
valoir les mémoires qu'ils ne ceffent de préſenter
pour obtenir la permiffion de fe fixer au milieu de
nous . Que deviendra l'union qui doit régner entre
es Citoyens , fi les ennemis qu'on a vus les plus
acharnés contre notre Caufe font admis dans nos
Erats. Les principaux Habitans de Neu- Haven ont
donné un exemple qui a été fuivi dans quelques
endroits , & qui devroit l'être par- tout. Ils ont tenu
une affemblée , dans laquelle il a été arrêté , d'une
( 17 )
voix unanime , de recommander à leurs représentans
à l'affemblée générale , de préfenter & d'as puyer de
tous leurs efforts un bill , à l effet d'empêcher qu'au
cun des Habitans de cet Etat , après l'avoir quitté
pour le joindre à l'ennemi & combattre contie (es
frères , puifle jamais obtenir la liberté d'y revenir «.
Les différens Etats-unis s'occupent chacun
dans fon intérieur du foin d'y perfectionner
Pasimiciftration & de former des établiffemens
qui puiffent tourner à lavantage du
commerce des habitans . Les vues partiulières
feront fans doute adoptées par la généralité
; & le Congrès a , dit on , arrété un
plan pour ouvrir un commerce général , en
changeant la manière dont il fe fat aujourd'hui
, & fur-tout en fupprimant les entraves
qui le gênent par- tout ; le moyen d'éviter
les dingers des fauffes péculations & des
monopoles qui feroient très préjudiciab'es
dans les circonftances actuelles , fit un
des objets principaux de fon attention .
Parmi les détails que nous préfentent les
papiers Américains , on nous faura gré de
rapporter ceux ci ; ce font des réflexions inté
reffantes fur la vie d'un habitant de Philadelphie
, mort le 13 Novembre 1782 , dans la
102e. année de fon âge.
Edward Drinker étoit né le 24 Dé embre 1680 ,
dans une petite maiſon qui fait aujourd hui le coin
des rues appellées la rue Seconde & la rue du Noyer,
dans la ville de Philadelphie . Ses parens étoient
venus s'y établir du lieu appellé Beverly , dans la
baye de Maffachufet. Les bords de la Delaware ,
en cet endroit , où a été bâtie la ville de Philadelphie
, étoient habités , au tems de fa naiſſance , par
( 18 )
1
-
des Indiens & par un petit nombre de Suédois & de
Hollandois. Il difoit fouvent à fes compagnons qu'il
avoit cu illi des fruits fauvages , & chailé aux lapins
dans les Parties du terrein qui forment aujour
d'hui les quartiers les plus beaux & les plus peuplés
de la Ville. Il fe rappelloit l'époque du fecondvoyage
de Guillaume Penn en Penſylvanie , & montroit
l'emplacement de la petite baraque où logeoit
à fon arrivée ce Fondateur avec ceux qui l'accompagnoient
. A l'âge de 12 ans , il alla à Boſton
pour y faire fon apprentiffage di métier d'Ebéniste ;
en 174 ;, il retourna avec fa famille à Philadelphie ,
d'où il n'eft pas forti depuis. Il avoit été marié quatre
fcis , & avoit eu 18 enfans , tous de fa première
femme. Il avoit mangé à la même table avec quatorze
de fes enfans . Peu de tems avant la mort , il
lui naquit un arrière petit fiis la cinquième tête dans
l'ordre des générations , à compter de lui - même.
Il avoit confervé toutes les facultés de fon efprit
jufqu'à la dernière année de fa vie. Et même alors
la mémoire , que l'âge affoiblit fi généralement
n'étoit chez lui que très - peu diminuée . Il fe rappelloit
non- feulement les évènemens arrivés dans fon
enfance & fa jeuneffe , mais même ceux d'époq es
bien poftérieures ; & fa mémoire étoit fi bonne ,
que fon fils m'a affuré ne lui avoir jamais entendu
conter la même hiftoire deux fois à la même perfonne.
On peut remarquer à cette occafion ,
que , jufqu'à l'âge avancé , on ne fe rappelle que
rarement , les évènemens de l'enfance & de la jeuneffe
. Ce fait , & quelques autres , conduisent à
foupçonner qu'aucune des traces que les faits inpriment
dans notre mémoire ne s'oblitère entièrement
, quoique diverfes caufes puiffent , pour ainfi
dire , les recouvrir pour un tems . Combien de
fois , à la vue foudaine de certains objets , & particulièrement
en entendant des chants & des airs
que nous avons fu dans notre enfance , ne nous
3
( 191
-
aurive t- il pas de nous rappeller des évènemens de
ce âge dont nous pouvions croire que nous avions
Ferdu tout fouvenir ? J'ai connu un jeune homme
qui , lorfqu'il étoit pris de vin , parloit avec facilité
la langue Françoife , & qui , de fang froid , ne
pouvoit pas faire dans cette langue deux phrafes
de fite. Il l'avoit apprife dans fon enfance , & fembloit
l'avoir entièrement oubliée par le défaut d'u
fage . La Comteffe de L. V. L. avoit été élevée par
une femme du pays de Galles , qui lui avoit enſeigné
fon langage ; elle l'avoit oublié en apprenant
le François , qui étoit fa langue maternelle. Longtems
après , dans le délire d'une groffe fièvre , on
lui entendit prononcer des mots que perfonne de fa
maifon ne comprenoit. Une vieille femme du pays
de Galles , fe trouvant auprès d'elle , reconnut la
langue de fon pays ; cependant la Comteffe , après
fon rétabliffement , ne put jamais le rappeller un
feul mot de cette langue , dans laquelle elle avoit
fait des phrafes fuivies au milieu de fon délire.
Il faut croire que dans l'autre monde , nous tirerons
de grands avantages de cette tenacité de la
mémoire pour les progrès de notre efprit dans la
route des connoiffances fi néceffaires à notre bonheur.
Je reviens à Drinker. Sa vue lui manqua
entièrement plufieurs années avant la mort , mais
fon ouie fe foutint très - bonne juſqu'à la fin. Il
conferva aufli tout fon appétit , excepté dans les
dernières années de fa vie. Il déjeù soit habituellement
au fortir du lit avec la quantité de thé ou
de café que nous appellons pint ( équivalente àpeu
près à la chopine de Paris ) , & du pain & du
beurre en proportion. Il dinoit à onze heures
mangeoit beaucoup, & des nourritures folides. Il
prenoit du thé le foir , & ne foupoit jamais . Il
avoit perdu toutes les dents trente ans avant la
mort , ce que fon fils attribuoit à l'ufage exceffif
qu'il faifoit du tabac fumé ; mais le défaut de
( 20 )
*
>
-
maftication ne l'empêchoit pas d'avoir une di :
geftion prompte & facile & ne parut caufer
aucune altération dans fa fanté. J'ignore files
gencives endurcies par l'âge font jufqu'à un certain
point l'office des dents , ou fi les fucs qui détrempent
les alimens dans la bouche ou dans l'eftomac
, deviennent eux- mêmes affez actifs pour opé
rer la macération & la diffòlution , mais j'ai fouvent
obfervé des vieillards qui mangeoient beau
coup fans en être incommodés . Drinker étoit
très -curieux de nouvelles dans les derniers rems
de fa vie . Son éducation ne lui avoir donné de
goût pour aucun autre genre de connoiffance . C'eſt
un fait digne d'être obfervé, que l'âge ne fait qu'augmenter
ea nous le defir de favoir loin de l'affaiblir.
C'eſt une confolation pour ceux qui fe flatteht de
parvenir à la vieilleffe , de penfer qe les infirmités
auxquelles la nature a foumis nos corps dans l'âge
avancé , peuvent devenir plus fupportables par les
jouiffances qui nourriffent l'efprit, Drinker étoit
d'un caractère fage & modéré ; au milieu du travail
le plus pénible , de la féduction de la compaguie
, des malheurs de la vie & des calamités de
la nature , il ne s'eft jamais laiffé aller à boire
avec excès du vin eu des liqueurs fortes . Pendant
les 25 dernières années de fa vie , il buvoit deux
fois par jour un verre de la liqueur que nous appellons
Toddy , faite avec deux cuillerées à bouche
de liqueur fpiritueufe dans une demi- pinte d'eau .
Son fils , homme âgé de 59 ans , dit qu'il ne l'avoit
jamais vu ivre. Il eft probable que cet ufage des
liqueurs fpiritueules & l'époque à laquelle il a commencé
à en prendre , ont contribué à alléger pour
Jui le poids des années & vraisemblablement à
prolonger (a vie , fuivant ces paroles des Proverbes.
Date Ciceram marentibus & vinum his qui amaro
funt animo , bibant & oblivifcantur Egeftatis fue
& doloris fui non recordentur amplius. Ch. 31 ,
>
21 )
v. 6 & 7. Il a joui toute fa vie d'une fanté fi ferme ,
qu'il n'a jamais été alité que trois jours . Il ditoit
n'avoir aucune idée de la douleur qu'on appelle
mal de tête . Dans les dernières années de fa vie ,
fon fommeil étoit quelquefois interrompu par quelques
humeurs qui lui tomboient dans la gorge , &
qui produifcient ce que nous appellons la toux des
vieillards. Il étoit doux & modéré , mais ces qualités
n'étoient pas les feules qu'on pouvoit eftimer
en lui . Il étoit d'un caractère très - aimable. La
vieilleffe même n'avoit pas éteint fa bonne humeur.
Il étoit gai avec tout le monde. Il avoit des principes
de Religion auffi fermes que fa marche étoit pure .
Il étoit affidu au fervice de l'Eglife , & il eft mort ,
fe tenant affuré d'être heureux dans une autre vie.
La vie de cet homme fe trouve marquée par des
circonstances qui ne fe font raffemblées peut- être
pour aucun autre. Depuis les fiècles des Patriarches ,
aucun homme n'a été témoin d'une plus grande
quantité d'évènemens intéreffans . Il a vu le même
terrein couvert de bois & fervant de repaire aux
animaux fauvages , converti en une Ville , nonfeulement
la plus floriffante du Nouveau- Monde
mais le difputant à beaucoup de grandes Villes de
l'Ancien pour la richeffe & la culture des Arts. Il
a vu des rues régulières dans les mêmes lieux où il
avoit chaffé. Il a vu des Eglifes élevées , & les
louanges de Dieu chantées au fein de ces mêmes
marais oùil entendoit le coaffement des grenouilles.
Des magafins remplis des marchandifes des deux
Mondes fur les bords de la même rivière ou de
malheureux Indiens pêchoient pour fe procurer leur
fubfiftance journaliere. Des grands vaiffeaux dans
ce fleuve , qui ne connoifloit que des canots . Ua
vafte édifice raflemblant des Lég flateurs dont la
fageffe & le courage ont étonné le monde au même
lieu où les Chefs des Nations fauvages tenoient leur
Confeil en plein air autour d'un feu, Il a vu le
( 22 )
premier Traité conclu entre le peuple nouveau formant
les Républiques confédérées de l'Amérique
& la France , cette ancienne Monarchie , dans les
formes ufitées par les Nations policées , au même
endroit où il avoit vu Villiam Penn & les Indiens
traiter pour la première & la dernière fois , fans
employer le papier , l'encre & la plume. Il a pu
obferver tous les états intermédiaires par lefquels un
peuple a paffé du plus fimple & du premier degré de
la civilisation à une forme de fociété complettement
organifée. Il a vu enfin le commencement & la
chute de l'Empire de la Grande - Bretagne en Penfylvanie.
Il a fucceffivement obéi aux fept Souverains
qui ont régné de fon tems en Angleterre ,
& il eft mort citoyen d'un Etat républicain nouvellement
formé. Le nombre des Rois dont il
été le fujet , & une longue habitude de foumiffion
n'avoient pas éteint en lui l'amour de la liberté fi
naturel à l'homme. Ses bras affoiblis l'ont embraffée
, & fa vieilleffe a été confolée par le falut de
fon pays.
.
Nos vaiffeaux reviennent fucceffivement
des Ifles ; une divifion aux ordres du Commodore
Shirley eft entrée à Plymouth & à
Portſmouth après fix femaines de traversée
de St Euſtache ici. On attend d'un jour à
l'autre l'Amiral Hood ; le Monarque , un des
vaiffeaux qui compofent fa divifion , eft déja
à Spithead ; il vient de la Jamaïque , où l'on
attendoit l'Amiral Pigot , qui vers le 20 du
mois dernier étoit à Antigues avec 8 vaiffeaux
de ligne , au nombre defquels eft le Formidable
, de 90 canons , qu'il monte.
» La répartition des vaiffeaux de garde dars nos
Ports à été faire de la manière fuivante. — A Plymouth.
Les vaiffeaux l'Océan , le Blenheim , de
-
( 23 )
―
- -
A
90 canons , la Vengeance , de 74 ; le Crown , le
Sampfon , le Standard , de 64. - A Spithead & à
Portimouth. La Princeffe Royale , la Queen , de
90 , l'Edgard , Elifabeth , le Gange , le Triumph ,
le Pégafe , Hector , de 74 ; l'Ardent , de 64.
Chatham . Le Carnatic , le Goliath, l'irréfiftible
, le Powerful , de 74 ; le Diadême , le Dictateur,
de 64. - A Sheerreff. Le Scipion , de 64 ,
& l'Adamant , de so. L'Amiral Milbank commande
à Plymouth ; l'Amiral Montague à Spithéad & à
Portsmouth , & Sir Henri Parker à Chatham. Il y
aura toujours deux cutters employés au fervice de
chacun de ces Ports. On défarme à Plymouth
l'Union , de 90 canons , le Suffolck , de 74, &
I'Yarmouth , de 64. On fait les réparations dont
avoit befoin le Blenheim , à bord duquel l'Amiral
Milbank deit hiffer fon pavillon , & l'on travaille
avec la plus grande activité à finir la conftruction
du Royal Sovereign , de 120 canons ; on le propole
de le lancer à l'eau en Décembre prochain ;
immédiatement après on pofera fur le même chantier
la quille d'un autre vaifleau de même rang «<.
Le nouvel effai qu'on doit faire à Portf
mouth pour effayer de retirer du fond de la
mer le Royal George , eft remis à quelques
jours ; feu M. Spalding , qui avoit commencé
cette entrepriſe difficile , a perk &tionné la
cloche à plongeur dont on fe fert. Quelquesuns
de nos papiers offrent la notice fuivante
fur cet homme célèbre.
» M. Spalding étoit né à Edimbourg cù il faifoit
un grand commerce de raffinerie de fucre . Depuis le
Docteur Halley , perfonne n'a autant travaillé que
lui pour parvenir à fe tenir fous l'eau par le moyen
de la cloche à plonger. Pouflé par la curiofité , par
fa hardieffe naturelle , & par fon génie pour la méchanique
il a fait diverſes tentatives pour refter
( 24)
long-tems dans l'eau fous la cloche , & toutes fes
tentatives ont toujours réuffi . A la fin il étoit parvenu
à demeurer un jour entier fous douze à quatorze
braffes d'eau. Il y a quelques années qu'un navire
allant de Londres à Leith fit naufrage. M. Spalding
qui étoit intéreffé dans ce navire propofa aux copropriétaires
de la cargaifon de contribuer aux frais
de fon voyage , leur promettant qu'il retireroit une
partie des marchandifes naufragées . Ceux- ci n'ayant
pas adhéré à la propofition , il le chargea des frais
de l'entreprife & il retira de l'eau une partie confidérable
de la cargaifon que la Loi lui adjugea à lui
feul. Lors de la perte du Royal George l'Amirauté
eut recours à M. Spalding & convint avec lui qu'il
auroit le tiers de ce qu'il pourroit enlever de ce vaiffeau.
Il en tira quelques canons de fonte , plufieurs
canons de fer , & des munitions , le tout eftimé
3000 I. ft. L'hiver s'approchant , M. Spalding fut
obligé de fufpendre cet ouvrage , & la nation fait
une perte réelle par la mort de cet homme vraiment
utile. On lui avoit entendu dire qu'il parviendroit à
retirer du Royal George une bonne partie de fes
canons & de ſes munitions , & peut- être même à remettre
à flot ce vailleau . En cas qu'il eût trouvé la
chofe impraticable fon deffein étoit de tenter
de le brifer par une forte explosion de poudre
canon , au moyen de quoi il eût été poffible de
fauver les bois & les munitions qui auroient furnagé
«.
>
Le Confeil de guerre affemblé pour examiner
la conduite du Major Stanhope ,
Commandant des troupes de S. M. à Tabago ,
aufujet de la reddition de cette Ifle à la France.
C'eft le Gouverneur Ferguſon qui l'accufe.
Ses dépofitions & fes charges ayant été entendues
, le Major à été mis aux arrêts , &
a paru devant le Confeil ; il a achevé fa
défenfe
( 25 )
défenfe le 18 de ce mois , & fes amis en augu
rent qu'il fortira victorieux de l'accuſation; ce
pendant l'affaire n'eft pas finie ; le Gouverneur
Ferguſon a demandé la permiffion de répliquer
àquelques parties de la défenſe ; comme
cela cft contre l'ufage , le Confeil de guerre
après une mûre délibération , perfuadé qu'il
ne pouvoit refufer aucune des lumières dont
il avoit befoin pour prononcer fon Jugement,
a décidé qu'il l'entendroit , pourvu que le
Major Stanhope n'eût aucune objection contre
cette condefcendance ; celui- ci confulté ,
a defiré que fon accufateur fût fatisfait , &
ce nouveau plaidoyer a eu lieu . On en
ignore les fuites ; mais il eft vraisemblable
que le Major aura encore quelque chofe
à dire , & on ne peut lui refufer de l'entendre
, après avoir entendu fon accufateur.
» Dans la Séance de la Chambre des Communes
du 13 de ce mois le Secrétaire de la guerre rendic
compte du projet du Gouvernement relativement à
la réforme de l'armée ; il le préfenta comme um
objet très - intéreffant pour la nation , qui dans les
circonftances préfentes ne pouvoit que voir avec
plaifir tous les plans qui tendent à diminuer fes dépenfes.
Ce projet ne peut s'effectuer fur - le - champ
dans fa totalité , mais il y aura une grande différence
entre l'établiſſement de paix actuel & celui de
1763 , puifque la cavalerie qui à cette époque étoit
de 18 régimens qu'on a portés à 23 pendant la
guerre , fera réduite à 13 , & l'infanterie dont on
conferva 70 régimens à la paix de 1763 , fans
compter les régimens des Gardes , & qu'on a augmentés
enfeite de 44 , ſera fixée à 64. Plufieurs régimens
de Dragons feront convertis en régimens de
s Juillet 1783.
( 26 )
9
--
Chaffeurs pour détruire , s'il eft poffible , la contrebande
qui a fait tant de progrès depuis quelques années.
Cette mefure fera tiès - avantageufe au Gouvernement
& à la nation en général , mais fur-tout
aux Négocians honnêtes dont elle étendra confidérablement
le commerce . Les 65me & 68me régimens ,
quoiqu'ils ne foient pas compris dans ce nouvel établiffement
, feront néanmoins confervés à la place de
deux autres régimens envoyés dans l'Inde . Il
donna un état exact des troupes tant nationales qu'étrangeres
, &c. en Angleterre & au-dehors ; mais il
lui fut impoflible de donner celui de l'Irlande , parce
que le Parlement de ce Royaume n'a point encore
voté fon établiffement de paix. On confervera
plus d'Officiers a proportion que de foldats , par la
raifon , qu'un Officier ne le forme que par de longs
fervices , au lieu qu'en cas de befoin les nouvelles
recrues font bientôt mifes en état de fervir en les
incorporant avec les vieux foldats , ce qui permet
de réduire ceux -ci fans conféquence . Les cinq Corps
Provinciaux tranfportés depuis peu à l'établiſſement
Britannique montent à 3000 hommes environ , qui
feront envoyés dans la Nouvelle- Ecoffe & licenciés
fur- le- champ. Le Secrétaire de la guerre ne parla
point des troupes étrangères , parce que la paie de
ces troupes avoit été déjà votée pour l'année entiere,
que les ordres avoient éte envoyés en Amérique
pour leur prompt retour en Europe , où elles feront
renvoyées dans leur pays à leur arrivée . Les propofitions
qu'il fit enfuite relativement à l'armée & pour
fix mois feulement , furent converties par le Comité
en résolutions qui portées à la Chambre le 16 y
passèrent unanimemeat. Elles portent en ſubſtance
qu'il feit accordé 308,277 1. ft. pour payer 17,483
hommes de troupes de terre y compris 2030 invalides.
40,241 1. pour payer huit bataillons .
&
136,888 pour payer les troupes employées au -dehors
; 38,000 pour les cinq Corps Provinciaux for
(-27 )
més dans l'Amérique feptentrionale ; 205,343 . pour
l'entretien des troupes dans les Colonies d'Afrique &
à Gibraltar ; 81,376 pour les Officiers brèvetés employés
au-dehors dans les Compagnies ajoutées à
divers régimens d'infanterie , & 8131 pour la paie
des Officiers Généraux qui fervent dans la Grande-
Bretagne.
Le 17 M. Pitt ayant defiré que la Chambre fe for
mât en Comité pour délibérer fur le bill de réforme
des droits exorbitans affectés à plufieurs emplois pu
blics , le Lord John Cavendish qui n'avoit fait aucune
objection contre ce bill le 2 de ce mois , s'y oppofa
en difant qu'il étoit inutile dans tous les points ;
que les Chefs de chaque Bureau pouvoient faire les
règlemens néceffaires pour empêcher les abus . M.
Pitt témoigna quelque furprife de cette affertion , &
pour prouver combien peu il croyoit les chefs piopres
à opérer le bien qu'on en attendoit , il examina
fucceffivement les efpèces de monopoles que jufqu'à
préfent ils avoient fouffert. Dans les Bnreaux des
paiemens les Commis par exemple favent qu'il ne
leur eft pas permis de prendre aucun droit ; mais ils
s'en adjugent l'équivalent fous le titre de préfers ;
& il y en a un qui par ce moyen porte fes gages annuels
qui ne font que de 240 1. ft. à 2500. En parlant
des frais de Bureau du Lord North , il cita un
article affez fingulier qui le trouvoit dans fes comptes
; c'étoit celui de 340 guinées pour le fouet fervant
aux Huiffiers . M. Burke condamna l'auteur
du bili pour s'être livré à de petites recherches ,
fur de petites gens dans de petits emplois , tandis
qu'il avoit fouffert les plus grands abus exifter fous
fes propres yeux pendant qu'il étoit Chancelier de
l'Echiquier. Il trouva auffi le bill inutile . On temarqua
que M. Fox parla en faveur du bill & s'éleva
fur-tout contre le haut droit que l'on avoit pris dans
certains Bureaux pour des paffeports , en difant que
ceux à qui on les avoit fait payer 30 l . ft . au lieu de
-
b 2
728 J
1
71. 10 f. étoient en droit d'actionner les exacteurs
devant les Tribunaux . La Chambre s'ajourna enfuite
après quelques débats . Dans les féances du 20
& du 21 elle s'occupa d'une requête des Loyaliftes ,
affaire fur laquelle le Lord Cavendish a promis de
faire une motion le 24 , & d'une augmentation dans
les penfions des veuves des Officiers de la Marine
Royale « .
» Le Duc de Portland propofa il y a quelque tems
à S. M. de former pour le Prince de Galles un établiffement
fur le pied de 100,000 liv. ft. par an , &
faifit cette occafion de nommer quelques-uns des
principaux Offi.iers qu'il me:troit à la tête de fa
maiſon , & on dit que pour le moment le Roi fe contenta
de répondre : fort bien . Le Duc & M. Fox ,
ajoute-t-on , fe rendirent chez le Prince , pour le
confulter fur le choix de plufieurs autres Officiers de
fa maifon . A fon retour d'Irlande le Comte de Temple
eut une longue conférence avec le Roi , & l'on
croit que fur quelques propofitions qui lui farent renouvellées
, il déclara qu'il étoit prêt à accepter la
place de premier Lord du Tréfor . Comme on avoit
annoncé aux deux Chambres un meffage relatif à
l'établissement du Prince , le Duc préfenta au Roi les
papiers qu'il devoit figner ; & l'on prétend qu'alors
S. M. répondit , que le moment actuel n'étoit pas
celui qu'il falloit choisir pour faire à la Nation une
demande auffi énorme ; qu'il voyoit très clairement
que l'affectation que les Miniftres marquoient pour
la réforme & l'économie , n'étoit qu'un jeu intéreffé,
& que leur interpofition officieufe , entre lui & le
Prince fon fils , lui déplaifant fouverainement , il
ne vouloit rien entendre de plus fur ce ſujet.
Quoi qu'il en foit de ce récit qu'on ne garantit pas ,
le 22 les Pairs étant aflemblés en vertu d'une convo .
cation expreffe , le Duc de Portland leur préfenta uu
meffage du Roi , qui demande l'affiftance des Pairs
pour l'établiſſement de la maifon du Prince de
Galles. A peine eut- il ceffé de parler , que Lord
( 29 )
Abingdon , déclarant qu'il ne fe levoit point pour
former la moindre oppofition au meffage , continua
ainfi : le noble Duc auroit-il oublié que lorsque l'on
fit en dernier lieu une addition à la lifte civile , le
Miniftre qui manioit alors le gouvernail , engagea
folemnellement fa parole , que lorsqu'il s'agiroit
d'établir la maiſon du Prince de Galles , il ne feroit
pas demandé un shelling au Parlement ! voilà donc
ce même Miniftre qui donna dans le tems cette parole
, en confédération avec le Miniftre du jour pour
l'aider à défaire aujourd'hui ce qu'il a fait alors ! C'eft
celui qui vous ayant prom's autrefois d'amener l'Amérique
à vos pieds , vous a condents aux pieds de
l'Amérique ; qui ayant promis aux Membres campagaards
des Communes de gros revenus à tirer de
l'Amérique , les a embarqués dans la guerre , & leur
a dit enfuite qu'ils n'avoient point de revenus à attendre
de l'Amérique ; qui ayant fait à Dieu le ferment
folemnel de ne jamais abandonner les droits légifla
tifs de fon pays , a été le premier à abandonner ces
droits , non- feulement à l'Amérique , mais encore à
l'Irlande , qui ne les attendoit pas , qui ne les demandoit
pas ! Qu'après avoir fait tout cela , Lord
North demande aujourd'hui au Parlement ce qu'il a
promis de nejamais lui demander : Lord North agit
comme doit agir Lord North ; mais que des hom
mes qui fe font récriés contre ces farces frauduleufes,
en foient aujourd'hui les complices , c'eft une
énigme dont on ne trouve le mot que dans la politi
que du jour. Le meffage qu'on nous préfente ,
Mylords , eft fans exemple ; il s'agit implicitement
de payer les dettes du Prince de Galles ; or, le Parlement
s'eft fi pen mêlé en tout tems du paiement de
pareilles dettes , que celles que le Rei actuel a contractées
étant Prince de Galles ne font pas encore
payées. Il est également fans exemple que les Miniftres
d'un Roi d'Angleterre aient mis un Prince de Galles
en oppofition contre fon pere : il est un exemple
d'oppofition entre le Roi George II , & le Prince de
-
b3
( 30 )
Gailes ( aujourd'hui Roi ) ; mais c'étoit toute autre
chofe , c'étoit une oppofition du Prince aux Minif
tres du Roi & non pas des Miniftres du Roi à leur
Maître ; une oppofition de cette dernière eſpèce eft
un phénomène politique , réservé à ce moment- ci :
phénomène au reste qui étonnera moins fi l'on confidere
fon principe. Quel eft ce principe ? le voici :
c'est que P'homme du peuple eft devenu Miniftre du
peuple & non pas le Miniftre du Roi , & qu'il s'en
vante , &c. Le Comte de Teinple prefla vivement les
Miniftres d'informer la Chambre de leurs véritables
intentions ; fit mention de la fenfation que faifoient ,
dans le public , les bruits confus qui avoient couru fur
l'affaire de l'établiffement du Prince ; ajoutant que fi
ces bruits étoient fondés , il étoit très - éloigné d'approuver
les vues du Ministère , dont les membres ne
pouvoient décemment refufer de donner à la Chambre
les éclairciffements qu'elle avoit droit d'en attendre .
Le Vicomte de Stormont répondit qu'il n'étoit pas.
néceffaire encore d'entrer dans aucune difcuffion de
l'affaire , que l'objet du moment étoit de fe conformer
à l'ufage & de préfenter au Roi une adreſſe
de remerciements.-(Après une courte converfation ,
elle paffa fans oppofition . ) - Les mêmes obſervations
eurent lieu dans la Chambre des Commures ;
mais le meffage du Roi fut remis fans oppofition au
Comité de fubfides , & fera examiné demain.
» Le 17 de ce mois les Propriétaires & Planteurs
de l'ifle de Tabago tinrent une affemblée , dans laquelle
on leur fit lecture de la réponse de la Cour de
France à la requête qu'ils lui avoient fait préſenter ;
S. M. T. C. voulant les traiter favorablement , promet
d'accorder un tems fuffifant à ceux qui voudront
difpofer de leurs propriétés ; elle leur permet le libre
exercice de leur religion , & leur laiffe la faculté d'entretenir
leurs Miniftres ; leurs procès qui ne font pas
encore jugés , le feront conformément aux loix Angloifes
; les Tribunaux de l'Ifle prononceront en
dernier reffort , & les appels , s'il y a lieu , ne feront
( 31 )
faits qu'aux pieds du Trône. L'affemblée fe fépara
après avoir témoigné fa fatisfaction de cette réponſe,
& chargé le Préſident de recommander leurs intérêts
au Général Melville , qui avoit préfenté leur requête
à la Cour de Verſailles , & de faire enforte que leurs
prétentions foient réglées par un article qui feroit
inféré dans le Traité définitif de paix entre la France
& la Grande Bretagne « .
FRANCE.
DeVERSAILLEر le1er.Juillet.
Le Roi a nommé à l'Archevêché d'Auch
l'Evêque de Nanci , & à l'Evêché de Nanci ,
l'Abbé de Fontanges , Aumônier de la Reine ,
Vicaire- Général de Chartres .
Le 22 du mois dernier , le Maréchal Comte
de Vaux eut l'honneur de faire fes remerciemens
au Roi , & de prêter , en cette qualité ,
ferment entre les mains de S. M. Le même
jour , il eut celui d'être préſenté à la Reine
& à la Famille Royale .
Le même jour , la Baronne de Drée & la
Vicomtelle de Roncherolles eurent l'honneur
d'être préfentées à LL. MM. & à la Famille
Royale ; la première , par la Vicomteffe de
Damas , & la feconde , par la Marquife de
Roncherolles.
Mademoiſelle d'Angoulême eft morte à
Choify le 22 à 11 heures & demie du foir ,
âgée des mois & 16 jours , d'un épanchement
d'eau dans le cerveau . Le 24 , le corps
de cette Princeffe fut porté à St-Denys , cù
elle a été inhumée.
b 4
( 32 )
9
De PARIS, le 1er. Juillet.
Les avis apportés à Breft par le cutter le
Malin , préparoient à l'arrivée prochaine de
l'efcadre de M. le Marquis de Vaudreuil ;
mais on ne s'attendoit pas qu'elle paroîtroit
fitôt après le Malin ; elle a mouillé dans le
port le 17 , comme nous l'avons dit. Les
Jettres de Breft de cette date , contiennent les
détails fuivans .
L'efcadre eft rentrée en rade à 4 heures du foir;
elle eft compofée des 8 va ffeaux que le cutter nos
avoit annoncés. Ils ramènent les régimens de Boarbonnois
, de Saintonge , & de Royal Deux- Ponts
ainfi que beaucoup d'Aides-de- Camp , d'Officiers de
l'Eta Major de l'armée , &c . tels que MM de Viomefail
, Prince de Broglie , & c. M. le Comte de
Ségur eft parti pour Verfailles 2 heures après la entrée
de l'efcadre . M. d'Aibac de Rioux a été
chargé de conduire les 3 vaiffeaux de ligne qui vont
défaimer à Toulon ; les frégates la Cérès & l'Ama.
zone efcortent le Fantafque & l'Ile de France qui
portent à Nantes les régimens de Gâtinois , d'Agé.
nois & de Cambrefis . Le régiment d'Armagnac eft
feul resté aux Antilles ; il reviendra avec ceux qui
formeront les garnifons de ces ifles fur plufieurs
Aûtes & bâtimens de tranfport qui feront efcortés
par la frégate la Nymphe ".
Les Députés de la Province de Bretagne
font , dit- on , chargés d'offrir à S. M. de
mettre , aux frais des Etats de la Province , le
port de Saint-Malo en état de recevoir les
vaiffeaux du Roi . Si ce projet eft adopté , on
ne croit pas pour cela que celui de Cherbourg
foit abandonné.
( 33
}
) ༣༣
M. le Duc de Crillon & de Mahon ne s'eft
arrêté que fort peu de jours à Avignon ; il eft
à Paris maintenant ; mais il n'a point encore
paru dans le monde. Il eft retenu chez lui
parun mal auxjambes , dont la prompte guérifon
exige un grand repos.
M. le Vicomte de Choifeuil Stainville ,
a pris le nom de Maréchal de Choifeuil.
Nous nous empreffons de tranfcrire ici la
lettre fuivante ; elle fert à rectifier quelques
détails que , d'après divers papiers publics
nous avons donné fur un Officier quia mérité
de la célébrité & des diftinctions par les fervices
qu'il a rendus & qu'il rend encore
dans l'Inde.
» Plufieurs papiers publics , Monfieur , ont eu
occafion de parler du Chef d'un corps de troupes
européennes au fervice d'Aïder- Ali Khan on l'avoit
nommé Lally parce que les Anglois l'ont écrit de
cette manière , conforme à leur ortographe quand
on prononce Lallé. Cette manière d'écrire ce nom
avoit donné lieu à une autre erreur ; on s'eft cccupé
de la relever dans quelques Gazettes étrangères
, puis dans votre Journal . Mais on y a fubftitué
une erreur à une autre. Je vais mettre ici en
peu de mots ce que l'on pourroit défirer de favoir
par rapport à cet Officier , ne fur- ce que par amour
de la vérité & pour ne pas laiffer accréditer des
erreurs ( 1 ). Mais faites- moi auffi le plaifir d'im-
(1 ) J'ai toujours été fort empreffé de m'aflurer de la véracité
des faits qui appartiennent à la Géographie & à l'état politique
des lieux qu'elle fait connoître. Mais depuis un an j'y
donne une attention plus particulière , parce que dans le peu
de loifir que me laiffent mes autres occupations , je m'occude
la rédaction d'un Ouvrage qui peut rendre à peu près
fur l'Afie , l'Afrique & l'Amérique , le même fervice que
pe bs
( 34 )
primer ma note , qui juftifie en quelque forte le
ton d'affurance de mon affertion, Cet Officier
eft effectivement connu fous le nom de Lallé , fon
nom de famille eft Defm ... de la S... Il n'eft point
Lorrain ; car quoique François d'origine , il est né
fujet du Duc de Savoie ; la famille est très-honnéte.
Quant aux raifons qui l'engagèrent à déferter.
de Pondichéri , il eft bien certain que ce ne put
être le défordre qui régnoit dans l'Inde pendant la
dernière guerre de 1756 , terminée en 1763 , car
il ne pafla dans l'Inde qu'en 1763 : c'eft un fait
pofitif & fu de prefque tous ceux qui étoient dans
l'Inde alors. A fon départ il emmena environ so
hommes avec armes & bagages . Un corps de Cipayes
de la ga nifon le pourfuivit . Les fuyards
fe defendirent vigoureufement : prefque tous fe
rendirent auprès d'Aïder- Aly-Khan. Mais ce ne fut
point alors , comme on l'a dit , que M. Lallé parvint
à commander les troupes européennes au fervice
de ce Prince. Au contraire , il le quitta peu
de tems après , & fe retira prefque feul fur les
terres de Bazaletzing , frère de Nizam-Aly , Souba
du Décan . Bazaletzing avoit alors un petit corps
d'Européens qu'il avoit artiré à fon fervice ; le Chef
de ce corps étoit un certain M. Zephir , Parifien ,
dont le nom de famille étoit Babel . Prefque ea
arrivant , M. Lallé fut fait Officier ( car à fon départ
il n'étoit que Sergent ) & bientôt après Major.
Il fervit en cette qualité plufieurs années avec dif
tinction . Enfin après la mort de M. Zéphir & la
ma Géographie comparée rend fur les Etats modernes de
P'Europe. Cet Ouvrage paroîtra au mois d'O& obre avec des
Cartes , fous le titre de Lectures Géographiques & Hifloriques
Or , il n'y a forte de foins que je ne me fois donné pour
être en état de préfenter un tableau exact de l'état actuel de
l'Inde . Ce que je dis de M. Lallé fait partie des vérités que
je fuis parvenu à me procurer ; on en trouvera d'autres encore
dans mon Ouvrage.
( 35 )
retraite de M. Gardès , connu fous le nom de Bonenfant
, lequel avoit fuccédé à M. Zéphir , M.
Lallé eut le Commandement des troupes Européennes
. Les intrigues des Anglois à la Cour du Souba
du Décan , obligèrent quelque tems après Bazaletzing
de fe défaire des troupes Françoiles de fon
armée. Ce fut alors que M. Lallé , qui avoit déjà
obtenu de la Cour de France fa grace & un grade.
fupérieur , négocia pour pafler avec fa troupe au
fervice d'Aïder- Aly.Khan , qu'il a toujours fervi depuis
avec autant de zèle que dintelligence . D'après
la fource dont je tiens ce fait aiofi que beaucoup
d'autres fur l'Inde , je puis le certifier véritable .
Je fuis , & c. Signé MENTELLE , Hiftoriographe
de Monfeigneur le Comte d'Artois & Cenfeur
Royal ".
On nous mande les détails fuivans des
effets de la chûte du tonnere , qui peuvent
intéreffer les Phyficiens.
» Le 20 Mai dernier , le tonnerre tomba en feu
fur la girouette de la maifon de M. Amou.euze
de Vernuflon , à Montaigu , en Bas - Poitou , ii fit
une ouverture de dix pieds de long fur fept de large ,
enleva quatre carreaux da carrelage où il fe fit un
paffage & pénétra dans la falle ; le fil de léton de
la fonnette lui fervit de conducteur jufqu'à une
de les extrémités où il fe partagea en deux parties ,
l'une fut tomber auprès de la cheminée & defcendit
par le cordon de la founette qui étoit foie &
or , brûla environ la moitié de la touffe , & delà
palla fous une porte vitrée & fe perdit dans le
jardin. L'autre partie tomba à l'entrepied de la croifée
, brifa une partie de la boifure , & partie du
feu fe fit un paffage au travers du mur ; une autre
partie encore fe communiqua dans le fallon à la
faveur du même fil de la fonnette , paſſa ſur la
tête de Monfieur & de Madame Amoureuze & de
b 6
( 36 )
keur nièce, endommagea les hardes de l'une & de
l'autre en beaucoup d'endroits , & les brûla encore
au col , mais très-légèrement ; deux étincelles marquèrent
un peu les deux manches de l'habit de
M. Amoureuze qui éprouva une commotion affez
violente à la poitrine ; au même inftant , il alla
ouvrir la porte du fallen pour diffiper la fumée
qui étoit confidérable , & il cria à les gens qui
fe trouvoient au nombre de quinze dans la cuifine ,
de faire de même par-tout , ils ne répondirent que
par un cri , qui fit craindre quil n'y en cût que!-
qu'un de bleffé , heureufement perfonne ne l'a été.
Le tonnerre parcourant toujours le fil , étant parvenu
à la fonnette où il finiffoit , tomba fur une
pendule dont il enleva la ferrure fans l'endommager
, caifa les vitres , fondit le balancier , & le
refouda ; il brûla tout par- tout où il paffa , mais
le feu s'éteignoit fur le champ. Il paffa partie par
le jour du lévier , & partie par la porte ; le tonnerre
a découvert quelques endroits du toît en
tombant fur la maifon ; il ne reste ascun veftige
des matériaux qui ont été confumés par le globe
de feu qui , lorfqu'il tomba , étoit de la groffeur
d'un fauteuil ordinaire ; le fil de métal qui lui a
fervi de conducteur , a été coupé en plufieurs morceaux
plus ou moins grands «.
M. Couché , Graveur , vient de publier 2
Eftampes charmantes , d'après des tableaux
de M. Lagrenée. L'ane & l'autre qui forment
pendans , ont pour titre l'Education de l'Amour;
la première offre une belle femme lai
montrant à lire , & la feconde , cette même
femme lui attachant un bandeau fur les yeux;
elles ont été gravées toutes deux par M. Bouillard
, qui les a dédiées à M. le Marquis de
Coffé. Le même Artifte en public une troi(
37 )
fième , d'après M. Fragonnart , qu'il a gravée
avec M. Macret. Elle repréſente une
jeune femme fuyant à travers un champ de
bled , un Berger qui la fuit ; l'air tendre de
cette femme , les graces qu'elle développe
dans fa courfe femblent plus faites pour attirer
que pour éviter celui dont elle s'éloigne ;
il y a peu de tableaux plus agréables & d'un
plus grand effer ; elle a pour titre la Fuite à
deffein.
Nous avons annoncé dans un de ces Journaux
, que le 8 Avril dernier le Roi avoit
honoré d'un brevet de Confeiller d'Etat M.
Philpon de Piepape , Lieutenant Général au
Bailliage Préfidial de Langres. Le même jour ,
S. M. daigna acco . der un pareil brevet à M.
Gayant , Avocar du Roi au Bailliage Provincil
& Siége Préfidial de Sen! is . Nous apprenons
que cette diftinction flatteufe , fi propre
à répandre l'émulation dans les Tribunaux
des Provinces , à y retenir les anciennes
familles , qu'on en voittoujours fortir avec
regret , a fait dans la Ville de Senlis & dans
le reffort de fon Siége , une fenfation d'autant
plus vive, que M. Gayant y jouit d'une confidération
méritée par fon zèle & fes travaux
par les anciens fervices de fa famille , qui a
été long-temps dans les premières Charges
du Bailliage de Clermont en Beauvoiſis , &
Le prix de chacune des Eftampes de l'Education de la
même eft de 1 liv. ; & celui de la Fuire à deffein de 3. Elles fe
trouvent chez M , Couché , Graveur , rue Hyacinthe , maiſon
de M. Le Blanc.
3 8
qui eft depuis un fiècle & demi dans l'exercice
du Ministère public de la parole au
Préfidial de Senlis , & dont une branche qui
a paflé au Parlement , a produit une longue
fuite de Confeillers & Préfidens aux Requêtes
de la Cour , & un Prevôt des Marchands .
Le 21 du mois dernier , à deux heures après
midi , il s'éleva un curagan furieux dans la partie
de la province de Bourbonnois qui avoifine celle
de Forès . Une grêle d'une groffeur extraordinaire ,
pouffée par un vent impétueux , & fuivie d'une
pluie abondante qui dura près de trois heures ,
devafta le canton . La fureur de l'orage s'eft portée
principalement fur la terre du Conde , appartenante
au Comte de Viry. Les vitres du château
ont été briſées , les couvertures enlevées , beaucoup
d'arbres déracinés , les moiffons de dix domaines
entièrement ravagées , les labours nouvellement
faits , entraînés , & les prés enfablés , de
manière à n'efpérer aucune récolte ni de blé ni
de foin pour cette année. Il paroît que dix ou
douze paroifles des environs ont éprouvé le même
défaftre «.
·
Marie Thérèle , Princeffe de Hornes
d'Over Ifque & du Saint Empire , Comtelle
de Baucignies , Bailleul & Hautkercke , Baronne
de Boxtel , Locres , Lefdain & Melsbroeck
, veuve de Philippe-Jofeph , Prince
règnant de Salm - Kyrbourg , eft morte en
cette ville le 19 de ce mois , dans la 57e.
année de fon âge.
Marie Catherine Dubois de la Rochette ,
veuve de Charles Defchamps , Chevalier ,
Comte de la Villeneuve , eft morte à Cuillery
en Bourgogne , âgée de 68 ans.
( 39 )
De BRUXELLES , le 1er. Juillet.
LES lettres de la Haye portent que le nouveau
Miniftre de la République auprès du
Congrès , ayant demandé au Stadhouder de
vouloir bien expédier les ordres néceffaires
au vaiffeaude guerre l'Overyffel , qui doit le
conduire à fa deſtination , le Prince a demandé
aux Etats Généraux de l'autorifer à joindre
à ce vaiffeau un autre de So canons une frégate
de 36 , & un bâtiment léger , à l'effet
d'infpirer plus de refpect pour le pavillon de
la République. L. H. P. , par une réfolution
en date du 13 Juin , ont donné cette autorifation
, & requis , felon l'ufage , le Prince
de fixer le jour du départ de cet armement.
"
›
» L'affaire du jeune Enfeigne de Witte , ajoutent
les mêmes lettres , prend une tournure favorable
pour lui ; il inspire du moins une pitié générale , &
on croit que le jardinier Van Brakel eft le feul coupable
à punir. Au reste tout ce qu'on débite à ce sujet
eft encore bien vague , & la compaffion que le jeune
Officier infpire peut exagérer bien des détails . On
dit que la Cour de Juftice l'avoit condamné à mort .
Cette Sentence ayant été portée au Stadhouder , il
écrivit aux Etats de Hollande que pour des raifons
connues , il ne vouloit pas rechercher fi le cas de
cet Officier étoit pardonsable ou non , ni faire aucun
ufage de la prérogative relativement au droit de faire
grace ; qu'il abandonnoit le tout à l'examen & à la
décifion de L. N. & G. P. qui jugeroient fuivant leur
faceffe , fi le pardon pouvoir avoir lieu dans cette
circonftance. La guerre actuelle ayant montré la
néceffité d'avoir dans la République quelque port
sûr & profond où les plus grands vailleaux puffcut
---
40 !
entrer& mouiller facilement , on a fait divers plans
pour parvenir à ce bur. MM. les Fifcaux Van der
Hoop , Sterngracht , l'Amirul Reynft , & le Chef
d'efcadre Kinsbergen chargés de faire des recherches
à ce fujer , ont rempli lear commiffion , & ils viennent
d'en rendre compte aux Etats- Généraux « .
Les fecours dont la Compagnie des Indes
Hollandoifes a befoin pour remettte fen
commerce fur un pied floriffant , eft porté à
14 millions de florins. Les Etats- Généraux
s'occupent des moyens de le lui procurer.
» Il paraît , écrit- on de la Haye , que c'eft de
notre part que viennent les délais qu'éprouve la con.
clufion du traité définitif de paix , tout paroît convenu
entre la France , l'Efpagne & l'Angleterre ; il
n'en eft pas de même avec nous. No is avons de la
peine à nous réfoudre à céler quelque chofe dans
l'Inde , fur-tout a jourd hui qe Trinquemale eft
repris & que l'Angleterre n'a plus l'air d'être généreufe
en ne demandant que Negapatnam , Les nou
veaux Miniftres Anglois qui ont blâmé l'ouvrage de
leurs prédéceffeurs , le font impoft la loi de faire
mieux & ne peuvent qu'infiiter fur leurs demandes: il
faut donc que nous cédions quelque chofe ; & Négapatnam
ne fera pas une grande perte fi , comme
on le dit , il eft vrai qu'on peut former un établifle
ment à peu de diftance à Porto-Novo cc.
On lit dans une lettre de Paris les détails
fuivans , que nous nous empreffons de
tranfcrire.
» On parle beaucoup ici du nouvel Opéra de
Péronne Sauvée , jugé d'abord avec tant de févérité
, & avec lequel le Public fe réconcilie , puifque
les repréfentations l'attirent toujours , & que les
recettes , qui font le thermomètre des fuccès des
ouvrages de ce genre , ont été , pour les 6 pie(
41 )
>
mières feulement , au- delà de 24,000 livres. Un
fait qu'on ignore , qui mérite d'être connu , & qui ,
quoique vrai , paroîtra incroyable , c'eft que les
paroles ont été faites pour la mufique , que M. de Zéde
avoit déja compofée pour un autre Opéra , intitulé
le Patriotifme , qui devoit être donné aux Italiens .
Diverfes circonftances ayant fair retirer cette Pièce
du Théâtre Italien , auquel elle étoit deſtinée , M.
de Zéde engagea M. de Sauvigny à lui faire des
paroles pour fa mufique ; & c'est à cet arrangement
auquel il voulut bien fe prêter , que nous devons
Péronne Sauvée. Les gens de Lettres fentiront
toutes les difficultés d'une entrepriſe femblable
les efforts qu'elle a dû coûter , quelles reflources ,
quels talens & , pour ainfi dire , quelle foupleffe elle
fuppofe dans l'efprit de l'Auteur. Cette anecdote
connue fera lire le Poëme avec plus d'intérêt
encore , & ajoute , fans doute , au mérite qu'on
n'a pu lui refafer , même en ignorant la manière
dont il a été fait ( 1 ) . Il ne faut pas oublier
en finiffant , un trait fort plaifant que fournit la
première représentation . Elle fut , comme l'on
fait , un peu orageufe ; plufieurs morceaux , faits
pour produire le plus grand effer , ne furent pas
écoutés. Le tumulte redoubla , fur- tout au beau monologue
qui fait la 2e fcène du ze acte . Quelqu'un
qui fe trouvoit à l'amphithéâtre , immédiatement
au- deffus d'un des factionnaires du parterre , lui
-
(1) Peronne fauvée eft imprimée dans le 4me volume du joli
recueil des Après-foupers de la Société , dont le sme vol.
paroît : on connoît l'agrément & la variété de ce recueil . La
beauté de l'édition qui eft fortie des preffes de M. Didot l'aîné,
la mufique charmante de M. de Zéde , de M. le Chevalier
d'alleyrac qui l'accompagne . Il y en a 19 cahiers ; less qui
reftent à fournir ne tarderont pas à paroître . On foufcrit tou
jours au prix de 361. , à Paris , chez l'Auteur , rue neuve des
Bons-Enfans , vis - à- vis la cour des fontaines du Palais- Royal
( 42 )
:
cria Sentinelle , faites donc taire. Le foldat ,
qui étoit tout entier à l'action , & qui venoit
d'entendre l'Acteur chanter : Ah ! que je hais
l'heureux François , &c. Croyant que c'étoit à
cet Acteur qu'on vouloit qu'il imposât filence ,
répondit : il n'oferoit , mor .... me dire cela en
face ; mais que voulez - vous , j'ai ma configne ,
& je ne puis quitter mon pofte.
PRÉCIS DES GAZETTES ANGL . du 24 Juin .
Le tonnage des vaiffeaux pris pendant la dernière
guerre fur l'Amérique , la France , l'Efpague
& la Hollande , eſt évalué à plus de 270,000
tonneaux , ſavoir :
Sur l'Amérique ,
Sur la France ,
Sur l'Espagne , ·
Sur la Hollande ,
• $7,000.
· • • 113,000 .
76,000.
24,000 .*
270,000.
On a remarqué que la guerre préfente a porté
quelque atteinte aux anciens principes de la fecte
des Quakers ; on fait combien elle eft répandue en
Amérique , & que plufieurs domiciliés dans les
Etats-Unis entraînés par le torrent , ont pris les
armes & oat combattu pour leurs foyers. Cet
écart des anciennes obfervances a effrayé les Qua
kers auftères de la Grande- Bretagne . Dans leur affemblée
ordinaire du 9 de ce mois , & qui a été
terminée le 14 , ils ont composé une lettre circalaire
adreffée à leurs freres de la Grande - Bretagne ,
de l'Irlande & d'ailleurs , pour leur faire part de
leurs inquiétudes , & les exhorter à pleurer fur la
décadence lamentable qui prévaut parmi les amis ;
& de prier pour ceux qui au lieu de fe confier
au pouvoir feul qui peut les fauver , ont armé des
vaiffeaux , les ont remplis d'inftrumens de mort
& de deſtruction , & ont aidé au fupport de
( 43 )
la guerre par des contributions volontaires aur
emprunts du Gouvernement , & à forger des armes
pour l'oeuvre du fang & du carnage.
Le Gouverneur général & le Confeil de Bengale
ont pris dernièrement une réfolution qui donnera
une très-haute idée de leur juftice & de leur impartialité.
Autrefois les Directeurs permettoient aux
Officiers de la Compagnie qui , après avoir paffé
quelques années en Europe , retournoient au Bengale,
de reprendre le rang qu'ils auroient eu s'ils n'avoient
jamais quitté l'Inde. On en avoit vu plufeurs
qui , fimples Lieutenans à leur retour en
Europe , où ils paffoient des années entières à jouir
des agrémens de leur patrie , reparoître en Afe
avec le grade de Majors , & d'autres qui n'étoient
que Capitaines , y prendre après deux ans d'abfence
, celui de Lieutenant-Colonel. Le Confeil Supérieur
a décidé que ces Officiers à l'avenir conferveront
les titres qu'ils auront obtenus mais non
les fonctions , jufqu'à ce qu'ils aient fervi réellement
autant de tems que ceux qui ne font point
fortis de l'Inde ; on n'accorde qu'une exemption
de deux ans pour ceux que des befoins de fanté
auroient fait retourner en Europe.
On a répandu plufieurs bruits ces jours derniers
qui n'annonçoient rien moins qu'une grande révolu
tion dans l'Aminiftration , où l'on s'empreffoit de faire
rentrer le Comte de Shelburne , M. Pitt , le Lord
Thurlow , & c . On profitoit de l'arrivée récente
du Lord Temple , qui revient d'Irlande où il étoit
adoré pour le faire premier Lerd de la Trésorerie ;
mais tous ces bruits imaginés par les oififs , ne fe
font pas foutenus , & les mêmes papiers qui les
avoient répandus , fe font empreflés de les démentir.
Ils donnent pour caufe de ces changemens un
différend furvenu entre le Roi & fes Miniftres à
l'occafion de l'établiſſement du Prince de Galles
qui eft de 60,000 livres sterling , & qu'on vou-
Loit porter à 110,000. S. M. défiroit , dit - on ,
( 44
nommer les Officiers de la Maifon du Prince , qui
de fon côté fouhaitoit en avcir le choix , & on
prétendoit que les Miniftres étoient difpofés à le
fatisfaire.
C'eft avec beaucoup de plaifir qu'on va rapporter
l'anecdote fuivante concernant le Prince de Galles.
Ayant entendu dire à Windfor que le Lord S - r
H- avoit été arrêté pour une dette de 500
livres fterling , il feignit de ne prendre aucune part
à ce difcours , & il mit un billet de banque de
500 livres fterling fous enveloppe qu'il porta ,
déguifé en redingotte chez le vieux Lord , & remit
le paquet au domeftique , ajoutant qu'il n'étoit
pas befoin de réponfé. Cet acte de générofité
a été découvert par le domeftique qui reconnut le
Prince , & appercevant qu'il vouloit garder l'incognito,
ne le lui témoigna pas.
La liberté de la preffe eft d'une nature fi facrée ,
que le peuple ne peut voir fans indignation toutes les
démarches qui tendent à détruire ou à reftreindre
cette liberté. Un des plus grands griefs contre
l'adminiftration du Chevalier Robert Walpole étoit
la profufion avec laquelle il répandoit l'argent de
la Nation , pour acuparer toutes les preffes qui
alors n'étoient plus deftinées qu'à imprimer fes
panégyriques.
GAZETTE DES TRIBUNAUX.
PARLEMENT DE PARIS , GRAND'CHAMBRE.
Caufe entre Pierre L... Tuilier , au nom & comme
Tuteur de Marie -Catherine , fille mineure & naturelle
de Marie Jeanne L... fille majeure.
Et Edme Philippe S... Marchand de Beftiaux.
Demande en frais de Géfine .
Une fille qui a compolé moyennant une fomme
d'argent , avec celui à qui elle fe propofoit d'imputer
la paternité de l'enfant dont elle étoit enceinte , &
qui s'eft obligée formellement de ne point inquiéter
celui que des liaifons particulières pouvoient faire
7455ད
-
préfumer père ; une fille enfin qui a renoncé expreffément
à faire baptifer fous fon nom l'enfant dont
elle accoucheroit , peut-elle former contre ce même
particulier des demandes en reconnoiffance d'enfant ,
& en condamnation de penfion alimentaire . Déjà
⚫ condamnée en fon nom , & déboutée de la demande
qu'elle avoit formée , peut- elle renouveller enfuite ,
fous le nom de cet enfant naturel , la même prétentien
déjà proferite ? Telle eft la queftion que cette
Caufe préfentoit à juger. Voici le fait. Marie-
Jeanne-Pierrete L... Couturiere domiciliée au lieu de
la B... dans le diocèſe de Sens , avoit déjà eu quelques
foibleffes , lorfque dans le courant de l'année
1775 , elle s'apperçut qu'elle allcit devenir mère une
feconde fois : des rapports de voifinage & quelques
affiduités d'un nommé S ... Marchand de beftiaux ,
garçon ailé qui avoit placé chez la fille L... une de fes
nieces en apprentiffage , favorifoient le projet que
cette fille avoit de faire une déclaration de groffeffe
fur fon compte. Le fieur S... jaloux d'arrêter le cours
de propos injurieux à la réputation , & nuisibles aux
intérêts de fon commerce , & pour impofer à cette
fille un filence abfolu , lui fit propofer des moyens
de conciliation . Des médiateurs communs lui offrirent
de la part du fieur S... une fomme de 400 liv .
qu'elle accepta ; & le 8 Décembre 1775 il fut paffé
devant un Notaire du Bailliage de Sens un acte , pár
lequel la fille L... défapprouva les bruits qui couroient
fur fes liaiſons avec le fieur S... renonça à
tion , pourfuite , recours , prétentions contre lui ;
promit de ne le point rechercher ni inquiéter , &
déclara renoncer à faire baptifer fous le nom dudit
S... l'enfant dont elle étoit enceinte. Le 29 Février
1776 , la fille L ... accoucha d'une fille qui fut baptifeé
, comme fille d'elle & d'un père inconnu .
toute ac-
En 1778 , la fille L... qui avoit tiré fi bon parti du
fieur S... réfolut de le mettre de nouveau à contribu
tion. Elle renouvella les bruits qu'elle avoir déjà répandus
à l'occafion de l'enfant dont elle étoit accouchée
en 1776. Le fieur S... pour les faire ceffer , la
( 46 )
fit affigger devant le Juge de Saint - Vallery , pour en
avoir réparation : & il demanda en même tems l'entiere
exécution de l'acte du 8 Décembre 1775 &
3000 liv. de dommages & intérêts . Alors la
fille L... foutint directement , à la face de la Juſtice ,
la vérité des propos répandus dans le public fur le
fieur S ... & elle déclara qu'il étoit le père de l'enfant
dont elle étoit accouchée en 1776 : elle demanda
des dommages & intérêts ; qu'il fût tenu de fe charger
de l'enfant , & condamné à lui payer une penfion
alimentaire mais une Sentence du Juge de Saint-
Vallery déchargea S... du fait de groffeffe dont il
étoit prévenu , & condamna la fille L... en so liv.
de dommages -intérêts , avec dépens , impreffion &
affiches de la Sentence , appel au Bailliage de Sens .
Sentence confirmative du premier Juillet 1779 .
Alors la fille L... au lieu d'interjetter appel en la
Cour , préfenta requête au Juge de Brennai , pour
faire nommer un tuteur à ſa fille naturelle ; Sentence
du 24 Août 1780 qui la nomma tutrice & Pierre L...
fon frère , fubrogé tuteur ; alors en fa qualité de
tutrice , elle fit afligner le fieur S... devant les Juges
de Nemours , & forma la même demande dans laquelle
elle avoit fuccombé à Sens , & conclut à ce
que la penfion alimentaire qu'elle demandoit pour fa
fille naturelle , lui fût payée par avance , à compter
du 29 Février 1776 , jour de la naiffance de l'enfant :
par Sentence de Nemours du 4 Août 1781 , la fille
L... a été déclarée non - recevable en fa demande &
condamnée aux dépens. Cette fille qui ne réuffiffoit
point quand elle agiffoit en fon nom , fit affembler
de nouveau fes parens & amis , pour procéder
à l'élection d'un tuteur ad hoc , pour fa fille naturelle
, & faivre fur l'appel l'infirmation de la Sentence
de Nemours : Pierre L ... fut nommé tuteur :
il prit en la Cour les mêmes conclufions que la fille
avoit prifes , & à Sens & à Nemours , & demanda
fubfidiairement à être admis à la preuve des faits de
liaifons , fréquentations & familiarités , qui avoient
fubfifté entre la fille L... & le fieur S... Par Arrêt
--
47
du 14 Décembre 1782 la Sentence de Nemours a été
confirmée & le tuteur condamué aux dépens.
PARLEMENT DE NORMAN DIE .
Nouveaux Cimetières .
-
En l'année 1770 , le fieur Bas de Préaux , Receveur
des Tailles à Lifieux , fieffa de M. l'Evêque
de cette Ville , un terrain vain & vague , pour
cinq livres de rente foncière. Ce terrein , appelé
le Mont St - Urfin , eft fitué fur une hauteur efcarpée
, qui prétente un afpect agréable. Le fieur Bas
de Préaux y a fait bâtir une maison ; & avec beaucoup
de dépenfe , il eft parvenu à améliorer ce fonds ,
qi eft aujourd'hui bien cultivé & bien planté . -
s'étant agi en 1782 de choisir l'emplacement du
nouveau cimetière de la Ville , le Chapitre jetta
les yeux fur le Mont St-Urfin ; les deux autres
Paroiffes , St Germain & St - Jacques , portèrent leurs
vees for deux autres terreins ; dans la néceffité de
fe réunir à cet égard , l'Hôtel- de- Ville s'affembla ,
fit un Mémoire en forme de confultation , qu'il
adreffa au Collège des Médecins , qi répondit que
le Mont St - Urfin , par la nature de fon terrein
par fa fituation , par fon expofition au Nord & à
I'Eft , avoit tous les avantages defirés : fingulièrement
celui de la falubrité de l'air , objet qui avoit
décidé le Roi , dans fon Edit , & les Magiftrats
dans leur Arrêt d'enregistrement.
fultation envoyée à M. le premier Préfident &
à M. le Procureur Général , M. le Procureur.
Général donna fon requifitoire , & la Cour ordonna
qu'il feroit dreſſé Procès - verbal par un de
Meffieurs. Arrêt du 11 Avril 1783 , qui a débonté
l'Hôtel-de - Ville & le Chapitre de leur prétention
, & a ordonné qu'il feroit choifi tout autre
terrein que le Mont St - Urfin , pour y établir un
nouveau cimetière .
Cette con-
PARLEMENT DE PROVENCE.
Affurances , prefcription à cesujet.
Quand on facrifie la rigueur de la loi à l'hon-
C
( 48 )
rance.
-
nêteté des procédés , c'est une manière d'agir très
louable , fans doute ; mais fi l'intérêt d'un tiers s'y
trouve compromis , combien n'a- t- on pas de reproches
à fe faire ? Rendons cette vérité plus fenfible
par un exemple. Le 21 Juin 1780 , le Capitaine
Capoua fic affurer à Marfeille 700c liv. fur le corps
de la polacre St -Antoine & la Vierge des Carmes ,
dont il avoit à-la-fois le commandement & la propriété.
Ce Capitaine mit enfuite à la voile : le fuccès
de fon voyage juftifia fa prudence ; la polacre
échoua fur les côtes de Rouffillon , près de Collioure ,
le 27 Juillet. La déclaration du naufrage fut faite
à la Chambre du Commerce. Le Capitaine Ca.
poua de retour à Marseille , fe préſenta en Août
chez fes affureurs , produifit les pieces juftificatives
de la perte , & demanda le montant de fon affu-
Quelque convaincus que fuflent les afſureurs
de la juftice de la réclamation du Capitaine ,
ils crurent ne devoir y fatisfaire qu'après les trois
mois expirés. Le Capitaine entreprit un nouveau
voyage & laiffa fa police d'affurance au fieur
Chighifola. Ce Négociant fit de nouvelles démarches
auprès des affureurs à l'expiration des trois
mois. Il fut fouvent renvoyé da jour au lendemain
pour être payé ; enfin laffé d'une patience infructueufe
& d'une réclamation inutile , il fe pourvut
le 11 Novembre 1780 , devant le Lieutenant de
l'Amirauté de Marfeille , en payement des fommes '
affurées . Alors , les affureurs , qui , jufques là ,
avoient reconnu la detre , & qui avoient feulement
demandé du tems pour payer , opposèrent la fin
de non recevoir des trois mois , portée par l'article
49 du titre 6 de l'Ordonnance de 1681 .
Geur Chighlizola , de fon côté , demanda à faire
preuve de la promeffe faite par les affureurs , de
payer après l'expiration des trois mois . Sentence
qui admi à la preuve , & appel fur- le - champ ,
de la part des affreurs. Arrêt du 12 Mai 1783 ,
qui réforme la Sentence qui avoit admis à la preuve.
,
--
--
―
Le
JOURNAL POLITIQUE
DE BRUXELLES.
TURQUI E.
De CONSTANTINOPLE , le 17 Mai.
Nene Pur l'iffue des démêlés furvenus
N ne peut tarder de favoir à quoi s'en
entre la Ruffie & la Porte ; M. de Bulgakow
a reçu le 14 un Courier de Pétersbourg ;
les dépêches qu'il lui a apportées contiennent
l'Ultimatum de fa Cour , & la guerre
paroît inévitable fi le Divan refufe de foufcrire
à ces conditions . A mefure que l'épo--
que qui doit fixer nos incertitudes approche ,
le Gouvernement épa.ffit les ténèbres dont
il enveloppe fes deffeins , & perfonne n'oſe
parler des affaires publiques de peur d'être
étranglé fur- le- champ. Cette févérité a été
jugée néceffaire pour maintenir l'ordre au
milieu d'un peuple turbulent & dont l'effervefcence
eft difficile à contenir lorſqu'il eſt
queftion d'une guerre contre les Francs.
Les lettres du Caire nous préparent à
l'ouverture prochaine d'une nouvelle fcène
de fang en Egypte ; les Beys qui comman-
12 Juillet 178 3.
C
"
( 50 )
dent dans cette ville ont mis fur pied une
armée nombreuſe qui doit marcher actuellement
contre les Beys du parti oppofé . Ces
derniers qui ont des forces auffi confidérables
fe font préparés à une vigoureuſe réfiftance
; on s'attend à un choc également
terrible & opiniâtre dont l'iffue eft trop
incertaine pour ne pas inquiéter : ces troubles
peuvent durer & priver la Porte des
fecours que dans des circonftances plus
tranquilles elle auroit pu tirer de ce Royaume.
SUEDE.
De STOCKHOLM , le 13 Juin.
LE 9 de ce mois le Roi eft parti à bord
d'un vaiffeau pour ſe rendre à Abo & paffer
en revue les troupes de Fionie qui étoient
déja campées. Un Courier nous a appris la
fâcheufe nouvelle que S. M. a fait une
chûte de cheval , & qu'elle s'eſt démis le
bras gauche. Le Comte de Creutz arrivé ici
depuis le 7 de ce mois a accompagné S. M.
à Abo.
POLOGNE.
De VARSOVIE , le 13 Juin.
LE Prince Martin - Lubomirski , vient d'établir
ici , à fes frais , un conſervatoire où
l'on formera de jeunes gens des deux fexes
à la déclamation théâtrale ; on s'attachera
fur-tout à leur donner en même tems une
( 51 )
1
éducation honnête. Son but en formant cette
inftitution eft de donner à la nation une
Ecole d'Acteurs nationaux qui auront des
moeurs , & dont la conduite ne détruira pas
l'effet moral des Ouvrages dramatiques qu'ils
repréfenteront. Tous ces jeunes gens feront
vêtus d'une manière & d'une couleur uniformes
; les Maîtres ont été choifis avec
foin & font déja en exercice.
Le commerce des grains à Dantzick a
été affez favorable cette année , par les
chargemens qu'y ont fait les Anglois ; le
prix du feigle & du froment y font augmentés
, ils ne fe vendent pas le premier
au-deffous de 200 florins le laft , & le fromant
au deffous de 400 .
ALLEMAGNE,
De VIENNE , le 21 Juin.
Ce que nous favons de la marche de
l'Empereur fi intéreffante à fuivre dans les
circonstances actuelles , eft qu'il a dû arriver
le 20 à Léopol , où l'on croit qu'il fera
quelque féjour.
On dit que les Evêques de Lintz & de
Crems , que l'Empereur a nommés dernièrement
, n'ont pas encore reçu la confirmation
du Pape quoiqu'elle lui eût été
demandée au nom de l'Empereur par l'Archiduc
Maximilien pendant fon voyage &
fon féjour à Rome.
On affure que plufieurs régimens de
C 2
( 52 )
cavalerie font en marche pour se rendre
fur les frontières de la Moravie , & qu'on
établit des magaſins à Olmutz.
Le régiment de Huffards vacant par la
mort du Maréchal Comte de Nadafti a été
donné au Maréchal- Lieutenant Comte d'Erdody
.
Les tranfports des munitions de l'Autriche
& de la Bohême pour la Hongrie
ne paroiffent point fe ralentir. Le Commiffaire
Impérial envoyé à Lintz , a ordre
d'y tenir prêts les chevaux néceffaires pour
que leur marche ne foit point arrêtée. On
continue de travailler à des chevaux de
frife , & on en embarque fréquemment
des quantités confidérables fur le Danube.
S. M. I. a ordonné la réparation prompte
de toutes les chauffées de la Hongrie , &
en particulier du Bannat de Temefwar , afin
que les diligences & autres voitures publiques
foient moins expoſées à l'avenir aux
attaques imprévues des brigands qui infef
tent ce pays ; il eſt enjoint aux Poftillons
de fe munir de deux piftolets & d'un couteau
de chaffe. Les Maîtres de Pofte s'attacheront
à ne prendre à leur fervice que
des gens fûrs qu'on ne puiffe du moins foupçonner
de s'entendre avec les voleurs.
Les ordres donnés dans le Bannat commencent
déja à s'exécuter , la chauffée qui
eft conduite à travers des marais & qui va
depuis Verfecz jufqu'à Weiskirchen eft
finie , fon étendue fur, les marais eft de
1000 toifes.
( 53 )
De HAMBOURG , le 21 Juin.
LES bruits de la guerre prochaine qui
menace d'éclater entre la Ruffie & la Porte ,
quoiqu'incertains & contradictoires relativement
à fon époque , fe foutiennent toujours
; ceux d'une action entre les troupes
des deux Puiffances, & de la furpriſe d'Oczakow
n'avoient pas d'autre fondement , que les
mouvemens & l'approche de différens corps
fur leurs frontières refpectives . S'il faut en
croire plufieurs lettres , la Ruffie a fait remettre
aux Cours de Stockholm , de Copenhague
, de Berlin , & c. un manifefte ou
plutôt une déclaration contenant l'expofé des
motifs qui l'obligent de faire avancer fes
- troupes vers la Crimée & de prendre poffeffion
de cette prefqu'ifle . Ces motifs font
les fuivans.
>> La Porte depuis le traité de Kainardgi n'a ceffé
de contrevenir à les engagemens , foit en exerçant
des actes de fouveraineté dans quelques parties d'un
pays qui ne lui étoit plus foumis , foit en fomentant
des divifions dans la prefqu'ifle entière , en foulevant
ces peuples contre leur Kan légitime & forçant
celui - ci de fuir & de recourir à la protection de
la Ruffie qui eft parvenue à le rétablir , il eſt vrai ,
malgré les menées fourdes & l'argent que répandoient
les émiffaires de la Porte pour entretenir la
rebellion. Les actes arbitraires & defpotiques que
cette Puiſſance n'a pas craint d'exercer dans un pays
dont elle avoit folemnellement reconnu l'indépendance
ont eu lieu principalement à Taman . Un Officier
Turc , de l'ordre de fon Souverain , alla prendre
poffeffion de cette ifle. Le Kan averti de cette déc
3
( 54 )
marche & des prétentions de l'Envoyé lui dépêcha
un Officier pour favoir les raifons qui engageoient
le Grand- Seigneur à vouloir dominer dans un endroit
qui n'avoit jamais été détaché de la Souveraineté de
la Crimée & qui dans tous les tems en avoit fait
partie. Loin d'écouter les juftes repréſentations du
Kan , l'Officier Turc foulant aux pieds tout droit des
gens , & fans refpe&t pour le caractère facré du Miniftre
d'un Prince Souverain , fit trancher la tête à
cet Envoyé. Ces infultes ne pouvant manquer de fe
renouveller & de caufer les plus grands troubles
dans les Etats voifins de l'Impératrice ; pour les prévenir
& pour établir folidement les Tartares , dans
l'indépendance qu'elle leur a procurée , elle a jugé
devoir faire occuper le pays par fes troupes ; elle le
gardera en fa poffeffion jufqu'à ce qu'elle foit payée
des dépenfes qu'elle a faites pendant la dernière
guerre & depuis pour lui affurer la liberté & l'indépendance
«.
On fixe la date de cette déclaration au
13 du mois de Mai dernier ; un de nos papiers
s'exprime ainfi fur cette pièce.
» Si le Divan peut voir tranquillement la Crimée
fous la dépendance immédiate de la Ruffie , s'il ne
craint pas que des ports de cette prefqu'ifle
il forte
un jour une flotte qui jettera dans Conftantinople.
20 ou 30,000 Ruffes avant qu'on foit averti de leur
approche , il Feut fans doute éviter une rupture ;
mais le parti que la Porte a toujours en Crimée eft
trop nombreux ; le péril qu'elle court en laiffant les
Ruffes s'arranger & fe fortifier dans la Péninfule eſt
trop imminent pour ne pas s'attendre qu'elle regardera
la démarche hardie de la Ruffie comme une vio .
lation du traité de Kainardgi & comme une déclaration
de guerre , & qu'elle ne faffe les plus grands
efforts pour éloigner des bords de la mer Noire des
voifins auffi redoutables. Si à ces difpofitions vigoureufes
de la Porte ſe joint l'entremiſe des Puillances
155 )
Européennes qui ont intérêt à ce que l'Empire Turc
ne foit pas démembré ; files Puitfances du midi fe:
décident ouvertement , les hoftilités pourront bien
fe borner à la prise de poffeffion de la Crimée , & la
Ruffie contente d'affranchir pour jamais du joug la
belle partie de l'Afie qui l'avoifine , par une promeffe
encore plus folemnelle de la Porte , pourra bien re.
tirer les trouges à la follicitation des Puiffances
Médiatrices «<,
Nous n'ajouterons rien à ces obfervations ;
les démarches de la Ruffie & les armemens
de l'Empereur , font couverts d'un voile
trop épais pour pouvoir eflayer de découvrir
à travers , les difpofitions des Puiſſances de
l'Europe & la part qu'elles pourront prendre
à cette fameufe querelle. C'eft au tems à
nous éclairer , en attendant nous rapporterons
ici une lettre de Pologne qui contient
un fait bien fingulier , mais qu'on ne peut
garantir.
» On a reçu des avis qu'on affure venir de bonne
part & qui portent que le Kan de Crimée dégoûté
par les entraves que lui oppofe fans ceffe la Porte , &
par la difficulté de gouverner paifiblement & librement
un pays agité depuis fi long -tems , a pris le
parti d'abdiquer la régence. Les Tartares en conféquence
de fa déclaration ont voulu procéder à l'élection
d'un nouveau Chef ; mais le Général Ruffe qui
commande dans cette prefqu'ifle s'y eft oppofé , en
déclarant à fon tour , qu'il devoit donner préalablement
à la Cour connoiffance de l'abdication de l'ancien
Kan ".
Les lettres de la Haute - Autriche portent
que les orages & les pluies continuelles y
ont caufé beaucoup de dégâts , & que les
C 4
( 56 )
campagnes qui promettoient la plus belle
récolte ont été abîmées .
Le relevé des regiftres de toutes les Eglifes
des Etats du Roi de Pruffe porte le nombre
des mariages pendant l'année dernière à
43,744 ; celui des naiffances à 205,406 &
les morts à 171,104 ; on n'a pas compris
le militaire dans cet état..
» On eft enfin parvenu ici , écrit- on de Mayence,
à un nouvel arrangement avec la ville de Wurtzbourg
pour la navigation du Mein , en établiſſant de
l'uniformité dans les péages. Le Prince de Wurtzbourg
avoit fait propofer à l'Electeur d'annuller entièrement
tous les péages ; mais on a porté ce Prince
à fe défifter de cette prétention ; cependant on
n'atteindra point le but defiré fi le traité entre le Pa
latinat & le Wurtemberg fe conclut comme on le
croir , parce que le tranfit fur le Mein malgré la
diminution des péages deviendra alors beaucoup
moins confidérable «.
On lit dans quelques lettres de Prague
qu'il y a été publié un ordre fuprême portant
que lorfque la garde militaire fera requife
de prêter main forte , & qu'elle fe
trouvera maltraitée ou feulement empêchée
en rempliflant fon objet , elle ne ſe contentera
plus de tirer à poudre & en l'air , mais
qu'elle tirera à balle & directement fur les
oppofans. Ce n'eft que par des exemples de
févérité qu'on peut venir à bout de réprimer
la pétulante défobéillance d'une populace indifciplinable.
» Un Officier de nos Chevaux-Légers , ajoutent
ces lettres , donnant il y a quelques jours à dîner à
plufieurs de fes amis , remarqua fur la fin du repas
( 57 )
que fon valet- de-chambre prenoit un pistolet & fe
difpofoit à caffer la tête à un Capitaine qui étoit au
nombre de ſes convives ; il n'eut que le tems de détourner
le coup qui lui fracafla le bras à lui-même.
Il réfulte des informations prifes au fujet du coupable
qu'il est tombé en frénéfie ; il n'avoit donné auparavant
aucun indice d'une pareille maladie «.
Selon les lettres de Salzbourg , l'Archevêque
vient de fupprimer dans fon Diocèſe
les Frères & les Soeurs de la règle de Saint
François. C'étoient des perfonnes laïques qui
fe faifoient affocier aux Récollets . Il a auffi
ôté , dit- on , au Couvent des Religieufes de
Loretto une fomme de 25,000 florins , & l'a
affignée aux Urfulines qui s'occupent à élever
& à inftruire la jeuneſſe.
ITALIE.
De LIVOURNE , le 10 Juin.
ON apprend de Gênes que L. A. R. l'Archiduc
& l'Archiducheffe Ferdinand en font
partis le 4 , à bord d'une galère de la République
qui les a conduits à Nice.
Les lettres de Mogador portent que deux
bâtimens de guerre Anglois , à bord de l'un
defquels fe trouvoit le Secrétaire du Général
Elliot , font arrivés dans ce port à la fin du
mois de Mars ; l'objet de leur miffion eft
de renouveller les anciens Traités entre S.
M. B. & le Prince Maure ; & on affure que
la négociation eft déja fort avancée ; c'eft
le Chevalier Curtis qui a commandé la marine
Britannique à Gibraltar pendant le bombardement
, qui eft chargé de la conclure.
}
58 )
L'Electeur Palatin a été faire un tour
à Naples & doit retourner à Rome , où il
paflera encore quelques jours.
» Le Marquis de Maruzzi , écrit- on de Venife ,
Miniftre de Ruffie auprès de la République , eft
parti pour Pétersbourg ; on dit qu'il fera remplacé
inceffamment par le Comte de Woronzoff, en qualité
d'Envoyé extraordinaire & de Miniftre Plénipotentiaire
de l'Impératrice. Un Miniftre auffi diftingué
auprès de la République fera très- néceffaire , s'il eft
vrai , comme on l'affure , que la Ruffie va faire
paffer des forces de terre & de mer dans le Levant.
-On parle peu ici des affaires politiques de l'Europe
; mais on remarque que le Gouvernement s'occupe
fecrètement des mouvemens qui fe font autour
de nous . Si la guerre éclate entre la Porte & fes
deux Voifins , la fituation de la République fera un
peu embarraffante ; mais à l'Autriche ne feconde pas
les vues de la Ruffie , il fera bien difficile que certe
derniere puiffe étendre le théâtre des hoftilités du
côté de la mer Adriatique ; & on préfume que la
mer Noire ou les environs pourront fixer toutes les
troupes de terre & de mer deſtinées à agir contre le
Croiffant «.
Les lettres de Naples continuent de raffurer
fur la Calabre & fur Meffine ; les
fecouffes s'y font bien fentir encore de tems
en tems , mais elles font très-foibles , trèscourtes
à de grands intervalles . Les habitans
commencent à retourner dans leurs maifons ,
d'où l'effroi les avoit chaffés . Le Gouvernement
a deſtiné une fomme de 500,000 ducats
pour fournir les uftenfiles & les inftrumens
les plus néceffaires aux Agriculteurs
rétablir les magafins dans lefquels fera dépofée
la récolte prochaine , qui fera , dit-on ,
59 )
très abondante , ainfi que pour rebâtir &
mettre en état les Hopitaux .
Suivant les dernières nouvelles d'Alger ,
cette Régence éprouve quelques inquiétudes
fur les bruits de l'armement d'Espagne , &
prend les mesures néceffaires pour augmenter
fes forces & fe mettre en état de défenfe
dans le cas où cette ville feroit attaquée.
ESPAGNE.
De MADRID , le 16 Juin.
Nous venons de perdre l'Infant D.
Charles , né le s Mars 1780. Il est mort le
s de ce mois à 11 heures du matin , & il
a été enterré hier dans l'Eglife du Monaftère
Royal de Las Rofas ; ce Prince étoit le feul
fils qui reftoit au Prince des Afturies , qui
en avoit déja perdu un. La groffeffe de la
Princeffe fon époufe , qui entre dans fon
feptième mois , nous donne l'efpérance d'un
nouveau Prince qui remplacera la perte
>
que nous avons faite.
» Le 22 du mois dernier , écrit-on de Carthagène ,
le chébec la Sainte-Rite a jetté l'ancre ici à fon retour
d'Orao. Le Capitaine rapporte que le 9 un
chébec , un pinque & une nacelle remplis de Maures
s'étant approchés à environ une lieue de la place ,
s'y font emparés d'un bâtiment Génois forti de ce
port le jour précédent & chargé de différens comef .
tibles ; heureuſement l'équipage s'étoit fauvé à l'aide
de fa barque. Le Capitaine d'une polacre Napolitai
ne rapporte auffi que le 6 cinq barques Maurefques
avoient donné chaffe , à la vue de Palamos , à une barc6
760 )
que de fa nation qui leur avoit échappé à l'aide de
quelques pêcheurs qui l'avoient prife à la remorque
«.
ANGLETERRE.
De LONDRES , le 30 Juin.
Nos nouvelles de l'Amérique feptentrionale
fe réduisent à celles apportées par un
bâtiment arrivé dernièrement de Philadelphie
; tout étoit tranquille à fon départ ; les
déprédations & les excès commis par des
troupes de Sauvages fur les frontières de la
Virginie , avoient été heureufement réprimés
par un détachement de milice , qui
fous les ordres du Colonel Geft , les a attaqués
& les a détruits & difperfés. Ces
barbares paroiffoient être conduits par quelques
Emiffaires du Gouverneur de Québec
& par des Américains ; dans le nombre des
prifonniers qu'il a faits , fe font trouvés le
Capitaine Munro & un certain M. Fergufon
du Canada , qui ont été conduits &
pendus fur-le - champ à Buffalo Town : on
efpère que cet avantage dégoûtera pour
long- tems les Sauvages de ces incurfions ,
& que fur-tout le fort des deux perfonnes
qu'on vient de punir , refroidira l'acharnement
de leurs inftigateurs qui du moins.
craindront de fe mettre à leur tête.
L'efcadre de l'Amiral Hood dont l'approche
a été annoncée par le Pigmée de
16 canons , eft arrivée partie à Plymouth
partie à Portfmouth ; le Barfleur à bord du(
61 )
quel fe trouve le Prince William Henri ;
eft entré dans ce dernier port , où dès le 26 ,
plufieurs Officiers de marine s'étoient rendus
pour recevoir ce Prince qui eft arrivé le 27.
Le Pigmée avoit quitté la Jamaïque au commencement
de Mai , & à fon départ le vaiffeau
l'Ulyffe fe diſpoſoit à mettre à la voile
le 10 du même mois avec le refte de la
flotte : tout étoit alors tranquille dans cette
ifle.
Les lettres de l'Inde que le Subſtitut a
apportées n'ont été diftribuées que depuis
quelques jours. Parmi les détails qu'elles
contiennent on en trouve quelques - uns
de nouveaux fur l'ouragan qui força Sir
Edouard Hughes à s'éloigner de Madrafs. '
On lit entre autres ceux ci dans une lettre
datée de Bombay le 9 Janvier à bord du
Monarque.
" Je vous ai écrit par le Myrthe parti de Madrafs
en Octobre tout ce qui s'étoit paffé depuis la lettre
que je vous avois adreffée en Juin ; j'ajouterai ici le
peu de détails poftérieurs à cette époque que je puis
vous donner. Nous avons été chaffés de Madras par
l'ouragan le plus affreux qu'on ait jamais vu . Toutes
nos chaloupes étoient au rivage occupées à embarquer
de l'eau & des provifions ; la plupart font reftées
en arriere & il y en a fort peu qui aient pu fuivre
leurs vaiffeaux ; notre cutter a été englouti avec
s hommes. En 3 ou 4 jours nous avons été féparés
du reste de l'efcadre , & jufqu'au 21 nous n'avons
vu qu'un vaiffeau de la Compagnie . Cependant
malgré le gros tems , & les dommages que nous
avons foufferts , nous avons eu le bonheur de prendre
un bâtiment Hollandois & de le conduire ici ;
la prife cft arivée heureufement ; on l'évalue à
-
( 62 )
40,000 1. ft. fans le bâtiment. Comme nous étions
feuls aucun vaiffeau n'a droit de partager avec nous ,
& il nous appartient uniquement , fauf le droit de
Commandant de fir Edouard Hughes . Nous
avons vu arriver le refte de l'efcadre ; plufieurs vailfeaux
font en très- mauvais état , entr'autres le Superbe
, l'Aigle & le Burford ; les vaiffeaux de Sir
Richard Bickerton ont pea fouffert parce qu'ils font
doublés en cuivre . Heureufement nous trouvons ici
de quoi nous réparer. La plupart des équipages
étoient malades ; mais ils fe rétabliffent infenfiblement
à terre. L'intention de l'Amiral eſt de remettre
en mer au mois de Mars pour chercher l'ennemi ; il
n'eft plus à Trinquemale ; un navire de la Compagnie
qui a paffé devant la baie en venant ici n'y a
apperçu aucun vaiſſeau « .
Le Vice-Amiral Campbell , fe difpofe à partir
pour Terre- Neuve avec les vaiffeaux fuivans
; le Salisbury de so canons , l'Hébé
de 36 , le Profelyte & l'Eole de 32 , le
Merlin de 20 , le Thorn , le Marquis de Seignelay
, & l'Echo de 16 & le Lion de 10.
Cette petite efcadre eft prête à mettre à la
voile & n'attend pour cela que fes derniers
ordres .
La féance du Parlement du 24 de ce
mois eft faire pour fixer la curiofité , &
nous entrerons dans quelques détails .
Le 24 Juin , le Lord Cavendish , après avoir
rendu compre à la Chambre des Communes de la
Situation fâcheufe des Loyaliſtes & des droits qu'ils
ont à la protection du Gouvernement , termina fon
difcours par la motion » d'un bill pour nommer
» des Commiffaires chargés de prendre des infor-
>> mations fur la pofition des perfonnes dont la
» guerre d'Amérique a détruit cu diminué la for(
63 )
» tune «. Après quelques éclairciffemens demandés
& donnés à ce fujet , M. Balker fit les obfervations
ſuivantes. » Il eft naturel , dit-il , que la Grande-
Bretagne donne aux Loyaliſtes tous les fecours qui
font en fon pouvoir , & qu'ils font fondés à réclamer;
mais tout cela tient en grande partie au Traité
provifionnel . Ils y étoient recommandés au Congrès ;
& je crains fort qu'un bill ne foit pour eux un avis
qu'ils ne doivent point s'adreifer à cette Affemblée ,
ou que dans le cas qu'ils prendroient ce parti , le
Congrès les renverra au Gouvernement Britannique.
Selon moi , ceux qui ne font pas fpécialement exclus
par le Traité provifionnel , comme étant Sujets Britanniques
dans les lignes & portant les armes ,
doivent d'abord s'adreffer au Congrès . M. Fox répondit
que l'objet de la motion actuelle n'étoit
point de donner des fecours , mais d'établir une
Information , & qu'il falloit que le Gouvernement
für inftruit pour faire , avec connoiffance de cauſe ,
les démarches qu'il projette ; qu'il ne pouvoit fe
difpenfer d'être informé des droits de chacun des
réclamans avant de demander pour eux juftice au
Congrès. Le moyen adopté dans le bill eft le plus
propre que l'on puiffe employer pour feconder les
vues des Miniftres du Rei ; mais en même-tems
il ne faut point donner lieu de croire que par cette
démarche la Grande- Bretagne s'engage & s'oblige
à venir au fecours de tous ceux qui pourront en
folliciter. Le bill en queftion doit , au contraire ,
encourager une infinité de perfonnes à s'adreffer au
Congrès pour demander l'extenfion du se article
du Traité provifionnel , car je ferois très - fâché
d'apprendre que la Grande-Bretagne eût le moindre
doute de l'intention où eft le Congrès de remplir fes
engagemens «. Après quelques difcuffions , la motion
palla.
Le même jour, la Chambre s'étant formée en Comité
pour prendre en confidération le Meſſage du Roi ,
le Lord John Cavendish dit que le Comité devoic
( 64 )
être pénétré de reconnoillance pour les fentimens
généreux de S. M. , qui s'étoit déterminée à pourvoir
à l'établiſſement du Prince de Galles , fans demander
pour cet effet à ſon peuple une augmentation
de la lifte civile ; que S. M. avoit pris la réfolution
de fe charger de toute la dépenſe annuelle , &
d'accorder au Prince 50,000 livres par an ; mais
qu'on ne devoit pas ignorer l'état de la lifte ci-
'vile ; que so , 000 liv . environ avoient été deſtinées
pour payer des dettes , ce qui , pendant fix années ,
la réduiroit à 850,000 livres par an ; & que les
50,000 livres que le Roi donneroit annuellement
au Prince diminueroient tellement les revenus de
S. M. , qu'ils ne fuffiroient pas pour payer les
charges qui y font affectées ; que dans cette fituation
,fil n'étoit pas furprenant que S. M. demandât
à fes fidèles Communes un fecours pallager pour
les premières mifes de l'établiſſement du Prince ;
que S. M. étoit perfuadée que tout Membre de la
Chambre feroit flatté de voir la Famille Royale
établie convenablement & décemment ; que l'appartement
du Prince n'avoit pas été habité depuis
long- tems , qu'il y manquoit mille chofes pour le
rendre logeable ; que le Prince étoit encore jeune ,
& que par conféquent on ne devoit pas s'attendre
à une grande économie de fa part ..... Le Lord
Jonh Cavendish termina fon difcours en propofant
qu'il fût accordé une fomme de 60,000 livres à
S. M. pour les frais de l'établiffement du Prince
de Galles . Dans tous les débars qui eurent lieu
à cette occafion , on n'objecta rien contre la propofition
, mais il y eut de vives attaques contre le
Lord North , qui ne fe juftifia de la promeffe qu'on
lui reprochoit d'avoir fait autrefois à la Chambre
de ne rien demander à la nation pour l'établiſſement
du Prince de Galles , qu'en niant formellement
d'avoir pris un pareil engagement , & en déclarant
qu'il avoit feulement entendu dire que le Roi fourniroit
à l'entretien & à l'éducation de fon fils , qui
―
( 65 )
n'avoit alors que 15 ans , jufqu'à l'âge où il feroit
queftion de l'établir. M. Fox ne manqua pas d'attefter
que c'étoit en ce fens feul qu'il avoit pris les
expreflions du Lord lorfqu'il avoit parlé ainfi ; en
effet , ajouta-t- il , je me ferois oppofé à la demande
qu'il faifoit à la Chambre , s'il eût été poffible
d'entendre que 100,000 l. fterl . de plus mettroient
le Roi en état de fournir à l'établiſſement ſéparé
du Prince ; il eût été fimple de recommander d'ufer
de la même économie pour payer les dettes de la
lifte civile , & d'attendre l'époque actuelle pour
recourir à l'aide de la nation . Il confirma , par quelques-
unes de les expreffions , le bruit qui s'étoit
répandu qu'il avoit ouvert au Confeil l'avis d'augmenter
les revenus du Prince , en parlant de la
modicité de ce revenu , qui n'étoit que la moitié de
celui qu'avoient eu le Duc d'York depuis Jacques II
& Georges III , lor qu'il étoit Prince de Galles .
Lorfque cette affaire fut terminée , M. W. Pitt
fe leva pour rappeller aux Miniftres tout ce qui
leur reftoit à faire dans la feffion actuelle. Il rappella
les grandes & importantes affaires qui n'étoient
point encore réglées , tels que le traité
avec la Hollande , le traité de commerce avec
l'Amérique , qui devoit l'être fi promptement , les
traités définitifs avec la France , l'Espagne &
l'Amérique , indépendamment du bill pour aller
au fecours de la Compagnie des Indes , &c. &c. ,
& il demanda fur tous ces points quelques éclairciffemens.
Il obferva que , foit que l'Oppofition
fût fyftématique ou non , on ne pouvoit difconvenir
que fa conduite avec les Miniftres ne fût un
exemple de générosité , & qu'elle n'eût ni interrompu
, ni même troublé , en aucune manière ,
leurs négociations pour mettre la dernière main
au grand ouvrage de la paix. - M. Fox prit
alors la parole , & dit : » Je fuis déterminé à profiter
de l'exemple & des fautes des derniers Mi(
66 )
1
ftres. Comme ils ont fait beaucoup de mal en
précipitant la négociation , j'agirai certainement
avec plus de circonfpection & de prudence. Cette
conduite me paroît d'autant plus raisonnable , que ,
par une circonftance heureuse , la tranquillité &
la fécurité générale de toutes les Puiffances avec
lefquelles nous venons de faire la paix , & les
pouvoirs dont le dernier acte du Parlement a invefti
le Confeil privé pour négocier & conclure
tous les Règlemens de commerce avec l'Améri .
que , me laiffent le tems néceſſaire pour obtenir
de toutes les Puiffances contra&tantes , les meilleures
conditions qu'il foit poffible de prétendre.
Quant aux complimens que M. Pitt a fait à lui
& à fes Collégues , fur la difcrétion qu'ils ont eu
de ne point trop harceler le Ministère actuel relativement
à la paix , c'eft une générosité qu'il eft
aifé d'apprécier , quand on fe rappelle la manière
affez franche dont la Chambre a déclaré fon opinion
fur cette paix qui eft leur ouvrage. Au furplus
, je le répète , leurs fautes , même fur des
objets moins importans , me ferviront de leçon .
Perfonne n'a oublié l'embarras où ils fe font vus
au mois de Décembre dernier , par la lettre du
Lord Sidney , alors Secrétaire d'Etat , par leur
empreffement à fixer l'époque à laquelle la paix
ou la guerre feroit décidée . Leur méfavanture en
cette occafion m'avertit d'être plus prudent ; en
conféquence , quelqu'envie qu'ils témoignent de
favoir quand le traité définitif & le traité de commerce
avec l'Amérique feront conclus , ils voudront
bien me permettre de ne prendre aucun engage
ment relativement à cet objet & à tout autre ,
que je ne fois abfolument sûr de n'être point ,
comme eux , trompé dans mon attente «. M. Pitt
fit une courte réplique , dans laquelle il parla de
l'arrangement qui venoit probablement de fe faire
ce jour même , & en conféquence duq el le Lord
North avoit confeillé à M. Fox de ne s'engager
( 67 )
à rien. Il étoit alors près de huit heures , & la
Chambre fe fépara.
Bien des perfonnes font de l'opinion de
M. Fox , que le grand ouvrage du traité de
commerce avec l'Amérique ne doit pas être
précipité . Trop d'empreffement , difent- elles ,
feroit foupçonner au Congrès que nous avons
d'autres deffeins en vue qu'un traité de commerce.
En effet il feroit auffi abfurde de fuppofer
que deux Négocians commerceront
enfemble s'ils ne croient pas y trouver leur
intérêt , que de fuppofer qu'ils refuſent de
négocier lorfqu'ils feront fûrs d'y gagner
l'un & l'autre .
La veille du jour où la Chambre des
Communes s'occupa des Loyaliftes & de
l'établiffement du Prince de Galles , elle
prit en confidération l'état des manufactures
de toiles de coton & de lin de la Grande-
Bretagne. Cette affaire qui intéreſſe particulièrement
le commerce , donna lieu à
quelques débats. M. Stanley qui avoit une
motion à faire fur cet objet , y prépara la
Chambre par le difcours fuivant.
Il eft de la plus grande néceffité , dit- il , d'accorder
des remifes fur le favon , l'empois , le foufre ,
le vitriol & aurres objets dont on fait ufage pour préparer
les matières écrues deftinées à la fabrication
des toiles de lin & de coron. L'Etat a reti é depuis
quelques années les plus grands avantages des manufactures
de toiles de lin & de coton en ce qu'elles
ont favorisé beaucoup le commerce du Royaume , &
font devenues conféquemment une fource précieufe de
revenus pour le Gouvernement . La rivalité des manufactures
établies en Hollande , en Allemagne , en
( 68 )
.
France & en Suiffe , nous met dans le plus grand danger
de perdre les nôtres. Depuis que la paix eft conclue
, il s'eft introduit un nouveau fyftême de commerce
, & nous nous fommes vus privés de notre
commerce exclufif. On doit enviſager d'ailleurs que
la Grande - Bretagne comme un pays à manufactures
eft genée par mille entraves qui lui font propres , &
dont l'Irlande s'eft affranchie , au moyen de les avantages
naturels & du fage fyftême adopté par fon Parlement.
Je mets au nombre de ces entraves les taxes
onéreuses , le haut prix de la main - d'oeuvre , & les
droits établis fur les divers articles qu'on employe
pour réparer les matieres deftinées à la fabrication
des toiles de lin & de coton . Cette dernière entrave
eft inconnue dans tout autre Pays . Que ne fuir on
l'exemple de l'Irlande , qui a fupprimé tous les droits
de cette nature. Puifque la G. B. a accordé une exemption
aux manufactures de drap , je ferois d'avis que
celles de toiles de lin & de coton , qui ont finguliérement
profperé , méritent un ſemblable encourage
ment de la part du corps législatif. Je parle en ce moment
aux Lords de la Treforerie , comme à des membres
privés du Parlement , plutôt que comme à des
perfonnes , que leurs places peuvent rendre coupables
de partialité & d'entêtement à l'égard d'une
exemption qui diminueroit le revenu public. Ils deivent
envifager , qu'en renonçant à une petite portion
de revenu pour encourager une branche importante
de manufacture , ils feront profpérer cette manufacture
& augmenteront de fait les revenus de l'Etat . Les
articles fabriqués avec le lin, font en fi grand nombre,
qu'ils donnent de l'emploi à 800,000 fujets de S. M.
C'est un fait dont l'importance mérite toute l'attention
des Lords de la Tréforerie. L'efprit d'émigratión
qui règne actuellement , peut avoir les fuites les
plus funeftes . Des milliers de nos artifans iront chercher
leur fubfiftance dans des pays où les taxes font
plus legères , & où l'on donne plus d'encouragement
au commerce. Les avantages que l'Angleterre a eus
( 69 )
---
fur toute autre Nation , font beaucoup diminués. Les
machines qu'elle avoit inventées & perfectionnées
pour l'ufage des manufactures , dont l'objet é.oit d'épargner
du tems & du travail , & qui nous avoient
denné pendant quelques années un avantage décidé
fur tous les étrangers , ces machines , dis - je , font
connues de nos rivaux , elles font établies en Ho!-
lande , en France & en Suiffe. M. Stanley propofa
les réfolutions fuivantes . 1 ° . Que le Comité
eft d'avis que dans l'état actuel du commerce de la
G. B. la confervation des manufactures de toile de
lin & de coton , eft un objet de la plus grande importance
, & qui mérite la confidération férieufe &
immédiate de cette Chamore. 2 ° . Qu'on doit ac ·
corder une remife des droits actuellement établis
fur le favon & l'empois dont on fait ufage four préparer
les matières écrues deftinées à la fabrication des
toiles de lin & de coton , & pour achever le travail
de ces toiles. 3 ° Qu'on doit accorder une remife des
-droits établis actuellement fur le foufre & le falpêtre
employés à faire de l'huile de vitriol. 4° . Qu'on
doit fupprimer les droits établis actuellement fur l'importation
de la potaffe, des cendres de bois & de ferment.
M. Coke parla en faveur de la motion , & dit :
le Membre qui a fait la motion , a fi habilement traité
fon fujet , qu'il n'a rien laiffé à défirer pour convaincre
la Chambre des avantages qui réſulteroient de
l'adoption de cette réfolution & des trois autres qui
doivent être propofées par la fuite . Il y a cependant
un article dont il a oublié de faire mention , favoir
le montant du modique revenu dont on demande que
le public faſſe le facrifice , en faveur de deux des plus
importantes & des plus confidérables branches de
manufacture britannique. Je fais de bonne part , qu'en
accordant les remifes qu'on demande aujourd hui , on
n'ôte à l'Etat qu'une femme de 20,000 liv. ; mais on
demande à préfent le rétabliffement de l'impôt fur la
drêche , fupprimé en dernier lieu , lequel monte à
9000 par an , ainfi que l'expérience l'a démontré.
( 70 )
Il
--
Y a encore un autre droit dont M. Coke a parlé ,
& qui produiroit annuellement 2000 liv. Ainfi par
l'acquifition de ces deux revenus qui , joints enſemble
,fe monteroient à 11,000 liv . la perte réelle pour
l'Etat n'eft que de 9000 liv. , fomme qui doit paroître
bien modique lorsqu'on fait réflexion qu'elle
eft confacrée à encourager des manufactures qui donnent
du pain à 800,000 individus. Le Lord John
Cavendish dit , qu'il n'étoit pas parfaitement inftruit
de l'affaire en queſtion , & qu'ainfi il lui étoit impoffible
de déclarer s'il defiroit que les remiſes fuflent
ou ne fuffent pas accordées ; que pour cette raifon il
confentoi pour le moment à laiffer mettre fur le Bureau
les réfolutions , mais qu'il demandoit que cela
ne l'empêchât pas de s'oppofer au bill , lorsqu'il feroit
foumis à l'examen de la Chambre , & même de
s'oppofer au rapport. S'il ne s'agiffoit , ajouta -t - il ,
que de déterminer s'il faut donner du pain ou non à
80,000 manufacturiers Anglois , je direis hautement
que rien ne doit nous arrêter , relativement à
une pareille queftion ; mais , en fuppofant que les remiles
foient refufées , je ne vois pas qu'il en doive
réfulter des conféquences auffi fâcheuses , qu'on
cherche à le faire croire. Pendant la guerre , ces
manufactures ont profpéré & augmenté confidérablement.
Je ne vois pas pourquoi elles ne continucroient
pas de profpérer également pendant la
paix. Le tems de paix eft le plus propre aux arts &
aux manufactures , & il feroit abfurde d'imaginer
que les manufactures de toile & de coton font moins
floriffantes en tems de paix , qu'en tems de guerre . A
l'égard des remifes , M. Coke en fait monter le total
à 9000 liv. Il fe peut faire que les honnêtes
manufacturiers ne mettent que 9000 livres dans
leurs poche ; mais on ne confidère pas que les remifes
ont toujours engendré la fraude , & que le Gouvernement
pérdroit au moins trois fois autant , en
accordant l'octroi qu'on demande. Les Bureaux des
revenus publics ont fait une infinité d'objections qui
( 71 )
tendent toutes à prouver que la requête en queftion
feroit plus de tort au revenu public que de bien aux
manufactures de toile & de coton. Ainfi quoique je
ne vote point contre les réfolutions qu'on doit propofer
, il eft poffible que je m'oppofe au rapport.
>
Le Lord North infiita beaucoup fur la force des
argumens employés par le Chancelier de l'Echiquier
coatre les réfolations propofées . Je ne conçois point ,
dit- il , qu'une fomme aufi modique que celle de
9000 liv. , puifle produire les effets dont on nous a
fait un tableau fi effrayant . Elle ne peut , felon moi ,
ni faire fortir 800,000 manufacturiers du Royaume
fi elle eft refutée , ni en augmenter confidérablement
le nombre fi elle eft accordée. Dans ce dernier cas ,
on devroit même la regarder comme une forte de
menus plaifirs pour quelques gros manufacturiers ,
plutôt que comme un encouragement réel & efficace
pour le corps complet des citoyens qui s'adonnent
à cette branche d'industrie . - M. Dempfter
fit les reproches les plus vifs au Lord North, fur la
cruauté avec laquelle il s'oppofoit à l'encouragement
demandé pour des manufactures dont la G. B.
tiroit un fi grand avantage , tant pour fon commerce
, que pour fon revenu. Il ajouta que ce Miniftre
avoit tenu une conduite directement oppofée ,
lorfqu'il étoit à la tête de la Trésorerie , & que
d'ailleurs c'étoit une maxime invariable du Gouvernement
depuis la révolution , de ne mettre jamais
d'impôts fur les articles employés à préparer les matières
premières de toutes les manufactures de cuelqu'importance.
Il blâma l'opiniâtreté avec laquelle le
Secrétaire d'Etat & le Chancelier de l'Echiquier infiltoient
fur un objet de revenu qui paroît contraire
à tous les grands principes d'adminiſtration , & il
cita à ce sujet un paffage d'un Auteur François , dont
le réfultat eft que la plupart des Souverains , à force
de vouloir faire fervir le commerce au profit de leurs
finances , perdent en le détruifant tout l'avantage
qu'ils auroient pu en tirer & reffemblent au proprié
( 72 )
1
F
>
taire imbécille qui coupe le pied de fon arbre pour
chercher dans les racines le fruit qu'avec plus
de modération il auroit recueilli fur la branche
vigoureufe & dont rien n'auroit arrêté l'accroiffement.
Après des débats auffi animés , & dans
lefquels le Lord Mahon , les Chevaliers Adam Forgaffon
& George Yonghe , le Général Burgoin par
loient fortement en faveur de la motion , les é
folutions farent renvoyées à une autre féance du lendemain.
dit- on ,
L'arrivée du Lord Temple a ,
fortifié le parti de l'Oppoſition dans la Chainbre
Haute. On fait que dans la féance du 20 ,
il parla avec beaucoup de force , ainsi que
le Lord Abington , contre les Miniftres
qu'on a accufés de vouloir tout diriger jufqu'aux
volontés du Roi dans la formation
de la maifon de fon fils.
د ر
On affure , dit à cette occafion un de nos papiers
, que S. M. a offert récemment au Lord Tem- ,
ple la place de premier Lord de la Tréforerie , mais
que ce dernier s'eft exculé parce que le traité défini
tif de paix n'étoit point encore figné. On dit que s'il
eût accepté le Parlement auroit été diffeus , & cerre
conjecture ne paroît pas fans fondement à ceux qui
connoiffent le caractère ferme & les grandes qualités
du dernier Viceroi d'Irlande . En attendant voici
ce qu'on débite des difficultés qui ont eu lieu au
Confeil relativement à l'établiffement du Prince de
Galles. Le Roi defiroit que fon traitement ne fût ni
au-deffus ni au-deffous de 50,000 1. ft. M. Fox par
des raifons qu'on dit n'être connues que de lui & du
Prince vouloit qu'il lui en fût accordé ico, 000. Cette
difpute , ajoute-t- on , a un pe a divifé la coalition . Le
Lord North a été dans le Confeil de l'avis du Roi ,
& il s'eft tenu plufieurs affemblées chez le Duc de
Portland pour parvenir aux moyens de concilier les
efprits qui paroiffoient déja un peu aigris «<.
( 73 )
Selon plufieurs lettres d'Irlande , la difette
fe fait fentir vivement dans la partie feptentrionale
de ce Royaume , quelques-unes
font un tableau terrible de l'infortune à
laquelle les ouvriers fe trouvent réduits dans
quelques endroits .
» Une pauvre femme de Dunganon , chargée de
plufieurs enfans dont elle ailaitoit l'an , manquant
de tout, alla chez un Marchand de gruau d'avoine ,
erpofa la mifere à l'épouse de ce Marchand qui n'y
étoit pas , & lui offrit quelques hardes qu'elle avoit
apportées pour gage du paiement qu'elle étoit dans
l'impoffibilité de lui donner dans ce moment ; la
marchande refufa les hardes & ne livra point de
marchandise ; l'état de cette femme lui faifoit cependant
pitié. Lorfque fon mari fut de retour le foir
elle lui raconta ce qui s'étoit paffé , & ne lui cacha
point qu'elle avoit du regret de n'avoir pas donné ce
qu'on lui demandoit avec tant d'inftance & dont on
paroiffoit avoir un befoin fi preffant. Le mari qui s'é-
Toit couché en arrivant , fe leva à ce récit ; il connoiffoit
la femme dont on lui parloit , il fe hâte de
prendre une mesure de gruau tout cuit & tout préparé
, & vole chez l'infortunée ; il n'étoit plus tems ,
il la trouva étendue fur le plancher de fa chambre
morte de faim & de défefpeir , entourée d'enfans
qui crioient auprès d'elle , & tenant encore dans
fes bras celui qu'elle allaitoit & qui cherchoit en vain
quelques fecours fur fon fein flétri , froid & defféché
«.
Dans plufieurs endroits , ajoutent ces lettres
, divers particuliers ont réfolu de fuppri
mer le grain qu'ils donnoient à leurs che
vaux , & de le diftribuer aux malheureux.
" Il eft arrivé ici depuis quelques femaines
écrit-on d'Hereford , un particulier bien intéreffant
par fes longues infortunes & fa captivité . Il fe nom-
12 Juillet 1783.
d
( 74 )
me John Roach & étoit matelot de profeffion ; il a
été pendant is ans abſent de fa patrie , & de ces S
ans il en a vécu 12 dans les fers des Ind: ens & des
Espagnols. Ayant eu le malheur d'être pris par les
premiers dans la baie de Mexico , il fut dépouillé
nud & contraint de fuivre pendant 2 ans les nouveaux
maîtres dans leurs courfes . Ces Indiens font
les Heraquis. Ils m'ont point de demeures fixes ; ils
ne s'établiffent que pour peu de tems fur les lifieres
des bois pour y chercher leur nourriture , Ce foin &
celui d'éviter une autre Tribu Indienne errante
comme eux , & marchant toujours en nombre , &
qui eft leur ennemie font toute leur occupation. Après
avoir échappé heureufement à ces Sauvages , John
Roach fut pris par les Espagnols , enfermé , parce
qu'on le prenoit pour un efpion , dans différens cachots
, & enfin condamné à un efclavage perpétuel
& aux travaux des mines . Heureufement pour lui
avant qu'on pût mettre cette fentence à exécution ,
il avoit perdu l'ufage d'une hanche ; cela le fit dif
penfer du travail des mines dont il étoit incapable' ;
& enfin on l'a envoyé à la Jamaïque avec d'autres
prifonniers qui ont été échangés «<.
Un de nos papiers , contient l'anecdote
fuivante qui paroîtra bien étrarge & bien
horrible à nos Lecteurs. Nous ne la tranfcrivons
que parce qu'elle peut fervir de
leçon ; il place le lieu de cette fcène funefte
aux environs d'Ealing dans le Comté de
Middleſex.
» M. T. B. Ecuyer , & fon fils jeune homme qui
étudioit au collège d'Exeter à Oxford foupoient enfemble
ces jours derniers ; le lendemain le jeune
homme devoit reprendre les études ; fon pere à la
fin du repas fit apporter du vin , & envoya fes do.
meftiques fe coucher. Ceux - ci furent réveillés vers
les trois heures du matin par le bruit d'un coup de
( 75 )
·
piftolet ; ils fe levèrent & s'emprefsèrent d'accourir s
le premier objet qui frappa leurs yeux en entrant dans
la alle à manger fut leur jeune maître étendu fur le
plancher & nageant dans fon fang ; le pere affis fur
fon fauteuil paroiffoit dans un état de ftu eur &
d'infenfibilité . Ce fut avec peine qu'on l'arracha de
cette fale & qu'on le porta dans fon lic; il faroiffoit
ne point voir le fpectacle qui étoit devant es yeux ;
le lendemain il ignoroit cette horrible cataſt of he
& tout ce dont il s'eft fouvenu c'elt que fon fils lui
avoit parlé d'argent. On fuppofe que ce jeune nfortuné
qui retournoit à fon collège avoit eflayé de ti
rer parti de létat où le vin avoit mis fon pere pour
en obtenir une fomme ; que fur fon refus il avoit
menacé de fe tuer , & que pour effrayer le vieillard
il avoit pris un des piftolets qui étoient toujours dans
cette chambre , & ignorant qu'ils étoient chargés ,
avoit pouile fon jeu imprudent auffi- loin qu'il le fallait
pour en être la victime. Ce jeune homme laiffe
deux fours qui le pleurent , & qui , dit- on , à la veille
d'être mariées , ont perdu l'une & l'autre leurs amans
par des coups auffi funeftes & auffi imprévus. Il est
difficile de réunir dans une famille une pareille combinaifon
de malheurs , & de trouver un exemple
plus funefte des dangers de l'ivreffe «.
FRANCE.
De VERSAILLES , le 8 Juillet.
Le premier de ce mois , le Roi accompagné
de Monfieur , de Monfeigneur le Comte d'Artois
, fe rendit à l'Eglife de la paroiffe , où
il aflifta au fervice anniverſaire fondé pour
le repos de l'ame de la feue Reine . Madame
Elifabeth de France y affifta également .
Le Roia difpofé du régiment de royal Auvergne
en faveur du Vicomte de Rochamd
2
( 76 )
beau , de celui de Saintonge en faveur du
Vicomte d'Allemans , de celui d'Agénois
en faveur du Marquis de Rougé , & de
celui de Boulonnois en faveur du Prince de
Broglie. S. M. a auffi difpofé des places de
Meftre de Camp en fecond du régiment de
Saintonge en faveur du Comte de Chabannes
, du régiment d'Agénois en faveur du
Comte de Vauban , & du régiment d'Auxerrois
en faveur du Chevalier de Grave.
Monfeigneur le Comte d'Artois eft parti
le 3 pour le voyage qu'il fe propofe de faire
dans les Pays Bas . Ce Prince fera de retour
vers la fin de ce mois.
Le Marquis de Vaudreuil , Lieutenant-
Général des Armées navales , qui commandoit
l'armée du Roi aux ifles d'Amérique ,
étant de retour , a eu l'honneur d'être préfenté
le 6 de ce mois à S. M. & à la Famille
Royale par le Maréchal de Caftries ,
Miniftre & Secrétaire d'Etat , ayant le département
de la Marine.
De PARIS , le 8 Juillet.
M. le Marquis de Vaudreuil eft arrivé
famedi ; fon départ de Breft avoit été retardé
par les ordres néceffaires qu'exigeoit
le défarmement de fon efcadre ; M. d'Hector
qui reçoit à leur arrivée en Europe la
dépofition des Officiers qui fe font trouvés
à l'affaire du 12 Avril , a déja entendu ,
dit on , tous ceux qui font revenus avec
M. de Vaudreuil.
( 77 )
On a lu dans quelques papiers publics
que les Nègres de la Guadeloupe divifés
en deux parties en étoient venus aux mains
& ne s'étoient féparés qu'après un carnage
horrible , que n'avoient pu prévenir les
troupes envoyées pour les faire rentrer dans
le devoir. Tout cela fe réduit à quelques
coups donnés entre les Nègres de 3 ou 4
habitations ; une femme a , dit- on , été la
caufe de cette querelle.
Pendant plufieurs jours le foleil pâle &
rougeâtre n'a répandu qu'une lueur trifte ,
& telle qu'on pouvoit le fixer à toutes les
heures du jour ; malgré le brouillard fec &
épais qui l'environnoit , la chaleur a été étouffante.
On n'a pas manqué de trouver cet
état de l'athmofphère fort étrange , & le
peuple ignorant & crédule encore ému du
défaftre de la Calabre , a éprouvé des alarmes
que les gens inftruits , les Agriculteurs ,
les Laboureurs même n'ont point partagées.
M. de la Lande a publié à ce fujet les obfervations
fuivantes.
» Tout ce que nous voyons eft un effet très- naturel
d'une chaleur un peu forte fuccédant à de trèslongues
pluies , fans qu'il y ait eu, pour ainsi dire ,
de gradation . La première impreffion de cette chaleur
a dû fublimer tout à la fois une très- grande abondance
de parties aqueufes dont la terre étoit profondément
pénétrée & leur donner , dès le premier
tems de leur élévation , une qualité sèche & ua
degré de raréfaction plus grand que celui des brouil .
lards ordinaires . Cet effet , qui me femble trèsnaturel
, ne me paroît pas très nouveau : du moins
d ;
·('78 )
la période de 19 ans (qui ramène la lune à la même
pofition , dans les mêmes jours de l'année , & qui femble
avoir auffi quelque rapport avec les faifons ) nous
préfente un exemple qu'on peut citer. Voici ce qu'on
lit dans les Mémoires de l'Académie , parmi les
Obfervations météorologiques de 1764 fur le mois
de Juillet. Le commencement de ce mois a été humide
& la fin fort sèche ; depuis le deux jufqu'au
neuf le vent a toujours été au nord. Les matins il
faifoit du brouillard , & pendant le jour le ciel
étoit comme enfumée. Voilà qui reffemble affez à
notre fin de Juin, pour qu'on puifle dire que ce n'eft
pas une chofe inouie ; il n'y eut en 1764 que
orages & de la grêle , ainfi nous n'avons rien de plus
à redouter pour 1783 “.
des
Les orages ont commencé en effet à fe
manifefter le 3 de ce mois vers les 2 heures
de l'après-midi ; plufieurs coups de tonnerre
en annoncèrent un violent ; le vent qui étoit
au Sud changea tout- à coup & l'éloigna de
Paris. C'est dans les environs qu'il caufa
quelques ravages à Ville- d'Avré , la foudre
laboura un champ entier , & deux hommes
ont été perclus de leurs bras ; à Vanvres un
autre payfan a été tué.
C'eft principalement fur Sainte- Genevieve- des-
Bois que l'orage a éclaté avec plus de fureur . Ce
village eft à 6 lieues d'ici fur la route d'Orléans. On
dit que le tonnerre eft tombé jufqu'à 14 fois dans
l'endroit ; il a tué 4 perfonnes & en a bleffé quelques
autres. Les villageois effrayés & craignant fans.
doure que cet orage ne fût l'avant- coureur de quelques
tremblemens de terre avoient abandonné leurs
maifons & s'étoient répandus dans la campagne. Le
château qui appartient à M. de Sauvigny , Intendant
de la Généralité de Paris , a moins fouffert que
clocher de la Paroiffe , quoiqu'il ait été également
le
( 79 )
frappé de la foudre. Le fonneur a été tué l'un des
premiers «.
Les mêmes obfervations qu'on avoit faites
à Paris fur l'état de l'atmosphère ont été
faites en plufieurs endroits.
ور
Depuis le 14Juin , écrit on de Troyes en Champagne
, l'atmosphère de cette Ville & des environs a
été chargé d'une quantité fi prodigieufe de vapeurs ,
qu'elles ont conftamment intercepté la lumière du
foleil & terni fon éclat . Cet état du Ciel a été fuivi
d'orages qui fe font multipliés . Le 26 il y en a eu
un violent. Le village de St- Benoît a perdu 2 maifons
incendiées par la foudre . Le 27 , cette Ville &
fes environs étoient tout en feu ; on compte vingt
endroits où la foudre a laiflé des traces de fa fureur.
Heureureufement elles n'ont pas été auffi dangereu-
Les dans leurs conféquences qu'on auroit pu l'appré
hender ; c'eft fur tout aux clochers des Eglifes que
le tonnerre s'eft adreffé . St Nizier , les Chartreux ,
Feuges & St Leger en donnent la preuve. Cet effet fi
naturel de l'électriié du fer dont font armés ces
édifices , démontre la néceffité d'y établir des Paratonnerres
que la nouvelle Phyſique nous a défignés
comme des moyens utiles en ces occafions . Le
même jour , apprend-on de Chaource , le tonnerre
fe fit entendre de très -bonne heure , & redoubla fur
les deux ou trois heures après - midi . Le brouillard
épais qui occupoit pour lors tout l'atmosphère , interceptoit
à la vue la marche de la nuée. Ce fut furtout
autour de Chaource qu'il fembla devoir produire
les effets les plus funeftes . Cette Ville eft fituée
dans un fond , & dominée par plufieurs petites émi
nences , fur quelques - unes defquelles la foudre eft
tombée. Trois peupliers , fitués à la Tuillerie &
contigus à une ferme qu'ils couvrent de leur feuillage
, en ont été frappés & en lommagés fans que
la maifon couverte de chaume en air éré aucunement
atteinte. Une grange fituée à Merz- Robert a
d 4
( 80 )
1
été incendiée ainsi qu'une vache , fur la tête de laquelle
elle est tombée , dit- on , perpendiculairement.
Il n'y a guères de village qui n'ait effuyé quelque
perte , quoique le finage de Chaource ait échappé
au danger. Un domeftique revenant de la charrue
a été tué près de Chefley avec le cheval qu'il montoit
. Un autre cheval qui le fuivoit n'a été bleflé que
Jégèrement. La foudre eft tombée à la Navarie entre
deux femmes , fans leur faire de mal. Mais , pour
furcroît de malheur , les endroits que le feu céleste
a épargnés ont été dévaltés par la grêle. Avreuil ,
Van'ay, les Granges &c. font méconnoiffables . La
grêle eit tombée avec tant de force fur le finage du
premier de ces trois villages , qu'elle y a tué une bande
d'oyes , ainfi qu'un jeune homme de quinze à
feize aus qui les gardoit . La vaſte & fuperbe prairie
qui s'étend de Chaource à Brinon , eft entièrement .
inondée ".
La lettre fuivante contient des obfervations
intéreffantes auxquelles on ne fauroit
donner trop de publicité. Elle eft adreffée à
M. de la Lande de l'Académie Royale des.
Sciences , par M. de Fer , ancien Capitaine
d'Artillerie , de l'Académie de Dijon , &c.
» Lorfque je lus , Monfieur , à l'Académie , le 16
Mars dernier un Mémoire fur la poffibilité de conduire
la Loire & la rivière d'Eure à Verſailles , & de
fubftituer à la Seine un canal de navigation depuis
Paris jufqu'à Rouen , canal qui patferoit par Verfailles
, & rendroit cette ville une des plus floriflantes
du monde , vous parûtes defirer de connoître les
détails de cette grande machine. Mais j'eus l'honneur
de vous obferver que va le peu de tems qu'on
pouvoit donner dans une Séance Académique à une
pareil'e difcuffion , je ne pourrois vous offrir qu'on
apperça trop léger pour vous fatisfaire , parce qu'il
s'agiffoit d'embraffer à la fois fur les plans que j'avois
expofés , plus de 1 5o lieues de longueur de dif(
81 )
férens canaux , & l'enfemble beaucoup plus confidérable
du terrein que ces divers canaux devcient parcourir.
Cependant , quelques perfonnes de l'Académie
dont les connoillances feinblent fe rapprocher
des connoiffances de l'Ingénieur , ayant entendu ma
réponſe , ont penfé & répandent dans le monde
qu'ils doutent de la poffibilité de mes moyens . Its
s'étayent des nivellemens faits anciennement par M.
l'Abbé Picard , nivellemens dont vous avez rapports
les détails dans vo re grand ouvrage fur les canaux .
I eft vraisemblable qu'on a eu intention , Monfieur,
de vous adrefler un reproche indirect en paroiflant
combattre mon opinion , le Public m'accordant
quelque confiance , depuis que l'Académie a jugé
favorablement mon travail fur l'Yvette , travail qui
avoit paru fi extraordiniire au premier coup- d'oeil ,
V l'étonnante réduction que j'avois apportée dans ce
Projet dont quelques circonftances retardent l'exécution.
En effet , Monfieur , vous annoncez art.
439 , qu'il y a peu de différence entre les nivellemens
que vous déraillez , & ceux de M. l'Abbé - :
card. Néanmoins fi l'on prend la peine de vérifier
quelle eft certe différence , on la trouvera de près de
30 pieds , pour la feule diſtance du point de partage
du canal de Briare , au port de Valvin fur la Seine.
Je m'explique. M. l'Abbé Picard dit expreff ment
que le plus haut point da canal de Bria e cft de 58
toiles au- deffus de la Seine à Valcin , ou de 348
pieds , favoir 16 toifes de Valoin à Montargis , &
42 toiles de Montargis au print de partage du canal
de Briare . Au contraire , fuivant les mesures que
vous rapportez , le même point du canal de Briare
au -dellus de la Seine à Moret , eft de 370 preds , s
pouces 7 lignes , à qui il faut ajourer la pente de la
Seine depuis Moret jufqu'à Valvin . Voilà Monfieur ,
une erreur importante pour ne pas dire inouie. Mais
ce n'eft pas la feule. Si l'on fuit les autres nivellemens
dont vous rapportez les mesures , fans les
ds
( 82 )
avoir vérfiées , & fi on les compare à celles de M.
l'Abbé Picard , on aura lieu de craindre que la Loire
ne foit inceffamment changée en torrent , puifque le
réfultat de ces mefures annonceroit que cette rivière
auroit acquis depuis environ cent ans 15 pieds de
pente de plus depuis Briare jufqu'à l'embouchure du
canal d'Orléans près Combleux . Je vous avoue que
je ferois eff: ayé des malheurs que j'appercevrois fi
ce phénomène exiftoit , & qu'il mériteroit la plus
férieure attention de la part du Gouvernement . A la
vérité le plus petit de ces malheurs feroit d'abandonner
la navigation de la Loire ; s'il eſt prouvé , comme
je le penfe , qu'on ne pourra jamais établir un
fyftêm: général de navigation dans l'intérieur du
Royaume , qu'en fubftituant des canaux à toutes les
rivières dont le cours eft rapide , dont le volume des
eaux eft variable ; c'eft ce que je démontrerai dans
ma théorie générale des canaux de navigation en
parlant du Rhône & de la Garonne.
D'après l'expofé , Monfieur , que je viens de
faire , vous preffentez fans doute que le reproche
que plufieurs de ves Confrères le font permis de m'adreffer
, vous regarde uniquement. Car ces illuftres
Savans ne peuvent ignorer que les différences dont
je viens de rendre compte dans des nivellemens auffi
importans à l'objet dont je m'occupe , exigent un
travail très - long & très-pénible. Ce travail s'accroît
encore fi l'on fait que mes nivellemens ne s'accordant
ni avec les vôtres , ni avec ceux de Picard ; il
m'a fallu les vérifier avant d'occuper l'Académie de
ces différences . Vous favez , Monfieur , que je n'ai
point voulu donuer , avant de les avoir répétées plufeurs
fois , le réfultat de mes expériences fur les
moyens d'eftimer le déchet qu'éprouve par le frottement
une lame d'eau à la fortie d'un orifier , parce
que ces expériences que je fis au canal de Givors au
mois de Novembre dernier , contredifent les expé- ´
riences de Bernoulli , & celles de M. l'Abbé Boffut.
Je m'efforcerai , Monfieur , de conferver ce caractè
( 83 )
re de prudence fi néceffaire dans les fſciences exacter .
Je ne travaille ni lentement ni avec perte de tems. Je
paroîtrois plus fouvent à l'Académie , fi je pouvois
reftreindre mes idées ; file travail fait précédemment
fur les grands objets qui m'occupent eût été plus
complet. Si .... Mais j'en ai affez dit pour le Public.
J'efpere que vous me pardonnerez , Monfieur , des
obfervations qui l'intéreffent d'autant plus que la
haute réputation dont vous jouiffez en Aftronomie ,
femble devoir fixer fon opinion fur vos autres
Ouvrages. Je vous ai fouvent entendu dire , & dernièrement
à l'occafion de mon Mémoire fur le .
danger d'établir les pouffées horisontales dans les
monumens publics , que les erreurs des hommes célèbres
ne pouvoient être affez connues , fur-tout
lorfque ces erreurs conduifoient à une opinion qu'il
étoit important de déterminer. Je ne manquerai jamais
ni de courage ni d'énergie , pour mettre en
pratique une maxime qu'une fauffe délicateffe , partage
ordinaire des ames foibles ou des hommes médiocres
, peur feule s'oppofer, à ce qu'elle ne foit pas
plus généralement fuivie.
Je viens , Monfieur , de relever une erreur dans les
nivellemens dont vous avez rendu compte. Je vais
maintenant parler d'une autre nature d'erreur que je
croirois tenir effentiellement à votre opinion ; fi je
ne favois que vous ne vous êtes jamais occupé en détail
de la poffibilité d'eftimer la dépenfe des ouvragės
. Vous annoncez , art . 384 de votre grand ouvrage
fur les canaux , qu'il faudroit , pour achever l'aqueduc
de Maintenon , & avant qu'on pût eſpérer de
voir arriver la rivière d'Eure à Verfailles , ajouter le
double , c'eſt - à- dire , 44 millions aux 22 millions
que vous dites ( je ne fais d'après quelles preuves )
avoir été dépensés fous Louis XIV. Vous effrayez ,
Monfieur , par un tel apperçu . Mais lorsque dans des
projets de ce genre , on a le bon efprit de faire dif
paroître tout ce qui s'appelle luxe , magnificence ,
d 6
( 84 )
prodigalité , la dépenſe ſe réduit de telle forte qu'on
a peine à le concevoir. Vous avez vu que par ces
moyens fimples & raisonnables , j'ai pu rft . eindre à
moins d'un million la dépenſe du projet de l'Yvette
qui avoit été eftimée par MM. Perronet & de Chefy ,
à près de 8 millions ; & qu'en faifant ufage de mes
moyens , on pouvoit économier plus de 10 millions.
fur la conftruction du grand canal de Bourgogne pat
Dijon fans nuire à la folidité des ouvrages , en l'aflu
rant ,
au contraire , davantage. Je puis donc annoncer
qu'on pourra exécuter avec moins de 12 millions le
gran projet dont j'ai entretenu l'Académie , & que
s'il n'étoit queftion que de donner des eaux à Verfailles
pour les fimples befoins , en ne s'occupant pas
de plufieurs branches de la navigation intérieure importantes
à établir , la dépenfe feroit fi ordinaire
qu'il ne vaudroit pas la peine d'en parler. Vas reconnoiffez
, Monfieur , quelle prodigieufe différence-
Y a entre votre manière de voir & la mienne Mais
ceci ne doit pas vous paroître plus extraordinaire qe
lorfque j'ai établi dans un M³moire que j'adrefſai à
l'Académie en 1779 , qu'au lieu de 2454 toiles cubes
d'eau que plufieurs de vos Confrères , ainfi que vous
le rapportez art. 325 , avoient eftimé que devoit
coûter au point de partage d'un canal de navigation
le paffage d'un bateau , il n'en falloit pas même so
toifes cubes.
il
ད ལ
Au refte il faut , Monfieur , être de bonne foi . II
y a peu d'hommes en France , inftruits fur le fait
des canaux navigables. La raifon en eft fimple. Depuis
plus de 50 ans on a peu fait de travaux de ce
genre. Belidor eft le fenl Auteur qui ait écrit fur
cette matière , & tout le monde fait aujourd'hui apprécier
cet auteur. Ou ne trouve rien dans les Mémoires
de l'Académie des Sciences , de relatif à cette
partie fi importante. Le plus ancien Ingénieur de
France eft donc pour ainfi dire auffi reuf qu'un élève
à la fortie des écoles . On a beaucoup vanté le canal
de Languedoc , & le canal de Languedoc eft l'école
( 85 ).
la plus dangereufe où l'on puiffe aller étudier l'art
des canaux navigables . J'ai heureulement reconnu
il y a plus de dix ans cette vérité . J'ai ſuivi , j'ai
parcouru tous les canaux exécutés. Le canal de Givors
paroît avoir été conduit par la main du haſard.
Le canal de St. Omer eft un ouvrage qui annonce un
luxe qu'il faut je crois éviter dans les ouvrages pu
blics dont l'utilité eft le feul but. Le canal de Picardie
préfente un exemple d'économie dont les entre
preneurs ne taideront pas à fe repentir. J'en puis
dire autant du canal de Boifgelin en Provence , du
canal de Provins , du canal de Monfieur. Les canaux
de Briare , d'Orléans & de Loing , le canal de la
Brufch , le canal Crozat , tous les canaux de Flandres
& d'Hollande fe reffen ent tous du tems qui les a vu
conftruire. Vore grand ouvrage fur les canaux ,
Monfieur , confirme cewe vérité . Je ſuis faché d'avoir
peut- être fait trop appercevoir que les réflexions
que vous ajoutez à chaque article , n'annoncent
qu'un zèle étonnant pour la perfection de cette partie
fi utile au commerce , & à la fplendeur d'un grand
Etat. Mais il falloit dire au Public combien un Ingénieur
de profeſſion peut ajouter au travail d'un
grand Géomètre , d'un grand Aftronome , d'un
grand Mechanicien , quand ils auront traité des canaux
de navigation , & c'est ce que vous avez annoncé
vous-même en déclarant que vous n'aviez entrepris
cet ouvrage , qu'au défaut des Ingénieurs
qui auroient dû s'en occuper “,
De BRUXELLES , le 8 Juillet.
LA Grande affaire de la fuppreffion du
Tribunal Militaire à La Haye ne paroît pas
encore terminée. Le Stadhouder a cru devoir
faire des réclamations contre la réfolution
des Etats de Hollande & de Weft Frife ; &
ce n'eft que provifcirement qu'il a ordonné
( 86 )
au Confeil de guerre de fufpendre fes fonc
tions fur le territoire de la Province de Hollande.
Il écrivit , le r2 , une lettre à L. N. &
G. P. pour leur témoigner fa furprile tant de
leur réfolution que de fon exécution , dont on
ne lui avoit pas fait préalablement de communication.
Nous tranfcrirons ici la fubftance
des confidérations qu'il préfente à l'affemblée
, & dont il la prie de faire l'objet de fes
délibérations & de fon attention férieufe.
Il obferve d'abord qu'il exiltoit déja du tems
des Princes fes prédécefeurs Maurice , Fréderic-
Henri & Guillaume II , un haut- Confeil de guerre
qui exerçoit une jurifdiction & une autori : é fur toutes
les troupes de l'E at ; qu'il fut rétabli par Guillaume
III auth - tôt qu'il eut été revêtu de la dignité
de Capitaine Général de l'Union , & que le feu Stadhouder
fon pere le remit encore en fonction , lorfqu'il
eut été élevé à la même dignité . Il réfulte de
ces faits que depuis 35 ans ce Tribunal exifte fans
qu'on ait contefté nulle part fon autorité légale ; que
la Hollande & toutes les autres Provinces ont confenti
depuis au moins 30 ans , à porter fur l'état de
guerre les frais qu'il occafionne ; que les Etats Généraux
l'ont reconnu pour un Tribunal de 1 Union par
les ordres qu'ils lui ont fouvent adreffés ; que les
commiſſions du Préfident & du Greffier font en leur
nom , & que c'eft en vertu d'une pareille Commiffi 'n
& de leurs inftructions que l'Avocat fifcal de la Généralité
fait devant le Confeil les fonctions de Partie
publique. De ces obfervations le Prince conclut
qu'il ne fauroit penfer que l'intention de L. N. & G.
P. foit d'interdire toute jurifdiction & route autorité
à ce Confeil fur le territoire de leur Province , furtout
auffi long-tems que les hauts.Confédérés délibéreront
fur la propofition d'en retrancher les frais de
l'état de guerre . Il déclare qu'il croit que fi elles per(
87 )
fiftoient dans leur réfolution , il en résulteroit de
grandes & peut- être infarmontables difficultés , &
des fuites funeftes à l'adminiftration de la Juftice en
général , à l'honneur & à la difcipline des troupes en
particulier. Ildemande que jufqu'a ce que les hauts-
Confédérés aient prononcé fur la propofition relative
aux frais portés fur l'état de
il foit perguerre
,
mis au Tribunal de reprendre fes fonctions , & il
ajoute qu'il ne fouhaite rien avec plus d'ardeur que
de voir prendre de concert avec lui tels arrangemens
par lefquels cette affaire difcutée depuis fi long-tems
puiffe enfin être réglée d'une maniere invariable pour
prévenir tout confir de jurifdiction , fans que la di
cipline & la ſubordination fi effentielles dans le ſervice
militaire en ayent à fouffrir «.
Le Mémoire que les Directeurs de la Compagnie
des Indes ont préfenté aux Etats - Généraux
pour en obtenir un fecours de 14
millions de florins , offre l'état fuivant des
pertes de cette Compagnie pendant la guerre.
» Les Etabliflemens de Surate , Sumatra , Coromandel
, Bengale & Trinquemale ont été enlevés par
l'ennemi. L'inventaire du premier porte les effets
qui s'y trouvoient à 1,450,000 florins , & celui de Stmatra
à 350,000 . Quoiqu'on ne puifle fournir un
état auffi exact des pertes des trois autres parce qu'on
ne l'a point encore , on peut en juger par les effets
qui s'y trouvent année commune ; favoir fur la côte
de Coromandel 5,600,000 fl . au Bengale 1,800,000 ,
outre les fommes qui étoient vraisemblablement en
caiffe , dont la Compagnie fera refponfable , qu'on
ne fauroit fixer au jufte , parce que faute d'occafions
cn n'a point reçu d'avis , mais qu'on peut porter avec
probabilité à 1,000, coo . A cette perte au Bengale il
faut ajouter ce qui aura été reçu en ' errres de change
de 3,900,000 florins négociés en Hollande & dont
on ne peut fai e actuellement d'énumération exacte.
La perte effuyée à Trinquemale peut être portée à
+
( 88 )
-
200,000 florins. Il faut obferver qu'on ne compre
dans ces pertes que les effets & marchandifes , (aus y
comprendre les bâtimens & Etabliffemens , dans letpérance
дне los da traité de paix , on auta fuin à cet
égard des intérêts de la Compagnie. La prife de ces
établiſſemens offre donc feule une perte de 104 connes
d'or , ou 10,400,000 florins , Lans compter les
pertes des particuliers . Les vaiffeaux & navires
enlevés , pris ou détruits par l'ennemi forment en
core un objet d'autant plus important qu'il affecte
plus directement la caille de la Compagnie en Europe.
Dans ce nombre il faut remarquer fur tout l'en
lèvement de la Wrouwe Catherina- Wilhelmina
prife dès le premier moment de la guerre & évaluée
au moins à 500 , oco florins ; le Held Woltemate
destiné pour Ceylan en'cvé au delà du cap évalué à
900,000 ; 4 vailleaux revenant de la Chine pris &
brûlés dans la baie de Saldanha dont la cargaifon
montoit à 6,300 000 Arins & les navires à 700 030,
Il y a à déduire ce qui avoit été débarqué au cap
avant leur départ pour Saldanha , ce qu'on put
évaluer à 1,000,000 ; le vaiffea le Dankbaarheit
de retour du Bengale pris également à Saldanha évalué
à 1,400,000 ; la fire le Norbeck à 100,000 ;
e fin le Groenenda! & le Canada pris dans la baie de
Trinquemale , évalués avec leur charge à 500,000 .
Le total des pertes en vaiffeaux monte a 103 tonnes
d'or ou 10,300,000 florin . A quoi il fast encore
ajouter les frais de l'entretien des vaiffeaux que la
crainte des rifques de la guerre a fait féjourner à
Cadix & à Drontheim, ce qui monte à plus de
500,000 « ,
PRÉCIS DES GAZETTES ANGLOISES , du 30 Juin.
On croit que la taxe des quittances produira.
beaucoup au- delà de la fomme à laquelle elle a
été évaluée , & que le Gouvernement y trouvera
un excédent confidérable , qu'on pourra appliquer
au fond d'amortiffement , ou dont on difpofera fuivant
l'occafion ,
( 89 )
L'Emprunt & le Budget en général paroiffent condamnés
acarimement par le peuple , qui voit avec
peine charger l'Agriculture & le Commerce , pendant
qu'on épargne les objets de luxe. Auffi les
Miniftres doivent- ils s'attendre à bien des plaintes ;
le Lord S. a une adreffe inconcevable pour répandie
dans le public les principes qu'il defire lui faire
adop er. Sa maifon , depuis le Budget , reflemble
plus à une Bourfe de commerce qu'à la maiſon d'un
Pair ; il s'y tient des affemblées fréquentes &
nombreuſes , & l'on croit qu'il y eft rès - queſtion
des opérations actuelles de finances , & que c'eft
de-là que partent les opinions qu'on s'attache à
en donner au public.
Le prix des fonds de l'emprunt qui baiſſe jour
nellement , prouve bien évidemment qu'on avoit eu
tort d'accufer le Gouvernement de manoeuvres rela
tives à l'emprunt.
Dans les dernières conteftations , le Lord North
a agi comme il fera toujours en pareil'e occafion ,
c'eft - à - dire qu'il a conftamment été de l'avis de
S. M. De forte que le Cabinet eft partagé , & les
Whigs qui voudront refter en place feront abandonnés
à la difcrétion du Lord North. Tels font
les effets de la coalition ! Admirable union de
Membres difcordans , qui , dans le fait , ne font
que les volontés du Lord North.
Une lettre de Madrafs porte que la guerre entre
les Anglois & les Indiens peut être de longue duréé
fi ceux-ci font excités & affiftés par les François , &
fi des Officiers de cette Nation paſſent dans l'armée
d'Hyder- Aly.
Tour le bien qu'en peut attendre de l'arrangement
définitif de la paix doit néceffirement aboutir au
commerce ; car ce qui concerne les difcuffions territoriales
eft terminé dans tous les points & pour
tons lieux qui nous intéreffent . Il faut donc efpérer
qu'une grande extenfion de commerce nous dédom
magera de nos facrifices territoriaux.
( 90 )
La fureur pour les marchandifes d'Angleterre eft
fi grande aujourd'hui à Paris , que tous les Marchards
font obligés de donner un nom Anglois à
tout ce qu'ils veulent vendre. Il eft bien fingulier
que les habillemens de toutes les claffes de la nation
Françoise foient copiés d'après les nôtres , qu'on
regardoit comme fi ridicules il n'y a pas encore
Long- tems.
GAZETTE DES TRIBUNAUX ABRÉGÉE.
CONSEIL DU RO 1.
Requête Civile eft inadmisible contre un Arrêt
de partage.
LA question fi ce qu'on appelle Arrêt de partage
peut être attaqué par la voie de la Requête
Civile , a été négativement décidée au Confeil du
Roi dans l'efpèce fuivante. M. le Duc de
Charoft , Baron d'Ancenos , reclame des mouvances
qui lui font difputées par M. de Cornullier
de Luciniere , Confeiller au Parlement de Bretagne.
Rapport du procès fait en la première Chambe
des Enquêtes du même Parlement , le 17 Août
1780 , par M. de Boiftaillé , il y a diverfité d'opinions
fur un point de droit abfolument décifif ,
& qui confifte à favoir fi , avant la réformation
de la Coutume de Bretagne en 1580 , la confelidation
féodale avoit lieu en cette Province , lorfque
le poffeffeur d'un fonds roturier acquéroit le fief
dominant. - L'avis du Rapporteur est ainſi conçu :
Avant de paffer au jugement du procès , il fera
dit qu'il y a confolidation ; au contraire , celui du
Compartiteur porte : Avant faire droit fur les appellations
, tant en principal qu'en adhérant , il fera
dit qu'il n'y a confolidation. Au mois de Mars
1781 , la queſtion fur portée en la Grand'Chambre ,
―
――
(1) On foufcrit pour l'Ouvrage entier , dont l'abonnement
eft de 15 liv. par an . chez M. Mars , Avocat , tue & Hotel
Serpente.
( 91 )
de fubfifter
pour vuider le partage. Les Magiftrats , après avoir
entendu le rapport , furent , dit-on , d'avis que la
rédaction n'étoit pas régulière , parce qu'il n'y eft
point prononcé fur les fins de non - recevoir que
les Parties s'oppofent réciproquement , & parce
que MM. des Enquêtes le font partagés fur un
moyen , & non fur les demandes des Parties . Ce
qu'il y a de certain , c'eft que le partage continua)
- M. de Luciniere fi des démarches ,'
pour que M. le Duc de Charoft confentit à ce que
le partage deme. rât comme non-avenu ; il engagea
M. le Procureur - Général à fe rendre oppofant à
l'Arrêt de partage , & fit rendre plufieurs Arrêts
pour parvenir à le faire anéantir par la Chambre
qui s'étoit partagée . Ces tentatives n'ayant pas
réuffi , il fit fignifier à M. le Duc de Charoft , le
is Décembre 1781 , des Lettres de Requête Civile
contre l'Arrêt de partage. Arrêt du 17
Mai 1782 , qui entérine la Requéte civile , & remet
les Parties au même état qu'elles étoient avant
le partage , & condamne M. le Duc de Charoft
aux dépens. 26 Avril 1782 , Arrêt du Confeit
d'Etat du Roi , qui caffe l'Arrêt du Parlement de
Bretagne , du 17 Mai précédent ; déclare M. de
Luciniere non-recevable en fa Requête civile , &
renvoie en la feconde Chambie des Enquêtes du
même Parlement , pour vuider le partage .
PARLEMENT DE PARIS GRAND'CHAMBRE,
Caufe entre le nommé Moïfe Moulins , demandeur
en retrait au nom de fon fils mineur ;
nommé Flamand , acquéreur , défendeur au retrait
; Et le fieur Romagny , Huiffier , af
Signé en garantie pour raiſon de nullité dans
fon exploit.
-
- Le
UN père peut-il intenter un retrait au nom de
fon fils , avant que d'être nommé fon tuteur ? Peuton
arguer de nullité un retrait , parce que l'Huilfier
s'eft fervi pour records , dans fon exploit ,
( 92 )
d'un homme qui a été condamné à une amende
en matière criminelle , pour complicité de fauxfaunage
? Doit - on regarder cet homme contme
infâme ? Son témoignage ne peut il être reçu en
Juftice , lorsqu'il eft depuis douze ans Concierge
de prifons ? Le fieur Flamand avoit acquis un
héritage de très - modique valeur , mais dont la
convenance lui étoit infiniment précieuſe . Il croyoit
être tranquille , lorfque le nommé Moïfe Moulins ,
intenta le retrait de cet héritage au nom de fon
fils mineur , parent du vendeur , du chef de fa
difunte mère. Le fieur Moulins.fe fervit du miniftère
du fieur Romagny , Huillier , qui fe fir
affifter , comme il eft d'ufage , pour la validité
du retrait , de deux records , qui fignèrent avec lui
l'original & la copie de texploit , lequel contenoic
leurs noms , furnoms , & qualités ; il avoit d'ailleurs
obfervé fcrupuleulement toutes les formalités
requifes en matière de retrait . Les premiers
Juges ont déclaré le nommé Flamand déchu de
fon retrait. Appel de fa part & Arrêt infirmatif de
la Sentence le 21 Décembre 1782.
GRANDCHAMBRE.
Caufe entre les Prévôt des Marchands & Echevins
de la ville de Paris , Intimés , fur l'appel de leur
Ordonnance ; les fieurs Rinville , Saffroy , le
Mire , Heroy , Marchands de bois , Locataires
des chantiers , quai & hors la porte St- Bernard;
-
Et les Prieur & Chanoines réguliers de
St-Victor , Seigneurs & propriétaires desdites
maifons & terreins. Tranflation des Coches
d'eau , du port St - Paul à celui de St- Bernard.
De tout tems le port St-Paul a fervi à l'arrivage ,
embarquement & débarquement des Coches d'eau :
de tout tems auffi le quai St - Bernard , hors la
porte , jufqu'à la rue de Seine , a été deſtiné an
débardage des bois flotrés , & au commerce des
vins , auxquels la moitié de la berge fert de halle.
( 93 )
Il y a quelques années que des vues de bien pu
blic engagèrent à fermer une pa tie du bras de la
rivière qui mène au port St.Paul , par une eſtàcade
fur pilotis : cette féparation forme une garre aux
bateaux , contre les accidens qui peuvent arriver
dans le tems des glaces ; il paroît aujourd'hui que
l'ouverture ou baye qui fert de paffage aux Coches ,
entrans & fortans du port St- Paul eft devenue
trop étroite , qu'elle eft même périlleuse pour l'embarquement
& débarquement des Coches. Les entrepreneurs
qui ont traité à la fin de l'année dernière
avec le fieur Collet d'Hauteville , Adjudica-
, taire général du bail de toutes les voitures , tant
par terre que par cau , frappés des inconvéniens
qu'on vient d'expofer , ont follicité du Bureau de
la Ville une Ordonnance de tranflation de l'arrivage
des Coches au port St- Paul , à celui de Saint-
Bernard , fur lequel ils ont choifi cinquante toifes
de largeur entre la rue de Seine & le chantier
dit la Maifon rouge , qui eft au- deſſus de la hal e
' aux vins. Le 24 Mars dernier , le Bureau de la
Ville a rendu fon Ordonnance ; elle contient trois
diffofitions : la première ordonne ladite tranſlation
pour le premier Avril fuivant : la feconde accorde
pour le nouvel emplacement des Coches , cinquante
toifes , à partir de 60 au -deffus du pavé de la halle
aux vins la troisième révoque les permiffions accordées
aux Marchands de bois flottés , & leur
enjoint de faire le tirage des bois dans les endroits
qui feront indiqués par le Bureau ; enfin , l'exécution
de ce jugement eft ordonnée nonobftant oppofition
ou appellation quelconque. Les Marchands
de bois du grand chantier de St-Victor , ceux de
la Fleur-de- Lys & du Cadran bleu , dont la berge
eft destinée au nouvel établiſſement des Coches ,
& les Chanoines de St Victor , propriétaires de ces
terreins , fe font rendus Appellans de cette Ordonnance
, & ont obtenu un premier Arrêt de défenſe ,
qui a renvoyé les Parties à l'audience , toutes chofes
:
-
(
94
I
> demeurantes en cet état. Arrêt du 24 Mai 1783
qui a envoyé la caufe au 1er Samedi de Juillet prochain
, toutes chofes demeurantes en états pendant
lequel tems il feroit fait , par un Commiffaire de la
Cour , affifté d'un Ingénieur des ponts & chauffées ,
une vifite des lieux choifis pour le nouvel emplacement
des Coches , pour s'affurer des avantages ou
défavantages de la tranflation ; à laquelle vifite feroient
appellées les Parties intéreffées qui pourroient
faire tels dires , obfervations & requifitions qu'elles
jageroient convenables , dont feroit dreffé procèsverbal
enſemble de celles que pourroient faire toutes
les perfonnes préfentes à la vifite.
PARLEMENT DE NORMANDIE.
Contestation entre la Police Royale du Bailliage
de Rouen & le Haut-Jufticier d'Emandreville ,
dont la Jurifdiction s'étend dans la Paroiffe de
St-Sever , fauxbourg de Rouen . - Compétence.
Le fauxbourg St- Sever , féparé de la Ville par
le pont de bateaux , eft partagé , quant à la Juſtice ,
entre le Bailli de Rosen , Juge-Royal , & plufieurs
Hautes Juftices : celle d'Emandreville , appartenante
à M. le Prince de So bife , fe tient dans une des maifons
de ce fauxbourg. Le premier Mars 1780 ,
Me Beville , Commiffaire de Police du Bailliage de
Rouen , a donné des approchemens ( 1 ) à 14 particuliers
, dont 8 font jufticiables d'Emandre ville"
pour n'avoir point balayé devant leur porte . L'un de ces
8 particuliers , nommé Pain , Concierge , Sergent
de cette Haute-Juftice , & fe qualifiant Commiffaire
de Police de cette Jurifdiction , condamné comme les
autres , au Bailliage de Rouen , a exécuté la Sentence
; mais , M. le Prince de Soubife prétendant
que cette Sentence étoit un attentat aux droits de
fa Haute-Juftice , en a interjetté appel en la Cour
où il a intimé Me. Beville & le Procureur du Roi
(1 ) Ce terme répond à celui d'affignation .
( 95 )
de Police du Bailliage , en fon nom perfonnel
& a conclu contre lui aux dépens . Intervention des
Commiffaires , La Cour , par ſon Arrêt du 3
Aviil 1783 , conforme aux Conclufions de M.
Charles , Subftitut , faifant droit fur l'appel , a mis
l'appellation au néant ; ce faifant , a maintenu les.
Commiffaires de Police du Bailliage de Rouen dans
le droit de dreffer tous procès-verbaux contre les
délinquans à la Police , dans la ville & fauxbourgs
de Rouen , & a condamné le Prince aux dépens .
CAUSE EXTR. DU JOURN , DES CAUSES CÉLÈBRES ( 1 ).
PARLEMENT DE PARIS.
Penfion alimentaire démandée par une mère à sa
fille mariée,
Parmi les devoirs des enfans envers leurs père
& mère , un des plus facrés eft , fans doute , de
leur fournir la fubfiftance lorfqu ils font dans la
misère. Malheur à l'enfant qui refuferoit d'acquitter
cette dette ! Il outrageroit à la fois , la
nature , la religion & les loix. La juftice , indignée
, devroit imprimer fur le front du coupable
un figne d'opprobre ineffaçable , & l'abandonner
au mépris public : elle vengeroit , par ce jufte
châtiment , les liens les plus refpectables qui unif
fent les hommes . Heureuſement notre ſiècle , malgré
la dépravation des moeurs , voit rarement des
exemples d'infraction de ce premier des devoirs
des enfans. Celui que nous allons citer n'offre
point le fpectacle d'un refus révoltant de fournir
des alimens à ceux dont on a reçu le jour. C'eſt
une fille qui pré- end que la mère ne peut lui demander
une penfion , & qu'elle doit vivre dans la
maison, Ainfi l'obligation en elle - même n'étoit
pas conteftée ; il s'agiffoit feulement de fixer la
manière dont elle devoit être remplie. Un des
(1 ) On foufcrit pour ce Journal chez M. des Effarts , Avo
cat , qui nous a fourni lui- même cet extrait , & chez Mérigat
le jeune , Libraire ; prix 18 liv. & 24 liv. pour la Province.
( 96 )
&
plus éloquens Magiftrats du Royaume a porté la
parole dans cette caufe. Il a développé , avec cette
élévation & cette fenfibilité qui caractérisent lá
véritable éloquence , & qui accompagnent toujours
les grands talens , les principes qui doivent
fervir de règles dans cette matière importante ,
qui avoient leur application à l'espèce dont nous
allons rendre compte. La dame Berthelot eft fille
de la dame Triftan ; mais depuis le moment de
fa naiffance , des fecours étrangers ont pourvu à
fa nourriture , à fon éducation & à fon établiſſement.
Sa mère n'a jamais rieu dépensé pour elle.
Parvenue à l'âge d'être mariée , elle a époufé le
feur Berthelot , Horloger à Petiviers , & ne lui a´
porté en dot que fes talens & fes vertus. Peu de
tems après fon mariage , la dame Triftan , étant
fans reffource , vint trouver la dame Berthelot fa
fille , & lui demanda , à ce titre refpectable , de
la recevoir chez elle. La dame Berthelot , quoiqu'elle
n'eût jamais rien reçu de fa mère , l'accueillit
avec tous les fentimens dont la nature lui
faifoit un devoir. Mais bientôt l'incompatibilité des
caractères & dés humeurs de la mère , de la fille
& du gendre , faifant naître des différends fréquens
entre la mère & les enfans , la dame Triftan
trouva trop dure la vie commune avec les
enfans. Elle quita la maifon de fon gendre & de
fa fille , & les fit affigner pour les faire condamner
à lui payer une penfion alimentaire de 300 I.
Les fieur & dame Berthelot , qui avoient bien
voulu faire partager à leur mère & belle - mère
leur vie commune , n'étoient pas allez riches pour
pouvoir diftraite une penfion en argent , quelque
modique qu'elle füt . Ils avoient à peine 350 liv.
de rente , & ne vivoient d'ailleurs que du produit
de leur travail. Par Arrêt du 5 Août 1782 , la
dame Berthelot a été condamnée , fuivant fes offres
, à recevoir fa mère chez elle , à la nourrir
& à pourvoir à fes befoins dans fa maiſon.
JOURNAL POLITIQUE
DE BRUXELLES.
TURQUIE.
De CONSTANTINOPLE , le 12 Juin.
Tou
ous les mouvemens qu'on voit dans
cette Ville & les environs , les nouvelles
conftructions ordonnées dans nos
chantiers des vaiffeaux de guerre & de
plufieurs autres bâtimens , qui vont tant à
voile qu'à rames , les fréquentes affemblées
du Divan auxquelles le Capitan Bacha paroît
affidument quoiqu'il ait fait déja fa fortie publique
avec fa flotte , femblent nous préparer
à la guerre. L'ultimatum de la Ruffie n'eft
point encore arrivé comme on l'avoit cru ;
on prétend qu'on pourra le recevoir par
un nouveau Courier qu'attend le Miniftre
de cette Puiffance ; il mettra fin à notre
incertitude , & nous apportera enfin la paix
ou la guerre. Le peuple mécontent de ce
qu'on dit des prétentions de la Cour de
Pétersbourg , defire & demande une rupture.
19 Juillet 1783.
e
( 98 )
Les mouvemens qu'on remarque par- tout ,
font croire que le Gouvernement la juge
inévitable. Il a été fait des changemens dans
plufieurs Commandemens de Provinces. Le
plus important dans la circonftance actuelle
eft la nomination d'Haznadar , Ali - Pacha , au
Gouvernement d'Oczakow, qui a déja défendu
cette place dans la dernière guerre contre
la Ruffie.
Le Mufti Ibrahim- Effendi vient de mourir
fubitement ; on a attribué cet évènement à
une taffe de café préparée. Cette mort ne
paro cependant pas avoir d'autre cauſe
que l'âge avancé de ce Chef de la Loi ; il
avoit 90 ans . Son fucceffeur Nurri Effendi a
blanchi dans les affaires , & paffe pour avoir
beaucoup de connoiffances & d'excellentes
qualités.
Un décret publié la ſemaine dernière défend
aux domestiques & à la baffe claffe da
peuple l'ufage des étoffes des Indes ; cette
loi qui excite quelques murmures , a peutêtre
pour objet d'occuper le peuple & de
détourner fon attention des affaires publiques
.
Le Kiflar Aga & le Grand Ecuyer du
Grand Seigneur ont été déposés.
On a reffenti une légère fecouffe de tremblement
de terre le premier de ce mois ;
mais elle n'a caufé aucun dommage . Nous
fommes menacés d'un autre fléau qui fera
fans doute plus terrible ; la pefte fe manifefte
de nouveau & commence à faire fentir
fes ravages dans cette Ville.
( 99 )
RUSSIE.
De PÉTERS BOURG , le 10 Juin.
L'IMPERATRICE fe difpofe à partir le 20
de ce mois de Czarsko- Zélo pour le rendre
à Frédériks-Ham , petite Ville & port fur
les frontières de la Finlande Rufle & Suédoife
, les chevaux deftinés à lui fervir de
relais font déja partis d'ici pour être diftribués
fur la route. S. M. aura une entrevue
avec le Roi de Suède , qui en faiſant la revue
de les troupes dans la Finlande , pouffera
jufqu'à Frédériks Ham. La fuite de l'Impératrice
fera compofée de la Princeffe Dafchkow
de deux Dames d'Honneur , du
Comte Iwan-Czernichew , Vice Préfident
de l'Amirauté , de M. Narischkin , Grand-
Ecuyer , du Comte de Stroganow , de M.
Besborodka , Général - Major & Secrétaire du
Cabinet de S. M. I. , du Prince de Galitzin
le même qui avoit été chargé de compli
menter le Roi far la naiffance du Duc de
Smalande , & du Chambellan Narischkin ,
fils du Grand - Ecuyer.
,
Au retour de S. M. I. on formera un
camp dans le voifinage de cette Capitale
pour exercer les troupes qui en compofent
la garniſon , & il eft vraisemblable qu'elle
affiftera à leurs manoeuvres ; on dit auffi
que fi la guerre éclate , comme on a lieu
de le craindre , le Grand-Duc fe propofe de
faire une campagne.
e 2
( 100 )
DANEMARCK,
De COPENHAGUE , le 20 Juin.
LE Baron de Spreng Porten , Miniftre de
la Cour de Suède , eft parti pour Stockholm.
Il fe propoſe de paller fix mois - dans
fa patrie.
Il eft parti ces jours derniers un bâtiment
deftiné pour l'Amérique Septentrionale , &
un fecond deſtiné pour Ste-Croix.
Le Teneur de livres de la Compagnie Afiatique
qui s'étoit réfugié en Suède , eft revenu
ici en vertu d'un fauf conduit du Roi ; la
Compagnie a follicité elle - même ce faufconduit
, parce qu'elle a befoin de plufieurs
éclairciffemens que feul il lui peut donner.
Dans la dernière affemblée elle a élu deux
nouveaux Directeurs , qui font MM. Zinn
& Erichfen. Ses actions fe font vendues ces
jours paffés 1131 rixdahlers ; & celles de la
Compagnie des Indes Occidentales 318.
SUÈDE.
De STOCKHOLM , le 8 Juin.
LE bulletin du malheureux accident arrivé
au Roi par la chûte qu'il fit le 12 en
faifant manoeuvrer les troupes , ne contient
rien qui ne doive nous raflurer . L'espérance
d'une prompte guérifon eft fondée fur l'efpèce
de la fracture que les Chirurgiens ne
regardent pas comme dangereufe , & fur la
( 101 )
་
tranquillité , la patience & la fermeté de
S. M. Elle fe fit tranfporter fur - le- champ à
Tawaftehus , où elle a trouvé tous les fecours
& toutes les commodités que fon état
pouvoit exiger. On avoit cru que cet accident
pourroit retarder l'entrevue qu'elle
doit avoir avec l'Impératrice de Raffie ;
on apprend qu'elle aura toujours lieu le 30.
Le Baron de Wreide , Chambellan , eft parti
pour Frederiks - Ham , où il va en informer
S. M. I.
L'inoculation de la petite vérole du Prince
Royal a eu le plus grand fuccès ; il eſt main- ,
tenant parfaitement rétabli , & la Reine
recevra demain les complimens à cette occafion.
POLOGNE.
De VARSOVIE , le 18 Juin.
M. Archetti , Nonce du St - Siége ici , eft
parti d'ici le 14 de ce mois pour Pétersbourg ,
où il va terminer les différens objets pour
lefquels cette Cour s'eft adreffée à celle de
Rome ; le Coadjuteur de Plocko fera les
affaires de la Nonciature pendant tout le
tems qu'il refera abfent.
L'Impératrice de Ruffie a bien voulu être
la marraine de l'enfant , dont la Comteffe
de Branicka eft accouchée depuis quelque
tems ; le 22 du mois dernier il a été baptifé
par l'Archevêque de Mohilow ; c'eſt le
Feld Maréchal Comte de Romanzow qui l'a
c 3
( 102 )
tenu fur les fonts au nom de la Souveraine .
Cet enfant a déja été nommé par l'Impératrice
Officier au premier régiment de fes
Gardes ; & cette Princeſſe a fait remettre à
fes parens une épée d'or enrichie de diamans
qu'elle lui deftine .
ALLEMAGNE.
De VIENNE , le 28 Juin.
ON mande de Lemberg que l'Empereur
y eft arrivé le 24 de ce mois , & qu'il y
féjournera jufqu'au 4 du mois prochain ;
fa marche au fortir de cette Ville n'eſt pas
connue , non plus que l'époque de fon retour
dans cette Capitale.
On vient de publier une déclaration de
l'Empereur , en date du 28 Avril dernier ,
& conçue ainfi :
Il a été défendu par une Ordonnance antérieure
de s'adreffer à Rome au fujet de la réfignation des
Canonicats qui s'obtiennent par collation papale en
faveur d'un tiers . Nous déclarons par la préſente
qu'en général les réfignations des Bénéfices Eccléfiaftiques
faites en faveur d'un tiers ne feront permifes
ni va'ables en aucun cas , foit qu'elles aient
été faites du gré du Souverain Pontife , ou fans le
confentement du St - Siége «.
On dit qu'au retour de l'Empereur , il y
aura encore quelques fuppreffions de Couvens
qui tomberont principalement fur les
Ordres Mandians .
On raconte l'anecdote fuivante du
de S. M. I.
»
voyage
Le chariot qui porte fa cuifine part ordinaire(
103 }
ment 2 heures d'avance ; mais un jour il fut fuivi de
fi près par l'Empereur que les cuifiniers arrivés au
gîte avoient eu à peine le tems d'allumer le feu pour
préparer le repas . Le Prince imagina d'aller tout
feul & dans le plus grand incognito au Presbytère
où il trouva la table fervie pour 4 perfentes ; il y
dîna avec le Curé & 2 Chapelains ; le Sacriftain à
qui la quatrième place étoit deftinée fut obligé de la
lui céder. Après le repas l'Empereur fe faifant connoître
caufa dans le premier inftant la plus vive émotion
aux 3 Eccléfiaftiques ; ils fe remirent cependant
bientôt par la bonté de S. M. I. qui leur fit porter
par les gens le dîner qui lui avoit été préparé pendant
qu'il partageoit le leur , avec des préfens parmi
lefquels il y en avoit pour le Sacriſtain « .
De HAMBOURG , le 2 Juillet.
On n'a encore aucune nouvelle pofitive
fur l'état des négociations entre la Ruffie &
la Porte. S'il faut en croire plufieurs lettres
les prétentions qu'on forme contre la der
nière de ces Puiffances , ne lui laiffent que
le choix de la guerre , parce qu'elle ne
peut confertir aux facrifices qu'on lui de--
mande pour la paix.
Sahin Gueray , difent ces lettres , indépen
dant dans fa prefqu'ifle , exige aujourd'hui qu'on
Li abandonne encore la Tartarie de Budziack ; &
un grand nomb e des habitans de cette contrée inf
truits d'une demande qui ses expofe à tous les maux
- inévitables dans un pays qu'on le difpute & qui peut
porter une partie du poids de la guerre , l'abandonnent
pour le réfugier fur les terres de la Ruffie ; on
évalue le nombre de ces émigrans , qu'on exagere
fans doute , à 700,000 . Le deffein de Sahim Gueray
& celui de la Ruffie paroiffent être de s'emparer
€ 4
( 104 )
d'abord d'Oczakow , qu'on dit depuis long- tems
menacé , & où le Capitan Bacha inftruit de ces bruits
envoya le 24 Mai dernier un petit bâtiment pour
prendre des informations . La Cour de Pétersbourg
icfifte fur la liberté de la navigation dans la mer
Noire & de là par le détroit des Dardanelles dans
l'Archipel. Si elle l'obtenoit elle porteroit la navigation
& fon commerce au plus haut degré de
prospérité ; elle établiroit une communication libre
entre la mer Baltique , la mer Noire & la Méditerranée
; & elle pourroit abréger la navigation aux
Indes -orientales par la mer Cafpienne , ce qui fans
contredit opéreroit une révolution générale dans la
navigation & le commerce de toutes les Puiffances
Européennes «
Les mêmes lettres reviennent aux prétentions
que peut former la Maifon d'Autriche ,
dont les difpofitions font couvertes d'un
voile impénétrable , & dont les armemens
peuvent n'avoir d'autre objet que d'obferver
ceux de la Ruffie & de la Porte , & de main.
tenir la tranquillité fur fes frontières ou avoir
celui de foutenir auffi des prétentions . On lui
fuppofe le defir d'obtenir la reftitution de
tout ce qui , par la paix de Belgrade , a été
cédé à la Cour Ottomane , la Walachie jufqu'à
la rivière d'Aluza , la Servie avec Belgrade
, la montagne près de Somocz , une
grande partie de la Bofnie , la liberté de
la navigation fur le Danube & un commerce,
illimité avec toutes Provinces Tufques en
acquittant des droits qui feront fixés à une
taxe modérée ..
>>
» Cherfon , lit-on dans une lettre de Pologne ,
paroît être le point de réunion des troupes Rules
(
105 >
deftinées à agir contre les Turcs . Le Prince Potemkin
a dû y arriver le 21 du mois dernier ; il a reçu
avant fon départ de Pétersbourg des inftructions pré
cifes de l'Impératrice dans une audience qui a duré 4
heures. Un canot expédié immédiatement à Conf
tantinople porte , dit- on , au Miniftre de 1 Impératrice
fes dernieres propofitions ; & fur la réponſe
qu'y fera le Grand- Seigneur , & que le Miniftre fera
paffer fur - le- champ à Cherfon , le Prince Potemkin
agira conformément aux ordres de S. M. I. «
Les mouvemens dans les Etats héréditaires
de l'Empereur ne fe rallentillent pas
non plus.
» Il nous eft arrivé , écrit- on de Presbourg en
date du 18 , quatre bâtimens chargés de munitions
de guerre , & nous en attendons encore onze aujourd'hui
; la femaine dernière on a embarqué 400
artilleurs qui doivent fe rendre fur nos frontières ,
où il défile continuellement des troupes. Les régimens
en garuifon dans la Stirie , ont pris la route de
Fiame & de Buckari ; leur miffion eft d'en couvrir
les côtes & de les défendre en cas de befoin. On
conftruit dans le Texel quantité de bâtimens de différentes
grandeurs , dont on ne compte pas moins de
foo . On paroît s'attendre par tout à une campagne
prochaine qui pourra être prolongée fort
avant dans l'hiver ; on dit que l'Empereur a ordonné
de faire 18 000 lits pour le fervice de les troupes ,
dont les mouvemens feront réglés fur ceux des armées
Rufle & Turque «,
On lit dans une lettre de Copenhague
que la Compagnie Afiatique a reçu des nouvelles
de fes établiffemens , en date du s
Octobre de l'année dernière . Elles portent ,
dit- on , qu'au mois de Février de la même
année un gros corps d'Indiens avoit formé
CS
( 106 )
le deffein de ſurprendre cette place ; & que
l'arrivée de l'efcadre de M. de Suffren dans le
port le fit heureufement é houer.
» On a vu paífer ici , écri -on d'He fingor , fix
bâr mens François ; ce font la Néceffité de soo tonneaux
, Capitaine M de Bonaventure ; l'Aniproye
de même grandeur , Capitaine M. de Montend e;
la Guyane de 450 , Capitaine le Chevalier de Clof
nard ; la Dordogne , la Loire de 350 commandés
par M. du Clefme rs & le Chevalier de Roquefeuil ;
& le Fréderic- Guillaume de 500 par le Comte de
Puységur Cinq de ces vaiffeaux portent 24 canons ;
ils appartiennent au Roi de F ance & font commandés
par des Officiers de fa Marine «.
La Hollande qui envoyoit autrefois plus
de 90 bâtimens à la pêche de Groenland ,
n'en fait partir cette année que 39. Les Villes
maritimes d'Allemagne ont auffi diminué
le nombre des leurs . On n'en compte que
28. pour cette Vil'e & celles d'Altona ,
Gluckstad & Brême.
» La tolérance , écrit-on de Nemrod dans l'Ukraine
, fair ici des progrès. Un aflez grand nombre
de Proteftans étoient venus s'y établir depuis quelques
années ; le Comte Vincent Potocki , Grand-
Chambellan de Pologne , ne s'étoit pas borné à leur
accorder une protection ſtérile , il leur avoit fait des
avances en argent juſqu'à la concurrence de 120,000
forins ; il leur avoit enfin permis de bâtir une églife.
de leur rit , c'eft la première que les Proteftans auront
en dans l'Ukraine ; le Comte Potocki en a pofé
lui-même la première pierre le 4 da mois dernier
avec toutes les folemnités ordinaires en cette occafion
«.
- On lit dans une lettre de Munich , en date
du 27 Juin , les détails fuivans :
1
( 107 )
» Dimanche 22 de ce mois , à fix heures
du foir , les eaux de l'Ier qui baignent cette
réfidence Electorale , & les fauxborgs , fortirent
tout à coup de leur lit avec une telle impétuofité
, que dans un inftant l'alarme & l'épouvante
furent générales. Le danger que courorent les ha->
bitans les plus voifins de ce torent , fu . fi preflant ,'
qu'ils ne trouvèrent de sûreté que dans une fuite
précipitée. En m . ins d'une heure les habitations &
les jardins de tout le fauxbourg de l'Au , & du quar
tier de Lechel , furent couverts de plus de huit pieds
d'eau. Chevaux , beftiaux , qu'on n'avoit pas eu le
tems de faire fortir des écuries & gagner les hauteurs
peu éloignées , furent enlevés par la rapidité:
du courant , les uns avec tout le menu bétail noyés ,
les autres portés fur un terrein fubmergé déja ; ,
mais trop peu encore pour qu'il ne puffent pas y
prendre pied , & être préfervés. Les radea x dont
une grande quantité étoit raffemblée dans les environs
furent brifés ; & les poutres volumineules
dont ils étoient compofés , difperfées çà & là , renversèrent
les murs & les maifons les moins folides
contre lefquels elles furent jettées . Le lendemain 23,
les campagnes étoient enfevelies fous les caux à plus
de deux lieues à la ronde , au point que les légu
mes de toute efpèce , dont on fait ufage dans ce
pays - ci , & l'Allemagne en général , les fourrages
pour la plus part coupés déja , & les grains qui
donnoient les espérances de la récolte la plus opulente
, font totalement perdus & dévaftés . Le pont
qui traverse l'Ifer du côté de Lechel , & qui fupporte
des canaux , au moyen defquels prefque toutes
les maifons de cette réfidence , & les fontaines
publiques font pourvues d'eau , fut renversé par le
choc redoublé des pièces de bois mêlées , comme
on l'a remarqué , de glaçons d'une groffeur énorme
qui l'attaquèrent ; en un mot , toutes les digues &
éclufes furent emportées par ces maffes prodigieue
6
( 108 )
fes. La perte occafionnée par ce débordement fubit
fe monte , autant qu'elle peut être évaluée dans le
moment à près d'un million de France .
>
Ce
fléau n'a heureufement coûté la vie à perfonne de
cette Ville & de fes fauxbourgs. On en eft redevable
au nommé Antoine Fleck , natif d'Ausbourg ,
Grenadier dans le Régiment des Gardes à pied , au
fervice de l'Electeur. Če brave homme , appercevant
hommes , femmes & enfans au nombre de fept ,
qui furpris par la crue des eaux , n'avoient pu échapper
, luttoient contre le torrent , fe déshabilla fur -lechamp
, fe jetta à la nage , & au rifque de perdre
fept fois la vie , fut affez heureux pour la fauver à
ces fept perfonnes , qui compofoient une même famille.
Il fit plus , ces malheureux pleuroient une
vache qui étoit tout leur bien , & que le courant
emportoit ; ce Grenadier pour les confoler , brava
de nouveau le danger , il atteignit l'animal , monta
deffas , & l'encouragea tellement qu'il lui fit gagner,
non fans beaucoup de peines , le bord de la rivière ,
& le conduifi: fain & fauf à fes maîtres. On ne
doste pas que le Gouvernement inftruit de ces preu -
ves généreufes & fgnalées d'humanité , de courage ,
& de fenfibilné don ées par ce Soldat , ne s'occupe
de lui procurer la jufte récompenfe qu'il mérite .
On n'a plus rien à redouter de l'inondation . Les
eaux baiffent fenfiblement , & font à peu de chofe
près dans leur lit accoutumé ; mais la vaſe amoncelée
dans les ja dins , & dans la campagne , infecte
l'air , & occafionne des brouillards épais & continuels
, qui caufe des maladies , & des fièvres devenues
pre que épidémiques . Nous ignorons encore
le ravage & les malheurs que ce débordement
aura pu caufer dans tout le cours de l'Ifer , depuis
les confins du Tirol , où elle prend ſa ſource , juſqu'au
Danube , où elle fe jette entre Straubing &
Pallaw ❝.
( 109 )
ITALIE.
De FLORENCE , le 23 Juin.
ON éprouva ici hier , entre 5 & 6 heures
du foir,unefecouffe de tremblement de terre ;
ce mouvement qui a été obfervé généralement,
paroît être le contre- coup d'une fecouffe
plus violente qu'on fuppofe , avec
raifon , avoir eu lieu ailleurs.
» La guerre qui menace d'éclater dans le Levant ,
fixe l'attention de tous les Etats qui ont quelque part
au commerce de cette partie , & fur - tout de ceux
qui ont des poffeffions dans l'Archipel . La République
de Venife s'occupe à mettre les fiennes en état
de défenfe , & à l'abri de toute invafion qui pourroit
être tentée par les Puiffances en guerre & qui favent
le parti que celle qui s'en empareroit pourroit en
tirer , foit pour obferver les mouvemens de fon
ennemi , foit pour le priver des avantages qu'il
pourroit en tirer pour repofer fes flottes & les rafraîchir
«.
On lit dans quelques lettres de Tripoli
les détails fuivans :
» Le Bey de cette Régence ayant calculé qu'il lui
feroit plus avantageux d'occuper les navires aux ob.
jets d'importation ou d'exportation néceffaires à fon
pays , avoit fait équiper fes corfa res en marchandifes
, & il en étoit parti une divifion ; mais au bout
de quelque tems on a vu rentrer un de ces corfai es
marchands qui , à l'afpect d'un navire Napolitain
dont la cargaifon eft eftimée 1500 fequins , a oublié
qu'il étoit commerçant pour le fouvenir qu'il
étoit auparavant pirate , & il s'eft emparé de ce bâtiment
qu'il a conduit à Tricoli. Il paroît qu'il tera
difficile de changer l'inclination naturelle de ces
( 110 )
peuples , ou de détruire leur habitude du pillage ;
il feroit fâcheux que le Bey für perfuadé par ce premier
effai que le projet qu'il a conçu eft d'une exécution
impoffible , & qu'il y renonçât « .
ESPAGNE.
1
De MADRID , le 17 Juin.
D. Louis de Cordova , Commandant en
chef des forces navales , & le Comte de
Xerena , Capitaine- Général de la côte de
Grenade , font arrivés ces jours derniers à
Aranjuez.
On parle toujours beaucoup de l'expédition
de Carthagêne ; c'eft le nom que l'on
donne à celle que l'on dit avoir Alger pour
objet , par ce que c'eft dans ce port qu'ont
été raffemblées les forces qu'on y deftine.
D. Antonio Barcelo eft arrivé le 19 Mai ; il
en eft parti enfuite fur une chaloupe pour
fe rendre à A'icante , port qu'on juge mieux
fitué pour entreprendre une expédition furles
côtes de Barbarie .
» Le fameux Jofeph-Antoine Oliveira de Machado
, écrit-on de Lisbonne , vient de mourir dans
un couvent d'Evora. Il a fait venir avant d'expirer
deux Notaires & des témoins en préſence defquels
il a fait , dit-on , une longue déclaration dont rien ne
tranfire , mais qui pique d'autant plus la curiofité
qu'on fait qu'il avoit été le confident du feu Marquis
de Pombal , Juge du Tribunal de l'Inconfidence ,
Podeftat de Belem & principalement chargé de fes
ord es dans l'inftruction & le jugement des procès .
importans qui furent terminés à la fin de 1758 &
exécutés au commencement du mois de Janvier fui(
III )
&
vant. L'Evêque de Coimbre auquel on avoit reproché
d'a oir permis que les obsèques du Marquis
de Pombal fuffent célébrées avec trop de pompe ,
que l'on avoit mandé à la Cour à cette occafion
n'eft pas encore retourné dans fon diocèſe ; il eſt
dans une maison de campagne aux environs de
Lisbonne où il attend la permiffion de partir «.
ANGLETERRE.
De LONDRES , le 7 Juillet.
PARMI les nouvelles arrivées de New-
Yorck , il y en a une à laquelle on ne s'attendoit
guère dans la circonftance préfente ;
& qui ne paroîtra pas peu extraordinaire.
dé-
La goele te la Dove arrivée de St - Auguftin ,
nous apprend que le Major de Vaux , à la tête de
300 hommes tant matelots que troupes de terre ,
barqua fur l'ifle de New- Providence , & que le 8
ayant pointé un canon devant les quartiers du Gouverneur
& lui ayant fait la fommation d'ufage , il
s'etoit rendu fans réfiftance , de forte que l'ifle &
fes dépendances & 350,000 piaftres étoient tombés
entre nos mains Si cette expédition a été réellement
faite , elle eft poftérieure à la publication de la ceffation
des hoftilités , & tout doit être reftitué ; il eft
vraisemblable que fi nos troupes , ce qu'on a de la
peine à fuppofer , ignoroient cette publication , les
Efpagnols en étoient inftruits , & que c'eft certe raifon
feule qui les a déterminés à épargner le fang humain
, & à rendre une ifle & des effets que conformément
au traité nous ne pouvons garder . «.
Toutes les lettres confirment ce qu'on a
dit de la réfolution des Allemands à refter
en Amérique ; parmi les priſonniers de cette
( 172 )
Nation qui ont été faits pendant la guerre' ,
& dont on attend le retour , on n'en compte
guère que 800 , qui ne forment pas la dixième
partie de leurnombre ; & ceux- ci ne femblent
revenir à New- Yorck que par ce qu'il leur
eft dû de gros arrérages de leur folde. Ce
goût pour former des établiffemens dans le
pays où on les a conduits pour faire la guerre ,
eft devenu général à tous nos foldats ; les
Allemands l'ont communiqué aux Anglois ,
dont un grand nombre a demandé & obtenu
fa retraite.
» L'Affemblée de Virginie a fupprimé la prohibition
d'importer des marchandises de manufactures
Britanniques ; elle a contribué au paiement de la
dette publique par l'établiſſement de quelques impôts
qui feront levés jufqu'à ce qu'elle foit acquinée
& qui confiftent en 5 pour cent fer les produits des
terres , autant fur les marchandiſes qui viendront
d'Europe, & un pour cent fur celles qu'on apportera
des Indes occidentales . Elle a mis plus de modération
dans le traitement qu'elle fait aux réfugiés de
cet Etat ; elle leur permet de revenir & n'excepte
que ceux qui ont porté les armes contre leur pays.
Les malheureux qu'on a faits prifonniers à la
tête des Sauvages qui ont infeité les frontières de
cer Etat & de ceux de Maryland & de Penfylvanie ,
font le Capitaine Monrò , du Corps Royal d'Yorck ,
qui établi dans le Canada avoit acquis quelques propriétés
près da lac de Saratoga, & le Sergent Ferguffon
qui avoit d'abord appartenu au 26 ° régiment & avoit
été fant enfuite Capitaine dans le Corps des Chaffeurs
da Major Roger . On déplo e le fupplice qu'on leur
a fair fubir ; mais il n'étoit pas poffible de faire autrement
fi l'on vouloir mettre fin aux brigandages
des Sauvages , & fauver les habitans des frontières
( 113 )
du Tamawhac & du Scalpel . Si quelque Commandant
du Roi en Amérique ofoit employer encore ces
moyens de nuire & exciter les Sauvages à ces excès ,
il mériteroit d'être cité au Parlement pour recevoir
un châtiment exemplaire «<.
Les mêmes lettres en faifant mention des
améliorations introduites dans le commerce
& l'agriculture , obfervent que l'année dernière
la Virginie a produit la récolte la plus
abondante des différens grains cultivés en
Europe , que la meilleure qualité de tabac ,
celui dont le parfum eft le plus agréable
& qui fe cultive fur les bords de la rivière
d'Yorck , s'eft tellement multiplié , qu'il ouvre
la plus riante carrière à nos fpeculateurs.
» Le 30 du mois dernier le Lord John Cavendish
préſenta à la Chambre des Communes deux mellages
du Roi. Le premier portoit qu'en confidération
des fervices de l'Amiral Rodney S. M. avoit jugé à
propos de lui accorder une penfion de 2000 1. ft.
reverfible à fes deux plus proches héritiers ; le fecond
avoit également pour objet une penfion de
1500 l . ft. pour le Général Elliot révertible à fon
fis. S. M. ne pouvant charger la lifte civile au -delà
de fa propre exiftence , demandoit à la Chambre des
Communes de faire les fonds de ces deux penfions .
Ces meflages renvoyés au Comité de veies & de
moyens qui eut lieu le premier de ce mois , furent
pris en confilération. Le Lord John Cavendish
commerça un petit difcours far la légitimité de ces
dons que perfonne ne lui contefta , & ayant ajouté
quelques mots relativement à l'époque où commenceroient
ces penfions , il fur interrompu par un cri
général qui s'éleva & qui nomma le 12 Avril de
l'année derniere , & le 13 Septembre fuivant pour
celle de Général Elliot. Le Chancelier de l'Echiquier
s'arrêta en conféquence à ces époques , & il propola
( 114 )
ainfi les difpofitions de S. M. à l'égard de la penfion
de l'Amiral . Il a un petit - fils très-jeune qui héritera
de fon titre , mais qui peut mourir de bonne heure
& fans lignée , de maniere que ce titre pafferoit alors
au fecond fils de l'Amiral ; l'intention de S. M. eft
que dans ce cas la penfión revienne auffi à ce dernier.
La Chambre ne forma aucune objection , & le bill
qui autorife S. M. à accorder ces dons fut ordonné.
La Chambre fe forma enfuite en Comité
pour les affaires de la Compagnie des Indes ; S.r
Henri Fletcher prit la parole , & obfervant que depuis
que le tems que la requête de cette Compagnie
étoit fur le bureau , aucun Membre ne devoit ignorer
ce qu'elle contenoit ; il rappella les deux princi
paux objets de fes demandes qui font qu'on lui accorde
du tems pour payer ce qu'elle doit au Gouver
nement , & un fecours dont elle a le befoin le plus
preffant qui ne va pas à moins de 300,000 1. ft.
La motion qu'il fit pour qu'on lui accordât l'un &
l'autre palla ; mais la difcuffion des affaires même de
la Compagnie fut remife à la feilion fuivante , celleei
étant trop avancée pour qu'on pût s'en occuper ;
& l'on ne manque pas de faifir cette occafion pour regretter
le délai qu'une affaire de cette importance
eff yoit , & pour en accufer l'Adminiſtration précédente
, qui pourroit cependant apporter la meme
excufe que M. Fox , puifque fi les affaires dont il eft
furchargé ne lui ont pas permis de s'en occuper , il
étoit difficile aux Miniftres qui ont traité des préli
minaires de la paix de s'occuper de quelqu'autre objet
que de celui la.
Le bill de réforme fut rejeté le 30 du mois dernier
dans la Chambre haure , malgré les efforts de
plufieurs Pairs qui parlèrent vivement en la faveur ;
quelques uns mécontens de ce qu'il n'avoit pas paſſé
firent la proteftation fuivante . D'avis différent .
1º. Parce que les éclaircillemens mis fous les yeux
de la Chambre des Communes & qui prouvent les
7115 )
défordres & les abus fur lefquels elle fondoit le bill
en question ont été refufés par la Chambre haute.
2. Parce que les faits rapportés dans les débats
pour prouver les abus ont été reconnus généralement
pour être exacts ; & 3 °. parce que la Chambre en
rejettant ce bill , que nous avons raifon de croire
fondé fur des informations sûres & exactes , n'a pris
aucune mefure propre à le remplacer & à réformer
les abus dont il a ordonné la fuppreffion . Signés
Radnor, Osborne , Abingdon , de Ferrars , Say &
Seyle , Sidney , Nugent Temple , Chandos , Ferrers,
Chatham & Rutland «.
Le premier de ce mois il fut fait dans la même
Chambre , la deuxième lecture du bill , relatif
au commerce d'Afrique . Ce bill porte , que par les
articles préliminaires de paix arrêtés entre S. M.
& le Roi T. C. , il eft convenu que le Fort Sénégal
& fes dépendances feroient cédés à S. M. T.
C. , qui de fon côté garantifoit à S. M. B. la poffeffion
du Fort James & de la rivière Gambie. Que
ledit Fort & ladite rivière font fitués en dedans des
lim tes , entre le Port de Saliée & le Cap- Rouge , fur
la côte d'Afrique , & que par un acte de la cinquième.
année du règne de S. M. actuelle , S. M. ainfi que
fes hoirs & fucceffeurs avoient été mis en poffeflion
du Fort James & de la rivière Gambie , au lieu &
place de la Compagnie des Négocians faifant le
commerce d'Afrique , qui en àveit eu jufqu'alors
la poffeffion , en vertu d'un acte de la vingt-ticifième
année du règre de George . Si ladite Compagnie des
Ngociations faifant le commerce d'Afrique , étoit
mile en poffeffion defdits Port & rivière & de leurs
dépendances , qui s'étender t jufqu'au Cap- Rouge ,
pour être dirigés par elle de la même manière qu'ils
l'étoient avant la cinquième année du règne du Roi
actuel , cet arrangement contribeer it au maintien
& a l'avancemen du commerce de la G B. Le bill
ftare en conséquer ce que l'acte de la cinquième
année du règne de George III . fera révoqué , &
( 116 )
contient les difpofitions fuivantes : la Compagnie
d'Afrique fera mife en poffeffion du Fort James ,
de la rivière Gambie & de leurs dépendances , du
moment que cet acte aura paffé . Le commerce d'Afrique
fera libre & ouvert à tous fujets de S. M.
Aucun Employé du Comité de la Compagnie n'exportera
de Negres pour fon propre compte. Les Em
ployés du Comité ren front compte tous les ans fous
ferment ; & afin d'empêcher qu'il ne foit fait un
mauvais emploi des fommes accordées par le Par
lement , pour le foutien & la confervation des Fors
& Etabliflemens fitués far la côte d'Afrique , & pour
empêcher auffi que les marchand.fes & pro ilions
ne foient diffipées par les Employés de lalitë
Compagnie , le Comité dreflera tous les an: ua
compte de l'emploi des marchaadifes & provisions
envoyées à ces Etabliffemens , & de l'emploi des
fommes accordées par le Parlement pour l'année
précédente , & ces comptes front mis fous les
yeux des deux Chambres du Parlement , & délivrés
à l'un des Secrétaires- d'Etat .
.
On affure que la Maifon du Prince Guillaume-
Henri va être remife fur le pied où elle
étoit avant fon départ fur la flotte ; ce brait
vraisemblable en contredit un autre qui
s'eft répandu qu'il alloit paffer en Allemagne
& fervir contre les Turcs ; on ne croit pas
ici que la Cour de Londres , qui eft intéreflée
par fon commerce dans le Levant , à ce que
les Turcs y continuent leur féjour , confentit
à envoyer un de fes Princes dans une armée
chargée de l'exécution d'un plan qu'elle ne
pourroit voir avec plaifi . Ce Prince doit
paffer bientôt au grade de Lieutenant de vaiffeau
; fon rang ne le difpenfera pas des examens
préliminaires , & on eft bien fûr qu'ik
( 117 )
aura les voix de tous les examinateurs. On dit
auffi qu'on va lui faire prendre le titre de
Duc d'Yorck.
Quant au Prince de Galles , fon établiffement
ne fera pas augmenté ; il est réglé à
50,000 florins ; il paroît cependant par les
débats qui ont eu lieu au Parlement fur ce
fujet , que l'Oppoſition n'y auroit mis aucun
obftacle.
•
» Si j'ai une objection à faire dit le Lord Abingdon
, dans la Chambre haute , c'elt que ce que l'on
demande pour le jeune Prince n'eft pas affez confidérable
; je fuis très- éloigné de cette parcimonic
qui penfe que la dignité royale ne doit pas être
accompagnée de l'éclat qui lui convient. Le Lord
North cut donné 100,000 liv . ſterl . à un Traiteur ,
pour un feul déjeuner , & aujourd'hui parcâ manû
il en demande so, 000 pour un Prince. C'eft pour
des objets de la première efpèce qu'il faut ufer
d'économie & non pour ceux de la feconde ; d'ailleurs
ce Prince , lui-même , eft un jeune homme
plein de feu & de générofité. Je n'aime pas à voir
de vieilles têtes fur de jeunes épaules ; & pour cette
raifon , payons fes dettes , foyons libéraux envers
loi ; ôtons-le d'entre les mains où il fe trouve à
préfent ; & j'ole garantir qu'il deviendra dans la
fuire l'ornement & l'amour de fa patrie «<,
Le Difco , bâtiment Danois appartenant
à la Compagnie Danoife des Indes , & qui a
mouillé dans un de nos ports , nous a appris
qu'en quittant la rivière de Canton au mois
de Janvier dernier , il y a laiflé le Locko ,
l'Ofterly , l'Effex & l'Afie , vaiſſeaux de notre
Compagnie , qui avoient rencontré vers
les détroits de Malaka une frégate Françoiſe
& deux bâtimens de guerre Hollandois. Ils
( 118 )
L
échangèrent quelques coups de canon avec
les ennemis , & reçurent quelques dommages
; mais ils ont eu le bonheur d'échapper
& de fe mettre en fûreté.
» La Compagnie , dit un de nos papiers , a reçu
des nouvelles particulières fur le naufrage du vaiffeau
le Grosvenor , Capitaine Coxen , qui a péri au
mois d'Août dernier près du pays des Caffres .
Trois hommes de l'équipage , après un voyage long
& pénible qui dura plufieurs mois , arrivèrent au
Cap de Bonne- Efpérance , & annoncèrent que 1 5 perfonaes
avoient péri avec le vaiffean , & qu'ils avoient
avec plufieurs autres , morts de fatigue & de befoin
dans le voyage , abandonné le Capitaine , les paffagers
& la plus grande partie de l'équipage , dans un
en froit où les Hollandois s'empreffèrent d'envoyer
un détachement de cavalerie avec des provifions
pour les fecourir.
Le Capitaine Renwick , commandant
le Tartare , arrivé à Douvres , a arraiſonné
le vaiffeau Danois le Mars , venant de la Chine ,
dont il a appris les détails fuivans. Il y avoit au
Cap de Bonne-Efpérance 3 vaiffeaux Hollandois armés
en guerre , 3 frégates Françoiles , de 28 à 44
canons le vaiffeau Danois la Sophie- Madeleine
un navire de la Compagnie deftiné pour la Chine ,
2 autres pour l'Inde , un petit navire Autrichien . Les
vaiffeaux qui avoient mis à la voile du Cap, pendant
fon féjour , étoient 2 frégates Hollandoifes de 32
canons , pour les Indes Occidentales , un pour Middelbourg
, un pour Oftende , un Danois pour Copenhague
, un Portugais pour Batavia ; il étoit arrivé
d'Europe 2 petits bâtimens & un lénaut ſous pavillon
Impérial , & au mois de Février dernier il étoit
parti pour l'Ile Maurice , & delà pour Ceylan , 4
vaiffeaux Hollandois de 44 canons , chargés de troupes
Françoiles.
---
Si les Directeurs de la Compagnie ont
reçu quelques nouvelles de notre efcadre
( 119 )
1
dans l'Inde , aucune n'a tranfpiré. On lit
feulement dans une lettre particulière attribuée
à un Officier de l'armée de Sir Eyre-
Coote :
· » Les difficultés fe multiplient autour de nous
malgré nos fuccès conítans , la bravoure des troupes
& l'expérience du Général . La haine pour le nom
Anglois eft générale dans l'Inde entiere ; & elle eft
fondée fur les exactions & les barbaries exercées par
quelques hommes qui n'ont fu ufer de l'autorité que
pour en abufer. Cette haine née ainfi & fortifiée par
le retour fréquent des abus qui lui ont donné l'exiftence
, combat contre nous avec plus de fureur &
d'avantages que ne le feroient des milions de bras
armés. Renvoyez - nous les auteurs de cette fource
féconde de nos défaftres qui ont échappé au fupplice
qu'ils méritoient , & nous pourrons en vengeant
l'infortuné Lord Pigot , & leurs victimes Indiennes ,
donner quelque idée de notre juſtice , & ramener les
efprits que nous avons aliénés « .
Cette lettre très-vive , copiée dans tous nos
papiers , a donné lieu aux obfervations fuivantes.
"
2
Les mêmes événemens fe renouvellent d'un
fiècle à l'autre ; & rarement l'exemple du paſſé eſt de
quelque utilité pour l'avenir. Ce que nous voyons
aujourd'hui en Angleterre a été obfervé en Portugal
. Albuquerque , Nunio , Caftro , tous de grands
hommes pleins de capacité , de générosité &
enthoufiaftes de l'honneur , font morts pauvres,
Xarefo & plufieurs autres moins délicats , auxquels
on reprocha les atrocités des plus révoltantes dans
l'Inde , des meurtres qui mériteient la mort la plus
infâme , furent renvoyés dans leur pays chargés de
fers ; mais malheureufement les mêmes vaiffeanx
qui les y conduifoient y portèrent auffi la fortune
qu'ils avoient acquife par le brigandage ; elle
( 120 )
fervit à les faire abfoudre & on devoit s'y attendre.
On voit également en Angleterre nos Nababs revenir
innocens avec d'immenfes richeffes , acheter les
voix de quelques bourgs & repréſenter la nation au
Parlement ; eux qui n'ont jamais regardé le peuple
que comme des malheureux voués à leurs caprices &
deſtinés à travailler par toutes fortes de moyens à
leur fortune particulière «<.
On lit les détails fuivans dans une lettre de
Dublin.
» Je viens de recevoir une lettre d'un Genevois
qui eft en chemin pour fe rendre en Irlande . Il m'écrit
, que notre ami Melly a été mis en prifon à
fon arrivée à Genève , & qu'on inftruit une procédure
criminelle contre lui : l'information a été envoyée
au Lord Mahon , qui la communiqua directement
à M. Fox , Secrétaire- d'Etat pour les Affaires
Etrangères ; ce Miniftre expédia le même jour un
Exprès , avec une lettre au Confeil de Genève & une
autre à M. Brown , Envoyé de la Cour de Londres
à Berne , pour réclamer notre ami , comme ſujet
de S. M. B. Lord Mahon écrivit par le même Exprès
au premier Magiftrat de Genève , pour lui témoigner
fa furprise de cet acte . M. Melly étoit Membre
du Grand - Confeil de Genève. Il s'étoit rendu en
Irlande pour prendre des informations fur la nature
de l'afyle qu'on y prépare pour les Concitoyens. Il
n'avoit pas prêté ferment au nouveau Gouvernement,
& il n'étoit pas obligé de le faire, dès qu'il renonçoit
à tous fes priviléges Politiques. Il avoit prêté ferment
d'Allégeance comme fujet Irlandois à Waterfort
; de forte que fon emprisonnement ne oît
pas feulement ici un acte de violence ; mais encore
une atteinte au droit des nations «.
*
FRANCE .
( 121 )
FRANCE.
De VERSAILLES , le Is Juillet.
LE 6 de ce mois le Maréchal Duc de Laval
eut l'honneur de faire fes remercîmens au
Roi , & de prêter , en cette qualité , ferment
entre les mains de S. M.; il eut enfuite l'honheur
d'être préfenté à la Reine & à la Famille
Royale.
Le même jour LL. MM. & la Famille
Royale fignèrent le contrat de mariage du
Marquis de Courtarvel de Pezé , Meftre- de-
Camp en fecond du Régiment de Penthièvre
Dragons , avec Demoifelle de Lambert , &
celui du Comte de Dreux Nautré , Capitaine
au Régiment de Royal - Pologne Cavalerie ,
avec Demoifelle de Courcelles.
Le 8 , l'Ambaffadeur des Etats- Généraux
des Provinces- Unies eut une audience de
S. M. , à laquelle il préfenta fes lettres de
créance. Il fut conduit à cette audience par
M. de la Live de la Briche , Introducteur des
Ambaffadeurs , & M. de Secqueville , Secrétaire
à la conduite des Ambaffadeurs
précédoit.
De PARIS , le 15 Juillet.
>
Les nouvelles de Breft portent que l'on y
travaille au défarmement des vaiffeaux qui
viennent d'arriver des Antilles , & que les
Régimens qu'ils ont ramenés en Europe ont
été occuper leurs quartiers de cantonne-
19 Juillet 1783 .
L..
f
f
( 122 )
ment dans les environs , où ils resteront
jufqu'à nouvel ordre .
On apprend de Metz & de Strasbourg
qu'on travaille dans les arfenaux de ces places
, à remplacer ce qui a été perdu , pris ou
mis hors de fervice pendant la dernière guerre.
» On parle toujours beaucoup , écrit- on de Marfeille
, de l'expédition que l'Espagne projette contie
Alger . Quelques bâtimens fortis de Carthagène &
qui viennent de mouiller ici rapportent que le lendemain
de leur départ on s'attendoit qu'on metroit
dans ce port un embargo fur tous les bâtimens , juſqu'à
ce que l'armement qu'on y préparoit & qu'on
croit destiné pour bombarder Alger eût mis à la
voile. On préfumoit que cette expédition ne feroit
pas reculée fort loin. Comme le projet eft de D.
Antonio Barcelo , il faut croire qu'il eft sûr du fuccès
. Il ne voudroit pas terminer une longue & glerieufe
carrière par une entrepriſe haſardée. Quelques
perfonnes prétendent que l'on ne pourra rien
tenter contre la ville fi le vent lui eft contraire ; une
des difficultés qu'elles trouvent dans cette expéditien
, c'eft que les vaiffeaux de ligne & les chébecs
néceffaires pour foutenir les bombardes & les chaloupes
canonnieres que la marine des Algériens
pourroit attaquer avec avantage pendant la nuit , nC
pourroient pas les protéger efficacement , parce
qu'ils ne trouveroient pas affez de profondeur pour
elles. On croit bien qu'on pourra écrafer les batteries
des moles ; mais qu'il ne fera pas fi facile de
caufer des dommages à la ville , ce qui doit être le
principal objet de l'expédition. Au refte on ne connoît
pas le plan de D. Antonio Barcelo ; les moles
& le port ne réfifteront fans doute pas à fon feu , &
vraisemblablement il a des moyens particuliers pour
approcher la ville , malgré les ouvrages avancés
qu'elle a fait conftruire depuis la leçon que lui donna
Louis XIV. «
( 123 )
Parmi les Fêtes qui ont été données au
Prince de Condé , au Duc de Bourbon dans
le voyage qu'ils ont fait en Flandres & dans
quelques endroits de la Champagne , on
diftinguera celle que leur a donné, à Rocroy ,
le Comte d'Efterhazy.
» La fête dont nous venons d'être les témoins en
eft une pour toute la France ; & il eût été à defirer
qu'elle en eût pu être le témoin. Le Comte d'Efterhazy
fous le prétexte de faire faire devant les Princes
quelques fimples évolutions par les troupes qui
font fous fes ordres , leur a fait exécuter fur la
plaine de Rocroy toutes les manoeuvres de cette fameufe
bataille ; quel fpectacle pouvoit être plus inté:
effant pour le petit fi's du grand Condé ! «
Nous lifons dans une lettre de Reims qu'il
y a eu un typhon dans le courant du mois
dernier aux environs de cette Ville ; on fe
contente de remarquer qu'il a pompé une
partie de la rivière & mis à fec le grand canal.
On s'étonne qu'aucun Obfervateur ne nous
ait fait paffer la defcription de ce phénomène ;
nous la recevrons avec reconnoiſſance ,
en effet il a eu lieu .
Nous placerons des détails fur une Méchanique
affurément très- extraordinaire , & qui
eft faite pour piquer la curiofité du Public.
On avoit regardé jufqu'à préfent , comme trèsdifficile
en Mécanique , pour ne pas dire impoffible
, d'imiter les organes de la voix humaine ; &
tous les efforts de l'art fe font réduits à faire rendre
des fons harmoniques à des Automates fur différens
inftrumens. Le plus remarquable , & qui a paffé
avec jufte raiſon comme un chef-d'oeuvre dans ce
genre , a été le Flûteur de M. Vaucanſon , imité
f2
1124
1
ככ
depuis & perfectionné par différens Mécaniciens.
On a vu dans la Capitale plufieurs productions en ce
genre ; mais aucun Mécanicien , que nous fachions ,
n étoit parvenu à faire parler diftinctement des Automates.
Ce chef-d'oeuvre , qu'on défiroit fans l'efpérer
, étoit réservé à M. l'Abbé M **** , dont la
grande modeftie a empêché la célébrité due à ſes
talens ; il écrivit le 2 de ce mois à l'Académie Royale
des Sciences , pour demander des Commiffaires ,
afin d'examiner le mécanifme de deux têtes automates
de fon invention , qu'il a exécutées lui -même ,
& qui prononcert diftinctement les phrafes fuivan.
tes la première dit : » le Roi vient de donner la
Paix à l'Europe . La deuxième répond : » la Paix
couronne le Roi de gloire « ; & la première réplique:
& la Paixfait le bonheur des Peuples « . Enfuite
en pouffant un peu le cylindre moteur , la première
tête reprend , en s'adreffant à S. M .: » O Roi adorable
! Père de vos Peuples ! leur bonheurfait voir
à l'Europe la gloire de votre Trône «. On ne fera
aucune réflexion fur les difficultés vaincues dans
L'exécution de cette machine , fur ce qu'elle peut
procurer de lumières relatives au mécanisme de la
parole , & fur l'application avantageufe qu'on en
pourra faire pour l'éducation des fourds & muets
de naiffance ; on attendía que l'Académie ait donné
fon jugement. M. l'Abbé M **** , avant de fe décider
à préfenter fa machine parlante à l'Académie
Royale des Sciences , a voulu la foumettre à l'examen
de quelques Savans ; pour cet effet il invita
MM. Franklin & de Milly , de l'Académie Royale
des Sciences , MM. de Faujas & de Blagden , de la
Société de Londres , a&tuellement à Paris , de venir
la voir chez lui le 18 Juin dernier , & ces Savans
après l'avoir vue & entendue , ont paru auffi fatisfaits
qu'étonnés.
>
Diverſes lettres de Bretagne font mention
d'un fléau cruel qui caufe de grands ravages
( 125 )
dans cette province ; nous en extrairons les
détails fuivans.
La partie de notre Province dite Cornouailles , eft
dans une jufte confternation . On vient d'y découvrir
diverfes troupes de loups d'efpèce étrangère & avides
du fang humain , le nombre de leurs victimes eft
incroyable , on en compte environ 15. en un feul
jour, & leurs ravages qui fe manifeftent fur plufieurs
points à la fois , font plus terribles que ceux qui eurent
lieu dans le Gévaudan , cù ils étoient l'ouvrage
d'un feul animal . Ils nous font craindre pour l'avenir
, parce que les Veneurs prétendent que les jeunes
louvetaux , qui auront eu la chair humaine pour
première nourriture , l'aimeront de préférence . Un
de ces animaux , entié dans la ville de Quimperlay
même , y a devoré les chiens qui vaguoient la nuit.
Nos chaleurs fe mettent à la pourfuite de ces bêtes
féroces , les chiens les plus ardens à l'attaque des
loups ordinaires , font timides devant ceux -ci , qui
ayant margé des hommes & des cadavres exhalent
des miafmes putrides ; un homme bien intéreffant
par la réunion des vertus militaires & fociales , vient
de payer trop cher fon zèle. C'eft le digne Chevalier
de Couédic , gratifié par le Roi d'une Compa❤
gnie de Cavalerie , en confidération de la bravoure
de fon oncle , mort de fes bleffures après fon intréfidé
défense de la frégatte la Surveillante ; il donna
ja chaffe à un de ces animaux qui venoit de montrer
fa fureur dans la cour d'une de fes maifons , dité Lézardeau
, à la porte de Quimperlay , le loup s'étoit
retiré dans des bois adjacents , les chiens du Cheva .
lier l'attaquent avec molleffe , & retournent à lui plufieurs
fois ; il en tue un qu'il prend pour la bête qu'il
pourfuivoit & qui loin d'être effrayée du coup de
fufil , arrive fur M. de Couédic , qui n'appercevant
dans le fourré qu'une queue en trompette , ( il ignoroit
que c'eft ainfi que le loup de cette efpèce porte
la queue quand il eft en fureur , ) il le prend pour un
£ 3
7126 )
de fes chiens que la peur fait replier ; bientôt il
eft détrompé , affailli , bleffé fi grièvement qu'il en
eft mort ; dans le trop grand nombre de victimes
de la voracité de ces animaux , il y a des filles bien
intéreffantes par l'intrépidité de la défenfe de quelques
unes & le fentiment de celles qui ont été au fecours
de leurs compagnes ; on fe rappelle que les
mêmes accidens ont eu lieu en plufieurs endroits ,
notamment près Verdun, Ste-Menehould, Nogent-fur-
Seine , par des loups d'une efpèce exactement femblable
à celle qui nous caufe tant d'alarmes ; elle
différe des autres par la tête qui eft plus allongée de
4 pouces , les pattes qui font plus larges , les
griffes bien plus acérées ; un Veneur véritablement
patriote , & que Monfieur , Frère du Roi , a nommé
premier Louvetier de fon Apanage , d'après la lecture
de fes mémoires appuyés fur des faits incroyables ,
mais notoires & répandus par la voie de l'Imprimerie
Royale , a éte chargé par ordre fupérieur de la direction
des mesures les plus propres à les détruire. -
3 à
On a vu à la cérémonie des dernières
Calendes à Mezieres une choſe affez rare ;
le Curé , Doyen de cette ville , âgé de 80
ans , y a célébré la Meffe , ayant pour Diacre
M. le. Curé de Singly , âgé de 77 ans , &
pour Sous- Diacre , le Curé d'Eſtepigny , qui
eft âgé de 79. Le Curé de Mezieres célébroit
la cinquantième année de fa Cure ; après le
repas qu'il donna à cette occafion , il fit
offrir un bouquet au Curé de Donchery qui
y avoit affifté , & qui âgé de 78 ans , renouvellera
l'année prochaine la même cérémonie
chez lui , pour célébrer fa cinquantième
année de Cure.
Nous nous empreffons de placer ici la réponfe
fuivante , qu'on nous a fait paffer à
( 127 )
un article de ce Journal , page 180. Elle
intéreſſe un Méchanicien habile , connu par
plufieurs inventions utiles , telles que celles
d'uneferrure de combinaiſon , d'un reflort qui
empêche un fufil de partir lors qu'on le manie
, & c.
Le Méridien fonnant , que M. l'Abbé Galais a
placé , il y a douze ans , à une fenêtre de fon appartement
, ne peut ôter au fieur Reignier l'invention
de celui qu'il a annoncé . Il faut croire que
M. le Vicaire de Neauphle - le - Vieux n'a pas jugé
fa machine affez parfaite pour la faire connoître.
L'Artifte penſe avec ceux qui connoiffent la Gnomonique
, qu'un fil vertical n'a pu s'accorder que
pour quelques jours au foyer d'une loupe : d'ailleurs
un fil n'eft pas exact pour l'objet auquel on a voulu
le deftiner. Ces imperfections ont fans doute été
canfe que le Méridica fonnant , inconnu du Public ,
eft tombé dans l'oubli dès les premiers jours de fa
naiffance. Au contraire , le moyen qu'emploie le
fieur Reignier eft fi précis , qu'en tous tems , même
par un foleil très - pâle , l'échapement de la détente
s'exécute , & le Méridien fonne. On a même oui
l'effet de celui qu'il a pofé pour l'ufage public de
la ville de Sémur , avec moins de foleil qu'il n'en
fast pour appercevoir l'ombre d'ua ſtyle fur un
ordinaire ; cependant le rouage eft affez grand , puifque
le timbre de ce Méri lien eft une cloche de neuf
milliers. Au furplus , il feroit difficile de conftruire
une machine plus fimple que celle du fieur Reignier ,
tant pour la monture de la loupe que pour le mouvement
de la fonnerie , qui n'eft compofé que d'une
feule roue ; & fi l'Artiſte a fixé le prix de ces Méridiens
à 96 livres , cela ne vient que de la proprété
de l'ouvrage. C'est toujours à Sémur en Auxois ,
Duché de Bourgogne , que réfide le fieur Reignier ,
Mécanicien de S. A. S. Mgr. le Duc de Chartres.
£ 4
( 128 )
Cet Artifte , connu par diverfes inventions utiles ,
fournira l'armure pour l'échappement de la détente
des Méridiens en grand , au prix de 6 livres , & ,
il y joindra le plan & la defcription di rouage ;
en forte que tout Serrurier adroit pourra exécuter
cette nouvelle invention , fi toutefois il elt aidé
d'un Phyficien pour diriger l'armure dans la Méridienne
du lieu.
Nous ne pouvons nous difpenfer de donner
de la publicité à la lettre fuivante ; elle
tient à celle que nous avons déja publiée à la
fin de l'année dernière ; fi fon objet eft d'un
intérêt particulier , les détails que ce même
objet amène peuvent en avoir un plus général.
M. les lettres que j'ai reçues , relativement à celle
que vous avez eu la complaifance d'inférer dans
votre dernier Numéro de l'année dernière , augmentent
mes obligations envers vous. Plufieurs des
perfonnes qui m'ont fait l'honneur de m'écrire ,
tant avec leur fignature que fous l'anonyme , font
entrées avec moi dans des détails héraldiques , qui
m'annoncent qu'elles ont toutes les lumières qu'elles
me fuppofent. Il m'eft impoffible de fatisfaire au
defir qu'elles me témoignent de recevoir , par la voie
de votre Journal , les éclairciffemens raifonnés que l'on
veut bien me croire en état de donner. Cette difcuffion
fans étre même beaucoup approfondie , rempliroit
néceffairement une place , dont le plus grand nombre
de vos Lecteurs fercit dans le cas de me faire
des reproches plutôt que des remercimens . Non
eft his locus. Ainfi , M. , je me borne à ces remarques
& indications fommaires. 1º. Les lignes
de démarcation dans une fociété bien établie , ne
doivent jamais former des murs de féparation . L'aîneffe
politique d'un ordre ne doit point altérer la
fraternité de tous . Mais , du moment qu'on admet
( 129 )
an ſyſtème de nobleffe , la pureté des alliances doit
faire en ce genre une forte d'avantage & de diftinction.
2 °. Če feroir ifoler ou diviter les familles ,
ce feroit détruire l'harmonie , le foutien mutuel des
différentes claffes ou nuances du feul & même ordre
de nobleffe exiftant en France , ce feroit enfin trop
donner à l'opulence & à la faveur que de fubftituer
à la preuve de quartiers de certains Corps cu Chapitres
, une fimple preuve d'afcendance paternelle.
Il est un milieu conciliatoire entre les anciens règiemens
& les nouveaux projets , dans lequel j'efpère
de montrer & retenir le meilleur des deux
plans , fi d'autres occupations me le permettent
&, fur-tour , fi l'on m'y autorife. Non moins ami
que Montaigne & Montefquieu des partis mitoyens
& tempérés , lorfque je ne comptai que deux noms
François parmi les Chanoines de Strasbourg , lorfque
je vis un Seigneur , en époufant la fille d'un Chevalier
des Ordres , exclure fes enfans d'un Chapitre
ou vivoient fes fæcurs ; je répétai les anciens adages :
ne quid nimis....... in medio virtus. 3º. Ce
qu'il faudroit abfolument fupprimer , ce font les
faux - frais énormes dont l'établiſſement abufif répugne
au véritable eſprit de la nob'eſſe , ainſi qu'à
la primitive inftitution de certaines places , qui
destinées à devenir la reffoarce des pauvres , fem .
blent devenues le patrimoine des riches . Quant à
la portion de dépenfe abfolument indifpenfable ,
il feroit à defirer qu'on n'en exigeât point l'avance ,
mais qu'elle fe payât fucceffivement fur l'espèce de
bénéfices dont viendroient à jouir les fujets reçus.
----
-4° . Je fens combien il eſt trifte pour un bon
gentilhomme , bon père de famille , de n'être pas
affuré que la preuve qu'il a très - laborieuſement miſe
en règle pour fes enfans , puiffe fervir à fes petit34
enfans , parce que la perfonne & la méthode des
généalogies pourront changer en même-tems- que
les titres originaux pourront fe difperfer . Dans plus
fs
( 130 )
>
fieurs Ouvrages périodiques , & dans quelques
opufcules particuliers , je me fuis permis de faire
entrevoir les moyens qui me paroiffent les plus propres
à conftater , dans toutes les Provinces d'un
vafte Empire , l'état de la Nobleſſe qui l'habite , fans
favorifer la chicane & la vexation plus que la fraude
& l'ufurpation. Si l'Editeur de la Bibliotheque de
l'Homme d'Etat ne m'eût pas fait l'honneur d'employer
d'autres morceaux de ma compofition , je
regretterois moins qu'il eût égaré 1 ". l'article Nobleffe
, dans lequel , après avoir efquiflé l'hiftoire ,
& le tableau de cet ordre , je traçois le plan d'un
tribunal héraldique qui, non moins éloigné de la fatyre
& de la flatterie que du caprice & de la prévention, préferveroit
cet ordre de l'humiliation, des inquiétudes ,
de la vanité des chimères , de la perte du tems
de la ruine des recherches. 2 ° . Quelques difcuffions
de politique & de morale fur divers fujets , entr'autres
fur les Etats provinciaux & fur les moyens
à la fois les plusvigoureux & les plus humains d'extirper
la mendicité. 3 ° . Puifque la conftance & la
modeftie font les deux foeurs morales de la Nobleffe
civile , il eft facile d'accorder les droits naturels
& imprefcriptibles du mérite avec les prérogatives
conventionnelles & variables de la naiffance.
La plaifanterie d'une Gazette étrangère fur
la preuve de fept cens ans de l'Amiral Rodney
feroit très -fondée , fi le héros de l'Angleterre avoit
eu befoin de cette preuve pour jouir des honneurs
de la Pairie. Mais cette raillerie tombe du moment
qu'on reconnoît que c'eft volontairement que le
nouveau Lord a profité du haſard qui lui permettoit
de fournir cette preuve. C'est ainsi qu'il ſeroit
très-abfurde en France, qu'un Duguay-Trouin , qu'un
Chevert , ne pût manger & chaffer avec le Roi.
Mais cela ne rend: a point blâmable un d'Estaing ,
un la Fayette , qui join front les preuves de la naiffance
à celles de l'héroïlme. Je fuis , M. , & c. Signé,
le Vicomte de TOUSTAING - Richeboure.
( 131 ) ,
A
L'Académie des Jeux Floraux avoit annoncé dans
fon Programme, que le 3 Mai 1784 elle adjugeroit ,
felon l'ufage , une Eglantine d'or de la valeur de 450
liv. au meilleur difcours qui lui feroit préfenté fur le
fujet fuivant : lagrandeur & l'importance de la révolution
qui vient de s'opérer dans l'Amériquefeptentrionale.
Depuis cette annonce , un Citoyen diftingué
par fon rang , & plus encore par les fervices qu'il
rend à la Patrie , a offert à l'Académie de porter à
1200 liv. cette récompenfe littéraire , qui fera par
cette augmentation plus proportionnée au travail
qu'exige un fujet auffi intéreffant. L'Académie a
accepté , avec une vive reconnoiffance , le don de
ce bienfaiteur des lettres , dont la modeſtie la force
de taire le nom. Elle fe borne , dans ce Programme ,
à avertir les Auteurs qui voudront entrer en lice ,
que dans la partie de leurs Ouvrages où il fera
queftion de la Paix , ils doivent particulièrement
s'attacher à rendre publiques la fageffe & la modération
des principes & des vues de S. M. Les
auteurs feront remettre dans les quinze premiers
jours du mois de Février 1784 , par des perſonnes
domiciliées à Toulouſe , trois copies de leurs
Ouvrages à Monfieur l'Abbe D'AUNRERY , Confeiller
au Parlement , Secrétaire perpétuel de l'Académie.
Le port des Ouvrages qui feroient adreffés par la
pofte à M. le Secrétaire , doit être affranchi .
Parmi les Perruquiers-Coëffeurs qui ſe ſont attachés
à perfectionner leur art , l'on doit diftinguer le
fieur Gabeau ; il eft parvenu à faire des perruques
& des toupets qui imitent les cheveux naturels de
la manière la plus frappante. Il n'emploie dans fes
perruques que la même quantité de cheveux que
la nature place fur nos têtes : les bordures , d'une
fineffe extrême , fe collent fur le front avec un léger
enduit de pommade ; & les petits cheveux qui les terminent
, & qui femblent naître de la peau , donnent
à ces perruques un air de vérité difficile à furpaffer .
f 6
( 132 )
L'accommodage en eft aufli facile que celui des cheveux
naturels ; il eft fufceptible des différentes formes
qui peuvent convenir au caractère de tête de celui
qui s'en fert : la négligence même dans le Peigné
lemble ajouter à la vérité. On peut les confer
ver pendant la nuit , ou les faire replacer chaque
jours le procédé qu'on y employe eft le plus fimple
& peut être faifi à la première vue par le perruquier
ou le domeftique le moins adroit . La pommade
dont il fe fert loin de nuire à la peau la rafraîchit ,
fans gêner la tranfpiration . Il fait auffi des toupets
avec tiffu & fans titfu . Le fieur Gabeau , qui ne
reçoit le payement de les ouvrages
des perfonnes
qui lui feront l'honneur de l'employer ,
qu'après avoir rempli auprès d'eux les conditions
qu'il annonce , demeure rue des Déchargeurs , ancien
hôtel des Poftes .
>
,
» Nous annonçâmes au mois de Novembre dernier
le plan & les progrès de l'établiſſement de la correfpondance
générale & gratuite pour les Sciences &
les Arts , dont le chef-lieu eft à Paris , à l'hôtel Villayer
, rue St. André- des - Arcs . L'une des parties de
cette inftitution , a pour but de réunir fucceffivement
, foit dans la feuille de la correfpondance , foit
dans un fallon ouvert tous les Jeudis au Public , les
productions intérellantes des Sciences & des Arts ,
anciennes ou modernes de tous les pays ; déjà l'on a
joui d'une réunion d'ouvrages des Jouveret , Hallé
& Reftaut ; une femblable en l'honneur de M. Vernet
a reçu les applaudiffemens unauimes ; aujour◄
d'hui on offre un fpectacle également intéreſſant
celui des principaux Maîtres de l'Ecole Françoiſe ,
tant anciens que modernes & vivans , depuis 1500
jufqu'en 1783 incl fivement . 1 ° . Le fallon fera ouvert
au Public jufqu'au tems de l'expofition du Lou
vre les mardi & jeudi depuis 11 heures du matin jufqu'à
2. 2 °. On a fait imprimer un catalogue in-4 °.
de 40 pages petit- Romain , qui fous le titre d'Effai
d'un tableau hiftorique de l'Ecole Françoife , pré71335ད
fente fur chaque Peintre , avec l'indication de ſes prin
cipaux ouvrages , une notice propre à le faire connoître
, & fous chaque N° l'indication du tableau
expofé. Ainfi ce petit ouvrage ( 1 ) eft également
utile pour les perfonnes qui frequenteront le fallon ,
& pour celles qui ne feront pas à portée de cela.
Cet Effai eft précédé d'un précis fur le but de l'éta
bliffement en général , & de cette expofition en
particulier ; d'un autre fur les différentes époques de
I'Ecole Françoife . Il eft terminé par l'indication des
principaux cabinets qui font à Paris . On annonce an
fupplément pour les corrections ou les augmentations
néceffaires , fuivant les renfeignemens qu'on
pourra le procurer « .
» Plufieurs perfonnes , attachées au fervice de
S. M. , ayant defiré qu'on leur procurât des Taffetas
cirés , bleu de Roi , & perfonne n'ayant pu jufqu'à
préfent imiter folidement cette couleur , on prévient
Mrs. les Militaires qui voudroient en avoir ,
pour des Manteaux uniformes , qu'ils en trouveront
dans la Fabrique établie rue Pavée St- André- des-
Arcs , chez le Sieur Tourillon , Md. Tapiffier ; c'eſt
la même Fabrique annoncée dans ce Journal , relativement
aux vêtemens de Santé , imaginés par M.
Leroux , Phyficien de 1 Univerfité , & approuvés par
la Société Royale de Médecine. Ces Manteaux mettent
à l'abri de l'humidité , du froid , de la pluie &
des inconvéniens qui en réfultent , comme Rhuma
tifmes & c . Comme il y a beaucoup de nageurs qui
périffent dans l'eau par les crampes , on à fait des
effais qui affurent que des jarretieres de ce Taffetas ,
couleur cramoifie , les diffigent. On vient d'adreſſer
de Blois , à l'Auteur de ces vêtemens , une lettre
dans laquelle on lui marque que ce Taffetas ciré ,
furtout de couleur verte , a la propriété , de diminuer
beaucoup les douleurs qu'occafionne la goutre.
Ce qui prouve l'impénétrabilité de ces Etoffes
( 1 ) Il ſe vend 24 fols , au Bureau de la Correſpondance.
134 )
tant en foie , qu'en coutil & en toile , c'eft qu'on en
fait des feaux portatifs pour les incendies , qui contiennent
l'eau auffi exactement que tout autre vaſe.
L'expérience en a été faite publiquement chez M. de
la Blancherie. On en fait auffi des Scaphandres à
Air , pour aprendre à nager & pour fauver ceux qui
fe noyent. Il ne faut pas confondre ces nouveaux
Scaphandres avec ceux de M. l'Abbé de la Chapelle ,
qui font des Corfelers de Liége «.
M. Dezauche , Géographe , fucceffeur de
MM. de Lifle & Philippe Buache , premiers
Géographes du Roi , vient de publier les
Cartes du Canada , du Mexique & des Etats-
Unis de l'Amérique , en 2 feuilles. Ce font
les Cartes de M. de Lifle , revues & augmentées
des nouvelles limites & divifions
des Etats - Unis , fuivant le traité proviſionnel
de paix de 1783 , d'après les meilleures
Cartes du pays , tant gravées que manuf
crites , & affujetties aux obfervations aftronomiques
de MM. de l'Académie Royale
des Sciences ( 1 ') .
A cette annonce nous en joindrons une
autre très-intéreffante , c'est celle de l'Herbier
colorié de l'Amérique , publié ppaarr M.
Buc'hoz. La première partie qui vient de
paroître , contient 100 des plantes les plus
rares & les plus curieufes de cette partie
du monde. Plufieurs n'avoient pas encore
été claffées ; elles font toutes repréfentées
avec leurs couleurs naturelles . Cette pre-
(1 ) Ces Cartes faites avec beaucoup de foin & d'exactitude
& très-utiles pour donner une idée précife de l'étendue des
Etats-Unis , fe trouvent chez M. Dezauche , rue des Noyers ;
prix liv. 15 fols.
( 135 )
mière partie fera fuivie d'une feconde ( 1 ) .
» Le 29 Juin , jour de St - Pierre , fête patronale de
Sanois , route de Pontoiſe , les habitans de ce village
affemblés au Château , ont préfenté fix filles & quatre
garçons , défigués pour concourir aux Prix du
mérite. Deux garçons & deux filles , ont été nommés
par voie de fcrutin & de l'aveu libre des anciens &
notables habitans , préfidés par le Curé & fon
Vicaire. La première de ces filles a été couronnée
par les mains de M. l'Evêque de Glandève , au
bruit des fanfares, & des applaudiffemens de toute la
Nobleffe du canton , qui etoit invitée à cette fête.
-
Deux
Ces quatre Prix ont pour objets , le reſpect pour
les parers & les vieillards , & l'affiduité au travail &
aux devoirs de piété. Leur inſtitution a eu lieu cette
année pour la première fois , & elle eft due aux foins
de M. d'Auteroche , Seigneur du lieu il a été fecondé
dans cette cérémonie à la fois noble , touchante
& gaie , par fa famille & par le zèle infati
gable d'un Pafteur chéri de fes paroiffiens.
objets dignes de curiofité , ont frappé les yeux des
fpectateurs. D'abord plufieurs dames de confidération
, ont prodigué leurs careffes & leurs libéralités
aux quatre filles non couronnées ; procédé plein de
délicateffe , qui a ranimé leur courage & qui a fuppléé
, en quelque forte , aux honneurs de la couronne
qu'elles attendoient.
Enfuite une femme âgée de 81 ans , ayant été apperçue
dans une fituation qui peignoit la fenfibilité
& l'admiration , à l'afpect d'une fête qu'elle n'avoir
jamais vû , a été conduite au Château , affociée à
la jeuneffe , tant au repas qu'au bal qui leur a été
donné , & ramenée chez elle en triomphe , avec
une fomme d'argent , qu'elle a avoué n'avoir jamais
vu réunie dans fa chaumiere «<.
(1 ) Ce grand Ouvrage ſuperbement exécuté fe trouve chez
l'Auteur , rue de la Harpe , vis - à-vis la Sorbonne ; le prix du
vol. qui paroît eft de 180 liv.
( 136 )
François Gafpard , Comte de Poly , Marquis
de Thauffin , Lieutenant - Général des
Armées du Roi , eft mort le 24 du mois
dernier au Château de Cellieres en Franche-
Comté , âgé de 79 ans.
Les numéros fortis au tirage de la Loterie
Royale de France du premier de ce mois ,
font : 67 , 34 , 38 , 71 & 64.
De BRUXELLES , le Is Juillet.
LE Prince de Stahremberg , défigné il y a
quelque tems Grand - Maître de la Cour Impériale,
eft parti à la fin du mois dernier pour
fa deftination. Il a rempli pendant treize ans
le glorieux miniftère dont il étoit chargé ici .
L'Empereur lui a fait préfent de 2000 ducats
pour les frais de fon voyage , & l'Archiduchelle
, Gouvernante des Pays - Bas , lui a
donné fon portrait enrichi de brillans. C'eſt
le Comte de Belgiojofo qui le remplace.
ל כ
L'Overy fel de 64 canons , écrit-on de la Have ,
fit voile du1 Texel le 26 du mois dernier pour Phi
Jadelphie où il va conduire M. Van Berkel , Miniftre
Plénipotentiaire de la République auprès du Congrès
; ce vaiffean commandant eft accompagné du
Prince Héréditaire , de la frégate la Brille , & du
cutter le Lévrier. Les Etats- Généraex ont confeari
, à continuer jufqu'à la fin du mois d'Août prochain
, à la haute paye accordée aux troupes de terre
de la République depuis le commencement de la
guerre. La Régence d'Alger ayant menacé notre commerce
de quelques hoftilités , les négocians ont
préfenté une requête à L. H. P. pour demander la
protection des vaiffeaux de guerre de la République
contre les corfaires de cette Régence ; & il a été con(
137 )
venu de leur accorder au plutôt des convois pour la
Méditerranée «<.
- Une lettre d'Amfterdam , en date du 8 de
ce mois , contient les détails fuivans.
> Oa dit que fur la propofition de cette ville & de
celle de Dort , il a été fait à la généralité de la part
des Etats de cette Province , une motion tendante à
prier le Stadhouder de vouloir bien déclarer fous
quel rapport S. A. a effuyé des atteintes dans fes
prérogatives en qualité de Stadhouder & de Capitaine-
Général , ainfi qu'on l'a fuppofé dans le Mémoire
préfenté aux Etats- Généraux par le Miniftre
de Prufle. On ajoute que L. H. P. ont fait effectvement
la demande propofée au Prince qui jufqu'à
préfent n'a pas encore jugé à propos d'y répondre .
Les derniers objets des délibérations de l'Aflemblée
des Etats de la Province ont été 1 ° . l'affaire de l'Enfeigne
de Witte ; 2 ° . la décifion finale fi les membres
du Confeil de guerre fupprimé conferveront encore
leurs appointemens ; & 3 °. la demande que la
Compagnie des Indes fait de 14 millions à emprunter.
Un courier qu'on attend de Paris , influera
dit-on beaucoup fur la décifion de ce dernier point ;
en nous inftruifant fi l'Angleterre perfifte toujours
dans le facrifice qu'elle exige de nous de Negapatnam
“ .
PRÉCIS DES GAZETTES ANGLOISES , du 8 Juillet.
Il y a eu ces jours derniers une affaire affez extraordinaire
portée devant le Tribunal des Docteurs
communs ; il y a été prouvé que le Commandant
d'un vaiffeau de Roi , chargé de l'important emploi
d'escorter une flotte riche depuis Lisbonre , avoit
caché fes fignaux , éteint les lumières & laiſſé fon
convoi à lui-même , pour faire pendant la nuit la
prife d'un navire Hollandois qui fe trouvoit à fa
portée , dans le deffein d'empêcher un autre vaiffeau
de guerre qui étoit avec lui , de le feconder dans
( 138 )
T
eete chaffe , & de le priver de la part qui lui en
feroit revenue .
Le Comte d'Abingdon a fait dans un de fes derniers
Difcours au Parlement , ane fortie très- vive
contre la coalition . C'eft ainfi , dit-il , que penfe &
que s'exprime ce parti : » Détruifez l'influence de
» la Couronne dans les Communes ; donnez - məi
» l'influence d'une connexion , j'érigerai celle- ci à
» la place de celle-là ; & alors ce fera non Rex meus
» & ego , mais ego & Rex meus . Quant au peuple ,
je ne connois point de peuple que dans la Cham-
» bre des Communes ; & la connexion m'a livrée
>> celle- ci "<<.
5כ
Le Roi fe promenoit fur la terraffe de Windfor ,
lorfque le Prince Guillaume- Henri arriva Son
Alteffe Royale ne fit qu'un faut de fa voiture , &
courat vers S. M. qui le prit dans les bras , le preffa
contre fon fein avec tout le tranfport de l'amour le
plus tendre , & mena le jeune guerrier à la Reine ,
au milieu d'une maltitude de fpectateurs qui témoignoient
par leurs larmes la part qu'ils prenoient
à la joie & au bonheur de leur Souverain. Leurs
Majeftés , accompagnées du Prince Guillaume -Heari
& de toute la Famille Royale , fe font rendues , le 2
au foir , au Théâtre Royal dans Haymarket. Lorfque
le Prince Guillaume- Henri entra , les applaudiffemens
furent univerfels. Le jeune Prince portoit
l'uniforme de Garde de la marine , & parut trèsfatisfait
de la chanfon de mer chantée en fon honneur
par Banniſter.
On affure que la garnifon de Gibraltar ne fera
relevée qu'après la ratificatioin du Traité de Paix
définitif.
On affure que c'eſt l'intention du Miniſtère de
féparer le Parlement dans quinze jours , la feffion
étant trop avancée pour mettre fous les yeux limportante
affaire de la Paix avec la Hollande , du
Traité de commerce , du Traité définitif , & des
affaires des Indes Orientales .
( 139 )
GAZETTE DES TRIBUNAUX ABRÉGÉE .
PARLEMENT DE PARIS.
Caufe entre le Sieur Anquetil de Eriancourt .
Conful de France à Surate , & c . - Et les Armateurs
des Vaiffeaux le Duras & le Sévère.
Commerce de l'Inde.
Le Roi ayant établi , en 1773 , un Confulat à
Surate , fur la Côte de Malabar , nomma à cette
place le fieur Anquetil , Chef de la Nation Françoife
dans cette Ville depuis 1759. Les fieurs Bernier
, de Rothe & Foucault profitèrent de cette
circonftance pour expédier à Surate le vaiffeau le
Duras , avec une cargaifon de 1,200,000 livres ;
après avoir obtenu du Conful la promeffe de fes
bons offices pour le cho'x des Marchandifes en
France, & qu'il voudroit bien les continuer dans
Inde pour diriger la vente de cette cargaison &
l'achat des retours . Les Armateurs efpéroient gagner
400,000 livres dans l'Inde , & défiroient que ce
bénéfice , réuni aux 1,200,000 livres , fût employé
à la cargaison de Surate pour Europe ; ils prièrent
même le Conful de porter cette cargaifon jufqu'à
16 à 17 cents mille livres , & à cet effet de leur
procurer les fonds néceflaires par des traites fur
eux.- Le feur Anquetil partit fur le Duras , le
2 Avril 1774 , & aborda à Sarate le 5 Novembre
fuivant. Le Subrecargue ( le fieur du Laurens ) mourut
en Janvier 1775 , & le Conful pour le prêter
aux inftances des Armateurs , fe chargea des opérations
du vaiffeau comme ami feulement , & autant
que fa place pouvoit le comporter.
paroît que des malheurs fans nombre pourſuivirent
IL
(1) On foufcrit pour l'Ouvrage entier , dont l'abonnement
eft de 15 liv . par an . chez M. Mars , Avocat , rue & Hôtel
Serpente,
( 140 )
1
1
---
cet armement , & ils fe réunirent à la guerre des
Anglois contre les Marates , qui ruinoit le Commerce
dans l'Inde , & particulièrement celui de
Surate. Au commencement de 1776 , le produit
des fonds da Duras , loin de donner 400,000 liv.
de bénéfice , offroit en perfpective moins d'un million
; d'un autre côté les Armateurs avoient afnon- ´,
cé au fieur A queuil le vaiffeau le Sévère , avec une
cargaifon qu'il devoit échanger , tant à Surate qu'à
Mahé , contre un autre pour Chine . Le Conful de
Surate & le Commandant de Mahé avoient été
priés de préparer celle-ci . Cependant le Sévère
tardoit à paroître , & il falloit payer fa cargaifon
de Chine , ou la rendre aux Marchands . Dans
cette pofition , pour couvrir les pertes da Duras
& fournir aux befoins du Sévère , on crut devoir
profiter d'une occafion d'emprunter , offerte par
le heur Hornby , Gouverneur de Bombay. Ce Gouverneur
Anglois prêta 400,000 livres pour lequel
les il reçut une traite fur les Armateurs : au moyen
de cet emprunt , le Sévère fit en Chine un voyage
qui produifit un gros bénéfice , & le Duras revint
en Europe charge conformément aux voeux des
Armateurs. Ceux - ci au lieu d'accepter & de
payer la traite dont ils recevoient les fonds en
marchandifes , la refuferent fous prétexte que le
fieur Anquetil n'avoit pas pouvoir d'emprunter une
fi forte fomme . Ils la laifsèrent à fon compte &
fans faire attention que fa qualité de Conful lui
interdifcit le commerce , ils l'intérefsèrent à fon
infç , pour le montant de la traite , dans une portion
de la cargaifon qu'ils difoient en perte , &
ne donnèrent au porteur que le produit de cet intérêt
arbitraire. Le Conful , pour le payement du
refte de la traite proteftée , fut livré dans l'Inde
an recours du Gouverneur de Bombay , qui fit établir
une garnifon chez lui. Pour faire ceffer ces
violences , il abandonna fes bijoux , & engagea le
reſte de ſes effets , ce qui formoit un nantiſſement
-
---
( 141 )
-Son
plos que fuffifant , il fut encore livré aux hofti-
Inés des Anglois , qui le conftituèrent prifonnier
& le transférèrent dans la fortereffe de Tannah , dans
lifle de Salcefle , enfuite à Bombay , cù le fieur
Hornby le força de lui faire un billet de 189,700
livres , en apurement des comptes prétendus faits
par les Armateurs , & de ce dernier endroit on
l'embarqua pour l'Angleterte. — Tous les effets du
Conful & les papiers reftèrent à Surate entre les
mains des Procureurs du fieur Hornby , qui s'en
étoient emparés fans aucune formalité ; fes bijoux
& joyaux furent envoyés au fieur Hunter , Correfpondant
du fieur Hornby à Londres ; fes mcubles
& autres effets furent vendus à Surate & à
Bombay ; enfin après avoir efluyé toutes ces exactions
, il arriva en France dépouillé de tout.
premier foin fut de faire afligner en payement de
la traite . L'Amirauté accueillit prefque toutes les
demandes , fur l'appel en la Cour , Arrêt du 14
Avril 1783 , qui condamne les adverfaires du Conful
, & le fieur Bernier , l'un d'eux , par corps , à
luis rapporter acquittés & déchargés la traite de
400,000 livres , & le billet de 189,700 livres
fi mieux n'aiment les fieurs Bernier & Rabec , donner
caution de rendre le fieur Anquetil indemne de
toutes recherches & pourfuites qui pourroient être
faites contre lui par le fieur Hornby , ou à lui
payer 300,000 livres pour la valeur ; & en 20,000
livres de dommages & intérêts , avec l'impreffion
de l'Arrêt.... le tout aux frais des Armateurs , qui
font condamnés aux dépens.
---
Caufe entre la Communauté des Procureurs au Parlement
de Paris Et Me. Mollien , Avocat.
Avocat inferit fur deux Tableaux , peut traiter
d'une Charge de Procureur , fans être tenu de
juftifier du tems de Cléricature , ni d'infcription
à la Bazoche.
Ce droit des Avocats eft fondé fur des Arrêts
:
( 142 )
de Règlement . Il n'avoit pas fouffert de difficulté
jufqu'au moment où Me. Mollien avoir traité de
la Charge de Me. Moinot. Il a été refuſé à la
Communauté des Procureurs qui l'a néanmoins
affuré qu'elle n'avoit contre lui perſonnellement aucun
motif de refus , mas que la circonstance
dans laquelle il fe préfentoit , engageoit la Communauté
à fe conduire ainfi à fon égard.... Le Privilége
qu'il réclamoit , eft un effet de l'union qui
régnoit entre les Avocats & les Procureurs qui
faifoient ci devant Communauté ; mais aujourd'hui
que cette Communauté ne fubfifte plus , que les
Avocats ne venlentplus admettre fur leur Tableau les
Procureurs qui ont vendu leurs Offices , le défaut
de réciprocité d'égards engage la Communauté à
agir a trement. — Arrêt du 31 Mai 1783 , qui ,
fans s'arrêter à l'oppofition de la Communauté dont
elle eft déboutée , ordonne l'exécution de l'Arrêt
du 15 Avril , concernant la réception de Me. Mollien
, ensemble de l'Arrêt de Règlement de 1744 ,
condamne la Communauté aux dépens , & c.
BAZOCHE DU PALA IS.
La conteftation dont on vient de rendre compte ,
a excité le zèle des Officiers de la Bazcche pour le
maintien des règles particulières aux Clercs du Palais
, & notamment pour leur infcription fur le Regiftre
tenu par le Chancelier de cette Compagnie.
Me. Louis-André de Celles , Avocat Général ,
après avoir rapporté les difpofitions de l'Arrêt du
Parlement de 1744 , qui ordonne que.... » Ceux qui
» voudront demeurer chez les Procureurs au Parlement
en qualité de Clercs , à l'effet d'acquérir
» le tems néceffaire de dix ans , pour être admis aux
» Offices de Procureurs , feront tenus de fe faire
පා
infcrire fur le Registre de la Bazoche , finon &
» à faute de ce faire , qu'ils ne pourront être reçus
» auxdits Offices .... Et au cas que par la fuite ils
» fe fiffent infcrire fur ledit Regiftre , le temps de
( 143 )
Palais ne courra que du jour de leur infcription .
Me. de Celles en s'élevant contre la négligence de
la formalité de l'infcription , a requis la lecture à
l'Audience de la Bazoche , de l'Arrêt du Parlement ,
& que ledit Arrêt & lon Requifitoire faffent imprimés
& affichés dans les Salles du Palais .... Ce
qui a été ordonné le 10 Mai 1783 .
PARLEMENT DE NORMANDI E.
Procès entre le Sieur de Launey , Et la Demoifelle
de Minieres . Dédit de 20,000 livres
ftipulé dans un Contrat de Mariage , jugé incivil
, & cependant celui qui s'eft dédit condamné
en 20,000 livres de dommmages & intérêts.
Le fieur de Laaney, né d'une famille honnête , mais
peu riche , s'eft engagé dès la fleur de fon âge dans le
Régiment de Royal - Rouffillon Cavalerie. Sa bonne
conduite lui a toujours mérité la confiance de ſes
Chefs , & lui a valu les Grades auxquels il pouvoit
atteindre. Simple Maréchal-des-Logis , puis
Maréchal-Général- des Logis , employé aux Remontes
, il eft enfin devenu le plus ancien du Régiment
après 26 ans de fervice . En 1778 , le
fieur de Launey eut occafion de connoître la Demoifelle
de Minieres , riche héritière , qui demeuroit
chez un oncle Curé : il fut lui plaire.
Peu après appellé en Bretagne par ordre de fon
Corps , le fieur de Launey fe vit forcé de quitter
la Demoiſelle de Minieres , ou de faire le facrifice
de fon état. Alors ils fignèrent l'un & l'autre un
Contrat de Mariage dans lequel on lit ce qui fuir
après les claufes ordinaires . - » Et en outre la
» Demoiſelle confidérant que, le fieur futur époux
» eft actuellement au fervice , dont elle exige qu'il
fe retire pour l'époufer , pour le raffurer fur la
» perte de fon état qui ne peut qu'augmenter &
» lui être avantageux , fadite future épouſe lui a
» promis dès - à - préfent , à prendre fur tous les
( 144 )
» biens meables , préfens & avenir , la fomme de
» 20,000 livres exigibles à volonté ; de même que
» s'il arrivoit que ledit futur vînt à changer de fen-
» timent , ladite Demoiselle pourra l'obliger à lui
payer pareille fomme , dent du tout les Parties
» font convenues & demeuréés d'accord ,qu'elles pro-
-
t ;
ce
mettent & s'obligent refpectivement exécuter
» fous l'obligation de tous leurs biens , meubles
» & immeubles & héritages préfens & avenir. Fait
» double , & c. « ——— Le fieur de Launey le tranfporta
en Bretagne où fon devoir l'appelloit ; il follicita
& obtint le Grade de Sous-Lieutenant ,
que la Demoiselle de Minieres avoit ardemment
défiré. Au mois de Décembre de la même année
le fieur de Launey revint dans la patrie , & quitta
la place de Maréchal- des - Logis , incompatible avec
le grade d'Officier . Le 3 Mai fuivant , la Demoifelle
de Minieres écrivit néanmoins en ces termes
au fieur de Launey . » M. mon intention
» étoit autrefois de m'établir ; mais préfentement
» je n'y penfe plus , & vous prie de vous épargner
» la peine de venir au Presbytère , j'ai l'honneur
» d'être , &c. «‹ →→→→→→→→ Le fieur de Launey fit affigner
la Demoiſelle de Minieres à l'Officialité de Lifieux ,
aux fins de l'accompliffement des promeffes de mariage
ou de leur diffolution , auquel cas il demanda
fon renvoi devant le Juge-Royal , pour les dommages
& intérêts. Le renvoi ordonné , le fieur,
de Launey s'eft pourvu devant le Bailli de Bernay ,
où il demande 20,000 livres par forme de dédommagement
, & 10,000 livres par forme de réparation
. Sentence du 18 Mars 1779 , conçue
en ces termes : » Nous avons , faifant droit fur le
» principal , ladite Demoifelle de Minieres con-
» damnée en 9000 livres de dommages - intérêts
envers le fieur de Launey , & en tous les dépens.
ce
Sur l'appel , Arrêt du 18 Août 1781 , qui a
condamné la Demoifelle de Minieres en 20,000
livies de dommages intérêts , & aux dépens.
JOURNAL POLITIQUE
DE BRUXELLES.
RUSSIE.
De PETERSBOURG , le 17 Juin.
'IMPÉRATRICE a été inftruite par une
heureux qui lui eft arrivé aux manoeuvres
de fes troupes en Fionie ; mais comme il
lui annonce qu'il ne retardera pas fon voyage
à Frédériksham , le jour du départ de S. M. I.
eft toujours fixé au 20.
L'incendie du 24 du mois dernier , & les
fuites funeftes qu'il auroit pu avoir ont
fait décider que l'Amirauté fera transportée
hors de cette Réfidence. On la placera à
Cronstadt , où l'on établira une partie des
magafins ; le refte ſera porté à Oranic-Baum .
L'emplacement qu'elle occupoit dans cette
Capitale eft deftiné à divers édifices pour
plufieurs départemens . On fe propoſe d'en
faire un des plus beaux quartiers de la
Ville.
La Nobleſſe de ce Diſtrict s'eft aflemblée
il y a quelques jours au Palais d'Eté pour
26 juillet 1783. g
( 146 )
procéder à l'élection de Députés , dont la
fonction eft de veiller à l'économie intérieure ;
elle a été préfidée par le Feld- Maréchal ,
Prince de Galitzin , Gouverneur Général , &
fervie par les Officiers de la Cour. De pareilles
affen blées doivent fe tenir pour le
même objet dans toutes les Provinces de
l'Empire , conformément aux règlemens qui
ont été faits par l'Adminiſtration intérieure.
DANEMARCK.
De COPENHAGUE , le 1er. Juiliet.
IL eft arrivé , près d'Iflande , un évènement
bien fingulier , dont un Navigateur
Danois préfente ainfi le récit :
Ce navigateur partit d'ici au mois de Mars dermier
& toucha à environ 10 milles de l'Iflande à une
ifle , de la furface de laquelle s'élevoit une vapeur
épaiffe. Il crut d'abord qu'il avoit manqué la route
qu'il devoit prendre , mais ayant été convaincu du
contraire par des marques certaines , il prit cette ifle
pour l'Islande même qu'il préfumoit avoir été détruire
dans une grande révolution fouterraine. De
peur de toucher un fond ou des rochers il examina
la profondeur avec la fonde ; n'ayant trouvé que 10
pieds d'eau & ayant retiré avec la fonde des pièces de
pierre-ponce & du charbon il crut avoir trouvé la
confirmation de fa conjecture. Il fit enfuite le tour
de l'ifle dans le deffein d'y aborder quelque part ;
elle n'avoir qu'un mille de circonférence , ce qui le
fi revenir de fon opinion ; il continua donc fa route
& étant arrivé à l'endroit de la deftination il y apprit
l'ifle fumante qu'il avoit vue & examinée étoit
fortie de la mer depuis peu de tems. On remarque
que cet évènement eft arrivé à la même époque
que
-
( 147 )
cù la Calabre a été dévaſtée par un tremblement de
terie ".
Cet
évènement en effet fingulier ; n'eft
cependant pas une nouveauté. Les anciens
citent plufieurs exemples d'Ifles forties du
fein des eaux dans les mers du Levant ;
au
commencement de ce fiècle , en 1707 ,
il fe forma un écueil auprès de lIfle de
Thérafie ou de Santorin , à la fuite d'un
tremblement de terre ; & l'on trouve dans
le volume de l'Hiftoire de
l'Académie des
Sciences de Paris , année 1722 , des détai's
fur une nouvelle Ifle qui avoit paru
au mois de Décembre 1720 , entre celle de
Tercère & de Saint - Michel , deux des
Açores.
SUEDE.
De
STOCKHOLM , le 27 Juin.
TOUTES les
nouvelles qu'on reçoit de
Tavastehus depuis
l'accident
malheureux
furvenu au Roi , ont diffipé les inquiétudes
; S. M. n'a point de fièvre ; la guérifon
de fon bras avance ; & les Chirurgiens
ne mettent aucun obftacle à fon
prompt départ pour
Frédéricksham ; on croit
que S. M. pourra partir dans quelques jours.
ALLEMAGNE.
De
VIENNE , le s Juillet.
C'EST le 23 du mois dernier & non le
24 , que l'Empereur eſt arrivé à Léopol.
8 2
( 148 )
Il a dû y refter quelques jours , & on fe
flattoit qu'à fon départ il prendroit la route
de la Hongrie pour revenir dans eette Capitale
; fi c'eft - là ſa véritable marche , nous
pourrions efpérer de le voir ici vers le 11
de ce mois.
II
Le même brouillard qui remplit l'atmofphère
dans bien des endroits , & dérobe
les rayons du foleil qui font fi éclatans dans
cette faifon , fe fait remarquer ici ; il a été
pendant quelques jours auffi épais qu'au
mois d'Octobre.
On a fait dernièrement ici une nouvelle
épreuve du procédé imaginé par M. Frédéric
pour rendre les maifons incombuſtibles
; les incendies qui font fi fréquens en
bien des endroits , font defirer qu'on l'adopte
par- tout ; 1 Empereur l'a fait publier ;
il confifte en un compofé de neuf parties
d'argille , une de poil , une de tan , & une
d'eau de tannerie ; on y ajoute une treizièune
partie de cendres , avec une égale quantité
de fable , fi l'argille eft bonne & bien
graffe , & une 25e partie feulement de
fable & de cendres fi l'argille eft moins
bonne. On pétrit le tout avec de l'eau , &
on laiffe enfuite repofer cette pâte ; -on
l'étend fur un plancher uni en lui donnant
l'épaiffeur de 3 ou 4 doigts , & on attache
avec une ficelle bien frottée de favon , une
couche de paille de même épaiffeur . Outre
cette couverture préfervative il faut enduire
le bois & tout le toît d'une couche
épaiffe de la même pâte.
( 149 ) .
De BERLIN , le 4 Juillet.
LA Princeffe héréditaire de Pruffe eft
accouchée hier d'un Prince qui jouit , ainſi
que la mère , de la meilleure fanté.
La femaine dernière il eft arrivé ici un
tranfport de 400 recrues Heffoifes qui doit
être bientôt fuivi d'un fecond qui fera d'un
pareil nombre , & la femaine prochaine
on en attend un troifième qui fera de 200
hommes ; ces recrues deftinées d'abord par
le Landgrave pour les régimens qu'il a en
Amérique à la folde de l'Angleterre , étant
devenues inutiles par le retour prochain de
ces troupes , paffent au fervice du Roi &
complettent ceux de fes régimens qui font
répartis dans la Siléfie .
Les lettres de cette province & celles du
Comté de Glatz , contiennent le récit des
dégâts qu'une tempête violente & une pluie
exceffive y ont caufé le 21 Juin dernier &
les deux jours faivans. La ville de Neifs
& fes environs ont fur- tout exceffivement
fouffert. Plufieurs édifices publics , diverfes
maifons particulières ont été renversés ; les
ponts emportés , & les hommes & le bétail
entraînés par la rivière qui eft fortie de fon
lit ; les coups de tonnerre étoient effrayans.
On n'a point d'exemples de la violence de
la pluie qui tomboit ; une vingtaine de perfonnes
ont perdu la vie dans cette occafion
.
83
( 150 )
De HAMBOURG , le 8 Juillet.
"
ON eft toujours dans l'attente des grands
évènemens qui fe préparent dans le Nord ;
files négociations continuent à Conftantinople
, les mouvemens ne fe ralentiffent
pas fur toutes les frontières ; une armée de
70,000 hommes fe raffemble du côté de
la Crimée , une autre de 40,000 du côté
d'Archangelskoygorod ; toutes deux aux
ordres de deux Chefs féparés , le Prince Potemkin
& le Prince Repnin , relevant l'un &
l'autre du Feld-Maréchal Comte de Romanzow.
Les Turcs ont renforcé Oczakow , &
des troupes Ruffes raffemblées fur les bords
du Dnieper , funt prêtes à s'en approcher
comme le fit le Feld- Maréchal Comte de
Munich lorfqu'il s'en empara en 1737 .
Suivant des lettres de Pologne on y reçut ,
le 23 du mois dernier , la nouvelle qu'on
difoit pofitive, que plufieurs régimens Ruffes
étoient entrés en Pologne du côté de Kiovie
pour former deux camps , l'un à Human
& l'autre à Nimirow , dans le Palatinat de
Braclaw. Le véritable but de ces mouvemens
eft encore un fecret.
Les mouvemens ne font ni moindres
ni moins actifs du côté des Autrichiens.
» La trève , lit on dans une lettre , eft prête d'expirer
entre la Cour de Vienne & la Porte. La conjoncture
préfente exige , dit - on , que plufieurs arti
cles en foient changes quand on la renouvellera ,
parce que ce traité a été conclu dans un tems où la
Maifon d'Autriche ne fe trouvoit pas dans une pofi ion
( 151 )
auffi refpectable qu'aujourd'hui . Si les Turcs croient
qu'il eft au- deffous de leur dignité de céder , il fe
pourroit que la voie des armes fût le feul parti qui
reftât ; en tout cas l'Autriche y eft préparée. L'Empereur
en vifiant toutes les parties de fes Etats limitrophes
avec l'Empire Ottoman , a examiné les fortereffes
, les fleuves & toutes les autres circonftances
locales de l'E clavosie , de la Croatie , de la Hongrie
& de la Tranfylvasie. D'après les ordres on a
pourvu de nouvelles paliffades Peterwaradin , Brod ,
Gradifca , Pancfova , Teme war. On a rafé dans
Effeck 500 maifons des fauxbourgs , & les Francifcains
ont évacué leur couvent qui eft vafte &
qu'on deftine à former des cafernes pour 6000 hommes.
On a avancé plus loin vers les frontières les
magafins établis a Peft & à Bude ; on conftruit de
nouveaux affûrs à grandes roues pour faciliter le
tranfpoit de la groffe artillerie par les marais du
Bannar ; les charrons de Vienne ont reçu ordre de
fournir 500 charriots à l'armée , & on en a expédié
de pareils à ceux du plat pays . Des mouvemens aufli
peu ordinaires indiquent fans doute la poflibilité d'évènemens
intéreifans «< .
Cependant les négociations continuent
& on efpère qu'elles fe termineront par un
arrangement. On ne croit pas pourtant
qu'elles empêchent la rupture entre la Ruffie
& la Porte . En attendant que ces nuages fe
diffipent nos papiers ne font remplis que de
fpéculations à perte de vue , dans lesquelles
ils s'égarent en conjectures , & de pieces
pour confirmer différentes affertions qu'ils
ont hafardées quelquefois. Parmi ces dernières
en voici une fingulière qu'ils datent de
Riga.
» Les lettres de Pétersbourg nous laiffent dans
8 4
( 152 )
1
l'incertitude fur la guerre avec la Turquie ; au cas
qu'elle refufe d'obferver en entier le traité de
Kainardgi , & qu'elle continue à nourrir ou tolérer
en Crimée & dans le Cuban des troubles qui
naifent à notre sûreté , il faudra que nous repouf
fions la force par la force. A tout évènement nous
faifons des préparatifs convenables . L'Empereur a
autant de droit de fouhaiter un libre débouché pour
le Danube & la Hongrie , que nous pour Cherfon >
nos Provinces d'Ukraine & autres . Véritablement
il n'a pas , ni nous non plus , un nombre de vailfeaux
fuffifant pour le cabotage & le commerce qui
réfultera de cette liberté . Auf les nations cabotantes
& frettantes font- elles intéreffées comme rous à
cette augmentation de commerce , qui augmentera
leurs profits . Cette guerre , fi elle a lieu , eft donc
une guerre pour le bien public. Sil y avoit que'-
que nation qui affectât avec trop de partialité de
porter des munitions & des fecours à nos ennemis
, on aura toujours les moyens à Pétersbourg
de s'en reffentir par les douanes & autres opérations
dans nos ports . Les procédés des Puillances
Européennes à notre égard dans cette occurrence
feront la pierre de touche du fyftême politique qu'elles
veulent que nous adoptions à leur égard. Notre
Souveraine dans la derniere guerre a adopté une par
faite impartialité , qui la met en droit d'attendre affi
qu'aucune nation Européenne ne favorife les Mahométans
. Elle ne demandera pour les vaitſeaux , aux
fpectateurs , que ce qu'elle ne les empêche point
d'accorder à fes ennemis l'eau , l'air & les néceffi .
tés du moment ; & fi par humeur ou partialité quelqu'un
vouloit les refufer , elle eft déja fûre de les
trouver non-feulement en deçà du détroit de Gibral
tar , mais auffi au-delà ; les côtes d'Italie nous attendent
avec impatience ; nous les avons enrichis
dans notre précédente guerre. Qui pourroit refa
fer à nos flottes le droit d'y aller ? Qui pourroit
( 153 )
s'opposer à elles , fans rallomer par cette prétention
au droit exclufif des mers , le feu d'une guerre
plus générale que la derniere encore mal éteinte
& dont le moindre vent de partialité peut rallumer
les flammes qui feroient naturellement dangereufes
pour ceux qui le font épuifés à la foutenir. Si ,
contre toute attente & toute probabilité , le Turban
trouvoit des amis en Europe , n'en trouverions - nous
pas auffi , & que gagneroit - on à changer ou érendre
le théâtre ? nos armées pénétreroient-elles moins
dans le territoire Turc ? La Méditerranée est un autre
Océan commun à tant de peuples divers que ce
feroit une préoccupation puérile à l'un ou l'autre
d'entr'eux de s'en prétendre maître. Ce n'eft pas
comme notre Baltique une mer fermée , où toutes
les nations qu'elle baigne peuvent aifément & impartialement
prévenir qu'il ne le commette inutilement
des hoftilités par d'avides armateurs , quand
aucune d'elles n'eft impliquée dans la guerre ; ce fyftême
ne nuit à perfonne de ceux qui font étrangers
à cette mer : l'Océan , la Méditerranée baignent
cent peuples divers qui tous ont un même droit à
naviger , commercer & guerroyer fur leurs eaux.
L'Angleterre & l'Empereur de Maroc qui tiennent
le détroit de Gibraltar & qui refpectent le droit
des gens n'ont jamais penfé à déclarer fermé un
paffige que la nature n'a pas fermé , où leurs ca ·
nons ne peuvent atteindre , où les courans empêchent
même de ftationner , & qui conduit aux rivages
de nos ennemis . Nos flotres pourront donc
fi elles le veulent , aller trouver nos adverfaires dans
lars foyers : nous respecterons ceux des nations
étrangères à cette guerre , & nous chercherons les
côtes de nos ennemis fi nous le trouvons à propos.
Mais non ; efpérons plutôt encore que la paix pourra
fe maintenir, & que le bon Génie des Ottomans
prendra le deffus & les portera à un accommodement
raisonnable «<.
g S
( 154 )
Les lettres de la Pologne Autrichienne
contiennent des détails allez piquans fur les
habitans d'un certain canton de la Bohême
qui n'ont voulu reconnoître aucune des
Communions tolérées , & qui en conféquence
ont été envoyés à Joroskau en Galicie
, où ils arrivèrent , dans le mois dernier ,
fous une eſcorte militaire.
Ils étoient trente-neuf des deux fexes , tous compris
, & on les diftribuera dans les quartiers militaires
de la Gallicie & de la Bukowine , excepté
les filles & les veuves , qui feront confiées aux
Magiftrats , pour les placer au fervice d'honnêtes
gens . A Joroskau , lorfqu'on leur propofa de femblables
places , leur réponſe fut qu'elles fervoient
l'Empereur , & n'avoient pas befoin d'un autre fervice.
Malgré leur petit nombre , ces Diffidens fe divifent
encore en deux claffes : cinq familles ne veulent
reconnoître que l'ancien Teftament , obſervent
les ufages des Juifs , & le nomment Ifraelites ou
Abrahamites ; les autres ne veulent s'attacher à aucun
livre , & fe bornent à reconnoître un Dieu rémunérateur
& vengeur , de même que l'immortalité
de l'ame ; & ceux-ci font appel és Déiftes . Ils
ont refté trois jours à Jeroskau ; & pendant ce court
efpace le Chanoine , Charles Otto , Curé de la garnifon
, fe donna toutes les peines imaginables pour
en faire des Catholiques : tout ce qu'il obtint , ce
fut de porter deux perfonnes mariées & une veuve
à confentir de recevoir quelques inftructions ultérieures
; mais les argumens ne firent aucune im **
preffion fur la troupe : tant qu'on les laiffera enfemble
il ne paroît pas qu'il y ait rien de mieux à
efpérer. Selon le témoignage de M. Otto , les femmes
montrent encore plus d'opiniâtreté que les hommes
, & autant qu'il peur en juger , lear erreur n'a
pour caufe qu'un défaut de bonnes inftructions ,
155
que l'on peut attribuer à l'éloignement où étoient
leurs habitations de la paroiffe la plus voifine .
De FRANCFORT , le 7 Juillet.
ON mande de Dantzick un fait affez fingulier
& qui y a fait beaucoup de bruit.
» Le 28 Mai , Paul Czanski , Généra ! Poloneis
mourut ici fubitement , fans pouvoir recevoir les fecours
de l'Eglife . Comme la vie avoit été un peu
libre , l'Official défendit aux Curés & aux Supérieurs
des Couvens de l'enterrer ; un ami du Général
engagea le Magiftrat à faire des démarches auprès de
l'Officialité pour qu'elle levât cette défenfe ; le Magiftrat
s'y prêta & n'ayant pu rien obtenir , ordonna
que le corps fût déposé par provifion dans le caveau
de l'églife Luthérienne ; le même ami eſſay a d'engager
les Religieux de Stolzenberg à recevoir le corps
& à lui donner la fépulture ; ils s'en excusèrent für
la défenfe qu'ils avoient reçue ; comme leur couvent
eft fous la jurifdiction Pruffienne , il a pris le parci
de s'adreffer à la Régence de Marienwerder , qui a
fur- le-champ expédié deux refcripts qui enjoignoient
à l'Official de ne point s'oppofer à l'enterrement ,
peine de 100 ducats d'amende , & aux Religieux de
le faire avec toutes les cérémonies d'ufage «.
**
Une lettre de Lubeck en date du 29 du
mois dernier contient les détails fuivans .
Le Baron Frédéric Chr. de Wedel de Jarlsberg , &
le Grand Veneur Fr. Chr. Ernſt Comte de Rauzau ,
ayant enfemble quelques différends depuis quatre
mois , fe font battus en duel , hier matin , à Herrenburg
, à un mille d'ici , dans le Mecklenbourg,
Comme le rendez - vous étoit publiquement connu
il s'y raffembla beaucoup de fpectateurs . On difputa
pendant une demi-heure fur le choix des armes. Le
Baron de Wedel , peu exercé au piftolet , vouloit que
le combat ſe fît à l'épée ; le Comte de Ranzau pré-
•
g 6
( 156 )
tendoit que l'affaire étoit trop importante pour être
décidée autrement que par le piftolet ; il l'emporta
& tira le premier , lorfque les deux adveríaires
eurent été placés à 16 pas de distance . Ce coup
& celui du Baron de Wedel ne portèrent point, A
la feconde fois , celui- ci fut beflé dans le bas ventré.
Le Comte de Ranzau fauta promptement à cheval
pour fuir. Il ne diffipa qu'avec peine , accompagné de
fes amis , la foule des payfans qui , raffemblés par
ordre & armés de fourches , vouloient s'opposer à
leur paffage. Le bleffé & les perfonnes qui fe trouvoient
avec lui furent arrêtés . Les Chirurgiens ne
parent retirer la bille , & les recherches inutiles que
l'on fit pour la trouver rendirent la b'effure plus confidérable.
On ramena hier au foir le bleffé dans cette
ville ; le mouvement a fait reffortir la balle d'elle - même,
& comme il paroît que les inteftins ne font point
offenfés , on a les plus flatteufes efpérances pour le
retabliffement de M. de Wedel .
Il y a long- tems qu'on s'élève contre la
fureur des duels ; les loix divines & humaines
s'uniffent en vain pour les condamner
; le feul moyen de les réprimer feroit
de trouver un expédient qui , en confervant
l'honneur aux particuliers , maintînt
la loi dans toute la vigueur.
» Si tous les Princes de l'Europe , dit l'illuftre Auteur
des Mémoires de la Maifon de Brandebourg ,
n'aſſemblent pas un Congrès & ne conviennent pas entr'eux
d'attacher un déshonneur à ceux qui malgré
leurs Ordonnances tentent de s'égorger dans les
combats finguliers ; fi , dis - je , ils ne conviennent
pas de refufer tout a yle à cette eſpèce de meurtriers
& de punir fèrement ceux qui infulteront leurs
pareils , foit en paroles , foit par écrit ou par voies
de fait , il n'y aura point de fin aux duels «.
» On defireroit avoir des nouvelles d'Anne - Caro(
157 )
fine du Bois , fille de Barbe Pecaut & du fieur da
Bois , née à Strasbourg en 1749 ; fon père & fa
mère font morts , & elle eft intéreflée pour une
part dans la fucceffion du fieur Pecant fon grand- oncle
, Fournier de la chambre de l'Electeur Palatin ,
décédé à Manheim. On voudroit apprendre ou fon
exiſtence ou la mort ou ſa poſtérité , & en avoir des
preuves . On promet une récompenfe à ceux qui
pourront en donner. Il faut s'adreffer à M. du Sautoir
, rue & barrière de St-Jacq es à Paris , ou à M.
la Mothe , négociant à Manheim «.
ITALI E.
De LIVOURNE , le 27 Juin.
LES quatre galères de Malte , qui fous
les ordres du Commandeur de Freslon ,
Général des galères de la religion , avoient
été porter des fecours à Mefline & dans la
Calabre , ont mouillé ici le 14 du mois
dernier ; elles viennent de repartir fur la
nouvelle qu'il avoit paru quelques corfaires
Barbarefques dans les mers de Corſe.
On mande de Naples que de nouvelles
fecouffes de tremblement de terre éprouvées
le 4 , le 8 , le 11 & le 12 , dans la
Calabre , ont renouvellé les alarmes des
habitans ; il y en a une qui a paru trèsforte
& très longue ; mais on ignore encore
les dommages qu'elle a pu caufer. L'agitation
conftante de la mer depuis ce tems ,
& le phénomène qu'elle a montré le 20 ,
en fe retirant de fix palmes plus loin.
qu'elle ne le fait ordinairement , font crain1158
)
1
dre que l'on n'ait à s'attendre à quelque
défaftre nouveau.
» La Chambre de Santé , écrit - on de Venife , a
été avertie des progrès que font dans la Bofnie plufieurs
maladies qui le font manifeftées depuis quelque
tems. Ces maladies fe confondent fous l'apparence
de petite vérote , de dyffenteries & de fièvres
putrides ; mais comme elles font déja tiès -violentes ,
& qu'elles ont gagné Seraglio , Traunich , Caffero &
principalement les dépendances de Cuprés , on a jugé
des précautions néceffaires pour arrêter les progrès
de la contagion ; en conféquence , on vient de loumettre
la Dalmatie , les groffes Ifles , celles du Quarmer
, les bouches de Cattaro , Caftel - Novo , Car
zola & la République de Ragufe , à une contumace
de 20 jours. On la fera obferver pour les perfonnes,
les bâtimens , les marchandifes & le bétail «.
ANGLETERRE
De LONDRES , le Is Juillet. IS
Nos nouvelles de l'Amérique feptentrionale
ne nous apprennent rien de nouveau ; tout
y eft tranquille & le fera jufqu'à ce que cette
place foit évacuée ; on efpère qu'elle le fera
bientôt , on affure même que l'ordre pour
cet effet a été expédié au Général Carleton ,
avec des inftructions fur la manière dont
il doit fe conduire pour prévenir les défordres
qui peuvent arriver par la joie que
montreront les Américains , & par l'humeur
que nos foldats pourront prendre de
ces démonftrations. Les Loyaliftes qui n'afent
plus fortir de nos lignes & qui feroient
fort expofés s'ils reftoient à New -Yorck
( 159 )
après nos troupes , font tous leurs préparatifs
pour partir avec elles ; & ceux qui
vont chercher des établiffemens dans l'Acadie
, s'embarquent journellement.
;
» La nature , écrit un des nouveaux Colons arrivés
à Roſeway dans cette Province , a été très- libérale
envers cette partie de l'Amérique , elle nous paroît
en vérité très belle . L'entrée du Havre eft fermée
par deux Caps qui fe rapprochent du côté de
la mer , & qui s'élèvent beaucoup de cette entrée
au fond du Havre on compte près de deux lienes ;
le fond eft fi bon & fi commode dans quelques
endroits qu'il feroit ailé d'y tout difpofer pour
réparer un vaiffeau de 74 canons ; quantité de riviè
es déchargent leurs belles & fraîches eaux dans
ce Havre , & offrent à ceux qui ont befoin d'en
faire provifion des facicilités qu'ils ne trouveroient en
aucun autre endroit du monde. La terre , aux environs
du Havre , a une apparence fauvage , d'un côté elle
n'offre que des rochers ; mais de l'autre le fol eft
excellent , & il devient toujours meilleur en s'éloignant
du Havre. Nous avons une quantité prodigieufe
d'excellens poiffons ; j'en ai vu 24 très-beaux
vendus pour un dollar , & un ' feul qui pefoit fo
livres qui n'a pas coûré davantage. Je fuis convaincu
que ce canton , avec l'aide du Gouvernement , de
bonnes loix de l'induftrie , deviendra en peu de
tems un établiſſement confidérable ; il n'eft pas douteux
que la plupart des Loyaliſtes que leurs compatriotes
rejettent & privent de leurs biens ne viennent
grofhir cette Colonie «<,
Le Gouvernement adopte volontiers l'efpérance
de former fur le continent une
très-belle & très - vafte province , en état, avec
le Canada , de l'indemnifer un jour de fes
pertes , & de tenir en refpect la nouvelle
( 160 )
République fi un jour elle devient ambitieufe
; il a réfolu , dit- on , de former une
milice dans la nouvelle Ecoffe & le Canada ;
les habitans feront enrégimentés & chargés
de veiller à leur défenſe & à leur fûreté.
La banque de Philadelphie acquiert beaucoup
plus de confiftance & de crédit que
l'on ne l'imaginoit ; les Juifs y ont verfé de
groffes fomines , & les Hollandois lui en
font paffer de confidérables. On dit que M.
Van Berckel en partant d'Europe pour s'y
rendre , a emporté beaucoup d'argent comp
tant , qu'il a avec lui plufieurs Négocians
qui fe propofent d'établit à Philadelphie &
dans toutes les villes principales des Etats-
Unis des maifons de commerce ; on ne
voit pas ici de bon oeil ces opérations qui
ne peuvent tourner qu'au détriment du
nôtre ; on regrette fur- tout l'argent des Hollandois
qui paroît à préfent perdu pour
notre banque qu'il faifoit profpérer.
Parmi les projets du Congrès pour fe
fouftraire à la dépendance de l'Europe &
fournir lui-même à fes befoins , on remarque
les encouragemens donnés aux manufactures
de fer qui le mettront bientôt en érat
de fe paffer des armes que la nouvelle République
tiroit auparavant de Birmingham
& de Shefield, dont les manufactures ne tarderont
pas à bailler en conféquence.
L'Affemblée générale de Virginie a paffé
un acte intéreffant dont voici la fubftance.
Certe Affemblée générale a ftatué , en vertu de fon
( 161 )
autorité , que tous les droits & priviléges des Sujets
Proteftans de cet Etat , feront & font pour le préſent
pleinement étendus & communs aux Catholiques
Romains qui , ayant la fortune exigée par la Loi ,
fe conformant aux ufages civils , & obéiffant aux
Magiftrats , auront le droit d'être choifis eux-mêmes
pour remplir les Magiftratures & les Offices , tant
Civils que Militaires dans l'étendue de cet Etat ; cet
acte fupprime toutes les exceptions qui avoient été
faites dans l'acte paffé le premier Mars 1663 " .
y
L'Amical Pigot vient d'arriver de la Jamaïque
cù il s'étoit rendu de Sainte Lucie
pour en vifiter les chantiers & y mettre
l'ordre néceffaire ; les nouvelles que nous
avons de cette ifle , portent que le fucre
a manqué , ce qui forcera quantité de bâtimens
marchands à des frais confidérables.
pour former ailleurs leurs cargaiſons , s'ils
ne veulent pas revenir à vuide en Angleterre.
L'on y a perdu quantité de Nègres
par la petite- vérole , & on n'a pu éviter
une deſtruction totale qu'en inoculant
promptement tous ceux que ce fléau avoit
d'abord épargnés.
S'il faut en croire quelques uns de nos
papiers , on a reçu par la voie de Conftantinople
des nouvelles de l'Inde , par lefquelles
on apprend que Sir Edouard Hugues
eft parti de Bombay à la fin de Février avec
tous fes vaiffeaux réparés , dont 3 ont été
doublés en cuivre dans ce port.
»
Ils confiftent dans le Gibraltar , de 80 canons .
le Superbe , la Défenfe , le Sultan , le Cumberland,
le Héros , le Burford , de 74 ; le Monarque , de
70 ; le Worcester , l'Inflexible , le Magnanime ,
( 162 )
l'Afrique , l'Aigle , le Neftor , de 64 ; l'Ifis , le
S. Carlos , de so ; la Minerve , de 32 , la Médée ,
de 28 Total 18 vaiffeaux de ligne & frégates ; il y
en 'a encore 3 & une fregace à Goa , qui doivent l'avoir
rejoint ainsi qu'ils en ont reçu l'ordre. L'Amiral
fe rend , dit-on , à Madrafs ; & ceux qui calculent
la diftance de cette place , & qui favent que c'eft un
voyage de fix femaines , penfent qu'il a dû ſe trouver
en préſence de M. de Suffren vers le milieu du
mois dernier au plus tard « .
On n'eft pas fans inquiétude de ce qui peuts'être
paffé à cette époque & depuis , jufqu'au
moment où la nouvelle de la ceffation des
hoftilités fera arrivée dans l'Inde , le terme
fixé pour cet effet eft expiré ; mais il fe peut
qu'on n'en ait pas été informé à tems , & ce
n'eft peut- être que dans ce moment qu'on l'a
appris dans ces contrées éleignées . Quant aux
affaires de terre , nous n'avons point d'autres
détails que ceux que l'on lit dans la lettre fuivante
d'un Officier de la Compagnie , en
date du premier Décembre.
» La vie laborieufe à laquelle les calamités de
ce Pays ont affujetti depuis quelque tems tous les
Militaires , & la diftance où l'Armée a été de Bombay
, excuferent , j'espère , mon long filence . Depuis
mon arrivée dans l'Inde , je n'ai pas quitté les Armes
plus de quarante huit heures de fuite , en aucune faifon
de l'année , jufqu'à l'heure qu'il eft , & préfentement
je viens de recevoir l'ordre de partir fur-lechamp
pour Calicut , que nos Troupes ont récemment
conquis fur Hyder. Il eft certainement queftion
d'une Expédition importante vers ces Quartiers,
puifque 4 Bataillons de Cipayes , 900 Hommes d'Irfanterie
Européenne , & deux Compagnies complettes
d'Artillerie Européenne ont eu ordre depuis quel
( 163 )
que tems de fe tenir prêts à s'embarquer avec un
train d'Artillerie proportionné , afiu de joindre les
Troupes , qui font déja actuellement fur la partie
inférieure de cette Côte ; favoir , le 150me. Régiment
d'Infanterie du Roi , 2 Compagnies d'Arullerie
Européenne , 4 Bataillons de Cipayes , & 8.
Compagnies complettes de Grenadiers - Cipayes ,
outre 16,000 Niars & Tivys , habitans de cette
contrée. Nous aurions déja été à préfent en poffeffion
de Mangalor & en marche vers Serengapatnam ,
Capitale de Hyder , fi nous avions été affez heureux
pour porter les Marattes à des conditions de Paix.
Nos fuccès contre Hyder dépendront en gande partie
de la prompte conclufion de cette affaire , puifqu'alors
toutes nos forces peuvent agir avec sûreté contre lui
& le contraindre à partager fon Armée dans le Carnatic
, pour la défenfe de fes poffeffions fur la côte
de Malabar. La grande difette d'efpèces en cette partie
de l'Inde a beaucoup retardé nos opérations de
guerre. Je n'ai pas reçu une feule roupie de la Compagnie
depuis neuf mois ; & tous les Officiers dans
l'Armée , qui ont fait la Campagne contre les Marattes
, fe font battu pendant quatorze mois à crédit ,
c'cft-à-dire pour du papier , qu'on nomme Tranſport
de la Trésorerie , ( Treafury- Transfer , ) payables
Dieu fçait quand ou comment. Mais nous nous fom.
mes foumis à notre fâcheufe fituation avec bonne
volonté & joie , & avec cette reconnoiffance qui
eft due à nos généreux & dignes maîtres : & je
m'aflure , que je n'ai pas une feule connoiffance
dans l'Armée , qui ne fe contentât volontiers d'une
fimple picance de riz pour toute nourriture , & qui
ne répandit avec plaifir fon fang le plus pur por
venger la caufe de ceux qu'il a l'honneur de fervir.
Si nous pouvons conclure une Paix paffable avec les
Marattes , Hyder peut être sûr d'êre mené , comme
il ne l'a encore jamais été . Notre établiſſement Mililitaire
de ce côté - ci de la prefqu'Ile ( fur la côte de
1 164 )
Malabar ) eft fi nombreux , fi bien difcipliné , & fi
accou.umé aux entreprifes par notre conteftation
longue & ès-rule avec nos braves voisins , les
Marattes , q , fi nos Troupes d'ici pouvoient ête
menées contre lui , elles feroient comme un torrent ,
auquel il ne pourroit réfifter , & que , moyennant
une direction convenable , il fe verroit renfermé
entre deux puiffantes Armées. Il peut être foumis
par la fituation expofée de les Etats , favorable aux
incurfions ; ce qui n'eft pas le cas des Marattes , dont
le Pays eft afluré & entouré par des Montagnes ,
des pas étroits , des rivières , & des défilés «,
Le Parlement s'eft occupé de quantité
d'objets dans fes dernières féances ; plufieurs
ont pallé rapidement , quelques uns one occafionné
des débats qui offrent quelques détails
à la curiofité & que nous nous empreffons
de faifir.
» Le ; & les de ce mois , la Chambre haure
s'occupa du bill en faveur des débiteurs infolvables .
Le Lori Effingham propofa qu'on appellât des témoins
à la barre de la Chambre pour s'affurer de plufieurs
faits relatifs à leur miſérable ſituation ; différentes
liftes font menter le nombre de ceux qui
languiffent dans les prifons , les unes à 10,000 ,
les autres à 13,000 ; fi elles font juftes , que de
bras perdus pour le commerce & l'induftrie ! mais
il convient d'examiner fi le crédit n'en fouffrira pas ,
quels moyens pourroient prévenir les abus
& empêcher des hommes avides & de mauvaiſe
foi , de profiter de l'avantage de la loi qui ne doit
être que pour les infortunés. On en voit ordinairement
s'empreffer de fe rendre dans les prifons à
la première nouvelle d'un bill pareil , pour en fertir
enfuite lorfqu'il eft paffé , & s'acq . itter de cette
manière avec leurs Créanciers. Ce n'eft que par
des témoins qu'on entendra qu'on peut remédier
•
( 165 )
à ces inconvéniens , & empécher qu'une loi utile ne
devienne nuifible . Parmi les obfervations de ce Loid
pour démontrer la néceffité de fa propofition , il
infifta fur quantité d'abus relatifs aux dettes , & le
befoin d'une réforme dans la loi qui met la liberté
d'un homme en compromis pour de l'argent.
Il cita une femme dont la dette originale de 14
livres fterlings avoit été portée à so , par les frais
de Juftice , & qui fe trouvoit écrouée pour fa
vie faute de pouvoir la payer. Le Lord Mansfield
s'oppo a à cette motion ; il s'éleva avec force
contre les bills de cette eſpèce , & en fit voir les
abus lorfqu'ils étoient auffi fréquens . Il en fut paffé ,
dit-il , un en 1774 , un fecond en 1776 , un troifième
en 1778 , un quatrième en 1781 à l'occañon
des émeutes ; voici le cinquième : leur retour périodique
tous les deux ans eft de la plus dangereufe
conféquence ; il multiplie les débiteurs de
mauvaiſe foi , & ruine l'honnête marchand qui a
été furpris ; jamais je ne donnerai ma voix à celui-
ci. La Chambre frappée de cette obfervation ,
rejetta non- feulement la motion du Lord Effingham ,
mais renvoya encore à deux mois la feconde lecture
qu'elle devoit faire ce jour-là de ce bill ; &
le Lord protefia contre le refus qu'on lui faifoit
d'entendre des témoins , & contre le renvoi fi long
d'un bill dont la lecture lui paroiffoit preffée «.
ל כ
Jufqu'au 9 , les Pairs ne s'occupèrent que de
différens bills qui paffèrent fans oppofitions. Ce
jour- là , ils lurent celui de l'Accife , contre lequel
les Marchands de liqueurs diftillateurs & autres ,
avoient fait entendre leur confeil à la barre de la
Chambre ; leurs principales objections tomboient
fur l'inégalité de la peine affectée aux contraventions
; celui qui n'avoit contrevenu à la loi que
pour un objet de médiocre valeur , fe trouvoit
puni auffi févérement que celui qui avoit fait à
l'Accife un tort de 100,000 livres fterlings ; l'ordre
( 166 )
d'ouvrir leurs portes aux Employés à toute heure.
du jour & de la nuit leur paroiffoit génant ; &
ils trouvoient bien févère la peine infligée contre
ceux qui employoient & fabriqucient de fauffes
permiffions , & qui même avoient fimplement chez
eux les inftrumens qui peuvent fervir à en fabriquer
, tandis qu'on avoit que ces mêmes
inftrumens fervoient à une infinité d'autres ufages.
Le Lord Effingham appuya ces objections
de tout fon pouvoir ; mais cela n'empêcha pas que
les claufes dont ils fe plaignoient ne paffaffent à la
pluralité des voix, Le Duc de Portland avoit prouvé
la néceffité de la ſévérité , pour mettre un frein à la
contrebande , & pour re'ever un revenu qui étoit
autrefois de 50,000 liv . fterl. , & qui l'année dernière
en avoit à peine paffé 3000. Sur quoi le Lord
Effingham obferva que fi , lorfque l'on avoit paflé un
pour accorder à tout débiteur prifonnier, 4 pences
par jour , aux dépens de ceux qui les avoient fait
arrêter , on avoit dit qu'il mettoit le prix de la
liberté d'un Anglois à 4 pences ; aujourd'hui , depuis
le calcul du noble Lord , il ne fe tromperoit pas
beaucoup en évaluant celle de tout le Royaume à
45,000 liv . fterl , ou environ .
bill
Les féances de la Chambre des Communes n'offrent
rien de bien remarquable ; le 7 de ce mois ,
pendant qu'elle s'occupoir de la Compagnie des
Indes & fur-tout de lademande du fecours qu'elle fait
au Gouvernement , M. Jakfon fit une motion pour
réduire le dividende de Noël prochain à 3 pour 100
au lieu de 4. Il trouvoit indécènt & peu convenable
que les Actionnaires prétendiffent toucher un fi gros
intérêt tous les fix mois pendant que la Compagnie
étoit fi embarraffée . Son obſervation ne parut pas faire
beaucoup d'impreffion fur la pluralité des Membres ,
dont la plupart font en effet au nombre des Actionnaires
; ils dirent que la Compagnie avoit droit à quelqu'indulgence
après avoir foutenu prefque tout le poids
( 167 )
de la guerre dans l'Inde , & les Actionnaires à de
bons traitemens pour l'avoir foutenue avec zèle ; ils
ajoutèrent que les retours qu'elle attendoit en Europe
tant cette année que la prochaine fo: meroient
une femme de 11 millions , & qu'avec cela fes
affaires n'étoient pas dans un état qui rendît une réduction
de dividende néceffaire . Quelqu'un objecta
bien qu'il étoit fingulier qu'ils filent marcher de
front la néceffité des fecours & celle de laifler le dividende
tel qu'il eft ; mais cela n'empêcha pas les deux
propofitions de pafler également.
Le 8 offrit un fpectacle d'un autre genre ; ce fut
ure affaire de puntiglio qui occupa les représentans
de la Nation . Le bill en faveur des pauvres avoit été
renvoyé par la Chambre Haute avec des altérations.
On devoit faire la lecture de ces changemess , &
l'Orateur s'empreffa de prononcer auparavant le difcours
fuivant : Je fupplie la Chambre , dit-il , de
m'accorder toute fon attention . Les Pairs en altérant
le bill qui eft fous vos yeux , & qui ayant pour objet
d'établir un fond , & fürement un bill d'argent ,
viennent de porter atteinte aux priviléges de cette
Chambre , qui a déclaré plus d'une fois qu'elle les
maintiendroit & qu'elle ne fouffriroit pas que de pareils
bills fuffent mutilés dans la Chambre Haute.
Lorsqu'il s'eft préfenté des cas de l'efpèce de celui-ci,
la Chambre a choifi entre trois partis que voici : ou
elle avoit une conférence avec les Lords pour s'inftruire
des raifons fur lesquelles ils fondoient la différence
de leurs opinions ; où elle rejettoit le bill & en
faifoit un autre ; ou bien elle le rejettoit & n'en faiſoit
point de nouveau. Lorsqu'elle fuivoit le fecond parti ,
c'étoit dans la fuppofition que les corrections étoient
convenables & n'avoient pas été faites à deffein de
bletfer les droits de la Chambre ; celles qu'on venoit
de faire au nouveau bill portoient des marques certaines
d'un pareil deflein de la part des Pairs. Il eft
donc important de les arrêter dans une prétention
( 168 )
qu'ils manifeftent ouvertement , & que les Communes
confervent le droit exclufif que leur accorde la
conftitution de faire feules les bills d'argent , & de
fermer la bouche à ceux des Lords qui fe vantent que
tous les changemens qu'ils jugent à propos de faire
doivent être & font adoptés par la Chambre des Com-
Ce difcours produifit l'effet pour lequel il
avoit été prononcé. Le bill fut lû & rejetté . L'Orateur
le jetta avec indignation fous la table ; & M. Beckfort
ne jugeant pas que ce fût aflez , le prit & le porta luimême
hors de la Chambre .
munes. --
Outre les Confeils de guerre qui fe font
déja tenus , à l'occafion de divers évènemens
de la dernière guerre , il va s'en affembler un
autre pour juger la conduite du Lieutenant-
Colonel Wall , qui commandoit à Gorée en
Afrique , lorfque cet établiſſement nous fut
enlevé par les François ; on croit qu'il finira
comme celui de Tabago & celui de Penfacola
, que vient d'acquitter honorablement
le Capitaine Deans , qui commandoit les
troupes de marine lors de la reddition de
cette Place aux Eſpagnols .
Parmi les procès finguliers qui ont été portés
depuis long- tems au Banc du Roi , en
voici un d'une espèce très- étrange , qui mérite
quelques détails ; on en voit peu de ce
genre dans les pays étrangers , fur- tout entre
des Militaires.
Le Lieutenant Bourne ayant eu quelques démêlés
avec fir James Wallace , Capitaine du vaiffeau le
Guerrier , pendant qu'il fervoit fous les ordres de
celui - ci à la Jamaïque , lui demanda fatisfaction à
fon retour à Londres , & n'en obtint point . Inf.
truit enfuite qu'il avoit paru dans les papiers publics
( 169 )
blics un paragraphe & une lettre très- vive que
le Capitaine
ne défavouoit pas & où il étoit traité de lâ–ˆ
che ; il y répliqua par un libelle ; peu content de
cette vengeance , il rechercha encore celle qui eft fi
familiere aux militaires , & ne pouvant fe la procurer,
il donna quelque coups de canne à fon ennemi unjour
qu'il le rencontra. Tel étoit le fond de ce procès ;
l'Avocat du Lieutenant Bourne a fait envain valoir
comme un tiue à l'induigence , fon état , les préjugés
qui lui fent particuliers , l'infulte préliminaire qu'il
avoit reçue & l'impoffibilité d'obtenir aucune fatiffaction.
Le Tribunal a jugé qu'un délit de cette effece
commis par un Officier à l'égard de ſon ſupérieur
, méritoit de la févérité. Tour les coups
de canne il eft condamné à deux ans de prifon ,
il doit donner 1c00 liv. fterl. de fa bourfe ,
& deux garans qui en dépoferont joo chacun
Four fa conduite à l'avenir avec le Capitaine ; le libelle
a été auffi puni ; mais comme fir James Wallace
avoit été l'agreffeur par fon paragraphe &
par fa lettre le Tribunal a borné la peine à sol.
iterl. d'amende ; il y avoit une foule incroyable
à ce jugement ; quantité d'Officiers avoient accompagné
le Lieutenant , qui dit à fes Juges lorfqu'il
eut entendu la Sentence , fi elle eft conforme
aux loix j'ai appris à les refpecter , je m'y foumets ,
Mylords ; toute ma confolation eft dans la connoilance
de ma droiture & dans l'approbation
que donnent à ma conduite mes camarades , tous
gens d'honneur & de courage co
Ily a eu dernièrement une émeute à Newgate
de la
part de plufieurs prifonniers condamnés
au dernier fupplice , & qui avoient
tenté de s'évader ; leur complot auroit réuffi
fans l'un d'eux , qui le révéla à tems , & qui
à obtenu fa grace en confidération de ce fer-
26 Juillet 1783. h
( 170 )
"
vice . Dans les vifites qu'on fit fer - le- champ
dans les prifons , on trouva des armes à feu
que ces malheureux avoient eu le moyen de
fe procurer ; ils ellayèrent inutilement de
brifer les portes ; les fecours étoient prêts ,
on les força bientôt d'attendre tranquillement
leur deftinée .
Ily a eu auffi le premier de ce mois à Nottingham ,
une émeute ; elle a été occafionnée par le mécontentement
des Ouvriers contre le Maire de la Ville qui
avoit baiffé le prix de leurs journées parce que le
commerce languit. Ils s'affemblèrent en foule ,
fabriquèrent une effigie groffière de ce premier Magiftrat
, la placerent fur un âre & la promenèrent
par toutes les rues de la Ville ; ils s'affemblèrent enfuite
devant la maifon du Maire , attachèrent fon
effigie à la porte & la fouettèrent pendant un tems
confidérable : après cela ils caffèrent les vitres &
firent quelques autres dommages ; les domestiques
du Maire effayèrent de fe défendre ; ils chargèrent
des fufils qu'ils tirèrent , & bleffèrent quelques perfonnes.
Cela nefit qu'irtiter les mutins , on fut obligé
d'appeller le pouvoir Civil au fecours ; ce ne fut
qu'avec peine qu'on les diffipa. Le lendemain ils fe
raffemblèrent encore, & on a été obligé de former des
corps de gardes , & de faire marcher des patrouilles
. pour empêcher des défördres ultérieurs «.
FRANCE.
De VERSAILLES , le 22 Juillet.
Le Roi a nommé à l'Abbaye régulière
de Bucilly , Ordre de Prémontré , Diocèle
de Laon , le $ieur Warlomont , Procureur(
171 )
Général du même Ordre , à l'Abbaye régulière
de Braghac , Ordre de St - Benoît ,
Diocèse de Clermont , la Dame de Lantillac
- Sediere , Religieufe Profelle de l'Abbaye
de Bonne Saigne , mêre Ordre.
Monfeigneur le Comte d'Artois elt de
retour ici , du 18 de ce mois au foir , du
voyage qu'il vient de faire dans les Pays-
Bis. Ce Prince qui avoit été f igné pour un
mal de gorge dont il a été pris en route , eft
arrivé ici parfaitement bien portant.
D: PARIS , le 22 Juillet.
PARMI les lettres arrivées du Cap- François,
il y en a plufieurs qui entrent dans de nouveaux
détails far la vifite que le Prince Guillaume
Henri , fils du Roi d'Angleterre , a
faite à cet établiffement ; ils confirment ce
que nous avons déja dit de la galanterie que
lui fit M. de Galvez . Jaloux de témoigner à
ce Prince fon respect & fa reconnoiffance
il remit à un Officier Anglois de fa fuire , au
moment où il s'embarquoit , une lettre qu'il
le pria de ne donner au Prince que quand il
feroit à bord. Elle étoit conçue ainſi .
» Monfeigneur , les Troupes Efpagnoles répandues
dans les habitations de la campagne n'ont pas
eu le bonheur de prendre , comme les Françoifes ,
les armes pour falcer V. A. R. , ni celui de vous
donner des marques de refpect & de confidération
qui vous font dues ; c'eft un regret qu'elles conferveront
toujours . J'ai à la Loufiane le chef de la révolte
des Natchez, avec quelques- uns des fes compli-
>
h 2
( 172 )
ces : ils font aux cachots. Ils ont manqué à leur
parole & à leur ferment de fidélité . Un Confeil de
guerre , fondé fur des loix équitables , les a condamnés
à mort , & leur Sentence n'attend pour être
exécutée que ma confirmation , comme Gouverneur
de la Colone . Ils font tous Angleis. Voudriez-vous ,
Monfeigneur , accepter leur grace & leurs vies au
nom de l'Armée Espagnole & de mon Roi ? C'eft ,
je crois , le cadeau le plus digne qui puiſſe s'off: ir a
un Prince au nom d'un autre. Le mien eft très- généreux
, & il m'approuvera. Si V. A. R. daigne s'intéreffer
à ces malheureux , j'ai l'honneur de re
mettre ci- inclus un ordre pour qu'ils vous foient
rendus du moment que par quelque bâtiment il
vous plaife communiquer à la Loufiane vos volontés,
Il fera bien heureux pour nous , fi ceci peut vous
être agréable «.
Cette lettre étoit datée du 6 Avril ; le
Prince Anglois y répondit ainfi le 13 , à bord
du Barfleur , Port Royal de la Jamaïque.
par-
» M. Je ne trouve point d'expreffions affez fortes
pour témoigner à V. E. combien je fuis affecté de
la manière délicate avec laquelle vous m'avezfai :
venir votre gracieufe le tre , & de la conduite généreafe
que vous avez tenue envers ces malheureux dont
vous m'avez remis la grace. C'eft le don le plus précicux
que vous puiffiez nous faire ; il caractérife la
valeur héroïque de votre Nation , & il ajoute encore
aux fentimens de générofité que V. E. a fait éclater
en tant d'occafions dans cette dernière guerre.
L'Amiral Rowley enverra un vaiffeau à la Louifiane
pour chercher ces malheureus , qui , j'en fuis fûr ,
fe fouviendront toute leur vie de votre clémence .
J'ai envoyé au Roi , mon père , une copie de
votre lettre ; certainement il prifera toutes les attentions
que V. E. a eues pour moi . Je vous
prie de faire mes complimens à Madame de Gal-
-
( 173 )
vez , & d'être affuré que les politenes de V. E. ne
feront jamais oubliées de GUILLAUME - HENRY.
Une lettre de Cadix contient les détails
fuivans.
» Le 20 de ce mois il eft venu mouiller dans cette
baye un vaiffeau de guerre François parti du Cap St-
Domingue le 2 Mai Il nous a appris que Don François
Borja avoit appareillé du Cap le 27 Avril four
ramener les vaiffeaux & les troupes des Efpagnols . -
Un bâtiment parti de ce dernier port le 6 Mai , qur
a mouillé à Malaga a dépofé avoir rencontré l'efca- .
dre & le convoi de M. de Borja à 20 lieues de la Havanne
où don Jofeph Solano l'attendoit pour ramenere
Ero, e les troupes avec le tréfor dont il eft
chargé . Ai fi cette grande efcadre qui doit vivifier
notre ville , ne peut être attendue que dans le mois
d'Août , quoique nous avons reçu des avis qu'elle
a quitté la Havane le 8 Mai , ce qui ne s'accorde guè
re avec le rapport de ce dernier bâtiment.
1
Cette lettre ne nomme point le vaiffeau
François qu'elle dit avoir mouillé dans la
baie le 20 ; c'eft peut- être la Couronne. Le
bâtiment parti le 6 de la Havane'ne dit rien
non plus de la furpriſe de Providence par
300 Anglois , & qui , dit- on , a eu lieu le
6 Avril. Ce fience fait , avec raifon , douter
de cette nouvelle. La reprife de cette ifle
n'a pu être ignorée à la Havane plus d'un
mois après , & quelques lettres en auroient
parlé , fur tout celles adreffées au Gouvernement,
& aucune n'en fait mention. Il eft
donc un peu étonnant que cette nouvelle
vienne de l'Amérique feptentrionale , car
c'eft des papiers de ce pays que lés Gazettes
Angloifes l'ont extraite .
h3
(7 174 )
Les lettres de la Bourgogne & de la Franche
Comté nous préfentent une multitude
de détails fur la fecouffe de tremblement de
terre qu'on y a éprouvée ; nous en extrairons
les plus propres à donner une jufte idée
de ce phénomène.
nant ,
» Le 6 de ce mois , à 10 heures 3 ou 4 minutes du
matin , l'on a reffenti à Besançon , & à- peu - près dans
toute la Franche - Comté , une lecouffe de tremblement
de terre qui a duré au plus deux fecondes . Peu fenfible
pour ceux qui étoient en rafe campagne , elle
l'a été beaucoup dans prefque toutes les maifons ,
jufqu'à faire tomber quelques meubles , plâtres ,
tuiles , &c. Son mouvement a paru très - peu ofcillatoire
, mais vertical , & même de haut en bas ,
comme feroit la compreffion de l'air réagiſſant d'un
plancher fur l'autre & contre les portes & fenêtres.
Cependant elle étoit accompagnée d'un bruit raiforni
fouterrain ni aérien , mais comme inté .
rieur & ambiant , & tel qu'auroit fait une charge
de bled jetrée brufquement fur l'aire du grenier ; ce
fut le même ébranlement. Le tems étoit clair &
ferein , par un vent frais d'E. N. E. qui duroit depuis
plufieurs jours & qui fouffle encore , fans prefque
varier non plus que le baromètre. Il eſt à remarquer
qu'il n'y avoit pas quarante-huit heures que l'atmofphère
s'étoit dégagé d'une fumée ou d'un brouillard
fee & cependant affez épais pour dérober la vue des
montagnes , des nuages , des orages même quoique
très -fréquens , excepté les éclairs les plus vifs ,
quelques fois auffi le difque du Soleil , toujours enfumé
& colorié. Ce voile général couvroit l'horifon
depuis le 17 Juin . Hier 8 , à 11 heures
du foir , plufieurs perfonces prétendent avoir ſenti
une nouvelle fecouffe «.
Ces phénomènes devenus prefque géné(
175 )
raux , & obfervés jufques dans plufieurs
parties du Nord , ont répandu quelques
alarmes , que les Phyficiens fe font empreffés
de diffiper. M. de la Lande , qui a reçu quantité
de lettres à cette occafion , y a répondu
dans un papier public ; après avoir dit un
mot des fecouffes fenties dans la Franche-
Comté & en Bourgogne , il continue ainsi.
" On conçoit bien que la terreur a dû rapprocher
cet évènement du défaltre de la Calabre arrivé le 5
Février , & de l'apparition d'une Ile nouvelle qui
eft fortie du fein de la mer , au mois de Mars , par
une éruption volcanique près des côtes d'Illande ;
mais il n'y a certainement aucun rapport entre ces
différens évènemens . La Bourgogne ne préfente
aucun indice de volcans ni anciens ni récens ; & le
tremblement de terre qu'on y a éprouvé femble n'être
qu'un tonnerre fouterrain , une exploſion électrique
fufcitée par le brouillard fec & électrique dont tonte
la France étoit couverte , & qui avoit produit le 2 ,
aux environs de Paris , des tonnerres extraordinaires .
On fait depuis long- tems que la foudre part quelquefois
de la terre , comme elle part des nues , & qu'elle
eft fouvent produite par le défaut d'équilibre entre
la matière électrique de l'air & celle de la terre ; on
peut concevoir aisément que fi l'accumulation de
cette matière devient immenfe , l'ébranlement doit
fe faire fentir à une grande diftance. — M. Ribond ,
Procureur du Roi à Bourg en Breffe , & Secrétaire
de la Société Littéraire de la même ville , m'écrit que
lesbrouillards qui régnoient depuis dix jours parurent
fe rompre & fe diffiper ce jour -là ; c'eft l'effet naturel
de l'explofion & de la fecouffe qui venoient d'avoir
lieu entre l'air & la terre . Il y a donc lieu de croire
que ce tremblement de terre ne peut avoir aucune
fuite , ni fe répéter , la caufe ayant ceffé , & qu'il
n'a aucun rapport avec les évènemens arrivés dans
-
h 4
( 176 )
des pays éloignés où les volcans font un danger
continuel , dont la France eft heureufement préfervée
".
Le brouillard qui obfcurcit le foleil n'eſt
pas encore diffipé , malgré les orages qui
ont inondé Paris & fes environs. Mardi dernier
il y en eut un confidérable , pendant lequel
la foudre tomba en cinq ou fix endroits,
mais fans caufer aucun dommage & , fans
écrafer perfonne.
Le 23 Mai dernier , lit- on dans une lettre de
Château - Guerain , à 7 heures du foir , on a vu defcendre
perpendiculairement avec une précipitation
étonnante fur les Paroiffes de St - Mauris le Girard
& d'Entigny , diocèfe de la Rochelle , trois colonnes
de la groffeur d'une barrique ordinaire dans toute
leur longueur ; elles partoient de 3 nuages divifés &
éloignés les uns des autres d'un quart de lieue ; elles
aboutirent en un inftant aux nuages & à la terre ; elles
pompèrent l'eau des rivières avec une rapidité &
un bruit étonnant : ce dernier reffembloit à celui d'une
voiture roulant fur le pavé , & quelquefois à celui
du canon ; on voyoit s'élever dans leur intérieur
des flammes très vives , qui s'élançoient de toutes
parts fans être dirigées par le moindie fouffle de vent.
Les arbres les plus forts fe ployoient de manière à
faire croire qu'iis alloient rompre. Ce ſpectacle qui
dura environ une heure repandit l'épouvante parmi
les payfans qui prirent la fuite .
Ce phénomène dont on donne ainfi la
defcription , ne paroît pas être autre chofe
qu'un tiphon ; nous aurions defiré qu'en
eût joint à cette lettre quelques détails fur
la manière dont il finit.
Une lettre d'Annonai , en date du 26
( 147 )
*
Juin dernier , nous préfente les détails fuivans
d'une expérience très-fingulière .
» On vient de donner ici un fpectacle réellement
curieux , celui d'une machine faite en toile & cou
verte de papier , qui avoit la forme d'une maifon ,
ayant 36 pieds de long fur 20 de large & à - peu-près
autant de haut. On l'a fait élever en l'air par le
moyen du feu , à une hauteur fi prodigieufe , qu'elle
ne paroifloit plus que comme un tambour : elle a
été apperçue à trois lieues de cette Ville . Les Payfans
qui la virent , effrayés d'abord , crurent que
c'étoit la Lune qui fe détachoit du Firmament : ils
regardoient ce terrible phénomène comme le prélade
da Jugement dernier. J'ai vu cette machine
s'élever elle eut d'abord de la peine à s'élancer ;
mais quand elle fut remplie une fois de fumée ,
elle partit avec autant de rapidité qu'une fulée :
eile eft restée 7 à 8 minutes en l'air & eft allé tom-
·ber à un petit quart de lieue de l'endroit , d'où elle
étoit partie , fur une muraille un peu élevée , d'où il
n'a pas été posible de la retirer pour la préſerver
de l'action du feu qu'on y avoit mis , mais je ne fais
où ni comment , ainfi elle a été entièrement confumée
; c'eſt peut- être un bonheur , car un des inventeurs
parloit férieufement d'y monter : une feule
chofe l'arrêtoit , c'étoit l'embartas de pouvoir la
faire defcendre enfuite cù il voudroit ; mais il ne
doutoit pas qu'il ne pût aller très-loin , toujours par
le moyen du feu & cela fans aucun danger. On dit
que cet accident n'a point déccuragé ces Meffieurs ,
& qu'ils s'occupent à faire une feconde Machine :
la première , cependant leur coûtoit près de 100 pic
toles. On prétend qu'ils n'abandonneront pas leur
entreprife , & il feroit fâcheux qu'il leur arrivât
quelque malheur , ce qui paroît inévitable ; car fi
Ja poffibilité d'élever la Machine en l'air eft démontrée
, il n'en eft pas de même de celle de la diriger
& de la faire deſcendre à volonté «.
h S
( 178 )
Parmi les méchaniques intéreffantes en
voici une qui mérite d'être diftinguée .
>
>
» Le fieur Lacan , Horloger. Méchanicien , demeurant
rue Saint- Denis vis-à-vis Saint- Chaumond ,
Auteur d'un Baromètre annoncé il y a quelque
tems invite les Amateurs à voir celui qu'il
vient d'achever , & qui est beaucoup plus fenfible
que le précédent : les obfervations qu'il a faites
fur les effets du Mercure dans les tubes , l'ont conduit
à perfectionner cet inftrument , qui met tout le
monde à portée de connoître à chaque inftant les va
riations de l'atmosphère . Cette pièce est composée de
rouages de poulies qui font mouvoir quatre équilles
fur le même cadran. La première eft pour le Themomètre
, qui eft au centre , avec les divifions de
froid , de chaud , de chambre des mala les , du tempéré
& oranger. La feconde eft pour le Baromètre ,
qui eft au-deffis du Thermomètre , & dont le cadran
eft divifé en 32 degrés dans fon cercle , de pouce en
pouce , lefquels degrés marquent de 27 à 28 & 29 ,
tempête, grande pluie ou vent , variable , beau tems ,
beau fixe & très-fec. La troifième , qu'il nomme
éguille à fecondes , à caufe de fa fenfibilité , fait deux
fois le tour du cadran pendant que celle du Baromè
tre n'en fait qu'un de divifion , & que celle fenfible
eft de 64 tours d'afcenfion on d'efcenfion que lui fait
faire le mercute , de forte que cette éguille met à
même de juger à chaque feconde des variations continuelles
de l'atmosphère. La quatrième est pour
l'Hygromètre , qui marque l'humidité de l'air & la
féchereffe de la terre par la dilatation ou le reſſe : rement
des plumes remplies de mercure , qui font réunies
à un tube de verre. La boëte & cadre qui contiennent
cette Mécanique concourent à la rendre
propre
à orner un riche appartement. Il fait repréfenter
à la plaque fupérieure de la cage qui renferme
le mouvement , le chiffre de la perfonne à laquelle
( 179 )
on deftine le Baromètre , en l'adaptant , de manière
à laiffer voir partie des rouages de la Mécanique «.
Les Commiffaires des Etats de Bretagne
pour la navigation intérieure de la province
, nous ont écrit au fujet de l'article inféré
dans le Journal du 28 du mois dernier , que
nous n'avions pas reçu des informations
exactes , que la largeur ou la profondeur de
la rivière de Vilaine ne font rien à la poffibilité
de fa jonction avec la Rance , que
les plans , devis & eftimations des ouvrages
qu'on fe propofe de donner ne font pas encure
faits &c..
» Vous m'obligerez , Monfieur , de faire inférer
dans votre Journal le détail que j'ai l'honneur de
vous adreffer , d'un accident fan: exemple , dont eft
mort ces jours derniers , à l'âge de 30 ans , un brave
Officier qui en a été la victime. Sa mémoire m'eſt
trop chère pour ne pas m'empreffer de publier un
rapport exact d'un fait qui a déja été mal préſenté.
Le 27 de Mai dernier le Baron de la Ported'Anglefort
, Lieutenant-Colonel d'Artillerie , au
Département des Colonies , exerçoit la troupe aux
manoeuvres d'Infanterie fur la place du port de l'Orient
& en plein midi . Il donna un coup de plat d'épée
fur le dos à un Soldat qui , pour la troisième
fois , refufoit de prendre le pas de la colonne , queiqu'il
fût marcher, étant déferteur de plufieurs Régimens.
Ce Soldat fe retourna & d'un coup de fa
bayonnette , qui étoit alors au bout de fon fofil ,
il le traverfa de part en part & lui fit une bleffure
de trois à quatre pouces. L'Officier auroit pu éviter
ce furieux , mais il vouloit lui en impofer par une
bonne contenance . On doit cette juftice à fa géné
rofité que , bien loin de porter fa plainte au Confeil
de Guerre contre fon affaffin , il fit vivement folli
h 6
( 180 )
citer fa grace ; mais il ne put l'obtenir , parce que
l'Officier qui le remplaça dans le commandement la
porta à fon infu & fit condamner à la mort ce féroce
& malheureux Soldat . — Le fort de M. le Baron
d'Anglefort eft d'autant plus inté effant qu'il étoit
déja connu par les talens militaires , fon zèle , fa
bravoure & le fang- froid qu'il montra à l'affare de
Cancale , le 19 Mai 1779 , où il fe propofa pour
aller fur le bâtiment du Roi l'Eclufe , éteindre le
feu que les Anglois y avoient mis en l'abandonnant .
Il fut affez heureux pour arriver à tems & jetter à la
mer les poudres placées fur l'avant du bâtiment , afin
de le faire fauter. Il avoit déja cu ce jour- là un che
val tué fous lui en traverfant la plage . A cette époque
il obtint la Croix de St Louis , fur le compre
qui en fut rendu à M. de Sartine par M. le Prince de
Naffau , qui lui avoit confié le commandement de
l'artillerie de fa Légion , & qui 1 honoroit de fon
amitié & de fon eftime «<.
La Société Royale d'Agriculture de Lyon propofe
pour le Prix à donner en 1784 , le fujet fuivant , qui
lui a été indiqué par M. de Fleffelles , Intendant de
la Généralité. Conftruire un Four de Boulanger où
l'on ne brûlera que du charbon de terre . Le prix de
600 liv. ne fera décerné qu'après douze fournées ,
reconnues parfaites . La rareté des bois , & la proximité
des mines de charbon , rendent la folution de
ce problême particuliérement intéreffante pour la
ville de Lyon. Des favans étrangers fe font déja occupés
de cet objet . On pourra confuiter l'ouvrage intitulé
: New Invertiter , &c. ou Nouveau Four à
faire cuire du pain avec le charbon de terre , &c.
par M. Fréderic Holfche , Confeiller des mines du
Roi de Pruffe , in 4º . Berlin 1781. Les avis , mémoires
, plans , &c. feront adreflés , avant le premier
Avril 1784 , francs de port ; à M. l'Abbé DE VITRY,
Secrétaire perpétuel de la Société Royale d'Agriculture
, rue St - Dominique à Lyon ; ou envoyés
( 181 )
a
fous l'enveloppe de M. DE FLESSELLES , Intendant.
Elle a remis à l'année 1785 le Prix de 3co liv . deftiné
à la folution des queftions fuivantes : 1º : Quelle
eft la vraie théorie du rouiffage du chanvre. 29.
Quels font les meilleurs moyens d'en perfectionner
la pratique , foit que l'opérationfe faffe dans l'eau ,
ou en plein air ? 3 ° . Quels font les cas où l'une de
ces opérations eft préferable à l'autre ? 4° . Yauroit-
il quelque moyen de prévenir l'odeur défagréable
& les effets nuifibles du rouiffage de l'eau?
Les mémoires feront remis à la méme adrefle jufqu'au
premier Mais 1785.
La Société Littéraire , établie à Bourg en Breffe ,
annonce une activité de travaux qui fait honneur à
cette Ville , & qui deviendra utile à la Province ; le
Roi ayant permis ces Affemblées elles fe tiennent
régulièrement tous les quinze jours ; chacun y fait
des lectures à tour de rôle : les dix premières Séances
jufqu'au 26 Juin , ont été très-in: éreffantes ;
M. de la Beviere , Directeur , M. Aubry , Ingénieur ,
M. Vallée , fous- Ingénieur , M. du Tour , M. Dandelin
, M. du Noyer , M. le Baron de Bohan , MM .
Perrier , Mornier , Chefne , Picquet , Bernard &
Ribond , Officiers du Préfidial , M. Paret , Curé ,
M. Vermandois , Chirurgien , le P. Rouffeler , Auguftin
, ont lu divers Mémoires on Difcours fur la
Phyfque , l'Agriculture , la Littérature . On n'y a pas
oublié fur tout les établiffemens qui intéreffent la
Province de Breffe , relativement au climat , aux
maladies , à la culture , aux rivières , à la jurifpru.
dence ; on y a même fait l'éloge d'un des Membres
de la Société , mort depuis peu , & l'on efpére propofer
des Prix fur des fujets relatifs au bien du Pays .
M. de la Lande , de l'Académie des Sciences , & qui
eft né à Bourg , avoit entrepris , dès 1755 , de ráffembler
les gens inftruits qui fe trouvoient déja en
affez grand nombre dans fa Patrie ; mais ce nombre
7182 )
étant fort augmenté , M. Ribond, Procureur du Roi,
qui a renouvellé ce projet , a eu la fatisfaction de le
voir réuffir d'une manière qui fait honneur à une
Ville de huit mille ames , & à cent lieues de la Capitale.
Au refte , cette Ville étoit déja connue dans
Hiftoire Littéraire de la France ; fur les quarante
perfonnes de l'Académie Françoife , dans les commencemens
de fon inftitution , il y en avoit trois de
la feule ville de Bourg , Vaugelas , Méziriac &
Farer.
Marguerite-Louife-Françoife le Sénéchal
Carcado , Marquife de Molac , épouſe de
Corentin-Jofeph le Sénéchal Carcado , Marquis
de Molac , Lieutenant Général des Armées
du Roi , Commandeur de l'Ordre
Royal & Militaire de St Louis , eft morte
le 6 de ce mois au Château de Carcado en
Bretagne.
Les numéros fortis au tirage de la loterie
royale de France du 16 de ce mois , font :
67, 48 , 57 , 60 & 63 .
De BRUXELLES , le 22 Juillet.
UNE Ordonnance de S. M. I. publiée depuis
peu dans les Pays-Bas , établit un impôt
de 3 pour cent , fur tout le cuivre rouge
venant de l'Etranger , foit en feuilles , foit
travaillé ; les droits d'entrée auxquels il étoit
foumis feront perçus comme auparavant.
Les lettres de Hollande ne contiennent
rien de nouveau ; l'échange des actes de
ratification du traité d'amitié & de commerce
, ainfi que de la convention pour la repriſe
( 183 )
des captures entre la République des Provinces-
Unies & celle des Etats-Unis de l'Amérique
, a été fait. Ces actes ont été déposés
à la Haye , dans le Bureau fecret de L. H. P.
Les longueurs dans les Négociations qui nous cor
cernent , le alivement à la paix générale , lit - on
dans une lettre d Amfterdam , n'ont jamais été regar.
dées ici comme d'un bon augure ; & fi l'on parle
aujourd'hui des conditions que nous obtiendrons ,
il s'en faut de beaucoup qu'elles ( oient conformes à
nos espérances. Rien n'eft bien pofitif dans tout ce
qu'on débite à ce jet ; mais on prétend que le
Ministère Anglois veut abfolument retenir Negapatnam
, four fe didommager de la perte de Triaquemalle
; il ailure , dit -on , que la République doit
être moins affectée de la perte de ce comptoir, qu'elle
peut le remplacer en augmentant celui de Posto-
Novo ; mais ou're qu'en pareil remplacement eft
très-difpendieux , la fituation de Porto - Novo eft infniment
plus défavorable que celle de Negapatnam .
1º. Cette rale eft fituée plus au nord de Coromandel ,
que Negapatnam , & par conféquent moins favora
ble à nos Vaiffeaux qui ont befoin de faire échelle
en fe rendant à Batavia. 2 ° . Porto- Novo étant placé
entre Negapatnam qu'il a au fud , & Madrafs qu'il a
au nord , il femble que ces deux Places qui appartiennent
à l'Angleterre , feront à portée de gêner
fon commerce toutes les fois que l'intérêt de la G. B.
l'exigera «.
La lettre fuivante rectifie quelques détails
inférés dans une précédente que nous avions
reçue de Paris , au fujet de Péronne fauvée ,
& nous nous empreffons de la publier.
» Voici la première fois de ma vie que je me
permets d'écrire pour parler d'un de mes Ouvrages :
ce n'eft pas que j'en veuille prendre la défenfe ; un
( 184
}
-
autre motif me fait agir. Vous avez vu l'efpère
de perfécution qui s'elt élevée contre l'Opéra de
Péronne fauvée . Les curieux d'anecdotes favent que
cette perfécution avoit commencé avant le mois de
Septembre de l'année dernière , tems où et Ouvrage
devoit être repréfenté. Elle n'a femblé fe ralentir un
moment que pour éclater avec plus de violence deux
ou trois heures avant la première repréfentation.
Je crois n'avancer rien de trop en disant qu'il y a eu
peu d'exemples d'un auffi grand déchaloeine t . Des
Citoyens de tous les ordres annonçoient dans la
Salle & jufques fur le Théâtre qu'ils ne laiſſe oient
pas achever la repréfentation . Quel'e raifon en don .
noient is ? Le fujet même de la Pièce. Ce q i auroit
dû les difpofer favorablement , étoit précifément
ce qui les irritoit le plus ; comme s'ils avoient
craint qu'il y eût encore allez de patriotisme à Paris
pour foutenir l'Ouvrage contre la fureur des cabales .
-
Toures les différentes batteries , qui fembloiest
ne menacer que le Poète , étoient dirig'es contre le
Muficien : c'étoit à ce dernier précilément qu'en
you'oit cette légion d'Amateurs qui croit avoir opéré
la grande révolution dans la République maficale.
On l'avoit compris dans la pro chiption ; & quoique
étranger , on le fourthivoit à titre de Compofiteur
François. On étoit parvenu à force de ma èze
à éloigner M. de Zede du Thâtre Italien , lorsqu'il
me propofa de faire un Opéra. Use raifon fans eplique
exigeoit que l'Ouvrage fût promptement fsi- ,
& qu'on y inférât beaucoup de cho´es analogues aux
circonftances . Je me décidai donc à parodier . Je fis
choix d'ua fujet qui tient le milieu entre le gran i
Opéra & l'Opéra comique nouvellement introduit
à ce Spectacle , & je donnai à mon action les perfonnages
& la marche que je crus les plus favorables
au Compofiteur. Il étoit déja connu par un
talent très - original & peut être unique , celui d'ê re
( 185 )
vrai , tendre , ingéifieux & gai dans le genre paftoral.
Je crus qu'on me fauroit gré de prendre des payfans
Four mes Héros , & de laiffer à M. de Zede le foin
de les faire chanter. Après les obftacles infurmontables
que nous n'avons cellé d'éprouver , les
circonftances étant changées , j'ai fupprimé une
grande partie des chofes parodiées . Il re refte pref
que plus dans l'Ouvrage que ce qui eft paftoral , &
deux choeurs . Le premier au premier Acte : Ah !
reprenons notre courage. Dans l'Ouvrage d'où il a
été tiré , c'étoit un air chanté par un vieux foldat.
On peut juger au grand effet qu'il produit , quels
changemens le Compofireur y a dû faire . Le fecond
eft au fecond Acte : Enfin nous ferons informés des
noirs complots , &c . Ces deux morceaux qui ont
le plus brillant fuccès , peuvent paffer , avec raifon ,
pour avoir été recréés . Les fcènes des ennemis qui
terminent le premier Acte , celles de Marie , celles
du Général , le beau récitatif & l'air que chante le
père , enfin tout le fecond & tout le troisième Acte
ne font point parodiés. L'Auteur de la lettre
inférée dans votre Journal a donc eu tort , en me
louant beaucoup plus que je ne mérite , de ne rendre
pas à M. de Zede la j . ftice qui lui eft due. J'ai l'honneur
d'être , & c. Signé , DE SAUVIGNY.
――
PRÉCIS DES GAZETTES ANGL . du is Juillet.
On s'attend à la prochaine clôture du Parlement ,
& que le Roi viendra lui- même demain pour met
tre fin à la féance qui eft déja fort avancée & dont
la durée caufe déja quelques plaintes de la part de
plufieurs Membres qui font tous empreflés de retourner
chez eux ; le miniftere quoiqu'il n'ait pas
à fe plaindre de l'Oppofition ne fera pas fâché luimême
de voir la féparation de cette Affemblée qui
eft toujours gênante.
On dit que dans le dixieme des rapports que
( 186 )
les Commiffaires des Comptes ont remis à la Chambre
des Communes , il y a un article bien étrange
& qui mérite l'attention de la nation ; c'eft qu'il
fe trouve 170 millions qui ont été entre les mains
He fix particuliers nommés dans le rapport & dont
on n'a point de comptes.
Le Comte de Sandwich & l'Amiral Rodney tous
deux dans le même carroffe , qui étoit celui du premiér
, furent volés un de ces derniers jours par
un feul voleur qui prit la montre du Lord Sandwich ,
l'argent de l'un & de l'autre qui monte à environ
12 guinées pour chacun .
Les vols fe multiplient a un excès alarmant ;
on a vu un homme , lors de la derniere exécution
voler les mouchoirs des curieux que ce fpectacle
avoit attirés en foule à Tyburn ; cet évènement
n'eft pas étrange ; mais ce qui l'eft , c'eft que cet
homme fur qui l'on a trouvé quantité de mouchoirs
qui ne pouvoient lui appartenir , pourra en être
quitte pour quelques mois de prifon , s'il re fe
préfente aucun des propriétaires des mouchoirs
pour les reclamer & l'accufer. Il ne fuffit pas ici
qu'il foit faifi du corps du délit .
Le brouillard qui regne ici , écrit on de Douvres ,
eft tel que les habitans les plus âgés de la côte
ne fe fouviennent point d'en avoir vu un pareil .
2 vaiffeaux Hollandois de 44 canons chargés de
prifonniers de guerre qu'ils ramenoient à Portmouth
fe font égarés au milieu de cette brume ,
& ont reclamé les fecours du Capitaine Osburne
qu'ils ont rencontré revenant de Bologne pour les
mettre dans la route qui mene ici où ils viennent
d'arriver.
> On dit que le Comte de Welderen vient réfider
de nouveau ici en qualité d'Ambaffadeur des Etats-
Généraux des Provinces -Unies , & qu'une partie de
fes bagages eft déja arrivée. On ajoute que le Chevalier Yorke retournera auffi à la Haye pour y
( 187 )
reprendre le pofte qu'il occupoit avant la rupture.
L'avance prife par les Hollandois pour tout ce
qui concerne le commerce de l'Amérique caufe ici
beaucoup de jaloufie , & elle eſt fortifiée par toutes
les lettres de Hollande. Selon elles , M. Van Berkel
porte non - feulement des fommes très- confidérables
avec lui , deſtinées pour la banque de Philadelphie ;
mais il eft chargé d'offrir aux Etats- Unis le crédit le
plus illimité pour établir leur commerce & les mettre
en état de remplir leurs engagemens.
Les émigrations d'Europe en Amérique vont de
venir très fréquentes . Une Société de Négocians de
Londres , de Hambourg , fe font arrangés avec un
Américain diftingué pour favorifer l'émigration des
ouvriers de toutes les nations qui voudront paffer en
Virginie & dans le Maryland. Il eft déja parti trois
navires équipés par cette Société & qui portent des
habitans à ces Provinces.
M. Pitt a , dit- on , déclaré qu'il étoit très - bien
difpofé pour la plupart des Membres de l'Adminiftration
actuelle ; & cela fait préfumer qu'il rentrera dans
le Ministère avant que le Parlement fe raffemble.
Plus de 9000 Loyalistes , écrit on de New- Yorck ,
le coeur ferré & les larmes aux yeux ont appareillé
du Hook le 27 Avril pour la Nouvelle - Ecoile.—
Le Chevalier Gui Carleton a remonté la rivière du
Nord , pour avoir une entrevue avec le Général
Washington ".
GAZETTE DES TRIBUNAUX ABRÉGÉE ( 1 ) .
PARLEMENT DE PARIS .
Demande en entérinement de Requête civile. Teftament
mystique.
(1 ) On foufcrit pour l'Ouvrage entier , dont l'abonnement
eft de 15 liv, par an , chez M. Mars , Avocat , rue & Hôtel
Serpente.
* 183 )
-
Les Requêtes civiles fe mul iplient depuis quel
ques années. Les Parties mécontentes s'imaginent
réulfir dans le nouvel examen qu'elles propolent
fans faire attention que le mal- jugé feul n'eft pas un
moyen de Requête civile , & qu'il faut des moyens
indiqués
par la Loi. De là cette multitude de demandes
rejettées. Bierfon , riche voiturier é abli à
Roanne , mari d'Antoinette , a eu de fon mariage
les mineurs qui font Partie dans la Cauſe. — I fit
fon teftament en 1760 , & inftitua Pierre Briffat héritier
univerfel de fon mobilier & fa femme héritière
de les immeubles , ne laffant à es enfans que leur
légitime. L'i ftitution d'héritier mobiler n'avoit
été qu'un fideicommis : & Pierre Briflat qui ne
Fignoroit pas , avoit laillé tout le mebiler dans la
maifon du teftateur. La femme ne furvécut pas
long-tems à fon mari ; elle fit , le 26 Avril 1762 ,
un teftament myftique , par lequel elle donna au
fieur Forets , Marchand , par droit de légat , tous fes
meubles , or , argent , denrées dettes , & c . & nommapour
le réfidu de fes biens fes trois filles héritières
par égales portions . Elle déclara n'avoir pu figner
fon teftament à caufe de fon indifpofition , & conclut
qu'il fût clos & arrêté en la manière accoutumée,
&c. Ce teftament fut revêtu d'un acte de
fufcription fait par un Notaire en préfence des témoins
requis. La veuve Bierfon mourut le même
jour : & comme l'acte de fufcription ne fait pas mention
du jour , de l'heure , fi c'eft avant ou aprèsmidi
qu'il a été paffé , que d'ailleurs la teftatrice n'a
rien figns , on a jetté des doutes fur la validité du
teftament. Le fieur Forets en a fait faire l'ouverture
par le Juge & s'eft mis en poffeffion de l'univerfa'ité
du mobilier de la fucceffion , en a joui tranquillement
pendant plus de dix ans . Enfin les mineurs Bierfen
après avoir obtenu des lettres d'émancipation &
7189 )
' être fait nommer pour , curateur leur oncle ma
ten cl , ont formé contre Forets une demande en
reftitution de tout le mobilier dont il s'étoit emparé
; Forets ayant fait valoir le teftament du père &
ce'ui de la mère , les enfans ont demandé la nullité
du teftament de leur mère & de l'acte de fufcription.
Sentence contradictoire du Bailliage de Roanne le
13 Juin 1772 , qui a déclaré le teftament d'Antoinette
Sautel & l'acte de fufcription nul & de nul
effet :: a condamné le fieur Forets à reftituer aux enfans
les meubles & effets , & c . Et pour en conftater
la valeur Forets tenu de juftifier de l'inventaire
qui a dû être fait , & à défaut d'inventaire , donner
un état de mobilier certifié fincère & véritable , fauf
le contredit , la preuve de commune rerommée &
le ferment , à défaut de quoi feroit fait droit , &
Fo ets condamné aux dépens . Appel de la part
de Forets en la Commiffion de Lyon . Jugement contradictoire
qui a infirmé la Sentence de Roanne , &
déclaré le teftament valable. Ceft contre ce
Jugement que les mineurs ont pris des lettres de Requête
civile dont elles ort demandé l'entétinement ;
Arrêt le 9 Juillet 1782 qui a débouté les mineurs de
leur demande & les a condamnés aux dépens .
-
GRAND CHAMBRE.
―
Caufe entre les fieurs Brunon & Dherlieu & M. le
Procureur Général. Propriétaire de Greffes
ne pouvant exercer lui même , pour raifon
d'incompatibilité , avec un autre emploi qu'ilpoffede
, peut préfenter un homme au Roi , pour
exercer avec des provifions pendant un tems limité.
Le fieur Brunon , propriétaire des Greffes d'Aurillac
exerçoit ci-devant lui- même l'office de Greffier,
& étoit en même- tems Contrôleur des actes : un
( 190 )
Arrêt de 1776 rendu fur la requête de M. le Procureur
Général , avoit déclaré la double fonction de
Greffier & de Contrôleur des actes incompatible , &
avoir ordonné qu'il feroit tenu d'opter entre les deux.
Le fieur Brunon a choifi le Contrôle , & a voulu
faire exercer les fonctions de Greffier par un Commis
, à fa place & pour fon compte : autre Arrêt de
1778 fur la requête de M. le Procureur- Général , qui
a jugé que le Commis ne pouvoit remplir le Greffe ,
& que c'étoit éluder le premier Artét : les Officiers
do Bailliage d'Aurillac , ont nommé quelqu'un pour
exercer le Greffe , a la charge de compter des bénéfices
au propriétaire du Greffe , moyennant une rétribution
qu'ils avoient fixée , pour l'exerçant. La
perfonne nommée ayant été infidèle , les Juges
T'ont révoquée : alors le fieur Brunon a pris le parti
de prétenter lui- même un homme , ( le fieur Hippo.
lyte Dherlicu ) pour exercer le Greffe pendant neuf
ans avec des provifions du Roi. Les Officiers du Bailliage
ont refufé de le recevoir , fous prétexte que le
tems de l'exercice étoit limité. Appel de la
part du fieur Brunon de la Sentence de refus .
Arrêt du 19 Avril 1783 en faveur des fieurs Brunon
& Dherlicu.
GRAND'CHAMBRE.
---
Caufe entre Me Bifneau , Notaire au Mans ,
Intimé ; & Me Charpentier , Receveur des
Confignations , Appellant , en préſence de la
Communauté des Notaires de la même Ville ,
Intervenans.
Après l'ordre & diftribution des deniers provenus
d'une vente de meubles , Me Rifneau , Notaire ,
ayant été colloqué pour la fomme 205 liv . 11 fols ,
s'eft préfenté au Bureau des Confignations pour y
rece oir cette fomme ; le Receveur n'a fait aucune
difficulté de la lui payer , mais il a exigé que la
( 191 )
quittance de Me Bifneau fût paflée devant Me Martigné
fon Notaire ordinaire ; Me Bitneau foutenu
que comme créancier , il avoit le choix du Notaire ;
fur ce , conteftation élevée en la Séné hatflée du
Mans , entre Me Bifneau & Me Charpentier . La
Communauté des Noraires eft intervenue ; & par
Sentence du 14 Juin 1782 , Me Charpentier a été
condamné à payer la fomme de 205 liv . 2 fols ,
pour laquelle Me Bifaeau étoit colloqué , en donnant
, par Me Bineau , quittance devant tel Notaire
qu'il lui plairoit choifir : la même Sentence ,
faifant droit fur l'intervention de la Communauté
des Notaires , a fait défenſes au Re.eveur des Confignations
de chofie un Notaire parmi ceux de ladite
Communauté , pour recevoir toutes les quictances
& actes concernant les Confignations , exclufivement
aux autres Notaires de la ville du Mans ,
ordonné en conféquence , que les quittances & actes
feroient paffés & reçus pardevant les Notaires de
la ville di Mans indifféremment , lefquels feroient
choifis par les Parties , fans que le Receveur des
Confignations puiffe en nommer un pour faire ces
quittances , exclufivement à fes Confrères.
Appel en la Cour ; Arrêt du 7 Mai 1783 , confir
matif de la Sentence.
GRAND'CHAMBRE.
Caufe entre la Fabrique de St- Merry. Et la
dame veuve Camuzat , & trois autres Paroiffiens
oppofans à l'établiffement d'un Hofpice.
Plufieurs Paroiffes de la Capitale ont des Hofpices
pour les malades . Le Curé , les Marguilliers & les
perfonnes qui compofent le Bureau de Charité de la
Paroifle St-Merry, animés de l'amour du bien public
, avoient deffein d'en établir auffi un & de fonder
12 lits pour 12 malades non attaqués de maladies
( 192 )
-
contagieufes ; ils avoient deftiné à l'exécution de ce
projet une maifon appartenante à la Fabrique , fife
Cloître St- Merry . Après avoir donné congé aux locataires
, ils fe préparoient à y faire les difpofitions
convenables , lorfque quatre voifins de cette maifen
firent fignifier des oppofitions . Les Curé , Fabriciens
& Directeurs du Bureau en ont demandé mainlevée.
Arrêt du 9 Avril 1783 , qui a fait mainlevée
des oppofitions ; a autorifé les Curé & Marguilliers
& Bureau de Charité à paffer outre à l'établiffement
dudit Hofpice & a condamné les réclamans
aux dépens .
PARLEMENT DE DAUPHINÉ.
Procès en réparation d'injures.
---
Dans le village de Beaurepaire , une difpute s'étoit
élevée entre deux femmes du peuple ; la fcène fe paffoit
au milieu de la rue . Dans la chaleur du différend
, l'une fut accufée par l'autre d'avoir un enfant
qui appartenoit à trente- fix pères . La femme
infultée prit la voie de la plainte & de l'information
contre celle qui l'avoit calomniće. Appel
devant le Vi- Bailli de Vienne. Sentence qui annulle
l'infirmation & néanmoins accorde des réparations à
la perfonne offenfée . Appel refpectif par les
Parties. L'une demandoit la réformation de la Sentence,
relativement à la difpofition qui caffoit la pro
cédure , & demandoit fon exécution à l'égard des réparations
qu'elle adjugeoit. L'autre Partie concluoit
à la réformation de la Sentence , & à ce que
les Parties fuffent mifes hors de Cour & de procès ,
moyennant la déclaration , qu'elle reconnoifloit fon
adverfaire pour une femme de bien & d'honneur .
Cette Caufe portée à l'Audience de la Tournelle :
Arrêt du 14 Mai 1783 , qui a mis les Parties hors
de Cour & de procès , dépens compenfés...
la ſouſcription est ouverte jufqu'au
premier Septembre prochain
: lequel tems expiré, il n'en
fera plus reçu : l'oeuvre entier fera
traiter de la vente desdits établif- perfonnes qui auront fouferit ;
mens, fans en avoir obtenu la cet ouvrage fera de 18 liv. pour
permillion da Contrôleur-Géné- ceux qui n'auront pas fouferit ;
ral des Finances . De PImp. Roy.
Arrêt du Confeil d'État du
Roi , du 8 Mai 1783 , qui rend
communs àla fabrique d'Evreux,
tant le tableau de la fabrication délivré huit mois après la fouffait
pourla fabrique de Louviers, cription fermée . On fouferit d
que les Lettres patentes du pre- Paris chez le fiear Hazard, Rece
mier Mars 1781 , auxquelles led .
tableau eft annexé , excepté que
les Fabriquans d'Evreux ne poure
ront mettre à leurs étofes que
des lifières bleues . A Paris , de
PImpr. Royale.
veur de la Loterie royale de France
, rue de la Harpe ; il ne recevra
d'argent, de paquets & de lettres,
que francs de port
MUSIQUE,
Le Coucou , le Coq , la Pou-
GRAVURES. le & l'Ane , Ariette bouffonne
Cartes du Canada , du Mexi- d'un geme très-nouveau , & qui
que & des Etats Unis d'Améri- eft dans le diapafon de toutes les
que, en deux feuilles ; par Guill. voix , paroles & mufique de M.
Delifle : nouvellement revues & le Chevalier de B *** de Saintaugmentées
des nouvelles limites Salvy : 2 liv. '8 fols . A Paris , chez
& divifions defd . États , fuivant | Mad. Auvray , Marchande d'Efle
traité de paix de1783 , d'après tampes , rue S. Jacques , près S. !
les meilleures cartes du pays, tant Yves.
manufcrites que gravées , & affu- Partition de Renaud , Tragé
jetties aux obfervations aftrono- die lyrique en trois actes , dédiée
miques de MM. de l'Académie à la Reine , mife en mufique par
royale des Sciences , par De- M. Sacchini : 24 liv. A Paris,
zauche, fucceffeur des fieurs De - chez l'Auteur , rie Bafe - du-remlile
& Phil. Buache , premiers part , n° . 17 ; Sieber , M. de
Géographe salu Roi : zliv, 10f. Mufique , rue S. Honoré ; &qux
A Paris , chez l'Auteur , rue des adreſſes ordinaires.
Noyers.
>
LIVRES ETRANGERS.
IX. Difpofition genérale , con- A fyftem of furgery , & c . Syf
tenant parc & jardin de propreté, tême de chirurgic ; par M. Bencompofés
dans le goût anglois ; jamen Bell , Meinbre du Collége
le château ett fitué dans un coin Royal des Chirurgiens d'Edimdu
terrein : 1 liv. 4 fols. A Paris , bourg : tome I , in- 8 ° . 1783. A
chez l'Auteur , M. Penfe on , Ar- Londres chez Robinson .
chitecte , rue des Maçons. Bemerkungen über verfchie-
Plan & Perfpective d'un monu- dere gegenfioende , & c. Remar
ment national, ou place pour leques en forme de lettres , fur die
Roi & la Reine fur le terrein de
de celle de Saint- Michel , fous
le nom de Place des Vertus :
propofé par foufcription.
vers objets , faites dans un voyage
en plufieurs provinces de l'Alle
magne; par M. G. H. Hollenberg:
in-8 . de 254 pages avec
planches en taille-douce : 1782.
A Stendal , chez Franz & Groffe.
La foufcription eft de 12 liv.
favoir : 6 liv. d'avance , & 6 liv.
en remettant l'oeuvre avec le livre !
d'explication , à la fuite duquel
feront les noms & qualités des politique & diplomatique ; par
Dictionnaire univerfel des
fciences morale , économique ·
M. Robinet , Cenfeur royal :
tome XXIX , in-4° . br . 10 liv.
A Paris , chez l'Editeur , rue de
la Harpe , à l'ancien College de
Bayeux.
Les misères de ce monde, o
Complaintes facetieuſes de différens
arts & métiers de la ville
& fauxbourgs de Paris , précé-
Idées de l'hiftoire du bon hom-
Inquiry into the fource from me Misère : 1 vol. in- 12. de 188
whence the fymptoms of the pages : 1 liv. 4 fols. A Londres ,
fcurry and of putrid fevers ari- & le trouve à Paris , chez Cailfe
, by Fr. Milman. Lond. 1782 , leau, Libr.- Impr. rue Galande.
in-8 °. A Paris , chez Théophile Unmaffgeblicher vorſchlag ,
Barrois , Libr. quai des Auguftins, & c. Projet tendant à la réforme
Treatife on midwifery com- du bas Clergé , avec des maté
prehending the menagement of riaux pour celle du haut Clergé:
female complaints andthe treat- in- 8 ° . 1782, A Munich , cheg
ment of Children in carli infan- les Libr. qui vendent les nouveaucy,
by Alex. Hamilton . Lond. tés.
1781 , in-8 °, Chez le même. 1.
On foufcrit féparément pou
chez PH.-D. PIERRES , Imp
Jacques. Le prix de l'abon
la Table.
le JOURNAL DE LA LIBRAIRIE ,
heur Ordinaire du Roi , rue Saintat
eft de liv. 4 fols par année , avec
On s'abonne en teit temps , à Paris , Hôtel de
THOU , rue des Poitevins, Le prix eft , pour Paris ,
de trente livres , & pour la Province , port franc ,
trente-deux livres , q l'on remettra à lá Pofte
en affranchiffant le Port de l'argent & la lettre
d'avis.
9
Meffieurs les Soufcripteurs du mois d'Août fons
priés de renouveler de bonne heure leur Abonnement.
jeupe , Libr. quai des Augufsins
, a acquis du fonds de M.
P. Fr. Didot le jeune .
OEuvres de Chirurgie de M.
Goulard 2 vol. in 12.5 liv,
Contre-poifons de Parfenic ,
du fublime corrofif , du verd- degris
& du plomb , fuivis de trois
differtations ; par M. Navier : 2
vol. in- 12, 6 liv.
Manuel du jeune Chirurgien ;
par M. Nicolás : vol. petit in-
82. 9 liv.
Nofologie méthodique , dans
laquelle les maladies font rangées
par claffes , fuivant le fyfteme de
Sydenham & l'ordre des botaniftes
; par M. Sauvages : 3 vol. in-
8°. 15 liv.
ARRÊTs.
le pont de Séve. A Paris ,
Impr. Royale.
GRAVURES.
de
Antiquités d'Herculanum
tome IV , Nos I & II : chaque
cahier in-4° . 9 liv. in-8 ° . 6 liv.
A Paris , cher David Graveur,
rue des Noyers , nº. 7.
>
Combat de la Hogue, ampe
gravée par P. Voyfard, d'arres
B. Veft, & faifant pendant a
Général Wotlf: 6 liv. A Paris,
cher Ifabey , Marchand d'eftampes
, rue de Gêvres,
L'Ecueil de la fageffe , & la
tendre Amitié , deux Estampes
faifant pendant , gravées par de
Mouchy , d'après Hoin : chac.
2 liv. 8 fols . A Paris , chez l'Auteur
, cloître S. Bencit.
Arrêtde la Cour de Parlement, Vues du port S. Georges dans
qui ordonne qu'à l'avenir les va- l'Ile de la Grenade & du Fortcances
du Bailliage de Montdi- Royal & de la Martinique ; predier
& desJuftices qui y reffortif miere & feconde planches d'un
fet , commenceront au premier recueil des différens ports des
Septembre de chaque année , & fles Antilles : chacune 1 1. 10 f.
finitout le premier Vendredi 4 Paris, chez lefieur le Gouate
d'après les fêtes de la Touffaint ; rue S. Hy sein he, porre S. Michel.
extrait des regiftres du Parl . du MUSIQUE.
29 Avril 1783 A Paris,chezP. G
Simo & N H. Nyon , Libr.
Inpr.que Mignon S. André des
Arcs.
Arrêtde la Cour de Parlement,
qui ordonne que la Sentence
rendue en la Juftice de Bagnolet,
1e24 Avril 1722 , concernant la
police , l'ordre & la tranquillité
publique , fera exécutée felon fa
forme & tenear ; extrait des regiftres
du Parlement , du 19 Mai
1783. Chez les mêmes.
Journal de Clavecin , par les
meilleurs Maîtres , avec accompagnement
de violon ad libitum :
deuxième année , No.6 2 liv.
8. Chez Leduc , rue Traverfière-
S. H. au Magafin de Mufique.
Recueil d'afiettes , avec accompagnement
de guittare ; par
M. Loth lejeune , premier Violoncelle
du fpectacle de Rouen.
Cavre I , 3 liv . 12 fols . A Paris,
au Bureau du ficar Lawalle-l'Ecuyer
, cour du Commerce.
Trois fonates en quatuor, pour
le clavecin ou le fortepiano ,
avec accompagnement de deux
violons & baffe;par M. Bonjour,
Organiste de l'erchi-mona tère de
Saint-Remi : Euvre I , 7 liv. 4 1.
Lettres patentes du Roi , concernant
les octrois de la ville de
Paris ; données à Verfailles , le
premier Juin 1783 , registrées en
Parl. le 3 defdits mois & an. Chez
les mêmes.
Ordonnance du Bureau des Fi- A Paris , chez Boyer, au Manances
de la généralité de Paris , gafin de Mufique , rue neuve des
du 26 Mars 1783 , concernant le Petits - Champs , nº 83 ; & chez
paiement des droits de péage fur Mad. Lemenu , rue du Roule.
+
M
Douze Variations fur l'air de
Marlborough , pour un violon ,
avec accompagnement ; par F.
Bonnay, de l'Académie toyale
de Mufique : 21.8 fols . A Paris,
chez Michaud , rae des Mauvais
Garçons pris celle de Buffy; &
aux adress ordinairesde mufique.
LIVRES ETRANGERS.
Apperçu d'un citoyen fur la
curion des deux marines en
France in- 8 . de 60 pages. A
Amfterdam , & fe trouve à Paris,
chez l'Auteur , rue de Beaujolois ;
Grangé, Libr. au Cabinet littéraire,
Pont Notre- Dame.
Biographiska Lexicon , &c .
Dictionnaire biographique des
célèbres Suédois par M. G.
Gezelius , Prédicateur de la cour
de Suède troisième partie . A
Upfal , chez Swe ierus.
:
Le Criminel fans le favoir ,
Roman hiftorique & poétique : ¦
in- 12 . de 171 pages. A Amfter
dam , & fe trouve à Paris , che
Moutard , Impr.- Libr. rue des
Mathurins .
Defcription de nouveaux baromêtres
à appendices , qui ont un
niveau conftant , donnent la me
fure de la pelanteur de l'air dans
les profondeurs inacceffibles , &
à des hauteurs que l'obfervateur
ne pourroit ou ne voudroit pas
parcourir lui-même ; par M.
Changeux : in - 8 ° . br . avec fig.
Se trouve à Paris , rue & hôtel
Serpente.
Dictionnaire univerfel des
fciences morale , économique ,
politique & diplomatique ; par
M. Robinet , Cenfeur royal
tome XXX , in-4° . br . 10 liv.
A Paris , chez l'Editeur , rue de
la Harpe , à l'ancien Collège de
Bayeux.
On feufcrit féparément pour le JOURNAL DE LA LIBRAIRIE
chez FH.-D. PIERRES , Imprimeur Ordinaire du Roi , ree Saint-
Jacques. Leprix de Pabonnement eft de 7 liv. 4 fols par an , avec
Ja Table.
On s'abonne en tout temps , à Paris , Hôtel de
THOU , rue des Poitevins. Le prix eft , pour Paris ,
de trente livres , & pour la Province , port franc ,
trente- deux livres , que l'on remettra
la Porte ,
en affranchiffant le Port de l'argent & la lettre
'avis.
Meffieurs les Soufcripteurs du mois d'Août font
priés de renouveler de bonne heure leur Abonnement.
Libr. quai des Auguftins , vient
de recevoir de Londres :
The annual regifter , or, a view
of the hiftory , politics and literature
for the year , 1781 , in -8 ° .
London.
The hiftory of the reign of
Philipp the third king of fpain ,
by R. Watfon : 1 vol. in 4 .
Lond. 1783. t
& c. qui fe trouvent chez Théophile
Barrois , Libr. quai des
Anguftins.
Avis aux gens de la campagne,
ou Traité des maladies les plus
communes , avec des obfervations
fur les caufes des maladies
du peuple,fur l'abus des remèdes
& des alimens dont il fait ufage,
&c. par M. Didelot : in- 12. 2 l.
to fols.
ARRETS.
The hiftory of the progreff
and termination of the roman
republic , by Ferguſon : 3 vol. Arrêt du Confeil d'État du
in-4° . avec cartes . Lond. 1783. Roi , du 28 Juin 1783 , concer-
The hiftory offumatra contai- nant le tirage & le remboursening
an account of the government à faire aux mois de Dément
, laws , customs and man- cembre & de Janvier prochain ,
ners of the native inhabitants , des rentes créées par l'Ed . de Déby
W. Marfden : 1 vol. in-4° . cembre 1782. De l'Impr.Royale.
avec cartes London . 1783
The hiftory of the decline and
fal of the roman empire , by
Gibbon : 6 vol. in 8. avec car
tes. London . 1783 .
› The man in the moon or
ravels into the lunar regions, by
the man of the people : 2 vol .
An-12. London , 1783.
GRAVURES.
Deux Eftampes repréfentant
l'éducation , d'après L. Lagrenée :
chacune a liv. A Paris , chez J.
Couche , Graveur, rue S. Hyacinthe
, maifon de M. Leblanc.
La Fuite à deffein , Eftampe
gravée par C. Macret & J. Couché
, d'après Fragonard , 3 liv.
A Paris , chez le même. The royal kalendar , or complete
and correct annual regiſter Mort du Marquis de Montfor
England Scotland , Ireland , calm Gozon , Eftampe dédiée au
and America for the year 1783 , Roi , gravée par G. Chevillet
new edition corrected at the Graveur de S. M. Imp. d'après
reſpective offices : in- 12 . London , Vateau : 24 liv. A Paris chez
3783. les fleurs Bergny, rue Coquillière ;
The conftitutions of the feve- Albert , au Palais royal ; & Leral
independent ftates ofAmerica, noir , au Louvre.
the declaration of independence,
the articles of confederation betwen
the faid fates , the treaties
betwen his moft Chriſtian Majefty
and the united fates of
America , published by order of
congreff : in- 8°. Lond. 1782.¸
The english garden a poem in
four books , by W. Mafon : in-
$º. 1783-
Aview of the hiftory ofGreat
Britain during the adminiſtration
of Lord North : in- 8° . London ,
3783.
Suite des livres de Médecine , '
LIVRES ETRANGERS.
Account of an elastic trochar
conftructed on a new principle ,
for tapping the hydrocele ad abdomen
, by J. Audrée. London
1782 , in- 8 ° . A Paris, chez Théophite
Barrois , Libr. quai des Auguftins.
Almada Hill , an epiftle from
Lisbon, by W. J. Mickle. Oxford
, 1781 , in-4 . Chez le même.
An enquiry into the nature
caufes , ond method of cure of
nervous difordes , by A. Thontſon,
L. 1782. in- 8 ° .Chez le mêine.
Tales in verfe , by Pinkerton.
London , 1782 , in-4° . Chez le
même.
,
Hiftoriſch , moralifch und po
litifch abge faste beluftigungen
fur alle ftande , &c. Amulemens
The Mahomedan law of fuc- hiftoriques moraux & politiceffion
to the property of intefques pour tous les états : première
totes , in Arabick , engraved on partie , in 8. A Leipfick , chez
copper plates from an ancient Heinfius.
manuferit with a verbal tranilation
and explanatory notes , by
W.Jones . London , 1782 ', in-4º.
Chez le même.
Manuel du cultivateur , ou
Avis au peuple fur l'amélioration
de fes terres ; par l'Auteur
l'Agronome : 1783,2 part. in 1
D. Joh. Walbaum Chelono- rel. en 1 vol. Liv. A Amfterda
graphia , &c. Chelonographie, & fe trouve à Paris , chez Di
ou Defcription de quelques tor - jeune , quai des Auguftins.
tues ; par M. le Docteur Jean
ules Wilbaum : in-4 ° . de 132
pages , avec une planche , 1782 .
Lepfick, chez Glédufch
Thoughts on equal repréfentation
, & c. Penſées fur l'égalité
dans la repréfentation : in 8°. A
Londres , chez Blamire.
On foufcrit féparément pour le JOURNAL DE LA LIBRAIRIE
chez l'H . - D. PIERRES , Imprimeur Cidinaire du Roi , rue Saint-
Jacques. Leprix de l'abonnement eft de 7 liv . 4 fols par année , avec
la Table.
On s'abonne tout temps , à Paris , Hôtel de
THOU , rue des oitevins . Le prix eft , pour Paris ,
de trente livres , & pour la Province , poft franc ,
trente- deux livres , que l'on remettra à la Poite ,
en affranchiant le Port de l'argent & la lettre
d'avis.
Meffieurs les Soufcripteurs du mois d'Août fons
priés de renouveler de bonne heure leur Abonnement.
Ordonnance du Roi , du 13
Mars 1983 , pour mettre le régiment
d'Anhalt fous le nom de
Salm -Salm , & expliquer fes in
tentions relativement à ce changement.
A Paris , de l'Impr. Roy.
GRAVURES.
X. & dernière Difpofition géné.
rale pour la diftribution des jardins
de propreté , compotés dans
le goût anglois liv. A Paris ,
chez l'Auteur , M. Panferon , Architecte
, rue des Maçons.
Portraits dé Louis XVI , Roi
de France, & de Marie Antoinet
te , Reine de France : chacun
liv. 4 fols . A Paris , chez ifabey,
Marchand d'Eftampes , rue de
Givres.
MUSIQUE,
mis en musique par M. Sacchini ,
arrangees pour le clavecin ou
forte piano , avec accompagnecat
de deux violons & la boffe
chiffrée ; par Benaut liv 16
A Paris , chez Mile le raffen
rue-te la Monncie , & chez M
Caftagnery , rue des Prouvaire
•
Les variétés à la mode , feconde
fuite d'airs , Ariettes d'opéra
& operas- comiques , ariettes ita
liennes , romances , vautievilles
& duo , arrangés pour le clavecin
ou le forte- piano ; par M.
Célar : 3 liv. 12 fols . A Paris`,
chez Boyer , au Magafin de Mufique,
rue neuve des Parts -champs,
nº . 83 ; & chq Mad. Lemenu ,
rue du Roule.
" LIVRES ETRANGERS.
Chemical elays , & c . Effais Ariette avee accompagnement
de deux violons , quinte & baffe , chymiques par M. Watſon ,
dédiée à Mad . de la Haye de Car- Docteur en Theolugie , Membre
menin, Lieutenant Général de de la Société royale de Londres ,
Anitauté de France ; par C. Prefeffeur royal de Théologie
Remi 21. 3 fols. A Paris, chez dans l'Université de Cambridge :
l'Auteur, Cour des Religieux de t . III . in-12. 1782. A Londres ,
Abbaye S. Germain .
chez Cadell,
Journalde harpe , par les meil
leurs Mabres , v.7 : 2 liv . 8 f.
A Paris , chez Leduc rue Traverfière
S. Honoré.
>
Partition de la Mélomarie ,
Opéra comique en un alte
en
Military maxims , & c. Maximes
miiitaires , éclaircies par des
exemples ; par M. le Colonel
Jacques Calander : in 12. 1782.
Chez le même .
Monumens antiques , ou Colyers,
mêlé d'ariettes , dédié à S.sion d'anciens bas - re iefs &
A. S. Mad . de Condé , Princeffe de fragmens égyptiens , grecs ,
du fang, par M. S. Champei :
repréfentée pour la premiere fois
devant LL. MM. à Verfailles ,
par les Comédiens Italiens ordihairesdu
Roi, le 23 Janvier 1781,
&i Paris , le 29 fuivant : 18 liv.
A Paris , chez Deflauriers , Marchand
de papiers , rue S. Honoré,
à côté de celle des Prouvaires.
romains & étrufques , repréfentant
les cérémonies religieufes ,
les facrifices , les mariages , les
bacchanales , les guerres , les batailles
, & c . avec quelques obfer
vations fur la manière , la belle
compofition laperfe&tien qu'ils
avoient dans les arts du deffin &
de la feulpture ; ouvrage qui contient
200 planches en taille-douce,
la plupart deffinces & gravées par
M. Barbault , ci devant Penfionnaire
du Roi de France à Rome;
l'Egrind in-fol . A Rome , chez Bouchard
& Gravier.
Recueil d'ariettes , avec accom
pagnement de harpe : par M.
Dimen Maître de Harpe :
OEuvre I : 4 liv. 16 fols, A Paris ,
au Bureau du fieur Lawalle
Guyer , cour du Commerce.
Recueil d'ariettes de Regand Obfervations on fevers whepire
Britannique a été la fuite ;
par un Américain : in 8. 1783.
A Londres , Wilkie. chez
rein the different fpecies , nature
and method of treating thofe
difeafes are reprefented in now
and interefting points of vien, by
J. Roberts. London , 1781, in - 8.J.J. Rouffeau ; fur le caractère &
A Paris, chez Théoph. Barrois ,
Libr. quai -des Auguftins.
Des Pierres précieufes & des
Piertes fines , avec les moyens de
les connoitre & de les évaluer ;
par M. Dutens , nouvelle édition
revue & augmentée par l'Auteur;
in. 12. br. 2 liv. s fols . A Florence,
chez Molini ; & fe trouve à Paris ,
cher Onfroy, Lib. quai des Auguffins.
Réflexions fur les Confeffions de
le génie de cet écrivain ; &c. par
M. Servan , ancien Avocat Géné
ral au Parlement de Grenoble :
br. in 12. de 148 pages . l . 4 fols.
A Paris, chezles Lur. qui vendent
les nouveautes.
De la Sobriété & de fes avan
tages ; & c. traduction nouvelle
des traités de Leffius & de Cornaro
fur la vie privée : 12. de
312 p. liv. 10 f. A Paris , chez
Cailleau , Libr. Impr. rue Galande.
Political reflections on the late
colonial governements , & . Ré.
flexions politiques fur les anciens The hiftory of France , &c.
gouvernemens des colonies , dans Hiftoire de France , depuis le
fetquelles or expofe leurs défauts commencem du règne de Louis
conftitutioenéis , & l'on mentre XIII jufqu'à la paix de Munters
qu'ils ont produit naturellement par M. Valter Anderfon : tome
une rebellion femblable à celle IV & V , 1783. A Londrés, cheg
dont le démembrement de l'Em- | Becket.
On fouferit féparément pour le JOURNAL DE LA LIBRAIRIE ,
shez TH.-D. TIERRES , imprimeur Crdinaire du Roi , rue Sain
Jacques. Le prix de l'abonnement cft de 7 liv. 4 fols pas ainée , aves la Table.
、On s'abonne en tout temps à Paris , Hôtel de
THOU , rue des Poitevins. Le prix eft , pour Paris ,
de trente livres , & pour la Province , port frane ;
trente-deux livres , que l'on remettra à la Pofte
en affranchiffant le Port de l'argent & la lettre
d'avis.
Meffieurs les Soufcripteurs du mois d'Août font
priés de renouveler de bonne heure leur Abonnement.
Qualité de la reconnaissance optique de caractères