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1738, 05, 06, vol. 1-2
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MERCURE
DE FRANCE ,
DEDIE AU ROT
MAY. 1738,
CURICOLLIGIT
SPARCIT
A PARIS ,
GUILLAUME CAVELIER ,
ruë S. Jacques.
Chés La Veuve PISSOT , Quay de Conty ,
à la defcenté du Pont Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais .
M. DCC. XXXVIII.
Avec Aprobation & Privilege du Roya
THE NEW YORK
PUBLIC LIBRARY
337
ASTOR , LENOX NA VIS.
TILDEN FOUNDATIONS
1005
L
'ADRESSE generale eft à
Monfieur MOREAU , Commis ap
Mercure , vis - à - vis la Comédie Frangoife
, à Paris. Ceux qui pour leur commodité
voudront remettre leurs Paquets cachetés
aux Libraires qui vendent le Mercure,
à Paris , peuventfe fervir de cette voye
pour les faire tenir.
On prie très-inflamment , quand on adref
des Lettres ou Paquets par la Pofte , d'avoir
Join d'en affranchir le Port , comme cela s'eft
toujours pratiqué , afin d'épargner , à nous
le déplaifir de les rebuter , & à ceux qui
les envoyent , celui , non-feulement de ne
pas voir paroître leurs Ouvrages , mais
même de les perdre , s'ils n'en ont pas gardė
de copie.
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les Particuliers qui fouhaiteront
avoir le Mercure de France de la premiere
main , & plus promptement , n'auront
qu'à donner leurs adreſſes à M. Morean
qui aura foin de faire leurs Paquets fans
perie de temps , & de les faire porter sur
P'heure à la Pofte , on aux Meffageries qu'on
lui indiquera.
PRIX XXX. SOLS.
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROT.
MA Y. 1738.
******* ******************
PIECES FUGITIVES,
en Vers et en Prose.
FABLE .
ADIS une Colombe , aimable , jeune.
et belle
Faisoit tout le contentement
D'un Pigeon beau, jeune, et chatmant
;
Il n'avoit des yeux que pour elle ,
"
Bref il l'aimoit uniquement :
De son côté sa Tourterelle
Ne Paimoit pas moins tendrement ,
A ÿ Tous
24 MERCURE DE FRANCE
Tous deux vivoient paisiblement ,
Quand un Pigeon du voisinage
Rompant cette aimable Union
Vint exciter dans le Ménage
Le feu de la division .
>
C'étoit un Pigeon fait à peindre ;
Hélas ! qu'un bel Hôte est à craindre !
La Colombe commencé à le considerer
Puis lui parler , puis l'admirer.
Voyez qu'il est beau ! quel plumage !
Quelle taille ! ô Dieux , quel ramage !
Qu'il est caressant ! qu'il est doux !
Hélas ! qu'heureuse sera celle
Qui doit avoir un tel Epoux !
Elle ignoroit encor , la foible Colombelle
Ce que c'est que l'Amour , quels sont ses jeux
cruels :
Tandis qu'elle s'amuse , une perfide flâme
Sous le nom d'amitié se glisse dans son ame ;
Alors ouvrant les yeux sur ses feux criminels
mais trop tard , qu'Amour veut la sur,
prendre :
Elle sent ,
C'est toi , fatal Amour , toi , qui mis Troye en
cendre ;
Déja la Tourterelle a trop fait de chemin ,
Il n'est plus temps, en vain veut - elle s'en défendre
Il n'est plus temps , il faut se rendre ,
Il faut céder à son destin
Aussi
MAY. 823 17388
Aussi, fit elle la pauvrette . -
Son Epoux , personne discrette
Pigeon de bon sens et d'esprit ,
S'aperçut de tout , et sans bruit
Yous tança vivement sa moitié conjugale ,
Lui fit longue mercuriale ,
En lui reprochant son délit ;
Et puis , en pleurant il.lui dit
L'adieu fatal. C'étoit un Pigeon de parole ;
Il le dit ; et zeste ! il s'envole .
L'autre Pigeon , plein de froideur ,
Se mocqua de la Tourterelle ,
Il méprisa la folle ardeur
Et les amours d'une infidelle ;
Elle voulut parler : l'ingrat n'eut point d'égard
A ses larmes , à ses caresses ,
Et paya toutes ses tendresses
Par un prompt et cruel départ ;
Tellement que l'infortunée
Eat le
temps de pleurer sa triste destinée :
Voilà tout le contentement
Qu'elle reçût de cet Amant.
Il ne suffit pas d'être aimable ,
1 faut encor sçavoir à propos s'engager ;
Rarement on gagne à changer ,
C'est tout le but de cette Fable.
Par M. P **
A iij
MEMOIRES
$26 MERCURE DE FRANCE
********** :
MEMOIRES pour servir à l'Histoire
du Théatre , et spécialement à la Vie
des plus celebres Comédiens François.
N donnant ici une idée de nos meilleurs
Acteurs et Actrices , nous engagerons
peut-être les autres Nations de l'Europe à
tirer de l'oubli les Personnes qui ont excellé
dans la même Profession parmi eux , en
nous aprenant leurs Caracteres , leurs moeurs,
et les diférentes Parties dans lesquelles ils se
sont rendus recommandables dans le rare
talent de l'Imitation. On doit rendre justice
au mérite dans quelque Sujet qu'il se trouve,
en mettant dans tout leur jour les excellens
Ouvrages des plus illustres Auteurs , et
y substituant à la place de la Fiction , toutes
les aparences de la Vérité par une charmante
illusion. Au contraire , il semble qu'on
ait affecté de répandre l'infamie sur ceux qui
nous font tant de plaisir.
Il semble aussi que la plupart des Hommes,
contens de louer et d'estimer les Poëtes
ayent poussé le mépris pour les Comédiens
jusqu'à l'excès , quoique le Public leur doive
presque autant qu'aux Poëtes ; du moins
sans eux , jamais le Public n'auroit eu tant
de plaisir , ni les Poëtes tant de gloire ;

MAY. 827 1738.
et il n'est pas bien sûr qu'un excellent Comédien
soit une chose beaucoup plus commune
qu'un excellent Poëte .
BLANDIMARE et GANDOLIN , sont deux
Personnages comiques de l'ancien Théatre.
Ce dernier étoit une espece d'Arlequin , à
ce qu'on peut voir par son Portrait en Estampe
, avec ces vers au bas :
Gandolin par sa Rhetorique
Nous fait la rate épanouir ,
Et pour n'avoir plus la colique
Il faut tant feulement Poüir .
Quelques Fables qu'il nous raconte
Elles ont un fi bel effet ,
Que chacun y trouve fon conte
Et s'en retourne fatisfait.
MONDORY d'Orleans ; il étoit comme le
chef de la Troupe du Marais , très -excellent
Comédien , beau parleur , aussi étoit - il
chargé de l'emploi d'Orateur du corps , c'est
à dire , de faire les annonces , et les petits
discours dont on les accompagnoit en ce
temps- là. Dorgemont , son camarade, lui succeda
dans cet office ; c'étoit un homme d'une
taille moyenne , mais bien prise , la mine
haute , le visage agréable et expressif. Il avoit
de petits cheveux crepés avec lesquels il
A iiij joüoir
$28 MERCURE DE FRANCE
joüoit tous les rôles de Héros sans avoir ja
mais voulu mettre de perruque. Cet habile
Acteur mourut par le trop d'ardeur qu'il
avoit dans la représentation des Personnages
qu'il joüoit. M. de Saint Evremond , raporte
qu'il fit de si grands efforts en joiiant le rôle
d'Herode , dans la Tragédie de Mariane , que
cela lui causa la mort ; ce qu'il faut entendre
par- là , c'est que Mondory tomba en apopléxie
en jouant ce Rôle ; il resta paralytique
d'une partie du corps , et sa langue se trouva
embarrassée . Il se retira dans une maison
qu'il avoit auprès d'Orleans pour y finir ses
jours. Cependant le Cardinal de Richelieu
le fit revenir à Paris , et l'engagea à jouer le
principal rôle dans la Comédie de l'Aveugle
de Smirne , mais il n'en put jouer que deux
Actes. Il s'en retourna dans sa retraite , avec
une penfion du Cardinal de 2000 liv. Les
Seigneurs de ce temps - là se signalerent aussi
en liberalités; car soit pour faire leur cour au
Premier Ministre , soit pour récompenser le
mérite de ce fameux Comédien , ils lui
donnerent presque tous des pensions , ce qui
fit à Mondory environ huit ou dix mille liv.
de rente , dont il joüit jusqu'à sa mort , arrivée
vers l'an ayant vêcu fort
vieux .
·
Il joüoit les grands Rôles avant Floridor.
Scaron fait dire à la Rancune dans son
Roman
MAY. 17382 829
Roman comique , en parlant des Acteurs en
réputation de son temps : Belleroze étoit trop
affecté , Mondory trop rude , Floridor trop
froid.
- Le Prince de Guimené disoit de ce fameux
Comédien , Homo non perit ; fed periit artifex.
On a dit depuis la même chose de
Scaramouche dans le temps qu'il représentoit
fur le Théatre des Italiens à l'Hôtel de Bour
gogne .
MONTFLEURY Comédien de la Troupe
Royale , mourut en 1667. La Tragédie de
la Mort d'Asdruł al , est de son fils.
C'étoit un homme de beaucoup d'esprit }
et Acteur universel. Il excelloit également
dans leTragique et dans le Comique . C'est un
de ceux qui a le plus fait valoir les premieres
Piéces de P. Corneille du temps du Cardinal
de Richelieu. Il avoit l'air noble , &
les manieres polies et agréables. Sa réputa
tion étoit très- grande..
On assure qu'il avoit joué Oreste d'origi
nal , dans l'Andromaque de Racine , et qu'il
mourut même dans le temps que cette Piéce
commençoit à être goûtée. M. de Saint Evremond
écrivrant à M. de Lionne en 1668. ou
1669. lui dit , en parlant d'Andromaque ,
vous avez raison de dire que cette Piéce est
déchûë par la mort de Montfleury ; car elle
a besoin de grands Comédiens , qui remplis-
A V
S
830 MERCURE DE FRANCE
sent par l'action , ce qui lui manque. Attila
au contraire a dû gagner quelque chose à la
mort de cet Acteur. Un grand Comédien eut
trop poussé un Rôle assés plein de lui- même ,'
et eut fait faire trop d'impression à sa férocité
fur les ames tendres.
On prétend qu'il mourut par les efforts
violens qu'il fit en jouant Oreste , où l'on
assure que son ventre s'ouvrit ; il étoit si
prodigieufement gros , qu'il étoit soutenu
par un cercle de fer. Il faisoit des tirades
de vingt vers de suite , et poussoit le
dernier avec tant de vehemence , que cela .
excitoit des brouhahas et des aplaudissemens
qui ne finissoient point. Il étoit plein de sentimens
pathetiques , et quelquefois jusqu'à
faire perdre la respiration aux Spectateurs.
Le chant et l'emphase étoient le seul genre
de déclamation qui fut alors connu. Moliere
dans l'impromptu de Versailles , osa ent
faire sentir le ridicule , et y critiquer , entre
autres, le ton emphatique et de démoniaque.
de Montfleury dans la Scene de Nicomede
où Prusias , représenté par cet Acteur , s'entretient
tout seul avec son Capitaine des
Gardes.. Montfleury étoit gros , c'est à quoi
Moliere fait allusion dans la même Piéce . II:
joüoit les Rois et les rôles emportés ; il laissa
trois enfans , un fils connu par ses Piéces de
Théatre , et deux filles dont l'une apellée
Mlle
MAY.. 17387
$37
pe
Mlle d'Ennebault , étoit Comédienne de
l'Hôtel de Bourgogne , et l'autre de la Troudu
Marais. La Dlle Mariane d'Angeville ,
aujourd'hui Actrice d'un très- grand mérite ,
Niéce de la célébre Charlotte Desmares , Actrice
inimitable , est arriere petite fille de
Montfleury du côté de sa grand- mere, fille
de la Dlle d'Ennebault.
Le Comédien Poëte , Comédie en cinq Actes
de Montfleury.
On donna la premiere représentation de
cette Piéce sur le Théatre de la ruëMazarine ,
le 10.Novembre 1673.on la joia huit fois au
double , et dix fois à l'ordinaire.

Montfleury qui passe pour l'Auteur de
cette Piéce , n'y avoit pas , selon toutes les
aparences la meilleure part ; car on trouve
dans les Registres des Comédiens de ce
temps-là : donné à Mrs. de Montfleury et
Corneille chacun 660. liv . de l'argent qu'on
a retiré à la Piéce du Comédien Poëte , fai
sant 1320. liv. le 29. Décembre 1673 .
Mlle. DE MONTFLEURY , elle étoit retirée
et touchoit pension de la Troupe Royale
en 1674. lors du Réglement fait en 1681 .
à l'occasion des deux Troupes. Elle eut mille
livres de pension , et mourut le premier Mars
1683.
LE NOIR DE LA TORILLIERE , pere des
A. vj
Diles
8322 MERCURE DE FRANCE
Diles Baron et Dancourt du sieur de lá
,
,
de Torilliere dernier mort et Grand - pere
celui d'aujourd'hui . Il étoit Acteur Tragique
et des meilleurs , et de la Troupe Royale en
1674.
C'étoit un très-gracieux Comédien , quoi
que une taille médiocre , mais il avoit de
beaux yeux et de belles dents . Il jouoit les
Rôles de Rois et de Paysans. On remarquoit
un défaut en lui , qui étoit d'avoir un
visage riant dans les passions les plus furieuses
, et les situations les plus tristes.
,
Il étoit contemporain de la Fleur , et lui
succéda dans les Rôles de Rois. L'Auteur
de la Recherche sur les Théatres dit , qu'il
étoit Gentilhomme et Officier dans les
Troupes du Roy. On prétend que le goût
qu'il avoit pour la Comédie , le détermina à
demander à Sa Majesté la permission d'entrer
dans la Troupe de Moliere. Le Roy
surpris de cette demande , lui donna quelque
temps pour faire des réflexions sur le
parti qu'il vouloit prendre ; la Torilliere persista
dans le dessein de se faire Comédien
et le Roy y consentit . En 1667. Moliere le
chargea d'aller avec la Grange son camarade
à Lille en Flandre , présenter un Placer à
S. M. sur la défense qui fut faite à Moliere
et à sa Troupe le 6. Août , de jouer le Tartuffe
ΜΑΥ
1738. 853

tuffe jusqu'à nouvel ordre. Après la mort de
Moliere , il fut un de ceux qui quitterent le
Palais Royal pour passer de leur gré à l'Hôtel
de Bourgogne
.
NANTEUIL , Comédien de la Reine , et
Auteur de ces Pieces :
Les Brouillards nocturnes . 1669.
Le Comte de Roquefenille , ou , le Docteur
extravagant. Id.
L'Amour Sentinelle , ou , les Cadenas forcési
1672 .
DORIMOND , Comédien de Mademoi
selle , et Auteur de
La Roselie , ou , Dom Guillot. 1641.
L'Amant de la Seine. 1661.
L'Inconstance punie Id.
L'Amant de sa Femme.. Id..
L'Ecole des Coeurs , ou , la Précaution inu
tile. Id.
Les Amours de Trapolin , et la Comédie de
la Comédie. 1662 .
La Femme industrieuse 1692 ..
FRANÇOISE -JACOB D'ENNEBAULT , Soeur
de Mlle Dupin , fille de Montfleury , Grand
mere: maternelle de Mlle Desmares.
C'étoit une des plus anciennes Actrices,
de l'Hôtel de Bourgogne en 1674. Elle vint
dans la Troupe de Guenegaud en 1681. avec
une part. Son fort étoit ses Rôles de Travestissement
en homme. C'étoit une grande :
personne
34 MERCURE DE FRANCE
personne fort puissante , et de bonne mine.
Elle chantoit dans les Intermedes du Malade
Imaginaire.
DE VILLIERS , Poëte Comique et très-
Bon Comédien de la Troupe de l'Hôtel de
Bourgogne , dont il s'étoit retiré avant l'année
1674. Ses Pieces de Théatre sont :
Le Festin de Pierre , Tragi-Comédie. 16601
L'Apotiquaire dévalisé. Id.
Les Ramoneurs. 1662-
Les trois Visages.
La Magie sans Magie.
DE SALBRAY , Comédien dé l'Hôtel de
Bourgogne en 1674. et Poëte Dramatique ;
Les Pieces qu'on connoît de,lui sont :
L'Enfer divertissant.
La Belle
Egyptienne .
Andromaque
, Piece en Machines.
La Troade.
> JUVENON DE LA FLEUR , Pere de la
Thuillerié. C'étoit un grand homme, beaude
visage , fort bien fait , et excellent Acteur :
pour jouer les Rôles de Rois ; il étoit des
plus anciens Comédiens de la Troupe Roya
le en 1674. Il excelloit encore pour les Ca
racteres de Gascons et de Capitans : on dit
de lui , que c'est le premier Acteur qui ait eus
ce qu'on apelle des entrailles ; c'est - à - dire ,
l'Art de se toucher , pour toucher en -
suite les autres, ce que Floridor n'avoit point:
àx
MAY. 835 1738.
à ce degré de perfection. Il joüa d'original
en 1672. le Rôle du Visir Acomat , dans la
Tragédie de Bajazet. Il succéda à Montfleury
pour les Rois.
JEAN JUVENON DE LA THUILLERIE
Comédien et Poëte , fils de la Fleur , mort à
trente -quatre ans ou environ , d'un coup
qu'il se donna à la tête : il étoit fort débauché.
-
C'étoit un très grand et bel homme ;-
fort bien fait ; il joüoit les Rôles de jeunes
Rois. Il étoit dans la Troupe Royale en
1674. et seroit arrivé à un haut degré de perfection,
s'il eut vécu plus long-temps . C'étoir
un très-bon Joueur de Paume ,entrant dans les
plus grandes Parties des Paumiers du Roy ,
à Fontainebleau et ailleurs , et qu'on s'empressoit
d'aller voir ; il faisoit bien tous les
Exercices des Armes , & c..
Il a joué tous les Rôles de Rois d'origi
nal , des Pieces de Capistron , hors Tyrida--
te : il avoit sa part entiere , lors de la jonc
tion des Troupes en 1681. il joua aussi d'ori
ginal Antonin , dans la Tragédie de Geta.
La Thuillerie n'étoit que le Prête-nom des .
Pieces recueillies dans le Volume qui porte
son nom ; elles sont pour la plupart de l'Ab
bé Abeille . Les complimens qu'il en recevoit
, le flaterent jusqu'au point de croire
qu'il
$36 MERCURE DE FRANCE
qu'il les avoit faites , ce qui donna lieu à
cette Epitaphe.
Ici gît , qui se nommoit Jean ,
11 croyoit avoir fait Hercule et Soliman.
EPITRE
A M. C. C. de Fig.
SUR LES LOUANGES.
**
EST - GE mauvaise humeur ? est- ce délicatesse-
Qui te fait trouver tout encens ,
Comme un poison subtil qui mine la sagesse ?
Ty viens donner un autre sens.
Les Louanges , Ami , n'étant qu'à demi dûës ,
Adroitement et sans fadeur
Des mains de l'amitié quelquefois répandues ,
Au travail raniment l'ardeur .
Combien d'Auteurs charmans seroient dans la pous
siere
Si rebutés par le mépris
Ils n'étoient point entrés dans la noble Carriere ,
Que courent nos plus beaux Esprits ?
Pour
MAY. 17388 837
Pour moi , j'aplaudirai toujours à l'entreprise
Qui ne blesse point la raison ;
En fait d'oeuvres d'esprit la trop grande franchise ,
Ne sera jamais ma façon.
Tous les commencemens sont toujours difficiles ,
Voit-on des fruits dans le Printemps ?
On n'a point tout d'un coup la force des Virgiles ;
Mais cela vient avec le temps.
L'Aprentif met au jour un médiocre Ouvrage ,
On l'admet pourtant au Vallon ,
Comme Surnumeraire , en qualité de Page ,
Pour suivre par tout Apollon.
Bien-tôt il se façonne , imitant un Voltaire ;
Cueillant des fleurs chés les Chaulieux ,
Il cesse de ramper , enfin quittant la terre
En Pindare il s'éleve aux Cieux.
Le Laurier , bien frivole , alors sur lui foisonne 3
( Des Sçavans l'or n'est point le goût )
Leur désir est d'avoir cette vaine Couronne :
L'imagination fait tout.
Estime donc l'Encens un parfait véhicule
Qui porte l'homme à faire bien ;
Le
838 MERCURE DE FRANCE
Le mépris au contraire est cause qu'on recule ,
Et qu'on n'ose produire rien.
Quelques uns par dépit produisent la Satire ,
Monstre par satan suscité ;
'Alors c'est un malheur , puisqu'on ne peut écrire
Qu'aux dépens de la charité.
La Satire , dit - on , n'a cette platitude ,
Qu'ont les oeuvres d'un fade Amant j
Mais P'Auteur est-il libre et sans inquietude
De quelque ignoble châtiment ›
Eston bien à son aise au fond d'une Bastille
Pour quelques médisans propos
On se voit enlevé du sein de sa Famille' ;
Adieu les douceurs du repos.
'Ami , croi- moi , prenons le bon côté du monde ,
Retranchons tous piquans écrits ,
"
Et nous vivrons toujours dans une paix profonde ,
Sans renom de mauvais Esprits.
La vaine ambition de se rendre célebres
Coûte cher à bien des Auteurs ;
Comme de vrais Hiboux ils sont dans les ténébres
Pour plaire à de malins Lecteurs.
Que
M Ấ Ý . 1738. 839
Que m'importe qu'un Grand fasse un sot personnage
?
Suis-je fait pour le corriger ?
Censeurs , détrompez-vous , un satirique Ouvrage
L'aigrit , au lieu de le changer.
Eh ! pourquoi notre vie est souvent malheureuse
Hors du commerce le plus doux ?
C'est qu'un secret orgueil montre comme onéreuse
L'autorité des Grands sur nous.
Une Vertu facile , un ron de politesse
Nous feront désirer chés eux ;
Les Grands ne veulent point une austere sagesse ›
Mais un aimable Vertueux.
Un Flateur , qui sans cesse aplaudit à leurs vices
Est un monstre horrible à la Cour ;
L'Homme vrai , les blâmant sans user d'artifices ;
N'y peut point faire un long séjour.
Il est certains défauts qu'il faut qu'on y tolere ,
Fol donc qui veut les réformer ;
Qu'on ne soit chés les Grands ni flateur ni severe
On s'y fera toujours aimer.
Is
340 MERCURE DE FRANCE
Je parle d'un Pays sans presque le connoître ,
Défaut commun à bien des gens ,
On veut par vanité de tout parler en Maître ,
Et l'on blesse ainsi le bon sens.
Bref, la Louange fine est fort souvent utile
Pour inspirer les bonnes moeurs :
Mais c'est le grand secret et l'art du plus habile
De bien connoître les humeurs.
Ami , je trouve en toi la vertu des plus Sages;
De rabaisser ce que tu fais ;
Certes au meilleur coin sont marqués tes Ouvrages,
Certains morceaux en sont parfaits .
Reçoi sans te fâcher ce petit témoignage ,
Qu'à tes OEuvres ici je rends ;
Mais de grace surtout avec grand soin ménage
Le bon Trésor où tu les prends.
Ata santé vraiment le Vallon s'intéresse ,
En cette Cour on te chérit ;
Charmé de certains traits , pleins de délicatesse
Qu'a produit ton heureux esprit.
Puisque dans ces beaux mois tout rit dans la Nature,
Badine en aimable Rimeur ;
La
MAY. 1738.
·
845
La Sagesse solide , en suivant PEcriture ,
S'accorde avec la bonne humeur.
Le 28. Avril 1738.
Bar *
*
d' Amiens
au Château de Laig.. :
NOUVELLES DU PEROU.
M. du FAY lût à la derniere Assemblée
publique de l'Académie Royale des Sciences,
l'Extrait de quelques Observations faites en
Amérique , par Mrs Godin , Bougher , et
de la Condamine , envoyés au Perou , par
Ordre de Sa Majesté.
Es Académiciens partirent de la Ro-
Cchelle le 16. May 1735. à bord d'un
Vaisseau du Roy , avec tous les Instrumens
nécessaires pour un Voyage aussi long , et
pour une Entreprise de cette importance ; ils
arriverent à la Martinique le 22. Juin , et y
séjournerent jusqu'au 4. Juillet , qu'ils partirent
pour S. Domingue ; ils firent à la Martinique
toutes les Observations Astronomiques
que le temps leur permit de faire , celles
des hauteurs du Barometre à diférentes
élévations au dessus du niveau de la Mer
et plusieurs autres du même genre , dont
$42 MERCURE DE FRANCE
ils ont rendu compte à l'Académie.
Le 11. Juillet ils sont arrivés à la Caye de
S. Louis à S. Domingue , et ont demeuré en
divers endroits de cette Isle , jusqu'au mois
de Novembre; ce séjour a été employé à
faire toutes les Observations Physiques et
Astronomiques qui leur ont été possibles ;
nous ne parlerons que de celles qui concernent
le Pendule à Secondes , ou la pesanteur
des Corps dans la Zone Torride , à cause du
raport qu'a cette matiere avec la fameuse
Question de la Figure de la Terre , qui étoit
l'objet de ce Voyage.
On trouvera dans les Mémoires de l'Académie
de l'année 1735. les Mémoires de M.
Godin , de M. Bougher , et de M. de la
Condamine sur cette Expérience , et on ne
pourra s'empêcher d'être surpris de l'accord
singulier qui se trouve entre des Observations
faites par diférentes méthodes , par diférens
Observateurs , et répetées un grand
nombre de fois : ces Mémoires se trouvant
imprimés tout au long dans le Volume
nous venons d'indiquer , nous nous contenterons
de dire , que par le résultat de ces
Observations , la longueur du Pendule à Secondes
est au petit Goave de 36. pouces 7.
Lignes , et que la diférence qui se trouve
entre la détermination de chacun de ces trois
Observateurs , ne va pas à un vingtiéme de
que
ligne,
MAY. 1738. 843
ligne. On juge bien , sans que nous en avertissions
ici , qu'ils ont eu égard à la tempézature
de l'air , et à tout ce qui pouvoit
aporter quelque changement aux Expériences
, et qu'ils n'ont rien négligé pour qu'elles
fussent faites avec toute l'exactitude possible
; la conformité de leurs Expériences
entre elles suffiroit pour en convaincre ,
quand même ils n'en auroient pas donné le
détail dans leurs Mémoires.
Ils partirent du petit Goave au commencement
de Novembre , et arriverent à Car
thagenes le 21. du même mois ; ils firent ce
trajet dans un Bateau très - petit et très - incommode
, avec une pluye continuelle , et le
vent presque toujours contraire : ils ont déterminé
la Longitude et la Latitude de Car-.
thagenes , d'où ils partirent pour Porto Belo
aussi - tôt après , et se rendirent à Panama
dans la Mer du Sud , où ils arriverent le 29 .
Décembre. Ils firent en traversant cet Isthme,
une Carte exacte du cours de la Riviere de
Chagre et étant arrivés à Panama , ils en
ont déterminé astronomiquement la Longitude
et la Latitude , et ils y ont fait les Expériences
du Pendule , qui s'est trouvé de 36,
pouces 7. lignes plus court comme on le
voit , quil n'étoit à S. Domingue , ce qui
Concourt toujours à prouver la diminution
de
$44 MERCURE
DE FRANCE
de la pesanteur , à mesure qu'on aproche de
l'Equateur.
On trouve sur la Côte de Panama un co
quillage , qui a beaucoup de raport au Murex
des Anciens , les Habitans en expriment
une liqueur , sans faire périr le Poisson, et
ils se servent de cette liqueur pour teindre
le fil de Coton en Rouge , M. de Jussieu
Docteur en Medecine , et qui a accompagné
ces Messieurs par ordre de Sa Majesté
pour les Recherches d'Histoire Naturelle , a
envoyé le détail de cette Opération à M. son
frere , qui en a rendu compte à l'Académic
dans une Assemblée publique.
à
Le 21. Février 1736. la Compagnie partit
tout ensemble de Panama , et le 9. Mars ils
moüillerent dans la Rade de Manta, qui est
55. ou à 56. degrés de Latitude méridionale
; ils y demeurerent trois jours , pendant
lesquels ils prirent la Latitude par le Soleil et
les Etoiles , et firent les Observations de la
hauteur du Barometre , ils convinrent alors
de se séparer pour aller à Quitto par diférens
chemins , afin de faire un plus grand nombre
d'Observations : M. Godin continua sa route
jusqu'à Guayaquil , et Mrs. Bougher et de
la Condamine s'étant débarqués à Manta
passerent le reste du mois de Mars à faire à
Monte-Christi à Portorejo et dans les lieux
>
voisins
+
MAY.
17388 845
voisins les plus commodes , l'Observation de
l'Equinoxe , celle de l'Eclipse de Lune du
26. et de toutes les immersions et émersions
de Satellites qu'il y eut , et pour lesquelles le
temps fut très- favorable ; ils continuerent
d'observer ensemble dans les environs de l'Equateur
jusqu'au 15. Avril : ils résolurent
alors que
M. Bougher demeureroit à Riojama,
pour travailler à une Table des Réfractions
Astronomiques , tandis que M. de la Condamine
iroit vers Palmar , pour déterminer
le plus exactement qu'il seroit possible la
position de l'Equateur ; c'est à quoi il parvint
le 21. Avril, et ayant trouvé au bord de
la Mer une espece de petit Cap ou Roche ,
plus septentrional de 400. toises , que
apellé Punta Palmar , après s'être assûré que
cette Roche étoit précisément sous l'Equateur
, il y grava cette Inscription.
celui
Observationibus Astronomicis- Caroli de la
Condamine, è Regia Scientiarum Academia Parisiensi
, bocce Promontorium Palmar Æquatori
subjacere compertum est , anno Christi
1736.
M. de la Condamine retourna ensuite trouver
M. Bougher à Riojama , et ils y firent
l'Expérience du Pendule , qu'ils trouverent
de 36. pouces 6. lignes 3 ils se séparerent
alors de nouveau , et M. Bougher alla vers le
Sud jusqu'à Guayaquil , levant la Carte de
93
100
B cette
846 MERCURE DE FRANCE
cette Côte , et faisant toutes les Observations
nécessaires et possibles , tandis que M. de
la Condamine faisoit la même chose en allant
vers le Nord jusqu'à l'embouchure de la
Riviere des Emeraudes , M. Bougher resta
quelques jours à Guayaquil et prit ensuite le
chemin de Quitto , où il arriva peu de jours
après M. Godin , qui avoit été beaucoup
plus long- temps en chemin , parcequ'il menoit
avec lui tout FEquipage et le reste de la
Compagnie.
M. de la Condamine étant arrivé à l'embouchure
de la Riviere des Emeraudes , entreprit
de la remonter et d'arriver à Quitto
par ce chemin , qui étoit abandonné depuis
cinquante ans ; il eut beaucoup à souffrir
pendant ce voyage , mais il fut extrémement
dédommagé par le grand nombre d'Observations
que cela lui donna occasion de faire,'
et dont il a envoyé un Extrait à l'Académie ;
il arriva le 26. May à Niguas , où il fut obligé
de demeurer treize jours dans une espece
de dé ert , et manquant de presque tout ce
qui est nécessaire à la vie , enfin il se rendit
à Quitto , cinq jours après le reste de la Compagnie
qui s'y trouva toute rassemblée : ce
fut alors qu'ils se préparerent à travailler tous
de concert au principal objet de leur Voyage
c'est - à - dire , à la mesure d'un Arc du
Méridien aux environs de l'Equateur.
,
Ils
MAY 1738. 847
Ils passerent jusqu'au mois d'Octobre à
préparer tout ce qui étoit nécessaire pour leur
Opération , et à chercher un terrein convenable
pour la mesure d'une base , ce qui est
très difficile à trouver dans un Pays rempli
de montagnes , et dont les plaines qui sont
en très - petit nombre , sont entrecoupées de
Quebradas ou ravines , qui sont quelquefois
profondes de 30. ou 40. toises , et qui sont
formées par des torrens , qui dans les temps
de pluyes tombent du haut des montagnes ;
-
ils trouverent heureusement un terrein disposé
très avantageusement ,
et à peu près
dans la direction du Méridien , ce fut le lieu
qu'ils choisirent malgré une petite Quebrada
qu'il y avoit à l'une des extrémités de cette
Plaine, ils planterent des signaux sur les montagnes
voisines , pour lier la base qu'ils al-
Joient mesurer avec les triangles qu'ils devoient
former dans la suite , et firent placer
à chaque extremité de l'espace , qu'ils se proposoient
de mesurer, une meule de Moulin,
que le hazard leur fit trouver sur le lieu même
, et qu'ils fonderent le plus solidement
qu'il leur fut possible : ils graverent sur l'une
de ces meules cette Inscription , Meta
Borealis , et sur l'autre Meta Australis. C'étoit
dans le trou de l'axe de ces meules qu'étoit
planté le Jalon qui devoit terminer chaque
bout de la base , et au moyen d'une
Bij
Lunette
848 MERCURE DE FRANCE
Lunette, on apercevoit facilement l'un de ces
signaux lorsqu'on étoit auprès de l'autre , on
pouvoit de cette maniere placer d'autres Ja-
Hons entre ces deux extrêmes , et par consé
quent s'assûrer d'être toujours exactement
dans la même direction .
Ils se servirent pour mesurer cette base de
trois perches de 20. pieds , ferrées à chaque
extremité, et qui se pouvoient apliquer l'une
au bout de l'autre avec la plus grande préci
sion ; deux de ces perches étoient toujours
posées à terre , tandis qu'on levoit la troisiéme
, qui étoit la derniere pour la porter en
avant des deux autres ; comme il s'en falloit
beaucoup que le terrein ne fût d'un niveau
parfait , ils furent obligés souvent d'élever
leurs perches sur des chevalets , et quelquefois
de faire des tranchées pour que la base
fût non seulement dans une ligne droite ,'
mais encore dans le niveau le plus exact , ensorte
qu'ils ne posoient pas une seule de leurs
perches,sans s'être assûres, par le moyen d'un
niveau d'eau , qu'elle étoit dans la situation
précise où elle devoit être . "On juge bien
qu'avec tant de précautions ils ne pouvoient
aller que très - lentement dans leur Opération,
aussi dura-t'elle 25. jours , depuis le 3. Oc
tobre 1736. qu'ils commencerent à mesurer
la base : mais pour profiter de la saison qui
étoit déja fort avancée , et en même temps
pous
MAY. 1738 849
,
pour s'assûrer de l'exactitude de leur Opération
, ils se partagerent en deux troupes dont
l'une commença à mesurer par l'extremité
septentrionale , et l'autre par l'extremité méridionale
chacune finissant au point où
l'autre avoit commencé ces deux troupes
s'étant rejointes après le travail fait , il ne set
trouva , toutes réductions faites , que 3. pou
ces de diférence entre la mesure de l'une , et
la mesure de l'autre sur la quantité totale
qui étoit de 6274. toises 9. pouces ; ce qui
est un accord surprenant , et dont il n'y a encore
eu d'exemple , que dans celle qui vient
d'être mesurée sur la glace du Fleuve de
Torno , et dont M. de Maupertuis a rendu
compte dans la derniere Assemblée publique.
Ils raprocherent un peu l'un de leurs
signaux pour éviter les fractions , et fixerent
leur base à la longueur de 6274. toises
juste.
Cet ouvrage étant fait , et avant que de
retourner à Quitto , ils formerent de chaque
extremité de leur base des triangles dans la
direction du Méridien , pendant un espace
d'environ 15000. toises ; ils planterent des
signaux fixes à chaque angle de ces triangles,'
et partirent pour aller à Quitto passer l'hyver,
pendant lequel il est impossible de tenir la
Campagne. Ce fut alors que Mrs Godin et
Bougher se disposerent à faire toutes les
B iij
Obser850
MERCURE DE FRANCE
Observations Astronomiques que le temps
leur permettoit de faire , entre autres Opérations
importantes, ils ont déterminé les réfractions
dans la Zone torride , et l'obliquité
de l'Ecliptique , sur laquelle M.Bougher a envoyé
un Mémoire qui a été lû à l'Académie
le mois dernier ; comme ils étoient en assés
grand nombre pour ce genre de travail, et qu'il
étoit nécessaire que quelqu'un de la Compagnie
fût à Lima,parce qu'on ne pouvoit point
trouver à Quito, qui est une Ville de très- petit,
commerce,de l'argent sur les Lettres de Chan--
ges payables à Lima , M. de la Condamine
se détermina à y aller , ce qu'il fit d'autant
plus volontiers , que cela lui donnoit lieu de
faire plusieurs Observations Astronomiques
assés loin au - delà de la Ligne , de détermi→
ner les assensions droites de plusieurs Etoiles
qu'on ne voit que dans ces Parties Méridionales
, et sur tout de passer à Loxa
qui est le Lieu où croît l'Arbre de Quinquina
, sur lequel il a envoyé un Mémoire à
Í'Académie , dont nous allons raporter un
court Extrait .

Mon voyage de Quitto à Lima , dit M. des
la Condamine, ayant été jugé nécessaire pour
les affaires de la Compagnie , et la saison des
pluies nous ayant force de suspendre nos
opérations , je partis de Quitto le 18. Janvier
1737, et je choisis le chemin de Cuença
quoique
MAY. 1738. 85x
quoique le plus long et le plus pénible, pour
avoir occasion de passer à Loxa , et d'y observer
l'Arbre de Quinquina , dont nous n'avons
eu jusqu'à présent en Europe qu'une
connoissance très-imparfaite ; M. de Juffieu
me donna en partant un Mémoire de divers
Points Historiques et Physiques concernant
cet Arbre , et c'est ce Mémoire qui m'a
servi de guide dans les recherches que j'ai eu
occasion de faire , et dont je vais rendre
compte .
Loxa ou Loya , qui se prononce avec une
aspiration gutturale , familiere à la Langue'
Castillane , est une petite Ville fondée par les
Espagnols dans un Vallon assés agréable , sur
la rive septentrionale de la Riviere de Catamayo
: les deux hauteurs méridiennes du Soleil,
que j'y ai observées le 3. et le 4. Fevrier,
leil, que
concourent à la placer par les 4. dégrés et
presque une minute de Latitude méridionale
, c'est à dire à près de 70. lieuës plus Sud
que Quitto , je la juge à peu près sous le même
Méridien , et à environ 80. lieuës de la
Côte du Perou. L'élevation de son sol est
moyenne entre celle des Montagnes qui forment
la grande Cordeliere des Andes , et les
Vallées de la Côte . Le Mercure du Barométre
que nous avons observé à près de 28. pouces
de hauteur au niveau de la Mer à Panama,
et qui sur les plus hautes Montagnes ac-
Biiij ces
852 MERCURE DE FRANCE
cessibles des environs de Quitto , ne s'élevoit
qu'à 15. pouces , se soûtenoit à Loxa le 3 .
Fevrier à 21. pouces 8. lignes , d'où on peut
conclure par la comparaison de diverses Expériences
que nous avons faites à des hauteurs
connues , que le terrain de Loxa est élevé au
dessus du niveau de la Mer d'environ 800 .
toises. Le climat y est très - doux , et les chaleurs
quoique fort grandes , n'y sont pas excessives.
Le meilleur Quinquina , du moins le plus
renommé , se recueille sur la Montagne de
Cajanuma , située à 2. lieuës et demi ou environ
, au Sud de Loxa ; c'est de-là qu'a été
tiré le premier qui fut aporté en Europe ; il
n'y a pas encore quinze ans que les Commerçans
se munissoient d'un Certificat par devant
Notaire , qui attestoit que le Quinquina,
qu'ils achetoient , étoit de Cajanuma. J'allai
sur cette Montagne le 3. Fevrier , et je passai
la nuit sur le sommet , à l'habitation d'un
homme du Pays , qui s'y est établi pour être
plus à portée des Arbres de Quinquina , la récolte
de cette écorce faisant son occupation
ordinaire , et son unique commerce. En chemin
, sur le lieu même, et au retour , j'eus le
loisir de voir et d'examiner plusieurs de ces
Arbres , et même d'ébaucher le dessein d'une
branche avec les feuilles , les fleurs et les
graines qui s'y rencontrent en même temps
dans
MAY.
1738. 853
'dans toutes les saisons de l'année ; je raportai
le lendemain à Loxa plusieurs branches fleuries
, qui me servirent à mettre au net mon
dessein , et à le colorier d'après nature , tel
que je le joins à ce Mémoire .
2
On distingue communément trois especes
de Quinquina , le blanc , le jaune , et le rouge;
ce dernier est le plus estimé de tous.
L'Arbre du Quinquina ne se trouve jamais
dans les Plaines : il pousse droit , et se distingue
de loin d'une côte à l'autre, son som
met s'élevant au - dessus des Arbres voisins ,
dont il est entouré. On ne trouve point ces
Arbres rassemblés par touffes , mais isolés et
épais entre d'autres de diférentes especes . Ils
deviennent fort gros , quand on leur laisse
prendre leur croissance , comme de 18. à 20.
pouces de diametre ; les moyens ont 8. à 9.
pouces , mais il est rare d'en trouver aujourd'hui
› parce qu'ils ont été entiérement dépouillés
, ce qui fait infailliblement mourir les
vieux. On a reconnu , par expérience , que
quelques - uns des jeunes meurent aussi après
avoir été écorcés, mais le plus grand nombre
ne périt point.
On se sert pour cette opération d'un couteau
ordinaire , dont on tient la lame à deux
mains. L'Ouvrier entame l'écorce à la plus
grande hauteur où il peut atteindre, et pésant
dessus, il la conduit le plus bas qu'il peut.
By
I
no
854 MERCURE DE FRANCE
ne paroît aucune diférence entre les Arbres
que l'on dépouille actuellement , et ceux quiont
fourni le premier Quinquina , à moins que
la difference de vertu ne vienne du different
âge de ces Arbres , la grande consommation
qui s'en fait étant cause qu'on n'en trouve
plus aujourd'hui que de jeunes ; je n'en ai
guere vu de plus gros que le bras , ni plus
hauts que
de 12. à 15. pieds.
Lorsqu'il étoit d'usage de prendre une attestation
par devant Notaire , que le Quinquina
étoit de Cajanuma , on y inseroit qu'il
avoit été détaché dans le décours de la Lune,
et du côté de l'Arbre qui regarde le Levant ;
l'intérêt de ne pas rester o.sifs les trois quarts
de l'année , et le désir de profiter de toute
l'écorce des Arbres , a fait revenir de ce préjugé
, on le recueille en toutes saisons lors¬
qu'il fait sec , et on l'expose au Soleil plusieurs
jours avant que de l'emballer , pour en
enlever toute l'humidité , sans quoi il se moisit
dans les balles , et perd une grande partie
de son prix.
L'usage duQuinquina étoit connu des Américains
avant qu'il le fût des Espagnols , et
Badus raporte que les Naturels du Pays ont
long- tems caché ce Spécifique aux Espagnols .
Suivant une ancienne opinion,les Américains
doivent la découverte de ce Remede aux
Lions , qui s'en servent pour se guérir d'une
fievre
MA Y. 855 1738.
fievre intermittente à laquelle ils sont sujets,
mais on voit assés quelle foi l'on doit ajoûter
à cette tradition.
La vertu de l'écorce du Quinquina , quoi
que connue des Espagnols de Loxa, fut longtemps
ignorée du reste du monde, et l'efficaci
té de ce Remede n'acquit quelque célebrité
que par la guérison de la Comtesse de Chinchou
, Vice-Reine du Perou , ainsi que le
raporte Sébastien Badus, ce fut en 1638. que
le Corregidor de Loxa , particulierement ataché
au Comte de Chinchou , ayant apris la
maladie opiniâtre de la Comteffe , lui envoya
ce Remede , avec lequel elle guérit ,
très - promptement. Elle fit venir aussi- tôt de
Loxa une grande quantité de cette écorce
qu'elle distribua elle- même après l'avoir fait
pulvériser , à tous ceux qui en avoient be--
soin , elle commença alors à être connuë
sous le nom de Poudre de la Comtese . Quelque
temps après , elle la donna aux Jésuites,
qui se chargerent du soin de la distribuer.
C'est de - là que le Quinquina prit le nom de
Foudre des Jésuites , qu'il a porté long- temps
dans l'Europe. Ce Remede passa ensuite à
Rome entre les mains du Cardinal de Lugo ,
à qui le Procureur Général de la Province
du Pérou en porta une quantité considérable
, et il fut connu quelque temps sous le
nom de Poudre du Cardinal .
B vj La
856 MERCURE DE FRANCE
à
La réputation de ce Remede augmentant
sous les jours , l'avidité des Habitans de
Loxa s'accrut à proportion , et les porta
mêler differentes écorces avec celle du Quinquina
, qu'ils envoyoient aux Foires de Panama
, dans le temps des Galions , ce qui
ayant été reconnu , le Quinquina de Loxa
tomba dans un tel discrédit que les Marchands
n'en vouloient pas donner une demi
piastre de la livre , et qu'il en resta en 1690.
plusieurs milliers de livres sur la Plage de
Payta , sans que personne daignât les embarquer
, ce qui a commencé la ruine de
Loxa , qui est aujourd'hui aussi pauvre qu'il
étoit opulent dans le temps que son Commerce
fleurissoit .
Entre plusieurs écorces qu'on mêle avec
le Quinquina , celle qui s'y trouve le plus
communément est celle de l'Alisier , qui a le
goût plus stiptique et la couleur plus rouge
en dedans , quoique plus blanche en dehors,
mais celle qui est le plus propre à tromper
par sa ressemblance avec la veritable est l'écorce
apellée l'Ucharilla , d'un arbre trèscommun
dans le Pays , et qui ne ressemble
au Quinquina que par son écorce. Depuis
quelques années , pour prévenir cette fraude
on a la précaution qu'on négligeoit autrefois
de visiter chaque ballot en particulier
Payta , où aucun ballot n'est embarqué
pour
MAY. 1738.
857
pour Panama sans avoit été ouvert et bien
examiné , c'est de quoi j'ai été témoin à
Payta.
Ón découvre tous les jours sur la Montagne
de Cajanuma , et aux environs , dans
la même chaîne de Montagnes , de nou
veaux arbres de Quinquina , comme aux Environs
de Riobamba à Avojaca, et enfin dans
les Montagnes de Jaên , qui sont à 60. lieuës
de Loxa ; les Marchands font néantmoins
quelque difference entre ces especes de Quinquina
, et ce dernier , soit par préjugé , ou
autrement , est moins estimé que celui de
Loxa.
La quantité de Quinquina qui passe tous
les ans en Europe , a persuadé dans tout le
Pérou qu'on l'employoit pour les teintures ,
ce préjugé est très- ancien , puisque dès le
temps qu'il fut décrié par la fraude des Habitans
de Loxa , on disoit dans le Pays que
les Marchands d'Europe se plaignoient qu'il
ne faisoit plus tant d'effet qu'autrefois pour
la guérison des fievres ni pour la teinture
des Etoffes.
Il arrive au Quinquina , ce qui arrive à
tous les Remedes communs et de peu
de valeur dans les Pays où ils naissent ,
on en fait généralement parlant , peu de cas
au Pérou , on le craint et on en use peu
Lima beaucoup moins à Quitto , et presque
58 MERCURE DE FRANCE
que point à Loxa. J'en ai donné quelques
prises que j'avois aporté de France à un
Créole Espagnol , qui avoit depuis plusieurs
mois la fievre à Puertovejo , et je ne trouvai
alors en cette Ville , distante de soixantelieuës
seulement de Loxa et très - proche de
Guayaquil , aucun Habitant qui eût connoissance
de ce Remede , si voisin et si célebre
dans le reste du Monde.
Ce sont là les principaux éclaircissemens
que M. de la Condamine a pû rassembler
sur le Quinquina ; il continua ensuite sa rou
te jusqu'à Lima , distante de Quitto de cinq
cent lieües par le chemin qu'il prit ; il demeura
à Lima pendant deux mois , et y fit
toutes les Observations que lui permirent
de faire les brouillards continuels de ce Pays
et les tremblemens de Terre dont il en éprouva
trois pendant un aussi court espace de
temps , et qui nuisent presque autant à l'Astronomie
que le brouillard , puisqu'on net
pèyt s'assûrer d'aucun lieu fixe ct stable pour
les Observations. Il revint ensuite à Quitto
par Guayaquil , et trouva Mrs Godin et Bougher
, qui avoient employé très - utilement
leur séjour à Quito , et qui avoient tout préparé
pour continuer leurs Opérations Trigonométriques,
les dernieres Lettres que l'on
a reçûës d'eux sont du mois d'Août de l'année
derniere ; ils sc disposoient à partir deux
jours
MAY. 1738 .
8599
jours après pour continuer leurs Triangles ,
et comme ils avoient eû la précaution d'aller
reconnoître tout le Pays par où il devoient
passer , ils étoient dans l'esperance de
finir en assés peu de temps et avec beaucoup
moins de peine qu'ils n'en avoient eû
jusques -là , la mesure d'un Arc du Méridien.
L'AVARICE ,
O D E.
Sous cette Roche tenebreuse ,
Quel Monstre s'offre à mes regards
Aux pieds d'une Furie affreuse ,
Je ne vois que trésors épars :
La faim pâle , maigre et livide ,
La haine , sanglante Euménide ,
Veillent sur cet or jour et nuit ,
Et la tristesse dévorante ,
Autour de ces monceaux errante
Empoisonne ce noir réduit,
*
Jusqu'au fond de l'Antre terrible
Ma voix a porté ses accens ; *
Viens calmer , Minerve invincible ,
La
360 MERCURE DE FRANCE
8
La terreur qui glace mes sens ;
J'aperçois du sein des ténebres ,
Avec mille torches funebres ,
Sortir les Soupçons turbulens ,
Et dans le silence à leur suite ,
Far leurs foibles lueurs conduite ,
La crainte marche à pas tremblans.
Vil Démon , infâme Avarice ,
Rentre dans l'ombre d'où tu sors ,
Et qu'au fond des gouffres périsse
L'immensité de tes trésors ;
Qu'un torrent de flammes célestes
Consume les traces funestes ,
Ou ton poison s'est répandu ,
Et libre de sa soif extrême ,
L'homme va se rendre à lui-même,
Le bonheur qu'il avoit perdu .
*
O temps heureux ! siecles tranquiles !
Od les Humains chéris des Cieux
Ne sentoient dans leurs coeurs dociles ,
Aucuns troubles séditieux ;
Differens de ce que nous sommes "
Lors les hommes amis des hommes.
Ne devoient rien au frein des loix
"
*
La
MAY. 161
1738.
La Terre libre et sans partage
Ne formoit qu'un vaste héritage ,
Où leurs besoins faisoient leurs droits.
*
Si dans leurs entrailles brûlantes
La soif allumoit ses ardeurs ,
Des sources pures et brillantes ,
Tempéroient leurs vives chaleurs ;
Partout , sans travail , sans fatigue ,
Une Providence prodigue ,
Remplissoit leurs justes désirs ,
Et ces foiblesses nécessaires ,
Qui font aujourd'hui nos miseres ,
N'étoient pour eux que des plaisirs.
H
La Nature , chés nous éteinte ,
Par d'homicides voluptés ,
N'émouvoit point alors l'atteinte
De ces tristes infirmités ,
Qui par des tortures cruelles ,
Nous dérobant quelques parcelles
De nos membres défigurés ,
Semblent dans notre corps débile ,
Où leur poison lent se distile ,
Aporter la mort par degrés,
L'Unive
862 MERCURE DE FRANCE
L'Univers change ; pour sa perte
L'homme hélas ! trop industrieux ,
Au sein de la Terre entr'ouverte
Porte ses regards curieux ,
Et ces Mortels , qui des Dieux mêmes
Goûtoient les délices suprêmes ,
Yvres d'un espoir suborneur ,
Tirent d'une main criminelle ,
L'or que la Sagesse éternelle
Ne cachoit que pour leur bonheur.
*
Terrible image ! affreux contraste !
Sont - ce des hommes que je vois ?
L'un dans l'abondance et le faste ,
S'endort sous de superbes toîts ;
L'autre , qui vainement l'implore
Dans le besoin qui le dévore ,
Ronge ses languissantes mains
Prodigieuse difference
De voluptés ou de souffrances ,
Que l'or met entre les Humains !
*
Le désespoir , pere du crime ,
Naît de cette inégalité ;
Le foible qu'un plus fort oprime ;'
Au vol est bien-tôt excité-;
L'audace
MAY
1738. 8637
L'audace aiguise nn fer barbare ,
Que des entrailles du Ténare
Megere aporta parmi nous ,.
Et la trahison plus timide ,
A l'aide d'un suc patricide ,
Porte ses invisibles coups.
*
De la sacrilege licence
Le Trône éprouve les horreurs ,
Vengeresse de l'innocence ,
Nemesis arme tes fureurs ;
>
Voi sous la Couronne sanglante ;
Aux pieds d'une Keine tremblante ,
Tomber un Monarque expiré
Et Pigmalion , plein de rage ,.
Moissonner aux yeux de Carthage ;
L'or de son frere massacré,
*
Cours sur les Rives du Bosphore ,
Seconder la mere d'Hector ;
Venge le sang de Polydore ,
Répandu par Polymnestor ;
Que sous tes coups ce Monstre impie
Par de nouveaux tourmens expie
Sa cruelle infidélité.
C'en est fait , l'aveugle Avarice
L'entraine
864 MERCURE DE FRANCE
L'entraîne elle-même au suplice ,
Que ses forfaits ont mérité .
*
Oubliez-vous , Dieux insensibles ,
Les droits sacrés de vos Autels
Ces Sanctuaires si terribles ,>
Sont-ils le jouet des Mortels ?
Par les mains d'un Tyran avare´ ,
Qui de vos dépotiilles s'empare ,
Je vois vos Temples profanés ;-
Et Syracuse avec justice ,
Attend que la foudre punisse
L'attentat que vous pardonnez.
*
Souverains Arbitres du Monde ,
J'adore vos justes decrets ;
Le Ciel , sans que la foudre gronde ;
Nous frape par des coups secrets ;
Souvent la vengeance suprême ,
Fait germer dans le crime même
Les châtimens du Criminel1 ;
Pour l'Avare , maître servile ,
D'un bien qu'il se rend inutile ,
L'or n'est qu'un suplice éternel.
Tyrannique
MAY . 1738. 864
Tyrannique soif des richesses ,
J'ai toujours bravé ton poison ;
Jamais à tes laches foiblesses
Mon coeur n'asservit ma raison .
De mon destin je me contente
L'or n'a point d'éclat qui me tente ;
Mais je sens qu'il n'a point de prix
Lorsqu'il devient la récompense
Que la gloire seule dispense
A ses illustres Favoris.
Par Mlle Boulard de Nantes:
ESSAI dun Traité Historique de la Croix
de N. S. Jesus-Christ , IV. Partie.
Omme les Evenemens qui doivent en-
Comme les
Croix , sont dûs à la pieté de l'auguste Mere
de l'Empereur Constantin , nous commenccrons
par reconnoître que jamais Princesse
n'eut de plus grandes et de plus heureuses
qualités pour l'avancement et pour la
gloire de la vraye Religion , ce qui parut
dès qu'elle eut abjuré le culte idolâtre , où
le malheur de sa naissance l'avoit engagée.
D'abord elle se fit admirer à Rome , où
elle
$66 MERCURE DE FRANCE
elle vécut plusieurs années , par sa pieté et
par son respect pour toutes les choses saintes
; mais son zele pour l'honneur de la
Religion parut ensuite sur un plus grand
Théatre . Elle passa dans la Palestine dès que
cette Province avec tout l'Orient , fut soûmise
à Constantin pour y visiter tous les
Lieux consacrés par la présence du Sauveur ,
et par les grands Mysteres qui s'y sont acom
plis , pour y faire aussi tous les biens qui
pouvoient dépendre de sa haute fortune et
de l'autorité de l'Empereur , son Fils . J'ob
mets tout le détail historique qué les Ecrivains
Ecclesiastiques , sur tout le fameux
Eusebe de Césarée , nous ont laissé sur les
grandes actions de cette pieuse Princesse ,
pour ne m'attacher qu'à ce qui regarde notre
Sujet.
De tous les Mysteres dont nous venons
de parler , aucun ne la toucha plus vivement
que celui de la Croix , ce qui la faisoit
soupirer ardemment après la découverte du
Bois sacré qui en fut l'heureux Instrument
et la consommation . Persuadée par ses souhaits
, elle crut bien- tôt que cette découverte
étoit réservée à sa pieté et à ses recher
ches. S. Ambroise , dans son Eloge funebre
de l'Empereur Théodose , fait parler sur ce
sujet la picuse Princesse d'une maniere tou
chante ,
Accessit
MAY. 1738. 869
Accessit ad Golgotham : et Ait : Ecce Locus
pugna , ubi est victoria ? Quero vexillum
salutis , et non invenio : ego, inquit , in regnis ,
et Crux Domini in pulvere . Ego in aulis , et in
ruinis Christi triumphus.Ille adhuc latet ,et latet
palma vita aterna. Quomodo me redemp : uram
arbitror , si redemptio ipsa non cernitur ? Video
quid egeris , diabole , ut gladius quo peremptus
es obstrueretur , sed Isaac obstructos
ab alienigenis puteos eruderavit nec la ere
aquam passus est. Tollatur igitur ruina , ut
vita appareat.
>
C'est dans ces sentimens qu'elle n'épargna
ni les Prieres les plus ferventes , ni
soins , ni dépenses , pour arriver à cette
heureuse découverte ; et nous allons voir
de quelle maniere le Ciel se rendit favorable
à ses empressemens. Mais avant
que d'entamer ce Sujet , et pour mieux juger
de quelle difficulté pouvoit être la recherche
de ce Bois sacré , dans quelles circonstances
elle fut faite , il est à propos de
représenter ici l'état où se trouvoient la Ville
et les Environs de Jérusalem , lorsque sainte
Helene forma son religieux dessein.
Après la mort du Sauveur , les Propheties
qui avoient prédit les malheurs de Jérusalem ,
et les Oracles prononcés par le Sauveur même
contre cette Ville , furent successive
ment accomplis. L'Histoire nous aprend
quelle
865 MERCURE DE FRANCE
quelle fut sa désolation sous les Empereurs
Vespasien et Tite , ensorte que la même
Ville qui depuis le Regne du grand Hérode
, Réparateur de son Temple , &c. avoit
été la plus belle et la plus magnifique Ville
de tout l'Orient , devint enfin un prodigieux
amas de cendres et de ruines, après sa derniere
et fatale destruction par l'Empereur Adrien.
Ce Prince , sous lequel les Juifs s'étoient
de nouveau révoltés , après avoir fait un
grand massacre des Rebeles , fit démolir
jusqu'aux fondemens le peu d'Edifices
Tite avoit épargnés , pour servir de Monument
de sa victoire ; sçavoir les trois plus
belles Tours de Jérusalem , avec la partie
des Murs à laquelle elles étoient jointes ;
desorte que sans y penser , ce dernier Destructeur
accomplit entierement ce que le
Fils de Dieu avoit prédit , qu'un jour viendroit
qu'il ne resteroit rien de cette malheureuse
Ville , qu'une horrible confusion
de pierres réduites en poudre.
»
و د
quc
Après cela , suivant * un de nos Histo
riens,qui a parfaitement bien arrangé cette
» matiere , et dont j'emprunterai ici les paroles
, cet Empereur pour rendre son nom
» immortel , en abolissant celui de Jé-
» rusalem , fit bâtir au même endroit une
nouvelle Ville , qu'il fit apeller ELIA
* Le P. Maimbourg , Histoire des Croisades .
» du "
MAY. 1738. 869
"
,
du nom qu'il portoit et à laquelle il donna
une forme toute autre que celle qu'a-
" voit eûë l'ancienne , dont il vouloit étein-
" dre la mémoirc. Car il laissa dehors toute
la Montagne de Sion , qui avoit été
" la partie et la plus belle et la plus forte
» de Jérusalem , presque toute la Place de
» la nouvelle Ville , et une grande partie de
» celle de la basse. Puis il fit aplanir la Mon-
>> tagne de Moria et ' l'enferma avec ce ·
»peu qui restoit de la Place de la nouvelle
» Ville et de la basse , et avec le Calvaire ;
qui n'étoit qu'une petite partie et comme
" une butte du Mont Gion , laquelle étoit
» hors de l'ancienne Ville vers l'Occident.
" Desorte qu'outre que cette Alia n'étoit
pas de la moitié si grande que Jérusalem ,
» elle avoit encore une autre figure ; car la
longueur de l'ancienne Jérusalem , qui
» étoit quarrée , mais un peu plus longue
que large , s'étendoit du Midy au Septen-
" trion une bonne lieüe , et sa largeur , un
» peu moindre , se terminoit entre l'Orient
» et l'Occident. Au contraire cette nouvelle
» Ville qui étoit d'une figure fort irréguliere ,
» tenant néanmoins un peu du quarré , s'é-
» tendoit en longueur de l'Orient à l'Occi-
» dent quelques douze cent pas , et sa lar-
>> geur moindre près d'un tiers du Midy au
Septentrion. De plus l'ancienne Ville étoit
מ
>>
>>
C >> inac
870 MECURE DE FRANCE
» inaccessible du côté du Midy , à cause des
» Rochers escarpés du Mont de Sion , qui
» l'environnoient. Elle l'étoit aussi du côté
» de l'Orient , où elle avoit la profonde Valée
de Josaphat , entre les deux Monta-
» gnes des Oliviers et de Moria, mais la nou-
» velle , qui avoit au Midy la Montagne de
» Sion toute proche , en étoit commandée
et les Valécs ayant été presque toutes com-
» blées par les Romains , on la pouvoit plus
» facilement aborder , particulierement du
» côté du Septentrion.
Tels étoient les changemens faits en execution
des ordres d'Adrien dans tout le Terrain
qui avoit contenu l'ancienne Jérusa
lem , et telle étoit la forme & la situation
de sa nouvelle Ville ,changemens qui avoient,
pour ainsi dire , tout bouleversé , et qui , par
raport au pieux dessein de sainte Helene
en rendoient l'execution et le succès humainement
impossibles . Il n'y avoit plus moyen
de bien reconnoître le Calvaire et ses Environs
; et presque tous les indices manquoient
à la fois. Il est vrai que le Temple
de l'Idole de Vénus , érigé sous l'Empire
d'Adrien , sur les Licux que les Chrétiens
avoient en plus grande vénération ,
subsistoit encore. Cependant la pieuse Princesse
ne négligea rien pour s'instruire utilement
, elle consulta même les principaux
d'entre
MAY. 1738. 87x
entre les Juifs , de qui elle tira quelques
dumieres , ce qui lui donna un rayon d'esperance.
Mais quand il fut question de foüiller ,
on comprit bien-tôt que le travail seroit
immense par la quantité de terre dont lés
Romains et les Juifs avoient affecté de couvrir
tous ces Lieux , afin d'en dérober pour
toujours la connoissance aux Chrétiens . Mais
de quoi n'est pas capable un travail assidu,
conduit par la Religion et favorisé du Ciel !
On commença par la démolition du Temple
de Vénus , lequel , selon le calcul de
S. Jérôme dans sa 12. Lettre à Paule , subsistoit
depuis cent quatre- vingt ans , puis
on se mit à fouiller sans interruption et à
enlever les terres à mesure qu'on creusoit.
,
Enfin la premiere chose qui parut après un
labeur immense, fut le Sépulcre du Sauveur,
ou la sainte Grotte , taillée dans le Roc , où
il fut mis d'abord après avoir été détaché de
la Croix et embaumé par Joseph d'Arimathie
&c. Grotte que les Payens avoient affecté
de remplir de terre . Cette Découverte
combla de joye la sainte Impératrice , et fit
croître son espérance. C'étoit avec grande
raison , car selon S. Jean , témoin oculaire ,
ce Sépulcre étoit fort proche du Lieu du crucifiement,
et, pour ainsi dire, au pied du Catvaire.
Cij En
872 MERCURE DE FRANCE
En effet , en continuant d'enlever des ter
res , on trouva bien- tôt les trois Croix de
l'Histoire de la Passion du Sauveur ; sa propre
Croix et celles des deux Voleurs; on trouva
aussi le titre ou l'inscription de la premiere
, mais séparé , ce qui forma une
difficulté considérable , et qui ne fut levée
que par des prodiges.
St. Helene avoit eu pour principal Coopé
rateur dans l'execution de ses pieux desseins,
le saint et très-saint Evêque de Jerusalem,Macaire
; ce Prélat celebre, dont le nom même
étoit d'un bon augure , et qui le fut en effet
ici , lequel venoit de signaler sa sagesse et
son zele pour la foi de l'Eglise dans le
Concile de Nicée, Macaire, dis - je , pour s'assûrer
de la vérité à l'égard de la Croix du
Sauveur , proposa de les apliquer successivement
sur le corps d'une Dame des plus qualifiées
de la Ville,qui languissoit depuis longtems
dans son lit, atteinte d'une maladie naturellement
incurable. Rufin l'Historien met
dans la bouche du S. Evêque la Priere qui suit ,
avant que de commencer l'épreuve.
Tu Domine, quiper unigenitum Filium tuum
salutem generi humano per Passionem Crucis
conferre dignatus es, et nunc in novissimis temporibus
aspirasti in corde Ancilla tua perquirere
Lignum beatum , in quo salus nostra pependit
*Mandpios , c'est à dire heureux.
MAY.
873
-1738.
4
stende evidenter ex his tribus qua Crux fuerit
ad Dominicam gloriam , vel qua extiterint ad
servile fupplicium , ut hac mulier que semiviva
decumbit , statim ut eam Lignum salutare contigerit
, à mortis januis revocetur ad vitam.
Les deux premieres Croix appliquées sur
la Personne de la Malade , n'opérerent rien ,
mais la troisième n'eut pas plutôt touché ce
corps mourant , que la Malade se trouva subitement
guérie,remplie de force et d'agilité,
en sorte qu'elle quitta tout de suite son lit, et
donna toutes les marques possibles du parfait
retour de sa santé. S. Paulin , Severe Sulpice
, et Sozomene , ajoûtent que la même
Croix apliquée sur un Mort,qu'on portoit en
terre , le ressuscita .
Il seroit difficile de bien représenter ici
quels furent les transports de joye et les mouvemens
de picté de la sainte Impératrice ,
quand elle se vit enfin en possession de ce
Bois sacré .
Après avoir adoré avec toute sa Cour la
Croix du Sauveur , elle la fit diviser en deux
parties , dont la plus considérable fut couverte
de lames d'argent , et laissée en dépôt
au S. Evêque Macaire , pour être conservée
dans l'Eglise qu'elle vouloit faire bâtir sur le
Calvaire , comme pour servir de Monument
éternel de notre Rédemption. Elle envoya
l'autre partie à l'Empereur son Fils, qui la re-
C iij çut
$74 MERCURE DE FRANCE
fur comme un trésor respectable , et la fit
ensuite enfermer dans une statuë de bronze
qui le représentoit , tenant en sa main droite
un globe doré , surmonté d'une Croix aveccette
Inscription * ΣΟΙ ΧΡΙΣΤΕ Ο ΘΕΟΣ
ΠΑΡΑΤΙΘΗΜΙ ΤΗΝ ΠΟΛΙΝ ΤΑΥΤΗΝ .
La Statue étoit posée sur une belle colomne
de Porphyre , élevée au milieu de la grande
Place , qui portoit particuliérement le nom
de Constantin . Cet Empereur crut ,
Isocrate et Nicephore, que cette partie de la
Croix préserveroit de tous dangers la Ville
qui la conserveroit .
disent
L'Auguste Princesse envoya en même tems
les Clous sacrés qui avoient aussi servi à accomplir
le mystere de notre Rédemption ,
lesquels, dans une nouvelle recherche, furent
heureusement trouvés dans le même Lieu
selon les mêmes Auteurs qui attestent la découverte
de la Croix . Ils n'en marquent pas .
le nombre , mais il paroît certain qu'il n'y en
a pas eu plus de quatre ni moins de trois
comme nous l'avons déja observé dans la premiére
Partie de ce Traité. La sainte Mere de
Constantin , au raport de S. Ambroise , fit
faire à cet Empereur un Diadême enrichi de
toutes sortes de pierres précieuses , entre lesquelles
on plaça quelques- uns de ces Clous ..
Mais Ruffin , Socrate , Sozomene , Theodo
* Tibi , Chrifte Deus , commendo Urbem hanc.
ret!
ΜΑΥ. 17381 875
fet , Nicephore et Gregoire de Tours marquent
qu'elle les partagea entre le Casque de
Constantin , pour lui servir de préservatif
contre les traits de ses Ennemis , et le Mords
de son Cheval de Bataille ; les Historiens qui
raportent ce dernier fait , y voyent l'accomplissement
du 20. verset du XIV . Ch. de la
Prophétie de Zacharie . In die illa erit quod
super frænum Equi est , fanctum Domino . On
prétend que l'un de ces Clous fut jetté dans
le Golphe Adriatique par sainte Helene , ou
plutôt par l'Empereur son Fils , pour en assûrer
la navigation , cette Mer étant en ce tempslà
très - orageuse
.
Il seroit difficile de déterminer précisément
te temps auquel se fit l'heureuse découverte
de la Croix du Sauveur. Eusebe , le plus aneien
de tous les Historiens qui ont parlé de
Constantin et de sainte Helene , et qui étoit
contemporain, ne dit rien de cet Evénement ,
silence d'autant plus singulier , qu'Eusebe
parle du voyage de sainte Helene dans la Palestine
, et de la Découverte du S. Sépulcre.
Il est vrai que par une autre singularité , if
ne fait mention de ce voyage , qu'après avoir
écrit tout ce qu'il avoit à dire touchant la
grande Eglise de la Résurrection, qui fut bâtie
peu de tems après l'heureuse Découverte,
et dont nous parlerons dans la suite de cet
Cij Trai
876, MERCURE DE FRANCE
Traité : On pourra aussi conjecturer alors la
cause du silence d'Eusebe.
Si on s'en raporte à la plus grande partie
des Auteurs Ecclesiastiques , la sainte Croix
fut trouvée 233. ans après la Passion du Sauyeur
: mais cela ne suffit pas , ce me semble ,
pour former cette précision que nous cherchons.
C'eft beaucoup pour la Religion de
sçavoir que jamais Evénement ne fut mieux
constaté , et écrit par un plus grand nombre
d'Historiens respectables, Evénement le plus
distingué du Regne du Grand Constantin ,
qu'on peut cependant placer vers l'année 3 27.
de l'Ere Chrétienne , la 22. de ce Regne , et
sous le Consulat de Constance et de Maxime.
On peut prouver que l'Eglise Latine a fait
la Fête de la Découverte , ou de l'Invention
de la Croix dès le V. ou VI. siecle au même
jour 3. May, qu'elle la celebre aujourd'hui ;
en plusieurs Diocèses elle est de précepte .
M. de Tillemont , T. VII. des Mémoires,
dans une de ses Notes sur sainte Helene, dit
que les Grecs font la Fête de l'Invention de
la Croix et des Clous , le 6. Mars , ce que je
ne trouve point dans leur Menologe traduit
et donné par Genebrard à la tête de son
Pscautier imprimé à Anvers en 1592. Mais
on trouve dans le même Calendrier des
Grecs au premier d'Août , Processio veneranda
M.AY. 1738. 877
da et vivica Crucis. Et au 7. de May , Commemoratio
Signi Crucis quod in Coelo apparuit
Hierofolimis fub noctis tertium , Imperatore
Conftantino , à fancto Calvaria Monte per
Stellas usque ad Olivarum Montem. On pourra
parler ailleurs de ces deux articles par raport
à la Croix.
par
Il semble que les Grecs ayent réservé tout
leur culte religieux envers la Croix , pour le
14. Septembre , jour auquel la Fête de son
éxaltation est marquée dans le Menologe
car c'est en même temps la mémoire de l'aparition
d'une Croix céleste à Constantin , et
celle de la Découverte de la vraie Croix
sainte Helene , ce qui fait chez les Grecs une
grande solemnité qui dure plusieurs jours.
Finissons cette Partie de notre Essai , pour
achever de rendre à la mémoire de la
pieuse
Impératrice tout ce qui lui est dû par un Historien
de la Croix. L'Auguste Princesse ne
survécut pas long- tems au bonheur de son
voyage de la Terre sainte. Elle en partit pour
aller rejoindre l'Empereur son Fils , qu'elle
trouva à Nicomédie . Peu de temps après affoiblie
par son âge , d'environ 8o . ans , et par
les fatigues de ce long voyage , elle tomba
dans une langueur , qui se termina à la mort
la plus chrétienne et la plus sainte, après avoir
consolé et fortifié de ses conseils l'Empereur
son Fils,et toute la FamilleImpériale.Son corps
C v
fut
878 MERCURE DE FRANCE
fut porté à Rome avec un apareil extraordinaire
, et mis dans le tombeau des Empereurs.
Il y a eû plusieurs Statues érigées en l'honneur
de cette grande Princesse. L'une des plusconsidérables
se voyoit dans le Vestibule du
Palais que Constantin fit bâtir dans le fameux:
Bourg de Daphné près d'Antioche. Cet Empereur
, pour illustrer sa mémo
amplifia ,
orna et changea en une Ville considérable le
petit Bourg de Drepane en Bythinie , et lui
donna le nom d'Hélenople ; il voulut aussi
que la Mer qui s'étend sur cette Côte de la
Bythinie , portât le nom d'Helénopontus , ou
de Mer d'Helene . Enfin par les ordres de
Constantin , et pendant la vie de son Auguste
Mere , on frappa en son nom et à son
image plusieurs Pieces de monnoye , qui
avoient cours dans tout l'Empire Romain..
On en trouve encore tous les jours , lesquel- .
lès entrent chés les Antiquaires dans les sui--
tes des Médailles Impériales . Elles sont ordinairement
de moyen , ou de petit Bronze ..
On me sçaura sans doute quelque gré du soin
que j'ai pris de choisir parmi les Médailles de
cette Impératrice , celle qui m'a paru la plus :
nette et la mieux conservée pour la mettre
ici sous les yeux de mes Lecteurs par la gravûre
faite sur l'Original qui est en ma pos--
session..
On voit d'un côté la Tête d'Helene avec :
tous
FLHELEN
RITAS
CURITAS
SECT
PTRO
DI
744
ASTOR
, LENGY
AND
TILDEN
FOUND
UTICK
&
Μ Α Υ.
879 1738
tous les traits bien marqués de son visage, et
cette Legende FL. HELENA AUGUSTA .
Sur le Revers, une Figure de Femme voilée,
de bout , tenant un Rameau d'Olivier , c'est
à - dire la Paix personifiée , avec cette Inscription
: SECURITAS REIPUBLICE. Dans l'Exergue
P. T. R. Lettres que l'on voit sur
quantité de Médailles du Bas-Empire, et dont
on n'a point encore donné d'explication bien
plausible. On sçait que dès que Constantin
fut devenu Empereur , il donna à Helene le
titre d'AUGUSTE , et qu'il fit , comme nous
L'avons déja dit , graver son nom et son image
sur les Monnoyes. Comme ce grand Prince
déferoit beaucoup aux sages conseils d'une
Mere si respectable, il lui attribuoit aussi
les heureux succès dont le Ciel le favorisoit ,
sur- tout, les douceurs de la Paix , la tranquillité
de l'Empire, et la sûreté publiqué , sujet
particulier de notre Médaille .
Il y a au reste dans les Médailles du Cabinet
de feu M. Lebret , qui sont encore à Paris ,
deux Médailles l'une de Constantin, l'autre
d'Helene , d'une execution singuliere , et
que je n'ai encore vûës nulle part , l'occasion
ne me permet pas de les passer ici sous silence.
La singularité consiste en ce qu'elles n'ont
P'une et l'autre aucune inscription du côté de
la tête , et que la Legende ordinaire qui doit
être de ce côté-là , est gravée dans le milieu
Gvji
880 MERCURE DE FRANCE
du Revers , qu'elle occupe entierement. Je
ne sçais aucun exemple d'une pareille singularité.
Les deux Médailles sont de petit
Bronze, véritablement antiques et bien conservées.
Les Chrétiens Orientaux apellent sainte
Helene Hailanah , et la font originaire d'Edesse
en Syrie . Kessat Hailanah est le titre
' d'une Histoire de cette Imperatrice , écrite
en Arabe , dont il y a un Exemplaire dans la
Bibliotheque du Roi, marqué N°. 792. selon
l'Auteur de la Bibliotheque Orientale , qui
ajoûte qu'on celebre sa Fête en Egypte le 9º.
jour du mois Baschenés auquel elle déceda.
On croit que ce décès arriva en l'an 328. de
J. C. Dans l'Eglise Latine la mémoire de
sainte Helene est marquée au 18. Août
*
J'acheve par une Réflexion qui me fait rentrer
dans notre sujet principal. Elle est d'un
pieux et sçavant Ecrivain , lequel avant que
d'entamer ce qu'il avoit à dire au sujet de
l'Invention de la sainte Croix , s'exprime ainsi
. » Avant que de raporter l'Histoire de
» l'Invention de la Croix , je désire que le
» Lecteur remarque un trait admirable de
» la Providence de Dieu , en ce qu'il, a vou-
» lu que cette religieuse marque de la Passion
Le P. Jean Morin de l'Oratoire dans son Histoire
de la délivrance de l'Eglise par Constantin II .
Fart. ch. 27. p. 373-
de
MAY. 381.
1738.
» de son Fils , fût cachée durant tout le temps
auquel il n'auroit pas été loisible de lui dé-
» ferer le respect et la venération qu'elle mé-
» rite, et en ce qu'il a suscité sainte Helene ,
>> aussi - tôt que l'Eglise d'Orient a été délivrée
» de la tyrannie des Idoles , afin de chercher ce
» précieux trésor , et de le communiquer à
» toute la Terre ..... c'est la même pensée
» que le Bienheureux Empereur Constantin
» pése religieusement en l'Epitre à Macaire
" qu'Eusebe raporte au III . Liv. de sa vie , et
que S. Paulin admire en l'Epitre XI . qu'il
» écrit à son Frere.
,
EPITRE
A Mlle De ...... Par M. Clément,
V Ous , qui possedez l'avantage
De réunir raison et badinage ,
Que vous passerez d'heureux jours !
Vous souffrez près de vous les folâtres Amours ;
Mais votre coeur , plus solide quet endre ,
De leur poison sçait se défendre ,
En s'amusant de leurs discours.
Oui , Philis , votre humeur folette
Sans cesse attire sur vos pas
Troupe
482 MERCURE DE FRANCE
Troupe d'Amans de tous états.
Vénus vous croit une coquette ;
Mais moi qui connois votre coeur .
J'excuse en cela son erreur.
Cette complaisante Déesse
Pense que la legereté
Est compagne de la jeunesse.
Sans vous cela passoit pour une vérité.
Dans vos goûts juste et délicat ,
De vrais amis vous sçavez faire choix ,
Et la volupté qui vous flate ,
Est celle où la raison sçait maintenir ses droits,
Philis , enfin , vous sçavez l'art de plaire ,
Et de vous faire un doux amusement.
Et vous prisez également
Le sérieux de la Bruyere ,
Et de Sévigné l'enjoüement ;
Puissiez-vous à jamais de la mélancolie
Préserver votre heureux génie ,
Et que l'Hymen , conduit par les Amours ,
Vous donne encor de plus beaux jours ;-
De mon souhait , Philis , je vous vois rire ;
Et tout bas je vous entends dire
Qu'Hymen et ses tendres ébats
N'ont point pour vous de si puissans apas.
Votre coeur se peint tous les vices ,
MAY.
3832
1738
Qui font souvent détester les Epoux .
L'inconstant , le joueur , l'emporté , le jaloux .
L'Hymen n'est, selon vous , que le Dieu des caprices
Revenez , croyez- moi , de cette folle erreur ;
Ne craignez point d'engager votre coeur ;
Et sçachez , Philis , par avance ,
Que l'objet favori de votre attention ,
Assuré de la préférence ,
Sera bien-tôt au point de la perfection ;
Songez enfin qu'il est une regle établie ,.
Que j'annonce à chaque Beauté.
Amour dans ses Etats lui -même la publie ; ,
C'est qu'il punit l'insensibilité
Comme l'excès de la coqueterie."
22 22 222 22
EXTRAIT d'une Lettre écrite
par
Dom
N..... Chartreux, au sujet de S. Edmond'
de Cantorbery , dont il est parlé dans le
dernier Mercure.
M.Si
Si l'Auteur de la Lettre insérée dans
votre Mercure du mois de Mars dermer,
au sujet de S. Edmond, Archevêque de
Cantorbery , n'a point d'autre raison d'hésiter
sur le témoignage de notre Général
Hugues II. que la differente conduite de:
notre:
884 MERCURE DE FRANCE
"
notre Ordre à l'égard de S. Edmond et de
S. Hugues de Lincolne , il est aisé de tirer
cette personne d'inquiétude et de lui épar
gner les conjectures et les argumens de
vraisemblance , où elle commence à se jetter.
Il est vrai que nous faisons une Fête
solemnelle de S. Huges , Evêque de Lincol- .
et nous ne faisons
que
Commémopas
ration de S. Edmond . Est- ce donc que nous
ne reconnoissons pas S. Edmond pour Charne
,
treux ?
On pourroit le dire , si notre usage étoit
de célébrer la Fête de tous les Saints de notre
Ordre. Mais quoique nous reconnoissions
pour Chartreux S. Etienne de Die ,
aussi -bien que S. Anthelme , Evêque de Bellay
, nous ne faisons aucune Commémoration
du premier , et nous la faisons du second
. Cet exemple suffit pour faire sentir
à la personne qui vous a prié , M. de nous
demander quelque éclaircissement , que ce
qu'elle apelle l'inaction des Chartreux à l'égard
de S. Edmond , n'est pas une raison.
pour s'inscrire en faux contre la Lettre de
leur Général Hugues second .
Quand S. Edmond n'auroit été que No
vice dans notre Ordre ; quand même il n'auroit
fait , comme S. Godefroy d'Amiens , que
goûter notre Regle , sans porter notre habit,
en seroit assés , ce me semble , pour donner
MAY. 17581 885
her lieu au Général Hugues de dire à Boniface
de Savoye , parlant de son saint Prédé
cesscur : Hic venit à nobis.
J'augure que le Curieux , dont la recherche
occasionne cette Réponse , ne s'y tiendra
pas ; il en voudroit sans doute une plus
décisive , et qui lui fit connoître sans aucun
reste d'obscurité , si la Lettre du Général Hugues
est vraiment de lui . Mais,pour amener la
question à ce point de clarté , je lui conseillerois
pour exercer sa Critique , de chercher
dans la conformité ou dans la difference de
stile , entre cette Lettre et les autres du même
Général , une raison qui détermine à la
lui attribuer ou à la regarder comme d'un
autre Auteur.
crier
Si elle est de lui , quelque unanimité qu'il
y ait eû entre les Ecrivains de la Vie de saint
Edme , à passer sous silence l'essai qu'il a
pû faire de notre Regle , on ne doit pas
à la surprise , si nous nous faisons honneur
d'avoir eû ce Saint pour Confrere , puisqu'il
est hors de toute vraisemblance qu'un Général
des Chartreux écrive sans aucun fondement
à un Chartreux devenu Archevêque
de Cantorbery , que tel Archevêque , son
Prédecesseur , a aussi été Chartreux , et qu'il
le sçait bien : Ut scitis.
En communiquant cette Réponse au Particulier
qui la demande , je vous prie M. de
lui
886 MERCURE DE FRANCE
fui faire entendre que le Religieux qui
la lui fait , ne prétend pas s'engager à le
suivre dans ses répliques , suposé qu'il en
fasse. C'est assés de lui avoir dit simplement
que sa Critique seroit en défaut , s'il
s'arrêtoit à la difference que nous faisons
d'une Fête à une autre . Il sembleroit vou
loir en sonder la raison; mais c'est une de ces
choses sur lesquelles il peut réprimer sa curiosité
, parce qu'il interrogeroit en vain notre
silence , comme il essayeroit en vain
d'amener à sa maniere de penser notre maniere
de faire l'Office.
A la Chartreuse de Paris le 20. Avril 1738
28444444444894££££££ :££££
૩ į į į š $
ODE
のぬ
A Madame D *** sur la mort de
M. son Epoux.
G Arde pour les méchans de ta sanglante image ;
O Mort , les traits les plus affreux.
Les Elus du Seigneur triomphent de ta rage ,
Et tu n'as point de droit sur eux.
*
Le Juste en te voyant, de sa prochaine gloire
Vois
MAY. 887
1738.
Voit l'instrument et le témoin ;
Voici , voici , dit -il , ma derniere victoire ,
Et le triomphe n'est pas loin.
*
Ne pleurons plus un Mort , qui scut pendant sa vie
Etudier l'art de mourir ;
Qui regardant toujours son unique Patrie
Ne travailla qu'à l'acquérir ,
*
Objet de ses mépris , sa dépouille mortelle
Descend dans la nuit du tombeau ;.
Mais , de ses actions , une gloire éternelle
Immortalise le flambeau.
*
Il vit , il vit encor , le plus beau de lui - même
Du trépas brave la rigueur.
Vous qui le regrettez , il vous voit , il vous aime
Et condamne votre douleur.
*
Chere Epouse , dit- il , c'est trop verser de larmes
Sur ce qui fixa mes désirs ;
Du bien dont je jouis tu connois trop les charmes
Pour y mêler tes déplaisirs .
*
Heureux est le Captif qui peut, brisant ses chaînes
Se
88 MERCURE DE FRANCE
Se procurer un meilleur sort !
Heureux le Voyageur qui peut finir ses peines ,
En rentrant enfin dans le Port !
*
Plus heureux mille fois qui trouve une autre vie
Dans le sein d'un heureux trépas !
Enyvré de Dieu même , il méprise , il oublie
Les maux qui regnent ici bas.
*
Tel au sein d'Abraham d'une paix immortelle ,
D *** goûte la douceur ;
Grand Dieu , que ton amour sçait bien payer
Dont la flamme embrasa son coeur !
Le Juste ést un présent de ta bonté propice ,
Qu'on ne peut toujours retenir ;
Et tu nous le ravis quand tu veux par justice ,
Le couronner et nous punir.
*
Ovous , qui de sa foy faites votre héritage ,
Sans verser des pleurs superflus ,
De cet illustre Epoux chérissez bien l'image ;
Et vous chérirez vos vertus .
Par M. M ** de S. F.
le zele
REPONSE
MAY.
889
1735.
***
REPONSE à la Solution de la Question
proposée dans le second Volume du
Mercure de Décembre 1737.
Sjo
la délicatesse
du génie décidoit tou
jours de la solidité du raisonnement
, on
ne pourroit sans doute qu'admirer
la Solution
donnée dans le Mercure du mois de
Février dernier par Mlle de Mouy ; mais s'il
est permis , sans blesser les régles de la bienséance
, de contredire
une Personne , qui
joint à ses lumieres les prérogatives
d'un Sexe
que les hommes font gloire de respecter,'
je la prierai de ne trouver pas mauvais que je
combate son opinion , pour me déclarer en
faveur de celui qui étanche le sang , qui
coule de la playe de son Pere.
Ne nous arrêtons pas aux diférens effets
qu'auroit pû produire ce spectacle sur ces
fils ; si au lieu du Pere on avoit assassiné un
Ami , parce qu'alors l'amitié des uns ou des
autres se trouvant plus ou moins forte , elle
les auroit nécessairement rendus plus ou
moins affligés. Il ne s'agit de décider de leur
plus ou moins d'amour pour leur Pere , que
la diférente situation où ils se trouvent ;
et voilà dans quel sens il faut prendre la
Question proposée.
par
J&
1
1
1
1
L
90 MERCURE DE FRANCE
à
Je conviens d'abord , que le premier paroît
agir plutôt par fureur que par amour ,
puisque son premier mouvement le porte
poursuivre et à tuer l'assassin , qui a frapé
son Pere ; cette conduite pourroit bien avoir
un bon principe , mais le ressentiment et sa
propre satisfaction y sont trop intéressés ,
pour qu'ils n'ayent pas dérobé quelque chose
à l'amour , qui veut être seul maître des
coeurs ; de sorte que celui- ci se trouvant asainsi
dire , avec ces autres paspour

sions , qui ont partagé avec lui le mérite de
cette démarche , on ne peut lui en attribuer
toute la gloire.
socié
Pour le dernier , on ne doit le regarder
que comme un homme foible , en qui le
tempérament a fait plus que l'inclination :
s'il s'évanouit , c'est par pusillanimité , et
parce que la mort d'un homme tombé à ses
pieds l'a entierement effrayé ; mais l'amour
n'y a point de part , puisque ses sens surpris
par un spectacle qu'ils n'ont pu soûtenir ,
n'ont presque pas eû la liberté de discerner
si c'étoit son Pere ou un étranger ; et no
pourrois-je pas dire de lui avec raison , ce
que Mlle de Mouy a voulu dire des autres ,
qu'un ami , même un inconnu assassiné en
sa présence , auroit été la cause de son évanouissement
tout comme son Pere ?
C'est donc en faveur du second que Pon
doit
MAY. 1738. 898
doit décider ; il est le seul en effet qui donne
des marques d'un amour aussi tendre que
desinteressé : nulle passion particuliere ne le
fait agir , au contraire , la crainte qu'il a de
perdre son Pere , dissipe la colere dont il est
agité : le désir de lui conserver la vie empêche
la douleur n'affoiblisse ses sens , et
que
animé par une affection filiale , il surmonte
la répugnance qu'il a pour le sang , il s'efforce
,
aperil
s'empresse à le secourir ; ne sont - ce
pas là les plus fortes preuves d'une véritable
tendresse ? Eh ! quel amour peut être mieux
exprimé , que par le penchant qui nous entraîne
vers l'objet aimé ? En un mot , c'est
lui seul qui a secouru son Pere , abandonné
par les autres. Si Mlle de Mouy s'étoit
çûë, que les sentimens de ce fils partent d'un
pur mouvement d'amour et de tendresse
elle ne lui auroit sans doute pas reproché
d'être trop maître de ses mouvemens ; et faisant
attention que la fermeté n'est pas incompatible
avec l'amour , ni la charité avec la
douleur , elle n'auroit pas fait dépendre la
vivacité de l'un et de l'autre de l'anéantissement
, elle auroit regardé au contraire , celui
qui étanche le sang comme véritablement
sensible et touché , et celui qui s'évanoüit ,
comme un lâche et un indolent.
De Montauban en Quercy;
Le 27. Avril 1738. V * * *
BILLET
892 MERCURE DE FRANCE
*********************
BILLET
AM.HUNAUD , des Académies Royales de
Sciences de Paris et de Londres , Professeu
d'Anatomiespar M. Desforges * Maillard
M
AILLARD Convalescent , à HUNAU
qu'il vient voir
Fait des remerciemens sans nombre.
Jeune et docte Esculape , Ami , sans ton sçavoir ,
Hélas ! tu ne pourrois aujourd'hui recevoir
Que la visite de son ombre.
EXTRAIT d'une Lettre sur la Question
proposée ausujet de l'honneur et de lagloire.
Ermettez - moi , Monsieur, de vous marquer
quelque surprise de voir en parallele
dans la question que vous avez proposée ,
P'honneur et la gloire. L'un, à ce que je crois,
a toujours été regardé comme l'origine de
toutes les Vertus morales , la gloire au contraire
comme la source empoisonnée d'une in-
*L'Auteur guéri d'une dangereuse maladie par
les soins de M. Hunaud , écrivit ce Billet sur une
carte , pour le laisser à sa porte.
finité
M.A Y. 1738 895
que
se
finité de vices. C'est la boëte funeste de Pandore
, d'où l'on voit sortir continuellement
un torrent de maux ; c'est un être de raison
une chimere que chacun compose à sa guise,
et rend propre à ses passions . Si cette idée que
j'ai des deux objets du parallele se trouve
fondée , ils ne paroissent guere faits pour
comparer l'un à l'autre , ils ne me semblent
capables que de se combattre et de se nuire.
J'y trouve cependant eenn yy réflechissant quelvraisemblance
. L'honneur nous rend humains
et justes ; la gloire , fille de l'amourpropre
, peut , aidée du raisonnement , produire
de semblables effets ; mais l'un est le masque
, et l'autre la figure . Quant à l'empire
qu'ils obtiennent sur notre coeur , la quest
tion ne seroit pas problematique , et l'on ne
pourroit douter que ce ne fût l'honneur qui
remportât cet avantage , si l'âge d'or , ce siecle
d'innocence , cet heureux temps duroit
encore. Mais il est malheureusement passé
et les métaux transformés ne nous laissent
plus pour symbole de notre âge , que le plus
grossier de tous.Nonobstant ces petites objections
, souffrez que je hazarde ici mon si
stême .
7
On demande si l'honneur et la gloire sont
une même chose , et lequel des deux a le plus
d'empire sur le coeur de l'homme. L'honneur
est une suite de principes vrais , indépendans
D
894 MERCURE
DE FRANCE
dans et invariables, produits par un coeur na→
turellement enclin à la vertu. La gloire naît
de l'amour propre , et celui -ci n'est qu'un
honneur falsifié et corrompu par le vice dụ
coeur , ou par des impressions étrangeres,
L'honneur n'a qu'une origine.On pourroit le
du coeur et de la vertu. nommer unique
fils
La gloire n'a aussi qu'une source qui est l'amour
propre , mais cette source corrompue
est si changeante
, qu'elle communique
à la
gloire une varieté infinie.
L'honneur est une Beauté réguliere , qui pour
charmer , n'a besoin que de ses graces naturelles.
L'Art lui est inutile , et si elle en emprunte
quelque trait , c'est une legere draperie
, qui caracterise sa modestie. La gloire sc
montre à mon esprit sous la figure d'un Sphinx
prétrompeur.
L'honneur est l'aîné ; il se
sente à nous le premier ; il nous aprend , si
nous voulons l'écouter, à être humains ,à être
justes. Mais diversement reçu , souvent il perd
son droit d'aînesse ; enfin , soit dit à notre
honte , il a generalement bien moins de pouvoir
sur nos foibles coeurs que la gloire . J'ai
Phonneur d'être &c.
W. T.
LA
MAY. 895
1738.
****************
LA
SYMPATHI E.
ODE.
Vous , dont les mains sont assor: ies
De ce qu'Amour a d'enchanté ;
Qui par d'heureuses Sympathies
Changez la laideur en beauté ;
Venez , volez divines Graces ;
D'un pied léger marquez les traces
Que je dois suivre dans mes Chants ;
Prêtez-moi vos puissantes armes ,
Et pour faire briller vos charmes
Inspirez-moi des Airs touchans.
*
Deux objets que le rang sépare ,
Dont les yeux vont se rencontrer,
Tombent dans le piége barbare
Qu'Amour a sçû leur préparer.
Un regard excite la flâme
Qui brûle sans cesse leur ame ;
De leur repos il est l'écuëil ;
Ils mourront dans leur esclavage ,
Dij Quoique
896 MERCURE DE FRANCE
Quoique la chaîne soit l'ouvrage ,
D'un seul instant et d'un coup d'oeil,
*
Chaste Hymen , Déïté charmante
Que rarement sur tes Autels
Une ardeur fidelle et constante
Allume des feux éternels !
Unamour volage ou vulgaire ,
Un penchant foible et mercenaire

Conduit trop de coeurs à tes pieds ;
Souvent je cherche avec surprise
Par quels noeuds Mausole , Arthemise
Jusqu'au trépas furent liés .
*
N'est-il point des chaînes secrettes ,
Des sons du coeur intéressans ,
Des voix perçantes et muettes ,
Qui du coeur passent jusqu'aux sens ?
N'est-il point d'aimable harmonie
Propre au coeur , sans l'être au génie ,
Et dont les ravissans accords
De l'ame la plus intraitable ,
Par une force inexpliquable ,
Meuvent à jamais ses ressorts ?
*
De
MAY. 897 17381
De cet Univers les merveilles
Ne sont qu'un raport gracieux ,
Qu'entre nos yeux et nos oreilles
A menagé la main des Dieux .
Les Airs dont les Muses enchantent ,
Le brillant que les Arts enfantent ,
Dans nos Esprits ont leur beauté ;
Mon amour enfin ne se forme ,
Que lorsque mon coeur est conforme
A l'Objet qui m'est presenté.
*
Qu'à mes yeux le Sage retrace ,
Comment un Enfant ingénu ,
De ses mains tremblantes embrasse
De ses jours l'Auteur incònnu ;
Le sang qui coule dans leurs veines
Ne fait - il point ces fortes chaînes ,
Dont le Pere au Fils est uni ?
D'où naissent ces tendres saillies
Ces doux transports d'ames ravies ,
Que nul Mortel n'a défini ?
Si dans ces liens invisibles
Je pouvois un jour captiver
Un de ces Coeurs droits et sensibles ,
Qu'il est trop rare de trouver ;
Diij
Si
898 MERCURE DE FRANCE
Si d'un Ami l'ardeur sincere
A mon coeur touché pouvoit plaire ,
Et que je lui plûsse à mon tour >
En vain réprendroit-on ses vices ,
Oui quand j'aimerois ses caprices ,
On doit m'envier cet amour.
*
Dans les Jardins rians de Flore
Ainsi voit - on les tendres fleurs ,
L'une ouvrir son sein à l'Aurore ,
L'au re au jour montrer ses couleurs :
Il en est qui dans la nuit sombre ,
Malgré les horreurs de son ombre ,
Découvrent des charmes secrets
Et qui déployant leur parure ,
Au deuil qui couvre la Nature
Semblent marier leurs attraits.
*
Je n'aperçois point dans le crime
Ces sympatiques agrémens ,
Qui d'une amitié légitime
Forment les noeuds les plus charmans ;
Malgré de honteuses foiblesses ,
Nos coeurs redoutent les bassesses
Qui nous uniroient avec lui ;
Le crime est un monstre farouche ,
Dont
MAY. 199 1735.
Dont les excès n'ont rien qui touche ,
Que lorsqu'il peut servir d'apui.
*
Toi seule , Vertu souveraine ,
Aux Humains tu sçais imprimer
Ce mouvement qui les entraîne
Au secret plaisir de t'aimer ;
Qel mira le de ta puissance !
Le crime chérit l'innocence :
Et les Mortels que tu conduis ,
Au premier regard qu'ils se jettent ,
Du long amour qu'ils se promettent
Goûtent déja les heureux fruits .
*
Mais toi * qui par tout réverée ,
Fis sur les bords du Rubicon
Entendre en vain ta voix sacrée
D'un fier ennemi de ton nom ;
Quelle étrange bizarrerie !
Je vois tes enfans , ô Patrie !
S'unir sous un Ciel étranger ,
Et qu'en fureur changeant tes charmes ,
Dans ton sein même tu les armes ,
Pour se perdre et s'entrégorger.
*
* Lucain , au premier Livre de sa Pharsale , re
présente la Patrie éplorée , qui s'offre aux yeux de
Cesar armé contre elle.
Diiij
Arrête
goo MERCURE DE FRANCE
. Arrête , Muse , tes peintures ,
Tes sons divers et tes atours
Exciteront-ils les murmures
Du Parnasse ou bien ses amours
Peux-tu présumer que tes veilles
Produisent ces doctes merveilles ,
Qui charment les yeux d'Apollon ?
Et que par les Graces ornée
De ses mains tu sois couronnée
Au milieu du sacré Vallon ?
Par L. P. D. J. à T.
EXTRAIT d'une Lettre écrite à M. P *** sur la
Solution qu'il donne dans le dernier Mercure
à la Question touchant les Fils de Damon.
''Use , Monsieur , de la liberté que vous
donnez à ceux qui liront vos Réflexions ,
d'en dire leur sentiment. Selon vous , en examinant
les principes qui opérent les divers
mouvemens dont sont agités les Enfans de
Damon , rien n'est plus aisé que de répondre
à la Question proposée ; il s'en faut bien que
je pense comme vous .
S'il étoit permis de juger de la tendresse
des trois fils , par les seuls effets que produit ?
en
MAY. 1738. 901
én eux l'assassinat de leur Pere , la décision
me sembleroit facile ; mais en remontant
aux causes qui font agir ces trois fils , c'est- àdire
, à la qualité de leur tempérament , je
trouve la difficulté de prononcer, non seulement
embarrassante , mais insurmontable.
Vous dites , Monsieur , que les trois freres
ont le même amour pour Damon , cela
suposé , il s'ensuit comme vous l'expliquez
très -bien , que celui qui poursuit l'assassin ,
a le sang vif et turbulent ; que celui qui veut
secourir Damon a le sang plus modéré ; et
que le troisiéme qui tombe sans connoissance
, l'a extremement tranquile. Mais qui
vous engage à croire , que les trois ont unet
tendresse égale Ne pout - il pas arriver que
le dernier doüé d'un fort tempérament , mais
animé en même temps d'un amour encore
plus violent pour son Pere , ne soit point ca
pable de résister à la douleur qui le saisit
tout à coup ? Ne se peut-il point faire que le
second , quoique d'un tempérament trèsfoible
, conserve cependant la présence d'esprit
nécessaire étancher le sang de son
Pere ,
pour
, parce que la nature ne l'attaque point
aussi vivement qu'elle attaque celui qui s'évanoüit
? A vous en croire , Monsieur , un!
homme fort ne pourroit jamais s'évanouir ; et
une personne foible s'évanoüiroit infaillible--
Dy ment
902 MERCURE DE FRANCE
ment au moindre sujet de peine ; qui ne voit
pas au contraire , je le répète , qu'un tempérament
fort est contraint de céder à une douleur
encore plus forte , et que d'un autre côté
, il est certaines douleurs auxquelles un
foible tempérament ne succombe pas ? De là
je conchis qu'en faisant réflexion aux causes
qui produisent les diférens mouvemens des
trois freres , on ne peut bien résoudre la
Question dont il s'agit : il faudroit pour cela
connoître le degré de vivacité de leur sang ,
et la force de leur tempérament ; il faudroit
sçavoir quels assauts la nature a livrés à chacun
d'eux , ce qui me paroît impossible .
Le seul moyen qui puisse mettre la Question
en état d'être décidée, c'est à mon avis,
de suposer que les trois enfans de Damon
ont à peu près le même tempérament . En ce
cas , le Juge le moins clair - voyant donnera
la palme à celui qui s'évanouit ; en effet , il
est bien plus touché que ses freres , puisqu'il
perd l'usage de la raison et des sens , tandis
que les autres sont encore maîtres de leurs
actions. Je suis , &c.
A. X. Harduin.
A Arras ce 24. Avril 1738.
LA
M.A Y.
1738. 903
LA NYMPHE UMBRA , Conte
à Mad. la Comtesse d'H ***
PUISQUE UISQUE tu le veux bien, jeune et sage Comteste ,
Je viens encore en Vers t'ennuyer un moment ;
Que n'ai- je de l'esprit cette heureuse justesse ,
Qui fait toujours écrire et parler nettement ,
Et l'aimable délicatesse ,
Qui donne à tout de l'agrément ,
Et qui fait qu'une Iris de la plus sage espece ,
Reçoit sans s'allarmer un tendre Compliment.
Muse , venons au fait , quittons ce vain Prélude
L'Exorde est-il d'usage à nous autres Rimeurs ₹
N'affectons pas un air de recherche et d'étude ,
C'est le
moyen de plaire à nos Lecteurs ,
pour mieux dire à l'aimable Lectrice , Ou
Dame d'un admirable goût ,
Que guide la raison et jamais le caprice ;
Oui , son suffrage seul nous tiendra lieu de tout!
Quand je me sens la tête un peu malade ,
Et
que le Ciel n'a point un air sombre et maussade,
Iris , pour redonner la force à mon cerveau ,
Tu sçais qu'ayant en main la Bruiere ou Rousseau ,
D vj
D
Je
904 MERCURE DE FRANCE
Je cours dans tes Jardins faire ma promenade ;
Tantôt pour mieux rêver , j'entre dans un Berceau,
Ce lieu charmant et propre à là tendre embrassade ;
Tantôt je viens m'asseoir à l'ombre d'un Ormeau
Mais toujours je reviens auprès de la Cascade ,
Endroit sans contredit de LAIGNY le plus beau .
Je suis bien moins touché d'un Concert , d'une Aurbade,
2

Que du grand bruit formé par cette chûte d'eau. -
Mon goût pourra paroître un peu rustique et fade,
Que j'y sois quelquefois planté comme un poteau :
Cette aquatique Serenade
Est vraiment un plaisir pour moi toujours nouveau's
Comme hier j'y lisois ton Epître derniere ,
Que j'en examinois le tour , les agrémens .
Que de toi je faisois estime singuliere ;
Charmé de tes beaux sentimens ,
Que je te mettois la premiere
Des sages Veuves de ce temps.
La Nymphe qui préside aux Eaux de la Fontaine
Vint tout à coup se présenter à moi .
A cet aspect nouveau je sentis quelque émoi ,
( Toute aparition soudaine
Cause aux foibles humains un mouvement d'effroy )
Elle me rassura par sa façon humaine
Iris , je
2
la trouvai toute semblable à toi 2-
N'étant ni fiere ni hautaine
Elle
MAY. 905 17388
Elle est pourtant Déesse et Fille d'un grand Roy.
La Noble de deux jours est seule haute et vaine ,
Quoique femme de bas aloi ,.
Elle s'érige en Souveraine ;
Toujours sur son fier quant à soi ,
En parlant, la bégueule ouvre la bouche à peine :
Femmes de cette trempe en France je connoi ,
Qui m'offriroient leur main avec un gros Do
maine ,
Que je ne voudrois point leur engager ma foi ;
J'aimeróis mieux être à la chaîne ,
Avoir le plus pénible emploi ,
D'un vieux Juif édenté toujours sentir l'haleine 3
Que d'être plus d'une Semaine
En butte aux traits de leur superbe Loi.
Dans ma Nymphe, enchanté de voir ta ressemblance,
J'admirois ses attraits , simples , mais séduisans ;
D'un air humble et discret je gardois le silence ,
Un vrai respect pour elle avoit saisi mes sens ;
Les beautés de l'Avril étoient sur son visage ,
Tout en elle annonçoit la plus belle Saison ,
Mais ne m'en faisant point un pompeux étalage į
Elle avoit plus de soin de montrer sa raison ; -
Une femme plaît davantage
Par le coeur et l'esprit , que par un beau frison ;
Sa façon de parler étoit toute ingénuë ,
Je viens, m'a- t'elle dit , au nom de tous nos Dieux .
Pour
906 MERCURE DE FRANCE
Pour aprendre de toi quand sera révenuë
L'aimable Dame de ces lieux .
Pan , Sylvain , Flore et moi sa fidelle compagne ,
Nous trouvons qu'elle reste à Paris trop longtemps
;
Nous désirons la voir paisible en sa Campagne ,
Pour la parer des fleurs du gracieux Printemps ,
Elle pourra trouver ici comme en Champagne
Amis sinceres et constans ;
Y
Je suis la Nymphe UMBRA , fille du Roy Cocagne
,
Je l'aime et lui promets divers amusemens ;
Mon Epoux est le Dieu des Châteaux en Espagne.
Adieu , de notre part fais-lui des Complimens.
Ma Nymphe disparut ayant dit ces paroles ,
Et l'air fut embaumé d'une charmante odeur ;
Semblables Visions , autrement fariboles ,
De tous nos Esprits creux composent le bonheur ,
C'est ce que je conclus de ma nouvelle Fable ;
Nous prenons l'ombre pour le corps ,
Un plaisir même véritable
Souvent moins que le faux nous cause des trans
ports :
Pour rendre un mensonge agréable
L'imagination a de puissans ressorts ;
Lais , ne dis-tu point que c'est mâcher à vuide ,
Se
MAY.
907
1738
Se repaître de fausseté ?
Le bonheur idéal est viande peu solide ;
Attachons -
nous toujours à la réalité .
Le 18. Avril 1738.
Bar
***
d'Amiens
au Château de Laigny.
ののののの
LETTRE de M. L. L. B. aux Auteurs
du Mercure , pour servir de réponse à celle
dun Anonyme , écrite de Lyon le 24. Fevrier
1738. touchant l'explication d'un nom
usité parmi le vulgaire de Montmartre proche
Paris.
E vous adresse, M. la courte réponse que
je fais aux observations de la personne
qui vous a envoyé une Lettre pour moi , parce
que je ne sçais point son nom, et qu'elle
ne se fait connoître que par sa demeure , qui
est la Ville de Lyon. Mon dessein n'a jamais
été d'excuser les expressions dont on se sert
en diférens endroits de la France , encore
moins le langage de Montmartre. J'ai bien
senti qu'en derivant le nom Bue du langage
barbare dans lequel Bur signifie fons , scaturigo
, je rendois cette expression fontaine de
Виё
508 MERCURE DE FRANCE
1
Bue , équivalente à celle - ci , fontaine de fontaine
, par raport à ceux qui feroient attention
à la signification primordiale du nom de
Bue.Mais les gens de Montmartre sont trèsexcusables
de joindre sans le vouloir , deux
expressions synonimes , dès - là qu'elles ne
viennent pas de la même langue. Tels disent
aujourd'hui, je vais à la fontaine de Buë, lesquels
, s'ils eussent vécu avant l'introduction
de la Langue Romaine dans les Gaules , auroient
dit simplement qu'ils vont à la Buë.
Les Racines de la Langue Celtique , ou
autres qui y ont du raport, étant aujourd'hui
peu connues parmi le vulgaire , c'est ce qui
donne souvent lieu à des expressions qui ont
le même défaut , que l'Anonyme semble reconnoître
dans le sens que je donne au langage
de Montmartre. Ne dit-on pas encore
tous les jours , le Pont de Brive , les Marais
de Bray, la Montagne de Dun ? et cependant .
à considerer les genitifs de ces expressions
ils sont une répétition du nominatif, de quoi
personne n'est choqué, parce qu'aujourd'hui
Fancienne Langue dans laquelle Briv signifioit
un Pont , Brai un Marais , et Dun une Montagne
, n'est plus une Langue vulgaire . L'Anonyme
peut consulter le nouveau Livre de
M. Astruc sur l'Histoire Naturelle du Languedoc
, et il y verra à la page 446. que les
Pyr--
MAY. 909 1738 :
Pyrenées aussi bien que les Alpes , sont des
noms apellatifs, qui en eux-mêmes signifient
Montagnes.
La raison que l'Anonyme de Lyon aporte
pour prouver que Bue n'est pas une originé
barbare,ne me paroîtroit convaincante, qu'autant
qu'il seroit certain que tous les mots usités
à Lyon fussent dérivés du Latin , du Grec,'
ou de l'Hébreu, et qu'aucun ne le fût de ces
Langues venues du Nord , et des Côtes de la
Germanie. Or je suis persuadé qu'il ne soûtiendra
jamais cela . Il y a à Lyon , comme
dans le reste des Gaules beaucoup de termes
qui viennent du Celtique , du Teutonique ,
et d'autres anciennes Langues barbares : je
mets dans ce nombre le mot Buje , ou Buïe ,
qui signifie encore parmi le petit peuple la
Lessive du linge ; en d'autres Pays on dit la
Puée tout cela revient au même ; M. Du
Cange fait remarquer qu'en quelques endroits
on apelle Buërie , le lieu où se lavent les linges
: et il me paroît que tous ces mots sont
formés de la racine Bur , qui signifie fons ;
ainsi plûtôt que de croire que c'eft la Lessive
qui fait donner le nom à la fontaine , il faut
penser que c'est le nom radical de la fontaine
, qui a produit ceux de Buïe , Buée , ou
Buerie , parce que l'eau peut être sans lessive ,
mais la lessive ne peut pas se faire sans eau .
H n'est pas quelquefois hors de propos de
des
9to MERCURE DE FRANCE
'descendre jusqu'aux mots les plus bas du pe
tit peuple d'un Pays , pour avoir occasion de
parler de ceux qui sont en usage dans le même
Pays parmi les Citoyens , ou dans les Titres
et autres Monumens. Si le Lyonnois qui
vous écrit , fait enrichir par sa remarque le.
futur Glossaire François , des mots de Buie
et de Euiandieres , il y en a un autre qui a été
usité dans certains Comptes ou Inventaires,
apartenant à une celébrè Eglise du même
Pays , lequel me paroît tout à fait de la com
pétence du Glossaire Latin de M. Du Cange.
C'est celui de Lavanderia , ou Lavendaria.
Quoiqu'il y soit déja , il peut être augmenté
de quelques Remarques . La Langue Latine
Francisée , avoit formé ce nom, Lavanderie,
parmi les Gens d'Eglise , comme l'ancienne
Langue barbare avoit fourni celui de Buerie.
Ce qui vient à mon sujet , et sur lequel
j'aurois prié le Lyonnois anonyme de vouloir
bien nous éclaircir, par raport au Suplément
du Glossaire Latin , seroit de sçavoir s'il est
vrai que quelques Ecrivains ayent pris , il y a
quelques années , cet office de Lavanderie ;
qui
consistoit a avoir soin du blanchissage
des Aubes , des Surplis , et du Linge du
Réfectoire &c. pour une Lavandiere , qui
auroit eu droit d'avoir ses distributions comme
une espece de Beneficiere. La preuve
ce fait eût été très - curieuse à lire : il eût ende
core
M A Y. 17388
tore été plus curieux de voir une femme au
milieu d'une centaine d'Ecclésiastiques rece
voir son past, ou son droit de présence . Ceci
soit dit en passant , et seulement à l'occasion
du mot Buiandiere:
Il ne faut cependant point ôtet l'air d'apa
rence à aucune proposition que ce soit en fait
d'usages bizarres, s'il est vrai qu'il y a eu autrefois
quelque chose d'aprochant à Rouën ,
ou au moins des especes de Beneficicres. En
attendant l'éclaircissement qui nous viendra
de Lyon ou de Rouen , il me sera permis de
ne point envisager l'Office de Lavanderia ,
possedé par un autre sexe que par celui qui
possédoit ceux qu'on apelloit Thesauraria
Pancteria , Sergenteria. Je suis &c.
Ce 28. Mars 1738.
*******************
RONDE A U.
PAR M. Gr. ** de Nantes , & qu'il a mis
à la tête du Recueil de Poësies , imprimé sous
Le nom de Mlle de Malcrais de la Vigne.
ENfait d'esprit , qu'on soit måle ou femelle ,
Qu'importe-t-il , si - tôt que l'on excelle
C4
912 MERCURE DE FRANCE
Ce feu divin que départ Apollon ,
N'a point de sexe et le sacré Vallon
Veut des talens ; le reste est bagatelle .
Malcrais te joue une farce nouvelle
Lecteur , ris -en , et prends-moi pour modéle ;
Il me suffit que son Livre soit bon
En fait d'esprit.
Par quoi je vuide ainsi cette querelle ,
Qui met aux Champs mainte et mainte cervelle,
Que Malcrais porte ou jupe , cu caleçon ,
Ni plus , ni moins , chacun sur l'Hélicon
Rendra justice à sa Muse immortelle
En fait d'esprit .
Es Mots de l'Enigme et des Logogry
le Pied de Roi , Mulet , Aveuglement , Publicola
, Criminel , Apolline , Froidure , Angeli
que , Angevin, Maison , Marseille, Mercure,
du Chemin , Altare , Horatius, et Navis. On
trouve dans le premier Logogryphe , Muet ,
dans le treiziéme , Ala , Alea , Tela , Later ,
Aer ; et dans le quatorziéme , Hora , Hor
Bus , Rota.
ENIGME
MAY 1738. 21
******
ENIGM E.
Our me mettre au grand jour , la cruauté d'un
pere
pou
Me force de rentrer dans le sein de ma Mere ;
Et puis dans la prison , où je suis à couvert ,
Je sens de tous côtés les injures de l'Air ;
Toute nue , on m'y tient par la tête enchaînée ; '
Sans espoir de changer ma triste destinée.
Nuit et jour en suspens , attachée au gibet ,
De mes propres boureaux je deviens le jouët ;
Dans mes malheureux flancs, je porte un fils unique;
Qui sur les droits du sang , sans pitié , prévarique
Et redouble sur moi ses parricides coups ,
Sans que mes cris perçans retiennent son courroux
Souvent on me frape en cadence ,
Et j'annonce avec grand fracas
Quelquefois la gayté , souvent la doléance .
Quoi , Lecteur , ne mentends -tu pas ?
Q
J. C. de Paris:
LOGO GRYPHE,
Uatre lettres , ( pas dayantage )
Disent en François qui je suis
Croisa
914 MERCURE DE FRANCE
Crois - tu , Lecteur , qu'en ce langage
Tu verras ce que je produits ?
Non je prétens que ma famille
Ne sçache que parler Latin.
D'onze enfans , je n'ai qu'une fille ,
Dont certain Dieu fit sa Catin ;
Elle a la tête Impérative ,
Mais dans le reste de son nom ,
Cette charmante fugitive
Devient une exclamation .
Au milieu , sans métamorphose ,
Mon chef peut produire un futur ,
Mais en retranchant quelque chose ,
A prononcer je parois dur.
Cependant j'ai cet avantage ,
Pour peu que l'on veuille ajoûter
De nommer un saint Personnage
Qu'on ne sçauroit guere imiter.
?
Un Adverbe montre sa face ,
Dans lequel se trouve un Pronom ;
Qu'il suffit de changer de place
Pour faire une Conjonction,
Finissons par certaine bête ,
Que tu sçauras par οι
manger,
Si
MAY.
9TX 1738
Si tu lui fais couper la tête.
Adieu ; tâche de me trouver.
AUTRE.
A Table, je suis dans mon centre ;
J'y fais l'éloge des morceaux ;
De mets j'aime à remplir mon ventre ,
Et cours de Cadeaux en Cadeaux .
De mes huit Lettres fais usage ,
Lecteur , tu verras femme sage ;
Un voleur , un poisson de mer
Ce qu'on ne fauche point l'hyver ,
Un Pape , une Ville de France ,
Retraite pour la pénitence ,
Un nombre impair , un Element ?
Un vent qu'on lâche indécemment ,
Autre Ville dans l'Italie ,
Pourtant moins grande et moins jolie ;
Plus cinq Infinitifs françois ,
Si tu comptes bien par tes doigts :
Pour les chats un mêt convoitable.
Adieu ⚫ je vais me mettre à table ...
On a sonné pour ce sujet ;
Je quite tout pour le Buffet,
Par M. Desnoyers , Lieutenant-
Particulier à Estampes.
AUTRE
16 MERCURE DE FRANCE
AUTRE.
D'Abord je suis un noble et penible exercice ;
Finesse quelquefois , industrie , artifice .
Transpose deux et quatre , et ne te trompe pas
Déja de moi , Lecteur , peut-être es- tu bien las ?
J
AUTRE.
'Excite ces Guerriers, dont les coeurs magnanimes
Au milieu des dangers affrontent le trépas .
Otez deux de mes pieds , ces Héros si sublimes
Se laissent vaincre entre mes bras .
J
AUTR E.
*
E porte bon , je porte bac ,
Je porte soc , je porte sac ,
Je porte cas , je porte son ,
Lecteur , mon nom est .
J
AUTRE.
E porte vol , je porte Luc ,
, Je porte cel , je porte Duc
Je porte car , je porte lac
Lecteur , je m'apelle ...
?
Par J. B. Olivier , à
Marseille.
LOGOMAY.
1738J 917
LOGOGRYPHUS.
U No diversos complector nomine sensus ;
Nunc rado terras nunc sum maris incola ; tolle
Dimidium , facundo meis ardoribus agros.
Totius modo scinde caput , tibi nascitur arbor
Dulcia prasignans optatafoedera pacis .
At trina pede si gradiar , ferus arva cruento ,
Et longè latèque mei do signa furoris.
NOUVELLES LITTERAIRES
S
DES BEAUX ART S.
ERMONS du feu Pere Terrasson , Prêtre
de l'Oratoire , pour le Carême , sur
les Mysteres de N. S. et de la sainte Vierge ,
et sur d'autres Sujets. Nouvelle Edition ,
revûë et plus exacte que la précédente , 4.
volumes in 12. Se vendent à Paris , chés
François Babury , rue S. Jacques , au- dessus
de celle des Mathurins , à S. Chrysostôme ,
1736.
ORIGEN DE LOS INDIOS , &c. Differentes
opinions sur l'origine des Amériquains
, où l'on traite par occasion plusieurs
E choses
918 MERCURE DE FRANCE
choses curieuses , qui forment une Histoire
fort variée. Seconde Edition , corrigée et
augmentée considerablement > avec trois
Tables fort exactes. La premiere , des Chapitres
, la seconde , des Matieres , et la troisiéme
, des Auteurs ; dédiées à l'Angélique
Docteur S. Thomas d'Aquin , in-folio à deux
colonnes , de 336. pages , sans la Préface et
les Tables. A Madrid , chés François Martinez
, 1729. L'Ouvrage est en Espagnol.
EPITRE DE M. GRESSET , sur sa
Convalescence. Brochure de 18. pages. Chés
Prault , le Pere , Quai de Gêvres , 1738 .
L'Auteur doit être bien content de la réception
qu'on a faite à ce petit Poëme , que
plusieurs personnes sçavent par coeur dans
les bonnes Compagnies. Il est adressé à sa
Soeur , qquu''iill aappeellllee sa Minerve , sa tendre
Soeur. Le récit de sa maladie est terminé par
ces Vers :
Tel étoit mon affreux tourment ,
Je souffrois plus de maux au bord du Monument.
Que n'en aporte la Mort même ;
La douleur est un siecle et la mort un moment.
Le Portrait de la Santé est peint avec les
plus aimables couleurs ; le voici :
Il est une jeune Déesse
Plus
MAY. 1738. 919
Plus agile qu'Hébé , plus fraîche que Vénus ;
Elle écarte les maux , les langueurs la foiblesse ;
Sans elle la Beauté n'est plus ;
Les Amours , Bacchus et Morphée
La soutiennent sur un Trophée ,
De Mirthe et de Pampres orné
Tandis qu'à ses pieds abattuë
Rampe l'inutile Statuë
Du Dieu d'Epidaure enchaîné.
EPITRES SUR LE BONHEUR. A
Paris , Quai de Conti , chés Prault , fils ,
1738. Brochure in 8.
Premiere Epitre de l'Egalité des Conditions
; seconde , sur la Liberté ; troisième ,
sur l'Envie.
AVIS ET REFLEXIONS sur les Devoirs
de l'Etat Religieux , pour animer ceux qui
l'ont embrassé, à remplir leur vocation, &c.
par un Religieux Benedictin de la Congrégation
de S. Maur , quatriéme Edition in 12.
3. volumes. Prix 7. livres relié . A Paris ,
ruë S. Jacques , chés le Mercier , au Livre
d'or , et Ganean , à S. Louis , vis - à-vis saint
Yves.
Il y a déja long-temps que l'on a rendu
à cet Ouvrage toute la justice qu'il mérite
și bien. Trois Editions enlevées en peu
de
E ij temps ,
10 MERCURE DE FRANCE
temps , et celle- ci et celle - ci que l'on donne à l'em
pressement
du Public , font foi de l'apro- bation avec laquelle
il a été reçû. La solidi- té de la Doctrine
et l'Onction
du S. Esprit
y concourent
à exciter dans les coeurs des Personnes
consacrées
à Dieu par la Pro- fession Religieuse
, un vif sentiment
de l'ex- cellence
de leur état et de la grandeur
de leurs obligations
. Ce Livre , au reste , n'est pas tellement
propre aux Personnes
qui vi- vent dans la Retraite
, que les Gens du Mon- de même , les Peres et Meres n'y trouvent
pour eux et pour leurs Enfans des principes sûrs et des maximes
utiles pour se convain- cre de la nécessité
de se détacher
de tout ce
qui passe , et du bonheur
de servir Dieu en vrais Chrétiens
.
RACCOLTA D'OPUSCOLI Scientifici
e Filologici , Sotto la Protezione dell' Altezza
Serenissima di Dorotea Sophia Co : Palating
del Reno , Duchezza di Parma , Piacenza ,
&c. In Venezia , &c. in 12.
CLEON A EUDOXE , touchant la prééminence
de la Médecine sur la Chirurgie,
par M. Andry , Professeur Royal , Docteur
Régent , et ancien Doyen de la Faculté de
Médecine de Paris.
Medicina Corpus vel tuetur , vel restaurat
salutem
4
MAY. 921
1738.
salutem : sub quâ Chirurgia , Apothecariorum;
Pigmentariorum , Balneatorum , Rasorum turba
militat.
Cet Ouvrage se vend à Paris , chés Gissey,
ruë de la vieille Bouclerie , à l'Arbre de Jessé.
1738. in 12. de 185. pages.
It doit être suivi d'une seconde Partie.
NOUVEAUX AMUSEMENS du Coeur
et de PEsprit. Quatrième Brochure in 12 .
Cette suite est dans le goût des trois premieres.
C'est toujours un mêlange de Poë
sies et d'Historiettes , dont la varieté peut
soûtenir avec succès ce qu'annonce le Titre.
Cette Partie commence par un Conte
en Vers , tiré des Cent Nouvelles Nouvelles ,
très-joliment écrit , dont le défaut est de
n'être pas assés serré. Trop de facilité nuit
souvent , et la précision n'est pas moins nécessaire
aux Ouvrages de Poësie qu'aux
autres.
On trouve ensuite une Nouvelle Historique
toute nouvelle , très- interessante en voici le
sujet.Une jeune Demoiselle en état de faire la
fortune d'un galant homme , voulant éviter
les malheurs de tant de Mariages mal assortis
et faits seulement par interêt , de l'aveu de
de sa Mere , veut éprouver si un jeune
homme que le hazard lui a attaché et dont
E iij elle
922 MERCURE DE FRANCE
elle a reçû un service important , est digne
d'un choix qu'elle ne veut faire qu'en faveur
d'un vrai mérite , et s'il est capable de
sacrifier tout jusqu'à son propre bonheur
pour celui de celle qu'il aime. Car , dit - elle,
( page 265. ) Il n'y a rien qu'un Amant ne
sacrifie pour posseder l'Objet qu'il aime : mais
je veux voir , s'il y en a d'assés desinteressé
pour faire en faveur d'une personne qu'il aime
et qu'il va perdre , ce qu'il feroit dans l'esperance
de la posseder. Elle n'est point trompée
dans l'idée avantageuse qu'elle a conçûë
de lui. Un dénouement aussi gracieux pour
le Lecteur, qu'il est favorable pour P'Amant ,
termine cette avanture.
Les Poësies qui sont après , méritent des
éloges , sur tout une Ode Anacréontique et
une Fable de M. l'Abbé de Grécourt , inti
tulée , l'Amour et le Respect.
1.A MITHOLOGIE ET LES FABLES,
expliquées par l'Histoire. Par M. l'Abbé Banier,
de l'Académie des Inscriptions et Belles
Lettres , Tome I. A Paris , chés Briasson ;
rue S. Jacques , à la Science , 1738. in 4.-
de 670. pages sans la Préface .
NOUVEAU RECUEIL DES EDITS,
Déclarations , Lettres Patentes , Arrêts et
Reglemens de S. M. lesquels ont été enregistrés
M A , Y.
923
1738.
gistrés au Parlement ; ensemble des Arrêts
et Reglemens de ladite Cour , le tout depuis
l'année 1712. jusqu'à 1718.avec deux Tables,
Pune Chronologique par années, et l'autre Alphabétique
par Sujets et Matieres, 1738.in 4.
A Rouen , chés J. B. Besongne , Imprimeur
ordinaire du Roy,à l'Imprimerie du Louvre .
Ce Volume doit passer pour une Continuation
du Recueil déja publié en 4. Tomes
, des Edits , Déclarations , &c . Enregistrés
au Parlement de Normandic. L'Imprimeur
en promet encore un nouveau qui est
sous la Presse.
ESSAI SUR L'AMOUR PROPRE , Poëme ,
où l'on démontre que l'Amour
propre est
en nous le mobile des vertus , ou des vices,
selon qu'il est bien ou mal entendu , et que
les vrais interêts de la vie , et tout notre
bonheur , consistent à sçavoir le rectifier.
Par M. de la Drevetiere,sieur de Lisle , Auteur
de Timon Misantrope , et autres Pieces du
Théatre Italien . A Paris, chés Prault , pere,
Quai de Gêvres, au Paradis , 1738. Brochure
in 8. de 52. pages pour le Poëme , et 4.
pour la Préface.
COURS D'ARCHITECTURE , qui
comprend les Ordres de Vignole , avec des
Commentaires,les Figures et les Descriptions
E iiij
de
924 MERCURE DE FRANCE
de ses plus beaux Bâtimens , et de ceux de
Michel - Ange , des Instructions et des Préceptes
, et plusieurs nouveaux Desseins concernant
la distribution et la décoration , la
matiere et la construction des Edifices , la
Maçonnerie , la Charpenterie , la Couverture
, la Serrurerie , la Menuiserie , le Jardinage
, et généralement tout ce qui regarde
l'Art de bâtir ; par M. C. A. d'Aviler
'Architecte ; nouvelle Edition , enrichie de
nouvelles Planches , et revûë et augmentée
de plusieurs Desseins conformes à l'usage
présent et d'un grand nombre de
Remarques. A Paris , chés J. Mariette
rue S. Jacques , aux Colomnes d'Hercules
1738. in 4 .
,
,
Cette Edition est la quatrième du Cours
d'Architecture de d'Aviler;le Public en est redevable
à M. Mariette, fils , qui n'a rien négligé
pour la rendre de beaucoup préférable aux
Editions précédentes . C'est de quoi l'habile
Editeur nous instruit dans un Avis qu'on trouve
à la tête du Livre . Il y a joint la Vie de d'Aviler
, comme d'Aviler avoit donné celle de
Vignole , dont il avoit commenté l'Ouvrage .
PROGRAMME , ou Idée génerale d'un
Cours de Physique Expérimentale , avec
un Catalogue raisonné des Instrumens qui
servent aux Expériences. Par M. l'Abbé
Nollet
7
MAY. 1738. 925
Nollet , de la Societé Royale de Londres. A
Paris , chés P. G. le Mercier , Imprimeur-
Libraire , rue S. Jacques , au Livre d'or ,
1738. in 12 .
L'Auteur a bien raison de dire dans sa Préface
, que la Physique n'a jamais été si universellemet
cultivée qu'elle l'est aujourd'hui,'
et que dans aucun âge ses progrès n'ont
égalé ceux qu'elle a faits dans ces derniers
temps, aussi, poursuit- il, peut - on dire qu'elle
doit , principalement à la façon dont on la
traite les belles découvertes dont elle s'enrichit
tous les jours. Cette science n'est plus
comme autrefois un vain assemblage de raisonnemens
non fondés , ou de systêmes chimériques,
les conjectures sont mises au rang
qui leur convient ; on ne croit plus que ce
que l'on voit , et la raison ne prononce que
sur le raport et le témoignage de l'expérience.
Descartes en a senti l'utilité , jusqu'à
regretter de n'en pouvoir faire autant d'usage
que ses vûës paroissoient l'exiger ;
des établissemens Royaux ont pourvû depuis
au désir des Sçavans , et la Physique
est devenue expérimentale , non - seulement
par le commun accord de ceux qui l'ont
cultivée avec le plus de succès , mais aussi
par la libéralité des Princes , &c.
L'Auteur parle ensuite du projet qu'il fit
il y a plus de quatre ans, d'établir des Cours
E v
de
926 MERCURE DE FRANCE
de Physique Expérimentale , comme il y en
a dans plusieurs Villes d'Italie , d'Allemagne
, d'Angleterre et de Hollande , et il dit
que cet établissement paroissoit être désiré
dans Paris par les Etrangers même , que
l'amour des Sciences y attire.
Ces considérations , continue-t'il , animoient
mon zele ; mais quand je pensois à
l'execution , j'étois effrayé par le nombre des
difficultés que je prévoyois ; et je ne les
prévoyois pas toutes , &c. Voici l'ordre que
I'Auteur observe dans ses Cours d'Experiences.
J'expose en peu de mots , dit - il , l'état
de la question ; je prouve mes propositions
par des opérations relatives ; j'indique les
aplications qu'on en peut faire aux Phénomenes
les plus ordinares , et les lectures
qui conviennent à ceux qui voudront des
explications plus amples ; l'expérience de
trois années m'a fait connoître que cela suffisoit
pour procurer aux uns les premieres
notions qu'ils n'avoient pas , pour donner
à d'autres des idées plus nettes de ce qu'ils
ne sçavoient qu'imparfaitement , et pour exciter
en tous un loüable désir de connoître
les principaux effets de la Nature ; pour
concevoir la cause des effets les plus curieux
, les plus communs , les plus interessans
, lorsqu'elle est démontrée d'une maniere
MAY. 1738. 927
niere sensible et agréable par des faits qui
éclairent l'esprit en parlant aux yeux ; pour
reconnoître dans des cas préparés des loix
que la Nature suit d'une maniere uniforme
dans toutes les occasions ; pour acquérir
quelques idées capables de fermer par avance
toute avenue à une infinité de préjugés
populaires ; faut- il autre chose que le sens
commun de la part du Sujet et l'attention
de ne lui en point faire une étude trop pénible
de la part de ceux qui le conduisent ?
XXIII. RECUEIL des Lettres édifiantes et
eurieuses , écrites des Missions Etrangeres
par quelques Missionaires de la Compagnie
de Jesus. 1738. in - 12 . A Paris , chés Nicolas
le Clerc , rue de la vieille Bouclerie , à
S. Lambert ; et chés P. G. le Mercier , ruë
S. Jacques , au Livre d'or.
, >
ESSAIS sur la nécessité et les moyens de
plaire. Seconde Edition, à Paris , chés Prault,
Fils , Quai de Conti , 1738.
Cette seconde Edition , dit le modeste
Auteur dans sa Préface, prouve l'indulgence
du Public pour les Ecrits dont la matiere est
par elle- même digne de son attention ; attipar
le mérite du sujet , il excuse la foiblesse
de l'Ouvrage . Quelle prévention favorable
n'ai -je point aussi trouvée dans la
E vj

plûpart
928 MERCURE DE FRANCE
plûp art des Personnes, qui joignent à l'esprit
d'examen , l'habitude d'en faire usage ! J'ai
besoin que cette prévention dure : ni un
grand nombre de corrections , ni quelques
augmentations , quoique faites avec soin ,
n'auront point sans doute réparé tous les défauts
répandus dans ce Traite. Bien des gens
ont été blessés du Titre , je n'ai pu l'ignorer
, et je les prie de me faire la justice de
croire , que si je le laisse subsister sans aucun
changement , ce n'est pas manque de
déférence pour leur opinion : le mot d'Essais,
qui n'est cependant que trop bien justifié par
Ouvrage, n'a pu me faire trouver grace auprès
d'eux ; je ne me plains point de cette
rigueur , elle est fondée. Il faut convenir
qu'à suivre la premiere idée , que présente à
l'esprit un Titre qui annonce des moyens de
plaire , on ne peut s'empêcher de soupçonner
l'Auteur de promettre avec présomption ,
ce qu'il n'est point en état de tenir. Je n'apayerai
point ma défense sur ce qu'en lisant
P'Ouvrage , on reconnoît que ces moyens
existent qu'ils naissent des principes de la
Morale Chrétienne , et que l'Education peut
facile ment nous les faire acquérir . Je conçois
qu'il en est de l'impression que mon
Titre a faite , comme de la répugnance que
nous sentons pour ces hommes , dont le
maintien semble nous annoncer qu'ils e
croyent
MAY. 1738
929
croyent beaucoup de mérite ; on a beau se
convaincre par la suite , que leur commerce
n'a rien qui tienne de cet extérieur qui nous
indispose ; on ne s'accoûtume point à leur
air. Je n'aurois donc pas manqué dans cette
seconde Edition d'ôter à mon Titre cette
malheureuse ressemblance, que j'ai trop tard
aperçuë ; mais une autre crainte m'a retenu :
on m'auroit peut être accusé de vouloir
tromper le Public , en lui offrant le même
Ecrit sous une face nouvelle. Réduit à choi
sir entre deux torts , je m'expose à celui qui
me paroît le moins à craindre , &c.
-
PENSE'ES SUR LA DE'CLAMATION,
par Louis Riccoboni , à Paris , ruë S. Jacques,
chés Briasson , la Veuve Delormel , ruë du
Foin , et Prault , Fils, Quai de Conti. 1738.
in 8. de 45. pages , sans l'Epitre au Duc
de Gêvres ; prix 24. sols.

Ce petit Ouvrage mérite l'attention de
ceux qui aiment la vraïe et la belle Déclamation
: et qui ne l'aime pas ? Tous les hommes
, de tous les âges, de toutes les Nations,'
aiment l'Imitation ; c'est-à-dire, à être agréablement
séduits et ils s'empressent tous
d'aller au devant de cette sorte de séduction,
dont ils sont aussi charmés , quand elle est
juste et naturelle, qu'ils ensont choqués, quand
,
elle
930 MERCURE DE FRANCE
elle est foible , outrée , ou qu'enfin elle s'éloigne
du vrai
Après les excellentes Observations sur la
Comédie et sur le génie de Moliere
, que M.
Riccoboni nous donna il y a deux ans , le Public
étoit en droit d'attendre encore quelque
chose sur une matiere qu'il connoît, et dont
il parle si bien ; je ne sçais même si on l'en
quittera pour cette Brochure , quelque cas
qu'on en fasse ; nous allons essayer d'en don
ner une idée juste .
L'Art de la Déclamation consiste à joindre
à une Prononciation variée , l'expression
du Geste : il ne suffit pas d'avoir une belle
voix , et un mouvement noble , &c. il faut
réfléchir et s'exercer. La Nature produit les
Diamans , mais elle ne les polit pas ; ils ne
brillent qu'à force de travail.
Cet Art est apellé l'Eloquence extérieure.
Les Orateurs Sacrés , le Bareau , les Académies
, la Sorbonne , les Colleges , les Socié
tés Sçavantes , les Conversations , les Dispu
tes , les Théatres , tout engage à sçavoir l'Art
de la Déclamation, qui renferme tout ce qui
est du ressort de la Langue , qui articule et
qui parle , car il n'y a point de discours si
familier , ni de conversation si simple et si
paisible , qui n'ait ses infléxions de voix marquées
par la Nature , qui ne s'est jamais répetée
M.X Y 1738
9F1
petée en formant les hommes , pas même
dans les plus petites parties du Corps , ne se
trouvant que très-rarement deux Visages qui
se ressemblent , mais jamais parfaitement :
On peut dire de même , que jamais la voix
des hommes ne se ressemble , ce qui fait
qu'on ne sçauroit prescrire des Tons certains
et convenables à tant de milliers d'hommes
dont chacun a une voix diférente. Si l'ame
pénetrée de la force de la pensée , en dicte
la prononciation , les tons seront vrais et variés
à l'infini ; depuis l'Héroïque le plus éle
vé , jusqu'au familier le plus simple.
La parole n'est pas le seul.
dont se
sert l'Art de la Déclamation , pour exprimer
les sentimens de l'ame La Nature a mis dans
les yeux des expressions convenables , et l'on
peut dire dans la Déclamation , les yeux
que
occupent la plus belle place , et on ose as
sûrer que sans leur expression muette , la
parole ne pourroit jamais suffire à l'expression
sublime que l'ame exige quelquefois :
et même sans le secours de la parole , ils expriment
très -bien la crainte , la fureur , la
honte , la hardiesse , l'ironie , la tendresse
Findifference , l'envie , la joye , la douleur
& c.
moyen
Si les mouvemens du corps et des bras, ne
tiennent pas une place aussi honorable que
celle
932 MERCURE DE FRANCE
celle des yeux et du visage , dans l'Art de la
Déclamation , ils ne sont pas pour cela inutiles
ni à négliger. Un parfait Orateur destitué
de l'avantage d'un maintien noble , et
d'un geste gracieux , perd beaucoup de son
mérite ; les bras ont leur éloquence aussibien
que le visage , et l'Enthousiasme de cet
Art , lorsqu'il est vif , s'il n'ajoute pas des
graces à la Nature sur l'article des bras , il
lui donne de la force, du moins. Car on ne
disconvient
pas , dit l'Auteur , que c'est de
Nature seule qu'on a le don de les remuer
avec dignité et avec grace . Mais
si l'Orateur parvient à déclamer dans l'Enthousiasme
des tons de l'ame , alors il remuera
les bras sans s'en apercevoir,parce que
ce sera l'ame qui les y forcera , et ses gestes
ne porteront jamais à faux. Ici M. Riccoboni
recommande à ceux même qui ont assés
de talent pour n'avoir pas besoin d'étudier
leurs gestes , de prendre garde au moins à ne
pas les prodiguer.
....
Dans la Déclamation , jusqu'à la pensée
nous est interdite ; cet Art enchaîne , pour
ainsi dire , tous les sens , notre ame en est le
seul artisan , nos organes et les diverses parties
de notre corps n'en sont que les ministres
; d'où l'Auteur conclut qu'on ne peut
déclamer juste qu'avec les tons de l'ame ; et
pour
M A Y. 1738.
933
pour cela il s'agit de déclamer si naturellement
, que le Spectateur soit forcé de croire
que ce que dit l'Acteur , il le pense dans
Finstant même.
MONTALANT , Libraire et Imprimeur
, Quai des Augustins , donne avis au
Public qu'il a reçû depuis peu les deux Li
vres suivans.
ANNALES Ecclesiastici , ab anno 1566. ubi
Odericus Raynaldus desinit. Authore Jacobo
de Laderchio , Faventino , Congregationis
Oratorii Presbytero. in- folio 3. Vol. Roma.
1737.
CODEX ITALIE DIPLOMATICUS , quo non
solum multifaria investiturarum Littera, ab Au
gustissimis Romanorum Imperatoribus , Italia
Principibus et Proceribus concesse atque tradita
, verum etiam alia insignia varii generis diplomata
, tam edita ,
ipsos concernentia continentur , omnia col
legit , ac Elencho Indiceque reali instruxit ;
Joannes - Christianus Lunig. 4. Vol. in-fol.
Lipsia. 1737.
quam
multa Anecdota
qua
,
;
INTRODUCTION à la Géographie.
Ancienne et Moderne. L'ASIE , Table Géographique
, où l'on fait voir d'un coup d'oeil
les Noms anciens et nouveaux des Empires ,
Royaumes , et Etats de ce Continent , avec les
Bornes
934 MERCURE DE FRANCE
Bornes , & c. Présentée à M. HERAULT
Conseiller d'Etat , Lieutenant Général de Polices
par M. de Gourné , Prêtre . Ouvrage
extrémement utile à tous ceux qui sont chargés
de l'Education de la Jeunesse. Le prix est de
25. sols.
Nous avons déja fait connoître le mérite
de cet Ouvrage , lorsque nous avons parlé
de la premiere Table qui concerne l'EUROPE.
On y apprend beaucoup de choses à la fois
avec une médiocre attention , et en s'amusant
agréablement. Par- là on se facilite l'intelligence
de plusieurs Endroits de l'Ecriture.
Sainte , des Historiens, des Poëtes , et on se
fait une introduction utile pour aprendre so
lidement la Géographie Ancienne , et Mo
derne .
L'ARISTIPE MODERNE , vol. in- 12 . 17381
Pag. 424. à Paris , au Palais , chés Grangé et
Dupuis.
Ce: Ouvrage que nous avons déja annons
cé , paroît aussi agréable qu'utile.
Il s'agit dans cet Écrit, (dit l'Auteur dans sa
Préface,) d'une Morale,où la dévotion ne soit
pas mêlée, quoique loüable, et d'une nécessité
absoluë , ( continue-t-il. ) C'est aux Théolo
giens, aux Maîtres de la vie spirituelle à nous
en donner des leçons , et non pas aux Philo
sophes. Les uns et les autres courent risque
de
MAY: 1738. 935
de se rendre ridicules , quand ils veulent s'ar¬
roger ce qui n'est pas de leur ressort . On ne
parlera donc ici que des qualités requises ,
pour faire un honnête homme selon le monde.
Rien ne seroit plus ridicule en effet que le
zele deplacé d'un Ecrivain seculier , qui voudroit
s'ériger en Prédicateur. C'est la Chaire,
et non pas le Portique qui doit nous instruire
des verités de la Religion , et de la science
du salut. Comme tout Livre de Morale (ajoû
te-t-il ) est extrêmement sec et ennuyeux par
lui - même , on a tâché d'égayer celui -ci
des Portraits et des Caracteres propres à présenter
à l'esprit du Lecteur les vertus et les
vices dont on y traite.
par
Cette précaution est d'autant plus sage ,
qu'il est hors de doute , que le Livre même
de M. de la Bruyere n'auroit pas été si genéralement
goûté , s'il n'eût contenu que des
Réflexions et des Préceptes . Les Carac
res qu'il a eu soin d'y inserer , l'ont fait re
chercher avec ardeur , chacun se flatant d'y
trouver des Portraits de personnes connuës.A
la Cour , à la Ville , dans la Province , on a
trouvé , ou plûtôt, on a cru trouver les Originaux
de ces Portraits . Pourquoi cela ? C'est
qu'il n'y a point de Portrait dont on ne puisse
trouver l'Original, lorsqu'il est naturel, et
que pour en faire l'aplication , il n'est assû
rément pas nécessaire que l'Auteur ait eû
quel,
937 MERCURE DE FRANCE
quelqu'un précisément en vûë. Il ne faut que
connoître l'homme en genéral , sçavoir ce
qu'il fait, et ce qu'il est capable de faire, pour
peindre d'après nature. Ceux que l'on admire
dans la Bruyere et dans Moliere , ne sont
composés que de traits ramassés de côté et
d'autre ; et c'est pour cette raison qu'ils ne
peuvent convenir à une seule personne en
particulier , comme ils conviennent à plusieurs
en genéral , parce que c'est l'homme
qu'ils ont voulu peindre , et non pas un tel
homme .
Ce n'est pas assés d'écrire contre le vice
( dit l'Auteur ) il faut le faire connoître en le
peignant tel qu'il est . Bien plus , si l'on veut
en détourner les hommes , il ne suffit pas de
découvrir ce qu'il a d'odieux , il faut en faire
sentir le ridicule et le bas. On peut dire la
même chose de la vertu.Veut-on la rendre aimable
qu'on en fasse remarquer les charmes
dans ceux qui l'ont en partage. Cette
voie est plus courte, sans doute , plus sûre et
plus agréable que celle des Préceptes.
Après avoir posé cette verité , qui est cer
tainement incontestable, l'Auteur prévient ce
qu'il s'imagine qu'on pourroit lui objecter.
Comment , ( s'écriera peut-être quelqu'un )
cet Auteur de nouvelle date a-t- il ose mar
cher sur les traces d'un la Bruyere, et de tant
d'autres grans Maîtres qui ont excellé dans
la
MAY. 1738;
937
la peinture des vertus et des vices ? Pourquoi
non ? Depuis quand la loüable Emulation
cette Mere des Arts et des Sciences, est- elle
défenduë ? N'a-t- on point vû de peintures
en France depuis les Mignards et les le Bruns !
d'illustres , sans doute , qui , s'ils n'ont pas
surpassé leurs Maîtres, ont fait voir du moins
qu'ils pouvoient les atteindre ... Que veuxje
inferer de -là , dit l'Auteur : que je crois
avoir égalé la Bruyere ? il faudroit que je fusse
dénué de bon sens ; mais que j'ai tâché de
l'imiter dans sa maniere de peindre et de
penser.
Tout homme qui embrasse un genre d'écrire
tel qu'il soit , ne doit pas moins se proposer
que d'imiter ceux qui s'y sont rendus
illustres ; il n'y a point de vanité à choisir ses
modéles parmi les plus grands hommes , et
sans croire qu'on les a égalé , on doit tâcher
de les surpasser s'il étoit possible. D'ailleurs
beaucoup de Sçavans d'un goût distingué, ct
connus pour tels dans la République des Lettres,
n'ont pas fait difficulté de convenir qu'ils
ont rencontré dans cet Ouvrage quantité de
Portraits peints d'après nature , et frapés au
coin de la Bruyere .
4
Il est divisé en quatre parties. Le Commerce
du Monde. La ortune. Les Engagemens. Le
vrai Contentement de l'Esprit. Le stile aisé et
naturel, la variété, comme les Contrastes diférens
938 MERCURE DE FRANCE
férens des Portraits , qui caractérisent les ver
tus et les vices , l'éloge des uns , la satyre ingénieuse
des autres, quelques traits d'Histoi
re raportés à propos , des Réflexions justes
des sentimens élevés , des Préceptes importans
à tout le monde , adoucissent entierement
ce que le genre dogmatique a de sec et
d'ennuyeux.
CARACTERE de la Décence. Commerce
du Monde , premiere Partie. p. 67 .
ATTICUS sçait pafaitement sa Langue ;
» et se sert sans affectation des expressions
» les plus justes et les plus propres. Il regle
» le ton de sa voix et l'action de son geste ,
» et parle d'une maniere differente de diffe-
» rentes choses , suivant les personnes avec
» qui il converse. Il est grave avec les per-
» sonnes d'âge et de capacité ; sérieux avec
>> ceux qui impriment le respect, ou par leur
» caractere , ou par l'austerité de leur vertu ;
galant et enjoüé avec les Dames , agréable
» avec la jeunesse , ouvert avec ses amis, ré-
» servé avec ceux qui entrent avec lui en né-
>> gociation : mais il conserve toujours dans
» ces differens caracteres , un air de douceur
qui le rend cher à tous. Il sçait mêler à ce
» qu'il dit, un certain charme insinuant , qui
>> touche encore plus le coeur que les oreilles ;
il accompagne ses discours d'un sentiment
» de
MAY. 1738. 939
D
de probité , d'honneur , et d'équité , et il
croit que l'homme qui n'a pas un fond de
probite, et qui ne s'attache qu'à la politesse
des manieres et des paroles , en négligeant
celle des sentimens, n'est qu'un poli uper
ficiel , qui n'a que l'écorce , &c.
PAUVRETE' orgueilleuse . Fortune.
Seconde Partie , pag. 152 .
» CASSANDRE s'imagine que, parce qu'il a
de l'esprit et des talens on doit aller le
chercher. Les grands Hommes , dit- il, sont
mauvais Courtisans.
>> Les soumissions ne sont pas faites pour
eux ; elles ne conviennent qu'à ceux qui
n'ont aucun mérite. Que ceux - là se re-
"muënt, à la bonne heure ; qu'ils fassent des
démarches ; qu'ils aillent mendier la protection
de quelqu'illustre Faquin ; qu'ils cher-
" chent des Emplois. Pour moi ne seroit- ce
pas
m'avilir ? On doit me déterrer dans
mon grenier ; la gloire de l'Etat y est inté-
Pressée , et ce ne sera point une petite tache
pour ce Regne dans la posterité, lorsqu'elle
aprendra qu'un Cassandre est mort dans l'indigence
.
»
"
و د
Qu'arrive-t- il après tous ces beaux raisonnemens
? Ceux que ce grand génie apel-
, le des ignorans er des idiots , se poussent ,
ils s'élevent , ils font déranger Cassandre
lui40
MERCURE DE FRANCE
ور
lui -même , et le collent contre une borne,
, lorsque leur Equipage passe dans la ruë ;
ils sont admis , avec distinction , en des
Lieux , dont on lui refuse l'entrée. Pour
lui , il continue de vivre pauvre , misérable
, manquant des choses les plus nécessaires
; il meurt enfin en reconnoissant, mais
trop tard , qu'il n'y a rien de plus méprisable
, rien de plus sot , qu'un gucux superbe
...On ne s'éleve qu'à force de soumissions
; l'orgueilleux doit- il se plaindre de sa
bassesse ? & c.
ف و
و د
و ر
و د
و د
ه د
و د
PRODIGES opérés par l'Amour. Engagemens.
3. Partie , pag. 245 .
L'Avarice est identifiée avec Chrysanthe
elle constitue son essence, on ne peut le concevoir
sans elle. Qui dit Chrysanthe,dit avare ,
et qui dit avare , dit Chrysanthe . Mais , â
prodige ! Célie renverse l'ordre de la nature
elle change l'essence des choses. D'un Chrysante
elle a fait un prodigue ; Chrysanthe ne
paye ses dettes qu'à regret , que le plus tard
qu'il peut , jamais , s'il peut vous surprendre
en défaut de formalité , et voilà qu'il donne
des sommes considérables à Célie , qu'il ne
lui doit pas... On connoît mal Chrysanthe
il est encore plus voluptueux qu'avare & c.
CRE'DO
MAY. 941 1738.
CREDULIT E' des Amans.
Ibid. page 241.
ERASTE n'avoit été qu'averti des infidé
lités de Nictimene, sa Maitresse ; il a pris aussi-
tôt son parti en homme de coeur , mais
avant que de la quitter , il a été bien aise , et
avec raison , de l'accabler des reproches les
plus sanglans , et de lui faire connoître qu'il
étoit informé. Qu'est-il arrivé Eraste, avant
cette démarche , a cru sans.voir ; Eraste verroit
aujourd'ui , qu'il ne croiroit pas..
ORGUEIL dans l'adversité. Contentement
d'esprit. 4 Partie , p. 367.
SOPHRONIME , doux et traitable dans la
bonne fortune , est devenu féroce et indomptable
dans Fadversité. Il déteste , il maudit
les hommes, et se roidit contre les Dieux. Il
leur présente un front altier , et comme un
Capanée ou un Ajax, il ose les braver , et les
défier de lancer sur lui leur derniers Carreaux
; il court au devant des châtimens qu'ils
préparent à son orgueilleux Titanisme. Il ne
demande point de quartier ; il n'en veut
point.... On lui présente les moyens de se
relever de sa chûte , et de sortir de l'abîme,
où il est tombé ; il veut y rester.... On lui
dit qu'un peu de douceur et de soumission
suffit pour changer la face des choses ; il re-
F jette
942 MERCURE DE FRANCE
par
jette tout accommodement. Je ne me suis
point , dit - il , élevé la fraude. Je ne me
suis point maintenu par le crime , pourquoi
suis -je tombé ? S'il y a de l'équité dans les
Dieux , pourquoi l'ont-ils permis ? pourquoi
plûtôt ne l'ont - ils pas empêché ? je ne suis
point coupable ; je ne plierai point .... C'est
ainsi que Sophronime prend le ciel à partie ;
qu'il lui demande raison de sa conduite , er
qu'il exige presque que la Providence lui fasse
réparation...Voilà ce qu'on peut apeller la
constance d'un enragé.
010
CONSTANCE de l'homme sage dans l'adversité.
Ibid. page 366.-
Quel homme est plus équitable , plus humain
, moins capable de nuire plus porté à
faire du bien qu'Aristide ? Quel homme cependant
a plus d'envieux ? Est-il quelqu'un à
qui il n'ait rendu de bons offices ? En est - il
un qui ne l'ait payé d'ingratitude ? .. . J'ai
voulu, dit-il , faire du bien à des hommes ou
vertueux , ou qui pouvoient le devenir , cela
me suffit... L'on avertit Aristide que ses ennemis
sont puissans qu'ils cherchent le
moyen de le détruire ; qu'ils le trouveront ,
qu'ils l'ont trouvé. Que répond-il ? s'il y a de
l'équité dans cette Ville, qu'ai-je à craindre ?
s'il n'y en a point , pourquoi voudrois - je y
rester ? &c. Voilà ce que j'apelle la constance
d'un homme sage,
LES
MAY. 1738 943
LES SENTIMENS DE MARIANNE , sur la
Tragédie en general , et sur celle de Maximien
en particulier , avec le triomphe de
Terpsicore, à Paris , chés Prault, pere, Quai
de Gêvres. 1738. Broch. in- 12. de 27. pag.
DE L'IMITATION de N. S. JESUS - CHRIST,
par le R. P. Pallu , de la Compagnie de Jesus.
A Paris, rue S. Jacques chés Marc Bordelet.
1738. in- 12.
LES PSEAUMES paraphrasés suivant le sens
littéral , et le prophétique. Par un Prêtre solitaire.
A Paris , ruë saint Jacques, chés Grégoire
du Puy , &c. 3. vol. in- 12.
AURELIA, ou Orleans délivrée, Poëme ,
un vol . in- 12 . se vend à Paris , chés Prault
fils , Quai de Conti , et chés Merigot , Quai
des Augustins , à la descente du Pont saint
Michel.
La quantité de Matieres que nous avons ,
nous empêche de donner un Extrait de cet
Ouvrage , que nous réservons pour le mois
prochain. Il y a dans ce Poëme une imagination
vive , des images et des expressions nobles
et élevées , et un fonds de richesses qui
doivent le faire regarder comme un des meil
leurs en ce genre.
E ij INSCRIP
944 MERCURE DE FRANCE
INSCRIPTIONS du P. Vaniere
› pour trois Empereurs
Romains
; traduites
par
A. X. Harduin
d'Arras
.
POUR AUGUSTE..
Romulea foret utgentis sors optima , nunqua
Vipere , vel nunquam debuit ille mori.
Traduction .
Auguste, pour donner aux Romains de beaux jours,
A dû ne jamais vivre , ou bien vivre toujours,
POUR CALIGUL A.

Cadefurens , Roma sibi vult altaria poni ;
Quodque hominem exuerit , se putat esse Deum.
Traduction.
Ce barbare s'égale aux habitans des Cieux ;
Parce qu'il n'est plus homme, il se croit un des Dieux
1.
POUR DOMITIEN.
.
Ambieratfrater donis sibi condere fastos :
Ille suos voluit cade notare dies.
Traduction.
Titus avoit compté ses jours par ses bienfaits :
Domitien compta les siens par ses forfaits.
ASSEM
MAY.
943 17381
************ **
ASSEMBLE' E publique de l'Académie
des Belles- Lettres de la Rochelle . Extrait
d'une Lettre écrite de cette Ville le 3. Máy
1738.
'Académie tint son Assemblée publique le 16
L'Académie le 16 .
ment. M. l'Abbé d'Hillerin , Directeur , ouvrit la
Séance par un beau Discours à la louange du Roy ;
il représenta ce Monarque comme le Pacificateur
de l'Europe , l'Arbitre des differends entre les Souverains
, qui s'empressent d'accepter sa médiation
moins par la crainte de ses Armes et de sa puissance
, que par la juste idée qu'ils ont de sa sagesse
et de son amour pour la justice , comme un Prince
apliqué sans relâche à faire le bonheur de l'Univers,
soit en assurant la félicité de ses Peuples , soit en
enrichissant les Sciences de nouvelles découvertes
par la protection constante qu'il accorde aux Beaux-
Arts , &c.
2:
M. de Chassiron parla ensuite sur le génie des
Théatres Comiques d'Athênes, de Rome, et de Paris,
dans l'Exorde on remarqua ce trait à la louange du
P. Brumoy. Les Personnes même les moins versées
dans l'étude des Langues , n'ont plus la liberté d'ignorer
l'antiquité Théatrale ; un Ecrivain célebre
vient de nous découvrir tout le prix de la Scene Grecque
, et d'immortaliser son nom en l'associant pour
jamais à ceux des Sophocles , des Euripides et des
Aristophanes.
Au commencement de la premiere Partie , l'Auteur
distingua deux sortes de vices ; les passions
générales , qui ont leur Principe dans le coeur ,
et
Fij les
946 MERCURE DE FRANCE
les défauts particuliers , qui ont leur source dans
l'esprit ; La Comédie embrasse ces deux objets ; les
uns forment des peintures pour tous les âges, les au
tres exigent des Portraits differens de siecle à siecle;
des exemples choisis et connus rendirent ces deux
propositions extrêmement sensibles . Suivit une
courte narration des trois âges de la Comédie Athénienne
; M. de Chassiron remarqua que celle des
Latins rentre absolument dans le troisiéme âge du
Théatre, laquelle il osoit , sous les auspices d'un illustre
Académiceien , distinguer entre le mérite
personnel des Poëtes et le mérite réel de leurs Ouvrages
; il crut qu'après avoir rendu justice à la vivacité
du génie de Plaute et à son heureux talent
de plaisanter , à la douceur aimable de Térence et
au naturel admirable de ses Portraits , on pouvoir
cependant soutenir que la Comédie Latine péchoit
dans le point le plus important , c'est - à - dire dans
la correction des moeurs , qui étoient particulieres
aux Citoyens de Rome.
*
Le Théatre François fit l'objet le plus considerable
de cette premiere Partie ; l'Auteur y rapella les
Mysteres que la pieté inconsiderée de nos Ayeux
osa joner publiquement , les Avantures Romanesques
qui leur succederent , et fixa l'époque de la
bonne Comédie à Moliere : C'est à ce grand Maître,
dit-il , que nous devons ces traits lumineux qui ons
porté notre Comique sur tous les Théatres de l'Europe
et qui nous donnent tant d'avantage sur celui des
Grecs et des Romains .
Il a
paru à M.
de
Chassiron
( en
soumettant
neanmoins
son
sentiment
à celui
du
Public
) que
nos
Poëtes
modernes
font
des
Portraits
partie
naturels
et partie
de caprice
; il en cita
des
exemples
, pris
de deux
Pieces
qui
ont
eu un
grand
succès
, et dont
M. de la Motte,
les
MAY
1738. 947
les Auteurs sont parvenus aux honneurs suprêmes,
de la gloire Litteraire ; il attribua ce succès à des
beautés de détail qui font heureusement glisser sur
le caractere dominant. Il passa ensuite au Théatre
Italien ; il fit connoître le génie vif et hardi qui animoit
ce Théatre dans les premiers temps , ces Sce
nes détachées d'uneCritique amere et cinique, & c.Les
nouveaux Poëtes , dit - il , ont suivi d'autres routes
ils ne corrigent, plus les vices sous le masque
seul
du ridicule , ils donnent des préceptes ambitieux de
morale et de sagesse , ils forcent Arlequin de servir
des Maîtres sérieusement graves , ils se piquent de
tous les ornemens affectés du Langage , &c.
Dans la seconde Partie , l'Auteur examina d'abord
la Comédie Grecque et Latine , relativement à l'idée
que nous avons des Pieces de Caractere . Il trouva
qu'Aristophane , a chargé ses Portraits de tant
de passions differentes , qu'on ne peut qu'avec
peine y distinguer le vice dominant ; que les Latins
n'ont point assés subordonné leurs Personnages les
uns aux autres ; que la maniere des Grecs jette de la
confusion dans l'esprit des Spectateurs, et que celle
des Romains partage nécessairement ou leur goût ,
ou leur attention. Moliere a évité ces deux défauts,
on ne voit chés lui qu'un Acteur principal , dont
le caractere dominant fait marcher à sa suite tous
les Caracteres Episodiques. Moliere a été plus loin;
le Caractere dominant reçoit un nouveau jour des
qualités accessoires que le Poëte lui préte . Tartuffe
est non-seulement hypocrite , mais encore vindicatif
et audacieux .
Les Poemes d'Aristophane n'ont point proprement
d'intrigue et ont peu d'incidents . Plaute et
Térence ont trop scrupuleusement copié Ménandre
à cet égard ; nos Comiques seuls ont rendu l'intrigue
plus agréable et plus interessante . L'agrément
Fuj
naît
948 MERCURE DE FRANCE
naît de la diversité des obstacles , qui traversent le
Mariage. L'intérêt est produit par le contraste des
Caracteres. On opose la femme au mari , le pere
au fils , la fille à la mere , la passion à la passion .
Nous entendons mieux que les Anciens l'oeconomie
du Théatre , nous avons donné une disposition
plus sensée au progrès de l'Action , un ordre plus
naturel à tous les Actes et plus de préparation à
chaque Scene , &c. cependant les Grecs balancent
toute notre gloire par la seule matiere de leurs Poëmes;
tous les sujets leur étoient libres, et ils étoient
libres eux-mêmes dans la maniere de les traiter ;
les Spectateurs étoient de moitié avec le Poëte de
toutes ses médisances ; nous sommes forcés , au
contraire , de tirer tout de l'Art pour réussir dansi
nos plaisanteries et dans nos censures , ils avoienɛ
la Satire personnelle , nous n'avons qué la Critique
générale , &c ..
M: de Chassiron parcourut encore , et toujours
par comparaison , la vrai- semblance générale er
particuliere des Fables de l'Antiquité et du Théatre
François , la maniere d'y critiquer les moeurs et d'y
attacher du ridicule , il donna à ce sujet la préférence
aux Comédies sur les Livres , parce qu'il faut
de l'aplication pour retenir les maximes d'un Auteur
à Morale , et que les yeux seuls semblent suffire
pour profiter de celle d'un Comique. Ici l'Auteur
fit cette refléxion. Les Anciens n'ont point de
Pieces qui ayent immédiatement les femmes pour
objet , Aristophane ne les introduit que comme des
Personages Episodiques , et Térence ne peint que
la vie honteuse et mercenaire des Courtisannes
Grecques , qui ne peut nous donner une idée raisonnable
de la conduite domestique et de l'allure exterieure
des Dames Romaines , &c. Nos Poëtes plus
heureux ou plus rémeraires , ont sçû mettre à profis
MAY.
1738. 949
Et un champ de Critique si fécond , et réduire le
Sexe à ne pouvoir plus rire qu'à frais communs.
Nos progrès dans l'Art Comique ont une cause
fort naturelle , nous nous sommes servis des lumieres
des Poëtes qui nous ont précedés , et par ce
moyen nous avons acquis assés . rapidement plus de
connoissance dans les défauts des hommes et plus
de perfection dans la maniere de les peindre , &c.
M. l'Abbé Dargis lut ensuite une Epitre en Vers
adressée à un ami qui lui avoit fait part de ses dé--
goûts de la vie champêtre.
Enfin M. l'Abbé Bonvallet termina la Séance par
la lecture de divers caracteres de gens fins . Comme
cette sorte d'Ouvrage ne paroît pas susceptible d'analise
, on croit ne pouvoir mieux en donner lidée '
au Public qu'en transcrivant ici dans son entier l'un
de ces Portraits . Voici le quatrième.
Argant n'est pas Gentilhomme ,il s'en faut, mais
il est riche ; ne me demandez plus pourquoi il est
»fier. Je vous dis qu'il est riche, et très- riche . Et s'il
» est nécessaire de faire ses preuves pour être fièr,com-
» me il les faut faire pour être Chevalier de Malthe,
» vous sçaurez qu'Argant jouit aujourd'hui de cent-
» mille écus de rente . Son père n'en avoit pas tant ,
» et c'étoit un bon - homme , fort simple dan's son
air et dans ses manieres ; mais il ne s'agit pas decela
; Argant les a . Il a soin de le dire vingt fois-
» le jour ; et quand il ne le diroit pas , sa maison ,
ou si vous voulez , son Palais , ses meubles , sesjardins
, sa table , ses équipages' , son jeu , tout
cela le dit assés haut. Regardez-le lui- même.
Voyez ce teint fleuri , ce visage plein , ces joues
» boursouffées, ce triple menton, ces sourcils hauts
" et toufus , cet oeil fixe et effronté , cette large
quarture , cette poitrine élevée , cette démarche
" ferme et assurée ; c'est le Giton du Livre des Ca-
Fy *racteress
950 MERCURE DE FRANCE
30

aracteres. Regardez sur tout cet air de hauteur et
de mépris qu'il a , non-seulement avec ses inférieurs
et même avec ses égaux , mais avec gens , qui ,
» au revenu près , sont de cent piques au- dessus de
» lui. Voilà encore un coup les vrais symptômes, les
vrayes indications d'un homme riche et riche jus
qu'à l'opulence. Argant a trouvé le secret d'être
»fier dans les politesses même qu'il fait. Sa manie
» re de saluer a quelque chose de si étrangement
» cavalier ; il vous regarde alors d'un certain air de
protection si arrogant ; il vous tire une sorte de
➡ révérence si négligée , si brusque , si laconique ,
→ enfin si mal décidée ; il vous donne un bon-jour ,
" un bon-soir, d'un ton de voix , si élevé, si bruyant;
en un mot , il s'est fabriqué , et il met en prati
que un plan de politesse , un cérémonial si (tonamment
ridicule , ou plutôt si choquant , que
l'on a plus de lieu de se plaindre de lui lorsqu'il
rend le salut, que lorsqu'il le refuse . Je le ménage
trop quand je dis simplement qu'il est fier ; if
va plus loin , il est grossier . Vous lui racontez une
Histoire , que lui- même il vous a prié de lur
aprendre , il vous écoute d'abord et un moment
après il vous interrompt brusquement pour vous
conter des sornettes. Vous reprenez : il n'y est
plus , il pense ailleurs enfin il evient à soi , et à
vous , il vous dit de recommencer , qu'il a perdu
le fil de votre discours , qu'il étoit occupé d'autre
chose. Il siffle en coinpagnie , il y bâille tout haut
» et souvent ; il éternue au visage de ceux à qui il
» parle . Il querelle ses Gens devant vous , il jure, il .
tempête contre eux. 11 occupe chés soi , comme
partout ailleurs , la premiere place ; incapable de
se gêner pour qui que ce soit et avec qui que ce
soit . Il ne découvre , il ne voit dans un honnête
homme indigent , qu'un homme indigent ; if
» raisonne
"
"
30
>>
לכ
30
33
1
MAY. 17388 95 %
ל כ
enyvre
à
raisonne et conclut que cet homme est méprisable
; là-dessus il le méprise ; il insulte publiquement
à sa misere. Il raille sans ménagement
et sans pudeur , comme sans finesse ; il ne pique
pas , il assomme. Et voilà ce qu'opere en lui le
" sentiment qu'il a de son bien - être . Voilà de quoi
il ne se corrigera point , premierement , tant qu'il
»aura ses cent nille écus de rente ; en second lieu,
tant qu'il verra douze ou quinze faquins qu'il
" honore du nom de ses amis , que tous les jours il
sa table et qui forment sa Cour . Lâ-
» ches Cliens , indignes Parasites , ames basses et
» vénales , coeurs de boue , qui lui font avaler à
» longs traits un venin qui lui trouble le sens et la
», raison ; qui , toujours l'encensoir à la main , l'é-
3s tourdissent de la fumée d'un parfum enchanteur
; qui l'endorment sur tous ses vices , qui
» le louent à toute outrance de vertus qu'il n'a
» point et qu'il n'aura jamais ; qui se récrient , qui
» se pâment d'admiration à toutes les sorises qu'il
dit ou qu'il fait ; qui ne se lassent point de lui
corner à toute heure aux oreilles qu'il est un
» homme également aimable et estimable , un hom-
» me généreux , libéral , magnifique , un homme
s, incomparable , le premier homme de son siecle.
» C'est un grand homme , en effet un très -grand
» homme , il a cent mille écus de rente , &c.
"
PRIX proposé par l'Académie Royale
des Sciences pour l'année 1740
Eu M.Rouilléde Meflay , ancien Conseiller aaukt
Parlement de Paris, ayant conçu le noble dessein
de contribuer au progrès des Sciences et à l'utilité que
Je Public en pouvoit retirer , a legué à l'Académie
Royale des Sciences , un fonds pour deux Prix , qui
seront distribués à ceux qui , au jugement de cette
Com952
MERCURE DE FRANCE
Compagnie , auront le mieux réussi sur deux diffe
rentes sortes de Sujets , qu'il a indiqués dans son
Testament , et dont il a donné des exemples.
Les Sujets du premier Prix regardent le Systême
général du Monde , et l'Astronomie Physique.
Ce Prix devroit être de 2000. livres , aux termes
du Testament , et se distribuer tous les ans. Mais la
diminution des Rentes a obligé de ne le donner que
tous les deux ans , afin de le rendre plus considéra--
ble , et il sera de 2500. livres.
Les Sujets du second Prix regardent la Naviga
tion et le Commerce.
Il ne se donnera que tous les deux ans et sera
de 2000. livres:
L'Académie n'a pu se conformer aux intentions
du Fondateur sur le Prix de Physique , sans proposer
souvent des Sujets qui ne donnent presque aucune
prise à la Géométrie , et dont l'aplication de--
vient par- là très- difficile , ou passe même nos connoissances
actuelles. La question de la nature et de
Ja propagation du Feu est peut-être de ce nombre,
et l'on ne pouvoit guere attendre que des Systêmes >
sur cette matiere ; aussi en a-t'on reçû plusieurs ,
parmi lesquels il y en a de très-ingénieux . L'Académie
n'en ayant point trouvé cependant qui lui
ait paru satisfaire pleinement à la question , elle
s'est déterminée à couronner les trois Pieces qu'elle
a jugées les meilleures, et qui roulent sur trois hypotheses
toutes differentes , sans autte distinction
celle de l'ordre de leur envoi et de leur numero; »
que
sçavoir , la Piece No. 4. dont la Devise est :-
Magnum iter ascendo , seddat mibi gloriä vires ,
Non juvat exfacili lecta corona jugo.
La Piece Noto dont la Devise est ,
Omne ignotum pro magnifico est.
Et enfin la Piece No: 11. dont la Devise est ,
Exercitio Athleta valsti La
MAY.
7738 955
K
Le Public verra du moins par ce choix que PAcadémie
ne prétend adopter ni rejetter aucun Systême
, et qu'au contraire elle invite les Sçavans à
lui proposer , ou à éclaircir ceux qu'ils croiront les ·
plus vraisemblables , sans qu'ils ayent à craindre
aucune partialité dans ses jugemens .
On a apris que la premiere Piece étoit de M. Leo
nard Euler , Professeur à Petersbourg. Pour les deux
autres , les Auteurs n'en sont pas connus.
L'Académie propose pour le Sujet du Prix de
Pannée 1740. La Cause Physique du Flux et Reflux´
de la Mer.On prie les personnes qui envoyeront des
Pieces , de se renfermer le plus qu'il sera possible
dans le Sujet proposé , l'Académie pouvant à l'avepir
donner les Questions qui en dépendent.
Les Sçavans de toutes les Nations sont invités à
travailler sur ce Sujet , et même les Associés Etrangers
de l'Académie . Elle s'est fait la Loi d'exclure
les Académiciens regnicoles de prétendre aux Prix.-
Ceux qui composeront , sont invités à écrire en
François ou en Latin , mais sans aucune obligation .
Ils pourront écrire en telle Langue qu'ils voudront ,
et l'Académie fera traduire leurs Ouvrages .
On les prie que leurs Ecrits soient fort lisibles ,
sur tout quand il y aura des Calculs d'Algebre.
Il ne mettront point leur nom à leurs Ouvrages ,
mais seulement une Sentence ou Devise. Ils pour
font , s'ils veulent , attacher à leur Ecrit un Billet
éparé er cacheté par eux , où seront avec cette mê→
me Sentence , leur nom , leurs qualités et leur
adresse , et ce Billet ne sera ouvert par-1
l'Académie
qu'en cas que la Piece ait remporté le Prix .
Ceux qui travailleront pour le Prix , adresséront
leurs Ouvrages à Paris au Secrétaire perpétuel de
Académie , ou les lui feront remettre entre les
mais . Dans ce second cas,le Secretaire en donnera“
est
994 MERCURE DE FRANCE
en même-temps à celui qui les lui aura remis , son
Recepissé , où sera marquée la Sentence de l'Ouvra→
ge et son numero , selon l'ordre ou le temps dans.
lequel il aura été reçû .
Les Ouvrages ne seront reçûs que jusqu'au premier
Septembre 1739. exclusivement.
L'Académie,à son Assemblée publique d'après Pâ
ques 1740. proclamera la Piece qui aura remporté
ce Prix.
S'il y a un Recepissé du Secretaire pour la Piece
qui aura remporté le Prix , le Trésorier de l'Académie
délivrera la somme duPrix à celui qui lui rapor
tera ce Reccpissé . Il n'y aura à cela nulle autres
formalité .
S'il n'y a pas de Recepissé du Secretaire , le Tré
sorier ne délivrera le Prix qu'à l'Auteur même , qui
se fera connoître , ou au Porteur d'une Procuration
de sa part.
2
Le Samedy 3. May , M. Chevalier , Pensionaire
Méchanicien de l'Académie Royale des Sciences
ayant demandé à être fait Véteran , sa place fur
déclarée vacante.Le Samedy suivant 10. de ce mois,
P'Académie élut , selon la coûtume , trois Sujets ,
dont l'un , au choix du Roy , doit remplir cette place.
Ces trois Sujets sont Mrs Clairaut et Camus , de
Ja Compagnie , et M. l'Abbé Nolet , Externe .
Le Mercredy 14.le Comte de Maurepas , Ministre
et Secretaire d'Etat , écrivit à l'Académie , que le
Roy avoit choisi M. Clairaut.
L'Académie des beaux Arts et Sciences établie
Pau , délivrera deux Prix , consistant chacun en
ane Médaille d'or le premier Février 1739. Elle ace
cordera le Prix ordinaire à l'Ouvrage en Prose
qu'elle jugera le mériter , sur le sujet suivant : La
Sagesse n'interdit point l'usage des plaisirs , mais elle
2
MAY. 1738 955
les regle. Elle accordera la Médaille réservée le premier
Février dernier , à l'Ouvrage en Vers qu'elle
jugera le mériter , et qui aura pour sujet : Combien
il est glorieux à la Province de Bearn , d'avoir vi
naître dans son sein Henry le Grand. Les Ouvrages
ne pourront être de plus d'une demi-heure de lecture
; ils seront adressés à M. de Livron , Directeur
de l'Académie ; on n'en recevra aucun après le mois
de Novembre prochain , et s'ils ne sont affranchis
des frais du port . Chaque Auteur mettra au bas
de son Ouvrage la devise qu'il voudra , la répetera.
au dessus d'un Billet cacheté , et écrira son nom
dans le Billet.
ESTAMPES NOUVELLES.
Voici deux Estampes dont l'annonce fera plaisir
aux vrais Curieux et aux plus grands Dessinateurs ,
nous osons en être les garants sans danger de nous
compromettre. Personne n'en sera surpris en lifant
le nom de Bouchardon , qui en a composé et dessiné
les sujets en large comme des especes de Bas- reliefs
, gravées à l'eau forte par C ..... de même
grandeur que les Desseins , et retouchées au burin
par El. Fessard , chés lequel on les vend , ruë S.
Denis , au grand S. Louis près le Sepulchre.
L'un de ces beaux morceaux porte pour titre
Ulisse évoque l'ombre de Tiresias. Odissée , Liv. xI
Et l'autre ,, Sacrifice à Cerés , tiré de differens Auteurs.
On vend aussi chés le Sr Fessard , une autre Es
tampe gravée par lui , moitié moins grande que
celles dont on vient de parler , en hauteur , et dans
fon
genre fort piquante , avec une expression naïve
et vraie . C'est une très aimable Personne prête à
cacheter une Lettre avec la lumiere qu'un Domes
sique
33 MERCURE DE FRANCE
tique va lui donner. Cette Estampe est d'après un”
excellent Tableau de Mi Chardin , dont le mérite
est assés connu .
Il paroît deux autres Estampes , en large , gravées
par M. C. N. Cochin , d'après les Tableaux
de M. J. Lajoue du Cabinet du Duc de Picquigni,
et de la même forme. Les sujets de ces Estampes
font la Botanique et la Pharmacie , très-ingénieusement
traités. Elles se vendent chés Lajoie , Pein
tre du Roy , Quai Pelletier , à la Boucle d'Or , er
rue S. Jacques , chés Cochin , Graveur du Roy.
Voici la 30. Estampe gravée par le Sr Moyreau ,
d'après Philipe Wauvermans , elle se vend rue
Galandé , vis - à - vis S. Blaise. Elle eft intitulée la
Chasse aux Eperviers , d'une composition admirarable
et très heureusement renduë . Elle est dédiée
au Duc d'Orleans , premier Prince du Sang , d'après
l'Original qui est dans le Cabinet de S. A. S.
et qui a 24. pouces de large , sur 18. de haut.
La suite des Portraits des Grands Hommes et des
Personnes Illustres dans les Arts et dans les Scien
ces , continue de paroître avec succès chés Odienvre
, Marchand d'Estampes , Quar de l'Ecole. It
vient de mettre en vente de la même grandeur.
JEAN- PIERRE CAMUS , Evêque de Belley , mort
à Paris le 26. Avtil 1652. âgé de 70. ans , `gravé,
par Mellan.
NICOLAS-CLAUDE FABRI DE PEIRESC , Conseilfer
au Parlement d'Aix , né en Provencé le 1. Dé-~
cembre 1580. mort à Aix , le 24 Juin 1637. des
siné et gravé par Cl . Mellan.
CLEMENT MAROT , Välet de Chambre de François
L. né à Cahors en 1495. mort à Turin en Sep--
tembre
$
MAY. 957 1738.
timbrẻ 1554. peint par Olbens , et gravé par D.
Sornique.
BENOIST AUDRAN , Graveur et Pensionnaire du
Roy , Conseiller en son Académie Royale de Peinture
et Sculpture , né à Lyon , mort à Ouzoir près
Montargis le 2. Octobre 1721. âgé de 59. ans ,
peint par Vivien , et gravé par B. Audran ,
CATALOGUE d'une belle partie de Planches de
cuivre , gravées la plûpart pár Bernard Picart , lesquelles
se vendront avec toutes les Estampes au plus
offrant à Paris , dans le mois de Juin prochain ,.
chés le S. Duchange , Graveur du Roy , rue Saint
Jacques. On pourra voir chés lui des Epreuves der-,
nieres tirées de toutes ces Planches , et avoir les
Catalogues et à Amsterdam , chés les Héritiers
de feu Bernard Picart. Brochure in- 8 . de 13. pages.
1738.
IL paroît depuis peu deux Cartes nouvelles.
La premiere , Carte réduite de l'Archipel , pour
servir aux Vaisseaux du Roy , dressée au Dépôr
des Cartes , Plans et Journaux de la Marine , par
ordre du Comte de Maurepas 1738. avec un
Mémoire imprimé contenant des Observations sur
la construction de cette Carte. Cet Archipel est en
grand Point , et bien diférent de toutes les Cartes
qui en ont parû jusqu'à présent : il est une suite de
la Carte générale de la Méditerranée en trois feüilles
, dont nous avons parlé dans le I. Volume du
Mercure de Décembre 1737.
La seconde , est un morceau considérable qui a
pour titré , Carte réduite de l'Ocean Occidental ,
contenant les Côtes d'Europe et d .frique depuis le
52. Degré de Latitude septentrionale , jusqu'à l'Equateur
ou Ligne Equinoctiale , avec les Côtes
Amerique oposées , pour servir aux Vaisseaux du
Roy
958 MERCURE DE FRANCE
Roy , dressée au Dépôt , &c. On y a joint comme
à la précédente un Mémoire , qui rend compte des
principales Remarques et Observations dont on
s'est servi pour sa construction , et des corrections
les plus essentielles qu'il étoit nécessaire de faire sur
les Cartes de Navigation.
Quoique ces Cartes ayent été dressées par les
ordres du Ministre de la Marine , pour le service des
Vaisseaux du Roy , le Comte de Maurepas a bien
voulu les donner au Public , et il en a permis la
vente , au profit du St Bellin , Ingenieur au Dépôt
des Plans de la Marine , Auteur de ces Cartes. Elles
se trouvent à Paris , chés le Sr Jailliot , Géographe
du Roy , Quai des Augustins.
Le Chevalier de Lussan Ingénieur et Directeur
de l'Ecole Militaire , établie à l'Hôtel de Mars , rue
de Tournon à Paris, a fait le 12. Mars dernier l'Ouverture
de ses Dissertations publiques , sur l'Attaque"
et la Défense des Places . Les Conférences à ce sujet.
se continueront tous les Mercredis de chaque Semaine
, depuis trois heures après midi jusqu'à cinq
La fin qu'on se propose dans ces Conférences , est
d'aprendre à ceux qui se destinent à la Profession
des Armes , de quelle maniere se doivent conduire
tous les travaux d'un Siége , par raport aux diver -
ses situations des Places ; et quelles sont toutes les
diférentes chicanes que l'Assiégé peut mettre en
usage , pour faire une opiniâtre défense .
" Mais comme pour bien conduire une Attaque,
et pour y oposer une vigoureuse Défense , il est
nécessaire d'être parfaitement instruit de tout ce qui
regarde l'Art de fortifier les Places ; on parlera de
l'origine des Fortifications , de la disposition des
Enceintes , des Lignes dont elles sont formées , des
divers sentimens des plus célebres Ecrivains sur la
maniere
MAY. 959 1738.
maniere de les disposer , des Maximes généralement
reçûës par tous les Ingénieurs , et du Systême de
M. de Vauban. En discutant les avantages et les
défauts , que renferment tous ces diférens projets
dans l'Art de fortifier une Place , il sera aisé de déterminer
quel est celui que l'on doit préferablement
adopter. Tout ce qu'on dira sera rendu sensible
par des Profils et des Reliefs , qui représentent non
seulement toutes les Pieces de Fortification ; mais
encore les Travaux , qui se font pour les attaquer
et les défendre .
On proposera à ceux qui ont quelque connois
sance du Calcul Trigonométrique , une maniere ai
sée de trouver la valeur des Lignes et des Angles
de la Fortification ; et en faveur de ceux qui ne
sont pas initiés dans les Mathématiques , on donnera
pour la même fin des Pratiques simples , dont
avec un peu d'usage on pourra très - utilement se
servir.
Lorsqu'il s'agira de la Construction méchanique
d'une Place , et de la maniere de la tracer , on
aprendra à connoître les matériaux qu'on doit em
ployer pour construire les Villes de Guerre ; comment
on doit les toiser , en faire les Devis et les
Marchés avec les Entrepreneurs , calculer l'excava➡
tion des Fossés , et lever promptement toute sorte
de Plans. Ce qui donnera lieu à divers Sujets de
Dissertations sur les Fossés secs ou pleins d'eau , sut
P'utilité des Mines et des Contremines , sur la maniere
de les construire , & c.
Ce n'est pas assés qu'une Place soit bien bâtie et
bien fortifiée , il faut qu'elle soit suffisamment fournie
de Troupes , de Munitions et de Vivres . Comme
l'Aprovisionnement des Places est essentiel
pour la défense , on entrera dans quelque détail à
ce sujet : ce qui fournira matiere à de très-impor→
tantes
966 MERCURE DE FRANCE
Fantes considérations , par raport au nombre des
Troupes de la Garnison , et à celui des Habitans ;
à la quantité et à la qualité des Provisions de Boùche
et de Guerre ; aux Hôpitaux , aux Secours , et
aux Ravitaillentens . C
C'est après avoir suposé qu'une Place a été mise
en un bon état de défense , qu'on traitera de la maniere
de conduire tous les Travaux pour l'attaquer.
On proposera plusieurs Projets d'Attaque et de Défense
; on déduira les diverses ruses et chicanes
qu'on peut mettre en usage , tant pour se mettre à
Fabri des coups de l'Assiégé , que pour accélerer la
prise de la Place .
On examinera comment il faut disposer et servir
les Batteries , surtout celles à Ricochet . Comment
on doit attaquer successivement chaque Piece de
Fortification , s'y loger , et s'y mettre à couvert.
On dira en quelle façon on doit monter à la Bréche,
et donner l'Assaut ; enfin on parlera des Capitulations
, qui doivent être plus ou moins honorables ,
selon la défense que le Gouverneur aura faite , et
l'état où la Place se trouve réduite.
Tous ceux qui voudront honorer ces Dissertations
de leur présence , pourront y proposer des
doutes et des difficultés , qu'on tâchera de lever er
d'éclaircir , autant qu'on en sera capable
Nouvelle PENSION pour l'Education
des Enfans.
Pour peu qu'on ait médité sur l'Education , il est
aisé de voir qu'on ne met point assés à profit les
premiers temps de la jeunesse . Les Enfans ne sont
pas censés d'ordinaire susceptibles de Doctrine , jusqu'à
ce qu'ils aprochent de leur septième année ,
et l'on croiroit perdre sa peine si l'on commençoit
MAY. 17385 971
"
deux ou trois ans à leur donner des Leçons suivies
; d'ailleurs on s'imagine que rien ne presse , et
qu'on aura du temps de reste dans la suite de l'Education
, mais c'est une erreur , il y a tant de choses
à sçavoir pour se couduire dans le monde , que
l'Instruction ne sçauroit venir trop tôt ; et la négli
gence sur cet article influe nécessairement sur toute
la vie .
D'où vient qu'un Aîné , un fils unique , un enfant
chéri , est ordinairement plus reculé qu'un autre
, si ce n'est qu'étant mis trop tard à l'Etude , et
dong-temps occupé de jouets et de bagatelles , cer
enfant prend insensiblement une habitude de dissipation
et d'oisiveté qui l'éloigne ensuite de toute
aplication , et qui en fait souvent un médiocre
Sujet ?
La perte des premieres années est donc un malheur
pour les Particuliers et pour l'Etat , mais un
'malheur presque inévitable , puisque l'on n'a com
munément ni Maître ni Méthode pour bien diriger
la premiere institution . Elle est , comme on sçait ,
pleine d'embarras et de dégoûts ; tout le monde les
prévoit et les apréhende , aussi ne se trouve - t'il
guere de gens capables, qui veuillent ,se charger de
'soins si pénibles .
Quoiqu'il en soit , quelques Particuliers zélés
pour l'Education , se sont attachés à vaincre ces difficultés'
; et dans la vûë de se rendre utiles au Public
, ils n'ont épargné ni soins ni dépenses pour
préparer une Maison où l'on pût trouver tous les
arrangemens nécessaires pour l'avancement et la
formation de la premiere enfance , à l'instruction
de laquelle ils veulent se consacrer.
Leur Maison grande et logeable est dans une
belle exposition , et dans un Enclos des plus spaçieux
, à l'endroit où la Marne se joint avec la Sei-
Be
962 MERCURE DE FRANCE
ne. Il y a Cour et Bassecour , des Potagers et des
Vignes , avec des Parterres , un Bois et des Allées ,
pour la Promenade .
L
On y recevra les enfans dès l'âge le plus tendre,
et on les conduira d'une maniere instructive et amusante
, pour les initier dans toutes les connoissances
qui conviennent à des Enfans de Famille. On employera
pour les commencemens les Opérations du
Bureau Typographique , parce que cette Méthode a
paru plus ingénieuse et plus proportionnée à la foiblesse
de l'Enfance , en ce qu'elle répand des agrémens
et de la variété sur les premiers exercices ;
Méthode au reste éprouvée par la Critique , perfectionnée
par l'Usage et apuyée par d'augustes Protecteurs
; Méthode enfin qui fait chaque jour de
nouveaux progrès , tant à Paris que dans les Pro- al
vinces.
Outre les Prieres et le Catechisme , qui doivent
faire la base de l'Education , on exercera les enfans
sur la lecture du François , du Latin , du Grec et du
Manuscrit ; sur les Chiffres Arabes , Romains er
Financiers , et sur tant d'autres Caracteres particu- 51
liers à l'Imprimerie ; ou qui sont employés par les
Medecins, les Astronomes et les Géometres; exercice
qui leur donnera une lecture universelle et
sçavante , et qui les familiarisera de bonne heure
avec les Livres .
On y joindra la pratique de POrtographe , l'Ecriture
et le Dessein ; les principes de l'Arithméti
que et de la Géométrie ; le Blason , la Fable , &c.
Tous les Elémens de la Chronologie , de l'Histoire
et de la Géographie , tels qu'on les trouve dans
le P. Buffier , et dans les Ouvrages de M. l'Abbé
Lenglet.
Ön leur aprendra de plus , quelques Sentences
ou Proverbes choisis , tout ce qu'il y a d'essentiel
dans
1
0
MAY 173·8. 983
dans les Rudimens Latins- François , les préterits et
Supins de la Langue Latine , les termes et les définitions
des Arts et des Sciences , avec un Abrégé
des Racines Grecques. Voilà de quoi remplir la
mémoire de nos Eleves , qui sçauront presque tour
cela par coeur , à force de le lire et de l'entendre..
Après cette acquisition de connoissances élémentaires
, on donnera ses soins à l'explication des
Auteurs , et à la composition des Thêmes , afin de
mettre les enfans au point de Latinité nécessaire ,
pour être admis dans les Colleges , soit pour les
Humanités , soit pour la Philosophie. Du reste , on
distribuera tellement les occupations et les heures ,
qu'on trouvera du temps pour la Danse , la Musique
et les Instrumens ; sur quoi il y aura des Leçons
réglées.
Telle est donc au juste la destination de notre
Etablissement : on se chargera d'instruire les enfans
de bonne heure , de leur inspirer du goût pour les
Exercices Littéraires , et de les mettre au College
plus instruits et plus forts , qu'ils n'y vont communément
; et pour lors , comme ils y entreront fort
jeunes et avec de bonnes dispositions
point obligé d'interrompre leur Etudes , pour les
mettre dans le Service , ou dans les Affaires .
> on ne sera

On insistera sans relâche sur la Lecture , la
Grammaire Françoise , l'Ortographe et l'Ecriture ;
sur les Elémens de Géometrie , l'Arithmétique , la
Géographie , l'Histoire , &c. Ces connoissances
font un objet important pour une bonne Education,
en ce qu'elles donnent pour tout le reste une entrée
agréable et facile , et qu'enfin, elles sont utiles
à tout âge et pour tous les états , cependant si on
les néglige dans la premiere jeunesse , on a rarement
occasion de s'y perfectionner dans la suite , à
cause
964 MERCURE DE FRANCE
cause des occupations ou des amusemens qui ace
compagnent d'ordinaire un âge plus avancé.
On tâchera aussi de familiariser les enfans avec
les Arts et les Sciences ; c'est pourquoi on leur fera
voir tant en François qu'en Latin , les Auteurs les
plus propres à fournir des notions exactes sur l'Art
de penser , sur la Morale , le Droit Public , et le
Droit Civil , la Cosmographie , la Medecine , et les
autres dépendances de la Physique ; le tout suivant
leur âge et leurs dispositions.
A l'égard de l'Instruction morale , on s'attachera
spécialement à leur faire aimer l'ordre , la raison et
la vérité ; à les préserver de l'esprit de contention
et de chicane , et surtout à les rendre polis , justes
et bienfaisans pour tous les hommes ; en un mot ,
on tâchera de les former dès l'enfance aux plus tendres
sentimens de l'humanité et de leur aprendre
à respecter l'homme , malgré ses défauts et ses
égaremens.
>
Les Maîtres de cette nouvelle Ecole sont des gens
de Lettres , qui ont du goût et des connoissances, et
qui pénetrés de l'importance de l'Education ne
croyent pas avilir leurs talens , en les consacrant à
'cet emploi obscur et pénible.
Au reste ils ne s'attachent au Systême de la Typographie
, que parce qu'il s'est trouvé par l'expérience
, plus fructueux et plus facile , et qu'il a toujours
paru tel à une infinité de gens éclairés , qui
l'ont aprofondi , et qui lui ont donné leur aprobation.
Il n'est pas douteux qu'une Méthode , qui s'est
si fort accréditée par plusieurs Educations connues,
ne doive réussir dans une Ecole où les enfans ' auront
le puissant mobile de l'émulation , et où les
Maîtres auront les arrangemens , les Bureaux , les
Livres,
MAY. 1738.
Livres , et les autres accompagnemens de la Typographie
; mais surtout où l'on pourra suivre sans
contradiction tout ce que l'esprit méthodique a fait
imaginer de plus raisonable ; avantages d'où dépend
essentiellement le progrès des enfans , et qui
ne se trouvent presque jamais dans les maisons particulieres.
On fournira aux Pensionaires le logement , la
nourriture , le blanchissage , le feu , la lumiere et ,
si l'on veut , P'habillement ; en un mot , tout ce
que l'on peut souhaiter pour la subsistance et l'entretien
d'un enfant de Famille , tant en santé, qu'en
maladie.
>
On fournira de plus les Maîtres , les Livres , le
papier , les plumes , les Instrumens de Musique et
de Mathématiques ; et généralement tout ce qui
est nécessaire pour une belle Education le tout
pour une somme dont on conviendra et qui sera
modique , eu égard aux conditions que l'on propose
; de sorte que la Pension une fois payée , on ne
demandera plus rien , pour quelque raison et sous
quelque prétexte que ce puisse être.
Il ne reste plus qu'à prier les Parens de ne se
point prévenir d'avance , qu'ils se donnent la peine
de voir et d'examiner , et l'on espere qu'ils auront
lieu d'être satisfaits .
La Maison qui s'apelle Alfort , est située au dessus
du Pont de Charenton , dans la Paroisse de
Maisons , à une bonne lieuë de Paris . On pourra
s'adresser à Paris même à M. de Villeneuve , chés
M. Marin , Clerc ordinaire de la Sainte Chapelle ,
dans la Cour du Mai au Palais .
Le Sr Denielles , ancien Chirurgien de l'Hôtel
de Ville de Paris , continue son Kemede fondant ,
avec succès , pour la guérison des Ecroüelles ; ce
G Remede
966 MERCURE DE FRANCE
*
Remede se prend intérieurement tous les jours jus
qu'à parfaite guérison ; il n'est pas plus gros qu'un
grain de poivre , et n'altere ni la santé ni le tempérament
, il en a donné à un enfant à la mamelle ,
il n'est pas bon aux personnes pulmoniques , il est
un peu purgatif , et dans certain tempérament , sudorifique
, c'est un des grands fondans que l'on ait
encore vû sans craindre d'accident ni fatiguer le
malade ; il en a guéri un en sept mois , qui étoit attaqué
de cette maladie depuis dix -huit ans. Il peut
envoyer son Remede par la Poste dans tous les Pays;
les Personnes de Province qui sont attaquées de
cette maladie , pourront écrire au Sr Denielles , en
marquant l'état de la maladie , le tempérament du
Malade , le temps que la maladie a commencé , le
sexe et l'âge ; ils auront la bonté d'affranchir à la
Poste les ports de Lettres. Ledit Sr. Denielles demeure
rue du Martrois , devant S. Jean en Greve
à Paris.
Le Sr Dornel , connu depuis long temps pour
habile Harmoniste , vient de mettre au jour un
petit Ouvrage de Symphonie , qui , s'il ne mérite
pas l'admiration des grands Maîtres , est du moins
très -propre à flater l'oreille , au jugement des Connoisseurs
.
On ne le vend que 2. livres 8. sols , à la Regle
d'or , rue S. Honoré ; et à la Croix d'or , rue du
Roule. On trouve aux mêmes Adresses , et pour le
prix de 6. livres , le Livre de Pieces de Clavecin du
même Auteur.
Le Sr David , Maître de Musique , Eleve de feu
M. Bernier , si renommé , vient de donner une
nouvelle Méthode pour aprendre très - facilement la
Musique , et l'Art du Chant ; elle se vend 7. livres
MAY 1738% 967
ols , à Paris , chés la Veuve Boivin , raë S. Honoré
, et chés M. le Clerc , rue du Roule ; et à
Lyon , chés M. Thomas , ruë Merciere.
2 2 2 2 2 ********
CHANSON.
Redoutez l'éclat du Tonnere
Tremblez que sous vos pas ne s'entr'ouvre la Terre
Vous commettez, Gregoire, un forfait odieux ;
Les Elemens vont vous livrer la guerre ;
Vous offensez les hommes et les Dieux ;
Il reste encore , helas ! du vin dans votre verre.
SPECTACLES.
EXTRAIT du nouveau Ballet intitulé : Les
Caracteres de l'Amour , annoncé dans le
dernier Mercure.
E Théatre représente au Prologue , l'Isle
L'de Cythere dans une belle nuit , c'est-à
dire, imminente Lunâ, comme dit le plus célebre
des Poëtes Lyriques. Venus est assise
sur son thrône, au fond du theatre , entourée
de sa brillante Cour. Les Habitans de Cythere
chantent la gloire de l'Amour. Après
quelques chants et quelques danses , Venus
s'avance sur le bord du Théatre, et fait con-
Gij noî
8 MERCURE DE FRANCE
noître ses volontés par ces paroles :
Le Dieu que vous chantez , également jaloux
De vos plaisirs et de sa gloire ,
Est le plus cher objet de mes soins les plus doux ;
Que de nouveaux accords consacrent la mémoire
Des bienfaits qu'il répand sur vous .
Elle évoque les Tibulles et les Saphos de la
France, par qui la gloire de son Fils a été célebrée
avec le plus de zele ; elle ordonne à la
Nuit de devenir plus obscure, pour rendre l'évocation
plus respectable ; elle s'exprime ainsi
Manes de ces Mortels celebres
Que le feu d'Apollon animoit autrefois ,
Quittez l'Empire des Tenebres ;
Sortez ; obéissez ; accourez à ma voix.
Les Ombres illustres obéissent à la voix
de la Reine de Cythere , et forment un
Choeur , qui exprime le plaisir qu'elles ont de
celebrer encore le Dieu qu'elles ont autrefois
chanté , ils et s'expriment ainsi :
Sortons des tenebreux Rivages ;
Venus commande ; obéissons.
ons revoir ces prez , ces jardins , ces bocages ,
Où les Oiseaux par leurs ramages ,
Répondoient aux accords de nos tendres chansons.
Venus commande ; obéissons.
Venus
MAY. 1738. 3by
Venus ordonne à la Nuit de disparoître 1
et dit aux Ombres :
L'Amour attend de vous une Fête nouvelle ;
Il faut qu'un spectacle fidele
Retrace de ses feux les triomphes divers ;
A la clarté des Cieux sa gloire vous rapelle ;
Hâtez- vous ; joignez vos concerts
Et montrez votre zele
Au Dieu charmant qu'adore l'Univers &e;
Rendez-lui le tribut qu'il exige de vous ;
Hest constant. Il est jaloux ;
Et quelquefois , il est volage.
Mais il est,quel qu'il soit, digne de votre hommage .
Les Ombres évoquées dansent un air dans
les trois Caracteres que Venus vient d'annoncer
: elles s'unissent aux Habitans de Cythere
pour celebrer cette Fête ; Venus finit let
Prologue par ces vers :
Vous traçez de l'Aïnour un image trop vaine ;
Achevez de remplir mes voeux ;
Unissez Erato , Thalie et Melpomene ;
Je vais leur ordonner de seconder vos jeux.
L'AMOUR VOLAGE. Premiere Entrée
Le Théatre représente un lieu champêtre
Leandre , Amant de Celimene ,
et Valere
Giij
Amou
970 MERCURE DE FRANCE
Amoureux de Doris, ouvrent la Scene . Lear
dre n'est qu'inconstant , au lieu que Valere
est volage. Voici comment on marque cete
difference. Valere s'explique ainsi :
Quand je quitte un objet , j'en imagine encore
De plus dignes d'être chéris ;
Et je suis plus touché d'un plaisir que j'ignore ,
Que de tous ceux dont je connois le prix.
Leandre convient de son inconstance ;
mais il tient ce défaut moins condamnable
que celui de changer à chaque instant ; il le
fait connoître par ces vers :
On trouve peu d'amours parfaites
Chés des inconstans comme moi ;
Mais des volages comme toi ,
Au lieu d'amour, n'ont que des amourette •
Cette petite contestation fait le noeud de
cette premiere Entrée. Leandre veut se rengager
avec Celimene , et Valere se détermine
sur le champ à en conter à Doris , qu'il voi
paroître ; il dit à Leandre
Va ; reprends ta premiere chaîne ;
Nous verrons qui de nous sera le plus heureux.
Valere et Doris sont bien-tôt d'accord sur
la maniere d'aimer.Valere dit à cette Bergere :
Belle
MAY.. 1738. 971
Belle Doris , demeure , et d'un coeur qui t'adore
Reçois l'hommage en ce moment ;
Sans l'éclat de tes yeux , j'ignorerois encore
Ce qu'amour a de plus charmant
Doris lui répond :
Un feu leger flate mon ame ;
J'aprouve vos tendres discours ;
Qui ne veut point d'éternelles amours ,
Peut bien écouter votre fla.nme.
Ils finissent cette Scene par ce Duo.
Sans nous picquer d'être constins ,
Jouissons de notre printemps ,
Et livrons-nous à la tendresse ;
Mais que toujours en liberté ,
Chacun puisse à sa volonté
Changer d'Amant et de Maîtresse.
Une troupe de Bergers et de Bergeres vien
nent celébrer le retour du Printemps ; Leandre
et Celimene les suivent : La Fête étant finie
, Leandre arrête Celimene , avec qui il
veut renouveller son premier amour ; CĈelimene
lui reproche son inconstance ; Leandre
lui répond qu'elle n'a pas été plus fidelle que
lui ; Celimene s'excuse par ces vers :
Vous aviez rompu votre chaîne ;
Giiij
2 MERCURE DE FRANCE
Je
brisai la mienne à mon tour.
Leandre lui repond :
C'est quelquefois un bien de se laisser surprendre
Au plaisir de se dégager ;
L'inconstance peut seule aprendre
Tout ce que l'on perd à changer.
Le repentir et les sermens de Leandre at
tendrissent et rassurent Celimene ; ils chan4
tent cc Duo.
Oublions que nos coeurs n'ont pas été fideles
Je ne veux plus aimer que vous ;
Que nos plaisirs fassent mille jaloux ;
Rendons nos chaînes éternelles .
Valere qui revient avec sa nouvelle conquê
te , témoigne sa surprise à Leandre par ce
vers :
Quoi ! Leandre devient constant ?
Leandre lui dit :
Oui , dans mes premiers fers ce beau jour me reus
gage ;
Qui de nous est le plus content
Valere lui répond :
Je suis aimé , quoique volage ;
Quel triomphe est plus éclatant !.
Leandre
MAY. 1738. 973
Leandre ordonne à sa suite de commenéer
les jeux qu'il a fait préparer. Cette agréa
ble Fête finit par ce Quatuor , chanté par
Leandre , Celimene ,Valere , et Doris , alter
nativement avec le Choeur.
Tendre Amour , viens nous engager
Par les plus agréables chaînes ;
Ne nous force point à changer
En nous faisant sentir tes peines : &c .
L'AMOUR JALOUX. Deuxième Entrées,
Le Théatre représente le Vestibule d'un
Palais. Arsame, Prince Afriquain , se félicite
de l'amour réciproque qui regne entre Elmi-
Princesse Afriquaine , et lui. Almanzor
Prince Sarrazin , Magicien , et Rival d'Arsame
, dissimule sa colere avec ce Rival ai--
mé ; Arsame se retire. Almanzor se livre à
ses transports jaloux , et jure dë së venger
d'Arsame , en le rendant jaloux comme lui ;
il évoque la Falousie . Cette affreuse Divinité
sort des enfers avec sa terrible suite ; elle di
à Almanzor :
Ne m'en croi pas moins implacable ,
Quand je quitte à ta voix mes antres ténebreux ;
Dans le coeur d'un Rival, dont le bonheur t'accable,
Je suis prête à lancer mes traits les plus affreux ;
Gy Mais
974 MERCURE DE FRANGE
Mais c'est moins pour te rendre heureux ,
Que pour le rendre miserable .
Après la Fête infernale , la Jalousie parle
ainsi :
C'est assés ; ta vengeance est prête
Ton superbe Rival va devenir jaloux :
Que tout change en ces lieux. Demons, transformez
Vous ;
Offrons aux yeux d'Elmire une brillante Fête.
à Almanzor.
Toi , prends soin se lement d'inviter à ces jeux
Le fatal objet de tes voeux.
La Jalousie se retire à l'aproche d'Elmire's
cette Princesse veut éviter Almanzor ; il l'arrête
, et lui dit :
Vous cherchez un Rival heureux ;
Il n'a que des plaisirs sous votre aimable chaîne
Hélas ! si pour prix de ses feux ,
n'avoit comme moi , qu'une éternelle peine
Il seroit bien moins amoureux :
Elmire lui répond' ::
O Cjel ! il éteindroit sa flamme !'
Non , fût- il accablé des plus cruels tourmens
Je verrai toujours dans Arsame
Le plus fidele des Amans.-
AL
MAY.
975 1738
'Almanzor lui répond :
Eh ! peut - on vous aimer autant que je vous aime ·
Il ne tiendra qu'à vous d'en juger par vous- même.
Allarmez cet heureux Amant ;
Rendez son coeur jaloux de ma gloire nouvelle ,.
Et vous verrez en ce moment
Qui des deux est le plus fidele .
Elmire consent à cette épreuve ; Alman
zor se retire pour aller presser des jeux , qu'i
dit avoir fait préparer.
Elmire se fate de la fidélité d'Arsame.
Des Démons transformés en Amours , en
Nymphes et en Plaisirs , viennent celébrer la
Fête que la Jalousie a ordonnée. Elmire
chante ces vers :
Toi , qui donnes des loix à toute la Nature ,
Amour , en ma faveur , vole du haut des Cieux ;
Lance ces traits puissans , dont l'atteinte est si sûre:
Contre le Mortels et les Dieux.
Sur un Amant fidele acheve ma victoire ;
Si je le rends jaloux , sans le rendre inconstant
Cejour , ou je t'implore , est le plus éclatant
De ton triomphe et de ma gloire,
A la fin de la Fête qui est des plus brillantes,
Arsame vient ; il trouve Almanzor auprès
d'Elmire ; il le croit aimé ; il se livre à la fur
geur jalouse ; il sort pour aller immoler un
Gvj
Rival
$76 MERCURE DE FRANCE
Rival qu'il croit heureux ; Elmire veut le dé
sabuser, et court après lui : la Jalousie l'arrê
te et lui annonce la mort de son Amant.
Elmire finit par ces vers
Va , fui , Divinité cruelle ;
Plonge-toi pourjamais dans la nuit éternelle.
Les Mortels devroient-ils se ranger sous ta loi
Quand l'Amour les unit , c'est toi qui les sépares ;
Puissent les coeurs dont tu t'empares ,
Te détester autant que moi !
Elle fait connoître qu'elle ne survivra pas
à Arsame.
L'AMOUR VOLAGE . Troisième Entrée:
Le Théatre représente la Fontaine de Vaucluse.
Pétrarque , échapé d'un naufrage , se
livre au doux plaisir de revoir la belle Laure;
et le fait connoître par ces vers ::
Quel bonheur ; quel plaisir m'attend !
Laure sera pour moi , ce que je suis pour elle ;
L'Amour me ramene constant ;
Je la retrouverai fidelle .
Des chants qu'il entend derriere le Theatre
, lui annoncent que Laure va régner ; il en
frémit. Octave, son plus tendre ami, lui confume
ce qu'il vient d'entendre , et lui diɛ
qu'Al
MAY
1738. 977
qu'Alphonse , Souverain d'Avignon , va épouser
Laure , quoiqu'elle soit toujours fidelle à
ses premiers engagemens ; il ajoute que le
bruit de sa mort répandu par tout , l'a réduite
à la fatale nécessité d'obéir à son Maître ; il
le
presse de se retirer pour n'être pas témoint
des jeux qu'on va célebrer , et dont il est à
regret l'ordonnateur. Petrarque le prie au nom
de l'amitié qu'il a toujours eu pour lui , de
permettre qu'il assiste à ces jeux , à la faveur
de quelque déguisement ; Octave y consent .
Ils se retirent. Laure vient ; elle déplore
son sort par un monologue aussi tendre que
triste. Alphonse vient interrompre sa réverie
et la presse de le rendre heureux; Laure résiste
autant qu'elle peut , et que le rang , de sujetto
le lui permet. Alphonse consent à differer
son hymen et la prie de voir des jeux qu'il
a fait préparer pour calmer ses mortels ennuis.
On voit paroître le Rhône, la Durance,
la Sorgue, des Fontaines, et des Ruisseaux ;
dans cette ingénieuse Fête , on invite Laure
à l'inconstance ; Petrarque représentant le
Rhône , exprime sa colere par ces vers :
Qu'entends-je ? quel nouveau langage !
A peine de mes flots je retiens les transports ;
Quoi ? Rhône , c'est donc sur tés bords
Que l'on chante l'Amour volage , &c.
Laure même .
Laure
378 MERCURE DE FRANCE
Laure éperduë , lui répond :
Arrêtez : Laure est toujours fidelle .
Alphonse étonné de ce qu'il entend , veur
punir le Sujet témeraire qui s'opose à son bonheur.
Petrarque se fait connoître;Laure ne peut
cacher son amour , et parle d'une maniere si
touchante à Alphonse, qu'il en est attendi ; -
il triomphe de son amour , et consent au
bonheur de ces fideles Amans. On a d'abord.
pris le change sur cette Fête , mais l'erreur
s'est bien- tôt dissipée ; on a rendu justice à
P'Auteur qui a imaginé cette fiction ; et l'on
a connu que le Rhône , la Durance , et la
Sorgue n'étoient que des personages de
Theatre. Cette derniere Entrée finit par un
divertissement où l'on célebre le triomphe
de l'Amour constant.
M. Blondi a très bien caracterisé toutes
ses Danses , qui sont fort nombreuses et fort
variées dans cet Opera. Le pas de Cinq au
Prologue est une des belles choses qu'on
ait vûës au Théatre. 11 eft dansé par les Dlles-
Sallé , et Mariette , et par les Srs. Matignon,
Javillier , et Malter.
M. de Blamont Surintendant de la Musi
que du Roi, a fait la musique de ce Ballet ,
qu'il a dédié à Monseigneur le Dauphin. L'E
pitre est de M. Tanevot.
A
MAY. 1738. 979
A MONSEIGNEUR
LE DAUPHIN.
H Eros naissant , digne Fils d'un Grand Roi
D'un Roi vai queur , genéreux , Pacifique ,
Dont l'équitable Politique
Jait de l'Europe enfin la balance et la loi ;
Reçois l'hommage d'une Muse ,
Qui , si mon zele ne m'abuse ,
Pourra chanter un jour par des accens nouveaux ,
Ex tes plaisirs , et tes travaux.
Alors , du plus beau feu brillera mon Genie ;
Et ton goût pour les Arts , nés au sacré Vallon,
M'inspirera mieux qu'Apollon ,
Tous les charmes de l'harmonie.
Tu cheris Terspicore , et tes aimables jeux
Ont déja surpassé ses voeux.
Je n'ose ici parler de ces vastes Sciences ,
De ces sublimes connoissances ,
Dons précieux , dignes de nos Autels
Que sous l'image des Mortels ,.
Les Dieux , avec des traits de flâme ,
Sans cesse impriment dans ton ame.
Les rapides progrès de tes soins stu lieux ,
Rempliront des talens la flateuse espérance ;
180 MERCURE DE FRANCE
Les Arts regnent sur ton enfance ,
Mais à ton tour tu regneras sur eux :
Daigne , pour m'élever à la gloire o aspire ,
Favoriser les accords de ma Lyre .
Au milieu des Ris et des Jeux ,
Je peins l'Amour et ses coups redoutables ; ·
Je le montre par tout sous ses traits véritables ,
Et plus il est connu , moins il est dangereux.
A Mile Sallé , représentant l'Amour fidele ,
dans le pas de cinq du Prologue des Caracte
res de l'Amour.
Que
Ue d'Amours , de Ris et de Graces
S'empressent à suivre tes traces .
Mais ne crois pas devoir à cette aimable Cour
Tout le succès qui te flate en ce jour.
D'une source encor plus divine-
L'encens que tu reçois tire son origine.
Ton coeur par mille voeux mille fois combattu , ›
A remporté toujours une gloire nouvelle.
Le triomphe de la vertu
Est celui de l'Amour fidele.
Le Samedi 3. de ce mois , on donna au Théatre
François , la vingt -deuxième Représentation des
la Tragédie de Maximien ; on les a cessées depuis .
pour les reprendre dans un autre temps.
Le
MA Y. 981
1738.
de.
Le s.la Dlle Dumesnil , qui n'avoit pas paru
puis la rentrée du Théatre , joua avec aplaudissement
le rôle d'Elizabeth dans laTragédie du Comte
d'Essex , qui eut beaucoup de succès autrefois
au mois de Fevrier 1678. sur le Théatre de l'Hôtel
de Guenegault . On prétend que Thomas Corneille
la fit en concurrence d'une Tragédie de Boyer ,
qu'on joüoit à l'Hôtel de Bourgogne sous le
même titre. En ce temps - là les deux principaux rô
les de la Reine et du Comte , étoient remplis par la
Dlle Beauval , et par le Sr. Baron.
Le 7. les mêines Comédiens remirent au Théatre
la Tragédie de Phedre et Hypolite , dont le principale
rôle tut rempli au gré d'une nombreuse as
semblée , par la Dile Dumesnil.
C'est la derniere Piece que l'illustre Racine ait
fait pour le Théatre François . Elle fut imprimée
dans sa nouveauté avec les neuf autres qu'il avoit
composées auparavant en 2. vol . in ·- 12. et représentée
à l'Hôtel de Bourgogne le premier Janvier
1677. par les ieurs de Champmêlé , Baron et Gués
rin , et par les Dlles de Champmêté , Beauval , Gué
rin , veuve de Moliere .
Racine fit , mais long- temps après avoir pris
congé du Théatre, et par'ordre du Roi , pour les Dames
de S. Cyr , les deux Tragédies d'Esther et
d'Athalie.
Il semble que l'Auteur , dit M. Baillet , ait
eu une tendresse particuliere pour cette Piéce
et qu'il ait été tenté de nous la faire passer pour
la meilleure de ses Tragédies : il prétend qu'il
n'en a point fait où la vertu soit mise en son jou
plus que dans celle- ci ; que les moindres fautes y
sont sévérement punies , que la seule pensée du crime
y est regardée avec autant d'horreur que le
srime même ; que les foiblesses de l'amour y pas
sent
982 MERCURE DE FRANCE
sent par de vraies foiblesses ; que les passions n'y
sont préfentées aux yeux , que pour montrer tout
le désordre dont elles sont caufe ; que le vice y est
peint par tout avec des couleurs qui en font connoître
et hair la difformité , et que c'est là proprement
le but que les Poëtes Tragiques doivent se
proposer.
une
Le sujet est pris d'Euripide . Il s'est trouvé des Critiques
qui ont jugé qu'il n'étoit guere propre pour
le Theatre François , et pour des Spectateurs Chré
tiens , qu'on supose avoir plus d'horreur du crime
de Phedre , que n'en avoient les Payens du temps
d'Eurypide et de Seneque . Un d'entre eux a fait
e.longue Dissertation pour en examiner toutes
les parties et le stile même , depuis le premier Acte
, jusqu'à la fin du dernier , où il a cru découvrir
quelques défauts sous mille beautés, qui les cachent
agréablement , et où il a prétendu trouver
diverses choses à redire aux Caracteres des Personages
disant que Thésée y paroît trop credule et
trop imprudent qu'il donne trop d'amour , trop
de fureur et trop d'effronterie à Phedre , qu'il souille
l'innocence d'Hypelite contre l'opinion de tous
les temps.
Le Sonnet qui contient une Critique de cette
Piece , n'est point du Seigneur à qui M. des Maiseaux
l'attribue : Il est de Madame Deshoulieres, qui
sacrifiant son bon goût à sa passion , s'étoit déclarée
pour la Phedre de Pradon . La réponse au Son→
net n'est ni de M.Racine ,ni de M. Despreaux , Elle
est de M. de Barbançon leur intime ami . Mem. de
Trevoux Septembre 1713. p . 1586.
Cette Piece jouée avec celle de Pradon en mê◄
* Auteur anonime de la Dissert. fur les Tragédies
de Racine et de Pradon.
ΜΑΥ .
983 1738.
me temps sur les deux Théatres François , attirerent
la curiosité de tout Paris . On les compara l'une
à l'autre & c. mais elles n'ont rien de commun
entr'elles que le nom des Personages ; car il y a
une très grande difference à faire , de Phedre
amoureuse du fils de son mari , et de Phedre qui
aime seulement le fils de celui qu'elle n'a pas encore
épousé. Il est si naturel de préferer un jeune
Prince, à un Roy qui en est le Pere , que pour peindre
la passion de l'une, on n'a besoin que de suivre
le train ordinaire des choses , c'est un Tableau dont
les couleurs sont faciles à trouver , et on n'est point
embarra sé sur le choix des ombres qui le doivent
adoucir ; mais quand il faut représenter une feme
qui n'envisageant son amour qu'avec horreur
, opose sans cesse le nom de Belle - mere à celui
d'Amante , qui déteste sa passion , et ne laisse
pas de s'y abandonner par la force de sa destinée
qui voudroit se cacher à elle- même ce qu'elle
sent , et ne souffre qu'on lui en arrache le secret
que dans le temps , où elle se voit prête d'expirer.
C'est ce qui demande l'adresse d'un grand Maître.
Ces choses sont tellement essentielles au sujet
d'Hypolite , que c'est ne l'avoir pas traité, que d'a
voir éloigné l'image de l'amour incestueux , qu'il
falloit nécessairement faire paroître .
Les Comédiens François remirent au Théatre
le 12. de ce mois , la Tragédie de Mithridate , dont
le Sr Rosselois , nouveau Comédien , joüa le principal
rôle , et y fut très - aplaudi . C'est un jeune
homme qui a la voix fort belle , qui se présente
bien , et qui paroît avoir beaucoup de talens pous
sa profeffion.
Cette excellente Piece fut jouée dans sa nouveau
té en 1673. sur le Théatre de l'Hôtel de Bourgo
gne
984 MERCURE DE FRANCE
gne par les Srs Champmélé , Baron , la Taillerie,
Hauteroche , et Beauval , et par les Diles Champmêlé
et Raisin.
On vante dans ce Poëme , la force et la vigueur
que l'Auteur a donnée à ses principaux Personages
, et on l'a loué d'avoir mis dans un très - beau
Jour les moeurs et les sentimens de Mithridate , c'està
- dire sa haine violente contre les Romains , son
grand courage , sa fineſſe sa diffimulation et sa
jalousie.
>
M. l'Abbé Dubos releve cependant Racine de
plusieurs erreurs de Geographie , qu'il fait com
mettre à Mithridate , en lui faisant dire à ses fils
dans l'exposition de son projet , de passer en Italie ,
et de surprendre Rome. Au troisiéme Acte.
Doutez-vous que l'Euxin ne me porte en deux jours
Aux lieux où le Danube y vient finir son cours ?
Il en pouvoit bien douter , puisque la chose est
réellement impossible. L'Armée Navale de Mithridate
, en partant des Environs d'Asaph , et du Détroit
de Caffa , où Racine établit la Scene de sa
Piece , avoit 300. lieuës à faire pour arriver aux rives
du Danube. Les Vaisseaux qui naviguent en flote
, et qui n'ont d'autre moyen d'avancer , que des
rames et des voiles , ne sçauroient se promettre de
faire cette route en moins de dix jours . Racine , die
le même Critique , sans craindre d'oter le merveil ™
leux de l'entreprise de Mithridate , pouvoit bien encore
accorder six mois de marche à son Armée, qui
avoit 700. lieuës à faire pour arriver à Rome. Le
Vers qu'il fait dire à Mithridate :
Je vous rends dans trois jours aux pieds du Capitole .
revolte ceux qui ont quelque connoissance de la
distance
MAY.
985 1738.
istance des Lieux . Quoique les Armées Grécques
et Romaines marchaffent avec plus de célerité que
les nôtres , il est toujours vrai qu'il n'y a point de
Troupes qui puiffent durant trois mois , et sans jamais
séjourner, faire chaque jour près de 8. lieuës ,
sur-tout en paffant par des Pays difficiles et ennemis
, ou du moins suspects , tels qu'étoient la plu
part des Pays que Mithridate avoit à traverser.
L'Auteur dans la composition de son Poëme
ne s'est quasi servi que des noms de Mithridate, de
ceux des deux Princes ses fils , et de celui de Mo
nime sa femme , Il a adouci la ferocité et la barbarie
de ce Roy , qui avoit fait égorger Monime ,
dont les Anciens vantent la grande beauté , et les
grandes vertus. Il le rend en mourant un des meilleurs
Princes du Monde. Il se dépouille en faveur
d'un de ses Enfans , de l'amour et de la vengeance,
qui sont les deux plus violentes passions auxquelles
les hommes soient sujets ; et l'on peut dire que
Racine a atteint dans cette Tragédie le but que
doivent se proposer les Poëtes Dramatiques ; les
principales Régles étant de plaire , d'instruire et de
toucher.
Dans les Remarques de Grammaire sur Racine ;
M. l'Abbé d'Olivet reprend plusieurs endroits de ce
Poëme; tels que celui - ci . Acte I.Scene III . Vers 76.
Et des indignes Fils qui n'osent le venger.
Cet exact Académicien distingue parfaitement bien
le des , article défini , et le des , article indéfini . Le
premier , dit -il , ne va qu'avec le Génitif, et avec
l'Ablatif ; il en donne ces deux exemples : La conduite
des indignes Fils que vous avez , &c. J'ai apris
des habiles Astronomes qui sont à l'Observatoire , &c.
Des , article indéfini , ajoute -t- il , a lieu dans tous
les cas , quand il précede un Substantif ; mais non
pas
986 MERCURE DE FRANCE
>
:
pas quand il précede un Adjectif ; il auroit dû por
ter l'exactitude un peu plus loin , et avoir fait remarquer
à ses Lecteurs que les Comédiens , lorsqu'ils
représentent Mithridate , ne disent plus des
indignes Fils , mais deux indignes Fils. Le premier
n'est qu'une faute d'Impression , et non une faute
de Grammaire , trop grossiere pour pouvoir être
sortie d'une Plume aussi élégante et aussi pure que
celle de Racine.
Acte II. Scene IV . Vers 38 .
'Aprenez que suivi d'un nom si glorieux ,
Partout de l'Univers j'attacherois les yeux ,
Et qu'il n'est point de Rois , s'ils sont dignes de
l'être ,
Qui sur le Thrône assis n'enviassent peut - être
Au dessus de leur gloire un naufrage élevé ,
Que Rome et quarante ans ont à peine achevé.
Qu'est - ce qu'un naufrage élevé au dessus de leur
gloire ? Qu'est-ce qu'achever un naufrage ?
Acte III. Scene I. Vers 79.
Attaquons dans leurs Murs ces Conquérans si fiers ;
Qu'ils tremblent à leur tour pour leurs propres
foyers.
Rimes Normandes dans foyer , c'est un é fermé ,
après lequel on ne fait point sentir l'r , ou du moins
on ne le fait sonner que bien peu ; mais dans fier
c'est un è ouvert , après lequel on fait entendre l'r
à plein . La Rime est faite non pour les yeux ,
pour les oreilles.
mais
Acte
MAY
982 1738.
Acte III. Scene I. Vers 233 .
Mais avant que partir , je me ferai justice .
On doit toujours dire en Prose , avant que de.
Acte III . Scene V. Vers 18.
Quand je me fais justice , il faut qu'on se la fasse.
Tout Nom qui n'a point d'Article , ne peut avoir
après soi un Pronom relatif , qui se raporte à co
Nom là , &c .
Acte IV . Scene V. Vers 7.
Ma colere revient , et je me reconnois ;
Immolons en partant trois ingrats à la fois.
Il n'en est pas de je reconnois , comme de François.
L'usage a décidé qu'il falloit toujours prononcer ,
je reconnais , &c.
Acte V. Scene I. Vers 15.
Dans la confusion que nous venons d'entendre .
Pour , Dans la confusion où nous venons d'entendre
qu'étoient les choses . Phrase tronquée et impropre.
Dans une petite Brochure qu'on vient d'annoncer
dans l'Article des Nouvelles Litteraires , intitulée
, Les Sentimens de Marianne , &c . avec le Triomphe
de Terpsicore , ce Dialogue entre Melpomene ,
Thalie , et Terpsicore , est terminé par cette der
niere Muse , qui parle ainsi aux deux autres :
Pas
88 MERCURE DE FRANCE
Par un aimable Enfant * , dont je guide les pas
Mon talent seul attire
La foule , qui s'assemble ici de toutes parts ;
Cet agréable Phénomene ,
Et non Thalie ou Melpomene,
De Paris étonné charme tous les regards :
Mais n'ayez point de jalousie ;
Cet admirable Enfant qui commande en ces Lieux ,
a faire les plaisirs de l'heureuse Austrasie
Et ne blessera plus vos yeux.
Par de meilleures Tragédies ,
>
Que Melpomene , enfin , songe à la remplacer ;
Et vous , faites des Comédies ,
Qui , sans vous avilir-, sçachent nous délasser .
On a apfis que les Comédiens ont fait présent de
quarante Louis d'or à la jeune Personne , dont la
Danse a fait tant de plaisir , et qu'elle a reçû bien
des marques de génerosité , de la part de quelques
Dames de grande Qualité , et de plusieurs Seigneurs
qui ont temoigné leur satisfaction par diverses
Nipes convenables à l'âge et aux talens de cet aimable
Enfant. Mais une circonstance remarquable , er
qui marque bien les sentimens que tout le monde
connoît dans une des premieres Actrices du Théatre
?
* Mlle Cammasse , âgée de neuf ans et demi , done
la Danse parfaite a été admirée sur le Théatre Franfois
, depuis le 14. jusqu'au 28. Avril . Elle partit le
29. pour la Lorraine,
François,
MAY.
1738.
François, mérite d'être raportée. Le Comte de F ***
dont le mérite et les talens égalent la naissance, fut
favor sé de la Fortune dans une Loterie brusquement
faite , il eut une petite Croix et des Boucles
d'oreilles de Diamans , de la valeur de so. à 60.
Pi toles ; Mile Gaussin accepta l'offre qui lui en fut
faite , et elle en disposa sur le champ en faveur de
la petite Danseuse ."
Les. May , les Comédiens Italiens donnerent
la premiere Représentation de trois Pieces nouvelles
, d'un Acte chacune , qui furent reçûës très-favorablement
du Public ; la premiere intitulée l'Art
et la Nature , Piece en un Acte en Vers libres , de
la composition de M. Cholet , la seconde , la Conspiration
manquée , en un Acte en Vers , Parodie de
la Tragédie de Maximien par les Srs Romagnesi et
Riccoboni ; et la troisiéme est un Ballet , dont voici
l'idée.
LES FILETS DE VULCAIN , Ballet Pantomime. Le
Théatre représente l'Apartement de Venus , qui
donne sur un Jardin très - orné , la Déesse pa oît entourée
des Graces , qui perfectionnent ses aju temens
, et la parent de Guirlandes de fleurs Mats
arrive , suivi de trois Guerriers . Il entre fierement
avec eux , salue Venus assé froidement , et s mble
ne point faire trop d'attention à ses charmes . L'Amour
paroît , badinant d une maniere enfantine.
Il aperçoit Venus , et court l'embrasser , Venus lui
fait observer le Dieu de la Guerre , qui se tient un
peu éloigné L'Amour va le prendre pour le conduire
auprès de Venus ; Mars le regarde avec hauteur
, et s'en éloigne d'un air de mépris ; l'Amour
s'aproche encore de lui tendrément , il veut lui faire
observer Venus ; Mars détourne la vûë ; l'Amour
le frape d'un de ses Traits, et s'éloigne avec vitesse .
H Mars
996 MERCURE DE FRANCE
>
;
Mars ressentant des feux qu'il ne connoissoit pas
encore s'avance vers l'Amour d'un air soumis
Cupidon prend un air de Conquérant , lui donne lá
main avec hauteur , et l'amene comme en Triom
phe aux pieds de Venus . Elle quitte son siege , et
s'éloigne de Mars à pas lents ; ce Dieu la suit d'un
air passionné Venus d'abord ne se laisse point
aprocher , enfin elle lui tend une main , qu'il saisit
avec transport ; elle ne fait plus aucun effort pour
le fuir , et ils dansent ensemble sur un Air léger ,
une espece de Dialogue très bien exprimé , qui
marque le commencement de leur tendresse mutuelle.
;
-
Les trois Graces vont prendre chacune un des
trois Guerriers , qui suivant l'exemple de Mars , se
laissent toucher de leurs attraits . Les Graces mar
chent vers le Jardin , et les Guerriers les suivent ;
Mars reste aux pieds de Venus . Vulcain entre sur la
Scene d'un air pensif et distrait ; il s'aproche de Venus
, sans la voir , et heurte Mars , qui est à genoux
auprès d'elle. Mars se leve , et salue Vulcain, qui ,
en Mari poli, le saluë aussi d'un air embarassé. Vulcain
s'aproche ensuite de Venus et lui veut prendre
la main ; elle la retire , et fait des agaceries à son
Amant. Vulcain s'impatiente , et voyant Venus parler
tout bas à Mars , il passe auprès de lui , et laisse
tomber son marteau sur ses pieds ce qui interrompt
la conversation . Venus se leve et danse seule
, sur un Air vif et galant ; Vulcain veut figurer
avec elle , mais il s'aperçoit que Mars lui tient la
main , il va les séparer à diverses reprises , ce qui
forme un Pas de Trois , à la fin duquel Mars et
Venus laissent Vulcain seul , et passent tous deux
dans le Jardin . Vulcain paroît d'abord interdit et ontré
de jalousie , enfin il entre dans des mouvemens
de fureur , qui semblent s'apaiser par la réflexion ;
il
MAY. 1738.
991
il pense aux moyens de se venger ; enfin en ayant
trouvé un qu'il croit merveilleux , il saute de joye,
et trape la Décoration de son marteau .
Le Théatre change et représente une espece
d'Antre , destiné aux travaux de Vulcain . On voit
uné Forge d'un côté et une Enclume dans le fond.
Quatre Forgerons dansent une Entrée caractérisée .
Vulcain leur ordonne de travailler avec lui ; les
uns allument la forge , les autres préparent des
verges de fer ; ils viennent tour à tour fraper sur
Penclume , et forment enfin des Filets . Dès qu'ils
sont achevés , Vulcain d'un coup de siffet apelle les
Vents , qui emportent les Filets ; et après une Dan-
Ge ou il marque sa joye d'avoir réussi , il sort avec
sa Suite Le Théatre représente alors une Campagne
délicieuse.
Mars et Venus,conduits par l'Amour dansent ensemble
un Air tendre er gracieux , à la fin duquel
ils vont s'asseoir sur un lit de Gazon. Vulcain qui
paroît sur un arbre, fait élever le Filet , qui les envelope
tous les tro s. Mars fait en vain des efforts
pour le rompre , Vulcain fait grand bruit , il apelle
tous les Dieux. Alors on voit l'Olympe , les Dieux,
et les Déesses paroissent sur des nuages , chacun
avec ses attributs. Toutes ces Divinités descendent
sur la Terre ; Vulcain leur fait voir son ouvrage ; les
Déesses regardent Venus avec indignation , les
Dieux au contraire s'intéressent pour elle , et de
mandent grace à Vulcain , qui est inexorable . Mo
mus s'aproche de lui , le pren par la main , le conduit
en riant jusqu'aux Filets , où les éclats de rire
redoublent. Vulcain picqué veut prendre la fuite ;
Momus l'arrête , et lui met sa Coëffure sur la tête ;
Vulcain s'irrite encore davantage. Enfin Bacchus
par son agréable liqueur l'apaise , et obtient la li
Hij berté
992 MERCURE DE FRANCE
berté des Amans pris dans le Pige, Vulcain don
ne un coup de marteau , les Filets se brisent . Mars
sort furieux et s'eloigne.
Les Déesses conduisent Venus auprès de son
Mari , qui refuse d'abord de se raccommoder, mais
lorsqu'elle lui est présentée par les Graces , il lui
rend sa tendresse. Tous les Dieux célebrent par
des Danses vives cette réunion .
Les Pas de ce Ballet figuré et exprimé au mieux,
sont de la Composition du Sr Riccoboni , qui , comme
on voit entend parfaitement l'Art des Pantomimes.
La Musique est du Sr. Blaise , extrémement
connu et aplaudi dans tout ce qu'il fait.
Les principaux Personnages de ce Ballet , qui
sont Mars , Venus , Vulcain et l'Amour , sont trèsbien
remplis par le Sr Romagnesi , la Dile Sylvia ,
le Sr Riccoboni , et le Sr Lefevre , jeune Danseur
d'une grande espérance .
Le 18. May , P'Académie Royale de Musique
donna la dix - huitiéme Représentation du Ballet des
Caracteres de l'Amour , et le 19. on donna par
extraordinaire , et selon la coûtume , une Représentation
de l'Opera d'Arys , pour la Capitation des
Acteurs , la même Piece a été continuée jusqu'au
19. qu'on donna la premiere Représentation d'un
Opera nouveau , qui a pour titre le Ballet de la
Paix , dont les Paroles sont de M. Roy , et la Musique
des Srs Rebel et Francoeur, Auteurs des Opera
de Pyrame et Thysbé , de Tarsis et Zelie > et de
Scanderberg. On parlera plus au long de cette derniere
Piece , qui a été reçue très-favorablement da
Public
NOUVELLES
MAY 1738: ୨୨୫
NOUVELLES ETRANGERES,
LETTRE de Constantinople du
9. Avril 1738.
Voici , Monsieur , la suite des Nouvelles de ce
Pays-ci depuis ma derniere Lettre . Le 3. Février
, M le Marquis de Villeneuve rendit sa premiere
Visite de Ceremonie au Grand Visir Yeghem
Pacha.
Le 14 Mehemet Pacha , Kiaya du G. V. fug
nommé Kaimakan . Y dki Mehemet Aga lui a
succedé dans l'Emploi de Kiaya du G V.
Le 15. le Patriarche Grec de Constantinople vint
rendre vi ite à M. le Marquis de Villeneuve , il n'y
avoit point d'exemple qu'aucun Patriarche Grec,fût
venu e personne visiter l'Ambassadeur de France .
Le même jour , le Patriarche des Armeniens vint
pareillement rendre visite an Marquis de Villeneuve
.
Le 16. le Nazir de Topana fut nommé Kiaya du
Kaimaka ; Sadoula Effendi , Vekil du Tefterdar .
Le 19. le Stambout Effendi , Ilmi Effendi , fur
déposé et relégué à Chypre ; on l'accuse d'avoir
favori é les Monopoleurs et on dit qu'il à été luimême
convaincu de monopole. On a nommé à sa
place Ali Effendi ,
Le même jour Lordou sortit de Constantinople ,
c'est une espece de Mascarade que font les membres
des diférens Corps de Métiers , qui vont accompa
gner ceux d'entre eux qui suivent le Camp du G. V.
Le Janissaire Aga , les Diebedgis , et les Topigis
Sortirent successivement de Constantinople .
Hiij Le
994 MERCURE DE FRANCE
Le 24. le G. V. alla camper à Davoud Packa, à
une lieuë de Constantinople .
Le 28. Mars sur les neuf heures du matin le
Grand Seigneur sortit du Serrail au bruit du Canon,
et se rendit au Camp de Davoud Pacha. Le chemin
étoit bordé par deux hayes de Janissaires ; les
Officiers du G. V. sans Pelisse , et en simple veste
comme des Choudars , allerent à un quart de lieuë
du Camp recevoir le G. S. ils se prosternèrent trois
fois , et le précederent ensuite portant chacun une
Cassolette de parfums à la main .
Les Ministres de la Porte en Pelisse à grandes
manches , s'avancerent jusqu'à quatre cent pas de
la Tente du G. V. et après s'être prosternés trois
fois le visage en terre , ils précederent en corps le
G. S.
Dès que le Sultan se trouva à la vûë de la Tente
du G. V. les toiles qui en forment la premiere en
ceinte s'ouvrirent , et le G. V. seul en Pelisse à
grandes manches , sans Papouches à ses pieds , et
sans aucune suite , s'avança deux cent pas , et après
s'être prosterné trois fois , il devança le G. S.
le Les toiles de la Tente se refermerent dès que
G. S. fut entré dans l'enceinte , et avec tant de précipitation
, que le Kislar Aga qui étoit resté dehors,
n'eut pas le temps de descendre de cheval , pour
marcher à côté du G. S. et entrer avec lui .
>
Le Sultan , le Kislar Aga , et le G. V. passerent
toute la journée ensemble sans qu'aucun autre
Ministre de la Porte ait eu part à leur entretien. Le
Sultan en se retirant , ne permit pas au G. V. de
l'accompagner.
Le 29. I'Ambassadeur de France étant indisposé,
envoya son Secretaire au Camp du G. V. pour sou
haiter de sa part un heureux voyage à ce Ministre.
Le 31. les Ambassadeurs d'Angleterre et de Ve-
1
nise;
C
1
MAY. فورع
·1738.
hise , et le 1. Avril l'Ambassadeur d'Hollande et les
Ministres de Suede sont allés successivement rendre
visite au G. V. sur ce sujet.
Le 4. le G. V. se mit en marche pour Andri →
nople.
à
Il y a deux ou trois ans , que Sary Bey Oglou ,
Vaivode de Degnis Kulassé dans l'Asie mineure
se révolta contre le Pacha de Guzelissar , des injustices
duquel il prétendoit avoir à se plaindre ; et
avec l'aide de quelques Brigands , s'empara d'un
Château qu'il fit fortifier , et où il s'est maintenu
quoique le G. S. ait envoyé contre lui de temps
autre quelques Troupes pour le reduire . Les Lettres
de Smyrne des § . 8. et 28. Mars dernier portent,que
le Parti de ce Rebelle avoit grossi; qu'il s'étoit encore
emparé de quelques Châteaux , qu'il pilloit les
Caravanes dans la Campagne de Brousse , et qu'enfin
après avoir brûlé quelques Villages , il avoit envoyé
un Détachement à deux lieues de Smyrne ,
dont les Primats avoient trouvé à propos de racheter
le pillage, par un present de la valeur d'environ
trente Bourses , les personnes qui ont été chargées
de
porter ce présent , ont raporté que les Rebelles
n'étoient qu'au nombre de deux mille , qu'ils s'étoient
retirés et avoient pris la route de Magnesie.
D'autres Lettres reçûës de Turquie marquent ,
que le Marquis de Villeneuve , Ambassadeur du Roy
de France à la Porte , continuoit de chercher avec
les Ministres de Sa Hautesse les moyens de terminer
les differends du G. S. avec l'Empereur et avec
la Czarine.
Des Lettres postérieures ajoûrent , que le Cheva
Her Faulkener , Ambassadeur d'Angleterre à la Por
te , et M. Kalkoën , Ambassadeur de la République
d'Hollande , ayant été informés par M. Pell que la
Czarine avoit accepté les offres , qui lui ont été
Hij faites
996 MERCURE DE FRANCE
faites par le Roy de la Grande Bretagne , et par fes
Etats Généraux des Provinces Unies , de joindre
leurs bons offices à la médiation du Roy de France,
pour tâcher de procurer un accommodement entre
Sa Majesté Czarienne et le Grand Seigneur , ces
Ambassadeurs avoient donné part de la résolution
de la Czarine au G. V.
Les mêmes Lettres ajoûtent , que le G. V. après
avoir differé long temps de déclarer celle du G. S.
avoit enfia répondu , que S. H. étoit également
disposée à conclure la Paix, si S. M.Cz. lui proposoir
des conditions quelle pût honorablement accepter;ou
a continuer la Guerre , si les Moscovites persistoient
dans le dessein de garder Azoph et O zakow ;
qu'au reste le G. S. étoit très -sensible aux marques
que le Roy d'Angleterre et la République de Hollande
lui donnoient , du désir qu'ils avoient de l'aider
à terminer ses differends avec cette Cour et
avec celle de Vienne , et qu'il verroit avec plaisir
ces deux Puissances continuer leurs bons offices
pour hâter la conclusion de la Paix ; mais qu'il n'y
avoit pas d'aparence qu'on pût si tôt assembler un
Congrès.
Les Lettres reçûës de Perse marquent , que les
Habitans de la Ville de Candahar , qui est toujours
assiégée par Thamas - Kouli- Kan , continuoient de
se défendr a ec beaucoup d'opiniâtreté , et qu'ils
avoient fait depuis quelque temps de fréquentes
sorties , dans quelques-unes desquelles ils ont tué
beaucoup de monde aux Assiégeans I ne font
point de quartier aux Persans qui tombent entre
leurs mains , et ils emmenent tous les Chevaux
qu'ils peuvent prendre . Cette derniere circonstance
donne lieu de conjecturer qu'ils commencent à
manquer de Vivres , et que ces animaux leur seryent
de nourriture .
POLOGNE
f 997 M- A Y. 1738.
1
POLOGN E.
N mande des frontieres , que le Grand Visir ,
qui , après avoir demeuré quelques jours à Andrinople
étoit allé à Isacki , étoit attendu incessamment
à Bender , où l'Armée Ottomane doit s'assémbler
; que le Hospodar de Moldavie y avoit envoyé
800 Chariots chargés de Vivres pour la subsistance
des Troupes , et que par son ordre toute la Noblesse
de Moldavie étoit montée à cheval , et étoit allée
au devant du G. V.
S
HONGRIE.
Elon les Lettres de Transylvanie , on a décou
vert une Conspiration formée en faveur du
Prince Ragotzi , dont les Auteurs avoient résolu de
procurer à ce Prince les moyens d'entrer dans cette
Principauté , par les gorges des Montagnes de Hazeg.
Ils avoient déja attiré dans leur Parti un grand
nombre de personnes , qui s'étoient engagées à favoriser
l'execution de leur Entreprise ; et ils avoient
lieu de se fater qu'ils seroient bientôt en état de
donner la Loi aux Troupes Imperiales qui sont en
Transylvanie. Cette affaire avoit été conduite avec
un très grand secret , mais comme il arrive ordinairement
dans les Conspirations , celle - ci a été découverte
dans le temps qu'elle étoit prête d'éclater ;
et le Prince de Lobkowitz , Commandant de la
Province , a si bien pris ses mesures , quon s'est
saisi des principaux Chefs des Conjurés.
De ce nombre sont les Comtes de Telleky et de
Bethleem ; les Barons Jean de Lazer , Ladislas Kemeny
, Moise Josicka , Grégoire de Barezay , Sigismond
Toroczkay , et André de Sziglaggi ; es
Mrs Paul Szigeth , Michel Jeney , François Szen-
Hv kyrali
998 MERCURE DE FRANCE
kyrali , Jonas Barackay , Thadée Komendy , et
Jean Bagathy. Tous ces Gentilhommes sont de la
Communion Protestante , mais il y a quelques autres
Chefs qui sont Catholiques , et parmi lefquels
eft le Doyen de l'Eglife Collegiale de Hermanstadt.
La plupart d'entre eux furent arrêtés le 29. du
mois de Mars dernier , prefque tous à la même
heure , dans les diférens lieux où ils faisoient leur
réfidence. Les Comtes de Telleky et de Bethleem
qui Pont été à Hermanstadt , où le Prince de Lobkowitz
avoit eu la précaution de faire entrer cinq
Compagnies de Grenadiers pour en renforcer la Garnifon
, ont été conduits à la Citadelle , ainsi que les
Barons de Lazer , et de Kemeny , et M. Szigeth
Surintendant du Consistoire de la Province.
Les Conjurés avoient répandu en Transylvanie,
et dans les Provinces voisines , une grarde quantité
d'Exemplaires du Manifefte du Prince Ragotzi ; et
on en a reçu à Belgrade quelques- uns .
Ce Manifefte porte , que les Princes étant plus
expolés que les autres hommes , à la vûë et au jugement
du Public doivent fe regarder , s'ils font
jaloux de leur réputation , comme refponsables à ce
même Public de leur conduite et de leurs démar
ches ; que
le Prince Ragotzi par cette raifon fe croit
obligé d'informer les Rois et les autres Princes
Chrétiens des motifs , qui l'ont déterminé à prendre
les armes contre l'Empereur ; qu'ayant été privé
des biens de sa Maison , il a songé à obtenir du
Grind Seigneur les secours que selon les aparences,
il auroit demandé inutilement à d'autres Puissances ;
s'étant rendu en Turquie peu de
que temps après
la mor du Prince son pere , il étoit demeuré tranquile
dans le Lieu de l'ancienne résidence de ce
Prince , jusqu'à ce que Sa Hautes e l'eût apellé à
Constantinople, où elle a conclu avec lui un Traité,
par
MAY
1738.- 999
par lequel elle le reconnoît Duc de Hongrie et
Prince de Transylvanie , et s'engage à lui assurer la
poffeffion de ces deux Etats.
Le Prince Ragotzi ajoûte dans fon Manifeste,
que l'ambition ne lui a rien fait faire de contraire
ce qu'il se doit à lui même , en qualité de Prince
Chrétien ; que dans fon Traité avec la Porte il a
été stipulé , que le G. S. ne réimiroit point la Hongrie
et la Transylvanie à l'Empire Ottoman , mais
qu'il rendroit à ces deux Etats l'ancienne forme de
leur Gouvernement , et que le dessein de S. H.
étoit seulement d'en former une barriere entre ses
Etats et ceux de l'Empereur pour éviter à l'avenir
les Guerres que le voisinage des deux Puissances n'a
occasionnées que trop fréquemment ; qu'ainsi ,
quoiqu'il paroisse actuellement à la tête d'un Corps
de Troupes Ottomanes , on ne doit pas croire
quil se soit uni aux Turcs pour leur aider à faire des
Conquêtes sur les Chrétiens , et qu'il n'employe le
fecours des premiers , qu'en attendant qu'il puiffe
former une Armée de ses propres Troupes . Ce
Prince finit en disant , que quoique la Porte l'ai
reconnu Souverain de Hongrie et de Transylvanie,
il ne prendra ce titre, que lorsqu'il lui aura été confirmé
par les libres suffrages des Hongrois et des
Transylvains.
ALLEMAGNE ,
Na apris de Vienne , que les Turcs s'étoient
emparés d'Usitza , après un Siége de vingtdeux
jours . Les Assiégeans qui étoient au nombre de
12000. hommes , ayant trouvé le moyen de conduire
quelques pieces de Canon sur le haut d'une
Montagne voisine ' de la Ville , y établirent une
Batterie d'où ils ont fait un feu si vifet si continuel,
qu'ils ont abattu presque toutes les maisons, et une
partie
H vj
1000 MERCURE DE FRANCE
partie des Remparts . Cependant la Garnison auroit
continué de se défendre quoiqu'elle commençât à
manquer de vivres , si la voûte de la pierre qui
couvroit le Puits dont elle tiroit de l'eau , ayant
été enfoncée par une Bombe , n'eût comblé ce
Puits.
Dans cette extremité , M Lersner Commandant
'de la Place fit battre la Chamade le 22. Mars dernier
, et demanda à capituler ; mais les Assiégeans
firent réponse , qu'il ne convenoit point à un simple
Capitaine , et à une Garnison composée d'un
si petit nombre de Troupes de demander une Capitulation
, et que si les Assiégés vouloient recevoir
un traitement favorable , ils se rendissent Prisonniers
de Guerre , et se remissent à la clémence du
Grand Seigneur. Une réponse si fiere ayant déterminé
M. Lersner à se défendre jusqu'à la derniere
extremité , il se préparoit à périr les armes à la
main avec sa Garnison , lorque le Pacha de Zwornich
, à qui le Général des Assiégeans avoit donné
part de la demande des Assiégés , envoya ordre de
Teur accorder une Capitolation . Les Articles en
ay nt été signés le 23 , la Place fut évacuée le lendemain
par la Garnison , qui a dû être conduite à
Belgrade.
On a apris que 400. hommes des Troupes Ottomanes
s'étant avancés dans 1 s environs de Belgrade
, le Gouverneur de cette Place en a fait sortir
quelques Troupes de la Garnison , qui ont attaqué
les Ennemis , et que ces derniers ont perdu en cetre
occasion près de 200. hommes. Un autre Détachement
des Turcs , qui étoit entré dans le Bannat de
Temeswar pour s'emparer du Poste de Newterkek,
a été défait par les Impériaux , lesquels ont tué 23 .
hommes aux Ennemis , et leur ont fait cinquante
Prisonniers.
Depuis
MAY. 1738. 1001
Depuis l'arrivée d'un Courier , que le Marquis
de Mirepoix , Ambassadeur du Roy de France , reçut
de Constantinople le 17 du mois dernier , et
dont les dépêches ont donné lieu à une longue co
ference entre cet Ambassadeur et les Ministres de
S. M. I. le bruit s'est répandu qu'il y avoit aparence
, que les négociations pour la paix aurcient
le succès qu'on s'en promettoit , et que les Puissances
qui sont en guerre , pourroient bien- tôt conclure
un accommodement , ou du moins convenir
d'une suspension d'armes.
Le bruit est public à Vienne que le Prince de Lobs
kowitz a pris trop précipitamment Pallarme sur
quelques Lettres que le Prince Ragotzi avoit écri
tes aux Gentils-hommes qui ont été arrêtés en
Transylvanie , et qu'ils n'étoient entrés dans aucun
engagement avec ce Prince , dont le Manifeste a
déterminé l'Empereur à en faire publier un contre
fui , et on en a envoyé un grand nombre d'Exem--
plaires dans toutes les Provinces de Hongrie.
Ce Manifeste porte que le Prince Rogotzi ayant
recherché et obtenu la protection du Grand Seigneur
, et ayant conclu un Traité avec S. H. dont il
a emprunté le secours afir de tâcher d'envahir les
Etats héreditaires de S. M. I. il s'est rendu criminel
de Leze Majesté au premier Chef qu'ainsi
l'Empereur le proscrit et le déclare Rebelle , Traître
, Ennemi de la Patrie et digne de mort ; que
toutes personnes pourront attenter à sa vie ; qu'on
donnera 8000 florins à ceux qui aporteront sa tête ,
et 10000. à quiconque le livrera vivant, et que cette
récompense sera payée par la Chambre des Finances.
>
J
L'Empereur ordonne par le même Manifeste à
tous ses Sujets sous des peines très- rigoureuses de
donner part aux Commandans de leurs Provinces de
tour
1002 MERCURE DE FRANCE
tout ce qu'ils découvriront des complots qui pourroient
s'y former en faveur du Prince Ragotzi.
T
Le Comte Telleki , qu'on avoit dit arrêté en
Transylvanie , arriva à Vienne le 8. de ce mois
et il a confirmé la nouvelle de la détention du Comte
de Bethleem et du Baron de Lazer.
Toutes les Lettres qui viennent de Transylvanie
se contredisent tellement , qu'on ne peut rien assû
rer de positif sur la verité ou la fausseté de la nouvelle
conspiration formée en faveur de ce Prince.
Il est seulement certain que le Comte de Bethleem,
fe Baron de Lazer , et quelques autres Seigneurs
Transylvains ont été arrêtés , et que le Prince de
Lobkowitz a ordonné à plusieurs Gentils-hommes
de la même Nation , qui s'étoient rendus à Hermanstadt
pour assister à la Diette de la Province ,
de ne point sortir de la Ville , quoique la Diette fût
finie.
Le 24 du mois dernier, M. de Knorr, Conseiller
au Conseil Aulique de l'Empire pour les affaires
des Protestans , abjura la Religion Lutherienne
dans l'Eglise de la Maison professe des Jesuites , en
présence du Comte de Metsch , Vice Chancelier ,
et du Baron de Baithenstein , Secretaire d'Etat .
On a conduit au Château de Gratz un Evêque
Rascien soupçonné d'être un espion des Turcs .
Le Prince de Saxe Hildburghausen , qui depuis
la derniere Campagne s'étoit retiré dans son Gouvernement
de Comore , en arriva à Vienne le 12.du
mois passé Il descendit d'abord chés le Comte de
Konigseg , Président du Conseil de Guerre , et if
alla ensuite rendre visite à la Princesse de Soissons,
niéce et héritiere du Prince Eugene . Le lendemain
on déclara que son mariage avec cette Princesse
étoit conch , et le 17. l'Evêque de Thraconite leur
donna à Hoft ta Benediction nuptiale. On dit qu'il
est
MAY. 1738. 1003
est stipulé dans leur Contrat de Marige , qu'après
la mort de la Princesse de Soissons , les biens de
la succession du Prince Eugene passeront au Prince
de Saxe Hildburghausen , et que s'il meurt sans
postérité , ils seront dévolus à la Maison d'Autriche.
On aprend de Berlin , que le 28. du mois dernier
le Roy de Prusse étant à la chasse du Cerf, et que
les Chiens ayant fait lever un Sanglier , toute la
meute poursuivit cet animal , qui jtta par terre le
Baron de Hacken , Grand Veneur , dont il blessa
dangereusement le Cheval. Ce Baron eut le bon→→→
heur de se relever assés promptement pour ne pas
donner le temps au Sanglier de le fouler aux pieds
er l'ayant saisi par les oreilles , il ne quitta point
prise ju qu'à ce que l'animal eut été tué par un des
Chasseurs
On mande d'Ulm , que le 28. d'Avril , le Conseil
Souverain de la Ville avoit prononcé la Sentence
de M. Harsdoffer , et que le 30. ce Bourguemestre
avoit été arquebusé dans la Cour du Bâtiment
de la nouvelle prison L'execution fut faite
par quatre Grenadiers de la Garnison en présence
de deux Députés du Conseil , de deux Ecclésiastiques,
et d'un détachement de la Garnison . Ses domestiques
ayant mis ensuite son corps dans un Carosse
de deuil , on le porta dans un Cimetiere , od
il fut inhumé.
DRESDE.
TL a été reglé que le Comte de Fuenclara ferois
le 7. de ce mois son Entrée à Dresde , que le
Jendemain il auroit sa premiere Audience publique
du Roy , dans laquelle il feroit la demande de la
Princesse Amélie pour le Roy de deux Siciles , et
qu'on
1004 MERCURE DE FRANCE
qu'on commenceroit le même jour les illuminations
; que le 9. le Mariage seroit célebré , et que le
Roy épouseroit la Princesse au nom de S. M.
Sicilienne ; que leurs Majestés et les Princes et
Princesses de la Famille Royale souperoient le soir
à une table, de cent couverts avec les Ministres
Etrangers et les Dames de la Cour qu'on serviroit
plusieurs autres tables pour les Seigneurs et pour
les principaux Officiers , et que le répas seroit suivi
d'un Bal ; qu'il y auroit le 10. un Carousel , et
que leurs Majestés et la Famille Royale soupėroient
ce jour là chés le Prince Royal ; que
toute la Cour assisteroit à l'Opéra , et que le jour
suivant elle se rendroit à Pilnitz , où il y auroit
Comédie Italienne et ensuite un magnifique repas ,
pendant lequel on tireroit un Feu d'artifice .
le I.
On dit que la Reine des deux Siciles , en passant
par l'Autriche , aura une entrevûe avec l'Impératrice
Amélie ; qu'elle se rendra ensuite par la
Carinthie à Palma Nuova , Place de l'Etat de Venise
, située sur la frontiere du Frioul , où elle trouvera
les Dames et les Seigneurs que le Roy des
deux Siciles doit envoyer au-devant d'elle ; qu'elle
traversera l'Etat de Venise pour al er à Bologne ,
et que de-là elle continuëra sa route vers Naples.
La Cérémonie du Mariage de la Princesse Amélie
a été fixée au 9. de ce mois , ma s le bruit court
que le départ de cette Princesse seroit avancé d'un
jour et que le 13. au lieu d'accompagner le Roy
et la Reine jusqu'à Dresde à leur retour de Pilnitz ,
elle prendroit congé de leurs Majestés à Zehista ,
d'où elle se mettroit en route pour l'Italie On
comptoit qu'elle feroit environ dix lieues par jour,
et qu'elle devoit arriver le 26. à Palma Nuova , sur
la Frontiere de l'Etat de Venise.
Les Grands - Chanceliers de Pologne et de Lithuanie
&
ΜΑΥ. 1009
*
1738.
f
nie , le Comte de Branitzki , Petit Général de Lithuanie
, le Palatin de Culm , et quelques autres
Seigneurs Polonois sont arrivés à Dresde pour as-
$is er au Mariage de la Princesse Amélie, à laquel-
Te la Ville de Leipsick a envoyé de magnifiques
présens.
Le Comte de Fuenclara , Ambassadeur du Roy
d'Espagne , fit le 7. de ce mois son Entrée publique
à Dresde , et la marche se fit dans l'ordre suivant g
Un Trompette du Roy , à cheval ; 24 Carabi
niers , l'épé à la main ; les Carosses des Ministres
d'Etat et des ChambeHans de la Cour , un Fourier
de S. M. la Livrée du Comte de Friesen ; celle de
l'Ambassadeur ; deux Coureurs , six Valets de pied
et deux Pages du Roy ; le Caro se de S M. dans le
quel étoit l'Ambassadeur avec le Comte de Friesen ,
et aux côtés duquel marchoient qua re Heyduques
du Roy , six Pages de 9. M. à cheval , les Pages de
l'Ambassadeur et ses G ntilshommes , le Caro sa
du Nonce du Pape et ceux des Ambassadeurs et des
aut es Ministres Etrangers ; celui du Comte de Friesen.
La Marche étoit fermée par 24. Carabiniers.
Le 8. le Comte de Friesen et M. Konig , Maître
des Cérémonies, allerent prendre le Comte de Fuen
clara avec le même cortege . et ils le conduisirent à
l'Audience du Roy. Les Gardes Suisses , les Carabiniers
, les Gardes du Corps et les Gentilshommes
Gardes , étoient sous les Aimes formoient une
double haye depuis la porte du Palais jusquà la S. lle
Audience. Après l'Audience , qui dura près d'une
heure , et dans laquelle le Comte de Fuenclara fit
la demande de la Princesse Amélie pour le Roy des
deux Siciles , cet Ambassadeur fut reconduit chés
lui par le Comte de Friesen et par M. Konig , dans
les Carosses de S. M. On jetta au Peuple plusieurs
Médailles d'or et d'argent, représentant deux coeurs
couronnés,
Too MERCURE DE FRANCE
Couronnés. A sept heures du soir , on tira plusieurs
coups de Canon pour donner le signal de i Illumination
, mais l'abondance de la puye qui tomba
jusquà minuit , empêcha qu'elle ne fût aussi belle
qu'elle devoit l'être , parce qu'on ne put a.umer
les Lampions de la Tour du Palais et de cele de la
Croix , ni ceux du Pont.
L
ITALI E.
Es difficultés , qui jusqu'à présent avoient empêché
le Pape de donner l'Investiture du Royaume
de Naples au Roy des deux Siciles , ayant été
levées , S. M. Sic. a nommé le Connétable Colonne
, son Ambassadeur Extraordinaire pour présenter
la Haquence , et le Cardinal Aquaviva a remis
à ce Seigneur , qui se dispose à s'aquitter de cette
Commission la veille de la Fête de S. Pierre , un
Dip ôme, par lequel le Roy des deux Siciles exemp,
te de toute sorte d'impositions les biens que le Connétable
Colonne possede dans le Royaume de
Naples.
Le Cardinal Aquaviva reçût le 14. de ce mois un
Courier avec la réponse définitive du Roy d'Espagne
au sujet de l'accommodement des Cours de
Madrid et de Naples avec le S. Siege.
Le Pape déclara dans le Consistoire tenu le s. de
ce mois , qu'il avoit résolu de donner au Roy des
deux Siciles l'Investiture du Royaume de Naples
dans la même forme qu'elle a été accordée aux Prédécesseurs
de S. M. Sic. En conséquence , il doit se
tenir une Congrégation Consistoriale et Camerale
chés S. S. et une des Cardinaux Chefs d'Ordres
chés le Cardinal Barberin , pour regler définitive
ment ce qui concerne cette Investiture .
VENISE
MAY 1738: 1007
VINISI.
E Baile qui réside à Constantinople de la part
Lde la République de Venise ,
>
la
Sénat, qu'ayant assuré le Grand Visir dans la derniere
Audience qu'il avoit euë de ce Ministre , que
la République persistoit dans la résolution d'entretenir
une bonne intelligence avec la Porte , le Grand
Visir lui avoit répondu qu'il ne doutoit pas que ces
assurances ne fussent sinceres , mais que n'ignorant
pas les engagemens de la République avec l'Empe
reur ,il y avoit aparence qu'elle ne pourroit éviter
dans la suite de les remplir et de joindre ses Armes
à celles de S. M. I. si la guerre continuoit , qu'ainsi
la Porte n'esperoit pas de conserver la Paix avec les
Vénitiens ; que
le G. S souhaitoit seulement que
la République ne lui fit pas la guerre sans l'avertir
de la rupture , et qu'il ne pardonneroit point aux
Vénitiens de le surprendre.
U
GENES.
N Corsaire d'Alger s'empara vers la fin du
mois dernier , dans le Golfe de la Spécia d'une
Barque , à bord de laquelle étoient deux Nobles
Genois ; la Fille de l'un des deux , âgeé de 17. ans ,
et l'Archidiacre de l'Eglise Métropolitaine de Gênes.
La République a congédié les Compagnies de
Corses qu'elle avoit à son service , et l'on croit
qu'elles seront remplacées par des Compagnies
Suisses . Les Officiers des Compagnies congédiées
continueront de toucher leurs apointemens jusqu'à
ce qu'on trouve l'occasion de leur donner d'autres
Emplois , et le Gouvernement doit faire distribuer
une certaine somme aux Soldats , dont la plûpart
étant
1608 MERCURE DE FRANCE
étant Montagnards , ne peuveut retourner chés eux ,
parce qu'ils ont été proscrits par les Rebelles .
Le Marquis Mari a mandé au Sénat , que
commeles pleins pouvoirs qu'avoient Mrs Órticone
et Paoli , pour traiter avec le Comte de Boissieux ,
n'étoient signés que par les Chefs des Communau
tés d'en-deçà les Montagnes , ils avoient dem ndé
à ce Géneral la permission d'écrire aux autres Communautés
de leur parti , afin d'être autorisés à traiter
en même -temps pour elles .
Les Fassonniers , qui sont en grand nombre dans
les environs du Bourg de la Pieve , sont entrés dans
ce Bourg dans le temps que la plus grande partie des
Habitans étoit allée à la Foire d'un Village voisin ,
et ayant forcé les prisons , ils ont délivré ceux de
leurs Compagnons qui avoient été arrêtés quelques
jours auparavant.
Le C pitaine d'un Bâtiment arrivé à Gênes d'Afrique
, a raporté qu'un Brigantin Anglois étai
prêt à partir d'Alger pour se rendre à Mayorque ,
16. Es laves Chrétiens avoient voulu profiter de
cette occasion pour recouvrer leur liber é er
qu'ayant rompu leurs fers ils s'étoient sauves à bord
de ce Brigantin , où ils n'avoient trouvé que deux
Matelots , parce que le Capitaine et la plus grande
partie de l'Equipage , étoient allés chés le Consul
Anglois , qu'ils avoient aussi- tôt coupé les cables et
déployé les voiles, mais que le Brigantin ayant heur
té contre le Vaisseau du Dey , on s'étoit aperçu de
Tévasion de ces Captifs , et qu'on avoit envoyé à
leur poursuite plusieurs Barques qui avoient ramené
le Bâtiment , que les Esclaves fugitifs avoient
' d'abord été conduits au Palais du Dey , qui avoit
fait couper la tête à quatre d'entre eux , dont les
corps avoient été traînés le long des ruës jusq es
hors des portes de la Ville , où on les avoit enter-
τές
MAY. 1738. 1009
zés, et que les douze autres avoient été si maltraités,
qu'on ne croyoit pas qu'ils pussent survivre longtemps
à leurs Compagnons . Le Dev soupçonant
le Capitaine du Brigantin , dont ils s'étoient servis
pour s'enfuir , d'avoir favorisé leur complot , l'a
fait mettre à la chaîne , ainsi que tous les gens de
P'Equipage , et il a confisqué le Bâtiment .
On écrit de Modéne , que le Mariage du Prince
Héreditaire de Modéne avec la Duchesse de Massa-
Carera étoit conc u.
FLORENCE.
Es plaintes faites par le Pape , au sujet des Fiefs
Duc s'est emparé , et que S. S prétend relever du
$. Siege , ayant été éxaminées dans le Conseil d'E
tat , il a été décidé que le droit de réversion de ces
Fiefs au Domaine du Grand Duc , étoit fondé sur
les raisons sivantes ; qu'à la fin du XIII. siecle
l'Empereur Othon I. en ayant donné l'Investiture à
Hugues , Prince de Carpegne , les - Ennemis de ce
Prince lui en disputerent la posse sion , et qu'il ne
put s'y maintenir que par le secours des Habitans
de Florence , qui formoient alors une République ,
et qui lui promirent de l'aider de leur argent et de
leurs Troupes , à condition que lui et ses successeurs
s'engageroient à payer tous les ans à la République
une redevance de six écus d'or , et qu'en
cas d'extinction de la Maison de Carpegne , les Fiefs
et autres Terres qui apartenoient à ceite Maison ,
seroient dévolus de plein droit à la République ;
que ce droit de réversion a été confirmé par les
Successeurs de Hugues , qui en ont reconnu la va
lidité à chaque mutation ; qu'ainsi dans la circons→
présente , où il s'agit de le maintenir , le
Conseil
TOTO MERCURE DE FRANCE
ه ل
Conseil de Régence n'a rien fait qu'il ne fût ob'igé
de faire que le Marquis Emile Cavalieri est mal
fondé à se présenter comme dernier descendant de
la Maison de Carpegne, puisqu'il a été reglé anciennement
qu'on ne considereroit comme tels que les
Infans nés en ligne directe des Prince de Carpegne.
L
ESPAGNE.
E Roy a apris par un Courier arrivé de Rome
que l'accommodement de la Cour de Naples
avec le S. Siége étoit conclu , et qu'on avoit levé
toutes les difficultés qui avoient empêché jusqu'à
présent le Pape de donner à S. M. Sic. l'Investiture
du Royaume de Naples.
M. Goubert n'ayant point idüssi dans l'entreprise
qu'il avoit formée de repêcher les Galions qui ont
été coulés à fond en 1702. dans le Port de Vigo
, le Roy a révoqué le Privilege qui lui avoit été
accordé .
On mande de Madrid , que sur la fin du mois de
Mars dernier , le Cardinal Infant y reçût des mains
du Nonce du Pape , le Chapeau de Cardinal , que
PAbbé Altroviti avoit aporté de Rome; et que cette
Cérémonie se fit avec beaucoup de magnificence en
présence de leurs Majestés et de toute la Cour. Elle
commença par une Messe solemnelle , chantée par
la Musique , après laquelle l'Abbé Altroviti remit
le Chapeau entre les mains du Nonce , qui ensuite
en couvrit le nouveau Cardinal .
GRANDE BRETAGNE.
N aprend de Londres qu'il y eut le 12. de
ce mois un Concert à Vaux Hall , pour`
la premiere fois de cette saison , et qu'on y
executa
MAY. 1738 1011
éreenta plusieurs Suites nouvelles de Symphonie
de la composition du sieur Handell , un grand nombre
de Personnes de distinction s'y rendirent , tant
pour ass ster au Concert que pour se promener dans
les Jardins et pour voir la Statuë du sieur Handell,
qu'on y a placée depuis peu , et que quelques Seigueurs
, amateurs de la Musique , ont fait élever en
Phonneur de ce fameux Musicien . Le Sculpteur l'a
représenté touchant une Lyre , dont un Enfant qui
est aux pieds de la Statuë , semble noter les accords
sur le dos d'un Violon .
VERS
Sur la Maladie de M.
Desforges Maillard .
Par M. Chevaye , Auditeur à la Chambre
des Comptes de Bretagne.
M Aillard , ce fameux
Nourrisson
Des Doctes Fixes de Memoire ,
Qui du sein du climat Breton ,
Sous le nom de Malcrais s'est acquis tant de gloire ;
Sur les bords que la Seine arrose de ses flots ,
Languissoit accablé d'une langueur mortelle ,
Et
l'inexorable Atropos
L'alloit précipiter dans la nuit éternelle .
Quand le grand Apollon , à qui rien n'est caché
De tout ce qui se fait sous la voûte céleste ,
Eh quoi , dit- il , le coeur touché
D'une
1012 MERCURE DE FRANCE
D'une avanture si funeste ,
Un Poëte célebre , enrichi par les Dieux
De leurs dons les plus précieux ,
Dans l'Avril de ses ans verroit sa vie éteinte ,
Tandis que la Terre inutile fardeau ,
D'imbéciles Humains , plus mûrs pour le tombeau,
De la Parque vingt fois ont évité l'atteinte !
Est-ce pour le punir d'avoir sur mes Autels ,
Fait fumer plus d'encens que les autres Mortels ?
Et ma puissance tant prônée ,
Pour calmer , pour bannir les maux les plus cruels ,
Seroit-elle aujourd'hui plus foible et plus bornée ?
Non , non , je ne soufrirai pas
Cet indigne trépas .
Je vais me transporter moi- même
Dans la Cité fameuse , où mon Ami languit ,
Et d'un Art que jamais le succès ne trahit
Montrer en sa faveur la puissance suprême,
Mais non ; le vif éclat de ma Divinité
Eblouiroit les yeux par son trop de clarté ,
Et je craindrois d'ailleurs de réveiller l'envie
D'une troupe de vains Rivaux ,
Qui n'ont pu , sans frémir de rage et de furie ,
Voir le brillant succès de ses junes travaux,
Faisons mieux ; les Dieux favorables
Se plaisent à cacher leurs dons les plus chéris ,
Je
MAY. 1738.
1013
Je vais prendre des traits semblables
A quelqu'un de mes favoris ,
Et je veux sous son nom achever cette cure.
A ces mots de Hunaud * il revêt la figure ,
Et par lui de son Art déployant les secrets ,
Il arrache au trépas et Maillard et Malcrais.
FRANC E.
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
E 2. de ce mois , le Roy fit dans la Plaine des
Sablons , la Revue du Régiment des Gardes
Françoises et de celui des Gardes Suisses . Ils firent
l'exercice et ils défilerent en présence de S M. La
Reine et Monseigneur le Dauphin se trouverent à
cette Revûë , après laquelle le Roy accorda le Gouvernement
de Schélestadt au Marquis d'Harbouville,
Maréchal des Camps et Armées de S. M. et Capitaine
d'une des Compagnies de Grenadiers du Régiment
des Gardes Fançoises..
Le 27. Avril , le fils du Duc d'Hostun reçut dans
la Chapelle du Château de Versailles les Cérém ››–
nies du Baptême ; il eut pour Parain et pour Maraine
Monseigneur le Daupsin et Madame Henriette ,
et la Cérémonie fut faite par le Cardinal de Rohan¸
Grand- Aumônier de France , en présence du Curé
* C'est M. Hunaud des Académies de Paris et de
Londres , qui a guéri M. Deforges Maillard.
I
. de
# 014 MERCURE DE FRANCE
de la Paroisse du Château. La Reine accompagnée de
Madame, assista à cette Cérémonie dans la Tribune.
Le .... Mars Jean- Baptiste - Louis de Clermont
d'Amboise , Marquis de Renel , et de Montglat ,
Comte de Chiverni, Bailly et Gouverneur de Chaumont
en Bassigny , Grand- Bailly de Provins , Colonel
du . Régiment de Santerre , Infanterie , par
Commission du 12.Juillet 1723.et Brigadier des Armées
du Roy du premier Août 1734 fut déclaré
Maréchal de Camp.
Le 18. de ce mois , le Roy prit le deuil pour la
mort du Duc Maximilien , Fils aîné du Prince Ferdinand
de Baviere , et S. M. le quitta le 28 .
Le Roy ayant disposé des Charges qui vacquoient
dans la Gendarmerie par la Promotion d'Officiers
Généraux du 24. Février dernier , le Marquis de
Tillieres , Capitaine Lieutenant de la Compagnie
des Chevau-Legers de Bretagne , a été nommé Capitaine
Lieutenant de la Compagnie des Gendar
mes Dauphins.
Le Marquis du Muy , Capitaine-Lieutenant de la
Compagnie des Gendarmes de Berry , Capitaine-
Lieutenant de la Compagnie des Chevau - Legers
Dauphins,
Le Marquis de Marivault , Sous Lieutenant de
la Compagnie des Gendarmes de Bretagne , Capitaine-
Lieutenant de cette Compagnie.
M. de Moussy , sous-Lieutenant de la Compagnie
des Gendarmes d'Anjou , Capitaine- Lieutenant de la
Compagnie des Chevau- Legers d'Orleans.
Le Comte de Choiseul, Sous- Lieutenant de la Compagnie
des Chevau - Legers Dauphins , Ca, itaine-
Lieutenant de la Compagnie des Chevau- Legers de
Bretagne . L2
MAY. 1738. Iory
Le Marquis de Mailly Daucourt , Sous-Lieutenant
de la Compagnie des Chevau- Legers de la Compagnie
des Chevau- Legers de Berry , Capitaine-Lieutenant
de la Compagnie des Gendarmes de Berry.
Le Comte de Saint André, Enseigne de la Compagnie
des Gendarmes de Berry , Sous- Lieutenant
de la Compagnie des Chevau - Legers Dauphins.
Le Marquis de Chabannois , Guidon de la Compagnie
des Gendarmes Ecossois , Sous -Lieutenant
de la Compagnie des Gendarmes de Bretagne.
Le Marquis de Pons , Enseigne de la Compagnie
des Gendarmes Bourguignons , Sous - Lieutenant de
la Compagnie des Gendarmes d'Anjou .
Le Marquis Dauvet , Premier Cornette de la
Compagnie des Chevau- Legers d'Anjou , Sous-,
Lieutenant de la Compagnie des Chevau -Legers
de Berry,
Le Comte de Lutzbourg , second Cornette de la
Compagnie des Chevau- Legers d'Anjou , Guidon
de la Compagnie des Gendarmes Ecossois.
Le Marquis de Torcy , second Cornette de la
Compagnie des Chevau- Legers d'Orleans , Enseigne
de la Compagnie des Gendarmes Bourgui
gnons .
Le Marquis de Bacqueville , Guidon de la Compagnie
des Gendarmes d'Orleans , premier Cornette
de la Compagnie de Chevau- Legers d'Anjou .
Le Chevalier de Polignac , Guidon de la Compagnie
des Gendarmes Anglois , Enseigne de la
Compagnie des Gendarmes de Berry.
M. Decerteaux , Capitaine dans le Régiment de
Cavalerie , Mestre de Camp Général , Guidon de
la Compagnie des Gendarmes Anglois.
pre Le Marquis de Lannion , Mousquetaire de la
miere Compagnie , second Cornette de la Compa-.
gnie des Chevau-Legers d'Anjou.
I ij Le
1016 MERCURE DE FRANCE
Le Marquis de Rochefort , Mousquetaire de la
premiere Compagnie , Guidon de la Compagnie
des Gendarmes d'Orleans .
M. d'Autichamp , Mousquetaire de la seconde
Compagnie , second Cornette de la Compagnie
des Chevau-Legers d'Orleans.
Le Roy a disposé aussi des Régimens vacans par
la Promotion d'Officiers Generaux, faite le 24. Février
dernier , insérée dans le Mercure de Mars ,
page , 595. S. M. a donné l'agrément du Régiment
de Richelieu au Duc de Roban , Colonel du Régiment
de Vermandois .
Celui du Régiment de Touraine , au Prince de
Tingri , Colonel du Régiment de Soissonnois.
Celui du Régiment de Bretagne , au Marquis de
Crillon.
Celui du Régiment du Perche , au Marquis de
Livry.
Celui du Régiment de Vermandois , au Marquis
de Clermont Gallerande , Capitaine dans le Régiment
d'Auvergne,
Celui du Régiment de Languedoc , à M. Duglas.
Celui du Régiment de Provence , au Vicomte
Aubeterre.
Celui du Regiment de Guyenne , au Chevalier
de Dreux.
Celui du Régiment de Hainault , au Marquis de
Custines.
Celui du Régiment de Soissonnois , au Comte de
Donges.
Celui du Régiment de l'Isle de France , au Marquis
de Crussol.
Celui du Régiment de Vexin , au Marquis de
Puysegur.
Celui du Régiment de Vivarais , au Marquis de
Rouge,
Celui
MA Y.
To17 . 1738
Celui du Régiment de Ponthieu , au Marquis de
Joyeuse.
!
Celui du Régiment de Santerre , au Marquis
d'Escars.
Celui du Régiment des Landes , au Marquis des
Salles.
Celui du Régiment Royal Roussillon , Cavalerie ,
au Prince de Crøy.
Celui du Régiment de Cavalerie Dauphin , au
Marquis de Volaire.
Celui du Régiment de Cavalerie Dauphin Etranger
, au Marquis de Polignac.
Celui du Régiment de Cavalerie de Bretagne , au
Marquis de Gassion.
Celui du Régiment de Cavalerie de Berry , au
Prince d'Havré.
1 Celui du Régiment de Cavalerie de S. Simon ,
au Marquis de Sabran .
Celui du Régiment de Cavalerie de la Tour , au
Marquis de Chabrillan.
Celui du Régiment de Cavalerie de Monchy , au
Marquis d'Asfeld.
Celui du Régiment de Condé, Dragons, au Marquis
d'Argence.
Celui du Régiment de Dragons de Languedoc ,
au Marquis de Rannes.
Le 24 de ce mois , Veille de la Fête de la Pencôte
, le Roy revétu du grand Collier de l'Ordre du
S. Esprit , se rendit à la Chapelle du Château de
Versailles , ou S. M. communia par les mains du
Cardinal de Rohan , Grand Aumônier de France.
Le Roy toucha ensuite un grand nombre de ma❤
lades.
Le même jour , la Reine entendit la Messe dans
La même Chapelle , et S. M. communia par les
I iij mains
or MERCURE DE FRANCE
mains del'Abbé de S. Hermine , son Aumônier en
quartier. L'après midi, leurs Majestés affisterent aux
Vêpres qui furent chantées par la Musique.
Le 25. jour de la Fête , les Chevaliers Commandeurs
, et Officiers de l'Ordre du S. Efprit , s'étant
assemblés vers les 10. heures du matin dans le Ca
binet du Roy , Sa Majesté se rendit à la même
Chapelle étant précedée du Duc d'Orleans , du Duc
de Bourbon , du Comte de Clermont , du Prince
de Conty', du Prince de Dombes , du Comte d'Eu,
et des Chevaliers , Commandeurs et Officiers de
l'Ordre . Le Roy , devant lequel les deux Huissiers
de la Chambre portoient leurs Masses , étoit en
Manteau , le Collier de l'Ordre par dessus , ainsi
que les Chevaliers. Le Roy entendit la grande
Messe . celébrée par l'Abbé Brosseau , Chapelain de
la Chapelle de Musique. La Reine entendit la même
Meffe dans la Tribune .
L'après midi leurs Majestés affisterent à la Prédication
du Pere Jouvenet , Cordelier , et ensuite
aux Vêpres , qui furent chantées par la Musique .
·
Le Marquis de Jumilhac , qui étoit Premier
Sous Lieutenant de la Premiere Compagnie des
Mousquetaires de la Garde du Roy , en a été nommé
par le Roy Capitaine Lieutenant à la place du
feu Comte d'Avejean. S. M. a nommé en même
temps second Cornette de cette Compagnie , le
Marquis de Champinel,
Le 30. Avril , le 3. et lc 5. May , la Cour étant
à Marly , on chanta au Concert de la Reine , l'O.
pera de Telemaque , de la composition de M. Destouche
, Sur- Intendant de la musique du Roy en
semestre.
Le 7. on concerta Pirame et Thisbé , mis en musique
par Mrs Rebel et Francoeur, et le 10. la Cour
étant à Versailles , on y acheva la même Piece avec
beaucoup de succès . Le
MAY.
1019 17383
Le 12. et le 14 , la Reine entendit le Ballet des
Amours des Dieux , dont la Musique est de M.
Mouret. La Dlle Rotisset , âgée de 18. ans , grande
Musicienne, déja connue par les aplaudissemens qu'-
elle reçut à Paris aux Tenebres des Religieuses de
la Visitation,chanta devant S. M. avec beaucoup de
succès ; la Reine eut la bonté de lui en marquer sa
satisfaction.
Le 17. et le 21. on executa le Ballet des Amours
de Prothée , mis en musique par M. Gervais, Maître
de musique de la Chapelle du Roy , la même Dile
chanta la Cantate d'Enone , avec les mêmes éloges
que la premiere fois qu'elle parut .
Le 28. On concerta l'Opéra de Roland qu'on continua
le 31.
Le 15. May, Fête de l'Afcenfion ,on chanta auConcert
spirituel du Château des Thuilleries , le Cantate
Domino , Motet de M. Bordier , qui fut suivi d'une
très- belle suite de Symphonie de M. Mouret , et.
d'un petit Motet à voix seule , chanté par la Dlle
Bourbonnois ; le Concert finit par un Motet de M.de
la Lande , précedé d'un Air Italien , chanté par la
Dlle Fel.
Le 25. Fête de la Pentecôte, on chanta un Moter
à grand Choeur de M. de Villeneuve , Auteur de la
musique du Ballet héroique de la Princesse d'Elide,
après lequel on executa une suite de Symphonie de
M. Aubert , qui fut suivie d'un petit Motet nouveau
de M. le Maire , chanté par la Dlle Celime , après
lequel on termina le Concert par le Te Deum de
M. de Blament , Sur- Intendant de la Musique du .
Roy ; qui fit beaucoup de plaisir.
I iiij
VERS
1020 MERCURE DE FRANCE
** ********
VERS présentés le jour de S. Alexis , avec
un Bouquet de fleurs , à M. Vallée , Professeur
d'Eloquence au Collège de Harcour.
A Gréez ce tribut de ma reconnoiss nce ;
De pl . s Sçavans , sans doute , ont pour vous en ce
jour
Composé leurs Bouquets des fleurs de l'Eloquence. ;.
Mais si vos soins chés moi trouvant moins de retour
>
Ont sçû dans leurs esprits semer plus de science ,
Ils n'ont pû dans leurs coeurs produire plus d'amour.
D. L. P.
A
MORTS , NAISSANCES ,
le 9.
>
Mariages.
U Château de Billhon en Auvergne , mourag
Decembre 1737. François Jocerand Joseph
Malet, Marquis de Vandegre la Goutte, Seigneur
de la Goutte , les Sall s et la Bouteresse en Forets ,
où la Branche , dont il est le dernier mâle n'étoit
établie que depuis environ 140 ans.
C'étoit une Branche cadette de celle de Vande--
gre Ballhon , toutes deux sorties de celle de MaletΜΑΥ.
1738. rozr
Cabrespine connue en Auvergne , et dans le Velay,
d'où elle est originaire , depuis la fin du treiziéme
siécle , que l'on voit dans les Archives de l'Evêché
du Puy , un homage de la Terre de Cabrespine ,
rendu par Jocerand - Malet , à Fredol ou Fredolet ,
Evêque du Puy. On trouve encore dans le quatorziéme
siecle trois homages consecutifs rendus par
trois Malets , Seigneurs de Cabrespine du nom de
Jocerand , qui étoit sans doute un nom adopté et
distinctif dans cette Maison , puisque dans la Liste'
dis Abbés de S: Pierre , et des Chanoines de la Ca
thedra e du Puy , on voit selon les recherches du
Pere Boyer , sçavant Benedictin , quelques Abbés et
plusieurs Chanoines du même nom de Jocerand .
Cette Maison a pris des alliances avec celles de
Diene Cheyladet , Bournazel , la Forets Baillhon
Marillac , Gronde , la Roche - Lambert , la Richardie
du Croc , d'Anlezi , Chazeron , Roquelaure-Lavort
de Pierre, Muzy, Clermont - Tonnerre , Montmorency
de Pernes , Grolée-Epinac , Poictiers ,,
Mitte , d'Arras- Montmelord , Beauclerc , la Cham--
bre Chavagnac , Chateaubodo , du Rival , Monti
gnac , Maçon , S. Victour , et autres bonnes Maisons
d'Auvergne , ou des Provinces voisines ,
Le dernier moit avoit épousé De Jeanne Lucie
de Castillon S. Victour d'astrie , d'une des meilleures
Maisons de Provence , originaire de Naples ,
et veuve en premieres nôces du Marquis de Roquefeuille
il n'en a point eu d'enfans , et ses Teries ,
dont la substitution étoit finie en sa personne , et
qui devoienr revenir à la Comtesse de Chavagnacla
Chambre , sa niece , passent par les dispositions
de son testament , au Marquis de Vandegre Bail---
Thon son plus proche parent paternel .
Le 25. Mars , Joachim Adolf he de Segliere, Mar
quis de Sogecourt , Brigadier des Armées du Roy, et
Ity Che
1022 MERCURE DE FRANCE
Chevalier de l'Ordre Militaire de S. Louis , mourut
à Venise ,où il s'étoit retiré depuis quelques années,
dans la 52. année de son âge , étant né le 28. Octobre
1686. Ilétoit fils de feu Timoleon Gilbert.de
Seigliére , Seigneur de Boisfranc , de Breuil- Pont ,
et de Lorcy , Maître des Requêtes ordinaire de
l'Hôtel du Roy,auparavant Conseiller au Parlement
de Paris , Chef du Conseil , Chancelier et Garde
des Sceaux de feu Philipe , fils de France , Duc
d'Orleans , et mort le premier Fevrier 1695 âgé
de 40 ans 3 mois , et de Marie Renée de Bellesoriere
, héritiere Marquise de Soyecourt , Comtesse
de Tilloloy , Topigny , &c . sa veuve , actuellement
vivante. Le Marquis de Soyecourt avoit
commencé à servir en 1702. en qualité de Mousquetaire
du Roy. Il fut fait depuis successivement
Capitaine de Cavalerie dans le Régiment Dauphin
Etranger le 14. Février 1703 Colonel du Regiment
de Bourgogne , Infanterie , le Novembre 1704.
Chevalier de S. Louis au mois d'Avril 1718. et Brigadier
d'Infanterie le premier Fevrier 1719. Il avoit
servi continuellement jusqu'à la Paix d'Utrecht ,
tant en Italie Dauphiné , et Provence , qu'en Almagne
et en Flandres , et il avoit été blessé d'un
coup de fusil au bras à la Bataille d'Hochstet en
1704 Il avoit été marié le 29. Janvier 1720. avec
Pauline Corisandre de Pas de Feuquicres , née
le 29. Janvier 1704. fille de feu Antoine de Pas ,
Marquis de Feuquiéres , Lieutenant- General des
Armées du Roy, Gouverneur des Ville et Citadelle
de Verdun , et Pays Verdunois , Chevalier d'Honneur
du Parlement de Metz , et de l'Ordre Militaire
de S. Louis , et de De. Marie Magdeleine Therese
Genevieve de Monchy d'Hocquincour . Il en laissǝ
3. garçons, dont l'aîné Louis Armand de Seigliere ,
Marquis de Soyecourt , né le 29. Janvier 1722. a
17.
été
MAY. 1738. 1023
été marie en 1736. avec une fille du Duc de S. Aignan-
Beauvilliers , Ambassadeur à Rome.
Le 3. Avril , Louis Benigne du Trousset d'Héricourt
, Chevalier de l'Ordre militaire de S. Louis ,
Lieutenant pour le Roy au Cap François , Côte de
S. Domingue , et Enseigne de Vaisseaux du Roy
de la Promotion de 1712. mourut à Paris âgé de
45. ans . Il étoit fils de feu Benigne du Trousset ,
Seigneur d'Hericourt , Maître ordinaire en la Chambre
des Comptes de Paris , mort au mois d'Octobre
1733. et de Marie, Bouzitat de Courcelles.
Le 13. Dlle Françoise - Renée de Thou , fille ' ,
mourut dans la 82. année de son âge , étant née
le 24. Août 1656. et le lendemain elle fut inhumée
à S. André des Arcs , dans la fepulture de sa
famille , dont il ne reste plus que Jacques-Auguste
de Thou , son frere , né du 4. Mars 1655. qui est
Abbé Commandataire des Abbayes, de Samer aux
Bois , Diocèse de Boulogne , et de Souillac , Diocèse
de Cahors : lui et sa soeur avoient eu pour pere
et mere , Jacques- Auguste de Thou , Comte de
Meslay le Vidame , Président aux Enquêtes du Parlement
de Paris , et Ambassadeur pour le Roy en
Hollande , mort le 26. Septembre 1677. et De. Marie
Picarder,morte le 4 Fevrier 1664.et pour ayeul,
Jacques Auguste de Thou , Président du Parlement
de Paris , qui s'est immortalisé par la belle et judicieuse
Histoire de son temps , qu'il a composée
en Latin , et dont on a donné ces dernieres années
une Traduction complette .
Le 14. De.Françoise Magdeleine Catherine Jeanne
Aligre,épouse de Henri François de Bretagne , premier
Baron de Bretagne, Baron d'Avaugour, Comte
de Vertus , et de Goëllo, Seigneur de Clisson , la
Touche-Limouziniere , le Grand- Bois , Launay ,
&c. Chevalier de l'Ordre Militaire de S. Louis , et
Ivj ancien
1024 MERCURE DE FRANCE
ancien Colonel d'Infanterie , mourut à Paris dans»
la 26. année de son âge , étant né le 18 Octobre
1712. On a marqué de qui elle étoit fille à l'article
de son mariage raporté dans le Mercure de
Juin 1735. vol. 1. p . 1246.
Le même jour D. Marguerite de la Souche de
S. Augustin , veuve de Jean François Carpentier ,
Seigneur de Crecy en Bourbonnois , avec lequel
elle avoit été mariée en 1697 , mourut à Decize
dans la même Province , dans la 70. année de son
âge , étant née au mois de Janvier 1669. Elle laisse
pour fils unique Gilbert Carpentier , Seigneur de:
Crecy , marié avec De. Louise Thoinard , dont il
a des enfans . La deffunte étoit fille de Philipe de la
Souche, d'une ancienne Noblesse de Bourbonnois ,,
Seigneur de S. Augustin , Moncoquier , et les Fou--
caux , et de Marguerite Bergier.
Le 15: François de la Ville da Portault , ancien
Avocat au Parlement , et Doyen des Avocats èss
Conseils du Roy , reçu dans cette Compagnie
en 1684. aussi Doyen des Administrateurs de l'HỐ.
tel- Dieu , et de l'Hôpital des Incurables de Paris
mourut dans un âge avancé , laissant de Marie des
Champs , sa femme , un fils unique nommé Claude
François de la Ville du Portault , né le 26. Octobre :
1699. et reçu Conseiller en la Cour des Aides de
Paris le 6. Mars 1723 .
Le 18 Jacques le Coustelier , Seigneur de S Pastor
de Laures e , & c. Lieutenant- Général des Ar--
mées du Roy Commandeur de l'Ordie Royal et:
Militaire de S Louis , et Gouverneur de Schele--
stadt en Alsace , mourut subitement dans la Ville
du Mans , âgé de 79. ans , sans avoir été marié ,,
et laissant une riche succe sion . Il a oit été reçu
Page du feu Roy Louis XI V. au mois de Janvier
1676. Il fut depuis Colonel du Regimenr de Vivarais
12
MAY 1738 1025 .
Bais , et fait Brigadier le 3. Janvier 1696. Maréchal
de Camp le 10. Fevrier 1704. et enfin Lieutenant
Général le 21. Septembre 1706. arprès s'être signalé
le 9. precédent au combat de Castiglione
delle Stivere en Italie , où le Prince hereditaire de
Hesse Cassel , aujourd'hui Roi de Suede fut défait,
Le grand Cordon de l'Ordre de S. Louis , avec
4000. liv de pension lui fut donné le premier Janvier
1720. & le Gouvernement de Schelestadt le
14. Juillet 1727.
Le même jour au soir , Jacques Labbé , Prêtre ,
Docteur en Theologie , Curé de la Paroisse de
S. André des Arcs à Paris , mourut en sa maisona
curiale en s jours de maladie , âgé de 74. ans 6..
mois 4. jours.
Le 21 Benjamin François le Tenneur , ancien
Conseiller au Châtelet de Paris , où il avoit été reçu
en 1692. mourut dans la 76. année de son âge ,
étant né le 27. May 1662. Il laisse de Louise Angelique
Genest , qu'il avoit épousée le 2. Juillet
1698. une fille unique , mariée avec Jean Pierre
Drouet , reçu Conseiller en la Cour de Monnoyes
de Paris le 25. Avril 1733.
Le 24. De. Marie Therese Creton, veuve depuis le
29. Decembre 1704 de Nicolas de Louvencourt
Maître ordinaire en la Chambre des Comptes à
Paris , avec lequel elle avoit été mariée aumois de
Janvier 1698. mourút sans laisser d'enfans . Elle
étoit fille de Jean Creton , Seigneur de Villamville,
de Genonville , d'Herville , Conseiller au Baill ge
et Siége Présidial d'Amiens , et d'Elizabeth Fournier.
Le même jour , Louise Chaterine Brulart , Dlle.
de Genlis , fille de feu Florimond Brulart , Marquis
de Genlis , Baron d'Abecourt , Seigneur de Triel ,.
Conseiller d'Etat , mort le 10. Janvier 1685. âgé des
83.
026 MERCURE DE FRANCE
83. ans , et de Charlotte de Blecourr , sa premiere
femme, decedée en 1676 , mourut à Paris âgé de
87. sans avoir été mariée . Elle étoit tante de De.
Marie Anne Claude Brulart de Genlis , veuve de Henry,
Duc d'Harcour-Beuvron , Pair et Maréchal de
France , Chevalier des Ordres du Roy & c. et de
Charles Brulart , Marquis de Genlis , qui est marié
avec De. Louise Charlotte de Hallencourt de Dromesnil
.
Le même jour , De . Therese de Faveroles , femme
de Claude Bruant des Carrieres , Doyen des Conseillers
au Châtelet , avec lequel elle avoit été mariée
le 8. Janvier 1695. mourut à Paris dans la 75 .
année de son âge , étant née le 26. Novembre 1663 .
Elle étoit fille de feu Laurent de Faveroles , Auditeur
en la Chambre des Comptes de Paris , et de
feue Jeanne Picquet. Elle laisse un fils et une fille ,
qui sont Jean Bruant des Carrieres , reçu Correcteur
en la Chambre des Comptes de Paris le 23 .
Avril 1727. & marié le 3. Avril 1731. avec la fille
unique de feu Jean-Baptiste Sensier , Seigneur de
Villelouvette , & de la Motte , Auditeur en la même
Chambre des Comptes , et de Marie Claude
Fournier , sa veuve ; et Susanne Bruant des Carrieres
, mariée le 12. Janvier 1729. avec Jean Jacques
Noüet ,, reçu Conseiller au Parlement de Paris ,
le 24. Mars 1719.
Le même jour , Alexandre le Roy , Clerc du Diocèse
de Paris , Prieur Commandataire de Montlhery,
ci- devant de l'Académie des Inscriptions et Belles
Lettres , free de Georges le Roy , et de Pierre
le Roy de Valières , Avocats au Parlement de Paris ,
et anciens Bâtoniers , dont le premier est actuellement
Doyen de son Ordre , mourut dans la 59. année
de son âge , étant né le 6. Octobre 1679 11
laisse une Bibliotheque nombreuse , une suite trésconMAY.
1738 . 1027
,
Considérable de Médailles , tant en or et argent ,
qu'en bronze et cuivre et une grande quantité de
Jettons ; il étoit Auteur de quelques Dissertations.
Le même jour, De . Helene de Marguerit,veuve de
François Antoine Gillain, Seigneut de Benouville , &
du Port, Gentilhomme de Normandie, de la Généralité
de Caën , mourut à Caen , âgée de 72 ans.
Elle étoit mere de De . Jeanne Helene Gillain de Be
nouville , veuve de Louis Caillebot , Marquis de la
Salle, Chevalier des Ordres du Roy ci -devant Maître
de sa Garderobe , mort le 7. Decembre . 1728.
Le 29. Michel Desponty , Seigneur du Plessis-
Sainte Avoye , Trésorier , Receveur general , et
Payeur des Rentes de l'Hôtel de Ville de Paris , depuis
1689. Doyen de sa Compagnie , mourut âgé
d'environ 82 ans. Il étoit veuf depuis plusieurs années
de Genevieve le Mazier , fille de Louis le Mazier
, vivant Conseiller Secretaire du Roy , Greffier
en chef des Requêtes de l'Hôtel , et d'Elizabeth de
Coulanges.Il en laisse 3.fils dont un a été Lieutenant
dans le Régiment des Gardes Françoises , et un autre
est actuellement Payeur des Rentes de l'Hôtel
de Ville , et deux filles , dont l'aînée , Marie Genevieve
Desponty, a épousé François des Roches -Herpin
, Seigneur de Bois- Boudron , et la cadette n'est
point encore mariée. Il en avoit eu une troisiéme ,
dont on a raporté la mort dans le Mercure de Fevrier
1737. P. 408.
>
Le premier May , Thomas Le Gendre de Collan
de Seigneur de Gaille- Fontaine , Alge , Elboeuf ,
& c. Maréchal des Camps et Armées du Roy , du
premier Fevrier 1719. et Commandeur de l'Ordre
Royal et Militaire de S. Louis , à 3000 liv. de pension
du premier Janvier 1720. mourut à Paris âgé
de 65.ans.Il avoit été d'abord successivement Enseigne
, Sous Lieuteuant , et Lieutenant dans le Regiment
1
J028 MERCURE DE FRANCE
ment des Gardes Françoises . Il fut depuis Colou
nel du Régiment de Flandres au mois de Mars 1702 .
& ensuite du Régiment Royal Vaisseaux au mois
d'Avril 1705. Il avoit été fait Brigadier à la Promotion
du 29. Mars 1710. Il étoit veufde D. Ma→
rie - Catherine Magdelaine de Voyer de Paulmy
d'Argenson , dont on a raporté la mort dans le
Mercure de Decembre 1735. Volum. I. pag. 2739.
Il en laisse des enfans .
La nuit du 3 au 4 Dile Marie - Augufte de Flabault
de la Billarderie , restée fille unique de Jerô
me- François de Flahault , Seigneur de la Billarderie,
de S. Remi , et de Morlingan , Gentilhomme de
Picardie , Lieutenant Général des Armées du Roy,
Major de fes Gardes du Corps , "Commandeur de
P'Ordre Militaire de S. Louis , et Gouverneur de
S. Quentin ; et de feue D. Marie - Anne Porlier
décédée le 21. Mars 1734. mourut à Paris dans la
trente - quatrième année de fon âge , étant née le
8. Novembre 1704 .
و ج
Le 6. Antoine - Gaston- Jean- Baptiste , Duc de
Roquelaure , et du Lude , Prince de Montfort, Marquis
de Biran , de Puiguilhem , et de Lavardens ,
Comte d'Aftarac , de Gaure , et de Pontgibaut ,
Baron de Capendu , de Montefquiou , S. Barthele
mi , & c. Doyen des Maréchaux de France , de la
Promotion du Février 1724 Chevalier des Ordres
du Roy du 2. Février 1728. Gouverneur des
Ville et Citadele de Laictoure , et ci - devant Cmmandant
en Chef pour S. M. dans la Province de
Languedoc , mouret à Paris dans la 82. année de
fon âge . Ses Emplois et fes Services font détaillés à
Partic e de fa Eomotion à la dignité de Maréchalde
France dans l'Hiftoire des Grands Officiers de
la Couronne Tm. Vil . pag. 695. et la Généalogie
de la Maison est raportée dans le même Volume
Page
MAY
1019
1738.
pag. 402. à l'article d'Antoine de Roquelaure , Mas
réchal de France , fon Ayeul. Le Maréchal de Roquelaure
laisse deux filles , qui font les Princesses
de Leon et de Pons , comme on l'a marqué dans le
Mercure de Mars 1735 pag. 614. en annonçant la
mort de D. Marie- Louiſe de Laval , leur mere.
9.
-
Le André - Clement Rouillet , Seigneur de
Beauchamps , de Lassay , S. Michel , et Centigny
au Maine , mourut à Paris dans la 43. année de son
âge , étant né le 24. Mars 1696. Il étoit fils aîné
d'André Antoine Rouillet , Seigneur de Beauchamps
, Lassay , S. Michel , et Centigny , Conseiller
au Parlement de Paris , mort âgé de 7. ans ,
15. Novembre 1705. et de Jeanne - Louife Buchere
de la Beauvoisiere , sa Veuve , femme en secondes
Nôces de Louis - Auguste de Navirault de la Durandiere
, Seigneur du Petit 1 aris.
le
Le 14. Avril , Louis - Claude - Jean - Baptiste- Be
noit , Chevalier , Seigneur de Bruc , épousa en l'Eglise
Cathédrale de Rennes , Anne- Sylvie- Claude
du Breil de Pontbriand , il est fils de Joseph-Jean-
Baptiste de Bruc , Conseiller en la Grand Chambre
du Parlement de Bretagne , et de D. Jeanne- Therese
le Prêtre ; la Céremonie fut faite par l'Abbé de
Pontbriand , Grand Vicaire de S. Malo , en présence
d'une nombreuse assemblée . La Maison de
Bruc est très- ancienne dans la Province de Bretagne
; on voit dès 1268. un Allain de Bruc , Evêque
de Dol , et un Jean de Bruc , Evêque de Tréguier,
du temps de S. Yves. Jean de Bruc en 1426. étoit
Vice-Chancelier de Bretagne , et Ambassadeur à
Rome pour le Duc ceux de ce nom ont occupé
des Charges considérables dans la Province. Leurs
Alliances ne le sont pas moins. Cette Maison est
alliée dès avant 1200, avec celle de Callac. Envi-
COM
1856 MERCURE DE FRANCE
ron 1426. Geffroy de Bruc épousa Jeanne de Lhôpital
, fille du Président universel de Bretagne . Ils
ont depuis pris Alliance avec les Maisons de Trécesson
, de Rougé , de Plessis Belliere , de Goulaime
, de Crequi , de Ses - Maifons et autres . La
Mere du nouveau Marié , D. Jeanne - Thereſe le
Prestre , est Soeur de M. le Président de Châteaugiron,
et de M. de Lezonnet , Conseiller au Parlement
de Paris : le nom de le Prestre est respectable
en Bretagne , et il y a des Alliances considérables .
A l'égard de Mad. de Bruc , elle est filie de Louis-
Claude du Breil , Chevalier , Seigneur , Comte de
Pontbriand , Baron de la Houlle , Vicomte de Parga
, Seigneur de la Garde , Lepin , la Ville -au Prevôt
, Richebois , et autres lieux , Capitaine Général,
Garde-Côte du Département de Pontbriand , Gouverneur
pour le Roy de l'Isle et Fort des Hébihens ;
et de D. Françoise- Gabrielle d'Espinay , Dame ,
Comtesse de Pontbriand . Cette Maison de du Breil
a sa Généalogie imprimée dans du Pas , Historien
de Bretagne , mais cette Généalogie ne se trouve
pas exacte , car par un Titre trouvé en l'Abbaye de
Ja Vieuville , et un autre trouvé en celle de Marmoutier
, on prouve qu'il y en avoit de ce nom
avant celui par qui du Pas commence , et ceux- là
étoient qualifiés Milites : on sçait que cette qualité
ne se donnoit pas à tout le monde. Les Alliances de
cette Maison ne diférent en rien de celles de la
Maison de Bruc. Les principales sont avec les Maifons
de Nevet , de Liscouet , de la Valliere , de
Richelieu , de la Garaye , de Marbeuf , de Rohan ,
de Rohan Chabot , d'Acigné , de Guemadeuc , de
Franquelot , de Coigny , de S. Gilles et de Pontcallec
. A l'égard de la Mere de la jeune Dame
elle est fille du Comte d'Epinay , qui a été Colonel
du Régiment de Charolois , et de D. Anne d'Hau
2
tefort
,
MAY. 1738. 1031
refort ; tout le monde sçait les Alliances de la
Maison d'Epinay , et qu'elle est alliée avec les
Maisons de Lorraine et de Milan ; on n'ignore pas
non plus celles de la Maison d'Hautefort , ni ses
Illustrations.
***
A MADEMOISELLE
****
Sur son Mariage.
Bouquet , par M. de Sommevesle .
ON n'en peut plus douter , Iris , votre destin ,
Est de subir les loix de l'Hymenée ;
Pour en consacrer la journée ,
On m'a fait concevoir le trop hardi dessein
D'aller chercher des fleurs sur les bords du Permesse
,
Mais je fus imprudent quand j'en fis la promesse."
C'étoit , Iris , aux Graces , aux Amours ,
Nés pour inspirer la tendresse ,
A vous cueillir ces fleurs , présages des beaux jours
Que le Ciel vous donne en partage ,
Et qu'il donne à l'Epoux que l'Amour vous
engage.
De la Vertu , de la Beauté ,
De la douceur , de la vivacité ,
Chacun admire en vous le trop rare assemblage.
Faite pour le plaisir de la Societé ,
Raison,
1032 MERCURE DE FRANCE
',
Raison , Prudence , égalité ,
Ont depuis quelques ans en vous devancé l'âge ,
Mais surtout ce ( je ne sçais quoi
Et dont en vous voyant nul ne peut se défendre ,
Est l'attrait en hanteur qui mit sous votre loi
Le Cavalier fidele et tendre ,
A qui dans ce moment vous promettez la foi.
Ah ! si quelqu'un , Iris , en étoit digne ,
J'ose vous le dire ( c'est lui. ))
La probité , l'honneur , une sagesse insigne ,
Malgré le goût dép avé d'aujourd'hui',
Ont forgé les aimables chaînes
Qui feront de vous deux la gloire et le bonheur,
Ces Vertus de l'Hymen adoucissent les peines ,
Lorsque la raison seule est la guide du coeur.
Goûtez les fruits de votre destinée ,
Goûtez- les un long-temps , Iris ,
Les beaux feux dont vos coeurs sont justement épris
Ne peuvent que la rendre à jamais fortunée.
ARRESTS NOTABLES.
LETTRES PATENTES DU ROY , pour l'execution
du Reglement concernant les Manufactures
des Etoffes de soye , or et argent , de la Ville de
Lyon , et la Communauté des Maîtres Marchands
et Fabriquans desdites Etoffes ; données à Fontaibleau
le 1. Octobre 1737. registrées en Parlement
le 31. Mas 1738. par lesquelles Sa Majesté ordonme
l'execution d'un nouveau Reglement arrêté en
MAY 1738 1033
aon Conseil , contenant 208. Articles , pour remédier
aux aous qui se sont introduits dans les Mafactures
des Ecoffes de soye , or et argent , et autres
, mêlées de soye , laine , poil , fil , et coton
qui se fabriquent tant dans les Ville et Fauxbourgs
de Lyon , que dans les Provinces de Lyonnois ,
Forêt et Beaujollois , &c.
-
>
DECLARATION DU ROY , en faveur des
Trésoriers Généraux de l'Extraordinaire des Guerres
, donnée à Versailles le 18. Mars 1733. regis
trée en la Cour des Aydes le 29 dudit mois , par
laquelle il est dit ce qui suit : Nous difons et décarons
, que nous avons entendu comprendre dans
le Privilege que nous nous fommes réservé pour
nos Deniers , non feulement tous nos Officiers
comptables en titre d'Office , mais encore tous
ceux qui en auroient le maniement à quelque
titre que ce foit ; et que ceux de nosdits Officiers
comptables qui , par l'étendue des fonctions de
leurs Charges , sont obligés d'avoir des Commis
dans les diférentes Provinces de notre Royaume ,
auxquels ils confient nos Deniers , pour en faire
pour eux les fonctions dans lefdites Provinces, ayent
sur les biens de leurs Commis , pour le recouvrement
de nos Deniers qu'ils leur auront confié , le
même Privilege , Droits et Actions , que nous nous
fommes réfervés fur lefdits Comptables eux-mêmes
, par l'Edit de 1669. Voulons qu'ils puiffent
les exercer fur les biens meubles et immeubles de
leursdits Commis , ainfi et de la même maniere
qu'il est établi par toutes les dispofitions dudit
Edit comme étant lefdits Comptables fubrogés à
nous-même dans le maniement de nos Deniers ; et
qu'en cas de conteftations , elles foient jugées conformément
audit Edit de 1669. et à ces Présentes
que nous voulons être exécutées en tout leur
contenu.
On donnera deux volumes du Mercure la
moisprochain , pour pouvoir employer plusieurs
Pieces que nous croyons dignes d'interesser le
Lecteur.
J
APROBATION
.
'Ai lu par ordre de Monseigneur le Chancelier,
le Mercure de France du mois de May , et j'ai
cru qu'on pouvoit en permettre l'impression . A
Paris , le premier Juin 1738.
HARDION .
TABL E.
IECES FUGITIVES. Fable ,
PM
823
Memoires pour servir à l'Histoire du Théatre
,
Epitre sur les Louanges ,
Nouvelles du Perou ,
L'Avarice , Ode ,
826
836
841
859
Essi d'un Traité Historique de la Croix de J. C.
et Figure ,
Epitre à Mile , &c.
865
881
Extrait d'une Lettre au sujet de S. Edmond, & c 883
Réponse à la Question proposée , &c,
Ode à Mad . sur la mort de son Epoux ,
886
889
Billet en Vers à M. Hun ud , & c. 892
Extrait de Lettre sur la Question de l'Honneur et
de la Gloire ,
ibid.
La Sympathie , Ode ,
895
Lettre
Lettre sur la Question touchant les Fils de Damon,
La Nymphe Umbra , Conte
900
903
Lettre sur l'Explication d'un nom usité parmi le
vulgaire de Montmartre, près Paris,
Rondeau ,
Enigme , Logogryphes ,
907
911
913
917
NOUVELLES LITTERAIRES , DES BEAUX- ARTS
& c.
Epitre de M. Gre ‹ set , 918
919
Avis et Refléxions sur les devoirs de l'Etat Reli¬
gieux ,
Nouveaux Amusemens du coeur et de l'esprit , 921
Nouveau Recueil des Edits , Déclarations, &c. 922
Cours d'Architecture , &c .
Programme ou idée générale d'un Cours de Physique
Expérimentale , &c.
923
924
Essais sur la nécessité et les moyens de plaire , seconde
Edition ,
Pensées sur la Déclamation , &c.
L'Aristipe moderne , &c .
Aurelia , ou Orleans délivrée , & c.
Inscriptions du P. Vaniere , traduites , &c.
Assemblée publique de l'Académie de la Rochelle ,
&c.
917
929
934
943
944
945
951
954
955
957
Prix proposé par l'Académie Royale des Sciences ,
Prix proposé par l'Académie établie à Pau ,
Dissertations publiques sur l'attaque et la défense
Estampes nouvelles ,
Cartes de Géographie ,
des Places , 958
Nouvelle Pension
pour
l'Education des Enfans, 960
967 Chanson notée ,
Spectacles. Les Caracteres de l'Amour, Extrait, ibid.
Epitre en Vers à Monseigneur le Dauphin , 979
Yers à la Dlle Sallé ,+ 980
Tragédie
Tragédie de Phédre et Hypolite , & c.
Mithridate , Nouvel Acteur , & c .
981
983
Vers sur la Dlle Cammasse, celebre Danseuse , 988
Comédie Italienne , Ballet figuré , & c. 989
Nouvelles Etrangeres , de Constantinople , de Pologne
et Hongrie ,
D'Allemague , Dresde et Italie ,
992
୨୨୨
De Venise , Génes , Florence , Espagne , Angleterre
,
Vers , &c .
1007
1011
France , Nouvelles de la Cour , de Paris , &c. 1013
Vers , &c.
Morts , Naissances et Mariages , &c.
Vers , Bouquet ,
'Arrêts Notables ,
1020
ibid.
1031
1032
Errata d'Avril.
PAge 816. ligne 24. 21. lisez 11.
Fantes à corriger dans ce Livre.
PAge 831. ligne 7. ct , ôtez ce mot. P. 833. 1. 2. du bas, ses , lisez les
P. 882. 1. 9. délicat , délicate. l.
P. 884. 1. 2. Lencolne , Lincoln .
Ibid. 1. 7. Huges , 1. Hugues,
P. 911. 1. 16. Pancteria ,1. Paneteria.
La Médaille gravée doit regarder la page
La Chanson notée la page
879
976
MERCURE
DE
FRANCE ,
DÉDIÉ
AU
ROT.
JUIN
. 1738.
PREMIER VOLUME.
COLLIGIT
SPARGIT
A
PARIS ,
GUILLAUME CAVELIER ;
ruë S. Jacques.
Chés La Veuve PISSOT , Quay de Conty
à la defcente du Pont Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais,
M. DCC. XXXVIII.
Avec Aprobation & Privilege du Roya
A VIS.
LA ?
' ADRESSE generale eft à
Monfieur MORE AU Commis an
Mercure vis - à - vis la Comédie Frangoife
, à Paris. Ceux qui pour leur commodité
voudront remettre leurs Paquets cachetés
aux Libraires qui vendent le Mercure,
à Paris , peuventfe fervirde cette voye
pour les faire tenir.
On prie très-inftamment , quand on adreffe
des Lettres ou Paquets par la Pofte , d'avoir
foin d'en affranchir le Port , comme cela s'eft
toujours pratiqué , afin d'épargner , à nous
le déplaifir de les rebuter , & à ceux qui
les envoyent , celui , non-feulement de ne
pas voir paroître leurs Ouvrages , mais
même de les perdre , s'ils n'en ont pas gardė
de copie.
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les Particuliers qui fouhaiteront
avoir le Mercure de France de la premiere
main , & plus promptement , n'auront
qu'à donner leurs adreffes à M. Moreau ,
qui aura foin de faire leurs Paqueis fans
perte de temps , & de les faire porter sur & de
l'heure à la Pofte , on aux Meffageries qu'on
lui indiquera.
PRIX XXX. SOLS.
MERCURE
DE
FRANCE ,
DÉDIÉ
AU
ROT
JUIN. 1738.
PIECES FUGITIVES ,
en Vers et en Prose.
EPITRE
A M. C. Curé de S. J. D. H. P:
M
On cher Curé , que j'aime tant ,
COURCAUT , contente mon envie
Dis- moi quand mon ame ravie
Pourra jouir un seul instant
De ton aimable compagnie ,
Sans que quelque malin génie
S'en vienne peu courtoisement
I. Vol. A ij Troubler
1036 MERCURE DE FRANCE
Troubler un plaisir si charmant ?
Hélas ! faut- il que je le die ,
A peine , d'un air. çompassé ,
Suis-je entré chés ta . Seigneurie ,
Que j'en suis poliment chassé ;
Je ne suis point encor placé ,
Quand d'un ton plein de suffisance ;
Certain Laquais fort empressé ,
S'en vient te dire en confidence ;
Que le temps presse , qu'on t'attend ,
Qu'il faut le suivre dans l'instant ,
L'affaire est vraiment d'importance ;
Une vieille à quatre-vingts ans ,
Voyant , non pas sans répugnance ;
Qu'il faut mourir malgré ses dents ,
N'attend plus rien que ta présence
Pour mettre ordre à sa conscience ;
Et rendre ses neveux contens.
Soudain , Pasteur vraiment fidele ,
Tu cours où le devoir t'apelle ;
Pour moi chétif , considérant
Cette catastrophe nouvelle ,
J'admire , il est vrai , ton saint zele
Mais je l'admire en soupirant ;
Ainsi finissant l'entrevûë
Je sors , j'enfile notre ruë ,
Et je m'en retourne en jurant,
Nou
JUIN.
17388 1037
?
Non contre toi , Pasteur aimable ,
Mais contre mon mauvais destin ,
Et dans le souci qui m'accable , ›
Je donnerois peut-être au Diable
Ce Veillaque , ce franc faquin
Ce Valet de mauvais présage ,
Qui par son importun message ,
Cause , innocemment , mon chagrin.
Mais si cette triste avanture
Me mit justement en émoi ,
Ami , dans cette conjoncture ,
Je te plains encor plus que moi ;
Je vois alors avec surprise ,
Mes préjugés anéantis ,
Et tous mes doutes démentis ;
Car je l'avoue avec franchise ,
Je croirois encore sans toi ,
Qu'il n'est que les seuls gens d'Eglise
Que la fortune favorise ;
Qu'un Curé , sur terre est un Roi ,
En effet , selon le vulgaire ,
Dis- le moi , qu'est - ce qu'un Curé
Un homme qui n'a rien à faire
De biens , de plaisirs entouré ,
Et par tout un Peuple honoré .
Que son sort est digne d'envie !
Disent , tout bas , les bonnes gens .
A iij Ex
1038 MERCURE DE FRANCE
Est -il une plus douce vie ?
Belle Maison , Jardins charmans ,
Magnifiques ameublemens ,
Table splendidement servie ,
Bref, toutes sortes d'agrémens.
C'est ainsi que la voix publique ,
Sans dire un mot de ses travaux ,
Fait l'analise hyperbolique
De tous ses biens réels ou faux .
Pour moi qui suis plus équitable ,
Malgré ce portrait admirable ,
Je dis , et j'en suis assuré ,
Que le sort le moins désirable ,
C'est le sort d'un digne Curé.
Lorsque dans une nue obscure ,
La Nuit regnant sur la Nature ,
Promene son Char dans les airs ,
Et lorsque dans tout l'Univers ,
Les Hibous seuls et les Chouettes ,
Sortis de leurs sombres retraites ,
Ont encore les yeux ouverts ;
Eveillé par cent soins divers ,
Un Pasteur plein de vigilance ,
Dans le sein même du silence ,
Ignore un tranquile repos.
La nuit fuit , le jour recommence ;
Le jour yoit augmenter ses maux,
Qu'il
JUIN
1035 1738
Qu'il pleuve , qu'il gele , n'importe ,
Quand même il devroit y périr ,
On le demande , il faut qu'il sorte ;
Le Pasteur est fait pour souffrir ,
Tandis que les Brebis oisives ,
Heureusement contemplatives ,
Jouissent dans un plein repos ,
De tous les fruits de ses travaux .'
Mais du sort l'aveugle caprice ,
A cet article seulement
Ne borne point son injustice ;
Chés lui rentre - t'i un moment ?
On le vient chercher promptement ;
Tantôt il s'agit d'un Service ,
Tantôt c'est un Enterrement ;
Pour comble de contentement ,
Une Cloche , non sans malice ,
L'appelle , à grand bruit à l'Office ; -
Ou bien , et c'est le plus grand mal ,
Une honnête Mélancolique ,
Moins par vertu que par pratique ,
L'attend au Confessional ;
C'est miracle si la Donselle
N'est Dévote ou soi-disant telle ;
Si le cas étoit , par malheur ,
Que je plains le pauvre Pasteur !
Que de scrupules pueriles !
.
A iiij Questions
1040 MERCURE DE FRANCE
Que de discours vains et futiles !
Que de riens se vont débiter ,
Si la Dame , pour l'écouter ,
Trouve des oreilles dociles !
Plutôt qu'être à ce prix , Pasteur ,
Ami , souffre que je le die ,
J'aime encor mieux être Rimeur ,
Quand je devrois passer ma vie
A forcer mon foible génie ,
De ne louer que des Pédans ,
Mêmes en dépit du bon sens.
Mais toi que la vertu suprême
Compte avec plaisir elle- même ,
Entre ses plus chers Favoris ,
COURCAUT , plus la peine est extrême ,
Plus dans ton coeur tu la chéris.
O Pasteur vraiment admirable !
Heureuses trois fois les Brebis ,
Qui , sous ton aîle secourable
Dans des pâturages fleuris ,
Trouvent cette Mâne adorable ,
Dont chaque jour tu les nourris .
Chacun le dit , et j'y souscris .
Il est vrai , ton zele est loüable
Mais tu n'es point infatigable
Depuis long-temps , je te le dis ,
Tu suis de trop près les Apôtres.
>
Eh !
JUIN.
1041 1738.
Eh! sans tant prendre de soucis ,
Que ne fais-tu comme bien d'autres &
Ou que n'es-tu plu -tôt Prieur !
J'entends Prieur Commandataire ,
Car , entre nous , c'est le meilleur ,
Chés de tels Prieurs , point de Chaire ,
Point ou presque point de Bréviaire ,
Point d'Offices , jamais de Choeur ;
Voi comme ils voiturent à peine
Le poids de leur vaste bedaine ;
Quel embonpoint ! quelle épaisseur !
Quel coloris ! quelle verdeur !
Aucun soin ne les embarasse ,
Aucun chagrin ne les tracasse ,
Toujours table de bon alloy ,
Vins de Moines , chere de Roy ;
Bref , si l'on ôte la science ,
Ce qui n'est pas grand-chose au fond ,
Tout chés eux est en abondance ,
Tout au moindre désir répond.
Ainsi pleins d'une douce yvresse ,
Qui les endort tranquilement ,
On voit sans regret , sans tristesse ,
S'écouler insensiblement
Ces jours heureux , que la mollesse
Leur a filés nonchalamment.
Eh bien qu'en penses-tu , beau Sire ?
A Y Cet
042 MERCURE DE FRANCE
Cet état seroit - il le pire
Entre tous les autres états
Certe , je ne le pense pas ;
Et je crois , que sur ce chapitre ,
Ton avis est semblable au mien .
Mais finissons cet Entretien ,
Et notre assoupissante Epitre ,
Qui , commé je le conçois bien ;
Doit t'ennuyer en sa maniere ,
Presqu'autant que le pourroit faire
Le Sermon vraiment assommant ,
Et vraiment digne de satyre ,
Que nous débite pésamment
Certain Capucin bas Normant ,
Qui nous endort , ou nous fait rire .
Quoiqu'il en soit , dans ton ennuy ,
Ne vas pas croire qu'aujourd'hui
Tu souffres tout seul le martyre ;
Non , cher COURCAUT , j'ose le dire ,
Chacun de nous souffre le sien ;
Car si tu n'aimes point à lire
Une Epitre qui ne vaut rien
Je n'aime pas plus à l'écrire.
PICQUET.
SUITE
JUIN.
1738. 1043
SUITE de l'Extrait des Poësies de Maître
Roger de Collerye , dont on ne connoît plus
qu'un Exemplaire imprimé , qui est à la Bibliotheque
du Roy.
E ne doute pas , Monsieur , qu'il n'y ait
Jdéja plusieurs Recueils d'Epitaphes dans
le genre de celles qui peuvent divertir par
leurs naïvetés , ou par la singularité de la
versification. Maître Roger de Collerye ,
Poëte , natif de Paris , demeurant à Auxerre
vers les années 15 20. et 1530. dont je vous
ai déja parlé dans le Mercure de Decembre
dernier , étoit en état d'en composer de fort
naïves. Ce Poëte paroît avoir éte en relation
avec Clement Marot , et avec d'autres Poëtes
de son temps . Cependant ses Oeuvres
imprimées ont si peu fait fortune , qu'il n'en
reste qu'un seul Exemplaire connu , ainsi
que je vous l'ai déja dit. Je m'étois d'abord
imaginé que ce Poëte étoit un homme
du Monde ; et quoique son Imprimeur
l'ait qualifié de Sécretaire de l'Evêque d'Auxerre,
je n'en concluois pas qu'il eût été d'Eglise
; mais je trouve au feüillet 17. une Requête
qu'il présenta au Reverend Evêque
pour lui demander une Cure.
A vj
Par
1944 MERCURE DE FRANCE
Par charité que toute amour procure ,
Ne différés me pourvoir de la Cure
Qu'avoit jadis Maître Michel ( a ) Caron,
Bien plus , à la feüille K ij , demandanı
encore une Cure , il dit :
Infortuné je suis , et poure Prêtre ,
Privé des biens de ce monde terrestre .
Or voici comment ce pauvre Prêtre rédiger
l'Epitaphe d'un Chanoine Semi - Prébendé
d'Auxerre , que je vous ai promise dans ma
Lettre du Mercure. Il l'apelle dans un autre
endroit de ses Poësies Monseigneur de Gurgy,
peut-être parce qu'il avoit quelque petit bien
dans le territoire de cette Paroisse , voisine
du Château de Regennes :
Cy git Bachus ce vaillant Champyon ,
Qui en son temps ainsi qu'un franc pyon ,
A maint godet et maint verre esgoutté ,
De bien boire ne fut oncq desgoutté
"
En fon vivant bon Chanoine (6) Tortrier
( a ) Ce Michel Caron mourut le 13. Mai 1518.
selon son Epitaphe qui est dans le Recueil d'Epitaphes
manuscrites de Bureteau , Celeftin de Sens , dans l'a
Bibliotheque du Chapitre de Sens. Il étoit Lecteur de
la Cathédrale en 1520. Voyez les Pieces justificati
ves de l'Hist. d'Auxerre de l'an 1723. pag. xxx .
(b) En Latin Canonicus Tortarius. Voyez l'Expli
cation de ce mot dans la nouvelle Edition du Glossaire
de M. Du Cange. D'Aussc
JUIN.
1049 1738
D'Ausserre fut en Ville et champs trotier ,
Preudhomme estoit et de grant renommée ,
Et en maints lieux sa vie estoit nommée ;
Le bruit avoit de se lever matin :
Souls le vouloir de boire ung bon tatin ,
Aulxs et oignons, mieulx aimoit que le fucre ,
Peu fréquentoit des defuncts le sepulcre ,
A Dieu faisoit en tout temps et saison
Songneusement briefve et courte Oraison .
Trouvé n'estoit en rochers ne cavernes ,
Devotement visitoit les Tavernes ;
Il alleguoit plusieurs auctoritez >
Qui contenoient bourdes et veritez .
Au flux , au cent, (a) au glic , au tricquetrac
Il s'battoit ; souvent étoit à flat ,
Jeux et ébats désiroit à
ouyr ,
Noises , débatz toujours vouloit fuyr ,
Si quelque chose à quelqu'un promettoit ,
De le bailler bien peu s'entremettoit.
Subgect estoit à sa complexion ,
Et en faisoit foible confession.
Or et argent voluntiers empruntoit,
De le rendre ennuyé se sentoit.
A ses (6) Débiteurs disoit des paraboles ,
Et les payoit doucement en paroles.
(a) Je n'entends point ces trois noms de Jeux.
(b) Le Poëte a voulu dire Créanciers.
Aucunefois
1046 MERCURE DE FRANCE
Aucune fois au sexe feminin
Se démontroit gratieux et benin :
De leur prêter or , argent ou pécune
Jamais n'en eut dévotion ' aucune ,
Vertu saint Jehan étoit son jurement ;
La vertu- dieu par fois bien aigrement .
Or est -il mort , la terre en a le cors :
A l'ame soit Jesus misericors.
Si Roger de Collerye écrivoit pour s'amuser
sur les évenemens de son temps , il se
mêloit aussi quelquefois d'écrire sur le temps
futur : ainsi dit-il au folio M. ultimo.
La mil cinq cens et trente - neuf
L'on verra un monde tout neuf ,
Les Leutheriens confondus ,
Les Payens et Turcs fondus.
On voit bien que sa Prophétie n'étoit
fondée que sur la rime , comme la plupart
des anciens Proverbes et Dictons.
Je vais continuer de vous marquer les naï
vetés de ses Poësies , ou plutôt les plaisanteries
que la rime faisoit placer par ceux qui
bui étoient contemporains , ou qu'il a peint
sous leur nom. Il composa une Epitre à
Sire Etienne Fichet , Greffier de la Gruërie de
Dijon ; dans la Réponse que lui fait le sicur
Fichet , ou que Roger lui fait faire , il souhaite
JUIN. 1738. 1047
haite à Roger de saluts un Bichet.
Vous sçaurez que du côté de la Bourgogne
le Bichet est une mésure de grains , qui
contient deux boisseaux : on prononce Pichet
du côté de Soissons. Les Salutations
mésurées au Bichet sont une chose un peu
singuliere.
Dans la feuille G. est un Dialogue de
Monsieur de De-là et Monsieur de De-çà ,
composé en 1533. II le finit par ces Vers :
Or est le temps partir d'icy ,
Pour aller boire à Irency ,
Et engager robe et pourpoint.
Irency est une petite Ville que vous connoissez
, à trois lieues d'Auxerre : elle est féconde
en très bons vins rouges. Voyez dans
le Mercure d'Octobre 1736. page 2368. la
circonstance d'un Evenement fort surprenant
arrivé en ce lieu. Le Poëte , au reste
nomme Irency préférablement à Coulangesles
-Vineuses , parce qu'il lui falloit une rime
en y
A la Feüille H. iij est la Complainte d'un
Serviteur pour la mort de Charles du Refuge,
Abbé de Monftier-la- Celle à Troyes. Roger
faisoit des Poësies au nom de tout le monde.
A la Feuille I. ultimo il marque quels sont,
à son avis , les meilleurs bûveurs ou les plus
curieux
1048 MERCURE DE FRANCE

curieux de bons vins parmi nos peuples
François et leurs voisins :
Picars , Normans , Bretons et Navarroys
Ces vins clairets de Beaulne et l'Auxerroys
Plus aimeroient que toute autre utencile.
Or quel prix payoient-ils alors ces bons
vins ? le Rondeau de la Feüille M. ij nous
l'aprend.
Comme on m'a dit , et que j'ai entendu ,
Le muy le vin cent sols avez vendu
A un Marchand , qui est assés bon prix.
Fol. N. ij . est une Poësie sur Huguet
Thuillant ; celui-là aparemment qui aida à
chasser d'Auxerre les Huguenots trente ans
après , ou bien son Pere. Voye mon Histoire
imprimée à Auxerre en 1723. pag 165. en
168 .
L'attention de Maître Roger sur les Evenemens
tragiques arrivés de son temps , lui
fit compofer ensuite l'Epitaphe de Jacques
de Beaulne , Seigneur de Semblancay , proche
Tours , celle de cinq hommes tués dans
la forêt de Biere , ( c'est celle de Fontainebleau
) le x1 . Mars 1534. du nombre des
quels étoit Jean Hobelin , Licentié ès Loix ,
Avocat. Vous trouverez encore l'Epitaphe
d'Antoinette Duchesnay , femme de Jacques
JUIN. 1738.
1049
ques de Giverlay , Chevalier , Seigneur de
Champolet , inhumée à Batilly en 1531 ,
celle d'Etienne Fichet , duquel je vous ai
déja parlé : j'y ai remarqué ce Vers :
Expert étoit à composer Epîtres.
Il semble que sur ce témoignage on peut
l'agréger aux Auteurs de Bourgogne , dont
M. l'Abbé Papillon , Chanoine de la Chapelle
aux Riches de Dijon , a recueilli un
gros volume qu'il auroit publié , si la mort
ne nous l'avoit enlevé le 23. Février dernier.
J'ai commencé dans cette Lettre le détail
de quelques- unes des Poësies de Maître Roger
par une Epitaphe ; il faut que je le finisse
de même. Plusieurs Morceaux d'un
Auteur raportés en entier , et raprochés
l'un de l'autre le font mieux connoître.
C
Epitaphe de Michel Armant, Bourgeois
d'Auxerre , et Notaire Royal.
I dessous gist le bon et bien nommé
Michel
Michel Armant , jadis très-renommé ; ;
Plein de vertus , bon preud'homme et loyal ,
Savant Expert , et Notaire Royal ,
Aymé de tous , humain et charitable ,
Doux et bening , droit , ferme et veritable ,

1050 MERCURE DE FRANCE
Né de Varzy , ( a ) et en progeniture ,
Issu de gens de loüable nature :
Qui trépassa garni de foy et loy ,
Le propre jour de Monsieur Saint Eloy
L'an mil cinq cent trente-huit à Ausserre .
Le doulx Jesus à luy son ame serré . Amen.
Je ne fçais pas , M. si vous aprouvez la
conjecture que j'ai risquée dans ma Lettre
imprimée dans le Mercure de Décembre
dernier p. 2815. sur l'origine du Proverbe
de Roger Bontemps. Je fçais feulement que
le Dictionaire de Trévoux la fait remonter
plus haut ; mais on peut demander des Titres
pour autoriser cette antiquité. Le Livre
de Poësie que je produits me sert de preuve.
Je croi d'ailleurs que l'Auteur dans le
rang qu'il tenoit , n'auroit pas voulu prendre
le surnom de Bontemps , si ce surnom
avoit été trivial avant lui.
Quoi qu'il en soit j'ai tiré de l'obscurité ;
pour ainsi dire du Tombeau , notre Maître
Roger , digne Citoyen d'une des bonnes
Villes de Bourgogne , et j'ai donné aux Extraits
que j'ai faits de ses Oeuvres leTitre de
( a ) Varzy est une petite Ville du Diocèse d'Au
xerre à 12. ou 13. lieües de la Ville Episcopale. Voyez
ce que j'en ai dit pag.284 et 285.de ma petite Histoire
d'Auxerre , imprimée en 1723.
Réveil
JUIN.
TOST •
1738.
,
Réveil , à l'exemple du Medecin Guenebaud
de Dijon , qui faisant, il y a cent ans , la description
d'une prétendue Urne ancienne
sur laquelle on lisoit le nom de Chyndonax ,
l'a intitulée le Réveil de Chyndonax. Au reste,
je qualifie cette Urne de Prétendue ancienne
parce qu'un Sçavant de cette Ville très -âgé ,
m'a assuré qu'on en a reconnu la suposiet
qu'on la méprise si fort aujourd'hui
, qu'elle est actuellement dans la bassecour
d'un Curé proche Versailles , où elle
sert à abreuver des animaux.
tion ,
Je suis , &c.
ODE A DAMON.
Depuis que du Dieu de la Thrace
Louis a calmé les fureurs ,
Cher Damon , sur les pas d'Horace
J'aime à cueillir par tout des fleurs ;
Le coeur libre , l'esprit tranquile ,
Le Cabaret m'offre un azile
Contre les soucis et les soins ;
Là , ceint de pampre et de lierre
Je verrois s'écrouler la terre ,
Sans en chanter un air de moins.
Comme
1052 MERCURE DE FRANCE
*
Comme toi, d'un destin barbare ,
J'aprends à braver la rigueur ;
Aux coups fatals qu'il me prépare
J'ai déja préparé mon coeur.
De quelques traits dont il me frape ,
Il semble toujours que j'échape
A de plus terribles encor ;
Et ce Stoisme que j'aime ,
A s, dans l'âge de fer même
Me faire trouver l'âge d'or.
*
Du présent occupé sans ceffe ,
Je ne prévois point l'avenir ;
Un plaisir passé ne me laisse ,
Qu'un agréable souvenir.
Loin de moi , prudence inutile :
Des jours que la Parque me file ,
Je mets chaque instant à profit ;
Guidé par ce charmant délire ,
Avec ma bouteille ou ma Lyre ,
Je fixe le temps qui me fuit.
*
Heureux , si quand le vin m'anime ,
Tu daignois me voir quelquefois !
Aux doux sons que ton Luth exprime ,
J'oserois
JUIN
705% 17381
Joserois marier ma voix ;
Quels accords ! Dieux ! Quelle harmonie !
Le fameux Chantre d'Ionis
Ne forma jamais rien d'égal ;
Mais bien plus que lui Philosophes ,
Nous plaindrions-nous dans nos Strophes
D'une Maîtresse ou d'un Rival ?
*
Non', au Dieu qu'adore Cythere
Ne prodiguons jamais nos voeux :
Un coeur , que la raison éclaire ,
Déteste l'amour et ses feux.
Jeune , sous la honteuse chaîne
D'Iris , D'Alphise , ou de Climene ,
Je n'ai que trop long- temps gémi,
Par tant d'épreuves rendu sage ,
Au Ciel pour prix de mon homage
Je ne demande qu'un ami.
Est-ce dans le métier funeste ,
Où mon étoile m'a plongé ,
Que je dois chercher un Oreste ;
Par qui mon mal soit soulagé
L'or brille-t- il , les amis naissent :
Disparoît- il ils disparoissent.
Yeut- on emprunter ils sont sourds.
Tel
054 MERCURE DE FRANCE
Tel Athenes vit le Cinique
Auprès des marbres du Portique
Jadis mandier du secours.
*
Sur les amis , sur leur parole ,
Instruit à ne compter jamais
Dussay-je n'avoir qu'une obole
L'obole borne mes souhaits.
>
Tombai-je en l'extrême indigence è
Envelopé de ma constance ,
Seule elle me sert de soutien.
Reffource aimblale ! heureux remede !
Le trésor qu'un autre poffede ,
Je le regarde comme un rien .
*
Ainsi , lorsque de ses Oracles
Themis ( a ) m'eût confié les droits ,
Je sçus renverser les obstacles ,
Que la fraude oposoit aux Loix ;
Contre l'innocent qu'on accable ,
Ou pour proteger le coupable ,
L'or n'avilit point mes talens
( a ) L'Auteur a autrefois postulé dans le Parle
lement d'Aix , et après avoir servi dans le Regiment
de Gévres , Cavalerie , il se mit dans l'Artillerie ,
Bataillon de la Bori , où il est actuellement.
Et
JUIN.
1738. 105!
Et je ne souillai point ma vie
De l'impudence d'Afranie , ( a )
Ni du gain que proscrit Valens . ( b )
*
Tel sous les drapeaux de Bellone ,
Depuis deux lustres retenu ,
Malgré l'horreur qui l'environne ,
J'ai vû la mort sans être émû.
Non , qu'en excitant mon courage
Parmi le sang et le carnage ,
Je cherchasse à me faire un nom :
Content de n'être point Thersite ,
Je n'enviai point le mérite
D'Achille , ni de Scipion .
*
Mais aux Loix du devoir fidele ,
J'obéis avec fermeté ;
A mon Roi je devois du zele ,
Et non pas de l'oisiveté.
Gêvres * .... mais inutile attente !
( a ) Voy . Val. Max. Liv. 8. ch. 3. et la l. 1. §.
sexum ff. de postul.
( b ) Voyez la Loi Quisquis § . apud Urbem C. de
postul . publiée sous les Empereurs Valens et Valentinien.
* Dans le Régiment de Gêvres»
Des
to56 MERCURE DE FRANCE
Des Heros
que
ce corps enfante
La Paix suspendoit la valeur ;
Si j'ai pû servir ma Patrie
Je ne dois qu'à l'Artillerie
Mes services et mon bonheur,
Quel bonheur ! ai-je osé le dire
Faut-il ainsi nommer un sort
Qui ne peut enfin me conduire
Qu'à l'Hôpital , ou dans un Fort
Helas ! c'est à quoi se terminent
Les penibles travaux qui minent
Mon corps , sous leur faix abbatu.
Dans cette disgrace certaine ,
En vain attendrois - je un Mecene ;
Je n'ai pour moi que ma vertu.
*
Foible apui contre l'infortune !
Né sous un astre malheureux ,
Auprès des Grands qu'on importune ;
Est- ce affez d'être vertueux ?
Plus d'un est venu me sourire ;
Et loin du bas , où je respire ,
A voulu m'ouvrir un chemin ;
Mais jamais du haut de la roije
Pour
JUIN. 1057 1738.
Pour me retirer de la boue ,
Aucun ne m'a prêté la main .
*
Graces au doux nectar d'Automne ,
Je suis sans crainte et sans désirs ;
L'oubli , dont un autre s'étonne ,
Ne sçauroit troubler mes plaisirs .
Hirson ( a ) renferme dans sa cave ,
Le Baume sacré , dont je lave
Les coups que le sort m'a portés ;
Tous les soirs au fils de Semele
Je puis rendre un compte fidele
Des jours que les Dieux m'ont prêtés.
*
Voilà , cher Damon , le principe
D'où naît ma joie et mon repos.
Le vrai bien que cherchoit Chrysipe ,
Je l'ai trouvé parmi les pots.
Et l'ame aux malheurs aguérrie ,
J'aime mieux , loin de ma Patrie
Vivre comme vivoit Teucer , ( b )
Qu'entêté d'une humeur bizarre ,
( a ) Fameuse Auberge de la Ferre .
(b )Voy. Hora. Liv . I. Od. VII,
I, Vol. B Allez
1058 MERCURE DE FRANCE
Aller comme autrefois Icare , *
Donner mon nom à quelque Mer .
A la Fere , par M. d'Oilgober de
Talaples en Provence. ,
LETTRE écrite de Tonneins le 21 Avril
1738. au sujet de la sixième Scene du quar
triéme Acte de la Tragedie de Britannicus.
Depuisque je lis votre Mercure , Mon- sieur , je ne cesse point de louer votre
attention à faire part au Public de toutes les
Pieces de Litterature qui viennent à votre
connoissance ; & ces Pieces sont le plus sou
vent accompagnées de Remarques judicieuses
, qui sont d'un grand secours pour en
découvrir les beautés ; par ce moyen vous
parvenez à satisfaire le Public , & vous don
nez aux Gens de Lettres une noble émulation
, qui ne peut manquer de les soûtenir
dans leurs travaux , et augmenter , s'il est
possible , le vrai et bon goût qui regne aujourd'hui
on voit effectivement s'élever de
toutes parts des Societés de Gens d'esprit
qui travaillent à l'envi à vous fournir des Pieces
dignes de votre Journal , ou des fragmens
de celles qui ont été foumises à leur
* Ovid. Trist, Liv. I. Eleg, II,
examen
JUIN. 1738.
1059
examen : telle est la sixième Scene du qua
triéme Acte de la Tragedie de Germanicus ,
qui vous a été adressée par l'un des Membres
de l'Académie Royale de Caën , et que
vous avez inferée dans le Mercure de Février
1738.
Il faut convenir que ce Morceau merite
votre attention et celle des Gens de Lettres ,
le sublime y paroît à chaque mot , on est
forcé d'admirer dans cet Ouvrage l'heureux
génie de l'Auteur , l'élegance de son stile ,
la majesté des Vers , et l'énergie des expressions
; enfin on ne peut voir rien de plus
touchant , ni de mieux touché , et le sujet
est manié avec justesse et précision. Je ne
puis vous pardonner le silence que vous avez
gardé, tant sur la Piece que sur son Auteur ;
si l'on en juge par ce coup d'essai , il peut
se flater de surpasser les plus grands Poëtes
dans le Genre Dramatique .
Quel objet est plus capable d'exciter des
mouvemens de tendresse et de pitié que le
coeur entier et sanglant de Germanicus entre
les mains ou dans le sein d'Agrippine ! le
Public que l'on a vû si souvent attendri à la
vuë de l'Urne de Cornelie , ne pourra refuser
son aplaudissement à un spectacle si
nouveau et si peu attendu. On peut dire à
la gloire de l'Auteur de cette Tragédie , que
pour se frayer une route nouvelle , il n'a
Bij imit
1060 MERCURE DE FRANCE
imité en aucune façon , ni suivi les traces
de M. Corneille ; d'ailleurs cette refléxion
que l'Auteur fait faire à Agrippine , qu'elle
se trouve dans le même Palais , qui fut témoin
de son Enfance et de son Mariage , paroît
venir fort à propos pour achever de remuer
et d'attendrir ; et les récits de la prison de
Drusille et des dernieres paroles de Germanicus
, dont cette Scene est ornée , sont
amenés avec tant d'art , et si naturellement
qu'ils sont capables de soûtenir le Specta
teur dans la plus vive compassion.
J'admire encore la naïve peinture de la
tendresse filiale dans Drusille , et les mouvemens
de douleur que produit en elle la mort
de son Pere : l'Auteur a touché cet endroit
avec tant de précision , qu'il me fait condamner
les plaintes de Chimene sur la mort
de son Pere ; elle se répand en pleurs et en
discours tendres et expressifs , à la verité ,
mais trop longs pour une personne affligée ;
l'Auteur de Germanicus, au contraire, mieux
instruit des mouvemens du coeur humain ,
pour marquer avec plus d'énergie la vive
douleur de Drusille , la rend muette , se
contentant d'exprimer tout ce qu'elle ressent
en un demi Vers , et par un coup de
Théatre surprenant dans l'autre moitié du
même Vers , de cet excès de tristesse qui
empêche Drusille de se plaindre de la mort
de
JUIN. 17381
1061
de son Pere , il la fait rapidement , et sur
le champ passer à la crainte de perdre son
Amant , dont le souvenir étouffe subitement
en elle les mouvemens de la nature ; et enfin
par un prodige dont l'amour est seul capable
, elle recouvre l'usage de la parole ; et
pendant le reste de la Scene , elle s'occupe
uniquement du soin de justifier son Amant ,
fils du meurtrier de son Pere.
› que
si
Il y a tant d'endroits dans cette Scene ;
qui sont traités avec délicatesse
j'entreprenois de les relever , je passerois les
bornes d'une Lettre , & je ferois une Dissertation.
On ne peut rien ajoûter à l'idée qui a été
donnée de la versification , il est vrai qu'elle
n'est pas par tout d'une égale beauté , et que
même elle est un peu dure en quelques endroits
; mais ces défauts se trouvent heureusement
réparés et adoucis par le nombre
d'exclamations qui sont dans cette Scene ,
causées les unes par la douleur , & les autres
par l'amour.
Au furplus je crois que le Public fe conformera
avec raison au jugement que Mrs
de l'Académie de Caën ont porté sur cette
Piece qui est certainement très -propre à exciter
de grands mouvemens par la nouveauté
du spectacle , et par la rapidité avec laquelle
les passions se succedent les unes aux au-
B iij tres. Ja
1062 MERCURE DE FRANCE
à
Je vous dirai , M. que cette noble émula
tion dont je vous ai parlé au commence-'
ment de cette Lettre , fait déja des progrès
dans ce Pays , ainsi vous ne tarderez pas
recevoir les Essais des travaux de ses Nourrissons
, je vous préviens qu'ils aiment un
peu à briller , et qu'ils comptent que vous
leur en fournirez les moyens , et qu'ils jouiront
de l'indulgence que vous accordez si
gracieusement aux nouveaux Auteurs qui se
distinguent , pour les encourager et les exciter
à vous produire des Ouvrages dignes
d'occuper une place dans vos collections.
J'ai l'honneur d'être , &c.
EPITRE AU SOMMEIL.
D leu du Sommeil , Dieu favorable ,
Toi , qui soulages tous nos maux ,
D'où vient que ta main secourable
Refuse à mes yeux ses pavots
Déja l'inégale Déesse
A fait la moitié de son tour ;
Les fracas et les soins du jour
N'épouvantent plus la molesse ;
Tout est tranquile autour de moi ;
Tout ressent ici l'indolence ,
L'aimable
JUIN. 1063 17381
L'aimable et sage négligence
Me tient lieu du Sceptre d'un Roy ;
Mais loin d'être à mes voeux sensible ,
Sommeil , tu sembles fuir mes yeux ;
Qui peut donc , hélas ! Dieu paisible ,
T'éloigner ainsi de ces lieux ?
Il est vrai que jamais Valere
N'a goûté les tendres douceurs ,
Qu'à présent ; même en ses fureurs ,
Il s'agite , il se désespere ;
Mais lorque le démon du Jeu ,
Dans un coeur a soufflé sa peste
Toujours éveillé par le feu
D'une passion si funeste Y
On préfere , loin du répos ,
Les cartes autour d'une table ,
A la douceur inestimable
D'un bon lit et de tes pavots.
D'autre côté , ce politique ,
En robe de chambre , en bonnet ,
Songe creux en son cabinet ;
Je ris de voir sa face étique.
Pour ateindre aux plus grands honneurs ,
Il rêve aux moyens qu'il doit prendre .
Il compte l'or qu'il va répandre ,
Pour avoir à son gré les coeurs .
Biiij
Bien-tot
1064 MERCURE DE FRANCE
Bien-tôt il préviendra l'Aurore ,
Afin d'aller faire sa cour ,
Et consacrera tout le jour
A la fortune qu'il adore .
Tu ne le connois point encore
Dieu du repos , tu fuis au loin
Un coeur déchiré par le soin ,
Et que l'ambition dévore.
Je vois dans un réduit affreux ,
De l'Harpagon le vrai modele ,
La face blême et les yeux creux ,
A la lueur d'une chandelle ,
Arranger des sacs tout poudreux
Sur les rangs d'antiques Tablettes ,
Et chercher d'un oeil curieux
A rajeunir de vieilles dettes .
Il tremble à chaque mouvement ,
Il pâlit en voyant son ombre ,
11 a peur qu'en cet Antre sombre ,
Les rats n'enlevent son argent.
Pour un fou de cette nature ,
Tes doux pavots ne sont pas
faits ;
Dieu du Sommeil , c'est dans la Paix ,
C'est dans une demeure pure ,
Que tu te plais à rendre heureux
Un Mortel maître de lui-même ;
Ce n'est qu'à toi qu'il fait des voeux ;
Pat
JUIN. 1738.
1068
Par- là son bonheur est extrême .
Dieu charmant , tu sçais que mon coeur
Mettant en oubli tout le monde ,
Pour jouir d'une paix profonde
Cherche et trouve en soi son bonheur.
Tu sçais qu'à mes yeux la Fortune
N'aura jamais rien de charmant ,
Que ma seule affaire à présent
de n'en avoir aucune •
D
N'est que
Que je laisse aux autres Mortels
Le jeu , les honneurs , les richesses ,
Et que content des biens réels ,
J'en abandonne les especes.
Que ne fais -tu donc à mes yeux
Sentir ta douce ' violence ?
Le calme t'apelle en ces lieux ;
Mes passions sont en silence .
Si du puissant Maître des coeurs
J'ai quelquefois porté les chaînes ;
Je n'ai goûté que ses douceurs ,
Sans jamais ressentir ses peines.
Pour connoître aussi les plaisirs ,
J'ai noyé mes soins dans leurs charmes,
Mon coeur n'en ressent point d'allarmes ;
La vertu regloit mes désirs.`
Cette agréable négligence ,
Dont je fais ma félicité ,
N'est
1066 MERCURE DE FRANCE
N'est pas la honteuse indolence
D'un voluptueux hébêté .
La vertu qui regne en une ame
Y produit la tranquilité ,
Lorsqu'on en a détruit la flâme ;
Tout le reste est en sûrèté ;:
Mais je sens que ma voix te touche ;
Doux Sommeil , je sens tes pavots ;
Ils me plongent dans le repos ;
La parole expire en ma bouche ;
Mes yeux suivent ta douce loi ,
Ils ferment enfin la paupiere ;
Et mon ame s'enfuit de moi ,
Pour n'être qu'à toi toute entière.
D. P
ELOGE Historique de M. l'Abbé Papil
lon , Chanoine de la Chapelle aux Riches:
de Dijon.
P
Hilibert Papillon nâquit à Dijon le r
Mai 1666. de Philipe Papillon , Avocat
au Parlement , Référendaire en la Chancellerie
de Bourgogne , et d'Anne-Ursule`Paressot
, et fut l'aîné de six enfans qui sorti
sent de ce mariage.
Certains
JUIN. 1738. 1067
Certains Mémoires manuscrits placent à
Tours l'origine des Papillons , qui se sont
établis en Bourgogne ; si l'on veut en sçavoir
davantage , on n'a qu'à consulter les
Memoires de Marolles , pages 9. et 327.
Histoire Ecclésiastique de Beze , pag. 750.
771. et 780. en 1561. Tom. I. et l'Histoire
du College de Navarre du Docteur de Launoy,
pag. 268. et 407.
72.
Cette Famille qui est fort ancienne à Dijon
, et alliée à plusieurs Maisons de distinction
, compte parmi ses Ancêtres , Almaque
Papillon , Dijonnois , Valet de Chambre de
François I. et bon Poëte , dont elle conserve
le Portrait , qui marque son Emploi chés le
Roy, et où l'Auteur est représenté âgé de
ans en 1559.Le célébre Marot étoit son ami ,
et adresse à François I. une Epitre qui se trouve,
Tom. I. pag. 218. des Oeuvres de Marot,
Edition de la Haye 1700.pour lui recommander
Papillon , Poëte François, étant malade. L'estime
que Marot avoit pour ce Poëte paroît
dans cette Epitre au Roy , à qui il dit :
Que Papillon tenoit en main la plume ,
Et de tes faits faisoit un beau volume :
Personne , à ce que je crois , n'a parlé de
cette Histoire de François I. par Papillon
C'étoit aparemment un Poëme à la gloire
du Restaurateur des Belles - Lettres en Fran
B vj
ce
1068 MERCURE DE FRANCE
ce , au XVI. siccle . Il y avoit entre Marot et
Papillon une conformité d'âge , d'emploi et
de goût pour la Poësie. L'on trouve quelques
Pieces de ce dernier dans un Recueil de
Vers imprimé à Lyon chés De Tournes en
1541. La Croix- du- Maine nous apprend ,
pag. 422. de sa Bibliotheque Françoise que
Throne d'honneur est de Papillon. Il étoit en
relation avec le fameux Corneille Agripa ,
qui dans une Lettre du
Decembre 1527. 31.
le
en fait mention en ces termes Eruditissimus
Papilio in suis litteris salutem ad me ex tuo
-nomine scripsit.
L'on peut encore mettre au rang
de coux
qui ont ilustré cette Famille , Thomas Papil-
Ton , Jurisconsulte et Avocat au Parlement
de Pari , dont la Patrie n'est pas bien connue.
Il sçavoit les Langues , et étoit versé
dans les Belles Lettres . On a de lui : Libellus
de Jure accre cen li. Pari . Berson . 1631. in
8. De Directis bare lum Substitutionibus . Par.
1616. in 8. Le Jurisconsulte Othon a mis
ces deux Traités dans le 4e volume de son
Thesaurus Juris Romani in- fol . Lugd.Batavor.
Vander-Linden 1729. Thomas Papillon est
encore Auteur des Commentarii in 4. priores
Ttulos Libri Digestorum. Paris. Petrus
Durand 1624. in- 1 2 .
Revenons à Philibert Papillon , après qu'il
eft fait , avec fuccès , ses premieres études
20
JUIN: 106 1738.
au College des Jésuites de Dijon , il obtint
d'un Pere qui l'aimoit tendrement, la liberté
d'aller dans la Capitale du Royaume , cultiver
les dispositions qu'il avoit pour les Belles
-Lettres. Comme il témoignoit beaucoup
d'ardeur pour l'Anatomie et pour la Botanique
, il donnoit lieu d'esperer qu'il se livreroit
à son penchant pour la Medecine , mais
dans la suite il negligea ces Sciences , et embrassa
un genre de vie qui ne lui permit pas
de les étudier , comme il l'auroit désiré.
Il ne suivit point à Paris la méthode ordinaire
des Jeunes-gens , et il regarda moins
cette grande Ville , comme le centre de la
volupté , que comme l'asile du bon goût et
des Muses . On l'y vit mettre à profit un
temps quela Jeunesse a coûtume de donner
au plaisir , & on lui a oüi dire plusieurs fois
qu'il n'en ressentoit point de si vif, ni de si
pur , que lors qu'il voïoit un Sçavant.
Quoi qu'il ne manquât pas de goût pour
les Edifices somptueux et les autres Monumens
publics , que Paris offre par tout aux
regards des Etrangers , il faisoit ceder ce
goût sans peine à l'inclination de voir des
Gens de Lettres , persuadé qu'il trouveroit
toujours l'occasion de contempler ces Morceaux
de l'Art si vantés , mais que celle de
voir des Sçavans ne s'offriroit pas avec la
même facilité.
Leur
1070 MERCURE DE FRANCE
Leur vue n'étoit pas pour lui un simple
objet de curiosité . Il tâchoit de profiter de
leurs lumieres , il les interrogeoit , les consultoit
, leur proposoit ses doutes & ses difficultés
, mettant au nombre de ses heureuses
journées , celles qui lui présentoient un
Homme de Lettres sociable et communicatif:
il connut tellement le prix de ces dernieres
qualités , si rares parmi les Sçavans ,
que lors qu'il eut atteint le dégré de Science
où il parvint dans la suite , il se plût à aider
de ses conseils ceux qui avoient recours à
lui
Après un séjour de trois années à Paris ,
où il se contenta de se faire recevoir Bachelier
en Droit Civil et Canon , il revint em
Province. Dès ce temps là , il se faisoit une:
Occupation aussi utile qu'agréable , d'apren
dre à connoître les bons Livres , leurs différentes
Editions , et leurs Autcurs ; Science :
qu'il a portée depuis à un très-haut point ,
et dans laquelle peu de personnes peuvent
se flater d'avoir fait un aussi grand progrès.
Il ne se borna pas à une connoissance simple
et extérieure des Livres , comme tant de
gens font aujourd'hui : il lisoit beaucoup
il méditoit sur ses lectures , et sa memoire
Tui fou nissoit dans la conversation quantité
d'Anecdotes intéressantes et de traits curieux
, qu'il avoit puisés dans les bons Ou-
1
vrages
JUIN 17383 1071!
vrages , et dans le commerce des Sçavans.
Rendu à sa Famille en 1692. il se détermina
entiérement à l'Etat Ecclésiastique
entra au Séminaire de Dijon , et reçût la
Frêtrise le 27. Mars 1694.
Une difficulté qu'il avoit de s'énoncer , et
qui a duré toute sa vie , lui ayant interdit
les fonctions de la Chaire et du Tribunal dela
Pénitence , il crut ne pouvoir prendre un
meilleur parti , que de consacrer ses jours
à l'étude des Belles- Lettres.-
Quelques Sçavans de Dijon ayant établi
dans cette Ville vers 1693. une Assemblée :
Académique , composée de MM . du May ,,
Lantin , Legouz Conscillers au Parlement ,.
De la Monnoye, Baudot, Taisand , Moreau ,,
qui fit à ce sujet un excellent Discours & c .
M. Papillon y fut admis , et quelque jeune
qu'il fit , il y tint son rang avec honneur.
la
Il consacroit le matin à l'Etude , et donnoit
l'après- dînée à la visite de ses amis ou à
La promenade . Exempt d'ambition et d'ava
rice , il s'est contenté toute sa vie d'un Canonicat
d'un fort modique revenu à la Chapelle
aux Riches de Dijon , où il fut reçu en
1690. quoi qu'on lui ait quelquefois offert
des Bénéfices plus considérables , qu'il a tous
jours refusés.
Il jouissoit , à la verité , d'un patrimoine
assés ample , qui le mettoit à l'abri de la
necessité
072 MERCURE DE FRANCE
necessité ; c'étoit un de ses grands principes
que rien n'est plus contraire au succès des
Études que l'indigence. Persuadé qu'un homme
de Lettres a besoin de beacoup de tranquillité
d'esprit , incompatible avec la nécessité.
Il répétoit quelquefois ce Rondeau de
Madame Deshoulliéres :
» Le bel esprit au siecle de Marot ,
» Des dons du Ciel passa pour le gros lot ,
» Des grands Seigneurs il donnoit l'accointance
,
» Et qui plus est faisoit bouillir le pot , &c.
Et il apuyoit fort sur le dernier Vers.
Une fortune honnête, une situation éxempte
d'inquiétudes et d'embarras , du goût pour
les Sciences , des talens naturels et acquis ;
tout concourant à lui former l'esprit , et à
le nourrir du suc des bons Auteurs , il devint
un habile Critique . Sa passion pour les
Livres étoit si grande , que ses parens ne
fournissant pas à son gré assés abondamment
à ses emplettes litteraires , il avoit sacrifié
dans sa premiere jeunesse , au désir de se
faire une petite Bibliotheque , jusqu'aux choses
les plus nécessaires à la vie , et l'on peut
dire que cette inclination l'a suivi jusqu'au
tombeau. Ses Livres n'étoient pas pour lui
un
JUIN. 1738 1073
un ornement inutile ; il lisoit beaucoup ,
comme je l'ai dit , et sa derniere maladie ne
lui permettant pas la lecture , la lecture , tout le monde ,
jusqu'à sa servante même , pour ne le pas
priver d'un amusement si noble et si agréa
ble , supléoient à son impuissance .
>
Tous les Sçavans qui passoient à Dijon se
faisoient un plaisir de lui rendre visite , et
de parcourir sa Bibliotheque , pleine de Livres
rares et curieux. Les Connoisseurs qui
l'ont examinée , ont été contens du choix de
ses Livres, et de la beauté des Editions . Il les
communiquoit avec une bonté peu commune
, suivant également en cela son inclination
à obliger , et le zele dont il étoit animé
pour la gloire de la République des Lettres
, à l'exemple de l'illustre Jean Grollier
de Lyon , mort en 1565 , à l'âge de 86. ans ,
qui sur chaque volume qu'il faisoit relier ,
avoit soin que l'on mît , ainsi que je l'ai lû
sur quelqu'uns : Jo . Grolierii et amicorum.
Quoique M. Papillon prétât si généreusement
ses Livres , il les regardoit comme un
trésor; aussi lui ont- ils procuré la connoissance
de mille choses curieuses , qui font tout le
plaisir d'un homme de cabinet. L'on en trouve
peu sur lesquels il n'ait fait d'excellentes
Notes , qui les rendent d'un grand prix. Il
ne s'étoit pas borné à la Critique : presque
tous les Arts étoient de son ressort. Théologie
,'
1074 MERCURE DE FRANCE
gie , Philosophie ancienne et moderne, Anatomie
, Botanique , Géographie , Chronolo
gie , Histoire ; il avoit la clef de toutes ces
Sciences. Persuadé qu'il étoit honteux à un
honnête homme d'ignorer l'Histoire de son
Pays , il avoit fait une étude particuliere de
celle de Bourgogne , qu'il possedoit fort
bien; mais son goût s'étoit plus particulierement
déclaré pour l'Histoire Litteraire de
cette Province , et voici ce qui a donné
lieu à sa curieuse Bibliotheque , Manuscrite
des Auteurs de Bourgogne.
M. Charlet Curé d'Ahuy proche Dijon ,'
lui ayant communiqué en 1716. sa Langres
sçavante , cet Ouvrage excita l'émulation de
M. Papillon pour les Ecrivains du Pays. La
négligence avec laquelle l'Auteur avoit traité
son Sujet , anima M. Papillon , et lui fit faire
mille découvertes , dont il remplit les marges
de la Langres sçavante. M. le Président
Bouhier, si célebre dans toute la République
des Lettres, eut connoissance de ce Projet en
1718 , et l'invita à quitter un plan si borné ;
en un mot,à faire une Bibliotheque des Auteurs
de Bourgogne. M. Papillon eut beau
représenter que l'entreprise étoit au -dessus de
ses forces , et alléguer le précepte d'Horace :
Sumite materiam vestris , qui scribitis , aquam
Viribus , et versate diù quid ferre recusent
Quid valeant humeri. Art. Poët.
1
JUIN. 1738 1075
Il fallut vaincre sa modestie,et on lui a oüi
dire plusieurs fois , que sans les sollicitations
de cet illustre Magistrat ;pour qui il avoit une
estime et une vénération particuliere , et
sans le loisir de la campagne , il n'auroit jamais
eu le courage d'entrer dans cette vaste
carriere .
,
Quoique toûjours en garde contre l'a→
mour propre il ne laissoit pas de dire , que
s'il n'avoit pas réussi , ce n'étoit pas faute
d'avoir connu ce qui auroit pû donner à son
Ouvrage un certain degré de perfection , et
je ne doute pas que le Public ne souscrive
à ce jugement.
Pour mieux réussir dans un plan si
étendu , il avoit parcouru toute la Bourgogne
avec un curieux Botaniste de ses amis ;
et tandis que l'un éxaminoit les Plantes que
produit cette Province , l'autre aprofondissoit
tout ce qui pouvoit concerner l'Histoire
Littéraire du Pays ; M. Papillon foüilla dans
les recoins les plus cachés des Bibliotheques
de Cîteaux , la Ferté , Cluni &c . Il y a tout
sujet d'espérer que ses héritiers auront soin
d'enrichir la République des Lettres de cet
Ouvrage si intéressant pour le Public , et sur
tout pour la Bourgogne ; le zele dont ils sont
animés pour la gloire de l'Auteur , les por
tera à répondre aux voeux des Sçavans et au
désir de M. l'Abbé Papillon lui -même , qui
quelques
1076 MERCURE DE FRANCE
quelques mois avant sa mort , avoit formé
le dessein de le mettre au jour , et avoit déja
pris à cet effet , avec un Imprimeur de Dijon
, des mesures dont sa mort a retardé le
succès. Ce n'est que par les fréquentes sollicitations
de quantité de Gens de mérite ,
qu'il s'étoit enfin déterminé à l'impression
de cette Bibliotheque , qui formera un volume
in -folio ou un gros in-4°. et qui sera
soûmise , suivant les intentions de l'Auteur ,
à la révision de quelques personnes capables
d'y faire les corrections qui paroîtront necessaires.
Quoi qu'il n'eût entrepris qu'en 1718 .
'Histoire Litteraire du Duché de Bourgogne
, il est à propos de dire cependant , que
plein de zele pour sa Patrie , et du désir de
marcher sur les pas des Ecrivains de cette
Province , il les avoit étudiés à fond , qu'il
n'avoit rien épargné pour les connoître ; et
que lors qu'il conçut le dessein de cette
Bibliotheque , il avoit déja rassemblé beaucoup
de matériaux , qu'il n'a fait dans la
suite qu'augmenter et mettre en ordre.
Quelques grands que fussent dans M. Papillon
les talens de l'esprit , ils cedoient aux
qualités du coeur. C'étoit un homme doux
simple , modeste , sans fard , ami de la verité
et de la justice , dont il prenoit dans
l'occasion les intérêts contre tout le monde ;
JUIN. 1738 1077
il aidoit ses amis de ses conseils , de ses livres
, de son crédit , et sa bourse étoit toujours
ouverte pour eux. Il aimoit naturellement
la joïe et le plaisir ; mais le plaisir que
les Loix les plus sevéres du Christianisme
peuvent permettre. Ennemi des traits , même
les plus legers de la médisance , son en
trétien étoit enjoüé , et il pensoit , comme
Scarron , que toute conversation languit insensiblement
, si le sérieux n'en est quelque
fois banni , si elle n'est assaisonnée de traits
badins , et réveillée par quelques agréables
et innocentes plaisanteries. Il n'a pas dédai-
'gné même de rire quelquefois avec nos Mu-
Bourguignones , à qui il avoit fait autrefois
la cour , et l'on a vu de lui quelques
Vers en ce genre qui ne manquent pas de
sel , mais qu'il ne montroit qu'à deux ou
trois amis , et dont il pouvoit dire avec
ses
Horace :
Non recito cuiquam nisi amicis, idque coactus ,
Non ubi vi, coramve quibuslibet. Lib.1 . Sat. IV.
Les libertins n'osoient débiter devant lui
leurs dangereuses maximes , ni lancer certains
traits hardis dont tant de gens se font
honneur dans notre siècle . Ferme et inébranlable
dans la foi , sa présence seule con-
Zondoit les impies. Enfin
pleinement convaincu
des verités de la Religion , il en remplissoit
1078 MERCURE DE FRANCE.
plissoit scrupuleusement tous les devoirs ,
et on peut dire que son éxactitude à les ac
complir , malgré son extrême foiblesse et la
rigueur de la saison a avancé sa mort de
quelques jours.

Pendant le cours de sa derniere maladie ,
qui a duré deux mois , et dans laquelle il a
fait paroître une constance héroïque et de
grands sentimens de pieté , il a distribué aux
pauvres une somme considérable d'argent
et après leur avoir témoigné par ses dernieres
volontés l'amour qu'il avoit toûjours eû
pour eux pendant sa vie , il est mort en Philosophe
Chrétien le 23. Février 1738. à trois
heures après midy , âgé de 71. ans 9. mois
et 22. jours , estimé et regretté de tous les
Gens de mérite de cette Ville. Je ne doute
pas même que sa mort ne touche également
plusieurs Personnes de Lettres , avec les
quelles il étoit en relation à Paris , et dans
diverses Provinces du Royaume ; et comme
ses illustres amis font une partie de son éloge
, il est bon de les rassembler ici , sans
oublier ceux qui sont morts avant lui , et
sans me flater cependant de les nommer
tous : il y en a quelques - uns qui peuvent
échaper à ma mémoire et même à mes
recherches : J'ai dit plus haut qu'il étoit de
l'Assemblée Académique de MM. du May
Lantin , De la Monnoye &c. ainsi il est inu-

tile
JUIN. 1738. 1079
tile de dire qu'il étoit ami de ces MM. par
ticuliérement de M. De la Monnoye .
Il étoit connu de M.l'Abbé Fleury, Auteur
de l'Histoire Ecclésiastique , qui lui a écrit
plusieurs fois , de M. l'Abbé Leclerc , mort
à Lyon en 1736. des PP. Le Long et Le Brun
de l'Oratoire , de M. l'Abbé Petit, Auteur de
la Rélation des Réjouissances faites à Dijon
pour la Naissance de Monseigneur le Dauphin
, de M. Collet dont il a imprimé la
vie , du fameux Imprimeur Salliot , de M.
le Président Bouhier , de M. de la Riviere ,
retiré à l'Institution de l'Oratoire à Paris
de M. Titon du Tillet , de M. le Baron de
la Bastie , de M. de Clugny , Conseiller au
Parlement de Dijon , Editeur de la Coûtume
de Bourgogne , qui a paru sous le nom
de François Bretagne de Nan- sous Thil & c.
à laquelle il a joint ses Observations , et Auteur
de la Généalogie de la Maison de Clugny
, de M. Le Tors , Licutenant Criminel
au Bailliage d'Avalon , de M. le Sage , Auteur
de plusieurs Traités de Physique , de
M. de Bruys , Auteur de la continuation de
Tacite , d'Amelot de la Houssaie &c. de
M. du Tillot , dont le Cabinet est si curieux
par la varieté des Piéces qui le composent ,'
de M. Ravior, Avocat au Parlement de Pourgogne
, Auteur des Arrêts notables du Parlement
de Dijon , de MM, les Abbés Gou-
>
jet ,
1080 MERCURE DE FRANCE;
, jet , le Beuf, Sallier Bonardi et Leauté !
Trésorier de l'Eglise Cathédrale de Dijon ,
ci- devant Chanoine de Notre-Dame de la
même Ville , homme très-versé dans la Théo .
logie et dans les Langues sçavantes , des RR.
PP. Desmolets , Grozelier , Niceron , Oudin
, et Planchet , Bénédictin de Dijon , Auteur
de l'Histoire de Bourgogne en plusieurs
volumes in-folio , dont le premier paroîtra
incessamment
, & c. ,
On a peut-être lieu d'être surpris que
M. l'Abbé Papillon ait fait imprimer si
peu d'Ouvrages pendant le cours d'une vie
assés longue. C'est l'effet de sa modestie. Il
se défioit toûjours de ses lumieres et de son
sçavoir. Le peu que le Public a vû de lui se
trouve dans les Mémoires du P. Niceron
dans la continuation des Mémoires de Litté
rature du P. Desmolets & c .
Pag. 275. du Mercure de Février 1737.
le nom de M. l'Abbé Papillon paroît parmi
les illustres amis de M. l'Abbé Leclerc, mort
à Lyon .
Page 499-507. du Mercure de Mars de la
même année , on lit : Lettre à M. l'Abbé
Papillon , Chanoine de Dijon , au sujet d'un
Ouvrage sur les Pseaumes. On dit que la Bibliotheque
des Ecrivains de Bourgogne est
de soi-même intéressante , et votre réputation
( est- il ajoûté ) la fait désirer avec ardeur
.
Fabricius
JUIN. 1738. 1081
Fabricius Biblioth . med. et infime Latini-
Batis , pag. 561. cite avec honneur M. l'Abbé
Papillon.
M. Camusat parle de cette Bibliotheque
pag. 131. de son Histoire Critique des Journaux.
Amsterdam , Bernard 1734. in- 12.
Le sieur Martel ayant annoncé cet Ouvrage
dans ses Nouvelles Littéraires de 1724,'
M. l'Abbé Le Blanc , connu par un Recueil
d'Elégies , et par sa Tragédie d'Aben - Saïd ;
adressa en 1726. une Piece en Vers à M.
Papillon , pour l'engager à publier sa Bibliotheque
, à l'occasion de laquelle , aussi bien
que de la mort de l'Auteur , une autreMuse
Dijon a fait les Vers suivans :
Helas ! cher Papillon , tu n'es qu'un peu de
cendre.
Inutiles soupirs ! vains regrets ! de tes jours
La Parque inéxorable , en terminant le cours ,
Dans l'éternelle nuit te force de descendre.
Mais quelle erreur séduit mon esprit agité ?
Chere ombre , tu joüis de l'immortalité .
Quand de mille Ecrivains , l'honneur de leur
Patrie ,
Fidele Historien tu traces le tableau ,
Ta piume qui leur donne une seconde vie ,
Sçait aussi t'affranchir de l'horreur du tombeau.
I. Vol, C EXTRAIT
1082 MERCURE DE FRANCE
EXTRAIT d'une Lettre écrite du Havre
fur quelques Personnes très-âgées .
J
E suis arrivé depuis quelques jours des
Isles de l'Amerique en cette Ville , où
après m'être reposé , j'allai voir la Citadelle ;
l'Officier à qui je m'adressai , pour lui demander
la permission de monter sur les
remparts , voulut bien me faire l'honneur de
m'y accompagner ; ma tournée faite , nous
nous promenâmes sur la Place d'Armes. Je
fus surpris d'y voir quelques Officiers qui
me parurent très -vieux ; celui avec qui j'étois
, me dit qu'il y avoit dans la garnison
un Capitaine âgé de 90. ans , auquel on en
donneroit tout au plus 60 , tant il est encore
fort et vigoureux , ne sentant jamais aucune
incommodité , deux Lieutenans , l'un âgé
de 98. ans , lequel en a été plus de
so. Grenadier,
& Lieutenant des Grenadiers dans le
Regiment de Poitou ; il fait journellement
deux lieuës en se promenant , travaille dans
un jardin qu'il a , et quand il est tout en
sueur , il se seche tranquilement à l'air sans
prendre son juste - au -corps; l'autre est âgé de
102. ans , il a veritablement de la peine à
marcher , mais il a la poitrine bonne l'estomac
JUIN. 1738. 1083
mac de même , lit sans lunettes , n'a point
mangé de viande pendant le Carême , il est
marié à une femme âgée d'environ 48. à 50.
ens , assés jolie : ce sont des Troupes de
l'Hôtel des Invalides qui compofent cette
garnison. Je vous prie , M. de vouloir excuser
mes fautes dans la construction de cette
Lettre ; je suis un Marin qui n'ai d'érudition
que sur ce qui concerne directement mon
métier ; mais je me pique de dire vrai.
Je suis , & c .
Reverendissimum atque Excellentissimum D.
DELCI , Rhodi Archiepiscopum , inque
Aula Parisiensi Nuncium Pontificium, Gallia
sic alloquitur in ejus discessu.
ODE.
PRæsulum , DELCI , decus atque prima
Gloria , heu ! sanctam remeas ad Urbem
Me relictâ , et non rediturus , arva
Gallica linquis.
Me tua hæc Virtus , pice tincta nulla ,
Me tui hi mores , maculis carentes ,>
Me tua hæc prudens , Pyliæque Lingue
Emula Lingua
Cij
Jam
1084 MERCURE DE FRANCE!
Jam beaverunt. Stupidus pependit
A tuis labris LODOIX , et Aula :
Lentè , ut exculto frueretur ore
Sequana fluxit.
Te rubro ornabit Tiberis Galero ;
Ore tu optato Tiberim beabis .
Quàm tuo adventu sacra Vaticanį
Limina ovabunt !
Gaudium 6 quantò altius occupabit
Limina augusti sacra Vaticani
Cum Tibris , DELCI , aspiciet caput T
Urbis , et Orbis !
Tunc meæ errantes in Ovile sanctum ,
Te vocante illas , pecudes redibunt ;
Quem Patrem Europa , hæresibus fugatis ;
Tota vocabit.
Eminentissimi Cardinalis
DE GESVRES ,
Famulus minimus
Dominicus Marquesi,
JUIN 1738 . 1089
**
EXTRAIT d'un Memoire sur la Propagation
du Son , lû à la rentrée de l'Académie
après Pâques par M. Cassini de
Thury.
L
Es Expériences qui avoient été faites
jusqu'à présent en France , en Angleterre
et en Italie , pour déterminer la quantité
et les divers effets de la Propagation du
Son , ne s'accordant pas toutes ensemble
PAcadémie Royale des Sciences jugea devoir
les faire exécuter dans des distances
,
beaucoup plus grandes que celles que l'on y
avoit employées.
> .
On fit pour cet effet transporter deux pieces
de Canon , que M. le Prevôt des Marchands
avoit données pour faire ces Experiences
; la premiere , de douze livres de
balle , à la pyramide de Montmartre , et la
seconde, de douze livres , à la Tour de Mont-
Phery , qui en est éloignée de 14636 toifes.
On avoit placé des Observateurs avec des
Pendules à Secondes , non - seulement dans
ces deux lieux , mais aussi à l'Observatoire,
au Château de l'Hay , au Moulin de Fontenay
et à Dammartin , qui est éloigné de
Montmartre de 16079. toises.
C iij Chacun
1086 MERCURE DE FRANCE.
Chacun de ces Observateurs comptoit à
sa Pendule le temps entre le feu du Canon
et le bruit , ce que l'on repetoit plusieurs
fois en une même nuit..
Par ces Observations on a trouvé , 1 °. que
le Son dans un temps calme employoit une
Minute et près de vingt - cinq Secondes à
venir de Montmartre à Montl'hery , lorsque
le temps étoit calme , ou lorsque le
vent étoit dans une direction perpendiculaire
à la direction de ces deux lieux , ce qui
a donné la vitesse du Son de 173. toises en
une Seconde , et a été confirmé par plusieurs
Observations faites en divers autres endroits.
2°. Que le Son se transmet avec la même
vitesse , lors qu'il parcourt un grand espace,
que lors qu'il en parcourt un plus petit , fans
se rallentir ; ce que l'on a experimenté par
les Observations faites à Montmartre , l'observatoire
, l'Hay et Montl'hery , qui sont à
peu près dans la même direction , où l'on a
trouvé que la somme de chaque temps que
le Son avoit employé à parvenir d'un de ces
lieux à l'autre , étoit égale à celui avec lequel
il étoit parvenu immédiatement de
Montmartre à Montl'hery.
3°. Que le Son se transmet avec la même
vitesse pendant le jour que pendant la nuit.
4°. Qu'il a aussi la même vitesse dans des
temps de pluye que lorsque le Ciel est screin.
JUIN. 1738. 1087
j . Que la vitesse du Son est égale lorsque
le bruit qui le produit est grand , que
lorsqu'il est petit ; lorsque la bouche du Canon
est dirigée vers le lieu d'où en l'entend ,
que lors qu'elle est on sens contraire.
6° . Que la vitesse du Son augmente lorsque
le vent est favorable , et qu'elle diminue
lorsqu'il est contraire ; cette augmentation
ou diminution de vitesse a été jugée
égale à celle que le vent avoit dans le temps
des Expériences , ce qui semble prouver
que l'air est le véhicule du Son.
Dans toutes ces Expériences on a vû la
lumiere du Canon d'une grande vivacité ,
même à la distance de Montl'hery à Dammartin
qui est de 25000. toises ; ce que l'on
a aussi remarqué en allumant une ou deux
livres de poudre dans l'air libre , ce qui
peut être utile pour des signaux , qu'il est
necessaire d'apercevoir de fort loin.
,
Çes Expériences de la Propagation du
Son peuvent servir à découvrir la nature et
la propriété du Son , ct on peut les em-.
ployer utilement pour déterminer les distances
entre divers lieux , et faire la Carte d'un
Pays , en observant d'un Lieu élevé la direction
de tous les endroits que l'on découvre
aux environs , et faisant tirer ensuite
dans ce Lieu quelques coups de Canon , car
chaque Observateur qui se trouvera en ces
C iiij
,
divers
088 MERCURE DE FRANCE.
divers endroits , comptant l'intervalle de
temps avec la lumiere et le bruit , et le réduisant
en toises , à raison de 173. par Seconde,
sçaura sa distance au lieu d'où l'on a
tiré , ce qui , au moyen de sa direction connuë
, déterminera la position de chacun de
ces endroits.
MADRIGAL ,
Sur un Portrait.
L'Autre jour endormi dans les Bois de L' . . ::
Amour , ce Dieu malin , m'éveillant en sursaut
A mes yeux enchantés vint offrir un Tableau ,
Où le plus fidele pinceau
Sembloit avoir fixé tous les traits de Diane
Ah ! lui dis- je , accablé par un destin fatal ,
Si tu veux adoucir les tourmens de ma vie ,
Et me faire goûter un bonheur sans égal
Garde pour toi cette Copie ,
Et donne -moi l'Original .
Le Chevalier Alleman.
REPONSE
JUIN.
1089 1738.
ののおぬ
REPONSE de M. d'Anville , Géogra
phe ordinaire du Roy , à M ***.
Ous m'avez fait plaisir , Monsieur , de
Vneme communiquer la nouvelle Edition
qu'on vient de faire en Hollande de l'Histoire
de la Chine du P. Duhalde , laquelle fut
imprimée pour la premiere fois à Paris, il y a
environ trois ans mais en me communiquant
cette Edition , vous exigez de moi
que je vous dise ce que je pense , sur tout
des Cartes copiées à la Haye , sur celles qui
ont été gravées à Paris. Pour ce qui est de
l'impression du Livre , vous sçavez , me dites
-vous , à quoi vous en tenir. Vous ne
pouvez goûter que les Cartes , qui font une
partie essentielle de l'Ouvrage , et qui doivent
accompagner la Description des Provinces
, en soient totalement séparées , et
mises à part dans un grand volume d'un
format tout diférent .Vous trouvez que l'Impression
n'a rien au dessus des Impressions
les plus ordinaires de Hollande , petit Papier
, Caracteres très - communs , les Lignes
extrêmement serrées , et d'une longueur démésurée
, ce qui fatigue le Lecteur , par
Pattention forcée qu'il doit avoir pour ne se
Ras
1090 MERCURE DE FRANCE.
pas méprendre dans le passage d'une ligne à
une autre. Enfin le premier coup d'oeil des
Cartes vous à fort déplu , et c'est sur ces
Cartes, qui sont plus du ressort d'un Geographe
,que vous me demandez mon sentiment.
Je vous avoüerai d'abord que les Libraires
de Hollande s'étant mis en possession de
contrefaire les bons Ouvrages qu'on publie
en France , je n'ai pas été surpris qu'ils aient
mis cette Histoire sous leur Presse . Mais ,
quoique l'Edition de l'Auteur , de l'aveu du
Public , soit très - recommandable par la
beauté du Papier , des Caracteres , et des
Gravûres , néanmoins le Libraire Etranger a
bien osé avancer , en annonçant son Edition ,
qu'elle l'emportoit sur la premiere. Sur cette:
annonce du Libraire, je me suis senti beaucoup
de curiosité de voir les Cartes de Geographie
, qui font une partie considérable
de l'Ouvrage en question, quoique je n'y sois .
point du tout interessé , comme Graveur ,
selon que je suis désigné dans un Avertissement
du Libraire Hollandois. Mais ma surprise
a été grande de voir presque toutes ces
Cartes , non seulement fort au- dessous des
Cartes originales, pour l'éxécution, mais fort
mal gravées à tous égards. Vous voulez que
j'en porte mon jugement , c'est ce que je
vais faire le plus succinctement qu'il me sera
possible.
La
JUIN
1738. 1091
La Carte la plus générale est d'une assés
bonne main , et la mieux traitée de toutes :
cependant les suites des montagnes y sont
presque par tout interrompuës .
Il s'en faut bien que la Carte générale de
la Chine en aproche : les Montagnes sont
d'un fort mauvais goût dans la Carte Hollandoise
: ce sont de petites buttes toutes
détachées et semées au hazard , sans aucun.
enchaînement qui exprime le naturel : l'Ecriture
eft maigre , et d'un goût également
mauvais.
,
Pour ce qui est des Cartes particulieres ,
à la réserve des Provinces de Petcheli , de
Tchekiang , de Honan , de Chantong , de
Chensi , de Chansi , & de Koeitcheou qui
sont d'un travail assés passable , toutes les
autres Provinces ; sçavoir , de Kiang- nan ,
de Hou -quang, de Se chuen, de Quang- tong,
de Quang- si , D'Yun- nan , et de Fokien , sont
d'une gravûre très-grossiere , comme il est
aisé de le voir, en les comparant avec celles
de Paris.
On y trouve même entre des Villes quelques
Rivieres qui ne se communiquent pas
dans la Carte originale, comme dans la Copie
Hollandoise ; et si l'on se donnoit la
peine d'y regarder de bien près , et de soûtmettre
toutes ces Copies à un severe Examen
, il n'est pas douteux qu'on y trouve-
C vj
rais
1092 MERCURE DE FRANCE
roit bien des fautes de cette espece.
Venons maintenant aux autres Cartes de
la Tartarie et du Thibet. La Carte générale
de la Tartarie Chinoise est de la même gravûre
que celle de la Chine et dans beaucoup
d'Endroits , où il n'est pas équivoque
qu'il y ait de très -hautes Montagnes , qui
forment de longues chaînes entre elles ; par
exemple , au Mont Chanyen ou Chanpé , qui
est presque toûjours couvert de neiges : on
ne voit point , ou presque point l'expression
de ces Montagnes dans la Copie Hollan
doise.
On peut comprendre en bloc les douze
Cartes particulieres de la Tartarie , et les
neuf du Thibet. C'est par tout un même.
goût de Gravûre , qui tient plus de la Taille.
de bois,que de celle de cuivre. Il faut pourtant
convenir qu'on a ajoûté des Cartouches.
à toutes ces Feuilles particulieres dans les
Copies Hollandoises ; mais n'auroit- il pas
fallu que la beauté de ces Cartouches pût.
justifier l'espece de liberté qu'on a prise de
les placer où ils sont ; car il est absurde d'en
mettre un en particulier sur chaque morceau
d'une Carte composée de plusieurs.
Feüilles comme sont les Cartes de la Tar--
tarie et du Thibet : de maniere que si l'on
vient à rejoindre ces Feuilles les unes avec:
les autres pour en faire une Carte générale „

од
JUIN.
1738 1093
on aura cette Carte parsemée de Cartouches.
et de Titres particuliers.
La Carte du voyage de Beerings au Pays
de Kamtchatka est d'une gravûre fort differente
des précedentes , et d'assés bonne exécution.
,
On peut ajoûter à ces observations , que
dans le nombre de ces Cartes on rencontre
des Epreuves assés mauvaises ou manquées
à l'impression. Au reste , sans vos ordres
M. et sans l'affectation du Libraire Etranger
à publier que son Edition l'emporte sur
celle de Paris , on n'auroit peut- être pas
songé à faire ces Remarques , qui pourroient
être encore beaucoup plus circonstanciées ;
mais ce seroit un travail inutile , puisque
l'annonce intéressée du Libraire Hollandois
n'en a imposé à aucun de ceux qui ont vu
l'Edition de Paris et la sienne..
********* ' ***************
A
RONDEAU ,
A M. l'Abbé de Vaugency.
Beauregard le beau temps nous convie ,
Maître charmant , maison leste et jolie ,
Wastes Jardins et coup d'oeil enchanté ,.
Là , sans excès et sans frugalité ,
Sont écoulés doux momens de ma vie.
You frois
1094 MERCURE DE FRANCE
Voudrois encor, en votre compagnie ,
Passer un jour en cette Métairie ,
Car rien ne sçais d'égal en vérité
A Beauregard.
Quelle surprise , ah ! mon ame est ravie !
Jean , de la part de votre Seigneurie ,
Par un discours rempli d'aménité ,
Vient m'annoncer que je suis invité
Au lendemain à faire une frairie .
A Beauregard.
Par M. de Sommevesle:
XXXXXXXXXXXXX****
LETTRE écrite aux Auteurs du Mercure,
au sujet d'un Article de la dixième feisille
des Refléxions sur les Ouvrages de Litterature.
C
de
,
Omme je ne sçais point le nom de
l'Auteur des Réfléxions qui paroissent
temps en temps sur les Ouvrages de Litterature
et que cet Auteur ne se manifeste
point , je ne sçais à qui m'adresser, si - non à
vous , MM. pour rendre publiques lleess_RRee--
marques que je viens de faire sur les Réfléxions
qu'il a publiées à l'occasion d'une Lettre
que y us avez al la bonté d'insérer dans
Votre
JUIN.
1738. 1095
votre Journal du mois de Mars dernier.
Cet Auteur m'a attaqué sans me connoître
; il m'a peut-être crû peu en état de soûtenir
These contre lui , et que j'étois dépourvû
de preuves. Je suis bien aise de lui
faire voir , et à tout le Public , ( sans cepen .
dant me nommer , puis qu'il ne se nomme
pas , ) que j'ai encore quelque reste de Logique
, que je lis d'autres Livres que des
Opuscules semblables à ceux de M. de
Haitze ; que je ne m'en raporte point à
des Compilateurs qui n'ont pour garants de
leur dire , qu'un Vincent de Beauvais , ou
autres Auteurs aussi peu accrédités , et que
je sçais recourir aux Originaux , pour m'en
servir ainsi qu'il convient , lors qu'on veut
aprofondir les Matieres , et qu'on veut être
sûr de ce qu'on dit.
L'Editeur des Réfléxions finit ainsi son
Raisonnement dans l'Article qui me regarde
: Il est aisé de juger par
n'est
pas
bien an faut parlà que cet Auteur
bien au fait des Matieres qu'il veut.
aprofondir. Il paroît au contraire que c'est
lui-même qui ne se met pas au fait des choses
qu'il veut combattre , et je vais rendre
évident qu'il n'a pas bien pris le sens de la
page 438. du Mercure de Mars.
Après avoir raporté un Fragment de la
Lettre de Hugues , Prieur de la Grande
Chartreuse , écrite en 1250. à l'Archevêque
de
1096 MERCURE DE FRANCE
de Cantorbery , où il est dit de S. Edme et
de S. Hugues de Lincoln conjointement ,
In ipso Episcopali culmine Carthusiensem Professionem
suam constanter retinuerunt , j'ajoûte
ecci : Ne doit- on pas être surpris de voir
>> S. Edme ainsi revendiqué hautement par
» les Chartreux , quelques années après sa
» mort et sa canonisation , sans qu'aucun
» de nos Modernes ait remarqué ce Fait ?
L'Auteur des Réfléxions observe que pour
parler si décisivement , et assurer qu'aucun
Moderne n'a remarqué ce Fait , I faut être
sûr de ce qu'on dit. Après ce début plus
que décisif, on s'attend de voir produire un-
Moderne , au moins qui aura parlé de l'Antiquité
de la prétention des Chartreux , qui
aura proposé la Lettre du Prieur Hugues ,
qui en aura discuté les termes , et qui aura fait
remarquer qu'il n'y avoit que dix ans que
S. Edme étoit mort , lorsque ce Chartreux
écrivoit à l'Archevêque de Cantorbery ; au
lieu de cela on produit M.de Haitze , (a) quis
ne m'est point inconnu , et que je sçavois
bien avoir écrit en général , que S. Edmond
Archevêque de Cantorbie est produit par les
Chartreux parmi les Hommes Illustres de leur
Ordre. Ce Provençal n'en dit pas davantage ;;
(a ) Si cependant il est Auteur du Livre intitulé,
Les Mones empruntés ; car quelques - uns l'attribuent
à-M PAbbé Faydi ..
ill
JUIN. 1738 1097
que
il paroît qu'il n'a eu aucune connoissance
de la Lettre de Hugues , Prieur de la Grande
Chartreuse au moins il n'en dit
pas un
seul mot . C'est pourquoi si c'est là le seul
Moderne qu'on puisse citer comme ayant
remarqué qu'un Prieur de la Grande Chartreuse
a revendiqué en 1250. un S. Prélat
mort en 1240 , on se trompe , et il paroît
la réfléxion a été faite un peu à la hâte .
Il y a en effet une grande diférence entre
ces deux Faits , ou plutôt entre ces deux
Propositions. S. Edmond , Archevêque de
Cantorbie , est produit par les Chartreux parmi
les Illustres Hommes de leur Ordre , et
celle - ci : S. Edmond a été revendiqué hautement
par le Prieur de la Grande Chartreuse
dix ans après sa mort , comme ayant été de
leur Ordre. Si M. de Haitze avoit fait sentir
dans son Livre des Moines empruntés que
S. Edme a été ainsi revendiqué , je n'aurois
rien à dire. Mais il suffit de vouloir faire
encore quelque usage de la Logique , pour
apercevoir la diférence des deux Propositions
que l'Auteur des Réfléxions a confondues.
En réfléchissant sur trois circonstances , sçavoir
celle de la personne qui a écrit, du temps
auquel elle a écrit , et sur la qualité de celui à
qui elle a écrit , on se sent frappé de la force
d'une preuve que M. de Haitze a passé sous
silence ; comme donc il est le seul Modernç
098 MERCURE DE FRANCE
>
ne qui ait parlé de la prétention des Chartreux
et qu'il ne l'a fait qu'en termes fort
vagues , il est toûjours vrai de dire qu'aucun
Moderne n'a remarqué le fait en question.
Ce n'est point à moi à discuter si S.Edme,
et Boniface de Savoye ont été Chartreux.
Hugues qui fut Prieur de la Grande Chartreuse
depuis l'an 1 242.jusqu'en 125 3.fait ressouvenir
Boniface , en lui écrivant l'an 1250 ,
du temps auquel il demeuroit parmi eux
etiam cum apud nos eratis ; c'est aux Religieux
de cet Ordre à faire valoir l'authenticité
du Manuscrit de Dom Nicolas Molin .
Prieur de la Sylve bénite , dont Guichenon
s'est servi dans ses Preuves de l'Histoire de
Savoye , Tome 111. pag. 58. et que Dom
Edmond Martene a réimprimé au 111.Tome
de ses Anecdotes. Il paroît que si sa Lettre
est veritable , c'est un témoignage qui doit
l'emporter sur le silence d'un Vincent de
Beauvais . Qu'est - ce en effet que l'Histoire
de S. Edmond ou S. Edme , écrite par ce
Dominicain dans son Miroir Historial ? c'est
un Extrait tronqué du Manuscrit de Pontigny,
que Dom Martene a depuis publié en
son entier. C'est un Extrait dont M. Baillet
a fait si peu de cas , que dans la Table critique
des Auteurs , sur lesquels il donne la
Vie de S. Edme , il ne daigne pas
daigne pas le nommer
, quoiqu'il lui dût être connu , et qu'il
cite
JUIN. 1099 1738.
autre Auteur Domieite
Nicolas Triveth
niquain , qui avoit bien moins écrit sur ce
Saint , que n'a fait Vincent de Beauvais .
,
Il ne faut donc pas croire que M. de
Haitze ait eu dans la personne de Vincent
de Beauvais un Auteur suffisant pour détruire
la Tradition des Chartreux , laquelle
a près de cinq cens ans , si la Lettre de leur
Prieur Nuguet eft véritable . Vincent de Beauvais
n'a donné qu'un Abrégé des Faits raportés
par Bertrand Moine de Pontigny
en 1247. Il déclare lui -même qu'il a puisé
dans ce Manuscrit , par ces deux mots qui
sont à la tête de sa Compilation : Ex gestis
ejus.Quoique ce même Bertrand soit plus diffus
que son Copiste, il faut cependant avoüer
qu'il n'a pas raporté toute l'Histoire du
Saint ; on est obligé de recourir à celle qu'avoit
écrite Robert Rich , que Surius a donnée
avec quelques changemens . Ces deux
Auteurs contemporains ne suffisent pas encore
, il est nécessaire d'y joindre plusieurs
circonstances détaillées dans Mathieu Paris ,
troisiéme Auteur du même siécle . Avec ces
trois Auteurs l'on n'a pas encore la vie de
S.Edme en son entier : et Dom Martenne, au
lieu cité,nous aprend que les Annales de Waverlei
contiennent outre cela des Faits propres
à éclaircir la vie du Saint. Triveth est
aussi cité comme aprochant des Ecrivains
contemYrob
MERCURE DE FRANCE
contemporains , et raportant quelques Faits
particuliers sur S. Edme. Pourquoi donc M.
de Haitze s'est il borné au simple récit de
Vincent de Beauvais , qui a obmis tant de
circonstances de la Vie de ce Saint ? Et , s'il
est vrai de dire que Robert Rich , Bertrand
Religieux de Pontigny , et Mathieu Paris ,
n'ont pas raporté , chacun en particulier ,
tous trois ensemble , tout ce qui étoit à sçavoir
sur S. Edme , pourquoi ne pourroit-on
pas recourir , pour plus ample instruction ,
aux Pieces du temps , telles que sont des
Lettres , comme on a recours aux Annales
de Waverlei , à Triveth , &c. afin de dire
sur un Saint tout ce qu'on en peut sçavoir ?
Ainsi la preuve négative que M. de Haitze a
tirée de Vincent de Beauvais , est une preuve
qui n'a aucune force , et qui peut même être
tournée contre lui . En effet ce Provençal ne
combattant point la prétention des Cisterciens
, qui assûrent dans leur Ménologe de
Citeaux , au 16. de Novembre , que saint
Edme a pris l'habit de leur Ordre , on - seroit
en droit de conclure qu'il en tombe
d'accord. Cependant en quel endroit de
Vincent de Beauvais cela se trouve - t'il ?
Quelque autre Historien contemporain l'at'il
dit ?
Toutes refléxions faites sur le point d'His
toire en question , il paroît qu'on peut seu
Jement
JUIN. 1738
lement conjecturer que S. Edme auroit eû
quelques Lettres d'association avec l'Ordre
des Chartreux , lesquelles Lettres seroient
restées inconnuës , si les Supérieurs de l'Ordre
n'en avoient fait une mention expresse ,
lorsque l'occasion s'est présentée d'écrire à
son Successeur. La situation de ce saint Archevêque
le mit en quelque relation avec
différens Ordres Religieux . Sans parler des
Moines de son Eglise de Cantorbery , Triveth
dit de lui qu'il aimoit fort la compagnie
des Freres Prêcheurs : In comitiva sua.
Fratres Pradicatores habebat continuè. Il se
retira en France chés les Cisterciens de Pontigny
: L'air ne convenant pas à sa santé , il
passa dans une Maison de Chanoines Réguliers
, nommée Soisy. Toutes ces liaisons
avec differens Ordres , dont la ferveur étoit
très-grande , laissent à penser qu'il pouvoit
en avoir eû parcillement avec les Chartreux ,
qui n'étoient pas dans une moindre réputation
de pieté . Son voyage de Rome lui
présenta sur sa route la grande Chartreuse,
et plusieurs autres Maisons du même Ordre.
Le Monastere où se retira Jean , Prieur de
Cantorbery , lorsqu'il parut se soûmettre à
la vigilance pastorale de S. Edme , fut une
Maison de Chartreux , selon les Annales
de Waverlei , citées par D. Martenne , T. 3.
Thes. anecdot. pag. 1763. C'est au moins une
marque
102 MERCURE DE FRANCE
marque que l'Ordre des Chartreux étoit fort
estimé par S.Edme.Mais il vaut mieux attendre
ce que quelque Solitaire de cet Ordre
nous aprendra sur tout cela , que de vouloir
le prévenir par de pures conjectures . Je suis
au reste , très- éloigné de croire qu'il y ait
cû parmi les Chartreux un Tiers Ordre , ni
qu'il soit arrivé à ces Religieux de tomber
dans des méprises telles que celles de quelques
Particuliers d'un Ordre Mandiant , qui
enrôloient ci - devant dans leur Tiers - Ordre
presque tous les Saints dont les Images
étoient dans leur Eglise. C'est ce que j'ai vû
dans une Ville de Province où on lisoit autrefois
dans une Eglise de ces Religieux ,
non- seulement ces mots sous l'Image de
S. Roch : S. Rochus , tertii Crdinis S. P.
Francisci , mais encore ceux- ci sous l'Image
de S. Marcou , Prêtre du vi . siecle :
S. Marculphus tertii Ordinis S. P. Francisci,
,
Ceux qui ont lu M. de Haitze , sur les
Moines empruntés , trouveront bon qu'on
les avertisse ici que l'on n'a jamais apellé
Sevry , le Lieu où S. Edme mourut , près
de Provins , mais toujours Soisy , et que ce
fut le seizième Novembre qu'arriva cette
mort et non le sixième comme l'a dit
après lui l'Auteur des Refléxions. A l'égard
de l'année , comme je cherche la verité en
tout , je me conforme à celle qu'il a assi-
,
gnée
JUIN. 1738. 1103
ude , qui est 1240. quoique M. Baillet ait
nis 1241. M. Baillet n'a pas aparamment
tait attention à cette epoque marquée dans
Robert Rich , et dans Mathieu Paris , Auteurs
du temps ; et il a ignoré deux preu
ves inconstestables de la même époque ,
fournies depuis par Dom Martenne . La premiere
se tire de Bertrand de Pontigny , qui
dit que S. Edme mourut un Vendredi vers
l'heure du levér du Soleil , ce qui dénote
l'an 1240. par la Lettre Dominicale G. La
seconde se tire d'une Lettre de Guy , Abbé
de S. Jacques de Provins , datée du mois
de Décembre 1240. par laquelle il mande
aux Fideles de Cantorbery les Miracles qui
s'opéroient dans son Eglise par l'interces
sion de ce Saint qui venoit de mourir.
XXXXXXX *********
ODE ANACREONTIQUE.
Pour Mlle T. D. C. sous le nom d'Iris ,
VIENS , Phoebus , viens monter ma Lyre ;
C'est Daphné que je veux chanter ;
.Il t'est bien doux de te prêter
A la noble ardeur qui m'inspire.
܀
Oui ,
104 MERCURE DE FRANCE
Oui , Daphné ... . Dieu puissant , c'est elle !
Quels seroient les traits que tu vois ;
Tu soupires .... déja ma voix
S'anime de ton tendre zele .
*
Nymphe adorable , de Cythere
C'est vous qui faites les beaux jours ;
A tant de charmes les Amours
Vous prennent souvent pour leur Mere.
*
Quelle Bergere a plus de gloire !
Tous les coeurs volent après vous >
Et mille captifs sont jaloux
D'orner votre Char de victoire ,
*
Minerve sur votre visage
Plaça cette noble fierté ,
Que le petit Maître effronté
Jamais sans respect n'envisage,
*
Cette bouche que l'oeil dévore ,
Brille d'un vermillon divin ;
Et plus d'une fois ce beau tein
Fit rougir la charmante Flore,
*
Tous
JUIN.
ΤΣΟΣ 1738.
Tous les beaux yeux que l'on renomme
Aprochent-ils de ceux qu'elle a ?
C'est eux qui sur le Mont Ida
Se seroient fait donner la Pomme.
*
Les Graces vont parler .....J'écoute... ĥ
Quelle douce voix me ravit ?
Ah ! que dans tout ce qu'elle dit ,
Iris du coeur prend bien la route !
Quel Pied ! l'aimable mignature4
Il est fait comme celui - là ,
Que le beau Cigne de Leda
Becquetoit sous une Onde pure.
*
Que ne puis - je léger insecte ,
Parcourir tant d'autres beautés ! ..
Taisons - nous . les Divinités ..
Yeulent surtout qu'on les respecte,
Belle Iris , acceptez l'hommage.
Que ma tendre Lyre vous rend ;
De l'amour que mon coeur ressent
Cette Chansonette est le gage.
1. Vol.
à
M. Reynaud , du Martigues.
D EXTRAIT
1106 MERCURE DE FRANCE
EXTRAIT d'une Lettre écrite de Laval
Mars 1738. Remedes contre la Rage. le 30.
Vo
Oici , Monsieur , deux Remedes contre
la Morsure des Bêtes enragées , que
l'on m'a conseillé de vous envoyer , afin que
vous ayez la bonté de les donner au Public ;
ils sont très éprouvés , et ont garanti plusieurs
Personnes des suites funestes , qui arrivent
ordinairement à celles qui ont le malheur
d'être morduës .
Prenez des feuilles de Ruë , de Verveine,
de menuë Sauge , de Plantin , de Polipode
de grande Absinthe , de Mente , d'Armoise,
de Melisse , de Betoine , de Millcpertuis et
de petite Centaurée , parties égales . Il faut
cueillir toutes ces herbes environ dans la
pleine Lune , en faire de petits bouquets ,
les enveloper de papier , les pendre à l'ombre
, et les y faire sécher ; lorsqu'elles seront
bien séches , il faut les piler dans un grand
mortier de bronze, et en passer la Poudre par
le tamis de soye. Cette Poudre préserve et
guérit de l'Hydrophobie, ou crainte de l'eau,
pourvû qu'on ne soit pas mordu à la tête ni
au visage , ou qu'on n'ait pas lavé la partie
mordue avec de l'eau . La dose de cette Pou
dre est une dragme , mêlée avec une demidragme
JUIN. 1738. THUY
dragme de Poudre de Vipere , prise dans un
demi verre de bon Vin blanc , le matin à
jeun , réïtérant la dose pendant neufjours ,
même pendant quinze , pour plus grande sâreté.
On peut augmenter la dose , jusqu'à
deux ou trois dragmes , pour les personnes
robustes ; il faut aussi mettre du persil pilé
sur la morsure , après avoir bien essuye la
playe , pour ôter la bave , s'il y en avoit.
,
-
Voici un autre Remede pour le même
mal. Faites brûler l'écaille de dessous
d'une huitre , lorsquelle sera devenuë blanche
, vous la réduirez en poudre ; prenez
toute cette Poudre et mêlez la dans
une aumelette de quatre oeufs que vous fricasserez
avec de bonne huile d'olive au lieu
de beurre , faites-la manger à la personne
morduë , à jeun , et qu'elle soit six heures
sans rien prendre ; il faut réitérer ce Remede
trois fois de deux jours l'un , et apliquer de
l'aumelette sur la playe . On assûre, que quand
même la personne auroit eu un accès de rage ,
elle guériroit.
Aux Chevaux , Boeufs et Vaches , il faut
prendre la poudre de quatre ou cinq écailles ,
et la leur faire avaler dans de l'huile d'olive
et réïtérer deux fois seulement , les ayant
fait jeûner six heures avant la prise et autant
après,
Dij Nous
108 MERCURE DE FRANCE
Nous saisissons cette occasion pour ajoûter
ici un autre Extrait de Lettre sur le même
sujet , lequel nous est arrivé trop tard , pour
pouvoir être employé ailleurs.
EXTRAIT d'une Lettre de M. Bertrand,
Docteur en Medecine , Membre de l'Académie
Royale des Belles Lettres de Marseille
, à M. Bouillet , Docteur en Medecine
, &c. à Besièrs.
Depuisqu'on parle de l'usage du Mer-
,
cure dans l'Hydrophobie , j'ai fait ,
Monsieur , essai de ce Remede ; j'ai eu deux
cas. Dans le premier , je fus consulté d'abord
après la morsure ; je fis mettre le feu à
la playe et des frictions avec l'onguent
mercuriel sur toute la partie ; on les réïtéra
d'un jour à l'autre , et on en fit en tout 8. à
10. Le Malade usa encore de la Poudre de
Palmarius. Il n'a jamais eu aucune atteinte de
Rage , depuis plus de trois ans qu'il a été
mordu. Dans le second , la morsure étant à
la bouche , et n'ayant été apellé que quand
le Malade commençoit à ressentir les accès
de la Rage , je ne pus pas employer le Remede
à plein. Je fis faire pourtant deux frictions
, de deux dragmes chacune , sur les extrémités
supérieures. Le Malade mourut ,
mais les accès de Rage ne furent point yic
lens.
JUIN. 1738
fens ; il n'eut
presque d'autres symptomes
qu'un peu de délire , il bûvoit même quel
quefois , et avec moins d'horreur , que n'en
ont ordinairement ces sortes de Malades.
Enfin il vécut jusqu'au septième jour, au lieu
que bien d'autres que j'ai vûs , n'avoient jamais
passé le troisiéme jour.
A Marseille le 20. Décembre 1737-
****** **************
POESIE
ANACREONTIQUE .
B
A Mad. du Hallay ,
Par M. Desforges Maillard.
ELLE et jeune HALLAY , quand sur le Cla
vecin
Vos mains enfantent l'harmonie ,
Enyvré de plaisir , un charme tout divin
Me pénetre , m'émeut , maîtrise mon génie .
*
Je vois vos doigts légers transformés en Amours,
Doux tyrans , enchanteurs agiles ,
Errer , courir , voler sur les Claviers dociles ,
Et faire mille jolis tours .
D iij Qu'ils
1110 MERCURE DE FRANCE
Qu'ils sont vifs et touchans ces enfans de Cythere !
Mais pour ravir les coeurs , c'est bien assés sans eux,
Qu'avec leur frere aîné , leur triomphante Mere
Regne sur votre levre et brille dans vos yeux.
Z *
MEMOIRES pour servir à l'Histoire de
la Musique Vocale et Instrumentale.
Ubal fils de Lamech , arriere petit Ne-
J veu de Cain , passe pour le premier Inventeur
des Instrumens de Musique.
L'an 107. de Rome , Terpandre , natif
d'Antisse , Ville de l'Isle de Mételin , Musicien
et Poëte Lyrique , étoit en grande répu
tation.
En la soixante- dixiéme Olympiade , fleurissoit
Lasus , Poëte et Musicien.
,
Antiphon le Rhamnusien , excellent Orateur
, Musicien et Poëte , apellé autrement
Nestor , pour son bien dire , vers l'an de
Rome 353.
Diocles , Musicien , vivoit à Athenes dans
le même temps.
Msomedes ou Nicomedes , Poëte et Musicien
, étoit en estime en 144. de J. C.
Les Anciens avoient accoûtumé après
avoir joué de leurs Instrumens , de les poser
JUIN. 1738.
à terre , et de les couronner de fleurs.
Isocrate , étoit fils de Theodore , faiseu
d'Instrumens de Musique.
La Musique passe pour la plus ancienne
de toutes les Sciences. Les Grecs en faisoient
une estime toute particuliere. Elle entretient
notre joye , et flate également notre tristesse ;
elle modere les esprits les plus échauffés par
le vin , c'est pourquoi les Anciens faisoient
chanter après le repas. Aristote a dit , que
notre ame ne subsistoit que par l'harmonie
et a fait voir dans ses Questions problématiques
, que de nos Sens , il n'y a que l'oüie ,
qui serve aux choses morales. Plutarque
nous aprend , que les Argiens établirent une
peine contre ceux qui parleroient contre la
Musique ; et que Thales le Candiot , fit par
son moyen cesser la Peste dans Sparte . Elle
plaisoit beaucoup à Socrate ; ce Philosophe
avoit apris à chanter , et à jouer des Instrumens.
Boëce , au Livre I. de sa Musique, dic
que Menias guérit grand nombre de Béotiens
travaillés de la Sciatique , à qui il fit
passer la douleur au son des flûtes . Theophraste
, Athenée, Asclepiade et Democrite,
disent tous , que la Musique a le pouvoir de
guérir beaucoup de maladies. Apollonius remarque
que les Thebains de son temps se
servoient communément du son des Instru
mens, -D iiij
1112 MERCURE DE FRANCE
mens , pour remédier à beaucoup de mala
dies corporelles . Sail ne recevoit de soulagement
, que par la Harpe de David .
On a vu dans plusieurs Relations , que
lorsqu'on veut faire faire aux Chameaux de
plus grandes journées , leurs Conducteurs
sans employer le foüet ou le bâton , chantent
certaines chansons , qui les font aller
beaucoup plus vite , que tous les coups qu'on
leur pourroit donner .
Les merveilleux effets de la Musique ont
été cause de tout ce que l'Antiquité a dit des
Orphées , des Arions et des Amphions.
Il se fit une Cérémonic considérable en
1696. dans l'Université de Cambridge. La
solemnité commença par les Harangues des
Professeurs ; ensuite ceux qui devoient prendre
leurs Degrés , soûtinrent des Theses : la
Cérémonie finit par un Concert , et par un
Discours à la louange de la Musique , prononcé
par M. Turner , qui prit ce jour- là le
Degré de Docteur en Musique.
Les anciens Grecs avoient tant d'estime
pour la Musique , qu'ils apelloient ùucuros ,
c'est - à - dire , gens sans Musique , ceux qui
avoient un esprit stupide et rustique.
Pindare étoit fils d'un Joüeur de flûte de
Thebes , nommé Scopin, de qui il aprit à en
&
joüer.
Nicodrome
JUIN. 1738. 1113
Nicodrome , Joueur d'Instrumens , ayant
donné un soufflet au Philosophe Crates , qui
fui fit enfler la joüe , ce Cynique mit au dessus
un écriteau avec ces paroles : Nicodrome
Ba fait.
LE VIOLON..
C'est un des Instrumens de Musique des
plus portatifs et des plus communs . Il n'a
que quatre cordes de boyau , le manche est
sans touches , on en joue avec un archet. Il
a trois Parties , comme les autres Instrumens
, la table , le manche et le corps , & c.
Ses fons sont plus gais, et font plus d'effet sur
l'esprit que ceux de tous les autres Instrumens,
dont il a été nommé le Roi par quelques
uns . Son accord est de quinte en quinte, & c .
,
de
Cet Instrument a été ennobli de nos jours ;
il n'est plus honteux aux honnêtes gens
le cultiver , et on veut bien accorder une
sorte de gloire et de l'estime à ceux qui y
excellent , parmi lesquels on peut compter
des Seigneurs de la plus grande Elévation
tels que le C. P. M. de S. F. le D. de
N. M. G. M. Q. M. de G. Ce qui a
fait faire un si grand progrès dans l'art de jouer
du Violon qu'on ose avancer , que les
François peuvent aujourd'hui marcher de pair
avec les Italiens , et que nous fommes ent
état de leur oposer d'aussi grands Maîtres
,
Dv qu'ils
1114 MERCURE DE FRANCE
qu'ils pourroient nous en produire ; cela n'est
plus contesté par personne.
N. Duval fut le premier qui retira un peu
le Violon de l'abaissement , pour ne pas dire
de l'état vil et abject où il étoit sous le dernier
Regne ; même du temps le plus florissant
de Lully , dont le talent admirable auroit
été bien plus loin, s'il avoit eu des Sujets
pour executer ce que son heureux génie auroit
pu produire , comme nous en avons aujourd'hui
par douzaines , et surtout de jeunes
gens qui promettent des merveilles . Duval
, né avec des dispositions favorables , et
beaucoup de hardiesse , osa le premier composer
et executer des Sonates , à l'imitation
des Italiens , nos premiers Maîtres , car il
faut l'avouer de bonne foi.
Senaillier le fils , mort assés jeune depuis
quelques années , parut ensuite ; il avoit fait
quelque séjour en Italie , et avoit aporté assés
de ce goût ultramontain , pour le mêler
avec art , à de très - jolis chants François ; le
progrès que le Violon a fait depuis en France
lui doit , car il mêla dans fa Musique ( cinq
Livres de Sonates ) des chofes difficiles à
executer , et comme ses Airs de Symphonie
étoient agréables et avoient un certain brillant
, tout le monde en fut charmé , et voulut
aprendre à les jouer , surtout dans un
temps où à peine commençoit- on à se familiariser
JUIN 1738, 1115
liariser avec la Musique un peu un peu recherchée.
Le St Aubert est Eleve de Senaillier, et celuici
l'étoit d'un nommé de Plane , excellent
Violon , fort estimé à Paris au commencement
de ce siècle , à qui il arriva une catastrophe
bien funeste à Venise , où il fut accusé
d'avoir fait plusieurs fausses signatures, et
condamné à avoir le poing coupé.
Michelli Napolitain , donna presque en
même temps huit Livres de Sonates , dans le
goût François , qui plurent extrémement.
Mais tout d'un coup M. le Clerc s'éleva,
et après avoir fait une étude constante et réfléchie
de la portée du Violon , il donna en
1720. un Livre de Sonates , qui parut d'abord
de l'Algebre , capable de rebuter les plus
courageux Musiciens , mais qu'on a beaucoup
goûté dans la suite , d'abord qu'on a
pu pénétrer les principes de la belle ĥarmonie
en général , et ceux de cet Instrument en
particulier. C'est le premier François , qui, à
l'imitation des Italiens , a joué la double corde
, c'est-à- dire , joué par accord , en joüant
sur le même Violon deux , trois et jusqu'à
quatre parties , par le moyen du pouce ; et il
a poussé si loin cette partie , que les Italiens
avoüent eux-mêmes , qu'il est un des premiers
en ce genre.
N. Guignon , Piémontois , Eleve du célebre
N. Sommis , après avoir passé quelque
D vj temps
tr16 MERCURE DE FRANCE
temps à Paris , et s'y être défait du peu que
la Musique Italienne peut avoir de baroque,
surtout à nos oreilles , a contrebalancé le
Clerc en France , et s'est élevé au point qu'on
le croit en état aujourd'hui de le difputer aux
plus fameux Violons d'Italie , qui y brillent
avec éclat , tels que Tartini à Rome, Sommis
à Turin , originaire de Marseille , Montanari
à Naples:
Comme on l'a déja dit , la France
peut se mettre au moins au pair avec
Italie pour le Violon ; Mrs Guignon et
le Clerc font très - renommés ; M. Cupi
frere de Mlle Camargo , célebre Danfeuse ,
vient de faire paroître un talent pour le Vio
lon , capable de le faire placer au même niveau
; et comme il est plus jeune , il peut faire
encore de grands progrès , et les égaler au
moins. Les Connoiffeurs assûrent , qu'il esti
très - capable de réunir en lui le fentiment ,
le tendre et le doux de le Clerc , avec le feu,.
e brillant er le furprenant de Guignon.
- nous
,
>
Après les trois fameux Violons dont on
vient de parler , combien en avons
foit à Paris , foit dans les Provinces qui
brillent avec éclat , et qui ont déja une grande
réputation ; tels que Francoeur , Rebel ,
Baptiste , Aubert , Quintin , Leleu , Pifay ,
Salomon , Le Clerc cadet , Guillemain , Mondanville
, Mangeant , le Blanc , Duval , &c:
Qn.
JUIN. FrI7 1738.
de bien des
On ne parle point de quelques Italiens
établis à Paris , tels que Miroglio N ......
Neveu de Sommis , sans compter un nombre
considérable de jeunes Eleves , qui pro
mettent beaucoup , et qui font l'étonnement
gens, tels que Carlos , Dupont .....
Il est vrai qu'en Italie , outre les trois
plus fameux que nous avons nommés , et qui
peuvent le difputer à nos trois célebres Violons
, ils ont encore comme nous de trèshabiles
Maîtres , comme Solarini , Veracini,
San Martini , Vivaldi , Prêtre , Chanoine
Vénitien , plus fçavant dans la Composition,.
que pour l'execution ; et encore Bononcini
Indel en Angleterre, & c . On pourroit opofer
à ce fçavant Musicien, les Compofitions de le
Clerc l'aîné, et celles de bien d'autresFrançois.
LA VIOL.E..
Elle est beaucoup plus grande que le Vio
fon , mais presque de la même figure ; on la
touche de même avec un archet , mais elle a
fix cordes et huit touches , divifées en demi.
tons. Elle rend un fon plus grave , qui est
fort doux et très agréable. La Violè en Fran
ce a été portée à ce point de fuperiorité , où
est aujourd'hui le Violon . L'illustre Marais ;
fous le dernier Regne, fut le premier qui en
joüa dans une si grande perfection , qu'après
lui , quoiqu'il ait fait de très -habiles Eleves ,
et
1118 MERCURE DE FRANCE
et que cet Instrument ait été fort à la mode,
et extrémement cultivé , on peut dire que fi
quelques - uns l'ont égalé , personne ne l'a
surpaffé. Il a laissé des fils véritablement héritiers
de fes talens ; ainsi que d'autres excellens
Maîtres , tels que de Caix , d'Herva-
Lois , Allari , Forcroix.
Mais à mesure qu'on a pris du goût pour
la Musique Italienne , la Viole a été fort négligée
, parce qu'elle ne rend pas aflés de fon,
et qu'on ne l'entend prefque point dans les
Concerts. La Baffe de Violon lui est préférée.
La Viole , qui a été en très-grande vogue
en Italie , n'y est plus guere cultivée. On a
pourtant vû un Horatio de Parme , qui y a
excellé , et qui a laiffé de fort bonnes Pieces ,
dont ceux qui font venus après lui ont infiniment
profité , en les mettant fur d'autres
Instrumens , et les donnant comme leurs
propres productions.
Le perc du célebre Ferabosco , excellent
Joueur de Lyre en Angleterre , y porta le
premier l'usage de la Viole. Tout le monde
sçait que dans la fuite les Anglois ont surpassé
toutes les autres Nations pour cet Instrument
, jusqu'au temps que la France
produisir l'inimitable Marais , qui a porté la
perfection de la Viole aussi loin qu'elle pouvoit
aller.
VERS
JUIN. Irig 1738.
*********
=
VERS sur la Convalescence de M.
Desforges Maillard.
Q
Uand DESFORGES , connu sous le nom de
Malcrais ,
Aux Habitans du Pinde épargnant des regrets ,
Evita le ciseau de la Parque en furie ,
Un Poëte informé des célestes secrets ,
Prétendit qu'Apollon lui redonna la vie.
Le Dieu le sçût ; oüi , dit il , j'ai guéri
Ce Chantre des Amours , mon digne Favori ;
J'empruntai de Hunaud * que j'aime et que je prise
La figure et la voix , pour finir l'entreprise.
Mais le hardi Mortel qui jusques dans les Cieux
Porte ses regards curieux ,
Semble ignorer un Fait que l'Honneur préconise ,
Et que l'Amitié pure à bon droit éternise ;
C'est que P'illustre du Tillet , **
Ce Sçavant si rempli de mes vives lumieres ,
Par mille faveurs singulieres ,
De mes soins bienfaisans a secondé l'effet.
Cet aveu ne nuit point à mon pouvoir suprême ,
Ses rares qualités sont les dons des Dieux même
R. C. A. D. C.
* Médecin qui l'a guéri.
** M. Titon du Tillet l'engagea à venir se
rétablir chés lui.
EXTRAIT
Tr20 MERCURE DE FRANCE
EXTRAIT d'une Lettre du R. P. le Pelbetier
, Chanoine Regulier de la Congréga
tion de sainte Genevieve , au sujet des Chansons
du Roy de Navarre , Comte de Champagne
, &c.
L
'Auteur de l'Examen critique des Chan
sons de Thibaut , Roy de Navarre , et
Comte de Champagne , ( Mercure d'Août
1737. ) entreprend une chose bien hardie.
On a cru jusqu'à present que ces Chansons ,
ou la plûpart , s'adressoient à la Reine Blanche
, Mere de S. Louis . Il prétend que c'est
un préjugé fondé sur un Roman. Est - ce donc
là comme l'on traite nos vielles Chroniques ,
et des Historiens respectables par leur science
et par leur probité , qui nous aprenent que
le Roy de Navarre fit des Chansons , parce
qu'il aimoit la Reine Blanche ? Cette Princesse
étoit, selon l'Auteur même que je contredis
, d'une grande beauté ; mais son rang
et sa sagesse la rendoient inacceffible aux
feux de Thibaut, qui n'en étoit que plus passionné.
C'est le sujet de ses plaintes ameres .
Il n'y a rien en cela qui ne convienne à la
Blonde couronnée , ( terme d'un Manuscrit
semblable pour le reste aux autres Manusgrits
JUIN 1738. 112%
Crits , qui disent coulorée) du Roy de Navar
te Quand même la Reine auroit eu en 12353
50. ans , et 15. ans de plus que Thibaut ,
Lorsqu'il fit ses Chansons , n'a - t - elle point
pu conserver jusqu'à cet âge des charmes qui
font dû faire traiter par notre Poëte amou
reux,de jeune , de gratieuse &e ? il dit qu'elle
est sans expérience, parce que son coeur cháste
ne s'étoit pas laissé séduire par les attraits
de l'amour. D'ailleurs, qui nous assûrera que
la Chanson , où Thibaut traite sa Dame de
jeune et sans expérience , a été faite pour
Blanche âgée de so . ans ? Il a pu écrire cela
lorsqu'elle n'avoit que 30. ou 35. ans . On lui
reproche unamour criminel pour Blanche dès
l'année 1226. le bruit même courut que sa
passion pour cette Princesse , l'avoit porté à
empoisonner Louis VIII. mari de sa Dame.
Ce bruit étoit mal fondé ; mais ce qui paroît
certain , c'est que Thibaut , contre son serment
, laissa le Roy à Montpensier en Auvergne,
pour aller voir la Reine , et que cela
lui attira de la part de cette Princesse , des
Princes et des Grands du Royaume , plusieurs
affronts , et la haine de tout le monde .
J'ai pour garants des Monumens certains
du temps dont je parle. Qui osera s'inscri
re en faux contre une telle autorité ? Si tou
* Elle est née en 1168. voyez Bellandus 30. May,
page 291.
ff22 MERCURE DE FRANCE
tes les Legendes de nos vieux Breviaires , et
les Décretales, jusqu'à Sirice, eussent pu trouver
un tel apui , on n'auroit jamais osé les
abandonner à la crédulité des temps d'ignorance
, ou aux préjugés , souvent interessés ,
de quelques Modernes. Ce n'est point préju
gé ni manque de réflexion, ou de connoissance,
qui a fait écrire jusqu'à présent, que Thibaut,
Roy de Navarre, et Comte de Champa
gne, sixième du nom, aimoit la Reine Blanche,
et qu'elle avoit été l'objet de ses Poësies et
de ses soupirs. Cependant l'Auteur que j'ataque
, regarde cela comme une fable, dont il
fait inventeur Mathieu Paris, Moine de S. Alban
; il ajoûte qu'il ne parlera point de tou
tes les calomnies accumulées par ce Reli
gieux Anglois contre la Maison de Philipe
Auguste. Je laisse à l'Auteur à prouver ce
qu'il avance contre le celebre Mathieu Paris.
Je crains qu'il ne soit lui - même accusé justement
de noircir sans sujet la réputation d'un
Religieux celebre par sa science, et par la sagesse
de sa conduite.
Mathieu Paris ( cave &c . ) fut choisi en
1248. du consentement du Pape Innocent
IV. pour réformer les Moines de Holme.
( c'est Stokolm . ) Il étoit si consideré par
Henry III . Roy d'Angleterre , qu'il l'admettoit
souvent dans son Palais , dans son Ca
binet, et par tout où il étoit ; c'est, dira quel◄
qu'un,
JUIN 1738 . $125
qu'un , l'attachement pour ce Prince , qui a
presque toujours fait la guerre à la France ,
qui rend suspect Mathieu Paris d'écrire d'une
maniere injurieuse à la Maison Royale de
France : mais ses livres le justifient assés . If
n'oublie pas les défauts de Henry III. On
voit dans ses Ecrits les plaintes des Anglois
contre leur Roy , et la necessité de réformer
son Royaume. S'il eût caché les fautes des
personnes qu'il avoit interêt de ménager , la
posterité l'auroit regardé comme un Ecrivain
de parti, parce qu'il est resté d'autres Monumens
du temps, ( Fleury sur l'an. 1227. ỨC.
1253. &c. ) qui nous découvrent les abus ,
qui régnoient en Angleterre et à Rome.
D'ailleurs , quel coup peut porter contre la
Reine Blanche le récit des amours du Roy
de Navarre?Tout ce qu'on en conclûra , c'est
que ce Prince aimoit Blanche : cela montre
la foiblesse de l'un , et releve la vertu de
l'autre , qui n'a point répondu à l'inclination
du Roy de Navarre : peut être cependant
qu'elle s'en est servie pour le faire rentrer
dans la soumission , qu'il devoit au Roy de
France. Ce qui doit encore faire voir l'injustice
du soupçon
de partialité contre l'Historien
Anglois , c'est qu'il étoit estimé de saint
Louis et par conséquent de Blanche sa
mere. Ce Prince voulant aller à la Croisa
de , et sachant que Haquin , Roy de Nor-
,
vege
124 MERCURE DE FRANCE
vegé avoit le même dessein , il lui envoya
Mathieu Paris, afin qu'il l'engageât à unir ses
forces avec celles de la France. Cet Auteur
étoit donc un homme d'un mérite particulier
, instruit de ce qui se passoit dans les differentes
Cours de l'Europe : Ainsi le P. Daniel
, M. Fleury , et les autres Anciens et
Modernes , ont eu raison de prendre pour
guide d'une partie de leur Histoire Mathieu
Paris. Baronius et Bellarmin qui ont vû avec
peine , que la Cour de Rome n'étoit nullement
menagée dans l'Ouvrage de cet Anglois,
ont soupçonné qu'une main hérétique y avoit
ajouté ces traits fâcheux mais Casaubon
(Prolegomena &c. in Annales Baronii 1655.)
leur a répondu que les Manuscrits montroient
que l'Editeur n'avoit rien ajouté au
texte original.
J'ai déja dit que Mathieu Paris n'est pas le
seul qui parle des défauts de la Cour de Rome
dans le treiziéme siecle . Quand la vie de
S. Edme , Archevêque de Cantorberi , que
j'ai composée , paroîtra , on y trouvera de
nouvelles preuves de ce que je spûtiens . I
faut donc convenir avec Baronius ( in an.
996.n.63 . p.1055 . Col. Agrip. 1609. ) sans
excepter,comme lui ,les endroits oùMathieu
Paris reprend la conduite des Romains , que
son Livre est un Livre d'or composé presque
mot à mot, de Monumens publics . Mathieu.
Paris
JUIN 1738. X125
Paris passoit pour un prodige de son siecle ,
parce qu'il étoit non seulement Historien
mais encore Theologien , Orateur , Poëte, et
Mathématicien, Si Joinville et quelqu'autre
Auteur contemporain , ne parlent pas des
amours de Thibaut , ce n'est pas une consé
quence que l'Histoire en soit fausse ; c'est ;
ou par ce qu'ils l'ont ignoré , ou qu'ils n'ont
pas jugé à propos d'en parler. Joinville ne
dit presque rien du Sacre de S.Louis, et parle
encore moins de ce qui le précede. Il passe
sous silence la révolte du Roy de Navarre
en 1235. c'étoit cependant là le lieu de parler
de l'inclination de ce Prince pour la Reine
Mere , et des affronts qu'elle lui attira .
Mathieu Paris n'est pas le seul Ecrivain
contemporain maltraité par notre A uteur.Philipe
Mouskes, Evêque de Tournai, qui passe
pour un Personnage sçavant et discret, digne
par conséquent d'être cru dans ce qu'il nous
raconte des affaires de son temps , est traité
d'Historien avide de fables. J'avoue que les
Sçvans l'abandonnent, quand il parle des choses
éloignées de plusieurs siecles du sien. Il
n'est pas même dans le reste exempt de fautes,
non plus que Mathieu Paris, ainsi que les
Auteurs les plus graves, en quelques circons
tances , ou dans des Dates : M. Du Cange a
fait imprimer de cet Auteur,ce qui regarde les
Empereurs de Constantinople , François . Le
reste
126 MERCURE DE FRANCE
reste est encore manuscrit, au moins pour la
plus grande partie. Ce n'est pas qu'il n'y ait
des choses importantes ; mais son langage en
Vers François , est inintelligible pour la plû
part des Lecteurs.
L'Auteur que je combats , qui cite lui-mê
me l'Ecrit de Philipe Mouskes , sous le nom
d'Histoire de France, n'auroit pas dû le confondre
avec la bonne Chronique dont Faucher
se sert en parlant desVers du Comte deCham
pagne . L'affront fait à ce Prince , selon la Chro
nique, étant different de ceux dont l'Histoire
de l'Evêque de Tournai parle, étoit une feconde
raison pour distinguer ces deux Ouvrages,
Il me semble encore que, si la Chronique eût
été en Vers François , Fauchet n'auroit pas
manqué d'en avertir,à cause que la chose n'est
pas ordinaire. Enfin l'Auteur de l'Examen critique
remarque, que Philipe Mouskes ne dit
pas que l'amour ait été le motif des mauvais
traitemens que Robert , frere de S. Louis
fit essuyer à Thibaut. Pourquoi donc s'imaginer
que l'anonyme de Fauchet, qui le dit ,
est le même que Philipe qui n'aporte aucun
motif de la colere de Robert : Fauchet ne
connoissoit-il pas l'Histoire de cet Evêque ? S'il
eût pu prévoir les conjectures du Critique ,
il n'auroit pas manqué de nous avertir que sa
bonne Chronique est bien differente de l'Histoire
de Philipe Mouskes ; ce Prélat ne par
lang
JUIN. 1738. 1127
lant point des amours du Roy de Navarre ,
' Auteur de l'Examen critique n'auroit pas
dû , ce me semble , le maltraiter autant que
les Historiens qui nous les aprennent ; mais
ce qui lui paroît indigne d'un bon Historien,
c'est que les Halles n'offrent point de ſcene
plus basse , que celle que Philipe Mouskes
fait jouer aux plus grands Seigneurs de la
Cour , contre un Roy Parent de la Maison
Royale de France. L'Auteur avoit dit auparavant
que Philipe écrit en quelque endroit
de son Histoire , que Robert ordonna à ſes
valets de jetter des guenilles , des ordures ,
des boyaux à Thibaut , et de couper la queuë
de son Cheval. Où est- donc la fcene la plus
basse que jouent les plus grands Seigneurs
de la Cour ? ce sont les valets qui la joüent,
et ils n'agissent qu'après un ordre général de
leur Maître , d'insulter de leur mieux le
Roy de Navarre . Robert n'avoit alors que 19 ,
ans. Voici les paroles de Philipe Mouskes.
Rob. frere du Roi commanda
A ses vallais quils li ( Thibaut ) feissent
Tres tout le honte ql peoisset
Et li
qn
quens sen dut aller
Cil li vinrent a lencontr
Si fu guttes de palestiaus
Et de cinces et de boiaus
12 MERCURE DE FRANCE
Et si li trencierent il doi
La Keite de son palefroi ¿c.
Il ne s'agit point là , au moins expressément
, des amours ni des Chansons tendres
du Roy de Navarre pour la Reine Blanche ;
cependant le Fait n'en est pas moins certain,
et la grande Chronique de France , que
Fauchet apelle une bonne Chronique , ne l'a
avancé qu'après des monumens autentiques.
Il n'y a pas encore cent ans , qu'on voyoit
dans une Salle du Palais des Comtes de
Champagne et de Brie à Provins , les Chansons
de Thibaut,écrites sur la muraille . Je le
sçais de M. Ruffier même , qui le a vûës ;
mais ce qui restoit du Château des Comtes
a été ruiné depuis , pour faire les Classes du
College des PP. de l'Oratoire de Provins :
j'ai remarqué ces choses en écrivant contre
les Memoires de M. Baugier , ( Mercure de
1722. Juin pag. 61. )
Laissons done les Historiens en possession
de raconter l'amour du Roy de Navarre pour
la Reine Blanche , comme je pense qu'il faut
les y laisser sur le Lieu de la naissance du
Roy fon Fils à Poissy. L'Auteur de l'examen
critique dit , qu'il faudra raiſonner tout diféremment
que l'on n'a fait , sur les caufes des
grands Evenemens qui arriverent pendant la
Régence de la Reine Blanche ; mais je crois
que
JUIN. 1738.
1129
23
que le principal ressort des évenemens , qui
ent troublé la France pendant la Minorité de
S. Loüis , est l'ambition et la jalousie des
Grands , qui souffroient avec peine , qu'une
Etrangere fût la Maîtresse du Royaume.
Pour ce qui est du Comte Thibaut , il fait le
personnage d'un homme léger et inconstant ,
tantôt rebelle au Roy, tantôt fidele fujet. On
lui donne la gloire d'avoir averti S. Louis ,
que les Seigneurs avoient conspiré de l'enlever
à Montlhery.
f
Encore un mot au sujet de Provins , dont
il est parlé dans le Mercure d'Août 1737 .
page 1762. Joseph Scaliger ( Notitia Gall.)
disoit qu'il falloit être fou pour soûtenir , que
Agendicum dont il est parlé dans Cesar est
Provins. Je n'ai garde de me servir d'une
telle expression , surtout à l'égard de M.
Maillart , Avocat au Parlement , dont l'érudition
paroît dans les Ecrits qu'il donne au
Public: mais je le prie de consulter Mrs d'Ablancourt
et de Valois , qui montrent que la
position des Lieux ne permet pas de mettre
Agendicum où est Provins ; c'est Sens , qui
comme d'autres Métropoles , n'a retenu que
le nom de ceux dont elle étoit la principale
Ville. Nous voyons que dans le neuvième
· Siecle , Sens n'avoit pas encore perdu son
nom d'Agendicum , puisque Venilon qui en
E étoit I. Vol.
1130 MERCURE DE FRANCE
étoit Archevêque, est dit Evêque d'Agendisum.
Provins est nommé dans les Capitulaires,
Provinisum. Annal . S. Bertini in an. 858.
Capitular. in an. 802. 853. Mercure de Sep
sembre 1737. page 1968.
Al Abbayede Chatricesprès Ste
Menehoud , le 1. Mars 17381
REPONSE de l'Auteur de l'Examen
critique.
L
Es Réflexions du R. P. le Pelletier con
tre mon Systême , au sujet des Chansons
du Comte Thibaut , ne m'ont point ébranlés
je persiste à soûtenir , qu'aucune des Chansons
de Thibaut n'a été faite pour la Reine
Blanche ; il n'y a rien dans l'Ecrit du P. le
Pelletier qui doive me faire changer de sentiment
: en vain s'apuyet - il de l'autorité
de Mathieu Paris , et de celle de Philipe
Mouskes , j'ai prévenu dans mon Examen
critique , &c. cette foible objection . Ces
deux Historiens peuvent être dignes de foy
en plusieurs Faits qu'ils racontent , mais ils
ne le sont point dans ce qu'ils disent de Thibaut
, Auteur des Chansons dont il s'agit ; je
le démontrerai encore plus clairement et plus
.cn
JUIN. - 1738.
1131
en détail
par des Lettres
et des Monumens
du temps , dans mon Histoire
des Comtes Souverains
, Feudataires
, et Héréditaires
de
la Champagne
et de la Brie , laquelle
est fort
avancée.
»
M. Billat , Chanoine Régulier de Provins,'
dont j'estime les lumieres , m'a envoyé une
Critique plus fpécieuse à certains égards, que
celle du P. le Pelletier. J'y ai trouvé un raisonnement
et une objection solide en aparence
, à laquelle je répondrai par occasion
en cet endroit. » Ne se peut- il pas faire , dit-
" il , que Thibaut ait aimé la Reine , en des
sein de l'épouser , et non dans des vûës
criminelles , telles que Mathieu Paris les
» lui impute ? A quoi je répons , que si l'on
+ fixe avec l'Historien Anglois , le temps des
amours de Thibaut , au Siége d'Avignon , le ,
Roy vivoit alors ; Thibaut par conséquent
ne pouvoit point penfer à se marier avec la
Reine son Epoufe. Si cet amour n'a éclaté
qu'en l'année 1231. ou 1232. felon les Chroniques
de S. Denis , Thibaut dans ce tempslà
etoit marié avec Agnes de Beaujeu , de laquelle
il fut séparé , pour époufer , comme
il le fit peu de temps après , Marguerite fille
d'Archambaut de Bourbon , comme je l'aprends
de leur Contrat de mariage , que j'ai
trouvé dans un Cartulaire de la Bibliothèque
du Roy.
E ij
Le
1132 MERCURE DE FRANCE
Le P. le Pelletier peut tirer de ce raiſonne
ment , les conféquences qui en naissent ; il
verra , qu'il n'a pas combiné juste toutes les
circonstances de la Vie de Thibaut , en écri
vant ses Réflexions contre mon Systême ;
qu'il sera forcé d'adopter , lorsqu'il y aura
pensé plus sérieusement.
On a du expliquer les mots de l'Enigme
et des Logogryphes du mois de May , par la
Cloche Bois , Parasite , Manège , Tambour,
Besançon , Dourlac , et Solea . On trouve
dans le premier Logogryphe , Jo , 1 , 0 ,
160 , ob , Job , bis , is , ' si , bos , et os. Dans
le fecond , Sarå , Pirate , Raïe , Pré , Pie ,
Paris , Trape , Sept , Air , Pet , Pise , Fasper
, Saper , Taper , Japer , Jaser , Rat , et
Rate. Dans le troisiéme , Ménage dans le
quatrième , Amours et dans le feptiéme ,
Sol , Olea , et Leo.
ENIGM E.
E suis et luisante et polie ;
Josuémonde time ma clarté:
La laide ma faveur
peut passer pour jolie ,
Et j'accrois les apas d'une jeune Beauté.
Souvent
JUIN 1738.
1131
; Souvent un mal- adroit peut me ravir la vie
Mais il peut aussi -tôt me rendre aussi le jour :
A l'éclat dont je brille un Amant porte envie ,
Car je suis quelquefois un obstacle à l'Amour.
Toi , qui cherches à me connoître ,
Lecteur avide et curieux ,
En ce moment peut- être
Suis- je devant tes yeux.
26.
Par M. Laffichard.
****
***********
EN
LOGOGRYPH E.
[
N neuf Lettres mon nom se forme et se par
tage ;
Je suis un instrument autrefois en usage ;
3.5.8.7. et 9. je trompe la Raison :
8. 2. 7. 3. I. s. du sommet d'un Vallon
Dans les ruisseaux voisins coule mon onde pure.
5. 1. 3. 2. 7. 9. acte de triste augure .
3.2.7.5. je suis une agréable fleur
D'un teint uni , vermeille , un Emblême flateur.
8. 9. 3. 6. 2. 4. ah ! ma Morale austere
Imprime à tous Chrétiens une peur salutaire ,
Quand je peins de l'Enfer l'affreuse vérité ;
6. 2. 7. 5. je suis sur un front irrité :
3.9 6.7. et 8. mon mépris fait mon crime ,
E iij
D'us
1134 MERCURE DE FRANCE
D'un injuste courroux déplorable victime ,
Mon propre frere hélas ! m'immole à sa fureur ,
Pour traverser les murs dont il est Fondateur.
3.-2. 7. 5. suport d'une maison roulante ; ›
3. 2. 4. 1. et 9. une herbe très piquante.
2. 7. 3. 8. et 5. une Constellation .
6. 7. et 3. je sers de Fortification .
8., 1. 5. 4. 9. pour me voir on s'empresse ; -
Un noble amusement de toute la Noblesse.
J
Par Saignes C. D. P..
AUTRE..
E porte Avare ,
Ver , Rang , Haran ;
Je porte Gan >
An , Gruë , Rare✨;
Je porte Ré
Je porte
Ruë 2
Je porte Gué ,
Heur , Ane , Vûë ;
Mon nom Lecteur
C'est H ....
Par J. B. Ollivier , à Marseille.
'AUTRE
JUIN
1738 1131
J
Je porte
AUTRE.
E porte Luc , je porte Lac ,
Suc , je porte Sac ,
Je porte La , je porte Las ;
M'avez-vous deviné ...
Par le même.
J
AUTRE..
E porte Cir , je porte Cour ,
Je porte Tir , je porte Tour ,
Je porte Turc , je porte Cor ; ›
Lecteur je m'apelle .
Par le même.
AUTRE.
Lame ,
E porte La , je porte JE
Je porte Da , je porte Dame ,
Je porte Main , je porte Maine ,
Lecteur , mon nom est M.
JE
....
Par Duchemin , Musicien à Angers!
AUTRE.
E porte
Je porte Sa , je porte Sein ,
Fa , je porte Fin ,
Eij J
7136 MERCURE DE FRANCE
Je porte Char , je porte Crise ,
Lecteur , je m'apelle F .....
Par le même.
AUTRE,
E porte Fa , je porte Fin , J
Je porte
Cran › je porte Crin
Je porte Fi , je porte Fois ;
Lecteur , je m'apelle F ....

Par le même.
Осто
LOGOGRYPHUS.
*
Cto pedes mihi sint , subiiò paret tibi monstrum.
Sex solum gradiens , defessas sublevo vires :
Si sint quinque , statim nigrum se detegit arbor
Qua fructum profert : Quatuor si sint mihi Lector
Se Tros ostendit : Trino sed si pede tantùm
Componar , Talis dicunt , est nostra loquela
Ceu vits ratio : pedibus si incedo duobus ,
Corporis humani duplex sum portio : tandem
Uno si gradiar , tunc exclamatio fiam.
Par le même.
ALIUS
JUIN 1738.
1137
ALIUS.
Nomine sylvicola trini cernuntur in uno

Fur prior , alter atrox , tertius est timidus.
Syllaba sit sublata prior , dabit altera membrum
Quod natura duplum , Lector amice , dedit.
Par M. Fournier de Villecerf, Maître
des Eaux et Forêts du Gasvre..
NOUVELLES LITTERAIRES
B
DES BEAUX ART S.
IBLIOTHEQUE ITALIQUE , ou Histoire :
Litteraire de l'Italie . Tome XIII. in - 8 :
a Geneve , chés Michel Bousquet , et Compagnie
. M. DCC. XXXII .
Ce Volume contient huit articles , dont
le fecond nous a paru mériter particulierement
l'attention des Curieux . C'est un Suplément
à ce que les Auteurs de ce Journal.
ont déja dit , du Traité de M. le Marquis
Maffei , fur les Amphithéatres ; et voici en
quoi consiste ce Suplément.
Les Amphithéatres furent inventés pour
cette efpece de Spectacles , qu'on apelloit la
Chasse , c'est- à - dire , les combats des Bêtes.
Ev
On
1138 MERCURE DE FRANCE
On faifoit d'abord combattre diférentes bêtes
entre elles ; après cela on les introduisit liées .
dans le Cirque avant l'ufage des Amphithéatres
, et des hommes les y combattoient dans
cet état. Enfin les bêtes furent expofées libres
au combat des hommes , qu'on nomma
Bestiarii , parce qu'ils faifoient profeffion de
challer aux bêtes ,
imitant dans cette Chaffe,
la maniere dont les Africains s'y prenoient
dans leur pays , pour tuer les Eléphans , les
Lions , les Tigres , et les autres bêtes fauvages.
C'eft effectivement quelque chofe d'affés
difficile à comprendre , comment des hommes
nuds , tels que le font la plupart des
Africains , ont le courage d'aller feuls , ou
en compagnie à la chaffe des bêtes féroces
dont ils viennent néanmoins facilement à
bout , évitant avec une adreffe infinie les efforts
de leur férocité. Les Relations modernes
de l'Afrique nous instruifent affés fur cet:
article , pour nous donner quelque idée de
la magnificence , et de la singularité des
Spectacles de l'Amphithéatre.
L
Les Bestiaires avoient rafiné dans l'Art de
combattre les bêtes . Ils avoient inventé des
armes et d'autres inftrumens propres à cela ..
Ils fe jouoient même ordinairement avec les --
divers animaux qui paroiffoient dans l'Arene ,
avant que de les attaquer sérieufement. On
deffoit aufli fouvent au milieu de l'Arene ,
des
JUIN. 1738. " 1139
,
des machines femblables à des Antres et à
des Forêts , d'où les bêtes fortoient , afin de
mieux repréſenter la chaffe . En un mot , la
Fête n'étoit point complette , si après tous
les autres Spectacles , l'on n'y voyoit combattre
quelques- uns des plus habiles Chasseurs.
C'est ce que Symmaque dit dans une.
Lettre , que M. Maffei a citée . Ce dernier
ajoûté , qu'on peut aprendre ce qui concerne
l'adresse , les inventions , et les armes des
Bestiaires , dans quelques Passages de Tertullien
, de Vopiscus , et de Prudence ; mais
principalement dans la Lettre XLII . du Li--
vre V. des diverfes Leçons de Cassiodore
( à laquelle Juret renvoye aussi dans fes Notes
fur cette Lettre de Symmaque , ) où cer
Ancien en fait la defcription , qu'on peut
comparer avec les figures de deux Diptiques
publiés par le P. Viltemius.
Quoiqu'il en foit de l'adresse et du nombre
des Chasseurs , qui étoient employés
dans ces Spectacles , la quantité de bêtes
fauvages , qu'il falloit faire amener ou transporter
à Rome , dü Septentrion et du Midi, -
devoit rendre excessive la dépenfe de ces
chaffes ; fans parler des Jeux scéniques et des
Combats des Gladiateurs , qui précédoient "
ordinairement dans les grandes Fêtes , les
combats des bêtes . En effet , MARCUS
FULVIUS , qui fuivant la Remarque de
Esvj MS1140
MERCURE DE FRANCE
M. Maffei , célebra la premiere chasse à Ro
me l'an 568. n'y fit paroître que quelques
Lions et quelques Pantheres. Vingt ans après ,
la chasse des Jeux Circenfes fut de foixantetrois
Pantheres , quarante Ours , et quelques
Elephans. MARCUS SCAURUS fit combattre
pendant qu'il étoit Edile , cent cinquante
Tigres , cinq Crocodiles , et un Hypopothame
; SYLLA , quand il fut Preteur , expofa
cent Lions au combat. Mais la fomptuosité
des Jeux que POMPE'E fit célebrer , pour
la Dédicace du Théatre de pierre qu'il avoit
fait bâtir, furpassa tout ce qui l'avoit précédé
en ce genre. On vit pendant les cinq derniers
jours de cette Fête , quatre cent dix
Tigres , cinq cent Lions , plusieurs Elephans,
un Loup- cervier , un Rinoceros , et d'autres
bêtes étranges d'Ethiopie , cmployées uniquement
pour la chasse. Eutrope afsûre qu'on
tua cinq mille bêtes , ( Dion dit neuf mille )
à la Dédicace de l'Amphithéatre de TITE.
On peut lire ce que les Auteurs de l'Histoire
d'AUGUSTE ont écrit des Spectacles merveil
leux , que donnerent TRAJAN , ADRIEN
ANTONIN PIE , MARC AURELE , COMMODE ,
LES GORDIENS , PROBUS , et d'autres Empereurs
mais il ne faut pas prendre au pied
de la lettre tout ce qu'ils en difent , il y a
beaucoup d'exagération , comme M Maffei
le remarque fort à propos.
وا
Les
JUIN.
T14 1738
Les bêtes fervoient encore à dévorer les
criminels , et l'Arene étoit souvent teinte du
sang des Martyrs ; parce que les Chrétiens
étoient regardés comme des impies , et comane
la caufe de tous les malheurs de l'Empire.
A l'égard des malfaiteurs , on leur permettoit
quelquefois de se défendre contre les
bêtes , mais ordinairement on les expoſoit
liés à la fureur des Tigres et des Lions. Ons
revêtoit souvent ces suplices d'un extérieur
scénique , comme on le pratiqua à l'égard
d'un insigne voleur Sicilien , dont Strakon
fait mention , qui fe faisoit apeller Fils de
Ethna ; car il fut mis au haut d'une machine
qui représentoit le Mont Ethna , laquelle
venant à s'enfoncer tout d'un coup , le crimincl
tomba entre les cages des bêtes , qui
paroissoient gîter dans cette montagne , et
qui le dévorerent incontinent. Il en arriva à
peu près de même à Orphée , à Laureole , à
Dédale , et à Léandre , ddee qui Martial a
parlé. Cette variation de Scene dans les Spectacles
étoit nécessaire , parce qu'ils duroient
ordinairement tout le jour.
, ,
C'étoit principalement dans les Combats
dés Gladiateurs , que ces diférentes Décora →
tions avoient lieu. Ces malheureux , qui s'en--
gageoient volontairement dans cette inhumaine
profession , ou qui étoient contraints™
de l'embrasser , comme une fuite de leur
captivité
1142 MERCURE DE FRANCE
captivité , combattoient d'une infinité de fa
çons tantôt ils imitoient la maniere de combattre
des temps Héroïques, ou fabuleux , et
se servoient des mêmes armes et des mêmes
habillemens , qui avoient été en ufage dans
ces temps reculés , tantôt ils repréfentoient
les diverfes Nations , qui avoient été ou qui
étoient actuellement en guerre , soit entre
elles , soit avec le Peuple Romain.
Entre les diferentes classes de Gladiateurs, -
. qui combattoient dans l'Amphithéatre , il y
en avoit deux principales , dont les Auteurs
ont fait plus fouvent mention , que de toutes
les autres. Ceux de la premiere classe
étoient apellés Secatores , nom pris de l'action
de fuivre, parce qu'ils suivoient ou pour--
súivoient l'autre sorte de Gladiateurs , qu'on
leur opofoit le plus ordinairement : ceux - ci
étoient apelles Retiarii , à cause d'une arme
en forme de Rets , ou de Filet , dont ils se
fervoient pour enveloper la tête de leur adversaire
, qu'ils tuoient enfuite avec un Trident
ou avec un poignard. Les Secutores
étoient armés d'une misse de plomb , avece
tquelle ils empêchoient l'effet de la Rets des
Ret aires , et d'un Epien , avec lequel ils perçoient
leur ennemi .
M. Maffi ne parle presque que des Retiairesà
l'occasion d'une Incription sépulchrale ,
faite à l'honneur d'un de ces Gladiateurs
qui
JUIN. 1738 1143
,
qui avoit combattu vingt-sept fois dans l'Amphithéatre
de Verone. Il remarque sur ce
Monument qu'il raporte , que l'origine des
Retiaires venoit de ce qu'on avoit voulu imiter
une action que fit Pyttachus , l'un des sept
Sages ; étant Général de ceux de Mytilene
et combattant corps à corps contre
Bhrynon , Général des Athéniens , en figure
de Pêcheur , il envelopa son ennemi avec
une Rets , qu'il tenoit cachée , et le tua avec
un Trident et un poignard , ainsi que Strabon
lé raporte. Aussi , .quand un Retiaire combattoit
contre un Mirmillon , autre sorte de
Gladiateur , qui imitoit la maniere de combattre
des Gaulois , le Retiaire chantoit ::
NON TE PETO , PISCEM PETO , PISCEM
PETO QUID ME FUGIS , GALLE ? Je ne te
poursuis pas , je poursuis un Poisson , je poursuis
un Poisson ; pourquoi mefuis tu, Gaulois?
Il disoit cela faifant allusion à la figure d'un «
Poisson , qui ornoit le Cafque du Mir--
millon..
Au reste , que les Retiaires se servissent
d'un poignard aussi bien que d'un Trident
c'est ce qui paroît par la Pierre sépulchrale
dont M. Maffei a fait graver la figure , où
l'on voit ces deux armes repréſentées. Voici
l'Infcription , beaucoup plus correcte qu'elle
ne l'est dans Gruter , et dans les autres Collecteurs
144 MERCURE DE FRANCE
lecteurs de tels Monumens , qui ont tous ou
blié de remarquer , qu'on voit la figure des
deux armes fur la Pierre sépulchrale,
D
GENERO
I
SORETIA R
O INVICTO
PUGNAR UM
XXVIINALE
M
XANDRNQVI
1 I
PUGNUTUR
Le reste manque ; on y auroit aparemment
apris quelque particularité curieufe touchant
ce Gladiateur , il s'apelloit Generosus : il étoit
originaire d'Alexandrie , et apartenoit certai
nement à lAmphithéatre de Verone . La figure
du Poignard'est du côté du D. et celle du
Trident , du côté de la lettre M.
".
Tertullien donne le nom d'Eponge , Spongia
, à une des armes des Retiaires ; et Tite
Live décrivant l'armute des Samnites , apelle
Eponge , ce qui leur couvroit la poitrine .
C'étoit fans doute une Côte de maille , qui a
quelque ressemblance avec une Eponge . Mais
Le Passage de Tertullien indique plutôt une
arme
JUIN 17388 1145
que
ime offensive défensive car il compare
dans cet endroit l'effet de l'Eponge d'un Rétiaire
, à celui de la morsure des Ours. Ce
n'étoit donc pas une défense de la poitrine ,
mais quelque arme à pointe ou à crochet, et
qui par là pouvoit ressembler aux dents d'un
Ours. D'ailleurs les Retiaires combattoient en
simple tunique , et le visage découvert. Il paroît
de - là , que le nom d'Eponge étoit donné
ou à la Rets ou au Trident , ou enfin au Poiguard
du Retiaire. M. Maffei se détermine
pour le dernier. Un Passage de Suetone , où
cet Historien parlant du mauvais succès d'une
Tragédie d'Ajax , qu'Auguste avoit commencée
, dit , que son Ajax s'étoit laissé tomber
sur son Eponge ; faisant allusion à la fin
tragique du Héros : de sorte que la Tragé
die avoit eû une aussi malheureuse fin que
1ui , qui effectivement se donna la mort en
se jettant sur son épée . Il faut donc , suivant
cette Remarque de M. Maffei , que comme
il le conjecture , le manche de cette espece
de Poignard fût formé , de maniere qu'il res
semblât par ses ornemens à une Eponge.
Notre Auteur donne encore une autre
Inscription , qui concerne l'Arene de Verone
; et il observe à cette occasion , que
bien qu'il soit assés rare de trouver des Inscriptions
qui concernent les Gladiateurs , il
l'est bien plus d'en trouver qui fassent mention
1146 MERCURE DE FRANCE
tion des Combats de Bêtes hors de Rome
Voici l'Inscription.
ΝΟΜΙΝΕ
Q. DOMITII ALPINI
LICINIA. MATER
SIGNUM. DIANRE. ET VENA
Τ Ι Ο Ν ΕΜ
ET SALIENTES. T F. J. c'est- à- dire
très fieri jussit.
Cette bonne femme , dit M. Maffei , suivant
l'instinct de sa pieté , et selon la Religion
bizare de ce temps - là , ordonna dans son
Testament qu'on devoit célebrer une Chasse
de Bêtes sauvages . Elle ordonna encore
qu'on fit une Statue de Diane , à laquelle ,
comme Présidente de toutes sortes de Chas
ses , on consacroit souvent de tels Specta--
cles , mais non les Amphitéatres. Cette fem
me ordonna enfin qu'on fit trois Fontaines ,
aparemment près de l'Amphitéatre . Il est
vrai que l'on désignoit aussi par le mot Salientes
, certains canaux cachés , par le moyen
desquels l'on conduisoit de l'eau odoriferante
, qu'on faisoit ensuite rejaillir jusques
au haut de l'Amphitéatre , afin qu'elle pût'
tomber en forme de pluye menuë , sur tous
les Assistans. Mais M. Maffei croit qu'ici il
n'est question que de Fontaines proprement
ainsi nommées.
On
JUIN. 17383 1147
On recueille de tout ceci , que Licinia ,
qui sûrement devoit être de grande condition
, puisqu'elle put ordonner une Chasse
Amphithéatrale , voulut en faire honneur à
son Fils , et que le Spectacle se célebra en
son nom , comme s'il en avoit fait la dé-
Rense. Ainsi nous voyons dans Dion , Lib.
54. qu'Auguste donna des Combats de Gladiateurs
au nom de ses Fils et même de ses
Petits - fils , comme il paroît par les Inscriptions
trouvées à Ancyre . Tacite témoigne que
Drusus donna des Jeux , c'est - à- dire des
Spectacles , en son nom et au nom de son
frere Germanicus .
dans
Verone jouissoit d'un autre avantage
ces temps - là , c'est qu'il y avoit plus d'un Séminaire
ou plus d'une Ecole , Ludus , dans
lesquels s'éxerçoient ceux qui se destinoient
à l'Amphithéatre. C'est ainsi qu'on doit en---
tendre les Inscriptions où il est fait mention
du Jeu Ludus , ou des Jeux Ludi ; et c'est´
dans ce sens que Fabreti a prétendu que
quelques Loix employoient ce mot quand
elles parlent de condamner ad Ludum , au
Jeu ; mais cela doit s'entendre , selon M.
Maffei , du Spectacle et non uniquement de.
celui des Gladiateurs , comme l'explique Go
defroi , mais principalement du Spectacle des
Bêtes. Il y avoit plusieurs pareils Séminaires
à Rome , ainsi qu'on le recücille des Marbres
148 MERCURE DE FRANCE
bres et de Publius Victor. Il est rare de vòir
qu'il en soit fait mention hors de Rome.
Cesar et Strabon parlent des Ecoles de Gladiateurs
, qu'il y avoit à Capote et à Ravenne
; car César faisoit élever des Gladiateurs
dans l'unc et l'autre de ces Villes ; et comme
Capoüe étoit fournie d'un grand Amphithéatre
, il y séjournoit quantité de Gladiateurs
, jusqu'au temps de Didius Julianus.
L'Inscription que nous copions de M. Maffei
, fait voir que Verone ne le cédoit en
rien à cet égard aux deux Villes que nous
venons de nommer.
EQUO
LUCIL. JUSTINUS
PUBLICO
HONORIB. OMNIB.
IN MUNICIPIO . FUNCTUS
IDEM. IN PORTICU . QUAE
DUCIT. AT . LUDUM . PUBLICUM
COLUMN. IIII. CUVI . SUP3QFC
JE. STRATURA . PICTURA
VOLENTE . POPULO . DEDIT
Et au revers de la Pierre :
ΩΡΑ
ΚΑΙ
TYKH
Cette Inscription a été assés mal représentée
par Gruter, et les autres , comme
cela
JÚ IN. 1149
1
1738
cela leur est ordinaire. Les Lettres distinguées
manquent dans le Marbre , et M.
Maffei les a supléées ; mais à la cinquième
ligne , où tous les Imprimés ont supléé Partem
, il n'y a réellement de la place que pour
deux Lettres , d'où il suit qu'il ne pouvoit
y avoir que Item , ainsi qu'il se trouve ausși
sur d'autres Marbres : peut- être qu'on avoit
écrit Idem , suivant la prononciation du
vulgaire , qui changeoit facilement une de
ces Lettres en l'autre , comme il paroît par
At. au lieu de Ad.
Lucilius Justinus donc , après avoir rempli
toutes les differentes fonctions de la Magistrature
dans Verone , avoit fait faire , avec
de consentement du Peuple , quatre Arcades
au Portique qui conduisoit au Jeu public
; il y avoit fait poser des colonnes , il
l'avoit fait paver de plaques de Marbre et
orner de Peintures . Les Jurisconsultes entendent
par le mot Superficies , ce qui est
précisément au- dessus de la Terre. M. Maffei
explique les deux mots Grecs du revers
du Marbre , par ces paroles proverbiales ,
qui sont aussi en usage en Italie , Tempo , e
Fortuna.
Les Amphithéatres servoient aussi aux
Combats des Gladiateurs à cheval , et à d'autres
qui combattoient de dessus des Chariots
. On apelloit ces derniers Essedarii ; ils
imitoient
iso MERCURE DE FRANCE
imitoient la maniere de combattre des Orien
taux ou des anciens Bretons , dont César
raporte l'usage dans son Livre de la Guerre
des Gaulois. Outre cela on faisoit voir quelquefois
dans les Amphithéatres des Forêts ,
des Cavernes , des Barques , avec lesquelles,
par le moyen de l'eau qu'on introduisoit
dans l'Arene , l'on réprésentoit des Combats
de Mer. A l'égard des Gladiateurs à cheval,
nous devons ajoûter ici que M. Maffei fait
venir de - là l'origine des Joûtes et des Tournois
, et non celle des Duels , ainsi que nous
Pavions dit par erreur , à la page 75. du Tome
VI. de cette Bibliotheque.
les
En voilà assés sur les deux differentes especes
de Spectacles qui se donnoient dans
Amphithéatres . Il ne nous reste qu'à parler
de la partie des Amphithéatres de Rome
et de Verone , qui étoit de bois . Mais
avant que de passer plus avant , nous embrassons
avec plaisir l'occasion qui se présente
ici de rendre justice à M. le Marquis Maf
fei,sur une remarque que nous insérâmes dans
notre second Extrait de son Livre. On pourroit
croire qu'il eût ignoré que les deux
entrées des deux pointes de l'ovale de l'Arene
, n'étoient pas aussi grandes qu'elles le
sont ; mais ce n'est pas sa pensée quand
il dit , que les deux vomitoires des pointes
de l'ovale manquent. Cela paroît par ce que
nous
1
JUIN. 1738. 1152
nous avons dit d'après lui un peu avant notre
remarque. Et s'il a dit dans un autre endroit
, qu'on ignore comment étoient faites
ces deux vomitoires , ce n'est que parce
.que la maniere dont les deux entrées intérieures
sont formées , est dûë toute aux
Ouvriers modernes. D'ailleurs nous avons
apris que l'article des Amphithéatres , a été
fort augmenté dans le Livre de notre Auteur,
qui vient de paroître , qui est intitulé
Verona Illustrata ; et nous sommes persuadés
qu'il n'aura rien laissé à dire de tant
soit peu considérable touchant les somptueux
Edifices dont il s'agit.
les sié-
Quoique rien n'égalât leur magnificence
en ce genre dans l'Empire , la moitié de la
structure intérieure étoit pourtant de bois,
excepté l'aîle du pourtour extérieur. M.Maf
fei a remarqué que cette partie de bois contenoit
beaucoup plus de Spectateurs que la
partie qui étoit de pierre , parce que
ges de bois avoient moins de hauteur et
n'étoient pas interrompus par des vomitoires.
Outre cela la partic le plus haute de l'Amphithéatre
, étoit faite en forme de Loges .
"Cela paroît évidemment suivant l'observation
de M. Maffei , par les Médailles sur
lesquelles on voit la représentation de l'Amphitheatre
de Tite. La grande raison donc
pourquoi , à notre avis , les Architectes du
Colisée
152 MERCURE DE FRANCE
Colisée et de l'Arene de Verone , ne vou
lurent pas pousser les Sieges de pierre jusques
à la hauteur de 140. pieds au premier
, et jusqu'à 110. ou 120. pieds au second
Edifice , fut la difficulté qu'il y avoit
de former au rez- de - chaussée , au premier
étage et au second , des voûtes aussi lourdes
qu'il l'auroit fallu pour soûtenir un si
grand poids. D'ailleurs le circuit allant toujours
en augmentant vers le haut , il falloit
diminuer les voûtes à proportion , à cause
de leur aproximation des murailles extéricures
de l'Amphithéatre , ce qui les devoit
rendre nécessairement moins solides et
par conséquent moins propres à soûtenir
le poids des sieges de pierre , sans parler
de la grande obscurité qui autoit regné infailliblement
dans les voûtes inférieures
soit au rez - de- chaussée , soit au premier
étage.
Il est permis de conjecturer que , comme
la partie de bois des Amphithéatres , étoit
destinée presque toute entiere au même peuple
, et la plupart des Loges aux femmes
de moindre considération , peu d'ouvertu
res ou de vomitoires suffisoient dans les
deux précinctions qui séparoient cette portion
de celle de pierre. Les premieres ouvertures
un peu au - dessus du dernier siége
de pierre, servoient , quel qu'en fût le nombre
,
JUIN. 1738.
bre ,pour tous les dégrés ou siéges de bois ;
jusques à la seconde précinction , qui étoit
immédiatement au-dessous des Loges. Il y
avoit ici aussi un petit nombre de vomitoirès
, qui donnoient entrée dans les Loges ,
par le moyen de la précinction qui regnoit
tout au tour , à moins qu'on n'y entrât par
une petite galerie de derriere , comme il se
pratique encore à l'égard des Théatres d'aujourd'hui
. Au reste c'étoit au - dessus de ces
Loges que se tenoient ceux à qui le soin des
Voiles , qui couvroient l'Amphithéatre, étoit
commis .
Nous laissons à nos Lecteurs le soin de
faire quantité de refléxions que peut fournir
la considération des Spectacles cruels et
sanglans , dont les anciens Romains repais
soient leur Peuple , sur la raison pour laquelle
les premiers Empereurs Chrétiens défendirent
ces Combats , desorte qu'ils furent en
tierement abolis pendant le sixiéme siecle.
D'où vient que la Guerre , qui offre quelque
chose encore de plus terrible que tous
ces Spectacles , n'a pû être regardée de même
oeil ; et d'où vient enfin qu'on a vû de
nos jours regner parmi les Chrétiens , les
Duels , parfaitement conformes aux Combats
des anciens Gladiateurs. Il y auroit tant
de choses tristes à dire sur ce sujet , que ,
nous aimons mieux les passer sous silence ,
1. Vol. Fax nou
1154 MERCURE DE FRANCE
nous bornant à souhaiter un meilleur sort
pour l'avenir au Genre Humain.
Toutes les choses que nous avons dites
sur les Amphithéatres dans nos deux Extraits
précédens , et dans ce Suplément , n'ont pas
épuisé la matiere . Nous esperons donner
dans un autre Tome quelque chose de nouveau
à l'égard des Arenes de Nimes , parce
que nous avons eû le bonheur de recevoir
d'amples Mémoires sur cet Edifice
que des personnes de considération , à
qui
nous rendrons toute la justice qui leur est
dûë , ont daigné nous communiquer.
Ce Suplément est accompagné d'une Planche
très - bien gravée , qui met sous les yeux
avec beaucoup de netteté toutes les choses
dont il est parlé dans l'Ouvrage en question .
On ne parlera point des autres articles de
ce Journal , les Sujets en étant déja assés
connus dans le Monde Litteraire.
On aprend dans les Nouvelles Litteraires,
Article de Padoüe , ) que Comino a donné
une belle Edition en II. Tomes in 4. des
Poësies du célebre Marc -Jérôme Vida, Evêque
d'Albe , en y joignant ses Dialogues sur
la dignité de la République. Marci Hieronimi
Vida , Poëmata omnia , que ipse vivens
agnoverat. Les Dialogues étoient devenus
rares , n'ayant été imprimés qu'une fois à
Cremone en 1556. M. le Docteur Volpi, qui
a
JUIN. 1738. 1135
pris soin de cette Edition , lui a donné
tous les accompagnemens nécessaires . Il par
le au long du mérite de l'Auteur dans la
Préface ; et il prend cette occasion de l'Edition
de Comino , pour défendre celle que
le même Libraire a faite des OEuvres Latines
de Sannazar , que les ennemis de l'Eglise
accusent d'infidélite, parce qu'on n'y voit pas
d'Epigrammes contre Alexandre VI. et Leon
X. L'Editeur se justifie là- dessus et rétor
que la Censure contre les Auteurs de l'Edi
tion de Frascator , faite à Geneve en 1622.
où , dit-il, on a retranché des Vers qui concernent
l'autorité du S. Siege .
Après l'Article de Padoüe , il y a dans
Article de Venise l'Extrait d'une Lettre
dont on raportera ici le plus essentiel .
Depuis que l'Imprimerie subsiste , on n'a
jamais vu d'entreprises en si grande quantité
et de l'étendue de celles qui se font en
cette Ville depuis quelque temps ; non- seulement
celles qui sont commencées , s'avancent
au-delà de ce qu'on en attendoit , mais
aussi on en fait de nouvelles , dont voici à
peu près le détail.
,
Mrs Coleti et Albrizzi , ont obtenu du
Prince la licence de réimprimer tout le Bol
Landus ils donneront aussi entierement
tous les Conciles en 23. Tomes. Ils ne s'en
tiendront pas là , car peu de temps après ils
F ij entrepren
1156 MERCURE DE FRANCE
entreprendront la réimpression de Biblio
teca Patrum. Ce qui surprend encore plus ,
c'est qu'outre ces grosses pieces , ces Mrs
en font quantité d'autres , par exemple ,
M. Coleti , la Traduction Latine des Com
mentaires sur la Bible de D. Calmet , in-folio
9. volumes. Sept ont déja parû et les deux
autres verront le jour au plutôt. Opere di Valisnieri
, in fal. 3. volumes avec figures . Le
premier se distribue actuellement , et les
deux derniers ne se feront pas attendre. Si
cilia Sacra de Rocho Pirro , in- fol. 2. volumes
, avec des augmentations de M. Mongitore.
On en a déja le premier Tome. Le se
çond suivra en Septembre prochain. C'est
lui qui l'imprime , quoique le Titre indique
Palerme. Il a aussi sous presse et il publiera
incessamment Gattola Istoria del Monte Cassino
, in-fol. 4. volumes. D'un autre côté M,
Albrizzi , son Associé pour les
gros Ouvrages,
imprime en son particulier le Saint Augustin
, sur l'Edition de Paris des Peres de
S. Maur. Aujourd'hui on en a 7. volumes, et
tout less . restans seront faits dans le mois de
Septembre 1733. Cette Edition est superbe .
Il réimprime aussi tous les Commentaires de
Cornelius à Lapide , sur la derniere Edition
de Lion .
OSSERVAZIONI Litterarie che possono
servir
JUIN. 1738. 8157
Servir di Continuazione al Giornal dé Letterati
d'Italia. In Verona , della Stamperia di
Jacopo Vallarsi. 1737. Ce Journal est , diton
, du Marquis Maffei. On le trouve chés
Barois , Libraire , Quai des Augustins .
OEUVRES diverses de Pierre Corneille .
A Paris , chés Gissey , ruë de la vicille Bouclerie
, à l'Arbre de Jessé , et Bordelet , ruë
S. Jacques , vis -à - vis le College des Jésuites
, à S. Ignace , 1738. in 12. de 461. pages ,'
sans la Préface , la défense du Grand Čorneille
, par le R. P. Tournemine , de la Compagnie
de Jesus , et la Table des Matieres.
CINQUIE'ME LETTRE de M. Astruc
Médecin Consultant du Roy , et Professeur
en Médecine au College Royal , à M. de
Laire , Docteur en Médecine de la Faculté
de Montpellier , sur l'Extrait qui a été donné
de la quatriéme Lettre de M. Astruc , par
l'Auteur des Observations sur les Ecrits modernes.
A Paris , 1738. Brochure in 4. de
sept pages.
NOUVEAUX AMUSEMENS DU CoeUR ETDE
L'ESPRIT. Cinquième Brochure de près
de 150. pages , se vend à Paris , chés Bienvenu
, Quai des Augustins ; et les Libraires
des Feuilles Périodiques.
Fiij Le
158 MERCURE DE FRANCE
Le goût pour les Ouvrages Périodiques
est toûjours fort en vogue. Ces Brochures
rendent un profit réel aux Libraires ; tandis
que les Auteurs se plaignent que le gain est
exorbitamment inégal.
Ces considérations et bien d'autres bonnes
raisons , engagent la Personne qui travaille
au Recueil des Nouveaux Amusemens
du Coeur et de l'Esprit , à avertir ses Lecteurs
que le prix des Brochures de trois feuilles
est de douze sols , et que celui des patties de
150. pages ne doit pas passer une livre quatre
sols. Par cette attention , toute surprise
est évitée. Et de combien de ruses et d'adresse
n'est pas rempli le manège de la vente
des Livres Libraires , Colporteurs ensuite,
Intrigans , Commissionnaires , doivent
gagner gros , suivant la regle de l'interêt ;
ainsi successivement et de main en main
un honnête homme achete le triple , ce qui
dans l'origine est à assés bon compte. En
voilà suffisamment pour entendre l'Epiphonême.
Venons à l'Extrait abregé de cette
cinquième Partie, qui acheve le premier volume
, composé de 432. pages , et dont le
prix est de
3. livres 12. sols.
On peut dire , sans crainte de blâme ,
qu'il y a des choses interessantes et agréables
dans tout ce Recueil , mais particulierement
dans cette cinquiéme Partic ..
Ella
JUIN. 1738 159
Élle présente d'abord un Acte d'Opera }
dont les paroles ont le tour vraiment lyrique .
Le Sujet est les Amours de LAURE et de
PETRARQUE . Le Poëte les a traités du
côté de la délicatesse et de la constance ,
Et quoique celle-là , dit il , soit autant inconnue
aux Amans de ce siecle , que celleci
est de peu de mode , comme on doit chercher
à faire sortir quelque moralité de tout
Ouvrage de Poësie , et plus encore de toute
Piece de Théatre , rien n'étoit plus capable de
produire cet effet que l'exemple de ces illustres
Amans,qui se sont rendus immortels par le spiritualisme
de leur amour , et ont mérité par-là
les éloges des plus grands hommes , et sur tout
de ce fameux Monarque ( François I. qui a
fait des Vers à la loüange de Laure ) à qui
la France doit tant .
Cette Pastorale est suivie du Parallele de
la nouvelle Tragédie de MAXIMIEN avec le MAXIMIAN
de Thomas Corneille. Sans
épouser en façon quelconque
les sentimens
du Critique , dont la méthode de raisonner
nous paroît aussi juste qu'exacte , il faut
convenir qu'il releve des défauts essentiels ,
quoiqu'il seme son style de traits à bout
portant. Ajoûtons que ce Parallele renferme
des idées neuves sur l'Art Dramatique
engénéral,
et peut être utile à ceux qui étudient
afond cette Partie de la Poëtique. La lec-
Fij ture
1160 MERCURE DE FRANCE
ture en doit être faite dans le Recueil même
, et les Citations sont impossibles dans
une matiere toute didactique , enchaînée de
préceptes liés les uns aux autres.
Pour égayer une matiere aussi grave , on
placé immédiatement après le Parallele
une Piece de Poesie admirable dans ses peintures
, délicate pour les sentimens. Elle respire
le bon goût et paroît émanée des divins
génies que l'Auteur a pris pour modeles
: Les Deshoulieres , les la Fare,les Chaulieux
, souscriroient volontiers de leur nom
ce chef- d'oeuvre ; leurs Ombres sensibles à
des accens qui les font revivre aujourd'hui ,
ont repeté plus d'une fois , dans les Champs
Elisées , sur leurs Lyres dorées les Vers de
M. de B **. Et on est persuadé qu'on en a
fait une Traduction pour Ovide , le tendre
Tibulle , Anacréon , Sapho, et tous les Poë
tes Etrangers.
On lira avec satisfaction des Vers d'un illustre
Prélat , adressés à M. Desforges Maillard
, sous le nom de Mlle MALCRAIS DE
LA VIGNE . Ils font partie d'une Lettre à M.
TITON DU TILLET , écrite du Croisic en
Bretagne , le 27. May 1737. La plaisanterie
amusante , le leger badinage et le récit
moitié sérieux , moitié comique , font un
tout très-agréable à la lecture.
,
En voilà assés pour faire connoître
JUIN 1738. 1161
Livre , où l'utile et l'agréable se trouvent
réünis ; car il y a de temps en temps
'des Morceaux de Litterature , comme sont
les Entretiens sur la Géométrie Naturelle, &c.
'ABREGE' METHODIQUE de la Jurisprudence
des Eaux et Forêts , contenant par ordre
Alphabetique les décisions et la Taxe des
peines , amendes , restitutions , dommages ,
intérêts et confiscations , reglés par l'Ordonnance
d'Août 1699. et autres Edits, Ordonnances
et Reglemens , tant sur ce qui
concerne la Police et conservation des Bois ,
Forêts et Rivieres , que pour la Chasse et
la Pêche. A Paris , par la Compagnie des:
Libraires Associés , 1738. in 12 .
MANDEMENT de M. l'Illustrissime et
Révérendissime Evêque d'Arras , au sujet
d'un Miracle opéré dans l'Eglise des RR . PP .
Jésuites de cette Ville , le 19. Mars 1738 .
A Paris , chés Claude Simon , Pere , rùë
des Massons , du côté de la rue des Mathurins
, et Claude - François Simon , Fils , 1uë
de la Parcheminerie.
EXPLICATION des Livres des Rois
et des Paralipomenes , où , selon la Méthode
des Saints Peres , on s'attache à découvrir
les Mysteres de J. C. et les Regles des
Fv Moeurs
1162 MERCURE DE FRANCE
Moeurs , renfermées dans la Lettre même:
de l'Ecriture. A Paris , chés François Ba
buty , rue S. Jacques , à S. Chrysostôme ,
1738. 3. volumes in 12.
HISTOIRE LITTERAIRE DE LA FRANCE ,
où l'on traite de l'origine et du progrès ,
de la décadence et du rétablissement des
Sciences parmi les Gaulois et parmi les Fran--
çois , du goût et du génie des uns et des autres
pour les Lettres cn chaque siecle ; de
leurs anciennes Ecoles , de l'Etablissement
des Universités en France ; des principaux
Colleges ; des Académies des Sciences et des
Belles Lettres ; des meilleures Bibliotheques:
anciennes et modernes ; des plus célèbres :
Imprimeries , et de tout ce qui a un raportparticulier
à la Litterature ; avec les Eloges
Historiques des Gaulois et des François qui
s'y sont faits quelque réputation ; le Catalogue
et la Chronologie de leur Ecrits ; des
Remarques Historiques et Critiques sur les
principaux Ouvrages ; le dénombrement des
diférentes Editions ; le tout justifié par les
Citations des Auteurs Originaux . Par des Religieux
Benedictins de la Congrégation de saint
Maur: Tome IV. qui comprend le huitiéme
siccle , et partie du neuvième , jusqu'à
840. inclusivement. A Paris , chés Gissey ,
rut de la vieille Bouclerie ; Chaubert , et
Hourdel
JUIN.. 173880 1163
Hourdel , à l'entrée du Quai des Augustins ;
Osmont , Huart , l'aîné , et Clousier , ruë
S. Jacques , 1738. in 4. de 638. pages.
L
ESTAMPES NOUVELLES.
A Peinture et la Gravûre sont aujourd'hui à
un haut dégré de perfection en France ; pour
prouver cette proposition , il n'y a qu'à jetter la
vue sur l'Estampe en hauteur que nous annonçons
ici , sous le nom de la Belle Villageoise ; c'est en
effet une des plus belles femmes qu'on puisse voir ,
au milieu de trois beaux Enfans , dont un tient un
Chat. Ces Figures , sans sortir de leur caractere ,
sont nobles et très gracieuses , ce qui fait un contraste
bien picquant avec le lieu de la Scene qui est
l'entrée d'une Maison Rustique , où l'on voit des
ustanciles de ménage , des Citrouilles et autres Légumes
; le fond a même quelque chose d'assés pittoresque
, c'est un gros mur , continué par une
cloison de grosses planches , aussi grossierement
rabotées , que le mur est mal crêpi . Cette Estampe,
qui peut aller de pair avec celles que le fameux
Corneille Vischer a gravées dans ce goût - là , fair
Pendant à la Belle Cuisiniere , très - bien gravée par
le sieur Aveline , toutes d'après M. Boucher , dont
les grands talens sont assés connus. Celle - ci est
gravée par le sieur Soubeyran , qui n'a pas autant
de réputation qu'il en mérité , mais c'est ici presque
son premier Ouvrage ; et nous sommes persuadés
que les Connoisseurs rendront justice à son mérite.-
Cette Estampe se vend chés Hugaier , vis - à- vis
le grand Châtelet. On lit ces Vers au bas.
Heureux Enfans , heureuse Mere , ~
Dans votre humble réduit , contens du nécessaire ,
Es vis Les
1164 MERCURE DE FRANCE
Les plus simples objets remplissent vos désirs.
Le Sage avec raison préfere
Aux pompes de la Cour , aux Charmes de Cythere ,
L'innocence de vos plaisirs.
On vend aussi chés le même , le troisiéme er
quatriéme Livre des Frises ou Paneaux en longueur,
des Montans ou Pilastres , inventés par G. M. Oppenor
, Architecte du Roy, et gravés par Huquier
Nous avons donné de justes Eloges aux Estampes
que nous venons d'annoncer, et nous n'avons rien dit
de trop , nous osons même défier là-dessus les Censeurs
les plus séveres , persuadés que le Connoisseur
intelligent et délicat sera de notre sentiment .
Dans un autre genre , nous pensons de même sur
les six Morceaux en large qui viennent de paroître ,
dessinés et gravés avec tout le goût , la précision et
Ja finesse possible , par le sieur J. Rigaud de Marseille
, chés lequel elles se vendent ,.rue S. Jacques,
vis-à-vis le College du Plessis . Ce sont diverses Vues
de la Maison Royale de Fontainebleau , dessinées.
sur les Lieux.
1. Vûë générale de Fontainebleau , prise du haut
de a Montagne oposée du côté du Parterre.
2. Vûë du Canal.
3. Vôë d'une partie du Château et du Parterre.
4. Vuë de la Cour Ovale .
5. Vue de l'Etang et de la Cour des Fontaines
dans l'éloignement.
6. Vûë d'une Aîle du Château , prise de la Cour
des Fontaines ..'
Voici encore une Estampe d'après Vatteau , qui
étoit échapée à notre vigilance , car il y a quelque
temps
JUIN. 1738. 1165
temps qu'elle paroît. Elle est en large et assés grande,
selon les dimensions du Tableau original . C'est
une très-riche composition , dont le titre , qui est
Départ de Garnison , est très -bien rempli. On la
vend chés Gersaint , Marchand , Pont Notre - Dame.
On voit au même endroit et du même Auteur ,
quatre Morceaux d'Ornemens en hauteur , comme
pour des Paravens , très- ingénieusement composés
. Ils sont intitulés , Momus , le Buveur , la Folie,
Le Faune.
Le sieur de Milcent , Ingénieur du Roy et de la
Marine , demeurant ruë de l'Université , Fauxbourg
$. Germain , à Paris , grave actuellement deux
Morceaux très-considérables , qu'il donnera au Public
dans le cours de cette année ; l'un représente
la Cérémonie qui a été observée à Rennes en Bre
sagne , lors de la position de la Statuë Equestre du
feu Roy Louis XIV. et toute la Fête de cette Dédicace
, dans la nouvelle Place du Palais de cette
Ville ,le tout en Perspective , et d'une Architecture
très- noble , composée par M. Gabriel , premier
Architecte de Sa Majesté , et Ingénieur en Chef du
Rétablissement de cette Capitale de Bretagne , et
environ trois ou quatre mille Figures.
L'autre Morceau , qui lui sert de Parallele , est
aussi du Dessein de M. Gabriel, représentant le Bâtiment
neuf du nouveau Présidial , celui de l'Hôtel
de Ville , de même décoration , avec la nouvelle
Tour de l'Horloge , au milieu de ces deux Bâtimens
, qui forment un des côtés de la Place neuve;
ce Morceau est aussi en Perspective , très - correct
et orné de quantité de Figures .
Les Desseins Originaux sont de M. Huguet , Architecte
et l'un des Ingénieurs de la Réédification
de cette Ville , depuis son Incendie arrivé la nuit
din
1166 MERCURE DE FRANCE
du 19. au 20. Décembre 1720. sont d'une grande
correction et d'une composition élégante pour l'exà
l'Encre de la Chi pression et les ils sont
graces ;
ne et colorés dans toutes leurs parties. L'Auteur
prit la liberté de les dédier à feu M. le Comte de
Toulouze , à qui il avoit eû l'honneur de présenter
le premier Original , le 10. Mars 1734. et qui eut
la bonté d'accepter cette Dédicace , par sa Lettre de
Rambouiller du 11.Août de même
1737 . que M. le
Duc de Penthievre , son Fils , par la sienne du 28 .
Février 1738. Comme ces deux Ouvrages sont d'un
travail immense, et que M. Milcent est un très - habile
homme , l'Auteur , qui n'a d'autres vûës que
de faire plaisir au Public , a tout lieu d'esperer qu'ils
ne lui seront pas désagréables , non- plus qu'aux
Connoisseurs et aux Amateurs des Beaux- Arts.
On écrit d'Hollande , que J. Fred . Bernard , et
P. Mortier , impriment à Amsterdam et font gra--
ver par Souscription un Ouvrage qui mérite l'attention
des Curieux. 11 est intitulé : Les Peintures
des Vitres des Eglises de Tergau et d'Amsterdam ;
gravées d'après les Desseins Originaux des plus
grands Maîtres des XV . et XVI . siecles en l'Art de
peindre sur verre . Il y aura environ 45. à so. Planches
, tirées sur le plus grand papier , et accompagnées
de Dissertations Historiques. On n'en dis→
tribuera les Exemplaires que par Souscription .
M. le Curé de la Paroisse de S. Sulpice , dont la
pieté et le zele pour l'avancement des travaux de
son Eglise édifient tout le monde , a fait poser vers
la fin du mois dernier , aux deux Pilliers lateraux
du Maître Autel , quatre Figures de pierre de Tonnerre
, de sept pieds de hauteur , executées avec
tout le génie et l'art possibles, par le sieur Bouchar
don
JUIN. 1738 1167
redon
, Sculpteur des plus célebres de l'Académie.
Ces quatre Statues , qui font un très - bel effet ,
présentent le Sauveur enbrassant sa Croix , la Vierge
pénétrée de douleur , S. Pierre et S. Paul. On
travaille actuellement aux autres Figures des Apôtres
de la même grandeur , pour en poser une
chaque Pillier de la même Eglise.
PHENOMENE. Extrait d'une Lettre écrite
dAire en Artois , le 13. Juin 1738 .
sur les Pierres de Foudre ..
V
Ous vous souvenez peut-être , Monsieur ,
d'avoir lu dans des Auteurs anciens ou nouveaux
, ce qu'on pensoit des Pierres que l'on nom →
me Ceraunias, Bronthias, Umbrias , Pierres de Fondre
, de Tonnerre , d'Orage , &c. je vais vous ra
conter ce qui est arrivé dans ces environs Lundy
2. de ce mois . Ce jour-là après midy , le bruit se
répandit dans toute la Ville que la Foudre étoit
tombée sur un Magazin à Poudre de la Citadellede
Lille , que cette Citadelle étoit entierement dé--
truite et que des pierres en avoient été portées jusqu'au
Village de Guarbecque, près d'Aire. Le fait esta
faux, que la Foudre soit tombée sur aucun Magazin,
mais le fait est vrai qu'il est tombé des pierres aus
Village de Guarbecque et dans le Marais de Ham.
Le premier de ce mois et la nuit suivante , il y a
cú ici une pluye presque continuelle , le lendemain"
les Habitans de Guarbecque et des environs , virent
vers les 7: heures du matin du côté de l'Orient , une
Lumiere comme si c'étoit un feu , accompagnée
de fumée ; ils entendirent en même- temps un bruit
qu'ils disent avoir été diférent de celui du Tonnerre;
ils le comparent à une décharge de plusieurs batteries
de: Canon et de grand nombre de Mousquets.
Quelques
#168 MERCURE DE FRANCE
Quelques minutes après , les Paysans qui travailloient
aux Champs , entendirent un bruit dans l'air
ou une espece de sifflement, comme celui des Bombes
prêtes à tomber ; ils en furent plus effrayés que
du Tonnerre , ces Paysans virent en même- temps
quelques quartiers de matiere solide tomber par
terre, avec une telle impétuosité qu'ils ne pouvoient
distinguer ce que c'étoit. Il demeure averé que ce
qui est tombé est une espece de Pierre ou Marcassite
; mais comme il n'y avoit pas beaucoup de
monde aux Champs , à cause des pluyes de la nuit
et de la veille , on ne sçait point au juste combien
il est tombé de ces Pierres ; on en a vû tomber
sept ; six à Guarbecque et une dans le Marais de
Ham. Ces Pierres se sont enfoncées plus ou moins
dans la terre , selon leur poids. Des six qu'on a vû
tomber à Guarbecque , on en a déterré deux qui
étoient environ un pied en terre , l'une qui n'a
point été pesée , a été envoyée à Arras à M. le
Prince d'Isenghien; l'autre , qui est du poids de cinq
livres , a été remise au Major de S. Venant; mais auparavant
on en avoit brisé quelques morceaux , dont
un m'a été envoyé ce matin. Celle qu'on a vu
tomber dans le Marais de Ham, est du poids de neuf
livres environ , elle étoit enterrée de quatre pieds ;
cette Pierre , que j'ai vûë aussi , est un mélange de
differentes matieres ; c'est le fer qui y domine ; en
se servant de la lime , on y aperçoit du fer presque
aussi brillant que l'acier , et dans quelques endroits
une matiere differente du fer , un peu plus
jaunâtre et aprochant du cuivre ; dans quelques endroits
la matiere est à peu près la même que celle
de l'ardoise. Voilà de quoi exercer les Sçavans .
On écrit de Lisbonne , qu'on y avoit reçû avis de
Torre de Mencorvo , que le 10. Avril , la nouvelle
Académie
JUIN. 1738 1169
Académie qui y est établie , avoit tenu une Assemblée
, à laquelle avoit présidé Don Joseph - Michel
da Veiga et Tavora , Fils du Corregidor de la Ville.
Le Pere de Lozeran du Fesc , de la Compagnie
de Jesus , Académicien associé de l'Académie de
Bordeaux , est Auteur de la seconde des trois Pieces
, auxquelles l'Académie Royale des Sciences a
adjugé le Prix de cette année. Cette Piece avoit
pour Devise , Omne ignotum pro magnifico est .
TABLES Géographiques Historiques . PREMIERE
TABLE , servant d'Explication à la Carte de France ,
Ouvrage nouveau , dans lequel les jeunes gens pourront
aprendre , par la seule inspection oculaire , ce
qu'il y a de plus curieux dans la Géographie ,et s'en
former une espece de mémoire locale. Chés Bullot,
ruë de la Parcheminerie , et chés Nully , Grande
Salle du Palais .
L'Auteur a , dit-il , imaginé ces Tables , comme
une Méthode propre à fixer dans la mémoire des
jeunes gens ce qu'il y a de plus interessant à sçavoir
dans la Géographie . Il prétend que pour acquérir
dans cette Science , le degré de connoissance qu'on
peut exiger raisonnablement de leur âge , la voye
qu'il a prise est très-aisée pour eux,et est en mêmetemps
très- utile , comme étant destinée à graver
dans la mémoire un genre de connoissance qui
apartient presque tout à cette faculté . En effet une
Table est un Livre toujours ouvert à son Lecteur ,
elle présente d'elle -même ce qu'on ne trouveroit
qu'avec quelque aplication dans un Livre , elle rassemble
en abregé ce qu'on ne peut voir qu'en détail
dans chaque page. Des jeunes gens l'ont sans cesse
sous les yeux , un coup d'oeil les met au fait de ce
qui fait le sujet de leur doute ou de leur curiosité ,

1170 MERCURE DE FRANCE
et ils s'instruisent , par maniere d'amusement , de
choses qui deviendroient pour eux matiere d'étude,
s'il leur falloit prendre un Livre ; on peut dire même
que cette Méthode est très- propre pour
fixer
dans l'esprit des jeunes gens une espece de mémoire
locale de tout ce qui mérite d'être retenu dans la
Géographie.
L'Auteur s'est proposé de donner les quatre Par
ties du Monde en quatre Tables et une pour la
France , avec les Pays limitrophes . Deux raisons
l'ont déterminé à donner úne Table de la Carte de
France en particulier . 19. Parce que l'Europe contenant
une infinité d'Etats differens , n'auroit pu être
décrite d'une maniere curieuse ,si l'on y avoit compris
la France . 2 ° . Parce que les jeunes gens sont
obligés de mieux connoître leur Pays que les Etats
Etrangers ; et c'est dans cette vûë qu'il a commencé
par la Table de la Carte de France , comme étant
la plus inreressante .
On promet de faire paroître incessamment les autres
Tables , si cette premiere est goûtée du Public.
LETTRE par laquelle on demande aux
Experts leur sentiment sur les Sables
à bâtir, &c.
I
L s'agite ici depuis long- temps une Question
entre plusieurs Personnes qui ont fait bâtir sur le
bord de la Mer , dont les uns se sont servis d'eau et
de Sable de Mer pour faire leur mortier , et les autres
d'eau douce et de Sable de Terre ; il y en a même
qui ont mieux aimé , n'ayant point de Sable de terre,
se servir de terre même pour faire leur mortier,
que de prendre du Sable de Mer , qu'ils avoient à
pied d'oeuvre ; chacun croit avoir de bonnes raisons
pour en user comme il fait , mais comme ces Personnes
!
JUIN. 1738. 1171
Sonnes sont sans expérience , on vous prie d'avoir
la bonté de proposer cette Question dans le Mercure
et de prier Mrs les Ingénieurs ordinaires du
Roy , de vouloir bien nous faire part de leurs lumieres
là- dessus , ce sont eux qui sont seuls chargés
des Travaux , des Fortifications et des Ports de
Mer. On prie en même- temps ceux qui voudront
prendre la peine de parler sur cette matiere , d'apuyer
et de prouver leurs sentimens plutôt par des
Expériences que par des raisons physiques.
On voudroit bien aussi sçavoir si les Ouvrages
Publics de Dunkerque , Mardic , Calais , Dieppe ,
le Havre , S. Malo , Brest , Lorient , la Rochelle
Bayonne , Toulon , Marseille , Antibes , sont faits
avec du Sable de Terre ou de Mer , et quels Ou
vrages sont les plus solides .
A Sainte Colombe en Roussillon , 1738 .
On a employé depuis peu dans quelques Impri
meries de Paris , un Papier d'une nouvelle fabrique ,
inventée par le sieur Abbé Sardine , selon le Procès
verbal fait par le Commissaire député en la Papeterie
de Cailly , près d'Evreux . Ce Papier est d'u
ne grande blancheur , très- mince et beaucoup supérieur
au Carré fin double ; lequel Papier sera ·
donné à meilleur marché . L'établissement de cette
Papeterie est à Rouen , où le Bureau est établi chés
M. le Tellier , Procureur au Parlement de Rouen .
Les bons Ouvriers qui voudront de l'emploi dans
cette Fabrique , pourront s'adresser chés lui , on
leur donnera pour gages et apointemens le tiers de
plus que ce qu'ils gagnent ordinairement , et on
leur payera leur voyage.
REPONSE
1172 MERCURE DE FRANCE
REPONSE à la Question proposée dans
le Mercure du mois de Décembre 1737.
QU
Ue Damon décide lui - même
Sur l'amour de ses trois Enfans .
L'un dans sa foiblesse est extrême ,
L'autre dans ses emportemens.
Un seul donne à son Pere un prompt et vrai secours.
Lequel aimez- vous mieux , Damon, de ces amours?
L'un trop impétueux , et l'autre trop sensible ,
Me laissoit à mon triste sort .
Lucidor me guérit : Est-il lâche ? Impassible !
Non ; mais bien plus utile et plus sage et plus fort.
Sans lui je paroissois aux pieds du foible Alcime ,
Tandis qu'à son ardeur cherchant une victime
'Alceste s'éloignoit ... Dieux , si je vis encor ,
Que je vive avec Lucidor !
Plus ses freres aiment ma vie ,
Moins ils auront de jalousie ,
Si mon coeur désormais donne le premier rang ,
A l'amour qui pour eux a conservé mon sang.
Les Marchands Fabriquans de Tapisserie de la
Manufacture Royale de la Ville d'Aubusson , donnent
avis au Public , que le 22. May 1732. ils ob
fiorent des Lettres Patentes et Arrêts du Conseil
d'Etat du Roy , qui confirment leurs anciens Privileges
, et contiennent divers Regleme nspour rétablir
leur Manufacture , éviter les relâchemens et
portef
JUIN. 1738. 1173
Porter leurs Ouvrages à la perfection . Sa Majesté
entretient en ladite Manufacture un Inspecteur
pour veiller à l'execution des Reglemens , Elle a
ordonné qu'on y envoyât un Teinturier élevé aux
Gobelins et pour seconder parfaitement le zele
des Marchands Fabriquans , Elle leur a accordé M.
Dumons , Peintre en son Académie Royale , qui
est chargé de leur donner chaque année des Desseins
nouveaux. Les Entrepreneurs de cette Manufacture
n'ont pas voulu tarder plus long- temps
d'aprendre au Public qu'avec tous les avantages
dont ils jouissent , ils sont en état de remplir leurs
engagemens et de le contenter en tout ce qu'il
pourra attendre d'eux.
L'Aprobation que les Médecins de la Faculté de
Paris ont donnée à un Remede de Mlle de Rezé ,
aujourd'hui Mad. de Lestrade , après avoir vu la
guérison des Dartres d'une Princesse qui avoit employé
quantité de Remedes sans en avoir reçû de
soulagement , et d'une infinité de Personnes attaquées
de la même maladie , qui ont été guéries depuis
, jusque dans les Pays les plus éloignés , les
Colonies et les Ports de Mér étant tout remplis de
Dartres , &c. M. Chicoyneau , Premier Médecin du
Roy , ayant vu la guérison d'un grand Prélat , des
Rougeurs , Boutons et Dartres qu'il avoit au visage
depuis plus de huit ans ; et ayant apris qu'elle continuoit
de traiter ces Maladies depuis plus de qua→
fante ans avec succès et aplaudissement , a bien
voulu donner son Aprobation à ces Remedes et la
liberté de les débiter. C'est une Eau qui guérit les
Dartres vives et farineuses , Boutons , Rougeurs ,
Taches de rousseur et autres Maladies de la Peau ,
et un Baume blanc , en consistence de Pomade ,
qui ôte les cavités et les rougeurs après la petite
Verole
174 MERCURE DE FRANCE
Verole , les taches jaunes et le hâle , unit et blanchit
le teint . Ces Remedes se gardent tant que l'on
veut , et peuvent se transporter partout. Les Bouteilles
de cette Eau sont du prix de 2. 3. 4. 6. livres
et au- dessus , selon la grandeur. Les Pots de Baume
blanc sont de 3. livres 10. sols , et les demi Pots
de 35. sols.
Mad. de Lestrade demeure à Paris , ruë de la Comédie
Françoise , chés un Grainetier , au premier
Apartement. Il y a une Affiche au- dessus de la porte.
J
AIR.
'Ai donc perdu Philis , l'objet de mes désirs !
Un Rival trop heureux m'enleve cette Belle !
Il ne me reste rien de ces tendres plaisirs ,
Dont mon coeur enchanté s'enyvroit auprès d'elle !
Ah ! mourons de douleur , mais quoi ? Dans mon
transport
Quel Dieu secourable m'apelle ?
C'est toi , charmant Bacchus , c'est toi qui veux
changer mon sort ;
Je te suis , et je vais , sans me donner la mort ,
Boire et vivre content aux yeux de l'Infidelle .
SPECTACLES
THE
NEW
YORK
PUBLIC
LIBRARY.
ASTOR,
LENOX
AND
TILDEN
FOUNDATIONS,
T
って.
ASTOR
, LENINA TILDEN
FOUNDATIONG
JUI N. 1738.
1175
#httttt6 : 16 : 1*******IKIKI
SPECTACLES.

Sr Rosselois , nouveau Comédien , qui
été aplaudi dans le Rôle de Mithridate,
ssi été dans ceux de Burrhus , de Phaine
, et de Phocas. Dans la Tragédie de
he , les Rôles de Neron , de Britanni
de Narcisse , d'Agrippine , et de Junie,
nt parfaitement remplis par les Srs Du-
Grandval , et le Grand , et par les
Dumesnil et Grandval.Dans la Piece de
e Crébillon , les deux principaux Rôles
hadamiste , et de Zénobie , sont excelnent
joués par le Sr Dufresne , et par la
Gaussin. Dans Heraclius , les Rôles de
rtian , de Leonce , de Leontine , et de
cherie , sont joués par les Srs Dufresne
irandval , et par les Dlles Dumesnil , et
ndval.
Les Comédiens François ont aussi remis
Théatre la Tragédie d'Amasis , de M. de
Grange , qui fait grand plaisir au Public ,
t le mérite de la Piece , et par la maniere
nt elle est représentée. Les Personnages
Amasis , de Sesostris et de Phanes , et
eux de Nitocris , et d'Artenice , sont remlis
par les Srs Fierville , Dufresne et le Grand,
les Dlles Dumesnil et Grandval.
t
par
,
LA
1176 MERCURE DE FRANCE.
LA CONSPIRATION MANQUEE.
A Parodie intitulée , La Conspiration
manquée , a fait beaucoup de plaisir aux
Connoisseurs ; et les Srs Romagnesi et Riccoboni
, qui en sont les ingénieux Auteurs ,
n'ont rien eu à souhaiter du côté de la gloire.
On ne donnera pas un détail suivi de cette
Allégorie , de peur de passer les bornes
ordinaires d'un Extrait ; et d'ailleurs l'impartialité
dont nous avons toujours fait profession
, ne nous permet pas de servir d'inter
pretes à des Critiques , dont le succès n'est
jamais plus sûr , que lorsqu'elles sont plus
chargées. Voici donc en peude mots de quoi
il s'agit, Le Plan de l'Ouvrage regarde ce qui
se passe dans la Littérature : les Interlocu
teurs sont ;
Le Bon Sens ,
L'Esprit ,
L'Eloquence ,
Le Génie ,
Le Clinquant ,
Le Sens froid ,
Paradoxe
Un Garde.
?
Gendre de l'Esprit.
Pere de l'Eloquence.
Femme du Bon Sens.
Ancien Amant de l'Elos
quence.
Confident de l'Esprit:
Confident du Génie.
Confidente de l'Eloquence ,
Le Génie ouvre la Scene : après quelques
Vers qui roulent sur la difficulté qu'il y a
à faire une bonne Exposition ; il s'exprime
ainsi :
Malheureuse
JUIN. 1738. 1177.
Malheureuse Eloquence , il faut te révéler
Un secret , qui d'horreur te fera reculer.
Ah ! quel sera l'excès de ta douleur amere ,
Lorsque tu sçauras tout , et que l'Esprit ton Pere
De la Grandeur suprême usurpateur jaloux ,
Travaille à détrôner le Bon Sens ton Epoux !
Le Sens froid vient joindre le Génie qui
T'attend , et qui en a besoin pour faire l'exposition
du Sujet ; il dit au Génie , dont il
est le Confident , que l'Eloquence consent à
l'entendre ; il lui reproche l'indigne liaison
qu'il a avec l'Esprit. Voici le portrait qu'il
fait de ce dernier .
Avec qui vivez-vous ? puis-je voir le Génie
Ne hanter que l'Esprit pour toute compagnie
D'une telle amitié quel peut être le fruit ?
Qu peut guider celui qu'un caprice conduit ?
Quel honneur peut vous faire un ami si frivole ,
Sans aucune conduite , et dont l'audace folle ,
Insulte, sans relâche et livre des combats
A l'auguste Bon Sens qu'elle ne comprend pas
Nous l'avons vu cent fois cet Esprit indocile
Allumer au Parnasse une Guerre civile ,
Et remplir les Ecrits de mille faux brillans ,
Qui faisoient sous leur joug gémir les vrais talens
, & c.
I. Vol. G Le
1178 MERCURE DE FRANCE
Le Génie se justifie des
justifie des reproches que lui
fait le Sens froid. L'Eloquence vient sous le
nom d'Impératrice. Le Génic lui révele la
conspiration que l'Esprit projette contre le
Bon Sens , son auguste Epoux ; il lui dit ,
qu'il a feint d'entrer dans la Conjuration ,
pour la faire échouer. L'Eloquence allarmée,
qui demande par quels moyens elle peut sauver
son Epoux , sans exposer son Pere;
elle s'exprime ainsi :
Un conseil sur le champ me seroit nécessaire ,
Et non pas des dictons de ma vieille Grandmere.
Le Génie lui répond
Pour donner des conseils , Madame ,je ne puis ;
Et je ne sçûs jamais que donner des avis , &c.
Dans tout cet embarras on pourroit m'impliè
quer ;
Je veux n'esperant rien , n'avoir rien à risquer;
Et voilà comme il faut se tirer d'une affaire.
Le Génie s'étant retiré , sans avoir donné
de conseil à l'Eloquence , cette derniere a recours
à Paradoxe , sa Confidente , et lui demande
quel parti elle doit prendre entre un
Pere et un Epoux ; Paradoxe lui répond :

JUIN.
1179 1738.
Je m'en raporte à vous.
Voir un Pere au suplice est une rude épreuve ;
Mais elle est préférable au malheur d'être Veuve,
Sur le Pere , l'Epoux , par la loi du devoir ,
Fût -il même hai , doit toujours prévaloir.
L'Eloquence n'étant pas mieux conseillée
par Paradoxe , que par le Génie , finit cette
quatriéme Scene par ces Vers :
Mais c'est trop combiner en pareille rencontre ,
Et lorsque l'on se perd dans le Pour et le Contre ,
Le plus court est , je crois , de remettre au hazard
Ce qu'on ne peut régler par le secours de l'Art .
>
et
L'Esprit , qui est le Chef de la Conspira
tion contre le Bon Sens , se flate d'un plein
succès ; le Clinquant n'est pas dans la même
sécurité , il lui dit qu'il a tout à craindre
qu'il ne doute point que leurs projets ne
soïent découverts , attendu que le Génie a vû
Eloquence , qui ne manquera pas de tout
réveler au Bon Sens son Epoux ; l'Esprit lui
demande , sur quoi il fonde ses conjectures ;
voici toute sa réponse :
Je ne prouve jamais ,
Je parle , et c'est assés , on doit me croire , &c.
Et quoi qu'un tel soupçon n'ait aucun fondement ,
Use trouvera juste après l'événement .
શું
* 180 MERCURE DE FRANCE
Je devine toujours ce qu'on doit voir ensuite .
Et voilà ce qui fait admirer ma conduite !
L'Esprit peint à son tour son caractere
par ces Vers :
Et sçais - je quelque chose ?
Quand je forme un Parti pour détrôner le Roi ,
J'ai le titre de Chef , et tout se fait sans moi.
Le Lecteur éclairé compren d facilement
sur quoi portent ces traits de critique .
L'Esprit dans la Scene suivante , ne laisse
pas de faire connoître qu'il a quelques petits
soupçons , qu'il veut éclaircir , en sondant
l'Eloquence sa fille . Cette Impératrice de la
Litterature ne tarde pas à venir. L'Esprit son
Pere lui parle avec des éloges affectés , des
exploits du Bon Sens son Epoux ; voici par
où il débute :
Votre Epoux chaque jour voit augmenter sa gloire
Il a sur les Romans remporté la Victoire ;
Divisant leur Armée en mille petits Corps ,
Ils venoient tous les mois, par de nouveaux efforts
Harceler le Bon Sens , et braver sa prudence ;
Mais il a reprimé leur funeste licence ,
Et vous verrez conduire ici par ses Guerriers
Cyrus et Pharamond qu'il a faits prisonniers.
Rien
JUIN. 1738 1181
Rien n'est plus juste que cette allusion , et
tout le monde sent bien qu'elle tombe sur
la multiplicité des Romans , qui faisoient
gémir la Presse , avant qu'une sage interdiction
leur portât le coup mortel . L'Eloquence ,
quoiqu'elle ne s'explique pas clairement , en
parlant à l'Esprit son Pere , ne laisse pas de le
confirmer dans les premiers soupçons que le
Clinquant lui a insinués , quoique sans fondement.
Le Bon Sens arrive , comme l'Esprit vient
de l'annoncer , avec les Rois des Romans
enchaînés ; il use de clémence envers les
vaincus , il brisc leurs fers , et les renvoyan
chés leurs Sujets , il leur dit :
Faites briller chés eux l'ordre et la vraisemblance ,
Qu'aucun de leurs portraits ne choque la décence ,
Et des coeurs vertueux peignant les mouvemens ,
Qu'ils éloignent de nous tous les déréglemens .
Il se reconcilie avec l'Esprit , pour dissipe
le chagrin qu'il aperçoit sur le visage de l'Elo
quence son Epouse , et sort avec elle.
L'Esprit , pour pénétrer ce qui se passe
dans le coeur du Génie qu'il soupçonne, feint
de renoncer à la Conjuration qu'il a faite
contre le Bon Sens ; le Génie donne dans le
piege , et lui en fait connoître plus qu'il n'en
yeut
Giij Lo
* 182 MERCURE DE FRANCE
Le Génie s'étant rétiré , le Bon Sens avoie
au Clinquant , que ses conjectures n'étoient
que trop justes ; ils jurent ensemble la
perte de leurs ennemis ; le Clinquant lui
promet de livrer entre ses mains, avant la fin
du jour , l'Empire et l'Empereur ; mais il lui
dit, qu'il ne le peut, qu'en rendant l'Eloquense
complice du crime qu'il veut imputer au
Génie , son ancien Amant. L'amour paternel
combat en sa faveur ; mais le Clinquant le
rassûre , en lui disant que les jours de l'Impératrice
sa Fille , seront en sûreté ; l'Esprit
s'abandonne aveuglément à la conduite de
cet étourdi.
par
Nous ne pousserons pas plus loin cette Parodie
, pour ne pas répéter ce qui est déja
dit dans notre Extrait de la Tragédie de Maximien.
Toute la Piece y est suivie , Scene
par Scene : ce que cette Parodie dessus
la plupart des autres , c'est qu'elle est allégorique
, et qu'il est bien difficile de mettre un
parfait raport entre ce qu'on dit , et ce qu'on
veut faire entendre , à la faveur d'une métaphore
ingénieusement continuée. Telle est
celle- ci , depuis l'exposition jusqu'au dénouement
; avec cette seule différence , que la
Piece ne se termine pas de même , comme
nous l'allons faire voir en peu de mots .
* L'Eloquence ayant apris que le Bon Sens
son
JUIN • 17381 F18
son Epoux a été égorgé par l'Esprit , ne veut
pas lui survivre , elle dit à ce Pere cruel :
Achevez donc sur moi d'accomplir vos forfaits ,
En perdant mon Epoux , je perds tous mes attraits
Le Bon Sens soûtenoit l'éclat de l'Eloquence ;
Je ne persuadois que par son assistance.
#
La Conjuration n'ayant pas eu le succès
dont l'Esprit et le Clinquant s'étoient flatés ,
ces deux assassins sont confondus par la soudaine
aparition de leur prétendue victime ,
Voici comme le Bon Sens leur parle :
Mon aspect vous étonne .
Je n'étois sûrement attendu de personne ;
Mais par un grand bonheur , c'est moi que vous
voyez ;
Méchans , par cet Arrêt soyez tous foudroyés´ ;
Je veux que le Clinquant rentre dans la bassesse
D'où l'avoit sçu tirer le manque de justesse "
Et qu'il soit reconnu du Public assemblé ,
Pour un Fils du faux goût , méprisable et sifflé.
Comme c'est là le but que les Auteurs de
la Conspiration manquée se sont proposé
nous ne croyons pas pouvoir mieux finir cet
Extrait ; nous y ajoûterons encore ces deux
G iiij
derniers
184 MERCURE DE FRANCE
derniers Vers de la Piece , que le Bon Sens
adresse à l'Esprit.
Dans tes vagues projets cesse de t'égarer ,
Et de Thomas Corneille aprends à conspirer.
Nous renvoyons nos Lecteurs à Maximian
de Thomas Corneille , pour juger par
cux-mêmes lequel a mieux réussi des deux
Auteurs , qui ont traité un Sujet si digne de
leur plume.
Cette Parodie paroît imprimée in - 8 . chés
Prault , fils , Quai de Conti.
Le 5. Juin , les Comédiens Italiens donnerent
la premiere Représentation d'une petite
Comédie nouvelle , en Prose , et en un
Acte , intitulée La Partie de Campagne ,
suivie d'un très - joli Divertissement , dont on
parlera plus au long ; elle a été reçuë favora
blement du Public..
On continue avec succès sur le Théatre
de l'Opera , les Représentations du Ballet de
La Paix , que le Public trouve fort à son
gré. La place nous manque pour en donner
ici l'Extrait , ce sera pour le second Volume .
de Juin , qui est actuellement sous Presse .
NOUVELLES
JUIN. 1738 1185
******:**********:*******
NOUVELLES ETRANGERES.
RUSSI E. .
N écrit de Petersbourg , qu'on y avoit apris
par
par les Lettres de l'Armée , que le Comte de
Munich ayant découvert dans le Camp plusieurs
Espions des Ennemis , au lieu de les faire maltraiter
, les avoit fait conduire dans tous les Quar
tiers , et qu'il les avoit ensuite renvoyés , afin
qu'ils pussent rendre compte au Grand Visir de
l'état des Troupes , et de l'abondance qui régnoitdans
le Camp.
Le Secretaire que le Seraskier d'Oczakow avoit
envoyé à Constantinople en est revenu , et le G. V.
l'a chargé de dire à ce Seraskier , que le Grand
Seigneur ne lui envoyoit point les Pleins- pouvoirs
qu'il demandoit pour négocier un accommodement
entre la Czarine et Sa Hautesse ; parce que
la Porte n'avoit point coûtume de traiter de la Paix,、
par l'entremise d'un Prisonnier.
DANNEMAR CK.
Elon les Lettres de Coppenhague , la Reine de
Dannemarck a reçu dans l'Ordre de la Fidelité ,
qu'elle a institué , la Baronne de Bew levitzen , une
de ses Dames du Palais ; le Baron de Plessen , Grand
Maître de la Maison du Roy de Dannemarck ;
le
Baron dé Solenthal , ci- devant Envoyé Extraordi
-naire de S. M. Danoise auprès du Roy d'Angle
terre ; et Mrs de Holsten et de Lerken , Conseillers
Privés.
Goy ALLEMAGNEY
1186 MERCURE DE FRANCE
ALLEMAGNE.
N aprend de Vienne , que le 12. May au ma
de
mane s'aprocherent du vieux Orsova , et attaquérent
à diverses reprises les Troupes qui gardoient
ce Poste , et qui consistoient en trois Bataillons et
deux Escadrons. Huit mille Turcs déboucherent
l'après -midi de derriere un rideau , qui avoit caché
leur marche , et s'étant avancés à petits pas , ils fi
rent un feu de mousqueterie si vif et si soûtenu, que
la Cavalerie qui occupoit les Postes les plus avancés
, et qui étoit très - inférieure aux Ennemis , ne
put faire une longue résistance. Les Turcs animés
par cet avantage attaquerent l'Infanterie , qui aprèss'être
défendue avec beaucoup de valeur , jusqu'à
six heures du soir , fut enfin obligée de se retirer
avec la Cavalerie , et d'abandonner le vieux Orsova.
Le Comte Miseroni , Major Général , qui y
commandoit , a été tué dans cette action , ainsi
que plusieurs autres Officiers , et environ 400. Soldats
des Impériaux. On prétend que la perte des
Ennemis monte à plus de 2000. hommes . La prise
du vieux Orsova leur a procuré le moyen de s'emparer
de l'Isle de Pega , qui n'en est pas éloignée.
On a apris depuis , que peu de jours après que
les Turcs se furent emparés d'Orsova , le Seraskier
de Widdin envoya un Aga au Commandant d'Orsova,
pour lui dire qu'il ne devoit point s'opiniâtrer
à garder son Poste , et qu'il obtiendroit une Capitulation
avantageuse , s'il vouloit se rendre. Ce Seraskier
en menaçant Orsova , vouloit cacher son
véritable dessein , et on ne s'en aperçut que le 15-
May au matin , par le mouvement d'un Corps de
six mille hommes des Ennemis , qui s'avança vers
Meadia
JUIN 1738. 1187
Les Turcs donnerent le 16. im assaut à ce Poste,
mais le Détachement qui l'occupe , et qui n'est composé
que de 600. hommes , fit sur eux un si grand
feu de mousqueterie , qu'il les contraignit de se retirer.
L'après- midi ils donnerent un second assaut ,
et cette nouvelle tentative ne fut pas plus heureuse
que la précédente .
Le 17. le Colonel Picolomini , qui commande
dans Meadia , ayant sçu que les Turcs étoient démeurés
dans les environs , fit une sortie , leur tua
beaucoup de monde , et retourna à Meadia avec
quelques prisonniers , qui ont assuré que les Ennemis
avoient perdu près de 800. hommes dans les
deux attaques . Il n'y a eu du côté des Impériaux
que 28. hommes de tués , et so . de blessés , mais
du nombre de ces derniers sont plusieurs Officiers .
Comme les Turcs tenoient toujours Meadia bloqué,
et que le Colonel Picolomini avoit mandé qu'il
ne se croyoit pas en état de pouvoir se maintenir
dans ce Poste , on craignoit d'aprendre que les Ennemis
s'en étoient emparés , lorsqu'il arriva le 30.
un troisiéme Courier , dépêché par le Comte de
Neuperg , pour donner avis à l'Empereur , qu'ayant
été joint par un Corps de Troupes que le Général
Wallis lui avoit envoyé , il avoit non - seulement
chassé les Ennemis des environs de Meadia , mais
que les ayant poursuivis jusqu'auprès du vieux Or
il les avoit attaqués , et leur avoit enlevé 257 sová ,
Drapeaux.
On a apris en dernier lieu , que l'avantage remporté
sur les Turcs par le Comte de Neuperg , près
de Meadia , n'a pas été aussi considérable qu'on
Favoit publié , et le Seraskier de Widdin s'étant ra
proché de ce Poste le 20. du mois dernier , avec
sing Pieces de Canon , et quelques Mortiers , il
Govj donna

1188 MERCURE DE FRANCE
donna un nouvel Assaut , après avoir fait avec son
Artillerie une Breche assés grande , pour passe
quinze hommes de front. Cette tentative n'ayant pas
eu plus de succès que les précédentes , et le Colonel
Picolomini ayant repoussé les Ennemis , ceuxci
continuérent le reste du jour et les quatre suivans
à battre Meadia , mais leur Artillerie a fait peu
d'effet pendant tout ce temps , parce que leurs Batteries
ont été plusieurs fois ruinées par les Impé.
riaux .
Un des Partis des Turcs ayant découvert un dé
filé par lequel on pouvoit entrer dans le Bannat de
Temeswar , et le désir de pénétrer dans cette Pro
vince étant le principal motif qui les engageoit de.
tâcher de s'emparer de Meadia , on comptoit d'aprendre
bientôt qu'ils avoient abandonné l'attaque.
de ce Poste , lorsque l'Empereur a reçu avis que le
Colonel Picolomini , après avoir soutenu plusieurs
assauts , avoit été obligé de capituler.
Les Ennemis ont profité de la découverte du.
défilé qui conduit de la Servie au Bannat , et un
Corps de 6000. hommes , auquel le Seraskier de
Widdin a fait passer ce défilé , coupe actuellement :
toute communication entre Meadia et Temeswar.
Un grand nombre de Paysans du Bannat s'est
joint aux Turcs , et ils commettent beaucoup de
désordres dans la Province.
Les Habitans de plusieurs Villages , qui sont
demeurés fideles à l'Empereur , ont été massacrési
par ces Paysans ' , qui ont eu même la hardi : sse
d'attaquer un Détachement des Impériaux. Cinq
cent hommes , que le Commandant de Temeswar :
a envoyés pour donner la chasse à ces Rebelles , en✨
ont pris trente , que ce Commandant a fait pendre..
Un Courier arrivé depuis peu de Coatie ›
a ra-
'porté,
JUIN 1738 r189
orté , que le Comte Stubenberg qui est dans cette
Province avec un Corps de Troupes Impériales ,
avoit battu quelques Détachemens des Ennemis
et qu'il avoit fait plusieurs Prisonniers , du nombre
desquels est un Officier Turc de considération .
Plusieurs des Gentilshommes qu'on avoit arrêtés
en Transylvanie , parce qu'on les soupçonnoit d'a
voir part à la Conspiration formée en faveur du.
Pr nce Ragotzi , s'étant pleinement justifiés de cette
accusation , ils ont été remis en liberté.
Malgré les hostilités qui se commettent tous les
jours entre les Imperiaux et les Turcs , le bruit court
que la conclusion de la Paix n'est pas éloignée ; .
il est fondé principalement sur l'arrivée d'un Gentilhomme
François , que le Marquis de Villeneuve
Ambassadeur du Roy de France à la Porte, a envoyé
de Constantinople à Vienne , et dont les dépêches
out donné une telle satisfaction à S. M. I. qu'elle
lui a fait un présent considérable
L'Imperatrice Amelie étant arrivée de Vienne à
la Ville de S. Polten le 19. May à cinq heures du
seir , fut reçue à la porte par les Magistrats , et en
entrant elle fat saluée par une décharge générale de
l'Artillerie des Remparts. Les Rues par lesquelles.
elle passa , pour se rendre au Monastere des Religreuses
Carmelites , où elle avoit ordonné qu'on lui
préparât un logement , étoient bordées par la Garnison
, et par la Bourgeoisie , qui étoient sous les
armes.
Le lendemain , l'Imperatrice alla à pied à l'Eglise.
des Religieuses Angloises , et elle y entendit la
Messe , célébrée par le Prevôt des Chanoines Régu--
liers de S. Augustin , de la Congrégation de Latran
, lequel est Grand Chapelain de l'Autriche en
degà de l'In . -
Yer
190 MERCURE DE FRANCE
Vers les six heures du soir , la Reine des deux
Siciles arriva de Dresde , et le Prince Royal son
frere avec elle ; on lui rendit les mêmes honneurs
qu'à l'Imperatrice. Après avoir changé d'habits à
l'Hôtel du Comte de Colloredo , où elle descendit,
elle se rendit au Monastere des Religieuses Carme-
> lites. Elle y soupa ainsi que le Prince son frere
avec l'Imperatrice
, et elle coucha dans ce Mo
nastere.
Le 21. elle demeura avec l'Imperatrice jusqu'à
quatre heures du soir , et elle partit ensuite pour
continuer sa route vers l'Italie . L'Imperatrice partie
le même jour pour retourner Vienne.
L
DRESDE.
E 8. May , le Comte de Fuenclara après avoir
fait la demande de la Princesse Amelie , pour le
Roy des deux Siciles , fut conduit par M. Konig
Maître des Céremonies , à l'Audience de la Reine ,
auprès de laquelle il fut introduit par le Comte de
Wratislaw , Grand Maître de la Maison de S. M.
Cet Ambassadeur ayant obtenu de la Reine , la
permission de présenter le Portrait du Roy des deux
Siciles , à la Princesse Royale qui étoit avec elle , il
fit entrer dans la Chambre de S. M. un de ses
Gentilshommes , lequel portoit ce Portrait sur un
carreau de Velours , semé de Fleurs de Lys d'or en
broderie , et le remit à la Princesse . Au sortir de
cette Audience , l'Ambassadeur fut admis à celles
du Prince Royal , et des autres Princes et Prin
cesses .
Le lendemain à cinq heures du soir , le Prince-
Royal , en vertu de la Procuration que lui avoit
onvoyée le Roy des deux Siciles , épousa la Prini
cesse
JUIN Y197 1738
cesse au nom de S. M. Sicilienne , et la Céremonie
fut faite par le Nonce du Pape , qui leur donna la
Bénediction nuptiale On chanta ensuite le Te Deum,
au bruit de plusieurs Salves de l'Artillerie des Remparts
, et de la Mousqueterie du Régiment des Gardes
à pied , qui étoit sous les armes dans la Place ,
vis- à- vis le Palais . Le soir , la Reine des deux Siciles
soupa en public , et avec elle le Roy et la Rei
ne , ses pere et mere , et la Famille Royale ; il n'y
eut que
la Princesse de Saxe Wesseinfels , le Nonce
du Pape , le Comte de Fuenclara , et l'Envoyé de
l'Empereur , qui furent admis à leur table . La Reine
des deux Siciles , le Roy et la Reine , ses pere et
mere , étoient au milieu de la table ; le Prince
Royal la Princesse Marie- Anne , et la Princesse
Christine étoient sur le même rang que LL. MM.
La Princesse de Saxe Wesseinfels , et le Comte de
Fuenclara étoient à l'un des flancs de la table , et
ie Nonce du Pape étoit vis - à - vis avec l'Envoyé de
l'Empereur.
Il y eut sept autres tables servies avec beaucoup
de magnificence , pour les Seigneurs et Dames de la
Cour , et pour les Etrangers de distinction ; et après
le Repas on commença le Bal ' , que la Reine des
deux Siciles ouvrit avec le Roy .
Le rc. il y eut un Carousel , et les quatre Qua
drilles qui entrerent dans la Lice , avoient à leur tête
le Roy , le Prince de Holstein Beck , le Comte de
Friesen , et le Comte de Bruhl , Grand Ecuyer dø
Saxe , lequel remporta le Prix.
La Reine des deux Siciles , le Roy et la Reine
allerent le 11. visiter le Camp que le Régiment des
Gardes à pied , les Gardes du Corps , les Carabiniers
et le Régiment de Friesen , ont formé dans la
Plaine de Neustadt Osteraver ; et ensuite LL. MM.
revinrent à Dresde, où elles assisterent à la premie19
MERCURE DE FRANCE
re Représentation d'un Opera , intitulé Alphonse.
Pendant ces trois jours , toutes les Maisons de la
Ville furent illuminées , ainsi que le Palais .
Le 12 la Reine des deux Siciles , le Roy et la
Reine se rendirent à Pilnitz , où il y eut Comédie
Italienne , et ensuite un magnifique Repas , après
lequel on tira un Feu d'Artifice . Le Roy et la Reine
ayant pris congé de la Reine des deux Siciles ,
le lendemain, elle partit à dix heures du matin pour
l'Italie , et avec elle le Prince Royal , qui doit l'accompagner
incognito jusqu'à Naples , sous le nom
de Comte de Lusace . Lorsqu'elle sortit de la Ville ,
elle fut saluée d'une triple décharge des Canons des
Remparts. Elle trouva à Zehista leurs Majestés , qui
y étant arrivés avant elle , et ayant voulu Tui donner
la satisfaction de les voir encore une fois , l'y
avoient attendue. Cette entrevûë ne fut pas moins
touchante que l'avoit été leur séparation ; et S. M.
Sicilienne, après que le Roy et la Reine eurent dîné
avec elle , remonta en Carosse à deux heures après
midi , pour continuer sá route. Il a dû se trouver
dans chaque Lieu , où la Reine des deux Siciles devoit
passer la nuit , un Courier chargé d'en par-
Lir aussitôt après l'arrivée de c tte Princesse , pour
porter de ses nouvelles au Roy des deux Siciles .
On a reçu avis que le quatorze elle étoit arrivée à
Prague.
Le 27. la Reine des deux Siciles arriva à Gratz
en Stirie ; le Commandant , qui , accompagné des
Magistrats étoit allé la recevoir à quelque distance
de la Ville , l'avoit conduit à l'Hôtel de Lamprecht,
qu'on avoit préparé pour son Logement , et où une
grande quantité de Noblesse l'attendoit pour lui
rendre ses respects ; et le lendemain à neuf heures
du matin , elle partit pour continuer så route vers
PItalie.
Ort
JUIN 1738. 1193
>
On vient d'aprendre de Rome , que cette Prin
eesse arriva à Palma Nuova le 29. May , avec le
Prince koyal de Pologne , son frere . Elle fut saluée
en entrant dans la Ville , par une Salve générale
de l'Artillerie de la Citadelle et des Remparts ;
et elle trouva da Garnison en haye sous les armes
dans les Ruës par lesquelles elle passa. Les Dames
et les Seigneurs de sa Maison , qui étoient allés au
devant d'elle à quelques lieues de la Ville , lui fu-,
rent présentés par le Duc de Sora Buoncompagni ,
et par la Princesse de Colubrano . Lorsque la Reine
fut descendue au Château , le Gouverneur à la tête
des Officiers de la Garnison alla lui rendre ses respects
, et elle reçut les complimens de la Noblesse
et des Magistrats.
Cette Princesse , après avoir couché en cette
Ville , partit le 31. au matin , et elle passa la
nuit suivante à Bordenone , d'où elle se rendit à
Padouë . Toutes les Persounes qui l'avoient accompagnée
depuis son départ de Pilnitz , à l'exception
du Comte de Fuenclara et du Comte de Vackerbart
, prirent congé d'elle , et elles se disposerent
à retourner à Dresde. Le Chevalier Antoine Mocenigo
, qui s'est rendu à Palma Nuova , en qualité
d'Ambassadeur Extraordinaire de la République
pour complimenter la Reine des deux Siciles , doit
la conduire jusques sur la frontiere du Ferrarois , er
cette Princesse sera traitée aux dépens du Gouvernement
, tant qu'elle sera sur les Terres de la
République .
LORAINE.
E. Roy partit dès le 22. Avril de Luneville, pour
son Château de la Malgrange , pour voir les
Ouvrages qu'il y a ordonnés. Deux cent Ouvriers,
sont
F194 MERCURE DE FRANCE
sont employés tous les jours à rendre ce Château
en état de loger une grande partie de la Cour ,
S. M. ayant dessein d'y passer quelque temps du◄
rant la belle Saison.
Le 4. May , les PP. Capucins commencerent la
Solemnité de la Fête de deux Religieux de leur
Ordre , nouvellement béatifiés . Le Roy assista à la
Grande Messe , célébrée par un de ses moniers ,
et chantée par sa Musique. S. M. a continué d'y
aller tous les jours de l'Octave , et la Reine , dont
la Santé est à present parfaitement rétablie , s'y est
rendue aussi.
Le 7. veille de S. Stanislas , dont le Roy porte le
nom , il y eut à la Cour un grand Concert. Le lendemain,
la Cour fut très-nombreuse et des plus bril
lantes . La Reine donna ce jour- là une Fête des plus
superbes. LL. MM. dînerent en public , et pendant
le dîner , il y eut Concert de la Musique de la
Chambre , et de plusieurs Voix Italiennes ; le Duc
Ossolinski Grand Maître de la Maison du Roy , fit
les honneurs de la table du Roy . Le soir il y eut
Comédie , où parurent pour la premiere fois plu
sieurs habiles Danseurs , engagés nouvellement au
service de cette Cour ; entre autres la petite Camqui
revenoit de Paris , où elle s'est fait admirer.
Le soupé fut servi par les Officiers de la
Bouche de la Reine , avec une profusion et une
magnificence extraordinaires . La table étoit de qua
tre- vingt Couverts , il y eut Bal ensuite jusqu'à quatre
heures du matin , et des Feux de joye et des
Illuminations par toute la Ville . Ce même jour à la
fin de la Messe du Roy , M. de Solignac , Secretaire
du Cabinet de S. M. fut reçu Chevalier de
POrdre de Christ , avec toutes les Céremonies usi◄
rées en pareil cas , le Roy lui ayant fait l'honneur
masse ,
de
JUIN 1738.
L'armer Chevalier. L'Abbé Archimbaut prêcha
ensuite devant Leurs Majestés , le Panegyrique de
3. Stanislas, où l'on remarqua plusieurs grands traits
d'Eloquence .
Le 20. au matin , le Roy chassa le Sanglier aux
environs de son Château d'Einville , od S. M. étoit
allé coucher la veille . Il y eut un dîné superbe
où tous les Seigneurs et toutes les Dames qui étoient
nommées pour cette Partie de plaisir , .eurent l'honneur
de dîner avec le Roy. L'après-midi on courut le
Cerf , mais S. M. ne continua pas la Chasse
Le Roy a fait embellir la Salle de la Comédie
du Château ; elle peut passer aujourd'hui pour une
des plus belles de l'Europe. On y représente exactement
deux fois la Semaine .
Le Sr Rivard , Chirurgien, Professeur d'Anatomis
en la Faculté de Médecine de Pontamousson , a fait
pendant ce mois à l'Hôpital de Luneville , Po.
pération de la Pierre , ( toujours avec le même
succès , qui lui a acquis tant de réputation ) à un
grand nombre de Malades , qui y sont défrayés et
médicamentés aux dépens du Roy. Cette Opération
, qui sera continuée tous les ans au Printemps
et à l'Automne , est infiniment utile dans cet Etat ,
à cause de la grande quantité de personnes qui s
trouvent attaquées de cette maladie.
DISCOURS
196 MERGURE DE FRANCE
>
DISCOURS adressé aux Dames de
Remiremont
, par M. de la Galaiziere
Commissaire nommé par le Roy de Pologne,
à l'occasion de la Princesse Charlotte
de Loraine , Soeur cadette du Grand Dus
de Toscane , qui a été Prébandée Chanoinesse
de Rémiremont à Commercy, le
7. May , et élue le ro. tout d'une voix ,
Abbesse de Remiremont ; Le Chapitre
assemblé il s'exprima en ces termes avan
l'Election.
MES
DAMES ,
Vous venez d'entendre par la lecture des Lettres dis
Roy , quel est l'objet de notre Commission ; il n'en peut
être pour nous de plus glorieuse ni de plus satisfaisante,
puisqu'elle nous constitue l'organe de S. M. pour vous
expliquer ses intentions sur le sujet important qui vous
rassemble aujourd'hui, et en même - temps pour vous renouveller
les assurances qu'elle vous a déja données de
Ton affection paternelle , de sa protection Royale , er du
désir ardent qu'elle a de contribuer de toute sa Puissance
à maintenir la splendeur d'un Chapitre ( a ) plus
distingué par les vertus , que par les Titres relevés des
Membres qui le composent .
L'illustre Chef, ( b ) dont la perte récente vous est si
sensible , mettoit sa gloire et son aplication à en soutenir
la dignité, dont elle donnoit elle - même l'exemple
édifiant , et cette séverite tempérée par la douceur de
L (a ) Le Chapitre de Remiremont .
(6) Mad. la Princesse de Lislebonne , derniere
Abbesse de Remiremont.
505
JUIN. 1738. 1197
sés moeurs , par un accueil prévenant , par des marques
continuelles de tendresse , avoir fait naître dans vos
coeurs cette union de respect et d'amour pour sa personne
, qui sont la source de vos regrets.
Une grande Princesse ( a ) étoit destinée à réparer
cette perte ; son caractere , au- dessus de tous les Eloges
, vous promettoit un Gouvernement doux , tranquile
, glorieux ; la Providence vous l'a enlevée pour
la faire monter sur le Trône ; mais cette même Providence
, qui veille sans cesse au bonheur de cette illustre
College , vous présente aujourd'hui une
autre
Princesse du même Sang , élevée aussi par les
soins assidus d'une Mere Auguste , (b) dont les hautes
vertus , dont les qualités vrayement Royales relevent
encore l'éclat de la Naissance.
Vous avez répondu avec empressement au désir
qu'elle a fait paroître d'être admise parmi vous ; vous
Py avez reçue avec la distinction due à une Princesse
née sur le Trône ; cette grandeur d'ame , cet air de di→
gnité mêlé de douceur , qui bien plus que tous les autres
avantages dont la Nature l'a si libéralement partagée
, lui soumettent tous les coeurs , nous annoncent
d'avance qu'elle va bien - tôt enlever vos suffrages .
Ce sont les voeux du Roy , qui dans cette occasion
fait éclater ses sentimens pour cette Illustre Princesse
avec d'autant plus de satisfaction , que S. M. se propose
, en déterminant votre choix en faveur d'un Su-
Jet si digne par lui-même de l'obtenir , d'assûrer votre
gloire et votrefélicité.
La nouvelle Abbesse a fait présent à M. de la Ga
laiziere , de son Portrait , enrichi de Diamans , à
son Secretaire , d'une Tabatiere d'or , et à son
(a) La Reine de Sardaigne , ci - devant Coadju
trice de l'Abbesse de Remiremont.
(b) S. A. R. Madame la Duchesse de Loraine.
Vales
198 MERCURE DE FRANCE
Valet de Chambre , d'une bourse de ro. Louis.
Le lendemain de cette Election , dont le Roy de
Pologne avoit reçû la nouvelle par un Exprès , le
Bailli de Thiange , Grand Veneur de Loraine , alla
à Commerci complimenter à ce sujet S. A. R. et
Mad. la Princesse de la part de leurs Majestés .
Le 15. le Marquis de Spada, Chevalier d'Honneur
de Madame la Duchesse de Loraine , Mere de la
Princesse , eut une Audience particuliere du Roy et
de la Reine , pour les complimenter pareillement à
Poccasion de cette Election , de la part de S. A. R.
et de Mad, la Princesse.
O
ESPAGNE .
N mande de Madrid , que le Roy d'Espagne
a fait présent à l'Abbé Altoviti , qui a aporté
le Chapeau de Cardinal à l'Infant Dom Louis , d'une
Bague , enrichie de Diamans , du prix de 18000.
écus ; d'une Croix Pectorale de même valeur , de
2000. pistoles pour les frais de son voyage , et d'une
pension de 11000. piastres.
Le Duc d'Atri , que le Roy a nommé son Ambassadeur
Extraordinaire pour aller complimenter
la Reine des deux Siciles à son arrivée à Naples, est
parti pour se rendre en Italie. On estime 600000.
écus les présens qu'il doit remettre à cette Princesse
de la part de leurs Majestés .
M. de Champeaux , Consul de la Nation Françoise
, est chargé à Madrid des affaires du Roy de
France, depuis le départ du Marquis de Vaugrenant
PORTUGAS
JUIN.
1738. 1139
PORTUGAL.
Ingt-sept Jésuites de differentes Nations et
33. Religieux de l'Ordre de S. François , se
sont embarqués sur le Vaisseau la Notre - Dame de
Bon succès , pour aller en Mission dans l'Empire de
Mogol .
L
GRANDE BRETAGNE.
E Roy s'étant rendu le 31. du mois dernier
la Chambre des Pairs , avec les cérémonies ac²
Coûtumées , &c. S. M. fit aux deux Chambres le
Discours suivant.
MYLORDS ET MESSIEURS. C'est avec la
plus grande satisfaction que je vois que la douceur et
la modération que je vous ai recommandées à l'ouverture
de cette Séance , ont été si bien observées pendans
tout le cours de vos Délibérations , et qu'ayant eu les
égards convenables pour ma Personne et pour votre
honneur, vous avez évité toutes les occasions de brouilleries
et d'animosités , et fait de l'interêt de la Patrie.
Pobjet principal de vos vûës et de vos soins .
MESSIEURS DE LA CHAMBRE DES COMMUNES.
Je vous remercie des subsides que vous m'avez accordés
pour les service de l'année courante. Le soin que
~ ous avez pris pour que ces subsides pussent suffire à
tous les besoins imprévus qui pourroient survenir pour
la défense de mon honneur et de l'intérêt de ma Cou-
Yonne et de mon Peuple , est une preuve convaincante
de votre zele et de votre attention pour la conservation
et la prospérité de la Nation. Ces subsides seront employés
de la maniere qui pourra le plus contribuer aux
fins et aux vues pour lesquelles vous avez consenti si
promptement à cette dépense extraordinaire.
MYLORDS ET MESSIEURS. Conformément
200 MERCURE DE FRANCE
ce qui aparú étre l'opinion des deux Chambres du
Parlement , j'ai donné ordre de réiterer mes instances
à la Cour d'Espagne , de la maniere la plus forre et la
plus pressante , non seulement pour obtenir satisfaction
des diverses pertes souffertes par mes Sujets , qui font le
commerce en Amérique ; mais encore pour obtenir une
sûreté réelle de leurs droits pour l'avenir ; et j'espere
de l'équité de S. M. C. qu'elle procurera de telles satisfactions
et de telles sûretés , qu'elles pourront conserver
la Paix et établir mutuellement la tranquilité
de la Navigation entre les Sujets des deux Couronnes,
an execution de nos Traités et conformément aux Loix
de la Nation.
HOLLANDE ET PAYS - BAS.
Equipage d'un Vaisseau arrivé ici des Indes ,
disent les Lettres de la Haye du commencement
de ce mois ) a confirmé la nouvelle qu'on avoit
déja reçûë en France par le Vaisseau le Philibert
des dommages causés dans le Royaume de Bengale
par le débordement du Gange. Selon le raport de
cer Equipage , il s'éleva la nuit du 10. au 11. Octobre
de l'année derniere , une violente Tempête ,
accompagnée de fréquentes secouffes de tremblement
de terre , et la Mer s'étant enflée considéra-
'blement , elle refoula les Eaux du Gange , qui sortit
de son lit, et inonda tout le Pays voisin . Plusieurs
Bourgs et Villages ont été entierement submergés ,
et on prétend qu'il a péri plus de cent mille personnes.
Plusieurs Vaisseaux et un grand nombre
d'autres Bâtimens , qui étoient dans le Golfe de
Bengale , ont fait naufrage . Quelques-uns de ceux
qui n'ont pas été brisés contre les écueils , ont été
portés par le vent et par les courans dans le milieu
des terres , et ils se sont trouvés à sec après que les
aux se sont retirées.
ITALI
JUIN. 1738. I201
ITALIE.
E 9. May , le Sacré College tint une Congré
gation générale Confiftoriale, à laquelle le Pape
affifta , et dans laquelle il fut décidé unanimement
que S.S. donneroit au Roy des deux Siciles l'Investiture
du Royaume de Naples , dans la même forme
qu'elle a été accordée aux Prédéceffeurs de
S. M. Sic
Le 12. il se tint , en présence du Pape , une nouvelle
Congrégation générale Confiftoriale , pareille
à la premiere , et à laquelle les Clercs de Cham-
"bre furent admis , ainsi que les Protonotaires Apostoliques
, et après la lecture de la Bulle pour la
Conceffion de l'Inveftiture , le Cardinal Aquaviva ,
qui , accompagné de 43. Prélats et de plusieurs autres
Personnes de distinction , s'étoit rendu au Palais
du Quirinal , prêta Serment entre les mains de
S. S. au nom du Roy des deux Siciles.
Le Comte Spada , Ministre de Toscane , dans le
Palais duquel le Roy des deux Siciles a logé lorsqu'il
a paffé par Terni en venant d'Espagne, ayant
témoigné au Cardinal Aquaviva qu'il esperoit que
la Reine des deux Siciles lui feroit le même honneur
, ce Cardinal lui a fait sçavoir que cette Princesse
descendroit chés lui en arrivant à Terni. Le
même Cardinal fait travailler à un magnifique Reliquaire
dont il doit faire présent à la Reine des
deux Siciles ."
On compte que le Cardinal Annibal Albani , qui
eft à Pesaro , le rendra à Ferrare pour la complimenter.
Les Armes du Roy des deux Siciles ont été replacées
depuis peu sur la Porte du Palais Farnese, et
sur celles de tous les autres Edifices qui apartienment
à S. M. Sic.
I: Voks H UA
1202 MERCURE DE FRANCE.
Un Notaire de Rome, ayant été averti le 14. Avril
qu'il devoit être arrêté , se tua à coups de canif

Le Pape tint le 19. May , un Confiftoire , dans
lequel après la préconisation de plufieurs Eglises
S. S. nomma le Cardinal Mosca son Légat à Latere,
pour recevoir la Reine des deux Siciles lorsqu'elle
arrivera à Ferrare .
Le Prélat Piersanti doit remplir en cette occasion
les fonctions de Maître des Cérémonies auprès de
ce Cardinal , et il eft chargé de présenter de la part
du P. pe à la nouvelle Reine une Chaffe de Reliques
et un Baffin rempli d'Agnus Dei.
Par ordre de S. S. M. Biglia , Vice- Légat de Ra- .
venne est allé faire préparer tout ce qui eft nécessaire
pour le paffage de cette Princeffe par l'Etat
Eccléfiaftique , et il a été nommé Commiffaire
Apoftolique pour cet effet,
Le 22. le Cardinal Aquaviva partit avec le Duc
de Strozzi , l'Abbé Aquaviva , et le Prelat Santo-
Buono , pour aller attendre la nouvelle Reine à
Ferrare , cu l'on croit que le Cardinal Corsini se
propose aussi de se rendre pour la saluer à son arrivée
.
Lorsque le Cardinal Aquaviva alla le 12. prêter
Serment entre les mains de S. S. aq nom du Roy
des deux Siciles , il fut reçû au bas de l'e calier par
les Maîtres des Cérémonies et par le Marquis Capponi
, Grand-Fourier du Palais , qui le conduisirent
à l'Apartement , dit des Princes , dans lequel il demeura
jusqu'à-ce que M. Portocarrero , Patriarche
d'Antioche , et M. Cervini , Patriarche de Jérusalem
, l'un et l'autre Evêques Assistans du Trône , virs ?
sent lui annoncer que le Pape l'attendoit . Accom→
pagi é de ces deux Prélats , et précédé par le Maître
des Cérémonies et par les Massiers de S. S. il se
fendit dans la Salle où la Congrégation générale
Consistoriale
>
JUIN. 1738 1203
Consistoriale étoit assemblée , et il trouva sur son
passage les Gardes Suisses qui étoient en haye sous
les Armes. Il présenta la Procuration du Roy des
deux Siciles à S. S. qui ordonna à M. Luchesini ,
Secretaire des Brefs , d'en faire la lecture , après laquelle
le Cardinal Aquaviva , les deux mains posées
sur le Livre des Evangiles , prêta Sorment.
Le Pape lut ensuite les paroles de l'Inveftiture
en tenant les mains du Cardinal , et après la Cérémonie
pendant laquelle les Cardinaux demeurerent
debout , S. S. se retira dans fa Chambre , où
le Cardinal Aquaviva ayant eu d'elle une audience'
particuliere , lui fit figner la Bulle d'Investiture ,
qui le fut par les Cardinaux dans la Salle de la
Congrégation .
Le Cardinal Aquaviva a dépêché au Roy des deux
Siciles l'Avocat Storace , fon Auditeur , pour lui
porter cette Bulle .
Le Connétable Colonne fit placer le 21. de ce
mois sur la porte de fon Palais les Armes du Roy
des deux Siciles . Il a été reglé que le 29. du préfent
mois il préfenteroit la Haquenée au Pape de la
part de S. M. Sic . et on travaille actuellement à
meubler le Palais Farnese , d'où doit partir la Cavalcade,
M. Storace , qui a porté au Roy des deux Siciles
la Bulle d'Inveftiture du Royaume de Naples , a
obtenu de S. M. Sic, une Pension de roco. Ducats.
Le Pape a refusé au Cardinal Cofcia la permiſſion
d'aller cette année aux Bains d'Ifchia.
NAPLE S.
E premier May , Fête de S. Philipe , dont le
Royd'Espagne porte le nom , S.M. reçut les
complimens des Miniftres Etrangers, des Tribunaux
Hij et
204 MERCURE DE FRANCE
et du Corps de Ville , qui étant dans l'ufage de faire
ce jour là un préfent au Roy , lui préſenta vingt
Corbeilles d'argent , remplies de fleurs et de fruits
rares , et deux Chars de même métal , dans lesquels
étoient deux Renommées qui portoient , l'une le
Bufte du Roy , et l'autre celui de la Princeffe Amélie
, Fille du Roy de Pologne , Electeur de Saxe .
Le Roy a donné un Decret qui porte que les Evêchés
et les Benefices qui vaqueront dans le Royaumè
de Sicile , ne feront conférés dans la suite qu'à /
des Siciliens.
Il eft arrivé depuis peu plufieurs attelages de
Chevaux Danois pour S. M. qui a actuellement.
680. Chevaux dans ses Ecuries.
Le départ du Roy pour Gaette eft fixé au 6.Juin ,
S.M.y demeurera jufqu'à l'arrivée de la Reine dans
le Royaume de Naples , et lorsqu'elle sera avertie
que la Reine aura passé la Frontiere , elle ira audevant
de cette Princeffe , avec laquelle elle dînera
fous une magnifique Tente , qui fera préparée pour
cet effet dans le Lieu où fe fera leur premiere entrevue.
Le Roy conduira enfuite la Reine à Gaëtte , et
leurs Majestés y pafferont deux jours . Quatre Vaisseaux
du Roy d'Efpagne , les Galeres de ce Royaume
et celles de Malthe , fe rendront dans ce l'ort
pour s'y trouver à l'arrivée de la Reine. Leurs Majeftés
, en venant à Naples , feront efcortées par
quatre Régimens de Cavalerie depuis Aversa jusqu'à
Capocino , et depuis Capocino jufqu'à cette Ville
le chemin fera bordé par fix Régimens d'Infanterie.
Elles feront reçues à la porte de la Ville par les
Tribunaux et par le Corps de Ville , et elles
iront defcendre au Palais , où elles feront complimentées
par les Miniftres Etrangers. Quelque
temps après leur arrivée , elles fe rendront à la
Chapelle Royale, et après y avoir reçû la Bénédiction
Nuptiale
JUIN. 1738 1205
Nuptiales, elles y affifteront au Te Deum . Le jour
de leur arrivée et les quatre fuivans , il y aura des
Illuminations dans toute la Ville et Concert au
Théatre Royal . Le quatrième jour , leurs Majestés
feront leur Entrée publique à Naples , étant accompagnées
du Clergé, de la Nobleffe et des Magistrats
, et eſcortées par 8000. hommes , tant d'Infanterie
que de Cavalerie. Leurs Majeftés iront le
lendemain en grand Cortege à l'Eglife Métropolitaine.
Le fixiéme jour , on promenera les Chars de
Triomphe des Corps de Métiers , et le septiéme il y
aura Cocagne à Chiaia. Pendant les huit jours fuivans
, on fera des Mafcarades , et on abandonnera
au Peuple quatre Chars de Triomphe . Le seizième
on tirera le Feu d'artifice. Toutes ces Fêtes feront
terminées par une Foire qui fe tiendra dans la Place
du Château et qui durera huit jours . On n'y laiffera
entrer que les Dames , les Seigneurs et les Officiers
; les Marchands qui leur feront crédit , ne seront
point reçûs , en cas de refus de payement , à
pourſuivre leurs débiteurs en Juſtice .
VEN 1S E.
'Entrée publique que le Comte de Froullay,Am
>
a été des plus fuperbes , et le lendemain S. Ex.
fut conduite à l'Audience du Sénat par le Chevalier
Antoine Mocenigo , à la tête de 60. Sénateurs ,
suivis d'un très-nombreux Cortége. On a beaucoup
admiré la magnificence des Livrées de cet Ambaffadeur
, et la beauté de fes Gondoles . Le Palais de
France , que ce Miniftre avoit fait orner de Meubles
neufs et fuperbes , a été rempli pendant deux jours
et deux nuits d'un grand nombre de Maſques de la
premiere diftinction , qui n'ont pu affés louer la
Hiij prodigisufe
3206 MERCURE DE FRANCE.
prodigieufe quantité de rafraîchiffemens exquis
qu'on y fervit fans ceffe . La Mufique étoit compofée
de 100. Inftrumens choifis , diftribués dans les
divers Apartemens. Il y avoit une grande Illumination
qui éclairoit le Palais et le Jardin , au bout du
quel il y avoit en perſpective fur l'Eau un Château
rempli d'artifice. S. Ex. a eû la satisfaction de
voir que la dépenfe confidérable qu'elle a faite à
cette occafion , a été généralement aplaudie , tant
par la Nobleffe de la Ville que par le Peuple , auquel
on a diftribué de l'argent, quantité de Pain, et
fait couler des Fontaines de Vin.
Le 5. May , cet Ambaffadeur , qui avoit eû fa
premiere Audience publique du Doge et du Sénat,
rendit vifite au Nonce du Pape , et il continua les
jours fuivans de rendre fes vifites aux autres Ministres
Etrangers.
La Reine des deux Siciles a dû traver fer le Frioul ,
le Trévifan , le Padoüan et le Polefin , et on a fait
dans toutes ces Provinces de grands préparatifs pour
fa réception.
Sur la fin du mois dernier , il a paffé par Padoue
plus de so. Caroffes ou Caleches , remplis de Seigneurs
et de Dames du Royaume de Naples, qui alloient
au- devant de la Reine des deux Siciles .
L'Equipage d'un Vaiffeau , arrivé de Conftantinople
en 23. jours , a raporté qu'un Turc nommé
Saris-Bey , s'étant mis à la tête d'une Troupe nombreufe
de vagabonds , commettoit beaucoup de
désordres dans les environs de Smirne ; qu'il exigeoit
des contributions de tous les Bourgs et Villages
volfins , et qu'il avoit pillé plusieurs Caravanes .
Ce Chef des Bandits a construit sur une Montagne
à trois journées de la Ville un Fort où il renferme
son butin . Non content de désoler le plat
pays, il a tenté de se rendre Maître de Smirne, mais
les
JUIN 1738. 1207
A

les Habitans se sont défendus avec tant de valeur
qu'il a renoncé à son dessein , à condition cependant
qu'on lui fourniroit des vivres et une certaine
somme d'argent. La plupart des Marchands se sont
retirés de la Ville , dans la crainte qu'il ne s'en empare
par quelque surprise , et qu'il ne l'abandonne
au pillage. On a dépêché plusieurs Couriers à
Constantinople pour demander du secours , et le
Grand Seigneur doit y envoyer un Pacha ayec des
Troupes.
GENES.
LR
E Marquis Mari , Commissaire Général de la
République en Corse , a donné avis au Sénat
que Mrs Paoli et Ciaferri , qui étoient allés commu
niquer aux Rebelles le résultat des Conférences
qu'ils avoient eues avec le Comte de Boissieux , et
qui étoient attendus le 6. à la Bastie , n'y étoient
retournés que le jour suivant. Il ajoûte que
les articles
reglés par le Comte de Boissieux ont été acceptés
par plusieurs Pieves ou Paroisses de deçà
les Montagnes , et particulierement par celle de
Nebbio , de la part de laquelle on avoit lieu d'attendre
le plus d'oposition , parce qu'elle a été une
de celles qui ont montré jusques à présent le plus
d'opiniâtreté dans la révolte. Cette Paroisse doit
envoyer incessamment des ôtages à la Bastie avec
la ratification des conditions auxquelles on lui pro
pose de se soumettre à la République . On dit que
les autres Paroisses ont chargé Mrs Paoli et Ciaferri
d'assurer le Comte de Boiffieux , que n'ayant
eû jusqu'à présent d'autre motif dans toutes leurs
démarches, que le désir de recouvrer des priviléges
dont ils prétendent que la République n'avoit pas
droit de les dépouiller , ils rentreront dans l'obéissance
dès qu'ils pourront esperer qu'on les rétablis-
HNJ
SC
1208 MERCURE DE FRANCE
S
e dans la jouissance de ces privileges . Quelques
Jours avant qu'elles fussent instruites que le Comte
de Boiffieux avoit reglé les articles d'accommodement
, un de leurs Partis a enlevé quelques Bestiaux
dans les environs de Balagna , mais dès qu'elles ont
eû communication de ces articles , elles ont fait
rendre ces Bestiaux à ceux à qui ils apartenoient.
On a apris depuis que ces articles n'ont point encore
été rendus publics , et que l'on n'est pas plus
instruit des conditions auxquelles les Rebelles les
ont acceptés.
On a apris en même-temps qu'un Vaisseau
Etranger avoit moüillé à Aleria , et qu'un Officier
qui étoit à bord de ce Bâtiment ayant envoyé un
homme de confiance aux Rebelles, pour les assurer
que les secours que leur principal Chef leur avoit
promis , arriveroient dans peu , et pour les exhorter
à ne point se soumettre à la République , ils
avoient fait réponse que dans les circonstances présentes
ils ne pouvoient se dispenser de tenir - les
promesses que leurs Députés avoient faites au Comte
de Boiffieux.
Les dernieres Lettres reçues de la Bastie , marquent
que les Pieves ou Paroisses d'au-delà des
Monts , avoient suivi l'exemple des autres , et
qu'ayant accepté les articles réglés par le Comte
de Boiffieux , elles lui avoient envoyé des Députés
pour lui porter leur ratification ; que ces Députés ,
qui étoient arrivés le 24. du mois dernier à la Bastie
, avoient eû plusieurs conférences avec ce Général
, et qu'ils avoient promis que leurs Pieves
cesseroient tous les Actes d'hostilité et se conformeroient
à ce que le Roy de France leur prescriroit.
Les avis du Milanez portent que le Roy de Sardaigne
prétendant avoir des droits sur les Fiefs de
Saint Sébastien , de Garbegna , de Fabrica , et de
Bavera,
JUIN. 1738. 1209
Bavera , que le Prince Doria possede , et que l'Empereur
regarde comme Fiefs relevans de l'Empire ,
divers détachemens des Troupes Piémontoises en
avoient pris poffeffion ; qu'un autre Détachement
par ordre du Roy de Sardaigne , avoit sommé
les Habitans de Serravalle de se soumettre à ce Prince
, mais que ces Habitans avoient tiré sur les Piémontois
, dont il y avoit eû trois Soldats de tués ,
et que le Roy de Sardaigne , instruit de leur résis →
tance , avoit fait avancer trois mille hommes sur
le Territoire de Serravalle .
L
GENEV E.
Es differens Ordres de la République de Geneve
s'étant assemblés le 8. May à l'Eglise de
S. Pierre , la Ville envoya des Députés pour prendre
le Comte de Lautrec et les Représentans des
Cantons de Zurich et de Berne , qui s'étoient rendus
chés lui , pour les conduire à l'Assemblée.
La Députation étoit composée de huit Conseillers
du Petit Conseil , de douze du Conseil des 200. et
de vingt Citoyens . Lorsque le Comte de Lautrec et
les Représentans des Cantons de Zurich et de Berne
furent arrivés à l'Eglise de S Pierre , M. Calandrini,
premier Syndic , fit un Discours , dans lequel après
avoir représenté les maux que la Ville avoit soufferts
depuis quatre ans par les divisions qui y ont
regné , il s'étendit beaucoup sur la bonté que le
Roy de France et les Cantons de Zurich et de Berne
ont eue d'employer leurs bons offices pour rétablir
l'union entre les Habitans .
On lut ensuite les Articles de l'accommodement
entre les Magiftrats et la Bourgeoifie , et les nouveaux
Reglemens par lesquels il a été pourvû aux
inconvéniens qui ont causé les derniers troubles ,
HY
et
1210 MERCURE DE FRANCE
tous les Citoyens , à l'exception de 39. Y donnerent
leur aprobation . En conséquence on inséra dans les
Regiftres de la République , que lecture ayant été
faite du Reglement arrêté par le Comte de Lautrec,
par Mrs Jean Hoffmeister , Jean Gaspard Escher , et
Philipe Stadthalter , Représentans du Canton de
Zurich , et par Mrs Isaac Steiguer et Louis de
Watteville, Représentans du Canton de Berne, lequel
Reglement avoit dé,a été accepté par le Petit et le
Grand Conseil, avec les sentimens de la plus vive et la
plus respectueuse reconnoiffance, comme étant trèspropre
à affurer la paix et la tranquilité d'une maniere
solide et durable , et à établir une confiance réciproque
entres les Habitans , le Conseil Général la accepté
aussi presque unanimementet qu'il a été décidé
que les articles qui composent ce Reglement seront
inserés dans les Edits pour servir de Loi fondamentale
et perpétuelle à l'Etat , et pour être executés
dans tout leur contenu.
Au sortir de l'Assemblée , le Comte de Lautrec
et les Représentans des Cantons de Zurich et de
Berne furent reconduits par la même Députation à
l'Hôtel du premier , qui donna un magnifique repas
à ces Représentans , aux quatre Syndics et aux
deux Secretaires d'Etat de la République . On sonna
en même temps toutes les Cloches de la Ville , et
l'après midi on chanta dans l'Eg'ise de S. Pierre ,
au bruit d'une triple décharge de 180. Pieces de
Canon , une Hymne pour remercier Dieu de la
Paix qu'il lui a plû d'accorder à la République.
Tous les Conseils et la plupart des Habitans y as
sifterent.
Le Reglement pour la Pacification des Troubles
de cette République , contient quarante quatre
articles . Voici l'Extrait des Registres du Conseil
concernant l'aprobation du Conseil Géneral.
La
JUIN 1738. T2Tr
Le Jeudi 8. May , en conséquence des Délibéra-
-tions prises en Petit et Grand Conseil , le Conseil Général
a été assemblé dans le Temple de S. Pierre ,
suivant l'usage , les Illustres Seigneurs Médiateurs
l'ayant honoré de leur présence , et là a été proposé et
lu ce qui suit par Noble Turretin , premier Secretaire
d'Etat , du Commandement des Seigneurs Syndics . *
Meffeigneurs du Petit et Grand Conseil ayant fait
lecture le Lundi s . de ce mois du Reglement arrêté et
convenu entre le très- lluftre et très Excellent Seigneur
-Comte de Lautrec , Lieutenant Général pour S.M.T.C.
en la Province de Guyenne, Maréchal de ses Camps et
Armées , Inspecteur Général de son Infanterie , et les
Illustres et Magnifiques Seigneurs Jean Hoffmeister ,
Bourguemeftre , Jean Gaspard Escher et Stadthalter ,
Représentans du Lonable Canton de Zurich , et les
Illustres et Magnifiques Seigneurs Isaac Steiguer, Advoyer
, et Louis de Watteville , Haut Commandant
du Pays de Vaud , ancien Banderet , Représentans dis
Lovable Canton de Berne , Seigneurs Médiateurs , le
quelfut remis à M. le Premier Syndic le Samedi 3 .
-de ce mois, pour être communiqué aux Magnifiques
Petit et Grand Conseil , et enfuite être porté à cette
-fouveraine Affemblée , l'ont unanimement accepté avec
les fentimens de la plus vive et de la plus reſpectueuſe
reconnoiffance , comme étant très -propre à ramener au
milieu de nous la Paix et la tranquilité d'une maniere
folide et durable , et à y faire renaître une confiance
réciproque , et ils ont estimé qu'il y avoit lieu de propofer
à ce Magnifique et Souverain Confeil de ftatuer
que tous les Articles qui le composent , devront être in-
-ferés dans nos Edits pour nous servir dès aujourd'hui
de Loi fondamentale et perpetuelle , et être executés
-dans tout leur contenu.
Pour cet effet,Magnifiques très - Honorés et Souverains
Seigneurs mesdits Seigneurs les Syndics, Petit et Grand
H vj Conseil
1212 MERCURE DE FRANCE
Conseil ont trouvé bon de proposer à ce Magnifique et
Souverain Conseil , pour sçavoir s'il l'aprouve et donne
son consentement.
Cette lecture finie , chaque Citoyen et Bourgeois
ayant donné son suffrage entre les mains de quatre
Secretaires ad actum , nommés pour les recueillir sur
l'aprobation ou rejection de cette Proposition , l'avis
de Messeigneurs a été aprouvé presque unanimement ;
ce qui devra être inseré dans nos Edits pour nous servir
de Loifondamentale et perpetuelle ; et cette résolution
été à l'instant publiée.
MORTS NAISSANCE ET MARIAGE
Des Pays Etrangers.
LE 17. Mars , la Demoiselle Marie - Anne Plettemberg
mourut à Bruxelles , âgée de 107. ans.
Le 12. May Charles-Guillaume , Margrave Régent
de Bade Durlach , Général Feldt- Maréchal des
Armées de l'Empereur , et Grand Maître de l'Attillerie
du Cercle de Soiiabe , mourut à Carelsrube ,
d'une attaque d'Apoplexie , âgé de 18. ans et près
de 11. mois , étant né le 17. Juin 1679. Il étoit
dans la 29. année de fa Régence , ayant succédé au
Margrave Frederic Magne , fon pere , mort le 25.
Juin 1709. Il avoit été marié le 27. Juin 1697. avec
Magdeleine-Guillelmine , fille de Guillaume- Louis,
Duc de Würtemberg-Stutgard , née le 7. Novembre
1677. Il en avoit eu Frederic , Margrave Héréditaire
de Bade Durlach , Chevalier de l'Ordre Palatin
de S. Hubert , Sergent Général , et Colonel
du Cercle de Franconie , mort le 26. Mars 1732.
dans
JUIN. 1738. IZA
dans la 29. année de son âge. Celui - ci avoit été
marié le 3. Juillet 1727. avec Anne - Charlotte -
Amélie , fille de feu Jean- Guillaume Frison , Prince
de Nassau- Dietz et d'Orange , née le 13. Octobre
1710. Il a laissé deux fils , dont l'aîné Charles- Frederic
, né le 22. Novembre 1728. succéde aux Etats
de fon Ayeul. Le Cadet est né le 14. Janvier 1732 .
Le 16. Louise Christine , Ducheffe Douairiere
de Saxe Weissenfels , née Comtesse de Stolberg ,
mourut à Weissenfels , dans la 64. année de fon
âge , étant née le 21. Janvier 1675. Elle étoit fille
de Christophe Louis, Comte du S. Empire Romain,
et de Stolberg- Stolberg , mort le 7. Avril 1704. et
de Louise Christine de Hesse Damstad , morte le
11. Novembre 1697. elle avoit été mariée 1º . au
mois de Décembre 1704. avec Jean - Georges ,
Comte de Mansfeld-Artern , mort le 1. Janvier 1710,
et 20. le 11. May 1712 , avec Christian , Duc de
Saxe - Weissenfels , Chevalier des Ordres de l'Elephant
et de S. Hubert , mort sans posterité , à sa
résidence de Dama , le 28. Juin 1736.
Le 7. Juin , D. Antoine Mercure Lopez Pacheco
Acunha, Giron et Portocarrero , Marquis de Villena ,
et d'Aguilar , Duc d'Escalona , Comte de San - Istevan
de Gormaz , &c. Grand d'Espagne de la premiere
Classe , Chevalier de l'Ordre de la Toison
d'or , Gentilhomme de la Chambre de S. M. C.
son Major-Dome-Major , ou Grand Maître de la
Maison du Roy et Capitaine Général de ses
Armées , mourut à Madrid , au commencement de
la 60. année de son âge , étant né le 9. May 1679.
Il étoit fils aîné de D. Jean - Emmanuel Fernandez
Pacheco , Acunha , Giron et Portocarrero , Marquis
de Villena , Duc d'Escalona , &c. et Grand d'Espagne
de la premiere Classe , Chevalier de la Toison
>
d'os
1214 MERCURE DE FRANCE
4
d'or Major-Dome-Major du Roy Catholique , et
Premier Président , Directeur perpétuel , et Fondateur
de l Académie Royale Espagnole , établie par
le Roy Philipe V. à Madrid , et auparavant successivement
Viceroy et Capitaine Général de la Prin.
cipauté de Catalogne , et des Royaumes de Navarre,
d'Arragon , de Sicile , et de Naples , mort le 29.
Juin 172. âgé de 77. ans , et de Dona Josephe de
Benavides , et Sylva de San - Istevan del Puerto ,
morte le 12. Mars 1692. Le Marquis de Villena
qui vient de mourir , avoit succedé à son pere dans
la Charge de Major- Dome-Major , et étoit auparavant
Cap taine de la Compagnie des Gardes du
Corps Espagnols L'Académie Royale Espagnole ,
dont il avoit été élu Membre le 15. Avril 1714.
l'avoit élu pour son Directeur à la place de feu son
pere. Il avoit épousé en secondes Nôces en 1702.
Dona Catherine Sandoval de Moscoso, fille de Louis
de Moscoso , septiéme Comte d'Altamire , morte
le 19 Janvier 1926. âgée de ro , ans. Il en avoit eu
Dona Josephe Pacheco Osorio Moscoso , mariée
le 8. Juillet 1722. avec D. Dominique Claros
Alonso Perez de Gusman , Duc de Medina Sidonia,
et D ....... Pacheco Acunha , Comte de San-
Istevan de Gormaz , Gentilhomme de la Chambre
du Roy Catholique, qui avoit épousé le 24. Octobr
1727. Dona Marie - Anne - Bernardine de Portugal,
et de Tolede , Comtesse Héritiere d'Oropesa, morte
le 13. Octobre 1719. dans la 2 1. année de son âge,
laissant deux filles.
Le 4. de ce mois , entre six et sept heures du
matin , la Princesse de Galles accoucha heureusement
d'un Prince , à la naissance duquel l'Archevêque
de Cantorbery assista , et le Marquis de Carnarvon
JUI N.. 1738 .. 1215
marvon alla aussi- tôt par ordre du Prince de Galles ,
donner part de cette nouvelle au Roy.
Le 4. Février , le Price de Hesse - Hombourg
épousa à Petersboug la Princesse Trubetzkoy , qui
fut menée à Eglise par les Princesses Anne de
Meckelbourg , et Elizabeth Petrowna , et par . la
"Duchesse de Curlande. Après la Cérémonie , ces
Princesses dînerent , ainsi que le Duc de Curlande
et le Prince Antoine Ulrich de Beveren , chés le
Prince Trubetzkoy ; et la Czarine se rendit vers les
sept heures du soir à l'Hôtel de ce Seigneur , pour
y assister au Concert et au Bal.
FRANC E.
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
E 25. May , le Roy nomma le Marquis
Läe
la premiere Compagnie de ses Mousquetaires
; à la place du feu Comte d'Avejan. Par
cette nomination , le Comte du Roure devient
premier Sous- Lieutenant de la même
Compagnie ; le Comte de Montesquiou ,
second Sous - Lieutenant ; le Marquis de Perussis
, premier Enseigne ; le Marquis d'Avejan
, second Enseigne ; et le Marquis de
Castellanne premier Cornette. Le Roy a accordé
au Comte de Champinelle , la seconde
Cornette , moyennant 70000. livres , dont
40000..
1216 MERCURE DE FRANCE
40000. livres seront payées au Marquis de
Jumilhac , comme étant chargé du Brevet
de retenue de 100000. livres , qu'avoit feu
M. d'Avejan ; et les 30000. livres restant ;
seront payées à M. Duplessis , premier Maréchal
des Logis , qui se retire avec 1500.
livres de Pension.
M. de la Billarderie , Lieutenant Général,
Major des Gardes du Corps , et Commandeur
de l'Ordre Royal et Militaire de Saint
Louis , a été nommé Grand - Croix de cet
Ordre. S. M. en a fait Commandeurs M. de
Varennes , Maréchal de Camp , Capitaine
d'une des Compagnies de Grenadiers du Régiment
des Gardes Françoises ; et le Comte
de Silly , Brigadier , et Lieutenant Colonel
du Régiment de Dragons, Colonel Général.
,
Le 3. de ce mois , le Marquis de las Mi-
Ambassadeur Extraordinaire du Roy
d'Espagne auprès de S. M. et qui a été nommé
il y a quelque temps par S. M. C. Chevalier
de l'Ordre de la Toison d'or , reçut le
Collier de cet Ordre par les mains du Duc
de Bourbon , auquel le Roy d'Espagne avoit
envoyé une Commission particuliere pour
cette Reception. La Cérémonie en fut faite
en présence de plusieurs Chevaliers de la
Toison
JUIN 1738. 1217
Toison d'or , qui s'assemblerent dans l'Apartement
du Duc de Bourbon , et le Marquis
de las Minas eut le Marquis de Bran
cas pour Parrein.
Le 4. Juin pendant la Messe du Roy ;
l'Evêque de Toulon prêta serment de fidélité
entre les mains de S. M.
Le Roy a accordé le Gouvernement de
Charlemont au Marquis de Leuville , Lieutenant
Général des Armées de S. M.
Le Roy ayant résolu de faire élever les
quare Puînées de Mesdames de France dans
l'Abbaye de Fontevraud , dans laquelle plusieurs
Princesses de son Sang ont été élévécs
en diférens temps , Mesdames partirent du
Château de Versailles le 16. de ce mois
pour l'Abbaye de Fontevraud , où ces Princesses
ont dû arriver le 28. Un Détache
ment des Gardes du Corps les a accompagnées
dans leur Route , pendant laquelle
elles ont été servies par les Officiers de S. M.
et conduites par une Sous- Gouvernante de
Mesdames de France.
Le 5. Fête du S. Sacrement , le Roy atcompagné
du Duc d'Orleans , du Duc de
Chartres,
1218 MERCURE DE FRANCE
, Chartres , du Comte de Clermont , du
Prince de Dombes , du Comte d'Eu , et de
ses principaux Officiers , se rendit à l'Eglise
de la Paroisse du Château de Versailles , où
S. M. entendit la grande Messe , après avoir
assisté à la Procession , qui , suivant l'usage,
vint à la Chapelle du Château,
L'après- midi , le Roy et la Reine entendirent
les Vêpres dans la Chapelle du Château
, et le soir leurs Majestés assisterent au
Salut , qui fut chanté par la Musique . Monseigneur
le Dauphin et Mesdames de France
assisterent au même Salut.
Le 12. jour de l'Octave , le Roy se rendit
à l'Eglise de la Paroisse du Château , et
S. M. y entendit la grande Messe, après avoir
assisté à la Procession.
,
Pendant l'Octave , le Roy a affisté tous
les jours au Salut et S. M. Pa entendu le
11. dans l'Eglise des Recolets . La Reine ,
Monseigneur le Dauphin , et Mesdames de
France y ont affisté tous les jours , dans la
Chapelle du Château.
Le même jour , on executa au Concert
Spirituel du Château des Thuilleries , le Pange
lingua , Motet de M. de la Lande , qui
fut suivi d'un autre , O Jesu à grand
Choeur de M. Destouches, Surintendant de la
,
Musique
M
JUI N. 1738. 1219
Musique du Roy ; le Concert fut terminé ,
près plusieurs Pieces de Symphonie , d'un
utre Motet de M. de la Lande .
Les jeunes Savoyards , et autres pauvres
Ouvriers de Paris , s'assemblerent le 31. du
mois dernier dans l'Eglise Parroissiale de
S. Benoît , où l'on devoit ce jour - là distribuer
les Prix , à ceux qui les avoient mérités..
L'Abbé de Vercel leur fit , avec son zéle
ordinaire , une très belle exhortation ; l'Evêque
deLangres leur donna ensuite la Béné
diction du S. Sacrement , après quoi , on
distribua un grand nombre d'habits , de chemises
, et autres récompenses à ceux qui
avoient été les plus assidus au Catechisme
pendant l'année.
-
Le 28. de ce mois, le Lieutenant Général de
Police , fit l'Ouverture de la Foire S. Laurent
avec les cérémonies accoûtumées ; et le même
jour , l'Opera Comique fit aussi l'Ouverture
de son Théatre par deux Pieces nouvelles ,
qui ont pour titres : l'Ecole des Veuves , et les
Vieillards rajeunis , précédées d'un Compliment
, Prologue ; on parlera plus au long
de ces nouveautés.
VERS
$110 MERCURE DE FRANCE:
VERS
Envoyés par M. le Comte de BI EVREZ
à Mlle MASSON , qui lui avoit dit que
t Amour étoit un aveugle et un trompeur.
O
Que l'Amour est aveugle et trompeur !
Oui , oüi , je crois tout ce que vous m'en ditesį
Car vous parlez des passions p: oscrites
peur ,
Par la Vertu , qui vous sont en horreur.
Pour mon Amour , voyons s'il vous fait
Il n'est point tel que celui de Cythere ;
Il est vif , pur ; il a de fort beaux yeux;
Il est discret ; la Sagesse est sa Mere ;
Il l'accompagne, et ne va point aux Cieux ,
C'est mon lutin , je n'en connois point d'autre j
J'aime les feux qu'excite son flambeau ;
Enfin , MASSON, pour vous le peindre en beau ,
Son air , je pense , aproche assés du vôtre ;
Jeune , charmant , sans fard , et sans bandeau.
MORTS
JUIN.
1738. 1221
MORTS ET NAISSANC F.
E 11. May , D. Marie - Magdeleine - Eu-
Leenie de Tournay & Assignies d'Oisy , d'u- d
ne Noblesse de Flandres , Epouse de Joseph
Sevin de Quincy , Chevalier de l'Ordre Militaire
de S. Louis , Lieutenant pour le Roy
au Gouvernement de l'Orleanois , et ci - devant
Capitaine au Régiment de Bourgogne
Infanterie , mourut à Paris , âgée de 47. ans
deux mois , sans enfans. Elle étoit la seconde
femme du Comte de Quincy , qui avoit
épousé en premieres Nôces Magdeleine de
Seve , Dame de Ville - Falliers , et de Villarson
, morte le 2. Octobre 1729.
Le 12. D. Marie - Anne Richard , Epouse
d'Etienne le Texier, Seigneur de Mennetou,
Receveur Général des Finances de la Généra
lité de Limoges , mourut à Paris , âgée de
20. ans..
Le 18. Jacques-Jean - Baptiste Pellerin
Seigneur de Moyencourt , Payeur des Rentes
de l'Hôtel de Ville assignées sur le Clergé
, et ci - devant Conseiller en la Cour des
Aydes de Paris , mourut d'une apoplexie
dont il avoit été attaqué le 15. précédent ,
dans la 48. année de son âge , étant né le 12.
Septembre
#222 MERCURE DE FRANCE
-
Septembre 1690. Il avoit épousé la seconde
fille de Louis Anne Jourdan de la Salle ,
Greffier des Insinuations du Châtelet. Il la
laisse Veuve fans enfans. Il étoit frere aîné
de Charles-François Pellerin de Moyencourt,
Ecuyer du Roy , ci devant Capitaine au Régiment
de Bretagne , Infanterie,, qui est son
seul héritier.
Le 19. D. Marie Broichot , veuve depuis
le 9. Février 1711. de Jean - François du
Tillet , Seigneur de Pannes et de Rossay ,
ancien Greffier en Chef du Parlement , le
dernier de sa famille qui ait possédé cette
Charge , mourut âgée d'environ 80. ans, sans
laisser d'enfans .
Le 22. Jean-François de Brehand , Comte
de Mauron et de Plelo , Seigneur de Galinée,
ci-devant Conseiller au Parlement de Bretagne
, où il avoit été reçu le 27. May 1689.
mourut à Paris subitement d'une attaque
d'apoplexie , dans un âge avancé. Il avoit eu
de feue D. Catherine le Fevre de la Falluere,
morte le 20. Décembre 1713. le feu Comte
de Plelo , dont la mort est raportée dans le
Mercure de Juin 1734. second Volume pag.
1448. et duquel il ne reste plus que deux
filles. Mais le Comte de Mauron laisse trois
fils d'une seconde femme.
Lé 23. Louis de Bannes , Comte d'Avejan, >
Baron
JUIN. 1738. X228
-
Baron de Fereirolles , Seigneur de Langerolles
, de Montjardin , de la Nuege , de Nogent
les Vierges , & c. Baron des Etats de
Languedoc , Lieutenant Général des Armées
du Roy , et Capitaine - Lieutenant de la premiere
Compagnie des Mousquetaires de la
Garde ordinaire de S. M. mourut à Paris
après une longue maladie , âgé d'environ 55 .
ans. Il étoit entré fort jeune dans le Régiment
des Gardes Françoises , où il fut successivement
Enseigne , Sous - Lieutenant ,
Lieutenant au mois de May 1705. et enfin
Capitaine au mois de Septembre 1707. Il fut
fait second Sous Lieutenant de la premiere
Compagnie des Mousquetaires , au mois de
Mars 1716. Il en devint premier Sous Lieutenant
au mois de Septembre 1722. et Capitaine
-Lieutenant le 5. Janvier 1729. Il avoit
été élevé au grade de Brigadier le 1. Février
1719. à celui de Maréchal de Camp , le 20 .
Février 1734. et à celui de Lieutenant Géné
ral à la derniere Promotion du 24. Février
de la présente année. Il étoit fils de feu Denis
de Bannes , Comte d'Avejan , Grand-
Croix de l'Cidre Militaire de S. Louis
Lieutenant Général des Armées du Roy , et
Commandant les Troupes de S. M. à Nanci
en Loraine , ancien Lieutenant Colonel du
Régiment des Gardes Françoises , mort le
17. Septembre 1707. et de feue Louise - Eli
J. Vol.
,
1 zabeth
224 MERCURE DE FRANCE
zabeth Vallot , morte le 26. Février 1733 .
Laquelle étoit fille d'Antoine Vallot , premier
Medecin du Roy Louis XIV. Le Comte d'A
vejan qui vient de mourir , avoit été marie
le 16. Avril 1709. avec Marie- Angelique du
Four , fille de Jean du Four , Seigneur de
Nogent les Vierges , Morfontaine , Villiers
S. Paul , Secretaire des Commandemens , et
Intendant des Maiſon,Domaines et Finances
de S.A.Royale Madame Duchesse d'Orleans,
de Catherine Guynet. Il en laisse entre
autres enfans , Louis-Anne de Bannes , Marquis
d'Avejan , premier Cornette de la
miere Compagnie des Mousquetaires de la
Garde du Roy.
et
pre-
Le 24. D. Anne du Soul , Epouse de
Louis le Prestre de Lesonet , Conseiller au
Parlement de Paris , de la premiere Chambre
des Enquêtes , et auparavant veuve de
François Revol , Conseiller au même Parlement
, mort le 16. Août 1729. avec lequel
elle avoit été mariée au mois de May 1709.
mourut après une maladie de langueur d'environ
cinq mois , âgée de so. ans , laissant
de son premier mariage un fils unique, Charles
- François - Henri Revol , né au mois de
Mars 1714. reçu Conseiller au Parlement de
Paris le 11. Août 1733. et de son second ,
deux filles. La défunte étoit fille aînée de
Charles du Soul , Seigneur de Beaujour
Conseiller,
JUIN. 1738. 1225
>
Conseiller Secretaire du Roy , et de ses
Finances , Gouverneur de la Ville de Pontoise
, mort octogenaire le 18. May 1727. et
de feue Catherine Seigneur.
Le 27. D. Elizabeth Neyret de la Ravoye,
femme de Marc - Antoine Front de Beaupoil
de S. Aulaire , Marquis de Lanmary , Baron
de Milly , Seigneur d'Angerville , la Riviere,
de Rouvre , &c. Maréchal des Camps et
Armées du Roy , de la Promotion du 24.
Février dernier , ci - devant Capitaine - Lieutenant
de la Compagnie des Gendarmes de
Bretagne , et ancien Grand Echanson de
France , avec lequel elle avoit été mariée le
13. Mars 1711. mourut à Paris , âgée de 44 .
ans . Elle étoit fille aînée de Jean Neyret de
la Ravoye , Seigneur de Lisse , de Beaurepaire
, Grand Audiancier de France , mort le
23. Juillet 1701. et d'Anne Varice de Valliere
sa femme , morte le 1. Juillet 1732 .
Le 2. Juin , D. Marie - Anne Largentier,
veuve depuis le 5. Novembre 1732. d'Etienne
Mayneaud de la Tour , Seigneur de la
Magdeleine , Collange , Sommery , Genelard
, Logere , Monteguillon , & c. Bailly
d'Epée du Charolois , mourut à Paris , âgée
d'environ 63. ans , et laissant entre autres
enfans , Paul Etienne- Charles Mayneaud de
la Tour , Conseilier au Parlement de Paris
I. Vol. I de
1226 MERCURE DE FRANCE
de la seconde Chambre des Enquêtes , où il
a été le
reçu
Janvier 1720. 31.
.
Le 4. Claude de Fay d'Athies , Marquis
de Silly , Lieutenant Général des Armées du
Roy , Chevalier , Grand - Croix de l'Ordre
Royal et Militaire de S. Louis , et Gouver
neur de Charlemont , mourut à Paris âgé de
80. ans. Il avoit été d'abord Exempt des
Gardes du Corps du Roy ; il fut ensuite Mestre
de Camp d'un Régiment de Dragons
qui fut réformé en 1697. après la Paix de
Riswik. Il fut fait Brigadier de Dragons le
29. Janvier 1702. et Chevalier de S. Louis
le 20. Janvier 1703. Il servit la même année
au Siége de Brisac ; se trouva le 13. Août
1704. à la Bataille d'Hochstet , et fut fait
Maréchal de Camp le 26. Octobre suivant. Il
passa depuis en Espagne , où il se signala le
Avril 1707. à la Bataille d'Almanza , dont
ayant aporté la nouvelle à Versailles le 5.
May , le Roy le déclara Lieutenant Général
le 17. du même mois , et lui donna au mois
de Septembre suivant la Charge de Lieutenant
Général au Gouvernement de la haute et
basse Marche , pour en tirer récompense. II
fut nommé au mois de Mars 1709. pour servir
dans l'Armée de Dauphiné , où il continua
d'être employé jusqu'à la Paix d'Utrecht
en 1714. 11 servit au Siége de Barcelonné, où
25.
i
JUIN.
1227 1738.
,
eut le Commandement de l'Attaque de la
gauche , à l'Assaut général qui fut donné le
11. Septembre au Corps de la Place . Il fut
encore employé en 1719. dans la Guerre
contre l'Espagne , ayant servi aux Siéges de
Fontarabie , et de la Ville et du Château de
S. Sebastien , s'étant rendu maître auparavant
de quelques Forts et Châteaux
› pour faciliter
ces Siéges. Après la prise de ces deux
Places , dont le Gouvernement de la premiere
lui fut donné avec 14000. livres d'a
pointemens , le Maréchal de Berwick le laissa
sur la frontiere du Guipuscoa , avec un
Corps de dix - sept Bataillons et de vingt-un
Escadrons sous ses ordres , pendant que ce
Maréchal marchoit du côté du Roussillon ,
pour aller faire le Siége d'Urgel. La Grand-
Croix de S. Louis lui fut donnée le 1. Novembre
1720. et le Gouvernement de Charlemont
et de Givet en Flandres , au mois de
Février 1728. Il avoit été nommé en dernier
lieu au mois d'Avril 1734. pour faire la Campagne
en Allemagne , mais une chûte qu'il
fit avec son cheval , et dont il fut blessé à la
tête , le mit hors d'état de servir. Il étoit
yeuf sans enfans de Marie- Jeanne - Elizabeth
Bezard , morte le 6. Décembre 1696 .
Le même jour mourut à Paris âgé de 84. ans ,
Antoine d'Aires , Seigneur de Mailhoc
Chevalier de l'Ordre Militaire de S. Louis
I ij
228 MERCURE DE FRANCE
et ancien Capitaine de Vaisseaux du Roy, sa
Commission étant de 1694.
-
>
Le 5. Louis Antoine Henault , Président
, Trésorier général de France au Bureau
des Finances de la Généralité de Paris , et
Commissaire du Roy pour la Direction du
Pavé de Paris , mourut dans la 81. année de
son âge , étant né le 7. Mars 1658. Il étoit
fils de feu Antoine Henault , Conseiller
Secretaire du Roy et de ses Finances , et de
feuë D. Catherine le Bel . Il n'a point été ma,
rié. Il laisse pour Héritiers Jean Parisot ,
Maître des Requêtes de l'Hôtel du Roy, son
Neveu , qu'il a fait son Légataire universel ,
et qui est fils de feu Claude Parisot , vivant
Procureur Général du Parlement de Bourgogne
, et de Nicole - Catherine Henault ; et les
acux fils de feu Claude - Constantin de Ladehors
, Conseiller en la Cour des Aydes de
Paris , et de Marie Henault , aussi ses Neveux
, auxquels il fait des Legs particuliers .
Le même jour , Angelique François de
Renouard , Comte de Villayer et d'Auteuil
Seigneur de Drouges , et de Couvrau , Maître
des Requêtes Ordinaire de l'Hôtel du
Roy depuis 1719. et auparavant Conseiller
au Parlement de Paris , où il avoit été reçu
le 23. May 1716. mourut dans la 48. année
de son âge , étant né le 16. Juillet 1692. On
a marque de qui il étoit fils , et même petitfils,
JUIN. 1735. * 229
Els , dans le Mercure de Février 1734. page
404. en raportant son Mariage avec Angelique-
Claude Marescot , Dame de Thoiry, de
laquelle il ne laisse qu'une fille.
Le 7. Antoine Crozat , Toulousain , Seigneur
, Marquis de Moy , et de plusieurs
autres grandes et belles Terres et belles Terres , Commandeur
, et ci- devant Grand Trésorier des
Ordres du Roy , mourut à Paris , âgé de
83. ans. Il avoit été Receveur General
des Finances de la Généralité de Bourdeaux,
Commis à l'exercice de la Charge de Trésorier
Général de l'Extraordinaire des Guer →
res , et Cavalerie Légere de France , Secretaire
du Roy et de ses Finances , et Interessé
dans les affaires de S. M. Intendant des Maison
et affaires du feu Duc de Vendôme , &c.
Il avoit épousé au mois de Juin 1690. Maric
Marguerite le Gendre , fille de feu François
le Gendre , Fermier Général des Fermes
du Roy , et de Marguerite le Roux. Il laisse
d'elle trois garçons , qui sont , Louis François
Crozat , Marquis du Châtel , Maréchal
des Camps et Armées du Roy , de la Promotion
du 24. Février dernier ; Joseph -Antoine
Crozat , Marquis de Tugny , Lecteur de la
Chambre et du Cabinet du Roy , et Président
en la quatriéme Chambre des Enquêtes
du Parlement de Paris ; et Louis - Antoine
Crozat , Baron de Thiers , qui a été Capitai-
I iij
ne
1230 MERCURE DE FRANCE
ne de Dragons dans le Régiment de Langue
doc , dont son frere aîné étoit ci- devant
Mestre de Camp. Il est depuis le premier
Janvier 1735. Maréchal général des Logis
des Camps et Armées du Roy. Ils sont tous
trois mariés ; le premier avec Marie-Therese-
Catherine Gouffier d'Heilly ; le second avec
Michelle -Catherine Amelor de Gournay ; et
le troisiéme avec Marie- Louise- Augustine
de Laval - Montmorency . Il avoit eû aussi une
fille, qui étoit D. Marie - Anne Crozat, Comtesse
d'Evreux , morte le 11. Juillet 1729%
à l'âge de 34. ans.
,
Le 8. D. Marie Sallé , veuve depuis le 29 .
Juin 1694. de Jean - Jacques le Mairat , Seigueur
de Beaupré , Verville , &c. vivant
Conseiller au Grand- Conseil avec le
quel elle avoit été mariée au mois de Janvier
1675. mourut âgée de 78. ans ; elle étoit
fille unique de Henry Sallé , Seigneur de
Rouvres , mort Doyen des Trésoriers de
France , de la Généralité de Paris , le 23 .
Août 1686. et de, Marie Gaillard , morte le
22. Juillet 1692. Elle laisse pareillement une
fille unique , qui est Charlotte - Henriette le
Mairat , née le 16. Août 1677. veuve de
Louis le Peletier , Seigneur de Villeneuve -le-
Roy , d'Ablon , &c . et à cause d'elle de
Montmelian , Plailly , Mortefontaine , Beaupré
, &c . ci - devant Premier Président du
Parlement
JUIN. 1738. 123*
Parlement de Paris , mort le 31. Janvier
1730. dont elle étoit la seconde femme , et
dont elle a Louise - Françoise le Peletier ,
Marquise de Fenelon , femme de l'Ambassadeur
actuel de France en Hollande ; Jacques-
Louis le Peletier , Marquis de Montmelian
Président de la seconde Chambre des Enquêtes
du Parlement de Paris ; et CharlesÉtienne
le Peletier , Seigneur de Beaupré ,
Maître des Requêtes Ordinaire de l'Hôtel du
Roy , et Intendant en Champagne.
Le 10. Jacques- François Tardieu, apellé le
Comte de Maleyssie , Seigneur du Meux ,
près de Compiegne , mourut à Paris , dans la
48. année de son âge , étant né le 29. Septembre
1698. Il étoit fils puîné de Jacques-
François Tardieu , Marquis de Małeyssie
Seigneur de Rivecourt , ancien Capitaine au
Régiment des Gardes Françoises,Lieutenant
pour le Roy des Ville et Château de Compiegne
, mort le 17. Septembre 1694. et
d'Anne Barentin , Dame de Mons , morte le
13. Janvier 1728. Il avoit été marié le 11.
Septembre de la même année 1728. avec
Marguerite- Françoise de Héere , fille de feu
Claude Denis de Héere , Seigneur de
Barneville et du Vaudoy , Lieutenant au
Régiment des Gardes Françoises , Gouverneur
de Brie-Comte- Robert , et de Marie - `
Anne de la Motte d'Aulnoy. Il la laisse
veuve sans enfans. I iiij
1232 MERCURE DE FRANCE
Le 14. Frere Louis de Menou de Charnisay}
Lailly , Grand- Croix de l'Ordre de S. Jean
de Jérusalem , et Commandeur de Castres
en Flandres , mourut à sa Commanderie
dans la 66. année de son âge, étant né le 20.
Juillet 1672. Il avoit été reçu de Minorité
dans l'Ordre de Malthe au Grand Prieuré de
France le 8. Août 1677. Voyez la Mort de
la Marquise de Menou , sa Mere , raportée
dans le Mercure de Décembre 1737. second
volume , page 2931 .
Le 20. May , a été baptisée Anne- Elisabeth
-Marie - Victoire , née la veille , fille de
M.Edme - Louis-Joseph d'Hautemer, Ecuyer'
Sieur de Wolsey , Chevalier de l'Ordre Militaire
de S. Louis , ancien Capitaine d'Infan
terie , et l'un des Gendarmes de la Garde du
Roy , et de Louise de Couhé de Lusignan
son Epouse. Le Parein , Charles - Louis ,
Comte de Rannes, Colonel du Régiment de
Languedoc , Dragons , fils de Charles Dargouges
, Marquis de Rannes , et de Charlotte
Darlothon , son Epouse ; la Mareine
Anne- Elisabeth de Rannes , sa soeur.
LOTERIE
JUIN. 17381 5233
LOTERIE DE LORAINE.
E Mercure de France n'a encore rien dit de la
confimercy , on parloit sidiversement
de cette opération , que nous n'avions rien de
certain à en dire. Aujourd'hui que le premier Tirage
est fait , on va inserer ici toutes les instructions
qui la concernent et qui peuvent êtres utiles au
Public . Il n'y a rien a ajoûter , sinon que cette opération
a été confiée à Mrs Perret et Roger, Notaires
dont les réputations d'intégrité sont généralemen
reconnues.
Quoique cette Loterie n'ait été remplie jusqu'à ;
présent que dans sa sixième partie , le Public a paru
fort content de ce que non- seulement les proportions
du Plan avoient été suivies , mais de ce
qu'on avoit encore trouvé le secret de conserver les
Lots uniques , qui ne sont altérés que d'un cinquié
me, au lieu d'être réduits comme ils le devoient être
par l'état de la recette à environ la sixième partie
de leur valeur . Pour parvenir à former ce Plan on
a consommé en Lots la somme entiere des Billets
délivrés , et on a refondu des Lots de mille livres
en Lots de cinq cent livres ; on a aussi conservé le
nombre des Lots promis et proportionnés au nom
bre des Billets délivrés. Voici les noms de ceux
qui ont gagné les principaux Lots de ce premier
Tirage.
M. Gaudot , Architecte , rue des Gravilliers ; M.
Clermont , Peintre , aussi rue des Gravilliers , ont
gagné en Societé à eux deux le Lot de quatre-vingt
mille livres.
I v Les
234 MERCURE DE FRANCE
Les Garçons Fripiers sous les Pilliers des Halles
ont gagné le Lot de quarante mille livres .
Le Lot de vingt - cinq mille livres est tombé dans
une Societé de trois cent Billets , pris par le sieur
Valentin Roques , Agent de Change.
Le sieur Pierre Girard , Fruiter aux Halles , 2
gagné le Lot de quinze mille livres .
Mad. Anisson , de l'Imprimerie Royale , a gagné
le Lot de dix mille livres .
PLAN de la Loterie établie en la Ville
de Commercy
.
Son Altesse Royale Madame , Duchesse Doüairiere
de Loraine et de Bar , Princesse Souveraine de
Commercy , ayant par ses Lettres Patentes du 11 .
Juillet 1737. déposées à Me Roger , Notaire , établi
une Loterie de deux cent mille Billets de 150.
livres chacon, monnoye de France, payables en cinq
termes , et de 25oco Lots qui seront distribués en
cinq Tirages ci- après détaillés , a , conformément
auxdites Lettres Pitentes , nommé, sous le bon plaisir
du Roy , pour Receveurs et Dépositaires Généraux
des Fonds de ladite Loterie , M. Perret , Notaire
au Châtelet de Paris , rue Coquilliere , et M.
Roger , aussi Notaire au Châtelet , rue de Condé ,
lesquels délivrerant lesdits Billets signés d'eux et
d'un des Directeurs de ladite Loterie , nommés par
S. A, R. par Arrêt de son Conseil du 12. Juillet
1717. aussi déposé audit M. Roger.
Les Billets ne seront valables qu'autant qu'ils seront
signés de l'un desdits Notaires et d'un Directeur.
On
JUIN.
1235 1738.
On payera entre les mains defd. Notaires
en prenant chaque Billet ,
12 liv.
Dans le courant des deux mois qui suivront
le premier Tirage pour chaque Billet , 18 liv.
Dans le courant des deux mois qui suivront
le second Tirage ,
vront le troisiéme Tirage ,
Dans le courant des deux mois qui sui-
30 liv.
vront le quatriéme Tirage ,
Et dans le courant des deux mois qui sui-
42 liv.
Et après ce dernier payement chaque
Billet rempli revient à
48 liv.
Iso live
Les Fonds
de la Loterie
resteront
en dépôt
, ainsi
que S. A. R. l'a ordonné
par ses Lettres
Patentes
entre
les mains
desd. Notaires
,pour
la sûreté
du Public
,
et être par eux employés
au payement
des Lots .
ETAT GENERAL DES LOTS
Les 200000 Billets remplis de 150 liv . chacun , produiront
un fond de trente millions . Ce fond sera
distribué en vingt-cinq mille Lots . SCATOLE
I de ·
I. de
I.
3



·

de .
de
6 de
18 de
30
40
• •
..
• •
• •
·
de
de
600000 I
400000
300000
• 200000 1. chacun
.600000

150000 900000
• 100000

de •
20000 .
10000 •
1800000
de •
50000
• I 500000
30000
• I 200000
100
150
2000000
1500000
300
1500000
650 1950000
7800 de 1000 • "
7800000
If900 . de • •
soo
·

de
de
5000 •
.3000 ..
25000 Lots , produisant
7950000
30000000. I.
I vj Ces
1236 MERCURE DE FRANCE
Ces 25. mille Lots seront distribués en cinq Ti
rages , auxquels les 2000co. Billets participeront
à chaque Tirage ; desorte qu'un seul Billet peut
esperer de gagner cinq Lots.
DISTRIBUTION DES CINQ TIRAGES.
Le premier se fera dans le cours de Janvier 1738. onplutôt
si la Loterie est remplie , et sera composée.
de deux mille Lots . SÇAVOIR
I .... de
I.... de
·
30000 1. chacun .
·
10000
·
5.000


3000

·
1000
500

100000 I
50000
I soooo
100000
80000
100000
210000
.... de
S ... de
8 ..... de
20 ....• de
70 .... de
$30 . de
1360 ... de .


• 20000
2000 Lots produisant
50000
680000
2000000-1.-
Le second Tirage se fera trois mois après le premier
et sera composé de trois mille Lots . SAVOIR .
I.. ...
I'
3
IO .
..
....

de
de
de
de
de


150000
100000

50000
30000
• 100000
90000
20000 • 120000
· de 10000 100000
de . • 285000
3000 3.00000
690 ... de 1000 690000
213a de .
500 1065000
3000 Lots produisant 3000000 k
Le
57
100.... deJUIN.
1738. 1237
Le troisième Tirage se fera trois mois après lè
second et sera composé de cinq mille Lots.
SÇAVOIR.
19
...
I ....
3.
..... de
de
.de .·
150000
L
S rooooo 1. chacun 200000
·
50000
. •
150000
... de •
30000
· •
150000
ΤΟ de • 20000 • • 200000
de · 10000 •
190000
• 1000 300000

3000
· 660000
• 1000 2320000

500
· · 1180000
$500000 1
60. de
220 ... de •
2320. de
2360 .... de
Sooo Lots produisant
Le quatrième Tirage se fera trois mois après
le troisième , et sera composé de cinq
mille Lots.
SÇAVOIR.
• de •
200000 I
I .... de · 150000
2. ... de
4 ⚫ de
7 .... de
If .... de
30 .... de
100000 1. chacun
200000
.50000 200000
30000 210000
20000 300000
· 10000 300000
80.... de 5000 400000
20 de ..
3000 360000
2620 de .... 1000 · 2620000
2120 .. de ·
500 .
Sooo Lots produisant
1060000
6000000 1.
Le
238 MERCURE DE FRANCE
Le cinquième et dernier Tirage se fera trois
mois après le quatrième , et sera composé
de dix mille Lots. SÇAVOIR.
.. de 600000 li
1
de
400000
de 300000
2 .. .de • 200000 1 chacun
403000
3' de 150000 450000
F2 de 100000
• • J200000
• de⚫ foooo
· 1000000
de ·
64 .....de
30000
20000 .
83
600000
1280000
8.30000
83
de
..de .
.... 140 de
1640 .... de
7930 .... de
• 10000
5000 4:15000
3000 420000
• 1000 .

500
1oooo Lots produisant

1640000
3965000
13500000 l .
Chacun des cinq Tirages se fera à Commercy ›
dans une des Salles du Château de S. A. R. en présence
de M. le Comte de Givecour , Chancelier de
S. A. R. de M. Hazelin , Conseiller d'Etat , et de
Mrs Poirot et Marchand , Conseillers - Secretaires
du Cabinet de S. A. R. Commissaires députés à cet
effet par S. A. R.
, י
Les deux Notaires Receveurs Dépositaires, et aussi
comme Commissaires en cette partie se transporteront
avec deux des Directeurs , sous le bon plaisir
du
Ry, en la Ville
de Commercy
, pour
être
aussi
présens
aux
Tirages
.
Il sera dressé de chacun des Tirages un procès
verbal qui donn rá connoissance de tous les Numeros
qui auront gagné
Ce procès verbal fera fait double par Mrs les Commiffaires
,
JUIN. 1738. 1239
tiffaires , l'un pour teſter aux Archives du Conſeil
de S. A. R. et l'autre pour être remis aux Directeurs
et aux Receveurs , à l'effet de rendre publique la
Lifte de tous les Numeros gagnans .
Chaque Tirage fe fera dans la forme suivante.
Il y aura deux Roues , une grande et une pecite .
La grande contiendra à chaque Tirage les Nu
meros des 200 mille Billets :
Et la petite contiendra les Lots destinés à chacun
des Tirages énoncés ci - deffus .
Ces deux Roues seront remuées et tournées
differentes reprifes et à chaque fois qu'il sortira un
Lot , deux Enfants quis feront chofis , et qui n'exce--
deront pas l'âge de dix ans , tireront ; l'un , un Billet
de la grande Roue où feront renfermés les Numeros
, et l'autre tirera un Billet de la petite Roue
où feront renfermés les Lots qui échéront aux Numeros
tirés de la grande Roue
Ces Lot et Numero feront à chaque fois annoncés
au Public à haute et intelligible voix et inscrits
fur les Regiſtres à ce deftinés.
Les Lots qui échéront à chaque Tirage feront
payés auffi- tôt la Liſte publiée , aux Porteurs des
Billets gagnans , par Mrs Perret et Roger, Receveurs
Dépofitaires , à la déduction de douze pour cent
réservés par S A. R
à On retiendra aux Porteurs des Billets gagnans
chacun des quatre premiers Tirages , outre les dous
ze pour cent ci- deffus , les payemens dont les Numeros
des Billets gagnans feront tenus pour les 2.
34. ou . Tirages , deforte que les Billets n'au
ront plus rien à payer,
Ceux auxquels il fera échû des Lots au premier ,
2. 3. et 4. Tirages , en fourniront des Quittances
particulieres au bas de Copie des Billets , dont les
Receveurs feront mention fur les Billets qui auront
gagné,
7240 MERCURE DE FRANCE
gagné , et lors du cinquiéme Tirage les originaux
des Billets gagnans , ensemble les Récepiffés des 2.
3. 4. et 5. payemens feront remis aux Receveurs
pour être payés à la deduction des douze pour cent
ci- deffus , du Lot qui fera échû au 5. Tirage.
Les Porteurs de Billets qui ne fatisferont point aux
2. 3. 4. ou 5. p yement , ne pourront plus avoir interêt
à la Loterie , leur Billet deviendra nul , et ce
qu'ils auront payé fera au profit de la Loterie .
Les Gagnans de la Loterie qui ne fe préfenteront
point six mois après la publication de la Lifte du
cinquiéme Tirage, pour recevoir les Lots qui leur feront
échûs , ne feront plus admis à en demander le
payement, et ces Lots, comme non reclamés , apartiendront
, fçavoir, moitié à l'Hôpital de la Ville de
Commercy , et l'autre moitié à celui des Enfans
Trouvés de la Ville de Paris .
Modele de billet.
LOTERIE DE COMMERCY.

Billet du prix de 150 liv Monnoye de France.
No.
Noms et Deviles.
Premier Payement douze livres .
Par le Directeur , pour Loterie
Le Porteur du présent payera dix-huit livres dans
le courant des deux mois qui suivront le premier
Tirage ; trente livres dans le courant des deux mis
qui suivront le deuxième Tirage ; 42.liv.dans le cou
rant des deux mois qui suivront le troisiéme Tirage;
et 48. liv .dans le courant des deux mois qui suivront
le quatriéme Tirage, et representera le présent Billet
à chaque payement , à peine d'en perdre la proprieté
, conformement au Plan de la Loterie plus
amplement expliqué.
POUR RIСЕТТЕ
JUIN. 1738. 1241
Modele de Reconnoissance.
LOTERIE DE COMMERCY.
Reconnoissance de liv. pour le
N'

payement
payement liures
Par le Directeur , pour Loterie
Le Porteur a payé pour le
POUR RECETTE.
Les Bureaux pour la diftribution des Billets sont
établis ; sçavoir , à Commercy , chés M. Bouchot, A
Paris , ches M. Përvet , Notaire , rue Coquillere , es
chés M. Roger , aussi Notaire , rue de Condé.
ETAT des Numeros des Billets de la Loterie,
qui ont été délivrés au Public , et qui seront
m's dans la grande Roue .
2
298
1249
4
668
.83
Depuis & compris N° . 1. jufques & compris Nº.
17512. 17512 Billets
D. & com. 17700 jufq. & com . 17701
D. & com. 17760 jufq & com . 17761
D. & com. 17904 jalq. & com . 17907
D. & com . 18000 jafq . & com . 18297
D. & com. 200ot jufq. & com . 33505 13505
D. & com. 399 11 jufq. & com. 41199
D. & com. 41328 jufq . & com . 41331
D. & com. 41732 julq. & com. 42399
D. & com. 43100 jufq. & com . 43182
D. & com. 43304 jufq . & com . 43339
D. & com. 43404 jufq . & com
D. & com. 43440 jufq. & com. 43450
D. & com. 43476 julq. & com .
D & com . 43800 jufq . & com.
D. & com. 44000 jufq. & com. 44012
D & com 44500 jufq. & com. 44595
D. & com. 4900t jufq. & com . 49303 303
D. & com. 49376 julq. & com. 49383
Et d.& com 49401 juſq . & com.
43405
36-
2
II
43500
43828
25
29
49550
13
96
8
150
34000
Billets
1242 MERCURE DE FRANCE
Lesquels 34000 Billets , à 12. livres chacun , ont
produit 408000. livres .
Il a été indifpenfable , ( comme il a été dit par le
dernier Avis qui indique le premier Tirage au 18.
Juin 1738 ) d'éviter les Lacunes , qui ont été caufées
par differens envois faits de Billets dans les
Pays Etrangers , qui n'ont pas été entierement délivrés.
Depuis l'Etat de la diftribution des Lots , qui a été
donné au Public , montant à 334. Lots , il a encore
été délivré soo . Billets , qui ont produit la fomme
de 6000. livres , dont il a été fait par addition une
augmentation de 6. Lots de 1000. livres chacun.
cy 6. Lots de 1000. livres , faisant 600 livres ;
et les Lots portés par le précédent Avis sont ,
Lot de
SCAVOIR
80000 livres
S
12
30 .
282
de 40000
de 25000
de 15000
• • de. 10000
• de 5000 livres
25000
de
3000 36000
de 1000 ·
30000
• de 500
• 141000
408000
livres
340 Lots montant à
Les mêmes arrangemens feront obfervés pour
fes Tirages fuivans.
Les Lots feront payés chés M. Perret Notaire ,
Rue Coquilliere , et chés M. Roger auffi Notaire ,
Rue de Condé tous les jours , à l'exception des Dimanches
et Fêtes , depuis trois heures après- midi
jufqu'à fix , à la déduction des douze pour cent
LIST
JUIN. 1738 8243
,
ISTE ORDINALE des trois cent
quarante Lots échûs au premier Tirage fait
au Château de la Ville de Commercy , le
18. Juin 1738. en présence de Mrs les
Chancelier , Intendant , Secretaires des
Commandemens et Cabinet DE SON
ALTESSE ROYALE Madame
Duchesse Douairiere de Loraine , de M.
fe Président de la Cour Souveraine , des
Notaire-Receveur, Dépositaire, et Direc
teurs de ladite Loterie.
DIVISION DES LOTS
Du premier Tirage.
I Lot de · 80000 livress
I · • de . 40000
I • • de 25000
· • de 15000
• · de · 10000¹

de sooo liv . 25000
12 •
36 ·
de
3000
de
1000
3:6000
36000
282 · · de soo
1410CO
840 Lots montant à
Num. Livres Num. Livres
408000 livres.
Num . Livres
20 · 500 429 1000 762 500
840 500 490 500 968
500
330 500 498
500 1011 500
361 682- 500 1243 Soo
244 MERGURE DE FRANCE
Num. Livres Num. Livres Num. Livrei
1382 500 5948 500 9603 500
1880 500 6075 1000 9753 10000
1935 15000' 6105 500 9796 80000
1951 500 6134 sco 9851 500
1962 500
6153 500 9925 500
2062 500 6279 500 9932 500
2237 500 6386 500 9946 500
2254 500 6575 500 10147 1000
2338 soo 6844
soo 10195 500 2482 500 6975
Soco
10872 500
2670 500 7048 500 10876 500
2721 500 7093 500 1 : 307 1000
2734 500 7117
5000 11330 1000
2895 500 7119 foo
11400 ၂ ဝ ၁ ဝ
3009 500 7246 Sco 11438 500
3041 40000 7250 fco 11526 500
3067 500 7350 1000 11664
3944 500 7429 foo 11647 500
4002 500 7455 f00 11649 500 40.2
500 7497 foo 11681 1000 4128
500 7568
500 11815 500 .
4292 500 7723 FOO r1980 500
4334 1000 7819
001
11996 500
449 I 500 7940 1000 12280 500
4546 500 8 IGI 500 12330 Sco
4550 500
8172 1000 12381 500
4994 1000
8219 500 12400 500
5002 500 8346 500 12630 500
$ 140 500
8422 500 12667 3000
$ 148 500
8497 500 12788 500
5192 500 8836 500 12829 500
5207 500
8859 500 12950 500
5343 500 9024 1000 13004 500
1388
500 9138 roo 13050 100
5495 500 9345 500 13.107 500
$705 500 9452 3000 13186 100
JUIN. 1738. 1245
Yum. Livres Num . Livres Nim. Livres
13288 500 16953 500 22640 100
3479 500
17012 500
22699 *500
,606 1000 17048 foo 22847 500
3639 500 17175 500 23010 500
3643 500 17285 500 23013 100
3751 500 17356 500 23023 500
3819 500 17382 ૬૦૦ 23125 500
4027 fco 17440 1000 23148 500
4 29 1000 18001 1000 23383 500
4199 500 18126 500 23446 500
4217 500 20288 5.00 23451
1000
4219 500 20312 1000 23497 500
4329 500 20317 Sco 23623
1000
4380
500 20513 1000 23906 500
4385 500 20558 500 23914 1000.
4409 500 20582 25000 24082 500
4470 1020 20599
500 24144 Soo
14494 500 20612
5,00 24313 500
14574 500 20793 3000 2445 I 500
14836 500 20805 1000 2448 I 500
14954 1,000 20912 500 24638 500
14966
500 20961 500 24666 soo
15119 500 21117
800 24790 500
15244 500 21 +50 590 24802 soa
15329 Soo 21273 5,000 24880 500
[5497 500 21382 500 24886 500
15750 500 21429 5.00 24981 500
16022 Soo 21487 500 25016 500
16024 500 21544 500 25081 1000
16094 Jco 21586 500 25131 1000
16123 500 21691 500
25237 1000
16405 500 41779 3000 25264 500
16456 500 22031 500 25304 500
16490 500 22171 500 25560 soo
26525 100 72201 500 21600 500
16742 500 22229 500 25667 500
16874 500 27631 500 28705 5000
246 MERCURE DE FRANCE
Num. Livres Num. Livres Num. Livre
25817 3000 29334 1000 32872 500
25957 500 29442 500 33015
26188 3000 29720 500 33091
26221 3000 29797
500 33156
26412 500 29899 500 33239
26466 500 29980 500 39988
26480 500 30021 1000
26545 500 30051
40034 3000
500 40068
26696 500 30068
5.00 40131
26752 500 3037! 500 40295 1000
26825 500 30432 500 40326
26921 1000 30561 500
40343
2222222§8
26959 500 30619 Soo
40355
1500
27224 500 30751
500 40418
500
27287 500
27321 500 31068
30996 1000 40457
500 40473 500
27587 500 31344 5.00 40.580
500 27610 500 31455 500 40585
27670 1000 31582 1000 40650
27690 500 31596
5.00 40710
27722
500 31872
500 40730
27806 500 31939
500 40755. Sco
28005 500 32055
500 40831
222222
28016 500 32056 500 41063 1000
28375 500 32088 foo 41735
28498
500 41794
83
32175 500 41798
foo 32125
28510 500
28568 500 32244
28841 3000 32264
29048 500 32508
29053 500 32572
29055 500 32639
500 32688 29154
29223
29235
500 32699
100 32826
29244 500 32842
29255 500 32856
3000 41826 1000
500 500 41928
500 42263
500 42351
3009
500 43311
၂ဝ၁ 43497 500
500 44577
500 49124 3cc
500
foo
Nous soussignés Notaires au Châtelet de Paris ;
Receveurs et Dépositaires des deniers de la Loterie de
Commercy certifions la Liste ci - dessus véritable , et
conforme au Procès verbal fait dudit Tirage au Chateau
de Commercy le 18 du présent mois , en foy de
quoi nous avons signé le Présent . A Paris , ce 25.
Juin 1738. Signés , PERRET et ROGER.
(
Le Second Volume est actuellement sous Presse ,
et paroîtra incessamment.
J
APROBATION.
' Ai lu par ordre de Monseigneur le Chancelier,
le premier Volume du Mercure de France du mois
de Juin, et j'ai cru qu'on pouvoit en permettre l'im
pression. A Paris , le premier Juillet 1738 .
HARDION.
P
TABLE.
IECES FUGITIVES. Epitre en Vers , 1035
Suite de l'Extrait des Poësies de M® Roger de
Collerye ,
Epitaphe de Michel Armand , &c.
Ode à Damon ,
1043
1049
1051
Lettre au sujet de la Tragédie de Britannicus, 1058-
Epitre au Sommeil ,
Eloge historique de l'Abbé Papillon ,
1062
1066
Extrait de Lettre sur les Personnes très-âgées, 1082
Ode , 1083
La Propagation du Son , Extrait d'un Mémoire ,
1085
Madrigal 1088
Réponse de M. d'Anville sur un point de Géogra
phie ,
Rondeau ,
1089
1093
Lettre sur un Article des Réfléxions sur les Ouvrag
ges
de Litterature ,
Ode Anacreontique >
1094
1103
1106
1109
servir à l'Hiftoire de la Musique ,
1110
Remede contre la Rage , & c .
Poësie Anacreontique , & c.
Mémoires pour
Vers fur la Convalefcence de M. Desforges Maillard,
1118
Lettre au fujet des Chanfons du Roy de Navarre ,
Réponse au fujet des Chanfons du Comte Thibaut,
Enigme , Logogryphes ,
1120
1132
1137
NOUVELLES LITTERAIRES , DES BEAUX - ARTS ,
&c. Bibliotheque Italique ,
Nouveaux Amusemens du coeur et de l'esprit, 1157
Estampes nouvelles ,
Phenoméne nouveau , Pierres de foudre ,
Tables Géographiques , Hiftoriques , &c.
Réponse à une Question proposée , & c.
Air noté ,
1163
1166
1169
1172
174
Spectacles. La Conspiration manquée , & c. 1176
Nouvelles Etrangeres , de Russie , et Dannemarck ,
D'Allemagne et Dresde ,
De Loraine , et Discours prononcé , &c.
D'Espagne , Portugal et Grande- Bretagne ,
D'Hollande , Pays Bas ,
Italie et Naples ,
Venise , Genes et Geneve ,
1185
1186
1193
1195
1200
Morts , Naissance et Mariage des Pays Etrangers ,
France , Nouvelles de la Cour , de Paris ,
1201
1205
1212
& c.
1215
1220
Vers , &c.
Morts , Naissance , &c. 1221
Loterie de Loraine ,
1233
La Chanson notée doit regarder la page 1174
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ
DEDIE AU ROT.
JUIN. 1738.
SECOND VOLUME.
SPARC
QUR
COLLIGIT
Papillo
Chés
A
PARIS ,
GUILLAUME CAVELIER ,
ruë S. Jacques.
La Veuve PISSOT , Quay de Conty ,
à la defcente du Pont Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais.
M. DCC. XXXVIII,
Avec Aprobation & Privilege du Roy
A VIS.
f
L
>
,
' ADRESSE generale eft à
Monfieur MORE AU Commis an
Mercure vis - à - vis la Comédie Frangoife
, à Paris. Ceux qui pour leur commodité
voudront remettre leurs Paquets ca
chetés aux Libraires qui vendent le Mercure,
à Paris , peuventfe fervir de cette voye
pour lesfaire tenir.
On prie très- inflamment , quand on adreſſe
des Lettres ou Paquets par la Pofte , d'avoir
foin d'en affranchir le Port , comme cela s'eft
toujours pratiqué , afin d'épargner , à nous
Le déplaifir de les rebuter , & à ceux qui
les envoyent , celui , non -feulement de ne
pas voir paroître leurs Ouvrages , mais
même de les perdre , s'ils n'en ont pas garde
de copie.
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les Particuliers qui fouhaiteront
avoir le Mercure de France de la
premiere
main , & plus promptement , n'auront
qu'à donner leurs adreffes à M. Moreau
qui aura foin de faire leurs Paquets fans
perie de temps , & de les faire porter sa
Pheure à la Pofte , on aux Meffageries qu'or ,
lui indiquera.
PRIX XXX. SOLS.
>
MERCURE
DE
FRANCE ,
DÉDIÉ
AU
ROT
JUIN. 1738.
PIECES. FUGITIVES ,
en Vers et en Prose.
ODE
Imitée d'HORACE , Sic te Diva potens
Cypri &c.
UISSES - TU de l'humide Plaine
Heureusement fendre les flots ,
Guidé par les Freres d'Helene ,
Et par la Reine de Paphos !
Vaisseau , daigne Eole exorable
T'accorder un Vent favorable ,
Enchaîner les Vents ennemis
II. Vol.
A ij Afin
1248 MERCURE DE FRANCE
Afin qu'à l'Attique Rivage
Tu portes sans aucun dommage
Mon Virgile à ta foi commis !
X
Quiconque fut l'homme intrépide ,
Qui le premier put s'engager
A courir l'Ocean perfide ,
Sur un Vaisseau frêle et léger ,
Sourd aux menaces furibondes
Des Vents divers qui sur les ondes
Exercent leur droit souverain ,
Oui , quand il tenta cette route ,
H eut le coeur muni , sans doute ,
Et de chêne , et d'un triple airain.
**
"
Quel degré de mort épouvante ,
Celui qui peut voir sans terreur
Les monstres que la Mer enfante ,
Ses écueils , ses flots en fureur ?
En vain le Maître du Tonnerre
Prit soin de séparer la Terre
> Du profond abîme des Eaux
Si le Détroit le plus sauvage ;
Est contraint d'ouvrir un passage
A nos téméraires Vaisseaux .
C'es
JUIN. 1249 1738.
*
C'est ainsi qu'à l'humaine audace
Les plus grands forfaits coûtent peu,
De Japhet l'insolente race
Dans les Cieux déroba le feu ;
Présent à la Terre funeste !
Mille maux , la Fiévre , la Peste ,
Régnerent dès -lors ici bas.
Bientôt leur rigueur excessive
Fit que la Mort , jadis tardive ,
Vers les humains doubla le pas.
Avec des aîles qu'il sçut faire
Dédale s'éleva dans l'air.
Pour s'emparer du fier Cerbere ,
Hercule osa forcer l'Enfer .
Rien aux Mortels n'est difficile ;
Notre fureur trop indocile
Au Ciel même adresse ses coups .
Sans fin , nos attentats horribles
Allument les foudres terribles ,
Que Jupiter lance sur nous .
A iij
DISSER
T250 MERCURE DE FRANCE
tatatat
DISSERTATION sur l'Origine de quelques
Arts Méchaniques, par M. JUVENEL.
Lourir ,sont ainsi apellés par oposition
Es Arts Méchaniques que je vais par
aux Libéraux , tels que l'Architecture la
Sculpture , la Peinture , qu'on regarde comme
une production plus noble de l'esprit
humain. Je ne sçais si cette distinctión a des
fondemens bien solides , et si l'on ne met
pas une trop grande distance entre des Arts,
qui sont également utiles à la Societé . La sage
Antiquité n'en jugeoit pas ainsi , et il est
croire que nous déferons un peu trop aux
Préjugés de notre Education .
De tous ces Arts , la Charpenterie est le
plus ancien. On ne peut douter qu'il ne fût
connu dès l'origine du Monde ; mais il faut
avouer qu'il a eu de foibles commencemens.
Les premiers hommes ne songerent d'abord
qu'à se garantir de la pluïe , er des injures
de l'air. Dans cette vûe , ils se firent des cabanes
de branches d'arbres. Ils se servirent
ensuite de torchis , pour rendre plus fermes
les cloisons de leurs hutes , qu'ils couvrirent
de chaume . Enfin , comme le goût de la
portion est naturel à l'homme , on disposa
avec quelque symétrie les poteaux , les sa-
,
problicres
JUIN. 1738. 1251
blieres ; et les Fermes de Charpente , qui
donnerent l'idée des Colonnes , des Architraves
, et des Frontons , qu'on executa en
pierre .
>
Telles étoient les anciennes habitations
lorsque les hommes changeoient souvent de
demeures. Dans la suite des temps ils eurent
des Etablissemens fixes en diférentes Contrées
, et alors ils penserent à donner plus de
solidité à leurs Edifices. Les premiers matériaux
que l'on y employa, furent les Briques ,
tantôt cuites au fourneau , tantôt sechées à
l'air pendant plusieurs années , et la diversité
des grandeurs et des figures de ces Briques,
rendoit la maçonnerie plus durable , et plus
agréable à la vûë . Nembrod, arriere petit - fils
de Noé , fit de cette façon les murs de Ba
bylone. L'Invention de la Brique précéda
néanmoins le Regne de ce Prince , et elle
est antérieure au Déluge , s'il faut en croire
Sanchoniathon . Cet Historien Phénicien .
contemporain de Gédeon , selon Bochart
dans un précieux fragment qu'Eusebe nous a
conservé , dit , que la septième génération
inventa la Brique , et il ne place que dans la
dixième, Sydyk , ou , le Juste , que M. Fourmont
l'aîné ne hésite point de prendre pour
Noé. ( Réflexions Critiques sur les anciens
Peuples. )
Cette maniere de bâtir fut connue des
Egyptiens, A iiij
4
1252 MERCURE DE FRANCE
Egyptiens , [ les travaux dont les Hébreux
furent accablés sous la tyrannie de ce Peuple,
Exod. Cap. 1. v. 14. ) en sont une bonne
preuve . ] Elle passa dans l'Asie Mineure , et
jusques dans l'Italie. Vitruve nous aprend ,
( Lib. II. Cap. 8. ) que le Palais de Mausole
, Roy de Carie , étoit de brique , quoique
très - magnifique ; et l'Empereur Auguste
se vante dans Suetone ( in August. Cap. 28.)
de laisser presque toute de marbre la Ville de
Rome , qu'il avoit trouvée bâtie de brique .
La nécessité avoit fait inventer la Poterie
dans les vastes Plaines de la Chaldée , où cet
Art prit naissance. Mais les Israëlites , dont
le Pays étoit coupé de plusieurs montagnes ,
se servoient beaucoup de pierre pour bâtir ,
et ils sçavoient la tailler en des pieces de huit
e de dix coudées , c'est - à - dire , d'environ
douze et quinze pieds. Il n'est pas douteux ,
qu'ils n'eussent des Artisans de profession ,
qui travailloicnt sur la pierre. Salomon avoit
quatre- vingt mille Carriers , ou Tailleurs de
pie re soixante- dix mille Manoeuvres , qui
por oient les fardeaux , ou qui les traînoient
sur de petits chariots ; nous les apellerions
aujourd'hui Bardeurs ; et trois mille trois
cent Personnes , qui donnoient les ordres au
Peuple , dit l'Ecriture , ( Reg. Lib. III. Cap.
5. v. 15. et 16. ) c'étoit sans doute les Apaxilcurs.
On doit encore ajoûter à ces Artisans
JUIN. 1738. 1253
šans les Marbriers ; car ce qui est nommé
dans les Livres Saints pierres précieuses, sont,
comme chacun sçait , divers Marbres.
Les plus beaux Marbres que nous mettons
aujourd'hui en oeuvre viennent d'Egypte
, et les Egyptiens étoient trop industrieux,
pour négliger cet avantage . Mais la pierre
leur manquoit ; ce fut de l'Arabie et de l'Ethiopie
, qu'ils tirerent celle qui servit à la
construction de la grande Pyramide . Pour
les Romains , outre la brique , qui avant Auguste
, étoit chés eux d'un ufage ordinaire ,'
ils employoient la pierre dans les plus grands
Edifices , comme le Colisée , et ils la prenoient
fur les bords du Teveron.
En Orient , et même dans la Grece , les
combles des maifons étoient plats . On couvroit
ces Bâtimens en terrasse , de carreaux de
pierre , et fouvent d'un mortier , qui devenoit
extremement dur. Mais dans les Pays
Septentrionaux , on s'aperçut bientôt que ces
couvertures ne défendoient pas de la pluye
et de la nege , et l'on s'avifa de les élever en
faîtes. On fit donc des combles , plus ou
moins exhaussés , felon les divers Climats
et selon la matiere dont on les revétoit ; car
on y employa le chaume , la tuile , l'ardoife,
et le plomb. Ici la Charpenterie fut princi
palement mise en oeuvre ; aussi bien que
pour les planchers , qui servirent à séparer
A v les
1254 MERCURE DE FRANCE
les Etages ; autre invention des Pays froids ,
car ch's les Lévantins tous les logemens sont
au Rez de chaussée.

On demandera peut-être , s'il y avoit des
Charpentiers de profession parmi les Anciens.
Pour répondre à cette question , distinguons
les temps. Il est certain que dans les premiers
siecles , c'étoit un honneur de faire
soi - mêine les choses nécessaires à la vie , ct
de ne dépendre de personne . Noé construisit
l'Arche , qui le sauva des Eaux du Déluge.
( Genes. Cap. 6. ) Ulysse fit son Vaisseau,
quand il partit de l'Isle de Calypso , ( Odyss.
Lib. V. ) et cette observation a lieu pour
tous les autres Arts Méchaniques . A cette
noble simplicité succéda un luxe et une
mollesse , qui empoisonnerent tout ; et ce fut
alors , que les Métiers les plus utiles furent
abandonnés à de pauvres esclaves , ou à des
ouvriers mercenaires , que l'on distingua en
diférentes Professions . Ainsi sous le Regne
de David on vit un grand nombre de Charpentiers
, de Maçons , de Forgerons ; et depuis
la division du Royaume de Salomon, il
y eût dans la Tribu de Juda un Lieu nommé
, la Vallée des Artisans. ( Paral. Lib. I.
Cap . IV. v. 14. ).
A Rome , la distinction des Patriciens et
des Plébéïens , et la division du Peuple en
diferentes Classes , ne laissent pas douter
que
JUIN. 1738. 1255
que l'exercice des Arts , dont il est ici question
, ne fût le partage des derniers rangs . Ces
Arts avoient été portés par les Toscans à un
assés haut degré de perfection ; et pour me
restraindre à la Charpenterie , j'admire ce
Pont si célebre , qui parut sur le Tybre du
temps d'Ancus Marcius. Il étoit de bois
sans cloux ni chevilles de fer , et fut apcllé
Pons Sublicius . Dans la cuite on donna à ces.
sortes d'ouvrages de Charpente le nom de
Buleuterium et ils devinrent assés communs.

Le Charpentier fait la grosse besogne , mais
le Menuisier travaille en petit ; ce qui lui a
fait donner , selon quelques - uns , le nom de
Minutarius. ( Plin. Lib . XXXVI. Cap. 15. )
L'ouvrage de Menuiserie le plus ancien et le
plus parfait est le Tabernacle , qui fut dressé
dans le Désert par Béseléel et Ooliab , deux
fameux Artisans, dont la Science fut inspirée
de Dieu , comme l'Ecriture semble le dire.
( Exod. Cap. 26. v. 15. et sequ. Cap. 31. v.
2. et sequ. ) On ne voit pas que cet Art fût.
d'un grand usage pour les Orientaux , du
moins dans les temps les plus reculés ; son
Epoque doit être fixée au Regne de David..
Ce Prince dit , que tandis que l'Arche du
Seigneur ne logeoit que sous des peaux , il
habitoit une Maison de Cédre. ( Reg Lib. II.
Cap. 7. v. 2. ) On lambrissoit donc dès -lors:
A vi
les
# 256 MERCURE DE FRANCE.
les Apartemens , et l'on choisissoit les bois
o loriférans , pour en revétir en dedans les
Bâtimens les plus riches. Salomon porta plus
loin la magnificence à cet égard. Il lambrissa
de Cédre le Temple , tant par les côtés, que
dans le Plat- fond , et il le planchéïa de bois
de Sapin. L'Ecriture remarque , ( Reg. Lib.
II. Cap. 6. v. 15. 18. ) que l'assemblage
étoit fait avec grand art . Ce Prince fit dans le
même goût son Palais apellé , La Maison du
bris de Liban , et celui de la fille de Pharaon
sa feme : Lambris , Colonnes , tout y étoit
de bois de Cédre. ( Ibid. Cap. 7. v. 2. 3.8 . )
Ces Ouvrages de Menuiserie furent executés
par trente mille Ouvriers , que Salomon
choisit de tout Israël , et qui étoient dirigés
par Adoniram leur Chef. ( Ibid. Cap. s . v.
13. 14. ) Il est vrai que les Israëlites furent
obligés de s'aider des Sujets du Roy de Tyr,
parce qu'ils ne sçavoient pas si bien couper
le bois que les Sydoniens. ( Ibid. Cap. 6.v.
6. ) Ceci prouve , ce me semble , que cet
Art étoit encore nouveau pour les Hébreux,
et que les Phéniciens en étoient les Inventeurs.
Ceux qui sont au fait de la Menuiserie
ct de la Sculpture , sçavent qu'on apelle bien
couper le bois , quand un ouvrage est bien
t availlé , quand il est coupé tendrement, et
qu'il n'y paroît ni dureté , ni sécheresse .
Les Grecs des temps héroïques n'ignoroient
JUIN. 1738. 1257
roient pas la Menuiseric , mais ils la faisoient
servir aux besoins effectifs , non à la vanité
et à la mollesse . Homere nous en donne un
exemple très -remarquable ( Ody´s. Lib. 23. )
c'est ce Lit , qu'Ulysse dressa d'une maniere
si singuliere , que sa structure servit à le faire
reconnoître de sa femme Penelope.
,
Les Athéniens s'apliquerent principalement
aux Arts. Leur Pays assés serré , et naturellement
stérile ne pouvant les faire
subsister , les invitoit à vivre d'industrie , et
à travailler pour le Public . Le pere de l'Orateur
Demosthenes occupoit vingt esclaves à
faire des lits et des tables de bois rare ,
cette Manufacture lui raportoit par an douze
Mines , ( Orat. I. Demosth. contr. Aphob. )
c'est - à- dire , six cent livres , suivant le calcul
de quelques Sçavans.
Le Vernis donne du lustre aux ouvrages
de Menuiserie , et il les exempte de la vermoulure.
Les Chinois depuis plusieurs siecles
l'employent avec succès. Seroit- il possible
que les Grecs , qui ont perfectionné tous les
Arts , eussent négligé un moyen si facile , et
que la Nature semble enseigner Il est certain
qu'ils connoissoient le Vernis , puisqu'au
raport de Pline , ( Lib . X X X V. Cap. 11. )
Nicias d'Athenes en apliquoit un excellent
aux Statues de marbre de son Ami Praxitéle,
qui en relevoit l'éclat , d'où l'on peut inférer
que
1258 MERCURE DE FRANCE
que ceux qui travailloient sur le bois , n'avoient
garde de fe priver d'un pareil fecours,
qui rendoit leurs Ouvrages et plus beaux , et
plus durables. Les Grecs Asiatiques s'apliquoient
à la Marqueterie , qui met en oeuvre
diférens bois , pour représenter des figures ;
et les Romains , après avoir fubjugué l'Orient
, firent de ces fortes d'Ouvrages , d'après
les Peuples qu'ils avoient vaincus.
L'Art de tourner est très - ancien , mais
l'origine du Tour est bien obscure . Tous les
Auteurs donnent aux Grecs l'honneur de son
Invention. Diodore de Sicile l'attribue à un
Neveu de Dedale , nommé Talus. Pline aur
contraire , veut que ce soit Phidias , ce céle--
bre Statuaire , contemporain de Péricles ; et
il ajoûte que cet Art naissant fut perfectionné
dans la suite par Polycléte. ( Hist. de Phi
dias par M. l'Abbé Gedoyn, Mém. de l'Acad.
des Belles Lettres , Tome IX. ) Long - temps
auparavant Theodore de Samos avoit mis en
usage llee Tour Tour , pour les ouvrages de Poterie
, selon le témoignage du même Pline ;
( Lib. VII. Cap. 56. ) ainsi l'on doit à Phidias
, si non la premiere idée de cette ingénieuse
machine , du moins les premiers Ouvrages
en bois qu'elle enfanta ; et l'Historien
Latin n'est nullement en contradiction avec
lui - même , comme on pourroit d'abord l'en
soupçonner.
Quoiqu'il
JUIN. 1738. 1259
Quoiqu'il en soit , les Anciens se servirent
principalement du Tour pour faire toures
sortes de Vases , dont quelques - uns
étoient ornés de figures et d'ornemens de demi
relief, ( Virgil. Eglo. III. ) ce qui fit donner
chés les Romains à ces Artisans le nom *
de Vascularii. ( C.c. Orat. IX in Verr. )
Les Modernes ont bien enchéri à cet égard
sur les Anciens ; et dans ces derniers temps,
on a fait sur le Tour des Ouvrages d'une délicatesse
inconcevable. Du reste , comme
dans cet Art le succès dépend des machines,
plusieurs Personnes de Qualité ont souvent
pris plaisir à tourner ; témoin , selon le Gar-
Zoni , Alphonse II . Duc de Ferrare .
1
Les Grecs et les Romains crurent embellir
leurs ouvrages de terre , de bois , ou de.
marbre , en les dorant ; bien éloignés en cela:
de la magnificence des Hébreux, qui avoient
couvert de lames d'or l'Arche de l'Alliance
la Table des pains de Proposition , ( Exod.
Cap: 25. ) et l'Oracle du Temple de Jerusalem.
( Reg. Lib. III. Cap. 6. ) Ils s'aviserent
aussi d'étendre l'or par feuilles très-minces
qu'ils apliquoient sur le marbre , avec des
blancs d'oeufs ; et sur le bois avec une composition,
nommée Leucophaeum, faite de terre
glutineuse , qui tenoit lieu d'assiette. ( Plin.
Lib. XXXIII. Cap. 3. ) On se servit de la
seconde maniere , pour dorer la Statuë de
Minerve,
1260 MERCURE DE FRANCE.
Minerve , que Phidias fit pour les Platéens ,
après la Bataille de Marathon. Pausanias in
Bæoti. )
Cet Art , né dans la Grece , ne fut reçu à
Rome que sous le Consulat de P. Cornelius
Cethegus , et de M. Babius Tamphilus. Car
en ce temps là , c'est - à - dire , l'an de Rome
571. ou 573 Acilius Glabrion , Duumvir ,
fit dorer la Statuë de son Pere . ( Livi. Lib.
XL. N. 34. ) Auparavant on se contentoit
de donner une couleur rouge aux Bustes
des Ancêtres , que les Patriciens conservoient
religieusement , et cette modération
me paroît plus loüable , que le luxe effrené
qui lui succéda bientôt. Pline ( Lib. XXXIII.
Cap. 3. ) marque l'Epoque de ce luxe par
raport à la dorure , sous la Censure de Lucius
Mummius. Les Particuliers commencerent
alors à donner aux voûtes et aux murailles
de leurs chambres un ornement, qui dans
de meilleurs temps étoit réservé aux seuls
Lambris du Capitole. les
Le Secret de peindre à l'huile , que
Modernes ont trouvé dans les derniers siecles ,
leur a fourni une maniere de dorer, inconnue
aux Anciens , et qui ne craignant ni l'air , ni
Peau , résiste à toutes les injures du temps.
Je doute même que ceux - ci sçussent dorer
d'or moulu les Figures , et les autres Ouvrages
de mét 1 Mais ils étoient fort habiles à
façonner
JUIN. 1261 1738.
façonner 1 : Fer et l'Acier ; et l'art de travauler
sur les métaux touche presque à l'origine
du Monde.
En effet , Tubalcaïn , fils de Lamech , fut
le premier , dit l'Ecriture , ( Genes. cap. 4.
. 22.) qui forgea du fer. Ici Sanchoniathon,
que j'ai déja cité , est parfaitement d'accord
avec Moïse , lors qu'il attribuë l'Invention
du fer à la septième génération. Les Orientaux
aprirent bientôt la maniere de fondre
les métaux , en conservant néanmoins celle
de les étendre sur l'enclume . Ainsi ils jettoient
en bronze leurs Ouvrages , ou bien
ils les formoient de lames battuës et jointes
ensemble par le marteau. Les Phéniciens
étoient , sans doute , des Fondeurs excellens
, puisque Salomon fit venir de Tyr Hiram
, pour jetter en fonte la Mer d'airain et
les deux Colonnes de dix- huit coudées de
haut , qu'il plaça au vestibule du Temple ,
sans parler des dix Cuves et des Vases innombrables
destinés aux Sacrifices . Tous ces
Ouvrages furent fondus près de Jerico ,
parce que la Terre y étoit argilleuse , ( Rg.
lib. 3. cap. 7. ) preuve évidente que les Anciens
se servoient , comme nous
les , et que nous n'avons rien ajoûté à l'art
de jetter les Figures de bronze .

de mou-
Au reste les Phéniciens , voisins de l'Egypte,
n'ignoroient pas l'alliage des métaux,
s'il
262 MERCURE DE FRANCE
s'il est vrai , comme on le croit communément
, que les Egyptiens s'aviserent les premiers
de mêler , avec une certaine proportion
, le cuivre rouge avec le cuivre jaune.
Ce secret , inséparable de la fonte , se communiqua
ensuite à la Grece , où l'on vit de
beaux Ouvrages de diferentes compositions,
dont les plus célébres furent l'Electrum et
l'Orichalcum. On sçait que les habitans de
Delos firent dans ce goût des Vases qui le
disputoient à ceux de Corinthe:
>
L'Acier n'est autre chose qu'un Fer plus
épuré. Les Grecs faisoient venir celui qu'ils
mettoient en oeuvre , du Pays des Chalibes
peuples de Cappadoce, ( Virgil. Georg. lib.1 .)
où , selon quelques -uns , du Roïaume de
Galice en Espagne , et des environs d'un
Fleuve que nous apellons Chabé , et qu'on
nommoit autrefois Chalybs . Les Athéniens
emploïoient cet Acier pour fabriquer les
Epées et les autres Armes. La Forge du Pere
de Démosthenes est fort célébre ; elle lui raportoit
chaque année trente mines , qu'on
évalue à 1500. livres , et occupoit trente
Esclaves ,( Demosth . Orat. 1. contr. Aphob.
Les Armes défensives , qui sortoicnt de ces
Forges , étoient le Casque , et la Cuirasse
qu'on apelloit Thorax. Zoïle fit pour Démé
trius Poliorcéte deux Cuirasses à l'épreuve
des
coups , et qu'une Fleche lancée par une
Catapulte
JUIN. 1738. 12637
Catapulte , à vingt - six pas de distance , ne
faisoit qu'effleurer , ( Plutar. in Demetr. )
Tarquin l'ancien, originaire de Corinthe , inintroduisit
à Rome la plupart des usages des
Grecs , ( Florus, l. 1.c.5 . ) , et d'un autre côté,
les Romains emprunterent bien des choses
des Nations Grecques,qui étoient répanduës
dans l'Italie. L'Art de forger le Fer , et celui
de fondre les métaux , font , sans doute ,
partie de ces connoissances utiles , dont les
Romains , dès les premiers temps , furent
redevables aux Grecs. Et quant à la Fonte ,
il eft certain que pour jetter toutes sortes
d'Ouvrages , on faisoit en Italie des Moulesd'une
espece de pierre qui résistoit au feu
et qui se trouvoit près du Lac de Volsene
(Plin . lib. 37.cap 22. Vitruv. lib. 2. cap.7 . )
Si nous avons retenu l'ancienne maniere
de jetter en bronze , nous nous sommes bien
écartés de l'ancienne maniere de monnoïer.
Les Romains faisoient leurs Médailles aus
marteau , et les marquoient avec des Coinse:
des Piles , especes de poinçons au bout
desquels étoient gravés la Tête et le Revers.
Aujourd'hui nos Ouvriers se servent de Balanciers
pour presser le carré, où est gravé en
creux ce qui doit être en relief dans la Mé
daille , ou dans la Monnoïe , et ils ont abandonné
aux Hollandois les Trousseaux et les
Piles , ( Felib. Diction, des Arts. )
On
1264 MERCURE DE FRANCE
On est surpris que les Anciens , Inventeurs
de l'alliage des Métaux , aient ignoré
la fabrication des Cloches , dont l'usage n'a
été reçu que vers le septiéme siecle de l'Ere
chrétienne , pour donner le signal de la
Priere aux heures reglées. Je ne sçais si ce
reproche est bien fondé ; car il paroît par le
témoignage des Auteurs , que les Anciens
avoient des clochettes dans leurs maisons et
dans les bains . Quelque raison particuliere
les aura donc empêchés de faire de grandes
cloches pour apeller le Peuple aux ass mblées.
Ne seroit - ce pas la rareté de l'étain ,
qui entre pour une bonne partie dans la
composition de leur Métal , et dont les Mi.
nes ont été découvertes assés tard ? Quoiqu'il
en soit , cet Art , originaire d'Italie ,
fut perfectionné en France dans le quatorziéme
siecle ; et sous le Regne de Charles V.
Jean Jouvente fit la cloche du Palais , à
Paris , et celle de l'horloge de Montargis ,
deux Ouvrages de fonte , qui ne le cedent
que pour le poids et le volume à ceux de
cette espece qu'on a faits depuis.
Nous nous flatons d'une superiorité sur
les Anciens , par raport à quelques inventions
nouvelles , comme celles des étriers ,
des selles , des brides , et , si l'on veut , des
cloches mais avoüons de bonne foi que
nous leur sommes bien inférieurs du côté de
la
I
JUIN. 1738.
1269
la trempe de l'Acier. Les Anciens travailloient
le Porphyre avec facilité : témoin le Tombeau
de Bacchus, qu'on voit à Rome ; la Minerve ,
et les Bustes des douze Césars, qui sont parmi
lesAntiques du Roy. A la renaissance des
- Arts , les
morceaux de
Porphyre , qu'on
trouva dans les ruines ,
inviterent les Artisans
les plus habiles à les mettre en oeuvre . Mais
comme l'on ignoroit quelle trempe il falloit
donner aux outils pour un travail si difficile,
on fit plusieurs essais dont le succès ne fut
pas heureux . Leon Baptiste Albert fut un de
ceux qui s'y apliquerent avec le plus d'ardeur
, et ses épreuves réussirent jusqu'à un
certain point. Cosme de Medicis alla plus
loin.
Francesco Tadda , à la faveur d'une eau
que ce Prince avoit tirée de quelques herbes,'
et dans laquelle il trempa les outils tout rou
ges , parvint , dit - on , à faire un Bassin de
Fontaine , et trois petits Bas- Reliefs d'un
travail fort recherché. Quand ce fait seroit
aussi certain , qu'il me paroît douteux , ce
prétendu secret aïant péri avec son Auteur ,
la
trempe pour le Porphyre est encore ignorée
, et toute l'habileté de nos meilleurs Ouvriers
se réduit à
donner , avec une peine
infinie
une forme ronde ou platte à ce
Marbre intraitable , sans pouvoir l'assujetir
à aucune figure de relief. ( Felib. Princ. des
Arts , liv . 1. cb. 12. ),
,
L'Or
1266 MERCURE DE FRANCE
2
L'Or est moins nécessaire à l'homme
que
le Fer ; aussi l'Orfèvrerie a constament une
date moins ancienne que la fonte des autres
métaux . Cet Art que notre luxe rend aujourd'hui
si commun, a pris naissance en Orient ;
et les premiers de sesOuvrages, dont il soit fait
mention dans l'Histoire , sont les Bracelets ,
et les Pendans d'oreille , qu'Eliezer , serviteur
d'Abraham , donna à Rebecca de la part de
son Maître. ( Genes. cap . 24. v. 22. ) Ils
étoient d'or , et pésoient douze sicles , c'està-
dire six onces . Dans le désert , les Israëlites
donnerent leurs bijoux pour jetter en
fonte le Veau d'or et les Vases du Tabernacle
( Exod. cap . 32. v . 2. cap. 3.5 . v. 22.)
Ils en avoient dépouillé les Egyptiens, dont le
faste et la mollesse peuvent avoir contribué à
la perfection de l'Orfèvrerie . Mais ce fut principalement
dans la Syrie, et dans les Provinces
de l'Asie Mineure que cet Art fit des progrès
surprenans . Diodore de Sicile assure (lib.16. )
que les Trépiés , les Vases , les Tables , les
Couronnes d'or et d'argent , dont on enrichit
le Temple de Delphes, montoient à dix
mille talens , ou à trente millions . Et Ciceron
épuise son éloquence à décrire le Buffet
d'Antiochus , Roi de Syrie , et sur tout le
superbe Chandelier d'or que ce Prince destinoit
au Capitole. ( In Verr. de Signis.
On se persuadera aisément que l'Orfévrerie
JUIN. 1738. 1267
temps
rie passa bientôt de l'Asie en Europe , et du
de Pompée , Praxitele , qu'il ne faut
pas confondre avec le Sculpteur , se fit un
grand nom par d'excellens Ouvrages en ce
genre. Cet Art fut en honneur sous les Empereurs
; mais le peu qui nous reste de l'Histoire
de l'Empire nous dérobe la connoissance
de ceux qui s'y distinguerent.Il y avoit
sans doute , à Constantinople un grand nombre
d'Orfèvres du temps de Constantin ,
puisqu'au raport d'Anastase ce Prince
donna à la seule Basilique de Latran diverses
pieces d'Orfèvrerie du poids de mille
dix -sept marcs d'or , et de vingt - neuf mille
cinq cent marcs d'argent. Il est vrai que le
mauvais goût de ce siecle et des précedens
ne permit pas de porter les Ouvrages de cizelure
à ce degré de perfection où ils avoient
été dans les bons temps , et qu'on admire
aujourd'hui dans les Chef- d'oeuvres de Ballin
, et des sieurs Launay et Germain.
,
La Taille des Pierres précieuses suivit de
près l'Orfèvrerie , de laquelle elle est l'assortiment
le plus complet. Bezeléel tailla , dit
l'Ecriture ( Exod. cap. 39. ) les 12. Pierres
du Rational . On y voit l'Onyx , la Sardoine,'
le Saphir, le Beril, l'Emeraude , l'Améthiste ;
mais nulle mention du Diamant . Les Syriens
sont peut-être les premiers qui l'aient connu .
Du moins est- il certain que le Chandelier
d'Antiochus
1268 MERCURE DE FRANCE
d'Antiochus en étoit tout couvert. Le peu de
commerce qu'on avoit avec les Indiens , et
Pextrême dureté du Diamant , peuvent en
avoir rendu dans les premiers temps l'usage
très- rare . L'Agathe est plus facile à polir et
à façonner , et les Anciens en firent des
Vases d'une grande beauté , que nos Lapidaires
ont heureusement imités.
Tous les Arts que je viens de parcourir
paroissent avoir été éxécutés , dans tous les
temps , de la même maniere , et suivant les
mêmes principes : en voici un qui a fort varić
, soit pour la matiere , soit pour la forme.
Dès que l'Ecriture fut introduite dans les
Pays Orientaux , pour conserver à la posterité
la mémoire des évenemens remarquables
, on écrivit sur des feuilles de Palmiers .
On se servit ensuite d'écorces d'arbres , aisées
à rouler , d'où est venu le mot Liber.
Ensuite on imprima les caracteres sur des
planches fort minces , enduites de cire, avec
un poinçon , dont l'un des deux bouts , qui
étoit plat , servoit à effacer ce que l'on avoit
écrit , et cette maniere d'écrire nous a donné
le nom de Style .
Enfin vint le papier fait de la Plante apellée
Papyrus ou Byblos (Plin. lib . 13. cap. 11. )
Varron dans Aulugelle ( Lib . 13. ) recule un
peu trop cette invention , en l'attribuant à
Alexandre le Grand , lorsqu'il bâtit Alexandrie
;
JUIN. 1738. 126
arie , en l'année 33 11. avant J. C. Le papier
d'Egypte est constamment plus ancien que
ce Prince , qui ne fit que le rendre plus commun.
Les Sçavans sont partagés sur le Papy.
rus , et on ne peut rien dire de fort assuré
de cette Plante , ainsi que de quelques autres
dont il est souvent parlé dans les Auteurs.
Le sentiment le plus vrai- semblable
est celui de M. Maillet , ancien Consul de
France au Caire , qui prétend que le Papyrus
est le Figuier d'Adam , arbre fort remarquable
par ses feuilles longues d'une aulne , et
larges de deux pieds , et par ses Figues qui
croissent par bouquets. ( Description de l'E
gypte par M. l'Abbé le Mascrier
L'Egypte fournissoit le papier à tout l'Orient.
Mais quand Eumenes , Roi de Pergame
, voulut dresser dans cette Ville une Bibliotheque
sur le modele de celle d'Alexandrie
, le Ptolomée qui regnoit alors , craignant
que l'entreprise de ce Prince n'obscurcît
la gloire des Rois d'Egypte , qui avoient
assemblé près de sept cent mille volumes
avec des dépenses immenses et un travail infatigable
, il défendit la sortie du papier sous
des peines très -rigoureus: s. Eumenes surmonta
cet obstacle , en faisant transcrire
tous les Livres qu'il put découvrir , sur le
parchemin , qui porte encore le nom du
Lieu de son origine ( Carta Pergamena ) Voss.
II. Vol. B Etym
,
270 MERCURE DE FRANCE.
Etym. Ce fut donc à Pergame que les Grecs
commencerent à se servir de Parchemin , ou,
ce qui est plus probable , à en renouveller
l'usage , qui peu de temps après cut cours
dans l'Occident . Il étoit tout établi à Rome
vers la fin de la République. C'est ce que
nous aprend Ciceron , ( Epift. 8. lib. 4. ad
Atticum.) qui, de retour de son éxil , et vou
lant mettre en ordres ses Livres , demanda
à son cher Atticus deux de ses Esclaves ,
qui passoient pour être de fort bons Relieurs.
Sur quoi il faut observer qu'en ce
temps-là les Livres des Anciens étoient de
longs rouleaux composés de plusieurs feuilles
de parchemin , colleés les unes aux autres,
et que ceux qui s'apliquoient à unir ces
feuilles s'apelloient Glutinatores.
pa-
Quand l'Egypte fut soumise aux Romains,
sous l'empire d'Auguste , cette Province ;
renduë tributaire , fournit tous les ans à la
ville de Rome une certaine quantité de
pier. Aurelien renouvella ce tribut et le fixa.
D'ailleurs la grande consommation de papier
qui se faisoit dans l'Empire , engagea
plusieurs Particuliers à faire des Plantations
de Papyrus dans l'Egypte , et Vopisque remarque
, que Firmus qui y avoit de grands
biens , se vantoit de pouvoir entretenir une
armée de ce qu'il tiroit du papier et de la
cólle , qui étoient à lui .
" Les
JUIN. 17388 1275
Les Arabes , après avoir subjugué l'Egypte
et l'Orient , substituerent à l'ancien papier
celui de chiffons , ou d'étoffes de soie.
Ils le porterent en Espagne , et delà le répandirent
en Allemagne au commencement
du quatorziéme siecle. C'est de ces peuples
que nous tenons notre papier.
Le papier de la Chine n'a pas souffert les
mêmes révolutions , et son origine est si
ancienne , qu'il est impossible de la fixer
d'une manière bien précise. On ne sçauroit
lui assigner d'autre époque que celle de l'Ecriture
même ; et pour déterminer celle - ci ,
il faut remonter jusqu'à la naissance de l'Empire
de la Chine. Or si l'on exclud de son
Histoire les temps héroïques ou fabuleux ,'
on trouvera , selon le Pere du Halde , près
de quatre mille ans pour la durée de cet Em.
pire , et on ne mettra tout au plus le commencement
des temps historiques de la Nation
Chinoise , avec un sçavant Académi
cien ( M. Freret ) qu'au temps de la Vocation
d'Abraham. Ceux qui seront curieux
d'aprendre la maniere de faire ce papier ,
trouveront un ample éclaircissement sur cette
matiere dans les Mémoires de l'Académie
Roïale des Belles - Lettres , et dans la Dest
cription de la Chine par le R. P. du Halde.
Bij
IMI
272 MERCURE DE FRANCE
Satyre du IMITATION de la III
premier Livre d'Horace , Omnibus hos
vitium est Cantoribus , &c.
CE'Est des Musiciens la commune folie,
De ne chanter jamais quand on les en suplie ,
Et de chanter toujours quand on ne le veut point.
Tigellius poussa ce vice au plus haut point.
César, (a) qui pouvoit prendre un ton fier et severe ,
Par sa propre amitié, par celle de son Pere , (b)
Eût en vain conjuré notre Musicien ;
César , en le priant , n'en eût obtenu rien ;
>
Mais quand la fantaisie en venoit à cet Homme ,
Alors vous l'entendiez ,de l'oeuf (c ) jusqu'à la pomme,
Sans treve, sans repos, chanter , Vive Bacchus ,
Tantôt faisant la Basse et tantôt le Dessus.
Variable , inégal dans toute sa conduite ,
Il couroit quelquefois comme prenant la fuite ;
Pour éviter les coups d'un Ennemi pressant.
Quelquefois il marchoit d'un pas grave et décent ;
Qn eût dit qu'en un jour de Prieres publiques ,
(a) Auguste.
(b) Jules- César qui avoit adopté Auguste.
(c) Les Romains faisoient servir des oeufs au com
mencement du repas et des pommes à la fin.

JUIN. 1738% 1274
Il portoit de Junon quelques vases mystiques.
Au surplus , il avoit à son commandement
Un jour deux cent Valets , l'autre dix seulement ;
Tantôt , pour donner poids à ses doctes remarques ,
Il citoit comme amis les Rois et les Tétrarques ;
Tantôt , fi , disoit - il , des grandeurs ! il suffit
ל כ
Que jaye une Saliere , une table , un habit ; ´
Je sçaurai mépriser tout le luxe des Perses ...
Si vous eussiez donné huit cent milles Sesterces
A l'homme si frugal qui tenoir ce discours ,
Sa bourse eût été vuide en trois ou quatre jours.
Jusqu'à l'Aube naissante il veilloit d'ordinaire ;
De l'Aube jusqu'au soir il ronfloit , au contraire.
Jamais Coquette enfin , jamais enfant gâté ,
N'ont fait voir dans leurs moeurs plus d'inégalité.
Sa vie est un tissu de bizares caprices ...
Mais, vous , me dira-t'on, n'avez- vous point de vices
J'en ai d'autres, sans doute, et quoique differens ,
Il est peut- être vrai qu'ils ne sont pas moins grande .
Un jour que Menius , par un discours caustique ,
Sur Névius absent exerçoit sa Critique ,
Holà , lui dit quelqu'un , moderez ce courroux ;
Ne vous connoît- on pas? Vous méconnoissez - vous?
Qui ! vous, parler d'autrui ! L'impudence est extrême .
Moi, reprit Menius ! oüi, malheureux vous - même.
Amour propre insensé , trop injuste douceur ;
Qui mériteroient bien la note du Censeur ;
B iij
Tandi
1274 MERCURE DE FRANCE
Tandis qu'ayant pour vous cent complaisances fades ,
Vous voyez vos défauts avec des yeux malades ,
Animé d'un courroux que vous croyez permis ,
Pourquoi dans les défauts de vos meilleurs amis
Etes -vous tous les jours plus clair-voyant encore
Que n'est l'Aigle ou que n'est le Serpent d'Epidaure?
De-là , qu'arrive-t'il? Vos amis à leur tour ,
Epluchent vos défauts et les mettent au jour.
Que quelqu'un dont l'humeur est tant soit peu chagrine
,
Ne s'accommode pas d'une humeur trop badine ,
Peut-être avec raison pourriez -vous le railler
Sur son rustique habit , syr son méchant soulier ,
Je le veux bien ; mais quoi ! c'est un fort honnête
homme ,
Vous n'en trouverez point un plus juste dans Rome !
Mais il est votre ami ! mais le Ciel a logé
Le plus sublime esprit dans ce corps négligé !
Enfin , vous qui taillez avec tant d'arrogance ,
Sondez tous les replis de votre conscience ;
Vous qui contre les gens vous déchaînez ainsi ,
Voyez ; n'avez-vous point quelques défauts aussi ?
Voyez si la Nature , ou même l'habitude
N'en ont point fait en vous croître une multitude ;
Car souvent les chardons , aux flâmes réservés ,
Naissent dans les Jardins qui sont mal cultivés .
L'Amant , ou ne voit pas, ou souvent même admire
Les
JUIN. 17381 1275
Les défauts de l'objet pour qui son coeur soupire .
Tel au fort des accès dont il est transporté ,
Du polype (a ) d'Agna Balbin est enchanté .
Plût au Ciel qu'entre amis nous errassions de même,
de la vertu l'éloquence suprême ,
Et
que
Aprouvant
cette
erreur
, dans
plus
d'une
leçon
,
Eût
daigné
la parer
d'un
honorable
nom
!
Aux défauts d'un Ami les plus considérables ,
Nous devrions donner les couleurs favorables ,
Qu'aux défauts de son fils donne , en les déguisant,
Un Pere toujours tendre et toujours complaisant .
Si le fils parle mal ; s'il a les jambes torses ,
S'il n'a dans les talons ni mouvement ni forces ,
S'il a l'oreille sourde , un coup d'oeil incertain ;
S'il est , comme Sysiphe , un avorton , un nain ;
Ecoutez bien le Pere ; au lieu de faire usage
Des véritables mots reçus dans le langage ,
Il use , en bégayant , de termes affectés ,
Qui n'expriment qu'un quart de ces difformités .
Quelqu'un de nos amis est-il un peu trop chiche
Disons qu'il est frugal . Se fait-il noble et riche ?
Vante-t'il ses talens ? Prime- t'il au haut bout ?
Eh bien, il veut paroître; est -ce un crime après tout
Oh ! c'est un Misantrope , un homme atrabilaire ,
Qui heurte... Doucement ; disons qu'il est sincere .
(a) Maladie du nez.
Biiij I
1276 MERCURE DE FRANCE
Il ne souffre de rien ? . . bon ; c'est qu'il a du coeur.
Il est sombre ? ... Tant mieux ; ce n'est point an
causeur.
Voilà ce qu'on doit dire , et voilà , ce me semble ,
Ce qui joint les amis , et les tient joints ensemble.
Mais nous , Censeurs malins , à médire assidus ,
Nous osons , qui plus est , travestir les vertus ,
Et voulons, par un art qui fait tout méconnoître ,
Enduire (a) le vaisseau , quelque sain qu'il puisse être.
Cet homme est né sans fard , d'un esprit humble et
doux
C'est un petit génie , un niais , selon nous.
Cet autre est un peu lent , et pour rien ne s'empresse.
Oh ! c'est un franc stupide ! il est tout d'une piece
Celui- ci se munit contre les mauvais tours ,
N'affronte aucun danger , se retranche toujours ;.
Et sage et circonspect , justement se défie
D'un siecle tout paîtri d'injustice et d'envie.
Lui ! nous le connoissons ; le matois a son but.
C'est un dangereux Sire , un rusé , s'il en fut.
Un homme simple et tel qu'avec une ame nuë ,
Cher Mécéne , souvent je m'offre à votre vûë ,
S'il vient à contre - temps et d'un air peu civil ,
(a) Allusion à la coûtume qu'avoient les Anciens
de faire un enduit composé d'huile et d'une certaine
Colle par dedans les Vases destinés à renfermer le vin,
lorsque ces Vases étoient mal cuits , ou qu'ils avoient
contracté une mauvaise odeur.
D'ua
JUIN.
1277 1738.
D'un discours qu'on entame interrompre le fil ,
Troubler une lecture , ou quelque rêverie ,
Cet homme nous souleve et nous met en furie.
Maudit soit le fâcheux , maudit soit l'importun ;
Il n'a pas, disons nous, l'ombre du sens commun.
Quelle inhumaine lol , par nos rigueurs extrêmes ,
Nous dictons follement hélas ! contre nous mêmes !?
Car nul n'est sans défauts , et je tiens qu'en effet
Le meilleur des Mortels , c'est le moins imparfait
Que , plein , comme il convient , de sentimens propices
,
Mon ami pése donc mes vertus et mes vices ;
Et voye avec plaisir que j'ai plus de vertus ,
S'il est vrai toutefois que j'en aye un peu plus ;
A ces conditions , je l'aime , je l'encense ,
Et le mets volontiers dans la même balancë.
Qui cherche le pardon., et qui veut l'acquérir ,
Doit , et quoi de plus juste en même temps l'offrir
Demandez-vous quartier pour vos tumeurs accrues?
Excusez un Ami qui n'a que des verruës ;
Sans quoi , n'esperez pas qu'il vous excuse, vous.
Enfin , puisqu'il est vrai que les vices des fous
Ne sçauroient , quoiqu'on dise et quoiqu'on puisse
faire ,
S'extirper tout à- fait , non plus que la colere ;
Si vous leur refusez un généreux pardon ,
Pourquoi du moins , pourquoi votre sage raison .
By Me
1278 MERCURE DE FRANCE
>
Ne juge t'elle pas avec poids et mesure
En proportionnant la vengeance à l'injure
Si quelqu'un fait mourir son Serviteur en croix ,
Pour avoir dans la sausse osé tremper ses doigts.
Et manger certain reste , en l'ôtant de la table >
Un châtiment pareil est-il donc équitable ?
Plus fou que Labéon , ce Maître courroucé ,
Passera-t'il jamais pour un homme sensé ? . . .
Eh ! combien pis encor ne vous voit -on pas
Quoi ! votre ami commet une faute légere ,
Dont à peine on pourroit se souvenir demain ,
Sans paroître cruel , furieux , inhumain ;
...
faire
Et vous , pour une cause aussi foible , aussi vaine,
Vous l'accablez du poids de toute votre haine ?
Ingrat , vous le fuyez avec autant d'horreur
Qu'en ressent pour Druson un triste débiteur ,
Qui , par malheur pour lui , s'il est dans l'impuissance
De payer ce qu'il doit , lorsque le mois ( a) com→
mence ,
Est contraint de garder un maintien attentif ,
En prêtant le gosier comme un pauvre Captif ,
Durant le long récit de quelque sorte Histoire ,
Dont le même Druson s'est chargé la mémoire.
Un Ami dans ma Salle , après s'être enyvré ,
( a ) Chés les Romains , l'interêt des sommes prêtées
pehoit ordinairement aux Calendes , c'est- à- dire , le
remier de chaque mois
Gate
JUIN.
1738. 1279
Gate un lit par hazard ; froisse , contre son gré ,
Un Plat qui fut jadis à l'usage d'Evandre ;
Ou, pressé de la faim, devant moi s'en vient prendre
Un Poulet tout entier que j'allois entamer ;
Suis-je en droit pour cela de le moins estimer ?
Eh : que ferois - je donc s'il eût pris mes Especes ,
Ou trahi mon secret , où faussé ses promesses ?
Ceux (a) dont la bouche austere et rigide à l'excès
Prône , que les péchés sont égaux à peu près ,
Se travaillent sans fruit à prouver leur Systême
Car le bon sens , nos moeurs et l'utilité même ,
Qui fit naître les Loix dans le commencement ,
Réfutent de concert leur vain raisonnement.
Quand les premiers Humains , Race muette et vile
Furent sortis du sein de la Terre fertile ,
Prompts à se disputer et le gîte et les glands ,
Ils décidoient de tout par des combats sanglans.
Les ongles et les poings d'abord servirent d'armes
Ensuite les Batons causerent plus d'allarmes.
Par le secours du fr , qu'on aprit à forger ,
On pratiqua bien- tôt l'art de s'entre- égorger.
Cette fureur dura jusqu'au temps moins sauvage ,
Qù chacun de sa langue instruit à faire usage ,
Sçut enfin inventant des Verbes et des Noms ,
Exprimer divers sens par de differens sons.
( a ) Les Stoïciens..
E vi
Alors
280 MERCURE DE FRANCE
I
Alors on s'enferma dans l'enceinte de Villes ;
On s'abstint de combattre , on fit des Loix utiles ,.
'Afin , s'il se pouvoit , de bannir sans retour
Et le meurtre et le vol , et l'adultere amour ;
Car l'amour déreglé , long-temps avant Hélene ,
Fat souvent le motif d'une guerre inhumaine
Mais ces, Amans guerriers , qui , tels des Tau--
reaux ·
que
Se montroient les plus forts en tuant leurs Rivaux ,
Pour le premier objet qui s'offroit à leur vûë;
Ces Cruels ont péri d'une mort inconnuë.
Vous (a) voudriez en vain me nier qu'autrefois
Pour dompter l'injustice on inventa les Loix ;
Et quiconque aura lu les Histoires antiques ,
Conviendra que ce fait est des plus autentiques.
Ni l'instinct ne peut seul , dans l'examen d'un cas ,
Discerner si tel Acte est juste ou ne l'èst pas` ,
Comme il juge, à l'aspect de quelque objet sensible .
S'il est bon ou mauvais , salútaire ou nuisible ;
Ni la raison ne peut , par aucun argument,
Etablir et prouver qu'on peche également ,
Soit en volant les choux d'un Jardin , par exemple ,.
Soit en pillant de nuit les richesses d'un Temple.
Il faut donc qu'au moyen d'un Reglement donné ,
Le suplice au forfait soit proportionné ,
L'e peur qu'à coups de nerfs vous ne brisiez l'échine
(a), Ce Discours est adres:ć à un Stoïcien.
A
JUIN. 1738. 1-281
A qui n'a mérité qu'un seul coup de houssine.
Car, que tout simplement vous condamniez au fouet ,
Celui qu'un crime affreux rend digne du gibet ;
Ce n'est pas ce qu'on craint , puisqu'enfin vous nous
dites
Qu'à la plus grande faute égalant les petites
Et ne distinguant point le Larron fugitif ,
Qui n'a fait qu'en tremblant un vol assés chétif,
Du Larron aguerri , qui saccage et qui pille ,
Vous les faucheriez tous de la même faucille ,
Si le Peuple insensé , flatant votre désir ,
Pour sonRoy quelque jour vouloit bien vous choisir .
Qu'entens-je ; Si le sage est , ainsi qu'on l'avance ,
Fan Cordonnier, seal riche et beau par excellence ;
En un mot , s'il est Roy, que venez- vous conter ?
Ce que vous possedez pourquoi le souhaiter ?
Oh ! mais, comprenez mieux , dites - vous, le principe
Que pose à ce sujet notre Pere Chrysippe.
»Le Sage , selon lui , n'a jamais fait soulier ;
» Le Sage toutefois est fort bon Cordonnier.
Comment cela ? Comment ! ... Tout ainsi qu'Her--
mogene ,
Bien que pendant long- temps de chanter il s'abse
tienne ,
Ou que dans le sommeil il soit enseveli , -
N'en doit pas moins passer pour un Chantre acaccompli
; -
Lut ainsi qu'Alfénus , bien qu'en fui Politique
I
1282 MERCURE DE FRANCE
Il eût quitté l'aléne et fermé sa Boutique ,
Afin de se livrer à l'étude du Droit ,
Jamais ne cessa d'être un Cordonnier adroit ;
Tout de même le Sage est seul par excellence
Bon Ouvrier,grand Roy... La pauvre conséquence !
Avec votre noblesse , avec vos beaux talens ,
Vous vous faites huër par les petits enfans.
JJ
Dès que vous paroissez , pour vous voir ils accourent,
Vous arrachent la barbe, et si bien vous entourent,
Qu'ils vous font perdre vent si soudain votre bras .
Armé d'un long bâton , ne les écarte pas.
Que dis - je ? En essuyant ces sortes de tempêtes ,
1
Vous poussez les hauts cris , tout grand Roy que
vous êtes .
Je vous fais donc sçavoir , beau Roy, pour achever,
Que tandis qu'à vil prix vous allez vous laver ,
Et
que le sot Crispin follement se hazarde
A vous servir lui seul et de Cour èt de Garde ,
Moi, simple homme privé , j'ai des amis fort doux;
Si j'ai fait quelque faute, ils m'en excusent tous ;
S'ils ont fait à leur tour quelque chose qui choque ,
Je sçais leur accorder un pardon réciproque ;
Plus content , plus heureux , dans ma simplicité ,
Que vous , dans tout l'orgueil de votre Royauté.
F. M. F.
DISCOURS
JUIN. 1738. 1283
DISCOURS
ACADEMIQUE ,
Pour le Prix
d'Eloquence 1737 ,
par M. SIMO N.
SUJET.
Il est avantageux de n'être ni pauvre , ni
riche ; conformément au Texte de l'Ecriture
Sainte : Mendicitatem , et divitias ne
dederis mihi. Prov. Chap . XXX. v. 8.
I'
L suffit donc d'être homme pour se tromper
; et ce qu'on apelle communément
Raison , n'est souvent que Folie : en effet
ce qui d'abord paroît juste et raisonnable
n'est ordinairement que mensonge et illusion
et , comme s'il étoit attaché à notre nature
de choisir ce qui lui convient le moins , notre
malheur , ou pour parler plus juste , notre
propre volonté au lieu de nous porter au
bien , nous entraîne prefque toujours vers le
mal. Triste fuite du crime de notre Pere,que
vous peignez bien notre aveuglement ! et
que vous nous faites sentir le poids de nos
miseres ! Tantôt séduits par l'apas des richesses
, nous croyons trouver en elles notre fou
verain bonheur , etnous oublions volontiers,
و
рас
254 MERCURE DE FRANCE:
par l'efpérance de les posséder , toutes les
peines et les amertumes qu'elles renferment :
tantôt donnant dans un autre excès , lorfque
nous avons senti le néant des Biens de ce mon
de , nous croyons , et nous nous imaginons
fauffement , que l'entiere privation des chofes
nécessaires à la vie , est plus propre à nous
sanctifier . Deux erreurs , dont l'une provient
de notre corruption , et l'autre ,
et l'autre , d'un travers,
qui pour avoir moins de Sectateurs , n'en est
pas plus à tolerer. Il est dangereux d'être
riche , c'est une verité aussi constante qu'elle
est difficile à perfuader : il est dangereux
d'être pauvre ; on le croit aifément , fans en
connoître la véritable raifon. C'eft fur ces
deux Propofitions que va rouler ce Diſcours,
dont la Conclufion fera , que n'étant avanta
geux
ni d'être pauvre , ni d'être riche , conformément
au Texte de Salomon : Mendicitatem
et divitias ne dederis mihi ( Prov. XXX. v.8. )
la feule médiocrité eft fuffifante pour faire le
bonheur d'un homme raifonnable, dans cette:
vie.
PREMIERE PROPOSITION.
Il n'est point avantageux d'être Riche.´
Non , les grandeurs et les richeffes du
monde ne peuvent nous rendre heureux ,.
(SS.. Jérôme. ) qu'en méprifant les unes , et en
foulant aux pieds les autres. Ce ne font que
des
1
JUIN.. 1738. 1285
des ombres trompeufes , qui procurent plus
de maux , qu'elles ne promettent de biens ;
et on peut dire que de tout temps, la beauté
de l'or a été funefte à ceux qui l'ont recherché
avec ardeur . ( Salomon. ) Pour comprendre
cette verité , il ne faut que confiderer le
Riche dans trois états , qui partagent toute
fa vie . Premierement ,, avant que d'avoir acquis
fes richeffes fecondement , pendant
qu'il les poffede troifiémement , forfqu'il
eft fur le point de les perdre : et l'on peut
avancer fans craindre , que ce fimple détail ,
s'il ne change pas le coeur , du moins prouvera
invinciblement le néant des biens d'ici
bas ; et par conféquent , qu'un homme , qui
cherche à fe procurer la véritable paix , doit
éviter l'embarras des richeffes , qui felon J. C.
même font un obstacle au Salut.
L'Homme qui eft né pour la liberté , et
qui cherche l'indépendance , eft tenté d'acquérir
des richeffes. Il croit trouver dans ce
magnifique néant , de quoi fatisfaire fon ambition
; et comme s'il étoit capable de se
rendre fouverainement heureux tous fes
défirs le portent vers la fource de fa
perte.
D'abord il quitte de vûë ce qui méritoit seul
fon attachement , et fe livrant tout entier à
sa tentation , il met fouvent en ufage les
moyens les plus injuftes , pour parvenir à fes
Ens. Son aveuglement provient de la fauffe
idéo
286 MERCURE DE FRANCE
idée qu'il fe forme des richeffes. Il a entendu
dire que les plaifirs qu'elles procurent font
armés d'aiguillons , qu'ils laiffent dans le
coeur lorfqu'ils s'envolent. ( Platon. ) Il fçait,
qu'il eft difficile à un riche d'entrer dans le
Royaume des Cieux : ( S. Luc. ) que le riche
fera éternellement dans le travail, et que
la mort le dévorera . Il a vû le méchant récompenſé
par punition , pour quelque bonne
action qu'il avoit faite . ( Proph. ) Enfin , il a
lu que le jour du Seigneur éclatera fur les
montagnes les plus hautes et fur les arbres
les plus élevés , fur les fuperbes , les hautains,
les riches et les puiffans , et qu'après avoir
détruit toutes chofes , le Seigneur feul paroîtra
grand malgré ces exemples effrayans , et
ces menaces terribles , il court avec empreffement
vers ce qu'il devroit fuïr avec précaution
, et fa perverfité l'entraîne comme un
torrent impétueux , vers l'abîme qu'il s'eft
creufé. Mais n'eft - ce point fe tromper , que
de citer à l'homme charnel l'autorité de l'Ecriture
Sainte , qui déclame continuellement
contre l'attachement aux richeſſes ? Vous diriez
que les Livres Saints ne font pas faits
pour lui ; et fon falut eft la derniere de fes
affaires.(Il feroit trop commun de penfer comme
ceux qui ont de la Religion. ) Prenons-le
donc par son propre intérêt , et montrons -
lui , puifqu'il le faut , que ce n'eft pas aimer
for
JUIN. 1738 1287
,
fon repos , que de fouhaiter de grandes ri
cheffes. En effet , fi- tôt que le défir de s'avancer
dans le monde , s'eft emparé d'un
coeur , plus de repos , plus de plaifir , plus de
joye ; au contraire , mille inquiétudes pour
parvenir , mille apréhenſions d'être traverſě ,
mille chagrins quand on ne réüffit pas. La
fanté , le plus précieux de tous les biens, s'al
tére ; le tempérament , peu accoûtumé à tant
de fatigues , fe dérange ; la maladie , contretemps
que l'on n'attendoit point, recule l'accomplitement
des défirs , et fouvent la
mort , que l'on n'avoit pas prévûë , renverſe
tous les projets , et anéantit en un moment
ces grands deffeins et ces vaſtes
idées . Il eft vrai que tous ne fuccombent
à ces maux ; il en eft malheureufement qui
vont plus loin ; mais combien auffi ne réus
fiffent, que pour fe repentir plus à leur aiſe !
Ici , c'eft un Emploi lucratif , que l'on obtient
par des voyes infâmes ; là , c'eft une
Charge de conféquence , que l'on acquiert
aux dépens de l'honneur ; tantôt , c'eft un
Procès confidérable , fur le gain duquel on
afsûre fa tranquillité ; tantôt , c'eft un riche
Parti qu'il faut avoir , dût - on employer la
fraude . Tout cela demande des brigues , des
pourfuites , des veilles , des peines , qui rebuteroient
le courage le plus aguerri : il s'agit
de l'ambition , rien ne laffe : c'eft pour ac
quérir du bien , rien ne coûte. Voilà déja le
pas
288 MERCURE DE FRANCE
commencement de l'amour des richeffes
payé par bien des peines. L'amertume fe fait
fentir avant la joüiffance , le dégoût ne devroit-
il pas précéder la poffeffion ? Non , les
injuftes defirs ne reftent pas dans l'inaction ;
bientôt l'homme corrompu paffe aux effets ',
et la ruine du Prochain , eft fouvent le commencement
de fon élévation . Amis , Parens,
rien ne lui coûte ; et semblable aux Payens ,
qui facrifioient aux Idoles , rien n'eft faint
pour lui ; et tout jufqu'à l'honneur , eft
immolé à fa divinité. Son ambition reffemble
à une faini dévorante , qui va toujours
en augmentant. Le fommeil et la paix fe retirent
de chés lui , le trouble et le vertige
prennent leur place . Il fe plaint lui- même du
peu de tranquillité qu'il goûte ; et il fe contente
d'efpeier de voir la fin de fes maux ,
dans la poffeffion de ce qu'il défire.
, eſt
Voyons fi la jouiffance calmera fes inquiétudes
, et s'il ne fera pas plus heureux lorfque
Dieu l'aura exaucé dans fa fureur ; et
c'eft ici le fecond état dans lequel on peut
envifager l'homme riche , c'eſt-à- dire , dans
la poffeffion. Les richeſſes feroient vraiment
eftimables , fi elles procuroient une véritable
joye ; ( Socrate ) mais l'expérience confirme,
qu'outre qu'elles coûtent beaucoup de peines
à acquérir , elles font encore très - difficiles à
garder car elles s'évanouiffent comme une
fumée,
JUIN. 1738 1289
furnée , qui s'exhale et qui se dissipe. ( Ps.
LXVI. Leur peu de durée devroit done
les faire proscrire , et si l'on fait attention
aux effets qu'elles produisent , on remarquera
, qu'elles amollissent et endurcissent tout
en même temps le coeur de l'homme elles
l'amollissent pour lui donner plus facilement
l'impression du mal , et elles l'endurcissent
contre la pratique du bien : et en effet , ne
perdons point de vûë le riche , et suivonsle
pas à pas. Sitôt que la fortune et l'injustice
ont travaillé de concert à l'élever , les crimes
les plus honteux n'ont rien d'horrible
pour lui ; l'argent le rend nécessairement vicieux
: une demeure commode ne lui suffic
pas ; il lui faut des Palais magnifiques , une
table somptueusement servie , la profusion
régne partout , un nombre presque infini de
domestiques , qui se moulent sur leur Maî
tre , et qui ont les mêmes titres pour parvenir
à la Grandeur , annonce à tout l'Univers
la magnificence , ou pour mieux dire , la fofie
de celui qu'ils servent. Il se trompe , cet
homme superbe , il ne jouit pas lui scul de
tous ses biens , il a donc tort de s'en attribuer
la proprieté . Mais allons plus loin ,
achevons de peindre le riche , et que son
portrait lui inspire à lui - même de l'horreur.
Avant son élévation , du moins gardoit - il
encore quelques mesures : il n'ofoit se parex
de
290 MERCURE DE FRANCE
de toutes ses imperfections ; depuis , il a levé
l'étendart du vice , il fait un trophée de ses
crimes : fier , hautain , superbe , impudique,
injuste et impie ; rien n'est sacré pour lui ; tout
céde à ses désirs ; l'Or , cette vapeur luisante
, le rend enfin impunément méchant. Delà
cette délicatesse sensuelle , ces ragoûts de
débauche , et ces magnificences excessives ,
qui rendent l'homme plus foible qu'un roseau.
De - là aussi ces accidens fâcheux , ces
querelles funestes , ces épuisemens nécessaires
, qui ruinent le corps avec l'ame . Mais ce
n'est pas tout , si le riche sent son courage s'a
mollir,à mesure que ses passions le dominent,
et qu'il trouve de quoi les satisfaire , son coeur
s'endurcit pour les autres , et il n'est pas
extraordinaire que celui , qui ne sent pas la
faim , .puisse s'imaginer ce que c'est. Il connoît
à peine le nom de la misére , et son peu
de charité, le rend enfin l'opprobre du genre
humain. Quoi ! ce superbe mortel , ce demi-
Dieu n'a-donc pas le pouvoir de se faire estimer
? Tous ses biens ne pourront servir
tout au plus, qu'à le faire craindre ? Oui, sans
doute , et la raison en est juste , c'est qu'il
s'est engraissé de la sueur du Peuple ; c'est
qu'il n'est assis sur le Tribunal de la Justice,
que pour violer ses Loix ; c'est que l'innocence
ne trouve point de défenfeur chés lui ;
c'est que l'orgueil , l'avarice , les vols , les
rapines,
JUIN. 1738. 1291
rapines , l'impureté , et le menfonge , sont
les échelons qui l'ont fait monter jusqu'à la
Grandeur , c'est à - dire , à l'Irréligion ; car ,
selon que parle le Sage , le riche superbe va
jufqu'à se croire au dessus de tout. Qui est
le Seigneur se demande-t-il à lui- même . Et
sa vanité prenant la parole , lui répond : C'est
toi ne vois - tu pas le monde entier désirer
ton bonheur ? Mais , ne vois -tu pas , pauvre
infensé , le monde entier te mépriser ? Déja
tes crimes ont comblé la mesure : le sang
de l'innocent oprimé crie vengeance contre
toi ; et les Cieux sont prêts à lancer sur ta
tête , les flâmes vengeresses de la colere du
Dieu,que tu as tâché d'oublier dans ton coeur ,
et que tu es enfin forcé de reconnoître malgré
toi.
Mais , qu'est- il devenu cet impie ? Je l'ai
vu dans sa gloire ; tout plioit devant lui , il
étoit aussi haut que les Cédres du Liban ;
j'ai passé , et il n'est plus. Tout est éteint
-jufqu'à sa mémoire , et si l'on se souvient de
lui , ce n'est que pour infulter à son malheureux
sort. Hélas ! il se plaisoit dans sa situation
; vous-mêmes ambitionniez ses trésors ↓
et vous ignoriez quelle fâcheufe catastrophe
devoit terminer sa vie. Interrogez - le donc
s'il peut vous répondre ; vous le trouverez ,
ou replongé dans fa mifere , d'où fon industrie
et la malédiction de Dieu l'avoient retiré,
ou
1292 MERCURE DE FRANCE
ou déja enseveli dans les ombres de la mort.
En effet, il faut maintenant le considérer dans
l'un de ces deux états . Demandez - lui quelle
est la caufe de sa chûte , et il vous dira : J'étois
ſemblable à une épaisse muraille ; je m'étois
fortifié avec mes richeffes ; mais le Seigneur
armé eft venu , et d'un soufle il a dissipé
ma puiffance. Il ne me reste plus qu'un regret
mortel d'avoir si peu connu ce qui m'étoit
avantageux. ( Prov. )Là fe bornent fes plaintes
: le blafphême vient ensuite , et comme
il a toujours fait profeffion de rejetter les
infpirations de la Grace , et qu'il s'eft fait une
habitude de laiffer endurcir fon coeur , il finit
par maudire Dieu de sa propre deſtinée, dont
il eft la seule caufe. Les voilà donc ces grands
hommes que vous admiriez il n'y a qu'un
moment ! Arbitres de la Guerre et de la Paix,
Maîtres de la Terre , Favoris de la Fortune;
ils ne font plus maintenant que le fujet de la
raillerie et de la médifance ; et ceux qui s'étudioient
à leur plaire , les déchirent fans pitié.
Mais paffons plus avant , et après avoir
confideré l'homme riche dans fa difgrace ,
fuivons-le jufqu'au tombeau. Que lui faudratil
pour ce terrible passage ? Ses Lambris
dorés le suivront - ils ? Ses Equipages lestes
et somptueux iront- ils avec lui ? Ses domestiques
, fes amis , fes biens lui ferviront - ils
de quelque chofe ? L'Histoire Sainte et
Prophane
JUIN.
1738. 1293
à
Prophane nous l'aprennent : d'un côté , vous
verrez Aman, pendu au gibet , qu'il avoit fait
dresser pour le modeste Mardochée : Absalon
, voulant s'établir à la place de fon Pere,
trouver la mort dans le milieu de ses projets :
Abimelech, écrasé par une pierre que lui jette
une femme : Nabuchodonosor , changé en
bête : Antiochus, éprouver le plus triste sort.
De l'autre , un Alexandre , crever dans une
partie de débauche : un Cesar , tué en plein
Senat : un grand Prince , qui avoit pris pour
ses armes , le monde entier , avec cette Devise
, hoc opus ; réduit à la plus affreuse misere
enfin , un fameux Courtisan de Ptolomée
, Roy d'Egypte , qui étoit parvenu
un si haut degré de gloire et de richesses ,'
qu'il s'affligeoit de deux choses ; la premiere,
de ne pouvoir plus rien désirer , la seconde,
que son Prince , avec tous fes trésors , lui
paroissoit trop pauvre , pour l'enrichir davantage
; étranglé devant fon Palais par
ordre du Roy. L'exemple de Crefus sur le
bûcher , mériteroit bien de trouver ici sa
place , mais il suffit de se renfermer dans
ceux que notre siecle nous fournit. Que de
révolutions ! que de
disgraces
! que
subites ! Allez , foüillez , si vous jugez à
propos , jusques dans les enfers ; et là , vous
verrez quelle figure font maintenant ces
grands Princes
ces grands Héros , ces ri-
II. Vol.
de
morts
C ches
1294 MERCURE DE FRANCE
ches magnifiques, dont l'éclat n'a duré qu'un
clin d'oeil. O malheureufes richesses ! que
vous trompez les coeurs peu éclairés ! qu'il
est funeste de s'attacher à vous , et que le
nombre est grand de ceux qui fe repentent
de vous avoir facrifié jufqu'à leur honneur !
Comparez , en effet , si vous voulez , l'éclat
de l'opulence à celui du jour , je le veux ;
vous l'admirez dans fon midi , voici le foir
qui aproche , qu'eft- il alors ? Tout le résultat
de cette pompe est une fumée de gloire
déja passée , et confondue avec la honte d'en
avoir été la dupe.
SECONDE PROPOSITION .
Il n'est point avantageux d'être pauvre!
Oui , c'est une erreur groffiere que de s'imaginer
trouver dans la pauvreté, des moyens
infaillibles pour fe rendre vraiment heureux.
Elle ne présente de toutes parts que des difficultés
infurmontables , et pour notre tranquillité
dans ce monde , et pour notre salut
éternel : enforte que l'on peut avancer qu'elle
a été pernicieufe à prefque tous ceux qui
se sont trouvés arrêtés dans fes filets . Cependant
il eft néceffaire avant toutes chofes , de
définir ce que l'on entend par pauvreté . Ce
n'eft point ce renoncement volontaire aux
biens d'ici bas , et aux chofes fuperfluës ;
,
loin
JUIN. 1295 1738.
,
loin de mériter quelque critique , il exige au
contraire toute notre loüange : ( Nous nous
refervons à en parler fous le mot de Médiocrité.
) C'est cette mifere honteufe , qui provient
de l'une de trois fources ; ou de la naou
de l'imprudence , ou enfin de l'oisiveté.
De quelque maniere qu'on enviſage
cette pauvreté vicieuſe on ne peut , ce
semble , la juftifier ; et en attendant que
quelqu'un entreprenne de prouver , qu'être
miférable en ce fens , eſt un bien , on regardera
toujours comme certain , qu'être pauvre
est un grand mal .
>
La Loi, qui affujettit l'homme à la mendicité
, est fans doute plus dure que l'efclavage
le plus cruel. Dans celui - ci on peut trouver
quelque allégement à fes maux ; mais
dans la pauvreté , rien n'adoucit les peines.
Aussi ne craint- on rien tant , que de se voir
réduit à cette fâcheuse extremité , et si on
fait des efforts pour ſe tirer de la misere , on
peut dire que l'amour du repos , et la crainte
de fouffrir , y ont plus de part , que l'apréhension
d'y trouver quelque obstacle au salut.
En effet , on ne la fuit pas, parce qu'elle
est la mere des crimes ; qu'elle ne donne ja-
- mais que de mauvais conseils, et que le mensonge
est fon apanage : ( la Bruyere. ) ce n'est
point encore , parce qu'elle en a fait tomber
Cij
plusieurs
296 MERCURE DE FRANCE
plusieurs dans des désordres affreux : ( Eccl .
LXXVII. ) elle nous prive de notre nécessaire
, elle nous fait manquer de ttoouutt , cela
suffit pour l'éviter , lorfqu'il nous est possible
: mais fouvent , hélas ! nos efforts sont
vains , et la malédiction du Ciel l'emporte
sur toute notre industrie . C'est ce qu'on apelle
pauvreté d'état ou de nature. Il faut donc
remonter à la naissance du pauvre , pour
connoître l'origine de sa mifere , et nous verrons
bien facilement , que ce n'est point un
avantage d'être réduit à la mendicité . Denué
de tout, dès qu'il paroît au monde, les choses
les plus nécessaires lui manquent , et la
nature ingrate , femble lui refuser les premiers
fecours. Il n'est pas moins abandonné
du côté de l'esprit, Quoiqu'il y ait des lumieres
que la science produit , il ne semble fait
que pour rester dans les tenebres de l'ignorance.
Il pourroit s'instruire , et aprendre
des verités utiles ; mais il lui faut gagner fon
pain , et tout le jour n'est pas trop long, pour
vacquer à un travail fatigant , et peu lucratif.
Sa mifere le sanctifieroit s'il sçavoit s'en
apliquer les mérites ; mais il ignore ce que
c'est que l'Eternité , et , comme si fon ame
étoit mortelle , il regarde le passage de cette
vie à une autre , comme une chimere et
comme la borne preferite à fes maux. Victi-

me
JUIN. 1738 297
me prématurée de l'enfer , la malédiction de
Dieu semble tomber fur lui comme un héritage
, qui lui vient de pere en fils . Le lever
du Soleil lui annonce toute la fatigue qu'il
essuyera pendant le jour. Ses repas succincts
et grossiers , lui fourniffent à peine des for
ces pour continuer fes travaux , et la fin de
la journée le voit abbatu , et tomber en défaillance
; fouvent obligé de céder au sommeil
le temps qu'il auroit accordé à un repas frugal
, si le pain ne lui avoit manqué. La charité
est- elle donc entierement éteinte ? Et ne
trouvera - t- on pas des perfonnes compatissantes
, qui foulagent le pauvre et l'affligé ?
Oui , il en est encore , on en convient ; mais
le nombre des gens charitables égale - t - if
celui des difgraciés de la fortune et de la nature
? Auroient- ils befoin , pour exciter la
pitié des autres , d'avoir recours à mille stratagêmes
, qu'ils empruntent du menfonge ?
Car enfin , quoiqu'ils foyent les victimes de
la colere de Dieu , qu'ils ont offensé , et qu'ils
connoissent à peine ; quoique leurs peres
ayent meríté que la malédiction céleste fe
transmît jusqu'à leurs defcendans ; le Riche
est - il autorité à laisser son frere dans la di
sette , et doit- on s'étonner de ce que le nombre
des réprouvés est si grand , puifqu'il y a
si peu de charité dans le monde ? Mais , diront
encore ces personnes peu compatis-
Ciij santes,
1298 MERCURE DE FRANCE
santes, ces coeurs d'airain pour les autres ; tel
pauvre qui implore notre charité, mérite bien
d'être abandonné ; il a été lui -même dans la
profperité , et il a méprisé ceux qui manquoient
de tout ; n'est - il pas juste qu'à son
tour , il éprouve le même sort ? Et c'est - là
justement l'espece de pauvreté qui provient
de l'imprudence , ou d'un revers de fortune.
On les a vûës depuis le commencement
du Monde , ces tristes révolutions qui proviennent
ordinairement de l'imprudence ou
du peu de conduite. Les Maisons le plus
opulentes , et les Familles les plus riches ,
ont été renversées en un clin d'oeil. Le
peu de conduite d'un Pere de famille , fut
souvent la cause de la disette de ses enfans,
et le peu d'oeconomie d'une Mere , ruina
presque toujours ses héritiers ; eux- mêmes ,
après avoir joui quelque temps des richesses
qu'ils regardoient comme ne devant jamais
leur échaper , se sont trouvés envelopés
dans l'état qu'ils ne connoissoient pas ;
des créanciers reburrés , un procès ruineux ,
un vol imprévu , des habitudes pernicieuses
, un jeu désordonné ; tout cela , ou en
partie, ou joint ensemble , a bouleversé leurs
affaires , et de tout l'éclat de leur fortune ,
il ne leur reste que le triste souvenir d'avoir
été dans l'opulence. Mais hélas ! que s'ensuitil
delà : Retournera - t'il vers Dieu , ce misérable
JUIN. 17381 1299
-
sérable Mortel , qui éprouve si vivement la
pesanteur de la colere Céleste ? Fera - t'il ser
vir à son salut la mortification qu'il ressent ?
Baisera- t'il la main qui le châtie ? Non , la
perte qu'il vient de faire l'occupe trop ; encore
plus porté vers les biens qui lui ont
échapé par sa faute, il y est plus ataché qu'auparavant
, et si quelque chose est capable
d'entrer en parallele avec la crainte qu'il
avoit de les perdre , c'est , sans doute , le
chagrin de les avoir déja perdus. Cette légere
ébauche du portrait de l'homme dans
la misere qu'il s'est lui-même procurée , ne
suffiroit- elle pas pour prouver qu'il
a
est bientriste
de se voir dans la même situation ? Ce
n'est cependant pas tout. Avançons et suivons
- le dans quelques-unes de ses actions.
Je le vois déja tenté et bien- tôt déterminé
à sacriner jusqu'à son honneur pour sauv
les aparences de sa pauvreté. Il va prêter ses
mains aux plus infâmes ministeres . Il cherchera
bien-tôt dans la beauté de sa fille de
quoi subvenir à ses nécessités , et si elle n'a
pas encore formé tout -à - fait le dessein de
se perdre , il hâtera lui- même sa perdition ,
pour en retirer un profit. Le mensonge ,
violence , l'injustice et tous les vices prendront
la place de ses vertus , qui dans le
fond n'étoient qu'hypocrisie ; enfin d'hon
nête homme qu'il étoit selon le Monde , ce
la
Cij
ne
1300 MERCURE DE FRANCE
>
pas
ne sera plus qu'un monstre et qu'un scelerat
dangereux dans la societé. Ce trait paroîtra
peut - être un peu exageré ; il est cependant
fondé sur la verité , et on peut assurer que
s'il peche en quelque chose , c'est pour être
trop ménagé car s'il étoit permis de faire
ici l'analyse de toutes les abominations qui
se commettent dans le Monde , ne trouveroit
- on pas que les pauvres sont naturellement
enclins à presque tous les vices ? Le
vol , l'impureté , l'intempérance , le blasphême
ne les font- ils connoître tous les
jours ? Nulle éducation , nulle retenue, tout se
fait chés eux par excès , et l'Oracle de Dieu
semble s'accomplir sur eux tous les jours : J'ac
cablerai le méchant de misere , dit -il dans
les saintes Ecritures ; ( Denter. 28. ) il souffrira
la famine ; it sera tourmenté par les ma
ladies , et la Mort , sourde à sa voix , refusera
de l'exaucer , quand il l'invoquera . La
pauvreté aussi-bien que l'abondance, a donc
ses dangers. Celle - ci , comme nous l'avons
déja dit, amollit et endurcit en même temps
le coeur de l'homme ; mais celle- là affoiblit
la raison , et détruit la Religion : on rampe
si bas qu'à peine envisage - t'on le Cick ; on
attend son secours de la Terre , et on oublie
qu'il ne peut venir que d'enhaut. Tout
concourt à rendre méprisable ; un habit pauvre
ne contribuë gueres nous faire est
meri
JUIN. 1738 1301
pour
,
mer ; la disette nous rend honteux ; enfin
on n'envisage son état que pour pleurer dessus
, et on ne songe pas que la Providence
a ses vûës. L'esprit troublé par mille inquiétudes
et alteré par les chagrins , n'a plus
de forces contenir dans le devoir , et
Ja foi , qui chancelle , entraîne insensiblement
par sa chute , la ruine entiere de la
Religion ; enfin , on peut dire que si la faim
empêche celui qui l'endure , de songer à
Dieu , c'est un mal , et un grand mal d'être
pauvre , et que l'on peut regarder comme
la preuve d'une réprobation assurée .
Mais il est encore une troisième source
de pauvreté , et c'est justement la plus commune
dans le Monde. L'oisiveté fut toujours
regardée , par les gen's
de bon sens , comme
la mere de tous les vices , et si le Sage la
fuit avec soin , avec combien plus de précaution
ne la doit point fuir celui qui est
tenté ? Allez à la Fourmi, nous dit Salomon,
( Prov. ) et elle vous fera rougir de honte.
Elle vous aprendra à vivre , et vous donnera
des leçons ; car , comment voulez - vous voir
l'accomplissement de vos desirs , si vousrestez
dans l'inaction ? et qui pensez - vous
qui doit vous soulager dans vos besoins
si ce n'est vous-mêmes . En effet c'est le
propre de la paresse , de plonger dans
une espece de léthargie , et de causer
ULIC
1302 MERCURE DE FRANCE
lâune
mort imprévûë . Ces deux considéràtions
, en achevant le portrait du Pauvre ,
nous conduiront à la consequence que l'on
tire nécessairement de ce Discours. En prémier
lieu , l'oisiveté plonge l'homme dans
une espece de léthargie . Vous le sçavez ,
ches amis du repos ; combien de fois eûtesvous
l'occasion de vous retirer de la misere,
et vous l'avez laissé échaper ? Les biens vous
tenterent , il est vrai ; mais la crainte du travail
vous fit peur , et vous cherchâtes une
excuse à votre nonchalance ; les Pélagiens
vous induisirent en erreur, et vous crûtes , ou
vous parûtes croire qu'il est de nécessité
pour le salut de n'acquérir aucunes richesses,
pas même ce qui est nécessaire à la vie ;
fondés sur ce Passage mal entendu ; Allez
et vende tous vos biens. Avoüez - le maintenant
; quel étoit votre motif? Et quelles
étoient vos vûës ? Tendiez vous à la perfection
? Non ; l'homme oisif n'y pense guere ;
cherchiez-vous un prétexte à votre paresse ?
Ah ! on ne le voir que trop ; et l'engourdissement
où vous vous trouvez en est une
preuve bien sensible . L'état où vous êtes est
d'autant plus dangereux que vous n'en connoissez
pas le danger , et semblable à un
malade qui ne sent plus son mal , vous êtes
à la veille de mourir, et vous n'y pensez pis;
car c'est la suite nécessaire de cette léthargies
JUIN. 1738. 1303
par
gie ; comme on n'a de goût ni pour les choses
d'enhaut ni pour celles d'ici bas , qui
sont créées à notre usage , il n'est pas surprenant
que l'esprit , qui n'est retenu, ni
la crainte, ni par l'espérance , s'altere , et tombe
dans un si grand délire que l'on invoque
la Mort , croyant y trouver la fin de ses
maux. Hélas ! elle ne vient que trop tôt ;
la misericorde de Dieu qui suspendoit les
coups de cette ennemie des hommes , se
lasse , et sa juste colere se substituë en sa
place. C'est pour lloorrss ,, que , semblables à
ceux de Caïn , nos sacrifices ne sont plus
agréables à Dieu ; nous trempons nos mains
dans le sang , et nous nous couvrons de
crimes et d'abominations. Alors le Seigneur
vengeur nous cherche , selon l'expression de
l'Ecriture , et nous trouvant bientôt , son
bras s'apésantit enfin , et nous sommes perdus.
Il faut donc se rapeller ici les paroles
que Salomon met dans la bouche de Dicu
même à l'instant de la mort de l'impie.
( Prov. 1-3 . & suiv. ) « Je vous ai apellé ,
» mais vous n'avez pas daigné me répondre ,
>> j'ai tendu ma main , et personne ne m'a
» regardé ; vous avez méprisé mes conseils ,
» et vous avez négligé mes reprimandes : Je
» rirai donc à votre mort , et je vous insulte-
» rai , lorsque ce que vous aviez sujet de
» craindre , vous sera arrivé. » Il est inutile
C vj
de
1304 MERCURE DE FRANCE
de rien ajoûter à cette menace , elle remplie
assés l'idée , et on finit par l'aplication de
la Parabole des Talens. Chacun sçait avec
quelle précaution le pauvre serviteur , qui
n'avoit reçu qu'un Talent , le conserva pour
le représenter à son Maître : mais on ne peut
en même temps ignorer le châtiment auquel
le même Maître le condamna , pour avoir
resté dans l'oisiveté. Son Talent lui fut ôté ,
et donné à celui qui en avoit plusieurs :
Enfin il fut jetté dans les Ténebres extérieures
, où il ne doit y avoir que douleurs
et grincemens de dents. C'est ainsi , vous
tous , que l'indolence porte vers l'inaction
, que vous finirez votre vie languissante.
Vous avez vécu dans l'oubli , vous mourrez
dans la confusion , et on ne se souvien
dra pas même de votre nom.
CONCLUSION..
Médiocrité,
De tout ce qui vient d'être dit , tant sur
les richesses , que sur la pauvreté , il en résulte
, sans doute , que rien n'est plus sage.
que la Priere que Salomon faisoit à Dieu ,
d'éloigner de lui et la mendicité et l'opulence.
Ce grand Prince connoissoit également
le danger de l'une et de l'autre extrémité
; il sçavoit combien on s'oublie dans .
L'opulence ,
JUIN. 1738. 1305
Fopulence , et à combien de vices l'on est
enclin dans l'adversité. Le sentiment d'un si
grand Homme suffiroit seul pour nous persuader
que ce n'est pas un bien d'être riche,'
et que c'est un mal d'être pauvre ; mais iſ
faut montrer en deux mots les avantages de
la médiocrité , que l'on peut apeller veritablement
pauvreté Evangelique , ou détachement
volontaire des choses superfluës . Il
s'en présente d'abord deux à la vûë : la paix
dans ce Monde , et le Salut dans l'autre. Et
en effet la même Ecriture , qui nous a fourni
des preuves pour les deux Propositions que
nous avons avancées , vient encore à notre
secours , et nous assûre que la richesse du
Sage , est sa modération : Tantôt elle nous
dit que peu , avec la crainte de Dieu , vaut
mieux que de grands trésors qui ne rassasient
point : tantôt elle avance que la Paix
accompagne toûjours ceux qui sont contens
de leur modeste fortune . Partout , les pages
saintes sont remplies de bénédictions promises
à ceux qui sçavent se détacher des
biens de la terre , et se renfermer dans les
bornes d'une honnête médiocrité ; et si on: ;
vcut avoir recours à l'Histoire , on verra
que les Etats les plus florissans n'ont du leur
progrès et leur splendeur qu'à ce juste mi-
Iteu qui contient l'homme dans la necessité
de travailler à acquérir et à conserver là:
vertus
1307 MERCURE DE FRANCE
vertu. C'est cette même médiocrité qui est
la mere de l'industrie et des Beaux Arts; c'est
elle qui enfante la Science ; c'est d'elle que
dépend l'harmonie du monde entier : elle
entretient le corps dans la santé , en lui faisant
éviter les excès , et elle procure la paix
à l'ame , en lui faisant aimer la vertu . Bel
avantage , sans contredit ! puisque de -là naît
le goût pour la sagesse, qui conduit necessairement
à une bonne fin ; car c'est le second
que l'on retire de la médiocrité. L'éternité
en est le prix. De même que la vie du juste
a été un tissu de bonnes actions , sa mort
est douce , et les terreurs qu'elle procure au
méchant , n'entrent point dans le coeur de
celui qui a choisi la meilleure part , qui ne
lui sera point ôtée ; il sera reçu dans le sein
d'Abraham , et les Anges chanteront sa
gloire ; il partagera avec tous les Saints la
joye de voir Dieu , face à face ; et le seul
impie , c'est-à- dire , le mauvais riche , ou le
pauvre rebelle , verra du fond des enfers , le
triomphe de celui dont il se mocquoit sur
la terre il frémira et grincera des dents , et
la mesure de ses tourmens sera celle de la
felicité du juste.
PRIERE.
Seigneur , de toutes parts la tentation
nous environne ; vous seul êtes capable de
la
JUIN. 1738. 1307
la dissiper , et de nous soûtenir ; ayez pitié
de nous , qui sommes vos enfans ; mais
ayez cn pitié , selon toute l'étenduë de vos
miséricordes. Les biens fragiles de la terre
nous avoient séduits ; et déja nous avions
oublié ceux du Ciel. Le faux brillant de l'or
nous avoit fasciné les yeux;mais votre grace a
prévenu le danger qui nous menaçoit , et vous
nous avez fait connoître le néant des choses
d'ici-bas. Cependant , Seigneur , si vous ne
vous hâtez de nous secourir , nous sommes
prêts à tomber dans un autre abîme aussi
dangereux : l'affreuse misere qui nous menace
va détruire tout votre ouvrage . Ne permettez
pas que nous vous oublions , et que
nous blasphemions votre saint Nom. Accordez
-nous ce qui nous est necessaire pour
nous soûtenir dans ce juste milicu qui nous
empêchera de pécher , et dans cette honnête
mediocrité , qui nous procurera la paix sur
la terre , et votre jouissance dans le Ciel :
c'eft dans cette celeste Jérusalem ( Apocal )
que nous unirons nos voix à celles des Cherubins
qui chantent sans cesse devant le
Trône de l'Agneau , honneur , gloire et actions
de graces à celui qui vit dans tous les
siecles ! Amen.
LA
1308 MERCURE DE FRANCE
LA NAISSANCE DE VENUS .
T
IDYLLE.
Out languissoit aux Cieux , sur la Terre et
dans l'Onde ;
La seule indifférence étoit l'ame du Monde ;
La beauté sur les coeurs n'avoit aucun pouvoir ;
Tout l'art de deux beaux yeux ne consistoit qu'à
voir ,
Quand des Flots agités l'écume blanchissante
S'entr'ouvre et met au jour une Beauté char
>
mante ;
C'eft Venus , sur un Char porté par les Zéphirs ;
L'Amour sort de son sein avec tous les Plaisirs ,
A ses côtés les Ris , les Graces , la Jeunesse
De ses aimables loix révelent la tendresse ,
Ses yeux lancent au loin des traits toûjours vain
queurs ,
Soudain l'indifférence expire au fond des coeurs ;
Touché de ses accens enfin l'écho soûpire ;
Le Ciel avec transport la contemple et l'admire ,
Tout aime , à son aspect , l'air en est parfumé ,
Le Flot qui l'aporta lui-même en est charmé.
Courons, volons , mon fils , le destin nous apelle ,
» Commençons de nos jours la carriere immor
telle ,
» Brends
1
JUI N.
1738. 1309
Prends cet Arc , ce Carquois , ces Traits , et ce
Bandeau ;
» Aux rayons de mes yeux allume ce Flambeau ,
feux la nature assoupie , ככ
Réveille par ses
» Et donne à l'Univers une nouvelle vie.
Elle dit : Le Char vole , et déja dans les Cieux
L'Amour regne en vainqueur sur les plus grands
des Dieux ;
Pour être heureux Amant , le Maître du Tonnerre
Abandonne son Trône , et descend sur la terre
Or , Taureau , faux époux , on l'y voit tour à tour
Immoler sa grandeur aux plaisirs de l'Amour.
Au milieu d'Atropos , d'Alecton , de Cerbere ,
Le noir Pluton soupire et désire de plaire.
Neptune , au fond des eaux de ses feux consumé ,
Préferę à son Trident le bonheur d'être aimé.
Le Dieu des Conquérans enchanté de ses charmes
Croit augmenter sa gloire en lui rendant les armes;
A l'aspect de Daphné , le charmant Dieu des Vers
Par cet Enfant vainqueur se sent chargé de fers.
Diane qui le brave , et s'en dit triomphante
Voit un Berger , l'adore , et n'est plus qu'une
Amante. $
Bacchus lui-même enfin ne perd plus la raison
Qu'en buvant à longs traits son aimable poison.
Tout l'Olympe est soumis à ses loix souveraines ,
Et rend graces au Dieu qui l'a chargé de chaînes,
A
310 MERCURE DE FRANCE
A peine est-il vainqueur du céleste séjour ,
Qu'il regne sur la terre , et l'enflamme à son
tour .
Les Mortels , jusqu'alors dispersés et sauvages ,
Courent de toutes parts lui rendre leurs hommages
.
Il leur aprend d'abord par mille arts innocens ,
A triompher des coeurs en séduisant les sens .
La voix soumise au joug du Ton , de la Mésure ,
Peint , exprime à son gré ce que sent la nature .
Par une autre harmonie enchaînant le discours ,
L'ingénieux Berger soûpire ses amours.
Déja les chalumeaux , les hauts-bois , les musettes ,
Sout de ce Dieu charmant les tendres Interprétes .
Dans leurs pas mesurés , sur les naissans gazons ,
Des Amans , observant la cadence des Sons
Leur donnent tout ensemble et du corps et de l'amé,
Et tracent par cet art l'image de leur flâme.
Ici , le jeune Hilas , sur un pin sourcilleux ,
Grave d'Amarillis les attraits merveilleux.
Là , le tendre Mirtil , sur l'aréne legére ,
Confond avec son nom celui de sa Bergere.
Pour la premiere fois et la Rose et le Lys
Parerent le beau sein d'Aminte et de Philis.
De ces premiers Amans l'industrie innocente
Ainsi toucha , fléchit une ame indifférente .
Temps heureux où les coeurs se donnoient pour
les coeurs ,
Qu
JUIN. 1738. 1311
Où l'Amour ne faisoit qu'à ce prix des vainqueurs
!
Bien-tôt les Jeux , les Ris , la Paix et l'Innocence
A la Societé donnerent la naissance ;
L'Amour par son organe instruisant les humains ,
Sçût leur faire des Dieux , des Loix , des Souve→
rains :
A sa voix , du néant sortit l'Architecture ,
Qui polit par son art et l'homme et la nature.
Le Soc fendit la terre , et traça des sillons ,
Que Cérés enrichit de l'or de ses moissons .
La Nef vola sur l'Onde , et le sein de Neptune
Ne fut plus qu'un chemin pour trouver la Fortune.
La Sculpture à son tour vint avec son ciseau
Affranchir les humains de l'oubli du tombeau,
La toile respira sous une main sçavante ,
Et fût de la nature une image parlante.
Ce Dieu fut aux Mortels en ce temps précieux ,
Ce qu'est à l'Univers la lumiere des Cieux ;
Il les rendit enfin heureux , dignes de l'être ;
Il leur aprit à voir , à sentir , à connoître ,
Eclaira leurs esprits , purifia leurs moeurs ,
Et de plaisirs sans trouble enyvra tous les coeurs.
Tels furent les effets du pouvoir de ses armes ;
Sans l'Amour , que d'ennuis ! avec lui, que de char
mes !
Les
1312 MERCURE DE FRANCE
Les Mortels enchantés de leur destin heureux
A sa divine mere offrent ainsi leurs voeux.
" O toi , qu'on vit sortir des abîmes de l'Onde
Pour faire le plaisir , et le bonheur du monde ,
» Ame de l'Univers , adorable Venus ,
☛ Toi , sans qui les vrais biens nous seroient inconnus
,
» Regne à jamais sur nous ; et pour ton fils aimable
» Reçois avec bonté cette offrande équitable
» Ce sont nos coeurs ; qu'ils soient le Temple et le
Berceau
> D'un Enfant , dont les Dieux adorent le flambeau
;
» Fassent toûjours ses traits naître ces sympathies
➜ Par qui deux ames sont l'une à l'autre assorties
;
» Et brûle en ton honneur notre plus pur encens
› Jusqu'à l'instant fatal qui finira les tems.
Ils dirent : et Venus sensible à leur priere
Des Cieux , avec l'Amour , vint regner à Cythere :
La Terre s'embellit ; et pour pri. de leurs feux ,
Des coeurs , en ce beau jour , elle combla les voeux .
Par M. de S. R. de Montpellier.
*/
CONSTRUC
JUIN. 17381 ་ 313
CONSTRUCTION d'un Télescope
de Réflexion , faisant l'effet d'une Lunette de
buit pieds , et de plusieurs autres Telescopes
depuis sept poucesjusqu'à six pieds et demis ce
dernier faisant l'effet d'une Lunette de 150 .
pieds : avec la composition de la matiere des
Miroirs , la maniere de les polir et de les
monter.
Ny a joint un Traité de l'art de faire
facilement les grands verres objectifs ,
lesoculaires, et des lentilles de différens foyers
avec la construction des Lunettes et des Microscopes
, et leurs principaux usages. Ouvrage
utile aux Artistes qui voudront s'apliquer
à cet Art nouveau , et aux Curieux
qui souhaiteront se construire eux- mêmes
un Télescope . L'Avertissement et la Table
des Matieres , volume in-4° . de 131. pages ,
sans figures , à Paris , chés Ph. Nic. Lottin
Imprimeur- Libraire , rue S. Jacques , près
S. Yves , à la Vérité , 1738 .
Si les Télescopes de Réfléxion nouvellement
perfectionnés , ont donné au Public
tant de satisfaction , un Traité qui donne
leur construction , et conduit comme par
la main ceux qui voudront s'y apliquer ,
n'en sera point reçu moins favorablement
sur-tour
134 MERCURE DE FRANCE
sur-tout lorsque l'on considere que c'est le
premier Ouvrage qui ait encore paru sur
cette matiere , et que cet Art n'étant connu
de
que
de
peu personnes , qui , après en
avoir surmonté les difficultés , cachent leur
secret , il y avoit tout lieu d'apréhender qu'il
ne passât pas à la Posterité.
,
L'Auteur de l'Ouvrage que nous annonçons
le divise en 15. Chapitres ; dans les
cinq premiers il donne la description d'un
Télescope de Réfléxion de seize pouces de
longueur , qui fait l'effet d'une Lunette de
8. pieds ; il aprend à faire les formes nécessaires
, il communique la composition du
métal des Miroirs , qui prend un poli vif ,
et ne se ternit point ; de-là il passe à la maniere
de les polir , et ensuite à la construction
des tuyaux et des differentes pieces qui
y ont raport avec leurs proportions ; il enseigne
à monter les Miroirs du Télescope ;
suivant une méthode plus aisée à suivre qu'à
trouver ; enfin il ajoûte un Abregé des principales
Observations que l'on peut faire avec
cet instrument , où il expose ce que l'Astronomie
a de plus beau , et de plus capable,
de piquer une loüable curiosité.
Dans les Chapitres suivans il propose un
Télescope de sept pouces , qui fera l'effet
d'une Lunette de quatre pieds , et sera trèscommode
pour porter dans la poche ; il
parle
JUIN.
1738: 1375
parle de deux autres Télescopes , dont le
premier doit être de deux pieds , et le second
de trois de longueur ; il donne
ensuite la construction d'un Télescope de
quatre pieds et demi , qui fera l'effet d'une
Lunette de cinquante pieds ; et d'un
autre de six pieds et demi , qui fera l'effet
d'une Lunette de cent cinquante pieds , et sera
très-facile pour les Observations célestes .
Enfin dans les derniers Chapitres il ajoûte
P'Art de faire les grands verres objectifs
d'une maniere si simple , que le verre et la
forme se travaillent en même temps ; les
verres oculaires et les lentilles ne sont point
oubliés , aussi - bien que la construction des
Lunettes , des Microscopes , et leurs principaux
usages. On peut dire de cet Ouvrage }
que si le Titre promet beaucoup , l'Auteur
a eu soin de remplir ses engagemens ; car il
entre dans un détail si étendu , si instructif
et si propre à écarter et dissiper les difficultés,
qu'il semble
que pour réussir à présent dans
cet Art , il n'y a qu'à le vouloir ; ensorte
que les Curieux seront en état , non- seule
ment de réparer les défauts qui surviendront
à leurs Télescopes , mais encore d'en faire
eux-mêmes de telle grandeur qu'ils souhai
teront.
ODE
MERCURE DE FRANCE
*********
O DE
Imitée d'HORACE : Solvitur acris Hyems,
LE gracieux Zéphire et l'aimable Printemps
Ont banni de l'Hyver les rigueurs excessives ;
Après un long repos , les Navires flotans
S'éloignent enfin de nos Rives.
Le Laboureur actif a quitté ses tisons ;
Les Troupeaux chaque jour quittent leurs Bergeries,
Et les âpres frimats , la nége , les glaçons ,
Ne blanchissent plus nos Prairies.
*
Les Graces vont se joindre aux Nymphes que Venus
Mene au clair de la Lune à danser dans les Plaines,
Et cependant Vulcain fait des Cyclopes nuds
Mugir les Forges soûterraines .
H
Que de Myrthe ou de fleurs un odorant chapeau ,
Ami , sur nos cheveux aux doux parfums s'unisse.
AFaune , dans les Bois , d'un Bouc ou d'un Agneau,
Allons offrir le Sacrifice .
*
U
JUIN. 13-4 1738.
La Mort , la pâle Mort , frape aussi hardiment
Aux portes des l'alais , qu'à celles des Chaumieres ,
Et l'art de nous soustraire à son commandement
Echape à toutes nos lumieres,
*
Sexte , votre bonheur ne peut toujours durer s
Il faut que vous cediez aux assauts qu'elle livre :
Croyez-moi , cher ami , pour beaucoup esperer
L'Homme a trop peu de temps à vivre.
Bien- tôt , hélas ! bien - tôt vous irez au séjour
De l'éternelle Nuit , de Pluton et des Ombres.
Le doux jus du raisin , les plaisirs et l'Amour
Sont inconnus dans ces lieux sombres.
1
EXTRAIT d'une Lettre du R. P.
Tournemine, sur la Médaille de Constantin
publiée dans le Mercure du mois de Mars
1738.
1
N
Ous avons beaucoup parlé , Monsieur,
des Connoisseurs et moi , de votre
Médaille très - rare de Constantin. Il faut
convenir que tout est vrai et original dans
sette Médaille , que j'ai examinée et dont
#1, Vol. D j'ai
18 MERCURE DE FRANCE
j'ai vu depuis la gravûre dans le Mercure
de Mars. Je vais vous communiquer làdessus
mes conjectures , que je soumets à
vos lumieres!
La Médaille a été frapée à Tréves , ce que
désignent les deux Lettres de l'Exergue P. T.
Percussa Treveris. Treves étoit une Ville
presque entierement Chrétienne ; on auroit
donc tort de s'imaginer qu'elle eût frapé
à l'honneur de ce Prince une Médaille
Payenne. Je suis persuadé , au contraire
qu'on a voulu humilier le Paganisme dans
cette Médaille, que la Figure du Revers n'est
point le Soleil , mais Constantin lui- même ,
qu'on apelle le Soleil naissant de l'Empire
Finvincible , auquel est promis l'Empire de
tout le Monde , figuré par le Globe , qu'il
tient dans sa main. La Croix , comme on
voit , n'est plus étrangere à cette Médaille
toute Chrétienne , je crois même que l'Etoile
qui paroît sur le même Revers , est
encore un signe de Christianisme , et qu'on
a voulu rapeller le fouvenir de l'Etoile qui
conduisit les Mages à J. C.
ODI
JUIN 1738.
OD E
En l'honneur du ROY , faite en 1728.
à l'occasion des Réjouissances Publiques
sur le Rétablissement de sa Santé, &c.
D
OCTE Lyre , qui de la Grece
Vantas les Héros et les Dieux ,
A nos vifs transports d'allégresse
Unis tes Sons mélodieux ;
Et toi , qui secondois Horace ,
Quand d'Auguste , avec tant de grace ,
Il chantoit les paisibles jours ;
Daigne aujourd'hui , Muse fidelle ,
En aprouvant le même zele
M'accorder les mêmes secours.
*
Divine Paix , quelles images
Offre à mes yeux ta douce loi !
Un Roy digne de nos hommages ,
Un Peuple amoureux de son Roy.
Un Troupeau qui dans les Prairies ,
Sur des rives toujours fleuries
Peut braver le Loup affamé ;
Des Laboureurs qui dans les Plaines
Dij
Contens
〒32
MERCURE
DE FRANCI
contens au milieu de leurs peines
Moissonnent ce qu'ils ont semé.
*
A la Nuit le Fils de Latone
Prète ses rayons bienfaisans.
Ici le Printemps et l'Automne ,
Semblent seuls partager les ans.
L'Eté meurissant nos javelles ,
Prépare en des sources nouvelles
Un Nectar , vainqueur des ennuis ;
Ami de Pomone et de Flore ,
L'Hyver aux fleurs qu'il fait éclore ;
Voit succéder les plus beaux fruits.
*
Que les retraites bocageres ;
Les Monts , les Vallons , les Deserts ;
Jeunes Bergers , humbles Bergeres ,
Retentissent de vos Concerts ;
Qu'au son de vos Flûtes champêtres ,
Et les Peupliers et les Hêtres ,
Soient ranimés et rajeunis ;
Et que dans ces Climats paisibles ;
Les Etres les plus insensibles
Vantent le Regne de LOUIS!
Regie
JUIN 17381
1321
Regne heureux , dont le bruit des Armes
Ne traverse point le repos !
Qüi , sainte Paix , c'est à tes charmes
Que nous devons les vrais Héros ;
Par toi , dans le sein de nos Villes
Epouses et Meres tranquilles
Goûtent le bonheur le plus doux ;
Sans craindre l'horreur des Batailles ;
Ni les sanglantes funérailles
D'un cher Fils ou d'un tendre Epoux,
*
Heureux , qui dès l'enfance même
Marchant sur les pas de Titus ,
Veut moins devoir le Diadême
Au sort, qu'à ses propres Vertus ;
Qui , content de Titres modestes ,
Méprise ces Lauriers funestes ,
Dont se couronnent les Vainqueurs ,
Et qui pouvant comme Alexandre
Réduire les Cités en cendre ,
Ne songe qu'à gagner les coeurs !
*
FRANCE , à cette marque immortelle ;
Reconnois ton Roy glorieux.
C'est lui ; tout en lui me rapelle
D iij La
1322 MERCURE DE FRANCE

La Majesté de ses Ayeux ,
Soit que dans les Champs de Diane ,
Au milieu des Jeux il condamne
La mollesse et l'oisiveté ;
Soit que pour combattre le vice
Il joigne aux Loix de sa Justice ,
L'exemple de sa Pieté.
Mais quel bras menaçant sa Vie , -
Soudain allarme notre amour ?
Vainqueur de la Parque ennemie ,
Cher Prince , tu nous rends le jour.
Tel quelquefois d'une ombre obscure ,
Au grand effroi de la Nature ,
Phebus voit couvrir ses cheveux ;
Et sans s'écarter de sa voye ,
Bientôt ranime notre joye ,
En rallumant ses premiers feux.
*
Puissent les justes Destinées
Couronner tes nobles projets ;
Et multipliant tes années ,
Combler les voeux de tes Sujets !
Puissent tes soins infatigables ,
Assûrer aux Lys respectables
JUIN. 73-8
17381
Le soufe éternel des Zéphirs ;
Et dans cette heureuse Contrée'
Immortaliser la durée ,
De l'abondance et des plaisirs.
*
Toi , qui contre la Race humaine
As cent fois aiguisé le fer ,
Jalouse , inexorable Haine ,
Redoutable Fille d'enfer ;
Toi , qui du sang de l'innocence ,
Rougis le Monde en sa naissance
Et creusas le premier tombeau ;
Lasse de tant d'iniques oeuvres ,
Désarme tes noires couleuvres ;
Eteins pour jamais ton flambeau.
*
Respecte , homicide Furie ,
Le siecle long-temps désiré ,
Qui de LOUIS et de MARIE
Voit prosperer l'Hymen sacré ,
Loin d'ici présages funébres ,
Le Ciel dissipe nos tenebres ;
Le Ciel nous prodigue ses dons ;
Par une Concorde ingénuë ,
D iiij Préparonss
4 MERCURE DE FRANCE
arons - nous à la venuë ,
Du DAUPHIN * que nous attendons .
*
Si cet Astre vient à paroître ,
Muses , quels seront vos transports !
Le grand jour qui le verra naître
Reluira jusques chés les Morts.
Abreuvé des eaux d'Hypocrêne ,
J'irai faire entendre à la Seine
Des sons jusqu'alors inconnus ;
Vous- mêmes , remontant ma Lyre ,
Versez dans mon ame un délire ,
Digne d'Orphée ou de Linus.
REFLEXIONS sur les Projets de faire
communiquer les deux Mers par le centre
du Royaume , en passant par Lyon et par
Paris. A Lyon , chés du Plain , Pere et
Fils , Libraires , 1738. Brochure in -4°.
27. Pages.
'Auteur de ces Réfléxions , après avoir
fait sentir combien la Navigation des
Rivieres de Saone et d'Yonne , est plus favorable
pour
le Commerce et plus sûre , que
* La Reine étoitgrosse de Monseigneur le Dauphin.
celle
JUIN. 1738. 1325
telle de la Riviere de Loire , entre dans les
moyens les plus faciles pour joindre ces deux
premieres Rivieres , par un Canal ; et de la
maniere dont il prouve la facilité de joindre
des deux Mers , Mediterranée et Oceane , par
l'exécution de ce Projet , il ne fait aucunement
hésiter à le croire , porté à favorifer
cette jonction de la Saone et de l'Yonne , par
la Bourgogne , plutôt que la jonction de la
Saone à la Loire , par le Beaujolois . Il en déduit
les raifons solides , qu'il seroit trop long
de raporter. Il se plaint en même temps de
ce que plusieurs Perfonnes donnent la préférence
au Canal qui passeroit par la Loire . Il
repréfente cette Riviere, comme sujette à de
grands débordemens imprévûs , qui caufent
des dommages considérables , et des naufrages
fréquens. On fait , dit - il, tous les ans de
grandes dépenfes pour contenir cette Riviere
dans son lit , fans qu'on ait pu y parvenir ;
dans les temps des basses eaux , des basses eaux , elle fe passe
en plusieurs endroits à gué , et souvent les
Bateaux n'y font qu'une lieüe par jour ; enfin
on ne peut faire remonter les Marchandifes
sur cette Riviere. Tous ces inconvéniens dispenfent
l'Auteur de détailler ceux qui résul-
⚫tent de la Traversée du Canal de Briare , qui
joint la Loire à la Seine,
Après avoir prouvé la mediocrité de la dé-
D v pense
1326 MERCURE DE FRANCE
pense du Canal projetté , dont le Point de
partage seroit Poüilly en Auxois ; et les embouchures
, l'une à S. Jean de Lône sur la
Saone , l'autre dans l'Yone , à deux lieues au
dessus de Joigny , et à quatre lieues au dessous
d'Auxerre , il fait remarquer que l'opé
ration d'une Montagne à couper , ne se trouveroit
point dans l'exécution de ce Canal, au
lieu que dans celui du Beaujolois , il y a la
Montagne de Gondras à couper , de quoi
l'Ingénieur même qui a fourni le Mémoire ,,
est convenu .
Il faut lire dans le Livre même ce qu'il dit
sur plusieurs autres inconvéniens , et en particulier
sur celui des Ecluses construites sur
des Rampans extremement rapides. Il reprend
de plus l'Auteur du Mémoire sur le Canal de
Beaujolois , d'avoir mal calculé le nombre
des Ecluses du Canal de Bourgogne, de l'avoir
augmenté , et d'avoir diminué au contraire le
sien. Il lui fait un pareil reproche touchant le
nombre des millions que coûteroient l'un et
l'autre Canal.
» La seule chose , dit-il ensuite , qui a en--
» traîné et séduit le Public , c'est que l'on a
>> fait sonner bien haut la jonction des deux
» Mers, par le centre du Royaume , par Lyon
wet Paris , en construifant un Canal qui n'au--
roit:que quatorze ou quinze lieües : cette
»idée
JUIN. 1738. 1327
»
»idée a frapé tout d'un coup les esprits . On
» auroit d'abord cru , à voir l'empressement
→ avec lequel cette Proposition étoit reçûë ,
" que dès qu'on auroit traverfé le Canal de
» Lyon , on seroit arrivé à Paris ; sans faire
» attention qu'il faut trouver un temps
favo-
» rable pour la Navigation de la Loire ; qu'il
» faut enfuite traverser le Canal de Briare et
» celui de Loin , pour venir par la Seine à
» cette Capitale. La réfléxion a guéri de la
prévention , surtout quand on a considéré
que le trajet est plus dangereux , qu'il est
plus long par la Loire , qu'on ne peut pas
» fixer le tenips auquel on arrivera , qu'il faut
» traverser trois Canaux , sur chacun desquels
il faut s'arrêter pour payer les Droits,
» et qu'enfin on ne peut pas remonter de
»Paris à Lyon ; au lieu qu'il ne faut traver-
» ser que le Canal de Bourgogne , pour entrer
» dans des Rivieres paisibles , et sur lesquel-
» les on ne court aucun danger ; qu'un seul
» Bateau y fera toujours sa route , sans être
obligé d'attendre qu'il y en ait plusieurs ,
qu'il sera assûré de faire le trajet de Lyon à
» Paris , et de Paris à Lyon' , chargé de nou-
» velles Marchandises , dans moins d'onze
" jours &c.
"
29
Divj ODE
328 MERCURE DE FRANCE
********************
ODE
Imitée d'H o RACE : Parcus Deorum
DU
cultor , &c.
UNE folle Sagesse adoptant le systême ,
Rarement des respects dûs à l'Etre suprême
Jadis je me suis acquité ;
Mais je sens aujourd'hui qu'il est temps de me
rendre :
Un mouvement secret me force de reprendre
Le chemin que j'avois quitté,
*
J'ai vû , pour réprimer les crimes de notre âge ,
Jupiter en courroux fendre un sombre nuage
Par mille étincelans éclairs :
Dans un Ciel serein même, armé de son Tonnerre,
Il en a fait trembler le globe de la Terre ,
Les Fleuves , les Monts , les Enfers.
*
Tout à sa volonté , change ici bas de face ;
Il abaisse les Grands , il éleve à leur place
L'objet du mépris des Humains .
Le sort avec éclat confondant l'arrogance ;
Sçait des mains du superbe arracher l'opulence ,
Pour la transmettre en d'autres mains .
SUR
JUIN. 1738 1329
SUR LA REGLE D'ESCOMPTE,
Par M. B **
e
Scompter , est rabatre quelque chose
d'une somme qui ne devroit être payée
que dans un certain temps limité , lorsqu'on
la paye plutôt que le terme échû , lequel rabais
se compte ordinairement à tant pour
cent parmi les Banquiers , Financiers , &c.
C'est là la définition de l'Escompte , telle
que la donne M. le Gendre dans son Livre de
PArithmetique en sa perfection ; et telle que
la conçoivent tous ceux qui sont dans l'usage
d'escompter.
Il n'y a guere de Personnes , pour peu
qu'elles soient versées dans le Commerce
qui ne sçachent faire la distinction entre l'intérêt
et l'Escompte : le premier accroît toujours
la somme au profit du Créditeur , et
Fintérêt se compte d'autant plus fort, que celui
qui emprunte prend un plus long terme pour
payer ; le dernier au contraire la fait toujours
decroître au profit du Débiteur , lorsqu'il
accélere son payement ; ensorte qu'en préve
nant davantage l'échéance de son obligation,
il escompte à un denier plus avantageux.
Il faut que M. Roslin n'ait pas sçu faire
cette
1330 MERCURE DE FRANCE
cette distinction , on en peut juger par la
maniere dont il s'explique dans un Ecrit qu'il
a fait insérer dans le Journal de Verdun au
mois d'Octobre 1736 ; il cite un exemple
pris dans le Gendre , par lequel il prétend
prouver , que cet Auteur a mal enseigné la
Regle d'Escompte ; et il entend lui - même
si peu le sujet qu'il veut traiter , qu'il défigure
l'énoncé de le Gendre , et ne le raporte
pás comme il est dans son Livre. Voici la
Proposition , telle que je l'ai lûe dans le
Gendre.
و د
""
Quelqu'un doit 600. livres à payer au
, » bout de six mois , et son Créditeur offre
» de lui escompter à 6. pour 100. pour six
" mois , du jour qu'il voudra le payer. Il
» arrive que quatre mois après , le Débiteur
» trouve de l'argent pour payer sa dette
• sçavoir combien il doit payer au bout de
» quatre mois , au lieu de 600. livres qu'il
» devoit payer au bout de six mois.
و و

M. Roslin tronque la derniere partie de
cette Proposition , et la raporte ainsi :
" ... Il arrive que quatre mois après
» le Débiteur trouve de l'argent pour payer
» sa dette , sçavoir combien il doit payer au
» bout de six mois, ·
Si c'est ainsi que M. Roslin a lû dàns
quelqu'une des Editions de le Gendre , ildevoit
s'apercevoir qu'il n'y avoit pas de sens
dans
JUIN. 1738. 1331
dans la Proposition , et que c'étoit une faute
d'impression ; au reste , je n'insisterai pas
davantage là- dessus , parce que cette fausse
citation n'influë pas sur le raisonnement de
M. Roslin.
,
Après cet énoncé , il continue et dit :
" C'est à 6. pour 100. pour six mois , il est
» donc évident que c'est 12. pour 100. par
" an ; par conséquent je forme une Regle de :
» Trois , en disant , si 100. livres donnent
» 12. livres par an combien 600. livres ?
» le quatriéme terme donne 72. livres pour
» le gain ou la perte , et comme il faut
» trouver l'Escompte de quatre mois , j'ajoû-
» te : quatre mois sont le tiers de l'année ;.
» par conséquent je prends le tiers de 72 .
» livres , qui est 24. livres pour le gain ou la
» perte des quatre mois , laquelle somme de
24. livres étant ôtée de celle de 600. livres,
» la difference est 576. livres pour la vraye
» réponse , et non 588. livres 4. sols 8. de-
و و
35
>> niers
3
T7
Assurément M. Roslin n'y pense pas', com
ment a - t - il pû s'imaginer que dans cette
Question sur l'Escompte , il fallut chercher
Escompte pour quatre mois ? n'est - il pas
évident , que le Debiteur payant au bout de
quatre mois une dette qu'il n'est obligé de
payer qu'au bout de six , prévient de deux
mois l'échéance de son billet ? par conse
quene
1332 MERCURE DE FRANCE
quent il ne doit jouir de l'Escompte que
pour deux mois , c'est donc l'Escompte de
ces deux mois qu'il falloit chercher , et suivant
l'usage de Paris , auquel M. Roslin se
conforme , qui est de prendre l'Escompte en
dedans , on trouve 12. livres d'Escompte à
rabattre sur la somme principale de 600. livres
, reste 588. livres à payer au bout de
quatre mois. M. le Gendre ayant établi par
de bons raisonnemens que je ne raporte pas,
afin d'être plus court , et que l'on peut voir
dans son Livre, que l'Escompte se doit prendre
en dehors , suit ce principe dans sa maniere
d'opérer , et trouve 588. livres 4. sols
8. deniers pour réponse.
8
17
Il est constant par ce qui vient d'être dit,
que M. Roslin voulant réformer M. le Gendre
, est tombé lui - même dans une erreur
grossiere sur cet article. Ce n'est pas que cette
Question soit résoluë bien exactement
dans le Gendre ; et en formant ma Regle
d'une maniere qui me semble plus conforme
à la nature de la Question , je trouve pour
réponse 588. livres 13. sols 7. deniers au
lieu des 588 livres 4. sols 8. deniers de le
17
53
Gendre. Voici comme je raisonne ; puisque
suivant la Proposition on est convenu de
pouvoir escompter à 6. pour 100. pour six
mois , il s'ensuit que le Débiteur qui n'escompte
JUIN. 1738.
1335
compte que pour deux mois , lesquels font
le tiers de six mois , doit avoir pour bénéfice
le tiers de ce qu'il auroit eu pour six mois ,
je cherche donc l'Escompte de six mois , en
disant par Regle de Trois , si 106. livres
donnent 100. livres , combien 600. livres ?
la reponse est 566. livres 9. deniers je
soustrais cette somme de celle de 600 livres ,
la difference est 33. livres 19. sols 2. deniers
53
52
53
53
pour l'Escompte de six mois , dont le
tiers est 11. livres 6. sols 4 deniers pour
P'Escompte de deux mois ; ôtez cette somme
de 600. livres , reste 588. livres 13. sols
7. deniers pour la vraye réponse : on auroit
pu dire tout d'un coup , si 106. livres
perdent 6. livres , combien 600. livres la
réponse auroit été 33. livres 19. sols 2. deniers
& c.
Ces Remarques étoient à peine achevées,
lorsque le Mercure d'Avril 1738. m'est tombé
entre les mains ; j'y ai vû que M. Faures,
qui s'est aussi aperçu des erreurs de M.Roslin,
s'est mis en devoir de les relever. Si j'eusse
trouvé sa Critique aussi judicieuse qu'elle auroit
pu être , je me serois abstenu de mettre
au jour mes Observations ; mais comme j'ai
vû que nous n'étions pas en tout du même
sentiment , cela m'a fait persister dans le
dessein où j'étois de les rendre publiques.
Sans
Lid
1334 MERCURE DE FRANCE
Sans prétendre faire ici l'apologie de M. Ros
lin , ni réfuter tous les endroits de l'Ecrit de
M. Faures , qui mériteroient de l'être , je lui
ferai faire seulement deux remarques.
,
Si l'on peut conclure comme lui et comme
M. le Gendre , c'est à 6. pour 100. pour
six mois , donc c'est à 2. pour 100. pour
deux mois on peut conclure aussi comme
M. Roslin , donc c'est à 12. pour 100. par
an. Si l'une de ces deux Conclusions est vicieuse
, l'autre l'est aussi , ce qui justifie la critique
que j'ai fait de M. le Gendre sur ce sujet
; car, quoiqu'il soit évident que l'une de ces
deux Conclusions emporte nécessairement
l'autre , cependant les produits qu'elles donneront
, seront dissemblables entre eux , et
avec celui que j'ai trouvé par ma méthode .
Ce raisonnement de M. Roslin ne l'engageoit
nullement à prendre les deux tiers de
72. livres qu'il a trouvés pour l'escompte de
P'année entiere. Il s'est trompé, il est vrai , en
ce qu'il a cru devoir prendre l'escompte pour
les quatre mois que le Débiteur
a laissé écou
ler avant que de s'acquiter
,au lieu de le prendre
comme
il devoit pour les deux mois qui ont prévenu
le terme de six , qu'il étoit en droit d'attendre
pour payer , sans qu'on eût aucun intérêt
à répéter contre
lui. Et si M. Roslin
, rajsonnant
à sa maniere
, qu'il dit être d'usage à Paris , s'étoit expliqué
ainsi :
Comme
JUIN. 1738 1335
» Comme il faut trouver l'Escompte de
» deux mois , j'ajoûte ; deux mois sont le si-
» xiéme de l'année , par conséquent je prens
» le sixième de 72. qui est 12. pour la perte
» ou le gain des quatre mois , laquelle som-
» me étant ôtée de celle de 600. la differen-
" ce est 588. S'il eût , dis -je , raisonné ainsi,
ΟΙ
'auroit pas eu d'autre procès à lui faire ,
sinon sur ce qu'il auroit pris l'Escompte en
dedans , au lieu de le prendre en dehors ;
car en ce qu'il fait sa Regle d'Escompte
comme une Regle de Change , c'est la suite
naturelle de l'usage où il est de prendre l'Escompte
en dedans.
BOUQUET
Envoyé le jour de S. Jean à M. D. L. P.
Capitaine au Régiment d'Apelgrin ,
J
et Chevalier de S. Lazare.
E suis chargé d'un difficile emploi ,
Quoiqu'il ait fort dequoi me plaire ;
C'est un Bouquet en Vers qu'il vous faut faire ,
Et l'on se repose sur moi
Du soin d'ên être secretaire.
Vous vous douterez bien , je croi ,
# 336 MERCURE DE FRANCE
Que c'est une Fille et sa Mere ,
A qui votre personne est chere ,
Qui pour vous faire cet Envoi
Se servent de mon ministere ;
C'est un honneur que je reçoi
Avec une allégresse entiere ,
Et je courrois cette carriere
Plus heureux , plus content qu'un Roi ,
Si j'avois assés de lumiere
Pour faire Vers de bon aloi .
Je sçais que je n'ai point affaire
A quelque personne vulgaire ,
Et qu'il me conviendroit d'avoir
L'esprit de Virgile , ou d'Homere
Pour m'acquitter de ce devoir.
En vous brille le vrai mérite
Ajuste titre si vanté ;
L'Honneur , la Générosité ,
Guident toujours votre conduite ;
Et votre Vertu favorite ,
Est une exacte Probité.
Vous possédez dans un degré sublime
Le plus juste discernement ;
Cet esprit fin qu'on cherche , qu'on estime ,
Et qu'on trouve si rarement.
Je puis donc très-malaisément
Άνες
JUIN
1738 1337
Avec un si foible langage ,
Vous rendre un légitime hommage
Au gré de mon empressement.
Voyons donc ce que je dois faire ;
Bornons-nous aux simples souhaits
Que forme une amitié sincere ,
Ces fonds ne tarissent jamais ;
Nous désirons avec instance
Que vos jours soient toujours heureux ;
Et que malgré son inconstance ,
La Fortune vous récompense ,
Suivant vos désirs et nos voeux.
Puissiez-vous posséder sans cesse ;
Une vive et pleine santé ,
Une humeur pleine d'allégresse
Une douce tranquillité,
Jouissez d'un bonheur extrême ,
Et nous aimez comme nous vous aimons ;
Voilà notre plaisir suprême ,
C'est tout ce que nous désirons,
Le Maire,
LETTRE
1338 MERCURE DE FRANCE
LETTRE de M. LANGE Y , au sujet
d'une Ste Helene révérée à Troyes , &c .
J
E me trouvai , Monsieur , dernierement
à Troyes , le jour de la Fête des deux
Saintes Patrones de cette Ville ; j'allai à la
Cathédrale où leurs Châsses étoient exposées
, je remarquai qu'une de ces Châsses ,
d'un ancien bois de Cédre , longue de six à
sept pieds , étoit en quelques endroits couverte
d'une espece de miniature antique , à
demi rongée et enlevée , avec quelques Lettres
Grecques. Je demandai à un Religieux
de Ste Genevieve qui se trouva près de moi,
quelle étoit la Sainte dont les Reliques
étoient renfermées dans cette Châsse ; il me
dit qu'on ne sçavoit rien de cette Sainte , sinon
, que son nom étoit Helene , et qu'elle
avoit été Princesse , que cette Châsse avoit
été envoyée à Troyes par un Evêque de cette
Ville , apellé Garnier , qui ., selon le témoignage
des Auteurs contemporains , et de M.
de Fleury dans son Histoire , s'étoit trouvé
au pillage de Constantinople par les Latins
croisés , et avoit été le dépositaire des Reliques
prises sur les Grecs , parmi lesquelles il
avoit choisi cette Châsse , mais que la mort
de
JUIN. 1738. 5339
de ce Prélat , arrivée lorsqu'il repassoit du'
Levant en France , nous avoit privé des lumieres
qu'il auroit sans doute laissées sur la
Vie de cette Sainte . Ce R.P. ajoûta, qu'il avoit
vû cette Châsse ouverte , et que le S. Corps
embaumé et envelopé de pourpre et d'autres
Etoffes très - anciennes et précieuses , étoit
d'une conservation et d'une fraîcheur merveilleuse.
Au surplus , me dit-il , si vous désirez
là -dessus quelques Eclaircissemens plus
précis , vous ne pouvez mieux vous adresser
qu'à un sçavant Chanoine de la Cathédrale
nommé M. Breyer , qui se fera un plaisir de
vous aprendre ce qu'il en sçait ; je remercial
ce Religieux , et j'allai chés M. Breyer plusieurs
fois , sans avoir eû le bonheur de le
rencontrer.
Je ne désirois ces Eclaircissemens , que
parce que je m'étois imaginé que cette Ste
Helene pourroit être la Mere de Constantin ;
et sans me trop arrêter à la conformité du
nom , je raisonnois ainsi : Selon la tradition
cette Ste a été Princesse , ces Reliques renfermées
dans une Châsse fort simple , ont été
choisies préférablement à tant d'autres , qui
par la richesse de leurs Reliquaires , font l'ornement
de nos plus beaux Trésors de France,
par un Evêque qui les avoit toutes également
en sa disposition ; et je concluois que par
toutes ces raisons , il étoit assés vraisemblable
1340 MERCURE DE FRANCE
ble que ces Reliques pouvoient être celles de
l'Impératrice , Mere de Constantin . Comme
ces conjectures vérifiées meneroient à une
découverte également intéressante pour les
amateurs des Antiquités Ecclésiastiques et
Prophanes , j'espere que vous voudrez bien
engager M. Breyer à me donner par la voye
du Mercure , les Eclaircissemens que je n'ai
pu prendre de bouche avec lui. Je suis , &c.
P
A Paris le 15. Juin 1738,
EPIGRAMME
Sur la Réponse d'un Meunier.
Our ton Moulin , gros Jean , ne plaide point ,
Disoit n'aguere à ce Client rustique
Un vieux Patron , qui sçait mainte rubrique,
Jadis Barthole écrivit sur ce point ,
Et contre toi sa Doctrine s'explique .
Lors le Manant , sans être stupéfait ,
Répond soudain : Quel jugement frivole !
De mon Moulin qu'a pû sçavoir Barthole
Si , de son temps , pas n'étoit encor fait. *
Par M. C * * *
• Ce Conte est tiré des Paroles mémorables ;
EXTRAIT
JUIN. 1738. 1348
****************
EXTRAIT du Mémoire de M. Morand,
lu à la Séance publique de l'Académic
Royale des Sciences .
M
R Morand ne considere ici la peau
que comme l'envelope commune de
toutes les parties , et par conséquent , comme
un tissu fait de fibres aponevrotiques ,dont
l'entrelassement forme ce qu'on apelle le
cuir , même dans l'homme. La structure de
ce tissu donne à la peau une grande facilité
de s'étendre en tous sens , de s'ajuster à
toutes les situations du corps et aux differentes
infléxions des membres. Il est extrêmement
élastique , et la trame dont il
est composé est capable de se relâcher ou de
se resserrer assés vîte , suivant differens effets
du froid et du chaud , du sec et de
T'humide .
La régularité avec laquelle ces fibres peuvent
se resserrer , est digne d'attention , et
quelques observations faites sur le parcherecueillies
par Louis Gollut, qui a fourni à M. Rousseau
le sujet de l'Epigramme qu'il afinie par ces Vers s
Perdrai-je l'oeil lui dit Messer Pancrace ;
Non , mon Ami , je le tiens dans ma main.
11. Vol. E min
342 MERCURE DE FRANCE
min , qui n'est autre chose qu'un cuir préparé
, ont rendu la chose sensible à M. Morand.
Ayant eû occasion d'examiner des mor
ceaux de parchemin retirés de l'Incendie
de la Chambre des Comptes , il en a vû un
qui a souffert le feu de façon que l'effet en
a été bien plus vif du côté qu'occupent les
premiers mots des lignes d'écriture . Ce côté
est plus court que l'autre d'un grand tiers ,
les lettres sont racourcies d'autant, les intervales
des lignes sont raprochés d'autants
la réduction de toutes ces parties s'est faite
avec une proportion singuliere , dont le côté
sain donne la mesure, avec cela la surface
du côté rôti est très -unic , moyennant quoi
l'écriture sé lit fort aisément.
M. Morand est même persuadé que l'opération
du feu a rendu le commencement des
lignes plus lisible que la suite . Il ne prétend
point par là , dit- il , donner de la vogue
et un moyen si bizare de déchiffrer des
titres dont la lecture seroit difficile.
Il explique ce changement arrivé au tissu
du parchemin par l'effet du feu , en disant
que les fibres interieures se sont boursouflées
pendant que les exterieures se sont
froncées , desorte que le tissu est devenu
moins large et en même temps plus épais.
Ses conjectures sur cela ont été confir
A mées
JUIN. 17381 1343
mées par des Expériences qu'il a faites avec
du parchemin ordinaire , en le faisant d'abord
racornir au feu , et ensuite macerer dans
de l'eau ; il y a découvert deux couches de
fibres très distinctes , dont l'intervale est
-occupé par une substance plus molle , assés
épaisse et qui se détache aisément des deux
James qui la couvrent. Il croit que cette faiçon
de préparer la peau pour la décomposer,
peut être fort utile aux Anatomistes , et se
propose de l'employer en examinant la peau
de differens animaux.
D'autres Remarques ou Expériences fai-
-tes sur le parchemin , ont fourni à M. Morand
, par analogie , l'explication de deux
choses sur le tissu de la peau , considerée
dans son état naturel et dans celui où elle
se trouve par l'effet de la brûlure.
Quant au premier point , il regarde les
mailles de ce tissu comme les pores de la
-peau qu'on sçait devoir se fermer et s'ouvrir
plus ou moins , suivant certaines circonstances
; il atribue les changemens des pores
au resserrement de la trame qui doit produire
le rétrecissement des mailles, et à l'expension
de la trame qui doit élargir les mailles
, ce qui étant suposé , on auroit droit
d'admettre dans la peau , dont la partie qui
fait le cuir est aponévrotique , un mouvement
naturel, relatif aux effets du consuet de
E ij l'air
344 MERCURE DE FRANCE
l'air exterieur , et duquel doit dépendre l'é
tat des pores.
Quant au second point , la brûlure est
une crispation de la partie du cuir affectée
par le feu ; or , si cette brûlure est forte , la
crispation des fibres du point central de l'endroit
brûlé à une circonférence quelconque,'
doit de nécessité déchirer circulairement une
piece de la trame ; et de- là l'escare , qui
n'est autre chose qu'un morceau à peu près
rond du cuir épaissi , lequel doit tomber en
pourriture , parce que les vaisseaux qui portoient
le sang à cette partie sont , rompus
dans l'intervale qu'a laissé la peau brûlée cntre
elle et la peau saine.
M. Morand finit son Mémoire par quelques
Recherches curieuses sur l'Histoire du
Parchemin , pour prouver le sentiment
de ceux qui croyent que l'invention en
est bien plus ancienne qu'on ne pense
communément , et qu'elle est bien antérieure
à l'Epoque des Rois de Pergame ; mais ce
n'est point - là l'objet principal de son Mé
moire , et il n'en parle que par occasion
EPIGRAMMB
JUIN 1738 2345
*******
EPIGRAMME
Sur l'Aven d'un Bûveur.
UN ami de Bacchus , atteint d'Hydropisie ;
S'écria sur le point de descendre au tombeau ,
Ciel ! comment mon corps peut-il être plein
d'eau ?
Puisque je n'en bus de ma vie
Par M. C *
LETTRE écrite dAire en Artois , par
M. Garson , Subdelegué , &c. le 28. Juin ,
sur le Phénomene de Guarbecque.
E crois que vous voudrez bien , Monsieur
, que je vous fasse part et aux
Curicux par votre moyen , d'un Evenemens
singulier arrivé à Guarbecque , Village éloigné
d'une lieuë et demie de cette Ville.
Le 2. de ce mois, vers sept heures du matin
, un gros temps et orageux couvrit tout
le Ciel , on ne voyoit presque plus , pour
ainsi dire, que par le feu des Éclairs; le Tonnerre
se faisoit entendre d'une maniere af-
E iij freuse
1346 MERCURE DE FRANCE
freuse , le bruit ressembloit assés à celui
d'une nombreuse Artillerie , jointe à une décharge
de Mousqueterie , et ce fracas a duré
environ un demi quart d'heure ; la frayeur
étoit grande , mais elle fut extrême lorsqu'on
entendit un bruit pareil à celui que font les
grais jettés avec les Mortiers en un Siege
de Ville , et qu'on vir tomber avec roideur
plusieurs corps solides assés gros , que l'on
jugea être des pierres ; l'Orage et la pluyet
étant passés , chacun fut curieux de voir
ce qui avoit causé tant de frayeur et d'étonnement.
On se mit à chercher et l'on trou
va qu'au fond des trous qu'on aperçut en
terre , il y avoit une matiere dure que l'on
s'imagina bien être ce que l'on avoit entendu
tomber ; on a déterré quantité de ces pièces
qui étoient plus ou moins enfoncées , à proportion
de leur poids , ceux qui y ont travaillé
croyoient que c'étoient de éclats de
grais, mais ces morceaux ayant été examinés
par des Connoisseurs , on a vû que c'étoit
une espece de Marcassite ; on en a envoyé
plusieurs pieces à Arras , il y en a du poids
de cinq livres à S. Venant , et j'en ai une qui
pese huit livres et demie , j'ai comparé avec
la mienne toutes celles qu'on a bien voulu
me communiquer , et j'ai trouvé qu'elles
sont toutes d'une même qualité ; ces differens
éclats paroissent avoir composé un corps
qui
JUIN x738 1347
173 .
qui avoit quelque forme assés considérable
,
ayant un tegument d'un tiers de ligne d'é
paisseur, ressemblant
fort à une peau de chagrin
, sur lequel la lime n'a point de prise ;
ce corps est de couleur de cendre , parsemé
et traversé de partícules et de lignes métalliques
, dont les unes paroissent de fer et les
autres de cuivre ; on se persuade ici que
c'est
će que
l'on apelle
communément
pierre
de
foudre
, on ne peut
douter
qu'elle
ne soit
tombée
avec le Tonnerre
, et que ce ne soit
la Brondias
, dont
Pline
fait mention
, Liv.
37. de son Histoire
Naturelle
, et la Cerau
que
nias de Lemery
, avec
cette
difference
l'on ne pense
point
, comme
ce dernier
, que
ce soit une pierre
qui naît en plusieurs
Lieux
de l'Allemagne
et de l'Espagne
, que le Peuple
s'imagine
tomber
avec
le Tonnerre
; on
ne peut
attribuer
à l'imagination
ce que l'on
vient
de voir à Guarbecque
, trop de témoins
vérifier
le fait , et il n'y a point
d'apeuvent
des
parence
que
de la Campagne
ayent
pu conspirer
, à faire
trouver
des matieres
telles
que sont
les Marcassites
ci -dessus
!
dont
ils n'auroient
pu se pourvoir
en si grande
quantité
, vû là rareté
de ces productions
, et qu'ils
n'avoient
aucun
interêt
à user
d'une
pareille
supercherie
; ce que j'en ai, me
vient
de la main
de celui
qui a entendu
et
vu tomber
la piece
dans
le Marais
, et qui
E j
l'y
gens
4348 MERCURE DE FRANCE
l'y a déterrée sur le champ. Ce Phénomene
paroît mériter que les Sçavans veuillent bien
nous en faire connoître les causes et les prin
cipes. J'ai l'honneur d'être , &c.
Αν
RONDEAU
Sur la Folie des hommes.
U vrái , dès que l'homme respire ,
Sur lui l'erreur prend son empire
Par les plus bizares détours ;
Du bien il s'éloigne toujours.
Ne va- t'il pas du mal au pire?
Démocrite a-t'il tort d'en rire
Car presque aucun de nous n'aspire
Par de bien sinceres retours ,
Au vrai.
L'honneur à l'un est le Martyre ;
Pour l'argent celui-ci soupire ;
Victime de folles amours ,
L'autre ne dort ni nuits ni jours ;
Enfin tout homme est en délire ,
Au vrai.
Ba... an Château d'Au.
RE'PONSE
JUIN. 1738 . 1349
REPONSE à la Question proposće
dans le Mercure de Février 1738 .
N demande si l'honneur et la gloire sont
une même chose , et lequel des deux a le
plus d'empire sur le coeur de l'homme.
Pour peu que l'on réflechisse sur cette
Question , il sera facile d'y repondre.
L'homme est un Etre raisonnable , fait
pour penser et pour agir. Né être heupour
reux et pour travailler à le devenir , il a en
lui les principes de la vertu , qui seule peut
lui faire un bonheur vrai et durable. Certe
semence de vertu qui se trouve dans tous
les hommes en général , dans un degré plus
ou moins éminent , agit suivant l'empire
qu'elle a sur chacun d'eux en particulier . Heureux
ceux en qui elle est dominante ! mais
dans la plupart elle est étouffée par les passions
, qui la rendent infructueuse , et ne lui
laissent produire tout au plus que de foibles
remords .
>
L'honneur est inséparable de la verta ;
qui est son principe ; et la gloire qui leur
doit son être , semble ne leur être pas moins
attachée , cependant il y a des objections ,
er ce sont elles qui servent de réponse à la
Question proposée .
EY IL
1350 MERCURE DE FRANCE
Il y a de deux sortes de gloire , qu'il est
important de distinguer . L'une solide et lé- .
gitime , qui naît des actions pieuses ou hé
roïques , estimable dans sa nature, utile dans
ses effets , et la seule qu'il soit permis de rechercher
; l'autre fausse et imaginaire , fille
de l'amour propre et de la vanité , quelquefois
même de l'envie , détestable dans sa
source , barbare dans ses actions.
La premiere s'allie si intimement avec
l'honneur , qu'on peut dire avec raison que
ce n'eft qu'une même chose ; la seconde ,
d'espece differente , lui est tout-à- fait contraire
; et elle ne doit même le nom qu'elle
a injustement usurpé , qu'à la fausse idée
qu'on s'en est formée.
La gloire qui naît de l'honneur er de la
vertu , n'a n'a que le bien public pour objet ,
soit dans le général , soit dans le particufier.
Celle qui naît de l'amour propre et de
la cupidité,ne recherche et ne satisfait qu'ellemême
. Elle est elle seule son motif et sa
récompense , et tout ce qui ne la flate point
lui est étranger et indifferent..
Il est aisé après cela , de répondre au second
point de la Question , lequel des deux
de l'honneur ou de la gloire , a le plus d'em
pire sur le coeur de l'homme.
S'il faut juger de l'intérieur par les effets
qu'il produit, le problême est décidé. L'honneur

1738. 1352
JUIN.
neur a bien peu de Partisans ; la gloire , sa
superbe rivale , les lui a presque tous enlevés.
Il y a peu de siecles qui n'ayent produit
des Césars , des Achilles , des Alexandres, il
n'en est qu'un qui ait vu naître un Titus.
L'Histoire m'offre des Guerriers dont les
noms fameux qu'elle a pris soin de conser
ver, passeront jusqu'aux dernieres posterités,
j'y trouve des Conquérans , mais non pas
des Héros. Enfin je vois que l'erreur de ce
siecle est celle de tous les temps , et que les
hommes ont toujours pris le faux or pour le
vrai , et préferé la figure à la réalité .
Par M. Barbery , le jeuné.
***
**********
ENIGM E.
Dans un sombre réduit tranquille et renferméez
Je goûtois la douceur d'un repos qui m'est cher ,
Lorsqu'un homme cruel , la main d'un fer armée
Jusque dans mon azile est venu me chercher.
Je l'ai vu , ce barbare , aspirant à ma perte ,
Pour un vil interêt , briser avec effort
Les solides Rochers dont je m'étois couverte ;
Et puis entre d'autres mains me livrer à la mort ;
Et quelle mort ! & Dieux tel , loin de Pénelope,
i
Evj
Le
1352 MERCURE DE FRANCE
Le sage Ulisse vit , non sans frémir d'horreur ;
Ses amis devenir le repas d'un Ciclope ,
Et d'un semblable sort, dit Homere, eut grand peur ;
Telle en ce jour , hélas ! et plus à plaindre encore ,
Par centaines j'ai vu mes innocentes soeurs
Assouvir l'apétit de Monstres que j'abhorre ,
Et moi- même à mon tour partager leurs malheurs.
L. C.
LOGOGRYPHE
LE
A Mad. R • •
E Logogryphe a le don de vous plaire ,
Philis , ce n'est pour vous qu'un foible amusement ;
Vous en dévoilez aisément
Le plus difficile mystere ;
C'est une bagatelle , il est vrai , toutefois
Il vous donne matiere
A faire briller chaque mois
Certain génie aisé , vif , pénétrant , fertile ,
Et pour qui rien n'est difficile.
Recevez donc comme un amusement
Celui que j'ose ici produire ,
Heureux si par les Vers que ma Muse m'inspire ,
Je puis vous occuper et vous plaire un moment !
Cinquante-six ( Ruisseaux ) forment une Riviere ,
Dans
JUIN. 1738. 1353
Dans laquelle , Philis , si le calcul vous duit ,
Vous trouverez tout ce qui suit.
Trente-quatre (Versets) dictent ce qu'on doit faire.
Trente- un ( gros juremens ) sont un peché mortel.
Quarante-cinq ( maisons ) font Ville en Picardie.
Comme trente neuf ( ans ) un Pontife à l'Autel .
Or vingt-huit ( plumes ) font animal amphibie ;
Car quarante-deux ( sons ) font un vieil instrument,
Et vingt-deux ( tons ) à peine une Note en Musique;
Vingt-cinq ( barils ) dans un repas bachique,
Vous déplairont certainement.
Quarante ( hommes , dit-on ) peuvent bien sans
réplique ,
Couronner un quelqu'un qui regne absolument.
Par E. M. J. D. L. de Meaux.
AUTR E.
Herche Gourde , Roy , Poivre , Yvoire ,
Perou , Doguin , Or , Ivre , Poire ,
Rouge , Rouen, Nord , Guide , Jour ,
Roide , Pin , Rude , Rogne , Pour ,
Orgue , Onde , Gien , Nid , Rien , Ordure ,
Poudre , vin , Juin , Noir , Ode , Injure ,
Dur , Digue , Drogue , Pur , Gredin ,
Cher Lecteur , dans ·
Par M. Desnoyers , Lieutenant Particulier
en la Prévôté d'Etampes,
1354 MERCURE DE FRANCE
Par
J
AUTR E.
E suis un nom composé de huit Lettres ;
Sous mon nom seul mille noms sont couverts;
Etre fécond , je forme plusieurs Etres ,
>
Si l'on me tourne en tous les sens divers.
Je suis à sept , cinq , quatre, un terme de cuisine ;
A sept , cinq , trois et huit , une brillante fleur ,
A sept , six , avec trois , un terme de Marine ;
Je deviens à cinq , sept , un métal de valeur.
Par quatre , cinq et deux , un signe de tendresse ;
quatre ,, cinq et six , un terme de bassesse
Et par trois , deux, sept , huit, un titre de grandeur,
Je suis à deux , sept , huit , la colere et la haine ,
Et par 2. 7. deux , trois , le nom d'une inhumaine,
Quatre, 5. 6. 3. 8. j'ai six pieds de longueur ;
Quatre , sept , cinq , six , 8. une fameuse Ville ;
Je suis à trois , cinq , quatre , à connoître facile ,
Car vous trouvez en moi le nom de mon Auteur.
C'Est
AUTRE.
'Est un des Sergens de Pluton
Que six Lettres vous representent ,
Dont les assauts cruels enfantent
Et versent dans le sang un funeste poison .
Comptez 5. de mès pieds , je suis une Eumenide ;
Qui punis des méchans les forfaits odieux ;
Plus,
JUIN.
1355 1738.
Plus , au Calendrier seulement je réside.
Avec quatre , je suis sans raison et stupide ;
Une Ville, une légume, un bord, un Orgueilleux
Avec trois , dans l'hyver on me tient compagnie ;
Je suis un animal rampant ;
La passion d'un jeune Enfant ;
Femme dont on maudit la premiere folie ;
Un homme impétueux , ardent ;-
Et ce que de ses mains arrachera le Sage ;
Une Déesse du bas âge ; -
Ce que P'on perd une fois seulement ;
Ce qui dans une Ville assure le passage ;
Deux lettres d'un Jardin expriment l'ornement ;
Une Isle dont le nom est un ton du Plein chant.
Devinez , je n'ai rien à dire davantage.
J
Par un Chanoine de Chartres.
AUTR E.
E suis l'habit commun de tout ce qui respire ;
Du Berger , du Prélat , du Maître de l'Empire.
Sans Chef, je n'ai goût ni couleur ,
Je fais pourtant le quart de la Nature ,
Et le Kemede à la brûlure ;
Qu'on me rende mon Chef en m'arrachant le coeur
Je deviens Ville de Navarre ;
Si vous sçavez mes membres assortir ,
Vous
1356 MERCURE DE FRANCE
Vous aurez ce qu'on trouve à Paris de moins rare ;
Puis encor ! ah ! c'est peu ; cessons de discourir.
Par le même.
AUTRE.
L Ecteur , je suis Ville de France
Mais si tu veux me combiner ,
Et mûrement examiner ,
1
Tu verras dans mon nom deux Villes de Provence,
Certaine sorte de Poisson ,.
Qu'on ne prend pas à l'hameçon.
Le Symbole de la sagesse ;
Animal fatiguant sans cesse ;
La Reine de toutes les feurs ;
Le Patriarche des Bûveurs ;
Plus une Ville Episcopale ;
Et pour venir à la finale ,
Le plus précieux des Métaux ;
Ce qui comprend les mois et trois tons musicaux.
Par J. B. Ollivier , à Marseille.
LOGOGRYPHUS .
Communis, varius , sum corpore, Læector, in omni.
Collum tolle meum , candidus ales ero.
Denique si ventrem scindas , mihi conspice membrum
Vitale in mediis visceribus positum.
ALIUS
JUIN
1357 1738.
I
ALIUS.
;
Ngentes animos angusto in pertore verso.
Quinque pedes habeo . Humana bella infero genti z
Omnibus infestus pariter , nociuque diuque
Savio. Sin medium scindas , en aquior adsum
Inque malam tantùm sobolem mea spicula vibro.
Tres alias partes jam delige : recreat omnes
Conspectusque meus , nascorque bonis-ve malis- ve,
Ex toto rescinde caput , dein relliqua verte :
Gratia prisca perit , patriamque relinquo coactus.
*******:
NOUVELLES LITTERAIRES
M
nage ,
DES BEAUX ART S.
EMOIRE curieux , Historique et intéressant
, sur la Fondation , le Patroet
le Droit de Nomination àla Cure de
'Eglise Paroissiale de Ste Marguerite , du
Fauxbourg S. Antoine de Paris , prouvée par
Titres originaux
et Pieces justificatives.
M. DCC . XXXVIII.
.
Ce Mémoire renferme , premierement, tout
ce qu'on peut sçavoir sur l'origine de la Paroisse
de S. Paul , dont Ste Marguerite n'est
qu'en démembrement ; il en raporte ensuite
l'ancienne
1358 MERCURE DE FRANCE
,
l'ancienne étendue , les retranchemens qui
ont été faits , pour réunir quelques endroits
à Conflans , et à la Cure de Vincennes . L'Auteur
fait voir que malgré ces cessions , cette
Paroisse contenoit dans son territoire , le plus
grand Fauxbourg qu'on ait vu se former proche
Paris. On trouve dans ce Mémoire , le
détail de toutes les Communautés qui y ont
été établies , l'origine de l'Abbaye de S. Antoine
, qui n'est que du commencement du
treiziéme Siecle et des Prieurés de Trénel,
Bon - Secours, &c. L'origine du nom de quelques
Lieux considérables n'y est pas oubliée ;
par exemple celle de Reuilly , qui est le Lieu
même ou l'on voyoit au VII . Siecle , le Château
dit Romiliacum , chés Frédegaire , dans
lequel le Roy Dagobert répudia Gomatrude.
La Seigneurie de Reuilly releve aujourd'hui
de celle du Temple. L'Auteur du Mémoire
nous aprend , que ce fut un Seigneur de
ce Reuilly qui donna le terrein sur lequel
on a bâti l'Eglise de Ste Marguerite ;
et comme ce fut le Curé de S. Paul qui s'en
mit en possession , que la Cure n'a été érigée
en 1712. pareillement que du consentement
du Curé de S. Paul ; et que l'Eglise Pa
roissiale a été bâtie au moins en partie par les
Habitans : il en conclut que ce seroit au
Curé de Saint Paul , conjointement avec
les Marguilliers en charge de la Paroisse
Sainte
JUIN 1738. 1359
Sainte Marguerite , à présenter à la Cure
mais que les Marguilliers paroissant avoir
abandonné leur prétention , en cet état , om
doit convenir que le droit de nommer à la
Cure de Ste Marguerite, ne peut apartenir de
plein droit et légitimement qu'à M. l'Archevêque
de Paris , parce que de tout temps , les
Evêques et Archevêques de Paris ont nommé
à la Cure de S. Paul , en leur qualité de
Doyens de S. Maur des Fossés, et de Prieurs
de S. Eloy ; et qu'à l'égard de la Famille des
Fayets , qui se dit aux Droits des Seigneurs
de Reuilly , elle n'a d'autre droit , que
de
nommer à la Chapelle , qui a subsisté avant
l'érection de la Succursale et de la Paroisse.
HISTOIRE des Evêques de Nîmes,où l'on
voit ce qui s'est passé de plus mémorable
dans cette Ville pendant leur Episcopat , par
raport à la Religion ; par M. Menard , Con
seiller au Présidial de la même Ville , Asso
cié à l'Academie des Belles Lettres de Mar
seille , imprimée à la Haye , chés Pierre
Gosse , 1737. deux volumes in - 12. Se vend
à Paris , chés Huart , rue S. Jacques ; et à
Nimes , chés les Freres Gaude , près de la Ca
thédrale . Le prix est de 2. livres brochée
et de 3. livres reliée.
RECUEIL de divers Ecrits pour servir
Eclaircissement à l'Histoire de France , et de
Suplémen
1360 MERCURE DE FRANCE
Suplément à la Notice des Gaules. Par M.
Allé le Beuf , Chanoine et Sous Chantre de
glise d'Auxerre. Deux volumes in – 12. à
Paris , chés Jacques Barois , Fils , Quai des
Augustins , à la Ville de Nevers , avec Figur.
Suite del'Extrait du Mercure d'Avril , p . 710:
Plusieurs Lieux de même nom ont cru
devoir s'attribuer l'honneur d'avoir servi de
Champ à la fameuse Bataille de Fontenay ;
de l'année 841 , par la raison que ccs Lieux
sont voisins d'Auxerre . Mais l'Auteur fait
voir dans sa Dissertation , que cela ne suffit
pas , et que tous les Historiens du temps
ayant marqué qu'elle fut donnée dans le Pays
Auxerrois , c'est mal à propos qu'on la croiroit
donnée dans le Tonnerrois , qui y est
contigu. C'est par cette même raison , que
ceux de Chablis ne sont point recevables en
faveur de leur Fontenay ; outre que , com
me l'a aussi remarqué M. le Comte de Boulainvilliers
, les noms des Lieux voisins de
Chablis n'ont qu'une ressemblance fort équivoque
, avec ceux qui sont désignés par
l'Historien Nithard , qui étoit présent à cette
Bataille . Enfin des trois ou quatre Fontenay
qui sont dans le Diocese d'Auxerre , M. le
Beuf se détermine pour celui dont le nom
a été altéré en celui de Fontenaille sur
Andrie , au Sud - Ouest d'Auxerre , à six
ou şept lieuës de cette Ville ; et il prouve
JUIN. 1738. 1381
que le Ruisseau , dont ont parlé Nithard et
Angelbert , autre Auteur contemporain, duquel
il a le premier imprimé la Poësie, est le
Ruisseau abondant qui prend sa source à
Druye. Dans les additions qu'il raporte de
quelques circonstances touchant cette Bataille
, il se sert d'un Discours manuscrit d'un
Evêque de Mastricht , sur S. Martin , composé
sur la fin des Guerres des Normands ;
par lequel il prouve que l'on croyoit alors
que les Princes François avoient employé
beaucoup de Danois dans leurs Armées à la
Bataille de Fontenay ; et c'est ainsi , qu'en
passant, M. le Beuf nous fait connoître deux
Auteurs , qui étoient restés dans l'oubli.
Nous n'ajoûterons rien ici à ce que nous
avons déja dit de la Dissertation , sur le Siecle
auquel il faut placer S. Renobert Evêque
de Bayeux, après les Bollandistes et M. Baillet.
L'Auteur fait connoître d'où peuvent ve
nir les anachronismes et les fables , dont on
avoit farci la Vie de ce Saint ; de laquelle
Poriginal avoit eté aparemment perdu durant
les Guerres des Normands ,ou dans un Incendie
du onzième Siecle , marqué dans la Vie
manuscrite du Bienheureux Geoffroy , Abbé
de Savigny ; et dans une Addition qu'il a fait
à cette Dissertation , il conjecture que ce Ś.
Evêque est le Rodobert , à qui S. Quën
Evêque de Rouen , communiqua la Vie de
S. Eloy avant que de la publier. Il nous
362 MERCURE DE FRANCE
aprend enfin dans une Lettre qui précéde
que cet Opuscule est le premier de tous fes
propres Ouvrages.
Après les fortes raisons qu'il raporte dans
l'Article suivant pour prouver qu'Honorius ,
qu'on prenoit pour un Prêtre de l'Eglise
d'Autun , a vécu , écrit , et fleuri en Alle
magne et non en France , il est à présumer
qu'on cessera d'apeller cet Auteur , du nem
d'Honorius d'Autun. Il faudroit en effet
qu'Honorius , s'il eût écrit à Autun , n'eût
pas été un homme sensé , pour ne raporter
dans ses Ouvrages Historiques et Chronologiques
, que ce qui regarde PAllemagne , les
Empereurs , et les Villes de Germanie , sans
dire un mot de celles de France , pour faire,
dis - je , un long Traité sur les Rits Ecclé
siastiques , et y raporter un Corps d'Usages
tout differens des anciens Rits d'Autun
Comme la Ville d'Augt proche Bâle fut apellée
autrefois Angustudunum par quelques
Auteurs , M. le Beuf conclut avec raison ,
que c'est de cette Ville qu'Honorius a pu être
surnommé Augustudunensis , ou bien d'Aus
bourg , et que c'est ce qui a donné occasion
à l'erreur ; qu'au reste son vrai nom auroit
été Eirardus, qui en Allemand signifie la même
chose qu'Honorius.
Il apartenoit sans doute à un Ecclésiastique
d'Auxerre , de donner l'explication d'un
Canon
JUIN 1738. 1363
Canon du Concile tenu en cette Ville , vers
Pan 580. dans lequel il est dit : Non licet
Calendis Januarii Cervulo aut Vetula facere.
M. le Beuf donne pour l'explication de ce
Canon , ce qu'il y a de plus vraisemblable ,
en distinguant les Siecles où ce Cervulus et
Vetula étoient des abominations pratiquées
par les Payens , d'avec ceux auxquels ce n'étoient
plus que des boufonneries usitées par
quelques mauvais Chrétiens. Il raporte à ce
sujet un passage de S. Pacien de Barcelone
qui donne lieu à bien des conjectures. Cette
explication , contenue dans la huitiéme Picce
de son Recueil , est précédée de celle qu'il
donne d'une Figure de Cuivre , trouvée proche
Auxerre , qui représente une Diane chas
seresse : et elle est suivie de quelques Observations
qu'il fait sur une Statue Celtique
d'un Gaulois , qui a été trouvée en 1735 .
avec plusieurs autres de même espece ,
dans
un caveau à quatre ou cinq dieues d'Auxerre,'
Comme M. le Beuf est dans la loüable coû
tume d'enrichir presque toutes ses Disserta
tions de quelque curieux fragment de Ma
nuscrits il publie dans celle dont nous
parlons , un morceau tiré d'un très - ancien
Manuscrit Latin de l'Eglise de S. Martial de
Limoges , qui peut donner de l'exercice à
ceux qui veulent aprofondir en quoi consistoient
toutes les anciennes Pratiques super-
>
stitieuses
364 MERCURE DE FRANCE
stitieuses du Paganisme : et il y joint un fragà
ment curieux d'un Sermon François de Maurice
de Sully , Evêque de Paris , sur les Calendes
de Janvier.
Chora et Contraginnum sont deux Lieux,
qui , quoiqu'éloignés de plus de cinquante
lieuës l'un de l'autre , se trouvent réunis dans
une même Dissertation . M. de Valois ne s'étoit
trompé que d'une lieuë au sujet de ce
dernier , assurant que c'est Chauny sur Oise
en Picardie ; notre Auteur fait voir que c'est
Condrain , qui est un peu plus haut sur la
même Riviere. L'Histoire des Gaules est
véritablement intéressée à la justesse de ces
Positions , parce que ces deux Lieux sont
nommés , ou dans la Notice de l'Empire
ou dans l'Itineraire d'Antonin , ou dans
les deux ensemble. Quant à Chora , que M.
de Valois avoit cru être l'Abbaye de Cure ,
au dessus de Vezelay , dans le Diocese
d'Autun , M. le Beuf prouve par de trèsbons
monumens , que c'est Crevan dans le
"Diocese d'Auxerre , à la décharge de la Riviere
de Cure dans l'Yonne ; et il dit un mot
en passant sur la célébrité de la Navigation
de la même Riviere d'Yonne , qu'il dit avoir
de tout temps surpassé celle de la Riviere de
Seine , à ne considérer cette derniere que
depuis Montereau jusqu'au dessus . Il seroit
à souhaiter que nous cussions sur toutes les
petites

JUIN. 1738 1365
petites Villes de France une origine aussi
détaillée , que celle qu'on donne ici de celle
de Crevan.
La pénultiéme Picce de ce Volume contient
une Epitaphe , jusqu'ici inconnuë , du
jeune Lothaire , fils de Charlemagne , qui
mourut à Chasseneüil , laquelle sert à rectifier
le peu de vie qu'on accordoit à ce jeune
Prince , en prenant trop à la lettre ce qu'en
a écrit l'Anonime Astronome , dans sa Vie de
Louis le Debonnaire. Il est évident que Lothaire
vécut plusieurs mois , que Charlemagne
avoit assisté à son Baptême , et lui avoit
donné le nom. La Reine étoit en effet accouchée
en Eté , et d'Enfant ne mourut que
le 8 de Février.
La découverte que M. le Beuf a faite d'u
ne Chanson funébre , qui fut composée à la
mort de Hugues l'Abbé , autre fils de Charlemagne
, lui donne occasion d'enrichir notre
Histoire de quelques circonstances qui y
sont contenues. Ce Prince fut inhumé à
l'Abbaye de Charroux en Poitou , ainsi qu'il
l'avoit désiré. La Translation du Corps de
S. Corneille Pape , à Compiegne par Charles.
le Chauve , sur laquelle il n'y avoit rien d'écrit
, se trouve autorisée par une double
Histoire de ce Fait , raportée en Prose , puis
en Vers , par un Ecrivain qui avoit connu
des Témoins de cette Cérémonie, Cette
II. Vol. F Piece
1366 MERCURE DE FRANCE
Piece étoit conservée parmi les Manuscrits
de M. Joly , autrefois Chantre de l'Eglise de
Paris. L'Auteur nous conduit peu à peu à la
fin de son premier Tome par ces petites Picces
Latines , accompagnées de bonnes Observations
, et il finit par l'Histoire de Richard
, Moine de Cluny , touchant la Fondation
du célébre Prieuré de la Charité sur
Loire , qu'il a tiré d'un Manuscrit de la Bibliotheque
du Roy, On y voit l'origine du
nom de Charité donné à cette Maison , les
Guerres des Seigneurs du Pays Nivernois ,
da Conversion de quelques uns , plusieurs
anciens Usages des Cluniciens , un Fait singulier
arrivé par la destination des Reliques
d'un S. Jovinien , Martyr de l'Eglise d'Auxerre
en faveur de ce Prieuré , et enfin la
Dédicace de l'Eglise de ce Monastere par le
Pape Pascal II , en présence de Leger Archevêque
de Bourges , Daimbert de Sens , de
Jean Evêque d'Orleans , de Walon de Paris ,
d'Humbaud d'Auxerre , d'Henry de Nevers,
de Rainald d'Angers , d'Aldon de Plaisance,
et de plusieurs Abbés , avec des circonstances
assés singulieres.
-
Pour dire ici quelque chose du second
Volume , nous remettrons à un troisième
Extrait ce qu'il y a à faire remarquer de plus
curieux dans la Dissertation de M. le Beuf
şur l'état des Sciences , depuis la mort de
Charlemagne,
JUIN. 1738.
1367
Charlemagne , jusqu'à celle du Roy Robert,
laquelle occupe les cent quarante premieres
Pages de ce Volume. Ce qui la suit sont des
Observations sur la Position du Metiosedum,
voisin de Paris , dont il est fait mention dans
les Commentaires de Cesar. L'Auteur y réfute
ceux qui ont cru que c'étoit Mendon ;
il démontre que ce Lieu devoit être au dessus
et non au dessous de Paris. Il produit làdessus
les Variantes de tous les Manuscrits
qu'il a trouvés , et fait sentir que Scaliger n'a
pas eu tant de tort de soupçoner qu'il faut
lire Metiosedum , à l'endroit où quelques
Manuscrits ont mis Melodunum , ou un nom
aprochant. Il prétend que le nom de Josay
est celui de Metiosedum tronqué , et il aporte
des exemples de ces sortes d'Aphereses dans
les noms de Lieu ; ce nom de Josay , alteré
en celui de Josas , est le nom qu'on donne à
la Partie méridionale du Diocese de Paris
lequel lui vient sans doute de quelque ancien
Bourg , ou ancien Canton , situé un peu audessus
de Paris , sur le Rivage gauche de la
Riviere de Seine.
L'exactitude de cette Dissertation prévient
le Lecteur en faveur de celle qui suit , et qui
est encore fondée sur les Commentaires de
Cesar. M. le Beuf s'y étend beaucoup à prouver
, que Vellaunodunum étoit aux environs
du Lieu , où depuis a été bâtie la Ville d'Au,
Fij xerre ;
1368 MERCURE DE FRANCE
xerre ; ce qui l'engage à réfuter de toutes
manieres les Orleanois , qui ont cru que le
Genabum des mêmes Commentaires étoit
Orleans : et comme il ne croit pas qu'on
puisse faire aucun fond sur les Lignes marquées
dans les Tables de Peutinger , il dirige
la Route de l'Itineraire d'Antonin , qui
alloit de Briare à Lutece , plutôt le long des
Rivieres de Loin et de Seine , que le long de
la Loire. Il éclaircit les origines d'Auxerre sa
Patrie , et réfute les erreurs de le Maire , sur
les Antiquités d'Orleans. On a déja fait remarquer
dans un Mercure , que toutes les
anciennes Notices des Gaules mettoient
Chartres et Auxerre , à la tête des Cités de la
Province , immédiatement après Sens .
Cette Piece est suivie de Remarques sur
les Dons annuels , faits anciennement aux
Rois de France de la seconde Race , dans
les Assemblées de la Nation ; matiere toute
nouvelle , et qui n'avoit point encore été
traitée . L'Auteur entre dans quelque détail
des choses qu'on offroit au Prince , les Livres
n'y étoient pas oubliés. On en conserve encore
à la Bibliotheque du Roy , qui ont été
offerts en ces sortes de Cérémonies . A cette
occasion , l'Auteur dit un mot de la Bibliotheque
de Charles V. et donne un petit Suplément
des Livres , qui avoient été présentés
le Jour des Etrennes , à Jean Duc de
Berry,'
JUIN. 1738. 1369
Berry, son frere , et il raporte ceux que le Laboureur
a oubliés dans la Vie de ce Duc ,
lorsqu'ils se sont trouvés présentés le premier
Janvier. Il a tiré ce Suplément d'un Manuscrit
de l'Abbaye de Ste Genevieve.
Enfin M. le Beuf donne au Public quel
ques Inscriptions trouvées en son Pays et
ailleurs , soit sur des Cachets et des Médailles
, soit sur des Pierres . Il y en a une de
Nevers , et deux de l'ancien Pays de Langres.
C'est de ce dernier Territoire , que lui est venue
une Dissertation sur l'Ascia sépulchrale
des Anciens , qu'il a jointe aux siennes ;
nous en parlerons une autre fois.
Nous ne dirons rien ici de l'Opuscule de
S. Victrice , Evêque de Rouen , qui termine
ce second Tome , parce que nous en avons
parlé d'avance dans les Mercures de Mars et
de Septembre 1737.
L'ARITHMETIQUE de Bourmon , Maître
Ecrivain , ancien Juré Teneur de Livres ,
Arithméticien , nommé par Nosseigneurs du
Parlement pour les Vérifications des Ecritures
et Signatures , Comptes et Calculs , Comp
tes doubles , les Changes Etrangers , la Réduction
des Poids et Mesures Etrangers , et
généralement tout ce qui dépend du Commerce
, tant en Finance , Banque , qu'au
Palais , et l'Art Militaire ; dédiée à M. d'Ar-
Fiij genson,
1370 MERCURE DE FRANCE
genson , Conseiller du Roy en ses Conseils,
Maitre des Requêtes Ordinaire de son Hôtel.
Seconde Edition , augmentée par l'Auteur
d'un Traité du Toisé , tant pour la Maçonnerie
, Menuiserie , que pour les Bois de
Charpente , qui se trouve à la fin du Livre ;
un Volume in - 12. de 393. Pages , sans y
comprendre les Tables , ni l'Epitre , ni le
Traité du Toisé. A Paris , ches Gandouin
l'aîné , Quai des Grands Augustins , au coin
de la rue Pavée , à la Bible d'or 1738.
HISTOIRE du Pontificat d'Eugene III.
par Dom Jean de Lannes , Religieux Bibliothéquaire
de l'Abbaye de Clairvaux , ancien
Professeur de Théologie. A Nancy , chés
Pierre Antoine , Imprimeur - Libraire. 1737.
Volume in- 12 . de 274. Pages.
CAUSES CELEBRES et intéressantes avec
les Jugemens qui les ont décidées , recueillies
par M. **** Avocat au Parlement ,
deux Volumes in- 12 . à Paris , chés Jean de ·
Nully , au Palais. M. DCC. XXXVIII.
M. Gayot de Pitaval vient de nous donner
en deux Volumes , une continuation des
Causes célébres et intéressantes , avec les Jugemens
qui les ont décidées. Il déclare dans
sa Préface , qu'il a l'ambition d'être lu par les
Gens du Palais , et par les Gens du monde ,
et
JUIN. 1738 1377
et que c'est dans cette vûë qu'il fait dans son
Recueil , un mélange des Causes Histori
ques avec celles du Bareau.
Il commence dans son premier Volume
par la Cause du Connetable de Bourbon , jugé
comme rébelle au Roy , et à l'Etat. Le
Procès que lui suscita la Duchesse d'Angou
feme , Mere du Roy François I , qui le dépoüilla
entierement de tous ses Bicns , fut la
cause de sa révolte , qui eut des suites si fu
nestes . Il s'engagea dans le Service de l'Empereur
Charles V. Il gagna la Bataille de Pa
vie , du moins ce fut lui qui contribua le
plus à ce grand succès ; le Roy fut fait prisonnier.
L'Auteur raporte deux traits curieux de la
prison de ce Prince. Voici le premier trait .
François I. qui n'oublioit jamais qu'il étoit
Roy , ne vouloit point se baisser en saluant
les Grands d'Espagne , ils obtinrent de Char
les- Quint qu'on fit la porte de sa prison fort
basse , afin que ce Monarque fut obligé de
se baisser lorsqu'il en sortiroit ; ils méditerent
alors de se trouver en sa présence , afin
de se faire l'aplication de cette inclination
forcée. François I. qui prévit leur dessein, se
joüa d'eux ; quand il fallut sortir par cette
porte , il tourna le dos et sortit à reculon ,
en présentant le derriere .
F iiij
L'autre
7372 MERCURE DE FRANCE
L'autre trait aprend , que ce Prince jožja
si heureusement avec un Grand d'Espagne ,.
qu'à la fin il lui gagna une somme immense.
Le Grand,piqué de son malheur,en payant le
Roy , lui dit avec beaucoup de fierté : Garde
cela pour ta Rançon. Ce Prince à qui on
ne manquoit pas de respect impunément ,
donna un tel coup d'Epée sur la tête de ce
Grand , qu'il mourut peu de jours après de
sa blessure. Les Parens de ce Seigneur demanderentjustice
à Charles- Quint, qui ayant
apris ce qui s'étoit passé, leur dit : François I.
a bien fait , tout Roy est Roy par tout.
En remontant à la premiere origine de la
révolte du Connetable de Bourbon , on voit
que ce fut la passion de la Duchesse d'Angoulême
à laquelle il ne répondit point ; cetta.
Princesse vindicative le poussa à bout. Ce
Seigneur mécontent de l'Empereur , entreprit
par un coup de désespoir le Siége de
Rome , où il fut tue en escaladant cette
Ville ; il vouloit après la prise de Rome faire
la Conquête de Naples. Il disposoit tellement
de l'Armée de l'Empereur , que ses Soldats ,
dit Brantome , jurerent de ne jamais l'abandonner,
quelque part qu'il voulût aller : fùt ce
à tous les diables.
L'Auteur fait ensuite l'histoire du Procès
criminel du Connetable de Bourbon et de
ses
JUIN. 1738. 1373
ses Complices. Il dit que son Corps est au
Château de Gayete , il est debout dans une
Caisse vis-à-vis de la Chapelle , apuyé sur un
Bâton de Commandant , avec son Chapeau
sur la tête , botté et revêtu d'une Casaque
de Velours vert avec du Galon d'or : il est
fort bien conservé. Ce Prince étoit de fort
belle taille , et des plus grands hommes de
son temps. On remarque tous les traits de
son visage , et il paroît d'une mine fort fiere,
et telle que pouvoit l'avoir un homme d'un
courage aussi inébranlable.
Notre Auteur , pour faire une Narration
qui attache son Lecteur , ramene à son Sujet
ce qu'il trouve de plus curieux d'ailleurs .
Il fait entrer dans cette Histoire celle de
la Comtesse de Châteaubriant , jugée , condamnée
à mort par son Mari . Je ne sors
point , dit-il , de mon dessein ; je raconte la
Cause d'un Mari , qui dans son Tribunal
Domestique , jugea sa femme coupable envers
lui , et executa son Jugement . Il déroba
à la Justice son glaive , et en arma son autorité
maritale. Il avoue qu'en faveur du
beau Monde qui lit ses Ouvrages , il a embelli
cette Histoire . A l'occasion de la Rebellion
du Connetablé de Bourbon , l'Auteur
nous donne un Traité du Crime de leze-
Majesté , où il explique dix caracteres qui
distinguent ce crime des autres.
,
Fy I
>
1374 MERCURE DE FRANCE
Il seroit , dit-il , à souhaiter que sur tous
les crimes nous eussions des Traités aussi
exacts et aussi complets . Il parle à la fin des
Remontrances que fit le Parlement pour
engager Henry IV. à faire punir séverement
le Comte d'Auvergne , Criminel de
leze-Majesté , et ses Complices. Il raporte
la Réponse que le Roy y fit , et l'Arrêt du
Parlement ; la Marquise de Verneüil , Maî
tresse du Roy , fut cause qu'on déroba les
Accusés à la peine à laquelle ils avoient été
condamnés. Par des Lettres Patentes , dit
l'Auteur , qui furent entherinées au Parlement
, on donna la liberté à la Marquise ,
et elle fut déclarée innocente , et les autres
Accusés eurent leur liberté au bout de quelques
années . La Marquise de Verneuil reprit
son grand Rôle de Maîtresse du Roy.
La seconde Cause du même Volume est
celle d'une fille accusée d'être Sorcière au
Parlement de Provence. C'est Magdeleine
Mandol ou de Demandouls , qui fut séduite
par Louis Gaufridy , dont on a vû l'Histoire
dans le VI. Tome des Causes celebres. Dans
le premier Procès, on fit grace à Magdeleine.
Mandol , elle n'en profita point ; elle retourna
, dit l'Auteur , à son vomissement , elle
for poursuivie et punie. Magdeleine . Hodoul
l'accusa de l'avoir ensorcelée. On voit
le raport que les Médecins firent de cet
ensorcelicnents. Le
JUIN. · 1738.
1379
Le premier Juge , selon l'Historien , ne
continua pas son instruction ; le Parlement
voulut la poursuivre , à l'exemple du Parle
ment de Paris , qui par un Arrêt de 1601 .
raporté par le Pere le Brun , dans son Histoire
des Pratiques superstitieuses , Tom. I.
Liv. 2. Chap . 3. a ordonné que les Sorciers
seroient envoyés à la Conciergerie par les
Juges Subalternes ; Ains enjoint les envoyer
incontinent et sans délai ès Prisons de la Conciergerie,
à peine de privation de leurs Charges.
Le Pere le Brun , qui raporte cet Arrêt
comme une preuve que le Parlement de Paris
croit aux Sorciers , ne voit pas , dit M. de
Pitaval , que les incrédules lui répondront
que cette Cour a voulu par là préserver les
premiers Juges de l'illusion ; pour moi je
crois , continue notre Auteur , qu'elle a
voulu s'attribuer le discernement des véritables
Sorciers d'avec les faux.
Magdeleine Mandol se défendit avec beau
coup d'habileté dans son interrogatoire . C'est
à ce sujet que l'Auteur dit que l'interrogatoire
d'un Accusé est la procédure la plus
importanté et la plus essentielle d'une information.
Un habile Juge , dans cette procé
dure , fait ordinairement accoucher un Accusé,
malgré lui , de la vérité , pour se servir
de l'expression de Socrate ; il saisit toutes les
conséquences qui naissent des réponses de
F vj celui
1376 MERCURE DE FRANCE
celui qu'il interroge , il le presse , il- l'intimide
, il soulage sa pudeur , il lui arrache
des aveux décisifs , comme des suites natu
relles de ce qu'il vient de lui dire .
Sur la réquisition du Procureur Général ,
la Cour ordonna que Magdeleine seroit visitée
, pour être procedé à la recherche des
marques qu'on attribue à la magie. Voici ce
Auteur dit là - dessus .
que
?
Les Experts peuvent faire des visites du
corps des Malades , dans le dessein de les
guérir. Les gens sages ne les regardent point
comme indécentes , à plus forte raison la
Justice , pour éclaircir.une vérité importante
et nécessaire , peut user de pareille voye
elle consacre toutes ses démarches par la
pureté de ses vûës. Je me suis seulement
attaché à purger ce raport d'expressions qui
n'étoient pas infiniment chastes ; on voit
ensuite le raport que firent les Médecins et
Chirurgiens. I paroît par l'Arrêt qui fut
rendu , qu'on ne trouva pas de preuves de
magie assés fortes , car elle fut seulement.
condamnée à être renfermée toute sa vie.
M. de Pitaval observe sur cet Arrêt , que
les Juges ne peuvent point condamner à
des prisons perpétuelles , parce qu'ils ne
peuvent faire subir aux Criminels que des
peines portées par les Ordonnances ; ils pouvoient
, dit-il , bannir Magdeleine Mandol
et
JUIN 1738. 1377
et ensuite s'adresser au Roy pour obtenir
que le Prince la condamnât à être renfermée
dans une prison perpétuelle.
Il dit ensuite son sentiment sur les Sorciers
, et prend un sage milieu entre la crédulité
et l'incrédulité. Il raporte à cette occasion
le Jugement de quatre Evêques et de
quatre Docteurs , sur de prétendues Sorcieres
, et un Procès verbal , qui fut dressé au
sujet de plusieurs personnes , lesquelles étant
accusées de magie, n'enfoncerent point dans
l'eau ; sur quoi il ajoûte que , suivant le sentiment
du sçavant Pere le Brun , Dieu que
l'on tente , permet , pour punir ceux qui
commettent ce crime , que le dêmon , qui
produit cet effet merveilleux , opére dans
ceux qui sont Sorciers , comme dans ceux
qui ne le sont pas ; sur quoi et conséquemment
on a dit que , de ne pas enfoncer dans
l'eau n'étoit pas une conviction certaine de
magie .
;
L'Auteur , à propos de Sortilege , finit
par une Histoire arrivée à Charlemagne ,
dans laquelle il entre des anneaux constellés
et des Opérations magiques. Mais on voit
bien par le ton qu'il prend qu'il n'y ajoûte.
aucune foi
La troisiéme Cause.a pour objet le Spcetre
, ou l'illusion reconnue , elle a été jugée
au Parlement de Provence ; c'est l'Histoire
d'un
4
1378 MERCURE DE FRANCE.
d'un Paysan rusé , qui supose qu'un Reve
nant fui a révelé un trésor , et qu'il a confié
ce trésor à un Marchand , qui le lui recelle;
le Paysan lui intenté un procès , et le fait
condamner par le premier Juge. Là- dessus
Auteur fait le Raisonnement que voici.
Que l'on se mette à la place d'un Juge qui
reçoit une accusation d'un grand crime ; il
s'atache à découvrir le coupable ; et quand
après avoir recueilli les indices , les présomptions
, réuni toutes les preuves , il croit
l'avoir découvert, il s'aplaudit intérieurement;
jaloux de sa découverte , son imagination
F'embellit , elle s'imprime bien avant dans
son ame , c'est son ouvrage , c'est une création
; son devoir qui le presse , l'oblige de
mettre à profit ses lumieres , alors comment
un Innocent contre qui dés indices et des
présomptions s'élevent , peut- il se sauver ?
L'horreur du crime , l'obligation de le punir,
la crainte de résister à la vérité ; tout concourt
à l'accabler.
L'Accusé fut absous au Parlement; les
Plaidoyers pour et contre sont curieux. On
y rassemble toutes les raisons qui peuvent
autoriser le retour des Esprits , et celles qui
peuvent les combattre. A l'égard de l'Accusateur
, la Cour ordonna qu'il seroit poursuivi
par recollement er confrontation.
On n'avoit point encore d'exemple , dit
M.
JUIN. 1738. 1374
M. de Pitaval , que l'Accusé et l'Accusateur
fussent poursuivis conjointement dans une
même Procédure. On citoit un ancien Statut
qui l'ordonne ainsi , mais il ne paroît pas
qu'il eût jamais eû d'execution : en effet ,
dit-il , lorsqu'après cela , en jugeant l'un et
l'autre , les Juges sont de differens avis , les
uns pour absoudre l'Accusé , les autres pour
absoudre l'Accusateur ; les deux Accusés
sont nécessairement absous .
Cette Cause conduit l'Auteur à raporter
plusieurs Histoires de Revenans , qui ont
fait illusion. Il fait voir qu'il y a des causes
naturelles de l'aparition des Spectres ,
par par l'effet de l'imagination , soit par la
palingenenesie , qui renferme la résurrection
des Plantes et des Animaux , &c.
soit
La quatriéme Cause a pour Sujet un Mariage
réprouvé , parce qu'il a été fait à l'extremité
de la vie d'un Maître avec sa Servante,
sa Concubine , elle étoit , dit- on , Servante
et Maîtresse tour - à- tour. Elle avoit l'art de
regner sur son Maître , en lui obéissant. Une
Note marginale aprend que le Maître , qui ›
aime sa Servante , est nommé en Latin Ancillatorius.
Peu de jours après le Mariage , le
Maître mourut .
Le Plaidoyer de M. Regnard , qui parloit
pour les Collateraux , qui disputoicnt à ce
Mariage les effets civils , renferme toutes les
raisons
1380 MERCURE DE FRANCE
raisons d'une saine Jurisprudence. Celui de
M. Cochin , qui parla pour le Mariage, nous
aprend ce que peut un habite Avocat dans
une Cause qui n'est pas favorable ; il la mania
avec tant d'adresse qu'il la rendit spés
cieuse.
L'Arrêt qui fût rendu le 16. Mars 17 36.
réprouva le Mariage, conformément aux Conclusions
de M. Chauvelin, alors Avocat Gés
néral , aujourd'hui Président à Mortier.
L'Auteur a mis à la fin la' Déclaration du 26i
Novembre 1639. de Louis XIII. et l'Edit
de Louis XIV. du mois de Mars 1667. qui
ont fixé la Jurisprudence sur la matiere de
cette Cause .
Dans la cinquiéme Cause , on traite d'une
Réclamation contre des Voeux. Un Beaupere
oblige le fils de sa femme de se faire
Religieux par des voyes violentes. Le Religieux
réclame contre ses voeux dans les
cinq ans . Comme la violence fut établie par
une Procedure faite par l'Official , qui se
trouva nulle , il fallut qu'il la recommençât ,
conformément à l'Arrêt rendu . "
Quand le Juge balance , dit l'Auteur , entre
la rigueur du Droit et la justice du fond
qui la combat , il creuse dans son coeur
qui est le Siege de l'équité et de la Charité
pour chercher les expédiéns qui peuvent les
concilier. L'Auteur , à la fin de cette Affaire,
explique
JUIN.
1738. 1388
explique toutes les causes de réclamation .
contre les Voeux , comme une doctrine utile
à ceux qui sont dans le cas. Il raporte à la fin
La Lettre d'une Dame qui l'a invité de donner
des Causes consolantes pour les Reli
gieux et Religieuses qui ont été sacrifiés
par la force. Cette Lettre mérite d'être lûë
elle est écrite dans ce style naturel de fem
me, qui a droit de plaire ; » J'ai eû , dit- elle ,
» une idée sur cette matiere . Je voudrois
» qu'on donnât à ces Religieux et Religicu-
» ses la liberté de sortir de leur Convent
» mais en même - temps , je permettrois aux
» gens mariés , mal assortis , de rompre leurs .
» chaînes , à condition qu'ils entreroient
» dans le Cloître , chacun dans celui de leur
» Sexe ; je suis sûre que j'aurois bien- tốt
» peuplé les Convens que j'aurois dépeuplés.
La premiere Cause du second Volume a
pour titre , la Marquise de Sassy , accusée
du meurtre de son Mari et d'une suposition
de part . M. de Sacy parla pour cette Dame ;
il n'étoit pas son parent , quoique son nom
ait la même prononciation . L'éloquence de
cet Avocat brilla dans cette Affaire , mais :
une éloquence judicieuse qui met en oeuvré
les ornemens de l'Art avec beaucoup de
sagesse, & c . On raporteroit ici les plus beaux
traits du Plaidoyer de M. de Sacy, qui triompha
dans cette Cause , mais il vaut mieux
*
".
les .
1382 MERCURE DE FRANCE
les voir dans l'endroit où ils sont enchassés,
On a mis à la fin de la même Cause, plusieurs
Eloges de ce célebre Avocat , qui ont été
faits par des Académiciens et on parle en
général de ses Ouvrages .
La seconde Cause est celle d'un Mari , qui
après plus de 40. ans d'absence , accusa sa
femme de Bigamie . C'est celle de Jean Maillard
, elle est remplie de Questions exrêmement
curieuses.
PREMIERE QUESTION.
Si le témoignage des Experts et Maitrés
Ecrivains qui déposent de la conformité des
Ecritures , est une preuve suffisante pour la
reconnoissance d'un homme.
SECONDE QUESTION:
Si la ressemblance établie par témoins , est
une preuve certaine pour la reconnoissanee
d'un homme , et si des Témoins fort vieux
qui font cette reconnoissance , peuvent déposer'
de ce qu'ils ont vu étant impuberes:
TROTSIEME QUESTION.
Si l'on peut oposer à Jean Maillard son
absence pendant 43. années , comme une fin
de non recevoir contre son Apel comme d'abus,
interjetté de la célébration du Mariage de sa
femme avec un autre Mari.
Toutes
JUIN.
1383
17388
Toutes ces Questions , et quelques au
tres qui sont agitées, sont extremement interessantes.
On finit cette Cause par l'éloge de
M. Pajol , qui a parlé pour l'une des Parties .
Don Carlos , fils de Philipe second , Roy
d'Espagne , condamné à mort par son Pere
est l'objet de la troisiéme Cause . On a douté
, dit l'Auteur , si la Religion , la Justice
où la politique et la haine n'ont point guidé
ce Pere , qu'on est porté à croire plutôt inhumain
qu'équitable . Ce Sujet , ajoûte- t'il ,
a été manié par Campistron, dans la Tragédie
d'Andronic , qu'il a mis à la place de Don
Carlos.
L'Abbé de S. Réal en a fait un Roman
fort ingénieux ; c'est-à- dire qu'il a donné
des embellissemens à cette Histoire, et qu'il
en a orné la vérité par des incidens .
Don Carlos ayant entrepris de se mettre
à la tête des Rebelles de Flandres, fut arrêté
lorsqu'il étoit prêt à partir. Son Pere voulut
que l'Inquisition lui fit son procès. L'Auteur
raporte deux Plaidoyers , où il y a beaucoup
d'art. L'un est pour Don Carlos , et l'autre
contre ce Prince infortuné, qui fut condamné
par l'Inquisition à une peine capitale. On
lui laissa le choix de son suplice , il expira
après s'être fait ouvrir les veines. Rien n'est
plus touchant que la mort d'un Héritier
présomptif de la Couronne , par les ordres
d'un Pere cruel et infléxible. L'Auteur
1384 MERCURE DE FRANCE
L'Auteur qui a recueilli cette Cause His
torique pour les Gens du Monde , plutôt
que pour les Gens du Palais , a mis au bis
des pages plusieurs Notes instructives. Il
dit qu'il est obligé de faire connoître Philipe
II. le principal Personnage de cette Histoire,
et parce que les actions peignent mieux que
les paroles , il raporte plusieurs traits de ce
Monarque. En voici un qui peint, dit- il , au
naturel ce Prince sévere et impérieux . Il dit
à son Cocher en partant de Madrid pour
l'Escurial , qu'il vouloit arriver à une heure
qu'il lui marqua. Le Cocher étant au milieu
du chemin , vit que l'heute s'aprochoit. Il
n'épargna pas à ses Mules les coups de foiet;
il s'emporta contre elles , en les apellant
Mules de Maquereau. Le Roy remarqua l'épithete,
étant arrivé à l'Escurial , il demanda
au Cocher à qui étoient les Mules. Le Cocher
se. ressouvenant fort heureusement du
trait qui lui étoit échapé : Sire , répondit- il,
elles sont à moi ; si elles sont à toi , reprit
ce Prince , garde- lès ; je ne veux point avoir
de Mules de Maquereau à mon Carosse . La
présence d'esprit du Cocher lui valut cet
atelage et lui sauva la vie ; car s'il eût répondu
que les Mules étoient au Roy , ce
Prince l'auroit fait mourir infailliblement ,
dit notre Auteur , qui ajoûte cet autre trait.
Ce Prince fit ôter dans un Convent le Portrait
JUIN. 1738. 7385
trait de Gaspard Lopés , menteur insigne
» les menteurs , dit- il , ne méritent pas de
» vivre dans ce monde , ni réellement, ni en
peinture.
39
Enfin Philipe II. par une cruelle destinée,
qui étoit , ajoûte l'Auteur , la juste peine de
toutes ses cruautés , après avoir mèné une
vie triste et douloureuse , effet de mille
cruelles refléxions qui le déchiroient , fut
frapé d'un ulcere, qui engendra une quantité
effroyable de Poux , dont il fut dévoré tout
vivant, et étouffé quand ils ne trouverent plus
de quoi se nourrir sur son corps. Il mourut
en 1598. âgé de 71. ans. *
Une heure après sa mort , un Seigneur
Espagnol écrivit avec un charbon sur une
cheminée du Palais cette Epitaphe de ce
Monarque en Espagnol. La voici en François
Luxurieux dans sa jeunesse ,
Homme fait , il fut très-cruel ,
Très-avare dans sa vieillesse ;
Possede-t'il le bonheur éternel
2
Alexis Petrowitz Czarewitz , Héritier présomptif
de l'Empire de Ruffic , condamné
à mort par son Pere , cst le Sujet de la quatriéme
Ĉause. La destinée de ce Prince , ditl'Auteur
, a tant de raport à celle de Don
Carlos , que j'ai crû que je ne devois
pas séparex
1386 MERCURE DE FRANCE
pas
parer leurs Histoires . Tous deux ont eû un
Pere sévere , implacable , qui les a fait condamner
à mort. Mais le caractere de ces
deux Peres étoit bien different . Ils n'agirent
tous deux par le même principe . Philipe
II. fut guidé par l'antipathie et la haine qu'il
avoit pour son fils ; et le Czar ne se détermina
à faire mourir le sien , que parce que ,
jaloux de sa gloire , il apréhenda que son fils
quoiqu'il n'eût rien oublié pour lui donner
une bonne éducation , à laquelle il n'avoit
pas répondu , ne détruisît l'Ouvrage de son
Pere , et ne causât la décadence de l'Empire
des Moscovites ; il lui fit faire son Procès ,
sous prétexte de crime de leze- Majesté , dont
il l'accusa. Les Sénateurs de Russie le condamnerent
à mort.
Un Moscovite , dit l'Auteur , m'a assuré
que le Czar voulut que le Czarewitz lut luimême
sa Sentence , il fut obligé d'obéïr à
son Pere , et à peine eut- il fini cette lecture
que des vapeurs noires lui monterent au cerveau
; il perdit l'usage de la vûë et tomba
dans une défaillance dont il eut de la peine
à se remettre. C'étoit l'effet du poison dont
la Sentence étoit infectée. Le Moscovite me
dit que le Czarewitz mourut trois jours
après . Voilà , continue M. de Pitaval , un
rafinement de cruauté qui n'embellira pas
'Histoire du Czar.
Les
JUIN. 1738. 1387 1
Les circonstances de ce Procès , aussibien
que l'Histoire des Suplices qu'on fait
souffrir en Russie aux Accusés , a dequoi
picquer la curiosité; l'Auteur , en parlant du
Czar , raporte un parallele qu'on a fait de ce
Prince avec le Roy de Suede , et il ajoûte
les Vers suivans , que la Comtesse de Konismark
a faits , dit- il , à la loüange de ce •
dernier Monarque.
A la Table des Dieux , Mercure loüoit fort
Le jeune Monarque du Nord ,
Et parlant des Héros qui regnent sur la Terre ,
Mars , le Dieu de la Guerre ,
Vantoit sur tout ses Lauriers ;
Et Jupiter fut des premiers
A faire remarquer sa bonté , sa clémence ,
Sa pieté , sa tempérance ,
Si rare parmi les Guerriers,
Minerve aplaudissoit sans cesse
A sa prudence , à sa sagesse .
Ce Roy là , dit Momus , n'est ma foi pas un sot.
Enfin tous ces Dieux -là raisonnant sur sa gloire ,
Le plaçoient par avance au Temple de mémoire ,
Mais Bacchus ni Vénus n'en dirent pas un mot.
La Comtesse de Konismark (c'est toujours
L'Auteur qui parle ) est la mere du Comte de
Saxe,
1388 MERCURE DE FRANCE
Saxe , Lieutenant Général dans les Troupes
de France , et qui s'y est très - distingué ; elle
est célebre par son esprit et par sa beauté.
Il finit par une Cause qu'il apelle le Majoral
de Rye , c'est-à -dire une substitution
Espagnole. Il s'agit d'un Testament fait par
P'Archevêque de Besançon , Prélat habile et
muni de bons conseils , cependant cet Acte
se trouva susceptible de plusieurs interprétations.
!
La Cour jugea que la substitution étoit fi
nie et que ce fideicommis de quarante mille
livres de rente qui avoit été possedé successivement
par plusieurs Substitués , apartenoit
à la fille du dernier possesseur , quoique
le Sexe fût exclus dans la substitution.
C'étoit la fille du Comte de Poitiers qui a
épousé depuis le Duc de Randan , fils du
Duc de Lorge. La matiere est un peu abstraite
, et cette Cause est , dit l'Auteur , qui
avoit écrit dans cette même affaire, plus propre
aux Gens du Palais qu'aux Gens du
Monde.
Il ajoûte qu'elle est si singuliere qu'aucun
Arretiste n'a fait mention d'une Cause
de cette espece , ni qui en aprochât. Il finit
en justifiant notre Nation d'aimer les Procès
et d'avoir des Loix qui semblent les favoriser.
22 Le Dédale de nos Loix , dit-il , le labirinthe
JUIN. 1738. 1389
nous
rinthe de notre science du Palais , et la ré-
»putation qu'ont parmi nous les Normands
et les Dauphinois , d'être les peres de la
chicane , donne lieu de dire que les Suis-
» ses et les Turcs, qui nous cedent en scien-
» ce et en politesse, démêlent plus sûrement
que la vérité de la justice . Je ne veux
" point faire ici l'apologie de ceux qui ai-
»ment les procès . Mais je dirai qu'on con-
" clûroit mal , en disant que les Suisses et
» les Turcs ont moins de cupidité que nous,
"parce qu'il paroît qu'ils aiment moins les
»procès ; la cupidité est égale dans le coeur
de toutes les Nations ; s'il y en a qui dis
" putent mieux les biens qu'ils possedent ,
c'est parce qu'ils sont plus ingénieux que
» ceux qui ne peuvent pas les défendre ; leur
39 esprit sert mieux leur convoitise , et leur
» fait trouver une éloquence plus séduisanté.
Si le Turc et le Suisse , avec ce bon sens
199
qu'on veut leur attribuer, avoient , comme
» le François, un esprit de ressource , ils plai-
» deroient avec la même ardeur et aussi long-
" temps que nous , et ils auroient des Pro-
» cureurs aussi rafinés que les nôtres . C'est
» donc un faux raisonnement de conclûre
» parce que leur Justice a banni la chicanne,
» leurs ames sont privilegiées et exemptes de
la cupidité ; ils doivent ce bonheur qui re-
11. Vol. -3 G
que
» gne
1390 MERCURE DE FRANCE
و د
»gne dans leurs Tribunaux , plutôt à l'indi
gence des ressources de leur esprit, qu'à leur
» doiture et au détachement de leurs biens.
» Ce malheur que notre esprit nous attire ,
» n'est- il point racheté par d'autres avantages
qu'il nous procure? D'ailleurs sommes- nous
» les seules Nations chés lesquelles re-
» gne cet art de plaider , et ne serions - nous
"point les Ecoliers des Italiens, ou du moins
» ne fraterniseroient - ils point avec nos Plai-
» deurs les plus subtils ?
"
On peut dire que l'Auteur s'est soûteny
dans ces deux nouveaux Volumes , qui méritent
d'être à la suite des précédens.
QUESTION DE DROIT.
Une femme majeure de 25 ans se marie , ou
» si elle est mineure , son Tuteur la marie par avis
» de parens, homologué en Justice . Par le Contrat
de Mariage il est dit qu'une Maison sise en cette
Ville de Paris , qui lui est propre , entrera dans
la communauté et sera réputée Conquest entre
» les futurs Conjoints comme si e le cût été acquise
pendant et constant le Mariage . Le Mari
prédécede , laissant des enfans qui partagent aveɛ
leur M re les biens de la Communauté ; par le
partage la Mere reprend sa Maison et prend moins
Sur les autres biens de la Communauté ; elle convole
ensuite en secondes Nôces.
On demande si elle peut disposer de cette Maison
comme de son bérrage propre. Ou si elle est ten ë
de la reserver à ses enfans du premier lit , attenda
que
JUIN.
1738. -1395
que c'est un Conquest fait avec son premier Mari ,
ou qui a été réputé tel par le Contrat de son premier
Mariage.
Par Boitte de Paris.
ORATIO GRATULATORIA de Concordia
Geneva Restit tâ . Dicta Statis Academiæ Genevensis
solemnibus Die 19 Mui , Anni 17 ; 8 . à Jacobo
Verneto Ecclesiæ Pastore et Academiæ p.t Rectore .
Geneve , Typis Pelliffari et Soc . M. DCC. XXXVIII.
Brochure in 4. de 10. pages.
ац
On a ajoûté au Titre qu'on vient de 1 re , et
pour
servir de Frontispice à cette Harangue la gravûre
d'une Méda ile récemment trapé à Geneve ,
sujet de la Pacification des Troubles de la Républi
que On voit d'un côté un Autel enfl imme , posé
entre les Figures de la Paix et de la Justice , ornées de
leurs Symboles. Au pied de cet Autel est la Discorde
terra sée , avec cette Légende : SALUS REIPUBLICÆ,
et dans l'xergue , J D F. Sur le Revers est une
Couronne d'Olver , dans laquelle on lit cette Inscription
: DISSIDIA GENEV COMPOSITA OFFICIIS
ET ARBITRIO LUDOVICI X V. REGIS CHRISTIANISS
ET HELVET. CIVITATUM TIGURIN . ET
BERNENS. M. DCC. XXXVIII.
Les coins de cette Médaille ont été gravés par
Jean Dassier Genevois , qui exce le mans son Art" ,
et qui n'est pas oublié dans e D scours Latin . Voici
la Dédicace de ce D scours , laquele suit immé
diatement la Médaille .
Excellentissimo atque Fortissimo FRANC . COMITI
LAUTRECIO , Re iorum Castrorum Profecto , &c.
Christianissimi Regis , ad pacandam Genevan Legato
, Belli Pacisque Artes callenti , cuus eft , ut
hoftes debellare , ita civiles tempeftates serenar.iris
Gij Iluftriffimis
392 MERCURE DE FRANCE
Illuftriffimis et Ampliffimis JOHANNI HOFFMEISTERO,
Confuli, JOHANNI GASPARO ESCHERO , Proconfuli,
apud Tugurinos : JACOBO STEIGUERO , Confuli,
LUDOVICO WATTEVILLEO , Magiftratui ex Primariis
apud Bernenfes , Legatis Paciferis , Piis , Prudentiffimis
, hanc de Reftituta nobis Concordia , quá
inftauratur Civitas , et Mufa recreantur , Gratulationem
, lata et grata Academia nomine , offeri
JACOBUS VERNETUS.
L'Orateur a traité dignement son Sujet , et on
yvoit plusieurs traits d'Eloquence et de Litterature,
que nos bornes ne nous permettent pas de raporter.
La reconnoissance particuliere des Genevois envers
S. E. M. le Cardinal de Fleury , s'y trouve marquée
en des termes que tout le Monde nous sçaura
bon gré de trouver ici , et auxquels toute l'Europe
aplaudira sans doute .
Neque inter tantas laudes ifta laus infima erit Prafulis
illius , non tam Purpura eminentis , quàm aquitate
, lenitate , singulari fapientiâ , prifcâ integritate ,
Viri incomparabilis , cujus confiliis ita floret Gallia,
ut nunquam magis , cujus moderamine quiefcit Europa
, cujus magnanimitate gaudemus et nos , qui ui
Neftoreos affequatur annos , Coelum enixè rogamus .
Le premier Registre de l'Armorial Général de
France , Ouvrage qui contiendra successivement les
Histoires Généalogiques de toutes les Familles qui
composent actuellement le Corps de la Noblesse de
ce Royaume, a été présenté au Roy par M. d'Hozie
Juge d'Armes de France .Ce premier Registre in-folit
en deux volumes , qui renferme plus de six cent Ar
moiries , est outre cela orné de plusieurs Vignet "
tes et Culs-de -lampes , et se distribuë à Paris, ches
Prault , Pere , Quai de Gêvres , au Paradis. Prix en
blane
1
JUIN. 1395 17388
blanc grand papier 96. liv . petit papier 72. liv. Les,
Registres suivans , aussi in -folio en 2. volumes , se
donneront au Public d'année en année .
-
Nous avons reçu depuis peu d'Italie les Nouveles
suivantes . Gaëtan Albizini , Libraire à Florence ,
qui a imprimé le Museum Etruscum , en deux Vo→
umes in-folio , sur de très beau et grand Papier ,
rné de deux cent Planches très- proprement graées
, a publié en Latin un Prospectus de cet Ouvrae
, dont les Sçavans connoissent déja l'oeconomie
t le mérite. A la suite du Prospectus est un Avis
ux Gens de Lettres et aux Libraires , lequel on
tous prie de publier dans notre Journal . En voici
e contenu.
"
1°. Quiconque prendra douze Exemplaires de ces
Juvrage , et fera payer ici à Florence cent quaranteuatre
Ecus Romains , à dix Paules l'Ecu complets,
sans aucune diminution pour Change , Remise, &c.
raison de douze Ecus Romains pour chaque Exem
laire en blanc aura deux Exemplaires dudit Ouvage
de bénéfice , et en recevra par conséquent quarze
Exemplaires au lieu de douze , qu'il aura payés,
gagnera par - là vingt - quatre Ecus Romains.
20. Si on n'en prend que six Exemplaires , on në
issera pas d'avoir le même avantage proportion ;
est - à - dire , qu'en faisant payer ici à Florence soianie--
douze Ecus Romains , de la maniere qu'il est
t ci-dessus , on recevra sept Exemplaires au lieu de
qu'on aura payés ; bien entendu que l'Imprimeur
·P'Ouvrage , qui fait ces propositions au Public , ne
blige à aucun avantage à proportion, envers ceux qui
endront moins de six Exemplaires.
à
3°. Il ne veut pas non plus s'obliger à aucun avan
ge à proportion , envers ceux qui pourroient peut- être
Gj souhaiter
1394 MERCURE DE FRANCE
souhaiter de troquer d'autres Livres contre l'Ouvrage
en question , à moins qu'on n'en prit vingt- quatre
Exemp a res ; eben ce ca , il offre de prendre par troC,
et en payement , d'autres Livres jusqu'à la somme da
cent Ecus Romains , en déduction de celle de deux cent
quatre vingt dix - huit Ecus Romains qui lui seraient
dus pour ces vingt - quatre Exemplaires ; à conduion
que le restant de la somme , c'e t à dire , cent quarevingt
dix-huit Ecus Romains lui seroient payés à Florence
sans aucune diminution , pour cause quelconque
; et que les Livres qu'il rececra en troc , seront de
bonne qualité , entiers , bien conditionnés , et à un
juste prix , lesquels lui seront envoyés ici par bonne
commodité , après lui en avoir auparavant commu- ||
niqué le Catalogue , avec le prix en marge de chaque
Livre , et étre convenu avec lui par Lettres commeil
est de coûtume dans le Commerce , &c

Cet Ouvrage est intitulé : Mu S OE UM
ETRUSCUM exhibens insignia veterum Etruscorum
Monumenta , areis Tabulis CC . nunc primum
edita et illustrata Observationibus Antonii- Francisci
GORI , Publici Historiarum Professoris Il est dédié
à Joseph A VERANI , célebre Jurisconsulte, et
Professeur de l'Université de Pise.
M. l'Abbé Olivieri vient de faire imprimer Marmora
Pisaurentia notis illustrata , aussi à Florence
où le III . Tome de l'Eusthatius du P. Polisy est déja
en vente ; de même que les Poësies de feu M.
Fortiguerra , qu'on a imprimées à Venise , sous le
nom de Carteromaco. Le Livre de Statu Mortuorum,
de M. Muratori contre M. Burnet , paroît depuis
peu.
On prépare à Venise une Edition de toutes les
OEuvres de Photius : un Papas Grec nommé Cat
phoram
JUIN. 1738. 1395
phorus a fait les Traductions , et le P. Rotta prési
de à l'Edition .
On va commencer à Verone une nouvelle Edition
des OEuvres de Sodolat , chés l'Imprimeur des
Euvres du Cardinal N ris . Le même imprime actuellement
un VI . Tonne des avies de Muret, qui
contiendra des Oraisons et des Lettres qui n'ont
point parû .
"
Il a part depuis peu à Rome un Ouvrage curieux
sur un Point des Antiquités Chrétiennes
en voici
le titre : Nummus areus veterum Christianorum ,
Commentario in duas partes , distributô , explicatus
prodit nunc primum ex Museo Victorio , adjectis sacris
aliquibus Monumentis : 1. Vol . in-4. Romæ , Typis
Zempelianis . pp. 114. 1737.
C'est aussi à Rome qu'on a fait récemment la
découverte d'une magnifique Tassa pour une Fontaine
, du plus beau Granite . Elle a 56. Palmes de
diametre , et plus d'an pied d'épaisseur ; elle a été
trouvée près du Palais Sancta Croce , en creusant
les fondemens d'une petite Maison.
Le Tableau que M. Oudry Peintre ordinaire du
Roy a présenté à Sa Majesté le 1. Juin , et dont
quelques Nouvelles publiques ont parlé , représente
le Roy à la Chasse dans la Forêt de Fontainebleau ,
accompagné de ses Courtisans , Officiers et Piqueurs .
Le fond du Tableau représente les Rochers et
P'Hermitage de Franchard , sur un desquels est un
Cerf tenant contre les Chiens ; toute la Meute qui
arrive sur la voye par dessus ces mêmes Rochers
forme un spectacle magnifique sur le devant et
G iiij
:
un
1396 MERCURE DE FRANCE
un des coins de ce Tableau , l'Auteur s'y est peint
dessinant la Chasse.
Ce Tableau a 20. pieds 4. pouces de long , et
1. pieds de haut ; c'est le quatriéme des neuf que
Sa Majesté a ordonné au Sr Oudry en 1733 pour
être mis en Tapisserie aux Gobelins , pour meubler
la Chambre à coucher du Roy , l'Antichambre et la
Chambre du Conseil à
Compiegne . Le premier est
un Rendez - vous de Chasse , où le Roy prend ses
bottes pour monter à cheval , dans l'endroit que
Pon nomme le Puits du Roy , dans la Forêt de Compiegne
; il y a environ trente principales Figures ,
dont sept Portraits ressemblans , les uns à cheval, et
les autres à pied. La Caleche de Sa Majesté attelée
de six chevaux , les Gardes du Corps , &c . un trèsgrand
nombre de Figures , de chevaux , et la Meute
sur le second et troisiéme Plan , et le tout peint
d'après nature. Ce premier Tableau fut présenté au
Roy les Fêtes de Pâques 1735 .
Le deuxième fut présenté les Fêtes de la Pentecôte
de l'année d'après . Il a de grandeur 15. pels
et demi de large , sur 11. pieds de haut , et représente
la Mort du Cerfdans les Etangs de S. Jean aux
Bois , situés dans la Forêt de Compiegne. Sur le
devant du Tableau est le Roy , le Comte de Toulouse
, et plusieurs autres Seigneurs , Officiers et
Tiqueurs à cheval , un Valet de chiens retient avec
force un Relais qui est animé , et qui veut donner
sur le Cerf. On voit un très - grand nombre de Figures
sur le second et troisiéme Plan ; le fond du
Tableau représente l'Abbaye de S. Jean aux Bois ,
le tout peint d'après nature ,
objets représentés.
ainsi que tous les
Le troisiéme fut présenté au Roy les Fêtes de
la Pentecôte de l'année derniere ; il représente la
Chasse
JUIN. -1397
1738.
Chasse du Cerf à la vûë de Compiegne , de Royal
Lieu , et des environs . Ce Tableau a 30. pieds 6.
pouces de large , sur 11. pieds de haut. Le Roy est
sur la premiere Ligne , accompagné d'un grand
nombre de Figures à cheval , qui paroissent arriver
sur le bord de la Riviere , chassant le Cerf qui a
passé l'eau ; une grande quantité de chiens , tant
sur le devant du Tableau que dans la Riviere , suf
la voye du Cerf , des Valets de chiens , dont l'un
apuye , et l'autre retient un Relais.
Sur le devant , des chiens qui passent dans des
Bleds , mêlés de Barbeaux et Coquelicots , la Térasse
ornée de Plantes , &c. Sur le second Pian
on voit la Riviere d'Oyse , sur laquelle il y a à un
bout du Tableau un Bacq qui paffe des Picqueurs ,
&c. Un Bateau avec des Rameurs , dans lequel le
Roy passe ordinairement ; le Coche de Beaumont ,
rempli de Figures , remontant la Riviere ; d'autres
Bateaux qui interrompent l'égalité qui se seroit
trouvée sur l'eau. Le terrain du côté du Coche esc
occupé par une Caleche attelée de quatre chevaux ,
et par des Figures à pied et à cheval , &c. Le
fond du Tableau est la vue de Compiegne , au
Point de vue ordonné par le Roy ; celle de Royal-
Lieu , une partie de la grande Forêt ; dans le lointain
, les Montagnes et Villages qui s'y trou
vent.
Les Figures de tous ces Tableaux ont environ
30. pouces de haut , ce qui en occasionne le grand
nombre.
ވ
Le 18. du mois dernier , il fut présenté au Roy
une Piece de Tapisserie faite aux Gobelins par le Sr
Audran , d'après le second Tableau du Sr Oudry
qui représente la mort du Cerf aux Etangs de S.
Jean aux Bois, dont Sa Majesté a été très- contente.
GY Lorsque
1398 MERCURE DE FRANCE
t
M
Lorsque ces Tableaux ont été portés aux Gobelins,
le S. Oudry a été chargé de la conduite de la Tapisserie
; aussi s'est - on aperçû d'une execution au
dessus de ce qui a parû depuis long - temps ; et l'on
peut dire qu'il n'est pas possible de porter la Tapisserie
de Haute Lice dans toutes ses parties , à un
plus haut degré de perfection .
ESTAMPES NOUVELLE S
Error inest , plumâ tectus adulter erat.
D'un Cigne caressant faut- il qu'on se défie
Le Plumage cache un Amant.
Quel bonheur pour Leda , qu'un tel déguisement
La séduise et la justifie !
On lit ces Vers au bas d'une Estampe en large
qui vient de paroître , gravée par le Sr L. Desplaces,
d'après un gracieux Tableau de M. Cazes.
Le Sr le Bas , Graveur du Roy , continuant de
produire des Morceaux de bon goût , vient de
mettre au jour une Estampe de 17. pouces et demi
de haut , sur 23. pouces et demi de large d'après:
un excellent Tableau de M. Lancret , qui représente
dans un agréable Paysage , et autour d'une
Table où est une Corbeille pleine de raisins , de
-verres de bouteilles &c. une troupe de jeunes.
Dames et de jeunes hommes vétus à l'Italienne , ce
qui a donné lieu au Graveur de donner à cette Estampe
le titre de Repas Italien. On lit au bas
ces Vers de M. Moraine.
Dans
JUIN 1738. 1399
Dans ce charmant Séjour,où brillent tant de Belles,
Dont l'air est trop galant , pour qu'elles soient
cruelles ,
Rien ne peut empêcher , Amans , votre bonheur :
Si l'Amour vous remplit de l'ardeur la plus tendre
De concert avec lui , Bacchus par sa Liqueur
Sçait vous mettre en état d'oser tout entreprendre.
Des Personnes de considération ont engagé le
Sr le Bas à travailler à ce morceau , afin de lui faire
tenir place dans leur Cabinet entre les Réjouissances
Flamandes , et la Fête de Village , gravées par le
même , lesquelles ont extrémement plu au Public.
Le Tableau de cette Estampe est dans le Cabinet
du Duc de Valentinois . Elle se vend au bas de la
ruë de la Harpe, vis à-vis la rue Peicée, chés le Bas,
VERS
Pour être mis au bas du Portrait
de M. Titon du Tillet.
TITON ITON a réuni le sçavoir et la grace ,
Les talens de l'esprit et la bonté du coeur.
A la Cour d'Apollon il mérite une place ,
Pour avoir fait en Bronze élever le Parnasse ; *
* Le Parnasse François qu'il a fait élever en
bronze , est en ce genre un des plus beaux morceaux:
que l'on voye à Paris , tant pour le dessein , que pour
Gvj
1400 MERCURE DE FRANCE
Il en mérite une autre,comme Auteur . **
Desforges Maillard.
EXTRAIT d'une Lettre écrite par M.
VI NES , Directeur et Chirurgien Major
des Bains de Bareges aux Pyrenées , au sujet
des réparations de ces Bains.
Cde Bareges sont entièrement finies , je vous prie
Omme il importe de sçavoir que les réparations
de vouloir bien rendre public le détail qui suit .
Le Sr Polart , Ingénieur des Ponts et Chaussées
de la Province , a été chargé des réparations que la
Cour s'étoit psoposé de faire à l'occasion des
Eaux qui se perdoient aux Bains de Bareges , à quoi
il a fait travailler avec beaucoup de succès.
On n'ignore pas que les Eaux et Bains de Bareges
, som regardés comme ce que la Nature a pu
produire de plus merveilleux , pour la guérison
d'une infinité de Maladies , auxquelles le Corps
humain est sujet ; et qu'elles sont spécifiques pour
toutes sortes de Coups de feu , et autres Bleffures :
c'est pourquoi on a toujours travaillé à ces Eaux
avec beaucoup de précaution , crainte de perdre un
Vexecution. Ce magnifique Monument attire la curiosité
de tous les Etrangers , pour qui son Cabinet est
toujours ouvert.
** La Description du Parnasse François , avec
La Vie de tous nos Poëtes , et les Effais sur les honneurs
accordés aux illustres Sçavans de tous les Siecles :
deux Ouvrages sçavans et curieux , dont il est Auteur.
pareil
JUIN. 1738 7407
pareil Trésor , et la Cour ( toujours attentive au
Bien public , et en particulier à ce qui peut procurer
du soulagement aux Sujets de Sa Majesté , qui
ont reçû des Bleffures à son Service , ) y avoit cidevant
fait travailler diverses fois , sans que l'on
eût jamais pu parvenir à refouler les Eaux , qui se
perdoient dans leur ancienne conduite .
Avant le dernier travail qu'on vient de faire , il
n'y avoit guere qu'une Douche , apellée la Douche
Royale , de laquelle on pût faire usage , ainsi il
n'y avoit qu'une Personne à la fois qui put se baigner
, quoiqu'il y eût deux autres Douches de la
même qualité , desquelles on ne pouvoit faire usa
ge , par raport à la perite quantité d'Eau , dont il
ne couloit par ces Tuyaux qu'un très - petit filet ,
ayant néanmoins été abondantes anciennement.
La cause pour laquelle ces Tuyaux ne joüoient
point comme ils avoient fait autrefois , venoit de
ce que la plus grande partie de ces Eaux se perdoient
par differens Griffons , qui jaillissoient au
travers du fond du Sol du Bain Royal ; aujourd'hui
par les ouvrages que le Sr Polart à fait faire , tous
ces Griffons ont été bouchés , et par là refoulés dans
leurs anciens Canaux ; de sorte qu'au lieu de la
Douche dont on vient de parler , il y en a deux
autres de la même Eau , qui jouent en même temps
à plein Tuyau , de façon qu'on peut baigner et
doucher trois Personnes à la fois au lieu d'une , ce
qui est un bien inexprimable pour le Public , qui
aura la facilité de se baigner à Bareges ; ce qui n'étoit
pas aisé auparavant , par raport à la grande
quantité de monde qui s'y rendoit , pour prendre ce
Remede .
Il y avoit d'ailleurs une Douche au Bain quarré,
reconnue spécifique pour la guérison des Ulceres ,
dont
1402 MERCURE DE FRANCE
dont la plus grande partie de l'Eau se perdoit par le
Canal de décharge , et ne donnoit qu'un petit filet
d'Eau le Sr Polart y a également ; fait travailler , et
ses travaux ont été si bien conduits que cette
Douche donne aujourd'hui de l'Eau à plein Tuyau.
:
>
Il y avoit encore un Bain rond , apellé Bain de
Délice , qui n'étoit pas fort utile , ne pouvant servir
qu'à deux personnes par jour , attendu qu'il falloit
trois ou quatre heures pour le remplir par les Remarques
que le Sr Polart a faites , il a trouvé qu'il
y avoit des Griffons d'une Eau chaude , aprochant
du degré de la Douche Royale , d'autres d'une Eau
tempérée , et enfin des Eaux froides , qui transpiroient
à travers le mur , et qui se mêloient avec les
chaudes , ce qui rendoit ce Bain fort tempéré , et
P'avoit fait apeller Bain de Délice ; il a cru qu'il
devoit pour le Bien public renfermer ces Eaux chaudes
dans une Cuvette , pour les séparer des froides
et des tempérées , il y a parfaitement réussi , et ces
Eaux chaudes procureront une Douche aussi abondante
que les autres , de laquelle Douche on formera
un nouveau Bain , auquel il a donné le nom
de Bain Dauphin ; on ne doute pas que ces Eauz
ne soient aussi salutaires que les autres , puisque le
Sr Vignes , Directeur des Bains , qui en a fait l'Analyse
, a trouvé qu'elles étoient empreintes du
même Minéral , que celui de la Douche Royale."
Les Eaux tempérées qu'il a séparées des chaudes,
serviront pour un nouveau Bain de Délice , afin
que
le Public ne perde rien ; le Sr Polart a même voulu
mettre tout à profit , puisqu'au bout de l'Aqueduc
, où se réunissent toutes les Eaux chaudes pour
se perdre dans la Riviere , il a fait construire un
Bain pour les Chevaux 3. il a eu outre cela une attention
toute particuliere , au moyen d'un Aqueduc
JUIN. 1738. 14
'due qu'il a fait construire autour des Bains , d'en
détourner toutes les Eaux froides , qui par leurs filtrations
auroient mêler avec les Eaux chaudes
.
pu se
A Bagneres ce s . May 1738 .
LETTRE de M. *** écrite de Lisbonne
·à M. *** sur quelques Matieres Chirurgicales
2 et Réponse &c. datée de Paris
du 4. Fuillet.
Daviel , Monsieur , est un Maître Chirur

Mgien Juré de Marseille , entretenu sur les
Galeres du Roy Associé de l'Académie de
Toulouse , et fameux Oculiste , c'est celui que
vous avez connu à Lisbonne au mois de Février
dernier , lorsqu'il guérit heureusement de la Cataracte
la Soeur de Don Antoine Guedes , Ministre et
Secretaire d'Etat de Sa Majesté Portugaise , étant
parti à ce sujet par Congé de la Cour ; vous me
marquez encore que le succès de ses Opérations a
été des plus grands à Lisbonne , ce qui lui a attiré
la confiance du Public ; je n'en suis pas surpris :
ce n'est pas d'aujourd'hui que l'on connoît à Marseille
, et dans tout le Royaume , la capacité de M..
Daviel ; il en a donné des preuves autentiques , nou
seulement pour les Maladies des Yeux , mais même
pour tout ce qui regarde les autres Opérations,,
qui se pratiquent sur le Corps humain,
M. Daviel est bon Anatomiste , il posséde parfaitement
la Matiere Chirurgicale , surtout celle des
Yeux ; ainsi tout ce qui se pratique sur cette maviere
, doit entre ses mains devenir moins difficile .
Mrs
1404 MERCURE DE FRANCE
Mrs de l'Académie Royale de Chirurgie de Paris ,
dent M. Daviel a reçû mille politesses , peuvent
mieux que d'autres juger sainement de sa capacité ,
par les diverses Observations importantes et rares
qu'il leur a présentées , et qui ont été insérées dans
leurs Registres. Cet habile Artiste a donné depuis à
cette Académie plusieurs autres détails d'Opérations
et quelques modeles d'Instrumens de son invention
, qui n'ont pas été moins bien reçûs que
les premieres Observations.
Etant bien aise de connoître par lui-même les
Hommes célebres qui la composent , il partit exprès
de Marseille au mois d'Avril dernier , mais il
ne put arriver à Paris si-tôt qu'il l'auroit souhaité ,
ayant été obligé de s'arrêter sur la Route , pour
traiter plusieurs Personnes attaquées de maladies
aux yeux.
Il fit l'operation d'abord à Avignon sur le nommé
François Bonnet , d'une excroiffance charnue
sur l'oeil droit , dont il ne voyoit goute. Le Malade
est parfaitement guéri , comme on le mande d'Avignon
, et il voit clair.
A Orange , il a guéri Pierre Robert , Boulanger,
âgé de 35 ans , qui avoit deux Cataractes depuis 4.
ans. A Morenas près d'Orange , Joseph-Marie Vernet
, âgé de 7c . ans , aveugle de deux Cataractes
depuis sept ans .
A Noyeres en Bourgogne , le nommé Germain
Garnier , âgé de 71. ans , qui avoit une Cataracte
depuis environ huit ans , et beaucoup d'autres qu'on
ne nomme point ici , qui ont tous été guéris.
M. Daviel est particulierement connu par Mrs
Chycoineau et la Peyronie , premiers Médecin et
Chirurgien du Roy , qui ont des preuves de son
émulation et de son zéle .
Il loge à Paris ruë de Seine , Fauxbourg S. Germain,
JUIN.
1738 4༠༩
main , chés le Sr Degranges , Baigneur , vis- à -vis .
la rue du Colombier : on le trouve chés lui depuis
six heures du matin jusqu'à dix , et depuis deux
jufqu'à six.
Voilà , Monsieur , tout ce que je puis vous
aprendre sur le compte de M. Daviel , dont on ne
sçauroit trop estimer la capacité. Je ne manquerai
pas de vous faire sçavoir son départ , et dans quel
temps il pourra être à Marseille , afin que vous y
fassiez conduire votre Ami , qui a besoin de sou
secours.
Je suis , &c.
A Paris ce 11. Juillet 17384
SPECTACLES.
'Académie Royale de Musique donna la
Paix , le 29. May dernier. Cet Ouvrage Lyrique
fut parfaitement bien reçû du Public
M. Roy dont le talent pour la Poësie est gé
néralement reconnu , en a fait les Paroles
et Mrs Rebel et Francoeur , qui n'ont pas
moins de réputation dans leur Art , en ont
composé la Musique. Pour garder l'impartialité
dont nous faisons profession , nous em
donnerons un Extrait des plus succincts ,
et on ne citera que les Vers nécessaires à
l'intelligence
1406 MERCURE DE FRANCE
l'intelligence. Le Poste a dédié cette Piece à
Monseigneur le Dauphin ; l'Epitre dédicatoire
est semée de traits dignes de son Héros.
En voici les derniers Vers , qui sufiront
pour faire juger de ceux qui les précedent.
Un Sage plus illustre encor que és Ancêtres ,
Dignes apuis du Trône et de ses premiers Maîtres,
Vous offre la Vertu sous d'aimables couleus ;
Sur vos pa à mon tour , j'ose somer des Aeurs.
Me reprocheroit on d'allarmer l'innocence
Un Spectacle galant et tendre avec décence ,
Ne peint que cet amour , qui , de l'aveu des Loix ,
Eternise le Peuple , et la force des Rois .
Le Théatre représente au Prologue le
Palais de Minos , conformément à ce qu'en
a dit Ovide , on y voit une Tour , dans laquelle
Apollon renferma sa Lyre ; l'Instrument
divin communiqua aux pierres un char
me qui les rendoit sonores.
Regia turris erat vocalibus addita muris ;
Illic , auratam fertur Latonia Proles
Deposuisse Lyram ; saxo sonus ejus adhasit.
Le Chef des Mégariens ouvre le Prologue
par ces Vers ;
Digne
JUIN.
1407 1738.
Digne ornement de cet Empire ,
Des faveurs d'Apollon , monument précieux ,
Tour célebre , où jadis il déposa sa Lyre ,
Votre sein er fintoit des Sons harmonieux ;
Ils apelloient les Ris , les Amours , et les Jeux .
Quel changement ! hélas ! vous gardez le silence !
Pourquoi ce charme a - t - il cessé ?
Beaux jours , qui de l'Amour releviez la puissance,
Avec vous son Régne est passé .
Il chante les Vers suivans alternativement
avec le Choeur :
L'implacable Dieu de la Guerre
Ne fait plus retentir la Terre
Que de cris , de trouble et de pleurs ;
Apollon et le Dieu des Coeurs
Sont effrayés de son Tonnerre.
La Tour recouvre la voix qu'elle avoit per
duë , Apollon descend des Cieux , et fait
connoître la cause de ce prodige par ce Vers :
Aux maux de l'Univers le Vainqueur est sensible.
Le Choeur chante :
Disparoissez tristes jours ;
Siecle heureux , Siecle paisible ,
Recommencez votre cours.
Apollon
7408 MERCURE DE FRANCE
Apollon acheve d'expliquer le motif de
cet heureux changement par de très - beaux
Vers , dont nous ne citerons que ceux qui .
font allusion au Pacificateur de l'Europe :
Minos renaît , c'est lui que je revois ;
Sous de plus jeunes traits , c'est la même sagesse,
Qui vous gouvernoit autrefois .
Que pour lui plaire tout s'empresse ,
Rochers animez-vous ; ce jour vous rend la voir!
Le Prologue finit par un Choeur géné
ralement aplaudi .
PHILLIS ET DEMOPHON
Premiere Entrée.
Le Théatre représente le Palais de la Reine
de Thrace , au bord de la Mer. La Scene
s'ouvre par un Choeur qui annonce la Victoire
, que Demophon , Fils inconnu de Thesée
, vient de remporter sur les Ennemis de
Phillis , Reine de Thrace ; cette Reine aime
Demophon sous le nom d'Eurylas , qu'elle
croit d'une naissance obscure ; sa fierté s'opose
à son amour ; elle le fait . connoître
par ce Monologue :
Hommages éclatans , transports , Chants de Vici
toire ,
Dane
JUIN.
1409 1738.
C
C
Dans quel trouble nouveau venez -vous me plonger!
D'un nom qui m'est trop cher me retracer la gloire,
C'est mettre la mienne en danger.
Je vois à mes genoux avec indifférence ,
Des Amans couronnés et des Trônes offerts ,
Et pour un Inconnu mon coeur est sans deffense ;
Hélas ! il méritoit une illustre naissance ,
Et je n'ai que des pleurs à donner à ses fers .
Hommages éclatans , &c.
Eurylas vient annoncer à Phillis que tous
ses Ennemis sont vaincus ; il la prie de lui
permettre de se retirer ; la raison de cette retraite
, c'est fa Victoire même , qui ne lui
permet plus de différer le choix d'un Epoux ,
que ses Peuples lui demandent , il l'exprime
par ces Vers :
Mes succès m'ont eux-même ôté toute espérance
Objet des voeux de tant de Rois ,
La Guerre avoit du moins suspendu votre choix ,
Mais il n'est plus d'obstacle à leur persévérance ;
On vous presse à grands cris de choisir un Epoux.
Phillis le presse de rester , pour s'oposer à
Thesée , dont la Flotte vient de paroître sur
ces Mers ; pour mieux l'engager à ne la pas
priver du secours de son bras , elle lui de
clare qu'elle l'aime ; mais elle ajoûte à ce
tendre
2...
1410 MERCURE DE FRANCE
tendre avcu , que leur sort n'en sera pas plus
heureux , puisque ce n'est qu'à un Roy qu'il
lui est permis de donner sa main. Après un
Duo , dans lequel ils se plaignent tous deux
du Destin qui les sépare , on entend un
Choeur derriere le Théatre ; il est chanté par
des Athéniens , dont la Flotte vient d'arriver,
Voici ce que ce Choeur annonce à Eurylas .
'Au Fils de notre Maître adressons notre hommage ,
Sous le nom d'Eurylas , il triomphe en ces Lieux.
que
Sostrate Athénien , lui déclare au nom de
Thesée , qu'il est Fils de ce Héros , il lui exles
raisons du secret que le Roy son pose
Maître avoit gardé sur sa naissance , et le
attendu
presse de venir à son secours ,
mille Ennemis attaquent sa Puissance . L'Amour
céde au devoir dans le coeur de Demophon
, il veut voler au secours de son Pere
Phillis ne lui céde point en générosité , elle
consent à son départ , et lui dit héroïquement
:
Sur nos devoirs l'Amour même m'éclaire ;
Votre gloire est la mienne , il faut la satisfaire ;
Aux yeux du Monde entier qui sont ouverts sur
II faut
que
nous ,
mille Exploits annoncent mon Epoux.
On voit bien par ce dénouement , que
l'Autcur
JUIN. 17388 1417
Auteur a voulu peindre dans cette premiere
Entrée , l'Amour Héroïque . Les Thrices, et
les Matelots Atheniens , en composent le
Divertissement.
Le Poite annonce à la tête de la deuxiéme
Entrée , que la Fable d'Iphis, qui de Fille
devint Garçon , est l'envelope d'un stratagême
d'amour ; que le jeune Iphis s'étoit travesti
, pour s'introduire auprès d'lante , dont
il avoit surpris l'amitié , pour couvrir son
amour ; qu'il reprend l'habit de son Sexe ,
la faveur des Fêtes Hibristiques , où les Femmes
d'Argos s'habilloient en Hommes , et
avoient droit de railler leurs Maris , en mémoire
du jour où elles avoient sans eux, fait
lever le Siége de leur Ville.
Le Théatre représente une Place ornée
pour les Fêtes Hibristiques ; on voit au milieu
la Statuë de l'Hymen , et dans les côtés
celles de la Liberté, et de Télésiile , honorée
sous le nom de Venus armée .
Iphis , jeune Argien , et Beroé , Gouvernante
d'lante , jeune Argienne , commencent
La Piece. Iphis expose le sujet par ces Vers ;
Tu le vois , Bercé , je quitte la parure
Qu'autrefois Achille amoureux
Prit comme moi , pour plaire à l'objet de ses voeux.
Bergé lui répond :
Pourquoi
1412 MERCURE DE FRANCE
Pourquoi quitter une heureuse imposture ?
Auprès d'Iante elle vous donne accès ,
A sa fierté l'éclat va faire injure ;
Vous allez de mes soins perdre tout le succès.
Iphis tâche de la rassûrer par ces Vers :
Que de ce jour la Fête te rassure .
Nos Belles autrefois , pour délivrer Argos ,
Ont emprunté l'audace et l'habit des Héros,
Pour solemniser leur Victoire ,
Elles reprennent tous les ans
De si nobles déguisemens.
Il ajoûte au sujet de son travestissement
en Fille :
Je soûpirois , mais sans être écouté ;
L'Amitié disoit tout , l'Amour n'osoit rien dire ;
J'ai trop souffert de ma timidité ;
Sous ma forme ordinaire à présent je respire ;
Je reprends ma vivacité.
Cette Conversation est interrompuë pår
l'arrivée d'lante , qui trouve sa chere Iphis ,
toujours plus charmante sous ce prétendu
déguisement. Cette Scene est très - ingénieuse
; Iphis donne des soupçons à lante par la
maniere peut-être un peu trop vive dont il
exprime son amour, sous les traits de l'amitié;
elle
JUIN.
1413

1738
elle commence à le soupçoner de supercherie
, et comme il veut poursuive sa déclara◄
tion , elle lui impose silence en lui disant :
Non , la Fête commence ;
Laissez -moi profiter des leçons que ce jour
Va me donner contre l'Amour.
Les Argiennes habillées en hommes.composent
cette Fête ; l'Amour et l'Hymen y
sont décriés : la Fête étant finie , Iphis acheve
de se faire connoître pour un véritable
Amant ; il demande pardon aux pieds d'Zphise
, irritée de la tromperie qu'il lui a faite
s'excuse par ces Vers :
Pardonnez ma témérité
A l'excès de ma tendresse ;
Pour vous fléchir employer tant d'adresse ,
C'est honorer votre fierté .
Iphise lui pardonne et change son amitié
en amour ; cette tendre reconciliation est
suivie d'une seconde Fête , par laquelle on
rend à l'Amour et à l'Hymen toute la gloire
qu'on leur a ôtée dans la premiere. Cette Entrée
a été jugée sans contredit la meilleure
des trois ; on y a surtout aplaudi une Chaconne
qui peut être comparée aux plus
belles des meilleurs Auteurs.
,
II. Vol. H La
1414 MERCURE DE FRANCE
La derniere Entrée , quon juge la plus in
téressante de ce Ballet , a trouvé plus de
Critiques que de Partisans , à cause des libertés
l'Auteur s'est données sur la maniere
que
de traiter un Fable , qu'Ovide a renduë si
respectable . Voici comment l'Auteur moderne
a prétendu excuser les changemens
qu'il y a faits.
Philemon et Baucis semblent faits pour caractériser
l'Innocence et la Tendresse Pastorale.
Its sont Epoux dans la Fable , on enfait ici de
jeunes Amans , dont la fidélité est éprouvée et
couronnée par les Dieux ; l'Hospitalité qu'ils
donnent à Jupiter , sans le connoître , le prodidu
vin qui se multiplie sous leurs mains , le
changement de leur Cabane en un Palais , dont
ils font un Temple sont des traits copiés
dOvide. Livre VIII . Metam. La plupart des
Spectateurs ne se sont pas payés d'une excu
se qui leur a parû frivole ; voici en peu de
mots ce qui concerne l'Action théatrale.
ge
,
Le Théatre représente un Hameau , borné
par un Temple de Jupiter. Ce Maître
des Dieux ouvre la Scene avec Mercure ; il
lui déclare les tendres sentimens qu'il a conçus
pour Bancis ; cette Scene est interrompuë
par une Fête , qui est célébrée à l'honneur
des Conquêtes amoureuses de Jupiter;
ce Dieu , pour se cacher à leurs yeux , est
déguisé sous l'habit d'un Prince , Mercure
l'est
JUIN. 1738.
141
T'est aussi sous le nom de Compagnon du
Prince prétendu . Baucis sort toute éperdue
du Temple de Jupiter , et aprend à Mercure
le miracle de la multiplication du vin , dont
elle vient d'être témoin oculaire ; le faux
Compagnon du Prince interpréte ce prodige
d'une maniere dont Baucis n'est point satis →
faite ; Jupiter vient apuyer l'explication , et
fait entendre à Bancis que c'est à lui que les
Dieux la destinent ; Baucis préfere l'amour
de Philemon son Berger , à la Grandeur
Royale. Jupiter irrité , la menace d'une afreuse
vengeance contre son Rival , et la quitte
disant tout bas à Mercure :
Vien , sui mes pas ; je souffre , autant que je l'of
fense.
Philemon , transporté de joye , vient aprendre
à sa chere et fidelle Bancis , que ses Pa
rens consentent à son Hymen ; Baucis lui
aprend le danger qui le menace de la part
Fun Rival térrible. Philemon le brave ; Mer
cure descend des Cieux et le touche de son
Caducée ; ce malheureux Berger tombe endormi
sur le Gazon. Jupiter revient à la charge
pour fléchir Baucis, mais inutilement. Enfin
touché de sa constance , il la céde à Philemon,
après lui avoir apris qu'il est le Maître des
Dieux. Bancis se jette à ses pieds , Philemon
qui s'éveille dans ce moment , est fort allar- >
Hij mé
1416 MERCURE DE FRANCE
mé de la trouver aux genoux du prétendu
Roy. Jupiter le rassûre , et changeant en
un Temple le Palais magnifique qu'il avoit
élevé pour séduire Baucis, il consent qu'ils en
soient les Concierges ; ils lui demandent
pour derniere grace , qu'un même moment
leur ferme les yeux , pour ne leur point
causer de larmes,
On continue toujours les Représentations du
même Ballet , auquel on ajoûta le 27. une
nouvelle Entrée , qu'on a continuée jusqu'à
la fin du mois, avec les deux autres Entrées ,
qui ont déja eu quinze Représentations. On
prépare le Ballet du Carnaval et de la Folie
qu'on doit remettre au Théatre. Nous don
nerons dans le Journal prochain une petite
Analyse de cette nouvelle Entrée .
NOUVELLES ETRANGERES,
LE
POLOGNE,
· E Pacha de Choczin a dépêché un Courier an
Lorand Général de la Couronne ,pour lui porter
une Lettre que le Grand Seigneur a écrite à Sa Ma
jesté Polonoise , et dans laquelle Sa Hautesse , en
félicitant le Roy sur le Mariage de la Reine des
deux Siciles , l'assûre , qu'elle prend part à tous les
Evenemens qui peuvent l'intéresser , et qu'elle continuera
JUI N. 1738. 1417
tinuera toujours de contribuer de tout son pouvoir
à entretenir la bonne intelligence entre la Porte et
La République.
ALLEMAGNE
[
ON aprend de Vienne , que le Colonel Picolo- mini qui a deffendu Meadia , a obtenu par la
Capitulation accordée par le Seraskier de Widdin,
qu'il sortiroit avec tous les honneurs de la Guerre ,
et qu'il emmeneroit deux Pieces de Canon . Il remit
le 27. May dernier Meadia aux Ennemis , et il a
été escorté par un Détachement de 1200. hommes
des Troupes Ottomanes jusqu'à Catensebes , petite
Ville peu éloignée de Temeswar.
On a apris ensuite , que le Seraskier de Widdin
s'étant avancé proche d'Orsova , et ayant fait me
nacer inutilement le Comte de Cornberg , qui y
comman le , de ne point lui accorder de Capitulation
, s'il s'obstinoit à se deffendre , il avoit formé
le Siége de cette Place. Ce Courier a ajoûté , que
l'Artillerie des Assiégeans ne pouvoit causer un
dommage considérable à la Ville , parce que toutes
les Batteries étant établies de l'autre côté du Danube
, qui est fort large en cet endroit , la plûpart
des boulets étoient perdus.
On a sçû en même temps, que dès que le Feldt Ma
réchal Comte de Wallis avoit été informé que les
Turcs assiégeoient Orsova , il étoit allé joindre le
Comte de Neupeg , pour marcher avec lui au secours
des Assiégés , mais que les Troupes commandées
par ces Généraux n'avoient pu décamper
de Panzova que le 12. de ce mois , à cause des
pluyes continuelles qui avoient fait déborder plusieurs
Rivieres , et que la plus grande partie du plat
Pays,voisin du Danube étant inondé , elles seroient
Hiij obligées
3418 MERCURE DE FRANCE
obligées de passer par le Bannat de Temeswar , ce
qui allongeroit considérablement leur marche."
Toutes les Lettres de Hongrie confirment , que
les Turcs suivent à présent une partie des Usages
des Chrétiens dans leur maniere de faire la Guerre,
et que non seulement ils ne font éprouver aucun
mauvais traitement aux Prisonniers , mais même
qu'ils renvoyent souvent les Officiers sur leur parole
.
Le Seraskier de Widdin a fait présent d'un très-
Beau Cheval au Colonel Picolomini , qui lui avoit
donné une Montre et une Tabatiere d'or , en sersant
de Meadia.
UN
ITALIE.
A N Prince Indien , lequel s'est fort distingué
dans son Pays par son zéle pour la Religion
Chrétienne , et par divers Sérvices qu'il a rendus
aux Missionaires , est arrivé a Rome , pour rendre
ses respects au Pape.
S. S. tint le 23. de ce mois un Consistoire , dans
lequel elle déclara , que le Cardinal réservé in petto,
dans la Promotion du 20. Décembre dernier , étoit
M. Delci , Archevêque de Rhodes , lequel a été
Nonce à la Cour de France. Le Pape nomma en
même temps M. Passionei , Secretaire des Brefs ,
ci-devant Nonce auprès de l'Empereur. Le même
jour ces deux nouveaux Cardinaux allerent recevoir
la Barette des mains de S. S. qui a dû leur donner
le Chapeau dans le Consistoire qu'elle devoit tenir
le
27-
Pendant que le Cardinal Mosca a été revétu de
la dignité de Legat à Latere auprès de la Reine des
deux Siciles , il a accordé divers Titres et Privileges
à plusieurs Ecclésiastiques , en vertu du pouvoir
attaché
JU IN.. 17381 1415
attaché à sa Dignité , et il a nommé Notaires Apos
toliques les quatre principaux Chanoines de l'Eglise
Métropolitaine de Ferrare , auxquels il a donné
le droit de porter la Mitre.
Le Cardinal Aquaviva après avoir accompagné la
Reine des deux Siciles jusqu'à Gaëtte , a informé
3. S. que le Roy des deux Siciles l'avoit chargé de
ses Affaires auprès du S. Siege par interim , et que
S. M. Sici. ayant résolu d'avoir à Rome un Agent
particulier , et de ne plus se servir de celui qui y
réside de la part du Roy d'Espagne , elle avoit don
né le titre de son Agent au Comte Porta.
Le Roy des deux Siciles a accordé une Pension
de 6000. Ducats à ce Cardinal , et le titre de Marquis
à l'Agent de S. M. C.
Le 19 le Cardinal Corsini revint de Velletri , où
il étoit allé pour rendre ses respects à la Reine des
deux Siciles , à laquelle il a présenté de la part du
Pape deux Tableaux fort estimés , l'un de Guy Rel'autre
de Carlo Marat , enquadrés dans de
très riches bordures , la Reine lui a fait présent
d'un Diamant d'un prix considérable .
no ,
LF.
NAPLES.
E 6. de ce mois le Roy se rendit à Gaëtte , ou
S. M. demeurera jusqu'à ce qu'elle ait reç
avis de l'arrivée de la Reine sur la frontiere .
le '
La veille du départ de S. M. pour Gaette ,
Vaisseau de Guerre le Philipe Royal , qui a été construit
à Naples depuis peu ; les Galeres de ce Royaume
, et une magnifique Gondole que le Roy a fait
faire pour s'en servir le long de la Côte , partirent
pour le même Port. Les Régimens des Gardes Italiennes
et Suisses se mirent en marche le même
Hij jour
1420 MERCURE DE FRANCE
jour , afin d'y pouvoir arriver peu de temps après S. M.
Le Marquis de Puisieux , Ambassadeur du Roy
de France, et M. Louis Mocenigo , Ambassadeur
de la République de Venise , sont allés y joindre le
Roy , qu'ils se proposent d'accompagner , lorsqu'il
ira au- devant de la Reine .
On a apris de Venise que le Comte de Fuenclara
, Ambassadeur du Roy d'Espagne , arriva le 26.
de ce mois à Palma Nuova , où le Chevalier Antoine
Mocenigo , Ambassadeur Extraordinaire de la
République se rendit aussi le 27. Le lendemain ,
Leurs Excellences accompagnées du Duc de Sora ,
en partirent pour se rendre sur la frontiere , et y
recevoir la Reine des deux Siciles . Cette Princesse
y arriva le 29. et après y avoir été complimentée
par le Chevalier Mocenigo et diverses autres Personnes
de distinction , elle alla le soir à Palma
Nuova , où elle fut reçûë au bruit d'une décharge
générale du Canon et de la Mousqueterie , toute la
Ville étant illuminée . Le 30. les Dames qui étoient
venues de Naples pour être au Service de la Reine,
furent présentées à S. M. et eurent l'honneur de lui
baiser la main , de même que plusieurs Seigneurs
et Gentilshommes.
Le 31. la Reine partit de Palma Nuova sous
l'Escorte d'un Régiment de Cuirassiers , et alla concher
à Pordenone : S. M. étoit dans une magnifique
Chaise à Porteurs , entierement dorée et garnie
en dedans de Franges d'or ; le Roy son Epoux
la lui avoit envoyée de Naples.
Le 1. de ce mois , cette Princesse arriva à Trévise
, et y fut saluée à son entrée d'une décharge
générale du Canon .
Le 20. la plus grande partie du Cortege de la
Reine prit la route de Padouë , mais S. M. s'en
étant
JUIN 1421 1738.
étant séparée avec quelques Personnes de sa Suite,
pric celle de Serraglio , et s'embarqua à Mestre ,
à bord d'un Bâtiment richement orné . Deux Galeres
de la République , q'o avoit envoyées audevant
de la Reine , la saluerent d'une décharge
générale de eur Artillerie , et l'accompagnerent le
long du Canal della Giudocea , jusqu'à la Donne ,
où elles firent une seconde décharge , ce que firent
aussi tous les autres Navires , qui étoient rangés
sur le grand Canal y avoit sur les bords de ce
Canal un monde infini , qui étoit accouru pour'
voir S. M. Tous les Balcons des Palais , qui sont
des deux côtés du même Canal , étoient ornés de
riches Tapisseries , et remplis de Dames , ce qui'
faisoit un coup d'oeil admirable. La Reine ayant
débarqué , continua sa route vers Padoue , od elle
arriva le soir, S. M. alla descendre au Palais Prétorial
, qui étoit entierement illuminé , de même que
les Maisons des rues par ou S. M. devoit passer.
Le 3. au matin . la Reine se re dit à l'Eglise de
S Antoine de Padouë ; elle y entendit deux Messes
chantées par
la Musique , et retourna ensuite au
Palais. Le Chevalier Antoine Mocenigo , qui jusqu'alors
avoit gardé l'incognito , prit ce jour - là le
caractere d'Abassadeur Extraordinaire de la Répu
blique , et s'étant rendu avec une nombreuse et
magnifique Suite au Palais , il eur Audience de S. M.
qu'il complimenta au nom de la Répub iqué . L'après-
midi , les Troupes dé la Garmson firent l'Exer
ci e en présence de la Reine , à qui on servit ensuite
une superbe Collation , dont le Dessert
qui étoit tout en Cristal , représentoit un Jardin
Hy SUITE
422 MERCURE DE FRANCE
S
SUITE du Voyage de la Reine
des deux Siciles.
A Majesté étant arrivée le premier Juin à Trévise
, on jugea que la route par eau seroit plusagréable
que celle de terre , et que la vûë de la Ville
de Venise pourroit lui faire plaisir, on lui proposa à
Mestre, de s'embarquer sur la Riviere de Marzenego,
et d'envoyer par terre ses équipages et la plus grande
partie des personnes de sa suite. La Reine y
ayant consenti et s'étant mise dans une Barque fort
ornée , elle descendit la Riviere et traversa les Lagunes
, au sortir desquelles elle trouva les Brigantins
, les Galiotes , les Félouques et les Péottes dela
République , qui étoient allés à sa rencontre. En
entrant dans le Canal de la Juiverie , elle fut saluée
par le Canon, des Galeres , qui avoient arboré leurs
Elammes et leurs Banderolles , et qui l'accompa--
gnerent jusqu'à la , pointe de la Douanne , vis-àvis
de laquelle étoient rangés en demi cercle plu--
sieurs Vaisseaux dont elle reçut aussi le salut. Elle
passa ensuite dans le grand Canal , qu'on avoit pris -
soin de débarasser entierement pendant la nuit.
Toutes les fenêtres des Palais , situés sur les bords
de ce Canal , étoient ornées de riches Tapis et occupées
par une grande quantité de Noblesse , et il
y avoit sur les deux rives une foule prodigieuse de
Peuple..
Au sortir du Golfe , la Reine entra dans la Brenta,
qu'elle remonta jusqu'à Padoue , où elle arriva sur
les huit heures du soir , et où elle fut requë au bruie
d'une salve générale de l'Artillerie des Remparts.
Les rues par lesquelles elle passa pour se rendre au
Pa ais Prétorien , qui avoit été préparé pour son
logement à étoient illuminées a , ainsi que la grande
Place
JUIN.
17387 1423
Facé , dans laquelle les Troupes de la Garnison
étoient rangées en Bataille .
Lorsqu'elle fut retournée au Palais M. Antoine
Mocenigo , Ambassadeur Extraordinairé de la République
, y alla en grand cortege , pour avoir Audience
de S. M. Le Carosse de cet Ambassadeur ,
qui étoit précedé de sa Livrée à pied et de ses Pages
à cheval , étoit suivi de trois autres de ses Carosses
et de ceux d'un grand nombre de personnes
de distinction , et la marche étoit fermée par une
Compagnie de Dragons . M. Mocénigo, qu'on avoit
cru devoir accompagner laReine jusque sur la Frontiere
du Ferrarois , prit congé d'elle dans cette Audience.
Le même jour , le Duc d'Atri , que le Roy d'Espagne
a nommé son Ambassadeur Extraordinaire ,
pour porter les présens destinés à cette Princesse
par leurs Majestés Catholiques , arriva à Padouie ,
et il eut audience de la Reine, à laquelle il présentá
de la part de L. M: C. un Coulant , deux Pendans
d'oreilles , une Agraffe et une Crevée de Dia- ´
mans d'un très - grand prix .'
La Reine vit l'après -midi faire l'éxércice aux
Troupes de la Garnison ; et des Saltinbanques représenterent
ensuite devant S. M. les Travaux d'Her- "
cule. Le soir elle alla avec le Prince son frere , ૐ
P'Opera , où l'on executa un Divertissement composé
à l'occasion de son Mariage.
Elle eut le même jour un long entretien avec la
Marquise Pisani , à laquelle le Roy de Pologne ,
Electeur de Saxe , avoit écrit pour la prier d'aller
joindre la Reine , sa Fille , à Padoüe, et de l'accompagner
jusque sur les Frontieres des Etats de la
République.
Le 4. la Reine retourna à l'Eglise de S. Antoine
pour y entendre la Messe , et après avoir dîné en '
Hvj public
1424 MERCURE DE FRANCE
public , elle partit de Padoue pour aller à Rovigo
d'où elle devoit continuer sa route vers Naples . Elle
fut accompagnée jusqu'à la Porte de sainte Croix
par toutes les Troupes de Cavalerie de la Garnison
, et en sortant de la Ville elle fut saluée par
une triple salve de l'Artillerie des Remparts et de
la Mousqueterie de l'infanterie , qui étoit sous
les Armes au. dehors de la Porte.
La Reine étant arrivée le 5. à Ferrare , elle descendit
d'abord à l'Eglise Métropolitaine , où elle
fut complimentée par le Cardinal Mosca , que le
Pape avoit nommé son Légat à Latere , pour cette
fonction , et qui étoit accompagné de quatre Evêques
, de couze Sénateurs , et d'une grande quantité
de Noblesse . Après cette Cérémonie , elle fut
conduite au Palais de Bentivoglio ;, elle trouva sur
son passage toutes les rues magnifiquement ornées
et les Balcons couverts de riches Tapis ; le soir elle
entendit un très- beau Concert au Théatre de Scrofa ,
et la nuit suivante toutes les Maisons de la Ville
furent illuminées ..
Cette Princesse a dû prendre le 6. la route de
Faenza ..
Le lendemain de l'arrivée de la Reine , le Cardinal
Mosca étant allé en grand cortege au Palais
Bentivoglio , où elle étoit logée , fut reçû à la.
descente de son Calosse par deux Gentilshommes.
de Sa Maj sté et il trouva au haut de l'escalier.
le Duc de Sora , Grand- Maître de la Maison de
la Reine , lequel le conduifit à on Audience . Lorsqu'il
entra dans la Salle où étoit la Reine , ce te
Princeffe le leva , et s'étan remi e enfuite dans fon
fauteuil , elle le fit affecir. Après l'Audience, elle l'ac
compagna jufqu'au bord de l'eftrade fur lequel son.
Trône étoit placé..
La Reine des deux Siciles a fait présent à ce Car
dinal
JUIN
1738. 142
dinal d'une Croix Episcopale , enrichie de Pierreries
, et à M. Chigi , qui est allé au - devant d'elle
sur la Frontiere en qualité de Nonce Extraordinaire,
d'un Diamant de 3oco ecus . Elle a donné auffi son
Portrait dans une boete a'or garnie de Pierreries à
Don Horace Albani , lequel s'étoit rendu à Pesaro
avec le Cardinal Camerlingue pour lui rendre ses
respects.
On dit qu'elle a apris à ce Cardinal , que le Roy
de Pologne , Electeur de Saxe , l'avo t nommé à
une Abbaye de 4000. écas de revenu en Pologne .
Cette Princeffe , qui partit le 6. de Ferrare a pallé
par Rimini par Ancône et par Lorette , pour se rendre
à Monte Rotondo , où elle arriva le 15. au foir ,
et où elle a été complimentée par douze Cardi
naux , anfi que par le Duc de Saint Aignan Ambaffadeur
de S. M. T. C. en cette Cou . , et par plu
sieurs autres Miniftres Etrangers.
Le Cardinal Cienfuegos , qui étoit allé coucher
la veille à Lamentana , Bourg voisin de Monte-
Rotondo , dans le deffein de se présenter à l'Audience
de la Reme , n'a pû obtenir d'y être admis.
Le jour que cette Princeffe arriva à Monte- Roton--
do , on tira un magnifique Feu d'artifice devant le
Palais qui avoit été préparé pour fon logement , et
le Cardinal Aquaviva donna à souper à l'Ambassadeur
du Roy de France , aux autres Miniftres Etrangers
, et à plusieurs perfonnes de distinction .
Le 16. elle se rendit à Zagarola , et on compte
qu'elle doit arriver le 18. ou le 19. à Gaëtte.
Le Roy des deux Siciles a nommé le Duc de
Gravina pour alier remercier le l'ape des honneurs
que cette Princesse a reçûs en passant sur les Terres .
de l'Etat Ec.lefiaftique .
Le Comte de Fuenclara a paffé à Rome le 12 en´´
allant à Gaëtte , où il a jugé à propos de se rendre
quelques
1426 MERCURE DE FRANCE
quelques jours avant la Reine des deux Siciles .
On a apris depuis que cette Princeffe étoit heureu
sement arrivée le 19. de ce mois dans le Royaume
de Naples.
Elle aà du coucher le 15. à Monte-Rotondo , d'où
elle comptoit de se rendre en deux jours à Terracine
..
On a sçu le 19. qu'à cause de la grande quantité
de pluye qui étoit tombée le 16. et qui avoit gâté
la plupart des chemins , la Reine avoit été obligée
de s'arrêter à Zagarola, et qu'elle n'avoit pû se ren
dre que le lendemain à Velletri . Le soir plusieurs
signaux donnés par des Barques qui avoient été
placées de distance en distance sur la Côte depuis ·
Naples jusqu'à Gaëtte`, annoncerent que leurs Majeftés
étoient arrivées dans cette derniere Ville , et
cette nouvelle a été confirmée par un Courier que
le Comte de Charni reçût le 20.
Ce Courier a raporté que la Reine étant arrivée
à Piperno le 18. le Roy étoit parti le 19. à cinq
heures du matin de Gaette pour Portella , qui est
für la Frontiere du Royaume de Naples ; que le
Roy s'étoit rendu à un Pavillon qu'on avoit construit
près de ce Bourg , et dans lequel se devoit
faire la premiere entrevue de leurs Majestés , et
qu'il y avoit attendu pendant plusieurs heures la
Reine , qui n'étoit arrivée que vers midi. S. M. fut
reçûë à la porte du Pavillon par les Gentilshommes
de la Chambre et par les autres principaux Officiers
de la Maison du Roy , tous en habit de Céremonie.
L'Ambassadeur du Koy de France et tous les autres
Ministres Etrangers , à l'exception du Nonce du Pà--
pe et de l'Ambassadeur de la République de Venise,"
qui étoient restés à Gaëtte , le premier , parce qu'il
n'a pas encore eû sa premiere Audience , et le second
, parce qu'il est indisposé , se trouverent aussi
JUIN 1738
142%
la descente du Caroffe avec plus de 1200. Seigeurs
ou Gentilshommes , tant de ce Royaume et
de celui de Sicile , que des Pays Etrangers .
La Reine ayant été conduite par le Duc de Sora ,
Grand-Mître de sa Maison , dans la principale
piece du Pavillon , où le Roy P'attendoit ; et qui
étoit fort vaste et magnifiquement décorée , elle
courut avec empressement , dès qu'elle aperçue
S. M. pour se jetter à ses pieds , mais le Roy ne
fui en donna pas le temps , et S. M. l'embrassa avec
des marques d'une vive tendreffe. Leurs Majestés,
sortirent aussi - tôt du Pavillon par une porte oposée
à celle par laquelle la Reine étoit entrée , et,
s'étant mises dans la même Chaise , elle se rendirent
à Fondi , à deux lieues de Portella . On leur
servit une halte pendant que leur Suite changea
de chevaux , et après s'y être arrêtées une demie
heure, elles continuerent leur route vers Gaëtte,
où elles arriverent à six heures du soir , et où elles
furent reçûës au bruit d'une triple salve de l'Artil-
Ferie des Remparts et du Port , et du Canon des
Vaisseaux et des Galeres qui étoient à l'Ancre. Le
soir on tira un Feu d'artifice , et toute la Ville fut
ittuminée .
Le Corps de la Noblesse a résolu d'accorder au
Roy un don gratuit d'un million de ducats à l'oc◄ -
casion de son Mariage.
Le 13. les Galeres de Maithe entrerent dans le
Port de Gaette , et le Bailly de Vignacourt , Général
de ces Galeres , lequel a été nommé Ambassa➡-
deur Extraordinaire de la Religion , pour compli
menter leurs Majestés , donna part le même jour
au Comte de San- Istevan , de la commission dont
ikétoit chargé. 150. Chevaliers ont accompagné cet
Ambassadeur , et ils doivent paroître le jour de
PAudience avec des habits uniformes très-riches .
Le
1428 MERCURE DE FRANCE
Le Bailly de Vignacourt fit illuminer le 19. à
Parrivée de leurs Majestés , les Galeres de Malthe ,
qui sont dorées et decorées avec beaucoup de ma
gnificence .
L
GENES
E Comte de Boissieux ayant apris que plusieurs
des Rebelles de l'Isle de Corse, dans l'esperance
d'obtenir Pimpunité des crimes qu'ils commet
troient avant la conclusion de leur accommodement
avec la République , avoient attenté à la vie
de diverses personnes dont is prét ndoient avoir
sujet de se plaindre, il a écrit à leurs Chefs pour les
engager à faire publier un Decret contre les Homicides,
et à recommander aux Podestats et aux auties
Officiers Civils de tenir la main à l'execution de ce
Decret , et de taire punir de mo.t ceux qui y contreviendroient
Les Chefs des Rebelles se sont conformés à ce
qui leur a été ma qué par le Comte de Boissieux
& ils continuent de montrer dans toutes les occasions
beaucoup de céférence pour ce Général , &
une disposition sincere à se soûmettre a tout ce
qu'il plaira au Roi de France de leur prescrire .
Les Galeres que S. MT. C. a envoyées à la Bastie
, n'ont donné ni reçu aucun salut en entrant.
dans le Port , nr lorsqu'elles en sont sorties
Le Marquis Mari a régalé avec beaucoup de
magnificence le Commandant & les Officiers ; & il
a diné à bord de la Galere du Commandant.
GENEVE..
de ce
Le Comte de Lautres , devant partir le 21.
mois pour retourner en France , le Conseil se rendig
JUIN. 1738. 1425
dit la veille en corps chés lui pour lui souhaiter un
heureux voyage ; & on observa dans cette Audience
le même cérémonial
que dans les précédentes
. Le
Conseil des 200. se rendi: aussi chés lui pour le
même sujet. La Compagnie
d'Artillerie
, les quatre
Compagnies
de Grenadiers
, & les six Compagnies
Bourgeoises
borderent
les rues par lesquelles le
Comte de Lautrec passa en sortant de la Ville ; &
il fut salué de cinquante coups de canon . Il trouva
hors de la porte de Cornavin les huit Compagnies
de la Garnison , qui n'étoient pas de garde , & qui
formerent deux Bataillons entre lesquelles il passa
On nomma huit personnes du Conseil & huit du
Conseil des 200. pour l'accompagner
dans dix Carosses
jusqu'à la Frontiere.
que
Lorsque le Comte de Lautrec reçût les Députés
du Conseil , qui étoient venus chés lui pour lui souhaiter
un bon voyage , il dit aux Magistrats , que
rien n'étoit plus fateur pour les Représentans des
Puissances médiatrices de voir leurs désirs accomplis
par le retour de la tranquillité publique ;
qu'on devoit tout attendre des suites de l'heureuse
harmonie qui recommençoit à régner entre les différens
Ordres de l'Etat , & qu'elle devoit être regardée
comme le présage & le fondement d'une
paix solide & durable. Il ajoûta que les Habitans
de Genéve venoient de recevoir des marques singu
lieres de la protection du Roi de France ; & qu'un
témoignage si éclatant de la bienveillance de
S. M. T. C. devoit leur inspirer une vive reconnoissance
, & servir de monument à leurs Descendans
, pour leur aprendre combien il leur importe
de conserver la France pour Alliée ; qu'ils ne pourroient
jamais , sans ingratitude , oublier les soins
généreux des Cantons de Zurich & de Berne , qui
s'étoient empressés à les secourir dès le commencement
430 MERCURE DEFRANCE
ment de leurs troubles ; qu'il les prioit de se ra
peller toujours que leur réunion étoit due principalement
à un Ministre cher à la France , lequel
étant continuellement occupé du bonheur des Nations
, & particulierement de celles qui sont Alfiées
du Roi son Maître , n'avoit rien négligé pour
arrêter le cours de leurs calamités , en établissant
leur repos sur des fondemens inébranlables .
Le Comte de Lautrec finit en disant , qu'après
fes avoir félicités sur cet heureux évenement , il ne
pouvoit s'empêcher de les exhorter à se dépouiller
de tous sentimens d'animosité , que l'experience de
feurs malheurs passés devoit les engager à travailfer
efficacement à la réunion de tous les Citoyens';
que les Magistrats étoient obligés principalement
d'y contribuer par des exemples de douceur & de
modération , nécessaires dans un Etat où la confiance
fait la principale force du Gouvernement ;
qu'étant guidés par de pareilles maximes , ils ne
pourroient manquer d'achever de détruire , jusque
dans les racines , les divisions qui n'ont que trop
long-tems déchiré leur Patrie , & que le Peuple
rempli de vénération pour eux , ajoûteroit à la soumission
qu'il leur doit , un amout respectueux &
reconnoissant.
M. Calandrini , Premier Syndic , étant absent à
cause d'une indisposition , M. du Pan , Syndic de la
Garde , répon lit au Discours du Comte de Lautrec
, & après lui avoir témoigné dans les termes
les plus pathetiques le respect , le dévouement & la
reconnoissance de la République pour S. M. T. C.
il le remercia au nom de la République des soins
qu'il s'étoit donnés pour lui rendre la tranquillité,
JUIN 17385 143%
MORTS DES PAYS ETRANGERS.
E 19. Mai mourut à Lisbonne le P. Antoine des
Reys,de la Congrégation de l'Oratoire de laine
Philipe de Neri , natif du lieu de Pernes . Il étoit
Qualificateur du S. Office , ou de l'Inquifition ,
Confulteur de la Bulle de la fainte Croisade , Examinateur
Sinodal du Patriarche de Lisbonne & des
trois Ordres militaires de Portugal , Chronologifte
de ce Royaume en Langue Latine , Accadémicien ,
& Censeur de l'Academie Royale d'Hiſtoire Portugaife
. Il s'étoit acquis de la réputation par fes
Poëfies Latines , qui paffent pour être très - élegantes
, mais l'on estime fur-tout fes Epigrammes, qui
furent imprimées pour la seconde fois en 1730. dans
le premier Tome de ses ouvrages. On lui est redevable
de la Collection de tous les Poëtes Portugais
qui s'impriment actuellement en plufieurs volumes.
Il fut inhumé le lendemain de son décès dans l'E
glise du S. Efprit de fa Congregation.
>
Le 23. Henri Theodore , Comte de Custine , Seigneur
de Pontigny, grand Bailli de Châtel fur Mo
zelle , ci -devant Gouverneur Commandant de la
Citadelle de Nancy , & Lieutenant Colonel du Ré
giment des Gardes du Duc de Loraine , aujourd'hui
Grand Duc de Toſcane , mourut à Lunéville , âgé
de 60. ans fans avoir été marié .
Le 2. Juin Jacques François Fitz -James , Duc
Titulaire de Berwick en Angleterre , Duc de Liria
de Xerica & de Veraguaz , Grand d'Eſpagne de la
premiere Claffe, Chevalier de l'Ordre de la Toifon
d'Or ,, & des Ordres Ruffiens de S. André & de
1432 MERCURE DE FRANCE
>
S. Alexandre , Grand Alcade , & premier Regent
perpetuel de la Cité de S. Philipe , Gentilhomme
de la Chambre du Roy d'Efpagne, Lieutenant Géneral
de fes Armées , fon Ambaffadeur auprès du
Roi des deux Siciles , et ci devant fon Ambaffadeur
& Ministre Plenipotentiaire dans les Cours de
Petersbourg , & de Vienne , mourut à Naples ,
dans la 42. année de fon âge , étant né le 19. Octobre
1696. Son Eloge eft raporté dans le Suplément
du Dictionaire Historique de 1735. à l'article
d'Anglererre . Il étoit fils unique du feu Maréchal
Duc de Berwick , tué au Siege de Philisbourg le
12. Juin 1734. & de Honorée de Burck de Clanvikard
, fa premiere femme , morte le 16. Janvier
1698. et il avoit été marié le 31. Decembre 1716.
avec Catherine de Portugal Colomb, fille de Pierre
Emanuel Nuño de Portugal- Colomb , Duc de Veraguaz
, & de la Vega , Grand d'Espagne de la pres
miere Claffe , Chevalier de l'Ordre de la Toifon
d'Or, & de Therefe Marine de Ayala & de Tolede.
Il en laisse des enfans , fils & filles .
Le 12. Françoise Charlotte , née Comteffe de la
Lippe Dett moldt , & veuve de Frederic , Comte du
S. Empire Romain , de Bentheim , Steinfurt , après
la mort duquel el e étoit demeurée Regente de fes
Domaines , mourut à Steinfurt dans la 34 année
de fon âge , étant née le 11. Novembre 1704. Elle
laiffe un fils & deux filles , encore fort jeunes ,
n'ayant été mariée que le 4. Juillet 1724. Elle étoit
fille de Frederic Adolphe Comte du S Empire Romain
& de la Lippe Dett moldt , mort le 18. Juil
let 178 , et de Florentine Marie , née Comteffe
de Solms , fa feconde femme.
Le 25. Frederic de Nassau-Zuylestein , Comte de
Rochefort , Vicomte de Tumbridge , Baron d'Enfield
, Pair de la Grande- Bretagne , mourut à Londres
JUIN. 1738 1431
Ares , âgé de 56. ans. Il étoit fils de Guillaume de
Nassau,Seigneur de Zuylestein , Lieutenant- General
de Cavalerie au Service des Hollandois , qui fut créé
Pair d'Angleterre par le Roi Guillaume le 10. Mai
1695. fous les titres de Comte de Rochefort , Vicomte
de Tumbridge &c, & de Jeanne Wroth de
Durham, & petit fils de Frederic de Nassau , Seigneur
de Zuylestein ,General d'Infanterie au Service
des Hollandois , qui fut tué au Combat de Voordam
en 1672 , et qui étoit fils naturel de Henri
Frederic de Nassau , Prince d'Orange , mort le 14.
Mars 1647. et de la fille d'un Bourg- mestre de la
Ville d'Emmerick .
On aprend de Lisbonne que la Mere Anne Marie
de Vafconcellos , Religieuse de l'Ordre de S. François
dans le Monastere de Vinhaës ; y mourut le
2. de ce mois âgée de 114. ans : Elle profeffoit de
puis 87. ans la Vie Religieuſe ,
FRANCE.
Nouvelles de la Cour , de Paris , e.
E 28. Juin , le Roi fit au Champ de
LM.
vie des quatre Compagnies des Gardes du
Corps , et de celle des Grenadiers à Cheval
S. M. passa dans les rangs et les vit défiler.
Monseigneur le Dauphin et Mesdames de
France se trouverent à cette Revûë.
Le
#434 MERCURE DE FRANCE
Le 2. Juin , on concerta devant la Reine
les deux derniers Actes de l'Opera de Roland;
La Demoiselle Huguenot , premiere Musicienne
de l'Academie de Musique de Lyon ,
chanta le Rôle de Logistille avec une si belle
voix ,qu'elle fût agréée dans le moment pour
la Musique du Roi.
Le 14. 16. et 18. la Reine entendit l'Opera
de Castor et Pollux , mis en Musique par
M. Rameau. La Demoiselle son épouse
remplit avec applaudissement le rôle de Telaire
, la Demoiselle Huquenot fit beaucoup
de plaisir , dans quelques Ariettes
qu'elle chanta avec une legereté surprenante.
Le 21. 23. et 25. on exécuta l'Opera de
Semiramis , de la composition de M. Destouches
, Sur- Intendant de la Musique de
la Chambre en Semestre , le Prologue fut
chanté par la Demoiselle d'Aigremont , et
le sieur du Bourg. La Demoiselle Mathieu
et le sieur Jeliote remplirent les rôles d'Amestris
et de Dorsanne ; ceux de Semiramis
et de Zoroastre furent très-bien rendus par
la Demoiselle de Romainville , ci devant
connue sous le nom de Rotisset , et par le
sieur Benoît.
Le 28. et le 30. la Reine entendit l'Opera
des Stratagêmes de l'Amour du même Auteur
, la Demoiselle Huquenot et le sieur
du
JUIN. 1738.
1435
du Bourg exécuterent les rôles du Prologue ;
et ceux de la Piece furent remplis , par les
meilleurs sujets dont on vient de parler.
Le 17. Juin on enregistra au Parlement
l'Edit du Roi , portant supression de deux
Offices d'Intendans Généraux des Postes !
des deux Contrôleurs Généraux , des deux
Visiteurs Généraux , des quatre Couriers de
Cour , ainsi que de celui de Sécretaire et de
Trésorier , crées par Edit du mois de Septembre
1715. et S. M. assigne sur le Trésor
Royal le remboursement de la Finance des
dits Offices.
CAUSE plaidée pour un Soldat par M.
D.... Avocat aveugle. Extrait d'une Lettre
de M. Du .... à M. L...
E 18. Avril dernier Me. Denisé , jeune
LAvocat de Besançon & aveugle dès sa
plus tendre naissance , plaida à la seconde
Chambre des Requêtes du Palais à Paris.
La Question sur laquelle il plaidoit , étoit
de sçavoir : Si la Prescription aurait lien
contre un Soldat qui étoit à l'Armée.
On avoit annoncé cet Avocat comme un
homme très- profond dans la science du
Droit
1436 MERCURE DE FRANCE
Droit Ecrit , et il justifia parfaitement cette
réputation ; il n'y eut en effet personne qui
ne fut étonné de la vaste étenduë de sa mémoire
, qui est des plus prodigieuses. Son
Plaidoyer au reste eut bien d'autres graces ,
celles de la solidité et de l'érudition. que

M.. Pecoulot qui plaidoit contre lui , fit
son éloge . » Ce que nous venons d'entendre
» dit-il , mérite notre admiration , après
ce que nous avions vû avec étonnement
» dans les personnes de deux de nos Con-
» freres , qui ne nous sont pas moins chers
» et utiles , qu'à la Patrie entiere , nous ne
devions pas nous attendre à un pareil
» exemple ; mais le Défenseur du Soldat ,
» vient de nous montrer qu'un beau génie
» aidé de l'amour du bien public , peut
vaincre les plus grands obstacles. Il entendoit
par ses deux Confreres , Mrs. Duhamel¸
et Belanger; il finit cet éloge en encourageant
les jeunes Avocats à marcher avec courage
dans une carriere , où M. Denisé venoit de
briller avec tant d'éclat . La privation , dit- il ,
d'un des plus précieux organes , ne s'est
point oposée à son émulation . La vôtre
doit être excitée aujourd'hui , fi cependant
l'émulation doit être excitée lorsq'uil s'agit
d'être utile à sa Patrie .
La Cause fut jugée en faveur du Soldat.
Le
JUIN 1738 1437
Le 2. Juillet la Communauté des Clercs de
Procureurs du Parlement de Paris , connue
sous le nom de la Bazoche , fit donner dès le
matin par ses Tymballes , Trompettes , Hautbois
et Bassons , à ses Officiers les Aubades ordinaires,
qu'elle leur fait donner tous les ans en
leurs demeures particulieres , pour les rassembler
, et les avertir de se rendre en Corps
au Palais , où ils vinrent ensuite faire donner
de pareilles Aubades au Parlement , à la
Cour des Aydes , et aux Requêtes de l'Hôtel
, comme ils ont coûtume de les donner
tous les ans à peu près dans ce même temps,
lorsqu'ils se disposent à partir pour aller faire
couper dans la Forêt de Bondy le May , qu'ils
font élever devant le grand Perron de la
Cour du Palais.
Ils se promenerent dans la Ville , suivant
leur usage pendant plusieurs jours , tous à
cheval , marchant deux à deux , au nombre
de vingt- cinq ou trente , avec un Etendart à
feurs Armes. Depuis quelques années , ils
ont l'attention d'avoir tous pour cette Cavalcade
des habits rouges uniformes , avec des
Cocardes blanches , ce qui donne à leur
Troupe un air guerrier,
Ils partirent de Paris en cet équipage ,
le Dimanche 6. de grand matin avec
leurs Tymballes et Trompettes , pour aller
U. Vol. I dans
1438 MERCURE DE FRANCE
dans la Forêt de Bondy faire marquer l'Ar
bre destiné à servir de May : ils en revin
rent le même jour au soir , et le May fut éle
vé devant le grand Perron de la Cour du Pa
lais le Mercredy suivant 9. avec des Fanfares
accoûtumés.
On prétend que le nom de Bazoche vient
d'un mot Grec , qui signifie , Discours plaisant
et goguenard , quoiqu'il en soit , cette
Communauté de la Bazoche , qui porte le
titre de Royaume , commença à se former
dès que le Parlement fut rendu sédentaire à
Paris. Les Procureurs qui étoient d'abord en
petit nombre , obtinrent du Parlement en
1303. la permission de prendre de jeunes
Gens pour leur servir d'Aides , lesquels
furent nommés Clercs,parce qu'alors il
n'y avoit presque que des Ecclésiastiques qui
eussent la connoissance des Lettres , et que
les Gens de Pratique s'en servoient pour faire
écrire leurs Actes.
Comme il survenoit souvent des diffé
rends entre ces jeunes Clercs de Procureurs ,
qui étoient portés devant les Juges ordinaires
, et détournoient les Clercs de leurs occupations
, Philipe le Bel, de l'avis et conseil
de son Parlement , établit la Jurisdiction de
la Bazoche , dont il ordonna que le Chef
porteroit le titre de Roy , et connoîtroit en
dernier ressort avec ses Officiers , sous le
citre
JUIN. 1738. 1439
titre et autorité de Royaume de la Bazoche
de tous les différends qui naîtroient entre
les Clercs , et régleroit leur Discipline . Il
donna aussi à la Bazoche le pouvoir d'établir
des Jurisdictions Bazochiales inférieures
dans les Siéges Royaux du Parlement de Pa
ris , à condition que les Prevôts de ces Jurisdictions
rendroient foi et hommage au
Roy de la Bazoche , et obéïroient à ses Mandemens
, et que l'Apel de leurs Jugemens
seroit porté devant lui , ou son Chancelier.
Cette Jurisdiction a été confirmée par
plusieurs Arrêts du Parlement de Paris , et il
y a encore,en plusieurs Endroits,de ces Prevôts
Bazochiaux comme au Châtelet de
Paris ; au Présidial d'Angers il porte le titre
de Prince de La Bazoche , comme ils l'avoient
tous anciennement .
Philipe le Bel ordonna aussi que le Roy
de la Bazoche feroit faire tous les ans à Paris,
la Montre de tous les Clercs du Palais et de
ses Supôts et Sujets. Cette Montre se faisoit
en forme de Carrousel , sur les Mandemens
du Roy de la Bazoche , envoyés à ses
Princes et Sujets , avec ordre de se trouver à
Paris , sous peine de grosses Amendes , en
plusieurs Bandes et Compagnies , sous les
habits et livrées du Capitaine , don chacun
avoit un modéle ; ce qui attiroitan si grand
concours et fit enfin tant de bruit , que
Lij François
1440 MERCURE DE FRANCE
François I. manda à son Parlement , qu'il se
rendroit à Paris un certain jour pour voir
cette Cérémonie.
Le Roy de la Bazoche en ayant eu avis ,
frt demander par son Avocat Général à la
Cour , qu'il lui plût de vacquer les deux
jours suivans , ce qui fut ainsi ordonné par
Arrêt du 25. Juin 1540. la Montre se fit au
jour marqué , François I. la vit ; il y avoit
sept ou huit cent Clercs , tous bien montés:
En 1548. le Peuple de Guyenne s'étant
soulevé , Henry II. envoya dans cette Province
le Connétable de Montmorency avec
une puiffante Armée : le Roy de la Bazoche
et ses Supôts au nombre de 6000. hommes ,
vinrent offrir au Roy leurs services pour cette
Expédition , et ils y furent envoyés : ils firent
si bien leur devoir , qu'à leur retour le Roy
leur demanda quelle récompense ils désiroient
; à quoi ils répondirent généreusement
qu'ils n'en vouloient point d'autre, que celle
de servir S. M. partout où elle voudroit les
employer.
Le Roy satisfait de cete réponse , leur ac
corda de son propre mouvement plusieurs
Priviléges , par des Lettres de l'année 1548 .
qu'on dit avoir été vérifiées au Parlement. Il
leur donna entre autres Droits, celui de faire
couper dans ses Forêts tels Arbres qu'ils
voudroient choisir , en présence du Substitut
du
JUIN. 17388 144
du Procureur Général aux Eaux et Forêts
pour servir à la Cérémonie du May , qu'ils
avoient coûtume de faire planter tous les ans
⚫ le dernier Samedy du mois de May , et qu'ils
ne posent à préfent que dans le mois de
Juillet.
C'est en conféquence de cette permission,
qu'ils vont tous les ans dans la Forêt de Bon--
dy , où ils font couper trois Chênes , qui
sont marqués par les Officiers des Eaux et
Forêts. Un de ces trois Chênes est amené à
Paris pour servir de May , les deux autres
sont vendus au profit de la Bazoche , tant
pour payer les Vacations des Eaux et Forêts ,
que pour
fournir aux autres frais de la Céré
monie.
Ce qu'il y a de singulier , est que l'on dit,
que les Officiers des Eaux et Forêts, qui sont
apellés à cette Cérémonie , protestent tous
les ans , que la Poffession de la Bazoche ne
pourra préjudicier aux Droits du Roy, et que
néanmoins ils marquent ensuite les trois
Chênes , que la Bazoche fait couper.
Henry II. accorda aussi à la Bazoche pour
le même sujet , une certaine somme à prendre
tous les ans , sur les Amendes adjugées
au profit du Roy , tant au Parlement qu'à la
Cour des Aydes , et permit au Roy de la Bazoche
et à fes Supôts , d'avoir dans leurs
Armoiries trois Ecritoires, et au-dessus,Timbre,
I iij Casque
1442 MERCURE DE FRANCE
Casque , et Morion , avec deux Anges pour
Suports : c'est ce que representent les deux
Tableaux ou Ecussons , entourés de feuillages
, que la Bazoche fait mettre aux deux
côtés du May.
Enfin le même Prince accorda aux Trésoriers
et Receveurs du Domaine de la Bazoche
, le droit de faire sceller gratis en la
Chancellerie du Parlement , une Lettre , de
tel prix qu'ils la trouveroient .
J
Ils jouissent encore de tous ces privileges ,
et on prétend qu'ils en avoient encore
beaucoup d'autres , comme de donner une
Maîtrise tous les ans dans chaque Corps de
Métiers , mais on dit que les titres qui leur
attribuoient ces droits , et plusieurs autres
ont été brûlés lors de l'incendie du Palais.
A l'égard du titre de Roy de la Bazoche
fut révoqué par Henri III. qui voyant que
le nombre des Clercs montoit à près de
10000. défendit qu'aucun de ses Sujets prit
dorénavant le titre de Roy , ce qui fit passer
tous les Droits du Roy de la Bazoche à son
Chancelier : ses montres se trouverent ensuite
réduites aux seuls Officiers de la Bazoche
& Clercs du Palais , lesquels continuerent
de les faire en plusieurs Compagnies
jusqu'en l'année 1667. qu'elles ont été réduites
au petit cortege dont on a d'abord
parlé , lequel n'est composé que de 25. ou
30%
JUIN. 1738. €445
jo. personnes , sçavoir , le Chancelier , plusieurs
Maîtres des Requêtes ordinaires , un
grand Audiencier et un Referendaire , qui
sont tous deux Maîtres des Requêtes extraordinaires
, un Aumônier qui a voix délibérative
et séance après eux , un Procureur
et un Avocat Général,quatre Trésoriers ,
un Greffier , quatre Notaires et Sécretaires
de la Cour Bazochiale , un premier Huissier
et huit autres Huissiers : plufieurs de qes
Officiers portent les titres des premieres places
de la Magistrature , mais c'est sans
conséquence ; et tout cela n'est regardé que
comme un jeu d'esprit que l'on permet pour
donner de l'émulation.
Le Chancelier ne l'est qu'un an , à moins
qu'il ne soit continué , comme celui qui
Peft actuellement pour la seconde année :
Pélection se fait tous les ans au mois de
Novembre , on le choisit entre les quatre
plus anciens Maîtres des Requêtes , Avocat
et Procureur Généraux, et leur Procureur de
Communauté il y a un Arrêt de Reglement
du 5. Janvier 1636. rendu sur les Conclusions
de M. l'Avocat Général. Bignon
qui prescrit la forme de cette élection. Le
Chancelier ne peut être ni marié ni Bénéficier
son Habit de Cérémonie est une
Robe noire et un Bonnet quarré : les autres
Officiers portent les jours de Cérémonie ,
I iiij l'Habit
444 MERCURE DE FRANCE
l'Habit noir , le Rabat et le Manteau .
Le nombre des Maîtres des Requêtes
n'est point fixe : il s'en fait tous les ans quatre,
qui sont les quatre Trésoriers sortant de
Charge : les Avocats et Procureurs Généraux
restent en place jusqu'à ce que leur
Office devienne vacant.
Les Procedures et instructions de cette
Jurisdiction s'y font par des Clercs qui y
sont reçûs Avocats , et qui plaident pour les
Parties : il y a Audience les Mercredis et
Samedis dans la Chambre de S. Louis ,
entre midi et une heure .
Le Chancelier preside au Tribunal de la
Bazoche, et en son absence le Vice -Chance
lier , ou le plus ancien Maître des Requê
tes ; et pour faire arrêt , il faut qu'il y ait au
moins sept Maîtres des Requêtes outre le
Chancelier ou autre Président.
Les Jugemens qu'ils rendent sont expediés
par leur Greffier sous cet intitulé : La
Bazoche regnante en triomphe & en titre
d'honneur ; Salut : & c. Et à la fin on met :
Fait audit Royaume , le .. &c.
Henri II. avoit ordonné que sur ces Jugemens
on délivreroit gratis des Commissions
en la Chancellerie du Palais , mais la
Bazoche ne jouit plus de ce Droit.
Ces Jugemens sont souverains , et on les
qualific d'Arrêts , de sorte qu'on ne peut
JUIN.
1738. 1445

se pourvoir contre ces Arrêts , que dans
cette même Jurisdiction , par Requête qui
se porte à l'ancien Conseil qui se tient
par le Chancelier , assisté des Procureurs
de la Cour.
Lorsque le Chancelier donne un Mande
ment pour convoquer ses Supôts , il prononce
une amende contre ceux qui ne se
trouveront pas à la montre ou autre cérémonie
: l'amende étoit cette année de 20.
livres , afin que personne ne se dispensât
d'y assister.
La Bazoche a toujours eu le droit de donner
aux Clercs , qui se font recevoir Procureurs
, le Certificat de leur tems de Pa-
Jais nécessaire , qui étoit de quatre ans, suivant
l'Ordonnance de François I. et qui a
été étendu à dix ans par les Arrêts de la
Cour : autrefois les Clercs , pour constater
l'époque du commencement de leur Clericature
, obtenoient des Lettres qu'ils nommoient
Le tres de Bejaune,par corruption de
Becjaune , par allusion aux jeunes oiseaux
qui ont la plupart le bec jaune : aujourd'hui
suivant les derniers Arrêts de Reglement
il suffit de s'inscrire sur les Registres de la
Bazoche.
Les Clercs des Procureurs de la Chambre
des Comptes forment une Communauté particuliere
, à laquelle ils donnent le titre de
Fuerain Empire de Galilée.
#446 MERCURE DE FRANCE
Ajoûtons à cette occasion ce qui se lit à la
fin du II. Tome de l'Histoire de Marseille ,
page 401. édit. de 1696. » Lorsque le Sié-
» ge de la Sénéchaussée
fut établi dans
» Marseille , ( 1536. ) on introduisit un
Roy de la Bazoche , qui étoit le chef des
» Clercs & des Praticiens . On le tiroit or
dinairement des Clercs de Notaires . Ce
Roy de la Bazoche avoit droit de se nom-
» mer un successeur , il prenoit dans les
Provifions la qualité de Par la grace du
» bonheur Roy de Bazoche , et prêtoit ser-
» ment entre les mains de son Chancelier
5 qui signoit toutes les expéditions concernant
les affaires de la Bazoche. J'ai vu
des Provisions de l'an 1560 , scellées d'un
Sceau en Cire rouge , où étoit representé
» un Ecusson , chargé de trois Ecritoires ,
» etsurmonté d'une Couronne fleurdelisée ,
» avec cette Inscription : Le Scel du Roy de
Baloche à Marseille.
******:**
***** **********
:*******
REPONSE à la Question , au sujet des
trois Freres , &c. Extrait dune Lettre de
Lyon du 26. Juin 1738.
Q
U'il me soit permis de dire aussi mon
sentiment sur la question proposée dans
le Mercure de Decembre 1737. Il me paroît
que
JUIN. 1738" 1447
que l'anonyme de Montauban en Quercy.
Mercure de Mai 1738. ) n'en a pas saisi
l'esprit.
La question est proposée´ de façon qu'il
est sûr que c'est l'amour pour leur pere qui
cause les trois opérations différentes de ses
enfans. Il ne s'agit donc plus que de décider
laquelle de ces trois opérations caracté
rise l'amour le plus violent. C'est-à -dire , fi
l'amour vindicatif , ou l'amour secourable
sont superieurs à l'amour qui cause la mort,
par la privation de l'objet aimé.
Il me semble que la question mise dans.
un pareil jour , personne ne peut s'empêcher
de donner la supériorité à ce dernier.
Car si c'est foiblesse de temperament
dans celui qui meurt comme le pense l'anonyme
qui répond à Mademoiselle de
Mouy , ce sera emportement dans celui qui
se venge , & tout au plus officieuse tranquillité
dans celui qui tâche de rapeller
son pere à la vie. Tous ces sentimens peuvent
exister sans amour , & les deux derniers
n'avoir que le respect humain pour
principe. Mais ce n'est point là l'esprit de la
question , où il est suposé que les trois enfans
aiment leur pere & que l'on cherche
seulement celui qui l'aime le plus, et qui le
prouve le mieux. Ainsi je suis pour celui qui
meurt. Fortis ut mors dilectio , suivant l'Ecri-
Ivi ARRESTS ture.-
1448 MERCURE DE FRANCE
3
ARRESTS NOTABLES.
A
RREST du 17. Mars 1738 par lequel le
Roi , fur la Requête des Libraires de Paris
ci - deva t'affociés pour l'impreffion du Livre intitulé
: Suplement de l'Antiquité expliquée &c . par le
R. P. Dom B. rnard de Montfaucon Religieux Benedictin
, leurs veuves , heritiers & repréſentans, a,
pour les causes y insérées , ordonné que les porters
de Souscriptions dudit Livre feront tenus de
les rapor er, & d'en fare le fecond payement dans
six mois pour toute préfixi n & délai , à compter
dudit jour 7 Mars , sinon , & ledit temps paffé
que les Exempl ires feront & demeureront acquis
ausdits Libres ci - devant affociés,fans qu'il puiffe
être formé comtre eux aucune deniande au ſujet de
dites Souscriptions .
AUTRE du 22. en interprétation de celui du 25.
Fevrier 1736. pour décherer les Etrangers du droit
d'un pour cent d'Avarie d'entrée , établi par ledit
Arrêt , par equel Sa Maj fté décharge dudit droit
d'un pour cent d'Avarie d'entré :, établi par ledit
Arrêt , les marchandifes qui ont été ou qui feront
portées dans les Echelles du Levant , fur les Bâtimens
François ou autres qui font le commerce fous
la protection de France pour le compte des Erangers
feulement ; à l'effet de cuoi Sa Majesté ordonne
aux Députés de la Nation dans lesdites
Echelles chacun pour ce qui les concerne, de restituer
aus irs Etrangers les fommes qu'ils auf ont exigées
d'eux, en vertu dudit Arrêt, pour le pa . ement;
de ce droit , depuis fon établiffement ; comme encore
JU I N. * 1738 . 1449
core , de leur faire delivrer celles qui auront été
déposées dans les Chancelleries des Confulats , er
de faire rendre les foûmiffions aux Etrangers qui
en auront paffé pour le payement de ce droit : Deffend
Sa Majefté ausdits Députés et à tous autres
d'exiger à venir , fous quelque pretexte que ce
foit , desdits Etrangers , le payement de ladite impofition
&c.
LETTRES PATENTES DU ROY , données à
Verfailles le 14 Janvier 1738. régistrées en Parlement
e 31. Mars fuivant, portant Reglement pour
Les diferentes fortes de Toilles , Canevas & Coutils ,
qui fe fabriquent dans la Generalité d'Alençon , enfuire
desquelles eft le nouveau Reglement qui
contient cent trois Articles que S. M. orsonne d'etre
executés & C.
ARREST du premjer Avril en interprétation de
PArrêt du Confeil du 4. Decembre 17 ; 7 . concernant
la vente des Offices Municipaux.
AUTRE du même jour , qui continue pendant
les six années du Bail de Ja ques de Forcevi le , à
commencer du premier Octobre 1738. les abonnemens
ci - devant faits dans plufieurs Provinces er
Generalités du Royaume , pour tenir lieu des droits
de Courtiers - Jaugeurs & de ceux d'Inspecteurs aux
Boucher.es & des Boissons .
ARREST de la Cour fouveraine de Lorraine &
Barrois , du 19 Avril 1738. portant fupression de
certain s qualités attribués à l'Ab effe de Remiremont
dans es Nouvelles publiques , par lequel il eft
dit ce qui fuit.
Vue par la Cour Souveraine de Loraine & Bar-
Lois
1450 MERCURE DE FRANCE
rois , la Requête du Procureur General , expofitive
qu'on lui a communiqué depuis peu , la Gazette
d'Amsterdam du Vendredy 21. Fevrier dernier , laquelle,
dans l'Article de Paris , daté du 14. du même
mois , contient l'obſervation fuivante : Beatrix
Hieronime de Lislebonne , Princeffe de la Maison de
Lorraine , Abbesse de l'Abbaye de Remiremont,
mourut en cette Ville le g . de ce mois dans la 73. année
de fon âge: cette Abbesse est SOUVERAINE ;
Voici les Titres qu'elle prend : N. PAR_LA_GRACE
DE DIBU, Humble Abbesse de Remiremont ,
relevante immédiatement du S. Siége , Princeffe du
S.Empire , &c. & au bas de l'Arrêt il est dit :
LA COUR faifant droit fur les Réquisitions du
Procureur General du Roi , ordonne que les Titres
de Souveraine & d'Abbesse Par la grace de Dieu ,
attribués à la deffunte Abbesse de Remiremont
dans la Gazette imprimée à Amsterdam , & dans la
Clef du Cabinet des Princes imprimée à Luxembourg
, feront fuprimés , comme injurieux , & attentatoires
à la Souveraineté dudit Seigneur Roy;
Enjoint à tous ceux qui en ont des exemplaires de
les aporter incessamment en fon Greffe , pour , les
dites qualités y être pareillement fuprimées , à peine,
en cas de défobéissance , de mille livres d'amende ,
& même de punition exemplaire ; à l'effet de quoile
préfent Airêt fera lû , & publié l'Audiance publi
que tenante. Fait à Nanci en la Chambre du Conseil
, le 19 Avril 1738.-
AUTRE du 21. qui renvoye devant les Juges
qui en doivent connoître , les conteftations de plusieurs
Parties qui avoient été évoquées devant des
Commissaires du Conseil de Sa Majesté. -
AUTRE du 26. qui ordonne que par " Adjudicataire
JUIN 1738 2453
taire générale des Fermes , il sera expedié des acquits
à caution pour les marchandises prohibées dans
le Royaume , provenant des ventes de la Compagnie
des Indes , destinées pour le Port de Dun
kerque.
AUTRE du même jour , qui ordonne que par
FAdjudicataire générale des Fermes , il sera expedie
des acquits à caution pour les marchandifes prohi-
Bées dans le Royaume , provenant des ventes de la
Compagnie des Indes , deftinées pour les diférens
Ports d'Espagne y dénommés , &c.
AUTRE du 6. Mai , concernant la Loterie
Royale , par lequel Sa Majesté a prorogé & proroge
jusqu'au ro: Juillet prochain , le terme fré
par l'Article X I. dudit Edit , pour tirer ladite
Loterie , & en conséquence , a ordonné & ordonne
que le sieur Paris de Monmartel , garde du
Trefor Royal , continuera jufques & compris le
dernier Juin , de faire les converfions ci devant authorisées
, en assignations fur ladite Loterie , et
que les sicurs Dutartre & Bouton Notaires , Rece--
veurs particuliers de ladite Loterie , continueront
pareillement d'en délivrer des billets ; passé lequel
jour , veut Sa Majesté que ladite Loterie demeure
fermée , & foit tirée ledit jour 10. Juillet , en la
maniere prescrite par l'Edit du mois de Decembre
1737. & c.
AUTRE du même jour en interprétation de celui
du 8. Mars 1733. qui ordonne que toutes les matieres
servant à la fabrication du papier , qui feront:
transportées dans les Ports de Dunkerque , & de
Marseille , payeront trente livres du cent pefant de
droits de sortie , comme si elles passolent à l'é
tranger . DECLA
1452 MERCURE DE FRANCE
.
. DECLARATION DU ROY , qui ordonne la représentation
des Tures à la Chambre des Comptes,
donnée à Versailles le 26. Avril 1738. registrée en
ladite Chambre des Comptes , le 23. May suivant ,
par laquelle il est dit ce qui suit.
ART I. Nous ordonnons que tous les Ordres de
notre Royaume , les Corps & Communautés séculieres
& regulieres , Gens de main - morte , Maladeries
, Ho els D eu , Hôpitaux , Charités , Fabriques
et Confraries , Habitans des Vines , Bourgs
et Paroisses , & tous nos autres Sujets de quelque
qualité et condition qu'ils soient , qui jouissent ou
doivent jouir à temps ou à perpetuité , de graces ,
dons , concessions , érections de Terres en titre de
Fiefs , Seigneuries , Châtellenies , Baronnies , Vicomtés
, Comté , Marquisats , Duchés- Pauries ,
ou autres Dignités , unions ou désunions de terres
& Fiefs , établissemen de justice , droits de Foires
et Marchés , de Page , passage , travers , pascage
, panage , paissons , glandées , chauffages , trancsalé
, privileges , franchises , immunités exemptions
, deniers communs et d'octrois , droits de Manufactures
, établissemens , fondations , dotations ,
amortissemens , unions ou désunions de Bénéfices ,
et gé éralement de tous autres droits , de quelque
nature qu'ils soient , ensemble les droits de leguimations
, naturalité congés de tenir bénéfices
annoblissement . confirmations et maintenues de
noblesse , soit que lesdites graces ayent été accordées
à eux ou à leurs auteurs et devanciers par
les Ros nos prédécesseurs ou par Nous , par nos
Chartes , Lettres patentes o autres titres , soient
tenus de les représenter dans le dernier Décembre
1739. pardevant les Offic erse notredite Cour ,
pour êt e par eux de nouveau inserés dans les Registre
de notredite Chambre,
LL.
JUIN. 1738. 1453
11. Ceux qui jouissent à titre d'échange ou alienations
de quelques biens , Terres ou droits qui
faisoient ci- devant partie de notre Domaine , ensemble
ceux qui possédent à titre d'engagement, des
Biens, Terres et Droits de notredit Domaine , à vie ,
à temps ou à perpetuité , seront aussi tenus dans le
même délai ,de représenter pardevant les Officiers de
notredite Cour , les Contrats d'échange ou d'engagement
, Lettres patentes , Procès-verbaux d'éva→
luation , ou autres titres en vertu desquels ils ont
droit de jouir desdits biens , Terres et droits , pour
être pareillement inserés dans les Registres de no
tredite Chambre , ou fait de nouvelles expéditions ,
qui seront remises dans ses dépôts
III . Voulons que la représentation des chartes ,
Lettres patentes et autres titres mentionnés aux
deux précédens articles , puisse être faite sans le
ministere d'aucun Procureur , par les Parties , o
par ceux qui auront charge d'e les , au Greffe de
notredite Chambre , et par devant les Officiers qui
seront par elle commis à cet effet , lesquels proce
deront préalablement à l'examen d'iceux , après
lequel lesdits titres seront transcrits de la maniere
et ainsi que nosdits Officiers le jugeront à propos
de laquelle représentation , mention sommaire se
ra faite fur lefdits titres , par l'un des Greffiers de
notredite Chambre ; fans que pour raifon de ce
il puiffe être exigé ni perçû aucun droit des Parties,
fous quelque prétexte que ce foit.
IV. Ceux de nos Sujets qui auront négligé de
faire la repréſentation ordonnée par les articles I. &
II de la préfente Déclaration , & dans le temps y
porté , n'y feront p us reçûs que par requête , qu'ils
préfenteront à cet effet en notredite Chambre ; &
à la charge de payer les frais néceſſaires de tranf
crits , expéditions & collations qui en feront fits
felo
9
4454 MERCURE DE FRANCE
felon qu'ils feront régiés & fixés modérement pa
Tes Officiers de notredite Cour , &c.
EDIT DU ROY , portant fupreffion de plu
freurs Charges & Offices fur les Poftes , donné à
Verſailles , au mois de May 1738. regiſtré en Par
lement le 17. Juin fuivant.
ARREST du 26. May , qui permet l'entrée der
Plombs & Etains d'Angleterre , par tous les Ports
& Bureaux du Royaume , en payant trois livres par
cent pefant de Plomb et quatre livres par cent pesant
d'Etain , outre les droits fur l'Ecain , fixés par
POrdonnance des Fermes de 1681 .
AUTRE du 27, qui continue pendant deux années
la moderation à cinq fols par piéce de quinze
aunes , des droits d'entrée fur les Toiles batiftes
écrues , fabrique de Cambray & Pays conquis ,
au lien des droits portés par le tarif de 1664. et
Arrêts pofterieurs.
EDIT DU ROY , qui attribuë au Grand- Confeil
la connoiffance de toutes les fraudes & contraven
tions fur l'introduction & débit des Toiles , Etoffes
&Marchandiſes prohibées , donné à Verſailles , au
mois de Juin 1738. regiftré au Grand- Confeil le z
Juillet.
ARREST du 4. qui enjoint aux Officiers & Cavaliers
de Maréchauffée , d'arrêter tous Contrebandiers
portant ou conduifant des Marchandiſes prohibées
, Fauxfauniers & Fauxtabatiers , & de prêter
aide & affiftance aux Commis des Fermes dans la
pourfuite defdits Contrebandiers , même de dreffer
à ce fujettous Pro:ès- verbaux néceffaires ; avec défenfes
aufdits Officiers & Cavaliers de Maréchauffée
JUIN
1459 1738.
shauffée , de donner auchnes affignations , ni de
faire aucunes fignifications dans l'inftruction des
Procès defdits Contrebandiers.
ORDONNANCE DU ROY , du 10. qui fuprime
la bourſe commune établie entre les Lesteurs ét
Delesteurs des Bâtimens de Mer dans le Port du Havre
: Et ordonne que les Bateaux fervant au Lestage
et Delestage , feront jaugés et porteront une marque
qui indiquera leur port en tonneaux.
SENTENCE DE POLICE , du 13. rendue en fa-
✦eur de la Communauté des Maîtres Patiffiers- Oublayers
à Paris ; Et qui ordonne l'exécution des
Sentences & Réglemens de Police concernant la
vente de Marchandifes de Porcs.
ARREST du 15. qui fait défenses à tous Blanchiffeurs
et autres , de leffiver ni blanchir aucuns
Fils de Lin ou de Chanvre, avec de la chaux ni autres
ingrédiens corrofifs ; et à tous Fabriquans , Tifferans
et Ouvriers , d'employer dans la fabrication
de des Toiles à voiles et autres fortes de Toiles ,
quelque efpece qu'elies puiffent être , aucuns File
ainfi leffivés ou blanchis , fous les peines portées.
par le lit Arrêt .
REGLEMENT concernant la Procédure que
Sa Majesté veut être observée pour l'inſtruction des
affaires tenroyées devant des Commiflaires nome
més par Arrêt de fon Confeil , fait et arrêté am
Confeil d'Etat tenu à Verſailles le 28. Juin 1738.
NOUVEAU REGLEMENT du même
jour , concernant la Procédure que S. M. veut être
observée en fon Confeil , par lequel il eſt dit que
le
456 MERCURE DE FRANCE
le Roy s'étant fait reprefenter les Reglements Gé
neraux faits en 1660. 1673. 1687. et autres , an
sujet des Procédures qui doivent être faites en son
Confeil pour l'inftruction et le Jugement des affaires
qui y font portées , S. M. auroit jugé à propos de
réunir dans un feul Reglement Géneral tout ce
qui lui a paru devoir être confervé dans les difpo-
Ations des Reglemens précédens , et tout ce qu'elle
a cru devoir y ajoûter pour rendre la forme de proceder
plus fimple et plus facile , et l'expédition des
affaires plus prompte et moins onéreuse à ſes Sujets,
Ledit Reglement divifé en deux Parties , contenant
91. pages , &c.
ARREST du Confeil , du même jour , dons
la teneur suit.
Le Roy étant informé qu'à la requête du sieur
Berthon , Procureur du Roy de la Ville du Puy ,
Généralité de Montpellier , le fieur de Laval , Jugs
Mage de ladite Ville du Puy , fe feroit transporté
dans l'Imprimerie de Malescor , Imprimeur de la
dite Ville , où il auroit trouvé qu'on travailloit fans
aucun Privilege ni Permiffion , à l'impreffion d'un
Ecrit intitulé Reflexions fur le Mandement et Ins-
Bruction Paftorale de M. l'Evêque de Rhodes , portans
condamnation de certains Ecrits dictés à Rhodes en
1736. Cet Ouvrge injurieux dans son objet à l'au
thorité Episcopale , étant d'ailleurs capable de faire
renaître d'anciennes disputes , ou d'en exciter de
nouvelles , S. Majefté auroit jugé à propos d'en ordonner
la fupreflion ,et d'interdire audit Malescot,
la faculté de continuer l'exercice d'un Art dont il a
abufé fi manifeftement. Vû le Procès verbal dudit
feur de Laval , du 16. May de la présente année :
Oui le raport , et tout confideré , Sa Ma , eſté étant
en fon Conseil de l'avis de M. le Chancelier , a
ordonné

JUIN. 1738 1457
ordonné et ordonne que toutes les feuilles d'impreffion
mentionnées au Procès verbal dudit fieur
de Laval , feront et demeureront fuprimées , et à
cet effet miſes au pilon en préſence des Libraires de
la Ville du Puy , lefquels feront convoqués à cet
effet , dont fera par ledit fieur de Laval dreffé Pro-.
cès verbal . Ordonne en outre Sa Majefté , que ledit
Malefcot fera et demeurera déchû de la place d'Im
primeur , lu faifant détenfes d'en exercer les fonctions
, à peine d'être puni fuivant la rigueur des
Ordonnances ; et que les Preffes , Caracteres , Papiers
, et géneralement tout ce qui feroit à l'uſage
de fon Imprimerie , feront et demeureront confisqués
, et lefdits Effets vendus, pour, le prix en pro
venant , être apliqué au profit de l'Hôpital Général
de la Ville du Puy , &c.
AUTRE du 29. concernant la Loterie Royale,
ar lequel S. M. a de nouveau prorogé et proroge
ufqu'à 10. du mois d'Octobre prochain , le terme
qui avoit été fixé audit jour 10. Juillet , pour tirer
adite Loterie , et en conséquence a ordonné et orlonne
que le fieur Paris de Monmartel , Garde du
Tréfor Royal , continuëra jufques et compris le
dernier Septembre , de faire les converfions ci - deant
authoriſées , en affignations fur ladite Loterie ;
Et que les fieurs Dutartre et Bouron , Notaires ,
Receveurs particuliers de ladite Loterie , continueont
pareillement d'en délivrer des Billets ; paffé
equel jour , veut Sa Majesté que ladite Loterie
eineure fermée, et foit tirée ledit jour 10. Octobre
n la maniere preſcrite par ledit Edit.
APROAPROBATION.
J
"Ai lu par ordre de Monseigneur le Chancelier,
le second Volume du Mercure de France du mois
de Juin, et j'ai cru qu'on pouvoit en permettre l'im
pression. A Paris , le premier Juillet 1738.
HARDION.
TABL E.
less FUGITIVES. Ode , 8247
Dissertationsurl'origine de quelques Arts Me
chaniques ,
Satyre , Imitation d'Horace ,
tra ni Pauvre ni Riche ,
1250
1272
Discours Académique , &c. Il est avantageux de n'êc.
La naiffance de Venus , Idylle.
1283
1308
Construction d'un Télescope de Réfléxion &c. 1313
1316
Extrait d'une Lettre du P. Tournemine , sur la Mé-
Ode imitée d'Horace ,
daille de Constantin , & c.
Ode en l'honneur du Roy , &c.
1317
1319
Réfléxions sur les Projets de faire communiquer les
deux Mers par le centre du Royaume , en passant
par Lyon et par Paris ,
Ode imitée d'Horace ,
Sur la Regle d'Escompte ,
Bouquet envoyé le jour de S. Jean , &c.
·1324
1328
/
1319
1335
Lettre au sujet de Ste Helene révérée à Troyes, &c..
Epigramme ,
1338
1340
Mémoire lû à l'Académie Royale des Sciences sur
La Peau , &c. Extrait 1341
Autre
Antre Epigramme , 7345
Seconde Lettre sur le Phénomene de Guarbecque
Rondeau ,
Réponse à la Question proposée ,
Enigme , Logogryphes , & c.
Ibid.
3348
1349
1351
NOUVELLES LITTERAIRES , DES BEAUX - ARTS,
Mémoire curieux sur la Nomination de la Cure
de Ste Marguerite , & c. 1357
Recueil de divers Ecrits pour l'Histoire de France ,
& c.
Caufes célebres ,
Queſtion de Droit,
&
Médaille frapée à Geneve , Harangue , &c.
1359
1370
1390
1391
Premier Regiſtie de l'Armorial Général de France ,
Nouvelles Litteraires d'Italie
1392
1393
Chaffe du Roy à Compiegne , Tableau nouveau ,
Estampes nouvelles

Vers pour mettre au bas d'un Portrait
Lettre fur les Bains de Bareges ,
1395
1398
1399
1400
Lettre sur quelques Matieres Chirurgicales , 1403
1405
Nouvelles Etrangeres , Pologne et Allemagne, 1416
Spectacles. Balet de la Paix , Opera.
Italie et Naples ,
Suite du Voyage de la Reine de Naples ,
De Genes et Corfe ,
Morts des Pays Etrangers ,
1418
1422
1428
1430
France , Nouvelles de la Cour , de Paris , &c. 1433
Caufe plaidée pour un Soldat par un jeune Avocat
aveugle ,
Réponse à la Question , &c.
Arrêts Notables ,
1435
1446
1448.
Errata de May.
PAge roto. ligue 22. Altroviti , I. Altoviti,
P. 1022. 1. 11. Bellesoriere , l. Belleforiere.
P. 1024. 1. 29. Pastor , l . Pater.
Errata du premier Volume de Juin,
P Age 1052. 1. 8 Stoisme , l. Stoïcisme.
P. 1099. 1. 9. Nuguet , 1. Hugues.
P. 1163. 1. 24. toutes , ajoûtez deux.
P. 1165. 1. 6. voit , l. vend.
Fantes à corriger dans ce Livre.
Page 1345 1. 17. vers sept , l. vers les sept,
F. 1351. 1. 2. du bas , Et puis , 1. Puis.
(
1
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1454 MERCURE DE FRANCE
felon qu'ils feront réglés & fixés modérement
pa
Tes Officiers de notredite Cour , & c.
EDIT DU ROY , portant fupreffion de plu
freurs Charges & Offices fur les Poftes , donné à
Verſailles , au mois de May 1738. regiſtré en Par
lement le 17. Juin fuivant.
ARREST du 16. May , qui permet l'entrée des
Plombs & Etains d'Angleterre , par tous les Ports
& Bureaux du Royaume , en payant trois livres par
cent pefant de Plomb et quatre livres par cent pesant
d'Etain , outre les droits fur l'Etain , fixés par
POrdonnance des Fermes de 1681 .
AUTRE du 27. qui continuë pendant deux années
la moderation à cinq fols par piéce de quinze
aunes , des droits d'entrée fur les Toiles batiftes
écrues , fabrique de Cambray & Pays conquis ,
au lieu des droits portés par le tarif de 1664. et
Arrêts pofterieurs.
EDIT DU ROY , qui attribue au Grand- Confeil
la connoiffance de toutes les fraudes & contraven
tions fur l'introduction & débit des Toiles , Etoffes
& Marchandiſes prohibées , donné à Versailles , an
mois de Juin 1738. regiftré au Grand- Confeil le z
Juillet.
ARREST du 4. qui enjoint aux Officiers & Cavaliers
de Maréchauffée , d'arrêter tous Contrebandiers
portant ou conduifant des Marchandiſes prohibées
, Fauxfauniers & Fauxtabatiers , & de prêter
aide & affiftance aux Commis des Fermes dans la
pourfuite defdits Contrebandiers , même de dreffer
à ce fujet tous Procès- verbaux néceffaires ; avec défenfes
aufdits Officiers & Cavaliers de Maréchauffée
JUIN 1938. 1459
chauffée , de donner auchines affignations , ni de
faire aucunes fignifications dans l'inftruction des
Procès defdits Contrebandiers.
ORDONNANCE DU ROY , du 1o . qui fuprime
la bourſe commune établie entre les Lesteurs ér
Delesteurs des Bâtimens de Mer dans le Port du Havre
: Et ordonne que les Bateaux fervant au Lestage
et Delestage , feront jaugés et porteront une mar
que qui indiquera leur port en tonneaux.
SENTENCE DE POLICE , du 13. renduë en fa-
✦eur de la Communauté des Maîtres Patiffiers- Oublayers
à Paris ; Et qui ordonne l'exécution des
Sentences & Réglemens de Police concernant la
vente de Marchandifes de Porcs.
ARREST du 15. qui fait défenses à tous Blanchiffeurs
et autres , de leffiver ni blanchir aucuns
Fils de Lin ou de Chanvre,avec de la chaux ni autres
ingrédiens corrofifs ; et à tous Fabriquans , Tifferans
et Ouvriers , d'employer dans la fabrication
des Toiles à voiles et autres fortes de Toiles , de
quelque efpece qu'elles puiffent être , aucuns Fil
ainfi leffivés ou blanchis , fous les peines portées,
par le lit Arrêt.
REGLEMENT concernant la Prócédure que
Sa Majesté veut être observée pour l'inſtruction des
affaires teoroyées devant des Commiflaires nome
més par Arrêt de fon Confeil , fait et arrêté am
Confeil d'Etat tenu à Verfailles le 28. Juin 1738.
NOUVEAU REGLEMENT du même
jour ,concernant la Procédure que S. M. veut être
observée en fon Confeil , par lequel il eft dit que
le
Qualité de la reconnaissance optique de caractères
Soumis par lechott le