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1738, 09-10
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MERCURE
DE
FRANCE ,
DEDIE
AU
ROT.
SEPTEMBRE .
1738 .
OUR
COLLIGIT
SPARGIT
Papillon
Chés
A
PARIS ,
GUILLAUME
CAVELIER ;
ruë S. Jacques.
La Veuve
PISSOT , Quay de Conty ;
à la defcente du Pont Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais.
M. D CC.
XXXVIII.
Avec
Aprobation & Privilege du Roy:
THE NEW YORK
UBLICH RAKT
35211 A V I S.
ASTOR , LENOX AND
TILDEN ROUNDATIONS
LA
و
ADRESSE generale eft à
Monfier MOREAU , Commis au
Mercure vis - à - vis la Comédie Fran-
Coife , à Paris. Ceux qui pour leur commodité
voudront remettre leurs Paquets cachetés
aux Libraires qui vendent le Mercure,
à Paris , peuventfe fervir de cette voye
pour les faire tenir.
On prie très-inflamment , quand on adreffe
des Lettres ou Paquets par la Pofte , d'avoir
foin d'en affranchir le Port , comme cela s'eft
toujours pratiqué , afin d'épargner , à nous
Le déplaifir de les rebuter , & à ceux qui
les envoyent , celui , non -feulement de ne
pas voir paroître leurs Ouvrages mais
même de les perdre , s'ils n'en ont pas gardi
de copie.
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les Particuliers qui fouhaiteront
avoir le Mercure de France de la premiere
main , & plus promptement , n'auront
qu'à donner leurs adreſſes à M. Morean ;
qui aura foin de faire leurs Paquets fans
perie temps de les faire porter suv
Pheure à la Pofte , ou aux Meffageries qu'on
lui indiquera.
de >
PRIX XXX. SOLS.
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROT.
SEPTEMBRE . 1738.
PIECES FUGITIVES,
en Vers et en Prose. 1
L'ILLUSION DES PLAISIRS ,
ODE.
U ton destin est déplorable ?
Mortel , où tendent tes souhaits ?
Avide d'un bonheur durable •
Ne le trouveras tu jamais ?
Trahi par tout ce qu'il désire ,
Ton coeur languit , ton coeur soupire ,
N'est - il pour toi de vrais plaisirs ?
A ij Créé
1884 MERCURE DE FRANCE
Créé par un Eure suprême ,
- Dois tu ne trouver en toi – même
Que d'insatiables désirs ?
*
Du vif éclat qui m'environne
Je vois tous les Humains jaloux ;
Le rang , les titres qu'on me donne ,
Ont pour moi des attraits bien doux
Respects , Grandeur imaginaire ,
Vous séduisez , sans satisfaire ;
Esclave d'un fatal devoir ,
Mes jours coulent dans la contrainte
On me fuit , j'inspire la crainte ,
Que suis-je avec tout mon pouvoir ?
*
En vain du penchant qui me guide ,
Je suis la douce activité ;
Où trouverai-je un bien solide
Source de ma félicité ?
Epris d'une Beauté charmante ,
J'éprouve une ardeur qui m'enchante
Je brûle , je plais à mon tour ;
Quels plaisirs mais quelles allarmes !
Des soupçons , de honteuses. larmes ,
Empoisonnent ce tendre Amour,
*
Le3T
SEPTEMBRE. 1738. 1895
Le Printemps nous rend la verdure ;
Je parcours de rians Jardins ,
Les Prés , les fleurs , une Onde pure ;
Semblent endormir mes chagrins ;
Que dis-je ? Cette solitude
Redouble mon inquietude ;
Foible ressource pour un coeur ;
Les Habitans de ces Bocages ,
Par leurs Concerts , par leurs ramages ,
Ne font que nourrir ma langueur,
*
Quel autre objet s'offre à ma vûë ›
Thalie , est- ce toi que je vois
Je sens déji mon ame émuë ,
S'attendrir au son des Hautbois
;
Mille Jeux regnent dans ton Temple ;
Tandis que mon oeil les contemple ,
L'ennui m'a-t'il abandonné ?
Un nouveau trouble m'inquiete ,
Chere Philis , je te regrette
Dans un séjour si fortuné.
Le Jeu pourra me satisfaire ,
Profitons du moment heureux ;
Lieu funeste ! Alecton P'éclaire
Quels crisquels sifflemens affreux ...
"
A iij Je
1886 MERCURE DE FRANCE
Je m'abuse , Plutus l'habite ,
Le Métal séducteur m'excite ,
J'éprouve un sort plein de douceurs.
Dieu cruel , quel revers m'accable !
C'est pour me rendre misérable ,
Que tu m'as comblé de faveurs.
.. ·
*
Fuyons A ma sombre tristesse
Il faut des secours plus puissans ;
Bacchus , par une prompte yvresse ,
Mets le désordre dans mes sens ;
Ton Nectar bannit mes allarmes ,
C'est à toi que je rends les armes
Heureux de perdre la raison :
Elle s'éveille , la cruelle ,
Sa voix sévere me rapelle ,
Suis -je plus tranquille. Hélas ! non !
J'entre dans le sacré delire ;
Venez agréables transports ;
Guidé par le Dieu qui m'inspire ,
Tout va céder à mes accords ;
Déja mon triomphe s'aprête ;
La Guirlande ceindra ma tête ,
Tremblez , tremblez , Rivaux altiers.
Que vois-je , ô comble de disgrace !
SEPTEMBRE. 1738. 1887
Un vainqueur occupe ma place ,
Je n'ai que l'ombre des Lauriers.
*
Sous l'Etendart de l'Hymenée
Goûtons de plus charmans attraits ;
Doux momens , heureuse journée
Puissiez-vous ne finir jamais !.
Epouse chérie et fidelle ,
>
Que votre amour soit éternelle ,
Regnez , digue objet de mes voeux ;
Mais je sens ma fàmme décraître ; .
Le feu qui ne fait que de naître
Streint dès que je suis heureux.
*
Un ami sincere me gêne ,
A quoi pourrai je recourir ?
Quel vuide , quelle affreuse peine H
Est-ce vivre que de languir ?
Félicité que je désire ,
Me fuis-tu , tant que je respire ,
En me livrant d'affreux combats
Ah ! dans l'état le plus funeste
Le soulagement qui me reste ,.
Je ne l'attends que du trépas..
A iiij Quelle
1888 MERCURE DE FRANCE
Quelle Divinité puissante
Calmera mes cruels tourmens
J'obéis à si voix touchante ,
C'est la vérité que j'entends ;
A son aspect fuit le mensonge ;
Tu cours , dit - elle , après un songe ,
Insensé , connois ton erreur ;
Si tu veux un bonheur durable ,
Il n'en est qu'un seul véritable ,
Pour le trouver , crains le Seigneur.
Par M. B * 、dAix. ›
&
༨༡༠༩༨༩
REPONSE de M. F. Courte de Sumerenne,
Avocat an Parlement, aux Questions
de Droit proposées dans le Mercure de Mars
1738. p. 446.
"
ور
PREMIERE
U
QUETION.
Ne Femme aporte en Dot à son second
Mari une somme de 10000.
» livres dont il lui donne quittance par son
» Contrat de Mariage , qui contient , de plus,
❞au profit du second Mari une donation de
portion d'enfant. Par ce Contrat de Mariage
il est dit que de ces 10000. liv. de
» Dot , il en entrera Iooo liv. en Commu-
» nauté ; la femme décede , et laisse en
ود
» mourant
SEPTEMBRE. 1738. 1889
» mourant un enfant de son premier Maria -
» ge ; cet enfant après la mort de sa mere
» ou son Tutcur pour lui , renonce à la
» Communauté de Biens qui avoit été entre
» elle et son second Mari . On demande si
» nonobstant la renonciation faite par le
Mineur, il a droit de reprendre
la moitié
de la mise enCommunauté
, ou si , au moïen
» de la renonciation
, la mise en communauté
» doit profiter au second Mari seulement
.
Réponse. Il faut d'abord observer que
cette Question n'est pas des plus faciles à
traiter , et à résoudre . Il ne paroît pas par
la lecture de plusieurs Auteurs des plus suivis
, qu'aucun d'eux l'ait prévûë et en ait
donné la décision. Quelques- uns l'effleurent
seulement : je ne puis donc autrement
rétablir que sur des raisons et sur des maximes
, qui paroîtront la décider le plus .
clairement , et qui réfuteront , avec le plus
de force et de solidité , les objections qu'on
peut faire ; et voici mon raisonnement.
La renonciation faite par le Mincur conformément
à la regle ordinaire , et après
avoir eu une connoissance parfaite des Effets:
de la Communauté , lui est absolument préjudiciable
, ensorte qu'il ne peut plus reprendre
la moitié de la mise en la Communauté
, et par consequent cette mise en Come
munauté doit profiter au second Mari au
moyen de cette renonciation . A v
1890 MERCURE DE FRANCE

Mais en me déclarant pour la négative de la
Question proposée , il est de mon devoir d'en
établir la preuve par des moyens également judicieux
et fondés sur des maximes certaines.
Le premier moyen , est d'établir que renoncer
à quelque chose , c'est s'en abstenir,
et en abandonner la proprieté selon les
Loix Romaines ; cette renonciation étant
telle , qu'elle lie les mains à celui qui la fait,
et qu'il n'a plus d'actions à exercer pour
raison des Effets compris dans la Communauté
après sa renonciation. C'est pourquoi
les profits et pertes de cette Communauté
sont dévolus de droit au second Mari , qui
demeure proprietaire de la mise en laCommunauté
, selon cette maxime de Droit si équitable
et si suivie : Apud quem sunt commoda
debent esse et incommoda.
Le second moyen, est que par le Contrat
de mariage , le second Mari contracte deux
obligations , qui doivent être absolument distinguées
l'une de l'autre, comme étant sépȧrées
entre- elles , et n'étant pas de la même substance.
Il contracte 1 ° . la qualité de commun ,
au moyen de cette mise de 1000 liv. en la
Communauté , et 2 ° . celle de Donataire , par
la Donation qui lui est faite de Portion
d'Enfant , d'où naissent deux actions qu'il a
droit d'exercer.
Pour prouver que ces deux obligations
sont
SEPTEMBRE. 1738. 1891 :
sont séparées et sont differentes de leur nature
, je dis que la stipulation de mise en
Communauté dépend des profits , ou pertes
de la Communauté au décès d'un des Conjoints,
et que l'acceptation ou la renonciation
à cette Communauté , de la part de la Femme
ou de ses heritiers , ne datte que de cè
temps - là, et que celle de Donation de Portion
d'Enfant , a son affectation et sa specification
certaine , du jour de la datte du Contrat.
Voilà donc le droit du second Mari éta--
bli les clauses de son Contrat de mariapar
ge ; ses deux qualités sont reconnuës en
termes exprès : Expressa nocent , non expressa
non nocent , Lege 195. D. de Regulis Juris..
Par consequent les 1000 liv . de mise en
Communauté doivent lui profiter , puisque
le Mineur a renoncé et la Donatión de
Portion d'Enfant doit être executée à son
avantage, suivant l'esprit et la disposition de
l'Edit des Secondes Noces..
>
Comme je prévois quelques objections
qu'on peut faire pour soûtenir l'affirmative
de la Question , je vais les exposer et les
réfuter , et descendre par là dans un plus
grand détail .
Le Mineur a droit de reprendre la moitié
de la mise en la Communauté , dira-t'on
parce que cette somme de 1000. liv . qui la
constituë , est une section de la somme de :
Avj 10000.
1892 MERCURE DE FRANCE
10000. liv. qui apartenoit à sa merc,au temps
de son second mariage , laquelle au décès
de la mere , et à l'ouverture de sa succession
, doit être considerée comme consolidée
à la somme totale de 10000. liv. et par
consequent, comme Enfant, il doit partager
cette somme de 1000. liv. avec son Vitric
ou Beau- pere , qui a l'autre partie en qualité
de Donataire de Portion d'Enfant.
Pour répondre à cette objection qui me
paroît la plus subtile que l'on puisse faire
pour le soutien de l'affirmative , je m'en
tiendrai au principe que j'ai déja établi , et
qui me paroît infaillible ; sçavoir , que renoncer
à quelque chose , c'est s'en abstenir,
et en abandonner la proprieté ; or le Mineur
a renoncé légitimement , causâ cognitâ. Or
qu'est- ce qui forme et constituë cette Communauté
? C'est sans contredit la mise de
cette somme de 1000. liv. Cette somme est
donc l'objet de sa renonciation ; par consequent
il la perd , et elle profite au second
Mari survivant, quí en devient de droit Proprietaire
, au moyen de cette renonciation.
Mais , oposera le Mineur , la maxime de
Droit , Dua causa lucrativa in eundem hominem
, et in eandem rem concurrere non possunt
, m'est favorable en partie . Le second
Mari de ma mere est Donataire et commun .
Voilà deux causes lucratives qui concourent
dans
SEPTEMBRE. 1738. 1893
dans la même personne , contre la disposition
de cette maxime de Droit , de la vérité
de laquelle tous les Jurisconsultes conviennent
unanimement;par consequent quoi que
j'aye renoncé, j'ai droit de reprendre la moitié
dans la Communauté de Biens.
Il est facile de répondre à cette seconde
objection , et la réponse s'en tire même des
termes de la maxime de Droit objectés.
Il est bien vrai que deux causes lucratives.
ne peuvent concourir dans la même personne
, et dans la même chose ; mais , dans
l'espece présente , il n'y a seulement que
deux causes lucratives qui concourent dans
la même personne , elles ne concourent
point dans la même chose ; la disposition de
cette maxime doit être prise selon son étenduë
, et ne fait point Loi en faveur de celui
qui la divise par la moitié,pour en tirer avan
tage . Nous avons déja prouvé par la raison
que nous avons raportée dans nos moyens ,'
que les deux obligations qui partoient du
Contrat de mariage de la mere du Mineur
avec ce second Mari , étoient differentes de.
leur nature ; on ne peut donc point dire
que la qualité de Donataire soit la même
que celle de Commun: sentiment que nulle
personne versée dans les matieres civiles
n'adoptera jamais : Donation et Communauté
étant distinctes , et ayant leurs regles
particulieres.
3 Pour
1894 MERCURE DE FRANCE
Pour prouver que deux causes lucratives
peuvent concourir dans la même personne
Titius , par exemplé , n'est - il pas habile à
succeder en même temps à la succeffion de
Lucius son perc , et à celle de Cains son oncle
, décedés ? Ces deux successions sont
deux causes lucratives qui concourent dans
la même personne , cela ne répugne nullement
à là Loi , se pratique , et est conforme
à l'espece présente , où le second Mari a
deux causes lucratives de Donation et de
Communauté. Mais pour prouver que deux
causes lucratives ne peuvent pas concourir
en la même personne , et en la même chose
ensemble , suivant la maxime alleguée ;
Sempronius , par exemple , ne peut point être
Donataire de la succession de sonPere Sejus, ni
partager cettesuccession, comme heritier,avec
ses autres freres , parce que ce feroient deux
causes lucratives en la même personne et en
la même chose , qui est cette succession ; il
faut qu'il choisisse de l'une ou de l'autre .
Voilà l'aplication de la maxime , qui est
differente de l'espece présente , où les deux
qualités du second Mari ne sont point la
même chose. Cette maxime ne peut donc
être d'aucun avantage au Mineur , pour soûtenir
qu'il a droit de reprendre la moitié de
la mise en la Communauté , nonobstant sa
renonciation.
>
Je
a
SEPTEMBRE . 1738. 1895
Je ne vois pas qu'on puisse faire quelque
autre objection valable,pour l'affirmative de
la Question, si ce n'est que l'on veuille encore
oposer , pour attirer la compassion de la
Justice sur la perte du Mineur , qu'il lui esc
déja bien desavantageux de partager avec
son Vitric une succession, à laquelle il avoit
lieu de prétendre pour le tout , sans se voir
encore frustré d'une Communauté qui peut
lui être profitable.
La Réponse est bien laconique. 1. la
Justice n'a point de compassion du malheur
d'autrui , au préjudice des biens qui apartiennent
à des Particuliers , nisi salvô jure
alienô ; elle tient l'égalité dans sa Balance :
en second lieu , le Mineur s'est fait lui- même
la loi par sa renonciation.
Je conclus donc , ct je repete que le Mineur
n'a plus rien à prétendre en la Communauté
de Biens , au moyen de sa renonciation
, faite selon les regles , et que par ce
moyen la mise de Communauté doit profiter
au second Mari seulement ; le Mineur
n'a pas même la voye de restitution , si ce
n'est que, depuis sa renonciation , il ne découvre
quelque dol , fraude , ou violence ,
ce qui n'est pas extraordinaire dans la
sonne d'un Vitric , qui n'adopte que trèsdifficilement
des Enfans du premier lit.
per-
A Laval le 15 Juillet 1738.
ODE
2
D
1897 MERCURE DE FRANCE

ODE Imitée d'HORACE. Justum
L'Homme
juste
et tenacem &c.
héroïques ,
et constant dans ses moeurs.
D'un Peuple mutiné dédaigne les pratiques ,
D'un Tyran menaçant le visage enflâmé ; .
Immobile , il soûtient l'effort de la tempête ;
Ferme , il entend gronder la foudre sur sa tête ;;
L'Univers tomberoit , sans qu'il fût allarmé.
*
Pour arriver au Ciel, ce moyen fut le guide ,
Qui dirigea les pas de Pollux et d'Alcide ;
Auguste boit déja le Nectar avec eux .
21
Ce fut par ce moyen , puissant fils de Semele ,
Que t'éleva jadis à la gloire immortelle
Ton Chariot traîné par des Tygres fougueux.
*
Parce moyen encor et si noble et si rare ,.
Le Divin Romulus évita le Tartare ,
Secondé des Coursiers au Dieu Mars consacrés >
Après qu'aux Immortels Junon moins couroucée
Dans le Conseil céleste eut marqué sa pensée ,,
Par ces mots à la fois chéris et réverés.
» Un
SEPTEMBRE. 1738. 1897
» D'Ilion
» Un Juge incestueux , une Etrangere infâme ,
par leur crime ont allumé la flâme
» Et quand Laomedon aux Dieux manqua de foi ,
Nos coeurs s'interessant à venger cette injure ,
>>La perte des Troyens et de leur Chef parjure ,
» Dès lors fut résoluë entre Minerve et moi.
*
Enfin de ses forfaits il a payé la peine ,
» Cet Hôte si fameux de l'adultere Helene :
Priam de son Hector fatalement privé ,
» Aux ravages des Grecs n'opose plus de digue :
»Ce débat obstiné qu'allongeoient nos intrigues ,
»Ce débat malheureux est enfin achevé.
*
"C'en est fait , je renonce à ma juste colere.
»Mon petit- fils , Troyen du côté de sa Mere ,
39
M'est, en faveur de Mars , beaucoup moins odieux.
Qu'il habite avec nous ces demeures heureuses :
» Qu'il goûte du Nectar les douceurs savoureuses ;
»Qu'il vienne , j'y consens ,
s'asseoir au rang des
Dieux.
*
Pourvû qu'un long trajet partage Rome et
Troye ;
» Qu'insultés des Troupeaux , qu'aux reptiles en
proye
* Da
T898 MERCURE DE FRANCE.
» De Priam , de Paris les Buchers soient deserts ,
Regnent ces Exilés de l'un à l'autre Pole ;
20
» Subsiste , j'y consens , l'éclatant Capitole ;
Puisse aux Medes vaincus Kome donner des fers !.
» Rende hommage à son nom chaque borne du .
Monde ;
» Celle qu'entre l'Europe et l'Affrique met l'Onde ,
Ainsi que le Pays par le Nil arrosé ;
20
Qu'en ne cherchant point l'or, vraiment prudente
et sage ,
» Rome aspire à l'honneur d'en dédaigner l'usage,
» Et s'épargne l'affront d'en avoir abusé.
» Que de ses traits vainqueurs les atteintes mortelles
Se fassent ressentir à tous Peuples rebelles ,
Des Climats les plus chauds , au Climats les plus
froids ;
» Mais à condition qu'une piété vaine
N'excitera jamais la vaillance Romaine
A vouloir d'Ilion renouveller les Toits.
*
» Ilion rebâti retombera par Terre ; ·
Je veux , moi , femme et soeur du Maître du
Tonnerre
Bassembler2
SEPTEMBRE.
1899 1738.
Rassembler contre lui tous mes Grecs en courroux.
" Qu'Apollon par trois fois d'un mur d'airain l'entoure
,"
»Trois fois le renversant , leur fatale bravoure
» Fera pleurer la mort des fils et des époux .
*2
» Que faites-vous , ma Muse ? où tend votre délire
?
» Ce transport convient- il aux accens d'une Lyre
» Destinée à chanter les amours et les ris ?
» Vous recitez des Dieux les discours magnanimes.
» Gardez-vous d'achever, et de ces chants sublimes
Par vos foibles accords n'abaissez plus le prix.
ESSAI sur l'Histoire du Nivernois ,
M. Pierre Defrasnay. Lettre I.
V
par
Ous souhaitez , M. d'aprendre l'Histoire
de notre Province de Nivernois ;
je loue votre curiosité , mais il n'est pas
aisé de la satisfaire ; plusieurs de nos Evêques
et de nos Comtes n'ont pas été
assés heureux pour se faire jour au travers
de l'obscurité des temps , ou, s'ils sont parvenus
jusqu'à nous , ils n'ont transmis que

leurs
1900 MERCURE DE FRANCE

leurs noms à la posterité , et n'ont laissé aucune
memoire de leurs actions ; nous ne
sçavons pas même les fondations de nos
Villes , la plupart des Monasteres jouissent
des bienfaits de leurs Fondateurs , sans en sçavoir
le nom ; nous connoissons peu les
Saints que nous honorons dans ce Diocèse
leurs vertus ne sont aujourd'hui connues que
de Dieu seul ; mais le culte que nous leur
rendons , fondé sur une Tradition pieuse ,
n'en est pas moins digne de loüange ; ainsi ,
n'attendez de moi ni ces détails , qui satisfont
la curiosité , ni ces Anecdotes précieu--
ses , qui font le mérite d'une Histoire ; je
vous répéterai seulement ce que j'ai lu , ou
ce que j'ai apris par la Tradition ; n'exigez
rien de plus , vous ne le sçauriez faire , sans
quelque injustice.
Le Nivernois dont j'écris l'Histoire , est
une Province située dans le centre du
Royaume , et bornée par le Berri , l'Auxerrois
, la Bourgogne et le Bourbonnois
qui l'environnent ; les Peuples de cette
Province s'apelloient autrefois de differens
noms , les uns se nommoient Ambarri , les
autres Vadicasses ; il seroit difficile aujour
d'hui de désigner parfaitement ces deux Territoires
; tout ce que l'on peut faire , c'est
de dire , que les Peuples apcllés Ambarri ,
sont les Peuples qui habitent les Pays du
Morvant
SEPTEMBRE. 1738. 1901
,
Morvant et du Basois , que l'on apelle le
haut et bas Morvant entre les rivieres
d'Aron , et d'Arou ; Vadicasses , sont les
autres Peuples du Nivernois ; tous ces Peuples
dépendoient autrefois de la République
des Eduens , que nous apellons aujourd'hui
Autunois , dont la Capitale se nommoit
Bibracte , qui est à present un simple Village
apellé Beuvrai , situé sur une montagne
du même nom , laquelle fait partie du
Nivernois desorte que l'on peut douter
si ce sont les Peuples du Nivernois , qui representent
les anciens Eduens , ou si ce
sont les Autunois ; nous avons l'avantage
de posseder dans notre Province l'ancienne
Bibracte , la soeur et la rivale de Rome , la
forteresse des Eduens , le séjour de leur
principale Noblesse , et le Lieu où s'assembloit
leur Senat ; cette Ville , autrefois si
fiere , est un hameau de notre Province ;
nous pouvons dire que nous sommes en
possession de toute la gloire des anciens
Eduens.
,
Les Ambarres chés les Gaulois n'étoient
pas un Peuple méprisable ; ils suivirent Belloveze
au- delà des monts , et lui aiderent à
conquérir cette partie de l'Italie , à laquelle
les Romains ont donné depuis le nom de
Gaule Cisalpine ; César parle des Ambarres
en plusieurs endroits de ses Commentaires.
Nevers
1902 MERCURE DE FRANCE
Nevers est la Capitale du Pays des Vadicassiens
; César avoit mis dans cette Ville
ses ôtages , ses magazins , le bagage de son
Armée, et les deniers publics ; les Habitans
de Nevers répondirent à la confiance que
César avoit en eux ; ils ne donnerent point
les mains à la trahison d'Eporedorix et de
Viridomare Seigneurs Autunois ; mais
surpris par les Passeports de César dont ces
Seigneurs , se disoient amis , ils les laisserént
entrer dans leur Ville , et souffrirent de
cette trahison autant que les Romains , cat
leur Ville fut brûlée par ces Seigneurs perfides.
,
La Province de Nivernois peut être regardée
comme Evêché , comme Duché-
Pairie , Bailliage et Gouvernement ; si nous
regardons cette Province comme Evêché ou
Diocèse , il faut d'abord nous arrêter à l'Histoire
des Evêques qui en sont les Chefs.
L'Evêché de Nevers est très- ancien , et
on ne peut pas facilement fixer l'époque de
son établissement. Le Christianisme s'est
établi fort tard dans les Gaules ; on dit ,
mais la Tradition n'est pas certaine , que S!
Paul allant en Espagne , et passant dans les
Gaules , établit Crescent Evêque à Vienne ,
Trophime à Arles , et Paul à Narbonne ; ce
qui est constant , c'est que S. Photin a été
Evêque à Lyon dans le second siécle ; S. Irénée
1
SEPTEMBRE.
1738. 1903
و
mée disciple de S. Policarpe , a succedé à
Photin , et a été Martyr comme lui ; mais
ce ne furent- là que de legers commencemens
, et qui n'eurent pour lors que trèspeu
de suite ; on peut en effet assûrer que
ce n'a été qu'en l'an deux cent cinquante ,
ou environ , sous l'Empire de Dece , et
sous les Pontificats de S. Fabien et de S. Corneille
que le Christianisme a reçû son
principal accroissement dans les Gaules ;
c'est dans ce temps - là que S. Saturnin a établi
son Siége Episcopal à Toulouse , S. Gatien
à Tours , Martial à Limoges , Denys à
Paris , et Strémoine , autrement Austrémoine
à Clermont en Auvergne. Ces premiers
Evêques furent envoyés dans les Gaules
par les Pontifes de Rome , qui sont les
Evêques primitifs de la Chrétienté.
Quelquefois, à la priere des Fidéles , lorsqu'une
Ville considérable n'avoit point de
Siége Episcopal , les Evêques du voisinage y
établissoient un Evêque par la Consécration,
qui se faisoit ordinairement par trois Evêques,
et même en cas de besoin par un seul ;
quelquefois aussi le Métropolitain,de son autorité
, établissoit un Evêque dans une Ville ,'
lorsqu'il jugeoit que cet Établissement étoit
nécessaire , et c'est ainsi qu'en usa S. Basile
dans la Ville de Sazime ; voilà à peu près la
maniere dont les Evêchés ont été établis
dans ces premiers temps.
Quelques
1904 MERCURE DE FRANCE
Quelques Auteurs nous donnent pour
premier Evêque S. Austremoine , dont nous
avons parlé ci dessus ; mais cette opinion
n'est établie sur aucun fondement solide ; if
se peut faire que S. Austremoine ait passé à
Nevers , qu'il y ait annoncé l'Evangile ,
qu'il ait même baptisé , ce qui étoit pour
lors une fonction Episcopale ; mais on ne
prouvera jamais qu'il y ait établi un Siege
permanent , qui ait été rempli par d'autres
Evêques ses successeurs ; ainsi ilfaut renoncer,
malgré nous, à l'honneur d'avoir S. Austremoine
pour notre premier Evêque , et le
laisser tout entier à la Ville de Clermont en
Auvergne , qui se glorifie de cet avantage-
Les Legendes de S. Cassius, qui nomment
S. Austremoine Evêque de Clermont et de
Nevers , ne peuvent faire aucune preuve au
préjudice de la vérité , puisqu'il est constant
que , du temps de S. Austremoine et
même long- temps après , il n'y a eu aucun
Siége Episcopal en´notre Ville ; d'ailleurs
quelle foi doit- on ajoûter à ces sortes de Legendes
? Ne sçait - on pas que dans l'Eglise
de Rome on ne lisoit point autrefois les Actes
des Martyrs ( comme le témoigne expressément
le Pape Gelase , dans sa Lettre
aux Evêques de Lucanie ) parce que , dit
Gelase , les Auteurs de ces actes sont inconnus
, et que ces actes pour la plûpart ont
été
SEPTEMBRE. 1738. 1905
été alterés
rétiques.
par
,
des infideles , ou par des hé
Il faut encore rayer le nom de S. Patrice,' '
qu'on nous donne pour second Evêque ; les
Legendaires en parlent comme d'un Saint
Abbé , comme d'un vénérable Chef de
Moines , qui a vécu cent vingt deux ans ;
et qui , dans le cours d'une vie aussi sainte
que longue, a toujours édifié la Province par
ses vertus et l'a souvent jettée dans l'admiration
par ses Miracles ; mais je ne connois
aucun Auteur ancien , qui le nomme
Evêque de Nevers ; Fulgose inventeur de
cette fable , et qui vivoit en 1438. ou en
viron ne peut lui garantir ce titre
non plus que Textor , sieur de Ravisi , Auteur
du Livre des Epithetes , qui vivoit en
I540.
,
Ces observations seront , M. comme le
prélude de mon Histoire ; dans ma seconde
Lettre je tâcherai de faire connoître et même
de prouver le temps auquel le Siege Episcopal
de Nevers a été établi , et je vous raporterai
ensuite ce que la lecture ou la Tradition
m'ont apris de nos premiers Evêques,
Je suis , & c.
LE
1906 MERCURE DE FRANCE
J
LE
COTENTIN ,
ODE.
'Admire avec plaisir la Campagne féconde ,
Que Sarrazin préfere aux Pays les plus beaux ,
Et la Prairie , où de son Onde
La Dive abreuve cent Troupeaux.
*
Je vois avec transport l'agréable Contrée ,
Où l'Orne , en serpentant , s'aproche de Thétis ,
*
Et qui fut jadis illustrée
Par les avantures * d'Athis.
*
Mais sur tous les Cantons de la belle Neustrie ,
Je chéris la Presqu'Iffe où l'Oure étend son cours.
Puissai- je , ô ma chere Patrie ,
Dans ton sein passer tous mes jours !
*
Du Bosphore écumeux , de l'Egée inconstante ,
Qu'un autre aille affronter les Orages divers ;
La Manche en Poissons abondante ,
Me tient lieu de toutes les Mers.
*
* Heros da Poëme Pastoral de M. de Segrais..
Je
SEPTEMBRE. 1738.
1907
Je haïs , Mere d'Itis , ton humeur vagabonde ;
Et mon coeur amoureux du paternel foyer ,
Trouve en ce petit coin du Monde ,
Un abregé du Monde entier.
*
Pin chérit tendrement nos herbages fertiles ,
Diane , avec plaisir , chassé dans nos Forêts ,
Minerve police nos Villes ,
Et dans nos Champs, regne Cérès.
*
Beaux Champs , heureux séjour de Flore et de
Pomone ,
Que j'aime à me montrer parmi vos Habitans ,.
Ou chargé des Fruits de l'Automne ,
Ou paré des Fleurs du Printemps !
*
Le Mortel qui jouit de vos douceurs aimables ,
Et méprise des biens le fastueux amas ,
Craindra-t'il des revers semblables
A ceux d'Achmet et de Thamas ?
*
L'insomnie a son lit sous les toits magnifiques ;
L'ombrage des Ormeaux , la verdure des Prés ,
Lits gracieux et pacifiques ,
Au doux sommeil sont consacrés.
Par M. F.
EXAMEN
Bij
1998 MPA A L DE PRANUE
ᎣᎣᎣ Ꭳ 300
EXAMEN HISTORIQUE sur les
Jeux de Hazard , et sur ce qui les a
produits , par M. Beneton de Perrin.
C
de
E ne seroit pas un petit ouvrage que
d'e
l'entreprendre un examen général
toutes les differentes sortes d'exercices de
corps et d'esprit , nommés Jeux , que les
hommes ont inventés pour montrer leur
adresse , ou pour leur servir d'amusemens ;
et de dire le temps , et dans quelles occasions
ces Jeux furent institués et mis en pratique.
D'ailleurs , plusieurs Auteurs ont traité
assés amplement des Jeux faits pour être
donnés en spectacles ; et il n'y a guere
que des Casuistes qui ayent parlé des Jeux de
Hazard , encore plus par raport à la Morale
qu'à l'Histoire ; ainsi ils m'ont laissé la liberté
de marcher sur leurs traces , et de
parler à mon tour sur cette matiere .
On distingue communément deux sortes
de Jeux , les uns faits pour exercer le corps ,
et les autres pour délasser l'esprit ; ce sont
les qualités corporelles qui rendent capables
de la pratique des premiers , et ce sont les
perfections de l'ame qui font réussir dans les
seconds ; les uns et les autres sont des images
{
SEPTEMBRE. 1738. 1909
ges de la Guerre ; plusieurs ont pris naissance
dans les Armées , on en verra la preu
ve dans la suite ; ceux du corps entretiennent
la vigueur et la souplesse dans l'homme,
le tiennent en halcine , et le préparent à dé
vrais combats . Il entre dans ces sortes de
Jeux ce que l'on apelle disposition et adresse ',
ce qui , joint à la force , produit une double
puissance dans ceux qui sont doüés de toutes
ces qualités , ou met en égalité de cette
force de corps ceux qui à son défaut n'ont
été avantagés par la nature que d'adresse et
de disposition .
-
A l'égard des Jeux de Hazard , autre
ment Jeux privés et domestiques , car i
faut que je me serve de ces termes pour la
distinction de ces Jeux , qui ne sont d'usage
que dans les sociétés particulieres , d'avec
les anciens Jeux publics , qui étoient des
spectacles auxquels non seulement toute
une Ville , mais même tout un Peuple p enoit
part ; ces Jeux privés ( dis - je ) n'ont :
été inventés que pour le délassement de l'esprit
; néanmoins la cupidité qui se trouve
dans presque tous les hommes , leur fait
continuellement méconnoître l'objet principal
de ces Jeux , qui est simplement d'amuser
; et en cherchant par le secours de ce
qu'on apelle aussi adresse de se rendre la
fortune ,favorable , quand elle semble le
B iij être
1910 MERCURE DE FRANCE
être contraire , fait prendre à ces amusemens
un air de Guerre semblable à celui qui
se remarque dans les Jeux d'exercice de
corps ; ainsi on peut apeller un Jeu de hazard
quel qu'il soit , un combat prétendu
récréatif, dans lequel deux , ou un plus grand
nombre de personnes , après être convenuës
entr'elles de certaines loix , s'exercent à qui
sera plus heureux , ou plus adroit , par le
secours de certains mouvemens dont les effets
, ou dépendent de leur direction , ou
n'en dépendent point , ce qui dans le premier
de ces cas , fait ce qu'on apelle adresse,
et dans le second ce qui s'apelle hazard. Je
n'entends par le mot d'adresse en fait de
Jeux de hazard, qu'une réfléxion judicieuse
produite par une pénétration d'esprit , et
non une certaine adresse criminelle qui fait
les fripons ; cette sage réfléxion qui produit
le sçavoir-faire permis dans les Jeux dont je
parle , est à peu près la même chose que ce
qu'il faut aavvooiirr pour réussir dans les Jeux
d'exercice de corps , ce qui occasionne
dans ceux - ci conjointement avec une dexterité
naturelle de membres , cette réussite
bien mieux que si on n'y employoit uniquement
que la force , qui deviendroit souvent
insuffisante , ou tiendroit tout du hazard
si elle n'étoit aidée de cette sage réfléxion
qui est indépendante de ce même hazard .
On
SEPTEMBRE.
1738. 1911
On définit differemment le hazard ; les
uns le font quelque chose , les autres ne le
font rien ; cependant ce qu'on entend par
lui , pourroit être les ressorts agissans d'une
cause premiere , dont les mouvemens , quoiqu'ignorés
, ne laissent pas de produire des
effets réels , et sensibles ; car s'il n'étoit
rien , il ne pourroit rien produire , rien ne
peut être cause seconde de rien , joint à ce
que ceux qui soûtiennent que le hazard n'est
rien , ne manquent pas d'en faire quelque
chose en prouvant leur opinion.
L'adresse et le hazard sont donc deux
choses qui influent beaucoup dans tous les
Jeux ; il faut cependant remarquer que parmi
ces Jeux , il y en a où l'adresse suffit
d'autres où le hazard seul domine , et d'autres
où ces deux choses agissent concurrem .
ment , c'est ce qui est exprimé par ce disti
que Latin.
Ubi Victoria pro virtute est.
Ubi Fortuna vincit.
>
Et ubi Virtus , et Fortuna concurrunt.
Il y a des Jeux dont le fond est interieurement
en nous , la nature nous les inspire
nous donne la faculté de les exécuter , et
ils n'ont besoin d'aucun autre accessoire,que
nos organes pour être mis en pratique .
On les peut distinguer en Jeux de Paro-
B iiij
Ics ,
7
1912 MERCURE DE FRANCE
les , et en Jeux d'Actions , mais d'actions
volontaires qui n'ont aucunes regles , et qui
ne sont assujetties à aucunes observations
que celles que la bienséance exige ; ce sont
des délectations que l'on prend , soit à tenir
des discours spirituels et joyeux , à reciter
des Contes , ou des Histoires , tant en
Vers , qu'en Prose et en Chansons , ou bien
à exercer le corps par des mouvemens qui ne
lui sont pas ordinaires , comme de rire , de
changer l'air du visage , le ton de la voix ,
ou de faire agir les yeux , ou les doiges
pour s'en composer un langage muet .
>
Les Jeux de joyeux discours seroient selon
moi bien plus efficaces qu'aucuns Jeux de
hazard , pour soulager un esprit fatigué
d'occupations serieuses , ou affecté dé tristesse
, si on les sçavoit mettre en pratique
avec discretion et retenue ; c'est de ce sçavoir-
faire que S. Thomas le Théologica a
établi d'après Aristote une vertu particuliere
et utile dans le commerce de la vie , qu'il
apelle Eutrapelie , qui n'est autre chose que
l'art de raconter avec grace et enjoüement ;
les personnes qui ont ce talent , se rendent
aimables dans les bonnes compagnies , soit
qu'elles n'en fassent usage que pour la
simple narration , ou qu'elles s'en servent
pour railler avec la delicatesse qui leur est
propre. Un honnête homme qui plaisante à
propos
SEPTEMBRE. 1738. 1913
propos sans offenser personne , se fait de sa
conversation un véritable Jeu , qui mérite
d'être exprimé par le terme Latin de Jocus ,
pour le mieux distinguer par l'avantage qu'il
doit avoir sur tous les autres Jeux exprimés
par celui de Ludus . Ciceron , et Quintiliën &
ont parlé de l'Eutrapelie , qui peut se con
fondre avec l'Urbanité , vertu que s'efforçoient
d'avoir ces illustres Romains , parce
qu'elle fait les vrais sages , rendant ceux
qui en sont doués , chers aux bonnes socié
tés , dont ils font tout l'agréable et l'utile :
puisqu'en instruisant ils n'y répandentv
point ce sérieux si voisin de l'ennui , et
de la tristesse , que communique l'austere
sagesse..
Le mérite Eutrapelique peut briller égale
ment dans les écrits , comme dans les paro
les : Bocace , la Fontaine , Scarron , et Michel
de Cervantes seront toujours de bons
modeles à suivre , pour s'exercer dans l'art
de raconter agréablement..
Dans les Jeux de paroles , d'usage pour les
conversations récréatives , il y entre deux
sortes de railleries , l'une permise , et l'atitre
condamnable ; celle qui est permise est
quelque chose de bon sens , dite à propos ' ,
avec grace , et en peu de termes , mais qui
portent coup cette bonne qualité s'expri
me en latin par le mot de Sales esenc
By cha
1914 MERCURE DE FRANCE
elle est le sel des conversations , qui souvent
deviendroient insipides , sans cette raillerie
délicate qu'on mêle avec choix et prudence
aux autres joyeux entretiens, pour qu'elle ne
tombe pas dans le même inconvenient des
Sauces que l'on gâte , si on y met trop d'as
saisonnement.
La raillerie condamnable , est celle qui a
fond la médisance et la calomnie , ou
pour
celle qui dégénère en mauvaise plaisanterie
toutes choses qui font du railleur un malhonnête
homme , et un fat.
,
Quant aux Jeux d'actions , tant de ceux
qui comme les Tournois , Carousels et
Ballets Héroïques , ne sont qu'une imitation
des anciens exercices publics pratiqués dans
les Cirques , que de ceux faits pour les Theares
, qui apartiennent à la Déclamation , à
la Danse , à la Musique , et à l'Art des
Pantomimes , les uns ni les autres de ces
Jeux ne seront point le sujet de mon examen
, que je n'étendrai , ainsi que je l'ai dir ,
que sur les Jeux privés ou de hazard ; ceux
qui voudront être instruits de ces Jeux du
Cirque , faits pour exercer les hommes dans
PArt Militaire , ainsi que ceux du Théatre
faits pour corriger les vices , et soûmettre les
passions , les premiers tirant leur origine des
amusemens que se firent les premiers hommes
, comme de courir , sauter des fossés
jettes
SEPTEMBRE. 1738. 1915
jetter des palets , et lancer des bâtons , et
que les Grecs , et les Romains , rassemblerent
et perfectionnerent , pour les pratiquer
avec ordre et méthode dans leurs Hpotromes
, et Cirques ; et les seconds des découvertes
que faisoient les anciens Philoso
phes , qui , après avoir médité sur les opérations
de l'ame , alloient débiter les fruits
de leurs méditations sur les Théatres tant en
Prose, qu'en Poësie chantante ; je renvoye, disje,
ceux qui voudront les connoître, aux Auteurs
qui ont traité expresso de ces Jeux et
je me renfermerai à ceux qui sont soûmis uniquement
au caprice du sort , et de la fortune,
dans la plupart desquels néanmoins , le sçavoir
et l'adresse ne laissent pas d'être
nécessaires , quand on veut y réussir ; encore
ne parlerai- je que de ceux de ces jeux
que je croirai avoir donné origine à d'autres,
pour ne point m'engager dans un ouvrage
qui passeroit les bornes que je me suis pres
crites.
J'ai déja dit que les Jeux privés étoient
des images de la Guerre , ainsi que les Jeux
d'exercice de corps ; en effet , ceux qui én
ont traité , les ont définis , un combat dans
lequel les combattans exposent leur argent
au danger de le perdre , dins la seule espe
rance d'en gagner davantage ; il n'est donc
pas étonnant qu'une personne qui se dé-
B. vj poüille
1916 MERCURE DE FRANCE

,
poüille de la possession réelle de son bien ;
pour n'avoir que la foible esperance de le
doubler , ait tant d'ardeur à se défendre
employe pour cela tout ce que l'imagination
lui peut suggerer , et qui souvent se
laissant emporter à cette ardeur , ne cherche
à avoir l'avantage qu'aux dépens de sa réputation
; le Jeu n'auroit rien de condamnable
, si ceux qui s'y adonnent en usoient selon
la maxime des gens sages , c'est à- dire
par pure récréation , animi gratiâ , comme
on use du boire , du manger , et du sommeil
, in remedium nature , pour conserver
la santé. Il faudroit , dit Montagne , être
aussi reservé sur le Jeu , que sur l'usage
des remedes ; on ne prend pas une médecine
pour elle - même , mais pour sa santé ; ainsi
l'homme sage ne devroit jouer , que pour
se procurer un plus grand bien , et ne points'occuper
de Jeux qui , par la grande attention
qu'ils exigent , fatiguent l'esprit , loin
de le délasser , et font tomber le corps en
langueur ; mais les preceptes de moderation.
ne sont guere goûtés d'un homme tel que
nous le represente Despreaux :.
Qui sans cesser , au jeu dont il fait son étude ,
Attendant son destin d'un quatorze ou d'un sept
Voit sa vie , ou sa mort sortir de son Cornet. …
La passion l'entraîne , et quand elle a remyé
en
SEPTEMBRE. 1738 1917
en lui ses inclinations , heureux alors , si les
mauvaises en plus grand nombre que les
bonnes , ne lui font pas commettre les actions
les plus basses , et les plus indignes , et
ne le poussent même à attenter sur sa vie !
Les Germains , au raport de Tacite aimoient
si fort à jouer , qu'après avoir perdu tout ce
qu'ils pouvoient perdre , ils jouoient leur li
berté.
Il seroit bien difficile de fixer au justé le
temps où les Jeux de hazard ont commencé .
Les premiers hommes occupés du soin de se
procurer ce qui leur étoit nécessaire pour laz
vie , ne penserent guere à se faire d'autres
Jeux , que ces simples amusemens champêtres
, dont j'ai parlé ; c'est la Religion qui
seule a produit les premiers de ces Jeux de
hazard , et sans la preuve que j'en vais donner
, on auroit peine à croire que cette-Religion
, faite pour contenir les hommes dans :
des bornes justes et honnêtes , et pour les
obliger à rendre de continuelles graces à la
Providence des biens qu'ils en recevoient ,
ait pû donner origine à des choses qui dèpuis
qu'elles ont été pratiquées, ont été, pour
ainsi dire , le soutien des vices , et la cause
d'une partie des désordres qui sont arrivés .
dans le monde ; la chose est pourtant réelle.
Venons en à la preuve.
Les hommes devenus Idolatres ayant pris
Jes
-
1918 MERCURE DE FRANCE
les Astres pour objets de leurs adorations ,
se persuaderent que ces Astres influoient sur
les choses de cette vie , et que par leur
inspection ils pouvoient avoir des connoissances
de l'avenir en conséquence
ils les examinerent avec attention , ils en
calculerent les révolutions , établirent des
présages dessus , et firent naître l'Astronomie
et l'Astrologie ; ces sciences de leur côté
devenues en réputation produisirent bien tôt
celle de la Divina ion. On opéroit dans celle-
ci, tant par les types des choses qui paroissoient
au Ciel, que par celles qu'offroient les
Elémens , l'Air , et la Terre ; on tiroit des
présages du vol des oiseaux , des cris des
animaux , du choc des vents , du bruit des
échos , et des murmures de l'eau . Chaque
Nation a eu sa voye particuliere de divination
; les Grecs avoient l'Alectriomancie
les Romains l'Aruspicie , les Celtes la Cromniomancie
, les Egyptiens s'attacherent à l'explication
des songes , et les Phéniciens furent
les premiers qui , à l'aide des Sorts , se
flaterent de pénétrer dans le sombre avenir ;
Il y eut même des Peuples, qui, pour mieux
réussir dans de semblables recherches, eurent
recours aux Enchantemens à la Necromancie
, et à d'autres infernales cérémonies.
>
,
Mais de tous ces moyens employés pour
parvenir à des connoissances sur cet avenir ,
qui
SEPTEMBRE. 1738. 1919
les sorts fuqui
étant certaines , feroient plutôt notre
malheur , que notre bonheur ,
rent les plus en en uussaaggee ,, eett soit soit que l'on crut
leur pratique plus innocente , et plus simple ,
toutes les Religions s'en accomoderent , et
beaucoup de Peuples n'eurent point d'au
tres Oracles que ces sorts .
On procédoit à l'opération de ces sorts ,
avec differentes choses , commes des bulletins
, des ballottes de différentes couleurs,
des osselets , des petits Cubes , apellés Tales
, marqués de differents caracteres en lettres
ou en chiffres , ce qui a fait les Dez ,
et même avec despierres , ou des pièces de métal,
ou se voyoient gravés le portrait où le caractere
désignatif de quelque Dieu régisseur
de Planettes , qu'on suposoit pouvoir
favoriser près du destin ; cette suprême divinité
, auteur du hazard , ce rédoutable De
mogorgon , que les autres Dieux reconnoissoient
pour plus puissant qu'eux , et par
lequel ils craignoient de jurer , puisqu'alors
leurs sermens étoient irrévocables .
Chaque Peuple avoit sa maniere differente
de jetter le sort , conformément aux
préjugés qui naissoient de la Religion dont
on étoit.
> Les Hébreux qui , comme les autres
commettoient au hazard à décider de leurs
actions , avoient deux sortes de sorts , le
divin
20 MERCURE DE FRANCE
divin ou surnaturel , et le naturel ; ils se
servoient du premier dans les choses qui
intéressoient la Religion , ou le bien général
du Peuple ; et du second , pour donne
la préférence du choix entre deux actions
politiques qu'ils auroient eû à faire .
Salomon dans ses Proverbes c. 16 , V. 33 ,.
parle du premier de ces sorts ; on le jette ,
dit ce Roi , dans le sein ; mais tout ce qui
en doit venir , est ordonné par l'Eternel ;
c'est de cette maniere que Dieu fait connoître
sa volonté , fortes mittuntur in sinum ,
sed a Domino temperantur . Il n'y avoit que
les Prêtres qui pussent jetter le sort divin
et la consultation que le grand Prêtre faisoit ·
par le moyen de l'Urim et du Tumim , apartenoit
encore à cette espece de sort.
Dans l'élection de St. Mathias à l'Apostolat
, on ne trouva point de voye plus propre
que celle du sort , pour s'instruire de
la volonté de Dieu , au sujet de cette éleetion
; on le jetta après avoir prié le Seigneur
de le diriger , et en lui demandant
qu'il fit connoître celui des deux prétendans
à cette dignité , qui lui seroit le plas ,
agréable ; l'autre sort connu des Hébreux ,
qui étoit le naturel , leur servoit pour la direction
des affaires ordinaires ; après la mort
de notre Seignear , sa Robe fut jettée aux
sort.
SEPTEMBRE. 1738. 1927
,
Les Peuples de la Syrie , voisins des Hébreux
, jettoient le sort de plusieurs manieres
, entr'autres de celle que voici ; on
prenoit des boules taillées à facettes , sur
chacunes desquelles facettes étoit une lettre
ou un hierogliphe , on rouloit les boules
et quand elles s'arrêtoient , on prenoit les
lettres qui étoient sur la surface la plus aparente
de chacune de ces boules , que l'on
combinoit de différentes manieres
> pour
tacher d'en tirer un , sens ou des marques.
d'heureux présage ; et si on n'y pouvoit par
venir , on présageoit mal pour le cas qui .
faisoit recourir à ce sort , apellé Onomancie.
C'est ainsi qu'on s'instruisoit du sort de
deux hommes qui devoient combatre l'ancontre
l'autre , pour scavoir qui des deux
remporteroit la victoire ; Maurus Terancianus
Auteur d'une Piéce de Vers parvenuë
jusqu'à nous , et qui selon Lilio Gi
raldi fleurissoit sur la fin du siècle d'Auguste
, nous aprend que c'est par ce moyen
que les Grecs et les Troyens , pendant le
siége de Troyes , connurent qu'Hector devoit
tuer Patrocle , et qu'Achille , ensuite
tueroit Hector , pour vanger la mort de
son ami .
Dans Bura , Ville de l'Achaïe , se voyait
un Temple d'Hercule , fameux par les Óracles

1922 MERCURE DE FRANCE
cles qui s'y rendoient d'une façon singuliere
ceux qui venoient consulter le Dieu
après leurs prieres , prenoient quatre Dez
qui portoient sur leurs surfaces differens
caracteres ; ils les rouloient , et ils alloient
ensuite consulter un Tableau de ce Tenple
qui donnoit l'explication des caracteres
, que les Dez avoient montrés : heureux
si l'explication avoit du raport avec la chose
qu'on vouloit sçavoir !
2
>
Ciceron nous a conservé l'Histoire des
sorts de Prenestre , les plus fameux d'Italie
; ils se jettoient avec des Dez de bois ,
sur chacun coté desquels étoit gravé un
mot : ces Dez étant mis dans une Cassette
, un enfant les en tiroit l'un après l'autre
et les arrangeoit à mesure sur une
ligne qu'on lisoit , si on pouvoit. Je ne
doute pas que pour trouver un sens à ces
mots pris au hazard , qui souvent n'en
avoient point , on ne fut contraint de les
transposer ; et de là , cette sorte de divination
a pu produire les Anagrames les
Acrostiches , les Bouts - rimés et autres Pieces
, tant en Prose qu'en Poësie , dont le
le mérite est de renfermer une pointe d'esprit
, ou la connoissance de quelque chose
, dans un nombre déterminé de mots ,
de Vers , ou de lignes , de façon néanmoins
, que malgré la gêne de cette mesu-
,
IC ,
SEPTEMBRE. 1738. 1923
re la chose renfermée soit compréhensible
; les Romains outre la maniere de
tirer le sort avec les Dez , le tiroient encore
avec des boules , et des osselets :
nous entendons le dernier de ces terpar
mes de petits os de moutons ; quelques-uns de
ces osselets Romains , pouvoient n'être que
cela la superstition auroit pu faire croire
qu'il y avoit quelque vertu occulte dans ces
petits os ,
de même que des gens croyent
qu'il y en a dans le coeur , le foye , la patte
, ou d'autres membres de certains animaux
; mais communément ils donnoient
ce nom , ou celui d'astragale à tous les petits
corps , d'inégales et de differentes surfaces
ou couleurs , de quelque matiere qu'ils
fussent , n'eut- ce été que des fêves , avec
lesquelles ils tiroient le sort ; ces Romains
prenoient quatre osselets , ils les jettoient
sur une table , et si chacun de ces os se
plaçoit differemment , on donnoit à ce coup
le nom de Venus , il étoit regardé comme
un heureux présage , et si au contraire ces
os se trouvoient tous dans une position à
peu près semblable , on apelloit cela , le
coup du chien , qui étoit de malheureux
présage ; cette sorte de divination , s'apelloit
Astragalomancie.
Chés les Grecs , ceux qui avoient à juger
un homme accusé , prenoient deux boules
,
1974 MERCURE DE FRANCE
lès , l'une noire et l'autre blanche ; chaque
Juge mettoit dans une urne , une de ces
Boules à son choix ; on comptoit ensuite
toutes les boules de l'urne , et s'il s'en
trouvoit plus de blanches que de noires ,
l'accusé étoit renvoyé absous , et si au
contrare il s'y en trouvoit plus de noires
l'accusé étoit puni. Mycile eut besoin que
les Dieux fissent un miracle en sa faveur
et changeassent du noir au blanc , les bonles
qui condimnoient cet Argien , pour avoir
voulu abandonner sa Patrie , ce qui étoit
en ce temps là un crime.
Je crois qu'il est inutile de raporter um
plus grand nombre d'exemples , pour prouver
. que les sorts ont fait pendant longtemps
un des principaux misteres dans chaque
Religion: ils se jettoient avec les choses
que j'ai nommées ; et comme avec le
temps on fait abus de tout ; les hommes
après s'être servi de ces sorts , pour sçavoir
à quoi se déterminer sur les moindres actions
qu'ils avoient à faire , les firent servir
à leur divertissement , ayant eu la foiblesse
de croire pouvoir par ce moyen , forcer
les Dieux à s'intéresser à leurs gains ,
de même que par de semblables opérations ,
ils croïoient s'instruire sûrement de la volonté
des mêmes Dieux , dans les autres choses.
indépendantes de la Religion , qu'ils avoient
SEPTEMDKE. 1730. 1925
à entreprendre ; on tiroit le sort en toutes
Occasions. C'étoit lui qui déterminoit si
on entreprendroit un Procès , si on solliciteroit
une Charge , si on concluroit un
Mariage ; c'étoit encore lui qui régloit les
Places dans un Eestin . Deux Passages pris de
3. et de la 4. Odes d'Horace unis enmble
, sont formels sur cela ; le Poëte y
it dire à des gens qui sont à table : Vite ,
ue l'on nous fasse des Couronnes d'Ache , et
Myrthe : tirons au sort qui sera le Chef du
estin , quand nous serons chés Pluton , il n'y
wra plus de préeminence entre nous , ni de
zard pour en décider.
La suite pour un autre Mercure.
ORTRAIT DE L'OPINION ,
O.D E.
E veux aujourd'hui dans mes Rimes
ndre les caprices divers
ce Monstre , dont les miximes
puissent tout l'Univers ,
i de la vérité suprême
arpant jusqu'au Trône même ,
us fait à tous illusion ,
1926 MERCURE
DE FRANCE
Et prenant differens visiges ,
Reçoit nos serviles hommages ,
Sous le titre d'opinion.
*
Des Humains cette aveugle Reine ,
A son gré gouverne le sort ,
Et sous ses pieds tient à la chaîne
Leur fiere raison qui s'endort
Source féconde de mensonges ,
Elle entretient de mille songes
Notre sotte crédulité ,
Et toujours sa main adultere
Marque du même caractere
Le mensonge et la verité,
*
Par toi , fourbe , tout est Problême ;
Tout devient arbitraire ou faux ;
Le vrai , dans un adroit systême ,
Se méconnoît sous tes Pinceaux ;
Ces termes , ce jargon bizare ,
Dont le Philosophe se pare ,
Afin de nous mieux décevoir ,
Dans ton sein ils prennent naissance ,
Pour enhardir son ignorance ,
Sous le vain masque du sçavoir.
*
C'e
SEPTEMBRE. 1738. 1927
C'est ton Art , qui de nos délices
Aiguise les coupables traits ,
Qui des plus détestables vices
Nous trace de rians Portraits ,
Qui met en crédit la Richesse ,
Le faux lustre de la Noblesse ,
La beauté , nos douces erreurs ,
Et qui par la main de la gloire ,
Immortalise dans l'Histoire
Nos plus éclatantes fureurs.
*
Toujours ta complaisance , habile
A consulter nos passions ,
Sçait rendre un jeune coeur docile
A prendre leurs impressions ;
Tantôt inflexible et sévere
Elle soutient le caractere
D'un orgueilleux Stoïcien ;
Et tantôt molle et séduisante ,
Elle flate l'ame indulgente
D'un ardent Epicurien.
*
C'est elle qui de la Justice
Fait entendre et regle la voix ;
Qui seule , au gré de son caprice ,
Change , établit , casse les Loix ;
D'un
198 MERCURE DE FRANCE
D'un souffle , elle irrite , elle allume
La foudre , que par la coûtume
Elle remet aux Potentats ;
Et tour- à-tour son inconstance
Porte au comble de la puissance ,
Et bouleverse les Etats .
Esclaves sous le Diadême ,
Du Peuple qui reçoit vos Loix,
Monarques , du pouvoir suprême
Sa main vous adoucit le poids ;
C'est son adresse qui vous cache
Les soucis que le sort attache
A vos Trônes éblouissans ;
Et par sa voix la flaterie
Iminole la vertu flétrie
A vos caprices tout-puissans.
*
Mais son Temple s'ouvre à ma vûë į
Quelle foule d'Adorateurs !
Leur avidité suspenduë
Attend ses Oracles menteurs ;
Ciel que ! de droits imaginaires ,
Pour s'y disputer les chimeres ,
Qu'avec art fabrique sa main !
Quels respects on rend à l'idole !
Je
SEPTEMBRE . 1738 . 1929
Je vois sortir de cette Ecole
Les Précepteurs du Genre humain.
Plongés dans cette nuit obscure ,
Q'en vain l'homme veut pénétrer ,
Humble Foi , ta lumiere pure
Peut seule nous en délivrer ;
A l'aide de tes feux propices ,
J'échape à mille précipices :
Mes pieds se sentent affermis ,
Et déja l'impuissante Idole
S'ébranle et tombe à la parole
Du Dieu , seul Maître des esprits.
Par N. de l'Oratoire.
LETTRE de M. J. B. Ph. à M. P.
Docteur de Sorbonne , au sujet des Cryptes
ou Chapelles souterraines qu'on voit dans
la plupart des Eglises de Paris.
J
E ne sçais, M. si vous êtes du sentiment
des Antiquaires , qui nous donnent ces
Chapelles souterraines qu'on voit dans la
plupart des Eglises de Paris , pour des preuves
de l'antiquité des Eglises , mais d'une
antiquité qu'ils font remonter jusqu'aux pre-
C mieres
1930 MERCURE DE FRANCE
mieres années du Christianisme . Ce scntiment
, apuyé , comme il l'est , sur l'opinion
Commune , ne peut être qu'ortodoxe ;
mais je voudrois qu'il eût en sa faveur quelquepreuve
un peu moins équivoque . Votre
fameux Confrere Jean de Launoy , dans sa
Dissertation de Veteribus Parisiensium Basiliscis
, ne discute pas le Point , autant que le
titre de sa Dissertation le semble annoncer ;
on pourroit , à la vérité , y supléer par celle
du P. Mabillon , sur les Catacombes de Romais
on ne peut , ce me semble , en
rien conclure par analogie en faveur des
Eglises de Paris , pour plusieurs raisons
dont la moindre est , que la certitude qu'on
a sur l'état de l'Eglise de Rome dans les
premiers temps du Christianisme , duquel
elle a été comme le berceau , ne peut être
comparée à uneTradition populaire très- confuse
et très - incertaine , par laquelle seule
nous sçavons quelque chose de l'état de
l'Eglise de Paris dans ces premiers temps .
>
Le plus court , ce me semble , seroit de
penser là dessus comme a pensé Corroset
dans ses Antiquités de Paris . Cet Auteur , en
parlant des commencemens du Christianisme
à Paris , et après avoir dit avec la naïveté
ordinaire aux Auteurs de son temps , que
S. Denis , auquel Paris est redevable des lumieres
de la Foi , étoit un Grand- Clerc, mê-
Me
SEPTEMBRE. 1738. 1931
par
me en Astrologie , ajoûte : Il me souvient que
la plupart de ces vieille : Eglises ( bâties.
Clovis ) ont des Caves et Voutes souterraines,
c'étoit la dévotion de cès temps - là. Pourquoi
aller chercher plus loin , et se mettre l'esprit
à la torture ,pour sçavoir si c'étoit Mersure ,
Cerès ou Isis qui étoient adorés en l'Eglise
de S. Germain des Prés ? Si la Statuë du
Parvis N. D. représente Notre- Seigneur ou
Esculape , et si une petite Statue , posée sur
le fronton de la façade de l'Eglise des Carmélites
, ruë S. Jacques , est un S. Michel
ou une Cérès ?
Les uns soûtiennent , au reste , que les
Cryptes en question ont été creusées par
les Chrétiens dans les premieres années du
Christianisme , et en même- temps ils disent
, que jusqu'au Christianisme , il y a eu
sur ces endroits des Temples de Payens ,
qui ensuite , après la conversion de Clovis ,
ont été convertis en Eglises.
D'autres plus mitigés disent seulement
que ces Cryptes ont été bâties par les premiers
Fideles en des Endroits écartés, et que
par la suite des temps on a élevé des Egliscs
dessus.
Le premier sentiment se détruit par luimême
; car comment se peut- il que des
Chapelles soûterraines ayent été creusées
dans des Temples même de faux Dieux ?
Cij Comment
1932 MERCURE DE FRANCE
Comment les Chrétiens autoient - ils pu ;
sous les yeux d'un Roy Payen , à la vûë
des Prêtres de ses Dieux , se creuser un Lieu
d'Assemblée sous le Sanctuaire même d'u- ~
ne Idole ?
Il ne paroît guere plus possible que se
lon le second sentiment , ces Cryptes ayent
été bâties sous les yeux des Payens dans des
Endroits écartés; car enfin ces Bâtimens n'étoient
pas comme des Caves ordinaires qu'on
auroit pu bâtir sous des maisons sans donner
d'ombrage aux Payens ; mais on les bâtissoit
en pleine Campagne , dans des Endroits
éloignés des habitations. Il falloit y
" foüiller la terre , transporter les matériaux
& c. ce qui vrai - semblablement ne se pouvoit
faire à l'insçû des Payens , qui dans ces
temps étoient interessés par motif de Religion
et de politique à empêcher la construction
de Lieux destinés à des Assemblés
secrettes et même nocturnes ,telles qu'étoient
celles des premiers Chrétiens.
Jusqu'à Clovis , les Romains avoient encore
un pied dans les Gaules , et même dans
Paris ; ils avoient interêt ainsi que les François
leurs Rivaux , à écarter des Assemblées
- clandestines , qui sont toujours suspectes ,
surtout dans des temps de troubles et de
Guerres Civiles , tels qu'étoient ceux dont
je parle , où les Gaulois étoient partagés entre
les François et les Romains. Si
SEPTEMBRE 1738. 1935
Si on s'obstine à prouver le premier sentiment
, on ne prouvera rien ; car je dirai
que les Hérétiques , dans les temps qu'on
les poursuivoit , auront bâti ces Eglises sous
les Sanctuaires des Catholiques , de même
que les Catholiques les avoient bâties sous
les Sanctuaires des Idoles ; l'un n'est ni moins
possible ,ni moins vrai - semblable que l'autre .
Il semble donc plus raisonnable de dire
au sujet de ces Chapelles soûterraines , que
du temps de Clovis et depuis , en bâtissant
les Eglises , on ménageoit sous l'Autel principal,
ces especes de Caveaux, pour y dépo
ser les Corps de ceux qui avoient été martyrisés
pendant les persécutions , ou de ceux
qui mouroient en odeur d'une sainteté éminente.
La déposition de leurs Corps dans ces
Endroits consacrés , faisoit leur Canonisation
; cet usage étoit fondé sur un Passage
de l'Apocalipse , où S. Jean dit , qu'on entendoit
sortir de dessous l'Autel les voix des
Martyrs qui demandoient vengeance de leurs
Persécuteurs. Je suis , & c.
Ce 15. Juillet 1738.
**********************
LA PEINE DU TALION.
LE plus grand Orateur que Rome ,
Ou que l'Univers même ait peut- être porté ,
Ciij
1934 MERCURE DE FRANCE
A dit en quelque endroit Rien n'éleve plus
l'Homme ,
Rien ne l'aproche plus de la Divinité ,
Que la clemence et la bonté.
Une justice outrée est une barbarie .
Rien de meilleur que de vouloir
Rien de plus grand que de pouvoir
Conserver , des Mortels , ou soulager la vie.
C'est ambitionner , c'est mériter l'honneur
D'entrer dans les desseins du souverain Auteur
De tout ce qui respire ;
Et , si j'ose le dire ,
C'est en quelque façon devenir Créateur.
A ce sujet j'ai lu jadis un trait d'Histoire
Dont je suis encore enchanté ;
J'en ai toujours depuis conservé la mémoire ;
Je voudrois le transmettre à la Posterité.
Une Imperatrice Romaine ,
Sans'y connoître , aimoit à la fureur
Rubis et Diamans. Certain Maître Pipeur ,
Charlatan , s'il en fut , sçut la duper sans peine
Et lui vendre pour vrais Rubis
Des Pierres sans valeur , le tout à très - haut prix.
A quelques jours de là , Sa Majesté surprise
Reconnut enfin sa méprise.
Qui pourroit exprimer quelle fut sa fureur ə
Elle
SEPTEMBRE. 1738. 1935
Elle court trouver l'Empereur ,
Lui raconte le fait , lui demande vengeance :
Öser ainsi , le scélérat ,
Jusqu'au Trône porter l'audace et l'insolence !
Elle prétend , en sa présence ,
Voir expier cet attentat.
L'Empereur y consent , du moins , en aparence
Il ordonne , qu'en diligence
L'homme aux Rubis soit arrêté ,
Chargé de chaînes , et traité
En Criminel de leze - Majesté.
On obéit , on le prend , on l'amene.
Qu'on l'expose , dit- il , au milieu de l'Aréne ,
Et qu'en une heure , on le livre à nos yeux
En proïe aux Tygres furieux.
Déja le pauvre miserable
Attendoit la sanglante fin
De son déplorable destin ,
Au milieu d'un Peuple innombrable ,
Assemblé pour goûter le plaisir inhumain
De voir détruire son semblable.
Cependant l'Empereur arrive ; il est suivi
De sa chere moitié , qui déja par avance "
Dans le fond de son coeur ravi ,
Goûtoit à longs traits sa vengeance.
Dès qu'ils furent placés , sur le Coupable on lance ,
Par un ordre secret , et par un trait nouveau
G iiij
De
1936 MERCURE DE FRANCE
De la plus aimable prudence ,
'Au lieu d'un Léopard, ou d'un Tigre , un Agneau.
Pour tous les Spectateurs quelle étrange merveille
Et pour le Patient quel doux étonnement !
C'est un charme , un enchantement ,
Il ne sçait s'il dort , ou s'il veille .
Mais pour l'Imperatrice , ô Ciel ! quel coup affreux
Au moment que sa haine , au comble de ses voeux
du malheureux
Alloit , du
sang
Enfin s'abreuver avec joïe ,
Elle voit échaper sa proïe.
Son aveugle et folle fierté
Croit que son rang , sa dignité
Sont ici compromis : elle éclate et s'emporte
Epouse d'Empereur ! et me voir de la sorte ,
Aux yeux de l'Univers jouer de tout côté !
Ah ! c'en est trop ! ..... Eh quoi ? quel sujet vous
transporte
Lui dit le Prince avec un souris gracieux ,
Et quelle âpre colere enflamme vos beaux yeux ?
Madame , un châtiment que l'équité conseille
Ne doit point vous choquer. Pour sa punition ,
Le trompeur est trompé , l'on lui rend la pareille
C'est la peine du Talion .
J. A. Masson , d'Arras
,
MEMOIRE
SEPTEMBRE. 1738. 1937
MEMOIRE sur les Machines Hydrauliques
de M. Dupuy,
E ne puis concevoir qu'on ait laissé si
longtemps sans réponse l'Ecrit inseré
dans le Journal de Trévoux du mois de Juin
dernier , et intitulée : Description critique d'une
nouvelle Machine Hydraulique , pour
levation des Eaux,de l'invention de M. Dupuy,
Maitre des Requêtes. Il y a aparence que
PAcadémie des Sciences a négligé cet Ouvrage
, à cause des erreurs de fait et de raisonnement
dont il est rempli , et du style
peu convenable qui y regne d'un bout à
Pautre ; je n'aurois pas non plus songé à y
répondre , si je n'avois vû plusieurs person
nes sensées qui ont été frapées des effets
prodigieux que l'Auteur de cet Ouvrage attribue
à la Machine, dont il est question ; et
comme les préventions qui peuvent naître
de pareilles idées , sont très dangereuses ,
parce qu'elles peuvent engager des gens qui
n'ont aucune connoissance de ces matieres:
dans des dépenses inutiles et ruineuses ,
comme on ne l'a vû arriver que trop souvent
, et que d'ailleurs j'ai été à portée de
m'instruire très- exactement de tout ce qui
concerne cette Machine et de ses effets , j'ai
Cv CIU
1938 MERCURE DE FRANCE
cru rendre service au Public en détruisant
les idées fausses que peut avoir données
l'Ouvrage dont il s'agit.
L'Auteur de cet Ecrit se vante de connoître
parfaitement la construction de cette
Machine , d'en avoir observé exactement
les effets , et il conclud que l'on n'a rien vû
de semblable ni d'aprochant jusqu'ici.
,
Comme le hazard me fit rencontrer chés
M. Dupuy au commencement de Septembre
1736 , lorsque les Commissaires de l'Aca-
'démie vinrent l'examiner la curiosité me
porta à suivre cette affaire , qui commençoit
à faire du bruit dans Paris ; j'examinai à ma
montre le temps que cette Pompe fut à élever
un demi muid d'eau à la hauteur de 22 .
pieds , il me parut que cela dura une minute
assés juste ; on refit l'expérience une seconde
fois , elle dura plus longtemps : J'aurois fort
souhaité qu'on l'eut refaite une troisième, et
quelques personnes en firent la proposition ;
mais les quatre hommes qui la faisoient
mouvoir, parurent tellement fatigués des deux
premieres épreuves , qu'on n'insista pas pour
la troisiéme.
Quelques jours après , comme personne
ne parloit du jugement de l'Académie
et que M. Dupuy ne voulut pas le faire voir
à quelques personnes qui le lui demande
xent , je fus curieux de sçavoir si le jugement
SEPTEMBRE. 1738. 1939.
"
ment que j'avois porté de mon côté se trouveroit
conforme à celui de l'Académie ; je
priai un de mes amis , qui est de cette Compagnie
, de me le procurer. Voici la Copie
du Raport des Commissaires.
» Nous avons examiné par ordre de l'Académie
, une Machine pour l'élevation
» des Eaux , proposée par M. Dupuy , Maî-
» tre des Requêtes ; quatre hommes apliqués
aux deux manivelles de cette Ma-
>> chine ont élevé en notre présence un demi
» muid d'eau en soixante - deux secondes ,
» et un second en soixante - treize , à vingt-
» deux pieds de hauteur ; mais il en faut
» diminuer le temps qui a été néceffaire pour
remplir le tuyau ascendant ; ainsi en profitant
de tous les avantages , elle pourroit
élever soixante muids par heure , ou 1440.
muids en vingt- quatre heures ; nous ob-
" servâmes de plus , que les quatre hommes
» étoient extrémement fatigués après avoir
» travaillé une minute , ce qui prouve qu'il
» en faudroit beaucoup augmenter le nombre
pour pouvoir faire usage de cette Ma-
≫chine.
"
»
» La Méchanique de cette Pompe nous a
paru ingénieuse ; c'est un Cylindre creux,
» de fer blanc , posé verticalement , et qui
» tourne sur son axe au moyen d'un roüet et
» de deux lanternes que les quatre hommes
C vj
font
1940 MERCURE DE FRANCE
و د
»font mouvoir par deux manivelles. Ce
» Cylindre est adapté par le bas à un grand
» tambour , dont l'axe est le même que ce-
» lui du Cylindre ; ce tambour est divisé en
» huit especes de boëtes , dont les couver-
» cles sont mobiles sur un axe horizontal
» et peuvent être enfoncés dans les boëtes,
» pour en diminuer la capacité , ce qui arri-
» ve à quatre de ces boëtes à la fois , et à
» chacune , tour à tour,au moyen d'une cour-
» be à angles rentrans , attachée au dedans
» d'un grand baquet immobile , dans lequel
» tourne le tambour. La maniere dont ces
» especes de couvercles , ou clapets , sont
» alternativement enfoncés dans les boëtes ,
» et retirés par un mouvement contraire.
nous a parû bien imaginée , de même
» la disposition des soupapes , placées l'une
» au dessus de l'autre , pour soûtenir l'eau
» qui a été forcée de s'élever pour l'enfonce-
» ment des couvercles dans les boëtes ; mais
» le principe n'en est pas entierement nou-
" veau , et l'on a déja vû des boëtes avec
» des palettes ou clapets , qui faisoient un
» effet à peu près semblable ; d'ailleurs cette
» Machine est fort composée , et quoiqu'elle
n'ait point en effet de piston , ni de corps
» de Pompe , nous ne croyons pas qu'elle
puisse avoir aucun avantage sur celles qui
sont actuellement en usage.
وو
que
Tout
SEPTEMBRE. 1738. 1941
Tout le monde alla voir cette Machine
pendant plusieurs mois , et la vit avec admiration
, parce que , parce que son effet est extrémement
imposant. Elle fait tomber l'eau sur une
espece de tête de champignon qui produit
une nape ronde très étendue , ce qui trompe
tellement à la vûë , que si je n'avois pas été
témoin de l'expérience dont je viens de
parler , j'aurois cru qu'elle produisoit une
quantité d'eau infiniment plus considerable.
J'apris quelque temps après que M. Dupuy
faisoit construire une seconde Machine ; je
m'informai du jour où les Commissaires de
l'Académie devoient la voir , je m'y trouvai
comme la premiere fois , et je l'examinar
avec le même soin ; je ne ferai
pas le détail
de cette seconde Experience , parce que je
vais donner la Copie du raport qu'en firent
les Commissaires , et que la même personne
a bien voulu me communiquer de même
qu'elle avoit fait le premier.
>
» Nous avons examiné par ordre de l'A-
» cadémie
une Pompe pour l'usage des
» Vaisseaux , presentée par M. Dupuy ; nous-
>> lui avons vû élever à la hauteur de vingt- un
"
pieds un muid d'eau en trente - sept secon-
» des , avec quatre hommes apliqués aux
extremités d'un levier ; on ne nous en a
pas fait voir l'interieur ; mais M. Dupuy
מ
nou
1942 MERCURE DE FRANCE
33
,
» nous a déclaré que c'étoit le même principe
, et la même méchanique que la
» Pompe qu'il présenta à l'Académie il ya
" environ un an ainsi nous n'avons rien à
» ajouter au raport que nous en fimes alors ;
» ce que M. Dupuy a ajouté dans celle - ci
" est qu'il y a apliqué la force des hommes,
» de la même maniere qu'elle l'est dans les
Pompes qui sont d'usage dans les Vais-
» seaux. En foi de quoi nous avons signé le
présent Certificat.
"
לכ
Faisons maintenant quelques réflexions sur
ces deux Machines , et sur le jugement qu'en
a porté l'Académic ; la Description de la
premiere Machine , qui se trouve dans le
Raport du 5. Septembre 1736. en donne une
idée assés nette , pour qu'on puisse juger que
sa construction a beaucoup de raport avec
trois Machines qui sont décrites dans
Ramelli , aux pages 104 , 105 , et 107 ; c'est
sans doute ce qui a engagé l'Académie à
dire , que le principe n'en est pas en ierement
nouveau et que lon a déja vu des bêtes avec
des palettes ou clapets , qui faisoient un effet à
peu près semblable.
,
La seconde Machine de M. Dupuv a encore
plus de raport avec les Machines de
Ramelli , elle leur ressemble très fort par
l'exterieur , et l'on voit par le second raport
que M. Dupuy a déclaré, que le principe étoit
le
SEPTEMBRE. 1738. 1943
le même que celui de la premiere ; on peut
donc en conclure que cette Machine est
précisément la même que celle de Ramelli.
Je suis bien éloigné de penser que cette
ressemblance des Machines de M. Dupuy
avec d'autres, qui sont déja connuës , soit un
blâme pour l'Auteur , ou pour la Machine ;
il arrive tous les jours que l'on imagine des
choses qui l'ont déja été
par d'autres, et dont
on n'avoit pas de connoissance , et on n'en
est pas moins pour cela réellement inventeur
. Il peut aussi arriver que de très- boi
nes Machines ayent été longtemps négligées,
et on doit sçavoir gré à ceux qui les font
connoître et les mettent en usage ; ainsi il
n'y a aucun reproche à faire à M. Dupuy
sur ce que sa Machine étoit connue longtemps
avant qu'il la fit executer ; je suis trèspersuadé
qu'il étoit dans la bonne foi , et
qu'il a cru en être réellement l'inventeur.
Examinons donc cette Machine seulement
par ses effets , et voyons si l'Auteur de la
Description Critique en a parlé en homme
équitable , et instruit , comme il prétend
Pêtre .
Après avoir fait une description très - fleu
rie du progrès des Arts sous le Regne de Louis
LE GRAND , il établit qu'aucune Machine
ne lui paroît superieure, soit en utilité , soit en
invention , à celle de M. Dupuy.
De
1944 MERCURE DE FRANCE
De tous les besoins de la vie , le croiroit-on
ajoûte cet Aureur , Peau est peut- être le plus
important, après l'air, &c. Un Poëte Bachique
peut ignorer cette verité simple dans la double
yuresse qui le transporte.
L'Auteur entre ensuite dans le détail des
inconveniens des Pompes ordinaires. Il dit
qu'il est vrai que l'eau portée à 29. pieds de
bauteur par une Pompe , peut êire prise par
une seconde Pompe, et portée à 50. & par une
troisiéme et une quatrième à 100. On ne peut
pas dire que cet Auteur ignore qu'il y a des
Pompes foulantes et aspirantes , puisqu'il les
a nommées quelques lignes plus haut ; mais
il devroit sçavoir que par leur moyen on
éleve l'eau d'un seul trait jusqu'à 450. pieds
et plus , ainsi l'inconvenient de la multiplication
des Pompes n'est pas tel qu'il l'expose:
A l'égard des inconveniens qui résultent
du piston , d'où il arrive , selon l'Auteur ,
que la Pompe demeure époulmonée , et que:
l'épée use lefourreau, ils ne sont pas aussi considerables
que l'Auteur l'imagine ,.et je crois
qu'il auroit peine à prouver ce qu'il avance ,
que pour 100. livres de force qu'il faudra
pour élever et soutenir l'eau qu'attire le piston ,
il en faudra 1000. et peut - être 2000. pour
surmonter les frotemens dont on se passeroit
bien , et dont pourtant on ne peut se passer.
A la vie de ces difficultés , dit l'Auteur , il
s'est
SEPTEMBRE . 1738. 1941
s'est élevé un cri de la part des Connoisseurs ,
Il n'est plus question de Pompes , disent- ils ,
on ne veut plus de Pompes , de nouvelles
Pompes s'entend , car on est bien forcé de s'en
tenir aux anciennes ; mais il ne feroit pas bon
pour un Machiniste qui auroit passé sa vie à
inventer quelque nouveau Jeu de Pompe , fut-il
superieur à ce qu'on a inventéjusqu'ici , fût-il
superieur même , s'il est pos ible , à toutes les
difficultés , ilferoit rejetté du bonnet , sans qu'on
daignât seulement examiner sa Machine , ni
Pécouter. C'est ce qui a engagé , suivant ce
que dit l'Auteur quelques lignes plus bas
cet illustre et ingenieux Inventeur , à élever
aussi un cri de son côté , pour dire qu'il a renoncé
à Satan et à toutes ses pompes.
On n'imagine pas trop sur qui peut tom
ber ce reproche ; si c'eft sur l'Académie des
Sciences , on peut voir à la fin de l'Histoire
de l'Académie de chaque année , le nombre
des Machines aprouvées , parmi lesquelles
il y a plusieurs Fompes , et une entr'autres
qui a mérité l'aprobation la plus autentique,
et qui a été exécutée avec beaucoup de succès
dans Paris et à la Campagne ; ainsi les
vrais Connoisseurs n'ont pas pour toutes les
Pompes cette aversion que l'Auteur de la
Description Critique semble leur attribuer.
L'Auteur , pour en venir à donner une idée
de la Machine , parle de la force repulsice , de
le
1946 MERCURE DE FRANCE
la force attractive , de la percussion vive , de
la force morte , et il conclud que l'eau par la
nouvelle Machine, et par un seul corps de Ma
chine , peut s'élever comme à l'infini , et n'a
point de borne déterminée. Il fait ensuite un
détail énigmatique de la Machine ,
des ma
dont
l'Inventeur a bien voulu , dit il , lui confier le
secret; et il ajoûte , qu'à la vûe de cette abondance
d'eau que quatre hommes font couler en
un instant , l'incrédulité animéchanique a été
jusqu'à soupçonner des ressorts secrets ,
chines postiches , des je ne sçais quelles forces
occultes , des préparatifs , et des remontages
nocturnes , des souterrains , et presque des Ta .
lismans et des Lutins &c. L'Auteur de la
Description auroit du ajouter qui sont les
personnes qui ont de pareils soupçons ; mais
il a craint sans doute que cela ne fit tort à
leur jugement , et il a grande raison .
Ce qu'il y a de plus curieux dans cette
Description Critique , est le calcul de l'effet
de cette Machine ; elle éleve selon lui par le
moyen de
quatre hommes 300.pintes d'eau à
25. pieds de haut en 20. secondes ; suposons
pour un moment que cela soit vrai . Les 24.
Pompes du Pont Notre Dame , sclon lui ,
donnent à peine 8000. muids par jour avec
25. m lliers de force ; suposons encore que
cela soit exact quoiqu'il s'en faille beaucoup
; car s'il avoit bien examiné cette force ,
il
SEPTEMBRE. 1738 1947
il auroit pu voir qu'elle n'est communément
que de 7 à.8 milliers : mais il faut faire voir,
en suivant les principes de l'Auteur , qu'il
ne fait pas une juste aplication des principes
de l'Hydraulique , car on n'a garde de soupçonner
qu'il ait parlé sur cela differemment
de ce qu'il pense .
Voici les propres mots de l'Auteur. La
Machine de M. Dupuy , avec une force dix
on douze fois moindre que celle du Pont Notre-
Dame , donne dix fois plus d'eau , ce qui fait
une superiorité de 100. sur un , et 25. milliers
de force apliqués à la Machine dont nous
parlons , donneroient sur le pied de 3. muids
par minute , un million de muids par jour , là
où la Machine vulgaire en donne à peine
8000. Le calcul en est simple , car nous ne
voulons rien embroiller.
Il est très plaisant que l'Auteur de la Description
ne fasse aucune attention sur ce que
la Pompe du Pont Notre - Dame éleve l'eau
à la hauteur de 105. pieds , au lieu que
la
Machine de M. Dupuy ne l'éleve , suivant
l'Auteur même , qu'à 25. pieds ; si l'Auteur
de la Description étoit bien instruit des prin
cipes de Mechanique , il auroit vû que pour
aprocher d'une évaluation exacte , il faudroit
, même en admettant ses faits pour
vrais , diminuer de plus des trois quarts l'ef
fet qu'il attribue à la Machine de M. Dupuy,
puis1948
MERCURE DE FRANCE
puisqu'elle n'éleve pas l'eau au quart de la
hauteur à laquelle elle est élevée par la Pompe
du Pont Notre - Dame.
On pourroit croire que c'est- là une faute
d'inadvertence , mais l'Auteur ne veut pas
qu'on l'en soupçonne , car il poursuit son
calcul avec la même simplicité , et en conclud
, que si on d nbloit les hommes , ou qu'on
mit seulemen à leur place un , on deux chevaux
, on auroit 8640. muits parjour ; veuton
, dit- il , imaginer des déchets , des nonvaleurs
, metton 640. muids pour la part de
L'envie , c'est assés pour la noyer , et ne comptons
que 8000.
En continuant ce calcul , il trouve que
25. milliers de force apliqués à plusieurs
semblables Machines , donneroient un million
de muids d'eau par jour , et que si on y
apliquoit la force qu'a la Machine de Marly,
que l'Auteur évalue à quatorze cent milliers
elle donneroit des millions de millions de
muids d'eau .
Ce calcul est , comme on voit , simple , et
n'a rien
d'embrouillé , l'Auteur en est surpris
lui -même , et dit que l'imagination est effrayée
d'une superiorité si excessive , mais , ajoûtet-
il , l'imagination est priée ici de se taire , et
L'esprit aussi , parce qu'il n'est
parce qu'il n'est question que
du simple témoignage des yeux . Il tente d'expliquer
cette merveille , en disant qu'il faut
bien
SEPTEMBRE. 1738. 1949
bien comprendre la difference du continu au
discret , et du continu uniforme au continu
acceleré et retardé , je crois que cela est fort
simple et fort clair , mais j'avoue que je n'ai
pas pu le comprendre. L'Auteur dit cependant
que la découverte est démontrée pour les
yeux , mais que l'esprit opose ses doutes , son
ignorance , ses préjugés ; et l'imagination ses
chicanes , ses monstres , ses travaux nocturnes,
ses Lutins , ses je ne sçais quoi ; sans parler du
coeur qui broche souvent sur le tout.
L'Auteur se fait ensuite des objections auxquelles
il répond : la premiere qu'il examine
fort sérieusement , est , que cette Machine
mettroit la riviere à sec ; mais il nous rassûre
en disant qu'on peut moderer son action si elle
est trop vives il calcule ensuite qu'il passe par
jour trente six millions de muids sous le Pont
Notre-Dame, et conclud que la Machine n'en
élevant que 100. mille , il n'y paroîtroit pas,
La seconde objection que se fait l'Auteur
de la Description , est que les quatre hom
mes paroissent , dit- on , fort fatigués , quoiqu'ils
ne travaillent que pendant vingt secondes.
Cette objection me paroît beaucoup
plus réelle que la premiere , parce que
j'ai été témoin de la vérité du fait , qu'ils
furent plus longtemps à élever l'eau la seconde
fois que la premiere , et qu'ils parurent
trop fatigués pour s'exposer à une troisiéme
épreuve.
L'Auteur
1950 MERCURE DE FRANCE
les
L'Auteur répond à cette objection , en
disant : Qui vous a dit que quatre hommes
qui travaillent 20. secondes , ne travailleroient
pas une et deux , dix et douze minutes ? Si on
les en vouloit croire , ajoûte - t- il , ils assûrent
eux-mêmes qu'ils travailleroient bien une bonne
demie heure. Et plus bas : Quand ils sont en
train , on apeine à les arrêters dans un quart
d'heure, nous leur avons vû remettre la main à
l'oeuvre , cinq, six , huit , dixfois. J'avoue
qu'après ce dont j'ai été témoin oculaire , de
même qu'un grand nombre d'autres personnes
, il m'est impossible de trouver que cette
réponse soit capable de détruire l'objection.
Il finit par faire voir que cette Machine a
peu de frotemens , ce qu'il fait pour répondre
à mille demi Sçavans , qui dès qu'une machine
nouvelle se présente , et sans l'avoir examinée
, sans l'avoir vie , vont crier qu'il y a
des frotemens.
C'est très - bien fait de répondre à ces demi
Sçavans ; mais comme il n'a été question
que d'examiner le produit réel de cette Machine
, on pouvoit se dispenser d'entrer dans
ce détail.
Nous allons maintenant réduire cette
Machine à sa juste valeur , en lui suposant
même tout l'avantage possible ; et nous employerons
un calcul qui sera encore plus
simple , et beaucoup plus exact que celui
de
SEPTEMBRE. 1738. 1951
de l'Auteur de la Description Critique . Nous
ferons même abstraction des frotemens
pour rendre l'avantage de la Pompe plus
complet , et nous suposcrons d'abord les
faits , tels que les dit l'Auteur.
C'est une verité connue de tous ceux qui
ont la moindre teinture de Méchanique , que
la force des hommes des chevaux , du
courant des rivieres & c. se calcule , et
qu'elle s'évaluë en livres et en onces.
nir
que
>

On sçait encore que la Machine la plus
parfaite , et absolûment exempte de frotemens
, ne peut avec dix livres de force , de
quelque nature qu'elle soit , élever ou soûtedix
livres d'eau . Si ces dix livres
d'eau occupent un espace considerable en
largeur , l'eau ne montera que médiocrement
haut , parce que le tuyau qui la conduit , ne
pourra pas être bien long , pour ne contenir
que les dix livres d'eau qui peuvent faire
équilibre avec les dix livres de force ; une
once d'eau de plus feroit une pesanteur
superieure à la force , et la Machine scroir
arrêtée.
Si l'on veut porter l'eau plus haut , il en
faut élever une moindre quantité , afin de ne
faire toujours que les dix livres, qui sont en
équilibre avec la force motrice , cnsorte que
la même force , et la même Machine qui
fourniroit un muid d'eau par minute à 20.
pieds
1952 MERCURE DE FRANCE
pieds de haut , en fourniroit un demi - muid
à 40. pieds , un quart à 80. et ainsi de
suite.
Ces principes sont si certains et si connus ,
qu'on auroit honte de les rapeller , s'il n'y
avoit des gens à qui ces matieres ne sont pas
familieres , qui pensent que la connoissance
du produit des Machines dépend d'un calcul
fort difficile et fort épineux. Il suffit cependant
du peu que nous venons de dire , pour
juger de toutes les propositions qui peuvent
être faites en matiere de Machines Hydrau
liques ; car toutes les fois qu'on promettra
un produit supcrieur à la force , on peut être
assûré qu'il est impossible d'y réussir , puisque
cette proposition est directement contraire
aux principes de la nature , er aux loix
de la pesanteur.
part
Pareillement , si l'on veut calculer la quantité
de force que font perdre les frotemens
on le peut avec la même facilité ; car il n'y
a qu'à réduire en livres et en onces , d'une
la force motrice , et de l'autre, la quantité
d'eau élevée et soutenue par la Machine;
si ces quantités étoient égales , et que le
produit fut égal à la force , les frotemens
seroient nuls ; mais comme le produit est
toujours moindre , c'est la quantité dont il
s'en faut que le produit n'égale la force motrice
, qui exprime la perte causée par les
frote
SEPTEMBRE. 1738. 1953
frotemens ; ce calcul est simple , et l'opération
facile , c'est par ce moyen qu'on a reconnu
que dans les Machines o.dinaires , les frotemens
diminuent environ d'un quart ou d'un
tiers l'effet de la foice motrice , quoique
l'Aureur de la Description les fasse monter
trense fois , on peut -êre so.xante fois plus
haut.
C'est sur ces principes qui ne sont contestés
de personne , que nous allons juger
de l'effet de la Machine de M. Dupuy , en
parlant des faits avancés par l'Auteur de la
Description Critique.
Si , comme le dit cet Auteur , la Machine
éleve à la hauteur de 25. pieds un muid
d'eau en 20 secondes , ou 3. muids en une
minute , elle n'en élevera que le quart à 100.
pieds de haut , ou , ce qui revient au même ,
il lui faudra 4. minutes pour élever ces 3.
muids à 100, pieds de haut , ce qui fait
-1080. muids en 24. heures , au lieu des
8640. muids , auxquels l'Auteur de la Description
fait monter ce produit ; et comme
le même Auteur compare aussi cette Machine
à celle de Marly,qui éleve l'eau à plus de
5oo. pieds , on doit observer que celle de
M. Dupuy ne donneroit à cette hauteur que
216. muids en 24. heures. Voilà de quelle
maniere on doit calculer le produit d'une
Machine Hydraulique , et alors on ne trou-
D vera
1954 MERCURE DE FRANCE
vera rien que de très - naturel dans celle de
M. Dupuy,
Mais , comme j'ai calculé suivant les faits
avancés par l'Auteur de la Description , il est
juste que je fasse le même calcul suivant les
faits dont j'ai été témoin , et que je tiens
pour beaucoup plus sûrs , que ceux qui sont
raportés dans la Description Critique.
J'ai vu élever un muid d'eau à la hauteur
de 21. pieds en 37. secondes ; il auroit fallu
cinq fois plus de temps , c'est -à -dire 3. minutes
et 5. secondes , pour élever le même
muid à 105, pieds , qui est la hauteur où la
Machine du Pont Notre- Dame l'éleve. Nous
pouvons , pour la facilité du calcul , faire
grace des cinq secondes ; ce sera 20, muids
par heure , et 480. muids en 24 , heures , ce
qui n'est que la 18 partie de la quantité , à
laquelle l'Auteur porte le produit de cette
Machine , qui n'a plus , comme on voit , rien
de surprenant , et qui ne surpasse point l'effet
des Pompes les plus ordinaires.

On se tromperoit encore beaucoup cepen.
dant , si on consideroit ce produit , comme
l'effet du travail de quatre hommes seulement
, car il faut nécessairement qu'ils se
reposent de temps en temps , et malgré ce
que dit l'Auteur de la Description Critique ;
de l'extrême facilité avec laquelle ils font
mouvoir cette Machine , tout le monde conviendra
SEPTEMBRE : 1738. 1955
viendra , que pour que la Machine travaille
sans discontinuer , il leur faudroit deux fois
autant de repos que de travail , puisque sur
les 24 hheeuurreess dduu jour , il en faut au moins
dix , tant pour le sommeil que pour
les repas
; sur les 14. autres , il en faut bien autant
pour le repos que pour le travail , ce qui ne
fait que 7. heures de travail continu Suposons
- en 8 , on voit, que pour que cette Machine
aille sans interruption , il faudra douze
hommes pour entretenir son mouvement , et
qu'ainsi les 480. muids qu'elle fournit en 24 .
heures à la hauteur de 21. pieds , sont le produit
du travail de 12. hommes , ce qui fait
40. muids pour chaque homme en 24. heures
, et qui retombe dans le cas des Machines
les plus ordinaires , qui ont cependant l'avantage
sur celle - ci , d'être d'une construction
plus simple , moins coûteuse , et d'un
entretien beaucoup moins considerable.
Je crois avoir détruit tout le merveilleux
qui regne dans la Description Critique , en avoir
démontré les parallogismes très- clairement ,
et avoir fait voir par un calcul très simple , et
qui n'a rien d'embroüllé , ce qu'on doit attendre
des Pompes et de toutes les Machines
Hydrauliques , lorsqu'on sçaura par expérience
, ce qu'elles peuvent élever d'eau
dans un temps donné , et à une hauteur déterminée,
Dij A
1956 MERCURE DE FRANCE
A l'égard de celles dont on veut juger sur
des desseins , ou des modeles , c'est - là le
cas de calculer les forces motrices , d'éva
luer les frotemens ; mais on n'a point besoin
de tout cela pour juger de la Machine de M.
Dupuy ; il ne faut , comme le dit l'Auteur
de la Description Critique que le simple
témoignage des yeux ; mais il faut raisonier
plus conséquemment que lui , d'après ce
témoignage , et que le zcle indiscret n'aveugle
pas , au point de faire dans un calcul
aussi simple,des fautes aussi considérables ,
MADRIGAL ,
Div
Sur la Médiocrité.
' Une douce tranquilité
L'heureuse Médiocrité
Selon moi , fut toujours suivie :
Ainsi de m'agrandir dédaignant les moyens ,
Je n'aurai jamais d'autre envie ,
Que de me voir exempt des besoins de la vie;
Comme de l'embarras des biens .
Par M. C**
REMAR
SEPTEMBRE. 1738. 1957.

******************** 录
REMARQUES sur une Piéce insérée dans
le Mercure du mois de Juillet 1738. , on
Fon examine quelle doit être lafigure de la
I
Terre.
L est bien surprenant que dans le temps
même,que le Livre de la Figure de la Terre
se d.str bu parmi les Sçavans de l'Europe ,
que dans un temps , où les Journaux retentissent
d'Eloges et d'adiniration sur le grand
Ouvrage de Mrs les Académiciens du Nord,
qui ont démontré d'une maniere incontestable
, que la Terre étoit un Spheroide aplati
vers les Poles se soit glissé dans le Mercure
de France , une Piéce où l'Auteur feint
d'ignorer tout ce qui se passe dans la République
des Lettres , et se croit en droit
de fue connoître au Public sa pensée sur ce
sujet , en attendant , ajoûte t il , que nous
ayons la dessus quelque chose de décisif
J'ose bien assûrer ici , que le Public lui
sçaura mauvais gré d'avoir proposé ses pensées
d'une maniere qui ne peut jamais lui
faire honneur ; car s'il n'est question que de
réfuter ses propres preuves , dans lesquelles
il établit que la Terre est une Sphere telle
que nous paroît la Lune , comme il le supose
gratuitement , on sera bien éloigné de croire
Diij qu'il
1958 MERCURE DE FRANCE
qu'il a résolu , comme il le prétend , la Question
de la figure de la Terre d'une maniere
géomé rique et astronomique : on verra tout-à-
T'heure qu'il n'entend rien à ce qu'on apelle
Résolution géométrique et as ronomique ; mais
s'il se fonde sur les Démonstrations du Pere
Tacquet , on ne doute pas qu'il ne convienne
facilement , que le Pere Tacquet n'a pas
bien résolu cette Question.
Il paroît même que l'Auteur n'est guere
instruit des principales découvertes faites en
Astronomie et en Physique ; car la Démonstration
qu'il emprunte du Pere Tacquet , et
qu'il dit avoir lûë dans une Edition imprimée
en 1707 , supose que la pesanteur est
la même par toute la Terre , et si cette suposition
étoit vraie , il n'y a pas de doute
que la Démonstration du Pere Tacquet ne
fut bonne ; encore faudroit il suposer que
la Terre ne tourne pas sur son axe en 24.
heures , comme le Pere Tacquet feignoit de
le croire , pour éviter les reproches des
Théologiens de son temps. 1
Mais l'Ouvrage du Pere Tacquet est déja
fort ancien , car la premiere Edition de son
Livre qui se fit après sa mort , fut achevée
vers l'an 1668. Or M. Richer ne découvrit
qu'en 1672. que la Pesanteur étoit plus grande
aux Poles qu'à l'Equateur ; ce qui détruit
entierement la Démonstration du P.Tacquet,
> et
SEPTEMBRE. 1738. 1959
tt donne par consequent la Terre aplatie
vers les Poles , autrement les Mers inonderoient
l'Equateur .
soup.
Mrs Hugens et Newton ayant établi la
figure de la Terre sur cette derniere découverte
faite en 1672 , ce sentiment n'auroit
jamais reçû de contradiction , si l'Ouvrage
de la grande Méridienne tirée d'un bout à
l'autre de la France , et principalement de
Paris jusqu'aux Pyrenées , n'avoit fait
çonner le contraire. Mais pour dire en deux
mots le peu de certitude qu'on a pû avoir
sur cet Ouvrage , vû les trop petites differences
qui résultoient , pour en conclure
quelque chose de réel ; ces differences ne se
sont pas toujours trouvées les mêmes , ayant
varié plus ou moins d'une quantité assés considerable
; d'où il résultoit à la Terre differens
allongemens , et que tout habile Mathématicien
avoit raison de n'attribuer qu'aux erreurs
des Observations faites en France sous
des dégrés trop peu distans l'un de l'autre ,
comme en sont enfin convenus les Auteurs
de ce grand Ouvrage.
Une des plus fortes preuves que l'on pouvoit
avoir du Spheroïde aplati , avant le
Voyage de Mrs les Académiciens dans le
Nord , c'étoit la découverte qu'on fit en
France sur la fin du dernier siécle , de la révolution
de Jupiter autour de son axe en
Ď iiij
9. h.
1960 MERCURE DE FRANCE
>
9. heures 56. min. et de l'inégalité de ses diametres
Jupiter étant très- sensiblement
aplati par les Poles , ce qui induisoit à conclure
que puisque la Terre tournoi sur son
axe en 24. heures , sa figure devoit être semblable
à celle de Jupiter.
Cependant l'Auteur de la Piéce du Mer
cure , ajoûte pag. 1523. que pour juger des
choses inconnues par celles dont nous avons déja
une connoissance certaine , la Lune a paru à
travers les meilleures Lunettes parfaitement
semblable à la Terre , quant à sa surface , qui
est composée de Montagnes , Collines , Valées,
Mers , Lacs, &c. et il ajoûte page 1524.
» Mais cette Lune dont la superficie vûë de
"près , n'est pas certainement sphérique
» étant toutefois regardée d'un Lieu fort
éloigné , comme est notre Teire , ne nous
paroît- elle pas être une parfaite et véritable
Sphere ? Quand on la regarde lorsqu'elle
» est pleine , soit simplement avec les yeux,
» ou avec les plus grandes Lunettes , ne voit-
" on pas sa superficie la mieux arrondie de
"toute part , et telle qu'on le peut desirer
» dans les Spheres les plus parfaites ? &c.
و د
ود
و ر

>
» Il est donc constant que la Lune vûë de
» loin , nonobstant les inégalités réelles de
» sa superficie , nous paroît véritablement
» être une Sphere ; et s'il nous étoit permis
» de nous transporter dans quelque Lieu du
» Ciel
SEPTEMBRE 1738. 1961
Ciel , pour y regarder notre Monde dans
» un grand éloignement , n'est- il pas pro-
» bable que nous y verrions aussi sa circon-
»ference arrondie de toutes parts ? Et après
» cela n'aurions- nous pas raison de juger pa-
» reillement que c'est une Sphere ?
J'infere donc de tout ce raisonnement, que,'
sans doute , notre Auteur n'est pas instruit de
cette fameuse découverte de Jupiter, qui lui
ent bien mieux fait juger des choses inconnues
par celles dont nous avons une connoissance
certaine. Et s'il ignore cette découverte
c'est une des plus grandes fautes qu'on
puisse lui reprocher , et que le Public ne
peut lui pardonner.
Mais s'il n'ignore pas cette même décou
verte , faite sur la Planette de Jupiter , laquelle
m'a parû toujours connue de ceux
même qui ont à peine pris quelque légere
teinture de Physique et d'Astronomie ,
quelle malignité n'y a-t'il pas de citer plutôt
la Lune , qui est un Corps 64. fois plus
petit que la Terre , lorsqu'au contraire on
sçait que Jupiter est 1100. fois plus gros ,
et où par conséquent l'aplatissement doit
être bien plus sensible ?
Mais il y a plus , c'est que la Lune n'est
peut-être pas ronde , comme il le supose , et
les plus habiles Philosophes nous aprennent
que son axe , c'est-à- dire le diametre de la
D v Lune ,
1962 MERCURE DE FRANCE
Lune , qui est dirigé au centre de la Terre
est nécessairement plus grand que le diametre
de son Equateur ; or dans ce cas , si
nous étions placés au centre de la Terre , la
Lune nous paroîtroit toujours ronde , à en
juger seulement par son disque aparent ; car
le disque aparent de la Lune seroit toujours
son Equateur , dont tous les diametres doivent
être égaux ; la libration de la Lune y
aporteroit peut être quelque difference , mais
on sçait que la libration de la Lune n'est pas
considérable .
Et quoique nous ne soyons pas placés au
centre de la Terre , et que par conséquent
l'axe de la Lune n'est pas toujours tourné
éxactement vers notre oeil , cependant il
en résulte une si petite difference dans les
diametres du disque aparent de la Lune
qu'elle ne peut être sensible à nos yeux ,
moins que d'être munis d'Instrumens beaucoup
plus parfaits , que ceux dont on s'est
servi jusqu'à présent.
Ainsi la Lune nous paroît une Sphere , maiselle
ne l'est peut- être pas. Jupiter , au contraire
, dont la grosseur est bien plus considérable
, nous paroît par les meilleures Lunettes
un Spéroide aplati vers les Poles. La
Terre , vûe de loin , doit donc paroître aussiaplatie
vers les Poles , puisqu'elle tourne autour
d'un axe, comme Jupiter,
Mais
SEPTEMBRE. 1738. 196
Mais quand nous n'aurions aucunes preuves
tirées de cette grande Planette , l'Ouvra-,
ge de Mrs les Académiciens fait connoître
incontestablement la figure de la Terre , qui
est un Sphéroïde aplati par les Poles.
Et ce sera toujours un très - grand reproche,
auquel notre Auteur ne pourra se soustraire,
d'avoir négligé de s'instruire dans ce Livre.
1
Je ne sçais pourquoi il se fonde sur le jugement
des Anciens pour confirmer son sentiment
ne sçait il pas bien que les Anciens
n'ont jamais eû de connoissance parfaite sur
cette matiere ? Avant le Systême de Copernic
il étoit très- naturel de croire la Terre
ronde , ainsi qu'il paroissoit par son Ombre,
reconnue sur la surface de la Lune , dans
les Eclipses ; cependant,cette opinion étoit
bien contestée chés les Anciens ; on a cru
même assés long-temps la Terre platte , et
cette, opinion a duré jusqu'au temps , où la
Navigation étant parvenue , par le secours
de l'Astronomie , à un plus grand point de
perfection , on a fait le tour du Monde , et
on a reconnu , à peuprès , la vraie figure de la
Terre; je suis d'autant plus surpris, de trouver
que notre Auteur s'en raporte au sentiment
des Anciens , et qu'il trouve étrange qu'on ait,
introduit une nouveauté qui leur étoit inconmue
; qu'il s'aplaudit lui -même au commen
cement de sa Piéce , d'être né dans un temps:
D VI Ou
1964 MERCURE DE FRANCE
où tant de grands Hommes se sont apliqués à
cultiver les Sciences et les Arts.
Au reste , les Tables de M. de la Hire ,
qu'il cite comme les plus parfaites et les plus
exactes qui ayent été publiées de nos jours ,
n'établissent point du tout la figure de la
Terre , comme il le prétend ; car si on lui
prouvoit que ces Tables ne sont pas encore
parfaites , et s'il corrigeoit la Méthode de
M. de la Hire , pour calculer les Eclipses de
Soleil , il est certain que sa difficulté seroit
bien-tôt résoluë.
Enfin , le Public sentira facilement qu'il
n'est pas nécessaire de répondre à ses objections
sur les inégalités de la surface de la
Terre , qui doivent influer, comme il le prétend
, sur la mesure actuelle ; car si notre
Auteur sçait assés de Géométrie pour entendre
ce dont il est question , il trouvera dans
la plupart des Livres qui ont traité de la mesure
de la Terre , de quoi s'instruire sur de
telles difficultés , et s'il consulté le Livre de
la Figure de la Terre de M. de Maupertuis į
il rendra justice aux Opérations Géométri
ques , dont la certitude est démontrée, puisl'on
a réduit tous les Triangles au Plan
de l'horison , et qu'on a mesuré la hauteur
du Lieu,qui est à l'extremité méridionale des
Triangles , au - dessus du niveau de la Mer de
que
Bottnie.
DECLA
1
SEPTEMBRE. 1738. 1989
DECLARATION.
Arder au fond du coeur l'empreinte de vos char
Garde mes ,
Occuper son loisir à ne penser qu'à vous ,
Avoir , en vous quittant , les plus vives allarmes ,
Ressentir à vos pieds les transports les plus doux ,
Loin de vous , soûpirer et répandre des larmes ;
Ou je me trompe , Iris , ou c'est- là , de l'amour
Trop heureux s'il pouvoit mériter du retour !
D. C. D. C.
***出典: 串串::
LETTRE de M. D. L. R. à M. l'Abbé le
Beuf, Chanoine et Sous Chantre de l'Eglise
d'Auxerre sur quelques Sujets de Litterature.
V
aussi
que
Ous êtes infatigable , Monsieur , pour
les interêts de la vérité ; il me paroît
la vérité et la justice ne manquent
point de reconnoissance , vous venez de publier
deux Volumes , qui sous le titre modeste
d'Eclaircissemens , corrigent bien des
erreurs échapées à de célebres Ecrivains , et
illustrent notre Histoire . Vous venez en même-
temps de remporter un troisiéme Prix ,
par
1966 MERCURE DE FRANCE
par un troisiéme Jugement , prononcé en
Votre faveur par l'Académie de Soissons , et
ces trois Prix ont été précédés par celui que
vous adjugea en l'année 1734. l'Académie
Royale des Inscriptions et Belles Lettres de
Paris. Que ne nous promettez - vous point
M. avec les heureuses dispositions dont le
Ciel vous a favorisé , pour l'avancement des
Lettres , et en particulier pour les interêts de
I'Histoire !
Je reviens à votre Ouvrage nouvellement
publié , que j'ai lu avec autant de plaisir que
d'utilité . J'ai aporté une atention particuliere
à la discussion que vous faites sur le Cervolus
ou Cervulus , et Vetula ; Usage payen des:
Calendes de Janvier , qui se trouve condamné
par un Canon du Concile d'Auxerre,
tenu sur la fin du V I. siecle. Vous prouvez
fort bien, M. que cet Usage a varié, à mesure
qu'on s'est éloigné des temps de l'Idolatrie ,
et que ce que défend votre Concile d'Auxerre
, n'étoit ni infame ni abominable :
toient des folies, des extravagances , et non des
abominations. C'en étoit toujours : assés pour
exciter le zele des Evêques , qui dans differens
Diocèses ont aussi aboli differentes Réjouissances
et pratiques , même Ecclesiasti
ques , tout -à- fait abusives , dont vous avez
raporté quelques exemples da s le Mercure ;
de France , & c.
Vous
SEPTEMBRE 1738. 1967
Vous citez , M. à l'occasion du Cervulus ;
et Vetula , p. 298. du premier Volume de
votre Recueil , les Coûtumes de Marseille ,
par M. Marchetti , où cet Auteur , page 309 .
dit » qu'on s'y déguise encore en Bêtes , en
» Satyres , en Démons , depuis les Rois jusqu'aux
Cendres. Ce qui demande de ma
part un petit correctif en faveur de la vérité,
comme vous en avez usé dans le même esprit
dans l'article qui a mérité l'attention du Concile
d'Auxerre , sur un usage de votre Patrie .
>>
Tous ceux qui ont connu , comme moi ,
notre M. Marchetti , et qui ont comparé son
Livre des Usages et Coûtumes des Marseillois,
c. avec ce qui se pratiquoit à Marseille lors
de la publication de ce Livre en 1683. ont
reconnu que cet Auteur , avec les meilleures
intentions du monde , s'est quelquefois trompé
, en prenant pour des Usages récens et
journaliers , des Coûtumes abolies depuis
long - temps , et dont on avoit presque per
du le souvenir. Il étoit , sur tout , sujet à se
laisser emporter par son zele , et à grossir les
objets , où les abus qu'il avoit à combattre .
C'est , sans doute , dans cette disposition
qu'il a écrit ce qui a été raporté ci - dessus des
Déguisemens en Bêtes , en Satyres et en Démons
, pendant le temps du Carnaval , ce que
je vous assûre n'avoir jamais vû à Marseille
où j'ai passé une partie de ma jeunesse ; plusieurs:
1968 MERCURE DE FRANCE
sieurs de mes Compatriotes sont en état de
rendre le même témoignage. Peut - être
nous dira-on que ces excès étoient en usage
lors de la jeunesse de notre Auteur , qui étoit
extrémement âgé lors que nous l'avons
connu.
Mais , outre que nos Anciens ne nous ont
jamais rien apris de semblable , nous avons
dans l'Histoire de Marseille une preuve litterale
et singuliere de la maniere modeste ,
dont on passoit dans cette Ville les trois jours
les plus critiques , c'est - à- dire , les trois derniers
jours du Carnaval. Les Réjouissances
les plus considerables se passoient aux environs
de l'Hôtel de Ville, au Lieu , principalement
apellé la Loge où s'assemblent
journellement les Marchands et les Négocians
pour conferer de leur commerce. Les
Consuls , qui étoient alors Gouverneurs de
Marseille , et dont le Chef étoit un Gentilhomme
qualifié , regloient eux - mêmes l'ordre
de la joye publique , et la Ville en payoit
la Dépense.
,
Voici , Mr. ce que dit là- dessus notre (a)
Historien , qui ne vous est pas inconnu.
" La Communauté faisoit autrefois des Ré-
»jouissances publiques les trois derniers
(a) Histoire de Marseille &c . par Antoine de
Ruffi &c. seconde Edition Vol. fol. A Marseille
1696. T. II. L. XIV , Chap. VI. page 401.
jours
SEPTEMBRE . 1738. 1969
» jours de Carnaval. Elle entretenoit trois
» Ménétriers , qui ces jours là jouoient des
» Tambours, des Hautbois, et des Timbales
» tout au devant de la Maison commune , et
" le soir il y avoit Bal , où se trouvoient tou-
» tes les Dames de la Ville. On voit par là la
simplicité du siècle , et que les Violons
» n'étoient pas encore en usage ; mais le
» titre où j'ai puisé ce que je viens de dire ,
»fera mieux comprendre au Lecteur , avec
» quelle frugalité on vivoit en ce temps - là à
» Marseille.
Ce Titre est un Mandement des Consuls ;
adressé au Trésorier de la Ville , pour payer
la dépense qui se fit en l'année 1536. à l'oca
casion de ces Réjouissances. Il est raporté
tout de suite , et en voici la teneur.
Nous Consuls al present Mandan à vos Tresorier
General de la dite Ciutat , que des
Deniers de vostra Recepta que al présent aves
donas et pagas als tres Menestriers soes Tamborins
et Autois, qu : an toquat à la Loya los tres
jors de Carmentran la somme de florins quinse,
et per lo Tamborin, Timbois, et Timbalas que an
toquat los tres vespres des di: Carmentran à la
Carriera de laditta Loya la somma de florins
quatre. Plus à Mestre Clemens Arnaut Apoticari
per 6 torchas de siera per accompagnar
las Damas à laditta Loya que pesat 22. lib. à
gros s.la libra montaflorins nou grosses quatre
quarts,
1970 MERCURE DE FRANCE '
4 .
quarts dos. Item per 12. libras de candelas per
losdits tres vespres. Lo Febrier de l'an 1536.
Donat à Marseilla sota nostres propres sagels.
On peut faire plusieurs réflexions sur le
contenu de ce Mandement ; mais je me contenterai
d'une seule , qui est que des Magistrats
, si modestes , si sages , en fait de joye
publique , et si absolus par leur autorité
laquelle , pour le dire en passant , a duré
jusqu'en l'année ( a) 1660. n'auroient jamais
souffert de la part du Peuple , les desordres
et les excès dont parle le bon M. Marchetti :
leur exemple seul étoit capable de les contenir
, outre que ce qui se passoit à la Loge et
aux environs de l'Hôtel commun , suffisoit
alors pour amuser toute la Ville.
Passons à un autre sujet . Vous m'avez sou
vent parlé , M. d'une Piéce curieuse et rare,
qui accuse les Provençaux , de mêler dans
le culte Religieux plusieurs Actes , qui sentent
la superstition , et le Paganisme. Vous
n'avez jamais vû cette Piéce ; je ne l'avois
jamais vûë lorsque vous m'en avez parlé ;
mais votre curiosité a excité la mienne . Je
n'ai jamais pu la tirer de la Province , où elle
a été composée et imprimée , elle y est aussi
(a) En l'année 1660. Louis XIV . changea l'ordre
et le nom des Magistrats Politiques de Marseille , créa
un Gouverneur de la Ville &c.
rare
SEPTEMBRE. 1738. 1971
rare qu'ailleurs. Par bonheur elle s'est trouvée
ici dans le Cabinet d'un Curieux de Paris qui
a bien voulu me la communiquer. Vous verrez
que je l'ai lue avec attention , par le
compte sommaire que je vais vous en rendre
, et par le jugement que je prends la liberté
d'en porter. Au reste ce compte seroit
imparfait , si depuis que j'ai fait cette lecture
, je n'avois aussi lû la Vie de Gassendi
nouvellement imprimée , Ouvrage aussi
agréable à lire qu'instructif, dans lequel j'ai
puisé quelques circonstances qu'il est bon
de ne pas ignorer par raport à cette Piéce . En
voici d'abord le titre.
QUERELA AD GASSENDUM , de parùm
Christianis Provincialium suorum Ritibus
minimumque sanis eorumdem moribus ex occasione
Ludicrorum , quæ Aquis Sextiis in Solemnitate
Corporis Christi ridiculè celebrantur.
Brochure in-4°. de 61. pages , sans nom d'Auteur
ni de Lieu d'impression , mais seulement
l'année , qui est 1645.
C'est une invective véhemente et conti
nuelle , contre certaines Pratiques de Reli
gion , que l'Auteur reproche aux Provençaux
, et en particulier contre ce qui se passe
à Aix , le jour de la Fête- Dieu , lors de
la Procession solemnelle du S. Sacrement , à
laquelle le Parlement et les autres Corps de
la Ville assistent .
Quoique
1972 MERCURE DE FRANCE
Quoique cet Auteur puisse avoir raison
dans le fond , je crois qu'il a outré les choses
:il nous les peint avec des couleurs af
freuses ; son style même , et sa Latinité qui
est toute de fer , et fort aprochante de celle
de Tertullien , rendent ces images encore
plus noires. Je n'ai point envie de faire un
Extrait suivi de cette Piéce , de quelque rareté
qu'elle puisse être. Je me contenterai
d'en raporter quelques traits des plus singaliers
.
si
و ر
Le Portrait de Judas, qu'un Homme choirepresente
dans cette Procession , est tracé
en ces termes p. 42. » Nec prætermissus ipse
» Judas marsupii sollicitus custos. Per quàm
graphicè illic quoque sustinebat ejus per-
» sonam valenti/ limus rusticanus , truci vul-
»tu , elato supercilio , torvo aspectu , flam-
» mantibus oculis , frendenti o e , grolu precipiti
, gestu feroci , aliisque multis trucu-
» lentiæ fignis , quibus se quandoque prodit
» nefariè subdola proditorum indoles.
Suivent dans la même page les 4.Evangélistes
de la Procession. " At nihil æquè deforme fuit,
» ac enormis Evangelistarum quaternio , ob
» larvarum terrificas facies : unus enim prægrandi
rostro , aduncis unguibus , et plu-
» marum tegmine , in Jovis alitem deforma-
» mabatur : alter immani rictu , densà juba ,
et villosa pelle , in Nemæam feram : ter-
»
» tius
SEPTEMBRE. 1738. 1973′
39
» tius cornuta facie , crudo tergore , et longis
palearibus , in Apim . Postremus non ab
» hominis quidem specie recedebat , sed
» alatos tantum habens armos Calaim aut
»Zetem referebat.
A la page 53. il exerce sa satyre sur ce qui
se pratiquoit aussi à la Fête de Noël , où l'on
mêloit , dit il , des chansons profanes aux
Cantiques de l'Eglise. Il prétend , par exemple
, qu'on mettoit le Magnificat sur le ton
d'une impertinente chanson , dont voici le
refrain , qui est noté dans l'Imprimé : Que ne
vous requinque vous vieille , que ne vous
requinquez-vous done?
A la page suivante il décrit dans le même
style ce qui se passoit , selon lui , dans l'Eglise
des Cordeliers de la Ville d'Antibes.
Voici son narré :
» Nam Antipoli apud Franciscanos hæc
» solemnia sic procurantur , ut nunquam
» cæca Gentilitas stultis superstitionis sua
» erroribus , parem exhibuerit dementiam .
» Choro cedunt omnes Therapeutæ Sacer-
» dotes , et ipse Archimandrita ; in quorum
» omnium locos sufficiuntur Cenobii Me-
» diastini viles , quorum aliis manticæ ex-
» plendæ cura est ; aliis culina , aliis Hortus.
» colendus ; Fratres Laïcos vocant , qui tunc
» occupatis hinc et inde Initiatorum ac Mvstarum
sedibus , sacra se facere congruo
» solem
1974 MERCURE DE FRANCE
E
ود
» solemnitati ritu dicunt , mysticâ dum in
» saniâ furere simulant ; nimium verâ interim
» reapse furentes : sacerdotalibus nempe in-
» duuntur vestibus sed laceris , si quæ sup-
» petant , ac præposterè aptatis , inversisque;
» inversos etiam tenent libros , in quibus se
» fingunt legere , appensis ad nasum perspiciliis
quibus detractum vitrum , ejusque
» loco mali aurati putamen insertum : quod
» monstri , quantæ fit deformitatis , quan-
» tùmque turpitudinis vultibus conciliet
» perpendere nequit rei fæditatem qui nun-
» quam aspexit ; sed maximè postquam
» Thuricremi Sanniones in cujusque faciem
» cineres exsufflarunt , et favillas ex acerris,
» quas per ludibrium temerè jactantes ,
stolidis quandoque capitibus affundunt ;
sic autem instructi non Hymnos , non
Psalmos , non Liturgias de more conci-
» nunt , sed confusa ac inarticulata verba
» demurmurant , insanasque prorsus voci-
3 ferationes ωαπερ Συμβηναιων κερός deru-
» dunt , adeò ut litatò magis divinum cre-
» dam hujus festi Officium ab ipsis persolvi
» posse pecoribus . Nam satius esset et pro-
»fectò sanctiùs , bestias et pecora Deo in
" templis sistere , quæ suo pro modulo Con-
» ditorem laudarent , quàm homines ejus-
» modi inducere , qui in laudando per deridiculum
Deo jumentis insipientibus in-
» sipientiores
SEPTEMBRE. 1738 .
1975
» sipientiores fiant , et brutorum amentiam
hac tam abominanda insaniâ superent.
Dans cette pensée , qu'il vaudroit mieux
introduire dans le Temple de Dieu de véritables
Bêtes , qui au moins loueroient leur
Créateur à leur maniere , que des Hommes
tels qu'il vient de les représenter ; l'Auteur
passe d'Antibes à Marseille , et déclame en
ces termes contre ce qui se pratiquoit , ditil
, alors dans cette Ville à l'occasion des
Fêtes de S. Eloy et de S. Lazare , pages 55 .
et 56.
» Et nescio num huic sententiæ Massi-
» lienses suffragari velint , dum in quodam
» suæ Civitatis Festo universa pecora con
"gregant , cunctaque armenta, Equos , Mu-
» los , Burdones , Asinos , Boves , Pecudes ,
" in solemni Supplicationum pompâ reli-
" giosissimè circumducunt ; fortè mavult
» nunc Christiana Urbs Divorum suorum
>> cultum per pecora operari , quàm per His-
» triones ; quorum olim , etiamtum Ethni-
» ca , impatientiffima fuit , si verè scripsit
» (a) Ethnicus : Maffilia severitatis custos
» acerrima est , nullum aditum in Scenam Mi.
» mis danda. Proh pudor in Templum si
nunc daret , eam edocta Religionem , cui̟
(a) Valer. Max. L. II. C. VI. rend ce témoigna
ge aux anciens Marseillois de n'avoir jamais voulu
souffrir dans leur Ville aucun genre de Comédiens.
» omne
1976 MERCURE DE FRANCE
» omne mimicum , flagitium est : attamen
» non penitus abstinuit ; quandoquidem in
» Festo Divi sui Lazari propè scenicas agi-
» tet choreas , staticulorum varietate ac mul-
» titudine perinsignes conveniunt enim
"
» Oppidani omnes, saltem quotis quibusque,
cordi est festivitatis lætitiam ritè celebra-
» re : et ridiculè personati omnes , tam viri
quàm foeminæ , ridiculos instaurant cho-
» ros ; Satyrorum diceres Nympharúmque
»promiscuè lascivientium. Alter alteri ma
»> num præbet , ac mutuis consertarum ma-
» nuum hærentes nexibus , totam Civitatem
» ad lyras et tibias saltando perambulant. Et
» quoniam perpetuâ serie , inque multiplices
»reducta sinus , longissimos viarum tractus,
» obliquos vicorum Açxus , et anfractuosos
»regionum meatus pervadunt numerositer,
» hoc ipsum vulgo ( a ) magnum vocant Tri-
»pudium. Cur autem in honorem Sancti
» Lazari institutum , mysterium sanè est
99
quod audire aut ariolari fas mihi nunquam
» fuit ; sicut nec longè plurimarum , quibus
» hæc Provincia scatet , Næniarum ; quibus
»ve ita addicti , ita devoti populi sunt , ut
de earum superstitione , si quicquam vel
tantillùm remittatur , grande piaculum
illico ducant , quod nunquam non maxi-
(a) Legrand Branke.
emi
SEPTEMBRE. 1738 1977
"
mâ suâ labe , frugumque et annonæ dilapidatione
, expiari solitum sit.
Le Critique vient ensuite aux Emportemens
et aux Dissolutions auxquels il dit
que se livrent les Provençaux à la fin du
Carnaval , sans en excepter personne , pas
même ceux qui sont réputés sages dans un
autre temps. Surquoi il cite le . 27. ( a) du
Pseaume CVI . et ensuite pag. 58. un Passage
de S. Pierre Chrysologue , Serm. 105. qui
semble fait exprès contre les Masques , les
Travestissemens , et les Jeux Comiques, que
notre Auteur a entrepris de décrire et de
combattre .
Il revient à la licence que rien ne peut.
excuser , de mêler le Saint avec le Profane
, et dont il reprend avec force et avec un
style toujours hérissé , les Habitans de cette
Province. Les citations ne lui manquent pas.
Celle de S. Maxime dans son Discours sur la
Fête de la Circoncision , est remarquable ,
p. 59.
Voici comment il finit , pag. 6o . et 61 .
» Has autem sanctorum virorum querelas
» afferre placuit , ut essent mearum tanquam
» vindicia , quamvis apud te nullis mihi opus
→ esse satis noverim , cujus sapientiam in
(a ) Turbati sunt et moti sunt sicut ebrius ; et omnis
sapientia eorum devorata est.
E 22tane
1978 MERCURE DE FRANCE
"
» tam legitimæ indignationis patrocinium
» ultrò venturam semper expectavi , ubi perceperit
stultitia usque adeò exhorbitantis
enormitatem : Quam nec solus aversatus
» sum , poteramque tacere , ni gravem qui-
» dem jam stomachum crebris hortatibus
» concitasset mihi haud leviùs inde nauseabundus
( a ) Princeps , Augustiffimus ille
tuus Mæcenas , Atavis revera editus Regi-
» bus , cujus excelsæ virtutes tibi notiores
» sunt , quàm ut à me ullam expectare velis
5 laudationem à me , inquam , eas cui
» tantùm mirari fas est ; et nescio an satis
» unquam sapientissimam illam prudentiam ,
quâ quotidiè adversùs ineluctabilem com-
>> missæ sibi Gentis luctatur insaniam , quam
ejus ad votum exprimere , mihi si nunc
→ incumberet , Vellem , cum ( b) Massiliensi
» mibi hoc loco ad exequendum rerum indignistatem,
parem negotio Eloquentiam dari ; scili-
» cet ut tantum virtutis esset in querimonia
• quantum doloris in causa . Salvian L. VI .
Vale. Aquis Sext . X.Kal. Mart. M.DC.XLV:
L'Auteur de cette Piéce est Mathurin de
و ر
ور
و د
>
(a) Le Prince , dont parle ici l'Auteur , est Louis-
Emmanuel de Valois Comte d'Alais , Gouverneur
de Provence. Il étoit Fils de Charles de Valois ,
d'Angoulême , & c. Fils naturel de Charles IX.
b) Salvien étoit de Marseille,
Du
Neure ,
SEPTEMBRE. 1738. 1979
Neuré , de Chinon en Touraine , lequel
avoit été Chartreux. C'étoit , dit l'Historien
( a ) de Gassendi , un Homme de mérite ,
Philosophe , Astronome , et Sectateur zelé
de Gassendi , qui l'avoit fait placer chés
François Bochart de Champigny , Intendant
de Provence , en qualité de Précepteur de
ses Enfans , vers l'année 1643 .
Pendant son séjour à Aix , il avoit été
scandalisé avec raison , dit le même Historien
, de ce qu'il avoit vû le jour de la Fête-
Dieu à la Procession . Se livrant à son zele ,
il écrivit une Invective contre les Provençaux.
René Roy de Naples et de Scicile
Comte de Provence , Instituteur de cette
Procession , fit non seulement des Fondations
considerables pour fournir aux principales
Dépenses , mais il voulut regler luimême
jusqu'au moindre détail .
Lorsque Neuré vit la Procession , il y
avoit tant de choses à réformer , continue le
même Auteur , qu'on ne pouvoit assés se
récrier , &c. Dans la suite le Cardinal Gri
maldy , Archevêque d'Aix , vint à bout de
faire abolir une partie de ce qui parut de
plus profane.... La Procession subsiste encore
, avec une partie des Etablissemens du
Roy René. La Piéce parut d'abord en 164;.
(a) Le R. P. Bougerel de l'Oratoire.
E ij
Elle
1980 MERCURE DE FRANCE
Elle fut réimprimée en 1648. à Genêve.
Nous n'avons pas la Réponse de Gassendi.
Voilà , Mr. ce que nous aprend l'Auteur
de la Vie de Gassendi , au sujet de Neuré et
de son Invective contre la Procession d'Aix
&c. J'ai apris depuis , que la Piéce de Neuré ,
dont je viens de parler , a été mise en Vers
Provençaux par René Gaillard , Sr de Chaudon
, et que M. Blacas , Prieur - Curé de
Ventabren , a l'Original de cette Traduction
.
Au reste , Mr. je continuë d'assûrer , que
quoique Neuré puisse avoir eu quelque raison
dans le fond , comme je l'ai déja dit , il
a cependant outré les choses en plusieurs
Endroits de sa Déclamation. Par exemple ,
presque tout ce qu'il dit à l'occasion des
Fêtes de S. Eloy et de S. Lazare d'une maniere
assés vehemente , porte à faux , faute
d'avoir été bien instruit , ou par la demangeaison
d'écrire et de peindre les choses avec
des couleurs noires . Ce ( a ) Magnum Trepudium
, et ces autres Danses dont il parle , à
Poccasion de la Fête de S. Lazare , étoient
toute autre chose que ce qu'il prétend , et ce
n'étoit pas le jour de la Fête qu'elles se faisoient.
Lisez là - dessus ce qu'a écrit l'His-
(a) C'est le Branle de S. Elme , ainsi nommé par
le Peuple. Voyez M. de Ruffi , &c.
torien
SEPTEMBRE. 1738. 1981
torien de Marseille , à l'occasion du Guet de
S. Lazare institué pour la sûreté de la
Ville , &c L. XIV. Ch . VI . page 399. et suiv.
Voyez aussi le Livre de Marchetti , dont
nous avons déja parlé , Explication des Usages
et Coûtumes des Marseillois , &c. Dialogue
IX. pag. 155. 151. 152. où après avoir
parlé du même Guet de S. Lazare , il parle
aussi de la Fête de S. Eloy , célébrée par la
Confrairie des Muletiers , &c. Dans l'un et
dans l'autre Auteur , vous ne trouverez rien
qui sente la profanation ou l'indécence que
Neuré a voulu y trouver.
Vous n'aurez pas , peut- être , oublié
M. la Lettre que je me donnai l'honneur de
vous écrire, il y a environ dix ans , et qui est
imprimée dans le Mercure du mois d'Août
1729. dans laquelle , à l'occasion de la Course
du Cheval de S. Victor , célebre Cérémonic
Anniversaire qui se faisoit à Marseille ,
je vous parlois aussi du Guet de S. Lazare ,
autre Cérémonie ancienne et solemnelle
qui se répetoit la veille de la Fête de S. Victor
; ce qui me dispense de m'étendre ici sur
le même sujet.
Notre Critique ne pouvoit guere se dispenser
de s'emporter aussi sur les Réjouissances
usitées chés les Provençaux vers la fin
du Carnaval ; Réjouissances cependant communes
avec celles de toutes les grandes Villes
E iij
du
1982 MERCURE DE FRANCE
du Royaume , où l'on voit des Masques , des
Travestiflemens , &c . dans ces jours- là . Sur
quoi on peut obferver que la même coûtume
est presque universelle dans toute l'Europe
,. et qu'il y a des Pays où la licence et
les abus font encore plus crians que ceux
qui ont excité contre nous la bile de
Neuré.
Je me souviens d'avoir lu dans ma jeuneffe
un petit Livre Latin , dont le contenu
vient: ici fort à propos , composé par un
Lutherien d'Allemagne , qui semble avoir
copié le Critique François ,
en invectivant
comme lui contre ceux de sa Nation ,
par lui accusés de donner dans les excès
dont il est ici question . Ce Livre est intitulé
: M Jo. Gabr. Drechblers S. S. Theol.
Baccal. ( a) De Larvis Natalitiis &c. cum
Apologia. 1. Vol. 1 2. Lipsia sumptibus Christiani
Weidmannt
1683. Je pourrois charger
ma Lettre du petit Extrait qu'en a donné
M. Bayle , dans le I. Tome de ses Nouvelles
de la République des Lettres , Juin 1684. p .
369. mais je me contenterai
de quelques
lignes du commencement
de cct Extrait , et
d'une petite Addition.
» Il y a plusieurs Villes en Allemagne ;
dit Bayle , d'où la Réformation n'a point
fa ) Traité des Mascarades de Noël.
banni
SEPTEMBRE. 1738. 1983
banni la mauvaise coûtume qui s'y étoit
" introduite depuis long- temps , d'aller en
Masque par les rues environ le temps de
» Noël , et surtout la veille de ce S. Jour.
On se déguise en plusieurs manieres ; les
uns se travestissent en Diables et en Lu-
» tins ; les autres prennent la figure d'un
jeune Homme , ou d'un vénérable Vieil-
» lard ; il y en a un qui représente Jesus-
» Christ ; d'autres font les Ministres , et les
Apôtres. Après avoir couru les ruës , sui-
" vis d'une grande foule de canaille ; ils
>> entrent fort gravement dans les Maisons, et
» vont faire peur aux Enfans , &c. désordre
» d'autant plus grand , que les Marguilliers
» et les Organistes des Eglises sont les pre-
» miers à se masquer , & c.
"
و د
L'Auteur de l'Extrait ajoûte ce qui suit
vers la fin . » Qui s'imagineroit , dit-il ,
qu'un Livre écrit contre de si grands des-
» ordres ait eu besoin d'Apologie ? Il est
» pourtant vrai que l'Auteur a été repris , et
qu'il a fallu qu'il ait fait une seconde Dis-
» sertation pour justifier la premiere ...
» L'Auteur Allemand , dont nous parlons ,
» a été censuré , entr'autres choses , de ce
" que n'ayant point charge d'Ames , il s'est
ingeré d'écrire contre une coûtume qui
» s'observe de temps immémorial. Pour
dire franchement la verité , il donne un
E iiij » peu
"
1984 MERCURE DE FRANCE
" peu dans le Lieu commun en répondant à
» cela , & c.
Notre Neuré n'a point fait d'Apologie ,
parce que personne ne s'est mis en peine d'attaquer
sa Piéce , visiblement outrée . Mais la
Proceflion d'Aix, qui en fait le principal sujet,
a trouvé un Apologiste en la Personne de
M. Pierre-Joseph de Haitze , Gentilhomme
du Pays , Auteur d'une Histoire de la Ville
d'Aix , et de quelques autres Ouvrages. Il
publia en l'année 1708. l'ESPRIT du Cérémomonial
d'Aix en la célébration de la Fête-
Dieu , I. vol. in- 12 . A Aix chés la Veuve de
Charles David. MDCCVIII. Le Journal
des Sçavans de la même année rendit un
compte exact de cet Ouvrage , ce qui me
dispense d'entrer là - dessus dans aucun détail.
Neuré y est repris en plus d'un Endroit,
pour avoir mal pris le sens de l'Instituteur ,
et pour avoir plus d'une fois outré les choses
, &c. On ne lui passe pas , surtout la
liberté qu'il s'est donnée de parler peu respectueusement
de René d'Anjou , Prince de
'Augufte Maison de France , Instituteur de
ce Ceremonial , auquel il donne des qualifications
qui ne lui conviennent nullement :
ce que M. de Haitze détruit , en nous faisant
un vrai Portrait de ce sage Roy , qui aimoit
les Sciences et les Beaux Arts , et les culti
voit , sans oublier ses Exploits guerriers , et
plusieurs
,

SEPTEMBRE. 1738. 1985
plusieurs autres Traits puisés dans les meil
leures sources , qui achevent d'en faire un
grand Prince.
Je suis , Monsieur , &c.
A Paris ce 25. Avril 1.738:
EPIGRAMME
Qu
Ue la Nature fut sensée ,
Lorsque du Sexe babillard.
Elle voua la face au fard ,
Et la voulut de barbe entierement privée !
Quoi ! si sous le rasoir , dit-elle avec raison ,
La femme en tout temps babillarde ,
Contente sa demangeaison ;
Et si pour lors le Barbier par mégarde
Lui tranche un morceau du menton »
Certe quel bruit sera dans la maison !
C'est donc assés qu'elle se farde &
Elle fera d'ailleurs assés de carillon ;
Epargnons-lui l'occasion .
E ?
EX
986 MERCURE DE FRANCE
*: **
EXTRAIT d'une Lettre de M. l'Able
le .... au sujet des Pierres de foudre
tombées en Artois.
Depuis que le premier Volume du Mercure
de Juin a paru , je me suis trouvé
dans quelques Compagnies où on en avoit
fait lecture. Plusieurs personnes ont surtout
été frapées de la Nouvelle qui vous est venuë
d'Aire en Artois , et s'en sont souvent
entretenuës. Quelques incredules ( comme
il y en a toujours , ) se sont imaginé que le
Fait étoit faux, ou que c'étoit une supercherie
; ils ont comparé la chute des Pierres de
foudre, arrivée à Aire, à ce bruit oüi à Ansac
en Beauvoisis , duquel vos Journaux ont retenti
il y a sept ou huit ans ; dans lequel ,
disent - ils , l'Art avoit peut-être plus de part
que la Nature. Pour moi, qui n'ai rien voulu
décider sur le Phenomene du Pays d'Artois ,
je me suis contenté de rapeller ce que S. Jerôme
dit de la Manne , qui de son temps.
tomba du Ciel dans le même Pays d'Artois
et j'ai insisté pour faire regarder ce Territoire
comme un Pays à Phenomenes ou à
Prodiges. L'autorité de S. Jerôme a fait pancher
pour moi quelques-uns de la Compagnie.
Je suis fâché de ne m'être pas remis:
alors
SEPTEMBRE. 1738. 1987
alors dans la mémoire ce que j'avois lu autre
fois dans notre premier Historien de France,
je veux dire Gregoire de Tours . Je viens
d'y relire qu'en l'an 537. de Jesus - Christ
arriva dans le Royaume de Soiffons un Phénomene
assés semblable . Clotaire , fils de
Clovis , qui en étoit Roy , fe vit inveſti
dans un Bois par Childebert fon frere , et
Théodebert fon neveu. Il y alloit de fa vie ,
files Armées cuffent pu l'atteindre : mais
pendant qu'elles étoient arrêtées aux endroits
où il avoit fait couper la Forêt , il furvint un
Orage , qui dérangea leurs deffeins ; il y
tomba non feulement de la grêle , mais
même des pierres du Ciel : Immixta fulgura
eum tonitruis ac lapidibus super eos descendunt:
ipsi quoque super infectam grandine humum in
faciemproruunt , et à lapidibus descendentibus
graviter verberantur . (a) Les Naturaliſtes
trouveront, fans doute , de la difference entre
le Fait du Soiffonnois et le Fait de l'Artois.
Je crois cependant que l'un peut fervir à faire
admettre l'autre , et que de côté ou d'autre ¿
les incredules feront quelque perte.
Je suis , &c.
(a) Greg. Tur. L. 3. c. 28.
A Paris ce 18. Juillet 1738
£ vi
Lar
1988 MERCURE DE FRANCE
, J
Les mots de l'Enigme et des Logogryphe
'du Mercure d'Août , sont la Basse de Violi
Balance , Maréchal et Oculus. On trouve
dans le premier Logogryphe , Bat , Lance ,
Bac , Lac , Abel , Caen , Cable et Blanc.
Dans le second , Car , Arc , Lac , Calme ,
Allarme , Mer , Larme , Rama , Rame , Re
La , Macle , Carme , Lame , Arche , Rachel
Marché , Lache. On trouve dans le dernier
Sol , Olus , Lucus , Ulcus et Colus
ENIGM E.
Est-il un sort plus déplorable ≥
Lecteur , ouvre un moment les yeux
Souvent sans que je sois coupable ,
En me voyant l'on devient furieux ;
Mon corps inanimé ne peut pas se défendre
Il faut souffrir , il faut se rendre ;
Que faire en cette extrémité ≥
-Toujours de ma sincérité
Nâquit mon malheur et mon crime
Toujours je fus innocente victime .
Quelquefois je joüis d'un traitement plus doux
Quelquefois mon aspect dissipe des allarmes
Souvent
SEPTEMBRE. 1738. 198
Souvent de joye on en verse des larmes ;
It mon sort en amour rend les Amans jaloux ;
J me vois accabler des plus vives caresses ,
Mais je suis insensible à toutes leurs douceurs ,
Et je goûte aussi peu leurs excès de tendresse ,
Que je ressens leurs injustes fureurs.
JE
Par M. Delamotte.
******************
LOGO GRYPH E
E porte Son , je porte Nonne ;,
Je porte Ton , je porte Tonne ;.
Eson ,. Note , Non , Nos et Net.
Qui suis-je ? Devinez ... un Fait
Dont tout le Parnasse a mémoire ,
Fait qui releve encor ma gloire )
Et qu'on peut aisément prouver ,
Va vous aider à me trouver.
D'un Auteur j'ai fait la fortune ,
Faveur , hélas ! trop peu commune ;
Poëtes qu'Apollon laisse marcher tout nuds
Pleurez , cet heureux temps n'est plus.
Par M. Barberi , le jeune
AUTRE
#990 MERCURE DE FRANCE
D
AUTRE.
Ans mon entier, je suis toujours mysterieux
Composé de dix piés , admirez ma structure ;
J'occupe quelquefois un Esprit curieux ,
Qui disseque mon corps , ignorant ma nature.
Elle est telle , Lecteur , que
tu
peux
voir en moi
Un grain, un Instrument, un vrai ton de Musique j
Ce que cherche un Guerrier qui combat pour son
Roi ,
Et ce qu'à bien lorgner un Pilote s'aplique ;
De mes dix prends - en sept ( sans être le destin
Remarques- en l'effet , et quelle est ta misere ;
J'annonce à tout Mortel le moment de sa fin
Et je marque le cours de sa triste carriere ;
Je puis produire encore en me bien combinant
Ce qui pourroit gâter un excellent breuvage;
Et ce qui nécessairement
Te sert à lire cet Ouvrage ,
Voilà tout ce que je contiensi
Aisément tu pourras déveloper mon être
On ne sçauroit me méconnoître ;,
Et je suis sûr que tu me tiens.
Par H.... F ....... L..... de Tonneinsa
LO
SEPTEMBRE. 1738. 1992
LOGOGRYPHUS.
U Num redde mihi nomen quod nomina gestes
Inferiora suo , Lector amice , sinu .
Scilicet as , almus, sal, laus , lac, musca, salum , sum
Vas, mus, musa, lacus, mas, acus, ala, malus
ALIUS.
I Needens pedibus septem , scindo aera pennis «
Sexgradiens , nando scindo paludis aquas.
ALIUS..
S Int mihi quinque pedes, volito, sint quatuor, almæ
Sum Dea ,sint mihi tres , denique bestiola.
Fournier deVillecerf , Maître des Eaux e
Forêt du Gasvrc. , ce 16. Août 1738.
****************
NOUVELLES LITTERAIRES
DES BEAUX ART S.
LEMENS de la Philosophie de Newton'
E donnés par M. de Voltaire , nouvelle
Edition , 1738. in 8. A Paris , sous le nom
de Londres.
HISTOIRE
992 MERCURE DE FRANCE
HISTOIRE DU VICOMTE DE TURENNE
par l'Abbé Raguenet, 2. volumes in 12. 1738 .
Ala Haye , chés Jean Néaulme. On trouve
des Exemplaires de cet Ouvrage à Paris, chés
Huart , rue S. Jacques ; Mouchet, au Palais;
Nion , fils , et Didot , Quai des Augustins.
GENEALOGIES HISTORIQUES des
Rois , Empereurs , et de toutes les Maisons
Souveraines. Tome III. contenant celle de
la Maison Royale de France , Tome I V.
contenant celle des Rois , Ducs , Comtes ,
&c. de Bourgogne , exposées dans des Car-,
tes Généalogiques et Chronologiques , ti
fées des meilleurs Auteurs , avec des Explications
Historiques , et les Armoiries , in 4.
A Paris , chés Théodore le Gras , au Palais ;
Lamesle , pere et fils , ruë de la vieille Bouclerie
, Giffart , et Briasson , ruë S. Jacques ;
Chaubert , Quai des Augustins , et la veuve
Pissot , Quai de Conty.
TRAITE' de la révocation et nullité des
Donations, Legs, Institutions , Fidei- commis ,
et Elections d'héritiers par l'ingratitude ,
F'incapacité et l'indignité des Donataires ,
Héritiers, Légataires, substitués et élus à une
succession. In 4. On trouvera incessamment
des Exemplaires de cet Ouvrage . A Paris
chés Huart , ruë S. Jacques , à la Justice..
TRAITE
SEPTEMBRE . 1738. 1997
TRAITE' du Droit de retour des Dots,
des Donations , des Institutions Contractuelles
et des Testamens mutucls , suivant
l'Usage et les Maximes des Pays de Droit
Ecrit et des Pays Coûtumiers . Par noble Arnaud
de la Rouviere , Avocat au Parlement
de Provence , 2. volumes in 12. A Paris
chés Huart , ruë S. Jacques , à la Justice.
SINGULARITE'S HISTORIQUES
ET LITTERAIRES , Contenant plusieurs
Recherches, Découvertes et Eclaircissemens
sur un grand nombre de difficultés de l'Histoire
ancienne et moderne . Ouvrage Historique
et Critique. A Paris, chés Didot, Quai
des Augustins , proche du Pont S. Michel ,
à la Bible d'or , 17,8 . in 12. deux volumes
le premier Tome de 496. pages , le second
. de $ 72.
LE MECHANISME , ou le nouveau
Traité de l'Anatomie du globe de l'oeil ,
avec l'usage de ses différentes parties , et de
celles qui lui sont contiguës , orné de Planches
gravées en Taille - douce , dédié à M le
Premier Médecin du Roy , par Jean Taylor ,
M. D. Oculiste du Roy de la Grande - Bretagne.
Qui dat videre, dat vivere. A Paris, chés
Michel- Etienne David , Libraire , Quai des
Augustins , à la Providence , 1738. vol in 8 .
de 387. pages.
LES
₹994 MERCURE DE FRANCE
LES APHORISMES de Médecine, tra
duits du Latin de M. Herman Boerhaave ;
par M. de la Mettrie , 1. vol. in 3. A Paris
chés Briasson et Huart , ruë S. Jacques.
LE TRAITE' de la Matiere Médicale du
même Auteur , contenant la dose et la composition
des Médicamens indiqués dans les
Aphorismes , traduits aussi par M. de la Mettrie
, in 12. chés les mêmes Libraires.
EUVRES de M. l'Abbé Nadal , de l'Académie
des Belles - Lettres , en trois volumes
in 12. A Paris , chés Briasson , ruë S. Jacq .
ques à la Science.
>
MIZIRIDA, Princesse de Firando,in 122
1738. 3. volumes . A Paris , chés Chardon ,
ruë Galande , à la Croix d'or.
Le sage Magistrat qui préside à la Littérature
, voyant l'abus que l'on faisoit des petits
Romans, qui , pour la plûpart , n'inspiroient
point de moeurs et ne donnoient pas lieu à
un amusement raisonnable , a jugé à propos
de les suprimer, et de ne permettre que ceux
qui joignent au délassement de l'esprit , une
morale sage & qui peut fournir des regles de
conduite.
Il prétend sur tout que l'Ouvrage soit pu
blié tout entier et non pas par petites por
SEPTEMBRE . 1738. 1999
tions , dont la lenteur fait languir le Public ,'
et qui d'un Livre , qui seroit vendu comme
en fait ordinairement un Ouvrales
autres
,
ge d'un prix exorbitant , et qui est quelquefois
porté au triple de sa valeur.
Celui que nous annonçons , et qui n'a pas
sé qu'après un examen très- sévere , est tel
que le demandent les Magistrats. L'Auteur
a donné dans sa Rethima , qu'il a publiće il
y a environ deux ans , un Ouvrage à peu
près pareil à celui qu'il fait paroître aujourd'hui;
mais ce dernier l'emporte
, tant pour
les évenemens
que pour les moeurs
et pour
la maniere d'écrire. Il paroît que la Scene
s'est passée aux Indes Orientales et en Portugal.
Malgré cela on ne laisse pas d'y retrouver
beaucoup d'Histoires qui se sont
passées de nos jours en France , et dont la
vérité perce à travers les voiles , dont l'Auteur
a tâché de la couvrir. Il proteste , à la
vérité , sur la fin de sa Préface , que quoiqu'on
trouve dans son Ouvrage des Faits qui
peuvent avoir quelque raport avec plusieurs
avantures qui arrivent aujourd'hui
, ou que
l'on a vu arriver , son dessein n'a pas été
néanmoins d'attaquer
ni de caractériser
personne
, mais seulement d'instruire par ces amusemens de son loisir.
Il n'est pas moins vrai cependant qu'on
y retrouve ces Faits singuliers qu'il est bon
de
1996 MERCURE DE FRANCE
de ne pas laisser périr , et que leur bizarre
rie pourra rendre précieux pour ceux qui
sçauront les dévoiler et qui voudront en
faire usage.
On voit bien par les Termes de Marine ,
employés par l'Auteur et par les remarques
qu'il donne sur la Navigation, qu'il a voyagé
sur Mer. Chacun aime à parler de ce qui
lui est familier.
D'ailleurs ce qui est dit du Japon , de
Goa et des autres parties des Indes Orientales
, n'y est pas moins dans le vrai , que tout
ce que l'Auteur y marque du Portugal.
On voit par- là qu'il a suivi les Regles des
Maîtres de l'Art , qui veulent que dans les
Poëmes en Prose , c'est -à - dire dans les Romans
, on ait soin d'observer le vrai - semblable
, et de ne point faire comme nos Ancêtres,
qui ne composoient ces sortes d'Ouvrages
que pour donner dans des extravagances
incroyables par leur peu de vrai- semblance.
Il est à souhaiter que M. Duhaut - Champ ;
qui en est déclaré Auteur par le Privilege du
Roy , continuë d'instruire aussi agréablement
le Public .
Dès que les Romans seront formés sur un
semblable plan , on rallentira les déclamations
que l'on pourroit faire contre ce genre
de Livres , qui est dangereux , quand on n'a
pas soin d'y observer, aussi exactement que
dans
1
SEPTEMBRE. 1738.
1997
dans celui ci , les regles de la bien - séance
et même les Principes de la Religion , que
Auteur ne manque pas d'y faire paroître ,
sans néanmoins qu'il prenne le ton ni de
Controversiste ni de Prédicateur.
La grandeur d'ame paroît dans les premiers
Acteurs de cet Ouvrage , et tous y
montrent de l'héroïsme à proportion de leur
qualité et de la place qu'ils occupent dans
ce Roman.
HISTOIRE DES EMPEREURS CC
des autres Princes qui ont regné durant les
six prémiers siécles de l'Eglise ; de leurs
Guerres contre les Juifs ; des Ecrivains profanes
et des Personnes les plus Illustres
de leur temps , justifiée par les Citations
des Auteurs Originaux, avec des Notes pour
éclaircir les principales difficultés de l'His
toire. Tome V I. qui comprend dépuis
Théodose II. jusqu'à Anastase , par M. le
Nain de Tillemont. A Paris , chés Rollin
fils, Quai des Augustins, à S. Anastase et au
Palmier 1738. volume in 4. de 711. pages ,
sans les Tables des Citations et des Articles
et l'Eloge de M. de Tillemont,
NOUVEAUX AMUSEMENS DU CoeUR ET
DE L'ESPRIT , Tome second , sixième Brochure
, in 12. de 144. pages , le Prix est de
vingt- quatre sols , 1738 .
Nous
1998 MERCURE DE FRANCE
Nous continuons de rendre compte suc
cinctement au Public d'un Ouvrage , dont
le dessein et l'execution nous paroissent
également agréables . Notre Journal ne peut
pas donner un Extrait en forme de ces sortes
de Brochures périodiques : il suffit d'en
indiquer les principales matieres , et de met
tre à portée nos Lecteurs de juger sur les
titres , et par quelques échantillons , de l'interêt
qu'on pourroit prendre à la lecture,
Faisons l'inventaire .
1º. Dissertation Philosophique et Litteraire
où , par les principes de la Physique et de la
Géométrie , on recherche si les regles des Arts ,
soit méchaniques , soit libéraux , sont fixes ou
arbitraires et si le bon Goût est unique et immuable
, ou susceptible de varieté et de changement.
L'Auteur pose pour principe , que la Question
du goût et des regles des Arts , fittéraire
dans son execution , est toute physique,
mathématique dans ses causes , dans ses
préceptes et dans ses regles. Il met en doute
que les Ouvrages de Quintilien et de
Ciceron , soient plus propres à former le
goût , qu'un Aristote , et un Descartes. En
relevant la servitude des simples Littérateurs
et Grammairiens ; » Ils font , dit- it
"page 17. une regle de tout ce que l'Auteur
qu'ils ont pris pour modele , fut- ce
و د
Dien
7
SEPTEMBRE. 1738. 1999
>>
ور
. ל כ
des
» Dieu même , a fait dans la circonstance
qu'ils sont occupés à discuter. Virgile en
allant de Troye en Italie , a promené son
» Héros sur les côtes de l'Afrique, et a choisi
Carthage pour en faire le sujet d'un Episode
tout- à-fait intéressant pour les Ro-
» mains . Faudra t-il que pour percer de
» S. Cloud à Paris , Henri Quatre passe par
» Londres , pour faire à Elizabeth des complimens
et des complaintes , que le systê-
» me moderne ne permet de faire , au défaut
» des Gazettes et des Postes , que par
» Ambassadeurs ? Un génie de la force de
" M. de Voltaire a pourtant bien des res-
# sources pour créer des fictions sur le mo-
" dele de la seule Nature , sans trop s'asser-
» vir aux plus grands modeles de l'Antiquité.
Milton et le Tasse n'ont pas toujours
manqué cette belle Nature comme
l'Arioste , en osant la peindre d'après ellemême
: et Milton entr'autres , a des coups
de tête , qui le feroient soupçoner d'avoir
» été complice de Promethée , lorsque ce-
» lui- ci déroba quelques étincelles de ce feu
ןכ
"
»
>> créateur.

Page 37. L'Hyperbole a lieu sinon dans le
Physique , du moins dans le Moral , où l'on
traite d'hyperbole tout discours exageré qui
passe le vrais comme l'hyperbole des Géome-
Bres, àforce
trop d'extension tourne le de
dos
ooo MERCURE DE FRANCE
,
dos à son centre au lieu de l'embrasser. On
pourroit lui comparer aussi ces Discoureurs
éternels, qui n'arrivent à la conclusion de leurs
discours , que par des raisonnemens qui ne finissent
point ou encore ces amis de Cour qui ne
vousfervent en quelque sorte qu'à petits traits ,
pour irriter votre soif, et vous tenir toujours
dans la dépendance , de peur qu'en remplissant
vos désirs , vous ne cessie de les servir euxmêmes
, et de leur être attaché. Nous finissons
à regret , mais les longueurs ne conviendroient
point.
>
II°. Parmi les Poësies , ou trouve un excellent
Poëme de feu M. de Senecé , qui , au
jugement de M. Rousseau , autant qu'il peut
s'en souvenir après quarante années est
Ouvrage le plus original , et même le plus
solide et le plus agréablement écrit qui soit sorti
de la plume de cet illustre Auteur. Ainsi on
n'a pas rendu un service médiocre aux honnêtes
gens , en lui rendant la lumiere qu'il avoit si
indiscretement perdue. Le Poëme des Tra
vaux d' Apollon , composé dans le goût satyrique
, imprimé autrefois , et devenu introuvable
, d'une voix unanime , sera proclamé
admirable : il porte avec lui le sceau
du Siécle de Louis Quatorze ; n'est- cet pas
dire qu'il est frapé au coin de l'immortalité ,
puisqu'il célebre ce grand Roy ? Le Poëte
débute par ces Vers ....
Trompeuse
SEPTEMBRE . 1738. 2001
Trompeuse Volupté , torture ingénieuse ,
Ingrat amusement , peine capricieuse ,
Compagne du mépris et de la pauvreté ,
Muse , sors pour jamais de mon coeur rebuté.
Je vois tous mes égaux , par d'utiles vertus ,
Admis avec honneur au Palais de Plutus ;
L'un dans un Char pompeux traine l'Arithmétique,
L'autre aux frais des Cliens dore sa`Rhétorique .
Un autre de la Parque augmentant les trésors ,
S'enrichit avec elle à commercer des Morts , &c.
Il poursuit sur ce ton , lorsqu'étant prêt
de briser ses chalumeaux , l'Ombre de Mainard
lui aparoît , le console par la comparaison
des Travaux qu'Apollon lui- même a
essuyés , et le rengage de nouveau dans la
carriere poëtique , en lui conseillant de chan
ter Louis ;
Mais pour chanter son nom , à toi- même severe ;
Ami , sur sa grandeur forme ton caractere ,
Et dans des sentimens en contrainte exprimés ,
Ne va pas confier sa gloire aux bouts rimés .
- III . L'Epitre de M. D'ARNAUD à M. P ***
en Vers dissyllabes, n'est pas assés courte , et
manque de justesse en plus d'un endroit.
La Réponse de Madame du Hallay à M. des
F Forges
2002 MERCURE DE FRANCE
Forges Maillard , est bien flateuse pour Mile
Malcrais de la Vigne. L'Essai de traduction
en Vers François du Poëme du Tasse , loiiable
dans le projet , est difficile à achever
d'une façon brillante. Il s'agiroit de rendre
la noblesse , l'élévation de l'Original ; il est
plus aisé de se croire capable d'une pareille
entreprise
que de la mettre à exécution,
Il est aisé de demander risiblement une pension
de mille écus , avant de l'avoir mérité,
Tout le monde n'a pas le Privilege de Racine
et de Despreaux , qui , comme on sçait ,
joüissoient
de grosses Pensions , pour don
ner aux François une Histoire de Louis XIV .
que nous ne verrons probablement jamais .
Nous ne parlons pas de la Lettre à M.
Rameau. Il y aura assés de gens qui en par
leront sans nous. Le Siécle aime les malignités
, et il est servi à souhait sur cette matiere
. Voilà tout ce qu'il nous convient de
dire sur cette Brochure : nous rendrons
compte des suites , si elles en valent la
peine.
MATIERE MEDICALE ; où l'on traite
des Médicamens naturels ou simples , ensuite
des Médicamens composés ou artifisiels
; avec deux Dissertations , l'une sur la
Formation des Pierres, et l'autre sur la cause
de la dureté , mollesse et fluidité des Corps,
BAR
SEPTEMBRE. 1738. 2003
,
Par M. Deidier , Conseiller - Médecin du
Roy , ancien Professeur de la Faculté de Montpellier
, Chevalier de l'Ordre de S. Michel
de la Societé Royale de Londres et Médecin
Réal des Galeres de France à Marseille.
A Paris , chés d'Houry , seul Imprimeur &
Libraire de M. le Duc d'Orleans , ruë S. Severin.
1738. Vol. in- 12 . de 396. pages , sans
la Préface et la Table.
Ce Traité , qui peut avoir son utilité dans
la Pratique , est extrémement rempli. L'Auteur
l'a divisé en deux Parties , dont la premiere
traite des Médicamens naturels , et la
seconde des Médicamens composés ou artificiels
; dans l'une et l'autre Partie, il les confidere
d'abord comme évacuans , et ensuite comme
simplement altérans. Le tout ensemble
contient un détail dans lequel nous nous
dispenserons d'entrer. On trouve à la fin du
Livre deux Dissertations , qui semblent n'avoir
aucun raport avec ce qui les précede ;
Pune , sur la formation des Pierres ; l'autre
sur la dureté , mollesse , et fluidité des Corps.
La premiere peut avoir sa curiosité , quoique
PAuteur n'ait pas porté ses recherches aussi
Join qu'il l'auroit pu. Cela paroît sur tout
dans l'Article VII . où il traite de la formation
des Pierres - Ponces : l'exactitude sur la
matiere en question , aussi bien que la clarté
dans les termes , y manquent particuliere-
Fij ment,
?
2004 MERCURE DE FRANCE
ment. Sur les côtes de l'Isle de Ponce en Italie,
dit notre Auteur , on trouve une très -grande
quantité de sable fin et fort égal , &c . C'est de
cette espece de pétrification que l'Isle a tiré son
nom , &c. Laissant à part le fond du sujet ,
le Lecteur qui veut être pleinement instruit,
cherchera peut-être vainement une Isle de
Ponce en Italie , c'est- à - dire une Isle en
Terre ferme. En rectifiant l'expression , on
ne sera guere plus sçavant ; car il y a plusieurs
Isles dans la Méditerranée , des Pays
même non isolés , où fe forment des Pierres-
Ponces. Sur le sujet des Pierres en général ,
et sur cet Article en ppaarrttiiccuulliieerr ,, l'Auteur
auroit bien fait de consulter le curieux Ouvrage
intitulé : Gemmarum et Lapidum Historia
quam olim edidit Anselmus Boëtius de
Boot Brugensis , RUDOLPHI II . Imp . Medicus.
Nunc verò recensuit &c. Adrianus Toll. Lugd.
Bat. M. D. I. 8. Lugd. Batav. 1536. cum
fig. Il y a aussi beaucoup à aprendre sur la
matiere des Pétrifications , dans les Ouvradu
sçavant M. Scheuzer, Médecin Suisse ,
principalement dans son Piscium Querela et
Vindicia, c.1.Vol. in- 4.Tiguri, 1708. et dans
son Museum Diluvianum, &c. 1 , Vol . in - 12 ,
ibidem 1716.
ges
ORAISONS FUNEBRES de Très- Haut, Très
Puissant , et Très- Excellent Prince Monseigneu
SEPTEMBRE. 1738. 2005
gneur LOUIS DAUPHIN , Fils unique de
LOUIS LE GRAND ; de Très - Haut , Très-
Puissant , et Très - Excellent Prince Monseigneur
LOUIS DAUPHIN ; et de Très- Haute ,
Très- Puissante, et Très - Excellente Princesse
MARIE-ADELAIDE DE SAVOYE , son Epouse
; et de Très- Haut , Très - Puissant , Très-
Excellent et Très - Chrétien Monarque Louis
LE GRAND , Roy de France et de Navarre
A Avignon , chés Charles Girand , seul
Imprimeur de Sa Sainteté en cet État et
Légation , M. DCC. XXXVIII . Brochure in-
• de 76. pages.

Ces trois Discours méritoient sans doute
de sortir de l'obscurité où la modestie de
l'Auteur les a tenus pendant un si long-temps.
Ils sont de M. l'Abbé Leonard de Marseille,
Chanoine de l'Eglise Collegiale de S. Pierre
d'Avignon , et dédiés par une courte Epitre,
remplie de Verités reconnues de toute l'Europe
, à S. E. M. le Cardinal de Fleury.
Une Préface de très - peu de mots , et quelques
Lettres aussi courtes , mettent le Lecteur
au fait de ce qu'il est à propos qu'il
sçache touchant l'Edition de ces trois Piéces,
lesquelles peuvent tenir un rang distingué
dans les Recueils les mieux choisis en ce
genre d'Eloquence,
Fiij
Mlle
2006 MERCURE DE FRANCE
Mlle de Lussan fera paroître à la S. Martin
>
,
san
autre délai une nouvelle Edition de ses Anecdotes
de la Cour de Philipe Auguste . Cette Edi- tion est augmentée
de trois Tomes , qui renferment
ce qui s'est passé de plus interessant , jusqu'à
la mort de Philipe .
On vendra séparément les trois derniers Tomes
aux personnes qui ont déja les trois premiers .
Cette réimpression est faite avec un soin extrême.
Correction , beauté de papier , et de caracteres,
rien n'a été omis.
C'est la Veuve Pissot , Quai de Conti , à la Croix
d'or, qui vendra ou les 6. Tomes qui font l'Ouvrage
complet , ou les trois derniers séparément.
Le Sr Cavelier Libraire , ruë S. Jacques
Paris , a reçu des Pays Etrangers
les Livres suivans.
LANSOND -
ANSON I ( Josep . ) Ferriarensis Philosophiae
rii Opera omnia , cum edita , tum inedita. 3. vol. in-
4. Lausannæ 1738 .
Index Operum Lanzoni in Tomo I. de Venenis
cytrilogia , Tractatus de Animalibus , de Clysteribus ,
de Lacrymis , de Febre quartana , Saliva humana ,
Medici officio , Allio , Dentibus , et de Pericardio.
Tomus secundus continet Consultationes et Obser
vationes Medicas .
Tomus tertius de Balzamatione cadaverum , de
Coronis et Unguentis , de Luctu mortuali Veterum ,
adversaria edita et inedita deJofraphisicis Ferrariensibus
, Prolusio ad Philosophiam Naturalem , Disser
tationes Physica inedita , Additio ad Dissertationem
Olai Borrichi de Lapidum generatione , animadversiones
SEPTEMBRE. 1738. 2007
Versiones varia ad Medicinam , Anatomiam et Chirurgiam.
Ramazzini ( Bern . ) Opera omnia Medica et Physiologia
, de Morbis Artificum , Principum , Virginum
Vestalium tuenda valetudine , c. in- 4. Genevæ
1717.
Bibliotheque Germanique , ou Histoire Littéraire
de l'Allemagne , & c. pour les Années 1737. et 1738 .
faisant les Tomes 40. et 41. in- 8 . Amsterdam .
Bibliotheque Raisonnée des Sçavans pour les mois
d'Octobre , Novembre et Decembre 1737. et Janvier ,
Fevrier et Mars 1738. 2. vol . in - 8 . Amst .
Introduction à la Philosophie , contenant la Métaphysique
et la Logique , par Gravesende. in- 8 . Leyde
1737.
Critica Vannus in Inanes Jo . Pavonis Paleas , in
quo plurimi Scriptores cum veteres , tum recentiores
explicantur vindicantur &c . in- 8 . Amst . 1737 .
Verwey ( Jo. ) nova via discendi Graca , cum In
dice Rerum Gracarum R. Kefelii . in- 8 . Amst. 1737.
Miscellanea Observationes critica in Auctores veteres
et recentiores . 8. vol . in - 8 . Amst . 1737 .
Suetonius Tranquil. cum Notis integris variorum,
curante Burmanno , qui suas Adnotationes adjecit.
2. vol. in- 4. fig. Amst. 1736.
PROGRAMME de l'Académie Royale des
Belles Lettres,Sciences et Arts de Bordeaux,
L
'Académie propose à tous les Sçavans de l'Europe
, un Prix fondé à perpetuité par feu M. le
Duc de la Force. C'est une Médaille d'Or de la
valeur de trois cent livres .
On en doit distribuer deux le 25. Août 1739.
Un de ces Prix est destiné au meilleur Ouvrage sur
la Question : Si l'air de la respiration passe dans le
Filij Sang
008 MERCURE DE FRANCE
Sang ; et l'autre , à celui qui expliquera avec le plu
de probabilité , la cause de la chaleur et de la froideur
des Eaux minerales .
Les Dissertations ne seront reçûës pour le concours
, que jusqu'au premier du mois de May prochain.
Elles peuvent être en François ou en Latin :
on demande qu'elles soient écrites en caracteres
bien lisibles .
,
Dans le nombre des Dissertations qui ont
été
envoyées sur la cause de la fertilité des terres
un des deux Sujets proposés pour cette année , il
s'en est trouvé plusieurs qui ont mérité des éloges
; mais on n'a pu leur adjuger le Prix , le
par
défaut des Expériences et des Observations absolument
nécessaires à l'explication d'une matiere
de cette espece . Ce qui a déterminé l'Académie
à proposer de nouveau le même sujet ,
pour l'année 1740. Les Auteurs pourront renvoyer
leurs mêmes Ouvrages , enrichis de toutes
Jes Expériences et Observations qu'ils pourront y
ajoûter.
Il y aura un autre Prix à distribuer la même
année 1740. Il est destiné à celui qui donnera le
Systême le plus probable sur l'Origine des Fontaines
et des Rivieres .
Au bas des Dissertations il y aura une Sentence ,
et l'auteur mettra dans un billet séparé et cacheté
, la même Sentence , avec son nom , son ad esse
et ses qualités , d'une façon qui ne puisse pas former
d'équivoque.
Les Paquets seront affranchis de Port , et adressés à
Mr. Sarrau , Sécretaire de l'Académie . ruë de Gourgues
; ou au Sr Brun , Imprimeur , Aggregé de l'Académie
, ruë szint Jâmes.
Le Prix de cette année sur la cause de l'Opacité
et de la Diaphanéité des Corps , a été remporté par
La
SEPTEMBRE. 1738 . 2009
le R. P. Antoine Cavalery , de la Compagnie de
Jesus , à Toulouse.
O
A Bordeaux , le 25. Août 1738.
N trouvera chés le Sr Brun , le Recueil de
toutes les Dissertations de ceux qui ont remporté
le Prix depuis l'Etablissement de l'Académie,
en cinq Volumes in- 12 . On les vend toutes ensemble
, ou séparément . Et pour la commodité des Sçavans
, on a inseré à la fin de cette Dissertation , un
Catalogue de toutes celles qui ont mérité le Prix
depuis l'Etablissement de l'Académie .
AVIS au sujet des Cadrans Solaires.
Pexposés
Lusieurs Horlogers se voyant tous les jours
exposés aux reproches de leurs Pratiques , qui
prétendent que leurs Montres ne sont pas justes
parce qu'elles ne s'accordent pas avec un Cadran
Solaire , que chacun affectionne dans son Quartier
, ils sont bien a ses de faire connoître au Public
, que depuis que les Cadrans Solaires sont devenus
plus à la mode , très-peu de ces Cadrans song
faits par d'habiles gens , et par conséquent que trèspeu
sont bons . Autrefois il n'y avoit que les A Sma
tronomes et les Géometres qui en traçoient , aujourd'hui
tout le monde s'en mêle : les Peintres ,
les Massons , les Faiseurs d'Instrumens de Mathé
matiques , et même quelques- uns de notre Profession.
Il est vrai que ces derniers ne tracent que
des Méridiennes , n'en sçachant pas faire d'avan
tage , et pour n'être pas obligés d'avouer là -dessus;
leur ignorance , ils ont répandu dans le Public
qu'il n'y a que l'heure de midi de juste , mais c'est.
en vérité en imposer à ce même Public ..
F
29
A
2010 MERCURE DE FRANCE

A l'égard des Cadrans entiers , que l'on voit dans
Paris et ailleurs , aux endroits les mieux exposés
la raison pour laquelle on en voit tant de mauvais ,
c'est que la plupart sont faits comme on vient de
le dire , par des Peintres , par des Massons , et par
d'autres Personnes qui n'en sçavent pas plus qu'eux ;
la plupart de ceux qui les tont faire , sont d'ailleurs
si peu curieux d'exactitude , ou si ménagers mal- àpropos
, qu'ils s'adressent au premier venu ,
celui qui travaille à meilleur marché. C'est depuis
qu'on les a ainsi marchandés , que les habiles gens
n'en font presque plus. Un ignorant trace un Cadran
dans une matinée. Un habile homme met une
douzaine de jours à son opération .
ou a
Il est enfin étonnant que l'on s'adresse si mal ,
ayant une si grande facilité de mieux faire : il n'y
a en effet personne dans Paris qui ne connoisse
quelqu'un de Mrs de l'Académie Royale des Sciences
, qui prieroit ceux de ses Confreres qui entendent
parfaitement cette matiere , s'il ne l'entendoit
pas lui-même , comme Mrs de Cassini , de Mairan,
Nicole , de Maupertuis , Terasson , Pitot , Godin ,
le Camus , de Maraldy , Grand-jean , Clairaut
Lemonier fils , &c. d'indiquer quelqu'un qui soit
bien au fait de la Cadrature . D'ailleurs , quand on ne
connoîtroit aucun de ces illustres Sçavans , ils sont
tous trop polis et trop complaisans , pour ne se
pas faire un plaisir d'indiquer une Personne , dont
ils seroient sûrs , aux Gens même qu'ils ne connoîtroient
pas.
Le Public sera peut-être bien aise qu'on lui indique
ici les Méridiens ou Cadrans , sur lesquels on
peut compter , et que nous avons éprouvés , s'accorder
avec la Méridienne de l'Observatoire et celle
du Pont au Change, dont il suffit de dire, que c'est
le plus célebre Astronome de nos jours qui
tracées,
les a
Le
SEPTEMBRE. 1738. 2011
Le premier de ces Cadrans , sur lesquels on peut
compter pour toutes les heures , est dans la rua
S. Honoré , proche la rue des Prouvaires.
Le second , rue Garanciere proche S. Sulpice.
Le troisième , dans une Niche du vieux Louvre
proche la Porte du Cul- de-Sac de l'Oratoire .
Le quatrième , dans la Place des Victoires .
Le cinquième , ruë de Louis le Grand .
Le sixième , au fond du Jardin des petits l'eres ,
Place des Victoires .
Le septième , dans la Cour de l'Hôtel de Richelieu
, Place Royale.
toutes
Le huitiéme , dans la Cour des Mathurins , qui
est aussi bien peint que bien tracé , et qui prouve
que lorsque chacun ne fait que son métier ,
choses en vont bien mieux , ce qui ne seroit pas
arrivé , si celui qui l'a tracé l'avoit voulu peindre ,
ou si celui qui l'a peint avoit voulu le tracer.
AVIS de Jean-Baptiste Pasquali , Libraire
à Venise , aux Souscripteurs pour le grand
Dictionaire Géographique de M. Bruzen
la Martiniere.
C
Omme le Public m'a donné jusqu'ici des
preuves sensibles d'être content de mon exactitude
, à lui fournir correctement imprimés , avec
de considerables augmentations , les Volumes du
Grand Dictionaire Géographique de M. Bruzen la
Martiniere ; je me crois dispensé de le prévenir ici
sur le mérite de mon Edition , et de lui répeter les
conditions déja annoncées dans mon Projet , touchant
la souscription pour cet Ouvrage . Je ne
m'adresse à lui présentement , que pour l'avertir,
que le quatriéme Volume va sortir bien- tôt , et
F vi pour
2012 MERCURE DE FRANCE
pour lui marquer ici le prix des trois suivans , reglé
sur cette proportion équitable , que j'ai gardée dans
les premiers .
On payera donc pour le Tome V. qui comprend les
lettres G. H. 17. livres .
Pour le VI. comprenant I. K. L. 17. livres.
Pour le VII. comprenant M. N. O. 26. livres.
Et en
grand
papier {
pour
le Tome V. 22. livres .
pour
le Tome VI . 22. livres .
pour le Tome VII. 36. livres .
Au reste , les Personnes éclairées , qui rendent
justice à a Superiorité de ce Dictionaire du côté de
l'exactitude , de la Critique , et de l'étenduë sur
tout ce qui a paru jusqu'à présent sur ce sujet , ne
seront pas étonnées d'en voir redoubler les Editions
. Un Ouvrage de cette nature , qui réunit tant
de Connoissances également utiles et agréables ,
intereffe de trop près le Curieux , pour qu'il ne se
trouve pas des Libraires qui entreprennent de temps.
en temps de satisfaire leur goût. Ce seroit néanmoins
un scrupule mal fondé que de s'imaginer ,
qu'une seconde Edition , si l'on en faisoit une en
Hollande avec des Suplémens , puisse décréditer
la mienne ; puisque celle que je donne au
Public est dès ici préferable à toute autre ,
des augmentations dont elle est enrichie ; & quant
aux Suplémens qu'on y pourra joindre ailleurs , il
m'est bien facile de les imprimer séparés , comme
j'ai résolu de faire , ou de les insérer dans les
Tomes qui resteront encore à imprimer J'ajoûte
que pour contribuer de plus en plus au progrès de
cette noble partie de la Littérature , j'ai prié des
Sçavans qui se sont chargés d'éclaircir et de corriger
quelques Articles du Dictionaire , et d'y em
ajoûter de n´ uveaux ; ce qui me fournira la matiere
pour un Tome de Suplément qui fera la Suite de
à cause
P'Qu
SEPTEMBRE. 1738, 101f
l'Ouvrage , et le rendra par- là plus parfait .
Et enfin , pour donner plus de relief à cette Edition
, et la rendre plus utile au Public , on ne manque
pas d'executer le dessein que l'on a déja an
noncé , qui est de donner un Atlas composé des
Cartes du célebre M. de l'Isle , et des autres Auteurs
qui se sont le plus distingués dans cette science ..
On a commencé déja d'y faire travailler , et on se
sert des plus habiles Ouvriers en taille - douce . Je
fixerai le prix de ces Cartes Géographiques , dès que
le travail sera considérablement avancé .
Il ne sera pas hors de propos de faire sçavoir, que
le nombre des Souscripteurs étant déja fort considérable
, on n'y en admettra point d'autres , que
dans l'espace de six mois , à compter de ce jour ; et
ici on répete , que les. Souscripteurs voudront bien
envoyer leurs noms et Titres &c . pour pouvoir les
imprimer exactement à la fin de l'Ouvrage.
A Venise le 1. May 1738.
Nous venons de recevoir le Prospectus suivant ,
d'une nouvelle Collection de Lampes Antiques , qui
se fait à Pesaro en Italie ; et nous nous faisons un
plaisir de le publier .
CULTORIBUS Erudita Antiquitatis
Academia Pisaurensis.
Q
Uum primum fictilium Lucernarum Collection
à Petro Sancto Bartolo delineata , atque à Peuro
Bellorio Notis illustrata Romæ prodiit in lucem
anno 704 , in spem maximam Literaria Respu
blica adducta fuit , fore , ut novum antiquariæ supellectilis
genus produceretur , quod si non materiæ
dignitate, eruditionis certe fruge , quotquot
7
ad
ean:
2014 MERCURE DE FRANCE
eam diem literatis Viris commendabantur vetera
monumenta, vel superaret, vel saltem æquaret ;
vix
enim ante illud Bartoli opus , quid Veterum Lucernæ
fuerint cognosci liquido poterat, quum eruditissimus
Vir Fortunius Licetus physicis quæstionibus
implicatus , paucas admodum protulerit , atque ex
iis quidem paucissimas , quæ genuinæ sint ; nam
Viro docto fucum fecisse illius ævi impostores ,
nemo profecto , qui hæc ftudia vel à limine salutaverit
, ibit in ficias . Verum post eam diem , quod
nequaquam credibile erat , vel duodecim Lucerna,
vel paullo plures vulgatæ sunt , quæ eruditorum
expectationi respondere possent. Gratias igitur Deo
Opt. Max. et debemus , et agimus , quod feracissimus
eruditionis campus reservatus nobis fuerit , in
quo excolendo maximam gratiam ab universa Lite-
Faria Republica inire possimus. Id ut assequamur ,
fictiles Musæi Passerii Lucernas , quarum fama non
Italiam modo , sed omnem ferme Europam peragrat,
edendas suscipimus, ex quibus profecto innotescet,
quam tenuis fuerit P. Bartoli Collectio, quam
tenues item P. Bellorii explicationes . Pauca igitur
erudita Antiquitatis Cultores , quos ad societatem
nobiscum ineundam invitamus ; et hortamur , ad
monendos esse censemus , ut , quid præpofitum no
bis fit in hac editione , plane intelligant.
Ac primum quidem , quia non tueri cupiditate
sed vero eruditionis amore tanto oneri humeros
supponimus , hanc nobis legem constituimus , ut
nullam unquam Lucernam proferamus , quæ edita
alias sit , quid enim molestius iis , qui societati nomen
dederint , evenire potest , quam immodicis
sumptibus nihil novi acquirere ? Deinde illustriores
dumtaxat Lucernas producemus , eas nempe , qua
insignibus anaglyphis notatæ sunt , istoriate Italice
appellamus , neque enim illas exhibere in animo
est ,
SEPTEMBRE. 1738. 201
est quæ nihil aut parum eruditionis conducere
possunt. Tum , ut Sociorum commodo , quantum
in nobis est , consulamus , editionem nostram formæ
Libri Pet . Sanctis Bartoli simillimam fore spon.
demus , ita ut Liber ille , velut hujus operis primus
Tomus censeri possit ; charta tamen longe nitidior
erit , firmior , candidior . Quodlibet hujus operis
volumen plusquam centum tabulas , æreas continebit
; Lucernæ omnes elegantiffime , ac fideliffime ,
quod rarum hodie , delineabuntur ; idcirco externos
Artifices , qui delineandi , et in æs incidendi
omnium fere Italorum peritiffimi habentur , operi
manum admovere voluimus. Cuique Lucernæ apponetur
subscriptio , seu superscriptio , qua insignita
fuerit , quod plerumque neglexisse Petrum
sanctum Bartolum dolemus ; harum equidem inscriptionum
pretium ex Prolegomenis innotescet.
Priori volumini Prolegomena præponentur ,
quibus præcipue de usu Lucernarum agetur , intactum
adhuc argumentum ; reliquis præfationes. Lucernas
notæ sequentur perbreves quidem , sed succi
plenæ , in quibus ea tantum pertractabuntur ,
quæ ad illius Lucerne peculiarem intelligentiam
pertinebunt,quod quidem eruditis Viris gratiffimum
fore confidimus, Quot tomis totum Opus constabit
, pro certo affirmare non possumus ; crescit enim
in dies pretiosissima hæc supellex cura , et impensis
Viri doctissimi J. Baptista Passerii J. C. qui Prolegomena
etiam , et Notas pro ea , qua pollet ,
eruditione conscripsit . Illud tamen spondere possu
mus Tomos minimum quatuor futuros . Quodlibet
volumen scutatis quatuor cum dimidio , seu Juliis
quadraginta quinque prostabit. Iris vero , qui Societati
nomen dederint , eodem , quo nosmetipsi ,
qui in Opere edendo laboramus,beneficio fruentur;
in singula nimirum volumina tria dumtaxat Romana
Zora MERCURE DE FRANCE
mana scutata , seu Julios triginta persolvent , dum
modo tale pretium , quod præ tabularum numero
leve admodum videri debet , ab omni onere vacuum
, apud Nicolaum Gavellium Typographum
Pisaurensem in antecessum numerare procurent , à
quo syngrapham solutæ pecuniæ Academiæ sigillomunitam
accipient. Si quis vero ex transmarinis
regionibus in Societatem recipi vellet , per Mercatores
, qui in proximo Ancona Portu negociantur
commode et pretium solvere , et cautionem recuperare
poterit. Sociis subscripturis , quorum nomina
eo ordine , quo se subscripserint , in priori
Volumine defcribentur , non equidem numerum
sed tempus præscribims ; post mensem enim Decembrem
currentis anni 1738 neminem Socium
admittemus ; atque hoc quidem optimâ ratione
factum credimus , non enim minoris pretii emolumento
digui sunt , qui Academiam nostram sua
symbola juvare debito tempore neglexerint .
Hæc sunt , quæ Soci s subscripturos nescire
nolebamus , quibus illud iterum testatum volumus
, nos ea , quæ nunc pollicemur , sanctè et
religiose servatulos rullius enim privati quæstus
hac editione procuratur . Dat. Pisauri Kal. Juniis
A. D. MDC C X X X V I II.
EXTRAIT d'une Lettre de M ... avi
sujet de quelques Catalogues de Livres , &c.
N vient de m'aporter de Paris cinq ou six Catalogues
de Bibliotheques qui ont été mises.
en vente dans le mois dernier.. Les ayant parcourus.
Pai remarqué dans celui , dont les Livres ont été vendus
chés un célebre Libraire , un Article qui aura
sans doute réveillé l'attention des Curieux en fait
de Liturgie , au moins par la place qu'il se trouve.
Occuper
SEPTEMBRE . 1738. 2017
>
ccuper dans ce Catalogue . Libellus precum Mar
cellini et Faustini rangé parmi les Missels et les Bréviaires
, c'est assûrément une singularité digne d'être
remarquée . Je viens , dis- je , de voir ce petit Livre
qi est une Requête présentée aux Empereurs
Valentinien , &c. dans le rang des Livres Liturgiques
de la Bibliotheque de feu M. l'Abbé le Roy ,
No. 172. Il n'est pas nécessaire que je vous rapelle
ce que contenoit la Requête ou Suplique de ces deux
Prêtres Si le petit volume qui la renferme, imprimé
séparément en 1650 est rare , on peut consulter le
premier Tome des Ouvrages du Pere Sirmond , page
249 et on sera convaincu que cet Ouvrage ne
ressent en aucune maniere le Missel ni le Rituel,
et que ce n'est point , pour parler vulgairement ,
une paire d'Heures comme il semble qu'on l'a cru ,
Ceci me rapelle une Observation dont M Witasse
, autrefois Professeur Royal en Sorbonne , ne
manquoit pas de récréer son nombreux Auditoire ,
quand le cas s'y rencontroit . C'étoit , sur tout ,
lorsqu'il dictoit le Traité de l'Incarnation . Il ne
pouvoit guere réfuter par des auto ités les erreurs
de Nestorius et d'Eutichés , sans citer , l'Ouvrage
d'un Ancien , intitulé , Breviarium Liberati DiaconiCarthaginensis
. Quand donc il dictoit pour la premiere
fois, Liberatus Diaconus in Breviario , il ajoûtoit
toujours d'un ton plus bas , et comme une espece
de glose ironique , par raport aux novices en
matiere de Liturgie , ces mots- ci ou d'autres équivalens
: Les Bréviaires ne sont pas si nouveaux qu'on
le pense ; en voila un du sixiéme siecle. 11 dictoit ensuite
le Passage , qui n'étoit rien moins que le langage
Liturgique . Si ce Breviarium de Liberat faisoit
un volume séparé , je ne desespérerois pas , après ce
qui vient d'arriver au sujet du Libellus precum , &c.
de le voir unjour enrôler dans le rang des Bréviaires
Ecclesiastiques
2018 MERCURE DE FRANCE
Ecclesiastiques par quelques faiseurs de Catalogues,
ainsi que celui qui est intitulé dans le premier Tome
du P. Sirmond , page 177. Breviarium fidei
Anonymi adversus Arianos , s'il se trouvoit en cahiers
détachés .
Vous voyez M.comment nous nous dédommageons
en Province de ne pouvoir assister à ces fameuses
ventes de Bibliotheques de Paris . Nous nous consolons
de cette privation par une Critique innocen
te de quelques articles des Catalogues , & c.
A ... en . C ... Août 1738 .
On vient d'abattre une vieille maison , sise ruë des
Amandiers , vis -à- vis la porte duCollege des Grassins,
pour faire une petite Place au- devant de ce College
, auquel ce dégagement étoit très - nécessaire , lat
ruë étant si étroite en cet endroit , qu'un Carosse avoit
beaucoup de peine à y tourner pour entrer dans le
College.
En démolissant les caves de cette maison , on
a trouvé plusieurs Tombeaux ou Cercueils de pierres
, couverts de grosses pierres, et dans lesquels il
y avoit des ossemens de Morts , et on en a aussi
trouvé beaucoup dans toutes les terres des fondations
que l'on a fouillées .
Comme on n'a point connoissance qu'il y ait eu
d'Eglise ni de Cimetiere dans ce lieu , on pourroit
peut-être croire d'abord que le Cimetiere de la Paroisse
de S. Etienne du Mont , qui n'est éloigné de
cette maison que de 30. ou 40. toises , s'étendoit
autref is jusqu'à cet endroit. Mais il paroît plus
vrai semblable que cette cave a servi anciennement
de sépulture à des Religionaires . C'est aux Curieux
à examiner de plus près cette Découverte.
On écrit de Rome , qu'on y a publié cette année
plusieurs
SEPTEMBRE. 1738 1019
plusieurs Ouvrages ; voici la Liste des plus considérables
, contenus dans la même Lettre
WANDEN DYCck , Clementina Unigenitus à
nuperis Anonymis Dubiis vindicata , hoc est Théologia
supplex refutata in 8. Romæ , 1738.
INSTITUTIONES Analitica , earumque usus
in Geometria , cum Appendice de constructione problematum
solidorum auctore Paulino à S. Joseph , in 4.
Romæ , 1738. cum figuris.
GEORGII Dominici , de Monogrammata Christi
Domini Dissertatio , qua mos vetustissimus sancti
Christi nominis per litteras compendiarias exarandi
et monumenta veterum Christianorum ex cameteriis
urbis sacra effossa ; à calumniis Jacobi Basnagii vindicantur
, in 4. Romæ 1738. cumfiguris.
ADAMI Andrea Historia di Volseno antica Metropoli
della Toscana descritta , in 4. libri 4. tom. 2 «
Romæ. 1738. cum figure.
DISSERTAZIONI dell Academia di Cortona,
in 4. il tom. 2. Rom. 1738.
FLORAVANTES Pontificum Denarii , tomus
secundus , in 4. cum figuris , ibidem,
GovII Francisci , Musaum Atruscum , in fol
tom. 2. cum figur . 200. Florentiæ , 1738 .
LUCCHESINI Historiarum sui temporis, in 4-
tom. 3. Rom. 1738.
Marmora Pisaurensia notis illustrata, in fol . Pisau
ri , 1738. cum figuris.
3 . Ces Lettres ajoûtent que le de ce mois l'Aca
démie des Infeconds , tint une Assemblée, à laquelle
se trouverent les Cardinaux Gentile , Porcia et
Rezzonico , et dans laquelle le Duc de S. Aignan ,
Ambassadeur de S. M. T. C. qui a été élû Académicien
de cette Académie , prit séance pour la pre
miere fois.
L'Aca
2020 MERCURE DE FRANCE
L'Académie Royale de l'Histoire , établie à Lis
bonne a fait présent à l'Académie des Sciences de
Pétersbourg , de tous les Ouvrages qu'elle a fair
imprimer depuis son Etablissement.
On mande de Londres , que M. Rysbrack a
achevé la Statuë de la Reine Anne , que la Duches
se Douairiere de Malboroug , destine à être placée
dans son Château de Blenheim.
ESTAMPES NOUVELLES.
Le Martyre de S. Pierre , c'est le Sujet d'une Estampe
en hauteur , qui vient de paroître , gravée
par L. Desplaces , chés lequel elle se vend , d'après
le Tableau original du Cavalier Calabrese ,
du
Cabinet du Duc d'Orleans , haut de dix pieds et de-
` mi , sur 8. pieds 7. pouces de large .
La Conduite des Dames pour la Chasse ; c'est le
titre de la 32. Estampe d'après un Tableau original
de Ph . Wouvermans , de 24 pouces e large , sur
18. de haut , du Cabinet du Duc d'Orleans , que le
sieur Moyreau vient de mettre au jour Elle se vend
chés lui , ruë Galande , vis- à- vis S. Blaise , et soutient
la réputation que cet habile Graveur s'est déja
fait dans cette grande Suite de Wouvermans .
TAPISSERIES de S. A. R. M. le Duc d'Orleans
représentant l'Histoire de Meleagre , décrite
au huitiéme Livre des Métamorphoses d'Ovide ,
executées sur les Tableaux de l'illustre Charles le
Brun , Premier Peintre du Roy , gravées par les
soins et sous la conduite de B. Picart ; se vendent
à Paris chés la veuve Chereau, aux deux Piliers d'or .
8. Pieces en large , d'une execution parfaite , avec
des Bordures d'une extrême beauté , de la composition
SEPTEMBRE . 1733. 202
ition de B. Picart , e la succession duquel Mad.
Chereau a acquis les Planches depuis peu.
Il vient de paroître une Suite de douze Estampes en
hauteur ,, que nous nous faisons un plaisir d'annoncer
avec empressement, persua és du plaisir qu'elles
feront au Public ; par la nïveté , l'élégance et la
simplicité des caracteres . Elles ont été gravées à
l'eau forte par C. S. et retouchées au burin par le
sieur Fessard , chés lequel elles se vendent, rue saint
Denis, au grand S Louis , près le Sépulchre , d'après
les Dessins Originaux de M. BOUCHARDON , dont
tout le monde connoît les grands talens . On lit ce
titre à la tête : Etudes prises dans le bas Peuple , ou les
Cris de Paris , troisiéme Suite , 1738
On voit dans cette Suite la Lanterne Magique, lo
Vinaigrier , la Vendeuse de Cerneaux , la Balayeuse,
l'Ecureuse , &c.
Le 21 , Août, M de Boze. Intendant du Cabinet des
Médailles du Roy, fit porter dans le grand Cabinet de
S. M. à Versailles , un Buste d'Alexandre le Grand.en
Porphire, provenant de la succession du feu Maréchal
d'Estrées C'est un des plus beaux Ouvrages de
l'Antiquité , qui soient venus jusqu'à nous.
-On nous prie d'annoncer douze Bustes de Marbre
à vendre de la plus grande beauté . Ces douze Bustes
représentent les douze premiers EmpereursRomains;
les têtes sont du plus beau Marbre blanc de Carrate
, et les draperies d'Albatre Oriental.
Chaque Buste est porté sur son piedestal de diffe
rens Marbres d'Italie .
Les piedestaux ont quatre pieds deux pouces de
haut , et les Bustes sont de grande nature .
Ces Bustes sont chés M. Doublet , Sécretaire du
Cabinet
2022 MERCURE DE FRANCE
Cabinet du Roy , dans la cour des Filles S. The
mas , au bout de la ruë Vivienne.
Table Chronologique des Pieces réprésentées sur le
nouveau Théatre Italien depuis son rétablissement
en l'année 1716. jusqu'à présent ; elle se vend de
même que celle de l'Opera , que nous avons déja
annoncée à la porte de l'Académie Royale de Musique
, au Caffé de la Marine , près la Place des Victoires
, et chés le sieur Dudoigt , rue des Arcis ,
la petite Vertu . Celle- ci est du même secours et de
la même utilité que la précédente , à laquelle le Public
a fait un accueil favorable.
à

M. de Gourné , Prêtre , Auteur des Tables Géographiques
, pour faciliter l'intelligence de l'Ecriture
Sainte , des Historiens et des Poëtes , et servir
d'Introduction à la Géographie ancienne et moderne
, distribue actuellement sa Mappemonde , Ouvrage
curieux , où l'on peut , sans le secours d'aucun
Maître , aprendre en peu de temps les differens
Païs , Empires , Etats et Républiques de chaque
Partie du Monde , les Isles qui en dépendent ,
leurs Capitales , et les Souverains qui y donnent
des Loix : la situation des Villes capitales de chaque
Pais , et leur difference position géographique,
selon les Itineraires Romains , les mesures actuelles
faites en differens temps ; les Relations des plus.
judicieux Voyageurs , les nouveaux Mémoires , & c.
et suivant les Observations Astronomiques de Mrs.
de l'Académie Royale des Sciences , et des plus ha
biles Astronomes et Missionaires de differens Ordres
. Cette Table interessante ( dans quelque Systême
Géographique que l'on se trouve engagé )
est dédiée à M. Herault , Lieutenant Général de
Police ; est sur du grand Aigle , et se vend 36. sols.
Ceux
SEPTEMBRE. 1738. 2023
Ceux qui en désireront , n'auront qu'à s'adresser
à Paris chés l'Auteur , qui demeure à present ruë
S. Martin , vers S. Julien des Menestriers côté du
Bureau des Marchands Tapissiers .
>
Le Sr. Baradelle , Ingénieur du Roy pour les Ins
trumens de Mathématique , donne avis qu'il vient
de construire un sixième Cadran vertical , qui s'oriente
de lui - même , sans le secours de la Boussole.
Il a pour titre : Cadran vertical pour Rouen , Valogne
, le Havre - de- Grace , Lyon , Beauvais , Compiegne
, Noyon , Soissons , Rheims , Thionville , Sarre-
Louis , Deux-Ponts , Heidelberg.
Quoiqu'on n'ait indiqué ce Cadran que pour
Rouen , et les autres Villes à indiquer sous la même
élevation ; cependant comme un quart ou un tiers
de degré ne peuvent faire aucune difference sensible
, il peut servir également pour les endroit
suivans.
Carentan ,
Bayeux ,
Caudebec
Andely ,
>
Clermont,
Laon >
Pontcau-de- Mer. Gisors .
Réthel ,
Montivilliers , Chaumont , Attigny.
On y trouve les temps des Equinoxes de Prin
temps et d'Automne , les Solstices d'Eté et d'Hyver.
On a mis aux deux côtés de ce Cadran , deux
Echelles qui contiennent les 12. mois de l'année .
Les mois sont divisés de 5. en 5. jours . Ainsi il sera
facile de trouver par proportion le point qui doit
répondre au jour courant ; on a mis au centre du
Cadran un cordonnet de soye , avec une petite
perle qui coule au long , afin de l'ajuster au jour
du mois , on a pratiqué une pinule qui se couche
et qui se leve lorsqu'on veut faire usage du Cadran
, la pinule étant levée , on expose au Soleil
la
024 MERCURE DE FRANCE
.
le tranchant du Cadran , et on fait ensorte que
Pombre de la pinule soit exactement couchée le
long de la ligne droite marquée dans la partie supérieure
, où l'on voit écrit , Espace pour l'ombre de
la pinule ; en élevant le Cadran ou le baissant ,
suivant la hauteur du Soleil sur l'horison . Alors la
petite perle marquera l'heure cherchée , c'est àdire
à l'endroit où le plomb retient la soye verticalement
sur l'heure , et non autrement , comme
on pourroit se l'imaginer .
Ce Cadran pour Rouen , comme ceux qui sont
pour Paris , Lyon , Dijon , Brest , et celui d'Amiens ,
fait connoître l'heure du lever et du coucher du
Soleil. Exemple pour trouver l'heure du lever ou i
du coucher. Le 20. Mars , ou le 23. Septembre
on fera coller la perle sur le 20. Mars qui répond
au 23. Septembre , en tenant le Cadran verticalement
, ensorte que fa soye couvre la ligne d'où
sortent les heures du matin , qui part du centre
qui est parallele aux derniers 6. mois >
on remarquera
que la perle donnera sur la ligne de fix
heures ; par consequent il se leve à 6. heures , et se
couche à 6. heures ; ainsi des autres mois Le prix :
est de deux livres . Sa demeure est toujours ,
vis , Quai de l'Horloge du Palais , à l'Enseigne de
l'Observatoire vis- à- vis le grand Degré de la
Riviere.
>
à Pa-
R
CHANSON.
Ecevez favorablement
L'hommage d'un Amant ,
Qui soupire tendrement
Pour l'objet le plus charmant
Belle
YORB
ASTOR,
LENOX 'AND '
TILDEN
FOUNDATIONS.
KARY
SEPTEMBRE. 1738. 2025
Belle Iris , soulagez ma peine ;
Qu'à votre tour,
Le Dieu d'Amour
Constamment vous enchaîne !
Quand ce Dieu regne dans les coeurs
Ses chaînes se changent en Aeurs ;
Et les tourmens
Des vrais Amans
Deviennent des plaisirs charmans.
Par M. Affichard.
EXTRAIT des Plaidoyers , et de quelques
autres Exercices faits depuis peu au College
de Louis LE GRAND,
N continue dans ce College à faire pendant
le cours de chaque année tous les genres
d'Exercices les plus capables d'instruire utilement
la Jeunesse , et de lui former tout- à-la - fois l'esprit
´et le coeur sns même négliger les graces de
l'exterieur et les manieres polies , si convenables à
la jeune Noblesse qu'on y élevé. Les éloges du
-Public nous dispensent d'y joindre les nôtres , qui
seroient de moins sûrs garans d'un mérite avoué
que l'heureuse expérience d'un suc ès continu .
I
Nous souhaiterions qu'il nous fût aussi aisé de
faire le précis de ces divers Exercices , qu'il nous
est facile de donner l'Extrait des Plaidoyers que
hous annonçons, G Pour
2026 MERCURE DE FRANCE
Pour ne rien dire ici des Actes de Théologie er
de Philosophie , où les Connoisseurs ont remar
qué une justesse et une précision , dégagée du
frivole verbiage trop ordinaire dans la vieille méthode
; sans parler même de plusieurs Explications
publiques des bons Auteurs , soit Grecs , soit Latins,
dont on a fait sentir le goût et l'expression avec
un aplaudissement général : ce College s'est particulierement
distingué par des Theses de Mathéma
tique , dont l'une fut soûtenue le 15. Juillet par M.
de la Chastaigneraye , jeune Physicien , qui signala
son aisance et sa pénétration d'esprit , en maniant
l'Algebre avec une dexterité merveilleuse , et en se
joüant , ce semble , des Problêmes les plus interessans
de Géométrie , de Trigonométrie , de Méchanique
, de Statique et d'Hydraulique . On fut surtout
frapé de l'étonnante fubtilité avec laquelle il
dévelopoit tantôt une Courbe des Sections Coniques
, tantôt la Théorie même du jet des Bombes.
Un si grand progrès lui fit d'autant plus d'honneur
, que cette Science devient plus à la mode'de
jour en jour.
Nous n'avons garde d'omettre un Exercice singu
lier , qui se fit peu auparavant par M. de Loraine,
Comte de Brionne ; Exercice où ce Prince s'attira
l'admiration d'une illustre et nombreuse Assemblée
, par une grace et une facilité prodigieuse à
expliquer l'origine , l'utilité , les regles de l'Art
Heraldique à rendre sensible la pratique de ces
regles , par le déchifrement de toutes sortes d'Armoiries
exposées sous ·les yeux : le tout accompagné
d'un grand nombre de Traits d'Histoire , et
d'autres particularités honorables aux Familles dont
il énonçoit les Armes. 11 donna aussi une idée des
Devises , des Ordres de Chevalerie , des Maisons
Souveraines , des Familles sçavantes , des Familles
éteinte
SEPTEMBRE. 1738. 2027
Zteintes , et de tout ce qui a raport à la science du
Blason. Cette Action publique fut d'un grand éclat,
tant par le nom , que par les ingénieuses reparties
de l'illustre Répondant .
Quelques mois après , M. de Fontanieu et M. de
Bartillat , à jour different , s'acquiterent parfaitement
bien d'un Exercice sur l'Histoire Sainte , dont
ils exposerent les Traits les plus curieux ; ils en
fixerent les Evenemens selon l'ordre chronologique
; ils montrerent les raports qu'a l'Histoire de
Ancien Testament avec celle du Nouveau ; ils
donnerent même sur certains Textes difficiles , qui
se trouvent dans les Livres Saints , des élaircissesemens
, tirés des plus habiles Interpretes ; et tous
deux firent paroître en tout cela une intelligence
fort superieure à leur âge.
Ces divers Exercices furent précédés parcelui que
fir M. Sanson de Cessy , sur les anciens Poëtes Latins
les plus célebres , qu'il expliquoit à Livre ou
vert , à quiconque le vouloit interroger. A cette
occasion il traça leurs caracteres , l'histoire de leur
vie , le génie propre de chacun d'eux en particulier,
le plan de leurs Ouvrages , et les beautés ou les
défauts que les plus sçavans Critiques y ont remarqués
, le tout avec une justesse d'expression , et
une délicatesse de critique , qui ne laissoit aucun
lieu de douter, qu'il ne possedât déja par lui-même
ceux qu'il sçavoir si bien caracteriser. On admira
la vivacité de son esprit & la netteté de ses idées
dans les Réponfes qu'il fit à toutes les Questions,
qui furent proposées sur la Poësie , dont il exposa
la nature , l'origine , les progrès , & la décadence ,
en détaillant les regles du Poëme Epique & Dramatique
, sur le plan de la Poétique d'Aristote &
de celle d'Horace , en confirmant le tout par des
exemples fenfibles , & donnant une connoissance
G ij
exacre
Oz MERCURE DE FRANCE
exacte de toutes les autres sortes de Poëmes . Enfin ,"
il dévelopa les secrets de la Mythologie , avec une
abondance d'érudition littéraire, qui tenoit du prodige
dans un jeune Rhétoricien .
En donnant le mois prochain l'Extrait de la dermiere
Tragédie , nous parlerons volontiers des fréquentes
Piéces de Théatre qu'on repréfente en ce
même College , avec un succès qui justifie la peine
qu'on s'y donne pour stiler les jeunes Gens à la
belle prononciation , et mème pour leur dénouer,
le corps par le secours des Danses mêlées à ces
Spectacles , afin de les accoûtumer de bonne heure,
à se produire et à se présenter avec décence. Nous
nous bornons aujourd'hui au simple Extrait que
nous venons de promettre des Plaidoyers faits sup
la fin du mois d'Août dernier.
CAUSE plaidée en François , au College
de LOUIS LE GRAND , à Paris
Le 26. Août 1738 .
LE
>
E but qu'on se propose dans ces sortes de
Causes , tantôt Civiles , tantôt Académiques ,
n'est pas seulement de former les jeunes Eleves de
Rhétorique à une Déclamation aisée , noble et
unie , mais encore de les exercer pendant les derpiers
mois à l'Eloquence Françoife , après les avoir
exercés à l'Eloquence Latine pendant le cours de
l'année. Plusieurs d'entr'eux ont travaillé sur les
matieres proposées par le P. de la Sante , Jésuite ,
l'un des Professeurs de Rhétorique , lequel après
avoir corrigé leurs ouvrages, vient de les faire prononcer
en public par des Acteurs choisis , dont le
talent n'a pas été moins aplaudi , que la beauté
des Discours. Voici le Sujet de ces Plaidoyers
el qu'il se lit dans le Programme imprimé,
SEPTEMBRE. 1738. 2029
SUJET.
Arifte , Seigneur Octogénaire , dont le nom e
également illuftre dans l'Epée et dans la Robe , inftithe
Heritier Eugene fon Neveu , jeune Officier d'un
beureux naturel. Ce refpectable Vieillard , plein de
véneration et de zélé pour la mémoire de fes Ayeux ,
forme le deffein d'ériger à leur gloire quelques Monumens
durables , qui perpétuent le fouvenir de leurs
Vertus , et qui piquent l'émulation de leur poftérité.
Pendant qu'il médite ce Projet , il tombe dange
reufement malado , et fait une difpofition Teftamen
taire , par laquelle il ordonne à fon Neveu d'executer
ce qu'il n'a pu lui - même accomplir . Il recommande
furtout à fa reconnoiſſance quaire de fes Ancêtres
qui , de leur vivant , ont le plus contribué à l'avantade
la Famille .
ge
L'un d'eux , l'a glorieusement anoblie par fa
valeur.
a
Un autre , par fon humeur douce et pacifique ,
rétabli l'Union et la Concorde , dans un temps de
divifions
-
Un troifiéme , par la prudence et par l'activité de
fon zéle , afauvé l'honneur de cette Famille ,
sée d'unefléiriffure et d'une tache infamante.
mena
Enfin le quatrieme , par une fage oeconomie et par
autres voyes légitimes , en a considérablement augmenté
les Richeffes.
Le Teftament oblige l'Heritier à faire dreffer en
Phonneur de ces quatre illuftres Morts , quatre grands
Maufolées , dont l'emplacement foit plus ou moins ho
norable , et la ftructure plus ou moins magnifique , fuivant
le mérite plus ou moins grand de ces quatre fortes
de Services rendus à la Famille.
Quelques jeunes Parens de l'Heritier, dont les unsfont
nouvellement entrés en Charge , et dont les autres étu-
Giij
diens
2030 MERCURE DE FRANCE
dient actuellement la Jurisprudence , expoferont le prix
de ces differens bienfaits , et des vertus qui en ont été le
principe. Cette Caufe fera plaidée dans une Aſſemblée
de Famille , en présence du Sur- Intendant des
Edifices publics ; lequel , par eftime pour le Défunt ,
veut bien préfider à cette Délibération , et fe faire
Ordonnateur de ces Monumens funebres .
Le Neveu Heritier vient plaider en perfonne , et
prétend que fon Oncle Teftateur mérite par fa pietê
enversfes Peres , un Maufolée encore plus beau que
ceux qu'il leur décerne , quoiqu'il prescrive dans
une Apoftille du Teftament , qu'on ne grave fur fæ
Tombe , que fon nom , fans aucun Eloge on Tire
d'Honneur.
Celui qui faisoit la fonction de Juge en qualité de
Sur- Intendant des Edifices publics, ouvrit la Séance
par un Discours Préliminaire , dans lequel ( après
avoir relevé la sagesse des intentions du Testateur
, dont il comparoit la conduite à la loüable`
coûtume établie autrefois parmi les Romains , d'exposer
dans leurs Sales les Portraits de leurs Ancêtres
, et de faire porter dans les Pompes funébres
feurs Images triomphales , pour instruire leurs descendans
par des exemples domestiques , toujours
plus touchans que les exemples étrangers ) il exposa
en peu de mots le sujet de la cause présente , et
anima les compétiteurs à parler chacun pour le
bienfait et pour la vertu qui seroit le plus de son
goût , en leur insinuant que ces vertus , quoique
Parties en cette cause ne sont nullement contrai
res , mais que toute la contestation qui semble s'é
lever entre- elles , n'est que pour la gloire des
grands Hommes qu'on s'efforce d'immortaliser , er
que l'on doit prendre pour modéles.
>
PREMIEN
SEPTEMBRE. 1738. 2031
PREMIER PLAIDOYER
Pour Polemide , dont la valeur a procuré a
Noblesse à la famille.
M. d'Argenson , fils de M. l'Ambassadeur de
Portugal , après s'être félicité d'avoir à parler en
faveur de la Noblesse , devant des Juges qui trouveroient
dans eux- mêmes , dans leur sang , dans
leur esprit , dans leur coeur , et dans leurs fentimens
nobles,des motifs preffans de rendre juſtice à
la Noblesse , dont il plaidoit la cause , avança que la
valeur de Polemide en anobliffant sa pofterité , lai
avoit affuré en même temps et le titre le plus glorieux
, et le titre le plus glorieusement acquis ;
deux moyens qui partagerent son Discours .
La Noblesse eft un titre d'autant plus glorieux ,
que fon idée fule préfente quelque chofe de
grand ; qu'elle conduit à ce qu'il y a de plus grand ;
qu'elle fournit des facilités pour parvenir à la grandeur
; enfin qu'elle donne même des difpofitions
naturelles , pour foûtenir avec dignité Péclat de la
grandeur.
Les refpects qu'on rend à la Noblesse , les égards ,
les déférences qu'on a pour elle , montrent assés
l'idée avantageuse qu'on s'en forme . L'Orateur fit
remarquer cependant qu'une telle diftinction paroî
troit un assés foible avantage , si l'on ne consideroit
qu'un certain nombre de Gentilshommes oisifs
, qui s'en prévalent , et qui n'ont précisément
que cela dont ils puissent se prévaloir ; il n'oublia
pas de dire d'après le Satyrique François , que
la Nobleffe n'eft point une chimére , quand elle fe
trouve dans un digne sujet , dont le merite honore
encore plus fon nom , qu'il n'en eſt lui même
konoré,
Giiij
Avea
2032 MERCURE DE FRANCE
Avec ce double fecours de la naissance unie au
mérite , eft-il une grande place , un poſte diſtingué
un rang fublime où l'on ne puiſſe aſpirer ? ... Il est
Vrai que le mérite , nefe trouvât-il joint qu'à une
naiſſance obfcure , ne doit pas être rébuté à ce titre ,
ni exclus des honneurs qui font l'apanage de l'eftime
publique. Mais il a cependant été du bon ordre , que
la prérogative du fang donnât aux Nobles un droit de
prééminence pour remplir les Charges et les Dignités
d'une Nation. Il ne conviendroit pas que tout y fur
peuple. Il faut au contraire que la Nobleffe , née en
quelque forte pour y commander et accoûtumée à
recevoir les reffects de la multitude , lui donne la loi ,
''
c. On fit fentir l'importance du fervice rendu
par Polemide å fa famille , en franchiffant le premier
la fatale barriere qui fépare l'homme de condition
de l'homme de néant ... Le premier pas a
frayé le chemin. C'eft un pas de Géant , qui furmonte
la diftance prodigieuse qui se trouve entre la Nobleſſe
et la roture , &c.
Quant aux facilités que fournit la Nobleffe pour
parvenir à la grandeur , et qui font telles , qu'il
n'eft pas jusqu'au plus mince Cadet de Gascogne ,
qui ne trouve le secret de faire son chemin , dès
qu'il se peut dire à lui- même , Je fuis Gentilhomme ;
le jeune Orateur ne difconvint pas du merveilleux
pouvoir qu'ont eu de tout temps les richesses pour
l'agrandissement des Familles ; mais il prétendit
que dans le point de la concurrence entre une
Maison opulente et une Maison illustre , l'injustice
du siécle n'en est pas encore venue jusqu'à préfé--
rer l'opulence à la qualité , pour peu que celle- ci
ait de moyens de soûtenir son rang. Il ajoûta qu'au
défaut de ces moyens , un homme de naissance a
constamment des ressources que n'a point un au→
autre ; ressources fortuites en apárence , mais au
fond
SEPTEMBRE. 1738. 2033
fond , ressources ordinaires aux Personnes de cette
condition , et qui en peuvent passer pour une espece
de privilege .
• et que
En parlant des dispositions singulieres que la
Nature semble avoir particulierement attachées à
la Noblesse , pour soutenir avec dignité l'éclat de,
la grandeur , il s'exprima ainsi : Non , Meffieurs ,
ce n'est ni prévention , ni flaterie , que de juger en ce
genre plus avantageufement des Perfonnes de qualité ,
que des perfonnes du commun d'attribuer au
Jang plutôt qu'à l'éducation certain air d'aifance ,
d'affabilité , de politeffe , certaines manieres engageantes
, agreables , perfuafives , infinuantes , • qui
diftinguent les gens de condition du vulgaire , et qui
dérobent fouvent aux yeux même les plus clairvoyans ,
des fautes d'ignorance et des travers d'humeur par où
des gens d'un moindre étage fe laiffent honteufement
percer.
Ensuite il toucha les qualités du coeur , et surtout
cette grandeur d'ame ,
qui fait que la Noblesse
est toujours la premiere à donner l'exemple dans
une occasion d'éclat , et à s'arracher au plaisir pour
voler au devoir……... Ce que la France a vû au commencement
de la Guerre passée , lui en fournit en
même temps et une preuve sensible , et une peinture
animée.
Dans la seconde partie de ce Discours , l'Orateur
fit sentir d'abord que la Noblesse doit être acquise
noblement. Plusieurs , dit-il , la doivent à la for ~
tune ; ce n'eft pas l'ordre naturel : il fied bien à la
fortune defe donner à la Nobleffe , mais fred- il bien à
la Nobleffe de fe donner à la fortune ? Cependant il
avoua que le besoin des Etats , la faveur , ou la
condescendance des Princes ont pu introduire quelquefois
d'autres voyes que celle des Armes pour
an oblir les Sujets ; que la Noblesse de Robe vau
G V quel
A
2034 MERCURE DE FRANCE
quelquefois bien celle d'Epée , et n'a pas rendu de
moindres services à la Patrie, Mais il prétendit
que la Noblesse dans son institution primitive , est
le prix de la valeur guerriere ; ce qu'il juftifia par
une ingénieuse aplication des marques d'honneur
qui la distinguent , et qui sont toutes empruntées
de la Guerre . Le nom d'Ecuyer , d'Armoiries , d'ECusson
de Heaume , de Couronne lui en fournirent
la preuve.
>
L'Orateur après avoir exposé dans un magnifique
récit la maniere illustre dont Polemide avoit acquis
sa Noblesse , en faisant à son Roy une barriere de
son corps dans une célebre journée , et méritant
par- là d'être anobli sur le Champ de Bataille ,
avança cette pensée hardie ; Qu'assurer un titre de
Noblesse à une longue posterité , c'est faire pour
elle dans le ressort d'une famille , ce qu'a fait pour
un Royaume ou pour une puissante République
celui qui en a jetté les premiers fond mens . Il fit
valoir les sentimens de vénération et de reconnoissance
imprimés dans le coeur des Peuples envers
Jeurs Fondateurs , par l'exemple des Romains , qui
croyoient faire honneur aux Pauls Emiles , aux
Fabius , aux Scipions , aux Césars même , en leur
donnant le titre de nouveaux Romulus et de seconds:
Peres de la Patrie. Il encherit même sur ce parallele
, en soûtenant qu'une famille ( toute proportion
gardée ) doit encore plus à l'illustre Chef qui
l'a le premier anoblie , qu'une République ou un
Empire ne peut devoir son Fondateur ; et la raison
qu'il en aporta , fut qu'en jettant les fondemens
d'u Etat , on ne pose , pour ainsi dire , que la
premiere pierre d'un Edifice qui demande d'autres
mains pour le conduire à sa perfection , et que le
temps ou des accidens imprévus peuvent renverser
au lieu
que le même homme qui acquiert la Noblesse
SEPTEMBRE. 1738. 2035
blesse du sang par une voye glorieuse , dès le mê→
me instant acquiert à sa famille le droit de prétendre
à ce qu'il y a de plus distingué , et que cette
famille une fois anoblie ne cessera jamais d'être
noble : Les Etats auront leurs révolutions , elle n'aura
pas les fiennes ; fa fortune pourra être ruinée , mais
fon nom et fes titres fubfifteront toujours au milieu des
débris de fa fortune , tant qu'il restera au monde quelque
membre de cette famille,
Le Défenseur de la Noblesse conclut que cette
perpetuité qui fait sa principale gloire , et qui lui
est commune avec la gloire même ( dont la plus
belle prérogative est une durée stable et permanente
) lui devoit assûrer l'avantage sur l'union
les richesses ; et la réputation ; biens si sujets aux
revers , et qui par cet endroit ne peuvent lui dispu
ter la préference , & c .
SECOND PLAIDOYER , pour Irenedore ,
qui par son humeur douce et pacifique , a
rétabli l'union et la concorde dans sa Fai
mille.
Rien de plus insinuant que le tour par lequel
débuta M. Dangé , Défenseur de l'Union. Dans
une Caufe , dit-il , où je me vois chargé de relever le
prix de Punion domestique , n'attendez pas de moi
Mrs , ces traits hardis d'une éloquence impetueuse
qui remuë et qui entraîne les efprits . La Paix dont je
Joutiens les timides droits , aimeroit mieux céder que
de fe défendre avec trop de chaleur ; ce neferoit même
qu'avec une espece d'horreur et d'effroi qu'elle apro
cheroit des facrés Tribunaux , où l'esprit de difcorde
conduit tant d'autres Cliens , et autour defquels or
voit fi fouvent frémir la fraude , l'imposture , la vengeance,
la fureur , et mille autres paffions violentes
Gvj
2036 MERCURE DE FRANCE
qui font effort pour arracher , s'il étoit poffible , le
glaive et la balance des mains de Thémis. L'aimable
douceur quifut toujours la vertu favorite d'Irenedore,
n'a rien à craindre , mais tout à eſperer , d'un Tribunal
conforme à fon caractere et prêt à lui décerner la
plus belle récompenfe pour le plus fignalé fervice qu'on
puiffe rendre à une famille , &c.
>
Le jeune Orateur avança qu'en établissant dans
sa famille une paix solide , Irenedore lui avoit procuré
1. ce qui fait la douceur de la vie au dedans ;
2. ce qui est l'apui le plus ferme contre les attaques
du dehors. Soit que l'on considere une famille
comme renfermée dans elle- même , rien qui
fui soit plus nécessaire que la paix pour son repos
et pour sa félicité soit qu'on l'envisage par le
raport qu'elle a avec les autres membres de la
societé civile , rien encore qui lui soit plus nécessaire
que la paix pour sa conservation et pour sa
défense , voilà tout le dessein de ce Plaidoyer.
La premiere Partie commença par une peinture
gracieuse du bonheur d'une maison bien unie.
Eft it rien de comparable au bonheur d'une famille, où
regne l'union et la paix , où l'on se connoît ſans mé–
pris ; aù l'on s'aime fans dégoût ; où l'on s'estime fans
jaloufie ; où l'on fe découvre fans crainte les fecrets
les plus importans ; où l'on n'a point de plus forte
paffion que de s'obliger mutuellement point de plus.
grand plaifir que de contribuer à celui des autres ;
point d'autres conteftations que celles que forment l'amitié
, la génerofité la politeſſe. Aimables conteftations
, combats pleins de charmes , qui , bien loin d'alterer
la douceur de la paix , en font l'affaifonnement
Te plus exquis et le plus délicieux ! N'eft ce pas dans le
fein d'une famille bien unie , que le Magiftrat fatigué
des foins pénibles de fa Charge , vient goûter à fon
tour le repos qu'il s'eft efforcé de procurer aux autres a
N'eft- ce
SEPTEMBRE. 1738. 2037
N'est- cepas la que le Prince dépouillant unegrandeur
onereuse , et cherchant des pla firs plus purs que ceux
dont on le raffafie , fans le contenter , trouve une felicité
que la nature prodigue aux plus petits , et que
Louvent la fortune envie aux plus Grands ? N'est- ce
pas la enfin, que dans toute forte de conditions onfe
delaffe defes travaux , on se confole de fes difgraces
on oublie fes chagrins , on s'entretient de fes projets ,
on nourrit fes efperances , on jouit de fes fuccès ? c.
Ce portrait fut merveilleusement rehauffé par le
contrafte des malheurs d'une famille divisée. Interrogez
, ajoûta-t-il , tant de familles infortunées , oùn
l'on ne connoit le bonheur de la paix , que par le malkeur
et le regret qu'on a d'en être privé. Elles ne vous
répondront peut être que par des foupirs , mais que ces
foupirs feront éloquens ! Ne vous contentez pas de les
interroger ; entrez vous- mêmes dans ces lieux d'hor
reur , images fur la terre des priſons infernales auxquelles
on les compare fi fouvent. Là , vous verrez le
frere acharné contre le frere, l'Epoufe contre l'Epoux ,
le pere contre les enfans , les enfans contre le pere.
Guerre la plus vive , et par malheur la plus ordinaire
qu'on puiffe imaginer. Ea pâle défiance eft peintefur
leur visage les foupçons inquiets errans fur leur
front l'obfcurciffent de nuages épais . La haine , qui
leur ronge le fein , tantôt éclate en reproches amers
tantôt fe cache fous un morne filence tantôt
nofant éclater et ne pouvant fe contenir , elle s'écha
pe en regards fombres et farouches. Loin d'eux las
joye pure , les ris (ans fard et les innocens plaifirs
S'ils en éprouvent quelques- uns , ce font des plaifirs
détrempés de fiel , que la rage et la malignitéleur fait
trouver dans les difgraces de ceux qu'ils haiffent.
L'unique confolation de ces malheureux eft de s'éviter
·les uns les autres ; fe voir feulement eft pour eux un
fuplice. Ainfi leurs jours ſe paſſent à fe plaindre réci
>
proque
7
1038 MERCURE DE FRANCE
proquement les uns des autres , et à je preparer pour
Pavenir des fujets de plaintes encore plus grands , &c.
Ces couleurs sont vives , et plûrent extrémement.
L'Orateur de la Concorde fir voir que ni la
gloire , ni l'opulence , ni les plaisirs que l'un et
Pautre peut nous fournir , n'ont dequoi nous cousoler
de la perte de ce bonheur. Témoin cefameux
Auguste , qui parvenu au plus haut point de puißance
et de gloire où l'ambition bumaine puifle afpirer,
vainqueur de fes ennemis maître de toute la Terre ,
dont il faifoit la terreur et l'amour , l'admiration et
les délices , fe fentoit dévoré des chagrins les plus
euifans à la vie d'une famille divisée qu'il n'avoit
pu pacifier , comme il avoit pacifié ľŪnivers. Au
milieu des profperités qui l'environnoient , un poifon
fecret infectoit tous fes plaifirs , et fon coeur flétri ne
pouvoit goûter le repos qu'il avoit donné au monde.
Rien ne manquoit au bonheur du Monarque ; mais le
pere , mais l'Époux , l'homme enfin étoit malheureux.
Ce tour est délicat , et fut fort aplaudi.
Pour montrer que le bonheur qui manquoit
à Auguste
est aussi rare en effet , qu'il est commun en
aparence, l'Orateur
décrivit ainsi d'une maniere éga
lement ressemblante
et pathétique
, la cruelle situation
de ces Familles qui cachent sous une feinte sérénité
des dissentions
d'autant plus cruelles , qu'on
en dévore toute l'amertume
sans pouvoir se soula
ger par des plaintes . Allez- vous y faire une vifite?
tout y paroit riant et agréable ; complaisances
, civilités
, careffes , air de franchise
et de liberté , rien què
fente l'affectation
et la gêne ; tout étale à vos yeux les
plus spécieux
dehors d'une affection cordiale. Hélas !
on n'attend que votre départ pour recommencer
une
guerre que votre préfence a fufpendue
. Ce que vous
eroyez être la demeure de la paix, est le féjour du trou
ble et de la discorde. Ces ris qui femblentfi naturels,
font
SEPTEMBRE. 1738 2039
font des ris , fi je l'ofe dire , de commande et de parade
; ees Graces, fi naïves en aparence , font des Furies
déguisées , &c.
SECONDE PARTIE.
L'union des Familles n'est pas seulement u
rempart contre les troubles domestiques ; elle l'est
encore contre les assauts étrangers . Le jeune Orateur
voulut d'abord qu'on jugeât de la solidité de
cet apui par ce que la concorde produit dans toutes
les autres Societes qui se rencontrent parmi les
hommes. Tant que les Romains conferverent chés eux
la paix domestique , ils furent invincibles ; à peine
leur fut- elle échapée , l'Univers vaincu fut vengé des
Romains
par les Romains mêmes , et la divifion triompha
bien-tôt d'un Peuple, dont laconcorde avoit triomphé
de toute la Terre , &c.
La France lui fournit encore un exemple plus in
teressant. N'est- ce pas ajoûta-t'il , cette Paix domestique
qui, fous le Regne et par la prudence d'un
grand Roy , rendit la France capable de resister elle
seule aux forces de toute l'Europe conjurée contre elle?
Epuifée au-dedans par les frais immenses que lui coûtoient
de longues Guerres , affaillie de toutes parts au
debors par les Nations les plus belliqueuſes , quelques
années après abandonnée , contre fa`coûtume , par la
Victoire , trahie par la Fortune , et fans autre apuz
que celui de fes Enfans bien unis entre eux , à l'abri
de ce feul rempart , elle soútint , elle lassa , elle déconcerta
fes Ennemis , furpris de la voir toujours furvivre
à fes défaites. Long- temps l'Europe attentive, vit
avec étonnement la concorde des François et celle de
tant de Peuples ligués contre eux , fufpendre le destin
d'une si terrible guerre. Mais enfin celle de nos Ennemis
fe démentit la premiere ; la nôtre , plus constante
en triompha , et le Monde aprit qu'un Etat paisible
20
au-dedans
2040 MERCURE DE FRANCE
au-dedans ( comme nous le voyons plus que jamais
fous les heureux aufpices d'un Roy infiniment cher à
Son Peuple ) trouve dans l'union de tous fes Membres
de puiffantes refources contre les malheurs qui pourroient
troubler la tranquillité publique .
Après avoir conclu des Etats aux Familles particulieres
, l'Orateur exposa avec beaucoup d'art la
maniere dont s'y prit Irenedore pour affermir l'union
dans sa Famille , prête à en venir à une rupture
éclatante. Quels exemples ne donna- t'il pas du
plus parfait défintereffement , en facrifiant au bien de
la Paixfes prétentions les mieux fondées et fes interêts
les plus chers quelles heureuſes adreſſes n'imagina pas
fon efprit de conciliation pour adoucir les reffentimens ,
pour guérir les coeurs ulcerés , pour changer les soupçons
et les défiances en franchise et en confiance mutuelle
! Démarches prévenantes , vifites réciproques
feftins même et Parties de plaisirs innocens , dont il
faisoit tous les frais et dont il n'exigeoit de retour que
pour avoir occafion de raffembler ses proches , de ména
ger des éclairciffemens , de fubjuguer l'obftination des
uns , de vaincre la délicateffe des autres , tout , en un
mot
, fut heureusement employé , tout reüffit : l'orage:
ceffa, le calme revint , tous les coeurs n'enfirent qu'un,
la concorde fe perpétua et devint dans la fuite un boulevart
inacceffible à toutes les attaques de nos Ennemis.
En effet , ajoute- til , quand tous les Membres d'une
Famille, animés du même eſprit , tendent au même
but , et confpirent unanimement à la conferver et à
l'agrandir , de quoi ne font pas capables des forces:
ainfi reünies ! ... La concorde prévient même les af
fauts qu'on pourroit nous livrer .... Car quelle aparence
d'attaquer avec fuccès des gens qu'on ne trouve
jamais feuls , qui fe tiennent étroitement ferrés et impenetrables
à la méfintelligence , qui peuvent bien être
effleurés , pour ainsi dire , mais ne peuvent être enfon-
Fés ?
SEPTEMBRE. 1738 2041
és femblables à ces gros Bataillons qui font face de
ious côtés , et que nul effort ne peut rompre.
If étoit naturel de répondre à l'objection qui se
présente , que
si la Concorde fait le bonheur et la
sûreté d'une Famille , du moins la noblesse , l'opu
lence , l'honneur , lui procurent plus de gloire . Ici
l'Orateur demanda avec douceur si la Concorde
est moins honorable que tous ces avantages. Si
on ignore qu'elle renferme elle seule toutes les
plus aimables et les plus sublimes vertus ; la since
rité , la droiture, la générosité , la douceur . Et voilà
ce qu'il apelle une gloire préférable aur vain éclat
dont l'or éblouit nos yeux , et à toutes les distinc
tions frivoles dont la Noblesse repaît notre vanité;
préférable même au zele actif de Philotime , pour
venger l'honneur de la Famille calomniée . Car
dit-il , c'étoit affés pour cela de prendre à coeur un -
interêt auffi délicat que l'est celui de sa propre réputa
tion et de celle de fa Famille. Mais fe relâcher de fes
plusjuftes droits , facrifier pour le bien de la paix fes
interêts les plus légitimes , c'est le parfait defintereffe
ment qu'exige l'efprit d'union et de concorde , e.
Le jeune Avocat d'Irenedore soûtint jusqu'à la
fin son caractere doux et insinuant. Dans cette occasion
même , dit-il en finissant, quelqu'incontestable
que paroiffe fon droit à la prérogative que je follicite
en fa faveur, il y renonceroit fans peine , pour éviter
avec fes proches l'ombre même de conteftation .
Il prétendit que le généreux oubli qu'il fit toujours
* paroître de ses plus chers interêts , ne doit pas les
faire oublier aux Juges, et qu'il mérite, au contrai
re , qu'on s'interesse davantage à sa gloire , parce
que plus on eft retenu et refervé dans fes prétentions
plus on mérite d'obtenir ce qu'on defire.
1042 MERCURE DE FRANCE
III. PLAIDOYER , pour Philotime , dont ·
be zele actifet discret, a sauvé l'honneur
de la Famille.
M. Duché , qui parloit pour l'Honneur , com→
mença par s'apuyer sur la bonté de sa Cause , oposée
à celles de ses Adversaires. Un homme peut via
vre sans gloire , dit- il au sujet de la Noblesse , peutil
vivre fans honneur ? Pour faire convenir que Philotime
avoit sauvé à sa Famille le plus précieux de
tous les biens , en lui sauvant l'honneur , il voulut
qu'on jugeât du mérite de son zele par le prix de
son bienfait , et du prix de son bienfait par le mérite
de son zele.
Toute la premiere Partie fut employée à prou-
→ ver que le zele de Philotime a conserver l'honneur
de sa Famille outragée , avoit été également actif et
discret , ce qu'on prétendoit être le caractere du
bon zele, dont l'activité est toujours accompagnée
de discrétion. Un simple exposé servit de preuve J
mais un exposé adroit et interessant, où par la malignité
de l'attaque , on représentoit d'un côté tous
les artifices que la haine a coûtume d'employer.
pour oprimer ses ennemis , et où l'on exprimoit
vivement toutes ses fureurs ; et d'un autre côté
par la sagesse de la défense ,' on aprenoit la maniere
dont la vraie vertu se conduit dans les rencontres
délicates , qui ne sont que trop communes dans le
grand Monde , où la conscience s'accorde si rarement
avec le point d'honneur.
Pour montrer le prix du service rendu par Philo
time à sa Famille, on exposa dans la seconde Partie
du Plaidoyer , le prix de l'honneur. C'est le bien
dont la perte est la plus sensible ; c'est le bien dont
la perte est la plus irréparable. 1. La perte de
Phonneur est la plus sensible. On le prouva par les
exemples
SEPTEMBRE. 1738 2043
exemples fameux de Lucrece et de Caton d'Utique.
L'honneur eft en quelqueforte la vie de la vie même.
On eft mort civilement, dès que l'on eft deshonoré.
De quel oil regarde-ton un homme dont l'honneur eft
flétri ? riche , noble , tant qu'il vous plaira , il n'est
rien , tant qu'il n'a plus droit à l'eftime publique. La
Nobleffe , l'opulence, ne remplacent point l'honneur ;
plus même on eft Noble , plus on eft riche , plus on reffent
cette perte , parce qu'ellefait perdre le fruit de ces
avantages , & c. 2 ° . La perte de l'honneur est la
plus irréparable. N'en doutons pas , Mrs , dit l'ingé
hieux Orateur , l'honneur eft une fleur tendre , dons
Péclat ne revient plus, quand une fois elle eft fanée . La
réputation eft une glace bien unie , que le moindre
souffle obfcurcit ; avec cette difference , qu'un moment
peut rendre au Miroir fa premiere fplendeur , au lieu
que prefque jamais rien n'eft capable de la rendre à
une réputation ternie. Il fuffit , ce femble , d'avoir
eû le malheur d'être une fois accufe, pour n'être jamais
fans reproche. Partout où un homme paroit dans la
fuite , il femble qu'il porte gravé fur le front des traits
dignominie,qui rapellent au fouvenir des perfonnes pré
fentes , certains foupçons finiftres , d'où naiffent les
incertitudesfur fa juftification la plus autentique. Quelle
peut être la fource de ces doutes fi ordinaires ? N'en
cherchonspoint d'autres que la malignité de l'efprit humain,
prefque toujours plus difpofé à croire le mał
qu'à croire le bien . De tout cela il conclut que la Famille
devoit tout au zele actif et difcret du genereux
Philotime , qui lui avoit confervé un bien fi fuperieur
à la Nobleffe, à l'union , aux richeffes ; que fans ceuxci
on peut être quelque chofe , et que fans celui-là on
n'eft rien dans la focieté humaine.
IY
1044 MERCURE DE FRANCË
IV . PLAIDOYER , pour Chrysarque, don't
Ioeconomie jointe à la probité , à enrichi
la Famille.
M. Logette , Avocat de l'Opulence , parut s'étonner
fort peu de l'oposition que sa Cause devoit
naturellement trouver dans les esprits Philosophes;
il avança avec un air de confiance , qui plut beaucoup.
1 ° Que les Richesses sont un bien sans lequef
tous les autres sont comptés pour peu ou pour rien.
2°. Qu'elles sont un bien , qui seul , renferme le
mérite et les avantages de tous les autres. Où eft
l'homme , dit- il , qui en ait jamais douté ? La plus
part des Mortels , bien loin d'avoir befoin qu'on leur
fit des Difcours pour leur perfuader les avantages
des Richeffes , n'auroient - ils pas fouvent befoin que
pour l'honneur de l'humanité un Orateur plus éloquent
que moi , entreprit de les détromper ?
Le Défenseur des Richesses , après avoir rendu
la justice qu'il croyoit dûë à la Concorde , à la Noblesse
, à l'Honneur , dont il ne prétendoit en aucune
sorte diminuer le prix , et après avoir regretté
ees temps heureux que la Poësie nous vante , ou
l'inégalité des biens n'ayant point encore établi
l'inégalité des conditions , tout l'Univers étoit com→
me une seule Famille ; commença par prouver que
le Monde étant fait comme il est , sans fortune, l'éclat
du sang le plus illustre , n'est pas de grand usage.
Ilpeignit avec beaucoup d'agrément ces Gentilshommes
Campagnards , qu'une pauvreté auffi dure et moins
glorieuse que celle des Romains , force de fufpendre
leur épée au feul arbre qui se trouve dans leur petit
champ , qu'ils labourent eux- mêmes , non pas avec des
mains victorieufes et accoûtumées à dreffer des Trophées,
mais avec des mains enchaînées par l'indigence , des
mains
SEPTEMBRE. 1738. 204$
mains qui ne peuvent manier d'autrefer que celui des
vils instrumens de leur travail , qui ne connoiffens
d'autres Ennemis que les Habitans de l'Air et des Fo-,
rêts , auxquels elles font une guerre , plus conduite par
le befoin que par le plaisir.
Mais , dira i'on , qui empêche ces ames guerrieres
de fuivre l'ardeur qui les anime , et de chercher la
gloire au milieu des bazards ? Le Champ de la victoire
n'eft- il pas ouvert à tout le monde ? L'ingénieux Orateur
montra qu'on ne pouvoit y paroître avec hon,
neur , si l'on n'y paroissoit avec des Richesses . La
pauvreté , dit il , ravilit la Nobleffe jufque dans les
bras de la Victoire .... Le pauvre eft obligé de mourir
dans la foule , il faut acheter le droit de mourir
vec quelque diftinction . Il ajoûta que la Nobleffe fans
bien eft encore plus à charge qu'elle n'eft honorable.
Quand onporte un grand nom, c'est une de honte n'avoir
pas de quoi le foutenir. On voudroit quelquefois pouvoir
s'en défaire pour en prendre un moins connu et
moins illufttre , qui donnât droit de vivre dans la mé
diocrité... Il fit entendre les reproches des Créanciers
à ceux , qui malgré le défaut de moyens ,
s'obstinent à égaler la dépense à la qualité.
Après avoir montré avec sa naïveté ordinaire que
sans l'apui des Richesses l'honneur n'est guere
plus respecté dans notre siecle , qu'il le fut dans
celui des deux Satyriques Romains , dont il cite
plusieurs traits brillans sur ce sujet ; il passe à l'union
, et il demande d'abord si elle peut subsister
dans une Famille pauvre. La mifere , dit- il , aigrit
Les efprits , elle infpire je ne fais quelle ferocité ; elle
nous ôte une certaine joye , compagne aimable de la
douceur ...
En un mot , on n'eft jamais de plus mau-'
vaife humeur que quand on eft brouillé avec lafortune.
Il représenta ensuite avec beaucoup de vivacité
yertu souveraine des Richesses pour adoucir une
épouse
2046 MERCURE DE FRANCE
épouse chagrine , pour réduire un enfant mutin
la douleur des parens qui voyent croître sous leurs
yeux des enfans aussi favorisés par la Nattire , que
disgraciés par la fortune . Quelles femences de vertus
font- ils contraints de negliger ! ... Ilfaut les faire
vivre avant que de leur aprendre à vivre en honnétes
gens. Sont- ils vicieux, indociles, et même devenus au-
Aacieux par le befoin ? Le moyen de reprimer leurs
tranfports violens 2 Après avoir épuisé les menaces
aura-t'on recours aux larmes ? Mais pour entendre
leur langage , il faut être tendre etſenſible ; les larmes
ne parlent qu'au coeur , et quand une fois on leur a réfifté
, on eft capable de leur réſiſter toujours , &c.
Il s'agissoit de prouver dans la seconde Partie
que la fortune est un bien qui renferme le mérite et
les avantages de tous les autres biens L'Orateur le
fit avec confiance et avec esprit , c'est tout ce qu'il
falloit. Il prétendit que la Fortune donne tout en
donnant des Richesses , et s'attachant plus particu
Tierement au Sujet de la Cause , il dévelopa fort
agréablement toutes les industries d'un Riche pour
s'anoblir. Qu'il achette quelque gnoffe Terre , bien
Seigneuriale ; qu'il en faffe porter le nom à quelqu'un
de fes heritiers ; qu'il fallefaire quelques legers changemens
aux Titres qu'il trouvera dans les Archives ou
qu'il fçaura déterrer ailleurs ; qu'il recherche quelque
Alliance diftinguée , ou plutôt qu'il fe faffe rechercher
par quelque Membre de la haute Nobleffe déchie de
Jes biens. Qu'enfin fi dans fa Famille il se trouve quelque
Sujet de mérite , on l'avance dans l'Epée ou dans
la Robe ; voilà ce qu'on apelle une Famille illuftrée ;
encore trente ans , c'est une Famille illuftre. Pais s'égayant
sur le Gentilhomme de fortune : Je m'arrête,
dit-il , dans une des plus belles Places de Paris ; y
vois paffer un Equipage brillant , un train lefte , un
sortege magnifique , je m'informe quel eft ce Seigneurs
SEPTEMBRE. 1738. 2047
en m'inftruit de fon nom , je fuis tenté de rire ; je
blazonne fes Armes et je me demande à moi même ,
quelle main audacieuſe a ofé ici tracer des Couronnes
et des Armoiries pour un homme qui ne devroit tous
au plus porter dans fes Armes qu'une tire de Champi
gnons en champ de fable , le tout furmonté d'une Couronne
de Clinquant , et foutenu par deux Chimeres
pour fuports ? .. Taifons - nous , reconnoiffons l'Ouvrage
de la Fortune ; c'eft elle , qui defa main toute puis-
Jante , y a tracé l'image de fes faveurs. Elle veut nous
aprendre qu'elle peut , quand il lui plaît , anoblir fes
Favoris , &c.
Le jeune Orateur ne fut pas plus embarassé
prouver que les Richesses renferment tous les avanages
de l'union . Car enfin quels font ces avantages ?
On eft , dit-on, heureux et content quand on eft uni,es
ne l'eft -on pas quand on eft riche ? L'argent est un an
tidote falutaire qui guérit de tous les chagrins domeftiques
, ou s'il ne guérit pas toujours des procès de famille
, dont il eft la fource féconde , au moins eft- il
vrai que c'eft quelquefois un moyen efficace pour avoir
gain de caufe. Du refte fi l'on ne vit pas bien avec
ceux que la Nature nous a donné pour amis , la Fortune
nous en donne d'autres , que nous choififfons nousmêmes
, et à qui nous fommes toujours fürs de plaire ,
tant que nous ferons riches , c.
Quand à l'honneur , il montra fort ingénieusement
que les Richesses , qui ne sont que le fruit
d'un sage oeconomie , telles que furent celles que
Chrysarque avoit introduit dans sa Famille , ) renferment
aussi tout le mérite et les avantages de
P'honneur et de la probité. Car , dit- il , le plus fublime
effort de la vertu , c'eft de pouvoir s'enrichir fans
crime. Il conclut , en priant de faire attention que
sans les Richesses de Chrysarque, ni la Noblesse , ni
union , ni l'honneur de la Famille ne lui pourroient
fourni
2048 MERCURE
DE FRANCE
fournir les moyens de construire les Mausolées or
donnés par le Testateur, e que ce seroit une injustice
criante de refuser la premiere place parmi les
Bienfaiteurs au principal Auteur des bienfaits.
V. PLAIDOYER , pour Eugene , Héritier
d Ariste.
L'Héritier intervenant , M. Bouillerot , s'exprima
par ses soupirs encore plus que par ses raisons . Il
demanda Pérection du principal Mausolée à la
gloire de celui qui en décernoit à tant d'autres ,
c'est- à - dire à la gloire de son cher Oncle , Testateur.
Son désinteressement qui l'engageoit à s'exclure
par une clause expresse du Testament ,
l'honneur qu'il procuroit à ses Ancêtres , selon
P'Orateur , ne devoit point nuire à son droit. La
vertu n'eft jamais plus digne de récompenfe, que quand
elle la recherche moins .
de
A ce titre de bienséance , le Supliant en ajoûta
d'autres de convenance et de reconnoissance. Ne
convient- il pas , dit- il, qu'on illuftre la memoire d'un
coeur génereux, dont les bienfaits tendent à illuftrer
celle des Grands-Hommes , et qu'il participe à l'immortalité
de gloire que sa libéralité leur assûre ? &c.
Il promit que son Discours se sentiroit du désordre
de son esprit , et que la seule douleur parleroit
pour lui.
Une de ses principales raisons fut , que le Testateur
, en ordonnant l'érection des Mausolées , avoit
moins prétendu honorer les Morts , qu'instruire et
animer les vivans , et qu'il rassembloit conséquemment
en lui seul tout le mérite des services qu'avoient
rendus à la Famille les grands Personnages
dont il éternisoit la gloire . Cette raison fut mise
dans un grand jour par l'exemple sensible d'un
homme "
SEPTEMBRE.
2049 1738
Homme de distinction qui auroit promis une récompense
considérable à tous ceux qui , dans une
République , se signaleroient par quelque énorme
attentat , et auquel on devroit incontestablement
décerner un suplice plus rigoureux qu'aux fcélerats
qu'il auroit mis en oeuvre , d'où le Supliant
conclut qu'il ne falloit pas être moins équitable à
récompenfer la vertu dans Ariste , qu'à punir le
crime dans l'Auteur de tant de forfaits.
Sur ce qu'en jugeant Ariste digne d'un Mausolée
pareil à ceux qu'il faifoit ger,on pouvoit encore ba
lancer fi ce Monument qu'on lui deftineroit,méritoit
l'emplacement le plus diftingué, le Neveu héritier s'écria
d'une maniere fort pathétique. Ab ! Mrs , fi les
Mânes de ces grands Hommes, dont il prétend décorer la
mémoire, pouvoient revivre et parler en cette Aſſemblée,
ne confpireroient- ils pas à vous demander la premiere
place pour leur généreux Bienfaiteur ? aucun d'eux
pourroit-il fouffrir qu'on déliberât fur la préféance ?...
Mais ne feriez- vous pas furpris de voir un feul de
leurs Défenfeurs la difputer , cette préféance , à leur
commun Rémunérateur ? Le voudroient - ils : L'oferoient-
ils ? Et s'ils l'ofoient , la reconnoiſſance ne reclameroit
elle pas ? ¿c.
L'Orateur fit remarquer en paffant , que fa de
mandé étoit d'autant plus défintereffee , qu'il ne
pouvoit en obtenir l'effet , fans s'engager dans une
dépenfe confidérable , dont le Teftament d'Arifte le
difpenfoit en termes formels ; que cependant il ne
falloit point s'étonner qu'il follicitât un Arrêt pour
l'érection d'un Monument qu'il pourroit faire éle
ver de lui-même et à fes frais , fans avoir befoin de
recourir au miniftere de la Juftice ; vû que fi ce
Tombeau n'étoit qu'un fimple effet de la bonne
volonté , il ne feroit pas , à beaucoup près , aufli
bonorable à l'illuftre Mort, qu'étant l'ouvrage d'une
H Ordonnance
20se MERCURE DE FRANCE
Ordonnance Juridique . On pourroit dire , c'eft
affection; et il conftera dans les fecies à venir que c'est
mérite authentiquement reconnu , justement honoré,
folemnellement récompensé. Il conclut en affûrant les
Juges , que s'ils daignoient ratifier fa Requête par
leurs fuffrages , ils joüiroient infailliblement d'une
double fatisfaction ; l'une , de voir leur Jugement
aplaudi par les Parties même intereffées ; l'autre , de
procurer quelque adouciffement a la trifteffe d'un
malheureux , qui fans cela feroit inconfolable. Ce
Difcours parut touchant , n'intereffoit pas moins
le coeur , que les autres divertiffoient l'efprit
Examen de la Cause.
M. de Voyer, fils ainé de M. d'Argenson, du Pa
Jais Royal, après avoir balancé les preuves alleguées
par les Expofans , comme le feroit un Avocat Gé→
néral , les réduisit à trois Points remarquables , sug
lefquels fa décifion , en qualité de Juge , devoit être
apuyée. 1 °. La gloire d'une Famille. 2. Son bon
heur. 3 °. La durée de cette gloire et de ce bonheur,
furent les principes qu'il établit pour baſe du Jugement
qu'il alloit prononcer. Enfuite il examiną
avec beaucoup de jufteffe et de folidité lequel des
biens propofés par les Orateurs , renferme le plus
ces trois avantages.
Comme cet Examen eft un tiflu de penſées et de
refléxions fort ferrées , une telle préciſion ne don
ne prefque nulle prife à un Extrait ; ce qu'on pour
roit tranfcrire , feroit regretter ce qu'on feroit
obligé d'omettre . Ainfi nous nous contenterons de
raporter feulement les termes dans leſquels le Jugement
est conçû, avec le Dessein et l'Ordonnance
des cinq Mausolées.
JUGEMENT.
SEPTEMBRE 1738. 1058
JUGEMENT.
Ordonnons que l'on conftruife un vafte Edi
» ce en forme de Rotonde , dont la voûte foit foûtenue
par de grandes Co omnes d'Ordre Corinthien
, ornées de canelures , à chapiteaux décorés
❞ de leur double rang de feuilles et de leurs huit
» Volutes ; que cet Edifice foit contigu à la Cha
» pelle du Château , laiffé par Arifte à ſon Neveu ,
et que les Mauſolées foient difpofés entre les Co
» lomnes dans l'ordre suivant.
» Nous décernons la premiere place à Philotime ,
» dont le zele actif et difcret a fauvé l'honneur de
la Famille , et dans ce Jugement nous ne craignons
point d'être défavoués de tout ce qu'il y a
de gens d'honneur. A qui doit plus apa tenir la
place d'honneur , qu'à l'Honneur même ? Parmf
les biens naturels, nul ne peut et ne doit l'emporter
fur l'honneur , c'eft l'ame d'une Famile il
luftre; fans lui point de gloire , point de bonheur
» pour elle. Autant et mieux vaudroit qu'elle fût
éteinte ou anéantie , &c.
233
»
95
Ainfi voulons que le Maufolée de Philotime
foit le premier objet qui fe préfente aux regards
de ceux qui entreront dans ce fuperbe Edifice ...
» Que là , fur un Maufolée de Marbre blanc , s'éleve
la Statue de Philotime ; qu'elle foule au pied
la tête de la Calomnie terraffée ; qu'au- deffus de
la tête de cette même Statue, vole la Renommée,
embouchant la Trompette , ornée d'une bandes
» rolle flotante, fur laquelle foient gravés ces mots
Al'Honneur noblement vengé.
Nous affignons la feconde place à Polemide ,
à la valeur duquel fa Famille eft redevable de fa
Nobleffe . A ce titre eft attachée une efpece dé
gloire , et qui plus eft , une perpétuité de gloire,
Hij qui
2052 MERCURE DE FRANCE
qui ne fe trouve dans aucun des biens ſuivans.
» Sans doute quelques gens entêtés de la prééminence
, qu'ils croyent due à leur qualité , feront
» jaloux de la préference que nous avons donnée
» à l'Honneur , mais qu'ils allient l'un à l'autre ,
» qu'ils foient tout à la fois hommes d'honneur et
» hommes de naiffance ; à ce prix nous leur répondrons
du premier rang ... Nous croyons plus
3 devoir à la vertu , par où Polemide a mérité la
» Nobleffe , qu'à la Nobleffe même qu'il a méritée ,
Voulons qu'à la droite du premier Mauſolée
» foit placé fon Tombeau de Porphire , sur lequel
» s'éleve sa Statue Equeftre en Bronze ; que la Victoire
lui tienne fur la tête une Couronne de Laurier,
et que le Génie de la Guerre lui présente un
» Ecuffon , fur lequel foient gravées les Armes de
fa Famille anoblie par fes Exploits .
93
93
"
ラン
2
Nous adjugeons la troifiéme place à Irenedore,
» dont l'aimable humeur et l'efprit de conciliation
» a rétabli la concorde dans la Famille . Si cette
>> union domeftique n'a ni le luftre ni la perpétuité
» de la Nobleffe , ni même l'éclat ébloüiffant d'une
grande fortune , elle a d'ailleurs un grand avantage
, c'eft l'heureufe tranquillité qu'elle procure
une Maifon. Un bonheur à fi charmant , mérite
» bien notre eftime et nos recherches . Il eft jufte
» que toutes les voix s'uniffent en faveur d'un
» Bienfait , qui a réuni tous les cours. Au gré
» de la Sageffe , un bonheur fans éclat eft préférable
à un eclat fans bonheur.
د ر
Le Tombeau que nous deftinons au pacifique
Irenedore , fera fimple et fans ornement , com❤
» me doit l'être celui d'un homme modefte , ennemi
du faſte et du luxe. Il fera face au Mauſolée de
» Polemide. On y verra fon Bufte , vers lequel la
Difcorde enchaînée jette des regards furieux ,
pendant
SEPTEMBRE. 1738. 2053
pendant que la Paix le regarde d'un oeil de com
» plaifance , et lui montre une branche d'Olivier ,
Symbole de la Concorde.
Nous pardonnera-t'on de ne donner que la
derniere place aux Richeffes parini les avantages
» d'une Famille ? Que de fuffrages contraires au
» nôtre ! Mais enfin quelque idée de gloire et de
bonheur que l'opinion commune ait attachée aux
biens de a fortune , nous croyons devoir plutôt
» déférer à la raison , qu'au caprice du vulgaire.
Il faut bien que cette gloire et ce bonheur ne
»foient pas effentiellement attachés aux Richesses,
» puifqu'on voit tous les jours des Riches fans bonheur
et fans gloire

פ כ
ל כ
>
Cependant comme les Richeffes procurent de
vrais agrémens à une Famille , et comme elles
fourniffent les moyens de construire les Mausolées
dont nous reglons la ftructure ; il eft jufte
que celui de Chryfarque foit des plus magnifiques
, et que fa fplendeur le dédommage de la
" derniere place que nous lui affignons au bas de
$ l'Edifice funebre. Voulons qu'on lui éleve une
belle Pyramide de la matiere la plus précieuſe ;
que l'or et l'argent brillent dans tous les accompagnemens
; que d'une Corne d'abondance fortent
des tréfors qui fe répandent fur toutes les
parties de ce fuperbe Monument , et qui faffent
» douter à tous ceux qui le verront , s'il n'a point
été bâti par les mains mêmes de la Fortune.
לכ
, . Avons-nous donc oublié l'Héritier intervenu
» et n'aurons-nous aucun égard à la Requête qu'il
nous a préſentée en faveur de fon cher Oncle
» Arifte ? La Juftice ne nous permet pas de laiffer
fans récompenfe un fi généreux Teftateur , ni
» un fi reconnoiffant Légataire. Nous craindrions
d'afflier celui-ci , en refufant à celui-là ce que
מ
Hiij .
» mérite
2054 MERCURE DE FRANCE
4
mérite sa qualité de commun Bienfaiteur. Quoi
393 que nous ne le nommions que le dernier , nous
» réservons à son Mausolée un emplacement glo-
» rieux, qui semble lui donner le premier rang
Ordonnons que son Tombeau soit placé au
milieu des quatre autres, et de l'Edifice out ils se-
» ront érigés ; qu'il ne soit que peu élevé de terre,
tant afin qu'il soit un peu conforme à la derniere
" volonté du Testateur , qu'afin que sa hauteur ne
dérobe pas l'aspect des autres Mausolées. La Figure
? d'Ariste sera couchée sur ce Tombeau , comme
sur un Lit de parade. Sur les quatre angles seront
" assises les quatre Vertus éplorées , auxquelles il a
" fait dresser des Monumens par sa disposition
ร Testamentaire . A son chevet s'élevera un Marbre,
sur lequel le Génie de la Reconnoissance , sous
la forme d'Eugene , Neveu Légataire , mettra
cette Inscription , A la memoire d'Ariste,glorieux
" Conservateur de la gloire de ses Ayeux.
29
Tous les jeunes Orateurs réussirent parfaitement,
et leur maniere de prononcer parut aussi differente,
que les Sujets qu'ils traiterent.
M. d'Argenson , Défenseur de la Noblesse , en
plaida la Cause avec beaucoup de dignité .
M. Dangé du Fay , parla pour l'Union domesti
que , avec toute la grace imaginable.-
M. Duché , défendit l'Honneur avec une éloquence
pathétique.
M. Logette , plaida pour les Richesses , avec la
plus aimable naïveté.
M. Rolland Bouillerot , prononça son Discours
pour le Testateur , avec beaucoup de sentiment.
M. de Voyer d'Argenson prononça le Jugement
avec toute la maturité d'un Juge , égayée par les
agrémens de la jeunesse .
La Séance fut terminée par des Complimens
aussi vrais que gracieux , faits par le Juge aux
Orateurs, Nous
SEPTEMBRE. 1738. 2055
* Nous fommes forcés de renvoyer au mois prochain
la Defcription des Tableaux , et autres Ouvrages
de Sculpture , exposés dans le grand Salo
du Louvre .
L
SPECTACLES.
'Académie Royale de Mufique continue tou
jours les repréfentations de la Comédie Ballet
du Carnaval et de la Folie , et prépare l'Opera de
Tancrede de M. Campra , pour être donné dans le
mois prochain.
Les Comédiens François répetent actuellement
une Comédie nouvelle en trois Actes , avec
trois Divertiffemens , fous le titre du Rajeunissement
snutile , qu'on doit donner inceffamment.
Ils ont remis au Théatre depuis peu la Comédie
du Menteur , de Pierre Corneille , que le Public
revoit avec grand plaifir.
> Cette Comédie dont on a toujours fait tant de
cas , prouve que l'illuftre Corneille ne réüssissoit
pas moins dans le comique que dans le sérieux . On
a remarqué pourtant qu'elle n'est pas de son invention.
C'est une Piéce en partie traduite , dit M.
Baillet , et en partie imitée de Lope de Vega ,
ou plutôt de Jean d'Alarcon . Corneille dit luimême
, que le sujet lui semble si spirituel et si bien
tourné , qu'il eut voulu avoir donné les deux plus
belles Piéces qu'il ait jamais fait , et qu'il fut de
son invention. Il l'a réduit à notre usage , et dans
nos regles ; mais on trouve qu'il s'eft beaucoup
relâché de son averfion pour les à parte , n'ayanɛ
Hij Pla
2056 MERCURE DE FRANCE
.pu s'en difpenfer , fans lui faire perdre une partie
de ses beautés .
Du vivant de l'Auteur , cette Piéce étoit jouée par
les Srs de la Grange , la Tuillerie , de Villiers , Hauteroche
, Poisson , et par les Dlles Raisin , Angelique,
de la Grange , et Dennebaut .

Cette Piece n'avoit pas été repriſe depuis la
grande perte que le Théatre François a faite de
l'illustre Baron , qui malgré la difproportion de
son âge avancé pour remplir le Perfonnage d'un
Ecolier de Droit , faifoit fentir toutes les beautés
de ce caractere.
Aujourd'hui les Personnages de Dorante , de
Criton, d'Alcippe de Philiste , et de Geronte , sont
remplis par les Srs Grandval , Armand , Dubreuil
le Grand et la Torilliere , et par les Dlles la Mothe,
Connell Quinult et du Bocage .
Les mêmes Comédiens ont aussi remis au Théatre
Le Sicilien , ou l'Amour Peintre , Comédie- Ballet
de Moliere , en un Acte en prose.
On veut que cette Piéce soit toute tissuë de
Vers non rimés de six , de cinq , et de quatre
pieds. Ce qui a fait dire , que la Prose de Moliere
en général , est empoulée , poëtique , remplie d'expressions
précieuses , et toute pleine de Vers.
C'est une Piéce d'intrigue , dont le déroûment
a quelque ressemblance avec celui de l'Ecole des
Maris , du moins par raport au voile qui trompe
Don Pédre dans le Sicilien , comme il trompe Sganarelle
dans l'Ecole des Maris. La finesse du Dialogue
, et la peinture vive de l'amour dans un
Amant Italien , et dans un Amant François , font le
principal mérite de cette Piéce qu'on n'avoit pas
reprise depuis la retr ite du Sr Quinault l'aîné , qui
joüoit le principal Rôle d'Adraste , lequel est rempli
aujourd'hui par le Sr Quinault du Fresne son
frere.
SEPTEMBRE. 1738. 2057
frere. Les Rôles d'Haly et de D. Pedro sont joués
par les Srs Armand et Duchemin . Les Dlles Gaussin
et du Bocage rempliffent ceux d'Isidore et de
Climene.
Nous sommes obligés , faute de place , de ren
voyer au prochain Mercure , l'Extrait de la Comédie
du Consentement forcé , qui se soûtient toujours
au Théatre François.
Le 11. Septembre , les Comédiens Italiens don
nerent une petite Comédie nouvelle en Vers et en
un Acte , suivie de deux Divertiffemens . Cette
Piéce , qui a pour titre L'Ecole du Temps , est de la
compofition de M. Peffelier , et fon premier Ouvrage
pour le Théatre Italien. Il a été reçû du
Public avec un aplaudiffement général. Nous avons
du même Auteur une autre Comédie en Vers et en
un Acte , intitulée La Mascarade du Parnasse
qu'on trouve imprimée chés Prault le Pere ; nous
en avons donné un Extrait circonftancié dans le
Mercure d'Août 1737. page 1827. Nous parlerons
plus au long de celle qu'on annonce ici .
Le 6. Septembre , l'Opera Comique donna une
Piéce nouvelle d'un Acte , intitulée le Nevey suposé
, fuivie d'une autre remife au Théatre , qui a
pour titre La Bazoche du Parnaffe , Piece en Vaudevilles
, avec un Divertiffement Pantomime intitulé
Les Rivaux de Campagne.
Le 14. on donna une petite Piéce nouvelle à la
suite de celles dont on vient de parler , qui a pour
titre le Souffleur , en un Acte , en Vaudevilles ,
avec un Divertiffement de Chants et de Danfes
très- bien executé .

Le 21. on donna encore une Piéce nouvelle inti
tulée le Magasin des choses perdues , précédée de
celles dont our vient de parter..
Hy
2058 MERCURE DE FRANCE
NOUVELLES ETRANGERES.
LETTRE de Constantinople du 12. Juillet
$738.
L
E 11. Avril le Grand Visir arriva à Andrinople,
et y fit son entrée : il reçut le même jour la
nouvelle de la prise d'Uzitza , et des Lettres du Palatin
de Kiovie contenant des assurances , que
République de Pologne observeroit inviolablement
ses Traités avec la Porte.
la
Le 16. le Grand Visix aprit qu'un Corps de Troupes
Ottomanes , fous les ordres de Arslan Mehemet
Pacha , après avoir brûlé Parakin , avoit chassé
800. Impériaux qui défendoient sur les bords de la
Morave un Poste convenable aux Turcs pour jetter
un Pont fur cette Riviere ; et qu'ils y avoient trouvé
huit Piéces de Canon , quelques Mortiers , et:
des munitions de guerre , dont ils s'étoient rendus
maîtres.
Le Grand Visir pendant fon séjour à Andrinople
a fait des largesses extraordinaires aux Troupes ,
qu'il faisoit exercer à tirer de l'Arquebuse en sa
préfence , donnant quatre fequins à ceux qui touchoient
au but , et deux fequins à ceux qui en
aprochoient.
On aprit le zo. que le Prince Ragotzy avoit fait
fon Entrée à Viddin le 13. Avril , que le Séraskier
Ayvas Mehemet Pacha Pavoit traité fplendidement
fous les tentes et lui avoit fait préfent à l'iffe du
dîné de 6c Hongrois , qui joints à ceux qu'on lui
avoit déja donnés à Constantinople , et à ceux qui
>
Lant
SEPTEMBRE. 1738.
2059
font venus le joindre par Chokzim , font en tout
un Corps d'environ trois cent hommes .
Le 22. Avril on décapita au milieu d'Andrinople
deux Prêtres Ragufois , établis à Philippopoli , dont
on avoit intercepté des Lettres , écrites à diverfes
perfonnes , dans lesquelles ils parloient du Gou
vernement d'une maniere peu mefurée ; un jeune
homme , porteur de ces Lettres , avoit été décapité
quelques jours auparavant.
Le même jour , le Grand Visir reçut des Lettres
de Achmet, Pacha de Babilone , qui l'informoient,
que des Ambaffadeurs du Schah Nadir , ci - devant
Thamas Kouli-Kan , étoient en route pour le rendre
à Conftantinople , et qu'on présumoit que c'étoit
pour offrir à Sa Hauteffe la médiation de leur
Maître , et même faire des propositions de Paix entre
la Porte et la Ruffie. Ces Ambaffadeurs s'apellent
, l'un , Mehemet Raham Khan, l'autre , Nazur
Alac Khan , ils courent la poste sur 125. chevaux.
Le 28. le Grand Visir partit d'Andrinople , et le
lendemain le Kapigilar Kiassy du G. S. arriva au
Camp , et en repartit avec des ordres pour la défenfe
des frontieres du côté des Moscovites.
Le 4. May , le Grand Visir fit fon Entrée à Phi-
Hippopoli , et le 8. il arriva à Sophie , où il séjourna
jufqu'au 4. Juin , pour faire donner l'herbe aux
chevaux . Pendant le séjour que le Grand Visit a
fait à Sophie , il s'eft principalement apliqué à faire
exercer les Canoniers et les Bombardiers ; ayant
fait construire fur le penchant de la montagne , qui
domine la plaine de Sophie , des Fortereffes , dont
il a fait faire le fiége par fes Troupes , auxquelles ill
a continué de faire des large fles.
Le 16. on reçut au Camp du Grand Visir la
nouvelle , que Ayvas Mehemet Pacha ayant jetté
Hvj
23.00
2060 MERCURE DE FRANCE
un Pont sur le Danube à Viddin , s'étoit avancé
la tête de 20 mille hommes vers Orsova ; que Tos et
Moustaza Pacha , qui commandoient l'avant -garde,
s'étoient emparés de cette partie de la Ville qui est
du côté de la Valachie que 1200. Allemands qui
défendoient cé Poste avoient fait une vigoureuse
défense ; que leur Commandant avoit donné un
coup d'épée à Moustaza Pacha , mais que le Selictar
, ou Ecuyer de ce dernier , avoit fendu en deux
le Commandant Allemand d'un coup de sabre ; que
les Officiers subalternes n'avoient pu soûtenir
longtemps l'effort des Tarcs , qui étoient au nom
bre de 6 mille ; que les Allemands avoient été
passés au fil de l'épée , et que ceux qui avoient pris
le parti de se jetter dans le fleuve , pour tâcher de
passer à l'Isle d'Orsova , avoient été faits prisonniers
par les Turcs , qui étoient dans de petits-
Bâtimens , qui suivoient l'Armée Turque , remontant
le Danube . Ces Nouvelles ajoutoient , que
Ayvas Mehemet Pacha alloit entreprendre le siége
de l'Isle d'Orsova , et avoit déja fait dresser à cet
effet des batteries , sur une élevation qui domine
cette Isle , on lui envoya le même jour quelques
Combaragis ou Bombardiers en poste.
Le 26 il fut résolu dans un Conseil de Guerre
que le Grand Visir iroit à Nissa , et partirait dans
huit jours
Le 30 on aprit que les Allemands avoient abandonné
une petite Isle , qui est au- dessus d'Orsova,
après avoir démoli les fortifications qui y étoient ,
et encloué le canon , et que Illimich Pacha , s'étoit
emparé de ce Poste.
Lain on aprit que Moustaza Pacha s'étoit
emparé de Moadié , ayant accordé une Capitulation
honorable à 2000 Allemands qui défendoient ce
Poste , d'autant plus important pour les Turcs , que
la
SEPTEMBRE. 1738. 2062
la gorge des Montagnes dont Moadié est la clef
est le seul endroit par où les Allemands pouvoient,
du Bannat de Temeswar venir au secours d'Or
sova.
Le 4. le Grand Visir partit de Sophie ; il arriva le
9. à Nissa , où il fit son Entrée , et fut salué de
136.coups de canon . Guentech Aly Pacha Seraskier,
et Achmet Pacha Kuprugly , Gouverneur particulier
de Nissa , ci - devant Kaimacan , et dont le G.
Visir étoit le Kiaya , ou Lieutenant , vinrent au
devant de ce premier Ministre à une lieuë de
Nissa.
Le 11. il fut donné des ordres à Harslam Pacha,
de faire construire un Pont sur la Morave , et on
prit tous les Mulets de l'Armée pour faire transporter
des provisions de guerre et de bouche de ce
côté là.
Le 16. la viande ayant manqué au Camp , et le
Kassabachi qui a le soin de la fournir , ayant prétendu
que le Defterdar , ou Tresorier ne lui avoit
pas donné l'argent nécessaire , ce dernier fut déposé
, exilé à Sarlucy , et ses biens confisqués.
Yousouph Effendy son Commis fut fait le même
jour Defterdar , et prit sur le champ la place de son.
maître.
Le 17. ilfut lu dans un Conseil de Guerre , des
Lettres de Ayvas Mehemet Pacha , portant qu'il
avoit fait construire des Radeaux pour faire une
descente sur l'Isle d'Orsova ; mais que pour l'exe
cution de ce dessein , il avoit besoin d'un renfort ,
de peur que les Allemands ne vinssent tomber sur
son Camp quand il l'auroit affoibli par les Troupes
qu'il destinoit à faire une descente sur l'Isle.
Il fut déterminé qu'on séjourneroit encore quelque
temps à Nissa, et qu'on envoyeroit du renfort àae
Pacha
Ra
2062 MERCURE DE FRANCE
Par des Lettres du Camp, du 25 , on aprend que
les Turcs se sont rendus maîtres de Hassan Pacha
Palanka , et que du côté de la Valachie , Mehemet
Pacha ayant eu connoissance , qu'un Corps de
Troupes Allemandes , que l'on fait monter à 8000 .
hommes s'avançoit dans le dessein de secourir
FIle d'Orsova , détacha d'abord Tos Pacha avec
2000. hommes , pour les aller reconnoître ; que ce
Corps fut ensuite renforcé par quelques Troupes ,
qui sous la conduite de Moustaza Pacha , s'avancerent
jusqu'à la portée de deux coups de mousquets,
des Imperiaux ; que ceux - ci se croyant les plus
forts firent la moitié du chemin et leur premiere
décharge , que les Turcs essuyerent sans tirer ; et
que ces derniers ayant quitté leurs armes à feu
tomberent le sabre à la main sur les Imperiaux avec
tant de fureur , qu'ils les renverserent et les obli
gerent de prendre la fuite : cette action a été suivie
de la prise de Sebeth et de Logos , dont les Turcs se
sont rendus les maîtres.
+6
D'autres nouvelles portent , que Ayvas Mehemet
Pacha désesperoit de pouvoir s'emparer de l'Isle
d'Orsova , ayant éprouvé , que les eaux du Danube
étoient trop rapides , pour que les . Radeaux qu'il
avoit fait construire , pussent aborder l'Isle ; il auroit
fallu pour cela , que les Radeaux descendissent
de plus haut que de l'endroit où ils ont été construits
. On ajoûte que le G. Visir a résolu d'aller à
Fetislam , et d'y jetter un Font pour entrer dans le
Bannat de Temeswar.
Un Vaisseau arrivé en ce Port le 9. de ce mois
de retour de la Crimée , a aporté la nouvelle , que
le Général Lasci étoit en marche vers cette Presqu'isle
, tenant la même route que l'année passée ,
et conduisant à la suite de son Armée 20. mille
Familles de Cosaques , qu'il prétend établir dans la
Crimée
SEPTEMBRE 1738. 2063
Crimée , avec leurs femmes et leurs enfans ; qu'in
dépendamment de la Flotille qui cotoye la Mer de
Zabache , pour fournir à son Armée les provifions
nécessaires , il étoit précedé d'une autre Flotille
qui avoit ordre de prendre les devans pour former
les Magasins des provisions nécessaires dans le Lieu
où doit se faire la descente ; que cette Flotille
a été rencontrée par celle du Capitan Pacha ,
qui s'est emparé de 24. Prames chargées de biscuit
; que le reste des Bâtimens Moscovites s'étoient
réfugiés dans une Anse , avoient mis leurs canons
à terre, et formé des bateries , malgré lesquelles le
Capitan Pacha se flatoit de détruire toute cette
Flotte. La Personne qui a été expediée au G. Visir
pour lui aporter cette nouvelle a été revétuë du
Caftan.
EXTRAIT d'une Lettre écrite de Smirne
le 18. Juillet 1738.
E Seigneur a trouvé bon d'ajoûter aux Fleaux
".
"
die , auxquels ce Pays-ci est sujet , celui de Sary
Bey Oglon , fameux Rébelle , qui s'est rendu maître
de presque toute la Natolie et qui est venu à
la fin du mois de Mars dernier , faire contribuer la
Ville de Smirne. Depuis ce temps- là , maître absolu
de la campagne , il nous tient continuellement
en échec et sous les armes. L'Histoire de ce Rebelle
est trop longue pour vous la déduire ici . Je
vous dirai seulement que cet homme , âgé de 28 .
Ou 29. ans ayant commencé sa révolte avec
6c. ou 80. hommes , se trouve aujourd'hui à la tête
de 7. à 8000. hommes aguerris et déterminés ,
avec lesquels il semble braver la Cour Ottomane.
La Porte a envoyé contre lui Ghinour Oglou Achmer:
Backay
2064 MERCURE DE FRANCE
,
Pacha , pour le réduire , mais on lui a donné si
peu de forces , qu'il y a un mois que ce Pacha est
campé sous les murailles de Smirne sans sçavoir
ce qu'il doit entreprendre . Il attend pour se mettre
en campagne , que le Pacha d'Ourfa , qui vient à
son secours avec 7000. hommes de Troupes , soit
arrivé encore doute - t'on qu'avec ce renfort il
puiffe rien faire contre les Rebelles , lesquels , après.
avoir abondamment fourni leurs Magafins , ont
brûlé tout le reste de la moisson . Vous jugez bien ,
M. que nous nous reffentons infiniment de tous.
ces desordres ; le Commerce est absolûment interdit
dans Smirne , & la disette s'y introduit peu à
peu . Les Caravannes ont été jusqu'ici si maltraitées
par les Rebelles , que personne n'ose aller ni
venir ; l'argent est tout-à - fait disparu dans la Place
, et les Banqueroutes sont fréquentes.
O
RUSSIE.
N mande de Petersbourg du commencement
du mois dernier , que peu de jours après que
PArmée se fut mise en marche pour s'aprocher du
Dniester , les Partis que le Comte de Munich avoit
envoyés à la découverte , lui raporterent que les
ennemis qui n'avoient paru- que par Détachemens
depuis qu'ils avoient été obligés d'abandonner les
bords de la Kodima , s'avançoient en ordre de bataille
pour l'actaquer , & que le 19. dans le temps.
que la premiere colonne de l'Armée venoit de
passer la Riviere de Savrana , ce Général aprit
qu'ils n'étoient élog és de lui que d'environ une
lieue . I fit faire alte aussi -tôt aux Troupes ; et.
jugeant que celles qui lui restoient , suffisoient
pour soutenir les efforts des Turcs , il ne se mit point
en peine de rapeller celles qui étoient de l'autre
côté de la. Riviere
Vers
SEPTEMBRE. 1738. 2065
Vers une heure après midi , les ennemis atta
querent les Cosaques du Tanaïs et de Zaporog ,
lesquels formoient un Corps de près de 3000. hommes
, et qui étant campés sur une hauteur à un
quart de lieuë de l'Armée , s'étoient formés un retranchement
de leurs chariots , selon leur coûtume.
La plupart des Cosaques mirent pied à terre , et ils
firent plusieurs décharges de mousqueterie ; mais
leur grand feu ne put empêcher que les Turcs ne
s'avançassent assés près pour engager avec eux le
combat au sabre & à la bayonette .
Alors le Comte de Munich , qui , dès qu'on avoit
aperçu les Turcs , avoit fait revenir au Camp les
Gardes avancées et les Fourageurs , & avoit assemblé
les Piquets , détacha de son Armée quelques
Troupes d'Infanterie et de Cavalerie , avec deus
piéces de campagne , pour soûtenir les Cosaques.
M. de Wilbau , qui commandoit ce Détachement
étant allé se poster à leur droite , pendant que le
Brigadier Général Schipoff s'avançoit à leur gauche
, l'arrivée de ce renfort détermina les ennemis
à se retirer dans des bois , de l'autre côté desquels
ils déboucherent peu après , pour aller s'emparer
d'une hauteur sur laquelle ils se rangerent en ba
taille.
Comme on ne douta point qu'ils n'eussent dessein
d'en venir à une action générale , le Comte de
Munich fit sortir du Camp les Gardes à cheval et à
pied , les Cuiraffiers , et plusieurs Régimens d'Infanterie
et de Dragons , sous les ordres du Lieutenant
Général Guftave de Biron , et il donna ordre
au Baron de Lowendal de s'avancer avec l'artillerie .
Ces Troupes auxquelles s'étoient joints les Piquers.
& les Réserves , se rangerent devant le Camp sur
une ligne , dont l'aîle droite s'étendoit vers le
Camp des Cosaques , & la gauche étoit apuyée par
VA
2066 MERCURE DE FRANCE
un ruiffeau. Elles furent attaquées par les Turcs }
qui tâcherent en même temps de forcer le quartier
od commandoit le Général Romanzoff. Les ennemis
furent repoussés de tous côtés , et l'artillerie
fut si bien servie qu'on leur tua beaucoup de monde.
Iis tenterent sur les cinq heures une nouvelle
attaqué , mais elle n'eut pas plus de succès que les
deux premieres ; & ils furent enfin obligés de se
retirer , après avoir fait une perte considérable
Voici les particularités qu'il y a eu dans l'action
du 3. Août entre les Troupes Moscovites & celles
du Grand Seigneur , dans laquellé les premiers ont
remporté l'avantage.
Le 31. Juillet , Parmée ayant passé les défilés
des Montagnes , ou la Riviere de Savrana prend sa
source elle continua sa mai che pour aller attaquer
le Seraskier de Bender , qu'on croyoit avoir passé
le Dniester avec toutes les Troupes qui sont sous
ses ordres. Le lendemain deux Seigneurs Polo
nois chargés de Lettres du Palatin de Kiovie pour
le Comte de Munich , se rendirent au Camp , &
quelques- uns des Cavaliers Polonois , qui leur
servoient d'escorte , raporterent qu'ils avoient
apris sur la route , que le Seraskier de Bender étoit
encore de l'autre côté du Dniester , & qu'il n'y
avoit de ce côté- ci du Fleuve , ' qu'un Corps d'envi
zon 30000. hommes des Ennemis .
Le Comte de Munich fut informé le même jour
par ses Espions , que le Sultan de Bialogrood come
mandoit ce Corps , qui étoit composé de 20000.
Tartares , & de 100co . Turcs , que le Seraskier de
Bender lui avoit donnés , parce que ce Sultan avoit
refusé de passer le Dniester , s'il n'étoit soûtenu
par un Détachement de l'armée Ottomane. Les
Espions ajoûterent que ce Sultan étoit campé à
quatre lieues des Moscovites sur le bord de la Kiviere
SEPTEMBRÉ. 1738. 1738. 2067
+
Siere de Molokisch , & qu'il avoit dessein de les
Attaquer le jour suivant , lorsqu'ils sortiroient des
Bois pour entrer dans la plaine.
Sur cet avis le Comte de Munich se disposa au
combat, & il fit marcher toute la nuit une partie de
P'Armée avec l'Artillerie de campagne , pour pou
voir gagner la plaine avant la pointe du jour. Plu
sieurs Partis des Tartares s'avancerent jusqu'à la
portée du fusil , mais dès que les Cosaques se déta
chaient pour leur donner la chasse , ils se reti
roient , desorte qu'on ne put leur faire aucun
prisonnier , ni rien aprendre des mouvemens des
Ennemis.
Le 2. Août , on découvrit encore quelques- uns
de leurs Partis ; et les Cosaques de Migorod en
ayant attaqué un , ils tuerent plusieurs Tartares , eg
firent un prisonnier , qui confirma le raport fai
la vei le par les Espions. Comme les Troupes , aux
quelles le Comte de Munich avoit fait prendre les
devans , n'avoient pu encore être jointes par le
reste de l'Armée qui, conduisant les munitions, ne
marchoit que fort lentement , il leur envoya ordre
de suspendre leur marche , et de ne point s'éloi
gner de la lisiere du bois , de crainte que , si elles
s'avançoient trop dans la plaine , elles ne fussent
envelopées par les Tartares.
Il arr va le lendemain avec la troifiéme division
de l'Armée au Camp , dans lequel ces Troupes
avoient passé la nuit ; et ayant été averti vers les dix
heures du matin de l'aproche des ennemis , il déta❤
cha , pour les reconnoître , les Cosaques du Tanaïs
qui ayant rencontré un de leurs Partis , l'attaque
rent , tuerent 40. hommes , enleverent 40. chevaux
et un Drapeau , et firent huit prisonniers , du nombre
desquels étoient un Lieutenant et un Enseigne
des Janissaires
Cos
2668 MERCURE DE FRANCE
Ces Prisonniers déclarerent que le Sultan de Bia
logrood , étant instruit que le Comte de Munich
n'avoit avec lui qu'une partie de ses Troupes , s'avançoir
pour l'attaquer , et qu'il étoit accompagné
de Wely Pacha et de Mehemet Kirsa , deux des
Officiers Généraux de l'Armée Ottomane , les plus
distingués par leur valeur et par leur habileté . Le
Comte de Munich ne jugea pas que cette nouvelle
dut l'empêcher de continuer sa route vers le Dnies
ter , et il écampa pour marcher vers ce Fleuve,
Il n'en étoit plus qu'à trois quarts de lieuë , lors
qu'on aperçut les Ennemis rangés en bataille dans
une plaine entre les Kivieres de Molokisch et de
Belakischa. Aussi tôt l'avant -garde , commandée
par le Quartier- Maître Général Fermer , et compo
sée de sept Régimens d'Infanterie , d'un Regiment
de Hussards , de 2000. Cosaques et des Calmou
ques de Tschuguewisch , forma par ordre du Comte
de Munich un Bataillon quarré , & alla occuper
une hauteur d'où l'on pouvoit découvrir aisément
tous les mouvemens des Ennemis. Il détacha en
même temps le Prince Antoine Ulrich de Beveren ;
qui , avec trois Régimens d'Infanterie , un de Dragons
, & plusieurs Compagnies de Grenadiers , alla
se poster à la gauche de M Fermer, & il le fit soû
tenir par la troisiéme division , à la tête de laque le
étoit le Lieutenant Feldt- Maréchal Charles de Biron
. Le Général de Lewenwolde s'avança à la droite
avec 4000. hom nes.
Vers une heure après midi , les Ennemis firent
divers mouvemens , afia que le Comte de Munich ,
incertain de l'endroit par lequel ils avoient dessein
de l'attaquer , ne sçut de quel côté il devoit porter
ses principales forces ; & quelque temps après ils
fondirent avec beaucoup d'impétuosité sur l'île
gauche que commandoit le Prince Antoine Ulrich

SEPTEMBRE . 1738. 2069
Beveren. Tous les efforts qu'ils firent pour enfoncer
cette aîle , furent inutiles ; & après être revenus
plusieurs fois à la charge sans avoir pu l'enta.
mer , ils se retirerent avec une perte considerable,
Le mauvais succès de cette attaque ayant jetté quel
que desordre parmi leurs Troupes , et le Comte de
Munich ayant remarqué que plusieurs de leurs
rangs commençoient à s'ébranler , il marcha con →
tre eux avec toutes les Troupes qui n'avoient point
encore combattu . Lorsqu'il fut à une certaine distance
, il fit faire plusieurs décharges d'artillerie
qui leur tuerent beaucoup de monde , & comme ils
n'avoient point d'Artillerie , ils prirent le parti d'a
bandonner le Champ de Bataille , et de repasser le
Dniester.
Le Prince Antoine Ulrich de Beveren s'est fort
distingué dans cette action , auffi - bien que le Comte
de Crafford , & l'Adjudant Géneral Ulitz a eu un
cheval tué sous lui à côté du Comte de Munich,
Avant le combat , l'Armée avoit manqué d'eau pendant
deux jours ; & si les Ennemis l'eussent attaquée
plutôt , les Moscovites épuisés par la soit & par la
lassitude , auroient eu peut-être beaucoup de peine
à leur résister.
Les derniers avis du 6. Août , portent que sur la
nouvelle de la marche des Moscovites , le Sultan de
Bialogrood passa la Riviere de Molokisch , derriere
Laquelle il s'étoit retiré après l'action du 3 , & il
alla occuper des hauteurs qui étoient à la gauche de
P'Armée , et au pied desquelles elle défiloit . Comme
par les mouvemens que firent les Tartares , on jugea
qu'il se disposoient à prendre les Moscovites
en flanc, le Comte de Munich fit alte , afin de donper
le temps aux differentes divisions de l'Armée
de se rassembler , et ayant fait faire un mouvement
aux Troupes , il présenta le front aux Ennemis après
RVOI
2070 MERCURE DE FRANCE
avoir pris des mesures pour couvrir les vivres et les
bagages.
Vers les dix heures du matin , un Corps de Tar
tares descendit dans la Plaine , et attaqua l'aîle gauche
, composée des Troupes qui avoient formé l'ar
riere garde pendant la marche ; un autre Corps des
Ennemis chargea en même-temps l'aile droite, mais
ce dernier Corps fut d'abord repoussé par les Hussards
et par les Cosaques Les Tartares perdant l'esperance
de réussir par des attaques divisées, prirent
le parti de réunir toutes leurs forces en une seule
attaque , et de tâcher de rompre l'aile gauche. Pour
cet effet le Sultan de Bialogrood fit défiler toutes
ses Troupes de ce côté , et il vint fondre sur les
Moscovites , avec une si grande impétuosité , que
Jes Cosaques du Tanaïs eurent beaucoup de peine
soûtenir ses premiers efforts.
La présence du Comte de Munich , qui se transporta
à l'endroit de la principale attaque , ranima
leur courage , et s'étant ralliés , ils obligerent le
Sultan de Bialogrood de reculer à son tour.
Avant qu'ils retournassent à la charge , le Major
Général Philosophow , que le Comte de Munich
avoit posté derriere eux avec quatre Régimens pour
garder les bagages, et qui par leur retraite , étoit resté
découvert , fut attaqué par les Tartares , mais
ceux-ci furent bien- tôt réduits à songer à se défendre
eux-mêmes , lorsque les Dragons soûtenus par
trois Régimens d'Infanterie et par plusieurs Compagnies
de Grenadiers, marcherent au secours du Major
Général Philosophow.
Pendant le Combat , l'Artillerie de campagne fit
un feu continuel sur les Ennemis, qui se retirerent
quatre heures du soir , du même côté d'où ils
toient venus . Il mirent le feu dans la Campagne ,
mais sans beaucoup d'effet , parce que l'herbe étoie
fort
<
SEPTEMBRE. 1738. 207
fort mouillée à cause de la grande abondance de
pluye qui étoit tombée les jours précedens.
Les Troupes demeurerent pendant une heure sur
le Champ de Bataille , et dans le temps qu'elles se
disposoient à se remettre en marche , les Ennemis
reparurent et attaquerent une seconde fois les Cosaques
et les Calmouques , qui étoient postés devant
la seconde et la troisiéme division ; ils ne furent
pas plus heureux que dans leur premiere atta
que ; ils furent repoussés de toute part , et à huit
heures ils disparurent entierement.L'Armée marcha
alors pour aller camper sur le bord du Dniester.
?
Un Courier arrivé de Crimée , a raporté que le
Feldt-Maréchal Lesci , en marchant vers Crim
avoit rencontré un Co ps considérable de Turcs e
de Tartares , qui avoit voulu lui disputer le passage
d'un défilé ; que les Cosaques d'Ukraine , lesquels
étoient à l'avant- garde , avoient eu de la peine à
résister au premier effort des Ennemis ; mais que
cinq Régimens de Dragons et les Cosaques du Tanais
les ayant promptement secourus , les Ennemis
avoient été obligés de se retirer , et qu'on lès avoir
poursuivi pendant près de deux lieues . Ces derniers
ont perdu dans cette action plus de 3000. hommes
; du nombre desquels sont quelques -uns de
leurs principaux Officiers. On leur à enlevé huit
Etendarts , et on a fait prisonniers plusieurs Turcs
de distinction et un des Murses des Tartares.
Le Feldt Maréchal Lesci , assure la Czarine qu'il
n'y a eu que 400. hommes de tués et environ 200:
de blessés du côté des Moscovites . L'Alteman Mas
chyklin , qui commandoit les Cosaques du Tauais ,
a été trouvé parmi les morts , et le Major General
Spiegel a été blessé d'un coup de Sabre à la joie.
ALLEMAGNE
672 MERCURE DE FRANCE
L'Empereur
ALLEMAGNE,
'Empereur , qui avoit apris que les Turcs
avoient levé le blocus qu'ils avoient mis devant
Szrinia , reçut le 12. du mois passé des Lettres par
lesquelles le Comte Ester hasi , Ban de Croatie , lui
rend compte
des mesures qu'il a prises pour secou
fir ce Poste.
Selon les Lettres de ce Lieutenant Feldt -Maréchal,'
quelques Espions lui ayant donné avis que l'Actillerie
des Assiégeans étoit mal gardée , il résolut de la
faire enlever , et pour cet effet ayant détaché le
Major Petrowizki , avec soo . hommes d'Infanterie
er so. Cuirassiers , il envoya ordre au Comman
dant d'un Corps de Troupes campé sous Costaniza,
de faire marcher 1000. hommes vers un endroit où
le Major Petrowizki devoit les attendre , et d'où
il devoit marcher avec ce renfort pour attaquer les
Ennemis.
Le soir , le Comte Esterhasi se mit aussi en mar
che avec ses Troupes , afin de soûtenir le Major Pe
trowizki , et il ordonna à quelques Compagnies de
Hussards de prendre les devans , et d'alier occuper
des hauteurs qui étoient à la vûë du Camp des
Turcs. Pendant la marche il fit tirer plusieurs coup
de fusil, qui ayant été entendus par les Ennemis , leur
firent soupçonner qu'on avoit surpris quelques- unes
de leurs Gardes avancées , et que le Comte Esterhasi
vouloit les attaquer . Incertains du nombre des
Troupes Impériales , ils se retirerent avec d'autan
plus de précipitation , que voyant paroître sur les
hauteurs les Hussards détachés par le Comte Ester .
hasi , ils crurent que c'étoit lui-même qui arrivoit
avec ses Troupes . On dit qu'ils ont laissé dans leu
Camp plusieurs piéces de Canon et beaucoup de
munitions de
guerre,
Le
SEPTEMBRE. 2073 1738.
Le Grand Duc de Toscane ayant eu encore quelques
accès de fievre , il fut saigné le 15. et les Médecins
lui ont conseillé des prendre les Eaux de Spa.
Ce Prince a envoyé à la Duchesse Douairiere de
Loraine deux des Drapeaux pris sur les Turcs dans
l'action près de Méadia.
On mande de l'Armée , que le Comte de Konigseg
reçût avis le 10 du mois pas é , que
les 250.
hommes , auxquels il avoit ordonné de tâcher de
se jetter dans Orsova , y étoient entrés , et que le
Chevalier Campitelli y avoit conduit un Convoy ,
consistant en quatre Barques chargées de muni❤
tions. Le Détachement de Troupes Ottomanes, qui
étoit dans l'Isle de Borez, a laissé passer ces quatre
Barques , et les deux Saïques dont elles étoient escortées
, croyant que c'étoient des Bâtimens Turcs .
Lorsque les Ennemis s'aperçurent que ce Convoy .
prenoit la route d'Orsova , ils détacherent trois petits
Vaisseaux pour s'en emparer , mais le Chevalier
Campitelli en coula deux à fond.
On a apris depuis que le 15. à la faveur
d'un Brouillard , le Séraskier de Widdin avoit urpris
et emporté par escalade , le Forr de sainte Eli-
Zabeth , qui est vis - à -vis d'Orsova , et que le Gouverneur
de cette Place avoit capitulé le 17. parce
que les maladies ayant enlevé la plus grande partie
des Soldats de la Garnison ,il ne lui restoit pas assés
de Troupes pour faire une plus longue résistance .
On a apris en dernier lieu que la Garnison qui a
défendu Orsova , arriva le 29. à Vipa'ank
et que de 2000. hommes dont elle étoit composée ,
elle a été réduite à 750. Les articles de la Capitulation
, que le Séraskier de Widdin lui a accordés ,
n'ont pas été rendas publics , mais on assûre qu'ele
est sortie de la Place avec Armes et Bagages et que
les Assiegeans ont permis au Gouverneur d'immie-
I ner
2074 MERCURE DE FRANCE
Le
ner deux Pieces de Canon . On regrette beaucoup
un train considerable de grosse Artillerie que
Comte de Konigseg avoit fait conduire à Orsova ,
quelque temps avant que les Ennemis en eussent
formé le blocus , et qui étoit destiné au Siege de
Widdin .
Ce
Général
a
mandé
à l'Empereur
, que
les
Turcs
ne se seroient pas rendus si - tôt maîtres d'Orsova ,
si les Eaux du Danube , en diminuant considérablement
, ne leur eussent procuré les moyens de
franchir les bancs de sable dont cette Ville est environnée
, et de donner un assaut géneral , au Corps
de la Place.
Sur les bruits que les Turcs pourroient entrepren
dre le Siege de Belgrade , on met cette Place en
état de faire une longue résistance ; on en a renforcé
la Garnison , et on travaille avec toute la diligence
possible à en augmenter les Fortifications.
Les Ouvriers qui y sont employés , ont trouvé en
fouillant dans la terre , plusieurs Figures de Divinités
, et une grande, quantité de Médailles Grecques
et Romaines.
Trois cent cinquante hommes de la Garnison de
Brood , ont fait une course dans la Bosnie Turque,
et ils y ont pillé plusieurs Villages , mais ayant cu
l'imprudence de revenir par le même chemin , ils
ont été coupés par un détachement des Troupes du
Pacha de Bosnie , et les Ennemis les ont presque
tous taillés en pieces.
Le Bailly du Village de Ratzina , ayant été convaincu
d'avoir servi d'Espion aux Turcs, il fut pendu
le 25. Août dernier à Semendria.
On aprend de Dresde , qu'Elizabeth de Meckelbourg
Gustraw , veuve de Henri , dernier Duc de
Saxe Mersebourg , mort le 28. Juillet dernier, mourut
SEPTEMBRE. 1738. 2075
rut à Dobriluck le 25. Août suivant , et que le 31.
le Roy de Pologne , Electeur de Saxe , prit le deuil
pour la mort de cette Princ sse , qui étoit fille du
Duc Gustave Adolphe de Meckelbourg Gustraw ,
et qui étoit âgée de 69. ans , 11. mois et 12. jours,
étant née le 13. Septembre 1668.
Aussi-tôt après qu'on eut reçû à Dresde la nouvelle
de la mort de la Duchesse Douairiere de Mersebourg,
S. M. envoya prendre possession du Comté
de Speremberg , dont cette Princesse joüissoir
par son Contrat de Mariage .
ITALIE.
E Cardinal Aquaviva , chargé des Affaires du
Royaume des deux Siciles , à la Cour de Rome
, eut le 8. du mois passé une Audience du Pape ,
et il remercia S. S. au nom du Roy des deux Siciles,
de la Bulle de la Croisade qu'elle a accordée
S. M Sic . pour le Royaune de Sicile .
Le peu de succès des représentations que les Religieuses
d'un Monastere de Viterbe avoient faites
au sujet d'un Bâtiment qu'on élevoit dans leur voisinage
, et qui doit ôter une partie de la vie à leur
Maison , les détermina sur la fin du mois passé à en
sortir, ayant la Prieure à leur tête , et à chasser par
force les Maçons et les autres Ouvriers. Elles ont
dépêché à la Cour de Rome , pour obtenir l'absolution
des Censures qu'elles ont encouruës en violant
les Loix de la Clôture.
NAPLES.
E 3. Août , le Roy et la Reine se rendirent à
l'Eglise Métropolitaine , où L. M. entendirent
la Messe , celebrée par le Cardinal Archevêque de
I ij
cette
2076 MERCURE DE FRANCE
cette Ville , lequel fit ensuite la cérémonie de revé
tir le Roy du Collier de l'Ordre de S Janvier.
Leurs Majestés se sont rendues plusieurs fois au
commencement du mois passé à la Foire qui s'est
tenue à l'occasion de leur Mariage , dans la Place
du Château neuf, où l'on avoit construit plusieurs
galeries couvertes , dont les boutiques formoienț
un très-beau spectacle , tant par la maniere dont
elles étoient ornées , que par la varieté et le prix
des Marchandises dont elles étoient remplies. Lạ
Reine prenant beaucoup de plaisir à cette Foire , le
Roy a ordonné qu'elle durât jusqu'au 10.
Un Domestique , que le Commandant du Château
S. Elme avoit congédié , lui tira dernierement
un coup de pistolet , dans la Ville où il passoit en
Carosse ,mais il le manqua.Le Gouvernement a fait
arrêter cet Assassin , qui s'étoit réfugié dans l'Eglise
de la Conception des keligieuscs Espagnoles.
Une Galiotte d'Alger , sur laquelle étoient vingtquatre
Turcs , ayant jetté l'ancre au commence
ment du mois passé , derriere une Anse près du Parage
de Mazara , sur la Côte de Sicile , douze Turcs
descendirent à terre et ils enleverent une femme
et un enfant , mais plusieurs Paysans , que les cris
de la femme attirerent , les poursuivirent jusqu'à
leur Bâtiment , dont ils s'emparerent , et ils firent
les 24. Turcs Esclaves.
?
Entre les Turcs qui étoient demeurés à bord de la
Galiotte , on a reconnu quatre Renegats , dont il y
en a un de Naples , un de Palerme, et deux de Tra
pani. Ce Bâtiment a été conduit dans le dernier de
ces Ports , et on prétend que c'est le même qui a
pris , il y a quelques mois , dans la Mer de Sicile ,
la Felouque sur laquelle étoit l'Archidiacre de l'Eglise
Métropolitaine de Genes, et deux Nobles Genois
de ses parens.
SEPTEMBRE. 1738. 2077
Le Comte de San Istevan ayant reçû le 13. Août
un Courier, par lequel il aprit que S. M C. l'avoit
créé Grand d'Espagne de la premiere Classe , sous
le Titre de Duc de San Istevan , & ce nouveau Duc
étant allé sur le champ donner part au Roy de cette
nouvelle , & lui demander la permission de se démettre
des Emplois qu'il possedoit en cette Cour ,
S. M. a accordé la Charge de Grand- Maître de sa
Maison au Duc de Sora , celle de son Grand Ecuyer
au Prince de Stigliano , & celle de Grand- Maître
de la Maison de la Reine , au Prince Don Barthe
lemy Corsini , Viceroy de Sicile.
ESPAGNE.
A grande quantité de fausses Especes d'or &
d'argent , qui ont été répandues depuis quelque
temps dans le Public , causant un prejudice considérable
au Commerce , le Gouvernement a donné
ordre de faire des perquisitions exactes pour decouvrir
les faux Monnoyeurs , & on en a arrêté plus de
cinquante , tant à Madrid , que dans les Villages
voisins . Trois Chariots ont à peine suffi pour porter
à la Monnoye les Especes fausses qu'on a trouvées
chés ces faux Monnoyeurs .
Ö
GRANDE BRETAGNE.
N écrit de Londres , que le Roy se promenant
seul dans les Jardins du Château de Kensington
, des personnes inconnues lui remirent un Libelle
contenant plusieurs invectives scandaleuses
contre sa Personne et contre le Gouvernement .
Le sieur Forman , Auteur de l'Ouvrage périodi
que intitule le Deyly Post , ayant inséré dans cet
Ouvrage des traits dont la Cour de France a sujet
I iij
de
2078 MERCURE DE FRANCE
de se plaindre , le Comte de Cambis , Ambassadeur
de S. M. T. C. a demandé qu'on réprimât la licence
de cet Auteur.
་ ་
Les obstacles qui retardoient l'accommodement.
de la Cour d'Angleterre avec celle de Madrid ,
ayant été levés , le Roy signa le 9. de ce mois les
articles dont M. Keene , son Ministre en Espagne ,
est convenu avec le Marquis de la Quadra , & qui
doivent servir de base à un nouveau Traité entre
les deux Puissances.
Depuis la ratification de ces Articles , S. M. a
envoyé ordre dans tous ses Ports , de suspendre la
levée des Matelots & les autres préparatifs de guerre
FRANCE.
Nouvelles de la Cour , de Paris , & c .
L&
E premier de ce mois , on célebra , avec les
cérémonies accoûtumées, dans l'Eglise de l'Abbaye
Royale de S. Denis , le Service solemnel qui
s'y fait tous les ans pour le repos de l'ame du feu
Roy Louis XIV. et l'Evêque de Lescar y officia
pontificalement. Le Prince de Dombes , le Comte
d'Eu , le Duc de Penthievre , & plusieurs Seigneurs
de la Cour y assisterent.
Le Comte de Vaulgrenant , ci- devant Ambassadeur
du Roy en Espagne , a été nommé par S. M.
son Ministre Plenipotentiaire auprès de la Czarine.
Le Comte de la Marck , que le Roy a nommé
depuis quelque temps son Ambassadeur Extraordi
naire
SEPTEMBRE.
1738 2079
naire auprès du Roy d'Espagne , a pris congé de
S. M. & il doit partir incessamment pour se rendre
à Madrid.
Le Roy a donné le Gouvernement de Salins
dans le Comté de Bourgogne ,au Comte de la Motte-
Houdancourt , Lieutenant Général des Armées de
S. M. & celui de Mezieres , qu'avoit le Comte de
le Motte-Houdancourt , a été accordé par le Roy
au Chevalier de Saumery , Exempt des Gardes du
Corps.
S. M. a accordé la place de Conseiller d'Etat d'E--
pée , vacante par la mort du Marquis de Bonnac
au Marquis de Fenelon , Ambassadeur de S. M
près de la République de Hollande.
Le 9. de ce mois ; Mrs du Pan ', Buisson , Mussart
& Thelusson , Envoyés Extraordinaires de la
République de Geneve , curent leur Audience publique
de congé du Roy , & ensuite de la Reine ,
de Monseigneur le Dauphin & de Mesdames de France.
Ils furent conduits à ces Audiences par le Che
valier de Saintot , Introducteur des Ambassadeurs,
qui étoit allé les prendre dans les Carosses du Roy
& de la Reine , & après avoir été traités par les
Officiers du Roy , ils furent reconduits à Paris dans
les Carosses de leurs Majestés avec les céremɔnies
accoûtumées.
Le Roy partit du Château de Versailles le 22. de
ce mois , & S. M arriva le même jour a Fontainebleau
, où la Reine se rendit le 24. Monseigneur le.
Dauphin y arriva le 25 .
Le 8. Septembre, Fête de la Nativité de la Vierge,
on chanta au Concert Spirituel du Château des
Thuilleries
I iiij
2080 MERCURE DE FRANCE
Thuilleries, un très - beau Motet de M. de la Lande
qui fut suivi d'un Concerto à trois Choeurs de M. de
Mondonville. Le sieur Barriere executa ensuite une
Sonate de sa composition sur le Violoncelle , laquelle
fut suivie d'un Air Italien , chanté par la
Dlle Bourbonnois , & du Te Deum , Motet à grand
Choeur , avec Timballes & Trompettes , dont l'execution
fut très- aplaudie .
Le 30. Août , M. de Blamont , Sur - Intendant de
la Musique du Roy , fit chanter au Concert de la
Reine à Marly , le Prologue & le premier Acte de સે
son Ballet Héroïque des Fêtes Grecques Romaines,
dans lequel les Dlles Romainville , Rameau , Huquenot
& Mathieu , & les sieurs d'Angerville & Je
liot , chanterent les principaux Rôles.
Le 3. & le 10. Septembre , on concerta les autres
Actes , avec celui de la Féte de Diane , ajoûté en
7733. à cet Opera , dont les deux principaux Rôles
furent remplis par la Dlle Petitpas et par le sieur
Jeliot . Le dernier Concert fut terminé par une Cantatille
du même Ballet , chantée avec beaucoup de
succès par la D le Huquenot .
Le 13. on executa le Prologue & le premier Acte
du Ballet des Caracteres de l'Amour du méme Auteur;
les principauxRôles furent chantés par les Diles
Romainville , Godoneche , Deschamps & Huquenot
, & par les sieurs Dubourg & Benoît. Ce Concert
fut executé au mieux & fit beaucoup de plaisir.
Le 15. 17. & le zo. la Reine entendit en Concert
l'Opera de Proserpine , dont les Rôles furent
très-bien remplis per les Dlles Komainville , Mathieu
, d'Egremont & Deschamps , & par les sieurs
d'Angerville , Guedon & Dubourg.
EXTRAIT
SEPTEMBRE. 1738. 2081
EXTRAIT d'une Lettre écrite de Vienne en
Dauphiné , le 2. Septembre 1738. au sujet
du retour de S. E. M. le Cardinal d'Au
vergne en cette Ville.
de
Ville , où il n'étoit pas venu depuis sa Promotion
au Cardinalat , y a causé une joye universelle
S. E. étoit partie de Lyon en bateau , & comme elle
s'aprochoit de nos murs , on commença à la saluer
par un grand nombre de boëtes, qu'on avoit placées
près du Convent de S. Antoine . A la descente dit
bateau le concours du Clergé , de la Noblesse
& du Peuple , qui venoit de tous les côtés avec em--
pressement , fut si grand , qu'il ne fut pas possible à
S. E. de se servir d'aucune voiture pour se rendre
au Palais Archiepiscopal. En traversant à pied les
rues , qui étoient bordées par la Bourgeoisie sous
les Armes , elle eut encore la douce satisfaction de
voir une nouvelle foule de Peuple , qui ne pouvoit
se lasser de lui marquer son contentement par les
démonstrations de la joye la plus vive .
Arrivé à son Palais sur les trois heures après midy
, ce Prélat si chéri , fut d'abord harangué avec
beaucoup d'éloquence & de dignité par le Doyen
de la Cathédrale , à la tête du Chapitre ; les autres
Corps vinrent successivement s'acquitter du même
devoir , & le reste de la journée se passa à recevoir
les visites & les Complimens des principaux Ha➡
bitans,
La nuit étant venue , tous les differens quartiers
de la Ville parurent comme en feu , par une Illumination
générale , où chacun tâcha de se distinguer.
On avoit pratiqué vis- à-vis de l'Archevêché
une Illumination particuliere avec des Lampions ,
I v qui
2082 MERCURE DE FRANCE
qui figuroient ces mots , Vive le Cardinal d'Auver▲
gne ; & cette Illumination fut accompagnée d'un
Feu d'artifice , qui fut parfaitement bien executé .
s Communautés Religieuses , qui ont leur Monastere
sur la hauteur , en avoient aussi artistement
illuminé toutes les façades , ce qui formoit un coup
d'oeil des plus charmans ; enfin tout le monde généralement
s'est empressé à signaler sa joye , & i
ne seroit pas possible d'en décrire toutes les Dé--
monstrations , qui ont duré presque toute la nuit ,
mais on peut dire que la source de cette joye étant
dans le coeur , elle ne cessera qu'avec la vie de nos
Habitans .
REPONSE à une Lettre écrite de Salins,
au sujet de la Pension d'Alfort.
V.
Ous demandez , Monsieur , si un Enfant de
treize à quatorze ans ; qui sçait à peine lire &
écrire , pourroit encore profiter des instructions que
l'on donne dans la Pension d'Alfort , instructions
dont on a vû le détail dans le Mercure du mois de
May dernier.
Il ne faut , M. pour vous répondre , que mettre
içi un article que je retranchai de mon premier Memoire
, parce que je ne le crus pas nécessaire , &
sur tout parce que je voulois abreger ; j'espere que
vous en serez satisfait ; le voici,
Bien des jeunes gens, pour avoir quitté trop tôt les
études ou pour les avoir négligées dans l'enfance,
se trouvent ensuite extremement foibles sur toutesles
parties de la Litterature . Il leur prend quelquefois
envie de réparer cette perte des premieres années ,
mais ils n'en trouvent pas toujours les moyens . On
les recevra volontiers dans la nouvelle Pension , &
Pon tachera de raprocher en leur faveur tout ce
qu'il
SEPTEMBRE. 1738. 2083
qu'il y a de plus utile dans les Sciences ; on les remettra
d'abord sur les voyes de la Grammaire,& on
leur fera voir , tant en François qu'en Latin , les
Auteurs les plus propres à fournir des Notions exac
tes sur la Morale , le Droit , la Physique ; on les
exercera sur toutes les Sciences Historiques , sur
l'Arithmétique & la Géométrie , sans négliger la
perfection de la lecture & de l'écriture , que l'on
cultivera toujours avec soin . C'est pourquoi l'on ose
dire que de tels Sujets passeront utilement chés
nous deux ou trois années . Je suis , &c.
Au reste , le Plan qu'on a vû de cette nouvelle
Pension , n'est pas un simple Projet , comme quelques-
uns l'ont cru , il s'agit d'un Etablissement qui
subsiste & qui est.commencé depuis quelque temps .
à Alfort , au -dessus du Pont de Charenton , à une ›
bonne lieuë de Paris . On peut s'adresser à Paris , à..
M. de Villeneuve , chés M. l'Abbé Marin , Clerc
ordinaire de la sainte Chapelle , dans le Cour du
May , au Palais ...
E
MORTS.
E: 3. May dernier , Gui Antoine de S. Simon ››
Seigneur Marquis de Courtomer , Haut Justi
cier de Gasprée , Comte de Montreuil- Bonin
Seigneur de la Motte-Fouqué , Montgoubert , &c .
Châtelain de Pescoux , mourut dans son Château
de Courtomer , Diocése de Séez en Normandie ,
âgé de 42 ans. Il avoit été reçû de minorité Che
valier de l'Ordre de S. Jean de Jerusalem au Grand
Prieuré de France le 21. Mars 1700. Il fut fait au
mais de Novembre..17.15. Enseigne des Gardes, di
I vj Cozps
2084 MERCURE DE FRANCE
Corps de feue Madame la Duchesse de Berri ; il es
devint depuis Lieutenant , et ensuite Capitaine par
Brevet du premier May 1719. Il obtint aussi dans
le même temps un Brevet de Mestre de Camp de
Cavalerie . Après la mòrt de Jacques Antoine de
S. Simon , Marquis de Courtomer , son frere aîné
Colonel du Régiment de Soissonnois , arrivée au
mois de Juin 1724. sans posterité , il quitta la Croix
de Malthe . Il étoit fils de Claude Antoine de Saint
Simon , Marquis de Courtomer , mort le 14. Octobre
1705. âgé de 52. ans , et de D. Jeanne de
Caumont de la Force , morte le 8. May 1716. et ik
avoit été marié le 20. Décembre 1725. avec Dame
Marie-Magdeleine de S. Remy , fille et unique
héritiere de feu Jean - Jacques de S. Remy , Marquis
de Cossé , Seigneur de la Motte-Fouqué , Montgoubert
, &c. et de D. Marie - Therese de Montgommery.
Il en a laissé trois enfans , deux fils , et
une fille . L'aîné des fils , âgé de 11. ans , est Pensionaire
au College des Jésuites à Paris ; et le cadet,
âgé de 4. ans , est Chevalier de l'Ordre de S. Jean
de Jerusalem,
On n'a pu annoncer cette mort dans les précédens
Mercures ,n'en ayant été informé que par un Memoire
nouvellement envoyé.
Le 25. Août Louis Fouquet , Marquis de Belle-
Isle , Baron de Villars , Seigneur de Pomay , mourut
à Paris , âgé de 77. ans , trois mois . Il étoit
troisiéme et dernier fils de Nicolas Fouquet , Vicomte
de Vaux , et de Melun , Marquis de Belleisle
en Mer , Ministre d'Etat , qui avoit été Surintendant
des Finances , et Procureur Général du Parlement
de Paris , mort le 23. Mars 1680. et de Dame
Marie Magdeleine de Castille de Villemareuil ,
morte le 12. Décembre 1716. âgée de 83. ans . Le
Marquis de Belleisle avoit épousé D. Catherine-
-
Agnès
SEPTEMBRE. 1738. 2083
Agnès de Levis , morte le 12. Juin 1729. à l'âge de
69. ans , fille de Charles de Levis , Comte de Charlus
, Lieutenant Général pour le Roy au Gouver
nement de Bourbonnois , et de D. Louise de Beauxoneles.
Il en laisse Louis-Charles-Auguste Fouquet
de Belleisle , Comte de Gisors , d'Andely , Vernon ,
et Lihous , Chevalier des Ordres du Roy , Lieute
nant Général de ses Armées , Gouverneur de la
Ville et Citadelle de Metz , et du Païs Messin
Louis- Charles- Armand Fouquet Chevalier de
Belleisle , Maréchal de Camp, de la Promotion du
24. Février dernier ; Marie- Anne - Magdeleine Fouquet
de Belleisle , mariée avec Marc - Antoine Valon
, Baron de Montmain , et de Grosbois , en
Bourgogne et Marie-Magdeleine Fouquet de
Belleisle , veuve depuis le 18 Juillet 1732. de Louis
Marquis de la Vieuville .
y
Le nommé Guissant , Habitant de la Paroisse de
Rubertré , dans le Perche , y est mort le 15. Août
âgé de 110. ans.
Le 27. Jean- Baptiste de Johanne de la Carre
Comte de Saumery , Gouverneur de Salins dans le
Comté de Bourgogne , ci-devant Lieutenant Général
au Gouvernement d'Orleanois , & Premier
Maître d'Hôtel de feue la Duchesse de Berri , &
autrefois premier Guidon de la Compagnie des Gendarmes
de la Garde du Roy , mourut à Paris , dans
la 74. année de son âge , étant né à Chambord , le
29. Mars 1665. Il étoit second fils de Jacques de
Johanne de la Carre , Marquis de Saumery , Maréchal
des Camps & Armées du Roy , Gouverneur ,
& Bailli de Blois , & Capitaine du Château & Parc
de Chambord , mort le 4. May 1709. à l'âge de
87. ans , & de Catherine Charron de Menars ; & il
avoit épousé au mois de Janvier 1683. Marie-Magdeleine
de Lissavide , morte le 9. Septembre 172-3
âgéo
J
2086 MERCURE DE FRANCE

و ت
âgée de 5 ans . Elle étoit fille de Louis de Lissa
vide , Commissaire ordinaire des Guerres au Département
de Dauphiné, & de Denise Oudart . Il en
avoit eu plusieurs enfans , dont il reste entr'autres
Alexandre-François de Johanne de la Carre , Comte
de Saumery; Chevalier de l'Ordre Militaire de Saint
Louis , ancien Officier de Vaisseaux du Roy , &.
Alexandre de Johanne , Chevalier de Saumery ,
Exempt des Gardes du Corps du Roy , & Mestre de
Camp de Cavalerie , Il est parlé de la Famille de
Johanne dans un grand nombre des précédensMercures
, mais entr'autres dans celui du mois de May,
1726. p 1068. & suivantes , où l'on a inseré un,
ample Mémoire généalogique..
Le même jour , Pierre Rossignol d'Anneville ,
ci- devant Envoyé du Roy auprès des Princes d'Al- .
lemagne , & ensuite à Genes , mourut à Paris , âgé
d'environ 67. ans. ›
Le mêmejour , D. Rose- Charlotte - Marie Senant¸ !
épouse de Philibert François Thiroux , Seigneur de
Gerseuil , Conseiller en la Cour des Aydes de Paris
, & l'un des Régisseurs de la Ferme générale
des Postes de France , mourut d'une maladie de
poitrine à Paris , âgée de 32. ans . Elle étoit fille
de Jacques Senant , de la Ville de Nantes en Bretagne
, Seigneur de Gravelles , & de Marie Deschamps
.
.
Le premier Septembre , Jean Louis d'Usson
Marquis de Bonnac , Seigneur du Pays souverain .
de Donezan , & c. Conseiller d'Etat d'Épée , Che- ‹
valier d'Honneur au Parlement de Touloufe , Liettenant
de Roy Commandant pour Sa Majesté dans
la Province de Foix , Gouverneur des Châteaux
d'Usson & de Querigut Chevalier de l'Ordre
Militaire de S. Louis & de S. André de Russie
Maréchal des Camps & Armées de Sa Majesté
->
+
mourut
SEPTEMBRE. 1738. 2087
mourut à Paris d'une attaque d'apoplexie , âgé
environ 66. ans. Il étoit originaire du Pays de
Foix , & d'une ancienne Noblesse , ses ancêtres y
ayant été fort puissans , & possedé des Emplois
considerables . Le feu Roy lui ayant connu beau-.
coup de talent pour les Négociations , le nomma ,
son Envoyé extraordinaire dans diverses Cours d'Al- .
lemagne d'abord auprès du Roy de Suede , en ,
1701. dans le temps que ce Prince étoit avec son
Armée en Pologne , puis auprès du Roy. Stanislas de ,
Pologne , qu'il reconnut au nom du Roy en cette :
qualité , & qu'il suivit à l'Armée jusqu'à ce que ce
Prince , après la Bataille de Pultava , fur obligé de
sortir de Pologne dans ce temps - là le Marquis de .
Bonnac ayant demandé la permission de retourner
en France , le Roy la lui accorda , & il y arriva au,
commencement de 1710
En.1711 . Sa Majesté le choisit pour aller en Espa.. ·
gne , en qualité d'Envoyé Extraordinaire , afin d'en.
gager le Roy d'Espagne à établir par des Pleinspouvoirs
le Roy son Ayeul , son Piénipotentiaire ,
pour lier la négociation de la Paix , qu'on avoit entamée
avec la Cour d'Angleterre , le Marquis de ;
Bonnac réussit parfaitement bien dans cette commission
, qui étoit très-difficile , par l'indisposition .
où étoit alors la Cour d'Espagne depuis les Négo--
ciations de Gertrudemberg ; il dépêcha deux jours
après son arrivée à Madrid un Courier au Roy ,
qui portoit le Plein -pouvoir du Roy, son Petit - fils ,.
que l'on souhaitoit .
Sa Majesté le nomma,pendant qu'il étoit encore ,
en Espagne, à l'Ambassade de Constantinople ; il ne
partit qu'en 1716. & il arriva en cette Ville dans le
mois d'Octobre de la même année. Il sçut si bien
ménages l'esprit des Ministres de la Porte , qu'il y,
fut dans une très- grande consideration pendant les
neut
2688 MERCURE DE FRANCE
neuf ans que dura son Ambassade. Il y avoit alors
trente ans qu'on sollicitoit la permission de réparer
la grande voûte du principal Dôme de l'Eglise du
S. Sepulchre de Jerusalem , qui tomboit en ruine ,.
sans pouvoir l'obtenir. Le Marquis de Bonnac eur
le bonheur d'y réussir malgré la superstition religieuse
des Turcs , qui défend de réparer les Eglises :
des Chrétiens , & malgré les intrigues des Grecs.
Schismatiques qui s'y oposoient, & qui continuoient
de faire des présens considerables aux Grands de la
Porte pour empêcher cette réparation. Dès qu'elle
fut achevée , le Marquis de Bonnac détermina le.
Grand Seigneur à envoyer une Ambassade solemnelle
au Roy , & fournit à l'Ambassadeur un Vaisseau
pour le transporter en France . Cette Ambassade
est la premiere que nos Rois ayent reçu des
Empereurs Ottomans , & eut cela de particulier
que le Grand Seigneur ayant fait une chose trèsagréable
au Roy , en ce qui concernoit l'Eglise du
S. Sepulchre , & pour laquelle le Sultan étoit en
droit d'attendre des remerciemens , M de Bonnac
en fit faire à S. M. par S. H. & cela par une Ambas
de solemnelle. Cet e Ambassade fut le sujet
d'une très - belle Médaille frapée pour le Roy , dont
la gravûre se trouve dans le Mercure d'Août 1722
P, 144
L'Ambassade du Marquis de Bonnac à la Porte
Ottomane fut distinguée par un autre Evenement
considerable. La confiance qu'avoient en lui le
Grand Seigneur , & le Czar de Moscovie , qui étoit
encore aigri par la Paix forcée qu'il avoit été obligé
de conclure avec les Turcs , sur les bords de la
Riviere de Prout , fit que ces deux Puissances le
choisirent pour Ministre Médiateur , à l'occasion
des troubles de Perse , & de l'invasion que le Czar
avoit faite dans quelques Provinces de ce Royau-
3
me
SEPTEMBRE . 1738. 208.9
me ; it s'engagea à cette Médiation en qualité de
Plénipotentiaire du Roy , & il eut le bonheur de la
terminer à la satisfaction des deux Parties & avec
l'aprobation du Roy . Il obtint du Grand Seigneur
à cette occasion une magnifique Peliffe de Marte
Zibeline , & en même temps l'Audience de congé
de Sa Hauteffe ; honneurs qui n'avoient été accor
dés à aucun autre Ambassadeur de France avant
lui. Le Czar d'un autre côté l'honora du Collier de
son Ordre de S. André , & le Roy lui permit de
l'accepter & de le porter . La Médiation de la France
entre la Porte & la Moscovie , est le sujet d'une
autre Médaille frapée pour le Roy , & gravée dans
le Mercure d'Octobre 1326. pag. 209. avec un
Article qui regarde le Ministre Médiateur , &c.
Sa Majesté l'honora aussi à son retour de Constantinople
, d'une Lettre par laquelle Elle l'associe à
son Ordre du S.Esprit ; le Roy le nomma ensuite a
P'Ambassade de Suisse , pour laquelle il partit dans
le mois de Novembre 1727. ; & quelques années
après , le Roy , toujours content de ses Services
lui accorda un Brevet de Conseiller d'Etat d'Epée ;
mais les incommodités dont it fut attaqué en Suisse
, l'obligerent à demander la permission de venir
passer quelque temps en France pour s'y rétablir , il
y arriva dans le mois d'Octobre 1736. & voyant
que sa santé étoit toujours foible , il se démit de
cette Ambassade entre les mains de Sa Majeste,neuf
mois après.
Le Marquis de Bonnac laisse une veuve , fille du
Maréchal Duc de Biron , & dixenfans, dont il y a 6.
garçons, l'aîné desquels , apellé le Marquis d'Usson,
âgé de 21. ans , est Capitaine dans le Régiment de
Touraine Infanterie .
Nous profitons de cette occasion pour constater
un Fait historique , qui est entierement à la gloire
Logo MERCURE DE FRANCE
du Roy , & à l'honneur de la Nation , lequel n'est
touché ci-dessus qu'en passant ; sçavoir que l'Ambassade
solemnelle de Mehemet Effendi , envoyé
au Roy par le G. S. en l'année 1721. avoit pour
principal objet de venir assûrer S. M. qu'en consequence
de son intervention , & de la Protection
dont elle veut bien honorer les Religieux Latins
de Jerusalem , S. H. avoit d'abord donné tous
les commandemens nécessaires , pour faire les
importantes réparations dont il s'agissoit , & qu'enfin
tous ces ouvrages se trouvoient heureusement &
parfaitement achevés.
La preuve la plus autentique qu'on puisse donner
de ce Fait , se trouve dans les Lettres mêmes dont
l'Ambassadeur de la Porte fut chargé pour le Roy ,
Pune du G.S. l'autre du Grand Visir Ibrahim Pacha,
son Gendre , Lettres dans lesquelles il n'est parlé
d'autre chose. M. le Marquis de Bonnac quelque
temps après son retour de Constantinople , voulut
bien nous accorder une Copie de ces Lettres , donti
il avoit négocié le sujet & l'expedition . Les Copies
sont écrites par l'un de ses Sécretaires , qui nous
les remit par son ore avec une Lettre du r6 . Octobre
1727.
re-
Deplus , il paroît par un Ouvrage public , imprimé
en 1726. dont nous avons parlé dans le
Mercure de Fevrier 1727. qu'à l'occasion de l'arrivée
du Marquis de Bonnac au Port de Toulon ,
venant de Constantinople , il fut composé une
Inscription par ordre des Consuls de cette Ville ,'
laquelle fait expressément mention du sujet de
Ambassade de Mehemet Effendi à la Cour de
* INSCRIPTIONES ad res notabiles spectantes , ¿có
Authore D. Henrico Ferrand Tolonensi , &c . in-
4°. 1726
France ,
SEPTEMBRE. 1738. 2097
France , & cette Inscription étoit destinée pour ,
avec quelques autres du même Auteur , composées
sur des Faits historiques , orner la Salle de l'Hôtel
de Ville . Voici l'Inscription .
JOANNI LUDOVICO D'USSON
MARCHIONI DI BONNAC
Agminis Ductori
LUDOVICI XV. Bizantii Legato
Religione & Commercio protectis ,
Instaurata Sancti Sepulchri
Farnicis per Oratorem Mehemet Effendi
Rege certiorefacto ,
Nevis honoribus à Turcarum
Et Russio Imperatoribus ornato ,
Legatione novem annorum.
Feliciter peracta ,
Consules & Civitas Tolonensis
Poni CC.
ARNO M. DCC . XXV .
Le 11. Septembre , Barthelemi-Robert Drouet ,
Seigneur de Basancour , Châteauperre , &c. Greffier
en chef Criminel du Parlement de Paris , depuis
1735. Secretaire du Roy , Maison Couronne de
France & de ses Finances , depuis 1736. Bailli ,
Juge ordinaire , Civil , Criminel , & de Police du
Bailliage Royal de Meucon , & ci- devant Greffier
de la Chambre de la Tournelle Criminelle , mou
dont rut âgé d'environ 47. ans . Il laiffe deux fils ,
l'ainé n'a que douze ans , & une fille en bas âge. »
Nombre
1092 MERCURE DE FRANCE
Nombre des Baptêmes , Mariages , Enfans
Trouvés,& Morts de la Ville & Fauxbourgs
de Paris pendant l'année 1737. sçavoir :
Baptêmes ,
Mariages ,
Enfans Trouvés ,
Morts ,
Maisons Religieuses Hommes
& Filles ,
19767
4198
2914
182922
18678
385
1089
Partant le nombre des Baptêmes de l'année
1737. excede celui des Morts de
Le nombre des Baptêmes de l'année
1737. excede celui de 1736. de
Celui des Mariages est augmenté de
Celui des Morts est diminué de
890
168
222
Celui des Enfans Trouvés est augmenté de 233
ARRESTS NOTABLES.
ARREST du Parlement au sujet des Mou- lins Eau , & c.
On vient de juger en la Grand'Chambre du Parlement
, le Procès qui y étoit pendant depuis plu→
sieurs années , entre les Proprietaires des Maisons
du Pont au Change et Mad . et Mesdiles le Cocq ,
comme ayant repris l'inftance au lieu de défunt M.
le Cocq , Maître des Requêtes Honoraire , en préfence
de Mrs les Prévôt des Marchands et Echevins
de cette Ville , au sujet des Moulins sur Bâ→
teaux qui sont près le Pont au Change , apartenant
à Mad. et Mesdlles le Cocq.
Lea
SEPTEMBRE. 1738. 2095
?
Les Proprietaires des Maifons du Pont au Chan
ge avoient présenté leur Requête au Parlement
tendante à ce que les Moulins fur Bateaux , qui
étoient à l'iffue des Arches du Pont au Change ,
Fuffent éloignés de 20. toifes du Pont , avec défenſe
de les attacher aux anneaux , mais feulement à des
pieux qui feroient plantés en la Riviere ; leurs
Moyens étoient que le feu pouvoit prendre à ces
Moulinsfoit par la négligence des Meuniers , foit
par l'Incendie d'autres Bateaux , comme il en eft
arrivé plufieurs fur la Riviere , et que cela cauferoit
l'Incendie de toutes les Maifons du Pont ; que ces
Moulins nuifoient à la Navigation et étoient cauſe
que les Trains de bois venoient heurter contre les
Arches ; que l'effort des Moulins qui tiroient contre
le Pont , pouvoit l'ébranler et en déranger les Pi
les et on prétendoit qu'il y avoit en effet quelques
dégradations au Pont , enfin que les Moulins empêchoient
de puifer de l'eau dans les Maiſons visà
- vis defquelles ils étoient placés .
Les Proprietaires des Moulins foûtenoient , au
contraire , que tous ces inconveniens étoient chimériques
, ils faisoient valoir l'utilité de ces Mou
fins , et repréfentoient que fi on les obligeoit d'é
loigner leurs Moulins,ils ne pourroient prefque plus
travailler , parce que l'eau n'a de force qu'à la for
tie des Arches.
Cependant par un premier Arrêt rendu à l'Audience
en 1734. il fut ordonné que par provifion
et fans préjudice du droit des Parties au principal ,
en attendant qu'il en fut autrement ordonné par la
Cour, les Moulins feroient defcendus à fix toiles du
Pont , ce qui fut executé.
Et par un fecond Arrêt définitif, rendu le 30.Juil
let 1738. au raport de M. L'Abbé Lorenchet , il a
été ordonné que les Moulins demeureront à la distance
2094 MERCURE DE FRANCE
5
tance de fix toifes du Pont , et néanmoins on a pers
mis aux Meuniers de les attacher aux anneaux de
fer qui font fcellés dans les piles du Pont ; à l'égard
des réparations que l'on prétendoit qui étoient à
faire au Pont , il a été ordonné que le Pont feroit
ú & visité.
EDIT du Roy , portant fupreffion de tous les
Offices de Controlleurs Clercs- d'eau.Donné à Verfailles
au mois de May 1738. Regiftré en Parlement
le 12. Août fuivant.
DECLARATION DU ROY , qui fixe le
nombre des Juge et Confuls de la Ville d'Amiens
Donnée à Versailles le premier Juillet 1738. Regiftrée
en Parlement le 19. dudit.
> comper
ARREST du même jour , qui proroge pour us
an à du 15. Octobre prochain au 15. Oc.
tobre 1739. l'exemption des droits portée par l'Arrêt
du 23. Septembre 1732. fur les Bleds et Légu
mes qui feront tranfpotés des Provinces des cinq
groffes Fermes , dans les Provinces réputées Etran
geres ; et des Provinces réputées Etrangeres , dans
celles des cinq groffes Fermes.
J
APROBATION.
'Ai lu par ordre de Monseigneur le Chancelier
le Mercure de France du mois de Septembre , &
J'ai cru qu'on pouvoit en permettre l'impression . A
Paris , le premier Octobre 1738 .
HARDION.
"TABLE
TABLE.
IECES FUGITIVES. L'Illusion des Plaisirs
Pode,
1883
Réponse d'un Avocat , aux Questions de Droit ,
proposées , & c.
Ode imitée d'Horace , & c.
Essai sur l'Histoire du Nivernois , &c.
Le Cotentin , Ode ,
1888
1896
1899
1906
1925
Examen Historique sur les Jeux de hazard,&c.1908
Portrait de l'Opinion , Ode ,
Lettre au sujet des Cryptes ou Chapelles soûterraines
, &c .
La Peine du Talion , Poëme?
1929
1933
Memoire sur les Machines Hydrauliques, &c. 1937
Madrigal > 1956
Remarques & Réponse sur un Mémoire an sujet de
la figure de la Terre ,
Déclaration ,
Lettre sur quelques Sujets de Litterature ,
1957
1965
ibid.
Epigramme ,
198,5
Lettre au sujet des Pierres de foudre , 1986
Enigme , Logogryphes , & c. 1988
NOUVELLES LITTERAIRES , DES BEAUX- ARTS ,
& c.
1991
Mizirida , Princesse de Firando, 199.4
Nouveaux Amusemens , & c. 1997
Matiere Médicale , & c. 2002
Oraisons Funebres , & c.
2004
Livres des Pays Etrangers , 2006
Programme de l'Académie de Bordeaux ,
Avis sur les Cadrans Solaires ,
Avis sur le gran ! Dictionaire Géographique de
Bruzen la Martiniere , & c. 2011
Prospectus
2007
2009
Prospectus d'une Collection de Lampes antiques;
& c . 2013
Extrait d'une Lettre au sujet de quelques Catalogues
de Livres , & c.
Livres nouveaux , publiés à Rome , &c .
Estampes nouvelles , & c .
Nouvelle Mappemonde de M. de Gourné ,
Chanson notée ,
Extrait des Plaidoyers & autres Exercices ,
College des Jésuites ,
Examen de la Cause & Jugement ,
Spectacles. Le Menteur , le Sicilien , & c .
2016
2019
2020
2022
2024
faits au
2025
2050
2055
Nouvelles Etrangeres , de Constantinople, de Smir- ne, & c.
Russie , & Allemagne ,
Italie & Naples ,
Espagne & Grande- Bretagne.
2058
2064
2075
2077
France , Nouvelles de la Cour , de Paris , &c. 2078
Extrait d'une Lettre de Vienne en Dauphiné , au
sujet du retour du Cardinal d'Auvergne , 2081
Réponse à une Lettre au sujet de la Pension d'Alfort
, & c .
Morts , &c.
2082
2083
2092 Arrêts Notables ,
Fante à corriger dans ce Livre.
Page Age 2019. ligne 20. il , ôtez ce mot.
La Chanson notée doit regarder la page 2024
MERCURE
Aune
autres
224'
Χει
louve laj
DE FRANCE ,
1 1
DEDIE AU RO r.
OCTOBRE.
QURICOLLIGIT
1738.
SPARGIT
Chés
Papillows
A PARIS ,
GUILLAUME CAVELIER
ruë S. Jacques.
La Veuve PISSOT , Quay de Conty ,
à la defcente du Pont Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais .
M. DCC. XXXVIII.
Avec Aprobation & Privilege du Roy
LA
A VIS.
'ADRESSE generale eft à
Monfieur MOREAU , Commis als
Mercure , vis - à - vis la Comédie Frangoife
, à Paris. Ceux qui pour leur commodité
voudront remettre leurs Paquets cachetés
aux Libraires qui vendent le Mercure,
à Paris , peuventfe fervir de cette voye
pour les faire tenir.
On prie très-inftamment , quand on adreffe
des Lettres ou Paquets par la Pofte , d'avoir
foin d'en affranchir le Port , comme cela s'eft
toujours pratiqué , afin d'épargner , à nous
le déplaifir de les rebuter , & à ceux qui
les envoyent , celui , non-feulement de ne
pas voir paroître leurs Ouvrages , mais
même de les perdre , s'ils n'en ont pas gardė.
de copie.
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les Particuliers qui fouhaiteront
avoir le Mercure de France de la
premiere
main , & plus promptement , n'auront
qu'à donner leurs adreſſes à M. Moreau ,
qui aura foin de faire leurs Paquets fans
perte de temps , & de les faire porter sur
l'heure à la Pofte , ou aux Meffageries qu'on
Lui indiquera.
PRIX XXX. SOLS.
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROT.
OCTOBRE. 1738.
PIECES FUGITIVES ;
B
en Vers et en Prose.
LA COLIQUE.
O D E.
OUREAU cruel , impitoyable
Hydre prête à me dévorer ,
A quelle torture effroyable ,
Colique , viens-tu me livrer ?
Faut-il qu'une innocente vie ,
Sans cesse à ta rage asservie
Succombe enfin sous ton effort ??
A ij Ou ?
2096 MERCURE DE FRANCE
Ou , par quelque affreux sacrilége ,
Suis -je indigne du privilege
De mourir d'une seule mort ?
*
A peine je vis la lumiere ,
Que j'éprouvai tes traits perçans ;
Barbare , tu fus la premiere
Pour qui j'eus un corps et des sens .
A peine je commençai d'être ,
Que la Parque me fit connoître
Les maux qui m'étoient deſtinés ;
Et ma fin qui sembloit prochaine ,
Montra dè quels doigts l'inhumain .
Filoit mes jours infortunés.
Inézotables Euménides ,
*
Dont la main fatale aux pervers ,
Va poursuivre leurs parricides
Sur le Trône et dans les Deserts ;
'Au prix de ce Monstre funeste ,
Vos Serpens , la terreur d'Oreste ,
Rendoient ses regards assûrés ;
Et les feux que vous allumâtes
Au sein des Turnus , des Amates ,
Causoient des transports modérés.
*
Quel
OCTOBRE . 1738. 2097
QQuel bras contre moi se déploye
Quel Dieu s'arme contre mes jours ?
Mes flancs deviennent-ils la proye
Ou des Corbeaux ou des Vautours ¿
Dans la douleur qui me possede ,
Je ne connois plus de remede
Que les cris et le désespoir ;
Et mettre un frein à leur licence ,
Est tout ce que ma patience
Ose entreprendre et croit pouvoir,
Acheve , homicide Furie ,
*
Poursui l'objet de ton courroux ;
-Sur ce qui me reste de vie
Epuise tes traits et tes coups.
Que ta dure persévérance
Hâte enfin, pour ma délivrance,
Le fatal ciseau d'Atropos !
Mais après des tourmens sans nombre ;
Daigne au moins respecter mon ombre ;
Ne viens plus troubler mon repos.
A iij SUITE
2098 MERCURE DE FRANCE
SUITE de l'Examen Historique sur les Jeux
de Hazard , &c.
stueux
Es Jeux des Tales ou des Dez, ceux des.
Piles ou Balles , et ceux des Astragales
ou Osselets , tous exprimés en général sous
le terme d'Alea , sont les plus anciens Jeux
de hazard que les Grecs et les Romains
nous ayent fait connoître ; Suetone dans la
Vie de l'Empereur Claude , dit que ce Prince
dans sa jeunesse avoit composé un Traité
du Jeu des Dez, qu'il aimoit passionément
et Seneque , en plaisantant sur sa mort , par
une imitation de la Fable des Danaides , représente
cet Empereur occupé dans les Enfers
à mettre des Dez dans un Cornet percé,pour
continuer à se récréer à ce Jeu.
,
Chaque Jeu joué avec des Astragales
avoit ses Astragales ou piéces agissantes ,
lui en propre , taillées d'une forme particuliere
, soit que ces piéces fussent d'yvoire, de
bois , de pierre , ou de métal ; ces distinctions
de formes étoient d'autant plus nécessaires
, que ces piéces dans beaucoup de
Jeux , n'étant point chargées de Lettres alphabétiques
, ni de points numéraires , comme
les Tales , où les Piles à facettes , les .
Joueurs n'auroient pu , que mal-aisément ,
se
;
OCTOBRE. 1738.. 2099
"
se ressouvenir de la marche que chacune
d'elles devoit faire et par conséquent
leur attention auroit été plus gênée dans
l'action , sans le secours de ces differentes
formes , qui rapelloient le souvenir de la
manoeuvre de chaque Jeu ; ces manoeuvres›
se faisoient sur des Planispheres , Tables , our
Tabliers , divisés par Cases,d'un nombre déterminé
pour chaque Jeu , à proportion de
celui des Piéces , faites pour y agir : le plus
ancien Tablier qui nous soit connu , est
Echiquier , qui tient son nom de la disposition
de ses Cases , qui ordinairement sont
de deux couleurs oposées l'une à l'autre ; &
les plus anciennes Piéces qui se soient placées
dessus , sont les Calculi , et les Latrunculi
, celles - ci eurent ce nom de ce qu'elles
étoient taillées en forme de petits Soldats , destinées
pour en enlever d'autres , et faire ainsi
l'action de Larrons . Les Calculi étoient des
pierres plattes , dont souvent on se servoit
pour compter et calculer , d'où elles eurent
leur nom , qui a été changé en celui de
Dames , d'où l'Echiquier a été apellé Damier.
Dans la basse Latinité , les termes de Latrones
, et de Miles étoient synonimes pour
désigner un Homme de Guerre ; c'est ce qui
paroît par tous les vieux Glossaires : les
Francs en arrivant dans les Gaules , et avant
A.iiij qu'on
2100 MERCURE DE FRANCE
qu'on leur eût distribué des Terres à titre de
Fiefs , pour leur tenir lieu de solde militaire ,
ne vivoient que de rapines on a sur cela
l'histoire du Soldat que tua Clovis , sur ce
qu'il ne vouloit pas restituer , ou plutôt
qu'on restituât un Vase sacré pris dans l'Eglise
de Rheims , de peur que cela ne diminuât
son droit de capture ; il est donc naturel
que des piéces faites pour servir de Jeux
à des Soldats , et ayant la forme de ces Soldats
, ayent été apellées Latrunculi, et ensuite
, Pions , Champions , & Cavaliers , pour
montrer que l'action de ces piéces étoit de
se ravir les unes les autres , comme des Soldats
qui en font d'autres prisonniers à la
Guerre .
Les Jeux de hazard ont donc toujours été
des images de la Guerre ; comment la chose
ne seroit-elle pas , puisque indépendamment
de l'action du Jeu , la passion qui s'y
joint , fait ressembler deux Joueurs à deux
Champions , qui en combattant , avancent
ou reculent , selon que chacun y est forcé
par la Victoire , Divinité aussi inconstante
que la Fortune et le Hazard ? C'est dans les
Armées que les premiers de ces Jeux ont
pris naissance ; les Guerriers furent forcés de
les inventer , pour se préserver de l'ennui
dans l'oisiveté des longs campemens. On
prétend que Palamede , fils de Nauplius
inventeur
OCTOBRE. 1738. 2101
inventeur de plusieurs choses pendant le
Siége de Troye , le fut aussi des premiers
Jeux de hazard qui se joüerent sur l'Echiquier
, et que par cette invention , il eut
dessein de décrire les combats arrivés pendant
ce long Siége entre les Grecs et les
Troyens ; ceux- ci secondés des Amazones ;
sous la conduite de leur Reine Panthesilée ;
et que ce fut la raison pour laquelle les piéces
servant à jouer sur cet Echiquier , furent
apellées les unes Dames , à cause de ces
Amazones , et les autres Pions, pour marquer
les Champions contre lesquels ces Héroïnes
eurent affaire ; mais sans être obligé de recourir
à l'industrie d'un seul homme pour la
découverte des Jeux en question , ne devroit-
on pas plutôt convenir , que cette découverte
est l'ouvrage du temps , et de la
réflexion de plusieurs personnes ? J'ai montré
que c'est l'art de la Divination qui a produit
les piéces avec lesquelles on a joué d'abord
à ces Jeux , et c'est le besoin d'amusement
qui a fait trouver aux Guerriers , les
premiers Tabliers qui ont servi à y jouer ,
s'étant avisés de se faire de ces Tabliers avec
leurs Boucliers .
Des Soldats qui vouloient jouer ensemble,
renversoient un Bouclier , s'asseyoient au
tour , et rouloient dedans leurs cubes , ou
feurs osselets ; on sçait que sur ces Boucliers
A v
se
2102 MERCURE DE FRANCE
se voyoient des marques propres à faire reconnoître
les personnes à qui ils apartenoient
; des Soldats qui auroient eu sur leurs
Boucliers des échiquetées ou des Carreaux ,
plaçoient dessus des Pions de deux couleurs
, et les faisoient courir et caracoller les
uns après les autres , selon les regles qu'ils se
prescrivoient , rendant une de ces deux couleurs
ennemie de l'autre.
D'autres Soldats qui auroient eu des Boucliers
partagés par des lignes diversement
tirées , et formant des Etoiles , des Angles ,
des Escarboucles , et des Gironnées , plaçoient
aussi des Pions de deux couleurs , ou
de deux formes differentes sur ces rayes , en
convenant que pour gagner , il falloit qu'un
certain nombre de Pions d'une même couleur
, se trouvât rangé de la maniere que l'on
convenoit , sur une de ces lignes , malgré
J'oposition de la partie contraire.
Tous ces Jeux se sentirent d'abord de la
nouveauté de leur invention ; ils étoient des
plus simples ; ce n'est que par une suite de
réflexions faites par ceux qui ont cherché à
les amplifier , pour les rendre d'une plus
difficile execution
et gêner d'avantage
qu'on les a rendus tels,que sont à présent les
plus sçavans Jeux de hazard dont nous fassions
usage.
,
Le Jeu des Dez joüé dans le Tablier en
cassette ,
OCTOBRE. 1738. 21037
cassette , qui s'apelle par onomatopée Trictrac
, n'a pas été, sans doute , du temps des
Romains dans la perfection où il est à présent
; c'est à force d'être joué par des Gens
d'esprit , qu'il a acquis sa perfection. De même
les autres Jeux de hazard , apellés Blanques
, Roulettes , Marelles , et Echets , invenventés
par les Orientaux les Orientaux , et connus des
Grecs et des Romains , doivent aux révolutions
d'un grand nombre de siècles , et au
génie des differens Peuples qui les ont pratiqués
et perfectionnés , l'état où ils sont à
présent. On trouve dans les Oeuvres de M.
Sarrasin,une Dissertation assés curieuse sur ce
Jeu des Echets , qui nous vient certainement
de l'Orient. Les Arabes qui , sous le nom de
Maures , conquirent l'Espagne , l'aporterent
dans ce dernier Pays , et il s'y est mis en.
vogue par la convenance qu'il a avec l'humeur
sérieuse et flegmatique des Espagnols ::
lės Partisans de ce Jeu le trouvent admirable
, par les leçons de Morale qu'il donne à
ceux qui y font attention , et qui toutes
tombent sur le néant des grandeurs humaines
, sur l'inconstance , et la vicissitude des
choses de la Terre , sur les suites fâcheuses
des Querres , et sur les autres maux auxquels
les hommes sont assujettis ; tant que les
Piéces de ce Jeu sont debout , elles ont des
prérogatives d'actions conformes aux quali---
A vj.
cése
2104 MERCURE DE FRANCE
tés qu'elles portent ; les plus élevées , quand
elles s'ébranlent , arrêtent , chaſſent , et diffipent
celles qui sont d'un moindre titre; mais,'
peu- à-peu , toutes sont renversées , et après
la partie , remises pêle- mêle , le Roy avec
ses Sujets dans le meme Sac,sans distinction ;
tel est le sort des Grands , que la Mort confond
avec les Petits . Si cette moralité eut
occupé l'esprit de Montagne , elle auroit
achevé de le dégoûter du Jeu des Echets ,
qui déja ne lui plaisoit pas trop ; il disoit
que ce Jeu n'étoit pas assés Jeu , et qu'il
exerçoit trop sérieusement. Il y a cependant
long-temps qu'il tient le premier rang sur
tous les Jeux de son espece ; et malgré l'abandon
où il semble tomber de jour en jour,
il n'y auroit tout au plus que le Jeu du
Trictrac qui pourroit lui disputer cette prééminence
, ces deux Jeux méritant véritament
d'être plutôt apellés Jeux sçavans et
d'esprit , que simplement Jeux de hazard.
La Bibliotheque Orientale de M. d'Herbelot
, peut fournir beaucoup de choses propres
à servir à l'Histoire de ces deux Jeux.
A l'égard des Blanques et Roulettes , celles
qui se jouent avec des balles qui tournent
circulairement dans des rénures ou des canaux
avant que d'arriver aux cases où elles
s'arrêtent , sont d'invention Grecque en
imitation , à ce qu'on prétend , du Labyrin
,
the
OCTOBRE. 1738 2101
the de Crete , Ouvrage de l'ingénieux
Dédale ; et j'aurois donné au Jeu de l'Oye
une semblable imitation , si j'eusse trouvé
la preuve qu'il a été renouvellé des Grecs ,
ainsi que le porte son titre .
J'ai montré ci- devant , que les Piéces qui
servoient aux Jeux de hazard, étoient souvent
les mêmes que celles qui sont destinées pour
tirer le sort , ou avoient la même forme ;
les inventeurs de ces Jeux les choisirent
telles , dans l'intention de faire intervenir le
Destin et la Fortune dans la pratique de ce
qu'ils inventoient ; et ces Piéces ayant souvent
la forme d'hommes , ou d'animaux , il
n'est pas étonnant que quelques unes d'elles
ayent été prises par nos Modernes pour
des Divinités , sur ce qu'ils se sont aperçus ,
que par le respect que les Anciens leur portoient,
et le soin qu'ils prenoient à les conserver
, les tenant cachées dans l'interieur de
leurs maisons , ils devoient reconnoître en
elles quelque pouvoir Divin. Les Theraphimes
conservés avec tant de soin dans la famille
d'Abraham; les Lares et les Penates, dont chaque
Famille parmi les Payens étoit si bien
pourvûë, tous ces Marmots qualifiés aujourd'hui
de Dieux domestiques,n'étoient que ces
Piéces ; chaque Famille s'en aproprioit d'une
configuration particuliere , pour en faire ses
Oracles les plus ordinaires , et ils passoient
des
1106 MERCURE DE FRANCE.
des Peres aux Enfans ,de génération en géné
ration. Rachel n'emporta les Theraphimes de
son Pere Laban , que pour empêcher que ,
par l'usage que l'on en pouvoit faire , on ne
reconnût le Lieu où elle fuyoit avec Jacob.
Si les Lares , et les Penates avoient été autre
chose que des instrumens propres à tirer au
sort , pourquoi les Payens , si soigneux de
conserver les noms de chacun des Dieux
qu'ils reconnoissoient comme tels , ne nous
auroient- ils pas conservé plus en détail les
noms de ces Penates , sans se contenter de
lés confondre sous une dénomination géné--
rique, comme ils ont fait ? C'est une preuve
qu'ils ne les regardoient ni comme des Dieux ,
ni comme des Génies bienfaisans , mais seulement
comme des figures par le moyen
desquelles ils prétendoient s'instruire de l'a--
venir ; et malgré le respect qu'ils avoient
pour elles , ils s'en servoient pour se divertir
, sans penser que dans cette action il y cût
la moindre profanation : il . est vrai que..
cela n'arrivoit pas communément ; un homme
superstitieux se scroit fait une peine de
tirer le sort avec des osselets uniquement
destinés à servir à jouer , quoique ceux - ci
eussent souvent la forme des Dieux les plus
accredités , ou fussent chargés de l'attribut
désignatif de quelques- uns de ces Dicux ,
ainsi que les osselets sacrés... Ce que je vais
direx
4
OCTOBRE 1738. 2107
dire sur les Cartes à jouer , qui sont depuis
assés long- temps les instrumens qui fournissent
à l'exécution de plus de differens Jeux
de hazard , me servira d'une espece de preuve
pour ce que j'avance.
Ces Cartes portoient autrefois empreints
,
sur elles les Portraits de toutes les Divinités
reconnues dans le Paganisme , de maniere
qu'on auroit pu apeller le premier des Jeux
qui s'est joué avec des Cartes , le Jeu des
Dieux , & comme on ne voit point que ,
malgré ces peintures respectables qui paroissoient
sur elles on s'en soit servi
pour aucune sorte de divination , il faut
croire que les Anciens n'employoient guere
à ces opérations les Pieces faites pour jouer.
On a vû ci-dessus que tous Jeux de hazard
s'exprimoient par le terme génerique d'Alea,
& quiconque voudroit présentement exprimer
en Latin les jeux qui s'opérent par le -
moyen des Cartes , ne le pouvant faire
par ceux de Folium lusorium aleatorium , cela
pourra commencer à persuader que l'usage
de ces Cartes est plus ancien qu'on ne
le croit , & qu'elles peuvent même aller
d'antiquité d'origine avec les Dez & les Osselets
employés aux autres Jeux apellés Lusorium
aleatorium ; pour moi , mon sentiment
est que les Cartes ont été connuës
sur le déclin de l'Empire de Rome , que
que
Ge
2108 MERCURE DE FRANCE
,
que
on
ce furent les conquêtes poussées bien avant
dans les Indes , qui firent que les Cartes
inventées par les Chinois , furent aportées
dans la Syrie & dans l'Egypte , où l'on en
faisoit avec du papier de ce dernier Pays ,'
composé de la plante Papyrus , & bien
ce que j'avance ne puisse être apuyé par des
Passages d'Auteurs de ces temps- là
pourroit attribuer ce silence au peu d'Ecrivains
qui ont parû dans le déclin de l'Empire
Romain , & au bouleversement même
de cet Empire , qui fit perdre la connoissance
de beaucoup de nouvelles Découver
tes , qui existoient lors de ce bouleversement.
Les Nations du Nord qui le cause
rent , ayant honte de leur ignorance & de
leur barbarie , pour rendre ces défauts moins
remarquables , semblerent prendre à tâche
de détruire tout ce qui pouvoit montrer
le génie supérieur au feur , qu'avoient eu
ceux qu'elles se soûmettoient , & ainsi ces
invasions , qui causerent la perte presque
totale des Sciences & des Arts , causa auffi
celle des Jeux de hazard , & puisqu'il est
certain que ce fut là la cause qui fit oublier
en Europe les Jeux d'Echets & de Trictrac
, qui nous sont ensuite revenus de l'Asie
, cela a pu de- même faire perdre le souvenir
que les Cartes eussent été connuës à
Rome,
Les
OCTOBRE. 1738. 210
,
Les Asiatiques, qui, les premiers connurent
les Cartes , les distinguoient , ainsi que nous
faisons encore , en simples ou blanches &
en figurées ; sur celles ci paroissoient les
Portraits de leurs Dieux & de leurs Héros ,
& sur les blanches ne paroissoient que
les Caracteres Hiérogliphiques , qui servoient
autrefois d'Ecriture , & ce sont ces mêmes
Caracteres qui se remarquent encore sur nos
Cartes blanches d'à présent ; les Chinois ont
en Hierogliphes propres à exprimer leurs
pensées , des figures de Coeurs , de Piques ,
de Careaux & des fleurs à peu près semblables
aux Treffles ; l'altération que le temps
auroit pu aporter dans ces Figures , est peu
de chose ; les Romains conserverent ces
Cartes blanches dans leurs mêmes figures ,
& aux figurécs ils en joignirent d'autres ,
chargées des Portraits de quelques-uns de
leurs principaux Dieux , Empereurs & Impératrices
, faisant paroître ceux- ci sur des
Chars de Triomphe , d'où sont venus les
termes de Triomphe , d'Impériale & de
volte , usités en jouant aux Cartes pour la
dénomination de deux anciens Jeux , & exprimer
la victoire complette que l'on peut
remporter avec ces Cartes , en imitation de
ces victoires totales qui soûmettoient une
Nation entiere aux Romains , & faisoient
mériter le Triomphe au Général qui les
emportoit.
I
ZITO MERCURE DE FRANCE
que
Il ne faut douter
pas les Sarrasing
& les Grecs du bas Empire , n'ayent connu
les Jeux des Cartes , mais ils s'y exerçoient
moins qu'à ceux des Echets & des Dez ;.
nous devons aux Maures qui conquirent
PEspagne , le Jeu de l'Ombre ; ils fixerent
les couleurs qui se voyent sur les Cartes ,.
qui sont deux rouges & deux noires , en
imitation des couleurs dont ils se distinguoient
en combattant,partagés par Quadril
les dans les Tournois Galans qu'ils don
noient en faveur des Dames ; & les François
qui voyagerent en Orient & en Espa--
gne depuis le douzième siecle , en raporte- rent la connoissance
de ces Cartes & des:
Jeux qui se jouoient avec ; mais comme ,
jusqu'au temps de Charles VI . ils furent
assés occupés , tant à ces Guerres Etrangeres
, qu'à celles qui s'éleverent intestinement
dans l'Etat , outre que les Jeux d'exercice
de
corps , tels que les Tournois
, Carousels
& Ballets Militaires & Galans , les amusoient
assés , quand quelques intervales de
Paix leur donnoient le loisir de songer à
se divertir , & comme ce n'est qu'à mesure
que le goût pour ces Exercices s'est perdu ,
les Jeux celui pour de hazard s'est augmenté
; il faut donc descendre jusques au
Regne de Charles VI. & même après, pour
voir l'usage des Cartes bien établi , & ce fut:
que
alors
OCTOBR E. 1738, 2117
alors qu'on leur donna la forme , & qu'on
les mit dans l'arrangement où elles sont ;
pour cela on commença à multiplier les Caracteres
ou marques qui se voyent sur les
Cartes blanches , ce qui fut jugé nécessaire
afin de leur donner des valeurs differentes ,
& par là les rendre propres à plus de sortes
de Jeux ; & à l'égard des Cartes figurées ,
on en ôta les Portraits des Dieux du Paga
nisme qui y pouvoient être restés , & néan
moins pour conserver , par le moyen des .
figures qu'on résolut d'y mettre , le souvenir
que ces Cartes avoient été en usage chés
toutes les Nations les plus célebres , on y
figura les Portraits des plus grands Rois &
Capitaines , & des plus illustres Reines ou
Femmes qui eussent paru dans chacune de
ces Nations ; c'est pour cela qu'on y voit le
David , la Rachel , l'Esther & la Judith
des Hébreux , la Pallas & l'Hector des
Troyens , l'Alexandre des Grecs , le Césardes
Romains , le Charles - Magne des François
& des Allemans , l'Argine des Anglois ,
L'Ogier des Danois ; & pour Poton & la Hyre,
ce sont deux braves Capitaines François,
qui vivoient au temps où l'arrangement,dont
je parle , fut donné aux Cartes.
>
ODE
2112 MERCURE DE FRANCE
*
ODE Imitée d'HORACE. Æquam
memento , &c.
SOngez à conserver, quand le sort vous outrage,
Cette égalité d'ame à qui , chés l'Homme sage ,
S'unit toujours la paix ;
Modéré dans les biens que le sort vous envoye ,
Aux excès dangereux d'une insolente joye
Ne vous livrez jamais.
*
Car vous mourrez enfin, vous mourrez , cher Dellie
Soit que dans votre coeur l'âpre mélancolie
Ait regné chaque jour ,
Soit qu'en bûvant souvent vous l'ayez combattue
Couché sur le gazon et joyeux à la vûë
De ce riant séjour.
*
Là,joignant leurs Rameaux par un mêlange sombre,
Le Pin , le Peuplier , nous offrent sous leur ombre
Un azile charmant ;
Là , de son lit oblique une Onde claire & pure
Parcourant les détours avec un doux murmure
S'enfuit incessamment .
*
Tandis que les trois Soeurs , l'occasion & l'âge ;
D'un
OCTOBRE, 2113 1738.
D'un plaisir innocent , vous permettent l'usage ,
Que n'en jouissez - vous ?
Faites- nous aporter de votre vin d'élite ,
Des Roses , de ces fleurs qu'on voit périr si vîte ,
Les parfums les plus doux.
*
Vous quitterez ces biens , dont l'éclat nous impose;
Ces Arbres , ce Palais , cette Maison qu'arrose
Le Tibre de ses Eaux ;
Vous les quitterez , dis-je , & sans reconnoissance ,
Un heureux Heritier aura la jouissance
Du fruit de vos travaux.
*
Soyez riche , & sorti de la plus noble Race ;
Soyez pauvre & n'ayez qu'une origine basse ,
L'un & l'autre est égal ;
Ce corps sera privé du souffle qui l'anime ,
Et yous aurez vécu , pour être la victime
Du Tyran infernal .
*
Tôt ou tard , nous irons à la même demeure ;
Un jour , du vașe affreux, qu'on remuë à toute heure,
Notre Arrêt doit sortir.
Nous serons tous conduits dans la fatale Barque ,
Al'éternel éxil , dont le plus grand Monarque
N'a pu se garantir .
LETTRE
2114 MERCURE DE FRANCE
LETTRE sur le titre de Mercure de
France , et sur l'antiquité des fenêtres de
verre dans le Royaume.
C
E n'est pas sans quelque peine , Mrs ,
que je vois continuer certaines manieres
de parler , dans le langage commun ,
et que malgré le long temps qui s'est écoulé
depuis que vous avez abandonné l'ancien
nom que l'on donnoit au Mercure , pour lui
donner celui de Mercure de France , je vois
encore en usage cet ancien nom dans des
Affiches publiques. Il me paroît cependant
que vous ne pouviez pas donner à votre Recucil
un Titre plus convenable que celui de
Mercure de France.
Ceux qui s'apliquent aux Singularités conte
nuës dans nos anciens Historiens , y auront
remarqué, que non seulement les Gaulois ont
révéré particulierement Mercure , mais même
que les Francs observoient quelques usa
ges relatifs à cette ancienne Divinité profane .
Ils n'ont qu'à ouvrir Gregoire de Tours , au
Liv.VII. Ch.3 2. et ils y trouveront une mention
expresse de ces Baguettes ou Roseaux
consacrés,que portoient lesAmbassadeurs, seon
l'usage des Francs : Virge consecratajuxta
Ritum
OCTOBRE. 1738. 2115
Ritum Francorum. La Note du Pere Ruinart
sur cet Endroit , nous fait remarquer que
c'étoit un Caducée , et que les Ambassadeurs
Grecs en portoient. Je n'éxaminerai
point si les Francs avoient tiré cet usage de
la Cour de Constantinople , comme il pa
roît qu'ils en tirerent quelques - uns. Je finirai
simplement ce Préambuie en aplaudissant de
nouveau au Frontispice de votre Journal, où
est representé le Bâton consacré entre les
mains de Mercure, avec ce Titre : Mercure de
France.
Vous y fournissez , Mrs , toutes sortes de
Nouvelles ; j'y ai singulierement remarqué
la franchise avec laquelle un Picard inconnu
releve ce que vous avez raporté comme sorti
de la plume de M. Juvenel . Il est certain ,
dit ce dernier , dans une Dissertation Historique
sur les Manufactures, imprimée dans
le Mercure de Mars dernier , page 476. il est
certain que le Verre dont onfaisoit depuis longtemps
de fort beaux Ouvrages , n'a été employé
aux Vitres que par les Modernes , et que c'est
une invention des derniers siècles. L'Anonyme
de Picardie , s'est contenté de citer un Endroit
de Gregoire de Tours , pour prouver
que les Fenêtres des Eglises étoient fermées
de Verre , dès le temps de cet Historien . I
auroit pu en raporter plusieurs. Cet Auteur ,
par exemple , raconte dans son premier Li-

vre
116 MERCURE DE FRANCE
vre de la Gloire des Martyrs , comment un
Voleur étant entré la nuit dans une Eglise de
la Touraine , et n'y ayant rien trouvé à prendre
, s'avisa d'emporter les Vitres pour faire
de l'argent du Verre qu'il en tireroit ; qu'étant
en effet passé de -là dans le Berry , et y
ayant rendu ce verre en une espece de pâte ,
par le moyen du feu , il le vendit à des
Marchands. Gregoire parlant de l'Eglise
d'où venoit ce Verre , dit : Fenestras ex more
habens que viro lignis incluso clauduntur.
Remarquez qu'on ne se servoit pas encore
de plomb pour enchâsser le verre , mais que
c'étoit dans le bois que le vitrage étoit renfermé
, comme on l'a fait depuis en quelques
Eglises de l'Ordre de Cîteaux du douziéme
et du treizième siècle .
Outre l'Endroit du Livre des Miracles de
S. Julien ; que l'Anonyme de Picardie a raporté
, on voit dans le même Livre au Chapitre
27. une mention expresse du vitrage
de S. Julien de Brioude , que le Tonnerre
brisa. De plus , dans son Livre de la Gloire
des Confesseurs , au Chapitre 96. le même
Historien remarque que le corps de S. Aubin
, Evêque d'Angers , reposoit dans le
fond d'une Eglise qui étoit garni de vitrages :
il apelle ce fond , Vitream absidem : c'est ce
que nous apellons le fond du Choeur , et
Chevet de l'Eglise , ou la Chapelle du fond
de l'Eglise. S. Oüen,
OCTOBRE . 1738. 2117
5. Ouen , Evêque de Rouen , fait aussi
mention dans sa Vie de S. Eloy , d'un grand
Vitrage qui étoit dans l'Eglise où ce Saint
avoit été inhumé . Il écrivoit ceci au septième
Siécle . Ce fut quelque temps après que les
Anglois firent venir des Vitriers de France ,
pour aprendre d'eux à fermer de verre les
Fenêtres de leurs Eglises , comme on peut le
voir dans Bede , et dans les Actes des Evê
ques d'York .
M. Juvenel auroit pu consulter également
les anciens Ecrivains Italiens , tels qu'Anastase
le Bibliothequaire , et Leon d'Ostie ; il
auroit aussi trouvé chés eux quelque mention
de Fenêtres de verre . ( a) S'il aime cependant
mieux , que sans le renvoyer aux
Anglois , ni aux Italiens , je me renferme
dans les Témoignages de l'Antiquité ' , qui
regardent la Ville et l'Eglise de Paris , je lui
citerai le Poëte Fortunat de la fin du VI .
Siécle , qui parle des Fenêtres de verre de
l'Eglise de Paris , dans la Description Poëtique
qu'il a faite de cette Eglise.
?
(a) Je ne prétens pas faire passer ici en revûë
Les Textes raportés ou indiqués par le Glossaire
de M. Du Cange mais en ajoûter seulement
quelques-uns qu'il a oubliés . Par exemple , celui
au Sermon de Saint Odon de Cluny sur l'Incen
die de l'Eglise de S. Martin de Tours , où il est fait
mention de Murailles vitrées , ou de Vitrages garis
de pierres précieuses.
L'are
2118 MERCURE DE FRANCE
J
L'art de faire des vitrages pour les Fenêtres
fut si fort perfectionné dans la suite , qu'on
ne s'en servit pas simplement pour fermer
les Fenêtres des Eglises , mais encore pour
les orner : c'est ce qui parut par les Peintures
que l'on employa sur la matiere du Verre.
L'Abbé Suger s'étend fort au long dans le
Livre qu'il a écrit de son Gouvernement
sur les Vitrages de l'Eglise de S. Denis , qu'il
fit faire au douzième Siècle. Il y marque ce
qui y étoit représenté , et raporte les Vers
qu'il y fit mettre. Le Moine Guillaume , qui
composa l'Eloge de Suger après sa mort , (a)
nous aprend qu'il avoit aussi fait faire un
Vitrage très- magnifique dans l'Eglise Cathedrale
de Paris : Nonne indicerem evidens est
Liberalitatis ejus eximia , in Ecclesia Parisiensi
illud ex vitro opus insigne ? Il y a six cent
ans que Suger fit faire ces Ouvrages. Il s'est
écoulé six siècles depuis ce temps- là . Il semble
qu'un espace de temps si considerable ne
s'accommode point du Titre de moderne.
Mais si M. Juvenel prétendoit que le douzić.
me siècle n'est pas affez éloigné de nous pour
être apellé l'Ancien temps , au moins ne refusera-
t'il pas ce nom au siécle de Gregoire
de Tours et de Fortunat , puisqu'il s'en est
écoulé onze depuis qu'il est passé.
(a)Cet Eloge est à la fin de l'Histoire de l'Abbaye
de S. Denis par Dom Felibien , parmi les Preuves.
A
OCTOBRE . 1738. 2119
A M. le Curé de Norville.
Vous , dont l'innocence pure
Déteste les lâches forfaits ,
Voùs , qui ne connûtes jamais
Que la bonne foi , la droiture ,
Infortuné Ducastillon ,
Vous , que depuis six mois l'injaste calomnie
Livre aux horreurs d'une obscure prison ,
Loin du commerce de la vie ;
Ami , ne craignez plus cette noire furie ,
Qui versoit sur vos jours un dangereux poison
Et qu'en secret arma le Démon de l'envie ,
Ne craignez plus ses traits présomptueux
En vain elle veut vous poursuivre ;
Reconnu sage & vertueux ,
Vous allez commencer à vivre.
Votre sort enfin va changer ;
Thémis , de son Trône suprême
Vous sourit & vient elle- même
Briser vos fers & vous venger.
Y G *** de C ****
AR *** ce 12. Août 1738.
Bij
LETTRE
20 MERCURE DE FRANCE
·
********************
LETTRE écrite par M. le Beuf , à
M. D. L. R. au sujet du Doute proposé
dans le Journal de Verdun du mois de
Septembre 1738. touchant la situation du
Montmirail , où il est parlé de la réconciliation
de S. Thomas de Cantorbery aves
Henry II. Roy d'Angleterre.
Omme c'est vous Monsieur
qui
m'avez averti de l'invitation qui m'étoit
faite dans le Journal de Verdun , de répondre
au doute proposé par une Personne de
Nogent- le - Rotrou , j'ai cru que vous ne se
riez pas fâché de lire la Réponse que je
viens d'y faire.
Je suis surpris qu'on ait pu mettre en dou
te si le Montmirail où le Roy de France
Louis VII. & Henry II. se trouverent pour
traiter de leurs Affaires communes,& où saint
Thomas de Cantorbery,se rendit aussi pour ce
qui le regardoit, a été Montmirail au Perche,
& qu'on demande si ce n'est pas plutôt à
Montmirel , en Brie, que se fit certe entrevûë,
Il est vrai que la Brie étoit plus à porté c
de S. Thomas , qui demeuroit alors à Sens
c'est-à- dire, en 1168. Il pouvoit en connoître
une partie , aussi -bien que le Diocèse de
Soissons , où ce dernier Lieu est situé. Son
Histoir
OCTOBRE. 1738. 2121
Histoire marque qu'il alla à Soissons pour
se recommander à Dieu dans l'Eglise de
Notre- Dame , à l'exemple des Champions
de son temps , qui veilloient quelques nuits
dans la Chapelle de la Croix , où reposoit le
Corps de S.Drausin .Mais les interêts du Roy
d'Angleterre ne demandoient point qu'on
attirât alors ce Prince si avant dans le Royaume
de France : et il étoit plus convenable , que
l'entrevûë se fît dans les confins de laNormandie
, dont Henry étoit Seigneur. Montmirail
, que les uns placent au Maine , d'autres
au Perche Goüet , est assés de ces côtés - là.
Ainsi la raison de convenance est pour ce
Montmirail, & non pour celui de la Brie.
Mais si nous ouvrons les Ecrivains du
temps même de l'évenement
aprennent- ils ? Jean de Sarisbery , Evêque
de Chartres , écrivant à Barthelemi , Evêque
d'Oxford , dit que ce fut à Montmirail , au
Pays Chartrain , que Henry se rendit le jour
de l'Epiphanie , et y prêta hommage au Roy
de France. Illustris Rex Anglia , licet sæpe so-
Lemniter & publicè jurasset , se in hominium
Christianissimi Regis ulteriùs quoad viveret non
rediturum , saniori concilio acquiescens propositum
mutavit in proximo Epiphaniorum
die apud Montem- mirabilem in Pago Carnotensi
ad memoratum Regem supplex accessit
se , liberos , terras , vires , & thesauros expo-
B iij
› que nous
nens
122 MERCURE DE FRANCE
>
nens , universa contulit in arbitrium ejus Jear
parle ensuite de ce qui regardoit S. Thomas.
Le témoignage d'Heribert , de Bosaham
Clerc du saint Prélat , n'est guere moins
formel pour ce qui regarde la détermination
du Montmirail. Après avoir raporté ce qui
se passa dans la Conférence qui y fut tenue
il dit
que le lendemain S. Thomas partit de
ce Château, & qu'étant arrivé le même jour à
Chartres
, un grand nombre de personnes
accourut pour le voir , & que quelques -uns
le montrant aux autres , disoient tout haut :
Tenez , voilà cet Evêque qui ne voulut pas
trahir hier les interêts de Dien pour aucune
considération ; l'Historien ajoûte qu'étant parti
de Chartres , il se rendit promptement 羔
Sens.
En voila , ce me semble , plus qu'il ne
faut , pour faire taire ceux de Montmirel en
Brie , qui attribueroient à leur Ville l'honneur
d'avoir reçû les deux Rois ci- dessus.
nommés , & pour assûrer la chose à l'autre
Montmirail. Ainsi je compte que l'Anonyme
de Nogent- le-Rotrou , qui s'y interesse
par la simple raison du voisinage , me sçaura
bon gré des deux garants que je lui fais
connoître , s'il les ignoroit. Le premier est
fort connu. Le second est l'un des quatre
Ecrivains des Actions de S. Thomas , sur les
Memoires desquels le Pere Loup, Augustin ,
3
OCTOBRE. 1738. 2123
a donné au dernier siecle la Vie du saint
Archevêque , Lib . 2. Cap. 26. Gervais de
Dorobern , parle aussi de la Conférence de
Montmirail , mais sans circonstancier la situation
de ce Licu. Historicor. Angl. T. v..
ad an. 1169.
M. l'Abbé Fleury , place dans le Maine le
Montmirail en question. Je le crois plutôt
da Perche. Constamment il n'est pas du.
Diocèse du Mans. La Carte du Diocèse de
Blois , gravée en 1706. le met à l'extremité
de ce Diocèse , dans le Doyenné du Perche,
qui fait partie de l'Archidiaconné de Dunois.
Or comme le Diocèse de Blois est un démembrement
de celui de Chartres , on voit
par là pour quelle raison Jean de Sarisbery
a dit Montmirail situé in pago Carnotensi.
Il ne me reste plus qu'un scrupule sur le
récit d'Heribert ; c'est que je trouve la journée
de Montmirail à Chartres bien forte
pour une journée d'hyver. Mais peut - êtte
ne faut- il , pas prendre si fort à la lettre le
terme d'hier , qui est chés cet Historien ,
ou bien il faut dire qu'il étoit tout- à - fait
nuit quand ceux de Chartres se trouverent
Parrivée du saint Archevêque,
B iiij ODE
a124 MERCURE DE FRANCE
š į į į b b b b b b b $$!
ODE SUR L'AMITIE .
Q
U'un autre plein du feu qu'Apollon seul
inspire ,
Celebre de l'Amour le chimerique Empire ,
Ou dans le Champ de Mars qu'il seme la terreury
A la seule Amitié je consacre mes Rimes ;
Qui peut mériter mieux les éloges sublimes ,
Qu'on prodigue à l'orgueil, au crime, à la fureurs
*
Dans les siecles heureux de Cybele & d'Astrée ,
On la voyoit jadis triomphante , adorée ,
Du bonheur des Mortels être le doux lien ;
La Paix , l'heureuse Paix , sa soeur inséparable ,
Etoit pour les Humains la source intarissable
Des plaisirs innocens , du véritable bien.
Du séjour redoutable , où gronde le Tonnerre ,
Les Dieux voyoient regner les Vertus sur la Terre
Ils admiroient alors l'ouvrage de leurs mains ;
à l'Amitié fidelles ,
Les coeurs chastes et purs ,
Joüissoient sans remords des délices nouvelles
Qui pouvoient faire aux Dieux envier leurs destins
La
OCTOBRE. 1738. 2128
Le sordide interêt , pere de l'avarice ,
Dans le siecle suivant enfanta l'artifice ,
Que suivirent bien - tôt la Guerre & les forfaits
Déja tout est rempli de troubles & d'allarmes ,
On aiguise le fer & l'on forge des Armes ,
Et jusque dans les Cieux on attaque la Paix.
*
Si vous êtes encor sensibles à nos peines ,
Oh ! vous Dieux immortels ! venez rompre nos
chaînes ,
Et vengez la vertu par nos mains mise aux fers.
Mais déja je la vois , sous ses Drapeaux rangées
L'Amitié , la candeur mille fois outragées ,
Reçoivent des Mortels les hommages divers
*
Dans une Isle fertile , où Cerés révérée,
Fur d'un Peuple chéri si long-temps adorée ,
Elle a pu d'un Tyran arrêter la fureur.
Damon tu vas périr ; Pytias du suplice
Dispute à son ami l'horreur & l'injustice
Le Tyran étonné , frémit de sa rigueur.
*
Un courage indompté , la suprême puissance ,
Les honneurs immortels & l'heureuse abondance,
Brillent entre les dons que nous tenons des Dieux.
B. Y
t
Ces
2126 MERCURE DE FRANCE
Ces célestes présens , dignes de notre envie ,
N'ont pu faire jamais le bonheur de la vie ;
L'Amitié de leurs dons est le plus précieux.
*
Alexandre paroît , il fait taire la Terre ;
Tout tremble à son seul nom; il lance le Tonnerre
Il brise des Persans & le Sceptre et les Dieux .
Je le vois tout sanglant dans les Plaines d'Arbelles
A son joug il soûmet cent Nations rebelles
Il ne lui manque enfin qu'un ami vertueux.
*
Que dans vos amitiés la vertu , non le vice
Soit le lien sacré qui toujours vous unisse.
Sur la seule vertu fondez votre bonheur
Je hais ces liaisons , que le vice cimente ,
;
Que le crime entretient , que la débauche aug
mente ;
L'union des méchans doit toujours faire horreur..
*
Pollux aimoit Castor , mais le destin sépare-
Le fils de Jupiter de celui de Tyndare.
La constante amitié sçait descendre des Cieux
Pollux n'a point d'Autels que Castor ne partage ,
Il se montre par - là plus que par son courage ,
Digne du rang suprême où l'élevent les Dieux.
Enfé
OCTOBRE. 17381 2127
Enflé de ses succès un vainqueur intrépide ,
Fait voler la terreur & la guerre homicide ,
Des Colonnes d'Hercule au bord du Tanaïs ;
Le cours de ce Torrent ne trouve point d'obstacles
L'audace & le hazard font de pareils miracles ,
Mais la seule vertu peut faire des amis.
*
C'est toi qui le premier , ô mon cher ...
Des plus parfaits amis le plus parfait modele ;
M'as fait dans l'amitié goûter mille plaisirs..
Les délices des sens , les voluptés passées ,
Excitent des remords & troublent nos pensées ,,
Mais l'amitié n'est point sujette aux repentirs.
*************
EXERCICES au College des Quatre
Nations
L
E Lundi 11. du mois d'Août dernier .
on représenta sur le Théatre du College
Mazarin , pour la distribution des Prix
Sigismond , ou La Vie est un songe , Tragédie.
Le Théatre , le Parterre et l'Amphithéatre
formoient un coup d'oeil qui mériterent sculs :
d'être vûs , et qui attirerent l'admiration des
Spectateurs. On représenta dans la premiere:
Cour du College , cette Cour forme un
B. vis quarre
far28 MERCURE DE FRANCE
quarré long : dans l'un des bouts , c'est - à☀
dire du côté de la Bibliotheque , on y dresse
tous les ans un très - grand Théatre ; il a paru
très-bien décoré cette année : à l'autre bout
de la Cour , est un très-grand Amphithéatre
élevé de trente pieds de haut , les Ecoliers
sont placés sur cet Amphithéatre , et sur
d'autres , rangés sur les deux aîles de cette
Cour : au milieu est un Parterre qui fait un
très-bel effet. Tous les ans l'Assemblée est
très-nombreuse . Cette année elle le fut encore
plus. M. le Cardinal de Polignac l'honora
de sa présence ; plusieurs Membres de
l'Académie Françoise , et d'autres Personnes
de toutes conditions s'y trouverent. On fut
également frapé et de la beauté de la Piéce
et de la maniere dont les Acteurs la rendirent.
M. Gaubier remplissoit le Rôle du Roy,
M. Duchêne celui de Sigismond, M. Gamard
celui de Crotalde,Gouverneur de Sigismond,
M. Chevallier celui de Rodolphe , vieux Seigneur
, M. Ducros celui d'Astolphe , Chef des
Conjurés , M. Thierry celui d'Haber , autre
Chef des Conjurés.
Ils joüerent tous avec une intelligence qui
n'est pas commune à des jeunes gens de leur
âge ; ce qui a fait d re à un des grands Maîtres
de l'Art , qu'il n'y en avoit pas un qui
ne méritât en particulier d'être aplaudi ; mais
M. Duchêne qui faisoit le principale Rôle ,
s'en
OCTOBRE. 1738. 2129
s'en acquitta avec une grace , une précision
et une finesse que l'on admireroit dans ceux
qui en font profession . Le réveil de Sigismond
fit un spectacle muet, qui seul valoit
une belle Tragédie.
Le Sujet de cette Piéce , qui est de pure
invention , est tiré d'une Tragédie Espagnole.
Le voici tel qu'il nous a été donné dans
le Programme qui en a été distribué . Un
Oracle avoit prédit au Roy de Pologne , Pere
de Sigismond , qu'il verroit son Fils regner
en sa place ; le Pere , pour détourner l'effet
de l'Oracle , fait publier la mort de son Fils
le jour même de sa naissance , et fait enfermer
cet Enfant dans une Tour affreuse, fituée
sur un Rocher , au milieu des Bois. Il lui
donne cependant un Gouverneur , et lui recommande
de cacher avec soin son origine.
Sigismond sort enfin de cette Tour et devient
Roy. La Scene est en Pologne.

Dans le premier Acte , le Théatre représentoit
une Tour affreuse environnée de
Bois et de Rochers ; le Roy étant à la chasse,
perce jusques dans le Bois où il avoit ordonné
qu'on entermât son Fils . La vûë de
cette Tour , rapelle en son coeur les sentimens
de la nature. Sigismond enchaîné se
plaint aux Dieux de la rigueur de son sort.
O sort impitoyable !
Quoi ne verrai - je point la fin de mes tourmens
Ne
2130 MERCURE DE FRANCE
Ne vous lassez -vous point de mes gémissemens ?
Dieux qui me punissez d'un crime que j'ignore, &c.
Il prend le Roy pour un Etranger , il lui fait
le récit de ses malheurs..
Hélas ! si la pitié dans mon sort t'interresse ,
Dis- moi , si tu le sçais, dis-moi, par quelles Loix
Me vois-je enseveli dans l'horreur de ces Bois ?
Les Dieux et les Mortels m'ont-ils voué leur haine
Dois-je toujours traîner cette odieuse chaîne ? & c..
Ne pourrai je jamais sçavoir quel fut mon Pere ?
Tu frémis , tu conçois jusqu'où va ma misere.
Mais comment de ses bras a-t - on pu m'arracher ?.
Fourquoi jusqu'en ces lieux n'ose - t'il me chercher :
Crotalde , Gouverneur de Sigismond , ordonne
que l'on se saifisse de cet homme qui
a eu la hardiesse de s'entretenir avec son
Prisonnier. Il reconnoît le Roy , il est étonné
de le voir en ces lieux ; le Roy lui aprend'
qu'il veut remettre son Fils en liberté , et le
faire connoître pour l'Héritier de Pologne.
Crotalde croit devoir informer le Roy dur
penchant à la cruauté qui se déclare dans
Sigismond , le Roy se croit coupable de la
ferocité de son Fils , il ordonne qu'on lui
donne un somnifere , et que pendant son
sommeil on le transporte dans le Palais. I
espere que la présence de son Fils empê
chera
OCTOBRE. 1738. 2137
chera les effets de la conjuration qu'il apréhende.
Au second Acte , le Théatre représentoit
un Palais ; on voyoit dans le fond`un Pavillon
dont les rideaux étoient fermés , et sous :
lequel étoit Sigismond endormi.
Astolphe et Haber qui avoient conspiré
pour détrôner le Roy , sont surpris d'apren--
dre que Sigismond est dans le Palais par ordre
du Roy. Astolphe est au desespoir dé :
ce que la conjuration a manqué..
Fatale ambition , vains desirs de grandeur ,
Vous à qui j'immolai repos , devoir , honneur ,.
Deviez-vous me parler , devois- je vous entendre ? ⠀
Haber l'exhorte à ne point perdre courage..
Le Roy suivi de Crotalde , de Rodolphe,,
des Principaux de la Cour , et du Peuple ,
Leur déclare qu'il a fait revenir son Fils , qu'il
va éprouver son génie , et qu'il souhaite qu'il
regne après lui , s'il se montre digne du
Trône. Il ajoûte ::
Faire regner la Paix , en maintenir les Loix ,
C'est le desir du Ciel , c'est le devoir des Rois.
Un Prince est à ses yeux innocent ou coupable ,
Selon qu'il rend son Peuple heureux ou miserable..
Les Seigneurs de sa Cour s'attendrissent au
discours du Roy
En
1132 MERCURE DE FRANCE
En cet instant , pour moi que le Trône a dé charmes
!
Sajets que je chéris , je suis sûr de vos coeurs ;
Sans eux le rang suprême a- t'il quelques douceurs ?
Sigismond se réveille , il est surpris de se
voir entouré d'une Cour brillante on lui
présente son casque et une épée . Crotalde se
jette aux pieds de Sigismond , il lui annonce
qu'il est Fils du Roy. Sigismond veut le
tuer , parce qu'il a osé retenir en prison le
Fils de son Souverain. Rodolphe arrête Sigismond
, et lui reproche sa cruauté ; Sigismond
ne peut souffrir les remontrances de
Rodolphe et le tuë. Le Roy s'éleve contre
la barbarie de Sigismond. Sigismond est ravi.
de revoir cet Etranger à qui il a parlé dans
son désert , if lui aprend qu'il est Fils du
Roy. Le Roy se fait connoître pour son
Pere et son Roy. Sigimond devient furieux
contre son Pere , de la dureté qu'il a euë de
le faire élever dans une prison. Le Roy s'excuse
sur l'Oracle . Sigismond menace de se
venger. Le Roy ordonne que l'on renferme
son Fils , qu'on lui donne un second somnifere
, et que pendant le sommeil on le remette
dans la Tour. Astolphe et Haber se
promettent de profiter de cette circonstance
pour détrôner le Roy.
Au troisième et dernier Acte , le Théatre
repréOCTOBRE
1938. 2133
feprésentoit la même Tour du premier Acte.
On voyoit Sigismond endormi et Crotalde
auprès de lui. Crotalde ordonne à Sigismond
de se lever ; Sigismond est surpris de se re
trouver dans les fers.
Sort barbare !
Que vois-je ? qu'ai- je vû je frémis , je m'égare ;
Quoi ! je suis dans les fers ? O trop fatal réveil ! &C.
Le sommeil ne fermoit pas mes yeux ;
Quel démon m'a remis dans ces horribles Lieux
Il prend cependant pour un songe ce qui
s'est passé dans le Palais du Roy. Il raconte
à Crotalde ce qu'il a cru voir. Crotalde reproche
à Sigismond son penchant à la cruauté.
Ce réveil favorable
T'arrachoit à l'horreur d'un projet execrable ,
Au meurtre au parricide , ah ! qu'en ouvrant les
yeux ,
>
Ces fers même devroient te sembler précieux ↓
Et qui n'eût préféré ta prison , ta misere ,
Au Trône des Césars soüillé du sang d'un Pere
Sigismond seul refléchit sur ce que Cro
talde vient de lui dire , il a horreur de luimême.
Ciel , ouvre- moi les yeux et te laisse fléchir ;
Je ne puis résister au trouble qui m'accable ;
Aprens
34 MERCURE
DE FRANCE
Aprens-moi si je suis innocent ou coupable ?
Ah ! l'on ne ressent point pour un songe imposteur
Ce trouble ...ou ce remord qui déchire mon coeur.
Je veillois ... je veillois ! je suis donc parricide ?.
Ma fureur en vouloit à mon Pere , à mon Roy.
Astolphe et Haber à la tête des Conjurés ,
attaquent la Garde de Sigismond , enchaî
nent Crotalde et présentent leurs respects
à Sigismond comme à leur Roy..
,
Sortez d'un indigne esclavage ,
Grand Prince , et recevez un légitime hommage.
Sigismond":
Peuples , que faites-vous ? mes noirs emportemens
Ont-ils pu mériter vos aplaudissemens ? :
Crotalde enchaîné paroît devant Sigismond.
Il lui représente l'énormité du crime
des Conjurés ; combien il est horrible d'attenter
à la vie de son Pere et son Roy.
Souviens-toi , lui dit- il , que ton Roy tá donné la
naissance ;
Crains le remord que traîne un grand crime après
soi ;
Songe que sans vertu c'est peu que
d'être Roy.
Lorsque par les forfaits on monte au rang suprême,
On porte peu de temps le sacré Diadême ;
Le front d'un criminel ne peut le soûtenir ,
OCTOBRE. 1738. 2135
Et ses propres Sujets s'arment pour le punir , &c.
Vous vous troublez , que vois-je Ah Sigimand:
soupire !
Mes voeux sont exaucés.
Le Roy s'avance , Crotalde profite de cet
instant pour achever de gagner le coeur de
Sigismond.
Ah ! Prince , en regnant sur vous-même ,,
Montrez-vous à ses yeux digne du rang suprême ;
Il est un sûr moyen pour vous venger , Seigneur ,
Bientôt votre vertu va vous livrer son coeur.
Faites - lui voir ce Fils nourri dans l'esclavage ,
Suivant d'un Peuple ingrat le sacrilege hommage.
Qu'il gémisse à son tour d'avoir fait vos malheurs.
Seigneur , vous m'écoutez , je vois couler vos
pleurs.
Le Roy paroît devant son Fils , et lui offre
sa tête ; Sigismond se plaint à son Pere de la
rigueur de son éducation.
Falloit- il dans les Bois m'élever en Sauvage
Hélas ! loin de former ce funeste dessein ,
Au milieu de ta Cour , dans ton auguste sein
M'accablant de bontés et non pas de misere ,
Il falloit me montrer à connoître mon Pere .
Pow
136 MERCURE DE FRANCE
Pour empêcher ton Fils d'attenter sur ton rang ,
Il falloit l'enchaîner par les liens du sang .
Comment méprisas-tu la voix de la nature
Malgré ta cruauté j'écoute son murmure ;
Elle triomphe enfin de món farouche coeur.
Il se jette à ses pieds.
O mon Pere ! ô mon Roy !
La vertu du Fils attendrit le Pere , le Roy
lui donne la Couronne , Sigismond la refuse,
le Roy ordonne à son Fils de la prendre.
Sigismond l'accepte.
Seigneur , vous le voulez , je n'ose m'en défendre ;
Lorsque vous ordonnez c'est à moi de me rendre.
Par ma voix desormais , Seigneur , vous parlerez
Je donnerai les Loix , mais vous les prescrirez
à Crotalde.
'

Et toi , dont la vertu du crime me dégage ,
Ne m'abandonne pas acheve ton ouvrage.
Par tes sages avis , Crotalde , rends ton Roy
Digne d'être estimé des Mortels tels que toi.
Sigismond ordonne qu'on enchaîne Astolphe
; le Roy obtient la grace d'Astolphe ;
Astolphe au desespoir , se tuë ; on va couronner
Sigismond.
Cette Tragédie fut suivie d'un Prologue
qui seul valoit une Piéce. C'étoit une espece
de
OCTOBRE. 1738. 213
roit pu
de Critique de la Tragédie qu'on venoit
de représenter ; et l'on y annonçoit la Cornédie
des Captifs que l'on alloit jouer.
M. Chauvet y faisoit le Rôle principal ; il
s'en acquita d'une maniere si comique et si
naturelle , que le fameux la Torilliere n'aufaire
mieux. Il faisoit dans la Comédie
des Captifs le Rôle de Geta , Esclave
d'Hegion. M. Duchêne représentoit Hegion ,
Pere de Philopemen , et Frere de Micion,
M. Chevallier , Micion , Frere d'Hegion.
M.Gamard, Tindare, Esclave de Philocrate es
Fils de Micion, M . Thierry, Philocrate , Captif.
M. Ducros, Aristophonte , autre Captif. Tous
ces Mrs se signalerent , et surprirent autant
dans le Comique que dans le Tragique ; ils
eurent l'agréable satisfaction de voir pleurer
un grand nombre de Spectateurs ; et M. Duchêne
, et surtout M. Chauvet , celle de les
faire éclater de rire.
t
Le Sujet de cette Comédie est tiré de
Plaute. Le voici tel qu'il a été donné dans le
Programme.
Hegion , Pere de Philopemen , croit que
son Fils est dans la captivité ; il se sert de ce
prétexte pour faire le commerce de Captifs ;
achete Aristophonte , Philocrate et Tindare
, Esclave de Philocrate . Tindare prend
le nom de Philocrate , pour retirer son Maîre
de captivité . Aristophonte , Ami de Phi-
Locrate ,
2138 MERCURE DE FRANCE
focrate , découvre à Hegion que Tindare l'a
trompé. Hegion menace Tindare de le faire
mourir. Micion , Frere d'Hegion , est indigné
du procedé et de la barbarie de son Frere
; il reconnoît son Fils dans Tindare .
donne la liberté à ces trois Captifs.
L'Auteur dit dans le Programme , que
craignant de ne pouvoir rendre les beautés
de Plaute , il a mieux aimé traiter ce Sujet
d'une façon nouvelle , que de risquer de défigurer
cet admirable Original. Dans Plaute ;
c'est Philocrate qui oblige Tindare son Esclave
à se sacrifier pour lui. Dans cette Comédie
, c'est Tindare qui , malgré Philocrate
, se sacrifie pour son Maître. Il est trèsfort
à souhaiter que les Anciens ne soient ja
mais autrement défigurés.
Premier Acte. Aristophonte s'entretient
avec Getą sur le malheur de la captivité
Geta lui aprend qu'Hegion vient d'acheter
deux nouveaux Captifs ; l'un se nomme Philocrate
, et l'autre Tindare , son Esclave
Aristophonte dit à Geta qu'il est intime ami
de Philocrate. Micion reproche à Hegion
son Frere le commerce qu'il fait de Captifs.
Hegion s'excuse sur le désir qu'il a de tirer son
Fils de l'esclavage. Il fait venir Philocrate et
Tindare. Tindare sous le nom et avec les
habits de Philocrate , se plaint de se voir
chargé de chaînes. Micion sur la phisio
nomic
OCTOBRE . 1738. 2139
nomie de ce Captif, répond que l'on peut
compter sur sa parole. Tindare prie Hegion
de lui permettre de s'entretenir sans témoins
avec Philocrate , qu'il dit être son Esclave.
Hegion prend toutes ses sûretés , et leur
accorde cette grace. Tindare découvre à
Philocrate qu'il a pris son nom pour avoir
occasion de le tirer de la captivité . J'ai ,
dit-il , imaginé de faire croire à Hegion
que son Fils est captif chés votre Pere ; je
lui proposerai de vous envoyer négocier l'é
change. Philocrate admire la générosité de
Tindare , qui s'expose à tout pour le délivrer
de la captivité ; il est surpris de trouver
des sentimens auffi généreux dans un Esclave.
Tindare lui découvre qu'il est né libre , que
Esclave avec lequel il avoit été vendu à son
Pere , lui avoit apris en mourant qu'il l'avoit
dérobé en sortant du berceau , qu'il lui
avoit remis un bracelet de sa mere , que la
mort avoit terminé ses jours dans le temps
qu'il alloit lui nommer ses parens. Geta vient
annoncer à Philocrate et à Tindare qu'Hegion
commence à s'inquiéter de la longueur
de leur conversation ; il les exhorte à ne pas
s'exposer à sa mauvaise humeur , et à ses
emportemens , capables de tout .
Acte II. Philocrate qui vient d'aprendre
quel est le caractere d'Hegion , ne veut pas
consentir à la généreuse résolution de Tin
dare.
140 MERCURE DE FRANCE

dare. Tindare lui aprend qu'il n'est plus dans
son pouvoir de traverser son dessein , qu'il
en a fait secretement informer Hegion , et
qu'Hegion le puniroit d'avoir voulu le surpendre.
Hegion ravi d'avoir apris par Geta,'
que son Fils Philopemen est chés le Pere de
Philocrate ,dit à Tindare qu'il va écrire à son
Pere. Tindare lui propose plutôt d'envoyer à
Elide Philocrate. Hegion qui craint de
perdre cet Esclave , a de la peine à se rendre
à cette proposition. Tindare le persuade, en
kui remettant entre les mains un Bracelet ,
enrichi de pierreries. Philocrate paroît affligé
de quitter Tindare ; il suplie Hegion de
le traiter comme il voudroit qu'on traitât
son Fils. Il promet à Tindare de ne jamais
oublier ce qu'il vient de faire. Tindare l'exhorte
à partir promptement. Hegion dit à
Tindare , qu'il sçait qu'il a connu à Elide
Aristophonte , qu'il veut bien leur permettre
de se voir , qu'il a donné ordre à Geta de
l'amener. Tindare qui craint , avec raison,
qu'Aristophonte n'aille tout découvrir , fait
entendre à Hegion qu'Aristophonte est sujet
à tomber dans des égaremens terribles ;
que ces accès cependant lui laissent d'assés
longs intervalles ; Hegion est surpris du
discours de Tindare , et ne laisse pas de
convenir à la fin qu'il a remarqué je ne sçais
quoi dans ses yeux. Aristophonte remercie
Hegion
OCTOBRE. 1738. 2141
=
Hegion de la grace qu'il lui fait , en lui permettant
de revoir son cher ami Philocrate .
Il est étonné de voir Tindare si magnifique.
Il lui demande des nouvelles de Philocrate.
Hegion croit qu'Aristophonte commence à
tomber dans ses égaremens. Aristophonte
parle si sensément et si clairement , qu'Hegion
reconnoît qu'il a été trompé. Il fait
mettre Tindare dans un cachot , et s'en va
au Port, chercher Philocrate.
Acte III. Aristophonte est au désespoir
de l'effet qu'a produit son indiscretion . Pour
l'en consoler , Geta lui dit qu'Hegion ne
s'en prend point à lui. Aristophonte prie
Micion d'obtenir la grace de Tindare . Micion
donne ordre à Gera de le faire venir.
Micion embrasse Tindare , et lui donne les
loüanges que mérite sa générosité . Hegion
revient du Port , irrité. Comme il avoit ordonné
que l'on enfermât Tindare dans un
cachot, il est surpris de le trouver avec son
Frere. Micion lui dit que c'est lui qui l'a
fait venir ; qu'il n'a pu se persuader qu'il eût
donné des ordres aussi injustes contre un
Captif , dont il envie des sentimens.
aporte à Hegion une Lettre de son Fils Philopemen.
Philopemen mande à son Perc
qu'il n'est point Captif, qu'il n'est sorti de
chés lui , que pour se mettre à l'abri de sa
sévérité. Philocrate qui a apris au Port ,
C qu'He-
On
2142 MERCURE DE FRANCE
qu'Hegion étoit venu l'y chercher , et le
péril que court Tindare , vient pour le secourir.
Hegion est ravi de le recouvrer. Phi-
Jocrate aprend à Hegion que Tindare est né
libre , qu'il n'est plus son Captif , que le
Bracelet qu'il en a reçû , est sa rançon . Hegion
montre à Micion ce Bracelet. Micion
est surpris de découvrir le Portrait de sa
Femme. 11 demande à Tindare de qui il,
tient ce Bracelet. Il reconnoît son Fils dans
Tindare. Micion embrasse son Fils. Philocrate
et Aristophonte prennent part à la joye
de Micion , et au bonheur de Tindare. Hegion
demande à Micion un dédommagement
pour ce Bracelet. Micion achete Philocrate
et Aristophonte , et leur donne la liberté. Il
prend Philopemen pour son second Fils.
On va souper chés Micion.

Immédiatement après cette Piéce , M. Duchêne
s'adressa à l'Assemblée et dit :
» Messieurs , ce n'est plus Hegion qui parle ,
» la Comédie est finie ; mais celui qui en
» nous faisant jouer la Piéce des Captifs
» a cherché à nous donner une juste idée de
» la vertueuse amitié , exige de notre recon-
» noissance , que tous les Acteurs se jurent
"en votre présence une amitié inviolable
» tant que la vertu regnera sur eux. Embras
sons- nous ; ( tous les Acteurs s'embrasseserent,
ce qui fit un spectacle très-touchant,
" auque
OCTOBRE.
1738. 2143
auquel tous les Spectateurs furent sen-
» sibles :) promettons - nous de nous aimer
» autant que nous serons vertueux , et soyons
assés vertueux pour nous aimer toujours.
» Faisons dire au Public , lorsqu'il parlera de
»l'un de nous : Il a des moeurs , il a des sentimens
; c'est un des Acteurs de la Comédie des
Captifs.
Ces deux Piéces eurent tant de succès ,
que Son Altesse Serenissime Madame la
Duchesse du Maine souhaita les voir représenter
par les mêmes Acteurs . Elles furent
joüées à Sceaux le Dimanche 24. Août
dernier.
»
,
A la fin de l'Epilogue que nous venons
de transcrire M. Gamard prit la parole
après M. Duchêne . » Ajoûtez , lui dit -il ,
de cette Comédie , qu'elle eut le bonheur
» d'être représentée sur un Theatre où les
"plus grands talens se sont disputés tant
»de fois la gloire d'amuser une Princesse ,
qui les possedant tous , se plaît à les
» voir briller dans les autres , daigne les
animer par ses regards , et les perfec-
❞tionner par la justesse de ses réflexions ...
" Mais où vais - je m'engager ? Un Eloga
» si grand ne peut être l'ouvrage d'un Ecolier.
Ah ! si trop foibles encore , notre
voix ne peut s'élever assés pour chanter
" ses Vertus , publions ses rares bontés ;
Cij » et
2144 MERCURE DE FRANCE
» et que demain , en célebrant sa Fête , on
» nous voye animés de transports de recon-
" noissance , qui fassent voir que si nous ne
"sçavons pas encore les exprimer digne-
» ment , du moins nous sçavons les sentir.
S. A. S. parut extrémement satisfaite du jeu
des Acteurs , et du mérite des Piéces . Il est à
souhaiter que l'aprobation d'une Princesse
aussi éclairée , puisse engager l'Auteur à en
faire de nouvelles , et à cultiver le talent singulier
de ces jeunes gens. Ils y puiseroient des
moeurs qu'il leur est important d'acquerir, ou
de conserver , et le Public y goûteroit une
Morale d'autant plus utile , qu'elle est assaisonnée
de tous les agrémens que l'esprit peut
lui fournir.
:
LE CHANGEMENT DE LISIS
D
CANTATE
à mettre en Musique.
Ans ce réduit obscur d'un bois sombre &
tranquile ,
- A l'ombre d'un Cyprès , la charmante Lisis ,
Fatiguoit les Echos.d'une plainte inutile
Sur l'infidelité du volage Tircis ;
Berger ingrat , s'écrioit- elle ,
1 Que
OCTOBRE . 1738. 1738. 2145
Que je connoissois mal les détours des Amans ! )
Qui l'auroit cru , qu'écoutant tes sermens ,
Je n'écoutois qu'un infidele ?
Tu me jurois , perfide ' , un ardeur éternelle ,
Et dès que tu t'es vû triomphant et vainqueur ,
Tu ne m'as plus montré qu'une indigne froideur.
Amantes , qu'on veut surprendre ,
Fuyez les discours flateurs ;
Craignez qu'un moment trop tendre -
Ne triomphe de vos coeurs:
L'homme le plus estimable ,
En amour est séducteur ;.
Et l'Amant le plus aimable ,.
N'est qu'un ainable trompeur.
C'est ainsi que Lisis , de sa flâme trahie ,
De maux déja passés , se fait des maux présens ;
Dans ses Antres profonds, d'une voix attendrie ,
L'Echo repete au loin ses lugubres accens .
L'Amour l'entend , & d'un aîle légere
11 fend les Airs , abandonne Paphos ,
Et pour calmer les pleurs de la Bergere ,
Il vient , & lui parle en ces mots :
Cessez , jeune Beauté , de répandre des larmes ,
Cette douleur , ces cris sont superflus ,
Ciij Votre
2146 MERCURE DE FRANCE
Votre Berger soupire après de nouveaux charmes ,
Et l'ingrat ne vous entend plus.
Quittez une vaine tendresse
Fatale au repos de vos jours ,
Pour triompher de sa foiblesse ,.
Faites de nouvelles amours.
Vous êtes dans l'âge de plaire ;
Vos beaux yeux sçavent tout charmer- §.
Suivez un conseil salutaire
Et cessez de vous allarmer..
Quittez , &c.
dit : & vers Cythere à l'instant il s'élance ,
Un trait part de son Arc & vient fraper Lisis ;
Qel changement soudain ! que son coeur est surpris
Elle abjure sa flâme & rit de sa constance >
Son amour à ses yeux n'est plus qu'extravagance
Elle oublie à l'instant l'infidele Berger >
Reprend sa gayeté naturelle ,
Et Lisis autrefois plaintive Tourterelle ,
N'est plus qu'un Papillon, qui se plaît à changer.
Sur votre persévérance ,
Beau Sexe , il faut peu compter ;
Plus l'Amour a d'aparence ,
Et plus il laisse à douter.
I
OCTOBRE . 1738 . 2147
Il sied bien d'être volage
Pour un Berger inconstant :
Mais à l'Amant le plus sage
On vous en voit faire autant.
Sur votre persévérance ,
Beau Sexe , il faut peu compter ;
Plus l'Amour a d'aparence ,
Et plus il laisse à douter .
Barbery.
****************
LETTRE de M. d'Arnaud , à Madame
de B *** , en lui envoyant les Elemens de
Newton.
L
A Prose comme les Vers , ne suffisent
pas , Madame , pour vous marquer ma
reconnoissance ; le sentiment n'ayant point
d'autres interpretes , j'ai cru qu'il étoit de
mon devoir de vous remercier dans les deux
genres , ainsi je serai toujours excusable , de
quelque façon que je m'exprime ; comme je
craindrois d'exposer mes foibles Ouvrages
à votre critique , je vous envoye à leur place
ceux de M. de Voltaire . Le mérite de ce
sublime Auteur vous est assés connu , il
vient de donner une nouvelle Edition de sa
Traduction des Elemens de Newton. Ce
Cüij Livre
2148 MERCURE DE FRANCE
,
Livre renferme des vérités philosophiques ,
qui sont peintes avec les couleurs les plus
expressives & en même - temps les plus naturelles
; Descartes & Mallebranche , sont
quelquefois maltraités par l'Auteur Anglois;
c'est à vous , Mad . de décider lequel des
deux mérite d'être suivi , tous deux ont fait
des fautes. Descartes peut s'être trompé
dans ses Tourbillons & Newton dans
ses Calculs à l'infini. Il faut avoüer cependant
que la Géometrie est la Science la moins susceptible
d'hypotheses ou de sophismes ; la
diversité des Angles , des Lignes , la Section
de leurs parties , ce sont des vérités distinctes
& qui ne font point illusion ; un Géometre
voyage sur la Terre avec sûreté, & découvre
de nouveaux objets , à mesure qu'il
avance , tandis qu'un Physisien s'égare souvent
dans le Labyrinte de la Nature , & va
attendre dans la Lune qu'une nouvelle hypothese
le transporte dans Saturne , ou le promene
de Ciel en Ciel . Au reste Mad.
Newton est entré dans une carriere que Descartes
lui a ouverte ; il a fallu que ce dernier
ait sondé les abymes de la Nature , pour
que l'autre évitât d'y tomber ; voilà , je crois,
ce qui pourroit excuser le Philosophe François
, s'il étoit répréhensible ; tout ce qu'on
peut assûrer c'est que Descartes & Newton
sont tous deux hommes & tous deux grands
>
hommes.
OCTOBRE . 1738 . 2149
hommes. Pour égayer cette Lettre , il faut
que je vous raporte un trait , à propos de
Newton.
On dit (je crois le fait très- véritable , )
Que du Dieu de Paphos repoussant tous les traits ,
Newton , de votre Sexe ennemi redoutable ,
Philosophe toujours , ne fut homme jamais ;
Ah ! si l'Amour eût emprunté vos traits
Ces yeux où brillent mille charmes,
Ces graces , cet esprit & ces apas secrets ,
A.
Qui de ce Dieu sont les plus fortes Armes ;
Si l'Enfant de Cypris vous avoit ressemblé ,
On auroit vû Newton devenir homme ;
Comme Vénus • vous méritez la Pomme ,
Comme Paris , pour vous il eût brûlé.
-
Voilà , Mad. l'obligation que votre Sexe
vous auroit euë, si Newton fût venu dans ce
siecle- ci , l'homme n'auroit point gâté le .
Philosophe, & je crois qu'on peut réunir l'Amour
avec la Géometrie ; ce n'est point un Paradoxe
que j'avance, tous ceux qui vous verront
sentiront la vérité de ces paroles; le Systême
de l'Attraction, que Newton nous a donné,
devient intelligible tous les jours . Si vous
l'adoptez , Mad. ne doutez pas que les Connoisseurs
ne se rangent de votre côté. J'ai
l'honneur d'être , &c .
A Montalais le 3 Septembre 1738.
CY LE
2150 MERCURE DE FRANCE
LE PARNASSE ,
A M. de Voltaire , en le remerciant d'un
Exemplaire de sa Henriade , qu'il a envoyé
à l'Auteur.
E
Rrant ces jours passés au pied du double Mont,
'Ainsi que par hazard beaucoup de Rimeurs font ,
Je contemplois l'admirable Fontaine ,
Dont la Liqueur divine échauffe nos esprits ,
Et dont jamais ne furent bien épris
Des Chapelains , le cerveau , ni la veine ;
D'Instrumens & de voix un bruit mélodieux ,
M'éveillant tout à coup , me fit croire sans peine
Que je n'étois pas loin de l'Empire des Dieux ;
Je prêtai , tout surpris , une oreille atentive,
Et du docte Bassin abandonnant la Rive ,
Je gagnai le Vallon , puis d'un pied chancelant ,
Je grimpai le Côteau , doucement, sans mot dire
Et bien m'en prit , car l'austere Satyre
Qui fait sa ronde en ce Pays charmant ,
Eût à coup sûr puni mon insolence.
Sur le Côteau voisin je vis prendre séance
Aux .... aux ..... aux ....
Et ces Messieurs , malgré leur suffisance
Loin du sommet se trouvoient rejettés ;
OCTOBRE. 1738.
2751
Je me plaçai , pour oüir l'harmonie ;
Bien-tôt après j'entrevis Apollon ,
Qui mêloit à la Symphonie
Les accords de son Violon ,
Et tel qu'un Dieu qui dicte ses Oracles ,
Du Parnasse François exaltoit les Miracles
J'étois ravi , quand j'aperçus soudain ,
A ses côtés les Muses & les Graces ,
Faire Chorus, Melpomene à la main
Tenoit Cinna , Zaïre , les Horaces ,
Le Cid , Edipe , Athalie & Brutus,
Maximien , Phédre , Essex , Manlius ,
Et sur chacun de ces fameux Volumes.
Entonnoit , à son gré , mille éloges divers ;
Les Pinceaux les plus fins, les plus sçavantes plumes,
N'ont jamais surpris l'Univers
Par de si beaux Portraits , par de si doctes Vers
Chacune des neuf Soeurs y tenoit sa partie ,
Chacune y triomphoit , & toutes en ce jour
Voyoient leurs Favoris couronnés tour-à - tour.
A la divine mélodie
Le Pinde entier joignoit sa voix et ses accens
Etoit- ce trop pour une telle Fête ?
Apollon lui - même à leur tête ,
Les animoit par ses tons ravissans ;
Mais ce Dieu, dans l'éclat de sa magnificence,
Quelque temps par ces mots leur imposa silence ;
Covis
Chers
2152 MERCURE DE FRANCE
Chers Habitans de ces beaux Lieux ,
C'est assés chanter la victoire
De tant d'Ecrits si précieux ,
Gravés au Temple de Memoire ;
Préparez vos Crayons fameux
Pour immortaliser la gloire
D'un Ouvrage plus merveilleux .
France , que ton bonheur sera digne d'envie !
De ton sein est sorti ce chef- d'oeuvre étonnant,
Je vois un Soleil éclatant ,
De ta stérilité réparer l'infamie.
Respectables Auteurs de Grece & d'Italie ,
Milton , le Tasse , & vous, Virgile Portugais,
Dont par tout l'Univers la gloire se publie ,
De son génie admirez tous les traits .
Et toi , de tes Sujets le Vainqueur & le Pere ,
Henry , l'honncur & l'exemple des Rois ,
*
L'Histoire , en recueillant tes celebres Exploits ,
Ne rendoit à ton nom qu'un hommage vulgaire ;
Il lui manquoit un plus brillant honneur .
Désormais un Homere à nos voeux favorable ,
Par un prodige aussi grand que flateur ,
Rendra de tes vertus la mémoire adorable ,
Et par lui seul enfin tes augustes bienfaits
Seront dans tous les coeurs sûrs de vivre à jamais,
C'est lui -même , c'est lui , dont la divine audace
Le Camoën
ED
OCTOBRE. 1738. 2153
En tous genres d'Ecrits va bien- tôt exceller ;
Trop digne de ces temps , où sur notre Parnasse
Louis. sçait la faveur au mérite égaler.
Il dit ; de ses accens les Vallons retentirent ;
Les Instrumens divins tout à coup s'entendirent
Aux éloges du Dieu le Pinde répondit ,
Et Pégase joyeux par son vol aplaudit.
93
REPONSE à l'Auteur de la Suite de la
Défense de l'Eglise de Troyes, [ à Paris chés
Charles Osmont 1738. ] sur ce qu'il a écrit
contre l'Auteur du Doute proposé aux Sçavans
, au sujet des Auteurs des Annales de
S. Bertin , imprimé dans le Mercure de
Décembre 1736.
me
A joye , Monsieur , que j'ai ressentie
du don que vous avez bien voulu me
faire d'un Exemplaire de votre nouvel Ouvrage
, a été promptement changée en amertume
, en voyant que ce même Ouvrage a été
écrit en partie contre mon doute au sujet
des Auteurs des Annales de S. Bertin . Je
n'aurois jamais soupçonné que cet Ecrit auroit
pu vous deplaire ; j'aimois à penser qu'il
obtiendroit votre suffrage , puisque mon intention
en le composant , a été de soûtenir
la
2154 MERCURE DE FRANCE
là Sainteté de l'Evêque Prudence , pour laquelle
vous combattez si courageusement.
Cependant , si vous en êtes cru , je me
suis bien écarté de la fin que je m'étois proposée
; loin d'être le défenseur du saint Èvêque
, j'en suis l'adversaire ; loin d'avoir voulu
concourir avec vous , je n'ai fait qu'affoiblir
la défense que vous en avez faite .
J'avoue que j'ai été surpris au - delà de
Fimagination dé me voir si défiguré : j'ai
cherché à découvrir les raisons qui vous ont
soûlevé , et qui m'ont rendu si méconnoissable
à vos yeux. A force d'y avoir rêvé , je
crois les avoir pénétrées .
>
Vous avez craint , M. que si vous reconnoissiez
S. Prudence pour Auteur de la troisiéme
partie des Annales de S. Bertin , vous
n'eussiez un suffrage de moins en faveur de
la fameuse Décision du Pape Nicolas I.
Cette apréhension est marquée en plusieurs
endroits de votre Ouvrage . Il est vrai qu'en
faisant cette reconnoissance vous n'avez :
plus que S. Prudence pour garant de ce Jument
du Pape. Que s'ensuit -il de - là ? Ce
témoin , quoiqu'unique , ne suffit -il pas
pour affirmer , que la chose est extrêmement
vraie , puisqu'il l'a écrite ? Tout reclame en
faveur de cette verité . Le procedé même
d'Hincmar en fournit une preuve . La Lettre
qu'il écrivit à Egilon Archevêque de Sens ,
Sur
OCTOBRE. 1738. 2155
21
sur laquelle vous insistez avec tant de faison,
(Pag. 71. &feq ) porte un témoignagede
la passion qu'il avoit de faire suprimer ou
changer ce Jugement , sur lequel il cherchoit
à jetter du' doute ; il le prie d'en parler
au Pape , et de lui représenter qu'il est
nécessaire de le réformer , crainte du scandale
qu'il pouvoit produire dans l'Eglise . Si
Egilon eût réüssi Hincmar n'auroit pas
manqué de publier son triomphe sur les
toits ; il en auroit fait arrêter un Decret au
Concile de Troyes , qui se tint dans ce temps
là , et auquel il assista. Le Lieu même du
Concile Finvitoit à le faire ; , la mémoire de
S. Prudence lui étoit plus présente que par
tout ailleurs ; ne l'ayant point fait , il en résulte
que ses remontrances furent inutiles
et que le Decret subsista tel que S. Prudence
l'avoit écrit ; d'où l'on peut conclure , ab
actu ad posse , le Decret subsiste , donc il a
été rendu , donc S. Prudence, n'en a point.
imposé en l'insérant dans ses Annales.
De cette façon , l'objection que l'on vous
fait n'est rien au fond. Mais quand elle auroit
quelque force , tous les circuits que
vous prenez ne pourroient pas vous en garentir
; car des deux témoignages que vous
voulez maintenir , sçavoir celui de S. Prudence
et celui de l'Annaliste , le dernier ne
peut exister que dans l'imagination : vous
êtes
2156 MERCURE DE FRANCE
êtes forcé de convenir , ou que le S. Evêque
a écrit en entier la troisiéme Partie des Annales
de S. Bertin , dans laquelle cette Décision
est raportée , ou qu'un autre Ecrivain l'a
copiée d'après lui ; en l'un et l'autre cas , il
est toujours l'Auteur primitif et unique de la.
nouvelle de ce Jugement prononcé par le
Pape desorte que mon systême , ou plutôt.
.celui de M. Fleury , dont je ne suis qu'un
foible écho , ne vous enleve point d'attestation,
puisque, dans la vérité, il n'y en a qu'une,
qui soit positive.
Un autre objet vous a encore indisposé
contre mon doute : vous avez été fâché d'entendre
S. Prudence condamner non seulement
la doctrine attribuée à Gottescale , mais
aussi sa personne . La distinction que vous
faites ici de la personne de Gottescale et des .
Ecrits qu'on lui attribuoit , est imprévûë :
pour moi elle n'est point dans le texte de
S. Prudence ; ces deux objets y sont confondus
; je les ai transportés de même dans ma
Dissertation ; je ferai . ensorte de me justifier
plus amplement sur cet article dans la suite
de ma Lettre .
Telles sont les ombres qui vous ont déçu ,
au point , que vous m'avez montré comme
votre adversaire, tandis qu'en effet j'ai voulu
vous servir de second...
Je suis mortifié d'être dans l'obligation de
me
OCTOBRE 1738. 2157
me défendre ; mais je ne puis laisser subsister
les impressions desavantageuses que
vous avez prises contre moi : pour les détruire
, j'ai à vous faire voir que je n'ai point
été l'adversaire de la sainteté de l'Evêque
Prudence ; que je n'ai point attaqué votre
Défense de l'Eglise de Troyes . Quand j'ai
laissé entendre que S. Prudence a condamné
Gottescale dans le fait et dans le droit , je
n'ai parlé que d'après lui . Je répondrai ensuite
à quelques autres objections plus particulieres
, que vous avez faites contre mon
doute.
Bien loin d'avoir attaqué la memoire de
S. Prudence , et le culte qui lui est rendu
depuis plusieurs siècles par l'Eglise deTroyes,
j'ai presque toujours joint le titre de Saint à
son nom, en parlant de lui dans ma Dissertation
. Si j'avois eu intention de répandre:
des nuages sur sa sainteté , j'aurois évité ce
terme , qui détruit lui seul tout ce que j'aurois
voulu dire au contraire . Que demandiez-
vous de plus à un Séculier , occupé à
examiner un point historique ', dans des vûës
simplement litteraires ? Puisque j'ai conservé
le respect qui lui est du , en quoi donc vous
ai -je paru contraire à sa sainteté ? Je vous
prie de me le faire voir.
Loin encore d'avoir songé à écrire contre
votre Ouvrage , j'ai dit tout au commencement
2158 MERCURE DE FRANCE
ment de ma Dissertation , que j'avois examiné
les Annales de S. Bertin , à cause de
votre Défense de l'Eglise de Troyes. La
Préposition à cause , offre un sens oposé
au mot contre. C'est donc de gayete de
coeur , que vous m'avez imposé une intention
toute contraire à ce que j'ai fait. Non
seulement je n'ai point eu dessein de vous
être contraire ; cet état auroit été trop indifferent
: j'ai fait plus , je vous ai fourni des
argumens invincibles , dont vous pouviez
battre ceux qui multiplient les adversaires de
S. Prudence , en raportant contre sa Doctri- '
ne les dépositions de plusieurs témoins contemporains.
Si ces témoins étoient réels , ils
formeroient , surtout parmi la multitude , un
violent préjugé contre sa memoire . J'ai senti
qu'il étoit plus vrai , et plus avantageux
pour vous , de n'avoir qu'un ennemi en tête ,
que le combat deviendroit plus égal ; je vous
ai mis dans cette situation , en démontrant ,
à n'en pouvoir douter , que l'Archevêque
Hincmar , et l'Auteur de la quatrième Partie
des Annales de S. Bertin , dont les adversaires
de S. Prudence font deux personnages
differens , sont un seul et même Auteur.
Cette proposition est si évidemment
établie, que celui qui voudroit la révoquer en
doute, chercheroit à se cacher le jour à midi.
J'ai fait réflexion depuis à la Note du
Livre.
OCTOBRE 1738. 215$
Livre de S. Prudence contre Scot , qui est
dans la Bibliotheque de l'Abbaye d'Hautvillers
, Note qui désigne qu'il y a du danger
à lire les Ecrits de Prudence ; j'ai pensé
que cette Abbaye étant dans le Diocèse de
Rheims, de la dépendance d'Hincmar , choisie
par lui pour y renfermer Gottescale , il
aura peut- être écrit lui-même , ou bien il
aura dicté cette Note injurieuse : cela est
d'autant plus vraisemblable , qu'elle est conçûë
en termes fort aprochans de ceux dont il
s'est servi ailleurs contre S. Prudence . IL
mande dans la Lettre qu'il écrit à Egilon ,
Archevêque de Sens » Que l'on dit
"
que Gottescale
a plusieurs fauteurs , comme il
» a eu le Seigneur Prudence , ainsi que ses
» Ecrits le font voir , sicut Scripta ipsius
testantur: Les termes de la Note sont le3
mêmes que ceux - là . » Ce Livre , dit - elle
"
ور
dont Prudence est Auteur , doit être lu
» avec précaution , parce qu'il n'a pas pensé
catholiquement sur quelques Dogmes Ecclésiastiques
, ainsi que ses autres Ecrits le
»font voir , sicut alia ejus Scripta demonstrant.
Cette ressemblance d'expressions , découvre
que c'est le même qui a écrit à Egilon
, et qui a fait la Note du Livre manuscrit
d'Hautvillers .
Ces observations n'auroient point nui à la
défense de votre cause ; maniées par vous ,
elles .
2160 MERCURE DE FRANCE
:
elles auroient acquis un nouveau dégré d'artorité
peut-être qu'en marchant par la route
que j'avois ouverte , la dispute seroit plus
éclaircie qu'elle ne l'est ; du moins les trois
témoins , dont les Jésuites , Auteurs des
Mémoires de Trévoux , se font un rempart ,
seroient réduits à un : les deux autres auroient
disparu .
J'ai donné à entendre , que S. Prudence
avoit réprouvé Gottescale dans sa Personne
et dans ses Ecrits. Vous , M. vous prétendez
au contraire , ( P. 28. ) que les textes que
j'ai cités ne prouvent point » qu'il ait con-
» damné le sentiment de Gottescale , mais
» seulement celui qu'Erigène lui attribuoit.
Après quoi vous ajoûtez ( P. 29. ) " que
» vous ne sçavez point comment j'ai pu con-
" fondre les deux Questions , et pourquoi
»j'ai conclu des paroles de S. Prudence , qui
» condamnent la mauvaise Docrine attribuée
"à Gottescale , qu'il a aussi condamné sa
>> Personne.
J'ai cherché cette conclusion dans mon
'doute ; je ne l'ai vûë nulle part , du moins
exprimée formellement . Mais puisque vous
m'y faites penser , voyons si j'aurois eu raison
, ou non , de parler ainsi . Je n'employerai
dans cette discussion , que les paroles de
S. Prudence , afin que vous n'ayez point de
témoignage étranger à récuser.
Considerez
OCTOBRE . 1738. 2161
Considerez , je vous prie , le dédain , ou
plutôt le mépris avec lequel il parle de la
Personne de Gottescale , dès la Préface de
son Livre contre Scot. » Je vais repousser ,
» lui dit- il , toutes les impudences et tous
» les blasphêmes que vous proferez contre
» ,la grace gratuite de Dieu , et sa justice inflexible
, dans le Livre pervers que vous avez
répandu contre tous les Catholiques , sous
»le nom d'un certain Gottescale ; Libro.....
quem sub nomine cujusdam Gottescalci , adversus
omnes Catholicos effudisti.
""
>>
L'explication litterale de ces paroles, montre
, que S. Prudence sépare d'abord la Perque
sonne de ce certain Gottescale , des Catholiques
; il s'irrite de ce que Scot les confond
avec lui. Gottescale, et ses opinions font une
Secte à part , qui n'est point celle des Catholiques.
On ne peut rien de plus précis que ce
Passage contre Gottescale. Vous l'avez expliqué
, M. dans la Vie de S. Prudence ,
( P.35. ) en un sens bien different ; votre
explication , qu'il me soit permis de vous le
dire , ne me paroît pas soûtenable . M. du
Saulsay , dans son Martyrologe , avoit pris
l'esprit de ces paroles , mais il l'avoit un peu
trop étendu. Vous conviendrez de tout cela,
si vous prenez la peine d'y faire une nouvelle
attention.
L'autre Passage , duquel vous apuyez la
distinction
2162 MERCURE DE FRANCE
distinction du droit et du fait , est celui où
Prudence parlant du sentiment sur la prédestination
au bien et au mal , tel que Scot
l'attribue à Gottescale , lui dit : Hoc utrum.
vel quare dixenit, ipse viderit. Vous concluez
de ces paroles , ( P. 27. 28. ) que S. Prudence
n'est jamais entré dans la question de
fait , par raport à Gottescale.
Mais nous venons de voir qu'il lui a refusé
place parmi les Catholiques . A la vérité, ces
dernieres paroles offrent d'abord un doute ,
s'il avoit dit , ou s'il n'avoit pas dit ce que
Scot lui attribuë , Utrum , vel quare dixerit,
ipse viderit. Mais puisque S. Prudence ne
dénie point positivement qu'il ne l'ait pas
dit, il laisse à entendre , qu'il y avoit plus lieu
de croire qu'il l'avoit dit : si la particule utrum,
marque un doute , le quare dixerit est posi
tif. L'aparence du doute vient de ce que
S. Prudence ,dans ce temps , n'avoit peut- être
lu qu'en abregé le Livre de Gottescale , comme
je vais le remarquer tout- à - l'heure ; c'est
pour cela , que sans examiner plus particu
lierement le fait sur lequel il a prononcé sans
ambiguité, dès le commencement , il se con
tente de réprouver encore ici sa Doctrine ,
en disant : C'est à lui de voir s'il la tient ,
» et pourquoi il la tient ; pour la mienne ,
❞voici, &c.
la
Or la Doctrine de S. Prudence étant differente
OCTOBRE. 1738. 2163
rente de celle qu'il croyoit que Gottescale
soûtenoit , donc il l'abandonne cette Doctrine
, donc il prononce indirectement sur la
personne de Gottescale , en ne déniant point
qu'il ne la tient pas. Car s'il avoit cru qu'il
n'avoit pas avancé ce que Scot lui alléguoit ,
pourquoi n'auroit il pas dit affirmativement?
Scot n'est qu'un imposteur , Gottescale n'a
point dit cela , ses sentimens sont ceux des
Catholiques , je pense comme lui.
En vérité , M. si ce ne sont pas là les conséquences
naturelles , et le sens véritable
des paroles de S. Prudence , il faut donc
croire qu'il n'y avoit que mystere et déguisement
dans tout ce qu'il écrivoit alors ; il
sera donc vrai de dire , qu'il s'est envelopé
dans des termes équivoques et captieux.
Vous sentez de quelle consequence seroit
une semblable pensée , pour maintenir sa
sainteté aux yeux des hommes ; permettez
que je vous demande pourquoi vous faites
de sa cause , celle de Gottescale ; il est visible
1
que c'est à quoi vous tendez dans tous
vos Ecrits à son sujet. Pensez - vous qu'il ne
puisse être au Ciel , ayant abandonné
la
Doctrine de Gottescale
dans sa Personne ?
Je prévois qu'un jour vos adversaires
vous
demanderont
sur cette Question
, un oui ,
ou un non précis. Pour lors la cause que vous défendez
sera en compromis
, plus
qu'elle
2164 MERCURE DE FRANCE
qu'elle ne l'a jamais été. L'Eglise de Troyes ,
que vous défendez , n'a point mis cet illus
tre Evêque au nombre de ses Saints , pour
avoir épargné ou condamné la personne de
Gottescale , mais pour avoir employé toute
sa vie à soutenir la Doctrine de S. Augustin ,
Pro vindicandâ S. Augustini Doctrinâ.
totô Episcopatus sui tempore laboravit. Par ces
paroles elle vous a montré le chemin qu'il
falloit suivre dans sa défense , et non pas
choisir celui sur lequel on rencontre Gottescale
à chaque pas ; la route est scabreuse et
glissante , vous aurez peine à arriver , ou plu
tôt vous n'arriverez jamais.
>"
,
S. Prudence se défend encore plus fortement
qu'il n'avoit fait , de tenir et de défendre
l'hérésie nommée par Scot Gotescalcienne
, d'un nouveau nom: Hanc heresim nec
tenemus , nec defendimus. Ce sont ses paroles
vous n'en disconvenez pas ; mais
vous vous arrêtez à tamiser , si cela se peut
dire , le reste de ce qu'il dit en ce même endroit
; vous voulez insinuer qu'il avoit peine
à attribuer à Gottescale , l'hérésie à laquelle
Scot avoit donné le nouveau nom de Gottescalcienne
, et qu'en parlant ainsi , il faisoit
entendre , qu'il la regardoit comme imagi
naire du moins il paroît que c'est là votre
pensée.
Toutes ces distinctions sont bien subtiles,
et
OCTOBRE. 1738. 1738. 216
et bien détournées pour un Saint , et sur
tout dans ces temps - là. Avant que de lui
imputer ces detours , il faudroit que du haut
des régions célestes il déclarât qu'il a envelopé
son sentiment dans des expressions
ironiques , et qu'il n'avoit point intention de
dire simplement , que les opinions de Gottescale
, qu'il ne vouloit ni soûtenir , ni défendre
, étoient si nouvelles , que , pour cela
même , Scot les avoit désignées par un mot
nouveau ; et qu'au lieu de dire l'Hérésie da
Gottescale , il avoit imaginé un nom adjec
tif, en l'apellant l'Hérésie Gottescalcienne ,
quam Gottescalcanam novo vocabulo nuncupat.
Assurément cette explication frapera
tout homme qui ne sera point prévenu.
Ce que j'ai tiré des Récapitulations , conë
firme tout le reste. Là , S. Prudence impute
à Gottescale , qu'il est le chef et la source
de l'Hérésie , il la nomme lui-même Hérésie
Gottescalcienne. Ce terme n'est plus nouveau
, ni ironique . L'Hérésie ne lui est pas
attribuée seulement , elle est la sienne , elle
lui est propre , et à tous ceux qui pensent
comme lui.
Je pourrois produire le témoignage d'Hincmar,
qui a avoué dans la quatrième Partie des
Annales de S. Bertin , que Prudence avoit été
oposé pendant quelque temps à Gottescale ; Prudentius
ante aliquot annos Gottescalco Pradesti-
D natian
2166 MERCURE DE FRANCE
natiano restiterat. Mais comme je me suis
interdit tout témoignage étranger , je me
renferme dans les seuls Passages tirés des
Réfutations de S. Prudence ; ils sont assés
clairs et assés précis , pour montrer qu'il ne
s'est pas contenté de rejetter les opinions que
l'on attribuoit à Gottescale ; mais aussi qu'il
le regardoit dès lors bien plutôt comme en
étant coupable , que comme ne les ayant
pas avancées. Cependant vous m'avez reproché
d'avoir cité des textes qui ne prouvent
point qu'il l'a condamné , et que conséquemment
j'ai avancé sans preuve ( P.25 . )
que la troisiéme Partie des Annales de Saint
Bertin , s'accordoit avec ce qu'il avoit écrit
ailleurs contre lui.
Je conviendrai,' s'il le faut, que les expressions
des Annales au sujet de Gottescale , sont
plus vives, que celles qui sont prises de l'Ecrit
contre Scot;mais au fond elles reviennent au
même , les raisons de cette plus grande vivacité,
les voici , si je ne me trompe.Prudence , au
temps qu'il écrivoit contre Erigene , n'envisageoit
la dispute qu'en elle- même , comme
vous l'avez observé , et non point par raport
à Gottescale , dont par consequent il ne
devoit parler qu'en passant , et sans trop s'y
arrêter. Il lui suffisoit d'avoir déclaré qu'il ne
soûtenoit et ne défendoit nullement ses sentimens.
D'ailleurs j'ai déja dit qu'il n'avoit
peut
ཕ 738. 216 ,
OCTOBRE. 1738
peut-être lu les Ecits de Gottescale que par
extrait dans le Sommaire que Scot en raportoit
; cela est possible , des Livres étoient
rares , et difficiles à avoir . S. Prudence le dit
de celui même de Scot : Visum est Librum
ejusdem Scoti , si qua sorte inveniri posset ,diligenti
curiositate perquirere N'ayant donc vû
qu'en abregé le Livre de Gottescale , il en
parla d'abord avec moins de chaleur et de
feu ; mais quand il composa la troisiéme
Partie des Annales de S. Bertin , il l'avoit lu
sans doute en entier ; il avoit entendu plusieurs
fois l'Archevêque de Rheims et celui
de Mayence , lui reprocher une Doctrine
qu'il avoit réprouvée ; c'est pourquoi il employa
dans ses Annales des termes plus forts,
plus précis qu'il n'avoit fait jusqu'alors.
Faisons , s'il vous plaît , une deux observations
nouvelles sur les paroles de l'Annaliste
: Il blâme Gottescale d'avoir répandu
des opinions très contraires à la Foi , surtout
sous le nom de Prédestination , pracipuè sub
nomine Prædestinationis . Or c'est précisément
sur l'article de la Prédestination , que Prudence
déclare en écrivant contre Scot , qu'il
aéprouvoit l'Hérésie Gottescalcienne. Cette
ressemblance de sentimens sur le même article
, est parlante ; il s'ensuit qu'il y a entre
S. Prudence et l'Annaliste une uniformité
merveilleuse , qui démontre que c'est le mê-
Dij mc
MERCURE DE FRANCE
me Auteur qui a composé les Réfutations &
les Annales.
De cette conformité de sentiment contre
Gottescale dans l'un et l'autre Ecrit de Saint
Prudence , il naît encore une consequence ,
laquelle n'est pas indifferente dans votre dispute.
Les Jésuites,Auteurs des Mémoires de
Trévoux , vous alleguent qu'Hincmar a reproché
à S. Prudence d'avoir résisté à Gottescale
dans un temps , et de l'avoir défendu
dans un autre mais puisqu'il paroît par ces
deux Ouvrages , qu'il a toujours pensé de
même , il s'ensuit qu'il n'a point varié ; car
s'il eût changé en faveur de Gottescale , il
auroit retouché ses Annales , qui ne parurent
vraisemblablement qu'après sa mort ; il en
auroit effacé le monument de sa réprobation
, qua gravé ; puisqu'il l'a laissé subsister
; donc il n'a point varié , donc le reproche
qui lui en est fait par Hincmar n'est
point fondé.
Au reste , ce que je dis qu'il n'avoit lu
'Ouvrage de Gottescale en entier , que
quand il rédigea ses Annales , n'est qu'une
conjecture assés vraisemblable , laquelle peut
être d'une certaine consequence dans votre
dispute sur la chronologie de ses Ecrits , que
vous , M. et les Auteurs des Mémoires de
Trévoux , cherchez à fixer chacun à son
avantage.
H
OCTOBRE. 1738. 2169
Il me reste à répondre à quelques objections
plus particulieres , que vous avez formées
contre les preuves que j'ai employées ,
pour faire voir que la troisiéme Partie des
Annales de S. Bertin a été composée par
S. Prudence. Plusieurs Sçavans ont déja em
brassé mon opinion. Vous , M. le premier
vous n'en doutiez que très-peu , lors que
Vous composâtes sa Vie , où vous dites au
Chapitre de ses Ouvrages : » Hincmar nous
» aprend que S. Prudence a fait des Annales
» des Rois de France. Il en raporte un Frag
❞ ment C'est tout ce qui nous reste de
cet Ouvrage , si on ne dit avec M. Fleury,
" que ce sont les Annales qui sont connuës
"'à présent sous le nom de S. Bertin , à cause
du Monastere où elles ont été trouvées.
Quelques lignes après vous ajoûtez : » La
" suite des Annales d'Eginhart ( qui font la
seconde partie de celles de S. Bertin ) » est
peut- êre l'Ouvrage de notre Saint , qu'un
» inconnu a continué jusqu'à l'an S82 .
"
Quand vous parliez ainsi , vous panchiez
beaucoup à croire ce qu'aujourd'hui vous
voulez rejetter absolument. L'adverbe peutêtre
, dont vous vous servez , vaut presque
une affirmation en cet Endroit.
M. l'Abbé Lebeuf , si versé dans la connoissance
de notre Histoire ancienne , a pu
blié une Lettre touchant mon doute , qu'il a
D iij changé
2170 MERCURE DE FRANCE
changé en certitude par des preuves auxquelles
je n'avois point pensé , il est encore
en état d'en fournir de nouvelles. M. l'Abbé-
Goujet a aussi adopté mon sentiment dans
sa sçavante Dissertation , qui lui a mérité
l'année derniere le Laurier de l'Académie.
Après lui , M. l'Abbé des Fontaines a avoué
dans ses Observations ( Lettres 137. 142. )
qu'avant que d'avoir lu ma Dissertation , il
s'étoit trompé sur les véritables Auteurs des
Annales. Ces suffrages me font rrop d'honneur
: je crois pouvoir me flater d'avoit rencontré
juste , puisque ces Mrs ont aprouvé
et confirmé ce que j'avois avancé.
L'idée que vous donnez des Annales en
question dans le premier Article de votre
Ouvrage , n'offre rien de nouveau , ni de
particulier ; vous paroissez seulement embar
rassé dès le premier pas. Il ne faut point
»regarder , dites - vous , l'Annaliste de Saint
» Bertin comme un simple Compilateur ......
quoiqu'il n'ait fait que copier des Auteurs.
qui l'ont précedé , et qui ont écrit longtemps
avant lui.
ود
Quelle qualité aura-t- il donc cet Annaliste
, puisqu'il n'a fait que copier ? Le plus
fin Logicien auroit peine à se tirer du mauvais
pas, où ce raisonnement précipite . Qui
dit Compilateur en ce sens , dit Copiste ,
c'est tout un.
OCTOBRE. 1738. 217*
A la suite de cette Proposition , vous vous
jettez à l'écart sur l'Histoire et sur le devoir
des Historiens. Rien de plus vrai que ce
que vous dites en cet endroit. Un Historien
qui recueille des Faits épars , pour les réunir
ensuite en corps d'Histoire , leur donne une
nouvelle vie par l'adoption qu'il en fait :
mais celui qui copie seulement ceux qui ont
écrit avant lui , n'est compté pour rien ; onne
fait de cas que de l'original , lui seul captive
la confiance ; ceux qu'il ne guide point
ne sont d'aucune autorité ; tel est le partage
et le lot des Annalistes ; ainsi tout ce que
vous avez dit des Historiens n'a aucune
aplication avec le prétendu Annaliste de
S. Bertin , qui n'est qu'un être imaginaire ,
un simple Scribe , et non un Auteur particulier
, comme vous voulez le faire croire :
pour en être dissuadé , il ne faut qu'examiner
comment il a formé le Volume qui porte
le titre d'Annales de S. Bertin. Un homme
voulut autrefois avoir un Volume de l'Histoire
de France ; il n'étoit pas question alors
d'aller le chercher chés les Libraires : il fut
obligé , pour contenter sa curiosité , de transcrire
les Annales que vous nommez de Loisel,
à la suite desquelles il copia celles d'Eginhar ,
et tout de suite celles de Prudence , et
d'Hincmar ; enfin à force d'écrire , il vit naître
sous sa plume le Manuscrit dont il s'agit.
Diiij Les
2172 MERCURE DE FRANCE
Les Religieux de ce Monastere ont publié
depuis peu de temps une belle Dissertation
sur l'origine et l'ancienneté de leur Abbaye ;
voici comme ils ont parlé de leur Livre ; j'en
tirerai quelque consequence. » Les Annales
» de Saint Bertin , disent- ils , recueillies par
» Duchêne , ne contiennent point l'Histoire
» de l'Abbaye de S. Bertin .... mais seule-
» ment une Histoire générale des Gestes de
» nos Rois , depuis l'an 741. jusqu'en 881 .
» elles portent pour titre : Portiuncula incipit
» de Gestis Regum Francorum .
» apelle Annales de S. Bertin , selon les uns,
»parce qu'elles sont l'Ouvrage d'un Reli-
» gieux de S. Bertin ; selon d'autres , parce
qu'elles ont été trouvées dans la Bibliotheque
de l'Abbaye , où elles se conservent
» aujourd'hui.
ود
ود
:
• On les
Il paroît par ces paroles , que les Religieux
de l'Abbaye ne regardent point ce
Volume comme l'ouvrage d'un de leurs Confreres
si quelques - uns le croyent , ce sont
des Etrangers , qui sont moins instruits
qu'eux de ce qui en est ; d'où il résulte ,
qu'en effet ce Volume ne porte que par cas
fortuit le nom de S. Bertin et seulement
parce qu'il a été trouvé dans la Bibliotheque
de l'Abbaye . Son titre , Portiuncula incipit
de Gestis Regum Francorum , annonce que ce
n'est point l'Ouvrage d'un Auteur original ,
,
comme
OCTOBRE . 1738 . 2173
comme je viens de le dire ; car s'il l'étoit , il
auroit dit Portiunculam incipio de Gestis ,&c . Il
annonce encore que le Scribe n'a eu dessein
que de transcrire une portion du'corps entier
des Gestes de nos Rois , qui étoient connus
de son temps ; vous voyez bien maintenant
qu'il ne mérite point d'être décoré du titre
d'Auteur , et que tout ce que vous avez
écrit à son sujet dans plusieurs pages , croule
par le fondement , puisqu'il n'a fait que copier
l'Ouvrage de quatre Auteurs differens.
Passons à une autre Objection . » Il n'est
»pas vrai , dites - vous ( P. 13. ) que Saint
" Prudence parle de Gottescale , comme
» l'Annaliste de S. Bertin.
J'ai répondu plus haut à cette denegation ;
j'ai prouvé leur parfaite conformité , je ne
me répeterai point sur cet article .
Vous convenez » que S. Prudence vivoit
" au temps que se sont passées les choses
qu'il raportoit dans ses Annales.
De - là je tire deux Conclusions . Il est
donc vrai qu'il a composé des Annales , et
que
dans ces Annales il a écrit les Evenemens
de son temps. Pourquoi donc ne pas
reconnoître que la troisiéme Partie des Annales
de Saint Bertin est son ouvrage , puisqu'elle
en a tous les caracteres ? En discon
venir , dans la seule vûë de doubler les Au
teurs , c'est vous donner la torture bien inutilement...
D.V Yous.
2174 MERCURE DE FRANCE
Vous demandez que je prouve que S. Pru
dence étoit en état en 836. de se trouver,
comme Ecclésiastique , aux Assemblées du
Royaume. ( P. 15. ) Vous ajoutez ensuite :
» Il est certain qu'il n'étoit pas encore Evê-
" que en cette année .
La preuve qu'il étoit en état d'assister en
836. au Parlement de Thionville , se tire de
ce qu'il avoit été attaché à la Cour fort longtemps
, comme il le dit dans sa Lettre à son
Frere , ( Mabil. Anal . tom. 4. ) et de ce qu'il
étoit Ecclésiastique : les simples Abbés ont
toujours eu place aux Assemblées générales
ou particulieres du Royaume et du Clergé.
Comme je n'ait point dit qu'alors il fut Evêque
, je ne sçais pourquoi vous avez voulu
faire croire que j'étois tombé dans cette faute
de chronologie
.
S'il se rencontre de la difference dans Fortographe
des Livres imprimés de S. Prudence
, elle ne vient que des Copistes , ou des
Editeurs plus ou moins attentifs. Celui qui
a fait la copie du Manuscrit de S. Bertin étoit
versé dans ce genre d'étude ; il sçavoit qu'il
faut conserver l'ortographe dans la vérité et
dans la pureté du Manuscrit ancien que l'on
copie . Ainsi votre observation ne détruit
point la consequence que j'ai tirée de cette
ortographe étrangere.
Ma memoire ou ma plume a pu me tromper
OCTOBRE . 1738. 2175
per sans miracle , au sujet du nom de Guehilon
ou d'Egilon , Archevêque de Sens ; ( P. 16. )
ce nom de plus ou de moins n'affoiblit point
le reste de ma preuve .
Vous dites que si Prudence avoit été l'Auteur
des Annales , il y auroit marqué qu'il
avoit assisté aux Conciles de Paris et de Soissons
, aux années 847. 849. 853. d'autant
l'Annaliste a fait le récit de choses beaucoup
plus indifferentes.
que
On ne peut rendre raison au vrai du silence
d'un Historien sur certains Faits ; on:
conjecture quelquefois , mais conjecturer,
n'est pas prouver absolument: Je n'ai point
prétendu fonder mon sentiment sur ce que
S. Prudence n'a pas dit , mais sur ce qu'il a
dit . Ses omissions marquent des ménage--
mens ou de l'oubli , et ne prouvent point
qu'il ne soit pas l'Auteur du reste de l'Ouvrage.
D'ailleurs M. l'Abbé Lebeuf m'a fait
observer , que dans l'Imprimé il y a une lacune
à l'année 849. on ne peut deviner sur
quoi elle tombe , sans avoir consulté auparavant
le Manuscrit .
Vous voulez me faire dire en un Endroit,
(P33 . ) que Prudence écrivoit ses Annales
à mesure que les Faits arrivoient. Pardonnez-
moi , M. si je dénie que je l'aye dit : ik
est aisé de voir si j'en ai parlé. Au contraire,
par la façon dont elles sont faites , j'ai tous
Dvj jours
176 MERCURE DE FRANCE
et
jours eu dans la pensée , qu'il falloit que
S. Prudence les eût rédigées après coup ,
sans un grand soin ; car dans le tout clles
sont écrites d'un style négligé , et d'un goût
'de gazette , racontant quelquefois des Fairs
bien vulgaires . La Partie de celles d'Hincmar
est superieure à celles - là , pour le génie et
pour le fond des Faits , et la maniere de
les rendre les consequences que vous voudriez
tirer d'un raisonnement que je n'ai
point fait , tombent donc d'elles - mêmes..
le
Voilà , M. si j'ai bien lu , à quoi se réduisent
toutes vos objections les plus fortes.
Elles ne répondent pas au bruit que vous
faites contre moi dans votre Préface : mais
non , vous ne me quittez pas encore
pauvre Auteur du Doute se retrouve chargé
de nouveau à la page 102. » Il s'est encore
» trompé , dites-vous , quand il a écrit que
» l'Historien de la Vie de S. Prudence a mis
»sa mort au 6. d'Avril , parce que l'Annalis
»te de S. Bertin en parle à la suite d'un Evenement
arrivé les derniers jours de Mars.
Me faire parler ainsi , c'est me prêter un
raisonnement peu consequent : mais si vous
voulez y faire une nouvelle attention , vous
verrez que j'ai observé de faire imprimer en
parenthese et en lettres italiques la citation
de la Vie de S. Prudence , afin qu'elle ne fit
qu'une Note entierement séparée du Texte ;
desorte
OCTOBRE . 1738. 2177
desorte que la Note sert à confirmer ce que
j'ai dit , que sa mort étoit arrivée au commencement
d'Avril , le parce que est une
preuve pour moi , et non pour vous.
Ce dernier Trait , et tous les autres que ·
j'ai relevé , sont l'effet de la préoccupation
qui vous a fait apercevoir dans ma Dissertation
ce qui n'y étoit point , et qui vous a
caché ce qui y étoit . Je viens de la rétablir
dans son véritable point de vûë ; j'espere
maintenant que l'amour de la vérité vous
engagera à me rendre justice ; et à reconnoître
que vous l'aviez luë à travers des nua-.
ges qui vous en ont couvert totalement le
fond et la forme .
Je finis ma Lettre en vous priant de vous
ressouvenir , que c'est par force que je me
suis défendu contre vous. Je hais les scenes
et les disputes litteraires , dont la suite ordinaire
est moins de persuader les esprits , que
de les diviser ; ce que je redoute , autant que
je desire vous marquer les sentimens avec
lesquels j'ai l'honneur d'être , &c.
A Paris ce 3. Octobre 1738
BOUQUET
2178 MERCURE DE FRANCE

BOUQUET
A M. Turgot , Prévôt des Marchands,
Pour le jour de S. Michel.
Voici le jour de votre Fête ‚
Où chacun vient couronner votre tête
De mille & mille fleurs ;
C'est fort bien fait. Mais , vous offrir des coeurs
Respectueux , sinceres ;
Hélas ! peut- être , il n'en est gueres :.
I en est un du moins , que je connois très- bien ,
Ne le refusez pas , cher Turgot , cest le mien..
L'Abbé de Po ....
忠忠忠忠忠忠出
EXPOSITION DE TABLEAUX ,
Sculptures & autres Ouvrages de Mrs les
Peintres , Sculpteurs & Graveurs de l'Aca
démie Royale , établie à Paris , sous lapros
tection du Roy.
Llon du Louvre,ou certe Académie fit un
E 18. Août , on fir l'ouverture du grand Salpompeux
étalage de Tableaux, & c. exposés à l'admiration
& à la critique du Public , qui y est allé
en foule jusques & compris le.ro. Septembre , que
OCTOBRE . 1758. 21799
fe Sallon a été fermé. Cette Exposition avoit été :
ordonnée , selon l'intention du Roy , par M. Orry,.
Ministre d'Etat , Contrôleur Général des Finances
Directeur Général des Bâtimens , Jardins , Arts &
Manufactures de S. M. & Vice- Protecteur de l'A--
cadémie. Le succès a été complet pour l'honneur
des Beaux- Arts en général , & pour la gloire des il-
Lustres Membres de l'Académie en particulier, dont
les Ouvrages ont produit tout l'effet qu'on pouvoit
atten re de leurs rares talens & de leurs sçavantes
études ; Ouvrages , dis - je , également propres à.
éclairer les jeunes Eleves , à leur échauffer l'imagination
& à leur donner cette émulation si néceflaire
pour le progrés des Arts & pour faire naître & perfectionner
le goût à ceux qui ont assés de lumiere :
naturelle pour être sensibles à leurs attraits .
Les Gens de l'Art & les Curieux ont marqué tout
l'empreffement & toute la satisfaction poffible ; on
a remarqué même quantité de nouveaux Amateurs ,
& de personnes de goût de tous états , quantité de
Gens de distinction & même d'illutres Amatrices ,
fruit de ces sortes d'Expositions . On fçait qu'il y en
eut une très célebre ( & c'est la premiere ) dans la
grande Galerie du Louvre en 1699. Une autre au
même lieu en 1704 La troisiéme se fit en 1724.
dans le Sallon qui a toujours servi depuis à cette
Expofition , qui fut fi bien & fi abondamment orné
il y aun an. Mais nous faifons toujours des voeux
avec tous les Connoiffeurs qui s'interessent véritablement
à la gloire des Beaux- Arts , pour que ces
fortes d'Expositions , dont le Public s'empreffe de
profiter avec tout l'amour & toute la gratitude pos
fible , & qu'il attend avec ardeur comme une Fête
établie * par l'uſage, foient placées dans leur ancien
* L'Expofition de 1704. fut donnée par l'Acadé-
Manois
218 MERCURE DE FRANCE
Manoir , c'est -à- dire , dans la grande Gallerie du
Louvre , où les grands Ouvrages en peinture & les
Tableaux de Chevalet , ainfi qu'en Sculpture , les
Groupes, les Statues , les Bas- Reliefs , &c. font également
éclairés , font placés avec le même avantage
, & vûs plus agréablement par les Spectateurs ,
qui sont plus en état de porter un jugement folide ,
fans crainte de se tromper ou d'être séduits en voyant
un Ouvrage mal éclairé , placé à contre jour ,
dans
une encoignure , trop ou pas assés élevé.. Dans ce
Lieu favorable par fon heureuſe expofition , toutes
les places font prefque égales , & les Spectateurs
n'ont rien à deficer pour leur entiere fatisfaction
. A l'égard des Artiftes , ils n'ont autre choſe à
craindre , finon qu'un voifin incommode ne les obfcurciffe
, mais cet inconvénient n'en est pas un ,
il est même bon pour l'avancement des Arts , que
l'Auteur d'un Ouvrage que le Public n'aura pas
aprouvé , ne puiffe pas dire , j'étois mal placé, mal
éclairé, & c. tels & tels l'ont été plus favorablement .
La magnifique Galerie dont nous parlons , pour le
dire en paffant , à cent dix toiſes de long , & dixfept
Trumeaux de chaque côté , entre les croisées.
Tous les Ouvrages de Sculpture étoient placés dans
les embrafures de ces croifées ..
Nous nous fommes assés étendus l'année derniere
fur les avantages de ces fortes d'Expofitions , nous
aurions même pu étendre nos reflexions plus loin ,
& ajoûter que l'Académie veut bien de temps
en temps rendre une efpece de compte au Public
de fes travaux , & faire voir les progrès des
Arts qu'elle cultive , en manifestant au grand jour
les Ouvrages de fes illuftres Membres , dans les dimie
, comme Fête publique , à l'occafion de la Nais--
Jance du premier -Duc de Bretagne.s
Vers
1
OCTOBRE. 1738. 2181
vers genres qu'elle embraffe , afin que chacun fubiffe
le jugement des gens éclairés , réunis dans le
plus grand nombre , & qu'il reçoive le tribut de
louanges & de cenfures qu'il mérite , en encourageant
les vrais talens & en réprimant la fauffe gloirede
ceux qui ne font pas encore affés dévelopés , & qui,.
fiers d'avoir d'illuftres Confreres , fe croyent fouvent
auffi habiles qu'eux , & négligent leur Art.
Mais arrêtons- nous ; l'Académie dont les lumieres
sont sans bornes , fçait mieux que personne , que
la trop grande indulgence , comme la trop grandefévérité
, font également contraires au progrès des.
Arts. Encore une reflexion.
Le Public gagne auffi dans ces Expofitions publiques
; & la gloire des Artiftes qui ont excellé , en
eft plus grande , en ce que la plupart des Tableaux,
fur tout ceux des bons Maîtres , ne font pas plutôt
hors du Chevalet , qu'ils font enlevés par des Etrangers
, qui nous en privent pour toujours , ou placés .
dans les Cabinets des Curieux à Paris & dans les
Provinces , & dérobés , non feulement aux yeux du.
Public , mais très- fouvent inacceffibles aux Artiftes -
& aux Amateurs , par la difficulté qu'il y a à en .
pouvoir jouir.
Dans le Catalogue que nous allons donner, nous
n'avons pas cru devoir garder d'ordre , ni marquer
aucun rang de préférence fur les Maîtres ni fur leurs
Ouvrages. Au refte , persuadés que qui loue crop
ne loue point , nous ne ferons ici aucun éloge
marqué , moins encore de Censure . Nous serons
fimplement l'Echo du Public , & fur tout des Gens
de goût , en raportant , avec une extrême attention
& fans aucune complaifance , fes fentimens en peu
de mots pour abreger , & l'impreffion que les meilleurs
Ouvrages ont faite sur lui , & pour défigner
à nos Lecteurs ceux qui auront produit ces heureux
2182 MERCURE DE FRANCE
>
reux effets , nous les marquerons d'une Afterique,
c'est-à-dire d'une efpece d'Etoile, en cette maniere .
CATALOGUE des Tableaux , & .
exposés dans le grand Sallon du Louvre.
E MM . DE TROY , Profeffeur , Ecuyer , Che-
Dvalier de l'ordre de 5 Michel , Directeur de
P'Académie de France à Rome. 1. La Toilette d'Esther
, Tableau de dix pieds en quarré 2. Le Couronnement
d'Eſther , de 12. pieds de large , fur
10. de haut. Ces deux grands Morceaux ont été:
trouvés très-dignes de la réputation de l'Auteur .
2 .
COYPAL , ancien Profeffeur , Ecuyer , Premier
Peintre de M. le Duc d'Orleans. 1. Armide , qui
fait détruire par les Génies Infernaux , le Palais
qu'elle leur avoit fait élever pour s'y enfermer avec
Renaud & les Plaisirs , grand Tableau en largeur..
Jeune Veuve devant son Miroir , oubliant
le paffé & prenant des arrang mens pour l'avenir ,.
Tableau de Chevalet . 3. Armide , qui prête à poignarder
Renaud , cede aux tendres fentimens qu'el
le conferve pour ce Héros . La Suite de l'Amour rit
de la colere de l'Enchantereffe , & celebre d'avance
le triomphe de ce Dieu . 4. Une jeune Afiatique ,.
tenant d'une main une bougie & de l'autre une Lettre
, qu'elle femble lire avec attention . On a été
confirmé , en voyant ces Ouvrages , du génie abondant,
Poëtique & varié de M.Coypel, & de l'art avec
lequel il a fçu allier le plus grand Cothurne avec le
Brodequin .
DULIN , ancien Profeffeur. 1. La Réception de
P'Ambaffadeur de la Porte , avec fon fils & fa Suite
, par M. le Blanc , Ministre de la Guerre ,
l'Hôtel Royal des Invalides , où ce Ministre présente
les premiers Officiers de l'Hôtel , qui en fornicht
OCTOBRE. 1738 . 2183
ment le Conseil. Les Figures qui composent ce
Sujet , font reffemblantes & faites d'après Nature.
PARROCEL . 1. * Bataille de Cavalerie , donnée en
Autre Bataille où les Allemans défont les
Italie 2.
Turcs. 3. Cavalier
fur un Air de Manege
pour
affouplir
un cheval
. 4. Autre
de même
grandeur
,
au paffage
, air de Manege
, &c. Ces Tableaux
ont
attiré
un très-grand
nombre
de Spectateurs
; il seroit
trop long d'en raporter
ici les éloges
.
CHRISTOPHE , Adjoint à Recteur . 1 .
Jeune Efclave
affis , frapé par fes Camarades , & fon Défenfeur
qui retient les coups qu'on lui porte . 2. Descente
de Croix . 3. Son Pendant , repréſentant la
Réfurrection . 4. Petite Bacchanale d'Enfans , l'um
étant fur une Chevre , accompagné de fes Camara
des , & l'autre qui eft tombé avec fon Tambour de
Bafque.
DE LA TOUR . 1. Portrait en Paſtel de M. Res
tout , Profeffeur de l'Académie , deffinant fur un
Portefeuille . 2 Celui de Mad . de .... , Habillée ·
avec un Mantelet Polonois , refléchiffant , un Livre
à la main. 3. Celui de M Manfard , Architecte .
4. Madile de la Boiffiere , ayant les mains dans
un Manchon , apuyée fur une fenêtre . On a été
non-feulement frapé de la reffemblance parfaite de
tous ces Portraits , mais encore de l'imitation naïve.
& vraye, de ce que la Nature préfenté aux yeux de
plus agréable . En ce genre on ne croit pas que l'Art:
puiffe aller au- delà.
OUDRY. 1.Silene , barboüillé de Mures par la
Nimphe Eglé , en Bas- Relief de Bronze. 2. Chasse
du Cerf. 3. Petit Payfage d'après Nature , avec
des Animaux fur le devant . 4. Autre petit Paysageeù
paroît une groffe Tour, d'après Nature. 5. Chasfe
où paroît le Roy ; dans le fond du Tableau , un.
Cerf, qui tient contre les Chiens fur les Rochers.
de
2184 MERCURE DE FRANCE
de Franchard , dans la Forêt de Fontainebleau , fait
d'après Nature , par ordre du Roy , pour être exe
cuté en Tapiflerie. 6. Payſage , où l'on voit un
grand Pont , des Vaches & des Moutons fur le devant.
7. Pot à Oglio , un Faiſan & Groupe de Gibier
, pofé fur un Tapis de Turquie. Ce laborieux-
Artiste foûtient & augmente dans ces Ouvrages la
grande réputation dont il joüit.
NATOIRE , Profeffeur . 1. Bacchanale , forme
quarrée. 2. Les trois Graces , qui enchaînent l'A--
mour, Tableau chantourné. 3. Bacchus , à qui un
Enfant verſe à boire , accompagné de Silene & de
deux Bacchantes. M. Natoire fe montre dans fesderniers
Ouvrages , plus que jamais , le digne Eleve
de FRANÇOIS LE MOINE , qui a cultivé fes heureux
talens.
DES PORTES , le Père. 1. Petit Tableau repréfentant
du Fruit & du Gibier. 2. Autre de même
fujet. 3. Autre , où l'on voit encore des Fruits & Ju
Gibier. 4. Autre , même fujet , & un bout de Bas-
Relief. 5: Tableau , repréfentant les Fleurs , les-
Fruits & le Gibier du Printemps . 6. Autre , même
fujet , & Pendant. 7. Voiture chargée de Cannes
à Sucre & autres Fruits des Indes , tirée par deux
Taureaux , deux Negres qui portent un Hamar ,
couvert d'un tiche Tapis. Il y a dans le Payſage un
Moulin à Sucre , beaucoup d'Oiſeaux , Arbres , Plantes
, Fleurs & Fruits des mêmes climats . Ce riche
Tableau a été fait pour le Roy , & ſera exccuté en
Tapiflerie aux Gobelins. 8. Des viandes prêtes à
mettre en broche , comme Perdrix rouges & griles,
deux Lapreaux & un Faifan piqué , le tout rangé
dans un baffin fur une table , deux Chapons bardés
& un Rouge , au- deffus un quarré de Mouton ,
quartier d'Agneau , des Bigarades dans un panier ,
& au bas , des Poires de bon chrétien . 9. Tigre
un
de
OCTOBRE. 1738. 2185
de la grande efpece , qui attaque un Cheval rayé ,
tel qu'on en voit aux Indes,fur le derriere unRhinoceros
& une Gazelle : au bas , des Tatous ou Armadilles
, un grand Aibie, dont le fruit eft de la Caffe,
beaucoup d'Oiseaux , Poiffons, Plantes , & c . Nous ne
ferons pas d'autre éloge de M. des Portes, la grande
perfection de fes Ouvrages le loue affés .
CHARDIN. I. Garçon Cabaretier , qui nettoye
= fon Broc. 2. Servante qui écure une poële fur un
Tonneau , faiſant Pendant au précedent . 3. Jeune
Eleve, affis, taillant fon Crayon , apliqué à regarder
le Deffein qu'il copie . 4 Jeune Ouvriere, fur une
chaife de paille , travaillant en Tap: fferie , interrompant
fon Ouvrage , fes regards fixés fur le Desfinateur.
s . Jeune Ecolier affis par terre , qui deffine
fur un Portefeuille , vû par ie dos 6. Autre Ouriere
en Tapiflerie , qui choifit de la laine dans fon
panier. 7.Jeune Perfonne impatiente de cacheter
une Lettre avec la lumiere qu'on lui aporte. &.
Ecolier apuyé fur une table , ayant une attention
finguliere à voir tourner un Toton . Ce Peintre , exact
imitateur de la fimple Nature , jufqu'aux moindres
circonstances, & dont les Tableaux, qui parurent de
lui au dernier Sallon , lui ont fait une grande réputation
, a été encore plus généralement goûté cette
année.
D'ANDRE ' BARDON. I. Les Pelerins d'Emaüs,
petit Tableau. 2. Vierge affile fur des nuées , tenant
l'Enfant Jefus , grand Tableau ceintré. Il ef
deſtiné pour l'Eglife des Miffions Etrangeres.
LE CHEVALIER SERVANDONI . I. Tableau d'Architecture.
2 Autre de même . 3. Sujet d'Architecture
& de Payfage. Perfonne n'ignore les grands
talens de cet Artifte pour la Perfpective & les grandes
compofitions.
TOCQUE' . 1. Portrait de M. Stienmart , Peintre
de
2186 MERCURE DE FRANCE
de l'Académie , & Garde des Tableux du Roy. 2
Celui de Mad, Harant, en coëffure & en Mantelet.
3. De M.Babo . 4. De M. Rinduel, le jeune, Hollandois
, tenant un Livre de Mufiques . De M. Pitre
, apuyé fur un Livre, 6. De M. Villemain , Préfident
au Préfidial de Chartres . Tous ces Portraits
ont été vus avec un aplaudiffement général & très-
Aateur pour l'habile Peintre .
DE LA JOUE. 1. Concert Champêtre , Tableau
chantourné. 2. Devant de Cheminée ceintré , Urne
avec des Enfans qui portent une Mappemonde , fur
Péminence le Cheval Pégaze .
LAMY. 1 , Latone , allaitant Apollon & Diane .
2.Chrift, mis au Tombeau par Jofeph & Nicodême.
3. Apollon avec Iffé. 4. Mercure amoureux
d'Hersé .
DE LYEN. I. Portrait de Mad . de la Haye , en
Lifeuſe . 2. De M. de la Haye , fon Epoux , en Astrologue.
3. De M. de Solmaquier , en Chaffeur.
GALLOCHE , Profeffeur. 1.Adonis qui quitté
Vénus pour aller à la Chaffe , grand Tableau en
hauteur . M. Galloche confirme par cet Ouvrage la
réputation qu'il s'eft fi juftement acquiſe par tant
d'autres .
COLLIN DE VERMONT , Adjoint à Profeffeur.
1. Moyfe ordonnant à Aaron , de la -part du Seigneur
de ferrer dans l'Arche la meſure d'un Gomore
plein de Manne , pour laiffer aux Ifrëlites le
souvenir de la nourriture que Dieu leur avoit donnée
dans le Défert.; grand Tableau ceintré.
AVED. 1. Portrait de M. l'Abbé de ..., en pied.
2. De Mad. Loys . 3. De Mad. de Varenne , en
Lifeufe. 4. De M.Rouffeau Poëte illuftre du fiecle
5. De l'Abbé Berger , apuyé fur un Livre . Ces Ouvrages
ont été généralement aplaudis & eftimés des
Connoiffeurs.
CARLO
OCTOBRE . · 1738. 218
CARLO VANLOO , Profeffeur. 1. Vénus à fa
Toilette , Deffas de porte chintourné. 2. La défaite
de Porus par Alexandre , grand Tableau cein .
tré . 3. L'Amitié de Caftor & Pollux ! La réputation
de cet habile Maître eft au - deffus des louanges
qu'on pourroit lui donner.
BOUCHER , Profeffeur. 1. Vénus qui defcend de
fon Char , s'apuyant fur Cupidon , pour entrer au
Bain, Tableau chantourné . 2. L'Education de l'Anour
par Mercure . 3.Les trois Graces qui enchaînent.
l'Amour , Deffus de porte chantourné. Les grands
talens de M. Boucher font généralement connus
le feu & l'élegance de fes compofitions & les gra
ces de fon Pinceau n'échapent à perfome.
DELOBEL. I.Sujet Allégorique de la réunion
de la Loraine à la France , fous le Regne de
Lous XV. & le Miniftere de S. E. M. le Cardinal de
Fleury, La Deſcription de ce Tableau a paru imprimée.
2. Petite Efquifle , repréfentant des Buveurs.
3. Portrait d'une Dame avec fon enfant .
joüant de la Serinette. 4. De M. Huquier , Graveur.
5. Femme qui dort , tenant des Pavots ; Deffus de
porte en travers . 6. Son Pendant de même grandeur
, repréfentant une femme à qui un Amour
aporte une Colombe.
AUTREAU. I. Portrait de M. Procope , apuyé fur
une table . 2. Ovales , repréfentant les fieurs Slodz ,
freres , Sculpteurs.
DUMONS. Lucrece , Tableau en hauteur.
NATTIER . I. Portrait en pied du Chevalier
Orleans , Grand- Prieur de France , commandant
fur un Port de Mer. 2. De Madlle de Rohan, fille
du Prince de Guimenée , mariée au Marquis de
Crevecoeur , fous la forme d'Hebé . 3. * Madile de
Canily , Epoufe du Marquis d'Antin , tenant une
Perruche. 4. M. Nattier , lui-même , avec les attributs
188 MERCURE DE FRANCE
tributs de la Peinture. 5. Son Epouſe , avec les attributs
de la Mufique , tous deux ovales . Ce Peintre
s'eft toujours extremement diftingué par les graces
de fon Pinceau.
GEUSLAIN. 1. Portrait de M. Pellet , Avocat au
Confeil & ancien Echevin , en Robe de cérémonie.
2.M. Bourdelin , Docteur Régent & Doyen de la
Faculté de Médecine de Paris . 3. Mad. Pouffinet,
tenant un Livre de Mufique. 4. M Chapard , cydevant
Premier Valet de Chambre du Duc de Chartres
, tenant une Flûte Allemande .
HUILLIOT. I. Bustes de Bacchus , où Amour ,
qui prend fon parti , le couronne de Mirthe , lui
ayant pendu fon Carquois au col , un grand Surtout
à trois gradins , fur lefquels on voit des Vafes de
Pierres précieuſes , enrichis de Bas - Relies & de
divers Fruits d'Italie. Le Brandon de l'Amour s'éteint
dans la Coupe de Bacchus , &c. 2. La Fable du
Cocq & de la Perle dans le fumier 3. Trophée de
Chaffe , en hauteur.
FRANCISQUE MILET . I. Gens pui paffent dans une
Barque. 2. Figures & Animaux. 3. Paylage repréfentant
un Repos . 4. Figures d'Animaux , très - petit
Tableau. 5. Payfage & Pêcheurs. 6. Arrivée de
Chaffeurs.
LANCRET . 1. Danſe Champêtre dans une Isle.
2. Concert Champêtre. 3. Le Gafcon puni. 4 .
La Femme avare & le Galant Eſcroc 5. Le Faucon
6. Les Troqueurs , Sujets tirés de la Fontaine . Ce
Peintre pourroit mieux qu'un autre , fe pafler d'éloges.
Ses Ouvrages lui en ont affés attire , mais le
Public , qui faifit aifément & goûte avec avidité
tout ce qui fort de fon Pinceau, nous fçauroit mauvais
gré de ne pas aplaudir , avec tous les Curieux,
à fes compofitions galantes , legeres & ingénieufes .
CHAVANNE. 1. Un Soleil levant. 2. Un Soleil
couchant,
OCTOBRE.
1738.
2189
couchant. 3. Payfage avec Figures & Animaux 4.
Bergers avec leurs Troupeaux.
ALLOU . 1. Portrait de M. Raguenet , peint d'une
maniere
pittorefque . 2. Celui de M. Burgo. 3.
De M. Mercier , en bonnet , & de profil . 4. De
M. Dailly , Architecte , tenant un Livre ; on voit
fur une table un Compas & autres Inftrumens de
Géométrie. 5. De M Ferrand , Avocat au Parlement
, en Robe . 6. De Mad. Defchamps ; elle don
ne de l'herbe à brouter à un Lapin . 7. De M. Deschamps
, en Solitaire , tenant un Livre. 8. De M. de
Bierne , en Juge Conful.
BOIZOT. 1. Deffus de porte , repréfentant l'origine
de l'Amour , exprimé par une belle Perfonne,
qui , avec le fecours d'un Verre ardent , allume le
Hambeau de Cupidon . 2. Vénus qui défarme l'Amour.
3. L'Education de l'Amour par Vénus & par
Mercure. 4. L'Amour piqué par une Abeille. 5 .
Tableau repréſentant
l'Architecture , & fon Pendant
, repréfentant la Sculpture.
TREMOLIERES , Adjoint à Profeffeur . 1. Bain de
Diane , Efquiffe. 2. Triomphe de Galatée fur les
Eaux , autre Efquiffe. 3. Tableau repréſentant la
Comédie. 4. L'Hymen d'Hercule & d'Hebé , enchaînés
par l'Amour avec des Guirlandes de fleurs.
5.*Vénus embraffant l'Amour.6 . Deffus de Porte
chantourné , repréfentant la Mufique , & fon
Pendant , repréſentant la Poëfie. Nous nous fçavons
très- bon gré de la Prophétie que nous fîmes l'année
paffée , avec tous les Spectateurs , en parlant
des talens de ce jeune Peintre , le Public vient de la
confirmer par le goût fin & délicat qu'il a trouvé
dans fes
Ouvrages .
RESTOUT, Profeffeur. 1.
Abdolonyme , qui paroît
devant Alexandre en habit Royal. 2. Gageure
de Phébus & de Borée , pour ôter le Manteau du
E Voyageur.
2190 MERCURE DE FRANCE
Voyageur. Sujet tiré de la Fable . 3. Saint Pierre
guériffant le Boiteux à la porte du Temple . 4. Dispute
de Minerve & de Neptune, au fujet de la Ville
d'Athenes . 5. Neptune & Amphitrite. Ce Peintre
né pour les vaftes compofitions & les grands Sujets ,
non- feulement digne Éleve , mais . Emule & Neveu
de l'illuftre Jean Jouvenet , n'a pas b : foin d'éloge .
COURTIN . I. Les deux Fils du Grand- Prêtre
Aaron , qui , pour avoir pris du feu étranger dans
leur Encenfoir , furent tués d'un coup. de foudre par
l'Ange, envoyé de Dieu, lorfqu'ils alloient encenfer
PAutel des Parfums ; Aaron exprimant fa douleur ,
reçut ordre de Moyfe fur le champ de ne les point
pleurer , mais de lts laiffer pleurer au Peuple. 2 .
Chrift en Croix , & Soldats troublés .
JEAURAT , Adjoint à Profeffeur. 1. Repos de Diane.
2. Départ d'Achille pour aller venger la mort de
Patrocle.
MASSE. Jeune Bacchante , jouant avec des
Enfans.
JOUVENET. 1. Portrait du Commandeur Solar,
Ambafladeur de Sardaigne, en habit de velours cramoifi
, galonné d'or , avec une Ármure . 2. l'Abbé
du Rouget , Aumônier de la feue Ducheffe de
Berry.
ALLEGRALN. Payfage avec Figures & Animaux.
DROUAIS . Plufieurs Portraits en Miniatures ,
renfermés fous une glace , & dans la même bordure
, qui ont reçû bien des aplaudiffemens .
BOUCHARDON , Sculpteur. 1..Portrait en Bufte
de Marbre blanc , faus draperie , traité dans le vrais
goût de l'antique . 2. Modele en Terre cuite , pour
une Fontaine publique. On y voit un Triton & une
Néréide , couchés aux côtés d'un Hippopotame ,
Animal monftrueux du Nil. 3. Autre , représentant
cet Enfant dont Pline fait mention , qui avoit
ડડુખ
OCTOBRE . 219 1738 .
aprivoiser un Dauphin du Lac Lucrin , & l'avoit
accoûtumé à le porter fur fon dos depuis Baye jufqu'à
Pouzzole , où cet Enfant alloit tous les jours.
La réputation de M. Bouchardon , également fameux
par fon Ciſeau & par fon Crayon , ne feroit
pas beaucoup augmentée , quand nous dirions ici
que fes Ouvrages font toujours généralement goûtés
des Connoiffeurs les plus difficiles & les plus
délicats .
LE MOINE , fils . 1. Hercule couché , tenant des
Pommes des Hefperides . 2. Tête de Vieillard, en
Terre cuite. Portrait de la Comteffe de Feu-,
quieres , fille de Pierre Mignard , Premier Peintre
du Roy , auffi en Terre cuite . Les Connoiffeurs du
premier ordre , goûtent toujours de plus en plus les
Ouvrages de ce jeune Artifte , qui jouit déjà d'une
grande réputation très -bien méritée.
ADAM , l'aîné, Adjoint à Profeffeur. 1. * Bufte
de Terre cuite , dans le goût de l'antique . 2. Jeune
Nymphe , badinant avec un Cigne. , à qui elle donne
un Poiſſon. 3. Bas - Relief , moulé en plâtre ,
qu'on execute en' Bronze pour une des Chapelles
de Versailles , repréſentant Ste Adelaïde , Impératrice
, faifant fon dernier adieu à S. Odilon , Abbé
de Clugny, 4. Figure bronzée de ronde - boffe, en
Terre cuite , qui repréfente le Pape S. Grégoire ,
donnant fa Benediction au Peuple.
ADAM , le cadet. 1. Modele en plâtre , de
ronde - boffe , repréfentant Promethée , attaché fur
le Mont Caucaſe . dévoré par un Vautour. Ce n'eft
pas d'aujourd'hui que ces deux habiles Sculpteurs
se diftinguent dans leur Art ; les Ouvrages qui
viennent de fortir de leurs mains , confirment le
jugement favorable qu'on a porté de ceux qu'on
voir d'eux à Versailles , à S. Cloud & ailleurs .
LA DATTE , Sculpteur. 1. S. Paul , en ronde-
E ij boffe
2192 MERCURE DE FRANCE -
bosse , Modele de Terre cuite. 2. Autre de même,
représentant Judith , tenant la tête d'Holopherne .
3. Le Martyre de S. Philipe, Bas- Reliefen plâtre;
on doit l'executer en Bronze pour la Chapelle du
Roy. 4. S. François Xavier , Modele en Terre cuite .
VINACHE , Sculpteur . 1. Figure moulée en plâtre
, de la proportion de deux pieds , représentant
Ajax , qui se donne la mort pour n'avoir pu obtenir
les Armes d'Achille. 2. Le Satyre Marcias , prêt
à être écorché , qui s'efforce de rompre.ses liens ,
Esquisse en Terre cuite. 3. Autre Esquisse , représentant
S. Jérôme qui frape sa poitrine.
VANDERVOORT , Sculpteur. Vierge , assise sur
des Nuées , tenant l'Enfant Jesus à côté d'elle .
LEPICIER , Graveur , Secretaire & Historiographe
de l'Académie . 1. Portrait de M. Orry , Contrâleur
Général des Finances , d'après M. Rigaud. 2 .
Thalie , chassée par la Peinture , Sujet Allégorique
d'après M. Coypel. 3. Sujet tiré de Dom Quichotte
, d'après le même , &c.
THOMASSIN , Graveur. 1. Diogene, qui a trouvé
l'homme qu'il cherchoit , d'après M. Autreau le
Pere. 2. L'Homme assujetti au travail , d'après le
Feti.
On voyoit dans le même Sallon les OEuvres diverses
en Gravûre de Mrs Tardieu , Moireau ,
Larmessin , Aveline , Surugue , &c.
On a du expliquer l'Enigme & les Logogryphes
du Mercure de Septembre par , une
Lettre missive , Sonnet , Logogryphe , Cala
mus , Hirundo vel Hirudo & Musca. On
trouve dans le second Logogryphe , Orge ,
Lyre , Ré, Gloire , Pole , Horloge , Lie , Oeil;
& dans le cinquième , Musa & Mus.
و
OCTOBRE 1738. 2193
ENIGM E..
Tout en naissant je meurs , & mourant pous
éclore ,
Je suis & ne suis plus , & je revis encore ;
En revenant toujours , je ne reviens jamais ;
Je meurs , c'est pour toujours, & toujours je renais
Tout & rien est à moi , je donné comme j'ôte ;
Je fais & détruis tout , mais ce n'est pas ma faute ;
C'est mon destin ; par moi les plus profonds secrets
Sont pénétrés ; mon cours abolit les forfaits ;
Quelquefois je flechis une Beauté cruelle ,
Mais quelquefois aussi je la rends infidelle :
Du vice & des vertus je deviens le tombeau ,
Et plus souvent encor je leur sers de flambeau ;
On ne pourroit sans moi faire aucune entreprise ;
Le Sage sçait mon prix & le sot me méprise ;
Les plus heureux Mortels sont tous maîtres de moi;
Ce n'est qu'aux malheureux que je donne la loi ;
Le Scelerat , sans moi , ne peut faire son crime ;
Le Poëte sans moi ne peut trouver sa rime:
Devinez qui je suis , Lecteurs embarrassés ;
Vous ne pouvez sans moi , c'est vous en dire assés.
Par M. l'Abbé Pagés.
E iij LQ
2194 MERCURE DE FRANCE
** ! ****************
LOGOGRYPHE..
I Ris ,
A Mlle V ......
Ris , pour votre ajustement
Je vous suis toujours nécessaire
Et mon parfait attachement
Eut toujours le don de vous plaire.
"
Si des sept pieds , qui font mon nom ,
Vous faites la dissection ,
Vous trouverez un Fleuve , un Prophete, une Ecorce,
Qui conserve du vin & le goût & la force ;
Piege que l'on tend aux Poissons ,
Pour les prendre par hameçons ;
Un meuble de Toilette ; une Ville de France ;
Ce que l'homme sur lui porte dès son enfance ;
Deux Papes ; certain nom ; symbole de blancheur
Lien ou ligature , utile au Laboureur ;
Ce qui forma jadis une sainte Couronne ;
S'il m'en vient une, Iris , d'abord je vous la donne.
Par M. Desnoyers , Lieutenant Particulier
en la Prévôté d'Estampes.
AUTRE.
Non, jamais je ne valus rien ;
Je remplis neanmoins les Humains d'allegresse ;
Mais
OCTOBRE. 1738. 2195
Mais je suis une Enchanteresse ,
Dont les faveurs souvent perdent l'homme de bien ; .
Cruellement empoisonnées ,
Elles donnent la mort aux ames les mieux nées !
Je suis un Monstre dangereux ;
J'ai sept pieds , treize enfans , dont cinq , pleins de
malice ,
Ne respirent que maléfice ,
Et rendent , s'il se peut , les hommes malheureux!
De les connoître il est facile ,
Quoique de les aimer il soit très- difficile.
Vous trouverez , en combinant ,
Un petit animal de couleur assés grise ,
Que nul homme ne prise ,
"
Qui livre affaut surtout aux Pauvres , à l'Enfant.
Le deuxième craint la lumiere;
Et les Loix plusieurs fois ont fait mourir son Pere.
Le troisiéme , plus doucement ,
Fait entrer son poison dans les corps qu'il assiége ;
On n'aperçoit pas son manége ;
Et pour surprendre mieux , dans son commence.
ment ,
Foiblement il attaque l'homme ;
Mais s'enflant par progrès , il étouffe , il assomme
Les deux autres , non moins méchans ,
E iiij
De
2196 MERCURE DE FRANCE
De genre different , quoique de même espece ,
Sans compassion , sans politesse "
Vont partout desoler les Fermes et les Champs.
Le reste de ceux - ci differe ;
Et chacun dans son genre est meilleur que sa mere.
On voit , en cherchant de nouveau ,
Deux animaux à plume , et fort amis de l'homme ,
Aimés dans Paris comme à Rome.
>
Un Bâtiment en trompe , et souvent en berceau ,
Duquel la figure est concave ,
Et qui pour l'ordinaire est placé dans la cave.
Flus , une espece de pivot ,
Sur qui roule sans cesse une grande Machine.
Un Fleuve qui fut la ruine
D'un jeune audacieux , qui passa pour un sot.
Un Vase d'un frequent usage ,
Propre à mettre de l'eau , du vin , ou du laitage.
Il sort encore de mon sein ,
Une chose par qui la chambre est garantie
Du froid , du chaud , et de la pluie ,
Des Vents et des Voleurs. Et l'autre ? un terme
enfin
Usité dans l'Architecture ,
Et qui des Bâtimens embellit la structure.
AUTRE
OCTOBRE.
1738.
2197
A
AUTR E.
Utant entêté qu'une Mule ,
Je veux te faire voir mon nom.
Lecteur ; souffre , non sans scrupule ,
Qu'il soit contraire à la raison .
Mon nom françois , chose bien
surprenante
Contient trois noms latins de bête differente.
Celui d'un Animal aussi fin
Celui d'une Bête cruelle ;:
Celui d'un timide Coureur.
que voleur ;
Je parois à tes yeux . Peux- tu l'avoir plus belle
LOGO GRYPHUS.
URbes , Rura colo, Pagos , charissime Lector ,
Scinde caput , meus est , ora superna , locus.
Sex è septenis pedibus mòx elige solers ;
Scriptor divini pradicor eloquii.
Nunc quinque insumas , sermo mavortius adsum
Cum totidem , in Coelis pareo multicolor.
Admittas totidem , me cernis in arbore cunctâ ;
Tres tantùm capias , foemina nulla patet.
Par Duchemin , Musicien à Angers.
3.
Ev NOU
198 MERCURE DE FRANCE
********************
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OCTOBRE. 1738. 2199
L'Auteur promet de donner la suite tous
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fera à cette premiere Feü.lle .
DISCOURS sur les objets , qui peuvent exciter
l'émulation , dans la Profession d'Avocat.
Brochure in- 8. A Paris , de l'Imprimerie
de Jacques Guerin , Quai des Augustins.
M. DCC . XXXVIII .
Une courte Epitre , et fort bien tournée
adressée aux jeunes Avocats , précede le
Discours dont il est ici question ; on trouve
dans ce Discours de fort bonnes choses.
Nous en toucherons quelques Endroits.
» Combien d'Hommes Illustres , dit l'Au-
» teur , se sont élevés d'eux-mêmes à la plus
» haute réputation ? Qui ne sçait que le
» Titien n'eut pour Maître qu'un Peintre au-
» dessous du médiocre que le Cor-
» rege , né et nourri dans la solitude , fut
» encore moins redevable à l'instruction
» d'autrui ? cependant quelle gloire se sont--
» ils acquis l'un et l'autre ?
כ
?
Il cite ensuite l'Exemple de Démosthène :
il parle de l'extréme infortune de ce célebre
Orateur , de la gloire qu'il acquit , et des
objets qui exciterent son émulation : il finit
eet Endroit par ces mots, » Il est des génies
» superieurs, qui sentent que rien ne leur est
impossible , et en général il n'est point
Evi d'obstacle
>>
»
2200 MERCURE DE FRANCE
رد »d'obstaclequenepuissevaincreceluiqui
» est animé du désir de se faire un nom .
""
ود
>>
Ce que l'Auteur ajoûte peut regarder tous les
hommes en général , du côté de l'émulation.
» Heureux , dit- il , celui dont l'imagina-
» tion est hardie , vive , agissante , et qui a
» la noble ardeur de vouloir s'élever à la
gloire ! Ces violens transports , qui nous
»portent à souhaiter de la réputation , sont
» des préjugés avantageux , qui annoncent
qu'on la méritera un jour. Tout Homme
qui n'aspire pas à se faire un nom , n'exc-
» cutera jamais rien de grand.Quand on mar-
» che avec nonchalance , et avec froideur
» dans la carriere qu'on a embrassée , on
» souffre toutes les peines , tous les dégoûts
» de sa Profession , sans en avoir l'honneur ,
» ni la récompense ; il faut par de grands ob-
» jets donner de l'ébranlement à l'ame.
»Nous devons , autant qu'il nous est possi-
» ble , comme le dit un des plus grands
>> Hommes de l'Antiquité, nous devons,dis-
»je , toujours nourrir notre esprit au grand ;
» le tenir plein et enflé d'une certaine fierté
» noble et généreuse ; surtout bannissons la
» trop grande méfiance ; elle est une lan-
>> gueur de l'ame , qui l'empêche de prendre
» l'essor, et de se porter avec rapidité vers la
gloire ; elle est , par raport aux talens , ce
» que le froid est pour la terre , elle les gêne,
* Longin
و د
و د
و د
22
*
OCTOBRE. 1738. 2201
»elle les étouffe ; elle empêche d'entrevoir
» ce qu'on est , et de sentir ce qu'on pour-
» roit être un jour : mais la rosée du matin
» est moins utile aux fleurs, que l'émulation ne
» l'eſt aux talens ; elle les met en liberté , et
elle les fait éclore : vive et féconde source
» du mérite ,par elle ,des esprits médiocres at-
» teignent et surpassent souvent la hauteur
»des génies les plus sublimes , &c.
Ce Discours est bien écrit , plein de feu
et d'imagination : peut-être le trouvera -t - on
trop court ; reproche obligeant pour l'Auteur
, qui auroit pu s'étendre d'avantage ;
mais on n'est pas en droit d'exiger de lui
plus qu'il n'a voulu nous donner.
MOYENS de conserver le Gibier par la destruction
des Oiseaux de rapine , et les Instructions
pour y parvenir.
TRAITE' de la Pipée , Chasse amusante et
divertissante , très convenable aux Dames .
Un Vol in- 12. d'environ 100. pages. A Paris
, chés la Veuve Prudhomme , au Palais , à
la Bonne Foi couronnée . M. DCC . XXXVIII .
On se tromperoit si on prenoit ce petit
Livre pour un de ces Ouvrages frivoles , aujourd'hui
fort multipliés , où l'on n'aprend
zien , et qu'on ne lit jamais deux fois. Celuici
, outre l'amusement de la lecture , enseigne
un Art aussi agréable qu'utile ; la conservation
2202 MERCURE DE FRANCE
servation du Gibier n'est pas en effet une
chose indifferente ; et l'exercice de la Pipée
peut d'ailleurs occuper agréablement les Personnes
les plus sérieuses , dans les temps destinés
au délassement de l'esprit. Ce Livre ,
au reste , ne pouvoit être publié dans une
saison plus convenable , que celle où nous
sommes , puisque , selon les Principes de
l'Auteur , Chap. 12. p. 64. c'est le temps le
plus avantageux pour faire la Pipée avec
grand succès.
PROJET de l'Edition des Transactions Philosophiques
de la Societé Royale de Londres ,
traduites en François.
Il y a long- temps que le Public desire une
Traduction Françoise des Transactions Philosophiques
de la Societé Royale de Londres
; et il est fort étonnant que personne
jusqu'à présent ne l'ait entreprise. Tous les
Sçavans de l'Europe estiment beaucoup ce
Recueil , ils le citent dans leurs Ouvrages ;
et les Journaux François et Etrangers en
ont toujours parlé avec les plus grands..
éloges.
Les Mémoires de la Societé Royale de
Londres , renferment non seulement des
Recherches très - profondes et très - sçavantes ,
sur toutes les parties des Mathématiques , de
la Physique , de l'Histoire Naturelle et de la
Médecine ,,
OCTOBRE. 2203 : 1738 .
Médecine , mais encore des Dissertations -
fort curieuses sur les Belles Lettres , sur la...
Chronologie et sur l'Histoire.
La Societé Royale d'Angleterre a commencé
à publier cet Ouvrage en 1665.et depuis ,
elle l'a continué presque sans relâche. Lc .
Recueil entier monte présentement à 40..
Volumes in-4°. la plupart fort épais.
La multiplicité des Volumes , et l'estime
générale des Anglois pour cette Collection ,
ont déterminé succeffivement plusieurs Membres
de la Societé Royale , à en - faire una
Abregé. M. Lowthorp a, le premier, formé
ce dessein ; il a donné l'Abregé des Transac
tions Philosophiques depuis 1665. jusqu'en
1700. et son Ouvrage en trois gros Volumes
in-4° . a été très- bien reçû . Depuis M. Lowt- ¨
horp , plusieurs personnes ont travaillé , à
l'envi, à continuer l'Abregé depuis 1700. jusqu'en
1720. et depuis 1720 jusqu'en 1733 .
Mais les Abregés faits par ces Continuateurs,
ne sont, à proprement parler , que des choix
de Piéces imprimées en entier ou en partie.
Tous ces differens Abregés ont été traduits
en Italien , et ont eu plusieurs Editions.
Il auroit peut- être paru plus commode de
donner une Traduction de l'Abregé , que de
' Ouvrage même ; mais quand on fait une
pareille entreprise , il la faut faire de la mapiere
la plus utile : il n'y a pas de doute:
qu'on
2204 MERCURE DE FRANCE
donner
qu'on n'eût apris beaucoup dans l'Abregé ,
mais ce n'est point l'Ouvrage ; quand on
veut avoir recours aux Mémoires des Membres
de la Societé Royale , on ne peut les
lire et les citer que dans les Transactions Philosophiques.
Il faudra beaucoup de temps pour
cette belle Collection ; mais on tâchera de
dédommager l'attente du Public par l'exactitude
de la Traduction , et par la beauté de
l'Edition : on a lieu d'esperer le succès d'un
pareil Ouvrage fait avec soin , et pour lequel
on suit un Plan,arrêté sous les yeux du Chef
de la Magistrature du Royaume , également
versé dans tous les genres de Littérature et
dans toutes les Sciences.
On donnera incessamment au Public
deux Volumes des Transactions Philosophiques.
Le premier, contiendra la Table Chronologique
depuis 1665. jusqu'en 1735. inclusivement
, la Table par ordre de matieres , et
la Table par noms d'Auteurs. Ce Volume
sera d'environ 800. pages ; à la tête ,il y aura
une Préface Historique pour tout le Re
cueil .
at Le second Volume sera de 550. pages ot
plus ; il renfermera la Traduction des années
1735. et 1736. les dernieres qui ayent paru
en Angleterre , et sera chargé d'un grand
nombre.
OCTOBRE. 1738. 2205
#
nombre de Planches gravées.
On s'est assujetti pour la forme de ces
Volumes aux Mémoires de l'Académie
Royale des Sciences , imprimés au Louvre .
On a mis dans chaque page le même nombre
de lignes et la même marge ; on a choisi de
beaux caracteres , et on a employé le meilleur
Papier.
Pour rendre l'Edition plus belle , on a fait
graver , d'après les desseins de M. Bouchardon
, un Frontispice , plusieurs Vignettes et
des Lettres grises.
Quoique ces deux Volumes soient presque
tout- à -fait imprimés , ils ne paroîtront qu'àprès
la S. Martin , afin que le Papier des Gravûres
, qui sont toutes tirées , et celui de
l'impression, ayent le temps de sécher , et
qu'ils ne maculent point.
Le prix sera de 12. liv. pour chaque Volume
en blanc.
Quelque attention que l'on ait eu de choisir
de bon Papier pour un Ouvrage si important
, les Connoisseurs sçavent que toutes
les feuilles ne sont pas de la même beauté ,
et que toutes les Epreuves des Gravûres net
sont pas de la même force , c'est pourquoi
on donnera la liberté de choisir les Epreuves
les plus parfaites , et les meilleures feuilles
d'impression , à ceux qui voudront donner
six livres de plus pour ces deux Volumes
seulement;
2206 MERCURE DE FRANCE
- seulement ; on leur en tiendra compte sur le
sixième Tome de l'Ouvrage , qui paroîtra
en 1740. et pour lequel ils ne donneront
que six livres au lieu de 12 ; on leur délivrera
une Reconnoissance des six livres
données d'avance , et on promettra de leur
en tenir compte.
Ceux qui retireront de bonne heure leurs
Exemplaires , auront l'avantage de prendre
ceux qui leur paroîtront les plus beaux.
Les Epreuves choisies , le Papier d'élite , et
la Reconnoissance du Libraire , seront paraphés
par le Censeur Royal , qui aprouve
Ï'Ouvrage.
EXTRAIT d'une Lettre de M. D. L. R.
écrite àM*** au sujet d'un nouvel Ouvrage
de M. de Voltaire.
M.
Ous sçavez , Monsieur , le jugement
précipité que quelques Personnes ont
porté des Elemens de la Philosophie de Newton
, mis à la portée de tout le monde par
de Voltaire , imprimés à Amsterdam chés
J. Desbordes 1738. 1. vol. in- 8 . de 399. pages
, avec des Figures , et plusieurs Vignettes
et Fleurons allégoriques , gravés en tailledouce...
Les uns , prévenus mal à propos , ont
condamné leLivre , sans doute sans l'avoir
aproOCTOBRE.
1738. 2207
aprofondi , peut-être sans l'avoir lu . D'au
tres, trompés par une infinité de fautes d'impression
, qui rendent le sens de l'Auteur
absolument inintelligible , en plusieurs en--
droits , ( l'Editeur de Hollande n'ayant pas
même placé comme il faut les Lettres qui
renvoyent aux Figures , ) ont jugé que cet-
Ouvrage étoit bien éloigné d'être à la portée
de tout le monde, comme le titre l'annonce.
Ceux - ci , déroutés de la maniere qu'on :
vient de le dire , sont beaucoup plus excusables
que les premiers ; et c'est principalement
en leur faveur que M. de Voltaire vient
de faire réimprimer ce Livre à Londres avec
toute l'exactitude possible , et avec d'amples
Eclaircissemens , qui le mettront enfin à la
portée de tout le monde , de ses Censeurs,
même les plus rigides. Cette nouvelle Edition
, dont le titre est : ELEMENS de la Phi
losophie de Newton , donnés par M. de Voltaire
, nouvelle Edition , 1. vol. in - 8 °. A
Londres. M. DCC . XXXVIII. , est augmentée
d'un Chapitre concernant le Flux et Reflux,
imprimé dans les Journaux de Londres : on
y a joint une Table des Chapitres , et une
autre des principales Matieres.
,
Toute prévention et toute consideration
particuliere mises à part, quelque Systême de
Physique qu'on embrasse , il faut convenir ,
M. qu'on a bien des obligations à l'Auteur 2.3
da :
7208 MERCURE DE FRANCE
de nous avoir donné les Elemens de la Philosophie
de Newton : tout Homme; tant soit
peu intelligent , et qui pense d'une certaine
maniere , doit être curieux.de se mettre au
fait du Systême de ce grand Philosophe.

Vous ne vous attendez pas , M. sans doute
de trouver ici un Extrait de ce Livre ,
ce qui pourroit exceder les bornes d'une
Lettre ; je crois d'ailleurs qu'il est inutile de
vous en dire d'avantage, pour vous exciter à
le lire avec empressement. Je ne dois pas
oublier de vous dire , qu'il est orné au commencement
d'une Epitre en Vers, adressée à
Madame la Marquise du Chastelet, cetteDame
illustre , l'honneur de son Sexe , qui joint anx
graces de la Nature, le sçavoir le plus solide,
le plus éclairé , et le goût le plus exquis. Je
m'assûre que vous serez content de la précision
de cette Lettre , et de la maniere dont
elle est versifiée . L'Auteur y peint la Philosophie
, surtout celle de Newton , avec les
couleurs les plus aimables ; ensorte , M. qu'à
la seule lecture de cette belle Epitre , on auroit
presqu'envie de devenir tout de bon
Newtonien.
Cette Philosophie , au reste , a peut-être
une vertu attractive , qui captive tous ceux
qui l'étudient avec quelque aplication. Mais
quelques - uns prétendent que cette vertu
sent un peu les qualités occultes des Péripatéticiens
OCTOBRE. 1738. 2209
téticiens . Je n'oserois hazarder là - dessus
mon jugement , du moins par écrit ; il ne
m'apartient pas d'ailleurs de prononcer sur
une matiere , disputée entre des Cartesiens
et des Newtoniens illustres , et d'un égal
mérite : Non nostrum est tantas componere
lites.
J'ai toûjours l'honneur d'être , &c.
A Paris le 20. Septembre 1738.
GENEALOGIE Historique de la Maison
Royale de France , exposée dans des Cartes
Généalogiques et Chronologiques , tirées des
meilleurs Auteurs , avec des Explications
Historiques , et les Armoiries differentes de
chaque Branche. 2. Vol. in - 4. à Paris 1738 .
chés Le Gras, au Palais, Giffart et Briasson,
rue S. Jacques , Chaubert , à l'entrée du
Quai des Augustins , du côté du Pont Saint
Michel , Lamefle , ruë vieille Bouclerie
la Veuve Pissot , Quai de Conty.
L'Avertissement qui est à la tête de ce
Volume , suffit pour en donner une juste
idée. L'Auteur s'exprime en ces termes.
S'il n'y a pas grand mérite de travailler
sur des matieres, où l'on ne peut être
ainsi dire , que l'écho des autres , c'en est
cependant un pour l'Ouvrage , si l'Auteur a
, pour

pro
2210 MERCURE DE FRANCE
profité des lumieres et des découvertes de
ceux qui l'ont précedé , pour le rendre plus
utile, ou plus interessant . On ose se flater que
le Public trouvera ces deux avantages réunis
dans ce Volume . Tout le monde reconnoît
l'utilité des Cartes Généalogiques et Chronologiques
: j'ai mis toute mon attention
pour les rendre aussi claires qu'exactes ; et,
gardant un juste milieu entre ces gros Volumes
, que peu de personnes lisent , et ces
Abreges qui ne sont propres que pour des
Enfans , j'ai fait choix des Faits les plus interessans
, pour en composer les Eloges
Historiques des Rois et des autres Princes
sortis de la Maison de France ; desorte que
l'on aura en même temps un Abregé de
l'Histoire de Françe , et une Généalogie complette
de la Maison Royale , que l'on devroit
toujours faire aller ensemble , à cause
des secours mutuels qu'elles se prêtent.
>
Ce qui fera prendre un autre interêt à ce
Volume , ce seront les augmentations considerables
, qu'il y a par raport aux deux
premieres Races et qui n'ont point été
données jusqu'à présent dans un même
corps. On y trouvera une nouvelle Branche
de la Race Carlienne dans les Comtes d'Andechs
et Ducs de Meranie , dont la Généalogie
a été éclaircie et prouvée dans la Dissertation
d'un Sçavant d'Allemagne , laquelle
paru
OCTOBRE. 1738. 22 FF
parut en 1734. L'heureuse découverte d'une
Chartre de Charles le Chauve , faite par D.
Vaissette , et D. de Vic , Auteurs de là nouvelle
Histoire Générale de Languedoc ,
ayant éclairci un Point important de notre
Histoire, sçavoir , l'origine du fameux Eudes
Duc d'Aquitaine , qui est prouvé descendre
en ligne masculine , d'un Fils puiné du Roy
Clotaire , m'a fourni le Plan magnifique
d'une nouvelle Généalogie des Mérovingiens .
La Posterité du Grand Clovis ne s'éteignit
point , comme on l'a cru jusqu'à présent
dans la Personne de l'infortuné Childeric
III. Elle subsistoit encore , lors du malheur
de ce Prince , dans les Ducs d'Aquitaine
desquels sortirent depuis les Comtes de
Bigorre , les Ducs de Gascogne , et les Vicomtes
de Bearn : et si elle cessa de regner en
France,par l'élection de Pepin, elle en fut, en
quelque sorte , dédommagée d'ailleurs. Apellée
au- delà des Pyrenées , elle y fonda un
nouveau Royaume , et réunit enfin sous sa
Domination , tous les Etats Chrétiens d'Espagne
, dont une partie , sçavoir le Portugal,
vint par alliance à une Branche cadette de la
troisième Race , qui le possede encore ; &
l'autre après avoir été gouvernée par les
Maisons de Bourgogne , de Barcelone et
d'Autriche , est tombée dans une autre Branche
de la Race Capétienne ; desorte que par
1
une
212 MERCURE DE FRANCE
une révolution admirable d'Evenemens , la
troisième Race se trouve aujourd'hui en possession
de tous les Etats qui sont au- delà des
Pyrénées qu'avoit eus la premiere , dont elle
descend d'ailleurs par femmes . C'est ce que
l'Auteur démontre dans la XXII. Carte Généalogique
, par laquelle on voit comment
les trois Races se trouvent réünics en la Per
sonne d'Henri IV.
Quelque raport que ce Volume semble
avoir avec l'Histoire Généalogique de la
Maison Royale de France , et des Grands
Officiers , donnée par le P. Anselme , il en
est cependant aussi different par le style que
par la forme ; et si l'un a eu une aprobation
universelle , on peut dire que l'autre la mérite
, et qu'il sera reçû avec plaisir , surtout
de la part de ceux qui ne veulent pas se charger
d'un gros Ouvrage , et qui sont bien aises
de joindre à l'Histoire de France , la connoissance
de la Généalogie de la Maison
Royale . C'est en leur faveur que l'on vendra
séparément ce Volume , qui est la suite des
Généalogies Historiques , dont les deux pred
miers parurent en l'année 1736.
LES FAUSSES CONFIDENCES , Comédie en
Prose et en trois Actes , de M. de Marivaux,
représentée sur le Théatre Italien. A Paris ,
chés Prault le Pere , Quai de Gêvres , au
Paradis . Les
OCTOBRE. 1738 .
2213
Les
Représentations de cette Piéce , qui a
été remise au Théatre le mois de Septembre
dernier , ont été
généralement aplaudies.
DESCRIPTION D'UNE
CATALEPSIE HISTERIQUE
. Par M. de la Mettrie, Docteur en
Médecine . A Rennes ', chés la Veuve de P. A.
Garnier , Imprimeur-Libraire , Place du Palais
, à la Bible d'or , et à Paris , chés Prault,
Fils , Quai de Conty. 1737. Brochure in- 1 2 .
de 12. pages.
HISTOIRE
ROMAINE de Tite - Live , cor
tenant
l'Histoire de la seconde Guerre Puni
que ; traduite en François par M. Guerin ;
ancien
Professeur
d'Eloquence dans l'Université
de Paris. 3.
Volumes in - 12 . 1738 .
A Paris , chés Louis Dupuis , rue S. Jacques
, à la Fontaine d'or.
INSTRUCTIONS sur les
Dimanches et les
Fêtes en général , et sur toutes celles qui se
célebrent dans le cours de l'année . Vol. in-
12. Prix 2. liv . A Paris , chés Ganeau , Libraire
, ruë S. Jacques , vis-à - vis S. Yves , à
S. Louis.
LES RUSES DE
GUERRE de Polyon , Orateur
à la suite de la Cour des
Empereurs
Marc Aurele et Verus :
Ouvrage divisé en
F
huit
2214 MERCURE DE FRANCE
huit Livres , où l'on trouve en abregé les
Faits les plus mémorables de tous les Grands
Capitaines de l'Antiquité , et de quelques
Femmes Illustres , traduit du Grec en François
par D. P. A. L. R. B. D. L. C. D. S. M.
avec les Stratagêmes de Frontin , de la traduction
de Nicolas Perrot d'Ablancourt ,
enrichie de nouvelles Notes ; 2. Volumes in-
12. Prix 5. liv. A Paris , chés Ganeau , Libraire
, rue S. Jacques.
LETTRES HISTORIQUES ET GALANTES ,
de Mad . Dunoyers , contenant differentes
Histoires , Avantures , Anecdotes curieuses
et singulieres , revûës , corrigées et augmentées
d'un sixième Tome , avec une Table
des Matieres à chaque Volume , qui
manquoit aux Editions précédentes . A Pa
ris , chés la Veuve Ganean , Libraire , ruë
S. Jacques , aux Armes de Dombes . Elle
vend le sixième Volume séparément , en
faveur de ceux qui ont l'Edition en cinq
Volumes.
ESSAIS D'EXHORTATIONS devant et après
l'administration du très - saint Viatique , avecquelques
Exhortations avant et après l'administration
des Sacremens de Baptême , de
l'Extrême- Onction , du Mariage , et divers
Motifs et Actes pour la consolation des Malades
OCTOBRE. 1738. 2218
lades et des Mourans , in -8. par le P. Campmas
, Prêtre de l'Oratoire , imprimés à Toulouse.
A Paris , chés Gabriel - Charles Breton,
ruë S. Victor , près Saint Nicolas du Chardonnet.
DISSERTATION HISTORIQUE sur les Eau
Minerales de Provins , par le Sr N. B **
C. R. A Provins , chés Louis Michelin , Imprimeur-
Libraire de la Ville et du College.
1738. Brochure de 72. pages.
L'Auteur , qui est un Chanoine Regulier
de l'Hôpital de Provins , avertit qu'il n'a
entrepris cet Ouvrage que pour la satisfaction
des Curieux, qui recherchent inutilement des
Exemplaires du Traité composé sur cette
matiere , par Pierre le Givre , Docteur en
Médecine , nâtif de Charly, en Champagne,
dont les differentes Editions sont épuisées
depuis long-temps.
Il le divise en quatre Chapitres. Le premier
contient l'Histoire de la découverte de
ces Eaux , faite d'abord en 1648. dans la
Prairie , entre l'Abbaye des Dames Cordelieres
et les Fossés de la Ville , par M. Michel
Prévôt , Médecin , nâtif de Donne-
Marie en Montois , alors établi à Provins.
Le second Chapitre traite de la nature de ces
Eaux et de leur vertu . L'Auteur , après avoir
avancé dans le premier Chapitre , page 10.
Fij que
2246 MERCURE DE FRANCE
que toute la Province trouve encore autant`
de soulagement dans ces Eaux froides , que
dans celles de Forges , et qu'elles ne leur
sont point inferieures en vertu ; après avoir :
dit encore à la page 15. que le Sr le Givre
fit connoître qu'elles égalent et surpassent
même toutes les autres Eaux du Royaume,
par leur bonté , il continue à leur donner la
même préférence sur les Eaux de Spa , de
Forges , de Pougues , de Château - Thierry ,
d'Auteuil, de Passy , d'Ancosse , et de Sainte
Reine ; par la raison , dit le Sr le Givre , qui
écrivoit vers le milieu du dernier siecle , que
l'on n'a pas encore découvert de Fontaine
ferrugineuse et alumineuse , dont la Mine
soit si abondante , si fine et si épurée , qu'en
celle qui porte le nom de Sainte Croix , ni
dont le mélange des principaux Mineraux
avec l'Eau soit si exact. Son utilité est encore
plus sensible à Provins qu'ailleurs , à
cause que les Coliques néphretiques y sont
assés fréquentes , aussi bien que la Gravelle :
elles y guérissent , dit- il , çes maladies tutò ,
citò & jucundè. Le temps de les prendre est
le mois d'Août.
3
Le troisiéme Chapitre est sur le régime
qu'il faut observer en prenant les Eaux.de
Provins : ce qu'il est bon de lire dans l'Ouvrage
même , où l'Auteur répete plusieurs
fois , qu'elles ont plus de vertu sur le lieu ,
que transportées bien loin. Le
OCTOBRE . 1738 . 2217
Le quatrième enfin contient une Liste des
Personnes qui ont été guéries par ces Eaux
depuis l'an 1651. jusqu'en 1663. où finit le
Catalogue dressé d'abord par le Sr le Givre .
M. Billate dit en finissant , que depuis cette
année jusqu'en 1738. les Eaux de Provins
n'ayant rien perdú de leurs vertus médicinales
, n'ont par cessé d'être salutaires aux
Malades de l'un et de l'autre sexe, mais que,
les Particuliers n'étant pas venus à sa connoissance
, il ne peut les nommer. Le Libraire
prie ceux qui auront quelque chose à
ajoûter à ce Livre , de le lui adresser , pour
instruire le Public , et encourager de plus
- en plus la Posterité.
RECHERCHES Sur la maniere d'inhumer, dès
Anciens , à l'occasion des Tombeaux de
-Civaux en Poitou. Par le R. Pere B. R. Prêtre
de la Compagnie de Jesus. A Poitiers ,
chés Jacques Faulcon , 1738. in - 12 . de 180 .
pages , se vendent à Paris , chés Martin ,
ruë S. Jacques.
Cet Ouvrage est dédié à M. Le Nain ,'
Intendant de Poitiers , par les ordres duquel
l'Auteur dit l'avoir entrepris. Il se plaint
dans sa Préface de la négligence où sont res
tés mille Philologues touchant les anciennes
Sepultures des Chrétiens. » Si leur curiosité,
» dit- il , avoit été la même sur les Sépultu-
Fij >> res
218 MERCURE DE FRANCE
» res Chrétiennes , que sur les Cérémonies
» funebres de l'Antiquité Payenne , ils nous
» auroient sans doute mis à portée de devi-
» ner sans peine ce qu'on a long - temps et
» inutilement cherché sur les Tombeaux de
» Civaux . Mais , ajoûte - t- il , c'est la manie
» ordinaire de bien des Sçavans : abîmés
» dans l'Antiquité la plus obscure , la plus
éloignée , et occupés à la dévoiler aux yeux
» de l'Univers ; ils n'ignorent eux - mêmes ,
et ne laissent ignorer aux autres que ce qui
» les touche tous deux de plus près : leur
Pays , leur Religion , leur Siécle , ses Eve-
» nemens , son génie , ses modes et ses
» moeurs , ces frivoles objets sont étrangers
» pour eux. Rome , la Grece , la Perse , la
» Chaldée , est leur Patrie ; les Césars , les
» Alexandres , les Arsacides , les Seleucides ,
» sont leurs Rois ; la Fable, leur Theologie ;
» les Olympiades , leur Siècle ; leurs coûtu-
›› mes , leurs usages
, les moeurs tracées dans
» l'Odyssée et l'Iliade .
33
› ,
Il cite ensuite les Traités d'Onu
phre Panorneus , et celui de M. Sponde ,
mais comme insuffisans sur la matiere , qu'il
a entrepris d'examiner. Ce Traité est
fort méthodique et comme il n'est pas ordinaire
dans ces sortes d'Ouvrages d'y voir
employer les titres de Proposition , Démonstration
, Corollaire , l'Auteur s'excuse à la fin
de
OCTOBRE. 1738. 2219
de sa Préface , en disant : " Je me flate
» qu'en faveur de l'obscurité de la matiere ,
» et la nécessité où je suis , de proceder avec
" précaution , le Lecteur excusera l'air sec
» géométrique et compassé , qui regne dans
" tout le cours de cet Ouvrage .
Tout le commencement de cette Disser :
tation consiste à prouver, que les Tombeaux
qu'on voit à Civaux , au nombre de plusieurs
milliers , ne sont point du temps du Paganisme
, n'ayant été ni à l'usage des anciens
Gaulois , ni à l'usage des Romains . C'est ce
qui l'oblige d'entrer dans un grand détail
des Sepultures Payennes pour en faire sentir
la difference. On a cru dans le Poitou , que ces
Tombeaux contenoient les corps de ceux
qui furent tués en 507. dans la Bataille où
Clovis resta victorieux d'Alaric . L'Auteur
détruit cela dans sa quatriéme Proposition ,
et il prouve que la Bataille fut donnée vers
les bords du Clin , et non sur ceux de la
Vienne , où Civaux est situé. Il prétend aussi
que ces Tombeaux ne sont pas les Monumens
d'aucune autre Bataille , ni les suites.
d'un Campement d'Armée. Dans la seconde
Partie , il prouve que ces mêmes Tombeaux
ne sont autre chose que les Monumens d'un
ancien Cimetiere de Chrétiens. Il y fait une
longue énumeration des Endroits où il sçait
que l'on trouve de semblables Tombeaux ;
Fiiij СБ
2120 MERCURE DE FRANCE
et ensuite il répond aux objections que l'on
pourroit faire contre son systême, en prétendant
qu'un si vaste Cimetiere ne convenoit
pas à un petit Village , tel que Civaux .
a
La lecture de ce Livre nous a remis à
l'esprit certaines petites Brochures imprimées
à Dijon, il y a environ vingt- cinq ans , touchant
un pareil amas de Cercueils de pierre ,
que l'on à vûs autrefois à Quarrée , proche
Avallon, en Bourgogne , sur lequel M. Moreau
de Mautour a aussi écrit quelque chose
.(a) On peut voir pareillement ce qui s'en
lit dans la Continuation des Mémoires de
Litterature et d'Histoire , au Tome III . (b)
Les Tombeaux de Civaux y passent en revûë
, comme ceux de plusieurs autres Lieux
dont le R. Pere R. ne parle point.
,
Mais pour finir l'Extrait du Livre imprimé
à Poitiers, les Lecteurs y verront avec plaisir
les Observations que l'Auteur a ajoûtées depuis
la page 156. jusqu'à la fin , sur le Campus
Vocladensis , où se donna la Bataille entre
Clovis et Álaric. Il est cependant vrai
qu'elles conduisent à ne rien assûrer sur le
Lieu de cette Bataille. Il veut qu'on se borne
à croire qu'elle a été donnée sur les bords
du Clin , à trois lieuës où environ au - dessus
(a) Mémoires de l'Académie des Belles Lettres.
(b) A Paris chés Simart 1727.
oy
OCTOBRE. 1738 . 2221
⚫u au- dessous de Poitiers , et non pas à
Vouillé , qui est trop éloigné de la Riviere
de Clin. Quant au nom de Vouglé, il assûre
qu'il est inconnu dans le Pays.
DISSERTATION sur plusieurs Circonstan
ces du Regne de Clovis , & en particulier
sur l'antiquité des Monnoyes de nos Rois ,
& de celles qui portent le nom de Soissons,
laquelle a remporté le Prix dans l'Académie
Françoise de Soissons en l'année 1738. Par
M. le Beuf, Chanoine & Sous- Chantre d'Auxerre.
A Paris , chés J. B. Delespine 1738.
in. 12. de 100. pages.
Quoique nous n'ayons pas encore rendu
compte de la Dissertation que M. l'Abbé le
Beuf a donnée au Public cette présente année
, touchant l'état des Sciences depuis la
mort de Charlemagne jusqu'à celle du Roy
Robert , à cause de la multiplicité de Piéces
qui nous ont été envoyécs , nous croyons
cependant devoir faire connoître celle - ci ,
d'autant plus qu'elle est imprimée séparé .
ment , & qu'elle n'est point jointe dans un
Recueil de differens Ecrits , comme celle
dont il nous reste à parler.
Sur le premier Article proposé par l'Académie
de Soissons , qui étoit , Si Clovis en
une demeurs fixe à Soissons , l'Auteur accorde
à cette Ville d'avoir été la Demeure ordi,
F v naire...
2222 MERCURE DE FRANCE
naire de ce Prince , jusqu'après la Bataille
donnée contre Alaric en 507. auquel temps
Clovis vint demeurer à Paris. Il prouve que
sa résidence ne fut point à Rheims , & qu'l
n'y fut que pour son Baptême. Que S. Remi
même venoit à Soissons , où se proposoit
d'y venir dans le besoin . L'Auteur qui paroît
avoir beaucoup voyagé dans le Pays Soissonnois
, fait remarquer dans une Note , que
dans un Canton de ce Pays-là , qui est sur
l'ancienne route de Paris , à l'entrée de la Forêt
Cotia , on apelle l'Epouse du Roy Clovis du
nom de Sainte Crehaulde, ce qui marque une
très ancienne prononciation vulgaire , & que
c'est depuis bien des siècles qu'on a parlé
d'elle dans le Soissonois , d'où on ne la vit
sortir qu'à regret.
La seconde Question étoit , Si Clovis eut
sur la partie des Gaules conquise, une autorité
aussi indépendante des Romains , qu'il l'avoit
sur les Francs. L'Auteur prétend qu'oui ; &
que s'il y eut un Traité entre l'Empereur
Anastase & Clovis , ce fut comme de Couronne
à Couronne , sans qu'il y eut aucune
Soumission de la part de Clovis , & que
même ce ne put être qu'en vertu d'un des
Articles de ce Traité, que Clovis fut honoré
du Titre de Consul , & en reçut les marques.
Les Peuples conquís par Clovis , se
essentirent aussi de cette indépendance de
leur
OCTOBRE. 1738. 222
leur Prince ; ce fut en ce que Clovis ne souffrit
pas qu'on fît dans les Gaules aucune exaction
pour l'Empereur , & que ce qui se levoit
pour lui -même étoit peu de chose›, que les
Gaulois souhaiterent de tout leur coeur l'avoir
pour Maître . Deux Endroits de Gregoire
de Tours , mettent ces Faits en évidence.
>
6
"
Quant au troisiéme Article , qui roule sur
les Impositions , sçavoir , Si Clovis en leva
sur les Gaulois et si les Francs en furent
exempts, M. L. prouve que les Gaulois continuerent
de payer à Clovis ce qu'ils payoient
auparavant au Fisc Imperial ; que ce Prince
sçut se concilier les esprits de toute la
Nation , en admettant les Gaulois parmi ses
Officiers ; & même que ces Gaulois se chargeoient
de faire les recouvremens des levées,
qui étoient d'autant plus faciles à acquiter ,
que chacun avoit été laissé maître de son
bien , de même qu'il l'étoit auparavant. Les
Francs n'avoient que le nom de Barbare ; ils
avoient l'esprit et le coeur Romain , comme
le dit un Evêque de ce siécle là , dont l'Auteur
raporte les termes. Mais ces mêmes
Francs ne furent pas exempts de tributs, ainsi
que plusieurs l'ont cru , sur le fondement du
nom de Franc. L'Auteur aporte pour le
prouver , l'exemple des Eglises , qui n'en fu--
rent pas exemptes , à moins qu'elles n'eus--
Fvj sen
224 MERCURE DE FRANCE
sent eu sur cela un privilege special ; ce qui
paroît par le Concile d'Orleans de l'an si1.
Il avoue qu'il y eut un grand nombre de
Francs compris dans cette exemption : mais
un Article des anciens Capitulaires , fait voir
qu'il y en avoit qui payoient la Capitation :
& un Endroit du VII. Livre de Gregoire de
Tours , supose qu'il y en eut un grand nombre
d'affranchis des tributs , le gros de la
Nation ne l'étant pas par elle-même : enfin,
par un autre Texte du même Historien ; il
semble que ces tributs dans lesquels étoient
compris les Francs , étoient ceux qui se levoient
sur les fonds de Terres , tandis que
les Gaulois-Romains payoient outre ceux-là,
des Droits de Douane & de Péage .
Il étoit naturel que l'Article des Monnoyes
fût lié à celui des Impôts. L'Académie de
Soissons a demandé en quatrième lieu , Si
nous avons des Médailles de Clovis et de ses
Prédecesseurs Rois des Francs ? Quelles étoient
leurs Monnoyes , et si les anciens Soissonois en
avoient de particulieres ? M. L. assûre que
Bouteroüe a hazardé dans son Livre des
Monnoyes bien des choses suspectes , voulant
faire honneur à Clovis d'avoir fait battre
Monnoye , & assignant même les occasions
auxquelles telles & telles Piéces furent batues
. M. le Blanc lui paroît raisonner plus
juste , cependant il ne le suit point , en ce
qu'il
OCTOBRE. 1738. 2229
>
qu'il reconoît que quelques Piéces peuvent
représenter ce Prince . Il suit le sentiment
de M. l'Abbé du Bos ; & il ne croit pas que
nous ayons de Piéces de Clovis , ni des autres ..
qui l'ont précedé. Il soûtient que ces Princes
ne se servirent que des Monnoyes Imperiales
en effet on n'en trouva point d'autres
dans le Tombeau de Childeric, à Tournay.
Quant à celles d'or , qui sont d'un
Clovis , Roy , il dit qu'elles sont de Clovis
II.ou de Clovis III ; qu'il est inutile de chercher
des Pieces d'or de nos Rois avant Theodebert
; que Procope y est formel ; que le
tiers de Sol d'or , où on lit le nom d'un
Theudemer , Roy , n'est pas de Theodemer
, Fils de Richimer , mais d'un Roy des
Suéves , en Galice , qui envoya au sixième
siècle beaucoup d'or & d'argent d'Espagne
au Tombeau de S. Martin à Tours ; & que
le nom de Conno qu'on y lit , doit être le
nom d'une Ville d'Espagne .
M. le Beuf n'oublie aucune des preuves
qui suposent que la Monnoye que Clovis ent
entre les mains & dans ses trésors , consistoit
en des Piéces Romaines : cet Article est
´fort étendu. Le nombre de ces Especes n'étoit
pas alors si multiplié , ni si nécessaire
dans le commerce , parce qu'on négocioit
souvent l'or & l'argent au poids : l'Auteur
en aporte plusieurs exemples. Il finit son
Ouvrage
2226 MERCURE DE FRANCE
Ouvrage par les Monnoyes Françoises où se
trouve le nom de SUESSIONIS ou de
SOE CIONISI ; il fait voir qu'elles ne
peuvent être que du temps des descendans
de Clovis , lorsque la barbarie fut devenuë
plus grande qu'elles ont été battuës véritablement
à Soissons, sous un Monétaire, nommé
Betton ; & que celle qui porte le nom du
même Monétaire , avec ces mots E XONA
FICI , a du être battuë , non à Essone , proche
Corbeil , au Diocèse de Paris , mais à
Vic, sur Aîne , où Betton avoit aussi une Fabrique
, ayant été aussi facile d'alterer ainsi
les mots , AXONA VICI , que de
SUESSIONIS en faire SOE CIONISI.
La Veuve Ganeau , rue S. Jacques , va mettre
saus Presse les Mémoires Historiques et Politiques
des Rois des deux Siciles de la Maison de Frare.
Cet Ouvrage renferme les Evenemens les plus
interessars de l'Histoire de Naples , depuis la
Fondation de la Monarchie par les Princes Nor-.
mands , jusques & compris le Mariage de Don
Carlos.
PROSPECTUS de l'Histoire générate
particuliere des Finances , in - 4°. dressée
sur les Piéces autentiques & dédiée à
M. le Contrôleur Général. Par M. du·
Frêne de Francheville.
DA
Ans le dessein que l'Auteur s'est proposé de donner
au Publicun Corps Historique des Finances;
ne pouvant mettre au jour toutes les Parties , de cer
Ouvrage
OCTOBRE . 1738. 2227.
Ouvrage à la fois , il lui étoit difficile d'en choisir
pour essais , qui fussent plus propres à faire connoître
son dessein , que celles qu'il a publiées les
premieres .
L'une de ces Parties contient l'Histoire des Droits
de Sortie et d'Entrée du Tarif de 1664. depuis leur
Origine. Et l'autre , celle de la Compagnie des Indes ,
avec ses Titres de Concessions et de Priviléges ...
Dans la premiere de ces deux Histoires , on voit
l'Etablissement et la Perception d'une vingtaine
d'Impositions differentes , créées succeffivement.
sur les Marchandises , depuis plus de quatre siècles ;
réunies par M. Colbert en 1664. pour la facilité
du Commerce , & rectifiées encore depuis sur les
même principes : tous ceux qui ont lu cet Ouvrage
, n'ont pas été moins satisfaits de son exactitude
, que de l'immensité des recherches dont l'Auteur
l'a enrichi .
La seconde est d'un autre genre : L'Auteur y
joint à l'Histoire abregée d'une Compagnie célébre
, les differens secours qu'elle , ou les autres plus
anciennes , dont elle a pris la place , ont reçûs de la
Bonté de nos Rois. On y voit surtout leurs Priviléges
, par raport aux exemptions des Droits , non
seulement du Tarif de 1664. mais de beaucoup
d'autres Impositions , dont on donnera auſſi l'Histoire
par la suite.
Ainsi l'Auteur fait connoître au Public par ces
deux Ouvrages, en quoi consistera le Corps Historique
qu'il a entrepris de faire paroître le Public
y verra que l'Aureur , non content de traiter à fond
la Regle Genérale , entre encore dans le détail de
toutes les Exceptions ; & qu'il distingue l'une de
l'autre , pour répandre sur tout son Ouvrage , la
lumiere , l'ordre , l'exactitude & la précision qu'il
demande ,
Les
2228 MERCURE DE FRANCE
Les differens Volumes dont un Ouvrage est com
posé , sont ordinairement marqués par I. II . III .
IV. &c. Plusieurs raisons ont empêché de suivre
cette méthode : La premiere & la plus importante ,
est que les diverses Parties des Finances , quoique
réunies par l'Auteur sous un Titre général & commun
, n'ont point de liaisons entre elles . Ne serace
pas d'ailleurs un avantage & une facilité pour
ceux qui ne voudront point acheter toutes les Parties
de l'Histoire des Finances , que de trouver celles
dont ils auront besoin , comme isolées , & d'en
pouvoir faire emplette , sans que les Volumes ressemblent
à des Livres dépareillés ?
:
cause
Les deux Parties que l'Auteur a mises les premieres
au jour , ne tiennent pas , à la vérité , le même
rang dans les Matieres de l'Ouvrage , au contraire,
l'Histoire de la Compagnie des Indes en est une
des dernieres mais quand l'Auteur ne se seroit
pas cru obligé de les prendre pour essai , à
de l'idée parfaire qu'elles pouvoient donner du
reste de l'Ouvrage , il s'y seroit encore déterminé
volontiers , dans la seule vûe de faire voir que ,
sans s'astraindre à l'ordre des Matieres , il les traitera
indifferemment,à mesure qu'elles seront prêtes,
à moins que des considerations particulieres ne
l'obligent à quelque préférence , comme il est arrivé
à ces premiers Volumes.
la
On trouve dans ces Volumes ( & c'est ce qui n'eſt
pas encore indigne de remarque , par raport à la
préférence qu'on leur a donnée , ) on y trouve
dis je , des renvois qui indiquent , par avance ,
plupart des Matieres qu'embrasse le Corps Historique
des Finances ; ainsi on peut dire qu'ils
renferment l'Analyse de tout l'Ouvrage : Ces ma→
tieres sont ,
* L'Hiftoire générale des Fermes du Roy, par l'or
Are
OCTOBRE. 2229- 1738.
dre des Baux , avec la collection des mêmes Baux. .
( Cette Hiftoire eft citée dans celle du Tarif de
1664. tom. I. pp. 2. 7. 8. 10. & c. & dans celle de
la Compagnie des Indes , p . 125. ) * Sous presse .
L'Hiftoire générale des Finances , par Regnes.
( Hift. du Tarif de 1664. tom. 1. p. 4 ).
L'Hiftoire des Tailles , ( Ibid . ) à cette Hiftoire eft
jointe celle du Taillon , de l'Uftenfile , de l'Equiva-
Lent , & tout ce qui regarde les Receveurs Généraux
des Finances.
L'Hiftoire particuliere des Droits de la Ferme des
Aydes. ( Ibid. )
L'Hiftoire particuliere des Droits de la Ferme des
Gabelles. ( ibid. ) .
L'Hiftoire des Péages. ( Ibid. ) Cette Hiftoire eft
jointe à celle des Droits de la Ferme des Domaines de
de France & de Navarre.
L'Hiftoire des Droits compris dans l'Ordonnance ·
de 1681. ( Id . p. 5. tom . 2. p. 391. ) ensemble celle
des Octrois de Villes . ( Id. tom . 1. pp . 4. 8. ) & de la .
Ferme du Tabac. ( Hift. de la Compagnie des Indes
, p . 125 )
2. PR.
* L'Hiftoire de la Compagnie des Indes . ( Hift du
Tarif de 1664. tom. 1. pp . 6. 725. &c . tom. 2. PR •
305.355.441 . 490. 554. 736 , &c. Imprimée,
L'Hiftoire des Compagnies des Indes Occidentales .
( Hift . du Tarif de 1664. tom . 1. p. 6. tom
124. 180. 209. 218. 225. 239. 274. 292.372 . 441 .
$ 54. 674. 740. 750. &c . Hift . de la Compagnie des
Indes , pp. 33. 140. 368. 388. 417. 427. 586. )
ensemble celle des Droits du Domaine Royal d'Occident.
( Ibid. p. 125. )
L'Hiftoire des Compagnies du Nord , de l'Afrique
du Levant. ( Hift. du Tarif de 1664. tom. 1. p.
6. tom. 2. p. 277. Hift. de la Compagnie des Indes ,
P. 188. ) On voit dans cette Hiftoire celle du Droit
de
2230 MERCURE
DE FRANCE.
de Vingt pour cent sur les Marchandises du Levant.
L'Hiftoire des Manufactures particulieres Royales,.
& autres , Privilégiées . Hift . du Tarif de 1664.
tom. 1. pp . 6. 13. 197. 459. 522. &c. tom . 2. pp.
261. 392. 431. 485. 564. 61s. 746-779 . 792;
794 & c.
L'Hiftoire , en forme de Commentaire , de l'Ordonnance
de 1687. ( Id. tom. 1. pp. 9. 166. 185. 20s..
& c. ),
L'Hiftoire des Droits éteints , suprimés ou alienés.
( Ibid ) pp . 9. 12.
L'Hiftoire des Charges & Offices. (Ibid. p . 13. ) `
On voit dans cette Hiftoire celle du Droit annuel
des Parties Casuelles.
L'Hiftoire des Privileges accordés aux Nations "
Etrangeres en France , & des Impositions particulieres
auxquelles elles y sont sujettes . ( Ibid . p . 56. Id. tom.
2. p. 468. ) On y voit l'Hiftoire du Tarifde 1699 .
pour les Hollandois ; ; de l'Arrêt du 6. Septembre · 1701. pour les Anglois , &c . & celle de l'ancienne
Boëte aux Lombards.
*
L'Hiftoire des Privileges & Exemp:ions des Droits
du Roy. ( Hift. du Tarif de 1664. tom . I. pp . 166.
185.6c1 . &c . tom . 2. pp . 520. 523. 62 1. 674. &c . )
Les Privileges & Exemptions, sont ce que l'Auteur
apelle dans l'Hiftoire des Finances , les Exceptions.
On y voit l'Hiftoire des Foires & Marshés
du Royaume des Privileges accordés aux
Négocians qui lesfréquentent . * Sous preffe. Cos Privileges
étant communs aux Sujets du Roy & aux
Etrangers , l'Hiftoire en a été séparée de celles des
Privileges accordés en particulier aux ´uns & aux
autres. Ainsi ces Exceptions forment comme trois
Parties , dont la premiere contient les Privileges
particuliers des Sujets du Roy , à la tête desquels est
Hiftoire du Droit de Confirmation , Joyeux Avenemeat.
OCTOBRE . 1738. 2238-
ment autres Finances , qui se payent au Roy
pour en obtenir la Confirmation . Du nombre de
es premiers Privileges , sont entre autres , ceux
des Manufactures, & ceux des Compagnies Françoises,
établies pour le Commerce des Indes , c. Mais ces
Articles ont été cités plus haut , comme formant :
les deux premieres Parties de l'Ouvrage , ou y étant
nommément indiqués .
L'Hiftoire des Droits de Sortie
*
d'Entrée du
Tarif de 1664. Imprimée , ensemble celle des
Entrepôts & Tranfits , créés en même temps que ce-
Tarif. ( Hift. du Tarif de 1664. tom. 1. p. 184. &c.
tom. 2. p . 2. Hift. de la Compagnie des Indes , p • -
83.) Sous prefe.
L'Hiftoire des Droits Locaux dus dans les Cinq
Groffes Fermes. ( Hift. du Tarif de 1664. tom . I.
P. 475. )
L'Hiftoire de la Ferme des Poudres & Salpêtres..
( Ibid. p. 782. )
L'Hiftoire de la Douane de Lyon & de celle de Valence.
( Id. tom. 2. P.564. )
* L'Hiftoire de la Conftablie , du Convoi & du
Courtage de Bordeaux. ( Ibid. ) * Sous preffe.
L'Hiftoire de la Coûtume de Bayonne , partagée
entre le Roy & M. le Duc de Grammont . (ibid.)
L'Hiftoire des Monnoyes de France. ( Hift, de la
Compagnie des Indes , p . 125. )
L'Hiftoire des Loteries . ( Ibid. ) Cette Hiftoire est
jointe à celle des Rentes des Tontines .
A toutes ces Parties du Corps Hiftorique des
Finances , qui sont indiquées dans l'Hiftoire des
Droits du Tarif de 1664. ou dans celle de la Compagnie
des Indes ; il ne reste qu'à ajoûter celles
qui ne l'ont pas été ; mais qui sont en petit nombre
, en comparaison de celles - là ..
Comme les Fermes du Roy forment pour le revenu
2232 MERCURE DE FRANCE
une des principales portions des Finances ,
elles tiennent aussi dans leur Histoire , une place
des plus considerables : L'Auteur entend par ces
Fermes , les Gabelles , les Aydes , les Domaines , le
Privilege exclusif de la vente da Tabac , et les
Traites ou Cinq Groffes Fermes.
L'Histoire générale de ces Fermes , par les Baux,
et les particulieres , par les Droits , des Gabelles ,
Aydes , Domaines & Tabac , sont indiquées cidessus.
Une partie de celle des Traites y est aussi indiquée
, sçavoir , dans l'Hiftoire des Droits compris dans
l'Ordonnance de 1681. les Droits sur l'Etain ; les
Droits de Sortie sur les Vins transportés par la
Champagne & la Picardie ; les Droits sur les Toiles
; l'Abord & la consommation sur le Poisson , &
le Droit de Fret sur les Vaisseaux Etrangers. Dans
l'Hiftoire des Compagnies de l'Afrique du Levant,
le Droit de Vingt pour cent. Dans l'Hiftoire sic
l'Ordonnance de 1687. le Droit d'Acquit & la Régie
des Cinq Grosses Fermes. Dans l'Hiftoire des Frivileges
accordés aux Etrangers , des Impofitions
particulieres auxquelles ils font fujets ; le Tarif de
1669. l'Arrêt du 6. Septembre 1701 , & c. L'Hiftoire
des Droits de Sortie d'Entrée du Tarif de 1664 .
Dans l'Hiftoire des Droits Locaux des Cinq Groffes
Fermes , le Péage de Peronne ; la Subvention ; le
Tablier de la Rochelle ; & quelques autres : L'Histoire
des Douanes de Lyon & de Valence ; celle de
la Conftablie , du Convoi du Courtage de Bordeaux
; & celle de la Coûtume de Bayonne.
Les autres Droits des Traites qui restent à indiquer
, sont ceux de Foraine Domaniale , dus
dans les Provinces & Départemens de Languedoc
Provence & Arzac , & differens Droits Locaux qui
s'y levent conjointement comme le Denier Saint
Andre,
OCTOBRE. 1738. 2:233
André , en Languedoc ; le Poids & Caffe de Marfeille
, Table de Mer , Drogueries Epiceries ,
Vingtain de Carene , Ecu par quintal d'Alun , Deux
pour cent d'Arles , & Liard du Baron , en Provence ;
la Traite de Charente la Prévôté de Nantes ; les
Ports Havres ; & les Brieux ; les Droits de Sortie
d'Entrée du Roussillon ; & enfin ceux de la Flandres
du Hainaut François.
> A toutes ces Matieres il faut encore ajoûter la
Ferme des Poftes & Meſſageries , séparée des autres
Fermes dont on vient de parler ; & finir cette indication
, par la Capitation , le Dixiéme & les Quatre
fols pour livre.
Il n'est pas possible de marquer au juste de combien
de Volumes le Corps Hiftorique des Finances
sera composé ; mais sur une énumeration aussi
étendue , il n'est personne qui ne juge que le nom ,
bre n'en soit très - considerable.
Quelque vafte que paroiffe cette carriere , l'Au
teur ofe dire qu'il en a déja fourni la plus grande
partie , en disposant au moins les deux tiers de ses
matériaux. Il ne parle pas des soins qu'il s'eft- donmés
depuis plus de dix ans , pour les recueillir : si
les premiers effais qu'il présente au Public , peuvent
ne pas déplaire , il se tient amplement récompensé
de toute la peine des préparatifs .
Il est fort éloigné pourtant , d'avoir la présomption
de penfer qu'il possede par lui - même tout ce
qui lui est néceffaire , pour porter cet Ouvrage à ſa
perfection ; c'est pourquoi il prie ceux qui pourront
y contribuer , de vouloir bien l'aider de leurs lumieres
; il aura pour eux la même reconnoissance
& la même docilité , qu'il a euë pour ceux qui ont
déja bien voulu lui accorder cette grace . On aura
la bonté de s'adreffer à Paris , chés Debure l'aîné ;
Libraire , Quai des Auguftins , du côté du Pont S
Michel , à S. Paul . 1738 . L'Origine
234 MERCURE DE FRANCE
L'Origine de la Maison de France a été traitée
si diversement par les Auteurs , qu'on n'a eu jusqu'ici
au-delà de Robert le Fort , Bisayeul de Hugues
Capet , que des conjectures . Les uns ont raporté
cette Origine à S. Arnoul , Tige de la Maison
Carlienne ; d'autres , aux Rois Mérovingiens ;
d'autres , à Vitikind , Duc de Saxe . En dernier lieu,
plusieurs ont fait Robert le Fort , Fils de Conrad ,
Comte d'Altorf , et ce sentiment sembloit prévaloir.
M le Marquis de S. Aubin , dans un Traité
qu'il va donner des Antiquités de la Maison de
France , réfutera toutes ces opinions , et établira
par plusieurs preuves nouvelles , et entr'autres par
le témoignage du Roy Robert II . Fils de Hugues
Capet , que la Maison de France est issue des Souverains
qui regnoient en Lombardie , il y a plus de
mille ans.
QUESTION.
On prie les Personnes d'esprit & de Litterature ;
de s'apliquer à décider si l'Envie et la Jalousie sont
une même chose , et si ce sont deux Paflions differentes
, en quoi elles ressemblent , et en quoi elles
different , et laquelle des deux est la plus dange
reuse à la Societé .
REPONSE à la Question de Droit propo
sée dans le second Volume du Mercure
de Juin 1738.
' On demande Si une Femme qui s'eft remariée en
fecondes Noces , ayant des Enfans du Mariage précédent
, peut difpofer comme de fon propre Heritage
d'une Maifon fife à Paris , réputée Conquét de la Comunauté
d'entre - elle & fon premier Mari , par une
Claufe
OCTOBRE. 1738 . 2235
Clause expreffe de leur Contrat de Mariage pafé
dans toutes les formes , attendu que par le Partage fait
après le décès du Mari , des Biens de la Communauté,
elle a repris cette Maiſon , qui auparavant lui étoit
propre, & pris moins sur les autres Biens. Oufi au
contraire elle eft tenuë de la réſerver à fes Enfans du
premier lit , quoiqu'elle leur ait donné en la place des
Biens à proportion de fa valeur, parce qu'elle a du être
confiderée comme un Conquêtfait avec leur Pere.
Pour donner sur cette Question une solution
certaine , il n'est , je crois. , besoin que d'éxaminer
si la Clause du Contratde Mariage qui répute conquêt
de la Communauté la Maison en queftion ,
et qui doit avoir son entiere execution , a eu , par
raport aux Enfans du premier lit, tout l'effet qu'elle
devoit naturellement produire .
Je ne pense pas qu'il fût permis d'en douter , si
lors , ou si l'on aime mieux , après le partage des
Biens de la Communauté , ils eussent reçû des deniers
propres
de leur mere une somme qui leur eut
tenu lieu de cette Maison , puisqu'ils se trouveroient
avoir de son vivant le prix ou la valeur d'un Bien
qu'ils ne pouvoient esperer qu'après sa mort , con- ·
jointement avec les enfans du second lit , ce qui
seroit l'effet le plus avantageux que cette clause '
auroit pu avoir pour eux. De maniere dans ce cas ,
que comme elle auroit dès- lors toute son execution
, la fiction cesseroit , la Maison en queſtion
qui étoit réputée conquêt , reprendroit sa premiere
nature de Propre , et la mere se trouveroit affranchie
de la sujetion de n'en pouvoir disposer ; ce
qui me paroit d'autant moins permis de révoquer en
doute , que si l'on admettoit le contraire , la ftipulation
portée par le Contrat de Mariage produiroit
en faveur des Enfans du premier lit ( ce qu'elle n'a
jamais eu pour objet ) un double avantage , dès
Pinstant
236 MERCURE DE FRANCE
A
Pinstant qu'ils profiteroient de la somme qu'ils
auroient reçûe de leur Mere pour le prix de cette
Maison, et qu'elle leur reviendroit encore après son
décès .
Mais il n'en est pas ici de même ; la Mere s'eft
seulement contentée de reprendre sa Maison , et
de prendre moins sur les autres Biens conquêts : or
le choix qu'elle en a fait préférablement à tous autres
Biens de la Communauté , n'a pas dû causer
le moindre préjudice aux Enfans du premier lit.
Elle n'eut jamais pû disposer comme de ses propres,
des Biens qu'elle auroit pu avoir au lieu de cette
Maison . Elle eut été tenue, comme conquêts de les
leur réserver ; il n'en peut être autrement de la
Maison qu'elle a prise en la place , qui étant réputée
telle par une clause expresse du Contrat de
Mariage d'entre elle et son premier Mari , ne pourroit
cesser de Fêtre , qu'autant qu'elle la leur auroit
cédée pour ce qu'elle pouvoit valoir, des Biens differens
de ceux qui composoient la Communauté.
Puisqu'enfin suivant un Arrêt du 4. Mars 1697 .
rendu conformément aux Conclusions de M. Daguesseau
, lors Avocat Général , il a été jugé que
les meubles même devoient être conservés aux En
fans du premier lit , et que le survivant qui convo
loit en secondes Noces , ne pouvoit en disposer à
leur préjudice.
Par M-Robert lejeune de Monfort Lamaury
La Suite des Portraits des Grands Hommes &
des Personnes illuftres dans les Arts & dans les
Sciences , se continue toujours avec succès chés
Odieuvre , Marchand d'e ſtampes , Quai de l'Ecole.
Il vient de mettre en vente, de la même grandeur,
GERARD AUDRAN , Graveur ordinaire du Roy ,
Conseilles
OCTOBRE. 1738. 2237
Conseiller en son Académie Royale de Peinture &
Sculpture , né à Lyon , mort le 25. Juillet 1703 .
âgé de 61. ans , modelé par A. Coizevox , & gravé
par N. Dupuis.
ANNE DE LA VIGNE , née à -Vernon, morte à Paris
en 1684. peinte par Ferdinand , & gravée par
G. F. Schmidt.
Les Curieux seront bien aises d'aprendre que le St
Gersaint , Marchand , Pont Notre-Dame , qui depuis
quelques années s'eſt fait une habitude d'aller
en Hollande dans la belle Saison , pour y recueillir
des Curiosités , en eft revenu depuis peu avec une
récolte assés considérable ; il met actuellement en
ordre toutes ces Raretés , & se prépare à en faire
une Vente à l'amiable le 24. Novembre 1738. II
s'eft mis sur le pied , à la maniere de Hollande , de
recevoir chés lui les Curieux , pour examiner tranquillement
, & faire choix avant la Vente , de ce
qui pourroit leur convenir : il espere que chacun
trouvera à se satisfaire dans le genre qui peut faire
l'objet de sa curiosité. Ceux qui ont du goût pour
les Productions de la Nature , y verront des Coquillages
d'un beau choix , des Minéraux , des Madrepores
& Plantes marines ; des Insectes conservés
dans la liqueur , des Agates arborisées , grandes &
petites , des plus singulieres & des plus parfaites ,
'propres à être montées en Bagues , & à orner des
Tabatieres & autres Ouvrages , ainsi que des Cornalines
, &c. Ceux qui ont du goût pour les Ouvrages
de l'Art , y verront avec plaisir plusieurs beaux
Tableaux des plus grands Maîtres Flamands & Hollandois
, tels que Rubens , Teniers , Vauvremens
Berghem , Rimbrant , Corneille Polemburg , Bar-
' tholomé , &c. des Boëtes , Coffrets & autres Ouvrages
singuliers d'ancien Laque rouge & noir , du
G Japoni
2238 MERCURE DE FRANCE
Japon ; des Pagodes fingulieres , & de forme bizare &
piquante;enfin un grand nombre d'autres Curiofités,
dont il n'eft pas poffible de donner ici le détail ,
&
vue fatisfera beaucoup plus, que la defcription
que l'on pourroit en faire.
Le Sieur de Carville avertit le Public , qu'il
montre l'Hiftoire, la Géographie , le Blazon, & que
sa demeure eſt rüe Sainte Marguerite , près l'Abbaye
S. Germain , chés M. Barroche , au jufte
Marchand , au fecond Apartement.
Le 24. Septembre , le célebre Herman Boerhave,
Docteur & Professeur en Médecine , Préſident du
College de Chirurgie , & Associé de l'Académie
Royale des Sciences de Paris , & de la Societé
Royale de Londres , mourut à Leyde , âgé de 70.
ans . Un génie vaſte & pénétrant , aidé d'une étude
assiduë de la Nature , l'avoit conduit à des décou
vertes qui rendront son nom recommandable , tant
squ'on cultivera la Physique & la Médecine.
Le sieur Baradelle , Ingénieur pour les Instrumens
de Mathématique , donne avis qu'il vient de
construire un septiéme Cadran Vertical qui s'orien
te sans le secours de la Boussole , pour Bordeaux ,
Libourne , la Force , Issignac , Aurillac , Figeac ,
S. Flour , le Puy , Valence , Briançon , Turin ,
Chiers , Asti , Bibbio , & tous leurs Environs. On
amis aux deux côtés de ce Cadran -deux Echelles
qui contiennent les douze mois de l'année , de cinq
jours en cinq jours , ainsi il sera facile de trouver
par proportion le point qui doit répondre au jour
courant,il y a un cordonnet de soye , qui est toujours
dans le centre du Cadran , avec une petite perle qui
Loule au long, afin de l'ajuster au jour du mois; on
OCTOBRE. 1738. 2239
a pratiqué une pinule qui se couche & se leve lorsqu'on
veut faire usage du Cadran ; la pinule étant
levée , on expose le tranchant de ce Cadran au Soleil
, & l'on fait ensorte que l'ombre de la pinule
soit exactement le long de la ligne marquée dans
la partie supérieure ; alors la petite perle qui coule
au long de la soye, qui se trouve toujours verticale,
par le moyen d'un petit plomb qui est attaché au
bout , fait que la perle marque l'heure cherchée.
Ce Cadran se leve & se baisse à toutes les heures
du jour , comme fait le Soleil sur l'horison ; quoiqu'on
ait indiqué ce Cadran pour Bordeaux & toutes
les Villes jusqu'à Turin & au- delà , il peut
servir autour de la surface de la Terre , en suivant
le parallele du Globe ; comme un quart ou un tiers
de degré ne peuvent faire aucune difference sensible ,
il peut servir également pour les endroits suivans ;
F. de Médoc . Cahors. Albe .
Fons
Gap.
Ambrun . Saluces.
Issignaux. Grenoble. Carmagniole.
Bourg,
Castres.
Rions. Komans. S. Jean. Casal.
Sarlat. Die. Suse .
Aqui.
Genes. Parmes. Modene. Reggio.
Ce Cadran a la proprieté comme les six autres, qui
sont , Paris . Lyon , Brest , Dijon & Tours , Roiien,
Amiens , il font connoître l'heure du lever & du
coucher du Soleil par la seule opération dont on se
sert pour leur usage. Exemple , pour sçavoir l'heure
du lever ou du coucher du Soleil le 20. Mars ou le
23. Septembre , temps des Equinoxes du Printemps
& d'Automne , lorsque l'on a ajusté la petite perle
sur le 20. Mars ou le 23. Septembre , l'on fait venir
la soye perpendiculairement sur la ligne , d'où
partent les heures du matin, qui est d'aplomb au centre
du Cadran , & qui est parallele aux derniers six
mois, la perle indiquera que le Soleil se levera et se
Gij couchera
2240 MERCURE DE FRANCE
couchera à six heures , ainsi des autres quantiémes
du mois ; le prix est de deux livres. Sa demeure est
toujours à Paris , Quai de l'Horloge du Palais , à
l'Enseigne de l'Observatoire , vis-à- vis les grands degrés
de la Riviere.
Remede contre la Rage.
Le Curé de Bouchamp , près de Craon , Diocèse
d'Angers , mort en 1728. & ses prédecesseurs , ont
débité pendant 80. ans à vingt sols la prise , un Remede
pour la Rage , dont la réussite n'a jamais été
réputée douteuse dans le Pays . Après la mort de ce
Curé , un Vicaire du voisinage trouva le temps & le
moyen de feuilleter un vieux Registre de l'Eglise
Paroissiale de ce Lieu , & y trouva la recette
du Remede , qu'il copia. Ce Vicaire étant venu
depuis en la Paroisse de la Lorie , a communiqué
la même Recette à M. Constantin , qui en est
Curé , & qui a fait un très-grand nombre d'épreuves
, toujours avec succès , ce qui l'a déterminé à
rendre ce Remede public. Le voici . Il faut agiter &
dissoudre dans un verre d'eau ce que peut contenir
un dé à coudre , de Cristal Mineral en poudre
très-fine & autant de Sel Policreste ou Glaser , &
le faire prendre à jeun au Malade , qui ne doit manger
que deux heures après. Les plus blessés & les
plus effrayés de la morsure , repeteront le Remede
tous les matins pendant 8. ou 9. jours . Ce Remede
opére encore le quatriéme & le cinquième jour de la
blessure comme le premier & le second . Quant aux
blessures elles se traitent comme des playes simples
, après les avoir lavées d'abord & frottées avec
de Peau salée & avec du sel commun en poudre .
Extrait de la Lettre originale de M. Constantin ,
communiquée par M. Geoffroy
Le
OCTOBRE 1738. 2241
Le sieur Denielles , ancien Chirurgien de l'Hôtel
de Ville de Paris , continue toujours la composition
de son Remede fondant , pour la guérison des
Ecrouelles , que l'on prend tous les jours jusqu'à
l'entiere guérison , sans alterer la santé ni le tempérament
; il ne convient pas aux Poulmoniques . La
dose du Remede n'est que de la grosseur d'un grain
de Poivre . Il purifie la masse du sang , fond les
glandes de la gorge , aussi -bien que celles du Mésantere.
Ce Reméde peut être transporté dans les
Provinces & aux Pays Etrangers . Le sieur Denielles
compose aussi un autre Remede pour la guérison >
des Dartres , qui est souverain pour ces sortes de
maladres . Les Personnes de Province qui voudront
faire usage de ces deux différens Remedes lui
pourront écrire , en affranchissant leurs Lettres,
Sa demeure est rue du Martrois , vis - à-vis la Pa
roisse de S. Jean en Greve à Paris.
"
M. Chycoineau , Conseiller d'Etat , & Premier-
Médecin du Roy, ayant été informé de la guérison
- de plusieurs personnes de considération, par les Remedes
composés dépuis plus de 40 ans par Mad . de
l'Estrade,a bien voulu, pour l'utilité & le soulagement
du Public , donner son Apróbation pour les débiter
sçavoir , une Eau contre les Dartres vives & farineuses
, Boutons , Rougeurs , Taches de rousseurs
& autres maladies de la Peau & un Baume blanc en
consistance de Pommade , qui ôte les cavités & les
rougeurs après la petite Vérole , les taches jaunes ,
le hâle , &c. Ces Remedes se gardent tant que l'on
veut & peuvent se transporter partout . Les Bouteilles
de cette Eau sont de 2. 3. 4. 6. livres & audessus
, selon la grandeur . Les Pots de Baume blanc
sont de trois livres dix sols , & les demi de sols.
Mad . de l'Estrade demeure à Paris ,ruë de la Comédie
Gij Françoise
35
2242 MERCURE DE FRANCE
Françoise , chés un Grainetier , au premier Aparte➡
met. Il y a une Affiche au-dessus de la porte .
Le sieur Courtois , qui , après avoir étudié & pratiqué
la Chirurgie dès sa plus tendre jeunesse &
pendant beaucoup d'années , chés divers Maîtres de
réputation, & pour la partie qui concerne les Dents,
chés les Dentistes les plus experts , entr'autres chés
M. Fauchard , a été reçû Maître à S. Côme , &
demeure rue à côté de la Comédie Françoise , près
du Lion d'argent.
Il s'est fort apliqué aux Opérations de la bouche,,
tant pour ôter & remettre des Dents , les nettoyer,
redresser , égaliser & embellir , que pour fabriquer
& attacher un Dentier supérieur ou inférieur , ou
tous les deux ensemble .
On trouvera chés lui les Poudres , les Eponges
fines , les Racines préparées , les Opiats nécessaires
pour l'entretien des Dents , & sur tout une Eau ,
dont les effets sont souverains pour les raffermix ,
pour guérir les gencives , &c.
AIR .
Ombre Boccage , où regne une profonde
paix ,
Que votre solitude auroit pour moi de charmes !
Si mon aimable Iphis sous vos ombrages frais ,
Loin des tristes soucis , du trouble & des allarmes
,
Daignoit

C
S
B
"AB68
AX AND
TILDEW
FOUNDR
OCTOBRE. 1738. 2243
Daignoit se rendre un jour à mes voeux pour
jamais.
Y *** , de Cressy.
A Rouen le 31. May 1738.
L
SPECTACLES.
E 13. Août , les Comédiens François
donnerent une petite Comédie nouvelle
en Prose & en un Acte , intitulée , Ic
Consentement forcé , de la composition de
M. Guyot de Merville , Auteur de la Tragicomédie
d'Achille dans l'Ile de Scyros ;
représentée au mois d'Octobre de l'année
derniere sur le même Théatre .
Orgon ,
Lisimon ,
ACTEURS.-
Cleante , fils d'Orgon ,
le Sr Duchemin.
le Sr Dubreuil.
le Sr Grandrac.
Clarice, femine de Cléante , la Dlle Gaussin .
Toinette,Suivantede Clarice, la DlleQuinanit.
Nous n'aurions pas differé si long-temps
à satisfaire la curiosité de nos Lecteurs par
l'Extrait de cette Piece , si nous ne nous
étions flatés de porter cette satisfaction.
plus loin par quelques détails que l'impression
de cet Ouvrage nous auroit fourni . La
Gij Piece
2244 MERCURE DE FRANCE
Piece n'ayant pas encore parû imprimée ;
nous réduit à la nécessité de n'en donner
qu'un simple Argument , dans lequel nous
suivrons l'ordre des Scenes.
L'Action Theatrale se passe à Auteuil près
de Paris , dans la Maison de Lisimon , qui
onvre la Scene avec Cléante , son Ami , fils
d'Orgon & Epoux de Clarice. Cléante prie
Lisimon , ami de son Pere , de lui rendre un
service auprès d'Orgon , qui a beaucoup de
confiance en luis il lui aprend pour la premiere
fois , qu'il s'est marié à l'insçu de son
Pere , que son aimable Epouse est d'un trèsbonne
famille , qu'elle est doüée de mille
qualités , qui la lui rendent chere ; mais
qu'elle n'est pas riche. Lisimon convient avec
lui que ce défaut de bien étoit une raison
plus que suffisante pour empêcher Orgon de
donner son consentement à ce mariage, parce
qu'il est assés avare ; Cléante prie Lisimon
de ménager une conversation entre son
Pere & sa nouvelle Epouse , ne doutant
point qu'elle ne lui paroisse digne de son
aveu; mais il souhaite que ce soit sans qu'elle
se fasse connoître ; Lisimon consent à cet
innocent stratagême & dit à Cléante qu'il
la fera passer pour sa niece . Cléante est charmé
de cet expédient & va chercher sa chere
Clarice qui l'attend à la porte de sa maison ;
Carice entre avec Toinon , sa Suivante , elle
rend
OCTOBRE. 1738. 2245
rend graces à Lisimon de l'interêt qu'il veut
bien prendre à leur hymen ; Orgon arrive
chés Lisimon , son ami ; après quelques paroles
sur sa situation présente , il aperçoir
Clarice , dont la beauté lui donne dabord
dans les yeux ; il demande à Lisimon qu'elle
est cette aimable Personne ; c'est ma niece ,
lui répond Lisimon ; Orgon lui demande la
permission de l'embrasser ; mais à peine s'a
proche- t'il de Clarice , que , soit par accident,
soit par affectation , elle se trouve mal,
Toinon l'emmene. Orgon est très - faché d'un
accident qui est venu si mal à propos ; il se
plaint à Lisimon du mariage que Cléante ,
son fils , a contracté sans son consentement
;
Lisimon veut envain calmer sa colere coutre
un fils qui lui a toujours paru vertueux ;*
le Vieillard irrité n'entend point de raison
sur ce mariage & prétend le faire casser ;
Clarice revenue de son indisposition
, vraye
ou suposée , paroît & prie Orgon d'excuser
son indisposition, qu'elle attribue à des traits
de ressemblance qu'elle a trouvés entre Orgon'
& son Pere ; elle dit à Orgon qu'il lui
paroît plus ému qu'il n'étoit quand elle a eu
Thonneur de le voir ; j'en ai bien raison , répond
Orgon , je viens de parler à Lisimon'
du manque de respect d'un fils qui vient
de se marier à mon insçu ; Clarice prend
occasion de - là d'excuser son Fils , pourva
GY dis
2246 MERCURE DE FRANCE
dit- elle , qu'il n'ait pas fait un choix indigne.
de lui ; Orgon lui répond que ce choix est
des plus condamnables , puisqu'il a épousé
une fille sans bien ; Clarice ne convient pas
avec lui que ce soit là faire un mauvais choix ,
& que si cette nouvelle Epouse est vertueuse
, elle lui aporte en dot le plus précieux
trésor qu'on puisse souhaiter dans une Epouse
; Orgon ne se rend pas à tout ce que
Clarice lui peut dire de plus persuasif ; il
convient qu'elle a beaucoup d'esprit ; mais
qu'elle plaide une trop mauvaise cause ; Lisimon
le laisse avec sa niece , prétextant sa
sortie de quelques ordres qu'il a à donner.
Orgon prie Clarice de ne lui pas déguiser la
véritable cause de son indisposition , lụi disant
qu'il ne se prête point à cette prétendue
ressemblance avec son Pere . Clarice a
beau lui protester que c'est l'unique raison ;
il se persuade qu'elle s'est rendue amoureuse:
de lui dès la premiere vûë , par un effet de
sympathie qu'on ne sçauroit expliquer. Il
s'aperçoit que Teinon les écoute ; il demande
à cette curieuse Suivante la raison
de son insolence Toinon lui ávouë
de bonne foi que c'est par un esprit de
curiosité très - ordinaire à son sexe ; Clarice
se retire sous prétexte de quelques
affaires. Orgon empêche Toinon de suivre
sa Maîtresse ; il lui demande, encore,
pourquoi
OCTOBRE . 1738. 2247
pourquoi elle les écoutoit . Toinon en don
ne toujours la même raison ; je ne prends
pas le change , lui répond Orgon ; c'est que
Clarice vous a déclaré les sentimens qu'elle
a pour moi , & cette confidence vous a portée
à voir quels seroient les progrès de cette
passion naissante. Toinon ne sçait que répondre
à un discours si peu attendu & dont
elle sent toute l'extravagance ; Orgon rentre
pour aller achever de s'éclaircir avec Clarice
même , qu'il ne trouve pas aparamment ,
puisqu'elle vient rejoindre Toinon presque
aussi-tôt que cet amoureux Vieillard est sorti.
Toinon instruit sa Maîtresse de sa nouvelle
conquête , dont elle se doutoit déjà
depuis sa derniere conversation avec Orgon
; elles se retirent toutes deux à l'apre
che d'Orgon & de Lisimon . Orgon parle à
ce dernier le même langage qu'il a parlé à
Clarice & à Toinon . Il lui demande sa niece
en mariage ; Lisimon lui dit qu'il y consent,
pourvû que sa niece y consente elle- même ;
n'en doutez point , lui dit le crédule Vieillard.
Lisimon voyant venir Clarice
laisse avec elle. Orgon parle à Clarice en
Amant heureux ; elle lui fait entendre qu'el
le a pour lui l'estime la plus parfaite ; dites
l'amour le plus tendre , lui répond Orgon ,
je sçais ce que signifie le mot d'estime dans
la bouche d'une Fille aussi modeste que vous v
G. vj Potes
le
248 MERCURE DE FRANCE .
l'êtes. Clarice ne sçachant plus comment se
tirer d'affaire , lui dit qu'elle auroit pour lui
toute la tendresse de cet amour dont il lui
parle , si elle étoit encore maîtresse de son
coeur , mais que ce coeur est engagé à un
autre & qu'il l'est d'un noeud indissoluble ,
puisque c'est par la chaîne de l'hymen. Orgon
est très -fâché de ce dernier incident ,
qui lui paroît sans remede. Clarice le prie de
la proteger auprès de son oncle , à qui elle a
fait un mystere de son mariage ; Orgon lui
promet de l'y servir avec toute l'ardeur d'un
homme qui l'aime encore , malgré l'inconvénient
qu'elle vient de lui déclarer. Clarice
se retire voyant aprocher Lisimon ; Orgon
lui renouvelle la promesse qu'il vient de lui
faire.
C'est ici l'objet où toutes les Scenes précédentes
aboutissent. Orgon déclare à Lisimon
que sa niece est mariée ; Lisimon affecte
une colere prête d'éclater ; Orgon défend
Clarice avec toute l'ardeur possible ;
Lisimon , après avoir long- temps combattu ,
lui dir qu'il a très- mauvaise grace de vouloir
qu'il pardonne à sa niece , lui qui ne
veut pas pardonner à son Fils qui se trouve
dans le même cas que Clarice ; ce n'est pas
la même chose , lui répond Orgon ; Clarice
vient au milieu de cette contestation ; O1-
gon persiste dans son sentiment , & Lisinon
ne
OCTOBRE. 1738: 2249
ne veut pas démordre du sien ; ce dernier
dit à sa prétenduë niece , que quoiqu'il soit
très-justement irrité de ce qu'il vient d'aprendre,
il veut bien lui faire grace , pourvů
qu'Orgon pardonne en même - temps à son
fils ; Clarice presse Orgon avec des termes
si pathétiques , qu'il consent à aprouver le
mariage de son Fils , pourvu que Lisimon
consente à celui de sa niece ; tout étant arrêté
, Cléante vient ; il se jette aux pieds
de son Pere & lui présente sa nouvelle Epouse
dans la personne de Clarice..
EXTRAIT de la Tragédie de Sennacherib,
& du Ballet intitulé , le Portrait de la
Nation Françoise , représentés au College
de LOUIS LE GRAND , à Paris le
Août 1738.. a
L A fin principale de ces sortes de Spectacles
est l'utilité même des Acteurs
qu'on y employe ; par les differens Personna¬
ges qu'on leur fait faire , on les dispose de
loin à ceux qu'ils auront un jour à soûtenir
sur le Théatre du Monde , soir à la Cour ,
soit dans l'Epée , soit dans la Robe. On tâche
sur tout de les former à celui d'honnête
homme,qui leur est d'autant plus nécessaire,
que leur naissance leur assûre des rangs plus.
élevés & des Emplois plus importans. Or
s'y propose encore de les corriger d'une certaine
2250 MERCURE DE FRANCE
taine timidité propre à leur âge, qui, entretenuë
par le silence & l'inaction , dérobe souvent
dans la suite au Public des talens rares
& utiles ; & de leur donner cet air d'aisance
& d'honnête liberté, qui distingue & caracté-
`rise , pour ainsi dire , l'Homme de Condition
Au reste ces Exercices publics ne sont
pas tellement dirigés à l'avantage des Acteurs,
qu'on n'y ait égard au plaisir des Spectateurs;
mais ce plaisir n'est point frivole , on s'aplique
à le rendre instructif. Le vice n'y paroît
point sous des couleurs empruntées , plus
capables de le rendre aimable, que d'en inspirer
de l'horreur ou du mépris , on l'y fait
voir avec les caracteres qui lui conviennent,
& qui sont propres à le rendre odieux . On
s'étudie particulierement à précautionner la
nombreuse & florissante Jeunesse qu'on éleve
dans ce College , contre les passions &
les défauts qu'elle peut avoir à craindre
la suite.
pour
Nous commencerons par donner l'Extrait
de la Tragédie ; elle est de la composition
du R.Pere Porée , Jésuite, l'un des Professeurs
de Réthorique , aussi bien que le Ballet qui
lui servoit d'intermede . Voici le Sujet de la
Piece , tel qu'il se lit dans le Programme im
primé.
Sennacherib , Roy des Assyriens , ayant
perdu devant Jérusalem 185000. hommes ,
tuls
OCTOBRE. 1738: 225 F
tués dans une nuit par la main d'un Ange ,
retourna à Ninive plein de fureur & de confusion.
Il crut que ce malheur lui étoit arrivé
parce que son Dieu Tutelaire étoit irrité.
Tandis qu'il songeoit à se le rendre favorable
, il fut immolé aux pieds de son Idolc
par ses deux fils aînés Adramelech & Sarasar
, 45. jours après la défaite de son Armée .
Livre 4. des Rois. Chap. 19. Tob. Chap. 1.
Ainsi s'accomplit la Prophétie faite par
Isaye au Roy Ezéchias , environ deux mois
auparavant. Isaye , chap. 37.
La Tradition des Hébreux , raportée par -
S. Jérôme , est que Sennacherib vouloit immoler
ses deux fils pour fléchir son Dieu par
ce Sacrifice ; que ceux- ci le prévinrent & lur
porterent les coups qu'il leur destinoit .
Nous
suposons , comme
il est vrai- semblable
, que Sennacherib
vouloit
fléchir son
Dieu , pour tenter une seconde
fois la conquête
de Jérusalem
.
La Scene est à Ninive , dans le Palais du ~
Roy.
ACTE PREMIER.
Sennacherib , à son réveil , rapelle le souvenir de
Paffreux spectacle que lui a offert quarante - cinq
jours auparavant son Armée défaite en une nuit devant
Jérusalem. En vain Tharbanés , Géneral des
Troupes Affyriennes, ( que l'on supose être le Frere
de Rabsacès connu dans les saintes Ecritures - par D
ses
22 MERCURE DE FRANCE
ses blasphêmes en vain ce Géneral tâche de calmer
l'esprit du Monarque. Ce Prince se livre à ses
fureurs , & fait mettre aux fers tous les Hébreux
qui sont dans Ninive , pour les immoler aux Mânes
de ses Soldats , jusqu'à ce qu'il puisse leur offrir
un plus grand nombre de victimes , quand il
sera maître de Jérusalem . Il se propose d'en faire
inceffamment le Siege , malgré les remontrances
de son Géneral. Une seule chose l'embarraſſe ,
c'est de trouver le moyen de se réconcilier son
Dieu Tutelaire , qu'il croit irrité. Il ordonne qu'on
lui en aporte la Statue , qu'il a dessein de faire marcher
à la tête de son Armée au milieu de ses Etendars
. Affiraddon, son troisiéme fils ; qui a vu charger
de chaînes Anaël , jeune Israëite , élevé auprès
de sa personne , vient demander sa liberté . Le Roy
la lui accorde , dans la vûë de se faire instruire par.
ce jeune Hébreu , sur la nature du Dieu qui protege
Jérusalem . Anaël lui en dit affés pour lui faire
abandonner le projet de son expédition . Mais ce
Monarque ambitieux est incapable de suivre un bon
conseil. On lui aporte en cerémonie l'Image de la
Divinité , qu'il honore d'un culte particulier . Pros
terné aux pieds de son Idole , il fait voeu de lui
offrir un Sacrifice , qui surpaffe tous ceux qui ont
jamais été offerts au Dieu d'Israël , sur quoi Ostanés
, Grand- Prêtre , lui promet la conquête de
Jérusalem.
ACTE II.
Adramelech & Sarasar , Fils aînés de Sennachérib
, arrivent des Provinces , où ils ont été solliciter
des Troupes Auxiliaires pour prendre Jérusalem . Le:
Roy leur fait jurer une haîne immortelle aux Hébreux.
Après quoi il leur déclare qu'il vent affo
cer l'un d'eux à l'Empire , pour gouverner le
Royaume
OCTOBRE 1738. 2253
ni
Royaume en son absence , tandis que l'autre l'accompagnera
dans son expédition. Tharbanés fair
entendre que l'Armée est prête à marcher. Sennachérib
avant que de partir , veut s'affûrer de la protection
de son Dieu par un Sacrifice propitiatoire.
Anaël , qu'il a mandé , l'instruit sur le genre des
Victimes qu'on offre au Dieu des Hébreux. Il
n'oublie pas l'immolation de la Fille de Jephté ,
les préparatifs du Sacrifice d'Isaac , fils unique d'Abraham.
Le Roy effrayé de ce récit , l'interrompt ,
& sans en attendre la fin , ordonne à l'Israëlite de
se retirer. Ostanés vient sçavoir du Roy s'il est informé
de ce qu'il faut offrir pour accomplir son
Vacu. Sennacherib lui avoie en frémiffant qu'il ne
peut l'emporter sur les Sacrifices offerts au Dieu des :
Hébreux , à moins qu'il n'immole deux de ses Fils .
Le Grand- Prêtre , zelé pour le culte de ses Idoles ,
lui aporte des motifs preffans pour le déterminer à
cette Immolation . Le Roy embarrassé , demande
quelque temps pour s'y résoudre , & va consulter
son Dieu sur le parti qu'il doit prendre.
ACTE III:
Sarasar , qui a vu Sennacherib dans le trouble &
dans l'agitation , tâche d'en pénetrer la cause ,d'abord
par l'entremise de Tharbanés , ensuite par lui même.
Le Roy , malgré les instances de ses deux fils
aînés , refuse de s'expliquer . Il laisse seulement
entrevoir qu'il est occupé du soin d'apaiser son
Dieu . Tharbanés , Courtisan plus politique que
Religieux , lui conseille d'abandonner ce soin aux
Prêtres , & de ne songer qu'à gouverner ses Etats .
Adramelech , Prince sans Religion , prétend qu'il
faut mettre sa confiance dans son Epée , sans adresser
aux Dieux des voeux inutiles.Sarasar, qui admet
indifferemment toutes les Religions , croit qu'il faut
SC
2254 MERCURE DE FRANCE
se concilier tous les Dieux , même celui des Juifs ,
pour n'avoir plus à combattre que des hommes.
Sennacherib goûte le conseil de Sarasar , fait apeller
Anael & lui communique le dessein qu'il a d'adorer
le Dieu des Hébreux , & de lui donner place
parmi les Dieux des Affyriens . L'Israëlite lui représente
que le Dieu des Hébreux est un Dieu jaloux,
& qui n'admet point un culte partagé; que s'il veut
l'adorer, il faut qu'il renverse tous ses autres Dieux ;
A cette proposition Sennachérib entre en fureur &
fait saisir Anaël pour l'immoler à ses Idoles. Affaraddon
survient , qui arrache son favori d'entre les
mains des Soldats. Le Roy à qui on enleve cette
Victime , dit dans un mouvement de douleur , qu'il
faudra peut- être remplacer bien- tôt un sang vil par
un sang précieux. A peine a-t'il proferé cette parole
, qu'il voudroit la retenir, & fait éloigner Assaraddon
, qui lui en demande l'explication . Ostanés
vient preffer le Roy d'acquitter son Voeu. Sennachérib
promet qu'il l'accomplira ; mais il veut auparavant
offrir un Sacrifice de deux Taureaux , pour
consulter son Dieu sur le choix des deux Fils qu'il
faudra immoler. Tandis que seul & abandonné à
lui- même , il refléchit sur la nature du Dieu des
Hébreux , qui ne souffre point de Rival , il se souvient
de ce que lui a dit Anaël , que ce même Dieu
punit quelquefois son Peuple pour les fautes de
quelques Particuliers. Sur cela il forme le dessein
de faire apostasier les Hébreux , qu'il tient dans les
fers . Il se flate d'irriter par ce moyen le Dieu d'Iszaël
contre Jérusalem ; ce qui lui en facilitera la
conquête & le dispenseroit d'accomplir son Vou.
Dans cette pensée il ordonne à Narbal d'aller offrir
la liberté à tous les Hébreux qui voudront présenter
de l'encens aux Dieux de l'Affyrie.
AC TE
OCTOBRE . 1738. 2255
ACTE IV.
Affaraddon refléchit sur la parole échapée à son
Tere , & ne doute point que le Roy ne demande .
son sang ou celui de ses Freres , pour acheter à ce
prix la faveur de son Dieu , & la conquête de Jérusalem
. Il prend la résolution de s'offrir lui- même
pour Victime. Adramelech & Sarasar, qui reviennent
du Temple , où ils ont sauvé la vie à leur Pere , en
écartant les deux Taureaux furieux , qui alloient se
jetter sur lui,infultent Affaraddon & lui reprochent sa
promptitude à secourir les Hébreux , & sa lenteur
à partager les dangers de fes Freres . Le Roy , en
arrivant , commande à ce jeune Prince de se retirer,
dans la crainte qu'il n'ait deviné fon fatal fecret, ou
qu'il ne le reveie . Il embraffe fes deux Fils aînés ,
qui lui ont conservé le jour , & fe trouble quand il
fonge à la récompense dont il faudra peut-être bientôt
payer un tel fervice. Il les fait éloigner à Paproche
de Narbal , qui aporte la liste des Hébreux
que la crainte de la mort a rendus Apostats. Le .
nombre n'en est pas grand , mais cet Officier fait
entendre que si l'on peut engager Aniël & fes deux
Compagnons à honorer les Dieux du Pays , leur
exemple sera bien - tôt fuivi des autres Israëlites qui,
sont dans Ninive . Sennacherib tente cet expédient,
mais fans effet. Irrité de voir qu'on méprise fes pro ..
meffes & fes menaces , il ordonne à Narbal de faire
égorger la nuit fuivante tous les Hébreux Captifs
qui n'auront pas offert de l'encens à fes Dieux.
C'est par leur fang qu'li veut tracer fa route vers
Jérusalem . Ostanés vient de nouveau le folliciter
d'accomplir fon Vou , & fur la proposition que fait
le Monarque , d'immoler cent Hébreux au lieu de
fes deux Fils , le Grand - Prêtre lui remontre que le
nombre ne peut fupléer la qualité de Victimes . II
Le
2256 MERCURE DE FRANCE
le menace de la part des Dieux , d'une punition
éclatante, qui tombera sur la Famille Royale & fur
toute la Nation . Tharbanés vient avertir le Roy
que l'oblation sinistre des deux Taureaux a répandu
Pallarme dans le Camp , & qu'il faut obtenir de
meilleurs auspices pour rassurer les Troupes. Sennacherib
, ébranlé par les menaces du Grand- Prêtre
, effrayé par la nouvelle que lui aporte fon Gé .
neral d'Armée , fe détermine enfin à immoler fes
deux Fils ainés , pour accomplir fon Voeu , & mar
cher ensuite vers la Palestine.
ACTE V.
Pour attirer plus sûrement Adramelech & Sarasar
à l'Autel , le Roy , fuivant le conseil d'Ostanés ,
a fait porter au Temple un Bandeau Royal & une
Epée , Symboles de l'affociation à l'Empire & dut
commandement des Armées. Tandis que les deux
Princes s'entretiennent fur les honneurs qu'on leur
prépare , Affaraddon vient leur rendre ces préparatifs
fuspects , & les conjure de ne point aller au
Temple. Tharbanés vient pour les y conduire avec
un apareil qui aproche de la célebrité du triomphe.-
Adramelech , après avoir hesité que'ques momens ,
dit à son Frere de le fuivre , de l'observer & de l'imiter.
Affaraddon veut accompagner fes Freres ;
mais on arrête fes pas . Tandis qu'il est tout occupé
des idées du Sacrifice qu'on va offeir, Anaël vient
avec Azarie & Zacharie , implorer fa protection en
faveur des Hébreux condamnés à mourir, s'ils n'abandonnent
leur Dieu . Le Prince , qui ne croit pas
les pouvoir sauver , s'ils persistent dans leur Religion
, leur promet cependant d'employer son crédit
auprès du Roy , si - tôt qu'il ferà instruit du fort
de fes Freres.Il l'est bien tôt. Adramelech & Sarafar
Foxiennent duTemple la frayeur peinte fur le visage
&
OCTOBRE. 1738. 2257
& tenant chacun un couteau fanglant à la main . Ils
fçavent qu'ils ont immolé le perfide Oftanés , mais
ils ne connoiffent pas encore tout leur crime & tout
leur malheur. Ils l'aprennent en voyant leur Pere
qu'on aporte percé des coups qu'il a reçus en voulant
fauver le Grand Prêtre. Les deux Fils parricides
détentent leur crime , & fe condamnant à un
exil perpetuel , laiffent la Couronne au jeune Affaraddon.
Sennacherib la fait mettre fur la tête de ce
Prince & lui recommande deux chofes en mourant,
l'une de n'adorer jamais le Dieu des Hébreux, l'autre
de le redouter toujours. Si- tôt que le Roy impie
eft expiré , Anaël avec Zacharie & Azarie fe prosternent
devant le nouveau Roy , qui révoque l'Arrêt
de mort porté par fon Pere. Ainfi les Hébreux
captifs font fauvés , & Jérufalem n'a plus rien à
craindre de la fureur , des Affyriens.
Nous voudrions pouvoir étaler ici toutes les beautés
que renferme cette Piece , mais comme il fau-
-droit pour cela la raporter toute entiere , nous nous
bornons à quelques reflexions fur le caractere des
-principaux Perfonnages. L'orgueil & l'impieté de
Sennacherib y font repréfentés avec les couleurs les
plus vives ; chaque démarche de ce Prince eft un
trait qui le peint tout entier ; s'il rend la liberté à
- Anaël , c'eſt pour s'instruire de la nature du Dieu
qui protege Jerufalem , afin de mieux concerter les
moyens d'affûter fa vengeance ; stil l'interroge sur le
genre des victimes qu'on offre au Dieu d'Ifraël ,
c'eft pour offrir a fon Idole un Sacrifice qui furpafle
tous ceux des Hébreux. Il aprend du jeune Ifraëlite
que fon Dieu eft un Dieu jaloux , qui punit quelque
fois fon Peuple pour les fautes de quelques Parti-
Guliers ; il conçoit auffi- tôt le facrilege deffein de
faire apoftafier ceux des Juifs qu'il retient dans les
cis , afin de faire retomber fur Jérufalem le châtiment
2258 MERCURE DE FRANCE
ment de leur crime. Il expire & il ne recommande
à fon Fils en mourant que deux chofes , l'une de
n'adorer jamais le Dieu des Hébreux , l'autre de le
redouter. L'orgueilleuse impieté du Monarque Asfyrien
donne un jour merveilleux à la pieufe fimplicité
du jeune Anaël . Rien n'eft plus tendre , &
en même-temps pl fublime, que fes fentimens fur
la nature du Dieu qu'il adore , fur le culte qu'il
exige de fes fideles ferviteurs , fur ce Sacrifice du
Cour , fans lequel tous les autres ne font point recevables
à fes yeux. Il y a beaucoup d'art dans les
caracteres des trois Fils de Sennachérib . Il étoit à
craindre qu'ils ne fuffent trop reffemblans & qu'ils
ne fitiguaflent l'Auditeur par une ennuyeufe uniformité
, l'Auteur a trouvé le fecret de les diverfifier &
d'en faire trois Tableaux tout differens. Adramelech
, Prince fans Religion , accufe de foibleffe les
foins inquiets que prend fon Pere d'apaifer fes Ido-
Jes. Il prétend qu'il faut mettre la confiance dans
fon Epée , fans adreffer aux Dieux des voeux inutiles.
Sarafar , fuperftitieux à l'excès , admet indifferemment
toutes les Religions , c'est lui qui donne
au Roy le bizare confeil d'affocier le Dieu des Hébreux
à fes fauffes Divinités , pour n'avoir plus à
combattre que des hommes . Affaraddon fait éclater
sa génerofité dans la protection qu'il accorde
aux Juifs , dans la délivrance d'Anaël , dont il obatient
la liberté, & qu'il arrache d'entre les mains
des Soldats , prêts à l'immoler aux Idoles.
La fin malheureufe de l'impie Sennacherib , la
mort funefte du perfide Oftanés , l'Exil volontaire
des deux Fils parricides , le Couronnement glorieux
du génereux Aflaraddon , la délivrance inefperée
des Captifs Hébreux , tous ces grands Evenemens
font un dénouement auffi frapant qu'inſtructif. On
´y reconnoît d'une part le Dieu des vengeances , qui
so
OCTOBRE. 1738. 2259
se joue des projets infenfés de l'orgueil & pourfuit
Pimpieté jufques fur le Trône ; de l'autre le Protecteur
de l'innocence , qui la laiffe quelquefois gémir
dans les fers , pour lui faire mériter par une humble
confiance les miracles de protection qu'il est
prêt de prodiguer en fa faveur.
Les Acteurs ont joué leurs Rôles avec un aplaudissement
univerfel ; ce n'étoit point de ces froids
Déclamateurs , tels qu'on en voit fouvent dans les
Colleges , dont l'ennuyeufe monotonie glace les
Auditeurs & énerve la force des plus beaux fentimens.
Le gefte , la voix , tout refpiroit en eux la
paffion qu'ils vouloient exprimer. Le Public leur a
rendu juftice par l'attention qu'il a fait paroître.
Plufieurs même de ceux qui n'étoient pas à portée
de les entendre , dans une Cour auffi vaite que celle
du College de LOUIS LE GRAND , ſembloient fe dédommager
en lifant dans leur action , ce que la
voix ne pouvoit porter jufqu'à leurs oreilles.
VOICI LES NOMS ET LES PERSONNAGES
DES ACTEURS.
M. Chartier, représentoit, Sennacherib , Roy des As-
M. Pelerin ,
syriens.
Adramelech , fils aîné de
Sennacherib.
M. Soumard de Ville- Sarasar , second fils de
neuve , Sennacherib.
M. Bataille de Francés , Assaraddon , troisiéme fils
l'aîné ,
M.Mouret ,
M. Martineau de Solleyne
,
M. Bataille de Francés ,
le Cadet ,
de Sennacherib.
Ostanés , Grand - Prêtre
des Idoles .
Tharbanés , Géneral des
Armées Assyriennes.
Anaël, jeune Israëlite, neveu
de Tobie , élevé à
la Cour du Roy.
M.
260 MERCURE DE FRANCE
M. de Maretz de Palis de Zacharie , jeune Captif
Luyeres.
M. de Chabanon ,
élevé avec Anaël .
Azarie , jeune Israëlite ,
Compagnon d'Anaël.
Il nous refte à tracer le Plan du Ballet & à décrire
en peu de mots l'ordre & l'arrangement des
Parties qui le composent.
L'Auteur s'eft propofé de donner un Portrait fidele
de la Nation Françoife. On fent d'abord tout
ce qu'un pareil Sujet a d'intéreffant . En effet , quoi
de plus fenfible pour un François , que de pouvoir
fe confiderer à loifir dans un Portrait animé , où
l'on dévelope fucceffivement à fes yeux fes propres
fentimens , & les refforts fecrets qui le font agir &
"mouvoir ? L'Auteur , pour parvenir à fon but , n'a
pas cru qu'il fût néceffaire de marquer tous les
traits qui caractériſent le François. La Peinture ne
donne pas le vifage tout entier des perfonnes qu'elde
repréfente , elle en cache une partie & la laiffe
deviner. Pourquoi la Danfe n'auroit-elle pas le même
privilege & n'uferoit - elle pas du même artifice ? II
s'eft donc contenté de désigner les quatre principaux
traits qui forment le caractere du François . 1º . Son
génie pour les Armes. 29. Son génie pour le Com
merce 3.Son génie pour les Beaux-Arts . 4° .Son génie
pour. les Modes. On ajoûte pour conclufion : l'amour
du François pour fes légitimes Souverains ,
c'eft ce qui lui fait le plus d'honneur , & ce qui le
diftingue davantage des autres Nations . L'Auteur
fubdivife chacun de ces traits principaux en trois
branches qui leur fervent de dévelopement , & leur
donnent une jufte étendue . Promptitude à prendre
'les Armes & à fe former aux exercices de la guerre.
Habileté à s'en fervir.dans les combats. Facilité à
les quitter pour accorder la paix aux vaincus ; ce
font les caracteres du Génié François pour les Armes

OCTOBRE. 1738. 2260

mes. Activité pour les entrepriſes du Commerce .
Intelligence pour les échanges qui fe font dans le
Commerce. Politeffe engageante, qui facilite le débit
dans le Commerce ; ce font les trois idées fous
lefquelles il repréfente le génie François pour le
Commerce. Dexterité dans les Arts qui fervent à
former le corps par divers exercices . Naïveté dans
les Arts qui doivent inftruire les hommes & corriles
moeurs en divertiffant . Univerfalité de talens
pour tous les Arts qui contribuent à cultiver l'esprit
humain ; c'eft ainfi qu'il caracterife le génie François
pour les Beaux Arts . La bonne grace dans la
maniere d'accommoder les Cheveux & les Perruques.
Propreté dans l'ajustement des Habits . Varieté
dans les Services de table ; c'eft ce qui exprime
le Génie François pour les Modes.
ger
Nous allons donner un précis des Actions principales
fous lesquelles on a tâché de rendre fenfibles
ces differentes idées . On voyoit d'abord des
François de differens âges & de differentes conditions
, s'arracher aux plaifirs au premier fignal de
la guerre, voler aux Armes & représenter aux yeux
duSpectateur toutes les évolutions d'unCombat avec
un ordre & une régularité merveilleufe . Des Ambaffadeurs
envoyés par la Nation vaincuë font succeder
au tumulte de la Guerre un Spectacle plus
ranquille. Le François vainqueur accorde la Paix ,
rend les Prifonniers de Guerre & termine la Scene.
La seconde s'ouvre par les préparatifs d'un Embarquement.
Des Négocians François vont trafiquer
dans les Pays étrangers ; ils abordent dans le nouveau
Monde, échangent leurs Effets avec les richesses
que leur aportent les Naturels du Pays , elles
confiftent entre autres en Perroquets & Pagodes
Chinoifes , qui repréſenteés au naturel , caufent au
Spectateur un plaifir piquant par fa fingularité :
H paroiffent
2262 MERCURE DE FRANCE
paroiffent enfuite des Marchands François qui éta
lent des Bijoux & autres Curiofités ſemblables. Ils
engagent par leur politeffe les paffans , fur tout les
Etrangers , Espagnols , Polonois & Orientaux , à
faire quelque emplette. Les differens caracteres de
ces Peuples, exprimés dans leurs habillemens & dans
leurs danſes , forment une varieté fort agréable , &
par l'opofition qu'ils ont au caractere de la Nation
Françoiſe, fervent à le rendre encore plus fenfible.
Des Maîtres d'Académie font l'ouverture de la
troifiéme Partie . Ils aprennent à de jeunes François
toutes les finesses de leur Art, & communiquent à
leurs Eleves une partie de leur adreffe . Suivent des
Pantomimes comiques & férieux , qui , en donnanţ
um effai de leur talent , expriment celui qu'ont les
François de faifir le ridicule ou de peindre les emportemens
des paffions humaines. On eft agréablement
furpris de voir paroître tout -à- coup un jeune
Eleve des Mufes qui repréfente Monfeigneur le
Dauphin. Des perfonnes verfées dans tous les Arts
Liberaux , viennent lui présenter leurs chefs- d'oeeuvres.
Des Muficiens font en ſon honneur un effai de
leurs voix & fufpendent par la douceur de leurs
chants le charme du Spectacle.
La quatrième partie raffemble & préſente aut
Spectateurs,fous differentes attitudes , les Ouvriers &
les Artifans qui font, pour ainfi dire, aux gages de la
Mode , & qui fervent à étendre fon Empire . Perruquiers,
Tailleurs, Traiteurs & Cuifiniers, tout cela mis
en oeuvre avec la décence qui doit toujours regner
fur le Théatre , y répand un air de naïveté qui, fans
avoir rien de bas & de rampant , plaît également
au Peuple & aux honnêtes gens .
*
L'amour qu'ont les François pour leur légitime
Souverain , les conduit au pied du Trône , pour lui
faire hommage des divers talens qu'on vient de repréſenter
OCTOBRE . 1738. 2263
préfenter. C'eft-là le dernier trait du Tableau , &
ce qui en fait le plus bel ornement.
L'execution a parfaitement répondu à la beauté
du deffein. On n'eft pas furpris que des Maîtres
aguerris , pour ainsi dire , & façonnés par une longue
experience , rempliffent l'idée qu'on a conçue
d'eux ; mais ce qui a étonné , ç'a été de voir les
Pensionaires & autres Etudians du College le disputer
aux Maîtres de l'Art , pour la grace & la propreté
, & former leurs figures avec autant d'exactitude
& de régularité que ceux qui les avoient instruits.
A parler en géneral , on ne peut assés admirer
l'ordre qui se gardoit fur le Théatre durant tout
le temps de l'Action , malgré la multitude des Acteurs
, & le filence qui regnoit fur les divers Amphithéatres
qui partageoient la Cour. C'eft peutêtre
ce qu'il y a de plus frapant dans ces grands
Spectacles .
pas fâché de voir ici les noms de ceux
On ne fera
qui ont dansé au Ballet.
M. de la Combe.
M. Hayet.
M. de Saint-Aignan.
M. d'Entraigues.
M. Riviere.
M. Damoiseau.
M. Diaz de Torrenueva.
M. Palmiste.
M. Destouches.
M. Hermant.
M. Desgranges.
M. de Bussy.
!
M. d'Argenson.
M de Marcadé.
M. Dauzon .
M. de Ramousse.
M. Connoock.
M. Dronart.
M. de Beaumont.
M. de Maretz de Palis de
Luyeres.
M. d'Aligre.
M. Chabanon.
Les Pas font de la compofition de M. Malter ,
Paîné. La multitude des Danses, ia varieté des figures,
& le goût qui y regnoit, font voir fon Génie &
fa fécondité .
Hij Le
2264 MERCURE DE FRANCE .
Le 27. Septembre , les Comédiens François donmerent
une Comédie nouvelle en Vers & en trois
Actes , avec trois Divertissemens , de la composition
de M. de la Grange . Cette Piéce , qui a pour
titre , le Rajeunissement inutile , a été reçûë favorablement
du Public . On en parlera plus au long dans
le premier Journal .
Le 16. de ce mois , les mêmes Comédiens remirent
au Théatre la Comédie de Turcaret, en Prose & en 5.
Actes , jouée dans sa nouveauté pendant l'Hyver de
1709. & reprise au mois de May 1730 , Cette Piece
qui est très-bien écrite,pleine d'esprit & de traits fort
piquants , est de M. le Sage , Auteur du Faux Point
d'honneur , de Cesar Ursin , Comédie en cinq Actes,
& de Crispin Rival de son Maître. Cet Auteur est
assés connu par quantité d'autres Ouvrages qui ca-
Lacterisent son esprit original & qui le font regarder
comme un des plus grands Ecrivains de notreNation.
Le 2. Octobre , les Comédiens Italiens remirent
au Théatre la Tragi- Comédie de Samson , pour la
clôture de leur Théatre jusqu'à leur retour de
Fontainebleau.
L'Académie Royale de Musique continue toujours
les Représentations du Carnival de la Folie ,
dont le sieur Tribou & la Dlle Fel , joüent les prin
cipaux Rôles dans la plus grande perfection . On remit
à la suite de cette Piece le 10. Octobre , le Divertiffement
de Carizelli , mis en Musique par M.
de Lully,auquel M.Campra a fait autrefois quelques
additions. Le même jour les Dlles Jaquet & Coupet,
nouvelles. Actrices . chanterent pour la premiere fois
dans le troisiéme & le quatriéme Acte du même
Ballet. La premiere , un Air de M. de la Lande , du
Ballet intitulé , les Folies de Cardenio , dansé
par
le
Roy
OCTOBRE 1738. 2265
Roy en 1720. sur le Théatre du Château des
Thuilleries ; & la seconde chanta un Air de M. de
la Coste , de son Opera de Creuse . Le Public a trouvé
dans ces deux jeunes Personnes beaucoup de dis
position , & leurs voix très -agréables .
Le 23. Octobre on remit au Théatre , Tancrede ,
Tragédie de M. Danchet , de l'Académie Françoise,
mise en Musique par M. Campra , Maître de Musique
de la Chapelle du Roy . Cet Opera avoit été
donné dans sa nouveauté en 1702. & repris en
1707. en 1717. en 1729. au mois de Mars . Les
Représentations qu'on donne aujourd'hui ne démentent
point les précedentes , & on n'est nullement
surpris du succès d'un Opera si digne de réussir.
L'Extrait que nous en avons donné dans le
Mercure d'Avril 1729. pag . 757. nous dispense
d'en parler plus au long.
Le S. Octobre , l'Opera Comique fit la clôture
de son Théatre de la Foire S Laurent , par les Piéces
dont on a déja parlé , & par un Divertissement
qui a pour titre , la Foire de Boulogne , suivi du
Vaudeville du Tran Tran , après lequel les Acteurs
et Actrices firent chacun en Vaudevilles, le Compliment
qu'on fait ordinairement à la fin de la Foire ;
on donna le même jour sur le même Théatre un
Bal public , avec un fort grand concours.
La place nous manque pour donner ici l'Extrait
de l'Ecole du Temps , Comédie de M. Pesselier ,
que nous sommes contraints de renvoyer au mois
prochain. On trouve cette Piece très - bien imprimée
in 8. chés Prault , Pere , Quai de Gêvres.
On aprend de Luneville , que la jeune Dile Cam-
Hij masse
>
2
1266 MERCURE DE FRANCE
maſſe , dont les heureux talens pour la Danſe , ont
brillé ici fur le Théatre François avec tant d'avantage
, a fait encore de grands progrès à la Cour
de Loraine , dans la Troupe du Roy de Pologne ,
Duc de Loraine , & à celle de Commercy , où elle
a danfé plufieurs fois , honorée de la préfence de
S. A R. Madame la Ducheffe de Loraine & de la
Princeffe Charlotte , qui ont fignalé leur bonté &
leur goût par de grandes libéralités.
NOUVELLES ETRANGERES.
TURQUI E.
EXTRAIT d'une Relation que les Minis
tres de la Porte ont fait publier , de l'Action
qu'il y a eû entre la Flotte Russienne , & le
Flotte des Turcs.
E Capitan Pacha étoit à Tachly Bournou , o
Cap de Tachly avec cinq agros de
Guerre , quinze Galeres , deux Tartanes armées ,
80. demi-Galeres , 30. Scampavia & 20. Candgiabachs
, petits Bâtimens , lorsqu'il aprit que la Flotte
Moscovite, forte de 238. Voiles, de toute espece,
étant sortie du Port d'Azak , étoit venuë moüiller
à fix lieuës de son Armée , dans une Anse qui n'a
point de nom. Le Capitan Pacha , sur cette nouvelle
, fit lever l'ancre , & alla moüiller avec toute
sa Flotte tout près de celle des Ennemis , desorte
qu'il empêchoit absolument leur retraite , alors les
Moscovites tirerent à force de bras 140. de leurs
Bâtimens
OCTOBRE . 1738. 2267
Bâtimens par dessus une Langue de terre , qui formoit
cette Anse , pour tâcher de se sauver
mais le
Capitan Pacha qui s'en aperçut , fit attaquer les 98 .
Batimens qui restoient , par trois Vaisseaux de
guerre & trente demi- Galeres, qui en prirent onze,
& coulerent bas tout le reste . Les Equipages s'étant
sauvés , se jo gnirent par terre aux 140. Bâtimens
que
le Capitan Pacha avoit déja bloqués avec
le reste de sa Flotte , ce qui obligea les Moscovites
de porter à la Côte tous leurs canons & munitions,
de faire mettre pied à terre à tous les Equipages , &
de construire un grand Camp bien retranché sur le
bord de la Mer Ils dres erent aussi à terre plusieurs
batteries pour défendre le reste de leur Flotte .
Le Capitan Pacha , à son arrivée , les fit canoner
pendant 6. heures par toute sa Flotte , à quoi les
Moscovites repondirent par leurs batteries dont on
a parlé.
Deux jours après , on alla reconnoître l'Armée
des Moscovites , commandée par le Général Lescy,
campée à environ 6. heares de chemin de la Flotte
Turque.
Le Capitan Pacha fit mettre pied à terre à 6. mille
Caliourdgis
, our occuper le Détroit de Sinské ,
dans le dessein d'empêcher les Russes de s'en emparer
& d'y dresser des batteries . Le Général Lescy
alla campe. le tendemain à 4. lieues de la Flotte
Turque , & y séjourna un jour & une nuit . Les
Turcs aprirent par deux Prisonniers , que son Atmée
étoit forte de 20 mille chevaux , y compris
les Cosaques & les Calmouques , & de 40 mille
fantaffius , & qu'elle avoit pris la route d'Orcapou ,
pour s'emparer de ce Fort ; qu'il y avoit 5. mille
hommes effectifs de la Flotte Moscovite dans le
Retranchement , lequel étant entouré d'un Marais,
n'étoit point attaquable , & qu'on y avoit débarqué
Hii
I
tous
2268 MERCURE DE FRANCE
tous les canons, vivres , agrets, & tous les Equipages ;
enfin que la Flotte Moscovite étoit échouée si près de
terre, qu'on ne pouvoit en aprocher sans risque de
'perir.
Sur tous ces Avis , le Capitan Pacha résolut de
ruiner la Flotte ennemie à force de canonades , ce
qu'il a executé pendant plusieurs jours , lorsqu'il
avoit le temps favorable , s'en aprochant le plus
qu'il pouvoit avec tous ses Bâtimens grands & petits
, & faisant un feu continuel sur elle , & sur le
Fort qu'ils avoient construit , à quoi les Russes répondoient
par leurs canons du Fort ; mais sans aucun
dommage pour la Flotte Turque.
Enfin , le Vendredi 25. Juillet à trois heures
après midi , les Turcs aperçurent toute la Flotte
Moscovite en feu , ainfi que leur Camp , & l'on
découvrit un gros de Cavalerie d'environ 4. ou̟ 5 .
mille chevaux prêts à marcher , portant chacun un
Fantaffin en croupe , pour favoriser la retraite du
Général Lefci .
Le Capitan Pacha commanda sur le champ des
Troupes & des Matelots en grand nombre , pour
éteindre le feu de la Flotte & du Camp , mais on
ne put sauver de ce grand nombre de Bâtimens
que 7. demi- Galeres , sur lesquelles il n'y avoit plus
personne , non plus que dans le Fort.
D'autres Lettres de Conftantinople , portent qu'
un Bâtiment qui y étoit arrivé de Caffa le 11.Août,
avoit aporté la nouvelle qu'il y avoit eû entre la
Flotte du Grand Seigneur & celle de la Czarine un
Combat très- long & très- vif , dans lequel les Turcs
avoient eu l'avantage , que le Contre- Amiral Bredahl
, qui commandoit la Flotte Moscovite , avoit
été obligé de se retirer de la Mer Noire , & qu'il
étoit retourné à A oph avec e. Praames & les Fregates
qu'il avoit puy conduire.
Les
'
OCTOBRE 1738. 2269
Les Lettres du Capitan Pacha marquent , que le
Contre- Amiral Bredahl n'ayant pu , à cause de la
rapadité du Tanais , faire remorquer ses Bâtimens
de transport , il les avoit fait entrer dans une Anse ;
& qu'afin d'empêcher qu'ils ne fussent brûlés par
les Turcs , il avoit fait élever des batteries sur le
bord de la Mer.
Le Capitan Pacha ajoûte , qu'auffi - tôt après le
départ de la Flotte ennemie , il s'étoit aproché des
Batimens Moscovites pour s'en emparer , & que le
feu des batteries des Ennemis rendant trop difficile
l'execution de son entreprise , il avoit fait descendre
à terre une partie de ses Troupes ; que les
Turcs avoient attaqué & dispersé entierement le
Détachement de Troupes, auquel le Contre - Amiral
Bredahl avoit laissé la garde de ces batteries ; que
les Moscovites , qui étoient à bord des Bâtimens ,
ayant vû ce Détachement prendre la fuite ils s'é
toient sauvés à force de rames ; que malgré la diligence
qu'on avoit faite pour les poursuivre , 70.
Tartanes des Ennemis avoient regagné le Tannis ;
que les autres au nombre de 40. avoient été jointes
par la Flotte Ottomane , & que les Turcs y avoient
nis le feu. La joy e que cette nouvelle a causé au
Peuple de Constantinople ; a été augmentée pas
les derniers avis qu'on a reçús de Crimée.
Ces avis portent que le Feldt - Maréchal Lascy
n'y pouvant plus faire subsister son Armée , il avoit
pris le parti d'en sortir , & de retourner vers le
Boristhene
. Deux Seigneurs Persans , que Thamas Kouli - Kan
a nommé ses Ambassadeurs auprès du G. S. pour
conclure un nouveau Traité entre la Turquie & la
Perse , sont arrivés à Constantinople , & ils ont
eu plusieurs Conferences avec le Kaimacan de cette
Ville.
Hy RUSSIE...
2270 MERCURE DE FRANCE
Lh
RUSSIE.
E Général Munich ne s'est pas encore raproché
du Dniester , & l'on ne croit pas qu'il
hazarde de passer ce Fleuve tant qu'il aura à craindre
d'être attaqué d'un côté par les Turcs , & de
l'autre par les Tartares ; mais il fait tant de contremarches
differentes , qu'on ne peut sçavoir quels
sont ses véritables desseins. Il n'est pas plus facile
de pénétrer ceux du Seraskier de Bender : on conjecture
seulement qu'il est déterminé à ne point
abandonner les bords du Dniester , & à en disputer
le passage aux Moscovites Ce Pacha ayant été informé
que le Baron de Stoffeln , qui commande à
Oczakow, en étoit sorti avec une partie de la Garnison
pour surprendre la Ville de Bialogrood , il a détaché
un Corps considerable de Troupes pour tâcher
de s'emparer d'Oczakow.
Thamas Kouli- Kan envoye à S. M. Czarienne
un nouvel Ambassadeur , qui est attendu incessamment
à Moscow , d'où l'on a apris que ce Prince
s'étoit emparé d'une Province des Etats du Grand
Mogol.
On a reçû avis par un Courier du Comte de Munich,
que le 6 Septembre , l'Armée Moscovite qu'il
commande , avoit paffé le Bog ; qu'elle marchoit
sur trois colomnes du côté de Kiow ; qu'elle s'y reposeroit
quelques jours , & qu'elle continuëroit ensuite
sa route vers l'Ukraine.
Ce même Courier a raporté que les Tartares
avoient attaqué l'arriere - garde de l'Armée , pendant
que les Troupes paffoient le Bog ; que le combat
avoit été très - vif , & qu'il y avoit eu beaucoup
de monde de tué de part & d'autre.
SUEDE
OCTOBRE. 1738. 2271
SUEDI.
Es Lettres de Stokolm marquent , que le Roy
de Suede , qui continue d'être indisposé , ayant
jugé à propos de charger la Reine son Epouse de
l'administration des Affaires , jusqu'à ce qu'il jouisse
d'une meilleure santé , cette Princesse avoit pris
le s. de ce mois possession de la Régence.
Le 5. Septembre , lorsque les Députés nommés
par la Diette générale du Royaume pour complimenter
la Reine sur sa qualité de Régente , le
Comte de Tessin , Maréchal de la Diette , lequel
étoit à la tête de la Députation , assûra S. M. que la
douleur qu'avoient eue tous les Ordres de l'Etat, en
aprenant la fâcheuse situation dans laquelle le Roy
se trouvoit , ne pouvoit être soulagée que par le
plaisir de lui voir remettre le soin des Affaires à la
Reine , selon l'ordre établi par les Loix du Royaume;
que depuis l'avenement de la Reine au Trône,
les Peuples ont éprouvé tant de fois sa bonté, qu'ils
ne peuvent avec trop de confiance se reposer sur
elle de leur bonheur ; que plus les Personnes qui
composent l'Assemblée des Etats , sont élevées audessus
des autres par leurs Dignités , plus elles se
croyent obligées de se distinguer du reste des Sujets
de LL. MM . par leur zele & par leur respectueux
attachement ; qu'il n'y en a aucune qui ne
faffe les voeux les plus ardens , pour qu'il plaise à
Dieu d'accorder au Roy un prompt & parfait rétabliffement
, de soulager le poids de la Régence de
Ja Reine , & de conserver leurs Personnes Royales,
afin que le Royaume puiffe continuer de jouir de
l'heureuse tranquillité que LL. MM. lui ont pro-
Curée.
Le Comte de Bonde répondit au nom de la Reine
, que S. M. connoiffoit l'étendue des soins qui
H vi
sont
2272 MERCURE DE FRANCE
sont attachés au Gouvernement d'un Royaume ,mais
qu'elle n'en trouveroit aucun de pénible , dès qu'ils
seroient nécessaires à la satı faction du Roy, & qu'ils
pourroient contribuer au Bien de l'Etat ; que c'étoit
dans ces sentimens , que , pour se conformer
aux defirs du Roy , elle se chargeoit de la Régence,
& qu'elle esperoit que les Etats & le Senat lui en
rendroient le poids plus leger , en l'aidant de leurs.
conseils.
L
ALLEMAGNE ..
E bruit qui a couru à Vienne de la prise de
Temeswar n'avoit aucun fondement
seulement certain

il est
le Grand Visir
que
ayant offert
d'augmenter la solde des Troupes qui entreprendroient
de faire le Siége de cette Place , 20000 hommes
de l'Armée Ottomane , malgré les maladies qui
regnent dans le Bannat , ont demandé d'être employés
à cette expedition . Sur l'avis de leur matche
, on a renforcé de trois Bataillons la garnison
de Temeswar , & le Gouverneur a fait lâcher les
Ecluses des environs.
Le bruit que le Pacha de Bosnie avoit pris son
de répandre , qu'il retournoit du côté de Niffa ,
sembloit être confirmé derniers mouvemens,
par ses
& le Comte de Konigseg avoit lieu de croire que
les Ennemis ne pensoient à former aucune entreprise
, lorsqu'il aprit le 16. du mois passé au matin
, que les Turcs n'é.oient qu'à une petite distance
des Lignes des Imper aux.
>
Ce Général n'ayant pas assés de Troupes pour se
défendre dans ces Lignes contre un Corps de
Troupes auffi considerable que celui qu'il croyoit
en marche pour venir l'attaquer , il se détermina à
faire entrer dans Belgrade la plus grande partie de
son Infanterie sous les ordres du Général Wallis &
du
OCTOBRE. 1738. 2273 :
'du Prince Charles de Loraine , & ayant passé i
Save avec le reste de son Armée , il marcha du côté
de Semlin.
Pendant le mouvement que le Comte de Konig
seg fit faire à ses Troupes , un Détachement des
Turcs chercha à inquiéter les Imperiaux dans leur
marche , & s'étant posté sur une hauteur voisine de
Belgrade , il attaqua deux Régimens de Cavalerie
de l'Empereur. Les Tures furent chassés de la hauteur
, & ensuite d'un Pofte qu'ils avoient auprès de
Belgrade , & ils se retirerent , ainsi que toute la
Cavalerie , qui avoit paru le 16. vouloir s'aprocher
de cette Ville.
. Par les dernieres Lettres reçûës de l'Armée , on
a apris que les Turcs n'avoient point entreprise
se rendre maîtres de Ratscha ni de Sabatsch , &
qu'ils n'étoient point entrés dans le Bannat de Temeswar.
On a sçû en même temps , que le Grand
Visir étoit à Nissa , d'où il a renvoyé , avec une
Lettre pour le Grand Duc de Toscane , un Inter-
- prete qui étoit allé lui en porter une de la part de ge
Prince.
Le Feldt-Maréchal Comte de Seckendorf a obtenu
de l'Empereur- la permiffion de sortir du Châreau
de Gratz ,à condition de demeurer dans la Ville .
Il paroît à Vienne des copies d'une Lettre qu'on dit
avoir été écrite à S. M: I. par ce Feldt- Maréchal ,
après qu'il eut été conduit de cette Ville à Gratz .
Cette Lettre porte que , comme il a plu à l'Empereur
de garantir le Comte de Seckendorf de la
fureur d'une populace féditieufe, ce Feldt- Maréchal
ofoit en inferer que S. M. I. vouloit bien lui ac
corder encore fa protection , & le mettre à l'abri
des nouveaux dangers qu'il avoit à craindre ; qu'il
ne pouvoit cependant farmonter la douleur dont it
avoit été accâblé , en le voyant conduire comme
1274 MERCURE DE FRANCE
un criminel , & traiter avec la même rigueur que
s'il avoit trahi l'Empereur ; que fon zéle étoit trop
connu & trop bien juſtifié , pour qu'on put le foupçonner
d'une pareille lâcheté , qu'il étoit bien triſte
pour lui d'éprouver un pareil fort , après 46. années
de fervice , pendant lefquelles il avoit versé
plufieurs fois fon fang pour S. M. I. ; qu'il avoit
Îieu de préfumer , que les traitemens qu'il recevoit
n'étoient pas connus de l'Empereur , & que c'étoit
ce qui lui faifoit prendre la liberté de s'adreffer directement
à S. M. I .; qu'il le faiſoit , en ſe jettant
à fes pieds , & en la fupliant de mettre fin à des peines
fi peu méritées , & de permettre qu'il paffât en
liberté dans le fein de fa Famille le peu de temps
qu'il avoit encore à vivre .
ITALI E.
Es Lettres de Rome assûrent que Thamas Kou
Lli-Kan a écrit à la Congrégation de Propaganda
Fide , que bien loin d'inquiéter les Chrétiens qui
iroient s'établir dans les Etats , il accorderoit une
protection particuliere à ceux qui fe rendroient recommandables
par leurs talens.
Le Roy des deux Siciles ayant demandé l'aprobation
de S. S. pour le nouvel Ordre de S. Janvier
qu'il a inftitué , le Pape a établi une Congrégation
composée des Cardinaux Spinola , Firrao , Gentile ,
& Pafferi , laquelle eft chargée de dreffer la Bulle
pour aprouver cet Ordre .
Il paroît un-Bref, par lequel le Pape déclare que le
Prince Ragotzi a encouru l'Excommunication inajeure
pour avoir conclu un Traité d'Alliance avec
les Infideles contre l'Empereur. La Bulle d'Excommunication
fulminée par le Pape , a été affchée
, felon la coûtume , aux Portes des Eglifes de
Saint Pierre du Vatican , de S. Jean de Latran ,
de Sainte Marie Majeure.
&
Le
OCTOBRE. 1738. 2279
Le Duc de S. Aignan ayant demandé de la part
du Roy de France , que le Pape confentit que le
Roy de Pologne , Duc de Loraine & de Bar, nommât
à plufieurs Bénéfices fitués dans les Etats , &
dont le S. Siége s'eft réſervé la Collation , S. S. a
établi une Congrégation pour déliberer fur cette
affaire.
Celle qui est établie pour déliberer fur ce qui
regarde la Collation des Abbayes & des Dignités
des Chapitres des Duchés de Loraine & de Bar
eft compo ée des Cardinaux Corfini , Firrao , Gentile
, Riviera , & Pafferi.
Celle que le Pape avoit chargée d'examiner les
Titres fur lefquels étoient fondées les prétentions
des Religieufes du Monaftere de S. Auguftin de Lisbonne
, qui vouloient , ainfi que les Religieufes du
Monaftere de S. François , de la même Ville , ne
dépendre que du S. Siége , a décidé qu'elles demeureroient
fous la Jurifdiction du Patriarche de
Lisbonne .
On écrit de Florence que la sévérité avec laquelle
on a puni les defordres commis il y a quelque
temps par les Troupes Loraines qui font dans cer
Etat , n'a point empêché que ces Troupes ne continuaffent
de fe livrer aux mêmes excès . Au com →
mencement du mois paflé , plufieurs Soldats ayant
la tête échauffée de vin , fe difperferent dans les
principales rues de Florence , & ils maltraiterent
divertes perfonnes , dont une eft morte des coups
qu'elle a reçûs 14. de ces Soldats , lorfque leur
yvreffe fut diminuée , fe réfugierent dans le Convent
de Sainte Marie Novella , afin d'éviter le châtiment
qu'ils méritoient ; mais leGouvernement ayant
jugé qu'il étoit important de ne point laiffer leurs
actions impunies , on a obtenu du Nonce du Pape
la permiffion de les enlever de leur azile , & on les
2276 MERCURE DE FRANCE

a conduits au Château de S. Jean - Baptiste .
Le 3. de ce mois , on expedia le Bref de l'Indult
que le Pape a accordé à S. M. Sicilienne , pour
obliger les Ecclefiaftiques du Royaume de Sicile ,
à payer la sixième partie des Dons ordinaires que
le Royaume fournira à la Cour de Naples. Le Roy
de Sicile avoit demandé qu'ils fussent aussi compris
dans les Taxes qui seroient imposées pour les
Dons extraordinaires , mais S. S. n'a encore riea
décidé sur cet Article.
Le 6. M. Cavalchini , Archevêque de Philippi ,
consacra la nouvelle Eglise de S. Jerôme de la
Charité , & il mit sous le principal Autel les Reliques
de S. Vital & de S. Primitif , quon a trouvées
dans un Tombeau des Catacombes , avec une Pierre
sur laquelle étoient gravés les noms de ces deux
Saints..
NAPLES..
Elon les Lettres de Trapano , une Galiotte d'Al
ger ayant jetté l'ancre derriere un Cap qui en
eft voifin , & les Corfaires qui la montoient , étant
defcendus à terre pour renouveller leur provifion
d'eau , n'ayant laiffé à bord qu'un Renégat Italien
& deux autres perfonnes de l'Equipage , ces derniers
conduisirent la Galiotte à Trapano & la remirent
au Gouverneur , auquel ils indiquerent l'endroit
où l'on pourroit trouver les Algériens ; sur
cet avis , le Gouverneur détacha fur le champ
60. Grenadiers qui ont faits efclaves 45.de ces Corfaires
.
Le 19 du mois dernier , le Roy fit dans la Chapelle
du Palais la cérémonie de recevoir Chevaliers
de l'Ordre de S. Janvier , le Comte de Fuenclara
Ambaffadeur du Roy d'Espagne à Vienne ; les Ducs
d'Atti, de Sora , & de Caitro- Pignano , le Comte.
de
OCTOBRE. 1738. 22.7-7
de Charny , Capitaine Général des Armes du
Royaume des deux Siciles ; le Marquis d'Arenzo ,.
& Don Lelio Caraffa ; & le même jour ces nouveaux
Chevaliers prêterent ferment entre les mains
de S. M. en préfence de l'Archevêque de Capouë ,
Chancelier de l'Ordre , & de Don Gaëtan Brancore
, qui en eft Secretaire.
On ne doute point que le Roy n'obtienne l'Indult
qu'il a demandé au Pape , pour obliger les
Ecclefiaftiques du Royaume de Naples & de celui
des deux Siciles , de contribuer aux charges de
P'Etat , ainfi que le refte des Sujets de S. M. , & le
bruit court que S. S. eft difpofée à confentir qu'ils
payent la fixième partie des Dons ordinaires & extraordinaires
qu'on accordera au Roy ; & que pour
ce qui regarde les autres taxes & impôts , ils ne
jouiffent d'aucuns Privileges.
Le Cardinal Aquaviva a mandé à S. M. que la
Bulle d'aprobation du nouvel Ordre de S. Janvier ,
n'avoit pas encore été expediée , parce qu'on n'avoit
pu trouver celle que Leon X. a donnée , pour
aprouver l'Ordre des Chevaliers de la Toifon d'or,
à laquelle le Roy defire que la nouvelle Bulle
foit conforme.
Le Roy ayant été informé que quelques Perfonnes
de diftinction deshonoroient leur Naissance
& leur Etat par des moeurs scandaleuses , S. M.
leur a fait de séveres réprimandes , & Elle leur a
déclaré que , si elles perfiftoient dans feurs déreglemens
, Elle les obligeroit de sortir du Royaume,
& qu'Elle les priveroit de leurs biens , pour en disposer
en faveur de leurs plus proches parens .
ISLE
2278 MERCURE DE FRANCË
ISLE DE CORSE..
Na reçu avis de la Baftie , que fur la fin de
mois dernier , un Vaiffeau de Guerre fans Pavillon
, avoit jetté l'ancre il y a quelque temps
dans la Rade de Cagliari , où il avoit été joint par
trois autres Vaiffeaeaux ; que ces quatre Batimens
avoient mis enſemble à la voile , & qu'ils s'étoient
éloignés de l'Ile de Corfe ; mais que peu de temps
après ils étoient retournés fur la Côte de cette Ifle ,
& qu ils y avoient débarq é plufieurs perfonnes ,
du nombre defquelles étoit le Chef des Rebeiles .
Quelques- unes des Lettres par lesquelles on 2
reçu la co firmation de la nouvelle du retour du
Baron de Ne hoff dans l'Iffe de Corfe , marquent
que ce Baron ayant moui é à la Rade de Cagliari,
il avoit envoyé à terre une perfonne de fa fuite ,
pour remettre à l'une des Pieves voifines une Lettre
, qui portoit que fon amour pour les Corfes l'ayoit
déterminé à venir les rejoindre ; qu'il efperoit
de retrouver en eux Pattachement que plufieurs
lui avoient juré qu'il ne vouloit point cepen
dant quitter fon bord , avant que d'ètre aflûré
de leurs difpofitions à cet égard ; que fi elles n'étoient
pas telles qu'il le croyoit , il les laifferoit
fuivre leur deftinée & qu'il s'en reto in roit. Afir
que cette Lettre produisit plus d'effet , il y avoit
joint un état de l'Artillerie & des munitions de
Guer e , qui étoient à bord de fon Vaiffeau , & de
trois autres Bâtimens dont ce Vaiffeau étoit accompagné
.
La préfence du Baron de Neuhoff ayant fait concevoir
à quelques-uns des Habitans de la Pieve à
laquelle il avoit écrit , le deffein de manquer aux
engagemens que leurs Chefs avoient pris avec le
Comte de Boiffieux , & ces Rebelles ayant fait çavoir
OCTOBRË. 1738. 2179
voir au Baron , qu'ils le reverroient avec plaifir , il
alla defcendre à la Place de Campoloro , où l'on
dit qu'il a fait débarquer quelques piéces de canon,
2000 fufils , & une quantité affés confiderable de
boulets & de barils de poudre.
Peu après fon Débarquement , il écrivit au Curé
de Porto-Vecchio , qu'il fe préfenteroit dans peu
de jours aux Portes de la Ville , & qu'il comptoir
que les Habitans ne feroient aucune difficulté de les
lui ouvrir. Il les menaçoit par fa Lettre de les
traiter avec la derniere rigueur , s'ils luf faifoient la
moindre réfiftance ; mais le Curé & les Habitans
bien loin de fe laiffer intimider par ces menaces
ont envoyé la Lettre au Marquis Mari.
Il eft depuis arrivé à Genes un Courier , par
lequel le Marquis Mari a mandé , que le Baron de
Neuhoff , à la tète d'une troupe de Rebelles , étoit
demeuré pendant cinq jours devant Porto Vecchio,
& qu'il avoit fait tous les efforts pour s'en emparer,
mais que le canon de trois Galeres . qui fe font
trouvées dans le Golphe , l'avoit obligé de fe reti
rer , fans qu'on fçût encore s'il s'étoit rembarqué
ou s'il s'étoit livré à la diſcretion de fes Adherans ,
auxquels on dit qu'il a demandé quatre ôtages pour
la sûreté de fa perfonne.
Le bruit court que le Comte de Boiffieux a expedié
des Lettres circulaires à toutes les Pieves , pour leur
défendre , fous peine de la difgrace du Roy de
France , d'écouter les propofitions du Baron de
Neuhoff. On ne doute pas que celles de deçà les
Monts ne perfiftent dans la réfolution de fe foû
mettre à la République ; mais on craint qu'il n'en
foit pas de même des autres , qui ont toujours été
les plus opiniâtres dans la révolte.
Le Senat de Genes attend avec impatience le retour
du Courier qu'on a dépêché au Marquis de
Bri2280
MERCURE DE FRANCE
Brignolé , pour l'inftruire de ces paricularités.
Les dernieres Lettres reçues de la Baſtie du 14.
de ce mois , portent que le Baron de Neuhoff, après
avoir eu à Soracco plufieus Conferences avec
quelques -uns des Chefs des Rebelles , a fait voile
vers les Bouches de Boniface , & qu'on est incertain
s'il a pris le parti de descendre à Sagone , ou
s'il est allé sur les Côtes de Sardaigne , pour y
attendre quelques Bâtimens qu'il assûre devoir le
joindre.
On a apris en même temps que lá Frégate & la
Barque du Roy de France étoient parties le 4. par
ordre du Comte de Boiffieux , avec trois Galeres
de la République , pour aller à la poursuite du
Baron de Neuhoff , & qu'il y avoit aparence que si
on pouvoit le rencontrer , ses esperances seroient
bien - tôt évanouies , parce que , de ses quatre Vaiffeaux
, celui qu'il montoit , étoit le seul qui put
faire quelque refiftance ..
Le Marquis Mari a envoyé quelques Troupes ' ,
pour renforcer celles qui sont dans les redoutes
voifines de Porto Vecchio..
ESPAGNE.
N écrit de Madrid , que la Reine premiere
Dotiairiere, qui faisoit sa résidence à Bayonne,
est attendue incessamment en ce Royaume & qu'on
à envoyé sur la Frontiere un Détachement des Gar
des du Corps pour accompagner cette Princesse
que l'on disoit devoir partir le 26. du mois passé
pour se rendre en cette Ville,
Cette Cour étant d'accord avec celle de Londres
sur les principaux articles qui faisoient le sujet de
leurs differends , le Roy & S. M. Br. sont convenus
de nommer des Ministres Plénipotentiaires respectifs.
Од
OCTOBRE. 1738. 228.1
On a apris de Barbarie , que le Dervis , qui à la
-tête d'un Corps de Rebelles , commet depuis quel
que temps beaucoup de défordres dans le Royaume
de Maroc, avoit emporté d'affaut , après cinq jours
de Siége , la Ville de Terudent , dont le Gouverneur
& les Habitans étoient demeurés fideles au Roy
Muley Abdallah ; qu'il avoit fait empaler le Gouverneur
& tailler en pieces la Garniſon , & qu'il
avoit enſuite abandonné la Ville au pillage .
Les mêmes Lettres portent qu'il y avoit actuellement
dans le Royaume de Maroc fix Partis
qui vouloient placer fur le Trône des Princes diférens
; que l'un des plus puiffans de ces Partis faisoit
tous les efforts pour procurer la Couronne à Muley
Muftadi , mais que ce Prince paroiffoit préferer une
vie tranquille aux embarras du Gouvernement , &
qu'il avoit deffein de fe retirer auprès de fa foeur ,
qui a épousé le Pacha de Tetuan .
Les Habitans de la Ville de Sainte Croix n'ont
voulu jufqu'à préfent le joindre à aucun des Partis
qui divifent le Pays , & ne reconnoiffant point l'autorité
de Muley Abdallah , ni celle de fes Concurrens
, ils font gouvernés par leurs propres Ma
gistrats.
44
PORTUGAL.
Na reçû avis de Macao , que quatre Jésuites,
S
Royaume de Tongking , où ils alloient pour y prêcher
la Religion Chrétienne , avoient été condamnés
à mort après avoir été retenus pendant neuf
mois dans une étroite prison , & que le 12. du mois
de Janvier de l'année derniere ils avoient été décapités
GRANDE
2282 MERCURE DE FRANCE
LE
GRANDE BRETAGNE,
E 17. Septembre , le Duc de Newcastle reçut
un Courier , par lequel M. Keene , Ministre du
Roy d'Angleterre a Madrid , lui a donné avis que
le Roy d'Espagne avoit signé les Articles dont la
Cour d'Angleterre & celle d'Espagne sont convenues
pour parvenir à un accommodement.
Il a été stipulé par ces Articles , que le Roy prendroit
des mesures pour que les Négocians Anglois
fussent à l'avenir plus attentifs à l'observation des
Traités par lesquels il est défendu aux Vaisseaux
de cette Nation de s'aprocher des Côtes des Pays
que les Espagnols possedent en Amérique , & que
S. M.C. envoyeroit de nouveaux ordres pour qu'on
n'y troublât point la Navigation des Bâtimens qui
se tiendroient éloignés de ces Côtes à la distance
prescrite
Le Roy d'Espagne a fait déclarer à M. Keene par
le Marquis de la Quadra , qu'il indemniseroit les
Proprietaires des cinq Vaisseaux , à la restitution
desquels il a consenti , des dommages qu'ils peuvent
avoir soufferts par la détention de leurs Bâtimens.
Les contestations au sujet des limites de la Floride
& de la nouvelle Géorgie , seront reglées dans
des Conférences qui se tiendront à Madrid , & dans
lesquelles on fixera le véritable sens de quelques
Articles des Traités conclus précédemment entre
les deux Nations.
On prit au commencement de ce mois dans la
petite Riviere de Hackney , une Anguille qui avoit
26. pouces de circonférence, & qui pesoit 62. livres,
FRANCE
OCTOBRE. 1738. 2283
黃鼎典
FRANC E.
Nouvelles de la Cour , de Paris , &6.
Lame du Roy, Pot Mestre de Camp
E Marquis de l'Hôpital , Brigadier des
d'un Régiment de Dragons , a été nommé
Inspecteur de Cavalerie.
Le Régiment Suisse , dont M. de Besenval
étoit Mestre de Camp, a été donné par S. M.
à M. de la Cour-au-Chantre , Brigadier et
Lieutenant-Colonel de ce Régiment.
,
L'Abbé Salmon Docteur de Sorbon
ne , a été nommé par le Roy , Aumônier de
Mesdames de France , qui sont à l'Abbaye
de Fontevrault.
La Cour est toujours très-brillante à Fontainebleau
, le Roy y prend très - souvent le
divertissement de la Chasse du Sanglier et
du Cerf.
Il y a Comédie trois fois la semaine ; les
Comédiens François y joüent le Mardi et le
Jeudi ; et les Italiens le Samedi . Il y a aussi
Concert chés la Reine tous les Lundis et
Mercredis , Apartemens et Jeu.
Le 7. de ce mois Monseigneur le Dauphin
alla
2284 MERCURE DE FRANCE
1
alla à la Riviere , Maison de la Comtesse de
Toulouse , où ce Prince prit plaisir à voir
faire Vendange. Le lendemain il chassa un
Loup , que les Piqueurs avoient pris quelques
jours auparavant , et qu'ils avoient enfermé
dans les Bosquets qui environnent le
Canal , où il fut forcé.
Le 10.la Reine , accompagnée des Dames
de sa Cour , assista au Salut du S. Sacrement
dans l'Eglise de l'Hôpital de la Sainte Famille,
à Fontainebleau , & S. M. l'entendit le
15. dans l'Eglise du Convent des Carmes
Déchaussés des Basses- Loges.
Le 12. pendant la Messe du Roy , l'Evêque
de Boulogne prêta Serment de Fidélité
entre les mains de S. M.
Le 29. Septembre , le 1. le 6. et le 8. Octobre
M. de Blamont , Sur-Intendant de la
Musique du Roy , fit chanter au Concert de
la Reine, à Fontainebleau , l'Opera de Persée,
dont les principaux Rôles furent remplis
par les Diles Huquenot , Romainville , Mathieu
, Deschamps et d'Aigremont ; et par
les Srs d'Angerville , du Bourg , le Begue
Richer et Jeliote ; le dernier de ces Concerts
fut terminé par la Cantate intitulée la Toilette
de Venus , mise en Musique par M. de
Blamont
,
OCTOBRE. 1738. 2285
Blamont , et chantée avec beaucoup de succès
par la Dlle Romainville.
Le 13 on concerta le Retours des Dieux
Divertissement du même Auteur , dont les
paroles sont de M. Tanevot. •
>
Le 15. M. de Blamont fit chanter son Ballet
des Caracteres de l'Amour , qu'on a vû
avec plaisir sur le Théatre de l'Opera le Prin--
temps dernier , et qui a fait beaucoup de
plaisir à la Cour ; les principaux Rôles ont
été très-bien remplis par les mêmes personnes
qu'on vient de nommer , et par les Dlles
Godeneche et Deschamps pour les Airs détachés
, et par les Srs Benoît et le Cler. On
vient de faire une nouvelle Edition de ce
Ballet ; l'Auteur s'est donné beaucoup de
soins pour corriger les fautes qui s'étoient
glissées dans la premiere , et pour la chiffrer
de la façon la plus convenable , pour la satisfaction
du Public. On doit reprendre ce
Ballet , pour être joué les Jeudis d'après la
S. Martin.
Le 30. Septembre , les Comédiens Fran
çois représenterent à Fontainebleau , la Tragédie
d'Oreste et Pilade , et le Sicilien.
.e
Le 2. Octobre , la Métromanie , et le Mé
decin malgré lui.
Le 7. Gustave et le Dedit.
Le 9. Jodelet Maître et Valet , et la Magie
Ι de
2286 MERCURE DE FRANCE
de l'Amour , avec le troisiéme Divertisse
ment de la Comédie du Rajeunissement in◄
utile.
Le 14. la Tragédie de Venceslas , et le
Consentement forcé.
Le 16. le Menteur ; la Dlle Dumesnil y
joüa le Rôle d'Isabelle , et la petite Piéce de
la Nouveauté.
Le 21. la Tragédie de Pyrrhus , dans laquelle
le Sr Rosselois , nouvel Acteur , joią
le Rôle de Neoptoleme , suivie du Fat puni ,
dont le Divertissement fut executé par les
Comédiens Italiens.
Le 23. la Fausse Antipathie , et les Amans
déguisés.
Le 30 leTartuffe , et le Galant Jardinier.
Le 4. Octobre , les Comédiens Italiens ,
représenterent aussi à la Cour les Fausses
Confidences , et le Philosophe Dupe de l'Amour.
Le 11. la Fille Arbitre , et l'Ecole du Temps .
Le Sr Forestier chanta dans les deux Piéces.
Le 18. les Fées , et le Divertissement des
Filets de Vulcain.
Le 25. l'Embarras des Richesses , avec ses
agrémens , suivi d'un Ballet Pantomime ,
qui a servi de Divertissement à la petite
Piéce qui a pour titre l'Amour Censeur des
Theatres. Tous ces differens Divertissemens ,
executés
OCTOBRE. 1738. 2287
par les Comédiens Italiens , ont été
fort goûtés à la Cour.
executés
Le 8. Octobre , M. le Cardinal de Fleury
partit de Fontainebleau pour se rendre à sa
Maison d'Issy, S. E. coucha le même jour
chés M. de Monglas , son premier Secretaire,
et le lendemain à Issy , où S. E. devoit
rester quelques jours.
Le 24. S. E. en partit pour aller dîner à
Conflans chés l'Archevêque de Paris , d'où
Elle partit pour aller coucher chés M. de
Monglas. S. E. partit le lendemain pour
Fontainebleau , et y arriva le même jour
jouissant d'une santé parfaite.
COPIE de la Lettre de S. E. M. le Cardinal
de Fleury , écrite à M. Herault , Lieutenant
Général de Police , du 19. Octobre 1738.
Lorsque le Roy a ordonné , Monsieur
la diminution sur les Sols , ce n'a été
que pour remettre par une refonte le Billionage
dans un dégré de proportion avec toutes
les autres Especes , sur le pied actuel de
leur valeur ; ainsi je suis très - étonné de ce
que vous me marquez que
le bruit court encore
dans Paris d'une nouvelle diminution ;
c'est bien peu connoître les intentions favorables
de S. M. pour ses Peuples , et les
I ij regles
2288 MERCURE DE FRANCE
regles invariables sur lesquelles Elle s'est
proposée de les gouverner : Je suis convaincu
qu'il n'y a que des gens mal intentionnés,
ou des Usuriers , qui puissent répandre les
bruits dont vous me faites part , dans la vûë
d'augmenter le prix de toutes les Denrées, et
de s'enrichir par des voyes aussi injustes .
Vous pouvez donc vous expliquer très-précisément
, que le Roy n'a jamais pensé à aucune
diminution sur les Especes d'or et
d'argent , et qu'il n'y en aura même aucune
nouvelle sur le Billionage , attendu la proportion
où il se trouve aujourd'hui avec les
autres Especes ; et il seroit même bon que
vous pûssiez découvrir les auteurs de ces
faux bruits , afin de les punir ; cette Lettre
vous autorise , et je vous prie d'être persuadé
, Monsieur , qu'on ne peut vous honorer
plus parfaitement que je le fais. Signé le
Cardinal de Fleury.
On a inséré dans la Gazette d'Amsterdam
du 12. Septembre dernier , à l'Article de
Paris du 5. du même mois , que le Chevalier
de Marsay a été fait Lieutenant - Colonel
du Bataillon du Régiment Royal Artillerie
que commandoit M. de Romillé , qui
s'est retiré , & que M. de Gouville a été
fait Major à la place du Chevalier de Marsay.
Ce Mémoire n'eft pas jufte. Voici le Fait au
vrai. M.
OCTOBRE. 1738. 2289
,
M. de Torigny de Romillé , Lieutenant-
Colonel du premier Bataillon du Régiment
Royal Artillerie & Brigadier des Armées
du Roy , de la Promotion du 20. Fevrier
1734. Officier de mérite , & qui avoit servi
avec beaucoup de diſtinction , étant mort au
mois de Juillet à sa Terre près de Mantes ,
âgé de 80. ans , le Chevalier de Marsay a eu
sa Lieutenance-Colonelle , & M. de Chabrie ,
Capitaine de Sapeurs , qui a fait la fonction
d'Aide- Major Général de l'Armée d'Italie
dans la derniere Campagne , a remplacé le
Chevalier de Marsay dans la Majorité du troisiéme
Bataillon duRégiment RoyalArtillerie,
commandé par M. de Labory. On ne connoît
point dans ce Régiment le nom de
Gouville..
L
ECOLE DE MARS
E Chevalier de Lussan , Ingénieur & Directeur ,
de l'Ecole Militaire établie à Paris , vient de
terminer ses Conferences publiques sur l'Attaque-
& la Défense des Places , par l'attaque d'un front
de Fortification , qu'il a fait élever dans le Jardin
de cette Ecole .
Le 9. Octobre il eut l'honneur de présenter au
Roy & à Monseigneur le Dauphin le Plan de cette
Fortification , avec le Projet d'attaque . Monseigneur
le Dauphin trouva bon que ce Fort fût apellé
le Fort Dauphin , & que les Attaques s'en fiffent en
sen nom .
Le
2290 MERCURE DE FRANCE
le 12. à deux heures aprés midi , on commença
à mettre sous les armes 70. jeunes Gens habillés
uniformément , & dressés pour faire tous les divers
travaux d'un Siége.
Cette jeune Milice entra dans le Jardin , marchant
sur quatre de hauteur , Tambour battant & Drapeau
déployé Le Drapeau portoit pour Devise ,
ces mots Habileté, Conduite, & Bravoure qui sont
les qualités effentielles des Ingénieurs . Les Officiers
, qui étoient à la tête de cette brillante Trou→
pe , saluerent du Sponton la Princeffe de Modene ,
qui étoit placée dans un Pavillon.
Après l'exercice & quelques évolutions , qui fu→
rent exécutées avec beaucoup plus de jufteffe , qu'on
ne devoit naturellement l'esperer d'une Jeunesse
qui n'est disciplinée que depuis deux mois , M. de
la Janiere âgé de 16. ans , cut ordre d'alier reconnoître
le Fort. Le raport qu'il fit à haute voix de
sa situation , de la nature du terrain & des environs,
lui attira l'aplaudiffement des Militaires les plus experimentés.
Le Gouverneur du Fort envoya aussi à la découverte
, ce qui se fit avec beaucoup de silence & les
précautions convenables ; desorte que l'on vit distinctement
toutes les manoeuvres militaires usitées
en pareille occasion .
Le Gouverneur , assûré par cette découverte , que
le bruit qu'on entendoit , étoit l'ouverture de la
Tranchée , assembla le Conseil de Guerre , pour
déterminer la maniere de faire une vigoureuse défen
e. L'Artillerie des ramparts , cominença à tirer ,
& les Bombes inquiéterent les Travailleurs jusque
dans la Parallele . L'Assiégeant de son côté répond t
par un feu terrible de Bombes & de Canons.
Les Assiégés firent deux sorties , & ce fut dans
cette occasion que l'on vit une parfaite image de la
Guerre
1
OCTOBRE. 1738. 2295
Guerre & des Siéges . Cette jeune Milice ayant
chassé les Travailleurs , & s'étant emparée des
Boyaux conduits sur la Capitale , se hâtoit de ruiner
le travail qui avoit été fait , lorsqu'un Détachement
ayant marché à l'allerte de la Tranchée , repouffa
la Sortie dans la Place . Les plus acharnés à
la poursuite des Assiegés , éprouverent combien il
est dangereux de suivre de trop près une Sortie :
car le feu de la Place , qui étoit bien préparé , fit
une triple décharge de Mousqueterie sur ceux qui
s'étoient trop avancés .
Le travail de ce jour , qui avoit été fait à la sape
à deux toises du Chemin-couvert , cessa , & l'on
remit la continuation de l'Attaque au Dimanthe
19 .
Les travaux faits le 12. ayant été perfectionnés ,
& les Batteries de Bombes & de Canons ayant été
entierement achevées , il fut question de pousser la
Sape en avant , & de se loger sur l'Angle flanqué
du Chemin-couvert . Les Assiegés entreprirent de
"'ruiner les travaux des Assiegeans & d'enclouer leurs
Canons.
Pendant cette opération , qui ne réussit qu'en
partie , une Bombe de la Batterie de la gauche tomba
précisément sur un Magasin à poudre , y mit le
feu , & causa un grand dommage parmi ceux de la
Garnison qui se trouverent près de ce Magasin .
M, de Bourville , ci- devant Lieutenant au Régiment
de Noailles , & à présent Eleve de l'Ecole de
Mars , donna dans cette occasion des marques de
sa prudence & de son courage.
La Place d'Armes de la Capitale fut conduite par
M. Bouhier de Fontaine , âgé de 16. ans , ci- devant
Capitaine au Régiment de Bourgogne , & aujourd'hui
Eleve de l'Ecole de Mars . Il poussa son travail
avec beaucoup d'activité , & mit , en moins
I iiij
d'une
2292 MERCURE DE FRANCE
d'une demi - heure cette Place d'Armes en état de
contenir les Grenadiers destinés pour soûtenir le
travail du Chemin.couvert. Ce fut d'un côté pour
établir ce Logement , & de l'autre pour s'y oposer,
que le feu des Assiégeans & des Assiégés devint
plus vit.
La Place , qui manquoit de vivres , fut avertie
par un figal qu'il lui arrivoit un Convoi par la
droite. Pour en favoriser l'entrée , elle fit une
fauffe attaque sur la Capitale de la Demi - Lune ,
afin d'y attirer la Garde de la Tranchée de la droite.
En effet , on tenta pendant cette diverfion de
jetter dans la Place des Caiffons chargés de Pain &
autres Provifions. Ce Convoi étoit escorté d'un Piquet
de Cavalerie, qui s'avançoit à la dérobée ; mais
un Piquet d'Infanterie des Affiégéans , ayant vû.
paroître la tête du Convoi , se coula doucement
entre des buiffons & enleva le Convoi , dans le moment
qu'il n'avoit plus que quelques pas à faire pour
entrer dans la Place .
Le Logement étoit fait ,& le Chemin-couvert étoit
prêt d'être attaqué , lorsqu'un Trompette eut ordre
Paller demander à la Place une Suspenfion d'armes .
pour enlever les morts & retirer les blessés . Ce
Trompette fut conduit dans la Place les yeux bandés
, & ramené de même : la Suspenfion d'armes
fut accordée , & cette seconde attaque finit par un
nombre de fusées volantes , fignal de retraite .
Le Dimanche 26. , se fit la troisiéme Attaque ;
malgré une petite pluie , qui fut presque continuelle
, il y eut un concours extraordinaire de Personnes
les plus qualifiées de l'un & de l'autre sexe,
Les Attaques furent reprises où on les avoit laissées.
L'Attaque du Chemin- couvert & la descente
du Fossé firent un véritable plaifir à toute l'Assemblée.
Le feu de part & d'autre fut très-vif , & l'açsion
des plus animées. Le
OCTOBRE. 1738. 2293
Le Débouchement de la Sape dans le Foffé , se
fit pardessous la crête du Glacis , & vint aboutir
vis-à- vis l'Angle flanqué de la Demi- Lune , ce qui
ne se pratique pas ordinairement : mais comme
l'espace est fort resserré , les deux Sapes auroient
cté confonduës , si elles avoient été ouvertes sur.
les faces ; le terrain qui seroit resté entre deux ,
n'auroit pas été suffisant pour les soutenir.
Aussitôt que ce Débouchement fut fait , les Sapeurs
travaillerent à faire un Epaulement à droite
& à gauche des Faces de la Demi - Lune , pour se
mettre à couvert du feu des Faces des Demi- Bas
tions . Le Mineur fit jouer une Mine si à propos
qu'elle renversa tout l'Angle flanqué de la Demi-
Lune dans le Fossé , & rendit la Breche accessible..
Les Grenadiers déboucherent de cette Sape avec
beaucoup de circonspection & d'ordre , pour se loger
sur la Breche ; ils y parvinrent avec peine , par
l'incommodité que le feu terrible des Assiégés leur
causa. Avant cette Attaque , la Place fit plufieurs
sorties sur la tête des Sapes les plus avancées . Celle
de la gauche fut brûlée & ne put être réparée , tant
le feu des Assiégés fut vif ; enfin les Assiégeans
ayant établi leur logement sur la Demi Lune , ils y
firent conduire du Canon , & ils travailloient déja
adresser une Batterie pour ruiner les Défenses , &
battre en breche le corps de la Place , lorsque les
Assiégés battirent la Chamade pour demander une
Suspenfion d'armes , & offrirent de se rendre , supoque
la Place ne fût pas secourue dans 24. heures .
Le Chevalier de Lussan s'eit efforcé dans ces
trois, Attaques , de démontrer d'une maniere sensi
ble une grande partie des travaux d'un Siége : mais
comme le peu de
temps qu'on y a employé n'a pas
été suffisant , pour mettre sous les yeux de la jeune
Noblesse , toutes les opérations d'une Attaque &
Iv d'une

2294 MERCURE DE FRANCE
d'une Défense , il les continuëra jusqu'à ce qu'il
commence son Cours de Tactique , & ses Conferences
publiques sur les principales Parties de la
Guerre de campagne ; c'est à dire les Marches , les
Campemens , les Passages des Rivières , les Embuscades
, les Escalades , les Surprises , les ordres de
Bataille , & c .
Les progrès que les Eleves de l'Ecole de Mars
ont faits depuis son Etablissement , en prouvent
P'utilité ; en effet , qu'y a- t-il de , plus nécessaire
dans un Etat pour former d'habiles Militaires ,
qu'une Maison dans laquelle on trouve rassemblés
des Maîtres en tout genre , & qui concourent tous
à ce même but ? Les commencemens d'un Etablissement
sont toujours difficiles ; celui - ci l'a plus
éprouvé qu'un autre ; & ce n'a été que par des soins
& une conftance incompréhenfible , que le Chevalier
de Luffan eft enfin parvenu à le former.
BOUQUET
A Mad. la C... de R ... ?
Dans un charmant Bosquet ,
Embelli par les soins de Flore ,
Je devançai la vigilante Aurore ,
Dans le dessein de cueillir un Bouquet ;
Mais Zéphir , par malheur , éveillant la Déesse
Lui fit remarquer mon larcin ,
Cette Nymphe aussi-tôt d'un air tendre & badin
Me reprocha ma hardiesse.
» Pour
OCTOBRE. 1738.
2295
» Pour qui destine - tu ces fleurs ?
Satisfais promptement le désir qui me presses
C'est pour une Beauté dont la vive jeunesse
Par des apas atrayans , séducteurs
Sçait s'attirer des coeurs ,
Et les respects & la tendresse.
A ce léger Portrait reconnois R ....
Autorisé par un galant usage ,
Du plus respectueux hommage
"
"
Je voulois donner une preuve en ce jour.
Je connois , dit Zéphir , cette Brune piquante ,
Un seul de ses regards surprend , séduit , enchante.
Oh ! je ne prétends pas, dit Flore avec courroux
Lui procurer un triomphe si doux.
A vous entendre , elle est si belle
Que la Rose la plus nouvelle
>
Ne feroit qu'augmenter l'éclat de ses atraits ;
Sors , va chercher ailleurs des présens digne d'elle,
Garde toi désormais -
De tant vanter une foible Mortelle.
Trop tard je reconnus mon indiscretion .
Tiens- moi compte du moins de mon intention ;
Zéphir que tu rends infidele ,
Comme temoin , t'exprimera mon zele
Et sera ma caution.
Diruarq
I vj BENE
2296 MERCURE DE FRANCE
BENEFICES DONNE'S
au mois de Septembre dernier.
C
'Evêché de S. Papoul , Suffragant de Toulouſe,
vacant par la tranflation de Georges-Lazare Ber
gerdeCharency,à celui de Montpellier ,a été conferé
à Daniel Bertrand de Langle , Prêtre du Diocèſe de
Rennes , Docteur en Théologie de la Faculté de
Paris , du 12. May 1732. & Doyen de l'Eglife Cathédrale
de Nantes , ayant fuccedé par élection au
commencement de cette année dans cette Dignité
à Louis- Albert Joly de Choüin , nouvel Evêque de
Toulon. L'Abbé de Langle étoit auparavant Chanoine
de l'Eglife Cathedrale , & Vicaire Géneral de
l'Evêque de Rennes . Il eft Abbé Commandataire de
l'Abbaye de Blanchecouronne , Ordre de S. Benoit ,
Diocèle de Nantes , depuis le 30. Juin 1729. Il eft
d'une ancienne Famille du Parlement de Bretagne
où il a un Frere actuellement Préſident à Mortier.
L'Abbaye de Bonnecombe , Ordre de Cîteaux ,
Diocèfe de Rodez , vacante par la mort de Philipe
de Lezay-Lezignem , dernier Titulaire depuis le 22.
Avril 1707. a été donnée à Pierre - Jules Cefar de
Rochechouart - Montigny , Evêque d'Evreux , facré
le 21 May 1734. & Prieur Commandataire de
S. Lo de Rouen.
Celle de Boscherville ; Ordre de S. Benoît , Diocèle
de Rouen , qui étoit en oeconomat depuis le
décès de Henry- Charles du Cambout Duc de Coislin
, Evêque de Metz , dernier Titulaire , arrivé le
28. Novembre 1732. à François , Duc de Fitz - Ja-
Pair de France , né le 9. Janvier 1709, Prêtre
Abbé Commandataire de l'Abbaye de S. Victor à
Paris , depuis le mois de May 1728 .
mes ,
Celle
OCTOBRE. 1738 .. 2297
Celle de Souilly , Ordre de S. Benoît , Diocèſe
de Tours , vacante par le décès de . . . . . de Valon ,.
dernier Titulaire , qui l'avoit obtenuë le 24. Décembre
1713. à Jacques François Hocquart, Prêtre,
Chanoine de l'Eglife du Mans.
Celle de Boul , Ordre de Cîteaux , Diocèſe de
Limoges , dont le même Jacques- François Hocquart
étoit Titulaire depuis le mois de Novembre
1732. à ..... de Bailleul , Vicaire General de l'E- .
vêque de Limoges.
Celle d'Aubignac , Ordre de Cîteaux , Diocèfe de
Bourges , vacante par le décès de .... du Hamel ,.
dernier Titulaire , à . . . le Hours , Tréforier de -
la Sainte Chapelle de Bourges.
......
Celle de S. Pierre de Lyon , Ordre de S. Benoît ,
vacante par le décès de Dame Guionne - Françoife-
Judith de Coffé de Briffac, derniere Titulaire depuis
le 2. Juillet 1708. à Dame ... , . de Melun , Abr
beffe de N. D.de Brice , à Sézanne en Brie , fille de
feu Guillaume de Melun , Marquis de Richebourg,
Comte de Beauffart , Grand d'Eſpagne de la pre-.
miere Claffe , Chevalier de, l'Ordre de la Toifon
d'Or , Viceroy & Capitaine General de la Principauté
de Catalogne , mort à Barcelone en 1734. ne
laiffant que deux filles , dont la nouvelle. Abbeſſ
de S. Pierre de Lyon eft Paînée. En raportant la
mort de Jean- Alexandre Théodoſe de Melun ,
Prince d'Epinoy , dans le Mercure de Janvier dernier
, page 174 on a dit qu'il ne reftoit plus de
mâles de la Maifon de Melun , que le Vicomte de
Melun , Beau Pere du défunt Prince d'Epinoy. Cependant
la Branche des Seigneurs du Bugnon en-
Gâtinois , du Nom & Armes de Melun , fubfifte encore
en la perfonne de Louis de Melun , né le 17.
Mars 1703. qui n'eft point marié & qui eft fils de feu
Armand de Melun , Gouverneur du Fort de Sainte
Croix
2298 MERCURE DE FRANCE
2
Croix de Bordeaux , mort en 1710. & de Marie-
Françoiſe de Saint Simon - Rouvroy , fa veuve
, qu'il avoit épousée en 1701. & neveu de
feu Louis de Melun , Seigneur de Maupertuis , Capitaine-
Lieutenant de la premiere Compagnie des
Moufquetaires du Roy , Lieutenant General de fes
Armées , Grand- Croix de l'Ordre de S. Louis , &
Gouverneur de la Province de Toul , mort en 1721.
fans pofterité. Cette Branche de Melun du Bugnon,
formée par Antoine de Melun , Seigneur de la Borde
, la Louptiere , du Bugnon , & c . vivant en 1481 .
& mort vers l'an 1533. porte dans fes Armes la même
brifure que portoient les Seigneurs de la Borde
le Vicomte , de Courtery , &c . Cadets de la Maiſon
de Melun .
Celle de N. D. de Brice , Ordre de S. Benoît ,
Diocèle de Troyes , qu'avoit la Dame de Melun , à
Dame . d'Auxy.
Celle de Kerlot , à Quimper , en Baffe - Bretagne ,
Ordre de Câteaux , à Dame .... Rogier du Crevy.
Et le Prieuré Cominandataire Conventuel &
Electif de Saint Mich: 1 , Ordre de Grandmont , au
Sr .... de Chaſtelard .
Le 29. Septembre , dans un Chapitre tenu à
P'Abbaye de Clugny , de l'Ordre de S. Benoît, Diocèfe
de Mâcon , avec les formalités accoûtumées ,
Fréderic-Jerôme de la Rochefoucaud de Roye Archevêque
de Bourges , Sacré le 7. Août 1729. Abbé
Commandataire de Beaulieu , en Argonne , Diocèle
de Verdun , & Prieur des Prieurés de Lanville ,
Diocéfe d'Angoulême , & de Bonnes Nouvelles ,
Diocèse de Rouen , fut élu d'un confentement unanime
, Coa juteur & futur Succeffeur en l'Abbaye
Chef- d'Ordre de Clugny , de Henry Ofwalde de la
Tour, Cardinal d'Auvergne, Archevêque de Vienne.
MORTS
OCTOBRE. 1738. 2299
MORTS.
LE 30. Août , Dame Anne le Bodin , veuve depuis
Comte de Sagone , Chevalier de l'Ordre de S. Michel
, Confeiller du Roy en tous fes Confeils , Sur-
Intendant & Ordonnateur Géneral des Bâtimens ,
Jardins , Arts & Manufactures de Sa Majeſté , monrut
à Paris , âgée de 92. ans accomplis , étant née
au mois d'Août 1646 .
Le... Septembre , Charles , Comte de Lannoy
ancien Colonel d'Infanterie , Gouverneur des Ville
, Château & Comté d'Eu , & de Treport , fur la
Mer , mourut en fon Château de la Motte, en Picardie
, âgé d'environ 60. ans . Il étoit fils de feu
Charles , Comte de Lannoy , auffi Gouverneur des
Ville , Château & Comté d'Eu , & de Tréport , &
de Jeanne- Antoinette le Belloy , morte à 6. ans
le 15. Janvier 1733. laquelle étoit fille de Jacques
de Belloy , Seigneur , Marquis de Catillon &
d'Amicie de Courtenay. Le Comte de Lannoy ,
fon fils , qui vient de mourir , avoit été marié le 13-
Mars 1704. avec Philipe- Louise de Furstemberg ,
feconde fille d'Antoine Egon , Prince de Furstemberg,
Comte de Heiligemberg, & de Werdenberg
Landgrave de Bor , &c. Prince du S. Empire Romain
, Gouverneur Géneral de l'Electorat de Saxe ,
mort le 10. Octobre 1716. & de Marie de Ligny ,
son Epouse , morte le 18. Août 1718.
Le 15. Claude Thomas du Puy , Confeiller du
Roy en fes Confeils d'Etat & Privé ( à Brevet }
Maître des Requêtes honoraire de fon Hôtel , cydevant
Intendant de la Nouvelle France, en Canada ,
2300 MERCURE DE FRANCE
KA
& Avocat General auGrand- Confeil pendant 12.ans,
mourut au Château de Carcé , Mines de Fompean,
proche Rennes en Bretagne , âgé de 58. ans . Il s'étoit
acquis l'eftime des Sçavans par
fes talens pour
les Sciences & les Beaux - Arts , & fur tout pour les
Méchaniques . Il étoit à la veille de l'execution da
grand projet qu'il avoit formé pour les épuifemens
des eaux , qui inondent les Mines de Pompean .
D. Marie Magdeleine le Fouin , fa veuve , a envoyé
fur les Lieux un Eleve de feu fon Mari , pour
achever fon Ouvrage , que l'on dit être fort avancé
Le défunt étoit le premier qui eût fait des Spheres
mobiles , fuivant le Systême de Copernic. Les
Machines Hidrauliques de fon invention , ont mérité
l'attention des Sçavans de Paris & des Eran--
gers. On lit dans le Mercure du mois dernier page
1937. un Memoire fur ces Machines , dans lequel
on trouve le raport qu'en ont fait les Commiffaires
de l'Académie des Sciences. La D du Puy eft fille
de feu François le Fouin , Confeiller au Parlement
de Paris , & d'Anne - Marguerite Prevoft . Elle étoit
veuve de Jacques Prevolt , Maître ordinaire en la
Chambre des Comptes de Paris , mort le 11. Avril
1721. lorfqu'elle époufa le 8. Juin 1724. M. du .
Puy , dont elle n'a point eû d'enfans.
Le même jour , Elizabeth Voysin , Abbeffe de
P'Abbaye de Malnoue , de l'Ordre de S. Benoît ,
Diocèle de Paris , dont elle n'avoit pris poffeffion
que le 31. Janvier dernier , mourut dans ce Monassere
, dans la 51. année de fon âge. Elle étoit auparavant
Religieufe de l'Ordre de S. François , Profeffe
du Convent de Sainte Elizabeth, rue du Temple
à Paris. Elle étoit la feconde fille de feu Daniel
François Voyfin , Seigneur du Mesnil , Bourré ,.
Janville , Lardy , Gillesvoifin , Iteville , Chancelier
& Garde des Sceaux de France , Commandeur des
Qrdres
OCTOBRE. 1738. · 2304
Ordres du Roy , Miniftre & Secretaire d'Etat, mort
le 2 Février 1717. & de défunte Charlotte Trudaine
, morte le 20. Avril 1714.
Le 19. Marie - Magdeleine de Seve , Dame de
Gomerville en Beauffe , veuve depuis le 2. Juillet
1716. de François- Bernard Briçonnet , Seigneur,
Marquis d'Oyfonville , de Congerville & de Gaudreville
, en Beausse ,Seigneur du Bouchet en Anjou,
ci devant Colonel d'un Régiment d'Infanterie , avec
lequel elle avoit été mariée le 2. Septembre 1700.
mourut au Château du Bouchet , près de Baugé ,
dans la 54. année de son âge. Elle étoit fille unique
de Jean de Seve , Seigneur de Gomerville , Capitaine
au Régiment des Gardes Françoises , mort le
10. Mars 1685. & de D. Marie- Magdeleine de
Bernage , sa veuve , qui vit encore , âgée d'environ
87. ans. La D. Marquise d'Oysonville , laisse pour
enfans Charles- Bernard Briçonnet , Seigneur, Marquis
d'Oysonville , &c . né au Bouchet en 1711 , cidevant
Capitaine dans le Régiment du Roy, Infanterie
, qui eut la jambe cassée au Combat de Parme
le 29. Juin 1734. & qui a épousé en 1736. la Dliè
de Fescan, fille unique d'une Famille noble de Tou
raine; Geneviève- Claudine Briçonnet d'Oysonville,
née à Paris en 1712 mariée en 1733. avec le Seigneur
de la Roussiere, en Anjou, & Claude- Henry
Briçonnet , né au Bouchet en 1713. servant sur les
Galeres du Roy. Paul- Guy Briçonnet , Marquis
d'Oysonville , leur frere aîné , Capitaine dans le
Régiment du Roy , Infanterie , fut tué à la Bataille
de Parme en 1734. dans la 33. année de son âge ,
sans enfans de Marie- Anne Duché , qu'il avoit
épousée le 25. Août 1733 .
Le 21. François Berger de Malissol , Evêque ,
Comte & Seigneur de Gap , en Dauphiné , Docteur
en Théologie , mourut dans son Diocèse , âgé d'environ
2302 MERCURÊ DE FRANCE
F
viron 62. ans . Il étoit natif de Vienne en Dauphine,
& fils d'un Vibailly de la même Ville . Il avoit été
d'abord Doyen & Vicaire Géneral de Die , & il fut
Député de la Province de Vienne à l'Assemblée Gés
nerale du Clergé de France , tenue à Paris en 1705.Le
feu koy le nomma le 3. Avril 1706. à l'Evêché de
Gap, qui fut proposé pour lui à Romé le 15.Novembre
de la même année, ensuite de quoi il fut Sacré le
2. Janvier 1707. & il prêta serment de fidelité entre
les mains du Roy le 2. Février suivant. Depuis il
fut Député de la Province d'Aix aux Assemblées
Génerales du Clergé de 1725. & 1735. & il fut un
des Présidens de la derniere. Il avoit été désigné au
mois de Novembre 1725. pour remplir le Siége
Episcopal de Grenoble , mais il ne l'accepta pas ;
il
n'accepta point non - plus l'Abbaye de Nants , Ordre
de S. Benoît , Diocèse de Vabres , qui lui fut
donnée au mois de Juin 1732. Cette Abbaye fut
donnée , sur son refus , au mois de Juillet suivant à
Claude Berger de Moidieu , Prêtre , Doyen de l'E
glise Cathédrale de Die.
܀
Le 2. Louis François Larbouillard du Plessis ,
Mestre de Camp de Cavalerie , & ancien Maréchal
des Logis de la premiere Compagnie des Mousquetaires
de la Garde ordinaire , mourut à l'Hôtel de
cette Compagnie , rue du Bac , dans un âge avancé.
Il avoit quitté le Service le premier Juillet dernier,
& ses services avoient été récompensés d'une pension
de 1500. livres & d'une somme de 3coon . liv,
Le 29. mourut Barthelemi des Prez , Docteur en
Théologie de la Faculté de Paris , Curé de l'Eglise
Paroissiale de S. Jacques & S. Philipe , du Roule lès
Paris , depuis 1709.
Le 7. Octobre, D. Marie- Magdeleine de Castille,
qui avoit été mariée le 4. Octobre 1663. avec défunt
Eustache de Conflans, Comte de Vezilly,mourut
OCTOBRE. 1738. 2303
tut à Paris , âgée ( dit - on ) de 97. ans , 3. mois ,
sans posterité . Elle étoit fille de Jean de Castille ,
Marquis de Chenoise en Brie , Baron de Boucault
, & de Louise - Diane de Bouvens de Troissy ,
& tante de Philipe- Gaspard de Castille , Marquis de
Chenoise,Seigneur de la Baronie de Troissy,Vicomte
de Nesle , Lieutenant de Roy en Champagne , &
auparavant Enseigne des Gendarmes d'Anjou, mort
en 1726. ne laissant de Marie- Marguerite-Françoise-
Gabrielle d'Estancheau , aujourd'hui sa veuve , que
trois filles , dont l'aînée , Charlotte - Gabrielle de
Castille de Chenoise , Epouse du Marquis de Vaugenlieu
, Capitaine dans le Régiment du Roy , de
Dragons , mourut au Château de Chenoise le 11.
Février dernier , dans la 20. année de son âge.
Le 11. François-Jean Dionis , Conseiller - Secre
taire du Roy , Maison , Couronne de France & de
ses Finances , depuis 1719. ancien Doyen des Notaires
au Châtelet , & ancien Echevin de Paris ,
mourut dans la 74. année de son âge , laissant trois
fils , l'aîné , Payeur des Rentes de l'Hôtel de Ville ,
marié avec une soeur de Nicolas-Guillaume Moriau
, Procureur du Roy & de la Ville de Paris ; le
second Conseiller en la Cour des Aydes , marié
avec la fille unique de Pierre Héron , Conseiller au
Châtelet de Paris ; & le troisiéme Commissaire à la
conduite d'une Compagnie des Gardes du Corps du
Roy , marié le 22. Septembre dernier avec la Dlle
de Vezigny , fille unique ; & une fille , mariée avec
le même Nicolas- Guillaume Moriau , Procureur du
Roy de la Ville de Paris .
Le 12. Maurille Michau de Montaran , Seigneur
de Ruberso , ancien Sénechal du Présidial de Ren
nes, mourut à Paris , âgé d'environ 68. ans. Il avoit
été d'abord reçû Conseiller au Grand . Conseil le 17.
Septembre 1695. puis Conseiller au Parlement de
Bretagne
2304 MERCURE DE FRANCE
Bretagne le 10. Septembre 1697: & enfin Sénechal
de Rennes , au lieu & par la démission de René le
Prestre de Lezonnet, son Beau - frere, en 1700. après
avoir exercé cette Charge pendant 32. ans , il s'en
démit en 17.32 . en faveur de Jean Baillon de Cervon
, Conseiller au Parlement de Paris. Il étoit veuf,
mais sans enfans , & second fils de feu Jacques Michau
, Sieur de Montaran , Conseiller- Secretaire du
Roy , en la Chancellerie de Bretagne , & Trésorier
General des Etats de cette Province , & de feüe
Marie le Gouverneur.
:j j j j l j j : j j į ƒ ƒ Į Į Į Į Į
ARRESTS NOTABLES.
RREST du Confeil d'Etat du Roy, du premier
Juillet , pour la prise de poffeffion du
Bail des Fermes Generales Unies , fous le nom de
Maître Jacques Forceville , pendant fix années, qui
commenceront au premier Octobre 1738. pour les
Grandes & Petites Gabelles , Cinq Groffes Fermes ,
Tabac , Aydes , Papier & Parchemin timbrés des
Provinces où les Aydes ont cours ,
& autres droits
y joints ; & au premier Janvier 1739. pour les Domaines
de France, Contrôle des Actes des Notaires,
Petits - Scels, Infmuations , Centiéme Denier , Greffes
, Amortiffemens , Francs- Fiefs & droits y joints;
Domaines d'Occident en France , & autres droits
compris au réſultat du 17. Novembre 1737.
Qui permet aud. Forceville & à fes Sous-Fermiers , de
fe fervir des Timbres qui font actuellement en ufage.
Diſpenſe les Employés de prêter nouveau Serment
; leur permet de verbalifer dans le reffort dés
Jurisdictions où ils pourront fe trouver , avec défeufe
OCTOBRE 1738.
2305
fenfe.aux Juges d'annuler leurs Procès - verbaux ,fous
prétexte que leurs noms ne fe trouveroient point
infcrits dans un Tableau dépofé au Greffe de leur
Jurisdiction.
Regle les Droits d'Enregistrement du préfent
Arrêt , & ceux de Réception & Prêtation de Serment
desdits Employés.
Et ordonne que les Reglemens rendus au profit
des précedens Fermiers , feront executés en faveur
dudit Forceville & de fes Sous- Fermiers.
AUTRE du même jour , qui exempte des
Droits dûs au Roy ou à fes Fermiers , & des Droits
de Péage & autres , les Grains qui feront tranfportés
des Provinces du Royaume dans celle de Provence
, pendant un an , à compter du 15. Septembre
1738 .
EDIT DU ROY , portant que tous les sujets
du Roy de Pologne , dans les Etats de la Loraine ,
feront réputés naturels François . Donné à Compiegne
le même mois. Regiftré en Parlement le
12. Août.
AUTRE , Portant création de cent mille livres
de Rentes fur la Ferme génerale des Poftes. Donné
à Compiegne le même mois . Regiftré en Parlement
le 22. Août fuivant.
ARREST du premier Août , qui ordonne que
les anciens Sols & les Pieces dites de Trente deniers
, n'auront plus cours que pour dix-huit deniers
, & les demis à proportion . Regle la quantité
d'Efpeces de Billon qui pourra entrer dans les payemens
. Et renouvelle les défenſes d'en expoler &
secevoir de fabriques Etrangeres.
SENTENCE
2306 MERCURE DE FRANCE
SENTENCE de Police , du 22. qui fait dé
fenfes aux Bouchers , leurs Etaliers & Garçons, aux
Rotiffeurs , Vendeufes de Poiffon , Fruitiers & autres
vendans dans les Halles & Marchés de cette
Ville , fous peine de punition corporelle , d'injurier
ni maltraiter les perfonnes qui viendront pour acheter
leurs Marchandifes ; & condamne en l'amende
les nommés Drieu & Dupont , Etaliers Bouchers,
pour y avoir contreveņu .
J
APROBATION.
' Ai lu par ordre de Monseigneur le Chancelier ,
le Mercure de France du mois d'Octobre , &
j'ai cru qu'on pouvoit en permettre l'impression . A
Paris , le premier Novembre 1738.
HARDION.
P
TABLE,
IECES FUGITI V E S. La Colique, Ode , 2095
Suite de l'Examen Historique des Jeux de ha
zard ,
Ode imitée d'Horace ,
2098
2111 I
Lettre sur le titre de Mercure de France , & sur
l'antiquité des fenêtes de verre , &c.
Vers à M. le Curé , & c.
2114
2119
Lettre , &c, touchant la situation du Montmirail ,
où il est parlé de la reconciliation de S. Thomas
de Cantorbery avec Henry II.
Ode sur l'Amitié ,
Exercices au College des Quatre Nations ,
Le Changement de Lisis , Cantate
2120
2124
2127
2144
Lettre
Lettre de M. d'Arnaud , à Mad B **
voyant les Elemens de Newton ,
Le Parnasse , à M. de Voltaire , &c.
en lui en
2147
2150
Réponse à l'Auteur de la Suite de la Défense de
P'Eglise de Troyes ... au sujet des Auteurs des
Annales de S. Bertin ,
Bouquet
Exposition de Tableaux ,
Catalogue des Tableaux , &c.
Enigme , Logogryphes , &c.
NOUVELLES LITTERAIRES
& c.
2153
2378
ibid,
2182
2193
2198
2199
DES BEAUX - ARTS ,
Discours pour exciter l'Emulation , & c,
Traité de la Pipée , Chasse amusante , & c. 2201
Projet de l'Edition des Transactions Philosophiques
de la Societé de Londres , traduites , &c . 2202
Lettre au sujet d'un nouvel Ouvrage de M. de
Voltaite 2206
Génealogie de la Maison Royale de France , 2209
Les Fausses Confidences , Comédie , &c . 2212
Dissertation sur les Eaux Minerales de Provins, 2215
Recherches sur la maniere d'inhumer des Anciens
, à l'occasion des Tombeaux de Civaux en
Poitou ,
Dissertation sur plusieurs circonstances du Regne
de Clovis , & sur l'antiquité des Monnoyes ,
& c.
2217
2221
Histoire Génerale & particuliere des Finances , &c.
Prospectus ,
Question
2226
2234
Réponse à la Question de Droit proposée, &c. ibid.
Suite des Portraits des Hommes Illustres , &c. 2236
Remedes , & c .
Air noté ,
Spectacles. Le Consentement forcé , &c.
Tragédie de Sennachérib , Extrait,
2240
2242
2243
2249
Plan du Ballet intitulé , Portrait de la Nation Franfaise
Nouvelles Etrangeres , de Turquie , &c. .
Russie , Suede & Allemagne ,
2286
2270
D'Italie , Naples , de Corse , & c.
2274
D'Espagne , Portugal & Grande - Bretagne ,
2280
France , Nouvelles de la Cour , Paris , &c. 2283
Lettre de S. E. M. le Cardinal de Fleury , à M. Herault
, &c. 2287
Ecole de Mars , &c . 2289
Bouquet à Mad. la C ... de R ... 2294
Benefices donnés , 2296
Morts 2299
2304 Arrêts Notables ,
P
Errata de Septembre.
Age 2089. ligne 14. 1326. lisez 1726.
Fautes à corriger dans ce Livre.
Age 2118. ligne 16. indicerem , lisez indicium;
Pinjuste , lisez , odieuse.
Même page , 1. 12. présomptueux , l. infructueux,
Même page , 1. 18 & vient , l . descend .
P. 2143. L. 17. dit - il , ajoûtez , en parlant.
P. 2174k 15. n'ait , l . n'ay.
P. 2188. l . 12. Eurtes , l . Bustes .
P. 2243. 1. 17. Grandrac, L. Grandval. l.
La Chanson notée doit regarder la page 2248
Qualité de la reconnaissance optique de caractères
Soumis par lechott le