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1783, 06, n. 23-26 (7, 14, 21, 28 juin)
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16.90 Mo
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429
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Texte
JOURNAL DE LA LIBRAIRIE
LIVRES NATIONAUX.
L
fains pour l'homme ; par M.
Bue'hoz : 1 vol. in-12 br. 1 liv .
: 6 í. A Paris , chez l'Auteur , rile
de la Harpe.
1
Les Après-foupers de la focié
, petit Théâtre lyrique & mobai
fur les aventures du jour ;
vinguième cahier , tome V, con- Petite Bibliothèque des théâtenant
les Nèges, Comédie en un tres , contenant un recueil des
afte & en profe , à l'occaſion de meilleures pièces du théâtre Franla
paix. A Paris , chez l'Auteur , çois , tragique , comique , lyrique
rue des Bons Enfans , le porte- & bonion , depuis l'origine des
sochère vis-à-vis la cour des Fun- fpectacles en France jufqu'à nos
saines , au Palais Royal. jours: ouvrage périodique , propoſé
par foufcription , composé
de douze volumes chaque
de format in 18 .
Avis pour le tranſport par mer
des arbres , des plantes vivaces ,
des femences , & de diverfes anmes
curioâtés d'histoire naturelle;
par M. Dehamel u Monceau
feconde edit. confidérablemen :
augmentée : in- 12 . br. 1 liv.
Le prix de la fouſcription
l'anné entière , br. eâ de zuv.
franc deport daus tourie Kayauf.
me.
Paris , chez Théophile Barrels ,
Lábr. Quai des Auguftrs.
PA alimentaire , ou Méthode
our préparer les alimens les plus
On tirera quelques exemplaires
fur papier velin , pour les
amateurs des belles éditions. Le
prix de la foufcription cê de sam
439 e
vie Italien .
On fouferit à Paris , chez Be- [ Lalais des Tuileries , & à Ver
in , Libr. rue S. Jacques , piè S. failles devant LL. MM. le zo du .
Ives; & chez Branet ; Libraire même mois ; remide au nouveau
rue deMarivaux , place du Thea- Théâtre du Fanxbourg S. Getmain,
le 19 Mai 1783 : par M. de
Catalogue des livres de feu M. la Harpe , de l'Académie Fran-
Je Maître de la Martinière , Che- coife : in 8. br. 1 livre to fols.
valier , Confeiller d'Etat , ancien A Paris , chez Baudoün , Libr..
Trelorier-général de l'Artillerie fupr. rue de la Harpe , près S.
& du Génic , dont la vente fe fera | Caste.
en la manière accoutumée , en Phaedri Augufti Liberti Fabaton
hôtel , rueS. Florentin , près larum libri V , cum notis & upla
place de Louis XV , le Ven- plementis Gabrielis Protier , acdredi
30 Mai 1783 , & jours fuiv . cefferunt parallel Joannis de la
de rele :ée. A Paris , chez Lamy , Fontaine , Fabulas en vean , coré
Libr. quai des Auguftins.
fur tranche 6 liv. 4 Paris , cher
Earbou , Libr.-Impr. rue des Mashurins
,
Contes en vers ; par M. D *** :
in - 12 . A Paris , chez Valleyre aîné,
Libr -Impr rue de la vieille Bou
derie ; & chez les Libr . qui vendent
Les nouveautés.
Ceue nourelle édition rempla
ce , dans la colle& ion des auteurs.
latins , celle donné par Philippe ,
en 1747.
A VIS.
Pifcours prononcé à l'ouvertu
re de la première affemblée puhlique
de l'Académie de Pejnin- Lamy , Libr. quai des Augufre,
Scripture & Architectare ci tins , denne avis qu'il vient d'ac .
vile So navale de Bardeans , parquerir le fonds des trois ouvrages
M. de Ladebat , Directeur de fuivans :
l'Académie : brain-4° . de 28 pag.
dimpreffion. A Bordeaux , chez
Michel Racle; & à Paris , chez
Movin , Libr, au Palais royni.
1. Les Tableaux de la Suiffe ,
in-foll done on a déjà publié le
tome I des figures & celui dedifcours
l'ouvrage n'a été in-
Effai hitorique & critique fur terrompn que pour fa plus grande
Piufuifance & Li vanité de la perfection. I planches du tome
philofophie des anciens , com- II font gravées , & le diſcouts
parée à la morale chrétienne qui doit terminer l'ouvrage eft
staduit de l'italien de D. Gaëtan fini ; fera fous preffe dans pen.
Sertor, de Florence , avec des La première livraifon de ce fe
Botes du Traduateur : 1 vol. in- cond vol . qui fera la 39 de l'eu-
1. A Paris , chez Berton , Libr, drage , fe fera à la fin du mois
que S. Victor. prochain ; & le public pent être
affuré de jouir de la toralite
avant la fin deJanv. prochain. 11
faudra à l'avenir s'adreffer audit
Libr . foit pour l'ouvrage entier ,
foit pour achever de completes
l'exemplaire des perfonnes qui
auroient négligé de le faire.
20. Les Eduis fut la Madquç ,
Hiftoire de François II , Roi
de France , fuivie d'an difcours
traduit de l'italien de Michel
Surine , Ambaffadeur de Venife
en France, fur l'état de ce Royaumre
à l'avènement de Charles IX
an trone : 2 vol . in- 8 ° . A Paris ,
they Belin , Libr. rae S. Jacques.
Jeanne de Naples , Tragédie in-4®. 4 vol,
en cinq aftes & en vers , repré- 3 ° Les Chanfons de M. de la
fentée par les Comédiens Fran- Borde , 4 vol. in - 8 ?. & en gratad
çois , le 12 Děsambre 1781 , ay pap. 4 vol, 2
Fer 135.
MERCURE
DE FRANCE.
(
No. 24 )
SAMEDI 14 JUIN 1783 .
A PA RI S.
JOURNAL DE LA LIBRAIRIE.
IVRES NATIONAUX.
f
L'Amides enfans, par M. Bern payera 18 liv en prenant fueceffivement
les quatre premières
quin, vol. de Juin 1783 , No. 6. livraiſons , & en recevant la der-
On foufcrit à Paris, au Bureau nière , 24 liv. A Paris , chez Joindu
Journel , rue de l'Univerfité, bert jeune, Libr. rue Dauphine.
au coir de celle du Bacq , N° . 28. Effais philofophiques fur ies
S'adrer à M. le Prince , Direct. moeurs de divers animaux étran
La foufcription eft de 13 livgers , avec des obfervations rela-
4f. pour Paris, & de 16 liv . 4 fols tives aux principes & ufages de
pour la Province. plufieurs peuples , ou Extraits des
L'Art de vérifier les dates des voyages de M*** en Afie : 1 ol
faits hiftoriques, des chartes , desin- 89 . Crez Couturierfils, Libr
chroniques, & autres anciens ino- Impr. quai des Augulins ; & cher
numens , & c. par un Religieux la veuve Tilliard &fils , Libr. ruž
Bénédictiu de la Congrégation de de la Harpe.
S. Meur : tome I. Il y aura 2 vol.
in-fol.
Cette nouvelle édition , dont
on annonce la première partie ,
piroiva en cinq livraifons d'is
aun ois de Décembre 178 , &
forin ci alors les deux volumes.
Effaifur les avantages du réta
bliffement de la culture du tabac
dans la Guyenne ; lu à la féance
publique de l'Académie des
Sciences de Bordeaux , du 19 Février
1781 , par M. Dupré de S.
Maur , Intendant de Guy c
&Directeur de l'Académie : in-
. A Bordeaux , chez M. Racle ,
Ampr. rue S. James.
Lafcience du crucifix , en for
me de méditation
divifée en
2 part . par le R. P. Pierre Marie,
de la Compagnie de Jefus : nerv.
édit. revue & corrigée par le R.
P. G*** . I vol. in 12. de 177 p.
br. 1 liv. 4 f. rel. 1 liv. 1o fols.
Paris , chez Didot l'aîné , Libr.-
Impr. rue Pavée S. André,
Mémoire fur la décadence du
Commerce de Bayonne & de S.
Jean-de- Luz , & fur les moyens
de le rétablir ; lu par M. Dupré
deS. Maur, Intendant de Guyenme
, & Directeur de l'Académie
des Sciences de Bordeaux , à la Télémaque , tome 1 , 74 .
Séancepublique du 2 Août1782 : faifant partie de la collection des
n-4 . A Bordeaux, chez le même. Auteurs clasiques latins, & des
J. Hermanni Tabula affinita- bons Auteurs françois , imprimés
um animalium olim Academico par ordre du Roi , pour l'éduca
Specimine edita , nunc vberiore , tion de Mgr le Dauphin : fur pa-
Commentario illuftrata , cum an- pier vélin d'Annenay. Chez le
morationibus ad hiftoriam natu- même.
lein animalium augendam faentibus
: Argentorati , 1783 , in-
4. en feuilles, 6 1. Parifiis , apud
Theophilum Barrois, Bibliopolam,
quai des Auguftins.
Ode fur la paix, & Tableau de
la guerre qu'elle termine ; par M.
Curtial : br. in- 8 ° . A Paris , chez
Dmonville , Libr.- Impr. The
Chriftine.
Traité des principes de l'art de
la coeffuredes femmes , feconde
édition , revue & corrigée ; par
M. Lefebvre , Maitre Coeffeur
breveté : vol. in- 12, de 2,2 p.
A Paris, chez l'Auteur, rue Montmartre
, vis- à-vis le cul-de-fac
S. Pierre.
1.
Traité des Vapeurs ; par M.
Ducaffe , Doeur en Médecine
Recueil de tons les coftumes de l'Univerité de Montpellier :
monaftiques , religieux & mili. in-16. br. 1 1. 4f. rel. 1 1. 16 1.
saires de toutes les nations , &c. A Paris , chez Gogue & Née de
some II , N. , VI , feizième lila Rochelle , Libr. quai des Au
raifon. Chez l'Auteur , M, Bar, guftins.
rue du Roi-doré , du marais.
Relation des exploits de Malborough
, &c. br. in 8. A Paris,
shez Cailleau , Libr.- Impr. rue
Galande.
Répertoire de tableaux, deffins
& eftampes ; ouvrage utile aux
amateurs : première partie. 1 1.
4fol. A Paris, cher Demonville,
br -Inpr. rue Chriftine ; Mu
fer, Libr. quai des Auguftins.
Le Réveil de Thalie , Comé
die en trois actes & en vers , mê
Jée de vaudevilles, 1 1. 10 f.
9
Voyage aux Iles de Lipari ,
fait en 1781 ; par M. le Com
mandeur Deodat de Dolomieu
Correfpondant de l'Académie
des Sciences , & c. & c. I vol. in
89. br. 2. liv. 10 f. rel. 3 1. 10 f.
A Paris , rue & Hôtel Serpente.
AVIS.
La vente de la Bibliothèque de
feu M. le Marquis de Courtan
vaux , dont le catalogue a par
au commencement de l'annés
dernière, & qui avoit été -différéo
Pa- jufqu'ici , fe fera en détail , au
plus offrant & dernier enchériffeur
, & commencera le Lundi
Juillet & jours fuivans , à trois
heures de relevée, dans une falle
des grand Auguftins.
is chez Brunet Libr. ruc de Masivaux,
place du Théatre Italien.
Thalie au nouveau Théâtre ,
Prologue en profe, en vers, ariet
tes & vaudevilles mufique de
Giétry : 1 1. 4 fois. Chezle même,

7
Leboucher , Libraire , quai de
MERCURE
DE FRANCE .
( No. 25. )
SAMEDI 21 JUIN 1783-
A PAR I S
JOURNAL DE
LIVRES NATIONAUX.
Anacreon en belle humeur, ou
les Cap tees de l'Amour & de
Bacchus.A Paris , chez Defnos ,
Libr, rue S. Jacqu si
LA LIBRAIRIEs
Lettres, nouvellement traduite ef
François par une fociété de Gene
de Lettres; enrichie de figures &
de cartes. Tome LIV , formans
le XIV. de l'Hift. Moderne , &
Catalogue des livres & des ef- contenant la fuite de l'Hid. de
rampes de feu M_l'Abbé de Vila Chine , celle de la Corée ,
cay-Chamron , Tréforier hono- partie de celle du Japon.
Fire de la Sainte-Chapelle , dont Hiftoire univerfelle depuis t
la vente fe fera au plus offrant & commencement du monde juf
dernier enchériffeur , en l'hôtel qu'à préfent. Tome XXXVIII
de la Tréforérie , cour da Pa- contenant la table alphabétique
Jais , le Lundi 16 de ce mois de l'Hiftoire ancienne. A Paris
& joursfuivans , trois heures de chez Moutard , Imp.- Libr, ræe desi
relevée. Ce Catalogue fe difti Mathurins.
bue à Paris , chez Gogue & Née
de la Rochelle, Libr. quai des
Atgulins.
Le Père de Province , Com
die en trois actes , en vers libres
repréfentée pour la première fois
Hiftoire Universelle depuis le par les Comédiens Iralians ordi
Commencement du monde juf- naires du Roi , de'6 Juin 1733 :
qu'à préfent , compofée en An- liv. 10 fit Brunet , Libr. rue de
leispat and fociété de Gona de Marivut, plang di Trider & Xây
Venice preferv'da tragedy ,.
by Otway. London .
Suite des Ouvrages de Géographie
qui fe tron chez
Deinos , Ingénieur-Geographe ,
Thalie, la Foire & lesPointas,
Comédie en un acte & en profe,
par Mad. de B*** ; reprefentée
Tur le théâtre des Varietés amu-
Tantes , le 17 Mai 1783 : 11.4 f.
A Paris, chez Cailleau , Libr.rue S. Jacques.
Impr. rue Ghlande. Bibliographie parifienne , Cata-
Nouvelle Traduction de l'eflogue des livres , eames en
fai fur l'homme , de Pope , en tout genre : 7 vol. grand in 80:
vers françois , précédée d'un dif- br. 9 liv .
cours & fuivie de notes ; par M.
de Fontanes : in 8º .9.3 liv. A_Paris
, chez lombert jeune , Libr..
ue Dauphine
Cofmographie méthodique &
élémentaire , traitée avec beaucoup
d'intelligence; par M. Buy
de Mornas : I vol . in-8 . liv.
Calcul tout fait de la règle de
3: liv.
LesVoyagesde Rofine, Operacomique
en deux actes , en vau- cent , utile à tous négocians , tel..
devilles ,tiré d'un conte de Piron; 2 liv. avec tablettes pour écrire
reprefenté pour la première fois.
par les Comédiens Italiens ordi- ARRÊTS.
aires du Roi , le mardi zo Mai Arrêt du Coufeil d'Etat du
1783. Paris, chez Brunet , Libr. Roi , du Mai 1981 , concernant.
que de Marivaux, au Théâtre Ita- Pexamen & la diftribution des-
Lien ; & cher Vente , Libr. rue des
Anglois.
AVIS
ces au porteur , "de l'emprunt de
dig millions de rentes creces par
l'Edit de Dec. 1782. De l'Imp.
eaux minérales & médicinales du
Royaume.A Paris , de l'Imp. Roy..
Arrêt du Confeil d'Etat du Roi,
Belin , Libr. rue S. Jacques , du 6 Janvier 1783 , qui nomme
res S. Yves , donne avis qu'il ceux qui doivent figner les coudonne
l'Hiftoire de l'art de l'an- pops d'intérêts , pour lesquittantiqui
é, par M., Winkelman
traduite de l'Allemand par M.
Juber : 3 vol. in 4 , br . au prix
de 30 liv , au lieu de 48 liv. qu'ils
Arêtdu Confeil d'Etat du Roi,
vendoient ci-devant. du 12 Mars 178 ;, qui ordonne.
Piffot , Libr. quai des Augufque les Directeurs , Receveurs
tins , a reçu de Londres : & autres Employés de l'adminif
A letter addreffed to the Abbé tration de la régie de la Loterie
Raynal on the affairs of North- royale de France , jouiront des
Ameria , in which the mistakes privileges accordés - aux Commis
in the Abbé's account ofthe re- des Fermes par l'Ordonnance.
volution of America are correc du mois de Juillet 1683 ; & par
ted and clearedup , by T. Payne : Lettres-patentes du 28 Décem
in-8 . London , 1783. bie 1782 De l'Impr. Royale,
The myfterious husband , a Arrêt du Confeil d'Etat du Roi,,
by R. Cumberland : du
Tragedy
19. Mars 1783 , 1 , portant régle
an-8 . London , 1783 . ment pourd'exploitation des mi-
King Lear , a tragedy, by Shaines de charbons de terre. Des
Refpear. London. P'Impr.Royale .
Macbeth , a tragedy , by Shakefpear.
London.
Common fenfe, addreffed to
the inhabitants of America , by
T. Payne vin-8 °, Loudon,
Arterda Confeil d'Etatdu Roi,
du 23 Mass 1783 , pour le renouvel
ement des cartouches des
noirs & antres gens de couleur ,,
qui fout à Paris. Del'Impr.Reg.
Jer . 133.
MERCURE
DE FRANCE .
( No. 26. )
SAMEDI 28 JUIN 1783.
A PAR IS.
JOURNAL DE LA LIBRAIRIE.
LIVRES NATIONAUX. diens Italiens ordinaires du Roi.
Les Après-foupers de la focié- 11 . A Paris , chez Brunet ,
té, petit Théâtre lyrique & mo- Libr . rue de Marivaux.
ral fur les aventures du jour ; Difcours de Lycurgue , d'Annouv.
édit. deuxième cahier du docide , d'Ifee , de Dinargue, &c.
tóme I. A Paris , chez l'Auteur , traduits en françois par M. l'Abrue
des Bons - Enfans , la porte- bé Auger : 1 vol. in- 8 °. br. 41.
cochère vis-à-vis la cour des Fon- A Paris , chez Debure fils aîné , &
taines , au Palais Royal. Theoph. Barrois , Liar. quai
des Auguftins; & chez Jembers
jaune , Libr. rue Dauphine..
Droit public , ou Gouverne-
Du calcul des probabilités
par C. F. de Bicquilly , Gardedu
Corps du Roi : in 8º. A Paris
, chez la veuve Defaintjunior , ment des colonies françoifes; par
Libr. quai des Auguftins. M. Petit , 2 vol. in- 8° . br 101.
4 fols. A Paris , chez Durand neveu
, Libr, rue Galande.
Les Coutumes confidérées
comme ioix de la nation dans
fon origine & dans fon état
actuel ; par P. G. M. 1 vol . in 8 .
AParis , chezMérigot jeune , Lib.
quai des Auguftins.
Epitre à l'hymen , par M. Collet
, Chevalier & Secrétaire de
l'ordre du Roi , Secrétaire des
commandemens de feu Madame
Dame Jeanne, Parodie en un Infante ; & Cenfeur royal; feac
, repréſentée par les Comé- conde édition , revue & corrigée

Phytonomatotechnie univer
felle , c'est- à-dire , l'Art de don
par l'Auteur : Broch de 17 pag.
impreffion. Paris, chez Lam
Der Baudouin , Impr.-Libr. ruener aux plantes des noms tires
dela Harpe , près S. Côme. de leurs caractères ; proposé par
Du Gouvernement civil , par fouféription pir M. Bergeret ,
Locke, traduit de l'Anglois : Chirurgien . Troiseme cahier
2.A Paris , chez Servière, Lib. Mai 1783 ; in - fel. On foufcrit
rue Saint-Jean-de-Beauvais . à Paris , chez l'Auteur,“rue d'An-
On trouve chez le même l'ou in ; Didot jeune , Libr.- Inpr.
grage fuivante quai des Auguftins ; & Bo'fon ,
Graveur , cloure S. Honoré Inftructions fur l'art de faire
Ja bierre ; par M. le Pileur d'Apligny
in- 12 .
Traduction nouvelle des OEuvres
de Virgile , avec des notes
& des difcours préliminaire
par M. le Blond : tome III in
12. de 522 pag. br. 2 liv. 10 fols.
A Paris , chez l'Eſclapart , Libr.
rue de la Harpe ; Nyon l'aîné, L.
rue du Jardinet ; Belin , Libr. rue
S. Jacques ; & chez l'Auteur , rue
du Foin au Marais, No. 3.
:
Mélanges tirés d'une grande
Bibliothèque de la lecture des
livres françois temes XXXIII
XXXIV , XXXV , XXXVI &
XXXVII : in 3. br. A Paris ,
chez Moutard , Impr. -Libr. rue
Idéesd'un militaire pour la difpofition
des troupes confiées aux
Jeunes Officiers , dans la défenſe
& l'attaque des petits poftes ; par
M. Foflé : 1 v. in-4° . b. en car- pont Notre- Dame , Prevoſt , Lib.
son 24 1. fur pap . fuperfin d'Anonay
: 48 liv. A Paris , chez Al.
Jombertjeune, Lib. rue Dauphine.
Lettres fur la Suiffe , adreffées
& Mad. de M**. par un voyageur
ançois , en 1781 : 2 vol . grand
-8 °. br. 12 l. Chez le même.
Lifiæ opera omnia græcè & lainè,
cum verfione nova , triplici
indice , variantibus lectionibus
& notis , edidit Athanafius Au- des Mathurins.
ger : 2 vol. in-8 ° . A Paris , chez
Didor Patné, Libr. rue Pavée
André G. Debure, Libr. quai des
Auguftins ; A. Jombert jeune , L.
rue Dauphine & Th. Barrois
jeune , Libr. quai des Auguflins .
Manuel fur les propriétés de Traité des nerfs & de leurs
Feau, particulièrement dans l'art maladies ; par M. Tiffor : tome
de guérir ; par M. Macquart III , part . 2 , 1783 , in - 12. rel. 2.
voi. in 8 ° . 1783 , bt. 4 liv rel. sliv. rof. A Paris , chez le même.
v. A Paris, chez Nyon l'aîné ,
Libr. rue du Jardinet.
:
Obfervations fur le traitement
de la gonorrhée , trad . de l'Anglois
de S.Foart Simmons : 1783 ,
iR- 12. br. 12 fols. A Paris, chez
Theoph. Barrois , Libr. quai `des
Auguftins.
AVIS
Onfroy Libraire , quai des Au
guffins ,donne avis que l'on trou Envies de Plutarque , traduiges
du grec par Jacques Amyot : ve chez lui les articles fuivans :
Come VIII, in- 8°. & in-4°.
On fouferit pour ce rage
Paris , chez Baflin , Libr. rue
du Petit-Lion , Fauxb. S ..
Effai fur les Comètes en géné
ral , & particulièrement fur celles
qui peuvent approcher de l'or
bite de la terre ; par M. Dionis
Euvres morales de Plutarque, du Sejour : in 8 , br. 4. liv .
aduites en françois par M. Effai fur ics phénomènes rela
P'Abbé Ricard in- 12 . de 471 : tifs aux difpefitions del'Anneau
sel. liv . A Paris , chez la veuve de Saturne ; par le même : in-89 ,
Defaint, Libr. rue du Foin, S. J. broch, 4 liv..
MERCURE
DE FRANCE
DÉDIÉ AU ROI,
PAR UNE SOCIÉTÉ DE GENS DE LETTRES ,
CONTENANT
Le Journal Politique des principaux événemens de
toutes les Cours; les Pièces fugitives nouvelles en
vers & en profe ; l'Annonce & l'Analyse des
Ouvrages nouveaux ; les Inventions & Décou
vertes dans les Sciences &les Arts ; les Spectacles ,
les Caufes célèbres; les Académies de Paris & des
Provinces ; la Notice des Édits , Arrêts ; les Avis
particuliers, &c. &c.
SAMEDI 7 JUIN 1783.
A PARIS
Chez PANCKOUCKE , Hôtel de Thou
rue des Poitevins .
Avec Approbation & Brevet du Roi.
PIÈCES
TABLE
Du mois de Mai 1783,
FUGITIVES .
Vers à M. Sacchini ,
A Madame de ***
le Plaifir
3
AM, de la Grange- Chancel',
P
71
Poëmes , Difcours en vers , lûs
aux Séances de l'Académie
Françoife ,
Les Epoux Malheureux ,
105
120
Le Cygne & le Corbeau , Fa- L'Odyffée , Traduction nouble
,
ib.
49
Couplet à Mme la Comteffe
de Rochefort- Lucé,
Vers à Mme de Gelis ,
Epitre à Mlles D *** & Iſaline
B ***
>
?
Couplet
Air de Renaud
Epitre à mon Ami ,
Fable ,
50
97
velle,
122
Lettres fur la Danfe & fur les
Ballets , 131
Les Métamorphofes d'Ovide
en vers François , 150
Nouv. Théâtre Allemand, 163
La Philofophie de la Motte le
100 Vayer ,
145 Difcours fur l'Hiftoire
98
147
193
Epitre à un Anglois ,
La Différence de neuf ans à
quatorze, Conte , 198
Charades , Enigmes & Logogryphes
, 7 , 5 , 103 , 148 ,
209
170
211
le
Gouvernement , les Ufages
, la Littérature & les
Arts de plufieurs Nations de
l'Europe ,
Les Amours de Daphnis &
Chloé , Traduction , 220
Les Après Soupers de la Société
,

222
SPECTACLES .
Acad. R. de Mufiq. 84,173
NOUVELLES LITTER.
Actes du Synode tenų à Touloufe
,
Difcours en vers fur l'Union Comédie Françoife , 34 , 85 .
qui doit régner entre la Ma-

176, 228
giftrature , la Philofophie & Comédie Italienne , 86 , 180 ,
les Lettres , 30
La Vie du Pape Bengu XIV, |
VARIÉTÉS.
229
32 Réponse à M. le Rédacteur du
Guvres Complettes de Ly- Journal de Luxembourg ,
52
fias,
Hiftoire
de la Vie privée des Anecdote
.
184 , 232
49
François 19 Annonces & Notices , 42 ,
Reflexions Philofophiques fur 91 , 137 , 187 , 238
Patis , de l'Imprimerie de M. LAMBERT & F. J.
BAUDOUIN , ive de la Harpe , près S. Côme .
BIBLIOTHECA
REGLA
MONACENSIS
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI
7 JUIN 1783.
PIÈCES FUGITIVES.
EN VERS ET EN PROSE.
QU'EN
QUATRAIN.
U'EN ce jour mille fleurs couronnent votre tête :
Votre coeur fut toujours le fiège des vertus ;
Et fi le vrai mérite avoit un nom de fête ,
Vous auriez un patron de plus.
Note du Rédacteur. Vadé nous a écrit des Champs- Elysées
pour revendiquer ce Quatrain fauſſement attribué à M. l'Abbé
Clergé , dans l'Hiftoire Littéraire de la Ville d'Amiens
imprimée à Paris en 1782. En effet , on le trouve dans le
quatrième Vol. de fes OEuvres , imprimées chez Duchesne ,
rue S. Jacques , en 1758.
A ij
4
MERCURE
LE BUVEUR D'E AU , Chanfon.
VERSEZ
D'EAU ,
AIR à faire.
{
ERSEZ de l'eau , je hais le vin :
Amis , vous le vantez en vain ;
Pour moi de l'eau je fuis l'apôtre.
Mon nectar vaut mieux que le vôtre ;
Jadis au Paradis d'Éden
Lorsqu'il cultivoit fon jardin ,
Adam n'en a point connu d'autre.
L'EAU fait cent miracles divers ;
Elle eft la fource des bons vers
Aux bords que l'Hypocrène arrofe .
Anaxagore * en vain m'oppoſe
* Anaxagore , Philoſophe Grec , furnommé l'Eſprit ,
parce qu'il enfeignoit que l'efprit divin étoit la cauſe de cet
Univers. Il négligea le foin des affaires publiques & de fes
propres intérêts , pour fe livrer à l'étude de la philofophie.
Il repondit à quelqu'un qui lui demandoit pourquoi il étoit
venu fur la terre : Pour contempler le ſoleil , la lune & les
étoiles. Il enfeignoit que la lune étoit habitée , hypothèſe
très -probable , renouvelée depuis par l'ingénieux Auteur des
Mondes. Il croyoit que le foleil étoit une maffe de matière
enflammée un peu plus grande que le Péloponèſe. Comme
on lui reprochoit qu'il ſe ſoucioit fort peu de fa patrie : au
contraire, répondit-il en montrant le ciel , j'en fais un grand
cas. On l'accufa d'impiété , & on le condamna à mort par
1
DE FRANCE.
S
Un amas d'argumens diferts.
Avec Thalès , de l'Univers
Je foutiens qu'elle fur la cauſe.
LOIN les Buveurs. , foyons amans :
Amis , laiffons les Allemands
Humer le vin en abondance.
Cherchons une autre jouiſſance :
L'eau nous provoque au jeu d'amour ;
Et l'on fait bien qu'en ſon ſéjour
Vénus autrefois prit naiſſance.
Oui, le vin n'eft qu'un doux poiſon ;
Le vin égare la raison.
Ma liqueur jamais ne la trouble:
Par elle l'appétit redouble ;
Et bien fouvent un buveur d'eau ,
Sur le foir , au bord d'un ruiſſeau ,
A l'art de pêcher en eau trouble.
PAR la Fayette & Rochambeau ,
coutumace. Il ſe retirà à Lampfaque , où il établit une
école , & paſſa tranquillement le refte de ſa vie. Ses premiers
Difciples l'y fuivirent.
Thalès de Milet avoit établi , d'après Homère , que l'eau
éroit le principe de toutes chofes. Ne vous haïffez pas ,
difoit-il à fes Diſciples , parce que vous pensez différemment
les uns des autres ; mais aimez vous plutôt , parce qu'il eſt
impoffible que dans cette variété de fentimens , il n'y ait
quelque point fixe où tous les hommes viennent ſe joindre.
A ij
MERCURE
L'Anglois , dans le monde nouveau ,
Sous le pié s'eft vu couper l'herbe.
Il eſt moins fier & moins fuperbe ,
Il a mis de l'eau dans fon vin ;
Et l'Europe entière en refrain
Répète à l'envi ce proverbe.
( Par M. de Saint- Ange. }
4 M. LAVOISIER , de l'Académie
Royale des Sciences.
AIM1 MAABBLE Élève d'Uranie ,
La gloire marque tous tes pas
Quand tu tiens d'une main hardie
Ou l'aſtrolabe ou le compas .
Tu fais pour la philoſophie ,
Oubliant la Cour de Plutus ,
Faire admirer à ma patrie
Le fucceffeur d'Helvétius ,
Et l'ornement de la finance ,
Et la fageffe & l'opulence ,
Et les talens & les vertus.
Lavoifier , lorfque jeune encore
Tu parois rival de Newton ,
Et, comme un brillant météore ,
Viens étonner notre horison ;
Moi , je vois flétrir ma jeuneffe
Par les revers & le malheur ;
!
DE FRANCE. 7.
Mes jours s'ufent dans la détreffe i
Mon âme a perdu ſà vigueur .
Autrefois je charmois ma vie
Par le commerce des Neuf Soeurs ,
Ou je cherchois dans la Chimie
Des réſultats fouvent trompeurs ;
Mais je méprifai la cabale ,
Ses fecrets font peu merveilleux ;
Et la pierre philofophale
Eût été celui d'être heureux.
( Par J. M. R. , Emp. à Laval )
Explication de la Charade , de l'Enigme &
du Logogryphe du Mercureprécédent.
Le mot de la Charade eſt Adieu ; celui de
l'Enigme eft Mercure ; celui du Logogryphe
eft Avenir, ou le trouvent Vire , Eu , rave ,
Ave.
ÉNIGM E.
POURle OUR les amans peine fenfible ,
Je fuis un remède à l'Amour.
Le temps , par qui tout naît & finit tour-à- tour ,
Me rend à la fin moins pénible.
A l'Amitié je porte un coup plus lent ;
Un peu moins vive , elle en eft plus conſtante';
Mais fi quelquefois je l'augmente
A iv
8 MERCURE
Elle me cède plus fouvent.
connoître ,
Sur ceux qui vous ont pu
Églé , vous détruiſez mes droits.
Pour ceux qui vivent fous vos loix
Je fuis un vrai tourment , qui fera long , peut être ,
Vous le pouvez abréger toutefois.
Pour le finir , vous n'avez qu'à paroître.
( Par M. Martineau. )
LOGOGRYPHE.
SANS le vouloir , je t'offre ici mon nom .
J'ai dix piés ; avec fept je t'indique un Oracle
Que l'on confulte avec raifon ,
Et qui jour & nuit fans miracle ,
Mais par l'effet d'un Art ingénieux ,
Parle aux oreilles comme aux yeux.
En moi l'on trouve encore une place au Spectacle ;
Le nom d'un métal précieux ;
Celui d'un Maréchal de France ; -
Celui d'un monftre fabuleux ,
Connu dans les récits dont on berce l'enfance ;
Un germe , objet de ſubſiſtance ;
Un inftrument harmonieux ;
De tout aliment le paffage.
Pour ne te plus paroître obſcur ,
Lecteur , en faut-il davantage ?
Non tu me vois , tu peux en être sûr.
( Par M. David, )
DE FRANCE.
NOUVELLES LITTÉRAIRES .
RÉFLEXIONS de Machiavel fur la première
Décade de Tite- Live , nouvelle Traduction ,
précédée d'un Difcours Préliminaire , par
M. D. M. M. D. R. A Amfterdam , & fe
trouve à Paris , chez Alex. Jombert jeune ,
Libraire , rue Dauphine , 1782. 2 Vol.
in- 8°.
UN grand mérite de cet Ouvrage eft d'avoit
un objet , un objet fenfible & utile , & ce
mérite fe trouve dans le travail du Traducteur,
indépendamment même de l'original.
Cette nouvelle Traduction joint l'élégance
à la fidélité ; elle étoit néceffaire pour
faire connoître Machiavel à ceux à qui la
langue Italienne n'eft pas familière.
Un Difcours Préliminaire , plein d'éloquence
& de raifon , Ouvrage du feul Traducteur
, a fon objet particulier , qui ajoute
beaucoup à l'objet rempli par Machiavel.
Celui- ci , écrivant pour des Nations dégénérées
qu'il vouloit réformer , s'efforce de
les rappeler , finon à la vertu , du moins à
l'énergie antique par l'exemple des Romains ;
mais c'eft principalement à des Républiques
qu'il propofe cet exemple.
Le Traducteur examine juſqu'à quel point
les vertus des Républiques peuvent s'adapter
A v
10 MERCURE
aux Monarchies , & comment & en quo
nous pouvons & nous devons imiter les Ro
mains dans des conftitutions toutes différentes
des leurs: c'eft une des importantes queftions
qui puiffent être traitées , & elle l'eft
ici d'une manière également folide & lumineufe.
Si l'Auteur veut nous donner les vertus.
des Romains , leurs qualités militaires , civiles
, politiques & morales , leur valeur ,
leur difcipline , leur conftance , leur amour
pour la patrie , leur fermeté dans la difgrâce ,
leur fageffe dans la profpérité , leur fagacité
dans l'art de proportionner les moyens à la
fin , il n'eft pas moins attentif à nous ga
rantir des vices dont ce peuple fublime n'étoit
pas exempt ; il blâme hautement fa
cruauté, fa perfidie , fon ambition , fon deſfein
manifefte & fuivi d'affervir l'Univers ;
& c'eft ce qui diftingue , autant que la diverfité
du fujet , la morale politique du Traducteur
de celle de Machiavel ; la première
eft toujours pure , équitable , vertueufe ,
amie du genre- humain ; on n'en peut pas
Toujours dire autant de celle de Machiavel ,
quoi qu'en dife le Traducteur , qui a dû être
favorable à fon original. Le Philofophe Florentin
eft en général trop indifférent au vice
& à la vertu , au jufte & à l'injufte , à la tyrannie
& au gouvernement modéré ; il donríe
à tous indiftinctement des armes & des confeils
; il enfeigne à réuffir dans le mal comme
dans le bien. Il lui importe peu qu'on foit
DE FRANCE.
jufte & bon , tout ce qu'il veut , c'eft qu'on
foit grand , c'est- à- dire , fort , & fur- tout
que l'on foit habile ; mais la force fans juftice
excite l'indignation & pouſſe à la révolte
; la perfidie excite la défiance ; & qu'eftce
qu'une force contre laquelle tout le mon
de eft révolté ? qu'eft- ce qu'une habileté dont
tout le monde fe défie ? Voilà le point fur
lequel il falloit infifter , voilà ce que le beau
génie de Machiavel devoit s'attacher à éclaircir
, à développer , à rendre ſenſible , comme
l'a fait le Traducteur ; car fa doctrine eft le
véritable antidote de celle de Machiavel ; &
les endroits qui nous font le plus de peine
dans celui- ci , trouvent leur réfutation naturelle
dans les principes établis par le Traducteur.
Aufli fe fent- on toujours porté à
refpecter ces principes. On en fent la vérité ,
on en aime la juftice , au lieu qu'on eft fouvent
tenté de difputer contre Machiavel.
Comment le voir de fang froid prendre la
défenſe du fratricide de Romulus , & affurer
qu'il ne pouvoit pas s'en difpenfer , parce
qu'il faut que le fondateur d'une République
foit feul, & ne puiffe éprouver de contradiction
? Comment regretter avec lui la rareté
des fcélérats illuftres , des tyrans habiles , des
factieux impunis , & le défaut d'énergie capable
de produire de grands crimes ? Comment
partager fon indifférence fur le bien
& fur le mal ? " Voulez- vous , dit- il , qu'une
» ville étende au loin fa domination ?»>
Non , je ne le veux pas , & c'eft pour
1
Av )
12 MERCURE
l'avantage même de cette ville que je ne le
veux pas.
"Les moyens fe réduifent à deux , la douceur
& la force. »
Remarquez bien qu'il vous en laiffe le
choix , & qu'il ne vous dit rien de plus pour
vous engager au parti de la douceur qu'au
parti de la force ; dans l'un & dans l'autre
cas vous pouvez également compter fur lui ,
il ne vous refufera pas le fecours de fes
lumières , il vous conduira également au
fuccès.
Si vous prenez le parti de la douceur
» ouvrez toutes vos portes aux étrangers.
Ici on ne peut qu'applaudir.
» Si vous prenez celui de la force , détrui-
» fez toutes les villes voifines..... Rome fut
fidelle à ces principes . »
و د
Et Rome fut violente , injufte & odieufe.
Une telle République mérite
Que l'Orient contre elle à l'Occident s'allie ,
Que cent peuples unis des bouts de l'Univers ,
Paffent , pour la détruire , & les monts & les mers.
Et c'est ce qui devoit le plus naturellement
arriver. Si le contraire a eu lieu , c'eft par un
concours de caufes qui ne nous font pas affez
connues , & , pour le dire en paffant , ce
n'eft peut- être pas un médiocre défaut dans
nos meilleurs Livres politiques , tels que
ceux de Machiavel , de Bodin , de Montef
quieu même , de voir toujours fi évidemment
que les événemens ont dû être tels
DE FRANCE. 13
qu'ils ont été , c'est une manière de prédire le
paffe , dont on appercevroit le ridicule , s'il
n'avoit pas été couvert à force d'efprit , de
talent & de philofophie ; car enfin , nous.
n'avons prefque jamais toutes les données
néceffaires pour affeoir un jugement certain
de ce qui devoit arriver à égalité d'efprit
& de talent , on pourroit donner
une autre explication tout aufli probable
des mêmes événemens ; & fi toutes les données
qui nous manquent nous étoient fournies
à la fois , fi le dégré d'influence de chaque
caufe dans le concours de toutes , nous
étoit affigné avec précifion , nous aurions ,
avec les mêmes faits , des réſultats politiques
tout différens. On peut dire à ces Philofophes
qui voient fi clairement dans le paffé
la liaifon des caufes avec les effets , ce que
La Fontaine difoit aux Aftrologues : L'état
où nous voyons aujourd'hui l'Univers, méritoit
bien que quelques uns d'eux l'euffent
prévu & annoncé , que ne l'ont- ils donc
fait ? Et quant à l'avenir , les caufes font fous
leurs yeux , que ne prédifent ils les effets ?
Et par où l'un périt un autre eft conſervé.
a dit Corneille ; & il eft vrai que tel eft fouvent
le réfultat de l'Hiftoire dans fes principaux
événemens ; cependant le rapport des
effets avec leurs caufes eft infaillible & invariable
; d'où vient donc cette différence ,
finon de ce que les caufes paroiffent être les
mêmes, & ne font pas les mêmes , & de ce
14 MERCURE
qu'aux cauſes apparentes fe mêlent des cau
fes réelles , mais fecrettes
, qui nous échappent.
Pour appliquer cette théorie aux Romains
, il ne faut pas toujours dire : Les Romains
ont pris un tel moyen , & ils ont réuſſi ;
donc voilà le moyen qu'on doit employer
quand on fe propofe la même fin , car peutêtre
ont- ils réuffi malgré le choix du moyen ,
& par d'autres caufes tout-à- fait inconnues :
il ne faut pas que l'événement nous en impofe
; & pour profiter des leçons de l'hiftoire
, on doit y regarder d'un peu plus
près , on doit remonter à la nature des chofes
, & éclairer l'hiſtoire par la philofophie.
Le coeur humain eft affez connu pour que
nous fachions tous que
L'injuftice à la fin produit l'indépendance ;
la fourberie la défiance , & la violence la
révolte. Voilà ce qui fut & ce qui fera toujours
, malgré tous les exemples contraires
que l'hiftoire peut fournir ; ces exemples ne
font que
des exceptions , & nous annoncent
feulement qu'à cette caufe première , qui eût
produit infailliblement fon effet , fe font
mêlées d'autres caufes qui l'ont contrariée
& qui en ont arrêté l'influence. Les Romains
n'ont donc pas réuffi pour avoir détruit toutes
les villes voisines ; car , par la nature des
chofes , ce moyen violent devoit opérer le
foulèvement de tous les peuples , la réunion
de toutes les Puiffances contre la Puiffance
DE FRANCE. 15
Romaine. Peut - être ont - ils réuffi , parce
qu'ils avoient affaire à des voifins ignorans
& barbares , à des espèces de demi- fauvages
qui n'avoient les uns avec les autres aucune
liaiſon , aucune correfpondance , qui
ne favoient pas s'unir ni s'entre-ſecourir
qui peut être ne favoient rien de ce qui fe
paffoit chez leurs voifins. Peut être les Romains
ont ils réuffi , parce qu'ils appliquoient
à une mauvaife fin & à de mauvais moyens
des vertus & des talens qui devoient néceffairement
réuffir . Peut être enfin durent- ils
leurs fuccès à un concours de circonftances
ignorées qui leur échappoient à eux- mêmes ,
& dont ils n'ont pu nous inftruire ; mais ce
que nous favons certainement , c'eft qu'il
n'eft pas poffible qu'ils ayent réuſſi uniquement
pour avoir été violens , fourbes & injuftes
, parce que la nature des chofes y ré- sy
fifte. Il y a , indépendamment des faits , des
vérités métaphyfiques , éternelles , invariables
; quand l'hiftoire ne me montreroit pas
la fin malheureufe de la plupart des Tyrans
, je n'en faurois pas moins qu'un Tyran
eft toujours en danger , parce qu'il est toujours
menacé par la haine publique & particulière.
Les faits qui pourroient paroître
démentir cette théorie , s'expliquent par d'au
tres caufes apparentes ou cachées , connues
ou ignorées , dont l'action a combattu l'influence
de cette autre caufe . Concluons donc
que dans les inductions qu'on tire de l'hiftoire
, il faut fe défier des apparences , re16
MERCURE
monter à l'effence des chofes , difcuter les
cauſes & leur rapport avec de certains effets ,
pour ne pas rifquer de porter de faux jugemens
, & d'établir des principes pernicieux ,
d'après quelques exemples.
Continuons l'examen de Machiavel. Cer
Auteur a un Chapitre dont le titre eft : Que
la fraudefert plus que la force pour s'élever
d'un état médiocre à une grande fortune.
Et la force & la fraude , & la grande fortune
à laquelle on parvient par l'un on l'autre
moyen , ou par tous les deux , font trois
chofes très mauvaiſes & très condamnables ,
que l'Auteur paroît eftiiner beaucoup ; mais
paffons lui pour un moment cette eftime ,
& voyons fr la préférence qu'il donne à la
fraude fur la force , eft jufte. Quoique les
Romains fe foient trop fouvent permis la
fraude , il eft certain que la force en général
a eu plus de part à leurs conquêtes , & que
c'eft principalement par la force qu'ils ont
écrâfé leurs ennemis.
Alexandre , celui de tous les Conquérans
qui a pouffé le plus loin fa fortune , peut
avoir quelquefois employé la rufe ; mais c'eft
ce qu'on apperçoit à peine dans fon Hiftoire
on le voit toujours triompher par
l'audace , par la valeur , par la force.
Enfin , il eſt un peu étonnant de voir un
Écrivain , qui parle fans ceffe d'énergie & de
grandeur , préférer la fraude à la force ; c'eft
qu'il trouve de la grandeur à tromper aufli
bien qu'à vaincre , & qu'il veut qu'on réufDE
FRANGE. 17
fiffe , n'importe par quels moyens ,
Dolus an virtus , quis in hofte requirat.
Mais on peut toujours vaincre , & on ne
trompe qu'une fois , du moins des gens avifés.
" Si tu me trompes une fois , dit un pro-
» verbe Turc fort lenfé , tant pis pour toi;fi
» tu me trompes deux fois , tant pis pour
» moi. » Quand on fe détermine à tromper ,
il faut donc , indépendamment de toure mo
rale , avoir bien examiné fi l'intérêt du moment
eft affez fort pour qu'on y facrifie fa
vie entière , pendant laquelle on fe condamne
à infpirer la défiance & à n'être jamais
cru. Voilà ce que devroient pefer avec
foin ceux qui fe déterminent toujours fi facilement
à tromper , & qui ne fentent pas
qu'on a toujours intérêt de conferver une
bonne réputation.
" La force feule , dit Machiavel , n'a ja
" mais fuffi pour s'élever de la médiocrité à
» une grande fortune , la mauvaiſe - foi feule
» y eft quelquefois parvenue. »
Cela peut être , car il y a des exemples de
tour ; mais il n'en eft pas moins vrai que
l'effet naturel de la mauvaife-foi eft de décréditer
, & de nuire aux fuccès futurs , fi
elle ne nuit pas toujours au fuccès préfent.
« Xénophon , dans la vie de Cyrus , pourfuit
Machiavel , prouve évidemment la
» néceffité de recourir à la mauvaiſe foi. »
Xénophon eft un grand nom ; mais s'il a
eu l'air de prouver cela ( car on ne prouve
18. MERCURE
pas véritablement ce qui n'eft pas ) il a fair.
un grand tort à la morale fans fervir la politique.
Xénophon conclut tout fimplement
qu'un Prince ne fauroit faire de grandes
» chofes fans apprendre l'art de tromper. »
Xénophon , en ce cas , a tout fimplement
fort mal conclu ; il s'eft fait le précepteur
imprudent du vice & de la baffelle.
" L'Hiftorien a toujours foin de remar-
» quer que jamais Cyrus , fans ce talent
» n'auroit pû s'élever à ce haut degré de
puiffance.
"
Il a pris là un foin bien inutile , bien funefte
, bien indigne d'un Hiftorien & d'un
Philofophe , & dont Machiavel n'auroit dû
parler que pour en témoigner fon indignation
; mais bien loin de s'en indigner , il s'y
complait , il y ajoute , il développe cette doc .
trine , il cherche à l'appuyer par d'autres
exemples , & il ne s'apperçoit pas qu'il lui
échappe des traits qui la condamnent. « Les
» Latins , dit-il , fe portèrent à la guerre ,
parce qu'ils ouvrirent enfin les yeux fur
» la mauvaife -foi des Romains. » Voilà ce
qui arrive , on ouvre les yeux fur la mauvaife-
foi , & on s'empreffe de la punir.
و ر
La mauvaiſe- foi eft d'autant moins blâ-
», mable , qu'elle eft plus couverte , comme
» celle des Romains. » C'eft comme fi on
difoit que l'empoifonneur le plus eſtimable
eft celui qui fait le mieux fe cacher.
93
Dans le Chapitre intitulé : Des fujets orDE
FRANCE. 19
dinaires de guerre entre les Potentais , Ma▾
chiavel s'exprime ainfi :
" Ai- je deffein de faire la guerre à un Prin
» ce malgré les noeuds les plus folides for-
» més dès long- temps entre nous ; je trouve
» des prétextes , j'invente des couleurs pour
» attaquer fon ami plutôt que lui : je fais
» que fon ami étant attaqué , il arrivera de
» deux chofes l'une , ou qu'en prenant fa
» défenſe , il me fournira l'occafion de le
combattre , ou qu'en l'abandonnant avec
lâcheté , il découvrira fa foibleffe & le
» peu de cas qu'on doit faire de fon al-
» liance. L'effet naturel de ces deux combinaifons
eft de flétrir fa gloire & de faci-
» liter mes deffeins. "
ود
Fort bien ; voilà donc ce que vous faites
quand vous avez un deffein mal honnête,
injufte , contraire à vos engagemens. & à la
foi donnée ; mais enfin ce deffein , l'approuvez-
vous ? le condamnez- vous ? Il eft évident
que vous l'approuvez & que vous le recommandez.
C'eft avec peine encore que nous voyons
un Chapitre porter le titre fuivant :
Un Prince ne peut vivre avec fécurité tant
qu'il laiffe le jour à ceux qu'il a dépouillés.
Quel mal eft- il arrivé à Charlemagne pour
avoir laiffé vivre Didier , Roi des Lombards ,
dont il avoit envahi les États ; & du temps
même de Machiavel , quel a été pour François
I l'inconvénient d'avoir laité la vie à
Maximilien Sforce , Duc de Milan ? Nous
20 MERCURE
craindrions bien plutôt que cette maxime
Machiavellifte ne devînt funefte au Prince
ufurpateur ou récupérateur , en mettant le
Prince dépouillé dans la néceffité d'ôter la
vie au vainqueur pour pouvoir la conferver.
En devenant plus redoutable à fon ennemi ,
on rend cet ennemi même plus redoutable.
·
Au refte , ce que nous avons dit , que Machiavel
infpire le defir de difputer contre
lui , n'eft vrai que de certains articles , le
plus grand nombre eft de ceux où il entraîne
& perfuade. Son Ouvrage eft plein de vérités
qui importent au genre humain , fes
erreurs mêmes font d'un efprit très - étendu
& très éclairé. C'eft lui qui nous a enfeigné à
tirer de l'Hiftoire la plus grande utilité dont
elle foit fufceptible , en la faifant fervir
d'exemple & de preuve aux principes politiques
qu'il établit jamais on n'a fait de
l'Hiftoire un plus bel ufage , jamais on ne
l'a mieux appliquée à fa véritable deftination.
Machiavel , l'un des plus grands penfeurs
qui ayent écrit , a fourni beaucoup
d'idées aux Écrivains politiques qui font
venus après lui ; & Montefquieu même
peut , à quelques égards , paffer pour fon
Difciple. Chaque Chapitre donne beaucoup
à penfer, & il y en a un grand nombre qu'on
peut regarder comme d'excellens traités fur
des matières délicates & curieuſes , ou comme
des démonftrations très - piquantes de
propofitions paradoxales qui avoient d'abord
étonné. Nous citerons comme dignes d'une
DE FRANCE. 21
attention particulière , dans le premier Volume
, le Chapitre 7 : Combien il importe à
la liberté d'autorifer les accufations . Le Chapitre
8 : Qu'autant les accufations peuvent
être utiles dans une République , autant la
calomniey eft pernicieufe. Le Chapitre 10 :
Qu'autant il est dû de louanges aux fondateurs
d'une République ou d'une Monarchie ,
autant il eft jufte de blâmer les Auteurs d'un
Gouvernement tyrannique. Le Chapitre 17 :
Qu'un peuple corrompu qui devient libre , ne
peutprefque pas réuffir à conferver fa liberté.
Dans le fecond Volume , Livre ſecond ;
le Chapitre 10 : Que l'argent n'eft pas le
nerfde la guerre , comme on le croit communément.
Le Chapitre 15 : Les États foibles
font toujours indécis , & la lenteur à fe déterminer
eft toujours nuifible. Le Chapitre 16 :
Combien les Armées modernes font différentes
des anciennes. Le Chapitre 17 : Quel cas on
doitfaire de l'Artillerie dans les Armées modernes
, &fi l'opinion univerfelle fur ce point
eft fondée en raifon. Le Chapitre 18 : Qu'il
eft prouvé, par l'autorité des Romains &
l'exemple des anciens , qu'on doit faire plus de
cas de l'Infanterie que de la Cavalerie. Le :
Chapitre 24 : Que les places fortes font en
général beaucoup plus nuifibles qu'utiles. Le
Capitre 25 : Que l'on prend un mauvais parti
lorfqu'on veut profiter de la défunion d'une
ville pour l'attaquer & s'en rendre maître. Le
Chapitre 33 : Que les Romains laiffoient leurs
par
22 MERCURE
Généraux parfaitement maîtres de leurs opérations.
Livre Troiſième , Chapitre 6 : Des conjpirations.
C'eft un Traité complet à charge
& à décharge fur cette matière , pour le
moins très- délicate. Le Chapitre 8 : Quiconque
veut changer une République , doit exa
miner quelles en font les moeurs. Le Chapitre
9 : Qu'il faut changer fuivant les temps , fi
l'on veut toujours réuffir. Le Chapitre 10 :
Qu'il eft impoffible à un Général d'éviter une
bataille lorsque l'ennemi veut la donner à
quelque prix que ce puiffe être. Le Chapitre
12 : Qu'un habile Général doit mettre fes
Soldats dans la néceffité defe battre & donner
à l'ennemi tous les moyens de l'éviter. Le Cha
pitre 15 Qu'un chef vaut mieux que plufiears
, & que leur multitude nuit au bien.
Le Chapitre 20 : Un trait d'humanité fervit
plus à vaincre les Falifques que la prudence
des Romains. Le Chapitre 27 : Comment on
rétablit la paix dans une ville divifée , & qu'il
eft faux que pour conferver fon autorité il
faille entretenir la défunion. Ce Chapitre eft
peut- être celui dont on doit favoir le plus
de gré à Machiavel. Il prouve au moins que
l'odieufe maxime : Divide & impera , n'appartient
pas au Code Machiavellifte. N'oublions
pas non plus le Chapitre 29 , dont le
titre eft que la corruption du peuple vient toujours
de celle des Princes.
Dans tous ces, Chapitres , & dans plufieurs
DE FRANCE.
23
autres que nous pourrions citer , l'Auteur
établit des maximes faines , & fait de l'Hif
toire , tant ancienne que moderne , l'ufage
le plus lumineux ; mais nous ne voudrions
pas affirmer que ces Chapitres mêmes fuffent
par- tout entièrement exempts de ce
venin qu'on appelle Machiavelliſme.
NOUVELLE Bibliothèque de Société,
contenant desfaits intéreſſans , des mélanges
de Littérature & de morale , des varietés
hiftoriques , un choix de bons mots , des
Poéfies , Contes , &c. A Londres , & fe
trouve à Paris , chez Delalain l'aîné , Libraire
, rue S. Jacques,
DANS une langue auffi riche que la nôtre
en variétés Littéraires , il eft facile de faire
un paſſable Recueil du genre de celui - ci ;
mais il n'eft pas aifé de renfermer en quatre
Volumes autant de morceaux précieux de
littérature, de morale & de poéfie qu'en offre
cette nouvelle Bibliothèque. C'eft un Recueil
prefque auffi inſtructif qu'amuſant , & fait
avec autant de goûr que de variété. Il y a
fans doute d'autres morceaux qui ne s'y
trouvent pas , & qui auroient pu y être admis
; mais il en renferme bien peu ( s'il en
renferme en effer ) que le goût eût voulu en
exclure. Ainfi cette obfervation eſt un éloge
de nos richeffes Littéraires , & non un reproche
pour l'Auteur de ce Recueil.
La feule divifion des Chapitres annonce ,'
24
MERCURE

non pas un Compilateur laborieux qui entaffe
fans intelligence ce qu'il a choifi fans
goût , mais un Littérateur inftruit , qui apprécie
ce qu'il adopte , & qui , par l'ordre
qu'il donne aux matériaux qu'il emploie ,
prouve autant de lumières & de logique que
leur choix annonce de goût . Nous voudrions
pouvoir faire connoître amplement à nos
Lecteurs cette précieufe Collection ; mais
comment faire un choix parmi des morceaux
tous également bien choifis ? Nous allons parler
, non des meilleurs , mais des plus commodes
à citer , ou des moins connus. Les
faits intéreffans feront lûs avec intérêt , &
les Mélanges forment une riche mine d'inftruction
& de plaifir. Après la Traduction
de deux Lettres de Brutus ; l'excellente Converfation
du Maréchal d'Hocquincourt avec
le Père Canaye , par, Saint- Évremond ,
&c. &c. on trouve quelques Penfées détachées
du Docteur Swift. Nous allons en
tranferire deux.
"
"
86
2
La feconde moitié de la vie d'un homme
fage eft employée à fe délivrer des folies
, des préjugés & des fauffes opinions
qu'il a contractés dans la première .
L'autre Penſée eft auffi vraie qu'originalement
rendue .
" "
peu « La raiſon pour laquelle on voit fi
» de mariages heureux , c'eft que les jeunes
» filles emploient tout leur temps à faire
» des filets , & qu'elles ne penfent point à
» faire des cages. »
Les
DE FRANCE.
25
Les Variétés hiftoriques font divifées en
Anecdotes Françoiſes , Anecdotes Angloifes ,
Efpagnoles , Allemandes , Italiennes , & c.
On trouve des chofes très - curieufes dans
les Ufages des différentes Nations.
" Le Roi de Loango prend fes repas en
deux maifons différentes : il mange dans
» l'une & boit dans l'autre . »
Il y a beaucoup de magnificence dans les
titres que prend le Roi d'Arrakan. « Poffef-
» feur de l'éléphant blanc & des deux pendans
d'oreilles , & , en vertu de cette poffellion
, héritier légitime de Pégn & de
» Brama , Seigneur des douze Provinces de
» Bengale , & des douze Rois qui mettent
» leur tête fous la plante de fes pieds.
1
» Le Roi d'Ava eft appelé Dieu ; & lorfqu'il
» écrit à un Souverain étranger , il s'appelle
» Roi des Rois , auxquels tous les hommes
8
doivent obéir , comme étant parent &
>> ami de tous les Dieux du ciel & de la
> terre ; celui qui , par l'affection qu'ils ont
» pour lui , eft la caufe de la confervation
» de tous les animaux , & de la fucceffion
régulière des faifons ; frère du foleil , proche
parent de la lune & des étoiles
maître abfolu du flux & du reflux de la
» mer , Roi de l'éléphant blanc & des vingt-
» quatre paraſols. »
"
"3
" Quand le Roi de Pégu apprit qu'il n'y
avoit point de Rois à Venile , il fit un G
grand éclat de rire , qu'une toux le prit ,'
No. 23 , 7 Juin 1783 .
Nº.
B
2.6 MERCURE
& qu'il eut beaucoup de peine à parler à
» fes courtifans.
Les Chiruguanes , peuple de l'Amérique
» Méridionale , vont tous nuds ; cependant
" ils ont des culottes ; mais ordinairement
» ils les portent fous le bras , comme nous
» nos chapeaux .
و ر
>>
Parmi les Anecdotes Littéraires , il s'en
trouve une au bas de laquelle il ne manqueroit
que le nom d'un Philofophe Grec , pour
exciter la plus profonde admiration , & pour
faire dire qu'aucun héroïfme n'eſt comparable
au ftoïcifme des anciens Sages .
" Lamotte , par mégarde , marcha fur le
pied d'un jeune homme dans une foule ;
» celui - ci lui donna un foufflet : Monfieur ,
lui dit Lamotte , vous allez être bien fàché
; je fuis aveugle .
و د
"3
Nous ne citerons qu'une des anecdotes
plaifantes :

Une femme galante difoit à un ivrogne :
» croiriez vous , Monfieur , que depuis dix
ans que je fuis veuve , il ne in'a pas pris
la moindre petite démangeaifon de mariage
? Croiriez vous , Madame , que
depuis que je me connois , je n'ai jamais
eu foif? ",
30
93
---
Nous ne citerons ni aucune Poéfie , ni
aucun des Contes en profe qui terminent le
Recueil , quoique le choix de l'un & de
l'autre article foit fort bien fait ; & nous
nous bornerons à l'Anecdote fuivante :
Farinelli , Muficien du Roi d'Eſpagne ,
DE FRANCE. 27
"
avoit commandé au Tailleur un habit magnifique
; quand on le lui rapporta , il de-
» manda fon mémoire. Je n'en ai point .,
répondit le Tailleur , & n'en ferai point ;
» pour tout payement , je n'ai qu'une grâce
» à vous demander. Je fais , continua t'il en
tremblant , que ce que je defire eft un
bien inestimable , c'eft un bien réſervé à
» des Monarques ; mais puifque j'ai eu le
» bonheur de travailler pour un homme
» dont on ne parle qu'avec enthouſiaſme ,
je ne veux d'autre payement que de lui
» entendre chanter un air.
ور
»
» Farinelli tenta inutilement de lui faire
» accepter de l'argent , le Tailleur ne voulut
-» jamais y confentir ; enfin après beaucoup
de débats , Farinelli , vaincu par l'extrême
» defir que cet homme avoit de l'entendre ,
» & plus flatté peut être de la fingularité de
» cette aventure , que de tous les applaudiffemens
qu'il avoit reçus juſques là , s'enferma
avec lui , chanta les morceaux les
plus brillans , & fe plut à déployer toute
» la fupériorité de fes talens. Le Tailleur
étoit enivré de plaifir ; plus il paroiffoit
» étonné ou attendri , plus Farinelli mettoit
» d'énergie dans fon chant , plus il s'efforçoit
de faire valoir toute la féduction &
toute la magie de fon art.
"
ور
"
93
"
Quand il eut chanté , le Tailleur , hors
de lui-même , lui faifoit des remercîmens ,
" & fe préparoit à fortir, Non , lui dit Farinelli
, j'ai l'âme fenfible & fière , & ce
.
Bij
28 MERCURE
» n'eſt même que par- là que j'ai acquis
quelque avantage fur les autres Chanteurs.
» Je vous ai cédé , il eſt jufte que vous me
» cédiez à votre tour. En même- temps il
tira fa bourfe , & força le Tailleur de recevoir
le double de ce que fon habit pourvoit
valoir . »
Ce Recueil répond parfaitement à fon
titre, qui ne promet que ce qu'on trouve en
effet dans l'Ouvrage. C'eft réellement une
Bibliothèque très inftructive , très amufante ,
& qui peut tenir lieu de plufieurs rayons de
livres , fur tout à la campagne.
MÉMOIRE Phyfique & Médicinal , &c.
par M. Thouvenel. A Paris , chez Didot
le jeune , Imprimeur de MONSIEUR ,
quai des Auguftins .
.
LA vérité éprouve fouvent de grandes difficultés
, & plus fouvent encore , mal accueillie par ceux
auxquels on la préfente , elle languit dans l'obfcurité.
Les hommes tiennent à leurs opinions , à leurs
préjugés. Renoncer à des idées qu'on avoit toujours
cru vraies , en adopter de nouvelles qui contrarient
celles là , font des chofes dont tout le monde
n'eſt pas capable . L'hiftoire de l'efprit humain rous
en préfente des exemples continuels . Combien
d'opinions dont on reconnoît la fauffeté , & auxquelles
on tient toujours ! Combien d'autres dont la
vérité eft démontrée , & qu'on refufe d'admettre !
Un feul homme peut donc abfolument avoir raiſon
contre l'opinion publique ; mais peu à peu les bons
efprits fe rangeront de fon côté , & il finira par cmwraîner
tous les fuffrages. "
1
DE FRANCE. 29
Cette révolution toujours difficile & lente , lorf
qu'il s'agit d'établir une vérité nouvelle , l'eft encore
bien plus quand on veut en faire revivre une an-,
cienne , avilie par le temps , rejetée des Savans de
tous les âges , rangée par le Peuple même dans la
clalle des préjugés les plus groffiers.
Dans un Ouvrage que nous avons déjà annoncé ,
& qui a pour but de prouver qu'il exifte des rapports
évidens entre le phénomène des fourciers , ceux,
du magnétifne & de l'électricité , on a entrepris ,
d'opérer cette double révolution. Non - feulement
on y avance un fait univerfellement proferit , mais
on en affigne une caufe abfolument nouvelle :
non-feulement l'Auteur fe déclare hautement le
défenfeur de la Baguette divinatoire , comme phéno ,
mène appartenant à l'animalité , mais il devient encore,
pour ainfi dire , le garant du magnétiſme animal
, en rapportant l'un & l'autre de ces phénomènes,
à l'agent univerfel de l'électricité.
A l'autorité très - grave de M. Thouvenel , en
faveur du fourcier Bleton , eft venu fe joindre le
témoignage très- impofant de bien d'autres Savans
de tous les ordres , qui ont répété les mêmes expériences
, tantà Paris que dans les Provinces , depuis la
publicité de l'Ouvrage de M. Thouvenel en 1780.
Nous ne pouvons être en aucune manière garans
de ces expériences que d'autres Savans ont depuis,
conteftées ; mais l'Ouvrage dont, il s'agit contient
d'ailleurs des chofes affez neuves & affez importantes
pour le rendre recommandable. On y retrouve
fans ceffe ce double objet , 1 ° . d'éclairer les
hommes fur les rapports que l'Auteur annonce entre
les phénomènes de la Baguette divinatoire , du
Magnétifme & de l'Électricité ; 2 ° . de ramener aux
principes & aux loix de la vraie Phyfique , & fur- tout
de la Médecine , l'immense perſpective de ces phé
nomènes étonnans. Nous avons extrait de l'Ou
Biij
30
MERCURE
vrage même une grande quantité de paffages qui y
étant épars & fouvent ifolés ne peuvent que perdre
de leur prix. Cet Extrait fera tout entier de l'Auteur ,
& fera connoître à quoi peuvent fervir dans l'étude
de la Médecine les connoiffances phyfiques & chymiques
, & fur-tout le génie capable de les employer.
t
Après avoir rapporté les principaux faits qui annoncent
une grande analogie entre le fluide électrique
& l'agent des impreffions de fenfibilité de la
part de l'eau fur le corps des fourciers , après avoir
indiqué les expériences qui achèveront de dévoiler
toute l'étendue de ce phénomène , M. Thouvenel
ajoute : Ne trouvera- t'on pas de nouveaux rapports
entre l'électricité fouterraine , l'électricité atmofphérique
& l'électricité animale ; rapports dont
la connoiffance paroît fi importante d'après les prin
cipaux faits & les apperçus de ce Mémoire ? Les
traînées d'eaux intérieures ne font- elles pas les con➡
ducteurs naturels de la première , comme les nuages
dans l'air , comme les vaiffeaux fanguins dans les
animaux ? .... D'après ce rapprochement , & par la
correfpondance univerfelle de l'électricité terreftre
& atmosphérique qui fe tranfimet aux corps organiques,
tel homme ne fent-il pas l'eau fous terre comme
beaucoup d'autres la fentent dans l'air , bien avant
qu'elle ne s'annonce même au baromètre ? comme
un vaporeux fent l'orage , comme un goutteux fentla
neige , & c. »
L'état alternatif d'un fourcier placé ou fur le
filon d'une eau fouterraine & courante qui luis
donne une convulfion plus ou moins forte , ou bien
fur une eau vague , éparfe & ftagnante qui ne lui
fait éprouver qu'un mal-aife général , de la laffitude ,'
de la courbature , du mal à la tête , &c. n'eft-il pas
comparable à l'état d'un autre homme qui , dans la
fphère d'action d'un foyer électrique concentré ,

DE FRANCE. 3T
éprouve une commotion forte , un ébranlement confidérable
, tandis que dans un atmosphère fimplement
ſurchargé d'un fluide éparpillé, il ne reffent que
des fymptômes analogues à ceux du fourcier dans la
feconde pofition .... Le mouvement pareillement alternatif,
celui de rotation directe de la baguette for®
fon axe , indiquant le foyer & le trajet des fources
ou celui de rotation rétrograde dans l'éloignement
de ces fources , indiquant leur profondeur , ne
tient-il pas auffi à l'électricité terreftre pofitive &
négative , ou plutôt à ſon action attractive & répulfive
, qui fe communiquant met en jeu l'électricité"
animale ? »
« Au refte , qu'on ne croie pas que tout
paffe de la même manière à l'égard des différens
fourciers , & quant au mouvement de leur baguette
& quant aux affections de leur corps .... il y a des
contrées où cette efpèce d'hommes paroît beaucoup
plus commune que dans d'autres .... Peut - être trouvera-
t- on , en fixant fur ce point l'attention des Ob-'
fervateurs, que les foibles nuances de la fenfibilité
phyfique animale aux impreffions des eaux comme
conductrices d'électricité , fe rencontrent dans beaucoup
d'individus , quoiqu'il foit aflez, rare d'y trouver
le degré de fufceptibilité éminente qui conftitue
la race des fourciers.... On verra par les exemples
connus & cités de quelques uns d'entre - eux , diftingués
& favans , que les eaux fouterraines , à part ce
qui concerne la baguette , font des impreffions bien
différentes fur les différens individus de cette claffe
d'honimes , & que les organes fur lefquels fe portent
ces impreffions ne font pas non plus les mêmes.
Ces divers effets de l'électricité terreftre paroîtront
analogues & parfaitement relatifs à ceux que produit
fur un grand nombre d'hommes l'électricité
atmosphérique renforcée , concentrée par des nuages
ou autrement. Quelle prodigieufe variété de fenfa-
Biv
32 MERCURE
nons & de fymptômes produit un feul orage fur,
les corps foibles , & même fur les forts !.... En un
mot , tel homme eft électrifé & ému à ſa manière
Par le nuage qui paffe fur la tête , tel autre par
la traînée d'eau qui coule fous fes pieds. Si la différence
des milieux ( de la terre ou de l'atmoſphère )
change quelque chofe à la communication de ce
fluide & à fon action fur les corps qui en font éininemment
fufceptibles , au moins elle n'en eft pas
interceptée ni détruite . »
Cette manière de voir & j'ofe prefque dire de
démontrer la caufe commune , la férie générale de
ces opérations , occultes jufqu'à préfent , ne juftifie-
t- elle pas ce que j'ai dit ailleurs de la prétendue
hydrofcopie de Parangue ? Ne trouvera - t - on pas .
que cette impreffion , fans doute bien diſtincte de la
vraie vifion intuitive à l'égard des objets extérieurs ,
eft en tout dépendante du même principe que
l'impreffion obfervée fur le corps des autres fourciers
, & dont le fentiment fe porte chez l'un fur
les poumons , chez l'autre fur les inteftins , tantôt
fur le diaphragme ou fur le cardia , tantôt fur le
gofier ou fur tous les muſcles extérieurs ? Ne viendra-
t-il pas un jour quelque nouveau fourcier nous
dire qu'il entend les fources couler fous terre , parce
qu'il aura dans l'atmosphère de leurs émanations
électriques , des bourdonnemens ou tel autre mouvement
dans les oreilles , comme on voit en effet
des homines en éprouver dans un atmosphère
électrifé par un orage ou par de fortes machines ?
enfin , par une fuire de merveilles phyfiques , toujours
émanées de la même caufe, ne verra- t- on pas
auffi d'autres individus fairer les eaux , comme on
voit l'onagre & le chameau les fentir à de trèsgrandes
diftances ? ( Voyez Moife & Buffon , ) &
comme on fait le chien de chaffe les fuit à la
que
pifte, quoiqu'enfouies dans les entrailles de la terre ? »
DE FRANCE
33'
" Ne trouvera-t- on pas enfin , en revenant fur
tous ces faits au moins très probables , bien des expériences
lumineuses à faire pour étendre l'impor
tante comparaison que nous voulons établir , des
produits de l'électricité naturelle , atmosphérique &
terreftre fur le corps humain ? On les comparera
encore, ces produits infiniment diverfifiés , à ceux qui
résultent de l'électricité artificielle appliquée & va
riée de toutes les manières à titre de remèdes ,
ceux de l'agent magnétique naturel ou factice admi
niftré dans les mêmes vûes , à ceux auffi de ces électres
magnétiques compofés dont il a été queſtion , &
avec lefquels je n'ai prétendu faire que de fimples
éffais. On appercevra enfin de plus en plus par le rapprochement
de ces faits , la frappante analogie que
j'ai toujours eue préfente en compofant ce Mémoire
, & dont les preuves liées avec celles qui
démontrent l'exiftence de la Baguette divinatoire
feront fans doute trouver à cet inftrument proferit ,
grâce auprès des Phyficiens . »
"""
« Ne reconnoîtra - t-on pas qu'il en eft fur le corps.
vivant des effets du magnétifime aërien , atmosphéri
que ou autre, comme de ceux du minéraliſme fouterrain
, aqueux , métallique , &c. c'est-à-dire , qu'ils
font de part & d'autre ( ces effets ) fubordonnés à des
circonftances de conftitution , de fanté , d'intempéries
, &c. ; qu'ils font avec de grandes variations da
plus au moins , réfervés à un certain nombre d'individas
fpécialement mobiles & irritables ; qu'ils font
particulièrement & quelquefois fympathiquement
répartis , imprimés à certains organes plus foibles ,
plus fufceptibles , fous des formes infiniment diversfiées
.... On trouvera en un mot que les individus
magnétiques , magnétifés , & les individus fourciers
actuellement dans la fphère & fous l'empire du prin
eipe, font abfolument & phyfiquement dans le même
cas; qu'ils font livrés les uns & les autres aux in-
BY
24 MERCURE
fuences du même agent, du généraliffime Auide électrique
, y éprouvant des effets très- analogues. On
connoîtra mieux ce fluide fubtil & actif , dont la dif
tribution dans toute la maffe de l'atmosphère &
de la terre , comporte des concentrations locales ,
préfente des foyers particuliers , comme dans les
traînées d'eaux. fouterraines & atmosphériques
comme dans les filons métalliques & bitumineux
comme dans les corps organiques animaux & végé
taux , &c. »
сс
D'après ces confidération toujours plus étendues
fur le magnétifme , effentiellement affimilé
l'électricité , quant à fes relations avec l'organifine ,
d'après toutes les vûes & les réflexions fecondaires
qui en dérivent , & qui doivent tendre à rapprocher
ces fciences de la Médecine , n'aura-t on pas le droit
de dire aux premiers partifans de ces voies de médications
déguilées , clandeftines : agrandiflez vos
moyens au lieu de les étendre , rendez- les plus phyfiques
, moins.illufoires & moins empyriques. Quant
aux fectateurs du fecond ordre , on les laiffera tâtonner
, s'enquêter de toutes parts , méditer & commenrer
les Brown , les Graham , &c. s'anrufer & s'abufer
de petites boëtes quarrées & pointues , dont
la forme & l'armure font pour le moins indifférentes;
on les laiffera , dis je , en poffeffion de ces petits ap
pareils qui courent & font courir les rues , juſqu'à ce
qu'ils deviennent le jouet des écoliers de Phyfique.
Cette fcience , qui ne laiffe pas facilement ufurper
fes droits , ne manquera pas de rechercher ce qui
dans les effets attribués à l'agent matériel dont il
s'agit , doit lui appartenir légitimement , pour pouvoir
faire enfuite le partage de ce qui tient à l'imagination….….
Des remarques ultérieures fur l'abus ou la
futilité de ces moyens occultes , & fur la diftinction
atile des affections corporelles & morales , qu'ils
peuvçar produire fur l'organiſme humain , ne tenDE
FRANCE. 35°
droient qu'à reftreindre & non à rejeter l'adoption
du magnétifme médicinal. On en abufera encore
comme on a abufé de la Baguette divinatoire
après les avoir bien perfécutés & exaltés l'un &
l'autre , & comme auffi on abaſe , bien qu'elle foit
micux connue , de l'électricité empyriquement adaptée
& appliquée à l'économie animale ; mais tout
cela rentrant dans le domaine de la vraie Physique
appartenant à la Médecine , cet Art , le plus vafte de
tous , ne pourra manquer d'acquérir , par la réunion'
de ces connoiffances homogènes , plus d'extension &
plus de luftre. »
Mais il ne faut pas que les Phyficiens , qui
ne font que cela , aillent plus loin dans le domaine
de la Médecine. Leurs ufurpations ont toujours été
préjudiciables à cet Art ; ils font trop éloignés de
connokre ou trop portés à rejeter les loix de l'orga
nifme vivant , bien différentes de celles des corps
paflifs & inanimés qui font l'objet fpécial & habituel
de leur étude ; ils font auffi trop difpofés par-là
à étendre leurs prétentions , leurs dogmes , à agrandir
le pouvoir de leurs agens qu'ils veulent fans
ceffe affimiler & appliquer au méchanifme dè la
vie.... Mais la Médecine n'en retirera pas à beaucoup
près le parti qu'on veut lui en promettre. Cette
fcience, dégagée de fes erreurs , de fes préjugés ,
confervera toujours fur l'homme fain & malade fes
anciens droits , faus dédaigner toutefois ce que de
fages Novateurs pourront lui fuggérer d'utile. »
Elle a encore à fe tenir en garde contre les
entreprises d'autres ufurpateurs , tout auffi dangereux
, mais pourtant moins étrangers à fon objet ,
moins éloignés , fi je puis le dire , du fanctuaire de
la vie , que les Phyficiens dont il vient d'être queftion.
C'eft aux Chimiftes qu'il appartient d'occuper
l'efpace qui fe trouve entre la Phyfique & la Médecine.
C'eft à eux fur-tout à rapprocher les phéno
Bvj
36 MERCURE
mènes électriques des phénomènes phoſphoriques ;
& ce rapprochement deviendra pour ces Sciences
naturelles une fource de lumière auffi féconde que
f'eft dans la nature même , & dans les procédés de
Tart , la matière des phofphores & de l'électricité.
On fuivra cette matière jufques dans les réduits
obfcurs de l'organifine vivant. »
« Le mécanisme & les produits de la fanguifiçation
, par une fuite de ces recherches , déviendront
plus faciles & plus importans à connoître .....
On concevra, on démontrera peut- être , qu'il n'y
a qu'une feule caufe immédiatement génératrice
de l'échauffement , de la coloration & de la concrefcibilité
plaftique du fang ; trois qualités qui
feules conftituent , moyennant le mouvement
toute la vie organique . On apprendra que la fubftance
colorée de ce fluide fe forme en partie de la
matière fucrée , contenue , engendrée dans l'émulfion
chyleufe ou laiteufe , laquelle eft destinée à
renouveler le fang ; que le foyer de cette converfion
fe trouve dans le poumon , dont le principal
ufage eft d'abforber , du fein de l'air , le fluide
fubtil , vrai principe matériel de couleur , de chaleur
& de plafticité. On apprendra de plus , que
cette matière rouge , conftituée telle par fa nouvelle
combinaiſon , tendante à celle des corps huileuxréfineux
, n'eft point diffoute dans le fang , mais
enfermée dans des véhicules particulières , vifiblement
tiflues , blanches , tranfparentes , de figure
fphéroïde applatie , ( au moins dans l'homme ) ;
que ces globules vraiment organifés & pleins de
inatière rouge font nageans & roulans dans une
Jymphe partie concreſcible , partie inconcrefcible...
On demandera encore compte aux Chimistes du
fer qui fe trouve dans le fang , & ils pourront donner
de fortes preuves , qu'au moins une partie de
ce fer y eft réellement engendré , formé de toutes
>
DE FRANCE. 37
pièces ( comme dans les végétaux ) ; que ce métal ,
combiné avec le même principe éthère , que le fucre
émulfif animal , fait partie conftituante de la matière
rouge. Ils donneront auffi à conjecturer , que
la présence de cette combinaiſon colorée , quafi rèfineufe
& un peu métallique , médiocrement inflam-
' mable , fortement aérée , remplit , dans l'économie
animale , des devoirs importans , fur lefquels ils
s'expliqueront un jour avec les Phyficiens , promoteurs
zélés du magnétifme , de l'électricité & du
pneumatisme. »
« Ils iront encore plus loin que ceux- ci fur les
autres procédés fucceflifs de l'animalité ..... Les produits
divers réſultant de ces procédés , ne font pas
plus fournis aux animaux par leurs alimens , qu'aux
plantes par la terre. C'eft fur- tout de l'atmosphère
que dérivent & s'abſorbent pour les uns & les autres
les élémens primitifs de ces mixtes & de ces
compofés organiques. C'eft l'organiſme même végétal
ou animal qui les travaille & les combine à fa
manière..... Mais il ne faut pas perdre de vue cette
importante diftinction des fluides fubtils , électriques
, aérés , ou autres plus compofés , qui pénètrent
& traverfent le corps vivant , fans y être privés de
leur état d'aggrégation , & fans s'y combiner , d'avec
ceux de même nature , qui s'y fixent pour y
former
d'autres fubftances , pour s'aflimiler à celle de l'organifme.
C'eft- là ce qui fépare la fcience du Chimifte
de celle du Phyficien . »
» La Médecine , éclairée du flambeau de ces deux
Sciences , devra cependant fe défier de leurs fauffes
heurs , & le prémunir contre leurs féductions. Elle
tempérera le dogme trop ardent des Chimiftes , & le
renverfera lorfqu'il fera trop léger. Elle animera ,
pour ainsi dire , l'automate des Phyficiens , trop
adonnés , pour le compte des Médecins , à l'étude
des matières inactives . Mais , par les fecours
38
MERCURE
réunis des uns & des autres , elle fe croit jamais
parvenue à une parfaite connoiffance du fang &
des nerfs , elle fera bien près de connoître tout l'or.
ganisme.....
<<< Tant que l'on ne confidèrera le fang que
comme un fluide circulant , très- compofé , fourniffant
à toutes les fécrétions alibiles , muqueufes &
autres ; tant que l'on ne verra les nerfs , vafculeux
ou non , que comme les inftrumens de la fenfibilité ,
de la mobilité , opérant cette nutrition , ces féciétions
, & c.; tant que l'on ne faifira pas l'enſemble ,
la combinaiſon conftante de leurs fonctions refpectives
; enfin , tant que la Médecine ne confentira
pas à s'aider de tout ce que peuvent lui fournir fes
Sciences acceffoires , en fe réſervant toutefois lé
droit d'en appliquer elle-même les réſultats homogènes
, elle n'aura jamais fur le corps vivant que
des fragmens de favait , des idées incomplettes ,
incohérentes , peu capables de la diriger , au moins
dans ce qui concerne le mécanisme intérieur de
l'animalité, »
«Mais un des principaux phénomènes , appartenant
aux animaux , fur lequel la Médecine ne peut
fe paffer d'être éclairée , c'eft l'acte de leur fubfiftance
fondamentale émanée de l'atmosphère ; fubfiftance
bien plus effentielle que tout autre tirée de
la nourriture. Leur corps eft fans ceffe pénétré ,
traverfé par des torrens de feu & d'air. Le poumon
eft le principal réceptacle de ces fluides fubtils. C'eft
de là qu'en partie digérés , combinés , ils paffert
dans le fang qui s'en nourrit & s'en fecure. Tout
dans cette liqueur vivante porte l'empreinte d'une
vraie turgefcence d'air & de feu. Lorsque le fang
eft mort , on fouftrait à l'action des puiffances vitales
qui l'animent & le meuvent , fon examen
chimique y démontre encore mieux cette compofition
éminemment ignée éthérée . Ces principes
·
DE FRANCE. 39
font ou intimement combinés ou à demi- diffous ,
ou fimplement difféminés dans cette chair coulante:
& vifqueufe. »>
و د »C'eſtàcetalliage,conftammententretenudans
une agitation ofcillatoire , inteftine & progreffive ,
que tiennent fa couleur , fa chaleur , fa plafticité ;
en un mot , ſa vie. Celle-ci ne fait réellement que
s'exercer fur les alimens groffiers que lui prépare.
l'eftomac ; mais elle eft entretenue & fans ceffe renouvelée
par les matières fubtiles qui lui font fournies
du réfervoir pulmonaire. »
fert « Cet organe , dont l'étendue eft immenſe ,
en quelque forte de médiateur entre le cerveau & le
coeur. Les artères font à celui - ci ce que les nerfs
font à l'autre. Le fang abondamment imprégné dans
le poumon , du fluide électrique de l'atmosphère ,
le tranfmet au coeur , où il fe concentre , & de- là ,
par le fyftême artériel , daus tout le corps , où il
porte la chaleur & la vie . Cette liqueur chaude &
vivante eft , par fon écoulement , fon attrition ,
fa
fon bouillonnement perpétuel , & plus encore par
conftitution globuleufe , inflammable & ferruginenfe
, éminemment propre au développement , à la
tranfmiffion du fluide électrique , devenu principe
conftituant de l'animalité ; mais tout porte à croire
que c'eft fpécialement dans le cerveau & les dépendances
qu'aboutit le fiot de cette matière fubtile ,
vivifiante . Dans ce fecrétoire fpongieux & pulpeux ,
comme dans un filtre , éprouvant une nouvelle préparation
, elle devient propre à d'autres ufages , plus
effentiels encore à l'animalité que dans tour ce qui
appartient au fyftême fanguin , & en même- temps
plus nobles & plus relevés dans l'homine , puifqu'en
effet ils tiennent de plus près au fanctuaire &
aux fonctions de l'âme. C'eft au moyen des nerfs ,
fes véritables conducteurs , que cette vapeur animée
, épurée , concentrée , fe répartit enſuite à tous
40 MERCURE
les élémens organiques & à toutes les maffes organifées
du corps , pour y répandre , avec des nuances
qui tiennent à l'organiſation , le fentiment & le
nouvement.... Ainfi le cerveau & les nerfs , ainfi
le coeur & fes artères , font , chacun de leur côté &
chacun pour leur part , mais toujours de concert ,
les deux grands inftrumens de la vie & de la fanté.
Ainfi l'agent qui les met en jeu , qui circule & fe
tranfmet de l'un à l'autre par des communications
infinies , eft donc toujours & par tout le même ;
roujours & par tout ce fluide actif pénétrant
( impetum faciens ) , que l'on appellera au furplus ,
je le répète , comme on voudra . Qu'il foit révendiqué
, caractérisé , fpécifié par les partifans de la
feéte électrique ou magnétique , n'importe ; d'autant
que d'après un grand nombre de faits , d'inductions ,
d'analogies , ces deux agens , avons nous préſumé ,
n'en font qu'un dans le fyftême général de la nature.
»
<< Parcourez une foule d'Ecrits dans lesquels il eft
queftion de cet électricifme ou de ce magnétifme ,
appartenant à l'animalité , vous trouverez par- tout
des traces , des fragmens de cette grande connoif
fance , fucceptible encore d'une bien plus grande
extenfion ....... J'aurois pu tirer parti de ce concours
de témoignages & d'éclairciffemens fur cet objet ,
pour mieux faire juger & reftreindre les novateurs
en ce genre ; pour inviter les Médecins à accorder
plus d'attention à cet ordre de recherches phyficomédicales
, & de la reconnoiffance à ceux d'entreeux
qui , au rifque d'éprouver des dégoûts & des
perfécutions , s'en font gravement occupés ; mais ils
n'auroient pas manqué de me répondre que ces
Médecins-Phyficiens ( Alphyficiens s'il en fut ) , font
trop portés à faire de leur côté , ce qu'on a tant de
fois vû faire par les Médecins Alchimistes , courant
fans ceffe après la chimère des Médecines univer
DE FRANCE. 41
felles , ou du moins abufant par ce fol efpoir le
peuple crédule , toujours trompé & tonjours dupe
fur cela. Ils auroient donné pour preuve ce qui fe
paffe actuellement fous leurs yeux en Angleterre ,.
en France , en Allemagne , mettant en oppofition
les temples & les chambres de médications myftéricufes
avec les arcanes des adeptes nouveaux titrés
ou non titrés ; mais toutes ces preuves n'auroient
pas plus fait pour l'adoption de ces hofpices modernes
confacrés à la fanté , que contre la confiance
populaire aux panacées fecrettes. »
« J'aurois pu encore , rapprochant des moyens
de curation pharmaceutique , ordinaires & ufuelles ,
ceux que promet la Médecine nouvelle , électrique
& magnétique , faire appercevoir , d'après des préceptes
généraux déduits de ce qui précède, leurs limites
refpectives , & prévenir les abus , les incurfions ,
les promeffes vaines , &c.... Il auroit pu réfulter de
ces réflexions quelqu'avertiffement profitable à ceux
qu'un penchant irréfiftible , inconcevable pour tout
ce qui eft occulte , déguifé , merveilleux , conduit
toujours à préférer les médications empyriques dans
tous les genres , phyfiques ou alchimiques..... Enfin
j'aurois pu , des connoiffances les plus pofitives ,
répandues dans ce mémoire , fur l'électricité & le
magnétifme , confidérés feulement comme agent
phyfique , inhérent à la conftitution des êtres
niques vivans , tirer de plus fortes inductions encore
pour affimiler aux phénomènes de cet ordre phyfique
, celui de la baguette ou des baguettes , & pour
en expliquer le mécanisme tout auffi bien que l'on
explique celui des conducteurs électriques , des barreaux
magnétiques , &c . Mais le temps acheveral
tout cela. »
orga-
« La lumière , une fois rendue fur ce point d'igno.
rance & de fuperftition , s'agrandifant encore par
Son rapprochement avec celle qui éinane des phé42
MERCURE
nomènes du magnétifme & de l'électricité , va fans
doute éclairer les hommes , fcrutateurs de la vérité ,
fur d'autres points non moins enveloppés de preftiges
& de tenebres , non moins en butte aux efprits
forts & foibles , incrédules ou croyans fanatiques.
25
« Cette lumière , dirigée vers une foule de phé-,
nomènes bien conftatés , qui décèlent entre les individus
vivans , foit de même efpèce , foit d'efpèces,
différentes , un pouvoir d'action réciproque , mais
rès-inégal ; action de laquelle on voit un exemple
frappant dans le fait des fourciers ; cette lumière ,
depuis long-temps entrevue mais toujours obfcurcie
par quelque preftige , comme celle de la baguette
divinatoire , conduira fans doute à mieux apprécier
& ces phénomènes & leurs caufes. »
>
De la fcience certaine , & prefque devenue dogmatique
, des influences de l'électricité naturelle ,
fpontanée , atmosphérique & terreftre fur tous les
êtres vivans ; de la connoiffance très-médicinale , &
en quelque forte rationnelle des effets , beaucoup .
plus fenfibles , de cet agent général , mis en jeu par
des moyens phyfiques artificiels ; enfin de ce que
l'on fait auffi des opérations très-étendues du magnétifme
minéral , naturel ou factice , fur l'anima
Fité , n'en réfulte - t'il pas cette autre connoiffance ,
plus vafte & plus importante ; qu'il exifte dans les
animaux un foyer toujours agiffant , s'exhalant
toujours d'un principe que l'on appellera , fi l'on
veut , électrique animal , ou magnétique animal ;
foyer fans ceffe entretenu , alimenté , renouvelé par
la communication univerfelle & alternative de ce
principe fubtil entre la terre & ſon atmoſphère.
לכ
" Les animaux toujours nageans dans un bain
de cette matière électrique , mêlée , enveloppée ,
d'eau & d'air , abforbent , retiennent & exhalent
plus ou moins de cette matière mixte , felon la naDE
FRANCE. 43.
ture , l'étendue & l'énergie de leur organifme . Ce
font les nerfs & les vaiffeaux fanguins , avons- nous
dit , qui en font les conducteurs naturels , & c'eſt
par- là que s'exécutent les mouvemens mufculaires ,
toniques & analogues dans les animaux . »
Ainfi , le développement , le tranfport , les
écoulemens de ce fluide animal fubtil , font donc
en partie fubordonnés à l'empire de la volonté , de
l'imagination , des paflions ; foit que par une fuite
de ces impulfions morales le corps éprouve des contracions
muſculaires ; foit que cet effort d'action fe
porte indiftinctement fur toutes les parties conftituantes
du tiffu organique , ou fe concentre à quelques
parties feulement. »
" Quoique l'évaporation naturelle , foit fpontanée
, foit coactive , du principe matériel de la vie ,
bien différente des torrens d'émanations animales
excrémenteufes , à peine imprégnées de ce principe
, fe faffe de toute la furface du corps , il y a
cependant des points vers lefquels fe dirigent (pécialement
ces écoulemens animés , comme femblent
l'indiquer des faits de phyfiologie & des expériences
d'électricité. Mais n'y a-t'il pas en outre , dans l'intérieur
, des correfpondances , des relations d'organe
à organe ? »
Il exifte donc dans l'atmosphère de chaque
animal , des traînées , des courans de ces matières
fubtiles , qui s'échappent fans ceffe de leur corps ,
comme il y en a qui , de l'air & de la terre , le pénètrent
& s'y introduifent de par tout. C'eft dans ce,
flux & reflux continuel , dans les déterminations
diverfes , d'un fluide très- pénétrant , très- actif , dont
tour annonce le caractère vraiment & éminemment,
électrique , que paroît confifter l'espèce d'action &
de réaction dont il s'agit ici entre les animaux ,
quelle eft en effet démontrée par mille & mille faits
inconteſtables , »
la44
MERCURE
>
Mais exifte-t'il des loix d'après lefquelles cette
action réciproque s'exerce , & des connoiffances qui
apprennent à diriger , à changer , à modifier cesloix
? Exifte-t'il des moyens foit naturels , foit
artificiels , d'accroître , de diminuer , de détruire
cette action ? ..... Nous touchons peut -être au moment
de voir paroître la folution de ces queſtions
& cette époque ne pourroit que répandre un grand'
jour fur toute la haute phyfique , notamment fur
celle des corps organiques.... On verroit difparoître
à mefure de bien des têtes & de bien des livres une¹
foule d'erreurs & de préjugés. La phyfique prendroit
par-tout la place de la magie , & nombre de'
faits gravement attribués à cette dernière , ou plus
fagement à des qualités occultes , refteroient les
mêmes , & ne feroient plus conteftés .... La Mé- *
decine appelée magique , qui a déjà eu de fi longs
règnes dans d'autres temps , ne reparoîtroit plus , on
bien elle prendroit un autre nom & des formes plus
fcientifiques. Cette même Médecine , & celle des
attouchemens ( ditte le SECRET ) exercée dans tous
les temps par quelques adeptes empyriques ; certe
Médecine , dis-je , qui n'eft pas fans quelque fondement
, à en juger par les faits , mais dont on a tant
abufé par fes applications , à la faveur d'une crédu
lité fans borne , deviendroit , fans doute , file preftige
en étoit ôté, un fimple fait phyfique facile à
lier à beaucoup d'autres . »
« Toutes ces choſes enfin , moitié réelles , moitié
chimériques , comme tout ce qui concerne la baguette
divinatoire , mais toujours occultes , & fouvent myftérieuſes
, ainfi que cette dernière , cefferojent , fi
elles étoient mieux connues , d'être parmi les hommes
une fource de préjugés , d'impoftures , de dif
putes , & l'occafion trop fréquente d'un penchant
irrésistible au merveilleux & à la fuperftition.
>>
« C'est ainsi qu'un nouveau fil dans le dédale de
DE FRANCE. 4.5
?
la phyfique , un feu fait dans l'étude de cette Science ,
peut fervir à en faire découvrir mille autres ou qui
ont échappé dans tous les temps à la fagacité vigilante
des obfervateurs , ou qui paffent pour être totalement
abandonnés à l'aveugle crédulité des bonnes
gens , ou enfin qui , depuis le règne de je ne fais
quelle fauffe philofophie , corrompant la vraie phyfique
, font malheureufement confacrés au dédain
présomptueux des mauvais Savans . »
Nota. On nous faura gré , fans doute , d'avoir
augmenté ce Numero d'une demi- feuille , pour
donner , fans nuire à d'autres articles , plus d'extenfion
à cet extrait intéreſſant.
SPECTACLES.
ACADÉMIE ROYALE DE MUSIQUE.
LE Mardi 27 Mai , on a donné la première
repréſentation de Péronne Sauvée , Opéra en
quatre Actes , paroles de M. de S *** ;
mulique de M. Dezède.
Tout le monde fait qu'en 1936 , le Comte
de Naffau , à la tête d'une Armée de Flamans
& de Bourguignons , entra en Picardie
& vint affiéger Peronne , pendant que François
Premier étoit avec prefque toutes les
forces en Provence ; que le Maréchal de la
Mark , fecondé de plufieurs Gentilshommes
, qui donnèrent dans cette occafion dés
preuves éclatantes de patriotifme & de courage
, défendit cette place , & força le
46 MERCURE
Comte de Naffau de lever le fiège . Voici çe
qu'ajoute M. de S *** , dans l'Avertiffement
qui précède fon Poëme.
و د
ود
66
Les Hiftoriens qui parlent du Siège de
» Péronne , ne difent pas que dans l'inftant
» où les ennemis alloient furprendre cette
» ville pár efcalade , une femine ( elle fe
nommoit Marie Fouré) en tua plufieurs
» de fa main , appela les habitans & les
» femmes à fon fecours , fe mit à leur tête ,
» & chaffa les ennemis . C'eft de cet oubli
» que j'ai voulu venger Marie , fes parens
» & fes courageufes compagnes qui , en
fauvant Péronne ont fauvé la France. »
L'Auteur renvoye pour les détails de cet
événement au quinzième Cahier des Après-
Soupers de la Société, où il a fait réimprimet
fon Opéra avec une Préface que nous
avons lûe ; il y dit que , " la feule relation
» du Siège de Péronne qui foit connue des
» Savans , eft celle qu'un Religieux Minime
» donna dans le fiècle dernier. C'eft une
و ر
compilation informe ; il y eft parlé affez
» vaguement , & comme par hafard , d'une
perfonne du peuple , fous le nom de
» Marie Fouré, femme d'un Boulanger. »
ود
ود
Le Minime dont il parle eft le Père
Fenier , qui fit imprimer en 1682 , non une'
compilation informe , mais une relation circonftanciée
, platement écrite à la vérité , de
tous les incidens de ce Siège ; ce Minime
n'a nommé en aucun endroit Marie Fouré,
& ne parle point de la femme d'un BoulanDE
FRANCE. 47
ger ; il dit feulement , d'après une tradition
populaire , que dans le temps où l'on donnoit
l'affaut , le bruit fe répandit que les
Bourguignons arboroient leurs étendards fur
les murailles ; hommes & femmes coururent
de ce côté ; une d'elles ayant apperçu un
Enfeigne Bourguignon montant fur une
échelle avec fon drapeau , le lui demanda ,
feignant de l'en vouloir débarraffer, & l'en
recevant par la pointe, elle lui en donna un
coupfur la tête du côté oppofé , qut le précipita
dans le foffe.
Le Père Fenier rapporte enfuite le fait
d'une autre manière , d'après un manufcrit
compolé par un Bourgeois de Péronne , qui
avoit vu le Siège.
L'exploit de Marie Fouré n'a donc d'autres
titres d'autenticité , & d'autres droits à la
confiance du Public , qu'un bruit populaire
& une Proceffion publique qui fe fait tous
les ans à Péronne. On n'en trouve aucune
trace dans les Mémoires contemporains de
du Bellay , ni dans l'Hiftoire de France de
Velly , continuée par M. l'Abbé Garnier , ni
dans celle de François Premier , par M.
Gaillard , & c.
Nous ne croyons pas qu'un Opéra foit
bien propre à venger Marie Fouré de
l'oubli de tous les Hiftoriens ; mais que le
fujet de celui- ci foit fabuleux ou vrai , cela
fait bien peu de chofe au mérite & au fuccès
de l'Ouvrage. Si l'action en eft intéreſfante
& la mufique agréable , on ne deman48
MERCURE
dera pas à l'Auteur les preuves des faits far
lefquels il a fondé fa Pièce. En voici la
marche.
Les Flamands ont mis le fiège devant Péronne
; mais une trêve fufpend les hoftilités.
Le premier Acte fe paffe dans un vallon près
de la ville. La Compagnie de l'Arc s'y eſt
raffemblée pour difputer un prix qu'a remporté
le jeune Sainquentin , fils d'un des principaux
Bourgeois de Péronne , & frère de
Marie. On celèbre fon triomphe , & l'on annonce
fon mariage avec Hélène. Ils fe retirent
; Juliette , foeur d'Hélène , arrive , & eft.
bientôt fuivie de Lubin , fon amant ; ils
ont raffemblé les garçons & les filles pour
la noce de Sainquentin. Une marche villageoife
annonce la fête. Les mariés arrivent
avec leurs parens ; le Maréchal de la Mark
Gouverneur de Péronne , accompagné des
principaux Gentilshommes , vient affifter à
la fête , qui eft interrompue par l'avis que
les ennemis ont rompu la trêve & s'avancent
vers Péronne. Toute la Troupe rentre
dans la place. La Scène change , & repréfente
une plaine , où le trouve une maffe de
pierres qui cache l'ouverture d'un fouterrain
par où les affiégeans le propofent d'arriver
jufqu'aux murs de la place , & de forcer une
des portes pendant que l'Armée fera une
attaque d'un autre côté. Après avoir expofé
leur projet , ils entrent dans le fouterrain :
là finit le premier Acte.
Le fecond fe paffe dans l'intérieur de la
ville.
DE FRANCE.
49
ville. Une troupe de femmes déplore le malheur
dont elles font menacées ; Marie leur
reproche des plaintes inutiles , & les encourage
a partager avec leurs concitoyens les
travaux & les dangers du Siège ; le Maréchal
de la Mark applaudit à cette noble ardeur,
Sainquentin vient annoncer que fon fils &
lui ont arrêté un ennemi qui s'étoit introduit
la nuit dans les murs ; cet ennemi eft le
Chef de la Troupe qui eft entrée dans le
fouterrain , il cft amené fur le théâtre ; il
répond avec beaucoup d'audace au Maréchal
, qui l'interroge fur fes projets , & le
fait conduire à la tour. Dans ce moment on
entend crier aux armes , & l'on voit fur le
rempart Marie tuer un ennemi qui tentoit
d'y monter, & lui arracher fon drapeau . Le
Maréchal ramène Marie fur la Scène , en
louant fon courage , lorsqu'on lui annonce
un Soldat François qui lui remet une lettre
du Duc de Guife , par laquelle ce Général
lui donne avis qu'il arrive au fecours de la
Place , & lui recommande de fortir avec fa
Garnifon au fignal du canon , pour ſe joindre
à lui & tomber fur les affiégeans.
Le troisième Acte repréfente fur le côté.
le dehors des remparts , & au fond la tour
où l'Officier prifonnier a été renfermé. On
le voit paroître au haut de la tour , égorger
un Soldat qui y eft en fentinelle , & fauter enfuite
de la tour dans les foffés. Une patrouille
de Bourgeois , qui vient de faire le tour des
murs , rentre dans la ville par une porte ,
Nº. 23 , 7 Juin 1783. C
So MERCURE
d'où l'on voit fortir Sainquentin père , qui
vient exprimer , dans un long monologue ,
Les inquiétudes & les terreurs fur les dangers
que courent fon fils & fa fille , qui font
fortis avec un détachement pour le joindre
au Duc de Guife. Tout à coup on entend le
bruit du canon , les Bourgeois fe précipitent
en foule fur les remparts ; on voit Marie &
fon détachement fe retirant en défordre ;
Sainquentin père fait une fortie pour repouf
fer les Flamands & faciliter la rentrée du détachement
dans la ville. Alors l'Armée ennemie
s'avance devant les murs ; l'Officier qui
s'eft fauvé met le feu à une mine qui fait
fauter la tour ; une partie des affiégeans fe
porte vers la brêche , d'autres viennent avec
des échelles pour efcalader les murs . Pendant
que la Garnifon fe défend fur les murailles
avec la plus grande vigueur , l'Armée
du Duc de Guife s'avance , furprend les
affiégeans , & les met bientôt en déroute .
Au quatrième Acte , la Scène repréſente
une Place dans l'intérieur de la ville , où fe
réuniffent , par une marche , les troupes victorieufes
avec leurs Chefs & les Bourgeois ;
ils célèbrent leur triomphe par des chants de
victoire & par des danfes.
Cet Ouvrage a été reçu à la première repréſentation
avec une févérité qui nous interdit
un examen trop rigoureux des défauts
qu'on pourroit y relever. Il eſt aiſé de voir
que cette action eft peu fufceptible d'intérêt,
que les incidens en font trop découfus , que
DE FRANCE.
le ton général manque de variété , & qu'en
s'interdifant les reffources d'une intrigue
d'amour , l'Auteur s'eft privé de beaucoup
de détails & d'effets agréables dont le Théa
tre Lyrique ne peut guères fe paſſer. Il a
donc été obligé d'y fuppléer par des détails
peu propres à la Mufique , & par une répé
tition des mêmes tableaux & des mêmes
idées qui y eft tout auffi peu favorable. Le
vice le plus effentiel du Poëme eft dans l'in
cohérence des Scènes mêmes deftinées à
produire le plus d'effet , telles que la Scène
de jalousie de Juliette & de Lubin , le Monologue
de l'Officier ennemi qui exprime fa
haine contre les François ; fon Dialogue avec
le Maréchal de la Mark; la Pantomime du
meurtre de la fentinelle & du faut de la
tour dans les foffés ; le long Monologue de
Sainquentin le père. On pourroit fuppri
mer tous ces morceaux , & l'action n'en
feroit que plus fimple & plus rapide ; car
il n'eft plus queftion dans le reste de la
Pièce de l'amour de Lubin & de Juliette ;
le Monologue de l'Officier & fes Couplets
fur le caractère des François ne font que ra
lentir la marche de l'action ; l'incident qui
le fait tomber entre les mains de Sain
quentin n'y produit aucun changement ,
puifqu'il n'empêche pas fa troupe d'arriver
fur les remparts ; fa fuite de la tour n'eft
pas plus néceffaire , parce que le siége pou
voit continuer fans lui. Quant au Monologue
de Sainquentin , il paroît déplacé. On
Cij
52
MERCURE
ne voit pas pourquoi ce Citoyen chargé de
Ja défenfe de la Ville vient hors des portes
fe livrer à des plaintes & à des terreurs qui
ne conviennent ni à la fituation ni au caractère
qu'on lui a donné. Il y a apparence que
ces incohérences font en partie l'effet des fuppreffions
nombreufes que l'Auteur a été obligé
de faire à fa Pièce , & qui pour fauver
des longueurs , ont mis dans les Scènes un
défaut de liaifon deftructif de tout intérêt.
Nous n'entrerons dans aucun détail fur le
ftyle de cet Ouvrage ; nous dirons feulement
qu'on devoit s'attendre à y trouver moins de
négligences . On pourroit croire que rien n'eft
difficile à bien écrire qu'un Opéra , fi l'on en
juge par ceux qui fortent de la plume d'Écrivains
qui fe font exercés avec fuccès dans
des Ouvrages plus difficiles & plus importans
. Aufli ce n'eft pas fur le Poëme de
Péronne fauvée qu'on jugera M. de S ***.
qui a donné dans d'autres Ouvrages en
profe & en vers des preuves de goût & de
talent que le fuccès a confirmées .
Nous n'ajouterons qu'une réflexion fur le
genre de fon Opéra. Nous fommes bien éloignés
d'en profcrire aucun ; & nous croyons
même qu'on doit encourager toutes les
nouveautés , & laiffer à chaque Auteur la
liberté d'ouvrir , à fes rifques , péril & fortune
, des routes nouvelles dans la carrière
des Arts ; mais nous croyons en même temps
qu'il y a des bornes que le goût des Auteurs.
doit refpecter , & que le goût du Public A
DE FRANCE. 33
ne devroit pas laiffer franchir. L'appareil du
Spectacle , des décorations & de la Pantomime
eft effentiel au Théâtre Lyrique , mais
comme acceffoire ; c'eft dégrader le genre
que d'en faire l'objet principal. Une action
intéreffante conduite avec vraisemblance ,
des fentimens vrais naturellement exprimés
, une poéfie favorable au chant & des
détails propres à mettre en oeuvre toutes les
reffources de la Mufique ; voilà ce qui
devroit toujours former l'intérêt dominant
d'un Poëme Lyrique ; les décorations & les
machines ne font faites que pour donner
plus de mouvement & d'illufion au Spectacle
; & la danſe , pour le varier & l'embellir.
Ce n'eft pas aux hommes d'efprit & de talent à
encourager le mauvais goût qui tend à fabftituer
la Pantomime à la Scène , & des manoeuvres
militaires à une action dramatique.
Il faut laiffer ces reffources aux Spectacles
fubalternes , auxquels le chant & l'ef
prit font interdits.
Nous ne dirons ici que peu de chofe de la
Mufique de Péronne fauvée. Il nous a paru
qu'on l'a jugée trop rigoureufement à la
première repréfentation. Nous y avons
trouvé de l'imagination & de l'originalité ,
des chants agréables & des morceaux
d'harmonie fupérieurs à ce qu'on attendoit
d'un Compofiteur qui n'étoit encore connu
que par des Ouvrages d'un genre moins
favant. Nous croyons en même- temps qu'elle
eft fufceptible de critiques graves & bien
Ciij
$4
MERCURE
fondées ; mais nous attendrons que plufieurs
repréſentations fuivies avec attention nous
ayent mis à portée de recueillir les opinions
des gens de goût , & de motiver nos propres
obfervations , pour entrer dans l'examen fuivi
de cette partie de l'Ouvrage.
Nous renverrons au Mercure prochain les
détails de l'exécution.
VARIÉTÉ S.
RÉPONSE de la Comédie Françoise à celle
de Madame MIGNOT DU VIVIER ,
datée du 11 Mai 1783 .
MADAME,
« La Comédie Françoiſe a reçu votre Lettre , qui
a produit le plus grand étonnement. Son amour,
fon refpect pour M. de Voltaire ont fi fort éclaté
dans tous les temps , qu'il lui étoit impoffible de prévoir
qu'elle recevroit un jour des reproches aufli
amers & fi peu fondés. Sa réponſe fera , Madame ,
une fimple expofition des faits.
« M. Gerbier vint en 1782 à l'Affemblée , nous
dire qu'il favoit que M. Houdon avoit fait en marbre
la Statue de M. de Voltaire ; qu'il étoit inſtruit
que , fi la Comédie defiroit en orner fon Foyer ,
Madame Denis en feroit avec plaifir un préfent au
Théâtre François . Quoique nous euffions acheté le
Bufte de Voltaire en même- temps que ceux de Molière
& de Corneille , nous crûmes pouvoir nous
livrer au plaifir de le multiplier aux yeux du Public ;
mais lorsque jouiſſant de l'idée de tranſmmettre à nos
DE FRANCE.
55
fucceffeurs cet objet de notre admiration , nous nous
fommes portés à le demander , nous ne croyions pas
folliciter d'avance des entraves & des loix. »
» Le Théâtre François appartient au Roi , & les embelliffemens
ou déplacemens ne dépendent point de
nous. Sans entrer dans une difcuffion littéraire , nous
avons pu croire que Molière avoit des droits à la
place qu'il occupe . Le Bufte de M. de Voltaire eſt
placé avec ceux de Corneille & de Racine. Dans le
veftibule d'en-bas , le poële ne pourroit pas foutenir
une Statue d'un fi grand poids ; & fi l'on en conf
truifoit un autre pour la recevoir , elle feroit bientôt
altérée par le feu & la fumée. La falle où on l'a
tranfportée , & où elle eft placée avec foin & avantage
, n'eft ni notre Chambre, comme vous le dites,
Madame , ni notre Salle d'Affemblée : c'eft une Salle
deftinée à recevoir MM . les Auteurs , à tenir les
Affemblées extraordinaires lorfque Noffeigneurs les
Gentilshommes de la Chambre jugent à propos de
les convoquer ; enfin c'eft un fecond Foyer pour les
jours de grande affluence , une galerie , dont cette
Statue fera le principal orneinent , ouverte en tout
temps au Public Il eft poffible cependant que les
voûtes ne puiffent pas fupporter fou poids énorme ;
& , s'il eft néceffaire de la déplacer encore , nous
tâcherons d'obtenir qu elle foit déposée dans le jour
le plus avantageux. »
Dans la demande que l'on nous a engagés à
vous faire lorfque vous avez fait ce don fi précieux
au Théâtre François , il n'a pas été convenu que M.
de Voltaire auroit la préféance fur tous les autres
buftes contre les arrangenens les plus néceffaires.
Tou ef fomis des loix , & notre amour exceffif
pour Md. Voltaire,ne faurt nous porter à propofer
un bouleverfem n difficile & peut être injufte
dans le Théâtre de la Nation . M. vore Oncle a
reçu , Madame , de fon vivant des preuves d'un
86 MERCURE
jufte enthoufiafme de tous les Comédiens François
il ne doutoit pas de nos fentimens. Nous rendons à
fa mémoire les hommages qu'il a fi bien mérités ;
nous mettrons notre gloire à préfenter avec foin , &
le plus fouvent poffible , tous les chef - d'oeuvres au
Public. Le nommer, c'eſt faire parler à-la-fois toutes
les voix de la Renommée ; & s'il vous plaifoit encore
d'avoir quelques doutes fur la pureté des hommages
que nous rendons à ce grand Génie , nous
vous prions de vous fouvenir & de la Lettre que
Vous nous avez écrite, & de celle que nous avons
l'honneur de vous adreffer. »
Nous avons l'honneur d'être , &c .
P. S. Quant au quart de loge en payant dont
Vous vous plaignez fi amèrement , la Comédie ,
animée du vif defir non de s'acquitter envers M. de
Voltaire , ce qui lui paroît impoflible , mais voulant
lui donner une foible marque de fa refpectueule
reconnoiffance , vous a fait l'hommage purement
gratuit d'une loge : vous oubliez , Madame , fes
démarches, fes regrets , & combien elle eft foumife
à l'autorité.
ANNONCES ET NOTICES.
CHARLES PREMIER , Roi d'Angleterre , accompagné
de fon époufe Henriette de France , fille de
Henri IV, &defes deux enfans le Duc d'Yorck , &
de Henriette-Marie , première femme de Philippe ,
Duc d'Anjou & d'Orléans ; Eftampe , d'après Van-
Dick , qui fera terminée dans le courant de 1783 ,
par M. David.
Nous avons annoncé la fuperbe Eftampe de
Charles Premier , par M. Strange. M. Maffard promet
de livrer le même tableau gravé par lui. Voici
un troisième concurrent , M. David , Auteur des
DE FRANCE.
57
Antiquités d'Herculanum , qui , ne voulant pas
perdre des fonds qu'il avoit mis , il y a plufieurs
années , à l'acquifition d'un deffin & d'une planche
préparée à l'eau-forte du temps même de Van- Dick ,
fe détermine à courir les rifques de la rivalité ; mais
il s'y détermine avec cette modeftie qui appartient
au talent. Il ne propofe point de foufcription , il fe
borne à annoncer ſon Eſtampe , qui ne tardera pas
à paroître.
LES Quatre Heures du Jour , deffiné par Défriche ,
dans les environs d'Orléans , gravé par Piquenót. A
Paris , chez l'Auteur , rue de l'Obfervance , la portecochère
en face de la porte du Cloître des Cordeliers.
Prix , 2 liv. 8 fols les quatre.
Ces quatre paysages font d'un effet agréable.
NECESSITE n'a point de loi , peint par Delorme ;
gravé par Mlle Papavoine. Prix , 3 liv. A Paris , chez
l'Auteur , rue Baillet au coin de celle des Bons-
Enfans.

HERBIER de la France , Nos . 34 & 35. A Paris ,
chez Bulliard , rue des Poftes.
Son Dictionnaire élémentaire de Botanique , avec
dix planches coloriées , & la Traduction du Termini
Botanici Linnai , paroitra avec le N ° . 36 de l'Herbier
de la France , dans le courant de Juin , & fc
vendra 15 liv.
LETTRES de deux Amans Habitans de Lyon ,
publiées par M. Léonard . 3 Vol . in - 12 . Prix , 4 liv.
10 fols. A Londres , & fe trouve à Paris , chez
Defenne , au Palais Royal , paffage de Richelieu.
Nous parlerons inceffamment de ce Roman intéreflant
, dont une aventure trop réelle a fourni le
fujet.
58
MERCURE
1
TRAITE des Affurances & des Contrats à la
groffe , par M. Balthazard - Marie Emerigon , Avocat
au Parlement de Provence , ancien Confeiller
au Siége de l'Amirauté de Marſeille , Tome I , in-
4°. A Marſeille , chez Jean Moffy , Imprimeur - Libraire
, à la Canebière ; & à Paris , chez Lamy , Libraire
, quai des Auguſtins.
Cet Ouvrage n'étant pas fufceptible d'Extrait ,
nous nous contenterons de rapporter ici le jugement
qu'en ont porté trois Avocats de Marſeille ,
MM. Gignoux , Maffel & Vitalis , qui l'ont cenfaré
, jugement qui nous paroît dicté par la juftice.
« L'Auteur , qui jouit dans le reffort de ce Parlement
& dans toutes les Places maritimes , de la répu
tation la plus diftinguée & la mieux méritée ,
donne dans ces deux Traités des inftructions précifes
fur la nature & les effets de ces contrats fi
effentiels à l'activité & à la profpérité du commerce.
Il explique avec autant de méthode que d'érudition
les regles par lesquelles ils font régis , il puife fes
opinions dans les principes & dans les loix , dont it
a une parfaite connoiffance ; il les foutient par la
jurifprudence des Arrêts , dont il fapporte exactement
les motifs & les circonftances , par des réflexions
judicieuſes & folides , & par les fuffrages des
Auteurs les plus accrédités . Cet Ouvrage ne pourra
qu'être accueilli du Public avec réconnoiffance. Il
fera utile aux Négocians pour les diriger dans cette
branche de commerce ; il fervira aux Jurifconfultes
pour déterminer leurs opinions , & aux Magiftrats
pour fixer leurs décifions fur la matière importante
des Affurances & des Contrats à la groffe.
ןכ
Une autre approbation donnée par deux Avocats
au Parlement de Provence , MM. Pazery &
Aude , fe rapporte parfaitement à celle- là , & ne
fait pas moins d'honneur à M. Emerigon.
DE FRANCE.
59
METHODES sûres & faciles pour détruire les
animaux nuifibles , par M. Buc'hoz , Auteur de différens
Ouvrages économiques , in - 12 . Prix , 2 livres
10 fols. A Paris , chez l'Auteur , rue de la Harpe
la première porte cochère après le College d'Har
cour.
C'eft une feconde Edition conſidérablement augmentée,
& l'on y a joint la defcription d'une challe
générale ufitée dans l'Afie feptentrionale.
QUATRE Sonates pour le Clavecin ou Forte-
Piano , avec accompagnement de Violon , par M.
Thomelin fils. Prix , 7 livres 4 fols. A Paris , chez
l'Auteur , rue S. Honoré , au coin de celle de Saint
Florentin ; Mme Borelly , rue Feydeau ; Mlle Caftagnery
, rue des Prouvaires ; & à Versailles , chez
Blaizot, rue Satory.
NUMEROS 103 & 104 du Journal d'Arieties
Italiennes , dédié à la Reine. Prix , 2 liv. 8 fols
chaque Numéro pris féparément. La foufcription
pour l'année n'eft que de 36 livres. On foufcrit à
Paris , chez Bailleux , Marchand de Mafique ordinaire
du Roi & de la Famille Royale , rue S. Honoré
, à la Règle d'or.
"
Ce Journal , commencé en 1779 , ſe ſoutient
toujours avec le même éclat , & il paroît que fon
fuccès s'augmente de jour en jour. L'Éditeur a foin
de recueillir les meilleurs Airs à mesure qu'ils paroiffent
en Italie , en Angleterre & en Allemagne , &
la grande variété qu'il y met ne nuit en rien à la
févérité du choix. Nous dirons peu de chofes des
paroles françoifes qu'on a miles fous les paroles originales.
Il y en a d'agréables . Celles qui le font
moins peuvent être excufées par l'extrême difficulté,
l'ingratitude de ce travail. On leur doit au moins
cette juftice , qu'elles font toutes d'un ton très- décent
60 MERCURE
& du caractère propre à la Mufique. Le Numéro
103 que nous annonçons eft un Air d'Anfoffi trèsbrillant
, & le Numéro 104 un Air de l'Opéra
bouffon de la Locanda de Cazzaniga , dont la réputation
eft faite depuis long- temps.
TROIS Sonates pour le Forté-Piano ou le Clavecin
, le troisième avec un Violon obligé , par M.
Hiillınandell , OEuvre VIII. Prix , 6 liv . A Paris ,
chez l'Auteur , rue Poiffonnière , la première portecochère
à gauche après le Boulevard.
On fait combien la manière d'exécuter de M.
Hüllmandell eft faite pour en impofer ; cependant
il faut que fa Mufique ait un charme réel , puifqu'on
la trouve encore remplie de grâces, même avec une
exécution moins parfaite,
Pour les Annonces des Titres de la Gravure ;
de la Mufique & des Livres nouveaux , voyez les
Couvertures.
QUATRAIN
TABLE .
3
ciété , 23
2
Le Buveur d'eau , Chanfon , 4 Memoire Physique & Médici-
A M. Lavoifier , 6 nal, &c .
7 Enigme , Logogryphe ,
Réflexion de Machiavel fur la
première Décade de Tite
Live , 9
28
Académie Roy. de Mufiq. 45
Réponse de la Comédie Francoife
à celle de Mme Mignot
du Vivier
Nouvelle Bibliothèque de So- Annonces & Notices ,
AP PROBATION.
54
16
J'AI lu , par ordre de Mgr le Garde des Sceaux , le
Mercure de France , pour le Samedi 7 Juin . Je n'y ai
rien trouvé qui puiffe en empêcher l'impreſſion. A Par's ,
le 6 Juin 1783. GUIDL
MERCURE
DE FRANCE
.
SAMEDI 14 JUIN 1783 .
PIECES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
VERS à M. FRANÇOIS ; Peintre.
⠀ Tor qui joins au pinceau fidèle ΟΙ
De Dupleffis & de la Tour ,
Le luth aimable de Chapelle ;.
Toi qui maniant tour - à -tour
La lyre , un verre , une palette ,
Sais chanter le vin & l'Amour ,
Peintre , Amant , Buveur & Poëte ;
Lorfque ton crayon féducteur
De mes traits peint la reſſemblance ,
Les tiens font au fond de mon coeur
Gravés par la reconnoiffance.
Hélas ! lorfqu'au facré vallon ,
Inftruit dans l'art de Polymnie ,
Je veux au dôme d'Apollon ,
No. 24, 14 Juin 1783 .
D
62 MERCURE
D'Ovide efquiffer le génie ;
Pourquoi n'ai - je pu raflembler
Et tes couleurs & leur magie ?
Sous mes doigts la maligne Envie
N'eût pas vû le pinceau trembler:
Le Chantre ingénieux que j'aime ,
Alors fier de fe reffembler ,
Eût dit : me voilà bien moi- même.
( Par M. de Saint- Ange. )
MES SPÉCIFIQUE S.
AIR: Où allez- vous Monfieur l'Abbé ?
Si l'on I l'on en croit certain Docteur ,
Spécifique eft un mot trompeur ;
Mais , moi , ne lui déplaife ,
Eh ! bien ,
Je me ris de fa thèſe ;
Vous m'entendez-bien .
EN VAIN Ce Docteur mécréant
Profcrit l'opium & l'aimant :
En morale & phyſique ,
Eh ! bien ,
Il eft maint Spécifique ;
Entendez-moi bien.
Si j'éprouve un accès d'ennui ,
Je prends vîte un julep d'Ay ;
DE FRANCE.
763
Et foudain l'alegreffe
Eh ! bien ,
Exile ma trifteffe ;
Vous m'entendez -bien .
D'AMOUR ai-je un tranfport fiévreux?
Mon fébrifuge eft merveilleux ;
Les charmes de ma Belle ,
Eh! bien ,
Calinent cette étincelle ;
Vous m'entendez - bien.
Des vers quelquefois le Démon
Vient -il me fouffler fon poiſon ?
Le ſpectre d'un N *** ,
Eh ! bien ,
M'en verfe l'antidote ,
Vous m'entendez - bien,
Si des pavots affoupiffans
Mouillent en vain mes yeux peſans ,
Vite , j'ouvre tel Livre.......
Eh! bien ;
De fommeil il m'enivre ,
Vous m'entendez- bien,
De la fatyre le ferpent
M'atteint- il de fon dard perçanı?
Je ris de fa piqûre ;
Eh ! bien ,
Dij
64
MERCURE
Radicale eſt la cure ,
Vous m'entendez-bien .
N'AI- JE pu me fouftraire aux yeux
D'un hydrophobe furieux ?
Le venin qu'il diſtile ,
Eh ! bien ,
Fuit en vapeur fubtile ,
" Vous m'entendez- bien.
Di tel barbouilleur de papier ,
Qui mandie un brin de laurier ,
Je ris de la fotife ;
Eh ! bien ,
Et cela l'émêtife ,
Vous m'entendez -bien.
De la marotte de Momus
Je frotte l'orgueil d'un Craffus
La friction cauftique ,
Eh ! bien ,
Guérit ce mal chronique ,
Vous m'entendez - bien ,
Sous le mafque de l'Amitié ,2
Si l'on m'a féduit à moitié ,
Mon coeur rompt la ſymphife ,
Eh ! bien ,
Des noeuds que je mépriſe ,
Vous m'entendez- bien .
REGTA
MONACENS13
DE FRANCE. 65
ENFIN , deux beaux yeux font l'aimant
Qui m'attire invinciblement ;
Ce puiffant magnétiſme ,
Eh ! bien ,
Vaut bien le meſmériſme *
Vous m'entendez -bien.
POUR VOUS , qui ne m'entendez pas ,
Confultez de jolis appas :
Venez auprès d'Adelle ,
Eh ! bien;
Mais craignez l'étincelle......
Vous m'entendez-bien.
SI TEL dans mes vers croit ſe voir ,
Son âme eft fon premier miroir ;
Chantons fans médifance ,
Eh ! bien ,
Honni qui mal y penfe ,
Vous m'entendez- bien .
( Par M. Ricatte , Avocat , à Montargis.
Explication de l'Enigme & du Logogryphe
du Mercure précédent.
LE
E mot de l'Enigme eft Abfence ; celui du
Logogryphe eft Logogryphe , où le trouvent
horloge , loge , or, Lorge , ogre , orge , lyre
& gorge.
* Mot compofé par alluſion au ſyſtême de M. Meſmer,
Médecin.
Dii)
66 MERCURE
SANS B
ÉNIGM E.
ANS moi finiroit le monde :
Je fuis un fubftantif du genre féminin ;
Ma première moitié compofe la feconde.
Avec cinq pieds , Lecteur , on me rend en latin ;
Mais tandis qu'à chercher ta tête s'évertue ,
Souviens-toi que je viens de m'offrir à ta vûe.
LOGO GRYPH E.
JE fuis avec cinq pieds fſubſtantif féminin ;
1
Mes deux adjectifs out , l'un trois pieds , l'autre cinq.
Telle est mon étrange nature ,
Que fous ces trois rapports tout le monde me craint,
On voit errer par fois mon hôte à l'aventure ;
Mais plus fouvent fon funefte deſtin
Eft qu'on l'enchaîne en lien trifte & peu fain.
De mon tout , cher Lecteur , faifis bien la ſtructure ,
Tu verras qu'il préfente un terme de dédain ;
Du langage François l'article mafculin ;
Ce que pour voir il faut à toute créature ;
Une liqueur amère , en tout vrai chicotin ;
A Rome un oiſeau cher ; ce qu'on tire du lin ;
Et l'arbre peu commun , qui toujours en verdure
Fait l'ornement d'un vieux jardin ;
D'une bonne liqueur j'ai la partie impure ;
DE 67
FRANCE.
J'offre à des yeux perçans , pour l'homme un double
frein
Qu'il ne peut fecouer fans être un franc coqnin .
Encore un trait , Le &teur , & tu vois l'enclouûre :
Toujours funeſte en grand , je plais en petit brin ,
Delà vient qu'on a pu me vanter en latin.
NOUVELLES LITTERAIRES.
JEANNE DE NAPLES , Tragédie en cinq
Actes & en vers , repréfentée par les Comédiens
François le 18 Décembre 1781 ,
au Palais des Tuileries ; & à Versailles ,
devant Leurs Majeftés , le 20 du même
mois ; remife au nouveau Théâtre du
Fauxbourg S. Germain , le 19 Mai 1783 ,
par M. de la Harpe , de l'Académie Françoife.
A Paris , chez F. J. Baudoün , Imprimeur
Libraire , rue de la Harpe , près
S. Côme.
CETTE Pièce , repréſentée il y a plus d'un
an , n'a été livrée à l'impreffion qu'à la re-,
prife qu'on vient d'en faire. On rifque moins
à prononcer fur une Tragédie qui a fubi cette
double épreuve Théâtrale , parce que le tems
a mis dans le plus grand jour , & fes beautés
& fes défauts . Souvent aux premières repréfentations
, un Ouvrage Dramatique obtient .
le plus grand fuccès ; il quitte la Scène au
Div
68 MERCURE
bruit des applaudiffemens d'une nombreuſe
affemblée ; & l'on eft tout furpris , quand il
y reparoît une année après , de le voir reçu.
d'abord avec froideur , & enfuite abandonné.
C'eft que fouvent l'enthouſiaſme qu'excite
une première repréſentation , fe prolonge
jufqu'à celles qui la fuivent ; c'eft un mou-.
vement affez fortement imprimé aux efprits
pour avoir la durée qui fait la meſure d'un
fuccès. Mais quand il s'eft écoulé un affez
long intervalle depuis cette réuflite , & que
la Pièce reparoît au Théâtre , le fecond jugement
qui intervient diffère fouvent du premier
; on a eu le temps de raiſonner les fenfations
qu'on avoit reçues d'abord ; on s'eft
demandé compte de fa première admiration ;
& fouvent la réflexion brife l'idole que l'illufion
ou quelque raifon locale qu'on ne devine
pas toujours , avoient placée fur l'autel.
Le contraire arrive auffi , mais bien plus rarement.
Cette réflexion eft générale ; & je n'en
tire aucune conféquence relative à Jeanne
de Naples , finon que cette Tragédie ayant
fubi ces deux épreuves , la critique peut , fans
témérité , prononcer fur fon mérite. Mais
fi , par cette raifon , le jugement des Critiques
en général devient ici plus facile &
moins hafardeux , le rôle que j'ai à remplir
n'en eft pas moins embarraffant , par la pofition
particulière où je me trouve envers M.
de la Harpe. J'ai autrefois écrit contre lui une
difcuffion littéraire , dont l'objet n'étoit pas de
DE FRANCE. 69
défendre mon amour- propre , ( car je n'ai répondu
encore à aucune critique ) mais de venger
la mémoire d'un homme célèbre , l'Auteur
de la Métromanie ; M. de la Harpe m'a
répondu fur un autre ton (car chacun a le fien);
& d'après cette double hoftilité, on pourroit
craindre de me voir apprécier fon Ouvrage
moins en juge qu'en ennemi. J'ai moi- même
été fur le point de me récufer ; mais je me
fuis interrogé enfuite , & j'ai cru pouvoir
me répondre de moi - même. Cette vieille
querelle n'a laiffé des traces que dans ma mémoire
; je ne trouverai d'autre plaifir à blâmer
que celui d'être vrai & jufte , & je
louerai fans hypocrifie. Il me feroit facile
fans doute de me donner un air de générofité
; mais je croirois humilier M. de la Harpe
par une indulgence qui n'eft faite , ni pour
un Membre de l'Académie Françoiſe , ni
pour un Littérateur auffi diftingué ; au lieu
que la franchife que je mettrai dans mes critiques
, répondra de la fincérité de mes éloges.
Au refte , je ne rappelle cette anecdote
que pour ceux qui l'ignorent , ou qui peuvent
l'avoir oubliée ; & je la rappelle pour
me foumettre d'avance au blâme public ,
fi , après m'être avoué , par la circonftance ,
fufpect de partialité , j'avois la foibleffe d'en
mériter le reproche.
Faifons connoître maintenant le fujet & la
marche de cette Tragédie. Jeanne de Naples ,
entrainée par fa paflion pour l'indigne Prince
de Tarente , a laiffé affaffiner fon mari . Elle
Dv
70 MERCURE
raconte à fa Confidente comment Montelcale
, Grand Jufticier de Naples , ayant fait
mourir les affaffins , a fouftrait leurs dépofitions
pour ne pas voir accufer fa Reine ;
elle fe plaint de la conduite de Tarente ; &
Montefcale vient lui annoncer que Louis ,
Roi de Hongrie , frère du feu Roi , arrivé à
la tête d'une armée pour tirer vengeance
de fa mort , a fait accepter une trêve , &
qu'il vient fiéger aux États affemblés pour
leur demander une juftice entière.Voilà tout
ce qui compofe le premier Acte. L'expoſition
y eft faite très- longuement ; mais elle
fait connoître tous les perfonnages de la Pièce.
+ La Princeffe Amélie ouvre le ſecond Ate
avec Conftance , ſa Confidente , qui la félicite
fur l'arrivée du Roi de Hongrie , fon
amant. Le Roi entre en effet , toujours occupé
de fa vengeance. Amélie , en rivale
généreufe , cherche à éloigner les foupçons
qu'il a fur la complicité de la Reine ; elle
l'exhorte à fe méfier de Tarente ; enfin elle
lui apprend que ce dernier lui eft fecrètement
deftiné pour époux par les États. Scène
très-vive entre le Roi de Hongrie & Tarente.
Le Roi annonce qu'il vient demander aux
États qu'on dépofe la Reine ; mais il déclare
auffi fes prétentions à la main d'Amélie , ce
qui fait que Tarente s'emporte contre lui.
C'eft affez , dit le Roi de Hongrie :
Je conçois vos raifons , tout l'art qui les explique
Et met tant d'équité dans votre politique,
DE FRANCE.
71
Pardonnez fi d'abord je n'ai pu bien juger
Cet art de l'Italie , il m'eft trop étranger ;
Mais il faut que l'adreffe à la fin fe trahiſſe :
Quelquefois la candeur confondit l'artifice.
Vos confeils menaçans m'avertiffent en vain ;
Je puis les réfuter les armes à la main.
Avant de m'y réfoudre , il faut que j'éclairciſſe
Un fecret qui fe cache à l'oeil de ma juſtice .
Je ne vois plus en vous l'organe des États ;
Vous avez des deffeins que peut-être ils n'ont pas.
Napie a des intérêts qui ne font pas les vôtres ;
Et pour régler les fiens vous en avez trop d'autres.
G'eft devant les États qu'il me reste à parler.
On doit m'y recevoir , on va les affembler ;
J'y paroîtrai bientôt. Montefcale y préfide :
J'en croirai ſa vertu , je la prendrai pour guide ;
Et c'est elle qui doit décider avec nous
De Naples , de la Reine , & peut- être de vous..
D'après cela , le Prince de Tarente forme un
projet bien digne de lui ; il fe décide à faire
affalfiner le Roi de Hongrie.
Acte III. Le Prince de Tarente confie fon
projet d'affaffinat à la Reine , qui s'en indigue
, & qui cherche à l'en détourner. Mais
elle le combat en vain ; le Prince s'enfuit en
lui difant :
A nos Chefs je cours me réunir.
Vous , lorfque vous verrez votre ennemi ſans vie ,
Défayouez la main qui vous aura fervie .
L D vj
72 MERCURE
Montefcale vient avertir la Reine que Tarente
a gagné les États , qui font décidés à le
placer demain fur le trône , & à lui donner
la main d'Amélie . La Reine s'abandonne à
fon défefpoir , & s'écrie :
C'eft peu que lâchement Tarente m'abandonne ;
C'eſt Amélie enfin qu'avec lui l'on couronne !
Par un double parjure , auſſi vil qu'inhumain ,
Il briguoit à la fois & mon trône & fa main !
Il ravit ma dépouille , après m'avoir trompée !
Enfin elle fe promet du moins de faire avotter
le projet qu'il a formé contre le Roi de
Hongrie .
Acte IV. Le Roi de Hongrie veut engager
Montefcale à lui nommer les auteurs de la
mort du feu Roi ; mais Montefcale lui réfifte.
La Reine auffitôt vient lui apprendre
que le Prince de Tarente doit le faire affaffiner
cette nuit ; & elle l'exhorte à retourner
dans fon camp. Tarente , qu'elle a mandé
arrive ; il parle encore de la venger par la
mort du Roi de Hongrie. Si tel eft ton efpoir
, lui dit la Reine ,
Il y faut renoncer : il ne faut pas s'attendre ,
Quand le piége eft connu , qu'on s'y laiffe furprendre..
Louis fait tout.
Le Prince DE TARENT E.
O ! ciel !
LA REINI.
Louis fort de ces murs
DE FRANCE. 73
Il fe met à l'abri de ces complots obfcurs ;
Il retourne à fon camp.
Le Prince DE TARENT E.
Moi.
Qui donc a pu
l'inftruire ?....
LA REINE.
Le Prince DE TARENT E,
Vous !
LA REINE.
Oui , moi , te dis-je?
Le Prince DE TARENTE.
Et quel fatal délire ,
Sauvant votre ennemi , vous arme contre moi ?
LA REINE.
Ah ! barbare ! ai - je ici d'autre ennemi que toi ? &c.
Après ce morceau de dialogue , vif &
animé , elle lui reproche fa trahiſon & fon
infidélité ; & l'on vient avertir que Louis eft
dans fon camp , & qu'il ſe diſpoſe à attaquer
le fort.
Acte V. Le Théâtre repréfente un périftile
, où les États vont s'affeinbler. On a
livré un affaut meurtrier ; & enfin , pour obtenir
la paix , on s'eft décidé à fatisfaire le
Roi de Hongrie , c'eft- à- dire , à lui donner
Amélie , & à dépofer la Reine . On s'affemble
enfin, la Reine comparoît , fe déclare
coupable , ainfi que Tarente , du meurtre du
74 MERCURE
feu Roi ; Louis ordonne qu'on faffe mourir
Tarente ; & la Reine fe tue.
La marche de cette Tragédie eſt aſſez ſage,
& ne donne guères lieu qu'à deux
obfervations majeures , fur lesquelles nous
aurons occafion de revenir. Quant au ſtyle ,
on ne peut reprocher à M. de la Harpe
qu'une prolixité trop fréquente ; on peut
l'accufer d'employer fouvent beaucoup plus
de vers qu'il n'en faut pour exprimer fa
penſée. Par exemple , Montefcale , après
avoir dit que les bienfaits de la Reine de
vroient lui répondre de la fidélité du Prince
de Tarente , ajoute :
Mais tel qui , dans des jours de bonheur & de paix ,
Près du trône affidu , comblé de fes bienfaits ,
Dut fa haute fortune à ces talens de plaire ,
Au vain orgueil des Rois hommage néceffaire ,
Souvent dans les périls , par un lâche retour,
Sert auffi mal l'État qu'il connut bien la Cour ,
Et laiffe à la vertu que dans l'ombre on exile ,
Le danger de déplaire & l'honneur d'être utile.
Ce ne font pas là de mauvais vers ; prefque
tous font affez bien tournés ; mais combien
y en a- t'il qui ne font pas néceffaires !
Voltaire fait dire à la Mothe :
Mes vers font durs , d'accord ; mais forts de choſes .
Ceux que nous venons de citer font précifément
le contraire. Il n'en eft pas moins
vrai qu'il feroit à defirer que tous nos AuDE
FRANCE. 75
teurs Dramatiques écriviffent avec autant
d'harmonie , d'élégance , de correction & de
nobleffe . Aux vers que nous avons déjà cités
par occafion , nous pourrions ajouter nombre
de tirades propres à juftifier cet éloge.
Louis , en arrivant , exprime fon trouble au
fouvenir du fang de fon frère qui a coulé
dans ce palais :
Je crains à chaque pas d'en rencontrer la trace ;
J'obſerve avec terreur tous les lieux où je paſſe.
La Nature répète à mon coeur indigné :
Là , peut-être , ton frère eft mort afſaſſiné.
Je foule en frémiſſant cette coupable terre ;
Je me crois entouré des bourreaux de mon frère .
Calmez le trouble affreux qui m'a dû pénétrer ;
Ce n'eft qu'auprès de vous que je puis reſpirer.
J'y viens chercher la paix , l'amour & l'innocence.
En voici d'autres qui , loin de donner lieu
au reproche de prolixité , ont de la rapidité
& du mouvement. Amélie demande au Roi
de Hongrie , jufqu'où il veut porter fa vengeance
; & il lui répond :
Peut-elle aller trop loin ? Ah ! Madame , jamais
Et le trône & l'hymen n'ont vû plus de forfaits.
Quelle Cour ! quelles moeurs ! & quel complot intâme !
On affaffine un Roi preſque aux yeux de ſa femme !
De fa femme !... Et tandis que l'on portoit les coups ,
Tranquille , elle entendoit les cris de fon époux !
Son cadavre trois jours refte fans fépulture ;
76 MERCURE
Et pour comble , en un mot , & d'horreur & d'injure ,
Les meurtriers fix mois demeurent impunis !
Qui donc les enhardit à ce meurtre inhumain ?
Qui les avoit armés ? Qui conduifit leur main ?
Enfin , qui l'eût ofé fans l'aveu de la Reine ?
Déjà pour fon époux on connoiffoit fa haine.
Souveraine en ces murs , quel autre dût venger
L'époux que fous fes yeux on venoit d'égorger ?
Qui donc des criminels dût preffer le fupplice ?
Qui ne les pourfuit pas, fans doute, eft leur complice.
Le Prince de Tarente , dans fa grande &
belle Scène avec le Roi de Hongrie, s'échappe
jufqu'à lui dire que Naples ne veut plus des
Hongrois , que l'Italie appelle encore barbares
. A ce mot , le Roi de Hongrie ſe lève
avec indignation :
Qu'entends-je ? vous n'ofez
Combattre vos vainqueurs , & vous les mépriſez ?
Il vous fied d'infulter à la vertu guerrière ,
De vanter de vos moeurs la douceur menfongère ,
Vos arts effeminés , votre luxe pervers !
Efclaves corrompus , orgueilleux dans les fers ,
Leur fuperbe molleffe eft encore bercée
Du chimérique orgueil d'une grandeur paffée.
Et qu'est donc ce pays jadis fi renommé ?
Du feu des factions je le vois confumé.
Le Sacerdoce altier lutte contre l'empire ;
Le plus fort eft tyran , le plus foible confpire ;
DE FRANCE.
77
On rampe ou l'on opprime; en ce peuple abattu
Le crime eft fans courage, & même la vertu .
Je vois trente cités qu'afferviffent des Prêtres ,
S'agitant fous lejoug , mais pour changer de maîtres ,
Arborer tour-à-tour fur leurs triftes remparts ,
Ou les clés du Pontife ou l'aigle des Céfars.
L'Europe a retenti de leurs longues querelles :
Ils ont couvert de fang ces régions fi belles.
La haine héréditaire au fein de vos États ,
Enfante dans la nuit ces obfcurs attentats ,
Ces timides forfaits que la fourbe étudie ,
Armes de la foibleffe & de la perfidie.
Et l'on nous charge ici d'un titre injurieux!
Ils t'ont affaffiné , mon frère ; & dans ces lieux
Leur infolent mépris devant moi fe déclare !
Hélas ! en t'immolant , ils t'ont nommé barbare.
Nous pourrions citer encore beaucoup
d'autres vers ifolés , tels que celui ci , prononcé
par Montefcale , au fujet de la Reine :
Je ne fuis point fon juge , & je ſuis ſon ſujet.
Et ces deux autres que dit la Reine , en parlant
de Montefcale :
C'est lui que je fuyois au ſein de ma grandeur ;
C'est lui que je retrouve au jour de mon malheur ! ...
Ces deux vers - là font moins brillans que
remarquables par leur noble fimplicité. Ce
n'eft pas une froide fentence ; c'eſt une penfée
vraie mife en fentiment.
78
MERCURE
Maintenant fi la marche de cette Tragédie
n'eft pas effentiellement défectueuſe ,
fi elle a du mérite du côté du ftyle , fi elle
a des détails heureux , même brillans , pourquoi
ne produit - elle pas plus d'effet ? pourquoi
n'eft- elle pas d'un intérêt attendriffant ?
pourquoi n'y verfe - t- on pas des larmes ?
C'eft dans la manière dont M. de la Harpe
a préſenté les Perſonnages qu'il faut chercher
les défauts de fa Tragédie , & ofons le
dire : tous les caractères font prefque effentiellement
manqués. C'eft ce qu'il faut examiner
en détail.
Celui de Montefcale , qui offre le moins
à la critique , n'agit pas conformément à
l'idée que l'Auteur nous en donne quand il
le repréfente comme un Magiftrat d'une
vertu courageuse & auftère. En fuppofant
qu'un Chef de la Juftice qui fait mourir les
meurtriers d'un Roi , & qui fupprime leurs
dépofitions pour ne pas déplaire à la Reine ,
ait réellement de la vertu , à coup sûr ce
n'eft pas là une vertu rigide. Cette conduite
tient plus du Courtifan que du Magiftrat incorruptible.
Jeanne dir que dans cette circonftance
Il fe montra fidèle au Trône comme aux Loix.
Mais nous croyons qu'il eft des cas où refter
fidèle au Trône & aux Loix , eft incompatible
& contradictoire. Cette obfervation
n'empêche pas qu'il n'y ait de beaux détails
dans le rôle de Montefcale.
DE FRANCE. 79
Le Prince de Tarente eft un vil fcélérat ;
ce n'eſt pas là un motif de reproche envers
l'Auteur; mais ce qu'on peut lui reprocher ,
c'eft de ne lui avoir pas donné affez d'adreffe .
Dans fa fcène avec le Roi de Hongrie , au
lieu de montrer cette fourbe politique &
infidieufe qui eût fait une belle oppofition
avec la franchiſe impétueule du Prince Hongrois
, il s'emporte comme ce dernier , &
lui laiffe deviner les trames odieuſes.
Le caractère de Louis , fi beau , fi noble ,
fi intéreſſant dans l'Hiftoire , a perdu beaucoup
de fa nobleffe & de fon intérêt dans
la Tragédie. Pourquoi ? C'eft que dans l'Hif
toire ce Prince qui a quitté les États , qui
a fait deux cent lieues pour aller venger fon
frère & faire punir les auteurs de fa mort ,
ne montre qu'un coeur noble & courageux ,
des vertus défintéreffées ; mais dans la Tragédie
la mort de fon frère n'eft pas le feul
motif qui le détermine. M. de la Harpe ,
pour fuivre une mode que tout le monde
blâme & que tout le monde fuit , a voulu
donner de l'amour au Roi de Hongrie.
Qu'en eft il arrivé ? Qu'après avoir été annoncé
d'une manière brillante , après s'être
préfenté lui même, avec autant d'intérêt que
de dignité , à la Cour de Jeanne de Naples ,
une fois qu'il s'eft montré d'une manière
digne de lui dans une fcène avec le Prince
de Tarente , c'eft à- dire , dès la quatrième.
fcène du fecond Acte , il femble n'avoir plus
rien à faire ; toute fa chaleur ſe borne à des
80 MERCURE
entretiens eifeux avec fon Amélie ; il parle
fouvent des États qui vont s'affembler , &
dont il n'eft queftion qu'à la fin du dernier
Acte ; & ce long intervalle n'eft rempli que
par des paroles & non par des actions. Mais
c'eft fur-tout au dénouement que le vice de
ce caractère fe fait fentir. Dès qu'il a obtenu
la main d'Amélie & ordonné la mort du
Prince de Tarente , il eft fatisfait ; il dit à la
Reine , qui vient de s'avouer coupable , ma
juftice n'a plus rien à prétendre : régnez.
Ainfi ce Roi qui vient venger la mort d'un
frère fur la criminelle époufe , trouve fa juf--
tice fatisfaite , pourvu qu'il puiffe emmener
fa maîtreffe dans fes États ; ainfi ce Héros
défintéreffé n'est plus qu'un amant vulgaire ;
& fi la Reine ne jugeoit à- propos de ſe púnir
elle même en fe donnant la mort , ce Prince ,
après tout ce fafte de vengeance , cet appa-'
reil militaire , & fa courfe de deux cent
lieues , laifferoit le crime fur le trône , &
s'en retourneroit fort content de fon voyage.
Il eft évident que le Roi de Hongrie auroit
bien autrement intéreffé , fi aucun motif
perfonnel ne s'étoit mêlé à la vengeance qu'il
pourfuit ; fi en faifant mourir le Prince de
Tarente , il n'avoit fait que punir l'alfaffin
de fon frère , fans fe venger de fon propre
rival ; fi , en un mot , il ne retiroit d'autre
récompenfe de fon action que le ſentiment
d'avoir été jufte.
Comme plufieurs de nos chef- d'oeuvres don
neroient lieu peut-être à autant d'obfervations
DE FRANCE. 81
critiques , que nous en avons fait jufqu'ici
fur Jeanne de Naples , tous ces defauts
feroient prefque oubliés ou méconnus ,
fi le caractère de Jeanne étoit intéreffant.
Mais malheureufement il ne l'eft ni ne peut
l'être , par la manière dont l'Auteur l'a conçu .
Peut- on lui pardonner le meurtre de fon
époux , quand on la voit brûler encore pour
celui qui le lui a fait commettre ? Par fa
fituation , elle n'eft pas plus excufable que
le lendemain du meurtre commis ; car enfin ,
fi elle a des remords maintenant , il eft à
préfumer qu'elle en avoit alors : le remords
accompagne toujours le crime. Mais qu'a
fait Jeanne pour expier le fien ? Rien ne
m'empêche de croire qu'elle le commettroit
encore fi elle en avoit befoin , puifque fon
coeur est toujours le même. Comment lui
pardonner un amour criminel , quand cet
amour fubfifte encore , que dis - je , quand
elle le manifefte avec le même éclat ? Le
dépit , la jalousie , tous les fymptômes de
cette paffion fe trouvent dans fon coeur &
fur fa bouche. L'Auteur lui fait faire une démarche
, qui pouvoit être un acte de générofité
, quand elle vient avertir le Roi de
Hongrie du complot tramé contre les jours
par le Prince de Tarente ; mais il femble
avoir craint que cette action n'intéreſsât
trop ; car Jeanne ne la fait qu'immédiatement
après avoir appris l'infidélité de fon
amant ; de façon qu'elle n'agit point pour
fauver le Roi de Hongrie , mais pour fe venger
du Prince de Tarente. Cornélie , dans la
82 MERCURE
à
Mortde Pompée , fe trouve dans une fituation
peu- près pareille ; elle avertit Céfar d'une
confpiration , & vient lui dire : Céfar ,
prends garde à toi. Mais ce qui eft dans Cornélie
un pur mouvement de générofité ,
n'eft dans Jeanne qu'un dépit , une vengeance
amoureuſe . Ce n'eft pas que M. de la Harpe
n'ait mis de l'adreffe dans la manière dont
il fait parler d'elle & de fon crime ; il a
foin de rappeler tous les détails qui peuvent
le rendre excufable ; tout ce qu'on
dit d'elle , tend à la faire plaindre ; mais
tout ce qu'elle dit & tout ce qu'elle fait
la condamne.
Je ne quitterai point cet examen fans placer
ici une obfervation qui peut être importante
fi elle eft jufte , & que je foumets
au jugement des connoiffeurs. Elle porte fur
la manière dont Jeanne dénoue la Tragédie ;
on a déjà vû que c'eſt avec un poignard dont
elle fe frappe. Nos premiers Auteurs Tragiques
ne mettoient guères fur la Scène que
des fujets anciens , antérieurs ou étrangers au
chriftianifme. Parmi les peuples chez qui ils
puifoient , un Roi , un Héros qui terminoit ,
par le poignard ou le poiſon , des jours coupables
ou malheureux , ne faifoit qu'un acte
de juftice on de courage ; ainfi le fuicide ,
dans ces fortes de Pièces , étoit un reffort
non feulement permis , mais néceffaire ,
parce que le Théâtre doit être l'imitation
des moeurs. Le chriftianiſme a changé les
principes des nations à cet égard ; mais les
Auteurs Dramatiques, en puifant leurs fujets
DE FRANCE. 83
chez des peuples chrétiens, ont toujours confervé
l'ufage du poignard , uſage ſouvent trèscommode
, & femblable à l'épée d'Alexandre
, qui coupoit ce qu'il ne pouvoit dénouer.
Je n'ai pas l'orgueil déplacé de parler ici
au nom de la religion , je ne parle que pour
l'Art Dramatique , dont la première règle eft
l'imitation fidelle des moeurs. Or , il eft conftant
que le chriftianifme , s'il n'a pas éteint
le fuicide , l'a banni au moins des moeurs
publiques ; & qu'il n'eft guères d'ufage
parmi nous , de voir un Roi ou une Reine
fe poignarder fur fon trône en préſence de
fa Cour.
Voilà les obſervations que m'ont inspiré
la lecture & la repréſentation de cette Tragédie
, obfervations dont je garantis finon la
vérité, au moins la fincérité. Je dois ajouter
en me réfumant , que le premier coup- d'oeil
que M. de la Harpe a jeté fur fon fujet n'a
pas été heureux ; mais que l'ayant ainfi conçu
il n'étoit guères poffible de le mieux rem .
plir ; qu'il l'a enrichi de détails heureux &
brillans ; qu'en voyant les beautés dont fa
Pièce eft femée , on a du regret , pour ainfi
dire , de n'être pas attendri ; que le ftyle en
eſt noble , élégant , harmonieux ; qu'il y a
de grands mouvemens de paffion dans le
rôle de Jeanne , & qu'elle intérefferoit en fa
faveur fi fa fituation lui permettoit d'inté
reffer ; que la noble fierté du Roi de Hongrie
y eft rendue avec force & vérité ; que
le ton des Perfonnages n'a rien d'emphatique,
& la marche de la Pièce rien de forcé.
84 MERCURE
Il est encore certain que M. de la Harpe ,
qui feroit jugé plus favorablement peut- être
s'il n'avoit pas mis tant de rigorifme & quelquefois
de la partialité à juger autrui , s'eft
diftingué par une faine Littérature ; qu'il eft
nourri de l'étude des bons modèles anciens
& modernes ; qu'il donne dans fes Ouvrages
l'exemple du goût , dont il a donné longtemps
le précepte dans fes difcuffions littéraires
; qu'il eft du petit nombre des Auteurs
modernes qui ont confervé à la Tragédie fes
anciennes formes , fa marche fimple & naturelle
; qu'il ne lui donne jamais ce ton emphatique
& exagéré qui la dénature ; qu'il
ne met jamais les convulfions à la place du
fentiment, le bruit à la place de l'action ; &
que fi la Tragédie échappe à la barbarie qui
la menace , il fera compté parmi les Auteurs
qui lui auront confervé fes droits en la reproduifant
toujours fous les véritables traits.
Je peux , en finiffant , affurer M. de la
Harpe , ( au hafard de n'en être pas cru par
lui ) que loin d'avoir du regret au bien que
j'ai dit , j'aurcis voulu pouvoir y ajouter. On
parle avantageulement d'une nouvelle Tragédie
qu'il nous promet dans peu ; qu'il me
force de confirmer l'éloge qu'on en fait
d'avance , & nous ferons tous deux contens ;
il fe croira vengé des critiques que je viens
de faire , & moi je me croirai payé du bien
que j'ai dit.
( Cet Article eft de M. Imbert. ).
VARIÉTÉS.
1
DE FRANCE. 85.
VARIÉTÉ S.
LETTRE de M. Dupuis , Profefeur en
l'Univerfité de Paris , à M. le Rédacteur
du Mercure de France.
MONSIEUR ,
COMMÉ Vous avez accordé à l'Enigme une
place dans votre Ouvrage , j'ai cru pouvoir vous
adreffer la folution de la plus ancienne Énigme
dont vous ayez jamais donné le mot dans votre
Feuille. Elle pourra peut être intéreffer par fon antiquité
même, & par les conféquences qu'on doit
en titer fur le génie énigmatique de tous les anciens
Peuples , & fur la manière dont on doit envifager
les traditions bizarres en apparence confacrées
dans leurs Cofmogonies.
Les Grecs & les Romains , inftruits par les Égyptiens
& par les Peuples favans d'Afie , nous ont
tranfmis une tradition ancienne fur la durée du
Monde , qu'ils partagent en quatre âges , après lefquels
tout périt pour recommencer enfuite dans le
inême ordre. Cette tradition , ſur le retour d'un nouvel
âge d'or, confacrée dans les vers Sybillins donna
licu aux charmantes defcriptions de la quatrième
Éclogue de Virgile.
Les mêmes idées fubfiftent encore chez les Indiens
, qui nous donnent là deffus des détails que
nous ne trouvons ni chez les Grecs ni chez les Romains.
Ils ofent fixer les rapports de durée entre
chacun de ces âges , & en déterminer la fomme
totale ou la durée de cette immenfe période , après
laquelle tout finit pour recommencer encore dans le
même ordre.
Nº . 24 , 14 Juin 1783 .
E
86 MERCURE
Suivant eux , le premier âge eft exprimé par le
nombre 1,728,000 , ou dura un million fept cent
vingt huit mille ans ; le fecond par 1,296,000 ; le
trofième par 864,000 d'années , & enfin le dernier
eft limité à la durée de 432,000 ans. La fomme de
rous ces âges donne pour la durée du Monde quatre
millions trois cent vingt mille ans , après quoi tout
périt pour
fubir une nouvelle création , & ramener
le même ordre de chofes . Les trois premiers âges
font déjà écoulés , & à la fin du quatrième l'âge
d'or renaîtra.
Ce nombre prodigieux d'années n'exprime pourtant
, fuivant eux , que la durée de la vie d'une
vache. Dans le premier âge , cette vache fervant de
monture à l'innocence & à la vertu , s'avance d'un
pas ferme fur la terre, appuyée fur quatre pieds ;
dans le fecond âge ou pendant la durée de l'âge
d'argent , elle s'affoiblit & ne marche plus que fur
trois pieds. Durant l'âge d'airain ou le troisième
age, elle eft réduite à marcher fur deux enfin ,
durant l'âge de fer elle fe traîne fur un feul ; &
après avoir perdu fucceffivement toutes fes jambes ,
elle les recouvre la période fuivante , puifque tout
s'y reproduit dans le même ordre.
Cette vache mystérieuse qui perd une de fes
jambes à mesure qu'il s'écoule un des quatre âges
qui partagent la durée du temps qui fe paffe entre
une première création & la fuivante , & qui ayant
toute la force quand le temps commence , vieillit &
s'épuife avec lui , c'eft l'année commençant au
Printemps fa carrière , au figne du Taureau , autrefois
le premier des fignes. Les quatre faifons forment
fon cortège , & , pour ainsi dire , font les
quatre jambes fur lefquelles alors elle s'appuic.
Arrivée à l'Été , elle en a perdu une ; à l'entrée de
I'Automne elle n'en a plus que deux , jufqu'à ce
qu'enfin elle foit réduite à la dernière pendant l'HiDE
FRANCE. 87
ver , qui termine l'année , & voit expirer la Nature
décrépite pour le renouveler au Printemps , où com
mence l'année , qui ramène un nouvel ordre de
chofes abfolument femblable au premier.
En effet , pour peu que l'on confidère les rapports
qu'ont entre- eux les nombres qui expriment
les âges , on verra qu'ils vont en décroiffant comme
les nombres 4 , 3 , 2 & 1 , ou dans le rapport fui .
vant, lequel diminue le nombre des Saifons , tandis
que l'année s'avance dans fon cercle. Du premier
coup d'oeil on apperçoit que le premier eft exactement
quadruple du dernier , le fecond triple , le
troifième double , & le quatrième le quart du premier
, comme une Saifon n'eft que le quart des
quatre Saifons qui accompagnent l'année .
Il refte à faire voir que ce nombre quatre millions
trois cent vingt mille n'eft qu'une expreffion la
plus fimple de l'année en millièmes parties du temps
que meure un figue chaque jour , ou en douze millièmes
de jours fuivant la divifion des Perfes. Il faut
fe rappeller pour cela ce que difent ces Peuples dans
la diftribution des âges , en âges de bien & de mal ;
que le premier âge répond aux milles du Bélier , du
Taureau & des Gémeaux ; le fecond âge aux milles
du Cancer, du Lion & de la Vierge , & qu'au mille
de la Balance ou da figne de l'Equinoxe d'Automne
commencent les âges du mal . Il réſulte de- là qu'ils
divifoient le Zodiaque en douze mille parties ; pendant
un jour ces douze mille parties font leur révolution
entière , & expriment le mouvement de tout le
Ciel ou le temps que dure une révolution de la ſphère
étoilée : donc en répétant ce nombre 360 fois ,
nombre des jours que les Anciens donnoient à l'année
, dans laquelle ils féparoient les s autres jours
fous le nom d'épagomènes , il réfulte précisément le
nombre 4,320,000 pour la révolution totale de l'année
, c'eft-à-dire , le même nombre que celui par
E ij
88 MERCURE
lequel les Indiens expriment la durée des ouvrages de
chaque création périodique. Par la inême raifon, fi
on divife chacun des âges par 12000 parties pour
en faire des jours , on aura 144 jours , 108 jours ,
72 jours & 36 , qui font entre- eux comme les Saifons
ou comme 4 , 3 , 2 , 1 , & qui , joints enſemble
donnent 360 jours ou l'année fans épagomènes.
Quant à la vache prife pour ſymbole de l'année ,
rien de plus naturel que de peindre l'année avec les
attributs du figne dans lequel elle commençoit fa
carrière. Ce figne étoit celui où étoit placée Io ou la
fille d'Inachus changée en vache , & qui fut adorée,
dit Ovide , en Égypte fous le nom d'Ifis. Or Ifis ,
fuivant Horus Apollo , Grammairien Égyptien ,
défignoit chez eux l'année. Auffi le même Ovide
qui nous dit qu'Io étoit dans le Taureau célefte , nous
dit ailleurs que les Romains célébroient tous les ans
en Mars la fête de l'année qui ſe renouvelle fans
ceffe , ou d'Anna - Perenna que l'on croyoit , dit- il ,,
être la même que la vache dont la fille d'Inachus ou
Io prit la forme. A cette même fête, comine fi tout
eût été renouvelé dans la Nature , on renouveloit les
lauriers d'Apollon dans les Temples , on allumoit le
feu nouveau fur les autels de Vefta , & l'Univers
fembloit renaître de fes ruines . Auffi , dans toutes les
fictions poétiques des Prêtres , on fuppofoit toujours à
cette époque une cataſtrophe affreufe qui bouleverfoit
l'Univers & terminoit la durée de l'ancien
Monde . Au Japon, Peiroug ; chez les Grecs , Pyrra ;
dans l'Inde, le Feu ou Chireg fous la forme d'une
Hamme, échappoient au défaftre du Monde , & en
réparoient bientôt les ruines.
Les bornes étroites d'une lettre m'empêchent
d'entrer dans de plus longs détails fur cette allégorie.
Il fuffit de faire obferver en finiffant que cette
expreffion énigmatique de l'année eft dans le genre
de celle qui fut propofée à Efope , & que de fon
DE FRANCE. 89
temps on renvoyoit aux enfans ; de celle de Cleobule
; qu'elle reflemble à l'Enigme fur l'homme dans
fes âges différens, propofée à dipe . Quant à nous ,
nous n'avons ofé la renvoyer aux enfans , attendu
que jufqu'ici elle a occupé plufieurs Savans qui ont
appliqué leurs fublimes calculs à ces périodes myftérieufes
, qui ne contiennent que l'expreffion de
l'année & les rapports des quatre Saifons durant
la marche progreffive du temps , préfentée fous le
voile de l'allégorie & de l'Enigme , forme fous
Jaquelle les Anciens produifoient les vérités mathématiques
comme les vérités phyfiques & les vérités
morales.
J'ai l'honneur d'être , Monfieur ,
Votre très- humble , &c.
SPECTACLE S.
CONCERT SPIRITUEL.
Il y a eu , depuis la Quinzaine , trois Concerts
de bénéfice ; le premier , au profit de
Mme Todi ; le fecond , pour M. Viotti ; &
le troisième , pour Mme Mara . Les deux pre-.
miers ont été compofés des mêmes perfonnes,&
àpeu près des mêmes morceaux qu'on
avoit déjà entendus avec plaifir pendant la
Quinzaine , & qui ont reçu les mêmes applaudiffemens.
Celui de Mme Mara a préfenté
quelques nouveautés. M. Kreutzer ,
jeune Violon d'une grande efpérance , a exécuté
un Concerto de M. le Baron de Bagge ,
Eij
no MERCURE
dans lequel on a diftingué la manière originale
de ce célèbre Amateur. M. Amantini ,
qu'on n'avoit pas entendu publiquement depuis
long- temps , a chanté avec beaucoup
de goût le fameux rondeau de Sarti ; on a
juflement admiré la beauté dè fa voix fonore
& intéreffante. Mme Saint - Huberti ,
dont le fuccès aujourd'hui eft , avec raiſon ,
général , a très bien exécuté avec Mme
Mara un fort beau duo d'Anfoffi ; & le
Concert a fini par un terzette de Paifiëllo
chanté par ces trois Virtuofes. Ces deux ef
pèces de morceaux , qui plaifent prefque
toujours , qu'on défireroit d'être à portée
d'entendre plus fouvent , n'ont pas peu contribué
à rendre l'affemblée nombreufe &
brillante.
Nous avons promis d'entrer dans quelques
détails fur le mérite de ces deux excellenres
Cantatrices.qui viennent partager les
fuffrages de cotte Capitale avec une égalité fi
rare ; notre devoir eft de conferver cette
même égalité dans le compte que nous en
rendrons , d'éviter tout ce qui pourroit élever
l'une au deffus de l'autre , de nous défendre
, en un mot , de tout ce qui pourroit
reffembler à la partialité. Nous ne nous diffimulons
pas combien cette tâche est épineufe
& délicate. Si les talens de ces deux Virtuofes
eft égal, il n'eft pas pour cela femblable ; &
pourrons nous vanter dans l'une des qualités
qui manqueroient à l'autre , fans qu'on nous
accufe d'avoir forcé la balance en fa faveur ?
DE FRANCE. 91
Nous devons compte aux Amateurs de Province
des fenfations qu'elles ont faites fur le
Public de Paris ; mais qu'eft ce que le Public?
N'eft il pas compofé de Sociétés différentes ,
ayant un fentiment différent ; & ne nous accufera
t'on pas d'injuftice , lorfque chacune
de ces Societés ne trouvera pas notre jugement
d'accord avec le fien ? Malgré ces inconvéniens
, nous oferons entreprendre ce
parallèle , perfuadés que les Lecteurs de
bonne foi ne fufpecteront pas la nôtre.
Mme Todi eft née en Portugal ; c'eft - là
qu'elle a pris d'excellentes leçons d'un excellent
Maître ( David Perez ) l'un des derniers
foutiens de la bonne École . Elle a quitté
le Portugal pour l'Angleterre , c'est fon premier
Théâtre. Comme elle n'avoit alors
qu'une réputation naiffante , elle n'ofa s'engager
d'abord que pour l'Opéra Bouffon .
Mais bientôt on a fenti que le genre de fa
figure , de fa voix , de fon chant , étoit beaut
coup plus propre à l'Opéra férieux , & c'eft
à cet emploi qu'elle eft maintenant confa+
crée. En quittant Londres , Mme Todi vint
à Paris. Elle y fit une fenfation prodigieufe ,
& d'autant moins fufpecte , qu'elle n'y avoit
point été précédée par fa réputation , & que
fon fuccès , après différens voyages , n'a fait
que fe confirmer. L'aurore de la mufique
commençoit à luire en France ; nous avions
entendu des Virtuofes célèbres , mais aucun
n'avoit encore réuni au même point les qua
lités analogues au goût naiffant de la nation.
E iv
92 MERCURE
C'eft par l'expreffion fur- tout que Mme Todi
fur nous plaire ; cette expreffion , qui anime
fa voix , fon âme , fa figure , parut ne rien
laiffer en elle à defirer.
Mme Mara eft née en Saxe . Elle en eft
fortie fort jeune , & a été élevée en Angleterre.
Elle ne peut pas fe vanter de fon Maître
; fon nom ( fignor Paradifi ) n'eft pas
venu jufqu'à nous ; mais fi fes talens répondoient
à ceux de fon Élève , la Renommée
eſt bien injuſte. Mme Mara fut appelée à
Berlin , & fes talens étoient déjà tels qu'ils
triomphèrent des préjugés que l'on avoit
conçus contre eux . C'eft de ce coin de terre
( car dans l'empire mufical la Pruffe eft un
bien petit Royaume ) que fa réputation ſe
répandit par route l'Europe. Mme Mara
étoit très connue des véritables,Amateurs de
Paris lorfqu'elle y vint . On l'avoit fort préconifée
, & cependant elle n'éprouva point
le fort ordinaire des talens trop vantés. Malgré
les éloges prodigués d'avance , malgré le
fuccès conftant de Mime Todi , qu'on nommoit
la Chanteufe de la Nation , malgré le
plaifir qu'avoient fait d'autres Virtuofes
dans un genre plus approchant de celui de
Mme Mara, elle réuffit beaucoup , & fon
fuccès à ce dernier voyage a pris encore de
nouvelles forces. Il s'eft foutenu à côté de
celui de Mme Todi ; celui de Mme Todi
s'eft foutenu à côté du fien : c'eft affez les
louer l'une & l'autre.
La voix de Mme Todi eft large , noble ,
DE FRANCE.
93
fonore , intéreffante ; elle eft fort étendue an
grave , & l'eft affez à l'aigu pour les airs
qu'elle fe permet de chanter. La voix de
Mme Mara eft brillante , légère & d'une
facilité étonnante. Son étendue dans le haut
eft fort extraordinaire , fur - tout par fon extrême
égalité.
Mme Todi a fur la voix , fur tout lorfqu'elle
chante la grande expreffion , un certain
voile qui la rend encore plus intéreſ
fante. Cette légère altération , qui paroît venir
de fon âme , eft ſouvent d'un effet fi heureux
qu'elle remplit celle des Auditeurs de
la plus vive émotion ; elle imite le fon des
pleurs , & les larines coulent autour d'elle.
Le timbre de la voix de Mme Mara eft
très éclatant , très pur , il ébranle toutes les
fibres de ceux qui l'entendent . On eft étonné
de la rapidité des paffages , ravi de leur netteté
, de leur perfection . Les airs les plus difficiles
ne le font pas pour elle; leur difficulté
même difparoît par la facilité dont elle les
rend.
La voix de Mme Todi eft plus favorable à
l'expre lien qu'à la bravoure ; mais fon art a
fu tout vaincre, & elle fait des paffages très
difficile avec beaucoup d'habileté. Le genre
le plus familier à Mme Mara eft la bravoure;
mais comme elle a beaucoup d'âme
& d'intelligence , elle chante les rondeaux &
les airs d'expreffion avec beaucoup de grâce
& de fentibilité. Il eft à remarquer que c'eſt
par un air rempli de paffages A morirfe mi
1
Ev
94 MERCURE
condanna , de Paifiëllo , que Mme Todi a
d'abord établi fa réputation en France ; &
c'eſt par le rondeau d'expreffion de Nauman :
Tu m'intendi , que Mme Mara a conftaté la
fienne .
Ces deux Virtuofes fe rapprochent en ce
point ; leur manière eft cependant très différente
, ainfi que la fenfation qu'elles font
éprouver. Mme Mara étonne , ravit , tranfporte
de plaifir ; Mme Todi émeut , intéreffe
, déchire l'âme ; fouvent mille bravo ,
mille applaudiffemens d'enthouſiaſme ont
interrompu Mme Mara au milieu d'un trait
que l'âme des Auditeurs , trop remplie d'admiration
, ne pouvoit lui laiffer achever.
Souvent quand Mme Todi chante , loin de
fonger à l'applaudir , on craint de refpiter ;
le coeur , tout plein du plaifir qu'il éprouve ,
femble oublier un moment celle à qui il le
doit .
Mme Mara chante le François très - agréablement.
Le faible accent qu'elle a encore ,
donne à fa prononciation une grâce nouvelle.
Il eft impoffible de chanter les Chanfons
françoifes avec plus de charmes &
d'efprit. On dit que Mme Todi chante auſſi
le François ; nous le croyons ailément ; elle
le parle à merveille. Son articulation eft
excellente ; & perfonne ne dit mieux qu'elle
le récitatif Italien .
Toutes deux font excellentes Muficiennes ;
toutes deux ont infiniment d'efprit dans la
Société , ce qui n'eft nullement indifférent
DE FRANCE.
95
à leur manière de chanter. Toutes deux ont
dans un genre different , un talent très remarquable
: laquelle l'emporte donc fur l'autre ?
Eh ! pourquoi décider cette queftion , quand
il feroit facile de le faire ? Jouiffons également
de deux talens rares qui réuniffent tout
ce que nous pouvons defirer.
Nous devons favoir gré à Mme Todi , de
nous avoir fait connoître plufieurs Compofiteurs
qui annoncent un grand mérite , tels
que fignor Martini & fignor Ferraro , dont
elle nous a fait entendre de fort beaux airs.
Mme Mara a chanté auffi quelques morceaux
très jolis de M. Grefnick , que nous citons ,
parce qu'il mériteroir de nous être plus connu .
Ce jeune Compofiteur eft à Lyon , & il eft
étonnant qu'il ne vienne pas ellayer fes
talens dans la Capitale. Mme Mara part in
ceffamment pour l'Angleterre , & nous laiffe
l'espoir de la revoir encore dans quelque
tens. Mme Todi part malheureufement pour .
la Ruffie , où elle a un long engagement. Les
applaudiffemens qu'elle vient de recevoir
lui font garants des regrets que le Public
éprouve en fe féparant d'elle.
E vj
96
MERCURE
ACADÉMIE ROYALE DE MUSIQUE,
ON
Na continué les repréfentations de
Péronne fauvée: Les Auteurs ont fait quelques
retranchemens avantageux. La feconde
& la troisième repréfentation ont été plus
applaudies que la première ; mais l'opinion
publique eft encore fort partagée fur le
degré de mérite & fur le fuccès de cet Ouvrage.
Il a été en général exécuté avec beaucoup
de zèle & d'intelligence ; prefque tous les
premiers fujets du chant y font employés ,
& y rempliffent leurs rôles avec les talens
qu'on leur connoît ; mais la multiplicité
même des Perfonnages n'a pas permis qu'aucun
d'eux ait un rôle affez important , ni des
Scènes affez développées , pour s'y montrer
d'une manière qui mérite une mention particulière.
La Fête champêtre qui coupe le premier
A&te a le caractère qui y convient , & a été
très bien exécutée ; les airs de danfe ont de
la fraîcheur & de l'originalité ; on a diftingué
fur tout le menuet figuré que danfent Mlle
Guimard & le fieur Veftris , avec les grâces
& la perfection qu'on eft accoutumé d'admirer
& d'applaudir dans ces deux charmans
fujets. L'air que danfe enfuite le fitur
DE FRANCE. 97
Veftris feul, eft du plus grand effet . Le Ballet
qui termine l'Opéra a fait en général plaifir ,
& peut- être en eût-il fait encore davantage
fi on lui cût donné un caractère plus vif &
plus animé de joie populaire . L'entrée des
Guerriers y répand un peu trop de férieux ;
mais cela eft bien réparé par l'air noble &
d'un excellent genre que danfe le fieur Gardel
le cadet , avec de beaux développemens ,
& avec un à plomb & un accord dans
tous les mouvemens qui a été généralement
applaudi . Mile Guimard danfe encore
dans ce Ballet , avec le fieur Nivelon , un pas
de deux dont l'exécution ne laiffe rien à
defirer.
·
Le pas de Suiffes & de Suiffeffes a été exécuté
avec beaucoup de gaieté & de légèreté
par les Demoifelles Pelin , Gervais & Coulon
, & les fieurs Laurent & Frederic. On a
remarqué que l'air n'avoit pas un caractère
affez décide , & que l'Auteur qui , en général ,
a peut être prodigué le mouvement d'Allemande
dans les airs de Ballet , femble l'avoir
évité dans celui auquel il devoit être plus
particulièrement affecté.
Les differens combats , la fortie des Chevaliers
de l'Arc pour favorifer la rentiée des
François dans la Place , l'affaut fur la brèche
& l'efcalade des murs , la double attaque
des troupes du Duc de Guife & de la garni .
fon qui met en déroute les Flamands , ont été
dirigées avec beaucoup d'intelligence , &
exécutées avec une fingulière précifion. Ja98
MERCURE
mais on n'avoit vû fur ce Théâtre des manoeuvres
fi compliquées & une fi grande
multitude de combats. Il n'y a pas moins de
trois armées à la fois fur la Scène ; la combinaifon
de ces différentes manoeuvres fait
honneur aux talens de M. Gardel.
Il nous reste à parler des décorations.
Nous ne dirons rien de celle du premier
Acte , qui étoit déjà connue ; celle du fecond
Acte , qui repréfente la Place de l'Hôtel de-
Ville de Péronne , & qui a été faite d'après
un plan levé fur les lieux mêmes , eft d'un
bel effet . L'action fe paffant dans la nuit , le
Machinifte y a fait paroître une lune dont la
marche eft très- bien imitée ; le moment furtout
où elle fe cache derrière un nuage eft
d'un effet vrai & piquant ; mais nous n'avons
pas trouvé la même vérité dans le ton
général de couleur que le Peintre a donné à
la décoration , & qui nous a paru trop chaud
& trop rougeâtre. Les objets éclairés par la
lune ont , à ce qu'il nous femble , une lumière
plus claire & plus blanche.
La décoration du troiſième Acte , qui préfente
les murs de Péronne fur un des côtés & la
tour dans le fond , a paru fort bien entendue.
L'effet de la mine qui fait fauter tout un côté
de la tour , eft rendu d'une manière hardie &
frappante. On ne peut refufer des éloges au
talent de M. Boulay , Machiniſte de l'Opéra
, qui a dirigé cette partie du Spectacle.
L'Adminiſtration , qui a bien fenti que les
principaux effets de cet Opéra tenoient efDE
FRANCE.
99
fentiellement à l'accord des décorations &
de la pantomime , n'a rien épargné pour
donner au Spectacle toute la pompe , le
mouvement & la variété qu'exigeoit le genre
de l'Ouvrage. "
COMÉDIE FRANÇOISE.
LE Lundi 2 de ce mois , on a repréſenté ,
pour la première fois , Pyrame & Thisté ,
Scène Lyrique , par M. la Rive.
·
Pyrame & Thisbé font convenus de fe
rendre , avant le lever du foleil , fous un
mûrier planté auprès du tombeau de Ninus.
C'eft là qu'ils fe propofent de s'enchaîner
par des fermens facres & par des
nruds éternels . Pyrame attend Thisbé ;
Pepoir de fon prochain bonheur lui préfente
la Nature fous le plus riant afpect.
I jouit délicieufement de tout ce qui
l'entoure. Les premiers rayons de l'aurore ,
le premier éclat du foleil levant , la verdure ,
le chant des oifeaux , la fraîcheur du matin ,
tout le ravit & l'enchante ; mais le ſentiment
de fon amour , le fouvenir de la tendreffe
de Thisbé font les principales caufes du raviffement
qu'il éprouve. Cependant Thisbé
n'arrive point. Aura t'elle pu échapper à
l'oeil de fes parens ? Son père n'aura - t'il pas
voulu la contraindre à époufer Cliton ? Ce
jeune Babylonien , ami de Pyrame , & le
confident de fon amour pour Thisbé , au100
MERCURE
roit-il trahi l'amitié ? Tous les tourmens
toutes les furcurs de la jaloufe dévorent le
coeur du trop fenfible amant. Il foit dans
l'intention de voler au devant de Thisbé.
Dans un fentier étroit , il apperçoit un voile ,
s'en faifit ; c'eft le voile de Thisbé: il eft enfanglanté.
La terreur agite Pyrame , qui tombe
fur un banc de gazon. Il ne doute point
que fon amante ne foit devenue la victime
d'un monftre des forêts. Il couvre de ſes baifers
, il baigne de fes pleurs le voile de la
malheureufe Thishé . Mais il vivoit pour
elle , fans elte il n'eft plus de bonheur pour
lui ; il fe hâre de la rejoindre chez les morts ,
& fe perce de fon épée en prononçant fon
nom. Nous abrégeons les détails de la Scène
de Thisbé , parce qu'ils font conformes à ce
qui nous a été tranfmis par les Poëtes & les
Mythologues . Cette infortunée quitte la caverne
où elle a trouvé une retraite contre la
fureur d'un lion; voit fon amant , l'appelle ;
apprend la caufe de fa mort ; reçoit fon dernier
foupir , & fe frappe du même glaive qui
a tranché les jours de Pyrame.
Nous ne ferons ici aucune obfervation fur
ce nouveau genre admis à nos Théâtres depuis
quelques années , fous le titre de Scène
Lyrique ou Mélo- Drame. Nous avons configné
nos principes fur ce genre lors du
compte que nous avons rendu d'Ariane
abandonnée , dans un des Nos, de ce Journal.
Nous y perfiftons, non pas, comme on pour
roit le croire , par opiniâtreté , mais parce
DE FRANCE. 101
que nous les croyons fondés fur la raifon &
fur la vérité ; parce que , fi nous nous fommes
trompés , perfonne n'ayant eu la volonté.
de nous éclairer fur notre erreur , nous ne
connoiffons point encore de motifs qui puiffent
nous faire renoncer aux idées que nous
avons établies relativement à ce genre.
Ces principes ne nous empêcheront point
de donner à M. la Rive les éloges qui lui
font dûs. La première Scène ( car il y en a
deux dans fon Mélo- Drame ) a de la chaleur ,
de l'énergie , de l'enthoufiafine , du monvement
& de la fenfibilité. Les divers fentimens
qui occupent le coeur de Pyrame , qui
l'agitent & qui le déchirent , font très - heureufement
contraftés. La progreffion de chacun
d'eux eft filée avec art , & annonce de la
connoiffance du coeur humain . On ne peut
reprocher à toute cette Scène que quelques
dérails inutiles , qu'il eft très facile de faire
difparoître , & dont la fuppreffion doit donner
à toute cette partie du Mélo Drame une
marche plus vive & plus animée.
La feconde Scène ( celle de Thisbé ) ne
nous a pas fait , à beaucoup près , le même
plaifir que la première ; & nous croyons vo
lontiers que c'eft la faute du fujet. 1 ° . Après
les tourmens qu'éprouve Pyrame , après les
regrets qu'il fait éclater à l'afpect du voile
enfanglanté de fon amante , après la réfolution
qu'il prend de ne lui pas furvivre ; la
douleur , les cris , la réfolution de Thisbé
prennent un caractère froid , parce qu'ils ne
102
MERCURE
. **
préfentent que la répétition des mêmes mou
vemens auxquels Pyrame a été en proie. 2º
Ce n'eft pas qu'il n'y ait une très grande différence
entre l'afpect d'un voile teint de
fang , & celui d'un amant chéri , que le défefpoir
a conduit à fe donner la moit ; mais
au Théâtre , le rôle d'une amante , placée dans .
une fituation pareille , ne fauroit produite
un certain effet que par l'emploi de moyens
que profcrivent la décence & l'honnêteté
publique . Une femme penchée , & prefque
couchée fur le corps de fon amant , qui le
preffera dans fes bras , qui le couvrira de fes
baifers & de fes larmes , offrira conftamment
un Spectacle auquel notre délicateffe ne fauroit
s'accoutumer : il y a plus ; ce fpectacle
doit néceffairement exciter le rire des pers
fonnes qui jugent les Arts avec des épigrammes
, des farcafmes & du perfifflage. Trop
malheureuſement ccs perfonnes compofent
les deux tiers de nos juges Dramatiques.
Ces réflexions ne doivent point affliger M.
la Rive. Ce Comédien nous paroît mériter
des encouragemens à bien des titres . On
aime à voir qu'il occupe les loisirs que lui
laiffe fon état, dans les délaffemens littéraires
qui s'accordent avec fa profeffion . On ne
peut que defirer qu'il ne s'en tienne point à
ce premier effai , & qu'il prenne un vol plus
hardi . Nous l'y invitons , & nous ne fommes
ici que l'écho des Amateurs de fou
talent & du Théâtre. Il a joué le rôle de
Pyrame avec beaucoup d'art , d'énergie & de
DE FRANCE. 103
vérité.Thisbé eft repréfentée par Mlle Sainval.
La fenfibilité reconnue de cette Actrice ',
fuffit pour faire connoître l'effet qu'elle a dû
produire dans un rôle de ce genre.
La mufique fait honneur à M. Baudron.
On y a remarqué de l'expreffion & de la
grâce . Le moment où il a voulu peindre le
lever de l'aurore qui fuccède aux dernières
ténèbres de la nuit , a été généralement applaudi
. Benda a fupérieurement rendu le
même moment dans fon Ariane abandonnée ;
& il est bien flatteur pour M. Baudron d'avoir
mérité des fuffrages en luttant contre un
homme aufi juftement célèbre que Benda..
ANNONCES ET NOTICES.
DEUX EUX Vues perspectives extérieures , l'une du
Théâtre François , l'autre du nouveau Théâtre Italien
, definées d'après nature , & gravées par N.
Ranfonnerte , Graveur ordinaire de MONSIEUR .
Ces deux Vûes , gravées avec netteté , fe vendent
12 fols chaque A Paris , chez l'Auteur , rue de
Bièvre , la maifon à côté du Chirurgieu .
DIXIEME Cahier des Jardins Anglo - Chinois à
la mode , contenant les Jardins de la Reine , celui
de S. A. S. Mgr. le Duc de Chartres , avec fes Jardins
d'hiver , une Vue d'une partie du Jardin de
Romainville , Neuilly , planté fcus M. d'Argenfon ,
Choify- le - Roi , avec le Bourg , en deux grandes
feuilles , &c. Prix , 6 liv . A Paris , chez Lerouge ,
Ingénieur- Géographe du Roi , rue des Grands Augullins.
Les Jardins de Choify avec le Bourg fe
104 MERCURE
vendront féparément en deux grandes feuilles 3 liv.
en blanc & 12 liv. lavés , montés fur gorge.
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Peuples du monde , en 4 Volumes in-folio , divifés
en quinze Cahiers ou Livraifons. Septième Livraiſon.
A Paris , chez Laporte , Libraire , rue des Noyers.
Les frais immenfes de cette importante Collection
forcent 1 Éditeur de tenir rigoureuſement chaque Cahier
au prix de 10 liv. br.
EUVRES Complettes d'Homère , Traduction
nouvelle , par M. Gin , Confeiller au Grand- Confeil,
Auteur de la nouvelle Traduction de l'Odyffée ,
dédiée à MADAME , avec des Notes hiftoriques ,
géographiques & httérales , dont la partie qui rapproche
la Géographie ancienne des noms modernes
a été dirigée par M. Mentelle , Hiftoriographe de
Mgr. le Comte d'ARTOIS .
L'Auteur de ces Traductions s'eft déjà effayé
avec fuccès für celle de l'Odyffée , ce qui doit faire
bien augurer de la fuite qu'il nous promer. Cette
Traduction eft entièrement achevée , & fera miſe
fous preffe inceffamment pour que l'impreffion puiffe
être entièrement terminée dans le cours de la préfente
année , ou au plus tard dans le mois de Janvier
1784. La Traduction de l'Iliade , de la Batrachomyomachie
ou Combat des Grenouilles & des
Rats, Parodie de ce Poëme , & des Hymnes & autres
Pièces fugitives attribuées à Homère , qui n'ont
point été jusqu'ici traduites dans notre Langue, contiendra
cinq Volumes in - 12 de 4 à 500 pages , caractère
Cicéro interligné , papier quarré fin de Limoges
, du prix de 15 liv. reliés & 12 liv. brochés.
Ceux qui fe feront infcrire pour la totalité des
OEuvres d'Homère d'ici au premier Août prochain , ne
paieront les cinq Volumes de l'Iliade & des Pièces
DF FRANCE.
105

fugitives que 12 liv . reliés & 9 liv. brochés , enforte
qu'ils jouiront gratuitement du cinquième Tome.
On ne demande d'autre avance que le prix de la
Traduction de l'Odyflée , qui eft actuellement en
vente chez Nyon l'aîné , Libraire , rue du Jardinet ;
& Servière , Libraire , rue Saint -Jean - de- Beauvais ,
vis -à-vis les Écoles de Médecine. Les Exemplaires
feront envoyés francs de port pour Paris & pour Verfailles.
RECUEIL par ordre alphabétique des principales
Questions de Droit qui fe jugent directement dans
les différens Tribunaux du Royaume , avec des Réflexions
pour concilier la diverfité de la Jurifprudence
, & la rendre uniforme dans tous les Tribu
naux ; par M. Bretonnier , ancien Avocat au Parle--
ment , cinquième Edition , augmentée de nouvelles
Notes & Additions , & d'une Lifte des Provinces ,
Villes & autres lieux régis par le Droit Ecrit ; par
M. Boucher d'Argis , Ecuyer , Avocat au Parlement,
in-4° . Prix , 10 livres broché , 12 livres relié . A
Paris , chez la Veuve de Saint , Libraire , rue du
Foin- Saint-Jacques ; Cellot , Imprimeur- Libraire ,
rue des grands Auguftins ; Nyon l'aîné , Libraire ,
rue du Jardinet ; Leboucher , Libraire , quai de
Gêvres ; Onfroy , Libraire , quai des Auguftins ;
Savoye , Libraire , rue Saint Jacques ; Delalain le
jeune , Libraire , rue S. Jacques.
Cet ouvrage avoit été entrepris par M. Bretonnier
à l'inftigation du célebre Chancelier d'Agueffeau.
Son objet eft de mettre les Jurifconfultes
portée de rapprocher les différentes difpofuions des
différentes coutumes , de pouvoir , en les comparant
les unes aux autres , fimplifier une queftion , &
en rendre la décision plus facile. Cet utile Ouvrage,
apprécié depuis long-temps, fuppofe dela part
de l'Auteur des recherches très- laborieufes & M.
106 MERCURE
Boucher d'Argis y ajoute un nouveau prix par fes
Notes & fes Commentaires.
L'ART alimentaire , ou Méthode pour préparer
les alimens les plus fains pour l'homme , par M.
Buc'hoz , Auteur de différens Ouvrages économiques
, in 12. A Paris , chez l'Auteur , rue de la
Harpe.
Ce Traité eft le treizième des Ouvrages de M.
Buc'hoz qui concernent l'économie champêtre . Cet
Auteur fécond , intariffable , fe propoſe de donner
tous les ans un pareil Volume , qui comprendra les
découvertes qui auront été faites .
ETAT de la France , contenant le Clergé , la
Nobleffe & le Tiers- Etat , Recueil de Devifes Hé .
raldiques ; par M. le Comte de W... de M ... de C ...
Officier d'Infanterie , in - 12 . A Paris , chez l'Auteur ,
rue Jacob , nº . 41 , & chez Lefclapart , Libraire ,
Pont Notre- Dame.
Cet Ouvrage , qu'on fe propofe de continuer
tous les ans , peut être utile. L'Auteur prévient le
Public qu'il recevra avec reconnoiffance les Mémoires
qu'on lui adreffera francs de port pour continuer
& perfectionner fon Ouvrage.
PREDRI Augufti Liberti Fabularum Libri V,
cum Notis & Supplementis Gabrielis Brotier , accefferunt
parallel Joannis de La Fontaine Fabula ,
in- tz. Prix , 6 liv. en veau doré fur tranche.
Cette nouvelle Édition nous a paru très - foignée
& pour le texte & pour l'exécution typographique ,
Elle remplace , dans la belle Collection des Auteurs
Latins , celle qui fut donnée en 1747 par M. Philippe.
M. l'Abbé Brotier , qui en eft l'Editeur , a'
donné avec fuccès une belle Edition de Tacite &
Plinc le Naturalifte .
DE FRANCE. 107
Six Duos dialogués & concertans pour un Violon
& un Alto , par M. Prot , Ordinaire de la Co.
médie Françoife , Euvre II . A Paris , chez Houbaut
, Copifte des Menus - Plaifirs & de la Comédie
Italienne , rue Mauconfeil & Place du nouveau
Théâtre Italien . Prix , 7 liv . 4 fols .
Nous avons annoncé le premier OEuvre de M.
Prot pour des Commençans ; celui - ci , fans être fort
difficile , offre des pofitions plus recherchées , &
l'on y reconnoît fa compofition agréable.
Six Sonates pour le Clavecin ou Forte-Piano ,
avec accompagnement de Violon ad libitum , par M.
Dupré , Organifte de S. Martin à Tours , OEuvre II.
Prix , 9 liv . A Paris , chez Coulineau , Luthier- Brevet
de la Reine ; Salomon , Luthier , Place de l'École
, & aux Adreffes ordinaires.
SIX Concertos pour le Clavecin ou Forte- Piano ,
avec accompagnement de deux Violons & Baffe , par
M. Théodore Smith . Prix , 12 livres . A Paris , chez
M. Boyer , au Magalin de Mufique , rue Neuve des
Petits Champs , près la rue Neuve S. Roch , n ° . 83 ,
& Mme Lemenu , rue du Roule , à la Clef d'or.
NUMÉRO S du Journal de Clavecin par les meil
leurs Maitres avec accompagnement de Clavecin
ad libitum .
Ce Cahier contient un Air de Ballet de l'A&c du
Feu arrangé par Mme d'Argenville , Airs variés en
pots pourris par M. Damoreau , & un Andante par
Mlle Edelmann . Prix , 2 liv . 8 fols . A Paris , chez
Le luc , rue Traversière Saint- Honoré , au Magalin
de Mulique . On s'abonne moyennant 15 liv . par an
pour douze Cahiers francs de port pour Paris &
la Province. On trouve à la même Adreſſe la première
année de ce Journal . Prix , 15 liv. également
franc de port.
108 MERCURE
1
L'exactitude , le choix & la variété de ce Journal
doivent affurer fon fuccès .
Six Duos , dont trois pour deux Violons &
trois pour Violon & Alto , par M. Barrière , Euvre
IX. Prix , 7 livres . 4 fols port franc par la
pofte. La réputation de ce Compofiteur , déjà établie
par plufieurs bons Ouvrages , doit donner une idée
favorable de celui- ci.
TROISIEME Concerto pour le Violon , par M.
Pieltain. Prix , 4 liv. 4 fols. Le nom de l'Auteur ,
qui rappelle fa manière agréable d'exécuter , deit
donner un nouveau prix à fon Ouvrage . Ces deux
articles fe trouvent chez M. Leduc , à l'adreſſe
ci- deffus. Il envoie en Province toute efpèce de Mufique
port franc par la pofte en payant feulement
le prix marqué fur chaque Exemplaire . On trouvera
chez lui un affortiment d'Inftrumens de Mufique
, d'archets de cordes , de papier réglé , ainfi que
tout ce qui concerne la Lutherie & la Mufique.
Voyez, pour les Annonces des Livres , de la
Mufique & des Eftampes , le Journal de la Librairie
fur la Couverture .
TAB L E.
61
VERS à M. François ,
Mes Spécifiques ,
Enigme & Logogryphe ,
Jeanne de Naples , Tragédie ,
dacteur du Mercure ,
62 Concert Spirituel ,
66 Acad. Royale de Mufiq.
Comédie Françoife ,
66 Annonces & Notices,
Lettre de M. Dupuis au Ré-
APPROBATION.
85
89
96
-99
103
JAZ lu , par ordre de Mgr le Garde des Sceaux , le
Mercure de France , pour le Samedi 14 Juin . Je n'y ai
rien trouvé qui puiffe en empêcher l'impreffion. A Paris ,
le 13 Juin 1783. GUIDI
4
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 21 JUIN 1783.
PIÈCES FUGITIVES.
EN VERS ET EN PROSE.
PIRAME ET THIS BÉ ,
Fable tirée du IVe Livre des Métamorphofes
d'Ovide, *
PYRA ME aima Thisbé , comme il fut aimé d'elle :
Il étoit jeune , aimable ; elle étoit jeune & belle.
Enfans , le voisinage unit leurs premiers jeux :
L'enfant ailé furvint , & l'âge accrút leurs feux .
L'Hymen eût confacré le penchant de leur âme ,
Si des parens cruels ne condamnoient leur flamme.
* On a cru qu'on verroit avec plaifir comment Ovide avoit
traité la Fable de Pyrame & Thisbé , dans un moment où
F'on repréſente fur la Scène Françoiſe l'aventure malheureuſe
de ces deux amans , dont le nom n'intéreffe pas moins dans
l'Hiftoire fabuleufe , que celui d'Héloïfe & d'Abailard dans
Hiftoire moderne.
N°.
No. 25 , 21 Juin 1783 . F
110 MERCURE
Mais en vain leur pouvoir veut ufer de rigueurs :
Il défunit leur main fans défunir leurs coeurs ;
L'Amour le fit un jeu de braver leur empire.
Tous deux brûlent encor fans pouvoir fe le dire.
Leurs geftes , leurs regards font leurs feuls confidens ;
Et leurs feux plus cachés n'en font que plus ardens.
QUELQUE douceur fe mêle à leur gêne importune :
Le Temps , d'une muraille aux deux maiſons commune
,
A miné fourdement les enduits déjà vieux .
Une foible ouverture y trompe tous les yeux :
Sans que nul ne la vit , des fiècles s'écoulèrent .
L'oeil de l'Amour voit tout : nos amans l'obſervèrent,
Et furent y trouver un paſſage à la voix.
Là , de leurs furveillans trompant les dures loix ,
Dans un doux entretien , leurs lèvres empreffées,
L'un à l'autre à l'envi , murmuroient leurs penfées.
C'eft par-là que tous deux , preffés de vains defirs ,
De leur haleine , au moins , recueilloient les foupirs.
« Mur , témoin d'un amour auffi pur que le nôtre ,
» Omur jaloux,pourquoi, difoient- ils l'un & l'autre,
Quand nos coeurs font unis , fépares-tu nos corps ?
» Ou , fi c'eft trop permettre à nos jeunes tranſports ,
» A nos baifers du moins permets de fe confondre.
» Hélas ! fi nous pouvons nous parler , nous répondre ,
» Nousle tenons de toi : nos coeurs , loin d'être ingrats,
» Defirent vainement ce qu'ils n'eſpèrent pas. »
Ces Amans , que trop tôt fépare la nuit fombre ,
30
AUS DIECA
REGLA
ROIS
DE FRANCE. 171
Et qui d'un vain bonheur ne favourent que l'ombre ,
Chacun de leur côté ſe donnent pour adieux
Des baiſers retenus par le mur envieux.
Les rayons du matin avoient éveillé Flore ,
Et féché fur les fleurs les larmes de l'Aurore :
Ils reviennent au mur , confident de leurs feux.
Enfin , las de fouffrir , ils conviennent entre eux
De tromper leurs Argus & de fuir de la ville.
A la faveur de l'ombre , il leur fera facile
De fortir hors des murs fans être reconnus.
Le rendez -vous ſe donne au tombeau de Ninus.
C'eft-là qu'un mûrier blanc , voifin d'une onde claire,
Doit prêter aux Amans fon ombre folitaire.
Le jour trop long pour eux coule trop lentement ;
Mais la nuit vient : Thisbé s'échappe adroitement ,
Tourne les gonds fans bruit , fort , & , demi- voilée ,
Seule , au milieu de l'ombre , arrive au mauſolée.
Amour l'enhardiffoit. Mais voici qu'à pas lents ,.
S'avance une Lionne , aux yeux étincelans ,
D'un carnage récent la gueule enfanglantée.
A cet aſpect , Thisbé frémit épouvantée.
Elle fait dans un antre , & ne s'apperçoit pas
Que fon voile , en courant , eft tombé ſur ſes pas.
Auffitôt que de fang la Lionne fumante
Eut dans l'onde à longs traits éteint fa ſoif ardente ,
Elle tourne les yeux fur les replis mouvans
Du voile qui frémit foulevé par les vents.
Fij
112 MERCURE
Elle dreffe fes crins , le mord & le déchire ,
Et rôlant en grondant dans les bois ſe retire .
PYRAME vient , pâlit : fes regards alarmés
Ont obfervé les pas fur le fable imprimés.
Il vojt , il reconnoît l'écharpe encor fanglante.
« Thisbé n'eft plus ! eh ! bien, l'amant fuivra l'amante.
» Hélas ! la même nuit nous a perdus tous deux,
» Sa beauté méritoit un deftin moins affreux .
» Ah ! je fuis fon bourreau ! Thisbé , je t'ai perdue !
» Thisbé , je te regrette , & c'est moi qui te tue !
En des lieux pleins d'horreur j'ofe attirer tes pas !
» C'est moi qui t'y conduis , & ne t'y préviens pas !
O vous , hôtes cruels de ces grottes obfcures ,
30 Tigres , Lions , venez : je m'offre à vos morfures .
N'épargnez pas mon fang ; venez me déchirer.
Mais c'eſt craindre la mort que de la différer. »
IL DIT : prend ce tiffu , gage terrible & tendre ;
Il le porte fous l'arbre où Thisbé dut l'attendre ,
Et le couvre à la fois de baifers & de pleurs.
« Voile chéri , dit- il , témoin de mes douleurs ,
» Parure de Thisbé , que fon fang a trempée ,
» Reçois auffi le mien . » Il tire fon épée ,`
Et d'un bras égaré l'enfonce dans fon flanc ,
L'en retire avec force , & fait jaillir fon fang ,
Telle perçant le plomb qui la retient preffée ,
L'eaujaillit enfilant dans les airs élancée ;
Tel le fang qui s'élève en longs jets empourprés ,
DE FRANCE.
113
Teint les fruits du mûrier de rouge colorés .
THISBÉ , de fa frayeur à demi raffurée ,
Mais fidelle à la foi que fa bouche a jurée ,
Revient , cherche Pyrame & des yeux & du coeur.
Elle reconnoît l'arbre & non pas fa couleur :
Dans ce trouble confus elle approche , elle héfite ;
Elle approche .... elle voit un mourant qui palpite ,
De foupirs convulfifs avec peine agité , '
Battre encor de fon fein le fol enfanglanté.
Elle tremble , & d'horreur recule friffonnante.
Telle , d'un lac profond la furface tremblante ,
Se ride , en frémiffant , fous l'aile des Autans .
Elle voit ... Ciel ! Pyrame à fes derniers inftans .
Elle accufe le Ciel , l'Amour & la Nature ;
Un long ruiffeau de pleurs verfé fur ſa bleffure ,
Lave ce fein chéri qu'elle tient embraffé ;
Et couvrant de baifers fon vifage glacé :
сс
Pyrame , par quel fort t'ai -je perdu , dit- elle ?
» Cher Pyrame , réponds . C'eft Thisbé qui t'apelle .»
L'AMANT , à ce doux nom , foulève avec effort
Ses yeux déjà couverts des ombres de la mort ,
La voit , foupire , & meurt content de l'avoir vûe.
Il expire. Le voile , & l'épée encor nue
Difent trop à Thisbé par quelle aveugle erreur
Pyrame de fes jours a pu trancher la fleur .
66
Pyrame ! eh ! quoi , tu meurs pour m'avoir trop
>> aimée !
Fiij
114
MERCURE
» Tu meurs , & contre toi ta main s'eft donc armée ?
» Je faurai t'imiter : la mienne fera foi ,
» Si j'ai moins de courage & moins d'amour que toi.
» La mort ,qui pouvoit feule éteindre notre flamme ,
» La mort même à Thisbé va rejoindre Pyraïne.
» O vous , pères cruels , mais , hélas ! trop punis ,
Malgré votre rigueur , nous vécûmes unis ;

"
Ah ! quandla mort nousjoint, quevos coeurs s'amolso
liffent :
Que dans la tombe au moins les deux amans
» s'uniffent.
» Et toi , mûrier fatal , qui dûs voir nos plaifirs ,
» Hélas ! fois le témoin de nos derniers foupirs ;
» Et que ton fruit fanglant conſerve d'âge en âge,
D'une fin fi tragique un trifte témoignage. »
SOUDAIN elle faifit le fer encor fumant ;
Elle fe frappe , tombe & meurt fur fon amant.
Senfibles à leurs feux , les Nymphes les plaignirent ;
Et les fruits du mûrier de leur fang fe teignirent.
Leurs parens même enfin font touchés de leurs voeux ;
Et le même tombeau les enferma tous deux. *
( Par M. de Saint- Ange. )
* On trouve chez Valleyre aîné , Imprimeur-Libraire, rue
de la Vieille Bouclerie, les trois premiers Livres des Métamorphofes
en vers François , par le même Auteur, Vol. in-8°.
de soɔ pages, Prix , 3 liv. 12 fols,
DE FRANCE. LIS
Explication de l'Enigme & du Logogryphe
du Mercure précédent.
E mot de l'Enigme eft Tête ; celui du
Logogryphe eft Folie , ou fe trouvent fol
fole , fi , le , ail , fiel , oie , fil , if, lie , foi
& loi.
M
CHARA DE.
ON premier , des béliers eft la feule défenſe ;
Mon fecond eft un nom que tout timeur encenſe ;
Tircis avec mon tout met fa Philis en danſe.
(Par M. Efmangartfils. )
ÉNIGM E.
C'EST affez qu'aujourd'hui l'on ait beſoin de moi ,
Pour que chacun me chaffe de chez foi.
Non , jamais on n'a vû pareille impertinence.
Si vous voulez avoir , il faut compter d'avance ,
Sans quoi vous n'aurez rien. Comptez , dit-on d'abord :
Si vous ne comptez pas , comptez que je fuis mort.
( Par M. Portier , Curé de Bonnemain ,
en Bretagne. )
Fiv
116 MERCURE
.
LOGOGRYPHE.
IL eft peu d'être comme moi ,
Citoyen à la fois du ciel & de la terre :
De la plus timide Bergère
Aujourd'hui foumis à la loi ,
Je fus jadis un inftrument de guerre ;
Mais ce qui n'eft pas moins nouveau ,
C'eft qu'en m'ôtant & la queue & la tête ,
Je deviens dès - lors un Prophete
Dont on ignore le tombeau.
( Par M. l'Abbé Dourneau. )
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
ESSAI fur l'Éducation des Hommes , &
particulièrement des Princes , par les
Femmes , pour fervir de Supplément aux
Lettres fur l'Education. A Paris , chez
Guillot , Libraire de MONSIEUR , Frère
du Roi , rue de la Harpe , au deffus de
celle des Mathurins .
P
ARMI fes Ouvrages philofophiques , Cicéron en
a un qu'il a intitulé : Paradoxes ( Paradoxon . ) Ce
n'étoit pas un Sophifte que Cicéron ; il ne fe faifoit
point un jeu d'étonner les efprits par des opinions
extraordinaires ; il avoit trop le talent d'emDE
FRANCE. 117
bellir la vérité & de la rendre intéreſſante pour
chercher des erreurs ingénieufes . C'eft lui qui , le
premier , tranfporta la Philofophie de la Grèce à
Rome ; elle étoit loin encore de cette époque où les
grandes vérités épuifées forcent les efprits qui ont plus
de vanité que de profondeur, à embraffer des fyflêmes
bizarres pour produire quelque chofe qui ait l'attrait
de la nouveauté. Au moment de fa naiffance ,
la Philofophie pleine de candeur, pour ainfi dire, &
de fimplicité, doit fe tromper fouvent ; mais c'eft de
bonne-foi ; comme c'eft l'amour de la vérité qui l'a
fait naître , c'eft la vérité feule qu'on cherche d'abord,
& c'eft même d'une pahon trop ardente pour elle
que naiffent les premières erieurs : on a tant de
defir de la découvrir qu'on croit la voir par-tour.
En donnant le titre de Paradoxes à un de fes Ouvrages
, Cicéron ne devoit donc pas craindre qu'on
l'accusât de chercher des erreurs nouvelles dans
l'impuiffance de trouver des vérités neuves . En hafardant
des opinions qui lui étoient particulières , il
appeloit tous les efprits à leur examen ; il vouloit
que la République cherchât avec lui les vrais principes
de la morale lorfqu'elle perdoit fes vertus.
Les intentions de ceux qui débitent aujourd'hui des
paradoxes peuvent être plus fufpectes . La manie
d'avoir un nom fans avoir aucun talent , & la manie
auffi commune encore aujourd'hui de paffer pour
un génie créateur lorsqu'on n'eft fait que pour
vivre paisiblement parmi ceux qui ont du bon fens
& de la raison , out tant multiplié en tout genre les
fyftemes abfurdes & dangereux , qu'on eft prefque en
droit de regarder un paradoxe comme le délire de,
l'impaiffance & de l'amour - propre. L'Auteur de la
petite Brochure dont nous allons parler , s'eft expofé
courage if ment à ce foupçon ; il n'a cherché ni
vole ni tour pour faire paffer fes idées . C'eſt
affurément une opinion fort extraordinaire de foute-
F v
118
MERCURE
h
1
nir que les Princes , c'eft-à - dire , des Hommes qui
doivent apprendre à braver les fatigues & la mort
à la tête des armées , à tenir dans leurs mains & à
faire jouer avec facilité tous les refforts d'un grand
Empire , à fe montrer au befoin au milieu des Tribunaux
de Juſtice avec la majeſté & les lumières
d'un Législateur , il eft un peu extraordinaire , dis- je ,
de prétendre que des Hommes appelés à une telle
deftinée , ne peuvent être bien élevés que par des
Femmes. Eh bien l'Auteur l'annonce au titre de fon
Ouvrage , il n'attend pas que vous foyez un peu accoutumé
à fes idées pour vous dire fon dernier
mat ; fon dernier mot eft dans le premier , & le titre
de fa Brochure en eſt le réſultat ; il y a de la bonnefoi
dans ce procédé , & c'eſt beaucoup pour engager
à lire un Livre.
La première chofe qu'on exige de l'Auteur d'un
paradoxe c'eft d'avoir de l'efprit ; fi on n'en trouve
pas à la première page , on n'eft pas tenté d'aller à
la feconde. Le premier paragraphe de cer Effai fur
PÉducation eft obfcur , embarraffé , il n'eft pas
bien écrit. L'Auteur a voulu parler d'un fait connu
qui a donné lieu à fon Effai , & il n'en parle pas
nettement. J'avoue qu'on peut avoir envie de ne
pas aller plus loin. On auroit tort , & pour s'en
convaincre il fuffit de porter la patience jufqu'à
lire le fecond paragraphe ; on y trouve tout de
fuite l'homme d'efprit , l'homme qui penfe , & l'on
s'affare que fi fon opinion eft un jeu , le jeu du
moins ne fera pas fans agrément & fans utilité.
Je tâcherai de faire connoître fes idées avant de
les examiner
1. I diftingue l'Education , de l'Inftruction .
L'Inftruction , c'eft à - dire , des Leçons fur les Langues
, fur l'Hiftoire , fur les Sciences , &c. ne commence
qu'à un certain âge ; & fi l'on a bien étudié
les enfans , qui n'entendent que ce qu'ils voient , on
DE FRANCE. 119
reculera cet âge autant qu'il eft poffible . L'Éducation
, c'eſt- à - dire , la fuite de fenfations & d'habitudes
qui forment les organes , le jugement naturel
& l'âme , commence avec la vie , & ne fiuit qu'avec
elle.
2. Puifque c'eft la Nature qui , dès le berceau ,
commence l'Éducation de l'homme , il eft important
d'obferver comment elle commence ; on n'a rien de
mieux à faire que de l'imiter . Si j'approche d'un berceau
, je vois un enfant qui a des befoins , qui cherche
de tous fes fens ce qui peut les fatisfaire , &
une femme auprès qui les remplit tous . L'enfant tire
-d'elle fa fubfiftance ; elle eft le premier objet qu'il
voit & qu'il touche ; c'eft d'elle qu'il reçoit fes premières
fenfations , qui font fa première Éducation ;
il ne peut appercevoir & connoître que ce qu'elle a
placé autour de lui. C'eft à ce moment , dont on a
fenti fi peu l'importance , que la Nature deffine dans
notre âme les premiers traits de notre caractère , &
c'eft de la main d'une femme , pour ainsi dire ,
qu'elle fe fert pour graver les traits qu'elle deffine.
3 ° . L'enfant ne fort point de fa foibleffe en
fortant du berceau . Si ce n'eft plus du fein c'eft
encore de la main d'une femme qu'il prend fa
nourriture : après lui avoir appris à voir & à
toucher , elle lui apprend à marcher & à parler.
Et jufqu'où ne dure point la foibleffe ? Ce fecond
âge eft plus important encore : ici ce ne
fontpas les organes
feulement
, ce
font
les
inclina-
"
25
tions qui commencent à fe former. « On ne les
enfeigne point , mais on étudie l'art de les faire
naître , de les diriger ; ce font les études & l'art le
plus propre au fexe réduit à faire vouloir ce qu'il
→ defire ; on ne commande pas les penſées , mais on
peut les faire concevoir fi on fait attendre & faifir
» le moment de les faire naître ; c'étoit le bon
efprit de Socrate , qui rendoit fécond & faifoit
"
F vj
120 MERCURE
و ر
53
accoucher tous les autres. Ce n'étoit point l'efprit
de force & d'élévation , mais l'efprit de
patience , de douceur , de flexibilité , d'infinuation
, celui des femmes ... Quand le moment de
» l'inftruction pourroit être quelquefois moins tardif,
les leçons feront toujours ftériles fi elles ne
» font répétées par tous les objets qui entourent
ם כ
l'enfance ; & n'est - ce pas à une femme qu'appar-
» tient la difpofition de toutes les images , de tous
» les hommes , de toutes les chofes que fon fils
doit toucher & voir , & dont il eft néceffairement
le difciple auffi - bien que d'elle-même , & bien
» mieux que d'un maître ifolé.... Les hommes
règnent au dehors par la loi , les femmes n'ont
» que l'empire des foyers , » & l'éducation domeftique
doit néceffairement dépendre d'elles dans ces
lieux cù elles règnent.
DO
« Avec le père le plus fenfé , le précepteur le
» mieux inftruit , uniflez une petite maîtreffe ou
» bien une bégueule , vous ne donnerez à la Société
que des fots ou des petits - maîtres , tandis
qu'une femme ingénieufe , une mère habile infpirera
fon âme & fon efprit aux enfans d'un
imbécille & aux élèves d'un pédant.
53
"J
ןכ
Les races fe féminiſent , dit M. de Buffon ; cela
eft vrai en Morale comme en Hiftoire Naturelle .
« Une femme forte , une mère tendre méritera
» donc tous les honneurs de la maternité ; elle
» n'aura pas donné feulement le jour à un enfant ,
» elle fera la mère d'un honnête homme , parce
qu'elle le formera elle - même à la vertu ; elle le
portera , pour ainfi dire , plus long- temps dans
» fon fein.... »
"
4° . Il eft dans l'Education des Princes , qui eft
domeftique , puifqu'elle fe fait dans leurs Palais ,
des dangers qui ne peuvent être évités que par
une femme. Les enfans afpirent tous au defpotifme,
DE FRANCE. 121
30
« & déjà vous pouvez reconnoître les tyrans à la .
frayeur , à la foibleffe , à la haire qui fiétiiffent ,
des traits que le calme & la douceur embelli-
» roient . Un père eft le premier efclave de fon
enfant. L'homine fait combattre des defpotes armés
de la force ; il n'a jamais fu fe défendre du defpotifime
de la foibleffe , & il n'y échappe que lorsqu'il
fuit en riant ou en jurant. Un Gouverneur n'eft
guères plus habile qu'un père , « & déjà même
ל כ
ל כ
ל כ
Monfeigneur , humilié de n'avoir pu trouver fur
» la Carte la pofition de fon pays , peut faire fentir .
» fes progrès & fa place en politique . » Une femme
pour oit faire fléchir l'orgueil du Prince fans humilier
fa dignité ; elle traiteroit l'humeur comme une
maladie ; elle ne paroî roit pas foumife au pouvoir
, mais compatiffante envers la douleur. Don-
» nez - moi un enfant qui pleure , difoit Quinti-
» lien ; pour moi je veux encore un Inftituteur qui
pleure comme une femme dans les momens où
» les larmes feules peuvent attirer l'attention de la
» fenfibilité d'un enfant , ou adoucir & fondre la
» dureté de l'orgueil d'un Prince . » La fenfibilité
des hommes eft peut - être plus profonde & plus foutenue
; mais fa force même la retient fouvent cachée
au fond de leur âme ; elle n'a point ces fignes vifibles
qui la communiquent & la répar dent au loin ,
& la vertu ne s'apprend pas , elle fe donne comme
les maladies . Montagne dit bien qu'il eft d'une âme
forte de s'accommoder aux allures puériles ; mais la
force fe piie peu. Montaufier voyant fon Elève qui
demande des piftolets pour le défaire de fon Gouverneur
lui en donne lui - même , & lui dit : tirez ,
Monfeigneur Voilà une âme forte & fublime
mais je ne vois pas trop qu'elle s'accommode aux .
allures puériles. Une femme auroit pu verfer une
larme , & fon Élève peut- être feroit tombé à fes .
genoux fondant er larmes lui- même . La Nature ,
;
122 MERCURE
23
qui a établi tant de rapports entre l'âme des enfans
& celle des femmes , ne femble-t -elle pas nous
avertir que c'eft à elles qu'il faut laiffer le foin de
former des êtres qu'elles doivent connoître mieux
que nous , puifqu'elles leur reffemblent davantage ?
5. Un autre danger de l'Education , c'eſt la fociété
des domestiques pour les hommes ordinaires ,
& celle des courtilans pour les Princes. « Il eft fage
» fans doute , dit l'Auteur , d'interdire à l'enfance
» la fociété des domeftiques ; mais fi vos précau-
» tions ne réuffiffeient pas , elles ne feroient que
» rendre plus douces des leçons dérobées . Vous ob-
» tiendrez qu'il n'y ait point de familiarité , point
as d'entretien fuivi ; mais un regard , un mot, un
» fourire n'eft pas en votre pouvoir , & peut dé-
» truire une année de leçons . J'aimerois mieux réu-
» nir tant de monde à mon part que d'avoir à
» m'en défendre . Le père de Montagne avoit com-
• pofé fa maifon de manière que fon fils apprît le
» latin comme fa langue naturelle . Maupertuis
avoit imaginé une Ville où tout le monde devoit
parler latin , & dans laquelle un féjour de deux
ans épargneroit à notre jeuncffe les ennuis de la
fcholarité. Mon projet à moi feroit une maison
» où l'on n'entendit que d'honnêtes gens , où la
langue ne fût que l'expreffion des moeurs
» des Maitres vertueux feroient fervis
hommes dignes de former avec eux une même
» famille , & de rappeler ces noms d'enfans , d'enfans
de famille que les Anciens donnoient à leurs
efclaves... Il eft à peu près impoffible de fouf-
» traire l'Education à l'influence des domeftiques ;
a je propofe de les affecier au bien ; mais il me
» femble que Boffuer Fénelon lui- même devoient
» peu s'entendre à ir & à conduire de pareils
collègues. Cet emis, ne peut être que celui d'une
» femme . Une femme une peut avoir en les mains
30
ל כ
55
לכ
2
par
, ou
des
DE FRANCE. 123
toutes ces volontés fubalternes , & faire que tous
les difcours , tous les plaifirs , tous les voeux de la
» maifon qu'elle gouverne , foient d'intelligence
» avec les leçons des Maîtres ; elle pourroit rendre
» éloquent & inftructif le filence de ceux qui ne
» favent que fe taite. Peut- être dans l'âge fuivant ,
» dans les défordres de votre Elève , le filence fera la
» feule expreffion permife à la douleur & à l'indignation
des Peuples ; & s'il eft vrai qu'on ne
doive impofer à un enfant que des punitions qu'il
puiffe toujours craindre , voyez comme
femme habile & attentive peut employer tout ce
qui l'environne à rendre plus amer , plus vif &
plus durable le feul châtiment que le refpect nous
» ait laiffé pour les Princes de tous les âges.
»
20
"
ود
לכ
une
6°. Un autre grand avantage que l'Auteur attribue
à une Education donnée par les femmes , c'eft
de choisir à l'Elève les amis qui s'empareront de
fon coeur à la fin de l'Education . Il eſt un âge où le
Prince n'aime que ceux qui penfent comme lui ;
mais dans la jeuneffe il penfe comme ceux qu'il
aime. C'eft une femme qui peut avoir le talent &
l'adreffe de faire pencher fon coeur vers ceux qui
n'attireront à eux fes fentimens que pour les attacher
davantage à la vertu . C'eſt une femme qui a
le don de faire aimer ceux qu'elle loue , & haïr
ceux qu'elle méprife ; c'est elle qui faura imprimer
tous fes fentimens dans l'âme flexible & tendre
qu'elle aura formée ; c'eft elle enfin qui , au moment
que la loi affranchira l'Élève du pouvoir de
fes Inftituteurs , l'y retiendra lié par la tendreffe &
la reconnoiffance , « le ramènera tous les jours par
» le goût , l'amitié , par mille circonftances qu'elle
» fera naître dans une fociété où le defir de plaire
» conduit au bien , où la vérité , la droiture , la
» juftice foient néceffaires à l'honneur & le devoir
» à l'amabilité , où les meurs comme les difcours
124 MERCURE

30
portant toujours une impreffion fenfible de vertu ,
attriftent celui qui la trahit dans son âme &
confcience , où le bonheur de fe trouver enſemble
croiffe encore par celui de fe rendre meilleurs . »
Telle eft l'idée que fe fait l'Auteur d'une Éducation
-dirigée par une femme ; mais cette femme, où la trouvera-
t-on ? Quelles font les qualités & les lumières
qu'elle doit avoir pour remplir de fi auguftes fonctions
, des fonctions que, jufqu'à préfent , on a cru-fi
peu réfervées à fon fexe ? C'eſt ce que l'Auteur examine
dans la feconde Partie de fon Ouvrage. Toujours
conféquent à fes principes , il ne veut point, pour
faire l'oeuvre d'une femme , les qualités & les connoiſſances
d'un homme. « Une femme dans l'emploi
d'un homme ne feroit jamais qu'un homme
» médiocre plus ridicule qu'un hoinme efféminé ;
» elle jouera toujours très mal un rôle qui la défi-


ל כ
gureroit même en le jouant bien . Les femmes
» font bien plus femmes que les hommes ne font
hommes . Ceux ci , partagés en différentes claffes
de Citoyens ,diffèrent par leur état autant que par
» leur fexe . Le fexe d'une femine eft encore fon
état. Elle eft mère , ou fille , ou épouſe . C'eſt tou-
» jours une femme que nous voyons fous tous ces
rapports . En Littérature, on veut que les Écrits
» d'une femme décèlent une femme , l'indulgence
» ou l'admiration ne font qu'à ce prix ; s'il eft des
Ouvrages de femme fupérieurs à tout ce que les
» hommes ont pu faire dans le même genre , c'eft
qu'il en eft où l'Auteur n'a jamais démenti fon
» fexe , ou plutôt c'eft qu'on n'y voit point d'Auteur
, point de Livre à lire , on y jouit de l'intimité
d'une femme que l'on aime. »
35
53
L'Auteur veut donc qu'une femme chargée de
l'Education d'un Prince ait le courage de conferver
l'efprit de fon fexe, avec l'habitude d'oublier
toute efpèce de lecture dont il ne reste point
DE FRANCE 125
33
quelque fentiment de vertu pour le coeur , quel- >
» que lumière utile pour l'efprit ; elle ne fera point
» femme favante , elle n'aura pu que s'inftruire :
» on dira d'elle comme Mme de Maintenon de M.
» de la Rochefoucauld , qu'elle a plus de lumières
» que d'inftruction . Peut- être fe croira-t elle igno-
ל כ
לכ
גכ
rante à la manière de Mme de Sévigné , ne
» fachant bien que ce qu'elle aura fenti , & réci-
» tant mal ce qu'on lui aura fait apprendre . Accou-
» tumée à ne juger que des chofes qu'elle aura pu
» mefurer ou pefer , ou compter , elle aura l'efprit
» sûr & jufte , & même géométrique , & ne faura
point de géométrie , mais bien ce qui eft grand
ou petit , ce qui eft vuide ou ce qui a du poids ,
» ce qui eft ou ce qui n'eft pas. » Avec ce caractère
d'efprit elle n'aura pas pour fonction de remplir
la tête de fon Elève de connoiffances , mais de
lui former le jugement ; elle lui enfeignera à connoître
les hommes, fcience fi naturelle aux femmes
& fi néceffaire aux Princes ; à apprécier les chofes,
non par l'opinion publique , mais par ce qu'elles
produifent pour le bonheur réel ; elle n'exaltera
point fa tête & fon coeur en enivrant fon imagination
des tableaux de l'héroïfme & de la gloire ; mais
elle échauffera doucement fon coeur par les images
touchantes des fecours donnés à la misère , de l'appui
courageux prêté à l'innocence méconnue : elle
donnera à l'humanité , pour le faire entendre de l'âme
d'un jeune Prince , ces fons & ces accens fi doux que
la Nature a donnés à la voix d'une femme ; elle ne
fera point un Preux & un Héros , mais un Saint
Louis comme Blanche de Caftille , ou un Henri IV
comme Jeanne d'Albret.
Voilà à - peu-près le réfultat des idées de l'Auteur
fur l'Education des Princes par les femmes . D'autres
Ecrivains veulent changer le plan de l'inftitution ;
celui ci veut changer le fexe des Inftituteurs ; cette
126
MERCURE
dernière réforme paroît plus difficile encore. On
voit que l'Auteur , effrayé des maux que les têtes ardentes
& les âmes paffionnées ont fait aux Nations
, voudroit , pour ainfi dire , affoiblir l'efpèce.
humaine pour la rendre plus raifonnable & plus
heureuſe il voudroit répandre dans toutes les
âmes , & fur-tout dans celles qui font deftinées à
gouverner , la douceur des fentimens de la tendreffe
maternelle , & la pitié fi naturelle à la foibleffe
des femmes . Il paroît les avoir beaucoup obfervées
, avoir très - bien fiú le caractère de leur
efprit & de leur âme , l'espèce d'empire qu'elles
prennent fur l'homme , & les moyens de cet empire;
il a très bien vu que la jufteffe naturelle de
leur efprit tenoit beaucoup à ce qu'elles ne jugent
que des chofes qu'elles voient , qu'elles touchent ,
qu'elles comptent , qu'elles incfu ent. Locke a
prouvé que prefque toutes les erreurs venoient de
l'abus des mots ; les jugemens des femmes ne fe
fondent pas fur les mots , mais fur les chofes , &.
voilà pourquoi elles ont fi peu d'erreurs. En général ,
toute l'influence qu'elles ont dans le monde & qu'elles
peuvent avoir dans l'Education, l'Auteur l'a très-bien
vue, & le développement de fes idées amène des
détails de moeurs très- piquans & très- agréables. On
peut faire des reproches à fon ftyle , fa phraſe n'eft
pas toujours nettement conftruite , & l'on pourroit
citer quelques exemples de mots impropres ; mais il
a des tournures vives & des expreffions heureuſes ;
peut - être fon efprit a- t - il quelques rapports avec
celui qu'il veut faire régner fur l'efprit des hommes
& des Princes , avec l'efprit des femmes. Si le titre
de fon Ouvrage permettoit des critiques févères fur
le plan & l'ordre des idées , c'eft l'objet fur lequel
on devroit lui en faire davantage . Il s'eft peu appliqué
à donner à fes vues cette fuite & cet enchaînement
qui , dans les matières philofophiques , font la
DE FRANCE. 127
elarté & la force des pensées , comme ils font la
grâce & la beauté des Ouvrages de pur agrément ,
tantùm feries junturaque pollet. C'eft un mérite
qu'on loue peur dans les Écrivains , parce que le Lecteur
en jouit fans trop s'en appercevoir ; mais lorfqu'il
manque , il répand fur les Ouvrages je ne fais
quelle obfcurité qui couvre & cache fouvent des
beautés de détail. L'Auteur évitera fans doute ce
défaut dans un Ouvrage plus confidérable qu'il annonce
, le Catéchisme de l'Honneur & de la Nobleffe.
En lifant celui -ci , on fent qu'il aime beaucoup
le bien public & les idées qui ne font pas celles de
tout le monde. Il s'éloigne des ornières , & veut
marcher à travers champ. Ce courage d'efprit , le
fentiment noble dont il paroît animé , la fagacité
dont il a donné des preuves , tout annonce qu'il
peut un jour porter des vues nouvelles dans la morale.
Il parle déjà de la philofophie du dix-neuvième
fiecle ; il feroit beau de commencer un nouveau
fiècle de philofophic ; mais qu'il permette à celle du
dix-huitième fiècle de lui faire quelques objections
fur le paradoxe dont nous venons de rendre compte.
Il ne s'agira point ici , comme on le croit bien ,
de quelques femmes qui ont pu réunir les qualités
de leur fexe & celles du nôtre. Il s'agit des femmes.
On demandera donc à l'Auteur , 1º . fi , toute réflexion
faite , il penfe réellement qu'il y ait quelque
raifon d'où l'on puiffe conclure que les femmes foient
plus propres à l'Éducation des hommes & des
Princes , que les hommes à celle des Princeffes & des
femmes. Dans les premiers jours de la vie,la Nature
confie également les deux fexes à la mère qui les
nourrit ; mais les deux fexes ſe reffemblent beaucoup
dans ces premiers jours , & ils diffèrent extrêmement
le refte de leur vie : n'eft-il pas raifonnable
de fuivre les différences que la Nature met dans
leurs inclinations & dans leurs befoins ? Avant
128
MERCURE
l'âge de dix ans, le jeune fauvage,impatient de refter ,
avec fes foeurs dans la cabane de fa mère , veut déjà
fe mêler aux jeux & aux courfes de fon père ; déjà
il effaie le torrent qu'il doit fouvent traverfer à la
nage ; déjà il veut qu'on lui enfeigne à courber l'arc
& à aiguifer la flèche. Ce n'eft pas une femme qui
peut lui donner ces leçons . L'Auteur me répondra
qu'il ne veut pas que notre Education falle des fauvages
; je l'entends bien de même ; mais dans tous
les états de fociété , la diverfité des befoins & des inelinations
fera toujours entre les deux fexes un partage
de fentimens , de talens & de fonctions qui ne
permettra à chacun d'eux de donner des leçons que
fur les objets qui lui font tombés en partage. Dans
l'Education des premiers Perfes , décrite & vantée par
Xénophon , on n'avoit pas affez de confiance dans
les femmes pour leur laiffer les enfans dans le temps,
même où elles les nourriffoient de leur fein. A peine
ils étoient nés , qu'on en chaigeoit des Eunuques , &
on ne laiffoit approcher les femmes que pour leur
donner du lait ; c'étoit comme fi on en eût fait porter
dans unejatte. N'en déplaife à Xénophon & à Montagne
, c'étoit -là, je crois, une très -mauvaiſe inflitution
. Les Eunuques ne font bons à rien , pas méme
à chanter , & les femmes font néceffaires auprès du .
berceau des enfans non feulement pour les nourrir ,
mais pour faire naître leurs premiers fentimens , les
premiers germes de vertu . C'eft en preffant avec reconnoiffance
& avec amour le fein maternel qui le
nourrit, que l'âme d'un enfant s'échauffe , s'attendrit
& s'ouvre au doux befoin d'aimer. Cette première
Education , une mère peut la donner également aux ›
enfans des deux fexes ; mais dès que les inclinations
qui diftinguent celui de l'homme commencent
à fe développer , il y a dans l'âme d'un enfant une
multitude de fenfations , de goûts , de fentimens
qu'une femme ne pourra pas connoître , ni par conDE
FRANCE. 129
·
féquent diriger. Une partie du coeur de la femme fera
toujours inconnue à l'homme , & une partie du coeur
de l'homme à la femme . Il en eft de même de l'efprit.
Comment auroit on le talent de former ce
qu'on connoît fi imparfaitement ? Les femmes
doivent donc élever les femmes , & les hommes
les hommes : feulement il eft des objets fur lefquels
les lumières particulières aux deux fexes pourroient
jufqu'à un certain point paffer de l'un à
l'autre. Un père éclairé qui aura réfléchi ſur ſes paſfions
, & aura de la bonne-foi , pourra apprendre à
fa fille à connoître celles de l'homine ; une femme
pourra rendre le même ſervice à fon fils. J'ai beaucoup
entendu vanter le don des femmes pour pénétrer
dans les plus fecrets replis de nos âmes , pour
diftinguer d'un coup d'oeil nos humeurs & nos
caractères. Je defirerois de tout mon coeur qu'elles
euffent en effet ce talent fi néceffaire pour mettre
quelqu'égalité entre la force & la foibleffe ; mais
fi elles font fi habiles , pourquoi donc dans tous les
temps a - t - on entendu gémir parmi elles tant de
victimes de nos paffions ? En général , ce que les
deux fexes connoiffent le mieux l'un de l'autre , ce
font les moyens de fe plaire , d'irriter le penchant
qu'ils ont l'un pour l'autre , il faut tout dire , de
fe féduire ; mais ce n'eft pas là un talent dont on
puiffe faire un grand uſage dans l'Education . Fénçion
, dont l'efprit doux & flexible étoit fi propre à
pénétrer dans ces âmes délicates , a écrit un Ouvrage
fur l'Éducation des filles. Cet Ouvrage eft
bon; mais , j'ofe le dire l'âme pure de l'Archevêque
de Cambrai ne pouvoit pas affez connoître les paffions
pour bien enfeigner l'art de les diriger ; c'eft
l'Ouvrage d'un Ange; il ne convient beaucoup ni
aux hommes ni aux femmes . Rouffeau , qui avoit le
nême amour de la vertu fans avoir , à beaucoup
près , la même pureté de moeurs , a tiré du défordre
130 MERCURE
de fes paffions des moyens de mieux connoître
l'homme & la ferme , & de faire un plus bel Ouvrage
fur l'Éducation . On devineroit , en lifant fes
Ecrits, qu'il avoit paffé fa vie avec des femmes qui le
mettoient dans la confidence de leurs plus intimes
foibleffes , & dont l'âme formoit un mélange affez
confus de paffions & de vertus . Prefque tous fes Ouvrages
à cet égard font des confeffions ; auffi fa
Sophie eft elle un des chef d'oeuvres de la philofophie
moderne. Il eft impoffible peut - être qu'un
homme pénètre plus avant dans les affections du
coeur des femmes ; mais il ne faut pas douter qu'une
femme, avec moins d'efprit même & de talent , n'allât
beaucoup plus loin encore ; mais cet avantage
qu'elles ont dans leur Education , elles doivent par la
même raiſon le perdre entièrement dans celle des
hommes. Il n'eft pas probable qu'elles faffent pour
notre fexe ce que Fénelon & Rouffeau n'ont pas pu
pour le leur. faire.
2º. Les femmes , dit l'Auteur , ont l'empire des
foyers , & il en conclut qu'elles doivent avoir Lempire
de l'Education des hommes & des Princes ;
mais la conclufion n'eft pas bonne , car ce n'eft pas
fur les foyers qu'il faut élever les hommes & les
Princes ; elles difpofent des objets , des hommes & des
images qu'un enfant verra dans fa maifon ou dans
fon palais. A la bonne heure ; mais les images qu'il
faut présenter à fes fens pour lui apprendre à devenir
homme ou Prince , ne font ni dans un palais ni
dans une maiſon ; elles font dans un camp , dans un
Sénat , par-tout où les hommes raffemblés rempliffent
les grandes fonctions de la Société.
Vitamquefub dio & trepidis agat in rebus.
Ce font deux connoiffances bien différentes que
celles des hommes ifolés & des hommes raffemblés .
La dernière eft celle qu'il importe le plus de donner
DE FRANCE. 131
anx Princes , à tous les hommes deſtinés à remplir
des places & des fonctions publiques , & c'eft précifément
celles que les femmes ne peuvent jamais
avoir. Les leçons qu'un enfant recevroit dans la
maiſon maternelle , lui feroient fans doute plus douces
& plus agréables que celles qu'il prendroit fur
les bancs des Collèges : non plus que Montagne ,
je ne veux pas qu'on l'abandonne à la colère & humeur
mélancolique d'un furieux Maitre d'Échole ;
mais à cet âge fa maifon n'eft pas ce qui plaît le
plus à un enfant ; les lieux de fes exercices & de fes
jeux , la fociété des compagnons de fes plaifirs lui
plaifent bien davantage. Un Gouverneur peut le
fuivre par tout , & faire fervir tous les lieux & tous
les objets à l'inftruction de fon Elève. Au nôtre
( Elève ) , dit encore Montagne , un cabinet , un jardin
, la table & le lit , la folitude , la compagnie , le
matin & le repos , toutes heures lui feront une ,
toutes places lui feront étude ; car la philofophie
qui , comme formatrice des jugemens & des moeurs ,
fera la principale leçon a ce privilège de fe mêler
par tout ; elle ne doit être refufée ni aux feftins ni
aux jeux .... Les jeux même & les exercices feront
une bonne partie de l'étude ; la courſe , la lutte , la
nufique , la danſe , la chaffe , le maniement des chevaux
& des armes. Il n'eft guères poffible qu'une
femme fuive un Elève à la courſe , à la lutte , au
maniement des armes & des chevaux ; & une des
chofes qu'il importe le plus cependant dans une
Education , c'eft que celui qui s'en charge ait à tous
les momens fon Elève fous fesyeux , c'eft que l'âme
qu'il doit former foit toujours fous la main , & que
lui & la Nature puiffent feuls y imprimer quelque
caractère.
3 °. L'Auteur a très bien vû que les ſentimens ſe
communiquent par une espèce de contagion , & que
ce fontfur - tout les fentimens des femmes qui font con132
MERCURE
?
4
tagieux ; mais peut-être le font- ils trop . Rien n'eſt
plus néceffaire fans doute dans l'Education que de
cultiver & de développer la fenfibilité , la fource de
tous les talens & de toutes les vertus ; mais celle de
l'homme qui doit fouvent s'attacher à des objets qui
ne font pas fous les yeux , & qu'il ne peut appercevoir
que par la réflexion , doit être forte , profonde & fou.
tenue . Rien ne feroit plus dangereux pour lui que cette
fenfibilité prompte & mobile qui s'émeut de tout ce
qu'elle voit , & change mille fois d'objets en un inftant
; qui, invinciblement entraînée par- tout ce qui
frappe les fens, eft incapable d'avoir un fentiment réfléchi
& durable. Ce genre de fenfibilité , qui rendroit
l'homme incapable de toutes les fonctions publiques ,
eft pourtant en général celle des femmes , & même
en elles c'eft une fource de vertus & de grâces ,
parce que la Nature les a deſtinées à s'occuper fucceffivement
dans le même jour d'une multitude de
détails dont chacun ne demande qu'un coup d'oeil ;
à refferrer leurs affections & leurs vûes fur les perfonnes
qui vivent avec elles fous le même toit . Afin de
faire aimer la patrie aux Lacédémoniennes, Lycurgue
fe crut obligé de donner pour mari à chaque femme
prefque tous les Citoyens de la République. Il manquoit
à Lycurgue nos idées céleftes fur la pureté & la
continence ; mais c'étoit un grand homme que Lycargue.
Il eft donc ailé de voir combien il feroit
funefte que les femmes communiquaffent aux hommes
par contagion le genre de fenfibilité qui leur eft
propre. Ce qui eft important dans l'Education des
hommes , & fur- tout dans celle des Princes , c'eſt
d'élever leur âme ; une âme grande & élevée s'attache
naturellement au bien public , parce que c'eft
l'unique fentiment qui puiffe la remplir toute entière
, & qui foit digne d'elle . Il y a eu beaucoup
de femmes courageufes , & on en connoît l'hiftoire.
On fait que Plutarque vouloit qu'on fit le parallèle
de
DE FRANCE. 133
de Sémiramis & de Séfoftris , de Tanaquil & de Servius
, de Brutus & de Porcie. On rappelle l'intrépidité
d'Henriette d'Angleterre , qui, fur un vaiffeau prêt
à être fubmergé par les flots , difoit en riant : les
Reines ne le noyent point ; le courage peut être plus.
étonnant encore d'une jeune Princeffe qui , dans une
fituation ſemblable , s'amuſoit à faire fon épitaphe
en vers gais & comiques. On pourroit citer une
multitude d'autres exemples , & il en eft peu qui
foient ignorés dans un pays où l'on fe plaît à rappeler
fouvent ce qui peut honorer leur fexe . Mais
c'eft pourtant une vérité reconnue que le courage
n'eſt pas une qualité qui leur foit commune ; elles
ont même fi bonne grâce d'en manquer , qu'à cet
égard elles exagèrent beaucoup leur foibleffe ; elles
aiment beaucoup le courage dans l'homme ; elles le
couronnent de fleurs, de chants & de gloire; elles favent
bien mieux le récompenfer encore ; mais ne feroit- ce
point que , fans trop fe le dire à elles -mêmes , elles
fentent vivement au fond de leur coeur combien il
leur est néceffaire d'entretenir & d'exalter dans
l'homme une qualité qui leur eft à - peu-près étrangère
? Mais ce n'eft pas en le louant qu'on peut le
faire naître le mieux dans les enfans ; c'eft en leur
en donnant l'exemple. S'il y a quelque fentiment
qui fe donne par contagion , c'eft lur-tout la peur &
le courage. Ne feroit - il point à craindre que dans
les occafious on il pourroit y avoir quelque danger
, l'Inftitutrice d'un Prince , après avoir fait de
très- beaux éloges de la valeur , ne fe montrât pâle
& tremblante aux yeux de fon Eiève ? J'ai connu
un homme qui manquoit de courage , & qui avoit
au moins celui d'avouer qu'il étoit très poltron .
Sa foibleffe avoit fait le tourment de fa vie ; il
avoit cherché tous les moyens de s'en guérir ; il
n'avoit pu la vaincre ; mais il étoit parvenu à la
très-bien connoître ; il avoit en quelque forte étudié
No. 25 , 21 Juin 1783. G
134 MERCURE
la poltronnerie ; il étoit remonté à l'origine de la
fienne , & voici ce qu'il racontoit. Dans le temps
qu'il étoit au collège , où il fe battoit très - bien au
befoin avec les camarades , fon père & fa mère le
mènent paffer quelques jours de fêtes dans une campagne.
Une nuit des voleurs pénètrent dans leur
maifon ; la mère , qui eft une des premières à s'en
appercevoir , jette des cris d'effroi , eft agitée par
des convulfions ; l'enfant , témoin de ce fpectacle ,
tombe lui - même bouleversé par des convulfions
terribles. Je ne voyois pas les voleurs , difoit- il , je
ne penfois pas au mal qu'ils pouvoient me faire ;
mais les cris d'effroi de ma mère retentiffoient dans
mon âme; j'en étois frappé encore lorsqu'évanoui
j'avois perdu tout autre fentiment. Depuis il n'avoit
pas pu voir l'apparence d'un danger fans entendre
encore les cris de fa mère , fans voir fes convulfions
& fans en éprouver lui- même . Je fuppofe que
fa mère n'eût point été à cette campagne , que fon
père , homme ferme & intrépide , eût fauté à fes
piftolets & à fon épée en faisant entendre au lieu
de cris d'effroi ces accens du courage qui retentiffent
fi agréablement au coeur de l'homme ; il eft
à croire qu'à cette vûe fi différente le jeune Écolier
eût fenti paffer dans fon âme tout le courage de
fon père , & que le fouvenir de ce moment de valeur
lui en eût donné pour toute la vie. Mais je ne veux
point , dit l'Auteur , que l'Elève d'une femme foit
un Preux , un Héros : non , mais vous voulez qu'il
foit un homme , un Prince , & on ne l'eſt point dans
une multitude d'occafions fans un très - grand courage
. La première vertu n'eft pas d'en avoir , mais
fouvent le dernier des opprobres eft d'en manquer ,
ou d'en avoir un qui foit équivoque . Au refte
l'Auteur est sûrement du même avis ; mais entraîné
par fon fyftême , il n'a pas affez vû combien l'Education
des femmes , chargées des foins du ménage ,
DE FRANCE. 135
étoit
peu propre
pides.
à créer des âmes fortes & intré
4°. Il peut fe faire qu'une
femme
foit plus propre
que Montaufier
& Beauvilliers
à faire le choix
des laquais
& des femmes
de fervice
qui doivent
compoſer
la maifon
d'un Prince
; mais dans une
Education
dirigée
par des hommes
tels que ceux que
je viens de nominer
, les domeftiques
fervent
le
Prince , & ne restent
pas avec lui ; mais il eft des
homines
dont le choix eft un peu plus important
&
un peu plus difficile
; & lorfqu'on
fonge
que pour
l'Education
du grand Dauphin
, Montaufier
fixa les
regards
de Louis XIV for Boffuet
; que dans celle
du Duc de Bourgogne
, Beauvilliers
& Fénelon
prirent
fous eux des hommes
dont les talens & les ver
tus honoroient
la France
; lorfqu'on
fonge enfin que
dans ces deux Educations
les Princes
n'étoient
approchés
que par des hommes
dont les paroles
& les
mours
pouvoient
à chaque
inftant
leur faire connoître
une vérité ou une vertu , on a peine à croire
qu'une
femme
eût pu faire de meilleur
choix . Cette
jufteffe
, cette netteté, cette fagacité
naturelle
d'efprit
que l'Auteur
loue avec raifon dans les femmes
,
ne leur eft plus particulière
aujourd'hui
. Les hommes
ont abandonné
les fauffes
méthodes
qui égaroient
leur efprit dans de vaines
fciences
. Une métaphyfique
profonde
les a ramenés
à la méthode
que
la Nature
a donnée
aux femmes
, & , comme
elles , ils
ne jugent
que de ce qu'ils comptent
, de ce qu'ils
mefurent
, de ce qu'ils calculent
; ils ne fe fervent
des connoiffances
que pour former
le jugement
; &
s'ils élèvent
leur intelligence
aux hautes
Sciences
&
aux Beaux- Arts , c'eft que ce font les plus fublimes
productions
de cet efprit naturel
, pénétrant
& fenfible
qu'il veut faire paffer des femmes
aux hommes
.
5. Je ne ferai plus qu'une objection ; mais elle
eft importante. Il doit y avoir néceffairement beau-
Gij
36 MERCURE
coup de femmes dans une Education dirigée par une
femme . Voilà fur tout les images fur lefquelles s'attacheront
les regards de l'enfant , & les hommes fe
font trop diffimulé que ces images là les pourfuivent
prefque au fortir du berceau . On dira que c'eft
à éviter fur-tout les dangers de ce genre qu'une Inf
titutrice fera habile. Je ne citerai qu'un fait. J'ai
connu une mère de famille pleine de bon efprit &
de piété , qui avoit établi un ordre admirable dans
fa maifon , qui tenoit toujours fous fes yeux tous
fes domeftiques & tous fes enfans ; elle voyoit tout ,
elle favoit tout ; elle n'ignoroit qu'une chofe , c'eft
que fon fils , âgé de dix ans , fe confumoit de defirs
& de voluptés avec une femme de chambre âgée de
trente .
( Cet Article eft de M. Garat. )
ÉPITRE à Zulmis , fur les avantages & les
obligations du Mariage , accompagnée de
notes mythologiques , hiftoriques , critiques
& morales , par M. Bablot , Confeiller
du Roi , Docteur en Médecine à Châlonsfur-
Marne, Imprimée à Bouillon .
LA morale , en langage ordinaire , eft
utile & recommandable ; la morale revêtue
de l'harmonie poétique , devient plus utile
encore , parce qu'elle touche plus agréablement
l'oreille , parce qu'elle gliffe plus aifément
dans l'efprit & dans le coeur , & qu'enfin
elle fe grave plus fortement dans la mémoire
: c'eft là fans doute le motif qui a
décidé M. Bablor à choisir le langage poétique.
L'intention étoit fort bonne ; mais il
n'a pas fongé que tous les vers n'étoient pas
DE FRANCE.
137
amis de l'oreille , de l'efprit & de la mén:
oire. Les opinions de l'Auteur de cette
Épître font orthodoxes ; voilà de quoi faire
un bon Chrétien , & non de quoi faire un
bon Poëte ; nous croyons que la Sorbonne
n'y trouveroit rien à reprendre ; mais que le
goût auffi n'y verroit rien à adopter.
>
L'Auteur de cette Épître a voulu faire
l'éloge de l'Hymen & des plaifirs purs qu'on
y goûte ; & il a eu ra fon. Il a voulu prouver
aux mères que leur devoir eft d'allaiter leurs
enfans ; & il a eu raifon . Il a foutenu que
les plaifirs orduriers d'un célibataire débauché
doivent faire horreur ; & il a eu raifon.
Mais toutes ces vérités , & d'autres encore
il a voulu les écrire en vers ; & pour le coup
il a eu tort. Au refte , cette Épître , y compris
les notes , contient 109 pages . Cela peut
paroître un peu long pour une Épître ; mais
on eft moins furpris de cette étendue , quand
on connoît le plan qu'a fuivi l'Auteur ;
quand on voit le nombre des événemens
qu'il renferme. Dans l'intervalle de cette
Épître , que l'Auteur a fans doute quittée
& reprife à mefure , on le voit devenir
amoureux ; faire une déclaration , & recevoir
un tendre aveu; fe marier & devenir père :
enfin marier fon enfant : voilà des mémoires
affez étendus ; le Poëte a cru devoir les completter
en exprimant de quelle manière
veut mourir. Il dit à fa Zulmis :
Tous deux alors contens , heureux & fatisfaits ,
G iij
138 MERCURE
Nous pourrons , dans le fein d'une éternelle paix ,
Terminant fur la terre une fainte carrière ,
Fermer tranquillement les yeux à la lumière ;
De nos enfans en pleurs recevoir les adieux ,
Et voler pour jamais dans le féjour des cieux.
La manière dont l'Auteur devient amou.
reux de Zulmis eft affez curieufe. L'effet ordinaire
de l'Amour eft de caufer un trouble ,
une agitation involontaire ; chez l'Auteur de
cette Épître , c'eft tout différent . Il dit à Zulmis
, en lui déclarant fes feux :
Depuis que par hafard , te montrant à ma vûe ,
Tu rétablis le calme en mon âme éperdue.
Cela veut dire , depuis que tu me rendis
amoureux. Nous ignorons fi Zulmis a été
flattée d'avoir calmé les fens de fon amant
par la feule vûe de fes charmes ; mais nous
ne croyons pas qu'en Médecine , on ait jamais
regardé la paffion de l'amour comme
un calmant.
Rappelle- toi , continue l'amant calme de
Zulmis ,
Rappelle-toi ce jour , jour heureux mille fois ,
Où le plus pur amour s'exprimoit par ma voix ;
Où mon coeur , confumé de defirs , d'efpérance ,
Te peignoit de l'hymen la divine excellence.
Zulmis devient fenfible; & le Poëte s'écrie
alors , avec autant de grâce que d'har
monie :
Arrêtez , doux momens , ô momens raviffans !
DE FRANCE. 139
Doux momens, ó momens raviffans ! c'eft- là
ce qu'on appelle de l'harmonie imitative.
Mais Zulmis le lui rend bien ; elle s'écrie à
fon tour :
Ah ! pourrois-tu douter de mon amour encore ,
Cher amant , me dis-tu ? Je t'aime , je t'adore.
Qu'ai-je dit , je t'adore! laiffons fur ces grands mots
Grimper l'amour charnel ; ce font- là fes tréteaux.
Nous ne ferons pas à nos Lecteurs l'affront
de leur faire remarquer la grâce de l'amour
charnel , & des grands mots qui font des
tréteaux. Quelques Critiques trouveront
peut être que le troifième de ces derniers
vers a une fyllabe de trop ; cela eſt vrai ;
mais les grandes paffions calculent mal ; &
cette furabondance nous paroît exprimer
mieux le caractère de l'Amour.
Enfin Zulmis eft prête à mettre au jour le
fruit de fes chaftes feux. Le Poëte épie ce
moment defiré , & dit à l'enfant qui va naître
, de ne pas déchirer le flanc qui l'a nourri ,
& de venir au monde fans aucun fecours
étranger :
Elance -toi tout feul fur l'océan du monde .
Le Poëte eft exaucé; l'enfant s'élance tout
feul; & l'enthouſiaſme paternel s'écrie :
Que vois - je ? Où fuis - je ? O ciel ! nos voeux font
exaucés.....
Je ſuis père , Zulmis ! ... mes foins font éclipfés....
Giv
140 MERCURE
Notre commun bonheur furpaffe notre attente.
Mère ! épouſe ! mon fils ! ... ô volupté poignante !
1
Nous croyons devoir nous arrêter à cette
volupté poignante , pour laiffer l'imagination
de nos Lecteurs fur une image agréable. Un
plus long extrait pourroit , non pas laffer
leur patience , mais fatiguer leur admiration
.
A
SPECTACLES.
COMÉDIE ITALIENNE.
LE
très-
E Vendredi 6 Juin , on a repréſenté ,
pour la première fois , le Père de Province ,
Comédie en trois Actes , en vers libres.
L'intrigue de cette Comédie n'eft pas
facile à développer. Pour ne point entrer
dans des détails dont la prolixité deviendroit
ennuyeufe , nous allons feulement indiquer
les principaux perfonnages , & dire la part
qu'ils ont à l'action.
&
Le Préfident doit époufer Julie , fille du
Financier Mondor. Élevé & entretenu dans
le goût du luxe par fa tante Dorimène , femme
dont le jeu , l'éclat & la dépenfe font les
goûts ordinaires ; il a contracté des dettes ,
n'a échappé aux pourfuites d'un créancier que
par le fecours de Nérac , fon ami , qui s'eft
chargé de la dette. Mondor , homme doué
d'un coeur excellent , mais facile & foible,
DE FRANCE. 141
s'eft propofé d'époufer la tante du Prélident.
Le train qu'il a mené pour lui plaire a
fort altéré fa fortune ; & pour foutenir le
ton qu'il a pris , il cft obligé d'avoir recours
à ce qu'on appelle les expédiens. Un M. de
la Piſtole , un de ces Agioteurs qui vendent
l'argent au poids de l'or , & qui établitfent
les fondemens de leur fortune fur les debris de
celles qu'ils ont détruites , négocie tour à tour
avec Mondor, avec Dorimène , dont il entretient
les excès , & hâre ainfi leur ruine commune.
Dulis , père du Prefident , arrive à
Paris. Abfent de la capitale depuis vingt ans ,
il ne la reconnoît pas. Tout ce qu'il voit ,
tout ce qu'il entend l'étonne & le confond;
mais les erreurs de fon fils , la foibleffe de
fon ami , les égaremens de fa belle foeur excitent
fon indignation , & alarment fa fen-
Gibilité. Il veut venir à leur fecours . Il a remis
entre les mains d'un faifeur d'affaires
une fomme de cent mille écus qu'il efpéroit
placer avantageufement ; c'eft avec cette
fomme qu'il veut rétablir la fortune de Mondor.
Le faifeur d'affaires eft M. de la Piftole ,
les cent mille écus ont été prêtés au Financier.
Celui ci a remis en nantiffement un billet
de pareille fomme , a prendre fur une banque
étrangère. Dorimène a perdu au jeu les
cent mille écus ; la banque étrangère a fait
banqueroute ; Rien n'altère la générofité
de Dulis. Ce bonhomme ( c'eft le père de
Province ) fe contente de punir fa bellefoeur
, en la réduifant au fimple nécellaire ,
Gv
142 MERCURE
& il marie fon fils à Julie. Quant à Mondor
, il trouve de nouvelles reffources dans
la tendreffe de fa fille , qui lui remet un
porte feuille contenant , en effets au porteur ,
rout le bien que fa mère lui a laiffé. Nous
dirons auffi deux mots d'une jeune veuve
nommée Mélite. Elle ne joue pas un rôle
bien intéreffant dans l'Ouvrage , mais elle
époufe Nérac à la fin . Elle eft pourtant de
moitié dans une action généreufe que fait Ju
lie. Nérac eft fur le point d'être conduit en
prifon , parce qu'il n'a pas les fonds néceffaires
pour acquitter une lettre de change qu'il a
endoffée , dans l'intention de fervir le Préfident.
Julie donne fon écrin , & Mélite la
moitié de la fomme. Il eft inutile de parler
des autres perfonnages .
,
Cette Comédie n'a point eu de fuccès . On
en a applaudi quelques détails , où nos vices
à la mode , nos extravagances , l'amour immodéré
du luxe , l'oubli des devoirs , l'infolence
des parvenus , l'orgueil & l'ignorance
de la plupart des Gens de Lettres , enfin
l'égoïfine qui s'eft emparé de tous les états ,
font peints peut- être avec des couleurs trop
crues , mais de manière à annoncer un Écrivain
qui a obfervé nos moeurs. Le titre de la
Pièce a paru d'abord obfcur. Après la repréfentation
, on l'a trouvé bizarre & faux.
Nous avions préfumé que ce titre du
Père de Province établiroit la différence
qui peut exifter entre l'éducation que les
jeunes gens reçoivent dans la Capitale , &
DE FRAN. CE. 143
celle qu'on leur donne dans les villes où nos
vices & nos travers n'ont pas encore fubjugué
les efprits. Nous avons été très - étonnés
de ne trouver dans Dulis qu'un déclamateur
mifantrope , qui fe contente de beaucoup
parler fans jamais agir , & dont l'indulgence
eft peut- être plus dangereufe que ne le feroit
une grande févérité. Certainement il ne
falloit pas aller dans la Province pour y
chercher de pareils modèles , la Capitale en
eft pleine ; & elle en pouvoit offrir d'autres
dont l'effet auroit été tout- à- la- fois plus comique
& plus moral.
En général , cette Comédie annonce peu
de connoiffance du Théâtre. Point d'action ,
point d'oppofition dans les caractères , point
de Scènes filées , rien de motivé dans les
entrées ni dans les forties des Perfonnages ?
peu & fouvent point d'intérêt. Ajoutons à
cela un ftyle diffus , incorrect , rempli de
fauffes conftructions , de fautes de langue &
de néologifme. Voilà , au vrai , le Père de
Province. Néanmoins cet Ouvrage annonce,
comme nous venons de le dire , non feulement
un obſervateur , mais encore un homme
dévoré de l'amour du bien , dont la verve
bilieufe eft animée par l'afpect du mal dont
il s'indigne , & dont fon coeur eft révolté.
Nous croyons qu'il n'eft pas appelé à faire
des Pièces de Théâtre , & qu'il réuffiroit
mieux dans des productions purement morales.
A la Scène , on ne corrige pas les hommes
par des boutades , par des déclamations,
G vi
144 MERCURE
par des tirades fatyriques. Il faut traiter les
Spectateurs coinme des enfans , couvrir de
miel les bords du vafe , leur plaire , les
amufer , les,faire rire , même à leurs dépens.
Tout Auteur Comique qui travaille pour le
Théâtre Italien , ne doit point oublier fa
devife : Caftigat ridendo mores.
Le même jour on a donné la première repréfentation
de Dame Jeanne , Parodie de
Jeanne de Naples , en un Acte & en vaudevilles
.
L'Auteur de cette Bagatelle a été plus favorablement
traité que celui du Père de
Province ; mais a til en effet mérité l'indulgence
qu'on lui a accordée ? Nous pouvons
au moins en douter.
La Parodie eſt un genre bien médiocre en
lui - même ; mais il le devient davantage
quand le Parodifte fuit pas à pas & fervilement
l'Auteur qu'il cherche à rendre ridicule
; quand il ne fe donne pas même la peine
de traveftir les Perſonnages , & qu'il ne fait
que déplacer des expreflions tragiques , pour
leur prêter une intention bouffonne. Il y a
fans doute des chofes agréables dans Dame
Jeanne , des couplets bien tournés , des idées
galantes rendues avec une certaine grâce ;
mais combien on fouffre quand on voit
proftituer , pour ainfi dire , de l'efprit &
des difpofitions au talent dont on pourroit
faire un meilleur ufage ! Les moyens avec
DE FRANCE. 145
lefquels on parvient à plaire au gros du Public
fuffiroient pour faire ouvrir les yeux fur
ce que le genre de la Parodie a de médiocre
& même de méprifable. Par exemple , lorfque
la Suivante de Dame Jeanne prie la
Princeffe de faire l'expofition ; celle - ci dit :
Jefuis la Princeffe Jeannette ; mais l'on me
nomme Dame Jeanne , parce qu'on dit queje
raifonne comme une.... A quoi la Suivante
répond , en l'interrompant , c'est vrai ; tout
le monde le dit. Certes il ne faut pas un grand
effort d'efprit pour trouver une plaifanterie
de ce genre, & nous croyons qu'on doit
être bien honteux d'avoir furpris le rire des
gens de goût avec des reffources auffi puériles
& d'un aufli mauvais ton. Une critique
adroite & délicate pourroit donner quelque
mérite à une Parodie. Nous répétons ici ce
que nous avons déjà dit ailleurs. Mais l'Aureur
de Dame Jeanne croit-il avoir agi en
Critique éclairé , quand il s'étonne de voir
mourir Jeanne à vingt- cinq ans , tandis
qu'elle en a vécu cinquante fix ? On ne vient
pas au Théâtre pour y apprendre l'hiſtoire
mais pour y être ému , attaché , intéreffé. Si
M. de la Harpe avoit manqué au caractère
de Jeanne , s'il ne l'avoit pas peint comme les
Hiftoriens eftimables nous l'ont fait connoître
, il feroit blâmable ; mais ce n'eſt pas fur
cet objet qu'il mérite des reproches . Il a pris
les libertés dont il avoit droit d'ufer , & en
cela il a fuiyi le précepte d'Horace :
Pittoribus atque Poetis
>
146 MERCURE
Quid libet audendi femper fuit aqua poteftas.
Nous nous taifons fur les autres reproches
que nous pourrions faire à Dame Jeanne ;
mais nous nous croirions heureux fi nos obfervations
pouvoient éclairer un jeune homme
qui annonce du mérite , fur le danger de
faire un mauvais emploi de fon efprit & de
fes talens.
VARIÉTÉ S.
ON lit dans le Mercure du 31 Mai les paroles
fuivantes :
cc
Depuis le fublime Chapitre de Montesquieu
» fur le Gouvernement Anglois , il eft devenu l'ob-
» jet de l'obfervation de toute l'Europe & des méditations
de tous les Politiques , & tout jusqu'ici
» n'a fervi qu'à faire admirer davantage cette fingulière
& unique Conftitution , »
50
J'oferai propofer à l'Auteur de ce paffage un
petit nombre de queftions qu'il lui fera fans doute
facile de réfoudre .
I. Pour qu'une Conftitution , où l'autorité principale
réfide dans un Corps compofé de Repréfentans,
foit adinirable , & niême pour qu'elle foit légitime
, ne faudroit - il pas qu'il y eût une proportion
à-peu-près égale entre le nombre des Repréſentés ou
l'étendue du terrein qu'ils occupent , & celui des Repréfentans
? Cependant en Angleterre un petit Bourg
& une grande Comté , cinq cens hommes ou cent
mille hommes ont fouvent un nombre égal de Repéfentans
dans la Chambre des Communes.
II. Pour admirer une Conftitution repréſentative,
ne faudroit- il pas que la forme fuivant laquelle
DE FRANCE. 147
la Nation élit ſes Repréfentans , füt au moins raiſonnable
? Mon refpect pour le Peuple anglois ne me
permet d'entrer ici dans aucun détail .
III. Ne peut on pas juger de la bonté d'une
Conftitution par celle des Loix qui en font le réfultat
? Comment donc eft il poffible que l'admirable
Conftitution angloife laiffe fubfifter une foule de
mauvaiſes loix inconnues & abrogées dans plufieurs
États de l'Europe , dont perfonne ne vante la Conf
titution ? Comment les droits des hommes y font ils
ouvertement violés par l'uſage barbare de la preffe ,
par la loi qui enchaîne l'Artifan à la boutique de
fon Maître, au village où une fois il s'eft établi ,
par les loix oppreffives du commerce , par un régime
fifcal auffi contraire à la liberté du Citoyen qu'à la
profpérité publique.
IV. La difficulté de former une bonne Conftitution
républicaine , ne confifte- t- elle pas à favoir accorder
la confervation entière des droits de l'homme
avec la sûreté & la tranquillité , à faire enforte que
le Citoyen foit libre fans que fa liberté nuiſe à l'exercice
de la force publique : a-t- on réſolu cette difficulté
en Angleterre ?
Les grands chemins , toujours infeftés de voleurs ,
la populace mettant le feu à la Capitale parce que le
Parlement a fait une loi raiſonnable , & c. ces défordres
& tant d'autres ne feroient- ils pas des motifs
fuffifans pour admirer un peu moins la Conftitution
Britannique ?
V. On répond à ceux qui objectent à cette Conftitution
la vénalité dont on accufe le Parlement
d'Angleterre , que fi fes Membres fe vendent , c'eft
qu'on a befoin de les acheter ; cette réponſe eft - elle
bien péremptoire ? La corruption de la Chambre des
Communes , cette divifion publique avouée en
quatre ou cinq partis formés non par une difference
d'opinions mais par des intérêts particuliers , n'au
148 MERCURE
roient - elles pas pour caufe première quelques
défauts de la Conftitution même , ceux par exemple
dont on a parlé dans les deux premières queftions
?
VI. On répond encore que cette corruption ceffe ,
ou du moins qu'elle cefferoit fi les droits effentiels
de la Nation étoient attaqués . Cela prouve- t - il que
la Conftitution foit bonne , ou feulement qu'il
feroit poffible qu'elle fût plus mauvaiſe ?
VII. Quand la Conftitution angloife auroit oppofé
des barrières fuffifantes à l'extenfion de la prérogative
Royale , n'auroit - on aucun autre reproche
à lui faire ? L'autorité de la populace eft - elle abfolument
fans danger ? Eft - il bien jufte que le fage &
paifible habitant des campagnes de l'Angleterre ,
gémiffe fous les loix que dicte au Parlement la populace
de Londres & de quelques grandes Villes ?
-
VIII. Comment fe fait - il que cette admirable
Conftitution foit fi coûteufe , & que l'Angleterre
foit un des pays de l'Europe où un plus grand
nombre de gens inutiles font nourris aux dépens du
Peuple? comment enfin la réforme d'un abus y eftelle
plus impoffible que dans tout autre pays ?
IX. Je demande la liberté de ne pas admirer la
Chambre héréditaire des Pairs ( ingrédient peut- être
peu néceffaire dans une Conftitution libre ) ; mais
enfin une loi ne peut paffer fans la volonté réunie
des deux Chambres & du Roi. Il eft évident que
c'eſt un moyen de préferver des mauvaiſes loix nouvelles.
Mais eft - il bien rigoureuſement prouvé qu'il
foit impoffible de trouver une Conftitution eu les
mauvaiſes loix nouvelles foient auffi peu à craindre ,
& où l'on puiffe efpérer davantage ou la réforme des
mauvaiſes loix anciennes , ou de bonnes loix ?
X. La Conftitution angloiſe a vefilé fur la confervation
de la liberté politique ; mais la liberté
civile y eft elle refpectée ? Elle confifte à ce que
DE FRANCE. 149
thacun puiffe faire librement tout ce qui n'eft pas
contraire aux droits d'un autre. Le Peuple anglois
jouit il de cet avantage ? Et s'il n'en jouit pas , eft-il
dédommagé de ce facrifice de tous les jours , par le
droit d'élire une fois tous les fept ans un Repréfentant
qui vote à fon gré pour ou contre les intérêts
& la volonté de ceux qui l'ont choifi ? Ce facrifice .
étoit-il indifpenfable ? n'eft - il pas plutôt une fuite
des vices de la Conſtitution ?
XI. Je vois bien qu'au moyen de beaucoup
d'anarchie , de défordres , de divifions dans les ef
prits , de féditions dans la populase , d'inertie & de
foibleffe dans l'autorité publique, la Conftitution angloife
affure aux Citoyens la jouiffance de quelques-
uns de leurs droits. Mais eft - il bien prouvé
qu'on ne puiffe être libre fans tout cela ? Il y avoit
auffi , dit - on , beaucoup d'anarchie , de corruption ,
de tumulte à Rome & dans la Grèce. En résulte - til
que la Conftitution angloife eft admirable ? J'en
conclurois plutôt que celle de Rome & des Républiques
grecques étoit très défectueufe. La machine
de Marly porte l'eau au fommet de la montagne ;
mais comme une machine plus fimple y porteroit
plus d'eau avec moins de dépenſe , je n'admire ni la
machine de Marly ni la Conftitution Britannique.
J'aime la douceur , la juftice , la nobleffe qui
règnent dans la jurifprudence criminelle de l'Angleterre
, & qui corrigent en partie les défauts de
fes loix pénales ; j'aime dans le Peuple anglois l'ef
prit public qui l'anime , fon refpect pour la qualité
d'homme , fon attachement inviolable à quelques
principes importans dont dépend la confervation des
droits de l'humanité . Je crois que ces trois ou quatre
opinions auxquelles il tient plus qu'à la vie , &
même aux richeffes , font une fauve- garde de fa
liberté bien plus fûre que fa Conftitution , dont ces
mêmes opinions fervent à rendre les défauts moins
150
MERCURE
+
funeftes à la prospérité de la Nation. Celui qui a dit
le premier l'opinion eft la reine du monde ne favoit
pas à quel point il avoit raifon.
LETTRE au Rédacteur du Mercure.
J'AI vu , Monfieur , avec beaucoup de furpriſe &
de chagrin , une Lettre fignée de moi dans votre
Journal , auquel elle n'avoit jamais été deſtinée.
Comme elle intéreffe la réputation de M. Ponfart &
mon propre honneur , j'en dois au Public , à M.
Ponfart & à moi - même , le défaveu le plus formel.
Voici le fait au commencement de l'hiver dernier
j'éprouvai une violente attaque de goutte . M. Ponfart
, qui me fut envoyé par un de mes amis , fut le
feul qui parvint à me foulager. J'en eus une autre
au mois de Janvier , & dans la crainte qu'en m'avoit
infpirée du remède de M. Ponfart , j'en différai l'application.
Cependant , après beaucoup d'autres tentatives
, le mal augmentant toujours , fans ceffer de
voir M. A. L. R. , comme mon Médecin & comme
mon ami , je recourus à M. Ponfart , & je lui dûs
encore mon foulagement. Il parut dans le Mercure ,
après ma convalefcence , des vers adreffés à M. Ponfart
fur ce fujer. M. A. L. R. mit quelque importance
à ne pas laiffer croire au Public que je l'euffe abandonné.
Il me demanda pour ses amis feulement une
Lettre dans laquelle je convînffe de l'attachement
que je continuois d'avoir pour lui. Comme cette
Lettre devoit être vûe , & que je ne fuis pas encore
affez familier avec la langue Françoife pour l'écrire ,
j'en chargeai un de mes amis , qui lui -même n'étant
pas affez inftruit de l'état des chofes , me comprit
mal ; j'avoue auffi que je la fignai légèrement fans
l'avoir bien entendue , & j'ai été fort étonné d'abord
de la voir dans le Mercure fans mon aveu , & d'y
DE FRANCE.
lire que je n'avois pas fait les remèdes de M. Ponfart.
Tout cela n'eft qu'un mal - entendu ; j'espère qu'on
voudra bien le pardonner à un étranger qui n'a pas
bien fenti la force des termes de la langue Françoife ,
mais qui fent très - bien les procédés de l'honneur , &
qui n'a jamais eu l'intention de nuire à qui que ce
foit. Je vous prie, Monfieur, de m'aider à réparer cette
faute , en publiant mon défavcu le plutôt poffible.
J'ai l'honneur d'être très - parfaitement , Monfieur,
Paris , ce 3 Juin 1783 .
Votre très - humble & trèsobéiffant
ferviteur ,
SACCHINI..
ANNONCES ET NOTICES.
TOUCHES
OUCHES Typographiques pour apprendre aux
Enfans , par manière de jeu , à connoitre les premie's
Elémens de leur Langue , de l'invention de
Koyer , Maître d'Ecriture & de Penfion à Verſailles ,
rue de la Paroiffe Notre- Dame , chez M. Chambert,
père , Orfèvre.
Ces Touches , au nombre de 212 , font d'ivoire
& pofées dans une boëte portative , format in - 4°. ,
& fi légère qu'on peut la tenir à la main & la porter à
la promenade. Elles font défignées par les lettres ordinaires
, les lettres doubles , accens & ponctations ,
& arrangées par ordre alphabétique. Cet Ouvrage
eft d'une très grande utilité pour des enfans qui , ne
fe rebutant que trop fouvent à étudier un livre ,
cherchent avec avidité tout ce qui peut les amufer.
Cet Ouvrage eft auffi à l'ufage des Langues étrangères.
La manière de fe fervir de ces Touches eft
très - aifée ; cependant l'Auteur en donnera une explication
manufcrite aux Perfonnes qui s'adrefferont
152 MERCURE
à lui pour cet Ouvrage , qui eft du prix de 48 livres.
ANNALES Pittorefques de la Vertu Françoife ,
ou Recueil d'Estampes deftinées à repréfenter les
belles Actions qui honorent notre Nation & notre
âge , à commencer avec le Règne de Louis XVI ;
le tout deffiné & gravé par les meilleurs Maîtres ,
& accompagné d'explications détaillées .
Les exemples de nos Contemporains & nos
Compatriotes étant bien plus propres à exciter notre
émulation que ceux des temps anciens , on croit
former une entrepriſe auffi utile qu'agréable en travaillant
à procurer au Public une fuite d'Eftampes
de main de Maîtres , deftinées à lui repréfenter fucceffivement
ce qu'il y aura de plus héroïque & de
plus pittorefque tout- à - la- fois dans les belles actions
que le temps amènera ou qu'il a depuis peu amenées.
Il paroîtra au mois de Décembre de cette année , &
enfuite tous les trois mois , une Eftampe de dix
pouces fur fept, avec fon explication. On foufcrira
pour une année chez M. Tilliard , Graveur . quai des
Auguftins ; & chez M. Ifabey , Marchand d'Eftampes
, rue de Gêvres. On paiera chaque Eftampe
2 liv. 8 fols en la retirant ; le Public les paiera 3 liv.
On donnera une Édition particulière de la première
Eftampe. Cette Édition , deftinée particulièrement à
orner des falles publiques , aura les mêmes dimenfions
que celle du Roi d'Angleterre Charles Premier
par M. Strange , & coûtera 15 liv. aux Souf
cripteurs , & 24 liv. au Public .
MEMOIRES Concernant l'Hiftoire , les Sciences,
les Arts , les Maurs , les Ufages , &c . des Chinois ,
par les Miffionnaires de Pékin , Tome IX. A Paris ,
chez Nyon l'aîné , Libraire , rue du Jardinet , visà-
vis la rue Mignon.
Ce neuvième Volume renferme des extraits de
DE FRANCE.
153
cinq Lettres écrites de Pékin par Amiot en 1780 ,
les inftructions de l'Empereur Kang - hi aux Princes
fes fils , Ouvrage écrit en langue Tartare , traduit
en Italien par M. Poirot , Miflionnaire à Pékin , &
qu'on donne ici avec une traduction Françoiſe , par
Mme la Comteffe de M . ** qui a bien voulu en permettre
l'impreffion dans ces Mémoires ; la fuite de
l'Effai fur l'Écriture & les Caractères Chinois , par
M. Cibot , Miffionnaire en Chine ; une Lettre de
M. Bourgeois , fervant d'éclairciffement à une autre
Lettre du même inférée dans le Volume précédent ,
fur la population de la Chine ; un extrait d'une autre
Lettre de M. Amiot , écrite en 1781 ; & enfin la rela
tion de l'inondation de la ville de Yen -tcheou- fou
& de fon diftrict , en 1742 , avec des Planches gravées
d'après les Tableaux ou Deffins coloriés envoyés
de Chine même . On a été forcé de renvoyer
au Volume faivant les Vies ou Portraits des Chinois
célèbres .
Cet important Ouvrage continue toujours de mériter
l'eftime qu'il s'eft acquife.
L'INSPIRATION favorable , peint par H. Fragonard
, gravé par L. M. Halbou . Le Meffager
fidèle, gravé par le même , peint par Etienne Lallie.
La première de ces deux Eftampes repréfente une
jeune femme méditant pour écrire une lettre ; elle
femble infpirée par l'Amour qui lui apparoît en fouriant,
& qui lui préfente un de fes traits pour lui
fervir de plume ; la feconde eft une autre jeune
femme tenant amoureufement une lettre qu'elle
vient de recevoir d'une colombe , de l'autre elle
tient cette mêine colombe attachée par le cou avec
un ruban.
Ces deux Eftampes , dans lesquelles les deux têtes
de femme laiffent defirer du côté de l'expreſſion ,
font foigneufement gravées , & font honneur aux Ar
154 MERCURÉ
tiftes qui les ont créées & au Graveur qui les a reproduites
; elles fe vendent chez l'Auteur, rue du Fouarre,
maiſon de M. Maillard , Procureur au Parlement.
REPERTOIRE de Tableaux , Deffins & Eftampes
, Ouvrage utile aux Amateurs , première Partie
, petit in - 8 ° . de 113 pages. A Paris , chez
Demonville , Imprimeur Libraire de l'Académie
Françoife , rue Chriftine ; Mufier , Libraire , quai
des Auguftins ; & Joullain , Libraire , quai de la Mégifferie.
L'idée de cet Ouvrage eft heureufe , & peut être
utile fi l'Auteur ne néglige rien pour le perfectionner.
THEORIE & nouveaux procédés pour la fermentation
& l'amélioration de tous les vins blancs
& des cidres pour toutes les années , & particulièrement
pour les années froides & tardives , avec une
nouvelle inftruction tendante à économiser la plus
grande partie des raifins bouillans dans la manipulation
des vins rouges , & un Effai fur les avantages
de l'introduction de la vigne dans toutes les Provinces
de France qui ne la cultivent point , joints aux
principales bévues des Vignerons & à l'avis &
leçon aux Laboureurs ; par M. Maupin, Auteur de
la richeffe des vignobles . Prix des trois Ouvrages
réunis , 3 liv . 12 fols avec le reçu figné de l'Auteur.
Cette partie- ci féparément , 1 livre 10 fols. A Paris ,
chez Mulier & Gobreau , Libraires , quai des Auguftins
.
Le titre de cet Ouvrage en fait connoître le plan ,
& le nom de fon Auteur doit infpirer de la confiance
au Lecteur fur cette matière.
CORRESPONDANCE rurale , contenant des Obfervations
critiques , intéreffantes & utiles fur la
culture des terres & des jardins , les travaux , occupaDE
FRANCE. 155
tions , économies & amuſemens de la campagne , &
tout ce qui peut être relatif à ces objets ; par M.
de la Bretonnerie , 3 Vol. in- 12. Prix , 7 liv . 10 fols
brochés , 9 liv . reliés . A Paris , chez Eugène Onfroy
, Libraire , quai des Auguftins.
Ces Lettres font de véritables réponſes réellement
écrites par une perfonne qui confultoit fon
ami fur l'Agriculture. L'Auteur n'a pas cherché à
briller par l'élégance du ftyle , mais à être utile par
la vérité de fes obfervations. Il n'a pas établi en
principes les rêves de fon imagination ; il a communiqué
au Public les fruits de fon expérience . Nous
croyons cet Ouvrage utile aux Propriétaires de terres
& à toutes fortes de Cultivateurs .
ANTIQUITÉS d'Herculanum , Tome III ,
Numéros & 6. A Paris , chez M. David , Graveur ,
rue des Noyers. Le prix de chaque eft de 9 livres
in-4° . & 6 liv. in - 8 ° .
"
On trouve à la tête du n ° . s un avis que nous
allons tranfcrire. « L'accueil que le Public a fait aux
premiers Cahiers qui ont déjà paru , nous a engagé
à redoubler de zèle & de foins pour mériter
» de plus en plus fon fuffrage ; & nous avertiffons.
» MM. les Soufcripteurs qu'à cette troifième Li-
» vraiſon ayant employé pour la partie typographi
» que un papier plus analogue à celui des Gravures
, ils recevront à la fin du premier Volume
» les deux premiers Cahiers imprimés fur le même
papier avec les fautes corrigées. »
20
HISTOIRE de la République des Lettres & Arts
en France , année 1782. Indocti difcant , & ament
meminiffe periti. A Paris , chez Quillau l'aîné , Libraire
, rue Chriftine ; la Veuve Duchefne , Libraire
, rue S. Jacques ; Eſprit , Libraire, au Palais
Royal.
156
MERCURE
L'Hiftoire de la République des Lettres , fi l'on
en croit l'Auteur , n'eft que l'hiftoire des cabales
fecrettes d'un côté, & de l'autre des fatyres injuftes
& indécentes . Il cite diverfes anecdotes affez plaifantes
. Voyez page 47. Il prouve combien il eſt
aifé de déprécier le meilleur Ouvrage de Poéfie , &
cite à ce fujet une anecdote très - fingulière. Voyez
page 49. Au furplus , il ne nous appartient pas de
décider entre les Gens de Lettres & leur Hiſtorien .
AIRS de Marlbouroug & de Lindor , avec variations
pour le Violoncelle ou grand Orchestre ad
libitum , par M. Cupis . Prix , 3 livres. A Paris , chez
M. Michaut , rue des Mauvais - Garçons , près celle
de Bully , maiſon de l'Herboriste.
Pour les Annonces des Titres de la Gravure ,
de la Mufique & des Livres nouveaux , voyez
Couvertures.
les
TABLE.
PTRAME& Thisbe, 10 Epitre à Zulmis ,
gryphe , 135 Variétés ,
Charade , Enigme & Logo- Comédie Italienne,
136
140
146
Effaifur l'Education des Hom- Lettre au Rédacteur du Mer-
&particulièrement des mes ,
Princes ,
cure,
116 Annonces & Notices ,
APPROBATION.
150
151
J'AII lu , par ordre de Mgr le Garde des Sceaux , le
Mercure de France , pour le Samedi 21 Juin. Je n'y ai
rien trouvé qui puiffe en empêcher l'impreſſion. A Paris
je 20 Juin 1983. GUIDE
MERCURE
DE FRANCE.
SAMEDI 28 JUIN JUIN 1783 .
PIÈCES FUGITIVES
EN VERS ET EN PROSE.
RÉPONSE aux Vers de M. DE ST-ANGE ,
L'ART
N°. 24.
RT de flatter fut toujours le partage
Des doctes Soeurs ; elles ont l'avantage
D'embellir tout , jufques à la laideur.
Vous le prouvez la plus belle couleur
Sait animer les portraits que vous faites :
Rien ne réſiſte au pinceau des Poëtes.
Si comme nous , aimant la vérité ,
Ils fe bornoient à la réalité ,
Et n'alloient pas dans le pays des fonges
Chercher fouvent d'agréables menfonges ;
Si , comme nous , fixant une actión ,
Ils réprimoient l'imagination ,
Qui les emporte au- delà de l'eſpace ;
J: ne fais trop , fans cette noble audace ,
N°. 26, 28 Juin 1783.-
H
1,8 MERCURE
Qui , dans les Arts , foit dit fans vanité ,
D'eux ou de nous auroit la primauté..
Mais , laiffons -là cette indigne querelle ,
Bizarre enfant d'une froide cervelle ,
Et n'allons pas , enflammés de defirs ,
Borner nos goûts ainfi que nos plaifirs.
Qui les augmente , a droit à notre hommage.
Quand d'Apollon vous parlez le langage ,
Par vos beaux vers je vois les coeurs émus
Plaindre en pleurant la race de Cadmus ,
D'Écho plaintive éprouver les alarmes ,
Du beau Narciffe envier tous les charmes ,
Du fier Penthée approuver la fureur ,
Et d'Actéon déplorer le malheur ;
Le goût épris de l'antique férie
De ces tableaux chérir l'allégorie ;
Ovide enfin , partageant vos fuccès ,
S'énorgueillir du coſtume François.
Étonnez - vous qu'un peu de jaloufie ,
Après cela , s'attache à votre vie ?
Loin d'obfcurcir le mérite éclatant ,
La jalousie eft l'ombre du talent.
Connoiflez-vous dans l'Hiftoire un grand Homme,
Soit dans la Grèce , à Paris ou dans Rome ,
Qui , de fon fiècle ayant bien mérité ,
N'ait pas des fots été perfécuté ?
Prétendez - vous à la publique eftime ?
Bon gré , malgré vous ferez leur victime,
BIBLIOTHECA
REGIA
MINACENSIS.
DE 159
FRANCE.
De leur cenfure , au lieu de vous troubler ,
Honorez -vous de pouvoir reffembler
A ces mortels que maltraita l'envie ;
Tous ont fouffert , c'eft le fort du génie ..
( Par M. François , Peintre. )
A M. DUMONT , Peintre de la Reine ,
pour le remercier de mon Portrait en
miniature.
PEINTE EINTRE charmant de la beauté ,
C'eft donc pour l'amitié que , chargeant ta palette ,
Aujourd'hui ton pinceau , fi juftement vanté ,
De mes traits avec vérité
Rend la reffemblance parfaite :
On fait qu'à Paphos pour toujours ,
Ce trio féducteur , dont tu tiens l'art de plaire ,
T'a furnommé le Peintre des Amours ,
Pour avoir peint cent fois leur mère .
Oui , lorfque d'Antoinette , à nos regards émus ,
Tu vas traçant l'image fi fidelle ,
Tu rends bien plus d'attraits que jadis Praxitèle
N'en inventa peur former ſa Vénus ,
Dont elle eût été le modèle.
Mais de ce cadeau fi flatteur ,
Pour m'acquitter , ami , l'embarras eft extrême ;
Cependant on dit que le coeur
S'explique affez fouvent par fon embarras même :
Hij
160 MERCURE
Je me borne donc à t'aimer ;
A célébrer ton Art comment pourrois - je atteindre ?
Il me faudroit , pour me bien exprimer ,
Savoir écrire ainfi que tu fais peindre.
(Par M. Damas. )
GEORGETTE & D'ORLY , Conte.
GEORGETTE vivoit à la campagne chez
de pauvres gens qui l'élevoient comme leur
fille & fous le nom de leur fille . Sa figure
étoit bien ; mais fa phyfionomie étoit
mieux. Elle avoit moins cette beauté qui
plaît aux yeux , que ce charme , cet intérêt
qui parle au coeur. Sa naïve candeur donnoit
un caractère particulier à fes regards , à
fon maintien ; fon âme étoit fur fa figure ,
& c'eft- là fur- tout ce qui la rendoit jolie. Ses
quinze ans étoient le moindre de fes charmes.
La maiſon qu'elle habitoit étoit riche
en fleurs; plufieurs allées étoient bordées de
fuperbes plates - bandes en rofiers ; d'un
peu loin , quand elle s'y promenoit , fon
vifage avoit l'air de s'élever du milieu des
rofes , & fa fraîcheur n'y perdoit rien. Cette
fraîcheur attiroit , & la douceur de fa phyfionomie
favoit fi bien retenir ! Que dis- je ?
On l'aimoit avant de la trouver jolie. C'eft
fans doute à ce caractère de candeur & de
bonté qu'elle dût l'amitié de fes compagnes ;
quoiqu'elle fût la plus jolie du Village , on
DE FRANCE. 161
n'ofoit en dire du mal ; on lui pardonnoit
tout , parce qu'elle n'abuſoit de rien . Par les
attentions qu'elle avoit pour les jeunes filles,
elle leur faifoit oublier que les garçons n'en
avoient que pour elle feule. Cela s'appelle
un beau miracle ! Elle auroit pu en être
fière ; mais c'étoit une jouiffance pour fon
coeur : fon amour - propre n'y entroit pour
rien .
Avec tant d'avantages perſonnels on peut
fe paffer de fortune ; auffi Georgette n'y fongeoit-
elle pas. Elle étoit orpheline & fans
bien ; mais par bonheur le hafard eft jufte
quelquefois , elle n'avoit pas été abandonnée.
Un homme riche s'étoit chargé de fon
éducation. Hâtons nous de dire que ce n'étoit
pas un de ces Bienfaiteurs qui , même
en fe ruinant pour la Beauté , lui vendent
cher leurs bienfaits. Celui - ci étoit abfolument
défintére ffe ; il ne prétendoit qu'au
titre de père , & il en rempliffoit tous les
devoirs. Pourquoi donc faifoit - il élever
Georgette comme une Villageoife ? Le
voici. Minval ( c'eft le nom du Bienfaiteur
) jouilfoit d'une fortune conſidérable ;
mais il avoit un vieux procès qui pouvoit
la lui faire perdre. Il avoit craint de
rendre Georgette malheureufe en lui laiffant
concevoir des espérances qui pouvoient
ne point fe réaliſer. Il aimoit mieux lui laiffer
ignorer quelque temps le bonheur qu'il
lui deftinoit que de l'expofer au danger de
renoncer un jour à de douces prétentions .
2
Hiij
162 MERCURE
Enfin il cachoit bien foigneufement fes bienfaits
, pour éviter les malignes interprétations
; ce qui eft fouvent un moyen pour les
favorifer.
Si Minval donnoit des foins à la jeuneffe
de Georgette, il en étoit payé par la plus tendre
reconnoillance . Mais il n'étoit pas feule.
ment content du coeur de fa fille adoptive ; fon
efprit, fur- tout fa raifon précoce lui faifoit
paffer les plus doux momens. Il l'envoyoit
chercher fouvènt pour s'entretenir avec
elle ; il la confultoit même fur fes affaires ,
& il s'applaudit plus d'une fois d'avoir fuivi
fes confeils .
Minval avoit auffi un fils qu'il aimoit , &
qui étoit digne de fon amour ; mais comme
ils étoient l'un & l'autre d'un caractère trèsvif,
ils avoient de temps en temps quelques
petites altercations ; ils fe reffembloient trop
pour vivre tout à fait bien enfemble ; cependant
l'un étoit bon fils , & l'autre avoit
toute la fenfibilité d'un père. Mais Minval
vouloit être obéi . Il étoit né dans une de nos
Provinces Méridionales où la Nature & la
Loi ont confacré le defpotifme paternel ; &
il trouvoit que la Nature & la Loi avoient
raifon. Le père vivoit à Paris , & le fils dans
une Ville voiline , où il faifoit fon Droit.
D'Orly ( c'eft le nom du fils ) avoit de
T'efprit , de la taille & de la figure. Voilà
fans doute de quoi plaire , & il avoit auffi
dans le coeur de quoi fentir vivement l'amour.
DE FRANCE. 163
Un jour , en fe promenant feul à cheval , il
rencontra par hafard Georgette qu'il n'avoit
jamais vue , & dont Minval ; d'après
fes principes , ne lui avoit jamais parlé.
Elle étoit avec quelques unes de fes compagnes
, & il ne vit qu'elle. Les yeux de
Georgette qui s'ouvrirent vers lui fans le
regarder , pénétrèrent jufqu'à fon coeur.
Il laiffoit aller fon cheval au plus petit
pas en s'éloignant d'elle ; & quand il l'eut
perdue de vue , il le remit bien vîte au galop
pour la ratrapper. Quand il l'eut revûe , il ne
vouloit plus la quitter ; mais pour n'être pas
trop remarqué , il defcendit de fon cheval
qu'il laiffa quelque part aux environs ; & il
fe mit à la fuivre à pied fans en être apperçu .
Il la regarda jufqu'à ce qu'il ne fut plus à
portée de la voir , c'eft à dire , lorfqu'ayant
pris congé de fes compagnes elle fut rentrée
chez elle.
D'Orly ne tarda pas à refaire cette promenade
, quoiqu'elle fût fort éloignée de
l'endroit qu'il habitoit. Son coeur étoit resté
auprès de Georgette ; il ne pouvoit être heureux
qu'auprès d'elle. Il revint donc , revit
Georgette , & la quitta toujours avec plus
de regret. Enfin bientôt il ne lui fut plus
poflible de fortir un moment du Village
où elle vivoit , & il conçut un projet que
la paffion feule peut fuggérer , que le fage
blâmera , que l'indifférent jugera fou , &
que plus d'un amant trouvera fort raiſonnable.
Hiv
164
MERCURE
Comme le fentiment qu'on lui avoit infpiré
n'étoit pas un pur caprice , une fantaiſie
paffagère , il étoit auffi timide que paffionné
; il craignoit , en fe faifant connoître ,
d'effaroucher Georgette , & d'armer les parens
qui la furveilloient ; il craignoit que
l'effet d'une tendre déclaration ne fût de lui
fermer tout accès auprès d'elle. Que fit - il ?
Il prit des habits villageois ; & ayant appris
que le père adoptif de Georgette cherchoit
un jeune homme qui pût l'aider dans fes
travaux , il fe préſenta chez lui . Sans doute
la délicateffe entroit pour beaucoup dans le
projet que d'Orly avoit conçu. Il ne vouloit
pas , en déclarant fes fentimens à Georgette ,
intéreffer fon amour- propre , mais toucher
fon coeur ; & s'il eût réulfi à plaire fous
fa forme naturelle , il auroit craint de devoir
à fon rang , ce qu'il vouloit ne devoir
qu'à fon amour. Quoi qu'il en foit , il offrit
fes fervices , qui furent acceptés. Sa phyfionomie
prévint en fa faveur ; & il ne préfumoit
pas trop de fon intelligence , quand
il premit de fe rendre très- utile. Le prétendu
père de Georgette étoit un Jardinier
Fleurite ; & le hafard ayant voulu que
d'Orly fe fut toute fa vie occupé de la culture
des fleurs , ils pouvoient aisément ſe
convenir. La faculté de voir fouvent Georgetre
, de vivre avec elle , laiffoir à d'Orly
l'efpérance de lui plaire & de lui infpirer un
amour défintéreffé ; car il avoit réfolu de
demeurer inconnu même à Georgette. Il
DE FRANCE. 165
auroit bien voulu ne pas la quitter un moment
; mais il craignoit , avec raiſon , que
fon père ne fût averti de fon abfence. Il dit
donc à fon nouveau maître qu'il étoit obligé
d'aller coucher le foir chez fon père qui
étoit à quelques lieues de-tà ; mais que fon
devoir n'en fouffriroit point . On refpecta fon
motif; & on le plaignit feulement des fati
gues qu'il alloit endurer.
Sans doute d'Orly avoit pris fes mefures
en cas d'informations ; peut être auffi n'avoit-
il pas pouffé la prévoyance fi loin ; car
l'amour eft plus ardent à defirer qu'adroit à
combiner fes démarches. Au moins avoit- il
laiffé fon cheval à quelque diſtance de l'endroit
; & il en payoit fort cher la nourri
ture & le logement , parce qu'avec fon cheval
on avoit promis de garder auffi fon fecret.
Il voyageoit donc la nuit , & travailloit
le jour ; c'est à dire , qu'il ne dormoir
guères. Mais les travaux du jour le confoloient
bien des fatigues de la nuit ! Il voyoit
Georgette ; & dès qu'il l'avoit vûe , il fe
trouvoit délaffé. Comme Georgette étoit
l'unique objet de les travaux , il les dirigeoit
fans ceffe vers les plaifirs. Ce qu'elle aimoit le
mieux , profpéroit toujours le plus , la fleur
qu'elle préféroit étoit toujours la mieux culrivée.
On fait que dans les jardins il y atoujours
un endroit , une allée qu'on affectionne
le plus ; d'Orly avoir eu grand ſoin de remar
quer l'allée favorite de Georgette , & l'om
juge bien que celle là étoit mieux foignée ,
Hv
166 MERCURE
plus propre que le refte du jardin . Quand
elle s'y promenoit , il la fuivoit prefque
toujours , quoique fans affectation , avec fon
rateau à la main ; & il s'y prenoit fi bien ,
que lorfqu'elle revenoit fur fes pas , l'endroit
qu'elle venoit de parcourir fembloit
n'avoir pas encore été foulé. Dès qu'il avoit
vû Georgette Hairer une rofe , il alloit luimême
la baifer amoureufement ; & quel
baifer voluptueux ! Cette feule roſe avoit
alors de quoi flatter tous les fens à la fois.
Il alloit s'affeoir où Georgette s'étoit affife ;
& quelle molle ottomane eût pu valoir le
banc ou le gazon qu'elle avoit touché ? L'intérieur
de la maifon ne lui procuroit pas
moins de jouiffances. Il mangeoit du pain
qui n'étoit pas bien blanc ; mais Georgette
ordinairement l'avoit coupé , c'étoit elle qui
le lui donnoit ; fes doigts lui avoient communiqué
une faveur qu'aucun autre mêts ne
pouvoit avoir. Quand il deffervoit la table ,
il s'emparoit bien vîte du verre qui avoit
fervi à Georgette ; & il fe gardoit bien de le
rincer. Le vin ou l'eau qu'il y verfoit devenoient
un nectar délicieux ; & fes lèvres n'en
apprechoient pas fans un doux frémillement.
Ainfi tout fe changeoit en plaifir pour
d'Orly , qui fembloit regarder comme perdu
le tems où il n'avoit pas été garçon de village .
Mais le fentiment qui l'animoit étoit trop
vif pour ne pas fe répandre au dehors ; &
Georgette , comme cela arrive fort fouvent ,
avoit déjà deviné fon amour , avant qu'il
DE FRANCE. 167
eût ofé lui en parler. Il ne la regardoit pas
comme on regarde ordinairement ; il ne lui
parloit pas comme à une autre , ni comme
un autre ; tout cela prouvoit à Georgette un
fentiment qu'une belle voit presque toujours
avec plaifir , lors même qu'elle ne le partage
pas. Ce qu'elle devina moins vite , c'eft
la tendre impreffion qu'elle avoit reçue
elle même ; elle croyoit n'avoir pour Louis
( c'eft le nom que d'Orly s'étoit donné )
qu'un peu de pitié & de reconnoiffance ; &
en peu de temps , fous ces noms qui n'alarment
pas un jeune coeur , l'amour fait fouvent
bien du chemin. Mais elle , ne douta
plus de fon amour , quand d'Orly ofa lui
faire l'aveu du fien. Elle fit plus , elle laiffa
lire dans fon âme . Elle n'avoit ni la force de
rejeter l'offre d'un amour qu'elle defiroit , ni
l'adreffe de déguifer celui qu'elle fentoit
elle même . En pareil cas , un cur neuf &
naïf s'exprime toujours par le filence de la
pudeur , ou la franchiſe de l'innocence. Cet
embarras , ou cette ingénuité qui portent la
plus douce ivreffe dans le coeur d'un amant ,
eft un art que la Nature donne , qu'une coquette
cherche toujours , & qu'elle n'attrape
jamais.
O comme dès ce moment , la pofition de
Georgette s'embellit à fes propres yeux !
comme les jouiffances fe multiplièrent ! com
me le genre de vie qu'elle menoit depuis fi
long- temps avoit pris de nouveaux charmes !
Ce jardin qu'elle parcouroit auparavant fans
H vj
168 MERCURE
"
en jouir , étoit devenu enchanteur . Les fleurs
dont il étoit paré avoient acquis des formes
plus heureufes , un plus frais incarnat , & de
plus doux parfums ; c'étoit fon amant qui
les cultivoit , qui les arrofoit , qui les faifoit
épanouir; il fembloit que la Nature n'y étoit
pour rien , & que tout étoit l'ouvrage de
l'amour.
Cependant Minval , qui ne fe feroit pas cru
obligé de le prêter aux vûes des deux amans ,
quand il les auroit devinées , formoit un
projet bien contraire à leur repos. Il venoit
de trouver un parti très avantageux pour fon
fils , & il lui écrivit pour lui en faire parr..
On conçoit aifément l'effet que produifit
cette lettre fur le coeur de d'Orly. Il ſe feroit
cru coupable s'il fe fût arrêté long- temps fur
une idée qui tendoit à le féparer de Georgette.
Il répondit fur l'heure à fon père par
le refus le plus refpectueux , en le fuppliant
de ne pas contrarier le projet qu'il avoit
formé de ne pas fe marier encore de longtemps.
Minval , qui avoit compté far l'obéiffance
de fon fils , fut étonné & révolté de fa
réponſe ; il s'emporta vivement fuivant fon
caractère; & il ne s'appaifa que par l'eſpérance
de le réduire bientôt à fon devoir.
Quand Minval avoit du chagrin , il envoyoit
chercher Georgette , pour fe confoler
ou fe plaindre avec elle. Son véritable
nom , par une fuite de fon extrême
difcrétion , dont au refte il fur affez
puni ) étoit ignoré même de Georgette.
DE FRANCE. 169
Une voiture venoit la prendre pour la
mener chez Minval , qu'elle connoifſoit ſous
un nom étranger ; & la même voiture la ramenoit
enfuite à fon village fans autre
éclairciffement. Minval en la voyant , lui
raconta le refus de fon fils , dont il fembloit
fort affecté ; car dans le coeur d'un
père , le chagrin prend bientôt la place du
courroux. Georgette aimoit fi tendrement
Minval , & elle avoit le coeur fi fenfible ,
qu'elle ne put s'empêcher de blâmer ce fils
indocile qui affligeoit fi cruellement fon père .
C'eft ainfi que , fans le favoir , elle condamnoit
celui qu'elle aimoit le plus au monde ;
c'eft ainfi qu'elle trouvoit criminel un refus
dont fon coeur fe feroit bien applaudi s'il en
eût connu l'Auteur. Cependant elle s'efforça
de confoler Minval , en lui faifant efpérer
plus de docilité de la part de fon fils ; elle
lui difoit qu'un fi bon père ne pouvoit avoir
qu'un fils obéiffant ; & en retournant dans
fon village , elle ne ceffoit de faire des voeux
pour que le fils de Minval fe montrât plus
docile.
D'Orly, en revoyant Georgette , oublia
prefque le chagrin que lui avoit fait la lettre
de fon père. Il auroit bien voulu lui conter
ce chagrin- là ; mais ne lui ayant pas dit qui
il étoit , il ne pouvoit lui parler du refte . Sa
fituation ne laiffoit pourtant pas que de devenir
embarraffante. Sa délicateile devoit
être fatisfaite , puifque ne s'étant pas fait
connoître , il ne pouvoit attribuer l'amour
170
MERCURE
*
qu'il avoit infpiré à aucun motif d'intérêt .
Vingt fois il fut tenté d'avouer tout ; mais
fon amour toujours craintif appréhendoit de
voir mal interprêter ce qui n'étoit que le
fruit de fa délicateffe . Il craignoit que Georgette
n'attribuât fon ftratagême au defir de
la féduire ; & s'il ne renonça pas tout - à - fait
à fon aveu , il réfolut au moins de le différer .
Minval de fon côté n'abandonnoit pas
fon projet de mariage. Il avoit donné fa
parole , & ne jugeoit pas à - propos de la retirer.
Il écrivit à fon fils une lettre beaucoup
plus vive que la première. Cette lettre troubla
le bonheur de d'Orly , mais ne changea
point fa réfolution . Il fe défendit encore
avec des formes de refpect , qui n'empêchè
rent pas de trouver fon refus fort infolent.
A la fin Minval foupçonna que cette réfiftance
pouvoit avoir quelque motif fecret. Il
pria un ami qui étoit fur les lieux de s'informer
exactement de la conduite de fon
fils ; & en attendant , il fufpendit fes lettres
& fes réprimandes affez inutiles..
Dans l'intervalle des informations , Georgette
vit encore Minval , qu'elle trouva malade
de chagrin. Cet objet réveilla fa fenfibilité
; elle fouffroit de voir fouffrir fon bienfaiteur
; & elle ne ceffoit de répéter qu'il falloit
que ce fils fût bien méchant pour affliger
ainfi un fi bon père. Pauvre Georgette ! Elle
plaignoit des maux dont elle étoit la caufe ;
elle condamnoit un crime qu'elle faifoit
commettre bien innocemment.
DE FRA N- CE. 171
Cependant , l'ami chargé de furveiller
d'Orly ne s'acquitta que trop bien de fon
emploi. Il parvint à découvrir ce qui pouvoit
faire trouver d'Orly coupable , fans
avoir fu ce qui pouvoit fervir à l'excufer.
Il écrivit au père , & lui marqua que fon fils
ne paroiffoit plus que la nuit , & les fêtes &
dimanches ; qu'on avoit fu qu'il montoit
tous les jours à cheval pour s'en aller bien
loin ; qu'on n'avoit pas pu découvrir au juſte
où il s'arrêtoit ; mais que fur la route il fe
déguifoit, & qu'il prenoit un habit indigne de
fon rang & de fon nom ; qu'on ne doutoit
point que ce ne fût quelque intrigue galante ;
& que les précautions qu'il prenoit donnoient
lieu de penfer qu'il avoit à en rougir ,
& faifoient craindre pour les fuites . A ce
fonds , qui étoit à peu près vrai , on ajoutoit
des détails plus graves & calomnieux ,
car il falloit bien mettre quelque chofe à la
place de ce qu'on n'avoit pas pu découvrir.
Ces nouvelles n'étoient pas faites pour rétablir
la fanté de Minval . Il mande auffitôt
Georgette , qui le retrouve dans fon lit. Mon
enfant , lui cria - t'il , ce fcélérat de fils , ce
monftre a réfolu ma mort. Votre mort , répond
Georgette toute effrayée . Cui , il
veut vous ravir un bienfaiteur , un père . Je
ne m'étonne plus de fa réliftance. Mon projet
contrarioit fes plaifirs effrénés . Le lâche ,
( on vient de m'en informer ) me déshonore
par fa conduite . Il a déjà fait un choix indigne
de fon état , de fon nom , mais bien di172
MERCURE
gne de fon coeur bas & vil. Alors Minval
dit à Georgette qu'il venoit d'obtenir un ordre
pour le faire arrêter . Quoique Georgette
ne pût pardonner au fils de Minval
l'état cruel où il réduifoit fon père , ce mot
la fit frémir. Le voilà , cet ordre , ajouta
Minval. S'il ne le corrige pas , il me vengera
du moins. Un cachor , & ma malédiction
voilà l'héritage qu'il aura de moi , & le feul
qu'il ait mérité. Mais avant de faire exécuter
cet ordre , j'ai voulu vous voir , ma fille ;
vous prendre à témoin comme je n'ai rien
oublié pour le ramener à fon devoir. Me
trouvez vous injufte , barbare ? Non , lui difoit
en pleurant Georgette , qui craignoit de
le voir expirer de doulenr ; non , vous n'êtes
pas un barbare . Ce malheureux , reprit Minval
, court , dit- on , le plus grand danger . Je
crois le voir dans fes honteux égaremens.
Cette image me pourfuit ; & tant qu'on ne
fe fera pas affuré de fa perfonne , je ne vivrai
pas. Vous voyez qu'il a mérité fon fort.
Remarquons ici que Minval , au milieu de
fa colère , fembloit encore avoir befoin de
s'exciter à punir. Remarquons encore qu'en
fe vengeant de fon fils , il s'occupoit auff
fans y fonger, de l'arracher au péril dont il
le croyoit menacé. La vengeance d'un père a
toujours un caractère particulier . Enfin l'ordre
partit. Minval avoit commandé qu'on
lui amenât le coupable avant de l'emprifonner
, & qu'on le faisît par- tout où on le
trouveroit , & tel qu'on le trouveroit. En
DE FRANCE. 173
attendant il retint Georgette chez lui .
On fit la plus grande diligence ; & dès le
lendemain d'Orly fut arrêté. On le furprit
juftement comme il venoit de prendre fon
coftume villageois ; & c'eft fous cet habit qu'il
fut conduit devant fon père. Malheureux ,
s'écria Minval en le voyant ! dans quel état
tu parois devant moi ? C'en eft fait , tu n'as
plus de père ; je n'ai plus de fils ; mais j'ai une
fille. Regarde la , fcélérat ; toute fenfible
qu'elle eft , elle applaudit à ma vengeance.
Elle fait tout.
Figurez - vous , à ces terribles mots , d'Orly
reconnoiffant Georgette , & Georgette rencontrant
les yeux de fon amant. D'Orly demeure
comme pétrifié. L'idée de Georgette
qui le trahit , qui le fait déshériter , eft une
idée horrible , monftrueufe , accablante ; &
c'est pourtant la feule alors que puiffe admettre
fon efprit . Il alloit répondre aux reproches
de fon père ; mais à cette nouvelle
il demeure immobile & fans voix. Quant à
Georgette , fes forces ne peuvent fuffire à
une furprife auffi cruelle & auffi imprévue ;
elle tombe fans connoiffance. Revenue de
cet accident , que Minval n'attribue qu'à un
excès de fenfibilité , elle conçoit quel effet a
dû produire fur l'efprit de d'Orly le difcours
qu'il vient d'entendre. O mon bienfaiteur !
s'écria - t'elle en tombant aux pieds de Minval
, un coup de foudre vient de m'éclairer
tout à- coup. Puniffez moi ; c'est moi feule
qui fuis coupable. Vous coupable , répond
174
MERCURE
-
Minval en la relevant , vous ! Oui , c'eft
moi qui ai rendu votre fils rébelle à vos vo ·
lontés. Mais ce fils m'étoit inconnu . Ces habits
qui m'ont trompée , il les a pris fans
doute pour le rapprocher de moi . Je n'étois
pas fa complice , mais je vous ai rendu malheureux
, je fuis criminelle. Ce peu de mots
fuffit pour défabufer & pour éclairer d'Orly ;
mais ils ne fuffifoit pas pour inftruire Minval
, qui venoit de tomber dans le plus profond
étonnement. Alors d'Orly , à qui Geor
gette vient de rendre la vie & la force de
parler , tombe à fon tour aux pieds de fon
père , & lui raconte l'hiftoire de fes amours.
O mon père , ajouta t'il , j'ai adoré la beauté ,
la vertu. L'excès de mon bonheur m'a rendu
coupable. Mais pourrez vous connoître
Georgette , & ne pas me pardonner ? J'avois
choifi pour femme celle que vous aviez adop
tée pour fille. Si c'eft un crime , puniffezmoi.
Non , s'écrioit Georgette , c'est moi
feule qu'il faut punir ; mais pardonnez à vo
tre fils . L'un & l'autre en parlant ainsi , tenoient
embraffés les genoux de Minval . Minval ou
blie alors de les relever , & fes yeux & fon
coeur fe repaiffent de ce fpectacle ; il les regar
de , & fes larmes coulent fur eux ; enfin il leur
pardonne en fe jetant dans leurs bras. Il fit
plus ; il les unit le même jour. Pour comble
de bonheur, on lui apporta la nouvelle du gain
de fon procès ; & il ne craignit plus de voir
enlever la fortune à fes enfans. Il vécut avec
eux ; parvint juſqu'à une extrême vieillefle
DE FRANCE. 175
fans chagrin & fans maladie ; & il eut le bonheur
de mourir fans avoir vu troubler un feul
jour la paix & l'union des deux époux .
( ParM: Imbert. )
Explication de la Charade , de l'Enigme &
du Logogryphe du Mercure précédent.
LE
E mot de la Charade eft Cornemufe ; celui
de l'Enigme eft Crédit ; celui du Logogryphe
eft Bélier , où fe trouvent Bélier , figne du
Zodiaque, Bélier, mouton , Belier, inftrument
de guerre , Elie , Prophète.
t
CHARADE.
AIR de Marlbouroug.
CET air , qui par-tout traîne ,
Miron ton , ton , ton , mirontaine ;
En G , Ré , Sol ramène
Dix-huit fois mon premier.
Un inftrument guerrier
Vous donne mon dernier ;
Et mon tout , à la gêne ,
Miron ton , ton , ton , mirontaine ;
En claffe , plus qu'en plaine ,
Tient le pauvre Écolier.
( Par M. le Comte de Rogles. )
176 MERCURE
ENIG ME.
JE fuis fous un feul nom trois différentes chofes :
D'abord j'habite dans les bois ;
A mes pieds même quelquefois ,
Ami Lecteur , tu te repofes.
Si l'on me voit fous un fecond rapport
De l'art fouvent trompeur que l'on nomme magie ,
Je fuis le principal reffort :
Par mon fecours on rappelle à la vie ;
Par mon fecours on commande à la mort.
Sous mon troisième aſpect je fuis très - féduiſante ;
Chacun me voit dans ce qu'il aime mieux ;
Sur un beau fein , dans de beaux yeux ,
Dans le fvelte contour d'une taille élégante ,
Dans ce qu'on voit & ne voit pas ;
De ta Bergère enfin j'exprime les appas.
Qu
LOGO GRYPHE.
LQUEFOIS très- timide & foible en mon en-
Ma force
fance ,
ne s'accroît que par la réfiftance;
Toujours vif en naiffant , toujours ardent , fougueux ,
Le plaifir qui me fait diffipe tous mes feux.
De cet obfcur début qui peint mon caractère ,
Veux- tu , mon cher Lecteur , pénétrer le myſtère ,
Je vais , fous divers traits tour-à-tour m'expofer ,
DE FRANCE. 177
Défunir mes cinq pieds & me décompoſer.
Je préfente d'abord l'infinitif d'un verbe ,
Qui fait d'un Orateur briller la voix fuperbe ;
Sur un front mal uni je découvre à tes yeux
Du temps qui détruit tout le fillon odieux ;
Tu vois enfuite en moi du plaifir une marque ;
Un nom qu'avec refpect on adreffe au Monarque ;
Je t'offre auffi celui par lequel autrefois
Les Romains exprimoient deux certains jours du mois.
Que dire encore ? Un mot fynonyme à colère ;
Le génitif latin du maître de la terre ;
Un pronom ; un article ; une conjonction
Qui fert à défigner une condition.
Enfin , pour terminer ma glofe énigmatique ,
Cherche , & tu trouveras deux notes de mufique.
NOUVELLES LITTÉRAIRES.
TRADUCTION nouvelle des OEuvres de
Virgile , avec des notes & des Difcours
Préliminaires , Tome Ier. contenant les
Églogues & les Géorgiques , par M. le
Blond. A Paris , chez l'Efclapart , Libraire
de MONSIEUR , Frère du Roi , Pont Notre-
Dame , Nº. 23 ; & chez l'Auteur , rue du
Foin au marais , No. 3 . ·
ON convient affez généralement aujourd'hui
qu'on ne doit traduire les Poëtes qu'en
178 MERCURE
*
vers. Quelque difficile que foit en notrelangue
ce genre de travail , des effais heureux
ont prouvé qu'avec du temps , de la
peine , & beaucoup de talent , on peut y
réuflir. La meilleure verfion en profe ne
fera jamais qu'une efquiffe crayonnée d'un
tableau plein de vie , & dont la beauté confifte
fur- tour dans le coloris. Le contraire nepeut
être foutenu que par ceux qui ne font
pas doués du talent très rare d'écrire en vers ;
vain & malheureux artifice de l'impuiffance.
Traduifez en profe le fameux Medea fupereft
, de Sénèque, Il me refte Médée. Vous ôtez
toute l'énergie. Mais fi vous dites avec le
grand Corneille :
Que vous refte-t'il ? Moi.
Je retrouve la penfée latine dans toute fa
fierté. Mais , dira- t'on , c'eft créer que traduire
de la forte. Je n'en difconviens pas ;
mais j'avoue en même temps que je ne con-
* Un Académicien , dans un article qui concerne
l'Auteur de celui - ci , paroît plus favorable aux verfions
en profe. Mais , à le bien prendre , fon opinion
eſt la même. Les Écrivains qu'il cite ,
tels que
Milton , Shakefpéar , les Tragiques Grecs ne peuvent
guères être traduits en vers que par fragmens .
Gefner , qui a écrit en profe , & qui abufe quelquefois
du genre deſcriptif , feroit faftidieux en vers
François. Milton n'a jamais rimé , & Shakefpéar n'a
rimé que très-- peu. Encore faut- il dire que leurs
beaux endroits gagnent beaucoup à être rendus en
vers. 2
DE FRANCE. 179
nois pas d'autre manière de bien traduire.
Le génie feul peut rendre le génie. On dit
que Mine de Sévigné comparoit les Traducteurs
à des Domeftiques qui vont faire un
meffage de la part de leurs maîtres . Ils leur
prêtent des expreffions groffières & vicieufes
, & fouvent difent le contraire de ce
qu'on leur a ordonné . Il faut convenir qu'il
y a bien peu de verfions en profe qui ne juftifient
le mot de Mme de Sévigné. Celle de
l'Abbé Desfontaines ne peut être exceptée.
Elle eft plus favante & plus inftructive dans
les difcours préliminaires & dans les notes ,
que fidelle dans le texte. Elle manque de
grâces ; elle n'a nulle imagination dans l'expreflion
; & on y cherche en vain ce nombre
& cette harmonie que la profe comporte ,
& qui eft au moins une foible image de celle
qui a tant de charmes dans la poésie. Il ne
craint point de rendre
Vocat jam carbafus auras
Par cette phrafe : Ils ont appareillé. Si au
lieu d'employer ces termes de marine , il eût
dit : Déjà la voile déployée appelle les zéphirs
; la verfion eût été à la fois plus fidelle
& plus poétique. Une Traduction bien faite
en ce genre ne rendroit pas toutes les beautés
de l'original ; mais elle pourroit aider à
les connoître & à les fentir. Tel eft , fans
doute , le but louable que s'eft propofe M. le
Blond , à en juger par ce paffage de fa Préface.
180 MERCURE
"
<< Les jeunes gens , dit il , qui fuivent le
» cours ordinaire des études , ceux même
qui prennent une connoiffance profonde
» de la langue latine , font un grand uſage
» des Traductions. Elles leur épargnent la
» peine de chercher le fens de la penfée ,
ور
و د
lorfqu'il ne fe préfente pas à leur gré. Or ,
» de quel inconvénient n'eft pas pour eux
» cette reffource , fi ces traductions font
» infidelles , fi elles manquent d'harmonie ,
» & qu'elles faffent difparoître les beautés
ود
de l'original fous un traveftiffement ridi-
» cule. Combien , au contraire , n'eft- il pas
important de leur mettre de bonne heure
» fous les yeux des modèles , qui non feule-
» ment leur donnent l'intelligence d'un
" idiôme étranger , mais qui leur offrent
" encore les beautés dont le leur eft fufceptible
.
" 19
Il fuit que fi la verfion du profateur ne
peur jamais rendre l'effet de l'harmonie imitative
& des tournures poétiques , elle peut
du moins être utile à ceux qui favent médiocrement
le latin , & les aider , fi elle eft bien
faite , a fentir les beautés originales des
Poëtes qui ont écrit dans cette langue. Alors
elle doit , le plus qu'il eft poffible , être fidelle
à l'arrangement des mots , prefque toujours
relatif à l'idée , ou effentiel à l'effet de l'image.
C'est une règle qu'il eft à propos de rappeler
à M. le Blond , qui paroît l'avoir trop
fouvent oubliée. Il y manque dès le premier
vers de la première Églogue.
Protégé
DE FRANCE. 181
" Protégé par l'ombre épaiffe du feuillage
» de ce hêtre , vous effayez , mon cher Ti-
» tyre , des airs champêtres fur un léger
chalumeau ; pour nous , infortunés , nous
quittons les lieux chéris qui nous ont vâ
naître ; nous fuyons notre patrie ; tandis
» que , tranquille fous cet ombrage vous
» faites redire aux échos de ces bois le nom
» de la belle Amaryllis. "
"
"
Il y a certainement de l'élégance & une
forte d'harmonie dans cette profe. Voyons i
elle pouvoit être plus fidelle , & fe rapprocher
de plus près avec avantage des tournures
latines.
Tityre , tu patula recubans fub tegmine fagi,
Sylveftrem tenui mufam meditaris avena.
Nospatria fines & dulcia linquimus arva.
Nos patriam fugimus. Tu , Tityre , lentus in umbrá
Formofam refonare doces Amarillyda Sylvas.
Ces vers refpirent un ton naïf & paſtoral ,
qu'il falloit fe piquer de traduire avant tour .
Ce n'eft point par hafard que le nom de
Tityre eft mis le premier. Ii eft dans la nature
qu'il s'offre d'abord à l'efprit de Mælibée.
En abordant Tityre , il n'a pas dû commencer
fon difcours par un participe qui
fufpend majestueulement la phrafe comme
le fait à tort M. le Blond , protégé par l'ombre
épaiffe du feuillage de ce hêtre , &c. C'eſtlà
le procédé d'un Ecrivain qui arrondit une
période fur fon bureau ; mais non celui d'un
No. 26 , 28 Juin 1783. I
182 MERCURE
Berger qui rencontre un autre Berger , &
lui adreffe naturellement la parole.
Tityre , appuyé fur le tronc d'un hêtre
touffu , vous effayez des airs champêtres fur
des pipeaux légers ; & nous , exiles des lieux
chéris qui nous ont vû naître , nous fuyons
notre patrie ; nous fuyons , tandis qu'affis moilement
à l'ombre , vous apprenez aux échos le
doux nom d'Amaryllis.
Nous infiftons fur cette remarque , parce
qu'il eft effentiel que M. le Blond ne la perde
pas de vue dans la fuite de fa traduction ,
qui , dit on , eft déjà fort avancée. Il doit
être perfuadé que tant qu'il ne fentira pas
le pouvoir d'un mot mis à fa place , lorſqu'il
contribue à la vérité ou à l'effet du difcours ,
il perdrà une beauté , parce qu'il ne peindra
pas la nature auffi fidèlement que l'a fait
Virgile . Choififfons à préfent un des plus
beaux paffages des Géorgiques. Il nous mettra
à portée de mieux juger le travail de M.
le Blond.
Vere novo , gelidus canis cum montibus humor
Liquitur , & Zephyro putris ſe gleba refolvit ,
Deprefo incipiat jam tum mihi taurus aratro
Ingemere , & fulco attritus fplendefcere vomer.
Illafeges demum votis refpondet avari
Agricola , bis qua folem , bis frigora fenfit
Illius immenfe ruperunt horrea mefes,
Lorfqu'au printemps la neige qui blanchit
les campagnes commence à s'écouler ,
DE FRANCE. 183
» & que la glêbe fe diffout amollie par la
» douce haleine des zéphirs , qu'alors le
» taureau pefant gemille fous l'aiguillon ;
» qu'alors , poli par le fillon , le foc brille
» dans la plaine. Cette terre- là comble enfin
» les voeux avides du Laboureur , qui deux
fois a fenti l'ardeur de l'été brûlant , & le
froid de l'hiver rigoureux. Alors les gre-
» niers s'affaiffent fous l'amas des grains
» amoncelés. »
و د
33
و ر
Nous ofons inviter M. le Blond a éviter
l'abus des épithètes & des mots de rempliffage
, abus trop ordinaire aux Écrivains qui
venient être Pottes en profe. Brûlant , rigoureux
, offrent dans fa traduction une redondance
inutile. Le latin dit feulement
folem , frigora. Amas , amoncelés , eft un
pleonafine très- défectueux. On a pu remarquer
plus haut , l'ombre épaiffe du feuillage
du hêtre ; fon ftyle pêche prefque par- tout
par cette abondance vicieufe. Il est inutile
d'oblerver combien lorfque...... alors , cette
terre- là font des tours pénibles & défagréables
, fur tout dans un morceau gracieux.
Pourquoi d'ailleurs n'avoir pas rendu fidèlement
ce vers ?
Depreffo incipiat jam tum mihi taurus aratro
Ingemere.
Que le taureau gémiffe inclinéfous le joug
de la charrue. Voilà l'image de Virgile ; image
qui , retracée par une plume auffi élégante
que celle de M. le Blond , pouvoit ne pas
I ij
184 MERCURE
déplaire dans notre langue. Celle qu'il y fubf
titue appartient à M. l'Abbé de Lille , qui ,
dans une traduction en vers , a dû facrifier
l'exacte fidélité à la rime & à la précision
poétique.
Quand la neige au printemps s'écoule des montagnes ,
Dès que le doux zéphyr amollit les campagnes ,
Que j'entende le boeuf gémir ſous l'aiguillon :
Qu'un foc long-temps rouillé brille dans le filion.
Veux- tu voir les guerêts combier tes voeux avides ?
Par les foleils brûlans , par les frimats humides ,
Qu'ils foient deux fois mûris & deux fois engraiffés :
Tes greniers crouleront fous tes grains entaffés.
Voilà comme Virgile lui - même le fut exprimé
en François. On peut voir par cette
comparaifon , que les verfions en profe ne
font pas moins propres à faire apprécier les
beautés du Poëte Traducteur que celles du
Poëte que l'on a voulu traduire.
Cherchons encore dans le deuxième Livre
un endroit propre à exciter le talent , à le
développer , & par conféquent à le faire
juger,
" Mais le printemps fur tout rend aux bois
» leurs parures. Le printemps les embellit de
» nouveaux feuillages. Au printemps , la
terre ranimée ouvre les profondes entrailles
, pour y recevoir & féconder les
femences . C'eft dans cette riante faifon
que le puiffant Dieu de l'air fe diffout en
pluies abondantes fur le fein animé de fon
DE FRANCE. 184
39
époufe chérie. C'est alors que , remplif
» fant ce vafte corps de fon âme toute puiffante
, il répand dans tous les germes les
» fucs nourriciers qui les fécondent . »
93
و د
M. le Blond paraphrafe beaucoup , &
fubftitue fans ceſſe un vain étalage de mots
paralites aux images & aux tournures précifes
de vers latins.
Le printemps reverdit les bofquets , le prin
temps rajeunit les antiques forêts ; au printemps
la terre s'enfle & s'entre- ouvre , elle
attend les germes producteurs. Alors le Dieu
de l'air defcend en pluie féconde dans le fein
amoureux defon épouse , &fon áme puiſſante
donne la vie à toutes les femences renfermées
dans les entrailles de cette mère immenje.
Voilà une verſion à peu - près littérale des
vers fuivans :
Ver adeòfrondi nemorum , ver utile Sylvis.
Vere tument terra & genitaliafeminapofcunt.
Tum pater omnipotens facundis imbribus ather
Conjugis in gremium lata defcendit & omnes
Magnus alit , magno commiftus corpore foetus.
M. l'Abbé de Lille a rendu cette image ,
grande & fublime , avec autant de poéfie
que de fidélité.
Le printemps rend aux bois des ornemens nouveaux ,
Alors la terre ouvrant les entrailles profondes ,
Demande de fes fruits les femences fécondes.
Le Dicu de l'air defcend dans fon fein amoureux ,
I iij
186 MERCURE
Lui verfe fes tréfors , lui darde tous les feux ,
Remplit ce vafte corps de fon âme puiffante ;
Le monde fe ranime , & la Nature enfante.
Comment M. le Blond n'a- t'il pas lû ces
beaux vers avant d'elayer à retraduire en
profe ; & s'il les a lûs , comment n'a- t'il pas
cherché a en foutenir la comparaiſon autant
que la vile profe , felon l'expreflion de Voltaire
, peut foutenir le parallèle de la poésie.
M. de Lille donne un tableau animé , le Profateur
, qui n'a ni pinceau , ni couleurs , ne
peut faire autant que le Poëte ; mais enfin il
lui refte un burin , & nous attendions au
moins de M. le Blond une belle gravure. M.
de Lille , toujours sûr de charmer fes Lecteurs
par un beau vers , quelquefois ne rend
pas l'image entière de Virgile ; la rime , la
mefure , la marche poétique l'en diſpenfent.
Par exemple :
Le gazon ne craint point les ardeurs du ſoleil ,
ne vaut pas tout- à- fair ,
*
Inque novos foles audent fe gramina tutò
Credere.
* Nous avons fu depuis que M. l'Abbé de Lille
avoit heureuſement corrigé cet endroit de fa Traduction.
Voici les deux vers qu'il fubftitue à celui
que l'on a lû.
Aux rayons doux encor du foleil printannier
fans péril , ofe fe confier.
Le gazon ,
DE FRANCE. 187.
C'est- à - dire , la verdure ofe fe confier aux
nouveaux rayons du foleilprintánnier. M. le
Blond traduit : les herbes ofent braver les ardeurs
d'un foleil naifant. Le foleil naît au
lever du jour , mais non pas au retour des
premiers beaux jours. Se credere tutò méritoit
bien que le Traducteur effayât de rendre
une beauté échappée à M. de Lille.
Nous ne poullerons pas plus loin nos obfervations.
Elles paroîtront peut- être trop fé
vères à M. le Blond . Mais elles ne nous ont été
dictées que par notre amour pour les bons prin
cipes , & notre prédilection pour les anciens.
Flus nous fentons vivement leurs beautés ,
plus notre goût eft involontairement bleffé ,
lorfqu'on les dénature dans une copie infidelle.
Il exifte déjà tant de Traductions mauvaifes
ou médiocres , qu'il faut aujourd'hui
en donner une excellente , ou ne s'en pas
mêler,
La diction de M. le Blond , trop ſouvent
verbeufe , eft d'ailleurs noble & quelquefois
élégante : elle a même du nombre ; s'il parvient
à la rendre plus fimple & plus précife , fa
Traduction pourra valoir mieux que celle de
l'Abbé Desfontaines. Nous le répétons : nous
ne l'avons cenfuré qu'avec peine , & nous
l'aurions loué avec plaifir. Mais c'eût été trahir
les véritables principes de l'art de traduire
, & la caufe de Virgile lui - même , que
de donner à fon nouveau Traducteur des
louanges indifcrettes : Amicus Plato , fed
magis amica veritas..
Iiv
188 MERCURE
CONTES en vers , par M. D ****.
Gratia cum Nymphis , geminiſque fororibus , audet
Ducere nuda choros. Horat . Od . 2 , L. 4.
A Amfterdam , & le trouve à Paris , chez
les Libraires qui vendent les Nouveautés .
Sovs un titre fans prétention , l'Auteur de
ces Contes tient plus qu'il ne femble promettre.
Beaucoup d'imagination & de fenfibilité
, un ftyle fimple , mais pur , & même
élégant , une manière franche & originale ,
le talent de fentir & de peindre la Nature ,
& celui de faire dialoguer naïvement fes perfonnages
, diftinguent ce Recueil de la foule
d'opufcules frivoles dont nous fommes inondés
depuis fi long- temps. Il doit intéreffer
tous les Amateurs de la Poéfie ; & quoique
le fond en foit quelquefois un peu libre
les expreffions y font fi bien ménagées , qu'il
ne peut avoir aucun danger pour les moeurs.
Ily a même
des
Contes
dont
le
fond
eft
auffi
pur
que
la
forme
. Tel
eft
celui
qui
a
pour
titre
: Le
véritable
Amour
, ou
la
belle
Lyonnaife
.
C'eft
un
petit
Poëme
de
plus
de
foo
vers
, précédé
d'un
prologue
rempli
de
détails
charmans
. En
voici
le
début
:
QUIur me rendra les beaux jours de ma vie ?
Befoin d'aimer , confiance , plaifirs ,
Tourmens , efpoir , voeux , larmes & foupirs ,
Félicité trop tôt évanouie ,
DE FRANCE. 189
Tréfors perdus , l'êtes - vous pour toujours ?
Régnez fur moi , foyez mon guide encore ,
Aveugle enfant , Dieu puiffant des Amours ;
Que le midi foit femblable à l'aurore !
Temps fortuné! j'allois dès le matin
Faire un bouquet pour ma jeune maîtreſſe ,
Et crayonner d'une tremblante main
Quelques couplets dictés par la tendreffe.
« Chloé , difois-je , eft encor fous les draps ,
Mais ne dort plus : regrettant l'heureux fonge
Qui la berçoit doucement dans fes bras ,
» Elle s'affied fur fon lit , s'y replonge ,
» Se lève enfin. . .
"
» En jupon court , en corſet bien ferré
Elle defcend : à mes deffeins propice
La bonne Alix fait un figne , & remet,
» Sous le jaſinin , nes rimes amoureuſes.
» Chloé fourit tendrement au fouhait
ود
Que je lui fais: les fleurs font plus heureufes ;
Et je les vois fe placer ſur ſon ſein. »
C'ÉTOIT ainsi qu'en dépit de l'abfence
J'étois toujours avec ma Belle : enfin
J'allois la voir : coup- d'oeil , intelligence ,
Habileté de deux tendres amans
Bien obfervés , c'eft dans une affemblée
Que vous brillez , c'eſt auprès des mamans.
· •
Allusion , parole dite en l'air
I v
190 MERCURE
Pour tout le monde , & de vous ſeuls compriſe.
On aimera cette defcription d'un rendezvous
nocturne .
A PEINE encor l'ombre du haut des monts ,
En grandiſſant , commençoit à defcendre ,
Au rendez-vous je vole pour attendre , '
Debout , affis , tantôt fous les buiffons ,
Tantôt courant , pour voir fi le village
N'a pas encore éteint les feux tremblans.
L'heare a fonné : favorable aux amans ,
L'aftre des nuits , à travers le feuillage ,
De ma Chloé blanchit les vêtemens ;
Et des rameaux qu'en fa courfe elle range ,
Le petit bruit fait palpiter mon coeur.
Elle paroît : las ! je crus voir un Ange
Du haut des cieux venu pour mon bonheur , & c. .
Voici , dans le Conte même , une Scène
de nuit fort différente de celle du Prologue ,
& dont nous nous croyons difpenfé de faire
l'éloge. Julie , mife au couvent , parce qu'elle
a refufé un riche parti , & que , pour s'en
défaire , elle s'eft dite mariée fecrètement
avec un jeune homme fans fortune , s'échappe
& vient trouver ce jeune homme qui
l'attend avec impatience.
La voilà donc feule avec ſon amant ,
Au fond d'un bois , dans une nuit profonde :
« Écoutez- moi , lui dit- elle , un moment.
DE FRANCE
191
» J'ai votre coeur , je ne crains point le monde ,
» Mon cher Damon. Si je fuis , c'eft pour vous,
» C'est avec vous. Conduifez votre amante
» Et foyez sûr d'être un jour ſon époux .
» A la campagne où demeure ma tante ,
» Nous nous rendrons aifément en deux jours.
» Elle a pour moi des fentimens de mère ;
» A couronner nos voeux & nos amours
» Ses tendres foins amèneront mon père.
Je n'ai pas peur : marchons dans ce fentier
» Toute la nuit , & paffons le village .
» Ciel ! dit Damon , ( nous ofons vous prier >
» Soyez pour nous : protégez le courage
» Et la vertu de cet Ange ; aux deffeins
» D'un coeur fi pur donnez votre aſſiſtance :
» Calmez fur-tout un père que je crains ,
» Ou fur moi feul détournez fa vengeance !
EN fe tenant l'un l'autre fous le bras ,
Ils font partis : un arbre qui s'avance ,
Quelque rameau qui fe rompt fous leurs pas ,
Ou de Phébé la lumière incertaine ,
Qui fe jouant fous le feuillage épais ,
Laiffe un ormeau dans l'ombre , & tout auprès
Blanchit la tête ou le tronc d'un vieux chêne ,
Tout épouvante une fille à feize ans ,
Qui croit avoir les gens du Monaftère
Sur les talons ; & fe fouvient de Claire ,
Sa pauvre amie. Hélas ! de fes parens
I vj
192 MERCURE
Elle fuyoit la loi trop rigoureuſe :
Par des Valets arrêtée , en prison
On l'a conduite..... A cette image affreufe ,
Julie en pleurs ferre fon cher Damon ,
Et précipite , à travers la clairière ,
Ses pas tremblans . Ainfi par un lion
Quand le chevreuil voit étrangler fa mère
Et déchirer les flancs qui l'ont porté ,
Par l'épouvante & l'horreur emporté ,
Loin des fentiers du bois qui l'a vu naître ,
Il fuit le monftre au carnage attaché ;
Et le pauvret dans fa gueule croit être
Dès qu'un arbufte en paffant l'a touché.
L'AURORE enfin par fon éclat raffure
Nos voyageurs. Ayant long- temps marché ,
On fe repofe au bord d'une onde pure ,
Dans un réduit tapiffé de verdure ,
De chevrefeuille , & que le Dieu du jour
Sait éclairer fans violer l'ombrage
Des chênes verds qui , croiffant à l'entour ,
Oat fur l'enceinte étendu leur feuillage , &c.
Outre quelques Contes plaifans , tels que
les Boins de mer , les deux Femmes , la Bijoutière
, Irus ou les Souhaits , on doit encore
diftinguer dans ce Recueil la Bonne Mère ,
ou la Leçon de Mariage.

Il faut lire dans l'Ouvrage même une
foule de détails champêtres , de peintures
DE FRANCE.
193
pleines de vérité & de la fimplicité la plus
aimable. L'Auteur , fans imiter La Fontaine ,
paroît avoir plufieurs des qualités poétiques
qui caractérisent ce Conteur charmant. Il
femble s'être formé fur les mêmes modèles ,
& fur tout fur les Poëtes Italiens qui excellent
dans l'art de raconter & de peindre. Il
s'est fait une manière à lui , & l'on ne peut
trop l'engager à fuivre une carrière où il
entre avec tant d'avantages.
SPECTACLE S.
CONCERT SPIRITUEL.
Il y a eu Concert Spirituel le Jeudi 29
Mai , jour de l'Afcenfion , le Dimanche 8
Juin , jour de la Pentecôte , & le Jeudi 19 ,
jour de la Fête Dieu. L'Affemblée fut trèsnombreuſe
ces trois jours , quoiqu'ils n'aient
offert aucune nouveauté remarquable . Mlle
Cécile a exécuté avec fuccès un Concerto de
Forté Piano organifé le jour de l'Aſcenſion ;
le Concert fuivant Mlle Gervais , cette célèbre
Danfeufe qui fur le Théâtre de l'Opéra
excite un fi jufte enthouſiaſme , a touché du
même Inftrument . On lui a fu gré d'unir un
talent agréable à fes talens fupérieurs , &
d'employer à cette étude fes momens de loifir.
Ce même jour on a exécuté prefque en
entier le Stabat de M. Hayden , qui n'avoit
194 MERCURE
pu l'être dans la quinzaine. Cet excellent
morceau , dont la marche eft fi bien fentie ,
l'expreffion fi jufte , le feul qui ait pu le foutenir
à côté de celui de Pergolèfe , a paru
faire un nouveau plaifir. Il a été exécuté dans
une grande perfection , ce qui eft une forte
de preuve de fon mérite. Les bons Ouvrages
infpirent les Exécutans , & fixent davantage
leur attention. Au Concert du 19 Juin, Mlle
Méliancourt & M. Murgeon ( tous deux du
Théâtre Italien ) ont chanté un nouveau Moter
, Ave Verum , de M. Rigel. Ce Motet a
paru agréable & d'une bonne harmonie.
L'exécution a fait grand plaifir. La voix de
Mlle Méliancourt eft brillante & fonore ;
elle a confirmé l'idée que nous en avons donnée
la première fois qu'elle a chanté. M.
Murgeon a un goût de chant fage , & eft ex-,
cellent Muficien. M. Duport , qui revient
de Londres , où il a eu le plus brillant fuccès
, a rappelé au Public des talens qui lui
font bien chers. On a admiré la pureté de
fes fons , le moelleux , le fini de fon jeu ,
fon à plomb , fa précifion incroyable & la
grâce de fa compofition . Nous fommes ,
dit on , menacés de le perdre. Il n'eft pas
étonnant que les Étrangers nous envient un
talent fi précieux ; mais il l'eft peut être que
parmi nos illuftres Amateurs aucun n'ait encore
renté de le fixer parmi nous . M. Viotti
s'eft fait entendre à ces trois Concerts , & a
foutenu la réputation avec le même éclar.
Mme Todi a aufli chanté les trois jours ; on
DE FRANCE.
19 ་
lui a fait au dernier les adieux les plus flatteurs.
Elle les a bien mérités par la manière
délicieufe dont elle a chanté , quoique fa
fanté fût dans une fi mauvaiſe difpofition
qu'elle s'eft trouvée mal immédiatement
après fon premier air.
-
En ofant tracer un parallèle entre Mme
Todi & Mme Mara , nous avions bien prevu
que nous ne pourrions fatisfaire leurs partifans
relpectifs ; & tandis que ces deux excellentes
Virtuofes ont la modeftie de fe contenter
de nos éloges , leurs amis exclufifs ,
moins juftes qu'elles , nous accufent d'avoir
trop vanté la rivale de celle qu'ils préfèrent ;
ils voudroient fur - tout que nous euſſions
prononcé entre elles . Quand nous ne
ferions pas perfuadés que le devoir d'un
Journaliſte eft de rendre compte des fenfations
du Public & non des fiennes ; quand
nous aurions cu nous mêmes un fentiment
de préférence pour l'une des deux , nous auroit
- il convenu d'affliger un talent diſtingué
par un jugement offenlant , & de prononcer
un arrêt que le Public lui même a cru devoir
fufpendre. Nous le répérons ici : le Public
de Paris juge par lui- même fans l'autorité
des Journaux. Nous écrivons pour les Amateurs
de Province & ceux des Pays étrangers
; nous leur devons compte de la fenfation
la plus générale. Ce jugement n'eft pas
indifferent , même en Mulique , & Mme
Todi elle-même en offre la preuve. C'eft
fur la réputation qu'elle s'eft faite à fon pre196
MERCURE
mier voyage en France qu'elle a été engagée
pour première Actrice férieufe au Théâtre
de Turin , & fon fecond engagement pour
une autre année au même Théâtre en a été
la confirmation.
VARIÉTÉ S.
LETTRE fur les Mélanges tirés d'une
grande Bibliothèque , ou de la lecture des
Livres François , imprimés in- 8º . A
Paris , chez Moutard , Imprimeur- Libraire
de la Reine , de Madame & de Madame
Comteffe d'Artois , rue des Mathurins ,
hôtel de Cluny. A Paris , 1779 & années
fuivantes. *.
MONSI ONSIEUR ,
Vous connoiffez mon goût pour la lecture des
Livres amufans & inftructifs , & vous ne pouviez
me fatisfaire davantage à cet égard qu'en me procurant
les Mélanges tirés d'une grande Bibliothèque.
Je vous avoue que le titre trop vague de cet
Ouvrage ne m'avoit pas prévenu en fa faveur.
Lorfque j'en ai vû de temps en temps quelques
Volumes annoncés dans les Journaux , j'ai cru n'y
trouver que des pièces difparates répandues fans
ordre & fans liaiſon . Mais quel a été mon étonnement
lorfque depuis le troifième Volume j'y ai
* Il a paru jufqu'à préfent ( en Juin 1783 ) 37 Volumes de
cet Ouvrage.
DE FRANCE. 197
&
reconnu un plan heureufement tracé & fidèlement
rempli de tout ce que les anciens Livres françois ,
jufqu'au dix-feptième fiècle , renferment de curieux
& d'intéreffant en tout genre de connoiffances. Le
Rédacteur a fu recueillir avec méthode & expofer
avec efprit ce que ces Ouvrages nombreux fi difficiles
à lire , & la plupart ignorés , contiennent d'effentiel
en décrivant chaque rayon du cercle encyclopédique.
Il a profité des lumières de notre fiècle pour répandre
du jour dans ce chaos littéraire ; il nous fait
enfin connoître les richeffes de nos ancêtres dont
nous jouiffions fans trop favoir ce que nous devions
à leurs grands travaux & à leurs heureufes tentatives.
Comme il eft jufte & honnête de répandre une
entreprife utile , je crois donc bien faire que d'annoncer
comme telle la Collection de ces Mélanges,
C'eft vraiment l'analyse des bons Ouvrages françois.
Les deux premiers Tomes offrent des renfeigne
mens fur le choix des meilleurs Livres d'Hiftoire &
de pur amufement. On goûtera dans le troifième le
précis d'une Hiftoire générale de la vie privée de
nos ayeux qui pouvoit être fans doute plus étendu ,
mais dont les réfultats fon : fuffifans dans toutes les
parties pour fauver l'ennui des détails minutieux. Si
vous paffez aux quatrième , cinquième & fixième
Volumes , vous connoîtrez les Ouvrages en tout
genre des beaux efprits qui ftorifloient dans les premiers
âges de notre Littérature. Viennent enfuite les
Livres imprimés au feizième fiècle. Ceux de Poésies
forment le feptième. Le huitième contient des Extraits
de Romans qui ont été continués dans plufieurs
autres Volumes alternativement avec l'analyſe
d'Ouvrages plus férieux . Cette diſtribution a eu
vraisemblablement pour objet de varier les lectures.
Il faut convenir cependant qu'elle déroute un
198
MERCURE
. peu les Lecteurs qui voudroient fuivre exactement le
fil des matières & l'Hiftoire Littéraire du feizième
fiècle. Mais à préfent que tous les Romans de ce
temps- là font extraits ou indiqués , chacun peut faire,
fuivant fon goût , la diftribution de la lecture de ces
Mêlanges . En retournant au neuvième Volume on
trouve l'analyse des Ouvrages de Théologie & de
Jurifprudence toujours da feizième fiècle. On y remarque
d'excellens principes avec beaucoup de fin
gularités. Le onzième Volume , qui contient les fais
des grands procès , eft fur-tout très -intéreflant. Les
Traités de Philofophie , de Politique , de Grammaire
, de Rhétorique , de Phyfique , d'Hiftoire Naturelle
, de Médecine , de Chirurgie , de Chimie ,
d'Alchimie , de Mathématiques ; enfin les Sciences ,
les Arts, claffés comme dans une grande Bibliothèque
bien ordonnée , le préfentent fucceffivement avec ce
que le vernis précieufement confervé des temps an
ciens leur donne de pittorefque & d'original . Je n'entrerai
ici dans aucun des détails curieux que je vou.
drois pouvoir tous citer. Les Livres Militaires tant du
genre didactique qu'hiftorique vous attacheront par
l'intérêt que des noms illuftres , de grandes actions
& des événemens fameux infpirent naturellement .
On rencontre dans cette Collection beaucoup d'anec
dotes ignorées , avec une infinité de traits qui peignent
les hommes & les temps héroïques de la Monarchie.
Depuis le trente-troifième Volume le Rédacteur
eft occupé à voyager autour du Monde , toujours
d'après les anciens Auteurs ou Traducteurs François
; il examine chaque partie du Globe , dont l
décrit avec une adreffe fingulière , fans trop s'arrêter
, ce qu'il y a de curieux & d'intéreffant , foit par
rapport aux pays , foit relativement à l'Hiftoire Eccléfiaftique
& Civile , & aux grandes familles . Les
Volumes trente- fixième & trente- feptième de ces
DE FRANCE. 199
-
Mélanges , les derniers qui me foient parvenus ,
promènent le Lecteur en France , dont le tableau
eft préfenté avec autant d'intérêt que de précifion .
Il femble qu'on foit conduit dans chaque lieu de
fon paffage par un Cicerone inftruit qui vous montre
ce qu'il y a de particulier , & vous entretient
avec agrément fur tout ce que fes recherches lui ont
fait découvrir de fingulier. Je m'arrête fans prétendre
développer tout ce que cette Entreprife Litté
raire , une des plus utiles & des plus importantes de
notre temps , a déjà fourni & pourra donner de
connoiffance & de plaifir à ceux qui s'en font occu
pés ou s'en occuperont jufqu'à la fin d'une carrière
qui , quoique parcourue avec rapidité , s'étendra
peut- être encore bien loin , mais dont la fuite complette
pourra tenir lieu d'une Bibliothèque entière.
Au furplus , lifez &jugez.
Je fuis , & c.
ANNONCES ET NOTICES.
TABLEAU
ABLEAU Généalogique , Hiftorique & Géogra
phique de la Nobleffe de France , divifé par Provinces
& Généralités , pour lequel on a obtenu le
Irivilège du Roi , par M. de Combles.
Le defir que l'on a de connoître la Nobleffe de
France en général , juftifie le projet de cet Ouvrage ,
qui fera confacré à développer l'hiftoire générale
des familles , avec les faits qui peuvent le mieux caraftérifer
la Nobleffe , & rendre leurs noms immortels
dans les fiècles les plus reculés. L'Auteur
prie les perfonnes intéreffées de lui envoyer , franc
de port , des Mémoires détaillés & circonftanciés fur
l'état actuel de leur maison , ainfi que les anecdotes
qui pourront enrichir ce Tableau & dédommager
200 MERCURE
le Lecteur indifférent de l'aridité de ces détails. Il
faut pour cela une généalogie exacte , dreffée fur
titres , autant qu'il fe pourra faire , attestée par les
Juges & Subdélégués du lieu , à laquelle on peut
joindre la copie exacte ( fur papier marqué ) des
lettres & arrêts de maintenue de nobletfe , avec tous
les noms , furnoms & qualités , &c.
Les perfonnes qui defireront avoir leurs Armes
gravées en tête de leur article , paieront 12 liv,
pour les frais de la gravure de chaque écuffon
fans fupports , & 15 liv. pour ceux avec fupports
; & celles qui defireront voir leur artické imprimé
dans l'année qu ils enverront leurs mémoires ,
font priées d'envoyer leur foulcription en mêmetemps
que leurs mémoires , c'eft- à-dire , 3 liv. 12 f.
par Volume , petit in - 12 . de 350 pages chacun. On
peut foufcrire féparément pour le Volume de chaque
Province , & le tout au même prix . On foufcrit à
Paris , chez l'Auteur , rue Jacob , N° . 41 ; Lefclapart,
Pont Notre-Dame ; Deffain le jeune , Quai des
Auguftins ; Mérigot le jeune , Quai des Auguftins ;
Regnault , rue S. Jacques , vis à - vis la rue du Plâtre ;
Belin , rue S. Jacques , près S. Yves.
4 EUVRES de Cicéron , Traduction nouvelle
Vol. in- 12 . Prix , 10 liv. brochés , & 12 liv . reliés.
A Paris , chez Moutard , Imprimeur- Libraire de la
Reine , rue des Mathurins.
Ces quatre Volumes contiennent la rhétorique
& les quatre premiers Livres des Oraiſons . La fuite
fous preffe. La Collection complette formera 15
Volumes in- 12 . , & le tout fera délivré dans le cours
de l'année prochaine 1784. Il a été tiré cent exemplaires
in- 4 ° . fur papier grand raifin , & 25 fur
papier grand Jéfus , pour les perfonnes qui vou .
droient joindre cette Traduction à l'édition latine
´in- 4° . de l'Abbé Dolivet . On délivre actuellement le
DE FRANCE. 201
premier Volume de cette Traduction in - 4 ° . Le prix
du format grand raiſin eſt de 24 liv. en feuilles , &
de celui grand Jéfus , 36 liv.
L'AGRICULTURE , Poëme , dédié au Roi , par
M. de Roffet , deuxième Partie in 4° . de 128 pàg.
Prix , 3 liv . broché A Paris , de l'Imprimerie Royale ,
& fe trouve chez Moutard , Libraire de la Reine ,
rue des Mathurins. Cette feconde Partie contient
trois nouveaux Chants , favoir : les Plantes & les
Potagers , les Étangs & les Viviers , les Bofquets &
les Jardins.
La première Partie , contenant les fix premiers
Chants , ornés de fuperbes gravures,, fe trouve chez
le même Libraire . Le Prix eft de 12 liv, broché , &
15 1. relié. Les deux Parties reliées enſemble , 18 l ;
QUATRIÈME & Cinquième Livraison des Fables
de la Fontaine , 4 Vol. in-folio , avec les eftampes
coloriées , & divifées en 12 Livraiſons. Le prix eft
de 400 liv. fans les fleurons coloriés , & 440 liv.
avec les fleurons coloriés & le portrait d'Oudry.
MM. les Soufcripteurs reçoivent une Livraiſon
tous les deux mois , à compter du jour de la foufcription
. On paye 37 liv . en foufcrivant , 33 en recevant
chacune des 12 Livraifons , & 40 liv . en
recevant les difcours avec les vignettes & Acurons.
On fouferit à Paris , chez Mlles Néviance , rue du
Foin S. Jacques , attenant la Chambre Syndicale ,
chez lesquelles on peut voir l'Ouvrage .
COLLECTION Complette des OEuvres de M.
Abbé Fleury propofée par Soufcription , en 30
Vol. in- 8 ° . actuellement imprimés , à 4 liv. le Vol.
en feuilles , 4 1. 5 f. brochés en carton , & 5 liv. rel.
La jufte eftime que le célèbre Claude Fleury s'eft
acquife par fon excellente Hiftoire Eccléfiaftique ,
201 MERCURE
a fait defirer la Collection des autres Ouvrages de
ce favant Auteur , pour en former une édition come
plette & uniforme , avantage qu'on n'avoit pas cu
jufqu'ici. L'Hiftoire Eccléliaftique eft en vingt-cinq
Volumes in- 8°.
La Collection des Opufcules , en 5 Vol. in - 8 ° .
avec le portrait de l'Auteur.
Ce Recueil , dont M. L. E. Rondet , Interprète
des Langues Saintes , a été l'Éditeur , renferme
toutes les différentes productions qui font forties de
la plume de M. l'Abbé Fleury , étrangères à fon
Hiftoire Eccléfiaftique ; & on peut dire que c'eft la
portion la plus utile de fes OEuvres . Quelques- uns
de ces Opufcules étoient devenus très- rares & dificiles
à retrouver. On n'a epargné ni foins ni dépenfe
pour le procarer tous ceux qui ont été imprimés ;
& on les a réunis en cinq Vol . in - 8 ° . Toutes cs
Pièces ont été revues par l'Éditeur , qui a pris foin
de corriger les fautes d'impreflion qui s'étoient glif
fées dans les précédentes éditions . Il a fupplée les
Sommaires à quelques Pièces qui en manquoient ;
& il a mis à la tête un Difcours préliminaire , où il
expofe tout ce qu'il a pu recueillir fur la Vie & les
Ouvrages de M. l'Abbé Fleury.
On propofe par Soufcription les Ouvrages dont
on vient de lire le Profpectus , pour en faciliter l'acquifition
à un plus grand nombre de Leteurs , &
principalement à MM. les Curés & à MM. leurs
Vicaires , à qui ces Livres font néceffaires par état.
On ne demande aucune avance , & la Collection
qu'on propofe étant actuellement imprimée , on n'a
à craindre ni retard dans la Livraifon des Volumes ,
ni défauts eu fraude dans leur exécution .
En foufcrivant & recevant actuellement les Tom.
1 & II de l'Histoire Ecclefiaftique , on payera , en
feuilles 8 liv . , br. en carton 8 liv. 10 fols , reliés
10 liv. , & autant chaque mois en recevant toujours
DE FRANCÉ. 203
deux Volumes . En recevant actuellement le Tome
premier des Opufcules , on payera , en feuilles 4 liv . ,
br. en carton 4 liv. 5 fols , relié ƒ liv . , & ainfi des
autres de inois en mois . On fouferira à Nîmes , chez
Pierre Beaume , Imprimeur- Libraire , propriétaire de
la Collection ; à Paris , chez G. Defprez , Imprimeur
du Roi & du Clergé de France , rue S. Jacques .

Le zèle de M. Beaume eft connu , & les Éditions
qu'il a données au Public ont mérité fon attention &
fon fuffrage . Il ne forme des entrepriſes ni frivoles ni
minutieufes ; & nous voyons avec plaifir fon courage
récompenfé par le fuccès L'Édition que nous annençons
doit également réullir par le mérite de l'Ouvrage
& celui de l'exécution .
·
LE Coucou , le Coq , la Poule & l'Afae , Ariette
bouffonne d'un genre très nouveau qui eft dans le
diapafon de toutes les voix , paroles & Mufique de
M. le Chevalier de B. de Saint- Salvy . Prix , 2 livres
8 fols . A Paris , chez Mme Auvray , Marchande
d'Eftampes , rue S. Jacques , à l'hôtel de Lyon , près
S. Yves , où le trouve le Bouquet à mon Oncle du
mêine Auteur.
Nous n'avons rien à ajouter au jugement que
l'Auteur lui même en porte dans le titre.
NOUVELLE Suite de Pièces d'Harmonie , contenart
des Cuvertures & Ariettes d'Opéra & Opéra
Comique pour deux Clarinettes , deux Cors & deux
Baffon , par M. Ozy , Muficien de S. A. S. Mgr. le
Duc d'Orléans . Prix , 6 liv . A Paris , chez M. Boyer,
au Magafin de Mufique , rue Neuve des Petits-
Champs , près celle S. Roch , n° . 83 , & chez Mme
Lemenu , Marchande de Mufique , rue du Roule , à
la Clef d'or.
Cette Suite , qui doit être continuée , nous a paru
remarquable par un choix d'Airs intéreflans & par
204
MERCURE
la manière dont elle eft arrangée . Il y aura toujours
une Ouverture dans chaque Numéro ; celle d'Iphigénie
en Aulide eft en tête de celui - ci .
JOURNAL de Harpe , par les meilleurs Maîtres ,
n° . 6 , contenant un Air du jugement de Midas .
M. X.... des Ballets d'Atys.
Air du même Opéra.
M. Baur -- autre
M. Petillot , &c . Abonnement
, 15 livres chaque Cahier ; féparé , 2 livres
8 fols franc de port. A Paris , chez Leduc , rue
Traverfière-Saint- Honoré.
RECUEIL d'Ariettes , avec Accompagnement de
Guittare , par M. Loth le jeune , premier Violoncelle
du Spectacle de Rouen OEuvre I. Prix ,
3 liv. Iz fols. A Paris , au Bureau du fieur Lawalle-
Lécuyer , Correfpondant des Spectacles de Province
, cour du Commerce.
CHOIX d'Airs & de paroles affez agréables terminé
par l'éternel Air de Marlbouroug.
Voyez, pour les Annonces des Livres , de la
Mufique & des Eftampes , le Journal de la Librairie
fur la Couverture .
TABLE.
REPONSE aux Vers de M. Traduction nouvelle des aude
St-Ange ,
AM. Dumont
156 vres de Virgile,
159 Contes en vers ,
177
188
193
196
175 Annonces & Notices , 199
Georgette & d'Orly, Conte, 160 Concert Spirituel,
Charade , Enigme & Logogry - Variétés ,
phe ,
APPROBATION.
JAIAI lu , par ordre de Mgr le Garde des Sceaux , le
Mercure de France , pour le Samedi 28 Juin. Je n'y ai
rien trouvé qui puiffe en empêcher l'impreflion. A Paris ,
le 27 Juin 1783. GUIDI
JOURNAL POLITIQUE
DE BRUXELLES.
TURQUI E.
De CONSTANTINOPLE , le 12 Avril.
ES conférences entre le Miniftre de
LES Confer le Reis-Effendi , continuent
d'être très-fréquentes ; mais on en ig ore
toujours le réfultat , & les bruits qui
fe font répandus fucceffivement à diverfes
repriſes que le traité de commerce
entre les deux Puiffances , étoit à la veille ·
d'être conclu , ne font point encore confirmés
; il paroît que la Ruffie infifte toujours
fur le paffage libre de fes vaiffeaux
fans être affujettis à aucune vifite , & à
vouloir que la Porte fe rende refponfable
des déprédations des Corfaires Barbirefques ,
article qu'elle ne peut accorder fans s'ex-.
pofer à des plaintes journalières qu'exciteroient
les entrepriſes de ces Corfaires
qu'elle ne peut pas empêcher.
Pendant qu'on négocie , les armemens de
terre & de mer ne fe ralentiffent point. On
7 Juin 1783. a
( 2 )
fond fans ceffe dans l'arfenal , à Tophana, un
grand nombre de canons ; on prépare quantité
de fufils , de fabres & d'autres armes
qu'on envoye fucceffivement aux Bachas de
la Natolie & de la Syrie avec ordre de les
diftribuer aux foldats ; on y a joint auffi celui
de faire paffer tous les Spahis en Europe.
Les frégates qui faifoient le commerce
d'Alexandrie à Conftantinople , ont reçu
ordre de rentrer fur- le- champ dans ce port.
RUSSIE.
De PÉTERS BOURG , le 30 Avril.
L'IMPERATRICE part aujourd'hui pour
Czarko-Selo où elle paffera l'été. Elle a
nommé le Colonel de Haks au Comman-`
dement de Cherfon , port fortifié , récemment
conftruit fur la mer Noire ; il remplace
dans ce pofte le Général Hannibal.
On a reçu aujourd'hui de Mofcou la
nouvelle de la mort du Prince Orlow ;
S. M. I. a paru très - touchée de cet évène-"
ment ; outre les revenus de fes emplois ,
ce Prince jouilloit d'une penfion de 150,000
roubles.
Le Prince de Repnin fe difpofe à partir
inceffamment pour l'armée ; il ira après
demain à Czarko- Selo prendre congé de
l'Impératrice .
Le commerce de cet Empire fait de grands
progrès fur la mer Cafpienne ; les navires
d'Aftracan naviguent jufqu'à Derbent , ville
( 3 )
de commerce très importante , fituée dans
la partie feptentrionale de la Peife , province
de Servan. Ils fe rendent aufli en
direction à Salhan & en d'autres villes ,
ainfi que dans les provinces de Gilan & de
Farebat. Les marchandiſes exportées confiftent
principalement en draps dont l'Empire
a retiré jufqu'à préfent un avantage
qui alloit à 300,000 roubles ; la valeur de
nos exportations pendant l'année dernière
a été évaluée à 12,954,444 roubles , tandis
que celle de nos importations s'eft réduite
à 6,583,352.
L'Académie Impériale fait faire un Recueil
complet de tous les Ouvrages écrits
en langue Ruffe par le Poète Lomonofow ,
qui a joui dans ce pays de la plus grande
réputation. Cet homme célèbre avoit été
enterré dans l'Eglife du Couvent de Saint-
Alexandre Newski , & le Comte de Woronzow
, Chancelier de l'Empire , a fait
élever fur fon tombeau un monument
magnifique. On mettra à la tête de cette
collection le portrait de Lomonofow &
une gravure de ce monument.
DANEMAR CK.
De COPENHAGUE , le 8 Mai.
UN Teneur de livres de la Compagnie
des Indes orientales , après avoir fait banqueroute
il y a quelque tems , a pris la
fuite pour le réfugier , dit- on , en Suède ;
a 2
1 4 }
-
le Magiftrat de cette ville a fur-le- champ
envoyé une lettre à Elfeneur pour qu'on
lui défende le paffage . On a fait partir unt
Employé de la Compagnie pour le pourfuivre.
On prétend aujourd'hui qu'il a été
arrêté dans l'ifle Suédoife d'Huen , & qu'un
des Directeurs de la même Compagnie a pris
la fuite à fon tour.
Suivant les avis de Mandahl , en Norwège,
la frégate Hollandoife le Tigre , commandée
par le Capitaine Decker , y est entrée
après avoir fouffert beaucoup dans fon
voyage d'Amfterdam à Oſter-Rifær .
ALLEMAGNE.
De VIENNE , le 15 Mai.
L'EMPEREUR eft attendu à chaque inf
tant dans cette Capitale ; parmi les choſes
qui hâtent fon voyage , on compte , dit-on ,
des dépêches de la dernière importance qui
lui font adreffées de différentes Cours , &.
qui viennent d'arriver.
C'eft M. Belein que S. M. I. a nommé
fon Miniftre auprès des Etats - Unis de l'Amérique
feptentrionale ; il ſe rendra inceffamment
à fa deftination ; & le premier
objet de fa miffion fera de conclure un
traité de commerce entre les Etats héréditaires
& la nouvelle République.
Les lettres de Hongrie portent que l'on
y craint de nouveaux défaftres & que tout
annonce l'éruption prochaine d'un nou$
)
veau volcan près de la ville de Comorn.
L'Empereur a chargé d'habiles Phyficiens
de vifiter les environs de cette ville & de
lui rendre compte des obfervations qu'ils
auront faites .
On a parlé des difficultés qu'a fait naître
le décès de l'Evêque de Paffau au fujer de
certains biens que cet Evêché poffédoit
en Autriche. Le Chapitre a adreffé à l'Empereur
une repréſentation qui eft datée du
7 Mars.
On dit que l'Election du nouvel Evêque
de Paffan eft fixée au 19 de ce mois , &
qu'il fera fait un concordat entre l'Empereur
, l'Evêque & le Chapitre au fujet des
biens de l'Evêché fuué dans les Domaines
de la Maifon d'Autriche.
De HAMBOURG , le 30 Avril.
ON eft toujours dans l'attente & dans l'incertitude
de l'iffue qu'auront les mouvemens
qui ont lieu dans le Nord & dans les Etats
du Grand - Seigneur ; toutes les nouvelles ne
parlent que des préparatifs formidables qui
fe font dans l'Empire Ottoman , où l'on
affure que les ordres ont été expédiés aux
Bachas d'Afie de lever 200,000 hommes ; en
attendant on affure que 30,000 ont déja défilé
dans les environs de Belgrade . D'un autre
côté , il paroît conftant que les troupes
Ruffes fe raffemblent fur les frontières de la
Turquie , & qu'une efcadre confidérable ira
joindre celle qui a déja paffé l'hiver dernier à
a 3
( 6 )
Livourne . S'il faut en croire des lettres de
Pologne , l'Ambaffadeur de l'Impératrice de
Ruffie à Warfovie , a fait entendre à la République
que dans le cas d'une rupture entre
l'Empire Ruffe & l'Empire Ottoman , il feroit
à propos que fa Souveraine pût mettre une
garnifon fuffifante dans la fortereffe de Kaminieck
, dont les Turcs s'étoient emparés en
1672 , & qui n'avoit été rendue qu'en
1699 , afin que les Ottomans ne la repren
nent pas aujourd'hui , on ignore la réponſe
qui a été faite à cette infinuation , qui peut
n'avoir pas eu lieu ; on fait quels doivent
être dans une telle circonftance , les embarras
de la Pologne , dont l'intérêt feroit d'obferver
une exacte neutralité , qui n'exiſteroit
plus fi elle fe prête aux voeux de la Ruffi .
Cependant , au milieu de ces préparatifs
& des mouvemens qui en font la fuite , on
revient encore à croire que la guerre eft incertaine.
Déja quelques papiers annoncent
que le Grand - Seigneur , pour la prévenir
a accordé à l'Empereur les prétentions qu'il
formoit ; & qu'en conféquence fon voyage
en Hongrie n'a eu pour but que 1 vifite
du eor fon nombreux qui a été formé fur les
frontières.
» On ne peut , dit un de nos papiers , que former
des voeux pour que ces nouvelles confolantes fe
réalifent en effet ; mais malheureuſement celles de la
Ruffie y paroiffent contraires , ou du moins la rupture
paroît décidée de ce côté ; le Prince Potemkin eft
parti le 17 Avril dernier avec plufieurs Officiers
Généraux pour le rendre à l'armée qui eft actuel(
ל )
8.15 vaiffeaux
lement en marche vers Ockzakow ,
de ligne font prêts de faire voile de Cronstadt pour
la Méditerranée ; quand de deux Puiflances en différend
, l'une veut la paix & l'autre la guerre , c'eſt
prefque toujours ordinairement la dernière qui décide
, parce qu'elle eft en mefure , & qu'elle eft
bien fure que l'autre ne l'eft pas ; ce qui peut
ranimer les espérances , c'eft que les Puiffances
veuillent s'en remettre à la médiation de quelques
autres. On parle de celle de la France , de l'Angleterre
& de quelques autres Etats maritimes . Ces
derniers font peut- être tous également intéreliés à un
arrangement qui laiffe les Turcs où ils font & comine
ils font ; leur expulfion de l'Europe , fi elle avoit
lieuentraîneroit néceffairement la ruine du commerce
des Puiffances maritimes dans le Levant «..
Le Roi de Pruffe , écrit on de Berlin , a
renouvellé par une Ordonnance en date du
8 de ce mois , l'ordre aux Officiers de garde
aux portes de cette Réfidence , d'examiner
foigneufement tous ceux qui y entrent ou
qui en fortent à pied , à cheval ou en voiture
; tous & un chacun font requis de déclarer
leurs noms , faute de quoi les réfractaires
ne pourront imputer qu'à eux- mêmes
les défagrémens auxquels ils feroient exposés.
Ceux qui croiront avoir éprouvé un mauvais
traitement à leur paffage , pourront s'en
plaindre , & dans ce cas , on réprimera fé
vèrement de pareils excès.
» On avoit annoncé , il y a quelque tems , écriton
de Dantzick , que les prétentions du port de Riga
, relativement au commerce Courlandois avoient
été difcutées & arrangées à l'amiable ; mais c'étoit
un bruit prématuré. Cette affaire doit être examinée
à Riga même , par une Commiffion qui
a 4
( 8 )
vient d'être nommée : elle eft compolée , de la
part de Ruffie , du Comte de Woronzow , Préfident
du Collège de Commerce à Pétersbourg ,
du Général de Brown , Gouverneur de la Livonie
, du Confeiller- d'Etat Dahl , du Comte de Sievers
, députés de la Nobleffe de la Livonie , &
d'un Confeiller de Riga , député du Confeil de
Ville ; & de la part de Courlande , du Baron
de Klopmann & du Chanceher de Kaylerling.
cette
ITALI E.
De NAPLES , le s Mai.
L'ORDINAIRE dernier de la Calabre eft le
premier qui ne nous a apporté aucunes nouvelles
fâcheufes de cette Province. Depuis
plufieurs jours on n'avoit éprouvé aucune
fecouffe de tremblement de terré dans la Calabre
citérieure ; le fol paroiffoit s'y raffermir
, & l'on fe flattoit de pouvoir s'occuper
bientôt de réparer les dommages que l'on y
a elfuyés.
La terre n'eft pas encore tranquille dans
la Calabre ultérieure & à Meffine ; on y a
éprouvé encore quelques commotions ; mais
elles n'ont fait aucun nouveau dommage ;
les fecouffes du 25 & du 26 du mois dernier
ont été les plus fenfibles . On a le plus grand
foin des blefiés & des habitans qui font toujours
baraqués dans la campagne , mais qui
commencent à fe raffurer en voyant cette
crife terrible de la nature toucher à fa fin.
Une Députation envoyée au Roi par le
Clergé , les Barons & les Cités domaniales
( و )
de la Sicile , a offert à S. M. un don gratuit
de 400,000 fcudis en faveur de la Sicile.
Le Roi , mécontent de la conduite des
Evêques de Mileto & d'Averfa , a enjoint au
premier de ne pas quitter Naples fans fon
ordre , & au fecond de fe rendre ici pour
apprendre fes intentions.
Le Marquis de Tanucci , ancien Miniftre
de cette Cour , dont le non eft célèbre dans
la Politique & la Littérature , eft mort le 29
du mois dernier.
ESPAGNE.
De MADRID , le 6 Mai.
;
Le Roi a renouvellé , par une Ordonnance
du 25 Mars dernier , les anciennes Loix portées
en divers toms contre les vagabonds ;
il eft prefcrit aux Juges de ne plus permettre
fous aucun prétexte , aux Porteballes
, Colporteurs ou Merciers Ambulans ,
à ceux qui promènent des curiofités ou des
animaux apprivoifés qu'ils font voir au peuple
pour de l'argent , de parcourir le Royaume
; S. M. défend de leur délivrer des paffeports
, & enjoint de les traiter , lors même
qu'ils en feroient nantis comme des vagabonds
; les Pélerins qui s'écarteront de leur
route pour parcourir le pays , feront regardés
& traités de même , ainfi que les Ecoliers qui
fe rendront feuls de l'Univerfité chez leurs
parens , à moins qu'ils ne foient munis de
certificats & de paffe ports de leurs Maîtres
3.
as
( 10 )
& Recteurs , qui font autorisés à leur en
donner.
» Le Gouverneur d'Oran , écrit-on de cette Ville
de Barbarie , averti de l'arrivée de 2 navires chargés
de vivres & de 900 moutons pour l'approvifionnement
de cette place , mais inftruit en mêmetems
que la groffe mer ne leur permettoit pas de
gagner le port , réfolut de les faire débarquer fur
la côte , & venir enfuite par terre ; il envoya pour
cet effet un détachement de Grenadiers de fa garnifon
avec ordre de protéger ce transport & de le défendre
contre les Maures qui pourroient tenter de
l'enlever. Il s'en préfenta en effet un de 1000 , ce
qui faifoit le double du nombre de notre détachement
qui n'étoit que de soo hommes ; mais les
nôtres opposèrent aux efforts des Maures , une fi
bonne conduite , & une défenſe fi vigoureufe , qu'ils
les forcèrent de fe retirer avec une perte confidérable
; nous n'avons eu que 2 hommes tués & 4
bleffés & les vivres & les moutons fans qu'il
en ait manqué un feul , font entrés dans la place ".

"
ANGLETERRE.
De LONDRES , le 27 Mai.
LA frégate le Huffard de 28 canons partie
de New-Yorck le 18 Avril , eft arrivée à
Portſmouth & a apporté des dépêches du
Chevalier Guy Carleton & de l'Amiral
Digby ; elle a ramené le Général Robertſon
, Commandant en ſecond dans cette
place , & plufieurs autres Officiers . Avant
leur départ on avoit reçu la lettre du Secrétaire
d'Etat qui annonçoit la paix , &
le Duplicata des Articles préliminaires . Le
Congrès avoit reçu cette importante nou-
1
? I )
velle dès le 24 Mars , & fon Préfident en
avoit fait part fur- le - champ à M. Livington ,
Gouverneur de New-Jerſey , qui écrivit en
conféquence au Général Carleton & à l'Amiral
Digby. Le premier lui fit la réponſe
fuivante le 26 Mars.
J'ai reçu votre Lettre du 24 du courant , renfermant
la réfolution du Congrès de la même date
, prife en conféquence de l'arrivée du Cutter le
Triomphe, commandé par le Lieutenant du Quefne ,
avec des ordres en date du 10 Février dernier , qui
lui avoient été donnés à Cadix par le Vice - Amiral
Comte d'Estaing , pour qu'il mît en mer , &
croifât dans les parages où il pourroit rencontrer
des navires de fa Nation , les informer de
l'heureuſe réconciliation entre les Puiffances belligérantes
, & ordonner à tous les vaiffeaux de
guerre François de ceffer les hoftilités contre ceux
de la G, B. , les articles d'une paix générale ayant
été fignés le 20 Janvier. Vous me témoignez èn
conféquence , que vous espérez que cette information
me paroîtra affez authentique pour m'autorifer
à prendre des mefures immédiates , afin d'arrêter
l'effuſion ultérieure de fang. Je me fuis abftenu
jufqu'à préfent de toutes hoftilités ; & j'ai deffein
de continuer cette conduite , autant que notre
propre fûreté nous le permettra : mais quelque grand
que foit mon defir de mettre entièrement fin aux
calamités de la guerre , & quelque égard que cette
information puifle mériter , je ne fuis point autorifé
par - là à recommander des mefures , qui pourroient
faciliter aux flottes & aux armées , qui menacent
quelque partie des poffeffions du Roi , les
moyens de mettre leurs deffeins hoftiles à exécu- ·
tion . Pour adopter une mesure de cette impor
tance , il est néceffaire que je reçoive des ordres
de ma Cour ; je puis les recevoir à toute heure ,
a 6
( 12 ).
puifqu'un croifeur expédié pour d'autres objets ;
eft déja arrivé à Philadelphie ; & j'attends la certitude
officielle de ce grand évènement pour prendre
le langage & l'efprit de la paix & de la récon•
ciliation la plus parfaite . Je vois par la réfolution
inclufe dans votre Lettre , que le Congrès a
jugé à propos de confidérer cette information comme
authentique ; & qu'il a fait en conféquence
une démarche importante , pour mettre les Articles
de la Paix immédiatement à exécution. Je préfume
qu'une autre non moins importante eft prife
ou va le prendre. On a joint à la ceffation des hoftilités
dans le 7me Article du Traité provifionrel
la liberté de tous les prifonniers de part & d'autre
. J'espère recevoir l'information de cet évènement
& je verrai avec joie relâcher de part &
d'autre des hommes , fur lefquels les maux &
les calamités de la guerre font tombés d'une manière
plus particulière.
La réponſe de l'Amiral Digby contenoit
également des témoignages de fatisfaction fur
la paix , mais l'impoffibilité où il étoit de
retirer fes croifeurs avant d'y être autorisé ,
& il recommandoit en conféquence de fufpendre
le départ des bâtimens prêts à partir.
Les nouvelles miniftérielles que nos Commandans
attendoient ne tardèrent pas à arriver
; le 8 elles furent lues à l'Hôtel- de-
Ville de New-Yorck par le Major , ainſi que
la proclamation du Roi , qui ordonne la
fufpenfion d'armes par mer & par terre
conclue entre le Roi , S. M. T. C. , S. M. C. ,
les Etats - Généraux des Provinces-unies &
les Erats Unis de l'Amérique feptentrionale.
>
» Les Loyaliftes , ajoutent ces lettres , marquèrent
la plus profonde confternation , tandis que nos trou(
13 )
pes au contraire fe livrèrent à tous les tranfports
de la joie dans l'efpérance de revenir bientôt en Angleterre.
Les troupes étrangères ne témoignèrent pas
moins de fatisfaction ; mais la défertion est toujours
très- grande parmi elles . On a été obligé de doubler
par- tout les fentinelles pour la prévenir ; cette précaution
cependant n'empêche pas qu'un grand nom .
bre de foldats ne trouvent le moyen de s'échapper.
Cette déſertion caufe un très -grand vuide dans les
Corps étrangers qui feront prodigieufement éclaircis
à leur retour en Europe. Le Général Carleton a envoyé
au Congrès une copie des articles de paix : on
dit que plufieurs Négocians Américains commencent
à préparer des articles de commerce qu'ils difent
deftinés pour l'Angleterre «.
On ne doute pas qu'il ne fe faffe dans
tous les Etats de 1 Europe , comme ici , de
grandes fpéculations de commerce avec la
nouvelle République ; la lettre fuivante d'un
Négociant Américain peut être de quelque
utilité à ces fpéculateurs , & c'eſt un titre
pour la tranfcrire ici .
» Nous forames actuellement dans l'extafe de
l'anticipation ; la paix a , pour ainfi dite , fi bruſquement
fondu fur nous , que nous nous trouvons tous
jettés dans un état de confufion , au centre d'un
monde vafte , dont toutes les parties nous font ouvertes
, de même que nous le fommes pour elles.
Jugez de l'immensité de la carriere qui s'ouvre aux
opérations du commerce ! Notre étude principale
fera de favoir quels font pour nors les meilleurs
marchés , & nous en tirerons les articles qui nous
feront néceffaires : notre pavillon portera les 13
bandes dans les ports & fleuves les plus éloignés ,
pour y introd ire , y faire revivre ou agir avec une
énergie nouvelle les refforts du commerce. Pour le
moment préfent , l'Amérique eft furchargée de
714 )
marchandifes Européennes. La nouvelle de la paix
en a d'autant plus complètement arrêté la vente ,
qu'il eft naturel de fuppofer que des différens ports
de l'Europe , on en aura immédiatement embarqué
des quantités confidérables , dans l'étrange & folle
perfuafion qu'il y a une fortune certaine à faire à envoyer
une cargaifon de marchandifes en Amérique.
Voici quel en fera l'évènement : point de vente ; & ,
fi l'on vend , perte ; dans ce dernier cas , impoffibilité
de la prompte rentrée de vos fonds & grands rifques
à courir dans un moment où la folidité d'aucune
maiſon ne peut être connue : ajoutez à ces confidérations
que , très- certainement , la France vendra
quantité d'articles à meilleur compte que vous , vu
que la main-d'oeuvre y eft infiniment moins chere
qu'en Angleterre. Actuellement le Congrès folidement
établi a la confiance du peuple & eft respecté en
proportion de ce que nous acquérons d'importance ;
nos limites font heureufement déterminées , & nos
affaires intérieures fe trouvent dans un état auffi fixe
qu'il étoit poffible à nos amis les plus ardens de l'efpérer.
La guerre fe termine à cette période préciſe où
la profpérité de l'Amérique le demandoit : elle l'eût
été un an plutôt ou plus tard , elle eût pu être funefte
à notre tranquillité dans le premier cas , nous euffions
pu être expofés à une guerre civile intérieure ,
caufée par la difcuffion de l'objet important de fixer
des limites incertaines entre les différens Etats . Le
Congrès prévoyant fagement cet inconvénient , au
milieu même des calamités de la guerre , a eu l'art
de preffer la conclufion de cette affaire déſagréable.
Nous favons que vous êtes en Angleterre dans la
plus parfaite ignorance au fujet de notre dette nationale
: vous la fuppofez immenſe , elle l'a été ;
mais vous devez vous rappeller que le papier - monnoie
mis en circulation , & qui nous a foutenus pendant
les 5 premieres années de la guerre s'est éteint
doucement d'une mort aiſée entre les mains de ceux
( 15 )
qui le poffédoient pour n'être jamais racheté ; par
conféquent la totalité de notre dette actuellement
exiftante , n'excede gueres 4 millions fterlings , dent
un million & demi conftitue l'affaire que nous avons
arranger avec la France , y compris la fomme dont
elle a répondu pour nous à l'Espagne ; environ un
demi-million àla Hollande ; le reste entre nous . Si
vous confidérez la vaſte étendue de terres dont le
Congrès a la difpofition fur nos derrieres , & la rapidité
avec laquelle il en difpofera immédiatement en
faveur des émigrans qui nous arriveront d'Europe ,
penferez -vous qu'il foit fi difficile de nous remettre
fur nos preds ? Voilà quel fera notre premier
objet ; le fecond , de mettre immédiatement fur pied
une marine refpectable ; pour éviter la guerre nous
nous propofons de nous tenir prêts à la bien foutenir.
Le commerce & quelques - unes de vos guinées
Angloifes font le but auquel nous tirons . Nous
fommes déterminés à laiffer au commerce la liberté
du vent , à ne point l'enrayer avec les roides formalités
de vos vieilles douanes Eur péennes , que nous
regardons comme un objet mefquin dans la balance
d'un commerce libre : le fyftême qu'adopte à cet
égard notre politique , eft de ne faire de notre Continent
entier qu'un vafte port libre ; nous fommes
certains , par ce moyen , que les richeſſes s'ouvriront
un cours rapide parmi nous. Voici notre profeffion
de foi à l'égard du commerce : apportez-nous tout
ce qu'il vous plaira , & emportez de chez nous tout
ee qui vous conviendra «.
La plupart de nos papiers préfentent l'état
fuivant de la dette publique de l'Amérique.
» Dette Etrangère . Aux Fermiers - Généraux de
France 1,000,000 tournois ; à M. de Beaumarchais
3,000,000 ; à la France en général , jufqu'à la fin
de 1782 , y compris l'emprunt fait en Hollande &
garanti par cette Cour , 28,000,000 , à la même
Nation depuis 1682 , 6,000,000 ; total 38,000,000
( 16 )
Tournois , qui réduits en dollars , à raifon des liv
8 fols tournois par dollars , font 7,037,037 dollars
. Reçu fur l'emprunt fait en Hollande
1,678,000 florins , qui font 671,200 dollars . — Em
prunt en Espagne par M. Jay , 150,000 dollars.
Dû à la Hollande une année d'intérêt pour
la fomme empruntée fur le pied de 4 pour cent ,
26,848 . Total dû à l'étranger , 7,885,083 dollars.
- La dette domeftiquc monte à 34,115,290 dollars ,
de manière que les dettes publiques , étrangères & domeltiques
, montent à 42 , oco, 375 dollars. - L'in
térêt de la dette contractée en Hollande , eſt à
pour 100 ; toutes les autres dettes étrangères , font
as pour 100 , & la dette domeftique à 6 ; & le
total des intérêts à payer , eft de 2,415,955 cinquante-
huit centièmes , en dollars.
CH
Selon d'autres lettres d'Amérique , il y a ,
dit- on , été réfolu de n'acheter aucune des
marchandifes Britanniques importées à New-
Yorck , avant que cette place n'ait été entièrement
évacuée.
» Les Habitans de la Caroline fe propofent de
faire fleurir chez eux les Manufactures de foie & de
les porter à la plus grande perfection. Les échantillons
qui en ont paru jufqu'ici ont été jugés très-favorablement
par les Européens , auffi les Américains
vont -ils encourager de toutes leurs forces la culture
des mûriers. Ils ne les laiffent jamais monter à
leur hauteur , ils ne leur laiffent prendre que celle
d'une haie ordinaire ; ils coupent les feuilles & les
branches avec de grands cifeaux, Lor que le fruit eft
mûr, ils en mêlent le fitop avec du cidre , ce qui rend
cette liqueur beaucoup plus agréable : quant à la
terre fur laquelle font les muriers , ils la cultivent
& l'engraiffent. Les Dammes de la Caroline nourriffent
beaucoup de vers à foie dans leurs jardins .
Il eft arrivé dans nos ports une diviſion de
( 17 )
l'efcadre des Ifles , qui étoit partie de Sainte-
Lucie le 12 Avril , & qui n'a mis que 35
jours à fa traversée. Cette divifion , compofée
de 6 vaiffeaux de ligne , aux ordres de
l'Amiral Drake , a laiffé l'Amiral Pigot à
Ste-Lucie , avec le refte de l'efcadre. Avant
fon départ une autre diviſion ſe diſpoſoit à
appareiller pour New- Yorck , avec tous les
bâtimens de tranfport que l'on pourroit raffembler
, afin de prendre à bord les troupes
du Roi & les munitions deftinées pour l'Angleterre.
Depuis l'arrivée de l'Amiral Drake , le
bruit s'eft répandu que le Caton , une des
prifes du Lord Rodney , qui avoit appareillé
d'Hallifax il y a 5 mois , & que l'on croyoit
avoir péri vers les Açores , eft arrivé à Antigues
dans les premiers jours du mois d'Avril..
Ce vaiffeau , abfolument dégréé , avoit été
battu par la tempête pendant plufieurs femaines
fans le moindre efpoir de pouvoir
gagner aucun port.
Les nouvelles reçues de l'Inde entretiennent
toujours la Nation dans les plus vives
alarmes , relativement à ce qui va fe paffer
dans ces contrées , jufqu'à l'arrivée de la
nouvelle de la paix ; la jonction des Amiraux
Hughes & Bickerton ne raffure pas , parce
que leur éloignement de Madrafs laiffe toute
la côte de Coromandel au pouvoir de M. de
Suffren. Nos papiers préfentent à ce fujet les
détails fuivans.
Il paroît par les dépêches de M. Hornby , que ,
( 18 )
malgré la réunion des efcadres des Amiraux Hughes
& Bickerton , il n'étoit arrivé à Bombay que douze
vaiffeaux & 3 frégates ; le Burford , le Monarca , le
Worcester étoient reftés à Goa avec trois frégates
pour y être plus promptement réparés & y prendre
des vivres , attend que les provifions font exceffivement
chères à Bombay ; que les François étoient
entièrement maîtres de la côte de Coromandel ,
& que notre efcadie ne pouvoit être réparée avant
le mois de Mars , ni retourner à fa ftation avant
celui d'Avril ; qu'en conféquence on avoit les plus
vives alarmes fur le fort de Madrafs , menacée audehors
par l'ennemi , & au-dedans par la famine ,
qui deviendra infupportable fi les François profitent
des circonfiances , en interceptant les bâtimens du
pays qui apportent des cargaifons de riz du Bengale.
A l'arrivée de Bickerfton , l'Amiral Hughes a
dû lui laiffer le commandement de l'efcadre , &
revenir en Angleterre . On eſpère qu'il fe contentera
d'une frégate pour la traverfée , un feul vaiffeau
de ligne de moins pouvant donner à l'ennemi
un avantage dangereux fur nous. Au furplus , on
attend d'un moment à l'autre des dépêches qui
éclairciront l'obfcurité que laiffent les nouvelles
actuelles fur les fuites & les conféquences de l'affaire
avec Tipo - Saïb.
Le Monarca de 70 canons , Capitaine Gell , qui
a eu tant de part à tous les combats avec M. de
Suffren , eft le vaiffeau manquant dont il n'eft
-point fait mention dans les dépêches du Gouverneur
Hornby. Ce vaiffeau n'eft point arrivé à la côte de
Malabar avec les autres vailleaux de l'efcadre .
Le Chevalier Eyre Coote avoit écrit de Calcutta
au Général Stuart , à Madrafs , pour lui annoncer
qu'il retourneroit à la côte de Coromandel en Décembre
, & qu'il ameneroit avec lui un renfort de
Volontaires Cipayes & Lafcars , & 650 chevaux
( 19 )
pour monter la cavalerie Euroréenne. Les mêmes
nouvelles ajoutent qu'un Officier noir à notre fervice
avoit quitté Trinquemale le 20 Novembre ,
& qu'à cette époque on n'avoit point entendu parler
de l'efcadre Françoiſe. La garniſon Françoiſe , compofée
de 600 hommes , travailloit avec la plus
grande activité à réparer les fortifications .
Dans d'autres papiers , où l'on cherche à
nous raffurer , on lit les détails fuivans , que
nous tranſcrirons auffi .
S'il faut en croire certaines perfonnes , les nouvelles
de l'Inde ne font pas auffi défavorables qu'on
l'annonce affez généralement. Suivant leurs rapports ,
il étoit arrivé du Bengale à Madrafs dans le courant
du mois de Novembre , des fecours confidérables
de provifions. Tout étoit tranquille au Bengale en
Décembre. M. Haftings fe difpofoit à revenir en
Angleterre ; mais comme il aura dû apprendre en
Janvier le changement furvenu dans l'Adminiftration
, qui le pourfuivoit avec tant d'acharnement ,
on ne doute point que cette circonftance ne l'ait
déterminé à reſter. -La paix avec les Marattes n'étoit
point ratifiée à Poonah , mais il n'y avcit point
eu d'heftilités , & on comptoit qu'il n'y en auroit
plus , & les Miniftres de Poonah avoient envoyé un
de leurs Collégues à Manderion qui étoit avec
Mandagée-Sinded. Le Général Matthews avoit
pris Onore d'affaut , & il marchoit contre Monga.
lon avec des forces très - confidérables . Il avoit conftamment
réuffi dans toutes les opérations contre
les poffeffions d'Hyder-Ali , fur les côtes de Malabar.
Le Commodore Bickerton a emmené d'Angleterre
plus de 4000 hommes effectifs , qui font
arrivés avec lui dans l'Inde. - Un des bâtimens
munitionnaires partis avec ce Commodore , avoit
à bord , entre autres articles , du cuivre pour dou
( 20 )
bler fix vaiffeaux , & ce cuivre a été déposé dans
les magafins de la Compagnie à Bombay.
-
On attend cette année en Angleterre vingt vaiffeaux
des Etabliffemens de l'Inde . Leurs cargaifons
font évaluées à plus de cinq millions & demi fterlings.
Au nombre de ces vaiffeaux eft le Myrtle ,
l'un des bâtimens de transport qui mit à la voile
avec l'efcadre du Gouverneur Johnstone . Le Major.
Général Hector Munro , le fieur Sutton , ancien
Capitaine de l'Ifis , & quelques autres Officiers
prendront leur paffage à bord de ce bâtiment. Les
vaiffeaux de la Compagnie le Neptune & le Royal-
Amiral , doivent avoir appareillé de Bombay vers
la mi-Septembre.
On a publié le 17 de ce mois une procla
mation rendue en conféquence de l'acte du
Parlement , relatif au commerce de l'Amé-
Fique.
que
Mais il eft très à craindre , dit un de nos papiers ,
que les marchandifes tirées de nos Manufactures
ne trouvent pas un grand débit dans cette partie
du monde , la France y ayant déjà fait des envois
'confidérables , fur-tout en draps . Les étoffes légè
res de ce dernier pays , beaucoup moins chères
les nôtres , feront préférées. Quant aux groffes toiles
, celles d'Irlande font recherchées dans tous les
territoires des Etats Unis. Le retard qu'a effuyé
Face du Parlement relatif au Commerce avec l'Amérique
, nous a fait perdre probablement une des
plus précieufes branches de Commerce que nous
offroit le dernier traité de paix . Nous avons reconnu
notre négligence mais trop tard .
Ce fut le 12 de ce mois que le bill pour
empêcher qu'on exige aucun titre ou , documens
des bâtimens Américains à leur entrée
dans nos ports , reçut le confentement royal
( 21 )
en vertu d'une commillion paffée au grand
fceau .
Le 13 , la Chambre des Communes agréa le
rapport des réfolutions prifes la veille , & qui font
de la teneur fuivante. Réfolu qu'il fera accordé
une fomme de 46,444 livres , pour fuppléer au
déficit qui s'est trouvé dans un fonds deftiné à
payer les annuités o royées par un acte de la trenteunième
année du règne de George II. - 160,191
Livres , pour fuppléer au déficit qui s'eft trouvé dans
un fonds deſtiné à payer les annuités accordées par
un acte de la dix-huitième année du règne de
George III , en 1778 . 63,888 livres • pour fuppléer
au déficit qui s'eft trouvé dans un fonds deftiné
à payer les annuités accordées par un acte de
la dix-neuvième année du règne de George III ,
en 1779.141,871 livres , pour fuppléer au déficit
qui s'eft trouvé dans un fonds deſtiné à payer
les annuités accordées par un acte de la vingtième
année du Règne de George III , en 1780.
--
138,682 livres , pour fuppléer au déficit qui s'eft
trouvé dans un fonds deftiné à payer les annuités
accordées par un acte de la vingt-deuxième année
du règne de George III , en 1782. - 282,502 livres
, pour fuppléer au déficit qui s'eft trouvé dans
les actrois en 1782. 451,989 livres , pour l'ordinaire
de la Marine , y compris la demi-paye des
Officiers de mer , & des Officiers des troupes de
Ja Marine en 1783. — 311,843 livres , pour les
conftructions , refontes & réparations des vaiffeaux
en 1783 .
-
Suivant les papiers actuellement fous les
yeux du Parlement , il paroît que les droits
perçus à la Douane depuis 7 ans , fe font
montés, année commune, à 2,306,740 liv . ft.
Le LordJohn Cavendish avoit déclaré dans
une féance du Parlement qu'il ne pour
( 22 )
roit être en état de propofer les taxes que
le 26 de ce mois.

» Il eſt à defirer , dit un de nos papiers , que le
Miniftre en propofant de nouvelles taxes ait foin de
ne les pas rendre trop onéreufes à la claffe du peuple
qui tire fa fubfiftance de fon travail . Sans cette fage
précaution , ces gens utiles qui n'ont d'autre reffource
que leur induftrie fe verroient forcés d'abandonner
leur pays natal pour aller chercher un morceau de
pain dans des climats plus rudes. On ne doit pas entretenir
les mêmes craintes à l'égard des citoyens qui
poffédent des fonds de terre , ils confentiront avec
moins de répugnance à payer de nouvelles taxes
parce qu'il y va de leur intérêt . En général
l'emprunt qui étoit fi bas le 17 fur la place , où il
vient d'augmenter de 2 & demi pour cent, eft généralement
cenfuré ; quelques - uns penfent qu'il étoit inutile
de lever une fomme fi confidérable à l'époque de
la paix. La dette nationale eft énorme ; on fera dans
la néceffité de lever de nouvelles taxes ou de faire
une épargne de 3 millions par année ; fi l'on n'adopte
pas l'un de ces deux partis on fera obligé de diminuer
les intérêts. Mais il eft difficile de rien tenter encore
de long-tems ; on devroit confidérer les dépenfes
énormes que nous avons encore à faire cette année ;
elles feront exceffives & abforberont tout l'argent
qui a été levé par le dernier emprunt fi décrié . D'ici
à plufieurs mois nous ferons encore obligés d'entretenir
& par conféquent de payer plus de 30 vaiffeaux
de ligne aux iffes , indépendamment de 15,000 hommes
de troupes en Amérique , & de 17 vaiffeaux de
digne actuellement dans l'Inde ; ces derniers ne peu
vent être retirés de commiffion avant la fin de l'année
«.
Ce fut en effet hier que les nouvelles
taxes furent propofées ; leur objet eſt de
faire le fond deftiné au paiement du dernier
emprunt ; ce fond eft de 560,000 liv. fterl.
7 23 }
Les taxes au nombre de 10 font les fuivantes.
1º. On double le droit de timbre fur les billets de
change impofé l'année derniere & qui étant fimple a
produit 56,000 liv . fter!. & on impofe ce droit fur
les billets contenant promeffes de paiemens & autres
exceptés auparavant , ce qui fournira encore 44,000
liv. Iterl. 2 °. Un droit fur les quittances dont on
évalue le produit à 25,000 liv. fterl. 3º . Un droit
additionnel fur les teftamens , les legs , qui produira
40,000 liv. fterl. 4 ° . Autre droit additionnel fur les
contrats privés & les procédures dont on attend
60,000 liv . s . Addition d'un penny & demi part
mille fur les Coches & Diligences qu'on évalue à
25,000 liv . 6º. Une taxe modique qui ne produira
que 10,000 liv. fur les contrats & inventaires. 7º.
Une taxe qui en produira 20,000 fur les bills relatifs
aux grands chemins & aux enclos . 8 ° . Un autre
qui rendra 15,000 liv. fur les remèdes des empyriques.
9. Un droit d'un fchelling par roue fur
toutes fortes de voitures ; ce qui produira 25,000
liv. 10 ° . Un droit de 3 pences feulement par tête
au moment de la naiffance , du mariage & de la
mort , ce qui fera 15,000 liv.
Toutes ces
taxes pafferent fans oppofition «<,

» Les Membres du Parlement d'Irlande paroiffent
difpofés à reclamer des priviléges qui peuvent être
confidérés comme une fuire néceffaire des nouveaux
arrangemens faits à l'égard de ce Royaume . Les Pairs
d'Angleterre qui fe trouvent aux féances du Parlement
d'Irlande , font admis dans la Chambre haute ;
ceux d'Irlande n'ont pas encore joui de la réciprocité
un de ces derniers a fait annoncer dans les papiers
publics que fi les Pairs Anglois fouffrent qu'il
refte derrière la barre de la Chambre , où il a deffein
de fe préfenter dans l'une des prochaines féances , il
propofera à la Chambre des Pairs d Irlande de traiter
de la même manière ceux d'Angleterre . On lir en
mêmetems dans nos feuilles une invitation au Grandmaître
des poftes de donner la franchiſe des lettres
:
( 24 )
aux Membres du Parlement d'Irlande , fous peine de
voir bientôt l'érection d'une adminiſtration des poftes
particulières à l'Irlande , y faire l'objet des délibérations
du Parlement «.
FRANCE.
De VERSAILLES , le 3 Juin.
·
LE 25 du mois dernier les Députés des
Etats d'Artois furent admis à l'Audience du
Roi. Ils furent préſentés à S. M. par le Marquis
de Lévis , Gouverneur Général de la
Province , & par le Marquis de Ségur , Miniftre
& Secrétaire d'Etat de la Guerre , ayant
le Département de l'Artois. La Députation
conduite par MM. de Nantouillet & de Watronville
, Maître & Aide des Cérémonies
étoit compofée pour le Clergé , de l'Abbé
de Puyfigneu , Prevôt de l'Eglife Collégiale
d'Aix & Vicaire- Général des Diocèfes d'Arras
& de St-Omer , qui porta la parole ; pour
la Nob'effe , du Comte de Laizer de Siougeal
, Commandeur des Ordres Royaux &
Militaires de Notre - Dame du Mont-Carmel
& de St - Lazare de Jérufalem , Commandant
pour le Roi à Hefdin ; & pour le
Tiers Etat , de M. Lobez , Avocat & ancien
Echevin de la Ville & Cité d'Arras.
LL. MM . & la Famille Royale fignèrent le
même jour le contrat de mariage du Comte'
d'Actz , Sous- Lieutenant au Régiment Royal-
Piémont , avec Mademoiſelle l'Afnier Dulary
, & celui du. Vicomte de Menou , avec
Mademoiſelle Pillet,
De
( 25 )
De PARIS , le 4 Juin.
par
à une
LES nouvelles qu'on a reçues de l'efcadre
de M. de Vaudreuil nous font arrivées
l'Espagne ; elle étoit au commencement de
Février à Porto Cabello dans la Province
de Caracas , d'où elle a dû partir pour revenir
en Europe où elle eft attendue inceffamment.
Parmi les lettres arrivées par la même
voie , il y en a une de M. Defandrouins ,
Brigadier des Armées du Roi , commandant
le Corps du Génie en Amérique , qui
étoit à bord de la Bourgogne , & qui offre
des détails bien intéreflans fur le naufrage
de ce vaiffeau. Nous nous emprefferons de
la tranfcrire ; elle eft en date du 14 Février.
» Nous avons échoué la nuit du 3 au 4 ,
lieue & demie de terre devant la pointe d'Ubero ,
fur la côte de Coro. Je ne vous dirai point quelle
fut la confufion & le défordre : vous favez qu'en
pareil cas , c'eft une fuite inévitable de l'horreur
de la mort ; les Officiers ne témoignèrent aucune
foibleffe , & parvinrent à tranquilli'er affez pour
qu'on réufsît à fauver environ 400 hommes , fur des
radeaux la plupart ; les autres l'ont été par une frégate
Françoife , la Néreïde , & deux bâtimens qu'on
avoit dépêchés le 6 au foir de Porto Cabello , qui
en eft à quarante lieues. Un Officier du vailleau &
moi , nous avons effuyé les fatigues les plus extrêmes
, & bien au- deffus de celles dont je me ferois
eru capable , eu égard à mon âge & à ma conftitu
tion naturelle , pour aller chercher ce fecours à travers
un pays prefqu'inhabité , dans des bois fourrés ,
des favanes & des fondrieres à effrayer . Nous avons
été 60 heures de fuire en marche fans repo er , ne
vivant que de maïs grillé fur des charbons. L'An
7 Juin 1783.
( .26. )
gufte & le Pluton y étoient arrivés précédemment
avec la frégate . Nous y arrivâmes à demi- morts
entre 5 & 6 heures du foir ; la frégate , un quartd'heure
après , mit à la voile ; & le lendemain à huit
heures du matin , elle fut en vue de la Bourgogne.
Il étoit tems : 300 hommes qui y reſtoient , épuisés
de faim & de foif , étoient prêts à s'abandonner
aux flots fur de méchans petits boats de planche
que chacun avoit arrachés du bord , fan : être retenus
par la vue de plufieurs qui en avoient été
les victimes.
Notre plus grand malheur eft
d'avoir échoué (ur une côte inculte , où l'on ne trouve
que quelques cales à 8 ou 10 lieues d'intervalle ,
dont les habitans n'ont prefque d'autre nourriture
que des fruits fauvages pris au hafard dans les bois ,
dont ils corrigent l'amertume ( ou , comme ils difent
eux-mêmes ) , le venin , en les paffant au feu . Nous
avions été envoyés , l'Officier de marine & moi nommément
, par le Capitaine du vaiffeau , pour appeler
du fecours. Nous allions nous égarer dans les bois ,
lorfque nous rencontrâmes un foldat Efpagnol garde
côte, qui nous fit la peinture du pays & du défaut
de teffources abfolu qu'il pourroit nous offrir juqu'à
Porto- Cabello. L'Officier avec qui j'étois opinoit
d'abord d'aller à Coro , qui n'étoit qu'à 10
ou 12 lieues ; mais je lui fis obferver que toute
embarquation deviendroit abfolument impraticable
& inutile au vaiſſeau , à cauſe du vent & des courants
, & je le décidai à entreprendre fans balancer
les 40 lieues qu'il y avoit juſqu'à Porto Cabello ,
Nous primes le foldat pour guide , & nous avons
bien lieu de nous en féliciter , puifque nous avons
Lauvé 300 hommes. Il eft péri 4 Officiers de
Bourbonnois , un Officier du Régiment du Cap , un
Officier d'Artillerie , le Lieutenant du vaiffeau qui le
commandoit en fecond , deux Officiers auxiliaires ,
& l'aumônier du vaiffeau. J'ai moi- même courų
les plus grands dangers ; j'ai perdu mon cuifinier ;
mon definateur s'eft fauvé fur un radeau ; m n
( 27 )
-
premier valet n'a pas voulu quitter le vaiffeau , dia
fant aux autres que fûrement je ne les abandonnerois
pas , & que malgré mon âge , j'étois encore capable
des plus grands efforts pour aller leur chercher du
fecours. Les matelots avoient confiance en M. Pinfun
qui m'accompagnoit ; mais enfin le vaideau fe
couchant de plus en plus , les parties faillantes hors
de l'eau diminuant , ils perdoient tout espoir , lorf
que la frégate parut. Un trait digne de remarque
, c'est que ces malheureux , mourant de foif
& de faim , avoient fuccé le fang d'une douzaine de
chiens & de moutons qui étoient à bord ; ils épar
gnèrent un chien qui appartenoit à M. de Pinfun ,
& ils eurent la fatisfaction de le lui remettre fain &
fauf, pour témoignage de l'efpoir qu'ils avoient
toujours confervé en lui. M. Pinfun , qui eſt
un bafque , jeune & très-fort , s'étoit embarqué fur
la frégate , quoiqu'accablé de fatigues , pour indiquer
la route & l'endroit du naufrage . Pour moi
j'étois hors d'état , & d'ailleurs je n'y aurois rien
fait. Nous avons perdu tout je n'ai que les
méchans vêtemens qui me couvroient à mon départ.
Je regrette beaucoup mes papiers . Les débar
qués commencèrent à arriver depuis avant-hier , de
so à so ; fur mon rapport , on leur a envoyé fur-lechamp
des mulets chargés de vivres ; & quoiqu'ils
ayent bien moins à fouffrir de la mauvaiſe nature
d'alimens , & qu'ils mettent huit jours à faire le
trajet , ils arrivent prefque tous très -fatigués . Les
Efpagnols n'ont rien épargné pour nous aider &
nous foulager de tout leur pouvoir ; ils fe prêtent
à tout de la meilleure grace poffible , & on en eft
on ne peut plus content. En arrivant , le Capitaine
du vailleau le Pluton ( M. d'Albert ) , m'of
frit fa table ; mes camarades , qui étoient fur des
vaiffeaux déja mouillés ici , me donnèrent de quoi
changer , coucher , & c . , en un mot me prodiguèrent
tous les foins que demandoit ma trifte fituation , &
― :
b 2
( 28 )
mon état d'anéantiffement. Depuis lors , mes forces
fe font rétablies farfaitement , & je jouis de la meilleure
fanté que je puiffe défiter ; mais voilà une terrible
épreuve.
On a appris que le navire Impérial le
Prince de Kaunitz , forti du Cap St - Dominique
avec une cargaifon pré ieufe &
25 paffagers , a fait nauffrage le 21 Janvier
dernier près des Açores ; il ne s'eft fauvé
que très-peu de monde ; il y avoit fur ce
bâtiment quelques uns de nos Officiers qui
revenoient en Europe. On évalue le nombre
des perfonnes qui ont péri dans ce naufrage
à 89 , tant paffagers que de l'équipage . Un
autre navire nommé l'Etoile de Flandres ,
a , dit-on , auffi coulé bas à 80 lieues dé
l'ifle de Flore ; & un fecond , qui eft la
Grande Bretagne , a relâché à Peche fur l'ifle
de Corvo à cause d'une voie d'eau.
On reçoit de tems en tems des détails
de ce qui s'eft paffé aux ifles pendant l'abfence
de notre flotte ; la plupart font le
plus grand honneur à nos jeunes marins .
Parmi ces relations nous n'oublierons point
celle qui concerne la corvette le Dragon ,
commandée par le Chevalier Jofeph de
l'Epine , Enfeigne de vaiffeau , frère d'un
autre Enfeigne du même nom mort à
Boſton des bleffures qu'il avoit reçues au
combat fi glorieux de l'Amazone fur les
côtes de la nouvelle Angleterre , & qui a
emporté au tombeau les regrets de tout fon
Corps.
,
(
29
» Ce jeune Officier ayant découvert , le 21 Jan
vier , un vaiffeaa ennemi & un bricq qui cher
choient à approcher le Dragon , ferra la terre pour
les éviter. Le lendemain matin , le même vaiſſeau
fe trouva dans les eaux , & il en vit 17'autres à peu
de diftance , qui formoient une chaîne de la pointe
ICabelique à la pointe de la Grange , fur la côte de
Montechrift , dans la partie Efpagnole de Saint- Domingue
, à l'eft du Cap François . Il n'y avoit pas
moyen de fe fauver ; le Chevalier Jofeph de l'Epine
prit alors le feul parti qui lui reftoit , ce fut de gouverner
fur des refcifs qui bordent la côte , afin d'ôter
par là aux ennemis la poffibilité d'atteindre fa corvette.
Il parvint à force de travail à franchir ua
premier rang de ces refcifs ; mais le feu de deux
vaiffeaux de 74 & d'un de so l'atteignit encore.
Il chenala alors entre des roches & il franchit un
fecond rang de refcifs ; enfin à 10 heures du matin
il mouilla en- dedans de toutes les roches , à moins
d'une encablure de terre. Il s'y croyoit en sûreté ‚
lorfqu'il vit deux vaiffeaux fuivre fon exemple &
fa route pour franchir les premiers refcifs , d'où leur
feu portoit fur le Dragon , & cependant ils effayoient
encore de s'approcher davantage malgré le danger
extrême qu'ils couroient. Dans cette extrémité le
Chevalier de l'Epine fe détermina à pointer fes canons
de retraite contre les chaloupes qui couroient
au Dragon ; il fit mettre à terre fon équipage , &
il mit le feu à fa corvette qui fauta quelques inf
tans après. L'équipage arrivé à terre n'avoit eu le
tems de prendre ni effets , ni provisions ; & à peine
échappé au danger d'être pris , il fe vit en proie à
celui de mourir de faim & de foif fur une côte
inhabitée la nuit approcheit , le Chevalier de l'Epine
ramena fon équipage au bord de la mer & lui
fit prendre un bain , forre de fecours dont M. Franklin
lui avoit appris l'efficacité pour fe défaltérer.
Dans ces entrefaites il parut une pirogue Espagnole
b 3
( 30 )
qui donna un peu d'eau à l'équipage , & le Commandant
fe rendit fur cette pirogue à Moutechrift ,
d'où il obtint du Gouverneur quelques vivres qu'il
con luifit en toute diligence à fon équipage refté au
bord de la mer. Le lendemain tout ce monde s'mbarqua
fur des canots qui le conduisirent au Cap ,
où e Chevalier Jofeph de l'Epine a été reçu comme
il méritoit de l'être , pour avoir montré tant de
courage , de préfence d'efprit & de fang freid. I
n'a pas perdu dans ces trois terribles journées un
feul homme , & n'a pas eu un feul bleffé , malgré
le feu pro ligieux qu'il a reçu . Une conduite auffi
habile dans un jeune Officier , permet de lui préfager
la carrière la plus brillante «
Les lettres de Madrid nous apprennent
que le Roi d'Efpagne a créé le Duc de
Crillon Duc de Mahon ; ce Général ne
portera plus dorénavant que ce beau titre ,
& fon fils aîné en héritera
On nous mande de l'Abbaye du Relleq
un fait bien extraordinaire dans fes circonftances
, & qui mérite la curiofité du
Public & l'attention des Phyficiens.
» Cette Abbaye eft fituée au pied de la longue &
ftérile montagne d'Aire à 4 lieues de Morlaix. La
partie de cette montagne qui avoifine l'Abbaye & lui
appar ient , four it plufieurs carrieres d'ardoifes .
Celle qui en donne de la meilleure qualité eft fituée
dans la Paroifle de Commens. La tradition du pays
porte qu'il est très -dangereux de voyager à jeûn
dans cette montagne , & que ce n'eft qu'à ce défaut
de précaution qu'on doit attribuer la mort de ce. x
qu'on y rencontre journellement. Il paffe encore
pour conftant que cette montagne eft fujette à des
coups de vent qui privent fouvent ceux qui s'y trou
vent ou qui l'approchent , de l'ufage de quelque
membre & même de la vie . Le 18 Mai , Nicolas
( 31 )
Potros , riche laboureur , raffembla parmi fes parens
& fes amis 15 voitures pour aller chercher à la Paroiffe
de Commens l'ardoiſe qui lui étoit néceſſaire
pour couvrir un bâtiment qu'il conftruit. Cette carriere
eft à environ 5 lieues de fa demeure ; les voitu
res partirent le lendemain à 3 heures du matin conduites
par 31 hommes qui avoient déjeuné auparavant.
Ils eurent une pluie continuelle jufqu'à la
montagne qu'ils furent obligés de parcourir pendant
l'espace de 3 lieues à travers un brouillard épais ,
par un vent de nord très-froid. Ils furent rendus à la
carriere à 8 heures du matin , mais fi tranfis de froid
qu'il leur faut impoffible de goûter les provifions
qu'ils avoient apportées pour leur halte . Pour fe réchauffer
ils chargèrent leurs charrettes , & à 9 henres
ils furent en état de s'en retourner. Le vent qu'ils
' avoient au dos en venant leur fut plus incommode
au retour ; à peine avoient-ils fait une demi-lieue que
deux des hommes qui conduifoient les dernières
charrettes tomberent expirans , deux autres perdirent
courage ; Potros lui-même qui n'en pouvoit
plus , détacha un de fes chevaux , le monta , & fe
rendit avec beaucoup de peine au village qui eft près
de l'Abbaye & à une lieue & demie du lieu où il
avoit laillé les gens. Il ne put s'expliquer que lorfqu'il
fut réchauffé , & aufli -tôt qu'il eut l'ufage de la
parole , il demanda de la maniere la plus preffante
& la plus touchante qu'on envoyât des charrettes à la
montagne pour fecourir fes malheureux compagnons
qu'il y avoit laiflés morts ou mourans . Il étoit alors
une heure après-midi ; tous les habitans du village
firent atteler & partir leurs charrettes ; un d'eux alla
avertir le Prieur de l'Abbaye du Rellecq , dont l'humanité
fit monter fur- le-champ à cheval la plupart
des domeftiques de la maison qui allèrent à la montagne
tandis qu'il fit lui - même préparer des chambies
, des lits & du feu par- tout ; il envoya en même,
tems chercher le chirurgien de la maifon ; tout le
b 4
( 32 )
trouva prêt à l'arrivée d'une charrette qui lui amens
d'abord 3 hommes dont deux étoient fans connoiffance
& fans mouvement , & le dernier regardé
comme mort par ceux qui l'avoient conduit ; les
foins du Prieur les rendirent tous à la vie ; le rétabliffement
du dernier fur- tout parut aux affiftans une
véritable réfurrection . Les fecours les plus efficaces ,
donnés à propos , ménagés avec intelligence produifrent
cet effet : une feconde voiture parut enfuite
avec trois autres infortunés dont l'un étoit déjà mort ,
& les deux autres fi mal que rien ne put les rappeller
à la vie. Des 31 infortunés il y en a cu 8 qui font
morts de faim & de froid , & 23 fauvés par les fecours
du digne Prieur du Rellecq dont le nom mérite
d'être confervé ; c'eft D. Vergenet . Il a fait ouvrir
les cadavres de ceux qui font morts ; & il paroît que
leur trifte fort n'a été caufé que par le froid & la
faim qu'ils ont éprouvé . Tous ceux qui ont réchappé
, demandoient à manger , auffi - tôt qu'ils avoient
repris connoiffance , & dévoroient ce qu'on leur
donnoit. A ces caufes de mort on peut joindre quelques
vapeurs fulfureufes dont la montagne eft remplie
, qui ont pu les fuffoquer & occafionner la difficulté
qu'ils éprouvoient à avaler. Les chevaux même
avoient fouffert prefque également ; les domeftiques
qui les ramenèrent dirent que la plupart tomboient
fous leurs harnois , & qu'ils ne purent fe mettre en
marche qu'après avoir mangé leur avoine « .
On lit dans quelques papiers publics la
lettre fuivante de M. de Villevaut , Intendant
du Commerce , à M. de Fleffelles ,
Intendant de Lyon.
J'ai l'honneur de vous informer , Monfieur ,
que d'après le compte qui a été ren la an Roi de l'abon
lance des brais , réines ou goudrons dans les
différentes Provinces du Royaume , S. M. a permis
l'exportation de ces matieres à l'étranger , à la
( 33 >
charge de payer les droits des différens tarifs jufqu'à
ce qu'il en foit autrement ordonné . Il a été donné à
la Ferme Générale des ordres conformes à ces difpofitions
, & je vous prie d'en informer les perfonnes
qui ont intérêt de les connoître « .
L'Intendant de la Flandre & de l'Artois
a écrit le 10 du mois dernier la lettre circulaire
fuivante à fes Subdélégués.
·
Je vous donne avis , M. , que les repréfenta
tions des Propriétaires des terres & des Négocians
de ma Généralité , fur le bas prix des grains
& le défaut de débouchés , pour ce qui excède
la conſommation du Pays ; la néceflité de leur
procurer plus de circulation à caufe de leur qualité
, qui ne permet pas de les garder , & la fituation
où se trouvent actuellement différentes
provinces du Royaume , par rapport aux fubfif
tances ont déterminé le Gouvernement à réta
blir la liberté d'exporter à l'étranger les bleds &
farines. M. le Contrôleur- général a fait donner
ordre aux Employés des fermes de délivrer , dèsà-
préfent , les expéditions qui leur feroient deman
dées pour cette eſpèce de denrée ; il n'a pas cru
devoir étendre , en ce moment la même liberté
jufqu'aux feigles & autres menus grains qui fervent
à la nourriture du peuple , parce qu'ils n'ont
pas été en général affez abondans pour faire encombrement
, & qu'il y a même des endroits où
ils font fort chers . Je vous prie de faire connoître
ces difpofitions aux Propriétaires & principaux
Négocians , faifant le commerce des grains . Vous
aurez foin de me rendre un compe exact de
l'effet que produira la fortie des fromens & des
farines , afin que fi elle devenoit trop corfidérable
& nuifible à l'approvisionnement de la Province ,
j'en inftruife le Miniftre , & qu'il puiffe y être pourvu
fuivant que les circonftances l'exigeroient. Vous
bs
( 34 )
voudrez bien auffi me donner fur l'état des menus
grains , tels que le feigle & le foucrion ,
leur plus ou moins d'abondance dans votre Subdélégation
, leur prix comparé au prix ordinaire ,
& leur plus ou moins d'utilité pour la fubfiftance
du peuple , tous les éclairciffemens néceffaires pour
me mettre en état d'informer M. le Controleur général
de tout ce qui peut fervir à fixer fa décifion à
cet égard.
C'est dans l'Artois que s'eft élevé le
procès fingulier au fujet du particulier dont
nous avons rendu compte dans le tems , &
fur lequel il n'a pas encore été prononcé ;
les faits relatifs aux ravages de la foudre ,
ramèneront toujours l'attention fur le moyen
ingénieux que la Phyfique a découvert pour
en détourner les effets . Une lettre de Lille
nous offre les détails fuivans.
Le 13 Mai dernier , fur les 4 heures de l'aprèsmidi
, il s'eft élevé un orage far la ville. Le premier
coup de tonnerre qui a été affreux , a éclaté
fur la maifon d'une Blanchiffeufe , dans la rue de
la Nef, qui donne fur la grand' Place. Il a fait un
trou au toit affez grand pour y paffer un homme.
Il a enfuite pris fon cours par une ouverture de la
porte du grenier , & eft defcendu en ferpentant par
Fefcalier , a traversé l'allée , la rue & eft remonté
par la gouttière de la maifon vis- à - vis , juſqu'au
toît , où il a caffé quelques tuiles . Heureuſement
perfonne n'en a été atteint , excepté le Propriétaire
de la maifon , qui a reçu une légère égratignore à la
joue gauche. Les coups de tonnerre qui fe font fac
cédés rapidement pendant une demi heure , ont
été fuivis d'une pluie douce & affez abondante.
Le matin de cette journée avoit été beau , & le
foleil très-piquant «.
·
( 35 )
Le 22 du mois dernier on a célébré ici ,
dans l'Eglife St-Roch , les fix mariages des
dots méritées par de bonnes moeurs & l'obfervation
des devoirs d'état & de religion .
Chacune de ces dots eft de 1000 liv. Une
perfonne témoin de cette cérémonie édifiante
a augmenté ces dots d'une feptième
égale aux autres .
גכ »L'AcadémieRoyaledesSciencesdansfaféance
publique de rentrée après Pâques , a adjugé le premier
Prix annuel fondé par un Anonyme bienfaifant ,
en faveur d'un mémoire ou d'une expérience qui rendroit
les opérations des arts méchaniques moins mal
faines ou moins dangereufes. L'Académie avoit propofé
pour le fujet du concours , de déterminer la nature
& lesfources des maladies auxquelles font expofés
les Doreurs au feu ou fur métaux , & la meil
leure maniere de les préferver de cette maladie ,
foit par des moyens phyfiques , foit par des moyens
méchaniques. M. Henri - Albert Golfe , de Genève , a
remporté ce Prix qui eft de 1080 liv.; mais en
couronnant ce Mémoire l'Académie auroit defiré
que l'Auteur y eût auffi renfermé les moyens de
mettre à l'abri de ces maladies les Doreurs de groffes
pieces ; elle engage M. Goffe à tourner fes vues de
ce côté important , & tirer de fon fourneau préfervateur
une utilité plus générale. Le fujet du Prix
qui fera diftribué l'année prochaine a pour objet
les maladies des ouvriers employés à la fabrique
des chapeaux. Le fujer de celui de 1785 eft celui -ci ,
de déterminer la nature & les caufes des maladies
auxquelles font exposés les ouvriers qui mettent
les glaces au tain , & la meilleure maniere de les en
préferver par des moyens phyfiques & méchaniques .
L'Académie a remis à l'année prochaine les
deux Prix fondés par M. Rouillé de Meſlay , fur la
b 6
( 36⋅ )
théorie des Affrances maritimes. Ces deux Prix fe
ront doubles , c'eft à dire , de 4000 liv. «.
לכ »L'AcadémieRoyaledelaRochellenepouvant
couronner aucun des ouvrages qui lui ont été adreffés
fur cette question , quelle feroit la voiture de
tranfport la plus forte , la plus légère , la plus
roulante & la moins capable de dégrader les chemins
, propoſe la même queftion pour l'année prochaine.
Le Prix fera de 900 liv. au lieu de 600 ,
fomme à laquelle il avoit été d'abord fixé . Les mémoi
es doivent être envoyés , francs de port , dans
le courant du mois de Février prochain , à M. de
Seignette , Affeffeur au Préfidial , premier Secrétaire
perpétuel de l'Académie , à la Rochelle «.
On écrit d'Alface que le s du mois dernier
le village de Rougermont , fitué dans
la Subdélégation de Betford ( Haute- Alface)
éprouva un incendie qui a réduit en cendres
26 maifons & 20 granges. Les habitans occupés
alors aux travaux de la campagne ,
n'ont pu fauver aucune partie de leurs
meubles. L'Intendant de la province a donné
les ordres néceffaires pour leur procurer les
premiers foulagemens que, demandoit leur
fituation .
» Nous avons annoncé dernièrement les taffetas
& toiles enduites d'une compofition découverte par
M. le Roux , & approuvée par la Société Royale de
Médecine , & dont l'ulage eft de la plus grande utilité
dans une multitude de cas pour la fanté. Plufieurs
Marchands vendent de pareils taffetas ou toiles cirées
, mais qui n'ont pas fubi la préparation de M. le
Roux , & qui ne peuvent produire par conséquent
les mêmes effets. Il eft bon de prévenir les perfonnes
qui voudroient s'en procurer , de ne s'adreffer
qu'à la Fabrique , rue Pavée Saint - André-des-Arts ,
( 37 )
& chez M. Coftrejen , rue des Noyers , près la Place
Maubert , ou chez l'Auteur de cette découverte ,
au Bureau de l'Abonnement Littéraire , rue Saint-
André- des- Arts. On fait de ces étoffes des vêtemens
pour couvrir les parties du corps qui font enflées
& attaquées de rhumati mes ; ils font tranſpirer
abondamment ; mais il eft abfolument néceffaire de
ne mettre ces vêtemens que par - deffus un linge . On
trouve à la Fabrique , chez M. Coftrejen & chez
l'Auteur , un imprimé inftructif qui fe donne gra-
On y trouve auffi deux autres fortes de taffetas
; un qui eft collant & fe met fans linge fur les
coupures & les plaies récentes , & un autre pour fe
garantir du froid , de la pluie , &c. On fait que la
foudre ne tombe point fur la toile cirée , & à plus
forte raifon fur la foie cirée , huilée , telle qu'on la
fabrique dans la Manufacture que nous annonçons.
Cette étoffe met encore à l'abri des coups de foleil
".
tis . -
Marguerite - Louife- Gabrielle du Pont-
Daubercy de la Rouffière- Laubarderie , veuve
de Louis- Hervé Charles-Réné de Faudoas
, Comte de Serilhac , Baron de Courteil
, Seigneur de Julliers , Charante , & c.
âgée de 25 ans , eft morte le 4 du mois
dernier au Château de Serilhac , près Beaumont-
le-Vicomte dans le Maine.
Françoiſe Cautine , veuve de Nicolas
Trevet , âgée de 102 ans , a été inhumée
le 1 Mai à St Auguftin d'Augeron , Diocèfe
de Lisieux , Election de Bernay.
J. B. Henri de Beaurepaire de Louvagny
Docteur & Affocié de la Maifon de Sorbonne
, Grand - Vicaire de Bordeaux , Abbé
Commandataire de l'Abbaye de Notre- Dame
738 )
du Palais , en haut Poitou , Diocèfe de
Limoges , eft mort le 12 Mai dans fon Abbaye
, âgé de 28 ans.
Jean-Pierre-Adam Griot , Comte de Lacindré
, Marquis de Canane , eſt mort à
Nantua en Bugey , à l'âge 104 ans , dans
le courant du mois dernier.
Nicolas de Vichy- Chamron , Abbé Commendataire
de l'Abbaye Royale de Saint-
Calais , Diocèle du Mans , Tréforier honoraire
de la Sainte- Chapelle , eft mort le 12
de ce mois , en cette ville , à l'Hôte de la
Tréforerie.
Etienne de Parifot de Durand, Docteur
en Théologie, Prieur de Dammartin , Grand-
Prieur de l'Ordre de St - Ruf, Commandeur
Honoraire de l'Ordre Royal & Militaire de
St- Lazare de Mont Carmel , eft mort à
Paris le 7 Avril , âgé de 72 ans .
-
Les numéros fortis au tirage de la Loterie
Royale de France du 2 de ce mois , font :
75 , 28 , 17 , 2 & 89.
De BRUXELLES , le 6 Juin.
LES Etats du Brabant dans leur affemblée
de la fin du mois dernier ont donné leur confentement
aux iinpofitions ordinaires & délibéré
fur la conftruction de quelques nouyeaux
chemins qui puiffent faciliter la communication
entre les Provinces ; il s'agit entr'autres
d'établir une route pavée d'Anvers
à Breda. Les Etats n'ayant rien arrêté fur cet
objet ont nommé deux Députés de chaque
( 39 )
Ordre pour terminer cette affaire utile au
Commerce.
Le Marquis de Bufca, Nonce du Pape ici ,
eft parti pour aller exercer quelques fonctions
Eccléfiaftiques dans les Etats Catholiques
de S. M. Pruffienne , fitués vers les
frontières des Pays - Bas. Il fera enfuite un
petit voyage à La Haye.
Les Directeurs du Commerce de la Moscovie
réfidans ici , écrit- on d'Amfterdam , ont repréſenté
par Requête à L. H. P. , qu'il étoit connu que la
Nation Ruffe a appris de la Nation Hollandoife
l'architecture navale , l'agriculture & le commerce ,
& qu'elle lui eft redevab'e en grande partie des
connoiffances qu'elle y a acquifes : que dans ces
Provinces même , la Nation Ruffe eft traitée , à
l'égard de fon commerce , de niveau avec les Nations
les plus privilégiées ; que par- là le Corps des
Négocians de cette République a un droit réciprcque
à jouir dans l'Empire Ruffe du moins des prérogatives
qui y ont été accordées à d'autres Na--
tions , particulièrement aux Anglois depuis longtems
, & encore récemment aux fujets du Roi de
Danemarck , & qui confiftent principalement en ce
que les droits très - conſidérables d'entrée & de fortie
s'y payent par ces deux Nations en monnoie Ruffe ,
tandis que les Négocians Hollandois font obligés
d'acquitter pour la moitié , à Riga même , pour ia
totalité , les droits de douane en rixdales : que les
Directeurs avoient efpéré du changement à cet égard;
mais que récemment , à la formation d'un nouveau
tarif de la Douane en Ruffie , ce grief avoit été confirmé
, & que les fujets Anglois & Danois avoient
été feuls affranchis d'une façon fi onérenfe de s'acquitter
à la douane : one les Directeurs étoient informés
t'ailleurs , qu'il avoit été entamé actuellement
de la part de l Empereur & de la Reine de
1
( 40 )
Portugal des négociations , pour régler ultérieure
le ment payement des droits de douane en Ruffie :
auxquelles caufes ils prioient qu'il plût à L. H. P.
d'effectuer , foit par un Traité de Commerce entre
cette République & la Cour de Pétersbourg , foir
par quelque aurre manière convenable , que dorénavant
tous droits de douane , tant à Riga que dans
le refte de l'Empire Ruffe , puiffent être acquittés
par les Négocians Hollandois en monnoie de Ruffie
".
On a reçu en Hollande des lettres du Cap
de Bonne- Efpérance en date du 27 Décembre
dernier où l'on lit les détails fuivans :
il
" L'efcadre des navires armés , arrivée d'Europe
y a quelques femaines , mouille encore à notre
rade : le Gange , le Cheval Marin , le Voorberg ,
& le Zeelandois , qui en font partie , font défignés
pour fe rendre fur la fin de Janvier à l'Ile de
France , & de- là avec une flotte Françoiſe à Ceylan.
Il s'y embarquera un nombre de troupes confidérable.
Il y a quelque tems qu'il arriva fur le foir à l'entrée
de la rade un petit bâtiment François , parti de
Cadix au mois de Juillet dernier ; mais le lendemain
matin , il eut le malheur de fe brifer fur les
rochers : les papiers & la plus grande partie de
l'équipage ont été fauvés par un matelot, qui fe
jetta à la nage pour porter une corde aux malheureux
naufragés: elle lui fervit à faire plufieurs trajets
au bâtiment toujours à la nage , amenant chaque
fois deux hommes avec lui. Après avoir fait
fept fois ce voyage dangereux pour aller & revenir
, il fe trouva tellement tranfi de froid &
épuifé de fatigue , qu'il dut refter quelque tems à
terre. Dans l'intervalle les infortunés , qui fe trouvoient
encore à bord , difparureat avec les débris
du vaillean ".
1 41 )
Les OEuvres complettes de Voltaire , corrigées
par lui fur la dernière édition , augmentées de vingt
volumes nouveaux , contenant les ouvrages pofthumes
, la correfpondance épiftolaire & la vie de
cet Auteur , ont été propofées par foufcription ,
dans les formats in- 8 ° . & in- 4° . dès l'année 1781 .
---
9
Ces éditions rédigées dans le meilleur ordre ,
imprimées avec le plus grand foin , fur de très beau
papier , avec les plus beaux caracteres de l'Europe ,
ont été entreprifes par une Société qui n'a rien épar
gné pour remplir les promeffes. Tous les volumes
devoient en être livrés à la fois à la fin de 1782 , fi
toutes les foufcriptions cuffent été remplies . Mais
le doute de l'exécution d'une auffi vafte entreprife ,
& les efforts foutenus & multipliés de quelques détracteurs
, ont retenu beaucoup de perfonnes qui
croient peut- être encore que ces éditions ne verront
jamais le jour. Contrariés dans leurs deffeins
mais non pas détournés de leur but , les Editeurs fe
font contentés de tirer à moindre nombre ; & l'édi
tion in- 8°. touchant à fa fin , ils ont arrêté les difpofitions
fuivantes : 1º. On commencera par tirer la
loterie gratuite annoncée dans le Profectus. Les
premiers tirages de la lorerie royale de France des
mois de Septembre , Octobre , Novembre & Décembre
de la préfente année 1783 , ferviront à déterminer
les 400 numéros des 4000 reconnoiffances
de foufcription pour le format in- 8 ° . , auxquels
doivent écheoir les lots fuivans , faveir : I de
24.000 liv. , 1 de 12,000 liv . , 1 de 8000 l . , 1 de
5912 l. , 16 de 1288 1. failant 46,368 1. , 360 de 288
liv . (1 ) 103,6801 . ; total 400 lets , faiſan : 200,000 1.
Ces lots feront payés dans le courant de Janvier prochain
chez M. Caron de Beaumarchais , correfpondant
général de la Société Littéraire - Typographi
(1 ) Le premier paiement ayant été de 7 liv. , les lots de
288 liv . font le complément du prix de chaque Exemplaire
Voyez le Profpectus pour l'explication de la Loterie,
( 42 )
que ,
--
à Paris. Et auffi- tôt que la loterie fera tirée ,
les Editeurs s'occuperont de la livraifon de l'ouvrage.
2º. Les exemplaires de l'édition in 8 ° . qui font
de 360 liv . avec chance à la loterie ou de 310 liv.
fans chance , refteront à ce prix jufqu'au premier
Septembre prochain . Ce jour paffé , le prix en fera
de 480 liv . fans aucune réduction ; les Editeurs en
donnent leur parole aux Soufcripteurs , & ils la tiendront
quand même il ne viendroit aucune nouvelle
foufcription , n'ayant plus que 500 exemplaires à
placer. 3. La foufcription pour l'édition in-4
a.40 louis , en papier vélin anglois marqué exprès
papier Voltaire , & pour la même en papier
d'Annonay à 25 louis , fera fermée le dernier Décembre
de cette année 1783 ; & ce jour paffé , les
exemplaires pour lefquels il n'aura point été fouferit
feront payés so tosis au lieu de 40 ,
8 30 louis au
lieu de 25. Il n'en fera tiré que 100 exemplaires andelà
du nombre des foufcripteurs. On fouferit
toujours à Paris , chez M. Caron de Beaumarchais ,
correfpondant général de la Société Littéraire- Typographique
, & pour la province , chez MM. les correfpondans
nommés dans le Profpectus . On peut
¹également s'adreffer aux principaux libraires de l'Europe
. On paie en foufcrivant : pour l'in4 ° . royal de
40 louis , 240 liv.; pour l'in- 4 ° . médian de 25
louis , 120 liv.; pour in - 8 ° . de 15 louis , 72 liv.
Il faut affranchir le port des lettres & de l'argent.
"
La Société prévient le Public d'être en garde
contre toutes les propofitions qui pourroient lui être
faites de toute autre édition des OEuvres de Voltaire
.que celles dont elle s'occupe , n'ayant encore traité
avec qui que ce foit pour cet objet , ce qu'elle ne
fera point fans en prévenir le Public par le Courier
de l'Europe. M. Moreau le jeune , ayant propofé
une foufcription pour les Eftampes de ces éditions ,
& la plus grande partie des foufcripteurs qui avoient
demandé leurs exemplaires reliés voulant maintenant

( 43 )
les recevoir en feuilles pour y joindre les Eftampes ,
la Société ne fe chargera point des reliures , & l'àcompte
reçu pour cet objet ſera imputé fur le prix de
l'exemplaire . La Société ne reçoit point le prix des
foufcriptions pour ces Eitampes , dont il paroît déjà
plufieurs livraifons. Il faut s'adrefler directement à
M. Moreau le jeune , Definateur & Graveur du
Cabinet du Roi , rue du Coq S. Honoré , à Paris «.
PRÉCIS DES GAZETTES ANGL. du 28 Mai.
Le Lord North paffera certainement à la Chambre
des Pairs , mais il n'y prendra place qu'à la feffion
prochaine , à moins qu'il n'y foit appelé plutôt par
quelque circonftance imprévue. C'est à cette adminiftration
que l'on attache i.i la fatale révolution
qui enlève à l'Angleterre le titre glorieux d'arbitre
fouverain du commerce ; & les pertes du nôtre ramènent
fréquemment l'attention fur fa conduire pendant
le cours de la dernière guerre . Avant cette
guerre fusefte nous employions plus de 900 bâtimens
de différentes grandeurs pour le commerce
des Ines ; 450 de ces bâtimens mettoient à la voile
de Londres . Pendant la guerre , leur nombre a été
réduit d'un tiers .
ود
L'année dernière , il a été importé de Ruffie en
Angleterre , 186,000 tonneaux de chanvre , ce qui
fait 16 mille de plus que dans aucune des autres
années précédentes. Cette même année a été une
des plus malheureufes pour nos affurenrs ; la perte
qu'ils ont faite par le défaftre arrivé à la flotte de la
Jamaique monte feule à 300,000 liv. fterlings .
-
Les Délégués des différentes affociations des Comtés
ont tenu hier leur première affemblée générale , à
l'effet d'adopter un plan pour donner fuite & effet
aux réclamations du peuple , relativement au grand
objet national de la réforme du Parlement .
Une lettre de Chatam porte , que les frégates & les
plus gros floops ont ordre de fe difpofer à mettre
( 44 )
1
en mer , & qu'ils croiferont fur la côte d'Angleterre
& d'Ecoffe pour empêcher la contrebande , au moyen
de laquelle la G. B. reçoit une infinité de marchandifes
, & auffi pour arrêter le commerce illégal des
beftiaux en vie que l'on ne ceffe d'envoyer de ce
Royaume en France.
au
Extrait d'une lettre de Madrafs du 17 Octobre
1782. Nous venons d'effuyer le plus furieux coup
de vent dont on ait entendu parler ici de mémoire
d'homme. Le foir le mauvais tems commença
& avant la nuit nous eumes un horrible ouragan.
Les lames étoient fi hautes que les barques ne pouvoient
ni porter au large ni s'échouer. Heureufement
f'Amiral Hughes qui avoit jetté l'ancre à 15 braffes
voyant redoubler la tempête prit la haute mer. Il
avoit invité ce jour là des dames à bord , & il fut
obligé de les expofer avec lui au danger. Près de
100 bâtimens ont réri . Il eft impoffible de peindre
cette fcène de défolation ; la côte eft encore jonchée
de cadavres & de débris . P. S. La frégate
l'Active qui a quitté l'efcadre arrive avec la nouvelle
que le Superbe a été délemparé de tous fes mâts
ainft que le True Birton. L'Amiral Heghes a mis
fon pavillon fur le Sultan. Neuf vaiffeaux de la
Compagnie ont été jettés à la côte ; 9 autres ont
pris le large .
Le Bureau de l'Amiranté vient de faire un nouveau
Règlement pour employer 2400 hommes , y
compris les ouvriers , dans les chantiers de la Couronne
, pendant l'établ ffement de paix.
Le Victory , le Britannia & les autres vaiffeaux
qui ont été retirés de commiffion & mis en erdinaire
, garderont leur doublage de cuivre. On préfume
que , par ce moyen , on empêchera que les carènes
ne foient piquées par les vers . En employant les
précautions néceffaires , on n'a point lieu de craindre
que cette méthode foit préjudicable aux ferrures ou
aux bois de ces vaiffeaux.
( 45 )
GAZETTE DES TRIBUNAUX ABRÉGÉE .
PARLEMENT DE PARIS , GRAND'CHAMBRE.
Caufe entre le nommé D .. &fa femme, Epicier à...,
& le nommé B .. & ja femme.
Contrat de vente
paffé par une perfonne moribonde , la veille de
fa mort , déclaré nul.
Au mois de Février 1779 , la dame Carré , veuve
Colas , Epiciere à... malade à l'extrémité , paffa
devant Notaire , la veille de fa mort , un Contrat
de vente de fa maifon , & de fon fonds d'épicerie , au
nommé D... , à ſa femme , à ſon beau -frère & a fa
foeur , moyennant 46 50 liv. pour la maifon , &
1500 liv. pour les meubles & fonds de boutique.
Cette vente avoit été précédée d'un inventaire &
eftimation fait à la hate , & fuivie d'un teſtament
fait par la malade , & reçu par le Notaire ,
qui avoit pallé le Contrat de vente. Par ce teftament ,
la malade léguoit une rente de 100 liv. à fon oncle.
en
La dame Carré eſt mørte le lendemain , B... &
fa femme , beau- frère & belle-foeur de la défunte
& fes héritiers , concurremment avec D... & fa
femme , inftruits des actes , qu'on avoit fait foulcrire
à la veuve Colas à l'extrémité , & des mancuyres
qu'on avoit employées pour l'y déterminer ,
ont demandé la nullité , & rendu plainte contre D...
& la femme , & contre le Notaire ; plufieurs témoins
ont été entendus dans l'information . La domeftique
de la veuve Colas , & B... fon neveu , & fon garçon
de boutique. Par leur dépofition , il a été prouvé ,
que depuis la mort du mari de la veuve Colas , D...
& fa femme , qui étoient établis Epicier , dans un
lieu voifin de celui qu'habitoit la défunte , avoient
quitté leur commerce , pour venir dementer auprès
de la veuve Colas , & la déterminer à vendre fa
maifon , fes meubles & fon fonds de boutique. Que-
"7
( 46 )
I
L
:
-
:
la veuve Colas s'y étoit toujours refufée ; qu'elle
fe plaignoit même à fa domeftique , des importunités
des D... , qui defireient fa mert , & vouloient la
dépouiller de fon vivant : qu'enfia , la veille de la
mort de la veuve Colas , D... étoit venu avec un
Notaire qu'après avoir fait à la bâte l'inventaire &
Feftimation des meubles & marchandiſes , il avoit
dicté au Notaire l'acte de vente ; que ,le Notaire
l'ayant rédigé , s'étoit approché du lit de la mourante
, pour lui faire figner : qu'elle s'en étoit défendue
fur l'état de foibleffe cù elle étoit que le Notaire
lui avoit dit , que cela étoit néceffaire pour fon
repos , & celei de fes héritiers ; que la malade
cédant enfin à fes inftances , avoit fait des efforts
pour le mettre én état de figner . Que le Notaire lui
avoit mis la plume dans la main , & l'avoit pofée
à l'endroit où il falloit figner , & avoit conduit la
plume pour faire fa fignature. Appel de la procédure
extraordinaire : Arrêt qui a renvoyé les parties
à fins civiles à l'audience. B... & fa femme ont demandé
la nullité de la vente , de l'inventaire & du
teftament. OD... & fa femme ont foutenu au contraire
, la validité de tous ces actes , comme preferits
par une perfonne ufante & jouiffante de fes droits ,
& qui avoit confervé fon bon fens & fa raifon
jufqu'à la mort. Arrêt du 18 Juillet 1781 , qui
a déclaré la vente nulle . Ordenné que la maiſon ,
enfemble tout le mobilier & les marchandifes
1eroient rétablies dans la fucceffion , pour être vendus
& partagés , entre les héritiers de la défunte :
que le rétablissement des meubles & marchandiſes ,
feroit fait fur une enquête de commune renommée
, aux dépens de D... , a refervé à B... de fe
pourvoir , ainfi qu'il avi eroit pour la nullité du
teftament , contre l'oncle légaraire : a fair defenſe
au Notaire , de plus à l'avenir recevoir de pareils
actes de perfonnes in extremis , & condamné D...
aux dépens.
-
3
( 47 )
GRAND CHAMBRE.
Incertitude dans l'objet de la Donation , la
rend nulle.
La dame Gordonnat avoit fait donation au mari
d'une de fes nièces de tout fon mobilier , dont
l'état étoit annexé à la donation : plus , de toutes
les créances quelle avoit à rappeller contre le fieur
Martel fon frère , fe réfervant expreflément le droit
de s'en faire payer , ne voulant , eft- il dit dans la
donation , gratifier le donataire , que de ce qui fera
encore dû par le fieur Martel à la mort de la dona
trice , lors du décès de la dame Gordonnat , les au
tres neveux & nièces , demandèrent la nullité de la
donation. Sentence du Bailliage de Mâcon , qui dé
clare la donation bonne & valable pour le mobilier ,
& nulle pour le furplus . Appel de la part des fieurs
Martel , neveux & héritiers de la dame Gordonnat.
Arrêt da 20 Mars 1783 , qui a mis l'appellation
& ce au néant ; émendant , a déclaré la donation
nulle pour le tout.
PARLEMENT DE NORMANDIE .
Nouveaux Cimetières .
Conformément à l'Edit relatif aux nouveaux
Cimetières , le Parlement a ordonné aux Fabriques
des Paroiffes de la Ville de Rouen , d'acquérir des
Emplacemens convenables. Ces Emplacemens ont
été acquis plufieurs Cimetières ont été établis.
La répartition faite des frais à fupporter par chaque
Fabrique , celle de St - Patrice a refufé fa quote-part ,
& s'eft oppofée à l'Arrêt d'enregistrement , fous pré
texte , 1 ° . que fon Cimetière particulier , avoit
un Emplacement plus étendu que celui exigé par
l'Edit ; 2°. qu'il étoit fitué plus au grand air , que les
autres Cimetières de la Ville : 3 °. que la Fabrique
´a'étoit pas riche .
9 Nonobftant ces confidérations la Cour , les
Chambres affemblées , & fur les conclufions de M.
( 48 )
Charles , Subftitut de M. le Procureur- Général , a
débouté les Parciffiens de St-Patrice de leurs oppofi
tions , & les a condamnés à payer leur
PARLEMENT
DE NANCY
.
quote- part.
Mixtion de plomb , litarge , huile de vitriol dans
le vin , défendues.
,
M. le Procureur-Général ayant eu connoiffance d'un
livre imprimé , contenant des recettes qui enſeignent
à faire de bon vinaigne , avec les plus mauvais vins ,
à adoucir le vin verd , à empêcher qu'il ne tourne
& c. , par le moyen des préparations de plomb &
de l'huile de vitriol a adreffé cet ouvrage à la
Faculté & au Collège de Médecine de Nancy : ces
deux Compagnies l'ont examiné , & dans le rapport
qu'elles ont fait , les Marchands de vins font exhorrés
à ne plus employer un moyen auffi meurtrier
que le plomb , pour raccommoder les vins aigres ;
enfuite on leur en indique un autre qui peut remplir
leurs vues plus efficacement, fans exiger plus de frais
Ce moyen fimple confifte à jetter des coquilles d'oeufs
dans le tonneau ; ces coques en faturant l'acide furabondant
& trop développé des vins aigres , les rendent
doux , agréables , & ne leur communiquent
Tien de nuifible.
le
Enfin pour prévenir les fuites funeftes des différentes
mixtions , dont les marchands peuvent le fetvir
, & dont ils ne fe fervent que trop fouvent ,
Parlement de Nancy a rendu le 3 Août 1782 , un
Arrêt qui ordonne , que toutes mixtions de plomb ,
litarge , huile de vitriol dans le vin , à quelque fins
que ce puifle être , feront réputées au nombre des
poifons capables de procurer la mort précipitée ou
fente ; & que ceux qui auront pratiqué telles mixtions
, leur complices , participans ou adhérens ,
ceux même qui auront diftribué au public des vins
ou vinaigres ainfi préparés , feront réputés empoifonneurs
, & comme rels pourfuivis extraordinairement,
& punis fuivant la rigueur des Loix.
JOURNAL POLITIQUE
DE BRUXELLES.
RUSSI E.
De PETERSBOURG , le 6 Mai.
E 2 de ce mois l'Impératrice a accordé au
Comte d'Oftermann , Vice- Chancelier,
les appointemens & l'argent de table dont
jouiffoit le feu premier Miniftre Comte
de Panin & qui montent à 19,000
roubles par an. Elle a nommé Confeiller-
Privé M. de Simolin , fon Miniftre Plénipotentiaire
à la Cour de Londres.

La Commiffion chargée d'examiner & de
régler définitivement avec les Députés du
Duc de Courlande , les affaites du commerce
de la Ruffie & de la Ville de Riga avec ce
Duché , eft compofée du Général Braun
du Comte de Woronzow & de M. Dahl'
Confeiller d'Etat.

On écrit du Gouvernement de Kaluga ,
qu'il y a un payfan actuellement vivant ,
âgé de 123 ans , il a eu 3 fils , dont deux
vivent encore ; fa poftérité a été de 94 perfonnes
, dont 34 font mortes.
14 Juin 1783. C
( 50)
DANEMARCK.
De COPENHAGUE , le 12 Mai.
LE 21 de ce mois , le Roi & toute la Famille
Royale fe rend à Friedensbourg pour
y paffer l'été.
S. M. , pour foutenir les entreprises de
commerce de la Compagnie de la Baltique
& de Guinée , lui a fait préfent de 10,000
actions ce qui augmente fon fonds d'un
tiers .
,
Les chemins de la Seeland ont été dégradés
& prefqu'entièrement ruinés par les
mauvais tems ; leur rétabliffement occupe
le Gouvernement , qui a ordonné d'employer
4000 hommes aux travaux néceffaires
pour les remettre en état le plutôt poffible.
POLOGNE.
De VARSOVIE , le Is Mai. IS
Le Tribunal fuprême de la Couronne établi
à Petrikow , a été transféré à Lublin
où l'on en a fait l'ouverture folemnelle le
28 Avril dernier.
Le Roi & la République viennent d'envoyer
à Czenftochow une Commiffion
compofée de plufieurs Officiers , pour prendre
poffeffion de cette fortereffe importante ,
de fon artillerie & de toutes fes munitions.
Elle appartenoit auparavant aux Moines de
l'Ordre des Paulites. Une autre Commif
( 51 )
fion doit aller auffi prendre poffeffion de la
forterelle de Berdiczew , fituée dans 1 Evêché
de Kiovie , & qui a appartenu jufqu'ici à
des Carmes . Des Religieux font fans doute
peu propres à garder des fortereffes , & eur
état & leur vocation exigent des occupations
d'un tout autre genre.
Parmi les réformes utiles qui fe font ici
dans toutes les parties de l'Adminiſtration ,
on doit diftinguer celle de la vénalité des
emplois Militaires ; elle vient d'être abolie
par l'Edit fuivant , en date du 11 de ce
inois.
Stanillas- Augufte , &c. le Département de la grerre
, compofé de citoyens de probité & de prudence
connues , exacts dans l'accompliffement de leurs devoirs
, & dont le but principal eft le bien de l'armée
& l'amélioration de fon état ; inftruits par divers
évènemens , combien la liberté de vendre des
charges militaires , dès long- tems abufivement introduite
, eft nuifible à l'armée ; combien celle- ci en
fouffre , quand mettant l'ancienneté , les fervices &
le mérite de côté , on avance ceux qui , avec moins
de capacité font en état de payer l'officier qui demande
congé ; quel tort pour les citoyens peu riches
, qui , en contribuant également dans leur état
de médiocrité à la charge des impôts , le voyent
fruftrés de l'efpérance de voir un jour parvenir leurs
enfans ou leurs parens , aux grades fupérieure; quel
préjudice pour la Patrie même , quand des fujets
capables de rendre un jour des fervices eflentiels
vieilliffent dans les grades inférieurs , faute d'ar
gent , puifque les talens & le mérite font rarement
accompagnés de la fortune ; confidérant en
fin que l'état d'un officier exige des talens & une application
à laquelle fe livrent rarement ceux qui fe
C 2
( 52 )
repofent fur leurs biens : le département de la guerre
nous ayant fupplié de fupprimer la vente des charges
militaires en vertu de la loi de 1776 qui nous
donne le pouvoir d'avancer à toutes ces charges ,
avec la liberté de choisir d'entre les Officiers
ceux qui auroient le plus de mérite & de capacité
; cette demande étant parfaitement d'accord
avec notre manière de penfer à ce sujet , & avec
nos bonnes intentions pour le bien public & de
l'armée & c. Neus ftatuons : 1 ° . que la vente de
toutes les charges dans notre armée , de tout grade ,
fans exception , n'aura plus lieu dès le premier Janvier
1784. 29. A compter de la date de la préfente
déclaration , juſqu'à la fin de l'année , quiconque
des Officiers croira avantageux pour lui de
demander fon congé , avec la permiflion de vendre
fa charge , ne pourra entrer à cette fin en ac
commodement , qu'avec ceux qui le fuivent en grade
immédiatement , ou avec leur confentement , pour
un prix qui ne doit pas excéder le quadruple des
gages annuels . Toutes les autres charges militaires
qui ne font pas attachées aux brigades ou régimens
, ne peuvent être vendues qu'à ceux qui feront
actuellement dans l'armée , & qui font anciens
en grades. Tous ceux qui achetteront des charges
pendant le terme fixé ci- deffus , n'auront plus rien
à répéter. 39. Comme l'ordre eft l'ame de toutes
chofes , nous voulons que , pour notre information
plénière , on nous envoie tous les ans , aux mois
de Septembre & de Mars , les contrôles d'ancienneté
des Officiers , avec un fidèle rapport de leur
conduite , fignés conformément au Règlement de
1775 , par les Chefs & les Officiers de l'Etat -Major ,
en adreffant ces rapports au Général conſtitué auprès
de notre perfonne . 49. Tous les rapports ou
demandes que les Militaires auront à nous faire ,
feront donnés par écrit fur une feuille brifée. Le
Général conftitué auprès de notre perfonne a ordre
( 53 ད
·
de délivrer , au plus tard , dans l'efpace de trois
jours , toutes nos réfolutions , également par écrit ,
pour ne pas perdre le tems en explications verbales .
5. Il fera fait ultérieurement un arrangement ,
conformément à la Loi , touchant l'avancement des
Officiers de l'Etat- Major dans toute l'armée , comme
auffi à l'égard des autres articles qui ne font pas
détaillés
dans cette Déclaration . 6. En conféquence
de notre arrangement fait en 1776 , nous abelifons
la création des Officiers furnuméraires , excepté les
places de Gouverneur de nos Pages , d Ecuyer , de
quatre Sous Ecuyers de notre Cour , & de notre
Géographe de Cour , fans leur donner droit de
concourir dans l'avancement général de l'armée .
7. Quatre de nos Aides de- Camp actuels , lef
quels feront tirés dorénavant des régimens , avanceront
felon leur ancienneté , ainfi que les Aidesde
- Camp des Généraux qui ont été tirés du fervice
actuel , & jouillant de gages affignés par la République
. 8. Quant à l'augmentation de grades que
les Officiers , en prenant congé , demandent ordinairement
en récompenfe de leurs fervices , ftatuons :
que , pour y avoir droit , il nous fera produit ,
avant tour , un témoignage de banne conduite , de
la part des Supérieurs , & qu'enfuite l'on comptera
les années de fervice : 3 ans pour les Sabalternes ,
4 pour les Capitaines & fix pour l'Officier de l'Etat
Major dans leurs grades refpectifs ; autrement leur
demande n'aura pas d'effet «.
' ALLEMAGNE.
De VIENNE , le 24 Mai.
Des lettres d'Efclavonie & de Croatie por
tent que l'Empereur arriva le 3 à Carlstadt ,
d'où , après avoir vu les fortifications , les
édifices publics , il repartit le lendemain ; le
C 3
154 }
5 S. M. I. arriva à Fiume , où elle remit au
Gouverneur 10,000 florins pour être diftriboés
parmi les pauvres habitans de la côte .
Le 7 elle arriva à Buccari & à Portore , d'où
elle retourna à Carlſtadt le 8 ; le 10 elle fut ,
à Petrinca , & le 11 à Jefenowacz , d'où
elle repartit le lendemain pour continuer fa
route .
» La perte que l'incendie du 5 de ce mois , écriton
de Neufohl en Hongrie , a caufé dans cette ville
eft évaluée à un million de florins . La plus grande
partie de cette malheureuſe ville eft un monceau de
cendres ; les habitans n'ont rien pu fauver de leurs
effets , la violence du vent ayant porté les flammes
avec trop de rapidité de maiſon en maiſon , dont la
plupart étoient conftruites en bois . Le Palais Epifcopal
, qui n'étoit pas encore fini entiérement , s'eft
écroulé , & la belle bibliothèque qu'on y avoit placée
est devenue la proie des flammes . C'eft la quatrieme
fois que cette ancienne ville a éprouvé la
même catastrophe. Elle doit fon origine au Roi
André , qui en 1222 fit venir dans ces environs
des Saxons pour y exploiter les mines. En 1500
prefque toute la vi le fut confumée par le feu , & à
cette occafion les archives furent incendiées & tous
les documens brûlés. En 1605 , le 16 Avril, une bande
de rebelles y ayant mis le feu on ne put fauver de
cette ville que deux rues ; en 1762 le 4 Août, un incendie
en détruifit la plus grande partie ; & à peine
cette malheureufe ville avoit réparé ce dernier malheur
qu'elle avoit éprouvé , qu'elle fe voit incendiée
de nouveau par l'imprudence d'un valet d'écurie qui
fumoir du tabac «.
Il eft décidé que les fortifications de Comorn
, qui ont´tant fouffert par le dernier
tremblement de terre , ne feront plus réta
( 55 )
blies ; la Ville fera rebâtie ; mais beaucoup
plus loin du Danube.
Des lettres de Paſſau , du 20 de ce mois ,
>
·
nous apprennent que Jofeph François de
Paula , Comte d'Auerfperg , Prince - Evêque
de Gurck en Carinthie , a été élu unanimement
par le Chapitre Prince - Evêque de
Paffau.
-

» L'Archevêque de Milan , mort le 27 Avril
dernier , a fait un teftament , par lequel il a laiffé
fes biens patrimoniaux aux deux freres Marchefe
Visconti & Porro , & légué les acquêts à fes amis ,
aux gens de fa maifon , aux pauvres & à divers
Curés. En attendant que S. M. I. ait nommé ſon
fucceffeur , le Chapitre a élu un Vicaire pour l'adminiſtration
des affaires de l'Archevêché . Voici
ce qui a été réglé le 9 Mai 1782 au fujet de la nomination
aux grands Bénéfices dans la Lombardie Autrichienne.
La nomination à l'Archevêché de
Milan & aux Evêchés de Mantoue , de Pavie , de
Crémone , de Lodi & de Como dépendra immédiatement
du Souverain , lequel inftallera auffi les fujets
nommés dans leurs Bénéfices ; mais à l'égard
defdits quatre derniers Evêchés S. M. I. aura une
confidération particuliere pour les fujets qui lui feront
recommandés de la part de Sa Sainteté . Dans
cette vue lorsqu'un de ces quatre Evêchés vaquera
le Gouvernement en fera auffi tôt part au Miniftre
Impérial à Rome pour qu'il en prévienne le Pape ,
afin que S. S. puiffe recommander un fujet à S. M. I.
& en même tems il notifiera à la Cour la vacance &
lui fera à cet égard telles obfervations qu'il jugera
être de fon devoir. Dans le cas où l'Archevêché de
Milan deviendroit vacant , il fera permis à la ville
d'ufer de fon droit & de folliciter l'élection d'un de
fes Patriciens à l'Archevêché. La demande fera
adreffée directement à S. M. I. fans cependant en-
C 4
( 56 )
voyer à ce fujet une députation particuliere à la
Cour , & c. «
De HAMBOURG , le 24 Mai.
IL eft encore impoffible de rien affeoir
de certain fur les difpofitions des Ruffes &
Turcs & fur l'iffue qu'auront les différens
qui fe font élevés entre ces Puiffances . Plufieurs
papiers publics annoncent avec confiance
que tout eft prêt à être arrangé par
la médiation de la France , de l'Angleterre
, & c.; mais les armemens n'en continuent
pas moins par- tout , & les troupes
de part & d'autre font en mouvement .
-
Les opinions , lit- on dans quelques lettres des
frontières de la Turquie , ne fauroient être plus
contradictoires : felon quelques - uns le traité de commerce
entre la Turquie & la Ruffie eft à la veille
d'être conclu & figné aux conditions fuivantes . 1 ° .
Les navires Ruffes jouiront d'une navigation parfaitement
libre fans pouvoir ê re vifités nulle part. 29.
Il leur fera permis d'avoir des cargaifons de riz & de
café. 3. La Porte garantira toutes les pirateries
des corfaires Barbarelques & en procurera l'indemnité.
D'autres affurent que ces conditions exigées
par la Ruffie fouffrent de grandes difficultés de
la part de la Porte ; elle ne veut confentir au paffage
libre des navires Rules , qu'en fe réfervant le droit
de vifiter ceux qui lui feront fufpects & qu'elle
croira porter des munitions de guerre ; elle permet
aufli les cargaifons de riz & de café , pourvu qu'elles
ne foient jamais prifes dans la Capitale ni dans les
Provinces voisines , afin de ne pas les expofer à fe
voir privées d'objets de conſommation dont elles ont
un fi grand befoin. A l'égard des pirateries des corfaires
Barbarelques , elle garantira volontiers toutes
celles qui fe commettront contre le pavillon Ruffe
( 57 )
dans les mers Ottomanes. On peut juger au milieu
de toutes ces Auctuations que la paix eft fort incertaine
; cela eft encore confirmé par les armemens de
terre & de mer , les envois d'artillerie & de munitions
qui fe font avec la même activité . La plupart
des vailfeaux de guerre font prêts à fortir au premier
ordre , & le Capitan Bacha eft prêt à appareiller avec
une forte efcadre pour croifer , à ce que l'on fuppo
fe , à l'embouchure de la mer Noire «.
Des lettres particulières de Conftantinople
nous apprennent que le Grand Vifir a
fait les défenfes les plus févères de parler en
- public des grands armemens qui fe font par
terre & par mer , & on répand différens
bruits pour en couvrir le véritable motif.
La fortie du Capitan- Bacha a , dit-on , pour
but de recevoir le nouveau Miniftre Efpagnol
& d'escorter deux bâtimens chargés
de préfens qu'on prétend être arrivés à
Stanchio . Mais on demande quel eft l'objet
de la convocation des Timariotes , de
la levée des Galiongis & des expéditions
d'artillerie & de munitions aux forterefles ?
Ce qui peut faire croire que la rupture n'eft
point encore décidée , c'eft l'arrivée prochaine
, à Conftantinople , de M. Ferrieri ,
nommé Conful Général de l'Impératrice de
Ruffie à Salonique avec des appointemens
confidérables ; & le bruit qui fe répand
d'un arrangement entre la Porte & la Maifon
d'Autriche ; celle - ci a , dit- on , borné fes
prétentions à la liberté de la navigation fur
le Danube , & quelques autres objets relatifs
à la Moldavie & à la Valachie , & celle(
181
là , ajoute-t- on , s'eft empreffée de les accorder.
C'eft au tems feul à diffiper ces obfcurités
& à nous éclairer fur l'iffue de ces
démêlés .
S'il faut en croire des lettres des frontières
de la Pologne , il a été pris à Pétersbourg
des mefures à - peu-près femblables
pour empêcher le public d'être mieux inſtruit
de tout ce qui a rapport à ces grands mouvemens
; il y a été défendu auffi de s'entretenir
des opérations du Cabinet & de rien
écrire chez l'étranger fur les affaires de
l'Etat ; en conféquence on ignore parfaitement
où en font les chofes ; mais on fait
que le Comte de Soltikow a été nommé
par l'Impératrice de Ruffie pour commander
le cordon de fes troupes fur les frontières
de la Turquie , & le Comte de Romanzow
qui étoit chargé de ce commandement aura
celui de l'armée d'obfervation deftinée d'abord
au Prince Potemkin qui doit retourner
à Pétersbourg.
» On parle , lit-on dans des lettres de Vienne ,
d'un nouveau plan de commerce for le Danube ; ily
a quelque tems que ce projet eft fur le tapis , on le
dit à la veille de fon exécution , & on en attend beaucoup
d'avantages pour les fujers de S. M. I. -
Quoique les apparences concourent à nous faire elpérer
que les différends avec la Porte fe termineront
à l'amiable , on ne laifle pas de continuer les armemens
; outre les munitions de guerre que l'Empereur
a fait transporter en Hongrie , il y a fait pafler
auffi une fomme de 400,000 florins pour divers ouvrages
à faire aux places des frontières . Cependant
les régimens qui fe trouvent dans le Royaume de
Hongrie ne fe font pas encore aſſemblés en Corps ,
( 59 )
mais ils font prêts à fe réunir au premier ordre.
On apprend de Temeswar que le commandement de
Belgrade a été donné à l'ancien Grand- Vitir Ized ,
qui y a fait fon entrée le 21 Avril . Il a défilé beaucoup
de troupes Ottomanes de ce côté « .
L'Empereur a permis à fes fujets du
Royaume de Hongrie d'exporter à l'avenir
toutes leurs productions dans les autres pays
héréditaires .
» Le Prince-Evêque de Spire , écrit - on de Ratisbonne
, ayant pris poffeffion de la fortereffe de l'Empire
de Philipsbourg abandonnée l'année derniere
par la garnifon , on lui notifia quelque tems après
un refcript Impérial par lequel cette fortereffe eft
déclarée appartenir à la difpofition de l'Empereur
comme Chef de l'Empire , jufqu'à ce qu'elle ait été
fupprimée par un Conclufum Imperii formel. En
conféquence de cela le Prince Evêque vient de remettre
à la Diète un Mémoire dans lequel il prie
cette Aſſemblée , en alléguant la fortereffe de Kehl ,
dont le Marggrave de Bade avoir pris poffeffion fans
une décifion préalable de l'empire , d'approuver fa
prife de poffeffion de la ville de Philipsbourg fituée
dans fon domaine & dont il n'avoit plus joui depuis
149 ans , ce qui lui avoit occafionné une perte de
plus d'un million de florins «.
» A la fin d'Avril , ajoutent les mêmes lettres , il
y eut de nouvelles conférences au fujet de l'affaire
des Comtes de Weftphalie & de Franconie. Les
Etats Catholiques ont remis aux Etats Proteftans une
nouvelle réponse à leur déclaration du mois de Février
; mais les Parties font fi éloignées dans leurs
fentimens qu'il n'y a guère d'efpérance de voir terminer
cette malheureufe fciffion , qui met obſtacle à
toutes les déciſions des affaires portées à la Diète «.
On dit que la peine de mort ne fera
pas entièrement fupprimée dans les Etats
c6
( 60 )
héréditaires de l'Empereur , & qu'elle fera
infligée à l'avenir aux rebelles , aux fauſlaires
& aux aflaffins .
» Dans l'année 1781 , lit-on dans un de nos papiers
, on a compté dans la Poméranie Suédoife
100,549 ames ; il y avoit un vingt - quatrieme plus
de femmes que d'hommes ; & dans la Pomeranie
Pruffienne , 459,571 ames . — Dans la même année
on a importé dans la Pomeranie Suédoife pour
465,885 rixdalers de marchandifes , & on en a exporté
pour 595,679 rixdalers. L'exportation du bled
a donné 490,897 rixdalers ; celle des beftiaux
32,030 , & celle de lainerie 23,464. «
ITALI E.
De LIVOURNE , le 20 Mai.
LEI; de ce mois l'Electeur Palatin arriva
ici fous l'incognito , & defcendit à l'Hôtel de
la Croix d'Or , où il a reçu les complimens des
principaux de cette Ville ; ce Prince a parcouru
la Ville à pied , avec notre Gouver
neur le Marquis de Balbolanie , il en eft
eft parti enfuite & eft arrivé à Florence
le is , il y doit féjourner quelques jours
& partir enfuite pour Rome.
>
Le Bey de cette République , écrit- on de
Tripoli de Barbarie perfuadé qu'il fera
beaucoup plus avantageux pour l'Etat d'augmenter
fon commerce que de laiffer exercer
la piraterie aux fujets , vient de faire convertir
plufieurs corfaires en bâtimens marchands
quoiqu'ils euffent amené depuis peu
une prife Napolitaine évaluée à 15,000
ducats .
( 61 )
ESPAGNE.
De CADIX , le 15 Mai.
DEUX Vaiffeaux de guerre & une bélandre
font commandés pour appareiller & fe mettre
en croiſière entre les Caps . On croit qu'ils
y vont attendre l'efcadre & le convoi de la
Havane , qui , à ce qu'on eſpère , paroîtront
dans ces parages avant le 20 Juin. Plufieurs
chébecs & deux frégates mettront en mêmetems
fous voile pour aller dans la Méditerranée
courir fur les Barbarefques , qui depuis
deux mois y fourmillent , & où ils fe font
emparés de plufieurs bâtimens Catalans &
Italiens.
M. de Vialis , commandant le vailleau
de S. M. T. C. le Réfléchi , de 64 canons ,
a mis à la voile hier , il avoit reçu la veille,
des paquets de fa Cour. Il va à la Martinique
, à St-Domingue , & c . & on croit que
les ordres , dont il eft porteur , ont pour
objet la ceffion des Ifles conquifes.
D. Louis de Cordova a fixé fon départ
pour Aranjuez au 21 de ce mois ; M. Oreilly
le fuivra de près , & il prendra la même:
route le 23 .
Jufqu'au moment de l'arrivée de notre
riche convoi qui eft attendu avec impatience
, notre port n'offrira rien d'intéreffant:
puifqu'on travaille au défarmement de l'efcadre
, à moins qu'il ne vienne mouiller
dans notre baie quelques vaiffeaux de l'ef
( 62 )
cadre de M. de Vaudreuil , dont quelquesuns
pafferont à Toulon.
-
" La ville de Raga dans le Royaume d'Aragon
a offert au Roi une fomme confidérable pour l'aider à
fubvenir aux dépenfes occafionnées par la demiere
guerre. S. M. qui a vu avec beaucoup de fatisfaction
cette nouvelle preuve du zèle patriotique de cette
ville , n'a pas cru devoir accepter fes offres. Un
Edit nouveau vient de remettre en vigueur les Ordonnances
de 1765 & 1771 qui défendent & annullent
toutes les difpofitions teftamentaires en faveur
des Confeffeurs , des Eglifes & des Couvens . Il
défend de plus aux Eccléfiaftiques de s'immifcer en
aucune façon dans les hoiries , teftamens , biens héréditaires
, &c. Les lettres de San- Lucar portent
que depuis quelque tems ce pays eft couvert d'une
multitude de fauterelles ; on y emploie tous les
moyens de fe délivrer de ce fléau , & on en a déjà
enterré plus de 400 boiſeaux. Les gens de la campagne,
pour conferver, s'il eft poffibie , leurs fruits & les
prodctions de la terre , ont abandonné tout autre
Ouvrage , & font entiérement occupés à la deftrucion
de ces infectes dévorans «<.
ANGLETERRE.
De LONDRES , le 3 Juin.
LES feules nouvelles que nous ayons de
l'Amérique feptentrionale fe réduisent à
celles qui ont été apportées par le Huffard.
Le Général Robertfon , qui commandoit
en fecond à New-Yorck , arrivé fur cette
frégate , fut préfenté au Roi le 28 de ce
mois , & lui rendit compte de l'effet qu'avoit
produit en Amérique la nouvelle de la
paix , & du traitement fait aux Loyaliſtes ;
( 63 )
les autres détails dans lefquels on prétend
qu'il eft entré pendant cette conférence
avec S. M. , roulent fur les efforts particuliers
& infructueux qu'avoit fait le Général
Carleton pour engager le Congrès à
ratifier préalablement le traité provifionel
entre la Grande Bretagne & l'Amérique-
Unie , fans attendre que les troupes Britanniques
euffent évacué préalablement les
poftes qu'elles occupent dans ces contrées.
Le Congrès a même refufé le Commiffaire
que le Général Anglois vouloit lui envoyer
pour conférer avec lui fur ce fujet. Ce n'eft
qu'après plufieurs démarches ultérieures que
cette affemblée a confenti à envoyer un Plénipotentiaire
à New Yorck , où il eft en
effet arrivé au commencement d'Avril ; mais
l'iffue de cette négociation n'a pas répondu
à l'attente de Sir Gui Carleron , qui a
été forcé de confentir à l'évacuation avant
la ratification du traité. Il s'eft conformé
aux ordres conditionnels qu'il avoit reçus
auparavant , & il a commencé à prendre
les arrangemens néceffaires pour retirer les
troupes Angloifes de New Yorck , l'Ile-
Longue , celle des Etats , & c. Il a expédié en
même-tems un avifo à l'Amiral Pigot , pour
l'informer que puifque l'intention du Roi
étoit que les troupes évacuaffent le plutôt
poffible leurs poftes dans les Treize- Etats
unis , il étoit néceffaire que l'Amiral lui envoyât
fans délai tous les bâtimens dont il
pouvoit le paffer pour le tranfport des trou(
64 )
pes . On affure que le Général dans fes dépêches
aux Miniftres , preffe aufli l'envoi des
tranfports dont on a befoin pour foulager au
plutôt poffible le public des frais de l'entretien
d'une armée qui n'eft plus d'aucun fervice.
L'affaire des prifonniers auxquels la paix
rend la liberté , fouffre encore des difficultés
en Amérique ; le Congrès demande avant
de relâcher les liens , qu'on rembourfe les
dépenfes qu'ils ont occafionnés aux Etats-
Unis , tant pour leur fubfiftance , que pour
leur entretien & d'autres objets.
Les mêmes lettres confirment ce qui a été
dit plufieurs fois de la défertion des Soldats
Heffois ; on apprend qu'il en eft arrivé
un grand nombre à Bofton , & qu'ils vont
s'établir dans ce pays , où on leur a donné
des terres à défricher & à cultiver.
Nos papiers , dit un particulier impartial & qui
eft affez bien inftruit , font actuellement remplis de
détails relatifs aux Etats - Unis de l'Amérique. On
prétend y donner des éclairciffemens fur leur commercè
, leur population , leur conftitution politique ;
on va jufqu'à vouloir déterminer la dette qu'ils ont
contractée , & le nombre d'hommes qu'ils ont perdu
dans cette guerre. Quant à leur conftitution politique
, elle n'eft point un fecret ; on en trouve une
expofition fidèle & fatisfaifante dans le recueil de leur
conftitution , foit fédérative , foit provinciale , pblié
par les ordres du Congrès lui- même. Nos nouvellites
auroient dû y voir l'abfurdité de ce qu'ils
ne ceffent de répéter par rapport au projet qu'ils attribuent
au Congrès de former de nouvelles conftitu.
tions , & d'établir une religion dominante. Ils n'au,
roient pas annoncé que le peuple étoit furieux qu'on .
( 65 )
voulût eriger en loi un article fecret , difent- ils , par
lequel le Congrès auroit promis à la France de permettre
l'exercice public de la religion Romaine. Ces
fortes d'affertions font d'autant plus haſardées , qu'il
ne dépend point du Congrès de donner aux Etats particuliers
telle conftitution & telle religion qu'il lui
plaît. Chacun des 13 Etats eft parfaitement libre
dans ces fortes d'objets , ainfi que dans tous ceux
qui ne concernent point la défenſe commune , la feule
choſe déférée à l'Aſſemblée Continentale. Ils auroient
vu que tous les Etats ont posé pour principe
l'horreur de toute religion dominante , la tolérance
de toutes les religions Chrétiennes ; puiſque , dans
quelques Etats , les Catholiques - Romains ont les
mêmes priviléges que les autres citoyens , particulièrement
dans le Maryland , au point que M. Carrol
qui fiege depuis long - tems dans le Congrès pour cet
Etat , elt Catholique - Romain , & n'en eft pas moins
eftimé. Quant aux points relatifs à la dette de l'Amérique
, la notice qu'on en a donnée ne fauroit étre
exacte , puifque M. Jay n'a jamais fait d'emprunt en
Hollande , & que ceux qu'on y a ouverts pour les
Etats-Unis n'ont eu qu'un fuccès partiel . Ce qu'il y a de vrai dans ces diverfes notices , c'eſt les Etatsque
Unis poffedent un territoire immenfe , des reffſources
infinies dans la richeffe de leur fol , & que leur derte
en papier- monnoie s'étant éteinte comme d'ellemême
, ils n'auront pas beſoin d'entraver leur commerce
pour faire face à leurs engagemens . Quant à
la perte qu'a elfuyée l'Amérique en hommes , n'ayant
fait qu'une guerre défenfive , elle ne peut être confidérable
; & la perte qu'elle peut avoir faite , a été
fuffifamment remplacée par les émigra ions nombreufes
des troupes de fes alliés & même de les ennemis
, qui fe font établies fur fon territoire «<.
Nos papiers ont en effet évalué à 80 , ono
hommes la perte que la guerre a coûté à
l'Amérique ; & une partie très- conſidérable de
( 66 )
će nombre a , dit-on , péri dans les prifons
ou à bord des vaiffeaux.
» Le dénombrement qui a été fait cette année des
habitans blancs du Connecticut , préfente une difparité
finguliérement remarquable dans les deux fexes :
le nombre femelie excede l'autre de plus de 6000 .
Voici l'eftimation qui a été faite des habitans
blancs des Etats- Unis de l'Amérique , pour fervir de
baſe à la répartition des impôts à lever , pour l'année
1783 , dans les Etats refpectifs .
Proportion de la contribution fur 1000
Etats.
New Hampshire
Maffachufett's
Rhode Island
Connecticut
New -Yorck
New- Jersey-
Penfylvanie
Delaware
Mary 'and


Virginie ·
Caroline du nord
Caroline du fud
Georgie .
Habitans.
82,200 • · 34
• 350,000 · 147
50,400 • · 21
206,000 86
200,000 84
· 130,000 • 54
320,000 • 134
35,000 · 15
220,700 92
· 400,000 · · 167
· 200,000 84
• • 170,000 71
25,000 • II
XIII. 2,389,300 1. ft. 1000
Le Congrès s'occupe férieufement de l'établiſſement
de fa Marine ; il a fur les chantiers
s vailleaux de guerre , & il en a voté
15 autres , dont 4 de 74 canons .
» Avant l'évacuation de Charles Town , lit-on
dans un papier Américain , le Gouverneur Mathews
& le Général Gréen étoient convenus que les fujers
Anglois refteroient pendant fix mois dans cette Ville,
fous la protection des loix ; mais comme le tems ne
leur a pas fuffi pour régler leurs affaires & retirer leurs
( 67 )
meubles , ils ont obtenu une prolongation de terme
jufqu'au 1er. Mars 1784 « .
» On a appris à New-Yorck par un bâtiment
venu des Bermudes , que le Cerberus , vaiffeau de
guerre , a péri en fortant de Caftle Harbourg , par
la faute du Pilote ; il a échoué fur des refcifs
mais on a ſauvé l'équipage . Un vaiſſeau arrivé
de Québec , rapporte qu'on y a reçu d'Hallifax , la
nouvelle de la paix , & que l'hiver a été extrêmement
doux au Canada «.
» Seize vailleaux des Etats - Unis ont été à Terre-
Neuve pour y prendre du poiffon , dont partie eft
deftinée pour leurs ports relpectifs , & partie pour
l'étranger «.
Les lettres de la Barbade font un tableau
trifte de la fituation de cette Ifle . Une longue
féchereffe a totalement détruit les productions
qui faifoient l'efpoir de cette année
& à peine les Colons auront- ils du fucre
pour leur confommation. La récolte qui
doit fuivre n'offre pas une perfpective plus
riante. Il n'y a prefque plus d'eau dans l'ifle ,
où toutes les fources font taries , & le bétail
périt en plufieurs endroits , faute de ce
fecours fi effentiel. Les habitans paroiffent
cependant contens en général de l'adminif
tration préfente. Leur Gouverneur actuel
fe réconcilie leur eftime & leur affection , &
l'on n'a plus rien à craindre des fuites du
mécontentement qu'ils avoient fait éclater
contre le précédent.
La fégate la Syrène revenue de Sainte Lucie ,
a rencontré en mer l'Yarmouth de 64 canons , le
feul qui manquoit à la divifion de l'Amiral Drake ,
& ce vailleau eft rentré à Plymouth , où il défarme
avec tous ceux de cette efcadre. Lorſqu'elle partit
( 68 )
+
des ifles , elle avoit laiflé l'Amiral Pigot avec le
refte de la flotte à Sainte Lucie ; il devoit partir un
fecond détachementpour l'Europe pea de jours après ,
compofé principalement des vaiffeaux à trois ponts
& de ceux qui étoient le plus maltraités . L'Amiral
lui même devoit appareiller fous peu de jours fur
une fregate pour examiner l'état des chantiers d'Antigoa
& de la Jamaïque . Le Contre- Amiral Hughes
devoit refter à Ste-Lucie pour remettre cette Ifle aux
François & partir enfuite pour prendre poffeffion
des ' ifles qui nous font cédées dans cette partie du
monde .
Nous n'avons rien de pofitif fur les affai
res de 1 Inde , après les détails qu'on a déja
publiés. Quelques-uns de nos papiers , on
ne fait d'après quelle autorité , publient que
le Général Coote a écrit de Calcutta au Général
Stuart à Madrafs , pour l'affurer qu'il
retourneroit en Décembre à la côte de Coromandel
avec une fomme d'argent confidérable
& un renfort de Volontaires tant Sypayes
que Lafcars , & de 600 chevaux pour monter
les folda's Européens. D'autres papiers
affurent de leur côté que le même Chevalier
Eyre Cotte eft à toute extrémité , & fort
éloigné de former aucun projet , & d'en reprendre
aucun voyage. Il y en a qui prérendent
qu'il a été expédié , de Limerick à Dublin,
un exprès à une perfonne de diſtinction ,
pour lui annoncer cu'il étoit entré dans le
Shannon un paquebot venant de l'Inde , &
apportant la nouvelle d'une victoire décifive
remportée par l'Amiral Hughes fur l'efcadre
Françoife ; mais on ne dit point quelle eft
la date d'un évènement qui paroît hors de
( 69 )
toute vraisemblance , fur- tout après les
domm ges que l'Amiral avoit effuyés dans
les combats précédens , & par les tempêtes
dont on a reçu les triftes détails , & qui fe
font fait fentir depuis Madraſs , tout le long
de la côte au fud , & qui ont fait périr , diton
, à Tranquebar 24 vaiffeaux.
D'autres papiers donnent la lettre fuivante
, écrite par le Gouverneur du Bengale , &
datée du fort William le 15 Décembre.
La paix eft faite d'une manière ferme & durable
avec les Marattes ; mais elle n'eft pas encore ratifiée
, chaque Membre voulant en avoir l'honneur...
Nous avons dans le tréfor , en caiffe & en papier ,
trente- fix lacs & vingt mille trois cens neuf roupies.
Nos fecours pour le Fort St - George l'année paflée ,
furent un crore , trente- trois lacs , foixante- cinq mille
huit cens & 32 ; & pour Bombay un crore , deux lacs ,
quatre mille cent loixante - quinze . Nos dépendances
pour le Fort St George depuis le 31 Juillet 1780.
jufqu'à préfent , ont été deux crores , fix lacs , vingt
mille deux cens dix - huit roupies . Pour Bombay
depuis le 30 Avril 1778 jufqu'à ce mois , trois crores ,
trente-deux lacs , quatre- vingt- huit mille cinq cens
feize roupies. Notre révenu de l'année dernière excédoit
celui de la précédente de vingt lacs , foixante- quatorze
mille roupies : la diminution des charges ,
onze lacs & foixante mille roupies ; la différence
étant de trente-deux lacs , trente- quatre mille roupies
. Le profit net fur le fel eft de 48 lacs . Le nouveau
plan de remiſes pour Madrals , le fait par des
maifons à Aurungabad , Hydrabad , Mafulipatan &
Madrafs. Nos premiers billets étoient pour dix lacs ,
& étoient chargés à dix pour 100. On nous offre
actuellement cinq au change courant. Le nouveau
paffage pour les vaiffeaux qui quittent la rivière eft
tout à - fait établi . M, Stables eft arrivé le 6 de ce
('70 )
mois. Sir Eyre Coote eft ici . Sa conftitution eft per
due ; il voudroit repartir ; je crains qu'il ne fuiffe
fupporter le voyage.
On ajoute à ces détails , qu'il a été envoyé
du Bengale au fort St -George beaucoup d'argent
, de grains , de provifions & de munitions
de guerre ; & que depuis les dernières
nouvelles reçues de cet établitlement , le
Gouverneur de Madrafs avoit été en état
d'augmenter la ration de riz accordée aux
Sypayes , ce qui les avoit rendus parfaitement
contens.
Selon les mêmes avis , quatre vaiffeaux
étoient chargés pour l'Europe , & prêts à
quitter le Bengale à la fin de Décembre ;
quatre devoient appareiller vers la fin de
Janvier , & on eſpéroit recevoir de riches
convois de marchandiſes pendant la faiſon .
A l'occafion des nouvelles de l'Inde , on
lit dans plufieurs de nos papiers l'article
fuivant.
» Toutes les fois qu'il eft queftion dans les rela
tions de la Compagnie du corps des Européens , qui
eft dans la petite armée du Fils de Hyder- Aly , le
Commandant en eft nommé Lally . Cette façon d'écrire
felon la prononciation Angloife , a donné lieu
à une erreur qu'il faut rectifier , afin qu'on ne croie
pas que le Général infortuné qui portoit ce nom ,
ait laiffé quelqu'un de fes . parens dans l'Inde . Le
Commandant , qui fert dans l'Armée de Tippoo-
Saïb , s'appelle Lallé ; il eft Lorrain ; & dans fa première
jeuneffe , il fe fit Capucin . Mais peu fait pour
la vie contemplative , il jetta bientôt le froc , &
paffa dans l'Inde après s'être engagé dans le Régiment
de Pondichéry. Par fon intelligence , fon activité
& fa figure , il parvint promptement au grade
( 71)
de Sergent. Le défordre qui régnoit dans les troupes
Françoifes de l'Inde pendant la dernière guerre ,
& plus que tout cela le dépit de le voir commander
par des gens qui ne le valoient pas , & de ſe
voir même puni pour avoir parlé leſtement à un
Confeiler de Pondichéry , l'engagèrent à déferter ,
& il entraîna avec lui 80 hommes de fon bataillon
, qui le fuivirent avec armes & bagages. Ils trouvèrent
auprès d'Hyder- Aly d'autres mécontens , qui
fe joignirent à eux ; & le Sergent François , par fa
conduite , fa bravoure & fa capacité , fe mit audeffus
de fes rivaux , qu'il parvint à commander.
Hyder-Aly ayant déclaré quelque tems après la
guerre aux Anglois , M. Lallé fe diftingua dans
toutes les occafions . Son attachement pour fa première
Patrie ne s'étoit jamais démenti ; il employa
tous les talens & fon crédit auprès de fon nouveau
maître pour favorifer en tout les François ; fa faute
non-feulement lui fut remife , mais la Cour jugea
encore convenable de lui envoyer le brevet de Lieutenant-
Colonel & la Croix de St-Louis , qu'il reçut
il y a un an. Telles font l'origine & la fortune de
l'officier , auquel Hyder- Aly a dû fes principaux
fuccès .
Dans la féance de la chambre des Communes
du 27 de ce mois , M. Fox defira
qu'on remit l'ordre du jour relativement à
l'examen des réfolutions du Comité pour
les affaires de l'Inde , attendu que plufieurs
règlemens importans devoient paroître inceffamment
fur cet objet. Il fir des complimens
au Général Smith fur l'intelligence
& l'activité qu'il avoit mifes dans le travail
du Comité , & il ajouta que comme on
attendoit quelques autres rapports du Comité
, il étoit néceffaire que la Chambre en
( 729
fût pleinement informée avant de ftatuer
aucunes loix concernant ce pays.
» Le Chevalier P. Jernings Clerke ayant demandé
fi les billets tirés fur l'étranger y feroient
fujets , le Lord Cavendish répondit qu'ils ne pouvoient
l'être , le Gouverneur n'ayant pas le droit de
taxer ces fortes d'effets. La taxe établie fur les
billets ne s'étend qu'à ceux qui font tirés dans la
Grande- Bretagne , & non pas à ceux qu'on négocie
dans le pays étranger. Le Lord Neuhaven voulut
favoir fi un billet tiré en France feroit compris dans
cette taxe , & comme tel fujet à être taxé . Le Chancelier
de l'Echiquier lui fit une réponse déja renfermée
dans la précédente. Alors le Chevalier Jofeph
Maubey dit : Qu'il ne confentiroit jamais à la taxe
fur les reçus & quittances , parce qu'à fon avis elle
étoit de nature à faire beaucoup de tort aux Négocians
, & qu'elle feroit préjudiciable au commerce
en général. Il trouva fort ridicule qu'on fût dans la
néceffité , toutes les fois qu'on voudroit tranfiger
quelque affaire , d'être muni de quittances timbrées ,
& que fans cette précaution on ne pût négocier
aucune affaire d'argent. Je fouhaiterois , ajouta- t-il ,
qu'on eût établi une taxe plus forte fur les médicamens
dont trafiquent les charlatans . Tout le
monde conviendra que ce font là les vrais objets
de taxation. On ne fauroit trop décourager un art
qui eft nuifible à l'efpèce humaine . Le Chevalier
P. J. Clerke répondit qu'on pouvoit réfuter aiſément
ces objections , parce que toutes les petites
villes du royaume pouvoient être pourvues abondamment
de quittances timbrées. Le Chevalier Jofeph
Mawbey s'oppoſa également à la taxe des
chariots & charrettes. Il obferva qu'elle feroit trèspréjudiciable
au fermier induftrieux . Elle portera ,
dit -il , l'alarme dans les provinces , & elle fe fera
fentir particulièrement aux gens qui ont des charrettes
ou autres voitures dont ils fe fervent rarement
( 73 )
ment ou jamais. Ces gens fe verront alors obligés
de payer le même droit que s'ils s'en fervoient
journellement. Le Chevalier P. J. Clerke fuc d'un
avis femblable . Je penſe , dit -il , que cetre taxe fera
très- onéreuse à l'agriculture. Il y a plufieurs fermiers
, dans ma Province , qui ont deux ou trois
charrettes pour lesquelles ils payent deux ou trois
shellings , mais ils feront obligés actuellement d'en
payer feize , dix - huit ou vingt. On voit donc
que cette taxe feroit très onéreufe aux gens de la
campagne. M. R. Hill propofa de fubftituer à cette
taxe un impôt fur les imprimés politiques , & il
ajouta que ceux de , la coalition devroient être
taxés doublement .
Lorsqu'on alla aux
voix , fur la réfolution relative aux roues de voitures
, il y cut pour cette réfolution 47 voix contre
20. Toutes les autres réfolutions furent lues &
pafsèrent de même. Le Lord John Cavendish fit
alors une motion , tendante à ce qu'il lui fût permis
de préfenter un bill ou des bills en conformité des
réfolutions fufdites . Cette motion paſſa.
Ces taxes ont donné lieu à bien des obfervations
; on lit les fuivantes dans tous nos
papiers.
" On dit que l'Angleterre eft le pays de la liberté ,
tandis que le citoyen ne peut ni manger ni boire , ni
jouir de la clarté du jour , ni venir au monde , ni
mourir fans payer une taxe fur chaque objet ; nous
tiendrons à notre fyftême de taxer jufqu'à ce que les
vexations portées à l'excès ob igent le corps du
peuple qui forme la richeffe de l'Etat , à abandenner
un pays trop furchargé d'impôts , pour que ceux
qui font réduits à vivre de leur industrie puiffent
y trouver leur fubfiftance . Déjà l'efp it d émigration
s'étend en Irlande & en Ecoffe ; la légiflation ne
prend aucune mefure pour arrêter le mal naiffant ,
& on ne doit pas préfumer qu'il s'arrête de luimême.
Les malheureux habitans de ces contrées
14Juin 1783. d
( 74 )
manquant de pain chez eux , il faut bien qu'ils en
aillent chercher ailleurs , & l'Amérique- Unie leur
offre une perfpective agréable ; il y a toute apparence
que cette partie du nouveau Monde va enlever
à l'Angleterre une quantité innombrable d'ar-
11fans & de laboureurs. On fera fans doute furpris
à la fuite de ces obfervations , que les nouvelles
taxes portent fur les naiffances ; les pauvres
n'avoient déjà que trop de peine à faire fubfifter leurs
enfans , fans les obliger de payer encore lorsqu'ils
viennent au monde. Les billets de la banque d'Angleterre
font compris dans le nouveau droit impolé
fur les lettres de change
» M. Maurice Lloyd informa le 24 la Chambre
des Communes , qu'il avoit appris que depuis bien
des années on avoit oublié de payer à la banque
le dividende fur les fonds , & que depuis 17 années ,
cette fomme pouvoit être évaluée à un million deux
cent quatre- vingt mille livres fterling ; il fit en conféquence
une motion , pour que cette fomme confidérable
fût employée au fervice de l'Etat ; mais
un des directeurs de la banque qui devoit feconder
cette motion , ne fe trouvant point dans la Chambre ,
elle fut refufée par l'Orateur ; il eft à préfumer que
cette difficulté de forme ne l'empêchera point de reparoître
bientôt «.
MM. Powell & Bembridge , employés
au Bureau du Payeur- Général des troupes
ayant été fortement foupçonnés d'avoir caufé
un déficit de 50,000 liv . fterl . dans la caifle ,
avoient été deftitués de leurs places fous
l'adminiftration de M. William Pitt ; mais
M. Burke , auffi - tôt qu'il fut élevé à la place
de Payeur , les rétablit , fans attendre que
leur innocence fût prouvée. Certe conduite
lui a attiré des reproches très vifs ; les Gens
du Roi ont commencé une procédure en
( 75 )
juftice réglée contre les accufés , & l'un ,
M. Powell , s'eft dernièrement coupé la gorge.
Le Connétable , accompagné des Jurés ,
a fait l'inſpection du cadavre , & plufieurs
témoins ayant dépofé que depuis l'examen
que le défunt avoit fubi devant les Lords
de la Trésorerie , il avoit toujours été dans un
état de folie , a déclaré qu'il étoit lunatique ;
fon bien monte à 200 mille liv. fterl. Son
teftament eft dépofé chez MM . D.ummund ,
Banquiers. La procédure contre lui , eft
terminée par
fa mort ; mais on en va commencer
une autre contre M. Bembridge .
FRANCE.
De VERSAILLES , le 10 Juin.
LE 29 du mois dernier LL. MM . & la
Famille Royale fignèrent le contrat de mariage
du Comte du Moncel, Capitaine aux Gardes-
Françoiſes , avec Made moifelle de Ste- Ferte,
& celui du Baron d'Efp gnac , Sous - Lieutenant
au même Régiment , Lieutenant pour
le Roi des Villes & Châreau d'Iffoudun ,
avec Melle . de la Toifon Roche- Blanche.
Le premier de ce mois le Marquis de
Pons que le Roi avoit pré édemment nommé
fon Ambaffadeur près le Roi de Suède ,
a eu l'honneur d'être préfenté à S. M. par le
Comte de Vergennes , Chef ' u Confeil des
Finances Miniftre & Secrétaire d'Etat ,
ayant le département des affaires étrangères ,
& de prendre congé pour ſe rendre à Stockholm.
>
d 2
( 76 )
>
>
Le 8 , jour de la Pentecôte , les Chevaliers ,
Commandeurs & Officiers de l'Ordre du
Saint-Esprit , s'étant affemblés dans le Cabinet
du Roi vers les onze heures & demie
du matin , S. M. a tenu un Chapitre , dans
lequel Elle a nommé Chevaliers de l'Ordre
du St- Efprit , le Duc de Béthune , le Duc de
la Vauguyon , le Duc de Chabot , le Duc de
Guines , le Comte de Rochambeau , le Mar- 、
quis de Bouillé , le Marquis de la Salle , le
Comte d'Affry , le Marquis de Langeron
de Comte de Guichen , le Marquis de Jaucourt
, le Comte de Montmorin , le Marquis
de Clermont d'Amboife , le Comte d'Efcars ,
le Marquis de Damas de Crux , le Comte de
Tavannes le Marquis de Montefquiou-
Fézenfac , le Chevalier de Cruffol , le Comte
de Vintimille , le Comte de Vaudreuil , lé
Comte d'Esterhazy & le Marquis d'Ecquevilly.
S. M. fortit enfuite de fon appartement
pour se rendre à la Chapelle , précédée de
Monfieur , de Monfeigneur Comte d'Artois ,
du Duc d'Orléans , du Duc de Chartres ,
du Prince de Condé , du Duc de Bourbon
du Prince de Conti , du Duc de Penthièvre ,
& des Chevaliers , Commandeurs & Officiers
de l'Ordre du Saint- Efprit. Deux
Huiffiers de la Chambre du Roi , portant
leurs maffes , marchoient devant S. M.
L'Archevêque de Narbonne , Prélat - Commandeur
de l'Ordre , célébra la grand’Meſſe ,
qui fut chantée par la Mufique du Roi. La
Princeffe de Broglie fit la quête. La Reine ,
Madame , Madame la Comteffe d'Artois &

( 77 )
Madame Elifabeth de France , affiftèrent à
la grand'Mefle dans la Tribune. La Mefle
étant finie , le Roi fut reconduit à fon appartement
, en obfervant l'ordre dans lequel
il en étoit forti.
De
PARIS , le 10 Juin.
L'ESCADRE de M. le Marquis de Vaudrenil
eſt attendue à Breſt & à Rochefort du 20 de
ce mois au 15 Juillet prochain . Elle a dû partir
de Porto - Cabello au moment où elle a reçu
la première nouvelle de la ceffation des holtilités
& de la fignature des articles préliminaires
de la paix.
Des 8 gabarres qu'on vient d'armer , lit- on dans
des lettres de Breft , 4 font deftinées pour aller en
Suède ; on ignore la deftination des autres . L'A
riel va bientôt partir pour prendre poffeffion des
Iles de S. Pierre & de Miquelon. Plufieurs familles
qui retournent dans leurs anciens foyers , font dejà
à bord de ce bâ iment. La conftruction de
2
On gros vaiffeaux fe continue avec celérité ; &
celle des deux Frères eft fort avancée.
parle de plufieurs mémoires de différens Officiers
ielatifs à l'affaire du 12 Avril , mais aucun n'eft
public , & vraisemblablement ils ne feront imprimis
que dans le cas où l'une des parties obtiendroit la
permiflion de faire paroître les fiens.
La frégate lafurveillante , commandée par
M. Amé de la Laune , Lieutenant de vailleau ,
eft partie au commencement du mois dernier
pour 1 Ile de France ; elle a mis à la voile de
la rivière de Bordeaux.
» La frégate la Sultane , écrit- on de Toulon ,
arrivée dernierement , des côtes de Barbarie , dans
d 3
( 78 )
sette rade , après avoir fait 18 jours de quarantaine ,
eft entrée dans ce port pour être défarmée. La corvette
la Semillante a mis à la vole , ces jours
derniers , pour le rendre en Corfe , où elle a une
miffion partic diere à remplir. On apprend de
Marseille que le patron de la barque l'ami Thomas
a ramené fr fon bord 7 marelots , qu'il a pris à
Rhodes & faifant partie de l'équipage de la tartane
la Sageffe , naufragée à l'entrée du port de
Rhodes. Le Capitaine & le refte de l'équipage
ont resté à terre. Il paroît que les Rais des
corfaires barbarefques ne furchargent pas leurs bâtimens
de provifios de bouche ni d'inftrumens
de navigation , puifque la plupart de nos navires
de commerce qu'ils rencontrent , font obligés de
leur en fournir. Le Capitaine de la barque la Gabrielle
, le trouvant entre le Cap Bon & la Ponteterie
, a été forcé de fe rendre à bord d'une galotte
de Tripoli , & de donner au Rais une partic
des inftr mens néceffaires pour continuer la route
& des vivres pour fon équipage .
-
Depuis 1772 , époque de l'établiſſement
en faveur des noyés , dirigé par les foins de
M. Pia , Chevalier de l'Ordre du Roi , ancien
Echevin de la ville de Paris , on a publié
conftamment les dérails circonftanciés des
fuccès nombreux qu'il a obtenus . On ne fera
pas fâché de trouver ici le réſultat de ceux
de l'année dernière .
» Comme il devient inutile de prétendre ajouter à la
confiance que méritent les moyens curatifs employés
à cet effet , on s'abſtiendra dorénavant de multiplier
les volumes de cet ouvrage , ce qui n'offriroit que
des répétitions de mêmes faits & de mêmes traitemens
; mais pour fuppléer an comp e qu'on eft dans
l'ufage de redre tous les ans des avantages qui
xéfultent de cet utile établiffement , on fe propofe
( 79 )
par la fuite , de donner de tems en tems un précis
le plus fuccinct poffible des évènemens relatifs à la
fubmerfion de chaque année , c'eſt- à-dire , une fimple
récapitulation à laquelle on ajoutera , s'il eſt néceſ- ·
faire , un ou deux des faits les plus intéreffans , de
manière que l'on pourra être inftruit par les Jourde
ce qui fe fera paſſé à ce ſujet. Tel eft , par
exemple , le compte que nous rendons aujourd'hui
pour l'année 1782.
naux ,
--
,
Première Claffe . Noyés retirés de l'eau fans aucune
connoiffance ni mouvement , rappelés à la vie par
les fecours adminiftrés 23. Même Claffe.
Noyés retirés de l'eau évanouis , donnant quelques
fignes de vie , treize . Total , trente- fix.
Seconde Claffe . Noyés ayant éprouvé les fecours
fans fuccès : quelques- uns avoient , en les repêchant,
des fignes caractéristiques d'une mort certaine , 4 .
Troisième Claffe. Noyés repêchés jugés morts ,
fur lefquels on n'a fait aucune tentative pour les
rappeler à la vie ( calavres ) , 9. Toral , 49 .
Ainfi , l'année 1782 comporte 49 perfonnes noyées
& retirées de l'eau , dont 36 ont été fauvées .
-
On nous a fit paffer les détails fuivans
fur une expérience qui ne peut qu'intéreſler
ceux qui plantent & élèvent des arbres à
fruit.
Au lieu de les planter dans des foffés de près.
d'un pied & demi de profondeur , & encore plus en
largeur , comme l'en fait ordinairement , on les a
plantés fimplement dans de petits foffés d'un demiried
de profondeur , après avoir coupé environ la
moitié de l'extrémité de la racine , & avoir mis une
pierte ardoifine au bas de cette petite foffe , pour
empêcher l'extrémité de la racine de plonger bien
avant en terre , ce qui a obligé toutes les racines collatérales
à s'étendre horizontalement tout à l'entour,
dans le meilleur terrein , lequel , comme on fait, ne
d 4
( 80 )
s'étend ordinairement que jufqu'à ſept à huit pouces
de profondeur , tout au plus. Ces arbres à fruit ainfi
plantés , ont rapporté le double des autres arbres à
fruit plantés à la façon ordinaire , & le même Cultivateur
n'a pris d'autre précaution que de labourer
de tems en tems , ou guéreter la fuperficie de la
terre du nouveau plant , environ à deux pouces fimplement
de profondeur ".
On vient de faire à St-Pol en Artois une
découverte des plus importantes.
On y a nouvellement trouvé une fource d'eaux
minérales qui ne cède en rien à celles de Spa. Les
guérifons qu'elles opèrent depuis deux ans , affurent
de leur fuccès. Trois Chymiftes célèbres en ont
fait l'analyfe par orire des Etats d'Artois , & de
M. de Calonne , Intendant de cette Province. Ces
Chymiftes ont opéré féparément ; ils ont prouvé
l'excellente propriété de ces eaux. D'une infinité de
perfonnes qui en ont fait ufage , les unes fe font
trouvées parfaitement guéries , les autres confidérablement
foulagées . Elles réufliffent fingulièrement
dans les maladies nerveuses , dans les vapeurs , dans
les affections hypocondriaques & hiftériques , dans
les obftructions , dans les maladies des femmes ,
les pâles couleurs , les laits répandus , la fuppreffion
des règles ; les maladies de veffie , les graviers & les
glaires retenus dans cette partie ; les humatifmes ,
la goutte , l'afthme , l'hydropifie , l'afcite , les affections
dartreufes , les maladies d'eftomach , & c. On
a enregistré au Greffe de l'Hôtel - de Ville de Saint-
Pol , une multitude de certificats des perfonnes
guéries , on les a imprimés & diftribués par ordre
des Etats d'Artois , qui ont accordé dans leur affemblée
générale dernière 2400 liv. pour l'embelliffement
de la fontaine. L'éloge de ces eaux a été fait
dans l'Almanach d'Artois , article de St - Pol.
M. Vidal , dont nous avons annoncé
( 81 )
quantité de gravures dont le fuccès fait
l'éloge , vient d'augmenter la jolie collection
de fes Eftampes en couleur , de deux nouvelles
gravures , par M. Robillet , d'après
les deffins de M. Monnet ; l'une & l'autre
font du format des quatre faifons qu'il a déja
publiées , & dans le même genre agréable &
galant. La première offre un jeune Vendangeur
endormi , une main appuyée fur un
panier de raifins , & l'autre pofée auprès de
fon chapeau également rempli de grappes ;
une jeune fille placée derrière lui , enlève
doucement un raifin du panier. Cette Eſtampe
a pour titre le Larcin ; la feconde intitulée
l'Amour eft de tout âge , offre un vieillard
qui tient dans fes bras une jeune fille qui
cherche à fe débarraffer de fes empreffemens
qu'elle ne peut partager . L'une & l'autre de
ces Eftampes , dont l'idée cft ingénieufe ,
font d'un effet très-agréable ( 1 ) .
A cette annonce nous en joindrons une autre q i
n'intéreffera pas moins les amateurs . Ce font deux
Eftampes très agréables & très- foignées gravées par
M. Halbon. La premiere d'après le tableau de
M. Fragonart , peintre du Roi, repréfente une femme
écrivant une lettre , fous la dictée ou l'infpiration
de l'Amour appuyé fur fon épaule & lui parlant à
l'oreille ; elle a pour titre : l'Infpiration favorable.
La feconde , dont le titre eft le Meffager fidèle ,
nous montre une femme charmante , tenant un ru
ban auquel eft attachée une colombe qui vient
de lui apporter une lettre ouverte devant elle . Cette
( 1 ) Elles fe trouvent à Paris chez M, Vidal , rue des
Noyers le prix de chacune eft de liv. 10 f.
ds
( 82 )
dernière , qui fait le pendant de l'autre , eff d'après
ar blca de M. Lallié , Académicien ( 1 ) .
On mande de Nevers un fait bien fingulier
& bien intéreffant , que nous nous
emprellons de tranfurire.
·
Le feur Lois Gilet maréchal- des logis dans
le régiment d'Artois cavalerie , depuis 21 ans , &
au fervice du Roi depuis 45 ans , le retiroit de Nevers
où eft on régiment à Autin , près de Ste -Menehould ,
où il elt né comblé des faveurs de S. M. , qui l'a
honoré d'un brevet de retaire , & de 200 liv. de
pei fion . A que'ques lieues d'Autia , il fe détourne
de fa route , s'égare dans des landes , des hayes &
des brouifalies , & continue fon chemin dans l'efpoir
de rencontrer quelqu'un , qui lui dira par où il
faut aller pour gagner le village prochain , lorsqu'il
entend des cris lamentables , qui ui font tourner les
pas de ce côté il voit deux all ffins cachés derriere
une haie , qui avoient ouvert dep , is le haut juſqu'en
bas , avec un poignan 1 , les jupes &-la chemise d'une
fille de 26 ans , l'avoient mife a nu , lui avoient
volć 60 & quelques fols , lui avoient arraché du
col une croix d'or , & l'avoient jettée par terre.
L'un des deux affaffing tenoit un poignard de 18 à
20 pouces de amu le fein droit de la jeune fille ,
en la menaçat de l'en percer fi elle crioit , tandis
que l'atrian onçoit d'une autre manière qu'elle
alloit être la ictime de leur brutalité . Le maréchaldes
-lopis arrive fans étre apperçu ni enten du , à cauſe
du buit que certe fille faifoit en ſe défendant , &
d'un coup de fabre , il abat la joue droite de l'aaffin
qui tenoit le poignard , & qui le laiffe tomber ;
l'autre malheureux tire à l'inftant de fa poche un piltolet
à deux coups pour venger fon camarade , &

( 1 ) Le prix de chacune eft de 3 liv.: elles fe trouvent
ehez M. Halbon , rue du Fouarre , maiſon de M. Mailler ,
Procureur au Parlement.
( 83 )
:
reçoit lui- même un coup qui lui abat le poignet &
fait tomber fon piftolet . Ces deux fcé.érars prennent
la fuite dans des bofquets où il eût peut - être été
dangereux au fieur Gillet de s'engager . Il retourne
a la fille évanouie , rétablit les vètemens &
fa chemife avec les épingles de fa coëff.re , la rappelle
à la vie , & l'accompagne jufques chez les parens
, à qui il la remet. Le poignard & le piftolet
font dépofés dans le greffe de la maré hauilée du
lieu , & l'on eft à la pourfuite des deix coquins .
La moleſtie du maréchal- des logis ne lui permet
point de nommer l'endroit où cette aventure eft arrivée
il eft allez flatté d'avoit fait , par ce trait de
bravoure , le dernier ufage du fabre que le Roi a
bien voulu lui donner , & à lâge de près 70 ans ".
La Société d'Agriculture de la Ville d'Auch ,
autorisée par le Roi à décerner annuellement
un prix d'honneur à l'Auteur du Mémoire
qu'elle a jugé le plus-digne d'être couronné ,
propofe pour le fujet du Prix de l'année prochaine:
De définir la nature de la folle
avoine , d'indiquer les caufes de fa reproduction
plus ou moins abondante en certaines
années , & une méthode fûre pour préſerver
les grains de cette plante parafite , foit par la
préparation des terres , foit par celle des
femences. Les Mémoires feront adreffés à
l'Intendant de la Généralité d'Auch à Auch ;
& ne feront reçus que jufqu'au premier Mars
1784. Le prix eft une gerbe d'argent de
200 livres .
Le Canal de Bourgogne , dont l'objet eft de
joindre l'Océan à la Méditerranée par la Loire & par
la Saône , à travers le Charolois , propofé dès avant
François I , & refté fans exécution , quoiqu'agréé
d 6
( 84 )
,
par ce Prince , quoiqu'il ai même été commencé
fous Henri II , que Henri IV en ait repris le pojet
, & que l'eftimation , les devis & l'adjudication
en ayent été fa tes fous Lous XIII , vient er.fia
d'être accordé par Louis XVI , aux Etats du Duché
de Bourgogne . L'Edit eft du mois de Janvier dernier ,
cette nouvelle voie ouverte au Commerce des deux
mers en attend & femble en néceffiter une autre ',
qui completteroit en effet tout ce qui peut s'exécuter
de plus avantageux pour l'opulence univerfelle
, & la vivification intérieure de la France : c'eſt
la jonction de la Seine & du Rhône au Rhin , par
la rivère du Doubs , qui a fon embouchure dans la
Saône . On fait que la préférence donnée au Doubs
fur la Mozelle , pour opérer cette jonction , pareroit
à plus d'inconvéniens , & ouvriroit la Correfpondance
la plus courte & la plus directe entre les
différentes parties du Royaume , avec les Pays
Etrangers circonvoifins , pourroit même étendre la
navigation par le Danube , jufqu'aux extrémités de
l'Europe ; alors le Canal de Bourgogne , auquel ce
dernier fe réuniroit deviendroit , pour ainfi dire ,
la veine pulmonaire de la France . C'eft delà que le
fang élancé avec vigueur dans une infinité d'autres
vaiffeaux , porteroit de toute part dans ce grand
corps , la vie & l'embonpoint. Il y a donc lieu
d'efpérer que l'entrepriſe du Canal de Bourgogne ,
que cette entrepriſe fi digne des vûes d'utilité publique
, qui portent le Roi à augmenter le nombre
des Canaux navigables , ne reftera pas imparfaite ,
que la communication de la Saône & du Rhône au
Rhin par le Doubs , formant une partie effentielle ,
& même indi penfable de la conftruction du premier
Canal , ne tardera pas à s'effectuer. L'Edit
contient vingt- deux Articles , le Roi permet aux
Etats de Bourgogne d'ouvrir ce Canal à leurs frais
& à l'exclufion de tous autres , depuis Châlons
juſqu'à Dijon , en fuivant le cours des rivières de
-
185 )
Talie , de Dheure & Bourbine ; le furplus de l'Edit
en leur accordant cette conceffion à perpétuité , pref
crit les règles que les Etats auront à fuivre dans l'acquifition
de l'emplacement du Canal , ainfi que dans fa
conftruction & dans fon entretien , & détermine la
manière d'en jouir & de l'exploiter. Le Roi leur abandonne
même gratuitement & fans indemnité de leur
part envers les Fermiers & Engagiftes , tous les fonds
de fon Domaine , de quelque nature qu'ils foient ,
fur toute la largeur néceffaire , conformément aux
plans & devis , pour l'établiffement des ponts, étangs
& réservoirs , & fur une largeur de cent cinquante
pieds , dans tout le refte de fon cours , enfemble les
caux des fources , étangs & rivières qui lui appar
tiennent , avec la feule réſerve de la dépouille des
bois & des matériaux des bâtimens conftruits fur
les fonds , les rivières & les ruiffeaux qu'il concède.
Par le onzième Article , & en exécution de la délibération
des Elus Généraux , en date du 31 Acût
dernier , les Etats font & demeurent chargés de la
confection , fans délai & fans interruption , & de
l'entretien à perpétuité du Canal & de fes dépendances
. Le quatorzième Article , autorife les États
à percevoir à perpétuité un droit de 6 deniers par
lieues de 18,000 pieds de Roi , ou 3000 toifes
pour chaque quintal poids de marc , fur tout ce qui
fera voituré par le Canal , & de plus 5 fols par
chaque bateau vuide , à l'ouverture de chaque éc'uie ,
& à peine confifcation des effets & bateaux , & de
300 livres d'amende au profit des Etats . L'Article
fuivant leur accorde la faculté de diminuer ces
droits , ainfi qu'ils le trouveront le plus convenable
pour le bien du Cemmerce , & for tels objets
qu'ils jugeront à propos. Le dix - huitième Article
concede encore aux Etats la faculté exclufive d'entretenir
fur le Canal , une Diligence de Châlons à
Dijon , & de Dijon à Châions , 3 fois par lieues
pour tous droits. Sa Majefté accorde enfin aux Etats,
( 86 )
ralativement à ce Canal , toutes les exemptions
droits & priviléges attribués jufqu'ici aux entreprites
les plus grandes en ce genre & les plus dignes
d'encouragemens . Le dernier Article confacre lajuftice
du Roi envers deux freres , M. de Raguet- Bran
cion , Meltre- de - Cam » , Commandant du cinquième
Régiment d'Etat Major , & M. de Raguet - Braneion
, Capitaine au Corps Royal du Génie , qui
avoit rappellé fon intention fur l'ancien projet de
ce Canal , & qui par des recherches & des travaux
faits à leurs frais , en avoient conftaté la poffibilité
& montré les avantages. Le Roi leur affigne à
chacun d'eux , à commencer du premier Janvier ,
une penfion annuelle & viagère de 3000 livres ,
réversible au furvivant d'eux ; laquelle penfion fera
portée à 10,000 livres pour chacun , avec pareille
condition de réverfion au furvivant , du moment
où ce Canal fera navigable dans tout fon cours «.
On compte depuis le 29 Avril jufqu'au 13
Mai dernier , jour auquel , à 9 heures du
foir , un jeune homme fè précipita du pontroyal
dans la Seine , 16 malheureuſes victimes
du fuicide ; on pourroit attribuer ces
excès de démence aux funeftes effets de la
dépravation des moeurs .
On s'occupe beaucoup aujourd'hui de la reftauration
des haras , branche très effentielle , qui
étoit négligée dans ce royaume. Quelque mérite
qu'on puille attacher aux chevaux étrangers , &
quelque loin que puiffe s'étendre ce préjugé pernicieux
pour le commerce & le bien de la France , il
eft certain que les chevaux qu'elle fournit font tout
auffi bons , auffi beaux & auffi propres au fervice
que ceux d'anc ins pays que ce foit , lauf peut- être
quelque qualité plus brilla te qu'urile , & qu'avec
der foins on feroit fans doute acquérir aux chevaux
françois.L'attention que le Gouvernement paroît voạ
( 87 )
loir donner à cet objet intéreffant , ne peut que pro
duire un très-grand bien ; & peut être un jour ,
les jeunes feigneurs de ce pays , renonçant à la
manie de fe ruiner pour enrichir nos voifins , ne
porteront plus ailleurs leur argent pour acheter des
courfiers qui , dans le fait , ne fontpropres a ascun
fervice réel , fi ce n'eft peut- être à fatisfaire un
moment de vanité fort difpendieux . On a connu ici
un cheval acheté 17 cens guinées en Angleterre ,
dont tout le mérite fe réduit à crever le lendemain
d'une courfe qui avoit beaucoup amalé nos oififs « .
Louis Armand- François de la Rochefoucauld
, Duc d'Eftiſfac , premier Baron de
Champagne , Grand -Maître de la Garderobe
du Roi , Chevalier de fes Ordres , Brigadier
de fes Armées , Gouverreur de Bapaume ,
Marquis d'Hallain , de Liancourt , Comte
de Durtal , Seigneur de Beleftat & autres
lieux , eft mort ici , en fon Hôtel rue de
Varenne Fauxbourg St-Germain.
De BRUXELLES , le 10 Juin.
SELON les lettres de La Haye la Requête
que les Négocians ont préſentée aux Etats-
Généraux pour les prier de porter leur attention
fur les liaiſons avantageuſes à former
entre la Ruffie & la République , a été prise
en confidération , & on va s'occuper d'un
nouveau traité de commerce dans lequel on
tâchera d'obtenir que le paiement des péages
dans les ports de ce vafte Empire , foit réglé
d'une manière moins onéreuse pour les fujets
de la République.
La Compagnie des Indes occidentales a
( 88 )
préfenté auffi un Mémoire fur le tort qu'éprouvent
les habitans de tous les établiffemens
Hollandois en Amérique , par la déten
tion de leurs efclaves fugitifs fur le territoire
Efpagnol ; ce Mé noire a été remis au Comte
de Rechteren , Envoyé des Etats- Généraux à
Madrid , avec la recommandation expreffe
d'infifter pour le redreflement de ce grief.
» Les Etats de Hollande & de Weſtfiſe , écriton
d'Amfterdam , ont été affemblés à la fin du mois
dernier. Les Députés de Dort ont marqué leur
étonnement de ce que le Haut-Confeil de guerre
tenoir des affemblées & portoit des fentences , malgré
la fuppreflion dénoncée par les Etats de Hol
lande. LL. NN. & GG. PP. ont pris en conféquence
une réfolution portant en fubftance , qu'il
fera déclaré au foi- difant Haut- Confeil de guerre ,
q'il n'ait plus à s'affembler fur le territoire de
Hollande , ni à y exercer aucune espèce de jurif
diction , & qu'il foit enjoint à la Cour de Justice
de veiller de la manière la plus ftable , à ce que
la réfolution de LL. NN. & GG . PP. au sujet
de la fuppreffion de ce Tribunal , foit obfervée
dans tous fes points . Tel eft le Réfumé fuccinct
de cette réfolution adoptée par tous les 18 Membres
des Villes : l'Ordre Equeftre s'y eft feul oppofé ".
On dit que les Etats ont demandé en mêmetems
la communication de toutes les pièces
relatives à l'affaire des prifonniers de Witte
& Brakel.
Les Officiers de mer , écrit - on de La Haye , ayant
demandé des ordres fir leur cond site relativement
au falut & contre- falut , au cas qu'ils rencontrâffent
des vailleaux des Etats- Unis de l'Amérique , ou du
Roi de la Grande-Bretagne ; le Stadhouder a donné
avis de cette queftion aux Etats - Généraux , pour ap
prendre à ce fujet les intentions de L. H. P. ; fur quɔi
( 89 )
MM. les Commiffaires , après avoir pris l'avis des
Amirautés , ont dit que les circonftances actuelles
permettent de donner & de rendre le falut & contrefalut
entre les vaiffeaux du Roi de la G. B. & ceux de
la République , comme auffi entre ces derniers & les
vailleaux des Etats-Unis de l'Amérique feptentrionale
: mais que le Traité de l'an 1674 avec la G. B. ,
qui a déterminé la manière de rendre le falut dans
des parages particuliers de la mer , ayant perdu fa
force , ne fauroit plus être la règle d'après laquelle
les Officiers doivent fe conduire à l'égard des Anglois
; & que , toutes différences de mers ceffant ,
l'on doit fe conformer au rang , qui fubfifte entre
les Puiffances : qu'à l'égard de ce rang , L. H. P.
ayant déterminé par leur réfolution du 23 Janvier
1778 , que leurs vaiffeaux ne doivent pas faire dif
fic lté de faluer les premiers ceux de toutes les Puiffances
Couronnées , & que même dans quelques
cas l'on peut faire ce falut en amenant le pavillon ,
les Officiers de la République n'ont pas lieu de fe
faire fcrupule de faluer les premiers , par civilité ,
les vaiffeaux Anglois en mer & dans les ports ou
rades d'autres Puitlances ; & qu'auffi long- tems qu'il
n'aura pas été fait de convention ultérieure pour les
faluts fur mer , ils doivent le conduire à cet égard ,
de façon que le falut puiffe être regardé par les
Anglois comme une véritable civilité, fans contelter
avec eux fur ce fujer , ni fur le contre- falut
qu'en revanche les Officiers de la République peuvent
attendre le falur des vaiffeaux des Etats - Unis
de l'Amérique , fans l'exiger néanmoins , & le réciproquer
, lorfqu'il eſt fait , par un contre - falit
égal , la réfolution de L. H. P. du Janvier 1671
reftant , à l'égard des deux Puiffances fufdites , la
règle des Officiers de l'Etat , entrant à une rade .
Angloife ou Américaine «.
PRÉCIS DES GAZETTES ANGLOISES , du 4 Juin.
Le traité avec les Marattes n'eft pas encore ras
( 90 )
tifié. Tout ce qu'on avoit dit fur cet objet avoit
été inventé , dit -on , par les amis de M. Haftings
qui cherchent à attaquer M. Burke , & à détruire ,
par des menfonges , ce qu'ils ne peuvent pas réfuter
par des faits ou par de bons railonnemens.
Il eft fâcheux que l'examen du projet que le
Chevalier Herbert Mackworth s'eft propolé de
mettre fous les yeux de la Chambre des Com- ,
munes , pour un meilleur Règlement concernant
les Matelors Anglois , foit remis aux feffions prochaines
du Parlement . Cette affaire ne pouvoit pas
être préfentée dans une époque plus favorable que
dans celle- ci , où nos braves Matelots implorent
l'appui & la protection du public. Tout délai par
rapport à un objet auffi important , eft très- dangereux
, parce qu'il nous fera perdre un nombie
infini d'excellens fujets qui , mourant de faim dans
ce pays - ci , pafferont chez l'étranger pour y trouver
du pain & du fervice.
Le Confeil de l'Amirauté a fait un Règlement
qui porte que les Matelots du Quéen , vaiſſeau de
guerre de 90 canons , lefquels ont commencé l'émeute
à Portmouth , ne jouiront pas du privilége
d'entrer à l'Hopital de Gréenwich , & qu'ils ne feront
employés , par la fuite , à bord d'aucun vailfeau
ou bâtiment de guerre en qualité de Volon
taires ; & que dans le cas où ils feroient enrôlés
par les gens chargés de faire la preffe , ils ne feroient
jamais avancés au- deflus du rang de Recrues
de terre , & payés en conféquence .
Le Gouvernement va faire faire de grands travaux
au chantier du Roi à Woolwick. On y emploie
déja beaucoup d'ouvriers , anfi que les crimi
nels condamnés aux travaux publics . On efpère
auffi remédier au danger que court la navigation
dans la Tamife , relativement à une barre qui fe
forme devant Woolwich.
On prépare à Deptford fix gros bâtimens mutionnaires
pour tranfperter des troupes fraîches
( 91 )
à Gibraltar , & ramener en Angleterre la garnifon
qui eft actuellement dans cette Place .
Nos troupes n'auront totalement arrivé à New-
Yorck qu'au mois d'Août. La réduction de l'armée
Angloife à 10,500 hommes effectifs , y compris
les Officiers , pendant l'étab'iffement de paix , eft
réfolue dans le Cabinet , & en n'attend , pour la
pub ier , que la faction du Parlement.
Les Colonels des divers Régimens qui ne font
Fas encore licenties , & qui devoient l'être inceffamment
, ont reçu ordre de fufpendre cette opération
jufqu'à nouvel avis.
Quelqu'effrayant que foit l'emprunt de cette année
, nous ferons forcés d'en faire un autre bien
plus confidérable encore l'année prochaine ; & la
Nation peut s'attendre à voir ſes charges augmentées
de deux ou trois millions de taxes.
L'argent vient de tomber de deux fols par once ,
& il fera beaucoup plus bas avant peu.
On dit que M. Fox eft endetté de 35,000 liv. ft.
Le Confeil de guerre affemblé pour juger le
Lieutenant - Colonel Cockburne , ci- devant Commandant
de St Euſtache , a tenu fa derniere féance
le 3 1 du mois dernier , & prononcé qu'il étoit coupable
de tout ce qui étoit contenu dans l'accufation
qu'il doit être en conféquence caffé & déclaré incapable
de fervir S. M. dans aucun Corps militaire.
Le Confeil a déclaré enfuite dans les termes les plus
honorables qu'il n'y avoit pas la moindre ombre
d'imputation fur la conduite du Capitaine Makenzie,
du Capitaine Roger on . On obferve comme une
circonstance finguliere que le Lieutenant - Colonel
Co kburne ait perdu ſon état & fon honneur , précifément
le même jour que deux ans auparavant il avoit
fuccédé an Brigadier- Géral Ogi vie dans le commandement
de St-Eufla he.
Il doit fe tenir aujourd hui une affemblée de
Négocians & de Marcha ds pour examiner les fuites
dangereufes & la confufion qui doivent réfulter de
( 92 )
Ja taxe des quittances. On croit qu'il fera réfolu de
préfenter une pétition à la Chambre des Communes
pour qu'elle foit révoquée,
Le Général Washington a demandé au Congrès
la permiffion de fe retirer fans rien ftipuler pour
1i- même. L'Hiftoire Romaine n'offre pas un plus
beau trait de défintéreffement & de patrioti me.
Un Sergent de l'armée continentale appellé Jomathan
Arnold , perfuadé qu'il étoit humiliant pour
lui de porter ce nɔm , qui rappelle celui de l'ancien
Général Américain , a obtenu de l'affemblée d'Hertford
dans le Connecticut la permiffion de le quitter
& de prendre celui de Stuben .
GAZETTE DES TRIBUNAUX ABRÉGÉE.
PARLEMENT DE PARIS , GRAND - CHAMBRE.
Caufe entre la dame Ferouffa , prenant le fait &
caufe de la demoiselle Ferouffa fa fille ; Et
le fieur Broune. Demande en dommages &
intérêts pour inexécution de promeffe de mariage.
-
-
Le fieur Broune , fils d'un jardinier de la Maiſon
Royale de Choify , âgé de 27 ans , ayant été préfenté
aux fieur & dame Ferouffa , négocians , tenant
une manufacture dans les environs de Choily , devint
amoureux de leur fille , âgée de 19 ans ; if
chargea une tierce - perfonne d'en faire pour lui la
demande. Les pere & mere de la demoiſelle Ferouſſa ,
répondirent que leur fille n'apporteroit que 1000
écus en dot , que fes espérances pourroient monter
en tout à 24,000 liv . , & que peut- être cela ne fuffifoit
pas au jeune homme. Le fieur Broune inftruit
de la fortune de la demoiſelle redoubla (es felicitations
, & les pere & mere confentirent au mariage .
Les conventions furent arrêtées & fignées. Le chofes
en cet état le jeune homme fut reçu & traité chez
les Geur & dame Ferouffa comme le fils de la maifon
, mais le mariage ne put être célébré : le futur ,
à raison de fon état , fut obligé de faire différentes
tournées dans des manufactures , & la célébration
( 93 )
fut remiſe à fon retour. Pendant fon voyage il écri
vit à la prétendue ; fes lettres refpiroient la tendreffe
& le fentiment ; il écrivit auffi à une de fes tantes ,
& prenoit par anticipation la qualité de neveu. Ses
pere & mere par un efprit de réciprocité , emmenoient
la demoiſelle Ferouffa chez eux paffer plufieurs
jours , la produ:foient & l'annonçoient comme leur
bru. Cependant le fieur Broune , de retour de fes
voyages , ne fut plus le même , l'éloignement l'a
voit refroidi ; il rempit avec la demoiſelle Ferouſſa ,
à laquelle il ne put faire d'autre reproche que l'infuffifance
de fa fortune & la modicité de fa dot . Les
pere & mere de la demoiſelle Feroulla formèrent
contre le jeune homme ure demande en dommagesintérêts
une Sentence du Châtelet leur accorda
6000 liv. Appel de la part du fieur de Broune ,
& Arrêt du 15 Février 1782 qui , en infirmant , a
modéré les dommages - intérêts à 3000 liv .
-
-
-
Caufe entre le Comte de Jupilles ; Et les Adminiſtrateurs
de l Hopital de Frénay au Maine.
Dans la Coutume du Maine , l'acquéreur à
jufte titre & de bonne foi , prefcrit par dix &
vingt ans , quand il s'agit de nouveaux acquêts ,
qui, étant encore dans le commerce , peuvent
être aliénés comme biens laïcs aux termes de cette
Coutume.
-
Il existe dans la petite ville de Frénay , Province du
Maine , un Hopital qui poflédoit depuis quelques
années une Métairie appellée la métairie des Grands-
Champs , fituée dans la cenfive du fief de la Douettée ,
dépendant de la Terre de Moulins , appartenante au
Comte de Jupilles . Celui- ci en 1735 voulut
obliger les Adminiſtrateurs dudit hopital à mettre cet
héritage hors de leurs mains. Lademande , d'abord
conteftée , fut enfuite accordée , & le 12 Mai 1736
il fut paffé une tranſaction entre le Bailli , le Procureur
du Roi , le Curé de Frénay , Adminiſtrateurs nés
dudit Hopital , & le Comte de Jupilles , Seigneur de
Moulins, par laquelle après avoir rappelle la con(
94 )
reftation élevée entre les Parties , & pour l'affou pir ;
les Adminiftrateurs vendent , cèdent , tranfportent
au feur de Moulins , la Métairie des Grands - Champs ,
moyennant 600 liv . payées comptant , & une rente
annuelle & perpétuelle de 145 liv. payable jusqu'à
l'amortiffement qu'il en pourra faire , moyennant
2900 liv. Or , cette Métairie n'étoit alors affermée
que 135 liv. par an , d'où il réſultoit un bénéfice net
pout l'Hopital , au moyen de 600 livres d'argent
comptant , la décharge de l'entretien des bâtimens
& des réparations lors à faire , & des impofitions à
payer plus , l'augmentation de 10 livres de tente .
En 1751 , le fils aîné du Comte de Jupilles , à
qui , par contrat de mariage , le père avoit cédé tous
fes biens , vendit ladite Métairie au fieur Goué ,
Curé de Heftou , Paroiffe voiſine de Moulins , & le
chargea de la rente foncière due à l'Hopital , qui a
été fervie par le Curé & fes héritiers . En 1755 ,
--
la mort du Curé de Heftoa , le Comte de Jupilles
ayant acheté les droits de plufieurs héritiers dans fa
fucceffion , eft redevenu propriétaire de la même
Métairie des grands Champs , & en a joui tranquille .
ment jufqu'en 1776. Dans l'efpace de quarante ans
depuis l'époque de la tranfaction jufqu'en 1736 , H
a été fait , foit par le Comte de Jupilles , foit par
le Curé de Heftou , foit par le père du Comte de
Jupilles , des dépenſes confidérables dans la Métairie .
C'eft en cet état , & après un fi long eſpace de tems ,
que , par exploit du 12 Mars 1776 , les Adminiftrateurs
de l'Hopital ont fait affigner le Comte de
Jupilles , pour voir déclarer la tranfaction du 12
Mars 1776 nulle , & être réintégrés dans la propriété
de la Mérairie des grands Champs. Sur cette
demande , Sentence du Juge de Frénay , par défaut ,
le 24 Mai 1777 , adjudicative des conclufions de
P'Hopital. Appel au Siége de la Flèche. Autre Sentence
par défaut confirmative , le 30 Avril 1779.
Appel. Arrêt du douze Avril 1783 qui a
mis l'appellation au néant ; émendant , décharge
-
19و ر 5
.
I'Appellant des condamnations prononcées contre
lui , & déboute l'Hopital de fa demande , avec dépens.
Mère autorisée par Juftice à marier fa fille fans le
confentement du père , abfent pour voyage de
long cours.
Le fieur Lion , Capitaine de navire à la Rochelle ,
partit en 1782 pour les grandes Indes , laiifant fa femme
en France avec trois filles en âge d'être mariées :
il oublia de laiffer fa procuration à la dame Lion ,
à l'effet de conſentir aux établiſſemens de ſes filles .
Six mois après le départ du père , l'aînée , âgée de
22 ans , fut recherchée par le fieur Chouleau , Capitaine
de navire , ami du père de la demoiſelle Lion ,
& auquel le fieur Lion lui-même avoit , dans différentes
circonftances , témoigné , par lettre , qu'il le
défiroit pour gendre. La mère confentit au mariage ,
& autorifa les conventions qui devoient être ftipulées
; mais le Curé refuſa de donner la Bénédiction
nuptiale , faute de repréſentation du confentement
du père , ou d'une procuration laiffée à la dame Lion ,
l'effet de confentir , pour lui , au mariage de fa
fille. La dame Lion préfenta fa Requête aux Jigs
de la Rochelle , pour être autoriſée à donner foa
confentement à l'union propofée & agréée par la
famille , & demanda qu'il fût enjoint au Curé de
donner la Bénédiction nuptiale aux Parties.

Sentence qui renvoya la mère à ſe pourvoir au Parlement.
Requête en la Cour , & Arrêt du 14 Mai
1783 , qui autorife la dame Lion à confentir au
mariage , & enjoint au Curé de paſſer outre à la
célébration.
REQUETES DU PALAIS.
Caufe entre la Baronne de Menicles . & le Chevalier
de Menicles fon fils , Capitaine aux
Gardes-Françoifes. Demande en penfion alimentaire
d'un Fils contrefa Mère.
C'est un devoir réciproque des pères & mères &
( 96 )
Y
des enfans de venir au fecours les uns des autres .
Lorfque Fun ne poffede pas affez de bien pour fubfifter
fuivant fon état , & que la fortune de l'autre
lui permet du fien un emploi auffi légitimė. Venons
à l'application. Le Chevalier de Menicles , n'avoit
du chef de fon père que 1100 liv. de rente , il étoit
Lieutenant aux Gardes , & a vécu avec la dame fa
mère , jufqu'à l'âge de so ans . La dame de Menicles
l'avoit logé nourri & défrayé chez elle , lui & ſon
domeftique , & indépendaminent de ces avantages ,
elle lui avoit payé une penfion de 3000 live , pour
paroître honorablement dans le monde.
-
Certe
penfion , jointe aux appointements artachés à fon
grade , & les 100 liv. de rente qu'il avoit de fon
père étoit fuffifante . Il y a trois ans , le Chevalier
de Menicles , crut devoir à fon avancement , d'atheera
ter une Compagnie qui lui a coûté 70,000 hiv . , dont
30,000 ont été payées à l'égard des 40,000 liv.
reftant , il a délégué les appointemens de Capitaine ,
montant à 10,000 liv. par an , jufqu'à parfair paie
ment. Dans le même-tems , des difficultés d'humeur
& de caractère feparèrent la mère & le fils — Le
Chevalier de Menicles alors privé des fecours qu'il
recevoit dans la maiſon de la dame fa mère , & hors
d'état de fe foutenir convenablement à fon rang , fit
affigner la dame Menicles , jouiffante d'une fortune
confidérable , pour la faire condamner à lui payer
12,000 liv. de penfion . - Sentence du 28 Février
1783 , qui fans s'arrêter aux offres de la Baronne de
Menicles , ( de faire trouver à ſon fils les 40,000 liv. ,
à la charge par lui de payer 2000 liv. d'intérêt ,
jufqu'au remboursement ) a déclaré lefdites offres
infuffi antes , l'a condamnée à acquiter les 40 000 liv.
reftantes du prix de l'office de Capitaine aux Gardes,
dont eft pourvu le Chevalier de Menicles , & les intérêts
de ladite fomme , à compter du 24 Novembre
1782 , époque de la demande ; fut le furplus des demandes
fins & conclufions des parties , les a miles
hors de Cour , dépends compenfés.
JOURNAL POLITIQUE
DE BRUXELLES.
TURQUIE.
De CONSTANTINOPLE , le 27 Avril.
L
ES préparatifs de guerre continuent toujours
dans cette Capitale , ainfi que les
conférences entre le Miniftre Ruffe & le
Reis- Effendi , qui font quelquefois fufpendues
, mais toujours repriſes enfuite après
un court intervalle . On ignore quelle en fera
l'iffue ; mais on prétend que le Divan paroît
déterminé à s'expofer à la guerre plutôt
qu'à faire des facrifices humilians . Si l'Envoyé
que le Capitan - Bacha a dépêché à
Alexandrie pour préfenter des armes à Murat
Bey , eft en effet chargé d'obliger tous
les vaiffeaux Turcs qui font au Port vieux
de venir à Conftantinople , & de tirer de
l'Egypte une quantité confidérable de poudre
, on pourra en conclure que la Porte
n'eft pas entièrement raffurée fur les intentions
de fes voifins.
33
Le parti des Beys exilés dans la haute- Egypte ,
21 Juin 1783.
( 98 )
écrit-on du Caire , groffit chaque jour par l'arrivée
des mécontens qui s'empreffent de le joindre. Murat-
Bey , réfolu de les foumettre , a raffemblé une a mée
& fe difpofe à fe mettre en campagne à la fin de ce
mois ( de Mars ) . Ce n'eft pas fans peine qu'on l'a
engagé à différer jufques- là fon expédition pour
laiffer aux habitans de la haute-Egypte le tenis de recueillir
leurs grains dont la récolte commence en
Février ; elle a été retardée cette année parce que
l'inondation da Nil n'a pas porté les eaux à la hauteur
ordinaire , que plufieurs terres n'ont pas été arrofées
, & que le pays eft menacé de la difette. La
fupériorité des forces de Murat Bey doit faire
bien augurer de fon expédition ; mais on fe défie de
la fidélité des Officiers & des troupes qu'il a à fes
ordres , & l'on ne fera pas fans inquiétude jufqu'à ce
que l'on fache l'iffee des premiers combats «<,
On attend inceffamment l'Ambaffadeur
d'Abdulfat Kan , qui depuis la victoire qu'il
remporta le 13 Octobre dernier fur Murat-
Kan , Régent de Perfe , qui périt dans ce
combat avec trois de fes fils , & laiffa quatre
de fes filles au pouvoir du vainqueur , s'eft
fait proclamer Souverain de ce pays , où il
n'a plus de compétiteurs . Son Ambaffadeur
eft chargé de régler ici les limites refpectives
des deux Empires.
On apprend de Smyrne qu'on y a effuyé
un orage confidér ble. Le tonnerre eft , diton
, tombé fur un bâtiment François qui
alloit mettre à la voile pour Forchia- Nova ;
quelques perfonnes ont été tuées & plufieurs
autres bleffées.
( 99 )
1 RUSSIE:
De PETERSBOURG , le 12 Mai.
de
LE Prince de Repnin eft parti le 9
ce mois pour l'armée ; il fera fuivi inceffamment
par le Général de Soltikoff ; le
Prince de Wurtemberg ne tardera pas à le
fuivre , il eft parti pour la Finlande où il
va prendre poffeffion de fon Gouvernement ,
après quoi il prendra la route de l'armée.
L'Impératrice a fait faire pour les Princes.
qui gouvernent la Géorgie , une couronne
d'or & un fceptre garni de brillans . Ces
préfens ont été envoyés par un Courier au
Prince Potemkin qui a ordre de les leur
faire parvenir.
La flotte qui fe trouve actuellement à
Cronstadt , prête à mettre à la voile , eft
compofée de 20 vaiffeaux & partagée en
deux divifions . On n'attend , dit on , pour
la faire partir , qu'un Courier de Conftantinople
dont l'arrivée décidera fi la guerre
aura lieu ou non.
DANEMAR CK.
De COPENHAGUE , le 18 Mai.
Le vol qui a été fait à la Compagnie
Aliatique par quelques uns de fes Employés
infidèles , monte , dit- on , à quatre ou cinq
tonnes d'or.
Les circonstances n'étant point favora-
C 2
( 100 )
bles à la vente des marchandifes arrivées
des Indes orientales & occidentales , on eft
forcé de les garder dans les magaſins jufqu'à
des tems plus heureux.
On apprend d'Elfeneur qu'il y eft arrivé
un navire commerçant Américain venu de
Bofton & deftiné pour Riga ; c'est le premier
vaiffeau des Etats - Unis qui ait paru
dans nos mers.
» Le fieur Bolte , Marchand de vins , établi ici depuis
quelques années , & qui a fait une fortune immenfe
dans ce commerce , a beaucoup furpris cette
ville , & effrayé plufieurs mailons en déclarant qu'il
manquoit , ce qui a entraîné quatre autres banqueroutes.
Il a bien augmenté l'étonnement le lendemain
, quand on l'a vu paroître à la Bourſe , & déclarer
qu'il ne manquoit que parce que la Banque
avoit refusé d'escompter fes lettres de change ; &
afin de montrer qu'il avoit des reſources pour fatisfaire
à fes engagemens , il a prouvé qu'il poffédoit
1,700,000 écus fur lefquels il n'en devoit
que 500,000 . Il a remis enfuite à la Banque pour
1,300,000 écus d'effets fur lefquels on lui en a avancé
600,000 , de forte qu'il poffede encore un capital
met de 1,200, coọ écus «.
SUÈDE.
De STOCKHOLM , le 20 Mai,
DANS les fêtes qui ont eu lieu à Ulrichſdahl
, à l'occafion de l'anniverfaire de la
naiffance de la Princeffe de Suède , on diftingua
une Pièce écrite en langue Suédoife
& repréfentée fur le théâtre du Château ;
elle a pour titre : la Générofité de Guſtave(
101 )
Adolphe. La principale Nobleffe & les
Minftres étrangers avoient été invités à cette
fête , dont cette Pièce également intéreffante
par le fujet & par fon augufte Auteur , ne
fit pas le moindre ornement.
Pour encourager la navigation Suédoife
& le commerce entre ce Royaume & l'Amérique
feptentrionale & les ifles , le Roi
a rendu une Ordonnance qui modère d'un
tiers les droits de Douane fur les marchandifes
de cette partie du monde , importées
fur des bâtimens Suédois ; ces navires jouiront
des mêmes prérogatives & libertés dont
jouit la navigation vers la Méditerranée .
Le Prince de Heffe - Darmstadt qui a paffé
quelque tems dans cette Capitale , a été
chargé par le Roi d'aller vifiter l'efcadre à
Carlfcron , & d'infpecter les troupes campées
dans les environs ; il ſe rendra enfuite
au camp de Finlande.
ALLEMAGNE.
De VIENNE >
le 26 Mai.
L'EMPEREUR eft attendu inceffamment
de retour dans cette Capitale pour affitter
au camp près de Laxembourg , dont l'ouverture
doit fe faire au commencement du
mois prochain. On croit que celui de Peſt
n'aura pas lieu , & que les troupes deftinées
à le compofer marcheront pour renforcer
le cordon fur les frontières de la Turquie.
€ 3
( 102 ) .
Parmi les projets , écrit- on de Peterwaradin ,
pour faire fleurir le commerce dans tous les Etais de
la Maifon d'Autriche , dans ceux même qui paroiffoient
le moins fufceptibles de cette fource de prof
périté nationale , celui d'une communication libre
& directe avec les Etats Ottomans & la mer Noire
par le Danube , n'eft pas un des moins remarquables .
Ce projet favorisé par la tournure des affaires s'exécute
aujourd'hui . Deux navires équipés & chargés
pour le compre de la maifon de Ville-Hoven & C.
Négocians de Vienne , ayant defcendu le Danube
jufqu'à Semlin , arrivèrent le 6 de ce mois vis- à- vis
de Belgrade. Leurs Capitaines s'adreſsèrent d'abord
au Bacha pour lui demander la permiffion de pourfuivre
leur route par les Etats Ottomans , jufqu'à
l'embouchure du fleuve ; il la leur accorda fur - lechamp
, & joignit au paffeport qu'il leur fit expédier
tous les témoignages poffibles d'amitié & de
bon voisinage ; le 8 les deux navires continuèrent
leur voyage pour la mer Noire ; ils font deftinés l'un
pour Conftantinople , l'autre pour la nouvelle ville
de Cherfon , & chargés d'une très - grande quantité
de marchandifes étrangères , mais fur- tout de productions
du pays & particulièrement de vin de
Hongrie. Il s'y trouve auffi plufieurs Officiers , entr'autres
les Capitaines de Lauther & de Reding , un
Lieutenant & deux Enfeignes , ainfi que M. de Raab ,
fils du Confeiller de Cour de ce nom , & M. de Subi ;
mais ce dernier ayant pris terre à Belgrade , fe rend
en droiture à Conftantinople «.
Des lettres de Hongrie portent qu'il y
arrive beaucoup de familles Ottomanes qui
demandent des établiffemens dans ce Royaume.
Il en est arrivé dernièrement plufieurs
compofant 2900 perfonnes ; 6 de ces familles
ont , dit-on , demandé le Baptême.
On apprend de Triefte qu'on y a lancé
( 103 )
le 13 de ce mois un bâtiment d'une nouvelle
conftruction ; il portera 1350 tonneaux
ou 16,000 quintaux. Le Propriétaire eft M.
Strohlenberg , Négociant , & le Conſtruc
teur M. Pierre Nocetti.
Il circule ici une lifte des Couvents &
Abbayes qui feront encore fupprimés ou
incorporés dans d'autres maifons en Bohême.
Leur nombre y eft porté à 64 .
De HAMBOURG , le 30 Mai.
La même incertitude & la même variété
règnent toujours dans les nouvelles du
Nord relativement à l'orage qui menace
depuis fi long- tems l'Empire Ottoman ; les
apparences femblent être toutes pour annoncer
qu'il ne tardera pas à éclater ; les
préparatifs font immenfes & continuent de
part & d'autre . Le départ du Prince de
Repnin pour l'armée , celui du Général
Soltikof & du Prince de Wurtemberg , qui
ont dû le fuivre depuis , femblent être un
indice du commencement prochain des hoftilités
. Tous les avis des frontières de la
Turquie annoncent que deux corps confidérables
de Spahis vont fe mettre en marche
pour camper aux environs de Bender &
d'Oczakow ; que les troupes Orromanes
font de tous côtés en mouverent vers les
frontières ; que la Porte eft continuellement
occupée de la réparation de fes places
fortes , & qu'elle a à fon fervice un des plus
habiles Ingénieurs Européens que des mé-
€ 4
( 104 )
contentemens particuliers ont engagé à quitter
fa patrie. 6000 Spahis font campés autour
de Belgrade , où l'on croit qu'ils feront employés
à en réparer les fortifications.
Toutes ces difpofitions , tous ces mouvemens
, viennent à l'appui du bruit qui
s'eft répandu de la réfolution priſe par le
Grand- Seigneur , de refufer les facrifices
qu'on lui impofe & de préférer la guerie ;
ils femblent confirmer auffi ce que l'on dit
du peu de fuccès des conférences du Miniftre
de Ruffie avec le Reis Effendi , &
de la conftance avec laquelle la Porte perfifte
dans fa demande de vifiter les bâtimens
marchands Ruffes qui pafferont par le canal.
Dans tous les détails qu'on publie maintenant
, il n'eft queftion que des démêlés
entre la Ruffie & l'Empire Ottoman ; on
ne parle plus de ceux de la Maifon d'Autriche
qu'on fuppofe arrangés ; ce qui donne
quelque confiftance à cette fuppofition
c'eft le paffage libre, accordé par le Bacha
de Belgrade à deux navires Autrichiens ;
& le bon ordre que ce Bacha maintient fur
la frontière , prouve que le Gouvernement
Ottoman ménage l'Empereur autant qu'il
eft en fon pouvoir. Une lettre de Belgrade
femble ajouter encore à ces confidérations .

» Notre nouveau Bacha Iffed- Méhémed qui a occupé
deux fois la dignité de Grand- Vifir , arrivé ici
le 21 Avril , a commencé fon adminiſtration par annoncer
les difpofitions les plus pacifiques : méconrent
des bruits de guerre répandus for les confins de
fon Gouvernement , il a fait notifier aux Comman(
105 )
dans & aux Chefs de l'adminiftration Autrichienne ,
qu'il avoit défendu fous les peines les plus rigoureufes
à tous ceux qui dépendoient de lui , de parler
d'une rupture prochaine entre la Porte & la Cour de
Vienne , & qu'il avoit au contraire exhorté les habitans
à remplir leur devoir par l'obfervation exace
d'un bon voifinage . On croit que c'eft la prudence
d'Ifed-Méhémed qui l'a fait choifir pour le Gouver
nement de la Romélie , & qu'on compte fur fa fageffe
& fon amour pour l'ordre , pour maintenir la
tranquillité fur nos frontières «<,
On a parlé des difficultés que la mort
du feu Prince Evêque de Paffau a fait naître
à l'occafion de quelques biens que cet Evêché
poſsède en Autriche. Le Chapitre adreffa
le 17 Mars dernier la repréſentation fuivante
à l'Empereur.
A peine eut-il plu à la divine Providence de rappeller
de ce monde feu Son Eminence le Cardinal
de Firmian , durant la vie , notre très - gracieux Seigneur
, & de plonger par - là tout ce haut Evêché-
Impérial dans la plus vive affliction , que notre
perplexité fur portée au comble par la notification ,
adreffée le 4 de ce mois à notre Ordinaire , par M.
le comte de Thorheim , Capitaine - Provincial de
V. M. I. , en Autriche fur l'Enns , qu'en conformité
des ordres de V. M. I. , les terres fur l'Enns , &
la quatrieme partie intérieure feroient féparées du
Diocèle de Paffau , & feroient affujetties à un Evêque
particulier : en vertu de quoi on feroit la recherche
, & l'on prendroit poffeffion des terres de l'Evêché
de Paffau , fituées dans le Pays deffus l'Enns ,
& la quatrième partie intérieure. Notre devoir indifpenfable
nous force de repréfenter en toute hamilité
à V. M. I. , qu'à ce démembrement , ou plu
tôt qu'à cette fuppreffion du Diocèfe de l'Ev ché
de Palau , dans les terres Autrichiennes de V. M I. ,
es
( 106 )
& qu'à la prife de Poffeffion des biens du Diocèle
qui s'y trouvent enclavés , s'oppofent évidemment
& d'une manière inconteftable , les droits eccléfiaftiques
& civils , la conftitution reconnue du
St-Empire Romain , la Hiérarchie établie là - deffus
dans l'Empire , la Paix de Weftphalie & toutes les
Conftitutions Germaniques , l'Inveftiture du Haut-
Evêché avec fes attributs , mais principalement la
Capitulation Impériale , jurée par V. M. I. Ellemême
à fon Election ; puifque cette Conftitution
& ces Loix de l'Empire garantiffent & affurent au
Haut - Evêché , auffi bien qu'à tout autre Etat de
l'Empire , la poffeffion inaltérable de fes biens ,
de fes dignités , droits , préroga: ives , attributs &
dépendances contre toute attaque à ce contraire ,
& c. , V. M. I. , en particulier , dès l'Article I de
la Capitulation d'Election fufmentionnée , à promis
verbalement & par ferment , la confervation
la défenfe des Etats de l'Empire dans leurs
grandeurs , dignités eccléfiaftiques & civiles
prérogatives , pouvoir & puiffance & c. A quoi
vient en particulier encore que le Très -Sérénic
ime Seigneur ayenl , S. M. feu l'Empereur Charles
VI , de glorieufe mémoire , à l'occafion de l'élevation
de l'Evêché de Vienne en Archevêché ,
& de la ceffion , faire alors à ce nouvel Archevêché
d'une partie du Diocèle de Paſſau , appellé le
quartier fous la forêt de Vienne , expédia le 9
Août 1728 , les reverfales les plus folemnelles ,
fous la foi & la promeffe impériale , tant pour
elle , que pour tous les fuccefleurs , que ni elle ,
ni aucun de les fucceffeurs , ne tâcheroit plus à
l'avenir , ni ne permettroit qu'aucun autre rente jamais
de faire le moindre démembrement ultérieur
du Diocèfe de l'Evêché de Paffau. Les Loix que
nous venons d'alléguer , la confticution des Hauts-
Evêchés d'Allemagne appuyée la - deffus , la capitulation
d'élection Royale , les reverfales Impé(
107 )
riales & Archiducales , enfin les obligations perpétuelles
qui en résultent , font trop facrées pour
qu'on puiffe s'en écarter , fans léfer de la manière
la plus évidente & la plus énorme cet Evêché.
Nous nous flattons donc de l'efpoir confolant que
V. M. I. , dans fa confidération fort gracieuſe , luivant
fon amour de la justice univerfellement reconnu
, ne voudra pas permettre qu'il foit encore
retranché à cet Evêché Impérial quelque partie de
fon Diocèle primitif, ni de fa poffeffion civile tout
auffi ancienne , fitués en Autriche , d'où réfaltersit
pour lui une ruine totale ; d'autant plus qu'en tout
tems , dans tous les cas , dans toutes les occafions .
cet Evêché s'eft perpétuellement diftingué par un
attachement fans bornes pour la Séréniflime Maiſon
Archiducale ; par conféquent il ne peut guères
avoir mérité de ce côté là un fort aufli malheureux.
Paffant fous filence plufieurs autres circonftances
qui le préfentent encore à cet égard , nous
ofons prendre la roerté de fupplier V. M. I. ,
qu'elle daigne très - gracieufement ordonner ce que
befoin , afin que cet Evêché Ducal de l'Empire foit
ultérieurement maintenu , fans léfion ni moleftation ,
dans la poffeffion légitime actuelle de fon Diocèfe ,
de fes prérogatives & biens civils , fitués dans vos
Provinces Autrichiennes ; & afin que ce qui peut
déja avoir été fait à ce contraire , foit aboli. Toutefois
fous la réferve fort foumife des appartenances
mentionnées du Haut-Evêché , en recommandant
cette Requête à l'accompliffement très -gracieux &
nos perfonnes , conjointement avec l'Evêché entier ,
à la faveur gracieuſe de V. M. I nous fommes avec
la plus profonde vénération

Le 22 Mars S. M. I. fit la réponſe fuivante
à cette repréſentation.
Votre Epitre du 17 de ce mois nous eft parvenue
, & nous y avons vu avec autant de furprise que
de regret ,, que ce que nous avions jugé convenable
e 6
( 108 )
d'ordonner fur un autre arrangement relatif aux
Diocèles de notre Archiduché d'Autriche , eft par
vous , Vénérables , envisagé fous un point de vue
qui ne peut en aucune manière être concilié avec
les motifs véritables & les vues relatives à cet
objet. Loin de vouloir enfreindre en quoi que ce
foit les immunités de l'Evêché de Palau en fa
qualité de Membre de l'Empire , nous fommes plutôt
portés à les maintenir , à les défendre énergiquement
; mais en même-tems nous fommes auffi
tellement convaincus de l'étendue de notre droit
de fouveraineté & fi pénétrés des devoirs graves
qu'il nous impofe , que rien ne doit ni ne peut
nous empêcher de travailler à leur exécution la
plus ftricte , quand , ainfi que dans le cas préfent ,
les motifs les plus preffans nous portent à remplir
ce qu'en vertu de notre fystême principal ,
adopté à cet égard , exigent indifpenfablement &
le bien-être de nos fujets & le plus grand avantage
d'un objet fi important que celui du foin des
ames . Nous espérons cependant fermement , que
vous , Vénérables , après y avoir plus mûrement
réfléchi , rendrez non - feulement la justice due à
nos intentions & à leur but véritablement falutaire ,
mais que vous y contribuerez encore de votre
mieux ; alors nous vous continuerons nos faveurs
& graces Impériales & Royales.
ITALI E.
De VENISE , le 20 Mai.
ON apprend de nos ifles de Zante , de
Céphalonie & de Sainte Maure , que depuis
le 21 jufqu'au 25 Mars , on y a reffenti plufieurs
violentes fecouffes de tremblement
de terre . A Sainte-Maure , deux palais , les
( 109 )
cafernes fe font écroulés & 2 villages ont
été entièrement dévastés .
» Les dernieres lettres de la Calabre , écrit-on de
Naples en date du 13 de ce mois , annoncent de
nouvelles fecouffes de tremblement de terre qui continuent
encore. Les habitans ont tous quitté les
lieux de leur réfidence pour s'établir à la campagne
dans des baraques ou fous des tentes , où ils trouvent
tous les articles néceffaires aux befoins de la vie
en auffi grande abondance qu'avant cet horrible
fléau . On peat regarder cette circonftance comme une
confolation pour ces peuples infortunés au milieu des
maux dont ils ont été accablés , & c'est un bonheur
dont ils font redevables aux bontés paternelles de
leur Souverain , & aux fages difpofitions que fa prévoyance
lui a fait prendre à cet effet ".
On lit les détails fuivans dans une lettre
de Tanger du 12 Mars dernier.
و د
L'Empereur de Maroc fe difpofe à envoyer un
Ambaffadeur à la Porte ; Taher-Fenis , défigné pour
cette miſſion , eft arrivé ici depuis peu de jours de la
Cour avec l'Envoyé de Ragufe ; il remettra au
Grand- Seigneur des préfens très - confidérables de la
part de fon Maître. Le Coaful de Venife ici a ordre
de fréter un navire propre à transporter à Conftantinople
l'Ambaffadeur avec fa fuite & les préfens deftinés
pour la Porte . On croit que l'Envoyé de Ragufe
s'embarquera avec lui «.
ANGLETERRE.
De LONDRES , le 12 Juin.
LES dernières lettres que nous avons reçues
de New-Yorck font du 3 Mai , époque
à laquelle en eft parti le bâtiment le Vigi
lant arrivé à Falmouth. Les troupes qui
( 10 )
doivent évacuer cette place n'attendent que
l'arrivée des tranfports dont quelques- uns
avoient déja paru & les autres étoient attendus
inceffamment. On fe plaint des infultes
auxquelles nos foldats font fouvent
expofés de la part du bas peuple des environs
, quoique dans toutes les autres claffes
des citoyens la cordialité paroiffe rétablie.
Cette animofité du peuple ne s'eſt pas manifeftée
dans les environs de New-Yorck
feulement , elle a auffi éclaté dans plufieurs
autres parties du continent .
Ces lettres confirment que les affaires
de la nouvelle République Américaine prennent
tous les jours la face la plus riante.
Dès le 3 Janvier le Congrès avoit donné
une Ordonnance pour payer aux créanciers
du Public les intérêts de la demi-année
échue le premier du même mois , ce qui
avoit été exécuté par la banque de Philadelphie.
L'harmonie la plus parfaite ſubſiſtoit
entre le Congrès & l'armée , au nom
de laquelle le Général Washington lui avoit
préfenté une requête pour demander qu'il
fût affigné à chaque foldat la portion de
terrein qui avoit été promife , ainfi que
la paie entière pour cinq ans , ou la demipaie
pour toute la vie. Le Congrès ayant
confeni à cette demande , s'occupe , diton
, des arrangemens néceffaires pour y
fatisfaire ; quoique le Général n'ait demandé
que la liberté de fe retirer & de vivre en
particulier , l'Amérique ne peut oublier les
( III )
fervices qu'il lui a rendus ; le Congrès a
paffé un vote par lequel il a déclaré qu'il
ne peut fe difpenfer de donner à ce Général
un témoignage public de fa reconnoiffance
; mais au départ des dépêches on
ignoroit encore ce qui feroit décidé à cet
égard .
» On ne peut que fe louer , lit-on dans quelques
lettres , de la maniere amicale & humaine dont les
Loyaliftes font traités par ceux qui ont défendu les
intérêts de la République aujourd'hui indépendante.
La paix étant actuellement rendue à ce pays , les
anciens habitans de New-Yorck commencent à y revenir
& à fe mêler parmi nous , & il y a lieu de
penfer que les affaires fe termineront bien mieux que
plufieurs perfonnes n'avoient affecté de le croire .
Cependant il y a encore un affez grand nombre de
Torys trop opiniâtres dans leur attachement à la
Grande-Bretagne , ou trop ulcérés contre leurs compatriotes
Républicains pour le foumettre à l'autorité
du Congrès . Ils ont pris le parti de fe tranfplanter
dans la Nouvelle -Ecoffe , où on leur offre des établiffemens
près de la riviere de S. Jean fur le contineut
même , ou près de la ville d'Annapoly- Royale
dans la prefqu'ifle qui fait partie de la Province à
l'eft de la baie de Fundy. Une troisieme colonie de
Loyalistes fe forme dans la même Province aut port
Rozeway fur la côte orientale de la prefqu'ifle du cap
Sabli ou Shandy. Elle fera d'environ 4000 perfonnes
la plupart émigrans de New -Yorck «.
On a remarqué que la proclamation pour
la ceffation des hoftilités fut lue dans le camp
du Général Washington le 19 Avril 1783 ,
& que ce fut exactement à la même heure
que le 19 Avril 1775 , le premier coup de
fufil avoit été tiré à Lexington , par un déta(
112 )
chement de l'armée du Général Gage fous
les ordres du Lord Percy .
Suivant une lettre de Salem on conftruit
dans ce port 4 vaiffeaux , dont 2 de so canons
& les deux autres de 30 ; ils font conftruits
comme les nôtres , à l'exception que
les mâts font moins hauts ; en effet cette
trop grande élévation a fouvent été cauſe
que plufieurs ont péri dans des coups de
vent. Les Américains ont expédié cette année
12 bâtimens pour la pêche de Terre-
Neuve.
Les nouvelles des Ifles que nous avons
reçues par le paquebot le Thynn , parti de
la Jamaïque le 9 Avril , & arrivé à Falmouth
le 3 de ce mois , nous apprennent
que le 22 Mars un floop apporta à Port-
Royal des dépêches de l'Amiral Pigot , contenant
la nouvelle de la fignature des préliminaires
de la paix . Le Lord Hood avec
fon efcadre avoit malheureuſement appareillé
pour une croifière de deux ou trois
jours avant la réception de cette nouvelle ;
& l'Amiral Rowley lui dépêcha fur- le- champ
une frégate pour l'informer de la ceffation
des hoftilités.
La Gazette de Kingſton , que nous a apporté
le même paquebot , contient les détails
fuivans .
» Le 2 Mars , le vaiſſeau de guerre la Réfiſtance ,
paffant devant l'ifle Turque accompagné du Duguétruin
découvrit deux vailleaux à l'ancre , qui coupèrent
auffi - tôt leurs cables , gagnèrent le large &
( 113 )
portèrent au fad. La Réfiftance leur donna chaffe ;
l'un de ces vaiffeaux qui montoit 20 canons perdit
fon grand mât de hune ; la Réfiftance poursuivit
l'autre vaiffeau qui avoit l'air d'une frégate de 28
canons ; ils échangèrent leur feu pendant environ 15
minutes ; alors la Réfiftance ayant rangé ce vaiffeau
fous le vent & lui ayant tiré une bordée bien ajuſtée ,
l'obligea d'amener pavillon blanc. C'étoit la Coquette
, frégate Françoife percée pour 28 canons ,,
mais qui en avoit laitlés à l'ifle Turque ; elle avoit
200 hommes & étoit commandée par le Marquis de
Graffe. La Coquette & la conferve avoient appareillé
du cap depuis environ trois femaines , avec deux
tranfports chargés de troupes , & s'étoient emparés
de l'ifle Turque ; un ou deux jours après la prife de
la Coquette , la Réftance rencontia les frégates
l'Albemarle , & le Tartar , ainfi que les bâtimens
armés le Drake & le Barrington . Ces vaileaux réụ-
nis réfolarent de reprendre l'ifle Turque ; à cet effet
ils débarquèrent 250 hommes fous les ordres du
fieur Dixon , Capitaine du Drake , & les deux vaiffeaux
armés furent poftés vis-à- vis la ville pour
couvrir le débarquement & déleger l'ennemi ; mais
une batteric de 4 pieces de 24 & des de 6 ayant été
démafquée , ils furent forcés de fe retirer. Le Drake
eut 7 hommes bleifés & le Barrington 2. Le Capitaine
Dixon jugeant alors qu'il étoit impoffib'e de déloger
l'ennemi , qui étoit avantageulement pofté
derriere de forts ouvrages , & qu'il fuppofoit fupérieur
en nombre ; fit rembarquer les troupes avec peu
de perte. La nuit fuivante le Tartar chaffa fur le
banc & eur le bonheur de regagner le large . L'Albemarle
& le Tartar effayèrent une feconde fois d'attaquer
la batterie avec les gros vaiffeaux , mais le
vent ayant fauté à l'oueſt , le projet fut abandonné «;
Un bâtiment parti & arrivé poftérieurement
, nous a apporté les détails fuivans .
L'efcadre Angloife fous le commandement du
( 114 )
Lord Hood croifoit devant le Cap François , lorf
qu'elle reçut la nouvelle de la ratification de la
paix. Le terme des hoftilités étant ceffé dans les
mers de l'Amérique , le Prince William cut la
curiofité d'aller voir la ville du Cap. En conféquence
il s'y rendit le 5 Avril , accompagné d'un
Capitaine & d'un Lieutenant de la Marine Royale.
Il fut reçu par le Gouverneur , M. de Bellecombe ,
qui n'étoit pas prévenu de l'arrivée du Prince ,
mais qui le traita néanmoins avec toute la dif
tinction & tous les honneurs qu'une vifire auſſi
imprévue pouvoit le permettre. Le Prince eut une
garde de Lieutenant-Général , & on lui fit donner
le mot . Les Officiers -Généraux de l'armée Françoife
& Efpagnole eurent l'honneur de lui rendre
leurs refpects , ils furent fuivis fucceffivement
des corps des Officiers des régimens en garnison
felon leur ancienneté , de l'artillerie Royale , du
Corps du Génie , des Officiers de la Marine , &
du Corps Municipal . S. A. R. fut enfuite condite
à l'Arfenal par M. de Bellecombe , par M.
Galvez , Général Efpagnol , & par les Officiers de
diftinction des deux armées . Les rues que le Prince
traverfa furent bordées de troupes , & à ſon entrée ,
le Parc d'Artillerie & l'Arfenal le faluèrent de 21
coups de canon . De-là il fe rendit fur un terrein
où toute la garnifon compofée de près de 700
hommes , défila devant lui & lui rendit les honneurs
militaires . Après cette eſpèce de revue , S. A. R.
mon a dans la voiture de M. de Bellecombe & alla
au quartier général de l'armée Espagnole où elle fut
complimentée par les Officiers. Le foir S. A. R.
retourna à la ville & alla à la comédie où elle fut reque
avec tous les applaudiffemens poffibles , & où
y eut quelques vers recités à fa louange. Après le
fpectacle le Prince retourna à l'hôtel du Gouvernement
où on lui fervit un fouper fplendide & auquel
fe trouvèrent les femmes & toutes les perfonnes de
il
( 115 )
diſtinction de la ville . Le louper fut fuivi d'un bal
magnifique où S. A. R. denfa avec Madame de
Bellecombe , Madame de Galvez & la Vicemteffe
de Fontanges. Le lendemain à la pointe du jour ,
la garnifon étant fous les armes en haie dans les
rues , & les principaux Officiers , ainfi que les perfonnes
de diftin &tion s'étant rendus à Thôtel du
Gouvernement , le Prince fut conduit au bord de
la mer , accompagné par M. de Bellecombe , M.
Galvez & tous les Officiers -généraux de l'armée.
A fix heures , S. A. R- s'embarqua à bord de la cha
loupe le Barfleur , & comme eile prenoit congé
de ceux qui l'accompagnoient , elle fut faluée de
21 coups de canon . Le Prince William n'eut pas
plutôt rejoint l'efcadre Angloife , qu'elle fit voile
pour la Jamaïque.
Ce n'est plus maintenant que des Indes
Orientales qu'on attend des nouvelles de
faits qui peuvent apparte : ir à la guerre qui
vient de fe terminer en Europe & en Amérique
, & être de nature à fervir à régler
plufieurs articles du traité définitif de paix.
On ne manque pas de re ueillir tous ceux
qui fe publient , quoiqu'ils manquent fouvent
d'authenticité ; tel eft peut- être le bruit
répandu que M. le Suffren mit à la voile
de Trinquemale le 16 Novembre dernier
avec 13 v ifeaux de ligne , pour aller fe
réparer à Achem , fur la côte de Sumatra ,
qui a été défigné pour le rendez - vous de
Fefcadre Hollandoife attendue d'Europe , &
de la tempête que les vaiffeaux François effuyèrent
le 29 du même mois , de manière
qu'il n'en est arrivé le 11 Décembre fuivant à
Achem que 11 vaiffeaux ; le Vengeur &
( 116 )
le petit Hannibal manquoient encore le 28 .
C'eft au tems à vérifier ces nouvelles dont
on ne cite point de garans , & qu'on dit
être venues par la France où on les ignore
peut-être .
En général toutes les nouvelles que nous
avons de l'Inde font fort incertaines ; & on
doute plus que jamais de la fituation.
avantageufe où l'on nous préfente nos affaires
dans cette partie du monde ; la conclufion
de la paix avec les Marates n'eſt rien
moins que fûre ; tous nos papiers difent
qu'elle a été ratifiée ; mais la Compagnie des
Indes n'en a rien publié , & il femble que
ce fait auroit mérité fon attention , s'il étoit
conftant , mais ce qui ajoute à la défiance ,
eft la lettre ſuivante de M. Haftings , qui eſt
à la tête du Gouvernement Anglois dans ces
contrées depuis 12 ans , & dont un parti
demande l'éloignement. Si lettre eft datée
du Fort Guillaume le 7 Décembre .
» Les réfolutions du Comité Secret , la détermination
de ceux à l'influence defquels on doit attribuer
les efforts faits pour m'enlever ma place , la nomination
d'autres perfonnes pour me remplacer on pour
changer entièrement ce Gouvernement , l'abrégé da
difcours du Lord Avocat , fa motion tendante à ce
qu il étoit du devoir de la Conr , des Directeurs de
prendre des mefures légales pour effectuer ma dépofition
, ont circulé au moyen des gazettes Angloifes
& étrangères , par toute l'Europe , & font à - préfent
dans la poffetlion , ou au moins à la portée de tout
Européen dans l'Inde qui a quelqu'intérêt à ces affaires
, ou que la curiofité engage à les lire.-
François ont un Emilaire à Poonah , & il feroit de
Les
( 117 )
la dernière imbécilité s'il ne te fervoit pas de ces inf
trumens fi pernicieux à nos inté êts . Car qui le confiera
à ce Gouvernement , fi l'on fait qu'il touche au
moment de fa diffolution ? A cet égard j'ai effenti
des craintes fi grandes , q e pour m'épargner à moimême
les difgraces ou peuvent m'entraîner les conféquences
fatales qui réfulreront du changement
attendu , je crois convenable pour moi de protefter
publiquement , que je ne me regarderai plus comme
refponfable d'aucune calamité qui peut arriver ici à
la Compagnie du moment où les bruits de mon rappel
ont été répandus dans l'Inde , juſqu'à celui où je
ferai confirmé dans mon pofte par un acte de mes
fupérieurs , ou jufqu'à ce que mon fucceffeur arrive.
J'efpére qu'en cela on ne m'accufera pas d'abandonner
le dépôt qui m'eft confié , & qu'on ne me regardera
pas comme infidèle : tant que le fentiment profond
de ce que je dois à mon Roi , à mon pays , à
mes fupérieurs, me commandera de garder mon pofte
, tant qu'il me fera permis d'y refer , & que je
pourrai l'exercer librement aucune confidération
de famille , de fûreté , de fortune , ne m'engagera à
le quitter , & je me connois affez moi même pour
pouvoit affirmer que le fentiment d'injures perfonnelles
& d'une difgrace future ne diminuera point le
zèle avec lequel je me fuis jufqu'à préfent acquitté de
mes devoirs «.
>
Le Docteur Price vient de publier une
nouvelle brochure , qui contient l'état des
dettes publiques de la Nation à la fignature
des préliminaires de la paix. Nous en tranfcrirons
ici le réſultat.
Le 24 Juin 1775 , les dettes fondées montoient
à 129,860,018 liv. fterl. , & les non fondées à
7,070,054 liv . fterl .; ce qui faifoit à cette époque
un total de 136,930,072 . Depuis le 24 Juin 1775
les dettes fe font accrues fucceffivement pendant la
guerre de cette manière :
1
7118 )
Les dettes fondées .
Les dettes non fond.es.
• • 85,857.691 liv. ft.
29,797,223
Total. ·
115,654,914
Dettes telles quelles étoient
en 1775 136,930,072
Detre totale en Janvier 1783 252,584,986
Les intérets , à payer pour cette dette énorme ,
font de 9,008,931 liv . fteil.
Un de nos papiers obferve à cette occafin
que la dette de l'Amérique cft bien
différente ; celle qu'elle a contractée pendant
la guerre monte à 40,000,000 de dollars ,
qui évalués à 4 shellings 6 pences le dollar
font 9,450,000 liv. ft. Il en résulte qu'après
une guerre de 7 ans les Américains ont
acquis leur liberté au prix de la moitié feulement
des dépenfes que l'Angleterre a faites
pen lant une année pour la leur ravir.
Les nouvelles taxes & l'état des finances
de la Nation , donnent lieu à pluſieurs obfervations
quelquefois fingulières dans nos
papiers. Nous en citerons quelques-unes.
Si l'on ea croit M. Fox , depuis qu'il eft dans le
Ministère , notre Nation eft la plus heureufe du
globe. Ses reffources font infinies ; fon commerce
fearit , & tout eft pour le mieux. Nous n'avons
emprunté cette année que 12 millions ſterlings , &
20 l'année dernière. Peut- on préfenter de plus fortes
preuves de l'état brillant de la Grande - Bretagne.
Ceux qui ont fuivi avec attention , depuis quelques
années , les débats Parlementaires , doivent être frappés
de la fuite que M. Fox met dans fes idées :
car il y a plus de fix mois que ce repréſentant du
peuple nous mettoit fans ceffe fous les yeux le ta
( 119 )
bleau effrayant de la pofition de nos Finances &
de notre commerce .
Depuis long- tems , nos Adminiftrateurs ont réduit
tour le fystême de nos Finances à emprunter & à
impofer. Ils ont même traité avec mépris tous les
projets pour réduire la dette nationale . Néanmoins ,
il est démontré que fi l'on emprunte conti uchement
en ne rembour fant jamais , il faudra fi in par
faire banqueroute. Le Lord Shelburne , contre lequel
on ſe déchaîne tant , avoit regardé cette diminution
de la dette nationale comme un objet digne d'attention
, & il s'en occupoit .
Le vrai fyftême des taxes devroit tendre à foulager
l'agriculture & à diminuer les impôts dont elle
eft chargée. Le prix du bled doit être proportionné
aux frais du laboureur ; & fi la furcharge des taxes
ou le manque de laboureurs enchériffent les journées
, il faut abſolument que le prix des denrées rehauffe
à proportion.
Suivant une lettre de Baltimore , l'efprit d'émigra
tion règne toujours dans cette partie de l'Irlande.
La plupart des ouvriers ont la manie de s'embarquer
pour l'Amérique , où ils comptent faire une fortune
rapide.
De jour en jour , l'émigration augmente. La
cherté prodigieufe des denrées , les nouvelles taxes
les impofitions fur toutes les branches d'économie ,
tout confpire enfin à mettre le pauvre ouvrier induftrieux
dans l'impoffibilité de fubfifter. En Amérique ,
un beau fol , le climat plus doux , une liberté entière
, l'exemption de ces odieux impôts , tels font
les avantages qu'elle offre aux Emigrans . Il réfultera
de la comparaison de ces deux pofitions , que
nos manufacturiers nous quitteront ; & , ce qui eft
encore plus cruel , nos agriculteurs nous abandonneront.
On dit que la diffolution du Parlement
d'Irlande aura lieu dans la première ſemaine
( 120 )
du mois prochain , & qu'on a déja expédié
les ordres de convocation pour affembler
le nouveau Parlement le 14 Février prochain
.
Quant à celui d'Angleterre la feffion
actuelle fera certainement la plus longue
qui ait jamais eu lieu. M. Fox avoit cependant
promis qu'il prendroit tous les
moyens poſſibles pour que les affaires fuffent
terminées promptement ; mais lorsque l'on
confidère que les taxes ne font point encore
toutes paffées , que les affaires de l'Inde
demandent à être promptement examinées ,
& que plufieurs autres objets importans
doivent encore paffer fous les yeux du Parlement
, il eft probable que les féances continueront
encore pendant un mois . Jufqu'à
préfent elles ont offert peu de débats propres
à piquer la curiofité .
Dans la Chambre Haute on avoit agité le 28 du
mois dernier une question que le Duc de Richemond
vouloit expor au jugement des Pairs . Elle rouloit
fur le parti qu'on avoit pris de laiffer la charge de
Chancelier vacante & de remettre les fceaux entre
les mains d'une Commiffion ; la difcuffion en fut remife
au 3 de ce mois & n'a occafionné que des débats
qui laiffent les chofes telles qu'elles font. L'objet
de la queftion & ce qui excitoit les obfervations
du Duc , c'eft que tout Juge en Angleterre ne tient
fa commiffion que fous cette condition quam diu fe
bene gefferit , & que les Commiffaires ne tiennent la
leur que fous le bon plaifir du Souverain . On s'attacha
à montrer les conféquences de cet arrangement «,
Dans la féance de la Chambre des Communes
du z Juin , M. Pitt préfenta un Bill pour fixer les
revenus
( 121 )
revenus de différens effets publics auxquels on a
attribué des droits exorbitans : felon lui , cette opération
fait partie du fyftême de réforme recoinmandé
par le Difcours du Roi à l'ouverture de la
Seffion ; & comme il ne préfumoir point qu'il fût
fufceptible d'oppofition , il demanda qu'il fût lu
pour la première fois. Le Lord John Cavendish
ayant répondu qu'il ne s'oppofcit point à la motion
, quoiqu'il fût convaincu que cet objet fût être
opéré par des Règlemens d'effice fans l'interven
tion du Parlement , M. Pitt demanda qu'il fût imprimé
un nombre fuffifant de copies du Bill pour
l'ufage des Miniftres. Les ordres furent donnés en
conféquence , & alors M. Pitt fit une autre motion
pour qu'il fût mis fous les yeux de la Chambre
des copies des dépenfes accidentelles de chaque
office que l'on a deffein de réformer avec les
droits , & c.
Le Chevalier C. Bamfylde informa la Chambre
les , qu'il avoit une pétition à présenter contre la
taxe fur les quittances , ajoutant qu'il infiftoir pour
qu'elle ne pafsât pas en loi . Cette pétition eft le
réfaltat des délibérations de l'affemblée des Négocians
qui a eu lieu dernièrement , & on croit que
cette taxe ne fera pas maintenue.
La Chambre fe forma enfuite en Comité pour
examiner l'état alarmant de l'Ecofle . M. Dempfter
rapporta qu'en conféquence de la mauvaile faifon
de l'année paffée , la récolte avoit été très - mauvaife
; que cette année , le tems ayant été fort
mauvais lors de la femaille , on croyoit que la récolte
feroit auffi mauvaiſe ; qu'en conséquence le
peuple avoit beaucoup fouffert , les moins milérables
n'ayant vécu que de pois , & le rfte n'ayant
pas été en état d'en acheter. Et qu'ainfi le Comité
étoit d'avis de propofer à S. M. & à fen Confeil
privé , de permettre l'exportation du bled dans les
21 Juin 1783.
f
( 122 )
parties feptentrionales de l'Ecoffe pendant 4 mois ,
à commencer du 30 Septembre prochain.
Le 6 , M. Fox rappella à la Chambre que dans
les débats précédens fur le commerce de l'Amérique
feptentionale , il avoit dit combien il étoit
initant que le Parlement s'occupât du commerce
du riz . En conféquence il rapporta que la Grande-
Bretagne , avaut qu'elle fût féparée de fes Colonies ,
ayaat en fon pouvoir ce commerce, avoit cru pouvoir
tirer quelque profit de l'exportation de cette denrée ,
& l'excepter des drawback on remiſes ( 1 ) . Si ce plan
étoit faivi , il priveroit indubitablement l'Angleterre
du commerce du riz , dont l'exportation fe
monte à 100,000 barils par an ; en conféquence
il fit une motion pour que la Chambre entrât en
Comité , pour confidérer les moyens qu'il faudra
employer pour accorder au riz exporté , une
remife entière des droits de Donane, La motion
paffa .
Le 10 , après le rapport du Comité chargé d'examiner
s'il convenoit de révoquer le Bill qui défendoit
l'exportation de la fonte , le Chevalier John
Wrottefly dit qu'il étoit porteur d'une pétition
contre le Bill , & qu'il favoit qu'un grand nombre
de villes de commerce craignoient que l'exportation
de la fonte ne ruinât leurs manufactures.
M. Brickdale répondit que le Bill qui prohibit
l'exportation de la fonte , avoit été paffé dans le
tems où l'on venoit d'inventer cette compofition ;
mais que depuis on avoit conftamment , pendant
plus d'un fiècle , exporté la fonte fans qu'il y eût
eu les moindres plaintes . Il rapporta l'origine de
ces plaintes , qui n'ent commencé que l'année dernière
; & cela , par un évènement fingulier. Quelques
Négocians de Briftol ayant fait à la Douane
(1 )On appelle Drawback la remife que l'on fait à l'exploi
gation fur article qui avoit payé un droit en entrant dans le
Royaume.
( 123 )
une déclaration pour faire fortir de la fonte , &
les Commis ayant cherché fur leurs registres pour
favoir le droit qui étoit dû , apprirent ce qu'ils
ignoroient , que l'exportation de cet article étoit
défendue par un acte du Parlement . Telle a été ,
pouifuivit M. Brickfdale , la première caufe du
Bill , & il ferent abfurde de fuppofer que l'exportation
de la fonte fîr plus de mal actuellement
qu'elle n'en a fait depuis un fiècle. — La Chambre
ayant été aux voix fur la propofition d'un Bill
pour révoquer cet acte , cette motion paffa à la
pluralité de 126 contre 13 .
-
Les Shérifs de Londres préfentèrent enfuite une
pétition du Corps municipal de cette Ville contre
la taxe fur les recettes , & le Lord Maire fit une
motion pour demander que cette pétition reftât fur
le bureau . Après quelques débats , cette motion fut
rejettée à la pluralité de 178 voix contre 15.
Nous avons eu depuis la fignature des
préliminaires de la paix , la vifite de quantité
de Seigneurs François ; on a remarqué
qu'à la fin de la guerre précédente , ce furent
nos jeunes Seigneurs qui s'emprefsèrent
de fe rendre à Paris ; il étoit naturel à la fin
de celle- ci qu'ils nous rendiffent la même politeffe
. En général ils ont été parfaitement
accueillis ; & le Morning Poft a publié à
ce fujet l'article fuivant qui mérite d'être
traduit.
Depuis longtems l'Angleterre étoit accoutumée
à juger la Nation Françoife par les ridicules de
quelques voyageurs , & par le ton d'affectation ,
les airs maniérés , la recherche extérieure & la
négligence de l'efprit des Anglois q i prétendent
avoir achevé leur éducation à la Cour de France ,
ou dans la meilleure fociété de Paris . L'expreffion
de petit-maître a été adoptée pour caractériſer ces
f 2
(
124
>
travers dont nos jeunes gens font plus occupés que
de notre gouvernement . En admettant que cette manie
d'imitation foit un penchant irréfiftible , on pourroit
leur propofer de meilleurs modèles . Ils devroient
prendre pour exemples des François artivés
depuis quelques jours à Londres . Tout ce qui
les voit eft charmé de la fimplicité de leur extérieur ,
de leur politeffe ob igeante fans être complimenteufe
; ils paroiffent approuver tout ce qu'ils voyent,
& le même efprit qui les porte à l'obſervation , leur
fait garder le filence fur les défauts qu'ils apperçoivent.
Les femmes qui forment cette aimable fociété
ont un maintien décent fans être embarraffé ; elles
donnent de l intérêt aux converfations frivoles & metrent
de la légéreté & de la fineffe dans les difcuffions
férieufes. L'une d'elles , appellée Madame de Chalon,
joint aux graces de l'enſemble le charme des
détails , elle n'a la prétention d'aucun de fes avantages
, & pourroit les avoir toutes . Madame d'Andlo
eft d'une taille élégante & bien proportionnée ; la reflexion
chez elle eft arrivée à l'âge des plaifirs , en
difcutant avec elle l'on croit s'être rendu à la féduction
de l'efprit , & la raifon n'auroit pas donné des
réfultats plus sûrs. Madame de Coigny joint aux
graces de la jeuneffe la réunion des traits les plus piquans
: en la regardant , l'on ne fait auquel fe fixer,
mais on eft fur que chacun attachera ; il eft facile
d'obferver dans les mouvemens de fon vifage qu'elle
devine la penfée & qu'elle en donne le fentiment ;
auffi a- t-on plus d'efprit avec elle & l'amour propre
fe perfuade -t-il fouvent que l'on a dit ce qu'elle
2 entendu. Elle trouve le ridicule & jamais il ne lui
échappe. L'on ne peut être mieux loué que par elle ,
& l'on regrette toujours que l'enthoufialme qu'elle
excite ne foit que l'expreffion jufte pour l'apprécier.
lle eft l'opinion que l'on a généralement conçue des
François arrivés dernièrement à Londres. Si le caractère
de bonté qui les diftingue ne nous raffuroit pas ,
e
( 125 )
nous pourrions craindre qu'ils ne foupçonnaffent notre
Nation de frivolité , parce qu'on leur a offert
des affemblées , des fêtes & des bals ; mais on eft
empreffé de les voir & comme nous fommes ex
trêmes en tout , après avoir cru en 1762 , que M.
le Duc de Nivernois étoit l'homme le plus robuſte
qu'il y eût en France , nous imaginerons que toure
la Nation reffemble aux perfonnes qui font aujour
d'hui les délices de notre Capitale , & nous voudions
que toute la France vint nous vifiter.
FRANCE.
De VERSAILLES , le 17 Juin.
LES de ce mois le Marquis de Coigny
& le Baron d Efcars eurent l'honneur de
faire leurs remerciemens au Roi , le premier
pour la place de premier Ecuyer de la petite
Ecurie de S. M. , en furvivance du Duc
de Coigny fon père , & le fecond pour celle
de premier Maître- d'Hôtel , en furvivance
du Comte d'Eſcars fon frère. Le 8 le Marquis
de Coigny prêta le ferment accoutumé
entre les mains du Roi,
Le 10 de ce mois M. Fitz Herbert , Miniftre
Plénipotentiaire de la Cour de Londres
, eut une audience particulière du Roi
dans laquelle il prit congé de S. M. Il fut
conduit à cette audience , ainfi qu'à celle
de la Reine & de la Famille Royale , par
M. la Live de la Briche , Introducteur des
Ambaffadeurs ; M. de Séqueville , Secrétaire
ordinaire du Roi pour la conduite des
Ambaffadeurs , précédoit.

f ;
( 126 )
Le 13 de ce mois S. M. a fait une promo
tion de 10 Maréchaux de France , qui font le
Comte de Mailly , le Marquis d'Aubeterre
le Prince de Beauveau , le Marquis de Caftries
, le Duc de Croy , le Duc de Laval , le
Comte de Vaux , le Marquis de Ségur , le
Comte de Stainville & Marquis de Lévis.
De PARIS, le 17 Juin.
UN lougre venant du Cap François , ifle
St- Domingue , arrivé à Breft le 3 de ce mois ,
nous a apporté des nouvelles de M. le Marquis
de Vaudreuil , qui parti de Porto Cabello
, avoit amené fon efcadre à St- Domingue
le 17 Avril , & en avoit mis enfuite à
la voile le 6 Mai dernier pour revenir en
Europe ; on s'attend en conféquence à le
voir paroître dans nos Ports à la fin de ce
mois.
» Ce lougre , ajoutent les lettres de Breft , nous
apprend la mort du Vicomte de Mortemart qu'une
fièvre ardente a enlevé au Cap . Ce jeune Officier ,
à peine Capitaine de vaiffeau commandoit la Nymphe
; il s'étoit diftingué dans les deux dernières
campagnes par fa bravoure & par une habileté peu
commune ; c'eft une très- grande perte pour la marine
du Roi. Le feu a pris ces jours derniers
dans la maifon d'un Directeur des magafins de S. M.
& il y a tout confumé juſqu'aux regiftres des Employés
qu'on n'a pas eu le tems d'enlever «.
On attend toujours avec impatience des
nouvelles de l'Inde , les dernières qu'on a
du Cap de Bonne Efpérance font du 11 Fé
( 127 )
vrier dernier , & ne préfentent que les dé
tails fuivans .
L'Indiferète a été condamnée ; cette frégate
avoit beaucoup fouffert furla côte d'Afrique par les
mauvais tems & les maladies qui lui avoient fait
perdre plufieurs hommes de fon équipage. On eft
venu à bout de réparer l'Alexandre , & ce fera un
vaiffeau de plus pour M. le Commandeur de Suffren.
Hier 10 , quatre vailleaux Hollandois mirent à la
voile ; les autres pourront les faivre vers la fin du
mois. - Le 8 , le Fier arriva avec fon convoi & la
frégate l'Hermione . Iis ont amené la légion de Meuron
, quelques Compagnies franches engagées au
fervice de la Compagnie Hollandoife , & des détachemens
pour notre armée de l'Inde. Ce convoi eft
en très bon état , & pourra continuer la route avant
le 10 Mars «r.
Quelques lettres particulières ont donné
à entendre , il y a quelques jours , que les
bâtimens Espagnols qui font restés armés à
Cadix , étoient deftinés à une expédition
contre Alger , que la Cour de Madrid étoit
dans l'intention de faire bombarder ; & plufieurs
Gazettes étrangères répètent sette
nouvelle avec confiance ; mais elle paroît
jufqu'à préfent deftituée de fondement ; M.
de Cordova & M. d'O Reilly ont bien été
appellés à la Cour , mais c'eft pour toute
autre chofe ; d'ailleurs ni l'un ni l'autre de
ces Généraux ne peut être chargé de cette
expédition .
» Le 30 Mai , écrit - on de Marfeille , il eft entré
dans notre port 4 bâtimens venus de la Martinique ,
avec des cargaifons qui confiftent en fucre , café ,
cacao , & autres productions des Antilles ; la maf4
( 128 )
jeure partie de ces cargaifons eft en café. Ces bâ : imens
font la polacre la Sartine , la barque l'Oiseau ,
la corvette la Marie Thérèfe , & la polacre la jeune
Zoë. Il eft auffi rivé divers bâtimens du
Levant , chargés de coton , foie , toiles & d'une
grande quantité de bled. Ces bâtimens font l'Alepin ,
venant de Smyrne , Acre & Alexandrette , la Bonaventure
, Ragulois , du Volo , la Fanny de Bonne ,
le S. J. Baptifte da même port , la Notre- Dame du
Rofaire du Volo , l'Ange Gardien de Damiette , le
S. Bruno de Simyrne , la Cleron de Bonne « .
La promotion des Chevaliers des Ordres
du Roi , qui a eu lieu le 8 de ce mois , eft
de 22 ; il n'y avoit que 13 cordons vacans ;
mais le Roi ayant , dit- on , décidé que dorénavant
la branche d'Efpagne ni les Etrangers
ne feront plus comptés dans le nombre des
cent portés par les Statuts ; cet arrangement
a fait vaquer 10 nouveaux cordons . S. M. a
difpofé de tous , à l'exception
d'unfeul , fuivant
l'ufage.
Le village de Largillier , fitué dans l'Election
de Clermont , Province d'Auvergne ,
éprouva le 15 Mars dernier un ébranlement
de terrein très- confidérable , & qui a affez
effrayé les habitans pour les décider à tranf
porter leurs demeures ailleurs . M. du Boulay ,
Infpecteur des Ponts & Chauffées de la
Généralité de Riom , chargé de vifiter les
lieux , a fait le rapport de les obfervations.
» Il en résulte que tout le terrein occupé par ce
village , fitué fur le penchant de la côte de Valbelay,
compofé de dix habitations & de deux granges , eft
crevafé & fendu en différens fens , & que tout ce
canton ébranlé le trouve circonfcrit d'une creva fe
( 129 )
bien diftincte , fur trois cents toifes réduites de lar
geur , & à peu-près autant de longueur . L'ébranlement
ayant occafionné à tous les bâtimens fitués fur
ce fol des lézardes & crevafles , plufieurs d'entr'eux
ont perdu leur à plomb & menacent ruine . Il eft
d'ailleurs à craindre que les eaux de pluie & la fonte
des neiges , dont ce canton abonde , n'entraînent
tout le lol déja éventé , & qu'il ne s'écroule en totalité
dans le vallon , ou quelques parties de terrein ſe
font déja précipitées . Ces cbfervations mettent les
habitans de ce village dans la néceffité de le loger
dans le communal du village , allez éloigné du
canton ébranlé , pour le mettre à l'abri de tout
accident ".
A côté de ce phénomène extraordinaire
nous placerons les détails d'un autre , que
rous fournit une lettre de Strasbourg , &
qui a eu lieu le 12 du mois dernier près du
village de Schwabelweiff , fitué fur le bord
du Danube.
" Le ciel étoit ferein , l'air calme , la chaleur
très-forte , & les habitans du lieu travailloient aux
champs ou tiroient des pierres dans le voifinage .
Tout- à-coup , du fein d'une montagne qui eft à fept
cents pas du village , & qui du pied jufqu'au fommet
est couverte de rochers , il fe fit entendre un
bruit fi épouvantable , que chacun crut que cette
montagne alloit fe fendre & s'écrouler. Ce premier
bruit fat fuivi d'un éclair femblable à un coup de
tonnerre , qui obligea les ouvriers de quitter leur
travail , & quatre minutes après on entendit as
même endroit un fecond coup qui imitoit l'exploſion
de plufieurs canons ; enfin , après cinq autres minutex
, on en entendit un troifième , mais il n'étoit ni fi
fort ni fi effrayant que les deux premiers . Un vent
impétueux traverla a'ors avec rapidité , d'orient en
occident , le bois touffu dont le haut de la montague
fs
( 130 )
1
eft couvert. Des gens qui ramaffoient des feuilles
d'arbres , tombèrent de frayeur , & les arbres fem
bloient devoir être entièrement déracinés . Ce tourbillon
dura trois minutes , après quoi tout fut tranquille
on ne voyoit au ciel que quelques nuages
légers épars çà & là , qui étoient pouflés doucement
de l'occident à l'orient , & qui fe diffipèrent enfin audeffus
du bois. Le 15 , vers midi , il y eut un
orage très- long , accompagné d'une pluie confidérable
, & l'on remarqua en plufieurs endroits , foit dans
la ville , foit aux environs , que cette pluie étoit
mêlée d'une poudre jaunâtre , qui étant féchée , avoit
entièrement la couleur du foufre : on en voyoit encore
des traces deux jours après «.

Parmi les droits anciens il y en a d'onéreux
, & quelques-uns qui ne font que trèsfinguliers
; parmi ceux qui appartiennent au
Chapitre de Remiremont en Lorraine , il
y en a de cette dernière eſpèce. Le village
de Fougerolle , qui l'avoifine , doit lui fournir
tous les ans à la Pentecôte de la neige
& à défaut de neige deux boeufs . L'année
dernière la température de la faifon ne permit
pas au Hameau de payer fa redevance
en neige ; & le prix des deux boeufs qui
devoient la remplacer étoit une charge pour
la Communauté. Elle tint une affemblée
pour délibérer fur les moyens de fe tirer
d'embarras ; & voici l'expédient qu'on
nous écrit qui lui fut fuggéré ; ce fut
de préfenter au Chapitre un plat d'oeufs à
la neige , & d'y joindre un petit compliment
en vers. L'un & l'autre furent bien
reçus , mais il fut dit que ce feroit pour
:
13 །
}
cette fois feulement & fans tirer à conféquence
pour l'avenir.
» La nuit du Dimanche au Luni , premier de ce
meis , écrit-on d'Abbeville , le feu prit au village
d'Eancourt-Buffu , à deux lieues de cette ville , &
y confuma huit Maifons , au nombre defquelles
font deux Fermes confidérables appartenantes aux
fieurs Lebrun & Carette , qui les occupoient. Leurs
pertes font inappréciables , tous leurs meubles ,
grains , fourrages , chevaux & beftiaux ont été la
proie des flammes heureufement qu'on ne doit
point attribuer ces fréquens incendies à aucuus mav-,
vais vouloirs ; ils doivent néanmoins fervir d'avertiffement
pour le précautionner contre les imprudences
qui font par elles - mêmes une forte de délit : on
prétend que celui- ci a été occafionné par la négli
gence de deux Valets qui avoient été à la Fête dans
un Village voifin , qui font rentiés dans la nuit , piis
de boiffon , & ont fait du feu & fumé fans précautions
. Voilà où mènent les Fêtes de Village , dont la
diffolution donne lieu d'ailleurs à tant d'autres abus.
Il feroit fans doute d'une bonne police de les fupprimer
, comme on a fait à l'égard de celles des Communautés
d'Arts & Métiers : les motifs de cette fuppreffion
font encore plus preffans que ceux de la première
, il futfit d'y apporter quelques réflexions pour
les appercevoir ".
La lettre fuivante que nous venons de
recevoir de Commercy eft faite pour piquer
la curiofité des Phyficiens , & c'eſt une raifon
pour nous de la tranfcrire .
» Vous aurez certainement , M. , des obfervations
plus fcrupuleufement exactes fur l'Autore boréale
qui a commencé à être vifible le 27 Avril à
Commercy , que celle que je pourrois vous faire
paffer ; mais comme une réunion de réflexions peut
1
f 6
7132 )
--- Le 27
répandre , fur le même objet , plus de jour , j'ai
penfé devoir vous envoyer les miennes.
Avril , je me fuis apperçu , pour la première fois ,
que la lumière du jour étoit faivie d'une lumière
étrangère & nouvelle dans la partie borcale du Ciel ;
en l'examinant avec attention , j'ai vu qu'elle formoit
dans l'hémifphère céleste une portion de cercle ,
ayant pour baie ou pour corde l'horifon qui s'éten
doit depuis le 320e degré nord , & dont le rayon
s'élevoit au-deffus de l'hosifon d'environ 20 degrés .
Ce fegment étoit lumineux , fans mélange & fans
variation , excepté qu'il étoit partagé en trois portions
, dont la partie du milieu formoit une bande
ténébreuſe , & les parties voisines de l'horifon &
de la courbe étoient très- brillantes : de cette courbe
aux degrés nord- nord-ouest 340 & nord 360 , il
jailidoit continuellement vers l'hémisphère céleste ,
des rayons de lumière qui , tantôt en globes , tantôt
en colonnes , s'élevoient au - deffus de l'horifon de
45 degrés. Le tems étoit très ferein & fans nuages ,
& la clarté que le Météore répandoit dans la plaine
étoit égale à la lumière que réfléchit la Lune lorfqu'elle
fe perd dans un léger brouillard : fon effet
Je plus fenfible a duré depuis neuf heures quelques
minutes jufqu'à neuf heures trente minutes : la fin
de fon apparence s'eft terminée à onze heures quinze
minutes , après laquelle cependant le tems a toujours
été moins obfcur vers le pôle. Toute la différence
que j'ai remarquée le 18 , c'eft què la corde
du fegment étoit plus longue , s'étendant depuis le
30ce degré oueft. nord - oueſt juſqu'au 20e degré
nord- nord eft , & que le rayon de ce fegment étoit
plus prolongé , ayant 30 degrés d'élévation au- deffus
de l'horifon. Le fegment étoit partagé en trois bandes
comme le jour précédent , dont celle du milieu avoit
la même obfcurité , & la partie voifine de la courbe
fourniffoit des gerbes & des colonnes de lumière qui
( 133 )
élevoient dans l'hémisphère céleste jufques vers le
60e degré au- deffus de l'horifon . Dans le courant
de la journée & des fuivantes , cette partie du Ciel
a été constamment plus lumineufe même que celles
qui avoifinoient le Soleil ; & à fon coucher , fon
apparence , ainfi que celle de l'horifon , étoit d'un
rouge léger & obfcur. Le 29 , où l'Aurore boréale
a été la plus belle & la plus remarquable ,
elle a commencé vers les huit heures quarante- cinq
minutes , comme les jours précédens : la corde de
fon fegment s'étendoit depuis le 290e degré oueftnord-
ouest , jufqu'au 30e nord-eft- quart- nord , &
fon rayon s'élevoit au-deffus de l'horifon d'environ
45 degrés. Tout le fegmeat étoit entièrement lumineux
, fans bandes obfcures & fans ondulations ;
les gerbes & les colonnes qui partoient de fa circonférence
s'élevoient juſqu'a notre zénith : cette
fufée a duré jufques vers neuf heures quinze minutes
; alors les différentes gerbes qui jufques - là
avoient eu l'air de fe détacher du fegment lumineux
, fe font réanies fur notre zénith , & y ont
forms une forte de voie lactée très - lumineufe ,
ayant pour terme boréal notre zénith , & pour
terme méridional une ligne tirée du 100e degré
eft-quart-fud eft au 260e degré oveft-quart-fud-ovest ;
fa largeur étoit par conféquent d'environ 10 degrés :
elle étoit féparée du fegment lumineux par un intervalle
fans lumière , & cette colonne étoit terminée
à ces deux extrémités , & comme nourrie
& abreuvée par deux furfaces circulaires & lumineufes
, plus que doble de cette colonne éloignée
des deux côtés de l'horifon d'environ 25 degrés .
Cette colonne s'eft vue pendant plus d'une demiheure
; & pendant ce tems , la mière étoit fi fenfible
, qu'on auroit pu ramaffer un épingle à terre ,
& lire dans de grolles lettres ; & les fenêtres qui
étoient oppofées à l'Aurore boréale , réveibéroient
( 134 )
la lumière comme au jour tombant . A dix heures
& demie , on ne voyoit plus qu'une lumière vers
le pôle je ne l'ai pas obfervé plus tard ; mais on
m'a affuré qu'à deux heures on voyoit encore de
nouvelles gerbes . Tous les différens jours que l'Aurore
boréale a pu fe voir , les étoiles qui y étoient
noyées n'étoient pas vifibles , excepté celles de la
chèvre ; & toutes les parties de l'Auro : e boréale ont
été conftamment blanches & fans rayons ni franges
rouges. Le 30 l'Aurore occupoit au pole le même
efpace , la même hauteur que le 27 ; mais comme le
tems y étoit brumeux , elle étoit moins éclatante , on
ne diftinguoit pas fi elle étcit féparée par bandes
plus lumineufes les unes que les autres , & elle ne
fourniffoit pas les colonnes & les gerbes de lumiere
du 27. Le premier Mai le ciel étoit
chargé de nuages , ce qui ne permettoit pas de
s'affurer fi elle préfentoit les mêmes météores que
les jours précédens ou fi elle tiroit à ſa fin ,
ce qu'on pouvoit diftinguer , de neuf à dix heures ,
c'est que l'efpace qu'elle avoit occupé , étoit encore
clair malgré le tems chargé. - Le 2 Mai , le tems
s'étoit élevé ; l'efpace qu'elle avoit occupé le 27 , a
confervé fa lumière jufqu'après neuf heures & de-
Le 3 le tems étoit brumeux , tout ce qu'on
pouvoit diftinguer , c'eft que cette partie étoit moins
obfcure. Le 4 , les nuages joints aux réverbérations
de la lune qui s'y perdoit & qui étoit voi
fine de ce météore , ne permettoient pas de dif
tinguer les différences ainfi que les intervalles qu'il
pouvoit y avoir d'un effet à l'autre .
mie, -
-
tout
Le f
de huit heures & demie à neuf heures un quart ,
la place qu'occupoit l'aurore boreale a paru lumineufe
& s'eft élevée jufques à 45 dégrés au-def
fus de l'horifon ; on ne pouvoit déterminer ni fa
longueur ni les extrémités de la corde de ce fegment
de lumière , parce qu'il étoit terminé par de
( 135 )
Le 6 ;
gros nuages ; mais à neuf heures un quart , tour
s'eft réduit à une bande de lumière d'environ trois
degrés partant du point nord 390 jufqu'au point
nord- oueft 315 féparée en deux bandes égales
la premiere à l'horifon d'un rouge fombre , &
celle élevée vers le ciel très - blanche .
le tems étoic chargé de gros nuages , dans les
intervalles defquels on diftinguoit jufques après
neuf heures , que le noid étoit encore clarteux.
Le 7 ,
il faifoit un tems pluvieux comme
la fuite d'un brouillard remonté & au travers
duquel on ne diftinghoit ni les étoiles ni la lune
ni même la place où cette dernière devoit être ;
cependant on voyoit encore depuis neuf heures
jufqu'à dix à l'extrémité de l'horifon vers le nord
une bande moins obfcure , blanche , & légèrement
lumineule d'environ trois dégrés de largeur.
-
Le 8 , le tems étoit un peu moins couvert que le
jour précédent , cependant on ne voyoit ni à neuf
heures ni à dix heures rien qui pût diftinguer cette
place du refle du ciel , ce qui me fer préfumer
que l'Aurore boreale eft à ſa fin. Telles font ,
M. , les obfervations que j'ai pu faire de ce phénomène
fingulier & de fes fuites ; en vous en rendant
compte , je n'ai pas penfé vous apprendre rien
de nouveau ; vous l'avez mieux obfervé que moi ,
& on vous l'aura mieux renda ; tout ce que j'en
efpère , c'est que vous verrez les différens points
d'obfervations. figné De Lifle de Waldeck .
Nous nous hâtons de rendre compte au
Public d'un évènement vraiment fait pour
l'intéreffer. Le célèbre procès du paratonnerre
de St - Omer qui fixe depuis long tems
fon attention , vient enfin d'être décidé par
un Jugement du Confeil d'Artois .
-
Cette Province ignoroit abfolument l'ufage des
para-tonnerres accueillis depuis tant d'années avecem(
136 )
preffement dans l'Europe & dans l'Amérique . Le
premier citoyen , qui avoit ofé armer ſa maiſon de
ce préfervatif falutaire contre le feu du ciel , avoit
été la victime de cet exemple utile qu'il donnoit à
fes compatriotes. Un jugement des Ehevins de
St-Omer avoit condamné M Vifery de Boifvalé
Avocat , à faire difparoître le conducteur électrique
qu'il avoit fait élever fur fon habitation . Ce citoyen
eftimable voulut mériter l'honneur d'avoir introduit
le premier dans fa Ville cette importaste découverte
, en la défendant avec vigueur contre les
préjugés qui l'avoient profcrite . Il fe pourvur au
Confeil d'Artois contre la Sentence des Echevins de
St - Omer. Cette caufe intéreffante fut plaidée folem.
nellement dans ce Tabanal pendant trois Audiences .
Il s'agifloit de fixer l'époque où une découverte
utile à l'humanité , adoptée depuis long-tems par
toutes les nations éclairées , accueillie dans la capitale
de la France & dans prefque toutes les autres
Provinces de ce Royaume , feroit enfin admife
dans l'Artois. Le Tribunal fupérieur de cette Province
ne voulut pas que cette heureuſe époque fùt
plus long-tems différée . Il vient de rendre , le 31
Mai dernier , un Jgement qui infirme celui des
Echevins de St- Omer , & permet à M. Vifery de
Boifvalé de rétablir fon para-tonnerre . Plusieurs
Souverains ont fait des loix pour établir la nou ,
velle découverte dans leurs Etats . Un grand noma,
bre de Magiftrats l'ont encouragée par leur exemple.
Il étoit réservé au Confeil d'Artois de rendre un
jugement folemnel en fa faveur. Une destinée fin .
gulière a voulu que fa caule fût plaidée devant lui ,
& il s'eft montré digne de la juger , en la protégeant
contre la perfecutios à laquelle elle étoit en
butte. On ne doit pas douter qu'un pays qui ren.
ferme dans fon fein un grand ombre de citoyens
éclairés , ne s'empreffe bientôt de partager avec les
autres nations les avantages qu'elle lui préfente ,
( 137 )
& que les Magiftrats qui lui ont ouvert l'entrée de
leur Province , n'obtiennent de leurs concitoyens
le même tribut de reconnoiffance & dadmiration ,
que tous les autres peuples s'emprefferont de leur
payer à l'envi . Nous croirions commettre une injuftice
, fi nous fiuiflions cet article ans faire connoître
au public le nom des défenfeurs dont les
talens ont faittriompher la caufe du para-tonnerie (1 ) .
M. Buiffart , Avocat au Confeil , a fait , dans cette.
affaire , un Mémoire très eflimé , qui peut être regardé
comme un traité de phyfique intéreffaut fur
cette matière. Cet Ouvrage te vend à Paris , chez
Durand neveu , Libraire , rue Galande .
Louis Jean Baptifte Savary , Marquis de
Lancofme , eft mort en Berry au commencement
du mois dernier dans la 58e . année
de fon âge.
On écrit de Falaife , que Marie Legout ,
veuve de Philippe Defvaux , eft more en
la Paroiffe de Montigny , le 15 Mars dernier,
âgée de 109 ans , 8 mois & demi ; & qu'elle
a confervé jufqu'au dernier de fes jours ,
toute fa connoiffance & fon goût pour le
travail.
Les numéros fortis au tirage de la Loterie
Royale de France du 16 de ce mois ,
font : 60 , 83 , 64 , 62 & 15.
De BRUXELLES , le 17 Juin.
LES terreins des fortifications de Courtrai
, Ypres , Oudenarde , Nieuport , Fiu-
( 1 ) M. de Robespierre , jeune Avocat d'un mérite rare , a
déployé dans cette affaire qui étoit ' a caufe des Sciences & des
Arts , une éloquence & une fagacité qui donne la plus haute
idée de fes connoiffances.
( 138 )
me , &c. fe font vendus avec beaucoup de
fuccès ; les terreins plus étendus de Tournai
fouffriront plus de difficultés , parce que les
efpèces manquent ; une perfonne en a cependant
offert 160,000 florins qui n'ont point
été acceptés.
Les lettres de Hollande portent que M.
Van- Berkel a pris congé des Etats - Généraux
les de ce mois , après cela il s'eft rendu
à l'affemblée des Etats de Hollande & de.
Weftfrife pour s'acquitter du même devoir.
Il fe difpofe à s'embarquer inceffamine nt
pour Philadelphie. La République lui alloue
24,000 florins pour les dépenfes de fon
voyage & 12 florins par jour à dater de
fon inftallation dans fon emploi .
3
» L'affaire du Confeil Suprême de guerre eft
enfin terminée , lit-on dans des lettres de la Haye .
Dès le 30 du mois dernier la Cour de Juftice de la
Province , pour fe conformer à la réfolution de
I'Affemblée des Etats de Hollande & de Weſtfrife ,
avoit fait défenfes aux Procureurs de porter déformais
aucune affaire devant ce Tribunal ; & le ; de
ce mois les fentinelles & leurs guérites furent ele
vées par ordre du Stadhouder , de devant la maison
du Prince Maurice où le Confeil fupprimé tenoit fes
féances. Une autre conféquence de cette fuppreffion
c'eft que les Procureurs qui ont procédé dans ce
Tribunal , ont reçu ordre de rendre leurs commiffions
, & de veiller dorénavant à ne donner aucune
atteinte à la réfolution de L. N. & G. P. Quant aux
appointemens des Membres de ce Collége , que l'on
difoit devoir leur être continués pendant leur vie ,
L. N. & G. P. ont déclaré qu'ils leur feroient pay's
( 139 )
pendant fix femaines , après quoi , on fera connoître
la réſolution ultérieure prife à cet égard «.
Le départ des navires deftinés à la pêche
du harang avoit été fixé au 14 de ce mois
& il en eft parti ce jour- là 60 , tant d'Enkhuyzen
, que du Ryp.
» Les Etats- Généraux , ajoutent les lettres de
Hollande , ayant nommé par leur réſolution du 23
Janvier dernier , MM. Van der Hoop & Steengracht,
Confeillers & Avocats fifcaux des Colléges d'Amirauté
à Amfterdam & à Middelbourg , le Vice- Amiral
Reynft & le Contre- Amiral Van Kinsbergen
pour examiner avec foin la fituation & les circonftances
du port de Fleffingue , relativement à l'entrée
& à la fortie des vaiffeaux de guerre au baffin , ainfi
que pour le rendre au Texel , & voir fi dans cette
iſle même , au Helder ou dans les environs , il s'offroit
une pofition convenable à l'effet d'y placer un
chantier propre à réparer les vaiſſeaux revenus de la
mer; ces quatre Commiffaires remirent le 23 du
mois dernier aux Etats- Généraux un rapport circonftancié
de leurs recherches. Le Stadhouder a
fortement appuyé ce rapport , & l'a recommandé
aux promptes délibérations des Etats des Provinces
refpectives «.
On mande d'Amfterdam qu'on y a reçu
des nouvelles de Batavia portant que le
vaiffeau de la Compagnie des Indes le Mars ,
qui a été équipé en guerre à Malacca , & le
corfaire la Sainte - Thérèse s'étoient emparé
du vaiffeau le Betfy , monté de 24 canons
de 6 livres , qui fe tenoit à l'ancre fur le
fort Riouw. Le corfaire Hollandois le Patriote
s'étoit emparé auffi des autres navires
Anglois , en avoit brûlé 15 de la même Na(
140 )
tion , & détruit un grand nombre de bâtimens
chargés de riz & d'autres proviſions
du Bengale.
» On nous annonce , lit-on dans quelques papiers
publics , qu'inceffamment nous apprendrons que les
Ruffes fe font emparés de la Crimée , ce qui ne leur
fera pas difficile , puifque cette prefqu'ifle eft fous
leur protection & leur dépendance . On veut en mêmetems
que cette Cour ait fondé quelques Puiffances
du Midi pour favoir fi el'e peut envoyer fans incon
vénient 16 de fes vaiffeaux dans la Méditerranée .
Plufieurs gazettes annoncent que dans le traité entre
l'Espagne & la Porte , la Cour de Madrid s'eft engagée
à ne point laifer paffer le détroit à des efcadres
ennemies du Croiffant , mais cela n'a aucun
fondement ; il fe pourroit que le Divan cût été tenté
de faire cette propofition ; mais il n'eût pu fe flatter
de la voir acceptée ; on auroit pu lui demander auffi
d'empêcher à fon tour les déprédations des Barbatefques.
Il ne pourrois efficacement défendre l'Efpagne
contre les courfes des Forbans , & l'Espagne
ne peut pas davantage fe charger d'arrêter les vail.
feaux qui viendroient de l'Océan pour envahir les
mers du Levant «.
PRÉCIS DES GAZETTES ANGL . du 13 Juin.
On dit confidentiellement , que le Lord Avocat
cient d'être déplacé .
Comme le Prince de Galles n'atteindra la majo .
rité que le 12 Août , & que le Parlement ne tien
dra pas alors , on croit que l'on va faire fa maiſon
pendant la féance du Parlement .
Lorfque le Prince Henri fera arrivé avec l'Amiral
Hood , il fera élevé à un grade fupérieur , &
remettra prefque aufli - tôt en mer à bord du
Triumph avec le Capitaine Yfleck. Il paroît parlà
, que ce Prince ſuivra fa carrière avec affiduité
( 141 )
jufqu'à ce qu'il foit en état d'avoir un comman
dement. Il est généralement aimé dans la Marine ;
& il doit ces fentimens à fon mérite perfonnel
beaucoup plus qu'à fa haute naiffance ou la perfpective
de l'influence & du crédit qu'il ne peut manquer
d'avoir un jour.
Un Particulier qui arrive du Cap François , écriton
de Kingſton dans la Jamaïque , débité que , pea
de jours avant de quitter cette place , trois Négocians
y ont été arrêtés & condamnés à être pendus
pour avoir entretenu une correfpondance avec notre
Ifle , par le moyen de nos croifeurs . Il ajoute qu'il
a vu ces malheureux fortir de la prifon , & fe rendre
fur le lieu de l'exécution , mais qu'au pied de
la potence ils ont été renvoyés en prifon en vertu
d'un furfis accordé par l'Officier François , Commandant
en chef.
L'Amiranté vient d'ordonner qu'une frégate , deux
floops & deux cutters , aillent établir leur ſtation
depuis Waterford jufqu'au Cap Cléar , pour empêcher
la contrebande. Le même nombre de bâtimens
croifera au nord de l'Irlande .
Le Vice-Amiral Campbell fera continué daus ſa
place de Gouverneur & Commandant en chef à
Terre- Neuve ; il partira dans peu pour cette ſtation
avec une forte efcadre.
Le paquebot le Hampden venant de Lisbonne , a
apporté à la Compagnie des Indes des dépêches
datées de San-Salvador dans le Bréfil le 19 Décembre
, par lesquelles on apprend que la flotte partie
de Portſmouth au mois de Septembre , eft arrivée
heureufement dans ce premier port.
Un Agent Roffe eft allé à Portsmouth , afin d'y
faire préparer les provifions & autres chofes néceffaires
pour une efcadre de cette nation , qui y eft
attendue dans peu de la Baltique .
On vient d'élever fur la montagne de Norwood,
près de Londres , un fanal fait ſur un nouveau plan .
· 142 )
.
Il a la forme d'une coupole femblable au toît d'une
maiſon cette coupole eft converte de glaces , &
l'intérieur eft garni de Lampes. Le derrière de certe
machine eft plaqué en caivre battu , ce qui ajoute
fingulièrement à la réverbération de la lumière. Si
cette nouvelle invention répond à ce qu'on en attend ,
elle fera fubftituée aux fanaux de nos côtes , fur lefquels
on brûle du charbon , ce qui coûte beaucoup ,
& éclaire fort peu.
On doit faire aujourd'hui les derniers effais à
Portsmouth , pour relever le Royal- George . Cette
entrepriſe coûtera des fommes immenfes , mais auffi
on a le plus grand efpoir de fuccès . Il est parti de
Londres beaucoup de gens de la Cour pour être
témoins de ces opérations.
GAZETTE DES TRIBUNAUX ABRÉGÉE.
PARLEMENT DE PARIS .
--
Caufe entre la four Douville , Supérieure de la
Communauté du Bon- Pafteur d'Orléans . - &
la veuve Pitre. Demande en nullité de difpofition
univerfelle , au profit d'une Communauté
Religieufe.Capacité des Filles de la Communauté
du Bon-Pafteur de recevoir des Legs.
La Supérieure d'une Communauté , où l'on ne fait
que des voeux fimples , eft- elle capable de recevoir
un Legs univerfel , fur- tout lorfque l'on peut foupçonner
que fon nom a fervi de prétexte au teftateur ,
pour faire paller fur cette même Communauté , des
libéralités qu'elle ne pouvoit recevoir directement ?
telle eft la queftion que le teftament du fieur Gravier
a fait naître. Le fieur Gravier après avoir été
long- tems Chanoine de St - Agnan d'Orléans , réfigna
fon bénéfice au fieur Auger , duecteur de la Communauté
du Bon- Pafteur d'Orléans , qu'il avoit aidé
dans le foin de cette direction ; prenant un intérêt
fenfible à cette Communauté , il voulut lui en don(
143 )
-- ner des preuves dans fon teftament. Il fit donc
différens Legs particuliers à fes parens , aux pauvies
de la paroifle , à fa domeftique ; enfuite il donna
par forme de Legs univerfel , le furplus de fon mobilier
à la Communauté des Filles du Bon - Paſteur.
Et à l'égard de les immeubles , confiftant en
rentes conftituées , il les donna & légua à la demoifelle
Douville fa coufine , Supérieure de la Communauté
, qu'il nomma & inftitua Légataire univerfelle,
quant à cet objet . L'abbé Auger fut fon exécuteur
teftamentaire , & prié d'accepter un Pendule à
répétition & fes Livres. Après la mort du fieur
Gravier , la foeur Douville demanda la délivrance
des deux Legs univerfels portés en fon teftament.
Une Sentence par défaut lui adjugea fes conclufions.
Appel de la part des Héritiers , & Sentence du Châtelet
d'Orléans , confirmative de la première , en
affirmant séanmoins par la foeur Douville , qu'elle ne
prêtoit fon nom directement ni indirectement à fa
Communauté , & qu'elle entendoit profiter feule du
Legs univerfel. Appel en la Cour de la part de la
veuve Pitre héritière du fieur Gravier , & Arrêt du
6 Juillet 1782 , confirmatif de la Sentence du Châ
telet d'Orléans .
----
GRAND'CHAMBRE.
Inftance entre lefieur B... , Confeiller au Bailliage
de T... Et le fieur G... , Commiffaire de
Police.

Il vient d'être jugé que les Confeillers députés
par le Lieutenant Général de T... , pour affifter le
Lieutenant de Police audit Siége dans les jugemens ,
ont le droit de remplacer celui -ci dans fes fonctions ,
dans le cas de maladie ou autre empêchement , & ce
privativement au Procureur du Roi , qui prétendoit
d'après l'Edit de création des Procureurs du Roi à
la Police , avoir le droit de remplacer le Lientenant
de Police, L'Arrêt eft du 24 Mars 1783 .

( 44 )
PARLEMENT DE DAUPHINÉ.
Caufe entre le fieur Nicolas , Docteur en Médecine
, Et le College de Médecine de Grenoble.
-
Le fieur Nicolas , Docteur en Médecine , ayant
merité la confiance du Gouvernement pour le traite .
ment des maladies épidémiques , dans la Province
du Dauphiné , follicitoit depuis long- tems d'être
agrégé au College de Médecine de Grenoble ; il
avoit fatisfait à tout ce que les Statuts de ce
Collége exigent. Cependant on faifoit difficulté de
l'agréger , fans vouloir lui en déduire les motifs .
Le fieur Nicolas fe pourvut au Parlement , qui ,
fur le refus que faif it le Collège de Grenoble d'examiner
le Candidat , commit l'Univerfité de Valence
pour remplir à cet égard les fonctions du
Collége. L'examen fubi , Ordonnance de la
Cour , qui prononça l'agrégation , & accorda même
au fieur Nicolas la préléance fur le fieur Jouran
du Chados , qui s'étoit fait agréger pendant
l'inftance. Arrêt contradictoire du 8 Avril 1783
qui confirme ladite agrégation.

――
PARLEMENT DE NORMANDIE.
Impofitions Royales .
Gap.com
Par Arrêt rendu au rapport de M. D nneville en
la premiere des Enquêtes le 31 Mars 1783 ; il a
été jugé que cette claufe fans déchet , mife dans
un contrat de fieffe fait en 1702 , huit ans avant
l'établiſſement du premier ving ieme , emportoit au
profit du fieffant , l'exempion de dimi uer les im
pofitions Royales. Dans le fait particulier , il y
avoit eu en 1712 une quitance générale , dans la
quelle le débiteur de la rente n'avoit point diminué
les Impofitions Royales , le créancier lui avoit
feulement tenu compte du quart denier payé au
Syndic de la Paroiffe. Depuis 1712 , le débiteur
avoit toujours payé à compte.
JOURNAL POLITIQUE
DE BRUXELLES.
TURQUI E.
De CONSTANTINOPLE , le 8 Mai.
La
E Vice Amiral doit inceffamment mettre
à la voile pour l'Archipel , où il ira recueillir
les tributs ordinaires ; le Capitan-
Bacha reftera encore dans cette Capitale où
fa préſence eft néceffaire pour porter à leur
perfection les différens plans qu'il a conçus
pour l'amélioration de nos forces navales.
Jufqu'à préfent la Porte n'entretenoit qu'un
petit nombre de vaiffeaux de ligne ; ils
n'étoient pas de la première grandeur ; leur
conftruction étoit défectueufe ; ils tiroient
trop d'eau ; on va réformer tous ces défauts ,
& les moyens ne manqueront pas , parce
que nous avons tous les matériaux nécef
faires , en bois & en fer , & de bons Ouvriers
pour les mettre en ufage ; le Capitan-
Bacha s'occupe auffi du foin de former des
marelots & des Officiers ; on exerce les
mariniers à l'Européenne , & ils font à
préfent armés de fufils & de bayonnettes .
28 Juin 1783.
( 146 )
Cinq vaiffeaux de ligne & quelques frégates
viennent de fortir de ce port & de
diriger leur cours vers la mer Noire , à
l'entiée de laquelle un renégat Allemand
vient d'établir 2 nouvelles batteries.
On raconte du Grand- Vifir l'anecdote
fuivante que nous nous empreffons de tranf
crire.
" Un de fes efclaves lui ayant demandé un emploi
pour un de fes amis , le Vifir voulut favoir
quels étoient les talens du fejet propofé ; l'air févère
qu'il prit embarraffa l'efclave qui le vit forcé d'avouer
que cet ami avoit acheté fa ecommandation
par une fomme d'argent. Fais- moi venir cet ami
d'argent , lui dit le Vifir. Il fallut obéir , & Iafpirant
à la place contraint de répondre pourquoi il
avoit employé le crédit d'un efclave pour l'obtenir ,
répondit qu'un de fes parens avoit fait fortune par le
même moyen fous le Grand. Vifir Oglou . Et quel eft
l'emploi actuel de ce parent , demanda le Vifir ? fon
talent pour dreffer les ferins deſtinés à l'amufement
des Sultanes , lei répondit- on , l'a élevé à une place
qui lui procure 1000 fequins de revenu. Et quel eft
ton talent à toi , reprit le Miniftre ? ... de jouer de
la harge ... As-tu un inftrument ? il fut avoué qu'il
avoit été vendu pour faire la fomme à laquelle l'efclave
mettoit fa protection. Le Grand- Vifir fit donner
la baftonnade à l'efclave protecteur en préfence
de tous fes gens , & rendant fon argent au protégé ,
il lui dit de racheter fa harpe & de s'en fervir pour
gagner la vie , en l'affurant que dans la marine &
dans l'armée , on n'avoit aucun befoin de fon talent
".
( 147 )
RUSSI E.
De PETERSBOURG , le 16 Mai..
L'IMPERATRICE vient de racheter le Palais
qu'elle avoit fait conftruire pour le
feu Prince Orlow , & en a fait payer le prix
à fa famille , elle en a fait préfent au jeune
Grand - Duc Alexandre , auquel elle a conféré
en même-tems la charge de Grand-
Maître de l'artillerie que le Prince Orlow
occupoit. Le Général Muller en fera les
fonctions fous S. A. I.
M. Betzky a demandé & obtenu la dé
miffion de fes emplois à caufe de ſon grand
âge , le Corps des Cadets qu'il commandoit
n'aura plus d'autre Chef que le Grand-
Duc ; & la Maifon des filles nobles dont
on lui doit l'établiffement , fera fous la direction
fuprême de la Grande Ducheffe.
Comme les différends furvenus entre
notre Cour & la Porte ne font pas encore
décidés , & que les conférences continuent ,
on attend avec impatience quelle fera leur
iffue. L'efcadre prête à faire voile de Cronf
tadt elt compofée de 10 vaiffeaux de ligne .
On la dit deftinée pour la Méditerranée ;
l'Impératrice accompagnée du Grand Duc
& de la Grande- Duchefle , doit aller vifiter
cette efcaire à bord du vaiffeau l'Elifabeth
conftruit à Cronstadt & qu'on regarde ici
comme un des plus beaux vaiffeaux du
monde.
g 2
( 148 )
SUEDE.
De STOCKHOLM
> le 29 Mai.
Le Roi doit conduire après demain les
troupes de notre garnifon au camp tracé
près de cette ville où elles manoeuvreront
pendant quelques jours. On travaille aux
préparatifs néceffaires du voyage que S. M.
fe propofe de faire en Finlande ; mais le
jour de fon départ n'eft point encore fixé.
Avant hier , on a lancé ici à l'eau en
préfence de la Famille Royale , un vaiffeau
des à 600 lafts conftruit pour le compte
de la Compagnie des Indes orientales de
Gothembourg. Depuis plus de 20 ans il
n'avoit pas paru un bâtiment fi grand fur
nos chantiers .
ALLEMAGNE.
De VIENNE , le 4 Juin.
L'ARCHIDUC Maximilien eft arrivé ici le
31 du mois dernier de retour de fon voyage
d'Italie ; nous nous flattons de pofféder bientôt
l'Archiduchelle Marie Amélie , épouse
du Duc de Parme , qui arriva le 22 à
Infpruck où elle eft restée avec l'Archiducheffe
Marie Elifabeth jufqu'au 28 qu'elle
s'eft rendue à Klagenfurth pour y faire une
vifite à l'Archiducheffe Marie- Anne.
On s'attendoit à revoir ici demain
l'Empereur ; mais fon retour eft retardé de
( 149 )
quelques jours ; il veut auparavant paffer
en revue les troupes réparties dans la Galicie.
>
On dit que le camp de Peft en Hongrie ,
qui devoit avoir bientôt lieu , a été contremandé
, & que tous les foldats abfens par
congé ont reçu ordre de rejoindre leurs
corps refpectifs . Les tranfports de munitions
& d'artillerie continuent toujours
& on travaille jour & nuit en Bohême aux
réparations des fortereffes , & les fortifications
de Therefienftatd font pouffées avec
beaucoup de vivacité ; soo hommes des régimens
de Stain & de Thurier , en garnifon
à Lintz , y ont été envoyés pour être
employés à ces travaux.
---
Une épizoo ie, écrit- on de Presbourg , a cont
mencé à fe manifefter dans ces environs , & pour
prévenir la contagion , il a été ordonné de ne poist
laifer forir de bêtes à cornes de ce dift.ict , fans
une permilion , qui ne fera accordée qu'après une
vifi è préalable. e
On apprend de plufieurs endroits
de la haute Ho grie , q e le 13 de ce mois ,
il y eft tombé une pluie fi prodigieufe , que les vignes
ont été inondées à Retzelsdorf , & qu'à Toplitz les
ponts ont été renversés par les toriens. La ville
de Kamnitz a été profque ruinée ; la foudre y tomba
ficceffi.ement en 9 endroits différens & avec un
effet & terrible , qu'en peu de tems toute la ville
fut en famates ; les maifcus , à un petit nombre
près , ont été réduites ea cend es ; 70 perfonnes
ont perdu la vie , foit par la violence d.s flammes ,
foit par celle des caux , qui tombolent avec tant d'impétuofité
du haut des inontagnes , qu'elles entraî
nirent tout ce qui fe trouva dans leur paffage .
8 3
(( 150 )
De HAMBOURG , le 9 Juin .
LES avis qu'on reçoit des frontières
de la Turquie & de la Pologne , s'accor-
'dent tous à faire craindre que la rupture
entre la Ruffie & la Porte ne foit au moment
d'éclater. Les préparatifs de la Ruffie
font immenfes , & fes troupes font en marche
; fa flotte fe partagera , dit- on , en deux
efcadres , dont l'une croifera dans l'Archipel
& l'autre fe tiendra dans le voisinage de
Conftantinople. La Porte de fon côté ne
fait pas de moindres préparatifs ; il eft déja
arrivé d'Afie dans les environs de la Capitale
de l'Empire plufieurs corps confidérables
qu'on exerce journellement pour les
accoutumer à la difcipline . Les Spahis , s'il
faut en croire ces lettres , ont ordre de fe
rendre en Bofnie ; & il y a aux environs
de Gianikli en Afie cent mille hommes
prêts à marcher au premier ordre ; on foupçonne
que cette armée , fous le commandement
de Gianili Ali Bacha , doit faire une
tentative fur la Crimée , & que les bâtimens
affemblés depuis peu , protégés par
les vaiffeaux de guerre qui font prêts , doivent
être employés à tranfporter une partie
de ces troupes fur les côtes de la Péninfule.
Au milieu de tous ces mouvemens on
ignore encore l'objet de ceux de la Maifon
d'Autriche , & fi elle prendra part aux évè
nemens qui femblent fe préparer. Une lettre
( 151 )ད
de Vienne rapportée ainfi dans plufieurs de
nos papiers ajoute à ces incertitudes.
» Un Courier anivé aujourd'hui , 4 Juin , a apporté
à la Chancellerie de Hongrie des ordres de
S. M. I. que l'on dit de la plus grande importance.
On les croit relatifs à cette grande énigme
que l'on s'efforce envain de deviner , & fur
laquelle fe porte la curiofité générale . L'incertitude
de l'époque du retour de l'Empereur ,
& même du lieu de fon féjour actuel ; l'opinion
cù l'on eft , qu'il s'eft porté du côté où les premières
hoftilités éclateront , fi elles ont lieu ; des
marches de troupes , des tranfports continaels
de munitions du côté de la Hongrie , femblent
concourir à faire regarder l'expiration de notre trève
avec les Ottomans , comme celle d'une guerre inévitable.
Le bruit fe répand que la Cour de Péterf
bourg a déja fait fa déclaration , que l'armée Ruffe
s'eft avancée en trois divisons fur Bender en Croa
tie. Tout eft préparé pour l'ouverture d'une campagne
; on prétend que les camps d'exercice , & particulierement
celui de Peft & de Minkendorf ont été
contremandés , & que les gros magaſins deſtinés à
celui de Peft qui devoient être très nombreux , ferviront
à l'armée. Mais fi ces bruits fe confirment ,
de quel oeil les verront les Puitlances maritimes ? on
fait que toutes font intéreffées à conferver leur
commerce dans le Levant , & que l'accroiffement
d'une ou de deux puiflances peut exciter l'attention
des Etats qui ont intérêt à ce que l'équilibre
ne foit pas derangé . Nous fommes encore dans l'obfcurité
; le tems feul peut la diffiper , & il eft difficile
que la lumière foit encore éloignée , il faut l'attendre
& écarter les conjectures .
S'il faut en croire d'autres papiers , la
Cour de Pétersbourg demande que la fortereffe
d'Oczakoff foit abandonnée à la Cri-
8 4
( 152 )
mée , & qu'en conféquence elle foit évacuée
par les Ottomans ; fi ce point important
étoit accordé , il procureroit de grands
avantages & de grandes facilités au commerce
de la nouvelle ville de Cherfon.
Quelques lettres de Vienne portent qu'il
a été expédié des lettres circulaires par lef
quelles il eft permis de rouvrir les Chapelles
qui avoient été fermées & d'y dire
des Meffes . S. M. , ajoutent ces mêmes lettres
, a affigné un fonds de soo, oco florins
pour l'entretien de bons Maîtres d'école
dans la Galicie & la Lodomerie .
La Figure ecloffale de cuivre , écrit- on de Ber-
Jin , qui doit être placée fur la nouvelle tour du
marché des Gendarmes , eft finie ; elle a 10 pieds de
haut & pe e 16 quintaux . C'eft une femme debout
fur un globe , auteur duquel on voit un ferpent
mordant dans une pomme ; elle repréfente le triom
phe de la religion fur la féduction du péché. Le
Roi de Pruffe a accordé aux habitans Catholiques de
la ville de Helten , pays de Clèves , le libre exercice
de leur religion & la permiffion d'y faire bâtir une
Eglife & d'entretenir un Curé. Le 28 Mai ,
il le forma du côté de Glogaw un crage épouvantable
qui éclata dans l'après - dînée ; la grêle dont les
grains étoient de la groffeur d'en af de pigeon détruifit
dans l'étendue de 3 milles à la ronde toute
l'espérance du cultivateur. Les plus gros arbres
furent déracinés , quantité de gros & de meau bétail
fut noyé par les toriens que forma une pluie
abondante. Les habitans pour fauver leurs jours furent
obligés de chercher un afy'e dans leurs greniers .
ravages caufés par l'orage n'ont pas été moindres
aux environs de Horfchberg. La foudre tomba fur
le château de Warmbruk appartenant au Comte de
Les
( 153 )
Schaffgotfch & pénétra dans la falle à manger au
moment où la compagnie venoit d'en fortir. Cette
falle & quelques autres appartemens ont été détruits ;
mais perfonne heureufement n'a péri ni même n'a
été bleffé «.
ESPAGNE.
De MADRID , le 25 Mai,
LA démolition de toutes les fortifications
de Minorque dent on paroifloit vouloir
conferver quelques - un's a été décidée
dans un Confeil tenu à plufieurs reprifest
devant le Roi pe dant le courant du mois
dernier ; & l'ordre pour l'exécuter a été
expédié au Commandant de cette ile où
l'on apprend qu'on a déja fit fauter le fort''
St-Philippe & quelques autres ouvrages.
Les corfaires Barbarefques ont perdu par
la conquête que nous avons faire de cette
ifle des commodités qu'elle leur offroit pour
faciliter & affurer leurs courfes . Pour protéger
& foutenir notre commerce contre
leurs infultes , la Cour a ordonné qu'il y
ait toujours à Carthigêne une efcadre deftinée
à leur donner la chatfe. Il eft queftion
auffi d'un fubfide que POrdre de Malte recevra
, dit- on , des Puiffances intérellées à
la liberté & à la fûreté de la navigation fur
la Méditerranée , pour tenir en mer un plus
grand nombre de galères qui veilleront furr
toutes les côtes d'Afrique.
» Une divifion de 12 vaiffeaux de ligne de la
flotte aux ordres de D, Louis de Corlova , écrit-on
& S
( 154 )
de Cadix , doit refter dans le port de Carthagêne ;
14 antres feront ftationnés au Ferrol & toujours
prêts à mettre à la voile ; le reste de la flotte fera
défarms. On continue ici l'équipement d'un nombre
confidérable de galiotes à bombes & de chaloupes
canonnieres qui efcortées par deux vaiffeaux de
ligne , doivent parti inceffamment pour une expédition
particulière , mais dont l'objet eſt encore incertain
".
On apprend de Lisbonne qu'on y a fenti
au commencement de ce mois trois fecouffes
de tremblement de terre , qui n'ont
heureuſement occafionné aucun dommage ,
mais qui ont répandu parmi les habitans
une terreur très - vive , accrue par le récit
des malheurs de la Sicile & de la Calabre ,
& par le fouvenir de ceux que cette Capitale
a éprouvés au milieu de ce fiècle.
ANGLETERRE.
De LONDRES , le 17 Juin.
Nos nouvelles de l'Amérique feptentrionale
fe réduifent à celles que nous a apportées
le paquebot le Vigilant parti de
New-Yorck fur la fin d'Avril. A cette époque
la communication avoit été ouverte
entre cette ville & les autres ports Amé-,
ricains , & les vaiffeaux de toutes les nations
, ceux de France & des Etats - Unis y
entroient librement ; on y avoit vu entre
autres une frégate Françoife venue de Philadelphie
& une chaloupe de guerre de
Rhode Island ; il y avoit encore quelques
( 155 )
troupes Françoiles dans cette ille ; & on
dit qu'elles ne devoient l'évacuer que lorfque
nos troupes auroient quitté New- Yorck ,
ce qu'on ne croit pas pouvoir fe faire avant
la fin de l'été .
Les papiers Américains apportés par le
même paquebot nous offrent plufieurs autres
nouvelles , & entre autres les réfolutions
que prit le Congrès lorfque l'armée
du Comte de Rochambeau fe difpofa à quitter
le continent pour paffer aux ifles . Ces
réfolutions contiennent des remerciemens
fincères & pleins de reconnoiffance & d'affection
pour l'armée & pour le Général qui
la commandoit. Alors on étoit encore incertain
de l'iffue des négociations entrepriſes
en Europe pour le rétabliſſement de
la paix ; & elles prouvent combien avoient
fait peu d'impreffion fur les Etats-Unis , les
bruits femés pour leur infpirer de la défiance
fur les vues de la France qu'on difoit
n'avoir pas débarqué une armée dans
ce pays , fans le deffein d'y faire des conquêtes
propres à l'indemnifer de fes dépenfes.
Ce fut au commencement du mois d'Avril
que le Général Washington eut la confirmation
de la conclufion du traité provifionnel
entre la Grande - Bretagne & les
Etats Unis ; le 18 il fit publier dans fon
armée la proclamation fuivantc.
» Le Commandant en chef ordonne , que la ceffation
des hoftilités entre les Etats - Unis de l'Amé
g 6
( 156 )
rique & le Roi de la G. B. foit publiquement proclamée
demain à midi , à l'Edifice Neuf , & que la
proclamation qui fera communiquée avec la préfente
, foit lue demain au foir à la tête de chaque ségiment
& de chaque corps dans l'armée ; après quoi
les Chapel ins des brigades refpectives rendront au
Tout-Puillant des actions de graces , paniculièrement
de ce qu'il lui a plu de mettre un frein à la
colere de l'homme , & de faire ceffer les fureurs de
la guerre parmi les nations. Quoique cette prociamation
fe borne à la prohibition des hoftilites , &
non à l'annonce d'une paix générale , tout bon citoyen
en reifentira la fatisfaction la plus raifonnable
& la plus fincere , fuifqu'elle met fin à une conteftation
longue & douteufe , arrête effufion du fang
humain , cuvre la perfpective d'une fène plus
yante , & comme une autre étoile du matin , promet
l'approche d'un jou: plus brillant que celui qui
a éclairé jufqu'à préfent l'hémisphère occidental . A
l'époque d'un jour aufli heureux , qui eft lavantcoureur
de la paix , qui termine la huitième an´e
de la guerre , il y auroit de l'ingratitude à ne pas fe
réjouir , & de l'infenfibi ité à ne point prendre part à
la félicité générale . Le Commandant en chef préfente
fes congratulations les plus cordiales en cette occafion
à tous les Officiers de quelque rang qu'i's foient ,
à toutes les troupes de Eats - Unis en géréral , à
ces hommes courageux & persévérans , qui fe font
engagés à défen ire les droits de leur patrie , autli
long- tems que la guerre dureroit : ce font là les
hommes qui doivent être regardés comme la g oire
& l'ornement de l'armée Américaine , & qui , cor
ronnés de lauriers bien mérités , pourront bientôt
paffer du champ de la gloire aux fentiers plus tran
quilles de la vie civile. Le Commandant en chef en
fe rappellant avec un mélange de plaifir , d'étonnement
& de gratitude , la variété prefqu'infinie des
fcènes à travers lesquelles nous avons paflé , & en
( 157 )
contemplant avec raviflement les perfpectives qui
s'ouvrent devant nos yeux , fouhaite que les braves
gens , de quelque rang qu'ils foient , qui ont partagé
les travaux & les dangers de cette glorieufe révolution
, qui délivre des millions d'hommes de l'oppreffion
, & pofe les fondemens d'un grand Empire , aient
une idée convenab'e du grand rôle qu'ils ont été
appellés à remplir , fous les regards propices de la
Providence , fur le théâtre des affaires humaines.
-
La tâche g orieufe pour laquelle nous avons pris
les armes étant em lie , les liber és de notre patrie
étant pleinement reconnues & fermement allurées
per la faveur du Ciel & les efforts honnêtes d'un
peuple déterminé à être libre contre une nation puiffante
difp fée à l'opprimer, & le caractère de ceux
qui ont perfévéré à travers toutes les extrémités de
rigueurs , de fouffrances & de dangers , étant confacré
à l'immortalité par le glorieux nom d'armée patriote
, il ne refte plus rien a faire aux acteurs de cette
fcène étonnante que de confer er une uniformité
parfaitement invariable de caractère jufqu'à la fin du
dernier acte , pour mériter les applaudiffemens du
Public , & de fe retirer du théâtre militaire avec la
même approbation des anges & des hommes , qui a
couronné toutes leurs actions vertueules . A cet effet
il ne faut tolérer aucun défordre i licence : tout
foldat qui fait réfléchir & qui eft bien difpofé , ſe
rappellera qu'il faut attendre avec patience jufqu'à ce
que la paix fcit déclarée , ou que le Congrès puille
prendre les mefures convenables pour la sûreté des
munitions publiques , &c. Aufi tot que cet arrangemens
feront faits , le Général s'affère qu'il ne fera
mis aucun délai à congédier , avec toutes les mar
ques de diftinction & d'honneur , ceux qui font engagés
pour la durée de la guerre , & qui auront alors
remsli fidèlement leurs esgagemens avec le Publis.
Le Général s'eft déjà intéreffé en leur faveur ; & il
De croit pas qu'il foit néceffaire de réitérer les affu
( 158 )
rances de fes difpofitions pour leur être utile dans
l'occafion préfente & dans toutes celles qui pourront
s'offrir convenablement. En attendant il eſt déterminé
à ne fouffrir qu'aucunes négligences ou excès
militaires reftent impusis , auffi long- tems qu'il fera
revêtu du commandement de l'armée . L'Adjudant-
Général fera détacher tels partis de travailleurs pour
aider aux préparatifs des réjouiffances générales que
l'Ingénieur en chef de l'armée pourra demander ; &
le Quartier Maître- Général fera imprimer fans délai
le nombre de congés néceffaires pour tous les hommes
enrôlés pour la durée de la guerre : & il lui
plaira d'adreffer au Quartier- Général une ration extraordinaire
de liqueur , pour être diſtribuée demain
à chaque foldat , afin de boire : A la paix perpétuelle
& à la profpérité des Etats-Unis de l'Améri
que !
сс
Au moment où la paix a été conclue , il
étoit tout fimple qu'il s'élevât beaucoup de
plaintes fur les conditions ; nos papiers en
conféquence ont été remplis de réflexions
& d'obfervations dictées par le mécontentement
& l'efprit de parti ; il étoit jufle qu'il
fe trouvât des Ecrivains qui priffent la défenfe
de cette paix avec l'Amérique , qui
étoit devenue indifpenfable. C'eſt ce qu'on
a fait dans le Pamphlet fuivant cù l'on
remarque fouvent de bonnes vues & dont
nous rapporterons les principaux objets.
Pour juftifier le Ministère d'avoir cédé une im
menfe quantité de terrain aux Etats-Unis de l'Amérique
, on remarque que les limites qui ont été
établies , font en partie fixées par la nature ; ce font
des rivières ou des lacs qui , par eux -mêmes , ne peuvent
à l'avenir donner lieu à aucunes querelles . Les
bornes des poffeffions des Etats Unis font précifé(
159 )
ment celles que l'on avoit allignées à ce Pays , avant
fon indépendance. Les limites du Canada avoient
été fort étendues , à la vérité , par l'acte de Québec
paffé en 1774 , mais cet acte tyrannique & vexatoire
pour l'Amérique-Septentrionale ne pouvoit fervir
de bafe au préfent traité . Le commerce du Canada
fouffrira , fans doute , par l'indépendance de
l'Amérique ; mais il n'est pas dans la nature que
les uns aient tout & les autres rien . Les marchands
de Québec avoient attiré à eux presque tout le com
merce de cette partie depuis le commencement des
troubles. Ce monopole ne pouvoit pas toujours durer,
& n'étoit pas un objet affez important pour
faire continuer la guerre. Quand la paix fera for
mellement établie , le commerce des fourrures fe
fera en partie par un nouveau canal ; car la rivalité
qui fe trouvera entre les marchands des
deux puiflances invitera naturellement les Indiens
à traiter avec ceux qui leur offriront le plus ; ce
que peuvent faire plus facilement les Anglois , qui
en général ont plus de moyens . D'ailleurs l'Angleterre
reftant maitreffe des pays feptentrionaux , où
fe trouvent les plus belles pelleteries , où les chaffes
font plus abondantes , n'éprouvera pas une gran
de diminution fur ce commerce. Quand même on
fuppoferoit, contre toute vraisemblance , que les Américains
pourroient , au moyen des communications
que leur ouvre la rivière de Hudfon , laiffer leurs
pelleteries à plus bas prix à New-York que ne le
peuvent faire les marchands du Canada , les manufactures
Angloifes n'en fouffriront pas. Leur objet
eft d'obtenir ces peileteries au plus bas prix poffible
mais que le marchand Européen achète du
chaffeur Indien ou du revendeur Américain , c'eft la
même choſe pour la manufacture. Il eût été oppofé
à la faine politique & à la prudence de garder
les forts qui font au fud des borses des poffeffions.
Angloifes , comme l'ont cru quelques perfonner..
( 160 )
Car on les avoit confervés comme des places
de sûreté contre les Amélicaius ; non-n - feulement : ls
euffent été infuffians pour cet objet , & les dé,
penfes pour l'entretien des garnifons très - co afidérables
, mais ils euffent auffi exciré la même jalou .
fie , & infpié les mêmes craintes de nos deffeins
que dans le tems où les Colonies cièrent que les
François les avoient enveloppées d'une chaîne de
forts. Ce traité de fais , fi on avoit voulu le faire
fur ce pied , au oit fourni des prétextes pour une
nouvelle guerre plutôt que de mettre totalement
fi à l'ancienne. Si d'un a tre côté , on cût cour
fervé des forts dans la vue de s'en fervir pour
protéger le commerce des Anglois avec les Indiens
, on cût pris un pa ti oppofé à nos vrais
intérêt . Il fera certainement bien plus avantageux
de bâtir de petites places pour cet objet fur le cóté
oppofé de la rivière , dans la vue d'écarter des Américains
le commerce des fourrures , que de nous
expofer à d'éternelles conteftations avec eux. Ajo. *
tons à cette raison qu'il eft dans la nature de lailler
aux vendeurs le droit de choifir l'acheteur , & que
toute claufe contraite a droit naturel , en deshnorant
les négociateurs , prépare aux contractans
de nouveaux fujets de querelle . Ce traité fera le premier
dont le droit des hommes ait fait la bale .
On a avancé qu'en perdant la poffeffion de Pen - bfco:,
nous étions privés d'un vafte territoire , qui
pouvoit nous être de la plus grande utilité , en nous
fourniflant des mâts pour nos vaiffeaux . Cet affer
tion manque de vérité , car le pays eft tout 2 - fair
épuifé , & on n'y tro ive plus aujourd'hui d'arbres
propres à cet usage. Quand les jeunes qui croiffent
maintenat fernt dune grandeur convenable ,
les achètera à affi bon compte du poffeffeur Amé
ricain que l'on eût pu les avoir de nos fujets . Mais
nous avons d'antres refources pour nous procurer
des mâtures. On doit de plus obferver , dans ce qui
( 161 )
regarde les limites du Canada , qu'en conſentant à
les placer comme elles le font , le Gouvernement
a des vues politiques , & des vues de commerce.
Si , politiquement parlant , nous cuffions pu revenir
dans l'état où nous étions en 1763 , c'eût été fans
doute une chofe très - defirable ; mais prifque cela
eft impoffible , il faut voir quel confeil nous donne
la fagefle dans la fituation préfente ? Elle nous prefcrit
de pofer les fondemens d'un autre fyftême plus
étendu & plus vafte , dont le principal objet doit
être une paix permanente. Pour y parvenir , il faut
néceffairement prévenir toute femence de diffenfion ,
de jaloufie , de querelles à venir . Si on y avoit introduir
quelque condition choquante on humiliante ,
ou la négociation eût été totalement rompue , où
files Américains s'y fuffent foumis , leurs préjugés
contre les Anglois en euffent acquis de nouvelles
forces , & fait naître des occafions de nous plonger
de nouveau dans les horreurs de la guerre . La vraie
politique dictoit donc la néceffité d'adopter des mefures
capables de produire une fincère réconciliation
& une amitié cordiale entre les deux nations ,
fentimens qui produiront peut - être un jour une
alliance entr'elles , fans compter de grandes dépenfes
qui ne font pas encore pories en compte ; l'acqui
fition du Canada , qui a fait tout le prix du traité
de 1763 , nous a coûté en fix ans & quatre mois ,
299,519 liv . fterl. , & 19 fchel 6 fols & demi ; ce
qui fait par an plus de 45,000 liv . fterl . ( environ
un million de liv . de France ) . Il faudroit déduire de
cette fomme les profits qu'a pu faire la nation
fur le commerce de cette paitie . Mais il ne faut
pas non plus oublier d'ajouter à la perte l'augmentation
de la dépopulation de l'Angleterre , qui eft
montée à un point confidérable .
>
L'Amirau é a appris fucceffivement par
divers paquebots arrivés de la Jamaïque
( 152 )
que l'Amiral Hood , en vertu des ordres
qu'il avoit reçus , avoit appareillé de Port-
Royal le 24 Mars avec fon efcadre pour
revenir en Angleterre ; & on avoit été inftruit
à Kingſton le 26 Avril par la frégate
la Diane , venant de Sainte- Lucie , qu'avant
fon départ prefque toute l'efcadre de l'Amiral
Pigot avoit également appareillé pour
l'Europe ; & que l'Amiral lui- même devoit
partir bientôt pour la Grande- Bretagne à
bord du Formidable , laiffant feulement le
Chevalier Richard Hughes avec le Leander
& un petit nombre de frégates pour la
protection du commerce dans cette ftation.
Les mêmes lettres répètent les détails
qu'on a déja donnés de la vifite du Prince
William- Henri au Cap François ifle St-
Domingue ; elles ajoutent qu'il te propofoit
de voir aufli la Havane avant fon retour en
Angleterre , & on ne doutoit point qu'il
n'y fût reçu avec toute la politeffe & la
galanterie généreufe qui diftingue la nation
Espagnole. On en peut jeger par le fait fuivant
qui ne devoit pas échapper à l'attention
des nouvelliftes , & qui fe trouve dans
tous nos papiers .
» Vers la fin de l'année dernière il éclata une rebellion
dans le diſtrict des Natchés , Province de la
Louisiane : elle fur appailée ; & les chefs des révoltés
ayant été faifis furent conduits à la Nouvelle - Or-
Téans , où ils furent jugés par un Confeil de guerre
& condamnés à mort. De ce nombre étoient cinq
Anglois. Don Bernardo de Galvez ayant reçu leur
( 163
fentence , peu de jours avant l'arrivée du Prince
Guillaume- Henri au Cap François , pour la confirmer
en qualité de Gouverneur- Général de la Louifiane ,
crut qu'il ne pouvoit faire à S. A. R. de compliment
plus agréable que de lui faire préfent de la vie de fes
compatriotes qu'ils avoient forfaite. En conféquence
il mit entre fes mains un pardon plénier & libre pour
ces cinq Anglois , & accompagna cette action de
circonftances qui ajoutèrent encore à fon prix ",
On fe propofe de ne laiffer aux Ifles qu'un
feul vaiffeau de 54 à 50 canons & 2 frégates.
Nos forces navales feront plus confidérables
à la Jamiique , où nous conferverons plufieurs
vailleaux de ligne.
Suivant l'état des vaiffeaux mis en ordonnance
depuis la paix , il paroît qu'il y en a
2 de 100 canons , s de 90 , 3 de 80 ,
dix de 74 , onze de 64 , deux de 60 , dix
de so , quatre de 44 ; trente- cinq frégates',
& 32 tant loops que cutters , bombardes ,
& c. , en tout 121 .
Il a été arrêté que tous les vaifeaux qui ne
font plus en commillion , feront examinés
tous les trois mois par des Infpecteurs . On
parle auffi d'une nouvelle méthode de fumigation
qu'on emploiera d ux ou trois fois
pendant l'année , & qui , dit- on , eft efficace
pour empêcher la génération de la vermine ,
fi deftructive des vaiffeaux qui restent fans.
fervice. La vente de la Princeffe Caroline ,
de so canons , prife fur les Hollandois , a
été décidée , & le Sandwich de 90 a été déclaré
abfolument hors d'état de rendre aucune
efpèce de fervice.
( 164 )
O apprend de Portfmouth que l'équipage du
brûlot la Betti composé de matelors qui ont eu part
à plufieurs actions de la campagne , & fur- tour , à
celle du 12 Avril de l'année dernière , fe readit le
4 de cemois , en cores , chez M. Lindegreen , Agest
pour les prifes , & lui demanda d'une manière fort impérieufe
la part qui revenoit à chacun , des deniers réfultans
de celle de plufiers vaiffeaux ennemis. Sur
le refus de l'Agent , les matelots menacèrent de détraire
fa maifon & fe mettoient déja én devoir
de le faire , lorfqu'un particu ier fortant de la maifon
de l'Agent , s'offrir à leur fureur ; ils le pritent
pour un des Commis du Bureau , fe faifire..t de
lui , & l'entraînèrent vers le port dans le deffein
de le noyer. On ne réuffit à le tirer d'entre leurs
mains qu'en leur promettant de les facisfaire au
plutôt.
>
On ignore encore où en eft la paix avec
´les Hollandois ; s'il faut en croire quelquesuns
de nos papiers , on eft enfin convenu de
plufieurs articles parmi lefquels ils comp-
' tent ceux- ci.
33 L'Angleterre jouira d'une liberté générale de
commerce dans toutes les mers d'Afie , & y fourra
aborder librement ; & en revanche , les Holland is
jouiront auffi de quelques avantages pour leur com•
merce dans le Bengale & fur la côte de Ceromandel
. Les Puiflances refpectives , animées d'une
ardeur généreuse pour des letours équitables en
faveur des intérêts généraux , prendront des pié.
cautions pour prévent dorénavant toutes querel'es
fur le commerce , & your affermir aina la paix
.fi néceffaite pour le bien être de leurs Sujets reffectifs
. On ajoute que fai le nouveau tarif actaellement
fur le tapis entre la France & l'Angle
terre , les vins de Bordeaux ne paieront pas , en
Angleterre , des droits plus forts que ceux de l'or(
165 )
rugal ; & qu'en revanche , les marchandifes An
gloiles de fer , d'acier , de cuivre & autres , ne
paieront en France que 20 pour cent « .
On ne croit pas que la clôture de la feffion
actuelle du Parlement foir auffi prochaine
que la faifon avancée & l'ufage le feroient
croire ; on prétend qu'elle fera prolongée
encore , parce que le Ministère ſera bien aife
de communiquer à cette aflemblée fa correlpondance
relative au traité de commerce
avec les Etats Unis de l'Amérique , & au
traité de paix avec la Hollande : deux objets
qui traînent en longueur . En attendant , les
deux Chambres font peu fréquentées , &
le nombre des Membres qui affiftent aux
féances diminue tous les jours . La grande
affaire des nouvelles taxes eft prefque la
feule dont s'occupent les Communes . Les
Comités des Négocians qui fe font élevés
contre celle affignée fur les quittances , eurent
les de ce mois une conférence avec le
Duc de Portland & le Lord Jean Cavendish
; ils furent reçus de la manière la plus
polie par ces deux Miniftres , qui leur firent
en même temps entendre que la néceffité de
payer les intérêts du nouvel emprunt , exigeoit
l'impofition des taxes projettées , &
nommément de celle fur les quittances , &
qu'il étoit impoffible d'imaginer un impôt
qui ne fût fujet à quelques objections. Cette
détermination du Miniftère a fixé celle de la
Chambre des Communes , qui dans ſa ſéance
du s refuſa d'admettre les Requêtes qui
( 166 )
pourront être préfentées contre la taxe en
queftion ; le Lord Maire fit une motion pour
ne porter cette taxe que fur les quittances
au deffus de 5 liv. fterl. , & elle fut rejettée à
la pluralité de 126 voix contre 21 .
כ-
-
» Le 12 , le Bill pour cette taxe a été lû
Four la troisième fois , & a paffé à la pluralité de
145 voix contre 40. On a obfervé que M. Pitr ,
avoit parlé en faveur des opérations du nouveau
Miniftère , & qu'il avoit avoué que dans la pofition
critique cu le trouvoit le Royaume , il eût été impoffible
d'établir une taxe plus avantageufe , que
celle fur les quittances , & que toutes les objections
qui avoient été faites contre cette taxe étoient fondées
fur de faux principes. L'argument contre
celle fur la recette n'eft fpécieux que fur un point ,
c'est que vingt livres en circulation , peuvent payer
le droit trois fois dans un mois. Cela eft certainement
vrai . Mais il faut confidérer en même tems
que l'intérêt compofé ou plutôt la progreffion arithmétique
du profit retenu dans cet espace de tems ,
met l'impôt dans une jufte proportion avec le
bénéfice. En conféquence l'homme qui gagne fur
fon argent dix pour cent par mois > ne paye pas plus
felon une répartition jufte , à l'Etat , que celui qui
ne gagne que vingt pour cent par an , fur le capital
de chaque cent.
Le même jour M. Fox a informé la Chambre ,
que fous peu de jours , il lui feroit préſenté une
affaire de la plus grande importance. On préfume
qu'il s'agit d'un meffage du Roi , relativement à l'établiffement
de la Maiſon du Prince de Galles .
M. Pitt a donné auffi avis , que le 17 il feroit
queftion du Bill de réforme.
On a préfenté à la Chambre le compte de l'extraordinaire
des Guerres pour l'année 1782 , partagé
en fix articles féparés , & payés par trois différens
Tréforiers,
( 167 )
Pay par M. Rigby , entre
le 31 Janvier 1782 , & le 31
Mars fuivant ,
Payé par le même , entre le
31 Janvier 1782 , & le 25
Mars fuivant , jufqu'au 6 Décembre
1782 ,
Payé par M. Burke , entre
le 9 Avril 1782 , & le
vembre fuivant ,
623,021 13 6
296,507 14 42
9 No..
$4,346 S ୨
Payé par
le même une dif-
589.931 13 9
1,356,919 10 14
tribution d'une partie du Vote
de crédit d'un miiliio ,
Payé par le Colonel Barré,
entre le 31 Juillet 1782 , & le
1er Févier ,
Pavé par le même une diftribution
de partie de Vote de
crédit pour un miilion , 401,068 6 3
Tetil 3,807,795 3 94
La Compagnie des Indes a reçu un Corrier
de Lisbonne , par lequel elle a reçu des
dépêches du Capitaine Burney , Commardant
le Bristol do canons ; elles font daté s
de San Salva or au Brefil , où il eſt arrivé
aprè un vryyage de 10 jours , avec le
Bristol , qu'il monte , le Bountiful , de 36
& la Tortoife de 24 , les de 1x derniers vai'-
feaux munitionn res & la flotte de la
Compagnie , compofée de 10 bâtimens , le
tour dans le meilleur état. Il fe difpofuit après
avoir pris les rafraîchillemens ordinaires , à
continuer fon voyage pour Bombay , qui eſt
la deftination de la plupart des vailleaux de
fon convoi.
( 168 )
On fe flatte de voir arriver d'un moment
à l'autre les 5 vaiffeaux de l'Inde qui ont
quitté le Bengale en Décembre ; le mois
prochain , il en doit arriver pluſieurs autres.
t
L'Amirauté n'a pas encore expédié d'ordres
dans ces contrées pour rappeller une
partie des vaiffeaux de guerre qui forment
notre efcadre dans cette partie du
monde ; mais comme elle a réglé les ftations
de l'établiſſement de paix , on croit qu'auffitôt
que les traités définitifs feront fignés ,
on enverra dans l'Inde les ordres de rappel.
On affure que le Miniſtère doit inceffamment
réduire l'armée fuivant le plan de
Mylord Shelburne. En attendant le Roi a
rendu une proclamation qui accorde leur
grace entière aux déferteurs , & enjoint aux
Geoliers de les faire fortir de priſon 7 jours
après qu'ils auront reçu les ordres du Secrétaire
de la guerre à cet égard . Cette
amniftie ne s'étendra point à ceux qui fe
feront rendus coupables d'autres délits que
de celui de défertion.
On a rendu une autre Ordonnance en
faveur des Américains ; elle ftatue que nonobftant
tous règlemens antérieurs contraires
, la poix , le gou fron , la térébenthine ,
l'indigo , les mâts , vergues & beauprés ,
du produit de l'Amérique feptentrionale ,
feront importés jufqu'à nouvel ordre dans
les ports Britanniques fur des vaiffeaux
foit Anglois , foit Américains , & par des
fujets
( 169 )
fujets des Etats -Unis , en payant les mêmes
droits que paieroit tout fujet Britannique
qui les importeroit dans l'une des poffeffions
Angloifes que ce foit , & cela fans être munis
de certificats prefcrits par la loi .
» Les réfolutions prifes pour affifter les Colonies
qui nous reftent & celles formées par les
Loyalistes , ont reçu la fanction du Parlement ; il
eft accordé pour l'établiſſement civil de la nouvelle
Ecoffe pendant l'année courante , 5943 liv. fterl.
9 f. 5 d.; à la Floride orientale 3950 l . 4 f. 1. d. ;
aux Officiers civils de la Floride occidentale juſ
qu'au 27 Juin de cette année , 4970 liv . 4 ſ. 1 d . ; à
l'établiffement civil de l'Ile de St -Jean , 3150 liv.;
aux Officiers civils de Georgie , jufqu'au 27 Juin
de cette année , 3340 ; à ceux de Sénégambie en
Afrique , 2450.
FRANCE.
De VERSAILLES , le 24 Juin.
LES Maréchaux de France de la dernière Promotion
ont eu l'honneur de faire leurs remerciemens
à S. M. & d'être préfentés en cette,
qualité à la Reine & à la Famille Royale ,
favoir les Maréchaux , Comte de Mailly
d'Aucourt , Marquis d'Aubeterre , Prince de
Beauveau , Marquis de Caftries , Marquis
de Ségur , Marquis de Levis , le 14 ; ils
prêtèrent , le lendemain , ferment en cette
qualité entre les mains du Roi , le 17 , le
Maréchal de Croy fit fes remerciemens à
S. M. , prêta ferment entre les mains & fut
préfenté enfuite en cette qualité à la Reine
& à la Famille Royale.
28 Juin 1783.
h
( 170 )
Le l'Abbé de Bourbon eut l'honneur d'ê
tre préfenté au Roi par le Cardinal de Rohan,
Grand Aumônier de France. Il eut enfuite
celui d'être préfenté à la Reine & à la Famille
Royale.
Le 10 de ce mois , Monfieur & Madame
tinrent fur les Fonts de Baptême , dans la
Chapelle du Château , le fils du Vicomte du
Hamel , Lieutenant de Roi & Maire de la
Ville de Bordeaux. L'Enfant fut baptifé par
l'Evêque de Seez , premier Aumônier de
Monfieur , en préſence de M. Brocqueviele ,
Curé de la Paroiffe & nommé Louis-
Jofeph.

Le Comte de Moultier , ci-devant Miniftre
Plénipotentiaire du Roi près S. M. B. , qui
eft de retour en cette Gour , a eu l'honneur
à fon arrivée ici d'être préfenté à S. M. par
le Comte de Vergennes , Chef du Confeil
Royal des Finances , Miniftre & Secrétaire
d'Etat ayant le département des Affaires
étrangères.
De PARIS , le 24 Juin.
LA Cour a reçu le 20 de ce mois des
nouvelles de l'efcadre de M. le Marquis de
Vaudreuil , qui a mis à la voile 5 à 6 jours
plutôt que ce Général ne ſe l'étoit propofé
puifqu'elle étoit en mer le 30 Avril. L'avifo
qui eft arrivé l'avoit quitté le 8 Mai. L'efcadre
étoit alors à 300 lieues de St-Domin7171
)
gue ; comme elle avoit un convoi & qu'elle
éprouvoit des calmes de tems en tems , on ne
fera pas étonné fi fa traversée eft un peu
plus longue qu'on ne l'efpéroit.
Le leugre qui étoit venu de St Domingue
avant cet avifo , & qui mouilla à Breft le
3 de ce mois , nous a apporté quelques lettres
du Cap. Elles confirment la nouvelle
que nous avions fu par l'Angleterre , de la
vifite que le Prince William Henri à faite
dans cette Colonie.
» L'Amiral Hood étant venu croiſer devant le
Cap , on lui envoya , par un Parlementaire , les
ordres des deux Cours , qui fufpendoient les hofti .
lités. A cette nouvelle , l'Amiral Anglois permit au
Prince de defcendre à terre. M. de Bellecombes &
le Marquis de Vaudreuil s'emprefsèrent de recevoir
dignement le fils du Roi d'Angleterre. On prépara
à la hâte une petite fête , & il y eut Comédie ,
feftin & bal , le Prince n'ayant la permiffion de réfter
à terre que 24 heures , il ne fut guère poffible de
lui donner des fêtes plus recherchées . Cependant
il ne laiffa pas de s'amufer beaucoup ; & lorsqu'on
en fut à la fanté du Roi & à celle du Roi d'Argleterre
, le jeune Prince né put retenir les marques
de fon attendriffement , en voyant des homme's
qu'un inftant auparavant i croyoit ne venir que
combattre , le recevoir avec tant d'affection , d'égards
& de cordialité ; il remonta dans ſon canor
bien fâché , ce font fes expreffions , de ne pouvoir
pas refter plus long- tems au milieu d'un peuple auſſi
généreux & auffi aimable.
On trouve dans une de ces lettres
l'avis de la mort de M. le Vicomte de
h 2
( 172 )
Mortemart , qui a été enlevé par des fièvres
ardentes , fort communes au Cap .
I » Nous venons de voir rentrer dans ce port ,
écrit -on de Breft , trois frégates venant de Philadelphie
en 31 jours de traversée . Elles ramènent
M. le Duc de Lauzun avec une partie de fa légion.
Ces trois frégates font , la Gloire , l'Aftrée & la
Danaé. Nous attendons l'Active , qui devoit partir
deux jours après elles ; & dans toute la femaine ,
nous pourrons voir arriver le Romulus , la Guadeloupe
& le Lauzun , vaiſſeaux frétés par le Congrès
pour ramener le refte de l'armée . On ne croit
pas que l'América arrive de fi tôt, M. de Lauzun
partira demain au foir ( 12 Juin ) pour Paris. Suivant
les rapports des paffagers , les navires de toutes
les nations arrivent en grand nombre dans les ports
de l'Amérique feptentrionale , & les marchandifes
d'Europe s'y trouvent dans la plus grande abondance
,
C
On apprend de l'Orient que la frégate
Américaine la James , partie de Philadelphie
le 1 Mars , & ayant le refte de la Légion
de Lauzun , eft entrée le 12 de ce mois dans
ce port : elle avoir marché de conſerve avec
les frégates du Roi qui ont mouillé à Brest
le
ey
L'Agilité , polacre de Marſeille , partie de
'Ifle de France en Février , eft auffi arrivée
à l'Orient. Ce navire avoit relâché à Cadix ,
& devoit faire fon retour au lieu de fon départ
; mais il y reçut l'ordre de fe rendre à
l'Orient , ce qui fait préfumer que l'intention
du Gouvernement eft que le défarmement
des vaiffeaux de l'Inde fe faffe toujours dans
( 173 )
-
ce port : du refte il n'a apporté què les nou
velles que l'on favoit déja.
Les Ingénieurs & les Académiciens , écrit.on'
de Rennes , chargés par le Gouvernement de prendre
connoiffance des travaux à faire , pour creufer
des canaux navigables dans cette province , paroiffent
convenir unanimement que l'exécution d'un
canal de Rennes à St - Malo eft très - facile , parce
qu'il eft très- aifé de creufer & d'élargir la Vilaine ,
& que la dépenfe n'ira pas au -dela de 5 à 600,000 liv .
En conféquence les Etats ont arrêté de rembourfer les
terreins fur lefquels on prendra fur le pied du denier 30.
Malgré les travaux avancés à Cherbourg , les Ingénieurs
& Académiciens iront à St - Malo pour examiner
s'il ne feroit pas poffible d'y faire une rade &
un port pour la Marine Royale. Suivant les
lettres de Breft , les flûtes du Roi , la Néceſſaire ,
la Lamproie , la Loire , la Dordogne , le Fréderic
Guillaume , la Guyane & l'Anonyme ont mis à
la voile le 6 , pour aller à Riga charger des mâtures .
Ces flûtes , ainfi que celles deftinées pour le caborage
ordinaire d'un port à l'autre , font commandées par
des Lieutenans de vaiffeau qui ont fous eux quatre
autres Officiers & trois gardes de la Marine.
On lit dans des lettres d'Espagne la notice
fuivante fur M. le Baron de Pirch
Colonel Commandant du régiment Royal
de Heffe - Darmstadt , mort & enterré aut
Camp Sainte Marie , près de Cadix , le 20
Février dernier.
La France a vu à fon fervice peu d'Officiers
Etrangers qui ayent montré autant de vertus & altant
de talens que M. le Baron de Pirch . Plein de
génie & d'activité , de douceur & d'équité , il avoit
trouvé le grand art de le faire chérir & admirer ,
non feulement des foldats & des Officiers de fon
Régiment , mais de tous les Officiers François .
h3
( 174 )
Notre augufte Monarque lui faifoit l'accueil le plus
diftingué , & fe plaifoit à s'entretenir avec lui . Les
Courrifans , à l'envi l'un de l'autre , s'empreffoient
de témoigner à cet aimable Etranger combien ils
faifoient cas de fes talens militaires & de fon mérite
perfonnel . Des efpérances également flatteuſes
pour l'Armée Françoife & pour M. le Baron de
Pirch , fe font évanouies en un clin d'oeil. La mort
l'a enlevé prefque à la fleur de l'âge , au moment
où toute l'énergie de fon grand caractère commençoit
à fe déployer. Les foldats de fon Régiment
qui l'auroient fuivi au combat avec rant de joie ,
l'ont tous accompagné au tombeau , les yeux baigués
de larmes. Les Officiers tant François qu'Efpagnols
qui fe trouvoient au Camp de Sainte- Marie
, ainfi que le Gouverneur & plufieurs Officiers-
Généraux ont affifté à cette pompe funèbre ;
& M. le Comte d'Estaing pour témoigner fes
regrets & la haute eftime qu'il avoit pour un fi
brave Officier , a voulu que les deux Régimens qui
campoient avec celui de Heffe- Royal Darmstadt ,
fourniffent chacun un détachement de cent hommes,
qu'on ne donne ordinairement qu'à un Colonel
qui eft Brigadier.
Son corps a été enterré derrière la tente , au
centre du Régiment , qui a fait élever fur la foffe
un monument avec l'infcription fivante
Sous
cette tombe git Jean Erneft , Baron de Pirch
Colonel Commandant du Régiment de Royal Heffe-
Darmstadt , Chevalier de l'Ordre du Mérite &
de Saint- Sébastien , Chanoine de Magdebourg ,
mort le 20 Février 1783 , dans la trente- neuvième
année de fon âge. Né en Pruffe , il apprit l'Art
de la Guerre fous Frédéric , paffé en France , il
fut par fes talens & fes vertus l'exemple de l'Armée.
Ce fimp'e monument fut élevé a la poſtérité ,
en marque de reconnoiffance & de regrets , par
fon Régiment «.
( 175 )
On apprend de Toulon qu'on continue
d'y travailler à la conftruction des vaiffeaux
de 74 , le Mercure & le Séduifant ; que les
frégates la Précieufe & la Montréal , & la
corvette la Blonde , étoient en rade le 10 ,
& n'attendoient que les ordres pour leur
départ.
·
Le Gouvernement , écrit -on de Sierck , petite
ville à 4 lieues de Thionville , attentif à favorifer
le commerce & la navigation , s'occupe du rétabliffement
des trottoirs pour le halage , le long
des rivières navigables , & de l'exterfion des grands
chemins jufqu'à l'extrémité des frontières ; on tra
vaille avec activité à ceux de cette Province pour
les joindre à ceux qui le font de concert dans les
pays limitrophes , afin d'ouvrir une libre communication
reciproque par terre & par cau , avec les
électorats de Trèves & de Cologne , & la Hollande
par la Mofelle & le Rhin. Le paffage de
Sierck , ci devant un des points les plus dange
reux pour la navigation de la Mofelle , & pour
ainfi dire inacceffible aux voitures par terre venant
de l'érranger , va devenir un des plus afés & des
plus fürs à franchir , au moyen des travaux qu'on
ý fait depuis plus d'un an , & qui font déja fort
avancés. La chauffée d'Allemagne qui fe termine
à environ une demi -lieue au delà de cette ville ,
fur les confius du pays de Trèves , doit être continuée
jufqu'au pont de Contzarbruck , qui traverſe
Ja Sarre au- deflus de fon embouchure dans la Mofelle
; on travaille actuellement à la réparation de
ce pont pour former la jonction de cette nouvelle
chauffée avec celle qui eft au- delà ; enforte que cette
route jufqu'ici imptaticable , fera dorénavant plus
belle & bien plus courte que ne l'eft celle qui va
de Trèves à Luxembourg , pour venir en France ,
eu pour aller dans les Electorats. Ces opérations
h 4
( 176 )
finies , la ville de Sierck fe trouvera dans la pofition
la plus avantageufe poffible pour un fieu
d'entrepôt , & pour y former des établiſſemens
de manufactures de draps , de toiles , de bonneterie ,
&c. Les logemens , les vivres & la main -d'oeuvre y
font à très- bas prix , & le Bureau municipal offre
d'exempter de toutes impofitions & charges de la
ville ( autres que la capitation & les vingtièmes , s'il
y a lieu ) pendant trente années , tous ceux qui viendront
y établir & entretenir une manufacture quel- .
conque , & il favorifera tous ces établiſſemens en
tout ce qui pourra dépendre de lui .
On vient d'imprimer à Paris par ordre.
du Gouvernement , un Recueil de Pièces
relatives aux exhumations de 900 cadavres.
faites dans l'enceinte de l'Eglife de S. Eloy
à Dunkerque , feule Paroiffe de cette Ville
où depuis 1452 qu'elle exifte , on n'a ceffé
d'enterrer qu'en 1777 .
» Une partie de cette Eglife excédoit la voie pu
blique , & nuifoit au commerce intérieur. L'inten
dant de Flandres , & le Magiftrat , ont arrêté la
démolition de cette portion de l'Eglife & de l'élevation
d'un portail , ce qui a néceflité des fouilles &
conféquemment l'exhumation . St - Eloy , la feule
paroiffe de Dunkerque , ayant fervi pendant plus
de trois fiècles à la fépulture d'une partie des habitans
, les cercueils y étoient entaffés au point de ne
laiffer prefque aucun intervalle de l'un à l'autre ; les
premiers lits de cadavres étoient à quatre pouces
feulement de la furface d'un fol humide & falé , le
moins propre à la deftruction ; auffi moitié des corps
exhumés n'étoient qu'à demi- détruits , & plufieurs
parfaitement confervés après douze ou quinze ans de
Tépulture , ce qui établiffoit au milieu des habitans
un germe de contagion & de mort ; on peut regarder
ce nombre prodigieux de cadavres accumulés dans
( 177 ).
cette enceinte , comme une des caufes de ces épidémies
meurtrières qui ont défolé Dunkerque & que
fa fiuation à multipliées. En effet , cette Ville eft
toute environnée d'eau ; au feptentrion , c'est la
Mer ; dans la partie oppofée un grand lac , &
des eaux ftagnantes qui la circonfcrivent ; enfin il y
exifte cinq canaux principaux , que forme la réunion
de la totalité des eaux qui s'écoulent du pays bas
François . Elle y a exercé des ravages en 1596 , en
1603 , 1625 , 1626 , 1633 , 1636 , & 1666. Plufieurs
de ces peftiférés ont été enterrés à St Eloy.
En réfléchiffant à la nature de l'atmosphère , à celle
du fol , à l'encombrement des cadavres auxquels on
accordoit à peine un peu de terre , à leur état de
non confomption , à leur contact prefqu'immédiat
avec le fol ; enfin au tems que fe confervent les
germes de la mort , tandis que les germes de la
vie s'altèrent fi aisément , on conçoit toutes les
craintes que devoit naturellement infpirer cette exhumation
, & que fortifioient encore les exemples ter
ribles de maladies épidémiques , d'afphyxie, de morts ,
fouvent occafionnées par l'exhumation , quelquefois
même par l'émanation d'un feul cadavre. M. Hecquet
, Chirurgien - Major de l'Hopital militaire &
Membre du Magiftrat , avoit fixé l'attention fur les
fuites dangereufes de cette exhumation . On confulta
Mrs. Laborie , Cadet de Vaux & Parmentier , exercés
depuis long- tems aux travaux qui ont le mé
phytifimme pour objet ; ces Chymiftes ne purent pas
fe diffimuler les dangers d'une pareille entrepriſe ;
mais ils favoient combien les effets du feu , cet agent
deftructeur , la quantité d'air pur qui fe dégage du
nitre, la vertu de la chaux vive , &c . & c . , pouvoient
nous raffurer contre tout évènement , fur- tout l'emploi
de ces moyens devant être dirigé par M. Hecquet
, dont le courage & le zèle , dans la circonftance
dont il s'agit , lui donnent des droits à la
reconnoillance de fes Concitoyens. Son Journal
hs
( 178 )
offre deux évènemens , qu'il étoit important de
configner , parce qu'ils prouvent en faveur des
moyens propofés par les trois Chymiftes . Un jeune
homme , attiré par la feule curiofité , s'arrête près
des cadavres qui avoient fuccombé à des fièvres
malignes & à des petites véroles confluentes ; il eſt
frappé d'un mal de tête violent , une petite vérole
du plus mauvais caractère le déclare & il meurt. Un
ouvrier victime de fon imprudence , a péri en 12
heures d'un mal de gorge gangréneux. Il eſt parmi
les hommes du peuple une espèce de courage aveugle
qui les rend d'une incrédulité révoltante , fur les
dangers qui ne frappent point leurs fens ; une moffete
n'eft pour eux qu'une chimère , parce qu'ils ne l'apperçoivent
pas «.
Parmi les actes de bienfaiſance qui n'ont
peut- être jamais été plus multipliés que de
nos jours , celui ci mérite d'être diftingué ,
& nous nous emprefferons de l'annoncer.
» Une Société composée de Citoyens de tous
les Ordres de l'Etat , fe propose d'accorder un
fecours annuel à douze Ouvriers octogénaires de
cette Capitale. Pour l'obtenir , il faut que les Afpirans
adreffent à M. Erpell , rue Saint Honoré ,
Maifon neuve des Feuillans , No. 441 , un Mémoire
contenant leur âge , nom , furnom , pays ,
demeure , & le métier qu'ils ont exercé . Ils y joindront
leur extrait baptiftaire , un certificat du Curé
de la Paroiffe qu'ils habitent , & s'il eft poffible ,
l'atteftation des Maîtres qui les ont employés . Sans
toutes ces pièces , ils ne feront point admis à participer
au fecours propopofé.
A mesure que les fonds augmenteront , cette
Société étendra ce fecours fur un plus grand nombre
d'infortunés de la même eſpèce , & elle eſpère pouvoir
fonder un jour un Etabliffement propre à les
recevoir ".
( 179 )
On connoît le Monument élevé à grands
frais à la gloire du Fabulifte François , dans
la fuperbe Edition de fes Fables en 4 vol.
in fol. que tous les Arts , le crayon & le
burin des plus fameux Artistes , s'emprefsèrent
d'enrichir. Cette magnifique Edition ,
digne de la Fontaine , & qui fait le plus
grand honneur à celui qui l'avoit conçue ,
entreprife & dirigée , eft devenue rare , &
fe foutient à un prix qui n'en permet pis
l'acquifition à tous ceux qui feroient flattés
d'en jouir & en état de l'apprécier. M. Belin ,
Libraire , rue Saint - Jacques , vis à vis S.
Yves , en ayant acquis les cuivres , vient
de les faire retoucher avec foin , & de les
joindre au texte , qu'il a fait imprimer en 2
yol. infol. au lieu de 4 , ce qui diminuera
de moitié les frais de la reliure. Pour en
faciliter l'acquifition , il offre cette nouvelle
Edition en 2 vol . infol. brochés en carton
au prix de 72 liv. juſqu'au 31 Décembre de
cette année ; paffé ce tems le prix de chaque
Exemplaire fera de 120 liv. ( 1 ) .
( 1 ) Le même Libraire , comme nous l'avons annoncé , avoit
reçu quelques exemplaires de l'Hiftoire de l'art de Winckelmann
en 3 vol . in 4 ° . qu'il donnoit à 30 liv. au lieu de
48 qu'ils s'étoient toujours vendus ; ils ont été épuilés en
moins de 15 jours. Il en a fait venir d'autres de Leypfick
qu'il donnera au même prix ; mais comme le nombre n'en eft
pas confidérable ; on ne peut qu'inviter ceux qui voudroient
fe procurer cet Ouvrage à fe hârer. On trouve chez le
même Libraire les Confeils pour vivte long - tems_traduits
de l'Italien de Louis Cornaro qui les compofa fucceffivement
à l'âge de 8 ans , 86 , y1 & 95 ; prix 1 liv . 4 fols , & une
Hiftoire de François 11 bien intéreffante en ce qu'elle offre
les premiers chainons de la fameufe ligue ; 2 vol. in- 8 ° . ,
Prix 7 liv. 10 f, relié.
( 180 )
» Parmi les efforts de l'induftrie , qui intéreffent
le Public par leur utilité , on doit diftinguer ceux du
fieur Caron , Marchand-Parfumeur & Perruquier
Coëffeur , pour donner aux toupets de fon invention
des avantages qui leur affurent la préférence fur tous
les autres ; ils font à jour , & laiffant par conséquent
un libre cours à la tranſpiration ils ne confervent ni
humidité ni craffe , & font toujours propres. Ils
n'ont aucun des inconvéniens de ceux dont on s'eft
fervi jufqu'à préfent , qui occafionnent fouvent des
migraines , des maux d'yeux , de dents , &c . & qui
ont une odeur défagréable lorfqu'on les ôte . Les
perfonnes à qui il refte encore des cheveux peuvent
les conferver en fe fervant des toupets à jour du
feur Caron qui font très -fins & très-légers , & avec
lefquels on peut coucher fans craindre de les gâter
Il en a chez lui de toutes les couleurs & de toutes les
façons ; ceux qui en defirent , fans fe donner la peine
de fe tranfporter chez lui , peuvent fe contenter de
lui envoyer un morceau de papier qui marque la
grandeur & le contour de leur front avec l'échantillon
de leurs cheveux ; il fait également pour les
dames toutes fortes de perruques imitant parfaitement
le naturel. Sa demeure eft rue du Four , visà-
vis celle des Canettes , fauxb. S. Germain & à la
foire S. Laurent No. 16 & 17 «.
Nous avons annoncé il y a quelque tems
une invention ingénieufe , pour adapter une
fonnerie à un cadran folaire ; cette invention
, d'après la letrre fuivante , n'eſt point
une nouveauté .
"
" M. l'Abbé Galais , alors Vicaire de Neauphlele-
Vieux , près de Pontchartrain , a placé , il y a
plus de douze ans à une fenêtre de fa maifon ,
an Méridien fonnant , de la plus grande fimplicité :
un fil vertical tenoit arrêtée la détente d'un mouvement
ordinaire de fonnerie de pendule ; les rayons
( 181 )
du foleil raffemblés au foyer d'ane loupe pofés
fuivant les principes , brûloient le fil ; & midi fonnoit
pour M. l'Abbé & pour tous les voilins ; il
en étoit quitte pour un petit bout de fil par jour : je
crois que tout le rouage qui avoit été fait à Montfort-
l'Amaury , lui coûtoit au plus 18 livres. Vous
voyez , M. , que toute perfonne qui aura une légère
teinture de Gnomonique , pourra fe procurer à peu
de frais un Méridien fonnant ; & MM . les Horlogers
devroient tous en avoir un femblable «< .
On lit dans les papiers publics le trait fuivant
; ils le préfentent comme un des faits
rapportés des Indes Orientales par les marins
récemment arrivés en Angleterre ; & quand
il ne feroit qu'une réminifcence pour ceux
qui pourroient l'avoir lu déja dans des Hiftoires
connues , ou une cérémonie d'ufage
pour tous les fucceffeurs au trône Impérial
de la Chine , il ne mérite pas moins d'être
connu & publić.
L'empereur de la Chine , actuellement régnant ,
voyant le Prince héréditaire dans l'âge où la raifen
fe développe avec la fenfibilité , le conduifort
fouvent dans les champs au milieu des laboureurs ,
& lui faifoit remarquer l'activité que tout le monde
apportoit au travail. Le jeune Prince lui ayant
paru un jour étonné de leur voir effuyer tant de
fatigues , l'Empereur lui dit : » mon fils , ce n'eft
pas pour eux que ces gens travaillent , leur entretien
ne demande pas tant de peine , c'est pour
le mien , c'est pour l'Etat qu'ils endurent tout
avec patience & qu'ils prodiguent leurs fueurs :
aime les mon fils , protége- les , car fans eux
ni toi , ni moi , nous n'aurions point de Royaume
«<.
P.S. Une lettre de Breft , en date du 16
?
( 181 )
de ce mois , annonce l'approche de l'efcadre
de M. le Marquis de Vaudreuil , qui dans ce
moment doit être arrivée .
-
» Le cutter le Malin , faifant partie de l'efcadre
de M. le Marquis de Vaudreuil eſt entré hier
à la rade. Il avoit quitté l'efcadre 13 jours auparavant
, à la diftance d'environ 250 lieues de Breft ,
de forte que nons l'aurons ici d'un moment à l'autre
. Elle eft compofée des vaiffeaux & autres bâtimens
du Roi , fuivans. Le Northumberland , le
Duc de Bourgogne , l'Augufte , le Brave , le Neptune
, le Citoyen , le Pluton , l'Hercule vailleau
de ligne ; des frégates la Néréide & l'Argus , &
de la corvette le Warwick. Ces vaiffeaux qui ont
tous appareillé du Cap François le 30 Avril , doi
vent défarmer ici. - Le cutter le Malin , rapporte
que quelques jours avant le départ du Marquis de
Vaudreuil , les vaiffeaux la Couronne , le Triomphant
, le Souverain , & la frégate l'Aigrette ,
étoient partis du Cap pour le rendre à Toulon où
ils doivent défarmer. Dans la matinée le vailfeau
le Romulus , & les corvettes la Guadeloupe
& la Sirène , font auffi entrés en rade , venant de
Baltimore dans l'Amérique Septentrionale , d'où ils
ont appareillé le premier Mai avec des troupes des
régimens de Royal - deux- Ponts & de Saintonge.
Le Romulus a rencontré il y a 15 jours le vaiffeau
la Couronne , qui avoit été féparé des autres
vaiffeaux par un coup de vent «<.
Un Courier nous a appris que l'efcadre
étoit entrée à Breft le 17 au foir.
De BRUXELLES , le 24 Juin.
IL vient de paroître un Edit de l'Empereur
qui ajoute aux mefures prefcrites par
celui du 1 Mai 1751 , portant défenſes
( 183 )
aux Bas -Officiers , Soldats & autres de cette
claffe engagés au fervice de quelque Puiffance
étrangère d'entrer dans les terres de
la domination de S. M. I.
:
» Ils feront d'abord arrêtés à moins qu'ils ne
foient munis d'use permiffion de l'Empereur : fi
l'homme arrêté eft un de les fujets , qui en contravention
aux loix le foit engagé à un fervice étranger
, il fera remis à l'Officier de Juftice : s'il n'eft
pas fon fujet , mais déferteur de quelque Puiffance
avec laquelle il exifte des conventions pour la refti
tution réciproque des défer : eurs , on fuivta la convention
s'il n'en exifte point avec la Puiffance à laquelle
il appartiendra , il fera remis au premier département
militaire , qui pourra l'employer comme
recrue s'il veut s'engager ; s'il ne le veut pas ou que
le département même le refufe , & qu'il tombe dans
la claſſe des vagabonds , il fera remis à l'Officier de
Juftice qui juge les gens de cette effece. Les autres
bas - Officiers ou foldats qui ne font ni fujets de l'Empereur
, ni déferteurs feront enfermés pendant 3
mois au pain & à l'eau , & après ce terme , juſqu'à ce
qu'ils aient payé les frais de leur emprisonnement
S'il faut en croire des lettres de Lisbonne
le Comte d'Oeyras , fils du feu Marquis de
Pombal , ayant obtenu de fa Cour une permiffion
illimitée , s'eft embarqué avec fa
femme & fes enfans pour Londres où il
a , dit-on , deffein de s'établir. Il y recevra
annuellement 36,000 creufades ; le refte de
fes revenus fra employé conformément aux
décifions du Tribunal fuprême.
» le Membres du Comité de L. H. P. pour les
affaires maritimes , écrit on de la Haye , ent propofé
que les équipages de guerre projettés pour cette and
née foient diminués fi la guerie eft terminée , & que
( 184 )
l'on retienne en fervice 25 vaiffeaux & quelques petits
bâtimens dont on formera ; efcadres ; l'une def- 3
tinée à croiſer dans la mer du Nord pour exercer les
Officiers & les matelots ; la feconde dans la Méditerranée
, & la troisieme vers les côtes d'Afrique & des
Indes occidentales . On a fait dans la même Affemblée
des Etats Généraux où cette propofition a été
faire, un rapport tendant à exhorter la Province de
Frife à confentir en entier à la portion de l'état de
guerre pendant l'année courante , & à lui perfuader
que ce feroit une démarche nuifible à toute la confédération
, de licencier quelque milice ; cette milice
étant la défenſe de l'Etat & le rendant reſpectable à
fes voifins c.
On dit que le Dey d'Alger cherche une
nouvelle querelle à la République à l'occafion
des préfens qu'on lui fait annuellement
; il a déja déclaré au Conful Hollandois
qu'on devoit lui montrer plus d'égard ,
fi l'on ne vouloit s'expofer aux fuites de fon
reffentiment.
» Le Lieutenant & les foldats du régiment de
Saxe-Gotha , lit - on dans quelques lettres de Hollande
, ftationnés dans l'ifle de Ter-Schelling , & qui
s'étoient rendus coupables d'avoir pillé le navire le
jeune Arnold, naufragé le 19 Janvier dernier , ont
fubi le 6 de ce mois le jugement prononcé contr'eux
par la Cour de Juftice de la Province. On a paſſé le
glaive fur la tête du Lieutenant déclaré en même tems
infâme, parjure , déchu de toute fonction militaire, &
incapable de fervir jamais le pays. Six foldats ont
été fouettés ; 5 autres ont dû affifter à l'exécution fur
l'échafaud ; tous ont été bannis à perpétuité des Provinces
de Hollande , Zélande , Frife & Utrecht .
C'est le premier exemple éclatant de cette espece depuis
la fuppreffion de la Jurifdiction militaire dans
cette Province. On ne doute plus actuelle7
185 )
ment , ajoutent ces lettres , que la confpiration contre
l'Etat dénoncée par le jardinier Van Brakel , ait
eu d'existence que dans le cerveau de cet homme
avide. L'efpoir d'acquérir la récompenfe promife au
délateur d'une correfpondance avec l'ennemi , a été
la feule caufe de cette affaire qui a fait tant de bruit.,
Pour donner quelque apparence de vérité au complot
prétendu qu'il vouloit révéler , il n'avoit pas craint
de tromper unjeune homme fans expérience pour le
facrifier enfuite à fon intérêt. Peut- être auroit- il
réuffi fans la conteftation furvenue au ſujet de la Jurifdiction
militaire , actuellement fupprimée. On
affure du moins que tel eft le réſultat des confeffions
de ce coupable «,
Plufieurs lettres de divers endroits nous
préparent depuis quelque tems à apprendre
bientôt que les Ruffes font entrés en Crimée,
& on fembloit n'attendre que les premiers
Couriers du Nord pour être inftruits qu'ils
font maîtres de cette péninfule , où ils ne
peuvent avoir trouvé aucune réſiſtance . Les
lettres arrivées dernièrement des frontières
de la Pologne & de la Turquie ne confirment
point encore ces conjectures , mais les
fortifient , fi on peut leur fuppofer quelque
authenticité.
» Le fört en eft jetté , difent- elles , les bords
de la mer Noire font probablement dès ce moment
inondés du fang des Ruffes & des Turcs. On
affure qu'en déclarant la guerre au Croiffant , la
Ruffie a fait répandre dans les Illes de l'Archipel
un manifefte , par lequel elle informe les Grecs
que fon intention n'eft point de fubftituer un nouveau
joug à celui dont elle va les affranchir , &
qu'en s'armant pour le foutien de fes propres droits ,
( 186 )
elle veut en même -tems combattre en faveur de
leur liberté. Les Ruffes , ajoutent ces lettres
fe difpof nt à faire le fiége d'Oczakow ; & s'il
en faut croire quelques autres , cette fortereffe s'eft
déjà ren lue à une divifion de leur armée , ce qui
eft peut- être auffi douteux que l'eft réellement une
autre nouvelle dont on ne donne pas plus de détails
, & qui annonce entre les Ruffes & les Turcs
dans le Cuban , une action dans laquelle on fuppole
aux premiers , fous les ordres da Prince Potemkin
, le défavantage & une perte qui excède
2000 hommes « .
PRÉCIS DES GAZETTES ANGLOISES , du 17 Juin.
On débite que le voyage de M. Pitt n'aura
point lieu cette année : fi cet avis eft vrai , il fait
prefentir quelque nouvel arrangement dans le Miniftère
; & fi l'on peut juger de cet évènement
par les difcours de M. Pitt , nous ne fommes
point menacés d'une grande révolution , mais plutôt
d'une heureufe coalition.
Au mois de Novembre prochain , le titre de
Duc d'Yorck & d'Albanie fera renouvellé en faveur
du Prince Edouard , quatrième fils du Roi :
ce jeune Prince aura alors 16 ans accomplis.
Le Lord Keppel a propofé de faire vendre , au
profit de la Marine & de l'Amirauté , les vieilles
munitions, Cet arrangement , qui avoit été ſufpendu
, va s'exécuter inceffamment.
Jufqu'ici on n'a réformé dans les chantiers du
Roi que les gens inutiles , & qu'il ne convient pas
de retenir en tems de paix . Les bons ouvriers
ferent confervés.
Il n'y a point de vaiffeau de garde à Lenore ;
mais il y en aura trois à Chatham , comme c'est
l'ufage en tems de paix ; favoir , l'Irrésistible , le
Diademc & le Scipion , qui font déja nommés
pour ce fervice.
( 187 )
Il y avoit , au mois de Décembre dernier , dix
Maifons Françoifes établies à Bofton , lefquelles
avoient fait des envois confidérables de marchandifes
avant la paix ; ce qui les a mifes en état
de fournir les Places du Nord avant que d'autres
vaiffeaux Européens y puffent arriver.
M. Burnett , Capitaine de la Marine Royale ,
eft mort à Londres le 9. Il commandoit le Royal-
Oack aux combats du & du 12 Avril 1782 ,
où il fe comporta avec la plus grande diftinction .
GAZETTE DES TRIBUNAUX ABRÉGÉE .
PARLEMENT DE PARIS.
Entre les Supérieur , Procureur & Préfet des
Humanités , chargés par les ordres du Roi &
· pour le compte de S. M. , fous l'inspection de
M. l'Archevêque , de l'Adminiftration de la
Penfion établie à Paris fous le nom de Communauté
de Sainte - Barbe; Appellans. Et le
fieur Roinville ; Marchand Boucher à Paris ,
créancier du fieur S ** , jadis Principal du
College du Pleffis ; Intimé. Caufe d'intérêt.
public.
--
-
La Communauté de Sainte - Barbe , maifon d'édu
cation célèbre par le nombre des grands hommes
qu'elle a produits en tout genre , n'eft point encore
établie par Lett es- Patentes ; mais fi elle n'a
point eu jufqu'ici d'existence 1 gale , on peut dire
auffi qu'elle a été plus que tolérée . Etabliffement
particulier dans l'o igine , elle a été par la fuite
adoptée , protégée , alimentée par nos Rois , qui
ont en effet décla é , par ph fieurs Arrêts de leur
Confeil , que tout ce qui étoit à Sainte- Barbe leur
appartenoit. C'est pour leur compte que la penfien
a toujours été régie ; les Surérieurs qui la gouvernent
ne font que leurs Mandataires . C'eft en
cette qualité , & fous ce point de vue , qu'ils ont
( 188 )
foutenu la conteftation qui leur a été fafcitée par
le fieur Roinville . Voici quel en a été le fujet.
La Communauté de Sainte- Barbe acquit en
1763 , fous le nom du fieur S ** , alors Principal
du Collège du Pieffis , une maison de campagne
& dépendances , fife au Grand- Gentilly , près
Paris , pour le prix de 9000 liv . Cette maifon
avoit befoin d'être reconſtruite de fond en comble
; la Communauté de Sainte - Barbe le fait , &
y emploie plus de 80,000 liv. Cependant les affaires
du fieur S ** fe dérangent en 1778. Roinville
, un de fes créanciers , fait faifir réellement
fur lui la maifon de Gentilly , & affigne les Supérieurs
de la Communauté de Sainte - Barbe au
Châtelet de Paris , en déclaration affirmative de
ce qu'ils peuvent lui devoir de loyers . Les Supérieurs
affirment qu'ils ne doivent rien au fieur S **,
& qu'ils n'ont jamais tenu de lui aucune maifon à
loyer. Dans ces entrefaites , le fieur S ** fait à
fes créanciers , un abandon de biens dans lequel
il comprend la maifon de Gentilly , en obfervant
cependant qu'il existe une inftance entre le fieur
Roinville & la Communauté de Sainte- Barbe , relativement
à la propriété de cette maifon ; au moyen de
quoi ( eft-il dit ) l'abandon ſera ſubordonné à l'évènement
de cette inftance. Cependant Reinville fait
rendre au Châtelet de Paris deux Sentences
l'une qui adjuge le bail judiciaire de la maifon
de Gentilly , faifie réellement ; l'autre qui , fur la
déclaration affirmative des Supérieurs de Sainte-
Barbe de ne rien devoir au fieur S ** , appointe
les Parties en droit. Appel de ces deux Sentences
de la part des Supérieurs de Sainte- Barbe.
Arrêt du 14 Mai 1783 , par lequel la Cour
faifant droit fur les différens appels interjettés par
les Supérieurs de Sainte-Barbe , enfemble fur les
conclufions du Procureur Général du Roi , a mis
les appellattions & ce dont étoit appel au néant ;
( 189 )
émandant , évoquant le Principal & y faifant droit ,
a déclaré nulle la faifie réelle dont étoit queftion ,
en a fait pleine & entière main - levée , ainfi que
de toutes les oppofitions qui y avoient été formées .
Ordonné que les Supérieurs fe retirercient pardevers
le Roi , à l'effet d'obtenir des Lettres Patentes
pour l'établiffement légal de la Perfion de Ste Barbe ,
lefquelles feroient préfentées en la Cour pour y être
enregistrées , & c, D.claré la maiſon fituée à Gentilly
, dont étoit queftion , appartenir audit Seigneur
Roi ; & cependant par proviſion , & juſqu'à
ce qu'il ait plu audit Seigneur Roi de difpofer de
ladite maifon fous fon bon plaifir , autorisé les
Supérieurs à continuer de jouir en leur qualité
d'Adminiftrateurs , pour le compte du Roi , de ladite
maiſon. A fait défenfes à S ** de plus à
l'avenir abufer de fa qualité de prête - nom , fous
peine d'être pourfuivi extraordinairement ; a déclaré
l'Arrêt commun avec l'Adjudicataire du bail
judiciaire & le Commiffaire aux faifies réelles.
Tous dépens entre les Parties compenfés , lefquels
dépens Roinville pourroit employer en frais
& mifes.
B
GRAND CHAMBRE.
L'affiftance à la Proceffion du Saint Sacrement
doit être libre & volontaire. Corps & Communauté
d'Arts & Métiers ne peuvent être
affujettis à s'y rendre en Corps.
La dévotion qui engage les fidèles à affifter aux
procefkons de la Fête-Dieu eft très - louable fans.
doute , mais elle eft libre ; & il feroit peut - être
dangereux de contraindre tout le monde à y affifter
par ordre de Compagnie , Corps & Communautés.
Les abus multipliés & connus de ces
nombreuſes Confrairies , que la piété de nos pères
avoit établies , engagent tous les jours à les fupprimer.
C'eft cependant dans ces circonftances que
le zèle du Lieutenant Général de Police de la ville
( 190 )
d'Orléans , & du Subftitut de M. le Procureur.
Ginéral audit Siége , dans la vue d'augmenter l'éclat
& la pompe de la Proceffion de la Fête Dieu ,
leur a fait imaginer de requérir , & d'ordonner
par un Règlement de Police du 9 Juin 1781 , » que
totes les Communautés d'Arts & Méciers , établies
en la ville d'Orléans , feroient tenues d'affif
ter avec des flambeaux à la Proceffion générale du
Saint Sacrement , fur l'invitation qui feroit faite
par les Syndics & Adjoints , qui feroient tenus d'inviter
la fixième partie des Maîtres & Agrégés de
leur Communauté , & de leur fournir des flambeaux
; la lifte des Invités , remife par les Syndics
& Adjoints au Lieutenant de Police & au Procureur
du Roi la veille de la Proceſſion , lefdits Invités ſeront
tenus de fe rendre , le jour de la Fête , en habit
décent , fous les galeries du grand Cimetière , pour
répondre à l'appel qui feroit fait fur les liftes données
; recevoir les Aambeaux fournis par les Communautés
, & dont la dépenfe prife fur les fonds
feroit allouée tous les ans dans les comptes en
frais de fyndicat , le tout fous peine d'amende de
so livres contre les Syndics & Adjoints qui n'auroient
pas fait les invitations ni remis les liftes
au Lieutenant de Police , & de 10 liv. d'amende
contre ceux qui ne fe trouveroient pas à l'appel ,
ne fuivroient pas leur rang , ou défempareroient
de la Proceffion pendant la marche & avant fa
rentrée dans l'Eglife . Permet néanmoins aux Maîtres
& Agrégés qui ne pourroient , pour des raifons
valables , répondre à l'invitation , de fe faire
repréfenter par d'autres Maîtres ou Agrégés qui
fe préfenteroient à l'appel pour eux , à peine , par
ceux qui les auront chargés , d'en répondre en
leurs noms ; établit un Commiffaire de Police
pour l'arrangement des Communautés , fous toutes
réferves de droit en cas de réclamation de préféances
; ledit Commiffaire chargé de fuivre &
( 191 )
accompagner les Proceffions , furveiller les Proceffionnaires
, noter les contrevenan , & faire enfuite
fon rapport au Lieutenant de Police «. La
publication de cette Ordonnance , qui étoit une
nouveauté , déplut à tout le monde ; cepen lant
quelques Communautés s'y formirent avec peine,
Les Marchands Merciers & Drapiers , qui font
des Négocians diftingués dans la ville d'Orléans ,
ne crurent pas qu'elle pût les concerner , & qu'on
eût defein de les confondre avec de fimples Artifans
; cependant , le 29 Juin , il furent allignés au
Siége de Police , pour être condamnés en l'amende
portée au nouveau Règlement , faute de s'être trouvés
à la Proceffion . Cette affignation détermina
la Communauté des Merciers & Drapiers à
interjetter appel en la Cour de l'Ordonnance de
Police , & à intimer fur l'appel M. le Procureur-
Général. Arrêt du 4 Juin 1783 , qui , faiſant
droit fur l'appel enſemble fur celui de M. le Procureur-
Général , a déclaré ladite Ordonnance nulle
& de nul effet ; a fait défenſes au Procureur du
Roi & au Lieutenant de Police d'Orléans , de faire
des Règlemens , fi ce n'est pour ordonner l'exécu
tion des Loix du Royaume & Arrêts de la Cour.
PARLEMENT DE BORDEAUX.
Le fieur A*** , Avocat du Roi au Préfidial de
S..... , avoit été condamné par Arrêt du Parlement
de Bordeaux , du 6 Mai 1780 , à faire au fieur
B*** , Avocat , des excufes publiques , pour des
manquemens & injures qu'il s'étoit permifes contre
celui- ci , foit dans des difcours publics , foit dans
une lettre adreffée au Barreau de..... ces excufes
devoient être faites à la première Audience qui
fuivroit l'Arrêt . Le fieur B*** attendit en vain ;
trois Audiences fe paſsèrent. Enfin , le 29 du même
mois , le fieur A*** ayant trouvé le moyen de faire
commencer l'Audience une heure plutôt que de cou(
192 )
tume , il lut la réparation que l'Arrêt lui avoit dictée ;
mais perfonne ne s'y trouva . Depuis , le fieur
A*** s'eft efforcé de molefter fans ceffe le fieur
B*** , 1 ° . dans les affemblées publiques ; 2 ° . dans
un difcours qu'il a prononcé à la St Martin 1780 ,
3 ° . à l'Audience du 2 Juillet 1781 , où il a témoigné
les ma ques les plus fortes de mépris , en levant les
épaules avec affectation quand le fieur B *** plaidoit
, & en répondant à celui- ci , qui lui reprélentoit
qu'il s'en étoit apperçu , qu'il ne s'occupeit
pas même de ce qu'il difoit ; 4° . dans différentes
Audiences , notamment dans celles des 3 & 9 Juillet
, où le fieur B*** s'étant levé pour plaider ,
le fieur A*** fe retira à l'inftant ; 5 ° . dans l'Audience
du 23 Juillet , où le fieur A*** obfervoit au
Tribunal que le fieur B *** le bravoit & l'infultoit ,
ce qui étoit caufe qu'il étoit forcé de déferter l'Audience;
6 °. le fieur B*** ayant voulu plaider ,
on lui dit : vous n'avez pas plus de droit , B*** ,
de plaider dans cette affaire que dans toute autre ;
& que voulant entreprendre de s'excufer on lui
adreffa ces paroles : Vous devez en favoir les raifons
il y a long- tems , B *** . Le fieur B ***
s'étant vu obligé d'abandonner le Barreau a rendu
plainte devant le Parlement contre le fieur A***
comme auteur des défagrémens qu'il éprouvoit ,
il a demandé que le fieur A *** fût condamné à
une réparation authentique , en 24,000 liv . de dommages
& intérêts ; & en outre , que l'Arrêt qui interviendroit
fût publié & affiché. Arrêt du 8
Avril 1783 , qui , faifant droit fur les conclufions
du fieur B*** , condamne le fieur A*** à remettre
un acte de réparation au Greffe , & c. en 6000 liv . de
dommages-intérêts : ordonne la publication & affiche
de l'Arrêt , condamne le fieur A*** aux dépends ;
faifant droit fur les conclufions du Procureur- Général
du Roi , interdit l'Avocat du Roi de fes
fonctions pour un an.
"
Piffot , Liler. quai des Auguf¡ actuel , les différens habillemens
tine , a reçu de Londres :
The real and genuine fchool
for fcandal , a comedy acted with
burts of applaufe , at the theatres
in London and Dablis , by B.
Sheridan .Lond. 1783.
Pope's works : 6 vol. in-12 .
London.
Clarifa , by Richardfon : 8 val .
in-12 . London.
Chefterfields' letters to hisfon :
4 vol. in 12. on lon.-
Lyttleton's history of england,
Galeries ofletters : 2 vol. in- 12.
London.
Leland's hiftory of Ireland : 3
vol. in-4°. Lon lon. *
Robertfon's hatory of Charles
V : 3 vol. in 4* . Lindor.
des hommes & des femmes : 48
fig. graveesen miniature , enlum.
rel . Is liv.
ARRÊT S.
Ordonnance de Police , pous
prévenir les incendies fur la ri
vière , les ports , quais & chantiers,
acces de ponts , de bacs & falfages
, & fur tous autres rivages
da 16 Mai 1783. 1 Paris , che
Lottin aizė, L br .-Impr. rue Saing
Jacques.
GRAVURES.
1
Le Jeu du Juif , asimilé
douze tabicans , repréfemnant les
jeux de l'adolefcence ultés pandont
les douze mois de l'année.
Ce Jea , gravé jen nne grande
feuille , fe vead 2 livres , foo
Saite des livres que Barrois le toriétimes ; dans un étui paliv
jeune , Libr. quai des Augen coffret , avec Terprile , dea
tins, a acquis du fouls de M.
P. Fr. Didar le jeune.
• Principes de médecine de Mo-
Ame , trad. du Lan par M. Gal
selier , D M. i 8 °. tel. s liv.
Traité complet de chirurgie ,
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reflexions sur toutes les maladies
citrargicales , & fu la maniera
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tier : 2 vol. in- 8°. 12 liv.
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vol. in-8° , 12 liv.
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morables , &c. nouvelle édit. près le pont Saint- Michel.
entièrement conforme à la pré- Voyage de Chapelle & de
dente : 42 pages : fols Bachaumont , fuivi de quelques
Luge, che la veuve Bourguignon, antres voyages dans le même
& fe trouve à Londres , chaz gente : 1 vol. in-12. de 254 pag 21.
Elmfy; Petersbourg. cho Genève , & fe trouve à l'aris,
Weilhebt, à Berlin , chez Bingcher Hardouin , Libr rue des
macher ; & à Paris , chez Legras ,
au bas du Pont-Nenj.
Frères S. Germain - l'Auxerrois ;
cheq Belin , Libr, rue S, Jag-
Monro's Ales. Works , puques.
blished by Hiffen : 1781 , 824° .
O fouferit éparément pour le JOURNAL DE LA LISPAIRIE,
chez Fu.-D. PIERRAS , prieur Ordinaire du Roi , ru Sa
Jacques. Le prix de l'abonnement sit de 7 liv . 4 (els par apná. , avoc
la Table.
On s'abonne en tout temps , à Paris , Abel de
Thou , rue das Poitevias. Le prix et , pour Paris,
de trenie livres , & pour la Province , patt franc,
trente-deux livres , que l'en remettra à la Peña
en affranchiant le Port de l'argent & la letto
d'avis.
Meffieurs les Souferipteurs du mois de Juillet fami
Briés de renouveler de bonne heure leur Abonnement.
Gevres , & Lamy , Libr. quai Barrois le jeune , Libr. quai des
des Auguftins , viennent d'ac Augutins , près le Pont S. Miquérir
le fonds de l'ouvrage fui - chel , a acquis du fonds de M.
vant : P. Fi. Didot le jeune :.
Dictionnaire raifonné de phy
fique;; par M. Briffon. 3 vol in.
4. dont un de planches , broch
39 liv. & rel, en veau , 36 liv.
Le fear Defios , rue S. Jacques
, vient de compléter la def
cription hiftorique & géographique
de la ville de Meffine , & les
details météorologiques du trem
blent de terre que cette ville
vient d'éprourer , &c . L'ouvrage
complet avec 4 cartes indifpenfabes
, fe vend 4 liv. 16 L. Chaque
partie fépuce , 2 liv. 8 f.
Aphorifies de Chirurgie de
Boerhaave , commentés par Van-
Swienten, traduits par M. Louis :
7 val . in-12. 21 liv.
Précis de Chirurgie-pratique ;
M. Rottal : 2 vol. in-8° . axes
figures , 10 liv.
Nouvelle manière de faire
l'opération de la Taille par
Douglafs : in- 12 arec fig. a lie.
to fols.
Examen de plufieurs parties de
la Chirurgie , d'après les faits
qui peuventy avoir rapport ; par
Bagicu : 2 vol. in -12 . 6 liv .
Trané ou Réflexions tirées de
pratite fur les plaies d'umes
feu par le Drán . 2. 2 h
10 fols.
Erennes de Minerve aux Artites
, Encyclopédie économi
que , ou Alexis moderne , con la
tenant plus de 500 différens feà
cets fur l'agriculture & les arts
& métiers , où l'on a ramble
tout ce qui fe trouve de plus important
, extrait de plus de goo
Auteurs ; Ouvrage de la plus
grande quilité pour les différens
eats , & actuellement complet :
en petits vol . broch. 9 liv.
Merigot le jeune , Libr. quai
des Auguftins , vient d'acquérir
du fonds de M. Panckoucke :
Voyage aux Moluques & à la
nouvelle Guinée , fait en 1774 ,
1775 & 1776 , par ordre de la
Compagnie Angioife ; par le Capitaine
Forrest : 18-4° . rempli de
Figures & de cartes , rel . en veau
avec filets d'or , 15 liv.
C'est le même Libr. qui vend
les grands Voyages de Cook &
Phipps , en to yol . in 4° rempiis
de figures & de cartes , rel . en
veau avec filers d'or , 165 liv.
Comme il lui reste peu du pre
mier Voyage en 4 vol. il ne pourza
pluse vendre féparément. Le
prix da fecondVoyage de Cook ,
en S voi . eft de 78 liv. & celui de
Phipps , de rs liv.
Suitedes livics que Théophile
ARRETS.
Arret du Confeil d'Etat du
Rei , dus Mai 178 , concernant
les remèdes pour la distribution
defquels on demanderoit des
Lettres - patentes, Brevets ou permifions.
Paris , de l'Iprimerie
Koyale.
Arrêt de la Cour de Parlement,
qui homologue une Sentence
rendae par les Officiers da
Police de la ville de Bar , pour
prévenir les incendies , & faire
procurer , en cas d'incendie , les
Tecours néceffaires ; extrait des
registres du Parlement , du 13
Mai 1783. A Paris , chez P. G.
Simon & N. H. Nyon , Libr.-
Impr. rue Mignon S. André-des-
Arts.
GRAVURES.
Annales pittorefques dela ver
tu françoife , ou Recueil d'ef
tampes dedinées à repréfenter
les belles actions qui honorent
notre nation & notre âge, à commencer
avec le règne de Louis
XVI ; le tout definé & gravé par
les meilleurs Maîtres , & accom
pagné d'explications détaillées ; Le Meffaget fidèle , Etampe
propofé par ioufeription
Il paroîtra au mois de Décembre
de cette année , & enfuite
tous les trois mois , une eftampe
de dix pouces fur fept, avec fon
explication. On paiera chaque
eftampe 2 v. 8 en la retirant ;
elle fera de 3 1. pourles perfonnes
qui n'auront was foufcrit.
On foufciia , pour une année
, che
Tilliard, Graveur,
quai des Auguftins; & chez Ifabey,
Marchand d'Efiampes , rue de
Gêvres
gravée par L.M. Halbon , d'après
Et. Lallie , Académicien. 3 liv.
A Paris , chez le même.
Portrait en couleur de M. Michu
, reçu à la Comédie Italienne
en 1775 , gravé par Coutellier
& faifant fuite à la collection des
portraits des Acteurs du Théâtre
Italien. 1. A Paris, chez l'Auteur
, rue de la Juive ie , mailom.
du Boulanger , à côté dé la Madeleine
, en la Cité.
LIVRES ETRANGERS.
L'Econemie de la nate : in
On donnera une édition parti- 8 °. broch. 4liv . A Afterdam , &
culière de la première eftampe , fe trouve à Paris , chz Dider le
repréfentant Louis XVI dornani jeune , Libr. Impr. quai des ALà
fon peuple l'Edu du Joyeux- guftins ; Durand never, kimi, raE
Avinemen . Cette édition , defti- Galante, & Mérigotjeune , Libr.
née à order des falles publiques , quai des Auguftus.
aura les émes dimenfions quej
la gravure du Roi d'Angleterre ,
Charles I par M. Strang. Elle
coûtera 2 liv. & 15 liv. feule
ment aux Soufcripteuis
Elliots elements of the bran
ches of natural philofophy , con
nected With medicine. Lond
1782 , in -88. A Paris , che Barrois
jeune , Libr. quai des Au-
L'Infpiration favorable , ef- guftins.
tampe gravée par L. M. Halbou, Nicholfon's introduction to
d'après H. Fragonard , Peintre naturel philofophy illuftrmed
da Roi. 31. AParis , chez l'Auteur, with copper- plates, Lond. 1781 ,
rue du Fouarre , maiſon de M2 vol . in- 8° . Chez le même.
Maillar, Procureur au Parlement .
On fouferit féparément pour le JOURNAL DE LA LIBRAIRIE ,
chez PH.-D. PIERRES , Imprimeur Ordinaire du Roi , rue Saint-
Jacques . Le prix de l'abonnement eft de 7 liv. 4 fois par année , avec
la Table.
On s'abonne en tout temps , à Paris , Hôrel de
Thou , rue des Poitevins. Le prix eft, pour Paris ,
dtrente livres, & pour la Province , port franc ,
trente- deux livres , que l'on remettra à la Pofte ,
en affranchiffant le Port de l'argent & la lette
d'avis.
Mefieurs les Soufcripteurs du mois de Juillet Jons
priés de renouveler, de bonne heure leur Abonnement,
Arrêt du Confeil d'État "du | Adjudicataires de fes bois , par
Koi , du 26 Avril 1783 , qui or préférence à tous autres créan
donne qu'à compter du i Janvieriers : données à Versailles le 18
184, la poudre à tirer fera ven Mars 1783 , regiftrées en Parledue
par la régie des poudres & ment le 13. Mai audit an. Cheq:
falpêtres aux débitans & au pu
les meines.
blic , en grain & fans être pilée ,. Lettres patentes du Roi , por
au poids unité dans chaque Pro- rant réglement pour le Collége
vince. De l'Impra Royale, de la ville de Langres ; données
Arrêt du Confeil d'Etat du à Versailles le 10 Avril 1783 , re-
Roi,du 20 Avril 1783 , concernant giftrées en Parlement le 13
les Louvelles routes de commu- audit an. Chez les mêmes.
nication , & les formalités qui GRAVURES.
devront à l'avenir précéder la con- Cottumes des dignités ecclés
fection des routes . De l'Impr. R. fiaftiques : N . ; , dis teptième
Ordonnance du Roi ,. da 11 livraiſon : 9 liv. 4 Paris , cheq
Nov. 1782 , concernant le régi- Duflos le jeune , rue S. Victor
ment Royal- Corfe : Del'Impr. R.Aprèsia place Maubert.
Mari
rie
Arrêt de la Cour de Parle- La plus belle des mères, eftara
meat , portant réglement pour les pe gravée par Maffard , d'après
écoles de Vierzos, & pour la fon- Van-Dick , dédiée & préfentée
dation faire par Etienne Rouf à Mad. la Marquife de Créquy
feau , Avocat en Parlement , en 12-1 A Paris, chez l'Auteur ,
faveur defdites écoles , & pour S. Jacques , au coin de l'Eftrapade.
établir des bourfes dans le Cof Néceffité n'a ppaass de loi , Elége
de Bourges ; extrait des tampe gravée par Mile Papavoine,
registes du Parlement , du 13d'après Delorme : 3 liv. A Paris ,
Mai 1783. Paris , chez P. G. chez l'Auteur , rue Baillif, au coin
Simon & N. H. Nyon , Eb - de celle des Bons-Enfans , à côté
Linpr. rue Mignon S. André- des du Varier.
Arcs.
>
1
Vnes perfpectives extérieures
Arrêt de la Cour de Parle des Théâtres François & Itament,
qui ordonne que le mar - lien deux Elampes failant .
ché pour la volaille qui fe tient pendans , deffinées & gravees
fur la piace où eft fitué l'Hôtel par Ranfonnette , Graveur or
de Ville de Beauvais , fe tiendra dinaire de MONSIEUR : chacune
à l'avenir dans la place de S. Mi- 12 fols. A Paris , chez l'Auteur
chet de ladite ville ; que le mar- rue de Bièvre , la maison neuve à
ché qui fe tient pareillement pour côté du Chirurgien.
le poiffon dans ladite place , fe MUSIQUE...
tiendra auffi à l'avenir dans la Air du Confiteor , avec huit
place de l'Ecorcherie S. Sauveur , variations , arrange pour le cla
à compter du jour de la publica- vecin ou le forté-piano ; dédié
tion de l'Arrêt ; extrait des regif- à Mad. Mazemon de Courhoves'
tres du Parlement , du 19 Mai par M. B** , Profeffeur de mu--
1783. Chez les mêmes. ique liv. 16 fols . A Paris
-Leures parentes du Roi , qui chez Mad. Le Vajeur rue de la
maintiennent M. le Duc d'Or Monnoie ; & chez Mlle . Cafta
léans dans le droit d'êne payé gnery , rue des Prouvaires,
fur lesdeniers comptans & effets Premier Concerto à violon
mobiliers provenans de la vente principal premier & fecordi
des effets Taifis appartenans aux violons ripienno , deux alto Mi

Baffe, deux hautbois & deux
cors di Chriftiano Stump : 4 liv.
fols. A Paris , chez Michaud ,
rue des mauvais Garçons , près
celle de Buffy ; & aux adreffes ordinaires
de mufique.
Didor le jeung, Libr, quai des Aus
guflins.
Les Litanies dela Providence ,"
compofées par Jofeph de Luzec ,
Baron de *** commencées par
P. Sylvain Maréchal ; dédiées
LIVRES ETRANGERS, Mad la Comteffe de L ***
Nouvelles Eaux minérales de Chanoineffe d'Alix : in-12. br.
Chateldon en Bourbonnois, avec u Paraclet , & fe trouve à Pades
obfervations fur leurs effets : ris , che l'Editeur , M. Marébrochure
de 152 pages . A Lon- chal , à la Bibliothèque Mazadres
, & le trouve à Paris , cheq rine, Collège des Quatre-Nations&-
Oa fouferit féparément pour le JOURNAL DE LA Librairie ,
shez PH.-D. PIERRES , Imprimeur Ordinaire du Roi , rue Saint-
Jacques. Le prix de l'abonnement eft de7liv. 4 fols par année , avee
A Table.
On s'abonne en tout temps , à Paris , Hôtel de
THOU , rue des Poitevins. Le prix eft , pour Paris,
de trente livres , & pour la Province , port frane ,
trente-deux livres , que l'on remettra à la Pofte
on affranchiffant le Port de l'argent & la lettre
d'avis.
Meffieurs les Soxfcripteurs du mois de Juillet for
griés de renouveler de bonne heure lour Abonnement.
1
Piffot , Libr. quai des Auguťms
, a reçu de Londres :
Pamela, by Richardſon : 4 vol.
m.12. Lord.
Grandiffon, by Richardſon : 7
vol in-12. Lord.
Montague's letters : 2 vol. in-
32. Lond.
The man of the world : 2 vol .
1-12 . Lond.
Gulliver's travels : 2 vol. in-
Lond..
"
The hiftory of Miff Indiana,
Danby : 4 vol. in-12. Lond.
ARRET S.
Arret du Confeil d'État du
Ror , du 2'Avril 1783 , qui ordonne
l'exécution dans le port de
Dunkerque, des Arrêts & Ré
glemens qui accordent la préférence
à la ferme générale dans les
adjudications de tabacs provenans
de prife . A Paris , de l'Impr . Roy. '
Arrêt du Confeil d'Etat du
Roi , du 30 Avril 1783 , qui
ordonne qu'à l'avenir les huit
fols pour livre payés en fus du
principal des amendes , ferort
reftitués à ceux qui auront obtenu
la reftitution du principal defd.
amendes. Del'Impr. Royale.
Arrêt du Confeil d'Etat du
Roi , du 8 Mai 173 , qui ordonne
que les Marchands ou Arti
fans des villes, fauxbourgs & banlieues
du reffort du Parlement de
Rouen , reçus maîtres dans les
Juftices des Seigneurs , depuis le
premier Mai 1782 , ne pourront
pas fe prévaloir de la faveur accordée
par l'Article II de la
Déclaration du 6 Février dernier,
concernant les Communautés
d'Arts & Métiers du reffortdudit
Parl. A Paris , de l'Imp. Royale
Arrêt du Confeil d'Etat du
Roi , du 23 Mai 1785 , qui fupprime
un ouvrage intitulé : Relation
de deux voyages dans les
mers Auftrales & des Indes, faits
par M. de Kerguelen , en 1771 , &c.
AParis , de l'Impr. Røyale.
CARTES.
Carte générale de la Province
de Languedoc, levée par ordre &
aux frais des Etats ,fous la direction
de MM. Caffini , de Montigny
& Perronet , réduite fur
l'échelle d'une ligne pour 500
toifes , par le ficur Capitaine ,
Ingénieur Géographe du Roi.
Chez le fieur Vignon , Marchand
de Cartes de Géographie , rue
Dauphine.
GRAVURES.
La Curiofité punie , Eftampé
de 14 pouces de haut fur 10 de
large , gravée par Denis , d'après-
J. J. Moitte , Sculpteur du Roi :
3 live A Paris , chez l'Auteur , rue
des Mathurins ; & chez Baffet, rud
S. Jacques.
"Portrait de J. M. A. Gros de
Befplas , Docteur de la maison &
fociété de Sorbonne , gravé ďa
près le deffin d'Ant. Pajos , pat
F. Huot : 1 liv . 4 fols . A Paris
cheq de Launay , rue de la Bucherie
, nº . 26.
MUSIQUE.
Concerto pour la clarinette ,
avec accompagnement de deux
violons, alto, baffes, flite & cors,
ad libitum , del Signor Lintant
de Bofek : OEuvre 1, 61. A Paris,
au Bureau du S. Lawalle-l'Ecuyer,
Cour du Commerce , F. S. G.
aux adreſſes ordin, de mufique.
LIVRES ETRANGERS.
An account of fome experi
ments on mercury , Made st
Guidford in Mai 1782 , in the
laboratory ofJ. Price . Oxford ,
1783 , in -4° . A Paris, chez Theo
phile Barrois , Libr. quai des Auguftins,
Dictionnaire univerfel des
fciences morale , économique ,
politique & diplomatique ; par
M. Rabinet , Cenfeur royal
tome XXVIII , in - 4ª . br. 101 .
A Paris , chez l'Editeur , rue de
la Harpe , à l'ancien Collège de
Bayeux,
Effai de médecine théorique d'animaux ; par l'Abbé Spallan-
& pratique , ouvrage périodique zani ; par M. Senebier , Biblie
dédié aux amis de l'humanité; parthécaire de la république de Ge
MM. Morizor , Brion , d'Yvoity nève : in- 89 , 1783. A Paris , che
& Richard , Médecins à Lyon : Durand nevcu , Lib. rue Galande .
tome I. in-8°. L'Homme à projets in-8°. de
40. pages , br . 12 fois. A Paris
chez Mérigosjeune, Libr. quai deg
Auguftins.
Il paroftra dans l'année 24 ca.
hiers d'une feuille in-89 . deux
chaque mois. Le prix de la fouf
stiption fera de 6 liv. pour Lyon ,
& de liv. pour les Provinces
le tout rendu , franc de port , à
l'adreffe indiquée par chaque
Soufcripteur. On s'adreffera à
Lyon , à M. Marizot , rue Lanterne
; ou à M. Richard , rue Juiverie,
maison de l'ancien Poidsde-
ville.
L'Etude de la nature , Poëme;
par M. Fabre d'Eglantine : in 8 ° .
1783.
Expériences fur la digeftion de
l'homme & de différentes espèces
Mémoires hiftoriques & politi
ques de la Grande Bretagne , &
de l'Irlande, fous les règnes
Charles II , Jacques II , Guil
laume III & Maries pour fervit
de fuite & d'éclairciffemens aux
Hiftoires d'Angleterre de Hume
Smellet de Barrow : ouvrage traduit
de l'anglois du Chevalier
d'Alrimple , fur la fixième édi
tion : 1783 , 2 vol . in 8º. A Paris,
chez Nyon l'ainé , Libr. rue du
Jardiner.
On fouferit féparément pour le JOURNAL DE LA LIBRAIRIE ,
ehez FH.-D. PIERRES , Imprimeur Ordinaire du Roi , rue Saint-
Jacques, Leprix de l'abonnement eft de 7 liva 4 fols par année , avec
la Table.
s'abonne en tout temps , à Paris , Hôtel de
THOU , rue des Poitevins . Le prix eft , pour Paris ,
de trente livres , & pour la Province , port franc ,
trente- deux livres , que l'on remettra à la Pofte
en affranchiffant le Port de l'argent & la lettre
d'avis.
Meffieurs les Soufcripteurs du mois de Juillet fons
priés de renouveler de bonne heure leur Abonnement.
Qualité de la reconnaissance optique de caractères
Soumis par lechott le