Fichier
Nom du fichier
1738, 11, 12, vol. 1-2
Taille
23.20 Mo
Format
Nombre de pages
671
Source
Lien vers la source
Année de téléchargement
Texte
MERCURE
DE FRANCE ,
1 1
DEDIE AU ROT.
NOVEMBRE. 1738 .
RICOLLIGIT
SPARGIT
Chés
Tapillon
A PARIS ,
GUILLAUME CAVELIER ;
ruë S. Jacques.
La Veuve PISSOT , Quay
à la defcente du Pont Neuf.
de Conty
JEAN DE NULLY , au Palais,
M. DCC. XXXVIII.
Avec Aprobation & Privilege du Roy
4. N. V YORKİ
UBLIC
LIBRARI
$ 35272
ASTOR , LENOX AND A VIS.
TILDEN FOUNDATIONS
1905
ADRESSE generale eft à
Monfieur MOREAU , Commis au
Mercure vis - à - vis la Comédie Francaife
, à Paris. Ceux qui pour leur commodité
voudront remettre leurs Paquets cachetés
aux Libraires qui vendent le Mercure,
à Paris , peuventfe fervir de cette voye
pour lesfaire tenir.
On prie très- inflamment , quand on adreffe
des Lettres on Paquets par la Pofte , d'avoir
foin d'en affranchir le Port , comme cela s'eft
toujours pratiqué , afin d'épargner , à nous
le déplaifir de les rebuter , & à ceux qui
les envoyent , celui , non-feulement de ne
pas voir paroître leurs Ouvrages , mais.
même de les perdre , s'ils n'en ont pas gardė
de copie.
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les Particuliers qui fouhaiteront
avoir le Mercure de France de la premiere
main , & plus promptement , n'auront
qu'à donner leurs adreffes à M. Moreau ,
qui aura foin de faire leurs Paquets fans
perte de temps , & de les faire porter sur
T'heure à la Pofte , on aux Meffageries qu'on
lui indiquera.
PRIX XX X. SOLS.
MERCURE
DE
FRANCE ,
DEDIE AU
ROT.
NOVEMBRE. 1738 ,
PIECES
FUGITIVES;
en Vers et en Prose.
O D E.
Tirée du Pseaume X111. contre les Athées:
A folle iniquité démentant l'évidence,
Dit que c'est le hazard qui crée & qui
produit ,
Et que du Dieu puissant l'éternelle
existence ,
N'est qu'un Conte qui nous séduit ;
Sur l'Autel de l'erreur, Prêtre, ensemble & victime,
L'incrédule s'immole & se dévoue au crime ;
A ij Coure
2308 MERCURE DE FRANCE
SHIP
Contre lui le remords s'est tû.
C'en est fait ; il s'égare &, sa perte est certaine ;
La Nature qu'il suit le captive & l'entraîne
Loin du chemin de la vertu .
*
Prêt à venger le Ciel des forfaits de la Terre ,
Dieu semble respecter le sang qu'il va verser ;
La voix de son amour arrête le Tonnerre ,
Qui partoit pour nous écraser.
Voyons , dit- il , voyons , si de l'humaine race
Il est encor quelqu'un , qui , fidele à ma-grace ,
Ne cherche qu'en moi son soûtien ?
A ces mots l'Univers se découvre à sa vûë ;
Quel Spectacle partout la Terre est corrompue,
Et Personne ne fait le bien.
*
Interprete attentif du mensonge & du vice ,
La bouche de l'impie est un sépulchre ouvert
Dont l'air contagieux obscurcit la justice ,
Sans que rien l'en mette à couvert .
Sa langue, que conduit l'imposture , l'adresse
Ne donne à ses discours une feinte sagesse ,
Que pour mieux tromper l'innocent ;
De l'Aspic irrité la morsure subțile
Es , malgré son venin , à guérir plus facile ,
Que la morsure de sa dent
-I
NOVEMBRE. 1738. 2309
L'un sur l'autre, acharnés par de sanglans outrages,
De l'avide Discorde ils nourrissent les feux ;
Et leur main exercée à d'horribles carnages >
Fait voler la Mort devant eux .
En vain pour étouffer cette guerre homicide ,
Dieu menace les jours de ce Peuple perfide ;
Ils ne craignent point le danger.
-
De l'Etre souverain , qu'ils traitent de chimere ,
Ils vont par leurs regards souiller le Sanctuaire LEt
le forcent à se venger.
܀
Ne fera-t'il jamais de retour sur lui- même ,
Ce Peuple criminel qui dévore tes Saints ?
Souffriras-tu , Seigneur , que fon affreux systême
Traverse tes pieux desseins ?
Ton culte méprisé , tes Loix presque abolies ,
Ton Nom même, ton Nom, mis au rang des folies
Doivent allumer ton courroux ;
Sur un Monde d'ingrats , Seigneur, lance ta foudre ;
Que l'orgueilleux confus tombe réduit en poudre ,
Sous la pesanteur de tes coups !
*
Pourquoi vouloir encor écouter ta clémence ,
Quand l'homme met le comble à son impieté ?
Annonce à l'Univers ce jour , où ta vengeance
"
Doit succeder à ta bonté .
A iij.
Alors
2310 MERCURE DE FRANCE.
Alors , que deviendra l'intrépide courage
De ce fier insensé , qui ne bravoit l'orage.
Que parce qu'il étoit au Port ?
A l'aspect de l'Autel , victime gémissante ,
Il mourra mille fois de crainte & d'épouvante ,
Avant qu'il reçoive la mort.
*
Dans l'éternel séjour , près de ce Trône auguste ,
D'où Dieu fera subir ses Jugemens rendus ,
Paroîtront sans effroi l'Indigent & le Juste ,
Aux yeux des Méchans confondus.
C'est donc là , diront- ils , qu'on va briser la chaîné
De ces hommes sans nom , qui contre notre haine
N'avoient que leur Dicu pour apui ?
Quel changement ! les pleurs font place à l'allégresse
;
Et ce Dieu qu'ils ont cru , n'accorde sa tendresse ,
Qu'à ceux qui n'esperent qu'en lui .
*
Mais qui fera sortir cette lumiere pure ,
Qui doit de l'innocence éclairer le destin
Ce sera le Seigneur ; son serment m'en assûre
Est- il un gage plus certain ?
Quand j'aurai délivré la Nation captive ,
De l'homme impur , dit- il , la voix triste & plaintive
,
Ne sçauroit attendrir mon coeur ;
Et
NOVEMBRE. 1738. 2311
Et tandis que mon Peuple aura part à ma gloire ,.
De ces feux éternels , qu'il n'a pas voulu croire ,
L'ingrat sentira la rigueur.
****************
LETTRE de M. L. B. Capitaine de l'a
Milice Bourgeoise à Joigny , sur la dévotion
des Rois de France à la Sainte Vierge.
M
très-
On intention n'est pas , Monsieur
de raporter ici les Evenemens mira-
1 culeux , qui sont arrivés et qui arrivent encore
tous les jours par Fintercession de la
Mere du Sauveur. Il'n'y a presque point de
Livres de piété qui n'en parlent : point , ou
s-peu de Villes dans le Monde chrétien
où la Sainte Vierge n'ait des Temples , célébres
par une multitude de merveilles opé
rées par cette puissante intercession. Ce que
j'ai médité d'écrire , n'est point non plus la
pieuse confiance , que les principaux Poten
tats de l'Europe ont marqué dans tous les
temps pour la Reine du Ciel je n'ai dessein.
que de citer quelques Traits de l'insigne
dévotion; qu'ont eu envers elle les Rois de
France.
Je crois devoir d'abord observer que la
dévotion à la Sainte Vierge a été si grande
en France dans tous les temps , que
A iiij
l'on y
voit
2312 MERCURE DE FRANCE
voit six Eglises Métropolitaines et trentetrois
Cathédrales qui portent son nom ; et il
y a aparence , qu'aucune des anciennes Cathédrales
du Royaume n'étoit sans quelque
Edifice sous son invocation. Je remarquerai
aussi que nos Rois se font un honneur à
leur Avenement à la Couronne de s'avoüer
les Vassaux de la Vierge , par le tribut volontaire
d'un Coeur d'or massif du poids de
deux mille Ecus , qu'ils offrent à Notre-
Dame de Boulogne sur Mer. ( Belle-Foreft ,
Annal. de France. ) Depuis , et à l'imitation
de Louis XI six de nos Rois ont voulu
être de la Confrairie de Notre- Dame de
S. Cloud lès-Paris . ( Dubreuil , Antiquités de
Paris , Livre IV. )
Pour garder l'ordre convenable dans ce
que j'ai à dire , je commencerai je commencerai par le
GRAND CLOVIS . Ce que fit ce Prince étoit
un préliminaire de ce que les Rois ses Successeurs
devoient faire un jour. Quelquesuns
parmi les François , assûrent que ce premier
Monarque Chrétien fit bâtir Notre-
Dame d'Argenteuil près Paris l'an 501. Chil
debert son Fils jetta les premiers fondemens
de la Cathédrale de Paris sous le titre de
Notre- Dame , qu'elle a toujours porté. Charlemagne
donna à Aix -la - Chapelle des marques
de sa dévotion envers la Sainte Vierge ,
et Charles le Chauve, son Petit - Fils , à Notre-
Dame
NOVEMBRE . 1738 .
2313
Dame de Chartres. ( Ferrcolus Locrius Lib.
V. Maria Augufta , C. XXVII. )
Le Roy Robert ( Dubreuil. ) fit bâtir l'an
996. l'Eglise de N. D. de Bonnes Nouvelles,
au lieu même où il avoit apris la bonne
nouvelle que son Pere Hugues Capet avoit
évité la mort. Le même Roy fonda en 1022."
une Chapelle en l'honneur de N. D. au lieu
où est aujourd'hui la Sainte Chapelle ; (idem . )
il avoit coûtume de dire , que la Ste Vierge
étoit l'Etoile de son Royaume. Il institua de
plus 30. Chevaliers de N. D. de l'Etoile.
( Dubreuil Favin . Hist. de Navarre. )
S. Louis donna l'Image célébre de N. D.
du Puy en Velay. ( Odo Gisseus. D.Virg. ,
Aniciensis, Lib. 2. Cap. 7.8.9 . ) On tient que
c'est un présent que lui avoit fait le Sultan
d'Egypte dans son Voyage d'Outremer.
Le même Prince donna aux Chartreux
de Paris , (Dubreuil Théatre des Ant. Liv.2. )
le Lieu où est bâtie l'Eglise de leur Monastere
en l'honneur de la Sainte Vierge ,
lequel ne pouvoit être habité , à cause
d'un malin Esprit qu'on disoit y faire sa résidence
, et qu'on apelloit communément le
Diable deVauvert.
Philipe Auguste, ( Carta Tabularii de Victoria.
) en reconnoissance de la Victoire qu'il
remporta sur l'Empereur Othon IV. en la
Journée de Bovines l'an 1214. fit jetter les.
Ay fan
し
2314 MERCURE DE FRANCE
•
fondemens de l'Abbaye de N. D. de la Vietoire
, près Senlis l'an 1222 .
La Reine Blanche de Castille , Mere du Roy
S. Louis , fonda en 1241. l'Abbaye de N. D.
de Maubuisson , à 7. lieuës de Paris , et vou
lut être inhumée en l'Eglise de cette Abbaye
, où elle avoit pris l'Habit de Religieuse.
Elle fonda encore près de Melun, Diocèse
de Sens , l'Abbaye du Lis , de l'Ordre de
Cîteaux , dont Alix de Vienne , Cousine de
la Fondatrice , fut la premiere Abbesse .
( Gallia Christ. tom. 4. ) J'aurois trop de
choses à dire sur S. Louis , si je voulois m'étendre
sur les marques qu'il donna de sa dévotion
envers la Sainte Vierge .
La B.Elizabeth de France sa Soeur,fonda l'an
1261. le Monastere de N. D. de Lonchamp
dit de l'Humilité,près Paris. ( Gallia Christ.
y
Philipe le Bel ( Sebaft. Rouillard Chap.6. )
remporta l'an 1304. une signalée Victoire
sur les Flamands , après s'être recommandé
à N. D. En reconnoissance il donna à per- .
petuité à la Cathédrale de Chartres la Seigneurie
de Barres , & laissa à cette Eglise
les dépouilles de cette glorieuse Journée.
En 1328. Philipe de Valois , ( Locrius Ma
ria Augufta Lib. 4. Cap.68. ) entouré de Flamands
, vers le Mont - Cassel , eut recours à
la S inte Vierge , qui le délivra. du danger
où il se trouvoit. Ce Prince donna plusieurs
marques
NOVEMBRE. 1738. 2325
,
marques de sa reconnoissance entre lesquelles
fut le Don de 100. liv. de rente à
l'Eglise de N. D. de Paris , sur son Domaine
du Gâtinois.
Louis XI. se signala particulierement par
sa dévotion envers la Sainte Vierge . Il voulut
être inhumé à N. D. de Clery ( Locrius
Maria Augufta Lib . 4. Cap . 68. ) à quatre
lieues d'Orleans , dont il avoit fait rétablir
eir 1483. l'Eglise dédiée à Notre Dame, que
les Anglois avoient ruinée en 1428. Il établit
la pieuse coûtume que nous avons de
saluer trois fois le jour la Sainte Vierge.
Philipe de Comines remarque qu'il en portoit
toujours l'Image sur lui .
François I. fit faire une Statue d'argent
de la Sainte Vierge , qu'il fit placer au
coin de la , rue des Rosiers à Paris en 1545.
Dubreuil Lib. 3. )
Henry H. fit remettre celle dé N. D. dễ
Boulogne l'an 1544.
que
J'ajoûterai que l'Edifice de N. D. de Paris
renferme en lui une preuve particuliere de
I dévotion de trois de nos Rois . J'ai déja
dit Childebert en fit jetter les premiers
fondemens en 522. Ce Monument fut continué
par S. Louis , qui l'augmenta en 12575-
au même Lieu , sur les fondemens ¹que le:
Roy Philipe Auguste en avoit jetté l'an
Avj En .
1191
=
2316 MERCURE DE FRANCE
En voila je crois assés , M. pour ne point
exceder certaines bornes ; d'ailleurs il n'est
pas besoin de raporter des choses qui sont
sous les yeux de tout le Monde : je ne dirai
donc rien de la pieté singuliere de la Reine
Marie de Médicis , Mere du Roy Louis XIII .
envers la Sainte Vierge , de celle de ce Monarque
, et des Rois ses Successeurs.
Vous aurez sans doute reçû de quelques
Villes le détail des Cérémonies extraordinaires
qui s'y seront faites en cette présente année
, la centiéme depuis le choix qu'a fait
Louis XIII. de la Sainte Vierge pour la Patrone
et la Protectrice de sa Personne Royale
et de ses Etats. Ce que je puis dire de notre
Ville de Joigny, c'est qu'elle s'est distinguée.
entre les autres de ce Pays, ayant été des premieres
informée des Ordres de Sa M. par le
Mandement que M.l'Archevêque de Sens y a
donné pour tout son Diocèse, où il exhorte,
avec cette pieuse Eloquence & si universellement
aplaudie , à célebrer les huit jours de
l'Octave , d'une maniere encore plus solemnelle
que les années précédentes.
Je suis , Monsieur , & c.
Afoigny ce 16. Août 1738.
ODE
NOVEMBRE. 1738. 2317
ODE Imitée d'HORACE . Mercuri
( nam te docilis , &c.
Mercure , inspire-moi . Docile à tes maximes
Amphion ton Eleve , eut jadis le pouvoir
D'exciter par ses Chants , harmonieux , sublimes ,
Les Rochers même à se mouvoir
*
Et toi , Lyre autrefois inutile et muette
Mais dont on admira le charme séduisant ,
Aussi -tôt que ce Dieu , pour te rendre parfaite ,
De sept cordes t'eut fait présent.
*
Toi , qui combles les coeurs d'un plaisir indicible ,
A la Table des Grands ,dans les Temples des Dieux›
Puisse la fiere Lyde être aujourd'hui sensible
A tes accords mélodieux .
Tu peux par leur douceur entraîner à ta suite
Les Monts et les Forêts , les Tygres et les Ours:
Des Fleuves , des Ruisseaux les plus prompts dans
leur fuite ,
Tu sçais l'art d'enchaîner le cours.
Muni de trois gosiers , écumant de colere ,
Garde
2318 MERCURE DE FRANCE
<
Garde affreux d'un séjour aux vivans interdit
Herissé de serpens , le terrible Cerbere
Ates soas flateurs se rendit.
334
Ixion , Tityus , que leurs apas toucherent ,
Tressaillirent de joye au milieu des tourmens ,
Et des Brus d'Egyptus les Urnes se séchérent ,
Immobiles quelques momens .
*
y
Qu'aujourd'hui Lyde écoute et leur crime perfide' ,
Et la juste rigueur du châtiment divin ,
Qui les force à remplir un tonneau toujours vuide ,.
Et rend leur travail toujours vain .
*
Ces Monstres ( que peut- on oser de plus atroce ? )
Ges Monstres, que le Ciel poursuit jusqu'en Enfer
Oberent , ô noirceur ! ô cruauté feroce ! .
Perdre leurs Maris par le fer ..
X
Pour conserver le siën , une entre autres insigne
Trahissant noblement le dessein paternel ,
Du flambeau nuptial seule se montra digne ,
Er rendit son nom éternel..
*
Leve- toicher Epoux ,d'un long sommeil , dit- elle ,
» HâteNOVEMBRE.
1738. 2319
» Hâte-toi , malheureux , d'éviter les horreurs ;
Leve- toi ; trompe ainsi ton beau - pere infidele ,
Trompe ainsi mes barbares Soeurs.
ג כ
*
Helas ! telles qu'on voit des Lionnes farouches
» Déchirer les Agneaux dans leur ardent courroux ,
Telles en ce moment, elles soüillent leurs Couches
» Du sang de leurs jeunes Epoux .
*
Ah ! je suis plus humaine, et j'ai trop de tendresse,
Pour pouvoir me résoudre à te percer le sein.
Moi te trahir ! Non , non : Si j'en fis la promesse ,
Je n'en eus jamais le dessein . 23
20
» Cher Epoux , que mon Pere , en me chargeant de
chaînes ,
»Me punisse demain de t'avoir épargné ;
22
22
Qu'il m'éxile, s'il veut, dans les sauvages Plaines
» Du Climat le plus éloigné.
*
Etpar terre ; et par mer , va , dérobe ta view
»A l'inhumanité d'un attentat affreux ;
»La nuit te favorise , et Venus t'y convie ;
Va , fui sous un auspice heureux.
Adieur .
2320 MERCURE DE FRANCE
» Adieu ; mais daigne au moins conserver la memoire
» De ma tendre pitié , de ma constante foi ;
Daigne sur mon tombeau graver un jour l'His-
Lone
» De ce qu'ici je fais pour toi.
Par M.F .....
LETTRE écrite par M. B.... à M. le
Comte de B.. Brigadier des Armées du Roy,
sur les Etudes Militaires.
L
Orsque je pense , Monsieur , que voici
le tetemps auquel vous avez remis lá
continuation de vos Etudes Militaires , je
me veux bien du mal de n'être point à portée
de profiter de vos judicieuses réflexions .
Quel plaisir ne seroit - ce point pour moi,
d'être admis à ces Mysteres , & quel fruit
n'en retirerois-je point ? Privé d'un bien qui
me seroit si nécessaire , je tâche de m'en
rendre les regrets moins sensibles , en redoublant
mon aplication aux choses qui
m'ont attiré vos bontés ; heu.eux si par l'étude
que je fais des grands Hommes qui ont
mérité l'estime de la Posterité , je pouvois
acquerir des connoissances qui me rendissent
digne de la vôtre !
Plutarque , le divin Plutarque , est aujourd'hui
NOVEMBRE. 1738. 2328
d'hui l'objet de mes méditations ; c'est lui
qui m'aprend à ne point décider du mérite
des Généraux par le succès de leurs entre >
prises :: ce n'est en effet ni par des coups hardis
, ni par ces transports téméraires , qui
soûmettent la raison aux caprices de la fortune
, qu'on doit juger de leur capacité.
Rien n'est véritablement grand à la Guerre ,
que ce qui est l'objet d'un grand dessein si
sagement concerté, médité si profondément,
qu'il assûre la réputation de celui qui en est
FAuteur , indépendamment du sort journalier
des Armes. Sur ce pied - là , M. nous
n'admirerons point Alexandre sur les murs
de la Ville des Oxydraques , ni Pyrrhus à
l'attaque de celle d'Erice , montant le premier
à l'assaut ; l'intrépidité qu'ils y firent
paroître , n'est digne d'immortaliser que des
Soldats et des Subaltèrnes. Mais si vous voulez
, M. nous donnerons des louanges infinies
à la lenteur agissante de Fabius ; ce grand
homme qui sçavoit qu'Annibal ne pouvoit
se soûtenir en Italie qu'en donnant des Batailles
, cherchoit sans cesse à les éviter , ou
du moins à ne les engager qu'avec tous les
avantages qui promettent une Victoire certaine
; uniquement attentif à lui couper les
vivres et les fourages , il laissoit au temps ,
toujours ami de ceux qui sçavent en attendre
Fopportunité , le soin de le détruire ; on ne
sçauroit
2322 MERCURE DE FRANCE
sçauroit disconvenir , M. que cette conduite
ne fût très -sage , qu'elle ne fût le résultat
des combinaisons les plus justes ; cependant
qui le croiroit Rome , son Senat & son
Armée étoient alors si dépourvûs d'hommes
capables d'aprécier le mérite , que Fabius fut
généralement accusé de timidité & de poltronerie
; ' c'est à cette disette de gens dignes
de commander , qu'Annibal doit tous ses
succès , & la brillante réputation qu'il at
laissée à la posterité ; desorte , M. qu'à bien.
des égards , je ne le trouve grand que par raport
à la petite capacité des Généraux contre
lesquels il a eu affaire..
L'inexpérience indocile
Du Compagnon de Paul Emile ,,
Fit tout le succès d'Annibal .
En effet , qu'est- ce qu'un Publius Scipion,.
un Minucius , un Flaminius , un Terentius
Varron, que Rome oposa en differens temps:
à Annibal Ces Pèrsonnages ne sont connus:
dans l'Histoire , que par les fautes qu'ils ont
faites ; & l'on peut dire avec vérité , que les
Victoires qu'il remporta contre eux , les ont
couverts de honte , sans relever sa gloire.
Pour bien juger d'Annibal , il faut le voir
aux mains avec Marcellus , avec le Grand
Scipion dans les Plaines de Zama ; c'est iciqu'on
NOVEMBRE. 1738. 2323
qu'on peut dire que le masque tombe , &
que le Heros s'évanouit. Le premier lui donna
tant de peines , que sans l'Embuscade où
il périt malheureusement , on peut juger
qu'il l'eût forcé de prévenir les ordres que
lui donnerent dans la suite les Carthaginois,
d'abandonner l'Italie pour repasser en Afrique.
Dieux ! s'écrioit- il , voyant l'opiniâtreté
avec laquelle Marcellus le poursuivoit ,
que faire , avec un homme que la bonne
fortune n'aveugle point , & que la mauvaise
ne sçauroit décourager ? Vainqueur , il ne.
donne aucun repos à ses ennemis ; & vaincu
, il n'en prend pas pour lui -même . Il
faut donc se résoudre à combatre éternellement
avec un ennemi à qui la gloire & la
honte inspirent une égale audace. Si ce , dis-,
cours d'Annibal n'est l'aveu d'une superiorité
de génie & de courage dans son Antagoniste
, il annonce du moins une crainte facheuse
des Evenemens ; & l'on peut en conve
nir,sans que sa réputation en souffre ,puisqu'il
ne futjamais honteux à la vertu de plier sous
l'effort d'une plus grande vertu ; mais il
P'est extremement de se laisser battre
par un
Ennemi qui nous est inferieur en nombre de
plus de la moitié , & cela dans une Plaine
rase & découverte, où l'on peut s'étendre &
profiter de ses avantages. Eh bien , M. c'est
pourtant ce qui arriva à Annibal contre Scipas
pion
2324 MERGURE DE FRANCE
CLSitoCgrDGauoueamdsBnranaaogilaLmtreyeilereoenr&ciesnrcrsse.
miniler
Ligne Ler offriqua insetter car thaGenois
Dvne
3 Lignaalignete plus Dom stade derdeise
autres Les troupes venilesdj talies auec AnnibaĻ
□□□□□□□□(
000
ΠΑΠ
Ditalic
□□□□□□o
LTersainer
PLreisncess
LoulesHarlavier
5 LenElephan
2Lesarmees alalefiere
000
Armie des Romains
MSianis
Cavaleriedes Numid
inavec la
NOVEMBRE . 1738. 2325
pion à la Bataille de Zama ; la défaite du
Général Carthaginois ne fut point un effet de
sa mauvaise fortune , comme on a voulu le
persuader pendant un si long- temps , on ne
doit l'attribuer qu'au défaut de son ordre de
Bataille,, fait contre toutes les regles du bon
sens. Polybe & Tite Live ont beau nous
vanter la grande capacité dont il donna
disent -ils , des preuves dans cette Journée ;
leur autorité , quelque respectable qu'elle
soit , n'est d'aucun poids contre la vérité
démontrée ; on peut la regarder comme décisive,
quand il ne s'agira que des Faits , c'est
tout ce que l'Historien le plus jaloux de sa
réputation peut exiger de la Posterité . Que
ces Auteurs donc nous fassent la relation de
la Journée de Zama , qu'ils nous disent que
les deux Armées étoient disposées de telle &
telle maniere , je les en crois sur leur parole;
mais quand ils jugent que l'ordre dans lequel
Annibal se rangea , étoit un chef- d'oeuvre de
Science militaire , je puis leur dire : Ni votre
jugement , ni celui de Scipion même
qui disoit qu'au milieu de sa gloire il por
toit envie à la capacité du vaincu , ne prescrivent
point contre la raison , qui est la regle
de tous les temps.
J'avoue , M. que pour attaquer une opinion
, qui , sur la foi des plus célebres Historiens
, après avoir passé de siécle en siècle.
est
2326 MERCURE DE FRANCE
est devenue une espece de dogme ; que pour
en démontrer la fausseté , il ne falloit pas
moins qu'un homme qui joignit à des lumieres
superieures , cette noble témerité que
M.de Fontenelle apelle le courage de l'esprit,
courage rare,même parmi ceux qui ont celui
du coeur , cet homme s'est trouvé , c'est le
célebre Chevalier Talaret ; ce judicieux &
sçavant critique , n'a pas craint d'avancer
qu'Annibal avoit fait à Zama des fautes qu'on
dans n'excuseroit pas le moindre Officier
il est même allé jusqu'à dire que la tête lui
avoit tourné ; & ce qu'il y a de singulier ,
c'est que les preuves qu'il en donne , sont
fondées sur la description même que Polybe
& Tite- Live nous ont donnée de cet ordre
de Bataille ; permettez que j'en expose ici le
Plan à vos yeux .
Voila , M. cette disposition tant exaltée ,
mais que j'ose dire être sans exemple dans
T'Histoire , & dont l'inspection sans le secours
du raisonnement suffiroit
› pour en
faire voir les défauts ; se ranger sur trois lignes
de Phalanges sans intervalles , c'est
vouloir empêcher qu'elles combatent successivement
, & se priver par consequent de
l'unique avantage de cette disposition , à
moins qu'on ne voulut ruser à ses lignes , ou
les faire doubler & tripler à la queuë les
unes des autres ; en ce cas encore les intervalles
NOVEMBRE . 1738. 2327
valles ne pourroient que favoriser ces mouvemens
; en les observant , Annibal se seroit
trouvé rangé en Phalange coupée , qui après
l'ordre par colonnes , est tout ce que nous
connoissons de plus respectable , sans compter,
que par ce moyen son front devenant plus
étendu , le mettoit en état de se replier sur
les flancs de son Ennemi. Ces avantages qui
auroient du naturellement se présenter à son
esprit, ne s'y firent point sentir; il oublia même
d'inserer des pelotons de sesArmés à la legere.
dans les intervalles des Escadrons de sa Cavalerie
, aussi fut-elle d'abord emportée & mife
en fuite par Lelius & Massinissa , qui de leur
côté firent une faute très - considerable ; car
au lieu de détacher seulement quelques
troupes après les fuyards , & de tomber avec
le reste de leurs forces sur l'île de la Phalange
, ils s'abandonnerent imprudemment à
les poursuivre. Le Prince Robert , pour être
tombé dans la même faute trois fois consécutivement
, a été cause de la perte de trois
grandes Batailles décisives , & de la ruine
totale du Parti de Charles II . Roy d'Angleterre.
Enfin , M. il ne paroît pas que pendant
toute l'Action , Annibal ait eu d'autre
dessein que de faire combattre ses trois Lignes
alternativement ; il s'imagina que sa
premiere , ou tout au moins sa seconde ,
mousseroit cette pointe de courage , cette
ardeur
1323 MERCURE
DE FRANCE
ardeur qui contribuë si fort au gain des Batailles
, & que les Romains ne pourroient
arriver sur sa troisiéme , que fatigués & recrus
; & dans ce desordre que produit ordinairement
la poursuite des vaincus , il se
proposoit d'en avoir alors bon marché , en
tombant sur eux avec tout le poids de sa
Phalange , composée de l'élite de ses Troupes
qu'il commandoit en personne ; l'Evcnement
ne répondit pas à son attente , & dut
lui faire connoître qu'il avoit mal raisonné.
Scipion avec une Armée inférieure de moitié
à la sienne , comme je l'ai déja dit , mais
dont la disposition plus rusée & plus profonde
, réparoit avantageusement
le défaut
du nombre , fit voir par un Exemple mémorable
, que le petit, bien conduit , l'emporte
sur le grand mal ordonné. Les Elephans
d'Annibal ne se furent pas plutôt écoulés par
les espaces que son Antagoniste avoit ména
gés exprès entre les colonnes , qu'elles choquerent
avec impetuosité la premiere Ligne
des Carthaginois. Ceux- ci , malgré leur résistance
opiniâtre , & leur valeur desesperée,
furent contraints de céder à une attaque dont
la violence est une suite nécessaire de la disposition
par colonnes , à laquelle il est impossible
de résister , si l'on est rangé dans un
ordre semblable.La premiere étant défaite se
jetta sur la seconde, au travers de laquelle vou
lant
NOVEMBRE . 1738. 2329
lant se faire jour par le secours des armes
au défaut d'une issue pour se retirer , elle y
porta le desordre et l'effroi , et la mit dans
une confusion si grande , qu'il fut facile aux
Romains d'achever de la dissiper ; cette seconde
eut été à l'égard de la troisiéme , ce
que la premiere avoit été au sien , si Annibal
voyant cette troupe de fuyards prête à tomber
sur lui , n'eût fait baisser les piques contre
eux , ce qui en fit périr une partie , et
l'autre se retira le long des aîles de sa Ligne ;
sur ces entrefaites arrivent les colonnes
victorieuses qui donnent un nouveau combat
, plus terrible que les deux premiers , le
succès en fut long-temps incertain ; mais
Massinissa et Lelius revenant de la poursuite
de la Cavalerie , tomberent si à propos sur
les derrieres de la Phalange , qu'enfin les
Carthaginois accablés de toutes parts , furent
défaits de la façon du monde la plus com
plette , & perdirent pour jamais l'esperance
de disputer aux Romains l'Empire de l'Uni
vers.
,
Je crois , M. que vous conviendrez que
si Annibal fut battu en cette occasion , il
méritoit bien de l'être , pour n'avoir mis en
usage aucun des moyens qui pouvoient l'en
préserver car sa disposition , toute miserable
qu'elle étoit , lui laissoit encore des ressources
, et peut-être eut-il rétabli ses affai-
B res !
2330 MERCURE DE FRANCE
res , s'il avoit sçû tirer de cette disposition
les avantages dont elle étoit susceptible ; rien
n'étoit plus facile , il ne s'agissoit pour cela ,
pendant que fa premiere Ligne étoit aux
mains , que de faire marcher sa seconde mipartie
par ses aîles à droit et à gauche , et la
replier ensuite sur les flancs et sur les derrieres
de l'ennemi , qui se fut trouvé bien embarassé
, surtout la troisiéme Ligne venant
Pattaquer de front. Il est encore d'autres
manoeuvres , que les Militaires intelligens
verront bien qu'il eût dû employer. Pourquoi
ne le fit-il pas ? Disons pour la consolation
de ses admirateurs , que l'ascendang
que Scipion prit sur lui , l'aveugla et lui fit
perdre la tramontane , et que
;
T
Du Conful Scipion l'aftre prédominant
Diffipa d'Annibal le bonheur étonnant,
J'avois résolu , M. de terminer ici mes ré
flexions sur Annibal ; mais je m'aperçois que
ses partisans pourroient me reprocher d'a
voir, de dessein prémédité , passé sous silen
ce fon Expédition d'Italie , pour ne m'atta
cher qu'à la malheureuse Bataille de Zama.
Je serois bien tenté , pour me juftifier de ce
reproche , d'entrer ici dans un ample détail
de toute cette Expédition ; mais je sens que
cette Lettre n'est déja que trop longue , et je
crains surtout de vous ennuyer. Ainsi dans
ไม่
NOVEMBRE. 1738. 2330
la nécessité où je suis de faire en quelque
façon mon apologie , je l'abregerai le plus
qu'il me sera possible.
Cette fameuse diversiorf qui a tant fait
d'honneur à Annibal , croyez - vous , M. que
ce fut un projet bien sensé ? Sans le succès
brillant dont elle a été suivie , il n'est personne
qui ne la condamnât ; et ce succès
n'impose point aux gens qui pensent autrement
que le vulgaire. Tout le monde sçait
les risques qu'Annibal courut au passage des
Alpes , dont il ne se sauva que par une espece
de miracle ; cependant je veux bien lui
pardonner les maux où il exposa son Armée,
et l'état miserable où la réduisirent la faim ,
la soif , les rigueurs du climat , et les difficultés
presque insurmontables du terrain ;
mais il faudroit avoir un grand fond d'indulgence
, pour l'excuser de s'être confié
aussi légerement qu'il fit, aux Allobroges ; ces
Peuples perfides lui firent voir * qu'un Général
qui s'endort sur la foi des Traités , s'éveille
dupe : il se livra si indiscretement à eux, qu'il
les prit pour guides , et se laissa conduire
dans un Valon bordé de toutes parts par des
Rochers inaccessibles , sans user des précautions
qu'on ne doit jamais manquer de prendre
en pareille occurence , qui sont de s'em-
* Commentaire sur Polybe.
Bij parer
2332 MERCURE DE FRANCE
parer du sommet des Montagnes qui domi
nent sur la marche , et d'aller de hauteur en
hauteur à mesure que l'Armée avance : cette
faute inexcusable lui coûta bien cher ; car
les Allobroges le voyant engagé dans un pas
si dangereux , vinrent, une partie à l'improviste
, l'attaquer de front , pendant que les
autres , du haut des Rochers , lui rouloient
et lançoient des pierres dont il pensa être
accablé à ses flancs. Il est certain qu'il fut
réduit à l'extrémité
et que si ce Valon ne
fut pas le tombeau de son Armée , c'est uniquement
parce que la valeur du Soldat , répara
l'imprudence du Général.
Echapé de ce danger , il se trouva dans un
autre qui n'étoit pas moins pressant, et où il
cût infailliblement succombé , si les Romains
avoient eu un Consul un peu moins ignorant
à saisir ses avantages , et qui au lieu d'attendre
Annibal sur les bords du Tesin , se
fût transporté à l'entrée des défilés pour le
combattre au débouché , on ne sçauroit douter
qu'il n'eût péri dans les Montagnes avec
toute son Armée ; il n'est personne qui n'avoie
encore , & Annibal en convint luimême,
quand les Carthaginois le rapellerent
d'Italie , qu'il fit une faute grossiere , lorsqu'après
la Bataille de Cannes , il manqua
d'aller à Rome , malgré les conseils de Madherbal
, qui lui promettoit de le faire souper
dans
NOVEMBRE. 1738 2335
"
dans trois jours au Capitole.
Un Auteur respectable par sa vertu , et
généralement estimé , a trouvé des raisons
pour l'excuser , je ne sçais où il les a prises :
Polybe et Tite-Live ne sont point de son sentiment
; un passage du dernier va vous le
prouver , en même temps qu'il servira à
donner une nouvelle atteinte à la réputation
d'Annibal , c'est au sujet des Délices de
Capouë. Le Carthaginois honteux de n'avoir
pu forcer les murs de la petite Ville de
Casilin , fit fortifier son Camp , et y laissa
quelques Troupes , pour ne pas faire croire
qu'il avoit levé le Siége , et alla , dit Tite-
Live , * hyverner dans Capone' ; il y fit loger
la plus grande partie de son Armée qui avoit
long temps résisté à tous les maux qui peuvent
attaquer les hommes , et n'avoit jamais connu
ni les biens , ni les délices . Ainsi les trop grands
biens et les voluptés déreglées surmonterent ceux
que la violence des maux n'avoit jamais pu
surmonter ; et les surmonterent d'autant plus
facilement , que ne les ayant jamais goûtées , ils
s'y précipitoient d'eux- mêmes avec plus d'avidité.
Le sommeil , le vin les viandes , les
femmes , les bains , l'oisiveté , et enfin tous les
autres vices de la paix , que l'habitude leur
faisoit trouver de jour en jour plus agreables
énerverent de telle sorte leurs corps et leur cou
* Traduction de Durier.
,
Biij rage
2334 MERCURE DE FRANCE
rage , que depuis ils se conserverent plutôt par
la réputation de leurs victoires , que de leurs
forces et cette faute qui venoit du Chef, ( faites
attention , s'il vous plaît ) fut estimée beaucoup
plus grande par ceux qui sont sçavans
dans la Guerre , que celle qu'il avoit déja faite,
lorsqu'après la Bataille de Cannes ,
il ne mena
pas aussi tôt son Armée à Rome . En effet , on
pourroit dire que ce retardement avoit seulement
differé la Victoire ; mais que cette faute
lui avoit ôté les forces qui étoient capables
de l'obtenir. Et certes , depuis ce temps-là ;
comme s'il fût sorti de Capone avec une autre
Armée la sienne , il n'observa plus rien du
tout de la discipline militaire qu'il avoit toujours
suivie : la plupart de ses gens qui avoient
fait des amourettes dans Capone , y retournerent
set aussi-tôt qu'ilfallut recommencer à l'oger
sous des tentes , et à se remettre en chemin et
dans le travail de la Guerre , le corps et le
courage leur manqua , comme à des jeunes Soldats
qui n'auroient jamais porté les armes ; et
ensuite durant tout été ils quittoient sans congé
leurs Compagnies et leurs Enseignes , et la Ville
deCapone étoit la seule retraite où ces deserteurs
venoient se cacher. -
que
;
Après un pareil relâchement dans la discipline
, et une conduite ſi flétrissante , ne conviendrez
- vous pas , M. qu'Annibal est bien
au-dessous de sa réputation ? Sçavoir vaincre,'
esz
NOVEMBRE 1738. 2335
est quelque chose en effet , mais tout homme
qui ignore l'art de tirer avantage de ses
heureux succès , ne passera jamais dans l'esprit
des gens qui pensent , que pour un Général
médiocre , et peut-être très- médiocre ,
M. de Turenne et le grand Condé comp
toient pour rien tout ce qu'ils avoient fait
tant qu'il leur restoit encore quelque chose à
faire c'étoit la maxime de César : voyez ce
dernier dans les Plaines de Pharsale * Il n'eus
pas plutôt vaincu Pompée , qu'aussi - tôt il marche
a l'infulte de son Camp qu'il emporte ; ce
n'est point encore assés , il suit son Ennemi sans
relache ; et à marche forcée , il l'oblige de monter
sur mer , il y monte aussi , et avec la même
promptitude , depeur qu'il ne lui échape .
Quelle oposition de conduite , M. entre
celle de ce célebre Romain , et celle du
Carthaginois ! Je la trouve bien humiliante
pour les admirateurs duVainqueur deVarron ;
mais il n'est pas possible de la passer sous
silence , c'est une trop belle leçon pour les
Victorieux qui ne le sont qu'à demi.
Les délices de Capouë , & Pinaction dang
laquelle Annibal demeura après la Bataille de
Cannes,sont des fautes d'autant plus grandes,
qu'elles sont décisives ; on n'en voit point de
plus capitale dans l'Histoire , si ce n'est celle
où ce même Général tomba quelques années
* Commentaire sur Polybe.
В iiij après,
2336 MERCURE DE FRANCE
après , lorsque dans la Pouille , étant à une
petite distance de Neron , il le laissa paisiblement
sortir de son Camp , suivi de la
meilleure partie de ses Troupes , avec lesquelles
, après plusieurs jours de marche , il
joignit celle de Lucius , campée devant la
Ville de Senne , à cinq cent pas d'Asdrubal,
à qui ils livrerent le Combat du Métaure
Combat aussi fatál aux Carthaginois , que la
Bataille de Cannes l'avoit été aux Romains.
Neron Vainqueur partit le lendemain , & se
rendit dans son Camp avec la même tranquillité
, que si l'ennemi en avoit été à cent
lieuës . Que faisoit Annibal alors ? Qu'est- ce
qui l'empêcha d'enlever le Camp du Consul
& de se mettre à ses trousses avec toute son
Armée Il n'eut peut- être pas empêché sa
jonction avec Lucius ; mais pour cela les
Romains n'en auroient pas été en meilleure
posture , puisqu'ils se seroient trouvés entre
deux Armées superieures en nombre , &
commandées par des Généraux dont le nom
seul inspiroit la terreur ; il n'en faut point
douter , les Consuls eussent été défaits l'Italie
perduë & la Guerre finie . Qu'est- ce done
enfin que cet Annibal qu'on nous vante
tant ? C'est un homme qui ne sçût jamais
regler l'état de la Guerre ; qualité sans la
quelle toutes les autres ne sont rien , comme
le fameux Roy de Suede , Charles XII . l'éprouva
NOVEMBRE. 1738 2337
prouva dans son Expédition de Moscovie
un homme qui n'eut jamais que l'esprit de
conquête , sans avoir eu celui de conservation
; qui courut toute l'Italie commè un
Brigand , vivant au jour la journée , sanş
Magasin , sans Places , sans ressource , que
dans le succès incertain des Batailles qu'il gagna
à la vérité presque toujours , mais dont
il ne sçut jamais profiter ; un homme en un
mot , qui dut presque tous ses heureux succès
à la Fortune , & qui lui aida si peu , qu’- ·
elle se lassa enfin de le favoriser : je dis
presque
tous ses heureux succès ; car je ne suis
pas assés injuste , pour lui dérober la gloire
qu'il a acquise en plusieurs occasions , comme
au Siége de Sagunte en Espagne , au Passage
des Marais de Clusium , & sur tout à
celui du Rhône , qui est un chef d'oeuvre de
l'Art , qui ne sçauroit être trop profondément
médité par ceux qui veulent traverser de
grandes Rivieres , malgré un Ennemi qui en
défend les bords..
Je crois, M. qu'après ce que je viens d'exposcr,
on me permettra bien de n'être pas extrémement
touché des talens d'Annibal; ceux de
Sertorius m'affectent infiniment d'avantage :
quelque pressé que je sois de finir , je ne puis
résister à la tentation de vous en dire un mot,,
lorsque je vois ce grand homme se soûtenir
dans un coin de l'Espagne avec très - peu-de :
By Troupes s
2338 MERCURE DE FRANCE
Troupes ramassées à la hâte contre des
Armées nombreuses & aguérries , & commandées
par des Capitaines expérimentés ,
Pompée & Métellus ; j'admire sa haute сара-
cité. Voici l'idée que Plutarque nous en
donne . Quand Metellus , dit-il , cherchoit à
l'engager dans un Combat , il ne pouvoit
l'y réduire, & souffroit tout ce que souffrent
les Vaincus ; & Sertorius en fuyant , avoit
tous les avantages qu'ont ordinairement ceux
qui poursuivent l'Ennemi après une Victoire;,
car il lui coupoit les vivres , les fourages :
Quand Metellus se mettoit en marche , Sertorius
étoit d'abord sur lui , & l'empêchoit
d'avancer ; & quand il étoit campé , il lui
donnoit tant d'allarmes , & le harceloit si
continuellement , qu'il le forçoit de déloger
; s'il mettoit le Siége devant une Place
Sertorius y arrivoit aussi - tôt , & l'assiégeoit:
lui- même par la disette où il le réduisoit.
Que pensez -vous , M. de cette Esquisse des
talens de Sertorius ? Cela ne vaut-il pas bien
les ruses d'Annibal dans les Détroits de Casilinum
, & toutes les courbes saillantes &
rentrantes de la Bataille de Cannes , dans les
quelles les Romains donnerent si grossierement
?
›
Pour finir par où j'ai commencé , j'aurai
Phonneur de vous dire , M. que la lecture
des Ouvrages de Plutarque m'enchante ; le
Chevalier
NOVEMBRE. 1738. 2339.
Chevalier Folard a bien raison , les Anciens
sont nos Maîtres ; les préceptes & les maximes
qu'il en a tirés, tant pour la Guerre que pour
la Politique , ne sont pas un des moindres
ornemens de son Commentaire ; je ne parle
point de la science profonde avec laquelle if
a traité les plus grandes parties du métier des
Armes ; nous ne sommes redevables des ins
tructions qu'il nous donne sur ces matieres ,
qu'à son seulgénie ; & sa Tactique est encore
une découverte presque divinement
inspirée , dont il ne partage la gloire avec
Personne.
Si quelqu'un jettoit par hazard les yeux sur
cette Lettre , & qu'il trouvât étrange que:
j'eusse pris la liberté de dire mon avis sur des
choses aussi graves , que celles dont elle fait
le sujet, & à un homme tel que vous , M.
que de longs services, joints à l'étude la plus
sérieuse mettent en droit d'en décider , je
vous prie de lui dire , que vous avez quelques
bontés pour moi , & que vous me connoissez
trop , pour me croire capable d'en abuser
, & de manquer au respect infini avec
lequel j'ai l'honneur d'être , Monsieur , &c.
A Nantes le 4.
Juin 1738.
B vj EPITRE
2340 MERCURE DE FRANCE
EPITRE
A M. P... Médecin , son ami.
Docteur, pour qui Galien tient ouverts
De son grand Art les secrets les plus chers ,
Et dont les soins mêlés avec l'étude ,
De nous guérir t'ont fait une habitude ,
Daigne m'aprendre en quel asile obscur ,
En quel réduit , quel roc , quel triple mur.
Je dois m'enfuir pour esquiver la presse
De maints fâcheux qui m'obsedent sans cessse
Il n'est recoin dans mon apartement ,
Pour me souftraire à leur acharnement ,
Que je ne tente , où je ne me tapisse ,
En épiant , craintif, l'instant propice
De leur retraite , ô triste paffe-temps ! :
Troupean maudit qui mettez sur les dents
Tous ceux qu'avez une fois pris en chasse
Que ne vient-il , pour ardre cette Race
Un feu gregeois , ou quelque vent infect ,
Qui ne soufflant que sur ce Peuple abject
Nous en délivre , ou du moins les ressere
Dans le Coffret d'ou se sont sur la Terre-
Tant épandus avec les autres maux ,
Dès qu'on leur eut adjugé le campos 2
Padresse
NOVEMBRE. 1738 234
Fadresserois Oremus à Pandore ,
De les tenir en lieu sûr, & les clore ,
Si
que la gent laissât le monde en paix
Tourner , s'ébattre , ou lui donnât relais
A tout le moins le refte de ma vie ;
Car après tout , s'il faut que je le die ,
Qu'importe à moi que mille insectes tels¸-
Après má more affligent les mortels ?
Aux maux , dit-on , un Mört est insensible ;
Partant d'aucun ne serois susceptible ,
Or je foutiens que nul autre aujourd'hui ,
De ces méchans ' n'endure plus d'ennui ,
Que moi fans doute , à qui vingt fois de rage
Eſt avenu de láiffer un ouvrage ,
Soit Epigramme , ou Quatrain , ou Rondeau , ..
Au lendemain & derriere un rideau ,
ર
Ou tout tremblant, sous quelque gros Volume,,
Soudain gliffer encre , papier & plume ,
Pour mettre un maſque à curieux defir
Car tout fâcheux sent un ardent plaifir
A vous troubler par queftion diverse ,
Quand votre esprit à quelque oeuvre s'exerce
Et qu'il vous trouve en main le crayon prêt
Peut-être à faire un rifible portrait ,
De quelque Fát qui vous a sçû déplaire ;
Lors avez beau , rougiffant de colere ,
Lui déguiser le sujet du tableau ,
On
2342 MERCURE DE FRANCE
Ou tout d'abord mettre l'oeuvre en rouleau ;
C'eft soin perdu , le traître vous affiége
Et dût-il être enchâssé dans un siége
Un demi jour , il n'eft ruse , raisons ,
Détour secret cent voeux , cent Oraisons
A l'impudent pour éluder la dette ,
X Tant tout cela semble-t-il de recette
Qui de ses rêts puiffent vous dégager ,
Et peu lui chaut de vous voir déloger ;
Tôt le verrez courir à votre suite ,
Accompagner les pas de votre fuite ,
Vous harceler , vous preffer le côté ,
Et rendre enfin comme un homme hebété ,
. Si , que lui- même enragé du myftere ,
Il vous annonce un adieu salutaire ,
Pour s'en aller peut- être en d'autres Lieux ,
Jouer un rôle encor plus ennuyeux.
Bon , bon , c'est peu pour un noble courage ;
Il faut, dis-tu , te remettre à l'ouvrage ,
Et rapeller ton Apollon troublé ;
Il ne s'eft pas pour toujours envolé .
Quoi ! de ses los te crois-tu si peu digne ,
Qu'il ne revienne encor au premier signe
Je le veux , soit : Mais penses-tu , Docteur ,
Qu'à mon repos un seul perturbateur
Soit destiné ? Plus de cent me poignardent ;
Qui , plus de cent à mon huis s'accagnardent ;
NOVEMBRE. 1738 2343
Er chaque jour , en dûssai - je crever ,
Il me les faut tour à tour esquiver ;
Et n'eft moyen , quoiqu'on en veüille dire ,
De tenir contre , ô le cruel martyre !
D'être livré tous les jours que Dieu fic ,
A cent faquins de pareil accabit ;
Trop mieux que moi , tout autre sans les craindre,
Sur un haut ton auroit l'art de s'en plaindre .
Mais soit coûtume , ou peur de m'attirer
Maints malveillans qui m'iroient dénigrer
Par tous cantons , & même sur ma vie ,
Bien que chacun la sçache assés unie ,
Atout propos épandre leur venin ;
Onc je n'ai pu que d'un front plus benin
Les accueillir , sans que moindre boutade
M'ait échapé , qui pour quelque incartade
Leur ait fourni prétexte à mon égard.
Parquoi d'un doux & gracieux regard
Toujours me suis en toute compagnie
Vû colloquer , non que de mon génie
On ait fait cas , mais pour ma douce humeur
Et suis mari que par fauffe rumeur
Petit grimaut .... Paix -là , Muse bavarde ,
Un jour viendra qu'il aura sa nazarde ,
Suivons - le point de nos premiers discours ,-
Je dirai donc pour reprendre le cours
De l'oraison , que la guerre , ou la pefte ,
1344 MERCURE DE FRANCE
Me semble un mal au monde moins funefte ,
Que d'importuns un concours bigarré ;
Et qu'à Moliere on dut sçavoir bon gré ,
D'avoir jadis par maints traits énergiques ,
Frondé l'engeance en ses Scenes comiques
Non que ce rare & fameux Ecrivain ,
En eûe par- là purgé le genre humain.
Heft , Docteur , des monftrès invincibles ,
Bien tu le sçais , & des maux inflexibles
A tout remede , en quoi je conçois fort ?
Que de son art le merveilleux effort
Devoit faillir , & n'aurois jufte titre
De m'étonner pourquoi dans mon regître
J'en inscris tant , vú que de toutes parts ,
Et de tout temps ils ne furent épars
Que par milliers , encor si la Nature
M'avoit du corps fabriqué la ftructure ,..
Telle qu'au jour j'euffe pu consacter
Le temps préfix où l'on doit se livrer
Entre les bras du Dieu le plus paisible ,
Tout à mon aise en ce metier pénible ,
Où par dégrés Apollon m'a conduit
M'escrimerois, faisant du jour la nuit ,..
Et de la nuit ma tranquille journée , -
Sans craindre plus la troupe forcenée
Qui m'aiguillone , & m'escorte en tous Lieux ; -
Comme on feroit un homme furieux ,,
Qu'ona
NOVEMBRE. 1738. 2341
Qu'on va reclure en quelque Maison forte ,
Pour y mater l'ardeur qui le transporte ; .
Mais las si-tôt que du dernier repas
On a levé les débris en un tas ,
Je sens ma tête à tout inftant baiffée ;
Au moindre bruit en sursaut rehaussée “,
Qui m'avertit par un brusque réveil ,
D'aller jouir des douceurs du sommeil ;
Lors m'affublant le chef à demi chauve ,
Bien qu'encor jeune , & gagnant mon alcôve
Je vais chercher en ce sombre Dortoir ,
Le seul repos qui soit en mon pouvoir.
Ce 7. Juillet 1738. C. B. Lh ....
QUESTIONS importantes jugées au
Parlement de Paris..
SS bration n'eft écrit
I un Mariage , dont l'Acte de célé
bration n'eft écrit que sur une feuille
volante , peut produire des effets civils.
2 °. Si ce Mariage , en le suposant valable,
a pu légitimer un Bâtard'incestueux , né auparavant.
FAIT.
En l'année 1625. Louis d'Aubusson , de
FIllustre Famille d'Aubusson , originaire de
la
2346 MERCURE DE FRANCE
la Province d'Auvergne , fit dans sa Famille
une Substitution graduelle & perpetuelle ;
& mourut laissant plusieurs Enfans , entr'au
tres , François , qui étoit l'Aîné , & un autre
Fils apellé Français -Claude,
François cut cinq Enfans mâles , sçavoir ,
François second du nom , Hiacynthe , Joa,
chim , Jean , & Pierre - Antoine .
"
Les Biens substitués ayant été d'abord recueillis
par François , fils Aîné de Louis , &
ensuite par François 2. du nom , son petitfils
, ce dernier les remit en 1711. à Hyacinthe
, son frere , & Hyacinthe les rétroceda
par le même Acte à Joachim son
cadet.
Joachim d'Aubusson , qui se regardoit
tomme Proprietaire de tous les Biens substi
tués , & Proprietaire libre , parceque les degrés
de l'Ordonnance étoient remplis; assista
en 1726. au Contrat de mariage d'Antoinette
d'Aubusson , sa niéce , qui épousa le Sr de la
Fosse , & lui fit une donation universelle de
tous ses biens , à la réserve de l'usufruit.
Après le décès de Joachim , Antoinette
d'Aubusson & son mari , se mirent en possession
de la Terre de Banson , & autres
biens à eux donnés , & enjoüirent sans trouble
pendant plusieurs années.
Mais en 1734. Marien d'Aubusson se présenta
avec ses deux filles , dont l'une avoit
épousé
NOVEMBRE. 1738. 2347
épousé le Sr de Bassignac ; il annonça qu'il
étoit né en 1686. de la conjonction incestueuse
de Pierre- Antoine d'Aubusson , & de Mar
guerite d'Aubusson , fille de François- Claude,
fun des fils de Louis d'Aubusson , auteur de
la Substitution : il ajouta qu'en 1710. Pierre-
Antoine & Marguerite d'Aubusson , qui
étoient cousins germains , s'étoient mariés
en vertu d'une dispense , & l'avoient légiti
mé par leur mariage subsequent ; enfin ses
filles prétendirent qu'en 1724. Hyacinthe
d'Aubusson leur avoit donné la Terre de
Banson & autres biens substitués.
Sur ce fondement,le Pere & les deux filles
présenterent leur Requête en la Sénéchaussée
d'Auvergne le 23. Juillet 1734, par laquelle
ils demanderent que les Sr & Dame de la
Fosse fussent tenus de leur abandonner les
Terres de Banson & de Chalusset.
me,
Les Sr & Dame de la Fosse leur oposerent
que Marien d'Aubusson étant selon lui-mê
né bâtard incestueux , ne pouvoit , ni lui
ni ses filles prendre le nom d'Aubusson , &
ils demanderent qu'il leur fût fait défenses
d'en prendre le nom & les armes.
En cet état , il intervint Sentence le 9.
Août 1736. par laquelle les Parties furent
apointées sur le fond , & cependant les Sr &
Dame de la Fosse furent déboutés de leur
demande,à ce qu'il fût fait défenses à Marien
d'Au
2348 MERCURE DE FRANCE
•
d'Aubusson & à ses filles de prendre le nom
& les armes de la Maison d'Aubusson.
Les Sr & Dame de la Fosse interjetterent
apel de cette Sentence au Parlement ; & pour
détruire toutes les piéces qu'ils croyoient
avoir pu former quelque obstacle au succès
de leur prétention , ils interjetterent apel
comme d'abus , tant de la dispense obtenuë
par Pierre- Antoine , & Marguerite d'Aubu--
son , que de leur mariage..
Cette Cause , qui fut plaidée en la Grand'-
Chambre , présentoit à discuter les deux
Questions que l'on a dabord annoncées.
La premiere , de sçavoir si le mariage étoit
valable.
La seconde , si en le suposant valable , il
auroit pu légitimer Marien d'Aubusson,
M. Boys de Maison -neuve , Avocat , qui
plaidoit pour les Apellans , soûtenoit en premier
lieu , que le mariage en question étoit
nul , l'Acte de célébration ne se trouvant
dans les Regiîtres d'aucune Paroiffe , mais
seulement sur une feuille volante qui paroissoit
être l'original de cet Acte , & avoir été
remise aux Parties dès l'instant de sa confection:
Quand cette feüille , disoit-il , pourroit
servir de preuve du mariage , elle ne constateroit
qu'un mariage clandestin , puis qu'outre
qu'il n'étoit pas écrit sur les Regîtres pu-
ور
blics
NOVEMBRE. 1738 , 2349
:
blics , & qu'on avoit été maître de le suprimer
, il étoit dit que le mariage avoit été
fait après la publication d'un Ban & la dispense
d'un autre , & que toutes les piéces
avoient été sur le champ remises aux Parties,'
qui s'étoient chargées de les représenter en
cas de besoin que néanmoins les Intimés
ne raportoient ni preuve de la publication du
premier Ban , ni la dispense des deux autres
& que l'on n'en trouvoit aucuns vestiges
dans les Regîtres publics , où tout cela devroit
être inscrit , aux termes de la Déclaration
du 26. Novembre 1639. & que ce prétendu
mariage avoit toujours été ignoré.
D'ailleurs , disoit- on , rien de plus infor
me que la feüille volante sur laquelle il est
écrit.
1º. Elle ne marque point où la célébration
a été faite .
2°. Le Sr Bussieres , qui paroît le célébrant,
n'étoit point le propre Curé des Parties , il se
contente de dire qu'il a agi du consentement
de leurs Curés , sans les nommer .
3°, Cet Ecrit n'est point légalisé.
Enfin il n'est pas poffible de le suposer
du
4. Août , comme il est daté , à moins que le
Curé n'ait excedé le pouvoir qui lui étoit
donné par la Dispense ; car cette Dispense
qui est du 30. Juillet 1710. porte que le ma
riage ne se fera qu'après quinze jours de séparation
La
2350 MERCURE DE FRANCE
La seconde propofition des Apellans,étoit
que le mariage n'avoit pas légitimé l'Intimé.
La légitimation par mariage subsequent ,
n'étoit pas admise dans l'ancien Droit Romain
; on en trouve les premieres traces dans
le Code De natur. liber.
La condition que ces Loix exigent , est
qu'il n'y ait eu lors de l'habitude des concubinaires,
aucun empêchement légitime à leur
mariage , ce qui est fondé sur deux raisons
sensibles .
La premiere , que pour accorder la légitimation
, il faut que le crime ne soit pas absolûment
indigne de toute faveur.
La seconde raison est , que la légitimation
par mariage subsequent , n'est fondée que
sur ce que l'on feint que le mariage existoit
lors de la naissance de l'Enfant ; il faut donc
que le mariage ait pu être contracté alors.
Cette fiction est impossible pour les incestueux
comme pour les adulterins ; c'est le
Dentiment de tous les Auteurs .
La Dispense du Pape n'a pu avoir un effet
retroactif , ni légitimer l'Enfant incestuc ux;
la clause de légitimation qui y est inserée ne
peut pas donner plus d'effet au mariage, qu'il
n'en doit avoir selon les Loix , c'est au Prince
seul qu'il apartient de légitimer.
M. Joly de Fleury , qui plaidoit pour les
Intimés , soûtenoit au contraire , 1 °. que le
mariage
NOVEMBRE. 1738. 235 .
mariage étoit valable 2°. que ce mariage
avoit légitimé Marien d'Aubusson.
- Pour établir la validité du mariage , il disoit
que ce mariage avoit constamment été
célebré en face d'Eglise le 4. Août 1710.
avec les formalités requises , qu'il avoit été
précedé d'un Ban & de la dispense des deux
autres , ce qui l'avoit rendu public ; que
preuve de tous ces Faits résultoit de l'Acte de
celebration qui étoit raporté.
la
Tout ce qui est oposé , ajoûtoit-il , contre
la forme de l'Acte de célebration , ne peut
donner atteinte à la validité du mariage , qui
a constamment été célebré avec les formalités
requises : ce n'est pas seulement l'Acte
de célébration qui forme l'engagement des
Parties , elles sont liées par leurs promesses
faites au pied des Autels. Dès qu'il y a eu
Sacrement , l'omission des formes , qui ne
se remplissent qu'après le Sacrement conferé
, n'a pu ex post facte détruire le Sacrement.
Ce défaut est la faute des Ministres
publics , dont les Parties ne doivent pas
souffrir , lorsque réellement il y a eu un mariage
contracté. Que dans l'espece , les Actes
concernans le mariage en question , étoient.
des Actes autentiques , qui n'étoient point
attaqués par la voye de l'Inscription de faux,
qu'ils faisoient par consequent foi , & consta
toient pleinement le mariage.
2352 MERCURE DE FRANCE
1
A l'égard de la légitimation operée par ce
mariage subsequent , le Défenseur des Intimés
disoit , que l'effet du mariage subsequent
én géneral , étoit de légitimer les Enfans nés
avant le mariage , que telle étoit la disposition
des Loix ; que le Chapitre Tanta vis aux
Décretales , dans l'exemple qu'il donne du
cas où la légitimation par mariage subsequent
n'a pas lieu , ne parle que de l'adultere
, & ne proscrit par consequent que les
Bâtards adulterins , & non les incestueux.
Les Loix n'excluent la légitimation , que
lorsqu'il n'est pas possible de reporter le
mariage au temps de l'habitude ; ce qui est ,
à la vérité , impossible dans le cas de l'adultere
; mais cette fiction n'est pas également
impossible dans le cas de l'inceste .
Or dans l'espece , Pierre - Antoine & Marguerite
d'Aubusson , ayant été mariés en
vertu d'une Dispense qui a levé l'empêchement
de consanguinité , qui avoit formé jusqu'alors
obstacle à leur mariage ; cette . Dispense
doit avoir un effet rétroactif: il est
vrai qu'elle n'a pas eu la force de légitimer ,
parce qu'il n'y a quefle Roy en France , qui
puisse légitimer ; mais cette Dispense ayant ›
levé l'empêchement qui s'oposoit au mariage
, c'est la même chose que si cet empêchement
n'avoit jamais existé ; ensorte que
de mariage subsequent doit avoir opéré a
légiti
NOVEMBRE. 1738. 2353
légitimation de même qu'entre personnes
pleinement libres.
du
Et c'est en effet ce qui fut jugé par Arrêt
1725. Dans l'espece de cet
Arrêt , le nommé le Beau , après la mort de
sa femme , avoit eu habitude avec la cousine
germaine de la Défunte , & en avoit eu un
Enfant : il avoit ensuite épousé cette cousine
avec dispense , & il fut jugé que ce mariage
avoit légitimé l'Enfant né auparavant. D'où
le Défenseur des Intimés concluoit , qu'il en
devoit être de même du mariage de Pierre-
Antoine & de Marguerite d'Aubusson .
Par Arrêt du 11. Août 1738. rendu conformément
aux Conclusions de M. Gilbert
de Voisins , Avocat Général , la Cour reçut
les Parties de M. Boys incidemment Apellantes
comme d'abus ; faisant droit sur cet
Apel , dit qu'il y avoit abus , en ce que la
Dispense contenoit la clause de légitimation
au surplus , dit qu'il n'y avoit abus ;
faisant droit sur l'Apel simple ,mit l'Apellation
au néant , ordonna que ce dont étoit
Apel sortiroit effet , condamna les Apellans
en Pamende & aux dépens.
C L'AMANT
2354 MERCURE DE FRANCE
L'AMANT SUR LE RETOUR ;
O D E.
MOpse , que la vieillesse austere
Couvroit de ses premiers glaçons ,
Un jour rêveur & solitaire ,
Se faisoit ces tristes leçons .
***
Mopse , si ton ame est sensée ,
Calme des regrets superflus ,
Et mets ta jeunesse passée
Au rang des biens qui ne sont pluș .
*
Sans t'apercevoir de sa fuite ,
Jadis tu goûtas ses plaisirs.
Puisqu'enfin le temps l'a détruite
Pourquoi nourrir de vains désirs ?
*
१
Daphné , l'honneur de nos Bergeres ,
L'objet de ton fidele amour
Dans ces retraites bocageres ,
Te fit luire plus d'un beau jour,
*
FOR
NOVEMBRE. 1738 . 2355
Ton ame alors étoit contente ,
Mais aujourd'hui n'espere rien ;
La Fortune est une inconstante
Qui ne te veut plus aucun bien.
*
De ton bonheur il ne te reste
Qu'un souvenir infortuné ;
On te méprise , on te déteste ;
Et les Dieux t'ont ravi Daphné.
*
•
En vain , pour la jeune Clarice
Tu sens tes feux se rallumer ;
Mopse , Mopse , rends- toi justice ;
Il ne te convient plus d'aimer.
Ne t'obstine point à la suivre ,
Puisque tu connois sa rigueur .
Vis tranquile , ou cesse de vivre ;
Contre l'Amour arme ton coeur.
*
Les Dieux veulent que tout finisse
Quels projets os : s - tu former ?
Encore un coup , rends-toi justice ;
Il ne te convient plus d'aimer.
Cij
·
SUR
2356 MERCURE DE FRANCE
SUR l'Honneur & la Gloire , &c. Extrait
d'une Lettre écrite d'Orleans.
P
Ermettez- moi , Monsieur , de vous exposer
les Reflexions suivantes , sur une
Question proposée dans le Mercure. On demande
si l'honneur & la gloire sont une
même chose , & lequel des deux a le plus
d'empire sur le coeur de l'homme.
Avant que de répondre à la Question
proposée , il est à propos de donner quelques
notions de l'honneur et de la gloire ,
alors la solution se présentera d'elle -même.
Il ne s'agit ici , sans doute , que du véritable
honneur ; les opinions erronées qui
osent se parer d'un nom si respectable , ne
méritent point un pareil titre, quelque grande
que soit la foule des Sectateurs ; or voici
comment un de nos plus beaux esprits & de
nos meilleurs Poëtes , nous a tracé l'idée
du véritable honneur.
Le seul honneur solide ,
C'est de prendre toujours la vérité pour guide ,
De regarder en tout la raison & la loi ,
D'être doux pour tout autre & rigoureux pour soi ,
D'accomplir tout le bien que le Ciel nous inspire ,
Et d'être juste enfin .
Q'uon
NOVEMBRE. 1738. 2357
Qu'on s'en tienne à la définition d'un aussi
grand Maître , & on conclura nécessairement,
que la véritable gloire est inséparable
du véritable honneur. La précision métaphysique
pourroit peut-être former sur cela quelques
distinctions délicates , mais au fond ce
seroient les mêmes principes & les mêmes
conséquences , ou plutôt n'est- ce pas un
principe unique , envisagé sous differens attributs,
qui se réunissent au même point ? La
gloire naît dans le sein de l'honneur , elle
emprunte de lui tous ses ornemens, & l'honneur,
jaloux de son ouvrage, ne partage qu'avec
la vraye gloire , le mérite de ses actions.
Que les hommes seroient heureux , si l'honneur
& la gloire , tels que nous venons de
les établir , influoient souverainement sur
leur conduite ! s'ils travailloient pour la vraye
gloire , ils ne s'écarteroient jamais de la route
de l'honneur , & s'ils étoient dirigés par
l'honneur , la gloire en seroit toujours le
prix.
Il s'ensuit donc de - là que l'honneur & la
gloire ne sont qu'une même chose , j'ose
dire même que c'est un sentiment pris dans
la Nature , j'en apelle à ces Ames bien nées,
qui , par un exercice continuel des lumieres
qu'ils en ont reçûës, sont parvenuës à préserver
leur esprit de l'aveuglement que produit la
corruption ; dans ces siecles fortunés , où le
C iij vice
2358 MERCURE DE FRANCE
vice & la vertu étoient encore séparés par
de longs intervales , on n'auroit pas mis la
chose en question. Mais un honneur chimérique
ayant pris la place du véritable
honneur , & la gloire ne paroissant presque
plus que sous des traits indignes d'elle , le
langage a subi la loi des fausses idées , et on
s'est trouvé à chaque pas , dans la nécessité
de démêler l'équivoque des expressions.
Si nous n'avions ici à reprocher aux hommes
qu'une erreur purement spéculative , on
en détruiroit plus aisément l'illusion ; les ressources
de la raison sont infinies , l'inconstance
même peut servir à la rétablir dans ses
droits,mais depuis qu'on se fait une gloire de
triompher des foiblesses d'un Sexe , dont on
honore la vertu , en même temps qu'on s'efforce
de la corrompre , depuis qu'on se fait
un jeu de soûtenir une dépense excessive aux
dépens de sa famille & de ses créanciers ,
sans prétendre déroger à la qualité d'honnête
homme, depuis enfin, qu'on en est venu jusqu'à
pratiquer scrupuleusement les regles
cruelles d'un honneur chimérique dans le
moment où on fait profession de les détester
; cette étrange bizarerie ne laisse gueres
entrevoir de remedes à un mal si singulier ,
& ce sont-là constamment les passions qui
ont le plus d'empire sur le coeur de l'homme ;
l'honneur & la gloire président à ses actions ,
il
NOVEMBRE. 1738. 2359
il prend soin de le déclarer, mais hélas ! Pobjet
en est bien changé , car le vice, pour s'insinuer
plus heureusement , s'est glissé dans
les esprits sous les aparences de la vertu.
*******************
L'AMOUR MARRON ,
A M. Desportes , Médecin du Roy au Cap
François , Côte de S. Domingue.
ᎠDes Fleurs qui naiffent au Parnaffé , Es
Et que je cueille en m'amusant ,
En marchant fur les pas de Marot & du Taffe ,
Defportes , veux tu bien accepter le préſent ?
Le férieux outré devient enfin pefant.
L'auſtere vérité toujours moraliſant ,
Par fon ton trop hautain nous rebute & nous laffe.
Souvent la fiction badinant avec grace ,
Nous divertit en inſtruiſant .
Ecoute fur ce pié l'innocent badinage
D'Amour qui fut en marronnage.
Oui ,mais ( dira quelqu'un ) ce motlà n'eft pas bon.
Je n'ai point encore vû dans aucun docte Ouvrage,
Que l'on ait employé le terme de Marron.
Grand merci , Monsieur le Critique.
Mais perſonne auſſi ne niera
Que Marron ne foit pas d'uſage en Amerique .
Ciiij
Peut1360
MERCURE DE FRANCE
Peut-être avec le temps dépaffant le Tropique ,
Qu'en Europe il s'établira ;
Mon Conte en attendant ſon grand chemin ira.
Le tendre Amour dans les Bois de Cythere ,
En folâtrant un jour avec fa Mere ,
Soit par hazard , soit plutôt à deffein ,
i
D'un de fes dards lui fit bleffure au fein
Et puis craignant la peine méritée ,
S'enfuit bien loin de fa mere irritée ;
Pour quelque temps à fes yeux difparut ;
Venus bien-tôt fur les traces courut
De for cher fils. De mere couroucée
En peu d'inftans la colere eft paffée .
Où fera- t-il ou ne fera-t-il pas
De les Pigeons elle hâte le pas.
En un inftant vole vers l'Empirée ,
Parcourt les coins de la voute azurée .
Mais dans les Cieux n'en ayant rien apris
Retourne en Terre , où fouvent eft ſon Fils.
Pour s'épargner une peine inutile "
Elle s'arrête au deffus d'une Ville ,
Où fourmilloit un nombre d'Habitans ,
Tous , grands amis de joyeux paffe-temps.
Là , sur son Char la belle Cytherée ,
Dans l'apareil d'une Mere éplorée ,
De ses douleurs interrompant le cours ,
Aux
NOVEMBRE. 1738. 2361
Aux Citadins adreffe ce discours.
Gais Habitans d'une Ville fameuse ,
Du tendre Amour , la Mere malheureuse
S'adreffe à vous. Dites , de quel côté
Mon Cupidon fuyant s'est - il porté ?
Qui d'entre-vous , pour témoigner son zele
#
M'en donnera quelque heureuse nouvelle
Un doux baiser de Venus il aura.
Mais ce Marron qui le ramenera ,
Pour son loyer je lui permets de prendre
Tout ce qu'un coeur enflammé peut prétendre
En fait d'amour loyal & vertueux.
Répondez donc ? Quoi ! vous baiffez les yeux
Sur mes propos vous gardez le silence !
Nul de mon Fils ici n'a connoissance !
Peut -être , hélas ! parmi vous déguisé ,
Le faux garçon , cauteleux & rusé ,
Demeure- t'il sans se faire connoître ;
Ah ! qu'en aftuce Amour est un grand Maître !
Eh bien , je vais vous tracer trait pour trait
De mon Marron le fidele portrait.
Amour, si vieux & d'âge & de finesse ,
Toujours a fleur de la tendre jeunesse ;
Petit de corps & d'un air enfantin ;
Mais dans ses rours plus rusé qu'un Lutin ,
Toujours remuë & toujours papillonne ,
Mord en riant & n'épargne personne .
C Soo
2362 MERCURE DE FRANCE
Son badinage est toujours concerté ,
Et tout son jeu se tourne en cruauté.
Son corps reluit d'une couleur de flâme ,
Marque du feu dont il brûle dans l'ame.
Avec adresse il cherche à le cacher ,
Pour tromper ceux dont il veut s'aprocher.
De ses yeux pers , les mobiles prunelles ,
Obliquement lancent mille étincelles ;
Dont à l'inftant les coeurs mal-avisés
Cruellement se trouvent embrasés.
A son abord tout est joye et liesse ,
Que suivent tôt repentir & triftesse .
Loin de lui sont & franchise & rondeur.
Il ne connoît ni respect ni pudeur.
De retenue il n'a la moindre trace ;
Son air respire une lascive audace >
Sa langue est d'or , ses discours sont du miel ;
Mais son coeur faux ne diftile que fiel
Subtil poison sur ses lévres habite ,
Qui sans retour vous cause mort subite.
Son petit Arc tire si fierement ,
Que plus d'un trait va jusqu'au Firmament.
Son flambeau brûle au fond même des ondes ;
Le Dieu des Mers dans ses Grottes profondes ,
Plus d'une fois en éprouva les feux ,
Comme Pluton dans son Lac stygieux.
Mon Cupidon , Protée en impofture ,
Quand
NOVEMBRE . 1738. 2363) .
•
;
Quand il lui plaît , sçait changer de figure ,
Paroît fâché quand il est plus content ,
Verse des pleurs & rit au même inſtant
Soumis & fièr , arrogant & modeste
Accorde tout , puis pour un rien conteste ;
D'aucun bienfait ne garde souvenir ,
Fait cent sermens qu'il ne veut point tenir.
Vous le verrez en humble contenance ,
En Pelerin que presse l'indigence ,
Venir à vous , demander le couvert
Où dans un coin le pauvret soit souffert
Pour une nuit , & non pas d'avantage
Voulant demain poursuivre son voyage ;
Mais au Narquois bien fou qui se fiera ;
Modestement dans le gîte entrera ;
❤n'est d'abord qu'ardeur & que simplesse ,
Soins prévenans , galante politesse ; *
( Ainfi l'afpic se gliffe entre les fleurs ; }
Mais que bien-tôt il causera de pleurs !
Dans votre coeur , devenu sa conquête ,
Imperieux il levera la tête.
De prime abord il se croit tout permis
Fait du fâcheux , chasse les vieux amis ;
Saisit les clefs , & pour garder la porte ,
Des soins jaloux y place la cohorte ,
Endort les sens par cent charmes divers ,
Et sans quartier met la raison aux fers.
Cvj
Ainsi
2364 MERCURE DE FRANCE
Ainsi changé , d'un Hôte pacifique ,.
Il se transforme en maître tyrannique.
Et si quelqu'un s'opose à ses desirs ,
Ou veut entrer en part de ses plaisirs ,
Lors plus émû qu'une ourse furibonde ,
Il fait frémir le Ciel , la Terre & l'Onde.
Tel eft mon Fils avec tous ses défauts ,
Que je déclare , afin que tels fignaux.
Ne soient obscurs : Qui pourroit s'y méprendre
Eh bien , de vous , n'en puis-je rien aprendre ?
Peut-être aussi , crainte de châtiment ,
Le cachez-vous par pitié seulement ?
Eh , pauvres gens , que votre erreur est folle !
Cacher l'Amour est un projet frivole.
Pour l'enfermer il n'est clos ni réduit ;
Par cent endroits d'abord il se produit.
Les yeux , le front , la bouche , le visage ,
La main , la voix , le geste , le langage ,
Sont autant d'huis , par où le fol Amour
Sort au-dehors & paroît au grand jour.
MEMOIRE sur un Endroit des Elemens
de la Philosophie de Newton.
J
E vous adresse & vous prie , Monsieur
de rendre public le petit Mémoire que
voici¸ si vous jugez qu'il le mérite.
Dans
NOVEMBRE. 1738. 2365.
Dans les Elemens de Philosophie de
Newton , M. de Voltaire dit , Le Soleil &
la Lune soulevent les Eaux , il s'ensuivroit
nécessairement de ce sentiment , que le
Soleil en son particulier opéreroit les Marées
, la Lune de son côté les effectuëroit
aussi : or la Lune étant dans ses quadratures,
regleroit l'heure des Marées dans des temps
bien differens , que lors qu'elle se trouveroit
en même temps avec le Soleil dans le même
Méridien ; cependant l'heure des Marées est
uniforme & semblable au retard qui arrive
au mouvement de la Lune. Donc , l'effet de
ces deux Astres sur les Eaux de l'Ocean n'est
point de même genre ; donc, si le Soleil souleve
les Eaux la Lune ne les souleve
pas.
>
Nous sommes assûrés que le Soleil souleve
les Eaux ; l'experience dans les Plantes
& dans le reste de la Nature le démontre .
La conformité de l'heure des Marées avec le
mouvement de la Lune , nous assûre que la
Lune influë sur la Mer ; mais il vient d'être
démontré impossible, que l'effet de la Lune
soit semblable à celui du Soleil , il ne peut
être que contraire. Donc ,la Lune diminuë le
volume des Eaux , ou les fait graviter vers
le centre de la Terre .
Une raison évidente , qui démontre que
l'effet de la Lune est contraire à celui du
Soleil ,
1366 MERCURE DE FRANCE
Soleil , est , que l'équilibre n'est autre chose
qu'un combat du mouvement & du repos :
tout le méchanisme de la Nature est une tendance
à l'équilibre ; donc , si le Soleil souleve
les Eaux , la Lune les abaisse. Remar
quez qu'il n'y a point de matiere en repos.
D'ailleurs, si rien ne diminuoit le mouvement
que le Soleil donne à la matiere , le
volume en augmenteroit , de maniere que
l'Univers retourneroit dans le cahos.
La lumiere communique à la Terre le
mouvement de rotation , par le même mouvement
, la Lune est emportée. La lumiere
par son action donne le mouvement aux
matieres crasses , fait refluer vers le Soleil
les parties de lumiere précedemment venuës
& dénuées de mouvement , lesquelles reçoivent
de nouveau dans le Soleil , centre moteur
, le mouvement. Ainsi , le sang porté
par les arteres vers les extrémités , nourrit &
forme les chairs , & rechasse par les veines
vers le coeur, les parties restantes , qui étoient
dénuées de mouvement. La Lune en cette
comparaison , représente les poulmons ; c'est
une filiere qui prépare la matiere avant son
reflux vers le Soleil. La Lune est une masse,
qui par sa résistance à être chariée , modere
& regle le mouvement journalier de la Terre.
Le point central autour duquel la Lune
fait une révolution tous les 27. jours autour
de
NOVEMBRE. 1738. 2367
de la Terre , est entre le centre de la Terre
& la Lune ; suivant le plus ou le moins de
vitesse qu'a la Terrè , ce point s'aproche ou
s'éloigne de la Lune.
Il est à croire que le point de gravité où
tendent les corps pesans , n'est jamais deux
momens en même lieu ; d'où il est à craindre
que la ligne à plomb , ne trace pas le
vrai horison : le centre de la Terre décrit
autant de courbes que de lunaisons ; ces
courbes irrégulieres tracent l'orbite de la
Terre par ondulations courbées sur tous sens,
& non tracées en une surface plane.
C'est la raréfaction qu'effectue le Soleil ,
qui fait aller la Terre six mois vers un Pôle
& six mois vers l'autre. Pendant l'Hyver , le
Soleil sous le Tropique méridional , donne
un extreme mouvement aux Eaux [ le mouvement
ne se perd qu'en se communiquant. ]
Du côté de l'Equateur , le mouvement est
employé à balancer la vaste étendue des
Mers du côté du Pôle méridional . Les
glaces reçoivent par le choc des Eaux , un
mouvement immédiat & continuel , suivant
la direction de l'axe de la Terre , qui n'étant
point contre- balancé , contraint le Globe
terrestre d'avancer suivant la même direc
tion ; mais la Terre ainsi portée vers le Midi,
est éclairée & raréfiée sous le Tropique du
Nord ; alors les glaces du Nord reçoivent
toute
2368 MERCURE DE FRANCE
toute l'activité du mouvement que le Soleil
communique aux Eaux . De -là s'ensuit un
mouvement en direction contraire , qui ramene
la Terre du Midi vers le Nord.
Ces mouvemens de la Terre étant admis ,
on ne s'étonnera plus de trouver l'Angle ,
queforme l'Ecliptique avec l'Equateur,moindre
de 20. minutes , qu'il ne fur trouvé il y a
deux mille ans par Pitheas : on conclura
que cet Angle a beaucoup varié pendant le
cours de vingt siécles , & que s'il a suivi une
gradation uniforme , on n'en a pas reconnu
les Epoques. L'obliquité de cet Angle , est
aujourd'hui suposée de 23. degrés, 28. minutes
, 20. secondes,
****************
STANCES A LA FORTUNE.
Lache Divinité , qui par tous tes caprices ,
Deshonores les dons que tu fais aux Mortels ,
Crains enfin par tant d'injustices
De décréditer tes Autels.
Un Sage à la vertu consacrant ses prémices ,
Partage entre elle & toi tout l'encens de son coeur ;
Il blanchit dans les Sacrifices ,
Sans avoir fléchi ta rigueur.
Un
NOVEMBRE . 1738. 2369
Un autre à pas comptés suivant l'experience ,
Consume en vains progrès un mince capital ;
Il attend tout de sa science ;
Faut -il qu'il meure à l'Hôpital ?
Non moins avide qu'eux , le Nourrisson des
Muses ,
Vise autant à l'argent qu'à l'immortalité ;
Tu le caresses , tu l'amuses ;
Mais détruis- tu sa pauvreté a
Tandis que cent faquins , oubliant leur bassesse
Montrent insolemment tes dons accumulés
Et méconnoissent , dans l'yvresse ,
La main qui les en a comblés.
;
Tel est cet inttiguant , dont la magnificence
Fixe tous les regards d'un Peuple transporté ;
Il a beau vanter sa naissance ,
On en connoît l'obscurité.
Tel est cet autre encor , qui sous une mandille ,
Echapa si long -temps aux yeux de tout Paris ;
Croit-il par l'éclat dont il brille ,
Se dérober à nos mépris
Par le bizarre jeu de ta rapide rouë ,
Au faîte des grandeurs le voila parvenu ;
Qu'
1370 MERCURE DE FRANCÉ
Qu'il seroit bien mieux dans la bouë ,
Qui fit son premier revenu !
Qui voudra désormais , adorant ta puissance ,
Aux pieds de tes Autels porter quelques talens ,
Si la Noblesse & l'innocence ,
N'y sont qu'un inutile encens ?
Ouvre les yeux enfin , & qu'un dernier caprice
T'affranchisse à jamais de ce triste bandeau
N'est- il pas temps que la justice
Guide tes pas de son flambeau ?
}
De tes dons mal placés fais un meilleur usage ,
Récompense , avant tout , ce malheureux Guerrier ;
A qui dans l'hyver de son âge ,
Ne laisse
Il ne reste qu'un vain Laurfer.
pas vieillir au fond de sa Province ;
Ce fils que l'indigence éloigne de tes yeux ;
Son Pere , pour servir son Prince ,
A vendu jusqu'à ses Ayeux.
Mets dans un jour plus grand sa valeur, sa noblesse
Mais ne l'accable pas d'un bienfait imprévû ;
L'aveuglement & la mollesse ,
Naissent toujours du superflu.
Second
NOVEMBRE. 1738. 2371
Seconde ce Marchand dont la main scrupuleuse,
Joint au talent de vendre une austere équité ;
Sans toi , sa famille nombreuse
Va périr par sa probité.
Eleve aux dignités , couronne de la Mitre ,
Ce zelé Sénateur , ce Docteur reveré ;
Ils le méritent ; c'est un titre
Qui n'en voit pas de plus sacré
Fais pleuvoir tes bienfaits sur ces têtes illustres ,
Qui sçavent les transmettre à des Peuples chéris
Puissions -nous , même après vingt lustres,
Les voir encor tes favoris.
Mais replonge au plutôt dans sa premiere crasse ,
L'injuste , Pignorant , le pied plat revétu ;
C'est leur faire encor trop de grace ,
Que de les rendre à la vertu .
Souviens-toi cependant dans ce nouveau partage ,
Que souvent mes pareils font de maigres repas ;
La gloire est un bel apanage ,
Mais par malheur on n'en vit pas .
Remplis chés nos Guerriers ce qui manque à leur
gloire ;
Que
2372 MERCURE DE FRANCE
Que ce trait de bonté , ranimant nos travaux ;
T'assure au Temple de Mémoire
Mille & mille Bustes nouveaux .
Par Gros Duvergié.
CIRCONSTANCES singulieres dans
P'Opération de la Taille. Extrait d'une Lettre
d'Aix , du 8. Septembre 1738 .
L
E sieur Le Clerc , Maître Chirurgien
Juré , Aggregé à l'Université de la Ville
d'Aix , & Lithotomiste , pensionné par la
Province de Provence , fit l'Opération de la
Taille le 8. May 1738. à M. Etienne Peissonnel
de Villemus , âgé de 62. ans . Il lui
tira d'abord une pierre de la grosseur d'un
oeuf de Pigeon , grise , presque ronde &
très-uhie; & jugeant par la qualité de la Pierre
, qu'elle n'étoit pas seule, il porta són bouton
dans la vessie par le
moyen duquel il
découvrit qu'il y en avoit plusieurs autres . Il
introduisit une Tenette courbe, pour tâcher
d'en tirer quelques -unes , mais il ne put en
venir à bout, tant à cause que les parties s'étoient
extrêmement contractées , que parce
que le Malade commençoit fort à pâlir , desorte
qu'il fut obligé de le faire remettre dans
,
son
NOVEMBRE. 1738. 2373
son , lit pour atendre la supuration , qui ne
manqueroit pas de relâcher les parties. Les
frissons , la fievre & les sueurs fatiguerent
beaucoup le Malade ; mais la supuration ayant
paru le quatrième jour , ces simptômes facheux
disparurent en partie , & il sortit par
la playe quantité de matieres glaireuses, ce qui
ramena le calme , & le Malade se trouva fort
soulagé,
Le 16. May, qui étoit le 9. de l'Opération,
le Sr le Clerc tira encore au Malade douze
Pierres de la même figure & grosseur que
la premiere , étant couché dans son lit &
sans le fatiguer beaucoup. Le 19. il lui en
tira encore quatre comme les précedentes :
Enfin le 21. il lui en tira encore une , qui
fut la dix- huitiéme & la derniere.
Il commença le 22. à laver la vessie par
des injections adoucissantes & ensuite renduës
vulneraires & détersives , qui ont duré
27. jours, par le moyen desquelles il est sorti
de la vessie environ plein un chapeau de sable
très-fin & de la couleur des Pierres .
·
>
On trouvera dans ce Détail , entre autres
choses un Phénomene singulier , & qui
paroît difficile à expliquer, c'est l'uniformité
de la couleur & de la grosseur de ces dixhuit
Pierres. Car , s'il est vrai que toutes les
Pierres se forment dans les reins ( c'est du
moins le sentiment le plus vrai- semblable
&
2374 MERCURE DE FRANCE
& le plus géneralement reçû ) il a fallu un
temps très- considérable pour former ces dixhuit
Pierres , & elles ne peuvent être descenduës
dans la vessie, que les unes après les
autres, hors celle qui est arrivée la premiere,
laquelle devroit avoir reçû un accroissement
beaucoup plus considérable que la derniere;
cependant elles sont toutes égales. Je laisse
aux Physiciens le soin d'en dire la raison.
ODE imitée d'HORACE : Qualem
Ministrum , &c.
TEl que le noble Oiseau , Ministre du Tonnerre,
Que , pour avoir ravi Ganymede à la Terre ,
Le Roy des Dieux fit Roy des Habitans de l'Air ;
Emule vigoureux des forces paternelles ,
Sort du nid , & déja , par l'effort de ses aîles ,
Surpasse les Zéphirs, successeurs de l'Hyver,
*
Bien-tôt l'experience augmentant son audace ,
Il fier ennemi d'une timide race , va,
Jusqu'en leur Bergerie attaquer les Agneaux
Et bravant des Dragons la résistance vaine ,
Ose , pressé de faim & transporté de haîne ,
Leur livrer constamment les plus rudes assauts .
Tel
NOVEMBRE, 1738. 2375.
Tel encor, que sur soi dans un Vallon champêtre,
Le Chevreuil occupé du soin de se repaître ,
A vâ fondre un Lion nouvellement sevré ;
Tel , au combat donné près des Alpes altieres ,
Drusus, qu'accompagnoient mille Vertus guerrieres,
Aux Vindeliciens , aux Rhetes s'est montré.
Leurs plus fiers Escadrons , jaloux de notre gloire ,
Ayant long-temps volé de victoire en victoire ,
Vaincus par un jeune homme, ont senti le pouvoir,
D'un instinct génereux qu'enrichit la culture ,
Et connu ce qu'ajoûte aux dons de la Nature ,
Le soin que des Nérons Auguste daigne avoir.
Des forts naissent les forts. La vigueur , le couragé,
Aux Coursiers, aux Taureaux passent en héritage ;
L'Aigle n'engendre point un Ramier délicat ;
Mais l'éducation est ce qui vivifie ;
Par elle , un coeur bien né toujours se fortifie ;
Par elle la vertu conserve son éclar .
*
Rome , grace aux Nérons , tu subsistes encore
Au vainqueur d'Asdrubal défait près du Metaure ,
Tu dus le premier jour de tes félicités ,
Depuis qu'à la fureur joignant la perfidie ,
Tel
2376 MERCURE DE FRANCE
Tel qu'un vent orageux , ou tel qu'un incendie ,
Le superbe Africain ravageoit nos Cités .
*
Après ce jour heureux que nous fit luire Claude ,
La Jeunesse Romaine à la force , à la fraude ,
Sçut oposer des bras toujours victorieux ,
Et cueillant de Lauriers les moissons les plus am
pies ,
Sa vertu rétablit & le culte & les Temples ,
Que la rage Punique avoit ravis aux Dieux,
*
Le perfide Annibal à cet aspect s'écrie :
>>C'est trop d'avides Loups provoquer la furie ;
> Foibles Cerfs tant de fois vaincus & dispersés,
C'en est trop, c'en est trop . Par une fuite prompte,
»D'une défaite entiere épargnons- nous la honte ;
Les tromper en fuyant , c'est triompher assés.
*
LePeuple qui porta dans les Champs Italiques ,
Ses Enfans , ses Vieillards & ses Dieux domes
tiques ,
» Sauvés des feux de Troye & des flots de la Mer,
» ( Pareil au Chêne altier , qui , sur l'Algide sombre
» Jadis tondu , pullule en rejettons sans nombre )
Doit son accroissement aux outrages du fer .
>
ཝཱུ » L'Hyde
NOVEMBRE. 1738. 2377
»L'Hydre fort de sa playe , étoit moins redoutable ,
»Jamais Thebe ou Colchos n'eut un Monstre semblable
;
Qu'on le plonge dans l'Onde , il n'en sort que
plus beau ;
» Proposez - lui la Lutte , il vous jette par terre ,
» Et les femmes de ceux qui lui livrenr la guerre ,
Chaque jour de pleurer ont un sujet nouveau,
*
C'est fait de notre honneur ; qu'esperer d'avantage
» Puisqu'Adrusbal est mort , que désormais Carthage
N'attende plus de moi de superbes Couriers.
» Aux forces des Nérons tous succès sont possibles,
Et Jupiter a mis , pour les rendre invincibles ,
Leur prudence au-dessus de tout l'art des Guerriers.
EXTRAIT d'une Lettre écrite de Paris le
12. Avril 1738. au sujet des Cheminées
qui fument, &c.
V
Ous voudriez toujours , M. de la Physique
dans mes Lettres, c'est- à -dire , du
sérieux , & vous ne sçauriez vous adresser
D plus
2378 MERCURE DE FRANCE
plus mal ; j'aime à m'entretenir avec vous ,
sans me gêner , de tout ce qui me passe par
l'esprit .Vous êtes heureux que ma Cheminée
m'ait fourni ces jours passés ,de quoi vous
satisfaire ; le sujet est des plus minces , ce
de la fumée ; n'importe ; j'en ai
n'est que
été si fort incommodé
que les yeux m'en
cuisent encore ; & je croirai me soulager
en quelque sorte , de vous dire comment je
m'en suis délivré , & cela sans employer un
mot de magie ou de cabale : vous sçavez
que nous devons au hazard quantité d'utiles
découvertes , c'est au hazard que je dois
celle-ci ; voici le Fait.
و
Je m'aperçus l'autre jour que ma Cheminée
ne fumoit hors du tuyau , que lorsque
je m'aprochois du feu en Robe de chambre,
& qu'elle cessoit de fumer , lorsque je me
retirois ; ( Notez que je me chauffois de
fort près. ) Ce qu'il y avoit de bien singulier
la fumée me choisissoit par préférence
dans la compagnie , & sortoit de mon côté ,
quelque place que je prisse ; là - dessus je philosophai
un peu : j'observai d'abord qu'étant
assis , ma Robe touchoit à terre par derriere
, & qu'en écartant les genoux , elle
étoit ouverte par devant , ce qui formoit un
enfoncement , ou une espece de Cheminée,
faisoit face à la véritable , & qui avoit de
même son manteau , ses jambages, son âtre,
qui
&
NOVEMBRE . 1738. 2379
& pour tuyau , une ouverture qui répondoit
précisément au-dessous de mon nez : or il
me parut clairement , que la chaleur venant
à se concentrer là- dedans , devoit raréfier
non seulement l'air qui y étoit contenu ,
mais encore celui qui étoit entre ma Robe &
la plaque, & frayer par consequent à la fuméc
un chemin libre vers moi ; car ne trouvant
pas plus de résistance dans l'air de ma Robe
ainsi affoibli ; ou peut - être en trouvant
moins que vers son issue ordinaire , elle devoit
refluer indifferemment de mon côté ;
c'est aussi ce qui arrivoit , & moi de pester ;
cependant comme je crus avoir découvert la
cause du mal , le remede me parut aisé ; je
troussai donc sans autre façon ma Robbe
par derriere , & ayant ouvert, par ce moyen,
un passage à l'air extérieur,il circula plus facilement,
chassa la fumée , lui fit prendre sa
route naturelle , ou enfin il rendit l'air auparavant
échauffé , plus capable de lui résister,'
en le condensant davantage ; en un mot , je
fus soulagé sur le champ, je répetai plusieurs
fois la même expérience , en disposant ,
comme je l'ai dit , ma Robe , soit pour attirer
, soit pour chasser la fumée : elle partit
chaque fois à mon commandement, c'est de
quoi vous pourrez vous assûrer par vousmême
. Voici , en attendant , les remarques
que je fis , par occasion , sur la nature de ce
Dij mixte
2380 MERCURE DE FRANCE
mixte , dont je vais vous régaler.
Je remarquai d'abord , que la fumée est
principalement composée d'une infinité de
globules aqueux , que le feu détache des
matieres combustibles ; je dis principalement
, car elle contient encore des parties
huileuses & sulphureuses , qui occasionnent
des incendies aux parois des Cheminées ; de
plus , elle entraîne des sels & du nitre , par
où elle cause des irritations dans les yeux ; &
enfin quantité de mercure , qu'on y découvre
aisément avec de bons Microscopes . Ces
globules sont plus ou moins pesans , selon
qu'ils sont plus ou moins déliés , ou que le
feu a eu de force pour les diviser ; c'est pour
cela qu'un petit feu , ou celui qu'on commence
d'allumer , donne ordinairement plus
de fumée , ou , pour parler plus exactement
donne une fumée plus sensible , plus grossiere
aussi monte - t - elle plus difficile
ment.
,
2º. Je compris que ce qui détermine la
fumée à s'élever , c'est non seulement parc
que ses globules étant plus legers qu'un pa
reil volume d'air , sont comprimés & chassé
de tous côtés , à peu près comme un bou
chon de liége qui s'éleve du fond de l'eau
mais encore parce que le medium , ou milieu
: par où les globules prennent leur route , leu
fait une moindre
résistance ; & ce chemi
ser
NOVEMBRE. 1738 . 1738. 2381 .
sera d'autant plus facile , par exemple , dans
une Cheminée , que l'air y sera plus raréfié ;
ensorte que s'il ne l'est point du tout , la
fumée aura beau être poussée en haut , elle
demeurera suspendue , & sera arrêtée, comme
on voit quelquefois des brouillards qui
ne peuvent s'élever qu'à quelques pieds de
terre , faute de chaleur qui raréfie l'air.
3. J'observai que ce qui occasionne en
général la fumée dans les apartemens , ( je
mets à part les causes externes , comme les
vents , la pesanteur de l'air , la chaleur du
Soleil , la mauvaise construction du tuyau ,
ou de l'échapée des Cheminées , ) c'est l'équilibre
qui regne entre l'air de la chambre
, & celui de la Cheminée , qu'il faut nécessairement
détruire , si on veut du feu sans
être incommodé de la fumée : or on peut
détruire cet équilibre de deux manieres ; la
premiere , en renforçant l'air de la chambre,
en introduisant l'air de dehors par quelque
ouverture , par des ventouses , ou des orgues
, mais le remede est pire que le mal , ou
n'est pas ordinairement suffisant ; l'autre maniere,
c'est au contraire d'affoiblir par la chaleur
l'air de la Cheminée ; ce qui ne se peut
faire d'abord , à moins d'une bonne flamme ,
qui , ouvrant tout à coup dans l'air un passage
à la fumée , la chasse & la dissipe.
Enfin , en détruisant l'équilibre , on éta-
Diij blit
2372 MERCURE DE FRANCE
Que ce trait de bonté , ranimant nos travaux ;
T'assure au Temple de Mémoire
Mille & mille Bustes nouveaux .
Par Gros Duvergié.
CIRCONSTANCES singulieres dans
P'Opération de la Taille. Extrait d'une Lettre
d'Aix , du 8. Septembre 1738 .
L
E sieur Le Clerc , Maître Chirurgien
Juré , Aggregé à l'Université de la Ville
d'Aix , & Lithotomiste , pensionné par la
Province de Provence , fit l'Opération de la
Taille le 8. May 1738. à M. Etienne Peissonnel
de Villemus , âgé de 62. ans . Il lui
tira d'abord une pierre de la grosseur d'un
oeuf de Pigeon , grise , presque ronde &
très - uhie; & jugeant par la qualité de la Pierre,
qu'elle n'étoit pas seule ,il porta són bouton
dans la vessie , par le moyen duquel il
découvrit qu'il y en avoit plusieurs autres. Il
introduisit une Tenette courbe , pour tâcher
d'en tirer quelques -unes , mais il ne put en
venir à bout, tant à cause que les parties s'étoient
extrêmement contractées , que parce
que le Malade commençoit fort à pâlir , desorte
qu'il fut obligé de le faire remettre dans
son
NOVEMBRE. 1738. 2373
son , lit pour atendre la supuration , qui ne
manqueroit pas de relâcher les parties. Les
frissons , la fievre & les sueurs fatiguerent
beaucoup le Malade ; mais la supuration ayant
paru le quatrième jour , ces simptômes facheux
disparurent en partie , & il sortit par
la playe quantité de matieres glaireuses , ce qui
ramena le calme , & le Malade se trouva fort
soulagé ,
Le 16. May, qui étoit le 9. de l'Opération,
le Sr le Clerc tira encore au Malade douze
Pierres de la même figure & grosseur que
la premiere , étant couché dans son lit &
sans le fatiguer beaucoup. Le 19. il lui en
tira encore quatre comme les précedentes :
Enfin le 21. il lui en tira encore une , qui
fut la dix- huitiéme & la derniere.
Il commença le 22. à laver la vessie par
des injections adoucissantes & ensuite renduës
vulneraires & détersives , qui ont duré
27. jours, par le moyen desquelles il est sorti
de la vessie environ plein un chapeau de sable
très-fin & de la couleur des Pierres.
On trouvera dans ce Détail , entre autres
choses , un Phénomene singulier , & qui
paroît difficile à expliquer, c'est l'uniformité
de la couleur & de la grosseur de ces dixhuit
Pierres . Car , s'il est vrai que toutes les
Pierres se forment dans les reins ( c'est du
moins le sentiment le plus vrai-semblable
&
2374 MERCURE DE FRANCE
& le plus géneralement reçû ) il a fallu un
temps très- considérable pour former ces dixhuit
Pierres , & elles ne peuvent être descendues
dans la vessie , que les unes après les
autres , hors celle qui est arrivée la premiere,
laquelle devroit avoir reçû un accroissement
beaucoup plus considérable que la derniere;
cependant elles sont toutes égales, Je laisse
aux Physiciens le soin d'en dire la raison.
ODE imitée d'HORACE : Qualens
Ministrum , &c.
T El que le noble Oiseau , Ministre du Tonnerre,
Que , pour avoir ravi Ganymede à la Terre ,
Le Roy des Dieux fit Roy des Habitans de l'Air ;
Emule vigoureux des forces paternelles ,
Sort du nid , & déja , par l'effort de ses aîles ,
Surpasse les Zéphirs, successeurs de l'Hyver ,
324
Bien-tôt l'experience augmentant son audace ,
Il va, fier ennemi d'une timide race ,
Jusqu'en leur Bergerie attaquer les Agneaux ,
Et bravant des Dragons la résistance vaine ,
Ose , pressé de faim & transporté de haîne ,
Leur livrer constamment les plus rudes assauts.
Tel
NOVEMBRE, 1738, 2375
Tel encor, que sur soi dans un Vallon champêtre,
Le Chevreuil occupé du soin de se repaître ,
A vâ fondre un Lion nouvellement sevré ;
Tel, au combat donné près des Alpes altieres ,
Drusus, qu'accompagnoient mille Vertus guerrieres,
Aux Vindeliciens , aux Rhetes s'est montré.
*
Leurs plus fiers Escadrons , jaloux de notre gloire ,
Ayant long- temps volé de victoire en victoire ,
Vaincus par un jeune homme, ont senti le pouvoir,
D'un instinct génereux qu'enrichit la culture ,
Et connu ce qu'ajoûte aux dons de la Nature ,
Le soin que des Nérons Auguste daigne avoir.
25
>
Des forts naissent les forts. La vigueur , le courage,
Aux Coursiers, aux Taureaux passent en héritage ;
L'Aigle n'engendre point un Ramier délicat ;
Mais l'éducation est ce qui vivifie ;
Par elle , un coeur bien né toujours se fortifie
Par elle la vertu conserve son éclar.
*
Rome , grace aux Nérons , tu subsistes encore
Au vainqueur d'Asdrubal défait près du Metaure ,
Tu dus le premier jour de tes félicités ,
Depuis qu'à la fureur joignant la perfidie ,
Tel
2382 MERCURE DE FRANCE
blit une circulation de l'air de la chambre
vers la Cheminée , qui aide à déterminer
La fumée , & qui l'entraîne rapidement , malgré
sa lenteur , au haut du tuyau. Que cette
circulation existe , cela est prouvé manifestement
, surtout par les siflemens de l'air
qu'on entend , & qui sont causés par les
efforts continuels qu'il fait pour entrer à travers
les fentes d'une porte ; on n'en fait que
trop souvent l'experience , lorsque auprès
d'un bon feu , on a quelquefois le dos tout
gelé , par un nouvel air qui arrive sans cesse
de dehors. Je vous fais grace de beaucoup
d'autres remarques , qui viendroient ici naturellement
, & je conclus de ce que je viens
de dire en dernier lieu , qu'une Cheminée
chaude ( toutes choses d'ailleurs égales ) devant
moins fumer qu'une autre qui sera plus
froide , quoiqu'il y ait autant de feu , il faut
faciliter le plus qu'il est possible la chaleur
dans l'interieur des Cheminées.
Pour cela on peut non seulement arrondir
le bas , & le garnir tout au tour de plaques ,
comme quelques - uns le pratiquent , mais
donner encore à l'embouchare inferieure du
tuyau une figure ovale , qui se retressiroit
peu à peu en montant , comme seroit l'interieur
d'un cône ou d'un entonnoir aplati :
par- là on concentreroit & on conserveroit
davantage la chaleur ; & la fumée n'allant
point
NOVEMBRE. 1738. 238F
point s'embarasser dans des encoignûres ou
des cavités , ni heurter contre des rebords
enfileroit droit son chemin. Mais je m'aperçois
que je me suis moi - même écarté du
mien ; je n'avois d'abord en vûë que de vous
faire une Lettre dé quelques lignes , & ceci
auroit tout l'air de devenir un Traité . Je
borne done ici ma Philosophie , me contentant
de vous dire , que si vous vous trouviez
dans le cas , M. Marchand , qui est aussi
bon Fumiste , que grand Méchanicien ,
trouvé un secret infaillible contre la fumée
dont toutes les épreuves lui ont parfaitement
réussi. Je suis , & c .
L'Abbé de la ....
a
L
EPITRE..
A Vertu , cher Damon , dans le siécle où nous
sommes ,
Në brille plus aux yeux , regne peu chés les hommes
;
L'infâme Hypocrisie a séduit les Mortels ;
Les coupables humains encensent ses Autels.
Soit par aveuglement , soit par amour du crime ,
Ils marchent , sans trembler , surs les bords de l'a.
bîme.
Cette fausse vertu , Monstre né des Enfers ,
Diiij Seus
2384 MERCURE DE FRANCE
Sous d'indignes liens enchaîne l'Univers.
Rien ne les peut tirer du sein de cette yvresse ;
Vils esclaves du joug de l'infâme mollesse ,
Ils boivent à longs traits le poison dangereux ,
Qui chassant la Vertu,les rend tous malheureux.
Pour se tromper , Ami , tout est mis en usage ;
Dans ce siècle maudit,l'Homme a double visage ;
D'une main il vous flate , & de l'autre en fureur
D'un parricide fer il vous perce le coeur.
Quel siécle malheureux ! quel séjour déplorable !
Des Mortels aveuglés exemple mémorable ,
Ne reviendrez - vous plus, ô tems,trop heureux tems!
De la Vertu regnante éternels monumens !
Où nos premiers Parens , amis de l'innocence ,
Vivoient tranquillement au sein de l'indigence .
Seulement de leur Pere ils adoroient les Loix ;
D'un Dieu plein de douceur ils écoutoient la voix.
Ils n'avoient point en eux de ces lâches foiblesses
Qu'inspire le Démon , de l'amour des richesses ;
L'ambition , l'orgueil ne rongeoient point leurs
coeurs.
Du tranquille repos ils goûtoient les douceurs.
Mais le Démon , jaloux du bonheur de la Terre ,
Arma bien-tôt les Fils contre leur propre Pere , ·
Résolu de troubler un calme si charmant ,
Et livrer les Mortels à son ressentiment ;
Il forma dans nos coeurs ces monstres redoutables ,
Dm
NOVEMBRE . 1738. 2385
Du malheur des humains monumens déplorables ;
La haine , le couroux , la fourbe , la fureur ,
Le faux zele , formé dans les flancs de l'erreur,
La folle ambition , l'affreuse hypocrisie ,
La noire trahison , l'aveugle jalousie
Tous ces vices enfin qui regnent dans les coeurs ,
Qui des foibles Mortels sont demeurés vainqueurs
Ce ne fut plus alors qu'injustices , que crimes ;
Du joug des Passions , malheureuses victimes
Enfin l'on se masqua, l'on se pétrit de fard ;
Et la fausse équité sçût voiler avec art ;
La Vertu remonta vers la voute céleste ;
L'innocence s'enfuit d'un séjour si funeste ;
La Terre ne vit plus que d'infâmes Flateurs ,
Des foiblesses des Grands , lâches Adulateurs.
Heureux qui comme vous ,
ami de l'innocence
Voit les biens de la Terre avec indifference
Qui fuit des faux plaisirs les trompeuses douceurs ;
Qui brave la Fortune , ainsi que ses malheurs ,
Enfin , qui ne cherchant qu'un bien pur et solide
Ne prend pour
le trouver que la vertu pour guide
Par M. de la Motte.
Dv RE
2386 MERCURE DE FRANCE
"
J
REPONSE de M. Dupuy , Maître Chirurgien
Juré de Pezenas , à la Lettre de
M. Farlouche sur l'Observation d'une
Playe , pénétrant dans le bas- ventre , insérée
dans le Mercure du mois de Février der
nier:
Q
Uoique nous pensions comme vous
Monsieur , qu'il se trouve quelquefois
à la campagne de bons Chirurgiens , dont la
réputation ne s'étend pas fort loin ; & que
nous en connoissions d'autres dans les Villes
, brillans aux yeux du Public , moins par
l'éclat du vrai mérite , que par un dehors
affecté , & par une grande hardiesse ; vous
ne trouverez pas mauvais cependant ,,
que
nous refusions de nous rendre à vos preuves
, & que nous oposions.nos raisons à
celles que vous alléguez, dans votre Lettre
pour établir la réputation de votre Chirurgien
de la campagne , sur le débris en quelque
sorte , de celle que nos Maîtres Chirurgiens
se sont acquise , & qu'ils doivent véritablement
à l'heureux succès de leurs opéra--
rations journalieres , dans la carriere d'une
tongue expérience , & après d'exactes observations.
Mais avant que d'aller plus loin , je dois
YOUS
NOVEMBRE. 1738 2387
>
vous avouer ici que je ne prétends point
marquer le moindre mépris pour Mrs les
Chirurgiens de la campagne , encore moins
pour M. Poitevin , dont la sagesse & la pru
dence dans l'art se montrent tous les
jours par le soulagement de ses malades.
Mon dessein n'est que d'augmenter l'emulation
de ceux qui commencent à se rendre
utiles dans la saine Pratique ; de les encourager
à surmonter les differens obstacles
qui semblent arrêter le cours de leurs progrès
, & à se perfectionner , suivant les talens
que la Nature feur a départis. Le petit
nombre d'occasions que la Pratique leur
fournit à la campagne; l'eloignement pour la
peine , pour le travail de l'étude & de la lecture
des bons Livres ; la négligence assés .
ordinaire à s'instruire par d'éxactes observations
; enfin les occupations champêtres .
sont les plus grande's difficultés qui s'oposent
à cultiver les connoissances nécessaires pour
secourir efficacement les. Malades : de - là .
vient qu'on doit être beaucoup moins surpris
de ce qui se passe de funeste à la campagne
dans les maladies que, de l'heureux
évenement qui en termine le cours.
2
Tout le mondé sçait , & on ne l'éprouve
qu trop fréquemment à la campagne avec
douleur combien peu sont connuës les
maladies , surtout celles qui sont du ressort
D vi
2
da :
2388 MERCURE DE FRANCE
de la Chirurgie ; avec quelle méthode se fait
l'aplication des remedes , & le malheureux
sort qui les accompagne.
En êtes - vous surpris, M. ? ou plutôt n'êtesvous
pas trop clair - voyant en toutes choses,
pour ne pas vous en être aperçû vous - même
peut-être plus d'une fois?&pour ne pas accuser
la véritable cause des derniers malheurs
qui suivent toujours de près les moindres dérangemens
de la santé ?
Vous conviendrez donc avec nous , premierement
, que les bons principes font la
justesse & la solidité des consequences qui
en résultent. Secondement , qu'on doit les
puiser dans les meilleurs sources , en se tenant
auprès des Maîtres les plus fameux , qui
par leur experience consommée , se rendent
toujours plus recommandables. Troisiémement
, que toute l'experience d'un siècle entier
est défectueuse , si la raison ne vient au
secours , de même que celle- ci est aveugle
sans experience. Quatrièmement , que la
bonne méthode dans l'observation , est absolûment
nécessaire pour se former dans la
bonne Pratique. Cinquièmement , & que la
meilleure méthode elle-même , doit rouler
sur d'excellens principes , qui nous servent
de guides assurés dans les differentes routes,
& souvent nouvelles , que nous sommes
obligés de tenir , suivant l'exigence des cas
extraor
NOVEMBRE. 1738 2389
extraordinaires. Je vous fais à présent le
Juge , M. de ce qui peut arriver aux Malades
, si ceux qui en ont la conduite se trouvent
dépourvûs des qualités si essentielles à
la Profession ; & je vous laisse le soin de
faire vous- même en général l'aplication de
tout ce que vous venez d'entendre , pendant
que je reprendrai mon sujet , dont je puis
m'être un peu écarté , par le seul desir
que j'avois de m'entretenir plus long- temps
avec vous..
Vous proposez au Public M. Poitevin
Maître Chirurgien du Lieu d'Alignan du
Vent , Diocèse de Beziers , pour exemple de
ce que vous avancez dans votre Lettre ,
Qu'on peut trouver quelquefois dans les Villages
des gens aussi habiles que ceux des grandes
Villes , dont les coups de main sont des
coups de Maîtres les plus expérimentés.
Nous en convenons en particulier à l'égard
de votre Chirurgien ; mais nous soûtenons
que la preuve que vous aportez en faveur de
ce sentiment n'est pas assés solide , n'étant
fondée que sur la simple observation d'une
Playe pénétrant dans le bas- ventre , qui a été
guérie par la sage conduite de ce M. Poitevin.
Cependant conime on est très - porté à croire
communément , que la réputation d'un Chirurgien
est peu stable , lorsqu'elle n'est établie
que sur le bruit d'un seul Fait , dont
L'heureux
2390 MERCURE DE FRANCE
theureux évenement dépend moins , asses
souvent , de la bonne manoeuvre , que des
circonstances étrangeres , & favorables aux .
plus ignorans ; que rien au contraire ne montre
tant les véritables qualités des grands
Maîtres de l'Art , que les frequens succès
qui arrivent aux plus difficiles operations ,
où l'adresse & la dexterité sont merveilleu
sement employées vous ne sçauriez , sans
faire tort à ceux- ci , donner à si bon marché
à ceux- là des éloges , qu'on pourroit plutôt
regarder comme des piéges d'une injuste
complaisance , que comme les effets de la
justice qu'on doit rendre à l'habileté des gens .
de la Profession.
On peut encore ajoûter avec fondément, que
fa Playe en question paroissant peut- être plus
dangereuse par les symptômes , qu'elle ne
rétoit réellement de sa nature ( ce qui s'ob
serve quelquefois, et ce qu'on découvre ensui
te par l'évenement ) la curation en étoit plus
facile , moins incertaine , & le malade plus
assûré du retour de la santé ; par consequent
, si le bonheur d'avoir une semblabie
Blessûre à traiter , a fait celui de la guérison,
on ne doit rien décider touchant la réputa
tion de l'Operateur : ou pour mieux dire , si
lè succès d'un seul cas singulier , des plus
délicats même , donnoit à juste titre la quaré
d'habile. homme , doutez -vous que tous
>
les
NOVEMBRE. 1738 239**
Les Chirurgiens de la Ville & de la campa
gne n'eussent droit de s'en glorifier ? Il n'en
est guere entre les gens de notre Profession,
qui n'ait fait dans sa vie quelque cure d'éclat,.
& qui après mille funestes manoeuvres dans
l'Art , n'en ait pratiqué pour le moins une,
seule , suivie d'un heureux évenement.
+
<
&
Vous voyez donc qu'il n'est pas juste d'élever
si haut un Chirurgien pour un seul
coup de son Art , dont le succès peut être,
disputé à sa dexterité ou à sa méthode ,
de ternir en quelque façon la juste réputa→
tion que tant d'autres avec nous achetent
plus cherement dans les Villes , au prix des :
pénibles travaux d'une aplication continuelle.
Quelque dangereuse pourtant que la Playe..
parut , par le vomissement des matieres chi-
Leuses , le deuxième jour , dites- vous , par les,
mouvemens convulsifs , l'insomnie , le déli-.
Te > & principalement par la tension douloureuse
de tout le bas-ventre , & la fiévre ; .,
si l'on fait attention premierement , qu'étant ;
plus ou moins pénétrante , les boyaux pouvoient
être plus ou moins offensés , ( ce que,
l'évenement nous découvrit bien-tôt . ) Secondement
, que les accidens mentionnés
& surtout le vomissement des liqueurs chileuses
, pouvoient bien en avoir imposé à
Observateur. Troisièmement, que la tension ,
dou
Õ 、
2392 MERCURE DE FRANCE
douloureuse , avec la plupart des autres symp
tômes , venoient indubitablement de l'abondance
des sucs ou des matieres gonflées,raréfiées
& contenuës , soit dans le trajet intestinal,
soit dans les vaisseaux secretoires & excretoires
du foye , remplis d'une bile exaltée ,
ou dans le tissu de la rate , dans les veines
lactées engorgées d'un chile sulphureux , soit
encore dans d'autres parties de la même ca◄
pacité , l'ardeur de la fiévre faisoit le mouvement
intestin de toutes ces matieres . D'ail
leurs le cours rallenti des liqueurs dans
les tégumens , dans les muscles ; que la
solution faite en la continuité de leurs fibres,
pouvoit avoir occasionné , donnoit lieu
sans doute en partie à cette même tension .
Quatrièmement, que la fièvre survint par la
disposition de ces matieres pourries , qui
ayant été dévelopées & mises en jeu quelque
temps après le coup , que le malade reçut ,
firent remarquer dans tout le bas - ventre , le
faux caractere d'une inflammation des boyaux
interessés , ou des autres parties voisines.
Cinquiémement , qu'il est assés naturel de
compter dans ces sortes de sujets sur un
fond de pourriture , que les mauvais alimens
, pris sans regle & avec indiscretion
avoient accumulés ; si l'on fait , dis-je, atten
tion à tout ce que dessus , la curation de la
Playe ne paroîtra pas si merveilleuse , & on
ne
NOVEMBRE. 1738 2391
He sera plus surpris que cette inflammation
aparente en ait imposé à tout le monde . Ce
qu'il y a de certain cependant , est que cette
tension douloureuse disparut peu de jours
après , par l'usage de quelques décoctions
vulneraires , de petits purgatifs délayans , des
clysteres laxatifs , des topiques émolliens ,
qui , de concert avec quelques saignées ,
réussirent parfaitement à remplir les indications
de notre Théorie proposée sur cette
tension , & à redonner ainsi la santé au ma◄
lade .
En vain pour prévenir le prétendu étran
glement qui auroit , dites- vous , pu se faire
dans l'iléon , d'où venoit , selon votre sentiment
, le vomissement on fit avaler au
malade une petite bale de plomb ; comme
si le poids de ce corps solide , bien loin d'être
d'un grand secours , eut arrêté dans des
parties très délicates , le progrès d'une inflammation
commencée , si elles en eussent
été attaquées ; au contraire , le mauvais succès
d'un pareil remede dans de véritables cas
inflammatoires , en a desabusé tout- à - fait les
plus zelés partisans .
Tac
Maintenant donc que l'heureux succès de
la Playe ne doit pas paroître si surprenant
personne , on aura moins de peine à se convaincre
entierement qu'il ne mérite pas
d'aussi grands éloges que vous lui en donnez ;
le
2394 MERCURE DE FRANCE
le bon temperament du malade ,
ou la
faveur du hazard , réservée souvent à celui
qui y pense le moins , ayant pu operer tout
le bien de la guérison en question.
En effet , on est assûré que le bon tempe
rament est d'un grand secours dans les
maladies ; aussi voit- on tous les jours dans
un mauvais sujet , une maladie peu dange
reuse être souvent mortelle , & une grande
maladie par elle - même dans une bonne
constitution , avoir quelquefois un évenement
favorable. Il s'ensuit de -là premierement
que le succès d'une blessûre dangereuse
en aparence , mais sans aucun danger
véritablement dans un temperament à toute
épreuve , fera valoir le talent du Chirur
gien , fut-il des plus étourdis dans le métiers
Secondement , que l'évenement au contraire
'd'une blessûre légere en aparence , & dans
le fond dangereuse , par la seule faute d'une
mauvaise constitution , ne fera pas grand
honneur à celui qui en aura soin , fut- ik
Podatire ou Machaon. Dans le premier cas ,
lés moins experts doivent-ils passer justement
pour les plus habiles ? & ceux - ci dans
lè dernier , doivent-ils être regardés comme
les plus ignorans ?
Enfin le hazard favorise bien souvent les
gens de la Profession avec les malades ; c'est
ainsi que dans le concours des causes exter
nes .
NOVEMBRE. 1738. 2395
nes qui peuvent nuire à l'homme , il éprouve
à tout moment des coups heureux de
mille façons , portés sur l'habitude du corps .
Les uns , sous sous l'aparence d'un grand danger
, n'ont rien dans le fond d'effrayant.
Les autres , sous un un petit danger aparent ,
cachent les suites tragiques de leur évenement.
Ceux-ci, occupant les meilleurs Maî
tres , ont ordinairement le funeste sort que
rien ne peut éviter , dans le temps que ceuxlà
, tombant entre les mains des Chirurgiens
mal habiles , sont suivis quelquefois d'un
succès surprenant. Dans ces deux supositions
, sera - t- il juste & raisonnable de raporter
la gloire & la réputation des plus
fameux Maîtres aux moins experts dans
PArt , pour avoir heureusement rencontré
une fois ? quoique, dans les maladies differemment
dangereuses , qui s'offrent à la
pratique des uns & des autres , le pur hazard
semble autoriser l'injustice ?
A Pezenas , c 23 , Avril 1738.
VERS
2398 MERCURE DE FRANCE
VERS
A Mad. la Marquise de C....
EN vain dit- on qu'en un certain Ouvrage ,
*
Où Maître Isac est par nous exalté ,
J'ai , pour placer plus haut le Personnage ,
En main endroit ontré la vérité ;
Onc je ne pus , Louangeur hypocrite ,
Dans un Eloge injuste & parasite ,
Donner , sans honte , à de fausses vertus ,
Noms glorieux qui ne leur sont pas dus ;
D'où je conclus , qu'on ne peut s'étonner ,
Si , dans ces Vers dictés par la franchise ,
J'ose en vous même aujourd'hui couronner
Mille Vertus , qui causent ma surprise.
Pourquoi cela direz-vous , le voici.
Bien vous sçavez que dans ce siécle - ci ,
Siécle de fer , siécle vraiment barbare ,
>
Vertu sincere est un meuble plus rare
Que l'on ne pense ; & voilà justement ,
Pourquoi je vois avec étonnement ,
Tant de Vertus . qui sont en vous incluses ;
Et dont le nombre est si multiplié ,
* Epitre à Mr. C. C. D. S. J. D. H. P. Mercure
de Juin , I. Vol.
Que
NOVEMBRE. 1738. 2397
Que Dom Phoebus , & Mesdames les Mases
Pourroient à peine en louer la moitié .
Car en effet , candeur , délicatesse ,
Amour du
pauvre exacte pieté ,
Jugement sain , aimable politesse ,
D'ame & d'esprit parfaite égalité ;
Et cent vertus , ailleurs souvent postiches ,
Brillent en vous și naturellement ,
Que jamais Saints ne furent , dans leurs niches ;
Sur un Portail placés plus proprement ;
Or ces Vertus , dont votre coeur sublime
Est imbibé dans ces replis divers ,
Je l'avouerai , c'est un profond abîme ,
Où malgré moi je m'égare & me perds.
Donc j'aime mieux , vertueuse Uranie , `
Dans le secret admirer vos vertus ,
Que fatiguer vainement mon génie ,
A leur donner Eloges superflus.
Du 25. Août 1738 .
Par M. P **:
LETTRE
398 MERCURE DE FRANCE
ののの
LETTRE à M. D. L. R. sur la suite des
Nouvelles touchant l'Etablissement du
Bureau Typographique.
MONSIEU ONSIEUR ,
IEUR ,
J'ai l'honneur de vous envoyer la Relatien que
<vous m'avez demandée touchant l'Etablissement du
BureauTypographique dans quelques Villes de Province.
Je partis de Paris le 4. Septembre de l'année
dernière , avec un Secretaire et un Clerc , Imprimeurs
de Typographie , pour aller introduire à
P'Hôpital Géneral de Montpellier la nouvelle Méthode
partiquée ici à la Maison de la Pitié , ensuite
de la Délibération de M. M. les Administrateurs, du
27. May 1737.
Lyon , seconde ' Ville du Royaume , avoit déja
donné un préjugé favorable du bon goût de quelques-
uns de ses Citoyens pour l'éducation de la
premiere enfance. Le Maître que j'y envoyai au
mois d'Août 1735. entra en exercice peu de jour's
après. Les Enfans , à son arrivée dans les maisons
témoignerent autant de joye qu'ils avoient auparavant
témoigné de tristesse à la vûë de leur Maîresse
; ils trouverent courte la leçon de deux heures
, & auroient souhaité la continuer plus longtemps
. Bien des gens sensés , comprirent d'abord
que par le moyen du Bureau Typographique on
pouvoit aprendre aux Bafans , non-seulement la
lecture, l'ortographe , mais encore les premiers élemens
des Langues , et les premieres notions des
Arts & des Sciences,
Les Maîtres suivant la Méthode ordinaire, eurent
NOVEMBRE. 1738. 2399
un peu plus de peine à se rendre , ils sentirent que
pour enseigner la Typographie , il faloit l'étudier &
devenit Ecolier; ils trouverent humiliant de renoncer
pour quelque temps à la qualité de Maître; c'est
pourquoi il est aussi difficile de trouver des Maîtres
pour la Typographie , qu'il est aisé d'en trouver
pour la Méthode vulgaire .
Comme plusieurs Villes du Royaume & même
des Pays Etrangers , demandent des Maîtres de Ty.
pographie ; voici les conditions qui furent proposées
& acceptées à Lyon, je ne crois pas qu'on puisse
raisonnablement en exiger de moins onéreuses
pour des Parens riches , ni de moins avantageuses
pour de pauvres Maî res.
Premiere condition. On fit compter à Paris la
somme nécessaire pour l'emplette d'un Bureau , de
l'atirail Typographique, & pour le voyage du Maître.
Seconde condition . On s'engagea de loger & de
nourrir le Maître pendant quelques mois , en attendant
qu'il eût un nombre suffisant d'Ecoliers
pour son entretien .
Troisiéme condition . On laissa à la discretion
des Parens , les honoraires des Maîtres & des Précepteurs
, pendant quelques mois d'exercice ou
d'essai Typographique , avant que de les déterminer
& d'en convenir entre les Maîtres & les Parens.
L'évenement.fit voir que les Parens , sans risquer
beaucoup , avoient pris le bon parti pour l'éducation
de leurs Enfans , car au bout de deux ou trois
mois-le -Maître de Typographie eut assés d'Ecoliers
pour s'entretenir & pour dégager ceux qui l'avoient
apellés à Lyon. En prenant des Enfans en Ville à
25. livres par mois , le Maître s'obligea , & eux à
lui pour une année , & suposé qu'après l'année révoluë
, quelque Eleve eût voulu quitter le Maître
en ce cas-là , on étoit obligé de le prévenir trois
mois
$30012
2400 MERCURE DE FRANCE
mois avant l'échéance , afin que le Maître put s'engager
avec quelqu'autre pour l'année suivante. Il
donnoit deux heures par jour à chaque Bureau ,
ou à chaque famille .
La Typographie , au reste, doit cet établissement
à M. l'Abbé de Clapeyron , Protonotaire du S. Siege
, Amateur de toute Litterature , logé par Brevet
au Château de S. Germain en Laye , où le goût de
Pétude l'a fait retirer; à M. de Clapeyron, son frere,
' Grand- Trésorier de France à Lyon , Protecteur zelé
de la nouvelle Méthode ; à M. de la Font , Greffier
en Chef des Finances à Lyon ; à M. Palerne , & à
M.Constant, leurs beaux - freres.Mad. de Clapeyron
la Mere , avec tout l'esprit , toute la pieté & tout le
mérite possible , se fait aussi un plaisir de proteger
la nouvelle Méthode . Le Lecteur sera bien aise de
sçavoir encore que feu M. de Clapeyron le Pere ,
dont le mérite étoit géneralement connu , mourut
Député de Lyon au Conseil du Commerce , ayant
cû , sous tous nos Seig. les Ministres , l'honneur
de leur confiance ; la reconnoissance éxige
que nous rendions ce témoignage à cette digne Famille
de Lyon , & que nous proposions leur exem,
ple aux autres bonnes Villes de Province.
Le Maître de Typographie ne pouvant lui seul
répondre à l'empressement des Parens , apella à son
secours un Maître qu'il avoit laissé à Paris , & quelques
mois après M. le Marquis de Grolier , don't le
seul nom fait l'éloge dans la République des Lettres
, présenta cès nouveaux Maîtres à M. l'Archevêque
de Lyon , & leur fit obtenir la permission
d'établir une Ecole de Typographie , & c.
Cette Ecole réussit d'abord pour les Enfans externes
à 10. livres par mois , & pour les Enfans en
pension , à raison de 400. livres l'annéel ; je la trou
yai montée sur ce ton-là , aprouvée & protegée par
quantité
NOVEMBRE . 1738. 2401.
quantité de Personnes de considération . De notre
côté nous concourûmes au bien public de la Typo- .
graphie, en tout ce qui dépendit de nous , pendant
peu de séjour que nous fimes dans cette Ville
à la fin de Septembre de l'année derniere.
le
Nous descendîmes ensuite à Villeneuve , ou nous
trouvâmes une petite Ecole de Typographie , qui
auroit pu subsister plus long temps , si M M. les
Bourgeois avoient pu retenir la personne que M. de
Duret , Maître des Ports , avoit fait venir exprès de
Paris pour M.son fils , ou que le charitable Magistrat
cût resté plus long -temps dans le Pays. Nous eûmes
aussi le plaisir de voir une Ecole nombreuse à Avignon
, formée à l'exemple de celle de Villeneuve
mais la vente de la maison donna ensuite lieu au
Maître de transporter son Ecole à Bonieux , dans le
Comtat , et il ne resta à Avignon qu'une jeune Maîtresse,
ayant le Bureau Typographique chés elle .
Arrivés à Montpellier le 4. Octobre , nous visitâmes
les quatre Ecoles de l'Hôpital Géneral , &
nous trouvâmes M M les Intendans , Recteurs &
Sy-dics de cette Maison , pleins de zele pour l'établissement
de la nouvelle Méthode , de sorte que ,
malgré la rigueur d'un hyver très- rude , & diverses
maladies contraires aux soins qu'exige une semblable
entreprise , nous eûmes la satisfaction de voir
commencer & continuer avec succès les exercices
du Bureau dans la Manufacture des grands garçons,
en conséquence de la Délibération de M M. les Administrateurs
, du premier Décembre 1737. au raport
de M. de Massilian de Massureau , Trésorier
de France & Intendant de semaine .
Le Bureau Typographique de cette Salle est double
& adossé , surmonté d'un double pupitre à plusieurs
lignes pour les grands Enfans; les deux tables
peuvent servir aux petits déja un peu avancés ; l'un
E de
2402 MERCURE DE FRANCE
de ces Bureaux est garni de gros Caracteres de Livres
, & l'autre de grand Caractere imitant le Manuscrit.
La Machine , au milieu de la Salle éclairée
des fenêtres de chaque côté , sert de Livre à droit
& à gauche aux Enfans des doubles gradins , qui
tricotent , & qui sont curieux de voir & de lire la
nouvelle composition . Le Maître de cette Ecole
chargé de l'instruction de près de deux cent Enfans
, s'est trouvé fort soulagé en suivant la nouvelle
Méthode , il a formé des Enfans Décurions
qui sont autant de souss--.Maîtres, comme on le pra
tique à l'Hôpital de la Pitié à Paris, & à l'Ecole de
P'Enfant Jesus .
'
>
A mesure que nous donnions nos soins à l'Ecole
de cette Manufacture , nous entreprîmes aussi l'Ecole
des petits garçons & celle des petites filles,pour
répondre au zele & à l'empressement des Soeurs &
des Gouvernantes qui sont chargées d'instruire les
Enfans de quatre à sept ans , & ce fut dans ces
deux Ecoles que le Public admira le plus la supériorité
de la nouvelle Méthode sur la Méthode vulgaire,
car les Enfans y mettent moins de temps pour
aprendre à lire , qu'ils n'en mettoient auparavant
pour n'aprendre que la mauvaise , la fausse ou la
captieuse dénomination des Lettres . Il y a lieu d'es
perer que cet Etablissement ira toujours de mieux
en mieux , malgré la mort de M. Colbert , qui
avoit fait esperer une petite fondation pour
l'encouragement des Maîtres & pour l'entretien de
Pattirail Typographique . Quand l'Hôpital n'auroit
pas été l'héritier de ce Prélat , il n'auroit pas laissé
de pourvoir à ce nouvel établissement , goûté &
aprouvé par M. de Charency , digne Successeur ,
aimant beaucoup les pauvres ; ce Prélat a été temoin
oculaire des progrès de toutes les Classes du Bureau
Typographique dans les quatre Salles ou quatre
NOVEMBRE. 1738. 2403
tre Ecoles de l'Hôpital Géneral de son nouveau
Diocèse.
Comme l'éducation des filles est fort négligée
dans le monde le plus riche , il n'est pas extraordiraire
qu'elle le soit encore plus dans un Hôpital ,
c'est pourquoi nous laissâmes à son triste sort l'Ecole
ou la Manufacture des grandes filles , mais le
fruit des autres Ecoles excita de plus en plus le zele
de la Soeur qui préside à cette Manufacture , & à
force de solliciter M M. les Administrateurs , cette
Soeur obtint la permission d'introduire chés elle un
Bureau semblable à celui de la Manufacture des garçons
; il s'agissoit de le garnir à la veille de notre
départ , plusieurs Soeurs l'entreprirent en veillant
bien des nuits pour avancer l'ouvrage , nous fimes
tous un effort pour mettre cette Manufacture au niveau
de la Manufacture des garçons , & l'on peut
dire qu'à proportion du temps & des soins , cette
derniere Ecole , piquée d'émulation & penetrée de
reconnoissance , fit de plus grands progrès avec
moins de secours. Je puis même ajoûter à la louange
du Sexe tant négligé , que l'Ecole des petites filles
l'emporta d'abord de beaucoup sur celle des petits
garçons , quoique les uns & les autres eussent
des Cartons élémentaires , la tringle en pupitre à
plusieurs lignes , & le Bureau de quatre rangs.
Pendant que tout cela se passoit hors de la Ville
à l'Hôpital Géneral , pour lequel nous avions entrepris
le voyage , nous ne laissâmes pas de faire
des conquêtes dans la Ville. Nous eûmes le bonheur
de trouver chés les Dames Noires , une Supérieure
& des Soeurs , ayant toute l'intelligence & toute la
docilité nécessaires, pour aprendre & professer hardiment
la nouvelle dénomination dans leurs Ecoles
Royales , & les exercices du Bureau Typographique
dans la Classe des Pensionaires , en commençant
E ij рас
2404 MERCURE DE FRANCE '
par les plus grandes & les plus sçavantes , pour les
mettre plutôt en état de montrer aux autres ; le
succès étonnant de la lecture , de l'ortographe &
de la Grammaire Françoise , a démontré à ces Dames
la vérité de ce que nous avions osé leur enseigneur
& leur prédirė.
Il faut convenir cependant qu'il y a bien des hazards
& des circonstances qui portent les hommes
à faire plutôt ou plus tard usage de leurs lumieres ,
sans quoi le préjugé & la coûtume les tyrannisent
& les laissent en géneral dans l'indifference , même
à l'égard des choses où il seroit de leur honneur &
de leur véritable interêt d'en prendre quelque connoissance.
Le Bureau Typographique faisoit déja
trop de bruit à l'Hôpital General pour rester plus
long- temps inconnu dans la fameuse Communauté
des Pensionaires des Dames de Sainte Colombe
ou de Mlle Cassagne . D'abord les Soeurs
avec quelques Pensionaires allerent à l'Hôpital Géral
& ne rougirent point de travailler avec les petits
Enfans ; touchés de leur modestie , de leur humilité
& de leurs talens pédagogiques, nous ne pûmes leur
refuser une partie de nos soins , quoiqu'à la veille
de notre départ ; ces Dames se mirent d'abord au
fait de l'Imprimerie , garnirent leur Bureau ellesmêmes
, & quoique des dernieres à aprendre cette
Méthode , elles se mirent bien- tôt des premieres
pour les progrès . Plusieurs Pensionaires furent dans
peu en état d'enseigner les autres , & le Public va
actuellement admirer dans cette Maison une petite
fille de trois ans , dont le plus grand plaisir est de
travailler à la table du Bureau Typographique , &
la plus grande pénitence d'en être éloignée . Il en
est de-même à la Maison de la Pitié , où les Enfans
quitteroient volontiers le boire & le manger pour
availler au Bureau Typographique. Ce point seul
fair
NOVEMBRE. 1738. 2405
fait bien voir la difference & l'esprit des deux Méthodes
.
Sçachant par experience qu'il vaut mieux s'attacher
aux Ecoles publiques & permanentes , qu'à de
simples Maisons particulieres inconstantes , indifferentes
& passageres , nous nous prétâmes aussi à
l'établissement de quatre Ecoles de Typographie ,
sçavoir , deux pour les garçons & deux pour les filles.
Comme ce ne sont - là que des Bureaux de quatre
rangs , nous eûmes sur la fin le plaisir de voir
venir deux Curés de la Campagne , se mettre au fait
de cette Méthode pour les exercices du Bureau de
six rangs & pour le Dictionaire de la Typographie;
nous visitâmes ces Curés & les trouvâmes très-zelés
& très -instruits pour l'éducation des Pensionaires
qui ont le bonheur de leur être confiés.
J'aprends depuis mon retour , que la Typogra-.
phie prend de nouvelles forces à Montpellier , &
que l'Hôpital Géneral est en état de fournir des
Enfans qui puissent aller montrer en Ville les premiers
élemens de la Typographie & les exercices
du Bureau de quatre rangs , non - seulement à des
Enfans , mais encore aux Maîtres & aux Maîtresses
de la Méthode vulgaire , qui voudront suivre la
nouvelle . J'ajoûterai même, que le meilleur moyen
de rendre durable ce nouvel établissement dans les
Hôpitaux , c'est d'y former beaucoup de Maîtres ,
capables d'être utilement répandus à la Ville & à
la Campagne.
En attendant la suite de cette Relation , j'ai
l'honneur d'être , &c.
Les mots de l'Enigme & des Logogryphes
du Mercure d'Octobre sont , Le Temps,
Epingle , Volupté , Scrupule , et Castrum
E iij On
2406 MERCURE DE FRANCE.
On trouve dans le premier Logogryphe }
Nil , Elie , Liége , Ligne , Peigne , Gien
Linge , Pie , Saint Lin , Nege , Lien , Epi
ne. Dans le second , Pou , Vol , Loupe
Loup , Louve , Poule , Poulet , Voute , Pole ,
Po , Pot , Volet ; dans le troisième , Vulpes ,
Lupus , Cervus , ou Lepus ; et dans le quatriéme
on trouve, Astrum, Marcus , Turma,
Arcus Ramus et Mas.
ENIGM E.
ON remarque dans moi plus d'un bizarre effet
Je marche lentement, lorsque ma panse est vuide ;
Quand j'ai le ventre plein , mon pas est plus rapide.
Quelquefois on me perche au haut d'un long piquet .
Et quelquefois sur ma tête
Ce long piquet est planté ;
Mais loin que dans ma course un tel fardeau m'arrête
,
Il accroît ma legereté.
Tantôt l'on me voit isolée ;
Tantôt par des liens divers
Je suis avec mes soeurs fortement enchaînée
Mais plus on nous charge de fers ,
Plus nous acquerons de vitesse.
Enfin quoique souvent j'inspire l'allegresse ,
Mes
NOVEMBRE. 1738. 2407
Mes habits sont d'une couleur •
Qui ne convient qu'à là douleur.
A. X. Harduin , d'Arras.
********** ***********
LOGOGRYPHE ENIGMATIQUE,
J E suis Créature chétive ,
Dont les Humains font peu
J'ai cependant une prérogative ,
Que bien d'autres n'ont pas ,
de cas ;
C'est qu'un Amant heureux, au fort de sa tendresse,
De mon nom tous les jours apelle sa Maîtresse .
Pour me trouver , Lecteur , il faut de grands efforts .
Je suis dans ma premiere enfance ,
A le
Et toutefois l'Auteur de ma naissance`
corps de moitié plus petit que mon corps ;
Au reste quoiqu'il soit mon pere véritable ,
Presque aucun de ses traits à mes traits n'est semblable
;
Ce n'est pas encor tout , Lecteur , voici le fin ;
Je vais te présenter enfin
Un inconcevable mystere ;
En moi sont renfermés & mon frere & ma mere.
Par le même.
E uij
LO
2408 MERCURE DE FRANCE
LOGOGRYPHE tiré d'un Manuscris
des Poësies de Guillaume Machaut , Nº.
7612. de la Bibliotheque du Roy , F. 95.
ET se sçavoir voulez sans doubte ,
Qui a fait cette Rime toute ,
C'est chose legiete et si plainne ,
Que la savez à pou de painne ,
S'un petit vous voulez esbattre
"
En XVIII. II. IX. IIIL
+
XL. X. & IX . II.
Mais qu'ils soient parti en deux,
Et en XIII. VII. XVIII.
XIX. IIII. III. & VIII.
Sans faire nul adjoustement >
Par ce verrez tout clerement ,
Se cilz est Clers ou Damoyseaux ,
Que fit dit des III. Oyseaux.
LOGOGRYP HE tiré d'un Manuscrit
des Poësies de divers Auteurs , N°. 7689 .
de la Bibliotheque du Roy , F. 93. à la fin
d'une Piéce intitulée le Pin Maître Jehan
Chastel.
Q
Ui par Lettres d'assembler & reprendre ,
Savoit IX. V. de XIII . à point prendre
Six X, & de XV I. & de X. doubles vint >
>
NOVEMBRE. 1738. 2409
Il trouveroit à celle à qui me convint ,
Des quinse ans a par amours lige rendre ,
Par ce dictié le pourroit- il emprendre ,
Et le beau nom y connoistre & aprendre,
De la Belle dont ce doux mal me vint.
LOGOGRYPHE.
HArdiesse d'abord me fait ce que je suis ;
Avec certain esprit & malice peu noire ;
Ainsi borné , je plais , je réjouis ;
Il en est cependant d'un méchant répertoire ,
Qui d'emporter la piéce ont la mauvaise gloire .
Quoiqu'on me traite de malin ,
Très-souvent je ne suis que drôle ;
Il est même assés de mon rôle
De faire un peu le patelin.
D'un tel original , chose assés singuliere ,
C'est
que l'on trouve en moi la maison de priere ;
Et dans les mêmes traits ce qui passe au Moulin ,
Pour de notre aliment devenir la matiere.
Cherchez & combinez ; de plaintive maniere
Un Amant dans des Vers accuse le destin
De ce qu'il ne rend pas sa Maîtresse moins fiere,
De même se rencontre un Prophete fameux
Par tous ses faits miraculeux.
Un de moins , femme malheureuse
Mais dont l'histoire est fabuleuse.
E v It
2410 MERCURE DE FRANCE
Il s'agit de huit pieds , dont cinq bien assortis ,
Vous fournissent le nom du Mari de Thetys .
Au trois qui commençoit , substituez le six ,
C'est le signal de la froidure ,
Il faut dire , adieu la verdure ;
Et dans un autre sens , moyennant quelque coût ,
Je suis moins froide , & flate votre goût .
Item , une embuscade , où le mauvais génie
Peut faire trébucher & réduire aux abois.
Changez mon chef, sur moi l'on fait valoir les Loix ;
J'environne , je porte , & l'on me sanctifie .
Changez- le encor ; nom de Ville & de Bois ;
Nombre pareil ; Promontoire d'Asie ,
Sur les bords duquel autrefois
On vit grand nombre de Gregeois
Faire perdre & laisser la vie.
Ils employoienr certain Outil
Que je produis , réduit à quatre ,
Et qui n'est rien moins que gentil ,
Dès-lorsqu'il s'agit de se battre.
Sans diminuer , je contiens
Prince & Mer des Athéniens
Fameux dans la Mythologie
Un Saint de la même Patrie
Sur ses freres reclus ayant autorité.
Plus , une Ville d'Italie ;
Un Prophete , au nom respecté ,
Que
NOVEMBRE. 1738: 2411
•
Que bien des gens croyent en vie ;
Un terrain qui n'est visité
Qu'en traversant l'eau qui le fortifie.
Je suis , de quatre encor , souvent sans propreté ,
Un sujet , dont l'écorce ou le poil est ôté ;
Des présens de Cerés le nourricier fidele ,
Est de mes Elemens , à n'en prendre que trois ;
Une longueur; un membre; un Oiseau , dont la voix
Jamais certainement ne passera pour belle.
Je suis encor un Roy parmi les fleurs ,
Et l'excrément de beaucoup de Liqueurs ;
Enfin , je contiens ce qui donne
Le goût aux mets qu'il assaisonne.
J. Chevrier , Organ, à Chem. E. A.
LOGOGRYPHUS.
P Rosum autumnali , brumali tempore prosum ;
Prosum Estivali , Vernali tempore prosum ;
Attamen utilior brumali tempore , Lector. }
In tribus his qque meformant , vis quarerè nomen ?
Me totam certò reperire valebis apertè ;
Primò , ex antiquis , Divini Numinis uxor
Apparet : quod sape trahunt ex ubere matris
Infantes , quod tandem homines fermè induit omnes.
Idem .
E vj
NOU.
2412 MERCURE DE FRANCE
NOUVELLES LITTERAIRES
H
DES BEAUX ART S.
ISTOIRE de la Succession aux Duchés
de Cleves , Berg , & Juliers ; aux
Comtés de la Mark , & de Ravensberg , &
aux Seigneuries de Ravestein & de Winnendal
; tirée des Preuves autentiques , produites
par les Hauts Concurrens. Par M. Rousset,
Membre des Académies des Sciences de
Petersbourg & de Berlin. 2. vol. in - 12 . le
premier de 386. pages , le second de 295.
AAmsterdam , chés J. Wetstein, & G. Smith,
se trouve à Paris , chés Cavelier , Libraire,
ruë S. Jacques , au Lys d'or
SERMONS ET HOMELIES sur les Mysteres
'de N. S. , de la Sainte Vierge , & sur d'autres
Sujets , par M. Jerôme de Paris , Grand-
Vicaire & Official de Nevers , Tome premier
, contenant les Mysteres de N. S. , à
Paris , chés Didot , Quai des Augustins , à
la Bible d'or , & Nyon , fils , sur le même
Quai , à l'Occasion , 1738 .
LETTRE de M. de la Mettrie , Docteur er
Médecine , à M. Astruc , Médecin Consultant
NOVEMBRE. 1738. 2415
tant du Roy , & Professeur en Médecine au
College Royal de France. A Rennes , chés la
Veuve de P. A. Garnier , Imprimeur - Libraire
, Place du Palais , à la Bible d'or. 1737.
Brochure in- 12 . de 141. pages.
LES PSEAUMES PARAPHRASE's , suivant le
Sens Littéral & le Sens Prophétique ; par un
Prêtre Solitaire. A Paris , chés Grégoire
Dupuis , ruë S. Jacques , à la Couronne d'or;
Charles Osmont , à l'Olivier ; Louis Dupuis ,
à la Fontaine d'or. 1738. Trois volumes in-
12. le premier Tome de 588. pages , le second
de 484. & le troisiéme de 566.
Le Recueil complet des Oeuvres de M.
l'Abbé Nadal , en trois volumes in- 12 . paroîtra
incessamment chés Briasson , Libraire,
ruë S. Jacques , à la Science. On trouvera
dans le premier volume quelques Dissertations
sur les Vestales , sur le Luxe des Dames.
Romaines , sur les Voeux & les Offrandes
des Anciens , & c. Le second contiendra un
Recueil de diverses Poësies , échapées à
l'Auteur en differens temps , avec des Observations
sur la Tragédie ancienne & modernes
, & des Dissertations sur le progrès du
Génie Poëtique dans Racine. Le troisiéme
renfermera les Tragédies de M. l'Abbé
Nadal
CONVER
#414 MERCURE DE FRANCE
CONVERSATIONS sur plusieurs Sujets de
Morale , propres à former les jeunes Demoi→
selles à la Pieté , Ouvrage utile à toutes les
Personnes qui sont chargées de leur Education
; nouvelle Edition , revûë , corrigée , &
augmentée. Vol. in - 12 . Prix , 2. liv. A Paris
, chés Ganeau , Libraire , rue S. Jacques.
3.
LA BEQUILLE , petite Comédie d'un Acte
en Vaudevilles représentée à l'Opera Comique
le 15. Septembre 1737. petite Brochure
de 52. pages . A la Haye , chés Neaul
me. 1738.
LETTRES EDIFIANTES & Curieuses , écri
tes des Missions Etrangeres , par quelques
Missionaires de la Compagnie de Jesus .
XXIII. Recueil , à Paris , chés Nicolas le
Clerc , ruë de la Bouclerie , près le Pont Saint
Michel ; & chés P. G. le Mercier , an Livre
d'or , rue S. Jacques , 1738. in- 12 . de $ 19 .
pages , sans la Table & la Préface.
HISTOIRE DES REVOLUTIONS DE
FRANCE , où l'on voit comment cette Monarchie
s'est formée , & les divers changemens
qui y sont arrivés par raport à som
étendue & à son Gouvernement. On y a
joint des Remarques Critiques , & les Fastes
des Rois de France , depuis Clovis jusqu'à
la
NOVEMBRE. 1738. 2419
la mort de Louis XIV. Par M. de la Hode ;
4. vol. in- 12 . Le premier Tome depuis Clovis
jusqu'à Louis le Fainéant ; le second , depuis
Hugues Capet jusqu'à Louis XIV. Le
troisiéme contenant les Fastes depuis Clovis
jusqu'à la mort de François I. Le quatrième
contenant les Fastes depuis Henri II. jusqu'à
la mort de Louis XIV. A la Haye , chés
Pierre Gosse , & Adrien Moetjens , 1738 .
Nous croyons que ce Livre doit être lû
avec précaution , & que la meilleure qu'on
puisse prendre , est de lire l'Extrait , fait de
main de Maître , qu'on trouve dans le mois
d'Octobre du Journal de Trévoux, p . 2039 .
COURS D'ARCHITECTURE , qui comprend
les Ordres de Vignole avec des Commentaires
, les Figures & les Descriptions de ses
plus beaux Bâtimens , & de ceux de Michel-
Ange , des Instructions & des Préceptes , &
plusieurs nouveaux Desseins concernant la
Distribution & la Décoration , la Matiere
& la Construction des Edifices , la Maçonnerie
, la Charpenterie , la Couverture , la
Serrurerie , la Menuiserie , le Jardinage , &
généralement tout ce qui regarde l'Art de
bâtir. Par le Sr C. A. d'Aviler , Architecte .
Nouvelle Edition , enrichie de nouvelles
Planches revûë & augmentée de plusieurs
Desseins , conformes à l'Usage pré-
›
sent
2413 MERCURE DE FRANCE
sent , & d'un grand nombre de Remarques ".
A Paris , chés Jean Mariette , ruë S. Jac
ques , aux Colonnes d'Hercule , 1738. Vol.
in-4° . grand Papier de 408. pages , sans les
Tables & les Préfaces.
NOUVEAUX AMUSEMENS DU COEUR ET
DE L'ESPRIT. Septiéme Brochure, in- 12 . d'environ
150. pages , se vend à Paris , chés
Bienvenu , Quai des Augustins. Le Prix est
de vingt-quatre sols .
י
On auroit pu objecter à l'Auteur de ces
Amusemens, que la sixième Partie n'étoit pas
assés variée. Il paroît que son attention a
été grande cette fois-ci , pour éviter la critique.
Dans un Ouvrage de pur agrément ,
il est bien embarassant de ne pas s'écarter
quelquefois d'un plan difficile à remplir à la
fettre. D'ailleurs le goût de l'Auteur domine
toujours , & , suivant son attrait , il fait
entrer dans son Recueil les matieres conformes
à son inclination . Ce qui fait qu'on a
de temps en temps dans celui- ci des morceaux
de Littérature , qui ne nous paroissent
pas , après tout déplacés. L'Esprit humain
n'est il pas capable de se délasser par la lecture
de Piéces sçavantes , autant que par
celles qui sont purement agréables ? Il ne
s'agit que de tomber dans les mains d'un
Lecteur disposé favorablement. Mais on n'a
qu'à
NOVEMBRE . 1738. 2417
qu'à donner du bon , de l'excellent , on est
toujours sûr d'être lu. Eh ! qu'importe que
le Titre des Amusemens en souffre un peu ,
pourvu qu'on mérite d'être aplaudi ? On n'ignore
pas qu'il n'y a presque point de Livres
qui ayent leur vrai Titre ; & à chaque Ouvrage
détaché , il en faudroit un propre.
Quel embarras !
Le Discours sur la vanité des Grandeurs
humaines , est écrit d'un style léger & mâle
tout à la fois. On en va juger par ce que
l'Orateur dit sur la vanité des Sciences en
particulier. Voici ses tèrmes.
La Science qui semble donner tant d'étendue
& de richesses à l'Esprit , n'est propre
qu'à en faire connoître les bornes étroites &
Textréme pauvreté. Car à quoi se réduisent ces
connoissances tant vantées ? A un assemblage
informe de vains sons & de mots le plus souvent
vuides de sens : à un amas confus d'erreurs
de désordres , defolies & de vices , qui composent
le riche tissu des opinions & des actions
de chaque siécle : à un très -petit nombre d'idées
claires qui se saisissent avec beaucoup de
peine , qui échapent avec plus de facilité , &
qui ne découvrent que fort imparfaitement des
vérités très-minces & très- stériles.
Les nouvelles découvertes ajoûtées aux an
ciennes , n'ont fait que donner naissance à de
nouveaux doutes , & multiplier les disputes.
Les
2418 MERCURE DE FRANCE
Les ressorts de la Nature sont- ils beaucoup
plus connus ? Les perfections incompréhensibles
de son Auteur sont- elles plus dévelopées ? Les
profondeurs respectables de son Etre , & Les
mystérieuses ténèbres qui nous cachent le nôtre
ne nous font -elles pas éprouver , que ce qu'il y
a de plus petit comme ce qu'il y a de plus grand,
est également hors de notre portée ? Mais quand
ces lumieres seroient plus grandes , sont-elles à
nous ? Des idées claires , universelles , éterneltes
, firent- elles jamais partie d'un esprit de
quelques années , resserré dans la plus étroite
sphere , & enfeveli dans la plus profonde igno
rance de lui-même ? De la foiblesse des lumiesuit
la bassesse des sentimens , &c.
›
On trouve parmi les Poësies un beau Sonnet
de M. de Morand au Maréchal de Villars
lorsqu'il partit pour l'Italie en 1733. Le
Voici.
VILLARS , tes grands Exploits qui sauverent la
France
Dans les siècles futurs t'immortaliseront ;
La Paix fut le doux fruit de ta haute prudence :
Mais de nouveaux honneurs doivent orner ton
front.
Ta Patrie & ton Roy , l'Espagne & le Piedmont
Sur toi seul aujourd'hui fondent leur esperance ;
Arme ton bras vainqueur,cours venger leur affront ;
L'AlleNOVEMBRE
. 1938. 2419
L'Allemand pourra- t-il soûtenir ta présence
Les grands coeurs en tout temps conservent leur
valeur :
L'âge respecte en eux leur premiere vigueur ;
s'affranchir des loix de la Nature . Ils
sçavent
Semblables aux Lauriers que leur main doit cueillir,
Qui des ans , des saisons , ne craignent point l'injure
,
Les Héros ont le droit de ne jamais vieillir.
Le troisiéme Entretien d'Ariste & d'Eu
doxe sur la Géométrie naturelle , est dans le
goût des deux premiers. L'Esprit Philosophique
en est l'ame , & il y regne beaucoup
de vérité. Tout y paroît reflechi méthodiquement.
Un petit Roman intitulé , Les Noms suposés,
remplira l'attente de ceux qui ne veulent que
s'amuser.
L'Elegie de M. Deniset à une Maîtresse qui
s'est faite Religieuse , est bien faite . Elle
fera plaisir à ceux qui aprendront qu'elle est
d'un jeune & célebreAvocat de Paris, aveugle
presque dès sa naissance, ( à deux mois ) qui
malgré les obstacles de la Nature , a réunî
les plus rares talens , & est avoué comme un
homme d'un grand mérite par les Démosthenes
& Cicerons de Rome & d'Athenes
modernes,
Finis
1420 MERCURE DE FRANCE
Finissons cet Extrait par un souhait singu
lier , fait par M. d'Arnaud , pour une Dame
qui avoit perdu deux maris dans l'espace de
deux ans.
Etrennes pour l'année 1738.
En l'an sept cent trente- huitiéme
Quels voeux puis - je former pour vous?
En l'an sept cent trente -sixième
Vous perdites , Cloris , votre premier Epoux.
En l'an sept cent trente- septiéme
Votre second Mari n'eut pas un sort plus doux :
Je vous en souhaite un troisiéme.
Puissiez-vous les enterrer tous
En l'an sept cent trente -neuviéme !
RECUEIL de plusieurs Piéces de Poësie &
d'Eloquence , présentées à l'Académie des
Jeux Floraux l'année 1738. avec les Discours
prononcés dans les Assemblées publiques
de l'Académie , à Toulouse , un Vol
in- 12 . chés le Camus , de 224. pages.
L'Académie des Jeux Floraux a fait , selon
sa coûtume , la Distribution des Prix le 3 .
Mai dernier. M. de la Touloubre , Substitut
de M. le Procureur Général du Parlement
d'Aix , & Professeur Royal en l'Université
de la même Ville , est Auteur de l'Ode qui
a pour titre , l'IMAGINATION , & qui a remporté
le premier Prix. Le
NOVEMBRE 1738 2421′
Le P. Theodore Lombard , Professeur de
Réthorique au College des Jésuites de Toulouse
, est Auteur du Poëme qui a pour
titre , Momus , lequel a remporté le Prix de
ce genre. Le même P. est Auteur du Discours
, comme aussi de l'Idille allégorique ,
& de l'Elégie qui a pour titre , LES COMBATS
INTERIEURS DE S. AUGUSTIN AVANT SA
CONVERSION , qui ont été couronnés. Le
même Auteur remporta le Prix du Poëme
dans cette Académie en l'année 1736 .
M. Seguin du Lieu d'Eguilles , près d'Aix
en Provence , est Auteur de l'Elégie , qui a
pour titre , LES PLAINTES D'HYPERMNESTRE
, qui a remporté un des Prix réservés,de
ce genre.
L'Académie avertit que le Sujet du Discours
, sera pour l'année prochaine 1739 .
RIEN N'EST SI GLORIEUX QUE DE PARDONNER
.
Elle distribue tous les ans quatre Prix ou
Fleurs. Le premier de ces Prix destiné à une
Ode , est une Amaranthe d'or de la valeur de
400. liv.
Le second , une Violette d'argent , de la
valeur de 250. liv. Ce Prix est destiné à un
Poëme de 60. Vers , au moins , & de 100 .
Vers , au plus. Le Sujet en doit être Héroïque
, ou dans le genre noble.
Le troisiéme Prix , est une Eglantine d'argent,
2422 MERCURE DE FRANCE
gent , de la valeur de 250. liv. lequel est des
tiné à une Piéce de Prose , d'un quart d'heure
, ou d'une petite demi-heure de lecture.
Le quatrième , un Souci d'argent , de la
valeur de 200. liv. Il est destiné à une Elegie
, à une Idille , ou à une Eglogue . Ces
trois genres d'Ouvrages concourent ensemble
pour le même Prix.
L'Académie a réservé deux Prix d'Ode ,
deux Prix de Poëme , & un Prix de Discours
, qui avoient déja été réservés les années
précédentes ; ensorte qu'elle aura à distribuer
l'année prochaine 1739. trois Prix
d'Ode , trois Prix de Poëme , deux Prix de
Discours , & un Prix d'Eglogue.
Le Sujet de tous les Ouvrages de Poësie est
au choix des Auteurs , mais les Poëmes , les
Idilles , les Eglogues , & les Elégies , doivent
être en Vers Alexandrins , ou à rimes
plattes.
Les Ouvrages qui ne sont que des Imitations
, ou des Traductions , ceux qui ont
parû dans le Public , ceux qui traitent de
Sujets donnés par d'autres Académies , ceux
qui ont quelque chose de Burlesque , de Satyrique
, de contraire aux bonnes moeurs
ceux dont les Auteurs se font connoître
, avant le Jugement , & pour lesquels ils
sollicitent , ou font solliciter , n'entreront
pas dans le Concours pour les Prix.
Les
NOVEMBRE. 1738. 2423
Les Auteurs qui traitent des Matieres
Théologiques , doivent faire mettre , au bas
de leurs Ouvrages , l'Aprobation de deux
Docteurs en Théologie.
On fera remettre dans tout le mois de
Janvier de l'année 1739. par des Personnes
domiciliées à Toulouse , trois Copies bien
lisibles de chaque Ouvrage, qui sera désigné
seulement par une Devise ou Sentence. M. le
Secretaire en écrira la Reception dans son
Registre, avec le nom, la qualité, ou profes
sion , & la demeure des personnes qui les
lui auront remis , lesquels signeront son Re..
gistre , & il leur en expédiera le Récepissé.
On ne doit pas envoyer les Ouvrages en
droiture par la Poste à M. le Secretaire , cette
voye exposant les Auteurs à des surprises ,
&mettant l'Académie hors d'état de prendre
les sûretés convenables , pour leur faire remettre
les Prix , si leurs Ouvrages en sont
trouvés dignes.
Ceux qui auront remporté des Prix, seront
obligés , s'ils sont à Toulouse , de venir les
recevoir eux-mêmes , l'après midi du troisiéme
jour du mois de Mai en l'Assemblée publique
de la Distribution des Prix , qui se
fait dans le grand Consistoire de l'Hôtel de
Ville . S'ils sont hors de portée de venir les
recevoir eux-mêmes , ils doivent envoyer.
une
2424 MERCURE DE FRANCE
une Procuration en bonne forme à une Personne
domiciliée à Toulouse , pour les recevoir
du Secretaire , en lui remettant la Procuration
des Auteurs , & les Récepissés des
Ouvrages.
On ne peut remporter que trois fois chacun
des Prix que l'Académie distribuë. Les
Auteurs qu'on reconnoîtra en avoir obtenu
un plus grand nombre , en sont exclus , de
même que ceux qu'on découvrira en avoir
remporté sous des noms suposés .
Après que les Auteurs se seront fait connoître
, on leur donnera des Attestations
portant qu'un tel , une telle année , pour un
tel Ouvrage par lui composé , a remporté un
tel Prix , & l'Ouvrage en original sèra attaché
à cette Attestation , sous le Contre- scel
des Jeux.
,
Enfin , ceux qui auront remporté trois
Prix , l'un desquels sera l'Amaranthe , qui
est le Prix destiné à l'Ode , pourront obtenir
des Lettres de Maître des Jeux Floraux &
ils seront du Corps des Jeux , avec droit
d'assister & d'opiner , comme Juges , aux
Assemblées particulieres & publiques , qui se
font pour le Jugement des Ouvrages , &
pour la Distribution des Prix.
Après ces Avis , suivent les Piéces tant en
Vers qu'en Prose , qui composent le Recueil,
à commencer par l'Ode qui a remporté le
Prix
NOVEMBRE. 1738. 2425
Prix de ce genre , laquelle a pour titre ,
l'IMAGINATION . Ces Piéces sont suivies de
quatre Discours prononcés en differens jours
dans les Assemblées publiques de l'Académie.
Nos bornes ne nous permettent pas
d'entrer là-dessus dans aucun détail , nous
contentant de reconnoître que les Piéces
couronnées ont un mérite particulier , & que
tout ce qui forme ce Recueil , est digne de
l'impression. Nous avons lû surtout , avec
une satisfaction particuliere , l'Eloge de l'Illustre
CLEMENCE ISAURE , Auteur & Restauratrice
des Jeux Floraux , prononcé par
par M. DUCLOS , Avocat , l'un des Quarante
de la même Académie. Qu'il nous soit permis
de nous arrêter un moment sur un si
beau Sujet , & si noblement traité .
» Plus la France se voyoit plongée dans les
" ténebres de l'ignorance , dit d'abord l'Ora-
» teur , plus nous devons aplaudir à cette
» Fille illustre , qui travailla si utilement à
» bannir la barbarie qui regnoit sur toute la
» face de la Terre , à cette Ame privilégiée ,
» qui , soûtenuë de la seule force de son gé-
» nie , sçut s'élever au- dessus du préjugé vul-
» gaire , brusquer même le mauvais goût de
» son siècle pour la gloire de l'Humanité en
" général , & pour le bonheur particulier de
» cette Province .
» Connoissons donc ce que nous avions
F ›› été
2426 MERCURE DE FRANCE
été , ce que nous étions pour lors , & ce
» que nous fûmes depuis ; parcourons ces
differentes Epoques de notre Histoire Lit
» teraire , pour mieux sentir le prix du bien
» que nous avons reçû. A une foible lucur,
» nous verrons succeder de beaux jours , l'é
» clat du Soleil effacer les rayons de l'Aurore
: nous le verrons ensuite se plonger
» lui-même dans la nuit la plus obscure , &
»reparoître enfin à la voix de Clémence
»pour ne souffrir desormais que de courtes
Eclipses.
L'Auteur dévelopant ensuite ces vérités ,
parle des Bardes , premiers Poëtes connus
dans le Pays , qui firent , dit-il , goûter aux
anciens Gaulois les charmes de la Poësie ;
mais les productions des uns & des autres
n'avoient encore rien que de grossier , on
s'en aperçut par la refléxion , ce qui produisit
enfin l'indifference , ou le mépris.
Il nous fait aussi remarquer que ces pre
miers Sçavans ne sacrifioient aux Muses que
dans le fond des Forêts , qu'ils envelopoient
Icurs Leçons sous le mystere des Emblêmes,
& qu'ils se faisoient une Loy de ne rien
transmettre à la Posterité ; Sçavoir , on peut
le dire , presque aussi fatal que l'ignorance.
» Le vrai Sçavoir aime à se communiquer,
Tels furent ces Illustres Navigateurs , qui
sortis
NOVEMBRE. 1738. 2429
,
* sortis de la Phocée , fixerent si heureuse-
» ment pour nous leur Habitation sur cette
" Côte. L'éclat de la réputation suivit bientôt
un si précieux avantage. La Républi-
" que Romaine cette fiere Maîtresse du
»Monde , se fit honneur d'une alliance aussi
»flateuse ; & ces Fondateurs de l'Antique
"Marseille , que Rome apella bien-tôt sa
»Soeur , n'usant de leur Grandeur que pour
»le bonheur de leurs voisins , nous firent,
"peu après , partager avec eux la gloire des
plus belles connoissances.
" Que l'accroissement de ce Peuple nouveau
fût profitable à cette Province ! Par
eux,nous aprimes à préferer la Science utile
»de cultiver nos champs , à la Science funeste
» de détruire les hommes , la pratique tran-
" quille des beaux Arts , à l'occupation tu-
>>multueuse de la Chasse , le soin de former
l'esprit & le coeur , à celui d'endurcir le
corps par des exercices pénibles.
Pourrions-nous rapeller sans transport cette
heureuse révolution ? Et Marseille Moderne
n'a-t-elle pas un droit acquis sur
"notre reconnoissance , pour tous les biens
>> que nous devons à ses premiers Citoyens ? ...
" Nous nous acquittons en quelque sorte, par
" le plaisir que nous cause la renaissance des
"Arts dans cette Ville fameuse. Des Hom
"mes illustres par leurs Ecrits, des Hommes
Fij
dong
2428 MERCURE
DE FRANCE
., dont le front est couronné du double Lau
»rier d'Apollon , y forment une Societé
» Litteraire , qui dès son Printemps , produit
également des fleurs & des fruits : quelle
"joye pour nous , qui nous interessons si
» vivement à sa gloire !
ور
» C'est à leurs Ayeux Académiques que les
Habitans de la Narbonnoise dûrent la gloi-
" re de passer pour le Peuple de toute cette
"Contrée,le plus éclairé, & le plus civilifé, &c .
Il faudroit copier le Discours entier pour
ne rien omettre de beau , de pathetique` , de
précieux , dans cet Eloge de la célebre CLEMENCE
: C'est à notre Marseille Académique
de répondre à l'eloquente Politesse de l'Orateur
Toulousain : nous osons répondre de
sa reconnoissance. En finissant, profitons de
Poccasion des triomphes multipliés , & si
bien mérités du R.P. Lombard, pour assûrer
aussi que Marseille ne manquera pas d'y prendre
part , pour avoir , en qualité de Poëte
Latin du premier ordre , si dignement traité
le sujet de ses dernieres calamités. Des Connoisseurs
nous ont en effet assûrés , que son
Poëme sur la Peste de Marseille , est un
chef-d'oeuvre : par quelle fatalité ne nous eftil
pas encore parvenu? Nous prenons la liberté
de le demander nous-mêmes à son Au
teur , pour en faire un bon usage en faveur
de Public. Les bons Ouvrages ne vieillissent
1
point
NOVEMBRE. 1738. 2429
point , & il est toujours temps d'en parler.
BIBLIOTHECA Bibliothecarum Manuscrip
torum nova , ubi qua in innumeris penè Manuscriptorum
Bibliothecis continentur ad quodvis
Litteratura genus spectantia & notatu digna
describuntur & indicantur. Autore R. P. D.
Bernardo de Montfaucon Benedictino Congregationis
S. Mauri. Parisiis apud Briasson.
Deux Vol. in-fol.
Cette immense Collection est dédiée à
M. le Cardinal de Fleury , sous le Ministere
duquel la Bibliotheque du Roy à été augmen
tée depuis sept ou huit ans de plus de dix
mille Manuscrits, par l'achat qui a été fait de
ceux de la Bibliotheque de M. Colbert, & de
ceux de S.Martial de Limoges. D. Bernard de
Montfaucon , cet infatigable Sçavant , dont
les Recherches infinies procurent au Public
cette Collection de Catalogues , en a beaucoup
ramassé dans l'Italie. Il a eu communication
de celui de la Bibliotheque du Grand
Duc de Toscane outre ceux du Vatican ,
dans lesquels sont compris les Manuscrits de
la Reine Christine de Suede , qui venoient
en partie des débris de plusieurs Bibliotheques
de France. Ces deux Bibliotheques ,
celle de Florence , de S. Marc de Venise , &
la Bibliotheque Ambrosienne de Milan , remplissent
la meilleure partie du premier Tome,
Fij L'Au-
>
1430 MERCURE DE FRANCE
L'Auteur y a joint quelques Extraits du Ca
talogue de la Bibliotheque Imperiale par
Lambecius ; le Catalogue de celle de M. le
Baron de Crassier de Liége, de celle de Bâle .
Quant à l'Espagne , ce Volume contient le
Catalogue des Manuscrits Royaux de l'Escurial
: & pour ce qui est de l'Angleterre
comme les Sçavans de cette Isle ont fourni
un ample Volume , qui renferme le Catalogue
de ses Manuscrits , Dom Bernard s'est
contenté d'en faire seulement quelques Extraits
.
Le second Volume est plus interessant
pour la France. Il y avoit long-temps que
les Personnes curieuses d'aprofondir l'Antiquité,
se plaignoient que l'on n'eût pas encore
imité les Anglois , qui ont fourni au
Public le Catalogue très - détaillé de tous leurs
Manuscrits , & de ce qui est contenu dans
chacun , & de ce qu'aucun n'avoit le courage
d'en faire autant pour la France , que
Sanderus en a fait pour les Pays-Bas. Un de
nos Amis nous pria d'inserer dans notre
Journal une Lettre qu'il avoit dréssée , touchant
ce Projet de Catalogue général des
Manuscrits du Royaume , & sur l'utilité qui
en reviendroit à la Litterature. Cette Lettre
se trouve dans le Mercure du mois de Juin
1725.pag.1148.Les Sçavans doivent être fort
contens de voir leurs desirs accomplis. Le
second
NOVEMBRE. 1738. 2431
second Volume du Pere de Montfaucon
contient d'abord un Catalogue de l'ancien
fond de la Bibliotheque du Roy , qui va jusqu'à
environ onze mille Volumes. Le second
Catalogue est celui de la Bibliotheque Colbert
, rétinie à celle du Roy ; puis ceux que
M. l'Abbé Sevin a aportés d'Orient ; & enfin
ceux de S. Martial de Limoges. On oublioit
de dire que ceux de M. Baluze réunis à la
même Bibliotheque , se trouvent à la page
1302.
La Bibliotheque de S. Germain des Prés ,
tient le second rang dans ce Volume. Dom
Bernard fait remarquer qu'il n'y en a point
qui en ait tant & de si considerables en Lettres
unciales , & il en nomme quelques- uns
des plus remarquables,comme sont un Pseautier
du sixième siècle , ou environ ; un Saint
Cyprien de ce temps là ou environ ; le
Pseautier dit de Saint Germain en lettres
d'or , sur un fond pourpré ; un Evangile de
S. Mathieu , de même espece. Les Manuscrits
de M. de Coislin , Evêque de Metz ,
qui viennent de M. Seguier , Chancelier de
France , ceux de M. Renaudot , sont joints à
cette fameuse Bibliotheque.
,
Les Catalogues de Manuscrits qui suivent,
sont ceux du Monastere de Morbac , au Diocése
de Bâle , de S. Mihel , au Diocèse de
Verdun ; quelques Extraits de ceux de quel
Fiiij ques
2432 MERCURE DE FRANCÉ
ques autres Maisons Religieuses de Loraine
Celui de M.de Peiresc . Celui de S.Vincent de
Besançon,deS. Vandrille, & des fragmens d'autres
de Rouen & de Soissons . Celui de l'Abaye
de Selincourt , au Diocèse d'Amiens ,
de la Trinité de Vendôme , de Jumieges , de
S. Vincent du Mans , de S. Serge d'Angers ,
de S. Aubin de la même Ville , de S. Sulpice
de Bourges , de S. Thierry proche Rheims ,
de S. Ouen de Rouen , de S. Guillaume du
Desert , de S. Pierre de la Rcole , & de
Caunes en Languedoc ; de Fécamp , de Saint
Pierre de Chartres , de Tiron , de S. Martin
de Séez , du Bec , de Lyre , de S. Pierre de
* Couture au Mans , de S. Allyre de Clermont
, de Preaux , au Diocese de Lisieux ,
de S. Evroul. Un peu plus loin sont ceux de
S. Benigne de Dijon , un Extrait de ceux de
S. Remi de Rheims , avec un Suplément ,
page 1335. du Mont S.Michel , & de Corbie.
Le reste du Volume contient des Catalogues
de Manuscrits de Bibliotheques d'Eglises
Cathedrales & Collegiales , ou de Chanoines
Réguliers ; Maisons de Chartreux ,
de Cisterciens , Dominiquains , &c . Le plus
remarquable parmi ceux des Cathédrales ,
est celui de l'Eglise de Tours , qui paroît
anterieur à celui que les Chanoines firent
imprimer en 1706. On voit un peu après
celui de la Cathédrale de Beauvais , de celle
de
NOVEMBRE . 1738. 2438
'de Laon , de Carcassone , de Bayeux , de Li
sieux , d'Evreux , de Metz , de S. Martin de
Tours. Parmi les Catalogues des Maisons de
l'Ordre de Citeaux , l'un des plus détaillés
est celui deVauclair proche Laon : on trouve
un peu après , celui de Savigni en Avranchin
, de Foucarmont , de Vauluisant , de
Clairvaux. Nous ne pouvons entrer dans le
détail des autres , de crainte d'être trop
longs. Dom Bernard a aussi inseré parmi ces
Catalogues ceux du Cardinal Mazarin , ceux
de M. le Conseiller Ranchin , de M. le Président
de Mesme. Les Catalogues qui terminent
ce second Volume , sont celui des
Manuscrits du Roy de Sardaigne , & celui
des Peres de l'Oratoire de la rue S. Honoré .
,
Tant de trésors cachés sous les indications
de ces Volumes innombrables , exigeoient
un répertoire exact. Il y en un à la
fin du second Volume ; mais celui qui est à
la tête du premier , paroît devoir être plus
utilé , parce qu'il est beaucoup plus étendu.
Cette Table seule contient trois cent
cinquante colonnes d'un caractere très - menu.
Si c'est un Auteur dont on souhaite consulter
les Manuscrits , on les trouvera tous indiqués
à la Bibliotheque où ils sont conservés
: De même si c'est sur une Ville , sur une
Famille illustre , sur un Prince , sur un Seigneur.
Les matieres aussi les plus curieuses
Fv
2434 MERCURE DE FRANCE
y sont indiquées , lorsque le titre de quefque
Livre , ou le détail de quelques Chartes
ont fourni l'occasion d'en dire un mot dans
le
corps de l'Ouvrage. Dom Bernard ne s'est
pas contenté en effet de donner des Catalogues
de Manuscrits , il y a des Ouvrages &
des morceaux entiers , qui du manuscrit sont
passés dans ces deux Volumes. Tel est , par
exemple, l'Extrait qu'il donne à la page 132.
du premier Volume du Martyrologe & du
Nécrologe de Notre- Dame de Gualdo
Diocèse de Benevent.
>
au
Le II.Tome est plus fourni de ces morceaux
interessans tirés des Manuscrits . On y trouve,
par exemple,à la p.940 . laCopie d'un Registre
des anciens Fiefs du Roy , où sont sur tout
ceux de la Normandie. Si tous les Cartulaires
y étoient détaillés , comme l'est celui de
Barbeaux sur Seine , au Diocèse de Sens , it
y auroit dequoi satisfaire bien des Lecteurs.
Ce Cartulaire commence à la page 964. Le
Terrier de l'Evêché de Nevers , qui est à la
page 983 : est encore un morceau curieux.
Ceux qui s'apliquent au Blason , doivent goûter
l'Extrait du MS. Colbert, 4763. Les Personnes
qui étudient ce qui regarde nos Monnoyes
, seront contentes du Manuscrit de
S. Germain des Prés , qui est raporté en entier
à la page 1143. Il n'y a pas moins à
fiter pour les Curieux en fait de matieres de
pro-
Disci
NOVEMBRE. 1738. 2435
Discipline Ecclesiastique , dans les Statuts
d'Augier de Montfaucon Evêque de Conserans
, au XIII. Siècle , qui sont raportés à
la page 1157. Les Extraits qui suivent du
Martyrologe & du Nécrologe de S. Benigne
de Dijon , seront utiles aux Historiens de
France .
Il n'y a pas jusqu'aux Personnes qui s'apli
quent aux Origines de notre Langue , qui no
trouvent à profiter dans ce Volume ; par
exemple , dans l'Epitre de S. Bernard sur le
gouvernement du Temporel , adressée à un
Seigneur , laquelle commence ainsi , page
1384. Au gracieus & bienheureis enfortune&
richesce Raymond Chevalier Sires don Chasteil
Amboise Bernard Demenes ou temps de Ville+
ce , Salut. L'Auteur avertir que cette Version
est de S. Bernard même , & qu'il la tient de
Dom Calmer , Abbé de Senone , qui l'a
transcrite d'un Manuscrit de son Abbaye.
Enfin , pour ne rien omettre du contenu
de ce second Volume , le Lecteur remar-
2
quera après la Table un Suplément
qui
contient trois Classes de Manuscrits
ajoûtés
à la Bibliotheque
du Roy. La premiere est
de ceux de M. le Président de Mesme . La seconde
, est des Manuscrits
& Recueils que
M. Morel de Thoisy , Lieutenant
Général à
Troyes a donnés en 1725. à la Bibliotheque
du Roy. La troisième , est de ceux de M.
Fvi
Late2436,
MERCURE DE FRANCE
Lancelot , qui contient un grand nombre de
Manuscrits Historiques , dont plusieurs sont
fort rares & singuliers.
{
SUITE DES ANECDOTES DE LA COUR DE
PHILIPE AUGUSTE . Par Mlle de Lussan
Tomes IV. V. & VI. de plus de mille pages ;
les trois Volumes in - 12 . très - bien imprimés,
chés la Veuve Pissot , au bout du Pont Neuf,
Quai de Conti , 1738.
$
Nous ne perdons pas un moment pour
annoncer cet Ouvrage , que le Public attend
avec une extrême impatience, L'aplaudissement
universel qu'ont eu les trois premiers
Volumes, nous répond que ceux-ci ne seront
pas reçus moins favorablement : nous osons
même prédire un succès encore plus grand
sur le peu que nous avons vû de cet Ouvrage,
auffi solide , que plein d'agrémens .
On mande de Rome , que le Cardinal, Quirini
a mis au jour le fecond Tome des Ouvrages de
Saint Ephrem. Il se propose de faire ajoûter de
nouveaux ornemens à la Bibliotheque du Vatican.
On aprend de Londres , que la Belle Edition des
Avantures de Don Quichotte , en 4. vol. in 4. enrichie
d'un grand nombre de Figures en tailledouce
fort bien gravées , paroît depuis quelque
temps ; & qu'on a mis à la tête de cette Edition
une Vie de Michel Cervantes : ( Vida y Hechos
del ingenioso Hidalgo Dom Quichotte de la Manche,)
qui
NOVEMBRE. 1738. 2437
qui contient plusieurs particularités de la Vie & des
Ouvrages de cet Auteur.
Jean Catuffe à Amsterdam , a sous presse les Mémoires
de Mathieu Marquis d'Anmy, natif de la Ville
de Turin près de Rome , ci-devant Général Major &
Sur Intendant des Mines de S.A. S. Charles Landgrave
de Hesse- Cassel , & ensuite Sur- Intendant
Général des Frontieres de l'Abbruze , enrichis d'un
grand nombre d'Observations & de Recherches
très- curieuses sur la Chymie. Le travail des Mines
& Mineraux , l'Architecture , l'Hydraulique , & sur
les choses les plus remarquables qui se trouvent en
France , en Espagne, en Portugal , en Hongrie , en
Allemagne , &c . écrits par lui-même , in- 8.
REPONSE à l'Avis au sujet des Cadrans Solaires
qui se trouve dans le Mercure de France , Septem
bre 1738. Page 2009.
les
On est surpris que l'Auteur de cet Avis , faffe
parler les Horlogers contre, la Construction & l'u →
sage des Cadrans Solaires qui sont à Paris. Ce n'est
ni pour les mépriser , ni par ignorance , ni en véritépour
en imposer au Public , qu'ils préferent
Lignes Méridiennes à ces Cadrans & en même
temps l'Heure de Midi aux autres Heures que les
Cadrans marquent. Mais il faut avoir auffi peu
d'experience qu'en a l'Auteur de cet Avis , pour
donner la même précifion aux Cadrans Solaires ,
qu'aux Lignes Méridiennes. Non seulement on
voit qu'il ignore l'effet de la Penombre sur ces Cadrans
mais qu'il ne connoît pas celui de la Parallaxe
& des Réfractions Aftronomiques , ce qui fait
que les Aftronomes même préferent l'Heure de
Midi aux autres Heures du jour . Il paroît que cett
Auteur , s'il eft Horloger , comme il voudroit l'insinuer
2
2438 MERCURE DE FRANCE
sinuer , bien éloigné d'en avoir la capacité , n'en #
tout au plus que le nom . S'il connoiffoit les Sciences
néceffaires à l'Art de l'Horlogerie, il sçauroit que la
Gnomonique , ou l'Art de tracer les Cadrans Solaires
, eit une de celles qui ne doivent pas être inconnues
aux bons Horlogers : & il ne devroit pas
même ignorer , qu'il y en a qui ont donné des
productions de leur Génie sur cette Science , qui
sont aprouvées des Sçavans .
L
OUVERTURE du College Royal.
Es Profeffeurs du College Royal de France ;
Fondé à
fondé à Paris par le Roy François I. le Pere &
le Reſtaurateur des Lettres ; reprirent leurs Exercie
ces , interrompus par les Vacances ordinaires , le
Lundi 17. Novembre . Voici les noms des Sçavans
qui rempliffent aujourd'hui les Chaires de ce fameux
College , sous l'Inspection de M. Lancelot ,
de l'Académie Royale des Inscriptions & Belles
Lettres , Censeur Royal.
Pour la Langue Hébraïque ,
Mrs Sallier & Henry.
Pour la Langue Grecque ,
Mrs Caperonier & Vatry.
Pour les Mathematiques ,
Mrs de Cury & Privat de Molicres.
Pour la Philosophie ,
Mrs Terraffon & Privat de Molieres.
Pour l'Eloquence Latine ,
Mrs Rollin & Souchay.
Pour la Médecine , la Chirurgie , la Pharma
cie , & la Botanique.
Mrs Andry, Burette , Aftruc , & Du Bois,
Pour
NOVEMBRE. 1738. 2439
Pour la Langue Arabe ,
Mrs de Fiennes , Secretaire- Interprete du Roy ,
pour les Langues Orientales , & Fourmont. Le
premier expliquera un Manuscrit Arabe de la Bibliotheque
du Roy , rare , & extrémement curieux ,
sçavoir , l'Hiftoire des Califes & des Sultans , qui
ont regné en Egypte , depuis le Calife Omar , jus
qu'à Othman II . Sultan des Turcs .
Pour le Droit Canon
Mrs Capon & Lemerre.
Pour la Langue Syriaque.
Mr l'Abbé Fourmont.
L'Académie Royale des Belles- Lettres , Sciences
& Arts de Bordeaux , propose à tous les Sçavans de
PEurope , un Prix fondé à perpetuité par feu M. le
Duc de la Force. C'eſt une Médaille d'or de la valeur
de 300. liv.
On en doit diftribuer deux le 25. Août 1739. Un
de ces Prix eft deftiné au meilleur Ouvrage sur la
Question , Si l'air de la respiration passe dans le
Sang; & l'autre à celui qui expliquera avec le plus
de probabilité , la Cause de la chaleur de la froi
deur des Eaux Minerales.
Les Differtations ne seront reçues pour le Con
cours , que jusqu'au premier du mois de May pro ←
chain. Elles peuvent être en François ou en Latin
on demande qu'elles soient écrites en caracteres
bien lisibles.
97
Dans le nombre des Differtations qui ont été
envoyées , Sur la Cause de la Fertilité des Terres
un des deux Sujets proposés pour cette année , il
s'en eft trouvé plusieurs qu : ont mérité des Eloges,,
mais on n'a pu leur adjuger le Prix , par le défaut
des Experiences & des Observations absolument
néceffaires à l'explication d'une matiere de cette
especes
440 MERCURE DE FRANCE
espece. Ce qui a déterminé l'Académie à proposer
de nouveau le même Sujet pour l'année 1740. Les
Auteurs pourront renvoyer leurs mêmes Ouvrages,
enrichis de toutes les Expériences & Obfervations
qu'ils pourront y ajoûter.
Il y aura un autre Prix à diſtribuer la même année
1740. Il eſt deſtiné à celui qui donnera le Systême
le plus probable Sur l'Origine des Fontaines et
Rivieres .
Au bas des Differtations il y aura une Sentence
& l'Auteur mettra dans un Billet séparé & cacheté
la même Sentence , avec fon nom , son adreffe &
ses qualités , d'une façon qui ne puiffe pas former
d'équivoque .
Les Paquets seront affranchis de port , & adressés
à M. Sarrau , Sécrétaire de l'Académie , ruë de
Gourgues ; ou à M. Brun , Imprimeur , Aggregé
de l'Académie , rue S. James.
Le Prix de cette année Sur la Cause de l'Opacité
de la Diaphanéité des Corps , a été remporté par
le R. P. Antoine Cavalery , de la Compagnie de
JESUS , à Toulouse .
On trouvera chés M. Brun , le Recueil de toutes
les Differtations de ceux qui ont remporté le Prix
depuis l'Etabliffement de l'Académie , en 5. Vol.
in- 12 . On les vend toutes ensemble ou séparément
; & pour la commodité des Sçavans , on a
inseré à la fin de celle du P. Cavalery un Catalogue
de toutes celles qui ont mérité le Prix depuis
P'Etabliffe ment de l'Académie.
Le 12. Novembre , l'Académie Royale des Scien
ces tin son Affemblée publique , à laquelle M.
d'Argenson présida.
M. Cassini ouvrit la Séance par la lecture d'un
Mémoire d'Aftronomie , contenant les Observations
NOVEMBRE. 1738. 244
frons qu'il a faites sur plusieurs Etoiles fixes , & la
comparaison de ses Obfervations , avec celles qui
ont été faites par d'autres Aftronomes . Il réfulte
de ce Mémoire , que les Etoiles fixes obfervées , ont
un mouvement particulier.
M. de Reaumur lut enfuite un Extrait du quatriéme
Tome de fón Hiftoire des Infectes , qui est
fur le point de paroître , avec une partie de ce
qui sera contenu dans les Volumes qui doivent
fuivre.
M. Lémery lut un Discours dans lequel il prouve
, que tous les Monftres , dont l'Hiftoire Anatomique
conferve la mémoire , n'ont point été deſtinés
par l'Auteur de la Nature à être Monftres , &
qu'ils ne font devenus tels que par la jonction de
deux oeufs , dans le ventre de la mere , dans le temps
de leur formation.
M. du Fay finit la Séance par la lecture d'un
Mémoire d'Optique , dans lequel il dit , qu'ayant
répeté plufieurs fois toutes les Experiences faites
sur la lumiere , & les couleurs , qui font raportées
dans l'excellent Livre de M. Newton fur cette matiere
, il a cru ne devoir admettre dans la lumiere
da Soleil que trois couleurs primitives , au lieu que
M. Newton en établit fept ; M. du Fay croit que
les quatre autres couleurs fe forment par le mélange
des trois premieres ; & il raporte dans ce
Mémoire , beaucoup d'Experiences qu'il a faites , &
qui tendent à établir ce fentiment .
Nous donnerons des Analyses de tous ces Mé
moires.
L'Académie Royale des Inscriptions & Belles-
Lettres reprit ses Exercites le Vendredi 14. de ce
mois , par une Assemblée publique , suivant la coû
tume , à laquelle M. l'Abbé de Rothelin présida.
442 MERCURE DE FRANCE
lut en-
La Séance fut ouverte par l'Eloge de M. de la Barre,
Académicien , décedé au mois de May dernier . Il
fut prononcé par M. de Boze , Secretaire perpétuel.
M Melot , Succeffeur de M. de la Barre ,
suite une Dissertation sur l'Endroit de l'Histoire
Romaine de Tite - Live , qui regarde la Prise de
Rome par les Gaulois , & la Défaite de ceux - ci
par le Dictateur Camille.
.M. PAbbé Gedouin , lut la Vie d'Epaminondas ,
Géneral des Thébains , 400. ans avant l'Ere Chrétienne
, qu'il a composée pour remplacer celle que
Plutarque avoit écrite , & qui ne se trouve plus par
mi ses Ouvrages. Les Connoiffeurs louerent l'heu
reux talent de l'Académicien a imiter le Style & la
Narration de l'Historien Grec , & c.
Le reste de la Séance fut employé à entendre
une autre Differtation de M. l'Abbé du Resnel ,
lue par M. l'Abbé Sallier , contenant des Recherches
singulieres sur la Vie de Timon le Misantrope.
On avoit distribué dès le commencement de
PAffemblée un Programme de l'Académie , dont
M. le Sécretaire fit la lecture , & dont nous ajoû→
terons ici la teneur.
L'Académie Royale des Inscriptions & Belles-
Lettres , a été obligée de remettre le Prix qu'elle
devoit distribuer à Pâques dernier, parce qu'aucune
des Piéces présentées ne le méritoit.
Elle avoit donné pour Sujet , quelles étoient les
Loix de l'Ifle de Créte , si Lycurgue en fit usage dans
selles qu'il donna à Lacédémone , et quel raport il y a
entre ces Loix. Les Auteurs qui ont concouru , se
sont contentés de recueillir d'après des compilations
déja faites, ce qui nous reste des Loix de Î'Iſle
de Créte & de celles de Lacédémone , au lieu de
aiter le point effentiel , qui consistoit à examiner
si Lycurgue tira des Loix de Créte celles qu'il donna
NOVEMBRE . 1738. 2443
à Lacedemone, & s'il y a un tel raport entre ces Loix,
qu'il faille nécefairement suposer que les unes ont servi
de Modele aux autres.
Ainsi l'Académie redonne le même Sujet , dont
la connoiffance est utile ; & comme par cette remise
il y aura à Pâques 1740. deux Prix à distribuer
au lieu d'un , l'Académie donne en mêmetemps
pour Sujet du second Prix l'Etat des Sciences
en France depuis la mort du Roy Robert jusqu'à celle
de Philipe le Bel.
Chacun de ces deux Prix sera une Médaille d'or ,
de la valeur de quatre cent livres.
Toutes personnes , de quelque Pays & condition
qu'elles soient , excepté celles qui composent l'Académie
, seront admises à concourir pour ce Prix ,
& leurs Ouvrages pourront être écrits en François
ou en Latin , à leur choix . Il faudra seulement les
borner à une heure de lecture au plus .
Les Auteurs mettront simplement une Devise à
leurs Ouvrages ; mais pour se faire connoître , ils
y joindront , dans un papier cacheté , & écrit de
leur propre main , leurs nom , demeure & qualités,
& ce papier ne sera ouvert qu'après l'adjudication
du Prix .
Les Piéces , affranchies de tous ports , seront re
mises entre les mains du Sécretaire de l'Académie
avant le premier Décembre 1739.
M. Malouin , Docteur- Régent en Médecine de
la Faculté de Paris , prononça le 16. de ce mois
dans les Ecoles de Médecine , avec beaucoup de
succès , un Discours puolic , dont le Sujet avoit été
annoncé en ces termes par un Programme : Experientiam
in Medicina sine ratione fallacem esse C'étoit
le Prélude d'un Cours de Médecine , dont il
s'est chargé , & qu'il commença dès le lendemain.
Nous
444 MERCURE DE FRANCE
Nous avons parlé plus d'une fois de M. Maloüin ,
à l'occasion sur tout de ses Leçons & Expériences
de Chymie , par raport à la Médecine , & au bien
public , qui est toujours le principal objet de ce
Médecin.
L'Académie Royale des Belles - Lettres de la Ville
de Marseille , tint , selon la coûtume , une Affemblée
publique le 25. Août dernier, jour de S. Louis,
pour la distribution du Prix fondé par le Maréchal
Duc de Villars , Protecteur de cette Académie . M.
l'Abbé de Crose , de l'Abbaye de S.Victor de la même
Ville , présida en qualité de Chancelier , en l'absence
du Directeur , et ouvrit la Séance par un Discours
digne du Sujet , & qui fut fort aplaudi. Il
parla sur la nécessité , le fruit & l'utilité des Affemblées
publiques , &c . & parla avec beaucoup de
dignité , d'éloquence & de solidité .
Ce Discours fut suivi de la lecture de l'Ouvrage
qui a remporté le Prix . M. du Lard , lût ensuite un
Poëme , qui a pour titre Apollon Législateur. M. le
Chevalier Dargent , lût le tribut dont il avoit été
chargé , pour l'Académie Françoise ; M. de la Visclede
, l'Eloge de M. le Marquis des Pennes, Chef
d'Escadre des Galeres de France ; & I. de Robinot
termina la Séance par une Fable de sa composition.
Mrs de Maraldi & Cassini , de l'Académie Roya
le des Sciences , envoyés par le Roy , pour faire des
Observations Astronomiques , étant venus à cette
Affemblée , l'Académie les pria de prendre place
parmi ses Membres.
Nous avons depuis reçû le Recueil des Piéces d'Eloquence
, présentées à cette Académie , pour le
Prix de l'année 1738. avec l'Eloge Historique de
de M. le Marquis des Pennes , Académicien , mort
pendant le cours de cette même année , imprimé à
Marseille , chés Pierre Bois , &c.
Ún
NOVEMBRE . 1738. 2445
Un petit Avertissement , qui est à la tête de cette
Brochure , porte ce qui suit.
L'ACADEMIE a adjugé , selon l'usage , le 25,
Août , Fête de S. Louis , le Prix fondé par M. le
Maréchal Duc de Villars , son Fondateur, à un Dis
cours en Prose , sur le Sujet qu'elle avoit proposé ,
dont l'Auteur est M. DE CORIO, Professeur de Re
thorique au College de l'Oratoire à Marseille .
Elle avertit le Public que le 25. Août , Fête de
S. Louis , de l'année prochaine 1739. elle adjugera
le Prix à une Piéce de Poësie de cent Vers au plus ,
& de 80. au moins, qui sera une Ode ou un Poëme
à Rimes plattes , dont le Sujet sera L'AGRICULTURE.
> Ce Prix sera une Médaille d'or , de la valeur de
300. livres , portant d'un côté les Armes de M. le
Maréchal Duc de Villars , & au revers , la Devise
de l'Académie.
On adressera les Ouvrages , selon la coûtume ,
à M. de Chalamont de la Visclede , Sécretaire pérpetuel
de l'Académie des Belles Lettres de Marseille
, rue de l'Evêché à Marseille . On affranchira
les Paquets , sans quoi ils ne seront point retirés ;
ils ne seront reçûs que jusqu'au premier May prochain
inclusivement. Les Auteurs ne mettront
point leurs noms , mais une Sentence , tirée de
Î'Ecriture Sainte , des Peres de l'Eglise , ou des Auteurs
Prophanes ; ils marqueront à M. le Sécretaire
une adreffe à laquelle il envoyera son Récepiscé.
S'ils souhaitent que leurs noms soient imprimés
à la tête de leurs Ouvrages , ils doivent les envoyer
avec leurs Titres & Qualités , à une Personne domiciliée
à Marseille , laquelle les remettra à M. le
Sécretaire le 25. Juillet , non plutôt ni plus tard.
On prie les Auteurs de prendre les mesures né
cessaires pour n'être point connus avant la décicision
de l'Académie , de ne point signer les Lettres
qu'ils
2446 MERCURE DE FRANCE
qu'ils pourront écrire à M. le Sécretaire , de ne
point leur présenter eux-mêmes leurs Ouvrages, en
feignant de n'en être pas les Auteurs , ni se faire
connoître à lui ou à quelque autre Académicien , &
on les avertit , que s'ils sont connus par leurfaute ,
leurs Ouvrages seront exclus du concours , aussibien
que tous ceux en faveur des queis on aura sollicité
, & tous ceux qui contiendront quelque chose
de trop libre.
L'Auteur qui aura remporté le Prix viendra lẹ
recevoir dans la Salle de l'Académie le 25. Août ,
jour de la Séance publique , destinée à l'adjuger, s'il
est à Marseille , & s'il est absent , il envoyera à une
Personne domicilée à Marseille le Récepiscé de M.
le Sécretaire , moyennant lequel le Prix sera remis
à cette Personne.
Le College Royal DE BOURBON, établi à
Palerme pour PEducation de la jeune Noblesse ,
sous la direction des P P. Théatins , donna le 11.
Juillet dernier , une très-belle Fête , à l'occasion du
Mariage du Roy des deux Siciles .
Le grand & celebre Théatre de ce College étoit
orné des plus riches Tapifleries , entremêlées de
quantité de Miroirs & d'un grand nombre de Bougies
, ce qui faisoit un très - beau coup d'oeil . On
y
voyoit aussi en perspective un magnifique Jardin
avec un Fleuve , le tout orné de plus de 500. Flambeaux
de cire. Les Nobles Pensionaires de ce College
séciterent,sur le Théatre en présence duViceroy & de
quantité de Seigneurs & Dames , plusieurs Piéces Latines
& Italiennes , composées par les plus sçavans
d'entre eux, Il y eut ensuite une fort belle Symphonie
de voix & d'Instrumens , & la Fête fut terminée
par des Danses , executées par les mêmes
Pensionaires .
NOVEMBRE. 1738 . 2447
des jeu-
Ce College , dans lequel on n'admet que
nes Gens de la premiere Nobleffe , a fait un progrès
considerable depuis dix ans qu'il est établi.Les
Pensionaires y sont non-seulement instruits dans la
Religion & les bonnes moeurs , mais on leur enseigne
aussi les Sciences , & les Exercices convenables à la
Noblesse . Il y a pour cet effet des Maîtres dans tous
les Arts & Sciences , desorte que ce College est l'un
des plus beaux & mieux reglés qu'il y ait en Europe.
Lors de sa fondation , on le nomma le College
Impérial , parce qu'il étoit sous la Protection immédiate
de l'Empereur ; mais depuis l'avenement
du Roy au Trône des deux Siciles , on le nomme le
College Royal DE BOURBON , S. M. ayant bien
voulu , par une Patente particuliere , l'honorer de
sa Protection Royale.
On aprend de Lisbonne , que l'Académie Roya
le de l'Histoire , tint le 3. Septembre dernier , son
Affemblée ordinaire au Palais. Plusieurs des Académiciens
rendirent compte de leurs Ouvrages
; Y
Don Louis César de Menezes , Fils aîné du Comte
de Sabugoza, & Don Martin Gavila , nouvellement
élus Membres de cette Académie , y prononcerent
chacun avec beaucoup d'éloquence , un Discours
de remerciment. L'Académie nomma en mêmetemps
Don Philipe -Joseph de Gama , Académicien
surnuméraire , & chargea Don Louis César , du
soin d'expliquer les Endroits les plus douteux de
P'Histoire , & Don Mariano , de celui d'écrire les
Mémoires de l'Evêché de Portalegre.
Le sieur Marc- Antoine EI DO US , ci - devant Ingénieur
des Armées du Roy d'Espagne , donne avis
qu'il se dispose à faire part au Public des connois-
Sances qu'il a acquises dans les Mathématiques , le
Génie
2448 MERCURE DE FRANCE
Génie , le Dessein , &c. & d'y former en très-peu
de temps ceux qui lui donneront leur confiance. Sa
demeure est rue Géoffroi-Lasnier , Quartier saint
Antoine , à la Clef d'argent .
Le Sr Fortin , Ingénieur , donne avis qu'on trou
we chés lui plusieurs Piéces de Fortifications en relief
, ainsi que d'Architecture civile , c'est lui qui
a eu l'honneur de présenter à Monseigneur le
le Dauphin le Plan d'un Front de Fortification ,
avec le Projet d'attaque , qui a été executé à l'Ecole
de Mars ruë de Tournon ; l'Exagone qu'on
voit au même endroit , est de lui . Il leve aussi les
Plans des Maisons de Campagne & les fait en relief,
quand on le souhaite . Sa demeure est dans le Cloître
de S. Nicolas du Louvre , au Bâtiment neuf.
›
ESTAMPES, NOUVELLES.
La trente-troisiéme Estampe , gravée par J. Moyreau
, chés lequel elle se vend , rue Galande , visà-
vis S. Blaise , paroît depuis peu , parfaitement
rendue dans le goût de Ph. Wouvermans , d'après
un Tableau de ce fameux Peintre , qui est dans le
Cabinet de S. Al . S. Victor Amedée de Savoye ,
Prince de Carignan , de la même grandeur de l'Estampe
, qui a 18. pouces de large , sur 14. de haut,
sous le titre de Petite Foire aux Chevaux.
La Suite des Portraits des Grands Hommes et
des Personnes Illustres , continue de paroître avec
succès , chés Odieuvre, Marchand d'Estampes, Quai
de l'Ecole ; il vient de metre en vente , toujours
de la même grandeur :
ARMAND-JEAN DU PLESSIS , Cardinal
Duc DE RICHELIEU, né à Paris le 5. Septembre
NOVEMBRE. 1738. 2449
tembre 1585. mort le 4. Décembre 1642. dessiné
par Nanteuil , & gravé par D. Sornique.
JEAN- BAPTISTE -JOSEPH LANGUET DE GERGY
Docteur de Sorbonne , Curé de S. Sulpice , né à
Dijon , peint par Chevalier , & gravé par Petit .
Nous croitions manquer à ce que nous devons
apx Beaux- Arts & au Public , si nous négligions de
célébrer un grand Ouvrage de Sculpture en Marbre
blanc , destiné pour la Cathédrale de Beauvais.
C'est le Mausolée du Cardinal de Janson , commencé
par feu M. Coustou , l'aîné , Chancelier &
Recteur de l'Académie Royale de Peinture & Sculp
ture , achevé & posé par les soins de son illustre
Frere, ancien Directeu , & Recteur de la même Académie
, aussi recommandable par ses moeurs , que
par la supériorité de ses talens .
La Figure de ce Cardinal est à genoux , de
grandeur naturelle , posée sur un piédestal qui se
termine en consolle , dans le milieu duquel il y a
une Inscription Latine . Le tout a 10. pieds & demi
de hauteur , sur 7. pieds & demi de largeur.
On écrit de Londres , qu'on a découvert près de
Peusance , dans le Duché de Cornouailles, une Mine
d'argent, & que chaque tonneau du Métal qu'on
en tire , produit so . Marcs d'argent fin .
********
A I R.
E Ntre Cypris & la Bouteille
Je veux partager mon destin ,
Tantôt à l'ombre de la Treille ,
G Et
2450 MERCURE DE FRANCE
Et tantôt aux genoux de l'aimable Catin ;
De l'Amour en ce jour goûtons les charmes,
Silene , rendons les Armes ,
Et que Bacchus avec l'Amour
Regnent dans mon coeur tour
à tour.
! ! !!
SPECTACLES.
EXTRAIT de la Comédie de l'Ecole du
Temps , de la composition de M. Pesselier,
représentée par les Comédiens Italiens le
11. Septembre.
ACTEURS.
Le Temps
La Vérité
,
le Sr Deshayes,
la Dlle Silvia.
,
Dorante , homme inutile , le S. Riccoboni .
Rosette , jeune fille ,
Damon , Impatient ,
la Dlle Thomassin.
le Sr Deshayes .
Le Baron , Gascon
Le Poëte ,
Arlequin.
U
le Sr Riccoboni,
le Sr Romagnesį ,
La Scene est chés Thalie.
N petit Apologue tient lieu de Prologue
à cette Piece ; voici comment on
s'y est pris pour disposer le Parterre en sa
faveur,
NOVEMBRE. 1738. 245
faveur . L'Actrice qui doit réciter la Fable en
question , affecte au fond du Théatre , de
parler à l'Auteur , qu'on supose y être , et
demander qu'on mette un Prologue à la tête
de sa Piéce. L'Actrice lui dit :
Eh ! non , Monsieur , point de Prologue ;
Ils sont , pour la plupart , si rebatus , si vieux
Des Complimenteurs ennuyeux
Voulez-vous , dites moi , grossir le Catalogue ?
Quel travers !
pas
L'Actrice s'avance sur le bord du Théatre;
elle fait entendre au Public que l'on n'a
voulu l'ennuyer par un Prologue , et qu'elle
aime mieux l'amuser par une Fable qui lui
paroît propre au Sujet dont il s'agit. La Fable
est intitulée l'Oranger et son Maître. Ce
Maître , peu raisonnable, à peine a fait planter
un Oranger, qu'il en exige des fruits ; l'Oranger
s'excuse sur son âge qui ne peut encore
donner que des fleurs. Voici comment
s'exprime :
Ton impatience m'étonne.
De Flore les dons éclatans
Ne devancent - ils pas les faveurs de Pomone ?
A peine suis-je à mon Printemps ,
Et déja tu voudrois voir naître mon Automne.
Gij C'est
2452 MERCURE DE FRANCE
C'est être un peu trop vif ; attends , mon cher ,
attends ;
Et je te donnerai des fleurs avec le temps , &c.
De là l'Actrice prend occasion de demander
grace pour la jeunesse de l'Auteur , & finit
son Apologue par ces Vers adressés au
Public :
Protegez sa Muse au berceau ;
Son talent sera votre ouvrage.
C'est un jeune Oranger , c'est un foible Arbrisseau,
A qui les Aquilons vont déclarer la guerre ;
L'abandonnerez vous ? Ce seroit fait de lui ;
Mais s'il prend racine au Parterre ,
Il pourra quelque jour mériter votre apui .
Quoique laPiéce n'eût pas besoin de cette espece
de Préface, pour disposer favorablement
le Public , les voeux de l'Actrice qui a récité
l'Apologue de l'Oranger , ont été parfaite -
ment remplis . Entre sept ou huit Scenes, ornées
de jolis traits , nous nous contenterons de
donner quelques fragmens de celles qui ont
fait le plus de plaisir . La premiere établit
le Sujet ; elle est entre le Temps & la Vérité.
Cette derniere a trop de lumieres pour ne pas
reconnoître le Temps ; aussi en fait- elle la
définition d'une maniere très - ingénieuse . La
voici :
Qui,
NOVEMBRE . 1738. 2453
Oui , je vous connois à merveille ;
Triste & gai , sombre & clair ; jeune & vieux à
la fois ;
Voilà votre Portrait le son de votre voix
Console , afflige ; assoupit & réveille
A son gré tout le Gente Humain ;
Vous êtes le Dieu de la veille ,
Et du jour & du lendemain.
Peut- on mieux exprimer le passé , le présent
& l'avenir que par ces deux derniers
Vers ?
Le Temps charge la Vérité du soin d'écouter
toutes les plaintes que les Mortels
font contre lui & de plaider sa cause. Par le
début de cette Piéce, on connoît assés qu'elle
ne sera composée que de Scenes détachées
qu'on apelle Episodiques , ou Scenes à Tiroir.
Des Juges trop séveres auroient voulu
que le Temps fût revenu pour terminer toutes
ces differentes Scenes ; mais c'est un peu
trop chicaner l'Auteur, qui auroit pu donner
au Temps le Rôle qu'il a donné à la Verité, &
l'on voit bien qu'il a voulu faire le principal
Rôle pour la Dlle Sylvia , qui s'est si justement
emparée des suffrages du Public , &
qui est,à si bon titre,en possession des Rôles
les plus brillans.
Voici les Personnages que la Vérité passe
en revûë dans les differentes Scenes qui com-
G iij posent
2454 MERCURE DE FRANCE
posent cette Piéce ; un homme désoeuvré
qui ne s'occupe que de bagatelles. Une jeune
Demoiselle , qui voudroit toujours être
aimée. Un Poëte mécontent du Public . Deux
Amis , dont l'un se plaint que le Temps
passe trop vite , & l'autre souhaiteroit qu'il
allât avec moins de lenteur , parce que le
premier voudroit voir plus tard ses Créanciers
, et l'autre voudroit revoir plutôt sa
Maîtresse , qui est absente . Le dernier Interlocuteur
c'est Arlequin , qui , graces à son
heureux naturel , met à profit tous les momens
de sa vie . Quoique toutes ces Scenes
soient très ingénieusement traitées, pour éviter
la longueur dans cet Extrait , nous n'em
choisirons que celles qui ont fait plus de plaisir
, pour en extraire des morceaux .
Dans la troisiéme Scene , un Désoeuvré
vient trouver la Vérité , pour aprendre d'elle
à bien employer son temps. La Vérité lui
dit qu'il ne sçauroit mieux faire de s'instruire
et de s'ocuper ; Dorante , c'est le nom
de l'Interlocuteur , lui fait un détail de sa
vie , et lui dit que son unique emploi est de
n'en avoir aucun.
que
Cependant , lui dit -il , quoique je n'aye
aucun emploi , je ne laisse pas d'être toujours
dans l'action. Voici le détail de ses occupaions
, ou plutôt de ses amusemens :
Ma méthode courante
C'est
NOVEMBRE. 1738. 2455
3
C'est de me lever tous les jours ,
Si-tôt que le Soleil a commencé son cours.
J'aime toutes les fleurs ; j'en ai dans mon Parterre
Que l'on viendroit chercher des deux bouts de la
Terre.
Mon premier soin est d'aller voir
Si Maître Mathurin a bien fait son devoir ;
Sur une platte - bande en forme de Théatre ,
Je vois l'Oreille d'Ours , dont je suis idolâtre ;
Je trouve en bon état mes OEillets, mon Jasmin ;
Puis de mon Cabinet je reprends le chemin ,
&c.
J'aime à nettoyer mes Oyseaux ;
Je siffle mes Serins , perchés dans leur cabane ;
J'enseigne à mes Barbets à sauter sur la cane ,
Et je leur fais donner quelques coups de ciseaux.
Voici la leçon que la Vérité lui donne.
Dès qu'à l'oisiveté votre coeur s'abandonne ,
Le plaisir est pour vous prompt à s'évanouir ,
Ce n'est que le travail qui donne
Le talent de se réjouir , &c .
Mille futilités ne font pas une affaire ,
Et qui, plus est , je vous soutiens ,
Que peut-être il vaudroit tout autant ne rien faire
Que de faire toujours des riens .
Dorante se retire , après avoir promis à la
G iiij
Vérité
2456 MERCURE DE FRANCE
Vérité de profiter de ses conseils , autant
qu'il le pourra.
Dans la cinquiéme Scene , un Poëte aborde
la Vérité , une Ode à la main ; il la príe
d'en vouloir bien accepter la Dédicace. La
Vérité se refuse à son hommage , en lui disant
qu'elle n'est chés Thalie que pour écou
ter les plaintes qu'on fait contre le Temps ;
elle demande au Poëte s'il a à s'en plaindre.
Le Poëte lui dit qu'il en est des plus mal
traités , attendu que ses Ouvrages , dont le
Temps auroit du faire apercevoir les beautés
par le secours de la réflexion , sont encore
ignorés et ensevelis dans l'oubli le plus injurieux.
La Vérité lui répond que c'est souvent
la faute de l'Ouvrage même et non
celle du Temps ; le Poëte soûtient que c'est
la faute de ses Juges , qui n'ont pas les lumieres
nécessaires pour bien décider d'une
belle Poësie ; voici comment il prouve la
proposition hardie qu'il vient d'avancer :
Ai-je fait un Ouvrage ? Une troupe caustique
Vient m'étourdir de sa Critique .
Et qui sont ces Censeurs dont on fait tant de bruit ?
Un Petit -Maître mal instruit ,
Qui se carrant ainsi , le chapeau sur l'oreille ,
Jette sur mon Ouvrage un coup d'oeil en passant ,
Puis du bout des doigs caressant
Sa figure poupine , & qu'il croit sans pareille ,
D'un
NOVEMBRE. 1738. 2457
D'un air vain & distrait , en prenant du tabac ,
Prononce sur ma Piéce et ab hoc et ab hac. &c.
C'est un Abbé Muguet , qui gardant ses Eloges ,
Pour les jolis Tendrons qu'il lorgne en tapinois
Promene de Loges en Loges
Ses regards curieux sur d'aimables minois ;
Puis tout d'un coup au cinquiéme Acte ,
Se déclare à tort à travers ,
Avec le même front qu'une personne exacte ,
Qui pese murement la conduite & les Vers , &c.
C'est un Financier sans étude
Qui sur le bel esprit tranche du Potentat ,
Avantageux par habitude ,
Ignorant par nature & brusque par état .
juge par article , avec soin il calcule ,
D'un air gravement ridicule ,
Mes Vers comme dans un bureau ;
Il feroit quelque bordereau.
Arrive- t'il alors qu'une phrase le choque ?
Sur le tout il met un zéro ;;
De mon emploi d'Auteur il veut qu'on me révoque,
Ou que l'on me refegue au dernier numero.
Quoiqu'il y ait du vrai dans les plaintes du
Poëte , la Vérité lui fait entendre que souvent
le plus grand ennemi d'un Auteur c'est
son Ouvrage même.
G v Arlequin
2458 MERCURE DE FRANCE
Arlequin est le seul dont la Vérité est satisfaite
; il répond sensément à toutes les
questions qu'elle lui fait sur l'emploi du
temps ; voici quelques - unes de ses réponses,
que nous allons mettre en Dialogue :
La Vérité.
Eh quoi ! vous n'auriez pas envie
De lire toute votre vie
Dans le Livre de l'avenir !
Devant vous notre ami, vous plaît- il que je l'ouvrez
D'un seul coup d'oeil on y découvre
Le passé , le présent , & ce qui doit venir.
Arlequin.
Ah ! ah ! ... mais dites-moi ; si mon Chapitre porte
De quelque mauvais sort l'article déplaisant ,
Hem ! pourrai- je dès à présent
Déchirer le feuillet ?
La Vérité.
Non .
Arlequin.
Et bien ? Que m'importe
Quel soit peut m'être réservé ,
Si dans le cas d'une infortune ,
Elle m'offre par tout sa figure importune ,
Sans que jamais je puisse en être préservé !
Par ma foi ! je ferois une grande bévûë ,
NOVEMBRE. 1738. 2459
De prévenir le mal qui n'est point arrivé .
Ce triste objet , du moins ne blesse point ma vûë ;
C'est toujours' autant d'épargné ;
Tant que la chance est imprévuë ,
On n'a ni peidu , ni gagné.
Arlequin fait à peu près la même réponse
sur un bon festin que la Vérité lui feroit lire
dans l'avenir. Voici comme il lui parle :
Dites-moi cependant , d'une si bonne chance
Pourrai-je profiter d'avance ,
Et presser l'heure du festin ?
La Vérité.
Non , cette heure dépend des ordres du Destin ;
On attend ....
Arlequin.
Foin de vous & de votre Science !
Il me faudra donc désormais
Secher sur pied , mourir d'impatience ,
Dans l'attente d'excellens mets ,
Que peut- être Arlequin ne goûtera jamais !
J'enrage , &c.
La Vérité , enchantée du sage raisonne
ment d'Arlequin , s'écrie :
Que j'aime son calotinage !
Qu'avec lui la sagesse a d'aimables façons , &c.
& vi
460 MERCURE DE FRANCE
Je tenois pour le Temps Ecole génerale ;
Mais , pour rendre sensés les Mortels les plus fous ;
'Arlequin , je prétends désormais que chés vous
Ils fassent leur Cours de Morale.
Arlequin , pour remercier la Vérité de la
peine qu'elle vient de se donner d'instruire
les hommes , la régale d'un Divertissement ,
en voici le premier Air :
Comme le Temps , l'Amour s'envole .
Sçachons d'un murmure frivole
Etouffer sagement les accens superflus.
Pour une fleur qui meurt , mille autres vont éclore
Oublions le plaisir que nous ne goûtons plus ,
Pour songer à celui qui nous demeure encore.
Un Gascon , VAUDEVILLE.
La gloire maintient mon épée
Au- dessus de mon revenu ;
Veut-on qu'elle soit occupée ?
On est toujours le bien venu ;
.Faut- il aider de mon courage
Ceux de mes amis qu'on outrage ?
Je brave tous les contretemps ;
Mais un homme qui fait ressource
Tente - t'il l'accès de ma bourse a
Cadedis ! il prend mal son temps.
Le
NOVEMBRE. 1738. 246
Le 21. Novembre , les mêmes Comédiens
firent l'ouverture de leur Théatre depuis leur
retour de Fontainebleau par la Comédie
de Timon le Misantrope , Piéce remise au
Théatre , avec des agrémens , laquelle fur
suivie de l'Ecole du Temps , dont nous venons
de parler , qui avoit été donnée ,
sur le même Théatre avant leur départ
pour Fontainebleau ; elle a été fort goûtée à
cette reprise.
*
trois Actes
>
ETRAIT de la Comédie qui a pour titre ,
le Rajeunissement inutile , en Vers & en
avec des Divertissemens , par
M. De la Grange , représentée au Théatre
François le 27. Septembre dernier.
ACTEURS.
La Fée ,
la Dlle Lamothe
Damon , Intendant de la Fée , le Sr de la
Torilliere.
Angélique , Niéce de Damon , la Dlle Dangeville.
Valere , Amant d'Angélique , le Sr Dangeville.
Lucas , Fermier de la Fée , le Sr Montmeny
Colette , Fille de Lucas , la Dlle Poiffon:
Crispin , ancien Domestique de la Fée , le Sr
Poiffon
LA
1462 MERCURE DE FRANCE
A premiere représentation de cette Comédie
, a été si tumultueuse , qu'il n'a
pas été possible d'en juger équitablement ;
dans la seconde on a rendu justice à l'Auteur
; on a prêté beaucoup d'attention à toutes
les Scenes , & l'on a trouvé que l'Ouvrage
méritoit un meilleur sort. En voici un
Extrait succinct ; la Scene est dans le Jardin
de la Fée , qui préside à l'action principale ,
c'est- à - dire , au Rajeunissement Inutile.
La Fée en question , après une longue absence
, revient à son Château ; au bruit de
son arrivée , tous ceux qui ont des graces
à
lui demander , s'empressent à venir lui faire
leur Cour. Crispin , son ancien Domestique,
est celui qui a le plus de part dans ses bonnes:
graces ; il n'abuse pourtant pas de son crédit
; il se contente de la prier de marier Valere
, son Pupile , à Colette , Fille de Lucas,
son Jardinier. La Fée y consent , & lui reproche
gracieusement son trop de modération
, qui l'empêche de lui demander quelque
chose pour son compte ; Crispin lui
répond qu'étant accablé de vieillesse , il
ik
n'est plus en état de jouir de ses bienfaits
, & de goûter les agrémens de la vie ,
& qu'il n'est pas aussi extravagant , qu'un
Vieillard qui vient de lui faire entendre qu'il
veut lui demander la grace de le rajeunir ,
comme si un pareil miracle étoit au pouvoir
d'une
NOVEMBRE. 1738. 2463
d'une Fée Pourquoi non ? lui répond la
Fée , cela m'est possible ; mais ce n'est qu'à
toi seul que je réserve une faveur si grande ;
Crispin , charmé de l'offre que la Fée lui
fait , se livre à la douce esperance de revenir
au printemps de son âge ; la Fée lui promet
de le rajeunir ; mais c'est à des conditions
qu'elle lui impose ; les voici ; c'est la
Fée bienfaisante qui parle :
La faveur que je te destine
Va te rendre tes premiers traits.
Mais écoute ; il est nécessaire ,
Pour en retirer quelque fruit ,
De garantir ton coeur d'un penchant ordinaire ,
D'autant plus dangereux , qu'il fate, et qu'il séduit,
Si jamais par l'Amour tu te laisses surprendre ,
Si quelque Beauté te ré luit
A ne pouvoir plus te défendre ,
De ta jeunesse alors tu perdras tout l'éclat ,
Et tu retourneras dans ton premier état .
Crispin accepte la condition & se flate de
robserver sans peine , la Fée lui confirme sa
promesse & le laisse ; Crispin se fait une
agréable image du don que la Fée lui va faire.
Angélique , niéce de Damon , Intendant
de la Féc , vient interrompre l'agréable rêverie
de Crispin ; ne trouvant point Valere
qu'elle
2464 MERCURE DE FRANCE
qu'elle cherche , elle veut se retirer , vivement
piquée de ce que cet Amant n'est pas
le premier au rendez vous ; Crispin l'arrête,
en lui disant qu'il a quelque chose à lui annoncer
, qui peut être ne lui plaira guere ; il
lai dit qu'elle ne doit plus songer à Valere ,
& que la Fée veut absolument qu'il épouse
la Fille de Lucas son Fermier. Angélique se
moque de ce projet , trop sûre que Valere
l'aime trop pour consentir à l'hymen d'une
autre ; comme cette Angélique est une Coquette
, on sera bien aise de voir ici quelques
traits de son caractere. Voici sur quel ton
elle parle à Crispin :
Sans cesse on me repete
Que je possede une beauté parfaite ;
Je le crois , & d'ailleurs , de ce que l'on m'aprend
Mon miroir n'est-il pas un fidele garant
Je vais vingt fois le jour , pour ne pas dire trente ,
Le consulter sur mes apas ;
Et je m'aperçois bien qu'on ne se trompe pas .
Crispin croit en vain la tirer d'erreur , en
fui disant :
Oh ! ma bouche pour eux n'est pas si complaisante
Et , pour vous parler vrai , j'en fais très - peu de cas.
Sans cette parure affectée ,
Ces colifichets , ces clinquants ,
Et
NOVEMBRE. 1738. 146 )
Et cette tête avec soin aprêtée ,
Que deviendroit votre beauté ?
Elle n'a dans le fond que l'éclat emprunté ,
Dont ordinairement se sert une Coquette ,
Et vous perdrez , en verité ,
En rendant à votre Toilette
Tout ce qu'elle vous a prêté
Angélique lui répond :
Que seroit la beauté sans un peu d'ornement ?
Le bon goût l'inventa , l'usage l'autorise .
Il est vrai ; je serois surprise
Que tout autre que vous me parlât sur ce ton ;
Mais vous êtes un vieux Barbon ,
Et cette liberté doit vous être permise ;
D'ailleurs , de votre temps , une Belle ignoroit
Cet Art de relever les graces naturelles ;
On n'avoit pas encor sçu trouver le secret
De leur en prêter de nouvelles
Et la simplicité plaisoit ;
L'esprit même , l'esprit , sans qui les Jeux languisa
sent ,
Sans qui les Graces déperissent ,
Etoit chés nous un mérite inconnu ;
On n'en montroit du moins que du plus ingénu ;
Aujourd'hui , le beau Sexe a changé de méthode §
On le voit different en tout ;
468 MERCURE DE FRANCE
Il est esclave de la mode ,
Comme la mode l'est du goût ;
Pat une agréable imposture ,
Qui n'a qu'un innocent objet ,
L'Art eft venu corriger la Nature ;
Eh ! que seroit-elle en effet ,
Sans ce beau secours qui l'épure
De tout ce qu'elle a d'imparfait ?
On peut juger par cette Scene , si la Piéce
n'est pas bien versifiée ; nous n'en citerons
pas d'avantage , persuadés que ces petites tirades
suffisent pour rendre à l'Auteur une
gloire qu'on lui a disputée, sans connoissance
de cause.
La Fée ne tarde pas de tenir parole à Cris
pin ; il s'endort , & pendant son sommeil ,
elle le rajeunit ; sa surprise est des plus
agréables à son réveil. Če rajeunissement a
donné lieu à une très-jolie Fête ; nous passons
les Scenes épisodiques , pour nous arrêter
uniquement à l'action principale.
Crispin , dès le second Acte , commence
à donner dans le piége que l'Amour lui
tend , & ce Dieu malin se sert contre lui de
cette même Coquette , à qui il a parlé d'un
ton si severe dans le premier Acte. Angélique
, dès la premiere Scene du second Acte,
fait entendre dans un Monologue , qu'elle
est
NOVEMBRE. 1738. 2467
est surprise du rajeunissement de Crispin , &
qu'elle voudroit bien , pour sa gloire , ajoûter
cette conquête à tant d'autres qu'elle fait
tous les jours ; le motif qui l'y engage le
plus , c'est le plaisir de se venger du mépris
qu'il lui a fait voir dans le premier Acte.
Crispin vient ; Angelique employe tous les
détours qui lui sont ordinaires , pour s'en
s'en faire aimer ; elle n'y réussit d'abord qu'à
demi ; la menace que la Fée lui a faite le retient
; il quitte Angélique brusquement , &
lui dit pour excuser sa fuite :
Qui , pour vous je sens bien que j'aurois le coeur
tendre ,
Si cela dépendoit de moi ;
Mais , pour mon profit , je le dois ;
Adieu ; je fuis ; car je prévois
Que je me laisserois surprendre.
Angelique le compte déja pour vaincu
puisqu'il a recours à la fuite. Après quelques
Scenes qui regardent l'Episode de la Piéce ,
Crispin témoigne à la Fée , qu'il craint de
ne pouvoir se garantir de l'amour , & qu'il
commence de sentir pour Angelique un
penchant secret , qu'il aura bien de la peine
à surmonter. La Fée lui expose vivement le
malheur où il va se précipiter ; & ne pouvant
rien avancer , elle lui retrace dans une
Fête
468 MERCURE DE FRANCE
Fête de Vieillards , tous les maux où il væ
s'exposer , en perdant la jeunesse qu'elle lui
a renduë. Cette Fête a paru trop triste dans
les premieres représentations ; on l'a égayée
dans la suite , en y ajoûtant des Enfans qui
se moquent des Vieillards , ce changement
a fait plaisir.
Dans la premiere Scene du dernier Acte 3
Crispin effrayé de l'image que la Fée vient
d'offrir à ses yeux , veut se défaire d'un
amour si fatal ; Angelique lui fait de tendres
reproches , & le presse si fort , qu'elle le
contraint à lui dire la condition que la Fée
a attachée à son rajeunissement , Angelique
se moque de sa crédulité , & lui dit que la
Fée ne lui a fait cette menace , que parce
qu'elle l'aime , & qu'elle ne veut point avoir
de Rivale ; Crispin donne dans un piége si
adroitement tendu ; Angelique lui dit qu'
elle va tout disposer pour leur hymen prochain.
La Fée revient à la chargé , pour empêcher
Crispin de se livrer à l'Amour ; mais plus elle
lui en parle énergiquement , & plus il se
persuade qu'elle n'agit que par un sentiment
jaloux ; il revient encore à ses premieres
craintes ; après que la Fée s'est retirée , il
veut rompre ses fers , mais Angelique l'y
tengage si bien , qu'il consent à l'épouser ;
il se jette à ses pieds pour lui demander pardon
NOVEMBRE 1738. 2469
don de son irrésolution ; mais à peine est- il
tombé à ses genoux , qu'il retourne à son
premier état & ne peut se relever : Angelique
le trouve si laid dans sa vieillesse , qu'elle ne
veut plus de lui ; mais la Fée , pour la punir
de sa coqueterie , l'oblige à l'épouser , tout
vieux & tout cassé qu'il est.
Les Amans de l'Episode , sçavoir , Valere
& Colette , se marient , & c'est cet Hymen
qui donne lieu à la derniere Fête de la Piéce.
Les Srs Dangeville & Brulard , ont également
brillé dans les trois Fêtes , l'un pour le
Ballet , l'autre pour la Musique . Nous n'en
donnons ici que le premier Couplet du Vaudeville
du premier Acte , & le dernier du
troisiéme :
Au plaisir tout nous engage ,
Du bonheur il est le gage ,
Et la semence & le fruit
Nul Mortel ne s'y refuse,
Le Sage en jouit ;
Le Sot en abuse.
Au Parterre.
Présumer trop de son talent
Trouver son Ouvrage excellent ;
C'est le défaut de la Jeunesse ;
Vous amuser , c'est rajeunir ;
Vous
2470 MERCURE DE FRANCE
Vous ennuyer , c'est réunir
Tous les malheurs de la Vieillesse .
Le 31. Octobre , les mêmes Comédiens
donnerent une Piéce nouvelle en Vers & en
trois Actes , qui a pour titre les Epoux réunis.
Elle est de la composition de M. Guyot de
Merville , Auteur du Consentement Forcé,
dont nous avons donné l'Extrait. On par-
Jera plus au long de cette derniere Piéce.
>
Le 13. Novembre , l'Académie Royale de
Musique remit au Théatre le Ballet qui a
pour titre les Caracteres de l'Amour , lequel
avoit été donné dans sa nouveauté le 15.
Avril dernier à la rentrée du Th'tre.
Ce Ballet , qui avoit été i rrompu par
Findisposition de quelques rices , a été
généralement aplaudi à la reprise , & doit
être continué tous les Jeudis .
On doit reprendre le 5. du mois prochain
' Opera d'Atys , après lequel on donner
Alceste.
NOUNOVEMBRE.
1738. 247%
NOUVELLES ETRANGERES.
L
TURQUIE.
Es Lettres de Constantinople portent que le
10. Août un Esclave Turc alla au Camp du G.
Visir , pour lui remettre une Lettre que le Comte
de Sirkemberg , Gouverneur de la Fortereffe d'Orfova
, écrivoit à Ibrahim Effendi , par laquelle il
l'invitoit à retourner à l'ile d'Orsova , pour y conferer
fur l'échange des Efclaves. Ibrahim Effendi fut
envoyé en confequence dans cette Ife , avec ordre
de déclarer au Gouverneur, que fi les Troupes deftinées
à donner l'affaut , mettoient une fois le pied
dans l'Ifle il ne devoit plus esperer aucune Capiheures
du soir le Grand Visir reçut
une Lettre thême Ibrahim Effendi , par laquelle
il le prioit dufpendre toute hoftilité , jusqu'à ce
qu'il lui eut rondu compte de fa conference avec le
Gouverneur. Ibrahim Effendi fut de retour au
Camp à minuit , & raporta que le Gouverneur demandoit
un Armistice de fix jours , & la permiffion
d'envoyer quelqu'un au Général de l'Armée de
l'Empereur , s'obligeant de rendre la Place , si dans
ce terme , il ne recevoit point de fecours.
tulation
.
Le G. Visir ne goûta point cette propofition , &
Ibrahim Effendi fut renvoyé fur le champ à l'e
d'Orlova , pour dire au Gouverneur , que fi dans
deux fois 24. heures il ne rendoit la Place , on ne
feroit quartier à perfonne.
Le Gouverneur ayant infifté ſur ſa premiere propofition
, on continua de canoner la Place le 11 .
Le lendemain 13. mille Janiffaires pafferent le Danube.
472 MERCURE DE FRANCE
pube , pour aller s'embarquer aux vieux Orſova ;
fur les Galiottes , Radeaux & Bâtimens plats , pour
les débarquer à Orfova , le jour destiné pour l'af
faut , qui fut fixé au 15. d'Août.
Le 13. deux Officiers Allemans yinrent trouver le
Grand Visir , pour lui dire que le Gouverneur penfoit
à capituler , mais qu'il demandoit 24. heures ,
pour en déliberer avec les principaux Officiers de
la Garniſon. Le G. Vifir répondit qu'il ne leur accordoit
que 4. heures pour fe déterminer , & ayant
tiré fa montre pour voir l'heure , il ordonna qu'on
cessât de canoner la Place pendant cer intervalle
.
&
Le terme étant expiré , on recommença à tirer ;
mais les Affiegés arborerent un Drapeau blanc ,
le Gouverneur envoya enfuite trois Officiers , qui
devoient fervir d'ôtages , pour regler la Capitulation
; & on envoya pour ôtages , un pareil nombre
d'Officiers Turcs . On convint que les Allemands
fortiroient de la Place avec les honneurs de la
Guerre , qu'on leur fourniroit tous les chariots &
les voitures néceffaires pour les conduire jufqu'à
Temefwar ; qu'on leur feroit fournir à Muhadié ,
les Provifions dont ils auroient befoin pour trois
jours de marche , & que tant les Soldats , que
les
Habitans de la Place , pourroient emporter avec
eux tous leurs Effets ; le Grand Visir ne réſerva que
l'Artillerie & les munitions de Guerre .
Le 14. quelques difficultés furvenues empêcherent
l'execution de la Capitulation.
Le 15. le Gouverneur accompagné du Comte de
Furftemberg , vint configner au G. Vifir les clefs
d'Orfova. Le Comte de Furftemberg , Général de
PEmpereur , ayant été bleffé à Muhadié , lorfque
le Grand Duc de Tofcane s'en rendit maître , s'étoit
jetté dans Orfova , pour le faire panfer de fa
bleffure,
NOVEMBRE. 1738.
2478
bleffure , & il ne put en fortir , parce que les Turcs
reprirent deux jours après les Poftes qu'ils avoient
perdus le long du Danube ; il crut devoir accompagner
le
Gouverneur
d'Orfova dans cette cérémonie
; quantité de Chaoux , & les Officiers les
plus
diftingués de l'Armée Turque , à
l'exception
du Chaoux Bachi , all: rent les recevoir à leur débarquement
, & les
conduifirent à cheval à travers
deux rangs de Soldats fous les armes , jufqu'à la
Tente du G Vifir , qui étoit dreffée à quelque diftance
du Danube , vis- à - vis de l'Ile d'Orfova ; on
remarqua
qu'étant entrés dans la Tente , le Gouverneur
ayant voulu céder la place d'honneur au
Comte de
Furftemberg , ce dernier la refufa , en
lui difant :
Monfieur le
Gouverneur , cette fonction
vous regarde ; et fi M. de Konigseg se trouvoit ici ,
verroit sans jalousie que vous prissiez dans cette céréil
monie le pas sur lui. Le G. Vifir les reçut très - poliment
, & loüa le
Gouverneur , fur la longue défenfe
; il les fit revêtir l'un & l'autre d'une Peliffe,
ou Robe , fourrée
d'hermine , & leur fit donner à
chacun un cheval
magnifiquement
harnaché.
Le même jour,deux Officiers
Allemands allerent
porter les clefs du Fort Sainte
Elisabeth ; le Grand
Vifir leur préfenta à chacun une poignée de Sequins
, qu'il tira d'une bourfe qui étoit auprès
de lui ils
refuferent
abfolument de les
recevoir
mais on leur fit
entendre , que l'ufage des Turcs
étoit de faire de pareils préfens , & que le G. Vifir
s'offenferoit de leur refus , ce qui les
détermina à
accepter fa liberalité .
i
>
Les Turcs prirent
immédiatement après
poffeffion
de
l'Ifled'Orfova & du Fort Sante Elifabeth ,ils ont
trouvé dans cette
premiere Place 140. canons , dont
30. font de fer , & les autres de bronze ,
cinquante
mortiers , & une grande quantité de munitions de
H guerre
2474 MERCURE DE FRANCE
guerre & de bouche , dans le Fort Sainte- Elifabeth
, 30. piéces de canon , de divers calibres .
Le foir du même jour , on fit des illuminations
dans le Camp , & une décharge générale de l'artillerie
& de la moufqueterie. Le G. Vifir a écrit à
tous les Pachas de l'Empire , une Lettre , pour leur
ordonner de faire faire pendant trois jours dans leurs
Gouvernemens , des prieres en actions de graces , &
des réjouiffances publiques .
Le 23. de ce mois on a fait auffi à Conftantinople
des réjouiffances publiques à cette occafion ; elles
ont continué le 24. & le 25 . 3
Au refte , dès qu'on fçut dans cette Ville que le
G. V. étoit parti de Niffa pour commencer les opérations
de la Campagne , il y eut des Prieres publiques
ordonnées , leiquelles n'ont pas difcontinué
depuis. Ces Prieres fe font en cette maniere .
Dans le diftrict de chaque Mofquée , l'Iman en
chef , qui eft comme le Curé , marche en Procesfion
à la tête d'un grand nombre de jeunes gens ,
marchant de face trois à trois , se tenant par la
main;deux efpeces de Choristes chantent les Prieres ,
dont on trouvera ci après la formule traduite , toute
la Proceffion en Chorus répond * Amin . Cet Amin
forme deux acclamations , dont la premiere tombe
fur la lettre a & la feconde fur la fyllabe min. >
>
Depuis quelque temps , pour rendre les
Proceflions plus folemnelles on les fait la nuit ,
chacun des Turcs qui compofent la Proceflion , porte
un flambeau , & d'efpace en efpace , on voit des
efpeces d'Acolytes , portant de longs Bâtons , au
haut defquels il y a une grande quantité de Bougies
difpofées en pyramide .
* C'est l'Amen de l'Hebreu , que les Arabes & les
Turcs prononcent Amin , n'ayant point la lettre e
dans leur Alphabet. OL
NOVEMBRE . 1738. 2475
On prétend que ces cérémonies étoient inufitées
parmi les Mufulmans , & qu'elles viennent de s'in -
troduire , à l'exemple & par émulation des Proceffions
nocturnes que les Chrétiens ont ici la permiſ
fion de faire en certains temps.
O
PRIERES.
Dieu , Pere de tout fecours , lecourez , fecourez
l'Armée Mufulmane , pour l'amour de
l'Alcoran . R. Amin.
O Dieu , Roy des deux ( a ) Vies , facilitez- nous
la défaite de nos Ennemis & une entiere Victoire,
Mifericorde , mifericorde , au nom de tous les Prophetes
; mifericorde. Amin.
Faites fuir l'Armée infidelle; qu'elle foit toujours
battuë ; & que Mahmoud (b) Kan , toujours victotieux
, foit joyeux & content. Amin .
Ne faites point de grace à l'Infidele ; qu'il périffe
par votre redoutable Epée. Mifericorde , au
nom de tous les Bienheureux ; mifericorde. Amin.
Nous vous prions , grand Dieu , tous tant que
nous fommes , vieillards & jeunes gens , que tous
les Amis & Alliés du Prophete , poffeffeurs de la
félicité , viennent au fecours de nos Guerriers .
Amin.
I
Faites auffi que le Prophete ( c) Aly , metteun
frein à l'Armée ennenie , au nom de tous les Prophetes
; mifericorde . Amin.
Rendez victorieux les vrais Croyans ; que nos
vaillans Guerriers foient toujours victorieux ; mife-
(a) Ou des deux Mondes , la vie présente & la vie
future.
(b) Nom du Grand Seigneur régnant.
(c) Aly , Gendre de Mahomet.
Hij
ricorde
2476 MERCURE DE FRANCE
ricorde , mifericorde , au nom de tous les Anges ;
miféricorde. Amin.
Graces à vous , l'Armée ennemie a été ſubjuguée
; diffipez , mon Dieu , les Infideles , qu'ils
foient toujours fans renom & fans gloire . Amin.
Rempliffez- nous de joye par plufieurs Victoires ;
mifericorde, mifericorde, au nom de tous les Saints.
misericorde. Amin .
Donnez à l'Armée Mufulmane une Conquête
assûrée , & pour l'amour du Prophete soyez- lui
propice. Amin.
Au seul nom de Dieu , que les Infideles fuyent ;
que l'Armée ennemie foit réduite en pouffiere .Amin.
Rendez-nous victorieux par votre ſecours ; & que
la force de l'Armée Muſulmane foit en vous , ô
notre Dieu. Amin.
Que par le fecours de votre grace & de votre
juftice , l'Armée victorieufe des Mufulmans , fubjugue
l'Allemagne , & marche jufqu'à l'ancienne
Rome . Amin.
O Dieu de lumiere , faites que Sultan Mahmoua
foit toujours victorieux , & qu'il foit rempli de
joye par les nouvelles de fes Conquêtes. Amin .
Détruifez , ô Dieu , le Royaume des Infideles ,
& que Varadin foit bien- tôt pour l'Armée triomphante
un Lieu de repos . Amin .
Rendez toujours victorieux Sultan Mahmoud
pour que l'Armée ennemie foit continuellement
difperfée & en déroute. Amin.
Que par la vertu des Verfets de l'Alcoran vou
rendiez les Mufulmans victorieux , & que les En
nemis de la Loy foient fubjugués . Amin.
Que les vaillantes Troupes de l'Armée victorieufe
des Mufulmans dévorent , par le tranchan
de leur Sabre , les Troupes des Infideles . Amin .
9
Graces à Dieu , il nous eft venu des nouvelles
heu
NOVEMBRE. 1738. 2477
heureuſes & réjoüiffantes . Que les coeurs des vrais
Croyans foient aujourd'hui dans l'allegreffe ; que
les Paffages de l'Alcoran foient toujours leur aide &
leur fecours ; qu'ils fervent de fortereffe à l'Armée
des Mufulmans , & lui tiennent lieu des reiparts
le's mieux munis . Amin . Amin :
AUTRE PRIERË.
Ue les impies immolés à la vengeance de
Dieu , tombent fous les coups de la toute
puiffance. Amin .
Secourez- nous , ô Dieu tout- puiffant , que la joye
fefaffe fentir à nos coeurs affligés , & qu'elle y regue
toujours . Amin.
Seigneur notre Dieu , aidez vos pauvres ferviteurs
; fecourez- nous , &c.
Le fecours du très - Haut eft infaillible ; soyez
propice , Seigneur , aux Enfans de Mahomet. Le
Paffage Nus remen allah , nous eft une affûrance
du fecours que nous devons attendre de vous.
Amin.
Secourez-nous , source de la vraie Foi ; fecoutez-
nous , grand Prophete Mahomet . Amin .
Que nos Ennemis opriinés tombent & foient
confondus avec la pouffiere , qu'ils foient vaincus &
terrassés toutes les fois qu'ils oferont le préſenter
au combat. Amin.
Que chaque combattant de l'Armée des Mufulmans
, foit un Lion redoutable . Secourez nous ,
& c.
Que le Peuple , fidele fectateur de Mahomet ,
foit toujours vainqueur en faveur de votre bien-
Aimé. Amin.
Que les Saints nous protegent de toutes parts.
Secourez- nous , & c.
Hiij .
Nous
2478 MERCURE DE FRANCE
4
+
Nous nous fommes préfentés au pied de votreTróne,
& nous nous fommes profternés devant vous , les
yeux baignés d'un torrent de larmes . Sécoureznous
, & c .
Frayez le chemin de la vie aux vrais Croyans..
Amin. Amin.
On a apris que le Pacha , qui à la tête de s. ou
6000. Rebelles , faifoit des courfes dans les environs
de Smirne , s'étoit retiré dans les Montagnes ,
depuis que le Grand Seigneur avoit fait marcher
un Corps de Troupes pour l'attaquer , & qu'il y
avoit aparence que les Rébelles feroient bien-tôt
obligés de fe foumettre , & de livrer ce Pacha & fes.
principaux adherans.
Selon les avis reçûs du Grand Cairé , il y a eu une
grande émeute,à l'occafion de la Permiffion que les
Religieux Francifcains ont obtenue du Grand Seigneur
de faire rebâtir une Eglife & un Hofpice
qu'ils avoient dans les Fauxbourgs , & ces Religieux
n'ont évité la fureur de la populace , qu'en fe réfugiant
dans la. Maifon du Conful de France,
L
RUSSIE.
Es drieres Lettres du Contre- Amiral Bredahl
marquent que 150. Bâtimens Turcs ayant remonté
le T'anaïs , 6000 bommes des Troupes Ottomanes
, qui étoient à bord de ces Bâtimens, étoient
débarqués dans les environs d'Afoph , & que s'étant
aprochés de cette Place , ils l'avoient canonée
pendant plufieurs heures mais qu'on les avoit obligés
de fe rétirer.
POLOGNE
NOVEMBRE. 1738. 2479.
POLOGNE..
Ans la Diette convoquée à la Warſovie , le Roy
a déclaré qu'il vouloit qu'on déliberât fur ce qui
concerne l'augmentation des Troupes, la sûreté des
Frontieres, l'entretien de l'Artillerie, l'approvifionnement
desMagafins l'adminiftration desOeconomats,
la refonte des Efpeces ( la réformation de divers abus
préjudiciables au Commerce , l'établiſſement de
plufieurs Manufactures , l'exploitation des Mines
d'Olkusch , le payement des fommes dûës à la
République par le Royaume de Naples , le recouvrement
de plufieurs Bijoux de la Couronne , & de
quelquesStarofties, que le Gouvernement a été obligé
d'engager pendant les dernieres Guerres , & sur
les propofitions qu'il convenoit de faire à diverfes
Puiflances.
L
ALLEMAGNE.
E 12. Octobre , le Marquis de Mirepoix , Am
baffadeur du Roy de France, fit fon Entrée pu
blique à Vienne. Il eut le lendemain fa premiere
Audience publique de l'Empereur , & fut conduit à
cette Audience par le Comte Charles-Antoine de
Harrac , Chambélan de la Clef d'Or , lequel étoit
allé le prendre dans les Caroffes de S. M. I.
On aprend de l'Armée , que le Corps de Boſnia ,
ques , s'étant aproché de Ratschi le 3. Octobre , le
Pacha qui le commande employa la nuit fuivante à
fe retrancher le long de la Save , & à élever une
Batterie à foo. pas d'une Redoute que les Imperiaux
ont conftruite dans l'endroit où la Drina fe jette
dans cette Riviere .
Dès que le Baron de Roth , Commandant de
Ratscha , eut été averti des difpofitions que fai-
Hij soient
2480 MERCURE DE FRANCE
"
soient les Ennemis , il envoya deux Saïques , pour
retirer de la Redoute les Troupes qui la gardoient.
Ón fit le 4. de part & d'autre un grand feu de
canon & de moufqueterie , mais les Affiégés n'eu➡
rent que deux hommes de tués & cinq de blessés.
Le 5. les Affiégeans qui avoient reçu un nouveau
renfort , commencerent à ouvrir la Franchée ; ils
continuerent le lendemain leurs aproches , & ils
établirent une feconde Batterie de 12. piéces de canon
, dans le deffein d'affûrer la navigation des
Bateaux qu'ils fe propofoient de faire venir de la
Drina , & dont ils avoient befoin pour le Siége.
Cette Batterie pouvoit auffi leur être utile , pour faciliter
la conftruction d'un Fort , qu'on croit qu'ils
veulent conftruire , afin d'être maîtres de la Save.
Le 8 , les deux Batteries des Affiégeans tirerent
prefque continuellement , & l'on s'aperçut qu'ils
avoient jetté du monde dans plufieurs Inles de cette
Riviere ,& de celle de la Drina, & qu'ils avoient fait
avancer quelques Troupes du côté du Pofte de Driniza
, occupé par les Imperiaux. Les Troupes d'Infanterie
qui fe font mifes en marche , pour tâcher
d'obliger les Ennemis de lever le Siége de Ratscha ,
ont été jointes en chemin par quelques Régimens
de Cuiraffiers , & ce Corps de Troupes eft commanpar
le Comte de Kevenhuller. dé
le
11 ,
Celui qui étoit campé à Semlin & qui eft fous
les ordres du Comte de Neuperg , paffa le Danube
& à peine ce Général fut - il de l'autre côté
de ce Fleuve , qu'il reçût avis que 6000. hommes
des Troupes Ottomanes avoient formé le Siége de
Panzova. Il précipita auffi-tôt fa marche , afin de
les attaquer , mais les Turcs 'ne jugerent pas à
propos de l'attendre , & ils fe retirerent sous Vipalanka.
Sur
NOVEMBRE. 1738 2481
Sur l'avis que le Comte de Neuperg marchoit
pour les en chaffer , ils ont abandonné les environs
de cette Place , & ils ont repris la route d'Orfova.
Depuis leur retraite le Colonel de Bernclau , qui
commande à Panzova , a reçû ordre du Comte de
Neuperg , de faire safer les Fortifications de Vipalanka
.
Depuis que les Turcs ont levé le Siége de Ratscha
& quitté le Bannat de Temeswar , les Payfans
rebelles de cette Province ont offert de rentrer
dans leur devoir , si l'Empereur vouloit , en leur
permettant de lever eux- mêmes les sommes qu'ils
doivent lui payer , les mettre à couvert des vexations
des Fermiers préposés pour la perception des
Droits. On dit que S. M. I. leur a accordé leur
demande .
L
ITALIE.
E Comte Rivera , Miniftre du Roy de Sardai
gne eut le 19. du mois paffé sa premiere Audience
du Pape , & il y fut présenté par le Cardinal
Alexandre Albani , chargé des Affaires de la
Cour de Turin auprès du S. Siége.
L
MALTHE.
E Grand Maître ayant apris au commencement
du mois d'Août , que Dgianum Codgia Capitan
Pacha avoit paru le 15. du mois passé auprès
de l'Ife Serigo en Morée avec 12. Sultanes , Vaisseaux
de So. canons du Grand Seigneur , & dans
l'incertitude s'il y avoit des Galeres & des Galiottes
dans quelques Ports voisins de la Morée
pour quelque débarquenrent , Son Altesse Eminentissime
, & son Conseil jugerent à propos
précautionner non seulement pour le présent ,
Hv
2
de se:
ma
2482 MERCURE DE FRANCE
mais encore pour l'avenir , contre toutes surprises.
de la part des Turcs.
Pour cet effet , on résolut de mettre tout le Militaire
de la Religion de Malthe en état de défense,
sous le commandement général du Bailly de Chambray
, d'affigner à chaque Officier son Poste avec
la Troupe qu'il commandera , pour y être passés.
en revue tous les ans par ce Général , ou ses Successeurs
, & prévenir par ce moyen toute surprise.
Le Bailly de Chambray , informé que ce souverain
Tribunal avoit jetté les yeux sur lui , nemine
discrepante , c'est-à-dire tout d'une voix , alla recevoir
les ordres du G. M. selon l'usage , mais il représenta
à Son Eminence , qu'il n'avoit jamais
commandé que sur mer , le G. M. lui répondit en
ces termes : M. le Bailly vos, succès éclatans sur
mer , nous répondent de votre capacité & de votre valeur
par tout ailleurs .
Peu de jours après ce Decret , on a seu que
Dgianum Codgia faisoit ramasser tous les Bleds.
de la Morée & de l'Archipel , pour les transporter
à Constantinople , où la disette eft grande ; mais
cela n'a rien changé à la résolution prise , qui subsistera
toujours pour la sûreté de l'Ile de Malthe .
Liste de la répartition de la Congrégation de
Guerre , composée des Billis Descheneau , Dom
Payo de Abres , de Chabrillan , & de Goüerainnes ,
arrêtée le 1.Août 1738. par l'ordre du Grand Maître .
& de son Conseil.
Liste des Officiers Généraux & Subalternes.
Lieutenant Général ,
Le Vénérable Bailly de Chambray.
Majors Généraux.
Les Chevaliers de Polastron & Despennes.
}
Aydes
NOVEMBRE. 1738. 2453
Aydes-Majors Généraux ,
Les Chevaliers de Raillanette l'aîné & de Pitta.
Le Chevalier de Althann , Volontaire.
Régiment de Boircarcara
Colonel ,
Le Chevalier de Perou.
Lieutenant- Colonel ,
Le Chevalier Commandeur de Grimaldi.
Le Chevalier de Guast.
Major ,
Capitaines ,
Les Chevaliers Dom Louis Pereira Catinho , Jo
seph de Almeida , Laurens da Couigna , de Breffay
Paîné , de Clermont Montoizon , Sanguin de Livry .
Aydes-Major,
Huet , Servant d'Armes .
Les Compagnies sont toutes de cent hommes
chacune , Lieutenans & Sous - Lieutenans à pro
portion.
Regiment Cornaro. Colonel , le Chevalier de
leamacca.
Lieutenant-Colonel , le Chevalier Commandeur
Delci.
Le Chevalier de Prouana , Major .
Capitaines ,
Les Chevaliers Dom Emmanuel Zörita , de Ste
Colombe , de Ferretti , de Biebenze!, de Mathan , de
St Julien.
Ayde- Major , Bellerano , Servant d'Armes .
Outre cela , il y a toutes les Milices de la Religion
, & plufieurs autres Régimens qu'il seroit trop
long de détailler.
Les Vaisseaux & Galeres de la Religion sont en
Courfe trois mois sur les Côtes d'Italie , de
pour
France & d'Espagne , & reviendront à Malthe pas
les Côtes de Barbarie.
Havj Le.
2484 MERCURE DE FRANCE
Le Grand Maître est fort attentif à tout ce qui
concerne le Gouvernement Civil & Militaire . S. A
E. jouit de la plus parfaite santé , à S. Antoine , son
Palais de Plaisance .
CORSE.
Na apris par les Lettres de Genes de la fin
du mois dernier , que le Baron de Neuhoff
s'étoit présenté avec fes Vaifleaux au commencement
de Septembre dans le Golfe de Sagone , & que
n'ayant pu y aborder à caufe des vents contraires ,
il avoit été obligé d'aller jetter l'ancre à Porto Provenzale
, près d'Ajaccio. M. Soprania , qui y com
mande pour la République , ne fut pas plutôt instruit
de l'arrivée du Baron de Neuhoff , qu'il fit publier
dans tous les Lieux voisins un Decret , portant
défenſe aux Habitans d'écouter les propofitions
de ce Baron , & d'acheter aucune chose de lui ou
de fes adbérans , fous peine d'encourir la disgrace
du Roy de France & d'être traités comme rebelles
Les Parens & les Amis des Otages , qui font à
Toulon , fe font diftingués en cette occafion par la
fermeté avec laquelle ils ont rejetté les offres de ce
Chef des R belles , & par les efforts qu'ils ont faits
pour engager tous les Corses de leur connoiffance,
à demeurer fideles à la République.
La Frégate & la Barque de S. M. T. C. lesquel
les s'étoient rendues à Calvi le 4. ont mis à la voile
pour Ajaccio , & le bruit court que la Barque
s'est emparée de quatre Bâtimens du Convoi du Ba
Jon de Neuhoff , du nombre defquels eft un Pinque
armé en guerre.
Les Equipages de quelques Vaiffeaux , qui font
entré depuis peu dans le Port de Genes , ont nonfeulement
confirmé ce bruit , mais ils ont raporté
diverfes
NOVEMBRE . 1738. 248
diverfes circonftances , & ils ont affuré que la Bar
que Françoile ayant rencontré les Bâtimens ennemis
, elle leur avoit fait le fignal ordinaire , pour
les obliger de s'aprocher ; que fur leur refus elle
avoit tiré contre le Pinque plufieurs coups de Canon
qui lui avoient caffé fon grand Mât & fon
Trinquet ; que le Pinque étant démâté , avoit baiffé
toutes fes Voiles , & qu'il s'étoit rendu à discretion ,
ainfi que les trois autres Vaiffeaux qu'il eſcortoit.
On mande de Provence , que S. M. T. C. a réfolu
d'envoyer dans l'Ile de Corfe , un renfort de
quatre Bataillons.
On a reçû de l'Ifle de Corfe la confirmation de la
prife de quatre Bâtimens du Convoi du Baron de
Neuhoff , & que ces Bâtimens , à bord defque:s on
a trouvé quelques munitions de guerre , & une
quantité affés confidérable de Sel & de Fer , avec
beaucoup de balots de hardes des Paffagers, qui s'étoient
fauvés à terre , ont été conduits à la Baſtie.
Les Nouvelles varient fur ce qui concerne la
Perfonne du Baron de Neuhoff , les unes marquent
qu'il eft enfin débarqué dans l'Ifle , qu'il s'eft rendu
à Corte, & qu'il y a été reçu par les Habitans
avec de grandes démonftrations de joye ; les autres
portent , que non- feulement il n'a pas ofé fe livrer
entre les mains de fes adhérans , qu'il foupçonne
d'être capables de le remettre au Marquis Mari ,
pour obtenir leur Amniftie , mais encore qu'il n'a
débarqué aucune Artillerie.
On a apris en même-temps , que toutes les Pieves
de deçà les Montagnes , avoient envoyé des
Députés , ou écrit au Comte de Boiffieux , pour lui
enouveller les affûrances de leur entiere foumiſſion
aux volontés du Roy de France , & pour le prier de
vouloir bien accelerer leur accommodement , afin
de prévenir tous les inconvéniens que pourroit cau-
Les
2486 MERCURE DE FRANCE
fer le retour du Baron de Neuhoff. Il femble qu'il
n'en eft pas tout-à- fait de-même des Pieves de de-là .
les Monts , & quelques - uns des Chefs de ces Pieves
paroiffent être fort zelés pour les interêts de ce Ba
ron . Cependant on efpere que leurs efforts , pour :
entretenir la révolte , feront inutiles.
Le Marquis Mari a mandé au Sénat de Genes ,
au commencement de ce mois , qu'on n'avoit pu
recevoir à la Baftie aucune nouvelle certaine du
parti qu'avoit pris le Baron de Neuhoff , mais on:
vient d'aprendre du Port de Baye dans le Royaume
de Naples , qu'il y avoit mouillé depuis peu un
Vaiffeau Hollandois de 42. pieces de Canon , qu'on
affûre être le même, à bord duquel étoit ce Baron,
& l'on conjecture qu'ayant perdu l'efpérance de
pouvoir débarquer fon Artillerie dans l'Ile de Cor
fe , il a pris la route de Naples , au lieu de fe retirer
dans quelque Port de l'Ile de Sardaigne , vers
laquelle on croyoit qu'il avoit fait voile. Le bruit .
court qu'il a distribué dans divers Lieux de l'Ile de
de Cofe environ 2000. Fufils & une affés grande
quantité de balles & de poudre , fans exiger aucun
payement , & qu'il a pourvû plufieurs Villages de
Fer & de . Sel , dont les Habitans manquoienr abe
folument.
On affûre cependant, que la plupart n'en font pas
moins difpofés à fe conformer aux volontés du Koy
de France ; qu'ils ont même une très - grande impapatience
de voir leur accommo lement conclu , &
qu'ils follicitent avec beaucoup d'inftance le Comte
de Boiffreux de paffer pardeffus les difficultés qui
en retardent la publication. Vingt trois Paffagers ,
qu'on dit que le Baron de Neuhoff avoit conduits -
dans l'Ifte de Corfe pour les y employer en qualité --
d'Officiers, & qui étoient à terre lorfque laFrégate du
Roy de France s'eft emparée des Bâtimens, à bord
defquels
NOVEMBRE. 1738. 2487
defquels ils avoient fait le trajet , fe font fauvés
dans les Montagnes , où ils manquent de tout ,
leurs hardes étant demeurées dans leurs Bâtimens.
On a apris en dernier lieu de la Baftie , que les
conditions de l'accommodement de la République
avec les Rebelles , ayant été reglées par le Roy de
France , le Comte de Boissieux , qui en avoit reçûz
une copie , devoit inceffamment les rendre publiques
, & l'on efpere que la confiance que les Rebelles
doivent avoir dans la garantie de S. M. T C ..
les déterminera à se soumettre entierement au Reglement
qui a été fait .
On amena au commencement de ce mois à Genes
an Religieux qui étoit Provincial de l'Ordre de
S. François , dans l'Ile de Corſe , d'où il est natif ,.
& qui étant extrêmement attaché au Baron de Neuhoff
, abufoit de fon Miniftere pour détourner
les Peuples de rentrer dans leur devoir..
Le Vaiffeau Hollandois qui moüilla il y a quel
que temps-à Baye & qu'on croit être celui à bord
duquel étoit le Baron de Neuhoff, s'eft rendu à Na-.
ples, & le Capitaine a remis à terre deux Paffagers
que plusieurs personnes prétendent reffembler à ce
Baron & à un de fes Neveux , & qui font partis en
pofte pour Rome.
NAPLES.
E Roy nommé Chevaliers de l'Ordre de Saint-
LJanvier , le Marquis de Montalegre ,Secretaire
d'Etat , le Comte de Miranda , Premier Ecuyer de
S. M. & le Marquis de Castelar , un de fes Gentils- ,
hommes de la Chambre.
On a apris par le dernier Courier qui eft venu de
Madrid , que le Duc de Sora , Grand- Maître de la
Maifon du Roy , avoit été déclaré par S. M. C.
Grand d'Espagne de la Premiere Claffe.
ESPAGN
2488 MERCURE DE FRANCE
ESPAGNE.
A Reine premiere Douairiere qu'une indispofition,
caufée par la fatigue du voyage , avoit
obligée de s'arrêter à Pampelune , étoit attendue
sur la fin du mois paffé à Guadalaxara , où elle
compte de faire fa réfidence . On a apris que cette
Princeffe, quelques jours avant que de quitter Bayone
, avoit envoyé à l'Hôtel de Ville le Marquis de
Penafuente , fon Majordome Major , pour affûrer
le Maire & les Echevins , qu'elle n'oublieroit point
l'empreffement que les Habitans lui avoient témoigné
dans toutes les occafions , & pour les informer
que défirant laiffer à la Ville un Monument du→
rable de fa reconnoiffance , elle feroit payer aux
Magiftrats la fomme de foooo. livres pour être employée
à conftruire une Fontaine publique .
Le jour que la Reine partit pour fe rendre en
Efpagne , le Maire , les Echevins & les autres perfonnes
qui compo fent le Corps de Ville , fe rendirent
chés S. M à la tête de 60. jeunes Gens des
principales Familles de la Ville , lefquels avoient tâché
de fe furpaffer les uns les autres par la magnificence
de leurs habits & par la beauté de leurs Chevaux
, & ils accompagnerent cette Princeffe , qui
lorfqu'elle arriva à la Porte par laquelle elle fortit
de la Ville , y trouva M. Dadoncourt , Commandant
& tous les Officiers de l'Etat Major , &
après avoir été complimentée au nom des Habitans
par M. du Livier , un des Echevins , fut faluée d'une
décharge génerale de l'Artillerie des Remparts ,
de la Citadelle & des Châteaux.
"
Les Magiftrats de Bayone , de concert avec
le Marquis de Penafuente , ont demandé aux
Créanciers de la Reine & à ceux des Offciers
de fa Maiſon , des comptes de ce qui leur
>
étoif
NOVEMBRE. 1738. 2489
étoit dû , & ces comptes , après avoir été arrêtés
par le Marquis de Penafuente , ont été enregis
trés à l'Hôtel de Ville ,
GRANDE BRETAGNE.
E 20. du mois dernier , une Troupe de Comé
diens François, que quelques Seigneurs ont enga
gés à venir à Londres, firent l'ouverture de leur Thea
tre , mais plufieurs perfonnes , qui , à la follicita
tion des Comédiens Anglois , étoient entrés dans
la Salle pour troubler le spectacle' , exciterent un
tel tumulte , que les Comédiens ne purent donner
la repréſentation de la Piéce intitulée l'Embarras des
Richeffes , qu'ils avoient promife.
M. Chriftophle Winchkote , mourut le trois
de ce mois à la Terre de Hackney , âgé de 88. ans .
Ce Gentilhomme a donné pendant fa vie 1000. liv.
fterlings à la Maiſon des Pauvres de la Ville de Londres
, 8co, à l'Hôpital de Chrift , une pareille fomme
à chacun des Hôpitaux de S. Thomas & de saing
Barthelemi , 700. à celui de Bethleem , 1500. aux
Ecoles établies en Irlande , pour élever les Enfans
dans la Religion Proteftante ; soo. aux veuves des
pauvres Miniftres , & 1400. à divers Orphelins , &
il en a legué 1360. par ſon Teftament , pour être
employées à de femblables Aumônes ; toutes ces
fommes , jointes enſembles , montent à 88000. liv .
fterlings , qu'il a employées à fecourir les Pauvres.
Un caractere fi charitable , joint à beaucoup d'efprit
& à plufieurs autres qualités très - dignes d'eftime ,
le font univerfellement regretter .
*
BOUTS
2490 MERCURE DE FRANCE
D
BOUT S - RIME'S ,
SONNE T.'
Butin ;
Ans ce siècle pervers l'un ne pense qu'à Boire ; ;
L'autre en concussions , qu'à faire un gros
Malgré Minerve , un sot veut sçavoir le Latin;
Un fourbe, pour tromper, s'en va de Foire en Foire.
L'autre jusqu'au Japon, des rives de la
Brave mille hazards , comme un petit
Pourvu qu'il puisse après porter l'or sur
I quitte sans regret la liqueur de sa
Qu'à ses Louis tout cede , & truelle &
Contr'eux qu'il ne soit plùs d'opiniâtre
Méprisant les Poiriers , qu'il cultive la
Qu'il régale Cloris dans un pompeux.
Loire ,
Lutin ; -
Satin ,
Poire,
Rabot ;
Naboth;
Souche.
Bâteau ;
Qu'il soit enfin heureux sur le bord d'un Ruisseau ;
Quoiqu'il fasse ,oui,toujours il est fat,rustre &Louche
J. P. Esparron .
FRANCE
NOVEMBRE. 1738. 249
FRANCE.
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
> 31. du mois dernier , veille de las
Fête de tous les Saints , la Reinc enrendit
la Messe dans la Chapelle de la Cour
ovale de Fontainebleau , & S. M. communia
par les mains de l'Abbé d'Alegre , son:
Aumônier
en quartier :
,
Le même jour , le Roy & la Reine assisferent,
dans la Chapelle du Château aux
premieres Vêpres de la Fête , qui furent
chantées par la Musique , & auxquelles l'Ar--
chevêque de Bourges officia.
par
Le premier de ce mois , jour de la Fêtes.
Leurs Majestés entendirent la grande Messe,.
célebrée pontificalement le même Prélat..
L'après midi , le Roy & la Reine assisterent
au Sermon du Pere Menou , de la Com-.
pagnie de Jesus , & ensuite aux Vêpres
chantées par la Musique , & auxquelles le
même Prélat officia .
Le 3. jour des Morts , Leurs Majestés entendirent
la Messe de Requiem , pendant
laquelle le De profundis fut chanté par la
Musique.
>
Le
2492 MERCURE DE FRANCE
Le Régiment d'Infanterie , vacant par la
mort de Maximilien , Comte de Choiseul-
Meuse , & qui est le 22 des Régimens
d'Infanterie , a été donné à François de
Montmorin , Marquis de S. Herem , apellé
le Marquis de Montmorin , Gouverneur du
Château , & Capitaine des Chasses de Fontainebleau
; & le Régiment de Forêt , le 78 °
des Régimens d'Infanterie , dont le Marquis
de Montmorin étoit Colonel depuis le 20.
Février 1734. a été accordé à François -Honoré
de Choiseul Meuse , né à Sorcy ,
Diocèse de Toul, le premier Octobre 1716.
& Chevalier de l'Ordre de S. Jean de Jéru
lem,Frere du feu Comte de Choiseul- Meuse.
Le Roy a nommé à l'Evêché de Gap }
l'Abbé de Cabannes , Vicaire Géneral de
l'Archevêché d'Aix .
Le Roy a accordé au Président du Tillet,
la place de Conseiller d'honneur au Parle
ment , vacante par la mort de M. de la
Malmaison.
Le s , de ce mois , on commença dans
l'Eglise de la Paroisse de Fontainebleau ,
l'Octave de la Canonisation de S. Vincent
de Paule , Instituteur & Premier Supérieur
General de la Congrégation des Prêtres de
la
NOVEMBRE . 1738. 2493.
fa Mission & des Filles de la Charité , Servantes
des Pauvres malades , & cette Octave
a été continuée avec beaucoup de solemnité,
Le 11. le Roy alla entendre le Salut dans
cette Eglise , La Reine y alla le 12. & Mon
seigneur le Dauphin le 7.
La Reine partit le 20. de ce mois au
matin , & arriva le soir à Versailles ; Mon
seigneur le Dauphin y arriva le 19.
Le 21. le Roy partit de Fontainebleau
vers les dix heures du matin , & S. M. arriva
à Versailles le même jour.
Le 11. Fête de S. Martin , on donna le
premier Bal public qu'on donne tous les
ans à pareil jour sur le Théatre de l'Opera ,
& qu'on continue pendant differens jours
jusqu'à l'Avent ; on le reprend à la Fête des
Rois jusqu'au Carême.
Le 12. l'Ouverture du Parlement se fit ;
avec les cérémonies accoûtumées , par une
Messe solemnelle , à laquelle l'Evêque de
Tarbes officia pontificalement. M. le Pelletier
, Premier Président , & les Chambres,
y assisterent.
2494 MERCURE DE FRANCE
Le 4. Novembre , les Comédiens François repréfenterent
fur le Théatre de Fontainebleau , la Tradie
d'Alcibiade , avec l'Acte intitulé l'Etourderie
tiré de la Comédie des Caracteres de Thalie .
Le 8. l'Enfant Prodigue & le Magnifique , dont
le Divertiffement fut executé par les Comédiens
Italiens . La Dlle Huguenot & le Sr Jeliot , y chanterent
avec aplaudiffement deux Airs de la compofition
de M. de Blamont , Sur Intendant de la Mufique
du Roy.
Le 13. Rbadamifte & Zenobie , & la petite Piéce
.du Legs .
Le 6. Les Comédiens Italiens repréſenterert fur
le même Théatre , le Faucon & le Retour de Tendreffe.
> La Comédie aux quatre ****
Le 15.
& les
Filets de Vulcain , dont le Divertiffement fit beau-
<coup de plaisir.
Le 25. Novembre les Comédiens François représenterent
à Verfailles la Tragédie de Rodogune
& le Baron de la Craffe.
Le 27. l'Andrienne & le Rendès -vous.
Le 26. de ce mois , les Comédiens Italiens re
présenterent auffi à Versailles , Timon le Misantrope
, avec les agrémens , & les Mascarades Amou
euses avec un Divertiſſement .
>
3. on
Le 27. le Octobre , 29 . & le Novembre ,
Concerta chés la Reine à Fontainebleau , l'Opera
d'Atys ; les Dlles Huquenot & Rotiffet de Romainville
, chanterent les Rôles de Cybelle & de Sangaride
, & les Srs Jeliot & d'Angerville , ceux d'Atys
& de Calenus .
Le
NOVEMBRE . 1738. 2495
Le 5. le 10. & le 12. on chanta l'Opera d'Amadis
, dont les principaux Rôles furent rendus par les
mêmes personnes qu'on vient de nommer.
Le 24. la Cour étant de retour à Versailles , la
Reine entendit l'Opera d'Armide , dont le premier
Rôle fut chanté avec beaucoup d'aplaudiffement
par la Dlle Huquenot ; les Dlles Duhamel & Abec,
rendirent ceux du Prologue , & les Dlles Godeneche
& d'Augi , remplirent les deux Rôles de Confidentes
d'Armide .
Le 23. les Vingt -quatre de la Chambre du Roy ,
executerent au diné de S. M. ( à l'occasion de fon
retour de Fontainebleau ) les Symphonies du Ballet
des Caracteres de l'Amour , de la compofition
de M. de Blamont , qu'on joue actuellement à l'Opėra
tous les Mardis & Jeudis , avec un grand
concours.
Le premier Novembre , Fête de la Touffaint , le
Concert du Château des Thuilleries commenca par
le De profundis , Motet à grand Choeur de M. de
la Lande , qui fut fuivi d'un nouveau Carillon de
M. Aubert , executé par toute la Symphonie , après
lequel on chanta le Cantate Domino, Motet de M.
Gervais , Maître de Mufique de la Chapelle du Roy;
le Concert fut terminé par le Motet Quare fremue
runt , précédé de differentes Piéces de Symphonie.
L'Hyver a commencé ici de très - bonne heure ,
la gelée s'est fait fentir vivement d'abord après la
S. Martin , & fi fort , que la plupart des Glacieres
des Particuliers au tour de Paris , ont été remplies
avant la fin du mois. Le temps s'est remis au beau;
la glace avoit près de quatre pouces d'épaiffeur .
3496 MERCURE DE FRANCE
A Mile de M... C .. au jour de sa Fête,
ILL est aujourd'hui votre Fête ,
C.. , mais je laisse à l'Amour ,
Couronner de fleurs votre tête ;
Pour vous faire encor mieux sa cour
L'Amitié prend un autre tour.
Elle veut effayer de réparer l'outrage
Que la Peinture vous a fait.
Vous le sçavez , combien j'enrage
Toutes les fois que j'envisage
Ce maussade Tableau , qu'on dit votre Portrait.
N'offrez plus à nos yeux cette infidelle Image ;
Non , ce n'est point - là vous ; vous voici trait pour
་。
trait.
La taille & l'air d'une Immortelle ;
Les yeux vifs , mais pleins de douceur ;
Un front , où brille la pudeur ,
D'un sourire engageant la grace naturelle
Si fatale pour plus d'un coeur.
Un esprit délicat , un coeur plein de droiture
Une douce fierté qui vous fait respecter ,
Sans qu'il soit besoin d'affecter
Une sagesse austere & dure.
A ces traits peints d'après Nature ,
Vous voudrez seule ici m'accuser de flater .
MORTS
NOVEMBRE. 1738. 2497
MORTS ,
NAISSANCES.
&
Mariages.
L Moran ,
E 16, Septembre dernier , Gédeon de Vic ,
Seigneur de , qui avoit pour trisayeul
Méri de Vic , Seigneur
d'Erménonville , des Bergeries
, de S. Port & de S. Affife , près de Corbeil
mort le 2. Septembre 1622. étant Garde des Sceaux
de France depuis le 24. Décembre précedent, mouru
en fon Château de Moran en Touraine , âgé de
52 ans. Il étoit le dernier mâle de sa Famille, qui se
trouve éteinte par fa mort , le défunt ne laiflant
qu'une foeur , mariée avec Elzeard Barbin , Baron
de Broyes , que l'on dit être la premiere Baronie
du Comté de Champagne . La Famille de Vic étoit
originaire de Guyenne , & non de Naples , comme
quelques- uns l'ont voulu infinuer . La Généalogie
en eft raportée dans l'Hiftoire des Grands Officiers
de la Couronne , Tome 6. p. 539- Guillaume
Raimond Vich , qui fut fait Cardinal par
Leon X. en 1517. & qui fut Evêque de Barcelone ,
le Pape
étoit Efpagnol, & nullement de la Famille de de Vic
de France.
Tous les Gens de Bien , & l'Ordre de S. François
en particulier , ont fait une perte confidérable en la
perfonne du R. Pere Charles Bourget , Cordelier de
la Province , dite de France Parifienne , Docteur
de Sorbonne , originaire de la Ville de Valognes
dans la
BaffeNormandie, lequel mourut à Rouen le
26.Septembre, dernier dans la 64.année de son âge,
en reputation d'un des plus vertueux & sçavans Religieux
de l'Ordre . dont il étoit l'ornement ,
P'un des plus folides apuis. Dès fes plus jeunes an-
I nées
&
2498 MERCURE DE FRANCE
nées il donna à Rome des preuves de fa capacité
dans une Theſe de la Nation , dédiée au Roy , qu'il
foûtint au mois de May 1700. avec tout le fuccès
poffible . En l'année 1713. le R. P. Ildefonse de
Biezma , fon Géneral , l'apella auprès de fa Perfonne
, en qualité de Secretaire Géneral. Cet Emploi
le fixa en Espagne pendant fix années entieres ,
pendant lequel temps il donna des marques d'une
grande intelligence dans le maniment des Affaires .
En l'année 1716. le P. Géneral le députa pour
venir en France complimenter le Roy , au nom de
out l'Ordre , fur fon heureux avenement à la Couronne.
Après la mort de ce Géneral , & FElection du
R. P. Jofeph de Garcia , la Cour trouvá bon de
laiffer le P. Bourget auprès du nouveau Géneral ,
pour veiller aux interêts des Monafteres & des Religieux
de la Nation , & en foûtenir les droits . Il fut
fait ensuite Commiffaire Géneral de la Terre Sainte
en France ,Emploi important, qui occupe un homme
tout entier , & qui demande une vigilance continuelle
, qui s'étend dans toute la Paleſtine , &c. Il
fut auffi inftitué Diffiniteur Géneral de tout fon
Ordre , aprés avoir été deux fois Provincial de fa
Province , Pere enfin de plufieurs Provinces. Le
lendemain de fon décès il fut inhumé dans l'Eglife
des Cordeliers de Rouen , avec un grand concours
de Perfonnes de tous les Etats , que la vertu & la
réputation de ce Religieux avoient attirés .
Le 27. du même mois , mourut à Paris , âgé de
so. ans , Jean-François de Thibault , Seigneur de
Boisgnorel , Chevalier des Ordres de N. D. du
Mont- Carmel & de S. Lazare de Jeruſalem , du 3.
Avril 1719. Lieutenant Colonel de Cavalerie, Gentilhomme
ordinaire du Duc d'Orleans , & auparaxant
l'un de fes Ecuyers.
Le
NOVEMBRE . 1738. 2499
Le 8. Octobre , Louis le Bel , Evêque de Bethléem
, Abbé de l'Abbaye de Lieu-Reftauré , Ordre
Prémontré , Diocèse de Soiffons , mourut à Paris ,
dans le Convent des Récollets , au Fauxbourg saint
Martin , âgé de 77. ans . Il êtoit Religieux du même
Ordre , de la Province de Paris , où il avoit été
connu fous le nom de P. Chérubin . Il avoit été fucceffivement
Lecteur en Théologie , Diffiniteur Géneral
de tout l'Ordre de S. François , Provincial de
la Province de S. Denis en France , & Commiflaire
Géneral & Royal des Provinces de Flandres . L'Evêché
de Bethléem , petit Hôpital fitué dans le
Fauxbourg de Clamecy en Nivernois , ayant été
préconisé & proposé pour lui à Rome les 27. Novembre
& 11. Décembre 1713. il fut Sacré le 4.
Février 1714. à Paris , dans l'Eglife des Récollets ,
par l'ancien Evêque de Tulles , affifté de l'Evêque
d'Arethufe , Suffragant de Befançon , & de l'Evêque
de Saintes , & le 14. du même mois , il prêta Serment
de Fidelité entre les mains du Roy. L'Abbaye
de Lieu-Reftauré lui avoit été accordée au mois de
Juillet 1724.
Le 11. Jacques-François Minet de Meril'e , Abbé
Commandataire de l'Abbaye Royale de S. Yves de
Braine , de l'Ordre de Prémontré , Diocèle de Soissons
, depuis l'an 1681. mourut à Paris , âgé de
76. ans.
Le 16. Charles -Jacques , Baron de Besenval , &
de Bronſtatt , du Canton de Soleurre , Lieutenant
Géneral des Armées du Roy , de la Promotion du
24. Février dernier , Colonel d'un Régiment d'Infanterie
Suiffe , & Chevalier de l'Ordre Militaire
de S. Louis , depuis 1705. mourut à Paris , âgé
d'environ 64. ans Il avoit été long- temps Major
du Régiment des Gardes Suiffes , mais ayant obtenu
le Régiment de Hemel le 15. May 1729. il
I ij quitta
500 MERCURE DE FRANCE
quitta cette Majorité. Il avoit été élevé au Grade
de Brigadier le premier Février 1719. & à celui de
Maréchal de Camp le 20. Février 1734. Il étoit
Frere puîné de feu Jean-Victor, Baron de Besenval,
& de Bronftatt , Lieutenant General des Armées du
Roy , & Colonel du Régiment des Gardes Suiffes ,
dont la mort eft raportée dans le Mercure de Mars
1736. page 602 .
Le 17. D Marie-Josephine de Boufflers , ci- devant
Dame du Palais de la Reine , ( Place dont elle
s'étoit démise au mois de Janvier 1734. ) & veuve
depuis le 26. Decembre 1732. de François Camille
de Neufville-Villeroy , Duc d'Alincourt , Baron du
Marais , & de S. Marc , Lieutenant de Roy de la
Ville de Lion , & des Provinces de Lionnois , Forest
& Baujolois , & Mestre de Camp du Régiment
de Villeroy , Cavalerie , avec lequel elle avoit été
mariée le 4. Septembre 1720 mourut à Paris , au
commencement de la 35. année de son âge , étant
née le 10. Septembre 1704. Elle ne laisse qu'un
fils , qui est Gabriel -Louis de Neufville , Marquis
de Villeroy , né le 8. Octobre 1731. &-Lieutenant
Général au Gouvernement du Lionnois, Forest , &
Beaujolois , seul Héritier présomptif des Titres de
la Maison de Villeroy . La Duchessé d'Alincourt
étoit la derniere fille de feu Louis- François Duc de
Boufflers , Pair , & Maréchal de France , Chevalier
des Ordres du Roy , & de la Toison d'or , Gouverneur
de la Flandres Françoise , & des Ville , Citadelle
& Châtellenie de Lille , &c. mort le 22. Août
1711. & de D. Catherine- Charlotte de Gramont ,
sa veuve , ci-devant Dame d'Honneur de la
Reine.
Le 20. Pierre-Augustin Chaillon , Seigneur de
Mézieres , Conseiller au Parlement de Paris , de la
quatrième Chambre des Enquêtes , où il avoit été
reçu
NOVEMBRE : 1738. 2501
reçû le 7. Mars 1714, & auparavant Conseiller ap
Châtelet , mourut en son Château de Mézieres ,
environ 15. lieues de Paris , & près de Dreux , âgé
d'environ . ans. Il étoit fils aîné de feu Jean
Pierre Chaillon , Seigneur de Mézieres , Jonville ,
&c. Conseiller -Secretaire du Roy , ci-devant Rece
veur Général des Finances à Caen , & Fermier Général
des Fermes Unies de S. M. mort le 25. Novembre
1722. & de Marie- Anne Colin , morte le
17. May 1695. Il avoit épousé au mois d'Avril
1729. la Dile Baudry , fille du Grand Maître des
Eaux & Forêts du Département de Picardie , & niéce
à cause de sa mere , de l'Abbé Lorenchet , Con,
seiller de la Grand'-Chambre , mais il n'en laisse
point d'enfans , desorte que ses Heritiers sont Fran
çois Chaillon , Seigneur de Jonville , son frere ,
Gentilhomme ordinaire de la Maison du Roy , &
chargé des Affaires de S. M. aux Païs - bas Autri
chiens , & Marguerite Chaillon , sa soeur , épouse
d'André-Jean Lalouette , Sr de Vernicourt , Maré,
chal de Camp des Armées du Roy , Inspecteur Gé
néral de Cavalerie , & Commandeur de l'Ordre
Militaire de S. Louis .
Le
.......
و .
Octobre , Yves-Louis - Dieu donné
Malet du Luzart , Seigneur de Noisiel , ci- devant
Conseiller au Parlement de Paris , où il avoit été
reçû le Fevrier 1695. & auparavant Avocat du
Roy au Châtelet , mourut à sa Terre de Noisiel sur
Marne , près de Lagny , âgé de 70. à 71. ans. Etant
resté veuf sans enfans de D. Marie-Magdeleine
Lombard le 31. Juillet 1725. il se remaria le 25 .
Octobre suivant avec une Dlle du nom de Nicole .
Il étoit fils de feu Louis Malet , Seigneur du Luzart
, de Noisiel , du Buisson , Malvoisine , Ving
taine , &c. aussi Conseiller au Parlement de Paris ,
mort au mois de Décembre 1704. & de feuë Anne
Liij Fabert,
2502 MERCURE DE FRANCE
Fabert , sa femme , de la Ville de Metz.
Le 21. Jean-Frederic de la Tour de Gouvernet ,
Seigneur de Bois- le- Vicomte de Mitry en France ,
&c. Prêtre , Docteur en Theologie , Chanoine de
P'Eglise Métropolitaine de Paris depuis le 16. Fevrier
1718. mourut à Paris , âgé de 67. ans , &
fort regretté des Pauvres , au besoin desquels il
employoit le restant de soooo . liv . de rente dont il
jouissoit , après avoir prélevé ce qui lui étoit nécessaire
pour sa dépense ordinaire . Le 23. dans la
matinée , le Chapitre de Paris en Corps , vint lever
son corps à l'Hôtel de Louvois , ruë de Richelieu ,
où il demeuroit, chés le Sr Olivier de Senozan , Intendant
Général du Clergé , & on le conduisit à
Notre -Dame , d'où après la célebration de ses obseques
, il fut transporté aux Nouvelles Catholiques
, rue Sainte Anne , où le défunt avoit choisi sa
sépulture. Il étoit fils puiné de feu Charles de la
Tour , Mirquis de Gouvernet en Dauphiné , &
d'Esther Hervart , morte en Angleterre , où elle
s'étoit retirée pour cause de Religion , le 15. Juillet
1722. âgée de 86. ans. Il laisse pour Heritiers
Charles de la Tour de Bourrelon , Marquis de Gouvernet
& de Sennevieres , Sénéchal de Valentinois
& de Diois , Gouverneur des Ville & Citadelle de
Montelimart , & la Marquise de Cruffol - Monsalez ,
sa soeur, ses neven & niéce , & D. Sabine de la Tour
de Gouvernet , sa soeur , veuve de François de Grolée
, Marquis de Viriville , Gouverneur de Montelimart.
Le 25. Nathanael , Baron de Hook en Irlande ,
Maréchal des Camps & Armées du Roy , de la Promotion
du premier Fevrier 1719. & Commandeur
de l'Ordre Royal & Militaire de S. Louis , du premier
Janvier 1720. mourut à Paris , âgé de 75. ans .
Il avoit été autrefois Colonel d'un Régiment d'Infanterie
NOVEMBRE. 1738. 2.503
fanterie de sa Nation , qui fut réformé , & il avoit
été élevé au grade de Brigadier le 3. Mars 1708. Il
avoit été auffi Plénipotentiaire du Roy en differentes
Cours de l'Europe , & nommé en dernier lieu
par le feu Duc d'Orleans , Régent , à l'Ambaſſade
de Prusse ; mais cette nomination n'eut point lieu
Il étoit veuf de D. Eleonore - Susanne de Mackarty-
Reagh , d'une des premieres Maisons d'Irlande,
morte le 12. Janvier 1731. à l'âge de 48 : ans .
Le 27. Maximilien de Choiseul , Comte de Meuse ;
Colonel d'un Régiment d'Infanterie de son nom ,
par Commiffion du 20. Fevrier 1734. & auparavant
Capitaine dans le même Régiment depuis 1719.
mourut à Fontainebleau , dans la 24. année de son
âge , étant né le 7. Juin 1715. Il étoit fils aîné de
Henry- Louis de Choiseul , Marquis de Meuse , Bri
gadier des Armées du Roy, ci - devant Colonel d'un
Régiment d'Infanterie , dont il se démit en faveur
de son fils en 1734. & de D. Honorée - Julie- Françoise
Comtesse de Zurlauben , son épouse. Le
Comte de Choiseul- Meuse avoit été marié le 18.
Mars 1734 avec Emilie Paris , fille de Claude Paris
de la Montagne , Conseiller - Secretaire du Roy ,
Maison , Couronne de France , & de ses Finances,
& de feuë Elizabeth de la Roche. Il la laisse veuve
à l'âge de 22 ans , & mere de deux fils .
Le vingt neuf , D. Claire - Gabrielle de Barcos ,
Epouse en secondes noces depuis le 15. Avril dernier
, de Louis-François- Annibal d'Agoult , des
Seigneurs de S. Michel en Provence , Capitaine de
Dragons dans le Régiment d'Orleans , & auparavant
veuve sans enfans depuis le 21. Fevrier 1736.
de Gilles le Masson , Conseiller - Secretaire du Roy,
Maison , Couronne de France , & de ses Finances
mourut à Paris dans la 37. année de son âge , étant
née le 9. Juin 1762. Elle étoit fille de feu Jean de
I iij Barcos,
2564 MERCURE DE FRANCE
Barcos , Contrôleur des Gendarmes de la Garde du
Roy , & Secretaire Général de la Conétablie &
Maréchaussée de France , mort en 1730. & de D.
Claire Argoud.
Le 3. Novembre , Anne - Therese de Rohan- Gué~
mené , Abbesse de l'Abbaye de Jouarre , Ordre de
S. Benoît , Diocèse de Meaux , mourut à Rouen
au commencement de la 55. année de son âge, étant
née le 15 Octobre 1684. Elle avoit été d'abord
Abbesse de S. Leger de Preaux , du même Ordre ,
Diocèse de Lisieux , ayant été nommée à cette Ab
baye le 31. Octobre 1713. Elle avoit été bénite le
13. Juin 1717. dans l'Eglise Abbatiale de S. Germain
des Prés à Paris par le feu Cardinal de Bissy
Evêque de Meaux. Elle fut transferée au mois de
Novembre 1729. à celle de Jouarre , vacante par la
démission de Charlotte - Armande de Rohan- Soubise
, sa cousine . Elle étoit fille de Charles de Ro
han , Prince de Guémené , Duc de Montbazon ,
Pair de France , mort le 10. Octobre 1727. & de
Charlotte- Elizabeth de Cochefilet de Vauxvineux
sa seconde femme , morte le 24. Décembre 1719.
*
Le même jour , François le Febvre , Seigneur de
la Malmaison , Bissy , &c . Conseiller d'Honneur
au Parlement de Paris , depuis 1722. & auparavant
Conseiller & Commissaire aux Requêtes du Palais
du même Parlement , où il avoit été reçû le 4. Janvier
1690. mourut à Paris , dans la 73. année de
son âge. Il étoit veuf de Marie- Catherine Gon ,
morte le 31. Juillet 1726. fille de feu Jean Gon
Seigneur de Vaffigny , Vicomte d'Argenlieu , Conseiller
en la Cour des Aydes de Paris , & de Catherine
Perrot. Il l'avoit épousée le 9 , Juin 1705. Il en
avoir eû Antoine le Febvre de la Malmaison , fils
unique , Conseiller & Commissaire aux Requêtes
du Palais du Parlement de Paris , qui mourut
le
NOVEMBRE. 1738. 1505
le 12. Octobre 1731. dans la vingt - sixiéme année
de son âge , sans enfans de la seconde fille de
feu Pierre-Benoît Morel , Président en la Cour des
Aydes de Paris , qu'il avoit épousée le 26. Janvier
1730. Cette Dante s'est remariée depuis avec le
Sr Gon d'Argenlieu , Officier aux Gardes , cousin
de son premier mari.
>
Le 5. Novembre , D. Geneviève- Sophie Cherré,
épouse de Robert Langlois , Seigneur de la Fortelle,
Nesle , Richebourg , &c. Conseiller Honoraire au
Parlement , & Président en la Chambre des Comptes
de Paris , avec lequel elle avoit été mariée le
10. Juin 1721. mourut à Paris , âgée d'environ
36. ans , laissant une fille âgée de 16. ans & un
fils de 9 ans. Son fils aîné étoit mort le 11. Avril
1737. à l'âge de 13. ans. La défunte étoit fille de
Pierre -Jean Cherré , Maître ordinaire en la Chambre
des Compres de Paris , mort le 8. Janvier 1724.
âgé de 80. ans , & de Magdeleine - Françoise Cesar,
sa femme , morte le 18. Avril 1716. dans la
année de son âge,
40.
Le 25. Octobre , fut baptisé Pierre Gabriel , second
fils d'Etienne- Horace Gabriel de Seve , Baron
de Flécheres , Seigneur de Farins , Bauregard ,
Frans , Jassan , Aignevin , Villette , Grolonges, & c .
Conseiller au Parlement de Paris , à la cinquiéme
Chambre des Enquêtes , où il a été reçû le 10 .
Juillet 1733. & de Marie - Magdeleine de Marcy
qu'il avoit épousée au mois d'Avril 1736.
Le 11. Septembre , Louis-Auguste de Fortisson ,
né le 18. Décembre 1711. Ayde . Major de Brigade
de la Compagnie des Chevau- Legers de la Garde
ordinaire du Roy , Mestre de Camp de Cavalerie
fils de Jean Godefroi de Fortisson , Seigneur de
Iv Casalis,
I
1
2506 MERCURE DE FRANCE
Con-
Casalis , du Claux , Nauselle , &c . Maréchal des
Logis , & Ayde- Major en chef de la même Compagnie
des Chevau- Legers de la Garde , Maréchal
des Camps & Armées du Roy , & Commandeur de
P'Ordre Royal & Militaire de S. Louis , & de défunte
D. Marie- Françoise de Vayre du Claux ,
morte le 20. Octobre 1737. fut marié à Versailles,
dans la Chapelle de l'Hôtel des Chevau-Legers ,
avec la seconde fille de François Chicoyneau ,
seiller du Roy en tous ses Conseils , Premier Médecin
de S. M. Chevalier de son Ordre de S.Michel,
& de sa seconde femme , fille unique de feu Pierre
Chirac , mort Premier Médecin du Roy , de laquelle
il a aussi un fils , dont il eft parlé dans le
Mercure de Juillet 1730. p . 1662. à l'occafion d'une
Thése générale de Philosophie , qu'il venoit de
soûtenir dans le College Mazarin ; & une fille aî
née , mariée le 19. Janvier 1736. avec M. du Bois.
des Cours de la Maisonfort , Capitaine de Vaisseaux
du Roy. On ne dit rien ici de M. le Premier
Médecin , parce qu'on ne feroit que répéter ce que
l'on a déja dit de lui & de sa Famille dans les Mercures
du mois d'Août 1731. pag . 2027. & du mois
d'Avril 1732. p. 808. lorsqu'il fut nommé d'abord
Médecin des Enfans de France , & ensuite Premier
Médecin du Roy.
Le 29. Octobre , Louis de Villeneuve , Marquis
de Trans , Comte de Tourettes , Enseigne des Galeres
du Roy , du 8.Septembre 1733. fils unique de
feu Pierre-Jean de Villeneuve , Marquis de Trans,
Comte de Tourettes , Seigneur de la Napoule , & c.
mort le 17. Février 1730. dans la 64. année de son
âge , & de D. Marie-Therese de Barthelemy
veuve , épousa à Paris Dlle Louise- Catherine Pernot
, âgée de 18. à 19. ans , & dotée de 200000 :liv.
en argent comptant , fille aînée de Remy Pernot
sa
Seigneur
NOVEMBRE. 1738. 2507
Seigneur du Buat , reçû Conseiller Secretaire du
Roy , Maison , Couronne de France , & de ses
Finances , en 1727. & de D. Marie - Françoise Megret.
La nouvelle mariée a deux freres , & une
soeur. L'aîné de ses freres , Nicolas - Remi Pernot ,
est Gentilhomme ordinaire de la Maison du Roy .
La Maison de Villeneuve est une des plus anciennes
& des plus illustres de Provence , où elle est
connue dès le 12 , siécle . Elle tire son nom du
Château & de la Terre de Villeneuve au Diocèse de
Vence , proche la Mer , entre les Villes d'Antibes,
& de Nice. L'Abbé Robert , dans son Nobiliaire de
Provence , Vol. 3. p . 241. & suivantes , parle fort
au long de son origine , de ses differentes branches ,
& de ses illustrations .CetteMaison porte pourArmes,.
de gueules freté de 6. lances d'or , accompagnées
de petits écussons semés dans les clairs- voyes , de
mêne , & sur le tout , un écusson d'azur , chargé
d'une fleur- de -lys d'or , en vertu de la Concession
faite à Louis de Villeneuve , surnommé Riche d'honen
faveur duquel le Roy Louis XII . érigea
en Titre de Marquisat la Terre de Trans , au Diocèse
de Frejus , par Lettres Patentes données à
Blois au mois de Février 1 50s . & vérifiées la même
année au Parlement d'Aix. Ce Marquisat passe pour
le plus ancien du Royaume , du moins de ceux qui
son vérifiés au Parlement, c'est pourquoi le Marquis
de Trans prend dans ses Titres la qualité de Pre- --
mier Marquis de France..
neur ,
Ivj LE
2508 MERCURE DE FRANCE
************************
LE PARFAIT BONHEUR ,
EPIGRAMME en Acrostiche à Mile
Aut .. D. S. M.... de Paris.
H
Eureux qui peut aux pieds d'une aimable Bergere
,
mxprimer de son coeur les transports amoureux ,
Fire son sort charmant , écrit dans ses beaux
yeux ,
t trouver du retour à sa flamme sincere .
Zon, je ne connois point de plus parfait bonheur,
h ! tu peux , Belle Aut .... l'accorder à mon
coeur.
ENVO I.
>ccepte dans ce jour mon amoureux hommage ;
<ois dans mes tendres Vers , les transports de
mon coeur ,
Hu peux les avouer. Aut .... c'est ton ouvrage.
n vain j'aurois voulu te cacher mon ardeur ,
Le t'aime ! .. ( et loin de toi si je tiens ce langage , J
e dire à tes genoux, quel seroit mon bonheur
Par M. **** de Quimper.
ARRESTS
NOVEMBRE. 1738. 2509
ARRESTS NOTABLES , & c.
A
RREST du 16. Août, au fujet d'un Imprimé
qui a pour titre, Histoire de la Conftitution Unigenitus,
&c. Tome second , par lequel S. M: fait trèsexpresfes
inhibitions & défenfes à toutes perfonnes
de faire entrer dans le Royaume ledit Livre intitulé,
Hiftoire de la Conftitution Unigenitus par M. Pierre-
François Laffiteau , Evêque de Sifteron , cy- devant
chargé des affaires du Roy auprès du Saint Siege . Tome
fecond , à Avignon , chés Fortinat Labaye , Imprimeur
, &c. 1738. comme auffi à tous Imprimeurs
Libraires , Colporteurs & autres , de quelque état ,
qualité ou condition qu'ils foient , d'imprimer , vendre
, débiter ou autrement diſtribuer ledit Ouvrage.
Enjoint S. M. à tous ceux qui en ont des Exemplaires
, de les remettre inceffamment au Greffe du
Confeil ; le tout à peine d'être procedé extraordinajrement
, fuivant la rigueur des Ordonnances
contre ceux qui contreviendroient au préſent Arrêt;
Sa Majefté le réſervant au furplus de pourvoir ainfi
qu'il apartiendra , à ce qui concerne ledit Ouvrage,
fur le compte qui lui en fera rendu , &c.
SENTENCE de Police du 22.qui fait défenſes
à tous Particuliers , Hommes & Femmes, vendant &
étallant dans les Halles & Marchés de cette Ville
d'y caufer aucun fcandale , de fe quereller , & d'y
troubler la tranquillité publique , fous peine de pri
fon , & de cent livres d'amende.
ARREST du 23. qui ordonne l'execution de
La Déclaration du 23. Juillet 1737. pour faciliter la
perception
2510 MERCURE DE FRANCE
perception des arrérages des Rentes des Tontines ,
par laquelle S M. ordonne que la Déclaration du
23. Juillet 1737. fera executée felon fa forme & teneur
; en confequence , que ceux des Actionnaires
deseeing Tontines établies fur l'Hôtel de Ville de
Paris , qui , au premier Janvier 1739. n'auront fourni
aucune quittance des années 1736. & 1737. feront
privés nou -feulement des arrérages & accroisfemens
defdites deux années , mais encore de ceux
de l'année 1738. lefquelles portions de . Rèntes &
d'accroiffemens feront employées dans les Liftes
qui fe feront au mois de Janvier 1739. pour la distribution
des Rentes & accroiffemens de l'année
1738. enforte qu'après l'expiration defdites trois
années , lefdits Rentiers négligens ne puiffent efperer
aucun rétabliſſement de jouiffance , que du premier
Janvier de l'année en laquelle il auront juftifié
de leur exiſtence actuelle , & fourni leurs quittances.
Veut S .. M. que cette difpofition ait lieu
pour l'avenir , & d'année en année , fans qu'il puiffe.
y être contrevenu pour quelque caufe & prétexte
que ce foit ; & cependant par grace pour cette fois
feulement , & fans tirer à conféquence , Sa Majeſté.
a ordonné & ordonne que les Actionnaires négli
gens , employés comme tels pour les années 1735•
1736. & 1737. dans les Liftes faites au mois de .
Janvier 1738. pour la diftribution des arrérages & .
accroiffemens de l'année 1737. & qui par Actes fignifiés
aux Syndics onéraires de leur Claffe , feront
connoître leur existence avant le premier Janvier
1739. feront rétablis dans les Liftes de l'année.
1938. qui feront arrêtées au mois de Janvier 1719
auquel effet lefdits Syndics reprendront au profit def
dits Actionnaires , fur les fonds à diftribuer par lesdites
Liftes , tant les arrerages , que les accroiffemens
qui leur, auroient apartenu ; lefquels arréra
gest
NOVEMBRE. 1738 2515
ges & accroiffemens feront payés auxdits Rentiers
Actionnaires , fur leurs quittances , en la maniere .
accoûtumée ; & lefdites dépenfes allouées fans diffi .
culté dans les comptes des Payeurs qui les auront
acquittées en vertu du préfent Arrêt , &c.
DECLARATION du Roy , qui ordonne
que les Receveurs des Boîtes des Monnoyes , dans ,
le reffort des Cours des Monnoyes de Paris & de:
Lyon, feront tenus , chacun à leur égard , de comp→
ter à la Chambre des Comptes , des foiblages de
poids efcharcetés de loy , du travail des Directeurs .
particuliers des Monnoyes , pour les années 1705 ..
& fuivantes , jufques & compris 1719. Donnée à ,
Verfailles le 24. Août 1738. Registrée en la Cham
bie des Camptes le 17. Septembre fuivant ..
ARREST du 26. Août , qui permet pendant :
trois ans aux Négocians François qui font le Commerce
des Ifles & Colonies Françoiſes de l'Améri- .
que , d'envoyer leurs Vaiffeaux directement en Ir- .
lande , pour y acheter non--feulement
des Boeufs &
chairs salées , mais auffi des Saumons falés , Beures,
Suifs & Chandelles , & delà les tranſporter auxdites ,
Ines & Colonies Françoiſes.
AUTRE du même jour, portant qu'à com
mencer du premier Oetobre prochain , dans les Provinces
où les Aydes ont cours , & du premier Jan- .
vier 1739. dans les autres Provinces du Royaume ,
il ne pourra être employé d'autres Papiers & Par .
chemins timbrés , que de ceux des nouveaux Tim--
bres de Jacques Forceville , Adjudicataire des Fermes
Generales unies , & de ceux des nouveaux.
Sous- Fermiers , fans qu'ils foient tenus de contre
- timbrer gratis , ni reprendre ou échanger les ,
Papiers
2512 MERCURE DE FRANCE
Papiers& Parchemins qui pourroient leur être ra→
portés.
SENTENCE de Police du 29. qui ordonne
l'execution des Arrêts du Parlement, Ordonnances
& Reglemens de Police , concernant la fourniture
de la Marchandiſe de Foin fur les Ports & Places
de cette Ville , & condamne en l'amende plufieurs
Marchands de Foin , pour avoir difcontinué ladite
fourniture.
AUTRE du même jour , qui ordonne l'execu
tion des Ordonnances & Reglemens de Police concernant
l'Aprovifionnement de la Ville de Paris , &
condamne plufieurs Marchands Fariniers en cinq
cent livres d'amende , pour avoir diſcontinué la
fourniture de la Halle.
ARREST du 31. qui commet le fieur Sainctmare
, ancien Caiffier de l'Extraordinaire des Guerres
, pour retirer les Billets , Reconnoiffances & autres
Effets mentionnés & dénommés par l'Edit du
mois de Juillet dernier , & en faire le payement
conformement à l'état de diftribution arrêté au
Confeil .
EDIT DU ROY , portant fupreffion des
cent foixante- dix Charges d'Avocats aux Confeils ,
& création de foixante- dix autres .Donné à Verfailles
au mois de Septembre 1738. Regiftré ès Registres
de l'Audience de France , le 12. dudit mois.
ARREST du 9. Septembre , qui exempte
pendant fix années , à compter du premier Octo
bre 1738. les Huiles de Baleine & autres Poiffons
provenans de la pêche des Sujets du Roy, des droits
ordonnés
NOVEMBRE.- 1738. 2513
ordonnés les Edits des mois d'Octobre 1710 .
par
Août 1714. & par la Déclaration du 21. Mars 1716.
ORDONNANCE DU ROY , du 10. Pour
regler le nombre des Officiers de fes Troupes d'Infanterie
Françoiſe , qui auront congé par Semestre ,
par laquelle S. M. ordonne l'execution des 19 Ar
ticles contenus en ladite Ordonnance.
AUTRE du même jour , pour regler le nombre
des Officiers de fes Troupes de Cavalerie & de
Dragons , qui auront congé par Semestre . Ordonne
pareillement l'execution des 21. Articles qui y sont
contenus.
ARREST du 13. pour le Remboursement des
Veuves & Héritiers des Avocats aux Confeils , qui
font morts revétus de leurs Offices.
AUTRE du 25. portant nomination de nou
veaux Syndics & Greffier des Avocats au Confeil
&c.
AUTRE du 5. Octobre , concernant la Loterie
Royale , par lequel S. M. a prorogé & proroge , &
pour la derniere fois , jufqu'au ro du mois de Dé
cembre prochain, le terme qui avoit été fixé au 10.
Octobre pour tirer la Loterie ; veut en conséquence
S. M. que le fieur Paris de Monmartel , Garde dur
Tréfor Royal , continue jufqu'au dernier du mois
de Novembre inclufivement , de faire les converhions
ci- devant authorisées , en affignations fur la
Loterie ; & que les feurs du Tartre & Bouron Notaires
, Receveurs particuliers de la Loterie , continuent
pareillement jufqu'audit jour , d'en délivrer
des Billets ; paffé lequel temps , Sa Majeſté a ordon2514
MERCURE DE FRANCE
né & ordonne que la Loterie demeurera fermée ,
pour être tirée audit jour 10. Décembre préfix. , en
quelque état qu'elle fe trouve alors.
AUTRE du 8. fur la Remife des Piéces &
Procédures des Inftances commencées au Confeil
avant l'Edit du mois de Septembre dernier , & sur
la continuation desdites Procédures.
EDIT DU ROY, portant fabrication des Sols
de vingt- quatre deniers . Donné à Fontainebleau an
mois d'Octobre, 1738. Regiftré en la Cour des Monnoyes
le 5. Novembre suivant , par lequel S. M.
ordonne l'execution des fept Articles suivans.
ART. I. Que tous les Sols fabriqués pour trente
deniers , trouvés dans les Caiffes de nos Deniers
lors de la publication de l'Arrêt de notre Confeil
dù premier Août dernier, feront inceffamment re
mis aux Hôtels de nos Monnoyes , où la valeur en
feta payée fur le pied de neuf livres dix-huit foly
onze deniers le Marc..
ART. II. Que ces Sols feront fondus dans
tous les Hôtels de nos Monnoyes , fi fait n'a été ,
en confequence des ordres que nous avons déjt
fait donner de les y porter à cet effet ; & qu'ils fet
ront convertis en nouveaux Sols , du titre de deux
deniers douze grains , au remede de quatre grains ,,
& à la taille de cent douze pieces au Marc , quatre
pieces de remede , le plus également que faire fe
pourra, fans recours néanmoins de la piece au Marc,
& des Demi Sols , de même titre , à la taille de deux
cent ving- quatre au Marc , au remede de huit pieces
; le travail de laquelle converfion fera jugé par
les Officiers de nos Cours des Monnoyes , en la
maniere accoûtumée.
ART. III. Lefdits Sols auront cours dans
tour .
NOVEMBRE. 1738. 2575
tout notre Royaume , Pays , Terres & Seigneuries
de notre obéiffance , pour Vingt- quatre deniers
piece , les Demis à proprtion ; & porteront les Empreintes
figurées dans le cahier attaché fous le
contre-fcel de notre préfent Edit.
ART. IV. Ne pourra toutesfois entrer forcément
dans les payemens de quatre cent, livres & audeffous
, pour plus de dix livres de ces Efpeces , &
pour plus d'un quarantiéme dans les payemens audeffus
de quatre cent livres. .
>
nous
ART.. V. Et comme le mauvais ufage de mêler
de menuës Efpeces dans les facs d'argent , pour
faire les apoints & faciliter la retenue des cinq fols .
par fac , donne lieu à une infinité de malverſations ,,
ainfi qu'à l'emploi d'Efpeces de Lorraine , nonobsfaifons
dé tant la prohibition de leur cours
fenfes de mettre dorénavant , à commencer du jour
de la publication du préfènt Edit , aucunes menuës.
Monnoyes dans les facs d'argent, lefquels ne pourront
plus , même paffé ledit jour , être compofés
d'aucunes Efpeces mélées , ni faits autrement ; fçade
deux voir , des facs de douze cent livres , que
cent ecus en écus , ou quatre cent demi-écus ,
mille cinquièmes d'écus , deux mille diziémes , ou
quatre mille vingtiémes ; des facs de mille deux liv..
composés de cent foixante-fept écus , ou trois cent
trente- quatre demi- écus , huit cent trente- cinq
cinquièmes d'écus , feize cent foixante- dix dixiémes
, trois mille trois cent quarante vingtiémes ;.
des facs de neuf cent livres , compofés de cent cin
quante écus ou trois cent demi - écus , sept cent
Cinquante cinquièmes d'écus , quinze cent dixièmes
trois mille vingtiémes ; & des facs de fix cent
livres , compofés de cent écus ou deux cent demiécus,
cinq cent cinquièmes d'écus , mille dixièmes ,
deux mille vingtiémes ; fans qu'il puiffe être mis ,
de
2516 MERCURE DE FRANCE
de plufieurs fortes d'Efpeces dans un même fac ,
fous peine de confiſcation ; ſauf à être retenu ou
rendu le prix des facs , fur les pieds fixés par l'Ar
rêt du Confeil du 17. Janvier 1711. ainfi qu'il en
eft ufé pour les facs de douze cent livres , qui font
ordinairement complets.
ART. VI . Voulons qu'à commencer du pre
mier Mars prochain ; les Sols de Trente deniers ,
ci-devant fabriqués par nos ordres , foient auffi reçûs
de tous nos Sujets , dans les Hôtels de nos Monnoyes
, ainfi que par les Changeurs , & payés à
raifon de neuf livres dix - huit fols onze deniers le
Marc ; & ceux des fabriques de Lorraine , à raiſon
feulement de fept livres neuf fols deux deniers .
ART. VII. Permettons néanmoins aux Direc
teurs de nos Monnoyes & aux Changeurs , de diminuer
quatre onces par cent Marcs du poids des
dites Efpeces, pour raifon de la craffe qui eft deffus;
méme auxdits Changeurs , de fe faire payer de
leurs droits par le Public , fur le pied de trois deniers
pour livre dans tous les endroits éloignés de
moins de dix lieues des Hôtels de nos Monnoyes ,
& de quatre deniers pour livre pour ceux éloignés
de dix lieues & au delà , &c.
ARREST du 11. Novembre , qui ordonne
que le prix des Efpeces & Matieres d'or & d'argent
, demeurera fixé à toujours , ſur le pied porté
par l'Arrêt du 15. Juin 1726. nonobftant la diminution
qui avoit été indiquée par le même Arrêt
& ceux de prorogation rendus depuis , notamment
par celui du 150 Décembre 1737.
MA:
NOVEMBRE. 1738. 2517
MADRIGAUX.
ERgaste , quoiqu'à tort , veut passer aujourd'hu
Pour avoir triomphé de la fiere Isabelle ;
IR
Doris , soyez plus tendre qu'elle ,
Je serai plus discret que lui.
*
Ris , vous dédaignez les feux
Qu'en moi vos charmes ont fait naître
Mon destin n'est pas d'être heureux ;
Mais mon coeur méritoit de l'être,
D
*
Es traits d'une injuste colere
Vous payez mes feux en ce jour ;
Par quel prodige étrange, Iris, voules - vous faire
La Haine Fille de l'Amour ?
Par M. de B ... C .. de R ...
L'Almanach en grand , représentant le Mariage
du Roy des deux Siciles , & les Réjouissances faites
à Naples , se vend rue S. Jacques , chés Charpentier
au Cocq.
Nous
2518 MERCURE DE FRANCE
Nous donnerons deux Volumes le mois prochain
, pour employer les Pieces qui n'ont pa
trouver place dans le courant de l'année.
J
APROBATION.
'Ai lu par ordre de Monseigneur le Chancelier ,
le Mercure de France du mois de Novembre , &
j'ai cru qu'on pouvoit en permettre l'impression. A
Paris , le premier Décembre 1738.
HARDION.
TABL E.
IECES FUGITIVES. Ode , contre les
PLEAthées , 2307
Lettre sur la Dévotion des Rois de France à la
sainte Vierge 2318
Ode imitée d'Horace ,
2317
Lettre sur les Etudes Militaires , 2320
Epitre en Vers à un Médecin 2340
Question jugée au Parlement de Paris , 2345
L'Amant sur le retour , Ode , 2354
Extrait d'une Lettre sur l'Honneur & la Gloire
2356
L'Amour Marron , Conte , 2359
Memoire sur un Endroit des Elemens de Newton ,
2364
Stances à la Fortune , 2368
Opération de la Taille , circonstances singulieres ,
&C.
2372
Ode
Ole imitée d'Horace , 2374
Lettre au sujet des Cheminées qui fument , &c.2377
Epitre ,
Réponse sur l'Observation d'une Playe pénetrante
dans le bas ventre , & c.
Lettre sur l'Etablissement du Bureau Typogra-
238.3
Vers à la Marquise de .
238.6
...
2396
phique , 2398-
Enigme , Logogryphes , &t.
2406
2412
2415
2416
NOUVELLES LITTERAIRES , DES BEAUX - ARTS ,
& c.
Cours d'Architecture de d'Aviler ,
Nouveaux Amusemens du Coeur & de l'Esprit
&c.
Recueil de plusieurs Pieces de Poësie & d'Eloquence.
des Jeux Floraux ,
Bibliotheca Bibliothecarum Manuscriptorum nova ,
& c.
2420
2429
Suite des Anecdotes de la Cour de Philipe-Auguste
, & c.
Réponse à l'Avis au sujet des Cadrans Solaires, 2437
Overture du College Royal ,
Prix proposé par l'Académie de Bordeaux ,
Rentrée de l'Académie Royale des Sciences ,
Rentrée de l'Académie Royale des Belles -Lettres ,
Prix proposé par la même Académie ,
2436
2438
2439
&c.
2440
2441
2442
2444
2448
2449
ibid.
Assemblée publique de l'Académie de Marseille ,
& c
Nouvelles Estampes ,
Tombeau & Statue de Marbre ,
Air noté ,
Spectacles. L'Ecole du Temps , Comédie, Extrait ,
Le Rajeunissement inutile , & c.
Nouvelles Etrangeres , de Turquie ,
2450
2461
247 I
Prieres
Italie , Malthe & Ifle de Corse ,
Prieres & Processions à Constantinople , &c. 247 €
Russie , Pologne & Allemagne , 2478
2481
Naples , Espagne & Angleterre , 2487
Bouts-Rimés , 2490
France , Nouvelles de la Cour , de Paris , &c . 249 I
Bouquet ,
Morts , Naissances & Mariages ,
Le Parfait Bonheur , Epigramme
Arrêts Notables ,
Madrigaux ,
2496
2497
2508
2509
2517
Errata d'Octobre.
P Age 2295. ligne ro. donner , lisez lui donner,
Fautes à corriger dans ce Livre.
PAge 2446. ligne 28. Cire , ajoûtex blanche.
La Chanson notée doit regarder la page 2449
MERCURE
DE FRANCE ,
1 1
DEDIE AU ROY.
DECEMBRE . 1738 .
PREMIER VOLUME.
Chés
COLLIGIT
SPARGITE
A PARIS ,
GUILLAUME CAVELIER ;
ruë S. Jacques.
La Veuve PISSOT , Quay de Conty ;
à la defcente du Pont Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais,
M. DCC . XXXVIII.
Avec Aprobation & Privilege du Roy!
A VIS.
L'A
' ADRESSE generale eft à
Monfieur MOREAU Commis au
Mercure , vis - à- vis la Comédie Françoife
, à Paris. Ceux qui pour leur commodité
voudront remettre leurs Paquets cachetés
aux Libraires qui vendent le Mercure,
à Paris , peuventfe fervir de cette voye
pour les faire tenir.
"
On prie très-inftamment , quand on adreffe
des Lettres on Paquets par la Pofte , d'avoir
foin d'en affranchir le Port , comme cela s'eft
toujours pratiqué , afin d'épargner , à nous
le déplaifir de les rebuter , & à ceux qui
les envoyent , celui , non-feulement de ne
pas voir paroître leurs Ouvrages , mais
même de les perdre , s'ils n'en ont pas gardé
de copie.
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , an les Particuliers qui fouhaiteront
avoir le Mercure de France de la premiere
main , & plus promptement , n'auront
qu'à donner leurs adreſſes à M. Moreau
qui aura foin de faire leurs Paquets fans
perte de temps , & de les faire porter sur
' heure à la Pofte , on aux Meffageries qu'on
lui indiquera.
PRIX XXX. SOLS.
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROT.
DECEMBRE. 1738.
PIECES
FUGITIVES
;
en Vers et en Prose.
LE COLLEGE ROYAL ,
O DE
A Mrs les Professeurs Royaux.
Ages Dispensateurs des trésors d'Apollon
,
Oracles réverés dans son celeste Empire
,
Citoyens du sacré Val'on ,
Daignez prêter l'oreille aux accords de ma Lyre:
1. Vol. A ij Quelle
2520 MERCURE DE FRANCE
Quelle immortelle main construisit sur ces bords
Ce Temple où la Vertu regne avec la Science ?
O combien de nobles transports
Lit renaître autrefois cette auguste alliance !
Un temps fut puisse- t'il ne jamais revenir ! }
Que l'affreuse ignorance avoit soûmis la Terre ,
Et que , pour mieux se maintenir ,
Du démon des Combats elle prit le Tonnerre.
*
D'abord elle habita les froïdes Régions ,
Pour regner après lui , le cahos la fit naître ,
Mais rassemblant ses Légions ,
Jusqu'aux Poles du Monde elle se fit connoître,
*
La stupide valeur , de cent Peuples altiers
Contre Rome & les Arts signala son audace ,
Et durant des siecles entiers ;
Eteignit dans le sang la gloire du Parnasse,
*
Cependant Jupiter pesoit du haut des Cieux
Lc Destin des Etats & celui de la France ;
L'Avenir s'offrir à ses yeux ,
Et la splendeur des Lys fit pancher la balance.
DECEMBRE 2525 1738.
Le Tibre à l'Univers ne dictoit plus ses Loix ,
Les Déesses du Pinde avoient quitté ses Rives ,
Quand sous le Regne de François ,
La Seine recueillit les Muses fugitives.
*
Sur un Trône plus saint , ce Roy les fit asseoir ,
De ce nouvel Empire il vous remit les rênes.
Paris s'étonna de se voir
Plus que n'étoient jadis Rome , Memphis , Athenes.
Grace aux dons prodigués d'un Monarque puissant,
Tout fréquente à la fois votre Ecole chérie ,
Portique célebre en naissant ,
Qui des Arts est déja la commune Patrie .
2
En vain des Nations l'ample diversité
Des sons articulés sçut vatier l'usage" ,
Votre heureuse sagacité
Perce le voile épais qui couvre leur langage.
X
Si Neptune & les Vents transportent jusqu'à nous
Ces peuples insensés que séduit le Bracmane ,
Nul n'est étranger parmi vous ,
Et de tout l'Univers vous devenez l'organe.
* Les Langues.
A iij Des
2522 MERCURE DE FRANCE
Des Grecs & des Romains , fideles Sectateurs ,
(a)
Vous puisez dans leur sein le feu qui vous anime,
De deux célebres Orateurs ,
On voit revivre encor l'éloquence sublime.
*
Comme un embrasement répandu dans les Airs ,.
L'un déployant son feu , va consumer Antoine ,
Et l'autre au milieu des Eclairs ,
Foudroye avec éclat le Roy de Macédoine .
*
Ici dévelopant ses Mysteres profonds ,
Préside sur ses Soeurs cette illustre Science , (b)
Qui de ses principes féconds.
Pour l'éclairer toujours fait naître l'évidence.
*
L'esprit d'un vol rapide & penetrant les Cieux ,
Voit , jusque dans son germe , éclore la nature , ( c )
Puis d'un crayon judicieux
Nous peint de l'Univers la superbe structure .
*
Là , de jeunes Rivaux un innombrable Essain , (d)
Environnant le Dieu qui regne en Epidaure ,
(a )L'Eloquence. (c) La Philosophie.
En (b) Les Mathématiques. (d) La Médecine.
DECEMBRE. 1738. 2523
En reçoit cet Art souverain ,
Qui brave l'Acheron & que la Parque abhorre.
Mille autres Nourrissons sous un autre Drapeau ,
Ecoutent l'Equité , fille de l'Innocence ; (a)
Dans ses mains brille´ce flambeau
Qui s'allume aux rayons de notre conscience.
*
Tels sont les premiers fruits qu'on recueillit alors
De ce Champ qu'arrosoit une source fertile ,
Mais, dès qu'elle cut franchi ses bords ,
Où ne s'étendit pas son abondance utile ?
**
Où vit renaître enfin les Jardins de Platon , (b)
Délices de l'esprit , demeure fortunée ,
Séjour qu'habite la Raison ,
Le Compas à la main & de fleurs couronnée,
*
Sous un Ciel toujours pur , les Favoris des Dieux
Y moissonnent les Dons qu'Apollon fait éclore .
Qu'il est beau de voir dans ces Lieux ,
Avec les chastes Soeurs regner l'aimable Flore !
(a ) Le Droit
*
(b) Les Académies .
A iiij Un
2524 MERCURE DE FRANCE
Un nouvel âge d'or chasse l'âge de fer ,
La Paix , l'heureuse Paix , descend de l'Empirée ,
Et les Filles de Jupiter
Ont ramené les temps de Saturne & de Rhée.
*
France , tu réunis tous les Talens épars ;
Et sans doute du Ciel la sagesse profonde
Te donna l'Empire des Arts ,
Pour t'élever un jour à l'Empire du Monde.
M. Tanevot.
REFLEXIONS
Sur la Jalousie.
L
fordinaire,
A Jalousie des femines marque , pour
l'ordinaire, bien plus d'amour que celle
des hommes , car ceux - ci ne sont , la plûpart
, jaloux que de leur réputation , mais
les femmes ne sont véritablement jalouses
que de leurs maris .
L'aparence est contre les jaloux , car à
examiner leurs actions , il semble qu'ils ayent
plus de haine que d'amour , mais la haine
est dans leur bouche & l'amour dans leur
coeur. Il
DECEMBRE. 1738. 2525.
Il ne faut pas douter que la Jalousie ne
soit encore plus cruelle pour ceux qui tourmentent,
que pour ceux qui sont tourmentés .
Il est quelquefois agréable à un mari coquet
, d'avoir une femme jalouse ; il entend
souvent parler de la personne qu'il aime .
Je ne sçache rien à quoi on impose de si
dures loix qu'à la Jalousie . Il faut ne pas témoigner
le moindre ressentiment à ceux qui
veulent nous ravir un bien qui est à nous
ou auquel nous prétendons , et pour ne
point passer pour jaloux , il faut paroître insensible,
il faut caresser ses ennemis les plus
cruels , et se condamner à ne donner presque
aucunes preuves de son amour ; il faut .
meme , pour ainsi - dire , trouver le moyen
de remporter une victoire sans combattre, et
sans montrer que l'on a du courage , et en--
fin ataquer un coeur sans se servir d'amour
pour le gagner, bien qu'il n'y ait que lui qui
ait des armes assés fortes pour l'obliger à se
rendre. Véritablement souvent ce coeur , qui .
devroit être le prix de celui qui fait paroître
, et qui a en effet le plus d'amour
est le prix de celui qui en temoigne le moins,.
Il y a dans le monde deux sortes de
personnes tout- à - fait incompatibles , et qui
AY C
2526 MERCURE DE FRANCE
,
UIT
se trouvent ordinairement ensemble
Amant jaloux et une Maîtresse coquette ; ils.
ne peuvent se séparer l'un de l'autre ; il estcependant
rare qu'un Amant soit bien jaloux
fi ce n'eft à l'égard d'une Coquette ; et il arrive
presque toujours qu'une femme est coquette,
quand elle a un Amant jaloux .
S. Jérôme se plaint de la jalousie des
Maris , car , dit- il , on ne sçauroit garder
une femme impudique, et la pudique n'a pas
besoin qu'on la garde.
C'est l'ordinaire de la Jalousie d'empoisonner
les meilleures actions de ceux qui
nous la font sentir.
Quoique la Jalousie soit la marque
d'un
amour très-ardent et capable de l'augmenter
, on ne sçauroit nier qu'il ne soit capable
de le détruire .
La tendresse fait quelquefois taire la Jalousie
, et nous serions souvent bien fâchés
d'avoir les éclaircissemens que nous demandons
.
Jeunesse et continence , et vieillesse sans
jalousie , sont des choses bien rares .
Chaque geste , chaque regard , chaque
pas
DECEMBRE. 1738. 2527
pas d'une femme est pour un mari jaloux un
nouveau sujet d'ombrage et de trouble . Il
ne peut ni la voir , ni la quitter. Il la suit
partout , agité de soupçons continuels ; il
l'enferme , pour se délivrer de ses soupçons ,
aussi cruels à sa femme qu'à lui-même , et il
se condamne enfin avec elle à une rigoureuse
prison.
La Jalousie est un manque de bonne opinion
de soi-même , qui nuit toujours à celui
qui la ressent.
Ce ne seroit pas aimer que de souffrir
tranquillement l'indifference ou l'infidélité
de sa femme , mais c'est la haïr que de l'aimer
jusqu'à devenir son persécuteur par les
transports de sa jalousie ; ou si cette jalou--
sic est amour , c'est un amour pire que la :
haine .
Il s'en faut beaucoup que le Soufre et le
Salpêtre mêlés au charbon pulvérisé , prennent
si-tôt feu qu'une femme jalouse.
La Jalousie et l'Envie boivent ordinairement
elles -mêmes , la plus grande partie de
leur venin ,
Chose étrange , qu'un Jaloux soit blâme
A vj dec
2528 MERCURE DE FRANCE
de tout le monde , sans que personne st
soit jamais avisé de le plaindre , ni de prendre
sa défense ; au contraire ; on a toujours
déclamé contre les Jaloux. Ils n'osent pas
même montrer qu'ils craignent de perdre
la personne qu'ils aiment , sans risquer de
passer pour bizarres , inportuns , ridicules ,
comme si la crainte de perdre une chose
que l'on aime étoit un crime pour eux , lorsqu'elle
est une marque d'amour et de raison
pour le reste des hommes . Pourquoi ne
veut- on pas qu'ils ayent des sentimens si justes
et si naturels et qui sont ordinaires ct
permis à tout le monde , non -seulement pour
les belles personnes , mais pour toutes les
choses précieuses ?
Les hommes sont ordinairement plus jaloux
que les femmes ; mais il semble que la
Nature , pour rendre les choses égales , ait
donné à certaines femmes de la jalousie pour
toutes celles qui n'en ont point , ce qui les
rend bien plus insuportables que les hommes
. Une femme de cette espece , est jalousede
la fortune même de son Amant ; elle
craint que cette Déesse ne le favorise trop
et qu'il ne la quitte pour elle . Pour la contenter
il faut être incivil , jusqu'à la brutalité ,
envers toutes les autres femmes et avec les
hommes même.
Le
*
DECEMBRE. 1738. 2529
Le Mariage augmente toujours la jalousie ,
car une femme croit avoir d'autant plus de
lieu d'en avoir , que l'on doit plus apréhender
de perdre une chose qui est à soi , qu'u
ne à laquelle on prétend et que l'on n'a pas
encore. Il n'y a rien de plus terrible qu'unefemme
en cet état ; ses yeux , sa voix , ses
actions , tout marque de la fureur en elle ;
quand même elle ne parleroit pas , ses regards
sont capables de faire trembler ; et par
une bizarrerie inconcevable , sa jalousie
abhorre le seul remede qui la pourroit guérir.
Si au lieu de ces soupirs qui n'exhalent:
que la fureur , et qu'on prend pour les enfans
de la rage et de la douleur , une femme
pouvoit rapeller la douceur , naturelle à son
sexe , et que ses plaintes ne fussent écou--
tées que de son mari , il n'y a point de coeur
si dur qui ne se rendît ; mais elle veut tout
obtenir par la force , et sa jalousie l'aveugle
tellement , qu'elle est incapable d'avoir d'au--
tres sentimens que ceux qu'elle lui inspire...
L'amour d'un Jaloux est un amour trèshaïssable
; il se chagrine de tout , même
de voir la personne qu'il aime , dans la joye.
Il ne peut souffrir qu'elle goûte aucun plaisir
; ses paroles ne sont que ne sont que des reproches ,
ses pensées , que des soupçons ; ses actions
que des démarches d'un Espion incommode
,
2330 MERCURE DE FRANCE
de , qui lui ôte jusqu'aux moindres libertés.
Il faudroit pour lui plaire , qu'elle fût continuellement
dans une solitude , sans aucun
commerce , qu'elle ne fit , pour ainsi- dire
aucun usage de ses sens tant il a peur
qu'ils ne la séduisent. Si elle parle , il croit
que c'est pour le trahir ; si elle pense ,
s'imagine qu'elle cherche les moyens de le
tromper. Enfin toutes ses actions lui paroissent
des crimes ; après cela peut- on voir un
amour qui ressemble tant à la haine ?:
,
›
il :
Ceux qui blâment la jalousie , disent que
tous ceux qui en ont , haïssent en aimant
et que toutes leurs actions marquent plus
de haine que d'amour. Mais s'ils veulent
que l'amour produise la haine sera-ce la
haine qui produira l'amour ? Les passions
produiront elles leur contraire ? Deux
choses si oposées peuvent elles subsister
ensemble ? Et peut -on hair ce que l'on :
aime , sans cesser d'aimer ?-
-
Ily a deux sortes de Jalousie , l'une dans
un Amant , qu'on doit regarder comme délicatesse
, et l'autre dans un Mari , qui ne
peut guere être taxée que de foiblesse et
d'emportement.
La premiere n'est autre chose qu'une crainte
bien pardonnable, de se voir privé de la pos
session
DECEMBRE. 1738. 253Ts
session de l'objet que l'on aime ; cette crainte
ne lui ôte rien de l'estime qui lui est dûë ;
un Rival est plus riche ou plus aimable que
nous , nous apréhendons qu'il ne nous enleve
un coeur et une main qui nous sont chers ;
ses soins , ses assiduités , nous allarment et
nous inquietent , que faisons- nous ? Nous.
redoublons de respects et d'amour. De -là
cette charmante émulation entre deux Rivaux
, qui s'empressent , à l'envi , de servir
l'objet de leurs désirs ; cette jalousie fait le
triomphe de la Maîtresse , et est une preuve
bien certaine de la tendresse de ses Ado--
rateurs.
Quelle difference dans le Portrait d'un
Mari jaloux ! Son irnagination blessée et livrée
à mille phantômes , les lui représente
comme des réalités ; sa femme toujours ex--
posée à ses soupçons , l'est souvent à ses
emportemens , elle ne trouve dans son mé- -
nage que désunion , que désordre , que querelle
; si elle le caresse , c'est pour le trom--
per avec plus d'adresse et de sûreté ; si elle
paroît indifferente , elle l'est réellement ; .
qu'il quitte sa maison , ce n'est qu'en tremblant
qu'il y rentre ; eh ! de quoi s'est - il
occupé pendant le peu de temps qu'il a été -
absent ? N'en doutez pas , l'idée de sa femme
infidelle , ne lui a pas permis de finir ses
affaires , il trouve un prétexte pour revenir
;
chés
25.32. MERCURE DE FRANCE
chés lui , déja il y arrive , mais avec toutes les
précautions d'un homme qui veut surprendre
son Rival, cependant sa femme y est seule,
et elle n'est pas encore remise de ses dernieres
injustices , qu'il lui en fait de nouvelles.
Il est donc dans sa maison d'une humeur
insuportable , il ne sçait à qui s'en prendre ;
qu'il soit forcé de recevoir compagnie , il
examine , il écoute ; par tout il trouve du
mal , il contrarie par tout ; un mot dit un
peu bas est un rendès vous ; un consentement
; il a découvert l'intrigue , il est trom-.
pé ; quelle fureur ! c'est cependant cette passion,
cette fureur, que bien des Jaloux apellent
tendresse et attachement , comme si de
persécuter continuellement une femme, de ne
lui laisser aucun repos, de ne la traiter qu'en
Maître , qu'en Tyran , pouvoit s'allier avec
le véritable amour , qui supose de l'estime ,
et qui demande de la douceur , de lá complaisance
et de la politesse .
Par M. B. de Soissons.
ODE
DECEMBRE. 1738. 2533
********************
ODE imitée d'HORACE : Tyrrhena
Regum , &c.
R Ejetton de Rois qu'on honore ,
Chés moi je vous réserve un muid tout plein en-
COFE ,
D'un Vin dont la douceur peut répondre à vos
voeux ;
Et je me suis pourvû , Mécene , entre autres choses
,
De Parfums exquis & de Roses ,.
Que je destine à vos cheveux.
2
Hatez - vous d'être mon Convive :.
Que votre coeur , au moins pour quelque temps , se
prive
Des transports ravissans dont il se sent pressé ,
A l'aspect de Tibur , des Campagnes d'Esule ,
Et du Mont où fonda Tuscule ,
Le Fils d'Ulysse & de Circé..
Quittez , pour remplir mon attente ;
Des repas superflus la pompe dégoûtante ;
Quittez ce haut Palais superbement construit ,
Et de l'heureuse Rome , objet de vos tendresses ,
Cessez
2534 MERCURE DE FRANCE
Cessez d'admirer les richesses
L'éclat , la fumée , & le bruit.
።
Le changement d'air & de table
A l'homme le plus riche est souvent agréable ;-
Souvent le toît du Pauvre a des charmes
pour
Souvent la propreté d'une humble nourriture ,
Sans pourpre , tapis , ni dorure ,
De son front a chassé l'ennui
*
Le brillant Père de la Bellelui;
Que Pèrsée affranchit d'une mort trop cruelle ,
Montre déja ses feux depuis long - temps cachés ;
Déja de Procyon on ressent l'inclémence ,
Et l'âpre Lion recommence
A brûler nos champs dessechés
3
Les Bergers , les Troupeaux débiles ,
Contre l'ardeur du jour vont chercher azilé pour
4
Les Buissons de Sylvain , l'Ombrage & les Ruisseaux
; -
Tout languit , accablé d'une chaleur extrême ; ;
-Le Vent ne rafraîchit pas même
Les Lieux les plus voisins des Eaux.
*.
Cependant
DECEMBRE. 1738. 25.35
Cependant votre ame inquiete
S'abandonne aux soucis , dans l'embarras se jette ,
Toujours craignant. pour Rome & veillant à son
bien ,
Vous redoutez toujours , guidé par votre zele ,
Ce que pourroient tramer contre elle
Bactres , le Scythe & l'Indien.
*
Le prudent Arbitre du Monde
Nous cache l'avenir dans une nuit profonde ,
Et rit de nos frayeurs qui vont jusqu'à l'excès ; ,
Attentifseulement aux affaires présentes ,
Par vos démarches bienfaisantes
Assurez-leur un bon succès.
*
Tout le reste a la ressemblance
D'un Fleuve , qui tantôt s'écoule avec silence ,
Et tantôt furieux dans son débordement ,
Entraîne arbres , maisons , rochers , troupeaux ,
racines
;.
Des Monts & des Forêts voisines
Excite le mugissement.
&
L'inquiétude & les allarmes
De la vie aux Mortels enlevent tous les charmes.
Heureux cent fois celui qu'elles n'ont point vaincu,
Et
2536 MERCURE DE FRANCE
Et qui toujours exempt d'une crainte effrenée ,
A la fin de chaque journée
Peut dire » Aujourd'hui j'ai vécu !
Que du
*
nuage le plus sombre
5 Demain le Roy des Dieux sur nous répande
l'ombre ;
ככ
Qu'il fasse du Soleil triompher la clarté ;
29 Des accidens passés Jupiter n'est plus maître ,
» Et ce qu'une fois il fit être ,
Ne peut plus n'avoir pas été..
H
» La Fortune aveugle & cruelle
Prend un plaisir malin à nous être infidelle ,
Aime à faire passer ses dons de main en main ;
» Et tantôt ennemie , & tantôt bienfaictrice ,
» Selon les loix de son caprice ,
20-
Change du soir au lendemain.
>> Tant qu'elle est stable , je la loue ;
» Mais dès qu'en s'envolant la perfide me joüe ,
22
Je lui rends volontiers ce qu'elle m'a prêté ;.
» De traits du desespoir ma vertu me délivre ,
» Et je me tiens content de vivre.
→ Dans une honnête pauvreté .
*
22:Sur.
DECEMBRE . 1738. 2537.
» Sur le sein de l'onde en colere ,
» On ne me verra point , supliant mercenaire ,
Traiter avec le Ciel par mille voeux formés ,
Pour empêcher que l'or dont ma barque est
chargée ,
» N'aille de l'inconstante Egée
Enrichir les flots affamés.
*
» Libre d'une telle manie ,
» A l'aide d'un Esquif j'aurai soin de ma vie ,
Ma plus grande richesse et mon plus cher trésor;
» Et bornant tous mes voeux à gagner le rivage ,
»J'obtiendrai ce doux avantage
» Et de Pollux et de Castor. ,
Par M. Frigot.
LETTRE à M. D. L. R. sur une Méchanique
de Géographie , par M. du Mondran,
Colonel réforme. A Versailles ce premier
Octobre 1738,
Ous êtes amateur de Méchanique ,
Monsieur , je veux vous communiquer
le plan d'une Machine , non seulement curicuse
, mais même très - utile. C'est un présent
que l'on a fait , ou si vous voulez , un
Bouquet que l'on a donné à Monseigneur le
,
Dan
2538 MERCURE DE FRANCE
Dauphin , le jour même de sa naissance
c'est - à- dire , le 4. Septembre dernier . Elle
consiste dans une Géographie méchanique
que S. M. a qualifié elle - même de Géographie
commode. C'est un grand Ecran à mettre
devant le feu , que l'on conduit aisément où
l'on veut , par le moyen des roulettes qui
sont sous ses pieds , & dans lequel on trouve
en plusieurs Rouleaux differens volumes
de Cartes de Géographie , soit ancienne , soit
moderne ; on y joint même l'Astronomie.
Cette Méchanique qui sert aujourd'hui d'amusement
au jeune Prince , lui tiendra bientôt
lieu d'Etude , & pourra même servir
d'occupation & d'instruction à ceux qui
voudront s'apliquer à cette Science. Je vais
tâcher de vous en donner une description
générale.
Figurez-vous un Ecran assés large pour
contenir une Carte ordinaire de Géographie,
de 2. pieds de large sur 18. pouces de haut
enticrement dévelopée dans toute son étendue.
Dans l'épaisseur de l'Ecran, se trouvent
des mouvemens qui sont cachés,mais que l'on
fait agir par le moyen d'une manivelle , qui
est au- dehors. Cet Ecran, qui est mobile sur
son pivot , n'empêche point de se chauffer
en étudiant. A ce mouvement secret , tiennent
deux Rouleaux, qui dans leur longueur
-occupent toute la largeur de l'Ecran , & qui
SC
DECEMBRE. 1738. 2539
se devuident mutuellement l'un sur l'autre.'
Ces Rouleaux contiennent un volume d'un
grand nombre de Cartes , qui se présentent
aux yeux les unes après les autres ; & on
suspend le mouvement à celle que l'on veut
examiner. On a tout le temps de l'étudier &
de la comparer avec de Livre que l'on veut
prendre.
Le premier Volume contient la Géographie
universelle , c'est- à - dire le Globe terrestre,
vû selon ses differentes faces, avec les
quatre Parties du Monde ; suivent ensuite les
Royaumes rangés dans un ordre Géogra
phique .
Un second Volume se peut substituer à la
place de ce premier , & contient l'ancienne
Géographie divisée en plus de quarante Cartes
, qui sont , comme vous le sentez bien ,
générales , mais toutes rangées historiquement
c'est- à-dire dans l'ordre nécessaire
pour l'étude de l'Histoire des premiers Peuples.
On est le maître,si on juge à propos , d'y
mettre tel autre Volume ou Rouleau de Cartes
dont on peut avoir besoin.
,
Le troisiéme Volume , qui fait partie de
cette Méchanique de Monseigneur le Dauphin
contient un Cours d'Astronomie , tiré
de l'Atlas Céleste d'André Cellarius.
Comme il y a beaucoup d'Amateurs de
Géographie , à la Cour aussi bien qu'à Paris
28
2540 MERCURE DE FRANCE
& dans les Provinces , qui souhaiteroient
faire usage de cette Méchanique , il est bon
que je vous avertisse de plusieurs choses.
1º. Que ceux qui ont le goût d'une Science
aussi utile , qu'elle devient facile par cette
Méchanique , peuvent pousser leurs recherches
aussi loin qu'ils voudront , en multipliant
les Volumes que l'on peut substituer
les uns aux autres , pour subdiviser la Géographie
jusque dans ses parties les plus détaillées.
2º. Sa Majesté, qui s'est fort apliquée à cette
Science , touchée de la commodité de cette
Géographie méchanique , a gratifié l'Auteur
d'un Privilege exclusif, pour faire distribuer
à son avantage une Machine aussi utile au
Public .
3 °. L'Auteur cependant , Officier distingué
au Service de Sa Majesté , ne prétend
pas faire une sorte de commerce de
cette Géographie commode : mais comme il
aime le bien général , il cédera son Privilege
à quelque Particulier intelligent , qui fera
construire cette Machine sur les lumieres &
les instructions qu'il lui donnera volon
tiers.
4°. Cet Officier est M. du Mondran ;
Colonel réformé , qui a long- temps travaillé
en France , en Espagne & en Italie,
pour le Service des deux Couronnes . Il fera
sçavoir
DECEMBRE. 1738. 2545
sçavoir dans peu à qui il a remis son Privilege
, pour en faire un usage convenable au
bien public , & au progrès de la Science
Géographique. Je vous en donnerai avis dès
que j'en serai informé , afin que le Public en
soit instruit par votre moyen.
>
5°. On y a joint aussi dans un autre Rou
leau , qui se meut en même temps , sans déplacer,
des Tables Chronologiques pour l'Histoire
ancienne & moderne ; & comme ce
Rouleau n'est pas aussi rempli que les autres
, on l'a chargé d'une Liste de tous les
Volumes & du nombre des Cartes qu'ils
contiennent. Un pareil mouvement fait voir
les Théatres de Guerre , qui font un objet
très- interessant dans l'Histoire & dans la
Géographie.
Je vous avoie que j'ai été charmé de la
facilité qu'il y a d'avoir toujours devant les
yeux toute la Géographie , sans le secours
des Livres , & d'en trouver toutes les Cartes
sans être obligé d'en feüilleter aucun.
J'ai l'honneur d'être , & c.
1. Vol B ODE
2542 MERCURE DE FRANCE
****************
L
ODE
Tirée du Pseaume 81.
Es Rois, en exerçant leur puissance absoluë,
N'échapent jamais à la vûë
De JEHOVA qui les a faits ,
Et qui jufte par excellence ,
Dans une severe balance
Chaque jour pese leurs forfaits.
1
*
Jusques à quand , dit-il , des Ravisseurs injustes
Princes , vos Tribunaux augustes
Récompenseront - ils l'orgueil
Aziles paisibles du crime ,
Pour l'humble vertu qu'on oprime ,
Serez-vous toujours un écneil ?
*
Ah ! que ne prêtez-vous une oreille attentive
Aux clameurs , à la voix plaintive
De l'Orphelin persecuté ?
Et que ne vengez- vous l'injure
Que fait la malice parjure
A la timide pauvreté ?
*
C'est
DECEMBRE. 1738. 254
C'eſt en vain , c'eſt en vain qu'on leur tient ce
langage ,
Ils sont sourds , un épais nuage
Ne ceffe de les aveugler.
Leur létargie est si profonde ,
Que la chûte entiere du Monde
Auroit peine à les ébranler .
*
Oni , vous êtes les Fils du Maître du Tonnere ;
Vous êtes des Dieux sur la Terre ,.
Grands Monarques , Heros fameux ;
Mais que vous servent ces hauts titres
O ! des humains puiffans arbitres ,
Sçachez que vous mourrez comme eux,
Exauce-nous grand Dieu , sans tarder davantage,
Visite ton cher Heritage ,
Vien gouverner tout l'Univers ;
Et daigne enfin par ta puiſſance
Faire triompher l'innocence
De l'injustice des pervers.
Par M. Frigot.
Bij RE
2544 MERCURE DE FRANCE
のの
RE'PONSE à l'Avis anonyme inseré dans le
Mercure de Septembre dernier , an sujet
des Cadrans Solaires .
J
"Ai lu , Monsieur , dans le Mercure de
Septembre 1738. un Article touchant les
Cadrans Verticaux , qui m'a paru
si singulier
, que je n'ai pu m'empêcher d'y faire
quelques réflexions. L'Auteur anonyme ,
peut - être pour sauver l'honneur des mauvaises
Montres , charge la plupart des Cadrans
Solaires des défectuosités qu'elles peuvent
avoir ; mais sa Critique ne s'en tient pas aux
Cadrans seuls ; un intérêt plus vif le porte
accuser d'ignorance les Ouvriers qui les font,
tels que
eles Maçons , les Peintres , & les
"Faiseurs d'Instrumens de Mathématique. Ce
qui arrive , dit- il , par l'épargne de ceux qui
les font faire , &c.
à
Mais , en bonne foi , son bon sens n'est il
pas ici un peu en défaut : A qui naturellement
doit- on s'adresser pour tracer un Cadran
, si ce n'est à ceux dont la profession
est de les faire ? Et quels sont ceux qui ont
ce droit , si ce n'est les Fabricateurs d'Instrumens
de Mathématique ? Il me semble
aussi naturel qu'un Particulier aille chés eux
pour ce fujet , que d'aller chés un Horloger
pour
DECEMBRE 1738. 25.45
pour avoir une Montre . Si son zele un peu
trop severe, continue , il est à craindre qu'il
ne dispute aux Fabricateurs d'Instrumens de
Mathématique la faculté de faire des Cadrans
Astronomiques, Horizontaux , Cylindriques
& Analematiques , comme il leur proscrit
les Cadrans contre les murs. Le Public est
instruit aussibien que lui ,du mérite des Illustres
Sçavans qu'il se fait honneur de citer, &
dont il vante avec justice la politesse ; mais
jose assûrer que la probité de ces Mrs , ne
leur permettra pas depenser aussi desavantageusement
que lui , au sujet des Fabricateurs
d'Instrumens de Mathématique. Chacun
sçait qu'il y en a actuellement plusieurs
qui ne possedent pas moins la Théorie que
fa Pratique de leur Art , & qui n'apréhendeoient
pas les traits de sa Critique , sur les
Cadrans qu'ils entreprendroient de tracer.
Il est impossible qu'il ignore , que si les
Cadrans sont en quelque estime , ce sont les
Maîtres de cette même Profession qui les y
ont mis ; que même journellement on nomme
un Cadran à Boussole , un Butterfield L
du nom de celui qui les a perfectionnés :
que le St Bion a fait un Livre , dont les Editions
multipliées , font l'Eloge , où il aprend
fort au long la maniere de construire toutes
sortes de Cadrans , & ce seroit un Paradoxe
étrange , que l'Auteur eût enseigné ce qu'il
ne sçavoit pas.
Biij Les
2546 MERCURE DE FRANCE
Les Sevins, les Chapotots, & les le Febvres
possedoient la Science des Cadrans qu'ils
fabriquoient ; c'est une vérité connue de
tous les Sçavans , & qui ne peut être niée
que par ignorance , ou par mauvaise foi.
Au reste rien n'est si judicieux que la fin
'de son Ecrit : Il est vrai que si chacun faisoit
son métier , tout en iroit mieux , & qu'on ne
verroit point de Maçons tracer des Cadrans,
ni d'Horlogers faire des Méridiennes ; on
pourroit ajoûter , qu'on verroit moins de
Personnes critiquer ce qu'ils n'entendent
peut-être pas. Au moins s'y montreroientils
plus réservés, s'ils avoient en mémoire un
trait d'Histoire qui trouve ici naturellement
sa place,
APELLES , ET SON CENseur .
CHés les Grecs , un Peintre sublime
Des connoiffeurs s'étoit acquis l'eftime ,
Par les Productions de fon Pinceau charmant .
Chacun admiroit sa Peinture ,
Qu'on pouvoit nommer juſtement ,
La Rivale de la Nature.
Pour se surpaffer , ayant fait
Une Venus incomparable ,
Que le deffein correct , le coloris aimable ,
Rendoient
DECEMBRE. 1738. 2547
Rendoient un Chef- d'oeuvre parfait ,
Il l'expofa dans la Place publique ,
Pour voir ce que le Satyrique
Blameroit dans ce beau Portrait ;
Puis fe mit derriere fa Toile ,
Un Rideau lui fervant de voile ,
Pour voir tout , fans qu'on le pût voir.
Sçavans , demi Sçavans , Ignorans , s'y rendirent
Et du matin jufques au foir ,
Du Tableau la Critique firent ,
L'un difant blanc , & l'autre noir .
Un Cordonnier voisin , pour se faire de Fête
Vint , blâma la Sandale , en fut mal satisfait ;
Bon , dit le Peintre , il eft homme de tête ,
Et s'il me blâme , il eft au fait.
Mais lorque pourfuivant la Cenfure indifcrete,
Il dit : Cette Jambe eft mal faite ,
Cette Cuiffe eft contrainte , & n'offre rien de beam,
Apelles , tirant fon rideau ,
Sortit soudain de fa cachette ,
Et s'adreffant au Critique groffier ,
Lui dit Ami , tu juges en Maroufle
Aprends de moi qu'un Cordonnier
Ne doit point paffer la Pantoufle.
L. M.
A Paris le 18. Octobre 1738 .
B iiij
548 MERCURE DE FRANCE
LETTRE écrite par M. l'Abbé le B. an
R. P. N. au sujet d'un Auteur de Bourgogne
très -peu connu.
J
'Ai été informé , Mon Réverend Pere ,
que vous travaillez à un nouveau Recueil
de tous les Auteurs qui ont écrit en notre
Langue Françoise , dans lequel vous refondrez
la Bibliotheque de la Croix du Maïne et
celle de du Verdier ; permettez - moi de vous
offrir un Auteur que vous regarderez , sans
doute , comme un des moins connus et de
ceux peut- être qui méritent le moins de l'être
, cependant je suis persuadé que vous
l'admettrez dans votre Recueil , puisque son
immensité n'en doit exclure , à ce que l'on
dit , aucun de ceux qui auront écrit en cette
Langue.
Čet Ecrivain est à peu près dans le genre
de Roger de Colleryè , que vous êtes bien aise
d'avoir connu par le Mercure. Il n'a pas cependant
écrit en Vers comme lui , mais seulement
en Prose ; la ressemblance se trouvera
du côté du génie , lorsque vous en aurez
fait la comparaison . Je crois qu'il peut s'en
trouver aussi du côté de la rareté du Livre.
( a ) L'Auteur dont j'ai intention de vous
(a)J'ai vu la Bibliotheque de M. Barré , Audeur
parler
DECEMBRE. 1738. 2549
parler , se nomme Annibal Gantez , à la fin
de son Epitre Dédicatoire. Voici le Frontispice
de son Ouvrage : L'Entretien des Musiciens
par le sieur Gante , Prieur de la Mag
deleine en Provence, Chanoine Semi - Prébende,
Maître des Enfans de Choeur et de la Musique
, en l'Eglise insigne et Cathédrale de saint
Etienne d'Auxerre A Auxerre , chés Jacques
Bouquet , 1643,
Ce Livre , qui est un in 18. de 295. pages,
fut dédié à l'Evêque d'Auxerre , qui étoit
M. Pierre de Broc , en ces termes :
">
22
و و
و د »Monseigneur.Cen'estpasparvanitéd'ex-
» poser au Public, que j'ai composé ce petit ·
Livre, mais pour éviter l'oisiveté , laquelle
» j'estime si dangereuse , que j'aimerois mieux
» dormir ( ainsi que disoit un Gentilhomme
Bourguignon ) que de ne rien faire . Il ajoûte
qu'il n'a fait imprimer ce Livre que pour
l'instruction de ses Disciples et que pour
le donner à ses amis ; et que c'est pour cela
qu'il en avoit retenu presque tous les Exemplaires
de l'Imprimeur. » Neantmoins , ajoûte-
t'il , parce que les prénices de toutes
» choses sont dûës à Dieu et à ses Lieute-
» nans en terre , je ne sçaurois , Monseigneur,,
22.
des Comptes , l'une des mieux fournies de Paris en
fait de petits Traités singuliers sur toute sorte de ma
tieres , et ce Livre cy ne s'y trouve point , non plus &
qu'à la Bibliotheque du Roy.
BEY >> esviter
2550 MERCURE DE FRANCE
» esviter de l'offrir à votre Grandeur, puisque
» vous êtes mon Pasteur et Bienfacteur , et
" que je suis votre Créature , par un Béne-
» fice que votre bonté vient tout fraîchement
» de me donner .... D'ailleurs après avoir
❞ consideré que ce Livre s'adresse aux Chan-
» tres , il m'a semblé ne pouvoir rencontrer
» un meilleur Protecteur , puisque vous avez
» un si grand amour pour les Musiciens ,
" que presque toute votre maison en est
» composée. Ce qui fournit l'occasion à
Pierre de Broc , de peupler sa maison de
Musiciens dans le commencement de son
Episcopat , fut la retraite qu'il y donna à
Antoine Doremieux célebre Organiste .
C'étoit celui qui avoit touché l'Orgue au
Te Deum , entonné par ce Prélat dans la
Cathédrale d'Arras , aussi- tôt après la prise
de la Ville au mois d'Août 1640. J'ai tiré
ce Fait d'un Auteur du temps. (a) La Musi
ود
,
que
fut très-florissante dans notre Eglise sous
cet Evêque , et encore plus qu'elle ne l'avoit
été sous Jacques Amyot , dont l'amour.
pour les Instrumens , fit inventer le Serpent
par un Chanoine de sa Cathédrale . (b) Ins-
(a) Ex MS. Autissiod. Pierre de Broc , quoique
Evêque , assista à ce Siege . Only connoissoit en
qualité de Garde du Trésor Royal .
(b , Ce Chanoine se nommoit Edme Guillaume ,
j'en ai doa parlé dans un Mercure .
trument
DECEMBRE . 1738. 2551
trument qui est devenu si fort à la mode de
nos jours , qu'il n'y a presque plus que les
Chartreux qui ne l'ayent pas admis parmi
ceux qui sont tenus au Chant Grégorien . ( a )
En parcourant les Lettres de Gantez,
59.
qui composent ce volume , j'ai apris des paroles
de l'Auteur même , p. 239. qu'il étoit
né à Marseille , qu'il avoit été Maître de
Musique à Aix , à Arles & à Avignon , puis
à Paris , p. 258. dans l'Eglise de S. Paul , &
ensuite dans celle des Innocens . Il nomme
aussi ailleurs plusieurs autres Eglises où il
avoit demeuré . On lit à la page 278. qu'il
avoit fait imprimer un Recueil d'Airs , qu'il
dédia au Maréchal de Schomberg ; une Messe
en Musique intitulée Latamini , dédiée à
M. l'Abbé de Roches , & une autre dédiée
à Mademoiselle de Saint - Geran . Il n'oublie
pas de marquer qu'il eut trente pistoles de
présent pour cette derniere Messe ; » tés-
» moins , dit- il , les meilleurs Chantres de :
» la Sainte Chapelle & de Nostre - Dame ,
qui me firent l'honneur de m'assister le .
» jour que je la lui fis entendre dans les Pe-
>>
ود
(a )Je crois devoir louer ici les Chartreux de la simplicité
qui regne chés eux dans l'Office Divin , quand ce
ne seroit que pour interpreter ce que j'ai dit de vive
voix à quelques- uns d'entre eux , que je ne reconnoissois
du neuf parmi leurs Rits à la Messe solemnelle
que dans deux ou trois Usages.
Bvj
"
DISS
2552 MERCURE DE FRANCE
» res Minimes de la Place Royale , où le
» Pere Mersene fut Auditeur , qui est ( com-
» me vous sçavez ) un des Oracles de la Musique
de ce temps , puisque sans le beau
» Livre qu'il a fait , nous serions en quește
» de beaucoup de choses.
""
» gneur
de
On reconnoît dans son Recueil de Lettres,
entre toutes les autres , celle qu'il a adressée
à cette Demoiselle , à l'occasion de cette
Messe ; c'est la sixième. Il y dit que le Roy .
Louis XIII. mettoit la Musique au rang
ses plus agréables divertissemens , que le
" Maréchal de Saint Geran , son Pere , a
grandement chéri la Musique & qu'il a en-.
" tretenu aussi- bonne Chapelle qu'aucun Seide
son siecle. Dans les autres , ce nesont
que des avis qu'il donne à ses Confreres :
pour bien regler leurs moeurs , & bien élever
les Enfans qui leur sont confiés . C'est
dommage que cet Ecrivain n'ait pas connu
l'Opuscule du sçavant & pieux Gérson , sur
l'Education des Enfans de Choeur de Notre-
Dame de Paris ; il est indubitable qu'il l'eût
cité. Au lieu de cela , ces Lettres sont remplies
de Proverbes & Sentences , tirées des
Anciens & des Modernes ; on y voit des Historiettes
de son temps qui n'interessent pas
beaucoup. Il fait connoître , en passant ,
Maîtres de Musique, qui étoient alors les plus.
celebres. » Picot & Formé , dit-il , page 84 .
les
22 ont
DECEMBRE. 1738 25-5-3
"
ont été tous deux braves hommes , puisqu'ils
ont été Maistres de Chapelle de .
» Louis XIII . mais parce que l'un a joint .
»l'habitude au naturel , a bien mieux réussi.
و و
""
que l'autre , qui ne s'est amusé qu'à amas--
" ser des richesses . Page 149. Celui que
» j'ai trouvé en ce Pays,le plus agréable en la
Musique, c'est Veillot, Maistre de Nostre-
» Dame , & celui que j'ai rencontré le plus .
" grave en la sienne . c'est Pechon , Maistre :
» de S. Germain ; ( a) mais Hautcousteaux
>> Maistre de la Sainte Chapelle , fait parfai--
» tement tous les deux. Page 155. il dis--
tingue quatre sortes de Maîtrises .
>
» Entre les Maistrises , dit - il , la pre-
>>> miere sorte est celle où l'on vit en Com-
» munauté avec les Presbtres , comme dans
» S. Paul à Paris , Thollon , Marseille , Aix,.
Arles , Aiguesmortes & Carpentras ; la
» seconde est celle où les Enfans ne vivent
ni avec le Maistre , ni en Communauté ,
» comme à S. Jacques de l'Hospital à Pa--
" ris , Valence , Grenoble , & le Havre de
»-Grace. La troisième , est celle où les En-
>>-fans sont nourris avec le Maistre par Pro- ·
»‹cureur , comme à Nostre - Dame de Paris
>>-& Viviers en Vivarez. Et la quatrième &
» la meilleure est celle par laquelle le Mais .
>> tre nourrit les Enfans , comme à S. In-
(a) 11 faut sous-entendre l'Auxerrois.
❞ nocent
2534 MERCURE DE FRANCE
ود
"
:
" nocent de Paris , Auxerre , Montauban
Avignon & autres . On connoît par - là que
cette Lettre , qui est la XXX . a été écrite .
à Auxerre , car toutes n'y furent pas composées.
La XXVII . dont j'ai cité le fragment
de la page 149. fut écrite à Paris. Il y dit ,
page 51. » que les Picards y sont les plus
" estimés pour la composition , aprochant:
beaucoup de l'air de Provence . Car , ajoû-
" te- t'il , comme l'on dit que nous avons la
" tête proche du bonnet , on dit aussi d'eux
» qu'il ont la tête caude. Il se plaint à la page
74. de ce qu'en France . il y a si peu d'Imprimeurs
en Musique. Son Texte est curieux,
mais il est trop long à raporter. On ne peut
lire,, sans rire , page 219. le démêlé qu'il eut
avec le Curé de S. Paul , pendant qu'il y
étoit Maître de Musique , non plus que ce
qu'il dit page 197. sur la maniere dont un
Maître doit se posseder en battant la mesure
& en faisant exécuter une Piece . On voit
dans la même Lettre que son principe étoit
de prendre les Enfans par douceur. Il parle .
là - dessus fort naturellement . Ces expressions
passent quelquefois le sérieux , & toujours
avec une Histoire pour assaisonner sa morale..
Cet Ecrivain , au reste , ne moralise pas.
avec tous ceux à qui il écrit. Aux
& 147. il prêche la tempérance ; en d'autres .
endroits il change de ton , témoin celui- ci
pages 54.
auquel
DECEMBRE. 1738 2555
,
auquel je crois que vous vous interesserez ; à
àcause du voisinage de votre Ville de Troyes .
avec la nôtre. Voici comme il parle à la page
94. " Cependant disons que nos vins d'Au-
» xerrois étant la boisson de nos Rois , seroitdommage
qu'elle fût pervertie ; & je vous
conseille de le prendre le matin comme-
" Dieu l'a fait , & le soir comme il sort du
» tonneau autrement ce seroit faire tout le
» contraire de N. S.... Après cela je vous
»dirai quejamais je n'ai vû dêsMusiciens plus
» dévots que ceux de ce Pays ; car ils prient
» ordinairement pour les Vignes , parce que
» tout le revenu du Pays d'Auxerrois ne
» consiste qu'en Vignobles , & lorsque cela
» manque , ils sont gueux comme Diogenes ..
» C'est pourquoi on dit un Proverbe sur le
» nom d'Auxerrois , assavoir ; Au soir, Rois;
» et le matin , petits Bourgeois , parce qu'il ne
>>faut qu'une petite gelée pour les ruiner à
plate coûture. Desorte que les Espagnols :
» ne donnent pas tant d'allarmes sur nos
» Frontieres , comme la bize & . la gresle en
» donnent à nos Vignerons.
ور
Je finirai ces Extraits de notre Provençal-
Bourguignon , en vous marquant , Mon R. P..
que son style , tout bizarre qu'il est & plein
de pensées grotesques , mérita une Ode
Françoise d'un Poëte de notre Ville , qui
s'apelloit Gabriel Brosse , laquelle il eut
soin
25.56 MERCURE DE FRANCE
soin de faire mettre au Frontispice de l'Ou
elle commence ainsi :
wrage ;
Esprit sans égal & sans prix´ ,,
Dont les admirables Ecrits:
Mont sçû charmer sans me surprendre ,.
GANTEZ , qui connois mon pouvoir ,
Et les honneurs qu'on doit te rendre ,.
Dispense un ignorant de vanter ton sçavoir.
La collection des Auteurs Bourguignons.
de M. Papillon , qu'on dit devoir être bientôt
imprimée , vous fera connoître ce G.
Brosse, au cas que vous ne le connoissiez pas
déja; je sçais qu'il a écrit plus d'une Piece en
Vers François , & par conséquent il est encore
par là de votre compétence.
J'ai remarqué que Gantez , avec le nombre
infini de plaisanteries dont ses Lettres sont:
farcies , n'employe en aucun endroit le nom
de sainte Cecile , quoiqu'il ait eu bien des
Occasions de le faire. Il faut croire que de
son temps le choix de cette Sainte pour Patrone
de la Musique, n'étoit pas encore bien
érabli , ni bien universel. J'ai observé qu'a.
Sens , dans le temps même qu'il y a eu de la
Musique de l'espece de celle qu'on y fait
revivre aujourd'hui , c'étoit S. Grégoire que
les Musiciens regardoient comme leur Patron.
Je lui ai aussi trouvé un Office tout
propre
DECEMBRE. 1738. 2557
propre dans nos anciens Livres . Mais dans
les deux derniers siecles, le Maître & nos six
Enfans de Choeur avoient choisi pour leurs
Patrons plus particuliers les sept Freres , Enfans
de sainte Félicité ; choix beaucoup plus
heureux, puisqu'il est conforme à la premiere
Partie de leur Messe , qui a toujours été
à Rome & ailleurs le beau Pseaume,Laudate
pueri Dominum.
N'aurez -vous point été surpris Mon R. P.
du nom de Baptême du sieur Gantez ; Annibal
est en effet un nom inconnu dans les
Martyrologes ; mais vous sçavez mieux que
moi que la coûtume de n'y admettre que
des noms de Saints , n'est ni ancienne , ni
universelle ; Gantez voulut pourtant recon
noître un Saint. Il se servit de l'occasion
du Voyage que fit à Rome en 1650 l'un de :
mes Prédécesseurs, Sous- Chantre , pour christianiser
son nom. Ce Chanoine d'Auxerre.
y ayant obtenu plusieurs Reliques des Cimetieres
en fit qualifier une de Saint
Annibal Martyr , & depuis ce temps - là
ce nom fut admis chés nous dans quelques
Litanies particulieres & Musicales ..
J
Je suis , & c.
A Paris ce 28. May 173.8.
VERS
2558 MERCURE DE FRANCE
*************************
VERS A MLLE DE C ...
Qui m'avoit reproché que j'étois toujours tristeį
V Ous , dont la délicatesse
Brille dans tous vos discours
Et dont l'aimable sagesse
Est l'ouvrage des Amours ;
Me direz -vous donc sans cesse ,
Qu'insensible à la tendresse ,
Et retiré comme un Ours ,
Je n'ai que de la tristesse ,
Et que je me plains toujours ? :
Si vous étiez en ma place ,
Ne vous plaindriez- vous pas ?
J'ai lu l'ennuyeux fatras
D'un Rimailleur à la glace .
C'étoit l'Ouvrage nouveau
De certain Poëte étique
Qui pour un feu poëtique ,.
Prend un transport au cerveau..
Or jugez de ma surprise ,
Quand , séduit par ma franchise ,.
Dans ces petits Vers fallots ,
Au lieu de Rimes exquises ,.
J'ai trouvé plus de sottises ,,
Que je n'ai trouvé de mots.
Ole
DECEMBRE. 1738. 25,59
le plaisant Marotique ,
Qu'un fade galimatias ,
Qui me donne la colique ,
Et que l'Auteur pathétique
N'entendoit peut- être pas !
J'ai pourtant lu cet Ouvrage ,.
Ou plutôt ce griffonnage ,
Qui fait hurler le bon sens ;,
Je l'ai lu ; mais j'en enrage..
Si l'on m'y tient davantage ,
De très- bon coeur je consens ,
Qu'on me fouette , qu'on me berne ,
Ou que tout Auteur moderne ,
Avec ses Vers languissans ,
Dans le coin d'une Taverne ,,
Me fasse perdre mon temps .
belle Thémire > Or voyez ,
Si maintenant
je dois rire.
Morbleu ! si dans ma fureur ,
Je tenois le triste Auteur ,
Dont l'ignorance
profonde ,
Pour ennuyer tout le monde ,
A prosaisé ces Vers ;
Il payeroit par cent gourmades .
Les tourmens que j'ai soufferts.
En lisant ses Rimes fades ,
Digne pâture des vers.
Par M: P
A Paris ce 10. Septembre 1738.
25.60 MERCURE DE FRANCE
ESSAI sur l'Histoire du Nivernois , par
M. Pierre de Frasnay. Lettre II.
Aint Evotius est selon moi , Monsieur ,
Sle premier Evêque de Nevers , ou du
moins c'est le premier que nous connoissions
. Son existence & sa qualité d'Evêque
de Nevers sont prouvées par le premier
Concile d'Arles , tenu en 314. sous l'Empire
du grand Constantin , & sous le Pontificat
de Silvestre I. On trouve dans ce Concile la
Souscription d'Evotius en ces termes : Ex
eádem Provincia , Civitate Niveduno , Evoiius
Episcopus , Pirulius Exorcista. Cette
Souscription suit immédiatement celle de
l'Evêque d'Autun , & on ne peut Battribuer
à aucun autre Evêque qu'à celui de Nevers ,
Ville qui s'apelloit autrefois Nivedunum , ou
Noviodunum. Au surplus ce Pirulius qui a
souscrit avec Evotius , étoit un Clerc , qui
servoit aparemment de Sincelle
Compagnon à son Evêque.
>
ou de
Le Concile d'Arles , assemblé au sujet de
Donat des Cases Noires , & de Cécilien ,
Evêque de Carthage , étoit une espece de
Compromis ; les Evêques d'Afrique demanderent
à Constantin pour Juges de leur differend.
DECEMBRE. 1738. 2568
ferend des Evêques des Gaules , qui ne pouvoient
être suspects à des Afriquains ; & ces
Evêques choisis par Constantin , agirent
dans cette occasion comme de veritables
Arbitres ; les Donatistes ne s'en tinrent pas à
la Décision du Concile ; mais ils apellerent
à Constantin , quoiqu'il ne fût pas encore
Cathécumene ; & malgré sa répugnance ,
t'obligerent à décider cette Affaire dans son
Consistoire à Milan.
La Souscription d'Evotius , raportée dans
le premier Concile d'Arles , détruit l'opinion
de Guy Coquille , Auteur de l'Histoire du
Nivernois. Cet Historien a cru que Nevers
n'avoit pas autrefois un Evêque particulier ,
mais qu'il dépendoit de l'Evêché d'Autun ;
que le Nivernois n'a été Evêché , que dans
le temps auquel les Bourguignons ont conquis
la Ville d'Autun & la Premiere Lionnoise.
Le Nivernois ; dit Coquille , fut excepté
de leurs Conquêtes , & se maintint
dans la Domination des Romains ; & dèslors
, ces Maîtres , plus politiques que réligieux
, pour se conserver ce Territoire , ne
voulurent point que le Nivernois eût à l'avenir
aucune relation avec la Ville d'Autun ,
qui n'étoit plus en leur puissance ; mais ils
établirent à Nevers un nouvel Evêché, qu'ils
firent Suffragant de la Métropole de Sens , la
Capitale de la Quatrième Lionnoise.
CA
362 MERCURE DE FRANCE
Ce Systême ingenieux se trouve détruit.
par la Souscription d'Evotius , Evêque de
Nevers , près de cent ans avant la Con
quête des Bourguignons , qui n'ont paru
dans les Gaules qu'en 413. ou même plus
tard , suivant quelques Auteurs.
Ce qui a trompé Coquille , c'est qu'il a
regardé le Nivernois comme un Territoire
dépendant des Eduens à tous égards : mais il
devoit se souvenir que lesTerritoires de Châlons
& de Mâcon , & même celui de Lion
ont dépendu autrefois des Eduens , & qu'ils
ne laissent pas de former des Diocèses aussi
anciens , ou même plus anciens que celui
d'Autun .
Coquille s'est encore fondé sur le Mar
tyrologe d'Autun , dans lequel il est dit
que Saint Révérien , qui a été martyrisé
dans le Nivernois , a souffert le Martyre dans
de Territoire d'Autun ; d'où il conclut , que
le Nivernois dépendoit pour lors de l'Evêché
d'Autun.
On répond à Coquille , que le Martyrologe
ne parle point du Territoire de l'Évêché
d'Autun , mais seulement du Territoire
d'Autun ; en effet , il n'étoit point question
pour lors de la division des Evêchés , qui
n'a été faite que sous l'Empire d'Honorius ,
au lieu que S. Révérien a été martyrisé sous
Aurélien.
D'ailleurs
DECEMBRE . 1738. 2563
D'ailleurs , il se peut faire que par les
arrangemens particuliers , faits depuis entre
Siagrius , Evêque d'Autun , & S. Aré , Evêque
de Nevers , & dont parle Coquille dans
la suite de son Histoire , ce Territoire ait
passé dans l'Evêché de Nevers.
Coquille s'apuye encore sur le Livre intitulé
La Notice des Gaules , imprimée à la
suite de l'Itineraire d'Antonin , dans lequel
Nevers n'est point compté parmi les Villes
Episcopales.
Mais cette omission qui n'est pas générale
dans tous les Manuscrits , n'est point une
preuve positive ; elle peut venir de l'oubli
d'un Auteur , ou du défaut d'un Copiste , &
la Souscription d'Evotius , qui est très-réelle
est plus forte que le silence d'un Ecrivain.
a
Enfin , Coquille a bâti sur un faux prin
cipe. Il est constant que le Nivernois à fait
partie de la Conquête des Bourguignons ;
tous les Historiens nous assûrent la vérité de
ce Fait , & on en voit la preuve dans le Concile
d'Eponne , assemblé par l'ordre de Sigismond
, Roy de Bourgogne ; ce Concile,
n'a été composé que des Evêques de la Domination
des Rois Bourguignons , suivant
l'usage qui régnoit alors ; & parmi les Souscriptions
, on trouve celle de Tauricianus ;
Evêque de Nevers.
1
2564 MERCURE DE FRANCE
Il reste encore une difficulté à expliquer ;
l'Evêché de Nevers , assis dans la Premiere
Lionnoise , devoit être de la Suffragance de
Lion , aussi-bien qu'Autun , Châlons & Mâcon
; néanmoins il se trouve de la Suffragance
de Sens , qui est la Métropole de la
Quatriéme Lionnoise ; quel sujet peut avoir
donné lieu à cette transposition ?
Je réponds que dans le commencement, la
Celtique étoit seulement composée de deux
Lionnoises , dont Lion & Rouen étoient les
Capitales ; depuis on l'a divisée en quatre
& même en cinq Provinces , apellées aussi
Lionnoises ; & c'est dans cette subdivision
que Nevers a été attribuée à la Quatrième
Lionnoise , dont Sens est la Métropole. Au
surplus, ces sortes de divisions sont arbitraires
, & dépendent de plusieurs circonstances
particulieres & secretes , qui ont déterminé
les Auteurs de cette distribution , lesquelles
nous sont à présent inconnuës .
Il faut donc conclure que Nevers a toujours
été un Evêché particulier , & que la
Conquête des Bourguignons n'a point eu de
part à l'établissement de cet Evêché .
Saint Eulalius est le second Evêque de
Nevers qui nous soit connu ; il vivoit sous le
Pape Simmaque , & sous Gondebaud Roy
de Bourgogne ; il y a un très-grand intervalle
de temps entre Evotius qui a paru en
314
DECEMBRE. 1738. 256
314. & Eulalius , qui vivoit en 507. Nous
ne sçavons pas le nom des Evêques qui ont
vécu dans cet espace,peut- être n'y en a -t-il eu
aucun. En effet , dans ces premiers temps les
Siéges n'étoient pas toujours régulierement
remplis, & les Rois de Bourgogne, qui étoient
Ariens, ne se mettoient guere en peine que les
Peuples Catholiques eussent des Pasteurs.
Nous sçavons peu de choses d'Eulalius, &
ce Saint Evêque nous seroit entierement
inconnu
, sans l'Auteur de la Vie de S. Severin ,
Abbé d'Agaune , que l'on apelle aujourd'hui
Saint Maurice , Abbaye située entre le Lac
de Genêve & là Ville de Sion ; cette Legende
nous aprend , que la 25. année du Regne
de Clovis I. qui répond à l'année 507. cidessus
marquée , le Saint Abbé fut mandé
par ce Roy , qui esperoit être délivré par son
moyen d'une fiévre quarte , dont il étoit
tourmenté
depuis deux ans , & dont il n'avoit
pu trouver la guérison dans l'Art des
Médecins ; Severin passant à Nevers alla visiter
Eulalius , Evêque du Lieu , qui étoit au
lit,il y avoit plus d'un an , perclus d'une partie
de son corps , sourd & muet ; Severin lui
dit de se lever , lui tendit la main & le conduisit
à l'Eglise , où Eulalius célébra les SS .
Mysteres avec lui , & donna la Bénédiction
au Peuple ; Severin en le quittant , l'avertit
de ne plus pécher , & lui dit que la maladie
I.Vol.
C de
2566 MERCURE DE FRANCE
"
de l'ame avoit produit celle du corps ; Eula
lius profita de cet avis , & vécut depuis sain
tement ; on peut tirer de cette Histoire une
induction certaine , qu'Eulalius , ni le Peuple
de Nevers n'étoient point Ariens , quoisoumis
à la domination des Rois de
Bourgogne , puisque S. Severin communi
quoit avec eux.
que
Tauricianus , troisiéme Evêque de Nevers,'
a assisté & souscrit au Concile d'Epone
c'est aujourd'hui un Village apellé Ponas , à
quatre lieues de Vienne en Dauphiné ; ce
Concile fut tenu le dix - sept des Calendes
d'Octobre , c'est-à - dire le quinziéme de Septembre
de l'année 517. sous le Pontificat du
Pape Hormisdas , par ordre de Sigismond ,
Roy de Bourgogne , nouvellement converti
à la Foi Catholique.
Ce Concile eut pour objet la réparation
des desordres que l'Arianisme avoit causé
dans le Royaume de Bourgogne avant
la conversion du Roy Sigismond. Vingt-cinq
Evêques assisterent à ce Concile ; & S. Avitus
, Evêque de Vienne , y présida ; il y eut
quarante Canons , dont le premier porte ,'
que les Evêques ne s'absenteront point des
Conciles , sinon pour cause de maladie ; le
quatrième défend aux Ecclesiastiques l'usage
des chiens de chasse & des oiseaux ; un autre
Canon abolit la consécration des veuves Diaconesses
DECEMBRE. 1738. 2567
conesses : par un autre , le travail des mains est
ordonné aux Moines vivans à la campagne ;
ce Concile défend à la veuve d'un Prêtre ou
d'un Diacre de se remarier ; il ordonne que
dans chaque Province , on suivra le Rit de
la Métropole dans les Messes & dans le
Service divin ; ce Concile ordonne encore
que les Citoyens nobles célebreront la veille
de Noël et de Pâques , au lieu où sera l'Evêque
, & recevront sa bén diction ; les autres
Canons concernent la Pénitence publique
, les Monasteres , & plusieurs autres
Points de Discipline Ecclesiastique .
Nous ne sçavons rien de Rusticus , quatriéme
Evêque de Nevers , sinon qu'il a assisté
& souscrit au troisiéme Concile d'Orleans
, tenu le jour des Nones du troisième
mois , c'est-à -dire le septiéme May de l'année
538. la vingt-septième année du regne
de Childebert , qui étoit alors en possession
de cette partie de la Bourgogne , & sous le
Pontificat du Pape Vigile. Il y avoit à ce
Concile dix- neuf Evêques , & sept Prêtres ;
le Président étoit Lupus , Evêque de Lion.
Ce Concile contient trente - trois Canons
qui concernent la Discipline Ecclesiastique,
dont les plus remarquables sont , que les
Evêques s'assembleront tous les ans en Concile
, sans qu'ils puissent s'en dispenser , sous
prétexte qu'ils sont sous la Domination de
differens Rois.
Cij Lors2568
MERCURE DE FRANCE
Lorsqu'un Evêché sera vacant , l'Evêque
sera élû par les Evêques de la Province , du
consentement du Clergé & du Peuple.
Les Clercs ne pourront poursuivre ', ni être
poursuivis pardevant le Juge Laïc , sans le
consentement de l'Evêque ; enfin ce Concile
défend d'assister aux Offices avec armes.
Clementinus , cinquiéme Evêque de Nevers
, a souscrit au cinquième Concile d'Orleans
, tenu sous le Pontificat de Vigilius , la
trente- huitiéme année du Regne de Childebert
, le cinquième des Calendes de Novembre
, c'est-à dire le vingt -huitième Octobre
de l'année 549.
Ce Concile fut très- nombreux ; il y avoit
neuf Métropolitains , cinquante Evêques , &
21. Prêtres Députés ; Sacerdos , Evêque de
Lion ,y présidoit, on y fit vingt- quatreCanons;
dans le premier , les Erreurs de Nestorius &
d'Eutychès furent condamnées ; le Concile
jugea ensuite l'Accusation intentée contre
Marc , Evêque d'Orleans , & prononça son
absolution ; le surplus du Concile regarde la
Discipline Ecclesiastique.
Je ne puis m'empêcher de placer ici Ar
daric , ou Aridius , sixième Evêque de Ne
vers , oublié par les Auteurs de notre Histoire
, & qui vivoit en 551. sous le Regne
de Childebert , & sous les Pontificats de
Vigilius & de Pélage I.
>
Saffarac
DECEMBRE. 1738. 2569
Saffarac , Evêque de Paris , accusé de differens
crimes , les confessa devant Médoüée ,
Evêque de Meaux , Lubin , Evêque de Chartres
, & Ardaric , Evêque de Nevers . Ces
trois Evêques en dresserent un Acte , & mirent
par provision Saffarac dans un Monastere
: cet Acte fut représenté au second Concile
de Paris , qui aprouva ce que les trois
Evêques avoient fait , & chargea Constitutus,
Evêque de la Métropole de Sens , de déposer
Saffarac.
La déposition fut faite suivant les Canons
, & Eusebe fut ordonné à la place de
P'Evêque déposé. Sapaudus d'Arles présida à
ce Concile , qui fut composé de vingt -un
Evêques , & de six Métropolitains , en l'an
$ 51 . D'autres le placent en 555 .
Aucun des Historiens qui ont écrit de notre
Province,n'a parlé de cet Ardaric , maisle Corcile
de Paris établit suffisament son existence .
Nous n'avons rien à dire touchant Eufronius
, septiéme Evêque de Nevers , sinon
qu'il a souscrit dans la Charte des Privileges
accordés à l'Eglise de Saint Vincent par Saint
Germain , Evêque de Paris.
Childebert , de retour de la Guerre d'Espagne
, aporta l'Etole de S. Vincent , qui lui
avoit été donnée par les Habitans de Sarragosse
; il bâtit dans un Fauxbourg de Paris,
une Eglise en l'honneur de ce Saint ; & cette
C iij Eglise
2570 MERCURE DE FRANCE
Eglise fut dédiée par S. Germain
, Evêque
de Paris , en 558. le même jour de la mort
du Roy Childebert , qui fut inhumé dans
cette Eglise le lendemain de la Dédicace.
Saint Germain eut une affection particuliere
pour cette Eglise ; il y établit une Communauté
de Religieux ; il ajoûta à la Dotation
faite par le Roy Childebert , plusieurs
Terres de son patrimoine , qu'il possedoit
dans l'Auxerrois & dans le Nivernois ; il accorda
des Privileges & des Immunités , &
dressa à ce sujet des Chartes , qui furent souscrites
par notre Evêque Eufronius , le 21.
Août de la cinquième duRegne deChérebert,
ce qui se raporte à l'année 566. & au Ponti
ficat de Jean III. dit Catellin.
Le Corps de S. Germain fut depuis transfcré
dans l'Eglise de S. Vincent , que l'on
apelle aujourd'hui Saint Germain des Prés
Eoladius , ou Euladius , huitiéme Evêque
de Nevers , est confondu souvent avec Eulalius
, dont nous avons parlé ci- dessus ; la ressemblance
du nom produit cette confusion ;
& l'Auteur du nouveau Breviaire de Nevers,
quoique d'ailleurs exact & sçavant , est tom
bé dans cette faute ; Eulalius vivoit en 507.
du temps de Clovis I. & de Saint Severin ;
Eoladius étoit Evêque en 567. du temps de
Gontran , Roy de Bourgogne ; & il a sousrit
au Concile de Lion , tenu la même annéc
DECEMBRE 1738. 2571
née contre Salonius & Sagittaire , auquel
présidoit S. Nisier , Evêque de Lion. Ces
deux dates aussi éloignées l'une de l'autre ,
jointes aux Evêques qui ont paru entre deux ,
prouvent sans difficulté qu'Eoladins & Eulalius
ne sont pas les mêmes personnes.
C'est cet Eoladius , qui étant dans le Pays
d'Autun , fit amitié avec Agricole , Senateur
de ce Pays ; l'innocence des moeurs , l'amour
de la vertu , le zele pour la Religion Chrétienne
, furent le lien de cette amitié sainte ;
ces deux grands Hommes prirent l'un pour
l'autre un si fort attachement , qu'ils ne pouvoient
se quitter ; ils passoient les jours entiers
dans des conversations édifiantes , dont
ils sortoient meilleurs & plus vertueux. Qu'il
seroit à souhaiter que de pareilles amitiés se
formassent parmi les Hommes , qui ne font
ordinairement rouler leur commerce que sur
l'interêt , le plaisir , la curiosité , ou la médisance
!
Agricole, plus libre qu'Eoladius , suivit à
Nevers son ami ; il fut fait Comte , ou Commandant
des Troupes du Comté de Nevers
par le Roy Gontran , & ensuite par les suffrages
du Clergé & du Peuple il fut élû successeur
à son ami Eoladius .
Le Tombeau de S. Eoladius , apellé dans
ic Pays Saint Eulade , se trouve dans l'Autel
de la Paroisse de S. Etienne de Nevers
C iiij
avec
2572 MERCURE DE FRANCE
avec ces quatre Vers Latins qui paroissent
d'un caractere nouveau .
Quisquis ab occasu properas huc , quisquis ab ortu ;
Corpus in hoc Tumulo quod venereris habes ;
Prasul Eoladius , hujus quondam Pater Urbis ,
Adventum gaudens sustinet hic Domini.
Lors du décès de Saint Eulade , l'Eglise de
Saint Etienne de Nevers n'étoit pas encore
bâtie ; ainsi il faut croire que le Corps de cé
Saint y a été transporté d'ailleurs , ou que
cette Eglise a été depuis construite dans
le Lieu où repose le Corps de ce Saint
Prélat .
M. Vincent , Curé de S. Etienne de Nevers
, fit bâtir de nouveau l'Autel de sa Paroisse
, il y a quelques années ; le Tombeau
de S. Eulade fut alors ouvert ; on y trouva
quelques ossemens & quelques cendres ,
dont une partie fut enlevée par le Peuple ;
ou distribuée aux Personnes de distinction
de la Paroisse ; la Fête de S. Eoladius est célebrée
le 29. Août dans le Diocèse de Nevers
; cet Evêque a vécu sous les Pontificats
de Jean III. & de Benoît I. dit Bonose.
Saint Eoladius , comme nous l'avons dit ;
a cu pour Successeur , Saint Agricole , que
nous apellons communément S. Arigle , neuviéme
Evêque de Nevers ; il s'étoit préparé
luj
DECEMBRE. 1738. 2573
lui-même ce successeur , en l'attirant à Nevers
, & en le formant aux vertus Episcopales.
Le Clergé & le Peuple , suivant les voeux
d'Eoladius , & conduits par la vénération
qu'ils avoient pour la vertu d'Agricole , le
choisirent pour leur Evêque , cette élection
fut confirmée par Gontran , Roy de Bourgogne
, qui pouvoit dire comme l'Empereur
, lorsque S. Ambroise fut élû Evêque de
Milan , qu'il étoit ravi que les Gouverneursqu'il
envoyoit dans les Provinces , fussent:
trouvés dignes d'être Evêques.
Ce Saint Prélat étoit né à Aléxie , que l'on
apelle aujourd'hui Sainte Reine , de Parens
nobles & riches, il fut d'abord Sénateur dans
son Pays , ensuite Cemmandant des Troupes
du Roy Gontran dans le Nivernois
comme nous l'avons dit , & enfin Evêque
de Nevers ; ce qui fait connoître qu'il possedoit
les Vertus Civiles , Militaires & Ecclesiastiques.
L'an 583. sous le Pontificat de Pélage II.
& la vingt- deuxième année du Regne de-
Gontran , fut tenu le premier Concile de
Mâcon , auquel présida Priscus , Evêque de
Lyon , à la tête de vingt autres Evêques..
S. Agricole assista à ce Concile.
On fit dans ce Concile dix- neuf Canons ,
concernant la Discipline . Par un de ces
Canons , il est ordonné de jeûner les Lundis,,
Cv Mercredis:
2574 MERCURE DE FRANCE
Mercredis & Jeudis , depuis la Saint Martin
jusqu'à Noël , ce qui paroît être l'institution
de l'Avent.
Saint Agricole a encore souscrit au second
Concile de Mâcon , tenu le vingt- trois Octobre
l'an 585. le vingt- quatrième du Regne
du Roy Gontran .
Ce fut encore Priscus de Lyon qui présida
à ce Concile ; on lui donne la qualité de Patriarche
; mais ce titre se donnoit pour lors.
aux principaux Métropolitains , & ne peut
tirer à consequence.
Saint Agricole a souscrit dans ce Concile
le premier des Evêques , à cause de l'ancienneté
de son Ordination ; il étoit même d'usage
dans ce temps - là, qu'un ancien Evêque
souscrivoit auparavant un nouveau Métropolitain
.
Ce Concile fut assemblé principalement
contre Bertrand de Bourdeaux , Theodore
de Marseille , & Pallade de Saintes , qui
avoient favorisé le Parti de Gondebaud , dit
Ballomer , lequel se disoit fils de Clotaire I..
Quarante- trois Evêques assisterent à ce Conmés
& firent vingt Ĉanons, qui furent confircile
, par une Ordonnance du Roy Gontran.
Le premier de ces Canons commande l'observation
du Dimanche , qui étoit négligée ;.
⚫ce Concile, ordonne aux Fideles , tant hommes
que femmes , de faire tous les DimanchesDECEMBRE.
1738. 2579
ches leurs offrandes de pain & de vin à l'Autel
, & de payer la Dixme , sous peine d'excommunication
.
Ce Concile ordonne encore l'observation
des Aziles , il recommande l'Hospitalité aux
Fideles , & défend aux Evêques d'avoir des
chiens dans leurs Maisons , afin que l'accès
en soit plus libre aux Pauvres ; il défend aux
Clercs d'assister aux Jugemens de mort ,
aux Tortures & Executions . Enfin il ordonne
aux Laïcs de descendre de cheval.
pour
saluer les Clercs qui seront à pied.
Saint Agricole a encore souscrit au troisiéme
Concile de Lyon , tenu en 583. la
même année que le premier Concile de
Mâcon.
Ce Concile de Lyon fur composé de huit
Evêques seulement & de douze Députés , &
Priscus en fut Président ; ce Concile ne contient
que six Canons , qui concernent la
Discipline , comme la plupart des Conciles
qui se tenoient alors.
Saint Agricole a vécu très - long temps ; sa
mort est marquée en 594. on voit son Tombeau
dans l'Eglise de S. Vincent de Nevers
qui porte aujourd'hui son nom ; ses ossemens
en furent retirés par M. Arnaud Sorbin
Evêque de Nevers , le jour de S. Barthelemi
en 1590. & furent mis dans une Châsse qui
est à côté du grand Autel. Dans le Breviaire
Cvj
de
2576 MERCURE DE FRANCE
de M. Sorbin , la Fête de S. Agricole est célébrée
le 26. Fevrier ; dans le nouveau Breviaire
, le jour de sa mort & de sa Fête , est
marqué le troisiéme de Juillet.
Saint Fulcilius , dixiéme Evêque de Nevers
, fut élû à la place de S. Agricole en
1594. sous le Pontificat de S. Gregoire le
Grand , & sous le Regne de Childebert ,
Roy d'Austrasie & de Bourgogne ; nous ne
sçavons rien de certain de ce S. Evêque ; on
ne croit pas que son Episcopat ait duré un an
entier.
Voila , M. ce que j'ai pu recueillir touchant
nos dix premiers Evêques de Nevers ;
je sens que votre curiosité n'est pas satisfai
te ; mais dans une matiere aussi séche &
aussi sterile , il faut se contenter du peu que
nous sçavons , & ne pas exiger que l'imagination
supplée à la sterilité de l'Histoire ; le
parti du silence convient mieux en pareil cas
à un Historien , que celui de l'invention &
de la Fable. Je suis , &c.
DIDON
DECEMBRE. 1738. 2577
DIDON ,
Poëme Héroïque , tiré du quatrième Livre
de l'Eneide de Virgile.
D
AVERTISSEMENT.
E tous les Ouvrages de Virgile , Is
qui renferme le plus d'Art , d'agrément , &
des passions plus vives , & plus touchantes ;
c'est lejugement qu'en a porté le célebre Pere.
de la Rüe , Jésuite , en ces termes :
Unus hic è Libris omnibus plurimùm artis
habet ac suavitatis , motusque animi tenerrimos
quosque ac violentissimos , &c.
Tous les Sçavans conviennent que ce
quatriéme Livre de l'Enéïde , est un agréable
Episode , ce qui m'a donné lieu de croire:
qu'on en pouvoit tirer un Poëme François
que je distribue en quatre Chants..
L
CHANT PREMIER..
A Reine toute émuë abandonne son ame"
Aux traits empoisonnés de l'Amour qui l'énflâme,,
Elle se livre en vain au sommeil qui la fuit
Ses feux plus violens dans l'ombre de la nuit
Lui retracent d'Enée une plus vive image ;
La
2578 MERCURE DE FRANCE
La gloire de son sang , ses vertus , son courage ,
Ses discours , tout enfin , la charme en ce Héros ,
Et désormais pour elle il n'est plus de repos.
Aussi - tôt que l'Aurore a chassé les ténebres ,
Remplissant son esprit de mille objets funebres ,
Ah ! dit-elle , ma Soeur , quels songes effrayans ,
Dans l'horreur de la nuit ont frapé tous mes sens !
Quel est cet Etranger , qui dans ce Port tranquille,
Contre Eole irrité vient chercher un azile ?
Quelle héroïque ardeur éclate dans ses yeux !
Ce Mortel n'est- il point issu du sang des Dieux
La crainte suit par tout un coeur qui dégénere ;
Mais lui , foulant aux pieds la Fortune contraire ,
Sçut toujours triompher des plus affreux revers ;
De combien de combats , & de travaux divers ,
Nous a-t'il retracé la douloureuse histoire !
Plus ses malheurs sont grands , & plus grande est
sa gloire ;
Si depuis qu'un Tyran de mon bonheur jaloux ,
Trancha le fil des jours de mon fidele Epoux ,
Je n'avois pas juré qu'un second Hymenée
Jamais ne me tiendroit à son joug enchaînée
Je crois que succombant une seconde fois ,
L'Amour me forceroit d'obéir à ses Loix.
Je sens que dans mon coeur ce Dieu reprend sa
place ,,
DECEMBRE . 1738. 2579
Et de ses premiers feux j'y reconnois la trace.
Que dis-je ? Ah ! que sous moi la terre ouvre son
sein
Ou que de Jupiter la foudroyante main ,
En me précipitant dans les Lieux les plus sombres
M'unisse pour jamais aux criminelles Ombres ,
Si jusqu'à mon trépas , Pudeur , sacré devoir ,
Tu n'as pas sur mon coeur un suprême pouvoir !
Je dois à mon Epoux immoler une flamme ,
Qui contre mon aveu se glissoit dans mon ame :
Qu'il soit & mon premier & mon dernier amour
Et tout privé qu'il est de la clarté du jour ,
( Je l'ai juré cent fois , je ne puis m'en défendre )
Dans le même tombeau qui renferme sa cendre ,
Je veux que mon amour à jamais renfermé ,
Montre aux siécles futurs combien il fut aimé.
De la voix à ces mots perdant presque l'usage ,
Une source de pleurs arrose son visage :
La Princesse témoin de son mortel souci ,
Prend le moment offert pour lui parler ainsi.
Ma Soeur, unique objet de toute ma tendresse ,
Seule passerez-vous une triste jeunesse ?
Voulez-vous de Venus mépriser les faveurs ,
Et le plaisir si doux d'avoir des successeurs ?
Quoi ! pensez- vous qu'une ombre , ou qu'un reste
de cendre ,
Soitsensible à ces pleurs que je vous vois répandre ?:
L'Afijque
1580 MERCURE DE FRANCE
L'Afrique a vû ses Rois de vos attraits épris ,
Et vous n'avez payé leurs voeux que de mépris .
D'un Amour qui vous plaît combattrez - vous les
charmes ?
Songez plutôt , songez à lui rendre les armes.
Nous avons pour voisins les fiers Gétuliens ,
Les Barces indomptés , les cruels Tyriens ,
Les Numides errans , sans moeurs & sans maximes .
Votre Frere orgueilleux du succès de ses crimes':
Que d'ennemis ! Comment leur résisterez - vous ?'
Suffirez- vous , ma Soeur , vous seule contre tous
Ah ! si vous m'en croyez , acceptez avec joye
Le secours étranger que le Ciel vous envoye ;
Au Prince des Troyens jointe par de beaux noeuds ;
De vos communs Sujets vous comblerez les voeux
Carthage désormais , la maîtresse du Monde ,
Se fera redouter sur la Terre , & sur l'Onde ;
Et bien tôt les Troyens joints aux Carthaginois ,
Forceront l'Univers de fléchir sous vos Loix.
Ne differez donc plus , & par des Sacrifices ,
Rendez vous & Junon , & tous les Dieux propices.
Par de riches présens engagez les Troyens ,
Et pour les arrêter par de pui sans liens ,
Exposez de l'Hyver les funestes ravages ;
Peignez-leur cette Mer si célebre en naufrages ,
Où les débris épars de leurs tristes Vaisseaux ,
Sont encor le jouet & des Vents & des Eaux.
Didon
DECEMBRE. 1738. 258 €
Didon à ce discours sent redoubler sa flamme
Deux contraires partis ne gênent plus son ame ;
Elle court sans pudeur jusqu'aux pieds des Autels ,
Signaler son parjure aux yeux des Immortels .
D'un Amour indiscret aveuglement funeste !
Dans l'espoir de fléchir la colere céleste ,
De Victimes sans nombre elle répand le sang ;
Considere , examine , interroge leurs flancs.
Mais quand l'Amour sur elle exercé sa puissance ;
Que lui sert des Devins la stérile science ?
Les Temples , les Autels , les Victimes , les Voeux }
D'un amour en fureur n'éteignent point les feux.
La Biche cherche en vain son salut dans la fuite,
Et des ardens Chasseurs brave en vain la poursuites
Quand de leurs traits mortels , prompte à se dégager,
Elle trouve en la Plaine un vigilant Berger ,
Qui de loin , mais d'un dard lancé d'une mais
Lui
sûre ,
porte dans le flinc une large blessûre
Elle fuit insensible à ce coup assassin ,
le sein .
Et fuit avec le fer qui lui perce
Tel est le triste sort de cette aveugle Reine
Elle se livre entiere au penchant
qui l'entraîne
;
Tous les Rois ses voisins ont brigué sa faveur ,
Et c'est un Etranger
qui seul touche son coeur.
Dans le dessein qu'elle a d'en faire sa conquête
,
DE
1582 MERCURE DE FRANCE
De riches ornemens elle pare sa tête ;
Et des traits les plus vifs animant ses regards ,
Elle conduit ce Prince autour de ses Ramparts
Lui dit par quel destin sur un bord si sauvage
S'éleve jusqu'au Ciel la superbe Carthage ;
Lui fait voir ses Palais , ses Temples , & ses Ports
Et briller à ses yeux ses immenses trésors .
&
Quoique l'Astre du jour acheve sa carriere ,
Et ne laisse entrevoir qu'un reste de lumiere
Elle s'obstine encore à vouloir lui parler
D'un secret que son coeur devroit dissimuler.
Tantôt dans les combats que son amour lui livre ,
Elle entame un discours , & n'ose le poursuivre
Tantôt elle l'invite à retracer encor
L'Histoire de Priam , d'Andromaque , & d'Hec
tor ;
Si , fidele à ses Loix à regret il rapelle
Des Grecs , & des Troyens la sanglante querelle
Attentive elle écoute , & d'un si long discours
Voudroit que rien ne put interrompre le cours.
Cependant de la nuit tombent les sombres voiles
,
Et l'Aurore naissante effaçant les Etoiles ,
Le sommeil sur Enée épanche ses Pavots ,
Et le force d'aller chercher quelque repos.
Didon , qui ne survit qu'à peine à son absence ;-
Croit , tout absent qu'il est , jouir de sa présence, -
L'aprocher,
DECEMBRE. 1738. 2583
L'aprocher , lui parler & l'entendre à son tour ,
Lui jurer à ses pieds un éternel amour.
D'une si douce erreur à peine détrompée ,
De mille soins nouveaux son ame est occupée ;
Elle court , sans sçavoir où s'adressent ses pas ;
Elle prend quelquefois Ascagne entre ses bras ;
Et tâchant dans le Fils de retrouver le Pere
L'embrasse , & se repaît de sa propre chimere.
Tandis que de l'Amour elle sent tous les traits ,
Mille ouvrages divers demeurent imparfaits ;
Tout Carthage languit , & l'oisive Jeunesse
Livrée aux faux apas d'une indigne mollesse ,
Préfere les Plaisirs à la gloire de Mars ,
Et ne cultive plus les Lettres ni les Arts.
CHANT II.
AUssi-tôt que Junon s'aperçoit que la Reine
S'abandonne , en aveugle , à sa perte certaine ;
Préfere à son devoir de funestes Amours
Elle aborde Venus , & lui tient ce discours.
Cupidon votre fils remporte une Victoire ,
Dont rejaillit sur vous la moitié de la gloire ;
Sur le coeur d'une femme enfin vous l'emportez;
Mais qui peut résister à deux Divinités ?
Je sçais que vous craignez la superbe Carthage ,
Que déja ses Ramparts vous donnent de l'ombrage
De
584 MERCURE DE FRANCE
De vos cruels soucis quel sera le succès ?
Ah ! plutôt concluons une solide Paix ;
Didon brûle , languit , soupire pour Enée ,
Únissons - les tous deux par un prompt Hymenée ;
Leur union rendra deux grands Peuples amis ,
Alliés , confondus , aux mêmes Loix soûmis ;
Pour gage de ce noud , qu'Enée ait cette Ville ,
Et se fasse en Afrique un Empire tranquille .
La mere de l'Amour prévoyant le dessein
Qu'a Junon de changer les ordres du Destin ,
Et que tout l'Univers promis à l'Italie ,
Dépende quelque jour de l'ardente Lybie ,
Répond , grande Déesse , ordonnez ; c'est à moi
A suivre aveuglément votre suprême Loi.
Je doute cependant que ju ordonne ,
Que sous le même Ciel , sous la même Couronne ,
Les Troyens fugitifs & les Carthaginois ,
Puissent être soumis à de communës Loix ;
C'est à vous d'y penser : A quoi Junon réplique ,
Rien ne m'est impossible ; écoutez , je m'explique.
Demain quand le Soleil sortant du sein des Mers
Viendra de ses rayons éclairer l'Univers ,
Didon , qui se promet une belle journée ,
A formé le dessein d'aller avec Enée ,
D'une galante Chasse ordonner les aprêts
De faire enceindre un Bois de toiles & de rêts
Et moi dans ce moment à grands coups de Tonnerre,
Je
DECEMBRE 1738. 2585
Je remuerai le Ciel , ferai trembler la Terre ,
Et de grêle , & de pluye obscurcissant les airs ,
Le jour disparoîtra , fera place aux éclairs ;
Didon & le Troyen , pour éviter l'orage ,
Se mettront à l'abri sous quelque antre sauvage.
C'est - là que sans témoins se formeront les noeuds ,
Dont j'ai déterminé de les unir tous deux.
Venus , en souriant , répond , cette Entreprise
Est grande , & de Junon mérite l'entremise.
L'Aurore à peine sort du vaste sein des Flots ,
Que le son de l'Airain réveille les Echos ,
Qu'à la voix des Piqueurs une meute docile ,
Avec un bruit confus s'éloigne de la Ville ;
Et que sur un terrain & libre & spacieux ,
On assemble des Dards , des Toiles , & des Pieux
La Reine cependant pour la Chasse s'aprête ,
Orne de diamans la tresse de sa tête ;
Elle égale en beauté la Déesse des Bois ,
Et porte en Chasseresse un superbe carquois .
Des Seigneurs de sa Cour sortant environnéee;
Surviennent les Troyens avec leur Chef Enée ;
Elle ne peut assés contempler ce Héros ,
Plus brillant que le Dieu qu'on adore à Délos.
La Chasse enfin arrive au sommet des Montagnes ,
D'où l'oeil découvre au loin de fertiles Campagnes ;
Les Cerfs & les Chevreuils, abandonnent les Monts,
Et courent se cacher dans le creux des Vallons.
Ascagne
1
2586 MERCURE DE FRANCE
Ascagne , qui montoit un Coursier indomptable ,
Les voit comme un objet pour lui trop méprisable
Il cherche un Sanglier , ou quelque affreux Lion ,
Plus propre à signaler sa jeune ambition .
Le Ciel au même instant se couvre d'un
nuage 2
Et de grêle & de pluye envoye un long orage ,
Dont la Terre s'abreuve, & forme des Torrens ,
Qui descendent des Monts , & submergént les
Champs.
Tout fuit ; & sans poursuivre une Chasse inutile ,
Sous differens abris chacun cherche un azile .
La Reine, & le Troyen , dans un Antre desert ,
Loin des yeux des Chasseurs se mettent à couvert.
Junon , du haut du Ciel , tonne , éclate , foudroye,
Et de ces deux Amans prolonge ainsi la joye :
Les Nymphes d'alentour , par leurs gémissemens ,
Déplorent de Didon les noirs égaremens.
Ah ! faut -il qu'à la mort elle se soit offerte !
Ce moment deviendra la cause de sa perte ;
Déja sans sentiment , sans raison ; sans pudeur ,
Un amour effrené s'empare de son coeur ,
Et les feux criminels qu'elle sent pour Enée ,
Se couvrent désormais du saint nom d'Hymenée.
Cet oiseau , dont le vol plus prompt que les Eclairs,
S'éleve jusqu'au Ciel , & traverse les Mers ,
Ce Monstre tout couvert d'yeux ,
langues ,
d'oreilles , de
Qui
DECEMBRE. 1738. 2587
Qui des discours d'autrui compose ses Harangues ;
La Renommée enfin , précipite ses pas
En tous lieux , & surtout à la Cour d'Hyarbas ,
Fait entendre à ce Roy que Didon enchantée
De soucis amoureux est sans cesse agitée ;
Qu'Enée , un Etranger , sauvé du feu des Grecs
Avec elle entretient des commerces secrets ;
Que les Antres , les Bois , & les Lieux les plus
sombres ,
Prêtent à leurs plaisirs l'épaisseur de leurs ombres
Et que , si du Public on en croit les discours
L'Hymen va succeder à leurs tendres amours.
Hyarbas à ces mots , enflâmmé de colere ,
Adresse à Jupiter cette ardente Priere.
Arbitre souverain de la Terre & des Cieux ,
Je vous ai consacré des Temples en tous Lieux ,
J'ai soin de les orner des plus riches guirlandes ,
De charger vos Autels de pieuses offrandes ,
De les entretenir & de feux & d'encens ,
Daignez donc prendre part aux tourmens que je
sens .
Vous sçavez qui je suis ; la Nymphe Garamante
De m'avoir eu de vous , & s'honore , & se vante ;
Elle fut autrefois l'objet de votre amour ;
C'est de vous deux , grand Dieu , que j'ai reçû le
jour ,
at cependant Didon méprise ma naissance ,
2588 MERCURE DE FRANCE
·
Et du grand Jupiter refuse l'alliance ;
Préfere à votre fils , un Prince fugitif,
Plus traître que Pâris , & cent fois plus lascif.
Dans mes propres Etats , sur une aride Plage,
Cette Reine a fondé la superbe Carthage ,
Dont par pure bonté je lui cédai lé fond ,
Et l'ingrate me fait un si sensible affront !
Souvent ces deux Amans , en de sombres retraites
Vont seuls s'entretenir de leurs flammes secretes ;
Elle épouse , dit-on , ce Troyen dès demain ;
Daignez les prévenir , & le Tonnerre en main
Permettez qu'un éclat parti de votre Foudre ,
Réduise dès ce jour ces deux traîtres en poudre.
Il dit : au même instant le Souverain des Dieux
Jette du haut du Ciel un regard curieux ;
e;
Voit Enée & Didon plongés dans la mollesse
Et
pour
des délivrer de leur fatale yvresse ,
Il apelle Mercure , & lui tient ce discours.
Je prétens mettre fin à defolles amours ;
Enée est à Carthage , nage dans lajoye ,
Sans songer que c'est lui qui doit relever Troye
La rendre plus fameuse au Pays des Latins ;
Que l'ordre en est écrit au Livre des Destins.
Allez donc , dites - lui que sa charmante Mere ,
Ne peut le voir brûler d'uneflamme adultere ;
Que par elle sauvé des flammes d'Ilion ,
Il lui doit plus d'égards , moins de rébellion.
,
Que
DECEMBRE. 1738. 2589
Que de lui tout un Peuple indomptable à la Guerre ,
Doit naître , & sous ses Loix ranger toute la Terre ;
Ajoutez que je veux qu'il parte dès ce jour ,
Et que la Gloire doit l'emporter sur l'amour.
Mercure en s'éloignant des voûtes éternelles ;
A ses pieds diligens joint ses brillantes aîles ,
D'un vol précipité fend le vague des Airs ;
Parcourt en un instant & la Terre & les Mers
Le fameux Mont Atlas sur sa route l'arrête ;
Il ne sçauroit assés en admirer le faîte ,
Qui couvert de glaçons touche au séjour des Dieux ,
Et semble soûtenir la Machine des Cieux ;
Il arrive à la fin sur la fameuse Plage ,
Où Didon a fondé les Remparts de Carthage.
Enée officieux en presse les travaux ,
Y fait même ajoûter des ouvrages nouveaux.
Mercure en l'abordant , en ces termes s'explique :
Seigneur , c'est trop longtemps séjourner en Afrique ,
Vos Vaisseaux dans le Port de momens en momens
N'attendent pour partir que vos Commandemens.
Le Souverain du Ciel me députe & m'envoye,
Pour vous dire qu'il vent que vous releviez Troye ;
Que vous la transportiez au Pays des Latins .
Que c'est son ordre exprès , celui des Destins.
Il dit : & vers le Ciel reprend la même route.
Enée épouvanté, tremble , chancele , doute ;
Hélas ! s'il obéit à cet ordre cruel ,
1. Vol.
D C'est
1590 MERCURE DE FRANCE
C'est au coeur de Didon porter le coup mortel ;
Et s'il n'obéit pas , il s'attire, au contraire ,
Du Souverain des Dieux l'implacable colere ,
Se perd lui-même & perd les descendans d'un Fils
A qui par les Destins l'Univers est promis ;
Le parti le plus sûr , & même le plus sage ,
Est celui de l'honneur où la Gloire l'engage .
Il fait donc en secret préparer ses Vaisseaux
A fendre au premier vent la surface des Eaux
Tandis que de sa part
il va voir si la Reine
Se résout d'étouffer l'amour qui les enchaîne.
CHANT III.
La Reine , qui d'Enée attendoit le retour ,
Pressentit le danger que couroit son amour ;
Que ce Prince en secret méditoit sa retraite ;
(Qui pourroit se cacher d'un Amante inquiete ? )
La Renommée encor vole , & vient l'avertir ,
Que la Flotte d'Enée est prête de partir.
Telle qu'une Bacchante , elle écume de rage ,
Et de cris redoublés fait retentir Carthage ;
Enée enfin survient , après mille sanglots,
A ce volage Amant elle adresse ces mots :
Sortir de mes Etats , sans que j'en sois instruite !
Cacher votre départ , ou plutôt votre fuite !
Perfide ! c'est plonger un poignard dans mon sein ;
Ah ! du moins differez ce barbare dessein.
NOKE
DECEMBRE. 1738.
2595
Notre amour , cette foi que vous m'avez donnée ,
La mort même où Didon s'étoit déterminée ,
N'a pu dans votre coeur exciter la pitié ?
Peut- on rompre si-tôt les noeuds de l'amitié
Votre Flotte partoit , & par la Renommée
Je suis de ce projet seulement informée.
Prétendez -vous , malgré les rigueurs de l'hyver ,
Malgré les Aquilons qui regnent sur la Mer ,
Exposer votre vie ? Ah ! souffrez que mes larmes ,
Qu'un Hymen commencé, dont nous goûtons les
charmes ,
Qu'une Epouse éperduë & prête de mourir ,
Vous ôte de l'esprit cette ardeur de courir ?
Troye est réduite en cendre , & la barbare Grece
A sur elle épuisé sa fureur vengeresse.
Ce n'est donc pas à Troye où tendent vos Vaisseaux;
Et vous allez , cruel , à la merci des Flots ,
Chercher loin de ces Lieux , malgré les vents contraires
,
Des Peuples inconnus , des Terres étrangeres.
Me fuyez- vous ? Hélas ! voyez couler mes pleurs !
Voyez combien sur moi s'assemblent de malheurs
Pour vous , de mes Voisins je m'attire la haine ,
Si vous partez , songez que ma perte est certaines
Nomades , Tyriens , vont tous fondre sur moi ,
Pour tout gage de vous , je n'ai que votre foi.
J'ai perdu ma pudeur, j'ai tout fait pour vous plaire,
Dj Et
2592 MERCURE DE FRANCE
Et votre ingratitude en devient le salaire .
Didon , que ses vertus élevoient jusqu'aux Cieux ,
Est, si vous la quittez , en borreur en tous Lieux .
J'ai méprisé l'Hymen du Roy de Gétulie ,
Avec lui contre moi Pigmalion s'allie ;
Ils vont sur mes Etats fondre de toutes parts ,
De Carthage naissante assaillir les Remparts ;
Et moi sans nul secours, seule , foible , craintive ,
En leurs cruelles mains je tomberai captive.
Du moins , si pour calmer ma peine et mes ennuis,
J'avois conçû de vous , ou mis au jour un fils ,
Qui pût vous ressembler de coeur & de courage ,
Je le regarderois comme un précieux gage ,
Que vous m'auriez laissé des noeuds de notre
amour
Il joüeroit quelquefois au milieu de ma Cour ,
Et me consoleroit de l'absence d'Enée ;
Enfin je me croirois bien moins infortunée .
Le Troyen lui répond : moi cacher mon départ !
Reine , je viens ici pour vous en faire part.
Vos bienfaits de si loin ont passé mon atente ,
Que mon ame en sera toujours reconnoissante ;
Si j'en perds un moment le tendre souvenir ,
Puisse le juste Ciel à jamais m'en punir ;
Si le sort permettoit qu'on pût relever Troye ,
Sur l'heure on m'y verroit retourner avec joye į
On verroit les Palais de Priam rétablis
Des
DECEMBRE. 1738. 2593
Des Tombeaux où les miens seroient ensévelis.
Mais les Dieux irrités y mettent des obstacles ;
J'ai même d'Apollon consulté les Oracles ;
Ils disent que suivant l'ordre exprès des Destins ,
Ma demeure est fixée au Pays des Latins ;
Le Souverain du Ciel , Madame , je le jure ,
Vient au travers des airs de m'envoyer Mercure ,
Me dire qu'il m'enjoint de partir dès ce jour ,
Et que la gloire doit l'emporter sur l'amour ;
Je dois donc obéïr & chercher l'Italie ;
L'Amour seul nous a joints ,nul serment ne nõus lie,
Le hazard & les vents m'ont jetté dans vos Ports ,
Vous m'avez , je l'avoue , ouvert tous vos trésors ,
J'en ressens tout le prix mais un juste Hymenée
N'a jamais avec vous uni ma destinée.
Aux Dieux , aux justes Dieux dois - je désobéir ?
Si je leur résistois , ce seroit me trahir ;
Je trahirois mon Fils , qui de Lauriers avide ,
Déja marche à grands pas sur les traces d'Alcide ,
Et dont les descendans, malgré mille revers ,
Se verront quelque jour Maîtres de l'Univers.
L'Ombre d'Anchise encor la nuit me sollicite
D'abandonner aux Dieux le soin de ma conduite ;
J'y souscris , je vous quitte & vous quitte à regret.
Didon qui perd l'espoir de rompre ce projet ,
Demeure quelque temps dans un morne silence
D iij
"
Et
2594 MERCURE DE FRANCE
Et d'un crime si noir médite la vengeance ;
De ses rares bienfaits le triste souvenir ,
Dans son coeur irrité , ne peut se contenir
Et fait par ce discours exhaler sa colere.
- Perfide ! c'en est trop , tu peux te satisfaire ,
Cours , vole au gré des vents , je ne te retiens plus
Non ;tu n'es point issu du sang de Dardanus ;
Tu te dis faussement le Fils d'une Déesse ,
Tu suças en naissant le lait d'une tygresse
Le Caucase en ton sein mit un eoeur de Rocher ,
En vain sous de grands noms tu prétens te cacher.
Mais c'est trop me flater, qu'attendre d'un perfide !
Qui n'a ni l'équité , ni la raison pour guide ;
Hélas ! en m'écoutant a-t'il plaint mes malheurs ?
Et me voyant pleurer , a- t'il versé des pleurs ?
Il n'y faut plus penser , dans le siecle où nous
sommes
La bonne foi n'a plus de lieu parmi les hommes ;
Jupiter & Junon n'aprouveront jamais
De si cruels desseins , de si lâches forfaits.
Envers cet Etranger , Didon quelle est ta faute ?
Ses Vaisseaux par les vents jettés sur cette Côte ,
Prêts à faire naufrage , entrerent dans ce Port ;
Et tu sauvas les Siens d'une prochaine mort.
Tu le vis , il te plut , tu chéris sa personne ,
Jusqu'à lui faire part de ta propre Couronne.
Voilà quel est ton crime , & ce lâche imposteur
Te
DECEMBRE. 1738. 2599
Te cite les discours d'un Oracle trompeur ;
Une Ombre à me quitter , la nuit le sollicite ,
C'est Jupiter , dit-il , qui regle sa conduite ,
Comme si Jupiter , tranquille dans les Cieux ,
Sçavoit ce qui se passe en ces terrestres Lieux .
Va , dis -je , coeur ingrat , va , traverse les Ondes ;
Pour ton fils et pour toi , cherche de nouveaux
Mondes ,
Pendant qu'aux Aquilons tu commets tes destins ,
La mort va terminer ma honte & mes chagrins.
S'il est des Dieux vengeurs , ennemis des grands
crimes ,
Puissent-ils , sous les Éaux , te creuser mille abîmes ;
Plus tu vas t'éloigner , plus après mon trépas ,
Tu trouveras mon Ombre attachée à tes pas.
Par tout je veux te suivre , & comme une Furie ,
Reprocher à ton coeur ta noire barbarie ,
Toi-même tu mourras , & de mes maux soufferte
Je sçaurai me venger jusques dans les Enfers.
rage ,
A ces mots qu'enfantoit le dépit & la
Elle veut , mais en vain , en dire davantage ,
La parole lui manque , Enée est consterné ,
Et ne peut répliquer , tant son coeur est gêné ,
De la voir sur un lit tomber évanouie ,•
Sans qu'on remarque en elle aucun signe de vie.
iiij CHANT
Dij
2596 MERCURE DE FRANCE
CHANT IV.
Quoique le sage Enée, en lui - même à son tour,
Sente mille combats que lui livre l'Amour Y
Qu'il partage en son coeur les chagrins de la Reine,
L'ordre précis du Ciel vers sa Flotte l'entraîne
Lui fait diligemment radouber ses Vaisseaux ,
Et les mettre en état de voguer sur les flots.
Cependant les Troyens abandonnent Carthage ,
Résolus d'entreprendre un pénible voyage ,
Et crainte d'éprouver les rigueurs de la Mer ,
Font des provisions de vivres pour l'hyver ;
Pareils à des Fourmis actives , prévoyantes ,
Qui, craignant au mois d'Août les Saisons incons
tantes ,
Par de petits sentiers traversent les Guérets ร
Et font des magazins des trésors de Cérès ;
Et quand des Aquilons la mortelle froidure
De ses propres beautés dépouille la Nature ,
Que l'hyver les retient comme en captivité ,
Elles vivent des biens acquis pendant l'été.
Malheureuse Didon ! quelle fut ta pensée ,
Quand revenue à toi , tu te vis délaissée ?
Quand tu voyois du haut des Tours de ton Palais
Qu'on faisoit pour te fuir de funestes aprêts ;
Qu'en foule les Troyens s'éloignojent de Carthage;
Mais l'esperance encor releve son courage ,
( Les
DECEMBRE. 1738. 2597
Les coeurs , cruel Amour ! qu'à tes loix tu soûmets,
Dans la mort seulement peuvent trouver la Paix . )
Didon s'obstine encore et veut avoir la gloire ,
Que rien de ce qu'on peut n'échape à sa memoire;
D'Anne sa soeur enfin implorant le secours ,
Aux pleurs qu'elle répand , elle joint ce Discours.
O vous , ma chere soeur vous qui dans mes
traverses ,
>
Partagez avec moi mes fortunes diverses ,
Vous voyez les Troyens assemblés sur ces Bords ,
Leurs Navires sont prêts de sortir de nos Ports ,
Leurs Poupes de Lauriers sont déja couronnées ,
Les Ondes , qui tantôt par les vents mutinées ,
Sembloient leur présager des naufrages tout prêts ;
Tranquilles maintenant secondent leurs souhaits ;
Ils vont partir ; déja lá voile se déploye ,
Je ne pourrai survivre à leur barbare joye ;
Le temps presse , ma soeur, allez donc promptement
Retarder le départ de mon perfide Amant ;
Montrez , en l'abordant un air de Supliante ,
Et lui représentez son Epouse mourante ;
Je sçais qu'il vous écoute & n'a de foi qu'en vous
Vous pouvez rétablir la concorde entre nous.
R
A- t'il vû mes Vaisseaux aux Rives du Scamandre
Se joindre à ceux des Grecs , pour mettre Troye
en cendre ?
Ai-je contre Priam envoyé mes Sujets ,
D v Ou
2598 MERCURE DE FRANCE
Ou des Mânes d'Anchise ai- je troublé la paix
Cependant le cruel me traite en Ennemie ,
Et veut en me quittant me couvrir d'infamie ;
D'où vient qu'il ne veut plus me voir ni m'écouter §
Cet hyver rigoureux ne peut- il l'arrêter ?
Je ne lui parle plus du serment qui nous lie ,
Il peut , quand il voudra , voguer en Italie ;
Mais du moins qu'il differe en une autre saison ,
Quelque délai pourra rassurer ma raison ;
Le temps aux plus grands maux est souvent salutaire
;
Dans cette extremité c'est en vous que j'espere.
Ayez compassion de votre triste soeur ;
Si vous n'obtenez rien de mon fier Opresseur ,
Qu'il s'obstine à partir, bien- tôt une mort prompte
Dans la nuit du Tombeau renfermera ma honte.
Tels étoient les discours de Didon toute en pleurs
La Princesse sensible à ses vives douleurs ,
Court vête sur le Port , y trouve encore Enée ,
Et lui peint de Didon la triste destinée ;
Enée , à ce récit , se montre compatir ,
Mais l'ordre exprès du Ciel le presse de partir.
Tel est sur l'Appennin , ou les Monts Pyrennéés
Un vieux Chêne courbé sous le faix des années ;
La feuille s'en détache & vole au gré des vents ;
Mais son tronc reste entier & brave les Autans' ;
Sa racine descend au centre de la terre ,
Et
DECEMBRE. 1738. 2599
Et stable, il ne craint rien que le Dieu du Tonnerre.
Ausi-tôt que Didon aprend que le Troyen
Est insensible à tout & n'écoute plus rien ,
Et qu'enfin résolu de se séparer d'elle ,
Il brûle de voler où la Gloire l'apelle ;
Elle invoque les Dieux , leur offre des présens ,
De Victimes , de Vins , de Parfums & d'Encens
En charge leurs Autels ; mais , & prodige étrange $
Il ne sort qu'un sang noir de ce confus mêlange.
Du prodige étonnée , elle sçait dans son coeur
Renfermer son secret , & le cache à sa soeur.
Au fond de son Palais un superbe Oratoire
De son premier Epoux consacroit la mémoire;
Elle croit de ce lieu , dans l'ombre de la nuit ,
Ouir sortir la voix de quelqu'un qui gémit.
C'est Sichée irrité , c'est lui - même , dit - elle ,
Qui murmure , se plaint & me nomme infidelle
Par des cris effrayans , au haut de son Palais ,
De la nuit un Hibou troubloit encor la paix.,
Parmi tant de soucis , son amour pour Enée
-Entretient dans son coeur une ardeur effrenée-
Il lui vient dans l'esprit mille songes divers ,
Elle croit le poursuivre au travers dés Déserts
Tel l'Histoire dépeint le profane Pentée ,
Dont l'amé de remords nuit & jour agitée ,
Croit voir devant ses yeux deux Thébes ,
Soleils ,
E vj
deur
2600 MERCURE DE FRANCE
Et dans un même objet deux objets tout pareils..
Elle étoit telle encor , que dans les Tragédies.
On représente Oreste entouré des Furies ,
Et qui croit se baigner dans le malheureux sang
De celle qui jadis le porta dans son flanc.
A tant de maux divers elle ne peut survivre ,
Mais avant qu'à la mort elle- même se livre ,
Elie aborde sa soeur , lui cache son dessein ,
Et sous le faux dehors d'un visage serein ,
Lui dit : ma chere soeur , prenez part à ma joye ,
Voici l'heureux secours que le Ciel nous envoye.
Vers le grand Ocean , au pied du Mont Atlas ,
Qui se couvre en tout temps de nége & de frimats,
Est un Antre qu'habite une Massilienne ,
Prêtresse d'Apollon , grande Magicienne ;
Dans sa sombre demeure elle éleve un Dragon ,
Plus affreux que celui dont triompha Jason ;
Par des enchantemens elle peut , me dit- elle ,
Me venger des mépris d'un Amant infidele ,
Ou me faire oublier le triste souvenir
De l'ingrat qu'en ma Cour je nai pu retenir.
Vous verriez sous ses pas la Terre mugissante ,
La Nature à sa voix flexible , obéissante ;
Les Ormes dispersés sur la cime des Monts ,
D scendre & se venir ranger dans les Vallons ;
Les Fleuves devant elle interrompant leur course ,
S'enfuir , & de frayeur remonter vers leur source.
Je
DECEMBRE. 1738. 2601
Je vous jure , ma soeur, & j'atteste les Dieux ,
Que pour moi la Magie est un Art odieux ;
Cependant, par vos soins, qu'un Bucher se prépare;
Pour brûler le Portrait d'un traître , d'un barbare ,
Le lit même où l'ingrat m'a ravi ma pudeur ;
C'est ainsi que je veux le bannir de mon coeur.
Sa Soeur croit que d'Enée à demi détachée ,
Elle va l'oublier comme elle a fait Sichée ;
Et lui dresse un Bucher de chêne & de sapin ,
Sans sçavoir à quoi doit aboutir son dessein.
La Reine , au seul penser de la mort qui l'étonne,
Pâlit , & de la sorte en son ame raisonne .
A mes premiers Amans ne puis - je avoir recours !
Mais non ; ils se riroient de mes folles amours.
J'ai méprisé l'Hymen du Roy de Gétulie ,
Et ce puissant Monarque au Sang des Dieux s'allie
Ne puis -je des Troyens atteindre les Vaisseaux ?
Et la flamme à la main les suivre sur les Eaux >
Vain projet ! loin de nous ils font force de voiles
Et sont experts dans l'Art d'observer les Etoiles ;
Je pouvois dans Carthage à loisir me venger ,
Brûler tous les Vaisseaux de ce lâche Etranger ;
Je pouvois faire plus , & même en sa présence ,
Sur Ascagne son fils , signaler ma vengeance ;
Et comme les forfaits ont pour lui des apas
Lui faire de ce fils un horrible repas ,
Le mettre mort lui- même , & dans cette Contrée
Retracer
1602 MERCURE DE FRANCE
Retracer les fureurs de Thieste & d'Atrée ;
Puis , parlant à sa soeur , j'ai reçû les Troyens
Poursuit - elle , ma main les a comblés de biens ,
J'ai même associé leur Prince à ma Couronne ;
Et le lâche qu'il est , me quitte , m'abandonne !
Est-ce-là , dites-moi , ce pieux Voyageur ,
Qui devoit d'une Reine être le Protecteur ?
Il a , me disiez -vous , des flammes de Pergame ,
Sauvé ses Dieux, son Pere & son Fils & sa Femme ¿
Il souhaite , ma soeur de s'unir avec vous ,
Lui seul peut dignement remplacer votre Epoux
Ainsi par vos conseils je me trouve abusée ;
Mais les Dieux vengeront ma flamme méprisée.
Elle dit , & cachant jusqu'au bout son dessein ,
Elle prend un poignard , le plonge dans son sein
Monte sur le Bucher , écumante de rage ,
Et fait en expirant ce funeste présage.
Je meurs , sur mon Tombeau que l'on grave ces mots ☀
Puisse Carthage un jour susciter un Héros ,
Quifasse à l'Italie une éternelle guerre !
Ettporte ma vengeance aux deux bouts de la Terre €
Cependant du Bucher , coulant à gros bouillons
Son sang va de la terre inonder les sillons ,
La force l'abandonne , & sa foible paupiere
Se ferme & ne peut plus soûtenir la lumiere.
Par M. de S. Ouen de la Doüespe de Caen.
LETTRE
DECEMBRE. 1738 203
********:********
LETTRE de M. D. L. R. écrite à
M. l'Abbé le Beuf, Chanoine de l'Eglise
d'Auxerre , au sujet d'un nouveau Journal
Litteraire d'Italie.
I
L est vrai , Monsieur , comme nous le
disions dernierement , que depuis la discontinuation
du Journal de Venise , intitulé
Giornale de Letterati d'Italia , &c. suivie de
celle de la Bibliotheque Italique , qui s'imprimoit
à Geneve , nous sommes beaucoup
moins instruits de tout ce qui concerne la
Litterature Italienne , laquelle a toujours fait
beaucoup de figure dans la République des
Lettres . Mais je crois qu'il y aura lieu de
se consoler de ce double inconvénient , si
le Livre dont j'ai à vous entretenir dans cette:
Lettre , & qui vient de me tomber entre
les mains , est continué avec le même soin.
& sur le même pied qu'est composé ce
premier Volume , imprimé à Vérone , sans
nom d'Auteur , sur la fin de l'année derniere
1737.
>
En voici dabord le Titre. OSSERVATIONE
LETTERARIE , che possono servir di conti
nuazione al Giornal de Letterati d'Italia. Sotto
La Protezione del l'Augustiss . Imperadore
Carlo VI. T. I. in Verona м . DCC . XXXVII.
Dalla
2604 MERCURE DE FRANCE
Dalla Stamparia di Jacopo Vallarsi. Con
Licensa de Superiori. I. vol. in 12. de 358.
pages , sans l'Epitre Dédicatoire , la Préface
& la Table. Le Frontispice est orné de la
gravûre d'une belle Médaille , où l'on voit les
Têtes accolées de l'Empereur & de l'Impératrice
, avec cette Inscription . IMP. CAS.
CAR. VI . AUG . CRISTINA . AUGUSTA.
י
Par l'Epitre Dédicatoire , adressée à Sa
M, I. il paroît qu'elle a bien voulu prendre
cer Ouvrage sous sa protection ; l'Auteur
anonyme le déclare dès le commencement.
Une courte Préface expose le Dessein du
nouveau Journaliste ,, qquuii nn''eesstt pas de parler
de tous les Livres qui s'impriment en Italie
, mais seulement de quelques uns des
principaux , en ajoûtant aux Extraits, des Remarques
qui instruisent , & une Critique
mésurée. Ce seroit trop entreprendre que
d'en agir autrement. C'est à cette occasion
qu'il reconnoît , dit il , tous les jours la
vérité de cette expression : On n'a jamais
tant imprimé de Livres , & on n'a jamais
moins lu que dans ce temps-ci. Au reste on se
promet de publier aussi dans cet Ouvrage
les Monumens rares & considérables , ainsi
que plusieurs Dissertations & autres Pieces
sur des Sujets curieux , intéressans , & recherchés.
Notre Anonyme fait entrevoir qu'il sera
fort
DECEMBRE. 1738. 2605
fort sobre de certaines loüanges , à l'égard
sur tout des Auteurs vivans , c'est - à - dire
de ces Eloges indiscrets , peu mérités &
trop en usage dans la République des Lettres
, quand ils ne pourront pas s'accommo
der avec la conscience , l'honneur & la vérité.
On criera , sans doute , mais ce seroit
une bassesse de s'embarrasser du murmure
de ces Ecrivains , le nôtre les compare d'avance
& sans façon , à dos Chiens qui
aboyent contre la Lune. Basseza danimo Šarebbe
il far conto di Cani che abbajano alla
Luna.
C'est à peu près sur ce Plan que le nou
veau Journaliste se propose de donner tous
les quatre mois un volume de son Ouvrasemblable
à celui dont il s'agit ici , &
ge ,
dont je vais vous gendre un compte sommaire.
Il est composé de XIII. Articles d'une
étenduë raisonnable . Le premier est intitulé,
Nuova Edizione dell'Opere di S. Gerolamo ,
ché si fa in Verona. Comme le Journaliste
convient que cette nouvelle Edition des
OEuvres de S. Jérôme est commencée depuis
plus de trois ans , & qu'on en a vû le
Prospectus en France , lequel causa même
quelque surprise , par raport à la belle Edition,
& assés recente, des RR. PP. Benedictins
de S. Germain des Prés , je passe lége
rement
2707 MERCURE DE FRANCE
tement sur cet Article , dans lequel on ne
parle d'ailleurs que du premier volume , des
VII. qui sont sortis jusqu'à présent de la
Presse de Verone. Il doit y en avoir X.
en tout.
CASSIODOR 11 Senatoris Complexiones in
Epistolas , & Acta Apostolorum , & Apocalypsin
, è Vetustissimis Canonicorum Veronensium
membranis nunc primum eruta I. vol.
in 8. Florentia , 1721. C'est le Titre de
l'Article II. Ce Livre n'est pas nouveau
on l'a seulement réimprimé avec quelques
Additions & les éclaircissemens nécessaires.
L'Edition de cet Ouvrage de Cassiodore
est due aux soins & aux Recherches de M. le
Marquis Maffei , qui a aussi eu beaucoup
de part à l'Edition nouvelle de S. Jerôme ,
dont je viens de vous parler. Opem ferentibus
&c. & præcipuè. March. Scipione
Maffeio , comme porte le Titre.
ART. III. RERUM Italicarum Scriptores.
On trouve dans cet Article , l'Histoire , &
une espece de Critique du grand Ouvrage ,
ou plutôt de l'Entreprise immense du célebre
M. Muratori , Bibliothécaire du Sérénissime
Duc de Modene , dont la premiere publication
a été faite à Milan sur la fin de l'année
1723. & heureusement conduite jusqu'au
XXVI. Volume en 1737. Le Journaliste à
fait entrer dans cet Article plusieurs choses
qui
DECEMBRE: 1738. 2607
qui ont un raport direct ou indirect à la Col
fection de M.Muratori.Il y a donc lieu d'être
surpris qu'il n'ait pas particulierement parlé,
à cette occasion , du Recueil estimable de
notre André Duchesne , qui , en publiant
les Ecrivains de notre Histoire , a donné
T'exemple d'une pareille Entreprise aux
autres Nations de l'Europe. Il pouvoit
en même temps aprendre à l'Italie , que Duchesne
a eu des Continuateurs , & l'état présent
de leur travail, qui a pris depuis peu
une nouvelle face . Notre Auteur à la page
111. explique les mots Austria & Neustria ,
quelquefois en usage dans les Ouvrages écrits
en Langue Germanique , par Pays d'Orient
& d'Occident ; mais on est fort trompé , si
ces mêmes termes ne dénotent plutôt les
Régions du Midi & du Nord : Due Nomi
| Geographici di Lingua Germanica si udiron
qualche volta , Austria & Neustria , che vuol
dir Paese Orientale & Occidentale. Tout ce
qui regarde l'Ouvrage de M. Muratori est si
connu des Gens de Lettres , & tant de Journaux
en ont déja parlé , qu'il est inutile de
s'arrêter d'avantage sur cet Article.
L'Article suivant , où le IV . est destiné à
faire connoître un Ouvrage intitulé Supple
menti al Giornale de Letterati d'Italia. Venezia
, in- 12. Les deux premiers petits Volumes
, Tameti , de cet Ouvrage , furent imprimés
608 MERCURE DE FRANCE
la
més l'année 1722. le troisiéme ne parut
qu'en 1726. Sous ce titre de Suplément , on
a recueilli & publié plusieurs Dissertations ,
& plusieurs petites Piéces choisies sur divers
Sujets , auxquelles on n'a pu donner
place dans le Journal de Venise. Notre Auteur
donne cette Compilation à l'Abbé Lioni
Cedenese , qui y a ajoûté des Réfléxions , &
des Eclaircissemens de son propre fonds.
Il n'entre point dans le détail des Piéces qui
composent ; il marque seulement le titre
de celles qui concernent les Mathématiques,
avec le nom de leurs Auteurs. C'est dans
cette Liste qu'on voit la Citation d'une Lettre
inserée dans le Suplément en question ,
& qui doit être curieuse ; il est bon que
tous les Partisans du célebre Newton en
ayent connoissance. Voici là - dessus les paroles
de l'Observateur. Del Sign . Giovanni
Rizzeti Lettera , in cui tratta d'alcune sue
scoperte Diottriche , è del non avere il famoso
Neuton , secundo lui , penetrata del tutto la
Cagion vera del distendimente , cui patisce il
Lumo reffrato , ne tutte le sue affezioni , benche
il Mondo gli abbia per altro in questa materia
cosi grand obligo.
On rend compte dans l'Article V. d'un
Recueil intitulé,Opuscoli scientifici , è filologici
raccolte dal P. Calogera. Venezia , in- 12 .
L'Auteur est un Religieux Camaldule , qui
DECEMBRE 1738. 2609
,
à rempli ce Recucil , dont on a actuellement
XIV . Tomes , de Piéces choisies & variées ,
en plusieurs genres d'érudition , Antiquités
Histoire Litteraire , Histoire particuliere
Médecine , Anatomie , Histoire naturelle
Philosophie , Langues , &c. Presque tout ,
à l'exception de quelques Piéces Latines
est écrit en Italien. Notre Journaliste ne
nous présente ici aucun échantillon de toute
cette Litterature ; il s'arrête seulement, comme
il a déja fait , à donner une petite notion
des Ouvrages , qui dans cette Compilation
apartiennent à l'Etude des Mathématiques.
Il s'étend un peu plus sur une Dissertation
du P. Maffei , Dominicain de Naples , sur
Fusage des Mathématiques dans la Théologie ;
c. contenue dans le second Volume du
Recueil.
Nous omettons l'Article VI. qui n'offre
rien d'interessant pour la belle Litteratu
re. Il contient dans son entier , sous le
nom de Osservazioni Astronomiche , plusieurs
Operations Astronomiques faites à Padouë ,
à Vienne , à Venise , précédées d'un assés
long Discours de notre Auteur , qui apelle
l'Astronomie le Triomphe des Mathemati
ques , &c.
Mais les Antiquaires lui sçauront bon
gré , sans doute , du présent qu'il leur
fait dans le VII. Article de LVI. Inscriptions
Antiques
2610 MERCURE DE FRANCE
و
Antiques , qui y sont exactement raportées
& choisies entre plusieurs autres , qu'on voit
dans le Vestibule de la Bibliotheque Impexiale
à Vienne , ggrraavvééeess sur divers Marbres
& autres Monumens Antiques , qui ont été
aportés avec beaucoup de soin & de dépense
de divers Pays de la Domination de l'Empereur.
En faisant l'Histoire de l'heureuse
découverte , & du transport de ces Monumens
l'Auteur loue avec raison le bon
goût , le sçavoir , & l'amour des Lettres dụ
grand Prince qui a pris soin de les assem-
Bler dans son Palais. Il fait en même temps
mention des Personnes qui ont le plus concouru
à l'execution de ses ordres , ou à illustrer
les Monumens en question , tels que
sont entre-autres , le Marquis Maffei & le
Cavalier Garelli,Premier Médecin , & Biblio
thecaire de S. M. I. sans oublier le Comte
d'Hamilton Général de la Cavalerie , &
Gouverneur du Bannar de Temeswar , qui
a eu tant de part à la découverte de plusieurs
belles Antiquités dans l'étendue de son
Gouvernement. Tous ces Monumens , au
reste , selon notre Observateur , sont dignes
de l'attention des Sçavans , & d'être communiqués
à toute la République des Lettres,
comme très-propres à faire bien connoître la
Religion des Anciens , à éclairer l'Histoire
'Auguste, & à instruire solidement sur l'état
>
des
DECEMBRE , 1738. 2611
des Provinces Romaines
> sur l'ancienne
Géographie , sur la Milice & sur plusieurs
autres Sujets , propres à fournir la matiere
de plusieurs Ouvrages curieux & intéressans.
Après les LVI . Inscriptions , viennent le
Commentaire ou les Remarques de notre
Auteur sur les plus considerables. Les Sçavans
jugeront s'il a toujours été heureux dans,
ses Explications. Voici cependant un petit,
échantillon & des Inscriptions et du Come
mentaire.
J. O. M.
T. AURELIUS
DIOCLES. * B
PROC .
V. S. L.
IMP. AUGUSTIS. COS.
Beneficiarius Procuratoris Votum solvit
libens Imperatoribus Augustis Consulibus :
" Cive l'anno di Cristo 161. essendo Consoli
» Marco Aurelio la terza volta , e lucio verola
seconda . Questa , o simil forma fu
» particulare di quell' anno : Cassiodoro nel
» Cronico : Duo Augusti Consules. Si uso
quell' anno tal formola, perchè fu la prima
volta , che due Imperadori fosser Consoli,
essendo altresi stati questi i primi , cho
» imperassero unitamente. Tune primum Ro
22.
» manum
2612 MERCURE DE FRANNCCEE
manum Imperium duos Augustos habere ca
»pit. Judice Capitolino .
Les deux dernieres de ces Inscriptions
ont chacune une singularité , que l'Auteur
fait remarquer. Dans la 5 venue de Torda
en Transylvanie , tous les A. sont faits comme
le ▲ des Grecs , sans aucun trait qui tra-
Λ
verse ; & la 56. aportée de Caranzebes ,
dans le Bannat de Temeswar,a été composée
en Vers Hexametres : c'est selon toute aparence
une Epitaphe ; le commencement
manque par la fracture de la partie superieure
du Marbre , ce qui rend la suite assés
obscure . En voici la fin.
HANC. SEDEM. LONGO . PLACUIT. SACRARE,
LABORI.
HANC. REQUIEM. FESSOS. TANDEM, QUA,
CONDERET . ARTUS.
ULPIUS. EMERITIS. LONGEVI. MUNERIS
ANNIS.
IPSE . SUO. CURAM. TITULO DEDIT . IPSE
SEPUCHRI.
ARBITER.HOSPITIUM . MEMBRIS. FATOQUE ,
PARAVIT
Dans l'Article VII. l'Auteur rend compte
d'un Ouvrage de Critique , qui concerne
un Monument de l'Antiquité Chrétienne
, dont voici le titre , Dissertatio &
Animad
DECEMBRE. 1738. 2613
Animadversiones ad nuper inventum SEVERA
Martyris Epitaphium. 1. Vol. fol Panormi
M. DCC . XXXIV .
Le P. Lupus , Jésuite , Auteur de cet Ouvrage
, a fait graver le Monument en question
, & s'est heureusement exercé à l'expliquer.
Il décrit d'abord le Lieu où il fut trouvé
dans les Catacombes de Rome , & les
circonstances de cette découverte , qui ne
laissent aucun lieu de douter que ce ne soit
le Tombeau d'un véritable Martyr. L'Inscription
en est singuliere , elle n'est ni gravée
ni sculptée , mais peinte avec une couleur
rouge , qui après tant de siécles , n'est
point encore beaucoup ternie : d'ailleurs elle
eft en Langue Latine,mais écrite en caracteres
Grecs , d'une construction & d'une ortographe
bizares. On prétend qu'il y a des
exemples de ces singularités. L'Inscription
est telle : Cosule Cludio ed Paterno Nonis
Nobenbribus die Beneres Luna XXIIII. Leuces
Phelie Sebere Caresseme posuete ed Ispirito
fancto tuo .. a annuorum ... ed mesoron ....
XI. deuron X. Notre Journaliste ne s'est
pas extrêmement étendu sur ce sujet : il se
dédommagera dans l'Article suivant . Il finit
en assûrant qu'il y a beaucoup à apprendre
dans l'Ouvrage en question , & qu'il mérite
d'être lû de tous ceux qui se plaisent à l'é-
1. Vol. E tude
2614 MERCURE DE FRANCE
tude de la sçavante Antiquité sacrée & prophane.
Le Neuviéme Article du Journal Veronois;
contient une assés longue Dissertation de
M. le Marquis Maffei , sur un Monument
antique d'un très- beau Marbre , lequel se
conserve , non pas dans la Galerie du Louvre
, comme le dit M. Maffei , mais dans la
Salle des Antiques , avec plusieurs autres
Antiquités de tout genre. La Dissertation est
en Italien , adressée à S. E. M. le Cardinal
de Polignac , sous ce titre : LA RELIGION de
Gentili nel morire ricavata da un Basso Rileva
antico che si conserva in Parigi ; ou , CE'RE
MONIES Religieuses , observées par les Payens,
quand ils étoient sur le point de mourir , tirées
d'un Bas - Relief antique qui se conserve à
Paris.
Plusieurs Personnes ont été surprises de
trouver ici cette Dissertation , qui avoit déja
parû , & particulierement à Paris , où M.
Maffei , après un séjour de plus de trois ans
en cette Ville , & étant sur son départ pour
l'Angleterre , la fit imprimer lui- même chés
Osmont en 1736.on peut dire un peu mysterieusement
, car elle ne fut distribuée qu'après
le départ de l'Auteur , qui en fit faire
des Présens par une Personne de confiance.
Immédiatement après le titre , le Journaliste
DECEMBRE. 1738. , 2615
liste rend raison en ces termes de la réimpression
de cette Piéce. Quest' Opuscolo fu
stampato l'anno scorso in Parigi , ma avendone
molti curiosità per la singolarita dell' argomento
, si è stimato bene di riportarlo qui è
tanto più , che ne abbiamo avuto un esemplare
assai accresciuto d'all' Autor medesimo.
Quoiqu'il en soit , cet Avis est suivi d'une
Estampe , gravée d'après le dessein de M.
Natoire , habile Peintre , laquelle représente
le principal des deux Bas - Reliefs qui font
le sujet de la Dissertation. Selon les conjectures
de M. Maffei , il fut aporté de Rome
à Paris sur la fin du Regne de François I.
C'est le devant d'un ancien Tombeau de
Marbre ,.aussi artistement travaillé , que parfaitement
conservé. On en trouve , dit-il
un presque semblable dans l'Admiranda
Romanarum Antiquitatum Vestigia, avec cette
difference , que celui de Paris l'emporte sur
tout autre qu'on pourroit produire , par l'excellence
du cizeau . En effet , ajoûte M. Maffeï
; la Figure aîlée a toutes les graces & la
perfection du Dessein. L'Enfant qui pleure ,
semble être formé sur l'idée du Correge ; la
Dame qui se meurt , celle qui est couverte
d'un voile , en un mot , tous les Personnages
, tant ceux qui sont représentés nuds
que les autres , ont un air & une délicatesse,
que la plupart des Monumens de l'Antiquité
Eij n'ont
2616 MERCURE DE FRANCE
n'ont pas mais ce qui doit rendre celui-ci
infiniment précieux , c'est qu'il met sous
nos yeux les Actes de Religion que les
Payens pratiquoient envers ceux qui étoient
prêts d'expirer ; ce qu'on ne trouve nulle
part.
L'Auteur entre ensuite en matiere , & dit
qu'il ne doute pas que les trois Figures qui
portent sur leur tête une Couronne de Laurier
, & qui sont revétuës d'une Toge , ne
soient des Prêtres, sa raison est qu'il n'y avoit
qu'eux qui pûssent porter la Couronne dans
le deüil . La défense faite aux Prêtres d'assister
aux Funerailles , même d'entrer dans les
Maisons où il y avoit quelqu'un de mort , ne
l'arrête pas ; il prétend que cette défense ne
regardoit que les Prêtres du premier ordre ,
& non ceux d'une classe inferieure , tel qu'il
croit qu'étoient ceux-ci , lesquels n'étoient
dit-il , employés qu'aux fonctions des Religions
particulieres des Familles Romaines,
Il s'étend beaucoup , & peut-être trop ,
pour prouver que de tout temps les Prêtres
ont porté des Couronnes , &c.
Mais que faisoient
ces Prêtres
couronnés
au pied
du lit des Mourans
? C'étoit
, selon
M. Maffei
, pour
les assister
à la mort
, &
pour
marmoter
certaines
Prieres
, adressées
à la Déesse
Nenia
, sous la protection
r
*
* Forse mormoravan Preci alla Dea Nenia , &c.
de
DECEMBRE. 1738. 265
ce
de qui Arnobe dit qu'étoient ceux qui
étoient prêts d'expirer. Il trouve plus de difficulté
à expliquer l'EXTRAVAGANCE , Ce
sont ses termes , Figure représentée à l'autre
bout du Bas- Relief, où deux Hommes son .
nent , l'un du Cor , & l'autre de la Trompette.
Car les Anciens , non contens de se
servir de la Musique , pour guérir les maladies
, mettoient aussi en oeuvre le son de
l'airain pour rompre les Charmes , mettre
en fuite les malins Esprits répandus dans
l'air , chasser les Lemures , & rendre vains
tous les secrets de la Magic . Et c'est , selon
lui , la véritable raison pour quoi on voit
sur le Bas- Relief , un pot , duquel sortent
des flammes qui s'élevent , &c . ce qui pou
voit servir à quelque operation de Médecine
, ou de Religion , par exemple , à faire
des Fumigations , & c. Joseph nous aprend
qu'il y avoit dans la Judée une Herbe nommée
Baaras , qui guérissoit les obsessions
des Démons. L'Auteur finit ses Remarques
sur ce Bas-Relief , en disant que le jeune
Homme ailé qu'on y voit , représente un
Génie, qui marque par le Flambeau renversé
qu'il tient des deux mains , que la Personne
agonisante étoit dans le bel âge, & que le Regne
de l'Amour s'attriste & se trouble de sa
mort. Dans d'autres Antiques , ajoûte M.
Maffeï , on voit deux Figures semblables ,
E iij aux
2618 MERCURE DE FRANCE
aux deux côtés , lesquelles , je crois , représenter
le Sommeil & la Mort. Chés les
Hébreux , les Rabins font mention des
Anges de Mort.
On se souvient que lorsque cette Dissertation
parut à Paris pour la premiere fois ,
bien des Gens éclairés ne purent s'empêcher
de juger que M. Maffeï donnoit un peu
trop d'étendue à ses idées , & que selon ces
mêmes idées , les Payens avoient des Prêtres
d'un second ordre , lesquels administroient
une onction derniere , & faisoient , pour
ainsi dire , la recommandation de l'Ame . Le
Rituel Mythologique ne nous est pas assés
connu , pour autoriser ces manieres de penser
& de s'exprimer.
M. Maffei a aussi décrit dans le même
Ouvrage , mais en très - peu de mots , un aut:
e Marbre conservé pareillement au Louvre,
dessiné & gravé comme le précédent. Voici
à peu près ce qu'il en dit. On voit à la tête
des Personnages qui sont ici sculptés , un
Satyre qui joue du Tympanon : c'étoit un
Instrument , dont on tiroit du son en frapant
dessus avec la main , comme on fait encore
en quelques Endroits de l'Italie , principalement
à la Campagne , où les Filles qui en
joüent , l'apellent Cymbale. On ne sçauroit
dire si la Figure qui suit , tient un Vase , ou
un Instrument semblable à celui que les
Italiens
DECEMBRE . 1938. 2619
Italiens apellent Mandolino . Un Faune joue
de la Flûte longue , qui devroit , dit l'Auteur
, être double , quoique la Pierre qui est
cassée en cet endroit, ne présente de la Flûte
droite que l'extrémité , qui se replie en haut,
& forme un angle. Surquoi on peut faire
d'autres refléxions. La Figure qui a sous
les pieds un Scabilla , est curieuse , les Grecs
apelloient cet Instrumient υποπόδιον comme
on l'aprend d'un Glossaire ; il ressemble
à un Soufflet ; il étoit attaché au pied. Les
anciens Auteurs apelloient Crepitus , le son
qu'il rendoit quand il étoit pressé. Ce Bas-
Relieffait voir clairement l'usage qu'on fajsoit
de cet Instrument , & comme on dansoit
en même temps , en battant des mains
au -dessus de la tête .
En comparant , au reste , cette Description
avec le Marbre que M. Maffei a fait graver ,
on voir que l'Auteur ne fait aucune mention
d'une Femme, qui n'a pour se couvrir que des
voiles, qui flotent au gré du vent. Son attitude,
ce qu'elle tient dans une de ses mains, &
la position des autres Figures , font voir clairement
que le tout ensemble renferme quelque
Point de la Mythologie , ou de l'Histoire
Ancienne. M. Maffei ne dit rien non
plus de deux Corbeilles , placées , l'une , aux
pieds de la Femme , l'autre , aux pieds du
Satyre, lesquelles doivent, sans doute, signi-
E iiij
fier
2620 MERCURE DE FRANCE
fier quelque chose dans cette composition.
Il y a aussi d'autres omissions sur plusieurs
Figures & Ornemens qui se trouvent
dans le premier Marbre ; ensorte , M. qu'il
paroît fort incertain que notre Sçavant Auteur
ait trouvé le vrai mot de l'Enigme . Peutêtre
auroit-il été plus convenable & plus sûr
de ne point se hâter , & de ne pas prévenir
l'explication que MM. de l'Académie des Belles
- Lettres se proposoient de donner de ces
Bas - Reliefs , lorsque celle de M. le M.Maffeï
parut . Cela leur apartenoi: en toute façon.
En attendant ce que le Public a droit
de se promettre des lumieres supérieures de
ces Mrs , j'aprens qu'un Bénédictin de Saint
Germain des Prés , fait actuellement imprimer
chés Lambert , ruë S. Jacques , à la Sagesse
, un Ouvrage intitulé , Antiques choisies
& inconnues , qui renferment ce qu'ily a
de plus intime dans la Religion des Egyptiens ,
Perses , Lydiens , Crecs , Romains , Gaulois
&c. L'Auteur de cet Ouvrage ne s'accommode
pas des idées de M. Maffei , touchant
les Bas- Reliefs en question , & il critique
aussi plusieurs Endroits de son Livre inti
tulé , Antiquitates quædam selecta , &c. Enfin
, le Sçavant Bénédictin s'éleve en particulier
sur l'Edition nouvelle des Ouvrages
de S. Jerôme , faite à Verone , Patrie de
M. Maffei , laquelle il soûtient être en géné
ral
DECEMBRE. 1738. 2627
ral bien au - dessous de celle de Paris , donnée
par Dom Martianay , prétendant aussi
que l'Editeur Veronois se mêle de corriger
ce qu'il n'entend pas , & c.
La Suite de cette Lettre , ou de l'Extrait du
Journal Italien , paroîtra dans le Mercure
prochain.
EPIT RE.
AV R. P. Dom Urbain Plancher , Auteur
de l'Histoire de Bourgogne.
Sage. Ecrivain , qui parmi les Sçavans ,
Sans contredit , tiens un des premiers rangs ;
Tu t'es couvert d'une immortelle gloire ,
De la Bourgogne entreprenant l'Histoire.
A dire vrai , sans être secondé ,
Sans nul secours , par toi même guidé ,
Dans des sentiers où l'on ne voyoit goute ,
Tu sçus d'abord te frayer une route.
Que de travaux s'offroient à tes regards !
Il te falloit chercher de toutes parts
Des Monumens , des titres légitimes ,
Des temps obscurs pénetrer les abîmes ,
Chercher le vrai dans des faits contestés
Le démêler de mille faussetés ,
E v Eclaircit
2622 MERCURE DE FRANCE
Eclaircir tout , enfin mettre en pratique
Toutes les Loix d'une exacte Critique .
Du moins encor , dans ce pénible emploi ,
Si quelque Auteur , écrivant avant toi ,
Eût quelque peu démêlé ces matieres ;
Mais rien du tout ; par tes propres lumieres ,
Par ton courage & par mille travaux
Il t'a fallu débrouiller ce cahos ,
•
Et découvrir , après cent tentatives ,
Le vrai , caché dans d'obscures Archives.
Enfin l'Ouvrage , au Public étonné ,
Grace à tes soins , sera bien - tôt donné.
Un gros Volume est déja sous la presse .
Le Sçavant veut que l'Imprimeur se preffe ,
De tous côtés on attend , on souscrit ;
Mais ces voeux-là flatent peu ton esprit;
Car ce n'est point par une vaine gloire ,
Que tu produis cette sçavante Histoire ;
Peu soucieux de passer pour Auteur ,
Tu fuis l'éclat de cé titre flateur ;
Plus que content pour prix de ton étude
D'être affûré , que dans ta solitude
Tu sçus du temps faire un heureux emploi.
La modestie est d'accord avec toi ;
Tu suis les pas des Auteurs les plus sages &
Ils ne sont point avides de suffrages ,
Ils parlent peu de leurs propres Ecrits ,
.
Et
DECEMBRE 1738 2623
1738..
Et sont les seuls qui n'en soient pas épris.
Mais dans le vrai , j'ai pourtant peine à croire ,
Que les Sçavans qui liront ton Histoire ,
Ne poussent pas ta modestie à bout.
Ils publieront ton Eloge par tout ;
C'est , dans le fonds , à quoi tu dois t'attendre,
Eh ! le moyen qu'ils puissent s'en défendre ,
En se voyant tout- à-coup éclairés ,
Şur mille faits si long-temps ignorés ,
Qui sans tes soins ( & , la chose est très-sûre ‚)
Seroient restés dans une nuit obscure !
Se tairont - ils , en voyant sous leurs yeux,
Ces vrais trésors , ces morceaux précieux ,
Ces Monumens , ces preuves autentiques ,
Apuis du vrai , désespoir des Critiques ,
Voyant enfin ces gracieux récits ,
Ce style pur , noble , élégant , concis
Ces traits si fins , cette Critique sûre ,
Ce goût du vrai , cette rare droiture ?
Tu peux compter , humble & modeste Auteur
Sur un encens agréable & fateur.
D. C. C.
On a du expliquer l'Enigme & les Logogryphes
du Mercure de Novembre par la
Note de Musique , Poulette , Espiegle & Can-
E vi dela
2624 MERCURE DE FRANCE
dela. On trouve dans le second Logogry
phe , Eglice , Seigle , Elegie , Elisée , Elise ,
Pelée , Gelée , Piége , Siege , Liege , Sigée
Epée , Egée , Gile , Pise , Elie , Isle , Pelé,
Epi , Pié , Pie , Lis , Lie , Sel ; & dans le
Logogryphe Latin se trouve , Dea , Dea , Lac
& Lana.
ENIGMAE.
Nous sommes cinq , dont je suis la premiere
Notre usage est sans fin ,
Deux de mes soeurs président au destin
L'autre à la mort , & la derniere
Renferme dans son sein la vertu toute entiere ;
Pour moi j'ai plus des caprices divers ,
Comme au Sacré , l'on m'admet au profane,
Et sans être dans l'Univers ,
I
Je me trouve toujours à la tête d'un Ane ;
Je suis aussi dins l'eau , sans être né Poisson ;
Je suis dans le Nuage , & jamais daus la Nuë ;
Je suis toujours à l'air , toujours dans la maison,
Et l'on se garde bien de me mettre à la ruë ;
pour te dire encor , quelque chose de pis
Lecteur , ( ce sont des choses incroyables ]
Sans être dans l'Enfer , je suis à tous les Diables ;
Sans être dans le Ciel , je suis en Paradis.
Mais
Par P. Fabre
DECEMBRE. 1738. 2625
Q
********.
LOGOGRYPHE.
Uatre Lettres , pas davantage ,
Vous défignent ce que je suis ,
Lecteur , faites- en bon usage .
Vous verrez ce que je produits ;
Un des sept Tons de la Mufique ;
L'attente de la gent chymique ;
Ce qui fait le plaisir d'un Chien ;
Voilà tout ; m'entendrez-vous bien ?
Par J. B. Ollivier, de Marseille..
J
AUTRE.
E suis Oiseau , mais peu connu
Mille , parmi ceux qui m'ont vu ,
De ma simple maison admirant la structure ,
Ont reconnu la main d'un Etre tout puiſſant „,
Enchantés de sa Créature.
Quel pouvoir , en effet , je m'acquis en naiſſant ?
Un fougueux Elément sous moi devient tranquille,,
Et des vents furieux je suspens le courroux .
Tout me porte respect ; la Campagne fertile
Ne produit rien pour moi ; sur Terre je crains tous,
Homme & Bête féroce , ainsi que le reptile ;
Je fais naître ces jours si beaux & si vantés .
Quatre
1626 MERCURE DE FRANCE
Quatre pieds de mes six , soigneusement ôtés ,
Je deviens animal fier , brutal , indocile ;
Deux pieds de moins , Argus en me gardant , périt
Un troisiéme de plus , j'étois , à ce qu'on dit ,
Une Princesse malheureuse ,
Qui mourut d'une mort affreuse ;
En reprenant mon tout , aussi le combinant
Peut-être en sera- t'on content !
Roseau , Légume , Ville , Instrument d'Arpentage
Femme de l'ancien temps ; en faut- il davantage ?
Je suis encor Fruit d'Arbrisseau ;
Graine à semer , Guide du Juge ;
Ton , Fleuve qui n'est pas nouveau ;
Homme enfin , odieux , fratricide & transfuge.
J
J. B. A. Benoist , de Meaux.
>
AUTR E.
E suis plus en usage
A la Cour , qu'au Village
L'interêt souvent me produit ,
La vanité toujours m'adore ,
Maintes fois le vice me nuit ,
Et l'Envie en tout temps m'abhorre
Otez cinq & placez mes membres avec choix ,
Vous verrez l'épithete ordinaire aux François ;
Coupez les trois premiers , je deviens impalpable
Esprit
DECEMBRE. 1738. 2627
Esprit pur , immortel , invisible , immuable ;
Le second membre ôté , sans trop de changement
Je suis , dans les besoins un utile instrument ;
Deux & trois retranchés , sans changer de figure ,
Je deviens des Humains la premiere véture ;
Avec un , trois , cinq, sept , je parcours l'Univers
Trois, deux , un, quatre, cinq, je vole dans les Airs ;
Quatre, trois, un, cinq , sept , ma tête peu touffuë
Perce , & bien -tôt s'éleve au - dessus de la nuë.
Cherchez en mon entier , n'en diminuez rien ,
Deux figures qu'employe un Mathématicien ,
Un mal que chacun fuit , est encor mon partage ,
Mais aussi j'ai sur moi de quoi le bien traiter ;
Si par bazard , Lecteur , il vient te visiter ,
Muni d'un tel secours , à l'employer sois sage.
AUTRE
On chef est un Rocher ; un instrument de
chaffe ;
MOR
Le Métal le plus rare & le plus précieux ;
Ma queue avec ma tête, à moins qu'on ne l'enchasse,
Ne dit rien , mais joignez les deux ,
Alors nous devenons un patient modele
Une Ile auprès de la Rochelle ,.
Un cri de joye , un Souverain ,
Un saint Evêque à Tours après le grand Martin ,
Un Fleuve séparant l'Europe de l'Asie ,
Une
28 MERCURE DE FRANCE
Une Ville de Picardie ,
Unvaisseau fort chéri par tout fameux buveur
En France le Pays où croît le vin du Diable ,
Une Nymphe changée en Vache dans la Fable ,
Un son de voix aigu , qu'on pousse avec vigueur ,
Un Evêché Grison , un Oyseau domestique ;
Une des Notes de Musique ;
Un péché capital, P'Entonnoir d'un Oyseau ;
Le plus friand morceau d'un Veau ;
L'ouvrage de l'Abeille , en plus d'un cas utile ;
Mais je ne suis au fond qu'une petite Ville ,
Où des fiers Espagnols jadis les Etendarts
Braverent la valeur des bons Bourgeois Picards.
AUTR E.
M On nom s'aplique à bien plus d'une chose
Et l'on me trouve en plusieurs lieux.
Voici le fin de ma métamorphose ,
Tantôt je suis dans la Troupe des Dieux ,
Tantôt chés l'Imprimeur , tantôt chés le Droguiste;
Un Astronome encor me suit comme à la piste,
Dans le vaste contour des Cieux ;
'Arrêtons , tu me tiens , envelopons- nous mieur;
Sur ma tête veux - tu confier ta fortune
Je te trouverois insensé ,
Car rien n'est plus mal assûré ,
Qui sçauroit la calmer pourroit fixer la Lune ;
Avec
DECEMBRE. 1738. 2629
Avec elle jamais on n'est en sûreté ;
Suivons , quand on devroit me taxer de Critique ,
Ma queue affés souvent est la vocation
De plus d'un Ecclesiastique ,
Pour la sainte Ordination ;
Mais faisons ma diffection.
D'abord du sang de deux Victimes ,
Vois naître un fruit vermeil, doux , agréable & sain,
L'Amour les immola, moins pour punir leurs crimes,
Que pour faire éclater son pouvoir souverain
Plus , la prison de la Cuisine ;
Le seul but de la Médecine :
Je te présente aussi Mur , Mere , Crême , Ecu ,
Ce qui donna naiffance à Déeffe Cyprine ;
Ce
;
que toute fille est quand son coeur est rendu ;
Item , le nom d'une Sybille ,
Et ce qui lasse dans la Ville.
Adieu , j'en ai trop dit pour n'être pas connu.
Par le Sr Desmesnils , de Bernay.
LOGOGRYPHUS.
Humani , Lector , me dico corpoxis unam
Partem , aut si placeat , reptile , deligito.
Me, quocunque modo sumas , mihi membrafigurans
Octo pedes , versi qui tibi ludus erunt.
Arbor communis : qued amat mulier : liquor albus :
ISTA
1636 MERCURE DE FRANCE
Israël unus Rex ; lentaque limphafluens :
Pars hominis posita in medio ; dein planta salubris
Luminibus : quodfert bestia barbifera :
Militia veteris leve cornu : ligna domorum
Quod servats mixtum calceamenta fovens &
Foemina cum torvis oculis ; vir & inclitus : Esca
Quod sape in manibus filia quaque tenet :
Unum Elementorum : Christi qui Discipulorum
Nobis scripta suâ prodidit acta manu :
Anni Tempestas : crus , sura , & cura : Puella
Gratus sermo hac sunt omnia nota tibi.
Par Duchemin , Musicien à Angers.
NOUVELLES LITTERAIRES
HT
DES BEAUX ARTS.
,
ISTOIRE ROMAINE , depuis la Fondation
de Rome jusqu'à la Bataille
d'Actium , c'est-à- dire , jusqu'à la fin de la
République
, par M. Rollin , Ancien Recteur
de l'Université de Paris , Professeur
d'Eloquence au College Royal , & Associé
à l'Académie Royale des Inscriptions , &
Belles - Lettres . Tome I. chés la veuve Etienne,
rue du Plâtre , en entrant par la ruë Saint
Jacques , dans une Porte Cochere , à la
Vertu , 1738. in- 1 z. DE
DECEMBRE. 1738. 2631
DE LA NATURE DU FEU & de sa Propagation
, Discours présenté à l'Académie Royale
des Sciences , pour le Prix de l'année 1738 .
par M. Grandin , Bachelier en Théologie de
`la Faculté de Paris , & Professeur de Philosophie
au College Royal de Navarre . A Paris
, chés Charles Osmont , ruë S. Jacques ,
à l'Olivier. Brochure in-4. de 20. pages.
TRAITE'S DES RECOMPENSES & des Peines
éternelles , tirés des Liyres Saints , par
M. l'Abbé le Pelletier , Chanoine de l'Eglise
de Rheims. A Paris , chés Huart , ruë Saint
Jacques , près la Fontaine de S. Severin , à
la Justice , & chés Ganean , vis -à- vis Saint
Yves , à S. Louis , vol. in- 12 . de 396. pages.
COURS DE CHIRURGIE , dicté aux Ecoles
de Médecine de Paris , par M. Elic Col de
Villars , Docteur en Médecine de la Faculté
de Paris , ancien Professeur de Chirurgie ,
en Langue Françoise , deux volumes in- 12.
Le premier Tome , contenant les Principes
& le Traité des Tumeurs , de 462. pages.
Le second , contenant la suite des Tumeurs,
de 376. pages. A Paris , chés J. B. Coignard,
Imprimeur du Roy , & Antoine Boudet
Libraire , 1738 .
LA VIE du R. Pere Joseph de Leonissa ¿
Capucin ,
2632 MERCURE DE FRANCE
Capucin , Missionaire Apostolique , tirée
des Annales de Boverius , de divers Auteurs
Italiens , & des Actes de sa Béatification.
Par le Pere Daniel , de Paris , Capucin ,
Lecteur en Théologie , Prédicateur Missionaire
. A Paris , chés Pierre Witte , ruë Saint
Jacques , 1738. vol. in- 12 .
DE L'IMPOSSIBILITE' & de la Possibilité de
vivre long-temps sans boire ni manger , à l'occasion
d'une Fille de Frutingen , au Canton
de Berne,laquelle a fait accroire qu'elle avoit
vécu de cette maniere un temps considerable.
Dissertation de M. Jean-Jacques Ritter,
de Berne en Suisse ; pour entrer en Licence,
& mériter les Honneurs & les Privileges
attachés au Doctorat de Médecine , le 4.
Octobre 1738. A Basle , chés Henri Decker,
Imprimeur de l'Université. Brochure in-4
de 30. pages. L'Ouvrage est en Latin.
LA MEDECINE NATURELLE , vûë dans la
Pathologie vivante , dans l'usage des Calmans
, & des differentes Saignées , des veines
& des arteres , rouges & blanches ,
spontanées ou artificielles , & dans les subs
tituées par les Sangsuës , les Scarifications &
les Ventouses. Par M. Hecquet , Ancien
Doyen de la Faculté de Médecine. A Paris,
chés Cavelier , xuë S. Jacques , 1738. deux
VO.
DECEMBRE. 1738. 2633
vol. le premier de 574. pages , le second
de 714.
DE effracta Lagenula : Phaleuci . Brochure
in - 12. chés Thiboust.
On auroit pu sans témérité attribuer cette
Lamentation Poëtique , composée d'une
centaine de Vers Phaleuques , assés bien
frapés , à quelque Bourguignon , ou à quelque
Champenois ; si l'Auteur , désigné par
ces Lettres qui sont à la fin , A. G. D. Lugdunaus
, ne se déclaroit Lyonnois . Les Connoisseurs
, ainsi que les Amateurs du fruit
de ces heureuses Provinces , liront la petite
Piéce avec plaisir. On ne pourroit pas mieux
faire, s'il s'agissoit de regretter la fracture &
la perte d'une Bouteille du précieux Vin de
l'Isle de Tenedos , Isle encore plus fameuse
par son Vignoble , que par la Note de Virgile
, Tenedos notissima fama , &c. Suposons
du moins , en faveur de notre Poëte , que la
Bouteille dont il pleure la perte , étoit remplie
du meilleur Vin de son voisinage , où il
s'en trouve d'excellent ; c'est ce qu'il insinuë
par ces Vers .
Qua donec licuit videre Solem ,
Gestabat gremio rubentiori
Dulcem , purpureum
aureum liquorem ,
Quam cunctis Arabum Sinensium - ve
Mallem divitiis & Indiarum , &c.
"
ME
2634 MERCURE DE FRANCE
MEMOIRES de Frederic Henry , Prince
Orange , qui contiennent ses Expéditions
Militaires depuis 1621. jusqu'à l'année 1646.
trouvés dans le Cabinet de Mad. Henriette
Catherine de Nassau , la troisième de ses
Filles , & Mere de S. A. S. le Prince d'Anhalt-
Dessau , Weldt- Maréchal des Armées
de S. M. Prussienne , enrichis du Portrait
du Prince , & de Figures dessinées & gravées
par Bernard Picart. A Amsterdam, chés
Pierre Humbert , 1733. grand in-4°. de 362,
pages , sans la Table & la Préface .
CHOIX de Poësies Morales & Chrétiennes
depuis Malherbejusqu'aux Poëtes de nosjours,
dédié à M. le Duc d'Orleans , Premier Prince
du Sang. T. I. Brochure in - 12 . de 32. pages.
A Paris , chés Prault Pere & Fils , 1739 .
C'est ici le commencement d'un Recueil ;
qui promet au Public un Amusement autant
utile , qu'agréable. Tout le monde aplau
dira sans doute à la Dédicace en Vers , & à
la maniere délicate dont elle est tournée. On
trouve ensuite une Préface , dont il ne faut
pas négliger la lecture. Ce Recueil contiendra
plusieurs Piéces qui n'avoient pas encore
vû le jour. On assûre enfin qu'on n'a rien
négligé pour lui donner une forme digne
de son double titre , & qu'il a déja eu le
bonheur de plaire au vertueux Prince qui a
bien
DECEMBRE. 1738. 2635
I
bien voulu l'agréer en Manuscrit. C'est un
heureux augure pour le sort de ce Livre.
Ce Recueil fair avec choix , & à la portée
de tout le monde , doit généralement plaire
& aux Personnes pieuses & aux Amateurs de
la belle Poësie. Malherbe y tient le premier
rang : voici de sa façon , la Paraphrase du
Pseaume 145. Vanité des esperances mondaines.
Dieu seul mérite d'être aimé. Grandeur
aparente des Rois , anéantie après leur mort.
N'esperons plus , mon ame , aux promesses du
monde ;
Sa lumiere est un verre , & sa faveur une onde ,
Que toujours quelque vent empêche de calmer ;
Quittons ces vanités , lassons- nous de les suivre ;
C'est Dieu qui nous fait vivre ;
C'est Dieu qu'il faut aimer.
En vain pour satisfaire à nos lâches envies ,
Nous passons près des Rois tout le temps de nos
vies ,
A souffrir des mépris , à plier les genoux :
Ce qu'ils peuvent n'est rien , ils sont ce que nous
sommes >
Véritablement hommes ,
Et meurent comme nous.
Ont - ils rendu l'esprit , ce n'est plus que poussiere ;
Que cette Majesté si pompeuse & si fiere ,
Dont
7
2636 MERCURE DE FRANCE
Dont l'éclat orgueilleux étonnoit l'Univers
Et dans ces grands Tombeaux , où leurs ombres
hautaines
Font encore les vaines ,
Ils sont mangés des vers.
Là se perdent ces noms de Maîtres de la Terre ;
D'Arbitres de la Paix, de Foudres de la Guerre ,
Comme ils n'ont plus de Sceptre , ils n'ont plus de
Flateurs ,
Et tombent avec eux d'une chûte commune ,
Tous ceux que leur fortune
Fit leurs Adorateurs.
DISCOURS EVANGELIQUES sur differentes
Vérités de la Religion , & d'autant plus utiles
dans chaque Etat , que les Sujets & les Desseins
en sont plus particuliers , & plus rarement
traités. Leurs Textes sont pris ordinairement
des Evangiles de l'AVENT & du Caresme .
Par le P. L. R. D. S. D. Tome IV. 1. vol. in-
12. de 177. pages . A Paris , chés Martin ,
Witte , Gandouin , & Huart. 1738.
Nous avons fait connoître le mérite &
l'utilité de ces Pieux Discours , en rendant
compte au Public des trois Volumes qui ont
précédé celui - ci , et qui se trouvent chés les
mêmes Libraires. Cela nous dispense d'entrer
ici dans un autre détail , que d'indiquer
seuleDECEMBRE.
1738. 2637
seulement les Sujets traités dans ce nouveau
Volume.
I. Discours sur l'acquisition & l'emploi des
talens , par les démarches de S. Joseph.
II. Sur les Prétextes du Pécheur , pour differer
sa conversion.
III. Sur ce qui doit regler le respect qu'exige
de nous le Lien Saint.
IV. Sur l'union avec JESUS - CHRIST , par
l'exemple de Sainte Rose .
NEWTONIANISMO per le Dame , overo
Dialoghi sopra la Luce e i colori . A Naples,
1737. in- 4°. de 300. pages.
LE GRAND TRICTRAC , ou Methodefacile
pour aprendre sans Maître la marche , les termes
, les regles , & une grande partie des finesses
de ce feu , enrichie de 270. Planches , avec
Les décisions des cas particuliers. in- 8 ° . de 320 .
pages , sans la Préface , l'Epitre , & la Table
alphabetique. Prix , 36. sols en feuille.
La qualité de ce Livre ne permettant pas
d'en faire un Extrait , par raport aux Planches
qui sont partout liées avec la matiere ,
on se contentera de donner une idée de l'or
dre qu'on y a gardé . La méthode en est aussi
simple que naturelle . L'Auteur , persuadé
que les principes de ce Jeu s'oublient aisément
, a cherché à leur donner de la liaison,
1.Vol. pour
F
2638 MERCURE DE FRANCE
pour soulager & l'imagination & la mémoire.
Il introduit deux Personnes qui jouent une
Partie de Trictrac , ils jettent les Dez tour
à tour , chacun après avoir amené tel ou tel
point , marque ce qui lui revient , & joüe
ses dames comme il lui plaît. Tout est expliqué
dans le Livre , & on voit à côté de
cette explication , qui est plus ou moins
étendue , suivant l'exigence des cas , une
Planche particuliere pour chaque coup en
particulier , qui retrace aux yeux du Lecteur
ce qu'il vient de lire sur ce sujet.
que &
C'est dans le cours de cette premiere Partie
la marche se dévelope peu à peu ,
que les hazards les plus communs du Trictrac
viennent se placer comme d'eux- mêmes
les uns après les autres , & forment comme
autant d'Epoques dans l'esprit du Lecteur ,
dont il lui est facile de se souvenir.
» Cette façon de mener , pour ainsi dire ,
le Lecteur par la main , ( c'est l'Auteur qui
»parle , page 241 ) soulage , comme on l'a
"dit , son imagination , & fortifie sa mé-
" moire. Il ne s'aperçoit presque pas qu'il
» lit , et croit regarder jouer deux Joueurs
» complaisans , qui lui expliquent avec soin
" tout ce qui peut l'embarasser , et qui font
» même à dessein des fautes grossieres , pour
» s'accommoder à sa portée.
L'AuDECEMBRE.
1738. 2639
L'Auteur descend dans un grand détail ,
dès qu'il est question d'expliquer quelque
regle. Il commence par donner la définition
, et répond ensuite par de courtes
Observations à tous les doutes qui peuvent
arrêter les Commençans. On s'en
convaincra mieux par le Livre même > que
par tout ce qu'on pourroit en dire ici tous
les differens termes , au reste , qui sont en
grand nombre dans ce Jeu , sont mis au milieu
de la page en Caracteres Italiques , pour
être plutôt aperçûs.
Après cette Partie , il en vient une seconde
plus longue que la premiere , accompagnée
d'un plus grand nombre de réflexions .
Les coups se suivent comme dans la précédente
; on y trouve des fautes à dessein
telles que peuvent en faire des Aprentifs , et
on a soin de les relever d'une maniere à les
rendre profitables.
Cette autre Partie est destinée à l'explication
des hazards particuliers , qui n'ont
pu trouver place dans la premiere , et à donner
un exemple complet du Jan-de- retour
jusqu'à l'entiere sortie des Dames , exemple
d'autant plus nécessaire , dit l'Auteur , qu'il
est plus rare dans la pratique.
On trouve dans ces deux Parties , qui contiennent
240 pages , et 212. Figures , tout
ce qui est nécessaire aux Commençans,pour
Fij
s'e2640
MERCURE DE FRANCE
s'exercer entre eux , ou avec des Personnes
plus avancées. Car quoiqu'un homme puisse
par la seule lecture , acquérir la connoissance
de ce Jeu dans le Livre dont nous parlons
, il est indispensable pour lui de s'exercer
avec quelqu'un , s'il veut avoir la facilité
de la pratique. Il pourroit sçavoir tout le
Livre par coeur , qu'il ne seroit pas en état
de se défendre contre un médiocre Joueur
s'il n'avoit jamais mis la main à l'oeuvre.
Les Regles du Trictrac sont en grand
nombre ; et parce qu'il seroit souvent difficile
à celui qui en auroit oublié quelqu'une ,
de la retrouver dans la suite de ces deux Parties
, l'Auteur , pour prévenir cet inconve
nient , a recueilli toutes les difficultés qui
peuvent occasionner des disputes entre les
Joueurs. Pour cela , il a rangé tous les cas
possibles sous cinq differentes classes , qui
sont , les Loix du Coin , les Loix du Plein , les
Loix du Retour , celles de la Sortie , et celles
de la Fausse- Cakes ces Recueils sont faciles
à trouver par le moyen de la Table alphabétique.
Après ces deux Parties , qui ne sont , à
proprement parler , que pour les Commençans
, on trouve un troisiéme Tour de Trictrac
, dont les coups ne sont pas suivis , mais
dont chacun est accompagné des réflexions
les plus convenables , pour se perfectionner
dans
DECEMBRE. 1738. 2641
dans ce Jeu , et pour mettre à profit tout ce
qui peut donner quelque avantage sur l'adversaire.
On trouve enfin des Avis généraux
très -interessans , qui , devenus familiers
par la Pratique, ne peuvent manquer de
former un bon Joueur.
Tout le monde sçait que le Trictrac est un
Jeu mêlé d'esprit et de hazard ; ces deux choses
semblent d'abord se contredire , et il ne
paroît guere possible d'établir quelque chose
de certain sur des Evenemens qui dependent
du hazard ; cependant, quand on veut chercher
la raison pourquoi entre deux Joueurs
d'inégale force,les coups de Dez sont plus souvent
favorables à celui qui eftle plus habile,on
est forcé de conclure , selon notre Auteur ,
qu'il faut que cela dépende de la connoissance
qu'il a que certains coups doivent
communément arriver plus souvent , que
certains autres , et que , guidé par cette connoissance
dans l'arrangement de ses Dames ,
il force , pour ainsi dire , le hazard à lui être
favorable.
On trouvera la preuve de ce qu'on vient
de dire , dans les Remarques sur les differentes
combinaisons. Il s'en rencontre 36 .
en deux Dez , qui sont représentées dans
deux Planches de suite , et on en tire un
grand nombre de conséquences très - simples
mais judicieuses. On ne peut
Fiij
dis2642
MERCURE DE FRANCE
disconvenir , qu'un Joueur qui voudra s'attacher
à l'étude de ces combinaisons , et marcher
sur la voye qu'on lui trace , n'acquiere
un avantage infini sur celui qui n'en aura
point de connoissance .
›
Pour ne rien négliger , et pour mériter la
confiance du Public , dans les décisions des
cas qui peuvent naître parmi les Joueurs
l'Auteur termine son Ouvrage par une Récapitulation
générale des Ecoles , dont il distingue
dix-sept especes. Il marque pour chacune
en particulier , la façon dont elle se
fait , le temps auquel elle est censée faite , et
le temps accordé à l'adversaire pour pouvoir
la marquer. Il ajoûte qu'il n'a rien décidé ,
surquoi il n'ait consulté les plus habiles
Joueurs.
On peut ajoûter que c'est ici le Traité le
plus complet qui ait encore parâ sur cette
matiere. Il est fort étendu , méthodique et
bien détaillé . Il y a aparence qu'il sera goûté
du Public . Les jeunes Gens surtout , trouveront
un double avantage dans sa lecture :
ils aprendront un Jeu qu'on peut apeller
le Jeu des honnêtes Gens , et ils auront
sans y penser
une facilité à étudier les Figures
, laquelle pourra leur servir dans la
suite pour quelque chose de plus relevé.
A l'égard de ceux qui sçavent déja le Jeu ,
s'ils n'y trouvent rien d'absolûment nouveau
pour
DECEMBRE 1738. 2643
pour eux ,
ils y trouveront du moins pour
la plûpart , la Théorie et la raison de bien
des choses , qu'ils ne faisoient que par pratique
, et, ne fût- ce que pour mettre fin à des
disputes souvent opiniâtres , chaque Joueur
doit se faire un plaisir d'avoir ce Livre à sa
disposition .
On le trouvera à Paris , chés la veuve
Pissot , au bout du Pont-Neuf , et chés de
Heuqueville , fils , Quai des Augustins ; à
Toulouse . chés Forest ; à Bordeaux, chés Labotiere
; à Montpellier ; chés Faure ; à Nîmes,
chés les Freres Gaudé ; à Lyon , chés Plagnard
et Rigolet ; à Aix , chés David et Paquet ; à
Marseille , chés Sibié , et les Freres Coulomb ;
à Toulon , chés Mallard ; à Avignon , chés
Girard ; et à Carpentras , chés Quenin.
NOUVEAUX AMUSEMENS du Coeur
& de l'Esprit. Huitième Brochure. in- 12 .
d'environ iso. pages. Le prix est de vingtquatre
sols , chés Bienvenu , Quai des Augustins.
1738.
Nous avons déja parlé de cet Ouvrage ,
que le Public continuë de recevoir favora
blement , ainsi nous nous bornerons à faire
connoître cette nouvelle Brochure par quelques
Morceaux de Poësie.
Fiiij SON2644
MERCURE DE FRANCE
SONNET d'un Amant à sa Maîtresse
convalescente.
g
Amarante , à la fin nous avons l'avantage
Vous avez triomphé des horreurs du trépas ;
La Parque sur vos jours ne l'emportera pas ',
Et le Ciel sauve en vous son plus parfait ouvrage.
Au milieu des langueurs de votre beau visage ,
La Mort même sembloit avoir quelques apas ;
Et vos yeux presque éteints dans ces rudes combats,
En excitant nos pleurs , attiroient notre hommage.
Ces Astres vont briller avec plus de clarté
Vos charmes renaîtront avec votre santé
Que deviendra mon coeur ,
2
adorable Amarante ?
La fin de votre mal n'est pas celle du mien ,
Je me meurs de douleur quand je vous vois mourante,
Et je me meurs d'amour quand vous vous portez
bien.
MADRIGAL sur le Portrait de Madame
DU HALLAY,peint par M. de Largilliere.
En vain par quelques traits aux vôtres reffemblans ,
On croiroit , DU HALLAY , votre image finie ;
Aux vertus d'Artemise , aux graces de Lesbie
Qui joindroit de Sapho l'esprit & les talens ,
N'auroit encor de vous qu'une foible copie .
λ
Autre
DECEMBRE. 1738. 2645
Autre Madrigal de M. d'Arnaud.
LE PEINTRE TIMIDE.
En vérité , belle Isabeau ,
Vouloir que sous mes traits moi-même je me peigne,
Ce projet me paroît nouveau.
Il n'est rien qu'un Peintre ne craigne ,
Lorsqu'il n'a pas ta main pour guider son pinceau.
On trouve ensuite une Idylle de M. CHEVAYE
adressée à M. TITON DU TILLET ,
sur la préference entre les Poëtes anciens &
les Poëtes modernes . Voici les Vers de la fin.
>
TITON , qui sur ton Parnasse
As si bien reglé les rangs
De tant d'esprits differens ,
Dont la Poëtique audace
A signalé les Talens ;
Juge , si ma main novice
A crayonner des Portraits ,
Dépeint assés bien les traits
De ceux qu'un hardi caprice
M'a fait prendre pour objets
Si je puis , par cet Ouvrage ,
Gagner ton docte suffrage ,
Je suis assés honoré ;
Et c'est l'unique avantage
Où ma Muse ait aspiré
Fy Parmi
2646 MERCURE DE FRANCE
Parmi la Poësie , on trouve quelques Piéces
en Prose , entr'autres , un quatrième
Entretien sur la Géométrie naturelle , & dans
le genre des trois premiers , où regne un
esprit de discernement & de méthode
qui cherche la vérité , &c·
Cette huitiéme Brochure acheve le second
Tome des Nouveaux Amusemens , & c. dont
le Prix est de 3. liv. douze sols , & on promet
d'avertir le Public quand il y aura de
nouvelles Suites.
Barrois , fils, a fait imprimer & débite avec fuccès
une petite Brochure , fous le Titre , Lettre Amiable
d'un Napolitain , à M. l'Abbé Lenglet du Fresnoy ,
par laquelle il eft prié de corriger quelques endroits
de fa Géographie, touchant le Royaume de Naples;
de 104 pages , fans l'Avertiffement & la Table . Le
Libraire demeure Quai des Augustins.
On vend chés Montalant , Libraire à Paris , le
Newtonianisme pour les Dames , ou Entretiens sur
la Lumere , sur les Couleurs & sur l'Attraction ; traduits
de l'italien de M. Algarotti. Par M. Duperron
de Castera. Ce Livre eft extrêmement recherché
tant à cause du mérite de l'Auteur Original , que
de celui du Traducteur , ain 12. deux volumes.
Le 6. de ce mois , le R. P. Porée , l'un des Profeffeurs
de Réthorique du College de LOUIS LE
GRAND, y prononça un Difcours Latin très -éloquent
, dont la Sujet étoit : . Combien il est important
en matiere de Science , de ne croire ni trop ni trop peu..
L'Affemblée étoit compofée des Cardinaux de Polignac
DECEMBRE. 1738. 2647
lignac & d'Auvergne , de plufieurs Archevêques &
Evêques , & d'un grand nombre de Perfonnes de
diftinction . Nous donnerons un Extrait de ce Discours
inceffamment.
ASSEMBLEE publique de l'Académie
Royale des Sciences , du 12. Novembre
dernier.
M & les couleurs,qui commence par une courte
du Fay, lut un Memoire fur la Lumiere
Expofition du Systême de M. Newton , & des deux
premiers Principes fur lefquels il eft fondé. Ces.
deux Principes , font que la Lumiere eft composée
de l'affemblage des rayons de differences Couleurs
& que ces rayons font differemment refrangibles ,
lorfqu'ils paffent d'un milieu dans un autre de plus .
grande , ou de moindre densité ; cette partie du
Systême de M. Newton ; paroît à M. du Fay , foutenue
par un si grand nombre de preuves , & des
Expériences fr décifives , qu'il la regarde comme
une vérité inconteſtable.
Il n'en eft pas de même du nombre & de l'efpece
de Couleurs qui entrent dans la compoſition de la
Lumiere , M. Newton juge qu'il y en a de fept especes
, & M. de Fay croit qu'on peut les réduire à
trois ; il ne se donne cependant pas pour l'Auteur
de cette opinion , qui a déja été avancée par plufleurs
Phyficiens , mais comme ils ne l'ont pas fourenue
des preuves néceflaires , & qu'elle n'a , pour
ainfi-dire , été que propofée, il l'éxamine dans tou
tes ces circonstances , & annonce un Ouvrage affés
étendu fur ce fujet , dont ce Memoire n'est qu'um
Extrait.
M. du Fay affûre que toutes les Experiences
raportées,
tant dans le Traité d'Optique de M. New
E vj
tony
2648 MERCURE DDEE FFRRAANNCE
ton, que dans fes Leçons Latines , peuvent auffi - bien
être expliquées par le moyen de trois Couleurs que
par fept , ce qui forme déja un préjugé en faveur
de fon opinion ; il ajoûte qu'il y a dans M. Newton
même des Expériences qui la favorisent beaucoup
plus que celles des fept Couleurs . Enfin il en raporte
d'autres qu'il trouve très - difficiles à expliquer dans
le Syftême des fept Couleurs , & qui s'expliquent
facilement & naturellement en n'en admettant que
trois , une partie de ces Expériences font de M. Mariotte
, dont le but étoit de prouver qu'il n'y avoit
que quatre Couleurs primitives ; M. du Fay fait voir
que ces quatre Couleurs fe réduifent à trois , parce
que M. Mariotte en fait deux du bleu foncé & du
bleu clair , qui ne font cependant que deux nuances
de la même Couleur , quoique l'une tire fur le violet
, & que l'on n'en aperçoive point dans l'autre.
prouve cette vérité par des exemples tirés de la
Teinture , & par des Experiences faites avec les
Couleurs primatiques . M, du Fay conclut donc
qu'il pourroit n'y avoir que trois Couleurs primitives
; sçavoir le bleu ,le jaune & le rouge , au lieu
des fept de M. Newton qui font le violet , l'indigo
, le bleu celeste le vert , le jaune , l'orangé &
le
rouge , il fait voir que quoique dans l'image du
Soleil , formée par un prisme de verre , on trouve
les fept Couleurs , cela ne fait pas une objection
contre fon opinion ; il peut n'y en avoir réellement
que trois , parce que le violet , l'indigo & le bleu
céleste, ne sont que trois nuances de la même Couleur
; que le vert eft produit par le mêlange du bleu
avec le jaune , qui eft au deffous , & qu'enfin l'orangé
eft pareillement formé par l'anticipation du
jaune fur le rouge.
Il
La formation de ces Couleurs eft parfaitement
expliquée dans M. Mariotte, qui fe fert de plufieurs
belles
DECEMBRE. 1738. 2649
belles Expériences pour la prouver , & M du Fay
la confirme par d'autres nouvelles , & encore plus
décifives ; il parle ensuite de ce qui a pu engager
M.Newton à supofer fept Couleurs primitives ; mais
comme cet examen dépend d'une difcuffion Géométrique
, un peu étendue , il la réſerve pour l'Ouvrage
qu'il annonce comme fini , & qu'il doit lise
inceffamment à l'Académie ; il dit feulement en
peu de mots , que cela vient de l'étendue du difque
du Soleil , dont il faut faire l'aplication à chaque
image particuliere du Soleil , qui compofe le Spectre
, & par conféquent à chacune des Couleurs primitives
en particulier. Nous n'entrerons pas dans
un plus grand détail , & nous finirons par les Refléxions
que fait M du Fay, fur la conformité de cette
opinion avec ce qui fe pratique journellement dans
la Teinture & dans la Peinture.
Les Teinturiers ne reconnoiffent que cinq Coufeurs
primitives parmi lefquelles ils mettent le noir
& le fauve ; mais on fçat que le noir n'eft pas une
Couleur , & M. du Fay fait voir qu'elle n'est que
l'affemblage des trois Couleurs primitives dans une
certaine proportion . A l'égard du fauve , ce n'eft
qu'une nuance du jaune , mêlée d'un peu de rouge ;
& les Feinturiers n'en font une Couleur primitive
que parce que c'eſt un genre de travail different de
tous les autres .
La Peinture ne reconnoît pareillement que trois
Couleurs,& les Tableaux du Sr le Blon, dont M. du
Fay cite l'exemple, prouvent qu'avec ces trois feules
Couleurs on peut produire toutes les nuances imaginables.
M. du Fay ajoûte cette Reflexion , que ces trois
Couleurs font les feules qui ne puiffent être compofées
par le mêlange d'aucunes autres , au lieu que
Le vert & l'orangé , que M. Newton met au nombre
2650 MERCURE DE FRANCE
bre des Couleurs primitives , le font , chacune par
le mêlange de deux autres , ce qui est encore un
grand préjugé en faveur des trois qui font fimples.
par leur nature , & ne peuvent jamais être produites
par aucun mêlange des autres.
Il résulte de cette hypothefe que le raport que
M. Newton avoit obfervé entre les Couleurs & les
fons , n'eft pas tel qu'il le penfoit. On pourroit dire
qu'il fubfifte entre les trois Couleurs primitives &
les trois Tons fondamentaux de la Mufique , mais,
pour pouvoir s'en affûrer , il faudroit avoir bien
exactement les dimenfions de chacune de ces Couleurs
, avant qu'il fe fût fait aucun mêlange & aucun
croifement de l'une fur l'autre , ce qui eft
extrêmement difficile , & quand même on y parviendroit
, il y auroit toujours très-peu de fonds à
faire fur un raport qui ne feroit établi que fur un
auffi petit nombre de termes, ainfi M. du Eay abandonne
entierement cette queftion à ceux qui vou
dront prendre la peine de l'examiner.
PETITE Fête donnée à Paris le 4
Décembre 1738 .
D
E toutes les façons dont on peut fe fervir pour
exciter l'émulation des Enfans , les plus fimples
font fouvent les moins ufitées ; ce font cependant
celles qui communément font le plus d'effet.
M. *** , persuadé de cette vérité , & ne voulant
rien négliger pour donner une éducation diftinguée
à une Fille unique , de grande efpérance ,
réfolut de donner à cette aimable Enfant une
Fête , qui , en fufpendant pour un jour fes petites:
Occupations , pût en même-temps tourner à fon
profit ; il affembla donc chés lui une trentaine d'Enfans
de l'âge de Mlle fa Fille , ou environ ; , la Fêtecommença:
DECEMBRE . 1738. 2651
commença par un petit Bal , plus gai que régulier ;.
on présenta enfuite une colation aufli galante que
magnifique , & enfin on fit paffer la Compagnie
dans une Salle , où on avoit dreffé un Théatre
pour donner à cette Jeunesse le Spectacle des Marionettes.
Une Piece compofée par le Maître de la
maifon fit le Sujet d'une longue converſation entre
Polichinelle & toute la petite Troupe, pour laquelle
on l'avoit fait venir ; comme on l'avoit prévenu fur
les malices ou les petits défauts de ces Enfans , il
avoit foin de les leur reprocher tour- à- tour ; l'une
étoit une parefleufe , l'autre un poltron , ſujet à
avoir peur des moindres chofes , une autre ne fçavoit
pas écrire , enfin aucun n'étoit à fon gré. Ces
Enfans prirent la choſe fuivant leurs diférens carac
teres , l'une pleura , l'autre ſoutint à Polichinelle
qu'il étoit mal informé , un troifiéme mit l'épée à
la main contre lui ; enfin cette Fête finit , à l'ordinaire
, par des danſes & une excufe férieufe de Powlichinelle
à la Compagnie , fur sa trop grande fincerité
; ils lui pardonnerent tous & s'en retournerent
très-contens & fans doute diſpoſés à fe corriger.
On ne doute pas qu'un pareil exemple ne foit
fuivi , & que l'on n'en reconnoiffe l'utilité .
ACQUISITIONde Médailles antiques¸
par voye d'Echange. Extrait d'une Lettre
de M. Lerouge , Avocat du Roy de l'a
Monnoye , écrite de Troyes le 19. Novem
bre 1738..
A
Yant reconnu de quelle utilité font les Médail
les pour l'intelligence de l'Hiftoire ancienne ,.
j'ai conservé celles que le hazard m'a fait tomber
entre les mains , & quoique ce fut d'abord fans au
cun deffein formé d'en faire uue Etude particuliere,
J'ai
2652 MERCURE DE FRANCE
j'ai regardé depuis cette aplication , comme l'un des
plus utiles amuſemens qu'un honnête homme puisse
choifir . Entierement livré à la recherche de ces
précieux Monumens ,je suis enfin parvenu à me faire
un Médailler , auquel je devrois me borner , fi je ne
fentois mes défirs croître , à proportion que je vois
mes richeffes augmenter .
Tous les Sçavans ayant droit fur les découvertes
les uns des autres , je m'adreffe à vous , M. pour
établir , s'il eft poffible , entre les Curieux de Médailles
& moi , un commerce , dont j'efpere que
nous retirerons des avantages mutuels . Jufqu'ici
une jufte défiance de mes lumieres , m'a fait tenir
dans l'obfcurité des Découvertes , qui font le jufte
fruit de mes Travaux; peut-être le hazard a - t'il
fait tomber entre mes mains des Morceaux rares &
importans. Cette confideration , jointe à ce que je
me trouve un bon nombre de Médailles doubles ,
quoique toutes affés rares , m'a fait prendre le parti
de propofer aux Curieux à qui elles pourront iman
quer, de les leur céder pour d'autres qui me manquent
à moi même ; j'en ai auffi plufieurs uniques ,
des plus eftimées, en tout genre , Impériales , Confulaires
, Grecques , &c . & des Médaillons des plus
rares & des plus parfaits ; je me ferois un plaifir de
m'en détacher pour affortir des Curieux dont la Suite
peut être interrompue par le manque d'une feule
Médaille ; no9 conventions ne feront pas difficiles
à faire , des que de part & d'autre nous aporterons
à ce Commerce le défintereffement ordinaire aux
honnêtes gens , parmi lefquels une politeffe en attire
une autre , &c .
Ce n'est , même que par cette circulation qu'on
peut devenir , selon M. Spon , habile dans la Science
des Médailles , il est presque impoffible de le devenir
autrement. Cet habile homme ne désavouë point
ce
DECEMBRE . 1738. 2653
ce Commerce , dont , dit- il , les honnêtes gens nefont
point difficulté de se mêler , de même qu'un Gentil
homme ne fait pas de scrupule de vendre ou troquer
un Cheval.
J'ai cru que votre Journal étoit la voye la plus
fure , pour établir la correfpondance que je demande
, & j'ai tout lieu d'efperer que vous ferez ufage
de ma Lettre, étant question d'obliger le Public, & c.
M. le Rouge nous permettra de lui demander, au
nom des Curieux qui le trouveront dans le cas des
Echanges qu'il propose , de
nous envoyer un Etat
des Médailles & Médaillons antiques qui font doubles
dans fon Cabinet , ou dont il est bien aiſe de
fe défaire , en marquant exactement toutes choſes ,
&c. car ces mêmes Curieux , qui verront fa Lettre
imprimée dans le Mercure , ne manqueront pas de
faire cette demande , & c'eft abreger le temps &
accelerer l'execution du Projet , que de les prévenir.
Si M. le Rouge a des Médailles Modernes &
des Monnoyes anciennes doubles , ou dont il veuille
ſe défaire , il pourra les ajoûter à l'Etat qu'on prend
la liberté de lui demander.
La Suite des Portraits des Grands Hommes et
des Personnes Illustres dans les Arts & dans les
Sciences , continue de paroître avec succès , chés
Odieuvre, Marchand d'Estampes , Quai de l'Ecole ;
il vient de metre en vente , & toujours de la mê
me grandeur :
FREDERIC GUILLAUME , ROY DE PRUSSE "'
né à Berlin le 4. Août 1688. peint par Ant. Pesne ,
& gravé par G. F. Schmidt.
HERMAN BOERHAAVE , Profeffeur en
Médecine à Leyde , de l'Académie Royale des
Sciences , & de la Societé Royale de Londres , mort
à Leyde le 24 Septembre 1738. âgé de 70. ans ,
deffiné par J. Mandelaor , & gravépar N. Dupuis..
2654 MERCURE DE FRANCE
**
REMERCIMENT de M. Coquard,
Avocat au Parlement de Dijon , sur le
présent que M. Titon du Tillet lui a fair
de son Portrait.
Dleux Leux ! par quelle heureuſe avanture ,
Vient- on d'orner mon Cabinet
D'une Estampe d'après Nature ?
L'Art semble avoir gravé le plus charmant objet ;
Quel est donc le Mortel dont je vois la Figure
Ne seroit-ce pas DU TILLET !
Oui , je n'en doute paint, c'est du Tillet lui - même,
C'est lui , dont les généreux soins
Des Sçavans malheureux qu'il aime ,
Adoucissent tous les besoins ,
A son air généreux , à sa candeur extrême
A sa noble & douce fierté ,
A son port, plein de majesté ,
Eh qui pourroit le méconnoître !
Je le vois apuyé sur ce Livre fameux ,
Où l'ardeur de son zele à sçû faire renaître
Cent amis des neuf Soeurs, dont l'Histoire peut-être
N'eût pas été sans lui transmise à nos Neveux.
Ici s'offre un autre Volume ,
Où Cléio conduisant sa plume ,
A décrit les honneurs , les pompeux Monumens ,
Que
DECEMBRE . 1738. 2659
Que , durant plus de mille lustres ,
La gloire a consacrés à des Sçavans illustres.
Là , sont les divers Instrumens
Que , pour exercer son génie ,
reçut des mains d'Uranie ,
Et les Airs qu'Erato , (4 ) qui préside à ses Jeux ,
Lui nota pour former la plus tendre harmonie ;
Heureux , cher DU TILLET , & mille fois heureux
Celui qui peut sans cesse & te voir & t'entendre !
Mais puisque le Destin , de mon bonheur jaloux ,
M'interdit en ces lieux l'espoir d'un bien si doux ,
Puisqu'à cette faveur je ne dois plus m'atendre ,
Du moins , grace au Burin du célebre Petit , (b)
Mes yeux verront toujours les traits de ton visage
Dans mon coeur encor mieux conservera l'image
Et je sçaurai mettre à profit
Les traits ingénieux que ton fertile Esprit
A répandû dans ton Quvrage ;
Trop content , si , sensible à tes bontés pour
moi
Mon zele en ta faveur prêt à tout entreprendre ,
Un jour dans mes Ecrits peut dignement te rendre
L'honneur que j'ai reçû de toi !
(a ) M. Delargilliere apeint M Titon du Tillet avec
les Livres , les Instrumens & autres atributs marqués
dans ces Vers , pour faire connoître son génie &son
sçavoir.
(b) M. Petit l'a gravé d'après le Tableau de M..
Delargilliere.
On
1
2656 MERCURE DE FRANCE
On aprend d'Allemagne , que l'Académie Aulique
de Peinture , de Sculpture & d'Architecture
établie à Vienne fous la protection de l'Empereur ,
distribua le 11. du mois dernier , les Prix qu'elle a
coûtume, de donner tous les ans ; ceux de Peinture
ont été adjgés , le premier au Sieur Michel- Ange
Unterberger , Bavarois , & le fecond , au S. Antoine
Rosier , de Presbourg ; & les Srs Ignace Wurschbaur,
& Charles Groff , l'un de Breflau , l'autre de Gratz,
ont remporté les Prix de Sculpture'. M. Van Schuppent
, Membre de l'Académie Royale de Peinture
& Sculpture de Paris , est Directeur de cette Aca¬
démie. 1
On écrit de Naples , de la fin du mois dernier
que le defir de vérifier le raport d'un Curieux , qui
avoit affûré il y a quelque temps , qu'il étoit entré
dans les cavités du Mont Vésuve , ont déterminé
le Marquis de Castellar , Premier Ecuyer du Roy ;
Je Comte de Bruhl , Chambélan du Roy de Pologhe
, Electeur de Saxe , & quelques autres Personnes
de distinction , à viſiter l'intérieur de cette Montagne
, & que ces Seigneurs étant descendus par
l'ouverture du sommet , laquelle , selon eux , a environ
240. pas de circonférence , ils font parvenus
à un terrain ferme & uni , dont l'étenduë peut être
de trois arpers , & d'où il ne sort que très -peu de
fumée .
Comme depuis l'éruption de l'année paffée , le
Mont Véfuve n'a jetté ni feu ni cendre , on ne doute
point que plufieurs Sçavans , enhardis par l'exemple
du Marquis de Caftellar , & de ceux qui
Pont accompagné , ne profitent de cette occafion ,
pour pénetrer dans ce Volcan le plus avant qu'ils
pourront , & pour en examiner les fingularités.
Le
DECEMBRE. 1738. 2657
Le fieur Marc-Antoine Eidous , ci- devant Ingé
nieur des Camps & Armées du Roy d'Espagne
donne avis au Public , qu'il ſe diſpoſe à lui faire part
des connoiffances qu'il a acquiles dans les Mathématiques
, le Génie , le Deffein , &c. et d'y former
en très - peu de temps les Perfonnes qui voudront
bien Phonorer de leur confiance. Sa demeure , qui
a, ci- devant , été à la ruë Géoffroi- Lafnier, Quartier
S. Antoine , eft à préfent rue S. Benoit , près l'Abbaye
S. Germain des Prés , à l'Hôtel Dauphin , pour
la commodité de ceux qui voudront agréer fes
fervices.
$
On avertit le Public , que le véritable Suc de Regliffe
& de Guimauve blanc , fi éftimé pour toutes
les maladies du Poulmon , inflammations , enrouëmens
, toux , rhumes , afthme , pulmonie , pituite ,
continue à fe débiter depuis plus de trente ans , de
l'aveu & aprobation de M. le Premier Médecin du
Roy , chés la Dlle Desmoulins , qui eft la feule qui
on a le Secret de défunte Mlle Guy.
On peut s'en fervir en tout temps , le tranſporter
partout , & le garder fi long- temps que l'on veut ,
fans jamais fe gater , ni rien perdre de fa qualité.
La Dlle Desmoulins demeure ruë Guénegaud ,
Fauxbourg S. Germain , du côté de la ruë Mazarine ,
chés M. Guillaume , Marchand de Vin vis-a - vis
P'Hôtel d'Abbeville . Son Tableau eft au - deflus de la
porte.
AIR
2658 MERCURE DE FRANCE
AIR.
UN jour Iris dit à l'Amour ,
Faisons un troc , Dieu de Cythere ;
Mille Bergers me font la Cour ;
Je les crois tous dignes de plaire ;
Mais hélas ! par un choix fatal ;
Je ne puis aimer que Silvandre.
Rends son amour au mien égal ,
Fais que pour moi fidele & tendre ,
Il brûle des mêmes ardeurs :
Je te rends tous les autres coeurs.
SPECTACLES.
E 5. de ce mois , l'Académie Royale
de Musique remit au Théatre l'Opera
d'Atys, qu'on avoit donné au mois de Janvier
de l'année précedente ; le Sr Jeliot y chante le
premier Rôle, qu'il n'avoit jamais rempli, &
il y est fort aplaudi par de nombreuses Assemblées.
Le Rôle de Sangaride est joué avec
beaucoup d'art & d'intelligence par la Dlle
Pelissier.
Le
ARY
ASTOR, LENOX AND
TILDEN FOUNDATIONS.
2
ARY
ASTOR
LENOX
AND
TILDEN
FOUNDATIONS
”
DECEMBRE . 2659 1738.
Le premier de ce mois , les Comédiens
François remirent au Théatre la Tragédie
de Rodogune. Ce Poëme admirable que PIERRE
CORNEILLE donna en 1647. c'est- àdire
dix ans après le Cid, n'a non - seulement
rien de rebutant par sa vétusté , mais il conserve
sur la Scene Françoise toute la majesté
, tout le sublime & tous les agrémens
qui ont acquis une gloire immortelle à son
illustre Auteur, depuis près d'un siecle, ensorte
que toutes les Représentations qu'on
en a données jusqu'à présent , ont attire un
concours prodigieux , ce qui fait beaucoup
d'honneur au goût & au discernement de
notre siecle ; cela en fait beaucoup aussi aux
Acteurs & Actrices qui jouent les premiers
Rôles de cette Tragédie , dont les grands
talens ne laissent rien à désirer pour la justesse
de l'action & de la déclamation.
M. de la Motte , dans ses Discours sur la
Tragédie , ( page 92. de ses OEuvres , tome
premier ) au sujet des situations dans le Poëme
Dramatique , a choisi la Tragédie de
Rodogune , pour apuyer ses Refléxions d'un
exemple admirable , dont nous croyons devoir
orner cet Article. Il s'exprime ainsi.
Une situation n'est autre chose, dit - il, que
P'état des Personnages d'une Scene, à l'égard
les uns des autres. En ce premier sens , toutes
les Scenes d'une Piece sont , malgré qu'on
en
2660 MERCURE DE FRANCE
en ait , autant de situations ; mais on n'employe
ordinairement ce terme que dans un
sens plus restraint , & pour exprimer des situations
singulierement interessantes . Elles
ne peuvent être singulieres que par deux
moyens ; par celui de la nouveauté ou par celui
de l'importance de l'interêt. Souvent les
Auteurs , ou, faute d'invention , ou d'assés
de délicatesse pour la gloire , se contentent
de situations déja connues , & à quelques
differences près , dont celle des noms
est quelquefois la plus considérable , ils s'aproprient
ce que d'autres ont inventé , sembables
à ces Peintres sans imagination qui
ne font que copier d'après les grands Originaux
, les plus beaux airs de tête & les
attitudes les mieux choisies . Ils ne laissent
pas, avec cette ressource, d'usurper de légers
succès , parce que les choses touchantes font
d'abord leur effet ; mais à peine les ressemblances
sont - elles aperçûës , qu'en cessant
d'estimer l'Auteur , on se refroidit sur l'Ouvrage
même ; car nous sommes ainsi faits ,
les idées accessoires , quoiqu'étrangeres à la
chose , en augmentent , ou en affoiblissent
le sentiment.
La nouveauté suposée , qui seroit toujours
d'un grand mérite , quand les passions
ne seroient pas si vives , il faut encore faire
atention à l'importance des interêts . Une situation
C
DECEMBRE. 1738. 2661
2667
tuation bien imaginée dans ce genre , est
d'un si grand effet , qu'avant que les Personnages
se parlent , il s'éleve parmi les Spectateurs
un murmure d'aplaudissemens & unc
curiosité avide de ce que les Acteurs vont se
dire. Je remarquerai en passant , continuë
M. de la Motte , qu'on ne sçauroit ménager
dans une Piece plusieurs de ces situations
qu'à la faveur d'un nombre d'incidens qui
changent tout- à-coup la face des choses , &
qui mettent ainsi les Personnages dans des
situations nouvelles & surprenantes. Ce
plaisir mérite bien qu'on passe quelque chose
à l'Auteur sur les préparations qui lui sont
nécessaires.
Je ne sçaurois choisir un exemple plus favorable
de tout ce que j'avance ici que celui
d'Antiochus , dans le cinquième Acte de Rodogune
, c'est toujours M. de la Motte qui
parle. Sur le point de boire dans la Coupe
Nuptiale , il est réduit par ce que lui vient
dire i imagene , à croire la Coupe empoisonnée
ou par sa Mere ou par sa Maîtresse
qui sont présentes ; le respect & la nature
F'empêchent d'arrêter ses soupçons sur sa
Mere ; la tendresse & l'opinion qu'il a conçûë
de Rodogune , ne lui permettent pas
non plus de l'imaginer criminelle ; & il aime
mieux s'exposer à la mort que de faire cette
injure à l'un ou à l'autre ; mais pendant
1. Vol. G toute
2662 MERCURE DE FRANCE
toute la Scene , quelle est l'attention du
Spectateur aux divers mouvemens du Fils ,
de la Mere & de la Princesse ! N'est- on pas
déchiré avec Antiochus , troublé & allarmé
avec Rodogune, surpris avec Cléopatre ,mais
inquiet pour les autres , du succès de ses
artifices & de sa rage ? On ne devine point
leurs discours ; & dès qu'ils parlent , on sent
qu'ils ne peuvent dire que ce qu'ils se disent;
& ce qu'il y a de plus rare ,
c'est que la surprise
se soûtient & se renouvelle même à
chaque partie de la Scene.
Voila , sans doute , la situation la plus
merveilleuse du Théatre ; mais que faut- il
passer à l'Auteur, & que lui en a- t'il coûté pour
l'amener ! Il a falu que Cléopatre proposât à
ses deux Fils d'assassiner Rodogune , dont
elle doit du moins les soupçonner amoureux,
ce qui ne s'accorde pas trop bien avec la prudence
qu'on lui donne d'ailleurs . Il a falu
qu'à son tour Rodogune , malgré son caractere
, proposât aux deux Princes d'assassiner-
Cléopatre , ce que Corneille n'a pu justifier
en partie que par une subtilité de raisonnement
, dont lui seul étoit capable ; mais ce
n'est pas assés , il a falu que Timagene se
rencontrât à propos dans le Bois où Šéleucus
expire , & que ce Prince n'eût de vie préci
sément que pour dire les Vers Enigmatiques
qui font tomber un soupçon égal sur Cléopatre
DECEMBRE. 1738. 2663
patre & sur Rodogune , & que la voix lui
manquât , quand il alloit prononcer le mot
de l'Enigme .
Une main qui nous fut bien chere ,
Venge ainsi le refus d'un coup trop inhumain ;
Regnez ; & sur tout , mon cher frere ,
Gardez -vous de la même main.
C'est .
Voilà des préparatifs bien forcés ; mais la
situation est si belle , qu'on les a oublié
volontiers à ce prix ; & Corneille même s'en
sçavoit si bon gré , que , malgré de si grands
défauts , il a toujours cru Rodogune la plus
belle de ses Tragédies , & c.
Je ne vous croyois pas scrupuleux jusqu'au
point de ne pouvoir souffrir Rodogune sur
le Théatre , dit S. Evremont , écrivant à M.
de Barillon ( 4. vol . p. 59. ) parce qu'elle
veut inspirer à ses Amans le dessein de faire
mourir leur Mere, après que la Mere a voulu
inspirer à ses Enfans le dessein de faire mourir
une Maîtresse . On doit en cette occasion oublier
la douceur de notre naturel , l'innocence
de nos moeurs , l'humanité de notre politi que,
pour considérer les coûtumes barbares & les
maximes criminelles des Princes de l'Orient.
Si on fait refléxion qu'en toutes les Familles
Gij Royales
2664 MERCURE DE FRANCE
Royales de l'Asie , les Peres se défont de
leurs Enfans sur le plus léger soupçon , que
les Enfans se défont de leurs Peres par l'impatience
de regner , que les Maris font tuer
leurs Femmes , & les Femmes empoisonner
leurs Maris , que les Freres comptent pour
rien le meurtre des Freres , on s'étonnera
moins que Rodogune ait voulu venger la
mort de son Epoux sur Cléopatre , qu'elle ait
voulu assûrer sa vie , recouvrer sa liberté &
mettre un Amant sur le Trône , par la perte
de la plus méchante femme qui fût jamais.
L'Auteur a donné aux jeunes Princes tout
le bon naturel qu'ils auroient du avoir pour
la meilleure Mere du monde ; il a fait prendre
à la jeune Reine le parti qu'exigeoit d'elle
la nécessité de ses affaires.
On dira peut-être que ces crimes- là peuvent
se commettre en Asie & ne doivent
pas se représenter en France. Mais par quelle
raison refuser notre Théatre à une femme
qui n'a fait que conseiller
le crime
pour
son salut , & l'accorder
à ceux qui l'ont fait euxmêmes
sans aucun
sujet , comme
Electre
&
Oreste
, Atrée
& Thieste
? Pourquoi
Néron
y
fera-t'il empoisonner
Britannicus
? Pourquoi Hérodes
, Roy
des Juifs
, Roy
de ce Peuple
aimé
de Dieu , fera-t'il mourir
sa femme
?
Pourquoi
Amurat
fera-t'il mourir
Roxane
&
Bajaket
? Et venant
des Juifs
& des Turcs
au
DECEMBRE. 1738. 2665
aux Chrétiens , pourquoi Philipe II, ce Prin
ce si Catholique , fera t'il mourir Don Carlos
, sur un soupçon fort mal éclairci ? Rodogune
, cette Princesse opprimée , n'a pas
demandé un crime pour un crime ; elle a
demandé sa sûreté , qui ne pouvoit s'établir
que par un crime ; mais un crime dont Machiavel
auroit fait une vertu politique , &
la méchanceté de Cléopatre peut faire
passer pour une justice légitimement exercée .
A l'égard de ce qu'on a trouvé à redire
qu'on ait rendu une jeune Princesse capable
d'une si forte résolution , on doit considerer
qu'elle étoit Reine & qu'elle étoit veuve.
Une de ces qualités suffit pour faire perdre
le scrupule à une femme à quelque âge que
que
ce soit.
La Tragédie de Rodogune , dit M. Baillet ,
est celle , qui , au jugement du Public , a
mis Corneille à son période & à son solstice,
si on peut parler ainsi , & M. Bayle dit ( République
des Lettres , Janvier 1685. ) que
depuis ce temps il ne fit plus que se maintenir
dans le degré de perfection où il étoit
parvenu. On convient qu'il ne fit plus rien
dans la suite qui égalât tout -à-fait Rodogune
& Cinna ; car il faut chosir entre ces deux
Pieces pour avoir la plus belle des siennes
au jugement du même Auteur. Irest certain
que Corneille donnoit lui -même sa voix à
G iij Rodo-
>
666 MERCURE DE FRANCE
Rodogune ; mais il semble que le Public
toujours plus panché du côté de Cinna.
&
M. Corneille recherchant la cause de cette
tendresse toute particuliere qu'il avoit pour
Rodogure , au préjudice des autres , dit que
cette préférence étoit peut-être en lui un
effet de ces inclinations aveugles que beaucoup
de Peres ont pour quelques - uns de
leurs Enfans , plus que pour les autres , &
qu'il pouvoit s'y trouver aussi un peu d'amour
propre , en ce que cette Tragédie lui
- sembloit être un peu plus à lui que celles qui
l'ont précédée , à cause des incidens surprenans
qui sont purement de son invention , &
qui n'avoient jamais été vûs sur le Théatre ;
mais il ne dissimule pas qu'il y avoit aussi un
peu de vrai mérite , qui faisoit que cette innaclition
n'étoit pas tout- à- fait injuste.
Certainement on peut dire que toutes ses
autres Pieces ont peu d'avantages qui ne se
rencontrent en celle - cy.Elle a tout ensemble
la beauté du Sujet , la nouveauté des fictions,
la force des Vers , la facilité de l'expression
la solidité du raisonnement , la chaleur des
passions , les tendresses de l'amitié et de l'amour;&
cet heureux assemblage est ménagé,
de sorte qu'elle s'éleve d'Acte en Acte ; le
second passe le premier , le troisième est
au- dessus du second, & le dernier l'emporte
sur tous les autres.
L'action
DECEMBRE 1738. 2667
L'action y est grande , complette ; sa durée
ne va point ,ou fort peu, au- delà de celle
de la représentation ; le jour en est le plus illustre
qu'on puisse imaginer , et l'unité du
Lieu y est pratiquée suffisamment , mais non
pas à la rigueur. La Piéce n'est pourtant pas
entierement sans taches , mais elles y sont
-rares , & ce n'est que dans quelques circonstances
légeres, qui regardent la bienséance &
le caractere de certains Personnages . Le Su.
jet est pris d'Appien.
Du vivant de l'Auteur cette Piece étoit
joüée par lleess SSrrss BBaarroonn,, de Villiers, Champmeslé
, le Conte , & par les Diles Champmeslé
, Dupin & Guyot.
Aujourd'hui les Rôles d'Antiochus , de
Seleucus, de Timagene & d'Oronte , & ceux de
Rodogune , de Laodice & de Cléopatre , sont
parfaitement remplis au gré des Connoisseurs
les plus difficiles, par les Srs Dufresne,
Grandval , le Grand & du Breüil , & par les
Dlles Gaussin , Jouvenot & du Mesnil.
Il doit paroître dans peu sur ce Théatre
une Tragédie nouvelle sous le titre de Médus
, fils de Médée , dont on parlera en son
temps.
Le 18. Août dernier , on représenta au
College des PP. de l'Oratoire de Marseille ,
un Poëme Dramatique , intitulé : Jugement
G iiij
d'Apollon
2668 MERCURE DE FRANCE
d'Apollon sur les Anciens & les Modernes
Ce Poëme étoit dédié à Mrs les Echevins
Les Interlocuteurs furent , pour les Anciens
M. Despreaux & M. Dacier ; pour les Modernes
, M. Perrault & M. de la Motte.
Apollon ouvrit la Scene , qui est sur les
bords du Permesse , avec Despreaux , Dacier
, Perrault & la Motte : Apollon com
mença par ces Vers :
1
Venez , chers Favoris des Filles de Mémoire ,
Vous, dont le coeur épris du désir de la gloire ,
N'aspira qu'à polir le goût de mes Sujets ,
Aprochez , parmi vous faisons regner la paix.
Ce préambule ne tend qu'à inviter ces illustres
Adversaires à mêler moins d'empor
tement dans leur dispute , & à tenir un juste
milieu dans le parti qu'ils embrassent ; c'est
pour leur faire voir qu'il blâme l'excès da
part & d'autre , qu'il leur dit :
Oui , je vois des François les débats éternels ,
Démentir ce que d'eux publioient les Mortels.
Ceux- ci , des Anciens Partisans redoutables ,
Les soutiennent en tout , divins, incomparables ;
Ceux- là , pour signaler leurs hardis sentimens ,
Erigent en vertus les défauts de leur temps, &c.
Après une si sage exhortation il ajoûte :
Je
DECEMBRE. 1738. 2669
Je prétends aujourd'hui sur le docte Hélicon
Rétablir pour toujours la paix & l'union ;
Tels sont mes justes voeux ; d'un dessein si loüabſe
C'est de vous que j'attends le succès favorable , & c;
Apollon finit son invitation à la Paix ,
par le grand exemple que le Roy vient de
donner.
Terminez donc enfin des débats indécens ;
LOUIS fournit acsés de matiere à vos Chants ;
Cé Héros , à qui Mars préparoit tant de gloire ,
A pourtant préferé la Paix à la victoire.
Despreaux , avant que de commencer à
plaider en faveur des Anciens , dont il est
un des plus chauds Partisans , marque avec
son fiel ordinaire , l'indignation que lui inspirent
quelques Auteurs Modernes qui déclament
contre des Héros de l'Eloquence
& du Parnasse , dont ils ne connoissent
pas le prix ; voici comment il les traite :
De ces petits Auteurs , un essein indocile
S'opose à mes souhaits , & m'échauffe la bile..
Perrault ne peut souffrir un mépris si hu
miliant , sans prendre feu ; il y répond par
ces. Vers qu'une juste colere lui inspire
Si ne pas adorer la sage Antiquité ,
Gy
Cest
2670 MERCURE DE FRANCE
C'est joindre l'ignorance à l'indocilité ,
Je veux être à ce prix ignorant , indocile ,
Et j'aurois du regret à vous paroître habile.
Dans la suite , il fait entendre que l'hom
me n'a pas reçû le jugement en partage , pour
le soumettre aveuglément aux décisions de
ceux qui l'ont précedé , & finit par ces deux
Vers :
Enfin , si vous voulez parler sans flaterie ,
Ce n'est qu'aux Anciens à nous porter envie.
و
Ces deux derniers Vers paroissent un
blasphême à Dacier , aussi y répond- il avec:
toute la véhemence que demande l'injure
faite à sa chere Antiquité ; Pindare , dit -il ,
Platon , Herodote , Homere , Virgile , Horace
, tout cela est effacé par les Quinaults
les Chapelains , les Balzacs, & par tous ceux,
en un mot , qui n'auront pas le glorieuxsuffrage
de Perrault. L'ironie seroit poussée
plus loin , si la Motte ne l'arrêtoit pas dans
son cours , au grand étonnement de Despreaux
, qui s'étoit flaté autrefois qu'il seroit
un des plus zelés Partisans des Anciens.
Apollon voyant que la querelle s'échauffe
jusqu'à perdre le respect qu'on doit à son
Tribunal , devant lequel on plaide , leur die
d'un ton imposant, de soûtenir leurs sentimens:
DECEMBRE . 1738. 2671
mens avec plus de circonspection , & de se
respecter eux -mêmes.
&
On ne s'étendra point ici sur les raisons:
que nos illustres Avocats donnent de part
d'autre , outre qu'elles ont été fi rebatues dans
la fameuse Dispute du siecle passé . Les bornes
prescrites dans un Extrait , ne nous permettent
pas un long détail ; on se contentera
de citer quelques Vers de M. de la Motte ;
en voici de ceux qui ont paru les plus frapans
en faveur des Modernes dont il plaide
la cause . Ce zelé défenseur ne peut souffrir
sans une noble impatience , que Despréaux
attribue le succès des Lettres & des beaux
Arts , aux récompenses que LOUIS LE Grand
répandoit sur ceux qui y excelloient , surquoi
il s'exprime ainsi :
GRAND
Ce n'est donc que l'espoir des grandes récom
penses ,
Qui fait avec ardeur cultiver les Sciences ?
Quel langage nouveau ! la gloire dans un occur
Ne peut -elle allumer une si noble ardeur
De l'auguste Vertu le sacré caractere ,
Ne sera-t-il qu'un fruit d'un esprit mercenaire
Etoit- ce donc un prix d'une extréme grandeur ,,
Qui de tant de Heros enflamma la valeur ,
Lorsque par des Exploits dont le récit étonne ,
Ils briguoient de Laurier une vile couronne
G vj
Cess
#672 MERCURE DE FRANCE
Ces Romains , la terreur des plus fiers Ennemis,
Qui retournoient aux champs , quand tout étoit
soûmis ,
Qui traçoient des sillons d'une main triomphante ;
D'un coeur interessé, suivoient-ils donc la pente ?
Lorsque par des Ecrits pleins de mille agrémens ,
Platon de son esprit laiffoit des monumens ,
Avoit-il donc conçû la flateuse esperance ,
D'en recevoir un jour quelque ample récompense ,
Lui, qui dans la vertu mettant tout son bonheur ,
Méprisa de DENIS & l'or & la faveur ? &c.
La Motte convient ensuite , que les bienfaits
des Princes peuvent exciter l'émulation,
& font un honneur infini à leurs illustres.
bienfaiteurs, mais il veut que la gloire y ait la
premiere part , de- là il passe à l'éloge de l'Auguste
Successeur du plus grand Roy qui ait
rempli le premier Trône du monde . Voici
comment il s'exprime en parlant deLouis XIV
De ces bienfaits sa mort n'a pu tarir la source
Et des Muses son Trône est encor la reffource.
Ravi de l'imiter , son digne Succeffeur ,
Leur ouvre avec plaifir son Palais & son coeur ;
Il ne reconnoît point de gloire plus flateuse ,
Que celle que s'acquiert une ame génereuse ;
FLEURY , digne Mentor de ses plus tendres ans ,
Digne du rang qu'il tient parmi ses Confidens ,
>>
"
Fleury
DECEMBRE 1738. 267)
Fleury , dis -je , chargé de former sa jeuneſſe ,
Pour les sçavantes Soeurs ménagea sa tendreffe ;
Ce grand Prince , fidele à cette impreſſion ,
Honore le Sçavoir de sa protection , &c..
3 Après avoir combattu le sentiment de
Despreaux , au sujet de l'impression qu'il
prétend que l'espoir des récompenses a faite
sur les esprits des Sçavans du dernier siecle,
il vient au fond de la question ; il convient
que l'Antiquité a eu de grands Hommes
mais que notre siecle n'en a pas produit de
moins illustres. Voici ceux qu'il opose aux
Démosthenes , aux Cicerons , &c.
Flechier me ravit par sa délicateffe ,
Il fait partout de l'Art éclater la fineffe ;
J'admire Bourdalouë en son raisonnement ;
Le vol de Mascaron jamais ne se dément ;
Du charmant Fenelon le beau style m'entraîne
A son génie heureux Fontenelle m'enchaîne ;
Maffillon de nos coeurs connoît tous les refforts ;
Bouhours , de beiles fleurs poffede des Trésors ;
Mais si, pour balancer l'Eloquence ancienne ,.
Il faut en choisir deux pour descendre en l'Arène ,
Qui pourroit soûtenir avec plus de succès
La gloire de ce siecle & l'honneur des François ,
Que le grand Boffuet &le fameux le Maitre ? &c.
Nous
2674 MERCURE DE FRANCE
Nous finirons ce court Extrait par le Ju
gement d'Apollon ; en voici la fin :
Si ce Siecle a donc pu vaincre l'Antiquité ,
Il ne mérite pas d'être plus respecté ;
C'est elle qui lui donne , aux dépens de sa gloire ,,
Les traits dont il se sert pour gagner la victoire.
Jamais il n'eut atteint cette perfection ,
S'il n'eut eu le secours de l'imitation .
Aux Partisans des Modernes :
Vous donc , dans votre Siccle honorez un mérite ,
Qui peut des Anciens faire éclipser l'élite.
Aux Partisans des Anciens :
Et vous , pour être aimés de la Posterité
Ne soyez pas ingrats envers l'Antiquité.
"
Cette Piéce, qui fut fort aplaudie, est de la
composition de M. de Coriot, de l'Oratoire,
Professeur de Rhétorique, le même qui ,huit
jours après,remporta le Prix fondé par le Maréchal
deVillars, au Jugement de l'Académie
de Marseille. Ceux des Acteurs qui se sont
le plus distingués , sont Mrs Jacques & Michel
Truilhier de Marseille , le premier dans
le Rôle d'Apollon , le second dans celui de
M. de la Motte.
Le.12. Décembre les Comédiens Italiens
donnerent la premiere Représentation des
MUSES
DECEMBRE. 1738. 2675
,
MUSES , Piéce Drammatique en quatre parties
, dont la premiere est un Prologue , où
paroissent les Muses de la Tragédie , de la
Pastorale , de la Comédie , de la Musique
& de la Danse , ce qui lie les trois autres
parties ; la seconde , est une Tragédie intitulée
PHANAZAR ; la troisiéme , une Pastorale
, intitulée AGATINE ; & la quatrième
un Ballet Pantomime intitulé ORPHE'E..
Comme il n'est pas possible que toutes les
parties d'un Ouvrage soient égales en mérite,
aussi le Jugement du Public a- t- il été diffcrent
sur chacune. Le Prologue a paru ingé-.
nieux , mais un peu long. La Pastorale , malgré
l'art de l'intrigue , la délicatesse d'expression
& de versification , a été trouvée
froide. Melpomene a eu une victoire complette
la conduite , l'interêt , les sentimens ,
la versification de la Tragédie , ont été généralement
aplaudis , & on a vu avec plaisir
toutes ces beautés rassemblées dans un seul
Acte , ce qui avoit été tenté , mais non pas
encore rempli. Il est vrai que cet Acte , qui
ne se passe qu'entre quatre Acteurs , a la valeur
de la moitié d'une de nos Tragédies ordinaires.
La Musique , la Danse , le dessein.
du Ballet Pantomime , ont eu un pareil succès
, ce qui a déterminé l'Auteur à suprimer
le Prologue & la Pastorale , pour ne laisser
aucune ombre à sa gloire. C'est M. DE
MORAND ,2
2676 MERCURE DE FRANCE
MORAND , qui est Auteur des trois premieres
parties ; M. Riccoboni fils l'est du Ballet
d'Orphée pour le dessein , & M. Blaise pour
la Musique . Nous parlerons plus au long
de cet Ouvrage.
Voici des Vers qui nous sont tombés en:
tre les mains , & qui ont été envoyés par
l'Auteur de la Piéce à une Dame , le jour de
La premiere Représentation .
Peut-être le caprice affreux
D'un Parterre tumultueux ,
M'enviant en ce jour une illustre victoire ,
Va trahir mon espoir & mes soins pour la gloire,
Et rendre de mes Vers le mérite douteux.
Dans la crainte qui me dévore
Amour, c'est toi seul que j'implore !
Daigne écouter mes triftes voeux !
Rends ma chere Sophie à mes feux moins rebelle ;
Fais-moi lire dans ses beaux yeux
La fin de sa rigueur mortelle ;
De sa bouche adorable & pour moi trop cruelle ,
que j'entende enfin l'aveu le plus flateur ;
Fais
Et du Public , je brave la fureur.
LETTRE
DECEMBRE. 1738. 2677
LETTRE d'un Provincial à son ami de
Paris , au sujet de la Comédie de l'Ecole du
Temps.
V
Ous m'avez envoyé , Monsieur , fort
à propos,un Exemplaire de la nouvelle
Comédie de l'Ecole du Temps ; le bien qu'on
en dit , & un peu de critique qu'on en fait
ici , m'ont donné beaucoup d'envie de la
lire , n'étant point à portée de la voir représenter
; comme la Piéce a été généralement
aprouvée , il n'y a rien à vous dire au sujet
de ses Partisans ; mais comme elle a aussi
quelques censeurs , je vais vous faire part de
leurs sentimens.
,
n'en
Je les partage en deux classes ; les uns
disent » Que pour accorder le nom de Co-
» médie à cette Piéce , il faut que toutes les
» autres qu'on nous a données jusqu'à pré-
» sent , sous le titre de Comédie
» ayent que le titre , & point les qualités .
puisque l'Ecole du Temps differe entiere-
» ment de toutes les autres , & l'on n'en
que
»peut trouver aucune de la même espece ,
» soit dans Moliere , Renard , ou Destou-
ود
ches , qui sont certainement les meilleurs
» Auteurs , sur lesquels on puisse se regler ;
» & en effet dans celle-ci , nous y voyons
» une certaine intrigue , qui , ménagée dès
» le commencement , nous conduit en suspens
2678 MERCURE DE FRANCE
?
"
pens jusqu'au dénoûment , qui excitoit
» pendant tout le cours de la Piéce , notre
curiosité ; au lieu que dans celle-là , les
Personnages qui ont paru dans une Scene
ou deux , ne se font plus voir , & ne suspendent
aucunement notre esprit ; desorte
" que toutes les réponses que la Verité fait aux
»Personnes qui sont venues l'interroger ,
pourroient passer pour autant de Comédies
, puisque avant qu'elles disparoissent,
» l'on en voit le dénoûment.
و د
39
Les autres Critiques , c'est - à- dire , ceux
que je mets dans la seconde classe , disent ,
» Que le caractere de la Vérité est de ne se
» jamais démentir , ce que l'on voit cepen-
» dant arriver dans la Piéce en question ,
puisque la Verité, dans la Scene III. p. 10.
»blâme la vie oisive & inutile de Dorante , en
» lui répondant ,lorsqu'il lui dit qu'il n'a point
d'affaires , & qu'il cherche à passer le
» temps :
Eh quoi ! vous n'avez rien à faire !
Chacun doit néanmoins s'occuper dans l'Etat.
Depuis le Villageois jusques au Potentat ,
Chacun a ses devoirs ; tout Mortel eft comptable...
» Et qu'elle ajoûte dans un autre endroit ,
» page 15.
Les Plaisirs doivent- ils marquer tous vos momens? ..
30 Enfin
DECEMBRE. 1738. 2679
" Enfin dans tout le reste de la Scene ,
"" elle fait voir avec raison à cet homme in-
» utile , qu'il faut s'occuper , & orner son
» esprit de belles ou utiles connoissances ;
» au lieu que dans la Scene VII . elle donne
des louanges à la vie que méne Arlequin ,
32
qui ne s'occupe cependant pas mieux que
» l'homme inutile , qui ne fait que boire
» que manger , & qui ne rend aucun service
à l'Etat . Bien loin de l'aprouver comme
elle le fait , elle auroit du , ce semble , lui
» dire , ainsi qu'à Dorante ,
Les Plaisirs doivent-ils marquer tous vos momens?..
Chacun doit .... s'occuper dans l'Etat ,
Depuis le Villageois jusques au Potentat , dit-elle
plus haut à Dorante.
» Or ce Dorante est Potentat à l'égard d'Ar
lequin , & cet Arlequin est Villageois à
l'égard de Dorante ; donc Arlequin mérite
» le même blâme que Dorante.
و د
ود
Avant que j'eusse reçû la Comédie , ces
divers sentimens me rendoient perplex , mais
après l'avoir lûë , j'ai pris le parti de la
Piéce , en disant aux premiers Censeurs
que je convenois avec eux , que les Comédies
de Moliere , de Renard , & de Destouches.
2680 MERCURE DE FRANCE
ches étoient differentes de celle- ci , mais
qu'ils devoient faire attention que celles - là
étoient pour le Théatre François , & que
celle -ci est pour le Théatre Italien , à qui
les Scenes coupées & épisodiques conviennent
, pour preuve de quoi je leur ai cité
plusieurs Piéces dans le même goût , nommément
les Débuts , le Triomphe de l'Interêt ,
le Je ne sçais quoi , &c.
M.
A l'égard des seconds , Teur critique me
paroissant plus plausible , ou du moins plus
spécieuse , je suis retombé dans la perplexité.
Vous êtes éclairé par vous-même
& de plus vous êtes à la source des beaux
Esprits , d'où l'on peut par conséquent tirer
un Jugement sain ; c'est pourquoi je vous
prie de m'instruire de ce que vous & vos
amis en pensent je sens bien que vous n'avez
voulu me rien dire de la Piéce en me
l'envoyant , afin de sçavoir comme on en
juge dans notre Province , je vous le dis naïvement
, & avec autant de franchise que je
suis , &c.
NOU
DECEMBRE . 1738. 268f
శ్రీ శ్రీ శ్రీ శ్రీ
NOUVELLES ETRANGEres.
TURQUIE.
EXTRAIT de Lettre écrite du Camp d
Grand Visir , le 9. Septembre 1738 .
E 6. Septembre , le nommé Hamzé Aga , Ka-
Lpigi Bachi , faisant fonction de Kapigilar -Kiagussy
du G. S. arriva au Camp , & porta une Pélisse
de Samour, montée sur du drap d'or , un Sabre,
un Poignard & un Chelenk ou espece d'Aigrette ,
le tout garni de Pierres précieuses , de la valeur
d'environ 60. Bourses , ou trente mille Piastres ;
c'est un présent que le Sultan a envoyé au G Visir,
avec le Katcherif, que S. H. lui a adressé en même→
temps. Ce Présent fut remis au G. Visir avec les cérémonies
suivantes .
Le Kiaya-Bey ou Majordome du G. V. accom
pagné de toute sa Maison , s'avança à une lieuë
loin du Camp , allant à la rencontre de Hamzé-Aga,
auquel il donna à diner sous des Tentes , après le
repas la Cavalcade commença à défiler à travers
deux rangs de Janiffaires , qu'on avoit fait mettre
en haye depuis Nissa jusques au Pavillon du G. V.
on les salua à leur paffage de tout le Canon de
cette Place ; les Ministres de la Porte , à l'aproche
de Hamzé-Aga , qui montoit un Cheval magnifiquement
harnaché , que le G. V. lui avoit envoyé ,
s'avancerent quelques pas hors de la Tente du G.V.
& firent deux profondes révérences à la vûë du
Katcherif, que Hamzé-Aga , marchant à la droite
du Kiaya-Bey , tenoit entre ses mains , couvert d'une
2682 MERCURE DE FRANCE
ne étoffe brodée. Cet Aga ayant été introduit de
cette maniere dans la Tente du G. V. ce premier
Ministre s'avança presque jusques aux toiles qui
font une enceinte autour de sa Tente , & ayant pris
le Katcherif entre ses mains , le baisa & le porta
sur son front. Dans ce moment les Chaoux se mirent
à crier de toutes leurs forces : Que Dieu rende
toujours victorieux notre auguste Empereur , & conserve
son G. V. notre Maître.
On ne lut pas tout haut le Katcherif, quoique
Pusage soit tel ; le G. V. le mit sur le champ dans
-son sein , & se tenant debout. Hamzé-Aga attacha
-sur son Turban le Chelenk ou Aigrette à six branches
, garui de Diamans ; cet Aga lui mit ensuite
le Poignard à sa ceinture , le revétit de la Pélisse de
Samour , & lui ceignit le Sabre. Pendant cette cérémonie,
les Chaoux réitéroient leurs acclamations .
Le G. V. revétit ensuite le Pacha de Diarbekir ,
nommé Abdy Pacha Oglou Aly Pacha , d'une Péfisse
de Samour & d'une Aigrette , & donna des
Cafftans & des Aigrettes à Schah Surao Oglou , &
à plusieurs autres Pachas à deux Queuës ; celui
qu'on a nommé ci- dessus , a eu la machoire fracassée
d'un coup de feu . Après ceux-ci le Janiflaire
Aga reçut le Cafftan & une Aigrette , ainsi que tous
les Officiers Géneraux Tchordbagis Adarbachis , &
autres de moindre rang, & à leur suite, les Officiers
des Dgebedgis , Topchis & Ispahis ; enfin la Maison
du G.V.dans laquelle les Ministres furent compris
, & traités comme les Chefs des Milices , avec
cette difference , que le Kiaya Bey , au lieu du
Caffian , reçut la Péliffe de Samour. Il y en avoit de
quatre sortes. Le Chelenk du G.V. valoit dix Bourses
, celui des autres Pachas 5oo . écus , ceux des
Chefs de Milice & premiers Officiers , & Effendie
100. écus.
DECEMBRE. 1738. 2683
On a observé que Ahmed Pacha Kinperly , cidevant
Kaïmacan , dont le G. V. étoit le Kiaya , &
qui aujourd'hui est simple Gouverneur de Niffa ,
n'a point eu d'Aigrette ni de Cafftan . Cette céré
monie a fini par une décharge de toute l'Artillerie
de la Place. On a envoyé ue Péliffe & un Chelenk
à Aly , Pacha de Bosnie , à Ayvos Mehemer Pacha
à Orsova , & à Ghentch Aly Pacha sur la Morave.
Les derniers avis reçus de Constantinople , portent
, que malgré les services que le Grand Visir a
rendus à la Porte dans la derniere Campagne , & la
satisfaction que S. H. lui a témoignée avoir de sa
conduite , les Ennemis de ce Premier Ministre , à
la tête desquels est le Mufti , font tous leurs efforts
pour le faire déposer , & qu'ils l'accusent de n'avoir
pas profité de tous les avantages qu'il a remportés,
& d'avoir laiffé perdre l'occasion d'entreprendre le
Siege de Temeswar ; on croit que s'ils peuvent
réussir dans leur entreprise , iis tâcheront de lui
faire donner pour succeffeur le Pacha de Bosnie.
SUEDE.
N aprend de Stokolm , que le nouveau Traité
Alliance to d'Amitié , conclu entre le
Roy de France & la Cour de Suede , fut signé le
10. Novembre dernier par le Comte de Saint Severin
, Ambassadeur de S. M. T. C. & par les Ministres
du Roy.
On assûre que par ce Traité , S. M. promet de ne
point contracter d'Alliance pendant dix ans avec
aucune Puissance , sans le consentement de la Cour
de France.
Dès que ce Traité a été signé, le Comte de Saint
Severin a fait partir le Chevalier de Crépy , pour
en porter la nouvelle à S. M. T. C.
DANNEMARCK
684 MERCURE DE FRANCE
O
DANNEMARCK.
N écrit de Coppenhague , que M. de Chavigny
, Envoyé Extraordinaire du Roy de France
auprès du Roy de Dannemarck >
avoit fait
part
à S. M. Danoise de la conclusion de ce Traité
d'Alliance & d'Amitié , qui vient d'être renouvellé
entre la Cour de France & celle de Suede.
ALLEMAGNE.
I de à la Cour de Vienne , signa le 18.
E Marquis de Mirepoix , Ambaſſadeur du Roy
du mois passé , en qualité de Ministre Plénipotentiaire
de S. M. T. C. avec les Ministres de l'Empereur
, le Traité de Paix définitif.
Les Lettres de Berlin marquent , que le Roy de
Pruffe avoit envoyé ordre au Baron de Brook , son
Ministre à Vienne , de représenter à S. M. I. qu'on
pourroit établir dans les Duchés de Bergues & de
Juliers , un Conseil de Régence , dont les Conseillers
seroient tirés du Corps de la Noblesse de chaque
Duché , & pris , moitié entre les Catholiques
Romains , & moitié entre les Protestans ; qu'en ce
cas on devroit retirer les Troupes Palatines qui sont
dans les deux Duchés , & les remplacer par des
Suiffes ou par
d'autres Troupes de Nations neutres,
& qu'il faudroit observer que ces Troupes fuffent
composées de Soldats des deux Religions ; qu'il seroit
à propos que cet arrangement, qui auroit pour
objet principal les Villes de Juliers & de Duffeldorp
, fût garanti par l'Empereur , par le Roy de
France , par le Roy de la Grande Bretagne , & par
les Etats Géneraux des Provinces - Unies , & qu'il ne
subsistât que jusqu'à- ce que les Négociations au
sujet de la succeffion des Duchés de Bergues & de
Juliers ,
DECEMBRE. 1738. 2685
Juliers euffent eu leur effet , ou qu'on eût perdu
toute esperance de pouvoir parvenir à accommoder
cette affaire , & que les Troupes qui seroient mises
dans ces deux Duchés , étant destinées à affûrer la
tranquillité de ces Etats , il étoit juste qu'ils fuffent
chargés des dépenses néceffaires pour l'entretien &
pour la subsistance de ces Troupes.
L
ITALIE.
E 26. Novembre , le Prince Royal de Pologne
fut admis à l'Audience du Pape , & S. S.
lui envoya un présent de cent Bassins de divers rafraîchissemens.
La Congrégation du Cérémonial s'est assemblée
plusieurs fois pour déliberer sur la maniere dont ce
Prince recevroit les Cardinaux , lorsqu'ils iroient
chés lui , mais comme on n'a encore pu convenir
d rien , il n'a été visité par aucun Cardinal , à
l'exception des Cardinaux Aquaviva & Belluga ,
lesquels se sont rendus chés lui pendant qu'il étoit
au jeu.
Le 19. il donna aux Princeſſes Albani & aux Ducheffes
de Tursis & de Carpagno , une Fête , à laquelle
Don Horace Albani & les neveux des Cardinaux
Aquaviva & Caraffe , furent invités avec
plusieurs autres Seigneurs .
Le Cardinal Aquaviva en donna ane le 24. à
Poccasion de l'Anniversaire de la Naiffance de la
Reine des deux Siciles , & le soir on executa chés
ce Cardinal , un Concert , auquel le Chevalier de
S. Georges se trouva , ainsi que les Cardinaux Caraffe
, Borghese , Corsini & Spinelli .
Le treize les Equipages du Prince Royal
de Pologne , consistant en dix Caroffes ou Caleches
à six Chevaux , partirent de Naples pour
La Vot H Rome
2686 MERCURE DE FRANCE
Rome , & le lendemain ce Prince prit la même
route. Il a été défrayé , ainsi que toute sa Suite ,
aux dépens du Roy des deux Siciles , depuis Naples
jusque sur la Frontiere de l'Etat Ecclesiastique.
L'usage des Bains d'Ischia & des Etuves de Sable
de Mer , joint aux autres Remedes que ce Prince a
pris pendant son séjour dans le Royaume de Naples
, ont diminué considérablement ses incommodités
On fait monter à 1000. Ducats les présens qu'il
a faits aux Officiers de la Maison du Roy , & outre
ces présens il a donné 800. Ducats aux Gardes du
Corps , 800. aux Hallebardiers de la Garde , &
1000. aux Gardes Italiennes & Suisses.
Le Prince Royal de Pologne a fait à l'Eglise de
Jesus , une neuvaine , après laquelle il a fait présent
aux Jésuites d'une Topase d'un prix considérable ,
pour l'ajoûter aux ornemens de la Châsse dans laquelle
sont reafermées les Reliques de S. François
Xavier.
Dans le Consistoire que le Pape tint le 24. Novembre
dernier , S. S. proposa l'Archevêché de Nisibe
in partibus , pour le P. Joseph de Bolanos , Religieux
Récolet , Confeffeur du Roy des deux Siciles .
On écrit de Modene, qu'un Carabinier pris de vin,
s'étant trouvé sur le paffage d'une Compagnie du
Régiment des Gardes à pied , laquelle alloit au Palais
pour y monter la garde , & ce Cavalier ayant
parlé d'une maniere peu mésurée au Capitaine qui
vouloit le faire retirer , le Capitaine l'avoit frapé
de son Esponton , & l'avoit fait arrêter , que plùsieurs
autres Carabiniers , sur la nouvelle de la détention
de leur Camarade s'étoient affemblés &
étoient accourus au Corps de garde , pour le tirer
de prison , & que la Sentinelle ayant crié aux armes
, lorsqu'elle les avoit aperçus , ils avoient fait
feu
DECEMBRE 1738. 2687
feu sur elle , & l'avoient tuée . Au bruit de leur décharge
, tous les Soldats qui étoient dans le Corps
de gårde , en sortirent pour attaquer ces séditieux ,
mais comme ceux-ci étoient inférieurs en nombre,
ils prirent le parti de se retirer . On a arrêté douze
Carabiniers, & le Duc de Modene a ordonné qu'on
fit le procès à ceux qui ont porté leurs Compa
gnons à cette sédition .
NAPLES.
E 4. Novembre , le Roy reçut les Complimens
Lde
de la principale Noblesse & du Corps de Ville,
à l'occasion de la Fête de S. Charies , dont S. M.
porte le nom , & le soir on fit une salve génerale
de l'Artillerie des Châteaux & des Remparts.
Ce même jour , la Reine fit présent au Roy d'un
-Couteau de chaffe , garni de Diamans & le Prince
Royal de Pologne , présenta à S. M. de la part du
Roy de Pologne Electeur de Saxe , une magnifi-
-que Gibeciere , enrichie aussi de Diamans , & un
Service de Porcelaine de Saxe , monté en or.
Les Chartreux envoyerent aussi au Roy , suivant
P'usage, 24. Corbeilles remplies de fleurs & de fruits
les plus rares dans cette saison .
On assûre que le Baron de Neuhoff est débarqué
incognito dans le Port de Naples . & qu'il est parti
presque aussi-tôt pour se rendre à Rome.
L
ISLE DE CORSE.
Es Lettres de la Bastie de la fin du mois dernier
, marquent que le Comte de Boissieux y
avoit fait publier un Decret , par lequel il est ordonné
aux Rebelles , sous peine d'encourir la disgrace
du Roy de France , de se saisir de la Personne
Hij du
2688 MERCURE DE FRANCE
du Baron de Neuhoff , s'il est encore dans l'Isle
de Corse ; & de le conduire sous sûre garde
dans l'endroit le plus voisin de celui où il aura été
arrêté .
Le Comte de Boissieux a envoyé aux principales
Pieves des copies de ce Decret & du Reglement qui
a été fait , de l'aprobation et sous la garantie de
S. M. T. C.
Un des Commissaires des Troupes Françoises
s'est rendu à Calvi & à Ajaccio avec un Officier de
la République , afin d'y faire préparer des logemens
pour les quatre nouveaux Bataillons que le Roy de
France doit faire passer en Corse .
On continue d'assurer que le Baron de Neuhoff
étoit à bord du Vaisseau Hollandois qui s'est rendu
de Baye à Naples il y a quelque temps , mais
on est incertain s'il est débarqué.
Deux Galeres de la République sont revenuës depuis
peu de l'Isle de Corse , n'ayant à bord qu'une
partie de leurs Equipages , parce que l'autre partie
ja été employée à renforcer les Equipages des autres
Galeres qui sont restées à la Bastie , & qui y demeureront
jusqu'à l'arrivée de deux Pinques , à l'armement
desquels on travaille & qu'on doit envoyer
pour les remplacer.
Les Lettres de la fin du mois dernier, portent que
1 plusieurs Pieves des Rebelles ont reçu avec soumission
le Reglement fait au sujet de leurs differends
avec la République , ainsi que le Decret par lequel
il leur est ardonné , sous peine d'encourir la disgra
ce de S. M. T. C. de se saisir de la personne du
Baron de Neuhoff , s'il retourne en Corse , & quielles
ont fait assûrer le Comte de Boissieux , qu'elles
se conformeroient à ce qui leur étoit prescrit.
On ne doute pas que toutes les Pieves, voyant les
renforts que le Roy de France envoye pour agir
contre
DECEMBRE . 1738. 2689
contre celles, qui persifteront dans leur révolte, &
le peu d'esperance qu'elles ont de recevoir du secours
du Baron de Neuhoff , ne se déterminent à
prendre le parti de se soumettre.
Trente- neuf Matelors , qui étoient sur les quatre
Bâtimens du Convoi du Baron de Neuhoff ,
desquels la Frégate du Roy de France s'est emparée
, ont été relâchés , & on leur a donné quelque
argent , afin de les mettre en état d'aller chercher
du service dans d'autres Pays , mais les Capitaines
de ces Bâtimens sont retenus en prison dans la Citadelle
de la Bastie , d'où l'on a apris que le Religieux
Franciscain , qui avoit été arrêté dernierement
en Corse , à cause des expreffions séditieuses .
répandues dans ses Sermons , étoit enfermé dans la
principale Tour de la Ville , & qu'il y étoit gardé
fort étroitement
Les dernieres Lettres écrites de la Bastie ,marquent
qu'on n'y avoit encore reçû aucune nouvelle certaine
des résolutions des Pieves de de-là les Montagnes ,
mais que le bruit couroit qu'elles devoient tenir incessamment
une affemblée génerale au sujet du Reglement
qui leur a été envoyé par le Comte de
Boiffieux.
Ces Lettres ajoûtent qu'on ne douto it presque
plus que les Habitans de la Province de la Balagna ,
la plus fertile de l'Ile de Corse , & ceux des Provinces
voisines , ne se soûmiffent à ce Reglement.
On a fait porter à Calvi & à Ajaccio les lits & les
autres choses néceffaires pour les quatre nouveaux
Bataillons de Troupes Françoises qui doivent arriver
inceffamment à Genes.
H iij ESPACRE
2690 MERCURE DE FRANCE
E
ES-PAGNE,
31. Octobre , le Comte de la Marck , Ambaffadeur
Extraordinaire
& Ministre Plénipo-.
tentiaire du Roy T. C. auprès de S. M. C. se rendit
le 2. d. mois paffé à l'Escurial , où étoit la Cour,
& le lendemain il eut audience de LL . MM . Il y fut
conduit , ainsi qu'à celles du Prince & de la Prin
ceffe des Afturies & des Infants , par le Marquis de
la Quadra , Secretaire d'Etat & del Despacho Uni-. versal .
GRANDE BRETAGNE.
Na apris de la nouvelle Angleterre , que le
de Canto à Piscataque , dans la Rade de Lettave , a
l'Es du Cap le Sable , il avoit découvert à la pointe
du jour un grand nombre de Canots de Sauvages
qui venoient pour l'attaquer , que plusieurs de ces
Canots s'étant aprochés de son Vaiffeau , & ayant
fait feu sur l'Equipage , il avoit fait tirer quelques
coups de Canon, qui en avoient coulé à fond quelques-
uns ; que les Sauvages irrités de la perte de
leurs Compagnons , s'étoient présentés avec furie à
l'abordage ; qu'environ une centaine d'entre eux
étoient entrés da s son Bâtiment, & iui avoient tué
dix ou douze Soldats & deux Matelots , mais qu'en-
An après un combat qui avoit duré près de six heures
, ils avoient été obligés de se retirer.
On a sçû en même- temps que le Capitaine, Matthews
, craignant d'être moins heureux , si les Sau
vages l'attaquoient une seconde fois , avoit pris le
parti de remettre sur le champ à la voile pour
Canto.
DECEMBRE . 1738. 269.1
MORTS , NAISSANCES
des Pays Etrangers ..
L
E 28. Septembre dernier , Joseph Pereira de la
Cerda , Cardinal Prêtre , du Titre de sainte
Susanne , Evêque de Faro , dans le Royaume des
Algarves en Portugal , mourut dans sa Ville Episcopale
, âgé de 77. ans , quatre mois & deux jours,
étant né à Moura , Diocèse d'Évora , le 26. May
1661 Il avoit d'abord été Docteur en Droit Cano--
nique, Député & Inquisiteur du S. Office dans l'Inquisition
d'Evora , Prieur de l'Eglise Paroiffiale de
S. Laurent de Lisbonne , & ensuite Grand Prieur
du Convent de Palmellà , de l'Ordre Militaire de
`S. Jacques , & peu de temps après , fait Evêque de
Faro, le 8. Juin 1716. Il fut élevé au Cardinalat le
29. Novembre 1719 par Clément XI. Pape , aprés
la mort duquel il paffa à Rome , où il n'arriva que
depuis l'Election d'Innocent XIII . Ce nouveau Pa❤
pe lui donna le Chapeau dans un Consistoire pu
blic le 10. Juin 1721. & après avoir fait le 16. suivant
la céremonie de lui fermer & ouvrir la bouche
, il lui affigna le Titre de sainte Susanne. Le
Cardinal Pereira affifta au Conclave , dans lequel
le feu Pape Benoît XIII. fut élu en 1724. Il continua
de séjourner à Rome jusqu'au 27. Avril 1728,
qu'il en partit , en conséquence des ordres du Roy,
son Maître , pour retourner en Portugal. Il parut
à Lisbonne au mois de Juillet dernier un Tome imprimé
des Sermons composés & prêchés par ce
Cardinal.
Le 10. Octobre , Caëtan Cavalieri , Patrice Romain,
des Marquis Cavalieri , de la Famille Ursini ,
Hiiij des
2692 MERCURE DE FRANCE
des Ducs de Sennesio , & des Princes de Carpineo,
& Scaulino , Archevêque de Tarse , Chanoine de la
Bafilique de S. Pierre du Vatican , & Nonce Apostolique
en Portugal . mourut à Lisbonne , dans la
60. année de son âge , étant né le 29. Décembre
1678. Son corps fut exposé le 12. fuivant dans une
des Antichambres du Palais qu'il occupoit , & la
nuit il fut transporté dans l'Eglise de N. D. de Lorette
, où le 13. fes Obfeques furent célebrées , &
le soir il y fut mis en dépôt proche la Chapelle de
S.Jean.Il avoit été ci devant Nonce à Cologne pendant
10. ans . Il y réfidoit encore en cette qualité
lorsqu'il fut défigné le 20. Mars 1732. pour pas➡
ser à Lisbonne avec le même caractere. Il en partit
quelques mois après pour fe rendre en Portu →
gal , mais il fut obligé de s'arrêter fur les Frontie
res de ce Royaume , où il refta plufieurs années ,
n'étant entré en Portugal qu'après l'accommodement
de cette Cour avec celle de Rome. Il étoit
fur le point d'être élevé au Cardinalat, venant d'être
rapellé de cette Nonciature , avec ordre de fe rendre
inceffamment à Rome.
Le 3. Novembre Wautier Xavier , Prince du
S. Empire Romain de Dietrichstein , & de Niclasburg,
Seigneur de Hollemburg , de Finckenſtein &
de Thalberg , Baron de Trafp , & c. Echanfon héreditaire
de Carinthie , & Grand- Veneur héreditaire
de Stirie, Confeiller d'Etat actuel de l'Empereur,
fon Chambellan à la Clef d'Or , & Chevalier de
l'Ordre de la Toifon d'Or , du 29. Novembre 1731 .
mourut à Niclasburg , ou Nicolsburg , en Moravie,
dans la 75. année de fon âge , étant né le 18. Septembre
1664. Il avoit été dans fa jeuneffe Chanoine
des Eglifes d'Olmuts & de Paffau. Il laiffe posterité.
On peut voir de qui il eft fils , fes Alliances
fes Enfans , dans les Souverains du Monde , imprimés
DECEMBRE. 1738. 2693°
primés à Paris , chés Cavelier , en 1734. vol. II.
où il eft traité de la Maiſon de Dietricſtein , page
332. & fuiv.
Théodore Potocky , Archevêque de Gnesne &
Primat du Royaume de Pologne , mourut à Warfovie
le 12. Novembre dernier , dans un âge fort
avancé , il a montré en plufieurs occafions un génie
& une fermeté , capable des plus hautes entreprifes
, & la part qu'il a eu aux affaires les plus importantes
qui se sont paffées pendant les dernieres
années du Regne du feu Roy , ainfi qu'aux évenement
qui ont fuivi la mort de ce Prince , rendront
fon nom celebre dans l'Hiftoire de Pologne. Le
Roy de France lui avoit accordé au mois de Février
dernier l'Abbaye de Cercamp , Ordre de Cîteaux
Diocèse d'Amiens.
Le 6. Octobre , vers les onze heures du matin ,
la Grande Ducheffe de Tofcane accoucha à Vienne
heureusement d'une Princesse , laquelle fut baptifée
le même jour par le Nonce du Pape , & fus
nommée Marie- Anne- Josephine Jeanne- Antoinette.
VER S.
A S. E. M. le Cardinal FLEURY
Par Mad. L ***,
TRès-magnaninie Cardinal ,
Vous , qui ne faites point de mal
Et qui n'en sçûtes jamais faire ;
"
Mais pour du bien , c'est le contraire ,
Hv
Tanke
2694 MERCURE DE FRANCE
Tant- mieux pour vous en vérité ;
L'on ne vit one félicité
,
Qui parût semblable à la vôtre ,
Vous êtes saint comme un Apôtre ,
Quoique vous soyez plus malin ;
Témoin cette guerre allumée ,
Que vous changeâtes en fumée ,
En Italie & sur le Rhin ,
Où l'Ennemi le plus rebelle
Fut un Chien de Jean de Nivelle ;
Certes , le tour fut si plaisant,
C
Qu'on rit encore en y pensant ;
Mais , Seigneur , il faut autre chose ,
Puisque sur vous on se repose ,
Ayez la bonté désormais ,
De n'être malade jamais.
Cela ne fait
pas notre compte ,
Fi donc , n'avez-vous point de honte.
De montrer un air délicat ,
Lorsque vous soûtenez l'Etat ?
Quand on est chéri de la France ,
Que l'on est bon par excellence
Il faut être frais comme un oeuf,
Se porter comme le Pont-Neuf;
Voici tout le but de l'affaire ,
Sans vouloir être témeraire ;
Si vous conseillez notre Roi ,
J'oserai
DECEMBRE.
1738. 2695
Joserai vous conseiller , moi ,
Car je ne serai pas si sotte
D'être inutilement dévote ,
Et de faire pour vous des voeux ,
Pour que vous soyeż langoureux .
Que la santé vous accompagne ,
Et nous serons Rois de Cocagne .
FRANCE.
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
la :
E 30. du mois dernier , premier Di
manche de l'Avent , le Roy & la Reine
entendirent dans la Chapelle du Château
de Versailles , la Messe , chantée par
Musique. L'après midi , LL. MM . assisterent
à la Prédication du P. Menou , de la
Compagnie de Jesus.
>
Le même jour , le Marquis de Bonnac
Lieutenant Géneral pour le Roy au Gou
vernement du Pays de Foix , prêta Serment
de fidélité entre les mains de S. M...
Le 27. Septembre , le Marquis de Brancas
fir, à Rennes, son Entrée publique en qualité
de Commandant en Chef de la Province de
Hvj Bretagne -
2696 MERCURE DE FRANCE
Bretagne , & le 4. Octobre il y fit l'ouver
ture des Etats de la Province. Il prononça
un Discours qui fut généralement aplaudi ;.
& ayant demandé au nom du Roy un Don
gratuit de deux millions , les Etats l'accorderent
d'une voix unanime & il dépêcha
ensuite son Capitaine des Gardes , pour en
aporter la nouvelle en Cour.
›
Le Roy a nommé depuis peu Chef d'Es
cadre de ses Armées Navales , M. de Remont
de Radouay , Capitaine de Vaisseau , & Commissaire
Géneral de l'Artillerie de la Marine.
M. le Comte d'Argenson , Conseiller d'Etat
, & Chancelier de M. le Duc d'Orleans ,
a été nommé par le Roy , sur la fin du mois.
dernier , Président du Grand Conseil pour
l'année 1739. à la place de M. de Fortia
dont le Service doit finir à la fin.de cette:
année.
Le 23. Novembre , M. de Brissac , Eve
que de Condom , célébra Pontificalement la
Messe dans l'Eglise de la Maison Professe
des Jésuites , pour la Propagation de la Foi ,
Extirpation de l'Hérésie , & l'Union des
Princes Chrétiens. Le Cardinal de Polignac
y assista , avec plusieurs Evêques & un
grand nombre de Seigneurs de la premiere
dis
DECEMBRE 1738.2697
distinction. Il y eut ensuite dans la même:
Maison un Diné magnifique
differentes tables.
>
servi sur
Le 17. de ce mois , Madame la Duchesser
Douairiere de Bourbon , donna dans son
Hôtel un grand Souper servi sur cinq diffe
rentes Tables , de vingt-cinq Couverts cha
cune , il y eut ensuite un Bal dont Madame
la Duchesse la Jeune , fit les Honneurs
, qui fut des plus brillans , tant par la
riche parure des Dames de la premiere distinction
, que par la magnificence des Habits
de plusieurs Seigneurs qui y danserent .
Le 8. de ce mois , Fête de la Conception:
de la Sainte Vierge , LL. MM. entendirent
la Messe dans la Chapelle du Château de
Versailles ; l'après -midi Elles assisterent au
Sermon du P. Menou , de la Compagnie de
Jesus , & ensuite aux Vêpres qui furent
chantées par la Musique.
Le 14. troisiéme Dimanche de l'Avent , le
Roy & la Reine entendirent dans la même
Chapelle la Messe chantée par la Musique.
L'après -midi , LL. MM. accompagnées du
Duc d'Orleans , du Duc de Chartres , du
Prince de Dombes & du Duc de Penthievre,
assisterent à la Prédication du P. Menou..
Le
2698 MERCURE DE FRANCE,
Le 21: quatrieme Dimanche de l'Avent
le Roy & la Reine entendirent dans la mê
me Chapelle la Messe chantée par la Musique.
L'après- midi Leurs Majestés assisterent
à la Prédication du même Pere Menou.
Le 24. veille de la Fête de la Nativité de
N. S. le Roy & la Reine entendirent les premieres
Vêpres , qui furent chantées par la
Musique , & auxquelles l'Evêque de Viviers
officia .
Le 25. jour de la Fête , le Roy & la Reine
, qui , après avoir assisté à Matines , avoient
entendu à minuit trois Messes , assisterent
à la grande Messe , célébrée Pontificalement
par l'Evêque de Viviers. Monseigneur le
Dauphin , & Mesdames de France entendirent
la même Messe. L'après - midi , Leurs
Majestés entendirent la Prédication du mê--
me Prédicateur , & ensuite les Vêpres , aux--
quelles le même Prelat officia
******************
F
ETRENNES..
A M
Aire des Vers pour vous faire une Etrenne ,,
Je crains que ce ne foit une inu ile peine ;
Les discours les plus gracieux
Deviennent souvent ennuyeux ;
Et
DECEMBRE. 1738. 269%)
Et les cerveaux noyés dans l'Hypocrêne ,
Ont beau vouloir prouver qu'ils vous cheriffent bien,.
On les écoute , on n'en croit rien .
Je fuis embaraffé , la chofe eft bien certaine
Faut- il vous faire des préfens 2 .
S'ils n'égalent mes fentimens ,,
C'est encore peine perduë :
On les trouver affés brillans ?
S'il en paroiffoit à ma vûë ,
Si par hazard on en trouvoit ,
Mon esperance encor feroit déçue ,
Ma fortune trop mince alors n'y fuffiroit ;
Ergo D .... ne pourroit .
J'ai du refpect , de la reconnoiffance ,
Et j'aime mieux m'en tenir là.
Demandez quand il vous plaira
Des preuves de ce que j'avance ,
Je fçaurai les donner avec obéïflance ,
Et vos voeux & les miens deviendront fatisfaits.
Je crois qu'il eft temps de me taire ,
Je voudrois en dire plus , mais ,
Tout ce que je brûle de faire ,
L'emporte fur ce que je fais.
De Valois d'Orville.
COM700
MERCURE DE FRANCE
COMPARSE , ou Entrée Publique , avec
la Description des Caroffes , Chevaux ,
Livrée , &c.
LE 21. de ce mois , le Prince de Lichtenstein
, Ambassadeur de l'Empereur,
fit son Entrée publique à Paris : le Maréchal
de Puysegur , & le Chevalier de Saintot ,
Introducteur des Ambaffadeurs , allerent le
prendre dans les Carosses du Roy & de la
Reine au Convent de Picpus , d'où la marche
se fit en cet ordre.
›
Le Caroffe de l'Introducteur ; les deux
Caroffes du Maréchal de Puysegur , précédés
d'un Ecuyer & de deux Pages à cheval ; un
Suiffe de l'Ambaffadeur , à cheval ; sa Livrée
à pied , dix de ses Palefreniers à cheval ; son
Maître d'Hôtel & dix de ses Officiers ; un
de ses Ecuyers , à la tête de douze Palefreniers
, qui menoient en main des chevaux
richement harnachés ; un Ecuyer & huit
Pages à cheval ; le Caroffe du Roy , aux cô-¨
tés duquel marchoient la Livrée du Maréchal
de Puysegur & celle du Chevalier de
Saintot ; le Caroffe de la Reine ; celui de
Madame la Ducheffe d'Orleans ; ceux du
Duc d'Orleans , du Duc de Chartres , de la
Ducheffe de Bourbon Doüairiere , du Duc
& de la Ducheffe de Bourbon , du Comte
de Clermont , de la Princeffe de Conty ,
Premiere
›
DECEMBRE. 1738. 2701
Premiere Doüairiere , de la Princeffe de
Conty , Seconde Doüairiere , du Prince de
Conty , de la Ducheffe du Maine , du Prince
de Dombes, du Comte d'Eu , de la Comteffe
de Toulouse , du Duc de Penthievre ,
& celui de M. Amelot , Ministre & Secretaire
d'Etat , ayant le Département des Affaires
Etrangeres ; & à la distance de trente à
quarante pas , les cinq Caroffes de l'Am
baffadeur , précédés d'un Suiffe à cheval.
Lorsque l'Ambaffade ur fut arrivé à son
Hôtel avec ce pompeux Cortege , il fut
complimenté de la part du Roy par le Duc
d'Aumont , Premier Gentilhomme de la
Chambre ; de la part de la Reine , par le
Comte de Tessé , son premier Ecuyer , & de
la part de Madame la Ducheffe d'Orleans,
par le Marquis de Crevecoeur , premier Ecuyer
de S. A. R.
La Livrée de l'Ambaffadeur marchoit sur
deux files , habillée de Drap écarlate , cha◄
marré d'un double galon d'or liseré de velours
bleu ; les vestes de velours de la même
couleur , chamarré d'or en plein , avec des
noeuds d'épaule en or , & le chapeau orné
d'un point d'Espagne de même , & d'un plumet
blanc.
Les chevaux de main , conduits par les
Palefreniers dont on a parlé , avoient
des caparaçons de velours couleur de feu ,
aves
2702 MERCURE DE FRANCE
avec une broderie relevée en bosse , & les Armes
du Prince de Lichtenstein ; les selles &
les houffes de velours de differentes couleurs ,
étoient brodées les unes en or , les autres en.
argent.
Les habits du premier Ecuyer , & de huit
Pages de Son Excellence qui marchoient ensuite
, étoient de velours couleurs , de ceri
se , avec un Point d'Espagne fort riche sur
toutes les coutures. Les vestes de velours
bleu , avec un point d'Espagne de même ,
les noeuds d'épaule , en or & brodés.
&.
Le premier Caroffe , d'une très- belle forme
, le plus riche & le plus grand de tous ,
étoit doublé d'un velours cramoisi brodé en:
or & relevé en bosse ; les glands , cordons ,
flanges & crépines d'or : la housse & les soupentes
enrichies de même : l'imperiale cou--
verte de même velours , & aux quatre coins ;
des groupes & ornemens de bronze doré ;
milieu étoit occupé par un Globe, sur lequel
étoit posé un Aigle de même métal, & doré.
le
Le morceau de Peinture du Paneau dé
devant , représentoit la Déesse de la Paix
qui fait brûler des instrumens de guerre par .
des Amours. On voyoit au doffier du Paneau
d'enhaut , l'union de la Seine , du Danube ,
& du Rhin , & au Paneau d'en -bas , l'Abondancé
avec ses attributs .
Le Sujet de la Portiere droite étoit , Apollon
DECEMBRE 1738 2703
lon & Minervé , avec des Génies & des
Amours qui s'apliquent aux Arts & aux
Sciences. A la Portiere oposée , on voyoit
les Déesses qui président aux grandeurs &
aux richesses .
Ces beaux Ouvrages ont été executés avec
la plus grande précision par les Srs Gervais,
Sculpteur , Lucas Peintre , & Neufmaison,
Doreur.
Ce premier Carosse , dont on n'entreprendra
pas de donner une plus grande idée
étoit attelé de huit magnifiques chevaux
noirs , des Haras du Prince de Lichtenstein3
la criniere étoit ingénieusement ornée , des .
deux côtés de l'encolure , de Points d'Es
pagne festonnés , avec des rosettes brodées .
& garnies de glands & crépines d'or ; les
aigrettes d'un goût singulier & recherché ,
avec des crépines & carrisanes d'or , entremêlées
de plumes blanches. Les Harnois
n'étoient pas moins riches ni moins bien
entendus, ils étoient couverts de même velours
galonné d'or , avec des boucles &
autres ornemens de bronze doré .
Le second Carosse , quoique moins riche
que celui dont on vient de parler , a été
trouvé par tous les Connoisseurs & les Gens
de goût le plus beau de tous , d'une trèsbelle
forme ,, avec des contours élegans &
variés, & le plus ingénieusement arné. Il
étoit
1704 MERCURE DE FRANCE
.
étoit en argent , garni en dedans d'un vei
lours bleu avec une broderie relevée . La
Housse de l'imperiale étoit du même velours,
& brodée en argent dans le même goût. Des
quatre coins de l'Imperiale , s'élevoient des
bronzes argentés qui faisoient un très - bel
effet. La Sculpture de ce Carosse est du St
Pelletier ; il étoit attelé de huit chevaux de
frise gris pommelés : les ornemens des crinieres
& des aigretes dans le goût des précedentes
, & les Harnois couverts du même
velours galonné d'argent , avec des boucles
& ornemens en bronze argenté.
Le troisiéme Caroffe , ou Caleche , étoit
doublé d'un velours vert brodé en or , PImperiale
couverte de même velours, contourné
& couronné par des bronze dorés. Les
Peintures représentoient les diverses Vertus
Héroïques & Morales , d'un beau fini.
Cette Caleche a été dorée par le Sr Martin
le jeune. L'Attelage étoit de huit chevaux
pies , les ornemens des crinieres étoient de
rubans verts , & glands d'or , ainsi que les
aigretes , avec crépines & cartisanes d'or :
les Harnois couverts de même velours , piqués
d'or trait , & garnis de divers ornemens
en bronze doré.
Le quatrième Carosse étoit en Berline ;
doré par le Sr Martin l'aîné , doublé de
velours cramoisi, enrichi d'une broderie d'or;
l'ImDECEMBRE.
1738. 2705
I'Imperiale étoit surmontée de bronzes dorés
, & l'Attelage étoit de huit chevaux
Danois , dont les ornemens des crinieres &
des aigretes étoient en cramoisi & or ; les
Harnois de maroquin rouge , garnis de
bronzes dorés.
›
L
Le cinquiéme & dernier Equipage , étoit
une autre Berline, dorée & garnie de velours
Cramoisi cizelé , et attelée de six chevaux
dont les Harnois étoient de maroquin rouge,
avec differens ornemens de bronze doré.
Dans la marche de la omparse , les
Caroffes du Prince de Lichtenstein étoient
suivis des Equipages de quelques Seigneurs
Etrangers , aussi riches que bien entendus
distingués surtout par la beauté des Attelages
, tels que ceux du Prince de Ligne , du
Duc d'Ursel , du Comte Jorger , du Comte
Paphta , du Baron Quadt , &c.
Le 23. le Prince de Pons & le Chevalier
de Saintot , Introducteur des Ambassadeurs
, allerent prendre le Prince de Lichtenstein
en son Hôtel dans les Caroffes de
Leurs Majestés , & ils le conduisirent à
Versailles. Il y arriva avec le même Cortege
dont on vient de donner la description , et
il cut sa premiere Audience publique du
Roy : il trouva à son passage dans l'avant
cour du Château les Compa
gnies des Gardes Françoises & Suiffes sous
-
,
les
2706 MERCURE DE FRANCE
les armes , les Tambours apellant ; dans, la
Cour , les Gardes de la Porte & ceux de la
Prévôté de l'Hôtel sous les armes , à leurs
Postes ordinaires , & sur l'Escalier , les Cent
Suisses en habits de cérémonie , la Hallebarde
à la main. Il fut reçû en dedans de
la Salle des Gardes par le Duc d'Harcour ,
Capitaine des Gardes du Corps , qui étoient
en haye & sous les armes. Après l'Audience
du Roy , l'Ambassadeur fut conduit à l'Audience
de la Reine & à celle de Monseigneur
le Dauphin par le Prince de Pons , &
par le Chevalier de Saintot , Introducteur
des Ambassadeurs : il eut ensuite audience
de Mesdames de France , & après avoir été
traité par les Officiers du Roy , il fut reconduit
à Paris dans les Carosses de Leurs Majestés
avec les cérémonies accoûtumées .
VERS
Pour accompagner une Rose brodée en soye
sur du Papier , envoyée à un Cavalier
par une Demoiselle nommée Rose .
Combiende fois dans votre humeur badine,
Peut-être auffi dans votre humeur chagrine
Avez- vous dit , beau Sire , qu'il n'est point
Et qu'il ne fut jamais de rose sans épine !
Je
DECEMBRE. 1738. 2707
Je veux vous détromper aujourd'hui sur ce point.
Voyez , examinez , tâtez devant , derriere ,
Deffus , deffous , & de toute maniere ;
Je ne suis point sujette à la commune loi ,
Et vous pourriez plutôt rencontrer , je vous jure ,
Un Merle blanc dans la Nature ,
Que la moindre épine chés moi.
Qu'en dites-vous ? que pouvez-vous répondre ?
Certes vous aviez tort , avoüez - le entre nous ;
Et c'eft auffi pour vous confondre ,
Qu'aujourd'hui l'on m'adreffe à vous.
Mais sçavez -vous quel indice facile
On m'a donné de votre domicile ?
Le voici : Pour trouver , m'a-t -on dit , la maison
De la Personne en queſtion ,
Informez-vous en quel endroit habite
Un Cavalier en tous points achevé ,
Chés qui loge le vrai mérite.
Je l'ai fait ; je vous ai trouvé.
J.A. Masson d'Arras.
Nous aprenons par une Lettre de Rennes,
que la Machine Hydraulique de feu M. Dupuy
, Maître des Requêtes , ci - devant Inten--
dant de Canada , & dont on a parlé ailleurs,
vient de réussit aux Mincs de Pont Cean en
Bretagne , où elle opere un Produit infiniment
12708 MERCURE DE FRANCE
ment superieur à celui de la même Machine ;
qu'on a vûë et qu'on voit encore à Paris
dans la Maison de ce Magistrat.
M. de Sausanne , son Eleve dans ce genre,
conduit cette importante Operation au gré
et à la satisfaction des Personnes interessées
dans ces Mines . On travaille actuellement à
dresser les Maneges pour le grand Epuisement
du Puits de Bicêtre , qui contient cinq
cent mille Muids d'Eau , & qui a deux cent
Pieds de profondeur.
D
CHANSON.
Sur l'Air:
Faisons une bachique Guerre ,
L'Amour n'en sera point jaloux.
Ans les bras de la jeune Flore ,
Zéphir goûte mille plaisirs ;
Loin du cher objet que j'adore ,
Je ne vis que de mes soupirs.
Dieu charmant ! eft- ce le partage
D'un coeur qui brûle de tes feux ?
Si le plaisir eft ton ouvrage ,
Qui mérite plus d'être heureux ?
Vole,
DECEMBRE. 1738.
2759
Vole , Amour , vole sur les traces
De celle qui me fait souffrir ;
Tu la reconnoîtras aux graces
Dont ta meré a sçu l'embellir.
*
Peins - lui bien ma douleur extrême ;
Amour , j'imploreton secours ,
Mais surtout dis-lai que je l'aime ,
Et que je l'aimerai toujours.
A une Dame qui n'avoit pas été d'une Partie de
Campagne où elle étoit invitée.
LE Dieu charmant qu'à Paphos on révere
Ce Dieu qui fait des destins le plus beau ,
Sur les pas empressés de la troupe légere
Des Graces & des Ris , arrive en ce Hameau :
Il croyoit que ces Lieux vous poffedoient, Céphise
Son coeur en reffentoit déja mille plaisirs ;
Mais helas ! quelle fut sa honte & sa surprise ,
De n'y pas voir l'objet de ses tendres desirs. !
Inquiet & rêveur , plein de son infortune ,
Auffi-tôt il reprend son Carquois & ses traits ,
Et fuyant de nos yeux la présence importune ,
Il vole près de vous pour n'en partir jamais.
1. Von La
2710 MERCURE DE FRANCE
"
Le 8. Decembre , Fête de la Vierge ,
on chanta au Concert Spirituel du Château
des Tuilleries , le Dixit Dominus ;
Motet à grand Choeur de M. de la Lande
qui fut suivi d'une excellente suite de Symphonie
de la composition de M. Mouret , etd'un
petit Motet à voix seule , du même
Auteur. Les Srs Guignon et Blavet executerent
differentes Piéces de Symphonie ; la
Dlle Bourbonnois chanta un Air Italien
après lequel on donna encore un grand Motet
pour terminer le Concert.
Le 25. Fête
de
Noël
, il y eut
aussi
Concert
Spirituel
; toute
la Symphonie
executa
un
nouveau
Carillon
, qui
fut
suivi
d'une
Suite
d'Airs
des
plus
beaux
Noëls
, et
de
deux
Motets
de
M.
de la Lande
. Le Sr Petit
,
Ordinaire
de la Musique
du
Roy
Stanislas
Duc
de Loraine
, executa
un
Concerto
de sa
composition
avec
aplaudissement
, de même
que
les
Srs
Guignon
& Blavet
, qui
executerent
plusieurs
excellentes
Piéces
de Symphonie
, au
gré
d'une
nombreuse
Assemblée
On
donna
encore
un
Motet
à grand
Choeur
, du
célebre
Gilles
, Provençal
, Maître
de Musique
de
S. Etienne
de
Toulouse
.
C'est
un
excellent
Morceau
de
Musique
.
Le 2. Decembre , les Comédiens François
représenterent à la Cour le Comte d'Essex , &
Crispin Rival de son Maître.
Le
DECEMBRE 1738. 271F
Le 4. les Epoux Réunis , & l'Ecole des
Maris.
Le 9. la Tragédie d'Heraclius , & la Foire
S..Laurent.
Le 11. la Reconciliation Normande , &
l'Inquiet.
•
Le 16. Andromaque , & le Retour imprévû.
Le 18. les Menechmes , & la Famille Extravagante.
Le 23. Britannicus , & l'Epreuve réciproque.
Le 30. Crispin Musicien , & le Double
Veuvage.
Le 3. Decembre , les Comédiens Italiens
représenterent aussi à la Cour , le Jeu de
L'Amour & du Hazard , & la petite Piéce du
Bouquet.
Le 10. les Contretemps , & la Sylphide.
Le 17. Arlequin Aprentif Philosophe , &
Arlequin toujours Arlequin. On joignit à¨
cette Piéce quelques Scenes très-comiques
de la Comédie de Timon le Misantrope ,
joüées par le Sr Thomassin , qui divertirent
beaucoup Monseigneur le Dauphin.
Lij SON
2712 MERCURE DE FRANCE
*************** ! **
J
SONNET EN BOUTS-RIME'S.
E ne suis point tenté de courir la
Ni d'aller admirer les Palais d'
Sans visiter les Lieux qu'habitoit
Calabre,
Ispaham.
Abraham;
Je sçais trop qu'il n'est rien que le temps ne Délabre.
J'aime mieux voir d'Iris les levres de Cinabre,
Que l'antique terrain , cultivé par
Adam ;
Sous mon toît plus heureux qu'un Bourgeois
Des Tartares cruels je ne crains point le
Je préfere mon sort à celui d'un
J'estime cent fois plus Paris que
d'Amsterdam ,
Sabre.
Aza,
Malaga,
Perle
Caffé ,
Ni que Coromandel , où l'on pêche la
Je trouve ici Gibier , bon vin & put
Je bois quand il me plaît , je jase comme un Merle,
Quand on peut vivre ainsi, n'est-on pas né Coëffé ?
Le Maire.
BOUTS-RIME'S A REMPLIR ,
SONNET.
Sabot,
Largesse ,
Finesse,
DECEMBRE. 17382 2713
Finesse ,
Jabot.
Gigot,
Tendresse,
Permesse,
Sot.
Pressoir ,
Réservoir ,
Mine
ہ ن
Furieux
Proserpine ,
Sérieux.
Le Public eft averti que le troifiéme Tirage de la
Loterie de Commercy fera fait exactement le 26.
Février 1739
On ne recevra le payement des troifiémes Nour
ritures que pendant le cours du mois de Janvier , &
le premier jour du mois de Février 1739. les Bureaux
feront fermés ; & tous ceux qui n'auront pas
fatisfait au troifiéme payement avant ce terme , ne
feront plus intereffés à la Loterie.
On donnera le dix ou le douze au plûtard , la Liste
des Billets abandonnés pour le troifiéme Tirage
qui se diftribuera chés Mrs Perret & Roger,afin que
fi , nonobfaut la grande attention que l'on apore
acette opération , il le trouve quelque erreur ou
1 j omiffion,
2714 MERCURE DE FRANCE
omiffion , le Public ait agréable d'en avertir chés
le Receveur où l'omiffion aura été faite , pour
qu'on la puiffe réformer avant le 20. Février , que
l'on donnera l'Etat précis dans lequel la Loterie fera
tirée , & après ledit jour 20. Février , on ne fera
plus admis à propofer aucune erreur , & on rendra
Pargent à ceux dont on n'auroit pas compris les Billets
au nombre de ceux qui doivent être tirés .
On continuera de délivrer jufqu'au 10. du mois
de Février inclufivement , les nouveaux Billets feulement.
Distribution des Lots du troisiéme Tirage.
SCAVOIR .
1 Lot de
150000 livres
I
de 80000
I de
40000
】; de
30000
de 20000 livres , 4C000
de 10000 40000
ΤΟ de
5000 10000
25
de
3000 75000
104 de 1000 104000
I de 800 800
614 de 500
764 Lots , montant à
307000 .
916800 livres.
Il y aura dans le total des Tirages de cette Loterie
, en quelque état qu'ils foient faits , un Lot
fur huit Billets , ou 125. Lots par mille Billets , ce
qui eft la même chofe , comme il a été annoncé
par le Plan géneral , & tous les gros objets font à
peu près confervés proportionnément , ( pour la
quantité ) au nombre des Billets délivrés.
II
DECEMBRE. 1738. 2713
Il y a eu dans le premier Tirage
10. Lots par 1000. Billets , ci 10. Lots
Dans le fecond Tirage 15 .
Lots par 1000. Billets , ci Is.
Il y aura dans le troifiéme Tirage
25. Lots par 1000. Bill. ci 25 .
Dans le quatriéme Tirage 25.
Lots par 1000. Billets , ci
250
Et dans le cinquiéme & dernier
Tirage so Lots par 1000 Bill . ci fo .
Total. 125. Lots par 1000 Bill.
Comme il n'eft pas commode de lire les Affiches
dans le temps d'hyver , & qu'il eft jufte que les Intereffés
à la Loterie foient inftruits des Opérations,
on a pris le parti de faire diftribuer une quantité
fuffifante du préfent Avis.
MORTS , NAISSANCES
& Mariage.
E 7. Octobre , la' nommée Marie Benard , de
la Paroiffe de Cailly , Diocèle d'Evreux , mourut
, âgée de 104. ans , 3. mois & 14. jours , étant
née le 23. Juin 1634 .
Lla mou-
Le 27. la veuve Bessere , Mere du Curé de la Paroiffe
de S. Fleuret , près d'Iffoire en Auvergne ,
mourut chés fon Fils , âgée de 104. ans acomplis.
Marie Jacquet , veuve de Dominique Moreau ,
mourut les premiers jours de Novembre , au Village
de Noifiel fur Marne , à 4. lieuës de Paris , dans fa
106. année .
Le ... Novembre , D. Marie- Henriette de Cailbou
716 MERCURE DE FRANCE
་
bou Désignac , femme de Nicolas-Charles Roulin ,
Sr de Launay, mourut dans la 5 3. année de fon âge ,
laiffant de fon Mariage trois fils & une fille. Un des
fils eft d'Eglife , & les deux autres au Servicé du
Roy. Leur Mere étoit fille de Charles de Cailhou
Défignac , qui avoit été Premier Ecuyer de Henry
de Bourbon , légitimé de France , Duc de Verneuil ,
& de D. Jeanne de Gallois de Vaudricourt , qui
avoit été Dame d'Honneur de Charlotte Seguier ,
Ducheffe de Verneuil. On a raporté la mort de
P'un & de l'autre dans les Mercures de Janvier &
Mars 1736. pages 180, & 603.
Le ... Noveinbre , Antoine Bitaut , Seigneur
de Vaillé , Rochereau , Collay , le Pally , la Boussonniere,
&c . Confeiller au Grand- Confeil, où il avoit
été reçu le 19. Décembre 1714. mourut dans fos
Terres en Anjou , âgé d'environ 46. ans , ne laissant
qu'une fille unique de feuë Elizabeth- Claude
Gallois , fille d'un ancien Receveur Géneral des
Finances en Champagne , qu'il avoit épousée au
mois d'Avril 1717. & laquelle mourut le premier
Juin 1721. Le Défunt étoit fils aîné de feu Antoine
Bitaut , Seigneur de Vaillé , Rochereau , auffi
Confeiller au Grand- Conſeil , mort à fa Terre de
Vaillé en Anjou , le 17 , Juin 1735. & de D. Marguerite
Rouillé da Coudray , fa veuve , & reveu de
feu François Bitaut , Prêtre , Docteur en Théologie
de la Faculté de Paris , de la Maiſon & Societé
de Sorbonne , Doyen de l'Eglife Cathédrale d'Evreux
, où il eft mort le 27. Juin dernier.
Le ... Novembre , Paul de Coet , Comte de
Marignane , Chevalier de l'Ordre Militaire de
S. Louis , & Lieutenant Géneral des Armées du
Roy du 30. Mars 1720. mourut au Château de
Marignane , Diocèfe d'Arles en Provence , dans la
74. année de fon âge. Il avoit commencé à fervir
dans
DECEMBRE 1738. 2717
dans le Régiment des Gardes Françoifes , où il fut
fucceffivement Enfeigne , Sous - Lieutenant & Lieutenant
; enfuite il fut fait Colonel du Régiment
d'Albigeois , & élevé au grade de Brigadier le 26 .
Octobre 1704. & de Maréchal de Camp le 29 .
Mars 1715. Il étoit fecond fils de Jean - Baptifte de
Couet , Marquis de Marignane , & des ifles d'Or,
Baron de Borme & de Tretz , Seigneur de Velaux
de Vitroles , de S. Canat , Gouverneur de la Tour
de Boue les Martigues, & des Inles de Portecros, & de
Levant,qui avoit été deux fois premier Conful d'Aix
& Procureur du Pays de Provence ; & de Blanche
de Seitres de Caumont , fa féconde femme . Il faut
voir pour Porigine de cette Famille l'Hiſtoire de
Provence de Noftradamus , p . 1o82 . & le Nobiliaire
de Provence de l'Abbé Robert , premier volume,
Page 149.
Le 13. D. Louife - Magdeleine Faille , Epoufe de
Chriftophe Boyeret , Doyen des Confeillers de la
Cour des Aydes de Paris , avec lequel elle avoit été
mariée le 4. Septembre 1686. mourut, âgée d'en
viron 72 ans , fans laiffer d'enfans ; elle étoit seconde
fille de feu François Faille , Tréfofier de
France en la Géneralité de Caën, & fñtendant du feu
Marquis de Croifly- Colbert , Mmiſtre & Secretaire
d'Etat
"
Le 20: D: Marie-Angélique-Félicité le Pileur ,
Epoufe en fecondes Notes depuis 1727. de Louis-
Guillaume Faure , Seigneurde S. Jean -Gouft , & auparavant
veuve de Charles Hiacinte Paciot , Seigueur
du Bouillon , Procureur General du Parlement
de Normandie , avec lequel elle avoit été
mariée le 3. Février 1717. mourut à la Campagne,
âgée d'environ 40. ans , fans enfans , laiffant une
riche fucceflion , & pour héritier Auguftin le Pi-
Faus Seigneur de Brévanes , fon Rcere , Confeiller
IV 213
2718 MERCURE DE FRANCE
au Parlement de Paris de la feconde Chambre des
Enquêtes.
Le 21. D. Marie - Magdeleine Matharel , veuve
depuis 1726. de Gabriel - François- Joſeph du Poulpry
, Seigneur- Marquis dudit Lieu , Comte de Keraval
, en Bretagne, Maréchal des Camps & Armées
du Roy , & ci-devant Sous - Lieutenant de la Compagnie
des Chevau Legers de S. M. Premier Ecuyer
de feue Elizabeth - Charlotte de Baviere , Ducheffe
Douairiere d'Orleans , avec lequel elle avoit été
mariée au mois d'Avril 1697. étant alors Chanoineffe
de Maubeuge , mourut à Paris , dans la 65 .
année de fon âge. Elle étoit fille de feu Louis Matharel
, Secretaire Géneral de la Marine , & enſuite
Intendant Géneral de la Marine & Mers du Levant,
& des Armées Navales du Roy, & de Marie le Secq,
fa veuve , morte le 10. Avril 1714 ágée de 66. ans.
La Marquife de Pou pry laffe un fils , apellé le
Comte de Poulpry Mettre de Camp de Cavalerie,
& Enfeigne de la Compagnie des Gendarmes d'Anjou
ci - devant Guido de celle des Gendarmes
Flamans .
> 7
1
Le 23 Jean-Baptifte Pouffart , Marquis du Vigean
, Capitaine de Cavalerie dans le Régiment
Dauphin Etranger, & fils d'Augufte Pouffart , Comte
du Vigean . Marquis d' Anguitard , Seigneur , Baron
de Moins- Alard , Camp , Sainte- Hermine
S. Simon de Bors, & c. & de D. Marie Louife d'Arde
la Poupeliniere , mourut à Pa is âgé de 21 .
ans. Il avoit été marie le 5. Août 1734.. avec D.Catherine-
Françoite Dreux , fille de Thomas Dreux
Grand-Maître des Céremonies de France , Lieutenant
Géneral des Armées du Roy , Gouverneur des
Ifles de sainte Marguerite & S. Honorat en Provence
, Marquis de Brezé , Baron de Berrie , Seigneur
de S. Juft , Someloir , Silly , la Varenne , &
d'Oifmont,
DECEMBRE. 1738. 2719
d'Oifmont ; & de D Catherine-Angelique Chamillart.
Il la laiffe veuve & Mere d'Anne Bertrand
Pouffart , fils unique , né le 2. Septembre 1735.
Le même jour , Nicolas d'Orglandes , Comte de
Brioufe ,ancien Colonel d'un Régiment d'Infanterie,
mourut en fon Château de Brioufe en Normandie ,
âgé de 73. ans , dont il en avoit paffé trente atr
fervice du Roi . Il étoit d'une ancienne Nobleffe de
fa Province , où il étoit aimé , & généralement
eftimé de tous ceux qui le connoiffoient ; il laiffe
de fon mariage avec Dame Susanne de Beauchamp
fept garçons & quatre filles.
Le 29. Claude Godefroy , Ecuyer , Avocat
au Parlement de Paris & aux Confeils du
Roi depuis 1693. mourut à Paris dans un âge
avancé , laiffant un fils de Marguerite Bellavoine
fa femme , fille de feu Jean Bellavoine , Confeiller-
Secretaire du Roi , & de Genevieve Doyrien ,
le Défunt étoit fils & petit fils des célébres & favans
Denis & Theodore Godefroy , & frere de
feux Denis Godefroy III . du nom , & de Jean Godefroy
, de tous lefquels on voit les éloges dans
le Dictionaire Hiftorique , Edit de 1725. & 1732 .
& dans le Suplément de 1735 .
Le même jour Dame Magdeleine de Bourbona
veuve depuis le 8.Janvier 1715 de Nicolas de Quelen
d'Eftuer de Cauflade ,Comte de la Vauguyon &
de Brouray , Marquis de Saint Megrin , Baron de
Tonneins , &c . avec lequel elle avoit été mariée
le premier Octobre 1703. mourut à Paris âgée
d'environ 63. ans. Elle étoit fille de Louis de Bourbon
, Comte de Buffet , Baron de Chaslus & de
Vezigneul , Lieutenant Général de l'Artillerie de
France , tué au Siége de Fribourg la nuit du 10. au
11. Novembre 1677- & de Dame Magdeleine de
Bermondet d'Oradour , morte le 30. Juillet 1724-
I vij La
2720 MERCURE DE FRANCE
La Comteffe de la Vauguyon laiffe pour fils uique
, Paul- Antoine de Quelen d'Eftuer de Caufiade
, Comte de la Vauguyon , Marquis de Saint
Megrin , &c. Colonel du Régiment de Beauvoilis ,
par Commiffion du premier Décembre 1734. &
marié au mois de Mars de la même année 1734.
avec une fille de Paul- François de Bethune ,
DC
de Charoft , Pair de France , Chevalier des Ordres
du Roy , Lieutenant Général de fes Armées , Capitaine
d'une Compagnie de fes Gardes du Corps &c.
& de Dame Julie Chriftine - Regine - George d'Entregues
, Dame du Palais de la Reine. Louis de
Quelen d'Eftaer de Cauffade , Marquis de Saint
Megrin , Comte de la Vauguyon , fils aîné de la
Comteffe de la Vauguyon , quivient de mourie,
mourut à Valenciennes le 2. Août 1730. dans la
vingt- cinqu éme année de fon âge , fans avoir été
marié Il étoit Meftre de Camp de Cavalerie.
Le 30. Dame Génévieve Titon , veuve depuis le
27. Juin 1705. de Jean- Baptifte le Feron , Seigneur
du Pleffis aux-Bois , d'lverny & Cuify , Maître or
dinaire en la Chambre des Comptes de Paris &
Grand Maître des Eaux & Forêts de Erance au Département
de l'ifle de France , avec lequel elle avoit
été mariée le 4. Mars. 1691. mourut dans la 67.
année de fon age ; de trois enfans que le avoit
eue , elle ne laifle pour toute héritiere que Marie-
Louife-Helene le Feron , fa fille , femme d'Hilaire-
Armand Rouillé du Coudray , ci- devant Maître
des Requêtes de l'Hôtel du Roy. La défunte étoit
fille de feu Maximilien Titon , Baron de Berre ,
Seigneur de Lançon d'Iftre , de Saint Mitre &
d'Ognon , Confeiller- Secretaire du Roy , Maifon
Couronne de France & de fes, Finances , & Directeur
Général des Fabriques & Magazins d'Armes
de Sa Majefté & de défunte Marguerite Becrille .
Le premier Décembre , Dame Loüife-Therefe
Le
DECEMBRE. 1738. 27.2r
Le Febvre , veuve depuis le Novembre 1722. de
9.
Louis Desvieux , Confeiller- Secretaire du Roy Maifon
Couronne de France & de fes Finances , ancien
Secretaire & Greffier du Confeil , avec lequel
elle avoit été mariée au mois d'Otobre 1677 .
mourut âgée de 79. ans , laiffanț pour heritiers les
enfans de feu Louis- Philipe Desvieux , Fermier
Général , fon fils , mort le 13. Décembre 1735. à
l'âge de 8. ans, & de Magdeleine Bonne le Couftu--
rier fa veuve.
Le 2. Jean-Jacques Michau Seigneur de
Thieux , Confeiller au Parlement de Paris , en la
troifiéme Chambre des Enquêtes , où il avoit été
reçû le 16. Juillet 1732. mourut âgé de 26. à 27 ,.
ans , fans avoir été marié. Il étoit feul fils de Jean-
Jacques Michau de Montaran , Doyen au Grand
Confeil , ci- devant Tréforier Général des Etats de
Bretagne , & de Dame de la Pierre , La
feconde femme.
Le.... Dame Therefe -Marguerite Patu , femme
de François Paul Roualle Seigneur de Boisgilouft
, Confeiller au Grand -Confeil , avec lequel:
elle avoit été mariée en 1724. mourut dans un
âge peu avancé. Ele étoit troifiéme fille de feu
Philipe Patu , Confeiller en la Cour des Aydes de:
Paris , mort en 1737. & de feuë.Dame Loüife-Claude
de Launay, morte en 1721 .
Le's . Victor de Maneville , Seigneur de Bantelus,
Secretaire du Roy , Maifon Couronne de France ,
près la Chancellerie de la Cour des Aydes de Clermont-
Ferrand , reçu à cette Charge le 28. Avril
1725. & Confeiller Honoraire au Châtelet de Paris
, où il avoit été recû en 169 ; mourut âgé d'environ
68. ans . Il étoit fils.de Gabriel de Mineville ,
Procureur du Roi , & enfuite Confeiller Honoraire
en la Sénéchauffée de Boulonois , & de Marie du
Flos , & il avoit épousé au mois de Mai 1705. Mi1722
MERCURE DE FRANCE
J
rie-Louife Favée , morte le 27. Mai 1717. il en
laiffe deux fils , l'aîné recû Confeiller au Grand-
Confeil en 1737. & le cadet Confeiller au Châtelet
.
Le 13. Nicolas de Grave , Chanoine honoraire
de l'Eglife Métropolitaine de Paris , & Abbé Commandataire
des Abbayes de Notre-Dame de Perignac
, Diocèse d'Agen , depuis 1683. & de Saint
Euverte d'Orleans depuis 1684. mourut à Paris âgé
de près de 8o . ans. Il étoit troifiéme fils de Henry
de Grave , Seigneur , Marquis de Ville - Fargeau ,
Saint Martin , &c. Gentilhomme de Languedoc ,
d'une ancienne Nobleffe , Maréchal des Camps &
Armées du Roy, Sous- Gouverneur & Premier Maî
tre de la Garde-Robe de feu Philipe , fils de France
, Duc d'Orleans , & de Marie de Grave fa fem-
'me & fa niéce , qu'il avoit épousée avec Diſpenſe
au mois d'Avril 1656. & laquelle mourut veuve le
18. Avril 1697. l'Abbé de Grave étoit oncle de
Henry-Francois de Grave , Marquis de Solas , qui
avoit époufé Dame Marie- Anne Goyon de Matignon
, dont la mort eft raportée dans le Mercure
de Janvier dernier pag. 86. il étoit auffi oncle de
Dame Louiſe Jofephe de Grave, veuve de Pierre de
Jaucourt , Seigneur du Van.
Le 5. D. Jeanne- Marie Fradet de S. Aouft ,
veuve de Jacques du Pleffis- Châtillon , Marquis de
Nonant , & de Châtillon , qui avoit été Cornette
de la Compagnie des Chevau -Legers Dauphins , &
ensuite Mettre de Camp d'un Régiment de Cavalerie
, & avec lequel elle avoit été mariée au mois
de May 1674. mourut à Paris , âgée de 84. ans .
Elle étoit fille de Jean Fradet , Seigneur de S.Aouft,
de S. Janvrin , de Vignou , Vouzeron , Puy- Jourdain
, S. Maur , & Louray , Comte de Château-
Meillan , Baron de Bourdelles , Vicomte de Villemenard
,
DECEMBRE. 1738. 2723
menard , Chevalier de l'Ordre du Roy , Conseiller
en ses Conseils d'Etat & Privé , Maréchal de ses
Camps & Armées , & Lieutenant Général de l'Ar .
tillerie de France mort en 1659. & de Jeanne--
Marie de S. Gelais de Cherveux. Elle laiffe pour
Enfans , Louis du Pleffis , Marquis du Pleffis- Châtillon
, & de Nonant , Lieutenant Géneral dès Armées
du Roy , du 20. Fevrier 1734. & marié avec
Marguerite - Pauline Colbert de Torcy , dont il a
des Enfans , Anne-Hilarion du Pleffis - Châtillon
de Nonant , Chevalier de Malthe non Profés ; &
Jeanne -Marie du Pl ffis Châtillon de Nonant, mariée
au mois de Juin 1709. avec Philipe - Charlesd'Eftampes
, Seigneur de la Ferté -Linbaud , & de
Sallebris , apellé le Marquis d'Eftampes , Brigadier
des Armées du Roy , ci -devant Colonel d'un Régiment
d'Infanterie. La Marquise de Nonant étoit.
devenue seule Heritiere des Biens de sa Famille par
la mort d'Antoine- Armand Fradet , Marquis de
S. Aouft , Comte de Château-Meillan , Lieutenant
Géneral au Gouvernement de Berri , Meftre de
Camp , & Brigadier de Cavalerie , son frere unique
, qui fut tué en Flandres par les Gardes du
Prince d'Orange , en 1675 .
La nuit du 19. au 20. Decembre , Melchior
Cochet de S. Vallier, Préfident Honoraire au Parlement
de Paris,mourut âgé de 73. à 74. ans. Il avoit
été d'abord Sécretaire ordinaire de feu Philipe , Fils
de France, Duc d'Orleans, Frere du feu Roy Louis
XIV. ensuite il fut reçû Conseiller au Parlement de
Paris le 18. Juin 1695 , & depuis Président en la
Seconde Chambre des Requêtes du Palais , le 2.
Juillet 1791 . Il se démit de cette Charge à la fin de
Fannée 1716. & ayant obtenu des Lettres d'Honoraire
, il continua d'affifter affidûment jufqu'à fa
mort aux Audiences de la Grand' - Chambre. Il
έτοι
2724 MERCURE DE FRANCE
étoit éclairé & sçavant , & il étoit Auteur d'an
Traité de l'indult du Parlement de Paris , imprimé
à Paris en 2. vol. in 12. en 1703. Il laiffe des Biens
très - confiderables . Par fon Teftament , il fait pour
treize cent mille livres de Legs Pieux , legue à ses
Heritiers naturels 200000. liv. & pour le surplus
de ses Biens , il fait ses Légataires universels le fils
aîné du Préſident de Maupeou , & le troifiéme fils
du Procureur General du Parlement de Paris ; il
nomme pour Executeur Teftamentaire le même
Procureur Géneral. Le défunt étoit de Bourgogne ,
d'une Famille originaire de Montcenis. Charles
Cocher , son Pere , Seigneur d'Avoisotte en Bourgogne
, dont il étoit fils unique , étoit Conseiller-
Secretaire du Roy près le Parlement de Metz.
Le 27. Nóvembre , D. Marie- Antoinette de Rosset
de Recozel , petite Niéce du Cardinal de Fleury,
& femme de François Raimond Pelet , Vicomte de
Narbonne , Meftre de Camp de Cavalerie , Enseigne
des Gardes du Corps du Roy , & Gouverneur
de Sommieres en Languedoc , accoucha à Paris d'un.
enfant mâle , qui fut ondoyé le lendemain ,
Le 2. Decembre eft née Elizabeth Olive , fille de
Chrétien-Guillaume de Lamoignon , Marquis de
Basville , Baron de S. Yon , &c. Préfident du Parlement
de Faris , & de D. Lonise- Henriette-Magdeleine
Bernard , son épouse. Elle a été baptisée
le même jour , & elle a eu pour Parain Guillaume-
Urbain de Lamoignon, Comte de Launay- Courson,
Gonseiller d'Etat ordinaire , & au Conseil des Finances
& pour Maraine D. Olive de S. Georgesde
Verac , veuve de Louis Benjamin Frottier ;
Marquis de la Cofte , sa Bisay uie maternelle . C'eſt
pour la seconde fois de cette année que la Préfi
dente de Lamo guon eft accouchée , ayant déja en
une
DECEMBRE . 1738. 272.5
une fille le premier Fevrier dernier ; mais cette
premiere fille n'a vécu que 23. jours .
>
Le 16. fát célebré dans la Chapelle de l'Hôtel
de Saffenage à Paris , le Mariage de Charles - Alexandre
de Viffec la Tude- Joannis , Chevalier , Mar
quis de Ganges , Baron des Etats de la Province de
Languedoc , Seigneur de Caffiilac , Soubeyras ,
Moulés, Lolivier, &c. âgé d'environ 19. ans, fils de
feu Louis-Alexandre de Viffec de la Tude- Joannis ,
Marquis de Ganges, Baron des Etats de Languedoc,
&c. mort au commencement de l'année 1720. & de
D. Marie-Charlotte de la Rochefoucaud de Langheac
avec Dile Anne- Elizabeth Scott de la
Mesangere , née le 29. Juin 1716. fille unique
d'Antoine Scot de la Mesangere , Chevalier , ci
devant Conseiller- Maître d'Hôtel du feu Roy Louis
XIV. & de D. Anne- Elizabeth Bourret , son épouse
, fille de feu François Bourret , Trésorier de défunte
Marie d'Orleans - Longueville , Duchesse de
Nemours , & son Intendant & Conseiller d'Etat
dans ses Principautés de Neufchatel , & Vallengin,
en Suiffe , mort le 26 Janvier 1735. après avoir
formé à grands frais , une Bibliotheque très-nombreuse
, & des mieux choisies en tous genres de:
Livres. Le nouveau marié eft arriere petit neveu de
feu Pierre de Viffec de la Tude de Ganges , Gouverneur
de l'Hôtel Royal des Invalides , & Com
mandeur de l'Ordre Militaire de S. Louis , dont la
mort eft raportée dans le Mercure du mois de Janvier
dernier , P, 177.-
ETREN
2726 MERCURE DE FRANCE
ETRENNE
A un Beau- Pere.
Auteur des jours d'une tendre moitié
Qui m'aime autant que je l'adore ,
Vous , que je chéris , que j'honore ,
Vous à qui je me vois lié
Par le Sang , je dis plus encore ,
Par une vive & fincere amitié ,
'
Pour Etrenne , daignez recevoir un hommage ,
Qu'avec respect mon coeur vous rend ;
Il ne paroît pas éclatant ;
Mais s'il obtient votre suffrage >
L'honneur d'un si doux avantage ,
Rendra mon hommage assés grand.
De Valois d'Orville.
A UN PERE.
Vous faire un présent ? entre nous ,
L'embarras me paroît extrême ;
Je n'ai rien qui ne soit à vous ,
Et je vous apartiens moi même.
Par le même.
1 ARRESTS
DECEMBRE. 1738 2727.
ARRESTS NOTABLES , & c.
SE
ENTENCE de la Capitainerie Royale des
Chaffes de la Varenne des Tuilleries , & Juge
ment en dernier retfort des Requêtes de l'Hôtel ,
confirmatif de ladite Sentence . portant condamnation
de peines corporelles , banniffement & amende,
contre les Colporteurs & Acheteurs de Gibier,
Vendeurs de Filets , & autres délinquans y dénom
més . Des 15. Avril & 4. Septembre 1738.
LETTRES PATENTES du Roy , en
forme de Déclaration , concernant les Gens de
main-morte des Pays de Flandres & du Hainault,
Données à Compiegne le 9. Juillet 1738. Registrées
au Parlement de Flandres , à Douay le 31 .
Octobre fuivant , par laquelle S. M. ordonne l'execution
des 26. Articles contenus en ladite Dé→
claration , & c.
>
ARREST du 21.Octobre , portant que les.
Contrôleurs des Greniers à Sel de la Province de
Languedoc , feront leur réfidence dans les Villes
de leur établiffement , & exerceront par eux-mêmes
les fonctions desdits Offices , à peine de pri
vation de leurs droits.
AUTRE du 28. qui caffe une Sentence de l'Election
de Doulens , confifque quatre cent vingtdeux
livres de faux Tabac , & neuf aulnes d'In→
dienne , faifis fur les nommés Mabire , pere & fils ;
défend aux Officiers de ladite Election & à tous
autres , d'obliger le Fermier à prendre la voye extraordinaire
2728 MERCURE DE FRANCE
traordinaire , fi ce n'eft dans les cas de rebellion
tranfport de Tabac à port d'armes , ou autres affaires
criminelles , & ordonne l'enregiſtrement dudit
Arrêt au Greffe de l'Election de Doulens.
SENTENCE de Police , du 21. Novembre ,
qui condamne la Dame Ferrand en trois mille li
vres d'amende , pour avoir tenu chés elle une Assemblée
de jeu de Pharaon.
au
LETTRES PATENTES du-25 , qui nom.
ment des Commiſſaires pour vendre & aliener
nom de Sa Majefté , aux Prévôt des Marchands &
Echevins de l'Hôtel de Ville de Paris , quatre cent
mille livres de Rentes viageres , pour le payement
de celles de la Loterie Royale .
ARREST du premier Décembre , concet.
ant la Loterie Royale , par lequel Sa Majefté ordonne
que conformément à l'Arrêt de fon Confejl
du 5. Octobre dernier , ladite . Loterie foit tirée le
10. du préfent mois , en la maniere prefcrite par
PEdit de Décembre 1737. pour la quantité de dix
anille neuf- cens vingt - cinq Billets ; & en conféquence
, que des nnlle Lots dont ladite Loterie
eft compofée , il en foit diftribué cinq cent cinquante-
deux dans ledit premier Tirage , fcavoir ,
cent quatre- vingt- treize de mille livres , cent fai--
xante- cing de deux mille livres , cent dix de trois
mille livres , vingt-huit de cinq mille livres , dixfept
de fix mille livres , onze de neuf mille livres ,
Onze de dix mille livres , fix de quinze mille livres,
cinq de vingt mille livres chacun un de trente mille
livres , un de cinquante mille livres , & un de foi,
xante-cinq mille livres , payables en argent; & trois ·
autres Lots , dont deux de ciug mille livres chacun
de.
DECEMBRE. 1738. 2729
de Rente viagere , & le troifiéme de mille livres ;
& que les Billets auxquels ne fera point échu de
Lot, foient convertis , après ledit Tirage , en Rentes
viageres au profit des Porteurs, à raiſon de vingt
livres de Rente viagere pour chaque Billet , ainfi
qu'il eft porté par ledit Edit , que S. M. veut être
executé felon fa forme & teneur ; pour être le furplus
de ladite Loterie , confiitant en la quantité de
neuf,mille foixante-quinze Billets, tiré le 10. Mars
de l'année prochaine 1739 en la même forme &
maniere que ledit premier Tirage , & pour le nombre
de Lots restant de ceux dont ladite Loterie eft
compofée ; à l'effet de quoi veut en outre S. M.
que jusqu'au dernier du mois de Février prochain
inclufivement , le fieur Paris de Monmartel , Garde
du Tréfor Royal , continue les rembourfemens cidevant
autorifés , en affignations fur ladite Loterie,
& que les fieurs du Tartre & Bouron , continuent
pareillement de délivrer les Billets de ladite
Loterie , &c.
Le second Volume est actuellement sous.
presse & paroîtra incessamment.
J
APROBATION.
Aut
' Ai lu par ordre de,Monseigneur le Chancelier,
le premier Volume du Mercure de France du
mois de Décembre , & j'ai cru qu'on pouvoit en per-
Bettre l'impression . AParis, le premier Janvier 1738
HARDION.
TABL E.
IECES FUGITIVES. Le College Royal,
PLE
Ode ,
Refléxions sur la Jalousie ,
Ode imitée d'Horace ,
2519
2524
2533
Lettre sur une Méchanique de Géographie , & c.
Ode ,
2537
2542
Réponse à l'Avis au sujet des Cadrans Solaires ,
Apelles & son Censeur , Vers ,
2544
2546
Lettre au sujet d'un Auteur de Bourgogne très- peu
connu
Vers à Mlle de C ....
Essay sur l'Histoire du Nivernois ,
Didon , Poëme Héroïque , &c.
2548
2518
2560
2577
Lettre au sujet d'un nouveau Journal Litteraire
d'Italie
?
Epitre sur l'Histoire de Bourgogne ,
2603
2621
Enigme , Logogryphes , & c.
2624
NOUVELLES LITTERAIRES , DES BEAUX - ARTS ,
& c. 2630
Petit Poëme Latin , Bouteille cassée , 2633
Choix de Poësies Morales , &c. 2634
Discours Evangéliques , & c . 2636
Le grand Trictrac , ou Méthode , &c . 2637
Nouveaux Amusemens du Coeur & de l'Esprit ,
&c . 2643
Memoire sur la Lumiere & les Couleurs , Extra't,
2647
Petite Fête donnée pour l'instruction des Enfans
2650
Acquisition
Acqui ition de Médailles par voye d'échange ,
Remerciment en Vers d'un Portrait ,
Chanson notée ,
Spectacles. L'Opera d'Atys ,
Tragédie de Rodogune , &c .
2651
2654
2658
ibid.
2659
Jugement d'Apollon , Poëme Dramatique , &c.
2667
Phanasar , &c. Tragédie en un Acte & Balet Pantomime
,
Vers sur la nouvelle Tragédie ,
Lettre au sujet de l'Ecole du Temps ,
2674
2676
2677
Nouvelles Etrangeres , de Turquie , Suede & Da
nemarck ›
Allemagne & Italie ,
2681
2684 .
Naples & Ile de Corse , 2687
Espagne & Grande Bretagne , 2690
Morts , Naissances des Pays Etrangers , 2691
Vers au Cardinal de Fleury 2693
France , Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
2695
Etrennes , 2698
Entrée publique de l'Ambassadeur de l'Empereur ,
& c .
2700
Vers à Mlle Roſe , 2706
Chanson , 2708
Vers à une Dame , 2709
Bouts Rimés , Sonnet , 2712
Bouts-Rimés à remplir , 2713
Loterie de Commercy ,
ibid.
Morts , Naissances & Mariages , 2714
Etrennes , 2726
Arrêts Notables , 2727
Fautes à corriger dans ce Livre.
Age 2570. ligne derniere sousrit , lisez
souscrit >
Page 2599. ligne premiere , Et , ôtez ce mot.
Page 2646. ligne 21. lumere , lisez lumiere .
Page 2666. ligne 17. innaclition , lisez inclination.
Page 2668. ligne 13. vous , lisez nous.
Page 2685 ligne 22. Carpagno , lisez Carpuegno.
Page 2707. ligne a 5. Pontcean , lisezPontpean.
La Chanson notée doit regarder la page 2658
MERCURE
DE FRANCE ,
1
DÉDIÉ AU ROY.
DECEMBRE. 1738 .
SECOND VOLUME,
COLLIGIT
SPARGIT
Chés
Papillon
A
PARIS ,
GUILLAUME CAVELIER ,
ruë S. Jacques.
La Veuve PISSOT , Quay de Conty
à la defcente du Pont Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais.
M. DCC. XXXVIII.
Avec Aprobation & Privilege du Roy .
A VIS.
L
'ADRESSE generale eft à
Monfieur MOREAU , Commis au
Mercure , vis - à - vis la Comédie Francoife
, à Paris. Ceux qui pour leur commodité
voudront remettre leurs Paquets cachetés
aux Libraires qui vendent le Mercure
, à Paris , peuvent fe fervir de cette voye
pour les faire tenir.
On prie très- inftamment , quand on adreſſe
des Lettres ou Paquets par la Pofte , d'avoir
foin d'en'affranchir le Port , comme cela s'eft
toujours pratiqué , afin d'épargner , à nous
le déplaifir de les rebuter , & à ceux qui
les envoyent , celui , non-feulement de ne
pas voir paroître leurs Ouvrages , mais
même de les perdre , s'ils n'en ont pas garde
de copie.
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les Particuliers qui fouhaiteront
avoir le Mercure de France de la
premiere
main , & plus promptement , n'auront
qu'à donner leurs adreffes à M. Moreau ,
qui aura foin de faire leurs Paquets fans
perte
de temps , de les faire porter sur
' heure à la Pofte , on aux Meffageries qu'on
lui indiquera.
PRIX XXX. SOLS.
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROT.
AV
DECEMBRE. 1738.
***********
PIECES FUGITIVES
,
en Vers et en Prose.
PORTRAIT D'HORACE.
D
Es Fleurs d'Anacréon , des Trésors de
Pindare ,
Horace dans ses Vers s'enrichit et se
pare.
C'est lui qui le premier fit entendre
aux Romains
De la Lyre des Grecs les accords souverains.
Dans ses heureux Ecrits , l'oëte inimitable ,
offre à ses Lecteurs l'utile & l'agréable .
11. Vol. A ij Tantêt
2732 MERCURE DE FRANCE
Tantôt , près de Tibur , caressé des Zéphirs ,
D'un ton doux & charmant , il chante ses plaisirs.
Avides de ses sons les Ris qui l'environnent ,
Les Graces à l'envi de roses les couronnent ;
Ft Bacchus dont il aime à célebrer les dons ,
Vient , d'un air ingénû , sourire à ses chansons.
Sur des aîles de feu , tantôt quittant la Terre
Sublime , il prend son vol au-dessus du Tonnerre ;
Et foulant à ses pieds l'Olympe radieux ,
Boit déja le Nectar dans la Coupe des Dieux.
Tout charme dans ses Vers ; & l'heureuse har
monie ,
Et la force des traits , & le feu du génie.
C'est le fier Romulus , qui du sein des hazards ,
Vole au séjour des Dieux sur les Coursiers de Mars.
C'est Jupiter armé , qui des coups de sa foudre
Accable les Titans , leur fait mordre la poudre ;
Qui d'un soufle produit cent miracles divers ,
Et qui peut d'un clin d'oeil ébranler l'Univers .
Si quelquefois sa Muse employant la Satyre ,
Rit aux dépens des sots qu'elle voudroit instruire,
Quel sel réjouissant , & quelle urbanité
Assaisonne chés lui l'austere Vérité :
Philosophe plaisant , dans sa Morale fine ,
Socrate déridé , s'humanise & badine.
Faut - il louer ? Il sçait dans un Vers séducteur
Glisser adroitement un Eloge enchanteur ;
Ménager
DECEMBRE. 1738. 2733
Ménager Pamour propre , & d'une main légere
Le flater d'autant mieux, qu'il semble moins le faire.
Heureux ! si quelquefois ses cyniques pinceaux ,
Epargnoient à nos yeux de lubriques tableaux ;
Et si fier d'y trouver de dangereuses armes
>
Le vice à la vertu n'y causoit point d'allarmes !
Vous qu'entraîne à rimer un ascendant vainqueur ,
Consultez avec soin Horace & votre coeur.
Puisez dans ses Ecrits , du beau sources antiques ,
Les finesses de l'art , & les secrets magiques.
Distinguez d'un coup d'oeil , aidé de ses clartés ,
D'avec un fard brillant , de naïves beautés.
Comme lui , soyez fort , avec délicatesse ,
Vif , mais sensé , mais sage , & simple avec noblesse.
Sans cesse dans vos Vers variez vos tableaux ;
Vous ne m'interessez que par des traits nouveaux.
Que l'expression vive , & le style énergique ,
En bannisse toujours la glace Didactique ,
Les tours trop recherchés , les subtils ornemens ,
Trop jaloux d'attirer nos aplaudissemens.
Enfin que votre Muse , & disciple , & rivale ,
Imite Horace en tout , si ce n'est en Morale.
A iij
DIS2734
MERCURE DE FRANCE
DISSERTATION sur l'origine des
Académies. Par M. de Juvenel.
Linguées des Peuples barbares ,
Es Nations polies ont toujours été dis-
› par
la
culture
des
Lettres
. Mais
, si dans
tous
les
temps
la politesse
a dû
son
accroissement
à
la perfection
des
Arts
, les Arts
ne sont
arrivés
à leur
perfection
, que
par
la noble
émulation
des
grands
Hommes
, qui
ont
travaillé
à l'envi
à les rendre
utiles
à la Societé
.
Les Grecs sont les premiers en date. Ils
nous ont transmis toutes leurs Sciences. Ils
nous ont apris les differens moyens d'y faire
des progrès , & ils n'en trouverent pas de
plus sûr , que d'allumer parmi les beaux
esprits une émulation loüable , en décernant
des Couronnes au Sçavant & à l'Athleté
pendant la solemnité des Jeux Olympi
ques.
Ces Jeux , les plus célebres de l'Antiquité
, attiroient , de quatre en quatre ans
tous les Grecs à Pise ; & ce prodigieux
concours de Peuple , excita les Orateurs
les Historiens & les Poëtes à y lire en public
leurs Ouvrages. Les suffrages de toute la
Grece assemblée , étoient sans doute une
yoye courte de se faire un grand nom. C'est
,
dans
DECEMBRE. 1738 . 2735
dans ce nombreux Auditoire , qu'Herodote
lut une ébauche de son Histoire , ( Lucian.
in Herodot. ) la premiere année de la 83 .
Olympiade , 448. avant J. C. & dès-lors cet
habile Ecrivain acquit cette haute réputation
qui lui fit donner le titre de Pere de l'Histoire.
Lysias , son contemporain , prit la même
route pour faire éclater son éloquence : il
récita aux Jeux Olympiques , selon Plutarque
, une Harangue , dans laquelle il félicita
les Grecs , de ce que par leur réunion , ils
avoient humilié la puissance de Denys , Tyran
de Syracuse.
Athénes ouvrit aux Poëtes une carriere
moins glorieuse , à la vérité , que celle de
Pise , mais où les couronnes étoient plus
fréquentes. Cimon , après la Conquête de
l'Isle de Scyros , raporta en cette Ville les
Os de Thesée , pour obéir à un Oracle . Cet
évenement parut si intéressant , quon voulut
en éterniser la mémoire par une dispute entre
les Poëtes Tragiques. Là , des Juges tirés
au sort, décidoient du mérite des Poëmes , &
adjugeoicnt le Prix au vainqueur. Sophocle,
encore tout jeune , osa entrer en lice , &
soûmettre à cet examen sa premiere Piéce.
Eschile , toujours aplaudi , s'étoit emparé
du Théatre , & la prévention ou la brigue
auroit fait rendre un Jugement peu favorable
A iiij
au
1736 MERCURE DE FRANCE
au nouveau Poëte , si l'Archonte s'écartant
de la regle , n'eût nommé pour Juges Cimon
lui-même , & neuf autres Généraux , qui
rendirent à Sophocle une entiere justice .
( Plutar. in Cimon. ) Le dépit d'Eschile , &
son prompt départ pour la Sicile , prouvent,
ce me semble , qu'on étoit infiniment sensible
à cette préférence , & qu'on faisoit les
derniers efforts pour la mériter. Une telle
distinction animoit les esprits , piquoit &
réveilloit l'industrie, & porta le Poëme Dramatique
au plus haut dégré de perfection.
Au reste , ce qui me paroit bien remarquablé
, c'est que les Rois mêmes n'étoient pas
indifferens pour ces marques d'honneur .
Denys le Tyran, au raport de Diodore ( Lib
15.) fit jouer à Athénes , dans la Fête de
Bacchus , une Tragédie qu'il avoit composée
, & le Prix qu'il remporta en cette occasion
, ne le toucha moins que
le gain
d'une Bataille . Ce Prince n'entendoit pas
raillerie quand il s'agissoit de ses Ouvrages
& il en coûta la vie à Philoxene , pour n'avoir
pas aprouvé une de ses Piéces . Herodote
, non content des aplaudissemens qu'il
avoit reçûs aux Jeux Olympiques , voulut
encore lire en public son Histoire pendant
la solemnité des Panathénées.
pas
,
La célébrité de cette Fête , s'accrut par les
combats de Musique. Péricles proposa le
Decret
DECEMBRE. 1738. 2737.
Decret de cet Etablissement , & le Peuple
l'élut Juge & Distributeur des Prix . ( Plutar.
in Pericl. ) Ce puissant Protecteur des Muses
mit ces sortes de Disputes dans un bel
ordre. Il y a même lieu de croire qu'il détermina
les sujets qui devoient être mis en
chant car ces Combats n'intéressoient pas
moins les Poëtes que les Musiciens , & les
sujets des Poëmes n'étoient nullement arbitraires
, mais , pour ainsi dire , de commande.
Ils n'avoient pour but que la gloire des
grands Hommes , qui avoient servi fidelement
la République , tels que Harmodius et
Arist giton , ces illustres Liberateurs de leur
Patrie , & Thrasybule qui chassa les trente
Tyrans. Ainsi la Poësie & la Musique , loin
d'amollir les coeurs , rendoient la vertu aimable
, & portoient les Citoyens aux actions
loüables.
Les Romains se mirent fort tard à culti
ver les Belles Lettres : mais à peine eurent- ils
goûté les charmes de la Poësie , qu'ils voulurent
tous être Poëtes ; & le changement
alla si loin à cet égard , sous l'Empire d'Auguste
, que les Peres & les Enfans , si on er
croit Horace , ( Lib . 2. Epist. 1. ) ne soupoient
qu'avec une Couronne de Lierre sur
la tête , dictant leurs Vers à des Copistes
Dans la suite il se forma à Rome des Assem
blées nombreuses , où les Auteurs récitoient
Av les
2738 MERCURE DE FRANCE
les Piéces qu'ils vouloient donner au Public.
C'étoit dans le mois d'Août , selon Juvenal,
( Sat. 1. ) & dans le mois d'Avril , selon
Pline , ( Lib 1. Epist. 13. Les Personnes
les plus qualifiées tenoient à grand honneur
la réputation de Poëte ; témoin ce Sentin's
Augurinus , qui lut trois jours de suite ses
petites Poësies , & qui próbablement est le
même qui fut Consul la quinziéme & la seiziéme
année de l'Empereur Adrien , témoia
Pline le jeune , que Trajan éleva au Consulat
, à la Charge de Trésorier de l'Epargne ,
& à la Dignité d'Augure , & qui lisoit ses
Poëmes Dramatiques & ses Poësies Lyriques.
(Plin. Lib. 4. Epist . 27.Lib.5 . Epist.3 . )
Tout
genre de Litterature
étoit du ressort
de ces sçavantes
Assemblées
Leurs
suffrage's
répondoient
de ceux
du Public
, & leurs
avis éclairoient
les Ecrivains
sur les défauts
que l'amour
propre
leur avoit cachés
. Ainsi
ce même
Pline , qui, pour satisfaire
à la coûtume
, avoit prononcé
dans le Sénat
le F ▲-
négyrique
de Trajan
, ne voulut
laisser
a la
posterité
l'Eloge
de ce Prince
, qu'après
avoir
préssenti
le goût de ses amis , & profité
de
leur critique
. Telle
étoit la conduite
, non
seulement
des Orateurs
, mais encore
des
Historiens
. Le célebre
Nonianus
en est un
bon garant
. Il lisoit publiquement
ses Ouvrages
, & l'Empereur
Claude
comme
chacun
1
DECEMBRE. 1738. 2739
chacun sçait , honora l'Auditoire de sa présence.
Dans le siécle précédent, & sur la fin de la
République , les Philosophes faisoient entre
eux des Conferences sur les matieres de leur
profession. Ciceron avoit dans sa maison de
Tusculum , aujourd'hui Frascati , deux Endroits
destinés à ces Entretiens Philosophiques
, qu'il nommoit l'un, le Lycée , où étoit
sa Bibliotheque ; & l'autre , l'Académie , espece
de Gymnase , situé au bas de ses Jardins
; où il est à remarquer , que ces Lieux
n'avoient de commun que le nom , avec
ceux que Platon & Aristote ont rendus si
célebres. Ceux- ci étoient des Ecoles publiques
pour l'instruction de la Jeunesse dans
ceux-là , un certain nombre de Sçavans s'as
sembloient pour agiter des questions de Philosophie.
:
Les Romains s'étant rendus maîtres des
Gaules , y firent fleurir les Lettres . Il est vrai
qu'ils trouverent dans ce Pays d'heureuses
dispositions pour les beaux Arts : car les
Bardes y avoient cultivé la Poësie , et les
Eubages la Philosophie . (Amm.Marc . Histor
Lib. 15. Mais ils joignirent à ces connoissances
celle de la Rhétorique , et l'Empereur
Caïus établit à Lyon des Combats d'Eloquence
, où les vaincus étoient obligés de
faire l'Eloge des vainqueurs , et de fournir le
A vj
PELK
740 MERCURE DE FRANCE
Prix qui leur étoit dû. On dit même que
ceux qui avoient tout- à - fait mal réussi ,
étoient condamnés à effacer leurs Piéces
avec la langue , sous peine d'être punis à
coups de ferules , ou d'être jettés dans le
Rhône. Ces disputes se faisoient devant
l'Autel d'Auguste , ( Juven . Sat. 1. ) & pendant
les Jeux qui s'y célebroient.
Marseille ne négligea pas les Belles - Lettres
, qu'elle tenoit des Phocéens, ses Fondateurs.
Cette Ville entretenoit des Professeurs
, qui enseignoient les Sciences des
Grecs , & son Académie étoit - le Siége des
Etudes. ( Tacit. Vit. Agric. )
Leur chute suivit de près celle de l'Empire
. Les Lettres ne jetterent plus qu'une foible
lueur sous la Domination des Barbares
& elles s'éteignirent entierement pendant les
desordres du dixième Siècle.
>
Au bout de trois cent ans on vit renaître
les Arts , & la Poësie fut la premiere qui
dissipa en Italie les sombres ténebres de l'ignorance.
On sentit bien- tôt que les récompenses
servent d'aiguillon à l'émulation , &
que sans l'émulation , les Arts languissent.
Ôn rétablit donc l'ancien usage de couronner
les Poëtes , qui avoit été aboli par l'Enpereur
Théodose , parce qu'il faisoit partie
des Jeux Capitolins . Albertino- Mussati re-
Sue la Couronne de Laurier en 1329. &
Petrar
DECEMBRE. 1738 274
Petrarque en 1341. immédiatement après
Mussati. Les autres Nations suivirent en ce
point l'exemple des Italiens . Les Allemands
donnerent le titre de Poëte Laureat, à Conradus
Celtes - Protuccius , sous l'Empereur
Frederic III . & les Espagnols,à Arrias Montanus
, & à Ausias March, qui vivoit 80 .
ans après Pétrarque.
Dans le Siècle de Pétrarque , que l'on peut
regarder comme le premier âge du rétablissement
des Lettres , on renouvella en France
les Combats Litteraires , & ils eurent pour
objet la Poësie. Les Troubadours l'avoient
mise à la mode : mais née dans le sein de
la barbarie , elle se ressentoit encore de son
origine . On songea alors à exciter les Poëtes
par des marques d'honneur à faire quelque
chose de plus parfait que ceux qui les avoient
précédés ; & dans cette vûë , Clemence Isaure;
de la Maison des Comtes de Toulouse
donna un fonds , dont le revenu devoit être
employé à une Violette d'or pour celui qui
feroit les plus beaux Vers. Tel fut le com
mencement des Jeux Floraux , qui subsistent
encore aujourd'hui. D'un autre côté, on
vit naître vers la fin du Regne de Charles V.
de foibles Essais du Poëme Dramatique ,
sous le nom de Chant - Royal , & il se forma
certaines Sociétés , où l'on jugeoit du succès:
de ces petites Piéces. ( Rech, sur les Théatres:
de France..
La
2742 MERCURE DE FRANCE
La Poësie Italienne eut des commence.
mens plus heureux. Elle dut sa naissance à
Dante , & son accroissement à Bembe , au
Trissin , au Tasse , & aux autres Poëtes du
seizième siècle. La Poësie Françoise , au contraire,
très - obscure en ce temps- là, n'a jetté
une vive lumiere que dans le siécle dernier.
Deux causes principales ont produit , à mon
avis , des effets si differens. Premierement
la Langue Italienne , portée à une grande
perfection pendant le quatorziéme siécle
fut extrémement épurée par les Auteurs qui
fleurirent dans le seizième . En second lieu
les Académies qui se formerent en Italie
eurent soin de maintenir les differentes Dialectes
qui y sont en usage , et même de les
fixer par des regles invariables .
L'Académie de Florence parut avec éclat.
Elle fut fondée dans le treizième . siécle
temps de barbarie pour les Lettres , par Bru
netto Latini , qui réveilla le goût des beaux
Arts. ( Mem. de l'Acad. des Belles Lettres
Tome VII. ) Cette Ecole forma d'abord Cavalcanti
, et le fameux Dante ; elle soûtint et
perfectionna la Langue Italienne , et oposa
ensuite un excellent Dictionaire aux abus
qui s'y étoient introduits , et qui en altéroient
la pureté. Long- temps après , les
Amateurs de la Physique , formerent dans
cette Ville l'Académie del Cimento , qui publiz
DECEMBRE. 2743 1738.
blia en 1667. le Recueil des Experiences
qu'elle avoit faites .
L'Académie de Rome étoit florissante dans
fe quinzième siècle , puisqu'elle donna la
Couronne Poëtique vers l'an 1453. à un
Andrelini , qui prit le nom de Publius Faustus
: car en ce temps - là les Sçavans changeoient
leurs noms. Les exemples d'un usage
si bizarre ne sont pas rares : je me borne:
néanmoins à celui du célebre Sannazar , qui
voulut s'apeller Actius Sincerus.
Le siècle suivant vit la naissance de plusieurs
Académies , entre - autres de celles de:
Verone et de Pérouze. La premiere duc
son origine en 1543. à une Assemblée d'Amateurs
de la Musique , qui , peu de temps.
après , embrasserent toutes sortes -d'Etudes..
Verona illustrata P. 2. ) Octavianus Plato s
Médecin de profession , contribua beaucoup
à l'établissement de la seconde , de laquelle
il publia l'Histoire. Ses Académiciens prirent
le nom de gli Insensati . ( Sorber . L. O. );
car ces Académies d'Italie affectoient quel
quefois des noms assés extravagans.
Je passe sous silence les Académies des:
Ricovrati de Padouë , des Intrepidi de Ferrare
, des Asserati de Naples , des Solinghi
de Turin , des Accordari , des Affilati , &
celle des Emulateurs d'Avignon , autorisée:
par le Pape , et ornée de beaux Privileges.
L'Aca
2744 MERCURE DE FRANCE
,
L'Académie Françoise est la premiere Epo
que de l'établissement de nos Académies.
Ce n'est pas que dans les siècles précedens ,
on ne vit chés nous des Assemblées de Gens
de Lettres . Celle qui , du temps de Ronsard,
se tint à S. Victor , & où Charles IX. alla
plusieurs fois en est une bonne preuve.
Mais ces Associations n'avoient ni Lieu fixe,
ni Reglemens munis de l'autorité publique.
Ainsi, sous le Regne de Louis XII. Gaston ,
Duc d'Orleans , faisoit tenir chés lui de sçavantes
Conferences, où l'on arrivoit, préparé
sur les matieres qu'il avoit indiquées ; et
M. Conrart recevoit dans sa Maison ses
Amis particuliers , pour y parler des Belles-
Lettres.
Le Cardinal de Richelieu s'aperçut bientôt
de l'utilité de ces Assemblées . Il sentit
que l'Eloquence aide la raison , que la Poësie
rend la vertu aimable , et que la Grammaire
est le fondement des autres Sciences. Mais
il connut en même temps , que pour conduire
ces Arts à un haut degré de perfection ,
il falloit réunir les beaux Esprits en une
Compagnie, où le mérite seul fut placé, et le
sçavoir rassemblé par des suffrages libres. Et
certainement rien ne fut jamais mieux pensé
par un homme qui a fait de si grandes choses
, que l'Etabliffement d'une Societé de
Sçavans , dont l'occupation principale est
de
1
DECEMBRE. 1738. 2745
de consacrer à l'Immortalité les actions des
grands Hommes. ( Perrault , El . du Card. de
Richel. ) L'Académie Françoise fut donc établie
par Edit du Roy en l'année 1635. et
pour se conformer aux vûës de son illustre
Fondateur , elle s'attacha à déclarer le bel
usage , et à fixer les regles fondamentales de
notre Langue , par un Dictionaire qu'elle
publia en 1694. et par une Grammaire , dont
elle laissa le soin à M.l'Abbé Regnier. Quant
à la Poësie , M. de la Ménardiere donna en
1640. un Effai de Poëtique qu'il avoit entrepris
par l'ordre exprès du Cardinal. Mais
PEloquence attira principalement l'attention
de l'Académie ; et M. de Balzac , qui fut
comme le Pere de ce bel Art , proposa un
Prix à ceux qui voudroient s'exercer à cette
étude. Ce Prix fut donné pour la premiere fois
en 1671. et il fut suivi en 1699. du Prix de
Poësie , fondé M. de Clermont-Tonnerre
, Evêque de Noyon.
>
par
L'Académie Françoise enfanta dès l'année
1663. celle des Inscriptions. M. Colbert
prit du sein de la premiere, quatre Sçavans,
pour travailler aux Médailles , aux Devises
& autres choses de cette nature 7
qui se présentoient à faire pour le Roy.
Ĉette Colonie s'étant accruë peu à peu, S. M.
confirma son Etablissement en 1713. par
des Lettres Patentes. Du reste , cette célebie
Com246
MERCURE DE FRANCE
Compagnie ne s'est pas tenue à la tâche
qu'elle s'étoit prescrite ; elle étend ses soins
sur la belle Litterature & en inspire le
goût , par le Prix dont elle honore l'Auteur
qui a le mieux traité un sujet d'Histoire .
M. Colbert n'avoit pas encore fait le Plan de
l'Académie des Inscriptions , quand l'Assemblée,
qui dès la fin de l'année 1657.commença
à se tenir chés M. de Montmor, pour y traiter
des matieres de Physique , fut comme le crépuscule
du grand jour que devoit répandre
sur les Sciences l'Académie que le feu Roy
fonda en 1666. La magnificence de ce Prin
ce éclata bientôt dans le superbe Observatoire
, qui fut construit pour les Observations
Astronomiques , & dans un grand Laboratoire
qu'on destina aux Opérations Chymiques.
Cette Académie répondit si bien
par ses travaux aux intentions de son Fondateur
, que S. M. en 1699. voulut lui donner
de nouvelles marques de son affection , par
un Reglement qui lui procura une seconde
naissance , encore plus noble que la premiere
.
L'exemple étoit trop beau pour
n'être pas
suivi. M. le Comte de Clermont , Prince
du Sang , né avec un grand goût pour les
Sciences , fonda dès l'âge de vingt ans , ( en
1729. ) une Académie des Arts , composée
de cent Personnes , qui s'assemblent chés
Jui La
DECEMBRE. 1738. 2747
La Province voulut partager avec la Capitale
les avantages Litteraires de ces sortes
d'Etablissemens , & l'on vit paroître les Académies
d'Arles , ( 1669. ) de Soissons, ( 1674. )
de Villefranche , de Nismes , ( 1682. ) de
Blois , d'Angers , ( 1685. ) de Caën , ( 1705. )
de Beziers , ( 1723. ) de Lyon , ( 1724. ) de
Marseille , ( 1726. ) & de la Rochelle, ( 1732 . )
Les Belles Lettres sont le lot de toutes ces
Académies mais celle d'Arles est remarquable
par deux singularités. Elle ne doit
être composée que de Gentilshommes , pour
retirer la Noblesse de l'oisiveté , & lui inspirer
le goût des Lettres. En second lieu ,
elle est la premiere qui ait reçû des Femmes,
en donnant le titre d'Académicienne à Mad.
Des Houlieres. Quelques Académies , comme
celle de Bordeaux , joignent les Sciences
aux Belles Lettres ; d'autres n'embrassent que
les Sciences , & de ce nombre est la Societé
que d'habiles Physiciens formerent à Toulouse
, vers l'an 1729 .
%
Les Arts Liberaux ne contribuent gucre
moins , en leur maniere, à la gloire des Etats,
que les Sciences les plus sublimes . C'est ce
qui porta le feu Roy à fonder des Académies
pour ces beaux Arts. Celle de Peinture
& de Sculpture fut établie à Paris en 1648 .
Six Architectes formerent d'abord l'Acadé
paie
2748 MERCURE DE FRANCE
1
·
*
mie d'Architecture. Ces premiers Académiciens
furent Mrs le Van , Gitart , le Pautre
Briand , Dorbay , & Mignard . S. M. donna
ensuite une place dans ce Corps au célebre
Mansard.
>
Quand on jette les yeux sur nos Académies
& sur celles de nos voisins , on ne peut
s'empêcher de faire une réfléxion , qui nous
fait bien de l'honneur. Les Anglois , habiles
Scrutateurs des secrets de la Nature , se
bornent à cette étude , & leurs Societés de
Londres & d'Edimbourg , n'ont d'autre but
que la perfection de la Physique , & le
progrès
de la Médecine. D'un autre côté , les
Italiens , passionnés pour la Poësie & pour
la Peinture , n'ont formé dans leurs Académies
, que des Poëtes ingénieux , & des
Artistes experts. Les François sont les seuls
dont les Académies embrassent les Belles
Lettres , les Sciences & les Arts. Notre goût
nous porte à cette universalité de connoissances
, & le génie de la Nation favorise
assés son goût.
Lexandre
**
A ayant séjourné quelque
temps dans Ephese , pour délasser
son esprit , alloit souvent voir travailler
Apelle
DECEMBRE. 1738. 2749
Apelle , à qui seul il permit de faire son
Portrait : ce Prince lui témoigna ensuite tant
d'amitié , qu'il lui donna la plus belle & la
plus aimée de ses Concubines , parce qu'il
avoit remarqué qu'Apelle en étoit devenu
amoureux , & qu'il ne croyoit pas le pouvoir
mieux récompenser du magnifique Tableau
qu'il lui avoit fait ; c'est - là ce qui a
donné lieu à ce morceau de Poësie,
Epitre d'Alexandre à Pancaste.
ON admire partout l'ingénieux Apelle ,
Vous avez vû les traits de son divin Pinceau ;
Pancafte , & vous sçavez qu'en traçant mon Ta,
bleau ,
Ce Peintre s'est acquis une gloire immortelle,
*
Tout enchante dans ce Portrait ;
Plus loin que la Nature on y voit l'Art s'étendre ;
L'habile Ouvrier qui l'a fait ,
Le seul Apelle , étoit digne de l'entreprendre.
Ce Chef-d'oeuvre transmis à la Pofterité ,
De ma reconnoiffance exige un témoignage ;
Comment faire éclater ma générofité ,
Si vous n'êtes le prix de ce fameux ouvrage ?
Oui ,
1750 MERCURE DE FRANCE
Oui, Pancafte, c'eft vous dont malgré mon amour,
Je prétens couronner le mérite d'Apelle :
Alexandre peut -il l'honorer en ce jour
De
peur
D'une récompense plus belle
*
Quand j'immole tout à la fois ,
d'être un ingrat , mon bonheur & le vôtre,
Et que je vous remets entre les bras d'un autre ,
Jugez de ce que je lui dois.
*
J'ai permis , il eft vrai , pour prix de son adreffe ,
Que son coeur s'enflammât d'un objet dans ma
Cour ;
Qui l'eût cru , qu'il osât en se charmant séjour ,
Sans respect pour mes feux , m'enlever ma Mattreffe
?
*
Je sens que mon amour s'irrite de ce choix ,
Mais esclave de sa parole ,
Ce qu'un Prince , un Heros a promis une fois ,
Doit -il être jamais incertain ou frivole ?
O fatale néceffité ,
Qui m'oblige à céder mon adorable Amante !
Apelle a trop connu le prix de sa beauté ;
Que n'étoit- elle moins charmante !
Pancafte ,
L
Pancafte , lorsque je vous perds ,
Rien ne peut vous ôter de ma trifte mémoire ,
Et vous seule toujours serez , après la gloire ;
Ce que je chérirai le plus dans l'Univers .
*
Mille Peuples vaincus que m'a livrés Bellone ,
N'ont pas encor fixé mes projets généreux ;
A peine un monde entier suffit à ma Couronne ,
Vous seule suffifiez à mon coeur amoureux.
*
Qu'on vante , j'y consens , la brillante Victoire ,
Qui dans les Champs de Mars seconda ma valeur ;
La conquête de votre coeur
Eft un Trait dont je veux qu'on orne mon Hiftoire
*
Heureux Guerrier , Amant heureux ,
Rien ne résistoit à mes armes ;
Pancafte, m'adoroit , je comblois tous ses voeux ,
Esclave tour à tour & maître de ses charmes.
Mais pourquoi rapeller un souvenir si doux ,`
Quand je brise les noeuds de l'amour le plus tendre
Pour Amant autrefois vous eûtes Alexandre ,
Aujourd'hui, c'en eft fait.... Apelle eſt votre époux.
*
Chere
2752 MERCURE DE FRANCE
Chere Amante , daignez répondre à sa tendreffe ,
Songez que vous tenez cet époux de ma main ;
J'espere , quand je vous en preffe ;
Que ce ne sera pas en vain.
*
Hélas ! si j'ose vous le dire ,
Du moins votre malheur me paroît glorieux ;
Puisqu'en s'éloignant de vos yeux ,
Le plus grand des Heros , Alexandre, soupire.
Par M. Michault , de Dijon.
ののね
LETTRE du Marquis de ... à la Comtesse
de... sur l'abus qu'on fait de l'Esprit.
pas
E suis encore si frapé , Madame , de la
derniere conversation que j'ai eu l'honneur
d'avoir avec vous, que je ne puis m'empêcher
de vous faire la guerre sur les éloges
que vous donnez à l'Esprit , au desavantage
du bon sens & de la raison. Je ne crois
qu'on puisse tenter d'entreprise plus hardie
que celle où je vais m'exposer : je prétens
décrier l'esprit ; & dans quel temps ? dans un
siécle qui ne brille que par lui . Mais qui m'y
réduit C'est l'abus presque général qu'on
fait de cette faculté de l'ame , qui aproche le
plus
DECEMBRE. 1738. 1738 . 2753
plus l'homme de la Divinité ; cet abus me
révolte à tel point , que je ne puis differer
plus long-temps de le réprimer , autant que
mes foibles lumieres pourront me le permettre.
•
Ce qui me rassûre , Mad. , contre le péril
où je me livre , c'est qu'ayant à décrier l'abus
de l'Esprit , je semble dispensé en quelque
maniere d'en mettre beaucoup dans une
Lettre, où le jugement doit primer.
A Dieu ne plaise que je m'arroge cette seconde
fonction de l'ame , qui , moins brillante
que la premiere , a l'avantage d'être
plus solide , & par consequent plus eftimable.
Tout homme peut , sans fatuité , se
vanter d'avoir quelque raison en partage , &
ce seroit trop se dégrader , que de confesser
qu'on en est tout-à- fait dépourvû ; c'est donc
avec cette modeste restriction , que je vais
m'ériger en Censeur contre le mauvais usage
qu'on fait de l'Esprit .
J'avouë , Mad. , à la gloire de notre siécle
, si c'en est une , qu'on n'en a guere vû
de plus éclairé ; mais il faut confesser à sa
honte , qu'on n'en a guere vû de plus superficiel.
La qualité de bel Esprit est devenuë un
titre deshonorant , par la confuse multipli- '
cité de ceux à qui on la prodigue ; non , ce
II. Vol. B n'est
2754 MERCURE DE FRANCE
doit n'est point par de fausses lurnieres que
briller un homme , qui veut consacrer son
nom à l'immortalité. Est-ce par un chemin
aujourd'hui si battu , que nos respectables
Ancêtres y sont parvenus ? Non , Mad. ; ils
brilloient peut-être moins que nous , mais
ils éclairoient davantage leurs heureux contemporains
; ils portoient des fruits , au lieu
que la plûpart de nos Auteurs Modernes ne
produisent que des fleurs , que le moindre
souffle de vent emporte comme la pous
siere.
Ils n'ont , Mad. , pour s'humilier , & pour
se réduire à leur juste valeur , qu'à se rapeller
le siécle de LOUIS LE GRAND , non
moins recommandable que celui d'Auguste .
Quels génies superieurs n'a- t - il pas produits
dans tous les genres de Litterature ?
Quels chefs- d'oeuvres de doctrine & d'élocution
ne nous ont pas laissés les Bossuets
& les Fenelons , qui dans les premiers siècles
auroient été associés aux Athanases , aux
Augustins , & aux Thomas , entre les Lumieres
de l'Eglise ?
Quel jour n'ont pas répandu dans le Bareau
tant de célebres Jurisconsultes , tant de
fameux Avocats , qui ont porté une clarté
sans nuage dans les Causes les plus obscures ,
malgré le voile épais de la chicane , superieurs
DECEMBRE. 1738. 2755
peurs
eurs en cette partie aux Démosthenes &
aux Cicerons , qui ne s'attachoient qu'à
émouvoir les coeurs , & négligeoient la discussion
des Faits & de la raison ?
Dans le Poëme Dramatique , les Molieres,
les Corneilles & les Racines n'ont -ils pas
atteint ' , pour ne pas dire laissé en arriere
les Plautes & les Terences , les Sophocles &
les Euripides ? Voilà , Mad. , quels ont été
les Ecrivains du siécle passé . Mais quels
sont , pour la plûpart , ceux du siécle présent
? Quel vaste champ n'ouvrent pas के
mes réflexions , les divers genres de Litterature
, dont je viens de parler ? A quel excès
ne porte-t- on pas tous les jours l'envie
démesurée de passer pour homme d'esprit ?
Faut il que la Nature ne nous ait dispensé
tant de lumieres , que pour nous en voir
porter les premiers traits contre elle- même?
Je ne suis pas assés injuste , pour décrier
absolument tous les Ecrivains d'aujourd'hui ;
il en est encore qui ne se sont pas laissé entraîner
au torrent , mais il en est si peu
qu'à peine se font-ils apercevoir dans la foule
de ceux qui , par une route contraire
parviennent aux premiers honneurs de la
Litterature , à la honte du siècle , & emportent
tous les suffrages. Vous n'en êtes , Mad.
qu'une preuve trop convainquante. Quels
Bij Eloges
2756 MERCURE DE FRANCE
›
›
Eloges ne prodiguâtes-vous point dans notre
derniere conversation à cinq ou six beaux
Esprits à la mode , qui dans un siécle moins
amateur des fausses lumieres ne s'attireroient
que le mépris géneral ? J'en fus si
surpris , que je demeurai sans repartie , ou
plutôt , si je n'éclatai pas, ce fut pour ménager
votre gloire. Je ne doute pourtant pas que
vous n'ayez remarqué quelque alteration sur
mon visage , pendant un Entretien que je
ne pouvois plus soûtenir , sans me faire une
extréme violence ; je vous quittai plutôt qu'à
l'ordinaire , & courus me renfermer chés
moi , pour me livrer en liberté à mes réflexions.
Je ne fus pas plus heureux dans mon
cabinet ; on venoit d'enrichir ma Bibliotheque
d'un Livre nouveau ; je me flate que
c'est un secours que le sort m'envoye à point
nommé , pour dissiper mon chagrin ; je me
jette avidement sur ce prétendu consolateur
; l'Ouvrage en question est d'un Auteur
qui n'a eu garde de mettre son nom à la
tête , attendu qu'il roule sur des matieres
que la sagesse du Prince a proscrites ; mais
avec quelle adresse n'a- t- il pas assaisonné le
poison qu'il veut faire avaler à ses Lecteurs ?
L'Esprit y petille partout , la médisance y
coule à longs traits ; les bons mots , l'ironie
& le sarcasme y sont prodigués. Nouveau
sujet
DECEMBRE. 1738. 2757
par
sujet d'indignation pour moi ! Est- ce-là , disje
d'un ton de colere , le dédommagement
que j'ai cru trouver chés moi ? Aussi peu
satisfait par les yeux que je l'ai été les
oreilles , pardonnez- moi ce reste de colere ;
je ne sçais plus à quoi recourir , pour
employer les momens de loisir que mes
affaires domestiques me laissent ; un de mes
meilleurs Amis vient m'aprendre qu'un de
nos plus célebres Avocats , doit au premier
jour plaider une Cause qui fait l'entretien de
la Ville & de la Cour ; je me rends au Palais
avec lui au jour précis.
Mais à peine ai - je entendu les trois ou
quatre premieres périodes d'un Plaidoyer si
avantageusement annoncé , quoi ? dis - je à l'oreille
de mon zelé Partisan de l'Eloquence
moderne,par qui je me suis trop aveuglément
laissé conduire , l'Esprit me suivra-t'il partout
? Et le Sanctuaire de Thémis ne me
mettra t'il pas à l'abri de sa persécution ?
En effet , Mad . , je n'en ai jamais tant vu
briller que dans ce fatiguant Plaidoyer ; mais
quel genre d'Esprit le fiel le plus amer y
tient lieu de sel attique ; & quand il prend
envie à l'Orateur de s'égayer , peu s'en faut
qu'il ne donne dans le Madrigal ; mais comme
le dessein qui le conduit au Bareau n'est
pas de louer , il rabat sur l'Epigramme . Il
n'en est que plus aplaudi ; le malin Public
B iij
lui
2758 MERCURE DE FRANCE
lui sçait bon gré de lui livrer une victime ;
& par des aplaudissemens plus insultans que
les traits satyriques qu'il lui voit décocher, il
l'invite à continuer à le divertir aux dépens
du prochain.
Pour n'être pas complice des injustes
hommages qu'on rend à l'Esprit , tout déplacé
qu'il est , je me sauve à la hâte , & je
tourne mes pas du côté de la Comédie Françoise
; je me flate , avec quelque justice ,
qu'un Lieu destiné à corriger les moeurs , ne
prêtera pas un azile à l'abus qu'on fait de
'Esprit. Je ne suis que trop détrompé ; on
joue une Piéce nouvelle , qui me traîne impitoyablement
de saillie en saillie , depuis
l'exposition jusqu'au dénoûment.
Quelle abondance d'esprit , mais quel
vuide d'action ! Tout l'Ouvrage n'est qu'un
Recueil de maximes , plus propres à remplir
qu'un Théatre › que
Moliere des Ecrans
avoit rendu digne de servir de modele à
tous ceux des autres Nations.
Qu'il est different , ce Théatre , de ce qu'il
fut autrefois ! l'or y a fait place au clinquant,
la Nature à l'Art , & le sentiment à l'esprit.
Les Piéces les plus couruës , sont celles où
le faux brillant domine le plus ; on ne se
fait aucun scrupule du renversement des
regles ; l'esprit , dit-on , tient lieu de tout ;
DECEMBRE. 1738 . 2759
il importe peu que la Piéce soit défectueuse
; l'esprit , ajoûte - t- on , racommode
tout.
On convient que l'Ouvrage n'est pas bien
fait , mais il ne laisse pas de paroître beau ,
ou du moins joli , & lorsqu'un Censeur
équitable ose dire tout haut qu'il n'y a trouvé
que de l'Esprit , N'en a pas qui veut ,
travaillé
ceux
pour
pond l'Auteur ; je n'ai pas
à qui la Nature en a refusé , est - ce ma faute
, à moi , si elle ne leur a donné qu'un
froid bon-sens en partage ?
ré-
Ne croyez pas pourtant , Mad. , que je
prétende ici décrier l'Esprit , & le bannir
tout-à-fait du Théatre ; je ne condamne
comme je l'ai déja avancé , que le mauvais
usage qu'on en fait ; il est de l'essence de la
Comédie de corriger les moeurs en riant , &
comment faire rire sans le secours de l'esprit
? l'agrément qu'il prête aux images ne
les rend que plus vives ; elles deviendroient
insipides , sans le sel qu'il y répand.
Mais ce sel doit-il y être répandu à pleines
mains ou plutôt ne doit-il
pas y être
ménagé avec un art qui fasse , pour ainsi dire
, disparoître l'esprit , pour ne laisser apercevoir
que la raison l'Art perfectionne la
Nature , quand il s'unit sobrement avec
elle mais il l'étouffe , dès qu'il la surcharge,
·
>
Je sçais , Mad. , qu'il est très - difficile à un
B iiij
Au2760
MERCURE DE FRANCE
Auteur , à qui la Nature a donné trop d'esprit
, de ne le pas prodiguer dans ses Ouvrages
; peut on être asses ennemi de soimême
, quand on est entré dans la brillante
carriere du bel Esprit , pour ne se point servir
de ses avantages , contre des concurrens,
mieux partagés du côté de la raison ? Ces
derniers sont plus estimés des vrais Connoisseurs
; mais ils sont si rares , ces vrais
Connoisseurs , qu'on se croit presque dans
l'oubli , quand on se trouve réduit à un si
petit nombre d'Apologistes.
C'est du peu de justice qu'on rend aux
veritables beautés , que naissent les faux
agrémens. Et comment un bel Esprit en
titre d'office , pourra-t-il prescrire des bornes
à l'insatiable desir de gloire dont il est
dévoré , quand les aplaudissemens prodigués
en sa faveur ne cessent de lui faire entendre
qu'il ne sçauroit trop se livrer à l'intempérance
de son imagination ? porté jusqu'aux
nuës sur les aîles de la Renommée , il ne
songe plus qu'à multiplier les heureuses saillies
qui l'élevent au dessus de ses Rivaux ;
s'il fait une Comédie , il met de l'esprit jusque
dans la bouche de ses plus vils Interlocuteurs
; s'il compose une Eglogue , ses Bergers
& ses Bergeres , oubliant cette aimable
& précieuse simplicité que Theocrite & Virgile
ont alliée si sagement à la houlette , sont
autant
DECEMBRE. 1738. 2761
•
autant de Corynnes & de Saphos ; elles
possedent à fond la Métaphysique du coeur ;
elles s'épuisent en beaux sentimens bien
entendu que l'esprit les assaisonne de ce
qu'il a de plus brillant ; enfin si cet Auteur,
tel que je viens de le peindre , daigne descendre
jusqu'à la Fable , il est assés déraisonnable
pour donner de la raison aux Animaux
qu'il fait parler , & desesperant d'atteindre
la naïveté de la Fontaine dans ce
d'écrire , il tâche de le surpasser par genre
Pélégance de la versification ; qu'en arrive-
t-il ? tout ce qui passe par ses mains ,
perd sa forme naturelle ; ce ne sont plus des
Valets & des Soubrettes , des Bergers & des
Bergeres , des Animaux enfin qui dialoguent,
c'est toujours l'Auteur qui parle.
Eh ! comment le tirer d'un égarement si
déplorable ? Il ne connoft point de chemin
plus sûr pour aller à l'immortalité , que celui
que son esprit lui a frayé ; il néglige toutes.
les autres routes ; mais quelle sera peu
durable
, cette prétendue immortalité le vrai
beau est plus long- temps à se faire sentir ;
mais il gagne à mesure qu'il se fait connoître
; et la posterité la plus reculée lui rend la
justice que la dépravation du goût lui a fait
refuser dans sa naissance.
Mais si l'abus qu'on fait de l'Esprit est répréhensible
dans la Comédie & dans les au-
B.v. tress
2762 MERCURE DE FRANCE
tres genres de Poësie, dont je viens de parler,
à combien plus forte raison ne le sera-t- il
dans la Tragédie ? pas
La dignité des Personnages qu'on fait paroître
sur la Scene , met dans un plus grand
jour les fautes qu'on leur fait faire ; on attend
de leur part plus de sentimens que d'esprit ,
les grandes passions, dont ils doivent être.
remplis , ne leur permettent pas de se parer
d'ornemens superflus & déplacés ; j'apelle
de ce nom les fausses lucurs de l'Esprit.
Un de nos plus ingénieux Modernes , à
qui , disoit- on , la Nature avoit donné tout
son coeur en Esprit , se fit chansonner par
l'abus qu'il faisoit de ce dangereux présent
qu'il avoit reçu du Ciel. Comme tout devenoit
Esprit sous sa plume , il faisoit parler
ses Personnages Tragiques en Damerets ; if
n'échipa point aux traits de la censure , le
Couplet partit & l'accusa de mettre des Madrigaux
dans la bouche du Fondateur de
Rome.
Combien d'autres abusent impunément
de leur Esprit , & se font une célébrité
dans la République des Lettres , par des
endroits qui devroient ensevelir leurs noms
dans la nuit d'un éternel oubli ?
Jusqu'à quel point le Poëme Dramatique
n'a - t'il pas dégeneré en France, depuis la perte
que le Théatre a faite des grands Maîtres de
PArt 2
DECEMBRE. 1738. 2763
fArt ? Il est tombé dans une espece d'anéantissement
par le mauvais goût du siecle ;
on ne rougit pas d'aplaudir à ce qu'on devroit
siffler.
Il s'en falloit bien que le siecle de Louis
le Grand tombât dans une condescendance
si pernicieuse au Théatre . L'Académie Françoise
, quelque respect qu'elle eût
grand Corneille , ne put lui
passer d'avoir
donné de l'Esprit à la douleur de Chimene ,
dans ces fameux Vers :
pour
le
Pleurez , pleurez mes yeux & fondez-vous en eau ;
La moitié de ma vie a mis l'autre au tombeau !
Cependant Corneille étoit excusable , parce
qu'il ne faisoit que traduire un Auteur Espagnol
, & qu'il se conformoit au génie
d'une Langue qui n'abonde que trop en Esprit.
Et comment l'Auteur François , aussi
sage & aussi judicieux qu'il étoit , seroit - il
tombé , par l'envie de briller , dans une faute
qu'il avoit condamnée lui- même dans une de
ses premieres Comédies , où il fait répondre
à une pareille Disparate , par ce Vers ?
Vous êtes en coiere , & vous faites des pointes !
N'est- ce pas condamner hautement l'abus de
PEsprit 2
Je ne finirois point ma Lettre , s'il me
falloit citer tous les Exemples de cet abus
Bvj
2764 MERCURE DE FRANCE
qui s'offrent en foule à mes yeux. Nous n'em
voyons que trop , de ces Ouvrages conçus
en d'pit du bon sens , qui cependant ne
laissent pas d'avoir un nombre infini de Partisans.
Heureux , s'il m'étoit aussi facile d'apliquer
le remede, que de montrer le mal !
La dépravation du goût est d'autant plus
incurable , qu'elle part d'une cause qui semble
faire honneur à notre Nation . Et dequoi
, diront les Partisans du bel Esprit , dequoi
accuse - t- on notre siècle ? d'être trop
éclairé ? Voudroit on nous replonger dans
cette ignorance , que les Adorateurs de l'Antiquité
apellent du beau nom de simpli
cité ?
Non , leur répondrai - je ; on ne porte pas.
Pinjustice jusqu' vous dévoüiller des trésors
qui ont succedé à l'indigence , jusqu'à
vous priver des lumieres qui ont suivi les
ténebres ; mais on voudroit que vous en
fissiez un meilleur usage . Ce n'est point
assés d'avoir de l'Esprit , il faut y mettre de
la justesse , & ne se pas livrer à une imagition
déreglée , qui va toujours au - delà des.
bornes la droite raison lui a prescrites ;:
vous avez de l'Esprit , personne ne vous le
dispute ; mais autant vaudroit- il n'en avoir
point du tout , que d'en trop avoir ; il faut
accommoder votre Esprit au sujet que vous
traitez , & non subordonner le sujet à l'Es~
prit.
que
Voilà ,
DECEMBRE. 1738. 2765
!
Voilà , Mad. , le seul remede que je puisse
indiquer , mais je desespere qu'on en veuille
faire l'experience ; on croiroit trop y perdre.
Eh que deviendroient les Auteurs qui
n'ont que de l'Esprit ? ne seroit- ce pas les .
réduire à la derniere indigence ? non ; n'attendons
pas d'eux un renoncement volontaire:
aux avantages qu'ils ont reçus de la Nature.
Je ne veux pas pourtant confondre dans .
la même classe tous ceux que la Nature a
enrichis des trésors de l'Esprit ; ce don précieux
n'est pas le seul qu'elle a fait à des Auteurs
du premier ordre ; elle leur a donné
quelque chose de plus estimable ; c'est la
raison , c'est la connoissance des regles , c'estla
justesse du discernement ; ils ne manquent
pas de raison , puisqu'ils font de si solides .
critiques de tous les Ouvrages , les leurs ex--
ceptés ; ils connoissent les regles , puisqu'ils.
en reprochent la négligence à leurs Rivaux
ils font preuve de discernement , quand
s'agit d'aprécier les Piéces sur lesquelles on
leur fait l'honneur de les consulter ; tout ce :
que je viens d'avancer à leur gloire , se manifeste
ouvertement dans les superbes Préfaces
dont ils décorent quelquefois leurs.
Ouvrages les plus défectueux ; ainsi on ne
peut pas dire que la Nature ne leur ait donné
que de l'Esprit ; nous avons même des .
Poëtiques de leur façon , dans lesquelles les.
regles,
2766 MERCURE DE FRANCE
regles du Théatre sont prononcées du ton
d'Aristote & d'Horace ; mais par malheur
ils se dispensent des loix qu'ils imposent aux
autres.
D'où peut donc naître l'énorme difference
que l'on trouve entre ce qu'ils font & ce
qu'ils devroient faire , si ce n'est de l'envie
démesurée d'emporter les suffrages d'un Public
, qui ne se laisse entraîner qu'au torrent
de l'Esprit , & qui en préfere les lumieres
éblouissantes à la solidité du raisonnement
?
Qu'ils ne présument pas cependant se
disculper par- là du mauvais usage qu'ils
font de leurs talens ; ce même Public qui se
prête à la séduction, & qui n'adopte le faux,
que parce qu'il se présente à ses yeux sous
l'aparence du vrai , sortiroit d'erreur , s'ils
étoient tous les premiers à l'en tirer ; c'est à
eux à lui donner le ton , & non à le prendre
de lui ; je parle ici`d'un certain Public , qui
n'a point d'autre avantage que d'être le plus
nombreux non , ce n'est point là cet auguste
Tribunal , devant lequel tous les Ouvrages
ressortissent ; chés ce Public respectable
, les voix se pesent , & ne se comptent
pas.
Heureusement , Mad. , ce Public que l'on
fait consister dans la multitude confuse
commence à ouvrir les yeux sur les Piéces
de
DECEMBRE. 1738: 2767
'de Théatre ; on vient de livrer des assauts à
P'Esprit dans un lieu d'azile pour lui , je veux
dire à l'Opera ; n'est- ce pas le relancer dans
son Fort : Eh ! quel Théatre est plus favorable
aux Madrigaux ? Cependant on n'y a
pas trop bien accueilli les premieres productions
de deux ou trois Auteurs , qui , sous le
paffeport de l'Esprit , se promettoient un
succès infaillible ; le Parterre a eu la noble
fermeté de résister à tout ce qu'ils ont étalé
de plus séduisant.
Que ne devons -nous pas attendre de cette
résipiscence du siécle ? On n'a pas fait ce
premier pas , pour reculer ; les Auteurs qui
ne cherchent qu'à plaire , prendront des routes
plus sûres pour y parvenir ; ils se livreront
avec plus de réserve à la fougue de.
leur imagination ; ils permettront à la raison
de leur donner des conseils salutaires ; ils .
reconnoîtront que l'action étant l'ame du
Poëme Dramatique , leurs Piéces ne sçauroient
être avouées des vrais Connoisseurs
tant qu'elles en seront dépourvûës ; je sçais .
bien , Mad. , que la Nature n'accorde pas à.
tout le monde le don précieux de l'inven-
- tion ; mais comme elle est du ressort de:
Pimagination , on peut l'acquerir par le travail
; on n'a , pour arriver à la perfection de
FArt , qu'à étudier les grands Modeles qui
en ont ouvert le chemin , ce n'est que par
là
qu'om
2788 MERCURE DE FRANCE
qu'on peut rendre au Théatre François som
ancienne splendeur, & réserver les étincelles
de l'Esprit , pour les Epigrammes , les Madrigaux
, les Chansons , & pour tout ce qu'on
apelle Poësies Anacreontiques , dans lesquelles
notre Nation surpasse toutes les autres.
Ne bornons pas notre gloire à briller dans
un genre qui semble n'être fait que pour
L'Esprit ; quelque chose de plus estimable
manque à nos Poëtes Modernes
› c'est ,.
Mad , ce précieux don de l'invention , dont
je viens de vous parler.
,
nous.
Comme l'Esprit en est la source
n'avons qu'à faire un bon usage de ce même
Esprit dont l'abus nous deshonore ; que
ceux de nous, Auteurs, qui en sont les mieux.
pourvus , lui donnent la raison pour guide ;
qu'ils arrêtent son impétuosité , surtout dans
le Poëme Dramatique ;, qu'ils l'empêchent
enfin de s'égarer.
Nous n'en voyons que trop , de ces égaremens,
qui font retomber notre Théatre dans
le cahos d'où le grand Corneille l'avoit heureusement
tiré. On prend tous les jours:
pour du génie , ce qui n'est , à le bien priser
, qu'un pitoyable délire. Est ce ainsi
qu'il faut peindre la Nature , dont le Poëme
Dramatique doit être une parfaite imitation ?
On abonde en paroles , tandis qu'on néglige
-
Paction ,
DECEMBRE. 1738. 276
l'action , qui doit être l'ame de la Comédie
& de la Tragédie ; d'où vient une négligence
si deshonorante , si ce n'est du
si ce n'est du manque
d'invention ? Et d'où peut naître ce manque
d'invention , si ce n'est du mauvais usage
qu'on fait de l'Esprit ?
Avoüez- le , Mad. , vous ne vous attendiez
pas à recevoir de moi une Dissertation , au
lieu d'une simple Lettre ; je confesse tout le
premier , que je me suis engagé plus avant
que je ne croyois ; je n'aurai pas lieu de m'en
repentir , si j'ai le bonheur d'ôter à l'Esprit
une Apologiste aussi forte que vous , rien
n'est plus dangereux que l'exemple d'une
Personne que la Nature a pourvûë de la plus
solide raison. Je me flate du moins , que
vous ne serez plus si ardente à défendre une
mauvaise cause , & que vous me ferez la
grace de me croire toujours , avec une parfaite
estime , votre , &c.
S
SONG E
ENVOI
Ans m'amuser à pâlir sur le Plan ,
Ami Thibaut , d'un ennuyeux Prologue ;
Pour te tracer les Voeux du nouvel an ,
Dispense
2770 MERCURE DE FRANCE
Dispense-moi d'un fade Dialogue.
Tu sçais où va pour toi mon tendre amour ,
Amour ardent , amour pur & sincere
> Peut- il avoir un plus beau caractere
Lorsque la Nuit sur tout l'envie au Jour ?
Eh ! quel langage ! au Jour la Nuit l'envie !
Mon ame donc à t'aimer affervie ,
Malgré le Dieu qui verse les Pavots ,
Te consacrant tous les temps de sa vie ,
Se priveroit même de son repos .
Non , non , écoute. Une petite Epoque
Va dans l'instant , conçuë en peu de mots ,
Te mettre au fait de ce style équivoque.
Un jour , Ami , succombant aux apas
Que le Sommeil fait goûter dans ses bras ,
( Minuit sonné ) * tu m'aparus en songe.
Munis chacun d'une torche à la main ,
( Aimable erreur où mon ame se plonge
Nous vifitions les raretés sans fin ,
De je ne sçais quel Palais soûterrain.
Ce Labyrinthe , où loin de son Empire .
Le Dieudes Mers daignoit tenir sa Cour
Etoit pour lors devenu le séjour
Des Déités que sa Personne attire.
* Allusion à l'Endroit où Horace dit qu'après mi-.
nuit , les Songes sont autant de vérités . Sat.X.Lib . L.
Là
DECEMBRE. 1738. 2771
Là , dans leurs mains des Nymphes à nos yeux ,
D'une Urne énorme étalant le spectacle ,
Ainsi que toi , libre de tout obstacle ,
J'en admirois le contour spacieux .
Mille Tritons près de ces chastes Filles ,
Sans se laffer, agitant leurs Coquilles ,
Nous sembloient faire un travail précieux.
Ce fut alors , que toujours en extase ,
Dans divers Lieux je vis plus d'un (4 ) Pégase ,
"
Forcer la Terre à prodiguer ses Eaux :
Lorsqu'à son tour embouchant sa Frompette,
Certain (6) Triton élevé sur des flots ,
Avec éclat sonnoit une retraite.
Bien- tôt le bruit de ce fignal soudain ,
A la faveur d'une secrette iffuë ,
Nous fait quitter le Palais soûterrain .
Mais devant nous à peine , à demi- nuë
S'offroit déja la Troupe de Vulcain ,
A son exemple au travail animée ,
Que le sommeil de caprice ou d'effroi ,
Du Dieu, fuyant la Caverne enflammée ,
Comme un éclair s'envole loin de moi.
Dans le moment nous nous perdons de vûës
Car tel qu'avant que j'euffe sommeillé ,
(a) Les Poëtes feignent qu'il fit sortir de la Terrel'a
Fontaine d'Hypocrêne .
(b) Il étoit Fils & Trompette de Neptune.
Mes
2772 MERCURE DE FRANCE
愤
· Mes sens trompés & mon ame déçûë ,
Sur mon grabat je me trouve éveillé.
C'est tout. Adieu jusques à ta replique.
En bon Devin dévelope & m'explique
De ce récit le sens bien détaillé .
Je t'attens là. Mais aprends d'un tel songe ,
Où peut aller pour toi mon tendre amour ;
Et quand j'ai dit , La Nuit l'envie au Jour ,
Ami Thibault , juge si c'est mensonge.
DAMON , aux Isles imaginaires,
Lieu de ma résidence.
REPONSE , pour servir d'explication
au Songe.
J
LES
SALINES.
Our & nuit tu penses à moi ,
Cher Damon , je t'en remercie
Jour & nuit m'occuper de toi ,
Fera le bonheur de ma vie.
Mais treve de tous complimens
Dans Mon Grimoire
Aftrologique ,
J'ai pénetré , je crois , le sens
De ta Miffive énigmatique.
D'abord au bas d'un double Mont ,
Où deux (a) Forts sur un Roc sterile ,
(a)Le Foxt S. André , bâti par Louis XIV', sous l'a
Dans
DECEMBRE. 1738. 2773
Dans les airs s'élevent de front
J'ai mon Manoir dans une Ville ,
Qui d'Albe imitant la longueur ,
Peut bien par la Voute étherée ,
De quelques (4) aulnes de largeur ,
A chaque bout être éclairée.
Cette (6) Ville , au sein de ses murs
Poffede des Sources salées ,
Qui roulent dans des Lieux obscurs ,
Leurs Eaux avec soin raffemblées.
C'est-là que l'Art induſtrieux ,
A creusé des (c) Voutes antiques ,
Où de ses Trésors aquatiques
Se voit le dépôt précieux.
Deux fois , malgré le frais humide
Qui regne toujours dans ces Lieux ,
Direction de M. de Vauban , & le Fort Belin. Ils
sont à peu près de même hauteur , se regardent.
La Ville eft absolument au bas d'un double Mont, siuée
comme dans un Fossé.
(a) Allusion à la troisiéme Eglogue de Virgile , où
il eft dit Dic quibus in terris , &c. Tres pateat cæli
non amplius ulnas spatium . Il eft vrai que Salins eft
peut-être la Ville la plus refferrée qu'il y ait au
monde.
(b) Les Sources sont dans la Ville , & tous les Ouvrages
qui en dépendent .
(c ) Tous les Ouvrages qui ont étéfaits pour recueillir
l'Eau , sont à l'ombre d'excellentes Voutes pratiquées
dans des souterrains.
Ол
27/4 MENCUKE DE FRANCE
vŵ , On m'a vit, repaiffant mes yeux ,
Y hazarder mes pas , avide
De ce spectacle curieux.
Cher Damon , suis-moi dans l'enceinte
De ce ténébreux Labyrinthe
Où je découvre le séjour
De ton Neptune & de sa Cour.
Là , je vis à diſtance égale ,
Des Vases en forme de Sceaux ,
Qui plongés dans le fond des Eaux
Par d'affreux (a ) Cables en ovale ,
A l'aide d'un bon Bucéphale ,
Remontoient avec leurs fardeaux.
Que manquoit-il à ce spectacle ?
Peut- être un commun réceptacle ,
Où l'onde allant se décharger ,
Tranquille , attendît sans danger
L'usage auquel on la destine.
Auffi vis je divers Canaux ,
Ami , par où l'Eau s'achemine ,
(a ) Ces Cables se nomment Chapelets . Quantité de petits
Sceaux y sont attachés Des Chevaux, par le moyen
d'une Rouë , les font aller. C'est ainsi qu'on a trouvé
l'art de recueillir l'Eau salée , qui , enlevée des Puits
où elle se décharge d'abord , prend ensuite son cours
divers Canaux , qui tous aboutiffent au même
par
Endro
Dans
Dans une (a) Cuve qui termine
L'ordre établi dans ces Travaux.
Immense Cuve , Cuve énorme ,
Dont l'aspect quarré de sa forme ,
N'offre que Ciment , Pierre & Chaux.
Occupé de tant de merveilles ,
Où l'oeil s'égaroit à loisir ,
Un bruit clair frapant mes oreilles ,
Je goûtois un nouveau plaisir ;
Et c'étoit quand une (6) Clochette ,
D'un son aigu qu'elle répete ,
Nous annonçoit par ĉe fignal ,
L'écoulement d'Eaux étrangeres ,
Qui par un mélange fatal,
Pouvoient nuire aux Eaux (c ) salutaires.
Là se bornerent nos regards ,
Et tenant une étroite route ,
Nous gagnâmes de voute en voute ,
(a ) Cette Cuve fut faite en 1730. Elle a coûté des
sommes immenses. On en peut juger par le nombre de
muids qu'elle contient , cinq mille douze muids.
(b ) Cette Clochette se nomme Sentinelle . Tant
qu'elle sonne , c'est une preuve qu'il n'y a point de
danger ; mais dès qu'elle cesse , il faut ajoûter des
Chevaux à ceux qui sont destinés à détourner l'Eau
douce , pour empêcher plus promptement la trop grande
abondance ; autrement l'Eau salée en souffriroit.
(c) J'apelle Eaux salutaires , les Eaux salées
parce que les Eaux douces sont incompatibles dans
l'usage qu'on fait des premieres..
>
Des
2766 MERCURE DE FRANCE
Des toits ouverts de toutes parts.
Ces toits , nuds comme des Chaumieres ,
Sont faits pour d'horribles ( a) Chaudieres ,
Affises sur d'ardens ( b Fourneaux ,
Que deux fois par an on allume :
Plus ardens que quand l'Etna fume ,
De ce souffre & de ce bitume ,
Que vomiffent ses soûpiraux.
Eh bien ! dans ce portrait fidele ,
moi ,
De ton Songe Aateur pour
Y vois-tu le sens que j'y voi?
Quelle image plus naturelle ,
Pourroit mériter mieux ta foi ?
Ton Urne aux Nymphes consacrée ,
Répond à ma Cuve quarrée ;
Mon Bucéphale vigoureux ,
A tes Pégases fabuleux .
Mes Fourneaux où le bois abonde ,
A l'Antre de tes Forgerons ;
Et mes Sceaux de figure ronde ,
Aux Coquilles de tes Tritons ;
Ma Clochette enfin suspenduë ,
(a ) Ces Chaudieres tiennent soixante & dix
muids. C'est là où l'on fait le Sel.
(b) On n'éteint les Fourneaux qu'à Noël & à
Pâques ; ainsi il sera facile de conclure qu'on ne les
allume que deux fois . Des Gens payés pour cela , sont
uniquement occupés à les entretenir de bois.
A
DECEMBRE. 1738. 277
A ta Trompette prétendue.
Adieu , cher Damon. Je me tais.
Qu'un autre épris de nos Salines ,
S'arrêtant à d'autres objets ,
En exalte le Sel , les Mines.
Qu'il chante d'un style nerveux ;
La Cité dans ses vers pompeux.
Certe (a) Cité chere à son Prince
Non moins (6) utile à la Province ,
Que commode pour ses (c ) Voisins :
Qui de son onde spécifique ,
Tirant enfin son nom antique
De tout temps s'apella SALINS.
que la Province en tire.
(a) On regarde Salins comme un des plus beaux
Domaines du Roy..
(b) A cause du Sel
(c) Ceci s'entend des Suiffes , à qui , par Traité, on
eft obligé de fournir chaque année neufmille cent qua
Tante- trois Boffes de Sel. Une Boffe eft une espece de
Togne d'une certaine groffeur. C'est un terme dik
Pays.
20 72
11. Vol C SUITE
* { ?
2778 MERCURE DE FRANCE
のののの
SUITE de l'Essai dun Traité Historique
de la Croix de N. S. JESUS-CHRIST.
A
V.Partie.
Près l'heureuse découverte du Sépulchre
& de la Croix du Sauveur , telle
que nous l'avons ci - devant raportée , l'Empereur
Constantin & son Auguste Mere ,
toujours animés du même zele pour l'avancement
de la Religion Chrétienne , & remplis
de reconnoissance pour toutes les Bénédictions
, dont le Ciel les favorisoit visiblement
, s'empresserent pour ériger des Monumens
publics de leur Pieté sur les mêmes
Lieux , que l'impieté payenne avoit profanés
pendant une si longue suite d'années.
Eusebe , Auteur de la Vie de ce religieux
Prince , en parlant du plus considerable &
du plus magnifique de ces Monumens ,
s'exprime à peu près en ces termes :
و ر
. و و
و و
L'Empereur commanda saintement qu'-
» on édifiât une Eglise Auguste & digne
» d'une Magnificence Royale , à l'entour du
Sepulchre salutaire , donnant pour cela
des richesses sans nombre , comme s'il eût
» méditécette Entreprise depuis long- temps,
» & qu'il en eût prévû toutes les heureuses
» suites. Dans cet esprit , il écrivit des Let-
J.. tres
DECEM DKE. 1730. 2779
tres aux Gouverneurs des Provinces d'O-
» rient , par lesquelles il leur commandoit
» de fournir abondamment tout ce qui étoit
» nécessaire pour rendre cet Edifice , grand,
» riche , admirable. Il écrivit aussi à l'Evêde
Jerusalem une Lettre sur le même
sujet , dont voici la teneur :
» que
CONSTANTIN EMPEREUR VICTORIEUX ET
TRES-GRAND. A Macaire Evêque de Jerusalem.
La Grace de notre Sauveur est si grande ;
qu'il n'y a point de paroles assés énergiques
pour célebrer dignement le Miracle dont il
vient de nous favoriser ; car c'est une chose
qui surpasse l'admiration de tous les Hommes
que ce très- saint Monument de sa
Passion ait été caché sous la terre pendant
tant d'années , & qu'il n'ait été reconnu
qu'après que les Serviteurs de Dieu ont été
mis en liberté par la destruction de l'Ennemi
du Genre humain. Si tous les Sages du
Monde étoient assemblés pour essayer de
dire quelque chose qui fût digne de ce Sujet,'
ils ne pourroient rien dire qui ne fût inferieur
à la moindre partie. La grandeur de cé
Miracle , surpasse autant la capacité des
Hommes , que les choses célestes surpassent
en puissance les choses terrestres & humaines.
C'est pourquoi je me suis toujours proposé
pour mon principal but , de faire en-
Cij sorte
.sorte , que comme la Verité de la Foy se
manifefte tous les jours par de nouveaux
prodiges , ainsi vos ames croissent en zele
& en affection envers nos saintes Loix . Je
desire donc que vous soyez bien assûré , de
ce que je crois être déja connu par tout
l'Empire , sçavoir que j'ai entrepris spécialement
d'embellir par la magnificence de quelques
beaux Edifices , ce Lieu sacré , que j'ai
déchargé par le commandement de Dieu ,
comme d'un fardeau , des Idoles honteuses
que l'on y voyoit. Le choix que Dieu en
avoit fait d'abord le rendoir Saint , mais , cette
sainteté est devenue encore plus éminente,
depuis que l'assûrance que nous avions déja
de la Passion de notre Sauveur , y a été si
évidemment confirmée par de nouvelles
preuves.
›
I.
Il faut donc que votre prudence , ordonne
tellement les choses , que cette Basilique
excelle non seulement sur toutes les autres ,
mais aussi qu'il n'y ait rien de beau & d'admirable
en quelque Ville que ce soit , que
cet Edifice ne surpasse de beaucoup. Pour
ce qui est du détail de la construction & des
embellissemens , j'en ai commis le soin à
notre amé Dracilianus , Gouverneur de quelques
Contrées de l'Orient , & au Gouverneur
particulier de la Palestine. Je leur ai
commandé de sçavoir d'abord de votre prudence
DECEMBRE . 1738. 2781
dence , quel nombre d'Artisans & d'Ouvriers,
en un mot , tout ce qu'il est nécessaire
de préparer & d'employer pour un tel
Edifice , afin de vous les envoyer diligemment.
Quant aux Colomnes & aux Marbres
, après que vous aurez refléchi sur ce
qui vous semblera de plus convenable & de
plus auguste , mandez -moi votre avis¸ - afin
qu'ayant apris par vos Lettres , quelles &
combien de choses vous sont nécessaires , je
puisse les faire transporter de tous côtés sur
les Lieux. Je desirerois aussi de sçavoir , si
vous trouvez bon que la Voute de l'Eglise
soit lambrissée , ou qu'elle soit enrichie de
quelqu'autre ornement ; si elle est lambrissée
, le reste pourra être doré. Votre Sainteté
fera sçavoir cela aux Gouverneurs , dont
je lui ai parlé , le plutôt qu'il lui sera possible
, pour leur donner le temps & le moyen
de pourvoir aux Ouvriers & à la dépense
n cessaires. Elle ne differera pas aussi de
m'informer de ce qu'elle aura estimé de plus
beau & de plus convenable , non seulement
pour ce qui est des Marbres & des Colom
nes , mais aussi quant au lambrissement.
Dieu vous conserve , mon cher Frere .
,
Les Lettres de l'Empereur , ajoûte Eusebe,
farent suivies de prompts effets ; & tout de
suite il décrit , à sa maniere , le Monument
dont il est ici question. Voici comment il en
parle :
C iij
» II
2782 MERCURE DE FRANCE
»
ور
1 » Il fit donc édifier à l'Endroit où fue
» trouvé le témoignage de notre Salut , une
» nouvelle Jerusalem , dont l'aspect étoit
oposé à celle qui a été autrefois si renom-
" mée , qu'on dit avoir été réduite à une ex-
» tréme ruine & desolation , & qui porte.
» encore la peine dûë à l'impieté de ses Ci-
» toyens , qui s'étoient soüillés en répandant
» le Sang de Notre Seigneur. A l'oposite de
» cette Ville , l'Empereur fit ériger un magnifique
& superbe Monument de la Victoire.
»obtenue contre la Mort , qui est peut-être.
» la nouvelle Jerusalem , que les Oracles &
» les Prophetes décrivent si au long , &
» qu'ils loüent si hautement. Avant toutes.
» choses , il enrichit par un chef- d'oeuvre le
" sacré Sepulchre , qui est le Memorial cé-
» leste de notre salut , où l'Ange resplandis-
» sant de lumiere , avoit annoncé la Résur-
»rection. Il enrichit , dis - je , d'une magni-
» ficence Imperiale le S. Sepulchre , comme
» le principal but de ses Entreprises , l'orna
» de Colomnes précieuses , & de toute sorte
» de beaux ouvrages. Il choisit ensuite une
" grande Place , qu'il fit paver de grandes &
» belles Pierres , & entourer de Galeries
» trois côtés Ce Temple Royal & admirable
, fut édifié vis -à- vis de l'Endroit du
Sepulchre qui regarde l'Orient. La hau
» teur en étoit excessive , & très grande la
و د
par
» lonDECEMBRE.
1738. 2783
longueur & la largeur. Le dedans étoit
» tout incrusté de Marbres de diverses cou-
» Icurs . Le dehors brilloit aussi par la polis-
» sure des Pierres , artistement jointes , &
33
faisant ensemble une agreable symétrie ,
→ ouvrage rare , & qui ne cedoit en rien au
» lustre du Marbre. La couverture du Tem
» ple étoit extérieurement toute de plomb ,
33 pour le garantir de la pluye et des tempê-
» tes de l'Hyver ; mais le dedans étoit tout
» lambrissé et enrichi de diverses Figures de
» Relief. Ce lambris étoit si artistement tra-
» vaillé , et si bien continué par tout cet
Edifice Royal , qu'il représentoit comme
→une vaste Mer. Il jettoit aussi une splen-
>>deur qui éclairoit toute l'Eglise , à cause
» de l'or dont il étoit entierement couvert
Aux deux côtés des doubles Galeries , qui
» étoient et dessus et dessous la terre , deux
» Allées étoient jointes , qui regnoient tout
» le long du Temple , avec leurs voutes par
» faitement bien dorées. Celles qui faisoient
» face à l'Eglise , étoient élevées sur de gran-
» des Colomnes ; les autres , qui étoient au-
» dedans , portoient sur de grosses Pierres
» quarrées , travaillées par dehors avec beau-
❞ coup d'art.
Trois grandes Portes étoient ouvertes du
» côté de l'Orient , qui donnoient entrée à ce
magnifique Temple. Mais ce qui frapoit
C iiij
le
1784 MERCURE DE FRANCE
و د
le
»le plus d'admiration , c'est un superbe Dôme
» qui s'élevoit au- dessus de cet Edifice vrai-
» ment Royal. L'Empereur voulut que
»Dôme füt environné de douze Colomnes ,
" en l'honneur du nombre des Apôtres : et
» sur l'Entablement , à l'Endroit qui répon-
» doit aux Chapiteaux des Colomnes , il fit
» poser de grands Vases d'argent , qu'il con-
» sacra à Dieu , comme une offrande de sa
pieté. Au devant de l'Entrée du Temple ,
» il y avoit une Place fort spacieuse , aux
» deux côtés de laquelle étoit un grand
» Porche , accompagné de Galerics , termi-
» nées par de grandes Portes , à l'issue desquelles
on trouvoit au milieu de la Place
» dont on vient de parler , un grand &
superbe Portail , eemmbbeellllii ddee tous les
» ornemens de l'Art , et qui donnoit une
» grande idée de tout le reste.
ود
30
»
Tel est le Narré d'Eusebe , qui après avoir
beaucoup dit , comme on vient de le voir ,
ajoûte encore ceci : » L'Empereur édifia ce
» Temple avec une magnificence Royale ,
» afin de servir de témoignage public et il-
» lustre de la glorieuse Résurrection de notre
Sauveur. Il seroit bien difficile , et nous
» n'en avons pas méme le loisir à présent
» de spécifier toutes les Richesses dont il
» étoit rempli , la multitude des Présens
» d'or et d'argent que ce Prince y a consacrés
3
DECEMBRE . 1738. 2785
"
crés , les differentes qualités des Pierres
précieuses qui ont été employées , leur
grandeur , leur quantité , leur valeur, et le
» rare artifice avec lequel elles ont été mises
33
» en oeuvre .
Notre Historien parle ensuite des Temples
bâtis à Bethleem , & sur la Montagne
d'où le Sauveur s'éleva au Ciel , par les soins
particuliers de Sainte Helene , dont il fait
ici mention pour la premiere fois. Il le fait
avec de grands Eloges ; mais il ne dit rien ,
comme nous l'avons observé ailleurs , de ce
qui a précedé la construction du Temple de
la Résurrection , à laquelle , selon son Narré
, il sembleroit qu'elle n'ait eu aucune
part , Eusebe ne dit rien non plus de la découverte
du Bois sacre ; silence que nous
examinerons dans la suite plus particuliere
ment .
7
>
L'ordre des temps & l'exactitude historique
demanderoient de voir à la suite de cet
te description , tout ce qui se passa à la Dédicace
de l'Eglise qui en fait le sujet , mais
cette narration n'est que differée , & trouvera
bien-tôt sa place : il est à propos avant tou →
tes choses de parler d'une difficulté qui se
présente ich , & qui vient du fond du sujet
même que je traite ."-
Nous venons de voir qu'Eusebe , dans la
Vie de Constantin , ne parle que d'une seule
Cv Eglise
2786 MERCURE DE FRANCE
Eglise bâtie à Jerusalem par les ordres de ce
grand Prince. L'Empereur , dit- il , commanda
saintement qu'on édifiât une Eglise
Auguste & digne d'une magnificence Royale
à l'entour du Sepulchre salutaire , &c. Dans
la Lettre même de Constantin , adressée à
Il'Evêque de Jerusalem , il ne s'agit que de
a construction d'une Basilique dans cette
Ville ; le Narré d'Eusebe & la Lettre de
l'Empereur en indiquent en même temps la
situation cependant il paroît certain par le
témoignage de plusieurs Ecrivains , qu'il y
eut deux Temples construits à Jerusalem ,
presque en même temps , par les ordres du
même Empereur , l'un au S. Sepulcre , ou ,
comme parle Eusebe, à l'entour du Sepulchre
salutaire , l'autre sur le Mont de Calvaire.
Le premier est celui dont nous venons de
voir la description d'après Eusebe , qui ne
parle que de celui - là : mais la construction.
du second , semble si certaine , que le même
Eusebe , après l'avoir omise dans la Viede
Constantin , en parle dans le Discours
qu'il prononça en présence de ce Prince , où
il le loue particulierement sur ces magnifiques
Monumens de sa pieté. Voici les paro
les du Panégyriste , de la traduction de M
de Valois : Apud Civitatem Hebræorum
Regia quondam Sedes fuit , in ipso urbis Medisallio
, ad locum Domini Sepulchri , Basiliqua
CAM
DECEMBRE . 1738. 2787
cam immensa amplitudinis , & Ædem Deo
sacram in honorem sanctæ Crucis , &c.
Ces deux Eglises ont cu plusieurs noms ,
ce qui a jetté quelque confusion sur cette
matiere. Les Historiens s'accordent à donner
à la premiere le nom de Temple de l'a
Résurrection , ou d'Anastasie en Grec , parce
qu'elle étoit près du S. Sepulcre , ou qu'elle
contenoit le Lieu d'où le Sauveur sortit :
triomphant de la Mort , &c. La même Eglise
fut aussi nommée le Martyre.
A l'égard de celle qui fut bâtie sur le Calvaire
, on la trouve qualifiée de Grande
Eglise , d'Eglise de la Croix , & absolûment
La Croix , ce qui convenoit , puisqu'elle
devoit occuper une partie du terrain , où la
Croix fut découverte. Le P. Morin a tâché
d fixer ces differentes denominations , la
situation, & la distinction de ces deux Temples
: ses conjectures apuyées d'autorités ,
paroissent solides , & cet Article est curieux
, pag. 395. & 396. de son Histoire de
la Délivrance de l'Eglise par l'Empereur Cons
tantin , &c. Mais après avoir beaucoup dit,
il ne décide autre chose , si ce n'est qu'il y
eut deux grandes Eglises , distinctes l'une de
Pautre , bâties à Jérusalem , par les ordres
de Constantin.
M. de Tillemont , T. VII . des Memoires
pour servir à l'Histoire de l'Eglise , Art.
Cvj Rege
2788 MERCURE DE FRANCE
page 10. entre aussi là-dessus dans une discussion
curieuse . Il a lu les mêmes Auteurs ,
Grecs & Latins , qui ont traité ce sujet ; mais
il paroît qu'il a conçû differemment du P.
Morin , la description que fait Eusebe &
que nous venons de raporter du Temple ou
de la Basilique de la Résurrection . Il explique
à sa maniere la narration d'Eusebc ,,
au sujet de cet Edifice ; ce qu'il dit paroît
pécieux & vrai semblable ; mais j'avouë
qu'après avoir lu avec beaucoup d'attention
tout ce que cet habile Ecrivain a dit sur ce
point , on ne sçait presque à quoi s'en tenir.
Il ne parle point , comme fait le P. Morin ,
d'une seconde Eglise , qui est celle du Calvaire
, distincte de celle de la Résurrection ,
& il dit que celle - ci étoit bâtie en l'honneur
de la sainte Croix , ce qui ne peut bien convenir
qu'à celle du Calvaire; aussi M. de Tillemont
a senti lui- même que cette matiere
n'étoit pas suffisamment éclaircie . Il a tâché
de le faire dans la IV. de ses Notes sur sainte
Helene , lesquelles sont imprimées à la fin
du même VII. Volume , page 640. La Note
est intitulée , avec raison , Quelques difficultés
sur l'Eglise du S Sépulchre. Comme cette
Note n'est pas extremement longue , je crois
qu'il est à propos de la raporter ici.
" Comnie l'Eglise du S. Sépulchre , que
Constantin fit bâtir à Jérusalem , conte-
» noit
DECEMBRE. 1738. 2789
و د
و ر
و د
» noit la Chapelle du S. Sépulchre , la gran-
» de Eglise & plusieurs autres Bâtimens , on
» ne voit pas bien si c'est toute cette en-
» ceinte en géneral,ou si c'est là grande Eglise
» en particulier , qui est apellée tantôt le
Martyre , ou le Lieu de la Passion,le grand
Martyre , le Martyre & le Monument de la
» Mort & de la Résurrection de J. C. &
» tantôt l'Eglise de la Sainte Croix , en l'hon-
» neur de laquelle Eusebe témoigne quétoit
» batic la grande Eglise , οἶκον ἐυκτήριον νέον
" Tedov. S. Cyrille de Jérusalem donne
» ordinairement à cette Eglise le nom de
" Golgotha. Théodoret distingue l'Eglise de
la Croix , & la Résurrection , ou la Cha-
» pelle du S. Sépulchre ; & aussi-tôt après
» il paroît ne faire de l'une & de l'autre
qu'un même Temple.
"
"
» S. Cyrille de Jérusalem , témoigne plu-
» sieurs fois qu'il prêchoit , ou à Golgotha
» même ou au moins fort près , & à la vûë de
» ce Lieu consacré par la Mort de J..C. Saint
» Paulin & S.Ruffin,disent aussi que l'Eglise
» bâtie à cause de la Croix , fut mise au Lieu
» de la Passion. S. Cyrille dit même que le
" Lieu de la Résurrection & de Golgotha ,
» n'étoit qu'une seule . Eglise . On ne peut
donc douter que la Basilique , c'est - à - dire
»le grand espace qui comprenoit l'Eglise &
tous les Bâtimens qui l'accompagnoient ,
>
≫nc.
2790 MERCURE DE FRANCE
»ne contint dans son enceinte l'un & l'au
» tre Lieu , celui de la Résurrection & du
» Sépulchre , & celui du Crucifiement & de
»da Mort de J. C. Aussi il n'y avoit que So.
"pas , ou un jet de pierre de l'un à l'autre ,
» & tous les Auteurs ne marquent ordinai-
» rement qu'une Basilique , bâtie par Constantin
, pour honorer ces deux grands
Mysteres..
» Eusebe apellé cette Basilique la nouvelle
Jerusalem , & Socrate dit que sainte Helene
lui avoit effectivement donné ce
nom. Mais M. de Valois soûtient que dans
" Eusebe , ce n'est qu'une allusion à ce que
»l'Ecriture dit de la nouvelle Jérusalem , &
»
de toute l'Eglise . Pour ceux qui croyent
» sur cela , que Constantin bâtit une nou
» velle Ville au tour de l'Eglise , cela n'est
» nullement fondé. Eusebe parle visiblement
» de ce qui se fit en execution de la Lettre.
» de Constantin à S. Macaire , & cette Lettre
n'ordonné point du tout de bâtir une .
nouvelle Ville.
On sent sur tout cela le travail & l'intel
ligence d'un sçavant homme , mais il est
toujours certain que sur un même fait deux
bons Auteurs , très - capables de l'éclaircir
& de déterminer les Lecteurs , ont pensé
différemment. Selon le P. Morin , Constantin
fit bâtir deux Eglises à Jérusalem sur les
Lieux .
DECEMBRE. 1738. 2791
Lieux que nous avons dit ; & selon M. de
Tillemont, tous les Edifices dont ils est parlé
dans Eusebe , & dans les autres Auteurs
cités , ne faisoient qu'une seule & même
Eglise , à laquelle on a donné tous les differens
noms que nous avons vûs , par raport
aux divers monumens que cette Eglise renfermoir
dans sa vaste Enceinte...
Il ne m'apartient point dé décidér , mais
il m'est permis d'observer que le sentiment
de M. de Tillemont ne s'accorde point avec.
celui des Chrétiens Orientaux qui ont
pour eux des authorités & la Tradition ; -
j'aprens dans la Bibliotheque Orientale , p .
278. à l'Article CRANION , qui est le
nom que tous les Syriens & les Arabes
donnent au Mont de Calvaire , j'aprens
» dis je , que sainte Helene fit bâtir en cer
Lieu une Eglise ou . Chapelle , qui porta
» le nom de Calvaire , fört differente , ajoûte
» l'Auteur , dé celle de la Comamah , ou de
» la Résurrection , dans laquelle le Sépul-
» chre de N. S. est enfermé . Voilà , ce me
semble une distinction bien marquée :
chés les Orientaux .
و و
>
M
Quoiqu'il en soit & en attendant, s'il est
possible , d'autres éclaircissemens sur ce sujet
, on trouvera dans la suite de cer Ou
rage l'Histoire du plus fameux de cess
Temples
2792 MERCURE DE FRANCE
Temples , dont la Dédicace fut faite Par les
Peres du Concile de Tyr , qui se rendirent
à Jérusalem expressément pour cette Céremonie...
Temple dont on déplorera la ruine
faite par Cosroés , Roy de Perse , qui prit &
brûla Jérusalem au commencement du VII .
siecle. On verra tout de suite l'Histoire du
nouvel Edifice , bâti par les ordres d'un
Calife , nommé aujourd'hui la grande Eglise
de la Résurrection , laquelle représente ,
quoiqu'imparfaitement , ce premier Temple
élevé avec tant de magnificence par les ordres
du grand Constantin. Elle fait le principal
objet de la pieté des Chrétiens , qui
font le voyage de la Terre Sainte..
Cette nouvelle Eglise , déja ancienne aujourd'hui
, a aussi souffert ses Révolutions ,
& a eu plus d'une fois besoin de la protec
tion de nos Rois pour en empêcher la pro
fanation ou la ruine entiere , comme on le
verra dans le cours de cette Histoire . La derniere
réparation & la plus importante , s'est
faite depuis peu d'années , par la pieuse intervention
du Roy , & a été l'objet principar
de l'Ambassade solemnelle d'un Ministre
de la Cour Ottomane , lequel vint en
l'année 1721. assûrer Sa Majesté de la part
de son Maître , de l'entiere perfection de
ses travaux , lesquels avoient été non seule -
ment
DECEMBRE. 1758. 27933
ment permis , mais expressément commandés
par le Grand Seigneur. On ajoûtera
pour la confirmation de ces faits , les Lettres
du Sultan et du Grand Visir au Roy &
au Duc d'Orleans , Régent du Royaume ,
aportées par le même Ambassadeur. Rien
n'est plus digne du premier & du plus grand
Monarque de la Chrétienté , qu'une telle.
protection , qui concourt d'ailleurs à rendre.
immortelle la gloire du Sépulchre du Sauveur
, & à l'accomplissement de la fameuse
Prophétie , ou plutôt de l'Oracle de l'Esprit
Saint , inspiré à Isaye , long-temps avant la
Naissance de JESUS - CHRIST. Et erit:
Sepulchrum ejus gloriosum. Is . XI . v.. 10.
totot
IMITATION de la XII Odè dus
quatriéme Livre d'HORACE : Audivere ,
Lyce , Di mea vota , &c .
L Es Dieux ont exaucé mes voeux ;
Oui , Lycé , tu vieillis & te crois toujours belle ;
Tu bois sans en rougir , tu recherches les jeux ,
Tu te plais à la bagatelle ..
*
Crois -mois , les folâtres Amours
Ne se perchent jamais sur des arbres arides.
Tes
2794 MERCURE DE FRANCE
Tes dents & tes cheveux que tu perds tous les jours,
Les choquent autant que tes rides.
܀
La pourpre et l'éclat des rubis ,
Ne font point recouvrer la jeunesse perduë 2
Tes lustres trop hârés sont ma'gré toi réduits
A certaine époque connuë.
Ces
Dis-moi ? Qu'est devenu ce port ,-
graces , ces apas , cette beauté si rare ,
Dont tu m'éblouissois
, & qui rendoit ton sort :
Presque égal au sort de Cynate ?
*
Il est vrai que depuis long- temps
La Parque trop hàtive a fait qu'elle sommeilte ;
pour toi , le Destin veut égaler tes ans ›
A ceux d'une vieille Corneille.
Mais
*
Combien riront nos jeunes fous ,
Lorsqu'ils verront Lycé , qui fut jadis si fiere ,.
Er qui nous menaçoit de nous consumer tous ,
N'être plus qu'un peu de poussiere ?
JP. Esparon , d'Aups en Provence:
LETTRE
DECEMBRE . 1738: 279 §
LETTRE écrite par M..... à M. D. L. R:
au sujet des Ceremonies qui se font dans la
Chapelle de S. Nicolas , en la Grand- Salle:
die Palais.
P Visqueje vous ai promis, Monsieur , de
vous faire le détail de la Ceremonie qui
se fit au Palais dans la Chapelle de S. Nicolas
le 6. Décembre dernier , comme cela
se pratique tous les ans , je vous rapellerai
d'abord à quelle occasion cette Chapelle
a éte fondée , les divers changemens qui y
ont été faits , & tout ce qui la concerne.
Personne n'ignore que nos Rois de la se
conde Race & les premiers de la troisième,
avoient leur Palais dans la Cité & dans le
même emplacement qu'occupe le Palais que:
nous y voyons .
L'Eglise de S. Barthelemi , près le Palais ,
bâtie par Huges Caper , fut apcllée la Chapelle
Royale , parce qu'il n'y en avoit point:
encore d'autre dans l'enceinte du Palais.
Le Roy Robert , fils de Huges Capet , fut
le premier qui y en bâtit une en l'honneur
de S. Nicolas , Evêque , laquelle est incon
testablement la Chapelle de S. Nicolas ,.
dans la Grand- Salle du Palais , & non pas .
P'Eglise.
2796 MERCURE DE FRANCE
L'Eglise de S. Nicolas des Champs , comme
quelques- uns se le sont imaginés.
Henry I. fils du Roy Robert , avoit bien
fair bâtir l'Eglise & le Monastere de S. Ma: -
tin , près S. Nicolas des Champs ;, mais la
Lettre de fondation ne porte point qu'il bâtissoit
ce Monastere dans son Palais , ni aux
environs , & il est constant que les premiers
Rois de la troisiéme Race demeuroient dans
la Cité & non pas auprès de S. Nicolas des
Champs ; c'est ce que le sçavant M. de Valois
a rapellé dans sa Notice des Gaules ainsi
la Chapelle de S. Nicolas , bâtie par le Roy
Robert dans son Palais , étoit dans le Palais
de la Cité , & vrai- semblablement dans la
même place que celle qui est aujourd'hui
dans la Grand Salle .
Le Parlement de Paris , le plus ancien des
Tribunaux qui ont leur séance au Pâlais ,
avoit été institué par Pépin dès l'an 757. mais
il n'étoit d'abord qu'ambulatoire & suivoit
le Roy dans tous ses voyages, jusqu'en 1302.
que Philipe le Bel le rendit sédentaire à Paris
& fit rebâtir à neuf le Palais pour y placer
le Parlement & plusieurs autres Tribunaux ,
ce qui fut executé par les soins d'Enguerrand
de Marigni.
Il paroît qu'en rebâtissant le Palais on ne
conserva pas la Chapelle de S. Nicolas , que
le Roy Robert y avoit fait éle zer , soit parce
qu'elle
DECEMBRE. 1738. 2797.
qu'elle ne pouvoit pas subsister au moyen de
la nouvelle disposition que l'on donnoit aux
Bâtimens , soit parce qu'il y avoit alors deux
autres Chapelles bâties dans l'enceinte du
Palais ; sçavoir celle de S. Michel , bâtie peu
de temps après le regne du Roy Robert ,
dans laquelle Philipe Auguste fut baptisé en
1165. & la Sainte Chapelle , que S. Louis fit
bâtir en 1238.
"
·Ce qui fait connoître que la Chapelle de
S. Nicolas , qui avoit été bâtie par le Roy
Robert , étoit détruite , & qu'il n'y en avoit
plus dans les Salles du Palais , est que l'on
trouve dans les Registres de la Cour que le
22. Avril 1340. le Roy Philipe de Valois , à
la réquisition de la Cour , donna ses Lettres
Patentes , portant qu'au lieu d'un diné que
chaque Conseiller donnoit pour sa bien-venue
, il payeroit cent sols parisis , qui seroient
employés pour faire dire la Messe au
Palais sur un Autel portatif.
Deux de Mrs les Présidens aux Enquêtes ,
urent commis pai Arrêt du 27. du même
nois , pour tenir la main à l'execution de ce
ieux établissement.
Et par d'autres Lettres Patentes du 4. Janvier
1341. le Roy voulut que cette Messe
ût dite à l'avenir par les Religieux des quare
Ordres Mandians ; mais depuis la mort
Henry III. les Jacobins ont cessé de dire
Cette
7798 MERCURE DE FRANCE
cette Messe , de sorte qu'elle n'est plus céle
brée que par les Augustins , les Carmes &
des Cordeliers , qui s'arrangent entre eux
pour faire ce Service , chacun pendant un
iers de l'année.
Charles VII. par l'Article III . de son Ordonnance
, faite à Montils-les- Tours , au
mois d'Avril 1453. ordonna que la Messe
que l'on avoit accoûtumé de célebrer avant
Entrée du Parlement , seroit dite depuis Pâtques
jusqu'à la fin du Parlement , avant six
heures ; & depuis le commencement du Parlement
jusqu'à Pâques, après six heures ; mais
à présent , comme le Parlement n'entre plus
si matin , on dit cette Messe sur les huit
heures jusqu'à Pâques , & depuis Pâques à
sept heures.
L'Ordonnance donnée par François I. an
mois d'Octobre 1535. concernant l'adminis
tration de la Justice, Chap. 8. N. 13. défend
à tous Avocats & Procureurs , sur peine
de cent sols , aplicables à la Chapelle da
Palais , de mettre dans leurs Inventaires, aucunes
raisons de Droit ni autres allégations.
Le 12. Novembre 1537. la Cour ordonna
qu'à son exemple les Avocats payeroient lors
de leur réception deux écus d'or , qui valoient
pour lors 40. sols piece , pour le droit
de Chapelle , & qu'ils ne seroient point immatriculés
s'ils ne le payoient le lendemain
On
DECEMBRE. 1738. 1799
rendu
On a depuis aussi fait payer un droit de
Chapelle aux Procureurs au Parlement.
Par Arrêt du
Novembre 1537.
27.
sur la réquisition des Avocats & Procureurs,
la Cour ordonna que les deniers
les deniers provenans
des réceptions de Conseillers & du droit de
Chapelle des Avocats & Procureurs , seroient
reçus par Me Giles Mulart Procureur.
On paye à présent ce droit de Chapelle au
Bûvetier de la Grand- Chambre , suivant un
Arrêt du ..... les Avocats donnent 25.-
vres , tant pour ce droit , que pour celui de
Bibliotheque, qui est de six livres , ainsi c'est
19. livres pour le droit de Chapelle.
La Chapelle de S. Nicolas ne consistoit
jusqu'en 1541. qu'en un Autel portatif , ou
du moins elle n'étoit pas encore enfermée ;
car le 22. Août 1541. la Cour permit aux
Enquêtes , qui n'étoient encore alors qu'au
nombre de quatreChambres , de faire construire
un Autel en la Grand - Salle du Palais pour
y dire la Messe , & de l'enfermer de telle
sorte qu'il ne parût point , que quand on y
feroit l'Office ; ce qui devroit être mieux
executé , attendu qu'un lieu si tumultueux
rempli de Marchands & de Plaideurs , n'est
quere convenable pour y célébrer l'Office
vins il est vrai qu'à l'élevation de l'Hostie ,
out le monde se met à genoux & qu'il se
ait alors un profond silence , mais ce calme
edure qu'un moment,
La
12800 MERCURE DE FRANCE
La nouvelle Chapelle élevée par les soins
de Messieurs des Enquêtes , fut dédiée à
S. Nicolas , comme celle que le Roy Robert
avoit fait bâtir , laquelle étoit vrai- semblablement
dans la même place , ensorte que
ce fut moins une nouvelle fondation qu'un
rétablissement de l'ancienne Chapelle , à laquelle
avoit succedé l'Autel portatif qui
avoit , sans doute , conservé le nom de Chapelle
de S. Nicolas .
Le 5. Août 1555. la Cour , sur la réquisition
des Gens du Roy , ordonna que tous
ceux qui avoient été reçûs Présidens ou
Conseillers, payeroient le droit de Chapelle,
sans qu'ils s'en pussent exempter , sous prétexte
de celui qu'ils auroient payé comme
Avocats ; on excepta seulement ceux qui de
Censeillers seroient devenus Présidens ; un
de Mrs les Présidens dit en l'Assemblée que
si jusqu'alors on n'avoit point payé ce aroit ,
c'étoit faute de le connoître , & qu'on ne le
refusoit pas.
Sous le Regne de Louis XIII. le 7. Mars
1618. une partie du Palais fut brûlée , sans
que l'on ait jamais pu sçavoir la cause de cet
incendie ; les Historiens disent que le plus
grand effort du feu fut sur la Salle des Procureurs,
qui est la Grand-Salle , ensorte que
la Chapelle de S. Nicolas fut une seconde
fois détruite
Louis
DECEMBRE. 1738. 28or
Louis XIII . fit rebâtir tout ce que le feu
avoit ruiné ; pour ce qui est de la Chapelle
de S. Nicolas , il paroît que ce furent les
Procureurs qui la firent rétablir quelque
temps après .
En effet , par Arrêt du 14. Janvier 1681
la Cour permit aux Procureurs de Communauté
de changer la Chapelle qu'ils avoient
ci-devant fait construire en la Grand'Salle
du Palais , & d'en faire construire une nouvelle
, qui put servir tant pour l'Office du
lendemain de S. Martin , que pour les deux
Fêtes de S. Nicolas , & pour y célebrer deux
Messes tous les jours de Palais ; ce que la
Communauté des Procureurs executa en
faisant construire la Chapelle , telle qu'elle
est actuellement.
,
En 1720. ou 1721. sous la Premiere Présidence
de M. de Mesmes , la Communauté
des Procureurs fit dorer la Chapelle , & pour
y donner plus de jour , fit faire au - dessus
deux ouvertures à la voûte.
On avoit placé les Armes de M. de Mesmes
au milieu de la Grille qui enferme la
Chapelle ; mais M. de Mesme étant décedé
en 1723. & M. de Novion , qui lui succeda,
ayant donné sa démission un an après , M.
Portail , qui succeda à M. de Novion , fit
ôter l'Ecu de M. de Mesme , pour y mettre
11. Vol. D le
2802 MERCURE DE FRANCE
le sien , & aux deux côtés ceux de Mrs de
Mesme & de Novion.
Ainsi la Chapelle de S. Nicolas , fondée
par le Roy Robert , rétablie dans la suite
par Mrs du Parlement , & principalement
par Mrs des Enquêtes , a été en dernier lieu
rebâtie & décorée par les soins des Procureurs
de Communauté , ce qui n'empêche
pas qu'elle ne soit toujours commune à Mrs
du Parlement , aux Avocats & aux Procureurs.
C'est dans cette Chapelle que la Communauté
des Procureurs fait , dire le lendemain
de S.Martin, une Messe solemnelle du Saint
Esprit pour l'ouverture du Parlement. Cette
Messe est nommée communément la Messe
Rouge,, parce que Mrs du Parlement y assistent
en Robes rouges . M. le Premier Président
fait , en allant à l'Offrande , un grand
nombre de réverences à l'Autel , au Clergé ,
à sa Compagnie , & en fait autant pour revenir
à sa place ; les encensemens se font
dans le même ordre que ces réverences.
Cette Messe est ordinairement célébrée
par un Evêque , lequel a ce jour-là séance
& voix délibérative en la Grand'Chambre ,
mais il ne peut pas y faire porter la Croix
devant lui quand même ce seroit l'Evêque
Diocesain.
→
Après
DECEMBRE. 1738. 2803'
Après la Messe le Parlement s'assemble
en la Grand'Chambre , on lit les anciens
Reglemens concernant la discipline du Palais
; ensuite M. le Premier Président reçoit
le Serment des Avocats & Procureurs ; après
quoi la Communauté des Procureurs fait
distribuer auprès du Greffe , des Bougies à
chacun de ceux qui ont prêté le Serment.
Dans le courant de l'année les Religieux
des trois Ordres Mandians , dont on a parlé,
célebrent chaque jour de Palais , dans la Chapelle
de S. Nicolas , deux Messes , une vers
les sept ou huit heures du matin , & l'autre
à dix ou onze heures ; les honoraires de ces
Religieux sont payés, partie par le Domaine,
& partie par la Communauté des Procureurs.
Les Avocats & les Procureurs ont établi
une Confrairie commune en la Chapelle de
S. Nicolas.
Le Bâtonnier des Avocats , que l'on élit
tous les ans le 9. May , jour de la S. Nicolas
d'été , est le Chef de cette Confrairie , &
c'est par cette raison que les Procureurs de
Communauté donnent leur voix pour son
Election ; le nom de Bâtonnier , qu'on lui
donne , vient de ce qu'il portoit autrefois le
Bâton de la Confrairie , où est l'Image de
S. Nicolas.
Les Procureurs de Communauté, qui sont
au nombre de quatre , sont proprement les
Dij Marguil
2804 MERCURE DE FRANCE
Marguilliers de cette Confrairie ; ils nomment
tous les ans, lors de la rentrée du Parlement
, six de leurs Confreres aspirans à
devenir Procureurs de Communauté , pour
faire dans la Grand'Salle , jusqu'au jour de
S. Thomas, une quête pour la Chapelle, parmi
les Avocats .
La veille de S. Nicolas , la Communauté
des Procureurs fait chanter les Vêpres &
Office du Saint , en la Chapelle de la Grand
Salle ; le lendemain elle fait dire une grande
Messe , qui est chantée par la Musique de la
Sainte Chapelle ; le Bâton de la Confrairie
est posé au- devant du Lutrin , avec deux
Torches de cire allumées & placées aux deux
côtés .
Le Bâtonnier des Avocats est assis du côté
de l'Evangile , sur un banc séparé , à la tête
des quatre Brocureurs de Communauté , du
Greffier & des six Procureurs , qui quêtent
cette année- là pour la Chapelle.
Du même côté , sur un banc plus avancé ,
sont les anciens Bâtonniers & anciens Avocats
.
Sur un autre banc , du côté de l'Epitre ,
sont assis les anciens Procureurs de Communauté
& autres anciens Procureurs , en
Robbe & en Bonnet.
Le Bâtonnier des Avocats va le premier à
L'Offrande, & fait en y allant & en revenant,
36.
DECEMBRE. 1738. 2805
6. révérences , à l'imitation de celles que
fait M.le Premier Président à la Messe Rouge,
sçavoir , d'abord à l'Autel , ensuite au Bâton
de S. Nicolas & au Clergé , qui est à l'entour,
aux anciens Bâtonniers , aux Procureurs de
Communauté aux anciens Procureurs de
Communauté , & aux six Receveurs entrans.
Les Encensemens se font dans le même
ordre , tant à cette Messe , qu'aux autres
Messes & Services qui se disent dans cette
Chapelle ; on donne trois coups d'encensoir
devant le Bâtonnier.
Les anciens Bâtonniers & autres Anciens,
vont aussi à l'Offrande , chacun à leur rang ;
& après eux les Procureurs de Communauté
& autres anciens Procureurs & les six Aspirans.
*:
Pendant la Messe le Bâtonnier fait distribuer
des Bougies au Clergé , aux Avocats &
aux Procureurs ; c'est un ancien usage , qui a
sans doute , été institué à l'instar de ce qui
se pratique dans la plupart des Confrairies ,
où chaque Confrere porte un Cierge dans
les Processions & autres Cérémonies ; cette
distribution & celle qui se fait après la Messe
Rouge , peuvent aussi avoir été instituées
dans un temps où ces Messes se disoient plus
matin & où on avoit besoin de Bougies pour
s'y éclairer.
La Communauté des Procureurs donne
D iij après
2806 MERCURE DE FRANCE
aprés la Messe un grand Repas au Bâton
nier , à l'Ex- Bâtonnier, à l'Avocat de la Communauté
, aux quatre Procureurs de Communauté
, au Greffier & aux anciens Procureurs
de Communauté.
,
Le lendemain de la S. Nicolas , la Communauté
des Procureurs fait dire dans la
même Chapelle , un Service pour tous les
Avocats & Procureurs qui sont morts dans.
l'année.
M. Denyau , qui est actuellement Bâtonnier,
a assisté, à la tête de l'Ordre , aux deux
Messes qui se sont dites les 6. & 8. Décem
bre dernier.
Le jour de S. Thomas , les six Procureurs
entrans , qui ont quêté pour la Chapelle
donnent , à leurs dépens , un grand Repas
au Bâtonnier & aux autres qui sont du Repas
de la S.Nicolas; mais ce qu'il y a de singulier
à celui- ci, c'est que les huit Procureurs en font
les frais , lesquels sont même très - considérables
, ne se mettent point à table , ils sont
debout derriere les Conviés, pour les servir,
& leur demander s'ils sont contens ; quand
la Compagnie se leve , ils prennent la place
& dinent de ce qui reste & de quelques plats
entiers qu'on leur a conserve ; cet ancien
usage fait connoître que nos Peres tenoient
les jeunes gens dans une grande subordimation.
Le
DECEMBRE . 1738. 2807
Le 9. May , jour de la Translation de saint
Nicolas , la Communauté des Procureurs
fait aussi célébrer une grande Messe , où l'on
observe le même ordre & les mêmes céré
monies qu'à celle de la S. Nicolas d'hyver ,
avec cette différence seulement , qu'au lieu
des Bougies que le Bâtonnier fait distribuer
a la premiere , il fait donner à celle - ci dés-
Bouquets.
Après la Messe , le Bâtonnier , les anciens
Avocats & autres , s'assemblent en la Chambre
de S. Louis , où le Bâtonnier qui doit
sortir de place ce jour - là , fait un Discours
pour remercier la Compagnie ; après quoi
les anciens Avocats , de concert avec les Procurcurs
de Communauté , élisent un nouveau
Bâtonnier ; celui qui sort de place déclare
publiquement le choix qu'à fait la Compagnie
, & le nouveau Bâtonnier prend possession
de la place , en signe de quoi il frappe
de la main sur le Pupitre qui est devant lui,
pour dire que l'Assemblée est finie.
,
La fonction de Bâtonnier ne dure qu'un
an ; le nouveau Bâtonnier donne en entrant
Icoo. livres à la Communauté , pour les
aumônes qu'elle fait ; il fournit toute la Cire
& les autres choses nécessaires pour les
deux Fêtes de S. Nicolas ; sçavoir , les Bougies
qui se distribuent à la S. Nicolas d'hyver
, & les Bouquets que l'on donne à celle
D iiij d'été,
2808 MERCURE DE FRANCE
d'été , ce qui lui coûte environ 800. livres ,
outre les 1000. livres qu'il donne en entrant.
Les comptes de la Communauté se rendent
devant lui.
Le Parlement , les Avocats & les Procureurs
, font aufsi faire d'autres Services dans
La Chapelle de S. Nicolas , selon les Evencmens
publics.
Voilà , Monsieur , tout ce que j'ai pu
aprendre au sujet de la Chapelle de S. Nicolas.
J'ai l'honneur d'être , & c.
********************
EPIGRAM ME.
La Succession abandonnée.
UN funebre Orateur pronoit un jour en Chaire,
D'un demi- Dieu défunt les Exploits immortels
Puis , à son Fils présent dreffant mêmes Autels ,
Le nommoit l'heritier des vertus de son Pere.
Plusieurs n'aprouvant pas cette digression ,
D'autant que du Héros le Fils ne tenoit guere ,
L'Heritier , reprit- on , soit dit sans vous déplaire ,
En ce cas -là renonce à la Succeffion.
F **
LETTRE
DECEMBRE. 1738. 2809
LETTRE de M. D. L. R. à M. l'Abbé
le Beuf. Suite de l'Extrait d'un nouveau.
Journal Litteraire d'Italie.
I
L me reste , Monsieur , à vous rendre
compte des Articles du nouveau Journal
Italien imprimé à Vérone , sous le titre
d'Observations , &c. lesquels n'ont pas pu
entrer dans ma premiere Partie , imprimée
dans le Mercure précédent. Dans le premier
de ces Articles , qui est le X. du
Journal , il est parlé d'un Ouvrage Historique
intitulé , Memorie Istoriche della Guerra
per la successione alla Monarchia di Spa--
gna. I. vol. in 4. Venezia , 1734...
".
Le Journaliste avertit d'abord que c'est .
ici une nouvelle Edition d'un Ouvrage dont
il en a déja paru plusieurs , & que celle - ci
est un peu meilleure que les autres. Il ajoûte
que sous le titre de Memoires , ce Livre
comprend une Histoire complette & parfaite
de toute la Guerre , de tous les Traités,
enfin de tout ce qui s'est passé à l'occasion ·
de la Succession à la Monarchie d'Espagne ,,
à commencer par les Négociations , les Intrigues
politiques , Maneggi , & la Mort de
Charles II. jusqu'à la Paix générale de l'année
1714. On ne peut pas , dit notre Obe
Dv servateur,,
2810 MERCURE DE FRANCE
servateur , trouver un plus beau sujet pour
un Historien , que tout ce qui est contenu
dans cet espace , ajoûtant que ce pourroit
être encore le sujet d'un Poëme Epique parfait
& agréable. Il s'étend un peu pour
prouver cette derniere proposition. Revenant
à l'Histoire , il soûtient que les bons
Historiens sont beaucoup plus rares que les
bons Poëtes , & il tâche de le prouver.
Cet Ouvrage , au reste , paroît sous le
nom suposé d'Agostino Umicalia ; c'est sous
ce nom que le véritable Auteur le P. Jacques
Sanvitali , Jésuite ,
Jésuite , a trouvé à propos
de se cacher. C'est un Religieux , dit l'Auteur
du Journal , d'une vie exemplaire &
d'une Morale irrépréhensible , il est d'une
Maison de distinction , & qui brille dans
la Ville de Parme , très - connuë d'ailleurs
dans toute l'Italie. On a voulu dire que
cet Historien se montre quelquefois
un peu
partial en faveur de l'un des Concurrens
à cette grande Succession , sur quoi notre
Observateur n'entre dans aucune discussion ,
non plus que sur le fonds de cette Histoire.
Quelqu'un a trouvé mauvais qu'il ait
employé ces termes , La Guerre entre la
Maison d'Autriche & la Maison de Bourbon,
il falloit , dit-on , dire la Maison de France
& non pas la Maison de Bourbon , mais
les Ultramontains
, dit l'Auteur de cette
Critique ,
DECEMBRE. 1738. 2811
& on
Critique , ne sont pas au fait de la proprieté
& de la difference de ces termes ,
prouve assés au long , que dire , La Maison
de France , en parlant de la Maison regnante
, est la bonne & véritable maniere de
s'exprimer ; l'autre maniere est un abus qui
s'est introduit en France même ce qui
rend l'Historien d'Italie bien excusable à cet
égard.-
L'Observateur fait ensuite l'Eloge de l'Histoire
en question , en disant que l'Auteur
n'a rien épargné pour la rendre vraie & interessante
; & c'est , ajoûte - t'il , une chose
merveilleuse , qu'un Religieux qui n'a jamais
vû la Guerre , ni fréquenté la Cour , ait
écrit avec autant d'exactitude & d'agrément
que de solidité un Ouvrage de cette natuxe,
& il finit par ces propres termes, qu'il est
bon de raporter ici , afin de rendre plus de
justice à l'habile Ecrivain Italien . Noi possiam
farfede , che pregati più volte Ministri
grandi , e Generali , di leggere in quest' Istoria
la relazione di fati a loro Spettanti , e
passati perle lor mani , hanno attestato come
con tutta verità sono in essariferiti , e rappre
sentati
Memorie del General Maffei 1 Vol: in- 122
Verona 1737.
On ne s'ennuiera point , sans doute , de
voir le Nom illustre de Maffei si souvents
Dvis repete :
2812 MERCURE DE FRANCE
répeté dans ce Journal , l'Auteur a aparemment
ses raisons , & de bonnes raisons
pour en user ainsi . Il nous aprend dans cet
Article , qui est le XI . de ses Observations
Litteraires , que le Marquis Alexandre Maffei
, dont on vient d'imprimer les Mémoires
, a fait la guerre depuis sa premiere jeunesse
jusqu'à l'extremité de sa vie , ayant
toujours servi sous ce grand Capitaine ( il
gran Guerriero ) Maximilien - Emmanuel
Electeur de Baviere , passant par tous les
grades du Service Militaire. Sa premiere
Campagne fut celle de la fameuse Levée du
Siége de Vienne en 1683. & la derniere ,
celle de la Bataille , qui préceda & causa la
Prise de Bellegrade en 1717. Evenemens
glorieux , dûs en partie à la valeur des Troupes
Bavaroises , que commandoit le Général
Maffeï , suivant le témoignage rendu par
l'Empereur même , dans une Lettre renduë
publique. Il étoit sur le point d'être fait
Général de toute l'Infanteric Imperiale , si là
Paix ne fut survenue aussi - tôt après . Au
reste , il eut toujours un grand soin d'écrire
avec autant d'ordre & de simplicité , que de
vérité , tout ce qui se passoit sous ses yeux
dans les differentes Expeditions de Guerre
auxquelles il s'est trouvé , ce qui, à la fin , a
formé un Corps d'Histoire Militaire , ou de
Mémoires Historiques , qui se sont trouvés
après
DECEMBRE . 1738. 2873.
après sa mort dans son Cabinet, & tous écrits
de sa main , lesquels on donne aujourd'hui
au Public. Ce petit Livre , dit l'Observateur,
ou, si l'on veut , l'Editeur , sera toujours regardé
comme un grand Trésor , Gran Tesoro
, peu d'Histoires portant un caractere
plus marqué de verité , contenant plus de
solides Instructions , & de Faits mémorables
, qui se sont passés particulierement en
Hongrie , en Allemagne , en Flandres : en-
Sorte que quiconque embrassera la Profession
des Armes , ne sçauroit trouver ailleurs
de plus utiles Leçons. On trouvera à la fin
des Mémoires , un Abregé de la Vie du Général
da Monte , qui fut aussi un grand Capitaine
, & qui a servi en quelque façon de
Modéle à l'Auteur de ces Mémoires , lequel
étoit le petit Neveu de ce Géneral par son
Ayeule Maternelle. Le Portrait du Géneral
Maffei paroît à la tête de cet Article , dans
une Estampe très - bien gravée.
L'Article suivant rend compte d'un Ouvrage
intitulé , Prose , e Poësie dell' Abate
Girolamo Tagliazucchi. 1. Vol. in-8 ° . Torino .
1735.
C'est un Recueil de plusieurs Piéces d'Eloquence
, de Litterature , & de Poësie ,
composées en divers temps, et sur differens
Sujets , les unes en Langue Latine , les autres
en Italien , par M. l'Abbé Tagliazucchi ,
Prox
2814 MERCURE DE FRANCE
:
Professeur d'Eloquence en l'Université de
Turin. Entr'autres Discours prononcés publiquement
, l'Auteur soûtient dans une Harangue
, que dans les Colleges de la même.
Université , on devroit non seulement aprendie
, parler , & cultiver , comme l'on fait
la Langue Latine , mais encore s'apliquer à
bien écrire & à bien parler la Langue Italienne
, par une Etude sérieuse de la Grammaire
, & par la Lecture des bons Auteurs.
Italiens. Tel , dit notre . Professeur , pour.
être né en Italie , croit sçavoir naturellement
l'Italien , qui en plusieurs occasions.
fait voir qu'il n'en sçait pas davantage que
lés Gens les plus grossiers & les plus ignorans
de la lie du Peuple , & reste volontairement
dans une ignorance honteuse
de sa propre Langue. Il paroît par une des
Piéces de ce Recueil , que le sçavant Abbé :
a parlé efficacement sur ce sujet , qu'enfin il
a persuadé , & que ses Leçons ont été mises
en pratique. Cette Piéce porte pour titre ,
ORATIO habita in Aula Majore Academia :
Taurinensis quùm jubente Ill. & Excell. Magistratu
, Italica Lingua , atque Eloquentia in
Scholas politiores primum inveheretur. Il seroit
à souhaiter qu'une pareille pratique s'établit
dans nos Colleges François , & qu'à l'Etude -
du Grec et du Latin , on joignit l'Etude de
notre propre Langue , que peu de Gens , à
Paris .
DECEMBRE . 1738 28155
Paris même , sçavent , écrivent , & parlent
comme il faut : on ne verroit pas tant d'honnêtes
Gens , de Personnes mêmes qui sçavent
du Grec et du Latin , se trouver dans le
cas que le Professeur de Turin a si bien exprimé
par ces Paroles , dont nous avons
donné ci-dessus le sens : Tal che chi si crede,.
per esser nato in Italia , di naturalmente saper--
la , si resta come glidioti Plebei in una vergo
gnosa ignoranza della propria favella..
La derniere Piece de ce Recueil est un-
Discours à la suite duquel sont d'autres compositions
sur le même sujet : le Discours a
été prononcé à l'occasion de l'établissement
d'une Académie, fait dans la Ville de Turin,
pour l'avancement des beaux Arts , et en par--
ticulier l'Architecture Civile et Militaire , la
Peinture , la Sculpture , et tout ce qui a rap--
port au deffein. Notre Observateur finit cet-
Article en donnant à l'établiffement dont il
s'agit , l'Eloge suivant. Fioriscono questi nobili
studi talmente in qualla Regal cità , que può
gia dirsi con verità , come à verún altra d'I .
talia in questa parte non cede.
Nous voici arrivés , Monsieur, au dernier
Article du premier Tome du nouveau Journal
Italien vous en trouverez le sujet beau
et curieux , mais je ne sçais si tout le monde
conviendra de la justesse des raisonnemens
de l'impartialité prétendue de l'Auteur , et
des
2016 MERCURE DE FRANCE
dés vérités qu'il s'est proposé d'établir. L'Oüvrage
dont il s'agit dans cet Article porte
pour titre Paragone della Poësia Trugica
d'Italia conquella di Francia , I. vol. in 8.
Zurigo 1732. Ce n'est pas peu de chose que
d'entreprendre un parallele , une comparaison
de la Tragédie Italienne avec la Tragédie
Françoise. S'il est vrai en général que les
comparaisons sont souvent odieuses , presque
toujours défectueuses , je croirois volontiers
qu'un Ecrivain sensé doit les éviter..
Quoiqu'il en soit , notre Journaliste assûre
que l'Auteur de ce Parallele s'est tenu caché
jusqu'à présent avec tant de soin, qu'il n'a pas
été possible de le découvrir . Véritablement ,
continuë t'il , l'impression semble en avoir
été faite hors de l'Italie , et c'est pour cela
qu'on en a vû très-peu d'Exemplaires en ce
Pays. Quelques uns ont attribué l'Ouvrage
à un Suisse Lettré Letterato Sguizzero , alles
versé dans les Belles Lettres Italiennes et
Françoises , et qui écrit fort bien en Italien :
mais enfin nous avons été bien instruits sur ce
point ; ce Livre est sorti de la plume d'un
Gentilhomme Bergamasque , nommé le
Comte Pierre de Colepio , qui joint beau--
coup de modestie à une grande Litterature ;
et qui , quoique fort occupé d'affaires publi
ques et particulieres , sçait encore trouver
du temps pour courtiser les Muses : c'est le :
même ,
DECEMBRE 1738. 2817
même , ajoûte notre Observateur , qui composa
il y a environ 10. ans une longue Apologie
en faveur de l'Oedipe de Sophocle ,
mêlée de quantité de Réflexions sur la Traduction
d'Orsatto Justinien , Apologie qui
s'est perdue malheureusement pour le Public.
Enfin , si on en croit le Journaliste
F'Auteur du Parallele en question est consommé
dans l'étude des deux Tragédies
l'Ancienne et la Moderne : il est vrai qu'il a
employé à cette étude un temps fort considé--
rable.
و
3
De l'Eloge de l'Auteur , le Journaliste :
paffe à celui de fon Ouvrage , qui contient
dit-il , de doctes observations , & des réfle--
xions justes et solides , sans qu'on y trouve
le moindre vestige de partialité en faveur
de l'une ou de l'autre des deux Nations.
C'est ce que le détail dans lequel il va entrer
pourra nous prouver.
Le plan ou l'idée de cette Critique , dit le
Journaliste , est fondé sur la Poëtique d'Aristote
, dont l'Auteur est religieux observateur.
Le respect que l'Observateur garde
pour des sentimens contraires , que presque
tout le monde a adoptés , l'empêche de dire
tout ce qu'il pense là - dessus ; mais après
avoir fait entendre que la Philosophie d'Aristote
est presque tombée dans l'oubli , il
conclut que c'est à la seule nature , à dcter
les
2818 MERCURE DE FRANCE
les véritables régles de toutes les productions
de l'esprit humain , et qu'Aristote n'a com
posé sa Poëtique que d'après les effets que
les diverses Tragédies des Sophocles et des
Euripides avoient produits sur les cours des
Atheniens et des autres Peuples de la
Grece.
2.
De -là , il passe au parallele du Théatre
Italien et du Théatre François ; quelque
protestation que l'Auteur sur lequel le Journaliste
fait ses Observations critiques , ait
faite d'impartialité entre les deux Nations ,
qu'il met en concurrence pour les honneurs
du Théatre , on ne laiffe pas de s'apercevoir
qu'il panche du côté de ses Compatriotes.
Il avance dans son premier Chapitre , que
pour ce qui regarde le fonds de la Fable Tra
gique , les Italiens l'emportent sur les François
; et pour prouver ce qu'il veut établir
il soûtient que Racine ne doit compter pour
des Tragédies parfaites que sa Phedre et son
Britannicus , encore , poursuit- il , dans les
narrations qu'il fait dans ces deux excellentes
Pieces , est- il beaucoup inferieur aux Auteurs
Tragiques qui ont excellé dans l'I
talie..
Un peu plus bas il semble vouloir nous
consoler de cette préférence , quand il dit
que les François prévalent sur les Italiens
dans la disposition des Actes et des Scenes ;
CC
DECEMBRE. 1738. 2819;
et dans l'art d'instruire les Spectateurs ; mais
n'est- ce pas nous faire sentir que nous n'avons
que l'arrangement en partage , tandis
que nos prétendus rivaux ont l'avantage de
la production. Il nous donne encore avec
beaucoup de bonté , l'avantage de la proprieté
, de la gravité et de l'énergie du discours ;.
c'est ce que nous apellons beautés de détail
; mais comme ce n'est que malgré lui
qu'il nous accorde cette petite victoire , il
n'oublie rien pour en diminuer l'éclat
et
tombe avec toute la sévérité de la Critique
sur des endroits de nos plus grands Auteurs ;
sçavoir , Corneille et Racine , où il traitel'expression
de puerilité et de futilité ; en.
voici deux exemples qu'il cite .
,
Dans le récit de la mort de Pompée , le
Narrateur , dit- il , s'explique en ces termes ::
Il obéit aveuglément à son destin , et se couvrant
la face il dédaigne de regarder le
Ciel , qui le trahit , depeur que les Dieux ne
croyent qu'il implore leur fecours , ou qu'il leur
demande vengeance d'un fi grand outrage ;
en bonne fai l'indignation que la mort de
son maître inspire à son fidele Acorée , n'au--
torise-t'elle pas des termes un peu trop forts ;.
c'est aux Dieux à s'en plaindre et non pas à
des hommes tels que notre Critique . Voyons
si ce second exemple est plus concluant : le
même Acorée dit, au sujet de la tête de Pom-..
pée :
2820 MERCURE DE FRANCE
pée présentée à Cesar ; Il semble qu'à ce nouvel
affront un resté de chaleur exhale fa dow
leur en fanglots mal formés , & que fon indignation
mourante reproche aux Dieux fa defaite
sa mort. Ne faut-il pas être ennemi
déclaré de tout ce qui s'apelle discours figuré
, pour condamner de si nobles hardiesses
? et la Critique n'est- elle pas dans cette
occasion plus outrée que l'expression qu'elle
attaque ? L'Auteur anonyme qui prétend faire
paffer pour défauts ce que nous érigeons
en beautés, n'a- t'il point de plus fortes preuves
sur lesquelles il puiffe fonder la prétenduë
superiorité du Théatre Italien sur la
Scene Françoife ? Je passerois , Monsieur
les bornes d'une Lettre , si je m'étendois davantage
sur cette Critique. Je suis Monsieur,
& Co.
L'AMOUR ABEILLE ,
J
A Mad.
'Etois chés Thémire ; une Abeille:
Aux pieds d'azur , aux aîles d'or ,
Volo't sur sa bouche vermeille ,
Charmant , mais témeraire essor ! :
Thémite , aussi - tôt je m'écrie,
Allarmé
DECEMBRE. 1738. 282
Allarmé , peut- être jaloux ,
Un Serpent aîlé près de vous .,
Hélas menace votre vie.
A ces mats l'Abeille en furie ,
Par un prompt & double circuit ,
M'attaque , bourdonne & s'enfuit .
C'étoit , ô prodige , ô mystere !
Le redoutable Cupidon ,
Qui sous une forme étrangere ,
Et pour éloigner tout soupçon ,
Suivoit Thémire trop sévere.
Transporté d'un juste courroux ,
Ce Dieu m'attendoit au passage ,
Dès qu'il me voit , saisi de rage,
Il me perce de mille coups.
Puis sous sa forme naturelle ,
Agitant les airs de son aîle ,
Squviens -toi , dit-il , pour toujours
Du Dieu de l'amoureux Empire ,
Et qu'aux Lieux où regne Thémire ,
Il ne vole que des Amours.
La Bretonnieres
QUES
2822 MERCURE DE FRANCE
****************
QUESTION IMPORTANTE ,
jugée au Parlement de Paris.
S
Çavoir si dans la Coûtume du Duché
de Bourgogne un Main- mortable , sorti
à l'âge de 18.ans du Lieu de sa naissance, qui
a transferé son domicile à Paris , s'y est marié
, y a acquis un Office , une maison &
d'autres Effets , enfin y a vécu pendant se .
ans en qualité de Bourgeois de Paris , a pu
tester valablement des meubles & immeubles
qu'il avoit à Paris , au préjudice du Seigneur
dont il étoit né mortaillable.
FAIT
Jean Guillaume Moreau , de la succession
duquel il s'agissoit, avoit été baptisé à Thos
te , dans le Duché de Bourgogne , le 29.
Juillet 1659. treize jours après sa naissance ,
dont le Lieu n'étoit point certain ni constaté
par l'Acte baptistaire, ni par aucun autre
Acte; il étoit fils de Claude Moreau, Sergent
Royal à Thoste.
En 1679. ou 1680. il vint à Paris , étant
alors âgé d'environ 20. ans ; il y établit son
domicile , s'y maria , y acquit un Office de
Syndic des Rentes sur l'Hôtel de Ville , &
mourut le 13. Février 1730. étant alors ancien
DECEMBRE. 1738. 2823
cien Syndic des Rentes , revêtu d'un Employ
de Receveur des Aydes & Droits du Roy à
la Porte S. Michel , Proprietaire d'une maison
, sise rue des Postes , & d'un mobilier
considérable .
Le Sr Comte du Montal , Maréchal des
Camps & Armées du Roy , Seigneur de la
Terre de Thoste , où il y a une partie des
héritages main -mortables & des hommes
apellés Serfs , qui sont dans un certain état
de servitude , à cause des héritages mainmortables
qu'ils tiennent , le 30. Mars 1730 .
se fit adjuger par le Juge de sa Seigneurie ,
à la requête de son Procureur d'Office , les
meubles & immeubles de la succession de
Jean- Guillaume Moreau, comme étant mort
son Serf mortaillable.
Les Héritiers du Sr Moreau , firent assi
gner au Châtelet le Sr Comte du Montal
pour aporter les Titres , en vertu desquels il
prétendoit à la succession du Sr Moreau.
L'Hôtel-Dieu de Paris , Légataire particu
lier du Sr Moreau , étant intervenu , fit renvoyer
l'affaire la Grand'Chambre du Parlement
, où il a ses Causes commises en premiere
instance .
·
Les Prévôt des Marchands & Echevins de
la Ville de Paris, intervinrent aussi pour soûtenir
que le Sr Moreau étoit mort libre , en
vertu des Privileges de la Ville de Paris.
D'un
824 MERCURE DE FRANCE
D'un autre côté les Elus Généraux des Etats
de Bourgogne , intervinrent aussi pour soûtenir
le droit du Sr Comte du Montal , qui
interessoit toute la Province , à cause qu'il y
a beaucoup de Seigneuries , dans lesquelles
il y a des Serfs de main- morte.
>
On disoit de la part des Héritiers du St
Moreau , pour premier Moyen , que le Sr du
Montal ne pouvoit pas prétendre que le Sr
Moreau , de libre , fut devenu main- mortable
, étant venu à Paris dès l'âge de 20. ans ,
du vivant de son Pere, n'ayant jamais tenu ni
Meix main -mortable, ni demeuré an & jour
dans un Lieu de main-morte, ni payé de son
Chef aucun devoir au Seigneur de mainmorte
; que le Sr Comte du Montal soûtenoit
seulement que le Sr Moreau étoit né mainmortable
, mais que pour l'établir il devoit
prouver par Titres , 1 °. que le Pere du Sr
Moreau , lors de la naissance de son fils , tenoit
un Meix de sa main- morte , ou bien
qu'il avoit tenu feu & lieu dans le Lieu de sa
main-morte pendant an & jour , & lui avoit
payé de son Chef, tels & semblables devoirs
que les autres hommes de main- morte, 2°.
Que dans sa Seigneurie il n'y a ni parcours
ni usance avec aucune autre Seigneurie ni
avec aucun Lieu franc.
و
Jean -Guillaume Moreau disoient les
Héritiers , est né à Thoste le 16. Juillet
1659.
DECEMBRE 1738. 282
T559. son Pere étoit , il est vrai , Sergent
géneral à Thoste, suivant l'Extrait Baptistaire,
mais on ne prouve point qu'avant la nais
sance du fils , le pere tint un Meix mainmortable
à Thoste , sans droit de parcours
ou usance , ni qu'il eût alors tenu feu & lieu
par an & jour , & payé en son Chef au
Seigneur les devoirs main -mortables. Les Til'on
produit depuis cette époque
sont inutiles ; la condition de main - morte ,
survenuë au Pere après la naissance de l'Enfant
ne change pas l'état de l'Enfant , nonplus
que la servitude survenue au Pere , laquelle
, selon les Loix Romaines , ne changeoit
point l'état de l'Enfant né pendant
la liberté .
tres
que
Il paroît par des Plaids généraux de la
Seigneurie de Thoste , tenus en 1600. que
les Habitans de Beauregard , & entre autres
Jean Moreau , se disent francs , & tenir leur
Meix & héritages en franchise , en payant
les droits Seigneuriaux , que plusieurs Habitans
de Thoste , & entre autres François
Moreau,firent une pareille déclaration ; Claude
Moreau , Pere de celui de cujus, descendoit
de Jean ou de François Moreau , s'il descendoit
de Jean , Habitant de Beauregard ,
cette partie de la Seigneurie de Thoste , est
totalement franche ; s'il descendoit de François
, Habitant de Thoste ; ce François à été
II. Vol. E déclaré
2826 MERCURE DE FRANCE
déclaré en 1600. n'être pas main- mortable,
ainsi Jean- Guillaume Moreau de cujus, auroit
toujours été libre , à moins qu'on ne prouvat
qu'il descendoit de François , & que
Faffranchissement dudit François Moreau
étoit seulement personnel & ne s'étendoit
point à sa postérité , ce qui n'est point prouvé.
Or dans le doute , on présume toujours
pour la liberté.
Le second Moyen des Héritiers consistoit
à dire que quand le Sr Morcau de cujus , seroit
né main- mortable , il seroit mort libre ,
qu'étant sorti de Bourgogne vers l'an 1679.
& ayant depuis toujours demeuré à Paris ,
où il mourut en 1730. un laps de temps
aussi long l'avoit rendu à la liberté naturelle,
suposé qu'il fût né main-mortable & avoit
mis son prétendu Seigneur hors d'état de le
revendiquer comme tel , que la Coûtume
de Bourgogne , qui porte que l'homme de
main - morte ne peut prescrire la liberté contre
son Seigneur , ne peut avoir force de
Loi hors de son Territoire , n'ayant été faite
que pour la Duché de Bourgogne & non
pour d'autres Provinces , qu'elle n'avoit mêne
aucune autorité dans les autres Etats du
• Duc de Bourgogne.
Les Héritiers disoient pour troisiéme
Moyen , que quand on voudroit étendre
l'autorité de la Coûtume de Bourgogne hors
de
DECEMBRE . 1738. 2827
de son Ressort , cette Coûtume ne prévaudroit
pas sur les Privileges de la Ville de Paris
, qui ont le pouvoir d'affranchir les Mainmortables
; le Sr Moreau , disoient- ils , est
mort Bourgeois de Paris ; une Charte de
Louis le Gros , qualifie les Bourgeois de Paris
, Bourgeois du Roy ; or on ne peut pas ,
érant Bourgeois du Roy , être en même.
temps main- mortable d'un Seigneur particulier
; la qualité de Bourgeois de Paris s'acquiert
par an & jour d'un véritable domicile
dans cette Ville , & l'on est dispensé depuis
plus de cent ans de prendre des Lettres de
Bourgeoisie , & par conséquent de la formalité
du désaveu requis par la Coûtume de
Bourgogne à l'égard des Mortaillables qui
veulent s'établir ailleurs & vivre librement.
Au contraire de la part du sieur Comte
du Montal , on disoit que son droit de mainmorte
en général étoit incontestable , qu'il
étoit prouvé par une longue suite de Plaids
tirés des Registres de sa Justice , et par plusieurs
affranchissemens personnels , accordés
par ses Auteurs à differens Particuliers .
Claude Moreau , Pere de celui de cujus ,
est qualifié Sergent Royal à Thoste ; dans
une Sentence de 1657. dans l'Extrait Baptistaire
du fils qui est de 1659. le pere est aussi
qualifié Sergent Général à Thoste . Ainsi nonseulement
le fils est né à Thoste , mais il est
E ij prouvé
2828 MERCURE DE FRANCE
prouvé par l'Extrait Baptistaire joint à la Sentence
de 1657. que le pere avoit demeuré à
Thoste par an et jour, lors de la naissance de
son fils , ce qui suffit, selon l'Article 6. de la
Coûtume de Bourgogne , pour rendte mainmortable
la posterité à naître d'un tel homme.
ود
La demeure de Jean- Guillaume Moreau à
Paris , ni le laps de temps ne l'ont point rendû
à la liberté naturelle , car suivant l'Article
2. de la Coûtume de Bourgogne. » L'hom-
» me de main-morte- ne peut prescrire fran-
" chise & liberté contre son Seigneur , par
quelque laps de temps qu'il fasse demeurance
& résidence hors du Lieu de la
» main-morte , quelque part que ce soit,
Pourquoi la Coûtume s'est- elle servie d'une
expression aussi générale ? c'est que
dans
cet Article les Rédacteurs prévoyoient deux
cas de domicile hors de la main- morte , celui
du domicile dans un autre main- morte ,
dont il est parlé dans l'Article 16. & du domicile
en franc - lieu hors le Ressort de la
Coûtume.
39.
Ainsi la disposition de l'Article 2. a son
execution, même lorsque le Mortaillable est
allé s'établir dans une autre Coûtume .
Tel est le sentiment de Dumolin sur la
Coûtume de Berry , de Coquille , sur l'Article
6. du Tit. 8. de Nivernois , de Chopin ,
en
DECEMBRE. 1738. 2829
en son Traité du Domaine & des Commen
tateurs modernes de la Coûtume de Bourgogne.
La Question a été ainsi jugée par trois Arrêts
.
Le premier sans date , dont Chopin fait
mention en son Traité du Domaine , Liv. I.
Tit. 13. N. 13 .
Le second , daté par Chopin , ibid. N. 24
du 3. Août 1559. fut rendu au profit d'un
Commandeur de Malthe, pour la succession
d'un Main-mortable de Bresse, décedé Bourgeois
de Lyon.
Le troisième , est l'Arrêt de Châteauroux
dont Dumolin fait mention sur l'Article
premier de la Coûtume de Berry.
Le droit de main -morte est donc , comme
dit Coquille , un droit personnel , adhérant
aux os de la personne serve & qu'elle ne
peut détacher.
La Ville de Paris n'a point le Privilege
' d'affranchir les Mainmortables ; l'Arrêt de
Châteauroux, rendu contre un Mortaillable ,
décédé à Paris , en est la preuve , & Dumo-
In dit en conséquence , Urbs Parisiorum non
habet hoc Privilegium .
D'ailleurs le défaut de franchise dans la
personne du Sr Moreau , auroit empêché
l'impression de la qualité de Bourgeois de
Paris sur lui.
E iij Enfin
2830 MERCURE DE FRANCE
Enfin , suivant l'Article 87. de la Coûtume
de Bourgogne , l'homme de main - morte
peut désavoüer son Seigneur , & s'avouer
homme franc du Duc de Bourgogne , pourvû
qu'en faisant ledit désaveu , il renonce à son
Meix & autres biens meubles & héritages
qu'il a sous ledit Seigneur au lieu de la mainmorte
, lesquels , en ce cas , sont & demeu
rent au Seigneur de la main- morte.
Le Sr Moreau avoit donc une voye pour
s'affranchir de la main- morte , en faisant notifier
à son Seigneur un désaveu, & s'avoüant
homme franc du Roy , qui est aux droits
des Ducs de Bourgogne ; c'est a lui à s'imputer
de n'avoir pas usé de cette voye qui lui
étoit ouverte , & faute d'avoir fait ce désaveu
, il est toujours demeuré mortaillable.
Par Arrêt rendu au raport de M. Severt ;
Conseiller , le 29. Août 1738. la succession.
de Jean Guillaume Moreau a été adjugée
au Sr Comte du Montal , sans avoir égard à
l'intervention de la Ville de Paris.
St
ETRENNES.
I j'étois Favori du Dieu des Partisans ,
Gossin , à son réveil , auroit riches présens ;
De l'Amant de Vénus , si j'étois le modele ,
F'irois
DECEMBRE . 1738. 283
}
J'irois à son chevet , jurer d'être fidele ;
Si pour elle Apollon m'échauffoit ce matin ,
Jė .... mais non , son esprit est délicat et fin
Et ma verve pourroit lui causer des migraines ;
Si voudrois je pourtant de moi qu'elle eût Etrehnesz
Mais , hélas ! je ne puis augmenter ses plaisirs ,
Tout fléchit sous sa loi , tout rit à ses désirs ,
Amour la reconnoît pour Reine en son Empire ,
C'est elle qui soumet d'un coup d'oeil, d'un sourire,
Les coeurs indifférens , échapés à ses Traits ;
La Fortune , à l'envi , la comble de bienfaits ;
Du Public , au Théatre , aplaudie , admirée ;
D'un Sexe elle est chérie , & de l'autre adorée ;
Que puis-je donc offrir à qui tout est soûmis ?
Ton coeur , me dit l'Amour , ta liberté , ta vie .
Ah ! de les lui donner , Amour , j'aurois envie !
Mais depuis plus d'un lustre ils lui sont asservis.
QUESTION
.
I l'Envie & la Jalousie sont une même
chose , si ce sont deux passions differentes ,
en quoi elles se ressemblent , en quoi elles diffe-
& laquelle des deux est la plus dange- ,
reuse à la Societé ?
REPONSE. Il est difficile de donner
E iiij une
832 MERCURE DE FRANCE
une définition juste des choses qui sont arbitraires
, cela dépend de l'idée qu'on en a,
& tout le monde ne convient pas de la même
idée ; quand tout le monde en convien.
droit , la définition qu'on donneroit de l'idée
, ne décideroit rien pour la passion , qui
est differente dans tous les hommés ; car
c'est moins de l'idée , que de la passion qu'il
s'agit ; l'idée , en tant qu'idée, ne fait ni bien
ni mal dans la Societe , c'est la passion qui
est dangereuse , par les misérables effets
qu'elle produit.
L'Envie , dans le Dictionaire de l'Académie
, est définie : Le déplaisir qu'on a di
bien d'autrui. Dans le Dictionaire de Trévoux
: L'Envie est un mouvement jaloux que
P'on ressent de voir les bonnes qualités ou la
prosperité d'un autre
Dans le Dictionaire de l'Académie , la
Jalousie est définie : Lapassion d'une personne
jalouse. Dans le Dictionaire de Trévoux :
C'est une passion de l'ame , qui porte à envier
la gloire ou le bonheur d'autrui , ou bien l'inquiétude
& la crainte de partager ou de perdre
un bien qu'on possede, ou qu'on désire posseder.
Dans l'usage , l'Envie & la Jalousie sont
presque la même chose ; en effet , toutes
les passions se tiennent , pour ainsi dire
par la main , & se prêtent secours ; elles font
Ligue offensive & deffensive avec l'amour
propre..
DECEMBRE . 1738. 2833
*
propre. Il y a deux passions principales , dont
toutes les autres dérivent ; c'est l'amour &
la haine ; l'amour est un désir qui nous excite
à la recherche d'un bien qui nous plaît ;:
la haine est la passion qui nous excite à fuir
le mal qui nous fait peur.
L'Envie & la Jalousie , sont des passions :
du second ordre , ce sont des branches de
l'amour & de la haîne , si on pouvoit dans
la pratique , séparer de ces deux passions ,
la haine qui les suit de près , & les réduire
comme on le peut par la pensée , à l'amour
seul du bien qu'on veut acquerir ou conserver,
sans aucun mêlange de haîne , il n'y auroit
aucun mal à craindre ; car il est permis
d'augmenter & de conserver son bien, & même
, si on le peut , augmenter & perfectionner
son Etre par des voyes légitimes ; il est
permis de désirer d'être plus riche , d'être
plus juste , d'être plus vertueux , d'être plus
parfait ; il n'y a rien en cela que de loüable
on peut même être légitimement jaloux d'un
bien qu'on possede à juste titre , pourvû
que la jalousie ne se serve pas
de moyens
injustes pour de conserver."
9
A
Cependant il y a une distinction a faire
entre l'Envie & la Jalousie , en ce que l'Envie
a pour objet un bien qu'on ne possede :
pas encore , & qu'on veut acquerir ; car onn'envie
pas , en-ne désire pas ce qu'on pos-
Ev sedens
2834 MERCURE DE FRANCE
sede & ce qu'on a déja ; la Jalousie , au con
traire , s'entend d'un bien qu'on a & qu'on
craint de perdre en tout ou en partie ; ainsi
l'Envie est de plus grande étenduë que la
Jalousie , la matiere est plus ample , il y a
plus d'envieux que de jaloux , mais la jalousie
est plus forte , parce que , toutes choses
égales , il est plus sensible de perdre que de
ne pas gagner ou manquer d'acquérir.
Au reste ces deux passions , quoiqu'elles
ne fassent pas des Saints , n'ont rien de mauvais
dans la morale humaine , tant qu'elles
' n'ont que l'amour du bien pour objet,& que
les moyens dont elles se servent sont honnêtes
& permis.
Mais il est à craindre que de l'amour d'un
bien , on ne passe à la haîne du Concurrent
qui court la même carriere ; il est bien difficile
d'imposer des bornes aux passions , &
de les arrêter où l'on veut. Quand la haîne
s'en mêle il n'y a guere de difference
entre l'Envie & la Jalousie ; elles chande
gent nom , ce sont des vices qui rendent
malheureux . On souffre doublement ,
par l'amour du bien que l'on recherche
& par la haîne contre celui qui le possede ,.
ou qui veut nous l'enlever ..
&
Plus le bien est cher , plus le Concurrent
a de bonnes qualités , plus il est à craindre
plus il est dangereux , plus il est haïssable
V
aux
DECEMBRE. 1738, 2835
ごい
aux yeux de la passion ; la haine dégénère
souvent en fureur , il y a un enchaînement
presque inévitable , qui conduit insensiblement
la passion aux plus hoires pensées &
aux plus mauvaises actions, rien n'est plus injuste
au jugement des personnes de sens froid
& qui sont raisonnables ; mais la passion fait
voir à ceux qu'elle possede , les choses tout
autrement qu'aux autres ; c'est une Logique
toute differente .
La conclusion est que l'amour du bien
tel qu'il soit , ne doit jamais nous porter à
faire le mal. Il n'y a qu'un moyen , c'est de
demander à Dieu la grace de ne point succomber
à la tentation & de nous délivrer
du mal...
BOUT S- RIME'S ,.
SONNET.
Vous avez beau chanter, badiner, rire & Boire ,
De la mort quelque jour vous serez lo
Elle met le Regent au bout de som
Et finit le lazis des Gilles de la
Butin s
Latin ,
Foire.
Fuyez des bords du Gange aux Rives de la Loire,
Vous n'éviterez pas les traits de ce
Luin
Ev Alle
2836 MERCURE DE FRANCE
Elle enleve Philis en robe de Satin
Aussi-tôt que Catin la Vendeuse de Poire.
Eussiez- vous dans vos mains le Sceptre ou le Rabot,
Fussiez-vous un Géant ou le moindre Nabot,
Elle sçaura vous rendre aussi froid qu'une Souche.
Mais ne passons que tard le funeste
Bateau ,
Car entre nous , le Stix est un vilain Ruisseau ,
Et la mort un objet bien hideux & bien Louches
Le Maire.
LETTRE de M. l'Abbé de Merez àM. le
Chevalier de Serry, sur l'amour des Poëtes
pour leurs Ouvrages.
V
Qus êtes donc toujours , Monsieur ;
dans le même sentiment , et les Orateurs
, selon vous , sont aussi amoureux de
leurs Productions que les Poëtes ; vous n'êtes
pas même éloigné de croire que les Poëtes
sont plus indifferens que les autres , je
le conjecture par les exemples que vous me
citez d'Ovide et de Virgile , qui témoigne- .
rent une si grande indifference pour leurs.
Ouvra es , que le premier allant en exil,
brûla ses Métamorphoses , et le second ,
prêt
DECEMBRE . 1738. 2837
ނ
prêt à mourir , conjura son ami Varius de
jetter dans le feu son Enéïde . Mais que diriez
- vous , M si de ces exemples même ,..
j'en tirois des conséquences toutes contrai .
res aux vôtres ? Que diriez - vous , si je répondois
de la sorte à votre objection ? Ovide
a brûlé ses Métamorphoses , Virgile a desiré .
que son Enéïde subit le même sort , c'est
là par conséquent la plus forte preuve de
leur affection pour leur Poëme ;.car enfin
M. il est aisé de pénétrer dans l'intention de
ces Poëtes , ils ne vouloient ni l'un ni l'autre
que leur Ouvrage parut informe , en desordre
, et imparfait comme il étoit , ou plutôt
comme ils croyoient qu'il le fut , n'ayant
pas eu le temps de leur donner la derniere
main , l'un en étant empêché par la mort ,
et le premier , par le chagrin que lui causoient
sa disgrace et son exil ; il est donc
constant , M. que les Poëtes sont , je ne dis ..
pas aussi , mais beaucoup plus amoureux de
leur Production que les Orateurs ; vous m'en
demandez des preuves , il est aisé de vous
satisfaire.
Cette plus grande affection des Poëtes ,
ne pourroit-elle pas venir du plus de soins et
de peines que leur coûtent leurs travaux ?
C'est une experience que nous faisons tous
les jours , plus une chose nous coûte , et
plus nous y sommes attachés ; quelque affai2838
MERCURE DE FRANCE
;-
re que nous entreprenions , plus la poursuite
ens est difficile , plus le succès en est
agreable . Or vous ne sçauriez disconvenir,
qu'un Ouvrage en Vers , coûte plus de soins
et de peines qu'un Ouvrage en Prose . Ne
viendroit elle pas aussi , cette plus grande
'affection des Poëtes , de la délicatesse , du
beau tour , de la mesuré , de la cadence qui
assortissent un beau Vers , et que la bonne
Prose ne connoît pas ? Que sçais - je.
encore ? La Poësie a de si grands avantages,
le Poëte est si fort au-dessus de l'Orateur
qu'il n'est pas étonnant que l'un soit plus
amoureux de ses Productions que l'autre
POrateur conduit , à la vérité son Héros au :
Temple de Mémoire , il nous fait envisager.
ses vertus et son mérite , il l'éleve, il nous touche
il le loue , il nous persuade ; mais le
Poëte conduit le sien à l'immortalité : Dignum .
lande virum Musa vetat mri: Horat. Le
Poëte est redevable à la seule Nature , l'Orateur
doit à l'Art tout ce qu'il est : Počer
nascimur , fimus Oratores : la Poësie est un
effet de l'inspiration , je dirai même , de l'entousiasme
de quelque Divinité : Est Deus in
nobis , agitante calescimus illo . Ovid . Au lieu
que la Prose est simplement apellée l'Interprete
de l'entendement humain : Mentis quidem
interpres est Oratio . Ciceron .
Que ne pourrois je pas vous dire encore ,
pour
DECEMBRE. 1738 2839 %
>
pour vous démontrer les avantages sans
nombre qu'ont les Poëtes sur les Orateurs ,
et pour vous persuader en même temps ,
que ceux là sont plus amoureux de leurs
Ouvrages que ceux- ci Eh , M. n'avezvous
jamais fait refléxion à cette espece de
fureur qu'ont les Poëtes , je n'en excepte
aucun , de nous assommer de la lecture de
leurs Vers ? Bons , ou mauvais ils ne nous ..
font aucun quartier , De leurs Vers fatiguans,
Lecteurs infatiguables, s'ils vous tiennent une
fois , vous êtes perdu sans ressource , et combien
de fois l'un et l'autre n'en avons- nous
pas fait la triste experience ? J'avouë cependant
qu'il se trouve bien des Orateurs incommodés
sur cet article , mais remarquez la
difference , l'Orateur nous lit son Ouvrage
avec une modeste timidité , et le Poëte avec
une orgueilleuse emphase ; parce que l'un
craint toujours qu'on ne s'aperçoive de quelque
foiblesse dans ce qu'il lit , et l'autre
semble apréhender qu'on ne conçoive pas
assés toute la beauté de sa Piéce..
1
M. de la Bruyere avoit bien raison de dire,
que c'étoit un rude suplice , d'entendre prononcer
de médiocres Vers avec toute l'emphase
d'un mauvais Poëte ; remarquez - le , ils
sont tous semblables en ce point , la raison
en est évidente , c'est qu'ils sont tous amoureux
de leurs Ouvrages , ce n'est pas
assés
dire ,
2840 : MERCURE DE FRANCE
་ dire , ils en sont tous idolâtres , et beaucoup
plus idolâtres , et beaucoup plus amoureux,
que les Orateurs ne le sont de ceux même
qu'ils regardent comme les mieux travaillés
et les plus parfaits . Aristote l'a dit long temps
avant moi , C'est un Philosophe que vous res
pectez trop pour ne pas vous soumettre à son ·
autorité. Aristote disoit que les Poëtes ont
un amour inexprimable pour tout ce qui
sort de leur plume : Poëta propria Poëmata`
supra malum amant ; et vous-même , M. s'il
est permis de vous citer , ne nous avez- vous
pas avoué plusieurs fois , que vous donneriez.:
vos Traductions , vos Commentaires , et vos
Remarques , pour quelques centaines de
Vers que vous pouvez avoir faits , et que
tout Paris aplaudit encore tous les jours ,
sans sçavoir que vous en êtes le véritable
Auteur ? Je n'ai garde d'en dire davantage,
je pourrois vous démasquer contre votre intention
; je pourrois citer encore plusieurs
Auteurs vivans , bien de mauvais Poëtes , si :
vous voulez , quelques bons , peu de mé--
diocres , de quelque genre qu'ils soient ,
dans quelque classe que vous les suposiez ,
je mets en fait qu'ils seront beaucoup entousiasmés
, qu'ils idolâtreront beaucoup plus 1.
leurs Vers , qu'un Qrateur , sa Prose . Ditesmoi
, par exemple , si M. Vadius n'est pas ›
plus content de sa Personne et de ses Vers
que
DECEMBRE. 1738. 2841
de
que M. R. de ses Ouvrages ? Vous sçavez
qui je parle , c'en est assés , ce me semble ;
et mille preuves que je pourrois vous rapor
ter , vous persuaderoient moins , que quelques
refléxions que je vous prie de faire sur
cette matiere . J'ai l'honneur d'être , & c.
ENIGM E.
LEcteur , si vous trouvez le sens de ce mystere,
Vous trouverez de nous une image sincere.
L'on ne nous voit jamais révéler un secret ,
Tant que sous notre langue on laiffe le filet.
Outre ces qualités & cent Faits remarquables ,
Grand nombre parmi nous deviennent respectables,
Par les titres pompeux qu'on voit peints sur leur
front ;
Et trouvent chés les Grands un accès libre &
prompt.
Nous uniffons si bien les amis qui s'éloignent ,
Qu'ils se parlent tout bas , s'embraffent & se joi-.
gnent.
>
Mais en vain des Mortels nous servons les besoins ,,
Après tant de travaux de bienfaits & de soins ;
Qui s'imagineroit , que pour reconnoiſſance ,
La prison ou le feu fût notre récompense ?
De nos jours , cher Lecteur , telle est pourtant la
fin ;
Et...
2842 MERCURE DE FRANCE
Et peut- être à ton tour nous fais - tu ce destin .
Qu'avec raison l'on dit , ' qu'en cette humaine vie ,
Le mérite toujours fut sujet à l'envie !
J. Perier:
L
LOGO GRYPH E..
Ecteur , il faut trouver dans un Poiſſon ,
Engagement , Fleuve , Montagne , Oignon ,,
Prophete , Noeud , Note de Gamme ,
Et , pour finir , ancienne Femme..
J
AUTRE.
E suis un mot Latin , & Maison du Soleil.
Transpose-moi , Lecteur , tu me vois d'un coup
d'oeil,
Renfermer en François la liqueur spécifique ,
Qui réjouit le coeur ; l'ame de la Musique.
Par Duchemin , Musicien à Angers:
AUTRE
EN six lettres , Lecteur , je suis Ville de France <
Certain Oiseau de deux couleurs ;
Chose néceffaire aux Fumeurs ;
It ce qui sert souvent à marquer la cadence.
LOGO.
DECEMBRE . 1738. 2843
LOGOGRYPHUS.
NUminibus placeo , Lector , Mortalibus adsum
Jucunda ; immò mei me complectuntur amore
Hostes. Qua bona sunt , foveo , qua peffima , muto.
Si me perpartes discerpas , plurima promam.
Tres primò tibi ritè Marem , dant tresque vigorem ;
Tres tibi pratereà camporum grata recludunt :
Cum quatuor , læti modulaminis aspice bina
Signa. Natare cupis. ? Cum quinque exurget amoenus:
Amnis : cum totidem , lethalis viscera succus
Anget : cum simili numero , servanda videbis.
NOUVELLES LITTERAIRES
ES RUSES DE GUERRE de Polyen , tra-
Lduites du Grec en François
,
avec des
Notes. Par D. G. A. L. R. B. D. L. C..
D. S. M. Contenant
en Abregé
les Faits les plus mémorables
de tous les Grands Capitaines
de l'Antiquité
, & de quelques
Femmes
illus- tres , avec les Stratagêmes
de Frontin. 2. Vol. in- 12. d'environ
400.pages
chacun . A Paris,
chés Ganeau
, ruë S. Jacques
1739
.
La Traduction de Polyen , Auteur Grec ,
que l'on voit pour la premiere fois en notre
Langue
,
2844 MERCURE DE FRANCE
Langue , est dûë au feu Pere Dom Lobineau,
Bénédictin de S. Germain des Prés , Auteur
d'une Histoire de Bretagne , lequel est mort
avant la Publication de l'Ouvrage dont il
est ici question ; mais la République des
Lettres n'y a rien perdu , par les soins qu'a
pris un de ses Amis , sçavant et officieux envers
le Public , de l'Edition qui vient de
paroître.
A la suite des Rüses de Guerre de Polyen ,
on a imprimé à la page 173. du second Volume
les Stratagêmes de Frontin , de la Traduction
de M. d'Ablancourt , avec les Addi
tions et les Notes que l'Editeur a cruës nécessaires
, et dont il rend compte dans un court
Avertissement.
Pour ce qui regarde la Personne , et le
mérite des deux Ouvrages des Auteurs Ori
ginaux , nos bornes ne nous permettent pas ·
d'en parler ici. Nous renvoyons pour cela à
une Préface très - instructive et qui n'ennuye
point , mise à la tête du premier Tome.
ALMANACH NOUVEAU ; pour l'année
M. DCC . XXXIX . ou les Etrennes du Parnasse ,
en Vers , par M. du Radier. A Paris , chés
Pierre Clement , à l'entrée du Quai de Gêvres
, du côté du Pont Notre -Dame , 1739.
petite Brochure de 40. pages.
MA
DECEMBRE . 1738. 2845.
MAXIMES et Réfléxions Morales , traduites
de l'Anglois, avec une Traduction nouvelle,
en Vers, de l'Essai sur l'Homme de M.Pope
A Londres , chés G. Smith , dansle Princés-
Street Spittle- Fields. M. DCC. XXXIX . Brochure
in-8°. de 148. pages.
APHORISMES de M. Herman Böherhaave.
sur la connoissance et la cure des Maladies,
traduits en François , par .... A Rennes
chés la Veuve de P. A. Garnier , à la Bible
d'or , 1737. Vol . in - 8 ° . de 508. pages , et à
Paris , chés Huart & Briasson , rue Saint
Jacques.
PENSE'ES DIVERSES Sur l'Homme. A Pa
ris , chés Nyon , fils , Quai des Augustins ,
près le Pont S. Michel , à l'Occasion , 1738 .
Vol. in- 8° . de 311. pages , sans la Préface
de 22 .
,
HISTOIRE de Scipion l'Africain , pour
servir de Suite aux Hommes Illustres de
Plutarque avec les Observations de M.
le Chevalier de Folard , sur la Bataille de
Zama , A Paris , chés Didot , Quai des Augustins
, à la Brble dor , 1738. in - 12 . de 406 .
p. sans compter l'Epitre Dedicatoire au Roy,
et la Préface .
SUE
SUE'T ONE, avec des Notes entieres d'Egnatius
, de Glaréan , de Torrentius , d'Ursin,
de Casaubon , de Gruter , de Marcile , de
Gravius , de Patin : les Notes choisies des
autres Commentateurs , et celles du nouvel
Editeur Pierre Burman. A Amsterdam , chés
les Jansons-Waesberg. 1736. 2. Volumes in-
4° . Le premier de 88. pages , le second de
492. sans les Tables de 204, pages . Planches
détachées 34. L'Ouvrage est en Latin.
où
TRAITE' DES PRETS DE COMMERCE
l'on compare la Doctrine des Scholastiques
sur ces Prêts , avec celle de l'Ecriture et des
Saints Peres , par M..... Docteur de la Faculté
de Théologie de Paris , imprimé à
Lille , chés Pierre Mathon , Marchand Libraire
, sur la petite Place , in-4°.
,
Montalant , Libraire , Quai des Augustins,'
débite avec un grand succès la Traduction
Françoise du Newtonianisme , pour les Dames
, de M. le Marquis Algaroti , par M.
du Peron de Castera , 1738. in- 1 2 .
L'ECOLE DU TEMPS , Comédie en Vers et
en un Acte représentée par les Comédiens
Italiens le 11. Septembre dernier , par M.
Peffelier. A Paris , chés Prault le pere , Quai
de Gêvres 1738. On a donné l'Extrait de
cette
DECEMBRE. 1738. 2847
cette Comédie dans le Mercure de Novem
`bre dernier.
L'ACCOMMODEMENT IMPREVU , Comédie
en Vers et en un Acte , représentée par
les Comédiens François le 12. Novembre
1737. par M. de la Grange. A Paris , chés
le Breton , Quai des Augustins au coin de la
rue Gist-le- coeur. 1738.
LE RAJEUNISSEMENT INUTILE , Comédie
en Vers , et en trois Actes , avec des Divertissemens
, représentée au Théatre François
le 27. Septembre dernier. Par M.-de la Grange.
A Paris , chés le Breton , Quai des Augustins
, à la Fortune , 1738. L'Extrait, que
nous avons donné de cette Piéce , dans le
Mercure de Novembre , pag. 2461. nous dispense
d'en parler ici plus au long.
LES AMES RIVALES , Histoire Fabuleuse,
ALondres , et se trouve à Paris , chés Prault
Fils , Quai de Conty. Brochure in- 12 . de 75 .
pages. LE TEMPLE DE GNIDE , Brochure de
109. pages , sans la Préface , chés le même
Libraire.
MEMOIRES INSTRUCTIFS , pour un Voya
geur dans les divers Etats de l'Europe , contenant
des Anecdotes curieuses , très -propres
2848 MERCURE DE FRANCE
à éclaircir l'Histoire du Temps , avec des
Remarques sur le Commerce , et l'Histoire
Naturelle . Tome I. A Amsterdam , chés
Henri du Sauzet , 1738. in- 8°.
ANALYSE DE MONTREE , ou la Méthode
de résoudre les Problêmes des Mathématiques
, et d'aprendre facilement ces Sciences,
par le R. P. Reyneau , Prêtre de l'Oratoire ,
nouvelle Edition , augmentée des Remarques
de M. de Varignon. A Paris , chés Gabriel
François Quillau , rue Galande , près la
Place Maubert , à l'Annonciation , 2. vol.
in-4 .
LA SCIENCE du Calcul des Grandeurs en
général , ou les Elémens des Mathématiques
du même Auteur , chés le même Libraire.
L'APLICATION de l'Algebre à la Géométrie
, par M. Guisnée , seconde Edition , considérablement
augmentée. 1. vol. in-4° . chés
le même Libraire
DE LA RE'SOLUTION des Equations , ou
de l'Extraction de leurs Racines. Vol . in-4° .
chés le même,
RECHERCHES sur les Courbes à doubles
Courbures , par M. Clairaut. Vol. in -4°. auffi
chés le même.
POUILLE' du Diocèse de Chartres , Par
N. D. Libraire à Chartres. A CHARTRES
chés
DECEMBRE . 1738. 2849 ,
chés Nicolas Doublet , Libraire , 1738. in- 8 °.
& à PARIS , chés Thiboust , Place de Cam-:
bray , & Pepingué , Quai des Augustins.
>
Pour donner au moins une idée générale
du contenu de ce Livre , il suffit de transcrire
ici le reste du Titre qui en fait une ample
description. C'est un Recueil des Abbayes .
Chapelles, Chapitres, Colleges, Commanderies
, Communautés Religieuses , Convens
Cures , Doyennés et Prieurés de l'Evêché de
Chartres. Le tout en plusieurs colomnes fort
distinctes qui vont quelquefois jusqu'à
onze sur le même Bénéfice ; parce que l'Auteur
, qui n'a épargné ni voyages , ni frais ,
pour rendre son Ouvrage accompli , ne s'est
pas contenté de dresser son Pouillé sur le
modele de ceux qui furent imprimés en
1648. à Paris chés Gervais Alliot , où tout
au plus il y a quatre colomnes remplies ;
mais à l'exemple de ceux de Bourdeaux , de
Saintes , de Poitiers , il a nommé le Saint
Patron de chaque Bénéfice , c'est- à- dire , le
Saint sous l'Invocation duquel les Eglises
sont dédiées ; après cela les Présentateurs et
Collateurs de chaque Bénéfice , le Revenu ;
les Ordres de chaque Prieuré et Abbaye ; les
Réunions des Abbayes , Prieurés et Chapelles
, le nombre des Communians de chaque
Cure , les Archidiaconnés et Doyennés où les
Cures sont situées , les Villes et les Bourgs
II. Vol. વર્ષ
1856 MERCURE DE FRANCE
où chaque Cure aboutit pour les Conferences
Ecclefiastiques. Ce n'est pas tout ; l'Auteur
y a ajoûté le nom des Elections dont
est chaque Paroisse , les Châteaux et Maisons
Seigneuriales , la distance des Paroiffes
à la Ville Episcopale , fes Bureaux des Postes
auxquels il faut adreffer les Lettres pour chaque
Paroiffe. Il a auffi traité séparément des
Chapitres du Diocèse. Il donne l'Etat des
Paroiffes et Communautés du Diocèse de
Chartres et autres Diocèses , dépendantes du
Bailliage de Chartres ; une Liste de tous les
Bénefices qui sont à la nomination et Collation
de chaque Patron ; les Prestimonies
Dons et Bourfes en faveur des Etudians et
Ecclefiastiques de ce Diocèse. Ce dernier
Article surtout , mérite l'attention de bien
des Familles. Combien n'y a -t-il pas en effét
d'Enfans à la campagne , qui naiffent avec
d'heureuses dispositions pour les Sciences
et qui ne peuvent les cultiver , faute de secours
du côté du temporel ? Cette Liste de
Fondations ne peut qu'exciter le zele des
Personnes qui sont en état de suivre de pareils
exemples , et encourager les Curés à
faire connoître les Enfans qui ont aporté en
venant au monde les talens nécessaires pour
se disposer à l'Etat Eccléfiastique. On n'a pas
oublie de terminer ce Catalogue par un
Enoncé de l'Arrêt du Parlement du 7. Septembre
H
DECEMBRE. 1738. 285r
embre 1701. touchant la notification des
Testamens , où ces sortes de Fondations et
utres femblables seront inserées , et de l'Arêt
du Conseil , qui décharge des Droits de
Contrôle les Extraits de Testamens concerhans
des Fondations et Legs pieux en faveur
les Pauvres . Il nous a paru enfin , que ce
Pouillé étoit un Livre néceffaire non seulement
aux Eccléfiastiques , et à toute sorte
de Religieux , mais encore à une infinité de
Gens du monde .
,
Le Diocèse de Chartres , ou plutôt l'Eglise
célebre de cette Ville , qui n'a encore eu
que de foibles Historiens , tels que Rouillard
et Sablon , voit par le détail de ce
Pouillé , le nombre infini de Titres qui ont
émané d'elle , comme du centre et sans le
démembrement fait à l'occafion de l'érection
de l'Evêché de Blois , elle verroit ses branches
s'étendre bien loin au-delà de la Loire.
On ne peut que loüer les Libraires , qui
comme M. Doublet travaillent par euxmêmes
, entreprennent les voyages néceffaires
pour se mettre au fait des Ouvrages qu'ils
composent , et n'y permettent l'entrée à aucune
fable. Il avertit auffi qu'il a imprimé
avec de nouvelles Obfervations ,lesCoûtumes
de Châteauneuf et du Grand - Perche , et
qu'il donnera dans peu une nouvelle Edition
de la Coûtume de Chartres avec tous ses
Fij Come
›
2852 MERCURE DE FRANCE
Commentateurs , et les nouvelles Observations
avec les Changemens faits sur plusieurs
Articles.
HISTOIRE UNIVERSELLE , Sacrée et Profane
, depuis le commencement du Monde
jufqu'à nos jours , par le P. Dom Augustin
Calmet , Abbé de Senones , et Préſident de
la Congregation de S. Vannes et de S. Hidulphe.
Tome Quatrième , imprimé chés
Doulsecker , à Strasbourg , 1738. in-4°. Cet
Ouvrage se trouve chés la Veuve Ganeau , à
Paris , rue S. Jacques , aux Armes de Dombes
, près la rue du Plâtre.
MEMOIRES pour fervir à l'Histoire des
Hommes Illustres dans la République des
Lettres , &c. Par le R. P. Niceron , Barnabite
Tome XXXVI. in- 8 ° . A Paris , chés Briasson
, à la Science. M. DCC . XXXVI .
Nous fommes un peu en arriere dans le
compte que nous avons commencé et continué
de rendre de ce Recueil du R. P. Niceron.
Nous en avons reçû tout à la fois
quatre Volumes , et en les recevant , nous
avons apris avec regret , la mort de l'Auteur
, qui est décedé dans la réputation
d'un Ecrivain habile et laborieux , et d'un
Religieux des plus Réguliers. La République
des Lettres est sans doute en obligation de
ابن
DECEMBRE . 1738. 2853
fui rendre des devoirs ; nous nous chargerions
volontiers de fon Eloge , fi nous n'avions
fçû dans le même temps , que dans le
XL. Volume du même Ouvrage , qui doit
être continué par un autre Sçavant de fa
Congregation , il y aura un Article particulier
, qui ne laiffera rien à defirer au fujet du
P. Niceron. Quand nous rendrons compte
de ce Volume, nous ferons auffi notre devoir
' à cet égard
Celui dont il s'agit ici , contient la Vie et
le Catalogue de 41. Sçavans , dont voici les
noms : A. Achillini , J. Aconce , B. Albizi
M. d'Amato , C. Ameline , E. Aubertin
J. Barrelier , P. Borel, J. P. Camus, A. Chevillier
, N. Chorier , A. Ciaconius , P. Ciaconius
, R. Cudworth , S. Cyrano de Bergerac,'
A: Van Dale , C. Estienne, H. Estienne , R.
Etienne , E. de Faria et Sousa , T. Garzoni
G. Gueret , G. Manetti , M. Martinius , J.
Meschinot , J. Morell , C. Musitano , G.
Pape , F. Patrizi , J. Perion , F. Raphelingius
, P. Resenius , H. Salel J. Savary ;
A. Steuchus , D. Touſſain , P. Touffain , P.
Valens , B. Varchi , T. Viaud , M. Zimmerman..
,
Nous avons dit plus d'une fois , que depuis
la Renaissance des Lettres , l'Espagne
a toujours eu fes Sçavans , &c. Nous pou
vions et nous devions ajoûter , qu'il y a cu
Fiij même,
854 MERCURE DE FRANCE
même , et qu'il y a encore dans ce grand
Royaume , des Dames sçavantes , des Dames
Auteurs. Le Livre dont nous rendons
compte, en fournit un Exemple illustre , que
nous allons raporter,pour fatisfaire d'ailleurs
à notre coûtume , d'extraire une Vie de
chaque Volume du P. Niceron.
Julienne Morell , nâquit à Barcelone , le
16. Fevrier 1594. de Jean- Antoine Morell ,
fameux Banquier de cette Ville. Ayant perdu
fa Mere à l'âge de deux ou trois ans , elle
fut mise entre les mains des Religieufes Dominicaines,
de qui elle aprit à lire et à écrire
en fort peu de temps.
Son Pere la retira auprès de lui , lorfqu'elle
n'avoit pas encore tout- à- fait quatre ans , et
lui donna des Maîtres , qui lui aprirent avec
beaucoup de succès les Langues Latine ,
Grecque , et Hébraïque . Elle sçût même
avant l'âge de fept ans , compofer en la
miere de ces Langues , avec beaucoup d'élégance
, comme il parut par une Lettre
qu'elle écrivit alors à fon Pere , qui étoit
abfent de Barcelone .
pre-
Elle n'avoit encore que huit ans , lorſque
fon Pere , accusé par quelques envieux d'avoir
eû part à un affaffinat , fût obligé de
prendre la fuite , et l'emmena avec lui à
Lyon , où elle continua fes Etudes . Elle employa
depuis ce temps -là neuf heures tous
les
DECEMBRE. 1738. 2855
les jours à la Rhétorique , la Dialectique , er
la Morale , fans parler de la Musique et des
Instrumens , qui lui fervoient de délaffement.
Parvenue à l'âge de 12. ans , elle foûting
publiquement des Thefes de Logique et de
Morale , non point en habit de Capucine ,
comme affius le dit mal à propos dans le
II . Livre De quatuor Artibus popularibus ,
page 82. mais en habit ordinaire , et elle
s'acquitta de cette Action avec de grands
aplaudiffemens.
Elle s'apliqua enfuite à la Phyſique , à la
Métaphyfique , et à l'un et l'autre Droit , et
foûtint de nouvelles Thefes à Avignon , où
fon Pere étoit allé s'établir dans le Palais du
Vice-Legat , devant une Assemblée nombreuse
, qui aplaudit à ſon ſçavoir et à ſa capacité.
Son Pere avoit deffein de la marier richement
, mais elle renonça à toutes les efperances
qu'elle pouvoit avoir du côté du siécle
, pour entrer dans le Monastere des Religieuses
Dominicaines de Ste Praxede d'Avignon.
Elle y entra le 15. Septembre 1658 .
prit l'Habit le 8. Juin de l'année fuivante
1609. et y fit Profeffion le 20. Juin 1610.
Son mérite et fa pieté lui ouvrirent bientôt
une entrée aux Charges , malgré la répugnance
qu'elle avoit pour elles ,
F iiij
et elle
fu
2856 MERCURE DE FRANCE
fut trois fois Prieure de ce Monastere.
Deux ans avant fa mort , elle fut attaquée
de maladies violentes , qui la tourmenterent
beaucoup. Elle y fuccomba à la fin , et mourut
le 26. Juin 1653. âgée de 59. ans.
Catalogue de fes Ouvrages.
1.TRAITE' de la Viefpirituelle par S.Vincent
Ferrier , de l'Ordre de S. Dominique , traduit
de Latin en François , avec des Remarques &
Annotations sur chaque Chapitre. Lyon 1617.
in- 12 . Item , Paris 1619. in- 12 .
2. EXERCICES fpirituels sur l'Eternité , avec
quelques autres Méditations sur divers Sujets ,
un petit Exercice préparatoire pour
Profeffion Avignon , 1637. in- 12 .
la sainte
3. LA REGLE de S. Auguftin , traduite en
François , enrichie de diverfes Explications &
Remarques pourfervir d'Instruction. Avignon,
1680. in- 24. C'est un Ouvrage posthume , à
la tête duquel on a mis un Abregé de la Vie
de J. Morell.
›
4. L'HISTOIRE du Rétablissement & de l'a
Réforme du Monaftere de Sainte Praxede
avec les Vies de quelques Religieufes de ce
Monaftere , décedées de son temps en opinion
de vertu. Čet Ouvrage n'a pas été imprimé
mais le Pere Etienne - Thomas Soueges a inseré
les Vies dans son année Dominicaine .
Amiens , 1678. &ſuiv. in 4°.
ΤΟΜΕ
DECEMBRE . 1738 , 28 $7
TOME XXXVII chés le même Libraire
1737. &c. Ce Volume ne céde en rien à
ceux qui l'ont précedé , s'il ne les furpasse
pas.
Il est enrichi de l'Histoire Litteraire
du célebre P. Petau, dont le nom seul est un
Eloge. Cette Histoire est extrêmement remplie
, n'ennuiera personne , & fera beaucoup
de plaifir aux Sçavans . Elle occupe
presque la moitié du Livre. On lit à la fin
ces paroles modestes du R. P. N. Comme
cet Article vient de bonne main , ce qu'il est
facile de connoître par l'érudition & les recherches
dont il est rempli , je le donne tel que
je l'ai reçu.
Obligés de renoncer à la tentation d'orner
notre Journal d'un pareil Morceau , à
cause de son excessive longueur nous
allons tâcher de dédommager le Public par
l'Article de M. de Lauriere , qui nous a
parû curieux & bien travaillé . Tous les
Amateurs du bien Public en doivent sçavoir
gré à l'Auteur des Mémoires.
Eusebe Jacob de Lauriere , nâquit à Paris
le 31. Juillet 1659. de Jacob de Lauriere
Chirurgien , né à Loudun le 3. Juin 1618.
& qui s'étoit établi à Paris , où il avoit abjuré
la Religion P. R. dans laquelle il avoit
été élevé.
Il fut nommé Jacob , du nom de son Pére
, & Eusebe , de celui d'Eusebe Renaudor,.
Fy Doc2858
MERCURE DE FRANCE
Docteur en Médecine , son grand- oncle paternel
, qui fut son Parain. Mais il n'a pris ce
dernier qu'à la tête de ses Quvrages.
Il fit ses Etudes à Paris au College des Jésuites
, & y eut pour Régent pendant plusieurs
années l'Abbé de Villiers ,alors Jésuite,
qui fut frapé de son esprit rare & singulier, &
en découvrit toute l'excellence . En effet , dès
ses premieres années il étoit grave , sérieux
apliqué, silentieux & presque toujours recueilli
enlui- même; nullement touché des amusemens
ordinaires de la jeunesse , il s'étoit fait
une loi d'employer utilement tout son temps;
livré dès - lors à un travail dur & opiniâtre ,
bien loin de se rebuter des difficultés , il en
prenoit occasion de redoubler ses efforts ;
attaché obstinément sur ce qui l'arrêtoit , il
ne le quittoit point qu'il ne l'eût emporté ;
il aprofondissoit tout ce qui étoit l'objet de
ses Etudes ; il remontoit autant qu'il le pouvoit
aux prémiers principes , & épuisoit les
matieres. Né d'ailleurs avec une mémoire
très- heureuse , il la cultivoit avec beaucoup
de soin.
Il avoit 14. ou rs. ans , lorsqu'on lui fiț
un legs d'une rente de 400. livres. Il pria son
Pere de lui permettre de disposer de ce revenu
; son Pere , qui sçavoit bien qu'il en fèrot
un bon usage , y consentit volontiers , &
il n'eut pas lieu de s'en repentir. Le fils ne
l'avoir
DECEMBRE. 1738. 2859
Favoit souhaité que pour être en état de satisfaire
la passion qu'il se sentoit déja pour
les Livres ; & il commença dès - lors à jetter
les fondemens de sa Bibliotheque , qu'il a
toujours augmentée depuis , & qui à sa mort
s'est trouvée très - nombreuse & bien choisie.
En sortant du College , il se consacra à la
Jurisprudence , & fut reçû Avocat le 6.
Mars 1679. mais il fréquenta peu le Bareau,
& le travail de son Cabinet emporta presque
tout son temps.
Ce fut dans cette occupation tranquille
qu'il se livra sans réserve aux recherches les
plus épineuses , qu'il aprofondit toutes les
parties de la Jurisprudence , qu'il remonta
jusqu'à l'origine des Loix , qu'il les suivit
dans leurs progrès & dans leurs divers changemens
, & qu'il se rendit familiers les usages
, tant anciens que modernes , de presque
tous les Royames de l'Europe.
Pour mieux réussir dans cette Etude , il
avoit apris les Langues sçavantes , & celles
d'entre les Modernes , qui sont les plus necessaires
; il s'étoit apliqué à la Critique , &
même à la connoissance des Livres , qui fait
en quelque maniere une science à part ; &
sur ce dernier article il poussoit son atention
jusqu'à recueillir quantité de Faits anecdotes
& fugitifs qui lui servoient dans l'occasion. Il
avoit fait encore de grands progrès dans l'Etude
F vj
2860 MERCURE DE FRANCE
tude de l'Ecriture Sainte , sur tout par ras
Fort à la Critique .
Mais le Droit François fut toujours le principal
objet de ses Recherches . Le désir qu'il
avoit de ne rien ignorer de ce qui pouvoit contribuer
à l'éclaircir , le fit remonter jusqu'aux
siecles les plus reculé sde la Monarchie.Il dépoüilla
tous les Livres qui traitent de la Juris-
Prudence Françoise; il foüilla dans les Cabinets
des Particuliers , & dans les Dépôts publics ; il
tira de la poussiere des Pieces curieuses &
instructives ; il rechercha avec un soin extrême
dans tous les Monumens , les vestiges
& les traces les plus legeres de notre Droit ;
il debrouilla le cahos de l'ancienne procédure
, qui étoit surchargée d'un grand nombrede
formalités inutiles ; il démêla avec une
sagacité merveilleuse l'origine obscure de
nos Coûtumes , qui n'ont été rédigées qu'après
avoir été observées pendant long - temps.
sur la foi d'un usage incertain , & d'une Tradition
souvent peu constante ; il lut avec
attention les Historiens , dont on peut tirerbien
des secours pour l'intelligence des Loix,
qui par un heureux retour , servent aussi
beaucoup à éclaircir l'Histoire. En un mor ,
prenant le Droit François dans sa source , il
en suivit le cours pas à pas pour en examiner
scrupuleusement les variations & les:
progrès.
Tank
DECEMBRE . 1738. 286%
Tant de recherches conduites par un discernement
juste et une Critique sûre , l'ont
rendu très- utile à sa Patrie. On le regardoit
avec raison , comme un homme qui avoit
amassé un trésor immense de connoissances
rares et singulieres. On avoit recours à lui ,
comme à une ressource assurée , et quelquefois
unique , dans les matieres et dans les questions
, qui ne sont pas renfermées dans le
cercle des affaires courantes et ordinaires.
Lorsqu'on lui demandoit son avis , tout ce
qu'il sçavoit se répandoit avec profusion ; et
soit qu'il parlât ou qu'il écrivit , sa seule peine
étoit de bien déveloper les idées qui sc
présentoient en foule à son esprit , er de
leur donner de l'ordre pour les mettre dans
tout leur jour
Les plus sçavans Magistrats , et les premiers
en dignité comme en lumieres , l'ho
noroient d'une estime singuliere , le consultoient
souvent dans les affaires de conséquence
, et mettoient quelquefois en oeuvre
des materiaux qu'ils lui avoient demandés..
Il avoit été associé aux Etudes de M. Dagueſſeau
, presentement Chancelier de France-
Il avoit assisté aux Conférences qui se tenoient
chez ce Magistrat ;, et il a recueilli
avec soin , et fait passer dans plusieurs de ses
Ouvrages les nouvelles découvertes que M.
Daguesseau faisoit souvent dans ces Conférences.
De
4862 MERCURE DE FRANCE
De Lauriere , qui ne négligeoit aucun
moyen de s'instruire , s'étoit lié avec tous les
Sçavans de son temps , et avec tous ceux qui
se distinguoient dans Paris par leurs talens ,
dans quelque genre que ce fût , entr'autres
avec MM. Bluze et de la Monnoye , et avec
M. Claude Berroyer , célébre Avocat , avec
qui il partageoit le travail et l'honneur de
plusieurs Ouvrages, qui ont été reçûs favora
blement du Public.
Il a été pendant toute sa vie sujet à de
grandes maladies ; et ses travaux continuels
ont sans doute contribué à affoiblir son temperament.
Vingt ans avant sa mort , il lui
survint dans la bouche une grosse loupe qui
adhéroit à la gencive du côté droit ; dans
les dix dernieres années de sa vie elle grossit
si considérablement , qu'à peine pouvoit- il
prendre des alimens solides ; elle lui attiroit
des fluxions presque continuelles , et après
l'avoir beaucoup incommodé pendant sa vie
elle a été la cause de sa mort. Pendant sa
derniere maladie , qui dura un mois , elle
fondit insensiblement , et à sa mort elle étoit
presque dissoute.
ans.
Il mourut le 9. Janvier 1728. âgé de 68.
Il avoit été marie deux fois. Au mois de
Mai 1696. il épousa Marguerite Domec , de
laquelle il eût quatre Enfans , dont deux fil-
Jes
DECEMBRE. 1738. 2863
les seulement lui ont survécu. Cette femme
etant morte au mois de Mars 1705. il épou
sa le 29. Août 1711. Catherine Langlois
dont il a eu une fille.
Sa Bibliotheque a été vendue après sa
mort , et on en a imprimé le Catalogue , r
vol. in- 12.
Catalogue de fes Ouvrages.
I. DE L'ORIGINE du Droit d'Amortiſſe
ment , par Eufebe de L .... Avocat au Parlement.
Paris 1692. in- 12 . L'Auteur traite
aussi dans cet Ouvrage du Droit des Francs--
Fiefs , qui est fondé à peu près sur les mêmes:
principes , et il entreprend d'y prouver que
les rentes constituées sont sujettes au Droit
d'Amortissement.
>
2. TEXTE des Coûtumes de la Prévôté et
Vicomté de Paris , avec des Notes nouvelles ,
pour faire connoître le sens et l'esprit de chaque
Article. Paris 1698. in - 12. On trouve à la
fin les anciennes Constitutions du Châtelet:
de Paris . L'Auteur avoit retouché et augmenté
ses Notes dans le dessein d'en donner une
seconde Edition ,
3. DISSERTATION sur le tenement de cing
ans , ou l'on fait voir que cette prefcription ne
doit plus être pratiquée dans l'Anjou , le Maine
, la Touraine et le Loudunois , et que les inféo.
ations et les ensaisinemens de rentes doivent
Gre
2864 MERCURE DE FRANCE
être abolis dans les Coutumes de Senlis , deVai
lois et de Clermont: Paris 1698. in- 12. On
trouve dans cette Pissertation un détail très-
Curieux et très - instructif sur la variation des
sentimens des Jurisconsultes François au sujet
de ces rentes constituées.M.Pocquet deLi.
vonniere dans les Additions qu'il a faites au
Commentaire de du Pineau sur la Coutume
d'Anjou , Paris 1725. in fol. a fait une assés.
longue Dissertation contre ce Traité de notre
Auteur.
4. TRAITE'S de M. du Plessis , ancien Avo»
eat au Parlement , sur la Coûtume de Parisdonnés
au Public fur le Manufcrit de l'Auteur
, plus correct et plus ample que toutes les
copies qui ont paru jusqu'à préfent , avec des
Notes pour fervir de preuves , & des Differta
tions de MM. Berroyer et de Lauriere. Paris
1699. in fol. Il s'étoit répandu dans le Public
un grand nombre de copies de l'Ouvrage de
du Pleffis , que la réputation de l'Auteur faisoit
rechercher avec empressement , quoi
qu'elles fussent très-fautives. C'est ce qui engagea
MM. Berroyer et de Lauriere à le pu
blier avec des Notes et des Dissertations >
qui font voir les changemens survenus dans
la Jurisprudence, Ces Editeurs ayant trouvé
depuis un Manuscrit plus ample des Traités
de du Plessis , qui contenoit les derniers sentimens
de cet Auteur , à qui de nouvelles
vúcs
DECEMBRE. 1738. 286
▼ûës avoient fait changer d'opinion sur plu▾
sicurs points importans , en donnerent une
seconde Edition à Paris en 1702. in fol. On
a confondu mal à propos dans celle - ci les
Observations de quelques Auteurs anonymes
avec les Notes de MM. Berroyer et de
Lauriere . On remédia à ce défaut dans la
troisiéme Edition qu'ils donnerent en 1709 .
in-fol. et dans laquelle ils mirent des étoiles
au commencement des Notes qu'ils
avoüoient pour leur. Ouvrage. Ils n'ont eu
aucune part à la quatriéme Edition qui a paru
en 1726.
5. BIBLIOTHEQUE des Coûtumes , contenant
la Préface d'un nouveau Coù umier général
une Liste historique des Coûtumiers généraux
une Liste alphabetique des Textes & Commen
taires des Coûtumes , Usances , Statuts , Fors,
Chartes , Styles , Loix de Police , et autres
Municipales du Royaume . Le Texte des anciennes
Coûtumes de Bourbonnois , avec le Procès
verbal donné sur le Manufcrit. Le Texte des
nouvelles Coûtumes de Bouronnois , corrigé
sur l'original , avec des Apostilles de aître
Charles du Molin , fon Commentaire posthume
, augmenté par lui-même de plus des trois
quarts. Quatre Consultations du même Auteur
qui ont été omises dans le Recueil de ses Ouvrages
, par MM. Claude Berroyer & Eusebe de
Lauriere. Paris 1699. in-4. MM. Berroyer et
de
2866 MERCURE DE FRANCE
,
de Lauriere avoient dessein de donner le
Coutûmier général , avec une Compilation
de tous les Commentaires et un Recueif
d'Actes originaux , capables d'éclaircir certains
endroits difficiles ; mais leurs autres occupations
ne leur ont pas permis d'éxécuter
les grands projets qu'ils avoient formés sur
ce sujet. La Préface que l'on voit ici , en fait
connoître l'étendue.
6. GLOSSAIRE du Droit François , contenant
l'explication des mots difficiles qui se trouvent
dans les Ordonnances de nos Rois , dans
les Coûtumes du Royaume , dans les anc ens Arrêts
et dans les anciens Titres , donné ci-devant
au Public , sous le nom d'Indice des Droits
Royaux & Seigneuriaux , par M. François
Raguean , Lieutenant du Bailliage de Berry ,
au Siége de Méhun , et Docteur - Régent en
Droit en l'Université de Bourges , revû , corrigé
et augmenté de mots et de Notes , et remis
dans un meilleur ordre , par M. Eufebe de
Lauriere. Paris 1704. in-4. L'Ouvrage de
Ragueau avoit paru pour la premiere fois
en 1583.
,
7. INSTITUTES Coûtumieres de M. Loisel ,
Avocat au Parlement avec des renvois aux
Ordonnances de nos Rois , aux Coûtumes et aux
Auteurs qui les ont commentées , aux Arrêts ,
aux anciens Praticiens , et aux Historiens ,
dont les regles ont été tirées , et avec des NoDECEMBRE.
1738. 2867
tes nouvelles. Paris 1710. in- 12 . 2. vol. Ces
Institutes de Loisel sont un Recueil rangé
par ordre de matieres , et distribué par Titres
, de Passages
écrits
d'un
style
court
et
concis
, en forme
de Maximes
et de Sentences
, et tirés
des Textes
originaux
de notre
Droit
, et des Ouvrages
des Jurisconsultes
François
. Loisel
a ajouté
à ces Passages
quelques
Proverbes
remplis
de sens. Ce Recueil
qui contient
les principes
, les regles
, et le
précis
du Droit
François
, fut très- bien reçû
du Public
, lorsqu'il
le fit imprimer
en 1607 .
à la fin de l'Institution
au Droit
François
de
Coquille
. Il s'en fit depuis
plusieurs
Editions
,
mais
cet Ouvrage
avoit
besoin
d'un Commentaire
, soit par rapport
à la difficulté
de
la matiere
, soit à cause
de l'obscurité
du
style
, qui est quelquefois
énigmatique
. En
1665.
Paul
Challines
, Avocat
au Parlement
,
fit réimprimer
à Paris
avec des Notes
les Institutes
Coûtumieres
qui étoient
devenuës
rares.
En 1688.
François
de Launay
, Professeur
en Droit
François
à Paris
, fit imprimer
sur le premier
Livre
de ces Institutes
, un
Commentaire
, que sa mort
, qui arriva
quelques
années
après
, l'empêcha
de continuer
sur le reste
de l'Ouvrage
. De Lauriere
qui trouvoit
les Notes
de Challines
superficielles
et peu exactes
, entreprit
d'en faire de
nouvelles
, et y travailla
long-tems. On les
regarde
2868 MERCURE DE FRANCE
regarde communément comme son meilleur
Ouvrage.
8. TRAITE' des Institutions et des Substitna
tions contractuelles. Paris 1715. - 12 . 2. tom:
Tout le monde convient qu'il y a bien de
l'érudition dans ce Traité ; mais on ne pense
pas si favorablement de ce qu'il avance
sur le sujet dont il s'y agit.
. 9. Il a eu part , conjointement avec M. de
Ferriere à la nouvelle Edition de l'Ouvrage
intitulé: RECUEIL d'Edits , Ordonnances
Royaux sur le fait de la Justice et autres matieres
les plus importantes ; contenant les Ordons
nances de nos Rois Philipe VI. Jean I. Char:
les V. Charles VI. Charles VII. Charles VIII.
Louis XII. François I. Henri II. François II.
Charles IX. Henri III. Henri IV. Louis XIII:
Louis XIV. & Louis XV. et plusieurs Arrêts
rendus en conséquence. Augmenté sur l'Edition
de MM. Pierre Neron , et Etienne Girard
dun très-grand nombre d'Ordonnances , et dé
quantité de Notes , Conférences et Commentais
res. Paris 1720. in-fol. 2.
2. volumes :
10. Il avoit fait quelques notes sur les Poë
sies de Villon , qui se trouvent dans l'Edition
que Coutelier en a donnée à Paris en 1723.
in- 8 . Elles y sont indiquées par des chiffres ,
au lieu
que celles qui sont précedées par des
Lettres de l'Alphabet , sont de Clement Ma
rot.
' DECEMBRE. 1738. 2869
II. TABLE Chronologique des Ordonnances
faites par les Rois de France de la troisiéme Ra
ce , depuis Hugues Gapet jusqu'en 1400. Paris
1706. in - 4 . C'est un Plan du grand Recueil
des Ordonnances des Rois de France ,
qu'il avoit entrepris par ordre de M. le Chancelier
, avec MM. Berroyer et Loger. Le Pu
blic l'ayant aprouvé , ils se mirent.en devoir
d'y travailler. Leur travail fut suspendu en
1709. par les malheurs des temps ; mais dans
les commencemens du Regne de Louis XV.
M. le Chancelier donna des ordres pour le
continuer. M. Loger étoit mort au mois d'Avril
1715. M. Berroyer n'étoit plus maître de
son temps , dont le Public fe croyoit en
droit de disposer en entier.; ainfi de Lauriere
fe trouva feul chargé de l'Ouvrage. Quoiqué
fes infirmités augmentaffent de jour en jour
il ne laiffa pas d'en donner en 1723. le premier
volume , qui parut fous ce titre .
12. ORDONNANCES des Rois de France de
la troisième Race , recueillies par ordre Chronologique
, avec des renvois des unes aux autres
, des Sommaires , des Observations fur le
texte , et cing tables. Premier volume , contenant
ce qu'on a trouvé d'Ordonnances imprimées
ou Manuscrites , depuis Hugues Capet ;
jusqu'à lafin du Regne de Charles le Bel. Paris
1723. in fol. De Lauriere fit commencer
l'impreffion du fecond volume , mais la mort
Payang
2870 MERCURE DE FRANCE
T'ayant enlevé pendant qu'il s'imprimoit , M.
Secouffe fut chargé de continuer l'Ouvrage ,
ce qu'il fait maintenant avec beaucoup de
fuccès. Le fecond volume a paru par fes foins ,
fous ce titre : ORDONNANCES , &c. fecond
volume , contenant les Ordonnances du Roi
Philipe de Valois , & celles du Roi Jean , jusqu'au
commencement de l'année 1355. parfem
M. de Lauriere ; & des Suplémens , des ta
bles , & l'Elog: de M. de Lauriere , par M.
Denis- François Seconffe , Avocat au Parlement
, de l'Académie Royale des Infcriptions &
Belles- Lettres. Paris 1729. in - folio.
M. Delisle , Auteur de la Comédie de Timon- le-
·Misantrope, & de quelques autres Pieces jouées avec
succès sur le Théatre Italien , vient de donner au
Public deux Brochures in 8. contenant differentes
Pieces de Poësie , qui ont pour titre , dans l'une ,
Epitre aux Beaux Esprits , la Gazette Poëtique , sar
la Campagne de 1734. Compliment à S. É . M. le
Cardinal de Fleury , sur le renouvellement de l'année.
Le Voyage de l'Amour propre. Epitre à Eucharis
, & une Ode à M. *** de l'Académie Françoise
, &c.
Dans l'autre , plusieurs Fables Allégoriques , entre
autres , Qu'à- t'il ? Qu'à- t'elle ? Alexandre ressuscité
, Bonnet Blane ou Blanc Bonnet , &c. L'Auteur
promet de donner incessamment quelques autres
Pieces. On trouve ces deux Brochures à Paris , chés
Prault , Pere , Quai de Gêvres ; chés Gandožin ,
fils , Quai des Augustins ; chés Briasson , ruë saint
Jacques ; chés Guillaume, sur les dégrés de la sainte
Chapelie ,
FULLIC
LIN
ASTOR
, LENOX
AND
TILDEN
H
LUD.XV.
REX
HRISTIA
VIER
MINERVA
PACIFERA
LOTHARING ETBAR
REGNO
DECEMBRE. 1738. 2878
Chapelle , & chés Prault , le fils , Quai de Conty
à la Charité , 1739.
L'Académie Françoise délivrera le 25. du mois
d'Août prochain , Fête de S. Louis , le Prix d'Eloquence
, fondé par M. de Balzac , & elle propose
pour Sujet : Que la douceur est une vertu qui à sa
récompense dès ce monde, conformément à ces paroles
de l'Ecriture Sainte : Beati mites , quoniam ipsi
possidebunt terram .
Le même jour elle donnera le Prix de Poësie ,
fondé par le feu Evêque de Noyon , dont le sujet
cra : Le progrès de l'Eloquence sous le Regne de
LOUIS LE GRAND.
SUITE des Médailles du Roy,
La Médaille , dont nous donnons ici la Gravûre ,
a été présentée à S. M. le jour de S. Louis dernier.
Le Sujet en est grand & digne d'être transmis à la
Posterité par un Monument tel que celui ci . D'un
côté , c'est le Portrait du Roy en Buste, avec l'Ins
cription ordinaire , LUDOVICUS REX CHRISTIANISSIMUS,
Et sur le Revers, c'est Minerve, qui le Caducée
à la main , conduit aux pieds de son Trône la
Loraine, représentée dans le goût antique , sous le
Symbole d'une Femme Couronnée de Tours , laquelle
présente au Roy le double Ecu des Armes
de Loraine & de Bar. Pour Légende : MINERVA
PACIFERA . Et dans l'Exergue : LOTHARING . ET
BAR REGNO ADD. M. DC C. XXXVII Les Coins
de cette Médaille , tant de la Face
ont été gravés par M. du Viviers,
que du Revers ,
ESTAMPES NOUVELLES.
La Suite des Portraits des Grands Hommes et
les Personnes Illustres dans les Arts & dans les
Sciences ,
2872 MERCURE DE FRANCE
Sciences , continuë de paroître avec succès , chés
Odieuvre Marchand d'Estampes, Quai de l'Ecole ;
il vient de metre en vente :
PIERRE PUGET , Sculpteur , Peintre & Architecte
, né à Marseille en 1623. mort en 1695
peint par son fils , & gravé par Ch . Dupuis.
LOUIS MARCHAND , Organiste du Roy ,
né à Lyon , mort à Paris le 17. Février 1732. âgé
de 61. ans , peint par Robert , & gravé par Ch.
Dupuis.
Le S. Beaumont , a gravé depuis peu une quatriéme
Estampe d'après Vauvermans , en large ,
intitulée les Ñâgeurs , dédiée à M. de Baussan ,
Intendant d'Orleans , d'après le Tableau original
de 18. pouces de large , sur 14. de haut , du Cabinet
de M. Barez. On la vend , ruë S. Jacques , ches
M. Beaumont , à S. Paul.
Il paroît un nouveau Calendrier de Cabinet , en
feuille , monté en Carton , très -bien gravé par le
Sr Guiot , dont la composition est fort ingénieuse
& l'usage fort utile. Ce Calendrier peut servir pendant
38. ans , à compter du premier Mars prochain
; l'intelligence en est très aisée , au moyen
d'un Imprimé qu'on lit au dos du Calendrier , qui
enseigne d'une maniere très - sensible la maniere de
s'en servir & de trouver sur le champ ce que l'on
souhaite sçavoir . On le trouve chés l'Auteur , ifle
S. Louis , Quar d'Anjou , au bas du Pont Marie , la
troisiéme porte cochere . Chés Mesnier , ruë S. Severin,
au Soleil d'or ; chés la veuve Chereau , ruë saint
Jacques , aux deux Pilliers d'or , chés Baillieul ,
Géographe , rue Galande , 1739. Le prix de ce Ca-
Jendrier est de 16. sols en feuille , & de 24 sols
monté en Carton.
SPECTACLES
DECEMBRE. 1738. 287)
SPECTACLES.
EXTRAIT DES MUSES;
Piece Dramatique en quatre Parties ;
repréſentée pour la premiere fois par les
Comédiens Italiens , le 12. Décembre 1738.
parM de Morand.
PROLOGUE ,Premiere Partie. La Scene
s'ouvre par Arlequin & Sylvia , qui
fe plaignent de ne plus voir leur Théatre auffi
fréquenté que dans le temps de leur arrivée
à Paris ils font furpris de voir paroître
une Dame qu'ils ne connoiffent point :
( c'eſt Melpomene ; ) Arlequin la trouve
trop lugubre & fort pour aller chercher
quelques - uns de fes camarades pour
la recevoir plus dignement. Sylvia dit à
la Mufe Tragique qu'elle ne comprend
pas quel fujet peut l'amener fur leur Théatre,
à moins qu'elle ne foit indifpofée contr'eux
au fujet des Parodies qu'on y repréfente.
Melpomene répond , qu'elle ne s'eft jamais
offenfée de ces fortes de plaifanteries , &
qu'elle les pardonne volontiers à Momus, qui
s'égare fouvent ainfi pour flater le goût de
Les fupôts.
Les fieurs Remagnefi & Mario viennent
11. Vol. G de
2874 MERCURE DE FRANCE
demander à Melpomene ce qu'elle exige
d'eux : elle répond qu'elle cherche un azile
parmi eux. Ces deux Acteurs lui difent qu'ils
ne fe croyent pas en état de la feconder , &
qu'elle doit retourner fur le fameux Théatre
dont elle eft en poffeffion , le feul où elle
puiffe briller. Elle répond :
Ces beaux jours sont passés : helas ! Eh quoi , vous
mêmes ,
N'êtes-vous pas instruits de mes malheurs extrê
mes !
On néglige aujourd'hui l'art qui fit autrefois
La gloire de la France , et le plaisir des Rois.
Depuis que sous mon nom Calliope trop vaine
A, d'un ftyle empoulé , fait retentir la Scene ,
Loin d'exiger encore la pitié , la terreur,
Où je sçais tour à tour faire passer un coeur ,
Le Public qu'a séduit son pompeux verbiage,
Ne veut,de mots ronflans,qu'un bizarre assemblage,
Que , d'épithetes vains de grands vers tout tissus
Et des traits recherchés ensemble mal cousus :
Cette fimplicité , tableau de la Nature ,
Ces nobles sentimens , ma plus chere parure ,
Lés caracteres vrais jusqu'au bout soûtenus ,
La conduite , les moeurs , sont-ils encor connus ?
Racine est aujourd'hui traité de Profaïque ;
La Tragédie enfin n'est plus qu'un monstre épique.
Ah !
DECEMBRE. 1738. 2875
Ah ! ce qui met encor le comble à mes douleurs ;
L'envieuse Thalie acheve mes malheurs :
Des débris de cet art , elle fait tous ses charmes ;
En chauffant le Cothurne , elle arrache des larmes,
Et n'a plus de succès qu'en usurpant mes droits !
Ainfi , je viens tâcher de faire ouir ma voix
Sur ce même Théatre , où jadis les Corneilles
Ont fait , de ce grand Art , admirer les merveilles
Et c'est le seul moyen que je dois employer
Pour supplanter Thalie & la mortifier .
Je la dois à mon tour chaffer de son empire.
C'est à vous de répondre à l'ardeur qui m'inspire ;
Liant nos interêts , tâchons de ramener
Des inconftans , trop prompts à nous abandonner.
>
Après quelque difficulté que font encore
les Comédiens , ils confentent enfin à fe rendre
aux voeux de Melpomene.Erato furvient,
qui veut auffi faire jouer une Paftorale fur le
même Théatre , ce qui occafionne une petite
difpute entr'elle & Melpomene pour la préfe
rence : mais Arlequin voyant paroître Thalie,
s'écrie , voici celle qui les mettra d'accord ,
& prie inftamment cette Mufe de le débarraffer
de deux extravagantes , dont l'une
veut lui faire prendre la houlette en main , &
l'autre , chauffer le Cothurne. Thalie eft furprife
des prétentions de fes foeurs , elle de-
G ij mande
2876 MERCURE DE FRANCE
mande Melpomene fi elle fe fera annon
cer fous le nom de la Comédie , ce qui occafionne
une nouvelle difpute fur le larmoyant
comique dont Thalie veut que Melpomene
foit l'Auteur , & dont Melpomene
veut donner l'invention à Thalie.Enfin Arlequin
veut chaffer la Tragédie & la Paſtorale.
La premiere dit qu'elle défendra fes droits ,
Mario fe déclare pour elle , & Sylvia prend
le parti d'Erato ; Arlequin embraffe Thali:;
dont il ne veut pas fe féparer ; & le fieur Romagnefi
qui a demeuré neutre , eft pris pour
arbitre entre les Mufes ; il veut les réunir &
les garder toutes trois ; Melpomene & Erato
y confentent ; mais Thalie piquée qu'on
veuille partager fon empire , aime mieux le
laiffer en proye à fes foeurs , qui déplairont
toujours fans elle , & fort en difant ;
Ah ! quel plaisir lorsqu'on les fifflera !
C'est vainement qu'on me rapellera , &c .
Arlequin eft fâché du départ de Thalie , il
s'en confole par l'arrivée de Terpsicore qui
entre avec Euterpe. On reçoit quelques Airs ·
à danfer de celle- ci , mais on prie l'autre de
vouloir bien imiter les Jeux de Thalie . Terp
ficore y confent , & forme un divertiſſement
avec fa Suite , par où finit cette premiere
partie , où Melpomene parle toujours en
grands
DECEMBRE. 1738. 2877
grands Vers ; Thalie en Vers de dix syllabes ,
Erato en Vers libres , & les Acteurs en
Profe .
,
,
PHANAZAR , Tragédie , feconde Partie.
Cette Piéce fe pafle entre quatre Acteurs ;
qui font Belus , Roi d'Affyrie , & Fondateur
de cette Monarchie , Merodach Prince du
Sang de Pelus , Nicie , fille de Merodach ,
& Phanalar , Favori du Roi. Ces quatre
Rôles font remplis par les fieurs Deshayes ,
Romagnefi , la Dlle Riccoboni , & par le fieur
Riccoboni. La Scene eft à Babylone .
Mcrodach qui a découvert la paffion que
Phanazar a pour fa fille , ordonne à cette
Princeffe de ne point rejetter ses voeux
ayant , ajoute- t'il , des raifons pour flater
la paffion de ce Favori de Belus , quoiqu'il
foit d'une naiſſance très- obſcure .
>
Nicie reftée feule , fe réjouit d'un ordre fi
favorable à fes défirs , elle aimoit en fecret
Phanazar , & fon amour peut éclater fans
crainte. Phanazar vient chercher Merodach ,
mais ne trouvant que fa fille il faifit avec
joye cette occafion de lui parler de fon
amour , il lui fait une déclaration fort vive ,
quoiqu'à mots couverts ; enfin enhardi par
quelques réponses flateufes de la part de Ñicie
, il avoue qu'elle eſt l'objet qu'il adore
& fe jette à fes genoux ; Merodach qui l'a
fans doute obfervé , arrive & feint d'être en
G iij
couroux
1878 MERCURE DE FRANCE
couroux de la témerité de Phanazar ; Nicie
furpriſe veut s'excufer ; fon pere lui ordonne
de fe retirer ; & Merodach reproche enfuite
à Phanazar fon audace , en lui demandant
fi les bontés de Belus lui ont fait oublier fa
vile extraction. Phanazar répond dignement
fur le reproche de fa naiffance , & excufe fa
témérité par la violence de l'Amour : Merodach
replique que les fautes de l'amour ne
peuvent être excufables qu'autant qu'il eft
pouffé à l'excès , & flatant enfuite cet amant
d'un doux eſpoir , s'il eft prêt à faire un
grand effort pour le fervir , il en ranime fi
fort l'ardeur , que ce Prince a lieu de tout attendre.
Il lui aprend que pour venger fon
pere que Belus a fait périr , il a réfolu de lui
ravir le jour & l'Empire ; il exige de Phanazar
qu'il lui livre l'entrée dans la chambre du
Roi pour le poignarder , lui promettant Nicie
à ce prix. Phanazar eft faifi d'horreur ;
Merodach s'en aperçoit , & lui dit :
Tu trembles maintenant , tu crains de t'engager
A quoi Phanazar répond par ce beau
Vers :
Je tremble , mais du crime , & non pas du danger.
,
Il ne balance pas il refufe au Prince de
feconder fa fureur, Celui-ci lui pardonne
DECEMBRE. 1738. 2879
ces premiers mouvemens , & tâche de le gagner
en lui rapellant les douceurs qu'il peut
attendre de l'amour & de la grandeur. Pha
nazar dans fa réponſe s'exprime par ces Vers ,
juſtement aplaudis par les Spectateurs.
Tu cherches vainement à tromper ma raiſon 1
Mon coeur qu'a révolté ta noire trahiſon ,
Démêle avec horreur ce lâche ftratagême :
Prends de plus dignes foins ; & rentre dans toi -même,
Si ton avidité pour le fuprême rang ,
Si la foif de regner , non de venger ton fang ,
Des devoirs de Sujet effaçent la mémoire ,
Laiffe au moins dans ton coeur quelque place à la
gloire ,
Que l'admiration trop due à ce Heros ,
" Ses exploits inouis , fes immortels travaux
Que le bien , la grandeur , l'amour de ta Patrie ,
Pour ce fameux Monarque apaifent ta furie !
Eft-il rien fous tes yeux qui ne parle pour lui ,
Et contre ton forfait ne s'éleve aujourd'hui ?
Regarde ces Palais , cette fuperbe Ville ,
Le féjour des beaux Arts , & des talens l'azile ,
Qui fait,de l'Orient , trembler les plus grands Rois,
Qui peut- être à l'Afie un jour fera des Loix ;
Regarde cette Rive , où l'onde renfermée,
Brave des vents fougueux la rage envenimée ,
G iiij જે
2880 MERCURE DE FRANCE
Où nos Vaiffeaux , jadis inconnus fur les Mers ,
Aportent des tréfors du bout de l'Univers ;
Et fonge que ces Lieux , en moins d'un demi luftre,
Ont acquis par lui feul & leur force & leur luftre ,
1
Qu'ils n'étoient , de limon qu'un tas marécageux
Et du Tigre affamé , que le repaire affreux ;
Vois ces peuples , polis , généreux , équitables ,
Et fonge qu'ils font nés prefqu'auffi peu traitables
Que les Monftres formés dans nos brûlans Climats !
Si le Ciel te faifoit regner fur fes Etats ,
Tenterois- tu pour nous ce qu'acheva fon zele ?
Les périls te prêtant une force nouvelle ,
Irois- tu, de ton rang quittant la majefté ,
'Aux emplois les plus vils rabaiffant ta fierté ,
Chés cent Peuples divers , jaloux de leurs maximes,
Etudier leurs moeurs , fonder leurs loix fublimes ,
Enlever leurs vertus , leurs arts & leurs fecrets ,
Et les porter enfuite à tes heureux Sujets ?
Toi , qui veux par le crime envahir la Couronne
Pour aprendre à règner, defcendrois-tu duTrône?& c.
fi
On voit bien que l'Auteur a voulu , fous
le nom de Belus , nous donner le portrait du
fameux Czar Pierre le Grand , qu'il ne convenoit
pas de faire paroître fur la Scene ,
peu de temps après la mort . Mais perfonne
ne s'y eft trompé ; de fi beaux traits ne conyenoient
qu'à ce grand Homme.
Merodach
DECEMBRE. 1738. 2881
Merodach ne fe rend point à de fi bonnes
raifons , il rapelle au contraire Nicie , à qui
il aprend que Phanazar trouve que c'eſt à
trop haut prix qu'on veut l'unir avec elle. La
Princeffe reftée avec fon Amant, lui reproche
fon peu d'ardeur ; mais aprenant de lui ce
qu'on en exige , elle n'en montre pas moins
d'horreur , lui avoue fa tendreffe , lui défend
d'obéir ; toute la grace qu'elle lui demande' ,
pour prix de ce même amour , eft de ne pas
déclarer le complot criminel de fon pere ,
le quitte en lui diſant :
&
Un feul mot , j'en fremis , feroit périr mon Pere ;
Et fi vous expofiez une tête fi chere ,
Mon coeur , d'horreur pour vous déformais animé ,
Vous haïroit autant qu'il vous auroit aimé.
Phanazar demeure dans un furieux embarras
; il voudroit bien obéir à Nicie , mais
il comprend toute la rigueur du devoir qui
l'oblige à tout découvrir à fon Maître ; il
comprend tout le danger où il expoſe un
Roi fi généreux , & à qui il doit tant . L'amour
& le devoir le déchirent ; dans ce défordre
affreux , il s'écrie.
Quel parti , jufte Ciel , prendrai-je déformais !
Faut-il toujours combattre & ne vaincre jamais
Son trouble s'accroît à l'aſpect de Belus
G v qu
2882 MERCURE DE FRANCE
qui arrive. Il vient faire part à Phanazar de
fes nouveaux projets contre Zoroastre , Roy
de la Bactriane , fon ennemi , qui eft fur le
point de détrôner Arbaces , Roy des Medes ,
fon Allié ; pendant tout ce détail , Phanazar
agité par fes remords , eft d'une diſtraction
extrême ; le Roy s'en aperçoit , & lui en demande
le fujet ; Phanazar veut fe contraindre
, le Roy ne s'y trompe pas , & preffant
de nouveau fon Favori de lui avouer fes chagrins
, & lui offrant avec les plus tendres
marques d'amitié tout ce qu'il peut défirer
celui- ci ne réfiſte plus à tant de bontés , ſe
jette aux genoux de fon Maître , & s'avoue
coupable envers lui ; ilfe fait un crime d'avoir
pu héfiter à lui réveler la confpiration
qui fe trame contre lui ; enfin preffe par le
Roy d'en nommer le chef, il trouve le moyen
en deux mots de fe juftifier , de remplir fon
devoir , & de demander grace pour le coupable.
Ce font là de ces traits qu'il faut mettre
fous les yeux du Lecteur..
Phanazar auxgenoux du Roi..
;
C'eft .....
Belus
Qui ?
Phanazar.
L'Auteur desjours de celle que j'adore !
Belus
DECEMBRE 1738. 2883
Belus le relevant.
11 fuffit : je conçois quel trouble étoit le tien ;
Mais tu fçais més bontés ,acheve ; & ne crains rien.
Phanazár rassuré , avoue tout , & le Roy
exige de lui qu'il feigne de se rendre aux promesses
de Mérodach , & qu'il tâche par ce
moyen de connoître tous ses complices ; Phanazar
promet d'obéir,& Belus entendant venir
le Prince, se retire en un lieu d'où il pourra
tout aprendre par lui- même. La Scene qui
se passe ici entre Merodach & Phanazar
est traitée avec beaucoup d'art. Phanazar arrache
au Traître tout le secret de la conspiration
dans laquelle plusieurs Chefs de
l'Armée , des Grands , & du Peuple sont
entrés ; Merodach , convaincu du succès de
Pentreprise , sort pour l'aller hâter. Belus revient
sur la Scene , parle bas à un Garde ,
pour faire arrêter des Complices , & donne
ordre à un autre de suivre Merodach , & de
Pamener avec Nicie. Frapé de cet abominable
complot ; il se tourne vers Phanazar , &
lui dit
Aurois-je du m'attendre à ces complots atroces !
Mon amour a tout fait pour des Peuples feroces
Sans moeurs , sans sentimens , dans les Forêts épars
Je lean donne des Loix, des Villes & des Arts
oband
G vj
Des
2884 MERCURE DE FRANCE
De Monftres indomptés , j'ai cru faire des hommes
; 04
Que dis- je en nos souhaits , aveugles que nous
sommes !
Je n'ai dans mes travaux que trop bien réüffi , T
Ils sont hommes , hélas ! j'en suis bien éclairci.
Oui , pour la perfidie , & pour l'ingratitude ,
N'ont- ils pas des Humains déja pris l'habitude
Ces vices inconnus des Lions & des Ours , '
Ne me montrent- ils pas l'effet de mes secours ?
Les Gardes amenent Merodach , à qui
Belus reproche son crime ' ; Nicée vient se
jetter aux genoux du Roy , pour tâcher de
l'attendrir en faveur de son Pere Pelle éclate
contre Phanazar ; Belus lui répond que ce
fidele Sujet l'a mieux servi , & qu'il ne s'est
rendu , par - là , que plus digne de son estime.
Ensuite , le Roy veut pardonner à Merodach.
Par gradation , il se radoucit sur le
crime de ce Prince , mais c'est à cette condi
tion expresse : qu'il ne gardera aucun fessentiment
contre Phanazar, & qu'il épousera la
fille de Mérodach ; il s'exprime ainsi : "
Aprens qu'un sang fi beau , que tant d'apas sont
,. ffaaiittss,, b
Pour le prix des vertus , & non pas des forfaits,
Mérodach est si peu sensible à la clémence
du
DECEMBRE. 1738. 2885
du Roy , qu'il ente en fureur , & se tuë en
desesperé , en ordonnant à sa fille d'ôter tout
espoir à l'ingrat qui l'a trahi. La Princesse
promet d'obéir. Elle défend à Phanazar de
jamais paroître à ses yeux. Belus rassûre
ce tendre Amant , & fait renaître dans son
coeur l'esperance de posseder l'objet de son
amour , en le comblant de nouveaux bienfaits.
Phanazar finit la Piéce par ces deux
Vers qu'il adresse au Roy.
Ah! de tant de grandeurs je suis bien moins flaté,
Que de sçavoir enfin vos jours en sûreté .
ORPHEE " , Ballet Pantomime.
i
Le Théatre représente l'Avenue des Enfers
Orphée y arrive seul en déplorant la perte
de sa chere Euridice ; des Monstres infernaux
veulent lui fermer l'entrée de ce fatal
séjour, Orphée joue de la Lyre, & les Monstres
charmés s'apaisent & se retirent ; d'autres
Monstres succedent à ceux - ci , Cerbere,
Caron , les Parques tous s'oposent à son
passage ils paroissent pourtant tous fléchis
par la douceur des tendres sons qu'Orphée
tire de sa Lyre. Alors , l'Enfer s'ouvre , Pluton
y paroît sur son Trône avec Proserpine
& les autres Divinités de l'Averne le Dieu
est surpris de l'audace du' Mortel qui ose
pénetrer jusque dans son Empire , il donne
même
2886 MERCURE DE FRANCE
même des marques de son couroux , mais
il éprouve bien-tôt la puissance de l'Art enchanteur
d'Orphée , qui dans ce moment ,
fait les plus grands efforts pour tirer de sa
Lyre les sons les plus tendres & les plus toychans,
pour fléchir ce Juge sévere , il se jette
à ses genoux , se prosterne & lui déclare
le sujet de son désespoir ; Pluton attendri
de même que Proserpine , se rend à ses désirs
, il ordonne qu'on lui ramene Euridice ,
& lui explique à qu'elle condition il
peut la
posseder. Orphée se livre à sa joye , sa tendre
Epouse paroît , & comme il n'ose la
regarder , il lui fait entendre , par ses mouvemens
, de le suivre , observant continuellement
de détourner ses regards qu'Euridice
cherche toujours. On entend quelque bruit,
Orphée en est allarmé , le bruit redouble
la peur les sépare , des Monstres paroissent
le fidele Epoux craint pour sa chere Euridi+
ce , il s'empresse de la chercher , & l'aper
çoit ( transporté de douleur ) entre les bras
des Furles qui l'obligent de rentrer dans les
Enfers , Orphée ayant laissé échaper un de
ses regards sur elle . Plusieurs Furies , charmées
d'avoir enlevé Euridice à son Epoux ,
viennent encore le tourmenter par des démonstrations
& des mouvemens très- vifs &
très-pressés. Orphée se livre à toute sa douleur
, il succombe , & se jette à moitié mort
Sur
DECEMBR E. 1738. 2887
sur un Rocher. Les Furies se retirent , le
Théatre change dans le moment , & réprésente
une vaste Campagne , coupée & embellie
par des Bois. Des Baccantes , qui re
viennent de célébrer les Orgies , arrivent
s'abandonnant à leurs differens transports ,
elles aperçoivent Orphée , elles l'entourent
& veulent l'obliger à prendre part à leurs
jeux , il s'en défend , elles le saisissent à plusieurs
reprises, il veut fuir, elles le poursuivent
& le frapent de leurs Tyrses, leur fureur aug
mente. Orphée , poussé à bout , & ne pouvant
se dégager , elles le poursuivent jusque
sur le Rocher , où il n'évite d'être assommé
qu'en se précipitant. On voit aussi - tôt descendre
des Cieux un Vautour , qui enleve sa
Lyre , laquelle , en Astre brillant , portée
par le Vautour , s'éleve peu peu , & va
prendre sa place parmi les Signes Célestes.
Les Bacchantes recommencent leur danse
avec de nouveaux transports dans leurs vrais
caracteres , par où finit le Divertissement
d'une maniere extremement vive.
›
à
Parran- Au reste , le Public a trouvé que
gement de ce Ballet est très -ingénieux , l'execution
parfaite , & la Musique naturelle ,
pleine d'agrément, variée & très-bien caracterisée.
Le Sr Blaise , Basson , de la Comédie Ita
lienne, en est l'Auteur, ainsi que de la Musique
du dernier Ballet , qui a fait tant de plaisir
sur
2888 MERCURE DE FRANCE
sur le même Théatre . qui a pour titre , les
Filets de Vulcain. Le Sr Riccoboni n'a pas
moins bien réüssi dans l'execution du Personnage
d'Orphée qu'à inventer cet ingenieux
Ballet ; il a été très - bien secondé par
tous les autres Acteurs & Actrices , & sur
tout par la Dlle Silvia , dont les graces &
les divers talens se font autant admirer lorsqu'elle
danse , que lorsqu'elle remplit un
Rôle de Comédie. Le Sr Jonan , jeune Danseur
, s'est aussi distingué dans le Ballet.
La Pastorale qui fait la troisiéme Partie de
ces Piéces , dont on vient de parler , fut retirée
par l'Auteur après la seconde Représentation.
Le 29. Novembre dernier , Francesco Materassi
Comédien Italien de l'Hôtel de Bourgogne
, natif de Modene , mourut à Paris ,
âgé de 86. ans. Il étoit à Paris depuis le commencement
de l'année 1716. étant de la
Troupe que le Duc d'Orleans , Régent , y
avoit fait venir d'Italie . Il joüoit ordinairement
le Rôle de Docteur dans les Pieces Italiennes
, & s'en acquittoit très- bien , & dans
le vrai goût de son Pays.
,
Le 16. Décembre , la Dlle Therese La-
Lande , Actrice du même Théatre , mourut
aussi , âgée de 47. ans. , Elle avoit été reçuë
au Théatre Italien en 1721.
Les
DECEMBRE. 1738. 2889
Les Comédiens François donneront au
commencement du mois prochain , avec la
Tragédie de Médus , qu'ils repetent , une
petite Comédie en Prose , sous le Titre du
Somnambule.
EXTRAIT de la Comédie des Epoux
Réunis , par M. Guyot de Merville , représentée
au Theatre François le 31. Octobre
dernier.
ACTEURS.
Damis , ou Dorimon ,
le Sr de Montmeni.
Lucrece , on Lucile ,
Florise ,,
Lisimon , Amant de Florise ,
la Dlle Connell.
la Dlle Poiffon.
le Sr Dubois.
Lisette , Suivante de Lucrece , la Dlle Dangeville.
Dorine , Suivante de Florise ,
Bocage.
Frontin , Valet de Damis ,
· la Dile du
le Sr Poiffon.
La Scene eft à Bordeaux , dans la Maison.
de Lucrece & de Flarise.
C
Ette Comédie , comme nous l'avons
déja annoncé dans le Mercure de Novembre
, a été reçûë avec aplaudissement ;
l'Auteur s'est justifié dans une Préface , de
quelques bruits qui portoient atteinte à sa
gloire ; on l'accusoit d'avoir copié les Epoux
réünis
1890 MERCURE DE FRANCE
réunis , sur la Fauſſe Antipathie de M. de la
Chaussée ; il proteste qu'il n'avoit point lu
cette derniere Piéce quand il a composé la
sienne. Mais quand il seroit vrai , qu'il auroit
traité le même fond , il l'a fait d'une
maniere si differente , qu'il s'est approprié
toute la gloire qui lui en est revenuë ; ainsi
c'est avec raison qu'il dit à la fin de sa Préface
: D'ailleurs , je n'aurois pas beaucoup de
peine à montrer que la ressemblance entre la
Comédie de M. de la Chaussée & la mienne ,
n'existe que dans une partie de ce qui est hors
de nos deux Piéces. Passons à l'Extrait.
Au premier Acte , Lisimon , Amant de
Florise , se plaint à Dorine , sa Suivante de ce
qu'on ne répond pas à son amour , & que
son insensible Maîtresse ne veut point le
rendre heureux par son hymen ; voici comme
il
s'explique :
Puis-je exiger moins d'elle
Quand l'Amour dans notre ame a répandu ses feux,
Voilà , voilà les biens où tendent tous nos voeux .
Nous aspirons sans cesse à ce double avantage ,
L'Amour chés les Humains est né pour le
partage
Il cherche à tout moment , par l'obstacle animé
A regagner l'objet dont les yeux l'ont charmé ;
Vainement voudroit- on l'arrêter dans sa course ;
Cette famme toujours remonte vers sa source ;
DECEMBRE. 289 1738.
Et lorsque d'un Amant l'heureuse paſſion ,
Sur la Beauté qu'il aime a fait impreffion ,
Il n'est point satisfait , qu'une chaîne constante
N'assûre le bonheur qui flate son attente
Et dont , entre deux coeurs , l'un pour
tendris ,
l'autre at
Un retour mutuel augmente encore le prix .
On peut juger par cette tirade , si l'Auteur
versifie bien ; Dorine excuse sa Maîtresse
autant qu'il lui est possible ; elle impute
à sa jeunesse , ennemie d'un engage
ment aussi solide & aussi sérieux que Phy
l'éloignement qu'elle a pour des
noeuds , qui lui feroient perdre sa liberté ;
elle le quitte après lui avoir promis tous les
services qui dépendront d'elle auprès de
men
,
Florise.
Avant que Dorine sorte , un Valet vient
demander Lisimon de la part de son Maître,
qu'il apelle Damis ; Lisimon ne le reconsant
pas à ce nom , le Valet lui dit que son
Maître autrefois en portoit un autre , qu'il
tâche en vain de se rapeller ; Lisimon le
congédie , en lui disant que son Maître ,
quelque nom qu'il porte , n'a qu'à entrer.
Il est agreablement surpris de trouver
dans cet inconnu le meilleur de ses Amis.
C'est Dorimon , qui a changé de nom , pour
des raisons qu'il lui explique , Ce Dorimon
est
2892 MERCURE DE FRANCE
est un des Héros de l'Action principale ; car
Lisimon & Florise sont des Personnages purement
épisodiques, & ne servent à la Piéce ,
que d'une maniere à pouvoir s'en passer.
Dorimon fait entendre à Lisimon , que c'est
pour fe cacher à Lucile sa femme , quil a
changé de nom , & qu'il se fait apeller Damis
; & pour justifier son divorce , il conti
nuë ainsi :
Aprens , dans le noeud qui me lie ,
Ma peine , ou , fi tu veux , Lifimon , ma folie.
D'anciens démêlés , fondés sur de grands biens ,
Divisoient les Parens de Lucile & les miens ,
Lorsqu'un Ami commun , sûr de leur confiance ,
Entre nos deux Maisons propose une alliance ;
On l'écoute , on s'affemble , on s'accorde , on
conclut ;
Lucile ayant douze ans , moi seize , on résolut ,
Que jusqu'à l'âge habile aux droits du mariage
Aux Païs étrangers j'irois faire un voyage .
Tous deux nous consentons à nous donner la main
J'épouse cette enfant , & pars le lendemain , &c.
Il ajoûte que l'amour d'un état libre , l'avoit
engagé à secouer le joug qu'on lui avoit
imposé pour des interêts de famille ; que
malgré sa répugnance pour le mariage , il
n'avoit pas laissé d'entretenir par bienséance
un commerce de Lettres avec Lucile sa
femme
DECEMBRE. 1738. 2893
femme
mais qu'il avoit enfin cessé de lui
écrire & qu'il avoit changé le nom de
Dorimon en celui de Damis , pour n'être plus
reconnu en France ; il finit cette exposition
par ces derniers Vers :
Voilà comment j'errai dix ans de tous côtés ,
Arbitre de mon sort & de mes volontés ;
Résolu , quoiqu'Epoux , à vivre sans ma femme ,
La plaignant néanmoins dans le fond de mon ame;
Mais , malgré les efforts que tu pourrois tenter ,
L'esclave d'un penchant que je ne puis dompter.
›
Lisimon rend au faux Damis confidence
pour confidence ; il lui aprend qu'il a d'abord
aimé une charmante Veuve qui s'apelle
Lucrece ; mais que la trouvant inflexible
, il a tourné tous ses voeux du côté de
Florise , qui loge dans la même maison avec
l'inflexible en question ; au nom d'inflexible
, Dorimon prétend qu'il n'y a point de
femmes dont on ne puisse se faire aimer ,
quand on s'y prend comme il faut ; Lisimon le
défie de fléchir la fierté de Lucrece ; le faux
Damis accepté le défi ;& c'est ce qui lie l'épisode
à l'action principale ; car dans la Scene
suivante , Lisimon fait part à Florise de la
témeraire entreprise de son Ami ; Florise
qui en croit le succès impoffible , croit ne
rien risquer , quand elle dit à Lisimon , que
2894 MERCURE DE FRANCE
si son Ami Damis parvient à se faire aimer
de Lucrece , elle veut bien consentir à l'époufer
, quelque répugnance qu'elle ait pour
le mariage.
Comme l'Extrait de ce premier Acte est
déja assés long , par raport aux bornes que
nous nous sommes prescrites , nous passerons
légerement sur les Scenes qu'il contient
encore ; ainsi nos Lecteurs aprendront en
peu de mots , que Lucrece promet à Lisimon
d'agir en sa faveur auprès de son Amie Florise
, & que Lisette irritée contre l'insensibilité
dont Damis se vante , ne peut s'empêcher
de la faire éclater devant Lucrece , à
qui elle dit qu'elle confond dans sa colere
son ingrat Epoux & tous les hommes ensemble
; ce qui donne lieu à Lucrece de défendre
ce cher Epoux , tout ingrat qu'il est ,
& de parler des Lettres qu'il lui a souvent
écrites depuis son départ . Voici comme elle
exprime sa tendresse :
Un funefte pouvoir ,
Lisette , malgré lui , l'arrache à son devoir.
Ses Lettres en font foi ; mais surtout la derniere ,
Lorsqu'ayant résolu notre rupture entiere ,
Sa main , hélas ! traçoit à mes humides yeux ,
Ses regrets vifs , mêlés à nos derniers adieux.
L Tout ce que nous venons de dire est nécessaire
DECEMBRE . 1738. 2895
Cessaire pour l'intelligence du reste de la
Piéce.
Le second Acte commence par une infidelité
que Florise fait à Lisimon ; elle avertit
son Amie du projet que Damis a formé contre
son coeur , & de la condition du Traité,
fait entre Lisimon & elle ; Lucrece lui proteste
qu'elle n'a rien à craindre du côté d'un
coeur que rien ne sçauroit dédommager de la
perte qu'il a fait ; Lisette n'est pas si tranquille
sur ce point que Florise & Lucrece ;
elle dit à cette derniere :
Madame , voulez -vous fuivre mon fentiment
Vous voyez ou Damis porte l'acharnement ,
Et que , s'il le pouvoit , il auroit le courage
D'accumuler pour nous outrage fur outrage.
M'en croirez- vous ? uſez des droits que vous avez ;
Sans doute à nous venger vos yeux font réſervez
Que par vous la beauté de toutes parts affiege,
Et perde un ennemi , pris dans fon propre piege ;
Et bravant cet amour , où tendront tous vos foins ,
Donnez-en d'autant plus , que vous en prendrez
moins ;
Qu'il en devienne fou ; je dis fu frenetique ,
Au point que , pour donner un exemple autentique
Du refpect qu'on nous doit , et de notre pouvoir ,
Il s'aille , en vous quittant , pendre de défeſpoir.
Ce
2896 MERCURE DE FRANCE
Ce fecond Acte a paru aux vrais Connoiffeurs
le plus intereffant de la Piéce.
Damis fe préfente pour la premiere fois
aux yeux de Lucrece ; la Scene qu'il a avec
elle en préſence de Lifimon & de Florife eft
des mieux traitée ; il commence par vanter
fon indifference , en difant à Lucrece que
fon coeur eft fait pour admirer la beauté , &
non pour la fentir ; Lucrece lui répond fur
un ton à peu près femblable ; mais Damis au
grand étonnement de Lifimon & de Floriſe ,
s'exprime en ces termes :
Que diriez-vous , helas ! fi loin de vous connoître
Sans avoir à vos yeux eu l'honneur de paroître ,
Quelqu'un avoit conçu , d'un fol efpoír flaté ,
Le projet d'attenter à votre liberté ? &c.
L'entrepriſe eft étrange , et je vais vous furprendre ;
Envain un peu d'orgueil me porte à la celer .
La honte et les remords m'obligent de parler.
Oui , Damis envers vous eſt lui-même coupable
De la plus grande erreur dont l'homme foit capable ;
Etonné , mais jaloux , je ne m'en cache pas
De tant d'indifference unie à tant d'apas ,
J'affrontois fans refpect votre jufte colere ;
Enfin j'avois formé le deffein de vous plaire , &c.
Déja fur votre front mon arrêt eſt écrit ;
Déja , je m'aperçois que mon afpect vous gêne ;
Mon
DECEMBR E. 1738. 2897
Mon audace en effet mérite votre haine ;
Eh bien je m'abandonne à tout votre couroux
Et je veux expier mon crime à vos genoux.
Lucrece n'a
Ce coup de Théatre a paru des plus frapans
;
foûtenir
pu
un retour fi
Aateur pour fa gloire , & peut être fi doux
à fon coeur , elle a fauvé fa frerté par la fuite ;
& le Public qui auroit fouhaité que l'aveu de
Damis fût fincere , a été très-mortifié d'aprendre
de fa bouche même que ce n'étoit
là qu'un ftratagême , fondé fur la croyance
où il étoit , que Lucrece avoit été prévenuë
fur le projet qu'on avoit formé contr'elle . La
fuite foudaine de Lucrece fait croire à Lifimon
que le ftratagême de Damis aura un
plein fuccès ; Frontin vient augmenter cette
joye , en annonçant que Lucrece paroît fort
agitée , & qu'elle fe plaint d'un grand mal
de tête ; mais l'ordre que Lifette vient aporter
à Damis de la part de fa maîtreffe , qui
eft de ne jamais paroître à fes yeux , détruit
toute efperance de réuffir ; on a pourtant
trouvé que cette défenſe devoit plutôt faire.
préfumer que Lucrece aimoit Damis , fondé
fur ces Vers de Quinault.
C'est déja reffentir l'amour ,
Que de commencer à le craindre.
Quoiqu'il en foit , Damis ne renonce pas
II. Vol. H à
1898 MERCURE DE FRANCE
à fa premiere idée ; il veut écrire à Lucrece ,
& de peur que fa lettre ne foit refufée , il
prend le parti de la faire rendre par Dorine
qui eft dans les interêts de Lifimon ; cette
même Dorine y doit mettre le deffus ; la lettre
en question eft renduë de la maniere que
Damis l'a projetté ; Lucrece en reconnoît le
caractere pour être de la main de Lifimon ,
fon époux , qui lui a plufieurs fois écrit
ainfi qu'on l'a dit. Voici le contenu de cette
lettre , destinée l'Auteur à faire le dénouëment.
> par
Madame ,fila mort pouvoit expier mon crime
, ma main auroit déja tranché mes jours ;
mais vous ignoreriez le motifde mon défeſpoir :
votre vengeance ne feroit point fatisfaite , &
vous perdriez le fruit de monfacrifice. C'eft à
vos yeux, c'est à vos genoux queje dois mourir,
fi vous voulez que je meure i et vous le voulez
fans doute , en ne me pardonnant pas l'offenfe
que je vous ai faite . Cependant j'éprouve un
fupplice affez cruel. Un amour véritable
mais un amour violent a fuccedé à l'ardeur
feinte dont je prétendois follement vous
éblouir.
Lucrece , qui à la feule vûe du caractere a
reconnu la main de fon Epoux , ne fçait plus
que penfer de ce qu'elle vient de lire , elle
aperçoit en même temps le nom de Damis ,
& s'écrie :
DECEMBRE. 1738. 2899
O Ciel ! ô tranfport le plus doux !
Mon coeur l'a reconnu . Damis eft mon Epoux.
Lucrece au comble du bonheur finit ce fe
cond Acte par la fage réfolution d'éprouver
fi elle eft aimée auffi fincerement qu'elle ai-
-me.
me Acte
La Piéce étant prefque dénouée au troifiépar
la lettre que les Spectateurs
viennent d'entendre , ce qui nous reſte à dire
ne doit pas nous arrêter long- temps ; voici
donc en peu de mots ce qui fe paffe dans
ce dernier Acte . Lucrece reproche au faux
Damis de vouloir porter atteinte à fa gloire ;
en lui parlant d'amour , dans le temps qu'il
eft engagé à une autre par les noeuds de
l'hymen ; elle lui avouë pourtant qu'elle l'aime
malgré elle , tout coupable qu'il eft ; elle
le quitte avec une honte affectée ; Damis
foupçonne Frontin d'avoir trahi fon fecret ;
Lifette l'éclaircit en lui aprenant que Lucrece
a reconnu fon caractere, ayant vû plufieurs de
fes lettres entre les mains de Lucile. Au nom
de Lucile , Damis fe trouble ; il demande à
Lifette ce qu'eft devenue cette épouſe , digne
d'un meilleur fort ; Lifette lui répond
d'une maniere équivoque , & ajoute qu'il ne
fera pas plus heureux avec Lucrece , que Lucile
l'a été avec lui , puifquelle eft mariée ;
enfin dans une derniere converſation , la
Hij
fauffe
2900 MERCURE DE FRANCE
fauffe Lucrece fe voyant aimée , fe fait connoître
au véritable Dorimon pour la véritable
Lucile . L'action épifodique ne fe dénouë , ni
moins facilement , ni moins agréablement
entre Lifimon & Florife ; les Epoux fe réuniffent
, & les amans s'uniffent,
NOUVELLES ETRANGERES.
TURQUIE.
N mande de Conftantinople , que le Rebelle
sary. Bey Ogin , continue avec les Vagabonds,
qu'il a affemblés , de commettre beaucoup de désordres
dans les environs de Smyrne.
L
RUSSI E.
'Entrée le nouvel Ambaffadeur de Perse fit que
à Pétersbourg au commencement
de ce mois ,
a été très magnifique ,non - seulement par le nombre
des personnes de la Suite & par la richeſſe de leurs
habits , mais encore par la grande quantité de Gentilshommes
, d'Officiers , de Valets de pied , de
Chevaux & de Caroffes , qui ont accompagné le Cortége , par ordre de la Czarine .
DANNEMARCK.
N aprend de Steinhorft , que M. Mayder ,
Colonel dans les Troupes de l'Electeur d'Ha
nover , s'étant rendu le 14. de ce mois devant ce
L
Château ,
DECEMBRE . 1738. 2901
Château , avec un détachemenr de 200. hommes ,
il manda par un Tambour à l'Officier qui y commandoit
pour le Roy de Dannemarck , que la Ré
gence de Hanover l'avoit envoyé pour en prendre
poffeffion au nom du Roy de la Grande - Bretagne ;
que sur le refus qu'on fit de lui ouvrir les portes , il
s'avança à la tête de fon Détachément, & qu'il fit les
dispositions néceffaires pour emporter le Château
d'a flaut .
Le Danois qui étoient en Garnison , se défendirent
avec beaucoup de valeur , mais ils furent enfin
obligés de céder au nombre , & ils se rendirent prisonniers
de guerre. M Mayder , après avoir pris
possession du Château , les a fait conduire par une
escorte sur le Territoire de Holstein , où on leur
a remis leurs Armes .
La Régence d'Hanover a fait publier un Manifeste
dans lequel elle expose les motifs qui
l'ont déterminée à s'emparer de ce Château , & il
est dit dans ce Manifeste , que Steinhorst & les
douze Villages qui en relevent , ont apartenu de
tout temps au Duché de Lawembourg ; que le Duc
François de Saxe Lawembourg , ayant cedé en
1547. ce Château & ses dépendances au Duc de
Holstein Gottorp , ce dernier l'avoit vendu depuis
à M. Ahlefeld , de qui M. de Wedder-Koppen
Président du Conseil Privé du Duc de Holstein
Gottorp , l'avoit acheté , que M. de Wedder- Koppen
ayant eû à soutenir un procès à la Chambre de
Wetzelaar , contre le Roy de Dannemarck au sujet
de cette acquisition , & S. M. D. ayant fait occuper
ce Baillage par ses Troupes , il avoit remis
ses droits au Duc de Holstein Gottorp , lequel par
un Acte passé le 15. du mois de Janvier de l'année
derniere , a fait une cession au Roy de la Grande
Bretagne du Château de Steinhorst & de toutes les
Terres qui en dépendent. Hiij AL902
MERCURE DE FRANCE
Ldifferer
ALLEMAGNE .
E Grand Duc de Toscane n'ayant pas voulu
differer plus long-temps son départ pour l'Italie
, ce Prince partit le 17. de ce mois avec la
Grande Duchesse & le Prince Charles de Loraine ,
pour se rendre dans ses Etats , & il fut salué en
sortant de Vienne , par une décharge de cinquante
pieces de Canon .
On a apris depuis que le 18. le Grand Duc & la
Grand Duchesse de Toscane , son Epouse , avoient
couché à Schottwienn ; qu'ils s'étoient rendus le
jour suivant à Pruck , d'où ils étoient partis le 19 .
pour Judembourg ; que le 20. ils étoient arrivés à
Saint Weith , & qu'ils comptoient de continuer
leur route par Feldkirchen , Veld Spital , Saxenbourg
, Lientz , Mittelvaldt , Miderdoff , Braunegg,
Nider -Vinth , Kollman , Teutschen , Naumarck ,
Trente , Roveredo & Ala.
La Suite du Grand Duc est composée de 145.
personnes , & il court avec 230. Chevaux . Ce Prince
& la Grand Duchesse , feront leur quarantaine
dans les environs de Vérone , & ils iront ensuite
passer quelques jours à Modene , avant que de se
rendre en Toscane.
L
ITALIE.
E Cardinal Aquaviva, dans la derniere Audience
qu'il eut du Pape , informa S. S. que le Duc
d'Atry devoit se rendre incessamment à Rome en
qualité d'Ambassadeur Extraordinaire du Roy des
deux Siciles , pour la remercier d'avoir accordé à
S. M. Sic. l'Investiture du Royaume de Naples.
NAPLES
DECEMBRE. 1738. 1903
M
NAPLE S..
Jean- Baptiste Spinola , Envoyé Etraordinaire
de la République de Genes , eut le 8 .
de ce mois une Audience particuliere du Roy , & il
rèmerciaS M. au nom de la République , de s'être
assûlé de la personne du Baron de Neuhoff , qur
n'étoit point sorti de Naples , comme on l'avoit
publié .
en-
Une heure avant qu'on enlevâr ce Baron , M.
Ulloa , Auditeur des Troupes , se rendit chés lui
& se saisit de tous les papiers qu'il y trouva. Il remit
ensuite le Baron de Neuhoff & son Neveu ,
tre les mains d'un Officier , qui les a conduits sous ~
une escorte de trente Grenadiers à Chiaia , & les a
fait embarquer à bord d'une Galiotte pour les trans
porter à Gaëtte , où ils ont été enfermés dans la
Citadelle.
Le même jour que le Baron de Neuhoff fut ar
arrêté , on remit en liberté le Capitaine du Vaisseau
Hollandois , à bord du quel il s'étoit rendu à
Naples , & le lendemain on fit débarquer l'Artillerie
qui étoit sur ce Vaisseau & sur deux autres Bâtimens
Hollandois , fretés par ce Baron.
Un Courier du Cardinal Aquaviva ayant aporté
la Bulle par laquelle le Pape confirme l'Ordre de
S. Janvier , & accorde plusieurs Privileges aux Chevaliers
, Don Horace Rocca , a été chargé d'examiner
cette Bulle , & d'en faire son raport.
GRANDE BRETAGNI.
Na apris de Londres , que
30. de
le
ce mois
le Capitaine Buchanam , condamné à mort
pour avoir tué le Pilote d'un Vaisseau de la Compagnie
des Indes Orientales , fut pendu à Dock ,
Hiiij mais
2904 MERCURE DE FRANCE
mais que cinq ou six minutes après l'execution ,
une troupe de Matelots l'enleva de la potence par
force ; & que comme on croit qu'il n'est pas mort ,
on fait d'exactes perquisitions pour découvrir dans
quel endroit il est caché .
****************
MORTS DES PAYS ETRANGERS.
L
E 28. Novembre , Jean- Baptifte Gamberrucci ,
Romain , Archevêque titulaire d'Amafie , in
Partibu's Infidelium , sacré le 8. Septembre 1725. &
déclaré le même jour Evêque Affiftant au Trône,
Chanoine de la Bafilique de Ste Marie- Majeure
Premier Maître des Cérémonies Pontificales , &
Secretaire de la Congrégation du Cérémonial
mourut à Rome d'une attaque d'apoplexie , dans la
65. année de fon âge , étant né à Rome le 4. Juillet
1674.
Le 29. mourut à Vienne en Autriche , d'une goute
remontée, dans la 68. année de fon âge , D Jean
Gomez de la Silva , Comte de Tarouca Conmandeur
de l'Ordre Royal de Chrift , Meftre de Camp
Général des Armées du Roy de Portugal , Confeiller
de fon Confeil Suprême , Grand Maître de la
Maison de la Reine de Portugal, & Miniſtre Plénipotentiaire
de S. M. Portug . à la Cour de l'Empereur
, où il re fidoit en cette qualité depuis 13. ans.
Il avoit pris congé de S M. I & il étoit ſur le
point de partir de Vienne , pour fe rendre en Eſpagne
, en qualité d'Ambaffadeur Extraordinaire du
Roy fon Maître , dont il avoit été ci - devant Ambaffadeur
à Londres , à la Haye , & aux Congrès
d'Utrecht & de Cambray . Ce Seigneur étoit marié,
& laiffe pofterité. Le
DECEMBR E. 1738. 2903
"
.
Le premier Décembre Jean- Benoît Zuanelli ,
Vénitien , Religieux de l'Ordre des FF . Prêcheurs ,
Maître du Sacré Palais Apoftolique , Confulteur des
Congrégations du S. Office , & des Rits Sacrés
Examinateur d'Evêques , &c. mourut à Rome , au
Palais du Vatican , après une longue maladie , dans
la 70. année de fon âge , étant né à Venife le 11.
Mai 1669. Il étoit premier Bibliothecaire de la
Bibliotheque laiffée par le feu Cardinal Cazanate
au Convent des Dominicains de la Minerve à Rome
, lorfqu'il fut nommé le 30. Avril 1738. par feur
Benoît XIII. Pape , pour fucceder à Gregoire Selleri
, élevé au Cardinalat , dans la Place de Maître
du Sacré Palais.
7
Le 9. Ferdinand-Marie , Duc de Baviere , Chevalier
de l'Ordre de la Toifon d'or, du 23, Novem
bre 1721. Grand Prieur de l'O: dre Militaire Bavarois
de S. Georges , du 25. Avril 1729. Géné
ral de l'Artillerie de l'Empire , du mois de Décem
bre 1734. Général- Maréchal Lieutenant de la Cavalerie
des Armées de l'Empereur , du 13. Mars 1735%
& Colonel d'un Régiment de Dragons à fon Service
, mourut à Munich , d'un catare , ou fluxion de
poitrine , en deux jours de maladie , âgé de 39. ans,
quatre mois , & un jour , étant né à Bruxelles le 4.-
Août 1699. Il avoit fait fa premiere Campagne em
Hongrie contre les Turcs en 1717. & s'étoit trouvé
le 6. Août de la même année , à la Bataille ou
les Turcs furent défaits avant la prise de Belgrade,
Il avoit été un des Généraux qui furent employés
par l'Empereur dans la dernière Guerre dans fom
Armée d'Allemagne. Ce Prince étoit troifiéme Fils:
de feu Maximilien -Emmanuek , Duc de la Haute &-
Baffe Baviere , Electeur du. S. Empire , mort le 26 .
Février 1726. & de Thérefe Cunegonde Sobieski ,
fa feçonde Femme , Fille de Jean Sobieski , Roy de
Polo2906
MERCURE DE FRANCE
Pologne, & Grand Duc de Lithuanie , morte à
Venile le 10. Mars 1730. Il avoit été marié le 5 .
Février 1719. avec Leopoldine -Eleonor- Elizabeth
Françoife Augufte , née le 22. Octobre 1691. Fille
de Philipe Guillaume Augufte de Baviere , Comte
Palatin du Rhin à Neubourg , mort en 1693. & de
Marie- Françoife , née Ducheffe de Saxe-Lawembourg
, aujourd'hui Veuve de Jean - Gaſton de Médicis
, Grand Duc de Tofcane. Il en laiffe un fils
& une fille , qui font Clement- François de Paule-
Marie-Crefcent Duc de Baviere , né le 19. Avril
1722 & Marie- Therefe Emanuel de Baviere , née
22. Juillet 1723. Leur Fils aîné Maximilien-
Marie- Jofeph -Ferdinand - François de Paule , Duc
de Baviere , qui étoit né le 11. Avril 1720. mourut
à Munich , le 28. Avril dernier.
le
ののね
L'HY VER.
FRAGMENS.
L'Hyver venu fur la Terre
Y ramene les foucis ;
Venus s'enfuit à Cythere
Avec les Jeux & les Ris ;
Zephire par fon murmure
N'enchante plus la Nature
Et les triftes Aquilons
De leur charmante verdure
Ont dépouillé nos Valons.
Pour
DECEMBRE. 1738. 2907.
Pour diffiper la triſteſſe ,
Dont le froid glace fon coeur ,
Qu'Adonis à fa Maîtreffe
Aille compter la langueur :
Moi , qu'une douce habitude ;
A fait Enfant de l'Etude ,
Dans cette affreuſe Saiſon ,
J'opofe à l'inquiétude
Les charmes d'Anacreon,
*
Tandis que par mille Graces .
Qui brillent dans fes Ecrits .
A l'infortune , aux difgraces ,
Il dérobe mes efprits ::
L'Hyverfuit : les Hirondelles
Vont de leurs plaintes cruelles
Faire retentir nos champs ,
Et Zéphire fux fes aîles ,
Va ramener le Printemps,
A. R. agé de 16 anst
H.vj
FRANCE
2908 MERCURE DE FRANCE
***************
L
FRANCE.
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
E 26. Decembre le Roy prit le deuil
pour la mort du Duc Ferdinand de Baviere
, pour le quitter le 9. du mois prochain..
BENEFICES DONNE'S
par le Roy..
L'Abbaye de Beaulieu , Ordre de S. Augustin
, Diocese de S. Malo , vacante
du mois de Septembre dernier , par le décès
de Boterel de la Bretonniere dc . •
Breton , a été donnée, à
de Tiercent ; auffi Breton.
.. . de Ruellant
Celle de N. D. de la Caignotte , Ordre de
S. Benoît , Diocese d'Acqs , vacante par la
démission pure & simple de Charles Prudent
de Becdelièvre du-Bouexie , Evêque de Nîmes
, qui l'avoit obtenue au mois d'Avril
1731. à Louis- Marie de Suares d'Aulan , du
Comtat Venaissin , Evêque d'Acqs, en Gascogne
, sacré le 2. Juin 1737.
Celle de Belle - Etoile , Ordre de Prémontré
Réformé , Diocese de Bayeux , vacante:
par la mort de Jean-Gédeon Thinet d'Armon
DECEMBRE. 1738. 2909
Brosseau ,
monville , qui en étoit Titulaire depuis le
mois de Juillet 1728. à
Chapelain ordinaire du Roy, & Chapelain
de la Reine.
Celle de Moirmont , Ordre de S. Benoît
Diocese de Châlons sur Marne , vacante du
mois de Septembre dernier , par la mort de
Rioult d'Estouy , Docteur en:
Théologie de la Faculté de Paris , & Vicaire
Général du même Diocese de Châlons , dernier
Titulaire depuis le mois d'Août 1725. à
D. Louis Lataste de Toulouse, Religieux de :
l'Ordre de S. Benoît , de la Congrégation de :
S. Maur , nouvellement proposé pour l'Evêché
de Bethleem en Nivernois .
Celle de N. D. de Melleray , Ordre de
Cîteaux , Diocese de Nantes , vacante par:
le décès de Michel-Jean-Baptiste Olier de
Verneuil, Prêtre , à Boulain , Prêtre,
Chanoine de l'Eglise Cathédrale de Saint
Malo...
·
Et celle de N. D. de Molaise , Ordre de
Cîteaux , Diocese de Châlons sur Saone , vacante
par la mort de Marie- Anne de Courbon
de Blenac , qui y avoit été nommée le
31. Octobre 1711. à D... de Brisay de
Denonville , Religieuse du même Ordre ,,
dans PAbbaye de l'Eau lès Chartres .
Autre Nomination.
François Fitz-James , Duc de Fitz- James ,
Pair
2910 MERCURE DE FRANCE
Pair de France , né le 9. Janvier 1709. Abbé
Commandataire de l'Abbaye de S. Victor à
Paris , Ordre S. Augustin , depuis le mois de
May 1728. & de celle de Boscherville , Ordre
de S. Benoît , Diocese de Rouen , depuis
le mois de Septembre dernier , a été nommé
à l'Evêché de Soissons , premier Suf--
fragant de Rheims , vacant par la mort de
Charles - François Le Febvre de Laubriere.
L'Abbaye d'Aubignac , Ordre de Cîtéaux ,
Diocese de Bourges , vacante par la mort de
Jean-Baptiste- Etienne du Hamel , Prêtre
Docteur en Théologie. de la Faculté de Paris
, Chanoine de l'Eglise Métropolitaine de
Rouen , Conseiller au Parlement de Normandie
, qui l'avoit obtenue en 1690. &
laquelle avoit été conferée au mois de Septembre
dernier à Lebours , Trésorier
de la Ste Chapelle de Bourges , vient .
d'être donnée de nouveau , à
de Varennes Prêtre , Archidiacre de l'Eglise
Métropolitaine de Bourges,
Et celle de Joüarre , Ordre de S. Benoît ;
Diocese de Meaux , vacante du 3. Novembře
dernier , par le décés d'Anne - Therese :
dé Rohan-Guémené , derniere Titulaire depuis
le mois de Novembre 1729. à D.
de Montmorin de S.Herem , Abbesse de Charenton
du même Ordre , Diocese de Bourges..
BOUDECEMBRE.
1738. 2911-
********
Bouquet à Mlle de B....y , pour le jour de sa ⠀
Fête , par M. I....de Paris.
J E rêvois en ce jour ,
A pouvoir , chere Iris , célebrer votre Fête ,
Je traçois quelques Vers , je me frapois la tête ;
J'étois embaraffé , lorfque le tendre Amour
Se préfente , & me dit : » Je fçais ce qui t'arrête ; -
» Tu voudrois aujourd'hui chanter ,
»D'Iris les talens & les charmes :
Cet esprit , ce bon coeur , à qui tout rend les
Armes ,
> Et ce' je ne fçais quoi , qui fçait tout enchanter.
» Va , me dit- il , ce n'est pas ton affaire ;
Ce projet trop hardi , ne fut pas fait pour toi.
» C'eſt le partage d'un Voltaire ;
Mais pour te fauver cet emploi
»Vois pour toi ce qu'Amour aujourd'hui veut bien
» faire ;
Je porte aux pieds d'Iris ton hommage fincere ; .
» A ma voix à l'inftant elle agréra tes voeux ,
» C'eſt le moins qu'elle puiffe faire ,
Pour le plus aimable des Dieux ,
» Qui lui donna cet art de plaire ,
Et l'abfolu pouvoir qui regne dans ses yeux.
La
2912 MERCURE DE FRANCE
La satisfaction que le Public a témoigné
avoir des Expériences Physiques de M. l'Abbé
Nolet , et le goût général que l'on a pour
les Sciences , ayant fait souhaiter que
quelqu'un , à l'exemple de Mrs Lemery pere
et fils , qui ont fait avec le succès le plus
éclatant des Expériences Chymiques , entreprit
de les continuer ; M. Rouelle , Apɔticaire
, entra l'année passée dans cette car
riere , l'approbation dont ses Auditeurs l'ont
flaté , l'ayant déterminé à reprendre cet
exercice encore cette année , nous avertissons
qu'il en recommencera un Cours le
Lundi 2. Mars prochain , chés lui , Place
Maubert 1739..
Les Plantes , les Animaux , et les Minéraux
sont l'objet de ces Expériences , et en
font les trois Parties..
Dans la premiere, on donnera des exemples
des différentes manieres de faire l'analyse des
Plantes, d'en tirer les huiles , les fels essentiels ,
les fels fixes , et d'en faire les extraits ; de- là ,
on passera à la fermentation et aux Liqueurs
spiritueufes , à la putréfaction , et aux fels
volatils , à l'analyse des Gommes , et aux
différentes manieres de faire les Vernis , aux
Précipités colorés , qui servent à la Peinture
et à la Teinture .
On fera voir différentes combinaisons des
substances végétables ; , telles que les huiles.
avec
DECEMBRE. 1738. 2913
avec les sels alkalis et les sels tartareux rendus
solubles par d'autres sels , ou par des
terres.
Les Animaux font l'objet de la seconde
Partie. On fera leurs analyses , et celles de
plusieurs substances qui en viennent ; la décompofition
du fel Ammoniac , et sa recomposition
; la rectification des sels volatils
et des huiles. On donnera différentes combinaisons
de ces substances animales avec
d'autres matieres.
Le Phosphore d'Angleterre , qui jusqu'ici
n'a été connu que d'un très-petit nombre de
personnes , et qui est le produit de la der
niere violence du feu , terminera cette Partie
avec quelques expériences des plus fingulieres
sur cette matiere.
Dans la troifiéme Partie , on traitera des
substances qu'on retire des entrailles de la
Terre , qu'on appelle Minéraux . Cette Partie
est des plus fecondes en expériences singulieres.
Les analyses des Bitumes , du Nitre , du
Sel Marin , du Vitriol et du Souffre , seront
suivies avec exactitude; on y joindra la recomposition
de ces sels , et les expériences les plus
intéressantes sur leur mélange et sur celui de
leurs acides , ou esprits , avec d'autres substances
; les fermentations chaudes et froides
, le changement des couleurs , les déto
nations
1914 MERCURE DE FRANCE
•
nations et la production de la flamme , sont
tous des effets de ces mélanges , dans le détail
desquels on entrera.
..
On fera voir les moyens de déterminer
promptement quel est le Métal contenu dans
une Mine , et la maniere d'en faire l'essai :
avec exactitude ; on donnera des exemples:
de la dissolution des Métaux , et de leur
précipitation , et les moyens de leur rendre
la forme métallique qu'ils ont perdue , ou
par la dissolution , ou par la calcination ; on
fera quelques alliages des Métaux , et la séparation
de ces mêmes Métaux , les uns d’a--
vec les autres..
On finira par la vitrification dés Métaux ,-
par les verres colorés , par la volatilisation
des Métaux , et par plusieurs procedés sin--
guliers , qui donnent des lumieres sur la nature
de ces corps.
On ne se bornera pas dans ces Expériences
, à faire connoître quels sont les avantages
que la Physique et la Médecine retirent
des travaux de la Chymic ; on s'appliquera
de plus à donner des exemples de l'utilité
de ces mêmes Opérations dans plusieurs
Arts , et même dans les usages ordinaires de :
la vie..
EPITRE
DECEMBRE. 1738. 29155
EPITRE
A Mile de L....
A Bandonpant cette aimable molleffe ,
Qui file ici , mes jours , & mon loiſir ,
Je veux , Glycere , acquiter ma promeffe ;
Qui , c'en eft fait , je veux y confentir ;
Car je prévois qu'un jufte repentir ,
Pourroit un jour accufer ma pareffe ;
Mon coeur déja´, commence à le fentir.
Non ; je ne puis m'empêcher de rougir
Puifque trop tard , ma plume vous adrefle
Ces Vers rimés fous les yeux du plaifir ,
Mais qui n'ont pas l'ordre , & cette jufteſſe
Dont Rouffeau peut fes Mufes embellir.
Très-peu connu des Nymphes du Permeffe ,
De leur faveur que pourrai- je obtenir ?
Pour Apollon , je n'ai que ma jeuneſſe ;
Son feu naiffant doit feul me garantir
De la froideur , qui vous feroit languir.
Ecueil fatal , ou maint Auteur fans ceffe ,
Vient gravement échoüer & périr .
Sans le fecours d'une sçavante yvreffe ,
Ma plume veut avec vous diſcourir ;
La
2916 MERCURE DE FRANCE
;
La Vérité , fon aimable Déeffe ,
Lui dictera ce que votre ſageſſe
Ordonne en vain de ne pas découvrir
Car vous sçavez qu'un air de hardieſſe ,
Peut de mes Vers égayer la foibleffe .
Oui , dans mon coeur , je ne puis retenir
Et mon eftime , & le juſte defir
De vous louer , fans fård & fans bafſeſſe ,
Un doux penchant me confeille & me prefle
A fes tranfports il eft temps d'obéïr ;
Mais ce début vous irrite & vous bleffe.
Ne craignez rien , je vais me contenir.
Vos actions exemptes de rudefle ,
Que mon pinceau doit craindre de flétrir ,
Votre vertu , puiffante enchantereffe ,
Et qui jamais n'aima ſe revê: ir
Des noirs habits d'une fade trifteffe ,
Mieux que mes Vers pourront vous acquerir
Le juſte encens des Luftres à venir.
Par M. Last à Aix.
23 . Juin 1738 .
LET:
DECEMBRE, 1738. 2917
J
LETTRE CIRCULAIRE.
-
E respecte , Monsieur , la tradition des
Peres pour le Sacré ; j'aime celle de nos
Ancêtres pour le Moral ; permettez moi
donc de vous souhaiter la BONNE ANNE'E
dans le stile naïf du bon vieux tems . Plusieurs
donnent aujourd'hui la torture à leur
imagination pour lui faire enfanter des tours
nouveaux , et veulent mettre de l'esprit à la
place du sentiment . Pour moi qui ne suis
Epicurien que pour mes amis , je suis fidele
aux impressions de la nature ; je leur dis que
je les aime parce que je les trouve aimables ;
je leur souhaite une Bonne santé parce qu'elle
est necessaire au bonheur ; je leur désire du
bien parce qu'il contribue beaucoup à la
santé ; je les choisis vertueux parce que j'aime
à m'honorer dans mes choix. Pour moi,
Monsieur , si j'ai bien employé l'année qui
vient de se passer , je vous aimerai encore
davantage celle-ci , car j'ai du augmenter en
raison et en lumieres ; ainsi successivement
j'ai lieu de me flater que la derniere de ma
vie , je serai enfin digne de l'amitié dont
vous m'avez honoré . J'ai l'honneur d'être
D. BONNEVAL.
MA- Ju
2918 MERCURE DE FRANCE
MADRIGAL,
Sur une belle Musicienne.
Ue Canente a d'attraits , & qu'elle a la vois
tendre-!
Que
Elle nous plaît fans le vouloir ,
Et le feul plaifir de la voir ,
Egale dans nos coeurs le plaifir de l'entendre.
Par M. C**
EPIGRAM ME.
Contre un sot Aprobateur.
L Eandre , il faut que je t'avouë
Quel est mon déplaifir fecret.
Je suis fort mécontent de mon dernier Sonnet.
Eh ! pourquoi ? C'eft qu'Orgon , le fot Orgon le
loüe.
Par le même
MA
AUTRE .
A un Rival.
Algré tous tes talens , veux- tu sçavoir pourquoi
Tu ne charmes point Isabelle ,
Et
DECEMBRE . 1738. -2919
Et qu'avec moins d'efprit , je plais à cette Belle
C'eft que tu ne fais rien que lui parler de toi ,
Et que je ne lui parle à tous momens. que
d'elle.
Par le même.
***
L
***************
MORTS ET MARIAGE.
E 25. Decembre, Charles François le Febvre de
Laubriere , Evêque de Soiffons , Confeiller
d'honneur au Parlement de Paris , Seigneur de .
Laubriere , Baron de la Haye-Joullain & de Briancon
, &c. mourut à Soiffons , dans la sre. année de
fon âge. Il étoit d'une famille originaire d'Angers,
& fils de François le Febvre , Seigneur de Lau
briere, Maral & Beuzon , Baron de la Haye - Joullain
, Conſeiller au Parlement de Bretagne , mort
le 11. Mars 1711. & de Louise le Chat de la Haye.
Il avoit été reçû Confeiller au Parlement de Paris
à la Troisiéme Chambre des Enquêtes le 20. Juin
1710. & avoit éré marié le 2. Avril 1713. avec
Marie-Anne de Blair , fille de Melchior de Blair
Seigneur de Cernay , qui avoit été Fermier General
des Fermes unies du Roy , & de Henriette de
Brinon . Etant resté veuf d'elle le 8. Juillet 1718.
il embraffa l'Etat Ecclésiastique, & fut ordonné Prêtrele
Octob. 1719. Il fut nommé au mois deJuillet
1731. à l'Evêché de Soissons,& facré le 13. Janvier
1732.dans la Chapelle de l'Archevêché de Paris par
P'Archevêque de cette Ville , assisté des Evêques de
Châlons sur Marne & de Luçon , & le 20. fuivant
il prêta le ferment de fidelité entre les mains du
Roy,La même année il fut reçû Conseiller d'honneur
1920 MERCURE DE FRANCE
neur au Parlement en 1735. Il assista à l'Assem❤
blée genérale du Clergé de France en qualité de
l'un des Deputés de la Province de Rheims , Il laisse
de feue fa femme Charles François le Febvre de
Laubriere , Marquis de Briançon , né le 24. Mars
1718. ci- devant Capitaine de Cavalerie , & Jeanne
Henriette le Febvre de Laubriere , aînée de son
frere ; & mariée le 28. Août 1737. avec .
de Rogres , apellé le Marquis de Champignelles
Cornette de la premiere Compagnie des Moufquetaires
de la Garde du Roy depuis le premier Juillet
dernier , & auparavant Capitaine dans le Régiment
des Cuirassiers .
Le 27. Dame Catherine Olive de Trante , veuve
depuis le 28. Juin 1733. de Frederic -Jules de la
Tour , des Ducs de Bouillon , appellé le Prince
d'Auvergne , Seigneur de Lanquais & de Limeuil ,
avec lequel elle avoit été mariée le 17. Janvier
1720. mourut à Paris , âgée d'environ 5o . ans , fans
pofterité , les trois enfans qu'elle avoit eu de son
mariage , étoient morts en bas âge. Elle étoit fille
de Patrice de Trante , Chevalier Baronnet d'Irlande
, premier Commiffaire de la grande Tréfo
rerie d'Angleterre , qui fuivit en France Jacques II.
Roy d'Angleterre en 1689. & d'Eleonor de Nagle
de Monamini. Il eft parlé d'eux dans un Mémoire
inseré dans le Mercure du mois de Fevrier 1719.
page 378. à l'occasion de la mort d'un frere de la
Princesse d'Auvergne , qui vient de mourir.
&
Le 29. Jofeph Trudaine , Seigneur d'Oissy , de
Riencourt , &c. Mestre de Camp de Cavalerie ,
Enseigne de la Compagnie des Gendarmes d'Or.
leans depuis le mois d'Août 1736. & auparavant
Guidon de celle des Gendarmes de Bretagne depuis
le mois d'Octobre 1730. mourut à Meaux , dans
la vingt - troifiéme année de fon âge fans avoir
été
DECEMBRE. 1738. 2921
été marié : il ne laisse que des soeurs . Il étoit neveu
de Firmin Trudaine , Evêque de Senlis , actuellement
Siégeant , & fils aîné de feu Joseph Trudaine
de Roberval , Seigneur d'Oissy , Riencourt ,
Thieulloy , &c . Commandeur de l'Ordre de S. Louis,
Brigadier des Armées du Roy, Capitaine Lieutenant
de la Compagnie des Gendarmes de Bretagne , &
Inspecteur de la Gendarmerie , mort le 10. Octobre
1730. âgé de 18. ans , & de D. Marie Louise
Elisabeth Hennequin de Charmont , à préfent femme
depuis le 17. Fevrier 1735. de Jofeph Joachim
de Bohorn , Marquis de la Palun , du Comtat d'A
vignon , Gouverneur de Bourbon , & de la Ville &
Principauté d'Orange.
་ ི་
Le même jour D. Henriette de Marpont , veuve
depuis le 3. Août 1726. de Louis Charles Gilbert ,
Seigneur des Breviaires , du Mas , Hollande , &c.
Président en la Chambre des Comptes de Paris ,
mourut âgée de 69. ans laissant pour enfans Jofeph
Jean - Baptiste Gilbert , Seigneur de S. Lubin des
Joncherets , de Nonencourt , & c . aussi Président
en la même Chambre des Comptes reçû à cette
Charge par la résignation de fon pere: le 8. Août
1724. et marié le 12. Avril 1726. avęcida fille unis
que de feu Claude Boscheron , ci - devant Secretaire
du Roy , et ancien Notaire au Châseler de Paris ;
Jeanne Henriette Gilbert , mariée le 9, Juin 1714.
avec Antoine Jofeph de la Vove, Marquis de Tourouvre
, au Perche , et une autre fille non mariée.
Le 31. De . Louise Berault , veuve depuis le .
Décembre 1704. de Joseph Omet Joly , Seigneur
de Fleury , la Moussel , & c. Avocat General du
-Parlement de Paris , avec lequel elle avoit été mariée
le 1o. de Fevrier 1698 , mostut fubitement après
de longues infirmités , dans la 64e. année de fon
Page , étant née le 7 Juin 1675. Elle laisse un fils
II. Vol. I unique
2922 MERCURE DE FRANCE
رادل
unique qui est Jean Omer Joly , Seigneur de
Fleury , Prêtre , Chanoine de l'Eglife de Paris ,
depuis le 15 Novembre 1724. et Abbé Comman
dataire des Abbayes d'Aumale, Diocèse de Rouen
& de S. Pierre de Chezy , Diocèse de Soissons ,
ayant été nommé à la premiere au mois d'Octobre
1729.et a à la seconde le 3. Mai 1731. la deffunte
étoit reftée fille unique de Guillaume Berault ,
Ecuyer , Seigneur de Villemont , mort en 1694.
fort riche , ayant été interessé dans les affaires du
Roy, & de Louife le Meneau , morte le 24. Octobre
1708.
Sur la fin du même mois de Décembre , Frere
Jean de Montgon - Beauvergier , Chevalier profès de
'Ordre de S. Jean de Jerufalem , Commandeur du
Temple de Dole , & de la Racherie , ancien Ca
pitaine de Vaisseaux du Roy , mourut en fon Château
de la Souchere en Auvergne , dans la 82e . an
née de fon âge , étant né en 1657. Il étoit fils de
Charles Alexandre de Montgon- Beauvergier, Comte
de Montgon , Baron de Corein , Talezac Nubiere
, &c. mort en 1706. & de Marie Françoise de la
Barge. Le nom primitif de ceux de cette Maifor ,
de Montgon , étoit Cordeboeuf.
>
Le 16. Decembre Marquis de Polignæ ;
Mestre de Camp du Regiment Dauphin- Etranger
Cavalerie , depuis le 15. Avril dernier , fils aîné de
Scipion Sidoine Apollinaire Gafpard , Vicomte de
Polignac , Marquis de Chalançon , Lieutenant . General
des Armées du Roy , Gouverneur du Puy ,
& du Velay , & de Dame Françoise de Mailly , fut
marié avec Dlle Diane Adelaide Zephirine Maneini
, fille unique de Jacques Hyppolite Mancini
Baron Romain , noble Venitien , & d'Anne Louise
de Noailles , fon époufe , four du Maréchal Dẹc
DECEMBRE 1738, 2923
de
de Noailles , & veuve en premieres noces de Franfoise
Macé le Tellier , Marquis de Louvois , Capitaine
Colonel de la Compagnie des cent Suisses
de la Garde du Roy et Colonel du Régiment
d'Anjou , Infanterie . La bénédiction nuptiale leur
fut donnée par Melchior de Polignac , Cardinal ,
Archevêque d'Auch , Commandeur des Ordres dn
Roy , &c. Oncle de la mariée , dans la Chapelle de
fon Hôtel à Paris. Le pere du marié eft frere puîné
Philipe-Jules- François Mazarini - Mancini , Duc
de Nivernois , et Donziois , Pair de France , Grand
d'Efpagne de la premiere Claffe , Prince du S. Empire
, et de Vergagne , Baron Romain , noble Věnitien
Gouverneur et Lieutenant General pour le
Roy des mêmes Provinces de Nivernois , et Donziois
, Ville , Baillage , ancien reffort , et enclaves
de S. Pierre le Moustier. La Genéalogie de la Maifon
de Mancini , originaire de la Ville de Rome ,
fe trouve imprimée dans l'Histoire des Grands Of
ficiers de la Couronne , article des Pairs de France
omes . page 462.
→
STANCE S.
M. D. R. Avocat aux Confeils!
QuUand le fort Aquilon s'irrite ,
Les humbles Roseaux qu'il agite
Se conservent en s'abaissant ;
Mais les fuperbes Pins qui lui font réfistance ;
Souvent tombent pour prix de la vaine conſtance
Qu'ils avoient oposée à son soufle puissant,
Į ÿj
Youlois
2924 MERCURE DE FRANCE
Vouloir s'égaler à son Maître ,
Dans le sujet ne sçauroit être
Qu'une folle témérité ;
Un intervalle immenfe ici - bas les divife ,
f
E l'instant de la mort , inévitable crise ,
Seule a droit d'établir entre eux l'égalité.
124
Malgré la cabale ennemie ,
Qui d'une éternelle infamie
Menace ta foumission ;
Mon coeur des révoltés condamnant le langage
Au parti que tu prends , à ta conduite fage ,
Fait gloire de donner ſon aprobation.
Contre des loix qui lui font dures ,
L'avarice éclate en murmures ,
Tandis que dans ces mêmes Loix
Tu chéris l'équité du Prince , en qui la France
Voit l'ami de la paix , l'apui de l'innocence ,
Le Pere de son Peuple , et l'exemple des Rois.
Plein de cet amour qui t'honore ,
En elles tu chéris encore
w
Le zéle actifet fructueux
Dont brûle le Caton , qui , tel qu'on le défire v 17
Daglaive de Thémis et des Sceaux de l'Empires
Est le Dépofitaire affable & vertueux.
TI
DECEMBRE . 1738. 2925
Tu méprifes toute ame vile ,
Qui d'une éloquence fervile
Aime à faire un honteux trafic ;
Qui fçait au poids de l'or vendre un confeil perfide,
Et chés qui trop fouvent l'amour d'un gain fordide
Etouffe fans pudeur l'AMOUR DU BIEN PUBLIC.
1
Libre d'une telle baffeffe ,
Tu ne cherches point la richeffe
Aux dépens de la probité. --
L'argent , qui de ta peine eft le fruit légitime ,
Te flatera toujours , beaucoup moins que l'eftime
Si juftement acquiſe à ta fidélité,
Crudum adhuc & jam pofterum
Ingenii foetum vovebat tuus ex animo ...
***
LETTRE du Sieur Arnoult , au sujet du
Sachet anti- Apoplectique : écrite à M. D
L. R. , de Paris , le 31 Decembre 1738.
Ombien de Gens ont lu , M. dans les
Journaux de Trévoux et de Verdun ,
la Lettre de M. Dubois , Médecin de S. A.
S. Madame la Princesse de Conty , et les
deux Certificats avec les rétractations ; l'un
de Bablot et de sa femme ; l'autre du Sieur
Devaux , Apoticaire de feu S. A. R. Mgr.
I iij
le
916 MERCURE DEFRANCE
de Duc d'Orleans Régent , qui en avoient st
gné d'autres auparavant,pour justifier l'efficacité
du Sachet Antiapoplectique dans la personne
de Bablot , frapé d'apoplexie & tout
de suite d'une paralisie sur
la langue et de la
moitié du corps du côté droit je crois qu'un
grand nombre de témoignages de personnes
de la premiere consideration , de Médecins
qui m'ont donné leurs Certificats , et qui font
eux-mêmes usage du Remede et qui l'ordonnent
, joint à une experience de 38 années ,
affermiront sa reputation , persuadé que ces
vaines attaques ne l'ébranleront pas. Au
reste , je ne suis pas fort surpris de ces rétractations
on ne pourra pas nier
que Bablot
n'ait fait usage du Sachet depuis son acciedent
, & que tous les Remedes qu'on avoit
employés jusqu'alors n'eussent été inutiles er
que son rétablissement n'ait été opére par
Paplication du Spécifique dont il fait encore
usage , fans avoir eu la moindre attaque depuis
deux ans. Le Certificat de Bablot & de fa
femme sont en bonne forme ; c'est dans un
temps non fufpect , où la vérité & la reconnoissance
ont du exprimer les Faits tels qu'-
ils se sont passés , & qui sont confirmés par
le même M. Devaux , témoin oculaire , &c.
Je laisse au Public à juger auxquels de ces
Actes on doit ajoûter le plus de foi , &c.
at . Je suis , &c.
ARRESTS
DECEMBRE. 1738. 1987
htt
ARRESTS NOTABLES , & c.
SENT
ENTENCE de Police du 21. Novembre , qui
ordonne l'éxécution des Ordonnances & Reglemens
de Police concernant l'Aprovifionnement
de la Ville de Paris ; & condamne plufieurs Laboureurs
en cinq cent livres d'amende , pour avoir
difcontinué la fourniture de la Halle au Bled de
Ladite Ville.
- ARREST du 25. qui proroge jufqu'au dernier
Décembre 1739. l'exemption des Droits d'Entrée
fur les Beftiaux venant des Pays Etrangers dans le
Royaume
ORDONNANCE du Roy , du 27. pour fixer
pendant l'année 1739. la retenue du Pain de muni
tion , à vingt deniers par ration , dans les Places
d'Alface, Trois-Evêchés , Flandres, Haynault , Artois
& Picardie , & à Befançon
LETTRES PATENTES du ROY , du 30. qui
nomment des Commiffaires pour l'aliénation de
cent mille livres de Rentes perpetuelles fur la Ferme
génerale des Poftes .
ARREST du 2. Décembre , qui fait défenſes aux
Officiers des Maîtrifes des Eaux & Forêts , de donner
aucune permiſſion pour la coupe des Bois apar
tenans aux Particuliers ; & aux Greffiers , d'exiger
defdits Particuliers , plus de dix fols , tant pour la
réception de chaque déclaration , que pour l'expédi
tion d'icelle. Défend de couper aucuns taillis , qu'
I iiij ils
2928 MERCURE DE FRANCE
ils n'ayent au moins atteint l'âge de dix ans.
AUTRE , du 8. concernant l'expédition des Provifions
des Avocats en Parlement , qui ont été
nommés pour remplir les Charges d'Avocats aux
Confeils du Roy, créées par l'Edit du mois de Septembre
dernier , & le rang qu'ils doivent avoir
entr'eux .
AUTRE , du 9 dont la teneur fuit :
"
Le Roy ayant été informé que l'on commençoit
à répandre dans le Public , une Feuille imprimée
fans nom d'Imprimeur,fans Privilege ni Permiſſion,
fous le titre de Lettre de M. l'Evêque Duc de Laon,à
M. le Cardinal d'Alface, Archevêque de Malines, sur
L'obligation de refuser la communion à ceux qui font
notoirement rebelles à la Conftitution Unigenitus , Sa
Majefté auroit jugé à propos de s'en faire rendre
compte ; & Elle auroit reconnu qu'il femble qu'on
ait voulu raffembler dans cette Lettre tout ce qui
eft le plus capable de renouveller les difputes fur les
affaires préfentes de l'Eglife , d'émouvoir les efprits
, & de ranimer un feu que ceux qui ont le
plus de zele pour le bien de l'Eglife & de l'Etat ,
travaillent continuellement à éteindre , fuivant les
intentions de Sa Majesté : Et comme une telle entrepriſe
mérite d'autant plus d'attention , qu'on la
fait paroître fous le nom d'un Evêque de France ,
qui écrit à un Prélat Etranger , Sa Majesté a cru ne
pouvoir ordonner trop promptement la fupreffion
d'un Ecrit , que l'affectation & la malignité qui y
regnent , rendent fi dangereux ; à quoi voulant
pourvoir , Sa Majefté étant en fon Confeil , a ordonné
& ordonne que ladite Feuille imprimée fous
le titre de Lettre de M. l'Evêque Duc de Laon ,
M. le Cardinal d'Alface , Archevêque de Malines ,
a
DECEMBRE. 1738. 2929
sur l'obligation de refufer la communion à ceux qui
sont notoirement rebelles à la Conftitutión Unigenitus,
fera & demeurera fuprimée. Enjoint Sa Majefté à
tous ceux qui en ont des Exemplaires , de les remettre
inceffamment au Greffe du Confeil , pour y
être fuprimés , fait défenſes à tous Imprimeurs ,
Libraires , Colporteurs & autres , de quelque état ,
qualité , ou condition qu'ils foient , d'en imprimer,
vendre , debiter , ou autrement diftribuer , à peine
de punition exemplaire , &c.
J
APROBATION.
'Ai lu par ordre de Monseigneur le Chancelier ,
le second . Volume du Mercure de France du
mois de Décembre , & j'ai cru qu'on pouvoit en per
mettre l'impression . AParis ,le premier Janvier 1739 .
HARDIO N.
TABLE .
ICES FUGITIVES , & C . Portrait d'Ho-
Prrace,
2731
Dissertation sur l'origine des Académies , &c. 2734
Epitre d'Alexandre à Pancaste
Lettre sur l'abus qu'on fait de l'Esprit ,
Songe & Réponse en Explication ,
Les Salines , k
2748
2752
2764
2772
21
2778
Suite de l'Essai d'un Traité Historique de la Croix
& ê:
Ode d'Horace , Imitation ,
>
2793
Lettre au sujet des Cérémonies qui se font dans la
Chapelle de S. Nicolas , en la Grand Salle de
Palais ,
Epigramme , la Succession abandonnée .
-2-791
2808
Lettre & Suite de l'Extrait du Journal Litteraite
-d'Italie , 12 ob types on ding
228
2809
22820
Question importante jugée au Parlement de Paris ,
L'Amour Abeille , à Mad .....
Etrennes à Mlle Gaussin
Question & Réponse,
2820
2832
ག་ 2831
2831
Bouts Rimés , Sonnet ,
Lettre sur l'Amour des Poëtes pour leurs Ouvrages,
Enigme , Logogryphes , &c.
2836
2341
2843
2848
NOVELLES LITTERAIRES , DES BEAUX- ARTS,
les Ruses de Guerre , &c.
Pouillé du Diocèse de Chartres , &c.
Memoires pour servir à l'Histoire des Hommes Illustres
, &c.
Suite des Médailles du Roy ,
Estampes nouvelles ,
Nouveau Calendrier ,
Spectacles. Extrait des Muses ,
Orphée , Ballet Pantomime , &c.
Les Epoux réunis , Comédie , Extrait ,
28521
2871
ibid.
2872
2873
2885
2887
Nouvelles Etrangeres , d'Afrique , Russie & Dan
nemarck ,
Allemagne Italie & Naples ,
Grande Bretagne ,
Morts des Pays Etrangers ,
L'Hyver , Fragmens
2900
2902
2.903
2904
2906 >
France , Nouvelles de la Cour , de Paris , & c.
Benefices donnés ..
Bouquet à Mad . * * *
Experiences Physiques , &c.
Epure en Vers
2908
:39:11
2912.
2915
Lettre Circulaire , & c. 2917
Madrigal & Epigrammes
Morts & Mariage, in ger
Stances à M D. R. &c.
2918
2919
2923
Lettre du Sr Arnoult au sujet du Sachet anti- Apoplectique
•
Arrêts Notables ,
2925
2928
Fautes à corriger dans ce Livre.
Age 2783. ligne 3. la polissure , lisez le polí.
•
Page 2815. ligne 7. chi , ôtez ce mot.
>
Page 2873. lignes , du bas , s'égare , lisez s'égayel
{
112
1:1
12
TABLE GENERALE
De l'Année 1738.
A.
ACadémie Françoise ,
Des Sciences ,
Des Inscriptions ,
De Peinture ,
De Chirurgie ,
731. 2871
737951. 2440. 2647
124. 736. 2441
540
1536
-Des Jeux Floraux , 2420
-De Soissons ,
De la Rochelle ,
De Pau ,
De Bordeaux ,
De Marseille "
De Rome ,
De Peinture à Vienne ,
De Madrid ,
735
945
1169.2007. 2439
954 1600
2444
1796. 2019
2656
1796
De Lisbonne , 122. 123. 318. 1601.2020 . 2447
De Torre de Mencorvo ,
Académies ( Origine des )
Accouchement extraordinaire >
Actes de Rymer ,
Agendicum ,
Agricole ,
Albigeois ,
Alexis Perrowits ,
Amboise ( Jean d' )
Amour pour ses Ouvrages ,
Amphithéatres ,
1168
2734
318
316
1129
2572
3сб
1385
1550
2836
1137
Amusemens
TABLE
Amusemens du coeur & de l'esprit, 291. 710. Nou
veaux Amusemens , 921. 1157. 1997. 2416. 2643
Annales de S. Bertin , 2153
Annibal ,
2320
Antiquités ,
47. 380. 2021.2609
Arrêts , 202.3 97. 1700.2349
Aridius ,
2568
Aristipe moderne , 934
Armorial général
1392
Art & la Nature ( l' ) Comédie 989. 1611
Arts Méchaniques ( origine des ) 1250
Asphalte , 1495
Atis , Opéra , 145. 324. Parodie , 340
Aurore Boreale ,
318
B.
Allet de la Paix ,
-Universelle .
>
Bibracte ,
Blandimare ,
Boerhaave ( Herman )
B
Bareges ,
Basoche ,
Bibliotheca Bibiothecarum ,
Bibliotheque Italique
992. 1405, 1625. 1814
1400
1437
2429
1137
>
1788
1901
827
2238
Bouquet , 53.351 . 360. 1031. 1335. 1857. 2178 .
Bourbon ( Conétable de )
Bouts - Rimés ,
Buie ,
Bureau Typographique ,
Abestan ,
C Cadrans Solaires ,
Cammasse ( Lolotte )
2294. 2496. 2911
1371
2490. 2712. 2835
536.907
2398
C.
254
2009. 2437.2544
761
Canal
DES MATIERES.
Canal pour la jonction des deux Mers ,
Cantate >
Captifs ( les ) Comédie,
Caractere de l'Amour ( les ) Ballet ,
Carlos ( Don' )
Cartes de Géographie , 449 613-743
Catbologans, c
Cause plaidée aux Jésuites ,
1841
Causes Célebres ,
Cervulus ,
1322
390. 2144
2137
763.967
1383
957, 1989
2304589
2007 2025
1370
1363 Chapelle du Palais , 2795
Charité ( la )
Childeric ,
Chirurgie ( Histoire de la )
Cibelle amoureuse ,
Chora ,
Chronologie Résolution d'une Question de ) 1528
! ,
1366
1585
1547
1364
Parodie ,. 375
C
Clementinus 2768
Clovis. Circonstances de son Regne 2221
Consentement forcé ( le ) Comédie .
College Royal ,
College de Dol
Collerye ( Roger de )
Conspiration manquée ( la ) Parodie ,
Conte >
Contraginnum ,
Corneille ( Pierre )
Couleurs ,›
Cours de Phisique expérimentale ,
Croix -de N. S. 865. 2778. Croix sur les Idoles ,
2438
1868
1043
1818. 2243
989
527. 1933
1364
1772
2647
924
&c.
Cryptes ,
Cure de sainte Marguerite ,
Care singuliere
1509
1929
1357
267
21 TABLE ?
D
Delisle
Denise
Anès ( Perre-Hilaire )
Déclamation ( Pensées sur la
Dictionaire de la Martiniere , figo kad
13255
922
2870
1435
2011
Discours Académique , 1283. De M. de la Briffe
1650. Sur la Profession d'Avocat
Dorgemont ,
Dorimond
E.
E
Aux Minerales ,
Ecole Militaire ,
12199
827
833
2215
$42.640.2289
ཏི་
Ecole du Temps ( 1 ) Comédie , 2057. 2450. 2677
Edme (
Sa
> Egidius
Egiogue ,
Elemens de Newton,
436. 883. 1094
1586
1697
2147. 2206. 2364
Enigme, 85.280 . 493.699.913 . 1132. 1351. 1576 .
1757, 1988. 2193- 2406. 2624. 284
Ennebault Françoise-Jacob d' ).
Entretiens Litteraires & Galans
Eoladius >
833
7235
2570
Epigramme , 794, 1340. 1345. 1985. 2508. 28084
Epithalame ,
2918
278
Epitre en Vers , 12. 223. 262. 265. 364. 664. 836.
881.918.1035.1062.2340.2383.2621.2749.2915
Époux réunis ( les ) Comédie ,
Esclaves Marseillois ,
Escompte ( Regle d' )
2470. 2889
704
669
Esprit de divorce ( 1 ) Comédie , 340. 566. 708 .
Abus qu'on fait de l'Esprit , 2752
Essais sur la nécessité & les moyens de plaire , 98 .
Essex ( le Comic d' } Tragédie ;
2936927
Ls: 2 S
DES MATIERES.
Estampes , 127. 319. 320. 540. 739. 955. 1163.
1398. 1603. 1799. 1801. 2020. 2236. 2448.
2653.2871
I. 61. 162. 2698. 2726. 2830 Etrennes ,
Etudes Militaires ,
Eufronius ,
Eulalius ,
Evotius ,
F.
2320
2569
2564
2560
Fleur ( Juvenon de la )
Fluteur ,
Fontenai
François I.
Fulcilius ,
Fumée ,
68. 243. 29 1.447. 653. 823. 2146
Ffat ( 16) die Fat puni ( le ) Comédie ,
Fausses Confidences ( les ) Comédie ,
Filets de Vulcain ( les ) Ballet Pantomime
Finances ( Histoire des )
760
1620
989
2226
834
738
1360
1371
2576
2377
G.
Andolin
G Gantez (Annibal )
Genabum ,
827
$ 549
1368
Généalogie Historique de la Maison de France
Géographie ,
Germanicus , Tragédie ,
Gladiateurs "
2209
2537
246. 1058.
1141
1764
226
Grammaire ( Remarques de ) sur Racine ,
Gravures sur Métaux & sur Pierre ,
Grossesse. Si l'imagination a tant de force sur le
foetus ,
Guidonis ( Bernard )
286
654. 1748
H.
TABLE
Idille ,
J
Japon ,
H
H.
Elene ( sainte )
Histoire des Evêques de Nîmes ,
Des Maladies , 28. De France , 710 .
Bourgogne , 1796. De Champagne ,
Honorius ,
Hydropisie ,
I.
Alousie ( Refléxions sur la )
1338
63.68.2 .
1360. De
1797
1362
1539
2524
615
376, 1308
Jettons , 126
Jeux de hazard , 1908. 2098
Inscriptions ,
Josas ,
Inhumations des Anciens ,
Joye imprévue ( la ) Comédie ,
2217
944
1367
1620
Jugement d'Apollon ( le ) / 2667
K.
KAïmac ,
1465
L.
Alande ( Therese } 2888
Lampes antiques , 2013
306
Lauriere ( Eusebe-Jacob de
2857 Languedoc ,
Liturgia Romani Pontificis ,
26 Livres ( erreur d'un faiseur de Catalogue de ) 2017
Logogryphe , 86.281 . 495 , 700. 913. 1133.1352 .
1577. 1758. 1989. 2194. 2407. 2625. 2842
Louis ( S. ) 428. 660. 1480. 1746. Les Coeurs de
Louis XIII & de Louis XIV . placés aux Jésuites ,
Lysimachus , Tragédie ,
$4
548
M
DES MATIERES
M
Madrigal
Maffei ,
M.
Achines Hidrauliques , 1917. 2707
Madrigal , 46 1098. 1755. 1819 1956.
Main- mortable peut - il tester ,
1965 . 2517.29 18
3 :556 lo
1137
1152821
Majoral de Rie 1388
Mandol ( Magdeleine )
1374
Manufactures ,
466
Martin ( D. Emmanuel )
1683
Materassi ( Francesco )
2888
Matiere médicale ,
2002
Maximien , Tragédie , 338.744
Mayans Gregoire )
729
Médailles , 41 1. 878. 1317. 139г. 1501. 2651.2871
Memoires de Mlle de Bonneval , 525
Memorie Isteriche delta Guerra d'Ispagna
R A
2809
Memorie del General Maffei ,
2811
Menteur ( le ) Comédie 2055
Mercure , 2115
Metiosedum , 1367
Métromanie (la ) Comédie 831. 519. 565
Mondori ,
Mithridate , Tragédie ,
Mizirida ,
Montfleuri ,
987
1994
827
829.831
Montmirail ,
Mo el ( Julienne )
*Musaum etruscum ,
Muses ( les ) . Comédie ;.
2120
2854
1393
2674.2873
Musique ( Memoires pour servir à l'Histoire de la )
Anteuil ,
N.
N Noue ( Mathurin de las ),
Niceron ,
1110. 1721
833
1143
2852
Nisien
TABLE SA
Nisien ( S. )
Nivernois ,
1554
1899. 2560
O.
317
841
O
Bservateur Litteraire
Observations faites au Pérou ,
Ode . Les Poëtes obscenes, 19. La sagesse du Gou
vernement , 95. Pour un Malade , 409. A Iris ,
441. A M. Froland , 627. L'Avarice , 89. A
Mad ....
886. La Simpatie . 895. A Damon
1051. A M. Delci , 1083. Anacréontique , 1109.
Au Roy , 1319. La Haîne , 149. A Mlle
1478.Sur le Lieu de la naissance de l'Auteur, 1498.
Le Philosophe disgracié , 1132. Aux Muses ,
1552. Le Travail , 1562. Les Belles Lettres ,
1738. A M. l'Abbé de Polignac , 1863. L'Illusion
des plaisirs , 1883. Le Cotentin, 1906. L'O
pinion 1925. La Colique, 2095. L'Amitié, 2124.
L'Amant sur le retour , 2354. Le College Royal ,
2519. L'Hyver ,
Ir.2906
197.2307
, 2SAR
.
Tirée des Pseaumes ,
Tirée d'Horace , 393. 405. 464. 638. 689 .
1247 1316. 1328. 1492. 1512. 1532 1709.
1715. 1896. 2112. 2317. 2374. 2533, 2793•
Traduite de l'Anglois , 215
Oratio gratulatoria ,
1391
Osservatione Letterarie
<
2603 23.09
P.
Apier ,
1171
Papillon ( Philibert ) 1066
Parangone della Poesia Tragica d'Italia con quella
de Fancia ,
Paré ( Amboise }
Partie de Campage ( la ) Comédie
Peau ,
Peintures de Vitres d'Eglise , &c. gravées ,
Pension nouvelle ,
Pesanteur des corps ,
2836
1549
1184
1341
3166
960
37-489
Petite
DES MATIERES..
Petite Vérole extraordinaire ,
Phédre , Tragédie ,
Phénomene ,
Pierre de Foudre ,
Pipée ,
Playe au bas ventre ,
1602
981
12.3 1345
1167. 1986
2201
1537.2386
Poëme Electre , 34. Iphigenia , 432. Le Comte
d'Essex, 1671. La Donciade, 1795. Didon , 2577
Pont-Levis de fer à bascule ,
Pouillé du Diocèse de Chartres ,
Pouvoir de la simpatie ( le ) Comédie ,
Praticien universel ,
1804
2848
1620
723
Prescription , si elle rétablit le Condamné à mort
dans les effets civils .
Printemps de Geneve ( le ) Pastorale
Priscus ,
Prologue pour Esther ,
Q
Uerela ad Gassendum ,
1563
1629
1557
1718
1971
QQuestion , 263. 316. 443. 696. 889. 392 .
900. 1349 1390. 1446. 1888. 2234.2356 2831
Quichotte ( Dom )
Quinault ( Philipe )
Quinquina ,
Age
R.
527729
335
852
1106
Rajeunissement inutile ( le ) Comédie , 2264.2461
Recueil de Pieces d'Histoire & de Litterature ,
1584. D'Instructions par l'Evêque de Bazas, 1592
Réduction de Paris ,
Reflexions , 70. 274. Sur les passions
Renobert ( S. )
Ritibus ( de antiquis Ecclesia )
Rodogune , Tragédie ,
798
1361
709
2619
Romiliacum
TABLE .
Romiliacum ,
Rondeau ,
1358
sos. 764. 806. 911. 1093. 1348
Ruses de Guerre ,
Rusticus ,
S.
Able à bâtir ,
S
Salbrai ,
Salomon n'est
2843
2567
1170
834
pas fils unique de David et de Beth-
1587 ¿ sabée ,
Salutatorium ,
Satire imitée d'Horáce,
Sel essentiel ,
Sennacherib , Tragédie ,
Sentimens de Mariane ,
Servandoni ,
Sicilien ( le ) Comédie ,
Son ( Propagation du )
27
1272
537
2249
987
319
2056
1085
Sonnet , 273.797 . Sur la Phédre , ab 2 ' , 982
Songes (1 STX A .8 2
Spectre ( le ) 1377
Stances
427.1109 . 2368. 2923
Statues , 1166. 1607
Tab
Ableaux
TTables Géographiques & Historiques , 1169
Taglia Zucchi Gerolama )
Taille de la Pierre ,
Tancrede , Opera ,
DIA LV169. 1395 2178
balm 2813
der 1/1711 . 2372
2265
Theatre ,
Tapisseries ,
Tanricianus ,
Telescope de refléxion
1172. 1397
2566
826.945
1313
Tempête
Tendon d'Achille...
Terre ( figure de la ) ab Traibw1514. 1957
Thibaut , Roy de Navarre , 1120 1130.
上C
Thoringic
1200
20
1543
DES MATIERES
. T
Thoringie
Thỏú ( de )
Tombeaux ,
Torilliere ( le Noir de la )
Tourbillons
,
Transactions Philosophiques
,
Tremblement de Terre ,
Trictrac ,
7401585
15.630
2018: 2217
831
484
12202
116 NETOLVED 3221601
118. 1637
Tripodium ,
Troyes
Taillerie ( Jean Juvenon de la
Turcaret ( Comédie )
V.
Alet Auteur ( le ) Comédie ,
Vellaunodunum
28
28.220
835
2264
$1806
1367
476. 1493. 2117
Verre
,
Vers à M. de Claville , 117. A Mlle Pélissier , 146. Le mois de Février , 258. A Mile Dangeville, 292. 1820. Sur la sainte Vierge , 315. A Mlle Lalande , 339. A M. d'Argental , 363. L'Envie ,
de
482. A M. Gresset , 13. 1649. L'Avantage
la vertu , 611. Le Portrait de l'Hymen , 676. Sur le Traité du Vrai Mérite , 727. Accompagnant
Cane Ecritoire , 803. La Nymphe Umbra , 903. Sur la maladie de M. Desforges Maillard , 1011 1119. A M. Vallée , 1c20. Réponse sur l'Amour
des trois Enfans , 1172. A Mlle Masson , 1220. A M. Titon , 1399. A Mlle Salé , 1628. A M.
, 16541
de Voltaire , 1644. A la Comtesse de * *
A P'Abbé de ** , 1654. A Mlle Dumesnil , 1820. Au Curé de Norville , 2119. Le Parnasse , 2150. L'Amour Marron , 2359. A la Marquise de C... 2396. A Mlle de C ... 2558. Remerciment
, 2654. Au Cardinal de Fleury , 2693. Accompagnant
un Rose , 2706. A une Dame , 2709. Le
Portrait
TABLE DES MATIERES
Portrait d'Horace , 2731. Songe , 2769. L'A
mour Abeille ,
Vertige ,
Vésuve
Vetula ,
Vie est un songe ( la ) Tragédie ,
2820
-115
2656
1363
2127
Viellesse extraordinaire , 186. 259. 351, 607.677.
87 1082. 1212.1433. 2085. 2711
Vierge ( dévotion à la ) 2311
Villiers ,
Vin. Si on l'a permis aux Janissaires ,
Voltaire ,
Urbain ( Ferdinand de S. )
Usages des Marseillois ,
Vuide ,
834
1469
1624
321
1967
3717
KM
La Médaillegravée doit regarder la page
2873
LISTE DES LIBRAIRES
qui débitent le Mercure ans les
Provinces du Royaume , c. ~C.
A Toulouse , chez Forest , et Henault.
Bordeaux , chez Raymond Labottiere , et chez
Chapui , fils , au Palais , et à la Poste.
Nantes , chez Nicolas Verger.
Rennes, chez Joseph Vatar , Julien Vátar, Guillaume
Jouanet Vatar , et la veuve Audran.
Blois , chez Masson .
Tours , chez Gripon , et ched Bully.
Rouen , chez Herault.
Châlons-sur - Marne , chez Seneuze .
Amiens , chez la veuve François et Godard.
Arras , shez C. Duchamp , et chez Barbier.
Orleans , chez Rouzeaux.
Angers , chez Fourreau et à la Poste.
Chartres , chez Fetil , et chez J. Roux.
Dijon , chez la veuve Armil , et à la Poste.
Versailles , chez Monnier , et chez Marié.
Besançon , chez Briffaut , et à la Foste.
Saint Germain , chez Chavepeyre.
Lyon , à la Poste.
Reims , chez De Saint .
Vitry-le-François , chez Vitalis.
Beauvais , chez De Saint.
Douay , chez Willerval.
Charleville , chez P. Thesin.
Moulins , chez Faure.
Mâcon , chez De Saint , fils ,
Mets , chez Barbier.
Boulogne-sur-Mer , chez Parassol
Nancy , chez Nicolas.
Saint Omer , chez Jean Huguet.
DE FRANCE ,
1 1
DEDIE AU ROT.
NOVEMBRE. 1738 .
RICOLLIGIT
SPARGIT
Chés
Tapillon
A PARIS ,
GUILLAUME CAVELIER ;
ruë S. Jacques.
La Veuve PISSOT , Quay
à la defcente du Pont Neuf.
de Conty
JEAN DE NULLY , au Palais,
M. DCC. XXXVIII.
Avec Aprobation & Privilege du Roy
4. N. V YORKİ
UBLIC
LIBRARI
$ 35272
ASTOR , LENOX AND A VIS.
TILDEN FOUNDATIONS
1905
ADRESSE generale eft à
Monfieur MOREAU , Commis au
Mercure vis - à - vis la Comédie Francaife
, à Paris. Ceux qui pour leur commodité
voudront remettre leurs Paquets cachetés
aux Libraires qui vendent le Mercure,
à Paris , peuventfe fervir de cette voye
pour lesfaire tenir.
On prie très- inflamment , quand on adreffe
des Lettres on Paquets par la Pofte , d'avoir
foin d'en affranchir le Port , comme cela s'eft
toujours pratiqué , afin d'épargner , à nous
le déplaifir de les rebuter , & à ceux qui
les envoyent , celui , non-feulement de ne
pas voir paroître leurs Ouvrages , mais.
même de les perdre , s'ils n'en ont pas gardė
de copie.
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les Particuliers qui fouhaiteront
avoir le Mercure de France de la premiere
main , & plus promptement , n'auront
qu'à donner leurs adreffes à M. Moreau ,
qui aura foin de faire leurs Paquets fans
perte de temps , & de les faire porter sur
T'heure à la Pofte , on aux Meffageries qu'on
lui indiquera.
PRIX XX X. SOLS.
MERCURE
DE
FRANCE ,
DEDIE AU
ROT.
NOVEMBRE. 1738 ,
PIECES
FUGITIVES;
en Vers et en Prose.
O D E.
Tirée du Pseaume X111. contre les Athées:
A folle iniquité démentant l'évidence,
Dit que c'est le hazard qui crée & qui
produit ,
Et que du Dieu puissant l'éternelle
existence ,
N'est qu'un Conte qui nous séduit ;
Sur l'Autel de l'erreur, Prêtre, ensemble & victime,
L'incrédule s'immole & se dévoue au crime ;
A ij Coure
2308 MERCURE DE FRANCE
SHIP
Contre lui le remords s'est tû.
C'en est fait ; il s'égare &, sa perte est certaine ;
La Nature qu'il suit le captive & l'entraîne
Loin du chemin de la vertu .
*
Prêt à venger le Ciel des forfaits de la Terre ,
Dieu semble respecter le sang qu'il va verser ;
La voix de son amour arrête le Tonnerre ,
Qui partoit pour nous écraser.
Voyons , dit- il , voyons , si de l'humaine race
Il est encor quelqu'un , qui , fidele à ma-grace ,
Ne cherche qu'en moi son soûtien ?
A ces mots l'Univers se découvre à sa vûë ;
Quel Spectacle partout la Terre est corrompue,
Et Personne ne fait le bien.
*
Interprete attentif du mensonge & du vice ,
La bouche de l'impie est un sépulchre ouvert
Dont l'air contagieux obscurcit la justice ,
Sans que rien l'en mette à couvert .
Sa langue, que conduit l'imposture , l'adresse
Ne donne à ses discours une feinte sagesse ,
Que pour mieux tromper l'innocent ;
De l'Aspic irrité la morsure subțile
Es , malgré son venin , à guérir plus facile ,
Que la morsure de sa dent
-I
NOVEMBRE. 1738. 2309
L'un sur l'autre, acharnés par de sanglans outrages,
De l'avide Discorde ils nourrissent les feux ;
Et leur main exercée à d'horribles carnages >
Fait voler la Mort devant eux .
En vain pour étouffer cette guerre homicide ,
Dieu menace les jours de ce Peuple perfide ;
Ils ne craignent point le danger.
-
De l'Etre souverain , qu'ils traitent de chimere ,
Ils vont par leurs regards souiller le Sanctuaire LEt
le forcent à se venger.
܀
Ne fera-t'il jamais de retour sur lui- même ,
Ce Peuple criminel qui dévore tes Saints ?
Souffriras-tu , Seigneur , que fon affreux systême
Traverse tes pieux desseins ?
Ton culte méprisé , tes Loix presque abolies ,
Ton Nom même, ton Nom, mis au rang des folies
Doivent allumer ton courroux ;
Sur un Monde d'ingrats , Seigneur, lance ta foudre ;
Que l'orgueilleux confus tombe réduit en poudre ,
Sous la pesanteur de tes coups !
*
Pourquoi vouloir encor écouter ta clémence ,
Quand l'homme met le comble à son impieté ?
Annonce à l'Univers ce jour , où ta vengeance
"
Doit succeder à ta bonté .
A iij.
Alors
2310 MERCURE DE FRANCE.
Alors , que deviendra l'intrépide courage
De ce fier insensé , qui ne bravoit l'orage.
Que parce qu'il étoit au Port ?
A l'aspect de l'Autel , victime gémissante ,
Il mourra mille fois de crainte & d'épouvante ,
Avant qu'il reçoive la mort.
*
Dans l'éternel séjour , près de ce Trône auguste ,
D'où Dieu fera subir ses Jugemens rendus ,
Paroîtront sans effroi l'Indigent & le Juste ,
Aux yeux des Méchans confondus.
C'est donc là , diront- ils , qu'on va briser la chaîné
De ces hommes sans nom , qui contre notre haine
N'avoient que leur Dicu pour apui ?
Quel changement ! les pleurs font place à l'allégresse
;
Et ce Dieu qu'ils ont cru , n'accorde sa tendresse ,
Qu'à ceux qui n'esperent qu'en lui .
*
Mais qui fera sortir cette lumiere pure ,
Qui doit de l'innocence éclairer le destin
Ce sera le Seigneur ; son serment m'en assûre
Est- il un gage plus certain ?
Quand j'aurai délivré la Nation captive ,
De l'homme impur , dit- il , la voix triste & plaintive
,
Ne sçauroit attendrir mon coeur ;
Et
NOVEMBRE. 1738. 2311
Et tandis que mon Peuple aura part à ma gloire ,.
De ces feux éternels , qu'il n'a pas voulu croire ,
L'ingrat sentira la rigueur.
****************
LETTRE de M. L. B. Capitaine de l'a
Milice Bourgeoise à Joigny , sur la dévotion
des Rois de France à la Sainte Vierge.
M
très-
On intention n'est pas , Monsieur
de raporter ici les Evenemens mira-
1 culeux , qui sont arrivés et qui arrivent encore
tous les jours par Fintercession de la
Mere du Sauveur. Il'n'y a presque point de
Livres de piété qui n'en parlent : point , ou
s-peu de Villes dans le Monde chrétien
où la Sainte Vierge n'ait des Temples , célébres
par une multitude de merveilles opé
rées par cette puissante intercession. Ce que
j'ai médité d'écrire , n'est point non plus la
pieuse confiance , que les principaux Poten
tats de l'Europe ont marqué dans tous les
temps pour la Reine du Ciel je n'ai dessein.
que de citer quelques Traits de l'insigne
dévotion; qu'ont eu envers elle les Rois de
France.
Je crois devoir d'abord observer que la
dévotion à la Sainte Vierge a été si grande
en France dans tous les temps , que
A iiij
l'on y
voit
2312 MERCURE DE FRANCE
voit six Eglises Métropolitaines et trentetrois
Cathédrales qui portent son nom ; et il
y a aparence , qu'aucune des anciennes Cathédrales
du Royaume n'étoit sans quelque
Edifice sous son invocation. Je remarquerai
aussi que nos Rois se font un honneur à
leur Avenement à la Couronne de s'avoüer
les Vassaux de la Vierge , par le tribut volontaire
d'un Coeur d'or massif du poids de
deux mille Ecus , qu'ils offrent à Notre-
Dame de Boulogne sur Mer. ( Belle-Foreft ,
Annal. de France. ) Depuis , et à l'imitation
de Louis XI six de nos Rois ont voulu
être de la Confrairie de Notre- Dame de
S. Cloud lès-Paris . ( Dubreuil , Antiquités de
Paris , Livre IV. )
Pour garder l'ordre convenable dans ce
que j'ai à dire , je commencerai je commencerai par le
GRAND CLOVIS . Ce que fit ce Prince étoit
un préliminaire de ce que les Rois ses Successeurs
devoient faire un jour. Quelquesuns
parmi les François , assûrent que ce premier
Monarque Chrétien fit bâtir Notre-
Dame d'Argenteuil près Paris l'an 501. Chil
debert son Fils jetta les premiers fondemens
de la Cathédrale de Paris sous le titre de
Notre- Dame , qu'elle a toujours porté. Charlemagne
donna à Aix -la - Chapelle des marques
de sa dévotion envers la Sainte Vierge ,
et Charles le Chauve, son Petit - Fils , à Notre-
Dame
NOVEMBRE . 1738 .
2313
Dame de Chartres. ( Ferrcolus Locrius Lib.
V. Maria Augufta , C. XXVII. )
Le Roy Robert ( Dubreuil. ) fit bâtir l'an
996. l'Eglise de N. D. de Bonnes Nouvelles,
au lieu même où il avoit apris la bonne
nouvelle que son Pere Hugues Capet avoit
évité la mort. Le même Roy fonda en 1022."
une Chapelle en l'honneur de N. D. au lieu
où est aujourd'hui la Sainte Chapelle ; (idem . )
il avoit coûtume de dire , que la Ste Vierge
étoit l'Etoile de son Royaume. Il institua de
plus 30. Chevaliers de N. D. de l'Etoile.
( Dubreuil Favin . Hist. de Navarre. )
S. Louis donna l'Image célébre de N. D.
du Puy en Velay. ( Odo Gisseus. D.Virg. ,
Aniciensis, Lib. 2. Cap. 7.8.9 . ) On tient que
c'est un présent que lui avoit fait le Sultan
d'Egypte dans son Voyage d'Outremer.
Le même Prince donna aux Chartreux
de Paris , (Dubreuil Théatre des Ant. Liv.2. )
le Lieu où est bâtie l'Eglise de leur Monastere
en l'honneur de la Sainte Vierge ,
lequel ne pouvoit être habité , à cause
d'un malin Esprit qu'on disoit y faire sa résidence
, et qu'on apelloit communément le
Diable deVauvert.
Philipe Auguste, ( Carta Tabularii de Victoria.
) en reconnoissance de la Victoire qu'il
remporta sur l'Empereur Othon IV. en la
Journée de Bovines l'an 1214. fit jetter les.
Ay fan
し
2314 MERCURE DE FRANCE
•
fondemens de l'Abbaye de N. D. de la Vietoire
, près Senlis l'an 1222 .
La Reine Blanche de Castille , Mere du Roy
S. Louis , fonda en 1241. l'Abbaye de N. D.
de Maubuisson , à 7. lieuës de Paris , et vou
lut être inhumée en l'Eglise de cette Abbaye
, où elle avoit pris l'Habit de Religieuse.
Elle fonda encore près de Melun, Diocèse
de Sens , l'Abbaye du Lis , de l'Ordre de
Cîteaux , dont Alix de Vienne , Cousine de
la Fondatrice , fut la premiere Abbesse .
( Gallia Christ. tom. 4. ) J'aurois trop de
choses à dire sur S. Louis , si je voulois m'étendre
sur les marques qu'il donna de sa dévotion
envers la Sainte Vierge .
La B.Elizabeth de France sa Soeur,fonda l'an
1261. le Monastere de N. D. de Lonchamp
dit de l'Humilité,près Paris. ( Gallia Christ.
y
Philipe le Bel ( Sebaft. Rouillard Chap.6. )
remporta l'an 1304. une signalée Victoire
sur les Flamands , après s'être recommandé
à N. D. En reconnoissance il donna à per- .
petuité à la Cathédrale de Chartres la Seigneurie
de Barres , & laissa à cette Eglise
les dépouilles de cette glorieuse Journée.
En 1328. Philipe de Valois , ( Locrius Ma
ria Augufta Lib. 4. Cap.68. ) entouré de Flamands
, vers le Mont - Cassel , eut recours à
la S inte Vierge , qui le délivra. du danger
où il se trouvoit. Ce Prince donna plusieurs
marques
NOVEMBRE. 1738. 2325
,
marques de sa reconnoissance entre lesquelles
fut le Don de 100. liv. de rente à
l'Eglise de N. D. de Paris , sur son Domaine
du Gâtinois.
Louis XI. se signala particulierement par
sa dévotion envers la Sainte Vierge . Il voulut
être inhumé à N. D. de Clery ( Locrius
Maria Augufta Lib . 4. Cap . 68. ) à quatre
lieues d'Orleans , dont il avoit fait rétablir
eir 1483. l'Eglise dédiée à Notre Dame, que
les Anglois avoient ruinée en 1428. Il établit
la pieuse coûtume que nous avons de
saluer trois fois le jour la Sainte Vierge.
Philipe de Comines remarque qu'il en portoit
toujours l'Image sur lui .
François I. fit faire une Statue d'argent
de la Sainte Vierge , qu'il fit placer au
coin de la , rue des Rosiers à Paris en 1545.
Dubreuil Lib. 3. )
Henry H. fit remettre celle dé N. D. dễ
Boulogne l'an 1544.
que
J'ajoûterai que l'Edifice de N. D. de Paris
renferme en lui une preuve particuliere de
I dévotion de trois de nos Rois . J'ai déja
dit Childebert en fit jetter les premiers
fondemens en 522. Ce Monument fut continué
par S. Louis , qui l'augmenta en 12575-
au même Lieu , sur les fondemens ¹que le:
Roy Philipe Auguste en avoit jetté l'an
Avj En .
1191
=
2316 MERCURE DE FRANCE
En voila je crois assés , M. pour ne point
exceder certaines bornes ; d'ailleurs il n'est
pas besoin de raporter des choses qui sont
sous les yeux de tout le Monde : je ne dirai
donc rien de la pieté singuliere de la Reine
Marie de Médicis , Mere du Roy Louis XIII .
envers la Sainte Vierge , de celle de ce Monarque
, et des Rois ses Successeurs.
Vous aurez sans doute reçû de quelques
Villes le détail des Cérémonies extraordinaires
qui s'y seront faites en cette présente année
, la centiéme depuis le choix qu'a fait
Louis XIII. de la Sainte Vierge pour la Patrone
et la Protectrice de sa Personne Royale
et de ses Etats. Ce que je puis dire de notre
Ville de Joigny, c'est qu'elle s'est distinguée.
entre les autres de ce Pays, ayant été des premieres
informée des Ordres de Sa M. par le
Mandement que M.l'Archevêque de Sens y a
donné pour tout son Diocèse, où il exhorte,
avec cette pieuse Eloquence & si universellement
aplaudie , à célebrer les huit jours de
l'Octave , d'une maniere encore plus solemnelle
que les années précédentes.
Je suis , Monsieur , & c.
Afoigny ce 16. Août 1738.
ODE
NOVEMBRE. 1738. 2317
ODE Imitée d'HORACE . Mercuri
( nam te docilis , &c.
Mercure , inspire-moi . Docile à tes maximes
Amphion ton Eleve , eut jadis le pouvoir
D'exciter par ses Chants , harmonieux , sublimes ,
Les Rochers même à se mouvoir
*
Et toi , Lyre autrefois inutile et muette
Mais dont on admira le charme séduisant ,
Aussi -tôt que ce Dieu , pour te rendre parfaite ,
De sept cordes t'eut fait présent.
*
Toi , qui combles les coeurs d'un plaisir indicible ,
A la Table des Grands ,dans les Temples des Dieux›
Puisse la fiere Lyde être aujourd'hui sensible
A tes accords mélodieux .
Tu peux par leur douceur entraîner à ta suite
Les Monts et les Forêts , les Tygres et les Ours:
Des Fleuves , des Ruisseaux les plus prompts dans
leur fuite ,
Tu sçais l'art d'enchaîner le cours.
Muni de trois gosiers , écumant de colere ,
Garde
2318 MERCURE DE FRANCE
<
Garde affreux d'un séjour aux vivans interdit
Herissé de serpens , le terrible Cerbere
Ates soas flateurs se rendit.
334
Ixion , Tityus , que leurs apas toucherent ,
Tressaillirent de joye au milieu des tourmens ,
Et des Brus d'Egyptus les Urnes se séchérent ,
Immobiles quelques momens .
*
y
Qu'aujourd'hui Lyde écoute et leur crime perfide' ,
Et la juste rigueur du châtiment divin ,
Qui les force à remplir un tonneau toujours vuide ,.
Et rend leur travail toujours vain .
*
Ces Monstres ( que peut- on oser de plus atroce ? )
Ges Monstres, que le Ciel poursuit jusqu'en Enfer
Oberent , ô noirceur ! ô cruauté feroce ! .
Perdre leurs Maris par le fer ..
X
Pour conserver le siën , une entre autres insigne
Trahissant noblement le dessein paternel ,
Du flambeau nuptial seule se montra digne ,
Er rendit son nom éternel..
*
Leve- toicher Epoux ,d'un long sommeil , dit- elle ,
» HâteNOVEMBRE.
1738. 2319
» Hâte-toi , malheureux , d'éviter les horreurs ;
Leve- toi ; trompe ainsi ton beau - pere infidele ,
Trompe ainsi mes barbares Soeurs.
ג כ
*
Helas ! telles qu'on voit des Lionnes farouches
» Déchirer les Agneaux dans leur ardent courroux ,
Telles en ce moment, elles soüillent leurs Couches
» Du sang de leurs jeunes Epoux .
*
Ah ! je suis plus humaine, et j'ai trop de tendresse,
Pour pouvoir me résoudre à te percer le sein.
Moi te trahir ! Non , non : Si j'en fis la promesse ,
Je n'en eus jamais le dessein . 23
20
» Cher Epoux , que mon Pere , en me chargeant de
chaînes ,
»Me punisse demain de t'avoir épargné ;
22
22
Qu'il m'éxile, s'il veut, dans les sauvages Plaines
» Du Climat le plus éloigné.
*
Etpar terre ; et par mer , va , dérobe ta view
»A l'inhumanité d'un attentat affreux ;
»La nuit te favorise , et Venus t'y convie ;
Va , fui sous un auspice heureux.
Adieur .
2320 MERCURE DE FRANCE
» Adieu ; mais daigne au moins conserver la memoire
» De ma tendre pitié , de ma constante foi ;
Daigne sur mon tombeau graver un jour l'His-
Lone
» De ce qu'ici je fais pour toi.
Par M.F .....
LETTRE écrite par M. B.... à M. le
Comte de B.. Brigadier des Armées du Roy,
sur les Etudes Militaires.
L
Orsque je pense , Monsieur , que voici
le tetemps auquel vous avez remis lá
continuation de vos Etudes Militaires , je
me veux bien du mal de n'être point à portée
de profiter de vos judicieuses réflexions .
Quel plaisir ne seroit - ce point pour moi,
d'être admis à ces Mysteres , & quel fruit
n'en retirerois-je point ? Privé d'un bien qui
me seroit si nécessaire , je tâche de m'en
rendre les regrets moins sensibles , en redoublant
mon aplication aux choses qui
m'ont attiré vos bontés ; heu.eux si par l'étude
que je fais des grands Hommes qui ont
mérité l'estime de la Posterité , je pouvois
acquerir des connoissances qui me rendissent
digne de la vôtre !
Plutarque , le divin Plutarque , est aujourd'hui
NOVEMBRE. 1738. 2328
d'hui l'objet de mes méditations ; c'est lui
qui m'aprend à ne point décider du mérite
des Généraux par le succès de leurs entre >
prises :: ce n'est en effet ni par des coups hardis
, ni par ces transports téméraires , qui
soûmettent la raison aux caprices de la fortune
, qu'on doit juger de leur capacité.
Rien n'est véritablement grand à la Guerre ,
que ce qui est l'objet d'un grand dessein si
sagement concerté, médité si profondément,
qu'il assûre la réputation de celui qui en est
FAuteur , indépendamment du sort journalier
des Armes. Sur ce pied - là , M. nous
n'admirerons point Alexandre sur les murs
de la Ville des Oxydraques , ni Pyrrhus à
l'attaque de celle d'Erice , montant le premier
à l'assaut ; l'intrépidité qu'ils y firent
paroître , n'est digne d'immortaliser que des
Soldats et des Subaltèrnes. Mais si vous voulez
, M. nous donnerons des louanges infinies
à la lenteur agissante de Fabius ; ce grand
homme qui sçavoit qu'Annibal ne pouvoit
se soûtenir en Italie qu'en donnant des Batailles
, cherchoit sans cesse à les éviter , ou
du moins à ne les engager qu'avec tous les
avantages qui promettent une Victoire certaine
; uniquement attentif à lui couper les
vivres et les fourages , il laissoit au temps ,
toujours ami de ceux qui sçavent en attendre
Fopportunité , le soin de le détruire ; on ne
sçauroit
2322 MERCURE DE FRANCE
sçauroit disconvenir , M. que cette conduite
ne fût très -sage , qu'elle ne fût le résultat
des combinaisons les plus justes ; cependant
qui le croiroit Rome , son Senat & son
Armée étoient alors si dépourvûs d'hommes
capables d'aprécier le mérite , que Fabius fut
généralement accusé de timidité & de poltronerie
; ' c'est à cette disette de gens dignes
de commander , qu'Annibal doit tous ses
succès , & la brillante réputation qu'il at
laissée à la posterité ; desorte , M. qu'à bien.
des égards , je ne le trouve grand que par raport
à la petite capacité des Généraux contre
lesquels il a eu affaire..
L'inexpérience indocile
Du Compagnon de Paul Emile ,,
Fit tout le succès d'Annibal .
En effet , qu'est- ce qu'un Publius Scipion,.
un Minucius , un Flaminius , un Terentius
Varron, que Rome oposa en differens temps:
à Annibal Ces Pèrsonnages ne sont connus:
dans l'Histoire , que par les fautes qu'ils ont
faites ; & l'on peut dire avec vérité , que les
Victoires qu'il remporta contre eux , les ont
couverts de honte , sans relever sa gloire.
Pour bien juger d'Annibal , il faut le voir
aux mains avec Marcellus , avec le Grand
Scipion dans les Plaines de Zama ; c'est iciqu'on
NOVEMBRE. 1738. 2323
qu'on peut dire que le masque tombe , &
que le Heros s'évanouit. Le premier lui donna
tant de peines , que sans l'Embuscade où
il périt malheureusement , on peut juger
qu'il l'eût forcé de prévenir les ordres que
lui donnerent dans la suite les Carthaginois,
d'abandonner l'Italie pour repasser en Afrique.
Dieux ! s'écrioit- il , voyant l'opiniâtreté
avec laquelle Marcellus le poursuivoit ,
que faire , avec un homme que la bonne
fortune n'aveugle point , & que la mauvaise
ne sçauroit décourager ? Vainqueur , il ne.
donne aucun repos à ses ennemis ; & vaincu
, il n'en prend pas pour lui -même . Il
faut donc se résoudre à combatre éternellement
avec un ennemi à qui la gloire & la
honte inspirent une égale audace. Si ce , dis-,
cours d'Annibal n'est l'aveu d'une superiorité
de génie & de courage dans son Antagoniste
, il annonce du moins une crainte facheuse
des Evenemens ; & l'on peut en conve
nir,sans que sa réputation en souffre ,puisqu'il
ne futjamais honteux à la vertu de plier sous
l'effort d'une plus grande vertu ; mais il
P'est extremement de se laisser battre
par un
Ennemi qui nous est inferieur en nombre de
plus de la moitié , & cela dans une Plaine
rase & découverte, où l'on peut s'étendre &
profiter de ses avantages. Eh bien , M. c'est
pourtant ce qui arriva à Annibal contre Scipas
pion
2324 MERGURE DE FRANCE
CLSitoCgrDGauoueamdsBnranaaogilaLmtreyeilereoenr&ciesnrcrsse.
miniler
Ligne Ler offriqua insetter car thaGenois
Dvne
3 Lignaalignete plus Dom stade derdeise
autres Les troupes venilesdj talies auec AnnibaĻ
□□□□□□□□(
000
ΠΑΠ
Ditalic
□□□□□□o
LTersainer
PLreisncess
LoulesHarlavier
5 LenElephan
2Lesarmees alalefiere
000
Armie des Romains
MSianis
Cavaleriedes Numid
inavec la
NOVEMBRE . 1738. 2325
pion à la Bataille de Zama ; la défaite du
Général Carthaginois ne fut point un effet de
sa mauvaise fortune , comme on a voulu le
persuader pendant un si long- temps , on ne
doit l'attribuer qu'au défaut de son ordre de
Bataille,, fait contre toutes les regles du bon
sens. Polybe & Tite Live ont beau nous
vanter la grande capacité dont il donna
disent -ils , des preuves dans cette Journée ;
leur autorité , quelque respectable qu'elle
soit , n'est d'aucun poids contre la vérité
démontrée ; on peut la regarder comme décisive,
quand il ne s'agira que des Faits , c'est
tout ce que l'Historien le plus jaloux de sa
réputation peut exiger de la Posterité . Que
ces Auteurs donc nous fassent la relation de
la Journée de Zama , qu'ils nous disent que
les deux Armées étoient disposées de telle &
telle maniere , je les en crois sur leur parole;
mais quand ils jugent que l'ordre dans lequel
Annibal se rangea , étoit un chef- d'oeuvre de
Science militaire , je puis leur dire : Ni votre
jugement , ni celui de Scipion même
qui disoit qu'au milieu de sa gloire il por
toit envie à la capacité du vaincu , ne prescrivent
point contre la raison , qui est la regle
de tous les temps.
J'avoue , M. que pour attaquer une opinion
, qui , sur la foi des plus célebres Historiens
, après avoir passé de siécle en siècle.
est
2326 MERCURE DE FRANCE
est devenue une espece de dogme ; que pour
en démontrer la fausseté , il ne falloit pas
moins qu'un homme qui joignit à des lumieres
superieures , cette noble témerité que
M.de Fontenelle apelle le courage de l'esprit,
courage rare,même parmi ceux qui ont celui
du coeur , cet homme s'est trouvé , c'est le
célebre Chevalier Talaret ; ce judicieux &
sçavant critique , n'a pas craint d'avancer
qu'Annibal avoit fait à Zama des fautes qu'on
dans n'excuseroit pas le moindre Officier
il est même allé jusqu'à dire que la tête lui
avoit tourné ; & ce qu'il y a de singulier ,
c'est que les preuves qu'il en donne , sont
fondées sur la description même que Polybe
& Tite- Live nous ont donnée de cet ordre
de Bataille ; permettez que j'en expose ici le
Plan à vos yeux .
Voila , M. cette disposition tant exaltée ,
mais que j'ose dire être sans exemple dans
T'Histoire , & dont l'inspection sans le secours
du raisonnement suffiroit
› pour en
faire voir les défauts ; se ranger sur trois lignes
de Phalanges sans intervalles , c'est
vouloir empêcher qu'elles combatent successivement
, & se priver par consequent de
l'unique avantage de cette disposition , à
moins qu'on ne voulut ruser à ses lignes , ou
les faire doubler & tripler à la queuë les
unes des autres ; en ce cas encore les intervalles
NOVEMBRE . 1738. 2327
valles ne pourroient que favoriser ces mouvemens
; en les observant , Annibal se seroit
trouvé rangé en Phalange coupée , qui après
l'ordre par colonnes , est tout ce que nous
connoissons de plus respectable , sans compter,
que par ce moyen son front devenant plus
étendu , le mettoit en état de se replier sur
les flancs de son Ennemi. Ces avantages qui
auroient du naturellement se présenter à son
esprit, ne s'y firent point sentir; il oublia même
d'inserer des pelotons de sesArmés à la legere.
dans les intervalles des Escadrons de sa Cavalerie
, aussi fut-elle d'abord emportée & mife
en fuite par Lelius & Massinissa , qui de leur
côté firent une faute très - considerable ; car
au lieu de détacher seulement quelques
troupes après les fuyards , & de tomber avec
le reste de leurs forces sur l'île de la Phalange
, ils s'abandonnerent imprudemment à
les poursuivre. Le Prince Robert , pour être
tombé dans la même faute trois fois consécutivement
, a été cause de la perte de trois
grandes Batailles décisives , & de la ruine
totale du Parti de Charles II . Roy d'Angleterre.
Enfin , M. il ne paroît pas que pendant
toute l'Action , Annibal ait eu d'autre
dessein que de faire combattre ses trois Lignes
alternativement ; il s'imagina que sa
premiere , ou tout au moins sa seconde ,
mousseroit cette pointe de courage , cette
ardeur
1323 MERCURE
DE FRANCE
ardeur qui contribuë si fort au gain des Batailles
, & que les Romains ne pourroient
arriver sur sa troisiéme , que fatigués & recrus
; & dans ce desordre que produit ordinairement
la poursuite des vaincus , il se
proposoit d'en avoir alors bon marché , en
tombant sur eux avec tout le poids de sa
Phalange , composée de l'élite de ses Troupes
qu'il commandoit en personne ; l'Evcnement
ne répondit pas à son attente , & dut
lui faire connoître qu'il avoit mal raisonné.
Scipion avec une Armée inférieure de moitié
à la sienne , comme je l'ai déja dit , mais
dont la disposition plus rusée & plus profonde
, réparoit avantageusement
le défaut
du nombre , fit voir par un Exemple mémorable
, que le petit, bien conduit , l'emporte
sur le grand mal ordonné. Les Elephans
d'Annibal ne se furent pas plutôt écoulés par
les espaces que son Antagoniste avoit ména
gés exprès entre les colonnes , qu'elles choquerent
avec impetuosité la premiere Ligne
des Carthaginois. Ceux- ci , malgré leur résistance
opiniâtre , & leur valeur desesperée,
furent contraints de céder à une attaque dont
la violence est une suite nécessaire de la disposition
par colonnes , à laquelle il est impossible
de résister , si l'on est rangé dans un
ordre semblable.La premiere étant défaite se
jetta sur la seconde, au travers de laquelle vou
lant
NOVEMBRE . 1738. 2329
lant se faire jour par le secours des armes
au défaut d'une issue pour se retirer , elle y
porta le desordre et l'effroi , et la mit dans
une confusion si grande , qu'il fut facile aux
Romains d'achever de la dissiper ; cette seconde
eut été à l'égard de la troisiéme , ce
que la premiere avoit été au sien , si Annibal
voyant cette troupe de fuyards prête à tomber
sur lui , n'eût fait baisser les piques contre
eux , ce qui en fit périr une partie , et
l'autre se retira le long des aîles de sa Ligne ;
sur ces entrefaites arrivent les colonnes
victorieuses qui donnent un nouveau combat
, plus terrible que les deux premiers , le
succès en fut long-temps incertain ; mais
Massinissa et Lelius revenant de la poursuite
de la Cavalerie , tomberent si à propos sur
les derrieres de la Phalange , qu'enfin les
Carthaginois accablés de toutes parts , furent
défaits de la façon du monde la plus com
plette , & perdirent pour jamais l'esperance
de disputer aux Romains l'Empire de l'Uni
vers.
,
Je crois , M. que vous conviendrez que
si Annibal fut battu en cette occasion , il
méritoit bien de l'être , pour n'avoir mis en
usage aucun des moyens qui pouvoient l'en
préserver car sa disposition , toute miserable
qu'elle étoit , lui laissoit encore des ressources
, et peut-être eut-il rétabli ses affai-
B res !
2330 MERCURE DE FRANCE
res , s'il avoit sçû tirer de cette disposition
les avantages dont elle étoit susceptible ; rien
n'étoit plus facile , il ne s'agissoit pour cela ,
pendant que fa premiere Ligne étoit aux
mains , que de faire marcher sa seconde mipartie
par ses aîles à droit et à gauche , et la
replier ensuite sur les flancs et sur les derrieres
de l'ennemi , qui se fut trouvé bien embarassé
, surtout la troisiéme Ligne venant
Pattaquer de front. Il est encore d'autres
manoeuvres , que les Militaires intelligens
verront bien qu'il eût dû employer. Pourquoi
ne le fit-il pas ? Disons pour la consolation
de ses admirateurs , que l'ascendang
que Scipion prit sur lui , l'aveugla et lui fit
perdre la tramontane , et que
;
T
Du Conful Scipion l'aftre prédominant
Diffipa d'Annibal le bonheur étonnant,
J'avois résolu , M. de terminer ici mes ré
flexions sur Annibal ; mais je m'aperçois que
ses partisans pourroient me reprocher d'a
voir, de dessein prémédité , passé sous silen
ce fon Expédition d'Italie , pour ne m'atta
cher qu'à la malheureuse Bataille de Zama.
Je serois bien tenté , pour me juftifier de ce
reproche , d'entrer ici dans un ample détail
de toute cette Expédition ; mais je sens que
cette Lettre n'est déja que trop longue , et je
crains surtout de vous ennuyer. Ainsi dans
ไม่
NOVEMBRE. 1738. 2330
la nécessité où je suis de faire en quelque
façon mon apologie , je l'abregerai le plus
qu'il me sera possible.
Cette fameuse diversiorf qui a tant fait
d'honneur à Annibal , croyez - vous , M. que
ce fut un projet bien sensé ? Sans le succès
brillant dont elle a été suivie , il n'est personne
qui ne la condamnât ; et ce succès
n'impose point aux gens qui pensent autrement
que le vulgaire. Tout le monde sçait
les risques qu'Annibal courut au passage des
Alpes , dont il ne se sauva que par une espece
de miracle ; cependant je veux bien lui
pardonner les maux où il exposa son Armée,
et l'état miserable où la réduisirent la faim ,
la soif , les rigueurs du climat , et les difficultés
presque insurmontables du terrain ;
mais il faudroit avoir un grand fond d'indulgence
, pour l'excuser de s'être confié
aussi légerement qu'il fit, aux Allobroges ; ces
Peuples perfides lui firent voir * qu'un Général
qui s'endort sur la foi des Traités , s'éveille
dupe : il se livra si indiscretement à eux, qu'il
les prit pour guides , et se laissa conduire
dans un Valon bordé de toutes parts par des
Rochers inaccessibles , sans user des précautions
qu'on ne doit jamais manquer de prendre
en pareille occurence , qui sont de s'em-
* Commentaire sur Polybe.
Bij parer
2332 MERCURE DE FRANCE
parer du sommet des Montagnes qui domi
nent sur la marche , et d'aller de hauteur en
hauteur à mesure que l'Armée avance : cette
faute inexcusable lui coûta bien cher ; car
les Allobroges le voyant engagé dans un pas
si dangereux , vinrent, une partie à l'improviste
, l'attaquer de front , pendant que les
autres , du haut des Rochers , lui rouloient
et lançoient des pierres dont il pensa être
accablé à ses flancs. Il est certain qu'il fut
réduit à l'extrémité
et que si ce Valon ne
fut pas le tombeau de son Armée , c'est uniquement
parce que la valeur du Soldat , répara
l'imprudence du Général.
Echapé de ce danger , il se trouva dans un
autre qui n'étoit pas moins pressant, et où il
cût infailliblement succombé , si les Romains
avoient eu un Consul un peu moins ignorant
à saisir ses avantages , et qui au lieu d'attendre
Annibal sur les bords du Tesin , se
fût transporté à l'entrée des défilés pour le
combattre au débouché , on ne sçauroit douter
qu'il n'eût péri dans les Montagnes avec
toute son Armée ; il n'est personne qui n'avoie
encore , & Annibal en convint luimême,
quand les Carthaginois le rapellerent
d'Italie , qu'il fit une faute grossiere , lorsqu'après
la Bataille de Cannes , il manqua
d'aller à Rome , malgré les conseils de Madherbal
, qui lui promettoit de le faire souper
dans
NOVEMBRE. 1738 2335
"
dans trois jours au Capitole.
Un Auteur respectable par sa vertu , et
généralement estimé , a trouvé des raisons
pour l'excuser , je ne sçais où il les a prises :
Polybe et Tite-Live ne sont point de son sentiment
; un passage du dernier va vous le
prouver , en même temps qu'il servira à
donner une nouvelle atteinte à la réputation
d'Annibal , c'est au sujet des Délices de
Capouë. Le Carthaginois honteux de n'avoir
pu forcer les murs de la petite Ville de
Casilin , fit fortifier son Camp , et y laissa
quelques Troupes , pour ne pas faire croire
qu'il avoit levé le Siége , et alla , dit Tite-
Live , * hyverner dans Capone' ; il y fit loger
la plus grande partie de son Armée qui avoit
long temps résisté à tous les maux qui peuvent
attaquer les hommes , et n'avoit jamais connu
ni les biens , ni les délices . Ainsi les trop grands
biens et les voluptés déreglées surmonterent ceux
que la violence des maux n'avoit jamais pu
surmonter ; et les surmonterent d'autant plus
facilement , que ne les ayant jamais goûtées , ils
s'y précipitoient d'eux- mêmes avec plus d'avidité.
Le sommeil , le vin les viandes , les
femmes , les bains , l'oisiveté , et enfin tous les
autres vices de la paix , que l'habitude leur
faisoit trouver de jour en jour plus agreables
énerverent de telle sorte leurs corps et leur cou
* Traduction de Durier.
,
Biij rage
2334 MERCURE DE FRANCE
rage , que depuis ils se conserverent plutôt par
la réputation de leurs victoires , que de leurs
forces et cette faute qui venoit du Chef, ( faites
attention , s'il vous plaît ) fut estimée beaucoup
plus grande par ceux qui sont sçavans
dans la Guerre , que celle qu'il avoit déja faite,
lorsqu'après la Bataille de Cannes ,
il ne mena
pas aussi tôt son Armée à Rome . En effet , on
pourroit dire que ce retardement avoit seulement
differé la Victoire ; mais que cette faute
lui avoit ôté les forces qui étoient capables
de l'obtenir. Et certes , depuis ce temps-là ;
comme s'il fût sorti de Capone avec une autre
Armée la sienne , il n'observa plus rien du
tout de la discipline militaire qu'il avoit toujours
suivie : la plupart de ses gens qui avoient
fait des amourettes dans Capone , y retournerent
set aussi-tôt qu'ilfallut recommencer à l'oger
sous des tentes , et à se remettre en chemin et
dans le travail de la Guerre , le corps et le
courage leur manqua , comme à des jeunes Soldats
qui n'auroient jamais porté les armes ; et
ensuite durant tout été ils quittoient sans congé
leurs Compagnies et leurs Enseignes , et la Ville
deCapone étoit la seule retraite où ces deserteurs
venoient se cacher. -
que
;
Après un pareil relâchement dans la discipline
, et une conduite ſi flétrissante , ne conviendrez
- vous pas , M. qu'Annibal est bien
au-dessous de sa réputation ? Sçavoir vaincre,'
esz
NOVEMBRE 1738. 2335
est quelque chose en effet , mais tout homme
qui ignore l'art de tirer avantage de ses
heureux succès , ne passera jamais dans l'esprit
des gens qui pensent , que pour un Général
médiocre , et peut-être très- médiocre ,
M. de Turenne et le grand Condé comp
toient pour rien tout ce qu'ils avoient fait
tant qu'il leur restoit encore quelque chose à
faire c'étoit la maxime de César : voyez ce
dernier dans les Plaines de Pharsale * Il n'eus
pas plutôt vaincu Pompée , qu'aussi - tôt il marche
a l'infulte de son Camp qu'il emporte ; ce
n'est point encore assés , il suit son Ennemi sans
relache ; et à marche forcée , il l'oblige de monter
sur mer , il y monte aussi , et avec la même
promptitude , depeur qu'il ne lui échape .
Quelle oposition de conduite , M. entre
celle de ce célebre Romain , et celle du
Carthaginois ! Je la trouve bien humiliante
pour les admirateurs duVainqueur deVarron ;
mais il n'est pas possible de la passer sous
silence , c'est une trop belle leçon pour les
Victorieux qui ne le sont qu'à demi.
Les délices de Capouë , & Pinaction dang
laquelle Annibal demeura après la Bataille de
Cannes,sont des fautes d'autant plus grandes,
qu'elles sont décisives ; on n'en voit point de
plus capitale dans l'Histoire , si ce n'est celle
où ce même Général tomba quelques années
* Commentaire sur Polybe.
В iiij après,
2336 MERCURE DE FRANCE
après , lorsque dans la Pouille , étant à une
petite distance de Neron , il le laissa paisiblement
sortir de son Camp , suivi de la
meilleure partie de ses Troupes , avec lesquelles
, après plusieurs jours de marche , il
joignit celle de Lucius , campée devant la
Ville de Senne , à cinq cent pas d'Asdrubal,
à qui ils livrerent le Combat du Métaure
Combat aussi fatál aux Carthaginois , que la
Bataille de Cannes l'avoit été aux Romains.
Neron Vainqueur partit le lendemain , & se
rendit dans son Camp avec la même tranquillité
, que si l'ennemi en avoit été à cent
lieuës . Que faisoit Annibal alors ? Qu'est- ce
qui l'empêcha d'enlever le Camp du Consul
& de se mettre à ses trousses avec toute son
Armée Il n'eut peut- être pas empêché sa
jonction avec Lucius ; mais pour cela les
Romains n'en auroient pas été en meilleure
posture , puisqu'ils se seroient trouvés entre
deux Armées superieures en nombre , &
commandées par des Généraux dont le nom
seul inspiroit la terreur ; il n'en faut point
douter , les Consuls eussent été défaits l'Italie
perduë & la Guerre finie . Qu'est- ce done
enfin que cet Annibal qu'on nous vante
tant ? C'est un homme qui ne sçût jamais
regler l'état de la Guerre ; qualité sans la
quelle toutes les autres ne sont rien , comme
le fameux Roy de Suede , Charles XII . l'éprouva
NOVEMBRE. 1738 2337
prouva dans son Expédition de Moscovie
un homme qui n'eut jamais que l'esprit de
conquête , sans avoir eu celui de conservation
; qui courut toute l'Italie commè un
Brigand , vivant au jour la journée , sanş
Magasin , sans Places , sans ressource , que
dans le succès incertain des Batailles qu'il gagna
à la vérité presque toujours , mais dont
il ne sçut jamais profiter ; un homme en un
mot , qui dut presque tous ses heureux succès
à la Fortune , & qui lui aida si peu , qu’- ·
elle se lassa enfin de le favoriser : je dis
presque
tous ses heureux succès ; car je ne suis
pas assés injuste , pour lui dérober la gloire
qu'il a acquise en plusieurs occasions , comme
au Siége de Sagunte en Espagne , au Passage
des Marais de Clusium , & sur tout à
celui du Rhône , qui est un chef d'oeuvre de
l'Art , qui ne sçauroit être trop profondément
médité par ceux qui veulent traverser de
grandes Rivieres , malgré un Ennemi qui en
défend les bords..
Je crois, M. qu'après ce que je viens d'exposcr,
on me permettra bien de n'être pas extrémement
touché des talens d'Annibal; ceux de
Sertorius m'affectent infiniment d'avantage :
quelque pressé que je sois de finir , je ne puis
résister à la tentation de vous en dire un mot,,
lorsque je vois ce grand homme se soûtenir
dans un coin de l'Espagne avec très - peu-de :
By Troupes s
2338 MERCURE DE FRANCE
Troupes ramassées à la hâte contre des
Armées nombreuses & aguérries , & commandées
par des Capitaines expérimentés ,
Pompée & Métellus ; j'admire sa haute сара-
cité. Voici l'idée que Plutarque nous en
donne . Quand Metellus , dit-il , cherchoit à
l'engager dans un Combat , il ne pouvoit
l'y réduire, & souffroit tout ce que souffrent
les Vaincus ; & Sertorius en fuyant , avoit
tous les avantages qu'ont ordinairement ceux
qui poursuivent l'Ennemi après une Victoire;,
car il lui coupoit les vivres , les fourages :
Quand Metellus se mettoit en marche , Sertorius
étoit d'abord sur lui , & l'empêchoit
d'avancer ; & quand il étoit campé , il lui
donnoit tant d'allarmes , & le harceloit si
continuellement , qu'il le forçoit de déloger
; s'il mettoit le Siége devant une Place
Sertorius y arrivoit aussi - tôt , & l'assiégeoit:
lui- même par la disette où il le réduisoit.
Que pensez -vous , M. de cette Esquisse des
talens de Sertorius ? Cela ne vaut-il pas bien
les ruses d'Annibal dans les Détroits de Casilinum
, & toutes les courbes saillantes &
rentrantes de la Bataille de Cannes , dans les
quelles les Romains donnerent si grossierement
?
›
Pour finir par où j'ai commencé , j'aurai
Phonneur de vous dire , M. que la lecture
des Ouvrages de Plutarque m'enchante ; le
Chevalier
NOVEMBRE. 1738. 2339.
Chevalier Folard a bien raison , les Anciens
sont nos Maîtres ; les préceptes & les maximes
qu'il en a tirés, tant pour la Guerre que pour
la Politique , ne sont pas un des moindres
ornemens de son Commentaire ; je ne parle
point de la science profonde avec laquelle if
a traité les plus grandes parties du métier des
Armes ; nous ne sommes redevables des ins
tructions qu'il nous donne sur ces matieres ,
qu'à son seulgénie ; & sa Tactique est encore
une découverte presque divinement
inspirée , dont il ne partage la gloire avec
Personne.
Si quelqu'un jettoit par hazard les yeux sur
cette Lettre , & qu'il trouvât étrange que:
j'eusse pris la liberté de dire mon avis sur des
choses aussi graves , que celles dont elle fait
le sujet, & à un homme tel que vous , M.
que de longs services, joints à l'étude la plus
sérieuse mettent en droit d'en décider , je
vous prie de lui dire , que vous avez quelques
bontés pour moi , & que vous me connoissez
trop , pour me croire capable d'en abuser
, & de manquer au respect infini avec
lequel j'ai l'honneur d'être , Monsieur , &c.
A Nantes le 4.
Juin 1738.
B vj EPITRE
2340 MERCURE DE FRANCE
EPITRE
A M. P... Médecin , son ami.
Docteur, pour qui Galien tient ouverts
De son grand Art les secrets les plus chers ,
Et dont les soins mêlés avec l'étude ,
De nous guérir t'ont fait une habitude ,
Daigne m'aprendre en quel asile obscur ,
En quel réduit , quel roc , quel triple mur.
Je dois m'enfuir pour esquiver la presse
De maints fâcheux qui m'obsedent sans cessse
Il n'est recoin dans mon apartement ,
Pour me souftraire à leur acharnement ,
Que je ne tente , où je ne me tapisse ,
En épiant , craintif, l'instant propice
De leur retraite , ô triste paffe-temps ! :
Troupean maudit qui mettez sur les dents
Tous ceux qu'avez une fois pris en chasse
Que ne vient-il , pour ardre cette Race
Un feu gregeois , ou quelque vent infect ,
Qui ne soufflant que sur ce Peuple abject
Nous en délivre , ou du moins les ressere
Dans le Coffret d'ou se sont sur la Terre-
Tant épandus avec les autres maux ,
Dès qu'on leur eut adjugé le campos 2
Padresse
NOVEMBRE. 1738 234
Fadresserois Oremus à Pandore ,
De les tenir en lieu sûr, & les clore ,
Si
que la gent laissât le monde en paix
Tourner , s'ébattre , ou lui donnât relais
A tout le moins le refte de ma vie ;
Car après tout , s'il faut que je le die ,
Qu'importe à moi que mille insectes tels¸-
Après má more affligent les mortels ?
Aux maux , dit-on , un Mört est insensible ;
Partant d'aucun ne serois susceptible ,
Or je foutiens que nul autre aujourd'hui ,
De ces méchans ' n'endure plus d'ennui ,
Que moi fans doute , à qui vingt fois de rage
Eſt avenu de láiffer un ouvrage ,
Soit Epigramme , ou Quatrain , ou Rondeau , ..
Au lendemain & derriere un rideau ,
ર
Ou tout tremblant, sous quelque gros Volume,,
Soudain gliffer encre , papier & plume ,
Pour mettre un maſque à curieux defir
Car tout fâcheux sent un ardent plaifir
A vous troubler par queftion diverse ,
Quand votre esprit à quelque oeuvre s'exerce
Et qu'il vous trouve en main le crayon prêt
Peut-être à faire un rifible portrait ,
De quelque Fát qui vous a sçû déplaire ;
Lors avez beau , rougiffant de colere ,
Lui déguiser le sujet du tableau ,
On
2342 MERCURE DE FRANCE
Ou tout d'abord mettre l'oeuvre en rouleau ;
C'eft soin perdu , le traître vous affiége
Et dût-il être enchâssé dans un siége
Un demi jour , il n'eft ruse , raisons ,
Détour secret cent voeux , cent Oraisons
A l'impudent pour éluder la dette ,
X Tant tout cela semble-t-il de recette
Qui de ses rêts puiffent vous dégager ,
Et peu lui chaut de vous voir déloger ;
Tôt le verrez courir à votre suite ,
Accompagner les pas de votre fuite ,
Vous harceler , vous preffer le côté ,
Et rendre enfin comme un homme hebété ,
. Si , que lui- même enragé du myftere ,
Il vous annonce un adieu salutaire ,
Pour s'en aller peut- être en d'autres Lieux ,
Jouer un rôle encor plus ennuyeux.
Bon , bon , c'est peu pour un noble courage ;
Il faut, dis-tu , te remettre à l'ouvrage ,
Et rapeller ton Apollon troublé ;
Il ne s'eft pas pour toujours envolé .
Quoi ! de ses los te crois-tu si peu digne ,
Qu'il ne revienne encor au premier signe
Je le veux , soit : Mais penses-tu , Docteur ,
Qu'à mon repos un seul perturbateur
Soit destiné ? Plus de cent me poignardent ;
Qui , plus de cent à mon huis s'accagnardent ;
NOVEMBRE. 1738 2343
Er chaque jour , en dûssai - je crever ,
Il me les faut tour à tour esquiver ;
Et n'eft moyen , quoiqu'on en veüille dire ,
De tenir contre , ô le cruel martyre !
D'être livré tous les jours que Dieu fic ,
A cent faquins de pareil accabit ;
Trop mieux que moi , tout autre sans les craindre,
Sur un haut ton auroit l'art de s'en plaindre .
Mais soit coûtume , ou peur de m'attirer
Maints malveillans qui m'iroient dénigrer
Par tous cantons , & même sur ma vie ,
Bien que chacun la sçache assés unie ,
Atout propos épandre leur venin ;
Onc je n'ai pu que d'un front plus benin
Les accueillir , sans que moindre boutade
M'ait échapé , qui pour quelque incartade
Leur ait fourni prétexte à mon égard.
Parquoi d'un doux & gracieux regard
Toujours me suis en toute compagnie
Vû colloquer , non que de mon génie
On ait fait cas , mais pour ma douce humeur
Et suis mari que par fauffe rumeur
Petit grimaut .... Paix -là , Muse bavarde ,
Un jour viendra qu'il aura sa nazarde ,
Suivons - le point de nos premiers discours ,-
Je dirai donc pour reprendre le cours
De l'oraison , que la guerre , ou la pefte ,
1344 MERCURE DE FRANCE
Me semble un mal au monde moins funefte ,
Que d'importuns un concours bigarré ;
Et qu'à Moliere on dut sçavoir bon gré ,
D'avoir jadis par maints traits énergiques ,
Frondé l'engeance en ses Scenes comiques
Non que ce rare & fameux Ecrivain ,
En eûe par- là purgé le genre humain.
Heft , Docteur , des monftrès invincibles ,
Bien tu le sçais , & des maux inflexibles
A tout remede , en quoi je conçois fort ?
Que de son art le merveilleux effort
Devoit faillir , & n'aurois jufte titre
De m'étonner pourquoi dans mon regître
J'en inscris tant , vú que de toutes parts ,
Et de tout temps ils ne furent épars
Que par milliers , encor si la Nature
M'avoit du corps fabriqué la ftructure ,..
Telle qu'au jour j'euffe pu consacter
Le temps préfix où l'on doit se livrer
Entre les bras du Dieu le plus paisible ,
Tout à mon aise en ce metier pénible ,
Où par dégrés Apollon m'a conduit
M'escrimerois, faisant du jour la nuit ,..
Et de la nuit ma tranquille journée , -
Sans craindre plus la troupe forcenée
Qui m'aiguillone , & m'escorte en tous Lieux ; -
Comme on feroit un homme furieux ,,
Qu'ona
NOVEMBRE. 1738. 2341
Qu'on va reclure en quelque Maison forte ,
Pour y mater l'ardeur qui le transporte ; .
Mais las si-tôt que du dernier repas
On a levé les débris en un tas ,
Je sens ma tête à tout inftant baiffée ;
Au moindre bruit en sursaut rehaussée “,
Qui m'avertit par un brusque réveil ,
D'aller jouir des douceurs du sommeil ;
Lors m'affublant le chef à demi chauve ,
Bien qu'encor jeune , & gagnant mon alcôve
Je vais chercher en ce sombre Dortoir ,
Le seul repos qui soit en mon pouvoir.
Ce 7. Juillet 1738. C. B. Lh ....
QUESTIONS importantes jugées au
Parlement de Paris..
SS bration n'eft écrit
I un Mariage , dont l'Acte de célé
bration n'eft écrit que sur une feuille
volante , peut produire des effets civils.
2 °. Si ce Mariage , en le suposant valable,
a pu légitimer un Bâtard'incestueux , né auparavant.
FAIT.
En l'année 1625. Louis d'Aubusson , de
FIllustre Famille d'Aubusson , originaire de
la
2346 MERCURE DE FRANCE
la Province d'Auvergne , fit dans sa Famille
une Substitution graduelle & perpetuelle ;
& mourut laissant plusieurs Enfans , entr'au
tres , François , qui étoit l'Aîné , & un autre
Fils apellé Français -Claude,
François cut cinq Enfans mâles , sçavoir ,
François second du nom , Hiacynthe , Joa,
chim , Jean , & Pierre - Antoine .
"
Les Biens substitués ayant été d'abord recueillis
par François , fils Aîné de Louis , &
ensuite par François 2. du nom , son petitfils
, ce dernier les remit en 1711. à Hyacinthe
, son frere , & Hyacinthe les rétroceda
par le même Acte à Joachim son
cadet.
Joachim d'Aubusson , qui se regardoit
tomme Proprietaire de tous les Biens substi
tués , & Proprietaire libre , parceque les degrés
de l'Ordonnance étoient remplis; assista
en 1726. au Contrat de mariage d'Antoinette
d'Aubusson , sa niéce , qui épousa le Sr de la
Fosse , & lui fit une donation universelle de
tous ses biens , à la réserve de l'usufruit.
Après le décès de Joachim , Antoinette
d'Aubusson & son mari , se mirent en possession
de la Terre de Banson , & autres
biens à eux donnés , & enjoüirent sans trouble
pendant plusieurs années.
Mais en 1734. Marien d'Aubusson se présenta
avec ses deux filles , dont l'une avoit
épousé
NOVEMBRE. 1738. 2347
épousé le Sr de Bassignac ; il annonça qu'il
étoit né en 1686. de la conjonction incestueuse
de Pierre- Antoine d'Aubusson , & de Mar
guerite d'Aubusson , fille de François- Claude,
fun des fils de Louis d'Aubusson , auteur de
la Substitution : il ajouta qu'en 1710. Pierre-
Antoine & Marguerite d'Aubusson , qui
étoient cousins germains , s'étoient mariés
en vertu d'une dispense , & l'avoient légiti
mé par leur mariage subsequent ; enfin ses
filles prétendirent qu'en 1724. Hyacinthe
d'Aubusson leur avoit donné la Terre de
Banson & autres biens substitués.
Sur ce fondement,le Pere & les deux filles
présenterent leur Requête en la Sénéchaussée
d'Auvergne le 23. Juillet 1734, par laquelle
ils demanderent que les Sr & Dame de la
Fosse fussent tenus de leur abandonner les
Terres de Banson & de Chalusset.
me,
Les Sr & Dame de la Fosse leur oposerent
que Marien d'Aubusson étant selon lui-mê
né bâtard incestueux , ne pouvoit , ni lui
ni ses filles prendre le nom d'Aubusson , &
ils demanderent qu'il leur fût fait défenses
d'en prendre le nom & les armes.
En cet état , il intervint Sentence le 9.
Août 1736. par laquelle les Parties furent
apointées sur le fond , & cependant les Sr &
Dame de la Fosse furent déboutés de leur
demande,à ce qu'il fût fait défenses à Marien
d'Au
2348 MERCURE DE FRANCE
•
d'Aubusson & à ses filles de prendre le nom
& les armes de la Maison d'Aubusson.
Les Sr & Dame de la Fosse interjetterent
apel de cette Sentence au Parlement ; & pour
détruire toutes les piéces qu'ils croyoient
avoir pu former quelque obstacle au succès
de leur prétention , ils interjetterent apel
comme d'abus , tant de la dispense obtenuë
par Pierre- Antoine , & Marguerite d'Aubu--
son , que de leur mariage..
Cette Cause , qui fut plaidée en la Grand'-
Chambre , présentoit à discuter les deux
Questions que l'on a dabord annoncées.
La premiere , de sçavoir si le mariage étoit
valable.
La seconde , si en le suposant valable , il
auroit pu légitimer Marien d'Aubusson,
M. Boys de Maison -neuve , Avocat , qui
plaidoit pour les Apellans , soûtenoit en premier
lieu , que le mariage en question étoit
nul , l'Acte de célébration ne se trouvant
dans les Regiîtres d'aucune Paroiffe , mais
seulement sur une feuille volante qui paroissoit
être l'original de cet Acte , & avoir été
remise aux Parties dès l'instant de sa confection:
Quand cette feüille , disoit-il , pourroit
servir de preuve du mariage , elle ne constateroit
qu'un mariage clandestin , puis qu'outre
qu'il n'étoit pas écrit sur les Regîtres pu-
ور
blics
NOVEMBRE. 1738 , 2349
:
blics , & qu'on avoit été maître de le suprimer
, il étoit dit que le mariage avoit été
fait après la publication d'un Ban & la dispense
d'un autre , & que toutes les piéces
avoient été sur le champ remises aux Parties,'
qui s'étoient chargées de les représenter en
cas de besoin que néanmoins les Intimés
ne raportoient ni preuve de la publication du
premier Ban , ni la dispense des deux autres
& que l'on n'en trouvoit aucuns vestiges
dans les Regîtres publics , où tout cela devroit
être inscrit , aux termes de la Déclaration
du 26. Novembre 1639. & que ce prétendu
mariage avoit toujours été ignoré.
D'ailleurs , disoit- on , rien de plus infor
me que la feüille volante sur laquelle il est
écrit.
1º. Elle ne marque point où la célébration
a été faite .
2°. Le Sr Bussieres , qui paroît le célébrant,
n'étoit point le propre Curé des Parties , il se
contente de dire qu'il a agi du consentement
de leurs Curés , sans les nommer .
3°, Cet Ecrit n'est point légalisé.
Enfin il n'est pas poffible de le suposer
du
4. Août , comme il est daté , à moins que le
Curé n'ait excedé le pouvoir qui lui étoit
donné par la Dispense ; car cette Dispense
qui est du 30. Juillet 1710. porte que le ma
riage ne se fera qu'après quinze jours de séparation
La
2350 MERCURE DE FRANCE
La seconde propofition des Apellans,étoit
que le mariage n'avoit pas légitimé l'Intimé.
La légitimation par mariage subsequent ,
n'étoit pas admise dans l'ancien Droit Romain
; on en trouve les premieres traces dans
le Code De natur. liber.
La condition que ces Loix exigent , est
qu'il n'y ait eu lors de l'habitude des concubinaires,
aucun empêchement légitime à leur
mariage , ce qui est fondé sur deux raisons
sensibles .
La premiere , que pour accorder la légitimation
, il faut que le crime ne soit pas absolûment
indigne de toute faveur.
La seconde raison est , que la légitimation
par mariage subsequent , n'est fondée que
sur ce que l'on feint que le mariage existoit
lors de la naissance de l'Enfant ; il faut donc
que le mariage ait pu être contracté alors.
Cette fiction est impossible pour les incestueux
comme pour les adulterins ; c'est le
Dentiment de tous les Auteurs .
La Dispense du Pape n'a pu avoir un effet
retroactif , ni légitimer l'Enfant incestuc ux;
la clause de légitimation qui y est inserée ne
peut pas donner plus d'effet au mariage, qu'il
n'en doit avoir selon les Loix , c'est au Prince
seul qu'il apartient de légitimer.
M. Joly de Fleury , qui plaidoit pour les
Intimés , soûtenoit au contraire , 1 °. que le
mariage
NOVEMBRE. 1738. 235 .
mariage étoit valable 2°. que ce mariage
avoit légitimé Marien d'Aubusson.
- Pour établir la validité du mariage , il disoit
que ce mariage avoit constamment été
célebré en face d'Eglise le 4. Août 1710.
avec les formalités requises , qu'il avoit été
précedé d'un Ban & de la dispense des deux
autres , ce qui l'avoit rendu public ; que
preuve de tous ces Faits résultoit de l'Acte de
celebration qui étoit raporté.
la
Tout ce qui est oposé , ajoûtoit-il , contre
la forme de l'Acte de célebration , ne peut
donner atteinte à la validité du mariage , qui
a constamment été célebré avec les formalités
requises : ce n'est pas seulement l'Acte
de célébration qui forme l'engagement des
Parties , elles sont liées par leurs promesses
faites au pied des Autels. Dès qu'il y a eu
Sacrement , l'omission des formes , qui ne
se remplissent qu'après le Sacrement conferé
, n'a pu ex post facte détruire le Sacrement.
Ce défaut est la faute des Ministres
publics , dont les Parties ne doivent pas
souffrir , lorsque réellement il y a eu un mariage
contracté. Que dans l'espece , les Actes
concernans le mariage en question , étoient.
des Actes autentiques , qui n'étoient point
attaqués par la voye de l'Inscription de faux,
qu'ils faisoient par consequent foi , & consta
toient pleinement le mariage.
2352 MERCURE DE FRANCE
1
A l'égard de la légitimation operée par ce
mariage subsequent , le Défenseur des Intimés
disoit , que l'effet du mariage subsequent
én géneral , étoit de légitimer les Enfans nés
avant le mariage , que telle étoit la disposition
des Loix ; que le Chapitre Tanta vis aux
Décretales , dans l'exemple qu'il donne du
cas où la légitimation par mariage subsequent
n'a pas lieu , ne parle que de l'adultere
, & ne proscrit par consequent que les
Bâtards adulterins , & non les incestueux.
Les Loix n'excluent la légitimation , que
lorsqu'il n'est pas possible de reporter le
mariage au temps de l'habitude ; ce qui est ,
à la vérité , impossible dans le cas de l'adultere
; mais cette fiction n'est pas également
impossible dans le cas de l'inceste .
Or dans l'espece , Pierre - Antoine & Marguerite
d'Aubusson , ayant été mariés en
vertu d'une Dispense qui a levé l'empêchement
de consanguinité , qui avoit formé jusqu'alors
obstacle à leur mariage ; cette . Dispense
doit avoir un effet rétroactif: il est
vrai qu'elle n'a pas eu la force de légitimer ,
parce qu'il n'y a quefle Roy en France , qui
puisse légitimer ; mais cette Dispense ayant ›
levé l'empêchement qui s'oposoit au mariage
, c'est la même chose que si cet empêchement
n'avoit jamais existé ; ensorte que
de mariage subsequent doit avoir opéré a
légiti
NOVEMBRE. 1738. 2353
légitimation de même qu'entre personnes
pleinement libres.
du
Et c'est en effet ce qui fut jugé par Arrêt
1725. Dans l'espece de cet
Arrêt , le nommé le Beau , après la mort de
sa femme , avoit eu habitude avec la cousine
germaine de la Défunte , & en avoit eu un
Enfant : il avoit ensuite épousé cette cousine
avec dispense , & il fut jugé que ce mariage
avoit légitimé l'Enfant né auparavant. D'où
le Défenseur des Intimés concluoit , qu'il en
devoit être de même du mariage de Pierre-
Antoine & de Marguerite d'Aubusson .
Par Arrêt du 11. Août 1738. rendu conformément
aux Conclusions de M. Gilbert
de Voisins , Avocat Général , la Cour reçut
les Parties de M. Boys incidemment Apellantes
comme d'abus ; faisant droit sur cet
Apel , dit qu'il y avoit abus , en ce que la
Dispense contenoit la clause de légitimation
au surplus , dit qu'il n'y avoit abus ;
faisant droit sur l'Apel simple ,mit l'Apellation
au néant , ordonna que ce dont étoit
Apel sortiroit effet , condamna les Apellans
en Pamende & aux dépens.
C L'AMANT
2354 MERCURE DE FRANCE
L'AMANT SUR LE RETOUR ;
O D E.
MOpse , que la vieillesse austere
Couvroit de ses premiers glaçons ,
Un jour rêveur & solitaire ,
Se faisoit ces tristes leçons .
***
Mopse , si ton ame est sensée ,
Calme des regrets superflus ,
Et mets ta jeunesse passée
Au rang des biens qui ne sont pluș .
*
Sans t'apercevoir de sa fuite ,
Jadis tu goûtas ses plaisirs.
Puisqu'enfin le temps l'a détruite
Pourquoi nourrir de vains désirs ?
*
१
Daphné , l'honneur de nos Bergeres ,
L'objet de ton fidele amour
Dans ces retraites bocageres ,
Te fit luire plus d'un beau jour,
*
FOR
NOVEMBRE. 1738 . 2355
Ton ame alors étoit contente ,
Mais aujourd'hui n'espere rien ;
La Fortune est une inconstante
Qui ne te veut plus aucun bien.
*
De ton bonheur il ne te reste
Qu'un souvenir infortuné ;
On te méprise , on te déteste ;
Et les Dieux t'ont ravi Daphné.
*
•
En vain , pour la jeune Clarice
Tu sens tes feux se rallumer ;
Mopse , Mopse , rends- toi justice ;
Il ne te convient plus d'aimer.
Ne t'obstine point à la suivre ,
Puisque tu connois sa rigueur .
Vis tranquile , ou cesse de vivre ;
Contre l'Amour arme ton coeur.
*
Les Dieux veulent que tout finisse
Quels projets os : s - tu former ?
Encore un coup , rends-toi justice ;
Il ne te convient plus d'aimer.
Cij
·
SUR
2356 MERCURE DE FRANCE
SUR l'Honneur & la Gloire , &c. Extrait
d'une Lettre écrite d'Orleans.
P
Ermettez- moi , Monsieur , de vous exposer
les Reflexions suivantes , sur une
Question proposée dans le Mercure. On demande
si l'honneur & la gloire sont une
même chose , & lequel des deux a le plus
d'empire sur le coeur de l'homme.
Avant que de répondre à la Question
proposée , il est à propos de donner quelques
notions de l'honneur et de la gloire ,
alors la solution se présentera d'elle -même.
Il ne s'agit ici , sans doute , que du véritable
honneur ; les opinions erronées qui
osent se parer d'un nom si respectable , ne
méritent point un pareil titre, quelque grande
que soit la foule des Sectateurs ; or voici
comment un de nos plus beaux esprits & de
nos meilleurs Poëtes , nous a tracé l'idée
du véritable honneur.
Le seul honneur solide ,
C'est de prendre toujours la vérité pour guide ,
De regarder en tout la raison & la loi ,
D'être doux pour tout autre & rigoureux pour soi ,
D'accomplir tout le bien que le Ciel nous inspire ,
Et d'être juste enfin .
Q'uon
NOVEMBRE. 1738. 2357
Qu'on s'en tienne à la définition d'un aussi
grand Maître , & on conclura nécessairement,
que la véritable gloire est inséparable
du véritable honneur. La précision métaphysique
pourroit peut-être former sur cela quelques
distinctions délicates , mais au fond ce
seroient les mêmes principes & les mêmes
conséquences , ou plutôt n'est- ce pas un
principe unique , envisagé sous differens attributs,
qui se réunissent au même point ? La
gloire naît dans le sein de l'honneur , elle
emprunte de lui tous ses ornemens, & l'honneur,
jaloux de son ouvrage, ne partage qu'avec
la vraye gloire , le mérite de ses actions.
Que les hommes seroient heureux , si l'honneur
& la gloire , tels que nous venons de
les établir , influoient souverainement sur
leur conduite ! s'ils travailloient pour la vraye
gloire , ils ne s'écarteroient jamais de la route
de l'honneur , & s'ils étoient dirigés par
l'honneur , la gloire en seroit toujours le
prix.
Il s'ensuit donc de - là que l'honneur & la
gloire ne sont qu'une même chose , j'ose
dire même que c'est un sentiment pris dans
la Nature , j'en apelle à ces Ames bien nées,
qui , par un exercice continuel des lumieres
qu'ils en ont reçûës, sont parvenuës à préserver
leur esprit de l'aveuglement que produit la
corruption ; dans ces siecles fortunés , où le
C iij vice
2358 MERCURE DE FRANCE
vice & la vertu étoient encore séparés par
de longs intervales , on n'auroit pas mis la
chose en question. Mais un honneur chimérique
ayant pris la place du véritable
honneur , & la gloire ne paroissant presque
plus que sous des traits indignes d'elle , le
langage a subi la loi des fausses idées , et on
s'est trouvé à chaque pas , dans la nécessité
de démêler l'équivoque des expressions.
Si nous n'avions ici à reprocher aux hommes
qu'une erreur purement spéculative , on
en détruiroit plus aisément l'illusion ; les ressources
de la raison sont infinies , l'inconstance
même peut servir à la rétablir dans ses
droits,mais depuis qu'on se fait une gloire de
triompher des foiblesses d'un Sexe , dont on
honore la vertu , en même temps qu'on s'efforce
de la corrompre , depuis qu'on se fait
un jeu de soûtenir une dépense excessive aux
dépens de sa famille & de ses créanciers ,
sans prétendre déroger à la qualité d'honnête
homme, depuis enfin, qu'on en est venu jusqu'à
pratiquer scrupuleusement les regles
cruelles d'un honneur chimérique dans le
moment où on fait profession de les détester
; cette étrange bizarerie ne laisse gueres
entrevoir de remedes à un mal si singulier ,
& ce sont-là constamment les passions qui
ont le plus d'empire sur le coeur de l'homme ;
l'honneur & la gloire président à ses actions ,
il
NOVEMBRE. 1738. 2359
il prend soin de le déclarer, mais hélas ! Pobjet
en est bien changé , car le vice, pour s'insinuer
plus heureusement , s'est glissé dans
les esprits sous les aparences de la vertu.
*******************
L'AMOUR MARRON ,
A M. Desportes , Médecin du Roy au Cap
François , Côte de S. Domingue.
ᎠDes Fleurs qui naiffent au Parnaffé , Es
Et que je cueille en m'amusant ,
En marchant fur les pas de Marot & du Taffe ,
Defportes , veux tu bien accepter le préſent ?
Le férieux outré devient enfin pefant.
L'auſtere vérité toujours moraliſant ,
Par fon ton trop hautain nous rebute & nous laffe.
Souvent la fiction badinant avec grace ,
Nous divertit en inſtruiſant .
Ecoute fur ce pié l'innocent badinage
D'Amour qui fut en marronnage.
Oui ,mais ( dira quelqu'un ) ce motlà n'eft pas bon.
Je n'ai point encore vû dans aucun docte Ouvrage,
Que l'on ait employé le terme de Marron.
Grand merci , Monsieur le Critique.
Mais perſonne auſſi ne niera
Que Marron ne foit pas d'uſage en Amerique .
Ciiij
Peut1360
MERCURE DE FRANCE
Peut-être avec le temps dépaffant le Tropique ,
Qu'en Europe il s'établira ;
Mon Conte en attendant ſon grand chemin ira.
Le tendre Amour dans les Bois de Cythere ,
En folâtrant un jour avec fa Mere ,
Soit par hazard , soit plutôt à deffein ,
i
D'un de fes dards lui fit bleffure au fein
Et puis craignant la peine méritée ,
S'enfuit bien loin de fa mere irritée ;
Pour quelque temps à fes yeux difparut ;
Venus bien-tôt fur les traces courut
De for cher fils. De mere couroucée
En peu d'inftans la colere eft paffée .
Où fera- t-il ou ne fera-t-il pas
De les Pigeons elle hâte le pas.
En un inftant vole vers l'Empirée ,
Parcourt les coins de la voute azurée .
Mais dans les Cieux n'en ayant rien apris
Retourne en Terre , où fouvent eft ſon Fils.
Pour s'épargner une peine inutile "
Elle s'arrête au deffus d'une Ville ,
Où fourmilloit un nombre d'Habitans ,
Tous , grands amis de joyeux paffe-temps.
Là , sur son Char la belle Cytherée ,
Dans l'apareil d'une Mere éplorée ,
De ses douleurs interrompant le cours ,
Aux
NOVEMBRE. 1738. 2361
Aux Citadins adreffe ce discours.
Gais Habitans d'une Ville fameuse ,
Du tendre Amour , la Mere malheureuse
S'adreffe à vous. Dites , de quel côté
Mon Cupidon fuyant s'est - il porté ?
Qui d'entre-vous , pour témoigner son zele
#
M'en donnera quelque heureuse nouvelle
Un doux baiser de Venus il aura.
Mais ce Marron qui le ramenera ,
Pour son loyer je lui permets de prendre
Tout ce qu'un coeur enflammé peut prétendre
En fait d'amour loyal & vertueux.
Répondez donc ? Quoi ! vous baiffez les yeux
Sur mes propos vous gardez le silence !
Nul de mon Fils ici n'a connoissance !
Peut -être , hélas ! parmi vous déguisé ,
Le faux garçon , cauteleux & rusé ,
Demeure- t'il sans se faire connoître ;
Ah ! qu'en aftuce Amour est un grand Maître !
Eh bien , je vais vous tracer trait pour trait
De mon Marron le fidele portrait.
Amour, si vieux & d'âge & de finesse ,
Toujours a fleur de la tendre jeunesse ;
Petit de corps & d'un air enfantin ;
Mais dans ses rours plus rusé qu'un Lutin ,
Toujours remuë & toujours papillonne ,
Mord en riant & n'épargne personne .
C Soo
2362 MERCURE DE FRANCE
Son badinage est toujours concerté ,
Et tout son jeu se tourne en cruauté.
Son corps reluit d'une couleur de flâme ,
Marque du feu dont il brûle dans l'ame.
Avec adresse il cherche à le cacher ,
Pour tromper ceux dont il veut s'aprocher.
De ses yeux pers , les mobiles prunelles ,
Obliquement lancent mille étincelles ;
Dont à l'inftant les coeurs mal-avisés
Cruellement se trouvent embrasés.
A son abord tout est joye et liesse ,
Que suivent tôt repentir & triftesse .
Loin de lui sont & franchise & rondeur.
Il ne connoît ni respect ni pudeur.
De retenue il n'a la moindre trace ;
Son air respire une lascive audace >
Sa langue est d'or , ses discours sont du miel ;
Mais son coeur faux ne diftile que fiel
Subtil poison sur ses lévres habite ,
Qui sans retour vous cause mort subite.
Son petit Arc tire si fierement ,
Que plus d'un trait va jusqu'au Firmament.
Son flambeau brûle au fond même des ondes ;
Le Dieu des Mers dans ses Grottes profondes ,
Plus d'une fois en éprouva les feux ,
Comme Pluton dans son Lac stygieux.
Mon Cupidon , Protée en impofture ,
Quand
NOVEMBRE . 1738. 2363) .
•
;
Quand il lui plaît , sçait changer de figure ,
Paroît fâché quand il est plus content ,
Verse des pleurs & rit au même inſtant
Soumis & fièr , arrogant & modeste
Accorde tout , puis pour un rien conteste ;
D'aucun bienfait ne garde souvenir ,
Fait cent sermens qu'il ne veut point tenir.
Vous le verrez en humble contenance ,
En Pelerin que presse l'indigence ,
Venir à vous , demander le couvert
Où dans un coin le pauvret soit souffert
Pour une nuit , & non pas d'avantage
Voulant demain poursuivre son voyage ;
Mais au Narquois bien fou qui se fiera ;
Modestement dans le gîte entrera ;
❤n'est d'abord qu'ardeur & que simplesse ,
Soins prévenans , galante politesse ; *
( Ainfi l'afpic se gliffe entre les fleurs ; }
Mais que bien-tôt il causera de pleurs !
Dans votre coeur , devenu sa conquête ,
Imperieux il levera la tête.
De prime abord il se croit tout permis
Fait du fâcheux , chasse les vieux amis ;
Saisit les clefs , & pour garder la porte ,
Des soins jaloux y place la cohorte ,
Endort les sens par cent charmes divers ,
Et sans quartier met la raison aux fers.
Cvj
Ainsi
2364 MERCURE DE FRANCE
Ainsi changé , d'un Hôte pacifique ,.
Il se transforme en maître tyrannique.
Et si quelqu'un s'opose à ses desirs ,
Ou veut entrer en part de ses plaisirs ,
Lors plus émû qu'une ourse furibonde ,
Il fait frémir le Ciel , la Terre & l'Onde.
Tel eft mon Fils avec tous ses défauts ,
Que je déclare , afin que tels fignaux.
Ne soient obscurs : Qui pourroit s'y méprendre
Eh bien , de vous , n'en puis-je rien aprendre ?
Peut-être aussi , crainte de châtiment ,
Le cachez-vous par pitié seulement ?
Eh , pauvres gens , que votre erreur est folle !
Cacher l'Amour est un projet frivole.
Pour l'enfermer il n'est clos ni réduit ;
Par cent endroits d'abord il se produit.
Les yeux , le front , la bouche , le visage ,
La main , la voix , le geste , le langage ,
Sont autant d'huis , par où le fol Amour
Sort au-dehors & paroît au grand jour.
MEMOIRE sur un Endroit des Elemens
de la Philosophie de Newton.
J
E vous adresse & vous prie , Monsieur
de rendre public le petit Mémoire que
voici¸ si vous jugez qu'il le mérite.
Dans
NOVEMBRE. 1738. 2365.
Dans les Elemens de Philosophie de
Newton , M. de Voltaire dit , Le Soleil &
la Lune soulevent les Eaux , il s'ensuivroit
nécessairement de ce sentiment , que le
Soleil en son particulier opéreroit les Marées
, la Lune de son côté les effectuëroit
aussi : or la Lune étant dans ses quadratures,
regleroit l'heure des Marées dans des temps
bien differens , que lors qu'elle se trouveroit
en même temps avec le Soleil dans le même
Méridien ; cependant l'heure des Marées est
uniforme & semblable au retard qui arrive
au mouvement de la Lune. Donc , l'effet de
ces deux Astres sur les Eaux de l'Ocean n'est
point de même genre ; donc, si le Soleil souleve
les Eaux la Lune ne les souleve
pas.
>
Nous sommes assûrés que le Soleil souleve
les Eaux ; l'experience dans les Plantes
& dans le reste de la Nature le démontre .
La conformité de l'heure des Marées avec le
mouvement de la Lune , nous assûre que la
Lune influë sur la Mer ; mais il vient d'être
démontré impossible, que l'effet de la Lune
soit semblable à celui du Soleil , il ne peut
être que contraire. Donc ,la Lune diminuë le
volume des Eaux , ou les fait graviter vers
le centre de la Terre .
Une raison évidente , qui démontre que
l'effet de la Lune est contraire à celui du
Soleil ,
1366 MERCURE DE FRANCE
Soleil , est , que l'équilibre n'est autre chose
qu'un combat du mouvement & du repos :
tout le méchanisme de la Nature est une tendance
à l'équilibre ; donc , si le Soleil souleve
les Eaux , la Lune les abaisse. Remar
quez qu'il n'y a point de matiere en repos.
D'ailleurs, si rien ne diminuoit le mouvement
que le Soleil donne à la matiere , le
volume en augmenteroit , de maniere que
l'Univers retourneroit dans le cahos.
La lumiere communique à la Terre le
mouvement de rotation , par le même mouvement
, la Lune est emportée. La lumiere
par son action donne le mouvement aux
matieres crasses , fait refluer vers le Soleil
les parties de lumiere précedemment venuës
& dénuées de mouvement , lesquelles reçoivent
de nouveau dans le Soleil , centre moteur
, le mouvement. Ainsi , le sang porté
par les arteres vers les extrémités , nourrit &
forme les chairs , & rechasse par les veines
vers le coeur, les parties restantes , qui étoient
dénuées de mouvement. La Lune en cette
comparaison , représente les poulmons ; c'est
une filiere qui prépare la matiere avant son
reflux vers le Soleil. La Lune est une masse,
qui par sa résistance à être chariée , modere
& regle le mouvement journalier de la Terre.
Le point central autour duquel la Lune
fait une révolution tous les 27. jours autour
de
NOVEMBRE. 1738. 2367
de la Terre , est entre le centre de la Terre
& la Lune ; suivant le plus ou le moins de
vitesse qu'a la Terrè , ce point s'aproche ou
s'éloigne de la Lune.
Il est à croire que le point de gravité où
tendent les corps pesans , n'est jamais deux
momens en même lieu ; d'où il est à craindre
que la ligne à plomb , ne trace pas le
vrai horison : le centre de la Terre décrit
autant de courbes que de lunaisons ; ces
courbes irrégulieres tracent l'orbite de la
Terre par ondulations courbées sur tous sens,
& non tracées en une surface plane.
C'est la raréfaction qu'effectue le Soleil ,
qui fait aller la Terre six mois vers un Pôle
& six mois vers l'autre. Pendant l'Hyver , le
Soleil sous le Tropique méridional , donne
un extreme mouvement aux Eaux [ le mouvement
ne se perd qu'en se communiquant. ]
Du côté de l'Equateur , le mouvement est
employé à balancer la vaste étendue des
Mers du côté du Pôle méridional . Les
glaces reçoivent par le choc des Eaux , un
mouvement immédiat & continuel , suivant
la direction de l'axe de la Terre , qui n'étant
point contre- balancé , contraint le Globe
terrestre d'avancer suivant la même direc
tion ; mais la Terre ainsi portée vers le Midi,
est éclairée & raréfiée sous le Tropique du
Nord ; alors les glaces du Nord reçoivent
toute
2368 MERCURE DE FRANCE
toute l'activité du mouvement que le Soleil
communique aux Eaux . De -là s'ensuit un
mouvement en direction contraire , qui ramene
la Terre du Midi vers le Nord.
Ces mouvemens de la Terre étant admis ,
on ne s'étonnera plus de trouver l'Angle ,
queforme l'Ecliptique avec l'Equateur,moindre
de 20. minutes , qu'il ne fur trouvé il y a
deux mille ans par Pitheas : on conclura
que cet Angle a beaucoup varié pendant le
cours de vingt siécles , & que s'il a suivi une
gradation uniforme , on n'en a pas reconnu
les Epoques. L'obliquité de cet Angle , est
aujourd'hui suposée de 23. degrés, 28. minutes
, 20. secondes,
****************
STANCES A LA FORTUNE.
Lache Divinité , qui par tous tes caprices ,
Deshonores les dons que tu fais aux Mortels ,
Crains enfin par tant d'injustices
De décréditer tes Autels.
Un Sage à la vertu consacrant ses prémices ,
Partage entre elle & toi tout l'encens de son coeur ;
Il blanchit dans les Sacrifices ,
Sans avoir fléchi ta rigueur.
Un
NOVEMBRE . 1738. 2369
Un autre à pas comptés suivant l'experience ,
Consume en vains progrès un mince capital ;
Il attend tout de sa science ;
Faut -il qu'il meure à l'Hôpital ?
Non moins avide qu'eux , le Nourrisson des
Muses ,
Vise autant à l'argent qu'à l'immortalité ;
Tu le caresses , tu l'amuses ;
Mais détruis- tu sa pauvreté a
Tandis que cent faquins , oubliant leur bassesse
Montrent insolemment tes dons accumulés
Et méconnoissent , dans l'yvresse ,
La main qui les en a comblés.
;
Tel est cet inttiguant , dont la magnificence
Fixe tous les regards d'un Peuple transporté ;
Il a beau vanter sa naissance ,
On en connoît l'obscurité.
Tel est cet autre encor , qui sous une mandille ,
Echapa si long -temps aux yeux de tout Paris ;
Croit-il par l'éclat dont il brille ,
Se dérober à nos mépris
Par le bizarre jeu de ta rapide rouë ,
Au faîte des grandeurs le voila parvenu ;
Qu'
1370 MERCURE DE FRANCÉ
Qu'il seroit bien mieux dans la bouë ,
Qui fit son premier revenu !
Qui voudra désormais , adorant ta puissance ,
Aux pieds de tes Autels porter quelques talens ,
Si la Noblesse & l'innocence ,
N'y sont qu'un inutile encens ?
Ouvre les yeux enfin , & qu'un dernier caprice
T'affranchisse à jamais de ce triste bandeau
N'est- il pas temps que la justice
Guide tes pas de son flambeau ?
}
De tes dons mal placés fais un meilleur usage ,
Récompense , avant tout , ce malheureux Guerrier ;
A qui dans l'hyver de son âge ,
Ne laisse
Il ne reste qu'un vain Laurfer.
pas vieillir au fond de sa Province ;
Ce fils que l'indigence éloigne de tes yeux ;
Son Pere , pour servir son Prince ,
A vendu jusqu'à ses Ayeux.
Mets dans un jour plus grand sa valeur, sa noblesse
Mais ne l'accable pas d'un bienfait imprévû ;
L'aveuglement & la mollesse ,
Naissent toujours du superflu.
Second
NOVEMBRE. 1738. 2371
Seconde ce Marchand dont la main scrupuleuse,
Joint au talent de vendre une austere équité ;
Sans toi , sa famille nombreuse
Va périr par sa probité.
Eleve aux dignités , couronne de la Mitre ,
Ce zelé Sénateur , ce Docteur reveré ;
Ils le méritent ; c'est un titre
Qui n'en voit pas de plus sacré
Fais pleuvoir tes bienfaits sur ces têtes illustres ,
Qui sçavent les transmettre à des Peuples chéris
Puissions -nous , même après vingt lustres,
Les voir encor tes favoris.
Mais replonge au plutôt dans sa premiere crasse ,
L'injuste , Pignorant , le pied plat revétu ;
C'est leur faire encor trop de grace ,
Que de les rendre à la vertu .
Souviens-toi cependant dans ce nouveau partage ,
Que souvent mes pareils font de maigres repas ;
La gloire est un bel apanage ,
Mais par malheur on n'en vit pas .
Remplis chés nos Guerriers ce qui manque à leur
gloire ;
Que
2372 MERCURE DE FRANCE
Que ce trait de bonté , ranimant nos travaux ;
T'assure au Temple de Mémoire
Mille & mille Bustes nouveaux .
Par Gros Duvergié.
CIRCONSTANCES singulieres dans
P'Opération de la Taille. Extrait d'une Lettre
d'Aix , du 8. Septembre 1738 .
L
E sieur Le Clerc , Maître Chirurgien
Juré , Aggregé à l'Université de la Ville
d'Aix , & Lithotomiste , pensionné par la
Province de Provence , fit l'Opération de la
Taille le 8. May 1738. à M. Etienne Peissonnel
de Villemus , âgé de 62. ans . Il lui
tira d'abord une pierre de la grosseur d'un
oeuf de Pigeon , grise , presque ronde &
très-uhie; & jugeant par la qualité de la Pierre
, qu'elle n'étoit pas seule, il porta són bouton
dans la vessie par le
moyen duquel il
découvrit qu'il y en avoit plusieurs autres . Il
introduisit une Tenette courbe, pour tâcher
d'en tirer quelques -unes , mais il ne put en
venir à bout, tant à cause que les parties s'étoient
extrêmement contractées , que parce
que le Malade commençoit fort à pâlir , desorte
qu'il fut obligé de le faire remettre dans
,
son
NOVEMBRE. 1738. 2373
son , lit pour atendre la supuration , qui ne
manqueroit pas de relâcher les parties. Les
frissons , la fievre & les sueurs fatiguerent
beaucoup le Malade ; mais la supuration ayant
paru le quatrième jour , ces simptômes facheux
disparurent en partie , & il sortit par
la playe quantité de matieres glaireuses, ce qui
ramena le calme , & le Malade se trouva fort
soulagé,
Le 16. May, qui étoit le 9. de l'Opération,
le Sr le Clerc tira encore au Malade douze
Pierres de la même figure & grosseur que
la premiere , étant couché dans son lit &
sans le fatiguer beaucoup. Le 19. il lui en
tira encore quatre comme les précedentes :
Enfin le 21. il lui en tira encore une , qui
fut la dix- huitiéme & la derniere.
Il commença le 22. à laver la vessie par
des injections adoucissantes & ensuite renduës
vulneraires & détersives , qui ont duré
27. jours, par le moyen desquelles il est sorti
de la vessie environ plein un chapeau de sable
très-fin & de la couleur des Pierres .
·
>
On trouvera dans ce Détail , entre autres
choses un Phénomene singulier , & qui
paroît difficile à expliquer, c'est l'uniformité
de la couleur & de la grosseur de ces dixhuit
Pierres. Car , s'il est vrai que toutes les
Pierres se forment dans les reins ( c'est du
moins le sentiment le plus vrai- semblable
&
2374 MERCURE DE FRANCE
& le plus géneralement reçû ) il a fallu un
temps très- considérable pour former ces dixhuit
Pierres , & elles ne peuvent être descenduës
dans la vessie, que les unes après les
autres, hors celle qui est arrivée la premiere,
laquelle devroit avoir reçû un accroissement
beaucoup plus considérable que la derniere;
cependant elles sont toutes égales. Je laisse
aux Physiciens le soin d'en dire la raison.
ODE imitée d'HORACE : Qualem
Ministrum , &c.
TEl que le noble Oiseau , Ministre du Tonnerre,
Que , pour avoir ravi Ganymede à la Terre ,
Le Roy des Dieux fit Roy des Habitans de l'Air ;
Emule vigoureux des forces paternelles ,
Sort du nid , & déja , par l'effort de ses aîles ,
Surpasse les Zéphirs, successeurs de l'Hyver,
*
Bien-tôt l'experience augmentant son audace ,
Il fier ennemi d'une timide race , va,
Jusqu'en leur Bergerie attaquer les Agneaux
Et bravant des Dragons la résistance vaine ,
Ose , pressé de faim & transporté de haîne ,
Leur livrer constamment les plus rudes assauts .
Tel
NOVEMBRE, 1738. 2375.
Tel encor, que sur soi dans un Vallon champêtre,
Le Chevreuil occupé du soin de se repaître ,
A vâ fondre un Lion nouvellement sevré ;
Tel , au combat donné près des Alpes altieres ,
Drusus, qu'accompagnoient mille Vertus guerrieres,
Aux Vindeliciens , aux Rhetes s'est montré.
Leurs plus fiers Escadrons , jaloux de notre gloire ,
Ayant long-temps volé de victoire en victoire ,
Vaincus par un jeune homme, ont senti le pouvoir,
D'un instinct génereux qu'enrichit la culture ,
Et connu ce qu'ajoûte aux dons de la Nature ,
Le soin que des Nérons Auguste daigne avoir.
Des forts naissent les forts. La vigueur , le couragé,
Aux Coursiers, aux Taureaux passent en héritage ;
L'Aigle n'engendre point un Ramier délicat ;
Mais l'éducation est ce qui vivifie ;
Par elle , un coeur bien né toujours se fortifie ;
Par elle la vertu conserve son éclar .
*
Rome , grace aux Nérons , tu subsistes encore
Au vainqueur d'Asdrubal défait près du Metaure ,
Tu dus le premier jour de tes félicités ,
Depuis qu'à la fureur joignant la perfidie ,
Tel
2376 MERCURE DE FRANCE
Tel qu'un vent orageux , ou tel qu'un incendie ,
Le superbe Africain ravageoit nos Cités .
*
Après ce jour heureux que nous fit luire Claude ,
La Jeunesse Romaine à la force , à la fraude ,
Sçut oposer des bras toujours victorieux ,
Et cueillant de Lauriers les moissons les plus am
pies ,
Sa vertu rétablit & le culte & les Temples ,
Que la rage Punique avoit ravis aux Dieux,
*
Le perfide Annibal à cet aspect s'écrie :
>>C'est trop d'avides Loups provoquer la furie ;
> Foibles Cerfs tant de fois vaincus & dispersés,
C'en est trop, c'en est trop . Par une fuite prompte,
»D'une défaite entiere épargnons- nous la honte ;
Les tromper en fuyant , c'est triompher assés.
*
LePeuple qui porta dans les Champs Italiques ,
Ses Enfans , ses Vieillards & ses Dieux domes
tiques ,
» Sauvés des feux de Troye & des flots de la Mer,
» ( Pareil au Chêne altier , qui , sur l'Algide sombre
» Jadis tondu , pullule en rejettons sans nombre )
Doit son accroissement aux outrages du fer .
>
ཝཱུ » L'Hyde
NOVEMBRE. 1738. 2377
»L'Hydre fort de sa playe , étoit moins redoutable ,
»Jamais Thebe ou Colchos n'eut un Monstre semblable
;
Qu'on le plonge dans l'Onde , il n'en sort que
plus beau ;
» Proposez - lui la Lutte , il vous jette par terre ,
» Et les femmes de ceux qui lui livrenr la guerre ,
Chaque jour de pleurer ont un sujet nouveau,
*
C'est fait de notre honneur ; qu'esperer d'avantage
» Puisqu'Adrusbal est mort , que désormais Carthage
N'attende plus de moi de superbes Couriers.
» Aux forces des Nérons tous succès sont possibles,
Et Jupiter a mis , pour les rendre invincibles ,
Leur prudence au-dessus de tout l'art des Guerriers.
EXTRAIT d'une Lettre écrite de Paris le
12. Avril 1738. au sujet des Cheminées
qui fument, &c.
V
Ous voudriez toujours , M. de la Physique
dans mes Lettres, c'est- à -dire , du
sérieux , & vous ne sçauriez vous adresser
D plus
2378 MERCURE DE FRANCE
plus mal ; j'aime à m'entretenir avec vous ,
sans me gêner , de tout ce qui me passe par
l'esprit .Vous êtes heureux que ma Cheminée
m'ait fourni ces jours passés ,de quoi vous
satisfaire ; le sujet est des plus minces , ce
de la fumée ; n'importe ; j'en ai
n'est que
été si fort incommodé
que les yeux m'en
cuisent encore ; & je croirai me soulager
en quelque sorte , de vous dire comment je
m'en suis délivré , & cela sans employer un
mot de magie ou de cabale : vous sçavez
que nous devons au hazard quantité d'utiles
découvertes , c'est au hazard que je dois
celle-ci ; voici le Fait.
و
Je m'aperçus l'autre jour que ma Cheminée
ne fumoit hors du tuyau , que lorsque
je m'aprochois du feu en Robe de chambre,
& qu'elle cessoit de fumer , lorsque je me
retirois ; ( Notez que je me chauffois de
fort près. ) Ce qu'il y avoit de bien singulier
la fumée me choisissoit par préférence
dans la compagnie , & sortoit de mon côté ,
quelque place que je prisse ; là - dessus je philosophai
un peu : j'observai d'abord qu'étant
assis , ma Robe touchoit à terre par derriere
, & qu'en écartant les genoux , elle
étoit ouverte par devant , ce qui formoit un
enfoncement , ou une espece de Cheminée,
faisoit face à la véritable , & qui avoit de
même son manteau , ses jambages, son âtre,
qui
&
NOVEMBRE . 1738. 2379
& pour tuyau , une ouverture qui répondoit
précisément au-dessous de mon nez : or il
me parut clairement , que la chaleur venant
à se concentrer là- dedans , devoit raréfier
non seulement l'air qui y étoit contenu ,
mais encore celui qui étoit entre ma Robe &
la plaque, & frayer par consequent à la fuméc
un chemin libre vers moi ; car ne trouvant
pas plus de résistance dans l'air de ma Robe
ainsi affoibli ; ou peut - être en trouvant
moins que vers son issue ordinaire , elle devoit
refluer indifferemment de mon côté ;
c'est aussi ce qui arrivoit , & moi de pester ;
cependant comme je crus avoir découvert la
cause du mal , le remede me parut aisé ; je
troussai donc sans autre façon ma Robbe
par derriere , & ayant ouvert, par ce moyen,
un passage à l'air extérieur,il circula plus facilement,
chassa la fumée , lui fit prendre sa
route naturelle , ou enfin il rendit l'air auparavant
échauffé , plus capable de lui résister,'
en le condensant davantage ; en un mot , je
fus soulagé sur le champ, je répetai plusieurs
fois la même expérience , en disposant ,
comme je l'ai dit , ma Robe , soit pour attirer
, soit pour chasser la fumée : elle partit
chaque fois à mon commandement, c'est de
quoi vous pourrez vous assûrer par vousmême
. Voici , en attendant , les remarques
que je fis , par occasion , sur la nature de ce
Dij mixte
2380 MERCURE DE FRANCE
mixte , dont je vais vous régaler.
Je remarquai d'abord , que la fumée est
principalement composée d'une infinité de
globules aqueux , que le feu détache des
matieres combustibles ; je dis principalement
, car elle contient encore des parties
huileuses & sulphureuses , qui occasionnent
des incendies aux parois des Cheminées ; de
plus , elle entraîne des sels & du nitre , par
où elle cause des irritations dans les yeux ; &
enfin quantité de mercure , qu'on y découvre
aisément avec de bons Microscopes . Ces
globules sont plus ou moins pesans , selon
qu'ils sont plus ou moins déliés , ou que le
feu a eu de force pour les diviser ; c'est pour
cela qu'un petit feu , ou celui qu'on commence
d'allumer , donne ordinairement plus
de fumée , ou , pour parler plus exactement
donne une fumée plus sensible , plus grossiere
aussi monte - t - elle plus difficile
ment.
,
2º. Je compris que ce qui détermine la
fumée à s'élever , c'est non seulement parc
que ses globules étant plus legers qu'un pa
reil volume d'air , sont comprimés & chassé
de tous côtés , à peu près comme un bou
chon de liége qui s'éleve du fond de l'eau
mais encore parce que le medium , ou milieu
: par où les globules prennent leur route , leu
fait une moindre
résistance ; & ce chemi
ser
NOVEMBRE. 1738 . 1738. 2381 .
sera d'autant plus facile , par exemple , dans
une Cheminée , que l'air y sera plus raréfié ;
ensorte que s'il ne l'est point du tout , la
fumée aura beau être poussée en haut , elle
demeurera suspendue , & sera arrêtée, comme
on voit quelquefois des brouillards qui
ne peuvent s'élever qu'à quelques pieds de
terre , faute de chaleur qui raréfie l'air.
3. J'observai que ce qui occasionne en
général la fumée dans les apartemens , ( je
mets à part les causes externes , comme les
vents , la pesanteur de l'air , la chaleur du
Soleil , la mauvaise construction du tuyau ,
ou de l'échapée des Cheminées , ) c'est l'équilibre
qui regne entre l'air de la chambre
, & celui de la Cheminée , qu'il faut nécessairement
détruire , si on veut du feu sans
être incommodé de la fumée : or on peut
détruire cet équilibre de deux manieres ; la
premiere , en renforçant l'air de la chambre,
en introduisant l'air de dehors par quelque
ouverture , par des ventouses , ou des orgues
, mais le remede est pire que le mal , ou
n'est pas ordinairement suffisant ; l'autre maniere,
c'est au contraire d'affoiblir par la chaleur
l'air de la Cheminée ; ce qui ne se peut
faire d'abord , à moins d'une bonne flamme ,
qui , ouvrant tout à coup dans l'air un passage
à la fumée , la chasse & la dissipe.
Enfin , en détruisant l'équilibre , on éta-
Diij blit
2372 MERCURE DE FRANCE
Que ce trait de bonté , ranimant nos travaux ;
T'assure au Temple de Mémoire
Mille & mille Bustes nouveaux .
Par Gros Duvergié.
CIRCONSTANCES singulieres dans
P'Opération de la Taille. Extrait d'une Lettre
d'Aix , du 8. Septembre 1738 .
L
E sieur Le Clerc , Maître Chirurgien
Juré , Aggregé à l'Université de la Ville
d'Aix , & Lithotomiste , pensionné par la
Province de Provence , fit l'Opération de la
Taille le 8. May 1738. à M. Etienne Peissonnel
de Villemus , âgé de 62. ans . Il lui
tira d'abord une pierre de la grosseur d'un
oeuf de Pigeon , grise , presque ronde &
très - uhie; & jugeant par la qualité de la Pierre,
qu'elle n'étoit pas seule ,il porta són bouton
dans la vessie , par le moyen duquel il
découvrit qu'il y en avoit plusieurs autres. Il
introduisit une Tenette courbe , pour tâcher
d'en tirer quelques -unes , mais il ne put en
venir à bout, tant à cause que les parties s'étoient
extrêmement contractées , que parce
que le Malade commençoit fort à pâlir , desorte
qu'il fut obligé de le faire remettre dans
son
NOVEMBRE. 1738. 2373
son , lit pour atendre la supuration , qui ne
manqueroit pas de relâcher les parties. Les
frissons , la fievre & les sueurs fatiguerent
beaucoup le Malade ; mais la supuration ayant
paru le quatrième jour , ces simptômes facheux
disparurent en partie , & il sortit par
la playe quantité de matieres glaireuses , ce qui
ramena le calme , & le Malade se trouva fort
soulagé ,
Le 16. May, qui étoit le 9. de l'Opération,
le Sr le Clerc tira encore au Malade douze
Pierres de la même figure & grosseur que
la premiere , étant couché dans son lit &
sans le fatiguer beaucoup. Le 19. il lui en
tira encore quatre comme les précedentes :
Enfin le 21. il lui en tira encore une , qui
fut la dix- huitiéme & la derniere.
Il commença le 22. à laver la vessie par
des injections adoucissantes & ensuite renduës
vulneraires & détersives , qui ont duré
27. jours, par le moyen desquelles il est sorti
de la vessie environ plein un chapeau de sable
très-fin & de la couleur des Pierres.
On trouvera dans ce Détail , entre autres
choses , un Phénomene singulier , & qui
paroît difficile à expliquer, c'est l'uniformité
de la couleur & de la grosseur de ces dixhuit
Pierres . Car , s'il est vrai que toutes les
Pierres se forment dans les reins ( c'est du
moins le sentiment le plus vrai-semblable
&
2374 MERCURE DE FRANCE
& le plus géneralement reçû ) il a fallu un
temps très- considérable pour former ces dixhuit
Pierres , & elles ne peuvent être descendues
dans la vessie , que les unes après les
autres , hors celle qui est arrivée la premiere,
laquelle devroit avoir reçû un accroissement
beaucoup plus considérable que la derniere;
cependant elles sont toutes égales, Je laisse
aux Physiciens le soin d'en dire la raison.
ODE imitée d'HORACE : Qualens
Ministrum , &c.
T El que le noble Oiseau , Ministre du Tonnerre,
Que , pour avoir ravi Ganymede à la Terre ,
Le Roy des Dieux fit Roy des Habitans de l'Air ;
Emule vigoureux des forces paternelles ,
Sort du nid , & déja , par l'effort de ses aîles ,
Surpasse les Zéphirs, successeurs de l'Hyver ,
324
Bien-tôt l'experience augmentant son audace ,
Il va, fier ennemi d'une timide race ,
Jusqu'en leur Bergerie attaquer les Agneaux ,
Et bravant des Dragons la résistance vaine ,
Ose , pressé de faim & transporté de haîne ,
Leur livrer constamment les plus rudes assauts.
Tel
NOVEMBRE, 1738, 2375
Tel encor, que sur soi dans un Vallon champêtre,
Le Chevreuil occupé du soin de se repaître ,
A vâ fondre un Lion nouvellement sevré ;
Tel, au combat donné près des Alpes altieres ,
Drusus, qu'accompagnoient mille Vertus guerrieres,
Aux Vindeliciens , aux Rhetes s'est montré.
*
Leurs plus fiers Escadrons , jaloux de notre gloire ,
Ayant long- temps volé de victoire en victoire ,
Vaincus par un jeune homme, ont senti le pouvoir,
D'un instinct génereux qu'enrichit la culture ,
Et connu ce qu'ajoûte aux dons de la Nature ,
Le soin que des Nérons Auguste daigne avoir.
25
>
Des forts naissent les forts. La vigueur , le courage,
Aux Coursiers, aux Taureaux passent en héritage ;
L'Aigle n'engendre point un Ramier délicat ;
Mais l'éducation est ce qui vivifie ;
Par elle , un coeur bien né toujours se fortifie
Par elle la vertu conserve son éclar.
*
Rome , grace aux Nérons , tu subsistes encore
Au vainqueur d'Asdrubal défait près du Metaure ,
Tu dus le premier jour de tes félicités ,
Depuis qu'à la fureur joignant la perfidie ,
Tel
2382 MERCURE DE FRANCE
blit une circulation de l'air de la chambre
vers la Cheminée , qui aide à déterminer
La fumée , & qui l'entraîne rapidement , malgré
sa lenteur , au haut du tuyau. Que cette
circulation existe , cela est prouvé manifestement
, surtout par les siflemens de l'air
qu'on entend , & qui sont causés par les
efforts continuels qu'il fait pour entrer à travers
les fentes d'une porte ; on n'en fait que
trop souvent l'experience , lorsque auprès
d'un bon feu , on a quelquefois le dos tout
gelé , par un nouvel air qui arrive sans cesse
de dehors. Je vous fais grace de beaucoup
d'autres remarques , qui viendroient ici naturellement
, & je conclus de ce que je viens
de dire en dernier lieu , qu'une Cheminée
chaude ( toutes choses d'ailleurs égales ) devant
moins fumer qu'une autre qui sera plus
froide , quoiqu'il y ait autant de feu , il faut
faciliter le plus qu'il est possible la chaleur
dans l'interieur des Cheminées.
Pour cela on peut non seulement arrondir
le bas , & le garnir tout au tour de plaques ,
comme quelques - uns le pratiquent , mais
donner encore à l'embouchare inferieure du
tuyau une figure ovale , qui se retressiroit
peu à peu en montant , comme seroit l'interieur
d'un cône ou d'un entonnoir aplati :
par- là on concentreroit & on conserveroit
davantage la chaleur ; & la fumée n'allant
point
NOVEMBRE. 1738. 238F
point s'embarasser dans des encoignûres ou
des cavités , ni heurter contre des rebords
enfileroit droit son chemin. Mais je m'aperçois
que je me suis moi - même écarté du
mien ; je n'avois d'abord en vûë que de vous
faire une Lettre dé quelques lignes , & ceci
auroit tout l'air de devenir un Traité . Je
borne done ici ma Philosophie , me contentant
de vous dire , que si vous vous trouviez
dans le cas , M. Marchand , qui est aussi
bon Fumiste , que grand Méchanicien ,
trouvé un secret infaillible contre la fumée
dont toutes les épreuves lui ont parfaitement
réussi. Je suis , & c .
L'Abbé de la ....
a
L
EPITRE..
A Vertu , cher Damon , dans le siécle où nous
sommes ,
Në brille plus aux yeux , regne peu chés les hommes
;
L'infâme Hypocrisie a séduit les Mortels ;
Les coupables humains encensent ses Autels.
Soit par aveuglement , soit par amour du crime ,
Ils marchent , sans trembler , surs les bords de l'a.
bîme.
Cette fausse vertu , Monstre né des Enfers ,
Diiij Seus
2384 MERCURE DE FRANCE
Sous d'indignes liens enchaîne l'Univers.
Rien ne les peut tirer du sein de cette yvresse ;
Vils esclaves du joug de l'infâme mollesse ,
Ils boivent à longs traits le poison dangereux ,
Qui chassant la Vertu,les rend tous malheureux.
Pour se tromper , Ami , tout est mis en usage ;
Dans ce siècle maudit,l'Homme a double visage ;
D'une main il vous flate , & de l'autre en fureur
D'un parricide fer il vous perce le coeur.
Quel siécle malheureux ! quel séjour déplorable !
Des Mortels aveuglés exemple mémorable ,
Ne reviendrez - vous plus, ô tems,trop heureux tems!
De la Vertu regnante éternels monumens !
Où nos premiers Parens , amis de l'innocence ,
Vivoient tranquillement au sein de l'indigence .
Seulement de leur Pere ils adoroient les Loix ;
D'un Dieu plein de douceur ils écoutoient la voix.
Ils n'avoient point en eux de ces lâches foiblesses
Qu'inspire le Démon , de l'amour des richesses ;
L'ambition , l'orgueil ne rongeoient point leurs
coeurs.
Du tranquille repos ils goûtoient les douceurs.
Mais le Démon , jaloux du bonheur de la Terre ,
Arma bien-tôt les Fils contre leur propre Pere , ·
Résolu de troubler un calme si charmant ,
Et livrer les Mortels à son ressentiment ;
Il forma dans nos coeurs ces monstres redoutables ,
Dm
NOVEMBRE . 1738. 2385
Du malheur des humains monumens déplorables ;
La haine , le couroux , la fourbe , la fureur ,
Le faux zele , formé dans les flancs de l'erreur,
La folle ambition , l'affreuse hypocrisie ,
La noire trahison , l'aveugle jalousie
Tous ces vices enfin qui regnent dans les coeurs ,
Qui des foibles Mortels sont demeurés vainqueurs
Ce ne fut plus alors qu'injustices , que crimes ;
Du joug des Passions , malheureuses victimes
Enfin l'on se masqua, l'on se pétrit de fard ;
Et la fausse équité sçût voiler avec art ;
La Vertu remonta vers la voute céleste ;
L'innocence s'enfuit d'un séjour si funeste ;
La Terre ne vit plus que d'infâmes Flateurs ,
Des foiblesses des Grands , lâches Adulateurs.
Heureux qui comme vous ,
ami de l'innocence
Voit les biens de la Terre avec indifference
Qui fuit des faux plaisirs les trompeuses douceurs ;
Qui brave la Fortune , ainsi que ses malheurs ,
Enfin , qui ne cherchant qu'un bien pur et solide
Ne prend pour
le trouver que la vertu pour guide
Par M. de la Motte.
Dv RE
2386 MERCURE DE FRANCE
"
J
REPONSE de M. Dupuy , Maître Chirurgien
Juré de Pezenas , à la Lettre de
M. Farlouche sur l'Observation d'une
Playe , pénétrant dans le bas- ventre , insérée
dans le Mercure du mois de Février der
nier:
Q
Uoique nous pensions comme vous
Monsieur , qu'il se trouve quelquefois
à la campagne de bons Chirurgiens , dont la
réputation ne s'étend pas fort loin ; & que
nous en connoissions d'autres dans les Villes
, brillans aux yeux du Public , moins par
l'éclat du vrai mérite , que par un dehors
affecté , & par une grande hardiesse ; vous
ne trouverez pas mauvais cependant ,,
que
nous refusions de nous rendre à vos preuves
, & que nous oposions.nos raisons à
celles que vous alléguez, dans votre Lettre
pour établir la réputation de votre Chirurgien
de la campagne , sur le débris en quelque
sorte , de celle que nos Maîtres Chirurgiens
se sont acquise , & qu'ils doivent véritablement
à l'heureux succès de leurs opéra--
rations journalieres , dans la carriere d'une
tongue expérience , & après d'exactes observations.
Mais avant que d'aller plus loin , je dois
YOUS
NOVEMBRE. 1738 2387
>
vous avouer ici que je ne prétends point
marquer le moindre mépris pour Mrs les
Chirurgiens de la campagne , encore moins
pour M. Poitevin , dont la sagesse & la pru
dence dans l'art se montrent tous les
jours par le soulagement de ses malades.
Mon dessein n'est que d'augmenter l'emulation
de ceux qui commencent à se rendre
utiles dans la saine Pratique ; de les encourager
à surmonter les differens obstacles
qui semblent arrêter le cours de leurs progrès
, & à se perfectionner , suivant les talens
que la Nature feur a départis. Le petit
nombre d'occasions que la Pratique leur
fournit à la campagne; l'eloignement pour la
peine , pour le travail de l'étude & de la lecture
des bons Livres ; la négligence assés .
ordinaire à s'instruire par d'éxactes observations
; enfin les occupations champêtres .
sont les plus grande's difficultés qui s'oposent
à cultiver les connoissances nécessaires pour
secourir efficacement les. Malades : de - là .
vient qu'on doit être beaucoup moins surpris
de ce qui se passe de funeste à la campagne
dans les maladies que, de l'heureux
évenement qui en termine le cours.
2
Tout le mondé sçait , & on ne l'éprouve
qu trop fréquemment à la campagne avec
douleur combien peu sont connuës les
maladies , surtout celles qui sont du ressort
D vi
2
da :
2388 MERCURE DE FRANCE
de la Chirurgie ; avec quelle méthode se fait
l'aplication des remedes , & le malheureux
sort qui les accompagne.
En êtes - vous surpris, M. ? ou plutôt n'êtesvous
pas trop clair - voyant en toutes choses,
pour ne pas vous en être aperçû vous - même
peut-être plus d'une fois?&pour ne pas accuser
la véritable cause des derniers malheurs
qui suivent toujours de près les moindres dérangemens
de la santé ?
Vous conviendrez donc avec nous , premierement
, que les bons principes font la
justesse & la solidité des consequences qui
en résultent. Secondement , qu'on doit les
puiser dans les meilleurs sources , en se tenant
auprès des Maîtres les plus fameux , qui
par leur experience consommée , se rendent
toujours plus recommandables. Troisiémement
, que toute l'experience d'un siècle entier
est défectueuse , si la raison ne vient au
secours , de même que celle- ci est aveugle
sans experience. Quatrièmement , que la
bonne méthode dans l'observation , est absolûment
nécessaire pour se former dans la
bonne Pratique. Cinquièmement , & que la
meilleure méthode elle-même , doit rouler
sur d'excellens principes , qui nous servent
de guides assurés dans les differentes routes,
& souvent nouvelles , que nous sommes
obligés de tenir , suivant l'exigence des cas
extraor
NOVEMBRE. 1738 2389
extraordinaires. Je vous fais à présent le
Juge , M. de ce qui peut arriver aux Malades
, si ceux qui en ont la conduite se trouvent
dépourvûs des qualités si essentielles à
la Profession ; & je vous laisse le soin de
faire vous- même en général l'aplication de
tout ce que vous venez d'entendre , pendant
que je reprendrai mon sujet , dont je puis
m'être un peu écarté , par le seul desir
que j'avois de m'entretenir plus long- temps
avec vous..
Vous proposez au Public M. Poitevin
Maître Chirurgien du Lieu d'Alignan du
Vent , Diocèse de Beziers , pour exemple de
ce que vous avancez dans votre Lettre ,
Qu'on peut trouver quelquefois dans les Villages
des gens aussi habiles que ceux des grandes
Villes , dont les coups de main sont des
coups de Maîtres les plus expérimentés.
Nous en convenons en particulier à l'égard
de votre Chirurgien ; mais nous soûtenons
que la preuve que vous aportez en faveur de
ce sentiment n'est pas assés solide , n'étant
fondée que sur la simple observation d'une
Playe pénétrant dans le bas- ventre , qui a été
guérie par la sage conduite de ce M. Poitevin.
Cependant conime on est très - porté à croire
communément , que la réputation d'un Chirurgien
est peu stable , lorsqu'elle n'est établie
que sur le bruit d'un seul Fait , dont
L'heureux
2390 MERCURE DE FRANCE
theureux évenement dépend moins , asses
souvent , de la bonne manoeuvre , que des
circonstances étrangeres , & favorables aux .
plus ignorans ; que rien au contraire ne montre
tant les véritables qualités des grands
Maîtres de l'Art , que les frequens succès
qui arrivent aux plus difficiles operations ,
où l'adresse & la dexterité sont merveilleu
sement employées vous ne sçauriez , sans
faire tort à ceux- ci , donner à si bon marché
à ceux- là des éloges , qu'on pourroit plutôt
regarder comme des piéges d'une injuste
complaisance , que comme les effets de la
justice qu'on doit rendre à l'habileté des gens .
de la Profession.
On peut encore ajoûter avec fondément, que
fa Playe en question paroissant peut- être plus
dangereuse par les symptômes , qu'elle ne
rétoit réellement de sa nature ( ce qui s'ob
serve quelquefois, et ce qu'on découvre ensui
te par l'évenement ) la curation en étoit plus
facile , moins incertaine , & le malade plus
assûré du retour de la santé ; par consequent
, si le bonheur d'avoir une semblabie
Blessûre à traiter , a fait celui de la guérison,
on ne doit rien décider touchant la réputa
tion de l'Operateur : ou pour mieux dire , si
lè succès d'un seul cas singulier , des plus
délicats même , donnoit à juste titre la quaré
d'habile. homme , doutez -vous que tous
>
les
NOVEMBRE. 1738 239**
Les Chirurgiens de la Ville & de la campa
gne n'eussent droit de s'en glorifier ? Il n'en
est guere entre les gens de notre Profession,
qui n'ait fait dans sa vie quelque cure d'éclat,.
& qui après mille funestes manoeuvres dans
l'Art , n'en ait pratiqué pour le moins une,
seule , suivie d'un heureux évenement.
+
<
&
Vous voyez donc qu'il n'est pas juste d'élever
si haut un Chirurgien pour un seul
coup de son Art , dont le succès peut être,
disputé à sa dexterité ou à sa méthode ,
de ternir en quelque façon la juste réputa→
tion que tant d'autres avec nous achetent
plus cherement dans les Villes , au prix des :
pénibles travaux d'une aplication continuelle.
Quelque dangereuse pourtant que la Playe..
parut , par le vomissement des matieres chi-
Leuses , le deuxième jour , dites- vous , par les,
mouvemens convulsifs , l'insomnie , le déli-.
Te > & principalement par la tension douloureuse
de tout le bas-ventre , & la fiévre ; .,
si l'on fait attention premierement , qu'étant ;
plus ou moins pénétrante , les boyaux pouvoient
être plus ou moins offensés , ( ce que,
l'évenement nous découvrit bien-tôt . ) Secondement
, que les accidens mentionnés
& surtout le vomissement des liqueurs chileuses
, pouvoient bien en avoir imposé à
Observateur. Troisièmement, que la tension ,
dou
Õ 、
2392 MERCURE DE FRANCE
douloureuse , avec la plupart des autres symp
tômes , venoient indubitablement de l'abondance
des sucs ou des matieres gonflées,raréfiées
& contenuës , soit dans le trajet intestinal,
soit dans les vaisseaux secretoires & excretoires
du foye , remplis d'une bile exaltée ,
ou dans le tissu de la rate , dans les veines
lactées engorgées d'un chile sulphureux , soit
encore dans d'autres parties de la même ca◄
pacité , l'ardeur de la fiévre faisoit le mouvement
intestin de toutes ces matieres . D'ail
leurs le cours rallenti des liqueurs dans
les tégumens , dans les muscles ; que la
solution faite en la continuité de leurs fibres,
pouvoit avoir occasionné , donnoit lieu
sans doute en partie à cette même tension .
Quatrièmement, que la fièvre survint par la
disposition de ces matieres pourries , qui
ayant été dévelopées & mises en jeu quelque
temps après le coup , que le malade reçut ,
firent remarquer dans tout le bas - ventre , le
faux caractere d'une inflammation des boyaux
interessés , ou des autres parties voisines.
Cinquiémement , qu'il est assés naturel de
compter dans ces sortes de sujets sur un
fond de pourriture , que les mauvais alimens
, pris sans regle & avec indiscretion
avoient accumulés ; si l'on fait , dis-je, atten
tion à tout ce que dessus , la curation de la
Playe ne paroîtra pas si merveilleuse , & on
ne
NOVEMBRE. 1738 2391
He sera plus surpris que cette inflammation
aparente en ait imposé à tout le monde . Ce
qu'il y a de certain cependant , est que cette
tension douloureuse disparut peu de jours
après , par l'usage de quelques décoctions
vulneraires , de petits purgatifs délayans , des
clysteres laxatifs , des topiques émolliens ,
qui , de concert avec quelques saignées ,
réussirent parfaitement à remplir les indications
de notre Théorie proposée sur cette
tension , & à redonner ainsi la santé au ma◄
lade .
En vain pour prévenir le prétendu étran
glement qui auroit , dites- vous , pu se faire
dans l'iléon , d'où venoit , selon votre sentiment
, le vomissement on fit avaler au
malade une petite bale de plomb ; comme
si le poids de ce corps solide , bien loin d'être
d'un grand secours , eut arrêté dans des
parties très délicates , le progrès d'une inflammation
commencée , si elles en eussent
été attaquées ; au contraire , le mauvais succès
d'un pareil remede dans de véritables cas
inflammatoires , en a desabusé tout- à - fait les
plus zelés partisans .
Tac
Maintenant donc que l'heureux succès de
la Playe ne doit pas paroître si surprenant
personne , on aura moins de peine à se convaincre
entierement qu'il ne mérite pas
d'aussi grands éloges que vous lui en donnez ;
le
2394 MERCURE DE FRANCE
le bon temperament du malade ,
ou la
faveur du hazard , réservée souvent à celui
qui y pense le moins , ayant pu operer tout
le bien de la guérison en question.
En effet , on est assûré que le bon tempe
rament est d'un grand secours dans les
maladies ; aussi voit- on tous les jours dans
un mauvais sujet , une maladie peu dange
reuse être souvent mortelle , & une grande
maladie par elle - même dans une bonne
constitution , avoir quelquefois un évenement
favorable. Il s'ensuit de -là premierement
que le succès d'une blessûre dangereuse
en aparence , mais sans aucun danger
véritablement dans un temperament à toute
épreuve , fera valoir le talent du Chirur
gien , fut-il des plus étourdis dans le métiers
Secondement , que l'évenement au contraire
'd'une blessûre légere en aparence , & dans
le fond dangereuse , par la seule faute d'une
mauvaise constitution , ne fera pas grand
honneur à celui qui en aura soin , fut- ik
Podatire ou Machaon. Dans le premier cas ,
lés moins experts doivent-ils passer justement
pour les plus habiles ? & ceux - ci dans
lè dernier , doivent-ils être regardés comme
les plus ignorans ?
Enfin le hazard favorise bien souvent les
gens de la Profession avec les malades ; c'est
ainsi que dans le concours des causes exter
nes .
NOVEMBRE. 1738. 2395
nes qui peuvent nuire à l'homme , il éprouve
à tout moment des coups heureux de
mille façons , portés sur l'habitude du corps .
Les uns , sous sous l'aparence d'un grand danger
, n'ont rien dans le fond d'effrayant.
Les autres , sous un un petit danger aparent ,
cachent les suites tragiques de leur évenement.
Ceux-ci, occupant les meilleurs Maî
tres , ont ordinairement le funeste sort que
rien ne peut éviter , dans le temps que ceuxlà
, tombant entre les mains des Chirurgiens
mal habiles , sont suivis quelquefois d'un
succès surprenant. Dans ces deux supositions
, sera - t- il juste & raisonnable de raporter
la gloire & la réputation des plus
fameux Maîtres aux moins experts dans
PArt , pour avoir heureusement rencontré
une fois ? quoique, dans les maladies differemment
dangereuses , qui s'offrent à la
pratique des uns & des autres , le pur hazard
semble autoriser l'injustice ?
A Pezenas , c 23 , Avril 1738.
VERS
2398 MERCURE DE FRANCE
VERS
A Mad. la Marquise de C....
EN vain dit- on qu'en un certain Ouvrage ,
*
Où Maître Isac est par nous exalté ,
J'ai , pour placer plus haut le Personnage ,
En main endroit ontré la vérité ;
Onc je ne pus , Louangeur hypocrite ,
Dans un Eloge injuste & parasite ,
Donner , sans honte , à de fausses vertus ,
Noms glorieux qui ne leur sont pas dus ;
D'où je conclus , qu'on ne peut s'étonner ,
Si , dans ces Vers dictés par la franchise ,
J'ose en vous même aujourd'hui couronner
Mille Vertus , qui causent ma surprise.
Pourquoi cela direz-vous , le voici.
Bien vous sçavez que dans ce siécle - ci ,
Siécle de fer , siécle vraiment barbare ,
>
Vertu sincere est un meuble plus rare
Que l'on ne pense ; & voilà justement ,
Pourquoi je vois avec étonnement ,
Tant de Vertus . qui sont en vous incluses ;
Et dont le nombre est si multiplié ,
* Epitre à Mr. C. C. D. S. J. D. H. P. Mercure
de Juin , I. Vol.
Que
NOVEMBRE. 1738. 2397
Que Dom Phoebus , & Mesdames les Mases
Pourroient à peine en louer la moitié .
Car en effet , candeur , délicatesse ,
Amour du
pauvre exacte pieté ,
Jugement sain , aimable politesse ,
D'ame & d'esprit parfaite égalité ;
Et cent vertus , ailleurs souvent postiches ,
Brillent en vous și naturellement ,
Que jamais Saints ne furent , dans leurs niches ;
Sur un Portail placés plus proprement ;
Or ces Vertus , dont votre coeur sublime
Est imbibé dans ces replis divers ,
Je l'avouerai , c'est un profond abîme ,
Où malgré moi je m'égare & me perds.
Donc j'aime mieux , vertueuse Uranie , `
Dans le secret admirer vos vertus ,
Que fatiguer vainement mon génie ,
A leur donner Eloges superflus.
Du 25. Août 1738 .
Par M. P **:
LETTRE
398 MERCURE DE FRANCE
ののの
LETTRE à M. D. L. R. sur la suite des
Nouvelles touchant l'Etablissement du
Bureau Typographique.
MONSIEU ONSIEUR ,
IEUR ,
J'ai l'honneur de vous envoyer la Relatien que
<vous m'avez demandée touchant l'Etablissement du
BureauTypographique dans quelques Villes de Province.
Je partis de Paris le 4. Septembre de l'année
dernière , avec un Secretaire et un Clerc , Imprimeurs
de Typographie , pour aller introduire à
P'Hôpital Géneral de Montpellier la nouvelle Méthode
partiquée ici à la Maison de la Pitié , ensuite
de la Délibération de M. M. les Administrateurs, du
27. May 1737.
Lyon , seconde ' Ville du Royaume , avoit déja
donné un préjugé favorable du bon goût de quelques-
uns de ses Citoyens pour l'éducation de la
premiere enfance. Le Maître que j'y envoyai au
mois d'Août 1735. entra en exercice peu de jour's
après. Les Enfans , à son arrivée dans les maisons
témoignerent autant de joye qu'ils avoient auparavant
témoigné de tristesse à la vûë de leur Maîresse
; ils trouverent courte la leçon de deux heures
, & auroient souhaité la continuer plus longtemps
. Bien des gens sensés , comprirent d'abord
que par le moyen du Bureau Typographique on
pouvoit aprendre aux Bafans , non-seulement la
lecture, l'ortographe , mais encore les premiers élemens
des Langues , et les premieres notions des
Arts & des Sciences,
Les Maîtres suivant la Méthode ordinaire, eurent
NOVEMBRE. 1738. 2399
un peu plus de peine à se rendre , ils sentirent que
pour enseigner la Typographie , il faloit l'étudier &
devenit Ecolier; ils trouverent humiliant de renoncer
pour quelque temps à la qualité de Maître; c'est
pourquoi il est aussi difficile de trouver des Maîtres
pour la Typographie , qu'il est aisé d'en trouver
pour la Méthode vulgaire .
Comme plusieurs Villes du Royaume & même
des Pays Etrangers , demandent des Maîtres de Ty.
pographie ; voici les conditions qui furent proposées
& acceptées à Lyon, je ne crois pas qu'on puisse
raisonnablement en exiger de moins onéreuses
pour des Parens riches , ni de moins avantageuses
pour de pauvres Maî res.
Premiere condition. On fit compter à Paris la
somme nécessaire pour l'emplette d'un Bureau , de
l'atirail Typographique, & pour le voyage du Maître.
Seconde condition . On s'engagea de loger & de
nourrir le Maître pendant quelques mois , en attendant
qu'il eût un nombre suffisant d'Ecoliers
pour son entretien .
Troisiéme condition . On laissa à la discretion
des Parens , les honoraires des Maîtres & des Précepteurs
, pendant quelques mois d'exercice ou
d'essai Typographique , avant que de les déterminer
& d'en convenir entre les Maîtres & les Parens.
L'évenement.fit voir que les Parens , sans risquer
beaucoup , avoient pris le bon parti pour l'éducation
de leurs Enfans , car au bout de deux ou trois
mois-le -Maître de Typographie eut assés d'Ecoliers
pour s'entretenir & pour dégager ceux qui l'avoient
apellés à Lyon. En prenant des Enfans en Ville à
25. livres par mois , le Maître s'obligea , & eux à
lui pour une année , & suposé qu'après l'année révoluë
, quelque Eleve eût voulu quitter le Maître
en ce cas-là , on étoit obligé de le prévenir trois
mois
$30012
2400 MERCURE DE FRANCE
mois avant l'échéance , afin que le Maître put s'engager
avec quelqu'autre pour l'année suivante. Il
donnoit deux heures par jour à chaque Bureau ,
ou à chaque famille .
La Typographie , au reste, doit cet établissement
à M. l'Abbé de Clapeyron , Protonotaire du S. Siege
, Amateur de toute Litterature , logé par Brevet
au Château de S. Germain en Laye , où le goût de
Pétude l'a fait retirer; à M. de Clapeyron, son frere,
' Grand- Trésorier de France à Lyon , Protecteur zelé
de la nouvelle Méthode ; à M. de la Font , Greffier
en Chef des Finances à Lyon ; à M. Palerne , & à
M.Constant, leurs beaux - freres.Mad. de Clapeyron
la Mere , avec tout l'esprit , toute la pieté & tout le
mérite possible , se fait aussi un plaisir de proteger
la nouvelle Méthode . Le Lecteur sera bien aise de
sçavoir encore que feu M. de Clapeyron le Pere ,
dont le mérite étoit géneralement connu , mourut
Député de Lyon au Conseil du Commerce , ayant
cû , sous tous nos Seig. les Ministres , l'honneur
de leur confiance ; la reconnoissance éxige
que nous rendions ce témoignage à cette digne Famille
de Lyon , & que nous proposions leur exem,
ple aux autres bonnes Villes de Province.
Le Maître de Typographie ne pouvant lui seul
répondre à l'empressement des Parens , apella à son
secours un Maître qu'il avoit laissé à Paris , & quelques
mois après M. le Marquis de Grolier , don't le
seul nom fait l'éloge dans la République des Lettres
, présenta cès nouveaux Maîtres à M. l'Archevêque
de Lyon , & leur fit obtenir la permission
d'établir une Ecole de Typographie , & c.
Cette Ecole réussit d'abord pour les Enfans externes
à 10. livres par mois , & pour les Enfans en
pension , à raison de 400. livres l'annéel ; je la trou
yai montée sur ce ton-là , aprouvée & protegée par
quantité
NOVEMBRE . 1738. 2401.
quantité de Personnes de considération . De notre
côté nous concourûmes au bien public de la Typo- .
graphie, en tout ce qui dépendit de nous , pendant
peu de séjour que nous fimes dans cette Ville
à la fin de Septembre de l'année derniere.
le
Nous descendîmes ensuite à Villeneuve , ou nous
trouvâmes une petite Ecole de Typographie , qui
auroit pu subsister plus long temps , si M M. les
Bourgeois avoient pu retenir la personne que M. de
Duret , Maître des Ports , avoit fait venir exprès de
Paris pour M.son fils , ou que le charitable Magistrat
cût resté plus long -temps dans le Pays. Nous eûmes
aussi le plaisir de voir une Ecole nombreuse à Avignon
, formée à l'exemple de celle de Villeneuve
mais la vente de la maison donna ensuite lieu au
Maître de transporter son Ecole à Bonieux , dans le
Comtat , et il ne resta à Avignon qu'une jeune Maîtresse,
ayant le Bureau Typographique chés elle .
Arrivés à Montpellier le 4. Octobre , nous visitâmes
les quatre Ecoles de l'Hôpital Géneral , &
nous trouvâmes M M les Intendans , Recteurs &
Sy-dics de cette Maison , pleins de zele pour l'établissement
de la nouvelle Méthode , de sorte que ,
malgré la rigueur d'un hyver très- rude , & diverses
maladies contraires aux soins qu'exige une semblable
entreprise , nous eûmes la satisfaction de voir
commencer & continuer avec succès les exercices
du Bureau dans la Manufacture des grands garçons,
en conséquence de la Délibération de M M. les Administrateurs
, du premier Décembre 1737. au raport
de M. de Massilian de Massureau , Trésorier
de France & Intendant de semaine .
Le Bureau Typographique de cette Salle est double
& adossé , surmonté d'un double pupitre à plusieurs
lignes pour les grands Enfans; les deux tables
peuvent servir aux petits déja un peu avancés ; l'un
E de
2402 MERCURE DE FRANCE
de ces Bureaux est garni de gros Caracteres de Livres
, & l'autre de grand Caractere imitant le Manuscrit.
La Machine , au milieu de la Salle éclairée
des fenêtres de chaque côté , sert de Livre à droit
& à gauche aux Enfans des doubles gradins , qui
tricotent , & qui sont curieux de voir & de lire la
nouvelle composition . Le Maître de cette Ecole
chargé de l'instruction de près de deux cent Enfans
, s'est trouvé fort soulagé en suivant la nouvelle
Méthode , il a formé des Enfans Décurions
qui sont autant de souss--.Maîtres, comme on le pra
tique à l'Hôpital de la Pitié à Paris, & à l'Ecole de
P'Enfant Jesus .
'
>
A mesure que nous donnions nos soins à l'Ecole
de cette Manufacture , nous entreprîmes aussi l'Ecole
des petits garçons & celle des petites filles,pour
répondre au zele & à l'empressement des Soeurs &
des Gouvernantes qui sont chargées d'instruire les
Enfans de quatre à sept ans , & ce fut dans ces
deux Ecoles que le Public admira le plus la supériorité
de la nouvelle Méthode sur la Méthode vulgaire,
car les Enfans y mettent moins de temps pour
aprendre à lire , qu'ils n'en mettoient auparavant
pour n'aprendre que la mauvaise , la fausse ou la
captieuse dénomination des Lettres . Il y a lieu d'es
perer que cet Etablissement ira toujours de mieux
en mieux , malgré la mort de M. Colbert , qui
avoit fait esperer une petite fondation pour
l'encouragement des Maîtres & pour l'entretien de
Pattirail Typographique . Quand l'Hôpital n'auroit
pas été l'héritier de ce Prélat , il n'auroit pas laissé
de pourvoir à ce nouvel établissement , goûté &
aprouvé par M. de Charency , digne Successeur ,
aimant beaucoup les pauvres ; ce Prélat a été temoin
oculaire des progrès de toutes les Classes du Bureau
Typographique dans les quatre Salles ou quatre
NOVEMBRE. 1738. 2403
tre Ecoles de l'Hôpital Géneral de son nouveau
Diocèse.
Comme l'éducation des filles est fort négligée
dans le monde le plus riche , il n'est pas extraordiraire
qu'elle le soit encore plus dans un Hôpital ,
c'est pourquoi nous laissâmes à son triste sort l'Ecole
ou la Manufacture des grandes filles , mais le
fruit des autres Ecoles excita de plus en plus le zele
de la Soeur qui préside à cette Manufacture , & à
force de solliciter M M. les Administrateurs , cette
Soeur obtint la permission d'introduire chés elle un
Bureau semblable à celui de la Manufacture des garçons
; il s'agissoit de le garnir à la veille de notre
départ , plusieurs Soeurs l'entreprirent en veillant
bien des nuits pour avancer l'ouvrage , nous fimes
tous un effort pour mettre cette Manufacture au niveau
de la Manufacture des garçons , & l'on peut
dire qu'à proportion du temps & des soins , cette
derniere Ecole , piquée d'émulation & penetrée de
reconnoissance , fit de plus grands progrès avec
moins de secours. Je puis même ajoûter à la louange
du Sexe tant négligé , que l'Ecole des petites filles
l'emporta d'abord de beaucoup sur celle des petits
garçons , quoique les uns & les autres eussent
des Cartons élémentaires , la tringle en pupitre à
plusieurs lignes , & le Bureau de quatre rangs.
Pendant que tout cela se passoit hors de la Ville
à l'Hôpital Géneral , pour lequel nous avions entrepris
le voyage , nous ne laissâmes pas de faire
des conquêtes dans la Ville. Nous eûmes le bonheur
de trouver chés les Dames Noires , une Supérieure
& des Soeurs , ayant toute l'intelligence & toute la
docilité nécessaires, pour aprendre & professer hardiment
la nouvelle dénomination dans leurs Ecoles
Royales , & les exercices du Bureau Typographique
dans la Classe des Pensionaires , en commençant
E ij рас
2404 MERCURE DE FRANCE '
par les plus grandes & les plus sçavantes , pour les
mettre plutôt en état de montrer aux autres ; le
succès étonnant de la lecture , de l'ortographe &
de la Grammaire Françoise , a démontré à ces Dames
la vérité de ce que nous avions osé leur enseigneur
& leur prédirė.
Il faut convenir cependant qu'il y a bien des hazards
& des circonstances qui portent les hommes
à faire plutôt ou plus tard usage de leurs lumieres ,
sans quoi le préjugé & la coûtume les tyrannisent
& les laissent en géneral dans l'indifference , même
à l'égard des choses où il seroit de leur honneur &
de leur véritable interêt d'en prendre quelque connoissance.
Le Bureau Typographique faisoit déja
trop de bruit à l'Hôpital General pour rester plus
long- temps inconnu dans la fameuse Communauté
des Pensionaires des Dames de Sainte Colombe
ou de Mlle Cassagne . D'abord les Soeurs
avec quelques Pensionaires allerent à l'Hôpital Géral
& ne rougirent point de travailler avec les petits
Enfans ; touchés de leur modestie , de leur humilité
& de leurs talens pédagogiques, nous ne pûmes leur
refuser une partie de nos soins , quoiqu'à la veille
de notre départ ; ces Dames se mirent d'abord au
fait de l'Imprimerie , garnirent leur Bureau ellesmêmes
, & quoique des dernieres à aprendre cette
Méthode , elles se mirent bien- tôt des premieres
pour les progrès . Plusieurs Pensionaires furent dans
peu en état d'enseigner les autres , & le Public va
actuellement admirer dans cette Maison une petite
fille de trois ans , dont le plus grand plaisir est de
travailler à la table du Bureau Typographique , &
la plus grande pénitence d'en être éloignée . Il en
est de-même à la Maison de la Pitié , où les Enfans
quitteroient volontiers le boire & le manger pour
availler au Bureau Typographique. Ce point seul
fair
NOVEMBRE. 1738. 2405
fait bien voir la difference & l'esprit des deux Méthodes
.
Sçachant par experience qu'il vaut mieux s'attacher
aux Ecoles publiques & permanentes , qu'à de
simples Maisons particulieres inconstantes , indifferentes
& passageres , nous nous prétâmes aussi à
l'établissement de quatre Ecoles de Typographie ,
sçavoir , deux pour les garçons & deux pour les filles.
Comme ce ne sont - là que des Bureaux de quatre
rangs , nous eûmes sur la fin le plaisir de voir
venir deux Curés de la Campagne , se mettre au fait
de cette Méthode pour les exercices du Bureau de
six rangs & pour le Dictionaire de la Typographie;
nous visitâmes ces Curés & les trouvâmes très-zelés
& très -instruits pour l'éducation des Pensionaires
qui ont le bonheur de leur être confiés.
J'aprends depuis mon retour , que la Typogra-.
phie prend de nouvelles forces à Montpellier , &
que l'Hôpital Géneral est en état de fournir des
Enfans qui puissent aller montrer en Ville les premiers
élemens de la Typographie & les exercices
du Bureau de quatre rangs , non - seulement à des
Enfans , mais encore aux Maîtres & aux Maîtresses
de la Méthode vulgaire , qui voudront suivre la
nouvelle . J'ajoûterai même, que le meilleur moyen
de rendre durable ce nouvel établissement dans les
Hôpitaux , c'est d'y former beaucoup de Maîtres ,
capables d'être utilement répandus à la Ville & à
la Campagne.
En attendant la suite de cette Relation , j'ai
l'honneur d'être , &c.
Les mots de l'Enigme & des Logogryphes
du Mercure d'Octobre sont , Le Temps,
Epingle , Volupté , Scrupule , et Castrum
E iij On
2406 MERCURE DE FRANCE.
On trouve dans le premier Logogryphe }
Nil , Elie , Liége , Ligne , Peigne , Gien
Linge , Pie , Saint Lin , Nege , Lien , Epi
ne. Dans le second , Pou , Vol , Loupe
Loup , Louve , Poule , Poulet , Voute , Pole ,
Po , Pot , Volet ; dans le troisième , Vulpes ,
Lupus , Cervus , ou Lepus ; et dans le quatriéme
on trouve, Astrum, Marcus , Turma,
Arcus Ramus et Mas.
ENIGM E.
ON remarque dans moi plus d'un bizarre effet
Je marche lentement, lorsque ma panse est vuide ;
Quand j'ai le ventre plein , mon pas est plus rapide.
Quelquefois on me perche au haut d'un long piquet .
Et quelquefois sur ma tête
Ce long piquet est planté ;
Mais loin que dans ma course un tel fardeau m'arrête
,
Il accroît ma legereté.
Tantôt l'on me voit isolée ;
Tantôt par des liens divers
Je suis avec mes soeurs fortement enchaînée
Mais plus on nous charge de fers ,
Plus nous acquerons de vitesse.
Enfin quoique souvent j'inspire l'allegresse ,
Mes
NOVEMBRE. 1738. 2407
Mes habits sont d'une couleur •
Qui ne convient qu'à là douleur.
A. X. Harduin , d'Arras.
********** ***********
LOGOGRYPHE ENIGMATIQUE,
J E suis Créature chétive ,
Dont les Humains font peu
J'ai cependant une prérogative ,
Que bien d'autres n'ont pas ,
de cas ;
C'est qu'un Amant heureux, au fort de sa tendresse,
De mon nom tous les jours apelle sa Maîtresse .
Pour me trouver , Lecteur , il faut de grands efforts .
Je suis dans ma premiere enfance ,
A le
Et toutefois l'Auteur de ma naissance`
corps de moitié plus petit que mon corps ;
Au reste quoiqu'il soit mon pere véritable ,
Presque aucun de ses traits à mes traits n'est semblable
;
Ce n'est pas encor tout , Lecteur , voici le fin ;
Je vais te présenter enfin
Un inconcevable mystere ;
En moi sont renfermés & mon frere & ma mere.
Par le même.
E uij
LO
2408 MERCURE DE FRANCE
LOGOGRYPHE tiré d'un Manuscris
des Poësies de Guillaume Machaut , Nº.
7612. de la Bibliotheque du Roy , F. 95.
ET se sçavoir voulez sans doubte ,
Qui a fait cette Rime toute ,
C'est chose legiete et si plainne ,
Que la savez à pou de painne ,
S'un petit vous voulez esbattre
"
En XVIII. II. IX. IIIL
+
XL. X. & IX . II.
Mais qu'ils soient parti en deux,
Et en XIII. VII. XVIII.
XIX. IIII. III. & VIII.
Sans faire nul adjoustement >
Par ce verrez tout clerement ,
Se cilz est Clers ou Damoyseaux ,
Que fit dit des III. Oyseaux.
LOGOGRYP HE tiré d'un Manuscrit
des Poësies de divers Auteurs , N°. 7689 .
de la Bibliotheque du Roy , F. 93. à la fin
d'une Piéce intitulée le Pin Maître Jehan
Chastel.
Q
Ui par Lettres d'assembler & reprendre ,
Savoit IX. V. de XIII . à point prendre
Six X, & de XV I. & de X. doubles vint >
>
NOVEMBRE. 1738. 2409
Il trouveroit à celle à qui me convint ,
Des quinse ans a par amours lige rendre ,
Par ce dictié le pourroit- il emprendre ,
Et le beau nom y connoistre & aprendre,
De la Belle dont ce doux mal me vint.
LOGOGRYPHE.
HArdiesse d'abord me fait ce que je suis ;
Avec certain esprit & malice peu noire ;
Ainsi borné , je plais , je réjouis ;
Il en est cependant d'un méchant répertoire ,
Qui d'emporter la piéce ont la mauvaise gloire .
Quoiqu'on me traite de malin ,
Très-souvent je ne suis que drôle ;
Il est même assés de mon rôle
De faire un peu le patelin.
D'un tel original , chose assés singuliere ,
C'est
que l'on trouve en moi la maison de priere ;
Et dans les mêmes traits ce qui passe au Moulin ,
Pour de notre aliment devenir la matiere.
Cherchez & combinez ; de plaintive maniere
Un Amant dans des Vers accuse le destin
De ce qu'il ne rend pas sa Maîtresse moins fiere,
De même se rencontre un Prophete fameux
Par tous ses faits miraculeux.
Un de moins , femme malheureuse
Mais dont l'histoire est fabuleuse.
E v It
2410 MERCURE DE FRANCE
Il s'agit de huit pieds , dont cinq bien assortis ,
Vous fournissent le nom du Mari de Thetys .
Au trois qui commençoit , substituez le six ,
C'est le signal de la froidure ,
Il faut dire , adieu la verdure ;
Et dans un autre sens , moyennant quelque coût ,
Je suis moins froide , & flate votre goût .
Item , une embuscade , où le mauvais génie
Peut faire trébucher & réduire aux abois.
Changez mon chef, sur moi l'on fait valoir les Loix ;
J'environne , je porte , & l'on me sanctifie .
Changez- le encor ; nom de Ville & de Bois ;
Nombre pareil ; Promontoire d'Asie ,
Sur les bords duquel autrefois
On vit grand nombre de Gregeois
Faire perdre & laisser la vie.
Ils employoienr certain Outil
Que je produis , réduit à quatre ,
Et qui n'est rien moins que gentil ,
Dès-lorsqu'il s'agit de se battre.
Sans diminuer , je contiens
Prince & Mer des Athéniens
Fameux dans la Mythologie
Un Saint de la même Patrie
Sur ses freres reclus ayant autorité.
Plus , une Ville d'Italie ;
Un Prophete , au nom respecté ,
Que
NOVEMBRE. 1738: 2411
•
Que bien des gens croyent en vie ;
Un terrain qui n'est visité
Qu'en traversant l'eau qui le fortifie.
Je suis , de quatre encor , souvent sans propreté ,
Un sujet , dont l'écorce ou le poil est ôté ;
Des présens de Cerés le nourricier fidele ,
Est de mes Elemens , à n'en prendre que trois ;
Une longueur; un membre; un Oiseau , dont la voix
Jamais certainement ne passera pour belle.
Je suis encor un Roy parmi les fleurs ,
Et l'excrément de beaucoup de Liqueurs ;
Enfin , je contiens ce qui donne
Le goût aux mets qu'il assaisonne.
J. Chevrier , Organ, à Chem. E. A.
LOGOGRYPHUS.
P Rosum autumnali , brumali tempore prosum ;
Prosum Estivali , Vernali tempore prosum ;
Attamen utilior brumali tempore , Lector. }
In tribus his qque meformant , vis quarerè nomen ?
Me totam certò reperire valebis apertè ;
Primò , ex antiquis , Divini Numinis uxor
Apparet : quod sape trahunt ex ubere matris
Infantes , quod tandem homines fermè induit omnes.
Idem .
E vj
NOU.
2412 MERCURE DE FRANCE
NOUVELLES LITTERAIRES
H
DES BEAUX ART S.
ISTOIRE de la Succession aux Duchés
de Cleves , Berg , & Juliers ; aux
Comtés de la Mark , & de Ravensberg , &
aux Seigneuries de Ravestein & de Winnendal
; tirée des Preuves autentiques , produites
par les Hauts Concurrens. Par M. Rousset,
Membre des Académies des Sciences de
Petersbourg & de Berlin. 2. vol. in - 12 . le
premier de 386. pages , le second de 295.
AAmsterdam , chés J. Wetstein, & G. Smith,
se trouve à Paris , chés Cavelier , Libraire,
ruë S. Jacques , au Lys d'or
SERMONS ET HOMELIES sur les Mysteres
'de N. S. , de la Sainte Vierge , & sur d'autres
Sujets , par M. Jerôme de Paris , Grand-
Vicaire & Official de Nevers , Tome premier
, contenant les Mysteres de N. S. , à
Paris , chés Didot , Quai des Augustins , à
la Bible d'or , & Nyon , fils , sur le même
Quai , à l'Occasion , 1738 .
LETTRE de M. de la Mettrie , Docteur er
Médecine , à M. Astruc , Médecin Consultant
NOVEMBRE. 1738. 2415
tant du Roy , & Professeur en Médecine au
College Royal de France. A Rennes , chés la
Veuve de P. A. Garnier , Imprimeur - Libraire
, Place du Palais , à la Bible d'or. 1737.
Brochure in- 12 . de 141. pages.
LES PSEAUMES PARAPHRASE's , suivant le
Sens Littéral & le Sens Prophétique ; par un
Prêtre Solitaire. A Paris , chés Grégoire
Dupuis , ruë S. Jacques , à la Couronne d'or;
Charles Osmont , à l'Olivier ; Louis Dupuis ,
à la Fontaine d'or. 1738. Trois volumes in-
12. le premier Tome de 588. pages , le second
de 484. & le troisiéme de 566.
Le Recueil complet des Oeuvres de M.
l'Abbé Nadal , en trois volumes in- 12 . paroîtra
incessamment chés Briasson , Libraire,
ruë S. Jacques , à la Science. On trouvera
dans le premier volume quelques Dissertations
sur les Vestales , sur le Luxe des Dames.
Romaines , sur les Voeux & les Offrandes
des Anciens , & c. Le second contiendra un
Recueil de diverses Poësies , échapées à
l'Auteur en differens temps , avec des Observations
sur la Tragédie ancienne & modernes
, & des Dissertations sur le progrès du
Génie Poëtique dans Racine. Le troisiéme
renfermera les Tragédies de M. l'Abbé
Nadal
CONVER
#414 MERCURE DE FRANCE
CONVERSATIONS sur plusieurs Sujets de
Morale , propres à former les jeunes Demoi→
selles à la Pieté , Ouvrage utile à toutes les
Personnes qui sont chargées de leur Education
; nouvelle Edition , revûë , corrigée , &
augmentée. Vol. in - 12 . Prix , 2. liv. A Paris
, chés Ganeau , Libraire , rue S. Jacques.
3.
LA BEQUILLE , petite Comédie d'un Acte
en Vaudevilles représentée à l'Opera Comique
le 15. Septembre 1737. petite Brochure
de 52. pages . A la Haye , chés Neaul
me. 1738.
LETTRES EDIFIANTES & Curieuses , écri
tes des Missions Etrangeres , par quelques
Missionaires de la Compagnie de Jesus .
XXIII. Recueil , à Paris , chés Nicolas le
Clerc , ruë de la Bouclerie , près le Pont Saint
Michel ; & chés P. G. le Mercier , an Livre
d'or , rue S. Jacques , 1738. in- 12 . de $ 19 .
pages , sans la Table & la Préface.
HISTOIRE DES REVOLUTIONS DE
FRANCE , où l'on voit comment cette Monarchie
s'est formée , & les divers changemens
qui y sont arrivés par raport à som
étendue & à son Gouvernement. On y a
joint des Remarques Critiques , & les Fastes
des Rois de France , depuis Clovis jusqu'à
la
NOVEMBRE. 1738. 2419
la mort de Louis XIV. Par M. de la Hode ;
4. vol. in- 12 . Le premier Tome depuis Clovis
jusqu'à Louis le Fainéant ; le second , depuis
Hugues Capet jusqu'à Louis XIV. Le
troisiéme contenant les Fastes depuis Clovis
jusqu'à la mort de François I. Le quatrième
contenant les Fastes depuis Henri II. jusqu'à
la mort de Louis XIV. A la Haye , chés
Pierre Gosse , & Adrien Moetjens , 1738 .
Nous croyons que ce Livre doit être lû
avec précaution , & que la meilleure qu'on
puisse prendre , est de lire l'Extrait , fait de
main de Maître , qu'on trouve dans le mois
d'Octobre du Journal de Trévoux, p . 2039 .
COURS D'ARCHITECTURE , qui comprend
les Ordres de Vignole avec des Commentaires
, les Figures & les Descriptions de ses
plus beaux Bâtimens , & de ceux de Michel-
Ange , des Instructions & des Préceptes , &
plusieurs nouveaux Desseins concernant la
Distribution & la Décoration , la Matiere
& la Construction des Edifices , la Maçonnerie
, la Charpenterie , la Couverture , la
Serrurerie , la Menuiserie , le Jardinage , &
généralement tout ce qui regarde l'Art de
bâtir. Par le Sr C. A. d'Aviler , Architecte .
Nouvelle Edition , enrichie de nouvelles
Planches revûë & augmentée de plusieurs
Desseins , conformes à l'Usage pré-
›
sent
2413 MERCURE DE FRANCE
sent , & d'un grand nombre de Remarques ".
A Paris , chés Jean Mariette , ruë S. Jac
ques , aux Colonnes d'Hercule , 1738. Vol.
in-4° . grand Papier de 408. pages , sans les
Tables & les Préfaces.
NOUVEAUX AMUSEMENS DU COEUR ET
DE L'ESPRIT. Septiéme Brochure, in- 12 . d'environ
150. pages , se vend à Paris , chés
Bienvenu , Quai des Augustins. Le Prix est
de vingt-quatre sols .
י
On auroit pu objecter à l'Auteur de ces
Amusemens, que la sixième Partie n'étoit pas
assés variée. Il paroît que son attention a
été grande cette fois-ci , pour éviter la critique.
Dans un Ouvrage de pur agrément ,
il est bien embarassant de ne pas s'écarter
quelquefois d'un plan difficile à remplir à la
fettre. D'ailleurs le goût de l'Auteur domine
toujours , & , suivant son attrait , il fait
entrer dans son Recueil les matieres conformes
à son inclination . Ce qui fait qu'on a
de temps en temps dans celui- ci des morceaux
de Littérature , qui ne nous paroissent
pas , après tout déplacés. L'Esprit humain
n'est il pas capable de se délasser par la lecture
de Piéces sçavantes , autant que par
celles qui sont purement agréables ? Il ne
s'agit que de tomber dans les mains d'un
Lecteur disposé favorablement. Mais on n'a
qu'à
NOVEMBRE . 1738. 2417
qu'à donner du bon , de l'excellent , on est
toujours sûr d'être lu. Eh ! qu'importe que
le Titre des Amusemens en souffre un peu ,
pourvu qu'on mérite d'être aplaudi ? On n'ignore
pas qu'il n'y a presque point de Livres
qui ayent leur vrai Titre ; & à chaque Ouvrage
détaché , il en faudroit un propre.
Quel embarras !
Le Discours sur la vanité des Grandeurs
humaines , est écrit d'un style léger & mâle
tout à la fois. On en va juger par ce que
l'Orateur dit sur la vanité des Sciences en
particulier. Voici ses tèrmes.
La Science qui semble donner tant d'étendue
& de richesses à l'Esprit , n'est propre
qu'à en faire connoître les bornes étroites &
Textréme pauvreté. Car à quoi se réduisent ces
connoissances tant vantées ? A un assemblage
informe de vains sons & de mots le plus souvent
vuides de sens : à un amas confus d'erreurs
de désordres , defolies & de vices , qui composent
le riche tissu des opinions & des actions
de chaque siécle : à un très -petit nombre d'idées
claires qui se saisissent avec beaucoup de
peine , qui échapent avec plus de facilité , &
qui ne découvrent que fort imparfaitement des
vérités très-minces & très- stériles.
Les nouvelles découvertes ajoûtées aux an
ciennes , n'ont fait que donner naissance à de
nouveaux doutes , & multiplier les disputes.
Les
2418 MERCURE DE FRANCE
Les ressorts de la Nature sont- ils beaucoup
plus connus ? Les perfections incompréhensibles
de son Auteur sont- elles plus dévelopées ? Les
profondeurs respectables de son Etre , & Les
mystérieuses ténèbres qui nous cachent le nôtre
ne nous font -elles pas éprouver , que ce qu'il y
a de plus petit comme ce qu'il y a de plus grand,
est également hors de notre portée ? Mais quand
ces lumieres seroient plus grandes , sont-elles à
nous ? Des idées claires , universelles , éterneltes
, firent- elles jamais partie d'un esprit de
quelques années , resserré dans la plus étroite
sphere , & enfeveli dans la plus profonde igno
rance de lui-même ? De la foiblesse des lumiesuit
la bassesse des sentimens , &c.
›
On trouve parmi les Poësies un beau Sonnet
de M. de Morand au Maréchal de Villars
lorsqu'il partit pour l'Italie en 1733. Le
Voici.
VILLARS , tes grands Exploits qui sauverent la
France
Dans les siècles futurs t'immortaliseront ;
La Paix fut le doux fruit de ta haute prudence :
Mais de nouveaux honneurs doivent orner ton
front.
Ta Patrie & ton Roy , l'Espagne & le Piedmont
Sur toi seul aujourd'hui fondent leur esperance ;
Arme ton bras vainqueur,cours venger leur affront ;
L'AlleNOVEMBRE
. 1938. 2419
L'Allemand pourra- t-il soûtenir ta présence
Les grands coeurs en tout temps conservent leur
valeur :
L'âge respecte en eux leur premiere vigueur ;
s'affranchir des loix de la Nature . Ils
sçavent
Semblables aux Lauriers que leur main doit cueillir,
Qui des ans , des saisons , ne craignent point l'injure
,
Les Héros ont le droit de ne jamais vieillir.
Le troisiéme Entretien d'Ariste & d'Eu
doxe sur la Géométrie naturelle , est dans le
goût des deux premiers. L'Esprit Philosophique
en est l'ame , & il y regne beaucoup
de vérité. Tout y paroît reflechi méthodiquement.
Un petit Roman intitulé , Les Noms suposés,
remplira l'attente de ceux qui ne veulent que
s'amuser.
L'Elegie de M. Deniset à une Maîtresse qui
s'est faite Religieuse , est bien faite . Elle
fera plaisir à ceux qui aprendront qu'elle est
d'un jeune & célebreAvocat de Paris, aveugle
presque dès sa naissance, ( à deux mois ) qui
malgré les obstacles de la Nature , a réunî
les plus rares talens , & est avoué comme un
homme d'un grand mérite par les Démosthenes
& Cicerons de Rome & d'Athenes
modernes,
Finis
1420 MERCURE DE FRANCE
Finissons cet Extrait par un souhait singu
lier , fait par M. d'Arnaud , pour une Dame
qui avoit perdu deux maris dans l'espace de
deux ans.
Etrennes pour l'année 1738.
En l'an sept cent trente- huitiéme
Quels voeux puis - je former pour vous?
En l'an sept cent trente -sixième
Vous perdites , Cloris , votre premier Epoux.
En l'an sept cent trente- septiéme
Votre second Mari n'eut pas un sort plus doux :
Je vous en souhaite un troisiéme.
Puissiez-vous les enterrer tous
En l'an sept cent trente -neuviéme !
RECUEIL de plusieurs Piéces de Poësie &
d'Eloquence , présentées à l'Académie des
Jeux Floraux l'année 1738. avec les Discours
prononcés dans les Assemblées publiques
de l'Académie , à Toulouse , un Vol
in- 12 . chés le Camus , de 224. pages.
L'Académie des Jeux Floraux a fait , selon
sa coûtume , la Distribution des Prix le 3 .
Mai dernier. M. de la Touloubre , Substitut
de M. le Procureur Général du Parlement
d'Aix , & Professeur Royal en l'Université
de la même Ville , est Auteur de l'Ode qui
a pour titre , l'IMAGINATION , & qui a remporté
le premier Prix. Le
NOVEMBRE 1738 2421′
Le P. Theodore Lombard , Professeur de
Réthorique au College des Jésuites de Toulouse
, est Auteur du Poëme qui a pour
titre , Momus , lequel a remporté le Prix de
ce genre. Le même P. est Auteur du Discours
, comme aussi de l'Idille allégorique ,
& de l'Elégie qui a pour titre , LES COMBATS
INTERIEURS DE S. AUGUSTIN AVANT SA
CONVERSION , qui ont été couronnés. Le
même Auteur remporta le Prix du Poëme
dans cette Académie en l'année 1736 .
M. Seguin du Lieu d'Eguilles , près d'Aix
en Provence , est Auteur de l'Elégie , qui a
pour titre , LES PLAINTES D'HYPERMNESTRE
, qui a remporté un des Prix réservés,de
ce genre.
L'Académie avertit que le Sujet du Discours
, sera pour l'année prochaine 1739 .
RIEN N'EST SI GLORIEUX QUE DE PARDONNER
.
Elle distribue tous les ans quatre Prix ou
Fleurs. Le premier de ces Prix destiné à une
Ode , est une Amaranthe d'or de la valeur de
400. liv.
Le second , une Violette d'argent , de la
valeur de 250. liv. Ce Prix est destiné à un
Poëme de 60. Vers , au moins , & de 100 .
Vers , au plus. Le Sujet en doit être Héroïque
, ou dans le genre noble.
Le troisiéme Prix , est une Eglantine d'argent,
2422 MERCURE DE FRANCE
gent , de la valeur de 250. liv. lequel est des
tiné à une Piéce de Prose , d'un quart d'heure
, ou d'une petite demi-heure de lecture.
Le quatrième , un Souci d'argent , de la
valeur de 200. liv. Il est destiné à une Elegie
, à une Idille , ou à une Eglogue . Ces
trois genres d'Ouvrages concourent ensemble
pour le même Prix.
L'Académie a réservé deux Prix d'Ode ,
deux Prix de Poëme , & un Prix de Discours
, qui avoient déja été réservés les années
précédentes ; ensorte qu'elle aura à distribuer
l'année prochaine 1739. trois Prix
d'Ode , trois Prix de Poëme , deux Prix de
Discours , & un Prix d'Eglogue.
Le Sujet de tous les Ouvrages de Poësie est
au choix des Auteurs , mais les Poëmes , les
Idilles , les Eglogues , & les Elégies , doivent
être en Vers Alexandrins , ou à rimes
plattes.
Les Ouvrages qui ne sont que des Imitations
, ou des Traductions , ceux qui ont
parû dans le Public , ceux qui traitent de
Sujets donnés par d'autres Académies , ceux
qui ont quelque chose de Burlesque , de Satyrique
, de contraire aux bonnes moeurs
ceux dont les Auteurs se font connoître
, avant le Jugement , & pour lesquels ils
sollicitent , ou font solliciter , n'entreront
pas dans le Concours pour les Prix.
Les
NOVEMBRE. 1738. 2423
Les Auteurs qui traitent des Matieres
Théologiques , doivent faire mettre , au bas
de leurs Ouvrages , l'Aprobation de deux
Docteurs en Théologie.
On fera remettre dans tout le mois de
Janvier de l'année 1739. par des Personnes
domiciliées à Toulouse , trois Copies bien
lisibles de chaque Ouvrage, qui sera désigné
seulement par une Devise ou Sentence. M. le
Secretaire en écrira la Reception dans son
Registre, avec le nom, la qualité, ou profes
sion , & la demeure des personnes qui les
lui auront remis , lesquels signeront son Re..
gistre , & il leur en expédiera le Récepissé.
On ne doit pas envoyer les Ouvrages en
droiture par la Poste à M. le Secretaire , cette
voye exposant les Auteurs à des surprises ,
&mettant l'Académie hors d'état de prendre
les sûretés convenables , pour leur faire remettre
les Prix , si leurs Ouvrages en sont
trouvés dignes.
Ceux qui auront remporté des Prix, seront
obligés , s'ils sont à Toulouse , de venir les
recevoir eux-mêmes , l'après midi du troisiéme
jour du mois de Mai en l'Assemblée publique
de la Distribution des Prix , qui se
fait dans le grand Consistoire de l'Hôtel de
Ville . S'ils sont hors de portée de venir les
recevoir eux-mêmes , ils doivent envoyer.
une
2424 MERCURE DE FRANCE
une Procuration en bonne forme à une Personne
domiciliée à Toulouse , pour les recevoir
du Secretaire , en lui remettant la Procuration
des Auteurs , & les Récepissés des
Ouvrages.
On ne peut remporter que trois fois chacun
des Prix que l'Académie distribuë. Les
Auteurs qu'on reconnoîtra en avoir obtenu
un plus grand nombre , en sont exclus , de
même que ceux qu'on découvrira en avoir
remporté sous des noms suposés .
Après que les Auteurs se seront fait connoître
, on leur donnera des Attestations
portant qu'un tel , une telle année , pour un
tel Ouvrage par lui composé , a remporté un
tel Prix , & l'Ouvrage en original sèra attaché
à cette Attestation , sous le Contre- scel
des Jeux.
,
Enfin , ceux qui auront remporté trois
Prix , l'un desquels sera l'Amaranthe , qui
est le Prix destiné à l'Ode , pourront obtenir
des Lettres de Maître des Jeux Floraux &
ils seront du Corps des Jeux , avec droit
d'assister & d'opiner , comme Juges , aux
Assemblées particulieres & publiques , qui se
font pour le Jugement des Ouvrages , &
pour la Distribution des Prix.
Après ces Avis , suivent les Piéces tant en
Vers qu'en Prose , qui composent le Recueil,
à commencer par l'Ode qui a remporté le
Prix
NOVEMBRE. 1738. 2425
Prix de ce genre , laquelle a pour titre ,
l'IMAGINATION . Ces Piéces sont suivies de
quatre Discours prononcés en differens jours
dans les Assemblées publiques de l'Académie.
Nos bornes ne nous permettent pas
d'entrer là-dessus dans aucun détail , nous
contentant de reconnoître que les Piéces
couronnées ont un mérite particulier , & que
tout ce qui forme ce Recueil , est digne de
l'impression. Nous avons lû surtout , avec
une satisfaction particuliere , l'Eloge de l'Illustre
CLEMENCE ISAURE , Auteur & Restauratrice
des Jeux Floraux , prononcé par
par M. DUCLOS , Avocat , l'un des Quarante
de la même Académie. Qu'il nous soit permis
de nous arrêter un moment sur un si
beau Sujet , & si noblement traité .
» Plus la France se voyoit plongée dans les
" ténebres de l'ignorance , dit d'abord l'Ora-
» teur , plus nous devons aplaudir à cette
» Fille illustre , qui travailla si utilement à
» bannir la barbarie qui regnoit sur toute la
» face de la Terre , à cette Ame privilégiée ,
» qui , soûtenuë de la seule force de son gé-
» nie , sçut s'élever au- dessus du préjugé vul-
» gaire , brusquer même le mauvais goût de
» son siècle pour la gloire de l'Humanité en
" général , & pour le bonheur particulier de
» cette Province .
» Connoissons donc ce que nous avions
F ›› été
2426 MERCURE DE FRANCE
été , ce que nous étions pour lors , & ce
» que nous fûmes depuis ; parcourons ces
differentes Epoques de notre Histoire Lit
» teraire , pour mieux sentir le prix du bien
» que nous avons reçû. A une foible lucur,
» nous verrons succeder de beaux jours , l'é
» clat du Soleil effacer les rayons de l'Aurore
: nous le verrons ensuite se plonger
» lui-même dans la nuit la plus obscure , &
»reparoître enfin à la voix de Clémence
»pour ne souffrir desormais que de courtes
Eclipses.
L'Auteur dévelopant ensuite ces vérités ,
parle des Bardes , premiers Poëtes connus
dans le Pays , qui firent , dit-il , goûter aux
anciens Gaulois les charmes de la Poësie ;
mais les productions des uns & des autres
n'avoient encore rien que de grossier , on
s'en aperçut par la refléxion , ce qui produisit
enfin l'indifference , ou le mépris.
Il nous fait aussi remarquer que ces pre
miers Sçavans ne sacrifioient aux Muses que
dans le fond des Forêts , qu'ils envelopoient
Icurs Leçons sous le mystere des Emblêmes,
& qu'ils se faisoient une Loy de ne rien
transmettre à la Posterité ; Sçavoir , on peut
le dire , presque aussi fatal que l'ignorance.
» Le vrai Sçavoir aime à se communiquer,
Tels furent ces Illustres Navigateurs , qui
sortis
NOVEMBRE. 1738. 2429
,
* sortis de la Phocée , fixerent si heureuse-
» ment pour nous leur Habitation sur cette
" Côte. L'éclat de la réputation suivit bientôt
un si précieux avantage. La Républi-
" que Romaine cette fiere Maîtresse du
»Monde , se fit honneur d'une alliance aussi
»flateuse ; & ces Fondateurs de l'Antique
"Marseille , que Rome apella bien-tôt sa
»Soeur , n'usant de leur Grandeur que pour
»le bonheur de leurs voisins , nous firent,
"peu après , partager avec eux la gloire des
plus belles connoissances.
" Que l'accroissement de ce Peuple nouveau
fût profitable à cette Province ! Par
eux,nous aprimes à préferer la Science utile
»de cultiver nos champs , à la Science funeste
» de détruire les hommes , la pratique tran-
" quille des beaux Arts , à l'occupation tu-
>>multueuse de la Chasse , le soin de former
l'esprit & le coeur , à celui d'endurcir le
corps par des exercices pénibles.
Pourrions-nous rapeller sans transport cette
heureuse révolution ? Et Marseille Moderne
n'a-t-elle pas un droit acquis sur
"notre reconnoissance , pour tous les biens
>> que nous devons à ses premiers Citoyens ? ...
" Nous nous acquittons en quelque sorte, par
" le plaisir que nous cause la renaissance des
"Arts dans cette Ville fameuse. Des Hom
"mes illustres par leurs Ecrits, des Hommes
Fij
dong
2428 MERCURE
DE FRANCE
., dont le front est couronné du double Lau
»rier d'Apollon , y forment une Societé
» Litteraire , qui dès son Printemps , produit
également des fleurs & des fruits : quelle
"joye pour nous , qui nous interessons si
» vivement à sa gloire !
ور
» C'est à leurs Ayeux Académiques que les
Habitans de la Narbonnoise dûrent la gloi-
" re de passer pour le Peuple de toute cette
"Contrée,le plus éclairé, & le plus civilifé, &c .
Il faudroit copier le Discours entier pour
ne rien omettre de beau , de pathetique` , de
précieux , dans cet Eloge de la célebre CLEMENCE
: C'est à notre Marseille Académique
de répondre à l'eloquente Politesse de l'Orateur
Toulousain : nous osons répondre de
sa reconnoissance. En finissant, profitons de
Poccasion des triomphes multipliés , & si
bien mérités du R.P. Lombard, pour assûrer
aussi que Marseille ne manquera pas d'y prendre
part , pour avoir , en qualité de Poëte
Latin du premier ordre , si dignement traité
le sujet de ses dernieres calamités. Des Connoisseurs
nous ont en effet assûrés , que son
Poëme sur la Peste de Marseille , est un
chef-d'oeuvre : par quelle fatalité ne nous eftil
pas encore parvenu? Nous prenons la liberté
de le demander nous-mêmes à son Au
teur , pour en faire un bon usage en faveur
de Public. Les bons Ouvrages ne vieillissent
1
point
NOVEMBRE. 1738. 2429
point , & il est toujours temps d'en parler.
BIBLIOTHECA Bibliothecarum Manuscrip
torum nova , ubi qua in innumeris penè Manuscriptorum
Bibliothecis continentur ad quodvis
Litteratura genus spectantia & notatu digna
describuntur & indicantur. Autore R. P. D.
Bernardo de Montfaucon Benedictino Congregationis
S. Mauri. Parisiis apud Briasson.
Deux Vol. in-fol.
Cette immense Collection est dédiée à
M. le Cardinal de Fleury , sous le Ministere
duquel la Bibliotheque du Roy à été augmen
tée depuis sept ou huit ans de plus de dix
mille Manuscrits, par l'achat qui a été fait de
ceux de la Bibliotheque de M. Colbert, & de
ceux de S.Martial de Limoges. D. Bernard de
Montfaucon , cet infatigable Sçavant , dont
les Recherches infinies procurent au Public
cette Collection de Catalogues , en a beaucoup
ramassé dans l'Italie. Il a eu communication
de celui de la Bibliotheque du Grand
Duc de Toscane outre ceux du Vatican ,
dans lesquels sont compris les Manuscrits de
la Reine Christine de Suede , qui venoient
en partie des débris de plusieurs Bibliotheques
de France. Ces deux Bibliotheques ,
celle de Florence , de S. Marc de Venise , &
la Bibliotheque Ambrosienne de Milan , remplissent
la meilleure partie du premier Tome,
Fij L'Au-
>
1430 MERCURE DE FRANCE
L'Auteur y a joint quelques Extraits du Ca
talogue de la Bibliotheque Imperiale par
Lambecius ; le Catalogue de celle de M. le
Baron de Crassier de Liége, de celle de Bâle .
Quant à l'Espagne , ce Volume contient le
Catalogue des Manuscrits Royaux de l'Escurial
: & pour ce qui est de l'Angleterre
comme les Sçavans de cette Isle ont fourni
un ample Volume , qui renferme le Catalogue
de ses Manuscrits , Dom Bernard s'est
contenté d'en faire seulement quelques Extraits
.
Le second Volume est plus interessant
pour la France. Il y avoit long-temps que
les Personnes curieuses d'aprofondir l'Antiquité,
se plaignoient que l'on n'eût pas encore
imité les Anglois , qui ont fourni au
Public le Catalogue très - détaillé de tous leurs
Manuscrits , & de ce qui est contenu dans
chacun , & de ce qu'aucun n'avoit le courage
d'en faire autant pour la France , que
Sanderus en a fait pour les Pays-Bas. Un de
nos Amis nous pria d'inserer dans notre
Journal une Lettre qu'il avoit dréssée , touchant
ce Projet de Catalogue général des
Manuscrits du Royaume , & sur l'utilité qui
en reviendroit à la Litterature. Cette Lettre
se trouve dans le Mercure du mois de Juin
1725.pag.1148.Les Sçavans doivent être fort
contens de voir leurs desirs accomplis. Le
second
NOVEMBRE. 1738. 2431
second Volume du Pere de Montfaucon
contient d'abord un Catalogue de l'ancien
fond de la Bibliotheque du Roy , qui va jusqu'à
environ onze mille Volumes. Le second
Catalogue est celui de la Bibliotheque Colbert
, rétinie à celle du Roy ; puis ceux que
M. l'Abbé Sevin a aportés d'Orient ; & enfin
ceux de S. Martial de Limoges. On oublioit
de dire que ceux de M. Baluze réunis à la
même Bibliotheque , se trouvent à la page
1302.
La Bibliotheque de S. Germain des Prés ,
tient le second rang dans ce Volume. Dom
Bernard fait remarquer qu'il n'y en a point
qui en ait tant & de si considerables en Lettres
unciales , & il en nomme quelques- uns
des plus remarquables,comme sont un Pseautier
du sixième siècle , ou environ ; un Saint
Cyprien de ce temps là ou environ ; le
Pseautier dit de Saint Germain en lettres
d'or , sur un fond pourpré ; un Evangile de
S. Mathieu , de même espece. Les Manuscrits
de M. de Coislin , Evêque de Metz ,
qui viennent de M. Seguier , Chancelier de
France , ceux de M. Renaudot , sont joints à
cette fameuse Bibliotheque.
,
Les Catalogues de Manuscrits qui suivent,
sont ceux du Monastere de Morbac , au Diocése
de Bâle , de S. Mihel , au Diocèse de
Verdun ; quelques Extraits de ceux de quel
Fiiij ques
2432 MERCURE DE FRANCÉ
ques autres Maisons Religieuses de Loraine
Celui de M.de Peiresc . Celui de S.Vincent de
Besançon,deS. Vandrille, & des fragmens d'autres
de Rouen & de Soissons . Celui de l'Abaye
de Selincourt , au Diocèse d'Amiens ,
de la Trinité de Vendôme , de Jumieges , de
S. Vincent du Mans , de S. Serge d'Angers ,
de S. Aubin de la même Ville , de S. Sulpice
de Bourges , de S. Thierry proche Rheims ,
de S. Ouen de Rouen , de S. Guillaume du
Desert , de S. Pierre de la Rcole , & de
Caunes en Languedoc ; de Fécamp , de Saint
Pierre de Chartres , de Tiron , de S. Martin
de Séez , du Bec , de Lyre , de S. Pierre de
* Couture au Mans , de S. Allyre de Clermont
, de Preaux , au Diocese de Lisieux ,
de S. Evroul. Un peu plus loin sont ceux de
S. Benigne de Dijon , un Extrait de ceux de
S. Remi de Rheims , avec un Suplément ,
page 1335. du Mont S.Michel , & de Corbie.
Le reste du Volume contient des Catalogues
de Manuscrits de Bibliotheques d'Eglises
Cathedrales & Collegiales , ou de Chanoines
Réguliers ; Maisons de Chartreux ,
de Cisterciens , Dominiquains , &c . Le plus
remarquable parmi ceux des Cathédrales ,
est celui de l'Eglise de Tours , qui paroît
anterieur à celui que les Chanoines firent
imprimer en 1706. On voit un peu après
celui de la Cathédrale de Beauvais , de celle
de
NOVEMBRE . 1738. 2438
'de Laon , de Carcassone , de Bayeux , de Li
sieux , d'Evreux , de Metz , de S. Martin de
Tours. Parmi les Catalogues des Maisons de
l'Ordre de Citeaux , l'un des plus détaillés
est celui deVauclair proche Laon : on trouve
un peu après , celui de Savigni en Avranchin
, de Foucarmont , de Vauluisant , de
Clairvaux. Nous ne pouvons entrer dans le
détail des autres , de crainte d'être trop
longs. Dom Bernard a aussi inseré parmi ces
Catalogues ceux du Cardinal Mazarin , ceux
de M. le Conseiller Ranchin , de M. le Président
de Mesme. Les Catalogues qui terminent
ce second Volume , sont celui des
Manuscrits du Roy de Sardaigne , & celui
des Peres de l'Oratoire de la rue S. Honoré .
,
Tant de trésors cachés sous les indications
de ces Volumes innombrables , exigeoient
un répertoire exact. Il y en un à la
fin du second Volume ; mais celui qui est à
la tête du premier , paroît devoir être plus
utilé , parce qu'il est beaucoup plus étendu.
Cette Table seule contient trois cent
cinquante colonnes d'un caractere très - menu.
Si c'est un Auteur dont on souhaite consulter
les Manuscrits , on les trouvera tous indiqués
à la Bibliotheque où ils sont conservés
: De même si c'est sur une Ville , sur une
Famille illustre , sur un Prince , sur un Seigneur.
Les matieres aussi les plus curieuses
Fv
2434 MERCURE DE FRANCE
y sont indiquées , lorsque le titre de quefque
Livre , ou le détail de quelques Chartes
ont fourni l'occasion d'en dire un mot dans
le
corps de l'Ouvrage. Dom Bernard ne s'est
pas contenté en effet de donner des Catalogues
de Manuscrits , il y a des Ouvrages &
des morceaux entiers , qui du manuscrit sont
passés dans ces deux Volumes. Tel est , par
exemple, l'Extrait qu'il donne à la page 132.
du premier Volume du Martyrologe & du
Nécrologe de Notre- Dame de Gualdo
Diocèse de Benevent.
>
au
Le II.Tome est plus fourni de ces morceaux
interessans tirés des Manuscrits . On y trouve,
par exemple,à la p.940 . laCopie d'un Registre
des anciens Fiefs du Roy , où sont sur tout
ceux de la Normandie. Si tous les Cartulaires
y étoient détaillés , comme l'est celui de
Barbeaux sur Seine , au Diocèse de Sens , it
y auroit dequoi satisfaire bien des Lecteurs.
Ce Cartulaire commence à la page 964. Le
Terrier de l'Evêché de Nevers , qui est à la
page 983 : est encore un morceau curieux.
Ceux qui s'apliquent au Blason , doivent goûter
l'Extrait du MS. Colbert, 4763. Les Personnes
qui étudient ce qui regarde nos Monnoyes
, seront contentes du Manuscrit de
S. Germain des Prés , qui est raporté en entier
à la page 1143. Il n'y a pas moins à
fiter pour les Curieux en fait de matieres de
pro-
Disci
NOVEMBRE. 1738. 2435
Discipline Ecclesiastique , dans les Statuts
d'Augier de Montfaucon Evêque de Conserans
, au XIII. Siècle , qui sont raportés à
la page 1157. Les Extraits qui suivent du
Martyrologe & du Nécrologe de S. Benigne
de Dijon , seront utiles aux Historiens de
France .
Il n'y a pas jusqu'aux Personnes qui s'apli
quent aux Origines de notre Langue , qui no
trouvent à profiter dans ce Volume ; par
exemple , dans l'Epitre de S. Bernard sur le
gouvernement du Temporel , adressée à un
Seigneur , laquelle commence ainsi , page
1384. Au gracieus & bienheureis enfortune&
richesce Raymond Chevalier Sires don Chasteil
Amboise Bernard Demenes ou temps de Ville+
ce , Salut. L'Auteur avertir que cette Version
est de S. Bernard même , & qu'il la tient de
Dom Calmer , Abbé de Senone , qui l'a
transcrite d'un Manuscrit de son Abbaye.
Enfin , pour ne rien omettre du contenu
de ce second Volume , le Lecteur remar-
2
quera après la Table un Suplément
qui
contient trois Classes de Manuscrits
ajoûtés
à la Bibliotheque
du Roy. La premiere est
de ceux de M. le Président de Mesme . La seconde
, est des Manuscrits
& Recueils que
M. Morel de Thoisy , Lieutenant
Général à
Troyes a donnés en 1725. à la Bibliotheque
du Roy. La troisième , est de ceux de M.
Fvi
Late2436,
MERCURE DE FRANCE
Lancelot , qui contient un grand nombre de
Manuscrits Historiques , dont plusieurs sont
fort rares & singuliers.
{
SUITE DES ANECDOTES DE LA COUR DE
PHILIPE AUGUSTE . Par Mlle de Lussan
Tomes IV. V. & VI. de plus de mille pages ;
les trois Volumes in - 12 . très - bien imprimés,
chés la Veuve Pissot , au bout du Pont Neuf,
Quai de Conti , 1738.
$
Nous ne perdons pas un moment pour
annoncer cet Ouvrage , que le Public attend
avec une extrême impatience, L'aplaudissement
universel qu'ont eu les trois premiers
Volumes, nous répond que ceux-ci ne seront
pas reçus moins favorablement : nous osons
même prédire un succès encore plus grand
sur le peu que nous avons vû de cet Ouvrage,
auffi solide , que plein d'agrémens .
On mande de Rome , que le Cardinal, Quirini
a mis au jour le fecond Tome des Ouvrages de
Saint Ephrem. Il se propose de faire ajoûter de
nouveaux ornemens à la Bibliotheque du Vatican.
On aprend de Londres , que la Belle Edition des
Avantures de Don Quichotte , en 4. vol. in 4. enrichie
d'un grand nombre de Figures en tailledouce
fort bien gravées , paroît depuis quelque
temps ; & qu'on a mis à la tête de cette Edition
une Vie de Michel Cervantes : ( Vida y Hechos
del ingenioso Hidalgo Dom Quichotte de la Manche,)
qui
NOVEMBRE. 1738. 2437
qui contient plusieurs particularités de la Vie & des
Ouvrages de cet Auteur.
Jean Catuffe à Amsterdam , a sous presse les Mémoires
de Mathieu Marquis d'Anmy, natif de la Ville
de Turin près de Rome , ci-devant Général Major &
Sur Intendant des Mines de S.A. S. Charles Landgrave
de Hesse- Cassel , & ensuite Sur- Intendant
Général des Frontieres de l'Abbruze , enrichis d'un
grand nombre d'Observations & de Recherches
très- curieuses sur la Chymie. Le travail des Mines
& Mineraux , l'Architecture , l'Hydraulique , & sur
les choses les plus remarquables qui se trouvent en
France , en Espagne, en Portugal , en Hongrie , en
Allemagne , &c . écrits par lui-même , in- 8.
REPONSE à l'Avis au sujet des Cadrans Solaires
qui se trouve dans le Mercure de France , Septem
bre 1738. Page 2009.
les
On est surpris que l'Auteur de cet Avis , faffe
parler les Horlogers contre, la Construction & l'u →
sage des Cadrans Solaires qui sont à Paris. Ce n'est
ni pour les mépriser , ni par ignorance , ni en véritépour
en imposer au Public , qu'ils préferent
Lignes Méridiennes à ces Cadrans & en même
temps l'Heure de Midi aux autres Heures que les
Cadrans marquent. Mais il faut avoir auffi peu
d'experience qu'en a l'Auteur de cet Avis , pour
donner la même précifion aux Cadrans Solaires ,
qu'aux Lignes Méridiennes. Non seulement on
voit qu'il ignore l'effet de la Penombre sur ces Cadrans
mais qu'il ne connoît pas celui de la Parallaxe
& des Réfractions Aftronomiques , ce qui fait
que les Aftronomes même préferent l'Heure de
Midi aux autres Heures du jour . Il paroît que cett
Auteur , s'il eft Horloger , comme il voudroit l'insinuer
2
2438 MERCURE DE FRANCE
sinuer , bien éloigné d'en avoir la capacité , n'en #
tout au plus que le nom . S'il connoiffoit les Sciences
néceffaires à l'Art de l'Horlogerie, il sçauroit que la
Gnomonique , ou l'Art de tracer les Cadrans Solaires
, eit une de celles qui ne doivent pas être inconnues
aux bons Horlogers : & il ne devroit pas
même ignorer , qu'il y en a qui ont donné des
productions de leur Génie sur cette Science , qui
sont aprouvées des Sçavans .
L
OUVERTURE du College Royal.
Es Profeffeurs du College Royal de France ;
Fondé à
fondé à Paris par le Roy François I. le Pere &
le Reſtaurateur des Lettres ; reprirent leurs Exercie
ces , interrompus par les Vacances ordinaires , le
Lundi 17. Novembre . Voici les noms des Sçavans
qui rempliffent aujourd'hui les Chaires de ce fameux
College , sous l'Inspection de M. Lancelot ,
de l'Académie Royale des Inscriptions & Belles
Lettres , Censeur Royal.
Pour la Langue Hébraïque ,
Mrs Sallier & Henry.
Pour la Langue Grecque ,
Mrs Caperonier & Vatry.
Pour les Mathematiques ,
Mrs de Cury & Privat de Molicres.
Pour la Philosophie ,
Mrs Terraffon & Privat de Molieres.
Pour l'Eloquence Latine ,
Mrs Rollin & Souchay.
Pour la Médecine , la Chirurgie , la Pharma
cie , & la Botanique.
Mrs Andry, Burette , Aftruc , & Du Bois,
Pour
NOVEMBRE. 1738. 2439
Pour la Langue Arabe ,
Mrs de Fiennes , Secretaire- Interprete du Roy ,
pour les Langues Orientales , & Fourmont. Le
premier expliquera un Manuscrit Arabe de la Bibliotheque
du Roy , rare , & extrémement curieux ,
sçavoir , l'Hiftoire des Califes & des Sultans , qui
ont regné en Egypte , depuis le Calife Omar , jus
qu'à Othman II . Sultan des Turcs .
Pour le Droit Canon
Mrs Capon & Lemerre.
Pour la Langue Syriaque.
Mr l'Abbé Fourmont.
L'Académie Royale des Belles- Lettres , Sciences
& Arts de Bordeaux , propose à tous les Sçavans de
PEurope , un Prix fondé à perpetuité par feu M. le
Duc de la Force. C'eſt une Médaille d'or de la valeur
de 300. liv.
On en doit diftribuer deux le 25. Août 1739. Un
de ces Prix eft deftiné au meilleur Ouvrage sur la
Question , Si l'air de la respiration passe dans le
Sang; & l'autre à celui qui expliquera avec le plus
de probabilité , la Cause de la chaleur de la froi
deur des Eaux Minerales.
Les Differtations ne seront reçues pour le Con
cours , que jusqu'au premier du mois de May pro ←
chain. Elles peuvent être en François ou en Latin
on demande qu'elles soient écrites en caracteres
bien lisibles.
97
Dans le nombre des Differtations qui ont été
envoyées , Sur la Cause de la Fertilité des Terres
un des deux Sujets proposés pour cette année , il
s'en eft trouvé plusieurs qu : ont mérité des Eloges,,
mais on n'a pu leur adjuger le Prix , par le défaut
des Experiences & des Observations absolument
néceffaires à l'explication d'une matiere de cette
especes
440 MERCURE DE FRANCE
espece. Ce qui a déterminé l'Académie à proposer
de nouveau le même Sujet pour l'année 1740. Les
Auteurs pourront renvoyer leurs mêmes Ouvrages,
enrichis de toutes les Expériences & Obfervations
qu'ils pourront y ajoûter.
Il y aura un autre Prix à diſtribuer la même année
1740. Il eſt deſtiné à celui qui donnera le Systême
le plus probable Sur l'Origine des Fontaines et
Rivieres .
Au bas des Differtations il y aura une Sentence
& l'Auteur mettra dans un Billet séparé & cacheté
la même Sentence , avec fon nom , son adreffe &
ses qualités , d'une façon qui ne puiffe pas former
d'équivoque .
Les Paquets seront affranchis de port , & adressés
à M. Sarrau , Sécrétaire de l'Académie , ruë de
Gourgues ; ou à M. Brun , Imprimeur , Aggregé
de l'Académie , rue S. James.
Le Prix de cette année Sur la Cause de l'Opacité
de la Diaphanéité des Corps , a été remporté par
le R. P. Antoine Cavalery , de la Compagnie de
JESUS , à Toulouse .
On trouvera chés M. Brun , le Recueil de toutes
les Differtations de ceux qui ont remporté le Prix
depuis l'Etabliffement de l'Académie , en 5. Vol.
in- 12 . On les vend toutes ensemble ou séparément
; & pour la commodité des Sçavans , on a
inseré à la fin de celle du P. Cavalery un Catalogue
de toutes celles qui ont mérité le Prix depuis
P'Etabliffe ment de l'Académie.
Le 12. Novembre , l'Académie Royale des Scien
ces tin son Affemblée publique , à laquelle M.
d'Argenson présida.
M. Cassini ouvrit la Séance par la lecture d'un
Mémoire d'Aftronomie , contenant les Observations
NOVEMBRE. 1738. 244
frons qu'il a faites sur plusieurs Etoiles fixes , & la
comparaison de ses Obfervations , avec celles qui
ont été faites par d'autres Aftronomes . Il réfulte
de ce Mémoire , que les Etoiles fixes obfervées , ont
un mouvement particulier.
M. de Reaumur lut enfuite un Extrait du quatriéme
Tome de fón Hiftoire des Infectes , qui est
fur le point de paroître , avec une partie de ce
qui sera contenu dans les Volumes qui doivent
fuivre.
M. Lémery lut un Discours dans lequel il prouve
, que tous les Monftres , dont l'Hiftoire Anatomique
conferve la mémoire , n'ont point été deſtinés
par l'Auteur de la Nature à être Monftres , &
qu'ils ne font devenus tels que par la jonction de
deux oeufs , dans le ventre de la mere , dans le temps
de leur formation.
M. du Fay finit la Séance par la lecture d'un
Mémoire d'Optique , dans lequel il dit , qu'ayant
répeté plufieurs fois toutes les Experiences faites
sur la lumiere , & les couleurs , qui font raportées
dans l'excellent Livre de M. Newton fur cette matiere
, il a cru ne devoir admettre dans la lumiere
da Soleil que trois couleurs primitives , au lieu que
M. Newton en établit fept ; M. du Fay croit que
les quatre autres couleurs fe forment par le mélange
des trois premieres ; & il raporte dans ce
Mémoire , beaucoup d'Experiences qu'il a faites , &
qui tendent à établir ce fentiment .
Nous donnerons des Analyses de tous ces Mé
moires.
L'Académie Royale des Inscriptions & Belles-
Lettres reprit ses Exercites le Vendredi 14. de ce
mois , par une Assemblée publique , suivant la coû
tume , à laquelle M. l'Abbé de Rothelin présida.
442 MERCURE DE FRANCE
lut en-
La Séance fut ouverte par l'Eloge de M. de la Barre,
Académicien , décedé au mois de May dernier . Il
fut prononcé par M. de Boze , Secretaire perpétuel.
M Melot , Succeffeur de M. de la Barre ,
suite une Dissertation sur l'Endroit de l'Histoire
Romaine de Tite - Live , qui regarde la Prise de
Rome par les Gaulois , & la Défaite de ceux - ci
par le Dictateur Camille.
.M. PAbbé Gedouin , lut la Vie d'Epaminondas ,
Géneral des Thébains , 400. ans avant l'Ere Chrétienne
, qu'il a composée pour remplacer celle que
Plutarque avoit écrite , & qui ne se trouve plus par
mi ses Ouvrages. Les Connoiffeurs louerent l'heu
reux talent de l'Académicien a imiter le Style & la
Narration de l'Historien Grec , & c.
Le reste de la Séance fut employé à entendre
une autre Differtation de M. l'Abbé du Resnel ,
lue par M. l'Abbé Sallier , contenant des Recherches
singulieres sur la Vie de Timon le Misantrope.
On avoit distribué dès le commencement de
PAffemblée un Programme de l'Académie , dont
M. le Sécretaire fit la lecture , & dont nous ajoû→
terons ici la teneur.
L'Académie Royale des Inscriptions & Belles-
Lettres , a été obligée de remettre le Prix qu'elle
devoit distribuer à Pâques dernier, parce qu'aucune
des Piéces présentées ne le méritoit.
Elle avoit donné pour Sujet , quelles étoient les
Loix de l'Ifle de Créte , si Lycurgue en fit usage dans
selles qu'il donna à Lacédémone , et quel raport il y a
entre ces Loix. Les Auteurs qui ont concouru , se
sont contentés de recueillir d'après des compilations
déja faites, ce qui nous reste des Loix de Î'Iſle
de Créte & de celles de Lacédémone , au lieu de
aiter le point effentiel , qui consistoit à examiner
si Lycurgue tira des Loix de Créte celles qu'il donna
NOVEMBRE . 1738. 2443
à Lacedemone, & s'il y a un tel raport entre ces Loix,
qu'il faille nécefairement suposer que les unes ont servi
de Modele aux autres.
Ainsi l'Académie redonne le même Sujet , dont
la connoiffance est utile ; & comme par cette remise
il y aura à Pâques 1740. deux Prix à distribuer
au lieu d'un , l'Académie donne en mêmetemps
pour Sujet du second Prix l'Etat des Sciences
en France depuis la mort du Roy Robert jusqu'à celle
de Philipe le Bel.
Chacun de ces deux Prix sera une Médaille d'or ,
de la valeur de quatre cent livres.
Toutes personnes , de quelque Pays & condition
qu'elles soient , excepté celles qui composent l'Académie
, seront admises à concourir pour ce Prix ,
& leurs Ouvrages pourront être écrits en François
ou en Latin , à leur choix . Il faudra seulement les
borner à une heure de lecture au plus .
Les Auteurs mettront simplement une Devise à
leurs Ouvrages ; mais pour se faire connoître , ils
y joindront , dans un papier cacheté , & écrit de
leur propre main , leurs nom , demeure & qualités,
& ce papier ne sera ouvert qu'après l'adjudication
du Prix .
Les Piéces , affranchies de tous ports , seront re
mises entre les mains du Sécretaire de l'Académie
avant le premier Décembre 1739.
M. Malouin , Docteur- Régent en Médecine de
la Faculté de Paris , prononça le 16. de ce mois
dans les Ecoles de Médecine , avec beaucoup de
succès , un Discours puolic , dont le Sujet avoit été
annoncé en ces termes par un Programme : Experientiam
in Medicina sine ratione fallacem esse C'étoit
le Prélude d'un Cours de Médecine , dont il
s'est chargé , & qu'il commença dès le lendemain.
Nous
444 MERCURE DE FRANCE
Nous avons parlé plus d'une fois de M. Maloüin ,
à l'occasion sur tout de ses Leçons & Expériences
de Chymie , par raport à la Médecine , & au bien
public , qui est toujours le principal objet de ce
Médecin.
L'Académie Royale des Belles - Lettres de la Ville
de Marseille , tint , selon la coûtume , une Affemblée
publique le 25. Août dernier, jour de S. Louis,
pour la distribution du Prix fondé par le Maréchal
Duc de Villars , Protecteur de cette Académie . M.
l'Abbé de Crose , de l'Abbaye de S.Victor de la même
Ville , présida en qualité de Chancelier , en l'absence
du Directeur , et ouvrit la Séance par un Discours
digne du Sujet , & qui fut fort aplaudi. Il
parla sur la nécessité , le fruit & l'utilité des Affemblées
publiques , &c . & parla avec beaucoup de
dignité , d'éloquence & de solidité .
Ce Discours fut suivi de la lecture de l'Ouvrage
qui a remporté le Prix . M. du Lard , lût ensuite un
Poëme , qui a pour titre Apollon Législateur. M. le
Chevalier Dargent , lût le tribut dont il avoit été
chargé , pour l'Académie Françoise ; M. de la Visclede
, l'Eloge de M. le Marquis des Pennes, Chef
d'Escadre des Galeres de France ; & I. de Robinot
termina la Séance par une Fable de sa composition.
Mrs de Maraldi & Cassini , de l'Académie Roya
le des Sciences , envoyés par le Roy , pour faire des
Observations Astronomiques , étant venus à cette
Affemblée , l'Académie les pria de prendre place
parmi ses Membres.
Nous avons depuis reçû le Recueil des Piéces d'Eloquence
, présentées à cette Académie , pour le
Prix de l'année 1738. avec l'Eloge Historique de
de M. le Marquis des Pennes , Académicien , mort
pendant le cours de cette même année , imprimé à
Marseille , chés Pierre Bois , &c.
Ún
NOVEMBRE . 1738. 2445
Un petit Avertissement , qui est à la tête de cette
Brochure , porte ce qui suit.
L'ACADEMIE a adjugé , selon l'usage , le 25,
Août , Fête de S. Louis , le Prix fondé par M. le
Maréchal Duc de Villars , son Fondateur, à un Dis
cours en Prose , sur le Sujet qu'elle avoit proposé ,
dont l'Auteur est M. DE CORIO, Professeur de Re
thorique au College de l'Oratoire à Marseille .
Elle avertit le Public que le 25. Août , Fête de
S. Louis , de l'année prochaine 1739. elle adjugera
le Prix à une Piéce de Poësie de cent Vers au plus ,
& de 80. au moins, qui sera une Ode ou un Poëme
à Rimes plattes , dont le Sujet sera L'AGRICULTURE.
> Ce Prix sera une Médaille d'or , de la valeur de
300. livres , portant d'un côté les Armes de M. le
Maréchal Duc de Villars , & au revers , la Devise
de l'Académie.
On adressera les Ouvrages , selon la coûtume ,
à M. de Chalamont de la Visclede , Sécretaire pérpetuel
de l'Académie des Belles Lettres de Marseille
, rue de l'Evêché à Marseille . On affranchira
les Paquets , sans quoi ils ne seront point retirés ;
ils ne seront reçûs que jusqu'au premier May prochain
inclusivement. Les Auteurs ne mettront
point leurs noms , mais une Sentence , tirée de
Î'Ecriture Sainte , des Peres de l'Eglise , ou des Auteurs
Prophanes ; ils marqueront à M. le Sécretaire
une adreffe à laquelle il envoyera son Récepiscé.
S'ils souhaitent que leurs noms soient imprimés
à la tête de leurs Ouvrages , ils doivent les envoyer
avec leurs Titres & Qualités , à une Personne domiciliée
à Marseille , laquelle les remettra à M. le
Sécretaire le 25. Juillet , non plutôt ni plus tard.
On prie les Auteurs de prendre les mesures né
cessaires pour n'être point connus avant la décicision
de l'Académie , de ne point signer les Lettres
qu'ils
2446 MERCURE DE FRANCE
qu'ils pourront écrire à M. le Sécretaire , de ne
point leur présenter eux-mêmes leurs Ouvrages, en
feignant de n'en être pas les Auteurs , ni se faire
connoître à lui ou à quelque autre Académicien , &
on les avertit , que s'ils sont connus par leurfaute ,
leurs Ouvrages seront exclus du concours , aussibien
que tous ceux en faveur des queis on aura sollicité
, & tous ceux qui contiendront quelque chose
de trop libre.
L'Auteur qui aura remporté le Prix viendra lẹ
recevoir dans la Salle de l'Académie le 25. Août ,
jour de la Séance publique , destinée à l'adjuger, s'il
est à Marseille , & s'il est absent , il envoyera à une
Personne domicilée à Marseille le Récepiscé de M.
le Sécretaire , moyennant lequel le Prix sera remis
à cette Personne.
Le College Royal DE BOURBON, établi à
Palerme pour PEducation de la jeune Noblesse ,
sous la direction des P P. Théatins , donna le 11.
Juillet dernier , une très-belle Fête , à l'occasion du
Mariage du Roy des deux Siciles .
Le grand & celebre Théatre de ce College étoit
orné des plus riches Tapifleries , entremêlées de
quantité de Miroirs & d'un grand nombre de Bougies
, ce qui faisoit un très - beau coup d'oeil . On
y
voyoit aussi en perspective un magnifique Jardin
avec un Fleuve , le tout orné de plus de 500. Flambeaux
de cire. Les Nobles Pensionaires de ce College
séciterent,sur le Théatre en présence duViceroy & de
quantité de Seigneurs & Dames , plusieurs Piéces Latines
& Italiennes , composées par les plus sçavans
d'entre eux, Il y eut ensuite une fort belle Symphonie
de voix & d'Instrumens , & la Fête fut terminée
par des Danses , executées par les mêmes
Pensionaires .
NOVEMBRE. 1738 . 2447
des jeu-
Ce College , dans lequel on n'admet que
nes Gens de la premiere Nobleffe , a fait un progrès
considerable depuis dix ans qu'il est établi.Les
Pensionaires y sont non-seulement instruits dans la
Religion & les bonnes moeurs , mais on leur enseigne
aussi les Sciences , & les Exercices convenables à la
Noblesse . Il y a pour cet effet des Maîtres dans tous
les Arts & Sciences , desorte que ce College est l'un
des plus beaux & mieux reglés qu'il y ait en Europe.
Lors de sa fondation , on le nomma le College
Impérial , parce qu'il étoit sous la Protection immédiate
de l'Empereur ; mais depuis l'avenement
du Roy au Trône des deux Siciles , on le nomme le
College Royal DE BOURBON , S. M. ayant bien
voulu , par une Patente particuliere , l'honorer de
sa Protection Royale.
On aprend de Lisbonne , que l'Académie Roya
le de l'Histoire , tint le 3. Septembre dernier , son
Affemblée ordinaire au Palais. Plusieurs des Académiciens
rendirent compte de leurs Ouvrages
; Y
Don Louis César de Menezes , Fils aîné du Comte
de Sabugoza, & Don Martin Gavila , nouvellement
élus Membres de cette Académie , y prononcerent
chacun avec beaucoup d'éloquence , un Discours
de remerciment. L'Académie nomma en mêmetemps
Don Philipe -Joseph de Gama , Académicien
surnuméraire , & chargea Don Louis César , du
soin d'expliquer les Endroits les plus douteux de
P'Histoire , & Don Mariano , de celui d'écrire les
Mémoires de l'Evêché de Portalegre.
Le sieur Marc- Antoine EI DO US , ci - devant Ingénieur
des Armées du Roy d'Espagne , donne avis
qu'il se dispose à faire part au Public des connois-
Sances qu'il a acquises dans les Mathématiques , le
Génie
2448 MERCURE DE FRANCE
Génie , le Dessein , &c. & d'y former en très-peu
de temps ceux qui lui donneront leur confiance. Sa
demeure est rue Géoffroi-Lasnier , Quartier saint
Antoine , à la Clef d'argent .
Le Sr Fortin , Ingénieur , donne avis qu'on trou
we chés lui plusieurs Piéces de Fortifications en relief
, ainsi que d'Architecture civile , c'est lui qui
a eu l'honneur de présenter à Monseigneur le
le Dauphin le Plan d'un Front de Fortification ,
avec le Projet d'attaque , qui a été executé à l'Ecole
de Mars ruë de Tournon ; l'Exagone qu'on
voit au même endroit , est de lui . Il leve aussi les
Plans des Maisons de Campagne & les fait en relief,
quand on le souhaite . Sa demeure est dans le Cloître
de S. Nicolas du Louvre , au Bâtiment neuf.
›
ESTAMPES, NOUVELLES.
La trente-troisiéme Estampe , gravée par J. Moyreau
, chés lequel elle se vend , rue Galande , visà-
vis S. Blaise , paroît depuis peu , parfaitement
rendue dans le goût de Ph. Wouvermans , d'après
un Tableau de ce fameux Peintre , qui est dans le
Cabinet de S. Al . S. Victor Amedée de Savoye ,
Prince de Carignan , de la même grandeur de l'Estampe
, qui a 18. pouces de large , sur 14. de haut,
sous le titre de Petite Foire aux Chevaux.
La Suite des Portraits des Grands Hommes et
des Personnes Illustres , continue de paroître avec
succès , chés Odieuvre, Marchand d'Estampes, Quai
de l'Ecole ; il vient de metre en vente , toujours
de la même grandeur :
ARMAND-JEAN DU PLESSIS , Cardinal
Duc DE RICHELIEU, né à Paris le 5. Septembre
NOVEMBRE. 1738. 2449
tembre 1585. mort le 4. Décembre 1642. dessiné
par Nanteuil , & gravé par D. Sornique.
JEAN- BAPTISTE -JOSEPH LANGUET DE GERGY
Docteur de Sorbonne , Curé de S. Sulpice , né à
Dijon , peint par Chevalier , & gravé par Petit .
Nous croitions manquer à ce que nous devons
apx Beaux- Arts & au Public , si nous négligions de
célébrer un grand Ouvrage de Sculpture en Marbre
blanc , destiné pour la Cathédrale de Beauvais.
C'est le Mausolée du Cardinal de Janson , commencé
par feu M. Coustou , l'aîné , Chancelier &
Recteur de l'Académie Royale de Peinture & Sculp
ture , achevé & posé par les soins de son illustre
Frere, ancien Directeu , & Recteur de la même Académie
, aussi recommandable par ses moeurs , que
par la supériorité de ses talens .
La Figure de ce Cardinal est à genoux , de
grandeur naturelle , posée sur un piédestal qui se
termine en consolle , dans le milieu duquel il y a
une Inscription Latine . Le tout a 10. pieds & demi
de hauteur , sur 7. pieds & demi de largeur.
On écrit de Londres , qu'on a découvert près de
Peusance , dans le Duché de Cornouailles, une Mine
d'argent, & que chaque tonneau du Métal qu'on
en tire , produit so . Marcs d'argent fin .
********
A I R.
E Ntre Cypris & la Bouteille
Je veux partager mon destin ,
Tantôt à l'ombre de la Treille ,
G Et
2450 MERCURE DE FRANCE
Et tantôt aux genoux de l'aimable Catin ;
De l'Amour en ce jour goûtons les charmes,
Silene , rendons les Armes ,
Et que Bacchus avec l'Amour
Regnent dans mon coeur tour
à tour.
! ! !!
SPECTACLES.
EXTRAIT de la Comédie de l'Ecole du
Temps , de la composition de M. Pesselier,
représentée par les Comédiens Italiens le
11. Septembre.
ACTEURS.
Le Temps
La Vérité
,
le Sr Deshayes,
la Dlle Silvia.
,
Dorante , homme inutile , le S. Riccoboni .
Rosette , jeune fille ,
Damon , Impatient ,
la Dlle Thomassin.
le Sr Deshayes .
Le Baron , Gascon
Le Poëte ,
Arlequin.
U
le Sr Riccoboni,
le Sr Romagnesį ,
La Scene est chés Thalie.
N petit Apologue tient lieu de Prologue
à cette Piece ; voici comment on
s'y est pris pour disposer le Parterre en sa
faveur,
NOVEMBRE. 1738. 245
faveur . L'Actrice qui doit réciter la Fable en
question , affecte au fond du Théatre , de
parler à l'Auteur , qu'on supose y être , et
demander qu'on mette un Prologue à la tête
de sa Piéce. L'Actrice lui dit :
Eh ! non , Monsieur , point de Prologue ;
Ils sont , pour la plupart , si rebatus , si vieux
Des Complimenteurs ennuyeux
Voulez-vous , dites moi , grossir le Catalogue ?
Quel travers !
pas
L'Actrice s'avance sur le bord du Théatre;
elle fait entendre au Public que l'on n'a
voulu l'ennuyer par un Prologue , et qu'elle
aime mieux l'amuser par une Fable qui lui
paroît propre au Sujet dont il s'agit. La Fable
est intitulée l'Oranger et son Maître. Ce
Maître , peu raisonnable, à peine a fait planter
un Oranger, qu'il en exige des fruits ; l'Oranger
s'excuse sur son âge qui ne peut encore
donner que des fleurs. Voici comment
s'exprime :
Ton impatience m'étonne.
De Flore les dons éclatans
Ne devancent - ils pas les faveurs de Pomone ?
A peine suis-je à mon Printemps ,
Et déja tu voudrois voir naître mon Automne.
Gij C'est
2452 MERCURE DE FRANCE
C'est être un peu trop vif ; attends , mon cher ,
attends ;
Et je te donnerai des fleurs avec le temps , &c.
De là l'Actrice prend occasion de demander
grace pour la jeunesse de l'Auteur , & finit
son Apologue par ces Vers adressés au
Public :
Protegez sa Muse au berceau ;
Son talent sera votre ouvrage.
C'est un jeune Oranger , c'est un foible Arbrisseau,
A qui les Aquilons vont déclarer la guerre ;
L'abandonnerez vous ? Ce seroit fait de lui ;
Mais s'il prend racine au Parterre ,
Il pourra quelque jour mériter votre apui .
Quoique laPiéce n'eût pas besoin de cette espece
de Préface, pour disposer favorablement
le Public , les voeux de l'Actrice qui a récité
l'Apologue de l'Oranger , ont été parfaite -
ment remplis . Entre sept ou huit Scenes, ornées
de jolis traits , nous nous contenterons de
donner quelques fragmens de celles qui ont
fait le plus de plaisir . La premiere établit
le Sujet ; elle est entre le Temps & la Vérité.
Cette derniere a trop de lumieres pour ne pas
reconnoître le Temps ; aussi en fait- elle la
définition d'une maniere très - ingénieuse . La
voici :
Qui,
NOVEMBRE . 1738. 2453
Oui , je vous connois à merveille ;
Triste & gai , sombre & clair ; jeune & vieux à
la fois ;
Voilà votre Portrait le son de votre voix
Console , afflige ; assoupit & réveille
A son gré tout le Gente Humain ;
Vous êtes le Dieu de la veille ,
Et du jour & du lendemain.
Peut- on mieux exprimer le passé , le présent
& l'avenir que par ces deux derniers
Vers ?
Le Temps charge la Vérité du soin d'écouter
toutes les plaintes que les Mortels
font contre lui & de plaider sa cause. Par le
début de cette Piéce, on connoît assés qu'elle
ne sera composée que de Scenes détachées
qu'on apelle Episodiques , ou Scenes à Tiroir.
Des Juges trop séveres auroient voulu
que le Temps fût revenu pour terminer toutes
ces differentes Scenes ; mais c'est un peu
trop chicaner l'Auteur, qui auroit pu donner
au Temps le Rôle qu'il a donné à la Verité, &
l'on voit bien qu'il a voulu faire le principal
Rôle pour la Dlle Sylvia , qui s'est si justement
emparée des suffrages du Public , &
qui est,à si bon titre,en possession des Rôles
les plus brillans.
Voici les Personnages que la Vérité passe
en revûë dans les differentes Scenes qui com-
G iij posent
2454 MERCURE DE FRANCE
posent cette Piéce ; un homme désoeuvré
qui ne s'occupe que de bagatelles. Une jeune
Demoiselle , qui voudroit toujours être
aimée. Un Poëte mécontent du Public . Deux
Amis , dont l'un se plaint que le Temps
passe trop vite , & l'autre souhaiteroit qu'il
allât avec moins de lenteur , parce que le
premier voudroit voir plus tard ses Créanciers
, et l'autre voudroit revoir plutôt sa
Maîtresse , qui est absente . Le dernier Interlocuteur
c'est Arlequin , qui , graces à son
heureux naturel , met à profit tous les momens
de sa vie . Quoique toutes ces Scenes
soient très ingénieusement traitées, pour éviter
la longueur dans cet Extrait , nous n'em
choisirons que celles qui ont fait plus de plaisir
, pour en extraire des morceaux .
Dans la troisiéme Scene , un Désoeuvré
vient trouver la Vérité , pour aprendre d'elle
à bien employer son temps. La Vérité lui
dit qu'il ne sçauroit mieux faire de s'instruire
et de s'ocuper ; Dorante , c'est le nom
de l'Interlocuteur , lui fait un détail de sa
vie , et lui dit que son unique emploi est de
n'en avoir aucun.
que
Cependant , lui dit -il , quoique je n'aye
aucun emploi , je ne laisse pas d'être toujours
dans l'action. Voici le détail de ses occupaions
, ou plutôt de ses amusemens :
Ma méthode courante
C'est
NOVEMBRE. 1738. 2455
3
C'est de me lever tous les jours ,
Si-tôt que le Soleil a commencé son cours.
J'aime toutes les fleurs ; j'en ai dans mon Parterre
Que l'on viendroit chercher des deux bouts de la
Terre.
Mon premier soin est d'aller voir
Si Maître Mathurin a bien fait son devoir ;
Sur une platte - bande en forme de Théatre ,
Je vois l'Oreille d'Ours , dont je suis idolâtre ;
Je trouve en bon état mes OEillets, mon Jasmin ;
Puis de mon Cabinet je reprends le chemin ,
&c.
J'aime à nettoyer mes Oyseaux ;
Je siffle mes Serins , perchés dans leur cabane ;
J'enseigne à mes Barbets à sauter sur la cane ,
Et je leur fais donner quelques coups de ciseaux.
Voici la leçon que la Vérité lui donne.
Dès qu'à l'oisiveté votre coeur s'abandonne ,
Le plaisir est pour vous prompt à s'évanouir ,
Ce n'est que le travail qui donne
Le talent de se réjouir , &c .
Mille futilités ne font pas une affaire ,
Et qui, plus est , je vous soutiens ,
Que peut-être il vaudroit tout autant ne rien faire
Que de faire toujours des riens .
Dorante se retire , après avoir promis à la
G iiij
Vérité
2456 MERCURE DE FRANCE
Vérité de profiter de ses conseils , autant
qu'il le pourra.
Dans la cinquiéme Scene , un Poëte aborde
la Vérité , une Ode à la main ; il la príe
d'en vouloir bien accepter la Dédicace. La
Vérité se refuse à son hommage , en lui disant
qu'elle n'est chés Thalie que pour écou
ter les plaintes qu'on fait contre le Temps ;
elle demande au Poëte s'il a à s'en plaindre.
Le Poëte lui dit qu'il en est des plus mal
traités , attendu que ses Ouvrages , dont le
Temps auroit du faire apercevoir les beautés
par le secours de la réflexion , sont encore
ignorés et ensevelis dans l'oubli le plus injurieux.
La Vérité lui répond que c'est souvent
la faute de l'Ouvrage même et non
celle du Temps ; le Poëte soûtient que c'est
la faute de ses Juges , qui n'ont pas les lumieres
nécessaires pour bien décider d'une
belle Poësie ; voici comment il prouve la
proposition hardie qu'il vient d'avancer :
Ai-je fait un Ouvrage ? Une troupe caustique
Vient m'étourdir de sa Critique .
Et qui sont ces Censeurs dont on fait tant de bruit ?
Un Petit -Maître mal instruit ,
Qui se carrant ainsi , le chapeau sur l'oreille ,
Jette sur mon Ouvrage un coup d'oeil en passant ,
Puis du bout des doigs caressant
Sa figure poupine , & qu'il croit sans pareille ,
D'un
NOVEMBRE. 1738. 2457
D'un air vain & distrait , en prenant du tabac ,
Prononce sur ma Piéce et ab hoc et ab hac. &c.
C'est un Abbé Muguet , qui gardant ses Eloges ,
Pour les jolis Tendrons qu'il lorgne en tapinois
Promene de Loges en Loges
Ses regards curieux sur d'aimables minois ;
Puis tout d'un coup au cinquiéme Acte ,
Se déclare à tort à travers ,
Avec le même front qu'une personne exacte ,
Qui pese murement la conduite & les Vers , &c.
C'est un Financier sans étude
Qui sur le bel esprit tranche du Potentat ,
Avantageux par habitude ,
Ignorant par nature & brusque par état .
juge par article , avec soin il calcule ,
D'un air gravement ridicule ,
Mes Vers comme dans un bureau ;
Il feroit quelque bordereau.
Arrive- t'il alors qu'une phrase le choque ?
Sur le tout il met un zéro ;;
De mon emploi d'Auteur il veut qu'on me révoque,
Ou que l'on me refegue au dernier numero.
Quoiqu'il y ait du vrai dans les plaintes du
Poëte , la Vérité lui fait entendre que souvent
le plus grand ennemi d'un Auteur c'est
son Ouvrage même.
G v Arlequin
2458 MERCURE DE FRANCE
Arlequin est le seul dont la Vérité est satisfaite
; il répond sensément à toutes les
questions qu'elle lui fait sur l'emploi du
temps ; voici quelques - unes de ses réponses,
que nous allons mettre en Dialogue :
La Vérité.
Eh quoi ! vous n'auriez pas envie
De lire toute votre vie
Dans le Livre de l'avenir !
Devant vous notre ami, vous plaît- il que je l'ouvrez
D'un seul coup d'oeil on y découvre
Le passé , le présent , & ce qui doit venir.
Arlequin.
Ah ! ah ! ... mais dites-moi ; si mon Chapitre porte
De quelque mauvais sort l'article déplaisant ,
Hem ! pourrai- je dès à présent
Déchirer le feuillet ?
La Vérité.
Non .
Arlequin.
Et bien ? Que m'importe
Quel soit peut m'être réservé ,
Si dans le cas d'une infortune ,
Elle m'offre par tout sa figure importune ,
Sans que jamais je puisse en être préservé !
Par ma foi ! je ferois une grande bévûë ,
NOVEMBRE. 1738. 2459
De prévenir le mal qui n'est point arrivé .
Ce triste objet , du moins ne blesse point ma vûë ;
C'est toujours' autant d'épargné ;
Tant que la chance est imprévuë ,
On n'a ni peidu , ni gagné.
Arlequin fait à peu près la même réponse
sur un bon festin que la Vérité lui feroit lire
dans l'avenir. Voici comme il lui parle :
Dites-moi cependant , d'une si bonne chance
Pourrai-je profiter d'avance ,
Et presser l'heure du festin ?
La Vérité.
Non , cette heure dépend des ordres du Destin ;
On attend ....
Arlequin.
Foin de vous & de votre Science !
Il me faudra donc désormais
Secher sur pied , mourir d'impatience ,
Dans l'attente d'excellens mets ,
Que peut- être Arlequin ne goûtera jamais !
J'enrage , &c.
La Vérité , enchantée du sage raisonne
ment d'Arlequin , s'écrie :
Que j'aime son calotinage !
Qu'avec lui la sagesse a d'aimables façons , &c.
& vi
460 MERCURE DE FRANCE
Je tenois pour le Temps Ecole génerale ;
Mais , pour rendre sensés les Mortels les plus fous ;
'Arlequin , je prétends désormais que chés vous
Ils fassent leur Cours de Morale.
Arlequin , pour remercier la Vérité de la
peine qu'elle vient de se donner d'instruire
les hommes , la régale d'un Divertissement ,
en voici le premier Air :
Comme le Temps , l'Amour s'envole .
Sçachons d'un murmure frivole
Etouffer sagement les accens superflus.
Pour une fleur qui meurt , mille autres vont éclore
Oublions le plaisir que nous ne goûtons plus ,
Pour songer à celui qui nous demeure encore.
Un Gascon , VAUDEVILLE.
La gloire maintient mon épée
Au- dessus de mon revenu ;
Veut-on qu'elle soit occupée ?
On est toujours le bien venu ;
.Faut- il aider de mon courage
Ceux de mes amis qu'on outrage ?
Je brave tous les contretemps ;
Mais un homme qui fait ressource
Tente - t'il l'accès de ma bourse a
Cadedis ! il prend mal son temps.
Le
NOVEMBRE. 1738. 246
Le 21. Novembre , les mêmes Comédiens
firent l'ouverture de leur Théatre depuis leur
retour de Fontainebleau par la Comédie
de Timon le Misantrope , Piéce remise au
Théatre , avec des agrémens , laquelle fur
suivie de l'Ecole du Temps , dont nous venons
de parler , qui avoit été donnée ,
sur le même Théatre avant leur départ
pour Fontainebleau ; elle a été fort goûtée à
cette reprise.
*
trois Actes
>
ETRAIT de la Comédie qui a pour titre ,
le Rajeunissement inutile , en Vers & en
avec des Divertissemens , par
M. De la Grange , représentée au Théatre
François le 27. Septembre dernier.
ACTEURS.
La Fée ,
la Dlle Lamothe
Damon , Intendant de la Fée , le Sr de la
Torilliere.
Angélique , Niéce de Damon , la Dlle Dangeville.
Valere , Amant d'Angélique , le Sr Dangeville.
Lucas , Fermier de la Fée , le Sr Montmeny
Colette , Fille de Lucas , la Dlle Poiffon:
Crispin , ancien Domestique de la Fée , le Sr
Poiffon
LA
1462 MERCURE DE FRANCE
A premiere représentation de cette Comédie
, a été si tumultueuse , qu'il n'a
pas été possible d'en juger équitablement ;
dans la seconde on a rendu justice à l'Auteur
; on a prêté beaucoup d'attention à toutes
les Scenes , & l'on a trouvé que l'Ouvrage
méritoit un meilleur sort. En voici un
Extrait succinct ; la Scene est dans le Jardin
de la Fée , qui préside à l'action principale ,
c'est- à - dire , au Rajeunissement Inutile.
La Fée en question , après une longue absence
, revient à son Château ; au bruit de
son arrivée , tous ceux qui ont des graces
à
lui demander , s'empressent à venir lui faire
leur Cour. Crispin , son ancien Domestique,
est celui qui a le plus de part dans ses bonnes:
graces ; il n'abuse pourtant pas de son crédit
; il se contente de la prier de marier Valere
, son Pupile , à Colette , Fille de Lucas,
son Jardinier. La Fée y consent , & lui reproche
gracieusement son trop de modération
, qui l'empêche de lui demander quelque
chose pour son compte ; Crispin lui
répond qu'étant accablé de vieillesse , il
ik
n'est plus en état de jouir de ses bienfaits
, & de goûter les agrémens de la vie ,
& qu'il n'est pas aussi extravagant , qu'un
Vieillard qui vient de lui faire entendre qu'il
veut lui demander la grace de le rajeunir ,
comme si un pareil miracle étoit au pouvoir
d'une
NOVEMBRE. 1738. 2463
d'une Fée Pourquoi non ? lui répond la
Fée , cela m'est possible ; mais ce n'est qu'à
toi seul que je réserve une faveur si grande ;
Crispin , charmé de l'offre que la Fée lui
fait , se livre à la douce esperance de revenir
au printemps de son âge ; la Fée lui promet
de le rajeunir ; mais c'est à des conditions
qu'elle lui impose ; les voici ; c'est la
Fée bienfaisante qui parle :
La faveur que je te destine
Va te rendre tes premiers traits.
Mais écoute ; il est nécessaire ,
Pour en retirer quelque fruit ,
De garantir ton coeur d'un penchant ordinaire ,
D'autant plus dangereux , qu'il fate, et qu'il séduit,
Si jamais par l'Amour tu te laisses surprendre ,
Si quelque Beauté te ré luit
A ne pouvoir plus te défendre ,
De ta jeunesse alors tu perdras tout l'éclat ,
Et tu retourneras dans ton premier état .
Crispin accepte la condition & se flate de
robserver sans peine , la Fée lui confirme sa
promesse & le laisse ; Crispin se fait une
agréable image du don que la Fée lui va faire.
Angélique , niéce de Damon , Intendant
de la Féc , vient interrompre l'agréable rêverie
de Crispin ; ne trouvant point Valere
qu'elle
2464 MERCURE DE FRANCE
qu'elle cherche , elle veut se retirer , vivement
piquée de ce que cet Amant n'est pas
le premier au rendez vous ; Crispin l'arrête,
en lui disant qu'il a quelque chose à lui annoncer
, qui peut être ne lui plaira guere ; il
lai dit qu'elle ne doit plus songer à Valere ,
& que la Fée veut absolument qu'il épouse
la Fille de Lucas son Fermier. Angélique se
moque de ce projet , trop sûre que Valere
l'aime trop pour consentir à l'hymen d'une
autre ; comme cette Angélique est une Coquette
, on sera bien aise de voir ici quelques
traits de son caractere. Voici sur quel ton
elle parle à Crispin :
Sans cesse on me repete
Que je possede une beauté parfaite ;
Je le crois , & d'ailleurs , de ce que l'on m'aprend
Mon miroir n'est-il pas un fidele garant
Je vais vingt fois le jour , pour ne pas dire trente ,
Le consulter sur mes apas ;
Et je m'aperçois bien qu'on ne se trompe pas .
Crispin croit en vain la tirer d'erreur , en
fui disant :
Oh ! ma bouche pour eux n'est pas si complaisante
Et , pour vous parler vrai , j'en fais très - peu de cas.
Sans cette parure affectée ,
Ces colifichets , ces clinquants ,
Et
NOVEMBRE. 1738. 146 )
Et cette tête avec soin aprêtée ,
Que deviendroit votre beauté ?
Elle n'a dans le fond que l'éclat emprunté ,
Dont ordinairement se sert une Coquette ,
Et vous perdrez , en verité ,
En rendant à votre Toilette
Tout ce qu'elle vous a prêté
Angélique lui répond :
Que seroit la beauté sans un peu d'ornement ?
Le bon goût l'inventa , l'usage l'autorise .
Il est vrai ; je serois surprise
Que tout autre que vous me parlât sur ce ton ;
Mais vous êtes un vieux Barbon ,
Et cette liberté doit vous être permise ;
D'ailleurs , de votre temps , une Belle ignoroit
Cet Art de relever les graces naturelles ;
On n'avoit pas encor sçu trouver le secret
De leur en prêter de nouvelles
Et la simplicité plaisoit ;
L'esprit même , l'esprit , sans qui les Jeux languisa
sent ,
Sans qui les Graces déperissent ,
Etoit chés nous un mérite inconnu ;
On n'en montroit du moins que du plus ingénu ;
Aujourd'hui , le beau Sexe a changé de méthode §
On le voit different en tout ;
468 MERCURE DE FRANCE
Il est esclave de la mode ,
Comme la mode l'est du goût ;
Pat une agréable imposture ,
Qui n'a qu'un innocent objet ,
L'Art eft venu corriger la Nature ;
Eh ! que seroit-elle en effet ,
Sans ce beau secours qui l'épure
De tout ce qu'elle a d'imparfait ?
On peut juger par cette Scene , si la Piéce
n'est pas bien versifiée ; nous n'en citerons
pas d'avantage , persuadés que ces petites tirades
suffisent pour rendre à l'Auteur une
gloire qu'on lui a disputée, sans connoissance
de cause.
La Fée ne tarde pas de tenir parole à Cris
pin ; il s'endort , & pendant son sommeil ,
elle le rajeunit ; sa surprise est des plus
agréables à son réveil. Če rajeunissement a
donné lieu à une très-jolie Fête ; nous passons
les Scenes épisodiques , pour nous arrêter
uniquement à l'action principale.
Crispin , dès le second Acte , commence
à donner dans le piége que l'Amour lui
tend , & ce Dieu malin se sert contre lui de
cette même Coquette , à qui il a parlé d'un
ton si severe dans le premier Acte. Angélique
, dès la premiere Scene du second Acte,
fait entendre dans un Monologue , qu'elle
est
NOVEMBRE. 1738. 2467
est surprise du rajeunissement de Crispin , &
qu'elle voudroit bien , pour sa gloire , ajoûter
cette conquête à tant d'autres qu'elle fait
tous les jours ; le motif qui l'y engage le
plus , c'est le plaisir de se venger du mépris
qu'il lui a fait voir dans le premier Acte.
Crispin vient ; Angelique employe tous les
détours qui lui sont ordinaires , pour s'en
s'en faire aimer ; elle n'y réussit d'abord qu'à
demi ; la menace que la Fée lui a faite le retient
; il quitte Angélique brusquement , &
lui dit pour excuser sa fuite :
Qui , pour vous je sens bien que j'aurois le coeur
tendre ,
Si cela dépendoit de moi ;
Mais , pour mon profit , je le dois ;
Adieu ; je fuis ; car je prévois
Que je me laisserois surprendre.
Angelique le compte déja pour vaincu
puisqu'il a recours à la fuite. Après quelques
Scenes qui regardent l'Episode de la Piéce ,
Crispin témoigne à la Fée , qu'il craint de
ne pouvoir se garantir de l'amour , & qu'il
commence de sentir pour Angelique un
penchant secret , qu'il aura bien de la peine
à surmonter. La Fée lui expose vivement le
malheur où il va se précipiter ; & ne pouvant
rien avancer , elle lui retrace dans une
Fête
468 MERCURE DE FRANCE
Fête de Vieillards , tous les maux où il væ
s'exposer , en perdant la jeunesse qu'elle lui
a renduë. Cette Fête a paru trop triste dans
les premieres représentations ; on l'a égayée
dans la suite , en y ajoûtant des Enfans qui
se moquent des Vieillards , ce changement
a fait plaisir.
Dans la premiere Scene du dernier Acte 3
Crispin effrayé de l'image que la Fée vient
d'offrir à ses yeux , veut se défaire d'un
amour si fatal ; Angelique lui fait de tendres
reproches , & le presse si fort , qu'elle le
contraint à lui dire la condition que la Fée
a attachée à son rajeunissement , Angelique
se moque de sa crédulité , & lui dit que la
Fée ne lui a fait cette menace , que parce
qu'elle l'aime , & qu'elle ne veut point avoir
de Rivale ; Crispin donne dans un piége si
adroitement tendu ; Angelique lui dit qu'
elle va tout disposer pour leur hymen prochain.
La Fée revient à la chargé , pour empêcher
Crispin de se livrer à l'Amour ; mais plus elle
lui en parle énergiquement , & plus il se
persuade qu'elle n'agit que par un sentiment
jaloux ; il revient encore à ses premieres
craintes ; après que la Fée s'est retirée , il
veut rompre ses fers , mais Angelique l'y
tengage si bien , qu'il consent à l'épouser ;
il se jette à ses pieds pour lui demander pardon
NOVEMBRE 1738. 2469
don de son irrésolution ; mais à peine est- il
tombé à ses genoux , qu'il retourne à son
premier état & ne peut se relever : Angelique
le trouve si laid dans sa vieillesse , qu'elle ne
veut plus de lui ; mais la Fée , pour la punir
de sa coqueterie , l'oblige à l'épouser , tout
vieux & tout cassé qu'il est.
Les Amans de l'Episode , sçavoir , Valere
& Colette , se marient , & c'est cet Hymen
qui donne lieu à la derniere Fête de la Piéce.
Les Srs Dangeville & Brulard , ont également
brillé dans les trois Fêtes , l'un pour le
Ballet , l'autre pour la Musique . Nous n'en
donnons ici que le premier Couplet du Vaudeville
du premier Acte , & le dernier du
troisiéme :
Au plaisir tout nous engage ,
Du bonheur il est le gage ,
Et la semence & le fruit
Nul Mortel ne s'y refuse,
Le Sage en jouit ;
Le Sot en abuse.
Au Parterre.
Présumer trop de son talent
Trouver son Ouvrage excellent ;
C'est le défaut de la Jeunesse ;
Vous amuser , c'est rajeunir ;
Vous
2470 MERCURE DE FRANCE
Vous ennuyer , c'est réunir
Tous les malheurs de la Vieillesse .
Le 31. Octobre , les mêmes Comédiens
donnerent une Piéce nouvelle en Vers & en
trois Actes , qui a pour titre les Epoux réunis.
Elle est de la composition de M. Guyot de
Merville , Auteur du Consentement Forcé,
dont nous avons donné l'Extrait. On par-
Jera plus au long de cette derniere Piéce.
>
Le 13. Novembre , l'Académie Royale de
Musique remit au Théatre le Ballet qui a
pour titre les Caracteres de l'Amour , lequel
avoit été donné dans sa nouveauté le 15.
Avril dernier à la rentrée du Th'tre.
Ce Ballet , qui avoit été i rrompu par
Findisposition de quelques rices , a été
généralement aplaudi à la reprise , & doit
être continué tous les Jeudis .
On doit reprendre le 5. du mois prochain
' Opera d'Atys , après lequel on donner
Alceste.
NOUNOVEMBRE.
1738. 247%
NOUVELLES ETRANGERES.
L
TURQUIE.
Es Lettres de Constantinople portent que le
10. Août un Esclave Turc alla au Camp du G.
Visir , pour lui remettre une Lettre que le Comte
de Sirkemberg , Gouverneur de la Fortereffe d'Orfova
, écrivoit à Ibrahim Effendi , par laquelle il
l'invitoit à retourner à l'ile d'Orsova , pour y conferer
fur l'échange des Efclaves. Ibrahim Effendi fut
envoyé en confequence dans cette Ife , avec ordre
de déclarer au Gouverneur, que fi les Troupes deftinées
à donner l'affaut , mettoient une fois le pied
dans l'Ifle il ne devoit plus esperer aucune Capiheures
du soir le Grand Visir reçut
une Lettre thême Ibrahim Effendi , par laquelle
il le prioit dufpendre toute hoftilité , jusqu'à ce
qu'il lui eut rondu compte de fa conference avec le
Gouverneur. Ibrahim Effendi fut de retour au
Camp à minuit , & raporta que le Gouverneur demandoit
un Armistice de fix jours , & la permiffion
d'envoyer quelqu'un au Général de l'Armée de
l'Empereur , s'obligeant de rendre la Place , si dans
ce terme , il ne recevoit point de fecours.
tulation
.
Le G. Visir ne goûta point cette propofition , &
Ibrahim Effendi fut renvoyé fur le champ à l'e
d'Orlova , pour dire au Gouverneur , que fi dans
deux fois 24. heures il ne rendoit la Place , on ne
feroit quartier à perfonne.
Le Gouverneur ayant infifté ſur ſa premiere propofition
, on continua de canoner la Place le 11 .
Le lendemain 13. mille Janiffaires pafferent le Danube.
472 MERCURE DE FRANCE
pube , pour aller s'embarquer aux vieux Orſova ;
fur les Galiottes , Radeaux & Bâtimens plats , pour
les débarquer à Orfova , le jour destiné pour l'af
faut , qui fut fixé au 15. d'Août.
Le 13. deux Officiers Allemans yinrent trouver le
Grand Visir , pour lui dire que le Gouverneur penfoit
à capituler , mais qu'il demandoit 24. heures ,
pour en déliberer avec les principaux Officiers de
la Garniſon. Le G. Vifir répondit qu'il ne leur accordoit
que 4. heures pour fe déterminer , & ayant
tiré fa montre pour voir l'heure , il ordonna qu'on
cessât de canoner la Place pendant cer intervalle
.
&
Le terme étant expiré , on recommença à tirer ;
mais les Affiegés arborerent un Drapeau blanc ,
le Gouverneur envoya enfuite trois Officiers , qui
devoient fervir d'ôtages , pour regler la Capitulation
; & on envoya pour ôtages , un pareil nombre
d'Officiers Turcs . On convint que les Allemands
fortiroient de la Place avec les honneurs de la
Guerre , qu'on leur fourniroit tous les chariots &
les voitures néceffaires pour les conduire jufqu'à
Temefwar ; qu'on leur feroit fournir à Muhadié ,
les Provifions dont ils auroient befoin pour trois
jours de marche , & que tant les Soldats , que
les
Habitans de la Place , pourroient emporter avec
eux tous leurs Effets ; le Grand Visir ne réſerva que
l'Artillerie & les munitions de Guerre .
Le 14. quelques difficultés furvenues empêcherent
l'execution de la Capitulation.
Le 15. le Gouverneur accompagné du Comte de
Furftemberg , vint configner au G. Vifir les clefs
d'Orfova. Le Comte de Furftemberg , Général de
PEmpereur , ayant été bleffé à Muhadié , lorfque
le Grand Duc de Tofcane s'en rendit maître , s'étoit
jetté dans Orfova , pour le faire panfer de fa
bleffure,
NOVEMBRE. 1738.
2478
bleffure , & il ne put en fortir , parce que les Turcs
reprirent deux jours après les Poftes qu'ils avoient
perdus le long du Danube ; il crut devoir accompagner
le
Gouverneur
d'Orfova dans cette cérémonie
; quantité de Chaoux , & les Officiers les
plus
diftingués de l'Armée Turque , à
l'exception
du Chaoux Bachi , all: rent les recevoir à leur débarquement
, & les
conduifirent à cheval à travers
deux rangs de Soldats fous les armes , jufqu'à la
Tente du G Vifir , qui étoit dreffée à quelque diftance
du Danube , vis- à - vis de l'Ile d'Orfova ; on
remarqua
qu'étant entrés dans la Tente , le Gouverneur
ayant voulu céder la place d'honneur au
Comte de
Furftemberg , ce dernier la refufa , en
lui difant :
Monfieur le
Gouverneur , cette fonction
vous regarde ; et fi M. de Konigseg se trouvoit ici ,
verroit sans jalousie que vous prissiez dans cette céréil
monie le pas sur lui. Le G. Vifir les reçut très - poliment
, & loüa le
Gouverneur , fur la longue défenfe
; il les fit revêtir l'un & l'autre d'une Peliffe,
ou Robe , fourrée
d'hermine , & leur fit donner à
chacun un cheval
magnifiquement
harnaché.
Le même jour,deux Officiers
Allemands allerent
porter les clefs du Fort Sainte
Elisabeth ; le Grand
Vifir leur préfenta à chacun une poignée de Sequins
, qu'il tira d'une bourfe qui étoit auprès
de lui ils
refuferent
abfolument de les
recevoir
mais on leur fit
entendre , que l'ufage des Turcs
étoit de faire de pareils préfens , & que le G. Vifir
s'offenferoit de leur refus , ce qui les
détermina à
accepter fa liberalité .
i
>
Les Turcs prirent
immédiatement après
poffeffion
de
l'Ifled'Orfova & du Fort Sante Elifabeth ,ils ont
trouvé dans cette
premiere Place 140. canons , dont
30. font de fer , & les autres de bronze ,
cinquante
mortiers , & une grande quantité de munitions de
H guerre
2474 MERCURE DE FRANCE
guerre & de bouche , dans le Fort Sainte- Elifabeth
, 30. piéces de canon , de divers calibres .
Le foir du même jour , on fit des illuminations
dans le Camp , & une décharge générale de l'artillerie
& de la moufqueterie. Le G. Vifir a écrit à
tous les Pachas de l'Empire , une Lettre , pour leur
ordonner de faire faire pendant trois jours dans leurs
Gouvernemens , des prieres en actions de graces , &
des réjouiffances publiques .
Le 23. de ce mois on a fait auffi à Conftantinople
des réjouiffances publiques à cette occafion ; elles
ont continué le 24. & le 25 . 3
Au refte , dès qu'on fçut dans cette Ville que le
G. V. étoit parti de Niffa pour commencer les opérations
de la Campagne , il y eut des Prieres publiques
ordonnées , leiquelles n'ont pas difcontinué
depuis. Ces Prieres fe font en cette maniere .
Dans le diftrict de chaque Mofquée , l'Iman en
chef , qui eft comme le Curé , marche en Procesfion
à la tête d'un grand nombre de jeunes gens ,
marchant de face trois à trois , se tenant par la
main;deux efpeces de Choristes chantent les Prieres ,
dont on trouvera ci après la formule traduite , toute
la Proceffion en Chorus répond * Amin . Cet Amin
forme deux acclamations , dont la premiere tombe
fur la lettre a & la feconde fur la fyllabe min. >
>
Depuis quelque temps , pour rendre les
Proceflions plus folemnelles on les fait la nuit ,
chacun des Turcs qui compofent la Proceflion , porte
un flambeau , & d'efpace en efpace , on voit des
efpeces d'Acolytes , portant de longs Bâtons , au
haut defquels il y a une grande quantité de Bougies
difpofées en pyramide .
* C'est l'Amen de l'Hebreu , que les Arabes & les
Turcs prononcent Amin , n'ayant point la lettre e
dans leur Alphabet. OL
NOVEMBRE . 1738. 2475
On prétend que ces cérémonies étoient inufitées
parmi les Mufulmans , & qu'elles viennent de s'in -
troduire , à l'exemple & par émulation des Proceffions
nocturnes que les Chrétiens ont ici la permiſ
fion de faire en certains temps.
O
PRIERES.
Dieu , Pere de tout fecours , lecourez , fecourez
l'Armée Mufulmane , pour l'amour de
l'Alcoran . R. Amin.
O Dieu , Roy des deux ( a ) Vies , facilitez- nous
la défaite de nos Ennemis & une entiere Victoire,
Mifericorde , mifericorde , au nom de tous les Prophetes
; mifericorde. Amin.
Faites fuir l'Armée infidelle; qu'elle foit toujours
battuë ; & que Mahmoud (b) Kan , toujours victotieux
, foit joyeux & content. Amin .
Ne faites point de grace à l'Infidele ; qu'il périffe
par votre redoutable Epée. Mifericorde , au
nom de tous les Bienheureux ; mifericorde. Amin.
Nous vous prions , grand Dieu , tous tant que
nous fommes , vieillards & jeunes gens , que tous
les Amis & Alliés du Prophete , poffeffeurs de la
félicité , viennent au fecours de nos Guerriers .
Amin.
I
Faites auffi que le Prophete ( c) Aly , metteun
frein à l'Armée ennenie , au nom de tous les Prophetes
; mifericorde . Amin.
Rendez victorieux les vrais Croyans ; que nos
vaillans Guerriers foient toujours victorieux ; mife-
(a) Ou des deux Mondes , la vie présente & la vie
future.
(b) Nom du Grand Seigneur régnant.
(c) Aly , Gendre de Mahomet.
Hij
ricorde
2476 MERCURE DE FRANCE
ricorde , mifericorde , au nom de tous les Anges ;
miféricorde. Amin.
Graces à vous , l'Armée ennemie a été ſubjuguée
; diffipez , mon Dieu , les Infideles , qu'ils
foient toujours fans renom & fans gloire . Amin.
Rempliffez- nous de joye par plufieurs Victoires ;
mifericorde, mifericorde, au nom de tous les Saints.
misericorde. Amin .
Donnez à l'Armée Mufulmane une Conquête
assûrée , & pour l'amour du Prophete soyez- lui
propice. Amin.
Au seul nom de Dieu , que les Infideles fuyent ;
que l'Armée ennemie foit réduite en pouffiere .Amin.
Rendez-nous victorieux par votre ſecours ; & que
la force de l'Armée Muſulmane foit en vous , ô
notre Dieu. Amin.
Que par le fecours de votre grace & de votre
juftice , l'Armée victorieufe des Mufulmans , fubjugue
l'Allemagne , & marche jufqu'à l'ancienne
Rome . Amin.
O Dieu de lumiere , faites que Sultan Mahmoua
foit toujours victorieux , & qu'il foit rempli de
joye par les nouvelles de fes Conquêtes. Amin .
Détruifez , ô Dieu , le Royaume des Infideles ,
& que Varadin foit bien- tôt pour l'Armée triomphante
un Lieu de repos . Amin .
Rendez toujours victorieux Sultan Mahmoud
pour que l'Armée ennemie foit continuellement
difperfée & en déroute. Amin.
Que par la vertu des Verfets de l'Alcoran vou
rendiez les Mufulmans victorieux , & que les En
nemis de la Loy foient fubjugués . Amin.
Que les vaillantes Troupes de l'Armée victorieufe
des Mufulmans dévorent , par le tranchan
de leur Sabre , les Troupes des Infideles . Amin .
9
Graces à Dieu , il nous eft venu des nouvelles
heu
NOVEMBRE. 1738. 2477
heureuſes & réjoüiffantes . Que les coeurs des vrais
Croyans foient aujourd'hui dans l'allegreffe ; que
les Paffages de l'Alcoran foient toujours leur aide &
leur fecours ; qu'ils fervent de fortereffe à l'Armée
des Mufulmans , & lui tiennent lieu des reiparts
le's mieux munis . Amin . Amin :
AUTRE PRIERË.
Ue les impies immolés à la vengeance de
Dieu , tombent fous les coups de la toute
puiffance. Amin .
Secourez- nous , ô Dieu tout- puiffant , que la joye
fefaffe fentir à nos coeurs affligés , & qu'elle y regue
toujours . Amin.
Seigneur notre Dieu , aidez vos pauvres ferviteurs
; fecourez- nous , &c.
Le fecours du très - Haut eft infaillible ; soyez
propice , Seigneur , aux Enfans de Mahomet. Le
Paffage Nus remen allah , nous eft une affûrance
du fecours que nous devons attendre de vous.
Amin.
Secourez-nous , source de la vraie Foi ; fecoutez-
nous , grand Prophete Mahomet . Amin .
Que nos Ennemis opriinés tombent & foient
confondus avec la pouffiere , qu'ils foient vaincus &
terrassés toutes les fois qu'ils oferont le préſenter
au combat. Amin.
Que chaque combattant de l'Armée des Mufulmans
, foit un Lion redoutable . Secourez nous ,
& c.
Que le Peuple , fidele fectateur de Mahomet ,
foit toujours vainqueur en faveur de votre bien-
Aimé. Amin.
Que les Saints nous protegent de toutes parts.
Secourez- nous , & c.
Hiij .
Nous
2478 MERCURE DE FRANCE
4
+
Nous nous fommes préfentés au pied de votreTróne,
& nous nous fommes profternés devant vous , les
yeux baignés d'un torrent de larmes . Sécoureznous
, & c .
Frayez le chemin de la vie aux vrais Croyans..
Amin. Amin.
On a apris que le Pacha , qui à la tête de s. ou
6000. Rebelles , faifoit des courfes dans les environs
de Smirne , s'étoit retiré dans les Montagnes ,
depuis que le Grand Seigneur avoit fait marcher
un Corps de Troupes pour l'attaquer , & qu'il y
avoit aparence que les Rébelles feroient bien-tôt
obligés de fe foumettre , & de livrer ce Pacha & fes.
principaux adherans.
Selon les avis reçûs du Grand Cairé , il y a eu une
grande émeute,à l'occafion de la Permiffion que les
Religieux Francifcains ont obtenue du Grand Seigneur
de faire rebâtir une Eglife & un Hofpice
qu'ils avoient dans les Fauxbourgs , & ces Religieux
n'ont évité la fureur de la populace , qu'en fe réfugiant
dans la. Maifon du Conful de France,
L
RUSSIE.
Es drieres Lettres du Contre- Amiral Bredahl
marquent que 150. Bâtimens Turcs ayant remonté
le T'anaïs , 6000 bommes des Troupes Ottomanes
, qui étoient à bord de ces Bâtimens, étoient
débarqués dans les environs d'Afoph , & que s'étant
aprochés de cette Place , ils l'avoient canonée
pendant plufieurs heures mais qu'on les avoit obligés
de fe rétirer.
POLOGNE
NOVEMBRE. 1738. 2479.
POLOGNE..
Ans la Diette convoquée à la Warſovie , le Roy
a déclaré qu'il vouloit qu'on déliberât fur ce qui
concerne l'augmentation des Troupes, la sûreté des
Frontieres, l'entretien de l'Artillerie, l'approvifionnement
desMagafins l'adminiftration desOeconomats,
la refonte des Efpeces ( la réformation de divers abus
préjudiciables au Commerce , l'établiſſement de
plufieurs Manufactures , l'exploitation des Mines
d'Olkusch , le payement des fommes dûës à la
République par le Royaume de Naples , le recouvrement
de plufieurs Bijoux de la Couronne , & de
quelquesStarofties, que le Gouvernement a été obligé
d'engager pendant les dernieres Guerres , & sur
les propofitions qu'il convenoit de faire à diverfes
Puiflances.
L
ALLEMAGNE.
E 12. Octobre , le Marquis de Mirepoix , Am
baffadeur du Roy de France, fit fon Entrée pu
blique à Vienne. Il eut le lendemain fa premiere
Audience publique de l'Empereur , & fut conduit à
cette Audience par le Comte Charles-Antoine de
Harrac , Chambélan de la Clef d'Or , lequel étoit
allé le prendre dans les Caroffes de S. M. I.
On aprend de l'Armée , que le Corps de Boſnia ,
ques , s'étant aproché de Ratschi le 3. Octobre , le
Pacha qui le commande employa la nuit fuivante à
fe retrancher le long de la Save , & à élever une
Batterie à foo. pas d'une Redoute que les Imperiaux
ont conftruite dans l'endroit où la Drina fe jette
dans cette Riviere .
Dès que le Baron de Roth , Commandant de
Ratscha , eut été averti des difpofitions que fai-
Hij soient
2480 MERCURE DE FRANCE
"
soient les Ennemis , il envoya deux Saïques , pour
retirer de la Redoute les Troupes qui la gardoient.
Ón fit le 4. de part & d'autre un grand feu de
canon & de moufqueterie , mais les Affiégés n'eu➡
rent que deux hommes de tués & cinq de blessés.
Le 5. les Affiégeans qui avoient reçu un nouveau
renfort , commencerent à ouvrir la Franchée ; ils
continuerent le lendemain leurs aproches , & ils
établirent une feconde Batterie de 12. piéces de canon
, dans le deffein d'affûrer la navigation des
Bateaux qu'ils fe propofoient de faire venir de la
Drina , & dont ils avoient befoin pour le Siége.
Cette Batterie pouvoit auffi leur être utile , pour faciliter
la conftruction d'un Fort , qu'on croit qu'ils
veulent conftruire , afin d'être maîtres de la Save.
Le 8 , les deux Batteries des Affiégeans tirerent
prefque continuellement , & l'on s'aperçut qu'ils
avoient jetté du monde dans plufieurs Inles de cette
Riviere ,& de celle de la Drina, & qu'ils avoient fait
avancer quelques Troupes du côté du Pofte de Driniza
, occupé par les Imperiaux. Les Troupes d'Infanterie
qui fe font mifes en marche , pour tâcher
d'obliger les Ennemis de lever le Siége de Ratscha ,
ont été jointes en chemin par quelques Régimens
de Cuiraffiers , & ce Corps de Troupes eft commanpar
le Comte de Kevenhuller. dé
le
11 ,
Celui qui étoit campé à Semlin & qui eft fous
les ordres du Comte de Neuperg , paffa le Danube
& à peine ce Général fut - il de l'autre côté
de ce Fleuve , qu'il reçût avis que 6000. hommes
des Troupes Ottomanes avoient formé le Siége de
Panzova. Il précipita auffi-tôt fa marche , afin de
les attaquer , mais les Turcs 'ne jugerent pas à
propos de l'attendre , & ils fe retirerent sous Vipalanka.
Sur
NOVEMBRE. 1738 2481
Sur l'avis que le Comte de Neuperg marchoit
pour les en chaffer , ils ont abandonné les environs
de cette Place , & ils ont repris la route d'Orfova.
Depuis leur retraite le Colonel de Bernclau , qui
commande à Panzova , a reçû ordre du Comte de
Neuperg , de faire safer les Fortifications de Vipalanka
.
Depuis que les Turcs ont levé le Siége de Ratscha
& quitté le Bannat de Temeswar , les Payfans
rebelles de cette Province ont offert de rentrer
dans leur devoir , si l'Empereur vouloit , en leur
permettant de lever eux- mêmes les sommes qu'ils
doivent lui payer , les mettre à couvert des vexations
des Fermiers préposés pour la perception des
Droits. On dit que S. M. I. leur a accordé leur
demande .
L
ITALIE.
E Comte Rivera , Miniftre du Roy de Sardai
gne eut le 19. du mois paffé sa premiere Audience
du Pape , & il y fut présenté par le Cardinal
Alexandre Albani , chargé des Affaires de la
Cour de Turin auprès du S. Siége.
L
MALTHE.
E Grand Maître ayant apris au commencement
du mois d'Août , que Dgianum Codgia Capitan
Pacha avoit paru le 15. du mois passé auprès
de l'Ife Serigo en Morée avec 12. Sultanes , Vaisseaux
de So. canons du Grand Seigneur , & dans
l'incertitude s'il y avoit des Galeres & des Galiottes
dans quelques Ports voisins de la Morée
pour quelque débarquenrent , Son Altesse Eminentissime
, & son Conseil jugerent à propos
précautionner non seulement pour le présent ,
Hv
2
de se:
ma
2482 MERCURE DE FRANCE
mais encore pour l'avenir , contre toutes surprises.
de la part des Turcs.
Pour cet effet , on résolut de mettre tout le Militaire
de la Religion de Malthe en état de défense,
sous le commandement général du Bailly de Chambray
, d'affigner à chaque Officier son Poste avec
la Troupe qu'il commandera , pour y être passés.
en revue tous les ans par ce Général , ou ses Successeurs
, & prévenir par ce moyen toute surprise.
Le Bailly de Chambray , informé que ce souverain
Tribunal avoit jetté les yeux sur lui , nemine
discrepante , c'est-à-dire tout d'une voix , alla recevoir
les ordres du G. M. selon l'usage , mais il représenta
à Son Eminence , qu'il n'avoit jamais
commandé que sur mer , le G. M. lui répondit en
ces termes : M. le Bailly vos, succès éclatans sur
mer , nous répondent de votre capacité & de votre valeur
par tout ailleurs .
Peu de jours après ce Decret , on a seu que
Dgianum Codgia faisoit ramasser tous les Bleds.
de la Morée & de l'Archipel , pour les transporter
à Constantinople , où la disette eft grande ; mais
cela n'a rien changé à la résolution prise , qui subsistera
toujours pour la sûreté de l'Ile de Malthe .
Liste de la répartition de la Congrégation de
Guerre , composée des Billis Descheneau , Dom
Payo de Abres , de Chabrillan , & de Goüerainnes ,
arrêtée le 1.Août 1738. par l'ordre du Grand Maître .
& de son Conseil.
Liste des Officiers Généraux & Subalternes.
Lieutenant Général ,
Le Vénérable Bailly de Chambray.
Majors Généraux.
Les Chevaliers de Polastron & Despennes.
}
Aydes
NOVEMBRE. 1738. 2453
Aydes-Majors Généraux ,
Les Chevaliers de Raillanette l'aîné & de Pitta.
Le Chevalier de Althann , Volontaire.
Régiment de Boircarcara
Colonel ,
Le Chevalier de Perou.
Lieutenant- Colonel ,
Le Chevalier Commandeur de Grimaldi.
Le Chevalier de Guast.
Major ,
Capitaines ,
Les Chevaliers Dom Louis Pereira Catinho , Jo
seph de Almeida , Laurens da Couigna , de Breffay
Paîné , de Clermont Montoizon , Sanguin de Livry .
Aydes-Major,
Huet , Servant d'Armes .
Les Compagnies sont toutes de cent hommes
chacune , Lieutenans & Sous - Lieutenans à pro
portion.
Regiment Cornaro. Colonel , le Chevalier de
leamacca.
Lieutenant-Colonel , le Chevalier Commandeur
Delci.
Le Chevalier de Prouana , Major .
Capitaines ,
Les Chevaliers Dom Emmanuel Zörita , de Ste
Colombe , de Ferretti , de Biebenze!, de Mathan , de
St Julien.
Ayde- Major , Bellerano , Servant d'Armes .
Outre cela , il y a toutes les Milices de la Religion
, & plufieurs autres Régimens qu'il seroit trop
long de détailler.
Les Vaisseaux & Galeres de la Religion sont en
Courfe trois mois sur les Côtes d'Italie , de
pour
France & d'Espagne , & reviendront à Malthe pas
les Côtes de Barbarie.
Havj Le.
2484 MERCURE DE FRANCE
Le Grand Maître est fort attentif à tout ce qui
concerne le Gouvernement Civil & Militaire . S. A
E. jouit de la plus parfaite santé , à S. Antoine , son
Palais de Plaisance .
CORSE.
Na apris par les Lettres de Genes de la fin
du mois dernier , que le Baron de Neuhoff
s'étoit présenté avec fes Vaifleaux au commencement
de Septembre dans le Golfe de Sagone , & que
n'ayant pu y aborder à caufe des vents contraires ,
il avoit été obligé d'aller jetter l'ancre à Porto Provenzale
, près d'Ajaccio. M. Soprania , qui y com
mande pour la République , ne fut pas plutôt instruit
de l'arrivée du Baron de Neuhoff , qu'il fit publier
dans tous les Lieux voisins un Decret , portant
défenſe aux Habitans d'écouter les propofitions
de ce Baron , & d'acheter aucune chose de lui ou
de fes adbérans , fous peine d'encourir la disgrace
du Roy de France & d'être traités comme rebelles
Les Parens & les Amis des Otages , qui font à
Toulon , fe font diftingués en cette occafion par la
fermeté avec laquelle ils ont rejetté les offres de ce
Chef des R belles , & par les efforts qu'ils ont faits
pour engager tous les Corses de leur connoiffance,
à demeurer fideles à la République.
La Frégate & la Barque de S. M. T. C. lesquel
les s'étoient rendues à Calvi le 4. ont mis à la voile
pour Ajaccio , & le bruit court que la Barque
s'est emparée de quatre Bâtimens du Convoi du Ba
Jon de Neuhoff , du nombre defquels eft un Pinque
armé en guerre.
Les Equipages de quelques Vaiffeaux , qui font
entré depuis peu dans le Port de Genes , ont nonfeulement
confirmé ce bruit , mais ils ont raporté
diverfes
NOVEMBRE . 1738. 248
diverfes circonftances , & ils ont affuré que la Bar
que Françoile ayant rencontré les Bâtimens ennemis
, elle leur avoit fait le fignal ordinaire , pour
les obliger de s'aprocher ; que fur leur refus elle
avoit tiré contre le Pinque plufieurs coups de Canon
qui lui avoient caffé fon grand Mât & fon
Trinquet ; que le Pinque étant démâté , avoit baiffé
toutes fes Voiles , & qu'il s'étoit rendu à discretion ,
ainfi que les trois autres Vaiffeaux qu'il eſcortoit.
On mande de Provence , que S. M. T. C. a réfolu
d'envoyer dans l'Ile de Corfe , un renfort de
quatre Bataillons.
On a reçû de l'Ifle de Corfe la confirmation de la
prife de quatre Bâtimens du Convoi du Baron de
Neuhoff , & que ces Bâtimens , à bord defque:s on
a trouvé quelques munitions de guerre , & une
quantité affés confidérable de Sel & de Fer , avec
beaucoup de balots de hardes des Paffagers, qui s'étoient
fauvés à terre , ont été conduits à la Baſtie.
Les Nouvelles varient fur ce qui concerne la
Perfonne du Baron de Neuhoff , les unes marquent
qu'il eft enfin débarqué dans l'Ifle , qu'il s'eft rendu
à Corte, & qu'il y a été reçu par les Habitans
avec de grandes démonftrations de joye ; les autres
portent , que non- feulement il n'a pas ofé fe livrer
entre les mains de fes adhérans , qu'il foupçonne
d'être capables de le remettre au Marquis Mari ,
pour obtenir leur Amniftie , mais encore qu'il n'a
débarqué aucune Artillerie.
On a apris en même-temps , que toutes les Pieves
de deçà les Montagnes , avoient envoyé des
Députés , ou écrit au Comte de Boiffieux , pour lui
enouveller les affûrances de leur entiere foumiſſion
aux volontés du Roy de France , & pour le prier de
vouloir bien accelerer leur accommodement , afin
de prévenir tous les inconvéniens que pourroit cau-
Les
2486 MERCURE DE FRANCE
fer le retour du Baron de Neuhoff. Il femble qu'il
n'en eft pas tout-à- fait de-même des Pieves de de-là .
les Monts , & quelques - uns des Chefs de ces Pieves
paroiffent être fort zelés pour les interêts de ce Ba
ron . Cependant on efpere que leurs efforts , pour :
entretenir la révolte , feront inutiles.
Le Marquis Mari a mandé au Sénat de Genes ,
au commencement de ce mois , qu'on n'avoit pu
recevoir à la Baftie aucune nouvelle certaine du
parti qu'avoit pris le Baron de Neuhoff , mais on:
vient d'aprendre du Port de Baye dans le Royaume
de Naples , qu'il y avoit mouillé depuis peu un
Vaiffeau Hollandois de 42. pieces de Canon , qu'on
affûre être le même, à bord duquel étoit ce Baron,
& l'on conjecture qu'ayant perdu l'efpérance de
pouvoir débarquer fon Artillerie dans l'Ile de Cor
fe , il a pris la route de Naples , au lieu de fe retirer
dans quelque Port de l'Ile de Sardaigne , vers
laquelle on croyoit qu'il avoit fait voile. Le bruit .
court qu'il a distribué dans divers Lieux de l'Ile de
de Cofe environ 2000. Fufils & une affés grande
quantité de balles & de poudre , fans exiger aucun
payement , & qu'il a pourvû plufieurs Villages de
Fer & de . Sel , dont les Habitans manquoienr abe
folument.
On affûre cependant, que la plupart n'en font pas
moins difpofés à fe conformer aux volontés du Koy
de France ; qu'ils ont même une très - grande impapatience
de voir leur accommo lement conclu , &
qu'ils follicitent avec beaucoup d'inftance le Comte
de Boiffreux de paffer pardeffus les difficultés qui
en retardent la publication. Vingt trois Paffagers ,
qu'on dit que le Baron de Neuhoff avoit conduits -
dans l'Ifte de Corfe pour les y employer en qualité --
d'Officiers, & qui étoient à terre lorfque laFrégate du
Roy de France s'eft emparée des Bâtimens, à bord
defquels
NOVEMBRE. 1738. 2487
defquels ils avoient fait le trajet , fe font fauvés
dans les Montagnes , où ils manquent de tout ,
leurs hardes étant demeurées dans leurs Bâtimens.
On a apris en dernier lieu de la Baftie , que les
conditions de l'accommodement de la République
avec les Rebelles , ayant été reglées par le Roy de
France , le Comte de Boissieux , qui en avoit reçûz
une copie , devoit inceffamment les rendre publiques
, & l'on efpere que la confiance que les Rebelles
doivent avoir dans la garantie de S. M. T C ..
les déterminera à se soumettre entierement au Reglement
qui a été fait .
On amena au commencement de ce mois à Genes
an Religieux qui étoit Provincial de l'Ordre de
S. François , dans l'Ile de Corſe , d'où il est natif ,.
& qui étant extrêmement attaché au Baron de Neuhoff
, abufoit de fon Miniftere pour détourner
les Peuples de rentrer dans leur devoir..
Le Vaiffeau Hollandois qui moüilla il y a quel
que temps-à Baye & qu'on croit être celui à bord
duquel étoit le Baron de Neuhoff, s'eft rendu à Na-.
ples, & le Capitaine a remis à terre deux Paffagers
que plusieurs personnes prétendent reffembler à ce
Baron & à un de fes Neveux , & qui font partis en
pofte pour Rome.
NAPLES.
E Roy nommé Chevaliers de l'Ordre de Saint-
LJanvier , le Marquis de Montalegre ,Secretaire
d'Etat , le Comte de Miranda , Premier Ecuyer de
S. M. & le Marquis de Castelar , un de fes Gentils- ,
hommes de la Chambre.
On a apris par le dernier Courier qui eft venu de
Madrid , que le Duc de Sora , Grand- Maître de la
Maifon du Roy , avoit été déclaré par S. M. C.
Grand d'Espagne de la Premiere Claffe.
ESPAGN
2488 MERCURE DE FRANCE
ESPAGNE.
A Reine premiere Douairiere qu'une indispofition,
caufée par la fatigue du voyage , avoit
obligée de s'arrêter à Pampelune , étoit attendue
sur la fin du mois paffé à Guadalaxara , où elle
compte de faire fa réfidence . On a apris que cette
Princeffe, quelques jours avant que de quitter Bayone
, avoit envoyé à l'Hôtel de Ville le Marquis de
Penafuente , fon Majordome Major , pour affûrer
le Maire & les Echevins , qu'elle n'oublieroit point
l'empreffement que les Habitans lui avoient témoigné
dans toutes les occafions , & pour les informer
que défirant laiffer à la Ville un Monument du→
rable de fa reconnoiffance , elle feroit payer aux
Magiftrats la fomme de foooo. livres pour être employée
à conftruire une Fontaine publique .
Le jour que la Reine partit pour fe rendre en
Efpagne , le Maire , les Echevins & les autres perfonnes
qui compo fent le Corps de Ville , fe rendirent
chés S. M à la tête de 60. jeunes Gens des
principales Familles de la Ville , lefquels avoient tâché
de fe furpaffer les uns les autres par la magnificence
de leurs habits & par la beauté de leurs Chevaux
, & ils accompagnerent cette Princeffe , qui
lorfqu'elle arriva à la Porte par laquelle elle fortit
de la Ville , y trouva M. Dadoncourt , Commandant
& tous les Officiers de l'Etat Major , &
après avoir été complimentée au nom des Habitans
par M. du Livier , un des Echevins , fut faluée d'une
décharge génerale de l'Artillerie des Remparts ,
de la Citadelle & des Châteaux.
"
Les Magiftrats de Bayone , de concert avec
le Marquis de Penafuente , ont demandé aux
Créanciers de la Reine & à ceux des Offciers
de fa Maiſon , des comptes de ce qui leur
>
étoif
NOVEMBRE. 1738. 2489
étoit dû , & ces comptes , après avoir été arrêtés
par le Marquis de Penafuente , ont été enregis
trés à l'Hôtel de Ville ,
GRANDE BRETAGNE.
E 20. du mois dernier , une Troupe de Comé
diens François, que quelques Seigneurs ont enga
gés à venir à Londres, firent l'ouverture de leur Thea
tre , mais plufieurs perfonnes , qui , à la follicita
tion des Comédiens Anglois , étoient entrés dans
la Salle pour troubler le spectacle' , exciterent un
tel tumulte , que les Comédiens ne purent donner
la repréſentation de la Piéce intitulée l'Embarras des
Richeffes , qu'ils avoient promife.
M. Chriftophle Winchkote , mourut le trois
de ce mois à la Terre de Hackney , âgé de 88. ans .
Ce Gentilhomme a donné pendant fa vie 1000. liv.
fterlings à la Maiſon des Pauvres de la Ville de Londres
, 8co, à l'Hôpital de Chrift , une pareille fomme
à chacun des Hôpitaux de S. Thomas & de saing
Barthelemi , 700. à celui de Bethleem , 1500. aux
Ecoles établies en Irlande , pour élever les Enfans
dans la Religion Proteftante ; soo. aux veuves des
pauvres Miniftres , & 1400. à divers Orphelins , &
il en a legué 1360. par ſon Teftament , pour être
employées à de femblables Aumônes ; toutes ces
fommes , jointes enſembles , montent à 88000. liv .
fterlings , qu'il a employées à fecourir les Pauvres.
Un caractere fi charitable , joint à beaucoup d'efprit
& à plufieurs autres qualités très - dignes d'eftime ,
le font univerfellement regretter .
*
BOUTS
2490 MERCURE DE FRANCE
D
BOUT S - RIME'S ,
SONNE T.'
Butin ;
Ans ce siècle pervers l'un ne pense qu'à Boire ; ;
L'autre en concussions , qu'à faire un gros
Malgré Minerve , un sot veut sçavoir le Latin;
Un fourbe, pour tromper, s'en va de Foire en Foire.
L'autre jusqu'au Japon, des rives de la
Brave mille hazards , comme un petit
Pourvu qu'il puisse après porter l'or sur
I quitte sans regret la liqueur de sa
Qu'à ses Louis tout cede , & truelle &
Contr'eux qu'il ne soit plùs d'opiniâtre
Méprisant les Poiriers , qu'il cultive la
Qu'il régale Cloris dans un pompeux.
Loire ,
Lutin ; -
Satin ,
Poire,
Rabot ;
Naboth;
Souche.
Bâteau ;
Qu'il soit enfin heureux sur le bord d'un Ruisseau ;
Quoiqu'il fasse ,oui,toujours il est fat,rustre &Louche
J. P. Esparron .
FRANCE
NOVEMBRE. 1738. 249
FRANCE.
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
> 31. du mois dernier , veille de las
Fête de tous les Saints , la Reinc enrendit
la Messe dans la Chapelle de la Cour
ovale de Fontainebleau , & S. M. communia
par les mains de l'Abbé d'Alegre , son:
Aumônier
en quartier :
,
Le même jour , le Roy & la Reine assisferent,
dans la Chapelle du Château aux
premieres Vêpres de la Fête , qui furent
chantées par la Musique , & auxquelles l'Ar--
chevêque de Bourges officia.
par
Le premier de ce mois , jour de la Fêtes.
Leurs Majestés entendirent la grande Messe,.
célebrée pontificalement le même Prélat..
L'après midi , le Roy & la Reine assisterent
au Sermon du Pere Menou , de la Com-.
pagnie de Jesus , & ensuite aux Vêpres
chantées par la Musique , & auxquelles le
même Prélat officia .
Le 3. jour des Morts , Leurs Majestés entendirent
la Messe de Requiem , pendant
laquelle le De profundis fut chanté par la
Musique.
>
Le
2492 MERCURE DE FRANCE
Le Régiment d'Infanterie , vacant par la
mort de Maximilien , Comte de Choiseul-
Meuse , & qui est le 22 des Régimens
d'Infanterie , a été donné à François de
Montmorin , Marquis de S. Herem , apellé
le Marquis de Montmorin , Gouverneur du
Château , & Capitaine des Chasses de Fontainebleau
; & le Régiment de Forêt , le 78 °
des Régimens d'Infanterie , dont le Marquis
de Montmorin étoit Colonel depuis le 20.
Février 1734. a été accordé à François -Honoré
de Choiseul Meuse , né à Sorcy ,
Diocèse de Toul, le premier Octobre 1716.
& Chevalier de l'Ordre de S. Jean de Jéru
lem,Frere du feu Comte de Choiseul- Meuse.
Le Roy a nommé à l'Evêché de Gap }
l'Abbé de Cabannes , Vicaire Géneral de
l'Archevêché d'Aix .
Le Roy a accordé au Président du Tillet,
la place de Conseiller d'honneur au Parle
ment , vacante par la mort de M. de la
Malmaison.
Le s , de ce mois , on commença dans
l'Eglise de la Paroisse de Fontainebleau ,
l'Octave de la Canonisation de S. Vincent
de Paule , Instituteur & Premier Supérieur
General de la Congrégation des Prêtres de
la
NOVEMBRE . 1738. 2493.
fa Mission & des Filles de la Charité , Servantes
des Pauvres malades , & cette Octave
a été continuée avec beaucoup de solemnité,
Le 11. le Roy alla entendre le Salut dans
cette Eglise , La Reine y alla le 12. & Mon
seigneur le Dauphin le 7.
La Reine partit le 20. de ce mois au
matin , & arriva le soir à Versailles ; Mon
seigneur le Dauphin y arriva le 19.
Le 21. le Roy partit de Fontainebleau
vers les dix heures du matin , & S. M. arriva
à Versailles le même jour.
Le 11. Fête de S. Martin , on donna le
premier Bal public qu'on donne tous les
ans à pareil jour sur le Théatre de l'Opera ,
& qu'on continue pendant differens jours
jusqu'à l'Avent ; on le reprend à la Fête des
Rois jusqu'au Carême.
Le 12. l'Ouverture du Parlement se fit ;
avec les cérémonies accoûtumées , par une
Messe solemnelle , à laquelle l'Evêque de
Tarbes officia pontificalement. M. le Pelletier
, Premier Président , & les Chambres,
y assisterent.
2494 MERCURE DE FRANCE
Le 4. Novembre , les Comédiens François repréfenterent
fur le Théatre de Fontainebleau , la Tradie
d'Alcibiade , avec l'Acte intitulé l'Etourderie
tiré de la Comédie des Caracteres de Thalie .
Le 8. l'Enfant Prodigue & le Magnifique , dont
le Divertiffement fut executé par les Comédiens
Italiens . La Dlle Huguenot & le Sr Jeliot , y chanterent
avec aplaudiffement deux Airs de la compofition
de M. de Blamont , Sur Intendant de la Mufique
du Roy.
Le 13. Rbadamifte & Zenobie , & la petite Piéce
.du Legs .
Le 6. Les Comédiens Italiens repréſenterert fur
le même Théatre , le Faucon & le Retour de Tendreffe.
> La Comédie aux quatre ****
Le 15.
& les
Filets de Vulcain , dont le Divertiffement fit beau-
<coup de plaisir.
Le 25. Novembre les Comédiens François représenterent
à Verfailles la Tragédie de Rodogune
& le Baron de la Craffe.
Le 27. l'Andrienne & le Rendès -vous.
Le 26. de ce mois , les Comédiens Italiens re
présenterent auffi à Versailles , Timon le Misantrope
, avec les agrémens , & les Mascarades Amou
euses avec un Divertiſſement .
>
3. on
Le 27. le Octobre , 29 . & le Novembre ,
Concerta chés la Reine à Fontainebleau , l'Opera
d'Atys ; les Dlles Huquenot & Rotiffet de Romainville
, chanterent les Rôles de Cybelle & de Sangaride
, & les Srs Jeliot & d'Angerville , ceux d'Atys
& de Calenus .
Le
NOVEMBRE . 1738. 2495
Le 5. le 10. & le 12. on chanta l'Opera d'Amadis
, dont les principaux Rôles furent rendus par les
mêmes personnes qu'on vient de nommer.
Le 24. la Cour étant de retour à Versailles , la
Reine entendit l'Opera d'Armide , dont le premier
Rôle fut chanté avec beaucoup d'aplaudiffement
par la Dlle Huquenot ; les Dlles Duhamel & Abec,
rendirent ceux du Prologue , & les Dlles Godeneche
& d'Augi , remplirent les deux Rôles de Confidentes
d'Armide .
Le 23. les Vingt -quatre de la Chambre du Roy ,
executerent au diné de S. M. ( à l'occasion de fon
retour de Fontainebleau ) les Symphonies du Ballet
des Caracteres de l'Amour , de la compofition
de M. de Blamont , qu'on joue actuellement à l'Opėra
tous les Mardis & Jeudis , avec un grand
concours.
Le premier Novembre , Fête de la Touffaint , le
Concert du Château des Thuilleries commenca par
le De profundis , Motet à grand Choeur de M. de
la Lande , qui fut fuivi d'un nouveau Carillon de
M. Aubert , executé par toute la Symphonie , après
lequel on chanta le Cantate Domino, Motet de M.
Gervais , Maître de Mufique de la Chapelle du Roy;
le Concert fut terminé par le Motet Quare fremue
runt , précédé de differentes Piéces de Symphonie.
L'Hyver a commencé ici de très - bonne heure ,
la gelée s'est fait fentir vivement d'abord après la
S. Martin , & fi fort , que la plupart des Glacieres
des Particuliers au tour de Paris , ont été remplies
avant la fin du mois. Le temps s'est remis au beau;
la glace avoit près de quatre pouces d'épaiffeur .
3496 MERCURE DE FRANCE
A Mile de M... C .. au jour de sa Fête,
ILL est aujourd'hui votre Fête ,
C.. , mais je laisse à l'Amour ,
Couronner de fleurs votre tête ;
Pour vous faire encor mieux sa cour
L'Amitié prend un autre tour.
Elle veut effayer de réparer l'outrage
Que la Peinture vous a fait.
Vous le sçavez , combien j'enrage
Toutes les fois que j'envisage
Ce maussade Tableau , qu'on dit votre Portrait.
N'offrez plus à nos yeux cette infidelle Image ;
Non , ce n'est point - là vous ; vous voici trait pour
་。
trait.
La taille & l'air d'une Immortelle ;
Les yeux vifs , mais pleins de douceur ;
Un front , où brille la pudeur ,
D'un sourire engageant la grace naturelle
Si fatale pour plus d'un coeur.
Un esprit délicat , un coeur plein de droiture
Une douce fierté qui vous fait respecter ,
Sans qu'il soit besoin d'affecter
Une sagesse austere & dure.
A ces traits peints d'après Nature ,
Vous voudrez seule ici m'accuser de flater .
MORTS
NOVEMBRE. 1738. 2497
MORTS ,
NAISSANCES.
&
Mariages.
L Moran ,
E 16, Septembre dernier , Gédeon de Vic ,
Seigneur de , qui avoit pour trisayeul
Méri de Vic , Seigneur
d'Erménonville , des Bergeries
, de S. Port & de S. Affife , près de Corbeil
mort le 2. Septembre 1622. étant Garde des Sceaux
de France depuis le 24. Décembre précedent, mouru
en fon Château de Moran en Touraine , âgé de
52 ans. Il étoit le dernier mâle de sa Famille, qui se
trouve éteinte par fa mort , le défunt ne laiflant
qu'une foeur , mariée avec Elzeard Barbin , Baron
de Broyes , que l'on dit être la premiere Baronie
du Comté de Champagne . La Famille de Vic étoit
originaire de Guyenne , & non de Naples , comme
quelques- uns l'ont voulu infinuer . La Généalogie
en eft raportée dans l'Hiftoire des Grands Officiers
de la Couronne , Tome 6. p. 539- Guillaume
Raimond Vich , qui fut fait Cardinal par
Leon X. en 1517. & qui fut Evêque de Barcelone ,
le Pape
étoit Efpagnol, & nullement de la Famille de de Vic
de France.
Tous les Gens de Bien , & l'Ordre de S. François
en particulier , ont fait une perte confidérable en la
perfonne du R. Pere Charles Bourget , Cordelier de
la Province , dite de France Parifienne , Docteur
de Sorbonne , originaire de la Ville de Valognes
dans la
BaffeNormandie, lequel mourut à Rouen le
26.Septembre, dernier dans la 64.année de son âge,
en reputation d'un des plus vertueux & sçavans Religieux
de l'Ordre . dont il étoit l'ornement ,
P'un des plus folides apuis. Dès fes plus jeunes an-
I nées
&
2498 MERCURE DE FRANCE
nées il donna à Rome des preuves de fa capacité
dans une Theſe de la Nation , dédiée au Roy , qu'il
foûtint au mois de May 1700. avec tout le fuccès
poffible . En l'année 1713. le R. P. Ildefonse de
Biezma , fon Géneral , l'apella auprès de fa Perfonne
, en qualité de Secretaire Géneral. Cet Emploi
le fixa en Espagne pendant fix années entieres ,
pendant lequel temps il donna des marques d'une
grande intelligence dans le maniment des Affaires .
En l'année 1716. le P. Géneral le députa pour
venir en France complimenter le Roy , au nom de
out l'Ordre , fur fon heureux avenement à la Couronne.
Après la mort de ce Géneral , & FElection du
R. P. Jofeph de Garcia , la Cour trouvá bon de
laiffer le P. Bourget auprès du nouveau Géneral ,
pour veiller aux interêts des Monafteres & des Religieux
de la Nation , & en foûtenir les droits . Il fut
fait ensuite Commiffaire Géneral de la Terre Sainte
en France ,Emploi important, qui occupe un homme
tout entier , & qui demande une vigilance continuelle
, qui s'étend dans toute la Paleſtine , &c. Il
fut auffi inftitué Diffiniteur Géneral de tout fon
Ordre , aprés avoir été deux fois Provincial de fa
Province , Pere enfin de plufieurs Provinces. Le
lendemain de fon décès il fut inhumé dans l'Eglife
des Cordeliers de Rouen , avec un grand concours
de Perfonnes de tous les Etats , que la vertu & la
réputation de ce Religieux avoient attirés .
Le 27. du même mois , mourut à Paris , âgé de
so. ans , Jean-François de Thibault , Seigneur de
Boisgnorel , Chevalier des Ordres de N. D. du
Mont- Carmel & de S. Lazare de Jeruſalem , du 3.
Avril 1719. Lieutenant Colonel de Cavalerie, Gentilhomme
ordinaire du Duc d'Orleans , & auparaxant
l'un de fes Ecuyers.
Le
NOVEMBRE . 1738. 2499
Le 8. Octobre , Louis le Bel , Evêque de Bethléem
, Abbé de l'Abbaye de Lieu-Reftauré , Ordre
Prémontré , Diocèse de Soiffons , mourut à Paris ,
dans le Convent des Récollets , au Fauxbourg saint
Martin , âgé de 77. ans . Il êtoit Religieux du même
Ordre , de la Province de Paris , où il avoit été
connu fous le nom de P. Chérubin . Il avoit été fucceffivement
Lecteur en Théologie , Diffiniteur Géneral
de tout l'Ordre de S. François , Provincial de
la Province de S. Denis en France , & Commiflaire
Géneral & Royal des Provinces de Flandres . L'Evêché
de Bethléem , petit Hôpital fitué dans le
Fauxbourg de Clamecy en Nivernois , ayant été
préconisé & proposé pour lui à Rome les 27. Novembre
& 11. Décembre 1713. il fut Sacré le 4.
Février 1714. à Paris , dans l'Eglife des Récollets ,
par l'ancien Evêque de Tulles , affifté de l'Evêque
d'Arethufe , Suffragant de Befançon , & de l'Evêque
de Saintes , & le 14. du même mois , il prêta Serment
de Fidelité entre les mains du Roy. L'Abbaye
de Lieu-Reftauré lui avoit été accordée au mois de
Juillet 1724.
Le 11. Jacques-François Minet de Meril'e , Abbé
Commandataire de l'Abbaye Royale de S. Yves de
Braine , de l'Ordre de Prémontré , Diocèle de Soissons
, depuis l'an 1681. mourut à Paris , âgé de
76. ans.
Le 16. Charles -Jacques , Baron de Besenval , &
de Bronſtatt , du Canton de Soleurre , Lieutenant
Géneral des Armées du Roy , de la Promotion du
24. Février dernier , Colonel d'un Régiment d'Infanterie
Suiffe , & Chevalier de l'Ordre Militaire
de S. Louis , depuis 1705. mourut à Paris , âgé
d'environ 64. ans Il avoit été long- temps Major
du Régiment des Gardes Suiffes , mais ayant obtenu
le Régiment de Hemel le 15. May 1729. il
I ij quitta
500 MERCURE DE FRANCE
quitta cette Majorité. Il avoit été élevé au Grade
de Brigadier le premier Février 1719. & à celui de
Maréchal de Camp le 20. Février 1734. Il étoit
Frere puîné de feu Jean-Victor, Baron de Besenval,
& de Bronftatt , Lieutenant General des Armées du
Roy , & Colonel du Régiment des Gardes Suiffes ,
dont la mort eft raportée dans le Mercure de Mars
1736. page 602 .
Le 17. D Marie-Josephine de Boufflers , ci- devant
Dame du Palais de la Reine , ( Place dont elle
s'étoit démise au mois de Janvier 1734. ) & veuve
depuis le 26. Decembre 1732. de François Camille
de Neufville-Villeroy , Duc d'Alincourt , Baron du
Marais , & de S. Marc , Lieutenant de Roy de la
Ville de Lion , & des Provinces de Lionnois , Forest
& Baujolois , & Mestre de Camp du Régiment
de Villeroy , Cavalerie , avec lequel elle avoit été
mariée le 4. Septembre 1720 mourut à Paris , au
commencement de la 35. année de son âge , étant
née le 10. Septembre 1704. Elle ne laisse qu'un
fils , qui est Gabriel -Louis de Neufville , Marquis
de Villeroy , né le 8. Octobre 1731. &-Lieutenant
Général au Gouvernement du Lionnois, Forest , &
Beaujolois , seul Héritier présomptif des Titres de
la Maison de Villeroy . La Duchessé d'Alincourt
étoit la derniere fille de feu Louis- François Duc de
Boufflers , Pair , & Maréchal de France , Chevalier
des Ordres du Roy , & de la Toison d'or , Gouverneur
de la Flandres Françoise , & des Ville , Citadelle
& Châtellenie de Lille , &c. mort le 22. Août
1711. & de D. Catherine- Charlotte de Gramont ,
sa veuve , ci-devant Dame d'Honneur de la
Reine.
Le 20. Pierre-Augustin Chaillon , Seigneur de
Mézieres , Conseiller au Parlement de Paris , de la
quatrième Chambre des Enquêtes , où il avoit été
reçu
NOVEMBRE : 1738. 2501
reçû le 7. Mars 1714, & auparavant Conseiller ap
Châtelet , mourut en son Château de Mézieres ,
environ 15. lieues de Paris , & près de Dreux , âgé
d'environ . ans. Il étoit fils aîné de feu Jean
Pierre Chaillon , Seigneur de Mézieres , Jonville ,
&c. Conseiller -Secretaire du Roy , ci-devant Rece
veur Général des Finances à Caen , & Fermier Général
des Fermes Unies de S. M. mort le 25. Novembre
1722. & de Marie- Anne Colin , morte le
17. May 1695. Il avoit épousé au mois d'Avril
1729. la Dile Baudry , fille du Grand Maître des
Eaux & Forêts du Département de Picardie , & niéce
à cause de sa mere , de l'Abbé Lorenchet , Con,
seiller de la Grand'-Chambre , mais il n'en laisse
point d'enfans , desorte que ses Heritiers sont Fran
çois Chaillon , Seigneur de Jonville , son frere ,
Gentilhomme ordinaire de la Maison du Roy , &
chargé des Affaires de S. M. aux Païs - bas Autri
chiens , & Marguerite Chaillon , sa soeur , épouse
d'André-Jean Lalouette , Sr de Vernicourt , Maré,
chal de Camp des Armées du Roy , Inspecteur Gé
néral de Cavalerie , & Commandeur de l'Ordre
Militaire de S. Louis .
Le
.......
و .
Octobre , Yves-Louis - Dieu donné
Malet du Luzart , Seigneur de Noisiel , ci- devant
Conseiller au Parlement de Paris , où il avoit été
reçû le Fevrier 1695. & auparavant Avocat du
Roy au Châtelet , mourut à sa Terre de Noisiel sur
Marne , près de Lagny , âgé de 70. à 71. ans. Etant
resté veuf sans enfans de D. Marie-Magdeleine
Lombard le 31. Juillet 1725. il se remaria le 25 .
Octobre suivant avec une Dlle du nom de Nicole .
Il étoit fils de feu Louis Malet , Seigneur du Luzart
, de Noisiel , du Buisson , Malvoisine , Ving
taine , &c. aussi Conseiller au Parlement de Paris ,
mort au mois de Décembre 1704. & de feuë Anne
Liij Fabert,
2502 MERCURE DE FRANCE
Fabert , sa femme , de la Ville de Metz.
Le 21. Jean-Frederic de la Tour de Gouvernet ,
Seigneur de Bois- le- Vicomte de Mitry en France ,
&c. Prêtre , Docteur en Theologie , Chanoine de
P'Eglise Métropolitaine de Paris depuis le 16. Fevrier
1718. mourut à Paris , âgé de 67. ans , &
fort regretté des Pauvres , au besoin desquels il
employoit le restant de soooo . liv . de rente dont il
jouissoit , après avoir prélevé ce qui lui étoit nécessaire
pour sa dépense ordinaire . Le 23. dans la
matinée , le Chapitre de Paris en Corps , vint lever
son corps à l'Hôtel de Louvois , ruë de Richelieu ,
où il demeuroit, chés le Sr Olivier de Senozan , Intendant
Général du Clergé , & on le conduisit à
Notre -Dame , d'où après la célebration de ses obseques
, il fut transporté aux Nouvelles Catholiques
, rue Sainte Anne , où le défunt avoit choisi sa
sépulture. Il étoit fils puiné de feu Charles de la
Tour , Mirquis de Gouvernet en Dauphiné , &
d'Esther Hervart , morte en Angleterre , où elle
s'étoit retirée pour cause de Religion , le 15. Juillet
1722. âgée de 86. ans. Il laisse pour Heritiers
Charles de la Tour de Bourrelon , Marquis de Gouvernet
& de Sennevieres , Sénéchal de Valentinois
& de Diois , Gouverneur des Ville & Citadelle de
Montelimart , & la Marquise de Cruffol - Monsalez ,
sa soeur, ses neven & niéce , & D. Sabine de la Tour
de Gouvernet , sa soeur , veuve de François de Grolée
, Marquis de Viriville , Gouverneur de Montelimart.
Le 25. Nathanael , Baron de Hook en Irlande ,
Maréchal des Camps & Armées du Roy , de la Promotion
du premier Fevrier 1719. & Commandeur
de l'Ordre Royal & Militaire de S. Louis , du premier
Janvier 1720. mourut à Paris , âgé de 75. ans .
Il avoit été autrefois Colonel d'un Régiment d'Infanterie
NOVEMBRE. 1738. 2.503
fanterie de sa Nation , qui fut réformé , & il avoit
été élevé au grade de Brigadier le 3. Mars 1708. Il
avoit été auffi Plénipotentiaire du Roy en differentes
Cours de l'Europe , & nommé en dernier lieu
par le feu Duc d'Orleans , Régent , à l'Ambaſſade
de Prusse ; mais cette nomination n'eut point lieu
Il étoit veuf de D. Eleonore - Susanne de Mackarty-
Reagh , d'une des premieres Maisons d'Irlande,
morte le 12. Janvier 1731. à l'âge de 48 : ans .
Le 27. Maximilien de Choiseul , Comte de Meuse ;
Colonel d'un Régiment d'Infanterie de son nom ,
par Commiffion du 20. Fevrier 1734. & auparavant
Capitaine dans le même Régiment depuis 1719.
mourut à Fontainebleau , dans la 24. année de son
âge , étant né le 7. Juin 1715. Il étoit fils aîné de
Henry- Louis de Choiseul , Marquis de Meuse , Bri
gadier des Armées du Roy, ci - devant Colonel d'un
Régiment d'Infanterie , dont il se démit en faveur
de son fils en 1734. & de D. Honorée - Julie- Françoise
Comtesse de Zurlauben , son épouse. Le
Comte de Choiseul- Meuse avoit été marié le 18.
Mars 1734 avec Emilie Paris , fille de Claude Paris
de la Montagne , Conseiller - Secretaire du Roy ,
Maison , Couronne de France , & de ses Finances,
& de feuë Elizabeth de la Roche. Il la laisse veuve
à l'âge de 22 ans , & mere de deux fils .
Le vingt neuf , D. Claire - Gabrielle de Barcos ,
Epouse en secondes noces depuis le 15. Avril dernier
, de Louis-François- Annibal d'Agoult , des
Seigneurs de S. Michel en Provence , Capitaine de
Dragons dans le Régiment d'Orleans , & auparavant
veuve sans enfans depuis le 21. Fevrier 1736.
de Gilles le Masson , Conseiller - Secretaire du Roy,
Maison , Couronne de France , & de ses Finances
mourut à Paris dans la 37. année de son âge , étant
née le 9. Juin 1762. Elle étoit fille de feu Jean de
I iij Barcos,
2564 MERCURE DE FRANCE
Barcos , Contrôleur des Gendarmes de la Garde du
Roy , & Secretaire Général de la Conétablie &
Maréchaussée de France , mort en 1730. & de D.
Claire Argoud.
Le 3. Novembre , Anne - Therese de Rohan- Gué~
mené , Abbesse de l'Abbaye de Jouarre , Ordre de
S. Benoît , Diocèse de Meaux , mourut à Rouen
au commencement de la 55. année de son âge, étant
née le 15 Octobre 1684. Elle avoit été d'abord
Abbesse de S. Leger de Preaux , du même Ordre ,
Diocèse de Lisieux , ayant été nommée à cette Ab
baye le 31. Octobre 1713. Elle avoit été bénite le
13. Juin 1717. dans l'Eglise Abbatiale de S. Germain
des Prés à Paris par le feu Cardinal de Bissy
Evêque de Meaux. Elle fut transferée au mois de
Novembre 1729. à celle de Jouarre , vacante par la
démission de Charlotte - Armande de Rohan- Soubise
, sa cousine . Elle étoit fille de Charles de Ro
han , Prince de Guémené , Duc de Montbazon ,
Pair de France , mort le 10. Octobre 1727. & de
Charlotte- Elizabeth de Cochefilet de Vauxvineux
sa seconde femme , morte le 24. Décembre 1719.
*
Le même jour , François le Febvre , Seigneur de
la Malmaison , Bissy , &c . Conseiller d'Honneur
au Parlement de Paris , depuis 1722. & auparavant
Conseiller & Commissaire aux Requêtes du Palais
du même Parlement , où il avoit été reçû le 4. Janvier
1690. mourut à Paris , dans la 73. année de
son âge. Il étoit veuf de Marie- Catherine Gon ,
morte le 31. Juillet 1726. fille de feu Jean Gon
Seigneur de Vaffigny , Vicomte d'Argenlieu , Conseiller
en la Cour des Aydes de Paris , & de Catherine
Perrot. Il l'avoit épousée le 9 , Juin 1705. Il en
avoir eû Antoine le Febvre de la Malmaison , fils
unique , Conseiller & Commissaire aux Requêtes
du Palais du Parlement de Paris , qui mourut
le
NOVEMBRE. 1738. 1505
le 12. Octobre 1731. dans la vingt - sixiéme année
de son âge , sans enfans de la seconde fille de
feu Pierre-Benoît Morel , Président en la Cour des
Aydes de Paris , qu'il avoit épousée le 26. Janvier
1730. Cette Dante s'est remariée depuis avec le
Sr Gon d'Argenlieu , Officier aux Gardes , cousin
de son premier mari.
>
Le 5. Novembre , D. Geneviève- Sophie Cherré,
épouse de Robert Langlois , Seigneur de la Fortelle,
Nesle , Richebourg , &c. Conseiller Honoraire au
Parlement , & Président en la Chambre des Comptes
de Paris , avec lequel elle avoit été mariée le
10. Juin 1721. mourut à Paris , âgée d'environ
36. ans , laissant une fille âgée de 16. ans & un
fils de 9 ans. Son fils aîné étoit mort le 11. Avril
1737. à l'âge de 13. ans. La défunte étoit fille de
Pierre -Jean Cherré , Maître ordinaire en la Chambre
des Compres de Paris , mort le 8. Janvier 1724.
âgé de 80. ans , & de Magdeleine - Françoise Cesar,
sa femme , morte le 18. Avril 1716. dans la
année de son âge,
40.
Le 25. Octobre , fut baptisé Pierre Gabriel , second
fils d'Etienne- Horace Gabriel de Seve , Baron
de Flécheres , Seigneur de Farins , Bauregard ,
Frans , Jassan , Aignevin , Villette , Grolonges, & c .
Conseiller au Parlement de Paris , à la cinquiéme
Chambre des Enquêtes , où il a été reçû le 10 .
Juillet 1733. & de Marie - Magdeleine de Marcy
qu'il avoit épousée au mois d'Avril 1736.
Le 11. Septembre , Louis-Auguste de Fortisson ,
né le 18. Décembre 1711. Ayde . Major de Brigade
de la Compagnie des Chevau- Legers de la Garde
ordinaire du Roy , Mestre de Camp de Cavalerie
fils de Jean Godefroi de Fortisson , Seigneur de
Iv Casalis,
I
1
2506 MERCURE DE FRANCE
Con-
Casalis , du Claux , Nauselle , &c . Maréchal des
Logis , & Ayde- Major en chef de la même Compagnie
des Chevau- Legers de la Garde , Maréchal
des Camps & Armées du Roy , & Commandeur de
P'Ordre Royal & Militaire de S. Louis , & de défunte
D. Marie- Françoise de Vayre du Claux ,
morte le 20. Octobre 1737. fut marié à Versailles,
dans la Chapelle de l'Hôtel des Chevau-Legers ,
avec la seconde fille de François Chicoyneau ,
seiller du Roy en tous ses Conseils , Premier Médecin
de S. M. Chevalier de son Ordre de S.Michel,
& de sa seconde femme , fille unique de feu Pierre
Chirac , mort Premier Médecin du Roy , de laquelle
il a aussi un fils , dont il eft parlé dans le
Mercure de Juillet 1730. p . 1662. à l'occafion d'une
Thése générale de Philosophie , qu'il venoit de
soûtenir dans le College Mazarin ; & une fille aî
née , mariée le 19. Janvier 1736. avec M. du Bois.
des Cours de la Maisonfort , Capitaine de Vaisseaux
du Roy. On ne dit rien ici de M. le Premier
Médecin , parce qu'on ne feroit que répéter ce que
l'on a déja dit de lui & de sa Famille dans les Mercures
du mois d'Août 1731. pag . 2027. & du mois
d'Avril 1732. p. 808. lorsqu'il fut nommé d'abord
Médecin des Enfans de France , & ensuite Premier
Médecin du Roy.
Le 29. Octobre , Louis de Villeneuve , Marquis
de Trans , Comte de Tourettes , Enseigne des Galeres
du Roy , du 8.Septembre 1733. fils unique de
feu Pierre-Jean de Villeneuve , Marquis de Trans,
Comte de Tourettes , Seigneur de la Napoule , & c.
mort le 17. Février 1730. dans la 64. année de son
âge , & de D. Marie-Therese de Barthelemy
veuve , épousa à Paris Dlle Louise- Catherine Pernot
, âgée de 18. à 19. ans , & dotée de 200000 :liv.
en argent comptant , fille aînée de Remy Pernot
sa
Seigneur
NOVEMBRE. 1738. 2507
Seigneur du Buat , reçû Conseiller Secretaire du
Roy , Maison , Couronne de France , & de ses
Finances , en 1727. & de D. Marie - Françoise Megret.
La nouvelle mariée a deux freres , & une
soeur. L'aîné de ses freres , Nicolas - Remi Pernot ,
est Gentilhomme ordinaire de la Maison du Roy .
La Maison de Villeneuve est une des plus anciennes
& des plus illustres de Provence , où elle est
connue dès le 12 , siécle . Elle tire son nom du
Château & de la Terre de Villeneuve au Diocèse de
Vence , proche la Mer , entre les Villes d'Antibes,
& de Nice. L'Abbé Robert , dans son Nobiliaire de
Provence , Vol. 3. p . 241. & suivantes , parle fort
au long de son origine , de ses differentes branches ,
& de ses illustrations .CetteMaison porte pourArmes,.
de gueules freté de 6. lances d'or , accompagnées
de petits écussons semés dans les clairs- voyes , de
mêne , & sur le tout , un écusson d'azur , chargé
d'une fleur- de -lys d'or , en vertu de la Concession
faite à Louis de Villeneuve , surnommé Riche d'honen
faveur duquel le Roy Louis XII . érigea
en Titre de Marquisat la Terre de Trans , au Diocèse
de Frejus , par Lettres Patentes données à
Blois au mois de Février 1 50s . & vérifiées la même
année au Parlement d'Aix. Ce Marquisat passe pour
le plus ancien du Royaume , du moins de ceux qui
son vérifiés au Parlement, c'est pourquoi le Marquis
de Trans prend dans ses Titres la qualité de Pre- --
mier Marquis de France..
neur ,
Ivj LE
2508 MERCURE DE FRANCE
************************
LE PARFAIT BONHEUR ,
EPIGRAMME en Acrostiche à Mile
Aut .. D. S. M.... de Paris.
H
Eureux qui peut aux pieds d'une aimable Bergere
,
mxprimer de son coeur les transports amoureux ,
Fire son sort charmant , écrit dans ses beaux
yeux ,
t trouver du retour à sa flamme sincere .
Zon, je ne connois point de plus parfait bonheur,
h ! tu peux , Belle Aut .... l'accorder à mon
coeur.
ENVO I.
>ccepte dans ce jour mon amoureux hommage ;
<ois dans mes tendres Vers , les transports de
mon coeur ,
Hu peux les avouer. Aut .... c'est ton ouvrage.
n vain j'aurois voulu te cacher mon ardeur ,
Le t'aime ! .. ( et loin de toi si je tiens ce langage , J
e dire à tes genoux, quel seroit mon bonheur
Par M. **** de Quimper.
ARRESTS
NOVEMBRE. 1738. 2509
ARRESTS NOTABLES , & c.
A
RREST du 16. Août, au fujet d'un Imprimé
qui a pour titre, Histoire de la Conftitution Unigenitus,
&c. Tome second , par lequel S. M: fait trèsexpresfes
inhibitions & défenfes à toutes perfonnes
de faire entrer dans le Royaume ledit Livre intitulé,
Hiftoire de la Conftitution Unigenitus par M. Pierre-
François Laffiteau , Evêque de Sifteron , cy- devant
chargé des affaires du Roy auprès du Saint Siege . Tome
fecond , à Avignon , chés Fortinat Labaye , Imprimeur
, &c. 1738. comme auffi à tous Imprimeurs
Libraires , Colporteurs & autres , de quelque état ,
qualité ou condition qu'ils foient , d'imprimer , vendre
, débiter ou autrement diſtribuer ledit Ouvrage.
Enjoint S. M. à tous ceux qui en ont des Exemplaires
, de les remettre inceffamment au Greffe du
Confeil ; le tout à peine d'être procedé extraordinajrement
, fuivant la rigueur des Ordonnances
contre ceux qui contreviendroient au préſent Arrêt;
Sa Majefté le réſervant au furplus de pourvoir ainfi
qu'il apartiendra , à ce qui concerne ledit Ouvrage,
fur le compte qui lui en fera rendu , &c.
SENTENCE de Police du 22.qui fait défenſes
à tous Particuliers , Hommes & Femmes, vendant &
étallant dans les Halles & Marchés de cette Ville
d'y caufer aucun fcandale , de fe quereller , & d'y
troubler la tranquillité publique , fous peine de pri
fon , & de cent livres d'amende.
ARREST du 23. qui ordonne l'execution de
La Déclaration du 23. Juillet 1737. pour faciliter la
perception
2510 MERCURE DE FRANCE
perception des arrérages des Rentes des Tontines ,
par laquelle S M. ordonne que la Déclaration du
23. Juillet 1737. fera executée felon fa forme & teneur
; en confequence , que ceux des Actionnaires
deseeing Tontines établies fur l'Hôtel de Ville de
Paris , qui , au premier Janvier 1739. n'auront fourni
aucune quittance des années 1736. & 1737. feront
privés nou -feulement des arrérages & accroisfemens
defdites deux années , mais encore de ceux
de l'année 1738. lefquelles portions de . Rèntes &
d'accroiffemens feront employées dans les Liftes
qui fe feront au mois de Janvier 1739. pour la distribution
des Rentes & accroiffemens de l'année
1738. enforte qu'après l'expiration defdites trois
années , lefdits Rentiers négligens ne puiffent efperer
aucun rétabliſſement de jouiffance , que du premier
Janvier de l'année en laquelle il auront juftifié
de leur exiſtence actuelle , & fourni leurs quittances.
Veut S .. M. que cette difpofition ait lieu
pour l'avenir , & d'année en année , fans qu'il puiffe.
y être contrevenu pour quelque caufe & prétexte
que ce foit ; & cependant par grace pour cette fois
feulement , & fans tirer à conféquence , Sa Majeſté.
a ordonné & ordonne que les Actionnaires négli
gens , employés comme tels pour les années 1735•
1736. & 1737. dans les Liftes faites au mois de .
Janvier 1738. pour la diftribution des arrérages & .
accroiffemens de l'année 1737. & qui par Actes fignifiés
aux Syndics onéraires de leur Claffe , feront
connoître leur existence avant le premier Janvier
1739. feront rétablis dans les Liftes de l'année.
1938. qui feront arrêtées au mois de Janvier 1719
auquel effet lefdits Syndics reprendront au profit def
dits Actionnaires , fur les fonds à diftribuer par lesdites
Liftes , tant les arrerages , que les accroiffemens
qui leur, auroient apartenu ; lefquels arréra
gest
NOVEMBRE. 1738 2515
ges & accroiffemens feront payés auxdits Rentiers
Actionnaires , fur leurs quittances , en la maniere .
accoûtumée ; & lefdites dépenfes allouées fans diffi .
culté dans les comptes des Payeurs qui les auront
acquittées en vertu du préfent Arrêt , &c.
DECLARATION du Roy , qui ordonne
que les Receveurs des Boîtes des Monnoyes , dans ,
le reffort des Cours des Monnoyes de Paris & de:
Lyon, feront tenus , chacun à leur égard , de comp→
ter à la Chambre des Comptes , des foiblages de
poids efcharcetés de loy , du travail des Directeurs .
particuliers des Monnoyes , pour les années 1705 ..
& fuivantes , jufques & compris 1719. Donnée à ,
Verfailles le 24. Août 1738. Registrée en la Cham
bie des Camptes le 17. Septembre fuivant ..
ARREST du 26. Août , qui permet pendant :
trois ans aux Négocians François qui font le Commerce
des Ifles & Colonies Françoiſes de l'Améri- .
que , d'envoyer leurs Vaiffeaux directement en Ir- .
lande , pour y acheter non--feulement
des Boeufs &
chairs salées , mais auffi des Saumons falés , Beures,
Suifs & Chandelles , & delà les tranſporter auxdites ,
Ines & Colonies Françoiſes.
AUTRE du même jour, portant qu'à com
mencer du premier Oetobre prochain , dans les Provinces
où les Aydes ont cours , & du premier Jan- .
vier 1739. dans les autres Provinces du Royaume ,
il ne pourra être employé d'autres Papiers & Par .
chemins timbrés , que de ceux des nouveaux Tim--
bres de Jacques Forceville , Adjudicataire des Fermes
Generales unies , & de ceux des nouveaux.
Sous- Fermiers , fans qu'ils foient tenus de contre
- timbrer gratis , ni reprendre ou échanger les ,
Papiers
2512 MERCURE DE FRANCE
Papiers& Parchemins qui pourroient leur être ra→
portés.
SENTENCE de Police du 29. qui ordonne
l'execution des Arrêts du Parlement, Ordonnances
& Reglemens de Police , concernant la fourniture
de la Marchandiſe de Foin fur les Ports & Places
de cette Ville , & condamne en l'amende plufieurs
Marchands de Foin , pour avoir difcontinué ladite
fourniture.
AUTRE du même jour , qui ordonne l'execu
tion des Ordonnances & Reglemens de Police concernant
l'Aprovifionnement de la Ville de Paris , &
condamne plufieurs Marchands Fariniers en cinq
cent livres d'amende , pour avoir diſcontinué la
fourniture de la Halle.
ARREST du 31. qui commet le fieur Sainctmare
, ancien Caiffier de l'Extraordinaire des Guerres
, pour retirer les Billets , Reconnoiffances & autres
Effets mentionnés & dénommés par l'Edit du
mois de Juillet dernier , & en faire le payement
conformement à l'état de diftribution arrêté au
Confeil .
EDIT DU ROY , portant fupreffion des
cent foixante- dix Charges d'Avocats aux Confeils ,
& création de foixante- dix autres .Donné à Verfailles
au mois de Septembre 1738. Regiftré ès Registres
de l'Audience de France , le 12. dudit mois.
ARREST du 9. Septembre , qui exempte
pendant fix années , à compter du premier Octo
bre 1738. les Huiles de Baleine & autres Poiffons
provenans de la pêche des Sujets du Roy, des droits
ordonnés
NOVEMBRE.- 1738. 2513
ordonnés les Edits des mois d'Octobre 1710 .
par
Août 1714. & par la Déclaration du 21. Mars 1716.
ORDONNANCE DU ROY , du 10. Pour
regler le nombre des Officiers de fes Troupes d'Infanterie
Françoiſe , qui auront congé par Semestre ,
par laquelle S. M. ordonne l'execution des 19 Ar
ticles contenus en ladite Ordonnance.
AUTRE du même jour , pour regler le nombre
des Officiers de fes Troupes de Cavalerie & de
Dragons , qui auront congé par Semestre . Ordonne
pareillement l'execution des 21. Articles qui y sont
contenus.
ARREST du 13. pour le Remboursement des
Veuves & Héritiers des Avocats aux Confeils , qui
font morts revétus de leurs Offices.
AUTRE du 25. portant nomination de nou
veaux Syndics & Greffier des Avocats au Confeil
&c.
AUTRE du 5. Octobre , concernant la Loterie
Royale , par lequel S. M. a prorogé & proroge , &
pour la derniere fois , jufqu'au ro du mois de Dé
cembre prochain, le terme qui avoit été fixé au 10.
Octobre pour tirer la Loterie ; veut en conséquence
S. M. que le fieur Paris de Monmartel , Garde dur
Tréfor Royal , continue jufqu'au dernier du mois
de Novembre inclufivement , de faire les converhions
ci- devant authorisées , en affignations fur la
Loterie ; & que les feurs du Tartre & Bouron Notaires
, Receveurs particuliers de la Loterie , continuent
pareillement jufqu'audit jour , d'en délivrer
des Billets ; paffé lequel temps , Sa Majeſté a ordon2514
MERCURE DE FRANCE
né & ordonne que la Loterie demeurera fermée ,
pour être tirée audit jour 10. Décembre préfix. , en
quelque état qu'elle fe trouve alors.
AUTRE du 8. fur la Remife des Piéces &
Procédures des Inftances commencées au Confeil
avant l'Edit du mois de Septembre dernier , & sur
la continuation desdites Procédures.
EDIT DU ROY, portant fabrication des Sols
de vingt- quatre deniers . Donné à Fontainebleau an
mois d'Octobre, 1738. Regiftré en la Cour des Monnoyes
le 5. Novembre suivant , par lequel S. M.
ordonne l'execution des fept Articles suivans.
ART. I. Que tous les Sols fabriqués pour trente
deniers , trouvés dans les Caiffes de nos Deniers
lors de la publication de l'Arrêt de notre Confeil
dù premier Août dernier, feront inceffamment re
mis aux Hôtels de nos Monnoyes , où la valeur en
feta payée fur le pied de neuf livres dix-huit foly
onze deniers le Marc..
ART. II. Que ces Sols feront fondus dans
tous les Hôtels de nos Monnoyes , fi fait n'a été ,
en confequence des ordres que nous avons déjt
fait donner de les y porter à cet effet ; & qu'ils fet
ront convertis en nouveaux Sols , du titre de deux
deniers douze grains , au remede de quatre grains ,,
& à la taille de cent douze pieces au Marc , quatre
pieces de remede , le plus également que faire fe
pourra, fans recours néanmoins de la piece au Marc,
& des Demi Sols , de même titre , à la taille de deux
cent ving- quatre au Marc , au remede de huit pieces
; le travail de laquelle converfion fera jugé par
les Officiers de nos Cours des Monnoyes , en la
maniere accoûtumée.
ART. III. Lefdits Sols auront cours dans
tour .
NOVEMBRE. 1738. 2575
tout notre Royaume , Pays , Terres & Seigneuries
de notre obéiffance , pour Vingt- quatre deniers
piece , les Demis à proprtion ; & porteront les Empreintes
figurées dans le cahier attaché fous le
contre-fcel de notre préfent Edit.
ART. IV. Ne pourra toutesfois entrer forcément
dans les payemens de quatre cent, livres & audeffous
, pour plus de dix livres de ces Efpeces , &
pour plus d'un quarantiéme dans les payemens audeffus
de quatre cent livres. .
>
nous
ART.. V. Et comme le mauvais ufage de mêler
de menuës Efpeces dans les facs d'argent , pour
faire les apoints & faciliter la retenue des cinq fols .
par fac , donne lieu à une infinité de malverſations ,,
ainfi qu'à l'emploi d'Efpeces de Lorraine , nonobsfaifons
dé tant la prohibition de leur cours
fenfes de mettre dorénavant , à commencer du jour
de la publication du préfènt Edit , aucunes menuës.
Monnoyes dans les facs d'argent, lefquels ne pourront
plus , même paffé ledit jour , être compofés
d'aucunes Efpeces mélées , ni faits autrement ; fçade
deux voir , des facs de douze cent livres , que
cent ecus en écus , ou quatre cent demi-écus ,
mille cinquièmes d'écus , deux mille diziémes , ou
quatre mille vingtiémes ; des facs de mille deux liv..
composés de cent foixante-fept écus , ou trois cent
trente- quatre demi- écus , huit cent trente- cinq
cinquièmes d'écus , feize cent foixante- dix dixiémes
, trois mille trois cent quarante vingtiémes ;.
des facs de neuf cent livres , compofés de cent cin
quante écus ou trois cent demi - écus , sept cent
Cinquante cinquièmes d'écus , quinze cent dixièmes
trois mille vingtiémes ; & des facs de fix cent
livres , compofés de cent écus ou deux cent demiécus,
cinq cent cinquièmes d'écus , mille dixièmes ,
deux mille vingtiémes ; fans qu'il puiffe être mis ,
de
2516 MERCURE DE FRANCE
de plufieurs fortes d'Efpeces dans un même fac ,
fous peine de confiſcation ; ſauf à être retenu ou
rendu le prix des facs , fur les pieds fixés par l'Ar
rêt du Confeil du 17. Janvier 1711. ainfi qu'il en
eft ufé pour les facs de douze cent livres , qui font
ordinairement complets.
ART. VI . Voulons qu'à commencer du pre
mier Mars prochain ; les Sols de Trente deniers ,
ci-devant fabriqués par nos ordres , foient auffi reçûs
de tous nos Sujets , dans les Hôtels de nos Monnoyes
, ainfi que par les Changeurs , & payés à
raifon de neuf livres dix - huit fols onze deniers le
Marc ; & ceux des fabriques de Lorraine , à raiſon
feulement de fept livres neuf fols deux deniers .
ART. VII. Permettons néanmoins aux Direc
teurs de nos Monnoyes & aux Changeurs , de diminuer
quatre onces par cent Marcs du poids des
dites Efpeces, pour raifon de la craffe qui eft deffus;
méme auxdits Changeurs , de fe faire payer de
leurs droits par le Public , fur le pied de trois deniers
pour livre dans tous les endroits éloignés de
moins de dix lieues des Hôtels de nos Monnoyes ,
& de quatre deniers pour livre pour ceux éloignés
de dix lieues & au delà , &c.
ARREST du 11. Novembre , qui ordonne
que le prix des Efpeces & Matieres d'or & d'argent
, demeurera fixé à toujours , ſur le pied porté
par l'Arrêt du 15. Juin 1726. nonobftant la diminution
qui avoit été indiquée par le même Arrêt
& ceux de prorogation rendus depuis , notamment
par celui du 150 Décembre 1737.
MA:
NOVEMBRE. 1738. 2517
MADRIGAUX.
ERgaste , quoiqu'à tort , veut passer aujourd'hu
Pour avoir triomphé de la fiere Isabelle ;
IR
Doris , soyez plus tendre qu'elle ,
Je serai plus discret que lui.
*
Ris , vous dédaignez les feux
Qu'en moi vos charmes ont fait naître
Mon destin n'est pas d'être heureux ;
Mais mon coeur méritoit de l'être,
D
*
Es traits d'une injuste colere
Vous payez mes feux en ce jour ;
Par quel prodige étrange, Iris, voules - vous faire
La Haine Fille de l'Amour ?
Par M. de B ... C .. de R ...
L'Almanach en grand , représentant le Mariage
du Roy des deux Siciles , & les Réjouissances faites
à Naples , se vend rue S. Jacques , chés Charpentier
au Cocq.
Nous
2518 MERCURE DE FRANCE
Nous donnerons deux Volumes le mois prochain
, pour employer les Pieces qui n'ont pa
trouver place dans le courant de l'année.
J
APROBATION.
'Ai lu par ordre de Monseigneur le Chancelier ,
le Mercure de France du mois de Novembre , &
j'ai cru qu'on pouvoit en permettre l'impression. A
Paris , le premier Décembre 1738.
HARDION.
TABL E.
IECES FUGITIVES. Ode , contre les
PLEAthées , 2307
Lettre sur la Dévotion des Rois de France à la
sainte Vierge 2318
Ode imitée d'Horace ,
2317
Lettre sur les Etudes Militaires , 2320
Epitre en Vers à un Médecin 2340
Question jugée au Parlement de Paris , 2345
L'Amant sur le retour , Ode , 2354
Extrait d'une Lettre sur l'Honneur & la Gloire
2356
L'Amour Marron , Conte , 2359
Memoire sur un Endroit des Elemens de Newton ,
2364
Stances à la Fortune , 2368
Opération de la Taille , circonstances singulieres ,
&C.
2372
Ode
Ole imitée d'Horace , 2374
Lettre au sujet des Cheminées qui fument , &c.2377
Epitre ,
Réponse sur l'Observation d'une Playe pénetrante
dans le bas ventre , & c.
Lettre sur l'Etablissement du Bureau Typogra-
238.3
Vers à la Marquise de .
238.6
...
2396
phique , 2398-
Enigme , Logogryphes , &t.
2406
2412
2415
2416
NOUVELLES LITTERAIRES , DES BEAUX - ARTS ,
& c.
Cours d'Architecture de d'Aviler ,
Nouveaux Amusemens du Coeur & de l'Esprit
&c.
Recueil de plusieurs Pieces de Poësie & d'Eloquence.
des Jeux Floraux ,
Bibliotheca Bibliothecarum Manuscriptorum nova ,
& c.
2420
2429
Suite des Anecdotes de la Cour de Philipe-Auguste
, & c.
Réponse à l'Avis au sujet des Cadrans Solaires, 2437
Overture du College Royal ,
Prix proposé par l'Académie de Bordeaux ,
Rentrée de l'Académie Royale des Sciences ,
Rentrée de l'Académie Royale des Belles -Lettres ,
Prix proposé par la même Académie ,
2436
2438
2439
&c.
2440
2441
2442
2444
2448
2449
ibid.
Assemblée publique de l'Académie de Marseille ,
& c
Nouvelles Estampes ,
Tombeau & Statue de Marbre ,
Air noté ,
Spectacles. L'Ecole du Temps , Comédie, Extrait ,
Le Rajeunissement inutile , & c.
Nouvelles Etrangeres , de Turquie ,
2450
2461
247 I
Prieres
Italie , Malthe & Ifle de Corse ,
Prieres & Processions à Constantinople , &c. 247 €
Russie , Pologne & Allemagne , 2478
2481
Naples , Espagne & Angleterre , 2487
Bouts-Rimés , 2490
France , Nouvelles de la Cour , de Paris , &c . 249 I
Bouquet ,
Morts , Naissances & Mariages ,
Le Parfait Bonheur , Epigramme
Arrêts Notables ,
Madrigaux ,
2496
2497
2508
2509
2517
Errata d'Octobre.
P Age 2295. ligne ro. donner , lisez lui donner,
Fautes à corriger dans ce Livre.
PAge 2446. ligne 28. Cire , ajoûtex blanche.
La Chanson notée doit regarder la page 2449
MERCURE
DE FRANCE ,
1 1
DEDIE AU ROY.
DECEMBRE . 1738 .
PREMIER VOLUME.
Chés
COLLIGIT
SPARGITE
A PARIS ,
GUILLAUME CAVELIER ;
ruë S. Jacques.
La Veuve PISSOT , Quay de Conty ;
à la defcente du Pont Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais,
M. DCC . XXXVIII.
Avec Aprobation & Privilege du Roy!
A VIS.
L'A
' ADRESSE generale eft à
Monfieur MOREAU Commis au
Mercure , vis - à- vis la Comédie Françoife
, à Paris. Ceux qui pour leur commodité
voudront remettre leurs Paquets cachetés
aux Libraires qui vendent le Mercure,
à Paris , peuventfe fervir de cette voye
pour les faire tenir.
"
On prie très-inftamment , quand on adreffe
des Lettres on Paquets par la Pofte , d'avoir
foin d'en affranchir le Port , comme cela s'eft
toujours pratiqué , afin d'épargner , à nous
le déplaifir de les rebuter , & à ceux qui
les envoyent , celui , non-feulement de ne
pas voir paroître leurs Ouvrages , mais
même de les perdre , s'ils n'en ont pas gardé
de copie.
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , an les Particuliers qui fouhaiteront
avoir le Mercure de France de la premiere
main , & plus promptement , n'auront
qu'à donner leurs adreſſes à M. Moreau
qui aura foin de faire leurs Paquets fans
perte de temps , & de les faire porter sur
' heure à la Pofte , on aux Meffageries qu'on
lui indiquera.
PRIX XXX. SOLS.
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROT.
DECEMBRE. 1738.
PIECES
FUGITIVES
;
en Vers et en Prose.
LE COLLEGE ROYAL ,
O DE
A Mrs les Professeurs Royaux.
Ages Dispensateurs des trésors d'Apollon
,
Oracles réverés dans son celeste Empire
,
Citoyens du sacré Val'on ,
Daignez prêter l'oreille aux accords de ma Lyre:
1. Vol. A ij Quelle
2520 MERCURE DE FRANCE
Quelle immortelle main construisit sur ces bords
Ce Temple où la Vertu regne avec la Science ?
O combien de nobles transports
Lit renaître autrefois cette auguste alliance !
Un temps fut puisse- t'il ne jamais revenir ! }
Que l'affreuse ignorance avoit soûmis la Terre ,
Et que , pour mieux se maintenir ,
Du démon des Combats elle prit le Tonnerre.
*
D'abord elle habita les froïdes Régions ,
Pour regner après lui , le cahos la fit naître ,
Mais rassemblant ses Légions ,
Jusqu'aux Poles du Monde elle se fit connoître,
*
La stupide valeur , de cent Peuples altiers
Contre Rome & les Arts signala son audace ,
Et durant des siecles entiers ;
Eteignit dans le sang la gloire du Parnasse,
*
Cependant Jupiter pesoit du haut des Cieux
Lc Destin des Etats & celui de la France ;
L'Avenir s'offrir à ses yeux ,
Et la splendeur des Lys fit pancher la balance.
DECEMBRE 2525 1738.
Le Tibre à l'Univers ne dictoit plus ses Loix ,
Les Déesses du Pinde avoient quitté ses Rives ,
Quand sous le Regne de François ,
La Seine recueillit les Muses fugitives.
*
Sur un Trône plus saint , ce Roy les fit asseoir ,
De ce nouvel Empire il vous remit les rênes.
Paris s'étonna de se voir
Plus que n'étoient jadis Rome , Memphis , Athenes.
Grace aux dons prodigués d'un Monarque puissant,
Tout fréquente à la fois votre Ecole chérie ,
Portique célebre en naissant ,
Qui des Arts est déja la commune Patrie .
2
En vain des Nations l'ample diversité
Des sons articulés sçut vatier l'usage" ,
Votre heureuse sagacité
Perce le voile épais qui couvre leur langage.
X
Si Neptune & les Vents transportent jusqu'à nous
Ces peuples insensés que séduit le Bracmane ,
Nul n'est étranger parmi vous ,
Et de tout l'Univers vous devenez l'organe.
* Les Langues.
A iij Des
2522 MERCURE DE FRANCE
Des Grecs & des Romains , fideles Sectateurs ,
(a)
Vous puisez dans leur sein le feu qui vous anime,
De deux célebres Orateurs ,
On voit revivre encor l'éloquence sublime.
*
Comme un embrasement répandu dans les Airs ,.
L'un déployant son feu , va consumer Antoine ,
Et l'autre au milieu des Eclairs ,
Foudroye avec éclat le Roy de Macédoine .
*
Ici dévelopant ses Mysteres profonds ,
Préside sur ses Soeurs cette illustre Science , (b)
Qui de ses principes féconds.
Pour l'éclairer toujours fait naître l'évidence.
*
L'esprit d'un vol rapide & penetrant les Cieux ,
Voit , jusque dans son germe , éclore la nature , ( c )
Puis d'un crayon judicieux
Nous peint de l'Univers la superbe structure .
*
Là , de jeunes Rivaux un innombrable Essain , (d)
Environnant le Dieu qui regne en Epidaure ,
(a )L'Eloquence. (c) La Philosophie.
En (b) Les Mathématiques. (d) La Médecine.
DECEMBRE. 1738. 2523
En reçoit cet Art souverain ,
Qui brave l'Acheron & que la Parque abhorre.
Mille autres Nourrissons sous un autre Drapeau ,
Ecoutent l'Equité , fille de l'Innocence ; (a)
Dans ses mains brille´ce flambeau
Qui s'allume aux rayons de notre conscience.
*
Tels sont les premiers fruits qu'on recueillit alors
De ce Champ qu'arrosoit une source fertile ,
Mais, dès qu'elle cut franchi ses bords ,
Où ne s'étendit pas son abondance utile ?
**
Où vit renaître enfin les Jardins de Platon , (b)
Délices de l'esprit , demeure fortunée ,
Séjour qu'habite la Raison ,
Le Compas à la main & de fleurs couronnée,
*
Sous un Ciel toujours pur , les Favoris des Dieux
Y moissonnent les Dons qu'Apollon fait éclore .
Qu'il est beau de voir dans ces Lieux ,
Avec les chastes Soeurs regner l'aimable Flore !
(a ) Le Droit
*
(b) Les Académies .
A iiij Un
2524 MERCURE DE FRANCE
Un nouvel âge d'or chasse l'âge de fer ,
La Paix , l'heureuse Paix , descend de l'Empirée ,
Et les Filles de Jupiter
Ont ramené les temps de Saturne & de Rhée.
*
France , tu réunis tous les Talens épars ;
Et sans doute du Ciel la sagesse profonde
Te donna l'Empire des Arts ,
Pour t'élever un jour à l'Empire du Monde.
M. Tanevot.
REFLEXIONS
Sur la Jalousie.
L
fordinaire,
A Jalousie des femines marque , pour
l'ordinaire, bien plus d'amour que celle
des hommes , car ceux - ci ne sont , la plûpart
, jaloux que de leur réputation , mais
les femmes ne sont véritablement jalouses
que de leurs maris .
L'aparence est contre les jaloux , car à
examiner leurs actions , il semble qu'ils ayent
plus de haine que d'amour , mais la haine
est dans leur bouche & l'amour dans leur
coeur. Il
DECEMBRE. 1738. 2525.
Il ne faut pas douter que la Jalousie ne
soit encore plus cruelle pour ceux qui tourmentent,
que pour ceux qui sont tourmentés .
Il est quelquefois agréable à un mari coquet
, d'avoir une femme jalouse ; il entend
souvent parler de la personne qu'il aime .
Je ne sçache rien à quoi on impose de si
dures loix qu'à la Jalousie . Il faut ne pas témoigner
le moindre ressentiment à ceux qui
veulent nous ravir un bien qui est à nous
ou auquel nous prétendons , et pour ne
point passer pour jaloux , il faut paroître insensible,
il faut caresser ses ennemis les plus
cruels , et se condamner à ne donner presque
aucunes preuves de son amour ; il faut .
meme , pour ainsi - dire , trouver le moyen
de remporter une victoire sans combattre, et
sans montrer que l'on a du courage , et en--
fin ataquer un coeur sans se servir d'amour
pour le gagner, bien qu'il n'y ait que lui qui
ait des armes assés fortes pour l'obliger à se
rendre. Véritablement souvent ce coeur , qui .
devroit être le prix de celui qui fait paroître
, et qui a en effet le plus d'amour
est le prix de celui qui en temoigne le moins,.
Il y a dans le monde deux sortes de
personnes tout- à - fait incompatibles , et qui
AY C
2526 MERCURE DE FRANCE
,
UIT
se trouvent ordinairement ensemble
Amant jaloux et une Maîtresse coquette ; ils.
ne peuvent se séparer l'un de l'autre ; il estcependant
rare qu'un Amant soit bien jaloux
fi ce n'eft à l'égard d'une Coquette ; et il arrive
presque toujours qu'une femme est coquette,
quand elle a un Amant jaloux .
S. Jérôme se plaint de la jalousie des
Maris , car , dit- il , on ne sçauroit garder
une femme impudique, et la pudique n'a pas
besoin qu'on la garde.
C'est l'ordinaire de la Jalousie d'empoisonner
les meilleures actions de ceux qui
nous la font sentir.
Quoique la Jalousie soit la marque
d'un
amour très-ardent et capable de l'augmenter
, on ne sçauroit nier qu'il ne soit capable
de le détruire .
La tendresse fait quelquefois taire la Jalousie
, et nous serions souvent bien fâchés
d'avoir les éclaircissemens que nous demandons
.
Jeunesse et continence , et vieillesse sans
jalousie , sont des choses bien rares .
Chaque geste , chaque regard , chaque
pas
DECEMBRE. 1738. 2527
pas d'une femme est pour un mari jaloux un
nouveau sujet d'ombrage et de trouble . Il
ne peut ni la voir , ni la quitter. Il la suit
partout , agité de soupçons continuels ; il
l'enferme , pour se délivrer de ses soupçons ,
aussi cruels à sa femme qu'à lui-même , et il
se condamne enfin avec elle à une rigoureuse
prison.
La Jalousie est un manque de bonne opinion
de soi-même , qui nuit toujours à celui
qui la ressent.
Ce ne seroit pas aimer que de souffrir
tranquillement l'indifference ou l'infidélité
de sa femme , mais c'est la haïr que de l'aimer
jusqu'à devenir son persécuteur par les
transports de sa jalousie ; ou si cette jalou--
sic est amour , c'est un amour pire que la :
haine .
Il s'en faut beaucoup que le Soufre et le
Salpêtre mêlés au charbon pulvérisé , prennent
si-tôt feu qu'une femme jalouse.
La Jalousie et l'Envie boivent ordinairement
elles -mêmes , la plus grande partie de
leur venin ,
Chose étrange , qu'un Jaloux soit blâme
A vj dec
2528 MERCURE DE FRANCE
de tout le monde , sans que personne st
soit jamais avisé de le plaindre , ni de prendre
sa défense ; au contraire ; on a toujours
déclamé contre les Jaloux. Ils n'osent pas
même montrer qu'ils craignent de perdre
la personne qu'ils aiment , sans risquer de
passer pour bizarres , inportuns , ridicules ,
comme si la crainte de perdre une chose
que l'on aime étoit un crime pour eux , lorsqu'elle
est une marque d'amour et de raison
pour le reste des hommes . Pourquoi ne
veut- on pas qu'ils ayent des sentimens si justes
et si naturels et qui sont ordinaires ct
permis à tout le monde , non -seulement pour
les belles personnes , mais pour toutes les
choses précieuses ?
Les hommes sont ordinairement plus jaloux
que les femmes ; mais il semble que la
Nature , pour rendre les choses égales , ait
donné à certaines femmes de la jalousie pour
toutes celles qui n'en ont point , ce qui les
rend bien plus insuportables que les hommes
. Une femme de cette espece , est jalousede
la fortune même de son Amant ; elle
craint que cette Déesse ne le favorise trop
et qu'il ne la quitte pour elle . Pour la contenter
il faut être incivil , jusqu'à la brutalité ,
envers toutes les autres femmes et avec les
hommes même.
Le
*
DECEMBRE. 1738. 2529
Le Mariage augmente toujours la jalousie ,
car une femme croit avoir d'autant plus de
lieu d'en avoir , que l'on doit plus apréhender
de perdre une chose qui est à soi , qu'u
ne à laquelle on prétend et que l'on n'a pas
encore. Il n'y a rien de plus terrible qu'unefemme
en cet état ; ses yeux , sa voix , ses
actions , tout marque de la fureur en elle ;
quand même elle ne parleroit pas , ses regards
sont capables de faire trembler ; et par
une bizarrerie inconcevable , sa jalousie
abhorre le seul remede qui la pourroit guérir.
Si au lieu de ces soupirs qui n'exhalent:
que la fureur , et qu'on prend pour les enfans
de la rage et de la douleur , une femme
pouvoit rapeller la douceur , naturelle à son
sexe , et que ses plaintes ne fussent écou--
tées que de son mari , il n'y a point de coeur
si dur qui ne se rendît ; mais elle veut tout
obtenir par la force , et sa jalousie l'aveugle
tellement , qu'elle est incapable d'avoir d'au--
tres sentimens que ceux qu'elle lui inspire...
L'amour d'un Jaloux est un amour trèshaïssable
; il se chagrine de tout , même
de voir la personne qu'il aime , dans la joye.
Il ne peut souffrir qu'elle goûte aucun plaisir
; ses paroles ne sont que ne sont que des reproches ,
ses pensées , que des soupçons ; ses actions
que des démarches d'un Espion incommode
,
2330 MERCURE DE FRANCE
de , qui lui ôte jusqu'aux moindres libertés.
Il faudroit pour lui plaire , qu'elle fût continuellement
dans une solitude , sans aucun
commerce , qu'elle ne fit , pour ainsi- dire
aucun usage de ses sens tant il a peur
qu'ils ne la séduisent. Si elle parle , il croit
que c'est pour le trahir ; si elle pense ,
s'imagine qu'elle cherche les moyens de le
tromper. Enfin toutes ses actions lui paroissent
des crimes ; après cela peut- on voir un
amour qui ressemble tant à la haine ?:
,
›
il :
Ceux qui blâment la jalousie , disent que
tous ceux qui en ont , haïssent en aimant
et que toutes leurs actions marquent plus
de haine que d'amour. Mais s'ils veulent
que l'amour produise la haine sera-ce la
haine qui produira l'amour ? Les passions
produiront elles leur contraire ? Deux
choses si oposées peuvent elles subsister
ensemble ? Et peut -on hair ce que l'on :
aime , sans cesser d'aimer ?-
-
Ily a deux sortes de Jalousie , l'une dans
un Amant , qu'on doit regarder comme délicatesse
, et l'autre dans un Mari , qui ne
peut guere être taxée que de foiblesse et
d'emportement.
La premiere n'est autre chose qu'une crainte
bien pardonnable, de se voir privé de la pos
session
DECEMBRE. 1738. 253Ts
session de l'objet que l'on aime ; cette crainte
ne lui ôte rien de l'estime qui lui est dûë ;
un Rival est plus riche ou plus aimable que
nous , nous apréhendons qu'il ne nous enleve
un coeur et une main qui nous sont chers ;
ses soins , ses assiduités , nous allarment et
nous inquietent , que faisons- nous ? Nous.
redoublons de respects et d'amour. De -là
cette charmante émulation entre deux Rivaux
, qui s'empressent , à l'envi , de servir
l'objet de leurs désirs ; cette jalousie fait le
triomphe de la Maîtresse , et est une preuve
bien certaine de la tendresse de ses Ado--
rateurs.
Quelle difference dans le Portrait d'un
Mari jaloux ! Son irnagination blessée et livrée
à mille phantômes , les lui représente
comme des réalités ; sa femme toujours ex--
posée à ses soupçons , l'est souvent à ses
emportemens , elle ne trouve dans son mé- -
nage que désunion , que désordre , que querelle
; si elle le caresse , c'est pour le trom--
per avec plus d'adresse et de sûreté ; si elle
paroît indifferente , elle l'est réellement ; .
qu'il quitte sa maison , ce n'est qu'en tremblant
qu'il y rentre ; eh ! de quoi s'est - il
occupé pendant le peu de temps qu'il a été -
absent ? N'en doutez pas , l'idée de sa femme
infidelle , ne lui a pas permis de finir ses
affaires , il trouve un prétexte pour revenir
;
chés
25.32. MERCURE DE FRANCE
chés lui , déja il y arrive , mais avec toutes les
précautions d'un homme qui veut surprendre
son Rival, cependant sa femme y est seule,
et elle n'est pas encore remise de ses dernieres
injustices , qu'il lui en fait de nouvelles.
Il est donc dans sa maison d'une humeur
insuportable , il ne sçait à qui s'en prendre ;
qu'il soit forcé de recevoir compagnie , il
examine , il écoute ; par tout il trouve du
mal , il contrarie par tout ; un mot dit un
peu bas est un rendès vous ; un consentement
; il a découvert l'intrigue , il est trom-.
pé ; quelle fureur ! c'est cependant cette passion,
cette fureur, que bien des Jaloux apellent
tendresse et attachement , comme si de
persécuter continuellement une femme, de ne
lui laisser aucun repos, de ne la traiter qu'en
Maître , qu'en Tyran , pouvoit s'allier avec
le véritable amour , qui supose de l'estime ,
et qui demande de la douceur , de lá complaisance
et de la politesse .
Par M. B. de Soissons.
ODE
DECEMBRE. 1738. 2533
********************
ODE imitée d'HORACE : Tyrrhena
Regum , &c.
R Ejetton de Rois qu'on honore ,
Chés moi je vous réserve un muid tout plein en-
COFE ,
D'un Vin dont la douceur peut répondre à vos
voeux ;
Et je me suis pourvû , Mécene , entre autres choses
,
De Parfums exquis & de Roses ,.
Que je destine à vos cheveux.
2
Hatez - vous d'être mon Convive :.
Que votre coeur , au moins pour quelque temps , se
prive
Des transports ravissans dont il se sent pressé ,
A l'aspect de Tibur , des Campagnes d'Esule ,
Et du Mont où fonda Tuscule ,
Le Fils d'Ulysse & de Circé..
Quittez , pour remplir mon attente ;
Des repas superflus la pompe dégoûtante ;
Quittez ce haut Palais superbement construit ,
Et de l'heureuse Rome , objet de vos tendresses ,
Cessez
2534 MERCURE DE FRANCE
Cessez d'admirer les richesses
L'éclat , la fumée , & le bruit.
።
Le changement d'air & de table
A l'homme le plus riche est souvent agréable ;-
Souvent le toît du Pauvre a des charmes
pour
Souvent la propreté d'une humble nourriture ,
Sans pourpre , tapis , ni dorure ,
De son front a chassé l'ennui
*
Le brillant Père de la Bellelui;
Que Pèrsée affranchit d'une mort trop cruelle ,
Montre déja ses feux depuis long - temps cachés ;
Déja de Procyon on ressent l'inclémence ,
Et l'âpre Lion recommence
A brûler nos champs dessechés
3
Les Bergers , les Troupeaux débiles ,
Contre l'ardeur du jour vont chercher azilé pour
4
Les Buissons de Sylvain , l'Ombrage & les Ruisseaux
; -
Tout languit , accablé d'une chaleur extrême ; ;
-Le Vent ne rafraîchit pas même
Les Lieux les plus voisins des Eaux.
*.
Cependant
DECEMBRE. 1738. 25.35
Cependant votre ame inquiete
S'abandonne aux soucis , dans l'embarras se jette ,
Toujours craignant. pour Rome & veillant à son
bien ,
Vous redoutez toujours , guidé par votre zele ,
Ce que pourroient tramer contre elle
Bactres , le Scythe & l'Indien.
*
Le prudent Arbitre du Monde
Nous cache l'avenir dans une nuit profonde ,
Et rit de nos frayeurs qui vont jusqu'à l'excès ; ,
Attentifseulement aux affaires présentes ,
Par vos démarches bienfaisantes
Assurez-leur un bon succès.
*
Tout le reste a la ressemblance
D'un Fleuve , qui tantôt s'écoule avec silence ,
Et tantôt furieux dans son débordement ,
Entraîne arbres , maisons , rochers , troupeaux ,
racines
;.
Des Monts & des Forêts voisines
Excite le mugissement.
&
L'inquiétude & les allarmes
De la vie aux Mortels enlevent tous les charmes.
Heureux cent fois celui qu'elles n'ont point vaincu,
Et
2536 MERCURE DE FRANCE
Et qui toujours exempt d'une crainte effrenée ,
A la fin de chaque journée
Peut dire » Aujourd'hui j'ai vécu !
Que du
*
nuage le plus sombre
5 Demain le Roy des Dieux sur nous répande
l'ombre ;
ככ
Qu'il fasse du Soleil triompher la clarté ;
29 Des accidens passés Jupiter n'est plus maître ,
» Et ce qu'une fois il fit être ,
Ne peut plus n'avoir pas été..
H
» La Fortune aveugle & cruelle
Prend un plaisir malin à nous être infidelle ,
Aime à faire passer ses dons de main en main ;
» Et tantôt ennemie , & tantôt bienfaictrice ,
» Selon les loix de son caprice ,
20-
Change du soir au lendemain.
>> Tant qu'elle est stable , je la loue ;
» Mais dès qu'en s'envolant la perfide me joüe ,
22
Je lui rends volontiers ce qu'elle m'a prêté ;.
» De traits du desespoir ma vertu me délivre ,
» Et je me tiens content de vivre.
→ Dans une honnête pauvreté .
*
22:Sur.
DECEMBRE . 1738. 2537.
» Sur le sein de l'onde en colere ,
» On ne me verra point , supliant mercenaire ,
Traiter avec le Ciel par mille voeux formés ,
Pour empêcher que l'or dont ma barque est
chargée ,
» N'aille de l'inconstante Egée
Enrichir les flots affamés.
*
» Libre d'une telle manie ,
» A l'aide d'un Esquif j'aurai soin de ma vie ,
Ma plus grande richesse et mon plus cher trésor;
» Et bornant tous mes voeux à gagner le rivage ,
»J'obtiendrai ce doux avantage
» Et de Pollux et de Castor. ,
Par M. Frigot.
LETTRE à M. D. L. R. sur une Méchanique
de Géographie , par M. du Mondran,
Colonel réforme. A Versailles ce premier
Octobre 1738,
Ous êtes amateur de Méchanique ,
Monsieur , je veux vous communiquer
le plan d'une Machine , non seulement curicuse
, mais même très - utile. C'est un présent
que l'on a fait , ou si vous voulez , un
Bouquet que l'on a donné à Monseigneur le
,
Dan
2538 MERCURE DE FRANCE
Dauphin , le jour même de sa naissance
c'est - à- dire , le 4. Septembre dernier . Elle
consiste dans une Géographie méchanique
que S. M. a qualifié elle - même de Géographie
commode. C'est un grand Ecran à mettre
devant le feu , que l'on conduit aisément où
l'on veut , par le moyen des roulettes qui
sont sous ses pieds , & dans lequel on trouve
en plusieurs Rouleaux differens volumes
de Cartes de Géographie , soit ancienne , soit
moderne ; on y joint même l'Astronomie.
Cette Méchanique qui sert aujourd'hui d'amusement
au jeune Prince , lui tiendra bientôt
lieu d'Etude , & pourra même servir
d'occupation & d'instruction à ceux qui
voudront s'apliquer à cette Science. Je vais
tâcher de vous en donner une description
générale.
Figurez-vous un Ecran assés large pour
contenir une Carte ordinaire de Géographie,
de 2. pieds de large sur 18. pouces de haut
enticrement dévelopée dans toute son étendue.
Dans l'épaisseur de l'Ecran, se trouvent
des mouvemens qui sont cachés,mais que l'on
fait agir par le moyen d'une manivelle , qui
est au- dehors. Cet Ecran, qui est mobile sur
son pivot , n'empêche point de se chauffer
en étudiant. A ce mouvement secret , tiennent
deux Rouleaux, qui dans leur longueur
-occupent toute la largeur de l'Ecran , & qui
SC
DECEMBRE. 1738. 2539
se devuident mutuellement l'un sur l'autre.'
Ces Rouleaux contiennent un volume d'un
grand nombre de Cartes , qui se présentent
aux yeux les unes après les autres ; & on
suspend le mouvement à celle que l'on veut
examiner. On a tout le temps de l'étudier &
de la comparer avec de Livre que l'on veut
prendre.
Le premier Volume contient la Géographie
universelle , c'est- à - dire le Globe terrestre,
vû selon ses differentes faces, avec les
quatre Parties du Monde ; suivent ensuite les
Royaumes rangés dans un ordre Géogra
phique .
Un second Volume se peut substituer à la
place de ce premier , & contient l'ancienne
Géographie divisée en plus de quarante Cartes
, qui sont , comme vous le sentez bien ,
générales , mais toutes rangées historiquement
c'est- à-dire dans l'ordre nécessaire
pour l'étude de l'Histoire des premiers Peuples.
On est le maître,si on juge à propos , d'y
mettre tel autre Volume ou Rouleau de Cartes
dont on peut avoir besoin.
,
Le troisiéme Volume , qui fait partie de
cette Méchanique de Monseigneur le Dauphin
contient un Cours d'Astronomie , tiré
de l'Atlas Céleste d'André Cellarius.
Comme il y a beaucoup d'Amateurs de
Géographie , à la Cour aussi bien qu'à Paris
28
2540 MERCURE DE FRANCE
& dans les Provinces , qui souhaiteroient
faire usage de cette Méchanique , il est bon
que je vous avertisse de plusieurs choses.
1º. Que ceux qui ont le goût d'une Science
aussi utile , qu'elle devient facile par cette
Méchanique , peuvent pousser leurs recherches
aussi loin qu'ils voudront , en multipliant
les Volumes que l'on peut substituer
les uns aux autres , pour subdiviser la Géographie
jusque dans ses parties les plus détaillées.
2º. Sa Majesté, qui s'est fort apliquée à cette
Science , touchée de la commodité de cette
Géographie méchanique , a gratifié l'Auteur
d'un Privilege exclusif, pour faire distribuer
à son avantage une Machine aussi utile au
Public .
3 °. L'Auteur cependant , Officier distingué
au Service de Sa Majesté , ne prétend
pas faire une sorte de commerce de
cette Géographie commode : mais comme il
aime le bien général , il cédera son Privilege
à quelque Particulier intelligent , qui fera
construire cette Machine sur les lumieres &
les instructions qu'il lui donnera volon
tiers.
4°. Cet Officier est M. du Mondran ;
Colonel réformé , qui a long- temps travaillé
en France , en Espagne & en Italie,
pour le Service des deux Couronnes . Il fera
sçavoir
DECEMBRE. 1738. 2545
sçavoir dans peu à qui il a remis son Privilege
, pour en faire un usage convenable au
bien public , & au progrès de la Science
Géographique. Je vous en donnerai avis dès
que j'en serai informé , afin que le Public en
soit instruit par votre moyen.
>
5°. On y a joint aussi dans un autre Rou
leau , qui se meut en même temps , sans déplacer,
des Tables Chronologiques pour l'Histoire
ancienne & moderne ; & comme ce
Rouleau n'est pas aussi rempli que les autres
, on l'a chargé d'une Liste de tous les
Volumes & du nombre des Cartes qu'ils
contiennent. Un pareil mouvement fait voir
les Théatres de Guerre , qui font un objet
très- interessant dans l'Histoire & dans la
Géographie.
Je vous avoie que j'ai été charmé de la
facilité qu'il y a d'avoir toujours devant les
yeux toute la Géographie , sans le secours
des Livres , & d'en trouver toutes les Cartes
sans être obligé d'en feüilleter aucun.
J'ai l'honneur d'être , & c.
1. Vol B ODE
2542 MERCURE DE FRANCE
****************
L
ODE
Tirée du Pseaume 81.
Es Rois, en exerçant leur puissance absoluë,
N'échapent jamais à la vûë
De JEHOVA qui les a faits ,
Et qui jufte par excellence ,
Dans une severe balance
Chaque jour pese leurs forfaits.
1
*
Jusques à quand , dit-il , des Ravisseurs injustes
Princes , vos Tribunaux augustes
Récompenseront - ils l'orgueil
Aziles paisibles du crime ,
Pour l'humble vertu qu'on oprime ,
Serez-vous toujours un écneil ?
*
Ah ! que ne prêtez-vous une oreille attentive
Aux clameurs , à la voix plaintive
De l'Orphelin persecuté ?
Et que ne vengez- vous l'injure
Que fait la malice parjure
A la timide pauvreté ?
*
C'est
DECEMBRE. 1738. 254
C'eſt en vain , c'eſt en vain qu'on leur tient ce
langage ,
Ils sont sourds , un épais nuage
Ne ceffe de les aveugler.
Leur létargie est si profonde ,
Que la chûte entiere du Monde
Auroit peine à les ébranler .
*
Oni , vous êtes les Fils du Maître du Tonnere ;
Vous êtes des Dieux sur la Terre ,.
Grands Monarques , Heros fameux ;
Mais que vous servent ces hauts titres
O ! des humains puiffans arbitres ,
Sçachez que vous mourrez comme eux,
Exauce-nous grand Dieu , sans tarder davantage,
Visite ton cher Heritage ,
Vien gouverner tout l'Univers ;
Et daigne enfin par ta puiſſance
Faire triompher l'innocence
De l'injustice des pervers.
Par M. Frigot.
Bij RE
2544 MERCURE DE FRANCE
のの
RE'PONSE à l'Avis anonyme inseré dans le
Mercure de Septembre dernier , an sujet
des Cadrans Solaires .
J
"Ai lu , Monsieur , dans le Mercure de
Septembre 1738. un Article touchant les
Cadrans Verticaux , qui m'a paru
si singulier
, que je n'ai pu m'empêcher d'y faire
quelques réflexions. L'Auteur anonyme ,
peut - être pour sauver l'honneur des mauvaises
Montres , charge la plupart des Cadrans
Solaires des défectuosités qu'elles peuvent
avoir ; mais sa Critique ne s'en tient pas aux
Cadrans seuls ; un intérêt plus vif le porte
accuser d'ignorance les Ouvriers qui les font,
tels que
eles Maçons , les Peintres , & les
"Faiseurs d'Instrumens de Mathématique. Ce
qui arrive , dit- il , par l'épargne de ceux qui
les font faire , &c.
à
Mais , en bonne foi , son bon sens n'est il
pas ici un peu en défaut : A qui naturellement
doit- on s'adresser pour tracer un Cadran
, si ce n'est à ceux dont la profession
est de les faire ? Et quels sont ceux qui ont
ce droit , si ce n'est les Fabricateurs d'Instrumens
de Mathématique ? Il me semble
aussi naturel qu'un Particulier aille chés eux
pour ce fujet , que d'aller chés un Horloger
pour
DECEMBRE 1738. 25.45
pour avoir une Montre . Si son zele un peu
trop severe, continue , il est à craindre qu'il
ne dispute aux Fabricateurs d'Instrumens de
Mathématique la faculté de faire des Cadrans
Astronomiques, Horizontaux , Cylindriques
& Analematiques , comme il leur proscrit
les Cadrans contre les murs. Le Public est
instruit aussibien que lui ,du mérite des Illustres
Sçavans qu'il se fait honneur de citer, &
dont il vante avec justice la politesse ; mais
jose assûrer que la probité de ces Mrs , ne
leur permettra pas depenser aussi desavantageusement
que lui , au sujet des Fabricateurs
d'Instrumens de Mathématique. Chacun
sçait qu'il y en a actuellement plusieurs
qui ne possedent pas moins la Théorie que
fa Pratique de leur Art , & qui n'apréhendeoient
pas les traits de sa Critique , sur les
Cadrans qu'ils entreprendroient de tracer.
Il est impossible qu'il ignore , que si les
Cadrans sont en quelque estime , ce sont les
Maîtres de cette même Profession qui les y
ont mis ; que même journellement on nomme
un Cadran à Boussole , un Butterfield L
du nom de celui qui les a perfectionnés :
que le St Bion a fait un Livre , dont les Editions
multipliées , font l'Eloge , où il aprend
fort au long la maniere de construire toutes
sortes de Cadrans , & ce seroit un Paradoxe
étrange , que l'Auteur eût enseigné ce qu'il
ne sçavoit pas.
Biij Les
2546 MERCURE DE FRANCE
Les Sevins, les Chapotots, & les le Febvres
possedoient la Science des Cadrans qu'ils
fabriquoient ; c'est une vérité connue de
tous les Sçavans , & qui ne peut être niée
que par ignorance , ou par mauvaise foi.
Au reste rien n'est si judicieux que la fin
'de son Ecrit : Il est vrai que si chacun faisoit
son métier , tout en iroit mieux , & qu'on ne
verroit point de Maçons tracer des Cadrans,
ni d'Horlogers faire des Méridiennes ; on
pourroit ajoûter , qu'on verroit moins de
Personnes critiquer ce qu'ils n'entendent
peut-être pas. Au moins s'y montreroientils
plus réservés, s'ils avoient en mémoire un
trait d'Histoire qui trouve ici naturellement
sa place,
APELLES , ET SON CENseur .
CHés les Grecs , un Peintre sublime
Des connoiffeurs s'étoit acquis l'eftime ,
Par les Productions de fon Pinceau charmant .
Chacun admiroit sa Peinture ,
Qu'on pouvoit nommer juſtement ,
La Rivale de la Nature.
Pour se surpaffer , ayant fait
Une Venus incomparable ,
Que le deffein correct , le coloris aimable ,
Rendoient
DECEMBRE. 1738. 2547
Rendoient un Chef- d'oeuvre parfait ,
Il l'expofa dans la Place publique ,
Pour voir ce que le Satyrique
Blameroit dans ce beau Portrait ;
Puis fe mit derriere fa Toile ,
Un Rideau lui fervant de voile ,
Pour voir tout , fans qu'on le pût voir.
Sçavans , demi Sçavans , Ignorans , s'y rendirent
Et du matin jufques au foir ,
Du Tableau la Critique firent ,
L'un difant blanc , & l'autre noir .
Un Cordonnier voisin , pour se faire de Fête
Vint , blâma la Sandale , en fut mal satisfait ;
Bon , dit le Peintre , il eft homme de tête ,
Et s'il me blâme , il eft au fait.
Mais lorque pourfuivant la Cenfure indifcrete,
Il dit : Cette Jambe eft mal faite ,
Cette Cuiffe eft contrainte , & n'offre rien de beam,
Apelles , tirant fon rideau ,
Sortit soudain de fa cachette ,
Et s'adreffant au Critique groffier ,
Lui dit Ami , tu juges en Maroufle
Aprends de moi qu'un Cordonnier
Ne doit point paffer la Pantoufle.
L. M.
A Paris le 18. Octobre 1738 .
B iiij
548 MERCURE DE FRANCE
LETTRE écrite par M. l'Abbé le B. an
R. P. N. au sujet d'un Auteur de Bourgogne
très -peu connu.
J
'Ai été informé , Mon Réverend Pere ,
que vous travaillez à un nouveau Recueil
de tous les Auteurs qui ont écrit en notre
Langue Françoise , dans lequel vous refondrez
la Bibliotheque de la Croix du Maïne et
celle de du Verdier ; permettez - moi de vous
offrir un Auteur que vous regarderez , sans
doute , comme un des moins connus et de
ceux peut- être qui méritent le moins de l'être
, cependant je suis persuadé que vous
l'admettrez dans votre Recueil , puisque son
immensité n'en doit exclure , à ce que l'on
dit , aucun de ceux qui auront écrit en cette
Langue.
Čet Ecrivain est à peu près dans le genre
de Roger de Colleryè , que vous êtes bien aise
d'avoir connu par le Mercure. Il n'a pas cependant
écrit en Vers comme lui , mais seulement
en Prose ; la ressemblance se trouvera
du côté du génie , lorsque vous en aurez
fait la comparaison . Je crois qu'il peut s'en
trouver aussi du côté de la rareté du Livre.
( a ) L'Auteur dont j'ai intention de vous
(a)J'ai vu la Bibliotheque de M. Barré , Audeur
parler
DECEMBRE. 1738. 2549
parler , se nomme Annibal Gantez , à la fin
de son Epitre Dédicatoire. Voici le Frontispice
de son Ouvrage : L'Entretien des Musiciens
par le sieur Gante , Prieur de la Mag
deleine en Provence, Chanoine Semi - Prébende,
Maître des Enfans de Choeur et de la Musique
, en l'Eglise insigne et Cathédrale de saint
Etienne d'Auxerre A Auxerre , chés Jacques
Bouquet , 1643,
Ce Livre , qui est un in 18. de 295. pages,
fut dédié à l'Evêque d'Auxerre , qui étoit
M. Pierre de Broc , en ces termes :
">
22
و و
و د »Monseigneur.Cen'estpasparvanitéd'ex-
» poser au Public, que j'ai composé ce petit ·
Livre, mais pour éviter l'oisiveté , laquelle
» j'estime si dangereuse , que j'aimerois mieux
» dormir ( ainsi que disoit un Gentilhomme
Bourguignon ) que de ne rien faire . Il ajoûte
qu'il n'a fait imprimer ce Livre que pour
l'instruction de ses Disciples et que pour
le donner à ses amis ; et que c'est pour cela
qu'il en avoit retenu presque tous les Exemplaires
de l'Imprimeur. » Neantmoins , ajoûte-
t'il , parce que les prénices de toutes
» choses sont dûës à Dieu et à ses Lieute-
» nans en terre , je ne sçaurois , Monseigneur,,
22.
des Comptes , l'une des mieux fournies de Paris en
fait de petits Traités singuliers sur toute sorte de ma
tieres , et ce Livre cy ne s'y trouve point , non plus &
qu'à la Bibliotheque du Roy.
BEY >> esviter
2550 MERCURE DE FRANCE
» esviter de l'offrir à votre Grandeur, puisque
» vous êtes mon Pasteur et Bienfacteur , et
" que je suis votre Créature , par un Béne-
» fice que votre bonté vient tout fraîchement
» de me donner .... D'ailleurs après avoir
❞ consideré que ce Livre s'adresse aux Chan-
» tres , il m'a semblé ne pouvoir rencontrer
» un meilleur Protecteur , puisque vous avez
» un si grand amour pour les Musiciens ,
" que presque toute votre maison en est
» composée. Ce qui fournit l'occasion à
Pierre de Broc , de peupler sa maison de
Musiciens dans le commencement de son
Episcopat , fut la retraite qu'il y donna à
Antoine Doremieux célebre Organiste .
C'étoit celui qui avoit touché l'Orgue au
Te Deum , entonné par ce Prélat dans la
Cathédrale d'Arras , aussi- tôt après la prise
de la Ville au mois d'Août 1640. J'ai tiré
ce Fait d'un Auteur du temps. (a) La Musi
ود
,
que
fut très-florissante dans notre Eglise sous
cet Evêque , et encore plus qu'elle ne l'avoit
été sous Jacques Amyot , dont l'amour.
pour les Instrumens , fit inventer le Serpent
par un Chanoine de sa Cathédrale . (b) Ins-
(a) Ex MS. Autissiod. Pierre de Broc , quoique
Evêque , assista à ce Siege . Only connoissoit en
qualité de Garde du Trésor Royal .
(b , Ce Chanoine se nommoit Edme Guillaume ,
j'en ai doa parlé dans un Mercure .
trument
DECEMBRE . 1738. 2551
trument qui est devenu si fort à la mode de
nos jours , qu'il n'y a presque plus que les
Chartreux qui ne l'ayent pas admis parmi
ceux qui sont tenus au Chant Grégorien . ( a )
En parcourant les Lettres de Gantez,
59.
qui composent ce volume , j'ai apris des paroles
de l'Auteur même , p. 239. qu'il étoit
né à Marseille , qu'il avoit été Maître de
Musique à Aix , à Arles & à Avignon , puis
à Paris , p. 258. dans l'Eglise de S. Paul , &
ensuite dans celle des Innocens . Il nomme
aussi ailleurs plusieurs autres Eglises où il
avoit demeuré . On lit à la page 278. qu'il
avoit fait imprimer un Recueil d'Airs , qu'il
dédia au Maréchal de Schomberg ; une Messe
en Musique intitulée Latamini , dédiée à
M. l'Abbé de Roches , & une autre dédiée
à Mademoiselle de Saint - Geran . Il n'oublie
pas de marquer qu'il eut trente pistoles de
présent pour cette derniere Messe ; » tés-
» moins , dit- il , les meilleurs Chantres de :
» la Sainte Chapelle & de Nostre - Dame ,
qui me firent l'honneur de m'assister le .
» jour que je la lui fis entendre dans les Pe-
>>
ود
(a )Je crois devoir louer ici les Chartreux de la simplicité
qui regne chés eux dans l'Office Divin , quand ce
ne seroit que pour interpreter ce que j'ai dit de vive
voix à quelques- uns d'entre eux , que je ne reconnoissois
du neuf parmi leurs Rits à la Messe solemnelle
que dans deux ou trois Usages.
Bvj
"
DISS
2552 MERCURE DE FRANCE
» res Minimes de la Place Royale , où le
» Pere Mersene fut Auditeur , qui est ( com-
» me vous sçavez ) un des Oracles de la Musique
de ce temps , puisque sans le beau
» Livre qu'il a fait , nous serions en quește
» de beaucoup de choses.
""
» gneur
de
On reconnoît dans son Recueil de Lettres,
entre toutes les autres , celle qu'il a adressée
à cette Demoiselle , à l'occasion de cette
Messe ; c'est la sixième. Il y dit que le Roy .
Louis XIII. mettoit la Musique au rang
ses plus agréables divertissemens , que le
" Maréchal de Saint Geran , son Pere , a
grandement chéri la Musique & qu'il a en-.
" tretenu aussi- bonne Chapelle qu'aucun Seide
son siecle. Dans les autres , ce nesont
que des avis qu'il donne à ses Confreres :
pour bien regler leurs moeurs , & bien élever
les Enfans qui leur sont confiés . C'est
dommage que cet Ecrivain n'ait pas connu
l'Opuscule du sçavant & pieux Gérson , sur
l'Education des Enfans de Choeur de Notre-
Dame de Paris ; il est indubitable qu'il l'eût
cité. Au lieu de cela , ces Lettres sont remplies
de Proverbes & Sentences , tirées des
Anciens & des Modernes ; on y voit des Historiettes
de son temps qui n'interessent pas
beaucoup. Il fait connoître , en passant ,
Maîtres de Musique, qui étoient alors les plus.
celebres. » Picot & Formé , dit-il , page 84 .
les
22 ont
DECEMBRE. 1738 25-5-3
"
ont été tous deux braves hommes , puisqu'ils
ont été Maistres de Chapelle de .
» Louis XIII . mais parce que l'un a joint .
»l'habitude au naturel , a bien mieux réussi.
و و
""
que l'autre , qui ne s'est amusé qu'à amas--
" ser des richesses . Page 149. Celui que
» j'ai trouvé en ce Pays,le plus agréable en la
Musique, c'est Veillot, Maistre de Nostre-
» Dame , & celui que j'ai rencontré le plus .
" grave en la sienne . c'est Pechon , Maistre :
» de S. Germain ; ( a) mais Hautcousteaux
>> Maistre de la Sainte Chapelle , fait parfai--
» tement tous les deux. Page 155. il dis--
tingue quatre sortes de Maîtrises .
>
» Entre les Maistrises , dit - il , la pre-
>>> miere sorte est celle où l'on vit en Com-
» munauté avec les Presbtres , comme dans
» S. Paul à Paris , Thollon , Marseille , Aix,.
Arles , Aiguesmortes & Carpentras ; la
» seconde est celle où les Enfans ne vivent
ni avec le Maistre , ni en Communauté ,
» comme à S. Jacques de l'Hospital à Pa--
" ris , Valence , Grenoble , & le Havre de
»-Grace. La troisième , est celle où les En-
>>-fans sont nourris avec le Maistre par Pro- ·
»‹cureur , comme à Nostre - Dame de Paris
>>-& Viviers en Vivarez. Et la quatrième &
» la meilleure est celle par laquelle le Mais .
>> tre nourrit les Enfans , comme à S. In-
(a) 11 faut sous-entendre l'Auxerrois.
❞ nocent
2534 MERCURE DE FRANCE
ود
"
:
" nocent de Paris , Auxerre , Montauban
Avignon & autres . On connoît par - là que
cette Lettre , qui est la XXX . a été écrite .
à Auxerre , car toutes n'y furent pas composées.
La XXVII . dont j'ai cité le fragment
de la page 149. fut écrite à Paris. Il y dit ,
page 51. » que les Picards y sont les plus
" estimés pour la composition , aprochant:
beaucoup de l'air de Provence . Car , ajoû-
" te- t'il , comme l'on dit que nous avons la
" tête proche du bonnet , on dit aussi d'eux
» qu'il ont la tête caude. Il se plaint à la page
74. de ce qu'en France . il y a si peu d'Imprimeurs
en Musique. Son Texte est curieux,
mais il est trop long à raporter. On ne peut
lire,, sans rire , page 219. le démêlé qu'il eut
avec le Curé de S. Paul , pendant qu'il y
étoit Maître de Musique , non plus que ce
qu'il dit page 197. sur la maniere dont un
Maître doit se posseder en battant la mesure
& en faisant exécuter une Piece . On voit
dans la même Lettre que son principe étoit
de prendre les Enfans par douceur. Il parle .
là - dessus fort naturellement . Ces expressions
passent quelquefois le sérieux , & toujours
avec une Histoire pour assaisonner sa morale..
Cet Ecrivain , au reste , ne moralise pas.
avec tous ceux à qui il écrit. Aux
& 147. il prêche la tempérance ; en d'autres .
endroits il change de ton , témoin celui- ci
pages 54.
auquel
DECEMBRE. 1738 2555
,
auquel je crois que vous vous interesserez ; à
àcause du voisinage de votre Ville de Troyes .
avec la nôtre. Voici comme il parle à la page
94. " Cependant disons que nos vins d'Au-
» xerrois étant la boisson de nos Rois , seroitdommage
qu'elle fût pervertie ; & je vous
conseille de le prendre le matin comme-
" Dieu l'a fait , & le soir comme il sort du
» tonneau autrement ce seroit faire tout le
» contraire de N. S.... Après cela je vous
»dirai quejamais je n'ai vû dêsMusiciens plus
» dévots que ceux de ce Pays ; car ils prient
» ordinairement pour les Vignes , parce que
» tout le revenu du Pays d'Auxerrois ne
» consiste qu'en Vignobles , & lorsque cela
» manque , ils sont gueux comme Diogenes ..
» C'est pourquoi on dit un Proverbe sur le
» nom d'Auxerrois , assavoir ; Au soir, Rois;
» et le matin , petits Bourgeois , parce qu'il ne
>>faut qu'une petite gelée pour les ruiner à
plate coûture. Desorte que les Espagnols :
» ne donnent pas tant d'allarmes sur nos
» Frontieres , comme la bize & . la gresle en
» donnent à nos Vignerons.
ور
Je finirai ces Extraits de notre Provençal-
Bourguignon , en vous marquant , Mon R. P..
que son style , tout bizarre qu'il est & plein
de pensées grotesques , mérita une Ode
Françoise d'un Poëte de notre Ville , qui
s'apelloit Gabriel Brosse , laquelle il eut
soin
25.56 MERCURE DE FRANCE
soin de faire mettre au Frontispice de l'Ou
elle commence ainsi :
wrage ;
Esprit sans égal & sans prix´ ,,
Dont les admirables Ecrits:
Mont sçû charmer sans me surprendre ,.
GANTEZ , qui connois mon pouvoir ,
Et les honneurs qu'on doit te rendre ,.
Dispense un ignorant de vanter ton sçavoir.
La collection des Auteurs Bourguignons.
de M. Papillon , qu'on dit devoir être bientôt
imprimée , vous fera connoître ce G.
Brosse, au cas que vous ne le connoissiez pas
déja; je sçais qu'il a écrit plus d'une Piece en
Vers François , & par conséquent il est encore
par là de votre compétence.
J'ai remarqué que Gantez , avec le nombre
infini de plaisanteries dont ses Lettres sont:
farcies , n'employe en aucun endroit le nom
de sainte Cecile , quoiqu'il ait eu bien des
Occasions de le faire. Il faut croire que de
son temps le choix de cette Sainte pour Patrone
de la Musique, n'étoit pas encore bien
érabli , ni bien universel. J'ai observé qu'a.
Sens , dans le temps même qu'il y a eu de la
Musique de l'espece de celle qu'on y fait
revivre aujourd'hui , c'étoit S. Grégoire que
les Musiciens regardoient comme leur Patron.
Je lui ai aussi trouvé un Office tout
propre
DECEMBRE. 1738. 2557
propre dans nos anciens Livres . Mais dans
les deux derniers siecles, le Maître & nos six
Enfans de Choeur avoient choisi pour leurs
Patrons plus particuliers les sept Freres , Enfans
de sainte Félicité ; choix beaucoup plus
heureux, puisqu'il est conforme à la premiere
Partie de leur Messe , qui a toujours été
à Rome & ailleurs le beau Pseaume,Laudate
pueri Dominum.
N'aurez -vous point été surpris Mon R. P.
du nom de Baptême du sieur Gantez ; Annibal
est en effet un nom inconnu dans les
Martyrologes ; mais vous sçavez mieux que
moi que la coûtume de n'y admettre que
des noms de Saints , n'est ni ancienne , ni
universelle ; Gantez voulut pourtant recon
noître un Saint. Il se servit de l'occasion
du Voyage que fit à Rome en 1650 l'un de :
mes Prédécesseurs, Sous- Chantre , pour christianiser
son nom. Ce Chanoine d'Auxerre.
y ayant obtenu plusieurs Reliques des Cimetieres
en fit qualifier une de Saint
Annibal Martyr , & depuis ce temps - là
ce nom fut admis chés nous dans quelques
Litanies particulieres & Musicales ..
J
Je suis , & c.
A Paris ce 28. May 173.8.
VERS
2558 MERCURE DE FRANCE
*************************
VERS A MLLE DE C ...
Qui m'avoit reproché que j'étois toujours tristeį
V Ous , dont la délicatesse
Brille dans tous vos discours
Et dont l'aimable sagesse
Est l'ouvrage des Amours ;
Me direz -vous donc sans cesse ,
Qu'insensible à la tendresse ,
Et retiré comme un Ours ,
Je n'ai que de la tristesse ,
Et que je me plains toujours ? :
Si vous étiez en ma place ,
Ne vous plaindriez- vous pas ?
J'ai lu l'ennuyeux fatras
D'un Rimailleur à la glace .
C'étoit l'Ouvrage nouveau
De certain Poëte étique
Qui pour un feu poëtique ,.
Prend un transport au cerveau..
Or jugez de ma surprise ,
Quand , séduit par ma franchise ,.
Dans ces petits Vers fallots ,
Au lieu de Rimes exquises ,.
J'ai trouvé plus de sottises ,,
Que je n'ai trouvé de mots.
Ole
DECEMBRE. 1738. 25,59
le plaisant Marotique ,
Qu'un fade galimatias ,
Qui me donne la colique ,
Et que l'Auteur pathétique
N'entendoit peut- être pas !
J'ai pourtant lu cet Ouvrage ,.
Ou plutôt ce griffonnage ,
Qui fait hurler le bon sens ;,
Je l'ai lu ; mais j'en enrage..
Si l'on m'y tient davantage ,
De très- bon coeur je consens ,
Qu'on me fouette , qu'on me berne ,
Ou que tout Auteur moderne ,
Avec ses Vers languissans ,
Dans le coin d'une Taverne ,,
Me fasse perdre mon temps .
belle Thémire > Or voyez ,
Si maintenant
je dois rire.
Morbleu ! si dans ma fureur ,
Je tenois le triste Auteur ,
Dont l'ignorance
profonde ,
Pour ennuyer tout le monde ,
A prosaisé ces Vers ;
Il payeroit par cent gourmades .
Les tourmens que j'ai soufferts.
En lisant ses Rimes fades ,
Digne pâture des vers.
Par M: P
A Paris ce 10. Septembre 1738.
25.60 MERCURE DE FRANCE
ESSAI sur l'Histoire du Nivernois , par
M. Pierre de Frasnay. Lettre II.
Aint Evotius est selon moi , Monsieur ,
Sle premier Evêque de Nevers , ou du
moins c'est le premier que nous connoissions
. Son existence & sa qualité d'Evêque
de Nevers sont prouvées par le premier
Concile d'Arles , tenu en 314. sous l'Empire
du grand Constantin , & sous le Pontificat
de Silvestre I. On trouve dans ce Concile la
Souscription d'Evotius en ces termes : Ex
eádem Provincia , Civitate Niveduno , Evoiius
Episcopus , Pirulius Exorcista. Cette
Souscription suit immédiatement celle de
l'Evêque d'Autun , & on ne peut Battribuer
à aucun autre Evêque qu'à celui de Nevers ,
Ville qui s'apelloit autrefois Nivedunum , ou
Noviodunum. Au surplus ce Pirulius qui a
souscrit avec Evotius , étoit un Clerc , qui
servoit aparemment de Sincelle
Compagnon à son Evêque.
>
ou de
Le Concile d'Arles , assemblé au sujet de
Donat des Cases Noires , & de Cécilien ,
Evêque de Carthage , étoit une espece de
Compromis ; les Evêques d'Afrique demanderent
à Constantin pour Juges de leur differend.
DECEMBRE. 1738. 2568
ferend des Evêques des Gaules , qui ne pouvoient
être suspects à des Afriquains ; & ces
Evêques choisis par Constantin , agirent
dans cette occasion comme de veritables
Arbitres ; les Donatistes ne s'en tinrent pas à
la Décision du Concile ; mais ils apellerent
à Constantin , quoiqu'il ne fût pas encore
Cathécumene ; & malgré sa répugnance ,
t'obligerent à décider cette Affaire dans son
Consistoire à Milan.
La Souscription d'Evotius , raportée dans
le premier Concile d'Arles , détruit l'opinion
de Guy Coquille , Auteur de l'Histoire du
Nivernois. Cet Historien a cru que Nevers
n'avoit pas autrefois un Evêque particulier ,
mais qu'il dépendoit de l'Evêché d'Autun ;
que le Nivernois n'a été Evêché , que dans
le temps auquel les Bourguignons ont conquis
la Ville d'Autun & la Premiere Lionnoise.
Le Nivernois ; dit Coquille , fut excepté
de leurs Conquêtes , & se maintint
dans la Domination des Romains ; & dèslors
, ces Maîtres , plus politiques que réligieux
, pour se conserver ce Territoire , ne
voulurent point que le Nivernois eût à l'avenir
aucune relation avec la Ville d'Autun ,
qui n'étoit plus en leur puissance ; mais ils
établirent à Nevers un nouvel Evêché, qu'ils
firent Suffragant de la Métropole de Sens , la
Capitale de la Quatrième Lionnoise.
CA
362 MERCURE DE FRANCE
Ce Systême ingenieux se trouve détruit.
par la Souscription d'Evotius , Evêque de
Nevers , près de cent ans avant la Con
quête des Bourguignons , qui n'ont paru
dans les Gaules qu'en 413. ou même plus
tard , suivant quelques Auteurs.
Ce qui a trompé Coquille , c'est qu'il a
regardé le Nivernois comme un Territoire
dépendant des Eduens à tous égards : mais il
devoit se souvenir que lesTerritoires de Châlons
& de Mâcon , & même celui de Lion
ont dépendu autrefois des Eduens , & qu'ils
ne laissent pas de former des Diocèses aussi
anciens , ou même plus anciens que celui
d'Autun .
Coquille s'est encore fondé sur le Mar
tyrologe d'Autun , dans lequel il est dit
que Saint Révérien , qui a été martyrisé
dans le Nivernois , a souffert le Martyre dans
de Territoire d'Autun ; d'où il conclut , que
le Nivernois dépendoit pour lors de l'Evêché
d'Autun.
On répond à Coquille , que le Martyrologe
ne parle point du Territoire de l'Évêché
d'Autun , mais seulement du Territoire
d'Autun ; en effet , il n'étoit point question
pour lors de la division des Evêchés , qui
n'a été faite que sous l'Empire d'Honorius ,
au lieu que S. Révérien a été martyrisé sous
Aurélien.
D'ailleurs
DECEMBRE . 1738. 2563
D'ailleurs , il se peut faire que par les
arrangemens particuliers , faits depuis entre
Siagrius , Evêque d'Autun , & S. Aré , Evêque
de Nevers , & dont parle Coquille dans
la suite de son Histoire , ce Territoire ait
passé dans l'Evêché de Nevers.
Coquille s'apuye encore sur le Livre intitulé
La Notice des Gaules , imprimée à la
suite de l'Itineraire d'Antonin , dans lequel
Nevers n'est point compté parmi les Villes
Episcopales.
Mais cette omission qui n'est pas générale
dans tous les Manuscrits , n'est point une
preuve positive ; elle peut venir de l'oubli
d'un Auteur , ou du défaut d'un Copiste , &
la Souscription d'Evotius , qui est très-réelle
est plus forte que le silence d'un Ecrivain.
a
Enfin , Coquille a bâti sur un faux prin
cipe. Il est constant que le Nivernois à fait
partie de la Conquête des Bourguignons ;
tous les Historiens nous assûrent la vérité de
ce Fait , & on en voit la preuve dans le Concile
d'Eponne , assemblé par l'ordre de Sigismond
, Roy de Bourgogne ; ce Concile,
n'a été composé que des Evêques de la Domination
des Rois Bourguignons , suivant
l'usage qui régnoit alors ; & parmi les Souscriptions
, on trouve celle de Tauricianus ;
Evêque de Nevers.
1
2564 MERCURE DE FRANCE
Il reste encore une difficulté à expliquer ;
l'Evêché de Nevers , assis dans la Premiere
Lionnoise , devoit être de la Suffragance de
Lion , aussi-bien qu'Autun , Châlons & Mâcon
; néanmoins il se trouve de la Suffragance
de Sens , qui est la Métropole de la
Quatriéme Lionnoise ; quel sujet peut avoir
donné lieu à cette transposition ?
Je réponds que dans le commencement, la
Celtique étoit seulement composée de deux
Lionnoises , dont Lion & Rouen étoient les
Capitales ; depuis on l'a divisée en quatre
& même en cinq Provinces , apellées aussi
Lionnoises ; & c'est dans cette subdivision
que Nevers a été attribuée à la Quatrième
Lionnoise , dont Sens est la Métropole. Au
surplus, ces sortes de divisions sont arbitraires
, & dépendent de plusieurs circonstances
particulieres & secretes , qui ont déterminé
les Auteurs de cette distribution , lesquelles
nous sont à présent inconnuës .
Il faut donc conclure que Nevers a toujours
été un Evêché particulier , & que la
Conquête des Bourguignons n'a point eu de
part à l'établissement de cet Evêché .
Saint Eulalius est le second Evêque de
Nevers qui nous soit connu ; il vivoit sous le
Pape Simmaque , & sous Gondebaud Roy
de Bourgogne ; il y a un très-grand intervalle
de temps entre Evotius qui a paru en
314
DECEMBRE. 1738. 256
314. & Eulalius , qui vivoit en 507. Nous
ne sçavons pas le nom des Evêques qui ont
vécu dans cet espace,peut- être n'y en a -t-il eu
aucun. En effet , dans ces premiers temps les
Siéges n'étoient pas toujours régulierement
remplis, & les Rois de Bourgogne, qui étoient
Ariens, ne se mettoient guere en peine que les
Peuples Catholiques eussent des Pasteurs.
Nous sçavons peu de choses d'Eulalius, &
ce Saint Evêque nous seroit entierement
inconnu
, sans l'Auteur de la Vie de S. Severin ,
Abbé d'Agaune , que l'on apelle aujourd'hui
Saint Maurice , Abbaye située entre le Lac
de Genêve & là Ville de Sion ; cette Legende
nous aprend , que la 25. année du Regne
de Clovis I. qui répond à l'année 507. cidessus
marquée , le Saint Abbé fut mandé
par ce Roy , qui esperoit être délivré par son
moyen d'une fiévre quarte , dont il étoit
tourmenté
depuis deux ans , & dont il n'avoit
pu trouver la guérison dans l'Art des
Médecins ; Severin passant à Nevers alla visiter
Eulalius , Evêque du Lieu , qui étoit au
lit,il y avoit plus d'un an , perclus d'une partie
de son corps , sourd & muet ; Severin lui
dit de se lever , lui tendit la main & le conduisit
à l'Eglise , où Eulalius célébra les SS .
Mysteres avec lui , & donna la Bénédiction
au Peuple ; Severin en le quittant , l'avertit
de ne plus pécher , & lui dit que la maladie
I.Vol.
C de
2566 MERCURE DE FRANCE
"
de l'ame avoit produit celle du corps ; Eula
lius profita de cet avis , & vécut depuis sain
tement ; on peut tirer de cette Histoire une
induction certaine , qu'Eulalius , ni le Peuple
de Nevers n'étoient point Ariens , quoisoumis
à la domination des Rois de
Bourgogne , puisque S. Severin communi
quoit avec eux.
que
Tauricianus , troisiéme Evêque de Nevers,'
a assisté & souscrit au Concile d'Epone
c'est aujourd'hui un Village apellé Ponas , à
quatre lieues de Vienne en Dauphiné ; ce
Concile fut tenu le dix - sept des Calendes
d'Octobre , c'est-à - dire le quinziéme de Septembre
de l'année 517. sous le Pontificat du
Pape Hormisdas , par ordre de Sigismond ,
Roy de Bourgogne , nouvellement converti
à la Foi Catholique.
Ce Concile eut pour objet la réparation
des desordres que l'Arianisme avoit causé
dans le Royaume de Bourgogne avant
la conversion du Roy Sigismond. Vingt-cinq
Evêques assisterent à ce Concile ; & S. Avitus
, Evêque de Vienne , y présida ; il y eut
quarante Canons , dont le premier porte ,'
que les Evêques ne s'absenteront point des
Conciles , sinon pour cause de maladie ; le
quatrième défend aux Ecclesiastiques l'usage
des chiens de chasse & des oiseaux ; un autre
Canon abolit la consécration des veuves Diaconesses
DECEMBRE. 1738. 2567
conesses : par un autre , le travail des mains est
ordonné aux Moines vivans à la campagne ;
ce Concile défend à la veuve d'un Prêtre ou
d'un Diacre de se remarier ; il ordonne que
dans chaque Province , on suivra le Rit de
la Métropole dans les Messes & dans le
Service divin ; ce Concile ordonne encore
que les Citoyens nobles célebreront la veille
de Noël et de Pâques , au lieu où sera l'Evêque
, & recevront sa bén diction ; les autres
Canons concernent la Pénitence publique
, les Monasteres , & plusieurs autres
Points de Discipline Ecclesiastique .
Nous ne sçavons rien de Rusticus , quatriéme
Evêque de Nevers , sinon qu'il a assisté
& souscrit au troisiéme Concile d'Orleans
, tenu le jour des Nones du troisième
mois , c'est-à -dire le septiéme May de l'année
538. la vingt-septième année du regne
de Childebert , qui étoit alors en possession
de cette partie de la Bourgogne , & sous le
Pontificat du Pape Vigile. Il y avoit à ce
Concile dix- neuf Evêques , & sept Prêtres ;
le Président étoit Lupus , Evêque de Lion.
Ce Concile contient trente - trois Canons
qui concernent la Discipline Ecclesiastique,
dont les plus remarquables sont , que les
Evêques s'assembleront tous les ans en Concile
, sans qu'ils puissent s'en dispenser , sous
prétexte qu'ils sont sous la Domination de
differens Rois.
Cij Lors2568
MERCURE DE FRANCE
Lorsqu'un Evêché sera vacant , l'Evêque
sera élû par les Evêques de la Province , du
consentement du Clergé & du Peuple.
Les Clercs ne pourront poursuivre ', ni être
poursuivis pardevant le Juge Laïc , sans le
consentement de l'Evêque ; enfin ce Concile
défend d'assister aux Offices avec armes.
Clementinus , cinquiéme Evêque de Nevers
, a souscrit au cinquième Concile d'Orleans
, tenu sous le Pontificat de Vigilius , la
trente- huitiéme année du Regne de Childebert
, le cinquième des Calendes de Novembre
, c'est-à dire le vingt -huitième Octobre
de l'année 549.
Ce Concile fut très- nombreux ; il y avoit
neuf Métropolitains , cinquante Evêques , &
21. Prêtres Députés ; Sacerdos , Evêque de
Lion ,y présidoit, on y fit vingt- quatreCanons;
dans le premier , les Erreurs de Nestorius &
d'Eutychès furent condamnées ; le Concile
jugea ensuite l'Accusation intentée contre
Marc , Evêque d'Orleans , & prononça son
absolution ; le surplus du Concile regarde la
Discipline Ecclesiastique.
Je ne puis m'empêcher de placer ici Ar
daric , ou Aridius , sixième Evêque de Ne
vers , oublié par les Auteurs de notre Histoire
, & qui vivoit en 551. sous le Regne
de Childebert , & sous les Pontificats de
Vigilius & de Pélage I.
>
Saffarac
DECEMBRE. 1738. 2569
Saffarac , Evêque de Paris , accusé de differens
crimes , les confessa devant Médoüée ,
Evêque de Meaux , Lubin , Evêque de Chartres
, & Ardaric , Evêque de Nevers . Ces
trois Evêques en dresserent un Acte , & mirent
par provision Saffarac dans un Monastere
: cet Acte fut représenté au second Concile
de Paris , qui aprouva ce que les trois
Evêques avoient fait , & chargea Constitutus,
Evêque de la Métropole de Sens , de déposer
Saffarac.
La déposition fut faite suivant les Canons
, & Eusebe fut ordonné à la place de
P'Evêque déposé. Sapaudus d'Arles présida à
ce Concile , qui fut composé de vingt -un
Evêques , & de six Métropolitains , en l'an
$ 51 . D'autres le placent en 555 .
Aucun des Historiens qui ont écrit de notre
Province,n'a parlé de cet Ardaric , maisle Corcile
de Paris établit suffisament son existence .
Nous n'avons rien à dire touchant Eufronius
, septiéme Evêque de Nevers , sinon
qu'il a souscrit dans la Charte des Privileges
accordés à l'Eglise de Saint Vincent par Saint
Germain , Evêque de Paris.
Childebert , de retour de la Guerre d'Espagne
, aporta l'Etole de S. Vincent , qui lui
avoit été donnée par les Habitans de Sarragosse
; il bâtit dans un Fauxbourg de Paris,
une Eglise en l'honneur de ce Saint ; & cette
C iij Eglise
2570 MERCURE DE FRANCE
Eglise fut dédiée par S. Germain
, Evêque
de Paris , en 558. le même jour de la mort
du Roy Childebert , qui fut inhumé dans
cette Eglise le lendemain de la Dédicace.
Saint Germain eut une affection particuliere
pour cette Eglise ; il y établit une Communauté
de Religieux ; il ajoûta à la Dotation
faite par le Roy Childebert , plusieurs
Terres de son patrimoine , qu'il possedoit
dans l'Auxerrois & dans le Nivernois ; il accorda
des Privileges & des Immunités , &
dressa à ce sujet des Chartes , qui furent souscrites
par notre Evêque Eufronius , le 21.
Août de la cinquième duRegne deChérebert,
ce qui se raporte à l'année 566. & au Ponti
ficat de Jean III. dit Catellin.
Le Corps de S. Germain fut depuis transfcré
dans l'Eglise de S. Vincent , que l'on
apelle aujourd'hui Saint Germain des Prés
Eoladius , ou Euladius , huitiéme Evêque
de Nevers , est confondu souvent avec Eulalius
, dont nous avons parlé ci- dessus ; la ressemblance
du nom produit cette confusion ;
& l'Auteur du nouveau Breviaire de Nevers,
quoique d'ailleurs exact & sçavant , est tom
bé dans cette faute ; Eulalius vivoit en 507.
du temps de Clovis I. & de Saint Severin ;
Eoladius étoit Evêque en 567. du temps de
Gontran , Roy de Bourgogne ; & il a sousrit
au Concile de Lion , tenu la même annéc
DECEMBRE 1738. 2571
née contre Salonius & Sagittaire , auquel
présidoit S. Nisier , Evêque de Lion. Ces
deux dates aussi éloignées l'une de l'autre ,
jointes aux Evêques qui ont paru entre deux ,
prouvent sans difficulté qu'Eoladins & Eulalius
ne sont pas les mêmes personnes.
C'est cet Eoladius , qui étant dans le Pays
d'Autun , fit amitié avec Agricole , Senateur
de ce Pays ; l'innocence des moeurs , l'amour
de la vertu , le zele pour la Religion Chrétienne
, furent le lien de cette amitié sainte ;
ces deux grands Hommes prirent l'un pour
l'autre un si fort attachement , qu'ils ne pouvoient
se quitter ; ils passoient les jours entiers
dans des conversations édifiantes , dont
ils sortoient meilleurs & plus vertueux. Qu'il
seroit à souhaiter que de pareilles amitiés se
formassent parmi les Hommes , qui ne font
ordinairement rouler leur commerce que sur
l'interêt , le plaisir , la curiosité , ou la médisance
!
Agricole, plus libre qu'Eoladius , suivit à
Nevers son ami ; il fut fait Comte , ou Commandant
des Troupes du Comté de Nevers
par le Roy Gontran , & ensuite par les suffrages
du Clergé & du Peuple il fut élû successeur
à son ami Eoladius .
Le Tombeau de S. Eoladius , apellé dans
ic Pays Saint Eulade , se trouve dans l'Autel
de la Paroisse de S. Etienne de Nevers
C iiij
avec
2572 MERCURE DE FRANCE
avec ces quatre Vers Latins qui paroissent
d'un caractere nouveau .
Quisquis ab occasu properas huc , quisquis ab ortu ;
Corpus in hoc Tumulo quod venereris habes ;
Prasul Eoladius , hujus quondam Pater Urbis ,
Adventum gaudens sustinet hic Domini.
Lors du décès de Saint Eulade , l'Eglise de
Saint Etienne de Nevers n'étoit pas encore
bâtie ; ainsi il faut croire que le Corps de cé
Saint y a été transporté d'ailleurs , ou que
cette Eglise a été depuis construite dans
le Lieu où repose le Corps de ce Saint
Prélat .
M. Vincent , Curé de S. Etienne de Nevers
, fit bâtir de nouveau l'Autel de sa Paroisse
, il y a quelques années ; le Tombeau
de S. Eulade fut alors ouvert ; on y trouva
quelques ossemens & quelques cendres ,
dont une partie fut enlevée par le Peuple ;
ou distribuée aux Personnes de distinction
de la Paroisse ; la Fête de S. Eoladius est célebrée
le 29. Août dans le Diocèse de Nevers
; cet Evêque a vécu sous les Pontificats
de Jean III. & de Benoît I. dit Bonose.
Saint Eoladius , comme nous l'avons dit ;
a cu pour Successeur , Saint Agricole , que
nous apellons communément S. Arigle , neuviéme
Evêque de Nevers ; il s'étoit préparé
luj
DECEMBRE. 1738. 2573
lui-même ce successeur , en l'attirant à Nevers
, & en le formant aux vertus Episcopales.
Le Clergé & le Peuple , suivant les voeux
d'Eoladius , & conduits par la vénération
qu'ils avoient pour la vertu d'Agricole , le
choisirent pour leur Evêque , cette élection
fut confirmée par Gontran , Roy de Bourgogne
, qui pouvoit dire comme l'Empereur
, lorsque S. Ambroise fut élû Evêque de
Milan , qu'il étoit ravi que les Gouverneursqu'il
envoyoit dans les Provinces , fussent:
trouvés dignes d'être Evêques.
Ce Saint Prélat étoit né à Aléxie , que l'on
apelle aujourd'hui Sainte Reine , de Parens
nobles & riches, il fut d'abord Sénateur dans
son Pays , ensuite Cemmandant des Troupes
du Roy Gontran dans le Nivernois
comme nous l'avons dit , & enfin Evêque
de Nevers ; ce qui fait connoître qu'il possedoit
les Vertus Civiles , Militaires & Ecclesiastiques.
L'an 583. sous le Pontificat de Pélage II.
& la vingt- deuxième année du Regne de-
Gontran , fut tenu le premier Concile de
Mâcon , auquel présida Priscus , Evêque de
Lyon , à la tête de vingt autres Evêques..
S. Agricole assista à ce Concile.
On fit dans ce Concile dix- neuf Canons ,
concernant la Discipline . Par un de ces
Canons , il est ordonné de jeûner les Lundis,,
Cv Mercredis:
2574 MERCURE DE FRANCE
Mercredis & Jeudis , depuis la Saint Martin
jusqu'à Noël , ce qui paroît être l'institution
de l'Avent.
Saint Agricole a encore souscrit au second
Concile de Mâcon , tenu le vingt- trois Octobre
l'an 585. le vingt- quatrième du Regne
du Roy Gontran .
Ce fut encore Priscus de Lyon qui présida
à ce Concile ; on lui donne la qualité de Patriarche
; mais ce titre se donnoit pour lors.
aux principaux Métropolitains , & ne peut
tirer à consequence.
Saint Agricole a souscrit dans ce Concile
le premier des Evêques , à cause de l'ancienneté
de son Ordination ; il étoit même d'usage
dans ce temps - là, qu'un ancien Evêque
souscrivoit auparavant un nouveau Métropolitain
.
Ce Concile fut assemblé principalement
contre Bertrand de Bourdeaux , Theodore
de Marseille , & Pallade de Saintes , qui
avoient favorisé le Parti de Gondebaud , dit
Ballomer , lequel se disoit fils de Clotaire I..
Quarante- trois Evêques assisterent à ce Conmés
& firent vingt Ĉanons, qui furent confircile
, par une Ordonnance du Roy Gontran.
Le premier de ces Canons commande l'observation
du Dimanche , qui étoit négligée ;.
⚫ce Concile, ordonne aux Fideles , tant hommes
que femmes , de faire tous les DimanchesDECEMBRE.
1738. 2579
ches leurs offrandes de pain & de vin à l'Autel
, & de payer la Dixme , sous peine d'excommunication
.
Ce Concile ordonne encore l'observation
des Aziles , il recommande l'Hospitalité aux
Fideles , & défend aux Evêques d'avoir des
chiens dans leurs Maisons , afin que l'accès
en soit plus libre aux Pauvres ; il défend aux
Clercs d'assister aux Jugemens de mort ,
aux Tortures & Executions . Enfin il ordonne
aux Laïcs de descendre de cheval.
pour
saluer les Clercs qui seront à pied.
Saint Agricole a encore souscrit au troisiéme
Concile de Lyon , tenu en 583. la
même année que le premier Concile de
Mâcon.
Ce Concile de Lyon fur composé de huit
Evêques seulement & de douze Députés , &
Priscus en fut Président ; ce Concile ne contient
que six Canons , qui concernent la
Discipline , comme la plupart des Conciles
qui se tenoient alors.
Saint Agricole a vécu très - long temps ; sa
mort est marquée en 594. on voit son Tombeau
dans l'Eglise de S. Vincent de Nevers
qui porte aujourd'hui son nom ; ses ossemens
en furent retirés par M. Arnaud Sorbin
Evêque de Nevers , le jour de S. Barthelemi
en 1590. & furent mis dans une Châsse qui
est à côté du grand Autel. Dans le Breviaire
Cvj
de
2576 MERCURE DE FRANCE
de M. Sorbin , la Fête de S. Agricole est célébrée
le 26. Fevrier ; dans le nouveau Breviaire
, le jour de sa mort & de sa Fête , est
marqué le troisiéme de Juillet.
Saint Fulcilius , dixiéme Evêque de Nevers
, fut élû à la place de S. Agricole en
1594. sous le Pontificat de S. Gregoire le
Grand , & sous le Regne de Childebert ,
Roy d'Austrasie & de Bourgogne ; nous ne
sçavons rien de certain de ce S. Evêque ; on
ne croit pas que son Episcopat ait duré un an
entier.
Voila , M. ce que j'ai pu recueillir touchant
nos dix premiers Evêques de Nevers ;
je sens que votre curiosité n'est pas satisfai
te ; mais dans une matiere aussi séche &
aussi sterile , il faut se contenter du peu que
nous sçavons , & ne pas exiger que l'imagination
supplée à la sterilité de l'Histoire ; le
parti du silence convient mieux en pareil cas
à un Historien , que celui de l'invention &
de la Fable. Je suis , &c.
DIDON
DECEMBRE. 1738. 2577
DIDON ,
Poëme Héroïque , tiré du quatrième Livre
de l'Eneide de Virgile.
D
AVERTISSEMENT.
E tous les Ouvrages de Virgile , Is
qui renferme le plus d'Art , d'agrément , &
des passions plus vives , & plus touchantes ;
c'est lejugement qu'en a porté le célebre Pere.
de la Rüe , Jésuite , en ces termes :
Unus hic è Libris omnibus plurimùm artis
habet ac suavitatis , motusque animi tenerrimos
quosque ac violentissimos , &c.
Tous les Sçavans conviennent que ce
quatriéme Livre de l'Enéïde , est un agréable
Episode , ce qui m'a donné lieu de croire:
qu'on en pouvoit tirer un Poëme François
que je distribue en quatre Chants..
L
CHANT PREMIER..
A Reine toute émuë abandonne son ame"
Aux traits empoisonnés de l'Amour qui l'énflâme,,
Elle se livre en vain au sommeil qui la fuit
Ses feux plus violens dans l'ombre de la nuit
Lui retracent d'Enée une plus vive image ;
La
2578 MERCURE DE FRANCE
La gloire de son sang , ses vertus , son courage ,
Ses discours , tout enfin , la charme en ce Héros ,
Et désormais pour elle il n'est plus de repos.
Aussi - tôt que l'Aurore a chassé les ténebres ,
Remplissant son esprit de mille objets funebres ,
Ah ! dit-elle , ma Soeur , quels songes effrayans ,
Dans l'horreur de la nuit ont frapé tous mes sens !
Quel est cet Etranger , qui dans ce Port tranquille,
Contre Eole irrité vient chercher un azile ?
Quelle héroïque ardeur éclate dans ses yeux !
Ce Mortel n'est- il point issu du sang des Dieux
La crainte suit par tout un coeur qui dégénere ;
Mais lui , foulant aux pieds la Fortune contraire ,
Sçut toujours triompher des plus affreux revers ;
De combien de combats , & de travaux divers ,
Nous a-t'il retracé la douloureuse histoire !
Plus ses malheurs sont grands , & plus grande est
sa gloire ;
Si depuis qu'un Tyran de mon bonheur jaloux ,
Trancha le fil des jours de mon fidele Epoux ,
Je n'avois pas juré qu'un second Hymenée
Jamais ne me tiendroit à son joug enchaînée
Je crois que succombant une seconde fois ,
L'Amour me forceroit d'obéir à ses Loix.
Je sens que dans mon coeur ce Dieu reprend sa
place ,,
DECEMBRE . 1738. 2579
Et de ses premiers feux j'y reconnois la trace.
Que dis-je ? Ah ! que sous moi la terre ouvre son
sein
Ou que de Jupiter la foudroyante main ,
En me précipitant dans les Lieux les plus sombres
M'unisse pour jamais aux criminelles Ombres ,
Si jusqu'à mon trépas , Pudeur , sacré devoir ,
Tu n'as pas sur mon coeur un suprême pouvoir !
Je dois à mon Epoux immoler une flamme ,
Qui contre mon aveu se glissoit dans mon ame :
Qu'il soit & mon premier & mon dernier amour
Et tout privé qu'il est de la clarté du jour ,
( Je l'ai juré cent fois , je ne puis m'en défendre )
Dans le même tombeau qui renferme sa cendre ,
Je veux que mon amour à jamais renfermé ,
Montre aux siécles futurs combien il fut aimé.
De la voix à ces mots perdant presque l'usage ,
Une source de pleurs arrose son visage :
La Princesse témoin de son mortel souci ,
Prend le moment offert pour lui parler ainsi.
Ma Soeur, unique objet de toute ma tendresse ,
Seule passerez-vous une triste jeunesse ?
Voulez-vous de Venus mépriser les faveurs ,
Et le plaisir si doux d'avoir des successeurs ?
Quoi ! pensez- vous qu'une ombre , ou qu'un reste
de cendre ,
Soitsensible à ces pleurs que je vous vois répandre ?:
L'Afijque
1580 MERCURE DE FRANCE
L'Afrique a vû ses Rois de vos attraits épris ,
Et vous n'avez payé leurs voeux que de mépris .
D'un Amour qui vous plaît combattrez - vous les
charmes ?
Songez plutôt , songez à lui rendre les armes.
Nous avons pour voisins les fiers Gétuliens ,
Les Barces indomptés , les cruels Tyriens ,
Les Numides errans , sans moeurs & sans maximes .
Votre Frere orgueilleux du succès de ses crimes':
Que d'ennemis ! Comment leur résisterez - vous ?'
Suffirez- vous , ma Soeur , vous seule contre tous
Ah ! si vous m'en croyez , acceptez avec joye
Le secours étranger que le Ciel vous envoye ;
Au Prince des Troyens jointe par de beaux noeuds ;
De vos communs Sujets vous comblerez les voeux
Carthage désormais , la maîtresse du Monde ,
Se fera redouter sur la Terre , & sur l'Onde ;
Et bien tôt les Troyens joints aux Carthaginois ,
Forceront l'Univers de fléchir sous vos Loix.
Ne differez donc plus , & par des Sacrifices ,
Rendez vous & Junon , & tous les Dieux propices.
Par de riches présens engagez les Troyens ,
Et pour les arrêter par de pui sans liens ,
Exposez de l'Hyver les funestes ravages ;
Peignez-leur cette Mer si célebre en naufrages ,
Où les débris épars de leurs tristes Vaisseaux ,
Sont encor le jouet & des Vents & des Eaux.
Didon
DECEMBRE. 1738. 258 €
Didon à ce discours sent redoubler sa flamme
Deux contraires partis ne gênent plus son ame ;
Elle court sans pudeur jusqu'aux pieds des Autels ,
Signaler son parjure aux yeux des Immortels .
D'un Amour indiscret aveuglement funeste !
Dans l'espoir de fléchir la colere céleste ,
De Victimes sans nombre elle répand le sang ;
Considere , examine , interroge leurs flancs.
Mais quand l'Amour sur elle exercé sa puissance ;
Que lui sert des Devins la stérile science ?
Les Temples , les Autels , les Victimes , les Voeux }
D'un amour en fureur n'éteignent point les feux.
La Biche cherche en vain son salut dans la fuite,
Et des ardens Chasseurs brave en vain la poursuites
Quand de leurs traits mortels , prompte à se dégager,
Elle trouve en la Plaine un vigilant Berger ,
Qui de loin , mais d'un dard lancé d'une mais
Lui
sûre ,
porte dans le flinc une large blessûre
Elle fuit insensible à ce coup assassin ,
le sein .
Et fuit avec le fer qui lui perce
Tel est le triste sort de cette aveugle Reine
Elle se livre entiere au penchant
qui l'entraîne
;
Tous les Rois ses voisins ont brigué sa faveur ,
Et c'est un Etranger
qui seul touche son coeur.
Dans le dessein qu'elle a d'en faire sa conquête
,
DE
1582 MERCURE DE FRANCE
De riches ornemens elle pare sa tête ;
Et des traits les plus vifs animant ses regards ,
Elle conduit ce Prince autour de ses Ramparts
Lui dit par quel destin sur un bord si sauvage
S'éleve jusqu'au Ciel la superbe Carthage ;
Lui fait voir ses Palais , ses Temples , & ses Ports
Et briller à ses yeux ses immenses trésors .
&
Quoique l'Astre du jour acheve sa carriere ,
Et ne laisse entrevoir qu'un reste de lumiere
Elle s'obstine encore à vouloir lui parler
D'un secret que son coeur devroit dissimuler.
Tantôt dans les combats que son amour lui livre ,
Elle entame un discours , & n'ose le poursuivre
Tantôt elle l'invite à retracer encor
L'Histoire de Priam , d'Andromaque , & d'Hec
tor ;
Si , fidele à ses Loix à regret il rapelle
Des Grecs , & des Troyens la sanglante querelle
Attentive elle écoute , & d'un si long discours
Voudroit que rien ne put interrompre le cours.
Cependant de la nuit tombent les sombres voiles
,
Et l'Aurore naissante effaçant les Etoiles ,
Le sommeil sur Enée épanche ses Pavots ,
Et le force d'aller chercher quelque repos.
Didon , qui ne survit qu'à peine à son absence ;-
Croit , tout absent qu'il est , jouir de sa présence, -
L'aprocher,
DECEMBRE. 1738. 2583
L'aprocher , lui parler & l'entendre à son tour ,
Lui jurer à ses pieds un éternel amour.
D'une si douce erreur à peine détrompée ,
De mille soins nouveaux son ame est occupée ;
Elle court , sans sçavoir où s'adressent ses pas ;
Elle prend quelquefois Ascagne entre ses bras ;
Et tâchant dans le Fils de retrouver le Pere
L'embrasse , & se repaît de sa propre chimere.
Tandis que de l'Amour elle sent tous les traits ,
Mille ouvrages divers demeurent imparfaits ;
Tout Carthage languit , & l'oisive Jeunesse
Livrée aux faux apas d'une indigne mollesse ,
Préfere les Plaisirs à la gloire de Mars ,
Et ne cultive plus les Lettres ni les Arts.
CHANT II.
AUssi-tôt que Junon s'aperçoit que la Reine
S'abandonne , en aveugle , à sa perte certaine ;
Préfere à son devoir de funestes Amours
Elle aborde Venus , & lui tient ce discours.
Cupidon votre fils remporte une Victoire ,
Dont rejaillit sur vous la moitié de la gloire ;
Sur le coeur d'une femme enfin vous l'emportez;
Mais qui peut résister à deux Divinités ?
Je sçais que vous craignez la superbe Carthage ,
Que déja ses Ramparts vous donnent de l'ombrage
De
584 MERCURE DE FRANCE
De vos cruels soucis quel sera le succès ?
Ah ! plutôt concluons une solide Paix ;
Didon brûle , languit , soupire pour Enée ,
Únissons - les tous deux par un prompt Hymenée ;
Leur union rendra deux grands Peuples amis ,
Alliés , confondus , aux mêmes Loix soûmis ;
Pour gage de ce noud , qu'Enée ait cette Ville ,
Et se fasse en Afrique un Empire tranquille .
La mere de l'Amour prévoyant le dessein
Qu'a Junon de changer les ordres du Destin ,
Et que tout l'Univers promis à l'Italie ,
Dépende quelque jour de l'ardente Lybie ,
Répond , grande Déesse , ordonnez ; c'est à moi
A suivre aveuglément votre suprême Loi.
Je doute cependant que ju ordonne ,
Que sous le même Ciel , sous la même Couronne ,
Les Troyens fugitifs & les Carthaginois ,
Puissent être soumis à de communës Loix ;
C'est à vous d'y penser : A quoi Junon réplique ,
Rien ne m'est impossible ; écoutez , je m'explique.
Demain quand le Soleil sortant du sein des Mers
Viendra de ses rayons éclairer l'Univers ,
Didon , qui se promet une belle journée ,
A formé le dessein d'aller avec Enée ,
D'une galante Chasse ordonner les aprêts
De faire enceindre un Bois de toiles & de rêts
Et moi dans ce moment à grands coups de Tonnerre,
Je
DECEMBRE 1738. 2585
Je remuerai le Ciel , ferai trembler la Terre ,
Et de grêle , & de pluye obscurcissant les airs ,
Le jour disparoîtra , fera place aux éclairs ;
Didon & le Troyen , pour éviter l'orage ,
Se mettront à l'abri sous quelque antre sauvage.
C'est - là que sans témoins se formeront les noeuds ,
Dont j'ai déterminé de les unir tous deux.
Venus , en souriant , répond , cette Entreprise
Est grande , & de Junon mérite l'entremise.
L'Aurore à peine sort du vaste sein des Flots ,
Que le son de l'Airain réveille les Echos ,
Qu'à la voix des Piqueurs une meute docile ,
Avec un bruit confus s'éloigne de la Ville ;
Et que sur un terrain & libre & spacieux ,
On assemble des Dards , des Toiles , & des Pieux
La Reine cependant pour la Chasse s'aprête ,
Orne de diamans la tresse de sa tête ;
Elle égale en beauté la Déesse des Bois ,
Et porte en Chasseresse un superbe carquois .
Des Seigneurs de sa Cour sortant environnéee;
Surviennent les Troyens avec leur Chef Enée ;
Elle ne peut assés contempler ce Héros ,
Plus brillant que le Dieu qu'on adore à Délos.
La Chasse enfin arrive au sommet des Montagnes ,
D'où l'oeil découvre au loin de fertiles Campagnes ;
Les Cerfs & les Chevreuils, abandonnent les Monts,
Et courent se cacher dans le creux des Vallons.
Ascagne
1
2586 MERCURE DE FRANCE
Ascagne , qui montoit un Coursier indomptable ,
Les voit comme un objet pour lui trop méprisable
Il cherche un Sanglier , ou quelque affreux Lion ,
Plus propre à signaler sa jeune ambition .
Le Ciel au même instant se couvre d'un
nuage 2
Et de grêle & de pluye envoye un long orage ,
Dont la Terre s'abreuve, & forme des Torrens ,
Qui descendent des Monts , & submergént les
Champs.
Tout fuit ; & sans poursuivre une Chasse inutile ,
Sous differens abris chacun cherche un azile .
La Reine, & le Troyen , dans un Antre desert ,
Loin des yeux des Chasseurs se mettent à couvert.
Junon , du haut du Ciel , tonne , éclate , foudroye,
Et de ces deux Amans prolonge ainsi la joye :
Les Nymphes d'alentour , par leurs gémissemens ,
Déplorent de Didon les noirs égaremens.
Ah ! faut -il qu'à la mort elle se soit offerte !
Ce moment deviendra la cause de sa perte ;
Déja sans sentiment , sans raison ; sans pudeur ,
Un amour effrené s'empare de son coeur ,
Et les feux criminels qu'elle sent pour Enée ,
Se couvrent désormais du saint nom d'Hymenée.
Cet oiseau , dont le vol plus prompt que les Eclairs,
S'éleve jusqu'au Ciel , & traverse les Mers ,
Ce Monstre tout couvert d'yeux ,
langues ,
d'oreilles , de
Qui
DECEMBRE. 1738. 2587
Qui des discours d'autrui compose ses Harangues ;
La Renommée enfin , précipite ses pas
En tous lieux , & surtout à la Cour d'Hyarbas ,
Fait entendre à ce Roy que Didon enchantée
De soucis amoureux est sans cesse agitée ;
Qu'Enée , un Etranger , sauvé du feu des Grecs
Avec elle entretient des commerces secrets ;
Que les Antres , les Bois , & les Lieux les plus
sombres ,
Prêtent à leurs plaisirs l'épaisseur de leurs ombres
Et que , si du Public on en croit les discours
L'Hymen va succeder à leurs tendres amours.
Hyarbas à ces mots , enflâmmé de colere ,
Adresse à Jupiter cette ardente Priere.
Arbitre souverain de la Terre & des Cieux ,
Je vous ai consacré des Temples en tous Lieux ,
J'ai soin de les orner des plus riches guirlandes ,
De charger vos Autels de pieuses offrandes ,
De les entretenir & de feux & d'encens ,
Daignez donc prendre part aux tourmens que je
sens .
Vous sçavez qui je suis ; la Nymphe Garamante
De m'avoir eu de vous , & s'honore , & se vante ;
Elle fut autrefois l'objet de votre amour ;
C'est de vous deux , grand Dieu , que j'ai reçû le
jour ,
at cependant Didon méprise ma naissance ,
2588 MERCURE DE FRANCE
·
Et du grand Jupiter refuse l'alliance ;
Préfere à votre fils , un Prince fugitif,
Plus traître que Pâris , & cent fois plus lascif.
Dans mes propres Etats , sur une aride Plage,
Cette Reine a fondé la superbe Carthage ,
Dont par pure bonté je lui cédai lé fond ,
Et l'ingrate me fait un si sensible affront !
Souvent ces deux Amans , en de sombres retraites
Vont seuls s'entretenir de leurs flammes secretes ;
Elle épouse , dit-on , ce Troyen dès demain ;
Daignez les prévenir , & le Tonnerre en main
Permettez qu'un éclat parti de votre Foudre ,
Réduise dès ce jour ces deux traîtres en poudre.
Il dit : au même instant le Souverain des Dieux
Jette du haut du Ciel un regard curieux ;
e;
Voit Enée & Didon plongés dans la mollesse
Et
pour
des délivrer de leur fatale yvresse ,
Il apelle Mercure , & lui tient ce discours.
Je prétens mettre fin à defolles amours ;
Enée est à Carthage , nage dans lajoye ,
Sans songer que c'est lui qui doit relever Troye
La rendre plus fameuse au Pays des Latins ;
Que l'ordre en est écrit au Livre des Destins.
Allez donc , dites - lui que sa charmante Mere ,
Ne peut le voir brûler d'uneflamme adultere ;
Que par elle sauvé des flammes d'Ilion ,
Il lui doit plus d'égards , moins de rébellion.
,
Que
DECEMBRE. 1738. 2589
Que de lui tout un Peuple indomptable à la Guerre ,
Doit naître , & sous ses Loix ranger toute la Terre ;
Ajoutez que je veux qu'il parte dès ce jour ,
Et que la Gloire doit l'emporter sur l'amour.
Mercure en s'éloignant des voûtes éternelles ;
A ses pieds diligens joint ses brillantes aîles ,
D'un vol précipité fend le vague des Airs ;
Parcourt en un instant & la Terre & les Mers
Le fameux Mont Atlas sur sa route l'arrête ;
Il ne sçauroit assés en admirer le faîte ,
Qui couvert de glaçons touche au séjour des Dieux ,
Et semble soûtenir la Machine des Cieux ;
Il arrive à la fin sur la fameuse Plage ,
Où Didon a fondé les Remparts de Carthage.
Enée officieux en presse les travaux ,
Y fait même ajoûter des ouvrages nouveaux.
Mercure en l'abordant , en ces termes s'explique :
Seigneur , c'est trop longtemps séjourner en Afrique ,
Vos Vaisseaux dans le Port de momens en momens
N'attendent pour partir que vos Commandemens.
Le Souverain du Ciel me députe & m'envoye,
Pour vous dire qu'il vent que vous releviez Troye ;
Que vous la transportiez au Pays des Latins .
Que c'est son ordre exprès , celui des Destins.
Il dit : & vers le Ciel reprend la même route.
Enée épouvanté, tremble , chancele , doute ;
Hélas ! s'il obéit à cet ordre cruel ,
1. Vol.
D C'est
1590 MERCURE DE FRANCE
C'est au coeur de Didon porter le coup mortel ;
Et s'il n'obéit pas , il s'attire, au contraire ,
Du Souverain des Dieux l'implacable colere ,
Se perd lui-même & perd les descendans d'un Fils
A qui par les Destins l'Univers est promis ;
Le parti le plus sûr , & même le plus sage ,
Est celui de l'honneur où la Gloire l'engage .
Il fait donc en secret préparer ses Vaisseaux
A fendre au premier vent la surface des Eaux
Tandis que de sa part
il va voir si la Reine
Se résout d'étouffer l'amour qui les enchaîne.
CHANT III.
La Reine , qui d'Enée attendoit le retour ,
Pressentit le danger que couroit son amour ;
Que ce Prince en secret méditoit sa retraite ;
(Qui pourroit se cacher d'un Amante inquiete ? )
La Renommée encor vole , & vient l'avertir ,
Que la Flotte d'Enée est prête de partir.
Telle qu'une Bacchante , elle écume de rage ,
Et de cris redoublés fait retentir Carthage ;
Enée enfin survient , après mille sanglots,
A ce volage Amant elle adresse ces mots :
Sortir de mes Etats , sans que j'en sois instruite !
Cacher votre départ , ou plutôt votre fuite !
Perfide ! c'est plonger un poignard dans mon sein ;
Ah ! du moins differez ce barbare dessein.
NOKE
DECEMBRE. 1738.
2595
Notre amour , cette foi que vous m'avez donnée ,
La mort même où Didon s'étoit déterminée ,
N'a pu dans votre coeur exciter la pitié ?
Peut- on rompre si-tôt les noeuds de l'amitié
Votre Flotte partoit , & par la Renommée
Je suis de ce projet seulement informée.
Prétendez -vous , malgré les rigueurs de l'hyver ,
Malgré les Aquilons qui regnent sur la Mer ,
Exposer votre vie ? Ah ! souffrez que mes larmes ,
Qu'un Hymen commencé, dont nous goûtons les
charmes ,
Qu'une Epouse éperduë & prête de mourir ,
Vous ôte de l'esprit cette ardeur de courir ?
Troye est réduite en cendre , & la barbare Grece
A sur elle épuisé sa fureur vengeresse.
Ce n'est donc pas à Troye où tendent vos Vaisseaux;
Et vous allez , cruel , à la merci des Flots ,
Chercher loin de ces Lieux , malgré les vents contraires
,
Des Peuples inconnus , des Terres étrangeres.
Me fuyez- vous ? Hélas ! voyez couler mes pleurs !
Voyez combien sur moi s'assemblent de malheurs
Pour vous , de mes Voisins je m'attire la haine ,
Si vous partez , songez que ma perte est certaines
Nomades , Tyriens , vont tous fondre sur moi ,
Pour tout gage de vous , je n'ai que votre foi.
J'ai perdu ma pudeur, j'ai tout fait pour vous plaire,
Dj Et
2592 MERCURE DE FRANCE
Et votre ingratitude en devient le salaire .
Didon , que ses vertus élevoient jusqu'aux Cieux ,
Est, si vous la quittez , en borreur en tous Lieux .
J'ai méprisé l'Hymen du Roy de Gétulie ,
Avec lui contre moi Pigmalion s'allie ;
Ils vont sur mes Etats fondre de toutes parts ,
De Carthage naissante assaillir les Remparts ;
Et moi sans nul secours, seule , foible , craintive ,
En leurs cruelles mains je tomberai captive.
Du moins , si pour calmer ma peine et mes ennuis,
J'avois conçû de vous , ou mis au jour un fils ,
Qui pût vous ressembler de coeur & de courage ,
Je le regarderois comme un précieux gage ,
Que vous m'auriez laissé des noeuds de notre
amour
Il joüeroit quelquefois au milieu de ma Cour ,
Et me consoleroit de l'absence d'Enée ;
Enfin je me croirois bien moins infortunée .
Le Troyen lui répond : moi cacher mon départ !
Reine , je viens ici pour vous en faire part.
Vos bienfaits de si loin ont passé mon atente ,
Que mon ame en sera toujours reconnoissante ;
Si j'en perds un moment le tendre souvenir ,
Puisse le juste Ciel à jamais m'en punir ;
Si le sort permettoit qu'on pût relever Troye ,
Sur l'heure on m'y verroit retourner avec joye į
On verroit les Palais de Priam rétablis
Des
DECEMBRE. 1738. 2593
Des Tombeaux où les miens seroient ensévelis.
Mais les Dieux irrités y mettent des obstacles ;
J'ai même d'Apollon consulté les Oracles ;
Ils disent que suivant l'ordre exprès des Destins ,
Ma demeure est fixée au Pays des Latins ;
Le Souverain du Ciel , Madame , je le jure ,
Vient au travers des airs de m'envoyer Mercure ,
Me dire qu'il m'enjoint de partir dès ce jour ,
Et que la gloire doit l'emporter sur l'amour ;
Je dois donc obéïr & chercher l'Italie ;
L'Amour seul nous a joints ,nul serment ne nõus lie,
Le hazard & les vents m'ont jetté dans vos Ports ,
Vous m'avez , je l'avoue , ouvert tous vos trésors ,
J'en ressens tout le prix mais un juste Hymenée
N'a jamais avec vous uni ma destinée.
Aux Dieux , aux justes Dieux dois - je désobéir ?
Si je leur résistois , ce seroit me trahir ;
Je trahirois mon Fils , qui de Lauriers avide ,
Déja marche à grands pas sur les traces d'Alcide ,
Et dont les descendans, malgré mille revers ,
Se verront quelque jour Maîtres de l'Univers.
L'Ombre d'Anchise encor la nuit me sollicite
D'abandonner aux Dieux le soin de ma conduite ;
J'y souscris , je vous quitte & vous quitte à regret.
Didon qui perd l'espoir de rompre ce projet ,
Demeure quelque temps dans un morne silence
D iij
"
Et
2594 MERCURE DE FRANCE
Et d'un crime si noir médite la vengeance ;
De ses rares bienfaits le triste souvenir ,
Dans son coeur irrité , ne peut se contenir
Et fait par ce discours exhaler sa colere.
- Perfide ! c'en est trop , tu peux te satisfaire ,
Cours , vole au gré des vents , je ne te retiens plus
Non ;tu n'es point issu du sang de Dardanus ;
Tu te dis faussement le Fils d'une Déesse ,
Tu suças en naissant le lait d'une tygresse
Le Caucase en ton sein mit un eoeur de Rocher ,
En vain sous de grands noms tu prétens te cacher.
Mais c'est trop me flater, qu'attendre d'un perfide !
Qui n'a ni l'équité , ni la raison pour guide ;
Hélas ! en m'écoutant a-t'il plaint mes malheurs ?
Et me voyant pleurer , a- t'il versé des pleurs ?
Il n'y faut plus penser , dans le siecle où nous
sommes
La bonne foi n'a plus de lieu parmi les hommes ;
Jupiter & Junon n'aprouveront jamais
De si cruels desseins , de si lâches forfaits.
Envers cet Etranger , Didon quelle est ta faute ?
Ses Vaisseaux par les vents jettés sur cette Côte ,
Prêts à faire naufrage , entrerent dans ce Port ;
Et tu sauvas les Siens d'une prochaine mort.
Tu le vis , il te plut , tu chéris sa personne ,
Jusqu'à lui faire part de ta propre Couronne.
Voilà quel est ton crime , & ce lâche imposteur
Te
DECEMBRE. 1738. 2599
Te cite les discours d'un Oracle trompeur ;
Une Ombre à me quitter , la nuit le sollicite ,
C'est Jupiter , dit-il , qui regle sa conduite ,
Comme si Jupiter , tranquille dans les Cieux ,
Sçavoit ce qui se passe en ces terrestres Lieux .
Va , dis -je , coeur ingrat , va , traverse les Ondes ;
Pour ton fils et pour toi , cherche de nouveaux
Mondes ,
Pendant qu'aux Aquilons tu commets tes destins ,
La mort va terminer ma honte & mes chagrins.
S'il est des Dieux vengeurs , ennemis des grands
crimes ,
Puissent-ils , sous les Éaux , te creuser mille abîmes ;
Plus tu vas t'éloigner , plus après mon trépas ,
Tu trouveras mon Ombre attachée à tes pas.
Par tout je veux te suivre , & comme une Furie ,
Reprocher à ton coeur ta noire barbarie ,
Toi-même tu mourras , & de mes maux soufferte
Je sçaurai me venger jusques dans les Enfers.
rage ,
A ces mots qu'enfantoit le dépit & la
Elle veut , mais en vain , en dire davantage ,
La parole lui manque , Enée est consterné ,
Et ne peut répliquer , tant son coeur est gêné ,
De la voir sur un lit tomber évanouie ,•
Sans qu'on remarque en elle aucun signe de vie.
iiij CHANT
Dij
2596 MERCURE DE FRANCE
CHANT IV.
Quoique le sage Enée, en lui - même à son tour,
Sente mille combats que lui livre l'Amour Y
Qu'il partage en son coeur les chagrins de la Reine,
L'ordre précis du Ciel vers sa Flotte l'entraîne
Lui fait diligemment radouber ses Vaisseaux ,
Et les mettre en état de voguer sur les flots.
Cependant les Troyens abandonnent Carthage ,
Résolus d'entreprendre un pénible voyage ,
Et crainte d'éprouver les rigueurs de la Mer ,
Font des provisions de vivres pour l'hyver ;
Pareils à des Fourmis actives , prévoyantes ,
Qui, craignant au mois d'Août les Saisons incons
tantes ,
Par de petits sentiers traversent les Guérets ร
Et font des magazins des trésors de Cérès ;
Et quand des Aquilons la mortelle froidure
De ses propres beautés dépouille la Nature ,
Que l'hyver les retient comme en captivité ,
Elles vivent des biens acquis pendant l'été.
Malheureuse Didon ! quelle fut ta pensée ,
Quand revenue à toi , tu te vis délaissée ?
Quand tu voyois du haut des Tours de ton Palais
Qu'on faisoit pour te fuir de funestes aprêts ;
Qu'en foule les Troyens s'éloignojent de Carthage;
Mais l'esperance encor releve son courage ,
( Les
DECEMBRE. 1738. 2597
Les coeurs , cruel Amour ! qu'à tes loix tu soûmets,
Dans la mort seulement peuvent trouver la Paix . )
Didon s'obstine encore et veut avoir la gloire ,
Que rien de ce qu'on peut n'échape à sa memoire;
D'Anne sa soeur enfin implorant le secours ,
Aux pleurs qu'elle répand , elle joint ce Discours.
O vous , ma chere soeur vous qui dans mes
traverses ,
>
Partagez avec moi mes fortunes diverses ,
Vous voyez les Troyens assemblés sur ces Bords ,
Leurs Navires sont prêts de sortir de nos Ports ,
Leurs Poupes de Lauriers sont déja couronnées ,
Les Ondes , qui tantôt par les vents mutinées ,
Sembloient leur présager des naufrages tout prêts ;
Tranquilles maintenant secondent leurs souhaits ;
Ils vont partir ; déja lá voile se déploye ,
Je ne pourrai survivre à leur barbare joye ;
Le temps presse , ma soeur, allez donc promptement
Retarder le départ de mon perfide Amant ;
Montrez , en l'abordant un air de Supliante ,
Et lui représentez son Epouse mourante ;
Je sçais qu'il vous écoute & n'a de foi qu'en vous
Vous pouvez rétablir la concorde entre nous.
R
A- t'il vû mes Vaisseaux aux Rives du Scamandre
Se joindre à ceux des Grecs , pour mettre Troye
en cendre ?
Ai-je contre Priam envoyé mes Sujets ,
D v Ou
2598 MERCURE DE FRANCE
Ou des Mânes d'Anchise ai- je troublé la paix
Cependant le cruel me traite en Ennemie ,
Et veut en me quittant me couvrir d'infamie ;
D'où vient qu'il ne veut plus me voir ni m'écouter §
Cet hyver rigoureux ne peut- il l'arrêter ?
Je ne lui parle plus du serment qui nous lie ,
Il peut , quand il voudra , voguer en Italie ;
Mais du moins qu'il differe en une autre saison ,
Quelque délai pourra rassurer ma raison ;
Le temps aux plus grands maux est souvent salutaire
;
Dans cette extremité c'est en vous que j'espere.
Ayez compassion de votre triste soeur ;
Si vous n'obtenez rien de mon fier Opresseur ,
Qu'il s'obstine à partir, bien- tôt une mort prompte
Dans la nuit du Tombeau renfermera ma honte.
Tels étoient les discours de Didon toute en pleurs
La Princesse sensible à ses vives douleurs ,
Court vête sur le Port , y trouve encore Enée ,
Et lui peint de Didon la triste destinée ;
Enée , à ce récit , se montre compatir ,
Mais l'ordre exprès du Ciel le presse de partir.
Tel est sur l'Appennin , ou les Monts Pyrennéés
Un vieux Chêne courbé sous le faix des années ;
La feuille s'en détache & vole au gré des vents ;
Mais son tronc reste entier & brave les Autans' ;
Sa racine descend au centre de la terre ,
Et
DECEMBRE. 1738. 2599
Et stable, il ne craint rien que le Dieu du Tonnerre.
Ausi-tôt que Didon aprend que le Troyen
Est insensible à tout & n'écoute plus rien ,
Et qu'enfin résolu de se séparer d'elle ,
Il brûle de voler où la Gloire l'apelle ;
Elle invoque les Dieux , leur offre des présens ,
De Victimes , de Vins , de Parfums & d'Encens
En charge leurs Autels ; mais , & prodige étrange $
Il ne sort qu'un sang noir de ce confus mêlange.
Du prodige étonnée , elle sçait dans son coeur
Renfermer son secret , & le cache à sa soeur.
Au fond de son Palais un superbe Oratoire
De son premier Epoux consacroit la mémoire;
Elle croit de ce lieu , dans l'ombre de la nuit ,
Ouir sortir la voix de quelqu'un qui gémit.
C'est Sichée irrité , c'est lui - même , dit - elle ,
Qui murmure , se plaint & me nomme infidelle
Par des cris effrayans , au haut de son Palais ,
De la nuit un Hibou troubloit encor la paix.,
Parmi tant de soucis , son amour pour Enée
-Entretient dans son coeur une ardeur effrenée-
Il lui vient dans l'esprit mille songes divers ,
Elle croit le poursuivre au travers dés Déserts
Tel l'Histoire dépeint le profane Pentée ,
Dont l'amé de remords nuit & jour agitée ,
Croit voir devant ses yeux deux Thébes ,
Soleils ,
E vj
deur
2600 MERCURE DE FRANCE
Et dans un même objet deux objets tout pareils..
Elle étoit telle encor , que dans les Tragédies.
On représente Oreste entouré des Furies ,
Et qui croit se baigner dans le malheureux sang
De celle qui jadis le porta dans son flanc.
A tant de maux divers elle ne peut survivre ,
Mais avant qu'à la mort elle- même se livre ,
Elie aborde sa soeur , lui cache son dessein ,
Et sous le faux dehors d'un visage serein ,
Lui dit : ma chere soeur , prenez part à ma joye ,
Voici l'heureux secours que le Ciel nous envoye.
Vers le grand Ocean , au pied du Mont Atlas ,
Qui se couvre en tout temps de nége & de frimats,
Est un Antre qu'habite une Massilienne ,
Prêtresse d'Apollon , grande Magicienne ;
Dans sa sombre demeure elle éleve un Dragon ,
Plus affreux que celui dont triompha Jason ;
Par des enchantemens elle peut , me dit- elle ,
Me venger des mépris d'un Amant infidele ,
Ou me faire oublier le triste souvenir
De l'ingrat qu'en ma Cour je nai pu retenir.
Vous verriez sous ses pas la Terre mugissante ,
La Nature à sa voix flexible , obéissante ;
Les Ormes dispersés sur la cime des Monts ,
D scendre & se venir ranger dans les Vallons ;
Les Fleuves devant elle interrompant leur course ,
S'enfuir , & de frayeur remonter vers leur source.
Je
DECEMBRE. 1738. 2601
Je vous jure , ma soeur, & j'atteste les Dieux ,
Que pour moi la Magie est un Art odieux ;
Cependant, par vos soins, qu'un Bucher se prépare;
Pour brûler le Portrait d'un traître , d'un barbare ,
Le lit même où l'ingrat m'a ravi ma pudeur ;
C'est ainsi que je veux le bannir de mon coeur.
Sa Soeur croit que d'Enée à demi détachée ,
Elle va l'oublier comme elle a fait Sichée ;
Et lui dresse un Bucher de chêne & de sapin ,
Sans sçavoir à quoi doit aboutir son dessein.
La Reine , au seul penser de la mort qui l'étonne,
Pâlit , & de la sorte en son ame raisonne .
A mes premiers Amans ne puis - je avoir recours !
Mais non ; ils se riroient de mes folles amours.
J'ai méprisé l'Hymen du Roy de Gétulie ,
Et ce puissant Monarque au Sang des Dieux s'allie
Ne puis -je des Troyens atteindre les Vaisseaux ?
Et la flamme à la main les suivre sur les Eaux >
Vain projet ! loin de nous ils font force de voiles
Et sont experts dans l'Art d'observer les Etoiles ;
Je pouvois dans Carthage à loisir me venger ,
Brûler tous les Vaisseaux de ce lâche Etranger ;
Je pouvois faire plus , & même en sa présence ,
Sur Ascagne son fils , signaler ma vengeance ;
Et comme les forfaits ont pour lui des apas
Lui faire de ce fils un horrible repas ,
Le mettre mort lui- même , & dans cette Contrée
Retracer
1602 MERCURE DE FRANCE
Retracer les fureurs de Thieste & d'Atrée ;
Puis , parlant à sa soeur , j'ai reçû les Troyens
Poursuit - elle , ma main les a comblés de biens ,
J'ai même associé leur Prince à ma Couronne ;
Et le lâche qu'il est , me quitte , m'abandonne !
Est-ce-là , dites-moi , ce pieux Voyageur ,
Qui devoit d'une Reine être le Protecteur ?
Il a , me disiez -vous , des flammes de Pergame ,
Sauvé ses Dieux, son Pere & son Fils & sa Femme ¿
Il souhaite , ma soeur de s'unir avec vous ,
Lui seul peut dignement remplacer votre Epoux
Ainsi par vos conseils je me trouve abusée ;
Mais les Dieux vengeront ma flamme méprisée.
Elle dit , & cachant jusqu'au bout son dessein ,
Elle prend un poignard , le plonge dans son sein
Monte sur le Bucher , écumante de rage ,
Et fait en expirant ce funeste présage.
Je meurs , sur mon Tombeau que l'on grave ces mots ☀
Puisse Carthage un jour susciter un Héros ,
Quifasse à l'Italie une éternelle guerre !
Ettporte ma vengeance aux deux bouts de la Terre €
Cependant du Bucher , coulant à gros bouillons
Son sang va de la terre inonder les sillons ,
La force l'abandonne , & sa foible paupiere
Se ferme & ne peut plus soûtenir la lumiere.
Par M. de S. Ouen de la Doüespe de Caen.
LETTRE
DECEMBRE. 1738 203
********:********
LETTRE de M. D. L. R. écrite à
M. l'Abbé le Beuf, Chanoine de l'Eglise
d'Auxerre , au sujet d'un nouveau Journal
Litteraire d'Italie.
I
L est vrai , Monsieur , comme nous le
disions dernierement , que depuis la discontinuation
du Journal de Venise , intitulé
Giornale de Letterati d'Italia , &c. suivie de
celle de la Bibliotheque Italique , qui s'imprimoit
à Geneve , nous sommes beaucoup
moins instruits de tout ce qui concerne la
Litterature Italienne , laquelle a toujours fait
beaucoup de figure dans la République des
Lettres . Mais je crois qu'il y aura lieu de
se consoler de ce double inconvénient , si
le Livre dont j'ai à vous entretenir dans cette:
Lettre , & qui vient de me tomber entre
les mains , est continué avec le même soin.
& sur le même pied qu'est composé ce
premier Volume , imprimé à Vérone , sans
nom d'Auteur , sur la fin de l'année derniere
1737.
>
En voici dabord le Titre. OSSERVATIONE
LETTERARIE , che possono servir di conti
nuazione al Giornal de Letterati d'Italia. Sotto
La Protezione del l'Augustiss . Imperadore
Carlo VI. T. I. in Verona м . DCC . XXXVII.
Dalla
2604 MERCURE DE FRANCE
Dalla Stamparia di Jacopo Vallarsi. Con
Licensa de Superiori. I. vol. in 12. de 358.
pages , sans l'Epitre Dédicatoire , la Préface
& la Table. Le Frontispice est orné de la
gravûre d'une belle Médaille , où l'on voit les
Têtes accolées de l'Empereur & de l'Impératrice
, avec cette Inscription . IMP. CAS.
CAR. VI . AUG . CRISTINA . AUGUSTA.
י
Par l'Epitre Dédicatoire , adressée à Sa
M, I. il paroît qu'elle a bien voulu prendre
cer Ouvrage sous sa protection ; l'Auteur
anonyme le déclare dès le commencement.
Une courte Préface expose le Dessein du
nouveau Journaliste ,, qquuii nn''eesstt pas de parler
de tous les Livres qui s'impriment en Italie
, mais seulement de quelques uns des
principaux , en ajoûtant aux Extraits, des Remarques
qui instruisent , & une Critique
mésurée. Ce seroit trop entreprendre que
d'en agir autrement. C'est à cette occasion
qu'il reconnoît , dit il , tous les jours la
vérité de cette expression : On n'a jamais
tant imprimé de Livres , & on n'a jamais
moins lu que dans ce temps-ci. Au reste on se
promet de publier aussi dans cet Ouvrage
les Monumens rares & considérables , ainsi
que plusieurs Dissertations & autres Pieces
sur des Sujets curieux , intéressans , & recherchés.
Notre Anonyme fait entrevoir qu'il sera
fort
DECEMBRE. 1738. 2605
fort sobre de certaines loüanges , à l'égard
sur tout des Auteurs vivans , c'est - à - dire
de ces Eloges indiscrets , peu mérités &
trop en usage dans la République des Lettres
, quand ils ne pourront pas s'accommo
der avec la conscience , l'honneur & la vérité.
On criera , sans doute , mais ce seroit
une bassesse de s'embarrasser du murmure
de ces Ecrivains , le nôtre les compare d'avance
& sans façon , à dos Chiens qui
aboyent contre la Lune. Basseza danimo Šarebbe
il far conto di Cani che abbajano alla
Luna.
C'est à peu près sur ce Plan que le nou
veau Journaliste se propose de donner tous
les quatre mois un volume de son Ouvrasemblable
à celui dont il s'agit ici , &
ge ,
dont je vais vous gendre un compte sommaire.
Il est composé de XIII. Articles d'une
étenduë raisonnable . Le premier est intitulé,
Nuova Edizione dell'Opere di S. Gerolamo ,
ché si fa in Verona. Comme le Journaliste
convient que cette nouvelle Edition des
OEuvres de S. Jérôme est commencée depuis
plus de trois ans , & qu'on en a vû le
Prospectus en France , lequel causa même
quelque surprise , par raport à la belle Edition,
& assés recente, des RR. PP. Benedictins
de S. Germain des Prés , je passe lége
rement
2707 MERCURE DE FRANCE
tement sur cet Article , dans lequel on ne
parle d'ailleurs que du premier volume , des
VII. qui sont sortis jusqu'à présent de la
Presse de Verone. Il doit y en avoir X.
en tout.
CASSIODOR 11 Senatoris Complexiones in
Epistolas , & Acta Apostolorum , & Apocalypsin
, è Vetustissimis Canonicorum Veronensium
membranis nunc primum eruta I. vol.
in 8. Florentia , 1721. C'est le Titre de
l'Article II. Ce Livre n'est pas nouveau
on l'a seulement réimprimé avec quelques
Additions & les éclaircissemens nécessaires.
L'Edition de cet Ouvrage de Cassiodore
est due aux soins & aux Recherches de M. le
Marquis Maffei , qui a aussi eu beaucoup
de part à l'Edition nouvelle de S. Jerôme ,
dont je viens de vous parler. Opem ferentibus
&c. & præcipuè. March. Scipione
Maffeio , comme porte le Titre.
ART. III. RERUM Italicarum Scriptores.
On trouve dans cet Article , l'Histoire , &
une espece de Critique du grand Ouvrage ,
ou plutôt de l'Entreprise immense du célebre
M. Muratori , Bibliothécaire du Sérénissime
Duc de Modene , dont la premiere publication
a été faite à Milan sur la fin de l'année
1723. & heureusement conduite jusqu'au
XXVI. Volume en 1737. Le Journaliste à
fait entrer dans cet Article plusieurs choses
qui
DECEMBRE: 1738. 2607
qui ont un raport direct ou indirect à la Col
fection de M.Muratori.Il y a donc lieu d'être
surpris qu'il n'ait pas particulierement parlé,
à cette occasion , du Recueil estimable de
notre André Duchesne , qui , en publiant
les Ecrivains de notre Histoire , a donné
T'exemple d'une pareille Entreprise aux
autres Nations de l'Europe. Il pouvoit
en même temps aprendre à l'Italie , que Duchesne
a eu des Continuateurs , & l'état présent
de leur travail, qui a pris depuis peu
une nouvelle face . Notre Auteur à la page
111. explique les mots Austria & Neustria ,
quelquefois en usage dans les Ouvrages écrits
en Langue Germanique , par Pays d'Orient
& d'Occident ; mais on est fort trompé , si
ces mêmes termes ne dénotent plutôt les
Régions du Midi & du Nord : Due Nomi
| Geographici di Lingua Germanica si udiron
qualche volta , Austria & Neustria , che vuol
dir Paese Orientale & Occidentale. Tout ce
qui regarde l'Ouvrage de M. Muratori est si
connu des Gens de Lettres , & tant de Journaux
en ont déja parlé , qu'il est inutile de
s'arrêter d'avantage sur cet Article.
L'Article suivant , où le IV . est destiné à
faire connoître un Ouvrage intitulé Supple
menti al Giornale de Letterati d'Italia. Venezia
, in- 12. Les deux premiers petits Volumes
, Tameti , de cet Ouvrage , furent imprimés
608 MERCURE DE FRANCE
la
més l'année 1722. le troisiéme ne parut
qu'en 1726. Sous ce titre de Suplément , on
a recueilli & publié plusieurs Dissertations ,
& plusieurs petites Piéces choisies sur divers
Sujets , auxquelles on n'a pu donner
place dans le Journal de Venise. Notre Auteur
donne cette Compilation à l'Abbé Lioni
Cedenese , qui y a ajoûté des Réfléxions , &
des Eclaircissemens de son propre fonds.
Il n'entre point dans le détail des Piéces qui
composent ; il marque seulement le titre
de celles qui concernent les Mathématiques,
avec le nom de leurs Auteurs. C'est dans
cette Liste qu'on voit la Citation d'une Lettre
inserée dans le Suplément en question ,
& qui doit être curieuse ; il est bon que
tous les Partisans du célebre Newton en
ayent connoissance. Voici là - dessus les paroles
de l'Observateur. Del Sign . Giovanni
Rizzeti Lettera , in cui tratta d'alcune sue
scoperte Diottriche , è del non avere il famoso
Neuton , secundo lui , penetrata del tutto la
Cagion vera del distendimente , cui patisce il
Lumo reffrato , ne tutte le sue affezioni , benche
il Mondo gli abbia per altro in questa materia
cosi grand obligo.
On rend compte dans l'Article V. d'un
Recueil intitulé,Opuscoli scientifici , è filologici
raccolte dal P. Calogera. Venezia , in- 12 .
L'Auteur est un Religieux Camaldule , qui
DECEMBRE 1738. 2609
,
à rempli ce Recucil , dont on a actuellement
XIV . Tomes , de Piéces choisies & variées ,
en plusieurs genres d'érudition , Antiquités
Histoire Litteraire , Histoire particuliere
Médecine , Anatomie , Histoire naturelle
Philosophie , Langues , &c. Presque tout ,
à l'exception de quelques Piéces Latines
est écrit en Italien. Notre Journaliste ne
nous présente ici aucun échantillon de toute
cette Litterature ; il s'arrête seulement, comme
il a déja fait , à donner une petite notion
des Ouvrages , qui dans cette Compilation
apartiennent à l'Etude des Mathématiques.
Il s'étend un peu plus sur une Dissertation
du P. Maffei , Dominicain de Naples , sur
Fusage des Mathématiques dans la Théologie ;
c. contenue dans le second Volume du
Recueil.
Nous omettons l'Article VI. qui n'offre
rien d'interessant pour la belle Litteratu
re. Il contient dans son entier , sous le
nom de Osservazioni Astronomiche , plusieurs
Operations Astronomiques faites à Padouë ,
à Vienne , à Venise , précédées d'un assés
long Discours de notre Auteur , qui apelle
l'Astronomie le Triomphe des Mathemati
ques , &c.
Mais les Antiquaires lui sçauront bon
gré , sans doute , du présent qu'il leur
fait dans le VII. Article de LVI. Inscriptions
Antiques
2610 MERCURE DE FRANCE
و
Antiques , qui y sont exactement raportées
& choisies entre plusieurs autres , qu'on voit
dans le Vestibule de la Bibliotheque Impexiale
à Vienne , ggrraavvééeess sur divers Marbres
& autres Monumens Antiques , qui ont été
aportés avec beaucoup de soin & de dépense
de divers Pays de la Domination de l'Empereur.
En faisant l'Histoire de l'heureuse
découverte , & du transport de ces Monumens
l'Auteur loue avec raison le bon
goût , le sçavoir , & l'amour des Lettres dụ
grand Prince qui a pris soin de les assem-
Bler dans son Palais. Il fait en même temps
mention des Personnes qui ont le plus concouru
à l'execution de ses ordres , ou à illustrer
les Monumens en question , tels que
sont entre-autres , le Marquis Maffei & le
Cavalier Garelli,Premier Médecin , & Biblio
thecaire de S. M. I. sans oublier le Comte
d'Hamilton Général de la Cavalerie , &
Gouverneur du Bannar de Temeswar , qui
a eu tant de part à la découverte de plusieurs
belles Antiquités dans l'étendue de son
Gouvernement. Tous ces Monumens , au
reste , selon notre Observateur , sont dignes
de l'attention des Sçavans , & d'être communiqués
à toute la République des Lettres,
comme très-propres à faire bien connoître la
Religion des Anciens , à éclairer l'Histoire
'Auguste, & à instruire solidement sur l'état
>
des
DECEMBRE , 1738. 2611
des Provinces Romaines
> sur l'ancienne
Géographie , sur la Milice & sur plusieurs
autres Sujets , propres à fournir la matiere
de plusieurs Ouvrages curieux & intéressans.
Après les LVI . Inscriptions , viennent le
Commentaire ou les Remarques de notre
Auteur sur les plus considerables. Les Sçavans
jugeront s'il a toujours été heureux dans,
ses Explications. Voici cependant un petit,
échantillon & des Inscriptions et du Come
mentaire.
J. O. M.
T. AURELIUS
DIOCLES. * B
PROC .
V. S. L.
IMP. AUGUSTIS. COS.
Beneficiarius Procuratoris Votum solvit
libens Imperatoribus Augustis Consulibus :
" Cive l'anno di Cristo 161. essendo Consoli
» Marco Aurelio la terza volta , e lucio verola
seconda . Questa , o simil forma fu
» particulare di quell' anno : Cassiodoro nel
» Cronico : Duo Augusti Consules. Si uso
quell' anno tal formola, perchè fu la prima
volta , che due Imperadori fosser Consoli,
essendo altresi stati questi i primi , cho
» imperassero unitamente. Tune primum Ro
22.
» manum
2612 MERCURE DE FRANNCCEE
manum Imperium duos Augustos habere ca
»pit. Judice Capitolino .
Les deux dernieres de ces Inscriptions
ont chacune une singularité , que l'Auteur
fait remarquer. Dans la 5 venue de Torda
en Transylvanie , tous les A. sont faits comme
le ▲ des Grecs , sans aucun trait qui tra-
Λ
verse ; & la 56. aportée de Caranzebes ,
dans le Bannat de Temeswar,a été composée
en Vers Hexametres : c'est selon toute aparence
une Epitaphe ; le commencement
manque par la fracture de la partie superieure
du Marbre , ce qui rend la suite assés
obscure . En voici la fin.
HANC. SEDEM. LONGO . PLACUIT. SACRARE,
LABORI.
HANC. REQUIEM. FESSOS. TANDEM, QUA,
CONDERET . ARTUS.
ULPIUS. EMERITIS. LONGEVI. MUNERIS
ANNIS.
IPSE . SUO. CURAM. TITULO DEDIT . IPSE
SEPUCHRI.
ARBITER.HOSPITIUM . MEMBRIS. FATOQUE ,
PARAVIT
Dans l'Article VII. l'Auteur rend compte
d'un Ouvrage de Critique , qui concerne
un Monument de l'Antiquité Chrétienne
, dont voici le titre , Dissertatio &
Animad
DECEMBRE. 1738. 2613
Animadversiones ad nuper inventum SEVERA
Martyris Epitaphium. 1. Vol. fol Panormi
M. DCC . XXXIV .
Le P. Lupus , Jésuite , Auteur de cet Ouvrage
, a fait graver le Monument en question
, & s'est heureusement exercé à l'expliquer.
Il décrit d'abord le Lieu où il fut trouvé
dans les Catacombes de Rome , & les
circonstances de cette découverte , qui ne
laissent aucun lieu de douter que ce ne soit
le Tombeau d'un véritable Martyr. L'Inscription
en est singuliere , elle n'est ni gravée
ni sculptée , mais peinte avec une couleur
rouge , qui après tant de siécles , n'est
point encore beaucoup ternie : d'ailleurs elle
eft en Langue Latine,mais écrite en caracteres
Grecs , d'une construction & d'une ortographe
bizares. On prétend qu'il y a des
exemples de ces singularités. L'Inscription
est telle : Cosule Cludio ed Paterno Nonis
Nobenbribus die Beneres Luna XXIIII. Leuces
Phelie Sebere Caresseme posuete ed Ispirito
fancto tuo .. a annuorum ... ed mesoron ....
XI. deuron X. Notre Journaliste ne s'est
pas extrêmement étendu sur ce sujet : il se
dédommagera dans l'Article suivant . Il finit
en assûrant qu'il y a beaucoup à apprendre
dans l'Ouvrage en question , & qu'il mérite
d'être lû de tous ceux qui se plaisent à l'é-
1. Vol. E tude
2614 MERCURE DE FRANCE
tude de la sçavante Antiquité sacrée & prophane.
Le Neuviéme Article du Journal Veronois;
contient une assés longue Dissertation de
M. le Marquis Maffei , sur un Monument
antique d'un très- beau Marbre , lequel se
conserve , non pas dans la Galerie du Louvre
, comme le dit M. Maffei , mais dans la
Salle des Antiques , avec plusieurs autres
Antiquités de tout genre. La Dissertation est
en Italien , adressée à S. E. M. le Cardinal
de Polignac , sous ce titre : LA RELIGION de
Gentili nel morire ricavata da un Basso Rileva
antico che si conserva in Parigi ; ou , CE'RE
MONIES Religieuses , observées par les Payens,
quand ils étoient sur le point de mourir , tirées
d'un Bas - Relief antique qui se conserve à
Paris.
Plusieurs Personnes ont été surprises de
trouver ici cette Dissertation , qui avoit déja
parû , & particulierement à Paris , où M.
Maffei , après un séjour de plus de trois ans
en cette Ville , & étant sur son départ pour
l'Angleterre , la fit imprimer lui- même chés
Osmont en 1736.on peut dire un peu mysterieusement
, car elle ne fut distribuée qu'après
le départ de l'Auteur , qui en fit faire
des Présens par une Personne de confiance.
Immédiatement après le titre , le Journaliste
DECEMBRE. 1738. , 2615
liste rend raison en ces termes de la réimpression
de cette Piéce. Quest' Opuscolo fu
stampato l'anno scorso in Parigi , ma avendone
molti curiosità per la singolarita dell' argomento
, si è stimato bene di riportarlo qui è
tanto più , che ne abbiamo avuto un esemplare
assai accresciuto d'all' Autor medesimo.
Quoiqu'il en soit , cet Avis est suivi d'une
Estampe , gravée d'après le dessein de M.
Natoire , habile Peintre , laquelle représente
le principal des deux Bas - Reliefs qui font
le sujet de la Dissertation. Selon les conjectures
de M. Maffei , il fut aporté de Rome
à Paris sur la fin du Regne de François I.
C'est le devant d'un ancien Tombeau de
Marbre ,.aussi artistement travaillé , que parfaitement
conservé. On en trouve , dit-il
un presque semblable dans l'Admiranda
Romanarum Antiquitatum Vestigia, avec cette
difference , que celui de Paris l'emporte sur
tout autre qu'on pourroit produire , par l'excellence
du cizeau . En effet , ajoûte M. Maffeï
; la Figure aîlée a toutes les graces & la
perfection du Dessein. L'Enfant qui pleure ,
semble être formé sur l'idée du Correge ; la
Dame qui se meurt , celle qui est couverte
d'un voile , en un mot , tous les Personnages
, tant ceux qui sont représentés nuds
que les autres , ont un air & une délicatesse,
que la plupart des Monumens de l'Antiquité
Eij n'ont
2616 MERCURE DE FRANCE
n'ont pas mais ce qui doit rendre celui-ci
infiniment précieux , c'est qu'il met sous
nos yeux les Actes de Religion que les
Payens pratiquoient envers ceux qui étoient
prêts d'expirer ; ce qu'on ne trouve nulle
part.
L'Auteur entre ensuite en matiere , & dit
qu'il ne doute pas que les trois Figures qui
portent sur leur tête une Couronne de Laurier
, & qui sont revétuës d'une Toge , ne
soient des Prêtres, sa raison est qu'il n'y avoit
qu'eux qui pûssent porter la Couronne dans
le deüil . La défense faite aux Prêtres d'assister
aux Funerailles , même d'entrer dans les
Maisons où il y avoit quelqu'un de mort , ne
l'arrête pas ; il prétend que cette défense ne
regardoit que les Prêtres du premier ordre ,
& non ceux d'une classe inferieure , tel qu'il
croit qu'étoient ceux-ci , lesquels n'étoient
dit-il , employés qu'aux fonctions des Religions
particulieres des Familles Romaines,
Il s'étend beaucoup , & peut-être trop ,
pour prouver que de tout temps les Prêtres
ont porté des Couronnes , &c.
Mais que faisoient
ces Prêtres
couronnés
au pied
du lit des Mourans
? C'étoit
, selon
M. Maffei
, pour
les assister
à la mort
, &
pour
marmoter
certaines
Prieres
, adressées
à la Déesse
Nenia
, sous la protection
r
*
* Forse mormoravan Preci alla Dea Nenia , &c.
de
DECEMBRE. 1738. 265
ce
de qui Arnobe dit qu'étoient ceux qui
étoient prêts d'expirer. Il trouve plus de difficulté
à expliquer l'EXTRAVAGANCE , Ce
sont ses termes , Figure représentée à l'autre
bout du Bas- Relief, où deux Hommes son .
nent , l'un du Cor , & l'autre de la Trompette.
Car les Anciens , non contens de se
servir de la Musique , pour guérir les maladies
, mettoient aussi en oeuvre le son de
l'airain pour rompre les Charmes , mettre
en fuite les malins Esprits répandus dans
l'air , chasser les Lemures , & rendre vains
tous les secrets de la Magic . Et c'est , selon
lui , la véritable raison pour quoi on voit
sur le Bas- Relief , un pot , duquel sortent
des flammes qui s'élevent , &c . ce qui pou
voit servir à quelque operation de Médecine
, ou de Religion , par exemple , à faire
des Fumigations , & c. Joseph nous aprend
qu'il y avoit dans la Judée une Herbe nommée
Baaras , qui guérissoit les obsessions
des Démons. L'Auteur finit ses Remarques
sur ce Bas-Relief , en disant que le jeune
Homme ailé qu'on y voit , représente un
Génie, qui marque par le Flambeau renversé
qu'il tient des deux mains , que la Personne
agonisante étoit dans le bel âge, & que le Regne
de l'Amour s'attriste & se trouble de sa
mort. Dans d'autres Antiques , ajoûte M.
Maffeï , on voit deux Figures semblables ,
E iij aux
2618 MERCURE DE FRANCE
aux deux côtés , lesquelles , je crois , représenter
le Sommeil & la Mort. Chés les
Hébreux , les Rabins font mention des
Anges de Mort.
On se souvient que lorsque cette Dissertation
parut à Paris pour la premiere fois ,
bien des Gens éclairés ne purent s'empêcher
de juger que M. Maffeï donnoit un peu
trop d'étendue à ses idées , & que selon ces
mêmes idées , les Payens avoient des Prêtres
d'un second ordre , lesquels administroient
une onction derniere , & faisoient , pour
ainsi dire , la recommandation de l'Ame . Le
Rituel Mythologique ne nous est pas assés
connu , pour autoriser ces manieres de penser
& de s'exprimer.
M. Maffei a aussi décrit dans le même
Ouvrage , mais en très - peu de mots , un aut:
e Marbre conservé pareillement au Louvre,
dessiné & gravé comme le précédent. Voici
à peu près ce qu'il en dit. On voit à la tête
des Personnages qui sont ici sculptés , un
Satyre qui joue du Tympanon : c'étoit un
Instrument , dont on tiroit du son en frapant
dessus avec la main , comme on fait encore
en quelques Endroits de l'Italie , principalement
à la Campagne , où les Filles qui en
joüent , l'apellent Cymbale. On ne sçauroit
dire si la Figure qui suit , tient un Vase , ou
un Instrument semblable à celui que les
Italiens
DECEMBRE . 1938. 2619
Italiens apellent Mandolino . Un Faune joue
de la Flûte longue , qui devroit , dit l'Auteur
, être double , quoique la Pierre qui est
cassée en cet endroit, ne présente de la Flûte
droite que l'extrémité , qui se replie en haut,
& forme un angle. Surquoi on peut faire
d'autres refléxions. La Figure qui a sous
les pieds un Scabilla , est curieuse , les Grecs
apelloient cet Instrumient υποπόδιον comme
on l'aprend d'un Glossaire ; il ressemble
à un Soufflet ; il étoit attaché au pied. Les
anciens Auteurs apelloient Crepitus , le son
qu'il rendoit quand il étoit pressé. Ce Bas-
Relieffait voir clairement l'usage qu'on fajsoit
de cet Instrument , & comme on dansoit
en même temps , en battant des mains
au -dessus de la tête .
En comparant , au reste , cette Description
avec le Marbre que M. Maffei a fait graver ,
on voir que l'Auteur ne fait aucune mention
d'une Femme, qui n'a pour se couvrir que des
voiles, qui flotent au gré du vent. Son attitude,
ce qu'elle tient dans une de ses mains, &
la position des autres Figures , font voir clairement
que le tout ensemble renferme quelque
Point de la Mythologie , ou de l'Histoire
Ancienne. M. Maffei ne dit rien non
plus de deux Corbeilles , placées , l'une , aux
pieds de la Femme , l'autre , aux pieds du
Satyre, lesquelles doivent, sans doute, signi-
E iiij
fier
2620 MERCURE DE FRANCE
fier quelque chose dans cette composition.
Il y a aussi d'autres omissions sur plusieurs
Figures & Ornemens qui se trouvent
dans le premier Marbre ; ensorte , M. qu'il
paroît fort incertain que notre Sçavant Auteur
ait trouvé le vrai mot de l'Enigme . Peutêtre
auroit-il été plus convenable & plus sûr
de ne point se hâter , & de ne pas prévenir
l'explication que MM. de l'Académie des Belles
- Lettres se proposoient de donner de ces
Bas - Reliefs , lorsque celle de M. le M.Maffeï
parut . Cela leur apartenoi: en toute façon.
En attendant ce que le Public a droit
de se promettre des lumieres supérieures de
ces Mrs , j'aprens qu'un Bénédictin de Saint
Germain des Prés , fait actuellement imprimer
chés Lambert , ruë S. Jacques , à la Sagesse
, un Ouvrage intitulé , Antiques choisies
& inconnues , qui renferment ce qu'ily a
de plus intime dans la Religion des Egyptiens ,
Perses , Lydiens , Crecs , Romains , Gaulois
&c. L'Auteur de cet Ouvrage ne s'accommode
pas des idées de M. Maffei , touchant
les Bas- Reliefs en question , & il critique
aussi plusieurs Endroits de son Livre inti
tulé , Antiquitates quædam selecta , &c. Enfin
, le Sçavant Bénédictin s'éleve en particulier
sur l'Edition nouvelle des Ouvrages
de S. Jerôme , faite à Verone , Patrie de
M. Maffei , laquelle il soûtient être en géné
ral
DECEMBRE. 1738. 2627
ral bien au - dessous de celle de Paris , donnée
par Dom Martianay , prétendant aussi
que l'Editeur Veronois se mêle de corriger
ce qu'il n'entend pas , & c.
La Suite de cette Lettre , ou de l'Extrait du
Journal Italien , paroîtra dans le Mercure
prochain.
EPIT RE.
AV R. P. Dom Urbain Plancher , Auteur
de l'Histoire de Bourgogne.
Sage. Ecrivain , qui parmi les Sçavans ,
Sans contredit , tiens un des premiers rangs ;
Tu t'es couvert d'une immortelle gloire ,
De la Bourgogne entreprenant l'Histoire.
A dire vrai , sans être secondé ,
Sans nul secours , par toi même guidé ,
Dans des sentiers où l'on ne voyoit goute ,
Tu sçus d'abord te frayer une route.
Que de travaux s'offroient à tes regards !
Il te falloit chercher de toutes parts
Des Monumens , des titres légitimes ,
Des temps obscurs pénetrer les abîmes ,
Chercher le vrai dans des faits contestés
Le démêler de mille faussetés ,
E v Eclaircit
2622 MERCURE DE FRANCE
Eclaircir tout , enfin mettre en pratique
Toutes les Loix d'une exacte Critique .
Du moins encor , dans ce pénible emploi ,
Si quelque Auteur , écrivant avant toi ,
Eût quelque peu démêlé ces matieres ;
Mais rien du tout ; par tes propres lumieres ,
Par ton courage & par mille travaux
Il t'a fallu débrouiller ce cahos ,
•
Et découvrir , après cent tentatives ,
Le vrai , caché dans d'obscures Archives.
Enfin l'Ouvrage , au Public étonné ,
Grace à tes soins , sera bien - tôt donné.
Un gros Volume est déja sous la presse .
Le Sçavant veut que l'Imprimeur se preffe ,
De tous côtés on attend , on souscrit ;
Mais ces voeux-là flatent peu ton esprit;
Car ce n'est point par une vaine gloire ,
Que tu produis cette sçavante Histoire ;
Peu soucieux de passer pour Auteur ,
Tu fuis l'éclat de cé titre flateur ;
Plus que content pour prix de ton étude
D'être affûré , que dans ta solitude
Tu sçus du temps faire un heureux emploi.
La modestie est d'accord avec toi ;
Tu suis les pas des Auteurs les plus sages &
Ils ne sont point avides de suffrages ,
Ils parlent peu de leurs propres Ecrits ,
.
Et
DECEMBRE 1738 2623
1738..
Et sont les seuls qui n'en soient pas épris.
Mais dans le vrai , j'ai pourtant peine à croire ,
Que les Sçavans qui liront ton Histoire ,
Ne poussent pas ta modestie à bout.
Ils publieront ton Eloge par tout ;
C'est , dans le fonds , à quoi tu dois t'attendre,
Eh ! le moyen qu'ils puissent s'en défendre ,
En se voyant tout- à-coup éclairés ,
Şur mille faits si long-temps ignorés ,
Qui sans tes soins ( & , la chose est très-sûre ‚)
Seroient restés dans une nuit obscure !
Se tairont - ils , en voyant sous leurs yeux,
Ces vrais trésors , ces morceaux précieux ,
Ces Monumens , ces preuves autentiques ,
Apuis du vrai , désespoir des Critiques ,
Voyant enfin ces gracieux récits ,
Ce style pur , noble , élégant , concis
Ces traits si fins , cette Critique sûre ,
Ce goût du vrai , cette rare droiture ?
Tu peux compter , humble & modeste Auteur
Sur un encens agréable & fateur.
D. C. C.
On a du expliquer l'Enigme & les Logogryphes
du Mercure de Novembre par la
Note de Musique , Poulette , Espiegle & Can-
E vi dela
2624 MERCURE DE FRANCE
dela. On trouve dans le second Logogry
phe , Eglice , Seigle , Elegie , Elisée , Elise ,
Pelée , Gelée , Piége , Siege , Liege , Sigée
Epée , Egée , Gile , Pise , Elie , Isle , Pelé,
Epi , Pié , Pie , Lis , Lie , Sel ; & dans le
Logogryphe Latin se trouve , Dea , Dea , Lac
& Lana.
ENIGMAE.
Nous sommes cinq , dont je suis la premiere
Notre usage est sans fin ,
Deux de mes soeurs président au destin
L'autre à la mort , & la derniere
Renferme dans son sein la vertu toute entiere ;
Pour moi j'ai plus des caprices divers ,
Comme au Sacré , l'on m'admet au profane,
Et sans être dans l'Univers ,
I
Je me trouve toujours à la tête d'un Ane ;
Je suis aussi dins l'eau , sans être né Poisson ;
Je suis dans le Nuage , & jamais daus la Nuë ;
Je suis toujours à l'air , toujours dans la maison,
Et l'on se garde bien de me mettre à la ruë ;
pour te dire encor , quelque chose de pis
Lecteur , ( ce sont des choses incroyables ]
Sans être dans l'Enfer , je suis à tous les Diables ;
Sans être dans le Ciel , je suis en Paradis.
Mais
Par P. Fabre
DECEMBRE. 1738. 2625
Q
********.
LOGOGRYPHE.
Uatre Lettres , pas davantage ,
Vous défignent ce que je suis ,
Lecteur , faites- en bon usage .
Vous verrez ce que je produits ;
Un des sept Tons de la Mufique ;
L'attente de la gent chymique ;
Ce qui fait le plaisir d'un Chien ;
Voilà tout ; m'entendrez-vous bien ?
Par J. B. Ollivier, de Marseille..
J
AUTRE.
E suis Oiseau , mais peu connu
Mille , parmi ceux qui m'ont vu ,
De ma simple maison admirant la structure ,
Ont reconnu la main d'un Etre tout puiſſant „,
Enchantés de sa Créature.
Quel pouvoir , en effet , je m'acquis en naiſſant ?
Un fougueux Elément sous moi devient tranquille,,
Et des vents furieux je suspens le courroux .
Tout me porte respect ; la Campagne fertile
Ne produit rien pour moi ; sur Terre je crains tous,
Homme & Bête féroce , ainsi que le reptile ;
Je fais naître ces jours si beaux & si vantés .
Quatre
1626 MERCURE DE FRANCE
Quatre pieds de mes six , soigneusement ôtés ,
Je deviens animal fier , brutal , indocile ;
Deux pieds de moins , Argus en me gardant , périt
Un troisiéme de plus , j'étois , à ce qu'on dit ,
Une Princesse malheureuse ,
Qui mourut d'une mort affreuse ;
En reprenant mon tout , aussi le combinant
Peut-être en sera- t'on content !
Roseau , Légume , Ville , Instrument d'Arpentage
Femme de l'ancien temps ; en faut- il davantage ?
Je suis encor Fruit d'Arbrisseau ;
Graine à semer , Guide du Juge ;
Ton , Fleuve qui n'est pas nouveau ;
Homme enfin , odieux , fratricide & transfuge.
J
J. B. A. Benoist , de Meaux.
>
AUTR E.
E suis plus en usage
A la Cour , qu'au Village
L'interêt souvent me produit ,
La vanité toujours m'adore ,
Maintes fois le vice me nuit ,
Et l'Envie en tout temps m'abhorre
Otez cinq & placez mes membres avec choix ,
Vous verrez l'épithete ordinaire aux François ;
Coupez les trois premiers , je deviens impalpable
Esprit
DECEMBRE. 1738. 2627
Esprit pur , immortel , invisible , immuable ;
Le second membre ôté , sans trop de changement
Je suis , dans les besoins un utile instrument ;
Deux & trois retranchés , sans changer de figure ,
Je deviens des Humains la premiere véture ;
Avec un , trois , cinq, sept , je parcours l'Univers
Trois, deux , un, quatre, cinq, je vole dans les Airs ;
Quatre, trois, un, cinq , sept , ma tête peu touffuë
Perce , & bien -tôt s'éleve au - dessus de la nuë.
Cherchez en mon entier , n'en diminuez rien ,
Deux figures qu'employe un Mathématicien ,
Un mal que chacun fuit , est encor mon partage ,
Mais aussi j'ai sur moi de quoi le bien traiter ;
Si par bazard , Lecteur , il vient te visiter ,
Muni d'un tel secours , à l'employer sois sage.
AUTRE
On chef est un Rocher ; un instrument de
chaffe ;
MOR
Le Métal le plus rare & le plus précieux ;
Ma queue avec ma tête, à moins qu'on ne l'enchasse,
Ne dit rien , mais joignez les deux ,
Alors nous devenons un patient modele
Une Ile auprès de la Rochelle ,.
Un cri de joye , un Souverain ,
Un saint Evêque à Tours après le grand Martin ,
Un Fleuve séparant l'Europe de l'Asie ,
Une
28 MERCURE DE FRANCE
Une Ville de Picardie ,
Unvaisseau fort chéri par tout fameux buveur
En France le Pays où croît le vin du Diable ,
Une Nymphe changée en Vache dans la Fable ,
Un son de voix aigu , qu'on pousse avec vigueur ,
Un Evêché Grison , un Oyseau domestique ;
Une des Notes de Musique ;
Un péché capital, P'Entonnoir d'un Oyseau ;
Le plus friand morceau d'un Veau ;
L'ouvrage de l'Abeille , en plus d'un cas utile ;
Mais je ne suis au fond qu'une petite Ville ,
Où des fiers Espagnols jadis les Etendarts
Braverent la valeur des bons Bourgeois Picards.
AUTR E.
M On nom s'aplique à bien plus d'une chose
Et l'on me trouve en plusieurs lieux.
Voici le fin de ma métamorphose ,
Tantôt je suis dans la Troupe des Dieux ,
Tantôt chés l'Imprimeur , tantôt chés le Droguiste;
Un Astronome encor me suit comme à la piste,
Dans le vaste contour des Cieux ;
'Arrêtons , tu me tiens , envelopons- nous mieur;
Sur ma tête veux - tu confier ta fortune
Je te trouverois insensé ,
Car rien n'est plus mal assûré ,
Qui sçauroit la calmer pourroit fixer la Lune ;
Avec
DECEMBRE. 1738. 2629
Avec elle jamais on n'est en sûreté ;
Suivons , quand on devroit me taxer de Critique ,
Ma queue affés souvent est la vocation
De plus d'un Ecclesiastique ,
Pour la sainte Ordination ;
Mais faisons ma diffection.
D'abord du sang de deux Victimes ,
Vois naître un fruit vermeil, doux , agréable & sain,
L'Amour les immola, moins pour punir leurs crimes,
Que pour faire éclater son pouvoir souverain
Plus , la prison de la Cuisine ;
Le seul but de la Médecine :
Je te présente aussi Mur , Mere , Crême , Ecu ,
Ce qui donna naiffance à Déeffe Cyprine ;
Ce
;
que toute fille est quand son coeur est rendu ;
Item , le nom d'une Sybille ,
Et ce qui lasse dans la Ville.
Adieu , j'en ai trop dit pour n'être pas connu.
Par le Sr Desmesnils , de Bernay.
LOGOGRYPHUS.
Humani , Lector , me dico corpoxis unam
Partem , aut si placeat , reptile , deligito.
Me, quocunque modo sumas , mihi membrafigurans
Octo pedes , versi qui tibi ludus erunt.
Arbor communis : qued amat mulier : liquor albus :
ISTA
1636 MERCURE DE FRANCE
Israël unus Rex ; lentaque limphafluens :
Pars hominis posita in medio ; dein planta salubris
Luminibus : quodfert bestia barbifera :
Militia veteris leve cornu : ligna domorum
Quod servats mixtum calceamenta fovens &
Foemina cum torvis oculis ; vir & inclitus : Esca
Quod sape in manibus filia quaque tenet :
Unum Elementorum : Christi qui Discipulorum
Nobis scripta suâ prodidit acta manu :
Anni Tempestas : crus , sura , & cura : Puella
Gratus sermo hac sunt omnia nota tibi.
Par Duchemin , Musicien à Angers.
NOUVELLES LITTERAIRES
HT
DES BEAUX ARTS.
,
ISTOIRE ROMAINE , depuis la Fondation
de Rome jusqu'à la Bataille
d'Actium , c'est-à- dire , jusqu'à la fin de la
République
, par M. Rollin , Ancien Recteur
de l'Université de Paris , Professeur
d'Eloquence au College Royal , & Associé
à l'Académie Royale des Inscriptions , &
Belles - Lettres . Tome I. chés la veuve Etienne,
rue du Plâtre , en entrant par la ruë Saint
Jacques , dans une Porte Cochere , à la
Vertu , 1738. in- 1 z. DE
DECEMBRE. 1738. 2631
DE LA NATURE DU FEU & de sa Propagation
, Discours présenté à l'Académie Royale
des Sciences , pour le Prix de l'année 1738 .
par M. Grandin , Bachelier en Théologie de
`la Faculté de Paris , & Professeur de Philosophie
au College Royal de Navarre . A Paris
, chés Charles Osmont , ruë S. Jacques ,
à l'Olivier. Brochure in-4. de 20. pages.
TRAITE'S DES RECOMPENSES & des Peines
éternelles , tirés des Liyres Saints , par
M. l'Abbé le Pelletier , Chanoine de l'Eglise
de Rheims. A Paris , chés Huart , ruë Saint
Jacques , près la Fontaine de S. Severin , à
la Justice , & chés Ganean , vis -à- vis Saint
Yves , à S. Louis , vol. in- 12 . de 396. pages.
COURS DE CHIRURGIE , dicté aux Ecoles
de Médecine de Paris , par M. Elic Col de
Villars , Docteur en Médecine de la Faculté
de Paris , ancien Professeur de Chirurgie ,
en Langue Françoise , deux volumes in- 12.
Le premier Tome , contenant les Principes
& le Traité des Tumeurs , de 462. pages.
Le second , contenant la suite des Tumeurs,
de 376. pages. A Paris , chés J. B. Coignard,
Imprimeur du Roy , & Antoine Boudet
Libraire , 1738 .
LA VIE du R. Pere Joseph de Leonissa ¿
Capucin ,
2632 MERCURE DE FRANCE
Capucin , Missionaire Apostolique , tirée
des Annales de Boverius , de divers Auteurs
Italiens , & des Actes de sa Béatification.
Par le Pere Daniel , de Paris , Capucin ,
Lecteur en Théologie , Prédicateur Missionaire
. A Paris , chés Pierre Witte , ruë Saint
Jacques , 1738. vol. in- 12 .
DE L'IMPOSSIBILITE' & de la Possibilité de
vivre long-temps sans boire ni manger , à l'occasion
d'une Fille de Frutingen , au Canton
de Berne,laquelle a fait accroire qu'elle avoit
vécu de cette maniere un temps considerable.
Dissertation de M. Jean-Jacques Ritter,
de Berne en Suisse ; pour entrer en Licence,
& mériter les Honneurs & les Privileges
attachés au Doctorat de Médecine , le 4.
Octobre 1738. A Basle , chés Henri Decker,
Imprimeur de l'Université. Brochure in-4
de 30. pages. L'Ouvrage est en Latin.
LA MEDECINE NATURELLE , vûë dans la
Pathologie vivante , dans l'usage des Calmans
, & des differentes Saignées , des veines
& des arteres , rouges & blanches ,
spontanées ou artificielles , & dans les subs
tituées par les Sangsuës , les Scarifications &
les Ventouses. Par M. Hecquet , Ancien
Doyen de la Faculté de Médecine. A Paris,
chés Cavelier , xuë S. Jacques , 1738. deux
VO.
DECEMBRE. 1738. 2633
vol. le premier de 574. pages , le second
de 714.
DE effracta Lagenula : Phaleuci . Brochure
in - 12. chés Thiboust.
On auroit pu sans témérité attribuer cette
Lamentation Poëtique , composée d'une
centaine de Vers Phaleuques , assés bien
frapés , à quelque Bourguignon , ou à quelque
Champenois ; si l'Auteur , désigné par
ces Lettres qui sont à la fin , A. G. D. Lugdunaus
, ne se déclaroit Lyonnois . Les Connoisseurs
, ainsi que les Amateurs du fruit
de ces heureuses Provinces , liront la petite
Piéce avec plaisir. On ne pourroit pas mieux
faire, s'il s'agissoit de regretter la fracture &
la perte d'une Bouteille du précieux Vin de
l'Isle de Tenedos , Isle encore plus fameuse
par son Vignoble , que par la Note de Virgile
, Tenedos notissima fama , &c. Suposons
du moins , en faveur de notre Poëte , que la
Bouteille dont il pleure la perte , étoit remplie
du meilleur Vin de son voisinage , où il
s'en trouve d'excellent ; c'est ce qu'il insinuë
par ces Vers .
Qua donec licuit videre Solem ,
Gestabat gremio rubentiori
Dulcem , purpureum
aureum liquorem ,
Quam cunctis Arabum Sinensium - ve
Mallem divitiis & Indiarum , &c.
"
ME
2634 MERCURE DE FRANCE
MEMOIRES de Frederic Henry , Prince
Orange , qui contiennent ses Expéditions
Militaires depuis 1621. jusqu'à l'année 1646.
trouvés dans le Cabinet de Mad. Henriette
Catherine de Nassau , la troisième de ses
Filles , & Mere de S. A. S. le Prince d'Anhalt-
Dessau , Weldt- Maréchal des Armées
de S. M. Prussienne , enrichis du Portrait
du Prince , & de Figures dessinées & gravées
par Bernard Picart. A Amsterdam, chés
Pierre Humbert , 1733. grand in-4°. de 362,
pages , sans la Table & la Préface .
CHOIX de Poësies Morales & Chrétiennes
depuis Malherbejusqu'aux Poëtes de nosjours,
dédié à M. le Duc d'Orleans , Premier Prince
du Sang. T. I. Brochure in - 12 . de 32. pages.
A Paris , chés Prault Pere & Fils , 1739 .
C'est ici le commencement d'un Recueil ;
qui promet au Public un Amusement autant
utile , qu'agréable. Tout le monde aplau
dira sans doute à la Dédicace en Vers , & à
la maniere délicate dont elle est tournée. On
trouve ensuite une Préface , dont il ne faut
pas négliger la lecture. Ce Recueil contiendra
plusieurs Piéces qui n'avoient pas encore
vû le jour. On assûre enfin qu'on n'a rien
négligé pour lui donner une forme digne
de son double titre , & qu'il a déja eu le
bonheur de plaire au vertueux Prince qui a
bien
DECEMBRE. 1738. 2635
I
bien voulu l'agréer en Manuscrit. C'est un
heureux augure pour le sort de ce Livre.
Ce Recueil fair avec choix , & à la portée
de tout le monde , doit généralement plaire
& aux Personnes pieuses & aux Amateurs de
la belle Poësie. Malherbe y tient le premier
rang : voici de sa façon , la Paraphrase du
Pseaume 145. Vanité des esperances mondaines.
Dieu seul mérite d'être aimé. Grandeur
aparente des Rois , anéantie après leur mort.
N'esperons plus , mon ame , aux promesses du
monde ;
Sa lumiere est un verre , & sa faveur une onde ,
Que toujours quelque vent empêche de calmer ;
Quittons ces vanités , lassons- nous de les suivre ;
C'est Dieu qui nous fait vivre ;
C'est Dieu qu'il faut aimer.
En vain pour satisfaire à nos lâches envies ,
Nous passons près des Rois tout le temps de nos
vies ,
A souffrir des mépris , à plier les genoux :
Ce qu'ils peuvent n'est rien , ils sont ce que nous
sommes >
Véritablement hommes ,
Et meurent comme nous.
Ont - ils rendu l'esprit , ce n'est plus que poussiere ;
Que cette Majesté si pompeuse & si fiere ,
Dont
7
2636 MERCURE DE FRANCE
Dont l'éclat orgueilleux étonnoit l'Univers
Et dans ces grands Tombeaux , où leurs ombres
hautaines
Font encore les vaines ,
Ils sont mangés des vers.
Là se perdent ces noms de Maîtres de la Terre ;
D'Arbitres de la Paix, de Foudres de la Guerre ,
Comme ils n'ont plus de Sceptre , ils n'ont plus de
Flateurs ,
Et tombent avec eux d'une chûte commune ,
Tous ceux que leur fortune
Fit leurs Adorateurs.
DISCOURS EVANGELIQUES sur differentes
Vérités de la Religion , & d'autant plus utiles
dans chaque Etat , que les Sujets & les Desseins
en sont plus particuliers , & plus rarement
traités. Leurs Textes sont pris ordinairement
des Evangiles de l'AVENT & du Caresme .
Par le P. L. R. D. S. D. Tome IV. 1. vol. in-
12. de 177. pages . A Paris , chés Martin ,
Witte , Gandouin , & Huart. 1738.
Nous avons fait connoître le mérite &
l'utilité de ces Pieux Discours , en rendant
compte au Public des trois Volumes qui ont
précédé celui - ci , et qui se trouvent chés les
mêmes Libraires. Cela nous dispense d'entrer
ici dans un autre détail , que d'indiquer
seuleDECEMBRE.
1738. 2637
seulement les Sujets traités dans ce nouveau
Volume.
I. Discours sur l'acquisition & l'emploi des
talens , par les démarches de S. Joseph.
II. Sur les Prétextes du Pécheur , pour differer
sa conversion.
III. Sur ce qui doit regler le respect qu'exige
de nous le Lien Saint.
IV. Sur l'union avec JESUS - CHRIST , par
l'exemple de Sainte Rose .
NEWTONIANISMO per le Dame , overo
Dialoghi sopra la Luce e i colori . A Naples,
1737. in- 4°. de 300. pages.
LE GRAND TRICTRAC , ou Methodefacile
pour aprendre sans Maître la marche , les termes
, les regles , & une grande partie des finesses
de ce feu , enrichie de 270. Planches , avec
Les décisions des cas particuliers. in- 8 ° . de 320 .
pages , sans la Préface , l'Epitre , & la Table
alphabetique. Prix , 36. sols en feuille.
La qualité de ce Livre ne permettant pas
d'en faire un Extrait , par raport aux Planches
qui sont partout liées avec la matiere ,
on se contentera de donner une idée de l'or
dre qu'on y a gardé . La méthode en est aussi
simple que naturelle . L'Auteur , persuadé
que les principes de ce Jeu s'oublient aisément
, a cherché à leur donner de la liaison,
1.Vol. pour
F
2638 MERCURE DE FRANCE
pour soulager & l'imagination & la mémoire.
Il introduit deux Personnes qui jouent une
Partie de Trictrac , ils jettent les Dez tour
à tour , chacun après avoir amené tel ou tel
point , marque ce qui lui revient , & joüe
ses dames comme il lui plaît. Tout est expliqué
dans le Livre , & on voit à côté de
cette explication , qui est plus ou moins
étendue , suivant l'exigence des cas , une
Planche particuliere pour chaque coup en
particulier , qui retrace aux yeux du Lecteur
ce qu'il vient de lire sur ce sujet.
que &
C'est dans le cours de cette premiere Partie
la marche se dévelope peu à peu ,
que les hazards les plus communs du Trictrac
viennent se placer comme d'eux- mêmes
les uns après les autres , & forment comme
autant d'Epoques dans l'esprit du Lecteur ,
dont il lui est facile de se souvenir.
» Cette façon de mener , pour ainsi dire ,
le Lecteur par la main , ( c'est l'Auteur qui
»parle , page 241 ) soulage , comme on l'a
"dit , son imagination , & fortifie sa mé-
" moire. Il ne s'aperçoit presque pas qu'il
» lit , et croit regarder jouer deux Joueurs
» complaisans , qui lui expliquent avec soin
" tout ce qui peut l'embarasser , et qui font
» même à dessein des fautes grossieres , pour
» s'accommoder à sa portée.
L'AuDECEMBRE.
1738. 2639
L'Auteur descend dans un grand détail ,
dès qu'il est question d'expliquer quelque
regle. Il commence par donner la définition
, et répond ensuite par de courtes
Observations à tous les doutes qui peuvent
arrêter les Commençans. On s'en
convaincra mieux par le Livre même > que
par tout ce qu'on pourroit en dire ici tous
les differens termes , au reste , qui sont en
grand nombre dans ce Jeu , sont mis au milieu
de la page en Caracteres Italiques , pour
être plutôt aperçûs.
Après cette Partie , il en vient une seconde
plus longue que la premiere , accompagnée
d'un plus grand nombre de réflexions .
Les coups se suivent comme dans la précédente
; on y trouve des fautes à dessein
telles que peuvent en faire des Aprentifs , et
on a soin de les relever d'une maniere à les
rendre profitables.
Cette autre Partie est destinée à l'explication
des hazards particuliers , qui n'ont
pu trouver place dans la premiere , et à donner
un exemple complet du Jan-de- retour
jusqu'à l'entiere sortie des Dames , exemple
d'autant plus nécessaire , dit l'Auteur , qu'il
est plus rare dans la pratique.
On trouve dans ces deux Parties , qui contiennent
240 pages , et 212. Figures , tout
ce qui est nécessaire aux Commençans,pour
Fij
s'e2640
MERCURE DE FRANCE
s'exercer entre eux , ou avec des Personnes
plus avancées. Car quoiqu'un homme puisse
par la seule lecture , acquérir la connoissance
de ce Jeu dans le Livre dont nous parlons
, il est indispensable pour lui de s'exercer
avec quelqu'un , s'il veut avoir la facilité
de la pratique. Il pourroit sçavoir tout le
Livre par coeur , qu'il ne seroit pas en état
de se défendre contre un médiocre Joueur
s'il n'avoit jamais mis la main à l'oeuvre.
Les Regles du Trictrac sont en grand
nombre ; et parce qu'il seroit souvent difficile
à celui qui en auroit oublié quelqu'une ,
de la retrouver dans la suite de ces deux Parties
, l'Auteur , pour prévenir cet inconve
nient , a recueilli toutes les difficultés qui
peuvent occasionner des disputes entre les
Joueurs. Pour cela , il a rangé tous les cas
possibles sous cinq differentes classes , qui
sont , les Loix du Coin , les Loix du Plein , les
Loix du Retour , celles de la Sortie , et celles
de la Fausse- Cakes ces Recueils sont faciles
à trouver par le moyen de la Table alphabétique.
Après ces deux Parties , qui ne sont , à
proprement parler , que pour les Commençans
, on trouve un troisiéme Tour de Trictrac
, dont les coups ne sont pas suivis , mais
dont chacun est accompagné des réflexions
les plus convenables , pour se perfectionner
dans
DECEMBRE. 1738. 2641
dans ce Jeu , et pour mettre à profit tout ce
qui peut donner quelque avantage sur l'adversaire.
On trouve enfin des Avis généraux
très -interessans , qui , devenus familiers
par la Pratique, ne peuvent manquer de
former un bon Joueur.
Tout le monde sçait que le Trictrac est un
Jeu mêlé d'esprit et de hazard ; ces deux choses
semblent d'abord se contredire , et il ne
paroît guere possible d'établir quelque chose
de certain sur des Evenemens qui dependent
du hazard ; cependant, quand on veut chercher
la raison pourquoi entre deux Joueurs
d'inégale force,les coups de Dez sont plus souvent
favorables à celui qui eftle plus habile,on
est forcé de conclure , selon notre Auteur ,
qu'il faut que cela dépende de la connoissance
qu'il a que certains coups doivent
communément arriver plus souvent , que
certains autres , et que , guidé par cette connoissance
dans l'arrangement de ses Dames ,
il force , pour ainsi dire , le hazard à lui être
favorable.
On trouvera la preuve de ce qu'on vient
de dire , dans les Remarques sur les differentes
combinaisons. Il s'en rencontre 36 .
en deux Dez , qui sont représentées dans
deux Planches de suite , et on en tire un
grand nombre de conséquences très - simples
mais judicieuses. On ne peut
Fiij
dis2642
MERCURE DE FRANCE
disconvenir , qu'un Joueur qui voudra s'attacher
à l'étude de ces combinaisons , et marcher
sur la voye qu'on lui trace , n'acquiere
un avantage infini sur celui qui n'en aura
point de connoissance .
›
Pour ne rien négliger , et pour mériter la
confiance du Public , dans les décisions des
cas qui peuvent naître parmi les Joueurs
l'Auteur termine son Ouvrage par une Récapitulation
générale des Ecoles , dont il distingue
dix-sept especes. Il marque pour chacune
en particulier , la façon dont elle se
fait , le temps auquel elle est censée faite , et
le temps accordé à l'adversaire pour pouvoir
la marquer. Il ajoûte qu'il n'a rien décidé ,
surquoi il n'ait consulté les plus habiles
Joueurs.
On peut ajoûter que c'est ici le Traité le
plus complet qui ait encore parâ sur cette
matiere. Il est fort étendu , méthodique et
bien détaillé . Il y a aparence qu'il sera goûté
du Public . Les jeunes Gens surtout , trouveront
un double avantage dans sa lecture :
ils aprendront un Jeu qu'on peut apeller
le Jeu des honnêtes Gens , et ils auront
sans y penser
une facilité à étudier les Figures
, laquelle pourra leur servir dans la
suite pour quelque chose de plus relevé.
A l'égard de ceux qui sçavent déja le Jeu ,
s'ils n'y trouvent rien d'absolûment nouveau
pour
DECEMBRE 1738. 2643
pour eux ,
ils y trouveront du moins pour
la plûpart , la Théorie et la raison de bien
des choses , qu'ils ne faisoient que par pratique
, et, ne fût- ce que pour mettre fin à des
disputes souvent opiniâtres , chaque Joueur
doit se faire un plaisir d'avoir ce Livre à sa
disposition .
On le trouvera à Paris , chés la veuve
Pissot , au bout du Pont-Neuf , et chés de
Heuqueville , fils , Quai des Augustins ; à
Toulouse . chés Forest ; à Bordeaux, chés Labotiere
; à Montpellier ; chés Faure ; à Nîmes,
chés les Freres Gaudé ; à Lyon , chés Plagnard
et Rigolet ; à Aix , chés David et Paquet ; à
Marseille , chés Sibié , et les Freres Coulomb ;
à Toulon , chés Mallard ; à Avignon , chés
Girard ; et à Carpentras , chés Quenin.
NOUVEAUX AMUSEMENS du Coeur
& de l'Esprit. Huitième Brochure. in- 12 .
d'environ iso. pages. Le prix est de vingtquatre
sols , chés Bienvenu , Quai des Augustins.
1738.
Nous avons déja parlé de cet Ouvrage ,
que le Public continuë de recevoir favora
blement , ainsi nous nous bornerons à faire
connoître cette nouvelle Brochure par quelques
Morceaux de Poësie.
Fiiij SON2644
MERCURE DE FRANCE
SONNET d'un Amant à sa Maîtresse
convalescente.
g
Amarante , à la fin nous avons l'avantage
Vous avez triomphé des horreurs du trépas ;
La Parque sur vos jours ne l'emportera pas ',
Et le Ciel sauve en vous son plus parfait ouvrage.
Au milieu des langueurs de votre beau visage ,
La Mort même sembloit avoir quelques apas ;
Et vos yeux presque éteints dans ces rudes combats,
En excitant nos pleurs , attiroient notre hommage.
Ces Astres vont briller avec plus de clarté
Vos charmes renaîtront avec votre santé
Que deviendra mon coeur ,
2
adorable Amarante ?
La fin de votre mal n'est pas celle du mien ,
Je me meurs de douleur quand je vous vois mourante,
Et je me meurs d'amour quand vous vous portez
bien.
MADRIGAL sur le Portrait de Madame
DU HALLAY,peint par M. de Largilliere.
En vain par quelques traits aux vôtres reffemblans ,
On croiroit , DU HALLAY , votre image finie ;
Aux vertus d'Artemise , aux graces de Lesbie
Qui joindroit de Sapho l'esprit & les talens ,
N'auroit encor de vous qu'une foible copie .
λ
Autre
DECEMBRE. 1738. 2645
Autre Madrigal de M. d'Arnaud.
LE PEINTRE TIMIDE.
En vérité , belle Isabeau ,
Vouloir que sous mes traits moi-même je me peigne,
Ce projet me paroît nouveau.
Il n'est rien qu'un Peintre ne craigne ,
Lorsqu'il n'a pas ta main pour guider son pinceau.
On trouve ensuite une Idylle de M. CHEVAYE
adressée à M. TITON DU TILLET ,
sur la préference entre les Poëtes anciens &
les Poëtes modernes . Voici les Vers de la fin.
>
TITON , qui sur ton Parnasse
As si bien reglé les rangs
De tant d'esprits differens ,
Dont la Poëtique audace
A signalé les Talens ;
Juge , si ma main novice
A crayonner des Portraits ,
Dépeint assés bien les traits
De ceux qu'un hardi caprice
M'a fait prendre pour objets
Si je puis , par cet Ouvrage ,
Gagner ton docte suffrage ,
Je suis assés honoré ;
Et c'est l'unique avantage
Où ma Muse ait aspiré
Fy Parmi
2646 MERCURE DE FRANCE
Parmi la Poësie , on trouve quelques Piéces
en Prose , entr'autres , un quatrième
Entretien sur la Géométrie naturelle , & dans
le genre des trois premiers , où regne un
esprit de discernement & de méthode
qui cherche la vérité , &c·
Cette huitiéme Brochure acheve le second
Tome des Nouveaux Amusemens , & c. dont
le Prix est de 3. liv. douze sols , & on promet
d'avertir le Public quand il y aura de
nouvelles Suites.
Barrois , fils, a fait imprimer & débite avec fuccès
une petite Brochure , fous le Titre , Lettre Amiable
d'un Napolitain , à M. l'Abbé Lenglet du Fresnoy ,
par laquelle il eft prié de corriger quelques endroits
de fa Géographie, touchant le Royaume de Naples;
de 104 pages , fans l'Avertiffement & la Table . Le
Libraire demeure Quai des Augustins.
On vend chés Montalant , Libraire à Paris , le
Newtonianisme pour les Dames , ou Entretiens sur
la Lumere , sur les Couleurs & sur l'Attraction ; traduits
de l'italien de M. Algarotti. Par M. Duperron
de Castera. Ce Livre eft extrêmement recherché
tant à cause du mérite de l'Auteur Original , que
de celui du Traducteur , ain 12. deux volumes.
Le 6. de ce mois , le R. P. Porée , l'un des Profeffeurs
de Réthorique du College de LOUIS LE
GRAND, y prononça un Difcours Latin très -éloquent
, dont la Sujet étoit : . Combien il est important
en matiere de Science , de ne croire ni trop ni trop peu..
L'Affemblée étoit compofée des Cardinaux de Polignac
DECEMBRE. 1738. 2647
lignac & d'Auvergne , de plufieurs Archevêques &
Evêques , & d'un grand nombre de Perfonnes de
diftinction . Nous donnerons un Extrait de ce Discours
inceffamment.
ASSEMBLEE publique de l'Académie
Royale des Sciences , du 12. Novembre
dernier.
M & les couleurs,qui commence par une courte
du Fay, lut un Memoire fur la Lumiere
Expofition du Systême de M. Newton , & des deux
premiers Principes fur lefquels il eft fondé. Ces.
deux Principes , font que la Lumiere eft composée
de l'affemblage des rayons de differences Couleurs
& que ces rayons font differemment refrangibles ,
lorfqu'ils paffent d'un milieu dans un autre de plus .
grande , ou de moindre densité ; cette partie du
Systême de M. Newton ; paroît à M. du Fay , foutenue
par un si grand nombre de preuves , & des
Expériences fr décifives , qu'il la regarde comme
une vérité inconteſtable.
Il n'en eft pas de même du nombre & de l'efpece
de Couleurs qui entrent dans la compoſition de la
Lumiere , M. Newton juge qu'il y en a de fept especes
, & M. de Fay croit qu'on peut les réduire à
trois ; il ne se donne cependant pas pour l'Auteur
de cette opinion , qui a déja été avancée par plufleurs
Phyficiens , mais comme ils ne l'ont pas fourenue
des preuves néceflaires , & qu'elle n'a , pour
ainfi-dire , été que propofée, il l'éxamine dans tou
tes ces circonstances , & annonce un Ouvrage affés
étendu fur ce fujet , dont ce Memoire n'est qu'um
Extrait.
M. du Fay affûre que toutes les Experiences
raportées,
tant dans le Traité d'Optique de M. New
E vj
tony
2648 MERCURE DDEE FFRRAANNCE
ton, que dans fes Leçons Latines , peuvent auffi - bien
être expliquées par le moyen de trois Couleurs que
par fept , ce qui forme déja un préjugé en faveur
de fon opinion ; il ajoûte qu'il y a dans M. Newton
même des Expériences qui la favorisent beaucoup
plus que celles des fept Couleurs . Enfin il en raporte
d'autres qu'il trouve très - difficiles à expliquer dans
le Syftême des fept Couleurs , & qui s'expliquent
facilement & naturellement en n'en admettant que
trois , une partie de ces Expériences font de M. Mariotte
, dont le but étoit de prouver qu'il n'y avoit
que quatre Couleurs primitives ; M. du Fay fait voir
que ces quatre Couleurs fe réduifent à trois , parce
que M. Mariotte en fait deux du bleu foncé & du
bleu clair , qui ne font cependant que deux nuances
de la même Couleur , quoique l'une tire fur le violet
, & que l'on n'en aperçoive point dans l'autre.
prouve cette vérité par des exemples tirés de la
Teinture , & par des Experiences faites avec les
Couleurs primatiques . M, du Fay conclut donc
qu'il pourroit n'y avoir que trois Couleurs primitives
; sçavoir le bleu ,le jaune & le rouge , au lieu
des fept de M. Newton qui font le violet , l'indigo
, le bleu celeste le vert , le jaune , l'orangé &
le
rouge , il fait voir que quoique dans l'image du
Soleil , formée par un prisme de verre , on trouve
les fept Couleurs , cela ne fait pas une objection
contre fon opinion ; il peut n'y en avoir réellement
que trois , parce que le violet , l'indigo & le bleu
céleste, ne sont que trois nuances de la même Couleur
; que le vert eft produit par le mêlange du bleu
avec le jaune , qui eft au deffous , & qu'enfin l'orangé
eft pareillement formé par l'anticipation du
jaune fur le rouge.
Il
La formation de ces Couleurs eft parfaitement
expliquée dans M. Mariotte, qui fe fert de plufieurs
belles
DECEMBRE. 1738. 2649
belles Expériences pour la prouver , & M du Fay
la confirme par d'autres nouvelles , & encore plus
décifives ; il parle ensuite de ce qui a pu engager
M.Newton à supofer fept Couleurs primitives ; mais
comme cet examen dépend d'une difcuffion Géométrique
, un peu étendue , il la réſerve pour l'Ouvrage
qu'il annonce comme fini , & qu'il doit lise
inceffamment à l'Académie ; il dit feulement en
peu de mots , que cela vient de l'étendue du difque
du Soleil , dont il faut faire l'aplication à chaque
image particuliere du Soleil , qui compofe le Spectre
, & par conféquent à chacune des Couleurs primitives
en particulier. Nous n'entrerons pas dans
un plus grand détail , & nous finirons par les Refléxions
que fait M du Fay, fur la conformité de cette
opinion avec ce qui fe pratique journellement dans
la Teinture & dans la Peinture.
Les Teinturiers ne reconnoiffent que cinq Coufeurs
primitives parmi lefquelles ils mettent le noir
& le fauve ; mais on fçat que le noir n'eft pas une
Couleur , & M. du Fay fait voir qu'elle n'est que
l'affemblage des trois Couleurs primitives dans une
certaine proportion . A l'égard du fauve , ce n'eft
qu'une nuance du jaune , mêlée d'un peu de rouge ;
& les Feinturiers n'en font une Couleur primitive
que parce que c'eſt un genre de travail different de
tous les autres .
La Peinture ne reconnoît pareillement que trois
Couleurs,& les Tableaux du Sr le Blon, dont M. du
Fay cite l'exemple, prouvent qu'avec ces trois feules
Couleurs on peut produire toutes les nuances imaginables.
M. du Fay ajoûte cette Reflexion , que ces trois
Couleurs font les feules qui ne puiffent être compofées
par le mêlange d'aucunes autres , au lieu que
Le vert & l'orangé , que M. Newton met au nombre
2650 MERCURE DE FRANCE
bre des Couleurs primitives , le font , chacune par
le mêlange de deux autres , ce qui est encore un
grand préjugé en faveur des trois qui font fimples.
par leur nature , & ne peuvent jamais être produites
par aucun mêlange des autres.
Il résulte de cette hypothefe que le raport que
M. Newton avoit obfervé entre les Couleurs & les
fons , n'eft pas tel qu'il le penfoit. On pourroit dire
qu'il fubfifte entre les trois Couleurs primitives &
les trois Tons fondamentaux de la Mufique , mais,
pour pouvoir s'en affûrer , il faudroit avoir bien
exactement les dimenfions de chacune de ces Couleurs
, avant qu'il fe fût fait aucun mêlange & aucun
croifement de l'une fur l'autre , ce qui eft
extrêmement difficile , & quand même on y parviendroit
, il y auroit toujours très-peu de fonds à
faire fur un raport qui ne feroit établi que fur un
auffi petit nombre de termes, ainfi M. du Eay abandonne
entierement cette queftion à ceux qui vou
dront prendre la peine de l'examiner.
PETITE Fête donnée à Paris le 4
Décembre 1738 .
D
E toutes les façons dont on peut fe fervir pour
exciter l'émulation des Enfans , les plus fimples
font fouvent les moins ufitées ; ce font cependant
celles qui communément font le plus d'effet.
M. *** , persuadé de cette vérité , & ne voulant
rien négliger pour donner une éducation diftinguée
à une Fille unique , de grande efpérance ,
réfolut de donner à cette aimable Enfant une
Fête , qui , en fufpendant pour un jour fes petites:
Occupations , pût en même-temps tourner à fon
profit ; il affembla donc chés lui une trentaine d'Enfans
de l'âge de Mlle fa Fille , ou environ ; , la Fêtecommença:
DECEMBRE . 1738. 2651
commença par un petit Bal , plus gai que régulier ;.
on présenta enfuite une colation aufli galante que
magnifique , & enfin on fit paffer la Compagnie
dans une Salle , où on avoit dreffé un Théatre
pour donner à cette Jeunesse le Spectacle des Marionettes.
Une Piece compofée par le Maître de la
maifon fit le Sujet d'une longue converſation entre
Polichinelle & toute la petite Troupe, pour laquelle
on l'avoit fait venir ; comme on l'avoit prévenu fur
les malices ou les petits défauts de ces Enfans , il
avoit foin de les leur reprocher tour- à- tour ; l'une
étoit une parefleufe , l'autre un poltron , ſujet à
avoir peur des moindres chofes , une autre ne fçavoit
pas écrire , enfin aucun n'étoit à fon gré. Ces
Enfans prirent la choſe fuivant leurs diférens carac
teres , l'une pleura , l'autre ſoutint à Polichinelle
qu'il étoit mal informé , un troifiéme mit l'épée à
la main contre lui ; enfin cette Fête finit , à l'ordinaire
, par des danſes & une excufe férieufe de Powlichinelle
à la Compagnie , fur sa trop grande fincerité
; ils lui pardonnerent tous & s'en retournerent
très-contens & fans doute diſpoſés à fe corriger.
On ne doute pas qu'un pareil exemple ne foit
fuivi , & que l'on n'en reconnoiffe l'utilité .
ACQUISITIONde Médailles antiques¸
par voye d'Echange. Extrait d'une Lettre
de M. Lerouge , Avocat du Roy de l'a
Monnoye , écrite de Troyes le 19. Novem
bre 1738..
A
Yant reconnu de quelle utilité font les Médail
les pour l'intelligence de l'Hiftoire ancienne ,.
j'ai conservé celles que le hazard m'a fait tomber
entre les mains , & quoique ce fut d'abord fans au
cun deffein formé d'en faire uue Etude particuliere,
J'ai
2652 MERCURE DE FRANCE
j'ai regardé depuis cette aplication , comme l'un des
plus utiles amuſemens qu'un honnête homme puisse
choifir . Entierement livré à la recherche de ces
précieux Monumens ,je suis enfin parvenu à me faire
un Médailler , auquel je devrois me borner , fi je ne
fentois mes défirs croître , à proportion que je vois
mes richeffes augmenter .
Tous les Sçavans ayant droit fur les découvertes
les uns des autres , je m'adreffe à vous , M. pour
établir , s'il eft poffible , entre les Curieux de Médailles
& moi , un commerce , dont j'efpere que
nous retirerons des avantages mutuels . Jufqu'ici
une jufte défiance de mes lumieres , m'a fait tenir
dans l'obfcurité des Découvertes , qui font le jufte
fruit de mes Travaux; peut-être le hazard a - t'il
fait tomber entre mes mains des Morceaux rares &
importans. Cette confideration , jointe à ce que je
me trouve un bon nombre de Médailles doubles ,
quoique toutes affés rares , m'a fait prendre le parti
de propofer aux Curieux à qui elles pourront iman
quer, de les leur céder pour d'autres qui me manquent
à moi même ; j'en ai auffi plufieurs uniques ,
des plus eftimées, en tout genre , Impériales , Confulaires
, Grecques , &c . & des Médaillons des plus
rares & des plus parfaits ; je me ferois un plaifir de
m'en détacher pour affortir des Curieux dont la Suite
peut être interrompue par le manque d'une feule
Médaille ; no9 conventions ne feront pas difficiles
à faire , des que de part & d'autre nous aporterons
à ce Commerce le défintereffement ordinaire aux
honnêtes gens , parmi lefquels une politeffe en attire
une autre , &c .
Ce n'est , même que par cette circulation qu'on
peut devenir , selon M. Spon , habile dans la Science
des Médailles , il est presque impoffible de le devenir
autrement. Cet habile homme ne désavouë point
ce
DECEMBRE . 1738. 2653
ce Commerce , dont , dit- il , les honnêtes gens nefont
point difficulté de se mêler , de même qu'un Gentil
homme ne fait pas de scrupule de vendre ou troquer
un Cheval.
J'ai cru que votre Journal étoit la voye la plus
fure , pour établir la correfpondance que je demande
, & j'ai tout lieu d'efperer que vous ferez ufage
de ma Lettre, étant question d'obliger le Public, & c.
M. le Rouge nous permettra de lui demander, au
nom des Curieux qui le trouveront dans le cas des
Echanges qu'il propose , de
nous envoyer un Etat
des Médailles & Médaillons antiques qui font doubles
dans fon Cabinet , ou dont il est bien aiſe de
fe défaire , en marquant exactement toutes choſes ,
&c. car ces mêmes Curieux , qui verront fa Lettre
imprimée dans le Mercure , ne manqueront pas de
faire cette demande , & c'eft abreger le temps &
accelerer l'execution du Projet , que de les prévenir.
Si M. le Rouge a des Médailles Modernes &
des Monnoyes anciennes doubles , ou dont il veuille
ſe défaire , il pourra les ajoûter à l'Etat qu'on prend
la liberté de lui demander.
La Suite des Portraits des Grands Hommes et
des Personnes Illustres dans les Arts & dans les
Sciences , continue de paroître avec succès , chés
Odieuvre, Marchand d'Estampes , Quai de l'Ecole ;
il vient de metre en vente , & toujours de la mê
me grandeur :
FREDERIC GUILLAUME , ROY DE PRUSSE "'
né à Berlin le 4. Août 1688. peint par Ant. Pesne ,
& gravé par G. F. Schmidt.
HERMAN BOERHAAVE , Profeffeur en
Médecine à Leyde , de l'Académie Royale des
Sciences , & de la Societé Royale de Londres , mort
à Leyde le 24 Septembre 1738. âgé de 70. ans ,
deffiné par J. Mandelaor , & gravépar N. Dupuis..
2654 MERCURE DE FRANCE
**
REMERCIMENT de M. Coquard,
Avocat au Parlement de Dijon , sur le
présent que M. Titon du Tillet lui a fair
de son Portrait.
Dleux Leux ! par quelle heureuſe avanture ,
Vient- on d'orner mon Cabinet
D'une Estampe d'après Nature ?
L'Art semble avoir gravé le plus charmant objet ;
Quel est donc le Mortel dont je vois la Figure
Ne seroit-ce pas DU TILLET !
Oui , je n'en doute paint, c'est du Tillet lui - même,
C'est lui , dont les généreux soins
Des Sçavans malheureux qu'il aime ,
Adoucissent tous les besoins ,
A son air généreux , à sa candeur extrême
A sa noble & douce fierté ,
A son port, plein de majesté ,
Eh qui pourroit le méconnoître !
Je le vois apuyé sur ce Livre fameux ,
Où l'ardeur de son zele à sçû faire renaître
Cent amis des neuf Soeurs, dont l'Histoire peut-être
N'eût pas été sans lui transmise à nos Neveux.
Ici s'offre un autre Volume ,
Où Cléio conduisant sa plume ,
A décrit les honneurs , les pompeux Monumens ,
Que
DECEMBRE . 1738. 2659
Que , durant plus de mille lustres ,
La gloire a consacrés à des Sçavans illustres.
Là , sont les divers Instrumens
Que , pour exercer son génie ,
reçut des mains d'Uranie ,
Et les Airs qu'Erato , (4 ) qui préside à ses Jeux ,
Lui nota pour former la plus tendre harmonie ;
Heureux , cher DU TILLET , & mille fois heureux
Celui qui peut sans cesse & te voir & t'entendre !
Mais puisque le Destin , de mon bonheur jaloux ,
M'interdit en ces lieux l'espoir d'un bien si doux ,
Puisqu'à cette faveur je ne dois plus m'atendre ,
Du moins , grace au Burin du célebre Petit , (b)
Mes yeux verront toujours les traits de ton visage
Dans mon coeur encor mieux conservera l'image
Et je sçaurai mettre à profit
Les traits ingénieux que ton fertile Esprit
A répandû dans ton Quvrage ;
Trop content , si , sensible à tes bontés pour
moi
Mon zele en ta faveur prêt à tout entreprendre ,
Un jour dans mes Ecrits peut dignement te rendre
L'honneur que j'ai reçû de toi !
(a ) M. Delargilliere apeint M Titon du Tillet avec
les Livres , les Instrumens & autres atributs marqués
dans ces Vers , pour faire connoître son génie &son
sçavoir.
(b) M. Petit l'a gravé d'après le Tableau de M..
Delargilliere.
On
1
2656 MERCURE DE FRANCE
On aprend d'Allemagne , que l'Académie Aulique
de Peinture , de Sculpture & d'Architecture
établie à Vienne fous la protection de l'Empereur ,
distribua le 11. du mois dernier , les Prix qu'elle a
coûtume, de donner tous les ans ; ceux de Peinture
ont été adjgés , le premier au Sieur Michel- Ange
Unterberger , Bavarois , & le fecond , au S. Antoine
Rosier , de Presbourg ; & les Srs Ignace Wurschbaur,
& Charles Groff , l'un de Breflau , l'autre de Gratz,
ont remporté les Prix de Sculpture'. M. Van Schuppent
, Membre de l'Académie Royale de Peinture
& Sculpture de Paris , est Directeur de cette Aca¬
démie. 1
On écrit de Naples , de la fin du mois dernier
que le defir de vérifier le raport d'un Curieux , qui
avoit affûré il y a quelque temps , qu'il étoit entré
dans les cavités du Mont Vésuve , ont déterminé
le Marquis de Castellar , Premier Ecuyer du Roy ;
Je Comte de Bruhl , Chambélan du Roy de Pologhe
, Electeur de Saxe , & quelques autres Personnes
de distinction , à viſiter l'intérieur de cette Montagne
, & que ces Seigneurs étant descendus par
l'ouverture du sommet , laquelle , selon eux , a environ
240. pas de circonférence , ils font parvenus
à un terrain ferme & uni , dont l'étenduë peut être
de trois arpers , & d'où il ne sort que très -peu de
fumée .
Comme depuis l'éruption de l'année paffée , le
Mont Véfuve n'a jetté ni feu ni cendre , on ne doute
point que plufieurs Sçavans , enhardis par l'exemple
du Marquis de Caftellar , & de ceux qui
Pont accompagné , ne profitent de cette occafion ,
pour pénetrer dans ce Volcan le plus avant qu'ils
pourront , & pour en examiner les fingularités.
Le
DECEMBRE. 1738. 2657
Le fieur Marc-Antoine Eidous , ci- devant Ingé
nieur des Camps & Armées du Roy d'Espagne
donne avis au Public , qu'il ſe diſpoſe à lui faire part
des connoiffances qu'il a acquiles dans les Mathématiques
, le Génie , le Deffein , &c. et d'y former
en très - peu de temps les Perfonnes qui voudront
bien Phonorer de leur confiance. Sa demeure , qui
a, ci- devant , été à la ruë Géoffroi- Lafnier, Quartier
S. Antoine , eft à préfent rue S. Benoit , près l'Abbaye
S. Germain des Prés , à l'Hôtel Dauphin , pour
la commodité de ceux qui voudront agréer fes
fervices.
$
On avertit le Public , que le véritable Suc de Regliffe
& de Guimauve blanc , fi éftimé pour toutes
les maladies du Poulmon , inflammations , enrouëmens
, toux , rhumes , afthme , pulmonie , pituite ,
continue à fe débiter depuis plus de trente ans , de
l'aveu & aprobation de M. le Premier Médecin du
Roy , chés la Dlle Desmoulins , qui eft la feule qui
on a le Secret de défunte Mlle Guy.
On peut s'en fervir en tout temps , le tranſporter
partout , & le garder fi long- temps que l'on veut ,
fans jamais fe gater , ni rien perdre de fa qualité.
La Dlle Desmoulins demeure ruë Guénegaud ,
Fauxbourg S. Germain , du côté de la ruë Mazarine ,
chés M. Guillaume , Marchand de Vin vis-a - vis
P'Hôtel d'Abbeville . Son Tableau eft au - deflus de la
porte.
AIR
2658 MERCURE DE FRANCE
AIR.
UN jour Iris dit à l'Amour ,
Faisons un troc , Dieu de Cythere ;
Mille Bergers me font la Cour ;
Je les crois tous dignes de plaire ;
Mais hélas ! par un choix fatal ;
Je ne puis aimer que Silvandre.
Rends son amour au mien égal ,
Fais que pour moi fidele & tendre ,
Il brûle des mêmes ardeurs :
Je te rends tous les autres coeurs.
SPECTACLES.
E 5. de ce mois , l'Académie Royale
de Musique remit au Théatre l'Opera
d'Atys, qu'on avoit donné au mois de Janvier
de l'année précedente ; le Sr Jeliot y chante le
premier Rôle, qu'il n'avoit jamais rempli, &
il y est fort aplaudi par de nombreuses Assemblées.
Le Rôle de Sangaride est joué avec
beaucoup d'art & d'intelligence par la Dlle
Pelissier.
Le
ARY
ASTOR, LENOX AND
TILDEN FOUNDATIONS.
2
ARY
ASTOR
LENOX
AND
TILDEN
FOUNDATIONS
”
DECEMBRE . 2659 1738.
Le premier de ce mois , les Comédiens
François remirent au Théatre la Tragédie
de Rodogune. Ce Poëme admirable que PIERRE
CORNEILLE donna en 1647. c'est- àdire
dix ans après le Cid, n'a non - seulement
rien de rebutant par sa vétusté , mais il conserve
sur la Scene Françoise toute la majesté
, tout le sublime & tous les agrémens
qui ont acquis une gloire immortelle à son
illustre Auteur, depuis près d'un siecle, ensorte
que toutes les Représentations qu'on
en a données jusqu'à présent , ont attire un
concours prodigieux , ce qui fait beaucoup
d'honneur au goût & au discernement de
notre siecle ; cela en fait beaucoup aussi aux
Acteurs & Actrices qui jouent les premiers
Rôles de cette Tragédie , dont les grands
talens ne laissent rien à désirer pour la justesse
de l'action & de la déclamation.
M. de la Motte , dans ses Discours sur la
Tragédie , ( page 92. de ses OEuvres , tome
premier ) au sujet des situations dans le Poëme
Dramatique , a choisi la Tragédie de
Rodogune , pour apuyer ses Refléxions d'un
exemple admirable , dont nous croyons devoir
orner cet Article. Il s'exprime ainsi.
Une situation n'est autre chose, dit - il, que
P'état des Personnages d'une Scene, à l'égard
les uns des autres. En ce premier sens , toutes
les Scenes d'une Piece sont , malgré qu'on
en
2660 MERCURE DE FRANCE
en ait , autant de situations ; mais on n'employe
ordinairement ce terme que dans un
sens plus restraint , & pour exprimer des situations
singulierement interessantes . Elles
ne peuvent être singulieres que par deux
moyens ; par celui de la nouveauté ou par celui
de l'importance de l'interêt. Souvent les
Auteurs , ou, faute d'invention , ou d'assés
de délicatesse pour la gloire , se contentent
de situations déja connues , & à quelques
differences près , dont celle des noms
est quelquefois la plus considérable , ils s'aproprient
ce que d'autres ont inventé , sembables
à ces Peintres sans imagination qui
ne font que copier d'après les grands Originaux
, les plus beaux airs de tête & les
attitudes les mieux choisies . Ils ne laissent
pas, avec cette ressource, d'usurper de légers
succès , parce que les choses touchantes font
d'abord leur effet ; mais à peine les ressemblances
sont - elles aperçûës , qu'en cessant
d'estimer l'Auteur , on se refroidit sur l'Ouvrage
même ; car nous sommes ainsi faits ,
les idées accessoires , quoiqu'étrangeres à la
chose , en augmentent , ou en affoiblissent
le sentiment.
La nouveauté suposée , qui seroit toujours
d'un grand mérite , quand les passions
ne seroient pas si vives , il faut encore faire
atention à l'importance des interêts . Une situation
C
DECEMBRE. 1738. 2661
2667
tuation bien imaginée dans ce genre , est
d'un si grand effet , qu'avant que les Personnages
se parlent , il s'éleve parmi les Spectateurs
un murmure d'aplaudissemens & unc
curiosité avide de ce que les Acteurs vont se
dire. Je remarquerai en passant , continuë
M. de la Motte , qu'on ne sçauroit ménager
dans une Piece plusieurs de ces situations
qu'à la faveur d'un nombre d'incidens qui
changent tout- à-coup la face des choses , &
qui mettent ainsi les Personnages dans des
situations nouvelles & surprenantes. Ce
plaisir mérite bien qu'on passe quelque chose
à l'Auteur sur les préparations qui lui sont
nécessaires.
Je ne sçaurois choisir un exemple plus favorable
de tout ce que j'avance ici que celui
d'Antiochus , dans le cinquième Acte de Rodogune
, c'est toujours M. de la Motte qui
parle. Sur le point de boire dans la Coupe
Nuptiale , il est réduit par ce que lui vient
dire i imagene , à croire la Coupe empoisonnée
ou par sa Mere ou par sa Maîtresse
qui sont présentes ; le respect & la nature
F'empêchent d'arrêter ses soupçons sur sa
Mere ; la tendresse & l'opinion qu'il a conçûë
de Rodogune , ne lui permettent pas
non plus de l'imaginer criminelle ; & il aime
mieux s'exposer à la mort que de faire cette
injure à l'un ou à l'autre ; mais pendant
1. Vol. G toute
2662 MERCURE DE FRANCE
toute la Scene , quelle est l'attention du
Spectateur aux divers mouvemens du Fils ,
de la Mere & de la Princesse ! N'est- on pas
déchiré avec Antiochus , troublé & allarmé
avec Rodogune, surpris avec Cléopatre ,mais
inquiet pour les autres , du succès de ses
artifices & de sa rage ? On ne devine point
leurs discours ; & dès qu'ils parlent , on sent
qu'ils ne peuvent dire que ce qu'ils se disent;
& ce qu'il y a de plus rare ,
c'est que la surprise
se soûtient & se renouvelle même à
chaque partie de la Scene.
Voila , sans doute , la situation la plus
merveilleuse du Théatre ; mais que faut- il
passer à l'Auteur, & que lui en a- t'il coûté pour
l'amener ! Il a falu que Cléopatre proposât à
ses deux Fils d'assassiner Rodogune , dont
elle doit du moins les soupçonner amoureux,
ce qui ne s'accorde pas trop bien avec la prudence
qu'on lui donne d'ailleurs . Il a falu
qu'à son tour Rodogune , malgré son caractere
, proposât aux deux Princes d'assassiner-
Cléopatre , ce que Corneille n'a pu justifier
en partie que par une subtilité de raisonnement
, dont lui seul étoit capable ; mais ce
n'est pas assés , il a falu que Timagene se
rencontrât à propos dans le Bois où Šéleucus
expire , & que ce Prince n'eût de vie préci
sément que pour dire les Vers Enigmatiques
qui font tomber un soupçon égal sur Cléopatre
DECEMBRE. 1738. 2663
patre & sur Rodogune , & que la voix lui
manquât , quand il alloit prononcer le mot
de l'Enigme .
Une main qui nous fut bien chere ,
Venge ainsi le refus d'un coup trop inhumain ;
Regnez ; & sur tout , mon cher frere ,
Gardez -vous de la même main.
C'est .
Voilà des préparatifs bien forcés ; mais la
situation est si belle , qu'on les a oublié
volontiers à ce prix ; & Corneille même s'en
sçavoit si bon gré , que , malgré de si grands
défauts , il a toujours cru Rodogune la plus
belle de ses Tragédies , & c.
Je ne vous croyois pas scrupuleux jusqu'au
point de ne pouvoir souffrir Rodogune sur
le Théatre , dit S. Evremont , écrivant à M.
de Barillon ( 4. vol . p. 59. ) parce qu'elle
veut inspirer à ses Amans le dessein de faire
mourir leur Mere, après que la Mere a voulu
inspirer à ses Enfans le dessein de faire mourir
une Maîtresse . On doit en cette occasion oublier
la douceur de notre naturel , l'innocence
de nos moeurs , l'humanité de notre politi que,
pour considérer les coûtumes barbares & les
maximes criminelles des Princes de l'Orient.
Si on fait refléxion qu'en toutes les Familles
Gij Royales
2664 MERCURE DE FRANCE
Royales de l'Asie , les Peres se défont de
leurs Enfans sur le plus léger soupçon , que
les Enfans se défont de leurs Peres par l'impatience
de regner , que les Maris font tuer
leurs Femmes , & les Femmes empoisonner
leurs Maris , que les Freres comptent pour
rien le meurtre des Freres , on s'étonnera
moins que Rodogune ait voulu venger la
mort de son Epoux sur Cléopatre , qu'elle ait
voulu assûrer sa vie , recouvrer sa liberté &
mettre un Amant sur le Trône , par la perte
de la plus méchante femme qui fût jamais.
L'Auteur a donné aux jeunes Princes tout
le bon naturel qu'ils auroient du avoir pour
la meilleure Mere du monde ; il a fait prendre
à la jeune Reine le parti qu'exigeoit d'elle
la nécessité de ses affaires.
On dira peut-être que ces crimes- là peuvent
se commettre en Asie & ne doivent
pas se représenter en France. Mais par quelle
raison refuser notre Théatre à une femme
qui n'a fait que conseiller
le crime
pour
son salut , & l'accorder
à ceux qui l'ont fait euxmêmes
sans aucun
sujet , comme
Electre
&
Oreste
, Atrée
& Thieste
? Pourquoi
Néron
y
fera-t'il empoisonner
Britannicus
? Pourquoi Hérodes
, Roy
des Juifs
, Roy
de ce Peuple
aimé
de Dieu , fera-t'il mourir
sa femme
?
Pourquoi
Amurat
fera-t'il mourir
Roxane
&
Bajaket
? Et venant
des Juifs
& des Turcs
au
DECEMBRE. 1738. 2665
aux Chrétiens , pourquoi Philipe II, ce Prin
ce si Catholique , fera t'il mourir Don Carlos
, sur un soupçon fort mal éclairci ? Rodogune
, cette Princesse opprimée , n'a pas
demandé un crime pour un crime ; elle a
demandé sa sûreté , qui ne pouvoit s'établir
que par un crime ; mais un crime dont Machiavel
auroit fait une vertu politique , &
la méchanceté de Cléopatre peut faire
passer pour une justice légitimement exercée .
A l'égard de ce qu'on a trouvé à redire
qu'on ait rendu une jeune Princesse capable
d'une si forte résolution , on doit considerer
qu'elle étoit Reine & qu'elle étoit veuve.
Une de ces qualités suffit pour faire perdre
le scrupule à une femme à quelque âge que
que
ce soit.
La Tragédie de Rodogune , dit M. Baillet ,
est celle , qui , au jugement du Public , a
mis Corneille à son période & à son solstice,
si on peut parler ainsi , & M. Bayle dit ( République
des Lettres , Janvier 1685. ) que
depuis ce temps il ne fit plus que se maintenir
dans le degré de perfection où il étoit
parvenu. On convient qu'il ne fit plus rien
dans la suite qui égalât tout -à-fait Rodogune
& Cinna ; car il faut chosir entre ces deux
Pieces pour avoir la plus belle des siennes
au jugement du même Auteur. Irest certain
que Corneille donnoit lui -même sa voix à
G iij Rodo-
>
666 MERCURE DE FRANCE
Rodogune ; mais il semble que le Public
toujours plus panché du côté de Cinna.
&
M. Corneille recherchant la cause de cette
tendresse toute particuliere qu'il avoit pour
Rodogure , au préjudice des autres , dit que
cette préférence étoit peut-être en lui un
effet de ces inclinations aveugles que beaucoup
de Peres ont pour quelques - uns de
leurs Enfans , plus que pour les autres , &
qu'il pouvoit s'y trouver aussi un peu d'amour
propre , en ce que cette Tragédie lui
- sembloit être un peu plus à lui que celles qui
l'ont précédée , à cause des incidens surprenans
qui sont purement de son invention , &
qui n'avoient jamais été vûs sur le Théatre ;
mais il ne dissimule pas qu'il y avoit aussi un
peu de vrai mérite , qui faisoit que cette innaclition
n'étoit pas tout- à- fait injuste.
Certainement on peut dire que toutes ses
autres Pieces ont peu d'avantages qui ne se
rencontrent en celle - cy.Elle a tout ensemble
la beauté du Sujet , la nouveauté des fictions,
la force des Vers , la facilité de l'expression
la solidité du raisonnement , la chaleur des
passions , les tendresses de l'amitié et de l'amour;&
cet heureux assemblage est ménagé,
de sorte qu'elle s'éleve d'Acte en Acte ; le
second passe le premier , le troisième est
au- dessus du second, & le dernier l'emporte
sur tous les autres.
L'action
DECEMBRE 1738. 2667
L'action y est grande , complette ; sa durée
ne va point ,ou fort peu, au- delà de celle
de la représentation ; le jour en est le plus illustre
qu'on puisse imaginer , et l'unité du
Lieu y est pratiquée suffisamment , mais non
pas à la rigueur. La Piéce n'est pourtant pas
entierement sans taches , mais elles y sont
-rares , & ce n'est que dans quelques circonstances
légeres, qui regardent la bienséance &
le caractere de certains Personnages . Le Su.
jet est pris d'Appien.
Du vivant de l'Auteur cette Piece étoit
joüée par lleess SSrrss BBaarroonn,, de Villiers, Champmeslé
, le Conte , & par les Diles Champmeslé
, Dupin & Guyot.
Aujourd'hui les Rôles d'Antiochus , de
Seleucus, de Timagene & d'Oronte , & ceux de
Rodogune , de Laodice & de Cléopatre , sont
parfaitement remplis au gré des Connoisseurs
les plus difficiles, par les Srs Dufresne,
Grandval , le Grand & du Breüil , & par les
Dlles Gaussin , Jouvenot & du Mesnil.
Il doit paroître dans peu sur ce Théatre
une Tragédie nouvelle sous le titre de Médus
, fils de Médée , dont on parlera en son
temps.
Le 18. Août dernier , on représenta au
College des PP. de l'Oratoire de Marseille ,
un Poëme Dramatique , intitulé : Jugement
G iiij
d'Apollon
2668 MERCURE DE FRANCE
d'Apollon sur les Anciens & les Modernes
Ce Poëme étoit dédié à Mrs les Echevins
Les Interlocuteurs furent , pour les Anciens
M. Despreaux & M. Dacier ; pour les Modernes
, M. Perrault & M. de la Motte.
Apollon ouvrit la Scene , qui est sur les
bords du Permesse , avec Despreaux , Dacier
, Perrault & la Motte : Apollon com
mença par ces Vers :
1
Venez , chers Favoris des Filles de Mémoire ,
Vous, dont le coeur épris du désir de la gloire ,
N'aspira qu'à polir le goût de mes Sujets ,
Aprochez , parmi vous faisons regner la paix.
Ce préambule ne tend qu'à inviter ces illustres
Adversaires à mêler moins d'empor
tement dans leur dispute , & à tenir un juste
milieu dans le parti qu'ils embrassent ; c'est
pour leur faire voir qu'il blâme l'excès da
part & d'autre , qu'il leur dit :
Oui , je vois des François les débats éternels ,
Démentir ce que d'eux publioient les Mortels.
Ceux- ci , des Anciens Partisans redoutables ,
Les soutiennent en tout , divins, incomparables ;
Ceux- là , pour signaler leurs hardis sentimens ,
Erigent en vertus les défauts de leur temps, &c.
Après une si sage exhortation il ajoûte :
Je
DECEMBRE. 1738. 2669
Je prétends aujourd'hui sur le docte Hélicon
Rétablir pour toujours la paix & l'union ;
Tels sont mes justes voeux ; d'un dessein si loüabſe
C'est de vous que j'attends le succès favorable , & c;
Apollon finit son invitation à la Paix ,
par le grand exemple que le Roy vient de
donner.
Terminez donc enfin des débats indécens ;
LOUIS fournit acsés de matiere à vos Chants ;
Cé Héros , à qui Mars préparoit tant de gloire ,
A pourtant préferé la Paix à la victoire.
Despreaux , avant que de commencer à
plaider en faveur des Anciens , dont il est
un des plus chauds Partisans , marque avec
son fiel ordinaire , l'indignation que lui inspirent
quelques Auteurs Modernes qui déclament
contre des Héros de l'Eloquence
& du Parnasse , dont ils ne connoissent
pas le prix ; voici comment il les traite :
De ces petits Auteurs , un essein indocile
S'opose à mes souhaits , & m'échauffe la bile..
Perrault ne peut souffrir un mépris si hu
miliant , sans prendre feu ; il y répond par
ces. Vers qu'une juste colere lui inspire
Si ne pas adorer la sage Antiquité ,
Gy
Cest
2670 MERCURE DE FRANCE
C'est joindre l'ignorance à l'indocilité ,
Je veux être à ce prix ignorant , indocile ,
Et j'aurois du regret à vous paroître habile.
Dans la suite , il fait entendre que l'hom
me n'a pas reçû le jugement en partage , pour
le soumettre aveuglément aux décisions de
ceux qui l'ont précedé , & finit par ces deux
Vers :
Enfin , si vous voulez parler sans flaterie ,
Ce n'est qu'aux Anciens à nous porter envie.
و
Ces deux derniers Vers paroissent un
blasphême à Dacier , aussi y répond- il avec:
toute la véhemence que demande l'injure
faite à sa chere Antiquité ; Pindare , dit -il ,
Platon , Herodote , Homere , Virgile , Horace
, tout cela est effacé par les Quinaults
les Chapelains , les Balzacs, & par tous ceux,
en un mot , qui n'auront pas le glorieuxsuffrage
de Perrault. L'ironie seroit poussée
plus loin , si la Motte ne l'arrêtoit pas dans
son cours , au grand étonnement de Despreaux
, qui s'étoit flaté autrefois qu'il seroit
un des plus zelés Partisans des Anciens.
Apollon voyant que la querelle s'échauffe
jusqu'à perdre le respect qu'on doit à son
Tribunal , devant lequel on plaide , leur die
d'un ton imposant, de soûtenir leurs sentimens:
DECEMBRE . 1738. 2671
mens avec plus de circonspection , & de se
respecter eux -mêmes.
&
On ne s'étendra point ici sur les raisons:
que nos illustres Avocats donnent de part
d'autre , outre qu'elles ont été fi rebatues dans
la fameuse Dispute du siecle passé . Les bornes
prescrites dans un Extrait , ne nous permettent
pas un long détail ; on se contentera
de citer quelques Vers de M. de la Motte ;
en voici de ceux qui ont paru les plus frapans
en faveur des Modernes dont il plaide
la cause . Ce zelé défenseur ne peut souffrir
sans une noble impatience , que Despréaux
attribue le succès des Lettres & des beaux
Arts , aux récompenses que LOUIS LE Grand
répandoit sur ceux qui y excelloient , surquoi
il s'exprime ainsi :
GRAND
Ce n'est donc que l'espoir des grandes récom
penses ,
Qui fait avec ardeur cultiver les Sciences ?
Quel langage nouveau ! la gloire dans un occur
Ne peut -elle allumer une si noble ardeur
De l'auguste Vertu le sacré caractere ,
Ne sera-t-il qu'un fruit d'un esprit mercenaire
Etoit- ce donc un prix d'une extréme grandeur ,,
Qui de tant de Heros enflamma la valeur ,
Lorsque par des Exploits dont le récit étonne ,
Ils briguoient de Laurier une vile couronne
G vj
Cess
#672 MERCURE DE FRANCE
Ces Romains , la terreur des plus fiers Ennemis,
Qui retournoient aux champs , quand tout étoit
soûmis ,
Qui traçoient des sillons d'une main triomphante ;
D'un coeur interessé, suivoient-ils donc la pente ?
Lorsque par des Ecrits pleins de mille agrémens ,
Platon de son esprit laiffoit des monumens ,
Avoit-il donc conçû la flateuse esperance ,
D'en recevoir un jour quelque ample récompense ,
Lui, qui dans la vertu mettant tout son bonheur ,
Méprisa de DENIS & l'or & la faveur ? &c.
La Motte convient ensuite , que les bienfaits
des Princes peuvent exciter l'émulation,
& font un honneur infini à leurs illustres.
bienfaiteurs, mais il veut que la gloire y ait la
premiere part , de- là il passe à l'éloge de l'Auguste
Successeur du plus grand Roy qui ait
rempli le premier Trône du monde . Voici
comment il s'exprime en parlant deLouis XIV
De ces bienfaits sa mort n'a pu tarir la source
Et des Muses son Trône est encor la reffource.
Ravi de l'imiter , son digne Succeffeur ,
Leur ouvre avec plaifir son Palais & son coeur ;
Il ne reconnoît point de gloire plus flateuse ,
Que celle que s'acquiert une ame génereuse ;
FLEURY , digne Mentor de ses plus tendres ans ,
Digne du rang qu'il tient parmi ses Confidens ,
>>
"
Fleury
DECEMBRE 1738. 267)
Fleury , dis -je , chargé de former sa jeuneſſe ,
Pour les sçavantes Soeurs ménagea sa tendreffe ;
Ce grand Prince , fidele à cette impreſſion ,
Honore le Sçavoir de sa protection , &c..
3 Après avoir combattu le sentiment de
Despreaux , au sujet de l'impression qu'il
prétend que l'espoir des récompenses a faite
sur les esprits des Sçavans du dernier siecle,
il vient au fond de la question ; il convient
que l'Antiquité a eu de grands Hommes
mais que notre siecle n'en a pas produit de
moins illustres. Voici ceux qu'il opose aux
Démosthenes , aux Cicerons , &c.
Flechier me ravit par sa délicateffe ,
Il fait partout de l'Art éclater la fineffe ;
J'admire Bourdalouë en son raisonnement ;
Le vol de Mascaron jamais ne se dément ;
Du charmant Fenelon le beau style m'entraîne
A son génie heureux Fontenelle m'enchaîne ;
Maffillon de nos coeurs connoît tous les refforts ;
Bouhours , de beiles fleurs poffede des Trésors ;
Mais si, pour balancer l'Eloquence ancienne ,.
Il faut en choisir deux pour descendre en l'Arène ,
Qui pourroit soûtenir avec plus de succès
La gloire de ce siecle & l'honneur des François ,
Que le grand Boffuet &le fameux le Maitre ? &c.
Nous
2674 MERCURE DE FRANCE
Nous finirons ce court Extrait par le Ju
gement d'Apollon ; en voici la fin :
Si ce Siecle a donc pu vaincre l'Antiquité ,
Il ne mérite pas d'être plus respecté ;
C'est elle qui lui donne , aux dépens de sa gloire ,,
Les traits dont il se sert pour gagner la victoire.
Jamais il n'eut atteint cette perfection ,
S'il n'eut eu le secours de l'imitation .
Aux Partisans des Modernes :
Vous donc , dans votre Siccle honorez un mérite ,
Qui peut des Anciens faire éclipser l'élite.
Aux Partisans des Anciens :
Et vous , pour être aimés de la Posterité
Ne soyez pas ingrats envers l'Antiquité.
"
Cette Piéce, qui fut fort aplaudie, est de la
composition de M. de Coriot, de l'Oratoire,
Professeur de Rhétorique, le même qui ,huit
jours après,remporta le Prix fondé par le Maréchal
deVillars, au Jugement de l'Académie
de Marseille. Ceux des Acteurs qui se sont
le plus distingués , sont Mrs Jacques & Michel
Truilhier de Marseille , le premier dans
le Rôle d'Apollon , le second dans celui de
M. de la Motte.
Le.12. Décembre les Comédiens Italiens
donnerent la premiere Représentation des
MUSES
DECEMBRE. 1738. 2675
,
MUSES , Piéce Drammatique en quatre parties
, dont la premiere est un Prologue , où
paroissent les Muses de la Tragédie , de la
Pastorale , de la Comédie , de la Musique
& de la Danse , ce qui lie les trois autres
parties ; la seconde , est une Tragédie intitulée
PHANAZAR ; la troisiéme , une Pastorale
, intitulée AGATINE ; & la quatrième
un Ballet Pantomime intitulé ORPHE'E..
Comme il n'est pas possible que toutes les
parties d'un Ouvrage soient égales en mérite,
aussi le Jugement du Public a- t- il été diffcrent
sur chacune. Le Prologue a paru ingé-.
nieux , mais un peu long. La Pastorale , malgré
l'art de l'intrigue , la délicatesse d'expression
& de versification , a été trouvée
froide. Melpomene a eu une victoire complette
la conduite , l'interêt , les sentimens ,
la versification de la Tragédie , ont été généralement
aplaudis , & on a vu avec plaisir
toutes ces beautés rassemblées dans un seul
Acte , ce qui avoit été tenté , mais non pas
encore rempli. Il est vrai que cet Acte , qui
ne se passe qu'entre quatre Acteurs , a la valeur
de la moitié d'une de nos Tragédies ordinaires.
La Musique , la Danse , le dessein.
du Ballet Pantomime , ont eu un pareil succès
, ce qui a déterminé l'Auteur à suprimer
le Prologue & la Pastorale , pour ne laisser
aucune ombre à sa gloire. C'est M. DE
MORAND ,2
2676 MERCURE DE FRANCE
MORAND , qui est Auteur des trois premieres
parties ; M. Riccoboni fils l'est du Ballet
d'Orphée pour le dessein , & M. Blaise pour
la Musique . Nous parlerons plus au long
de cet Ouvrage.
Voici des Vers qui nous sont tombés en:
tre les mains , & qui ont été envoyés par
l'Auteur de la Piéce à une Dame , le jour de
La premiere Représentation .
Peut-être le caprice affreux
D'un Parterre tumultueux ,
M'enviant en ce jour une illustre victoire ,
Va trahir mon espoir & mes soins pour la gloire,
Et rendre de mes Vers le mérite douteux.
Dans la crainte qui me dévore
Amour, c'est toi seul que j'implore !
Daigne écouter mes triftes voeux !
Rends ma chere Sophie à mes feux moins rebelle ;
Fais-moi lire dans ses beaux yeux
La fin de sa rigueur mortelle ;
De sa bouche adorable & pour moi trop cruelle ,
que j'entende enfin l'aveu le plus flateur ;
Fais
Et du Public , je brave la fureur.
LETTRE
DECEMBRE. 1738. 2677
LETTRE d'un Provincial à son ami de
Paris , au sujet de la Comédie de l'Ecole du
Temps.
V
Ous m'avez envoyé , Monsieur , fort
à propos,un Exemplaire de la nouvelle
Comédie de l'Ecole du Temps ; le bien qu'on
en dit , & un peu de critique qu'on en fait
ici , m'ont donné beaucoup d'envie de la
lire , n'étant point à portée de la voir représenter
; comme la Piéce a été généralement
aprouvée , il n'y a rien à vous dire au sujet
de ses Partisans ; mais comme elle a aussi
quelques censeurs , je vais vous faire part de
leurs sentimens.
,
n'en
Je les partage en deux classes ; les uns
disent » Que pour accorder le nom de Co-
» médie à cette Piéce , il faut que toutes les
» autres qu'on nous a données jusqu'à pré-
» sent , sous le titre de Comédie
» ayent que le titre , & point les qualités .
puisque l'Ecole du Temps differe entiere-
» ment de toutes les autres , & l'on n'en
que
»peut trouver aucune de la même espece ,
» soit dans Moliere , Renard , ou Destou-
ود
ches , qui sont certainement les meilleurs
» Auteurs , sur lesquels on puisse se regler ;
» & en effet dans celle-ci , nous y voyons
» une certaine intrigue , qui , ménagée dès
» le commencement , nous conduit en suspens
2678 MERCURE DE FRANCE
?
"
pens jusqu'au dénoûment , qui excitoit
» pendant tout le cours de la Piéce , notre
curiosité ; au lieu que dans celle-là , les
Personnages qui ont paru dans une Scene
ou deux , ne se font plus voir , & ne suspendent
aucunement notre esprit ; desorte
" que toutes les réponses que la Verité fait aux
»Personnes qui sont venues l'interroger ,
pourroient passer pour autant de Comédies
, puisque avant qu'elles disparoissent,
» l'on en voit le dénoûment.
و د
39
Les autres Critiques , c'est - à- dire , ceux
que je mets dans la seconde classe , disent ,
» Que le caractere de la Vérité est de ne se
» jamais démentir , ce que l'on voit cepen-
» dant arriver dans la Piéce en question ,
puisque la Verité, dans la Scene III. p. 10.
»blâme la vie oisive & inutile de Dorante , en
» lui répondant ,lorsqu'il lui dit qu'il n'a point
d'affaires , & qu'il cherche à passer le
» temps :
Eh quoi ! vous n'avez rien à faire !
Chacun doit néanmoins s'occuper dans l'Etat.
Depuis le Villageois jusques au Potentat ,
Chacun a ses devoirs ; tout Mortel eft comptable...
» Et qu'elle ajoûte dans un autre endroit ,
» page 15.
Les Plaisirs doivent- ils marquer tous vos momens? ..
30 Enfin
DECEMBRE. 1738. 2679
" Enfin dans tout le reste de la Scene ,
"" elle fait voir avec raison à cet homme in-
» utile , qu'il faut s'occuper , & orner son
» esprit de belles ou utiles connoissances ;
» au lieu que dans la Scene VII . elle donne
des louanges à la vie que méne Arlequin ,
32
qui ne s'occupe cependant pas mieux que
» l'homme inutile , qui ne fait que boire
» que manger , & qui ne rend aucun service
à l'Etat . Bien loin de l'aprouver comme
elle le fait , elle auroit du , ce semble , lui
» dire , ainsi qu'à Dorante ,
Les Plaisirs doivent-ils marquer tous vos momens?..
Chacun doit .... s'occuper dans l'Etat ,
Depuis le Villageois jusques au Potentat , dit-elle
plus haut à Dorante.
» Or ce Dorante est Potentat à l'égard d'Ar
lequin , & cet Arlequin est Villageois à
l'égard de Dorante ; donc Arlequin mérite
» le même blâme que Dorante.
و د
ود
Avant que j'eusse reçû la Comédie , ces
divers sentimens me rendoient perplex , mais
après l'avoir lûë , j'ai pris le parti de la
Piéce , en disant aux premiers Censeurs
que je convenois avec eux , que les Comédies
de Moliere , de Renard , & de Destouches.
2680 MERCURE DE FRANCE
ches étoient differentes de celle- ci , mais
qu'ils devoient faire attention que celles - là
étoient pour le Théatre François , & que
celle -ci est pour le Théatre Italien , à qui
les Scenes coupées & épisodiques conviennent
, pour preuve de quoi je leur ai cité
plusieurs Piéces dans le même goût , nommément
les Débuts , le Triomphe de l'Interêt ,
le Je ne sçais quoi , &c.
M.
A l'égard des seconds , Teur critique me
paroissant plus plausible , ou du moins plus
spécieuse , je suis retombé dans la perplexité.
Vous êtes éclairé par vous-même
& de plus vous êtes à la source des beaux
Esprits , d'où l'on peut par conséquent tirer
un Jugement sain ; c'est pourquoi je vous
prie de m'instruire de ce que vous & vos
amis en pensent je sens bien que vous n'avez
voulu me rien dire de la Piéce en me
l'envoyant , afin de sçavoir comme on en
juge dans notre Province , je vous le dis naïvement
, & avec autant de franchise que je
suis , &c.
NOU
DECEMBRE . 1738. 268f
శ్రీ శ్రీ శ్రీ శ్రీ
NOUVELLES ETRANGEres.
TURQUIE.
EXTRAIT de Lettre écrite du Camp d
Grand Visir , le 9. Septembre 1738 .
E 6. Septembre , le nommé Hamzé Aga , Ka-
Lpigi Bachi , faisant fonction de Kapigilar -Kiagussy
du G. S. arriva au Camp , & porta une Pélisse
de Samour, montée sur du drap d'or , un Sabre,
un Poignard & un Chelenk ou espece d'Aigrette ,
le tout garni de Pierres précieuses , de la valeur
d'environ 60. Bourses , ou trente mille Piastres ;
c'est un présent que le Sultan a envoyé au G Visir,
avec le Katcherif, que S. H. lui a adressé en même→
temps. Ce Présent fut remis au G. Visir avec les cérémonies
suivantes .
Le Kiaya-Bey ou Majordome du G. V. accom
pagné de toute sa Maison , s'avança à une lieuë
loin du Camp , allant à la rencontre de Hamzé-Aga,
auquel il donna à diner sous des Tentes , après le
repas la Cavalcade commença à défiler à travers
deux rangs de Janiffaires , qu'on avoit fait mettre
en haye depuis Nissa jusques au Pavillon du G. V.
on les salua à leur paffage de tout le Canon de
cette Place ; les Ministres de la Porte , à l'aproche
de Hamzé-Aga , qui montoit un Cheval magnifiquement
harnaché , que le G. V. lui avoit envoyé ,
s'avancerent quelques pas hors de la Tente du G.V.
& firent deux profondes révérences à la vûë du
Katcherif, que Hamzé-Aga , marchant à la droite
du Kiaya-Bey , tenoit entre ses mains , couvert d'une
2682 MERCURE DE FRANCE
ne étoffe brodée. Cet Aga ayant été introduit de
cette maniere dans la Tente du G. V. ce premier
Ministre s'avança presque jusques aux toiles qui
font une enceinte autour de sa Tente , & ayant pris
le Katcherif entre ses mains , le baisa & le porta
sur son front. Dans ce moment les Chaoux se mirent
à crier de toutes leurs forces : Que Dieu rende
toujours victorieux notre auguste Empereur , & conserve
son G. V. notre Maître.
On ne lut pas tout haut le Katcherif, quoique
Pusage soit tel ; le G. V. le mit sur le champ dans
-son sein , & se tenant debout. Hamzé-Aga attacha
-sur son Turban le Chelenk ou Aigrette à six branches
, garui de Diamans ; cet Aga lui mit ensuite
le Poignard à sa ceinture , le revétit de la Pélisse de
Samour , & lui ceignit le Sabre. Pendant cette cérémonie,
les Chaoux réitéroient leurs acclamations .
Le G. V. revétit ensuite le Pacha de Diarbekir ,
nommé Abdy Pacha Oglou Aly Pacha , d'une Péfisse
de Samour & d'une Aigrette , & donna des
Cafftans & des Aigrettes à Schah Surao Oglou , &
à plusieurs autres Pachas à deux Queuës ; celui
qu'on a nommé ci- dessus , a eu la machoire fracassée
d'un coup de feu . Après ceux-ci le Janiflaire
Aga reçut le Cafftan & une Aigrette , ainsi que tous
les Officiers Géneraux Tchordbagis Adarbachis , &
autres de moindre rang, & à leur suite, les Officiers
des Dgebedgis , Topchis & Ispahis ; enfin la Maison
du G.V.dans laquelle les Ministres furent compris
, & traités comme les Chefs des Milices , avec
cette difference , que le Kiaya Bey , au lieu du
Caffian , reçut la Péliffe de Samour. Il y en avoit de
quatre sortes. Le Chelenk du G.V. valoit dix Bourses
, celui des autres Pachas 5oo . écus , ceux des
Chefs de Milice & premiers Officiers , & Effendie
100. écus.
DECEMBRE. 1738. 2683
On a observé que Ahmed Pacha Kinperly , cidevant
Kaïmacan , dont le G. V. étoit le Kiaya , &
qui aujourd'hui est simple Gouverneur de Niffa ,
n'a point eu d'Aigrette ni de Cafftan . Cette céré
monie a fini par une décharge de toute l'Artillerie
de la Place. On a envoyé ue Péliffe & un Chelenk
à Aly , Pacha de Bosnie , à Ayvos Mehemer Pacha
à Orsova , & à Ghentch Aly Pacha sur la Morave.
Les derniers avis reçus de Constantinople , portent
, que malgré les services que le Grand Visir a
rendus à la Porte dans la derniere Campagne , & la
satisfaction que S. H. lui a témoignée avoir de sa
conduite , les Ennemis de ce Premier Ministre , à
la tête desquels est le Mufti , font tous leurs efforts
pour le faire déposer , & qu'ils l'accusent de n'avoir
pas profité de tous les avantages qu'il a remportés,
& d'avoir laiffé perdre l'occasion d'entreprendre le
Siege de Temeswar ; on croit que s'ils peuvent
réussir dans leur entreprise , iis tâcheront de lui
faire donner pour succeffeur le Pacha de Bosnie.
SUEDE.
N aprend de Stokolm , que le nouveau Traité
Alliance to d'Amitié , conclu entre le
Roy de France & la Cour de Suede , fut signé le
10. Novembre dernier par le Comte de Saint Severin
, Ambassadeur de S. M. T. C. & par les Ministres
du Roy.
On assûre que par ce Traité , S. M. promet de ne
point contracter d'Alliance pendant dix ans avec
aucune Puissance , sans le consentement de la Cour
de France.
Dès que ce Traité a été signé, le Comte de Saint
Severin a fait partir le Chevalier de Crépy , pour
en porter la nouvelle à S. M. T. C.
DANNEMARCK
684 MERCURE DE FRANCE
O
DANNEMARCK.
N écrit de Coppenhague , que M. de Chavigny
, Envoyé Extraordinaire du Roy de France
auprès du Roy de Dannemarck >
avoit fait
part
à S. M. Danoise de la conclusion de ce Traité
d'Alliance & d'Amitié , qui vient d'être renouvellé
entre la Cour de France & celle de Suede.
ALLEMAGNE.
I de à la Cour de Vienne , signa le 18.
E Marquis de Mirepoix , Ambaſſadeur du Roy
du mois passé , en qualité de Ministre Plénipotentiaire
de S. M. T. C. avec les Ministres de l'Empereur
, le Traité de Paix définitif.
Les Lettres de Berlin marquent , que le Roy de
Pruffe avoit envoyé ordre au Baron de Brook , son
Ministre à Vienne , de représenter à S. M. I. qu'on
pourroit établir dans les Duchés de Bergues & de
Juliers , un Conseil de Régence , dont les Conseillers
seroient tirés du Corps de la Noblesse de chaque
Duché , & pris , moitié entre les Catholiques
Romains , & moitié entre les Protestans ; qu'en ce
cas on devroit retirer les Troupes Palatines qui sont
dans les deux Duchés , & les remplacer par des
Suiffes ou par
d'autres Troupes de Nations neutres,
& qu'il faudroit observer que ces Troupes fuffent
composées de Soldats des deux Religions ; qu'il seroit
à propos que cet arrangement, qui auroit pour
objet principal les Villes de Juliers & de Duffeldorp
, fût garanti par l'Empereur , par le Roy de
France , par le Roy de la Grande Bretagne , & par
les Etats Géneraux des Provinces - Unies , & qu'il ne
subsistât que jusqu'à- ce que les Négociations au
sujet de la succeffion des Duchés de Bergues & de
Juliers ,
DECEMBRE. 1738. 2685
Juliers euffent eu leur effet , ou qu'on eût perdu
toute esperance de pouvoir parvenir à accommoder
cette affaire , & que les Troupes qui seroient mises
dans ces deux Duchés , étant destinées à affûrer la
tranquillité de ces Etats , il étoit juste qu'ils fuffent
chargés des dépenses néceffaires pour l'entretien &
pour la subsistance de ces Troupes.
L
ITALIE.
E 26. Novembre , le Prince Royal de Pologne
fut admis à l'Audience du Pape , & S. S.
lui envoya un présent de cent Bassins de divers rafraîchissemens.
La Congrégation du Cérémonial s'est assemblée
plusieurs fois pour déliberer sur la maniere dont ce
Prince recevroit les Cardinaux , lorsqu'ils iroient
chés lui , mais comme on n'a encore pu convenir
d rien , il n'a été visité par aucun Cardinal , à
l'exception des Cardinaux Aquaviva & Belluga ,
lesquels se sont rendus chés lui pendant qu'il étoit
au jeu.
Le 19. il donna aux Princeſſes Albani & aux Ducheffes
de Tursis & de Carpagno , une Fête , à laquelle
Don Horace Albani & les neveux des Cardinaux
Aquaviva & Caraffe , furent invités avec
plusieurs autres Seigneurs .
Le Cardinal Aquaviva en donna ane le 24. à
Poccasion de l'Anniversaire de la Naiffance de la
Reine des deux Siciles , & le soir on executa chés
ce Cardinal , un Concert , auquel le Chevalier de
S. Georges se trouva , ainsi que les Cardinaux Caraffe
, Borghese , Corsini & Spinelli .
Le treize les Equipages du Prince Royal
de Pologne , consistant en dix Caroffes ou Caleches
à six Chevaux , partirent de Naples pour
La Vot H Rome
2686 MERCURE DE FRANCE
Rome , & le lendemain ce Prince prit la même
route. Il a été défrayé , ainsi que toute sa Suite ,
aux dépens du Roy des deux Siciles , depuis Naples
jusque sur la Frontiere de l'Etat Ecclesiastique.
L'usage des Bains d'Ischia & des Etuves de Sable
de Mer , joint aux autres Remedes que ce Prince a
pris pendant son séjour dans le Royaume de Naples
, ont diminué considérablement ses incommodités
On fait monter à 1000. Ducats les présens qu'il
a faits aux Officiers de la Maison du Roy , & outre
ces présens il a donné 800. Ducats aux Gardes du
Corps , 800. aux Hallebardiers de la Garde , &
1000. aux Gardes Italiennes & Suisses.
Le Prince Royal de Pologne a fait à l'Eglise de
Jesus , une neuvaine , après laquelle il a fait présent
aux Jésuites d'une Topase d'un prix considérable ,
pour l'ajoûter aux ornemens de la Châsse dans laquelle
sont reafermées les Reliques de S. François
Xavier.
Dans le Consistoire que le Pape tint le 24. Novembre
dernier , S. S. proposa l'Archevêché de Nisibe
in partibus , pour le P. Joseph de Bolanos , Religieux
Récolet , Confeffeur du Roy des deux Siciles .
On écrit de Modene, qu'un Carabinier pris de vin,
s'étant trouvé sur le paffage d'une Compagnie du
Régiment des Gardes à pied , laquelle alloit au Palais
pour y monter la garde , & ce Cavalier ayant
parlé d'une maniere peu mésurée au Capitaine qui
vouloit le faire retirer , le Capitaine l'avoit frapé
de son Esponton , & l'avoit fait arrêter , que plùsieurs
autres Carabiniers , sur la nouvelle de la détention
de leur Camarade s'étoient affemblés &
étoient accourus au Corps de garde , pour le tirer
de prison , & que la Sentinelle ayant crié aux armes
, lorsqu'elle les avoit aperçus , ils avoient fait
feu
DECEMBRE 1738. 2687
feu sur elle , & l'avoient tuée . Au bruit de leur décharge
, tous les Soldats qui étoient dans le Corps
de gårde , en sortirent pour attaquer ces séditieux ,
mais comme ceux-ci étoient inférieurs en nombre,
ils prirent le parti de se retirer . On a arrêté douze
Carabiniers, & le Duc de Modene a ordonné qu'on
fit le procès à ceux qui ont porté leurs Compa
gnons à cette sédition .
NAPLES.
E 4. Novembre , le Roy reçut les Complimens
Lde
de la principale Noblesse & du Corps de Ville,
à l'occasion de la Fête de S. Charies , dont S. M.
porte le nom , & le soir on fit une salve génerale
de l'Artillerie des Châteaux & des Remparts.
Ce même jour , la Reine fit présent au Roy d'un
-Couteau de chaffe , garni de Diamans & le Prince
Royal de Pologne , présenta à S. M. de la part du
Roy de Pologne Electeur de Saxe , une magnifi-
-que Gibeciere , enrichie aussi de Diamans , & un
Service de Porcelaine de Saxe , monté en or.
Les Chartreux envoyerent aussi au Roy , suivant
P'usage, 24. Corbeilles remplies de fleurs & de fruits
les plus rares dans cette saison .
On assûre que le Baron de Neuhoff est débarqué
incognito dans le Port de Naples . & qu'il est parti
presque aussi-tôt pour se rendre à Rome.
L
ISLE DE CORSE.
Es Lettres de la Bastie de la fin du mois dernier
, marquent que le Comte de Boissieux y
avoit fait publier un Decret , par lequel il est ordonné
aux Rebelles , sous peine d'encourir la disgrace
du Roy de France , de se saisir de la Personne
Hij du
2688 MERCURE DE FRANCE
du Baron de Neuhoff , s'il est encore dans l'Isle
de Corse ; & de le conduire sous sûre garde
dans l'endroit le plus voisin de celui où il aura été
arrêté .
Le Comte de Boissieux a envoyé aux principales
Pieves des copies de ce Decret & du Reglement qui
a été fait , de l'aprobation et sous la garantie de
S. M. T. C.
Un des Commissaires des Troupes Françoises
s'est rendu à Calvi & à Ajaccio avec un Officier de
la République , afin d'y faire préparer des logemens
pour les quatre nouveaux Bataillons que le Roy de
France doit faire passer en Corse .
On continue d'assurer que le Baron de Neuhoff
étoit à bord du Vaisseau Hollandois qui s'est rendu
de Baye à Naples il y a quelque temps , mais
on est incertain s'il est débarqué.
Deux Galeres de la République sont revenuës depuis
peu de l'Isle de Corse , n'ayant à bord qu'une
partie de leurs Equipages , parce que l'autre partie
ja été employée à renforcer les Equipages des autres
Galeres qui sont restées à la Bastie , & qui y demeureront
jusqu'à l'arrivée de deux Pinques , à l'armement
desquels on travaille & qu'on doit envoyer
pour les remplacer.
Les Lettres de la fin du mois dernier, portent que
1 plusieurs Pieves des Rebelles ont reçu avec soumission
le Reglement fait au sujet de leurs differends
avec la République , ainsi que le Decret par lequel
il leur est ardonné , sous peine d'encourir la disgra
ce de S. M. T. C. de se saisir de la personne du
Baron de Neuhoff , s'il retourne en Corse , & quielles
ont fait assûrer le Comte de Boissieux , qu'elles
se conformeroient à ce qui leur étoit prescrit.
On ne doute pas que toutes les Pieves, voyant les
renforts que le Roy de France envoye pour agir
contre
DECEMBRE . 1738. 2689
contre celles, qui persifteront dans leur révolte, &
le peu d'esperance qu'elles ont de recevoir du secours
du Baron de Neuhoff , ne se déterminent à
prendre le parti de se soumettre.
Trente- neuf Matelors , qui étoient sur les quatre
Bâtimens du Convoi du Baron de Neuhoff ,
desquels la Frégate du Roy de France s'est emparée
, ont été relâchés , & on leur a donné quelque
argent , afin de les mettre en état d'aller chercher
du service dans d'autres Pays , mais les Capitaines
de ces Bâtimens sont retenus en prison dans la Citadelle
de la Bastie , d'où l'on a apris que le Religieux
Franciscain , qui avoit été arrêté dernierement
en Corse , à cause des expreffions séditieuses .
répandues dans ses Sermons , étoit enfermé dans la
principale Tour de la Ville , & qu'il y étoit gardé
fort étroitement
Les dernieres Lettres écrites de la Bastie ,marquent
qu'on n'y avoit encore reçû aucune nouvelle certaine
des résolutions des Pieves de de-là les Montagnes ,
mais que le bruit couroit qu'elles devoient tenir incessamment
une affemblée génerale au sujet du Reglement
qui leur a été envoyé par le Comte de
Boiffieux.
Ces Lettres ajoûtent qu'on ne douto it presque
plus que les Habitans de la Province de la Balagna ,
la plus fertile de l'Ile de Corse , & ceux des Provinces
voisines , ne se soûmiffent à ce Reglement.
On a fait porter à Calvi & à Ajaccio les lits & les
autres choses néceffaires pour les quatre nouveaux
Bataillons de Troupes Françoises qui doivent arriver
inceffamment à Genes.
H iij ESPACRE
2690 MERCURE DE FRANCE
E
ES-PAGNE,
31. Octobre , le Comte de la Marck , Ambaffadeur
Extraordinaire
& Ministre Plénipo-.
tentiaire du Roy T. C. auprès de S. M. C. se rendit
le 2. d. mois paffé à l'Escurial , où étoit la Cour,
& le lendemain il eut audience de LL . MM . Il y fut
conduit , ainsi qu'à celles du Prince & de la Prin
ceffe des Afturies & des Infants , par le Marquis de
la Quadra , Secretaire d'Etat & del Despacho Uni-. versal .
GRANDE BRETAGNE.
Na apris de la nouvelle Angleterre , que le
de Canto à Piscataque , dans la Rade de Lettave , a
l'Es du Cap le Sable , il avoit découvert à la pointe
du jour un grand nombre de Canots de Sauvages
qui venoient pour l'attaquer , que plusieurs de ces
Canots s'étant aprochés de son Vaiffeau , & ayant
fait feu sur l'Equipage , il avoit fait tirer quelques
coups de Canon, qui en avoient coulé à fond quelques-
uns ; que les Sauvages irrités de la perte de
leurs Compagnons , s'étoient présentés avec furie à
l'abordage ; qu'environ une centaine d'entre eux
étoient entrés da s son Bâtiment, & iui avoient tué
dix ou douze Soldats & deux Matelots , mais qu'en-
An après un combat qui avoit duré près de six heures
, ils avoient été obligés de se retirer.
On a sçû en même- temps que le Capitaine, Matthews
, craignant d'être moins heureux , si les Sau
vages l'attaquoient une seconde fois , avoit pris le
parti de remettre sur le champ à la voile pour
Canto.
DECEMBRE . 1738. 269.1
MORTS , NAISSANCES
des Pays Etrangers ..
L
E 28. Septembre dernier , Joseph Pereira de la
Cerda , Cardinal Prêtre , du Titre de sainte
Susanne , Evêque de Faro , dans le Royaume des
Algarves en Portugal , mourut dans sa Ville Episcopale
, âgé de 77. ans , quatre mois & deux jours,
étant né à Moura , Diocèse d'Évora , le 26. May
1661 Il avoit d'abord été Docteur en Droit Cano--
nique, Député & Inquisiteur du S. Office dans l'Inquisition
d'Evora , Prieur de l'Eglise Paroiffiale de
S. Laurent de Lisbonne , & ensuite Grand Prieur
du Convent de Palmellà , de l'Ordre Militaire de
`S. Jacques , & peu de temps après , fait Evêque de
Faro, le 8. Juin 1716. Il fut élevé au Cardinalat le
29. Novembre 1719 par Clément XI. Pape , aprés
la mort duquel il paffa à Rome , où il n'arriva que
depuis l'Election d'Innocent XIII . Ce nouveau Pa❤
pe lui donna le Chapeau dans un Consistoire pu
blic le 10. Juin 1721. & après avoir fait le 16. suivant
la céremonie de lui fermer & ouvrir la bouche
, il lui affigna le Titre de sainte Susanne. Le
Cardinal Pereira affifta au Conclave , dans lequel
le feu Pape Benoît XIII. fut élu en 1724. Il continua
de séjourner à Rome jusqu'au 27. Avril 1728,
qu'il en partit , en conséquence des ordres du Roy,
son Maître , pour retourner en Portugal. Il parut
à Lisbonne au mois de Juillet dernier un Tome imprimé
des Sermons composés & prêchés par ce
Cardinal.
Le 10. Octobre , Caëtan Cavalieri , Patrice Romain,
des Marquis Cavalieri , de la Famille Ursini ,
Hiiij des
2692 MERCURE DE FRANCE
des Ducs de Sennesio , & des Princes de Carpineo,
& Scaulino , Archevêque de Tarse , Chanoine de la
Bafilique de S. Pierre du Vatican , & Nonce Apostolique
en Portugal . mourut à Lisbonne , dans la
60. année de son âge , étant né le 29. Décembre
1678. Son corps fut exposé le 12. fuivant dans une
des Antichambres du Palais qu'il occupoit , & la
nuit il fut transporté dans l'Eglise de N. D. de Lorette
, où le 13. fes Obfeques furent célebrées , &
le soir il y fut mis en dépôt proche la Chapelle de
S.Jean.Il avoit été ci devant Nonce à Cologne pendant
10. ans . Il y réfidoit encore en cette qualité
lorsqu'il fut défigné le 20. Mars 1732. pour pas➡
ser à Lisbonne avec le même caractere. Il en partit
quelques mois après pour fe rendre en Portu →
gal , mais il fut obligé de s'arrêter fur les Frontie
res de ce Royaume , où il refta plufieurs années ,
n'étant entré en Portugal qu'après l'accommodement
de cette Cour avec celle de Rome. Il étoit
fur le point d'être élevé au Cardinalat, venant d'être
rapellé de cette Nonciature , avec ordre de fe rendre
inceffamment à Rome.
Le 3. Novembre Wautier Xavier , Prince du
S. Empire Romain de Dietrichstein , & de Niclasburg,
Seigneur de Hollemburg , de Finckenſtein &
de Thalberg , Baron de Trafp , & c. Echanfon héreditaire
de Carinthie , & Grand- Veneur héreditaire
de Stirie, Confeiller d'Etat actuel de l'Empereur,
fon Chambellan à la Clef d'Or , & Chevalier de
l'Ordre de la Toifon d'Or , du 29. Novembre 1731 .
mourut à Niclasburg , ou Nicolsburg , en Moravie,
dans la 75. année de fon âge , étant né le 18. Septembre
1664. Il avoit été dans fa jeuneffe Chanoine
des Eglifes d'Olmuts & de Paffau. Il laiffe posterité.
On peut voir de qui il eft fils , fes Alliances
fes Enfans , dans les Souverains du Monde , imprimés
DECEMBRE. 1738. 2693°
primés à Paris , chés Cavelier , en 1734. vol. II.
où il eft traité de la Maiſon de Dietricſtein , page
332. & fuiv.
Théodore Potocky , Archevêque de Gnesne &
Primat du Royaume de Pologne , mourut à Warfovie
le 12. Novembre dernier , dans un âge fort
avancé , il a montré en plufieurs occafions un génie
& une fermeté , capable des plus hautes entreprifes
, & la part qu'il a eu aux affaires les plus importantes
qui se sont paffées pendant les dernieres
années du Regne du feu Roy , ainfi qu'aux évenement
qui ont fuivi la mort de ce Prince , rendront
fon nom celebre dans l'Hiftoire de Pologne. Le
Roy de France lui avoit accordé au mois de Février
dernier l'Abbaye de Cercamp , Ordre de Cîteaux
Diocèse d'Amiens.
Le 6. Octobre , vers les onze heures du matin ,
la Grande Ducheffe de Tofcane accoucha à Vienne
heureusement d'une Princesse , laquelle fut baptifée
le même jour par le Nonce du Pape , & fus
nommée Marie- Anne- Josephine Jeanne- Antoinette.
VER S.
A S. E. M. le Cardinal FLEURY
Par Mad. L ***,
TRès-magnaninie Cardinal ,
Vous , qui ne faites point de mal
Et qui n'en sçûtes jamais faire ;
"
Mais pour du bien , c'est le contraire ,
Hv
Tanke
2694 MERCURE DE FRANCE
Tant- mieux pour vous en vérité ;
L'on ne vit one félicité
,
Qui parût semblable à la vôtre ,
Vous êtes saint comme un Apôtre ,
Quoique vous soyez plus malin ;
Témoin cette guerre allumée ,
Que vous changeâtes en fumée ,
En Italie & sur le Rhin ,
Où l'Ennemi le plus rebelle
Fut un Chien de Jean de Nivelle ;
Certes , le tour fut si plaisant,
C
Qu'on rit encore en y pensant ;
Mais , Seigneur , il faut autre chose ,
Puisque sur vous on se repose ,
Ayez la bonté désormais ,
De n'être malade jamais.
Cela ne fait
pas notre compte ,
Fi donc , n'avez-vous point de honte.
De montrer un air délicat ,
Lorsque vous soûtenez l'Etat ?
Quand on est chéri de la France ,
Que l'on est bon par excellence
Il faut être frais comme un oeuf,
Se porter comme le Pont-Neuf;
Voici tout le but de l'affaire ,
Sans vouloir être témeraire ;
Si vous conseillez notre Roi ,
J'oserai
DECEMBRE.
1738. 2695
Joserai vous conseiller , moi ,
Car je ne serai pas si sotte
D'être inutilement dévote ,
Et de faire pour vous des voeux ,
Pour que vous soyeż langoureux .
Que la santé vous accompagne ,
Et nous serons Rois de Cocagne .
FRANCE.
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
la :
E 30. du mois dernier , premier Di
manche de l'Avent , le Roy & la Reine
entendirent dans la Chapelle du Château
de Versailles , la Messe , chantée par
Musique. L'après midi , LL. MM . assisterent
à la Prédication du P. Menou , de la
Compagnie de Jesus.
>
Le même jour , le Marquis de Bonnac
Lieutenant Géneral pour le Roy au Gou
vernement du Pays de Foix , prêta Serment
de fidélité entre les mains de S. M...
Le 27. Septembre , le Marquis de Brancas
fir, à Rennes, son Entrée publique en qualité
de Commandant en Chef de la Province de
Hvj Bretagne -
2696 MERCURE DE FRANCE
Bretagne , & le 4. Octobre il y fit l'ouver
ture des Etats de la Province. Il prononça
un Discours qui fut généralement aplaudi ;.
& ayant demandé au nom du Roy un Don
gratuit de deux millions , les Etats l'accorderent
d'une voix unanime & il dépêcha
ensuite son Capitaine des Gardes , pour en
aporter la nouvelle en Cour.
›
Le Roy a nommé depuis peu Chef d'Es
cadre de ses Armées Navales , M. de Remont
de Radouay , Capitaine de Vaisseau , & Commissaire
Géneral de l'Artillerie de la Marine.
M. le Comte d'Argenson , Conseiller d'Etat
, & Chancelier de M. le Duc d'Orleans ,
a été nommé par le Roy , sur la fin du mois.
dernier , Président du Grand Conseil pour
l'année 1739. à la place de M. de Fortia
dont le Service doit finir à la fin.de cette:
année.
Le 23. Novembre , M. de Brissac , Eve
que de Condom , célébra Pontificalement la
Messe dans l'Eglise de la Maison Professe
des Jésuites , pour la Propagation de la Foi ,
Extirpation de l'Hérésie , & l'Union des
Princes Chrétiens. Le Cardinal de Polignac
y assista , avec plusieurs Evêques & un
grand nombre de Seigneurs de la premiere
dis
DECEMBRE 1738.2697
distinction. Il y eut ensuite dans la même:
Maison un Diné magnifique
differentes tables.
>
servi sur
Le 17. de ce mois , Madame la Duchesser
Douairiere de Bourbon , donna dans son
Hôtel un grand Souper servi sur cinq diffe
rentes Tables , de vingt-cinq Couverts cha
cune , il y eut ensuite un Bal dont Madame
la Duchesse la Jeune , fit les Honneurs
, qui fut des plus brillans , tant par la
riche parure des Dames de la premiere distinction
, que par la magnificence des Habits
de plusieurs Seigneurs qui y danserent .
Le 8. de ce mois , Fête de la Conception:
de la Sainte Vierge , LL. MM. entendirent
la Messe dans la Chapelle du Château de
Versailles ; l'après -midi Elles assisterent au
Sermon du P. Menou , de la Compagnie de
Jesus , & ensuite aux Vêpres qui furent
chantées par la Musique.
Le 14. troisiéme Dimanche de l'Avent , le
Roy & la Reine entendirent dans la même
Chapelle la Messe chantée par la Musique.
L'après -midi , LL. MM. accompagnées du
Duc d'Orleans , du Duc de Chartres , du
Prince de Dombes & du Duc de Penthievre,
assisterent à la Prédication du P. Menou..
Le
2698 MERCURE DE FRANCE,
Le 21: quatrieme Dimanche de l'Avent
le Roy & la Reine entendirent dans la mê
me Chapelle la Messe chantée par la Musique.
L'après- midi Leurs Majestés assisterent
à la Prédication du même Pere Menou.
Le 24. veille de la Fête de la Nativité de
N. S. le Roy & la Reine entendirent les premieres
Vêpres , qui furent chantées par la
Musique , & auxquelles l'Evêque de Viviers
officia .
Le 25. jour de la Fête , le Roy & la Reine
, qui , après avoir assisté à Matines , avoient
entendu à minuit trois Messes , assisterent
à la grande Messe , célébrée Pontificalement
par l'Evêque de Viviers. Monseigneur le
Dauphin , & Mesdames de France entendirent
la même Messe. L'après - midi , Leurs
Majestés entendirent la Prédication du mê--
me Prédicateur , & ensuite les Vêpres , aux--
quelles le même Prelat officia
******************
F
ETRENNES..
A M
Aire des Vers pour vous faire une Etrenne ,,
Je crains que ce ne foit une inu ile peine ;
Les discours les plus gracieux
Deviennent souvent ennuyeux ;
Et
DECEMBRE. 1738. 269%)
Et les cerveaux noyés dans l'Hypocrêne ,
Ont beau vouloir prouver qu'ils vous cheriffent bien,.
On les écoute , on n'en croit rien .
Je fuis embaraffé , la chofe eft bien certaine
Faut- il vous faire des préfens 2 .
S'ils n'égalent mes fentimens ,,
C'est encore peine perduë :
On les trouver affés brillans ?
S'il en paroiffoit à ma vûë ,
Si par hazard on en trouvoit ,
Mon esperance encor feroit déçue ,
Ma fortune trop mince alors n'y fuffiroit ;
Ergo D .... ne pourroit .
J'ai du refpect , de la reconnoiffance ,
Et j'aime mieux m'en tenir là.
Demandez quand il vous plaira
Des preuves de ce que j'avance ,
Je fçaurai les donner avec obéïflance ,
Et vos voeux & les miens deviendront fatisfaits.
Je crois qu'il eft temps de me taire ,
Je voudrois en dire plus , mais ,
Tout ce que je brûle de faire ,
L'emporte fur ce que je fais.
De Valois d'Orville.
COM700
MERCURE DE FRANCE
COMPARSE , ou Entrée Publique , avec
la Description des Caroffes , Chevaux ,
Livrée , &c.
LE 21. de ce mois , le Prince de Lichtenstein
, Ambassadeur de l'Empereur,
fit son Entrée publique à Paris : le Maréchal
de Puysegur , & le Chevalier de Saintot ,
Introducteur des Ambaffadeurs , allerent le
prendre dans les Carosses du Roy & de la
Reine au Convent de Picpus , d'où la marche
se fit en cet ordre.
›
Le Caroffe de l'Introducteur ; les deux
Caroffes du Maréchal de Puysegur , précédés
d'un Ecuyer & de deux Pages à cheval ; un
Suiffe de l'Ambaffadeur , à cheval ; sa Livrée
à pied , dix de ses Palefreniers à cheval ; son
Maître d'Hôtel & dix de ses Officiers ; un
de ses Ecuyers , à la tête de douze Palefreniers
, qui menoient en main des chevaux
richement harnachés ; un Ecuyer & huit
Pages à cheval ; le Caroffe du Roy , aux cô-¨
tés duquel marchoient la Livrée du Maréchal
de Puysegur & celle du Chevalier de
Saintot ; le Caroffe de la Reine ; celui de
Madame la Ducheffe d'Orleans ; ceux du
Duc d'Orleans , du Duc de Chartres , de la
Ducheffe de Bourbon Doüairiere , du Duc
& de la Ducheffe de Bourbon , du Comte
de Clermont , de la Princeffe de Conty ,
Premiere
›
DECEMBRE. 1738. 2701
Premiere Doüairiere , de la Princeffe de
Conty , Seconde Doüairiere , du Prince de
Conty , de la Ducheffe du Maine , du Prince
de Dombes, du Comte d'Eu , de la Comteffe
de Toulouse , du Duc de Penthievre ,
& celui de M. Amelot , Ministre & Secretaire
d'Etat , ayant le Département des Affaires
Etrangeres ; & à la distance de trente à
quarante pas , les cinq Caroffes de l'Am
baffadeur , précédés d'un Suiffe à cheval.
Lorsque l'Ambaffade ur fut arrivé à son
Hôtel avec ce pompeux Cortege , il fut
complimenté de la part du Roy par le Duc
d'Aumont , Premier Gentilhomme de la
Chambre ; de la part de la Reine , par le
Comte de Tessé , son premier Ecuyer , & de
la part de Madame la Ducheffe d'Orleans,
par le Marquis de Crevecoeur , premier Ecuyer
de S. A. R.
La Livrée de l'Ambaffadeur marchoit sur
deux files , habillée de Drap écarlate , cha◄
marré d'un double galon d'or liseré de velours
bleu ; les vestes de velours de la même
couleur , chamarré d'or en plein , avec des
noeuds d'épaule en or , & le chapeau orné
d'un point d'Espagne de même , & d'un plumet
blanc.
Les chevaux de main , conduits par les
Palefreniers dont on a parlé , avoient
des caparaçons de velours couleur de feu ,
aves
2702 MERCURE DE FRANCE
avec une broderie relevée en bosse , & les Armes
du Prince de Lichtenstein ; les selles &
les houffes de velours de differentes couleurs ,
étoient brodées les unes en or , les autres en.
argent.
Les habits du premier Ecuyer , & de huit
Pages de Son Excellence qui marchoient ensuite
, étoient de velours couleurs , de ceri
se , avec un Point d'Espagne fort riche sur
toutes les coutures. Les vestes de velours
bleu , avec un point d'Espagne de même ,
les noeuds d'épaule , en or & brodés.
&.
Le premier Caroffe , d'une très- belle forme
, le plus riche & le plus grand de tous ,
étoit doublé d'un velours cramoisi brodé en:
or & relevé en bosse ; les glands , cordons ,
flanges & crépines d'or : la housse & les soupentes
enrichies de même : l'imperiale cou--
verte de même velours , & aux quatre coins ;
des groupes & ornemens de bronze doré ;
milieu étoit occupé par un Globe, sur lequel
étoit posé un Aigle de même métal, & doré.
le
Le morceau de Peinture du Paneau dé
devant , représentoit la Déesse de la Paix
qui fait brûler des instrumens de guerre par .
des Amours. On voyoit au doffier du Paneau
d'enhaut , l'union de la Seine , du Danube ,
& du Rhin , & au Paneau d'en -bas , l'Abondancé
avec ses attributs .
Le Sujet de la Portiere droite étoit , Apollon
DECEMBRE 1738 2703
lon & Minervé , avec des Génies & des
Amours qui s'apliquent aux Arts & aux
Sciences. A la Portiere oposée , on voyoit
les Déesses qui président aux grandeurs &
aux richesses .
Ces beaux Ouvrages ont été executés avec
la plus grande précision par les Srs Gervais,
Sculpteur , Lucas Peintre , & Neufmaison,
Doreur.
Ce premier Carosse , dont on n'entreprendra
pas de donner une plus grande idée
étoit attelé de huit magnifiques chevaux
noirs , des Haras du Prince de Lichtenstein3
la criniere étoit ingénieusement ornée , des .
deux côtés de l'encolure , de Points d'Es
pagne festonnés , avec des rosettes brodées .
& garnies de glands & crépines d'or ; les
aigrettes d'un goût singulier & recherché ,
avec des crépines & carrisanes d'or , entremêlées
de plumes blanches. Les Harnois
n'étoient pas moins riches ni moins bien
entendus, ils étoient couverts de même velours
galonné d'or , avec des boucles &
autres ornemens de bronze doré .
Le second Carosse , quoique moins riche
que celui dont on vient de parler , a été
trouvé par tous les Connoisseurs & les Gens
de goût le plus beau de tous , d'une trèsbelle
forme ,, avec des contours élegans &
variés, & le plus ingénieusement arné. Il
étoit
1704 MERCURE DE FRANCE
.
étoit en argent , garni en dedans d'un vei
lours bleu avec une broderie relevée . La
Housse de l'imperiale étoit du même velours,
& brodée en argent dans le même goût. Des
quatre coins de l'Imperiale , s'élevoient des
bronzes argentés qui faisoient un très - bel
effet. La Sculpture de ce Carosse est du St
Pelletier ; il étoit attelé de huit chevaux de
frise gris pommelés : les ornemens des crinieres
& des aigretes dans le goût des précedentes
, & les Harnois couverts du même
velours galonné d'argent , avec des boucles
& ornemens en bronze argenté.
Le troisiéme Caroffe , ou Caleche , étoit
doublé d'un velours vert brodé en or , PImperiale
couverte de même velours, contourné
& couronné par des bronze dorés. Les
Peintures représentoient les diverses Vertus
Héroïques & Morales , d'un beau fini.
Cette Caleche a été dorée par le Sr Martin
le jeune. L'Attelage étoit de huit chevaux
pies , les ornemens des crinieres étoient de
rubans verts , & glands d'or , ainsi que les
aigretes , avec crépines & cartisanes d'or :
les Harnois couverts de même velours , piqués
d'or trait , & garnis de divers ornemens
en bronze doré.
Le quatrième Carosse étoit en Berline ;
doré par le Sr Martin l'aîné , doublé de
velours cramoisi, enrichi d'une broderie d'or;
l'ImDECEMBRE.
1738. 2705
I'Imperiale étoit surmontée de bronzes dorés
, & l'Attelage étoit de huit chevaux
Danois , dont les ornemens des crinieres &
des aigretes étoient en cramoisi & or ; les
Harnois de maroquin rouge , garnis de
bronzes dorés.
›
L
Le cinquiéme & dernier Equipage , étoit
une autre Berline, dorée & garnie de velours
Cramoisi cizelé , et attelée de six chevaux
dont les Harnois étoient de maroquin rouge,
avec differens ornemens de bronze doré.
Dans la marche de la omparse , les
Caroffes du Prince de Lichtenstein étoient
suivis des Equipages de quelques Seigneurs
Etrangers , aussi riches que bien entendus
distingués surtout par la beauté des Attelages
, tels que ceux du Prince de Ligne , du
Duc d'Ursel , du Comte Jorger , du Comte
Paphta , du Baron Quadt , &c.
Le 23. le Prince de Pons & le Chevalier
de Saintot , Introducteur des Ambassadeurs
, allerent prendre le Prince de Lichtenstein
en son Hôtel dans les Caroffes de
Leurs Majestés , & ils le conduisirent à
Versailles. Il y arriva avec le même Cortege
dont on vient de donner la description , et
il cut sa premiere Audience publique du
Roy : il trouva à son passage dans l'avant
cour du Château les Compa
gnies des Gardes Françoises & Suiffes sous
-
,
les
2706 MERCURE DE FRANCE
les armes , les Tambours apellant ; dans, la
Cour , les Gardes de la Porte & ceux de la
Prévôté de l'Hôtel sous les armes , à leurs
Postes ordinaires , & sur l'Escalier , les Cent
Suisses en habits de cérémonie , la Hallebarde
à la main. Il fut reçû en dedans de
la Salle des Gardes par le Duc d'Harcour ,
Capitaine des Gardes du Corps , qui étoient
en haye & sous les armes. Après l'Audience
du Roy , l'Ambassadeur fut conduit à l'Audience
de la Reine & à celle de Monseigneur
le Dauphin par le Prince de Pons , &
par le Chevalier de Saintot , Introducteur
des Ambassadeurs : il eut ensuite audience
de Mesdames de France , & après avoir été
traité par les Officiers du Roy , il fut reconduit
à Paris dans les Carosses de Leurs Majestés
avec les cérémonies accoûtumées .
VERS
Pour accompagner une Rose brodée en soye
sur du Papier , envoyée à un Cavalier
par une Demoiselle nommée Rose .
Combiende fois dans votre humeur badine,
Peut-être auffi dans votre humeur chagrine
Avez- vous dit , beau Sire , qu'il n'est point
Et qu'il ne fut jamais de rose sans épine !
Je
DECEMBRE. 1738. 2707
Je veux vous détromper aujourd'hui sur ce point.
Voyez , examinez , tâtez devant , derriere ,
Deffus , deffous , & de toute maniere ;
Je ne suis point sujette à la commune loi ,
Et vous pourriez plutôt rencontrer , je vous jure ,
Un Merle blanc dans la Nature ,
Que la moindre épine chés moi.
Qu'en dites-vous ? que pouvez-vous répondre ?
Certes vous aviez tort , avoüez - le entre nous ;
Et c'eft auffi pour vous confondre ,
Qu'aujourd'hui l'on m'adreffe à vous.
Mais sçavez -vous quel indice facile
On m'a donné de votre domicile ?
Le voici : Pour trouver , m'a-t -on dit , la maison
De la Personne en queſtion ,
Informez-vous en quel endroit habite
Un Cavalier en tous points achevé ,
Chés qui loge le vrai mérite.
Je l'ai fait ; je vous ai trouvé.
J.A. Masson d'Arras.
Nous aprenons par une Lettre de Rennes,
que la Machine Hydraulique de feu M. Dupuy
, Maître des Requêtes , ci - devant Inten--
dant de Canada , & dont on a parlé ailleurs,
vient de réussit aux Mincs de Pont Cean en
Bretagne , où elle opere un Produit infiniment
12708 MERCURE DE FRANCE
ment superieur à celui de la même Machine ;
qu'on a vûë et qu'on voit encore à Paris
dans la Maison de ce Magistrat.
M. de Sausanne , son Eleve dans ce genre,
conduit cette importante Operation au gré
et à la satisfaction des Personnes interessées
dans ces Mines . On travaille actuellement à
dresser les Maneges pour le grand Epuisement
du Puits de Bicêtre , qui contient cinq
cent mille Muids d'Eau , & qui a deux cent
Pieds de profondeur.
D
CHANSON.
Sur l'Air:
Faisons une bachique Guerre ,
L'Amour n'en sera point jaloux.
Ans les bras de la jeune Flore ,
Zéphir goûte mille plaisirs ;
Loin du cher objet que j'adore ,
Je ne vis que de mes soupirs.
Dieu charmant ! eft- ce le partage
D'un coeur qui brûle de tes feux ?
Si le plaisir eft ton ouvrage ,
Qui mérite plus d'être heureux ?
Vole,
DECEMBRE. 1738.
2759
Vole , Amour , vole sur les traces
De celle qui me fait souffrir ;
Tu la reconnoîtras aux graces
Dont ta meré a sçu l'embellir.
*
Peins - lui bien ma douleur extrême ;
Amour , j'imploreton secours ,
Mais surtout dis-lai que je l'aime ,
Et que je l'aimerai toujours.
A une Dame qui n'avoit pas été d'une Partie de
Campagne où elle étoit invitée.
LE Dieu charmant qu'à Paphos on révere
Ce Dieu qui fait des destins le plus beau ,
Sur les pas empressés de la troupe légere
Des Graces & des Ris , arrive en ce Hameau :
Il croyoit que ces Lieux vous poffedoient, Céphise
Son coeur en reffentoit déja mille plaisirs ;
Mais helas ! quelle fut sa honte & sa surprise ,
De n'y pas voir l'objet de ses tendres desirs. !
Inquiet & rêveur , plein de son infortune ,
Auffi-tôt il reprend son Carquois & ses traits ,
Et fuyant de nos yeux la présence importune ,
Il vole près de vous pour n'en partir jamais.
1. Von La
2710 MERCURE DE FRANCE
"
Le 8. Decembre , Fête de la Vierge ,
on chanta au Concert Spirituel du Château
des Tuilleries , le Dixit Dominus ;
Motet à grand Choeur de M. de la Lande
qui fut suivi d'une excellente suite de Symphonie
de la composition de M. Mouret , etd'un
petit Motet à voix seule , du même
Auteur. Les Srs Guignon et Blavet executerent
differentes Piéces de Symphonie ; la
Dlle Bourbonnois chanta un Air Italien
après lequel on donna encore un grand Motet
pour terminer le Concert.
Le 25. Fête
de
Noël
, il y eut
aussi
Concert
Spirituel
; toute
la Symphonie
executa
un
nouveau
Carillon
, qui
fut
suivi
d'une
Suite
d'Airs
des
plus
beaux
Noëls
, et
de
deux
Motets
de
M.
de la Lande
. Le Sr Petit
,
Ordinaire
de la Musique
du
Roy
Stanislas
Duc
de Loraine
, executa
un
Concerto
de sa
composition
avec
aplaudissement
, de même
que
les
Srs
Guignon
& Blavet
, qui
executerent
plusieurs
excellentes
Piéces
de Symphonie
, au
gré
d'une
nombreuse
Assemblée
On
donna
encore
un
Motet
à grand
Choeur
, du
célebre
Gilles
, Provençal
, Maître
de Musique
de
S. Etienne
de
Toulouse
.
C'est
un
excellent
Morceau
de
Musique
.
Le 2. Decembre , les Comédiens François
représenterent à la Cour le Comte d'Essex , &
Crispin Rival de son Maître.
Le
DECEMBRE 1738. 271F
Le 4. les Epoux Réunis , & l'Ecole des
Maris.
Le 9. la Tragédie d'Heraclius , & la Foire
S..Laurent.
Le 11. la Reconciliation Normande , &
l'Inquiet.
•
Le 16. Andromaque , & le Retour imprévû.
Le 18. les Menechmes , & la Famille Extravagante.
Le 23. Britannicus , & l'Epreuve réciproque.
Le 30. Crispin Musicien , & le Double
Veuvage.
Le 3. Decembre , les Comédiens Italiens
représenterent aussi à la Cour , le Jeu de
L'Amour & du Hazard , & la petite Piéce du
Bouquet.
Le 10. les Contretemps , & la Sylphide.
Le 17. Arlequin Aprentif Philosophe , &
Arlequin toujours Arlequin. On joignit à¨
cette Piéce quelques Scenes très-comiques
de la Comédie de Timon le Misantrope ,
joüées par le Sr Thomassin , qui divertirent
beaucoup Monseigneur le Dauphin.
Lij SON
2712 MERCURE DE FRANCE
*************** ! **
J
SONNET EN BOUTS-RIME'S.
E ne suis point tenté de courir la
Ni d'aller admirer les Palais d'
Sans visiter les Lieux qu'habitoit
Calabre,
Ispaham.
Abraham;
Je sçais trop qu'il n'est rien que le temps ne Délabre.
J'aime mieux voir d'Iris les levres de Cinabre,
Que l'antique terrain , cultivé par
Adam ;
Sous mon toît plus heureux qu'un Bourgeois
Des Tartares cruels je ne crains point le
Je préfere mon sort à celui d'un
J'estime cent fois plus Paris que
d'Amsterdam ,
Sabre.
Aza,
Malaga,
Perle
Caffé ,
Ni que Coromandel , où l'on pêche la
Je trouve ici Gibier , bon vin & put
Je bois quand il me plaît , je jase comme un Merle,
Quand on peut vivre ainsi, n'est-on pas né Coëffé ?
Le Maire.
BOUTS-RIME'S A REMPLIR ,
SONNET.
Sabot,
Largesse ,
Finesse,
DECEMBRE. 17382 2713
Finesse ,
Jabot.
Gigot,
Tendresse,
Permesse,
Sot.
Pressoir ,
Réservoir ,
Mine
ہ ن
Furieux
Proserpine ,
Sérieux.
Le Public eft averti que le troifiéme Tirage de la
Loterie de Commercy fera fait exactement le 26.
Février 1739
On ne recevra le payement des troifiémes Nour
ritures que pendant le cours du mois de Janvier , &
le premier jour du mois de Février 1739. les Bureaux
feront fermés ; & tous ceux qui n'auront pas
fatisfait au troifiéme payement avant ce terme , ne
feront plus intereffés à la Loterie.
On donnera le dix ou le douze au plûtard , la Liste
des Billets abandonnés pour le troifiéme Tirage
qui se diftribuera chés Mrs Perret & Roger,afin que
fi , nonobfaut la grande attention que l'on apore
acette opération , il le trouve quelque erreur ou
1 j omiffion,
2714 MERCURE DE FRANCE
omiffion , le Public ait agréable d'en avertir chés
le Receveur où l'omiffion aura été faite , pour
qu'on la puiffe réformer avant le 20. Février , que
l'on donnera l'Etat précis dans lequel la Loterie fera
tirée , & après ledit jour 20. Février , on ne fera
plus admis à propofer aucune erreur , & on rendra
Pargent à ceux dont on n'auroit pas compris les Billets
au nombre de ceux qui doivent être tirés .
On continuera de délivrer jufqu'au 10. du mois
de Février inclufivement , les nouveaux Billets feulement.
Distribution des Lots du troisiéme Tirage.
SCAVOIR .
1 Lot de
150000 livres
I
de 80000
I de
40000
】; de
30000
de 20000 livres , 4C000
de 10000 40000
ΤΟ de
5000 10000
25
de
3000 75000
104 de 1000 104000
I de 800 800
614 de 500
764 Lots , montant à
307000 .
916800 livres.
Il y aura dans le total des Tirages de cette Loterie
, en quelque état qu'ils foient faits , un Lot
fur huit Billets , ou 125. Lots par mille Billets , ce
qui eft la même chofe , comme il a été annoncé
par le Plan géneral , & tous les gros objets font à
peu près confervés proportionnément , ( pour la
quantité ) au nombre des Billets délivrés.
II
DECEMBRE. 1738. 2713
Il y a eu dans le premier Tirage
10. Lots par 1000. Billets , ci 10. Lots
Dans le fecond Tirage 15 .
Lots par 1000. Billets , ci Is.
Il y aura dans le troifiéme Tirage
25. Lots par 1000. Bill. ci 25 .
Dans le quatriéme Tirage 25.
Lots par 1000. Billets , ci
250
Et dans le cinquiéme & dernier
Tirage so Lots par 1000 Bill . ci fo .
Total. 125. Lots par 1000 Bill.
Comme il n'eft pas commode de lire les Affiches
dans le temps d'hyver , & qu'il eft jufte que les Intereffés
à la Loterie foient inftruits des Opérations,
on a pris le parti de faire diftribuer une quantité
fuffifante du préfent Avis.
MORTS , NAISSANCES
& Mariage.
E 7. Octobre , la' nommée Marie Benard , de
la Paroiffe de Cailly , Diocèle d'Evreux , mourut
, âgée de 104. ans , 3. mois & 14. jours , étant
née le 23. Juin 1634 .
Lla mou-
Le 27. la veuve Bessere , Mere du Curé de la Paroiffe
de S. Fleuret , près d'Iffoire en Auvergne ,
mourut chés fon Fils , âgée de 104. ans acomplis.
Marie Jacquet , veuve de Dominique Moreau ,
mourut les premiers jours de Novembre , au Village
de Noifiel fur Marne , à 4. lieuës de Paris , dans fa
106. année .
Le ... Novembre , D. Marie- Henriette de Cailbou
716 MERCURE DE FRANCE
་
bou Désignac , femme de Nicolas-Charles Roulin ,
Sr de Launay, mourut dans la 5 3. année de fon âge ,
laiffant de fon Mariage trois fils & une fille. Un des
fils eft d'Eglife , & les deux autres au Servicé du
Roy. Leur Mere étoit fille de Charles de Cailhou
Défignac , qui avoit été Premier Ecuyer de Henry
de Bourbon , légitimé de France , Duc de Verneuil ,
& de D. Jeanne de Gallois de Vaudricourt , qui
avoit été Dame d'Honneur de Charlotte Seguier ,
Ducheffe de Verneuil. On a raporté la mort de
P'un & de l'autre dans les Mercures de Janvier &
Mars 1736. pages 180, & 603.
Le ... Noveinbre , Antoine Bitaut , Seigneur
de Vaillé , Rochereau , Collay , le Pally , la Boussonniere,
&c . Confeiller au Grand- Confeil, où il avoit
été reçu le 19. Décembre 1714. mourut dans fos
Terres en Anjou , âgé d'environ 46. ans , ne laissant
qu'une fille unique de feuë Elizabeth- Claude
Gallois , fille d'un ancien Receveur Géneral des
Finances en Champagne , qu'il avoit épousée au
mois d'Avril 1717. & laquelle mourut le premier
Juin 1721. Le Défunt étoit fils aîné de feu Antoine
Bitaut , Seigneur de Vaillé , Rochereau , auffi
Confeiller au Grand- Conſeil , mort à fa Terre de
Vaillé en Anjou , le 17 , Juin 1735. & de D. Marguerite
Rouillé da Coudray , fa veuve , & reveu de
feu François Bitaut , Prêtre , Docteur en Théologie
de la Faculté de Paris , de la Maiſon & Societé
de Sorbonne , Doyen de l'Eglife Cathédrale d'Evreux
, où il eft mort le 27. Juin dernier.
Le ... Novembre , Paul de Coet , Comte de
Marignane , Chevalier de l'Ordre Militaire de
S. Louis , & Lieutenant Géneral des Armées du
Roy du 30. Mars 1720. mourut au Château de
Marignane , Diocèfe d'Arles en Provence , dans la
74. année de fon âge. Il avoit commencé à fervir
dans
DECEMBRE 1738. 2717
dans le Régiment des Gardes Françoifes , où il fut
fucceffivement Enfeigne , Sous - Lieutenant & Lieutenant
; enfuite il fut fait Colonel du Régiment
d'Albigeois , & élevé au grade de Brigadier le 26 .
Octobre 1704. & de Maréchal de Camp le 29 .
Mars 1715. Il étoit fecond fils de Jean - Baptifte de
Couet , Marquis de Marignane , & des ifles d'Or,
Baron de Borme & de Tretz , Seigneur de Velaux
de Vitroles , de S. Canat , Gouverneur de la Tour
de Boue les Martigues, & des Inles de Portecros, & de
Levant,qui avoit été deux fois premier Conful d'Aix
& Procureur du Pays de Provence ; & de Blanche
de Seitres de Caumont , fa féconde femme . Il faut
voir pour Porigine de cette Famille l'Hiſtoire de
Provence de Noftradamus , p . 1o82 . & le Nobiliaire
de Provence de l'Abbé Robert , premier volume,
Page 149.
Le 13. D. Louife - Magdeleine Faille , Epoufe de
Chriftophe Boyeret , Doyen des Confeillers de la
Cour des Aydes de Paris , avec lequel elle avoit été
mariée le 4. Septembre 1686. mourut, âgée d'en
viron 72 ans , fans laiffer d'enfans ; elle étoit seconde
fille de feu François Faille , Tréfofier de
France en la Géneralité de Caën, & fñtendant du feu
Marquis de Croifly- Colbert , Mmiſtre & Secretaire
d'Etat
"
Le 20: D: Marie-Angélique-Félicité le Pileur ,
Epoufe en fecondes Notes depuis 1727. de Louis-
Guillaume Faure , Seigneurde S. Jean -Gouft , & auparavant
veuve de Charles Hiacinte Paciot , Seigueur
du Bouillon , Procureur General du Parlement
de Normandie , avec lequel elle avoit été
mariée le 3. Février 1717. mourut à la Campagne,
âgée d'environ 40. ans , fans enfans , laiffant une
riche fucceflion , & pour héritier Auguftin le Pi-
Faus Seigneur de Brévanes , fon Rcere , Confeiller
IV 213
2718 MERCURE DE FRANCE
au Parlement de Paris de la feconde Chambre des
Enquêtes.
Le 21. D. Marie - Magdeleine Matharel , veuve
depuis 1726. de Gabriel - François- Joſeph du Poulpry
, Seigneur- Marquis dudit Lieu , Comte de Keraval
, en Bretagne, Maréchal des Camps & Armées
du Roy , & ci-devant Sous - Lieutenant de la Compagnie
des Chevau Legers de S. M. Premier Ecuyer
de feue Elizabeth - Charlotte de Baviere , Ducheffe
Douairiere d'Orleans , avec lequel elle avoit été
mariée au mois d'Avril 1697. étant alors Chanoineffe
de Maubeuge , mourut à Paris , dans la 65 .
année de fon âge. Elle étoit fille de feu Louis Matharel
, Secretaire Géneral de la Marine , & enſuite
Intendant Géneral de la Marine & Mers du Levant,
& des Armées Navales du Roy, & de Marie le Secq,
fa veuve , morte le 10. Avril 1714 ágée de 66. ans.
La Marquife de Pou pry laffe un fils , apellé le
Comte de Poulpry Mettre de Camp de Cavalerie,
& Enfeigne de la Compagnie des Gendarmes d'Anjou
ci - devant Guido de celle des Gendarmes
Flamans .
> 7
1
Le 23 Jean-Baptifte Pouffart , Marquis du Vigean
, Capitaine de Cavalerie dans le Régiment
Dauphin Etranger, & fils d'Augufte Pouffart , Comte
du Vigean . Marquis d' Anguitard , Seigneur , Baron
de Moins- Alard , Camp , Sainte- Hermine
S. Simon de Bors, & c. & de D. Marie Louife d'Arde
la Poupeliniere , mourut à Pa is âgé de 21 .
ans. Il avoit été marie le 5. Août 1734.. avec D.Catherine-
Françoite Dreux , fille de Thomas Dreux
Grand-Maître des Céremonies de France , Lieutenant
Géneral des Armées du Roy , Gouverneur des
Ifles de sainte Marguerite & S. Honorat en Provence
, Marquis de Brezé , Baron de Berrie , Seigneur
de S. Juft , Someloir , Silly , la Varenne , &
d'Oifmont,
DECEMBRE. 1738. 2719
d'Oifmont ; & de D Catherine-Angelique Chamillart.
Il la laiffe veuve & Mere d'Anne Bertrand
Pouffart , fils unique , né le 2. Septembre 1735.
Le même jour , Nicolas d'Orglandes , Comte de
Brioufe ,ancien Colonel d'un Régiment d'Infanterie,
mourut en fon Château de Brioufe en Normandie ,
âgé de 73. ans , dont il en avoit paffé trente atr
fervice du Roi . Il étoit d'une ancienne Nobleffe de
fa Province , où il étoit aimé , & généralement
eftimé de tous ceux qui le connoiffoient ; il laiffe
de fon mariage avec Dame Susanne de Beauchamp
fept garçons & quatre filles.
Le 29. Claude Godefroy , Ecuyer , Avocat
au Parlement de Paris & aux Confeils du
Roi depuis 1693. mourut à Paris dans un âge
avancé , laiffant un fils de Marguerite Bellavoine
fa femme , fille de feu Jean Bellavoine , Confeiller-
Secretaire du Roi , & de Genevieve Doyrien ,
le Défunt étoit fils & petit fils des célébres & favans
Denis & Theodore Godefroy , & frere de
feux Denis Godefroy III . du nom , & de Jean Godefroy
, de tous lefquels on voit les éloges dans
le Dictionaire Hiftorique , Edit de 1725. & 1732 .
& dans le Suplément de 1735 .
Le même jour Dame Magdeleine de Bourbona
veuve depuis le 8.Janvier 1715 de Nicolas de Quelen
d'Eftuer de Cauflade ,Comte de la Vauguyon &
de Brouray , Marquis de Saint Megrin , Baron de
Tonneins , &c . avec lequel elle avoit été mariée
le premier Octobre 1703. mourut à Paris âgée
d'environ 63. ans. Elle étoit fille de Louis de Bourbon
, Comte de Buffet , Baron de Chaslus & de
Vezigneul , Lieutenant Général de l'Artillerie de
France , tué au Siége de Fribourg la nuit du 10. au
11. Novembre 1677- & de Dame Magdeleine de
Bermondet d'Oradour , morte le 30. Juillet 1724-
I vij La
2720 MERCURE DE FRANCE
La Comteffe de la Vauguyon laiffe pour fils uique
, Paul- Antoine de Quelen d'Eftuer de Caufiade
, Comte de la Vauguyon , Marquis de Saint
Megrin , &c. Colonel du Régiment de Beauvoilis ,
par Commiffion du premier Décembre 1734. &
marié au mois de Mars de la même année 1734.
avec une fille de Paul- François de Bethune ,
DC
de Charoft , Pair de France , Chevalier des Ordres
du Roy , Lieutenant Général de fes Armées , Capitaine
d'une Compagnie de fes Gardes du Corps &c.
& de Dame Julie Chriftine - Regine - George d'Entregues
, Dame du Palais de la Reine. Louis de
Quelen d'Eftaer de Cauffade , Marquis de Saint
Megrin , Comte de la Vauguyon , fils aîné de la
Comteffe de la Vauguyon , quivient de mourie,
mourut à Valenciennes le 2. Août 1730. dans la
vingt- cinqu éme année de fon âge , fans avoir été
marié Il étoit Meftre de Camp de Cavalerie.
Le 30. Dame Génévieve Titon , veuve depuis le
27. Juin 1705. de Jean- Baptifte le Feron , Seigneur
du Pleffis aux-Bois , d'lverny & Cuify , Maître or
dinaire en la Chambre des Comptes de Paris &
Grand Maître des Eaux & Forêts de Erance au Département
de l'ifle de France , avec lequel elle avoit
été mariée le 4. Mars. 1691. mourut dans la 67.
année de fon age ; de trois enfans que le avoit
eue , elle ne laifle pour toute héritiere que Marie-
Louife-Helene le Feron , fa fille , femme d'Hilaire-
Armand Rouillé du Coudray , ci- devant Maître
des Requêtes de l'Hôtel du Roy. La défunte étoit
fille de feu Maximilien Titon , Baron de Berre ,
Seigneur de Lançon d'Iftre , de Saint Mitre &
d'Ognon , Confeiller- Secretaire du Roy , Maifon
Couronne de France & de fes, Finances , & Directeur
Général des Fabriques & Magazins d'Armes
de Sa Majefté & de défunte Marguerite Becrille .
Le premier Décembre , Dame Loüife-Therefe
Le
DECEMBRE. 1738. 27.2r
Le Febvre , veuve depuis le Novembre 1722. de
9.
Louis Desvieux , Confeiller- Secretaire du Roy Maifon
Couronne de France & de fes Finances , ancien
Secretaire & Greffier du Confeil , avec lequel
elle avoit été mariée au mois d'Otobre 1677 .
mourut âgée de 79. ans , laiffanț pour heritiers les
enfans de feu Louis- Philipe Desvieux , Fermier
Général , fon fils , mort le 13. Décembre 1735. à
l'âge de 8. ans, & de Magdeleine Bonne le Couftu--
rier fa veuve.
Le 2. Jean-Jacques Michau Seigneur de
Thieux , Confeiller au Parlement de Paris , en la
troifiéme Chambre des Enquêtes , où il avoit été
reçû le 16. Juillet 1732. mourut âgé de 26. à 27 ,.
ans , fans avoir été marié. Il étoit feul fils de Jean-
Jacques Michau de Montaran , Doyen au Grand
Confeil , ci- devant Tréforier Général des Etats de
Bretagne , & de Dame de la Pierre , La
feconde femme.
Le.... Dame Therefe -Marguerite Patu , femme
de François Paul Roualle Seigneur de Boisgilouft
, Confeiller au Grand -Confeil , avec lequel:
elle avoit été mariée en 1724. mourut dans un
âge peu avancé. Ele étoit troifiéme fille de feu
Philipe Patu , Confeiller en la Cour des Aydes de:
Paris , mort en 1737. & de feuë.Dame Loüife-Claude
de Launay, morte en 1721 .
Le's . Victor de Maneville , Seigneur de Bantelus,
Secretaire du Roy , Maifon Couronne de France ,
près la Chancellerie de la Cour des Aydes de Clermont-
Ferrand , reçu à cette Charge le 28. Avril
1725. & Confeiller Honoraire au Châtelet de Paris
, où il avoit été recû en 169 ; mourut âgé d'environ
68. ans . Il étoit fils.de Gabriel de Mineville ,
Procureur du Roi , & enfuite Confeiller Honoraire
en la Sénéchauffée de Boulonois , & de Marie du
Flos , & il avoit épousé au mois de Mai 1705. Mi1722
MERCURE DE FRANCE
J
rie-Louife Favée , morte le 27. Mai 1717. il en
laiffe deux fils , l'aîné recû Confeiller au Grand-
Confeil en 1737. & le cadet Confeiller au Châtelet
.
Le 13. Nicolas de Grave , Chanoine honoraire
de l'Eglife Métropolitaine de Paris , & Abbé Commandataire
des Abbayes de Notre-Dame de Perignac
, Diocèse d'Agen , depuis 1683. & de Saint
Euverte d'Orleans depuis 1684. mourut à Paris âgé
de près de 8o . ans. Il étoit troifiéme fils de Henry
de Grave , Seigneur , Marquis de Ville - Fargeau ,
Saint Martin , &c. Gentilhomme de Languedoc ,
d'une ancienne Nobleffe , Maréchal des Camps &
Armées du Roy, Sous- Gouverneur & Premier Maî
tre de la Garde-Robe de feu Philipe , fils de France
, Duc d'Orleans , & de Marie de Grave fa fem-
'me & fa niéce , qu'il avoit épousée avec Diſpenſe
au mois d'Avril 1656. & laquelle mourut veuve le
18. Avril 1697. l'Abbé de Grave étoit oncle de
Henry-Francois de Grave , Marquis de Solas , qui
avoit époufé Dame Marie- Anne Goyon de Matignon
, dont la mort eft raportée dans le Mercure
de Janvier dernier pag. 86. il étoit auffi oncle de
Dame Louiſe Jofephe de Grave, veuve de Pierre de
Jaucourt , Seigneur du Van.
Le 5. D. Jeanne- Marie Fradet de S. Aouft ,
veuve de Jacques du Pleffis- Châtillon , Marquis de
Nonant , & de Châtillon , qui avoit été Cornette
de la Compagnie des Chevau -Legers Dauphins , &
ensuite Mettre de Camp d'un Régiment de Cavalerie
, & avec lequel elle avoit été mariée au mois
de May 1674. mourut à Paris , âgée de 84. ans .
Elle étoit fille de Jean Fradet , Seigneur de S.Aouft,
de S. Janvrin , de Vignou , Vouzeron , Puy- Jourdain
, S. Maur , & Louray , Comte de Château-
Meillan , Baron de Bourdelles , Vicomte de Villemenard
,
DECEMBRE. 1738. 2723
menard , Chevalier de l'Ordre du Roy , Conseiller
en ses Conseils d'Etat & Privé , Maréchal de ses
Camps & Armées , & Lieutenant Général de l'Ar .
tillerie de France mort en 1659. & de Jeanne--
Marie de S. Gelais de Cherveux. Elle laiffe pour
Enfans , Louis du Pleffis , Marquis du Pleffis- Châtillon
, & de Nonant , Lieutenant Géneral dès Armées
du Roy , du 20. Fevrier 1734. & marié avec
Marguerite - Pauline Colbert de Torcy , dont il a
des Enfans , Anne-Hilarion du Pleffis - Châtillon
de Nonant , Chevalier de Malthe non Profés ; &
Jeanne -Marie du Pl ffis Châtillon de Nonant, mariée
au mois de Juin 1709. avec Philipe - Charlesd'Eftampes
, Seigneur de la Ferté -Linbaud , & de
Sallebris , apellé le Marquis d'Eftampes , Brigadier
des Armées du Roy , ci -devant Colonel d'un Régiment
d'Infanterie. La Marquise de Nonant étoit.
devenue seule Heritiere des Biens de sa Famille par
la mort d'Antoine- Armand Fradet , Marquis de
S. Aouft , Comte de Château-Meillan , Lieutenant
Géneral au Gouvernement de Berri , Meftre de
Camp , & Brigadier de Cavalerie , son frere unique
, qui fut tué en Flandres par les Gardes du
Prince d'Orange , en 1675 .
La nuit du 19. au 20. Decembre , Melchior
Cochet de S. Vallier, Préfident Honoraire au Parlement
de Paris,mourut âgé de 73. à 74. ans. Il avoit
été d'abord Sécretaire ordinaire de feu Philipe , Fils
de France, Duc d'Orleans, Frere du feu Roy Louis
XIV. ensuite il fut reçû Conseiller au Parlement de
Paris le 18. Juin 1695 , & depuis Président en la
Seconde Chambre des Requêtes du Palais , le 2.
Juillet 1791 . Il se démit de cette Charge à la fin de
Fannée 1716. & ayant obtenu des Lettres d'Honoraire
, il continua d'affifter affidûment jufqu'à fa
mort aux Audiences de la Grand' - Chambre. Il
έτοι
2724 MERCURE DE FRANCE
étoit éclairé & sçavant , & il étoit Auteur d'an
Traité de l'indult du Parlement de Paris , imprimé
à Paris en 2. vol. in 12. en 1703. Il laiffe des Biens
très - confiderables . Par fon Teftament , il fait pour
treize cent mille livres de Legs Pieux , legue à ses
Heritiers naturels 200000. liv. & pour le surplus
de ses Biens , il fait ses Légataires universels le fils
aîné du Préſident de Maupeou , & le troifiéme fils
du Procureur General du Parlement de Paris ; il
nomme pour Executeur Teftamentaire le même
Procureur Géneral. Le défunt étoit de Bourgogne ,
d'une Famille originaire de Montcenis. Charles
Cocher , son Pere , Seigneur d'Avoisotte en Bourgogne
, dont il étoit fils unique , étoit Conseiller-
Secretaire du Roy près le Parlement de Metz.
Le 27. Nóvembre , D. Marie- Antoinette de Rosset
de Recozel , petite Niéce du Cardinal de Fleury,
& femme de François Raimond Pelet , Vicomte de
Narbonne , Meftre de Camp de Cavalerie , Enseigne
des Gardes du Corps du Roy , & Gouverneur
de Sommieres en Languedoc , accoucha à Paris d'un.
enfant mâle , qui fut ondoyé le lendemain ,
Le 2. Decembre eft née Elizabeth Olive , fille de
Chrétien-Guillaume de Lamoignon , Marquis de
Basville , Baron de S. Yon , &c. Préfident du Parlement
de Faris , & de D. Lonise- Henriette-Magdeleine
Bernard , son épouse. Elle a été baptisée
le même jour , & elle a eu pour Parain Guillaume-
Urbain de Lamoignon, Comte de Launay- Courson,
Gonseiller d'Etat ordinaire , & au Conseil des Finances
& pour Maraine D. Olive de S. Georgesde
Verac , veuve de Louis Benjamin Frottier ;
Marquis de la Cofte , sa Bisay uie maternelle . C'eſt
pour la seconde fois de cette année que la Préfi
dente de Lamo guon eft accouchée , ayant déja en
une
DECEMBRE . 1738. 272.5
une fille le premier Fevrier dernier ; mais cette
premiere fille n'a vécu que 23. jours .
>
Le 16. fát célebré dans la Chapelle de l'Hôtel
de Saffenage à Paris , le Mariage de Charles - Alexandre
de Viffec la Tude- Joannis , Chevalier , Mar
quis de Ganges , Baron des Etats de la Province de
Languedoc , Seigneur de Caffiilac , Soubeyras ,
Moulés, Lolivier, &c. âgé d'environ 19. ans, fils de
feu Louis-Alexandre de Viffec de la Tude- Joannis ,
Marquis de Ganges, Baron des Etats de Languedoc,
&c. mort au commencement de l'année 1720. & de
D. Marie-Charlotte de la Rochefoucaud de Langheac
avec Dile Anne- Elizabeth Scott de la
Mesangere , née le 29. Juin 1716. fille unique
d'Antoine Scot de la Mesangere , Chevalier , ci
devant Conseiller- Maître d'Hôtel du feu Roy Louis
XIV. & de D. Anne- Elizabeth Bourret , son épouse
, fille de feu François Bourret , Trésorier de défunte
Marie d'Orleans - Longueville , Duchesse de
Nemours , & son Intendant & Conseiller d'Etat
dans ses Principautés de Neufchatel , & Vallengin,
en Suiffe , mort le 26 Janvier 1735. après avoir
formé à grands frais , une Bibliotheque très-nombreuse
, & des mieux choisies en tous genres de:
Livres. Le nouveau marié eft arriere petit neveu de
feu Pierre de Viffec de la Tude de Ganges , Gouverneur
de l'Hôtel Royal des Invalides , & Com
mandeur de l'Ordre Militaire de S. Louis , dont la
mort eft raportée dans le Mercure du mois de Janvier
dernier , P, 177.-
ETREN
2726 MERCURE DE FRANCE
ETRENNE
A un Beau- Pere.
Auteur des jours d'une tendre moitié
Qui m'aime autant que je l'adore ,
Vous , que je chéris , que j'honore ,
Vous à qui je me vois lié
Par le Sang , je dis plus encore ,
Par une vive & fincere amitié ,
'
Pour Etrenne , daignez recevoir un hommage ,
Qu'avec respect mon coeur vous rend ;
Il ne paroît pas éclatant ;
Mais s'il obtient votre suffrage >
L'honneur d'un si doux avantage ,
Rendra mon hommage assés grand.
De Valois d'Orville.
A UN PERE.
Vous faire un présent ? entre nous ,
L'embarras me paroît extrême ;
Je n'ai rien qui ne soit à vous ,
Et je vous apartiens moi même.
Par le même.
1 ARRESTS
DECEMBRE. 1738 2727.
ARRESTS NOTABLES , & c.
SE
ENTENCE de la Capitainerie Royale des
Chaffes de la Varenne des Tuilleries , & Juge
ment en dernier retfort des Requêtes de l'Hôtel ,
confirmatif de ladite Sentence . portant condamnation
de peines corporelles , banniffement & amende,
contre les Colporteurs & Acheteurs de Gibier,
Vendeurs de Filets , & autres délinquans y dénom
més . Des 15. Avril & 4. Septembre 1738.
LETTRES PATENTES du Roy , en
forme de Déclaration , concernant les Gens de
main-morte des Pays de Flandres & du Hainault,
Données à Compiegne le 9. Juillet 1738. Registrées
au Parlement de Flandres , à Douay le 31 .
Octobre fuivant , par laquelle S. M. ordonne l'execution
des 26. Articles contenus en ladite Dé→
claration , & c.
>
ARREST du 21.Octobre , portant que les.
Contrôleurs des Greniers à Sel de la Province de
Languedoc , feront leur réfidence dans les Villes
de leur établiffement , & exerceront par eux-mêmes
les fonctions desdits Offices , à peine de pri
vation de leurs droits.
AUTRE du 28. qui caffe une Sentence de l'Election
de Doulens , confifque quatre cent vingtdeux
livres de faux Tabac , & neuf aulnes d'In→
dienne , faifis fur les nommés Mabire , pere & fils ;
défend aux Officiers de ladite Election & à tous
autres , d'obliger le Fermier à prendre la voye extraordinaire
2728 MERCURE DE FRANCE
traordinaire , fi ce n'eft dans les cas de rebellion
tranfport de Tabac à port d'armes , ou autres affaires
criminelles , & ordonne l'enregiſtrement dudit
Arrêt au Greffe de l'Election de Doulens.
SENTENCE de Police , du 21. Novembre ,
qui condamne la Dame Ferrand en trois mille li
vres d'amende , pour avoir tenu chés elle une Assemblée
de jeu de Pharaon.
au
LETTRES PATENTES du-25 , qui nom.
ment des Commiſſaires pour vendre & aliener
nom de Sa Majefté , aux Prévôt des Marchands &
Echevins de l'Hôtel de Ville de Paris , quatre cent
mille livres de Rentes viageres , pour le payement
de celles de la Loterie Royale .
ARREST du premier Décembre , concet.
ant la Loterie Royale , par lequel Sa Majefté ordonne
que conformément à l'Arrêt de fon Confejl
du 5. Octobre dernier , ladite . Loterie foit tirée le
10. du préfent mois , en la maniere prefcrite par
PEdit de Décembre 1737. pour la quantité de dix
anille neuf- cens vingt - cinq Billets ; & en conféquence
, que des nnlle Lots dont ladite Loterie
eft compofée , il en foit diftribué cinq cent cinquante-
deux dans ledit premier Tirage , fcavoir ,
cent quatre- vingt- treize de mille livres , cent fai--
xante- cing de deux mille livres , cent dix de trois
mille livres , vingt-huit de cinq mille livres , dixfept
de fix mille livres , onze de neuf mille livres ,
Onze de dix mille livres , fix de quinze mille livres,
cinq de vingt mille livres chacun un de trente mille
livres , un de cinquante mille livres , & un de foi,
xante-cinq mille livres , payables en argent; & trois ·
autres Lots , dont deux de ciug mille livres chacun
de.
DECEMBRE. 1738. 2729
de Rente viagere , & le troifiéme de mille livres ;
& que les Billets auxquels ne fera point échu de
Lot, foient convertis , après ledit Tirage , en Rentes
viageres au profit des Porteurs, à raiſon de vingt
livres de Rente viagere pour chaque Billet , ainfi
qu'il eft porté par ledit Edit , que S. M. veut être
executé felon fa forme & teneur ; pour être le furplus
de ladite Loterie , confiitant en la quantité de
neuf,mille foixante-quinze Billets, tiré le 10. Mars
de l'année prochaine 1739 en la même forme &
maniere que ledit premier Tirage , & pour le nombre
de Lots restant de ceux dont ladite Loterie eft
compofée ; à l'effet de quoi veut en outre S. M.
que jusqu'au dernier du mois de Février prochain
inclufivement , le fieur Paris de Monmartel , Garde
du Tréfor Royal , continue les rembourfemens cidevant
autorifés , en affignations fur ladite Loterie,
& que les fieurs du Tartre & Bouron , continuent
pareillement de délivrer les Billets de ladite
Loterie , &c.
Le second Volume est actuellement sous.
presse & paroîtra incessamment.
J
APROBATION.
Aut
' Ai lu par ordre de,Monseigneur le Chancelier,
le premier Volume du Mercure de France du
mois de Décembre , & j'ai cru qu'on pouvoit en per-
Bettre l'impression . AParis, le premier Janvier 1738
HARDION.
TABL E.
IECES FUGITIVES. Le College Royal,
PLE
Ode ,
Refléxions sur la Jalousie ,
Ode imitée d'Horace ,
2519
2524
2533
Lettre sur une Méchanique de Géographie , & c.
Ode ,
2537
2542
Réponse à l'Avis au sujet des Cadrans Solaires ,
Apelles & son Censeur , Vers ,
2544
2546
Lettre au sujet d'un Auteur de Bourgogne très- peu
connu
Vers à Mlle de C ....
Essay sur l'Histoire du Nivernois ,
Didon , Poëme Héroïque , &c.
2548
2518
2560
2577
Lettre au sujet d'un nouveau Journal Litteraire
d'Italie
?
Epitre sur l'Histoire de Bourgogne ,
2603
2621
Enigme , Logogryphes , & c.
2624
NOUVELLES LITTERAIRES , DES BEAUX - ARTS ,
& c. 2630
Petit Poëme Latin , Bouteille cassée , 2633
Choix de Poësies Morales , &c. 2634
Discours Evangéliques , & c . 2636
Le grand Trictrac , ou Méthode , &c . 2637
Nouveaux Amusemens du Coeur & de l'Esprit ,
&c . 2643
Memoire sur la Lumiere & les Couleurs , Extra't,
2647
Petite Fête donnée pour l'instruction des Enfans
2650
Acquisition
Acqui ition de Médailles par voye d'échange ,
Remerciment en Vers d'un Portrait ,
Chanson notée ,
Spectacles. L'Opera d'Atys ,
Tragédie de Rodogune , &c .
2651
2654
2658
ibid.
2659
Jugement d'Apollon , Poëme Dramatique , &c.
2667
Phanasar , &c. Tragédie en un Acte & Balet Pantomime
,
Vers sur la nouvelle Tragédie ,
Lettre au sujet de l'Ecole du Temps ,
2674
2676
2677
Nouvelles Etrangeres , de Turquie , Suede & Da
nemarck ›
Allemagne & Italie ,
2681
2684 .
Naples & Ile de Corse , 2687
Espagne & Grande Bretagne , 2690
Morts , Naissances des Pays Etrangers , 2691
Vers au Cardinal de Fleury 2693
France , Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
2695
Etrennes , 2698
Entrée publique de l'Ambassadeur de l'Empereur ,
& c .
2700
Vers à Mlle Roſe , 2706
Chanson , 2708
Vers à une Dame , 2709
Bouts Rimés , Sonnet , 2712
Bouts-Rimés à remplir , 2713
Loterie de Commercy ,
ibid.
Morts , Naissances & Mariages , 2714
Etrennes , 2726
Arrêts Notables , 2727
Fautes à corriger dans ce Livre.
Age 2570. ligne derniere sousrit , lisez
souscrit >
Page 2599. ligne premiere , Et , ôtez ce mot.
Page 2646. ligne 21. lumere , lisez lumiere .
Page 2666. ligne 17. innaclition , lisez inclination.
Page 2668. ligne 13. vous , lisez nous.
Page 2685 ligne 22. Carpagno , lisez Carpuegno.
Page 2707. ligne a 5. Pontcean , lisezPontpean.
La Chanson notée doit regarder la page 2658
MERCURE
DE FRANCE ,
1
DÉDIÉ AU ROY.
DECEMBRE. 1738 .
SECOND VOLUME,
COLLIGIT
SPARGIT
Chés
Papillon
A
PARIS ,
GUILLAUME CAVELIER ,
ruë S. Jacques.
La Veuve PISSOT , Quay de Conty
à la defcente du Pont Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais.
M. DCC. XXXVIII.
Avec Aprobation & Privilege du Roy .
A VIS.
L
'ADRESSE generale eft à
Monfieur MOREAU , Commis au
Mercure , vis - à - vis la Comédie Francoife
, à Paris. Ceux qui pour leur commodité
voudront remettre leurs Paquets cachetés
aux Libraires qui vendent le Mercure
, à Paris , peuvent fe fervir de cette voye
pour les faire tenir.
On prie très- inftamment , quand on adreſſe
des Lettres ou Paquets par la Pofte , d'avoir
foin d'en'affranchir le Port , comme cela s'eft
toujours pratiqué , afin d'épargner , à nous
le déplaifir de les rebuter , & à ceux qui
les envoyent , celui , non-feulement de ne
pas voir paroître leurs Ouvrages , mais
même de les perdre , s'ils n'en ont pas garde
de copie.
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les Particuliers qui fouhaiteront
avoir le Mercure de France de la
premiere
main , & plus promptement , n'auront
qu'à donner leurs adreffes à M. Moreau ,
qui aura foin de faire leurs Paquets fans
perte
de temps , de les faire porter sur
' heure à la Pofte , on aux Meffageries qu'on
lui indiquera.
PRIX XXX. SOLS.
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROT.
AV
DECEMBRE. 1738.
***********
PIECES FUGITIVES
,
en Vers et en Prose.
PORTRAIT D'HORACE.
D
Es Fleurs d'Anacréon , des Trésors de
Pindare ,
Horace dans ses Vers s'enrichit et se
pare.
C'est lui qui le premier fit entendre
aux Romains
De la Lyre des Grecs les accords souverains.
Dans ses heureux Ecrits , l'oëte inimitable ,
offre à ses Lecteurs l'utile & l'agréable .
11. Vol. A ij Tantêt
2732 MERCURE DE FRANCE
Tantôt , près de Tibur , caressé des Zéphirs ,
D'un ton doux & charmant , il chante ses plaisirs.
Avides de ses sons les Ris qui l'environnent ,
Les Graces à l'envi de roses les couronnent ;
Ft Bacchus dont il aime à célebrer les dons ,
Vient , d'un air ingénû , sourire à ses chansons.
Sur des aîles de feu , tantôt quittant la Terre
Sublime , il prend son vol au-dessus du Tonnerre ;
Et foulant à ses pieds l'Olympe radieux ,
Boit déja le Nectar dans la Coupe des Dieux.
Tout charme dans ses Vers ; & l'heureuse har
monie ,
Et la force des traits , & le feu du génie.
C'est le fier Romulus , qui du sein des hazards ,
Vole au séjour des Dieux sur les Coursiers de Mars.
C'est Jupiter armé , qui des coups de sa foudre
Accable les Titans , leur fait mordre la poudre ;
Qui d'un soufle produit cent miracles divers ,
Et qui peut d'un clin d'oeil ébranler l'Univers .
Si quelquefois sa Muse employant la Satyre ,
Rit aux dépens des sots qu'elle voudroit instruire,
Quel sel réjouissant , & quelle urbanité
Assaisonne chés lui l'austere Vérité :
Philosophe plaisant , dans sa Morale fine ,
Socrate déridé , s'humanise & badine.
Faut - il louer ? Il sçait dans un Vers séducteur
Glisser adroitement un Eloge enchanteur ;
Ménager
DECEMBRE. 1738. 2733
Ménager Pamour propre , & d'une main légere
Le flater d'autant mieux, qu'il semble moins le faire.
Heureux ! si quelquefois ses cyniques pinceaux ,
Epargnoient à nos yeux de lubriques tableaux ;
Et si fier d'y trouver de dangereuses armes
>
Le vice à la vertu n'y causoit point d'allarmes !
Vous qu'entraîne à rimer un ascendant vainqueur ,
Consultez avec soin Horace & votre coeur.
Puisez dans ses Ecrits , du beau sources antiques ,
Les finesses de l'art , & les secrets magiques.
Distinguez d'un coup d'oeil , aidé de ses clartés ,
D'avec un fard brillant , de naïves beautés.
Comme lui , soyez fort , avec délicatesse ,
Vif , mais sensé , mais sage , & simple avec noblesse.
Sans cesse dans vos Vers variez vos tableaux ;
Vous ne m'interessez que par des traits nouveaux.
Que l'expression vive , & le style énergique ,
En bannisse toujours la glace Didactique ,
Les tours trop recherchés , les subtils ornemens ,
Trop jaloux d'attirer nos aplaudissemens.
Enfin que votre Muse , & disciple , & rivale ,
Imite Horace en tout , si ce n'est en Morale.
A iij
DIS2734
MERCURE DE FRANCE
DISSERTATION sur l'origine des
Académies. Par M. de Juvenel.
Linguées des Peuples barbares ,
Es Nations polies ont toujours été dis-
› par
la
culture
des
Lettres
. Mais
, si dans
tous
les
temps
la politesse
a dû
son
accroissement
à
la perfection
des
Arts
, les Arts
ne sont
arrivés
à leur
perfection
, que
par
la noble
émulation
des
grands
Hommes
, qui
ont
travaillé
à l'envi
à les rendre
utiles
à la Societé
.
Les Grecs sont les premiers en date. Ils
nous ont transmis toutes leurs Sciences. Ils
nous ont apris les differens moyens d'y faire
des progrès , & ils n'en trouverent pas de
plus sûr , que d'allumer parmi les beaux
esprits une émulation loüable , en décernant
des Couronnes au Sçavant & à l'Athleté
pendant la solemnité des Jeux Olympi
ques.
Ces Jeux , les plus célebres de l'Antiquité
, attiroient , de quatre en quatre ans
tous les Grecs à Pise ; & ce prodigieux
concours de Peuple , excita les Orateurs
les Historiens & les Poëtes à y lire en public
leurs Ouvrages. Les suffrages de toute la
Grece assemblée , étoient sans doute une
yoye courte de se faire un grand nom. C'est
,
dans
DECEMBRE. 1738 . 2735
dans ce nombreux Auditoire , qu'Herodote
lut une ébauche de son Histoire , ( Lucian.
in Herodot. ) la premiere année de la 83 .
Olympiade , 448. avant J. C. & dès-lors cet
habile Ecrivain acquit cette haute réputation
qui lui fit donner le titre de Pere de l'Histoire.
Lysias , son contemporain , prit la même
route pour faire éclater son éloquence : il
récita aux Jeux Olympiques , selon Plutarque
, une Harangue , dans laquelle il félicita
les Grecs , de ce que par leur réunion , ils
avoient humilié la puissance de Denys , Tyran
de Syracuse.
Athénes ouvrit aux Poëtes une carriere
moins glorieuse , à la vérité , que celle de
Pise , mais où les couronnes étoient plus
fréquentes. Cimon , après la Conquête de
l'Isle de Scyros , raporta en cette Ville les
Os de Thesée , pour obéir à un Oracle . Cet
évenement parut si intéressant , quon voulut
en éterniser la mémoire par une dispute entre
les Poëtes Tragiques. Là , des Juges tirés
au sort, décidoient du mérite des Poëmes , &
adjugeoicnt le Prix au vainqueur. Sophocle,
encore tout jeune , osa entrer en lice , &
soûmettre à cet examen sa premiere Piéce.
Eschile , toujours aplaudi , s'étoit emparé
du Théatre , & la prévention ou la brigue
auroit fait rendre un Jugement peu favorable
A iiij
au
1736 MERCURE DE FRANCE
au nouveau Poëte , si l'Archonte s'écartant
de la regle , n'eût nommé pour Juges Cimon
lui-même , & neuf autres Généraux , qui
rendirent à Sophocle une entiere justice .
( Plutar. in Cimon. ) Le dépit d'Eschile , &
son prompt départ pour la Sicile , prouvent,
ce me semble , qu'on étoit infiniment sensible
à cette préférence , & qu'on faisoit les
derniers efforts pour la mériter. Une telle
distinction animoit les esprits , piquoit &
réveilloit l'industrie, & porta le Poëme Dramatique
au plus haut dégré de perfection.
Au reste , ce qui me paroit bien remarquablé
, c'est que les Rois mêmes n'étoient pas
indifferens pour ces marques d'honneur .
Denys le Tyran, au raport de Diodore ( Lib
15.) fit jouer à Athénes , dans la Fête de
Bacchus , une Tragédie qu'il avoit composée
, & le Prix qu'il remporta en cette occasion
, ne le toucha moins que
le gain
d'une Bataille . Ce Prince n'entendoit pas
raillerie quand il s'agissoit de ses Ouvrages
& il en coûta la vie à Philoxene , pour n'avoir
pas aprouvé une de ses Piéces . Herodote
, non content des aplaudissemens qu'il
avoit reçûs aux Jeux Olympiques , voulut
encore lire en public son Histoire pendant
la solemnité des Panathénées.
pas
,
La célébrité de cette Fête , s'accrut par les
combats de Musique. Péricles proposa le
Decret
DECEMBRE. 1738. 2737.
Decret de cet Etablissement , & le Peuple
l'élut Juge & Distributeur des Prix . ( Plutar.
in Pericl. ) Ce puissant Protecteur des Muses
mit ces sortes de Disputes dans un bel
ordre. Il y a même lieu de croire qu'il détermina
les sujets qui devoient être mis en
chant car ces Combats n'intéressoient pas
moins les Poëtes que les Musiciens , & les
sujets des Poëmes n'étoient nullement arbitraires
, mais , pour ainsi dire , de commande.
Ils n'avoient pour but que la gloire des
grands Hommes , qui avoient servi fidelement
la République , tels que Harmodius et
Arist giton , ces illustres Liberateurs de leur
Patrie , & Thrasybule qui chassa les trente
Tyrans. Ainsi la Poësie & la Musique , loin
d'amollir les coeurs , rendoient la vertu aimable
, & portoient les Citoyens aux actions
loüables.
Les Romains se mirent fort tard à culti
ver les Belles Lettres : mais à peine eurent- ils
goûté les charmes de la Poësie , qu'ils voulurent
tous être Poëtes ; & le changement
alla si loin à cet égard , sous l'Empire d'Auguste
, que les Peres & les Enfans , si on er
croit Horace , ( Lib . 2. Epist. 1. ) ne soupoient
qu'avec une Couronne de Lierre sur
la tête , dictant leurs Vers à des Copistes
Dans la suite il se forma à Rome des Assem
blées nombreuses , où les Auteurs récitoient
Av les
2738 MERCURE DE FRANCE
les Piéces qu'ils vouloient donner au Public.
C'étoit dans le mois d'Août , selon Juvenal,
( Sat. 1. ) & dans le mois d'Avril , selon
Pline , ( Lib 1. Epist. 13. Les Personnes
les plus qualifiées tenoient à grand honneur
la réputation de Poëte ; témoin ce Sentin's
Augurinus , qui lut trois jours de suite ses
petites Poësies , & qui próbablement est le
même qui fut Consul la quinziéme & la seiziéme
année de l'Empereur Adrien , témoia
Pline le jeune , que Trajan éleva au Consulat
, à la Charge de Trésorier de l'Epargne ,
& à la Dignité d'Augure , & qui lisoit ses
Poëmes Dramatiques & ses Poësies Lyriques.
(Plin. Lib. 4. Epist . 27.Lib.5 . Epist.3 . )
Tout
genre de Litterature
étoit du ressort
de ces sçavantes
Assemblées
Leurs
suffrage's
répondoient
de ceux
du Public
, & leurs
avis éclairoient
les Ecrivains
sur les défauts
que l'amour
propre
leur avoit cachés
. Ainsi
ce même
Pline , qui, pour satisfaire
à la coûtume
, avoit prononcé
dans le Sénat
le F ▲-
négyrique
de Trajan
, ne voulut
laisser
a la
posterité
l'Eloge
de ce Prince
, qu'après
avoir
préssenti
le goût de ses amis , & profité
de
leur critique
. Telle
étoit la conduite
, non
seulement
des Orateurs
, mais encore
des
Historiens
. Le célebre
Nonianus
en est un
bon garant
. Il lisoit publiquement
ses Ouvrages
, & l'Empereur
Claude
comme
chacun
1
DECEMBRE. 1738. 2739
chacun sçait , honora l'Auditoire de sa présence.
Dans le siécle précédent, & sur la fin de la
République , les Philosophes faisoient entre
eux des Conferences sur les matieres de leur
profession. Ciceron avoit dans sa maison de
Tusculum , aujourd'hui Frascati , deux Endroits
destinés à ces Entretiens Philosophiques
, qu'il nommoit l'un, le Lycée , où étoit
sa Bibliotheque ; & l'autre , l'Académie , espece
de Gymnase , situé au bas de ses Jardins
; où il est à remarquer , que ces Lieux
n'avoient de commun que le nom , avec
ceux que Platon & Aristote ont rendus si
célebres. Ceux- ci étoient des Ecoles publiques
pour l'instruction de la Jeunesse dans
ceux-là , un certain nombre de Sçavans s'as
sembloient pour agiter des questions de Philosophie.
:
Les Romains s'étant rendus maîtres des
Gaules , y firent fleurir les Lettres . Il est vrai
qu'ils trouverent dans ce Pays d'heureuses
dispositions pour les beaux Arts : car les
Bardes y avoient cultivé la Poësie , et les
Eubages la Philosophie . (Amm.Marc . Histor
Lib. 15. Mais ils joignirent à ces connoissances
celle de la Rhétorique , et l'Empereur
Caïus établit à Lyon des Combats d'Eloquence
, où les vaincus étoient obligés de
faire l'Eloge des vainqueurs , et de fournir le
A vj
PELK
740 MERCURE DE FRANCE
Prix qui leur étoit dû. On dit même que
ceux qui avoient tout- à - fait mal réussi ,
étoient condamnés à effacer leurs Piéces
avec la langue , sous peine d'être punis à
coups de ferules , ou d'être jettés dans le
Rhône. Ces disputes se faisoient devant
l'Autel d'Auguste , ( Juven . Sat. 1. ) & pendant
les Jeux qui s'y célebroient.
Marseille ne négligea pas les Belles - Lettres
, qu'elle tenoit des Phocéens, ses Fondateurs.
Cette Ville entretenoit des Professeurs
, qui enseignoient les Sciences des
Grecs , & son Académie étoit - le Siége des
Etudes. ( Tacit. Vit. Agric. )
Leur chute suivit de près celle de l'Empire
. Les Lettres ne jetterent plus qu'une foible
lueur sous la Domination des Barbares
& elles s'éteignirent entierement pendant les
desordres du dixième Siècle.
>
Au bout de trois cent ans on vit renaître
les Arts , & la Poësie fut la premiere qui
dissipa en Italie les sombres ténebres de l'ignorance.
On sentit bien- tôt que les récompenses
servent d'aiguillon à l'émulation , &
que sans l'émulation , les Arts languissent.
Ôn rétablit donc l'ancien usage de couronner
les Poëtes , qui avoit été aboli par l'Enpereur
Théodose , parce qu'il faisoit partie
des Jeux Capitolins . Albertino- Mussati re-
Sue la Couronne de Laurier en 1329. &
Petrar
DECEMBRE. 1738 274
Petrarque en 1341. immédiatement après
Mussati. Les autres Nations suivirent en ce
point l'exemple des Italiens . Les Allemands
donnerent le titre de Poëte Laureat, à Conradus
Celtes - Protuccius , sous l'Empereur
Frederic III . & les Espagnols,à Arrias Montanus
, & à Ausias March, qui vivoit 80 .
ans après Pétrarque.
Dans le Siècle de Pétrarque , que l'on peut
regarder comme le premier âge du rétablissement
des Lettres , on renouvella en France
les Combats Litteraires , & ils eurent pour
objet la Poësie. Les Troubadours l'avoient
mise à la mode : mais née dans le sein de
la barbarie , elle se ressentoit encore de son
origine . On songea alors à exciter les Poëtes
par des marques d'honneur à faire quelque
chose de plus parfait que ceux qui les avoient
précédés ; & dans cette vûë , Clemence Isaure;
de la Maison des Comtes de Toulouse
donna un fonds , dont le revenu devoit être
employé à une Violette d'or pour celui qui
feroit les plus beaux Vers. Tel fut le com
mencement des Jeux Floraux , qui subsistent
encore aujourd'hui. D'un autre côté, on
vit naître vers la fin du Regne de Charles V.
de foibles Essais du Poëme Dramatique ,
sous le nom de Chant - Royal , & il se forma
certaines Sociétés , où l'on jugeoit du succès:
de ces petites Piéces. ( Rech, sur les Théatres:
de France..
La
2742 MERCURE DE FRANCE
La Poësie Italienne eut des commence.
mens plus heureux. Elle dut sa naissance à
Dante , & son accroissement à Bembe , au
Trissin , au Tasse , & aux autres Poëtes du
seizième siècle. La Poësie Françoise , au contraire,
très - obscure en ce temps- là, n'a jetté
une vive lumiere que dans le siécle dernier.
Deux causes principales ont produit , à mon
avis , des effets si differens. Premierement
la Langue Italienne , portée à une grande
perfection pendant le quatorziéme siécle
fut extrémement épurée par les Auteurs qui
fleurirent dans le seizième . En second lieu
les Académies qui se formerent en Italie
eurent soin de maintenir les differentes Dialectes
qui y sont en usage , et même de les
fixer par des regles invariables .
L'Académie de Florence parut avec éclat.
Elle fut fondée dans le treizième . siécle
temps de barbarie pour les Lettres , par Bru
netto Latini , qui réveilla le goût des beaux
Arts. ( Mem. de l'Acad. des Belles Lettres
Tome VII. ) Cette Ecole forma d'abord Cavalcanti
, et le fameux Dante ; elle soûtint et
perfectionna la Langue Italienne , et oposa
ensuite un excellent Dictionaire aux abus
qui s'y étoient introduits , et qui en altéroient
la pureté. Long- temps après , les
Amateurs de la Physique , formerent dans
cette Ville l'Académie del Cimento , qui publiz
DECEMBRE. 2743 1738.
blia en 1667. le Recueil des Experiences
qu'elle avoit faites .
L'Académie de Rome étoit florissante dans
fe quinzième siècle , puisqu'elle donna la
Couronne Poëtique vers l'an 1453. à un
Andrelini , qui prit le nom de Publius Faustus
: car en ce temps - là les Sçavans changeoient
leurs noms. Les exemples d'un usage
si bizarre ne sont pas rares : je me borne:
néanmoins à celui du célebre Sannazar , qui
voulut s'apeller Actius Sincerus.
Le siècle suivant vit la naissance de plusieurs
Académies , entre - autres de celles de:
Verone et de Pérouze. La premiere duc
son origine en 1543. à une Assemblée d'Amateurs
de la Musique , qui , peu de temps.
après , embrasserent toutes sortes -d'Etudes..
Verona illustrata P. 2. ) Octavianus Plato s
Médecin de profession , contribua beaucoup
à l'établissement de la seconde , de laquelle
il publia l'Histoire. Ses Académiciens prirent
le nom de gli Insensati . ( Sorber . L. O. );
car ces Académies d'Italie affectoient quel
quefois des noms assés extravagans.
Je passe sous silence les Académies des:
Ricovrati de Padouë , des Intrepidi de Ferrare
, des Asserati de Naples , des Solinghi
de Turin , des Accordari , des Affilati , &
celle des Emulateurs d'Avignon , autorisée:
par le Pape , et ornée de beaux Privileges.
L'Aca
2744 MERCURE DE FRANCE
,
L'Académie Françoise est la premiere Epo
que de l'établissement de nos Académies.
Ce n'est pas que dans les siècles précedens ,
on ne vit chés nous des Assemblées de Gens
de Lettres . Celle qui , du temps de Ronsard,
se tint à S. Victor , & où Charles IX. alla
plusieurs fois en est une bonne preuve.
Mais ces Associations n'avoient ni Lieu fixe,
ni Reglemens munis de l'autorité publique.
Ainsi, sous le Regne de Louis XII. Gaston ,
Duc d'Orleans , faisoit tenir chés lui de sçavantes
Conferences, où l'on arrivoit, préparé
sur les matieres qu'il avoit indiquées ; et
M. Conrart recevoit dans sa Maison ses
Amis particuliers , pour y parler des Belles-
Lettres.
Le Cardinal de Richelieu s'aperçut bientôt
de l'utilité de ces Assemblées . Il sentit
que l'Eloquence aide la raison , que la Poësie
rend la vertu aimable , et que la Grammaire
est le fondement des autres Sciences. Mais
il connut en même temps , que pour conduire
ces Arts à un haut degré de perfection ,
il falloit réunir les beaux Esprits en une
Compagnie, où le mérite seul fut placé, et le
sçavoir rassemblé par des suffrages libres. Et
certainement rien ne fut jamais mieux pensé
par un homme qui a fait de si grandes choses
, que l'Etabliffement d'une Societé de
Sçavans , dont l'occupation principale est
de
1
DECEMBRE. 1738. 2745
de consacrer à l'Immortalité les actions des
grands Hommes. ( Perrault , El . du Card. de
Richel. ) L'Académie Françoise fut donc établie
par Edit du Roy en l'année 1635. et
pour se conformer aux vûës de son illustre
Fondateur , elle s'attacha à déclarer le bel
usage , et à fixer les regles fondamentales de
notre Langue , par un Dictionaire qu'elle
publia en 1694. et par une Grammaire , dont
elle laissa le soin à M.l'Abbé Regnier. Quant
à la Poësie , M. de la Ménardiere donna en
1640. un Effai de Poëtique qu'il avoit entrepris
par l'ordre exprès du Cardinal. Mais
PEloquence attira principalement l'attention
de l'Académie ; et M. de Balzac , qui fut
comme le Pere de ce bel Art , proposa un
Prix à ceux qui voudroient s'exercer à cette
étude. Ce Prix fut donné pour la premiere fois
en 1671. et il fut suivi en 1699. du Prix de
Poësie , fondé M. de Clermont-Tonnerre
, Evêque de Noyon.
>
par
L'Académie Françoise enfanta dès l'année
1663. celle des Inscriptions. M. Colbert
prit du sein de la premiere, quatre Sçavans,
pour travailler aux Médailles , aux Devises
& autres choses de cette nature 7
qui se présentoient à faire pour le Roy.
Ĉette Colonie s'étant accruë peu à peu, S. M.
confirma son Etablissement en 1713. par
des Lettres Patentes. Du reste , cette célebie
Com246
MERCURE DE FRANCE
Compagnie ne s'est pas tenue à la tâche
qu'elle s'étoit prescrite ; elle étend ses soins
sur la belle Litterature & en inspire le
goût , par le Prix dont elle honore l'Auteur
qui a le mieux traité un sujet d'Histoire .
M. Colbert n'avoit pas encore fait le Plan de
l'Académie des Inscriptions , quand l'Assemblée,
qui dès la fin de l'année 1657.commença
à se tenir chés M. de Montmor, pour y traiter
des matieres de Physique , fut comme le crépuscule
du grand jour que devoit répandre
sur les Sciences l'Académie que le feu Roy
fonda en 1666. La magnificence de ce Prin
ce éclata bientôt dans le superbe Observatoire
, qui fut construit pour les Observations
Astronomiques , & dans un grand Laboratoire
qu'on destina aux Opérations Chymiques.
Cette Académie répondit si bien
par ses travaux aux intentions de son Fondateur
, que S. M. en 1699. voulut lui donner
de nouvelles marques de son affection , par
un Reglement qui lui procura une seconde
naissance , encore plus noble que la premiere
.
L'exemple étoit trop beau pour
n'être pas
suivi. M. le Comte de Clermont , Prince
du Sang , né avec un grand goût pour les
Sciences , fonda dès l'âge de vingt ans , ( en
1729. ) une Académie des Arts , composée
de cent Personnes , qui s'assemblent chés
Jui La
DECEMBRE. 1738. 2747
La Province voulut partager avec la Capitale
les avantages Litteraires de ces sortes
d'Etablissemens , & l'on vit paroître les Académies
d'Arles , ( 1669. ) de Soissons, ( 1674. )
de Villefranche , de Nismes , ( 1682. ) de
Blois , d'Angers , ( 1685. ) de Caën , ( 1705. )
de Beziers , ( 1723. ) de Lyon , ( 1724. ) de
Marseille , ( 1726. ) & de la Rochelle, ( 1732 . )
Les Belles Lettres sont le lot de toutes ces
Académies mais celle d'Arles est remarquable
par deux singularités. Elle ne doit
être composée que de Gentilshommes , pour
retirer la Noblesse de l'oisiveté , & lui inspirer
le goût des Lettres. En second lieu ,
elle est la premiere qui ait reçû des Femmes,
en donnant le titre d'Académicienne à Mad.
Des Houlieres. Quelques Académies , comme
celle de Bordeaux , joignent les Sciences
aux Belles Lettres ; d'autres n'embrassent que
les Sciences , & de ce nombre est la Societé
que d'habiles Physiciens formerent à Toulouse
, vers l'an 1729 .
%
Les Arts Liberaux ne contribuent gucre
moins , en leur maniere, à la gloire des Etats,
que les Sciences les plus sublimes . C'est ce
qui porta le feu Roy à fonder des Académies
pour ces beaux Arts. Celle de Peinture
& de Sculpture fut établie à Paris en 1648 .
Six Architectes formerent d'abord l'Acadé
paie
2748 MERCURE DE FRANCE
1
·
*
mie d'Architecture. Ces premiers Académiciens
furent Mrs le Van , Gitart , le Pautre
Briand , Dorbay , & Mignard . S. M. donna
ensuite une place dans ce Corps au célebre
Mansard.
>
Quand on jette les yeux sur nos Académies
& sur celles de nos voisins , on ne peut
s'empêcher de faire une réfléxion , qui nous
fait bien de l'honneur. Les Anglois , habiles
Scrutateurs des secrets de la Nature , se
bornent à cette étude , & leurs Societés de
Londres & d'Edimbourg , n'ont d'autre but
que la perfection de la Physique , & le
progrès
de la Médecine. D'un autre côté , les
Italiens , passionnés pour la Poësie & pour
la Peinture , n'ont formé dans leurs Académies
, que des Poëtes ingénieux , & des
Artistes experts. Les François sont les seuls
dont les Académies embrassent les Belles
Lettres , les Sciences & les Arts. Notre goût
nous porte à cette universalité de connoissances
, & le génie de la Nation favorise
assés son goût.
Lexandre
**
A ayant séjourné quelque
temps dans Ephese , pour délasser
son esprit , alloit souvent voir travailler
Apelle
DECEMBRE. 1738. 2749
Apelle , à qui seul il permit de faire son
Portrait : ce Prince lui témoigna ensuite tant
d'amitié , qu'il lui donna la plus belle & la
plus aimée de ses Concubines , parce qu'il
avoit remarqué qu'Apelle en étoit devenu
amoureux , & qu'il ne croyoit pas le pouvoir
mieux récompenser du magnifique Tableau
qu'il lui avoit fait ; c'est - là ce qui a
donné lieu à ce morceau de Poësie,
Epitre d'Alexandre à Pancaste.
ON admire partout l'ingénieux Apelle ,
Vous avez vû les traits de son divin Pinceau ;
Pancafte , & vous sçavez qu'en traçant mon Ta,
bleau ,
Ce Peintre s'est acquis une gloire immortelle,
*
Tout enchante dans ce Portrait ;
Plus loin que la Nature on y voit l'Art s'étendre ;
L'habile Ouvrier qui l'a fait ,
Le seul Apelle , étoit digne de l'entreprendre.
Ce Chef-d'oeuvre transmis à la Pofterité ,
De ma reconnoiffance exige un témoignage ;
Comment faire éclater ma générofité ,
Si vous n'êtes le prix de ce fameux ouvrage ?
Oui ,
1750 MERCURE DE FRANCE
Oui, Pancafte, c'eft vous dont malgré mon amour,
Je prétens couronner le mérite d'Apelle :
Alexandre peut -il l'honorer en ce jour
De
peur
D'une récompense plus belle
*
Quand j'immole tout à la fois ,
d'être un ingrat , mon bonheur & le vôtre,
Et que je vous remets entre les bras d'un autre ,
Jugez de ce que je lui dois.
*
J'ai permis , il eft vrai , pour prix de son adreffe ,
Que son coeur s'enflammât d'un objet dans ma
Cour ;
Qui l'eût cru , qu'il osât en se charmant séjour ,
Sans respect pour mes feux , m'enlever ma Mattreffe
?
*
Je sens que mon amour s'irrite de ce choix ,
Mais esclave de sa parole ,
Ce qu'un Prince , un Heros a promis une fois ,
Doit -il être jamais incertain ou frivole ?
O fatale néceffité ,
Qui m'oblige à céder mon adorable Amante !
Apelle a trop connu le prix de sa beauté ;
Que n'étoit- elle moins charmante !
Pancafte ,
L
Pancafte , lorsque je vous perds ,
Rien ne peut vous ôter de ma trifte mémoire ,
Et vous seule toujours serez , après la gloire ;
Ce que je chérirai le plus dans l'Univers .
*
Mille Peuples vaincus que m'a livrés Bellone ,
N'ont pas encor fixé mes projets généreux ;
A peine un monde entier suffit à ma Couronne ,
Vous seule suffifiez à mon coeur amoureux.
*
Qu'on vante , j'y consens , la brillante Victoire ,
Qui dans les Champs de Mars seconda ma valeur ;
La conquête de votre coeur
Eft un Trait dont je veux qu'on orne mon Hiftoire
*
Heureux Guerrier , Amant heureux ,
Rien ne résistoit à mes armes ;
Pancafte, m'adoroit , je comblois tous ses voeux ,
Esclave tour à tour & maître de ses charmes.
Mais pourquoi rapeller un souvenir si doux ,`
Quand je brise les noeuds de l'amour le plus tendre
Pour Amant autrefois vous eûtes Alexandre ,
Aujourd'hui, c'en eft fait.... Apelle eſt votre époux.
*
Chere
2752 MERCURE DE FRANCE
Chere Amante , daignez répondre à sa tendreffe ,
Songez que vous tenez cet époux de ma main ;
J'espere , quand je vous en preffe ;
Que ce ne sera pas en vain.
*
Hélas ! si j'ose vous le dire ,
Du moins votre malheur me paroît glorieux ;
Puisqu'en s'éloignant de vos yeux ,
Le plus grand des Heros , Alexandre, soupire.
Par M. Michault , de Dijon.
ののね
LETTRE du Marquis de ... à la Comtesse
de... sur l'abus qu'on fait de l'Esprit.
pas
E suis encore si frapé , Madame , de la
derniere conversation que j'ai eu l'honneur
d'avoir avec vous, que je ne puis m'empêcher
de vous faire la guerre sur les éloges
que vous donnez à l'Esprit , au desavantage
du bon sens & de la raison. Je ne crois
qu'on puisse tenter d'entreprise plus hardie
que celle où je vais m'exposer : je prétens
décrier l'esprit ; & dans quel temps ? dans un
siécle qui ne brille que par lui . Mais qui m'y
réduit C'est l'abus presque général qu'on
fait de cette faculté de l'ame , qui aproche le
plus
DECEMBRE. 1738. 1738 . 2753
plus l'homme de la Divinité ; cet abus me
révolte à tel point , que je ne puis differer
plus long-temps de le réprimer , autant que
mes foibles lumieres pourront me le permettre.
•
Ce qui me rassûre , Mad. , contre le péril
où je me livre , c'est qu'ayant à décrier l'abus
de l'Esprit , je semble dispensé en quelque
maniere d'en mettre beaucoup dans une
Lettre, où le jugement doit primer.
A Dieu ne plaise que je m'arroge cette seconde
fonction de l'ame , qui , moins brillante
que la premiere , a l'avantage d'être
plus solide , & par consequent plus eftimable.
Tout homme peut , sans fatuité , se
vanter d'avoir quelque raison en partage , &
ce seroit trop se dégrader , que de confesser
qu'on en est tout-à- fait dépourvû ; c'est donc
avec cette modeste restriction , que je vais
m'ériger en Censeur contre le mauvais usage
qu'on fait de l'Esprit .
J'avouë , Mad. , à la gloire de notre siécle
, si c'en est une , qu'on n'en a guere vû
de plus éclairé ; mais il faut confesser à sa
honte , qu'on n'en a guere vû de plus superficiel.
La qualité de bel Esprit est devenuë un
titre deshonorant , par la confuse multipli- '
cité de ceux à qui on la prodigue ; non , ce
II. Vol. B n'est
2754 MERCURE DE FRANCE
doit n'est point par de fausses lurnieres que
briller un homme , qui veut consacrer son
nom à l'immortalité. Est-ce par un chemin
aujourd'hui si battu , que nos respectables
Ancêtres y sont parvenus ? Non , Mad. ; ils
brilloient peut-être moins que nous , mais
ils éclairoient davantage leurs heureux contemporains
; ils portoient des fruits , au lieu
que la plûpart de nos Auteurs Modernes ne
produisent que des fleurs , que le moindre
souffle de vent emporte comme la pous
siere.
Ils n'ont , Mad. , pour s'humilier , & pour
se réduire à leur juste valeur , qu'à se rapeller
le siécle de LOUIS LE GRAND , non
moins recommandable que celui d'Auguste .
Quels génies superieurs n'a- t - il pas produits
dans tous les genres de Litterature ?
Quels chefs- d'oeuvres de doctrine & d'élocution
ne nous ont pas laissés les Bossuets
& les Fenelons , qui dans les premiers siècles
auroient été associés aux Athanases , aux
Augustins , & aux Thomas , entre les Lumieres
de l'Eglise ?
Quel jour n'ont pas répandu dans le Bareau
tant de célebres Jurisconsultes , tant de
fameux Avocats , qui ont porté une clarté
sans nuage dans les Causes les plus obscures ,
malgré le voile épais de la chicane , superieurs
DECEMBRE. 1738. 2755
peurs
eurs en cette partie aux Démosthenes &
aux Cicerons , qui ne s'attachoient qu'à
émouvoir les coeurs , & négligeoient la discussion
des Faits & de la raison ?
Dans le Poëme Dramatique , les Molieres,
les Corneilles & les Racines n'ont -ils pas
atteint ' , pour ne pas dire laissé en arriere
les Plautes & les Terences , les Sophocles &
les Euripides ? Voilà , Mad. , quels ont été
les Ecrivains du siécle passé . Mais quels
sont , pour la plûpart , ceux du siécle présent
? Quel vaste champ n'ouvrent pas के
mes réflexions , les divers genres de Litterature
, dont je viens de parler ? A quel excès
ne porte-t- on pas tous les jours l'envie
démesurée de passer pour homme d'esprit ?
Faut il que la Nature ne nous ait dispensé
tant de lumieres , que pour nous en voir
porter les premiers traits contre elle- même?
Je ne suis pas assés injuste , pour décrier
absolument tous les Ecrivains d'aujourd'hui ;
il en est encore qui ne se sont pas laissé entraîner
au torrent , mais il en est si peu
qu'à peine se font-ils apercevoir dans la foule
de ceux qui , par une route contraire
parviennent aux premiers honneurs de la
Litterature , à la honte du siècle , & emportent
tous les suffrages. Vous n'en êtes , Mad.
qu'une preuve trop convainquante. Quels
Bij Eloges
2756 MERCURE DE FRANCE
›
›
Eloges ne prodiguâtes-vous point dans notre
derniere conversation à cinq ou six beaux
Esprits à la mode , qui dans un siécle moins
amateur des fausses lumieres ne s'attireroient
que le mépris géneral ? J'en fus si
surpris , que je demeurai sans repartie , ou
plutôt , si je n'éclatai pas, ce fut pour ménager
votre gloire. Je ne doute pourtant pas que
vous n'ayez remarqué quelque alteration sur
mon visage , pendant un Entretien que je
ne pouvois plus soûtenir , sans me faire une
extréme violence ; je vous quittai plutôt qu'à
l'ordinaire , & courus me renfermer chés
moi , pour me livrer en liberté à mes réflexions.
Je ne fus pas plus heureux dans mon
cabinet ; on venoit d'enrichir ma Bibliotheque
d'un Livre nouveau ; je me flate que
c'est un secours que le sort m'envoye à point
nommé , pour dissiper mon chagrin ; je me
jette avidement sur ce prétendu consolateur
; l'Ouvrage en question est d'un Auteur
qui n'a eu garde de mettre son nom à la
tête , attendu qu'il roule sur des matieres
que la sagesse du Prince a proscrites ; mais
avec quelle adresse n'a- t- il pas assaisonné le
poison qu'il veut faire avaler à ses Lecteurs ?
L'Esprit y petille partout , la médisance y
coule à longs traits ; les bons mots , l'ironie
& le sarcasme y sont prodigués. Nouveau
sujet
DECEMBRE. 1738. 2757
par
sujet d'indignation pour moi ! Est- ce-là , disje
d'un ton de colere , le dédommagement
que j'ai cru trouver chés moi ? Aussi peu
satisfait par les yeux que je l'ai été les
oreilles , pardonnez- moi ce reste de colere ;
je ne sçais plus à quoi recourir , pour
employer les momens de loisir que mes
affaires domestiques me laissent ; un de mes
meilleurs Amis vient m'aprendre qu'un de
nos plus célebres Avocats , doit au premier
jour plaider une Cause qui fait l'entretien de
la Ville & de la Cour ; je me rends au Palais
avec lui au jour précis.
Mais à peine ai - je entendu les trois ou
quatre premieres périodes d'un Plaidoyer si
avantageusement annoncé , quoi ? dis - je à l'oreille
de mon zelé Partisan de l'Eloquence
moderne,par qui je me suis trop aveuglément
laissé conduire , l'Esprit me suivra-t'il partout
? Et le Sanctuaire de Thémis ne me
mettra t'il pas à l'abri de sa persécution ?
En effet , Mad . , je n'en ai jamais tant vu
briller que dans ce fatiguant Plaidoyer ; mais
quel genre d'Esprit le fiel le plus amer y
tient lieu de sel attique ; & quand il prend
envie à l'Orateur de s'égayer , peu s'en faut
qu'il ne donne dans le Madrigal ; mais comme
le dessein qui le conduit au Bareau n'est
pas de louer , il rabat sur l'Epigramme . Il
n'en est que plus aplaudi ; le malin Public
B iij
lui
2758 MERCURE DE FRANCE
lui sçait bon gré de lui livrer une victime ;
& par des aplaudissemens plus insultans que
les traits satyriques qu'il lui voit décocher, il
l'invite à continuer à le divertir aux dépens
du prochain.
Pour n'être pas complice des injustes
hommages qu'on rend à l'Esprit , tout déplacé
qu'il est , je me sauve à la hâte , & je
tourne mes pas du côté de la Comédie Françoise
; je me flate , avec quelque justice ,
qu'un Lieu destiné à corriger les moeurs , ne
prêtera pas un azile à l'abus qu'on fait de
'Esprit. Je ne suis que trop détrompé ; on
joue une Piéce nouvelle , qui me traîne impitoyablement
de saillie en saillie , depuis
l'exposition jusqu'au dénoûment.
Quelle abondance d'esprit , mais quel
vuide d'action ! Tout l'Ouvrage n'est qu'un
Recueil de maximes , plus propres à remplir
qu'un Théatre › que
Moliere des Ecrans
avoit rendu digne de servir de modele à
tous ceux des autres Nations.
Qu'il est different , ce Théatre , de ce qu'il
fut autrefois ! l'or y a fait place au clinquant,
la Nature à l'Art , & le sentiment à l'esprit.
Les Piéces les plus couruës , sont celles où
le faux brillant domine le plus ; on ne se
fait aucun scrupule du renversement des
regles ; l'esprit , dit-on , tient lieu de tout ;
DECEMBRE. 1738 . 2759
il importe peu que la Piéce soit défectueuse
; l'esprit , ajoûte - t- on , racommode
tout.
On convient que l'Ouvrage n'est pas bien
fait , mais il ne laisse pas de paroître beau ,
ou du moins joli , & lorsqu'un Censeur
équitable ose dire tout haut qu'il n'y a trouvé
que de l'Esprit , N'en a pas qui veut ,
travaillé
ceux
pour
pond l'Auteur ; je n'ai pas
à qui la Nature en a refusé , est - ce ma faute
, à moi , si elle ne leur a donné qu'un
froid bon-sens en partage ?
ré-
Ne croyez pas pourtant , Mad. , que je
prétende ici décrier l'Esprit , & le bannir
tout-à-fait du Théatre ; je ne condamne
comme je l'ai déja avancé , que le mauvais
usage qu'on en fait ; il est de l'essence de la
Comédie de corriger les moeurs en riant , &
comment faire rire sans le secours de l'esprit
? l'agrément qu'il prête aux images ne
les rend que plus vives ; elles deviendroient
insipides , sans le sel qu'il y répand.
Mais ce sel doit-il y être répandu à pleines
mains ou plutôt ne doit-il
pas y être
ménagé avec un art qui fasse , pour ainsi dire
, disparoître l'esprit , pour ne laisser apercevoir
que la raison l'Art perfectionne la
Nature , quand il s'unit sobrement avec
elle mais il l'étouffe , dès qu'il la surcharge,
·
>
Je sçais , Mad. , qu'il est très - difficile à un
B iiij
Au2760
MERCURE DE FRANCE
Auteur , à qui la Nature a donné trop d'esprit
, de ne le pas prodiguer dans ses Ouvrages
; peut on être asses ennemi de soimême
, quand on est entré dans la brillante
carriere du bel Esprit , pour ne se point servir
de ses avantages , contre des concurrens,
mieux partagés du côté de la raison ? Ces
derniers sont plus estimés des vrais Connoisseurs
; mais ils sont si rares , ces vrais
Connoisseurs , qu'on se croit presque dans
l'oubli , quand on se trouve réduit à un si
petit nombre d'Apologistes.
C'est du peu de justice qu'on rend aux
veritables beautés , que naissent les faux
agrémens. Et comment un bel Esprit en
titre d'office , pourra-t-il prescrire des bornes
à l'insatiable desir de gloire dont il est
dévoré , quand les aplaudissemens prodigués
en sa faveur ne cessent de lui faire entendre
qu'il ne sçauroit trop se livrer à l'intempérance
de son imagination ? porté jusqu'aux
nuës sur les aîles de la Renommée , il ne
songe plus qu'à multiplier les heureuses saillies
qui l'élevent au dessus de ses Rivaux ;
s'il fait une Comédie , il met de l'esprit jusque
dans la bouche de ses plus vils Interlocuteurs
; s'il compose une Eglogue , ses Bergers
& ses Bergeres , oubliant cette aimable
& précieuse simplicité que Theocrite & Virgile
ont alliée si sagement à la houlette , sont
autant
DECEMBRE. 1738. 2761
•
autant de Corynnes & de Saphos ; elles
possedent à fond la Métaphysique du coeur ;
elles s'épuisent en beaux sentimens bien
entendu que l'esprit les assaisonne de ce
qu'il a de plus brillant ; enfin si cet Auteur,
tel que je viens de le peindre , daigne descendre
jusqu'à la Fable , il est assés déraisonnable
pour donner de la raison aux Animaux
qu'il fait parler , & desesperant d'atteindre
la naïveté de la Fontaine dans ce
d'écrire , il tâche de le surpasser par genre
Pélégance de la versification ; qu'en arrive-
t-il ? tout ce qui passe par ses mains ,
perd sa forme naturelle ; ce ne sont plus des
Valets & des Soubrettes , des Bergers & des
Bergeres , des Animaux enfin qui dialoguent,
c'est toujours l'Auteur qui parle.
Eh ! comment le tirer d'un égarement si
déplorable ? Il ne connoft point de chemin
plus sûr pour aller à l'immortalité , que celui
que son esprit lui a frayé ; il néglige toutes.
les autres routes ; mais quelle sera peu
durable
, cette prétendue immortalité le vrai
beau est plus long- temps à se faire sentir ;
mais il gagne à mesure qu'il se fait connoître
; et la posterité la plus reculée lui rend la
justice que la dépravation du goût lui a fait
refuser dans sa naissance.
Mais si l'abus qu'on fait de l'Esprit est répréhensible
dans la Comédie & dans les au-
B.v. tress
2762 MERCURE DE FRANCE
tres genres de Poësie, dont je viens de parler,
à combien plus forte raison ne le sera-t- il
dans la Tragédie ? pas
La dignité des Personnages qu'on fait paroître
sur la Scene , met dans un plus grand
jour les fautes qu'on leur fait faire ; on attend
de leur part plus de sentimens que d'esprit ,
les grandes passions, dont ils doivent être.
remplis , ne leur permettent pas de se parer
d'ornemens superflus & déplacés ; j'apelle
de ce nom les fausses lucurs de l'Esprit.
Un de nos plus ingénieux Modernes , à
qui , disoit- on , la Nature avoit donné tout
son coeur en Esprit , se fit chansonner par
l'abus qu'il faisoit de ce dangereux présent
qu'il avoit reçu du Ciel. Comme tout devenoit
Esprit sous sa plume , il faisoit parler
ses Personnages Tragiques en Damerets ; if
n'échipa point aux traits de la censure , le
Couplet partit & l'accusa de mettre des Madrigaux
dans la bouche du Fondateur de
Rome.
Combien d'autres abusent impunément
de leur Esprit , & se font une célébrité
dans la République des Lettres , par des
endroits qui devroient ensevelir leurs noms
dans la nuit d'un éternel oubli ?
Jusqu'à quel point le Poëme Dramatique
n'a - t'il pas dégeneré en France, depuis la perte
que le Théatre a faite des grands Maîtres de
PArt 2
DECEMBRE. 1738. 2763
fArt ? Il est tombé dans une espece d'anéantissement
par le mauvais goût du siecle ;
on ne rougit pas d'aplaudir à ce qu'on devroit
siffler.
Il s'en falloit bien que le siecle de Louis
le Grand tombât dans une condescendance
si pernicieuse au Théatre . L'Académie Françoise
, quelque respect qu'elle eût
grand Corneille , ne put lui
passer d'avoir
donné de l'Esprit à la douleur de Chimene ,
dans ces fameux Vers :
pour
le
Pleurez , pleurez mes yeux & fondez-vous en eau ;
La moitié de ma vie a mis l'autre au tombeau !
Cependant Corneille étoit excusable , parce
qu'il ne faisoit que traduire un Auteur Espagnol
, & qu'il se conformoit au génie
d'une Langue qui n'abonde que trop en Esprit.
Et comment l'Auteur François , aussi
sage & aussi judicieux qu'il étoit , seroit - il
tombé , par l'envie de briller , dans une faute
qu'il avoit condamnée lui- même dans une de
ses premieres Comédies , où il fait répondre
à une pareille Disparate , par ce Vers ?
Vous êtes en coiere , & vous faites des pointes !
N'est- ce pas condamner hautement l'abus de
PEsprit 2
Je ne finirois point ma Lettre , s'il me
falloit citer tous les Exemples de cet abus
Bvj
2764 MERCURE DE FRANCE
qui s'offrent en foule à mes yeux. Nous n'em
voyons que trop , de ces Ouvrages conçus
en d'pit du bon sens , qui cependant ne
laissent pas d'avoir un nombre infini de Partisans.
Heureux , s'il m'étoit aussi facile d'apliquer
le remede, que de montrer le mal !
La dépravation du goût est d'autant plus
incurable , qu'elle part d'une cause qui semble
faire honneur à notre Nation . Et dequoi
, diront les Partisans du bel Esprit , dequoi
accuse - t- on notre siècle ? d'être trop
éclairé ? Voudroit on nous replonger dans
cette ignorance , que les Adorateurs de l'Antiquité
apellent du beau nom de simpli
cité ?
Non , leur répondrai - je ; on ne porte pas.
Pinjustice jusqu' vous dévoüiller des trésors
qui ont succedé à l'indigence , jusqu'à
vous priver des lumieres qui ont suivi les
ténebres ; mais on voudroit que vous en
fissiez un meilleur usage . Ce n'est point
assés d'avoir de l'Esprit , il faut y mettre de
la justesse , & ne se pas livrer à une imagition
déreglée , qui va toujours au - delà des.
bornes la droite raison lui a prescrites ;:
vous avez de l'Esprit , personne ne vous le
dispute ; mais autant vaudroit- il n'en avoir
point du tout , que d'en trop avoir ; il faut
accommoder votre Esprit au sujet que vous
traitez , & non subordonner le sujet à l'Es~
prit.
que
Voilà ,
DECEMBRE. 1738. 2765
!
Voilà , Mad. , le seul remede que je puisse
indiquer , mais je desespere qu'on en veuille
faire l'experience ; on croiroit trop y perdre.
Eh que deviendroient les Auteurs qui
n'ont que de l'Esprit ? ne seroit- ce pas les .
réduire à la derniere indigence ? non ; n'attendons
pas d'eux un renoncement volontaire:
aux avantages qu'ils ont reçus de la Nature.
Je ne veux pas pourtant confondre dans .
la même classe tous ceux que la Nature a
enrichis des trésors de l'Esprit ; ce don précieux
n'est pas le seul qu'elle a fait à des Auteurs
du premier ordre ; elle leur a donné
quelque chose de plus estimable ; c'est la
raison , c'est la connoissance des regles , c'estla
justesse du discernement ; ils ne manquent
pas de raison , puisqu'ils font de si solides .
critiques de tous les Ouvrages , les leurs ex--
ceptés ; ils connoissent les regles , puisqu'ils.
en reprochent la négligence à leurs Rivaux
ils font preuve de discernement , quand
s'agit d'aprécier les Piéces sur lesquelles on
leur fait l'honneur de les consulter ; tout ce :
que je viens d'avancer à leur gloire , se manifeste
ouvertement dans les superbes Préfaces
dont ils décorent quelquefois leurs.
Ouvrages les plus défectueux ; ainsi on ne
peut pas dire que la Nature ne leur ait donné
que de l'Esprit ; nous avons même des .
Poëtiques de leur façon , dans lesquelles les.
regles,
2766 MERCURE DE FRANCE
regles du Théatre sont prononcées du ton
d'Aristote & d'Horace ; mais par malheur
ils se dispensent des loix qu'ils imposent aux
autres.
D'où peut donc naître l'énorme difference
que l'on trouve entre ce qu'ils font & ce
qu'ils devroient faire , si ce n'est de l'envie
démesurée d'emporter les suffrages d'un Public
, qui ne se laisse entraîner qu'au torrent
de l'Esprit , & qui en préfere les lumieres
éblouissantes à la solidité du raisonnement
?
Qu'ils ne présument pas cependant se
disculper par- là du mauvais usage qu'ils
font de leurs talens ; ce même Public qui se
prête à la séduction, & qui n'adopte le faux,
que parce qu'il se présente à ses yeux sous
l'aparence du vrai , sortiroit d'erreur , s'ils
étoient tous les premiers à l'en tirer ; c'est à
eux à lui donner le ton , & non à le prendre
de lui ; je parle ici`d'un certain Public , qui
n'a point d'autre avantage que d'être le plus
nombreux non , ce n'est point là cet auguste
Tribunal , devant lequel tous les Ouvrages
ressortissent ; chés ce Public respectable
, les voix se pesent , & ne se comptent
pas.
Heureusement , Mad. , ce Public que l'on
fait consister dans la multitude confuse
commence à ouvrir les yeux sur les Piéces
de
DECEMBRE. 1738: 2767
'de Théatre ; on vient de livrer des assauts à
P'Esprit dans un lieu d'azile pour lui , je veux
dire à l'Opera ; n'est- ce pas le relancer dans
son Fort : Eh ! quel Théatre est plus favorable
aux Madrigaux ? Cependant on n'y a
pas trop bien accueilli les premieres productions
de deux ou trois Auteurs , qui , sous le
paffeport de l'Esprit , se promettoient un
succès infaillible ; le Parterre a eu la noble
fermeté de résister à tout ce qu'ils ont étalé
de plus séduisant.
Que ne devons -nous pas attendre de cette
résipiscence du siécle ? On n'a pas fait ce
premier pas , pour reculer ; les Auteurs qui
ne cherchent qu'à plaire , prendront des routes
plus sûres pour y parvenir ; ils se livreront
avec plus de réserve à la fougue de.
leur imagination ; ils permettront à la raison
de leur donner des conseils salutaires ; ils .
reconnoîtront que l'action étant l'ame du
Poëme Dramatique , leurs Piéces ne sçauroient
être avouées des vrais Connoisseurs
tant qu'elles en seront dépourvûës ; je sçais .
bien , Mad. , que la Nature n'accorde pas à.
tout le monde le don précieux de l'inven-
- tion ; mais comme elle est du ressort de:
Pimagination , on peut l'acquerir par le travail
; on n'a , pour arriver à la perfection de
FArt , qu'à étudier les grands Modeles qui
en ont ouvert le chemin , ce n'est que par
là
qu'om
2788 MERCURE DE FRANCE
qu'on peut rendre au Théatre François som
ancienne splendeur, & réserver les étincelles
de l'Esprit , pour les Epigrammes , les Madrigaux
, les Chansons , & pour tout ce qu'on
apelle Poësies Anacreontiques , dans lesquelles
notre Nation surpasse toutes les autres.
Ne bornons pas notre gloire à briller dans
un genre qui semble n'être fait que pour
L'Esprit ; quelque chose de plus estimable
manque à nos Poëtes Modernes
› c'est ,.
Mad , ce précieux don de l'invention , dont
je viens de vous parler.
,
nous.
Comme l'Esprit en est la source
n'avons qu'à faire un bon usage de ce même
Esprit dont l'abus nous deshonore ; que
ceux de nous, Auteurs, qui en sont les mieux.
pourvus , lui donnent la raison pour guide ;
qu'ils arrêtent son impétuosité , surtout dans
le Poëme Dramatique ;, qu'ils l'empêchent
enfin de s'égarer.
Nous n'en voyons que trop , de ces égaremens,
qui font retomber notre Théatre dans
le cahos d'où le grand Corneille l'avoit heureusement
tiré. On prend tous les jours:
pour du génie , ce qui n'est , à le bien priser
, qu'un pitoyable délire. Est ce ainsi
qu'il faut peindre la Nature , dont le Poëme
Dramatique doit être une parfaite imitation ?
On abonde en paroles , tandis qu'on néglige
-
Paction ,
DECEMBRE. 1738. 276
l'action , qui doit être l'ame de la Comédie
& de la Tragédie ; d'où vient une négligence
si deshonorante , si ce n'est du
si ce n'est du manque
d'invention ? Et d'où peut naître ce manque
d'invention , si ce n'est du mauvais usage
qu'on fait de l'Esprit ?
Avoüez- le , Mad. , vous ne vous attendiez
pas à recevoir de moi une Dissertation , au
lieu d'une simple Lettre ; je confesse tout le
premier , que je me suis engagé plus avant
que je ne croyois ; je n'aurai pas lieu de m'en
repentir , si j'ai le bonheur d'ôter à l'Esprit
une Apologiste aussi forte que vous , rien
n'est plus dangereux que l'exemple d'une
Personne que la Nature a pourvûë de la plus
solide raison. Je me flate du moins , que
vous ne serez plus si ardente à défendre une
mauvaise cause , & que vous me ferez la
grace de me croire toujours , avec une parfaite
estime , votre , &c.
S
SONG E
ENVOI
Ans m'amuser à pâlir sur le Plan ,
Ami Thibaut , d'un ennuyeux Prologue ;
Pour te tracer les Voeux du nouvel an ,
Dispense
2770 MERCURE DE FRANCE
Dispense-moi d'un fade Dialogue.
Tu sçais où va pour toi mon tendre amour ,
Amour ardent , amour pur & sincere
> Peut- il avoir un plus beau caractere
Lorsque la Nuit sur tout l'envie au Jour ?
Eh ! quel langage ! au Jour la Nuit l'envie !
Mon ame donc à t'aimer affervie ,
Malgré le Dieu qui verse les Pavots ,
Te consacrant tous les temps de sa vie ,
Se priveroit même de son repos .
Non , non , écoute. Une petite Epoque
Va dans l'instant , conçuë en peu de mots ,
Te mettre au fait de ce style équivoque.
Un jour , Ami , succombant aux apas
Que le Sommeil fait goûter dans ses bras ,
( Minuit sonné ) * tu m'aparus en songe.
Munis chacun d'une torche à la main ,
( Aimable erreur où mon ame se plonge
Nous vifitions les raretés sans fin ,
De je ne sçais quel Palais soûterrain.
Ce Labyrinthe , où loin de son Empire .
Le Dieudes Mers daignoit tenir sa Cour
Etoit pour lors devenu le séjour
Des Déités que sa Personne attire.
* Allusion à l'Endroit où Horace dit qu'après mi-.
nuit , les Songes sont autant de vérités . Sat.X.Lib . L.
Là
DECEMBRE. 1738. 2771
Là , dans leurs mains des Nymphes à nos yeux ,
D'une Urne énorme étalant le spectacle ,
Ainsi que toi , libre de tout obstacle ,
J'en admirois le contour spacieux .
Mille Tritons près de ces chastes Filles ,
Sans se laffer, agitant leurs Coquilles ,
Nous sembloient faire un travail précieux.
Ce fut alors , que toujours en extase ,
Dans divers Lieux je vis plus d'un (4 ) Pégase ,
"
Forcer la Terre à prodiguer ses Eaux :
Lorsqu'à son tour embouchant sa Frompette,
Certain (6) Triton élevé sur des flots ,
Avec éclat sonnoit une retraite.
Bien- tôt le bruit de ce fignal soudain ,
A la faveur d'une secrette iffuë ,
Nous fait quitter le Palais soûterrain .
Mais devant nous à peine , à demi- nuë
S'offroit déja la Troupe de Vulcain ,
A son exemple au travail animée ,
Que le sommeil de caprice ou d'effroi ,
Du Dieu, fuyant la Caverne enflammée ,
Comme un éclair s'envole loin de moi.
Dans le moment nous nous perdons de vûës
Car tel qu'avant que j'euffe sommeillé ,
(a) Les Poëtes feignent qu'il fit sortir de la Terrel'a
Fontaine d'Hypocrêne .
(b) Il étoit Fils & Trompette de Neptune.
Mes
2772 MERCURE DE FRANCE
愤
· Mes sens trompés & mon ame déçûë ,
Sur mon grabat je me trouve éveillé.
C'est tout. Adieu jusques à ta replique.
En bon Devin dévelope & m'explique
De ce récit le sens bien détaillé .
Je t'attens là. Mais aprends d'un tel songe ,
Où peut aller pour toi mon tendre amour ;
Et quand j'ai dit , La Nuit l'envie au Jour ,
Ami Thibault , juge si c'est mensonge.
DAMON , aux Isles imaginaires,
Lieu de ma résidence.
REPONSE , pour servir d'explication
au Songe.
J
LES
SALINES.
Our & nuit tu penses à moi ,
Cher Damon , je t'en remercie
Jour & nuit m'occuper de toi ,
Fera le bonheur de ma vie.
Mais treve de tous complimens
Dans Mon Grimoire
Aftrologique ,
J'ai pénetré , je crois , le sens
De ta Miffive énigmatique.
D'abord au bas d'un double Mont ,
Où deux (a) Forts sur un Roc sterile ,
(a)Le Foxt S. André , bâti par Louis XIV', sous l'a
Dans
DECEMBRE. 1738. 2773
Dans les airs s'élevent de front
J'ai mon Manoir dans une Ville ,
Qui d'Albe imitant la longueur ,
Peut bien par la Voute étherée ,
De quelques (4) aulnes de largeur ,
A chaque bout être éclairée.
Cette (6) Ville , au sein de ses murs
Poffede des Sources salées ,
Qui roulent dans des Lieux obscurs ,
Leurs Eaux avec soin raffemblées.
C'est-là que l'Art induſtrieux ,
A creusé des (c) Voutes antiques ,
Où de ses Trésors aquatiques
Se voit le dépôt précieux.
Deux fois , malgré le frais humide
Qui regne toujours dans ces Lieux ,
Direction de M. de Vauban , & le Fort Belin. Ils
sont à peu près de même hauteur , se regardent.
La Ville eft absolument au bas d'un double Mont, siuée
comme dans un Fossé.
(a) Allusion à la troisiéme Eglogue de Virgile , où
il eft dit Dic quibus in terris , &c. Tres pateat cæli
non amplius ulnas spatium . Il eft vrai que Salins eft
peut-être la Ville la plus refferrée qu'il y ait au
monde.
(b) Les Sources sont dans la Ville , & tous les Ouvrages
qui en dépendent .
(c ) Tous les Ouvrages qui ont étéfaits pour recueillir
l'Eau , sont à l'ombre d'excellentes Voutes pratiquées
dans des souterrains.
Ол
27/4 MENCUKE DE FRANCE
vŵ , On m'a vit, repaiffant mes yeux ,
Y hazarder mes pas , avide
De ce spectacle curieux.
Cher Damon , suis-moi dans l'enceinte
De ce ténébreux Labyrinthe
Où je découvre le séjour
De ton Neptune & de sa Cour.
Là , je vis à diſtance égale ,
Des Vases en forme de Sceaux ,
Qui plongés dans le fond des Eaux
Par d'affreux (a ) Cables en ovale ,
A l'aide d'un bon Bucéphale ,
Remontoient avec leurs fardeaux.
Que manquoit-il à ce spectacle ?
Peut- être un commun réceptacle ,
Où l'onde allant se décharger ,
Tranquille , attendît sans danger
L'usage auquel on la destine.
Auffi vis je divers Canaux ,
Ami , par où l'Eau s'achemine ,
(a ) Ces Cables se nomment Chapelets . Quantité de petits
Sceaux y sont attachés Des Chevaux, par le moyen
d'une Rouë , les font aller. C'est ainsi qu'on a trouvé
l'art de recueillir l'Eau salée , qui , enlevée des Puits
où elle se décharge d'abord , prend ensuite son cours
divers Canaux , qui tous aboutiffent au même
par
Endro
Dans
Dans une (a) Cuve qui termine
L'ordre établi dans ces Travaux.
Immense Cuve , Cuve énorme ,
Dont l'aspect quarré de sa forme ,
N'offre que Ciment , Pierre & Chaux.
Occupé de tant de merveilles ,
Où l'oeil s'égaroit à loisir ,
Un bruit clair frapant mes oreilles ,
Je goûtois un nouveau plaisir ;
Et c'étoit quand une (6) Clochette ,
D'un son aigu qu'elle répete ,
Nous annonçoit par ĉe fignal ,
L'écoulement d'Eaux étrangeres ,
Qui par un mélange fatal,
Pouvoient nuire aux Eaux (c ) salutaires.
Là se bornerent nos regards ,
Et tenant une étroite route ,
Nous gagnâmes de voute en voute ,
(a ) Cette Cuve fut faite en 1730. Elle a coûté des
sommes immenses. On en peut juger par le nombre de
muids qu'elle contient , cinq mille douze muids.
(b ) Cette Clochette se nomme Sentinelle . Tant
qu'elle sonne , c'est une preuve qu'il n'y a point de
danger ; mais dès qu'elle cesse , il faut ajoûter des
Chevaux à ceux qui sont destinés à détourner l'Eau
douce , pour empêcher plus promptement la trop grande
abondance ; autrement l'Eau salée en souffriroit.
(c) J'apelle Eaux salutaires , les Eaux salées
parce que les Eaux douces sont incompatibles dans
l'usage qu'on fait des premieres..
>
Des
2766 MERCURE DE FRANCE
Des toits ouverts de toutes parts.
Ces toits , nuds comme des Chaumieres ,
Sont faits pour d'horribles ( a) Chaudieres ,
Affises sur d'ardens ( b Fourneaux ,
Que deux fois par an on allume :
Plus ardens que quand l'Etna fume ,
De ce souffre & de ce bitume ,
Que vomiffent ses soûpiraux.
Eh bien ! dans ce portrait fidele ,
moi ,
De ton Songe Aateur pour
Y vois-tu le sens que j'y voi?
Quelle image plus naturelle ,
Pourroit mériter mieux ta foi ?
Ton Urne aux Nymphes consacrée ,
Répond à ma Cuve quarrée ;
Mon Bucéphale vigoureux ,
A tes Pégases fabuleux .
Mes Fourneaux où le bois abonde ,
A l'Antre de tes Forgerons ;
Et mes Sceaux de figure ronde ,
Aux Coquilles de tes Tritons ;
Ma Clochette enfin suspenduë ,
(a ) Ces Chaudieres tiennent soixante & dix
muids. C'est là où l'on fait le Sel.
(b) On n'éteint les Fourneaux qu'à Noël & à
Pâques ; ainsi il sera facile de conclure qu'on ne les
allume que deux fois . Des Gens payés pour cela , sont
uniquement occupés à les entretenir de bois.
A
DECEMBRE. 1738. 277
A ta Trompette prétendue.
Adieu , cher Damon. Je me tais.
Qu'un autre épris de nos Salines ,
S'arrêtant à d'autres objets ,
En exalte le Sel , les Mines.
Qu'il chante d'un style nerveux ;
La Cité dans ses vers pompeux.
Certe (a) Cité chere à son Prince
Non moins (6) utile à la Province ,
Que commode pour ses (c ) Voisins :
Qui de son onde spécifique ,
Tirant enfin son nom antique
De tout temps s'apella SALINS.
que la Province en tire.
(a) On regarde Salins comme un des plus beaux
Domaines du Roy..
(b) A cause du Sel
(c) Ceci s'entend des Suiffes , à qui , par Traité, on
eft obligé de fournir chaque année neufmille cent qua
Tante- trois Boffes de Sel. Une Boffe eft une espece de
Togne d'une certaine groffeur. C'est un terme dik
Pays.
20 72
11. Vol C SUITE
* { ?
2778 MERCURE DE FRANCE
のののの
SUITE de l'Essai dun Traité Historique
de la Croix de N. S. JESUS-CHRIST.
A
V.Partie.
Près l'heureuse découverte du Sépulchre
& de la Croix du Sauveur , telle
que nous l'avons ci - devant raportée , l'Empereur
Constantin & son Auguste Mere ,
toujours animés du même zele pour l'avancement
de la Religion Chrétienne , & remplis
de reconnoissance pour toutes les Bénédictions
, dont le Ciel les favorisoit visiblement
, s'empresserent pour ériger des Monumens
publics de leur Pieté sur les mêmes
Lieux , que l'impieté payenne avoit profanés
pendant une si longue suite d'années.
Eusebe , Auteur de la Vie de ce religieux
Prince , en parlant du plus considerable &
du plus magnifique de ces Monumens ,
s'exprime à peu près en ces termes :
و ر
. و و
و و
L'Empereur commanda saintement qu'-
» on édifiât une Eglise Auguste & digne
» d'une Magnificence Royale , à l'entour du
Sepulchre salutaire , donnant pour cela
des richesses sans nombre , comme s'il eût
» méditécette Entreprise depuis long- temps,
» & qu'il en eût prévû toutes les heureuses
» suites. Dans cet esprit , il écrivit des Let-
J.. tres
DECEM DKE. 1730. 2779
tres aux Gouverneurs des Provinces d'O-
» rient , par lesquelles il leur commandoit
» de fournir abondamment tout ce qui étoit
» nécessaire pour rendre cet Edifice , grand,
» riche , admirable. Il écrivit aussi à l'Evêde
Jerusalem une Lettre sur le même
sujet , dont voici la teneur :
» que
CONSTANTIN EMPEREUR VICTORIEUX ET
TRES-GRAND. A Macaire Evêque de Jerusalem.
La Grace de notre Sauveur est si grande ;
qu'il n'y a point de paroles assés énergiques
pour célebrer dignement le Miracle dont il
vient de nous favoriser ; car c'est une chose
qui surpasse l'admiration de tous les Hommes
que ce très- saint Monument de sa
Passion ait été caché sous la terre pendant
tant d'années , & qu'il n'ait été reconnu
qu'après que les Serviteurs de Dieu ont été
mis en liberté par la destruction de l'Ennemi
du Genre humain. Si tous les Sages du
Monde étoient assemblés pour essayer de
dire quelque chose qui fût digne de ce Sujet,'
ils ne pourroient rien dire qui ne fût inferieur
à la moindre partie. La grandeur de cé
Miracle , surpasse autant la capacité des
Hommes , que les choses célestes surpassent
en puissance les choses terrestres & humaines.
C'est pourquoi je me suis toujours proposé
pour mon principal but , de faire en-
Cij sorte
.sorte , que comme la Verité de la Foy se
manifefte tous les jours par de nouveaux
prodiges , ainsi vos ames croissent en zele
& en affection envers nos saintes Loix . Je
desire donc que vous soyez bien assûré , de
ce que je crois être déja connu par tout
l'Empire , sçavoir que j'ai entrepris spécialement
d'embellir par la magnificence de quelques
beaux Edifices , ce Lieu sacré , que j'ai
déchargé par le commandement de Dieu ,
comme d'un fardeau , des Idoles honteuses
que l'on y voyoit. Le choix que Dieu en
avoit fait d'abord le rendoir Saint , mais , cette
sainteté est devenue encore plus éminente,
depuis que l'assûrance que nous avions déja
de la Passion de notre Sauveur , y a été si
évidemment confirmée par de nouvelles
preuves.
›
I.
Il faut donc que votre prudence , ordonne
tellement les choses , que cette Basilique
excelle non seulement sur toutes les autres ,
mais aussi qu'il n'y ait rien de beau & d'admirable
en quelque Ville que ce soit , que
cet Edifice ne surpasse de beaucoup. Pour
ce qui est du détail de la construction & des
embellissemens , j'en ai commis le soin à
notre amé Dracilianus , Gouverneur de quelques
Contrées de l'Orient , & au Gouverneur
particulier de la Palestine. Je leur ai
commandé de sçavoir d'abord de votre prudence
DECEMBRE . 1738. 2781
dence , quel nombre d'Artisans & d'Ouvriers,
en un mot , tout ce qu'il est nécessaire
de préparer & d'employer pour un tel
Edifice , afin de vous les envoyer diligemment.
Quant aux Colomnes & aux Marbres
, après que vous aurez refléchi sur ce
qui vous semblera de plus convenable & de
plus auguste , mandez -moi votre avis¸ - afin
qu'ayant apris par vos Lettres , quelles &
combien de choses vous sont nécessaires , je
puisse les faire transporter de tous côtés sur
les Lieux. Je desirerois aussi de sçavoir , si
vous trouvez bon que la Voute de l'Eglise
soit lambrissée , ou qu'elle soit enrichie de
quelqu'autre ornement ; si elle est lambrissée
, le reste pourra être doré. Votre Sainteté
fera sçavoir cela aux Gouverneurs , dont
je lui ai parlé , le plutôt qu'il lui sera possible
, pour leur donner le temps & le moyen
de pourvoir aux Ouvriers & à la dépense
n cessaires. Elle ne differera pas aussi de
m'informer de ce qu'elle aura estimé de plus
beau & de plus convenable , non seulement
pour ce qui est des Marbres & des Colom
nes , mais aussi quant au lambrissement.
Dieu vous conserve , mon cher Frere .
,
Les Lettres de l'Empereur , ajoûte Eusebe,
farent suivies de prompts effets ; & tout de
suite il décrit , à sa maniere , le Monument
dont il est ici question. Voici comment il en
parle :
C iij
» II
2782 MERCURE DE FRANCE
»
ور
1 » Il fit donc édifier à l'Endroit où fue
» trouvé le témoignage de notre Salut , une
» nouvelle Jerusalem , dont l'aspect étoit
oposé à celle qui a été autrefois si renom-
" mée , qu'on dit avoir été réduite à une ex-
» tréme ruine & desolation , & qui porte.
» encore la peine dûë à l'impieté de ses Ci-
» toyens , qui s'étoient soüillés en répandant
» le Sang de Notre Seigneur. A l'oposite de
» cette Ville , l'Empereur fit ériger un magnifique
& superbe Monument de la Victoire.
»obtenue contre la Mort , qui est peut-être.
» la nouvelle Jerusalem , que les Oracles &
» les Prophetes décrivent si au long , &
» qu'ils loüent si hautement. Avant toutes.
» choses , il enrichit par un chef- d'oeuvre le
" sacré Sepulchre , qui est le Memorial cé-
» leste de notre salut , où l'Ange resplandis-
» sant de lumiere , avoit annoncé la Résur-
»rection. Il enrichit , dis - je , d'une magni-
» ficence Imperiale le S. Sepulchre , comme
» le principal but de ses Entreprises , l'orna
» de Colomnes précieuses , & de toute sorte
» de beaux ouvrages. Il choisit ensuite une
" grande Place , qu'il fit paver de grandes &
» belles Pierres , & entourer de Galeries
» trois côtés Ce Temple Royal & admirable
, fut édifié vis -à- vis de l'Endroit du
Sepulchre qui regarde l'Orient. La hau
» teur en étoit excessive , & très grande la
و د
par
» lonDECEMBRE.
1738. 2783
longueur & la largeur. Le dedans étoit
» tout incrusté de Marbres de diverses cou-
» Icurs . Le dehors brilloit aussi par la polis-
» sure des Pierres , artistement jointes , &
33
faisant ensemble une agreable symétrie ,
→ ouvrage rare , & qui ne cedoit en rien au
» lustre du Marbre. La couverture du Tem
» ple étoit extérieurement toute de plomb ,
33 pour le garantir de la pluye et des tempê-
» tes de l'Hyver ; mais le dedans étoit tout
» lambrissé et enrichi de diverses Figures de
» Relief. Ce lambris étoit si artistement tra-
» vaillé , et si bien continué par tout cet
Edifice Royal , qu'il représentoit comme
→une vaste Mer. Il jettoit aussi une splen-
>>deur qui éclairoit toute l'Eglise , à cause
» de l'or dont il étoit entierement couvert
Aux deux côtés des doubles Galeries , qui
» étoient et dessus et dessous la terre , deux
» Allées étoient jointes , qui regnoient tout
» le long du Temple , avec leurs voutes par
» faitement bien dorées. Celles qui faisoient
» face à l'Eglise , étoient élevées sur de gran-
» des Colomnes ; les autres , qui étoient au-
» dedans , portoient sur de grosses Pierres
» quarrées , travaillées par dehors avec beau-
❞ coup d'art.
Trois grandes Portes étoient ouvertes du
» côté de l'Orient , qui donnoient entrée à ce
magnifique Temple. Mais ce qui frapoit
C iiij
le
1784 MERCURE DE FRANCE
و د
le
»le plus d'admiration , c'est un superbe Dôme
» qui s'élevoit au- dessus de cet Edifice vrai-
» ment Royal. L'Empereur voulut que
»Dôme füt environné de douze Colomnes ,
" en l'honneur du nombre des Apôtres : et
» sur l'Entablement , à l'Endroit qui répon-
» doit aux Chapiteaux des Colomnes , il fit
» poser de grands Vases d'argent , qu'il con-
» sacra à Dieu , comme une offrande de sa
pieté. Au devant de l'Entrée du Temple ,
» il y avoit une Place fort spacieuse , aux
» deux côtés de laquelle étoit un grand
» Porche , accompagné de Galerics , termi-
» nées par de grandes Portes , à l'issue desquelles
on trouvoit au milieu de la Place
» dont on vient de parler , un grand &
superbe Portail , eemmbbeellllii ddee tous les
» ornemens de l'Art , et qui donnoit une
» grande idée de tout le reste.
ود
30
»
Tel est le Narré d'Eusebe , qui après avoir
beaucoup dit , comme on vient de le voir ,
ajoûte encore ceci : » L'Empereur édifia ce
» Temple avec une magnificence Royale ,
» afin de servir de témoignage public et il-
» lustre de la glorieuse Résurrection de notre
Sauveur. Il seroit bien difficile , et nous
» n'en avons pas méme le loisir à présent
» de spécifier toutes les Richesses dont il
» étoit rempli , la multitude des Présens
» d'or et d'argent que ce Prince y a consacrés
3
DECEMBRE . 1738. 2785
"
crés , les differentes qualités des Pierres
précieuses qui ont été employées , leur
grandeur , leur quantité , leur valeur, et le
» rare artifice avec lequel elles ont été mises
33
» en oeuvre .
Notre Historien parle ensuite des Temples
bâtis à Bethleem , & sur la Montagne
d'où le Sauveur s'éleva au Ciel , par les soins
particuliers de Sainte Helene , dont il fait
ici mention pour la premiere fois. Il le fait
avec de grands Eloges ; mais il ne dit rien ,
comme nous l'avons observé ailleurs , de ce
qui a précedé la construction du Temple de
la Résurrection , à laquelle , selon son Narré
, il sembleroit qu'elle n'ait eu aucune
part , Eusebe ne dit rien non plus de la découverte
du Bois sacre ; silence que nous
examinerons dans la suite plus particuliere
ment .
7
>
L'ordre des temps & l'exactitude historique
demanderoient de voir à la suite de cet
te description , tout ce qui se passa à la Dédicace
de l'Eglise qui en fait le sujet , mais
cette narration n'est que differée , & trouvera
bien-tôt sa place : il est à propos avant tou →
tes choses de parler d'une difficulté qui se
présente ich , & qui vient du fond du sujet
même que je traite ."-
Nous venons de voir qu'Eusebe , dans la
Vie de Constantin , ne parle que d'une seule
Cv Eglise
2786 MERCURE DE FRANCE
Eglise bâtie à Jerusalem par les ordres de ce
grand Prince. L'Empereur , dit- il , commanda
saintement qu'on édifiât une Eglise
Auguste & digne d'une magnificence Royale
à l'entour du Sepulchre salutaire , &c. Dans
la Lettre même de Constantin , adressée à
Il'Evêque de Jerusalem , il ne s'agit que de
a construction d'une Basilique dans cette
Ville ; le Narré d'Eusebe & la Lettre de
l'Empereur en indiquent en même temps la
situation cependant il paroît certain par le
témoignage de plusieurs Ecrivains , qu'il y
eut deux Temples construits à Jerusalem ,
presque en même temps , par les ordres du
même Empereur , l'un au S. Sepulcre , ou ,
comme parle Eusebe, à l'entour du Sepulchre
salutaire , l'autre sur le Mont de Calvaire.
Le premier est celui dont nous venons de
voir la description d'après Eusebe , qui ne
parle que de celui - là : mais la construction.
du second , semble si certaine , que le même
Eusebe , après l'avoir omise dans la Viede
Constantin , en parle dans le Discours
qu'il prononça en présence de ce Prince , où
il le loue particulierement sur ces magnifiques
Monumens de sa pieté. Voici les paro
les du Panégyriste , de la traduction de M
de Valois : Apud Civitatem Hebræorum
Regia quondam Sedes fuit , in ipso urbis Medisallio
, ad locum Domini Sepulchri , Basiliqua
CAM
DECEMBRE . 1738. 2787
cam immensa amplitudinis , & Ædem Deo
sacram in honorem sanctæ Crucis , &c.
Ces deux Eglises ont cu plusieurs noms ,
ce qui a jetté quelque confusion sur cette
matiere. Les Historiens s'accordent à donner
à la premiere le nom de Temple de l'a
Résurrection , ou d'Anastasie en Grec , parce
qu'elle étoit près du S. Sepulcre , ou qu'elle
contenoit le Lieu d'où le Sauveur sortit :
triomphant de la Mort , &c. La même Eglise
fut aussi nommée le Martyre.
A l'égard de celle qui fut bâtie sur le Calvaire
, on la trouve qualifiée de Grande
Eglise , d'Eglise de la Croix , & absolûment
La Croix , ce qui convenoit , puisqu'elle
devoit occuper une partie du terrain , où la
Croix fut découverte. Le P. Morin a tâché
d fixer ces differentes denominations , la
situation, & la distinction de ces deux Temples
: ses conjectures apuyées d'autorités ,
paroissent solides , & cet Article est curieux
, pag. 395. & 396. de son Histoire de
la Délivrance de l'Eglise par l'Empereur Cons
tantin , &c. Mais après avoir beaucoup dit,
il ne décide autre chose , si ce n'est qu'il y
eut deux grandes Eglises , distinctes l'une de
Pautre , bâties à Jérusalem , par les ordres
de Constantin.
M. de Tillemont , T. VII . des Memoires
pour servir à l'Histoire de l'Eglise , Art.
Cvj Rege
2788 MERCURE DE FRANCE
page 10. entre aussi là-dessus dans une discussion
curieuse . Il a lu les mêmes Auteurs ,
Grecs & Latins , qui ont traité ce sujet ; mais
il paroît qu'il a conçû differemment du P.
Morin , la description que fait Eusebe &
que nous venons de raporter du Temple ou
de la Basilique de la Résurrection . Il explique
à sa maniere la narration d'Eusebc ,,
au sujet de cet Edifice ; ce qu'il dit paroît
pécieux & vrai semblable ; mais j'avouë
qu'après avoir lu avec beaucoup d'attention
tout ce que cet habile Ecrivain a dit sur ce
point , on ne sçait presque à quoi s'en tenir.
Il ne parle point , comme fait le P. Morin ,
d'une seconde Eglise , qui est celle du Calvaire
, distincte de celle de la Résurrection ,
& il dit que celle - ci étoit bâtie en l'honneur
de la sainte Croix , ce qui ne peut bien convenir
qu'à celle du Calvaire; aussi M. de Tillemont
a senti lui- même que cette matiere
n'étoit pas suffisamment éclaircie . Il a tâché
de le faire dans la IV. de ses Notes sur sainte
Helene , lesquelles sont imprimées à la fin
du même VII. Volume , page 640. La Note
est intitulée , avec raison , Quelques difficultés
sur l'Eglise du S Sépulchre. Comme cette
Note n'est pas extremement longue , je crois
qu'il est à propos de la raporter ici.
" Comnie l'Eglise du S. Sépulchre , que
Constantin fit bâtir à Jérusalem , conte-
» noit
DECEMBRE. 1738. 2789
و د
و ر
و د
» noit la Chapelle du S. Sépulchre , la gran-
» de Eglise & plusieurs autres Bâtimens , on
» ne voit pas bien si c'est toute cette en-
» ceinte en géneral,ou si c'est là grande Eglise
» en particulier , qui est apellée tantôt le
Martyre , ou le Lieu de la Passion,le grand
Martyre , le Martyre & le Monument de la
» Mort & de la Résurrection de J. C. &
» tantôt l'Eglise de la Sainte Croix , en l'hon-
» neur de laquelle Eusebe témoigne quétoit
» batic la grande Eglise , οἶκον ἐυκτήριον νέον
" Tedov. S. Cyrille de Jérusalem donne
» ordinairement à cette Eglise le nom de
" Golgotha. Théodoret distingue l'Eglise de
la Croix , & la Résurrection , ou la Cha-
» pelle du S. Sépulchre ; & aussi-tôt après
» il paroît ne faire de l'une & de l'autre
qu'un même Temple.
"
"
» S. Cyrille de Jérusalem , témoigne plu-
» sieurs fois qu'il prêchoit , ou à Golgotha
» même ou au moins fort près , & à la vûë de
» ce Lieu consacré par la Mort de J..C. Saint
» Paulin & S.Ruffin,disent aussi que l'Eglise
» bâtie à cause de la Croix , fut mise au Lieu
» de la Passion. S. Cyrille dit même que le
" Lieu de la Résurrection & de Golgotha ,
» n'étoit qu'une seule . Eglise . On ne peut
donc douter que la Basilique , c'est - à - dire
»le grand espace qui comprenoit l'Eglise &
tous les Bâtimens qui l'accompagnoient ,
>
≫nc.
2790 MERCURE DE FRANCE
»ne contint dans son enceinte l'un & l'au
» tre Lieu , celui de la Résurrection & du
» Sépulchre , & celui du Crucifiement & de
»da Mort de J. C. Aussi il n'y avoit que So.
"pas , ou un jet de pierre de l'un à l'autre ,
» & tous les Auteurs ne marquent ordinai-
» rement qu'une Basilique , bâtie par Constantin
, pour honorer ces deux grands
Mysteres..
» Eusebe apellé cette Basilique la nouvelle
Jerusalem , & Socrate dit que sainte Helene
lui avoit effectivement donné ce
nom. Mais M. de Valois soûtient que dans
" Eusebe , ce n'est qu'une allusion à ce que
»l'Ecriture dit de la nouvelle Jérusalem , &
»
de toute l'Eglise . Pour ceux qui croyent
» sur cela , que Constantin bâtit une nou
» velle Ville au tour de l'Eglise , cela n'est
» nullement fondé. Eusebe parle visiblement
» de ce qui se fit en execution de la Lettre.
» de Constantin à S. Macaire , & cette Lettre
n'ordonné point du tout de bâtir une .
nouvelle Ville.
On sent sur tout cela le travail & l'intel
ligence d'un sçavant homme , mais il est
toujours certain que sur un même fait deux
bons Auteurs , très - capables de l'éclaircir
& de déterminer les Lecteurs , ont pensé
différemment. Selon le P. Morin , Constantin
fit bâtir deux Eglises à Jérusalem sur les
Lieux .
DECEMBRE. 1738. 2791
Lieux que nous avons dit ; & selon M. de
Tillemont, tous les Edifices dont ils est parlé
dans Eusebe , & dans les autres Auteurs
cités , ne faisoient qu'une seule & même
Eglise , à laquelle on a donné tous les differens
noms que nous avons vûs , par raport
aux divers monumens que cette Eglise renfermoir
dans sa vaste Enceinte...
Il ne m'apartient point dé décidér , mais
il m'est permis d'observer que le sentiment
de M. de Tillemont ne s'accorde point avec.
celui des Chrétiens Orientaux qui ont
pour eux des authorités & la Tradition ; -
j'aprens dans la Bibliotheque Orientale , p .
278. à l'Article CRANION , qui est le
nom que tous les Syriens & les Arabes
donnent au Mont de Calvaire , j'aprens
» dis je , que sainte Helene fit bâtir en cer
Lieu une Eglise ou . Chapelle , qui porta
» le nom de Calvaire , fört differente , ajoûte
» l'Auteur , dé celle de la Comamah , ou de
» la Résurrection , dans laquelle le Sépul-
» chre de N. S. est enfermé . Voilà , ce me
semble une distinction bien marquée :
chés les Orientaux .
و و
>
M
Quoiqu'il en soit & en attendant, s'il est
possible , d'autres éclaircissemens sur ce sujet
, on trouvera dans la suite de cer Ou
rage l'Histoire du plus fameux de cess
Temples
2792 MERCURE DE FRANCE
Temples , dont la Dédicace fut faite Par les
Peres du Concile de Tyr , qui se rendirent
à Jérusalem expressément pour cette Céremonie...
Temple dont on déplorera la ruine
faite par Cosroés , Roy de Perse , qui prit &
brûla Jérusalem au commencement du VII .
siecle. On verra tout de suite l'Histoire du
nouvel Edifice , bâti par les ordres d'un
Calife , nommé aujourd'hui la grande Eglise
de la Résurrection , laquelle représente ,
quoiqu'imparfaitement , ce premier Temple
élevé avec tant de magnificence par les ordres
du grand Constantin. Elle fait le principal
objet de la pieté des Chrétiens , qui
font le voyage de la Terre Sainte..
Cette nouvelle Eglise , déja ancienne aujourd'hui
, a aussi souffert ses Révolutions ,
& a eu plus d'une fois besoin de la protec
tion de nos Rois pour en empêcher la pro
fanation ou la ruine entiere , comme on le
verra dans le cours de cette Histoire . La derniere
réparation & la plus importante , s'est
faite depuis peu d'années , par la pieuse intervention
du Roy , & a été l'objet principar
de l'Ambassade solemnelle d'un Ministre
de la Cour Ottomane , lequel vint en
l'année 1721. assûrer Sa Majesté de la part
de son Maître , de l'entiere perfection de
ses travaux , lesquels avoient été non seule -
ment
DECEMBRE. 1758. 27933
ment permis , mais expressément commandés
par le Grand Seigneur. On ajoûtera
pour la confirmation de ces faits , les Lettres
du Sultan et du Grand Visir au Roy &
au Duc d'Orleans , Régent du Royaume ,
aportées par le même Ambassadeur. Rien
n'est plus digne du premier & du plus grand
Monarque de la Chrétienté , qu'une telle.
protection , qui concourt d'ailleurs à rendre.
immortelle la gloire du Sépulchre du Sauveur
, & à l'accomplissement de la fameuse
Prophétie , ou plutôt de l'Oracle de l'Esprit
Saint , inspiré à Isaye , long-temps avant la
Naissance de JESUS - CHRIST. Et erit:
Sepulchrum ejus gloriosum. Is . XI . v.. 10.
totot
IMITATION de la XII Odè dus
quatriéme Livre d'HORACE : Audivere ,
Lyce , Di mea vota , &c .
L Es Dieux ont exaucé mes voeux ;
Oui , Lycé , tu vieillis & te crois toujours belle ;
Tu bois sans en rougir , tu recherches les jeux ,
Tu te plais à la bagatelle ..
*
Crois -mois , les folâtres Amours
Ne se perchent jamais sur des arbres arides.
Tes
2794 MERCURE DE FRANCE
Tes dents & tes cheveux que tu perds tous les jours,
Les choquent autant que tes rides.
܀
La pourpre et l'éclat des rubis ,
Ne font point recouvrer la jeunesse perduë 2
Tes lustres trop hârés sont ma'gré toi réduits
A certaine époque connuë.
Ces
Dis-moi ? Qu'est devenu ce port ,-
graces , ces apas , cette beauté si rare ,
Dont tu m'éblouissois
, & qui rendoit ton sort :
Presque égal au sort de Cynate ?
*
Il est vrai que depuis long- temps
La Parque trop hàtive a fait qu'elle sommeilte ;
pour toi , le Destin veut égaler tes ans ›
A ceux d'une vieille Corneille.
Mais
*
Combien riront nos jeunes fous ,
Lorsqu'ils verront Lycé , qui fut jadis si fiere ,.
Er qui nous menaçoit de nous consumer tous ,
N'être plus qu'un peu de poussiere ?
JP. Esparon , d'Aups en Provence:
LETTRE
DECEMBRE . 1738: 279 §
LETTRE écrite par M..... à M. D. L. R:
au sujet des Ceremonies qui se font dans la
Chapelle de S. Nicolas , en la Grand- Salle:
die Palais.
P Visqueje vous ai promis, Monsieur , de
vous faire le détail de la Ceremonie qui
se fit au Palais dans la Chapelle de S. Nicolas
le 6. Décembre dernier , comme cela
se pratique tous les ans , je vous rapellerai
d'abord à quelle occasion cette Chapelle
a éte fondée , les divers changemens qui y
ont été faits , & tout ce qui la concerne.
Personne n'ignore que nos Rois de la se
conde Race & les premiers de la troisième,
avoient leur Palais dans la Cité & dans le
même emplacement qu'occupe le Palais que:
nous y voyons .
L'Eglise de S. Barthelemi , près le Palais ,
bâtie par Huges Caper , fut apcllée la Chapelle
Royale , parce qu'il n'y en avoit point:
encore d'autre dans l'enceinte du Palais.
Le Roy Robert , fils de Huges Capet , fut
le premier qui y en bâtit une en l'honneur
de S. Nicolas , Evêque , laquelle est incon
testablement la Chapelle de S. Nicolas ,.
dans la Grand- Salle du Palais , & non pas .
P'Eglise.
2796 MERCURE DE FRANCE
L'Eglise de S. Nicolas des Champs , comme
quelques- uns se le sont imaginés.
Henry I. fils du Roy Robert , avoit bien
fair bâtir l'Eglise & le Monastere de S. Ma: -
tin , près S. Nicolas des Champs ;, mais la
Lettre de fondation ne porte point qu'il bâtissoit
ce Monastere dans son Palais , ni aux
environs , & il est constant que les premiers
Rois de la troisiéme Race demeuroient dans
la Cité & non pas auprès de S. Nicolas des
Champs ; c'est ce que le sçavant M. de Valois
a rapellé dans sa Notice des Gaules ainsi
la Chapelle de S. Nicolas , bâtie par le Roy
Robert dans son Palais , étoit dans le Palais
de la Cité , & vrai- semblablement dans la
même place que celle qui est aujourd'hui
dans la Grand Salle .
Le Parlement de Paris , le plus ancien des
Tribunaux qui ont leur séance au Pâlais ,
avoit été institué par Pépin dès l'an 757. mais
il n'étoit d'abord qu'ambulatoire & suivoit
le Roy dans tous ses voyages, jusqu'en 1302.
que Philipe le Bel le rendit sédentaire à Paris
& fit rebâtir à neuf le Palais pour y placer
le Parlement & plusieurs autres Tribunaux ,
ce qui fut executé par les soins d'Enguerrand
de Marigni.
Il paroît qu'en rebâtissant le Palais on ne
conserva pas la Chapelle de S. Nicolas , que
le Roy Robert y avoit fait éle zer , soit parce
qu'elle
DECEMBRE. 1738. 2797.
qu'elle ne pouvoit pas subsister au moyen de
la nouvelle disposition que l'on donnoit aux
Bâtimens , soit parce qu'il y avoit alors deux
autres Chapelles bâties dans l'enceinte du
Palais ; sçavoir celle de S. Michel , bâtie peu
de temps après le regne du Roy Robert ,
dans laquelle Philipe Auguste fut baptisé en
1165. & la Sainte Chapelle , que S. Louis fit
bâtir en 1238.
"
·Ce qui fait connoître que la Chapelle de
S. Nicolas , qui avoit été bâtie par le Roy
Robert , étoit détruite , & qu'il n'y en avoit
plus dans les Salles du Palais , est que l'on
trouve dans les Registres de la Cour que le
22. Avril 1340. le Roy Philipe de Valois , à
la réquisition de la Cour , donna ses Lettres
Patentes , portant qu'au lieu d'un diné que
chaque Conseiller donnoit pour sa bien-venue
, il payeroit cent sols parisis , qui seroient
employés pour faire dire la Messe au
Palais sur un Autel portatif.
Deux de Mrs les Présidens aux Enquêtes ,
urent commis pai Arrêt du 27. du même
nois , pour tenir la main à l'execution de ce
ieux établissement.
Et par d'autres Lettres Patentes du 4. Janvier
1341. le Roy voulut que cette Messe
ût dite à l'avenir par les Religieux des quare
Ordres Mandians ; mais depuis la mort
Henry III. les Jacobins ont cessé de dire
Cette
7798 MERCURE DE FRANCE
cette Messe , de sorte qu'elle n'est plus céle
brée que par les Augustins , les Carmes &
des Cordeliers , qui s'arrangent entre eux
pour faire ce Service , chacun pendant un
iers de l'année.
Charles VII. par l'Article III . de son Ordonnance
, faite à Montils-les- Tours , au
mois d'Avril 1453. ordonna que la Messe
que l'on avoit accoûtumé de célebrer avant
Entrée du Parlement , seroit dite depuis Pâtques
jusqu'à la fin du Parlement , avant six
heures ; & depuis le commencement du Parlement
jusqu'à Pâques, après six heures ; mais
à présent , comme le Parlement n'entre plus
si matin , on dit cette Messe sur les huit
heures jusqu'à Pâques , & depuis Pâques à
sept heures.
L'Ordonnance donnée par François I. an
mois d'Octobre 1535. concernant l'adminis
tration de la Justice, Chap. 8. N. 13. défend
à tous Avocats & Procureurs , sur peine
de cent sols , aplicables à la Chapelle da
Palais , de mettre dans leurs Inventaires, aucunes
raisons de Droit ni autres allégations.
Le 12. Novembre 1537. la Cour ordonna
qu'à son exemple les Avocats payeroient lors
de leur réception deux écus d'or , qui valoient
pour lors 40. sols piece , pour le droit
de Chapelle , & qu'ils ne seroient point immatriculés
s'ils ne le payoient le lendemain
On
DECEMBRE. 1738. 1799
rendu
On a depuis aussi fait payer un droit de
Chapelle aux Procureurs au Parlement.
Par Arrêt du
Novembre 1537.
27.
sur la réquisition des Avocats & Procureurs,
la Cour ordonna que les deniers
les deniers provenans
des réceptions de Conseillers & du droit de
Chapelle des Avocats & Procureurs , seroient
reçus par Me Giles Mulart Procureur.
On paye à présent ce droit de Chapelle au
Bûvetier de la Grand- Chambre , suivant un
Arrêt du ..... les Avocats donnent 25.-
vres , tant pour ce droit , que pour celui de
Bibliotheque, qui est de six livres , ainsi c'est
19. livres pour le droit de Chapelle.
La Chapelle de S. Nicolas ne consistoit
jusqu'en 1541. qu'en un Autel portatif , ou
du moins elle n'étoit pas encore enfermée ;
car le 22. Août 1541. la Cour permit aux
Enquêtes , qui n'étoient encore alors qu'au
nombre de quatreChambres , de faire construire
un Autel en la Grand - Salle du Palais pour
y dire la Messe , & de l'enfermer de telle
sorte qu'il ne parût point , que quand on y
feroit l'Office ; ce qui devroit être mieux
executé , attendu qu'un lieu si tumultueux
rempli de Marchands & de Plaideurs , n'est
quere convenable pour y célébrer l'Office
vins il est vrai qu'à l'élevation de l'Hostie ,
out le monde se met à genoux & qu'il se
ait alors un profond silence , mais ce calme
edure qu'un moment,
La
12800 MERCURE DE FRANCE
La nouvelle Chapelle élevée par les soins
de Messieurs des Enquêtes , fut dédiée à
S. Nicolas , comme celle que le Roy Robert
avoit fait bâtir , laquelle étoit vrai- semblablement
dans la même place , ensorte que
ce fut moins une nouvelle fondation qu'un
rétablissement de l'ancienne Chapelle , à laquelle
avoit succedé l'Autel portatif qui
avoit , sans doute , conservé le nom de Chapelle
de S. Nicolas .
Le 5. Août 1555. la Cour , sur la réquisition
des Gens du Roy , ordonna que tous
ceux qui avoient été reçûs Présidens ou
Conseillers, payeroient le droit de Chapelle,
sans qu'ils s'en pussent exempter , sous prétexte
de celui qu'ils auroient payé comme
Avocats ; on excepta seulement ceux qui de
Censeillers seroient devenus Présidens ; un
de Mrs les Présidens dit en l'Assemblée que
si jusqu'alors on n'avoit point payé ce aroit ,
c'étoit faute de le connoître , & qu'on ne le
refusoit pas.
Sous le Regne de Louis XIII. le 7. Mars
1618. une partie du Palais fut brûlée , sans
que l'on ait jamais pu sçavoir la cause de cet
incendie ; les Historiens disent que le plus
grand effort du feu fut sur la Salle des Procureurs,
qui est la Grand-Salle , ensorte que
la Chapelle de S. Nicolas fut une seconde
fois détruite
Louis
DECEMBRE. 1738. 28or
Louis XIII . fit rebâtir tout ce que le feu
avoit ruiné ; pour ce qui est de la Chapelle
de S. Nicolas , il paroît que ce furent les
Procureurs qui la firent rétablir quelque
temps après .
En effet , par Arrêt du 14. Janvier 1681
la Cour permit aux Procureurs de Communauté
de changer la Chapelle qu'ils avoient
ci-devant fait construire en la Grand'Salle
du Palais , & d'en faire construire une nouvelle
, qui put servir tant pour l'Office du
lendemain de S. Martin , que pour les deux
Fêtes de S. Nicolas , & pour y célebrer deux
Messes tous les jours de Palais ; ce que la
Communauté des Procureurs executa en
faisant construire la Chapelle , telle qu'elle
est actuellement.
,
En 1720. ou 1721. sous la Premiere Présidence
de M. de Mesmes , la Communauté
des Procureurs fit dorer la Chapelle , & pour
y donner plus de jour , fit faire au - dessus
deux ouvertures à la voûte.
On avoit placé les Armes de M. de Mesmes
au milieu de la Grille qui enferme la
Chapelle ; mais M. de Mesme étant décedé
en 1723. & M. de Novion , qui lui succeda,
ayant donné sa démission un an après , M.
Portail , qui succeda à M. de Novion , fit
ôter l'Ecu de M. de Mesme , pour y mettre
11. Vol. D le
2802 MERCURE DE FRANCE
le sien , & aux deux côtés ceux de Mrs de
Mesme & de Novion.
Ainsi la Chapelle de S. Nicolas , fondée
par le Roy Robert , rétablie dans la suite
par Mrs du Parlement , & principalement
par Mrs des Enquêtes , a été en dernier lieu
rebâtie & décorée par les soins des Procureurs
de Communauté , ce qui n'empêche
pas qu'elle ne soit toujours commune à Mrs
du Parlement , aux Avocats & aux Procureurs.
C'est dans cette Chapelle que la Communauté
des Procureurs fait , dire le lendemain
de S.Martin, une Messe solemnelle du Saint
Esprit pour l'ouverture du Parlement. Cette
Messe est nommée communément la Messe
Rouge,, parce que Mrs du Parlement y assistent
en Robes rouges . M. le Premier Président
fait , en allant à l'Offrande , un grand
nombre de réverences à l'Autel , au Clergé ,
à sa Compagnie , & en fait autant pour revenir
à sa place ; les encensemens se font
dans le même ordre que ces réverences.
Cette Messe est ordinairement célébrée
par un Evêque , lequel a ce jour-là séance
& voix délibérative en la Grand'Chambre ,
mais il ne peut pas y faire porter la Croix
devant lui quand même ce seroit l'Evêque
Diocesain.
→
Après
DECEMBRE. 1738. 2803'
Après la Messe le Parlement s'assemble
en la Grand'Chambre , on lit les anciens
Reglemens concernant la discipline du Palais
; ensuite M. le Premier Président reçoit
le Serment des Avocats & Procureurs ; après
quoi la Communauté des Procureurs fait
distribuer auprès du Greffe , des Bougies à
chacun de ceux qui ont prêté le Serment.
Dans le courant de l'année les Religieux
des trois Ordres Mandians , dont on a parlé,
célebrent chaque jour de Palais , dans la Chapelle
de S. Nicolas , deux Messes , une vers
les sept ou huit heures du matin , & l'autre
à dix ou onze heures ; les honoraires de ces
Religieux sont payés, partie par le Domaine,
& partie par la Communauté des Procureurs.
Les Avocats & les Procureurs ont établi
une Confrairie commune en la Chapelle de
S. Nicolas.
Le Bâtonnier des Avocats , que l'on élit
tous les ans le 9. May , jour de la S. Nicolas
d'été , est le Chef de cette Confrairie , &
c'est par cette raison que les Procureurs de
Communauté donnent leur voix pour son
Election ; le nom de Bâtonnier , qu'on lui
donne , vient de ce qu'il portoit autrefois le
Bâton de la Confrairie , où est l'Image de
S. Nicolas.
Les Procureurs de Communauté, qui sont
au nombre de quatre , sont proprement les
Dij Marguil
2804 MERCURE DE FRANCE
Marguilliers de cette Confrairie ; ils nomment
tous les ans, lors de la rentrée du Parlement
, six de leurs Confreres aspirans à
devenir Procureurs de Communauté , pour
faire dans la Grand'Salle , jusqu'au jour de
S. Thomas, une quête pour la Chapelle, parmi
les Avocats .
La veille de S. Nicolas , la Communauté
des Procureurs fait chanter les Vêpres &
Office du Saint , en la Chapelle de la Grand
Salle ; le lendemain elle fait dire une grande
Messe , qui est chantée par la Musique de la
Sainte Chapelle ; le Bâton de la Confrairie
est posé au- devant du Lutrin , avec deux
Torches de cire allumées & placées aux deux
côtés .
Le Bâtonnier des Avocats est assis du côté
de l'Evangile , sur un banc séparé , à la tête
des quatre Brocureurs de Communauté , du
Greffier & des six Procureurs , qui quêtent
cette année- là pour la Chapelle.
Du même côté , sur un banc plus avancé ,
sont les anciens Bâtonniers & anciens Avocats
.
Sur un autre banc , du côté de l'Epitre ,
sont assis les anciens Procureurs de Communauté
& autres anciens Procureurs , en
Robbe & en Bonnet.
Le Bâtonnier des Avocats va le premier à
L'Offrande, & fait en y allant & en revenant,
36.
DECEMBRE. 1738. 2805
6. révérences , à l'imitation de celles que
fait M.le Premier Président à la Messe Rouge,
sçavoir , d'abord à l'Autel , ensuite au Bâton
de S. Nicolas & au Clergé , qui est à l'entour,
aux anciens Bâtonniers , aux Procureurs de
Communauté aux anciens Procureurs de
Communauté , & aux six Receveurs entrans.
Les Encensemens se font dans le même
ordre , tant à cette Messe , qu'aux autres
Messes & Services qui se disent dans cette
Chapelle ; on donne trois coups d'encensoir
devant le Bâtonnier.
Les anciens Bâtonniers & autres Anciens,
vont aussi à l'Offrande , chacun à leur rang ;
& après eux les Procureurs de Communauté
& autres anciens Procureurs & les six Aspirans.
*:
Pendant la Messe le Bâtonnier fait distribuer
des Bougies au Clergé , aux Avocats &
aux Procureurs ; c'est un ancien usage , qui a
sans doute , été institué à l'instar de ce qui
se pratique dans la plupart des Confrairies ,
où chaque Confrere porte un Cierge dans
les Processions & autres Cérémonies ; cette
distribution & celle qui se fait après la Messe
Rouge , peuvent aussi avoir été instituées
dans un temps où ces Messes se disoient plus
matin & où on avoit besoin de Bougies pour
s'y éclairer.
La Communauté des Procureurs donne
D iij après
2806 MERCURE DE FRANCE
aprés la Messe un grand Repas au Bâton
nier , à l'Ex- Bâtonnier, à l'Avocat de la Communauté
, aux quatre Procureurs de Communauté
, au Greffier & aux anciens Procureurs
de Communauté.
,
Le lendemain de la S. Nicolas , la Communauté
des Procureurs fait dire dans la
même Chapelle , un Service pour tous les
Avocats & Procureurs qui sont morts dans.
l'année.
M. Denyau , qui est actuellement Bâtonnier,
a assisté, à la tête de l'Ordre , aux deux
Messes qui se sont dites les 6. & 8. Décem
bre dernier.
Le jour de S. Thomas , les six Procureurs
entrans , qui ont quêté pour la Chapelle
donnent , à leurs dépens , un grand Repas
au Bâtonnier & aux autres qui sont du Repas
de la S.Nicolas; mais ce qu'il y a de singulier
à celui- ci, c'est que les huit Procureurs en font
les frais , lesquels sont même très - considérables
, ne se mettent point à table , ils sont
debout derriere les Conviés, pour les servir,
& leur demander s'ils sont contens ; quand
la Compagnie se leve , ils prennent la place
& dinent de ce qui reste & de quelques plats
entiers qu'on leur a conserve ; cet ancien
usage fait connoître que nos Peres tenoient
les jeunes gens dans une grande subordimation.
Le
DECEMBRE . 1738. 2807
Le 9. May , jour de la Translation de saint
Nicolas , la Communauté des Procureurs
fait aussi célébrer une grande Messe , où l'on
observe le même ordre & les mêmes céré
monies qu'à celle de la S. Nicolas d'hyver ,
avec cette différence seulement , qu'au lieu
des Bougies que le Bâtonnier fait distribuer
a la premiere , il fait donner à celle - ci dés-
Bouquets.
Après la Messe , le Bâtonnier , les anciens
Avocats & autres , s'assemblent en la Chambre
de S. Louis , où le Bâtonnier qui doit
sortir de place ce jour - là , fait un Discours
pour remercier la Compagnie ; après quoi
les anciens Avocats , de concert avec les Procurcurs
de Communauté , élisent un nouveau
Bâtonnier ; celui qui sort de place déclare
publiquement le choix qu'à fait la Compagnie
, & le nouveau Bâtonnier prend possession
de la place , en signe de quoi il frappe
de la main sur le Pupitre qui est devant lui,
pour dire que l'Assemblée est finie.
,
La fonction de Bâtonnier ne dure qu'un
an ; le nouveau Bâtonnier donne en entrant
Icoo. livres à la Communauté , pour les
aumônes qu'elle fait ; il fournit toute la Cire
& les autres choses nécessaires pour les
deux Fêtes de S. Nicolas ; sçavoir , les Bougies
qui se distribuent à la S. Nicolas d'hyver
, & les Bouquets que l'on donne à celle
D iiij d'été,
2808 MERCURE DE FRANCE
d'été , ce qui lui coûte environ 800. livres ,
outre les 1000. livres qu'il donne en entrant.
Les comptes de la Communauté se rendent
devant lui.
Le Parlement , les Avocats & les Procureurs
, font aufsi faire d'autres Services dans
La Chapelle de S. Nicolas , selon les Evencmens
publics.
Voilà , Monsieur , tout ce que j'ai pu
aprendre au sujet de la Chapelle de S. Nicolas.
J'ai l'honneur d'être , & c.
********************
EPIGRAM ME.
La Succession abandonnée.
UN funebre Orateur pronoit un jour en Chaire,
D'un demi- Dieu défunt les Exploits immortels
Puis , à son Fils présent dreffant mêmes Autels ,
Le nommoit l'heritier des vertus de son Pere.
Plusieurs n'aprouvant pas cette digression ,
D'autant que du Héros le Fils ne tenoit guere ,
L'Heritier , reprit- on , soit dit sans vous déplaire ,
En ce cas -là renonce à la Succeffion.
F **
LETTRE
DECEMBRE. 1738. 2809
LETTRE de M. D. L. R. à M. l'Abbé
le Beuf. Suite de l'Extrait d'un nouveau.
Journal Litteraire d'Italie.
I
L me reste , Monsieur , à vous rendre
compte des Articles du nouveau Journal
Italien imprimé à Vérone , sous le titre
d'Observations , &c. lesquels n'ont pas pu
entrer dans ma premiere Partie , imprimée
dans le Mercure précédent. Dans le premier
de ces Articles , qui est le X. du
Journal , il est parlé d'un Ouvrage Historique
intitulé , Memorie Istoriche della Guerra
per la successione alla Monarchia di Spa--
gna. I. vol. in 4. Venezia , 1734...
".
Le Journaliste avertit d'abord que c'est .
ici une nouvelle Edition d'un Ouvrage dont
il en a déja paru plusieurs , & que celle - ci
est un peu meilleure que les autres. Il ajoûte
que sous le titre de Memoires , ce Livre
comprend une Histoire complette & parfaite
de toute la Guerre , de tous les Traités,
enfin de tout ce qui s'est passé à l'occasion ·
de la Succession à la Monarchie d'Espagne ,,
à commencer par les Négociations , les Intrigues
politiques , Maneggi , & la Mort de
Charles II. jusqu'à la Paix générale de l'année
1714. On ne peut pas , dit notre Obe
Dv servateur,,
2810 MERCURE DE FRANCE
servateur , trouver un plus beau sujet pour
un Historien , que tout ce qui est contenu
dans cet espace , ajoûtant que ce pourroit
être encore le sujet d'un Poëme Epique parfait
& agréable. Il s'étend un peu pour
prouver cette derniere proposition. Revenant
à l'Histoire , il soûtient que les bons
Historiens sont beaucoup plus rares que les
bons Poëtes , & il tâche de le prouver.
Cet Ouvrage , au reste , paroît sous le
nom suposé d'Agostino Umicalia ; c'est sous
ce nom que le véritable Auteur le P. Jacques
Sanvitali , Jésuite ,
Jésuite , a trouvé à propos
de se cacher. C'est un Religieux , dit l'Auteur
du Journal , d'une vie exemplaire &
d'une Morale irrépréhensible , il est d'une
Maison de distinction , & qui brille dans
la Ville de Parme , très - connuë d'ailleurs
dans toute l'Italie. On a voulu dire que
cet Historien se montre quelquefois
un peu
partial en faveur de l'un des Concurrens
à cette grande Succession , sur quoi notre
Observateur n'entre dans aucune discussion ,
non plus que sur le fonds de cette Histoire.
Quelqu'un a trouvé mauvais qu'il ait
employé ces termes , La Guerre entre la
Maison d'Autriche & la Maison de Bourbon,
il falloit , dit-on , dire la Maison de France
& non pas la Maison de Bourbon , mais
les Ultramontains
, dit l'Auteur de cette
Critique ,
DECEMBRE. 1738. 2811
& on
Critique , ne sont pas au fait de la proprieté
& de la difference de ces termes ,
prouve assés au long , que dire , La Maison
de France , en parlant de la Maison regnante
, est la bonne & véritable maniere de
s'exprimer ; l'autre maniere est un abus qui
s'est introduit en France même ce qui
rend l'Historien d'Italie bien excusable à cet
égard.-
L'Observateur fait ensuite l'Eloge de l'Histoire
en question , en disant que l'Auteur
n'a rien épargné pour la rendre vraie & interessante
; & c'est , ajoûte - t'il , une chose
merveilleuse , qu'un Religieux qui n'a jamais
vû la Guerre , ni fréquenté la Cour , ait
écrit avec autant d'exactitude & d'agrément
que de solidité un Ouvrage de cette natuxe,
& il finit par ces propres termes, qu'il est
bon de raporter ici , afin de rendre plus de
justice à l'habile Ecrivain Italien . Noi possiam
farfede , che pregati più volte Ministri
grandi , e Generali , di leggere in quest' Istoria
la relazione di fati a loro Spettanti , e
passati perle lor mani , hanno attestato come
con tutta verità sono in essariferiti , e rappre
sentati
Memorie del General Maffei 1 Vol: in- 122
Verona 1737.
On ne s'ennuiera point , sans doute , de
voir le Nom illustre de Maffei si souvents
Dvis repete :
2812 MERCURE DE FRANCE
répeté dans ce Journal , l'Auteur a aparemment
ses raisons , & de bonnes raisons
pour en user ainsi . Il nous aprend dans cet
Article , qui est le XI . de ses Observations
Litteraires , que le Marquis Alexandre Maffei
, dont on vient d'imprimer les Mémoires
, a fait la guerre depuis sa premiere jeunesse
jusqu'à l'extremité de sa vie , ayant
toujours servi sous ce grand Capitaine ( il
gran Guerriero ) Maximilien - Emmanuel
Electeur de Baviere , passant par tous les
grades du Service Militaire. Sa premiere
Campagne fut celle de la fameuse Levée du
Siége de Vienne en 1683. & la derniere ,
celle de la Bataille , qui préceda & causa la
Prise de Bellegrade en 1717. Evenemens
glorieux , dûs en partie à la valeur des Troupes
Bavaroises , que commandoit le Général
Maffeï , suivant le témoignage rendu par
l'Empereur même , dans une Lettre renduë
publique. Il étoit sur le point d'être fait
Général de toute l'Infanteric Imperiale , si là
Paix ne fut survenue aussi - tôt après . Au
reste , il eut toujours un grand soin d'écrire
avec autant d'ordre & de simplicité , que de
vérité , tout ce qui se passoit sous ses yeux
dans les differentes Expeditions de Guerre
auxquelles il s'est trouvé , ce qui, à la fin , a
formé un Corps d'Histoire Militaire , ou de
Mémoires Historiques , qui se sont trouvés
après
DECEMBRE . 1738. 2873.
après sa mort dans son Cabinet, & tous écrits
de sa main , lesquels on donne aujourd'hui
au Public. Ce petit Livre , dit l'Observateur,
ou, si l'on veut , l'Editeur , sera toujours regardé
comme un grand Trésor , Gran Tesoro
, peu d'Histoires portant un caractere
plus marqué de verité , contenant plus de
solides Instructions , & de Faits mémorables
, qui se sont passés particulierement en
Hongrie , en Allemagne , en Flandres : en-
Sorte que quiconque embrassera la Profession
des Armes , ne sçauroit trouver ailleurs
de plus utiles Leçons. On trouvera à la fin
des Mémoires , un Abregé de la Vie du Général
da Monte , qui fut aussi un grand Capitaine
, & qui a servi en quelque façon de
Modéle à l'Auteur de ces Mémoires , lequel
étoit le petit Neveu de ce Géneral par son
Ayeule Maternelle. Le Portrait du Géneral
Maffei paroît à la tête de cet Article , dans
une Estampe très - bien gravée.
L'Article suivant rend compte d'un Ouvrage
intitulé , Prose , e Poësie dell' Abate
Girolamo Tagliazucchi. 1. Vol. in-8 ° . Torino .
1735.
C'est un Recueil de plusieurs Piéces d'Eloquence
, de Litterature , & de Poësie ,
composées en divers temps, et sur differens
Sujets , les unes en Langue Latine , les autres
en Italien , par M. l'Abbé Tagliazucchi ,
Prox
2814 MERCURE DE FRANCE
:
Professeur d'Eloquence en l'Université de
Turin. Entr'autres Discours prononcés publiquement
, l'Auteur soûtient dans une Harangue
, que dans les Colleges de la même.
Université , on devroit non seulement aprendie
, parler , & cultiver , comme l'on fait
la Langue Latine , mais encore s'apliquer à
bien écrire & à bien parler la Langue Italienne
, par une Etude sérieuse de la Grammaire
, & par la Lecture des bons Auteurs.
Italiens. Tel , dit notre . Professeur , pour.
être né en Italie , croit sçavoir naturellement
l'Italien , qui en plusieurs occasions.
fait voir qu'il n'en sçait pas davantage que
lés Gens les plus grossiers & les plus ignorans
de la lie du Peuple , & reste volontairement
dans une ignorance honteuse
de sa propre Langue. Il paroît par une des
Piéces de ce Recueil , que le sçavant Abbé :
a parlé efficacement sur ce sujet , qu'enfin il
a persuadé , & que ses Leçons ont été mises
en pratique. Cette Piéce porte pour titre ,
ORATIO habita in Aula Majore Academia :
Taurinensis quùm jubente Ill. & Excell. Magistratu
, Italica Lingua , atque Eloquentia in
Scholas politiores primum inveheretur. Il seroit
à souhaiter qu'une pareille pratique s'établit
dans nos Colleges François , & qu'à l'Etude -
du Grec et du Latin , on joignit l'Etude de
notre propre Langue , que peu de Gens , à
Paris .
DECEMBRE . 1738 28155
Paris même , sçavent , écrivent , & parlent
comme il faut : on ne verroit pas tant d'honnêtes
Gens , de Personnes mêmes qui sçavent
du Grec et du Latin , se trouver dans le
cas que le Professeur de Turin a si bien exprimé
par ces Paroles , dont nous avons
donné ci-dessus le sens : Tal che chi si crede,.
per esser nato in Italia , di naturalmente saper--
la , si resta come glidioti Plebei in una vergo
gnosa ignoranza della propria favella..
La derniere Piece de ce Recueil est un-
Discours à la suite duquel sont d'autres compositions
sur le même sujet : le Discours a
été prononcé à l'occasion de l'établissement
d'une Académie, fait dans la Ville de Turin,
pour l'avancement des beaux Arts , et en par--
ticulier l'Architecture Civile et Militaire , la
Peinture , la Sculpture , et tout ce qui a rap--
port au deffein. Notre Observateur finit cet-
Article en donnant à l'établiffement dont il
s'agit , l'Eloge suivant. Fioriscono questi nobili
studi talmente in qualla Regal cità , que può
gia dirsi con verità , come à verún altra d'I .
talia in questa parte non cede.
Nous voici arrivés , Monsieur, au dernier
Article du premier Tome du nouveau Journal
Italien vous en trouverez le sujet beau
et curieux , mais je ne sçais si tout le monde
conviendra de la justesse des raisonnemens
de l'impartialité prétendue de l'Auteur , et
des
2016 MERCURE DE FRANCE
dés vérités qu'il s'est proposé d'établir. L'Oüvrage
dont il s'agit dans cet Article porte
pour titre Paragone della Poësia Trugica
d'Italia conquella di Francia , I. vol. in 8.
Zurigo 1732. Ce n'est pas peu de chose que
d'entreprendre un parallele , une comparaison
de la Tragédie Italienne avec la Tragédie
Françoise. S'il est vrai en général que les
comparaisons sont souvent odieuses , presque
toujours défectueuses , je croirois volontiers
qu'un Ecrivain sensé doit les éviter..
Quoiqu'il en soit , notre Journaliste assûre
que l'Auteur de ce Parallele s'est tenu caché
jusqu'à présent avec tant de soin, qu'il n'a pas
été possible de le découvrir . Véritablement ,
continuë t'il , l'impression semble en avoir
été faite hors de l'Italie , et c'est pour cela
qu'on en a vû très-peu d'Exemplaires en ce
Pays. Quelques uns ont attribué l'Ouvrage
à un Suisse Lettré Letterato Sguizzero , alles
versé dans les Belles Lettres Italiennes et
Françoises , et qui écrit fort bien en Italien :
mais enfin nous avons été bien instruits sur ce
point ; ce Livre est sorti de la plume d'un
Gentilhomme Bergamasque , nommé le
Comte Pierre de Colepio , qui joint beau--
coup de modestie à une grande Litterature ;
et qui , quoique fort occupé d'affaires publi
ques et particulieres , sçait encore trouver
du temps pour courtiser les Muses : c'est le :
même ,
DECEMBRE 1738. 2817
même , ajoûte notre Observateur , qui composa
il y a environ 10. ans une longue Apologie
en faveur de l'Oedipe de Sophocle ,
mêlée de quantité de Réflexions sur la Traduction
d'Orsatto Justinien , Apologie qui
s'est perdue malheureusement pour le Public.
Enfin , si on en croit le Journaliste
F'Auteur du Parallele en question est consommé
dans l'étude des deux Tragédies
l'Ancienne et la Moderne : il est vrai qu'il a
employé à cette étude un temps fort considé--
rable.
و
3
De l'Eloge de l'Auteur , le Journaliste :
paffe à celui de fon Ouvrage , qui contient
dit-il , de doctes observations , & des réfle--
xions justes et solides , sans qu'on y trouve
le moindre vestige de partialité en faveur
de l'une ou de l'autre des deux Nations.
C'est ce que le détail dans lequel il va entrer
pourra nous prouver.
Le plan ou l'idée de cette Critique , dit le
Journaliste , est fondé sur la Poëtique d'Aristote
, dont l'Auteur est religieux observateur.
Le respect que l'Observateur garde
pour des sentimens contraires , que presque
tout le monde a adoptés , l'empêche de dire
tout ce qu'il pense là - dessus ; mais après
avoir fait entendre que la Philosophie d'Aristote
est presque tombée dans l'oubli , il
conclut que c'est à la seule nature , à dcter
les
2818 MERCURE DE FRANCE
les véritables régles de toutes les productions
de l'esprit humain , et qu'Aristote n'a com
posé sa Poëtique que d'après les effets que
les diverses Tragédies des Sophocles et des
Euripides avoient produits sur les cours des
Atheniens et des autres Peuples de la
Grece.
2.
De -là , il passe au parallele du Théatre
Italien et du Théatre François ; quelque
protestation que l'Auteur sur lequel le Journaliste
fait ses Observations critiques , ait
faite d'impartialité entre les deux Nations ,
qu'il met en concurrence pour les honneurs
du Théatre , on ne laiffe pas de s'apercevoir
qu'il panche du côté de ses Compatriotes.
Il avance dans son premier Chapitre , que
pour ce qui regarde le fonds de la Fable Tra
gique , les Italiens l'emportent sur les François
; et pour prouver ce qu'il veut établir
il soûtient que Racine ne doit compter pour
des Tragédies parfaites que sa Phedre et son
Britannicus , encore , poursuit- il , dans les
narrations qu'il fait dans ces deux excellentes
Pieces , est- il beaucoup inferieur aux Auteurs
Tragiques qui ont excellé dans l'I
talie..
Un peu plus bas il semble vouloir nous
consoler de cette préférence , quand il dit
que les François prévalent sur les Italiens
dans la disposition des Actes et des Scenes ;
CC
DECEMBRE. 1738. 2819;
et dans l'art d'instruire les Spectateurs ; mais
n'est- ce pas nous faire sentir que nous n'avons
que l'arrangement en partage , tandis
que nos prétendus rivaux ont l'avantage de
la production. Il nous donne encore avec
beaucoup de bonté , l'avantage de la proprieté
, de la gravité et de l'énergie du discours ;.
c'est ce que nous apellons beautés de détail
; mais comme ce n'est que malgré lui
qu'il nous accorde cette petite victoire , il
n'oublie rien pour en diminuer l'éclat
et
tombe avec toute la sévérité de la Critique
sur des endroits de nos plus grands Auteurs ;
sçavoir , Corneille et Racine , où il traitel'expression
de puerilité et de futilité ; en.
voici deux exemples qu'il cite .
,
Dans le récit de la mort de Pompée , le
Narrateur , dit- il , s'explique en ces termes ::
Il obéit aveuglément à son destin , et se couvrant
la face il dédaigne de regarder le
Ciel , qui le trahit , depeur que les Dieux ne
croyent qu'il implore leur fecours , ou qu'il leur
demande vengeance d'un fi grand outrage ;
en bonne fai l'indignation que la mort de
son maître inspire à son fidele Acorée , n'au--
torise-t'elle pas des termes un peu trop forts ;.
c'est aux Dieux à s'en plaindre et non pas à
des hommes tels que notre Critique . Voyons
si ce second exemple est plus concluant : le
même Acorée dit, au sujet de la tête de Pom-..
pée :
2820 MERCURE DE FRANCE
pée présentée à Cesar ; Il semble qu'à ce nouvel
affront un resté de chaleur exhale fa dow
leur en fanglots mal formés , & que fon indignation
mourante reproche aux Dieux fa defaite
sa mort. Ne faut-il pas être ennemi
déclaré de tout ce qui s'apelle discours figuré
, pour condamner de si nobles hardiesses
? et la Critique n'est- elle pas dans cette
occasion plus outrée que l'expression qu'elle
attaque ? L'Auteur anonyme qui prétend faire
paffer pour défauts ce que nous érigeons
en beautés, n'a- t'il point de plus fortes preuves
sur lesquelles il puiffe fonder la prétenduë
superiorité du Théatre Italien sur la
Scene Françoife ? Je passerois , Monsieur
les bornes d'une Lettre , si je m'étendois davantage
sur cette Critique. Je suis Monsieur,
& Co.
L'AMOUR ABEILLE ,
J
A Mad.
'Etois chés Thémire ; une Abeille:
Aux pieds d'azur , aux aîles d'or ,
Volo't sur sa bouche vermeille ,
Charmant , mais témeraire essor ! :
Thémite , aussi - tôt je m'écrie,
Allarmé
DECEMBRE. 1738. 282
Allarmé , peut- être jaloux ,
Un Serpent aîlé près de vous .,
Hélas menace votre vie.
A ces mats l'Abeille en furie ,
Par un prompt & double circuit ,
M'attaque , bourdonne & s'enfuit .
C'étoit , ô prodige , ô mystere !
Le redoutable Cupidon ,
Qui sous une forme étrangere ,
Et pour éloigner tout soupçon ,
Suivoit Thémire trop sévere.
Transporté d'un juste courroux ,
Ce Dieu m'attendoit au passage ,
Dès qu'il me voit , saisi de rage,
Il me perce de mille coups.
Puis sous sa forme naturelle ,
Agitant les airs de son aîle ,
Squviens -toi , dit-il , pour toujours
Du Dieu de l'amoureux Empire ,
Et qu'aux Lieux où regne Thémire ,
Il ne vole que des Amours.
La Bretonnieres
QUES
2822 MERCURE DE FRANCE
****************
QUESTION IMPORTANTE ,
jugée au Parlement de Paris.
S
Çavoir si dans la Coûtume du Duché
de Bourgogne un Main- mortable , sorti
à l'âge de 18.ans du Lieu de sa naissance, qui
a transferé son domicile à Paris , s'y est marié
, y a acquis un Office , une maison &
d'autres Effets , enfin y a vécu pendant se .
ans en qualité de Bourgeois de Paris , a pu
tester valablement des meubles & immeubles
qu'il avoit à Paris , au préjudice du Seigneur
dont il étoit né mortaillable.
FAIT
Jean Guillaume Moreau , de la succession
duquel il s'agissoit, avoit été baptisé à Thos
te , dans le Duché de Bourgogne , le 29.
Juillet 1659. treize jours après sa naissance ,
dont le Lieu n'étoit point certain ni constaté
par l'Acte baptistaire, ni par aucun autre
Acte; il étoit fils de Claude Moreau, Sergent
Royal à Thoste.
En 1679. ou 1680. il vint à Paris , étant
alors âgé d'environ 20. ans ; il y établit son
domicile , s'y maria , y acquit un Office de
Syndic des Rentes sur l'Hôtel de Ville , &
mourut le 13. Février 1730. étant alors ancien
DECEMBRE. 1738. 2823
cien Syndic des Rentes , revêtu d'un Employ
de Receveur des Aydes & Droits du Roy à
la Porte S. Michel , Proprietaire d'une maison
, sise rue des Postes , & d'un mobilier
considérable .
Le Sr Comte du Montal , Maréchal des
Camps & Armées du Roy , Seigneur de la
Terre de Thoste , où il y a une partie des
héritages main -mortables & des hommes
apellés Serfs , qui sont dans un certain état
de servitude , à cause des héritages mainmortables
qu'ils tiennent , le 30. Mars 1730 .
se fit adjuger par le Juge de sa Seigneurie ,
à la requête de son Procureur d'Office , les
meubles & immeubles de la succession de
Jean- Guillaume Moreau, comme étant mort
son Serf mortaillable.
Les Héritiers du Sr Moreau , firent assi
gner au Châtelet le Sr Comte du Montal
pour aporter les Titres , en vertu desquels il
prétendoit à la succession du Sr Moreau.
L'Hôtel-Dieu de Paris , Légataire particu
lier du Sr Moreau , étant intervenu , fit renvoyer
l'affaire la Grand'Chambre du Parlement
, où il a ses Causes commises en premiere
instance .
·
Les Prévôt des Marchands & Echevins de
la Ville de Paris, intervinrent aussi pour soûtenir
que le Sr Moreau étoit mort libre , en
vertu des Privileges de la Ville de Paris.
D'un
824 MERCURE DE FRANCE
D'un autre côté les Elus Généraux des Etats
de Bourgogne , intervinrent aussi pour soûtenir
le droit du Sr Comte du Montal , qui
interessoit toute la Province , à cause qu'il y
a beaucoup de Seigneuries , dans lesquelles
il y a des Serfs de main- morte.
>
On disoit de la part des Héritiers du St
Moreau , pour premier Moyen , que le Sr du
Montal ne pouvoit pas prétendre que le Sr
Moreau , de libre , fut devenu main- mortable
, étant venu à Paris dès l'âge de 20. ans ,
du vivant de son Pere, n'ayant jamais tenu ni
Meix main -mortable, ni demeuré an & jour
dans un Lieu de main-morte, ni payé de son
Chef aucun devoir au Seigneur de mainmorte
; que le Sr Comte du Montal soûtenoit
seulement que le Sr Moreau étoit né mainmortable
, mais que pour l'établir il devoit
prouver par Titres , 1 °. que le Pere du Sr
Moreau , lors de la naissance de son fils , tenoit
un Meix de sa main- morte , ou bien
qu'il avoit tenu feu & lieu dans le Lieu de sa
main-morte pendant an & jour , & lui avoit
payé de son Chef, tels & semblables devoirs
que les autres hommes de main- morte, 2°.
Que dans sa Seigneurie il n'y a ni parcours
ni usance avec aucune autre Seigneurie ni
avec aucun Lieu franc.
و
Jean -Guillaume Moreau disoient les
Héritiers , est né à Thoste le 16. Juillet
1659.
DECEMBRE 1738. 282
T559. son Pere étoit , il est vrai , Sergent
géneral à Thoste, suivant l'Extrait Baptistaire,
mais on ne prouve point qu'avant la nais
sance du fils , le pere tint un Meix mainmortable
à Thoste , sans droit de parcours
ou usance , ni qu'il eût alors tenu feu & lieu
par an & jour , & payé en son Chef au
Seigneur les devoirs main -mortables. Les Til'on
produit depuis cette époque
sont inutiles ; la condition de main - morte ,
survenuë au Pere après la naissance de l'Enfant
ne change pas l'état de l'Enfant , nonplus
que la servitude survenue au Pere , laquelle
, selon les Loix Romaines , ne changeoit
point l'état de l'Enfant né pendant
la liberté .
tres
que
Il paroît par des Plaids généraux de la
Seigneurie de Thoste , tenus en 1600. que
les Habitans de Beauregard , & entre autres
Jean Moreau , se disent francs , & tenir leur
Meix & héritages en franchise , en payant
les droits Seigneuriaux , que plusieurs Habitans
de Thoste , & entre autres François
Moreau,firent une pareille déclaration ; Claude
Moreau , Pere de celui de cujus, descendoit
de Jean ou de François Moreau , s'il descendoit
de Jean , Habitant de Beauregard ,
cette partie de la Seigneurie de Thoste , est
totalement franche ; s'il descendoit de François
, Habitant de Thoste ; ce François à été
II. Vol. E déclaré
2826 MERCURE DE FRANCE
déclaré en 1600. n'être pas main- mortable,
ainsi Jean- Guillaume Moreau de cujus, auroit
toujours été libre , à moins qu'on ne prouvat
qu'il descendoit de François , & que
Faffranchissement dudit François Moreau
étoit seulement personnel & ne s'étendoit
point à sa postérité , ce qui n'est point prouvé.
Or dans le doute , on présume toujours
pour la liberté.
Le second Moyen des Héritiers consistoit
à dire que quand le Sr Morcau de cujus , seroit
né main- mortable , il seroit mort libre ,
qu'étant sorti de Bourgogne vers l'an 1679.
& ayant depuis toujours demeuré à Paris ,
où il mourut en 1730. un laps de temps
aussi long l'avoit rendu à la liberté naturelle,
suposé qu'il fût né main-mortable & avoit
mis son prétendu Seigneur hors d'état de le
revendiquer comme tel , que la Coûtume
de Bourgogne , qui porte que l'homme de
main - morte ne peut prescrire la liberté contre
son Seigneur , ne peut avoir force de
Loi hors de son Territoire , n'ayant été faite
que pour la Duché de Bourgogne & non
pour d'autres Provinces , qu'elle n'avoit mêne
aucune autorité dans les autres Etats du
• Duc de Bourgogne.
Les Héritiers disoient pour troisiéme
Moyen , que quand on voudroit étendre
l'autorité de la Coûtume de Bourgogne hors
de
DECEMBRE . 1738. 2827
de son Ressort , cette Coûtume ne prévaudroit
pas sur les Privileges de la Ville de Paris
, qui ont le pouvoir d'affranchir les Mainmortables
; le Sr Moreau , disoient- ils , est
mort Bourgeois de Paris ; une Charte de
Louis le Gros , qualifie les Bourgeois de Paris
, Bourgeois du Roy ; or on ne peut pas ,
érant Bourgeois du Roy , être en même.
temps main- mortable d'un Seigneur particulier
; la qualité de Bourgeois de Paris s'acquiert
par an & jour d'un véritable domicile
dans cette Ville , & l'on est dispensé depuis
plus de cent ans de prendre des Lettres de
Bourgeoisie , & par conséquent de la formalité
du désaveu requis par la Coûtume de
Bourgogne à l'égard des Mortaillables qui
veulent s'établir ailleurs & vivre librement.
Au contraire de la part du sieur Comte
du Montal , on disoit que son droit de mainmorte
en général étoit incontestable , qu'il
étoit prouvé par une longue suite de Plaids
tirés des Registres de sa Justice , et par plusieurs
affranchissemens personnels , accordés
par ses Auteurs à differens Particuliers .
Claude Moreau , Pere de celui de cujus ,
est qualifié Sergent Royal à Thoste ; dans
une Sentence de 1657. dans l'Extrait Baptistaire
du fils qui est de 1659. le pere est aussi
qualifié Sergent Général à Thoste . Ainsi nonseulement
le fils est né à Thoste , mais il est
E ij prouvé
2828 MERCURE DE FRANCE
prouvé par l'Extrait Baptistaire joint à la Sentence
de 1657. que le pere avoit demeuré à
Thoste par an et jour, lors de la naissance de
son fils , ce qui suffit, selon l'Article 6. de la
Coûtume de Bourgogne , pour rendte mainmortable
la posterité à naître d'un tel homme.
ود
La demeure de Jean- Guillaume Moreau à
Paris , ni le laps de temps ne l'ont point rendû
à la liberté naturelle , car suivant l'Article
2. de la Coûtume de Bourgogne. » L'hom-
» me de main-morte- ne peut prescrire fran-
" chise & liberté contre son Seigneur , par
quelque laps de temps qu'il fasse demeurance
& résidence hors du Lieu de la
» main-morte , quelque part que ce soit,
Pourquoi la Coûtume s'est- elle servie d'une
expression aussi générale ? c'est que
dans
cet Article les Rédacteurs prévoyoient deux
cas de domicile hors de la main- morte , celui
du domicile dans un autre main- morte ,
dont il est parlé dans l'Article 16. & du domicile
en franc - lieu hors le Ressort de la
Coûtume.
39.
Ainsi la disposition de l'Article 2. a son
execution, même lorsque le Mortaillable est
allé s'établir dans une autre Coûtume .
Tel est le sentiment de Dumolin sur la
Coûtume de Berry , de Coquille , sur l'Article
6. du Tit. 8. de Nivernois , de Chopin ,
en
DECEMBRE. 1738. 2829
en son Traité du Domaine & des Commen
tateurs modernes de la Coûtume de Bourgogne.
La Question a été ainsi jugée par trois Arrêts
.
Le premier sans date , dont Chopin fait
mention en son Traité du Domaine , Liv. I.
Tit. 13. N. 13 .
Le second , daté par Chopin , ibid. N. 24
du 3. Août 1559. fut rendu au profit d'un
Commandeur de Malthe, pour la succession
d'un Main-mortable de Bresse, décedé Bourgeois
de Lyon.
Le troisième , est l'Arrêt de Châteauroux
dont Dumolin fait mention sur l'Article
premier de la Coûtume de Berry.
Le droit de main -morte est donc , comme
dit Coquille , un droit personnel , adhérant
aux os de la personne serve & qu'elle ne
peut détacher.
La Ville de Paris n'a point le Privilege
' d'affranchir les Mainmortables ; l'Arrêt de
Châteauroux, rendu contre un Mortaillable ,
décédé à Paris , en est la preuve , & Dumo-
In dit en conséquence , Urbs Parisiorum non
habet hoc Privilegium .
D'ailleurs le défaut de franchise dans la
personne du Sr Moreau , auroit empêché
l'impression de la qualité de Bourgeois de
Paris sur lui.
E iij Enfin
2830 MERCURE DE FRANCE
Enfin , suivant l'Article 87. de la Coûtume
de Bourgogne , l'homme de main - morte
peut désavoüer son Seigneur , & s'avouer
homme franc du Duc de Bourgogne , pourvû
qu'en faisant ledit désaveu , il renonce à son
Meix & autres biens meubles & héritages
qu'il a sous ledit Seigneur au lieu de la mainmorte
, lesquels , en ce cas , sont & demeu
rent au Seigneur de la main- morte.
Le Sr Moreau avoit donc une voye pour
s'affranchir de la main- morte , en faisant notifier
à son Seigneur un désaveu, & s'avoüant
homme franc du Roy , qui est aux droits
des Ducs de Bourgogne ; c'est a lui à s'imputer
de n'avoir pas usé de cette voye qui lui
étoit ouverte , & faute d'avoir fait ce désaveu
, il est toujours demeuré mortaillable.
Par Arrêt rendu au raport de M. Severt ;
Conseiller , le 29. Août 1738. la succession.
de Jean Guillaume Moreau a été adjugée
au Sr Comte du Montal , sans avoir égard à
l'intervention de la Ville de Paris.
St
ETRENNES.
I j'étois Favori du Dieu des Partisans ,
Gossin , à son réveil , auroit riches présens ;
De l'Amant de Vénus , si j'étois le modele ,
F'irois
DECEMBRE . 1738. 283
}
J'irois à son chevet , jurer d'être fidele ;
Si pour elle Apollon m'échauffoit ce matin ,
Jė .... mais non , son esprit est délicat et fin
Et ma verve pourroit lui causer des migraines ;
Si voudrois je pourtant de moi qu'elle eût Etrehnesz
Mais , hélas ! je ne puis augmenter ses plaisirs ,
Tout fléchit sous sa loi , tout rit à ses désirs ,
Amour la reconnoît pour Reine en son Empire ,
C'est elle qui soumet d'un coup d'oeil, d'un sourire,
Les coeurs indifférens , échapés à ses Traits ;
La Fortune , à l'envi , la comble de bienfaits ;
Du Public , au Théatre , aplaudie , admirée ;
D'un Sexe elle est chérie , & de l'autre adorée ;
Que puis-je donc offrir à qui tout est soûmis ?
Ton coeur , me dit l'Amour , ta liberté , ta vie .
Ah ! de les lui donner , Amour , j'aurois envie !
Mais depuis plus d'un lustre ils lui sont asservis.
QUESTION
.
I l'Envie & la Jalousie sont une même
chose , si ce sont deux passions differentes ,
en quoi elles se ressemblent , en quoi elles diffe-
& laquelle des deux est la plus dange- ,
reuse à la Societé ?
REPONSE. Il est difficile de donner
E iiij une
832 MERCURE DE FRANCE
une définition juste des choses qui sont arbitraires
, cela dépend de l'idée qu'on en a,
& tout le monde ne convient pas de la même
idée ; quand tout le monde en convien.
droit , la définition qu'on donneroit de l'idée
, ne décideroit rien pour la passion , qui
est differente dans tous les hommés ; car
c'est moins de l'idée , que de la passion qu'il
s'agit ; l'idée , en tant qu'idée, ne fait ni bien
ni mal dans la Societe , c'est la passion qui
est dangereuse , par les misérables effets
qu'elle produit.
L'Envie , dans le Dictionaire de l'Académie
, est définie : Le déplaisir qu'on a di
bien d'autrui. Dans le Dictionaire de Trévoux
: L'Envie est un mouvement jaloux que
P'on ressent de voir les bonnes qualités ou la
prosperité d'un autre
Dans le Dictionaire de l'Académie , la
Jalousie est définie : Lapassion d'une personne
jalouse. Dans le Dictionaire de Trévoux :
C'est une passion de l'ame , qui porte à envier
la gloire ou le bonheur d'autrui , ou bien l'inquiétude
& la crainte de partager ou de perdre
un bien qu'on possede, ou qu'on désire posseder.
Dans l'usage , l'Envie & la Jalousie sont
presque la même chose ; en effet , toutes
les passions se tiennent , pour ainsi dire
par la main , & se prêtent secours ; elles font
Ligue offensive & deffensive avec l'amour
propre..
DECEMBRE . 1738. 2833
*
propre. Il y a deux passions principales , dont
toutes les autres dérivent ; c'est l'amour &
la haine ; l'amour est un désir qui nous excite
à la recherche d'un bien qui nous plaît ;:
la haine est la passion qui nous excite à fuir
le mal qui nous fait peur.
L'Envie & la Jalousie , sont des passions :
du second ordre , ce sont des branches de
l'amour & de la haîne , si on pouvoit dans
la pratique , séparer de ces deux passions ,
la haine qui les suit de près , & les réduire
comme on le peut par la pensée , à l'amour
seul du bien qu'on veut acquerir ou conserver,
sans aucun mêlange de haîne , il n'y auroit
aucun mal à craindre ; car il est permis
d'augmenter & de conserver son bien, & même
, si on le peut , augmenter & perfectionner
son Etre par des voyes légitimes ; il est
permis de désirer d'être plus riche , d'être
plus juste , d'être plus vertueux , d'être plus
parfait ; il n'y a rien en cela que de loüable
on peut même être légitimement jaloux d'un
bien qu'on possede à juste titre , pourvû
que la jalousie ne se serve pas
de moyens
injustes pour de conserver."
9
A
Cependant il y a une distinction a faire
entre l'Envie & la Jalousie , en ce que l'Envie
a pour objet un bien qu'on ne possede :
pas encore , & qu'on veut acquerir ; car onn'envie
pas , en-ne désire pas ce qu'on pos-
Ev sedens
2834 MERCURE DE FRANCE
sede & ce qu'on a déja ; la Jalousie , au con
traire , s'entend d'un bien qu'on a & qu'on
craint de perdre en tout ou en partie ; ainsi
l'Envie est de plus grande étenduë que la
Jalousie , la matiere est plus ample , il y a
plus d'envieux que de jaloux , mais la jalousie
est plus forte , parce que , toutes choses
égales , il est plus sensible de perdre que de
ne pas gagner ou manquer d'acquérir.
Au reste ces deux passions , quoiqu'elles
ne fassent pas des Saints , n'ont rien de mauvais
dans la morale humaine , tant qu'elles
' n'ont que l'amour du bien pour objet,& que
les moyens dont elles se servent sont honnêtes
& permis.
Mais il est à craindre que de l'amour d'un
bien , on ne passe à la haîne du Concurrent
qui court la même carriere ; il est bien difficile
d'imposer des bornes aux passions , &
de les arrêter où l'on veut. Quand la haîne
s'en mêle il n'y a guere de difference
entre l'Envie & la Jalousie ; elles chande
gent nom , ce sont des vices qui rendent
malheureux . On souffre doublement ,
par l'amour du bien que l'on recherche
& par la haîne contre celui qui le possede ,.
ou qui veut nous l'enlever ..
&
Plus le bien est cher , plus le Concurrent
a de bonnes qualités , plus il est à craindre
plus il est dangereux , plus il est haïssable
V
aux
DECEMBRE. 1738, 2835
ごい
aux yeux de la passion ; la haine dégénère
souvent en fureur , il y a un enchaînement
presque inévitable , qui conduit insensiblement
la passion aux plus hoires pensées &
aux plus mauvaises actions, rien n'est plus injuste
au jugement des personnes de sens froid
& qui sont raisonnables ; mais la passion fait
voir à ceux qu'elle possede , les choses tout
autrement qu'aux autres ; c'est une Logique
toute differente .
La conclusion est que l'amour du bien
tel qu'il soit , ne doit jamais nous porter à
faire le mal. Il n'y a qu'un moyen , c'est de
demander à Dieu la grace de ne point succomber
à la tentation & de nous délivrer
du mal...
BOUT S- RIME'S ,.
SONNET.
Vous avez beau chanter, badiner, rire & Boire ,
De la mort quelque jour vous serez lo
Elle met le Regent au bout de som
Et finit le lazis des Gilles de la
Butin s
Latin ,
Foire.
Fuyez des bords du Gange aux Rives de la Loire,
Vous n'éviterez pas les traits de ce
Luin
Ev Alle
2836 MERCURE DE FRANCE
Elle enleve Philis en robe de Satin
Aussi-tôt que Catin la Vendeuse de Poire.
Eussiez- vous dans vos mains le Sceptre ou le Rabot,
Fussiez-vous un Géant ou le moindre Nabot,
Elle sçaura vous rendre aussi froid qu'une Souche.
Mais ne passons que tard le funeste
Bateau ,
Car entre nous , le Stix est un vilain Ruisseau ,
Et la mort un objet bien hideux & bien Louches
Le Maire.
LETTRE de M. l'Abbé de Merez àM. le
Chevalier de Serry, sur l'amour des Poëtes
pour leurs Ouvrages.
V
Qus êtes donc toujours , Monsieur ;
dans le même sentiment , et les Orateurs
, selon vous , sont aussi amoureux de
leurs Productions que les Poëtes ; vous n'êtes
pas même éloigné de croire que les Poëtes
sont plus indifferens que les autres , je
le conjecture par les exemples que vous me
citez d'Ovide et de Virgile , qui témoigne- .
rent une si grande indifference pour leurs.
Ouvra es , que le premier allant en exil,
brûla ses Métamorphoses , et le second ,
prêt
DECEMBRE . 1738. 2837
ނ
prêt à mourir , conjura son ami Varius de
jetter dans le feu son Enéïde . Mais que diriez
- vous , M si de ces exemples même ,..
j'en tirois des conséquences toutes contrai .
res aux vôtres ? Que diriez - vous , si je répondois
de la sorte à votre objection ? Ovide
a brûlé ses Métamorphoses , Virgile a desiré .
que son Enéïde subit le même sort , c'est
là par conséquent la plus forte preuve de
leur affection pour leur Poëme ;.car enfin
M. il est aisé de pénétrer dans l'intention de
ces Poëtes , ils ne vouloient ni l'un ni l'autre
que leur Ouvrage parut informe , en desordre
, et imparfait comme il étoit , ou plutôt
comme ils croyoient qu'il le fut , n'ayant
pas eu le temps de leur donner la derniere
main , l'un en étant empêché par la mort ,
et le premier , par le chagrin que lui causoient
sa disgrace et son exil ; il est donc
constant , M. que les Poëtes sont , je ne dis ..
pas aussi , mais beaucoup plus amoureux de
leur Production que les Orateurs ; vous m'en
demandez des preuves , il est aisé de vous
satisfaire.
Cette plus grande affection des Poëtes ,
ne pourroit-elle pas venir du plus de soins et
de peines que leur coûtent leurs travaux ?
C'est une experience que nous faisons tous
les jours , plus une chose nous coûte , et
plus nous y sommes attachés ; quelque affai2838
MERCURE DE FRANCE
;-
re que nous entreprenions , plus la poursuite
ens est difficile , plus le succès en est
agreable . Or vous ne sçauriez disconvenir,
qu'un Ouvrage en Vers , coûte plus de soins
et de peines qu'un Ouvrage en Prose . Ne
viendroit elle pas aussi , cette plus grande
'affection des Poëtes , de la délicatesse , du
beau tour , de la mesuré , de la cadence qui
assortissent un beau Vers , et que la bonne
Prose ne connoît pas ? Que sçais - je.
encore ? La Poësie a de si grands avantages,
le Poëte est si fort au-dessus de l'Orateur
qu'il n'est pas étonnant que l'un soit plus
amoureux de ses Productions que l'autre
POrateur conduit , à la vérité son Héros au :
Temple de Mémoire , il nous fait envisager.
ses vertus et son mérite , il l'éleve, il nous touche
il le loue , il nous persuade ; mais le
Poëte conduit le sien à l'immortalité : Dignum .
lande virum Musa vetat mri: Horat. Le
Poëte est redevable à la seule Nature , l'Orateur
doit à l'Art tout ce qu'il est : Počer
nascimur , fimus Oratores : la Poësie est un
effet de l'inspiration , je dirai même , de l'entousiasme
de quelque Divinité : Est Deus in
nobis , agitante calescimus illo . Ovid . Au lieu
que la Prose est simplement apellée l'Interprete
de l'entendement humain : Mentis quidem
interpres est Oratio . Ciceron .
Que ne pourrois je pas vous dire encore ,
pour
DECEMBRE. 1738 2839 %
>
pour vous démontrer les avantages sans
nombre qu'ont les Poëtes sur les Orateurs ,
et pour vous persuader en même temps ,
que ceux là sont plus amoureux de leurs
Ouvrages que ceux- ci Eh , M. n'avezvous
jamais fait refléxion à cette espece de
fureur qu'ont les Poëtes , je n'en excepte
aucun , de nous assommer de la lecture de
leurs Vers ? Bons , ou mauvais ils ne nous ..
font aucun quartier , De leurs Vers fatiguans,
Lecteurs infatiguables, s'ils vous tiennent une
fois , vous êtes perdu sans ressource , et combien
de fois l'un et l'autre n'en avons- nous
pas fait la triste experience ? J'avouë cependant
qu'il se trouve bien des Orateurs incommodés
sur cet article , mais remarquez la
difference , l'Orateur nous lit son Ouvrage
avec une modeste timidité , et le Poëte avec
une orgueilleuse emphase ; parce que l'un
craint toujours qu'on ne s'aperçoive de quelque
foiblesse dans ce qu'il lit , et l'autre
semble apréhender qu'on ne conçoive pas
assés toute la beauté de sa Piéce..
1
M. de la Bruyere avoit bien raison de dire,
que c'étoit un rude suplice , d'entendre prononcer
de médiocres Vers avec toute l'emphase
d'un mauvais Poëte ; remarquez - le , ils
sont tous semblables en ce point , la raison
en est évidente , c'est qu'ils sont tous amoureux
de leurs Ouvrages , ce n'est pas
assés
dire ,
2840 : MERCURE DE FRANCE
་ dire , ils en sont tous idolâtres , et beaucoup
plus idolâtres , et beaucoup plus amoureux,
que les Orateurs ne le sont de ceux même
qu'ils regardent comme les mieux travaillés
et les plus parfaits . Aristote l'a dit long temps
avant moi , C'est un Philosophe que vous res
pectez trop pour ne pas vous soumettre à son ·
autorité. Aristote disoit que les Poëtes ont
un amour inexprimable pour tout ce qui
sort de leur plume : Poëta propria Poëmata`
supra malum amant ; et vous-même , M. s'il
est permis de vous citer , ne nous avez- vous
pas avoué plusieurs fois , que vous donneriez.:
vos Traductions , vos Commentaires , et vos
Remarques , pour quelques centaines de
Vers que vous pouvez avoir faits , et que
tout Paris aplaudit encore tous les jours ,
sans sçavoir que vous en êtes le véritable
Auteur ? Je n'ai garde d'en dire davantage,
je pourrois vous démasquer contre votre intention
; je pourrois citer encore plusieurs
Auteurs vivans , bien de mauvais Poëtes , si :
vous voulez , quelques bons , peu de mé--
diocres , de quelque genre qu'ils soient ,
dans quelque classe que vous les suposiez ,
je mets en fait qu'ils seront beaucoup entousiasmés
, qu'ils idolâtreront beaucoup plus 1.
leurs Vers , qu'un Qrateur , sa Prose . Ditesmoi
, par exemple , si M. Vadius n'est pas ›
plus content de sa Personne et de ses Vers
que
DECEMBRE. 1738. 2841
de
que M. R. de ses Ouvrages ? Vous sçavez
qui je parle , c'en est assés , ce me semble ;
et mille preuves que je pourrois vous rapor
ter , vous persuaderoient moins , que quelques
refléxions que je vous prie de faire sur
cette matiere . J'ai l'honneur d'être , & c.
ENIGM E.
LEcteur , si vous trouvez le sens de ce mystere,
Vous trouverez de nous une image sincere.
L'on ne nous voit jamais révéler un secret ,
Tant que sous notre langue on laiffe le filet.
Outre ces qualités & cent Faits remarquables ,
Grand nombre parmi nous deviennent respectables,
Par les titres pompeux qu'on voit peints sur leur
front ;
Et trouvent chés les Grands un accès libre &
prompt.
Nous uniffons si bien les amis qui s'éloignent ,
Qu'ils se parlent tout bas , s'embraffent & se joi-.
gnent.
>
Mais en vain des Mortels nous servons les besoins ,,
Après tant de travaux de bienfaits & de soins ;
Qui s'imagineroit , que pour reconnoiſſance ,
La prison ou le feu fût notre récompense ?
De nos jours , cher Lecteur , telle est pourtant la
fin ;
Et...
2842 MERCURE DE FRANCE
Et peut- être à ton tour nous fais - tu ce destin .
Qu'avec raison l'on dit , ' qu'en cette humaine vie ,
Le mérite toujours fut sujet à l'envie !
J. Perier:
L
LOGO GRYPH E..
Ecteur , il faut trouver dans un Poiſſon ,
Engagement , Fleuve , Montagne , Oignon ,,
Prophete , Noeud , Note de Gamme ,
Et , pour finir , ancienne Femme..
J
AUTRE.
E suis un mot Latin , & Maison du Soleil.
Transpose-moi , Lecteur , tu me vois d'un coup
d'oeil,
Renfermer en François la liqueur spécifique ,
Qui réjouit le coeur ; l'ame de la Musique.
Par Duchemin , Musicien à Angers:
AUTRE
EN six lettres , Lecteur , je suis Ville de France <
Certain Oiseau de deux couleurs ;
Chose néceffaire aux Fumeurs ;
It ce qui sert souvent à marquer la cadence.
LOGO.
DECEMBRE . 1738. 2843
LOGOGRYPHUS.
NUminibus placeo , Lector , Mortalibus adsum
Jucunda ; immò mei me complectuntur amore
Hostes. Qua bona sunt , foveo , qua peffima , muto.
Si me perpartes discerpas , plurima promam.
Tres primò tibi ritè Marem , dant tresque vigorem ;
Tres tibi pratereà camporum grata recludunt :
Cum quatuor , læti modulaminis aspice bina
Signa. Natare cupis. ? Cum quinque exurget amoenus:
Amnis : cum totidem , lethalis viscera succus
Anget : cum simili numero , servanda videbis.
NOUVELLES LITTERAIRES
ES RUSES DE GUERRE de Polyen , tra-
Lduites du Grec en François
,
avec des
Notes. Par D. G. A. L. R. B. D. L. C..
D. S. M. Contenant
en Abregé
les Faits les plus mémorables
de tous les Grands Capitaines
de l'Antiquité
, & de quelques
Femmes
illus- tres , avec les Stratagêmes
de Frontin. 2. Vol. in- 12. d'environ
400.pages
chacun . A Paris,
chés Ganeau
, ruë S. Jacques
1739
.
La Traduction de Polyen , Auteur Grec ,
que l'on voit pour la premiere fois en notre
Langue
,
2844 MERCURE DE FRANCE
Langue , est dûë au feu Pere Dom Lobineau,
Bénédictin de S. Germain des Prés , Auteur
d'une Histoire de Bretagne , lequel est mort
avant la Publication de l'Ouvrage dont il
est ici question ; mais la République des
Lettres n'y a rien perdu , par les soins qu'a
pris un de ses Amis , sçavant et officieux envers
le Public , de l'Edition qui vient de
paroître.
A la suite des Rüses de Guerre de Polyen ,
on a imprimé à la page 173. du second Volume
les Stratagêmes de Frontin , de la Traduction
de M. d'Ablancourt , avec les Addi
tions et les Notes que l'Editeur a cruës nécessaires
, et dont il rend compte dans un court
Avertissement.
Pour ce qui regarde la Personne , et le
mérite des deux Ouvrages des Auteurs Ori
ginaux , nos bornes ne nous permettent pas ·
d'en parler ici. Nous renvoyons pour cela à
une Préface très - instructive et qui n'ennuye
point , mise à la tête du premier Tome.
ALMANACH NOUVEAU ; pour l'année
M. DCC . XXXIX . ou les Etrennes du Parnasse ,
en Vers , par M. du Radier. A Paris , chés
Pierre Clement , à l'entrée du Quai de Gêvres
, du côté du Pont Notre -Dame , 1739.
petite Brochure de 40. pages.
MA
DECEMBRE . 1738. 2845.
MAXIMES et Réfléxions Morales , traduites
de l'Anglois, avec une Traduction nouvelle,
en Vers, de l'Essai sur l'Homme de M.Pope
A Londres , chés G. Smith , dansle Princés-
Street Spittle- Fields. M. DCC. XXXIX . Brochure
in-8°. de 148. pages.
APHORISMES de M. Herman Böherhaave.
sur la connoissance et la cure des Maladies,
traduits en François , par .... A Rennes
chés la Veuve de P. A. Garnier , à la Bible
d'or , 1737. Vol . in - 8 ° . de 508. pages , et à
Paris , chés Huart & Briasson , rue Saint
Jacques.
PENSE'ES DIVERSES Sur l'Homme. A Pa
ris , chés Nyon , fils , Quai des Augustins ,
près le Pont S. Michel , à l'Occasion , 1738 .
Vol. in- 8° . de 311. pages , sans la Préface
de 22 .
,
HISTOIRE de Scipion l'Africain , pour
servir de Suite aux Hommes Illustres de
Plutarque avec les Observations de M.
le Chevalier de Folard , sur la Bataille de
Zama , A Paris , chés Didot , Quai des Augustins
, à la Brble dor , 1738. in - 12 . de 406 .
p. sans compter l'Epitre Dedicatoire au Roy,
et la Préface .
SUE
SUE'T ONE, avec des Notes entieres d'Egnatius
, de Glaréan , de Torrentius , d'Ursin,
de Casaubon , de Gruter , de Marcile , de
Gravius , de Patin : les Notes choisies des
autres Commentateurs , et celles du nouvel
Editeur Pierre Burman. A Amsterdam , chés
les Jansons-Waesberg. 1736. 2. Volumes in-
4° . Le premier de 88. pages , le second de
492. sans les Tables de 204, pages . Planches
détachées 34. L'Ouvrage est en Latin.
où
TRAITE' DES PRETS DE COMMERCE
l'on compare la Doctrine des Scholastiques
sur ces Prêts , avec celle de l'Ecriture et des
Saints Peres , par M..... Docteur de la Faculté
de Théologie de Paris , imprimé à
Lille , chés Pierre Mathon , Marchand Libraire
, sur la petite Place , in-4°.
,
Montalant , Libraire , Quai des Augustins,'
débite avec un grand succès la Traduction
Françoise du Newtonianisme , pour les Dames
, de M. le Marquis Algaroti , par M.
du Peron de Castera , 1738. in- 1 2 .
L'ECOLE DU TEMPS , Comédie en Vers et
en un Acte représentée par les Comédiens
Italiens le 11. Septembre dernier , par M.
Peffelier. A Paris , chés Prault le pere , Quai
de Gêvres 1738. On a donné l'Extrait de
cette
DECEMBRE. 1738. 2847
cette Comédie dans le Mercure de Novem
`bre dernier.
L'ACCOMMODEMENT IMPREVU , Comédie
en Vers et en un Acte , représentée par
les Comédiens François le 12. Novembre
1737. par M. de la Grange. A Paris , chés
le Breton , Quai des Augustins au coin de la
rue Gist-le- coeur. 1738.
LE RAJEUNISSEMENT INUTILE , Comédie
en Vers , et en trois Actes , avec des Divertissemens
, représentée au Théatre François
le 27. Septembre dernier. Par M.-de la Grange.
A Paris , chés le Breton , Quai des Augustins
, à la Fortune , 1738. L'Extrait, que
nous avons donné de cette Piéce , dans le
Mercure de Novembre , pag. 2461. nous dispense
d'en parler ici plus au long.
LES AMES RIVALES , Histoire Fabuleuse,
ALondres , et se trouve à Paris , chés Prault
Fils , Quai de Conty. Brochure in- 12 . de 75 .
pages. LE TEMPLE DE GNIDE , Brochure de
109. pages , sans la Préface , chés le même
Libraire.
MEMOIRES INSTRUCTIFS , pour un Voya
geur dans les divers Etats de l'Europe , contenant
des Anecdotes curieuses , très -propres
2848 MERCURE DE FRANCE
à éclaircir l'Histoire du Temps , avec des
Remarques sur le Commerce , et l'Histoire
Naturelle . Tome I. A Amsterdam , chés
Henri du Sauzet , 1738. in- 8°.
ANALYSE DE MONTREE , ou la Méthode
de résoudre les Problêmes des Mathématiques
, et d'aprendre facilement ces Sciences,
par le R. P. Reyneau , Prêtre de l'Oratoire ,
nouvelle Edition , augmentée des Remarques
de M. de Varignon. A Paris , chés Gabriel
François Quillau , rue Galande , près la
Place Maubert , à l'Annonciation , 2. vol.
in-4 .
LA SCIENCE du Calcul des Grandeurs en
général , ou les Elémens des Mathématiques
du même Auteur , chés le même Libraire.
L'APLICATION de l'Algebre à la Géométrie
, par M. Guisnée , seconde Edition , considérablement
augmentée. 1. vol. in-4° . chés
le même Libraire
DE LA RE'SOLUTION des Equations , ou
de l'Extraction de leurs Racines. Vol . in-4° .
chés le même,
RECHERCHES sur les Courbes à doubles
Courbures , par M. Clairaut. Vol. in -4°. auffi
chés le même.
POUILLE' du Diocèse de Chartres , Par
N. D. Libraire à Chartres. A CHARTRES
chés
DECEMBRE . 1738. 2849 ,
chés Nicolas Doublet , Libraire , 1738. in- 8 °.
& à PARIS , chés Thiboust , Place de Cam-:
bray , & Pepingué , Quai des Augustins.
>
Pour donner au moins une idée générale
du contenu de ce Livre , il suffit de transcrire
ici le reste du Titre qui en fait une ample
description. C'est un Recueil des Abbayes .
Chapelles, Chapitres, Colleges, Commanderies
, Communautés Religieuses , Convens
Cures , Doyennés et Prieurés de l'Evêché de
Chartres. Le tout en plusieurs colomnes fort
distinctes qui vont quelquefois jusqu'à
onze sur le même Bénéfice ; parce que l'Auteur
, qui n'a épargné ni voyages , ni frais ,
pour rendre son Ouvrage accompli , ne s'est
pas contenté de dresser son Pouillé sur le
modele de ceux qui furent imprimés en
1648. à Paris chés Gervais Alliot , où tout
au plus il y a quatre colomnes remplies ;
mais à l'exemple de ceux de Bourdeaux , de
Saintes , de Poitiers , il a nommé le Saint
Patron de chaque Bénéfice , c'est- à- dire , le
Saint sous l'Invocation duquel les Eglises
sont dédiées ; après cela les Présentateurs et
Collateurs de chaque Bénéfice , le Revenu ;
les Ordres de chaque Prieuré et Abbaye ; les
Réunions des Abbayes , Prieurés et Chapelles
, le nombre des Communians de chaque
Cure , les Archidiaconnés et Doyennés où les
Cures sont situées , les Villes et les Bourgs
II. Vol. વર્ષ
1856 MERCURE DE FRANCE
où chaque Cure aboutit pour les Conferences
Ecclefiastiques. Ce n'est pas tout ; l'Auteur
y a ajoûté le nom des Elections dont
est chaque Paroisse , les Châteaux et Maisons
Seigneuriales , la distance des Paroiffes
à la Ville Episcopale , fes Bureaux des Postes
auxquels il faut adreffer les Lettres pour chaque
Paroiffe. Il a auffi traité séparément des
Chapitres du Diocèse. Il donne l'Etat des
Paroiffes et Communautés du Diocèse de
Chartres et autres Diocèses , dépendantes du
Bailliage de Chartres ; une Liste de tous les
Bénefices qui sont à la nomination et Collation
de chaque Patron ; les Prestimonies
Dons et Bourfes en faveur des Etudians et
Ecclefiastiques de ce Diocèse. Ce dernier
Article surtout , mérite l'attention de bien
des Familles. Combien n'y a -t-il pas en effét
d'Enfans à la campagne , qui naiffent avec
d'heureuses dispositions pour les Sciences
et qui ne peuvent les cultiver , faute de secours
du côté du temporel ? Cette Liste de
Fondations ne peut qu'exciter le zele des
Personnes qui sont en état de suivre de pareils
exemples , et encourager les Curés à
faire connoître les Enfans qui ont aporté en
venant au monde les talens nécessaires pour
se disposer à l'Etat Eccléfiastique. On n'a pas
oublie de terminer ce Catalogue par un
Enoncé de l'Arrêt du Parlement du 7. Septembre
H
DECEMBRE. 1738. 285r
embre 1701. touchant la notification des
Testamens , où ces sortes de Fondations et
utres femblables seront inserées , et de l'Arêt
du Conseil , qui décharge des Droits de
Contrôle les Extraits de Testamens concerhans
des Fondations et Legs pieux en faveur
les Pauvres . Il nous a paru enfin , que ce
Pouillé étoit un Livre néceffaire non seulement
aux Eccléfiastiques , et à toute sorte
de Religieux , mais encore à une infinité de
Gens du monde .
,
Le Diocèse de Chartres , ou plutôt l'Eglise
célebre de cette Ville , qui n'a encore eu
que de foibles Historiens , tels que Rouillard
et Sablon , voit par le détail de ce
Pouillé , le nombre infini de Titres qui ont
émané d'elle , comme du centre et sans le
démembrement fait à l'occafion de l'érection
de l'Evêché de Blois , elle verroit ses branches
s'étendre bien loin au-delà de la Loire.
On ne peut que loüer les Libraires , qui
comme M. Doublet travaillent par euxmêmes
, entreprennent les voyages néceffaires
pour se mettre au fait des Ouvrages qu'ils
composent , et n'y permettent l'entrée à aucune
fable. Il avertit auffi qu'il a imprimé
avec de nouvelles Obfervations ,lesCoûtumes
de Châteauneuf et du Grand - Perche , et
qu'il donnera dans peu une nouvelle Edition
de la Coûtume de Chartres avec tous ses
Fij Come
›
2852 MERCURE DE FRANCE
Commentateurs , et les nouvelles Observations
avec les Changemens faits sur plusieurs
Articles.
HISTOIRE UNIVERSELLE , Sacrée et Profane
, depuis le commencement du Monde
jufqu'à nos jours , par le P. Dom Augustin
Calmet , Abbé de Senones , et Préſident de
la Congregation de S. Vannes et de S. Hidulphe.
Tome Quatrième , imprimé chés
Doulsecker , à Strasbourg , 1738. in-4°. Cet
Ouvrage se trouve chés la Veuve Ganeau , à
Paris , rue S. Jacques , aux Armes de Dombes
, près la rue du Plâtre.
MEMOIRES pour fervir à l'Histoire des
Hommes Illustres dans la République des
Lettres , &c. Par le R. P. Niceron , Barnabite
Tome XXXVI. in- 8 ° . A Paris , chés Briasson
, à la Science. M. DCC . XXXVI .
Nous fommes un peu en arriere dans le
compte que nous avons commencé et continué
de rendre de ce Recueil du R. P. Niceron.
Nous en avons reçû tout à la fois
quatre Volumes , et en les recevant , nous
avons apris avec regret , la mort de l'Auteur
, qui est décedé dans la réputation
d'un Ecrivain habile et laborieux , et d'un
Religieux des plus Réguliers. La République
des Lettres est sans doute en obligation de
ابن
DECEMBRE . 1738. 2853
fui rendre des devoirs ; nous nous chargerions
volontiers de fon Eloge , fi nous n'avions
fçû dans le même temps , que dans le
XL. Volume du même Ouvrage , qui doit
être continué par un autre Sçavant de fa
Congregation , il y aura un Article particulier
, qui ne laiffera rien à defirer au fujet du
P. Niceron. Quand nous rendrons compte
de ce Volume, nous ferons auffi notre devoir
' à cet égard
Celui dont il s'agit ici , contient la Vie et
le Catalogue de 41. Sçavans , dont voici les
noms : A. Achillini , J. Aconce , B. Albizi
M. d'Amato , C. Ameline , E. Aubertin
J. Barrelier , P. Borel, J. P. Camus, A. Chevillier
, N. Chorier , A. Ciaconius , P. Ciaconius
, R. Cudworth , S. Cyrano de Bergerac,'
A: Van Dale , C. Estienne, H. Estienne , R.
Etienne , E. de Faria et Sousa , T. Garzoni
G. Gueret , G. Manetti , M. Martinius , J.
Meschinot , J. Morell , C. Musitano , G.
Pape , F. Patrizi , J. Perion , F. Raphelingius
, P. Resenius , H. Salel J. Savary ;
A. Steuchus , D. Touſſain , P. Touffain , P.
Valens , B. Varchi , T. Viaud , M. Zimmerman..
,
Nous avons dit plus d'une fois , que depuis
la Renaissance des Lettres , l'Espagne
a toujours eu fes Sçavans , &c. Nous pou
vions et nous devions ajoûter , qu'il y a cu
Fiij même,
854 MERCURE DE FRANCE
même , et qu'il y a encore dans ce grand
Royaume , des Dames sçavantes , des Dames
Auteurs. Le Livre dont nous rendons
compte, en fournit un Exemple illustre , que
nous allons raporter,pour fatisfaire d'ailleurs
à notre coûtume , d'extraire une Vie de
chaque Volume du P. Niceron.
Julienne Morell , nâquit à Barcelone , le
16. Fevrier 1594. de Jean- Antoine Morell ,
fameux Banquier de cette Ville. Ayant perdu
fa Mere à l'âge de deux ou trois ans , elle
fut mise entre les mains des Religieufes Dominicaines,
de qui elle aprit à lire et à écrire
en fort peu de temps.
Son Pere la retira auprès de lui , lorfqu'elle
n'avoit pas encore tout- à- fait quatre ans , et
lui donna des Maîtres , qui lui aprirent avec
beaucoup de succès les Langues Latine ,
Grecque , et Hébraïque . Elle sçût même
avant l'âge de fept ans , compofer en la
miere de ces Langues , avec beaucoup d'élégance
, comme il parut par une Lettre
qu'elle écrivit alors à fon Pere , qui étoit
abfent de Barcelone .
pre-
Elle n'avoit encore que huit ans , lorſque
fon Pere , accusé par quelques envieux d'avoir
eû part à un affaffinat , fût obligé de
prendre la fuite , et l'emmena avec lui à
Lyon , où elle continua fes Etudes . Elle employa
depuis ce temps -là neuf heures tous
les
DECEMBRE. 1738. 2855
les jours à la Rhétorique , la Dialectique , er
la Morale , fans parler de la Musique et des
Instrumens , qui lui fervoient de délaffement.
Parvenue à l'âge de 12. ans , elle foûting
publiquement des Thefes de Logique et de
Morale , non point en habit de Capucine ,
comme affius le dit mal à propos dans le
II . Livre De quatuor Artibus popularibus ,
page 82. mais en habit ordinaire , et elle
s'acquitta de cette Action avec de grands
aplaudiffemens.
Elle s'apliqua enfuite à la Phyſique , à la
Métaphyfique , et à l'un et l'autre Droit , et
foûtint de nouvelles Thefes à Avignon , où
fon Pere étoit allé s'établir dans le Palais du
Vice-Legat , devant une Assemblée nombreuse
, qui aplaudit à ſon ſçavoir et à ſa capacité.
Son Pere avoit deffein de la marier richement
, mais elle renonça à toutes les efperances
qu'elle pouvoit avoir du côté du siécle
, pour entrer dans le Monastere des Religieuses
Dominicaines de Ste Praxede d'Avignon.
Elle y entra le 15. Septembre 1658 .
prit l'Habit le 8. Juin de l'année fuivante
1609. et y fit Profeffion le 20. Juin 1610.
Son mérite et fa pieté lui ouvrirent bientôt
une entrée aux Charges , malgré la répugnance
qu'elle avoit pour elles ,
F iiij
et elle
fu
2856 MERCURE DE FRANCE
fut trois fois Prieure de ce Monastere.
Deux ans avant fa mort , elle fut attaquée
de maladies violentes , qui la tourmenterent
beaucoup. Elle y fuccomba à la fin , et mourut
le 26. Juin 1653. âgée de 59. ans.
Catalogue de fes Ouvrages.
1.TRAITE' de la Viefpirituelle par S.Vincent
Ferrier , de l'Ordre de S. Dominique , traduit
de Latin en François , avec des Remarques &
Annotations sur chaque Chapitre. Lyon 1617.
in- 12 . Item , Paris 1619. in- 12 .
2. EXERCICES fpirituels sur l'Eternité , avec
quelques autres Méditations sur divers Sujets ,
un petit Exercice préparatoire pour
Profeffion Avignon , 1637. in- 12 .
la sainte
3. LA REGLE de S. Auguftin , traduite en
François , enrichie de diverfes Explications &
Remarques pourfervir d'Instruction. Avignon,
1680. in- 24. C'est un Ouvrage posthume , à
la tête duquel on a mis un Abregé de la Vie
de J. Morell.
›
4. L'HISTOIRE du Rétablissement & de l'a
Réforme du Monaftere de Sainte Praxede
avec les Vies de quelques Religieufes de ce
Monaftere , décedées de son temps en opinion
de vertu. Čet Ouvrage n'a pas été imprimé
mais le Pere Etienne - Thomas Soueges a inseré
les Vies dans son année Dominicaine .
Amiens , 1678. &ſuiv. in 4°.
ΤΟΜΕ
DECEMBRE . 1738 , 28 $7
TOME XXXVII chés le même Libraire
1737. &c. Ce Volume ne céde en rien à
ceux qui l'ont précedé , s'il ne les furpasse
pas.
Il est enrichi de l'Histoire Litteraire
du célebre P. Petau, dont le nom seul est un
Eloge. Cette Histoire est extrêmement remplie
, n'ennuiera personne , & fera beaucoup
de plaifir aux Sçavans . Elle occupe
presque la moitié du Livre. On lit à la fin
ces paroles modestes du R. P. N. Comme
cet Article vient de bonne main , ce qu'il est
facile de connoître par l'érudition & les recherches
dont il est rempli , je le donne tel que
je l'ai reçu.
Obligés de renoncer à la tentation d'orner
notre Journal d'un pareil Morceau , à
cause de son excessive longueur nous
allons tâcher de dédommager le Public par
l'Article de M. de Lauriere , qui nous a
parû curieux & bien travaillé . Tous les
Amateurs du bien Public en doivent sçavoir
gré à l'Auteur des Mémoires.
Eusebe Jacob de Lauriere , nâquit à Paris
le 31. Juillet 1659. de Jacob de Lauriere
Chirurgien , né à Loudun le 3. Juin 1618.
& qui s'étoit établi à Paris , où il avoit abjuré
la Religion P. R. dans laquelle il avoit
été élevé.
Il fut nommé Jacob , du nom de son Pére
, & Eusebe , de celui d'Eusebe Renaudor,.
Fy Doc2858
MERCURE DE FRANCE
Docteur en Médecine , son grand- oncle paternel
, qui fut son Parain. Mais il n'a pris ce
dernier qu'à la tête de ses Quvrages.
Il fit ses Etudes à Paris au College des Jésuites
, & y eut pour Régent pendant plusieurs
années l'Abbé de Villiers ,alors Jésuite,
qui fut frapé de son esprit rare & singulier, &
en découvrit toute l'excellence . En effet , dès
ses premieres années il étoit grave , sérieux
apliqué, silentieux & presque toujours recueilli
enlui- même; nullement touché des amusemens
ordinaires de la jeunesse , il s'étoit fait
une loi d'employer utilement tout son temps;
livré dès - lors à un travail dur & opiniâtre ,
bien loin de se rebuter des difficultés , il en
prenoit occasion de redoubler ses efforts ;
attaché obstinément sur ce qui l'arrêtoit , il
ne le quittoit point qu'il ne l'eût emporté ;
il aprofondissoit tout ce qui étoit l'objet de
ses Etudes ; il remontoit autant qu'il le pouvoit
aux prémiers principes , & épuisoit les
matieres. Né d'ailleurs avec une mémoire
très- heureuse , il la cultivoit avec beaucoup
de soin.
Il avoit 14. ou rs. ans , lorsqu'on lui fiț
un legs d'une rente de 400. livres. Il pria son
Pere de lui permettre de disposer de ce revenu
; son Pere , qui sçavoit bien qu'il en fèrot
un bon usage , y consentit volontiers , &
il n'eut pas lieu de s'en repentir. Le fils ne
l'avoir
DECEMBRE. 1738. 2859
Favoit souhaité que pour être en état de satisfaire
la passion qu'il se sentoit déja pour
les Livres ; & il commença dès - lors à jetter
les fondemens de sa Bibliotheque , qu'il a
toujours augmentée depuis , & qui à sa mort
s'est trouvée très - nombreuse & bien choisie.
En sortant du College , il se consacra à la
Jurisprudence , & fut reçû Avocat le 6.
Mars 1679. mais il fréquenta peu le Bareau,
& le travail de son Cabinet emporta presque
tout son temps.
Ce fut dans cette occupation tranquille
qu'il se livra sans réserve aux recherches les
plus épineuses , qu'il aprofondit toutes les
parties de la Jurisprudence , qu'il remonta
jusqu'à l'origine des Loix , qu'il les suivit
dans leurs progrès & dans leurs divers changemens
, & qu'il se rendit familiers les usages
, tant anciens que modernes , de presque
tous les Royames de l'Europe.
Pour mieux réussir dans cette Etude , il
avoit apris les Langues sçavantes , & celles
d'entre les Modernes , qui sont les plus necessaires
; il s'étoit apliqué à la Critique , &
même à la connoissance des Livres , qui fait
en quelque maniere une science à part ; &
sur ce dernier article il poussoit son atention
jusqu'à recueillir quantité de Faits anecdotes
& fugitifs qui lui servoient dans l'occasion. Il
avoit fait encore de grands progrès dans l'Etude
F vj
2860 MERCURE DE FRANCE
tude de l'Ecriture Sainte , sur tout par ras
Fort à la Critique .
Mais le Droit François fut toujours le principal
objet de ses Recherches . Le désir qu'il
avoit de ne rien ignorer de ce qui pouvoit contribuer
à l'éclaircir , le fit remonter jusqu'aux
siecles les plus reculé sde la Monarchie.Il dépoüilla
tous les Livres qui traitent de la Juris-
Prudence Françoise; il foüilla dans les Cabinets
des Particuliers , & dans les Dépôts publics ; il
tira de la poussiere des Pieces curieuses &
instructives ; il rechercha avec un soin extrême
dans tous les Monumens , les vestiges
& les traces les plus legeres de notre Droit ;
il debrouilla le cahos de l'ancienne procédure
, qui étoit surchargée d'un grand nombrede
formalités inutiles ; il démêla avec une
sagacité merveilleuse l'origine obscure de
nos Coûtumes , qui n'ont été rédigées qu'après
avoir été observées pendant long - temps.
sur la foi d'un usage incertain , & d'une Tradition
souvent peu constante ; il lut avec
attention les Historiens , dont on peut tirerbien
des secours pour l'intelligence des Loix,
qui par un heureux retour , servent aussi
beaucoup à éclaircir l'Histoire. En un mor ,
prenant le Droit François dans sa source , il
en suivit le cours pas à pas pour en examiner
scrupuleusement les variations & les:
progrès.
Tank
DECEMBRE . 1738. 286%
Tant de recherches conduites par un discernement
juste et une Critique sûre , l'ont
rendu très- utile à sa Patrie. On le regardoit
avec raison , comme un homme qui avoit
amassé un trésor immense de connoissances
rares et singulieres. On avoit recours à lui ,
comme à une ressource assurée , et quelquefois
unique , dans les matieres et dans les questions
, qui ne sont pas renfermées dans le
cercle des affaires courantes et ordinaires.
Lorsqu'on lui demandoit son avis , tout ce
qu'il sçavoit se répandoit avec profusion ; et
soit qu'il parlât ou qu'il écrivit , sa seule peine
étoit de bien déveloper les idées qui sc
présentoient en foule à son esprit , er de
leur donner de l'ordre pour les mettre dans
tout leur jour
Les plus sçavans Magistrats , et les premiers
en dignité comme en lumieres , l'ho
noroient d'une estime singuliere , le consultoient
souvent dans les affaires de conséquence
, et mettoient quelquefois en oeuvre
des materiaux qu'ils lui avoient demandés..
Il avoit été associé aux Etudes de M. Dagueſſeau
, presentement Chancelier de France-
Il avoit assisté aux Conférences qui se tenoient
chez ce Magistrat ;, et il a recueilli
avec soin , et fait passer dans plusieurs de ses
Ouvrages les nouvelles découvertes que M.
Daguesseau faisoit souvent dans ces Conférences.
De
4862 MERCURE DE FRANCE
De Lauriere , qui ne négligeoit aucun
moyen de s'instruire , s'étoit lié avec tous les
Sçavans de son temps , et avec tous ceux qui
se distinguoient dans Paris par leurs talens ,
dans quelque genre que ce fût , entr'autres
avec MM. Bluze et de la Monnoye , et avec
M. Claude Berroyer , célébre Avocat , avec
qui il partageoit le travail et l'honneur de
plusieurs Ouvrages, qui ont été reçûs favora
blement du Public.
Il a été pendant toute sa vie sujet à de
grandes maladies ; et ses travaux continuels
ont sans doute contribué à affoiblir son temperament.
Vingt ans avant sa mort , il lui
survint dans la bouche une grosse loupe qui
adhéroit à la gencive du côté droit ; dans
les dix dernieres années de sa vie elle grossit
si considérablement , qu'à peine pouvoit- il
prendre des alimens solides ; elle lui attiroit
des fluxions presque continuelles , et après
l'avoir beaucoup incommodé pendant sa vie
elle a été la cause de sa mort. Pendant sa
derniere maladie , qui dura un mois , elle
fondit insensiblement , et à sa mort elle étoit
presque dissoute.
ans.
Il mourut le 9. Janvier 1728. âgé de 68.
Il avoit été marie deux fois. Au mois de
Mai 1696. il épousa Marguerite Domec , de
laquelle il eût quatre Enfans , dont deux fil-
Jes
DECEMBRE. 1738. 2863
les seulement lui ont survécu. Cette femme
etant morte au mois de Mars 1705. il épou
sa le 29. Août 1711. Catherine Langlois
dont il a eu une fille.
Sa Bibliotheque a été vendue après sa
mort , et on en a imprimé le Catalogue , r
vol. in- 12.
Catalogue de fes Ouvrages.
I. DE L'ORIGINE du Droit d'Amortiſſe
ment , par Eufebe de L .... Avocat au Parlement.
Paris 1692. in- 12 . L'Auteur traite
aussi dans cet Ouvrage du Droit des Francs--
Fiefs , qui est fondé à peu près sur les mêmes:
principes , et il entreprend d'y prouver que
les rentes constituées sont sujettes au Droit
d'Amortissement.
>
2. TEXTE des Coûtumes de la Prévôté et
Vicomté de Paris , avec des Notes nouvelles ,
pour faire connoître le sens et l'esprit de chaque
Article. Paris 1698. in - 12. On trouve à la
fin les anciennes Constitutions du Châtelet:
de Paris . L'Auteur avoit retouché et augmenté
ses Notes dans le dessein d'en donner une
seconde Edition ,
3. DISSERTATION sur le tenement de cing
ans , ou l'on fait voir que cette prefcription ne
doit plus être pratiquée dans l'Anjou , le Maine
, la Touraine et le Loudunois , et que les inféo.
ations et les ensaisinemens de rentes doivent
Gre
2864 MERCURE DE FRANCE
être abolis dans les Coutumes de Senlis , deVai
lois et de Clermont: Paris 1698. in- 12. On
trouve dans cette Pissertation un détail très-
Curieux et très - instructif sur la variation des
sentimens des Jurisconsultes François au sujet
de ces rentes constituées.M.Pocquet deLi.
vonniere dans les Additions qu'il a faites au
Commentaire de du Pineau sur la Coutume
d'Anjou , Paris 1725. in fol. a fait une assés.
longue Dissertation contre ce Traité de notre
Auteur.
4. TRAITE'S de M. du Plessis , ancien Avo»
eat au Parlement , sur la Coûtume de Parisdonnés
au Public fur le Manufcrit de l'Auteur
, plus correct et plus ample que toutes les
copies qui ont paru jusqu'à préfent , avec des
Notes pour fervir de preuves , & des Differta
tions de MM. Berroyer et de Lauriere. Paris
1699. in fol. Il s'étoit répandu dans le Public
un grand nombre de copies de l'Ouvrage de
du Pleffis , que la réputation de l'Auteur faisoit
rechercher avec empressement , quoi
qu'elles fussent très-fautives. C'est ce qui engagea
MM. Berroyer et de Lauriere à le pu
blier avec des Notes et des Dissertations >
qui font voir les changemens survenus dans
la Jurisprudence, Ces Editeurs ayant trouvé
depuis un Manuscrit plus ample des Traités
de du Plessis , qui contenoit les derniers sentimens
de cet Auteur , à qui de nouvelles
vúcs
DECEMBRE. 1738. 286
▼ûës avoient fait changer d'opinion sur plu▾
sicurs points importans , en donnerent une
seconde Edition à Paris en 1702. in fol. On
a confondu mal à propos dans celle - ci les
Observations de quelques Auteurs anonymes
avec les Notes de MM. Berroyer et de
Lauriere . On remédia à ce défaut dans la
troisiéme Edition qu'ils donnerent en 1709 .
in-fol. et dans laquelle ils mirent des étoiles
au commencement des Notes qu'ils
avoüoient pour leur. Ouvrage. Ils n'ont eu
aucune part à la quatriéme Edition qui a paru
en 1726.
5. BIBLIOTHEQUE des Coûtumes , contenant
la Préface d'un nouveau Coù umier général
une Liste historique des Coûtumiers généraux
une Liste alphabetique des Textes & Commen
taires des Coûtumes , Usances , Statuts , Fors,
Chartes , Styles , Loix de Police , et autres
Municipales du Royaume . Le Texte des anciennes
Coûtumes de Bourbonnois , avec le Procès
verbal donné sur le Manufcrit. Le Texte des
nouvelles Coûtumes de Bouronnois , corrigé
sur l'original , avec des Apostilles de aître
Charles du Molin , fon Commentaire posthume
, augmenté par lui-même de plus des trois
quarts. Quatre Consultations du même Auteur
qui ont été omises dans le Recueil de ses Ouvrages
, par MM. Claude Berroyer & Eusebe de
Lauriere. Paris 1699. in-4. MM. Berroyer et
de
2866 MERCURE DE FRANCE
,
de Lauriere avoient dessein de donner le
Coutûmier général , avec une Compilation
de tous les Commentaires et un Recueif
d'Actes originaux , capables d'éclaircir certains
endroits difficiles ; mais leurs autres occupations
ne leur ont pas permis d'éxécuter
les grands projets qu'ils avoient formés sur
ce sujet. La Préface que l'on voit ici , en fait
connoître l'étendue.
6. GLOSSAIRE du Droit François , contenant
l'explication des mots difficiles qui se trouvent
dans les Ordonnances de nos Rois , dans
les Coûtumes du Royaume , dans les anc ens Arrêts
et dans les anciens Titres , donné ci-devant
au Public , sous le nom d'Indice des Droits
Royaux & Seigneuriaux , par M. François
Raguean , Lieutenant du Bailliage de Berry ,
au Siége de Méhun , et Docteur - Régent en
Droit en l'Université de Bourges , revû , corrigé
et augmenté de mots et de Notes , et remis
dans un meilleur ordre , par M. Eufebe de
Lauriere. Paris 1704. in-4. L'Ouvrage de
Ragueau avoit paru pour la premiere fois
en 1583.
,
7. INSTITUTES Coûtumieres de M. Loisel ,
Avocat au Parlement avec des renvois aux
Ordonnances de nos Rois , aux Coûtumes et aux
Auteurs qui les ont commentées , aux Arrêts ,
aux anciens Praticiens , et aux Historiens ,
dont les regles ont été tirées , et avec des NoDECEMBRE.
1738. 2867
tes nouvelles. Paris 1710. in- 12 . 2. vol. Ces
Institutes de Loisel sont un Recueil rangé
par ordre de matieres , et distribué par Titres
, de Passages
écrits
d'un
style
court
et
concis
, en forme
de Maximes
et de Sentences
, et tirés
des Textes
originaux
de notre
Droit
, et des Ouvrages
des Jurisconsultes
François
. Loisel
a ajouté
à ces Passages
quelques
Proverbes
remplis
de sens. Ce Recueil
qui contient
les principes
, les regles
, et le
précis
du Droit
François
, fut très- bien reçû
du Public
, lorsqu'il
le fit imprimer
en 1607 .
à la fin de l'Institution
au Droit
François
de
Coquille
. Il s'en fit depuis
plusieurs
Editions
,
mais
cet Ouvrage
avoit
besoin
d'un Commentaire
, soit par rapport
à la difficulté
de
la matiere
, soit à cause
de l'obscurité
du
style
, qui est quelquefois
énigmatique
. En
1665.
Paul
Challines
, Avocat
au Parlement
,
fit réimprimer
à Paris
avec des Notes
les Institutes
Coûtumieres
qui étoient
devenuës
rares.
En 1688.
François
de Launay
, Professeur
en Droit
François
à Paris
, fit imprimer
sur le premier
Livre
de ces Institutes
, un
Commentaire
, que sa mort
, qui arriva
quelques
années
après
, l'empêcha
de continuer
sur le reste
de l'Ouvrage
. De Lauriere
qui trouvoit
les Notes
de Challines
superficielles
et peu exactes
, entreprit
d'en faire de
nouvelles
, et y travailla
long-tems. On les
regarde
2868 MERCURE DE FRANCE
regarde communément comme son meilleur
Ouvrage.
8. TRAITE' des Institutions et des Substitna
tions contractuelles. Paris 1715. - 12 . 2. tom:
Tout le monde convient qu'il y a bien de
l'érudition dans ce Traité ; mais on ne pense
pas si favorablement de ce qu'il avance
sur le sujet dont il s'y agit.
. 9. Il a eu part , conjointement avec M. de
Ferriere à la nouvelle Edition de l'Ouvrage
intitulé: RECUEIL d'Edits , Ordonnances
Royaux sur le fait de la Justice et autres matieres
les plus importantes ; contenant les Ordons
nances de nos Rois Philipe VI. Jean I. Char:
les V. Charles VI. Charles VII. Charles VIII.
Louis XII. François I. Henri II. François II.
Charles IX. Henri III. Henri IV. Louis XIII:
Louis XIV. & Louis XV. et plusieurs Arrêts
rendus en conséquence. Augmenté sur l'Edition
de MM. Pierre Neron , et Etienne Girard
dun très-grand nombre d'Ordonnances , et dé
quantité de Notes , Conférences et Commentais
res. Paris 1720. in-fol. 2.
2. volumes :
10. Il avoit fait quelques notes sur les Poë
sies de Villon , qui se trouvent dans l'Edition
que Coutelier en a donnée à Paris en 1723.
in- 8 . Elles y sont indiquées par des chiffres ,
au lieu
que celles qui sont précedées par des
Lettres de l'Alphabet , sont de Clement Ma
rot.
' DECEMBRE. 1738. 2869
II. TABLE Chronologique des Ordonnances
faites par les Rois de France de la troisiéme Ra
ce , depuis Hugues Gapet jusqu'en 1400. Paris
1706. in - 4 . C'est un Plan du grand Recueil
des Ordonnances des Rois de France ,
qu'il avoit entrepris par ordre de M. le Chancelier
, avec MM. Berroyer et Loger. Le Pu
blic l'ayant aprouvé , ils se mirent.en devoir
d'y travailler. Leur travail fut suspendu en
1709. par les malheurs des temps ; mais dans
les commencemens du Regne de Louis XV.
M. le Chancelier donna des ordres pour le
continuer. M. Loger étoit mort au mois d'Avril
1715. M. Berroyer n'étoit plus maître de
son temps , dont le Public fe croyoit en
droit de disposer en entier.; ainfi de Lauriere
fe trouva feul chargé de l'Ouvrage. Quoiqué
fes infirmités augmentaffent de jour en jour
il ne laiffa pas d'en donner en 1723. le premier
volume , qui parut fous ce titre .
12. ORDONNANCES des Rois de France de
la troisième Race , recueillies par ordre Chronologique
, avec des renvois des unes aux autres
, des Sommaires , des Observations fur le
texte , et cing tables. Premier volume , contenant
ce qu'on a trouvé d'Ordonnances imprimées
ou Manuscrites , depuis Hugues Capet ;
jusqu'à lafin du Regne de Charles le Bel. Paris
1723. in fol. De Lauriere fit commencer
l'impreffion du fecond volume , mais la mort
Payang
2870 MERCURE DE FRANCE
T'ayant enlevé pendant qu'il s'imprimoit , M.
Secouffe fut chargé de continuer l'Ouvrage ,
ce qu'il fait maintenant avec beaucoup de
fuccès. Le fecond volume a paru par fes foins ,
fous ce titre : ORDONNANCES , &c. fecond
volume , contenant les Ordonnances du Roi
Philipe de Valois , & celles du Roi Jean , jusqu'au
commencement de l'année 1355. parfem
M. de Lauriere ; & des Suplémens , des ta
bles , & l'Elog: de M. de Lauriere , par M.
Denis- François Seconffe , Avocat au Parlement
, de l'Académie Royale des Infcriptions &
Belles- Lettres. Paris 1729. in - folio.
M. Delisle , Auteur de la Comédie de Timon- le-
·Misantrope, & de quelques autres Pieces jouées avec
succès sur le Théatre Italien , vient de donner au
Public deux Brochures in 8. contenant differentes
Pieces de Poësie , qui ont pour titre , dans l'une ,
Epitre aux Beaux Esprits , la Gazette Poëtique , sar
la Campagne de 1734. Compliment à S. É . M. le
Cardinal de Fleury , sur le renouvellement de l'année.
Le Voyage de l'Amour propre. Epitre à Eucharis
, & une Ode à M. *** de l'Académie Françoise
, &c.
Dans l'autre , plusieurs Fables Allégoriques , entre
autres , Qu'à- t'il ? Qu'à- t'elle ? Alexandre ressuscité
, Bonnet Blane ou Blanc Bonnet , &c. L'Auteur
promet de donner incessamment quelques autres
Pieces. On trouve ces deux Brochures à Paris , chés
Prault , Pere , Quai de Gêvres ; chés Gandožin ,
fils , Quai des Augustins ; chés Briasson , ruë saint
Jacques ; chés Guillaume, sur les dégrés de la sainte
Chapelie ,
FULLIC
LIN
ASTOR
, LENOX
AND
TILDEN
H
LUD.XV.
REX
HRISTIA
VIER
MINERVA
PACIFERA
LOTHARING ETBAR
REGNO
DECEMBRE. 1738. 2878
Chapelle , & chés Prault , le fils , Quai de Conty
à la Charité , 1739.
L'Académie Françoise délivrera le 25. du mois
d'Août prochain , Fête de S. Louis , le Prix d'Eloquence
, fondé par M. de Balzac , & elle propose
pour Sujet : Que la douceur est une vertu qui à sa
récompense dès ce monde, conformément à ces paroles
de l'Ecriture Sainte : Beati mites , quoniam ipsi
possidebunt terram .
Le même jour elle donnera le Prix de Poësie ,
fondé par le feu Evêque de Noyon , dont le sujet
cra : Le progrès de l'Eloquence sous le Regne de
LOUIS LE GRAND.
SUITE des Médailles du Roy,
La Médaille , dont nous donnons ici la Gravûre ,
a été présentée à S. M. le jour de S. Louis dernier.
Le Sujet en est grand & digne d'être transmis à la
Posterité par un Monument tel que celui ci . D'un
côté , c'est le Portrait du Roy en Buste, avec l'Ins
cription ordinaire , LUDOVICUS REX CHRISTIANISSIMUS,
Et sur le Revers, c'est Minerve, qui le Caducée
à la main , conduit aux pieds de son Trône la
Loraine, représentée dans le goût antique , sous le
Symbole d'une Femme Couronnée de Tours , laquelle
présente au Roy le double Ecu des Armes
de Loraine & de Bar. Pour Légende : MINERVA
PACIFERA . Et dans l'Exergue : LOTHARING . ET
BAR REGNO ADD. M. DC C. XXXVII Les Coins
de cette Médaille , tant de la Face
ont été gravés par M. du Viviers,
que du Revers ,
ESTAMPES NOUVELLES.
La Suite des Portraits des Grands Hommes et
les Personnes Illustres dans les Arts & dans les
Sciences ,
2872 MERCURE DE FRANCE
Sciences , continuë de paroître avec succès , chés
Odieuvre Marchand d'Estampes, Quai de l'Ecole ;
il vient de metre en vente :
PIERRE PUGET , Sculpteur , Peintre & Architecte
, né à Marseille en 1623. mort en 1695
peint par son fils , & gravé par Ch . Dupuis.
LOUIS MARCHAND , Organiste du Roy ,
né à Lyon , mort à Paris le 17. Février 1732. âgé
de 61. ans , peint par Robert , & gravé par Ch.
Dupuis.
Le S. Beaumont , a gravé depuis peu une quatriéme
Estampe d'après Vauvermans , en large ,
intitulée les Ñâgeurs , dédiée à M. de Baussan ,
Intendant d'Orleans , d'après le Tableau original
de 18. pouces de large , sur 14. de haut , du Cabinet
de M. Barez. On la vend , ruë S. Jacques , ches
M. Beaumont , à S. Paul.
Il paroît un nouveau Calendrier de Cabinet , en
feuille , monté en Carton , très -bien gravé par le
Sr Guiot , dont la composition est fort ingénieuse
& l'usage fort utile. Ce Calendrier peut servir pendant
38. ans , à compter du premier Mars prochain
; l'intelligence en est très aisée , au moyen
d'un Imprimé qu'on lit au dos du Calendrier , qui
enseigne d'une maniere très - sensible la maniere de
s'en servir & de trouver sur le champ ce que l'on
souhaite sçavoir . On le trouve chés l'Auteur , ifle
S. Louis , Quar d'Anjou , au bas du Pont Marie , la
troisiéme porte cochere . Chés Mesnier , ruë S. Severin,
au Soleil d'or ; chés la veuve Chereau , ruë saint
Jacques , aux deux Pilliers d'or , chés Baillieul ,
Géographe , rue Galande , 1739. Le prix de ce Ca-
Jendrier est de 16. sols en feuille , & de 24 sols
monté en Carton.
SPECTACLES
DECEMBRE. 1738. 287)
SPECTACLES.
EXTRAIT DES MUSES;
Piece Dramatique en quatre Parties ;
repréſentée pour la premiere fois par les
Comédiens Italiens , le 12. Décembre 1738.
parM de Morand.
PROLOGUE ,Premiere Partie. La Scene
s'ouvre par Arlequin & Sylvia , qui
fe plaignent de ne plus voir leur Théatre auffi
fréquenté que dans le temps de leur arrivée
à Paris ils font furpris de voir paroître
une Dame qu'ils ne connoiffent point :
( c'eſt Melpomene ; ) Arlequin la trouve
trop lugubre & fort pour aller chercher
quelques - uns de fes camarades pour
la recevoir plus dignement. Sylvia dit à
la Mufe Tragique qu'elle ne comprend
pas quel fujet peut l'amener fur leur Théatre,
à moins qu'elle ne foit indifpofée contr'eux
au fujet des Parodies qu'on y repréfente.
Melpomene répond , qu'elle ne s'eft jamais
offenfée de ces fortes de plaifanteries , &
qu'elle les pardonne volontiers à Momus, qui
s'égare fouvent ainfi pour flater le goût de
Les fupôts.
Les fieurs Remagnefi & Mario viennent
11. Vol. G de
2874 MERCURE DE FRANCE
demander à Melpomene ce qu'elle exige
d'eux : elle répond qu'elle cherche un azile
parmi eux. Ces deux Acteurs lui difent qu'ils
ne fe croyent pas en état de la feconder , &
qu'elle doit retourner fur le fameux Théatre
dont elle eft en poffeffion , le feul où elle
puiffe briller. Elle répond :
Ces beaux jours sont passés : helas ! Eh quoi , vous
mêmes ,
N'êtes-vous pas instruits de mes malheurs extrê
mes !
On néglige aujourd'hui l'art qui fit autrefois
La gloire de la France , et le plaisir des Rois.
Depuis que sous mon nom Calliope trop vaine
A, d'un ftyle empoulé , fait retentir la Scene ,
Loin d'exiger encore la pitié , la terreur,
Où je sçais tour à tour faire passer un coeur ,
Le Public qu'a séduit son pompeux verbiage,
Ne veut,de mots ronflans,qu'un bizarre assemblage,
Que , d'épithetes vains de grands vers tout tissus
Et des traits recherchés ensemble mal cousus :
Cette fimplicité , tableau de la Nature ,
Ces nobles sentimens , ma plus chere parure ,
Lés caracteres vrais jusqu'au bout soûtenus ,
La conduite , les moeurs , sont-ils encor connus ?
Racine est aujourd'hui traité de Profaïque ;
La Tragédie enfin n'est plus qu'un monstre épique.
Ah !
DECEMBRE. 1738. 2875
Ah ! ce qui met encor le comble à mes douleurs ;
L'envieuse Thalie acheve mes malheurs :
Des débris de cet art , elle fait tous ses charmes ;
En chauffant le Cothurne , elle arrache des larmes,
Et n'a plus de succès qu'en usurpant mes droits !
Ainfi , je viens tâcher de faire ouir ma voix
Sur ce même Théatre , où jadis les Corneilles
Ont fait , de ce grand Art , admirer les merveilles
Et c'est le seul moyen que je dois employer
Pour supplanter Thalie & la mortifier .
Je la dois à mon tour chaffer de son empire.
C'est à vous de répondre à l'ardeur qui m'inspire ;
Liant nos interêts , tâchons de ramener
Des inconftans , trop prompts à nous abandonner.
>
Après quelque difficulté que font encore
les Comédiens , ils confentent enfin à fe rendre
aux voeux de Melpomene.Erato furvient,
qui veut auffi faire jouer une Paftorale fur le
même Théatre , ce qui occafionne une petite
difpute entr'elle & Melpomene pour la préfe
rence : mais Arlequin voyant paroître Thalie,
s'écrie , voici celle qui les mettra d'accord ,
& prie inftamment cette Mufe de le débarraffer
de deux extravagantes , dont l'une
veut lui faire prendre la houlette en main , &
l'autre , chauffer le Cothurne. Thalie eft furprife
des prétentions de fes foeurs , elle de-
G ij mande
2876 MERCURE DE FRANCE
mande Melpomene fi elle fe fera annon
cer fous le nom de la Comédie , ce qui occafionne
une nouvelle difpute fur le larmoyant
comique dont Thalie veut que Melpomene
foit l'Auteur , & dont Melpomene
veut donner l'invention à Thalie.Enfin Arlequin
veut chaffer la Tragédie & la Paſtorale.
La premiere dit qu'elle défendra fes droits ,
Mario fe déclare pour elle , & Sylvia prend
le parti d'Erato ; Arlequin embraffe Thali:;
dont il ne veut pas fe féparer ; & le fieur Romagnefi
qui a demeuré neutre , eft pris pour
arbitre entre les Mufes ; il veut les réunir &
les garder toutes trois ; Melpomene & Erato
y confentent ; mais Thalie piquée qu'on
veuille partager fon empire , aime mieux le
laiffer en proye à fes foeurs , qui déplairont
toujours fans elle , & fort en difant ;
Ah ! quel plaisir lorsqu'on les fifflera !
C'est vainement qu'on me rapellera , &c .
Arlequin eft fâché du départ de Thalie , il
s'en confole par l'arrivée de Terpsicore qui
entre avec Euterpe. On reçoit quelques Airs ·
à danfer de celle- ci , mais on prie l'autre de
vouloir bien imiter les Jeux de Thalie . Terp
ficore y confent , & forme un divertiſſement
avec fa Suite , par où finit cette premiere
partie , où Melpomene parle toujours en
grands
DECEMBRE. 1738. 2877
grands Vers ; Thalie en Vers de dix syllabes ,
Erato en Vers libres , & les Acteurs en
Profe .
,
,
PHANAZAR , Tragédie , feconde Partie.
Cette Piéce fe pafle entre quatre Acteurs ;
qui font Belus , Roi d'Affyrie , & Fondateur
de cette Monarchie , Merodach Prince du
Sang de Pelus , Nicie , fille de Merodach ,
& Phanalar , Favori du Roi. Ces quatre
Rôles font remplis par les fieurs Deshayes ,
Romagnefi , la Dlle Riccoboni , & par le fieur
Riccoboni. La Scene eft à Babylone .
Mcrodach qui a découvert la paffion que
Phanazar a pour fa fille , ordonne à cette
Princeffe de ne point rejetter ses voeux
ayant , ajoute- t'il , des raifons pour flater
la paffion de ce Favori de Belus , quoiqu'il
foit d'une naiſſance très- obſcure .
>
Nicie reftée feule , fe réjouit d'un ordre fi
favorable à fes défirs , elle aimoit en fecret
Phanazar , & fon amour peut éclater fans
crainte. Phanazar vient chercher Merodach ,
mais ne trouvant que fa fille il faifit avec
joye cette occafion de lui parler de fon
amour , il lui fait une déclaration fort vive ,
quoiqu'à mots couverts ; enfin enhardi par
quelques réponses flateufes de la part de Ñicie
, il avoue qu'elle eſt l'objet qu'il adore
& fe jette à fes genoux ; Merodach qui l'a
fans doute obfervé , arrive & feint d'être en
G iij
couroux
1878 MERCURE DE FRANCE
couroux de la témerité de Phanazar ; Nicie
furpriſe veut s'excufer ; fon pere lui ordonne
de fe retirer ; & Merodach reproche enfuite
à Phanazar fon audace , en lui demandant
fi les bontés de Belus lui ont fait oublier fa
vile extraction. Phanazar répond dignement
fur le reproche de fa naiffance , & excufe fa
témérité par la violence de l'Amour : Merodach
replique que les fautes de l'amour ne
peuvent être excufables qu'autant qu'il eft
pouffé à l'excès , & flatant enfuite cet amant
d'un doux eſpoir , s'il eft prêt à faire un
grand effort pour le fervir , il en ranime fi
fort l'ardeur , que ce Prince a lieu de tout attendre.
Il lui aprend que pour venger fon
pere que Belus a fait périr , il a réfolu de lui
ravir le jour & l'Empire ; il exige de Phanazar
qu'il lui livre l'entrée dans la chambre du
Roi pour le poignarder , lui promettant Nicie
à ce prix. Phanazar eft faifi d'horreur ;
Merodach s'en aperçoit , & lui dit :
Tu trembles maintenant , tu crains de t'engager
A quoi Phanazar répond par ce beau
Vers :
Je tremble , mais du crime , & non pas du danger.
,
Il ne balance pas il refufe au Prince de
feconder fa fureur, Celui-ci lui pardonne
DECEMBRE. 1738. 2879
ces premiers mouvemens , & tâche de le gagner
en lui rapellant les douceurs qu'il peut
attendre de l'amour & de la grandeur. Pha
nazar dans fa réponſe s'exprime par ces Vers ,
juſtement aplaudis par les Spectateurs.
Tu cherches vainement à tromper ma raiſon 1
Mon coeur qu'a révolté ta noire trahiſon ,
Démêle avec horreur ce lâche ftratagême :
Prends de plus dignes foins ; & rentre dans toi -même,
Si ton avidité pour le fuprême rang ,
Si la foif de regner , non de venger ton fang ,
Des devoirs de Sujet effaçent la mémoire ,
Laiffe au moins dans ton coeur quelque place à la
gloire ,
Que l'admiration trop due à ce Heros ,
" Ses exploits inouis , fes immortels travaux
Que le bien , la grandeur , l'amour de ta Patrie ,
Pour ce fameux Monarque apaifent ta furie !
Eft-il rien fous tes yeux qui ne parle pour lui ,
Et contre ton forfait ne s'éleve aujourd'hui ?
Regarde ces Palais , cette fuperbe Ville ,
Le féjour des beaux Arts , & des talens l'azile ,
Qui fait,de l'Orient , trembler les plus grands Rois,
Qui peut- être à l'Afie un jour fera des Loix ;
Regarde cette Rive , où l'onde renfermée,
Brave des vents fougueux la rage envenimée ,
G iiij જે
2880 MERCURE DE FRANCE
Où nos Vaiffeaux , jadis inconnus fur les Mers ,
Aportent des tréfors du bout de l'Univers ;
Et fonge que ces Lieux , en moins d'un demi luftre,
Ont acquis par lui feul & leur force & leur luftre ,
1
Qu'ils n'étoient , de limon qu'un tas marécageux
Et du Tigre affamé , que le repaire affreux ;
Vois ces peuples , polis , généreux , équitables ,
Et fonge qu'ils font nés prefqu'auffi peu traitables
Que les Monftres formés dans nos brûlans Climats !
Si le Ciel te faifoit regner fur fes Etats ,
Tenterois- tu pour nous ce qu'acheva fon zele ?
Les périls te prêtant une force nouvelle ,
Irois- tu, de ton rang quittant la majefté ,
'Aux emplois les plus vils rabaiffant ta fierté ,
Chés cent Peuples divers , jaloux de leurs maximes,
Etudier leurs moeurs , fonder leurs loix fublimes ,
Enlever leurs vertus , leurs arts & leurs fecrets ,
Et les porter enfuite à tes heureux Sujets ?
Toi , qui veux par le crime envahir la Couronne
Pour aprendre à règner, defcendrois-tu duTrône?& c.
fi
On voit bien que l'Auteur a voulu , fous
le nom de Belus , nous donner le portrait du
fameux Czar Pierre le Grand , qu'il ne convenoit
pas de faire paroître fur la Scene ,
peu de temps après la mort . Mais perfonne
ne s'y eft trompé ; de fi beaux traits ne conyenoient
qu'à ce grand Homme.
Merodach
DECEMBRE. 1738. 2881
Merodach ne fe rend point à de fi bonnes
raifons , il rapelle au contraire Nicie , à qui
il aprend que Phanazar trouve que c'eſt à
trop haut prix qu'on veut l'unir avec elle. La
Princeffe reftée avec fon Amant, lui reproche
fon peu d'ardeur ; mais aprenant de lui ce
qu'on en exige , elle n'en montre pas moins
d'horreur , lui avoue fa tendreffe , lui défend
d'obéir ; toute la grace qu'elle lui demande' ,
pour prix de ce même amour , eft de ne pas
déclarer le complot criminel de fon pere ,
le quitte en lui diſant :
&
Un feul mot , j'en fremis , feroit périr mon Pere ;
Et fi vous expofiez une tête fi chere ,
Mon coeur , d'horreur pour vous déformais animé ,
Vous haïroit autant qu'il vous auroit aimé.
Phanazar demeure dans un furieux embarras
; il voudroit bien obéir à Nicie , mais
il comprend toute la rigueur du devoir qui
l'oblige à tout découvrir à fon Maître ; il
comprend tout le danger où il expoſe un
Roi fi généreux , & à qui il doit tant . L'amour
& le devoir le déchirent ; dans ce défordre
affreux , il s'écrie.
Quel parti , jufte Ciel , prendrai-je déformais !
Faut-il toujours combattre & ne vaincre jamais
Son trouble s'accroît à l'aſpect de Belus
G v qu
2882 MERCURE DE FRANCE
qui arrive. Il vient faire part à Phanazar de
fes nouveaux projets contre Zoroastre , Roy
de la Bactriane , fon ennemi , qui eft fur le
point de détrôner Arbaces , Roy des Medes ,
fon Allié ; pendant tout ce détail , Phanazar
agité par fes remords , eft d'une diſtraction
extrême ; le Roy s'en aperçoit , & lui en demande
le fujet ; Phanazar veut fe contraindre
, le Roy ne s'y trompe pas , & preffant
de nouveau fon Favori de lui avouer fes chagrins
, & lui offrant avec les plus tendres
marques d'amitié tout ce qu'il peut défirer
celui- ci ne réfiſte plus à tant de bontés , ſe
jette aux genoux de fon Maître , & s'avoue
coupable envers lui ; ilfe fait un crime d'avoir
pu héfiter à lui réveler la confpiration
qui fe trame contre lui ; enfin preffe par le
Roy d'en nommer le chef, il trouve le moyen
en deux mots de fe juftifier , de remplir fon
devoir , & de demander grace pour le coupable.
Ce font là de ces traits qu'il faut mettre
fous les yeux du Lecteur..
Phanazar auxgenoux du Roi..
;
C'eft .....
Belus
Qui ?
Phanazar.
L'Auteur desjours de celle que j'adore !
Belus
DECEMBRE 1738. 2883
Belus le relevant.
11 fuffit : je conçois quel trouble étoit le tien ;
Mais tu fçais més bontés ,acheve ; & ne crains rien.
Phanazár rassuré , avoue tout , & le Roy
exige de lui qu'il feigne de se rendre aux promesses
de Mérodach , & qu'il tâche par ce
moyen de connoître tous ses complices ; Phanazar
promet d'obéir,& Belus entendant venir
le Prince, se retire en un lieu d'où il pourra
tout aprendre par lui- même. La Scene qui
se passe ici entre Merodach & Phanazar
est traitée avec beaucoup d'art. Phanazar arrache
au Traître tout le secret de la conspiration
dans laquelle plusieurs Chefs de
l'Armée , des Grands , & du Peuple sont
entrés ; Merodach , convaincu du succès de
Pentreprise , sort pour l'aller hâter. Belus revient
sur la Scene , parle bas à un Garde ,
pour faire arrêter des Complices , & donne
ordre à un autre de suivre Merodach , & de
Pamener avec Nicie. Frapé de cet abominable
complot ; il se tourne vers Phanazar , &
lui dit
Aurois-je du m'attendre à ces complots atroces !
Mon amour a tout fait pour des Peuples feroces
Sans moeurs , sans sentimens , dans les Forêts épars
Je lean donne des Loix, des Villes & des Arts
oband
G vj
Des
2884 MERCURE DE FRANCE
De Monftres indomptés , j'ai cru faire des hommes
; 04
Que dis- je en nos souhaits , aveugles que nous
sommes !
Je n'ai dans mes travaux que trop bien réüffi , T
Ils sont hommes , hélas ! j'en suis bien éclairci.
Oui , pour la perfidie , & pour l'ingratitude ,
N'ont- ils pas des Humains déja pris l'habitude
Ces vices inconnus des Lions & des Ours , '
Ne me montrent- ils pas l'effet de mes secours ?
Les Gardes amenent Merodach , à qui
Belus reproche son crime ' ; Nicée vient se
jetter aux genoux du Roy , pour tâcher de
l'attendrir en faveur de son Pere Pelle éclate
contre Phanazar ; Belus lui répond que ce
fidele Sujet l'a mieux servi , & qu'il ne s'est
rendu , par - là , que plus digne de son estime.
Ensuite , le Roy veut pardonner à Merodach.
Par gradation , il se radoucit sur le
crime de ce Prince , mais c'est à cette condi
tion expresse : qu'il ne gardera aucun fessentiment
contre Phanazar, & qu'il épousera la
fille de Mérodach ; il s'exprime ainsi : "
Aprens qu'un sang fi beau , que tant d'apas sont
,. ffaaiittss,, b
Pour le prix des vertus , & non pas des forfaits,
Mérodach est si peu sensible à la clémence
du
DECEMBRE. 1738. 2885
du Roy , qu'il ente en fureur , & se tuë en
desesperé , en ordonnant à sa fille d'ôter tout
espoir à l'ingrat qui l'a trahi. La Princesse
promet d'obéir. Elle défend à Phanazar de
jamais paroître à ses yeux. Belus rassûre
ce tendre Amant , & fait renaître dans son
coeur l'esperance de posseder l'objet de son
amour , en le comblant de nouveaux bienfaits.
Phanazar finit la Piéce par ces deux
Vers qu'il adresse au Roy.
Ah! de tant de grandeurs je suis bien moins flaté,
Que de sçavoir enfin vos jours en sûreté .
ORPHEE " , Ballet Pantomime.
i
Le Théatre représente l'Avenue des Enfers
Orphée y arrive seul en déplorant la perte
de sa chere Euridice ; des Monstres infernaux
veulent lui fermer l'entrée de ce fatal
séjour, Orphée joue de la Lyre, & les Monstres
charmés s'apaisent & se retirent ; d'autres
Monstres succedent à ceux - ci , Cerbere,
Caron , les Parques tous s'oposent à son
passage ils paroissent pourtant tous fléchis
par la douceur des tendres sons qu'Orphée
tire de sa Lyre. Alors , l'Enfer s'ouvre , Pluton
y paroît sur son Trône avec Proserpine
& les autres Divinités de l'Averne le Dieu
est surpris de l'audace du' Mortel qui ose
pénetrer jusque dans son Empire , il donne
même
2886 MERCURE DE FRANCE
même des marques de son couroux , mais
il éprouve bien-tôt la puissance de l'Art enchanteur
d'Orphée , qui dans ce moment ,
fait les plus grands efforts pour tirer de sa
Lyre les sons les plus tendres & les plus toychans,
pour fléchir ce Juge sévere , il se jette
à ses genoux , se prosterne & lui déclare
le sujet de son désespoir ; Pluton attendri
de même que Proserpine , se rend à ses désirs
, il ordonne qu'on lui ramene Euridice ,
& lui explique à qu'elle condition il
peut la
posseder. Orphée se livre à sa joye , sa tendre
Epouse paroît , & comme il n'ose la
regarder , il lui fait entendre , par ses mouvemens
, de le suivre , observant continuellement
de détourner ses regards qu'Euridice
cherche toujours. On entend quelque bruit,
Orphée en est allarmé , le bruit redouble
la peur les sépare , des Monstres paroissent
le fidele Epoux craint pour sa chere Euridi+
ce , il s'empresse de la chercher , & l'aper
çoit ( transporté de douleur ) entre les bras
des Furles qui l'obligent de rentrer dans les
Enfers , Orphée ayant laissé échaper un de
ses regards sur elle . Plusieurs Furies , charmées
d'avoir enlevé Euridice à son Epoux ,
viennent encore le tourmenter par des démonstrations
& des mouvemens très- vifs &
très-pressés. Orphée se livre à toute sa douleur
, il succombe , & se jette à moitié mort
Sur
DECEMBR E. 1738. 2887
sur un Rocher. Les Furies se retirent , le
Théatre change dans le moment , & réprésente
une vaste Campagne , coupée & embellie
par des Bois. Des Baccantes , qui re
viennent de célébrer les Orgies , arrivent
s'abandonnant à leurs differens transports ,
elles aperçoivent Orphée , elles l'entourent
& veulent l'obliger à prendre part à leurs
jeux , il s'en défend , elles le saisissent à plusieurs
reprises, il veut fuir, elles le poursuivent
& le frapent de leurs Tyrses, leur fureur aug
mente. Orphée , poussé à bout , & ne pouvant
se dégager , elles le poursuivent jusque
sur le Rocher , où il n'évite d'être assommé
qu'en se précipitant. On voit aussi - tôt descendre
des Cieux un Vautour , qui enleve sa
Lyre , laquelle , en Astre brillant , portée
par le Vautour , s'éleve peu peu , & va
prendre sa place parmi les Signes Célestes.
Les Bacchantes recommencent leur danse
avec de nouveaux transports dans leurs vrais
caracteres , par où finit le Divertissement
d'une maniere extremement vive.
›
à
Parran- Au reste , le Public a trouvé que
gement de ce Ballet est très -ingénieux , l'execution
parfaite , & la Musique naturelle ,
pleine d'agrément, variée & très-bien caracterisée.
Le Sr Blaise , Basson , de la Comédie Ita
lienne, en est l'Auteur, ainsi que de la Musique
du dernier Ballet , qui a fait tant de plaisir
sur
2888 MERCURE DE FRANCE
sur le même Théatre . qui a pour titre , les
Filets de Vulcain. Le Sr Riccoboni n'a pas
moins bien réüssi dans l'execution du Personnage
d'Orphée qu'à inventer cet ingenieux
Ballet ; il a été très - bien secondé par
tous les autres Acteurs & Actrices , & sur
tout par la Dlle Silvia , dont les graces &
les divers talens se font autant admirer lorsqu'elle
danse , que lorsqu'elle remplit un
Rôle de Comédie. Le Sr Jonan , jeune Danseur
, s'est aussi distingué dans le Ballet.
La Pastorale qui fait la troisiéme Partie de
ces Piéces , dont on vient de parler , fut retirée
par l'Auteur après la seconde Représentation.
Le 29. Novembre dernier , Francesco Materassi
Comédien Italien de l'Hôtel de Bourgogne
, natif de Modene , mourut à Paris ,
âgé de 86. ans. Il étoit à Paris depuis le commencement
de l'année 1716. étant de la
Troupe que le Duc d'Orleans , Régent , y
avoit fait venir d'Italie . Il joüoit ordinairement
le Rôle de Docteur dans les Pieces Italiennes
, & s'en acquittoit très- bien , & dans
le vrai goût de son Pays.
,
Le 16. Décembre , la Dlle Therese La-
Lande , Actrice du même Théatre , mourut
aussi , âgée de 47. ans. , Elle avoit été reçuë
au Théatre Italien en 1721.
Les
DECEMBRE. 1738. 2889
Les Comédiens François donneront au
commencement du mois prochain , avec la
Tragédie de Médus , qu'ils repetent , une
petite Comédie en Prose , sous le Titre du
Somnambule.
EXTRAIT de la Comédie des Epoux
Réunis , par M. Guyot de Merville , représentée
au Theatre François le 31. Octobre
dernier.
ACTEURS.
Damis , ou Dorimon ,
le Sr de Montmeni.
Lucrece , on Lucile ,
Florise ,,
Lisimon , Amant de Florise ,
la Dlle Connell.
la Dlle Poiffon.
le Sr Dubois.
Lisette , Suivante de Lucrece , la Dlle Dangeville.
Dorine , Suivante de Florise ,
Bocage.
Frontin , Valet de Damis ,
· la Dile du
le Sr Poiffon.
La Scene eft à Bordeaux , dans la Maison.
de Lucrece & de Flarise.
C
Ette Comédie , comme nous l'avons
déja annoncé dans le Mercure de Novembre
, a été reçûë avec aplaudissement ;
l'Auteur s'est justifié dans une Préface , de
quelques bruits qui portoient atteinte à sa
gloire ; on l'accusoit d'avoir copié les Epoux
réünis
1890 MERCURE DE FRANCE
réunis , sur la Fauſſe Antipathie de M. de la
Chaussée ; il proteste qu'il n'avoit point lu
cette derniere Piéce quand il a composé la
sienne. Mais quand il seroit vrai , qu'il auroit
traité le même fond , il l'a fait d'une
maniere si differente , qu'il s'est approprié
toute la gloire qui lui en est revenuë ; ainsi
c'est avec raison qu'il dit à la fin de sa Préface
: D'ailleurs , je n'aurois pas beaucoup de
peine à montrer que la ressemblance entre la
Comédie de M. de la Chaussée & la mienne ,
n'existe que dans une partie de ce qui est hors
de nos deux Piéces. Passons à l'Extrait.
Au premier Acte , Lisimon , Amant de
Florise , se plaint à Dorine , sa Suivante de ce
qu'on ne répond pas à son amour , & que
son insensible Maîtresse ne veut point le
rendre heureux par son hymen ; voici comme
il
s'explique :
Puis-je exiger moins d'elle
Quand l'Amour dans notre ame a répandu ses feux,
Voilà , voilà les biens où tendent tous nos voeux .
Nous aspirons sans cesse à ce double avantage ,
L'Amour chés les Humains est né pour le
partage
Il cherche à tout moment , par l'obstacle animé
A regagner l'objet dont les yeux l'ont charmé ;
Vainement voudroit- on l'arrêter dans sa course ;
Cette famme toujours remonte vers sa source ;
DECEMBRE. 289 1738.
Et lorsque d'un Amant l'heureuse paſſion ,
Sur la Beauté qu'il aime a fait impreffion ,
Il n'est point satisfait , qu'une chaîne constante
N'assûre le bonheur qui flate son attente
Et dont , entre deux coeurs , l'un pour
tendris ,
l'autre at
Un retour mutuel augmente encore le prix .
On peut juger par cette tirade , si l'Auteur
versifie bien ; Dorine excuse sa Maîtresse
autant qu'il lui est possible ; elle impute
à sa jeunesse , ennemie d'un engage
ment aussi solide & aussi sérieux que Phy
l'éloignement qu'elle a pour des
noeuds , qui lui feroient perdre sa liberté ;
elle le quitte après lui avoir promis tous les
services qui dépendront d'elle auprès de
men
,
Florise.
Avant que Dorine sorte , un Valet vient
demander Lisimon de la part de son Maître,
qu'il apelle Damis ; Lisimon ne le reconsant
pas à ce nom , le Valet lui dit que son
Maître autrefois en portoit un autre , qu'il
tâche en vain de se rapeller ; Lisimon le
congédie , en lui disant que son Maître ,
quelque nom qu'il porte , n'a qu'à entrer.
Il est agreablement surpris de trouver
dans cet inconnu le meilleur de ses Amis.
C'est Dorimon , qui a changé de nom , pour
des raisons qu'il lui explique , Ce Dorimon
est
2892 MERCURE DE FRANCE
est un des Héros de l'Action principale ; car
Lisimon & Florise sont des Personnages purement
épisodiques, & ne servent à la Piéce ,
que d'une maniere à pouvoir s'en passer.
Dorimon fait entendre à Lisimon , que c'est
pour fe cacher à Lucile sa femme , quil a
changé de nom , & qu'il se fait apeller Damis
; & pour justifier son divorce , il conti
nuë ainsi :
Aprens , dans le noeud qui me lie ,
Ma peine , ou , fi tu veux , Lifimon , ma folie.
D'anciens démêlés , fondés sur de grands biens ,
Divisoient les Parens de Lucile & les miens ,
Lorsqu'un Ami commun , sûr de leur confiance ,
Entre nos deux Maisons propose une alliance ;
On l'écoute , on s'affemble , on s'accorde , on
conclut ;
Lucile ayant douze ans , moi seize , on résolut ,
Que jusqu'à l'âge habile aux droits du mariage
Aux Païs étrangers j'irois faire un voyage .
Tous deux nous consentons à nous donner la main
J'épouse cette enfant , & pars le lendemain , &c.
Il ajoûte que l'amour d'un état libre , l'avoit
engagé à secouer le joug qu'on lui avoit
imposé pour des interêts de famille ; que
malgré sa répugnance pour le mariage , il
n'avoit pas laissé d'entretenir par bienséance
un commerce de Lettres avec Lucile sa
femme
DECEMBRE. 1738. 2893
femme
mais qu'il avoit enfin cessé de lui
écrire & qu'il avoit changé le nom de
Dorimon en celui de Damis , pour n'être plus
reconnu en France ; il finit cette exposition
par ces derniers Vers :
Voilà comment j'errai dix ans de tous côtés ,
Arbitre de mon sort & de mes volontés ;
Résolu , quoiqu'Epoux , à vivre sans ma femme ,
La plaignant néanmoins dans le fond de mon ame;
Mais , malgré les efforts que tu pourrois tenter ,
L'esclave d'un penchant que je ne puis dompter.
›
Lisimon rend au faux Damis confidence
pour confidence ; il lui aprend qu'il a d'abord
aimé une charmante Veuve qui s'apelle
Lucrece ; mais que la trouvant inflexible
, il a tourné tous ses voeux du côté de
Florise , qui loge dans la même maison avec
l'inflexible en question ; au nom d'inflexible
, Dorimon prétend qu'il n'y a point de
femmes dont on ne puisse se faire aimer ,
quand on s'y prend comme il faut ; Lisimon le
défie de fléchir la fierté de Lucrece ; le faux
Damis accepté le défi ;& c'est ce qui lie l'épisode
à l'action principale ; car dans la Scene
suivante , Lisimon fait part à Florise de la
témeraire entreprise de son Ami ; Florise
qui en croit le succès impoffible , croit ne
rien risquer , quand elle dit à Lisimon , que
2894 MERCURE DE FRANCE
si son Ami Damis parvient à se faire aimer
de Lucrece , elle veut bien consentir à l'époufer
, quelque répugnance qu'elle ait pour
le mariage.
Comme l'Extrait de ce premier Acte est
déja assés long , par raport aux bornes que
nous nous sommes prescrites , nous passerons
légerement sur les Scenes qu'il contient
encore ; ainsi nos Lecteurs aprendront en
peu de mots , que Lucrece promet à Lisimon
d'agir en sa faveur auprès de son Amie Florise
, & que Lisette irritée contre l'insensibilité
dont Damis se vante , ne peut s'empêcher
de la faire éclater devant Lucrece , à
qui elle dit qu'elle confond dans sa colere
son ingrat Epoux & tous les hommes ensemble
; ce qui donne lieu à Lucrece de défendre
ce cher Epoux , tout ingrat qu'il est ,
& de parler des Lettres qu'il lui a souvent
écrites depuis son départ . Voici comme elle
exprime sa tendresse :
Un funefte pouvoir ,
Lisette , malgré lui , l'arrache à son devoir.
Ses Lettres en font foi ; mais surtout la derniere ,
Lorsqu'ayant résolu notre rupture entiere ,
Sa main , hélas ! traçoit à mes humides yeux ,
Ses regrets vifs , mêlés à nos derniers adieux.
L Tout ce que nous venons de dire est nécessaire
DECEMBRE . 1738. 2895
Cessaire pour l'intelligence du reste de la
Piéce.
Le second Acte commence par une infidelité
que Florise fait à Lisimon ; elle avertit
son Amie du projet que Damis a formé contre
son coeur , & de la condition du Traité,
fait entre Lisimon & elle ; Lucrece lui proteste
qu'elle n'a rien à craindre du côté d'un
coeur que rien ne sçauroit dédommager de la
perte qu'il a fait ; Lisette n'est pas si tranquille
sur ce point que Florise & Lucrece ;
elle dit à cette derniere :
Madame , voulez -vous fuivre mon fentiment
Vous voyez ou Damis porte l'acharnement ,
Et que , s'il le pouvoit , il auroit le courage
D'accumuler pour nous outrage fur outrage.
M'en croirez- vous ? uſez des droits que vous avez ;
Sans doute à nous venger vos yeux font réſervez
Que par vous la beauté de toutes parts affiege,
Et perde un ennemi , pris dans fon propre piege ;
Et bravant cet amour , où tendront tous vos foins ,
Donnez-en d'autant plus , que vous en prendrez
moins ;
Qu'il en devienne fou ; je dis fu frenetique ,
Au point que , pour donner un exemple autentique
Du refpect qu'on nous doit , et de notre pouvoir ,
Il s'aille , en vous quittant , pendre de défeſpoir.
Ce
2896 MERCURE DE FRANCE
Ce fecond Acte a paru aux vrais Connoiffeurs
le plus intereffant de la Piéce.
Damis fe préfente pour la premiere fois
aux yeux de Lucrece ; la Scene qu'il a avec
elle en préſence de Lifimon & de Florife eft
des mieux traitée ; il commence par vanter
fon indifference , en difant à Lucrece que
fon coeur eft fait pour admirer la beauté , &
non pour la fentir ; Lucrece lui répond fur
un ton à peu près femblable ; mais Damis au
grand étonnement de Lifimon & de Floriſe ,
s'exprime en ces termes :
Que diriez-vous , helas ! fi loin de vous connoître
Sans avoir à vos yeux eu l'honneur de paroître ,
Quelqu'un avoit conçu , d'un fol efpoír flaté ,
Le projet d'attenter à votre liberté ? &c.
L'entrepriſe eft étrange , et je vais vous furprendre ;
Envain un peu d'orgueil me porte à la celer .
La honte et les remords m'obligent de parler.
Oui , Damis envers vous eſt lui-même coupable
De la plus grande erreur dont l'homme foit capable ;
Etonné , mais jaloux , je ne m'en cache pas
De tant d'indifference unie à tant d'apas ,
J'affrontois fans refpect votre jufte colere ;
Enfin j'avois formé le deffein de vous plaire , &c.
Déja fur votre front mon arrêt eſt écrit ;
Déja , je m'aperçois que mon afpect vous gêne ;
Mon
DECEMBR E. 1738. 2897
Mon audace en effet mérite votre haine ;
Eh bien je m'abandonne à tout votre couroux
Et je veux expier mon crime à vos genoux.
Lucrece n'a
Ce coup de Théatre a paru des plus frapans
;
foûtenir
pu
un retour fi
Aateur pour fa gloire , & peut être fi doux
à fon coeur , elle a fauvé fa frerté par la fuite ;
& le Public qui auroit fouhaité que l'aveu de
Damis fût fincere , a été très-mortifié d'aprendre
de fa bouche même que ce n'étoit
là qu'un ftratagême , fondé fur la croyance
où il étoit , que Lucrece avoit été prévenuë
fur le projet qu'on avoit formé contr'elle . La
fuite foudaine de Lucrece fait croire à Lifimon
que le ftratagême de Damis aura un
plein fuccès ; Frontin vient augmenter cette
joye , en annonçant que Lucrece paroît fort
agitée , & qu'elle fe plaint d'un grand mal
de tête ; mais l'ordre que Lifette vient aporter
à Damis de la part de fa maîtreffe , qui
eft de ne jamais paroître à fes yeux , détruit
toute efperance de réuffir ; on a pourtant
trouvé que cette défenſe devoit plutôt faire.
préfumer que Lucrece aimoit Damis , fondé
fur ces Vers de Quinault.
C'est déja reffentir l'amour ,
Que de commencer à le craindre.
Quoiqu'il en foit , Damis ne renonce pas
II. Vol. H à
1898 MERCURE DE FRANCE
à fa premiere idée ; il veut écrire à Lucrece ,
& de peur que fa lettre ne foit refufée , il
prend le parti de la faire rendre par Dorine
qui eft dans les interêts de Lifimon ; cette
même Dorine y doit mettre le deffus ; la lettre
en question eft renduë de la maniere que
Damis l'a projetté ; Lucrece en reconnoît le
caractere pour être de la main de Lifimon ,
fon époux , qui lui a plufieurs fois écrit
ainfi qu'on l'a dit. Voici le contenu de cette
lettre , destinée l'Auteur à faire le dénouëment.
> par
Madame ,fila mort pouvoit expier mon crime
, ma main auroit déja tranché mes jours ;
mais vous ignoreriez le motifde mon défeſpoir :
votre vengeance ne feroit point fatisfaite , &
vous perdriez le fruit de monfacrifice. C'eft à
vos yeux, c'est à vos genoux queje dois mourir,
fi vous voulez que je meure i et vous le voulez
fans doute , en ne me pardonnant pas l'offenfe
que je vous ai faite . Cependant j'éprouve un
fupplice affez cruel. Un amour véritable
mais un amour violent a fuccedé à l'ardeur
feinte dont je prétendois follement vous
éblouir.
Lucrece , qui à la feule vûe du caractere a
reconnu la main de fon Epoux , ne fçait plus
que penfer de ce qu'elle vient de lire , elle
aperçoit en même temps le nom de Damis ,
& s'écrie :
DECEMBRE. 1738. 2899
O Ciel ! ô tranfport le plus doux !
Mon coeur l'a reconnu . Damis eft mon Epoux.
Lucrece au comble du bonheur finit ce fe
cond Acte par la fage réfolution d'éprouver
fi elle eft aimée auffi fincerement qu'elle ai-
-me.
me Acte
La Piéce étant prefque dénouée au troifiépar
la lettre que les Spectateurs
viennent d'entendre , ce qui nous reſte à dire
ne doit pas nous arrêter long- temps ; voici
donc en peu de mots ce qui fe paffe dans
ce dernier Acte . Lucrece reproche au faux
Damis de vouloir porter atteinte à fa gloire ;
en lui parlant d'amour , dans le temps qu'il
eft engagé à une autre par les noeuds de
l'hymen ; elle lui avouë pourtant qu'elle l'aime
malgré elle , tout coupable qu'il eft ; elle
le quitte avec une honte affectée ; Damis
foupçonne Frontin d'avoir trahi fon fecret ;
Lifette l'éclaircit en lui aprenant que Lucrece
a reconnu fon caractere, ayant vû plufieurs de
fes lettres entre les mains de Lucile. Au nom
de Lucile , Damis fe trouble ; il demande à
Lifette ce qu'eft devenue cette épouſe , digne
d'un meilleur fort ; Lifette lui répond
d'une maniere équivoque , & ajoute qu'il ne
fera pas plus heureux avec Lucrece , que Lucile
l'a été avec lui , puifquelle eft mariée ;
enfin dans une derniere converſation , la
Hij
fauffe
2900 MERCURE DE FRANCE
fauffe Lucrece fe voyant aimée , fe fait connoître
au véritable Dorimon pour la véritable
Lucile . L'action épifodique ne fe dénouë , ni
moins facilement , ni moins agréablement
entre Lifimon & Florife ; les Epoux fe réuniffent
, & les amans s'uniffent,
NOUVELLES ETRANGERES.
TURQUIE.
N mande de Conftantinople , que le Rebelle
sary. Bey Ogin , continue avec les Vagabonds,
qu'il a affemblés , de commettre beaucoup de désordres
dans les environs de Smyrne.
L
RUSSI E.
'Entrée le nouvel Ambaffadeur de Perse fit que
à Pétersbourg au commencement
de ce mois ,
a été très magnifique ,non - seulement par le nombre
des personnes de la Suite & par la richeſſe de leurs
habits , mais encore par la grande quantité de Gentilshommes
, d'Officiers , de Valets de pied , de
Chevaux & de Caroffes , qui ont accompagné le Cortége , par ordre de la Czarine .
DANNEMARCK.
N aprend de Steinhorft , que M. Mayder ,
Colonel dans les Troupes de l'Electeur d'Ha
nover , s'étant rendu le 14. de ce mois devant ce
L
Château ,
DECEMBRE . 1738. 2901
Château , avec un détachemenr de 200. hommes ,
il manda par un Tambour à l'Officier qui y commandoit
pour le Roy de Dannemarck , que la Ré
gence de Hanover l'avoit envoyé pour en prendre
poffeffion au nom du Roy de la Grande - Bretagne ;
que sur le refus qu'on fit de lui ouvrir les portes , il
s'avança à la tête de fon Détachément, & qu'il fit les
dispositions néceffaires pour emporter le Château
d'a flaut .
Le Danois qui étoient en Garnison , se défendirent
avec beaucoup de valeur , mais ils furent enfin
obligés de céder au nombre , & ils se rendirent prisonniers
de guerre. M Mayder , après avoir pris
possession du Château , les a fait conduire par une
escorte sur le Territoire de Holstein , où on leur
a remis leurs Armes .
La Régence d'Hanover a fait publier un Manifeste
dans lequel elle expose les motifs qui
l'ont déterminée à s'emparer de ce Château , & il
est dit dans ce Manifeste , que Steinhorst & les
douze Villages qui en relevent , ont apartenu de
tout temps au Duché de Lawembourg ; que le Duc
François de Saxe Lawembourg , ayant cedé en
1547. ce Château & ses dépendances au Duc de
Holstein Gottorp , ce dernier l'avoit vendu depuis
à M. Ahlefeld , de qui M. de Wedder-Koppen
Président du Conseil Privé du Duc de Holstein
Gottorp , l'avoit acheté , que M. de Wedder- Koppen
ayant eû à soutenir un procès à la Chambre de
Wetzelaar , contre le Roy de Dannemarck au sujet
de cette acquisition , & S. M. D. ayant fait occuper
ce Baillage par ses Troupes , il avoit remis
ses droits au Duc de Holstein Gottorp , lequel par
un Acte passé le 15. du mois de Janvier de l'année
derniere , a fait une cession au Roy de la Grande
Bretagne du Château de Steinhorst & de toutes les
Terres qui en dépendent. Hiij AL902
MERCURE DE FRANCE
Ldifferer
ALLEMAGNE .
E Grand Duc de Toscane n'ayant pas voulu
differer plus long-temps son départ pour l'Italie
, ce Prince partit le 17. de ce mois avec la
Grande Duchesse & le Prince Charles de Loraine ,
pour se rendre dans ses Etats , & il fut salué en
sortant de Vienne , par une décharge de cinquante
pieces de Canon .
On a apris depuis que le 18. le Grand Duc & la
Grand Duchesse de Toscane , son Epouse , avoient
couché à Schottwienn ; qu'ils s'étoient rendus le
jour suivant à Pruck , d'où ils étoient partis le 19 .
pour Judembourg ; que le 20. ils étoient arrivés à
Saint Weith , & qu'ils comptoient de continuer
leur route par Feldkirchen , Veld Spital , Saxenbourg
, Lientz , Mittelvaldt , Miderdoff , Braunegg,
Nider -Vinth , Kollman , Teutschen , Naumarck ,
Trente , Roveredo & Ala.
La Suite du Grand Duc est composée de 145.
personnes , & il court avec 230. Chevaux . Ce Prince
& la Grand Duchesse , feront leur quarantaine
dans les environs de Vérone , & ils iront ensuite
passer quelques jours à Modene , avant que de se
rendre en Toscane.
L
ITALIE.
E Cardinal Aquaviva, dans la derniere Audience
qu'il eut du Pape , informa S. S. que le Duc
d'Atry devoit se rendre incessamment à Rome en
qualité d'Ambassadeur Extraordinaire du Roy des
deux Siciles , pour la remercier d'avoir accordé à
S. M. Sic. l'Investiture du Royaume de Naples.
NAPLES
DECEMBRE. 1738. 1903
M
NAPLE S..
Jean- Baptiste Spinola , Envoyé Etraordinaire
de la République de Genes , eut le 8 .
de ce mois une Audience particuliere du Roy , & il
rèmerciaS M. au nom de la République , de s'être
assûlé de la personne du Baron de Neuhoff , qur
n'étoit point sorti de Naples , comme on l'avoit
publié .
en-
Une heure avant qu'on enlevâr ce Baron , M.
Ulloa , Auditeur des Troupes , se rendit chés lui
& se saisit de tous les papiers qu'il y trouva. Il remit
ensuite le Baron de Neuhoff & son Neveu ,
tre les mains d'un Officier , qui les a conduits sous ~
une escorte de trente Grenadiers à Chiaia , & les a
fait embarquer à bord d'une Galiotte pour les trans
porter à Gaëtte , où ils ont été enfermés dans la
Citadelle.
Le même jour que le Baron de Neuhoff fut ar
arrêté , on remit en liberté le Capitaine du Vaisseau
Hollandois , à bord du quel il s'étoit rendu à
Naples , & le lendemain on fit débarquer l'Artillerie
qui étoit sur ce Vaisseau & sur deux autres Bâtimens
Hollandois , fretés par ce Baron.
Un Courier du Cardinal Aquaviva ayant aporté
la Bulle par laquelle le Pape confirme l'Ordre de
S. Janvier , & accorde plusieurs Privileges aux Chevaliers
, Don Horace Rocca , a été chargé d'examiner
cette Bulle , & d'en faire son raport.
GRANDE BRETAGNI.
Na apris de Londres , que
30. de
le
ce mois
le Capitaine Buchanam , condamné à mort
pour avoir tué le Pilote d'un Vaisseau de la Compagnie
des Indes Orientales , fut pendu à Dock ,
Hiiij mais
2904 MERCURE DE FRANCE
mais que cinq ou six minutes après l'execution ,
une troupe de Matelots l'enleva de la potence par
force ; & que comme on croit qu'il n'est pas mort ,
on fait d'exactes perquisitions pour découvrir dans
quel endroit il est caché .
****************
MORTS DES PAYS ETRANGERS.
L
E 28. Novembre , Jean- Baptifte Gamberrucci ,
Romain , Archevêque titulaire d'Amafie , in
Partibu's Infidelium , sacré le 8. Septembre 1725. &
déclaré le même jour Evêque Affiftant au Trône,
Chanoine de la Bafilique de Ste Marie- Majeure
Premier Maître des Cérémonies Pontificales , &
Secretaire de la Congrégation du Cérémonial
mourut à Rome d'une attaque d'apoplexie , dans la
65. année de fon âge , étant né à Rome le 4. Juillet
1674.
Le 29. mourut à Vienne en Autriche , d'une goute
remontée, dans la 68. année de fon âge , D Jean
Gomez de la Silva , Comte de Tarouca Conmandeur
de l'Ordre Royal de Chrift , Meftre de Camp
Général des Armées du Roy de Portugal , Confeiller
de fon Confeil Suprême , Grand Maître de la
Maison de la Reine de Portugal, & Miniſtre Plénipotentiaire
de S. M. Portug . à la Cour de l'Empereur
, où il re fidoit en cette qualité depuis 13. ans.
Il avoit pris congé de S M. I & il étoit ſur le
point de partir de Vienne , pour fe rendre en Eſpagne
, en qualité d'Ambaffadeur Extraordinaire du
Roy fon Maître , dont il avoit été ci - devant Ambaffadeur
à Londres , à la Haye , & aux Congrès
d'Utrecht & de Cambray . Ce Seigneur étoit marié,
& laiffe pofterité. Le
DECEMBR E. 1738. 2903
"
.
Le premier Décembre Jean- Benoît Zuanelli ,
Vénitien , Religieux de l'Ordre des FF . Prêcheurs ,
Maître du Sacré Palais Apoftolique , Confulteur des
Congrégations du S. Office , & des Rits Sacrés
Examinateur d'Evêques , &c. mourut à Rome , au
Palais du Vatican , après une longue maladie , dans
la 70. année de fon âge , étant né à Venife le 11.
Mai 1669. Il étoit premier Bibliothecaire de la
Bibliotheque laiffée par le feu Cardinal Cazanate
au Convent des Dominicains de la Minerve à Rome
, lorfqu'il fut nommé le 30. Avril 1738. par feur
Benoît XIII. Pape , pour fucceder à Gregoire Selleri
, élevé au Cardinalat , dans la Place de Maître
du Sacré Palais.
7
Le 9. Ferdinand-Marie , Duc de Baviere , Chevalier
de l'Ordre de la Toifon d'or, du 23, Novem
bre 1721. Grand Prieur de l'O: dre Militaire Bavarois
de S. Georges , du 25. Avril 1729. Géné
ral de l'Artillerie de l'Empire , du mois de Décem
bre 1734. Général- Maréchal Lieutenant de la Cavalerie
des Armées de l'Empereur , du 13. Mars 1735%
& Colonel d'un Régiment de Dragons à fon Service
, mourut à Munich , d'un catare , ou fluxion de
poitrine , en deux jours de maladie , âgé de 39. ans,
quatre mois , & un jour , étant né à Bruxelles le 4.-
Août 1699. Il avoit fait fa premiere Campagne em
Hongrie contre les Turcs en 1717. & s'étoit trouvé
le 6. Août de la même année , à la Bataille ou
les Turcs furent défaits avant la prise de Belgrade,
Il avoit été un des Généraux qui furent employés
par l'Empereur dans la dernière Guerre dans fom
Armée d'Allemagne. Ce Prince étoit troifiéme Fils:
de feu Maximilien -Emmanuek , Duc de la Haute &-
Baffe Baviere , Electeur du. S. Empire , mort le 26 .
Février 1726. & de Thérefe Cunegonde Sobieski ,
fa feçonde Femme , Fille de Jean Sobieski , Roy de
Polo2906
MERCURE DE FRANCE
Pologne, & Grand Duc de Lithuanie , morte à
Venile le 10. Mars 1730. Il avoit été marié le 5 .
Février 1719. avec Leopoldine -Eleonor- Elizabeth
Françoife Augufte , née le 22. Octobre 1691. Fille
de Philipe Guillaume Augufte de Baviere , Comte
Palatin du Rhin à Neubourg , mort en 1693. & de
Marie- Françoife , née Ducheffe de Saxe-Lawembourg
, aujourd'hui Veuve de Jean - Gaſton de Médicis
, Grand Duc de Tofcane. Il en laiffe un fils
& une fille , qui font Clement- François de Paule-
Marie-Crefcent Duc de Baviere , né le 19. Avril
1722 & Marie- Therefe Emanuel de Baviere , née
22. Juillet 1723. Leur Fils aîné Maximilien-
Marie- Jofeph -Ferdinand - François de Paule , Duc
de Baviere , qui étoit né le 11. Avril 1720. mourut
à Munich , le 28. Avril dernier.
le
ののね
L'HY VER.
FRAGMENS.
L'Hyver venu fur la Terre
Y ramene les foucis ;
Venus s'enfuit à Cythere
Avec les Jeux & les Ris ;
Zephire par fon murmure
N'enchante plus la Nature
Et les triftes Aquilons
De leur charmante verdure
Ont dépouillé nos Valons.
Pour
DECEMBRE. 1738. 2907.
Pour diffiper la triſteſſe ,
Dont le froid glace fon coeur ,
Qu'Adonis à fa Maîtreffe
Aille compter la langueur :
Moi , qu'une douce habitude ;
A fait Enfant de l'Etude ,
Dans cette affreuſe Saiſon ,
J'opofe à l'inquiétude
Les charmes d'Anacreon,
*
Tandis que par mille Graces .
Qui brillent dans fes Ecrits .
A l'infortune , aux difgraces ,
Il dérobe mes efprits ::
L'Hyverfuit : les Hirondelles
Vont de leurs plaintes cruelles
Faire retentir nos champs ,
Et Zéphire fux fes aîles ,
Va ramener le Printemps,
A. R. agé de 16 anst
H.vj
FRANCE
2908 MERCURE DE FRANCE
***************
L
FRANCE.
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
E 26. Decembre le Roy prit le deuil
pour la mort du Duc Ferdinand de Baviere
, pour le quitter le 9. du mois prochain..
BENEFICES DONNE'S
par le Roy..
L'Abbaye de Beaulieu , Ordre de S. Augustin
, Diocese de S. Malo , vacante
du mois de Septembre dernier , par le décès
de Boterel de la Bretonniere dc . •
Breton , a été donnée, à
de Tiercent ; auffi Breton.
.. . de Ruellant
Celle de N. D. de la Caignotte , Ordre de
S. Benoît , Diocese d'Acqs , vacante par la
démission pure & simple de Charles Prudent
de Becdelièvre du-Bouexie , Evêque de Nîmes
, qui l'avoit obtenue au mois d'Avril
1731. à Louis- Marie de Suares d'Aulan , du
Comtat Venaissin , Evêque d'Acqs, en Gascogne
, sacré le 2. Juin 1737.
Celle de Belle - Etoile , Ordre de Prémontré
Réformé , Diocese de Bayeux , vacante:
par la mort de Jean-Gédeon Thinet d'Armon
DECEMBRE. 1738. 2909
Brosseau ,
monville , qui en étoit Titulaire depuis le
mois de Juillet 1728. à
Chapelain ordinaire du Roy, & Chapelain
de la Reine.
Celle de Moirmont , Ordre de S. Benoît
Diocese de Châlons sur Marne , vacante du
mois de Septembre dernier , par la mort de
Rioult d'Estouy , Docteur en:
Théologie de la Faculté de Paris , & Vicaire
Général du même Diocese de Châlons , dernier
Titulaire depuis le mois d'Août 1725. à
D. Louis Lataste de Toulouse, Religieux de :
l'Ordre de S. Benoît , de la Congrégation de :
S. Maur , nouvellement proposé pour l'Evêché
de Bethleem en Nivernois .
Celle de N. D. de Melleray , Ordre de
Cîteaux , Diocese de Nantes , vacante par:
le décès de Michel-Jean-Baptiste Olier de
Verneuil, Prêtre , à Boulain , Prêtre,
Chanoine de l'Eglise Cathédrale de Saint
Malo...
·
Et celle de N. D. de Molaise , Ordre de
Cîteaux , Diocese de Châlons sur Saone , vacante
par la mort de Marie- Anne de Courbon
de Blenac , qui y avoit été nommée le
31. Octobre 1711. à D... de Brisay de
Denonville , Religieuse du même Ordre ,,
dans PAbbaye de l'Eau lès Chartres .
Autre Nomination.
François Fitz-James , Duc de Fitz- James ,
Pair
2910 MERCURE DE FRANCE
Pair de France , né le 9. Janvier 1709. Abbé
Commandataire de l'Abbaye de S. Victor à
Paris , Ordre S. Augustin , depuis le mois de
May 1728. & de celle de Boscherville , Ordre
de S. Benoît , Diocese de Rouen , depuis
le mois de Septembre dernier , a été nommé
à l'Evêché de Soissons , premier Suf--
fragant de Rheims , vacant par la mort de
Charles - François Le Febvre de Laubriere.
L'Abbaye d'Aubignac , Ordre de Cîtéaux ,
Diocese de Bourges , vacante par la mort de
Jean-Baptiste- Etienne du Hamel , Prêtre
Docteur en Théologie. de la Faculté de Paris
, Chanoine de l'Eglise Métropolitaine de
Rouen , Conseiller au Parlement de Normandie
, qui l'avoit obtenue en 1690. &
laquelle avoit été conferée au mois de Septembre
dernier à Lebours , Trésorier
de la Ste Chapelle de Bourges , vient .
d'être donnée de nouveau , à
de Varennes Prêtre , Archidiacre de l'Eglise
Métropolitaine de Bourges,
Et celle de Joüarre , Ordre de S. Benoît ;
Diocese de Meaux , vacante du 3. Novembře
dernier , par le décés d'Anne - Therese :
dé Rohan-Guémené , derniere Titulaire depuis
le mois de Novembre 1729. à D.
de Montmorin de S.Herem , Abbesse de Charenton
du même Ordre , Diocese de Bourges..
BOUDECEMBRE.
1738. 2911-
********
Bouquet à Mlle de B....y , pour le jour de sa ⠀
Fête , par M. I....de Paris.
J E rêvois en ce jour ,
A pouvoir , chere Iris , célebrer votre Fête ,
Je traçois quelques Vers , je me frapois la tête ;
J'étois embaraffé , lorfque le tendre Amour
Se préfente , & me dit : » Je fçais ce qui t'arrête ; -
» Tu voudrois aujourd'hui chanter ,
»D'Iris les talens & les charmes :
Cet esprit , ce bon coeur , à qui tout rend les
Armes ,
> Et ce' je ne fçais quoi , qui fçait tout enchanter.
» Va , me dit- il , ce n'est pas ton affaire ;
Ce projet trop hardi , ne fut pas fait pour toi.
» C'eſt le partage d'un Voltaire ;
Mais pour te fauver cet emploi
»Vois pour toi ce qu'Amour aujourd'hui veut bien
» faire ;
Je porte aux pieds d'Iris ton hommage fincere ; .
» A ma voix à l'inftant elle agréra tes voeux ,
» C'eſt le moins qu'elle puiffe faire ,
Pour le plus aimable des Dieux ,
» Qui lui donna cet art de plaire ,
Et l'abfolu pouvoir qui regne dans ses yeux.
La
2912 MERCURE DE FRANCE
La satisfaction que le Public a témoigné
avoir des Expériences Physiques de M. l'Abbé
Nolet , et le goût général que l'on a pour
les Sciences , ayant fait souhaiter que
quelqu'un , à l'exemple de Mrs Lemery pere
et fils , qui ont fait avec le succès le plus
éclatant des Expériences Chymiques , entreprit
de les continuer ; M. Rouelle , Apɔticaire
, entra l'année passée dans cette car
riere , l'approbation dont ses Auditeurs l'ont
flaté , l'ayant déterminé à reprendre cet
exercice encore cette année , nous avertissons
qu'il en recommencera un Cours le
Lundi 2. Mars prochain , chés lui , Place
Maubert 1739..
Les Plantes , les Animaux , et les Minéraux
sont l'objet de ces Expériences , et en
font les trois Parties..
Dans la premiere, on donnera des exemples
des différentes manieres de faire l'analyse des
Plantes, d'en tirer les huiles , les fels essentiels ,
les fels fixes , et d'en faire les extraits ; de- là ,
on passera à la fermentation et aux Liqueurs
spiritueufes , à la putréfaction , et aux fels
volatils , à l'analyse des Gommes , et aux
différentes manieres de faire les Vernis , aux
Précipités colorés , qui servent à la Peinture
et à la Teinture .
On fera voir différentes combinaisons des
substances végétables ; , telles que les huiles.
avec
DECEMBRE. 1738. 2913
avec les sels alkalis et les sels tartareux rendus
solubles par d'autres sels , ou par des
terres.
Les Animaux font l'objet de la seconde
Partie. On fera leurs analyses , et celles de
plusieurs substances qui en viennent ; la décompofition
du fel Ammoniac , et sa recomposition
; la rectification des sels volatils
et des huiles. On donnera différentes combinaisons
de ces substances animales avec
d'autres matieres.
Le Phosphore d'Angleterre , qui jusqu'ici
n'a été connu que d'un très-petit nombre de
personnes , et qui est le produit de la der
niere violence du feu , terminera cette Partie
avec quelques expériences des plus fingulieres
sur cette matiere.
Dans la troifiéme Partie , on traitera des
substances qu'on retire des entrailles de la
Terre , qu'on appelle Minéraux . Cette Partie
est des plus fecondes en expériences singulieres.
Les analyses des Bitumes , du Nitre , du
Sel Marin , du Vitriol et du Souffre , seront
suivies avec exactitude; on y joindra la recomposition
de ces sels , et les expériences les plus
intéressantes sur leur mélange et sur celui de
leurs acides , ou esprits , avec d'autres substances
; les fermentations chaudes et froides
, le changement des couleurs , les déto
nations
1914 MERCURE DE FRANCE
•
nations et la production de la flamme , sont
tous des effets de ces mélanges , dans le détail
desquels on entrera.
..
On fera voir les moyens de déterminer
promptement quel est le Métal contenu dans
une Mine , et la maniere d'en faire l'essai :
avec exactitude ; on donnera des exemples:
de la dissolution des Métaux , et de leur
précipitation , et les moyens de leur rendre
la forme métallique qu'ils ont perdue , ou
par la dissolution , ou par la calcination ; on
fera quelques alliages des Métaux , et la séparation
de ces mêmes Métaux , les uns d’a--
vec les autres..
On finira par la vitrification dés Métaux ,-
par les verres colorés , par la volatilisation
des Métaux , et par plusieurs procedés sin--
guliers , qui donnent des lumieres sur la nature
de ces corps.
On ne se bornera pas dans ces Expériences
, à faire connoître quels sont les avantages
que la Physique et la Médecine retirent
des travaux de la Chymic ; on s'appliquera
de plus à donner des exemples de l'utilité
de ces mêmes Opérations dans plusieurs
Arts , et même dans les usages ordinaires de :
la vie..
EPITRE
DECEMBRE. 1738. 29155
EPITRE
A Mile de L....
A Bandonpant cette aimable molleffe ,
Qui file ici , mes jours , & mon loiſir ,
Je veux , Glycere , acquiter ma promeffe ;
Qui , c'en eft fait , je veux y confentir ;
Car je prévois qu'un jufte repentir ,
Pourroit un jour accufer ma pareffe ;
Mon coeur déja´, commence à le fentir.
Non ; je ne puis m'empêcher de rougir
Puifque trop tard , ma plume vous adrefle
Ces Vers rimés fous les yeux du plaifir ,
Mais qui n'ont pas l'ordre , & cette jufteſſe
Dont Rouffeau peut fes Mufes embellir.
Très-peu connu des Nymphes du Permeffe ,
De leur faveur que pourrai- je obtenir ?
Pour Apollon , je n'ai que ma jeuneſſe ;
Son feu naiffant doit feul me garantir
De la froideur , qui vous feroit languir.
Ecueil fatal , ou maint Auteur fans ceffe ,
Vient gravement échoüer & périr .
Sans le fecours d'une sçavante yvreffe ,
Ma plume veut avec vous diſcourir ;
La
2916 MERCURE DE FRANCE
;
La Vérité , fon aimable Déeffe ,
Lui dictera ce que votre ſageſſe
Ordonne en vain de ne pas découvrir
Car vous sçavez qu'un air de hardieſſe ,
Peut de mes Vers égayer la foibleffe .
Oui , dans mon coeur , je ne puis retenir
Et mon eftime , & le juſte defir
De vous louer , fans fård & fans bafſeſſe ,
Un doux penchant me confeille & me prefle
A fes tranfports il eft temps d'obéïr ;
Mais ce début vous irrite & vous bleffe.
Ne craignez rien , je vais me contenir.
Vos actions exemptes de rudefle ,
Que mon pinceau doit craindre de flétrir ,
Votre vertu , puiffante enchantereffe ,
Et qui jamais n'aima ſe revê: ir
Des noirs habits d'une fade trifteffe ,
Mieux que mes Vers pourront vous acquerir
Le juſte encens des Luftres à venir.
Par M. Last à Aix.
23 . Juin 1738 .
LET:
DECEMBRE, 1738. 2917
J
LETTRE CIRCULAIRE.
-
E respecte , Monsieur , la tradition des
Peres pour le Sacré ; j'aime celle de nos
Ancêtres pour le Moral ; permettez moi
donc de vous souhaiter la BONNE ANNE'E
dans le stile naïf du bon vieux tems . Plusieurs
donnent aujourd'hui la torture à leur
imagination pour lui faire enfanter des tours
nouveaux , et veulent mettre de l'esprit à la
place du sentiment . Pour moi qui ne suis
Epicurien que pour mes amis , je suis fidele
aux impressions de la nature ; je leur dis que
je les aime parce que je les trouve aimables ;
je leur souhaite une Bonne santé parce qu'elle
est necessaire au bonheur ; je leur désire du
bien parce qu'il contribue beaucoup à la
santé ; je les choisis vertueux parce que j'aime
à m'honorer dans mes choix. Pour moi,
Monsieur , si j'ai bien employé l'année qui
vient de se passer , je vous aimerai encore
davantage celle-ci , car j'ai du augmenter en
raison et en lumieres ; ainsi successivement
j'ai lieu de me flater que la derniere de ma
vie , je serai enfin digne de l'amitié dont
vous m'avez honoré . J'ai l'honneur d'être
D. BONNEVAL.
MA- Ju
2918 MERCURE DE FRANCE
MADRIGAL,
Sur une belle Musicienne.
Ue Canente a d'attraits , & qu'elle a la vois
tendre-!
Que
Elle nous plaît fans le vouloir ,
Et le feul plaifir de la voir ,
Egale dans nos coeurs le plaifir de l'entendre.
Par M. C**
EPIGRAM ME.
Contre un sot Aprobateur.
L Eandre , il faut que je t'avouë
Quel est mon déplaifir fecret.
Je suis fort mécontent de mon dernier Sonnet.
Eh ! pourquoi ? C'eft qu'Orgon , le fot Orgon le
loüe.
Par le même
MA
AUTRE .
A un Rival.
Algré tous tes talens , veux- tu sçavoir pourquoi
Tu ne charmes point Isabelle ,
Et
DECEMBRE . 1738. -2919
Et qu'avec moins d'efprit , je plais à cette Belle
C'eft que tu ne fais rien que lui parler de toi ,
Et que je ne lui parle à tous momens. que
d'elle.
Par le même.
***
L
***************
MORTS ET MARIAGE.
E 25. Decembre, Charles François le Febvre de
Laubriere , Evêque de Soiffons , Confeiller
d'honneur au Parlement de Paris , Seigneur de .
Laubriere , Baron de la Haye-Joullain & de Briancon
, &c. mourut à Soiffons , dans la sre. année de
fon âge. Il étoit d'une famille originaire d'Angers,
& fils de François le Febvre , Seigneur de Lau
briere, Maral & Beuzon , Baron de la Haye - Joullain
, Conſeiller au Parlement de Bretagne , mort
le 11. Mars 1711. & de Louise le Chat de la Haye.
Il avoit été reçû Confeiller au Parlement de Paris
à la Troisiéme Chambre des Enquêtes le 20. Juin
1710. & avoit éré marié le 2. Avril 1713. avec
Marie-Anne de Blair , fille de Melchior de Blair
Seigneur de Cernay , qui avoit été Fermier General
des Fermes unies du Roy , & de Henriette de
Brinon . Etant resté veuf d'elle le 8. Juillet 1718.
il embraffa l'Etat Ecclésiastique, & fut ordonné Prêtrele
Octob. 1719. Il fut nommé au mois deJuillet
1731. à l'Evêché de Soissons,& facré le 13. Janvier
1732.dans la Chapelle de l'Archevêché de Paris par
P'Archevêque de cette Ville , assisté des Evêques de
Châlons sur Marne & de Luçon , & le 20. fuivant
il prêta le ferment de fidelité entre les mains du
Roy,La même année il fut reçû Conseiller d'honneur
1920 MERCURE DE FRANCE
neur au Parlement en 1735. Il assista à l'Assem❤
blée genérale du Clergé de France en qualité de
l'un des Deputés de la Province de Rheims , Il laisse
de feue fa femme Charles François le Febvre de
Laubriere , Marquis de Briançon , né le 24. Mars
1718. ci- devant Capitaine de Cavalerie , & Jeanne
Henriette le Febvre de Laubriere , aînée de son
frere ; & mariée le 28. Août 1737. avec .
de Rogres , apellé le Marquis de Champignelles
Cornette de la premiere Compagnie des Moufquetaires
de la Garde du Roy depuis le premier Juillet
dernier , & auparavant Capitaine dans le Régiment
des Cuirassiers .
Le 27. Dame Catherine Olive de Trante , veuve
depuis le 28. Juin 1733. de Frederic -Jules de la
Tour , des Ducs de Bouillon , appellé le Prince
d'Auvergne , Seigneur de Lanquais & de Limeuil ,
avec lequel elle avoit été mariée le 17. Janvier
1720. mourut à Paris , âgée d'environ 5o . ans , fans
pofterité , les trois enfans qu'elle avoit eu de son
mariage , étoient morts en bas âge. Elle étoit fille
de Patrice de Trante , Chevalier Baronnet d'Irlande
, premier Commiffaire de la grande Tréfo
rerie d'Angleterre , qui fuivit en France Jacques II.
Roy d'Angleterre en 1689. & d'Eleonor de Nagle
de Monamini. Il eft parlé d'eux dans un Mémoire
inseré dans le Mercure du mois de Fevrier 1719.
page 378. à l'occasion de la mort d'un frere de la
Princesse d'Auvergne , qui vient de mourir.
&
Le 29. Jofeph Trudaine , Seigneur d'Oissy , de
Riencourt , &c. Mestre de Camp de Cavalerie ,
Enseigne de la Compagnie des Gendarmes d'Or.
leans depuis le mois d'Août 1736. & auparavant
Guidon de celle des Gendarmes de Bretagne depuis
le mois d'Octobre 1730. mourut à Meaux , dans
la vingt - troifiéme année de fon âge fans avoir
été
DECEMBRE. 1738. 2921
été marié : il ne laisse que des soeurs . Il étoit neveu
de Firmin Trudaine , Evêque de Senlis , actuellement
Siégeant , & fils aîné de feu Joseph Trudaine
de Roberval , Seigneur d'Oissy , Riencourt ,
Thieulloy , &c . Commandeur de l'Ordre de S. Louis,
Brigadier des Armées du Roy, Capitaine Lieutenant
de la Compagnie des Gendarmes de Bretagne , &
Inspecteur de la Gendarmerie , mort le 10. Octobre
1730. âgé de 18. ans , & de D. Marie Louise
Elisabeth Hennequin de Charmont , à préfent femme
depuis le 17. Fevrier 1735. de Jofeph Joachim
de Bohorn , Marquis de la Palun , du Comtat d'A
vignon , Gouverneur de Bourbon , & de la Ville &
Principauté d'Orange.
་ ི་
Le même jour D. Henriette de Marpont , veuve
depuis le 3. Août 1726. de Louis Charles Gilbert ,
Seigneur des Breviaires , du Mas , Hollande , &c.
Président en la Chambre des Comptes de Paris ,
mourut âgée de 69. ans laissant pour enfans Jofeph
Jean - Baptiste Gilbert , Seigneur de S. Lubin des
Joncherets , de Nonencourt , & c . aussi Président
en la même Chambre des Comptes reçû à cette
Charge par la résignation de fon pere: le 8. Août
1724. et marié le 12. Avril 1726. avęcida fille unis
que de feu Claude Boscheron , ci - devant Secretaire
du Roy , et ancien Notaire au Châseler de Paris ;
Jeanne Henriette Gilbert , mariée le 9, Juin 1714.
avec Antoine Jofeph de la Vove, Marquis de Tourouvre
, au Perche , et une autre fille non mariée.
Le 31. De . Louise Berault , veuve depuis le .
Décembre 1704. de Joseph Omet Joly , Seigneur
de Fleury , la Moussel , & c. Avocat General du
-Parlement de Paris , avec lequel elle avoit été mariée
le 1o. de Fevrier 1698 , mostut fubitement après
de longues infirmités , dans la 64e. année de fon
Page , étant née le 7 Juin 1675. Elle laisse un fils
II. Vol. I unique
2922 MERCURE DE FRANCE
رادل
unique qui est Jean Omer Joly , Seigneur de
Fleury , Prêtre , Chanoine de l'Eglife de Paris ,
depuis le 15 Novembre 1724. et Abbé Comman
dataire des Abbayes d'Aumale, Diocèse de Rouen
& de S. Pierre de Chezy , Diocèse de Soissons ,
ayant été nommé à la premiere au mois d'Octobre
1729.et a à la seconde le 3. Mai 1731. la deffunte
étoit reftée fille unique de Guillaume Berault ,
Ecuyer , Seigneur de Villemont , mort en 1694.
fort riche , ayant été interessé dans les affaires du
Roy, & de Louife le Meneau , morte le 24. Octobre
1708.
Sur la fin du même mois de Décembre , Frere
Jean de Montgon - Beauvergier , Chevalier profès de
'Ordre de S. Jean de Jerufalem , Commandeur du
Temple de Dole , & de la Racherie , ancien Ca
pitaine de Vaisseaux du Roy , mourut en fon Château
de la Souchere en Auvergne , dans la 82e . an
née de fon âge , étant né en 1657. Il étoit fils de
Charles Alexandre de Montgon- Beauvergier, Comte
de Montgon , Baron de Corein , Talezac Nubiere
, &c. mort en 1706. & de Marie Françoise de la
Barge. Le nom primitif de ceux de cette Maifor ,
de Montgon , étoit Cordeboeuf.
>
Le 16. Decembre Marquis de Polignæ ;
Mestre de Camp du Regiment Dauphin- Etranger
Cavalerie , depuis le 15. Avril dernier , fils aîné de
Scipion Sidoine Apollinaire Gafpard , Vicomte de
Polignac , Marquis de Chalançon , Lieutenant . General
des Armées du Roy , Gouverneur du Puy ,
& du Velay , & de Dame Françoise de Mailly , fut
marié avec Dlle Diane Adelaide Zephirine Maneini
, fille unique de Jacques Hyppolite Mancini
Baron Romain , noble Venitien , & d'Anne Louise
de Noailles , fon époufe , four du Maréchal Dẹc
DECEMBRE 1738, 2923
de
de Noailles , & veuve en premieres noces de Franfoise
Macé le Tellier , Marquis de Louvois , Capitaine
Colonel de la Compagnie des cent Suisses
de la Garde du Roy et Colonel du Régiment
d'Anjou , Infanterie . La bénédiction nuptiale leur
fut donnée par Melchior de Polignac , Cardinal ,
Archevêque d'Auch , Commandeur des Ordres dn
Roy , &c. Oncle de la mariée , dans la Chapelle de
fon Hôtel à Paris. Le pere du marié eft frere puîné
Philipe-Jules- François Mazarini - Mancini , Duc
de Nivernois , et Donziois , Pair de France , Grand
d'Efpagne de la premiere Claffe , Prince du S. Empire
, et de Vergagne , Baron Romain , noble Věnitien
Gouverneur et Lieutenant General pour le
Roy des mêmes Provinces de Nivernois , et Donziois
, Ville , Baillage , ancien reffort , et enclaves
de S. Pierre le Moustier. La Genéalogie de la Maifon
de Mancini , originaire de la Ville de Rome ,
fe trouve imprimée dans l'Histoire des Grands Of
ficiers de la Couronne , article des Pairs de France
omes . page 462.
→
STANCE S.
M. D. R. Avocat aux Confeils!
QuUand le fort Aquilon s'irrite ,
Les humbles Roseaux qu'il agite
Se conservent en s'abaissant ;
Mais les fuperbes Pins qui lui font réfistance ;
Souvent tombent pour prix de la vaine conſtance
Qu'ils avoient oposée à son soufle puissant,
Į ÿj
Youlois
2924 MERCURE DE FRANCE
Vouloir s'égaler à son Maître ,
Dans le sujet ne sçauroit être
Qu'une folle témérité ;
Un intervalle immenfe ici - bas les divife ,
f
E l'instant de la mort , inévitable crise ,
Seule a droit d'établir entre eux l'égalité.
124
Malgré la cabale ennemie ,
Qui d'une éternelle infamie
Menace ta foumission ;
Mon coeur des révoltés condamnant le langage
Au parti que tu prends , à ta conduite fage ,
Fait gloire de donner ſon aprobation.
Contre des loix qui lui font dures ,
L'avarice éclate en murmures ,
Tandis que dans ces mêmes Loix
Tu chéris l'équité du Prince , en qui la France
Voit l'ami de la paix , l'apui de l'innocence ,
Le Pere de son Peuple , et l'exemple des Rois.
Plein de cet amour qui t'honore ,
En elles tu chéris encore
w
Le zéle actifet fructueux
Dont brûle le Caton , qui , tel qu'on le défire v 17
Daglaive de Thémis et des Sceaux de l'Empires
Est le Dépofitaire affable & vertueux.
TI
DECEMBRE . 1738. 2925
Tu méprifes toute ame vile ,
Qui d'une éloquence fervile
Aime à faire un honteux trafic ;
Qui fçait au poids de l'or vendre un confeil perfide,
Et chés qui trop fouvent l'amour d'un gain fordide
Etouffe fans pudeur l'AMOUR DU BIEN PUBLIC.
1
Libre d'une telle baffeffe ,
Tu ne cherches point la richeffe
Aux dépens de la probité. --
L'argent , qui de ta peine eft le fruit légitime ,
Te flatera toujours , beaucoup moins que l'eftime
Si juftement acquiſe à ta fidélité,
Crudum adhuc & jam pofterum
Ingenii foetum vovebat tuus ex animo ...
***
LETTRE du Sieur Arnoult , au sujet du
Sachet anti- Apoplectique : écrite à M. D
L. R. , de Paris , le 31 Decembre 1738.
Ombien de Gens ont lu , M. dans les
Journaux de Trévoux et de Verdun ,
la Lettre de M. Dubois , Médecin de S. A.
S. Madame la Princesse de Conty , et les
deux Certificats avec les rétractations ; l'un
de Bablot et de sa femme ; l'autre du Sieur
Devaux , Apoticaire de feu S. A. R. Mgr.
I iij
le
916 MERCURE DEFRANCE
de Duc d'Orleans Régent , qui en avoient st
gné d'autres auparavant,pour justifier l'efficacité
du Sachet Antiapoplectique dans la personne
de Bablot , frapé d'apoplexie & tout
de suite d'une paralisie sur
la langue et de la
moitié du corps du côté droit je crois qu'un
grand nombre de témoignages de personnes
de la premiere consideration , de Médecins
qui m'ont donné leurs Certificats , et qui font
eux-mêmes usage du Remede et qui l'ordonnent
, joint à une experience de 38 années ,
affermiront sa reputation , persuadé que ces
vaines attaques ne l'ébranleront pas. Au
reste , je ne suis pas fort surpris de ces rétractations
on ne pourra pas nier
que Bablot
n'ait fait usage du Sachet depuis son acciedent
, & que tous les Remedes qu'on avoit
employés jusqu'alors n'eussent été inutiles er
que son rétablissement n'ait été opére par
Paplication du Spécifique dont il fait encore
usage , fans avoir eu la moindre attaque depuis
deux ans. Le Certificat de Bablot & de fa
femme sont en bonne forme ; c'est dans un
temps non fufpect , où la vérité & la reconnoissance
ont du exprimer les Faits tels qu'-
ils se sont passés , & qui sont confirmés par
le même M. Devaux , témoin oculaire , &c.
Je laisse au Public à juger auxquels de ces
Actes on doit ajoûter le plus de foi , &c.
at . Je suis , &c.
ARRESTS
DECEMBRE. 1738. 1987
htt
ARRESTS NOTABLES , & c.
SENT
ENTENCE de Police du 21. Novembre , qui
ordonne l'éxécution des Ordonnances & Reglemens
de Police concernant l'Aprovifionnement
de la Ville de Paris ; & condamne plufieurs Laboureurs
en cinq cent livres d'amende , pour avoir
difcontinué la fourniture de la Halle au Bled de
Ladite Ville.
- ARREST du 25. qui proroge jufqu'au dernier
Décembre 1739. l'exemption des Droits d'Entrée
fur les Beftiaux venant des Pays Etrangers dans le
Royaume
ORDONNANCE du Roy , du 27. pour fixer
pendant l'année 1739. la retenue du Pain de muni
tion , à vingt deniers par ration , dans les Places
d'Alface, Trois-Evêchés , Flandres, Haynault , Artois
& Picardie , & à Befançon
LETTRES PATENTES du ROY , du 30. qui
nomment des Commiffaires pour l'aliénation de
cent mille livres de Rentes perpetuelles fur la Ferme
génerale des Poftes .
ARREST du 2. Décembre , qui fait défenſes aux
Officiers des Maîtrifes des Eaux & Forêts , de donner
aucune permiſſion pour la coupe des Bois apar
tenans aux Particuliers ; & aux Greffiers , d'exiger
defdits Particuliers , plus de dix fols , tant pour la
réception de chaque déclaration , que pour l'expédi
tion d'icelle. Défend de couper aucuns taillis , qu'
I iiij ils
2928 MERCURE DE FRANCE
ils n'ayent au moins atteint l'âge de dix ans.
AUTRE , du 8. concernant l'expédition des Provifions
des Avocats en Parlement , qui ont été
nommés pour remplir les Charges d'Avocats aux
Confeils du Roy, créées par l'Edit du mois de Septembre
dernier , & le rang qu'ils doivent avoir
entr'eux .
AUTRE , du 9 dont la teneur fuit :
"
Le Roy ayant été informé que l'on commençoit
à répandre dans le Public , une Feuille imprimée
fans nom d'Imprimeur,fans Privilege ni Permiſſion,
fous le titre de Lettre de M. l'Evêque Duc de Laon,à
M. le Cardinal d'Alface, Archevêque de Malines, sur
L'obligation de refuser la communion à ceux qui font
notoirement rebelles à la Conftitution Unigenitus , Sa
Majefté auroit jugé à propos de s'en faire rendre
compte ; & Elle auroit reconnu qu'il femble qu'on
ait voulu raffembler dans cette Lettre tout ce qui
eft le plus capable de renouveller les difputes fur les
affaires préfentes de l'Eglife , d'émouvoir les efprits
, & de ranimer un feu que ceux qui ont le
plus de zele pour le bien de l'Eglife & de l'Etat ,
travaillent continuellement à éteindre , fuivant les
intentions de Sa Majesté : Et comme une telle entrepriſe
mérite d'autant plus d'attention , qu'on la
fait paroître fous le nom d'un Evêque de France ,
qui écrit à un Prélat Etranger , Sa Majesté a cru ne
pouvoir ordonner trop promptement la fupreffion
d'un Ecrit , que l'affectation & la malignité qui y
regnent , rendent fi dangereux ; à quoi voulant
pourvoir , Sa Majefté étant en fon Confeil , a ordonné
& ordonne que ladite Feuille imprimée fous
le titre de Lettre de M. l'Evêque Duc de Laon ,
M. le Cardinal d'Alface , Archevêque de Malines ,
a
DECEMBRE. 1738. 2929
sur l'obligation de refufer la communion à ceux qui
sont notoirement rebelles à la Conftitutión Unigenitus,
fera & demeurera fuprimée. Enjoint Sa Majefté à
tous ceux qui en ont des Exemplaires , de les remettre
inceffamment au Greffe du Confeil , pour y
être fuprimés , fait défenſes à tous Imprimeurs ,
Libraires , Colporteurs & autres , de quelque état ,
qualité , ou condition qu'ils foient , d'en imprimer,
vendre , debiter , ou autrement diftribuer , à peine
de punition exemplaire , &c.
J
APROBATION.
'Ai lu par ordre de Monseigneur le Chancelier ,
le second . Volume du Mercure de France du
mois de Décembre , & j'ai cru qu'on pouvoit en per
mettre l'impression . AParis ,le premier Janvier 1739 .
HARDIO N.
TABLE .
ICES FUGITIVES , & C . Portrait d'Ho-
Prrace,
2731
Dissertation sur l'origine des Académies , &c. 2734
Epitre d'Alexandre à Pancaste
Lettre sur l'abus qu'on fait de l'Esprit ,
Songe & Réponse en Explication ,
Les Salines , k
2748
2752
2764
2772
21
2778
Suite de l'Essai d'un Traité Historique de la Croix
& ê:
Ode d'Horace , Imitation ,
>
2793
Lettre au sujet des Cérémonies qui se font dans la
Chapelle de S. Nicolas , en la Grand Salle de
Palais ,
Epigramme , la Succession abandonnée .
-2-791
2808
Lettre & Suite de l'Extrait du Journal Litteraite
-d'Italie , 12 ob types on ding
228
2809
22820
Question importante jugée au Parlement de Paris ,
L'Amour Abeille , à Mad .....
Etrennes à Mlle Gaussin
Question & Réponse,
2820
2832
ག་ 2831
2831
Bouts Rimés , Sonnet ,
Lettre sur l'Amour des Poëtes pour leurs Ouvrages,
Enigme , Logogryphes , &c.
2836
2341
2843
2848
NOVELLES LITTERAIRES , DES BEAUX- ARTS,
les Ruses de Guerre , &c.
Pouillé du Diocèse de Chartres , &c.
Memoires pour servir à l'Histoire des Hommes Illustres
, &c.
Suite des Médailles du Roy ,
Estampes nouvelles ,
Nouveau Calendrier ,
Spectacles. Extrait des Muses ,
Orphée , Ballet Pantomime , &c.
Les Epoux réunis , Comédie , Extrait ,
28521
2871
ibid.
2872
2873
2885
2887
Nouvelles Etrangeres , d'Afrique , Russie & Dan
nemarck ,
Allemagne Italie & Naples ,
Grande Bretagne ,
Morts des Pays Etrangers ,
L'Hyver , Fragmens
2900
2902
2.903
2904
2906 >
France , Nouvelles de la Cour , de Paris , & c.
Benefices donnés ..
Bouquet à Mad . * * *
Experiences Physiques , &c.
Epure en Vers
2908
:39:11
2912.
2915
Lettre Circulaire , & c. 2917
Madrigal & Epigrammes
Morts & Mariage, in ger
Stances à M D. R. &c.
2918
2919
2923
Lettre du Sr Arnoult au sujet du Sachet anti- Apoplectique
•
Arrêts Notables ,
2925
2928
Fautes à corriger dans ce Livre.
Age 2783. ligne 3. la polissure , lisez le polí.
•
Page 2815. ligne 7. chi , ôtez ce mot.
>
Page 2873. lignes , du bas , s'égare , lisez s'égayel
{
112
1:1
12
TABLE GENERALE
De l'Année 1738.
A.
ACadémie Françoise ,
Des Sciences ,
Des Inscriptions ,
De Peinture ,
De Chirurgie ,
731. 2871
737951. 2440. 2647
124. 736. 2441
540
1536
-Des Jeux Floraux , 2420
-De Soissons ,
De la Rochelle ,
De Pau ,
De Bordeaux ,
De Marseille "
De Rome ,
De Peinture à Vienne ,
De Madrid ,
735
945
1169.2007. 2439
954 1600
2444
1796. 2019
2656
1796
De Lisbonne , 122. 123. 318. 1601.2020 . 2447
De Torre de Mencorvo ,
Académies ( Origine des )
Accouchement extraordinaire >
Actes de Rymer ,
Agendicum ,
Agricole ,
Albigeois ,
Alexis Perrowits ,
Amboise ( Jean d' )
Amour pour ses Ouvrages ,
Amphithéatres ,
1168
2734
318
316
1129
2572
3сб
1385
1550
2836
1137
Amusemens
TABLE
Amusemens du coeur & de l'esprit, 291. 710. Nou
veaux Amusemens , 921. 1157. 1997. 2416. 2643
Annales de S. Bertin , 2153
Annibal ,
2320
Antiquités ,
47. 380. 2021.2609
Arrêts , 202.3 97. 1700.2349
Aridius ,
2568
Aristipe moderne , 934
Armorial général
1392
Art & la Nature ( l' ) Comédie 989. 1611
Arts Méchaniques ( origine des ) 1250
Asphalte , 1495
Atis , Opéra , 145. 324. Parodie , 340
Aurore Boreale ,
318
B.
Allet de la Paix ,
-Universelle .
>
Bibracte ,
Blandimare ,
Boerhaave ( Herman )
B
Bareges ,
Basoche ,
Bibliotheca Bibiothecarum ,
Bibliotheque Italique
992. 1405, 1625. 1814
1400
1437
2429
1137
>
1788
1901
827
2238
Bouquet , 53.351 . 360. 1031. 1335. 1857. 2178 .
Bourbon ( Conétable de )
Bouts - Rimés ,
Buie ,
Bureau Typographique ,
Abestan ,
C Cadrans Solaires ,
Cammasse ( Lolotte )
2294. 2496. 2911
1371
2490. 2712. 2835
536.907
2398
C.
254
2009. 2437.2544
761
Canal
DES MATIERES.
Canal pour la jonction des deux Mers ,
Cantate >
Captifs ( les ) Comédie,
Caractere de l'Amour ( les ) Ballet ,
Carlos ( Don' )
Cartes de Géographie , 449 613-743
Catbologans, c
Cause plaidée aux Jésuites ,
1841
Causes Célebres ,
Cervulus ,
1322
390. 2144
2137
763.967
1383
957, 1989
2304589
2007 2025
1370
1363 Chapelle du Palais , 2795
Charité ( la )
Childeric ,
Chirurgie ( Histoire de la )
Cibelle amoureuse ,
Chora ,
Chronologie Résolution d'une Question de ) 1528
! ,
1366
1585
1547
1364
Parodie ,. 375
C
Clementinus 2768
Clovis. Circonstances de son Regne 2221
Consentement forcé ( le ) Comédie .
College Royal ,
College de Dol
Collerye ( Roger de )
Conspiration manquée ( la ) Parodie ,
Conte >
Contraginnum ,
Corneille ( Pierre )
Couleurs ,›
Cours de Phisique expérimentale ,
Croix -de N. S. 865. 2778. Croix sur les Idoles ,
2438
1868
1043
1818. 2243
989
527. 1933
1364
1772
2647
924
&c.
Cryptes ,
Cure de sainte Marguerite ,
Care singuliere
1509
1929
1357
267
21 TABLE ?
D
Delisle
Denise
Anès ( Perre-Hilaire )
Déclamation ( Pensées sur la
Dictionaire de la Martiniere , figo kad
13255
922
2870
1435
2011
Discours Académique , 1283. De M. de la Briffe
1650. Sur la Profession d'Avocat
Dorgemont ,
Dorimond
E.
E
Aux Minerales ,
Ecole Militaire ,
12199
827
833
2215
$42.640.2289
ཏི་
Ecole du Temps ( 1 ) Comédie , 2057. 2450. 2677
Edme (
Sa
> Egidius
Egiogue ,
Elemens de Newton,
436. 883. 1094
1586
1697
2147. 2206. 2364
Enigme, 85.280 . 493.699.913 . 1132. 1351. 1576 .
1757, 1988. 2193- 2406. 2624. 284
Ennebault Françoise-Jacob d' ).
Entretiens Litteraires & Galans
Eoladius >
833
7235
2570
Epigramme , 794, 1340. 1345. 1985. 2508. 28084
Epithalame ,
2918
278
Epitre en Vers , 12. 223. 262. 265. 364. 664. 836.
881.918.1035.1062.2340.2383.2621.2749.2915
Époux réunis ( les ) Comédie ,
Esclaves Marseillois ,
Escompte ( Regle d' )
2470. 2889
704
669
Esprit de divorce ( 1 ) Comédie , 340. 566. 708 .
Abus qu'on fait de l'Esprit , 2752
Essais sur la nécessité & les moyens de plaire , 98 .
Essex ( le Comic d' } Tragédie ;
2936927
Ls: 2 S
DES MATIERES.
Estampes , 127. 319. 320. 540. 739. 955. 1163.
1398. 1603. 1799. 1801. 2020. 2236. 2448.
2653.2871
I. 61. 162. 2698. 2726. 2830 Etrennes ,
Etudes Militaires ,
Eufronius ,
Eulalius ,
Evotius ,
F.
2320
2569
2564
2560
Fleur ( Juvenon de la )
Fluteur ,
Fontenai
François I.
Fulcilius ,
Fumée ,
68. 243. 29 1.447. 653. 823. 2146
Ffat ( 16) die Fat puni ( le ) Comédie ,
Fausses Confidences ( les ) Comédie ,
Filets de Vulcain ( les ) Ballet Pantomime
Finances ( Histoire des )
760
1620
989
2226
834
738
1360
1371
2576
2377
G.
Andolin
G Gantez (Annibal )
Genabum ,
827
$ 549
1368
Généalogie Historique de la Maison de France
Géographie ,
Germanicus , Tragédie ,
Gladiateurs "
2209
2537
246. 1058.
1141
1764
226
Grammaire ( Remarques de ) sur Racine ,
Gravures sur Métaux & sur Pierre ,
Grossesse. Si l'imagination a tant de force sur le
foetus ,
Guidonis ( Bernard )
286
654. 1748
H.
TABLE
Idille ,
J
Japon ,
H
H.
Elene ( sainte )
Histoire des Evêques de Nîmes ,
Des Maladies , 28. De France , 710 .
Bourgogne , 1796. De Champagne ,
Honorius ,
Hydropisie ,
I.
Alousie ( Refléxions sur la )
1338
63.68.2 .
1360. De
1797
1362
1539
2524
615
376, 1308
Jettons , 126
Jeux de hazard , 1908. 2098
Inscriptions ,
Josas ,
Inhumations des Anciens ,
Joye imprévue ( la ) Comédie ,
2217
944
1367
1620
Jugement d'Apollon ( le ) / 2667
K.
KAïmac ,
1465
L.
Alande ( Therese } 2888
Lampes antiques , 2013
306
Lauriere ( Eusebe-Jacob de
2857 Languedoc ,
Liturgia Romani Pontificis ,
26 Livres ( erreur d'un faiseur de Catalogue de ) 2017
Logogryphe , 86.281 . 495 , 700. 913. 1133.1352 .
1577. 1758. 1989. 2194. 2407. 2625. 2842
Louis ( S. ) 428. 660. 1480. 1746. Les Coeurs de
Louis XIII & de Louis XIV . placés aux Jésuites ,
Lysimachus , Tragédie ,
$4
548
M
DES MATIERES
M
Madrigal
Maffei ,
M.
Achines Hidrauliques , 1917. 2707
Madrigal , 46 1098. 1755. 1819 1956.
Main- mortable peut - il tester ,
1965 . 2517.29 18
3 :556 lo
1137
1152821
Majoral de Rie 1388
Mandol ( Magdeleine )
1374
Manufactures ,
466
Martin ( D. Emmanuel )
1683
Materassi ( Francesco )
2888
Matiere médicale ,
2002
Maximien , Tragédie , 338.744
Mayans Gregoire )
729
Médailles , 41 1. 878. 1317. 139г. 1501. 2651.2871
Memoires de Mlle de Bonneval , 525
Memorie Isteriche delta Guerra d'Ispagna
R A
2809
Memorie del General Maffei ,
2811
Menteur ( le ) Comédie 2055
Mercure , 2115
Metiosedum , 1367
Métromanie (la ) Comédie 831. 519. 565
Mondori ,
Mithridate , Tragédie ,
Mizirida ,
Montfleuri ,
987
1994
827
829.831
Montmirail ,
Mo el ( Julienne )
*Musaum etruscum ,
Muses ( les ) . Comédie ;.
2120
2854
1393
2674.2873
Musique ( Memoires pour servir à l'Histoire de la )
Anteuil ,
N.
N Noue ( Mathurin de las ),
Niceron ,
1110. 1721
833
1143
2852
Nisien
TABLE SA
Nisien ( S. )
Nivernois ,
1554
1899. 2560
O.
317
841
O
Bservateur Litteraire
Observations faites au Pérou ,
Ode . Les Poëtes obscenes, 19. La sagesse du Gou
vernement , 95. Pour un Malade , 409. A Iris ,
441. A M. Froland , 627. L'Avarice , 89. A
Mad ....
886. La Simpatie . 895. A Damon
1051. A M. Delci , 1083. Anacréontique , 1109.
Au Roy , 1319. La Haîne , 149. A Mlle
1478.Sur le Lieu de la naissance de l'Auteur, 1498.
Le Philosophe disgracié , 1132. Aux Muses ,
1552. Le Travail , 1562. Les Belles Lettres ,
1738. A M. l'Abbé de Polignac , 1863. L'Illusion
des plaisirs , 1883. Le Cotentin, 1906. L'O
pinion 1925. La Colique, 2095. L'Amitié, 2124.
L'Amant sur le retour , 2354. Le College Royal ,
2519. L'Hyver ,
Ir.2906
197.2307
, 2SAR
.
Tirée des Pseaumes ,
Tirée d'Horace , 393. 405. 464. 638. 689 .
1247 1316. 1328. 1492. 1512. 1532 1709.
1715. 1896. 2112. 2317. 2374. 2533, 2793•
Traduite de l'Anglois , 215
Oratio gratulatoria ,
1391
Osservatione Letterarie
<
2603 23.09
P.
Apier ,
1171
Papillon ( Philibert ) 1066
Parangone della Poesia Tragica d'Italia con quella
de Fancia ,
Paré ( Amboise }
Partie de Campage ( la ) Comédie
Peau ,
Peintures de Vitres d'Eglise , &c. gravées ,
Pension nouvelle ,
Pesanteur des corps ,
2836
1549
1184
1341
3166
960
37-489
Petite
DES MATIERES..
Petite Vérole extraordinaire ,
Phédre , Tragédie ,
Phénomene ,
Pierre de Foudre ,
Pipée ,
Playe au bas ventre ,
1602
981
12.3 1345
1167. 1986
2201
1537.2386
Poëme Electre , 34. Iphigenia , 432. Le Comte
d'Essex, 1671. La Donciade, 1795. Didon , 2577
Pont-Levis de fer à bascule ,
Pouillé du Diocèse de Chartres ,
Pouvoir de la simpatie ( le ) Comédie ,
Praticien universel ,
1804
2848
1620
723
Prescription , si elle rétablit le Condamné à mort
dans les effets civils .
Printemps de Geneve ( le ) Pastorale
Priscus ,
Prologue pour Esther ,
Q
Uerela ad Gassendum ,
1563
1629
1557
1718
1971
QQuestion , 263. 316. 443. 696. 889. 392 .
900. 1349 1390. 1446. 1888. 2234.2356 2831
Quichotte ( Dom )
Quinault ( Philipe )
Quinquina ,
Age
R.
527729
335
852
1106
Rajeunissement inutile ( le ) Comédie , 2264.2461
Recueil de Pieces d'Histoire & de Litterature ,
1584. D'Instructions par l'Evêque de Bazas, 1592
Réduction de Paris ,
Reflexions , 70. 274. Sur les passions
Renobert ( S. )
Ritibus ( de antiquis Ecclesia )
Rodogune , Tragédie ,
798
1361
709
2619
Romiliacum
TABLE .
Romiliacum ,
Rondeau ,
1358
sos. 764. 806. 911. 1093. 1348
Ruses de Guerre ,
Rusticus ,
S.
Able à bâtir ,
S
Salbrai ,
Salomon n'est
2843
2567
1170
834
pas fils unique de David et de Beth-
1587 ¿ sabée ,
Salutatorium ,
Satire imitée d'Horáce,
Sel essentiel ,
Sennacherib , Tragédie ,
Sentimens de Mariane ,
Servandoni ,
Sicilien ( le ) Comédie ,
Son ( Propagation du )
27
1272
537
2249
987
319
2056
1085
Sonnet , 273.797 . Sur la Phédre , ab 2 ' , 982
Songes (1 STX A .8 2
Spectre ( le ) 1377
Stances
427.1109 . 2368. 2923
Statues , 1166. 1607
Tab
Ableaux
TTables Géographiques & Historiques , 1169
Taglia Zucchi Gerolama )
Taille de la Pierre ,
Tancrede , Opera ,
DIA LV169. 1395 2178
balm 2813
der 1/1711 . 2372
2265
Theatre ,
Tapisseries ,
Tanricianus ,
Telescope de refléxion
1172. 1397
2566
826.945
1313
Tempête
Tendon d'Achille...
Terre ( figure de la ) ab Traibw1514. 1957
Thibaut , Roy de Navarre , 1120 1130.
上C
Thoringic
1200
20
1543
DES MATIERES
. T
Thoringie
Thỏú ( de )
Tombeaux ,
Torilliere ( le Noir de la )
Tourbillons
,
Transactions Philosophiques
,
Tremblement de Terre ,
Trictrac ,
7401585
15.630
2018: 2217
831
484
12202
116 NETOLVED 3221601
118. 1637
Tripodium ,
Troyes
Taillerie ( Jean Juvenon de la
Turcaret ( Comédie )
V.
Alet Auteur ( le ) Comédie ,
Vellaunodunum
28
28.220
835
2264
$1806
1367
476. 1493. 2117
Verre
,
Vers à M. de Claville , 117. A Mlle Pélissier , 146. Le mois de Février , 258. A Mile Dangeville, 292. 1820. Sur la sainte Vierge , 315. A Mlle Lalande , 339. A M. d'Argental , 363. L'Envie ,
de
482. A M. Gresset , 13. 1649. L'Avantage
la vertu , 611. Le Portrait de l'Hymen , 676. Sur le Traité du Vrai Mérite , 727. Accompagnant
Cane Ecritoire , 803. La Nymphe Umbra , 903. Sur la maladie de M. Desforges Maillard , 1011 1119. A M. Vallée , 1c20. Réponse sur l'Amour
des trois Enfans , 1172. A Mlle Masson , 1220. A M. Titon , 1399. A Mlle Salé , 1628. A M.
, 16541
de Voltaire , 1644. A la Comtesse de * *
A P'Abbé de ** , 1654. A Mlle Dumesnil , 1820. Au Curé de Norville , 2119. Le Parnasse , 2150. L'Amour Marron , 2359. A la Marquise de C... 2396. A Mlle de C ... 2558. Remerciment
, 2654. Au Cardinal de Fleury , 2693. Accompagnant
un Rose , 2706. A une Dame , 2709. Le
Portrait
TABLE DES MATIERES
Portrait d'Horace , 2731. Songe , 2769. L'A
mour Abeille ,
Vertige ,
Vésuve
Vetula ,
Vie est un songe ( la ) Tragédie ,
2820
-115
2656
1363
2127
Viellesse extraordinaire , 186. 259. 351, 607.677.
87 1082. 1212.1433. 2085. 2711
Vierge ( dévotion à la ) 2311
Villiers ,
Vin. Si on l'a permis aux Janissaires ,
Voltaire ,
Urbain ( Ferdinand de S. )
Usages des Marseillois ,
Vuide ,
834
1469
1624
321
1967
3717
KM
La Médaillegravée doit regarder la page
2873
LISTE DES LIBRAIRES
qui débitent le Mercure ans les
Provinces du Royaume , c. ~C.
A Toulouse , chez Forest , et Henault.
Bordeaux , chez Raymond Labottiere , et chez
Chapui , fils , au Palais , et à la Poste.
Nantes , chez Nicolas Verger.
Rennes, chez Joseph Vatar , Julien Vátar, Guillaume
Jouanet Vatar , et la veuve Audran.
Blois , chez Masson .
Tours , chez Gripon , et ched Bully.
Rouen , chez Herault.
Châlons-sur - Marne , chez Seneuze .
Amiens , chez la veuve François et Godard.
Arras , shez C. Duchamp , et chez Barbier.
Orleans , chez Rouzeaux.
Angers , chez Fourreau et à la Poste.
Chartres , chez Fetil , et chez J. Roux.
Dijon , chez la veuve Armil , et à la Poste.
Versailles , chez Monnier , et chez Marié.
Besançon , chez Briffaut , et à la Foste.
Saint Germain , chez Chavepeyre.
Lyon , à la Poste.
Reims , chez De Saint .
Vitry-le-François , chez Vitalis.
Beauvais , chez De Saint.
Douay , chez Willerval.
Charleville , chez P. Thesin.
Moulins , chez Faure.
Mâcon , chez De Saint , fils ,
Mets , chez Barbier.
Boulogne-sur-Mer , chez Parassol
Nancy , chez Nicolas.
Saint Omer , chez Jean Huguet.
Qualité de la reconnaissance optique de caractères