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1733, 03-04
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MERCURE
DE
FRANCE ,
DEDIE
AU
ROT..
MAR S.
1733 .
RICOLLIGIT
SPARGIT
A
PARIS ,
R
GUILLAUME
CAVELIEK.
ruë S. Jacques.
Chez LA VEUVE PISSOT , Quay de
Conty , à la descente du Pont-Neuf.
JEAN DE NULLY, au Palais.
M. DCC .
XXXIII.
Avec
Approbation &
Privilege du Roy
HE NEW YORK
MELIC
LIBRARY
325423A VIS.
ASTOR , LENOX AND
TILDEN FDATIONS
و
.
' ADRESSE generale eft à
Monfieur MOREAU , Commis an
Mercure vis - à - vis la Comedie Fran
goife , à Paris, Ceux qui pour leur commodité
voudront remettre leurs Paquets cachetez
aux Libraires qui vendent le Mercure,
à Paris , peuventse fervir de cette voye
pour les faire tenir,
On prie très- inflamment , quand on adreffe
'des Lettres ou Paquets par la Pofte , d'avoir
Join d'en affranchir le Port , comme cela s'eft
toujours pratiqué , afin d'épargner , à nous
le déplaifir de les rebuter , & à ceux qui
les envoyent , celui , non -feulement de ne
pas voir paroître leurs Ouvrages , mais
même de les perdre , s'ils n'en ont pas garde
de copie.
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les Particuliers qui fouhaiteront
avoir le Mercure de France de la premiere
main , & plus promptement , n'auront
qu'à donner leurs adreſſes à M. Moreau
qui aura foin de faire leurs Paquets fans
perte de temps , de les faire porterfur
L'heure à la Pofte , ou aux Meffageries qu'on
lui indiquera.
PRIX XXX . SOLS..
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROT
. AV
MAR S. 1733 .
PIECES FUGITIVES ,
en Vers et en Prose.
DE'PIT CONTRE LE TEMS.
S
O D E.
Ource des Tourments que j'endure
,
Cruel ennemi des Mortels ,
Tyran de l'Art , de la Nature ,
Je viens renverser tes Autels .
En vain , tu reçois du vulgaire ,
A ij Des
412 MERCURE DE FRANCE
Des Noms , des Titres glorieux ,
Seroit- ce donc notre misére ,
Qui te rendroit si précieux ?
'Ainsi qu'un Pere impitoïable ,
Qui dévore es propres fruits ,
Je te vois , Temps inexorable ,
Détruire ce que tu produits ,
A moissonner ce qui respire ,
La mort borne ses attentats ;
Le Temps exerce son Empire ,
Sur tous les Etres d'icy-bas .

C'est la source toujours féconde ,
De mille changemens divers ;
Les premiers Citoyens du monde ,
Ne virent point notre Univers.
Plus inconstant que le nuage ,
Il est bien plus à redouter ;
Sans cesse il promene l'orage ,
Qui sur nos jours doit éclater.
Plus rapide que l'Hyrondelle ,
Que Flore rappelle à sa Cour ,
Maic
MARS.
413
1733.
s'en faut qu'il soit si fidelle
Quand il s'enfuit , c'est sans retour.
Ainsi que dans un gouffre immense
Mes jours , mes ans se sont perdus ;
Que reste-t-il en ma puissance ?
Un moment qui n'est déją plus .
Sur le teint brillant d'une Aurore ,
Je voïois germer mille fleurs ;
Elle ne faisoient que d'éclore ,
Le Temps a flétri leurs couleurs.
Ce qui fit jadis mes délices ,
N'a plus ni charme ni douceur ;
C'est toi , l'auteur de mes caprices
Qui fais ainsi tourner mon coeur,
Par mille plaintes criminelles
Que l'on n'outrage plus l'Amour ;
C'est toi qui lui prêtes tes aîles ,
Pour disparoître sans retour .
Nos Edifices , nos Portiques ,
Des Dieux prêchent la Majesté ;
Ce sont leurs ruines tragiques
Qui prouvent ta Divinité.
Awiij
414 MERCURE DE FRANCE
Fameux Héros , votre mémoire ,
Auroit triomphé de la mort ;
Le Temps plus sûr de sa victoire ,
L'anéantirà sans effort .
Le plaisir auquel je me livre ,
Vient bien- tôt à se démentir ;
Un moment ne peut garentir
L'autre moment qui le doit suivre.
Envain je cherche à pénétrer
De son avenir les Mysteres ;
Il veut nous cacher nos miseres ,
Il craint de nous y préparer.
Les Ris , les Jeux , troupe fidele ,
Egayoient mes tristes esprits ;
Mais le Temps passe , et cd'un coup d'aile
Dissipe les Jeux et les Ris.
A quelque chagrin suis - je en proye ?
Le cruel paroît s'arrêter ;
Mon coeur nag - t- il dans la joye ?
Il s'empresse de me quitter.
Si quelque fateuse esperance
Me, fait désirer l'avenir ,
Pour
MARS.
41 $ 1733•
Pour retarder ma jouissance ,
Son cours paroît se rallentir.
Sur le present , mon coeur soupire ;
Er l'avenir me fait trembler ;
Le passé même me déchire ;
Il reparoît pour me troubler.
Et quand le poids des ans m'accable ;
Pour me tourmenter de nouveau ,
Dans l'âge le plus vénerable ,
Il me fait rentrer au Berceau.
Cependant son humeur sauvage ,
Ne nous le fait point détester
Il fuit , il vole , et le volage ,
Se fait encore regretter.
Passe , vole , Temps homicide ,
Je n'en verserai point de pleurs ;
Plus ta course devient rapide ,
Plus elle abrége mes malheurs,
Si dans le portrait de tes crimes ,
Mes Vers paroissent sans appas ;
Je craignois de devoir mes Rimes ,
A l'ennemi que je combats.
LE CHAP
A iiij LET
416 MERCURE DE FRANCE
XXXXXXXXXXXXXXX
LETTRE sur la Ville Capitale de
Guyenne , s'il faut l'appeller Bordeaux
ou Bourdeaux.
L
A question , Monsieur , dont il s'agit
icy , me rappelle telle que fit autrefois
Pompée aux Sçavans de son temps,
pour sçavoir s'il falloit mettre dans l'Inscription
de ses Titres , au Temple de la
Victoire , tertiò ou tertium Consul. Ciceron
se fit une occupation grave d'y penser
, pour e donner sérieusement son
avis , qui nous est rapporté par Aulügelle
, dans son bel Ouvrage , Noctes Attica..
Je ne me sens pas moins obligé que l'Ora
teur Romain , d'avoir de l'application
pour la Critique du nom d'une des principales
Villes du Royaume ; et qui par le
Testament de Charlemagne est qualifiée
une des Métropoles de son Empire .
Une personne qui seroit de la famille .
du deffunt Président de Bordeaux , qui fut
Ambassadeur en Angleterre , pourroit
prendre parti pour Bordeaux , afin d'avoir
un nom commun avee une grande
et b.lle Ville ; mais ni vous ni moi n'avons
pas cet interêt particulier , au préjudice
du bon cho.x qu'il faut faire.
Une
MAR S. 1733. 417
Une prétendue Etymologic a donné
lieu au doute . Il y a bien des gens qui lisent
et écrivent Bordeaux , sur l'imagination
qu'ils ont que le nom de cette Ville
lui vient du Bord des Eaux ; et qu'ainsi il
faut en conformité, lá nommer Bordeaux.
Cette origine n'est pas de distinction , et
de plus elle n'est pas raisonnable. Ce
n'est qu'une petite allusion qui vient d'abord
à la bouche , et qui n'étant pas véritable
, ne fait nulle conséquence pour la
dénomination de la Ville. A suivre le
cours des grandes Rivieres de France , et
de la Garonne en particulier , depuis la
source jusqu'à l'embouchure , il y a plu
sieurs Villes bâties sur le bas des Eaux
ce qui est si commun , n'est pas plus propre
à nommer cette Ville que les autres.
Il y a même quelque turpitude dans cette
origine , qu'il faut laisser à ces lieux
de débauche , qu'on dit en avoir été appellez
dans le vieux stile , Bordeaux , à
cause que ces Loges de prostitution ont
été autrefois sur le bord de l'eau . Ciceron
en fait mention : Ad partem littoris
positis tabernaculis castra luxuria collocaverat.
Après avoir fait dresser des Tentes
sur un endroit du Rivage , il y avoit placé
le Camp de la Luxure. Enfin Burdidala
, le mot Latin, étant plus ancien que
A v de
418 MERCURE DE FRANCE
le mot François , car on le trouve dans
Ausone , Burdigala est natale solum , & c.
Il n'y a aucune sillable qui donne la
moindre idée du bord de l'eau . Il n'en
est pas de même dans Aigues mortes , où
le Latin contient et exprime les eaux du
nom François , Aqua- mortua .
Il faut donc chercher l'origine du mot
François dans Burdigala latin . Elle se presente
en deux gros Ruisseaux , Bourdes
et Jalles , qui ne sont pas éloignez de la
Ville , et qui à l'endroit où ils entrent
dans la Garonne , qu'on dit être à present
sous l'Eglise de S. Pierre , ont marqué
celui où la Ville a été bâtie. Or on
voit dans ce premier Ruisseau , Bourdes ,
qu'il faut dire Bourdeaux , et non pas
Bordeaux. Le Fleuve de la Judée , qui de
deux Fontaines , Jor et Dan , à été nommé
en Latin Jordanis , est nommé en
François , Jourdain.
Le mot Burdigala , même sans l'Etymologie
, est favorable à Bourdeaux , parce
que lorsque le Latin souffre une conversion
de lettres au François , u se change
en la diphtongue ou ; exemples : Cubitus
, Coude ; Curvus , Courbes Dulcis ,
Doux Turma , Troupe , et non pas
Trope , qu'on trouve barbare dans Ronsard
, Nutrix , Nourrice , et non pas Norrice

MARS. 1733
419
rice , qu'on ne peut souffrir dans plusieurs
femmes de Paris ; de même Burdigala ,
fait Bourdeaux.
Il y a un double exemple où la Garonne
entre dans l'Ocean : Tumis Cor
duana , Tour de Cordouan. Les autres
Villes changent de même , u en' on . Turones
, Tours ; Bituriges , Bourges , & c. Le
Palais du Roy , Lupara , le Louvre , et
le nom même du Roy Ludovicus
LOUIS . Il ne faut pas ôter à Bourdeaux
la dignité d'être en communauté d'une
diphtongue douce , avec des Villes considérables
, et avec des noms Augustes.
>
Une nouvelle preuve paroît dans le
nom Grec de la Ville , rapporté par Strabon
, qui vivoit du temps d'Auguste. On
lit au 4 Livre de sa Géographie , Bourde
gala. Or le François ayant beaucoup d'affinité
avec le Grec , doit retenir la diphtongue
ou pour Bourdeaux. Les Latins
mêmes ont été jaloux de la douceur de
cette diphtongue dans les Grecs , et l'ont
quelquefois imitée trois fois dans un même
mot , prononçant Lucullus , contme
s'il y avoit Loucoullous. Notre Langue la
conserve dans ces grands Noms , Bourbon,
Bourgogne ; il faut pareillement la conserver
dans la grande Ville de Bourdeaux.
Il y a des Auteurs qui tiennent que ses
A vj habi420
MERCURE DE FRANCE
habitans ont été autrefois appellez Bitu
riges , patce que des familles de Bourges ,
en ont été les premiers Citoyens ; et que
de Bituriges on a substitué dans la basse
Latinité par contraction Bourga ou Bourgi.
Tout cela établit le nom de Bourdeaux .
On doit supposer que les habitans sçavent
le nom de leur Ville , comme un fils
sçait le nom de son Pere. Or il est constant
qu'ils disoient Bourden, dans le vieux
langage , et depuis ils disent Bourdeaux ,
comme il paroît dans la Chronique Bourdeloise
, et dans ses Archives de familles.
Elie Vinet , ce sçavant Homme , qui fit
honneur à l'Université de la Ville , présenta
à Charles IX . en 1564. les Antiquitez
de la Ville de Bourdeaux ; et au devant
de son Discours , on voit une Estampe
de la Ville , où il y a en haut Bourdeaux.
C'est l'affaire des Géographes de sçavoir
les noms des Villes , aussi bien des
que
Montagnes et des Rivieres . On lit dans les
Cartes de Samson de Duval et de de Fer,
Bourdeaux; et M' d'Audifret qui a donné,
avec de petites Cartes , la Géographie an
cienne , moderne et historique , a mis
dans son Discours , et fait graver dans sa
Carte , Bourdeaux.
Enfin pour achever de vuider entierement
MARS. 1733. 42
an- ment le partage qui depuis plusieurs
nées est dans le monde entre Bordeaux
et Bourdeaux , on peut alléguer , en faveur
du bel usage , trois Auteurs Illustres.
Mr le Maitre , fameux Avocat du
Parlement de Paris , dans son Plaidoyer
29. parle d'une Dame , qui fait , dit - il ,
compassion à tout Bourdeaux. Mr Pelisson
dans son Histoire de l'Académie Françoise
, à l'article de M' le Comte de Servien
, dont il rapporte les Titres , y met
celui de Premier President au Parlement de
Bourdeaux. Et le P. Bouhours , dont les
nouvelles Remarques sur la Langue Françoise
peuvent être jointes à celles de
Vaugelas , comme de la Broderie sur du
Velours , dit aussi Bourdeaux. C'est dans
son premier Entretien , qui est de la Mer:
Au contraire , à la côte de Bourdeaux It
Flux eft de sept heures. Il me semble que
voilà le nom de Bourdeaux au si - bien soutenu
, à l'exclusion de Bordeaux , que si
Mile Maitre en avoit fait un Plaidoyer 5
M' Pélisson , une Histoire ; et le P. Bouhours
, un Entretien . Je suis , &c.
422 MERCURE DE FRANCE
XX :XXXXXXXX:XXXXX
A MLLE ROSE de S ... N ... en
lui envoyant des Vers Provençaux.
Ans l'aimable Saison où les Ris et les Gráces
S'empressent , jeune Rose , à marcher sur vos
traces ;
Dois -je me flatter que des Vers ,
Enfans engourdis d'une Muse ,
Qui compte déja trente hyvers ,
Seront pour vous des jeux où votre esprit s'amuse
?
Mais songez que ces jeux ont emprunté de vous ,
Ce qu'ils ont d'amusant , ce qu'ils ont d'agréable;
Passe- temps d'une Enfance aimable ,
Vous devez passer jusqu'à nous .
Recevez , belle Rose , un légitime hommage ,
Je ne viens vous offrir que votre propre Ouvrage.
Pour bannir l'Art et son secours ,
Je vais me servir du langage ,
Dont se servoient les Troubadours ,
Qui les premiers sur ce Rivage ,
Ont mis en rime des Discours.
Vous qui nâquites toute belle ,
Vous qu'on ne sçauroit voir sans qu'on en soit
épris ,
Qui serez du beau Sexe à jamais le moż
dele ,
SouMARS.
1733
423
Soutenez mes accords , animez mes esprits
D'une beauté toûjours nouvelle ;
Heureux , si je la fais passer en mes Ecrits !
Mille Rivaux jaloux respecteront ma gloire ,
Mes Vers vainqueurs de l'Onde noire ,
A l'abri de votre beau noin ,
Loin de l'Empire de Pluton ,
Iront au Temple de Memoire.
LOU CAPOUCHIN DE' SUCRE',
MArsillo
CONTE'.
Arsillo passo à bouen drech en beouta ,
Per son coumerço et son antiquita ,
Per sa grandour , fouessos Villos dau Mondé ,
La ges de Ben qu'en ello noun aboundé :
L'ordré li regno et tout les ben mena ,
Per leis Consouls que lou sort la douna.
Venguens au fait. Si trobo dins Marsillo ,
Entré dex millo , une poulido Fillo ,
Que la Naturo our et de seis presens ,
En quèlesprit a devança lou temps ;
Ello dau Conté a fourni la matiero ,
N'ai qué l'hounour de lou mettre en lumiero ;
En trabaillant sur un sujet tan beou ,
S'agradi pas , Pegazo es un Cameou .
La jouino Roso ( es lou nom de la Fillo )
Fasié la gau d'un aimablo Famillo ,
Que
424 MERCURE DE FRANCE
Que néro pas sourtido dau mailloué ,
N'aurien pas fa changi contro un Pitoué .
La changearien aujourd'hui mens encaro.
Ren n'es plus beau que son Amo et sa Caro,
Dau Ciel en tout adouren les raisouns ,
Es nado Fillo , et d'autres sount Garçouns.
Per amusar leis innoucens capricis ,
D'aquel Enfant , que fasié leis delicis ,
Et d'une Mero , et dun Pero encantats ;
Chacun courrié cerquar de tous coustats
Mille juguets l'avie jamai de Fiero , :
Que n'oun Venguesso ou Pipado de Ciero ,
Ou siblets d'or garnis de Cascaveous ,
Ou ben Rampaus emé seis auri peous :
Mai son esprit , que deja poun chejavo ,
Anavo au Bouen , lou saisissié , laimavo ;
Avie per tout , hors dau sucré , un mesprés ,
Danquau degun faou que siegue susprés.
D'un Capouchin , fa de pasto de Geno ,
Li fan presen per faire Leno Leno :"
Gardas lou ben , Roso , se lou lipas ,
Li dit sa Mero , iou non Vaimarai pas.
L'ordré es douna , mai la Filletto penso ,
Coumo pourran l'envejo et la deffenso ,
S'accoumoudar , et commo entamanar ,
Lou Capouchin : lou fai donc proumenar ,
* Termes dont se servent les Nourrices en Prewence
pour amuser les Enfans.
Devant
MARS.
425 1733
Devant seis ueils et devant sa bouqueto ;
Eou li fasié terriblement ligueto.
Quand quau quaren en quint'agi que sié ,
Es defendu , per lors fa mai d'enscié.
Enfin un jour. que la barbo sucrado ,
S'aprouchet traou , Roso d'une lipado
La démouchet ; Capouchin benhuroux ,
Aro ton sort farié fouessos gieloux.
Au Capouchin fa sentir sa dent primo ;
Une autre fes la sandalo s'esprimo ;
Na plus qu'un bras , lou nás un beou matin,
Es escourchi , puis lou soir lou gourdin.
Coumo a toujours fouert crignu la Cridesto ,
Songet dabord d'avé léxcuse lesto :
Roso vesen que lou sucra santoun ,
De jour en jour si fasié plus pichoun ,
Et que ben leon n'aurié pas brigo entiero ,
N'avertisset sa Mero la premiero ,
Mero ben digno ( à va dire en passant ,
De mettre au jour un tant aimable Enfant ! )
Vaviou ti pas , diguet dabord la Mero ,
Fasen semblant de si mettré en coulero ,
Ben deffendût que noun lou lipessias ?
Parlas ? diguas , groumande que vous sias
Es vrai : mai se lou Capouchin me lipo
Nes pas miracle ansin sé si dissipo ';
Mi yen baisar , li voue li ges de ben :
Saquo duravo , oh ! lirestarie ren,
"
426 MERCURE DE FRANCE
La Mero alors surpresso , desarmado ,
Sén va contar de plaisir penetrado ,
A son Mari ce quê degun creirié ;
Resto surprés , eh ! qu noun vaserié !
Per iou , Lectour,mon Ame es tan charmado
D'un tal esprit , d'une tallo pensado ,
D'un tau sujet , que jusques à la mouer
Laurai graya ben avant dins lou couer.
Par M. Louis Rodophile.
REPONSE à Madame MEHEULT
Auteur de l'Histoire d'Emilie , on
des Amours de Mule de...
J
E voudrois , MADAME , pouvoir
me dispenser de répondre aux raisons
que vous venez d'alléguer pour la deffence
d'Emilie. Outre que j'ai quelque confusjon
de combattre les sentimens d'une
Dame dont j'honore et respecte infiniment
le mérite , je sens bien que c'est
mal reconnoître la confiance que vous
avez euë pour moi ; j'aurois sans doute
sacrifié à ces considérations la vanité que
l'on peut gouter , en soûtenant ses sentimens
contre un adversaire tel que
vous , si de pressantes sollicitations ne
m'avoient pas , pour ainsi dire , forcé à
répli
MARS. 1733 . 427
répliquer ; quoiqu'il en soit , si je rentre
dans la carriere , si j'ose faire quelques
nouvelles observations , ce sera toujours
avec ces égards que l'émulation et que
les Regles de la politesse nous prescrivent.
Dès que l'on est infortuné que l'amour
d'Emilie, n'est qu'une feinte , l'esprit n'a
plus rien qui l'occupe . Voilà l'objection ;
mais vous avez négligé d'y répondre ;
on convient avec les Maitres de l'Art, que
vos Entretiens sont beaux ; s'ils sont ennu
yeux,c'est parce qu'il n'y a plus d'interêt,
et qu'ils ne concourent à rien. Vous conviendrez
que les plus grandes beautez ne
font plus d'effet , dès le moment qu'elles
sont déplacées . Les Allarmes , dites- vous,
sont le partage des Amans , il est vrai. La
crainte de l'infidélité , le moindre éloignement
de l'objet que l'on aime; les dangers
ausquels on est exposé dans le cours
de la Vie , sont pour eux des sources intarissables
de craintes et d'allarmes . Celles
que l'on reproche à Emilie ne sont pas de
cette nature ; elle craint, sans cesse , que
sa mere ne veuille pas l'unir à son cher
Comte. Mais cette appréhension est- elle
fondée ? Au contraire, il semble que tout
conspire à son bonheur ; l'union intime
des deux familles ; la naissance de l'une ,
les
$28 MERCURE DE FRANCE
}
les grands biens de l'autre , sont des rai
sons qui doivent lever tous ses doutes.
On vous reproche aussi d'avoir fait
mourir trop de personnes sans utilité
pour votre sujet. Ce raisonnement , ditesvous
, est si frivole qu'il ne merite pas la peine
d'être rélévé. Je m'en tiendrai, si vous le
souhaittez , à cette décision . Mais est- elle
sans replique ? Pour rendre les évenemens
vrai-semblables , ajoutez -vous , il faut puiser
dans les sentimens et chercher des incidens
ordinaires. Rien ne l'est plus que la morts
la douleur que nous cause un si triste moment
nous touche , nous émeut , et nous fait répandre
des larmes.Cela est incontestable .Aussi
dans une Tragédie rien n'est plus tou
chant , rien n'est si pathetique qu'une
belle reconnoissance , qu'une déclaration
d'amour , et que le récit d'une mort héroïque
et courageuse ; cependant si ces
mêmes beautez se trouvoient sept ou huit
fois dans la même Piéce , au lieu de toucher
et de plaire , elles ennuyeroient et
rebuteroient le Lecteur ; l'esprit , ainsi
que nos sens , rejette une trop grande
uniformité ; il faut émouvoir , mais diver
sement ; vous me direz peut être , que
cela est bon dans un Poëme Dragmatioù
l'action est de peu de durée ; ne
Vous y trompez pas , Madame , les Regles
que ,
MAR S. 17337 429
gles sont à peu près les mêmes dans le
Roman , et dans une pièce de Théatre; du
moins leur but est égal , et le Lecteur ne
met guere de différence entre une Tragedie
et une Histoiriette qui n'occupe qu'un
volume .
Si l'on vous condamne d'avoir rapporté
les exemples de Julie , de Messaline et
de Marguerite de Valois . Il faut , ditesvous
, proscrire les Livres qui sont entre les
mains de tout le monde ; sans vouloir icy
trancher du critique , je crois qu'on peut
hardiment avancer qu'il y a beaucoup de
Livres non-seulement inutiles , mais mê
me très- dangereux ; enfin pour exprimer
cette pensée en deux mots , je dirai seulement
qu'il est toujours d'une dangereuse
conséquence de donner l'idée du vice
à la jeunesse ; qu'il est à craindre qu'elle
n'envisage pas tant l'infamie qui suit le
crime , que l'appas du vain plaisir qui l'y
entraîne ; en un mot , point d'ignorance
avec le vice .
Vous auriez mal soutenu le caractere de
votre Héroïne , en lui faisant refuser M. de
S. Hilaire , pour Punique motif qu'elle ne
se croioit plus digne de lui.
Enfin pour la premiere fois vous vous
exprimez dans les termes de l'Art ; vous
deviez bien , suivant ces mêmes princi-.
pes
430 MERCURE DE FRANCE
pes , répondre aux objections qui vous
ont été faites , d'avoir laissé le lecteur si
long-temps en suspens ', lorsqu'Emilie a
déclaré que son amour étoit simulé ;
pourquoi les Amours du Comte et d'Emilie
viennent trop subitement; et quelle
nécessité il y avoit à faire périr tant de
personnes ; mais vous l'avez négligé, vous
avez éludé , par des raisonnemens vagues
, des accusations réclles , de sorte
que la plupart de vos repliques ne tom
bent pas même sur l'imputation . Revenons
à notre examen,
Vous avez voulu soutenir le caractere
de votre Héroïne en lui faisant conserver
toute sa fierté ; ou, je me trompe , ou
l'intervale est bien court depuis son refus
jusqu'au temps de sa retraite ; cependant
on ne voit pas que cette résolution d'entrer
dans un Convent , soit la démarche
d'une Coquette des plus étourdies, done
elle est devenue bien- tôt raisonnable ;
d'ailleurs , il faut sçavoir quelquefois sor-.
tir des Regles , sur tout lorsque cela sert
à rendre une circonstance moins désagréable.
Voilà , Madame , ce que j'ai cru neces-.
saire d'expliquer pour soûtenir ce que
j'avois avancé, et pour satisfaire le Public; ›
au reste , on ne sçauroit nier que votre
Lettre
M A R⚫S, 1733. 43 %
Lettre ne soit bien écrite , et qu'elle ne
confirme bien dans les esprits , la haute
opinion qu'on a de vos heureux talens ;
pour moi , si je me sçai quelque gré d'avoir
écrit ma Lettre , ce n'est pas tant le
succès qu'elle a eu , qui me flatte , que le
bonheur d'avoir occasionné une réponse
qui m'est si honorable , et dont je ne perdrai
jamais le souvenir , non plus que
l'occasion de vous prouver le dévoliment
respectueux avec lequel je suis , Madame,
votre , &c.
C ***
ELEGIE ,
Par Me de Malcrais de la Vigne
du Croisic en Bretagne.
TEl
El qu'au bord du Méandre un Cigne lan
guissant ,
Annonce son trépas par un lugubre chant ,
Tel , prêt à terminer une importune vie ,
Déchû de mon bonheur , oublié de Silvie ,
Mes tourmens aujourd'hui pour la derniere fois ,
Dans ces lieux désolez font entendre ma voix.
:
Tout est changé pour moi je vis hier l'ingrate ,
L'unique objet , hélas ! dont la beauté me flate
Eile
32 MERCURE DE FRANCE
1
Elle qui me juroit mille fois chaque jour ,
Qu'elle bruloit pour moi d'un immuable amour
Je la vis ; par l'Amour la Belle ailleurs conduite
M'apperçut , et soudain voulut prendre la fuite ,
Sans un civil égard qui retenant ses pas ,
La tourna vers celui qu'elle ne cherchoit pas.
L'infidele aussi- tôt à mon abord émuë ,
Rougit , pâlit , me parle en détournant la vûë ;
Et puis m'envisageant , semble à son air gêné ,
Plaindre un leger moment autre part destiné,
Dans ses yeux incertains son inconstance est
peinte.
'Alors du désespoir sentant la vive atteinté ,
Confus , m'abandonnant aux plus âpres douleurs,
Serrant ses belles mains que je mouille de pleurs;
D'un si prompt changement je demande la cause ;
Ma flâme à sa froideur est tout ce que j'oppose ,
Mais l'ingrate éludant des propos superflús ,
Non, dit-elle , Tircis, non , je ne t'aime plus.
Je suis lasse à la fin de vivre en Esclavage ;
Puis donnant un prétexte à son humeur volage ;
Retourne où l'on t'a vû , retourne chez Cloris ,
Vanter le nouveau feu dont ton coeur est épris,
A ces mots de mes bras elle s'est échappée .
Ce discours me surprend , mon ame en est frap
pée ,
Je frémis , et ma voix étouffée en mon sein ,
Refuse de m'aider à plaindre mon destin.
SemMARS.
1723.
4༢༣
Semblable au malheureux éfleuré par la foudre ,
Quoiqu'il vive , il se croit déja réduit en poudre,
Il demeure immobile , et son oeil ne sçait pas ,
Si c'est le jour qu'il voit , ou la nuit du trépas .
L'ai- je bien entendu ? quoi , d'un amour si tendre,
C'étoit donc là le fruit que je devois attendre ?
Allez , crédules coeurs , trop fideles Amans ,
Fiez-vous désormais aux transports , aux sermens:
On vous joue à la fin par une indigne ruse ;
C'est vous que l'on trahit , et c'est vous qu'on
accuse .
Ah ! puisque vers Silvie il n'est plus de retour ,
Mourons , fermons les yeux à la clarté du jour,"
Un Amant plus aimable occupe sa pensée ,
Elle rit avec lui de ma flâme insensée .
Mais toi , cruel Amour , d'une inutile ardeur ,
Veux-tu toujours bruler mon déplorable coeur ?
Non , barbare Tyran, Venus n'est point ta Mere,
Sur les Rives du Stix un Dragon fut ton pere ,
Une Hydre te porta dans son horrible flanc ,
Alecton te nourrit de poison et de sang ,
Et contre les Humains s'armant à force ouverte,
Le Tartare béant te vomit pour leur perte.
Mais , que fais - je ? et pourquoi ces outrageu
propos ?
Servent-ils à calmer la rigueur de mes maux ?
Veux -je encor de l'Amour irriter la colere?
Aimable et puissant Dieu que l'Univers révére ,
B Pardonne
434 MERCURE DE FRANCE /
Pardonne , Amour , pardonne à mes cruels tourmens
,
L'excès injurieux de mes emportemens.
Tu sçais le triste état où l'on est quand on aimes
De tes traits autrefois tu t'es blessé toi - même ;
La beauté de Psiché fut le brillant flambeau ,
Dont l'éclat se fit voir à travers ton bandeau,
Tu l'aimas tendrement et tu sentis pour elle ,
Ce qu'aujourd'hui je sens pour Silvie infidele,
Tu n'as qu'à commmander , tu pourras . , și t
yeux ,
Dans son coeur refroidi ressusciter tes feux.
'A tes divines loix mon ame est asservie ;
Mais s'il te plaît enfin de conserver ma vie ;
De mon coeur malheureux , vien briser le lien
Ou par un juste effort y ratacher le sien.
C'étoit dans la saison nouvelle ,
Que la solitaire Malcrais ,
Près d'un buisson cachée étoit assise au frais
Mille refléxions rouloient en sa cervelle ;
Quand la voix d'un Berger sur le champ la frappa
Sensible à son cruel martire ,
Elle écouta , plaignit , voulut ensuite écrire ,
Mais son foible crayon de ses doigts échappa.
Cependant de ce trouble où la pitié l'engage ,
La sévere Raison rappellant son esprit ,
Elle s'approcha davantage ,
Pour tracer ce fidele et douloureux récit.
EX
MARS. 1733. 435
EXTRAIT d'une Lettre écrite de Constantinople
le 12 Novembre 1732. sur
quelques sujets de Litterature.
JA
' Ai été ravi d'apprendre par votre
Lettre du 11 Août arrivée ici depuis
peu de jours , que parmi les Piéces qui
composoient mon Paquet du 6 Juin vous
en ayez trouvé qui vous ont fait plaisir.
J'ai toujours dessein de vous en procurer
quand je vous écris , et jose présumer
que j'y réussirois plus souvent , s'il m'étoit
permis de vous mander tout ce qui
vient à ma connoissance.
Je vous remercie des discours prononcez
à l'Académie Françoise contenus dans
votre derniere dépêche. Quand il me
vient de ces morceaux de main de Maître,
je les dévore , et je me rappelle avec un
vrai plaisir le goût de l'Eloquence et de
la belle diction , dont j'ai presque perdu
l'idée , à force d'entendre jargonner et
baragouiner ici le François , depuis plu
sieurs années que j'ai quitté Paris.
Quand j'aurai vû dans le Mercure que
vous m'envoyez , l'explication que vous
avez donnée de la Porte Othomane , terme
Bij usité
436 MERCURE DE FRANCE
usité pour signifier la Cour , ou le Palais
du Grand - Seigneur , je vous dirai si cette
explication s'accorde avec ce qu'on pense
ici sur le même sujet , que nul Voyageur
n'a encore traité .
Vous trouverez dans ce Paquet une
Liste , la moins imparfaite qu'on ait pû
dresser , des Patriarches d'Alexandrie, que
M. l'Ambassadeur a reçue du Caire depuis
15 jours , pour le grand Ouvrage
qui s'imprime au Louvre , et auquel vous
vous interessez . J'ai écrit fortement par
ses ordres à la personne qui a envoyé cette
Liste de redoubler ses soins pour remplir
les Lacunes , où les noms qu'on n'a
pû encore découvrir , et à une autre personne
qui est à Alexandrie , de mettre
tout en usage pour parvenir à nous dresser
des Catalogues complets , tant des
Patriarches de cette Ville , que de ceux
des Coptes , & c,
Vous avez très - bien fait de ne rien dire
de positif sur l'Etat présent de la Ville et
de l'Evêché de Troade à la fin de la Dissertation
, que vous avez publiée au sujet
d'une Médaille rare de cette ancienne Vil
le ; car le Mémoire que je vous ai envoyé
d'abord là-dessus n'est rien moins qu'éxact.
Vous en jugerez par cet article de
la Lettre que m'écrit le R, P. N, Jésuite
MARS. 1733. 437
suite , à qui je m'étois addressé pour
cela.
>>
و ر
» Je vous dirai , Monsieur , que les in
» formations que je vous donnai il y a
quelques mois sur l'Evêché de Troade
» me paroissent fausses aujourd'hui . Un
» habile Grec avec qui j'ai fait connois-
» sance depuis six semaines , m'en a don-
» né d'autres , auxquelles je crois devoir
» ajoûter plus de foi : c'est un Prêtre des
» plus sçavans de Constantinople ; il a
» surtout une grande connoissance des
» Evêchez , il étudie beaucoup , et espere ,
>> devenir lui - même Métropolitain au
» premier jour. Il m'a donc assuré , tant
» pour les informations qu'il a prises du
» Patriarche d'ici , que par l'autorité d'un
» Livre que le défunt Patriarche de Jeru-
» salem avoit fait imprimer quelques an-
» nées avant sa mort , que c'est le Métropolitain
de Cyzique , dont le Siege a
» été transferé au Bourg d'Arta- Queui
» et non pas celui de l'Evêque de Troade ,
» comme je vous l'avois marqué ; que ce
» Métropolitain de Cysique n'avoit pas
>> présentement un seul Suffragant sous
lui , et que depuis bien du tems il n'y
» avoit plus d'Evêché de Troade ni en
» état , ni de nom.
>>
Je pancherois fort à préférer cette der-
Bij niere
438 MERCURE DE FRANCE
niere Notice , que je viens de recevoir
de mon obligeant Jésuite , à celle qu'il
m'avoit ci -devant envoyée , et dont heureusement
vous n'avez fait aucun usage ;
ma raison est que le défunt Patriarche de
Jerusalem , dont il me parle , étoit un
Prélat fort éclairé , et qu'à moins de vouloir
douter de tout , on ne sçauroit penser
qu'il n'ait dit vrai sur ce qu'il a écrit
de l'Evêché de Troade.
Son Livre , au reste , petit in -fol. imprimé
à Terzovvitz en Valaquie , est en
Grec Vulgaire , mais si pur et si élégant ,
que plus des deux tiers sont du Grec Litteral.
J'ai déja fait quelques tentatives
pour l'acquerir , persuadé qu'il pourroit
être de quelque utilité à votre illustre
ami pour la perfection de l'Ouvrage dont
j'ai parlé ci - dessus : mais il est fort rare ;
l'Auteur , qui l'avoit fait imprimer à ses
frais , en ayant retiré tous les Exemplaires
pour en faire des présens à ses amis . Je ne
désespere pourtant pas d'avoir le plaisir
de vous l'envoyer.
J'ai écrit depuis peu et au R. P. Jesui
te et à d'autres personnes capables , au
sujet des noms des Patriarches de Constantinople
, et des Evêques , &c. que
vous me demandez , et je vous envoyerai
par la premiere occasion le fruit de leurs
ReMARS.
1733. 439
Recherches j'ai cependant une remarque
à vous faire à l'égard des Prélats , qui
sont actuellement en place , et dont vous
souhaitez avoir les noms , par rapport
à l'Ouvrage en question . C'est que les
Prélatures grecques étant sujettes à des
changemens fréquens et subits , par la
simonie , si fort en usage parmi les Moines
Schismatiques , qui vivent sous la
domination des Mahometans , vous pou
vez presque vous assurer qu'une bonne
partie des Prélats , dont je vous enverrai
les noms ne seront plus en place ,
non seulement quand vous recevrez ma
Lettre , où je vous aurai marqué ces
noms ; mais que peut être même ils au
ront déja eur plusieurs Successeurs , sans
que j'en aye pu avoir connoissance avant
que cette même Lettre parte d'ici . Inconvenient
dont nous avons un exemple récent
en la personne de Jéremie , qui vient
de remonter sur le Siége Patriarchal de
Constantinople , et qui est à la veille d'en
descendre pour la seconde fois , par les
intrigues de celui qu'il a supplanté . Inconvenient
, dis je , auquel on ne peut
guére remédier que par la Chronologie ,
et en fixant les Epoques de l'Installation ,
& c. ce qui encore n'est pas sans difficulté.
J'ai lû depuis quelques- tems la belle
B iiij
His440
MERCURE DE FRANCE
Histoire , ou plutôt , à mon avis , le bel
Abregé de l'Histoire de Charles XII . par
M. de Voltaire . Je ne sçai , et je vous
prie de m'en dire votre sentiment , si les
Gens de Lettres en sont aussi satisfaits que
les Gens de Cour , et ce qu'on appelle le
beau monde , à qui les charmes du stile
suffisent. Pour moi qui cherche à m'instiuire
à fond , et qui aime un peu le détail
, je trouve que M. de V. coule souvent
avec un peu trop de rapidité sur des
faits et sur des Evenemens , dont les particularitez
interessantes n'auroient pas , ce
me semble, moins bien figuré, que le reste
dans l'Histoire de son Heros . Je trouve
encore , et j'en suis même fâché , que ce
charmant Historien n'a pas toujours été
également bien servi en Mémoires. Il en
auroit pû trouver aisément de plus instructifs
et de plus fideles que beaucoup de
ceux qu'il a mis en oeuvre, surtout pour
ce qui regarde ce Pays-ci , dont il ne paroît
pas avoir des Notions fort éxactes .
Qui ne riroit , en effet , quand on lit
entr'autres choses que les femmes y conservent
plus long- tems leur fraicheur et
leur beauté qu'ailleurs ? tandis que ce fait
est entierement opposé à la verité , n'y
ayant peut être pas de Pays où , la fleur de
la Jeunesse s'efface plutôt chez le beau
Sexe
MARS. 1733
44
Sexe que dans celui- ci . Au surplus, M. de
V. n'a vraisemblablement erré sur cet article
que pour avoir adopté , peut - être
avec trop de confiance , les rapports de
certains esprits aussi superficiels que décisifs
, qui parlent de tout affirmativement
, quoique fort à la legere , et qui
n'ayant pas acquis à Constantinople , où
l'on se ressouvient fort bien d'eux , la réputation
de gens sur lesquels on peut fai
re fond , n'auroient pas dû trouver une
crédulité si facile dans un génie superieur
comme cet admirable Ecri
vain.
Au reste , Monsieur , je ne prétends
pas confondre ici avec les personnes dont
je viens de parler le Voyageur la Mo.
traye , qui , à peu de choses près , est fort
veridique dans ce qu'il rapporte du Rof
de Suede , et dont pour l'honneur de la
verité et de l'éxactitude , il auroit été au
contraire à souhaiter que notre Historien
eut préferé plus souvent les connoissances
à celles d'autres personnes , qui quoique
plus lumineuses , en apparence , n'
toient pas des guides si sûrs.
A
442 MERCURE DE FRANCE
its its its its its
A Mlle de Malcrais de la Vigne , contre le
Poëte Marseillois , à qui elle a répondu
dans le 2 vol. du Mercure de Decembre
1732 .
M Alcrais , quel Auteur caustique ;
Osa si publiquement ,
Faxe sentir sa Critique ,
A votre sexe charmant ,
Qui souvent à l'agrément ,
A sçu joindre la science ?
Je dis plus , n'eut-on jamais
Vu de Femme Docte en France ;
Vous seule , Illustre Malcrais ,
Par de talens si parfaits ,
Deviez imposer silence ,
A ses satyriques traits.
REMARQUES sur quelques endroits
de la neuviéme Lettre du l'oyage de Nor
mandie , adressées à M. D. L. R.
J
'ai lû , Monsieur , avec bien du plaisir,
la Relation que vous avez donnée jusqu'icy
en neuf Lettres , du Voïage que
Vous
MARS. 1733.
443
Vous avez fait en Normandie. La derniere
qui a paru dans le Mercure d'Oc
tobre dernier , m'a plus frappé que les
autres , parce qu'elle roule entierement
sur une Ville où j'ai été avant que j'eusse
atteint l'âge de vingt ans , uniquement
dans le dessein de trouver la verité autant
qu'elle peut se manifester à un jeune homme.
Vous n'y parlez presque que de Ba
yeux ; vous y nommez S. Renobert, Evê
que de cette Ville ; vous y dites un mot
de sa Chasuble et du Coffre d'Ivoire qui
la renferme ; toutes choses que j'avois
vûës dès le mois d'Octobre de l'année
1707. Je ne ferai pas comme les deux
Ecrivains qui ont profité des Remarques
que vous avez publiées dans les Mémoires
de Trévoux,d'Octobre 1714,sans vous
citer aucunement , & c. Pour moi je vous
avoüerai qu'ayant recherché tout ce qu'on
pouvoit dire de S. Renobert , sept ans
avant que vous en parlassiez , j'ai profité
depuis , avec grand plaisir , de ce que
j'en trouvai dans ces Mémoires , aussiqu'il
parût.
Il s'étoit élevé icy en 1709. we dispute
au sujet du siecle où ce Saint avoit vécu.
On écrivit vivement sur cette matiere ;
et chacun cherchoit des authoritez pour
appuier son sentiment. Comme la parcie
B vj Vic444
MERCURE DE FRANCE
victorieuse a été celle qui ne plaçoit ce
Saint qu'au 7 siécle , et non au 3 *, ni au
4 ; il a été naturel de faire une honorable
mention de l'observation qui parut
depuis dans les Mémoires de Trévoux
puisqu'elle étoit conforme au sentiment
que j'avois soutenu . Je ne sçavois pas ;
M ', que ce fut vous qui y eussiez donné
occasion ni que vous eussiez suivi d'abord
la Chronologie ordinaire de Bayeux.'
Je vous félicite donc aujourd'hui de ce
que vous vous trouvez réuni au sentiment
des Sçavans Bollandistes , qui a été
suivi par Dom Mabillon , par M. Baillet,
au 16 May ,par M. l'Abbé Chastellain , dans
son Martyrologe Universel, par le nouveau
Breviaire d'Auxerre de l'an 1726. par les
Auteurs du Martyrologe de Paris , de
l'an 1727. et qui vrai -semblablement le
sera aussi par les Continuateurs de Gallia
Christiana ; au moins étoit - ce le sentiment
vers lequel inclinoit dès l'an 171 26
Dom Denys de Sainte Marthe , votre illustre
ami , suivant ce qu'il m'en écrivit
alors. La Note que vous avez mise au bas
de la page 2122. de votre dernier Journal
, démontre que vous méprisez la Chro
nologie de l'Histoire moderne de l'Eglise
de Bayeux , puisque vous dites qu'el
le est rejettée par les meilleurs Critiques ,
MARS. 1733. 445
et que S. Renobert assista en 630. à un
Concile de Reims.
La Morlieze se plaignoit autrefois dans
ses Antiquitez d'Amiens , de ce que les
Ecrivains du Catalogue des Evêques
d'Amiens , ont arrangé ces Evêques , plus
secundùm gradum sanctitatis , quam antiquitatis.
C'est ce qui est arrivé à Bayeux,
et qui a induit en erreur , jusqu'à faire
fabriquer une Légende où l'on avance que
S.Renobert fut sacré à Brive la Gaillarde,
par S. Saturnin,Evêque de Toulouse. Hors
dans les Diocèses dans de Bayeux , d'Auxerre,
et de Besançon, cette Légende ne se retrouve
gueres de nos jours ; je doute que
vous puissiez la rencontrer dans Paris.
L'endroit le plus voisin de cette Ville où
je me ressouviens de l'avoir vûë dans un
Manuscrit de 500 ans , est l'Abbaye de
S. Yved de Braine , en Soissonnois ; elle Y
est contenue dans tout son fabuleux.
J'ai composé autrefois une longue Dissertation
, pour servir à épurer les Traditions
du Païs Bessin , touchant ce Saint.
Prelat. C'est le premier de mes Ouvrages
, et le fruit du voyage que je fis à
Bayeux il y a 25 ans. J'en ai donné communication
à des Sçavans du Clergé de la
même Ville , qui m'ont déclaré n'avoir
jamais ajouté plus de foy à la tradition
Bes
446 MERCURE DE FRANCE
*
>
Bessine des derniers siècles , qu'à celle
qui s'étoit glissée à Paris , sur S. Denys ,
et ils m'ont prié de la rendre publique.
Je n'ai pas oublié d'y parler de la Chasuble
de ce Saint , que j'eus l'honneur de
voir , et qu'on m'assura avoir été regardée
par Dom Mabillon , comme infiniment
plus authentique que l'Etole et le
Manipule qu'on y joignoit. Elle est d'étoffe
de soye , à fond bleu , semée d'espece
de Tréfles , de couleur blanche. Je remarquai
sur l'Etole , qui est d'une étoffe
différente, une semence de Perles . M.Hermant
, que je vis alors dans sa Cure de
Maltor , proche Caën , n'en sçavoit pas
plus que moi , sur toutes ces choses ; et
il me déclara qu'il ne travailloit que sur
les Mémoires d'un Chanoine moderne
de Bayeux. On pourroit croire que l'Etoffe
de cette Chasuble auroit simplement
servi à couvrir les Ossemens de S. Renobert
depuis son décès , et qu'elle seroit
celle- là même que la Reine Ermentrude,
Epouse de Charles le Chauve, envoya,
sans être obligé de faire remonter son antiquité
jusqu'au septiéme siecle. On a
quelques exemples d'autres Etoffes , qui
ont servi de Poile aux Sépulcres des
* M. Hermant , Curé de Maltot , qui a écris
ene Histoire imparfaite du Diocèse de Bayeux.
Saints
MAR S. 1733. 447
Saints , et qui ont pris la dénomination
de ces mêmes Saints , en qualité de Manteau
ou de Voile , ou sous tel autre nom
qu'on a voulu leur donner après les avoir
mises en oeuvre. Au reste , ces sortes de
Reliques n'en sont pas moins vénérables
quand même eiles n'auroient pas servi
aux Saints dès leur vivant , mais seulement
après leur mort , témoins l'honneur
que les Catahois rendent au Voile du
Cercueil de Sainte Agathe ; les Auxerrois
,au Suaire de 5.Germain et la confiance
que ces peuples ont dans ces Reliques.
Quant à l'Inscription Arabe du petit of
fre qui renferme la Chasuble de S. Renobert
, vous êtes certainement le premier
qui avez appris au Public , l'explication
qui en a été faite par une personne tresentenduë.
Vous ne marquez point , Monsieur , si
c'est le Cartulaire de l'Evêché de Bayeux,
qui dit que l'ancienne confraternité de
P'Eglise Cathedrale de la même Ville
avec celle d'Auxerre , est fondée sur ce
que S. Exupere venant d'Italie passa par
la Ville d'Auxerre , et y prêcha le Christianisme
. Rien de plus vrai que l'existence
de cette ancienne confraternité; j'en ai
des preuves de plusieurs siecles ; mais il
n'y a pas d'apparence qu'elle soit établie
Suf
448 MERCURE DE FRANCE
-
sur le motif que vous citez , qui n'est
peut-être , qu'une simple conjecture des
Chanoines de Bayeux. Si le passage de
S. Exupere par notre Ville , étoit un fondement
suffisant pour une confraternité ,
pourquoi n'en eussions nous point eu
avec Messieurs du Chapitre de Rouen ,
puisque S. Mellon , leur premier Evêque ,
passa aussi par Auxerre en venant de
Rome , et qu'il y fit même une guérison
miraculeuse, rapportée dans sa vie ? Pourquoi
ne serions-nous pas en pareille liaison
avec les Chapitres de Lyon et de
Marseille, puisque notre premier Evêque ,
S. Pérégrin , y passa en venant icy , et eut
la gloire d'y prêcher de la même maniere
, le Christianisme , selon ses Actes ?
Ce n'est donc point sur le passage de
S. Exupere qu'est fondée la confraternité
des Eglises d Bayeux et d'Auxerre , quand
même on le croiroit ainsi à Bayeux ; mais
sur une raison plus recevable, et qui a fait
naître de semblables confraternitez entre
plusieurs autres Eglises. C'est que nous
possedons les Reliques de quelques - uns
de leurs Saints fameux , ou qu'ils posscdent
celles de quelques - uns des nôtres .
C'est sur ce principe que les Eglises de
Beauvais et d'Auxerre sont en confraternité
Le Corps de S. Just , Enfant
natif
MARS. 17337 445
·
,
natif d'Auxerre , repose dans la Cathe
drale de Beauvais , excepté sa tête , qui
fut transportée à Auxerre du Lieu du
Beauvoisis , où il avoit souffert le Martyre
. Ce motif est spécifié dans l'acte de
rénovation , dont on trouvera des vestitiges
dans les Registres du Chapitre de
Beauvais , au 18 Juin 1646. C'est ainsi
qu'en Espagne , les Chanoines de Saragoce
, et ceux de S. Vincent de la Rode, sont
en association dès l'an 1171. en considération
du Chef de S. Valere , Evêque de
Saragoce a. Si le passage d'un Saint pouvoit
influer dans l'origine des Confraternitez
d'Eglises éloignées , telles que sont
celles de Bayeux et d'Auxerre ; il y auroit
plus d'apparence que ce seroit celui de
S. Germain , dans le Diocèse de Bayeux ,
qui avoit contribué à cette liaison , parce
que ce grand nombre d'Eglises qui sont
sous ce nom dans la Basse - Normandie,est
une preuve que dans l'un de ses deux
Voyages de la Grande- Bretagne, il a passé
dans le Païs Bessin , en allant ou en reve
nant. On ne craint point même de montrer
à une petite lieuë de Bayeux , dans
l'Eglise du Village de Guéron, une Nappe
d'Autel , sur laquelle on dit qu'il a
célébré en passant .
2 Castellan . Bimestr. Januar. 29. pag. 444.
Mais
450 MERCURE DE FRANCE

que
Mais sans remonter si - haut , il y a infi
niment plus d'apparence que l'union des
Eglises d'Auxerre et de Bayeux vient du
transport fait autrefois des Reliques de
S. Renobert , celebre Evêque de cette
derniere Ville , et de S. Zénon , son Diacre
, dans fa Ville et dans le Diocèse
d'Auxerre . Leur culte y devint si fameux ,
dès le commencement du treiziéme
siécle , la seconde Paroisse de la Cité
d'Auxerre , dans laquelle est contenuë
une bonne partie du Cloître des Chanoines
, étoit sous l'invocation de ce Saint
Prélat , comme elle l'est encore aujourd'hui
. De là vient que dans la Cathédra
le et dans le Diocèse d'Auxerre on a fair
de immémorial , et au moins de- temps
puis 500 ans , l'Office de S. Renobert , et
qu'il y a plusieurs Autels de son nom ;
au lieu que jamais il n'y a été fait men
tion de S. Exupere , et qu'il n'y a aucun
Autel connu sous son invocation .
Outre l'Inscription Mahometane que
Vous avez publiée , tirée de dessus le Coffre
d'Ivoire du Trésor de Bayeux , j'au
rois souhaité que vous eussiez remarqué
dans la même Eglise une autre Inscription
bien plus récente, qui consiste en ces
deux Vers :
Cre
MARS. 1733. 45t
Credite mira Dei ; Serpens fuit hic lapis extans s
Sic transformatum Bartholus attulit buc.
L'explication des merveilles de Dieu
dont il y est parlé , est , ce me semble
de la competence des Naturalistes , et de
ceux qui font attention aux pétrifications
singulieres.
Ce n'est pas assez que le R. P. Tournemine
nous ait appris comment ce Coffre
a pû servir dès le neuvième siècle à
renfermer l'Etofe que le Roy Charles le
Chauve et la Reine Ermentrude envoyerent
pour orner les Cercueils ou la Sépulture
des Saints Renobert et Zénon 1
dont les Corps étoient alors réfugiez sur
les confins des Diocèses d'Evreux et de
Lisieux. Il ne seroit pas moins curieux et
important de découvrir le lieu d'où se fit
cet envoi. Charles étoit alors dans un Palais
Royal , appellé Vetera- Domus , que je
croi pouvoir traduire Vieux- Maison , ou
Vieille-Maison . C'est ce que nous tenons
d'un Historien du temps , imprimé au
XII Tome du Spicilege , par un autre
Historien du même siècle , imprimé an
premier Tome de la Bibliotheque des Ma
nuscrits du P. Labbe , pag. 548. et réim
primé beaucoup plus exactement l'année
derniere dans les Actes des Saints ,
du 31
Juil
452 MERCURE DE FRANCE
,
Juillet. On apprend que ce Vieux - Mal
son étoit dans le Païs Roumois : In pago
Rothomagensi. Il seroit donc à désirer que
l'Historien de Rouen , dont vous parlez
à la page 2138. de votre même Lettre ,
fit connoître au Public la situation précise
de cet ancien Palais des Rois de France;
d'autant qu'il n'en est fait aucune merition
dans la Diplomatique de Dom Mabillon
, ni dans la Notice des Gaules de
M. de Valois , non plus que dans le Glossaire
de M. du Cange . L'Eglise du Titre
de S. Germain d'Auxerre , voisine de ce
Palais , selon Héric , peut servir à faciliter
cette découverte ; et si l'on trouve un
Vieux Maison au Païs Roumois , avec
une Eglise ou Chapelle de ce Titre , qui
en soit peu éloignée , on sera suffisamment
assuré de la position de cette Mai-
´son Royale, qui est restée inconnuë jusqu'icy.
CommeCharles y tenoit ses Plaids ,
dans le temps de sa dévotion envers S.Renobert
, il me paroît que la chose est assez
importante pour mériter d'être débroüillées
et puisque dès le neuviéme siecle , ce
Palais étoit très - ancien , selon que son
nom le marque, il pouvoit avoir été bâti
sous la premiere Race de nos Rois , et
peut- être dès le temps des Romains . Je
suis , Monsieur , & c.
A Auxerre , ce 20 Novombre 1732 .
IMI
M -AR S. 87336
453
*******::********
IMITATION de ces Vers
de Seneque.
S Tet
quicumque volet potens ,
Aula culmine lubrico ;
Me dulcis saturet quies ;
Obscuro positus loco ,
Leni perfruar otio.
Nullis nota quiritibus
Aetas per tacitum fluet ;
Sic cum transierint mei
Nullo cum strepitu dies
Plebeius moriar Senex.
Illi mors gravis incubat ,
Qui notus nimis omnibus ,
Ignotus moritur sibi,
>
Déja depuis long - temps la raison triomphante ;
Des préjugez et de l'erreur ,
Dans la faveur la plus brillante ,
Ne m'offre qu'un éclat et fragile et trompeur.
A moi-même rendu dans un repos tranquile ,
Une charmante obscurité
ya
454 MERCURE DE FRANCE
De ce reste de jours , que la Parque me file ,
Va faire la félicité .
Jadis , avec plaisir , j'ai vû l'Europe entiere
Animer d'un regard mon audace guerriere ;
Frivole illusion dont je suis revenu ,
Aujourd'hui presqu'au bout de ma longue car
riere ,
Je ne me plains , hélas ! que d'être trop connu,
Tout cet éclat va disparoître.
Ah ! que la mort un jour me rempliroit d'effrois
Si content du grand Nom que je laisse après moi
Je n'eusse appris à me connoître.
XXXXX XX:X:XXXXXXX
EXTRAIT d'une Lettre écrite aux
Auteurs du Mercure , au mois de Décembre
1732. sur l'état de la Religion
en Moscovie.
O
Na imprimé dans la Gazette
d'Amsterdam , du 25. Novembre
dernier , une nouvelle qui fait le principal
sujet de cette Lettre. Cette Nouvelle
est ainsi énoncée. On écrit de Pesersbourg,
qu'on y avoit arrêté plusieurs personnes
à l'occasion d'un Libelle rempli d'in-
Vectives
MARS. 1733. 455
vectives contre les Protestans , et adressé an
Clergé de Russie.
La Moscovie fait aujourd'hui une figure
trop considerable dans l'Europe , et
la Religion Catholique est trop interessée
dans ce qui se passe au sujet du prétendu
Libelle , pour qu'on ne soit pas bien aise
de trouver dans votre Journal un petit
Commentaire , sur les paroles qui viennent
d'être rapportées .
Tout ce qu'il y a de veritables et de
zelez Moscovites , est aussi éloigné des
erreurs des Luthériens , qu'attaché au
Schisme qui les divise de l'Eglise Romaine
; mais la multitude des Luthériens
et des Calvinistes , qui depuis le Regne
de Pierre I. a commencé d'inonder la
Russie , a fait craindre au Clergé de cet
Empire , que leurs erreurs ne s'y introduisent
avec eux ; et 1Evenement n'a
que trop justifié cette crainte . Pour prévenir
ce malheur , le dernier Archevêque
de Resan , qui sous le titre d'Exarque
, étoit l'Administrateur du Patriar
chat , que le Czar a enfin aboli , et qui
étoit un Prélat également cher et rèspectable
à tous les Russes , composa un
Ouvrage en sa Langue , qu'il intitula :
Petra Fidei , et qui devoit être un préservatif
contre l'entrée et le progrès du
Lu
456 MERCURE DE FRANCE
Lutheranisme dans l'Eglise Grecque .
Cet Ouvrage allarma les Luthériens ,
qui y firent faire une Réponse par François
Buddée , l'un de leurs plus habiles
Professeurs ; c'est du moins sous son nom.
que l'Ouvrage a parû. Cette prétenduë
Apologie étant tombée entre les mains
du R. P. Ribera , Dominiquain , Docteur
en Théologie , qui avoit accompàgné
M. le Duc de Liria , Ambassadeur
de S. M. C. à la Cour de Russie , en
qualité d'Aumônier , avec le titre de
Missionnaire Apostolique ; le zele de ce
Pere s'enflamma à la vûe d'un Ouvrage
où la Religion Catholique , n'est , à la
verité , que foiblement attaquée , mais
où la passion prodiguoit les plus grossieres
calomnies , et n'épargnoit aucune
de ces expressions odieuses , dont les honnêtes
gens dans le Parti Luthérien ont
toûjours rougi.
L. P. Ribera répondit donc à cette
'Apologie ; il communiqua sa Réponse ,
avant que de la publier à des Personnes
du premier Rang dans le Clergé de
Russie , et l'Approbation unanime qu'ils
y donnerent le détermina à la dédier à
l'Imperatrice de Russie même.
La Cour de Moscovie n'auroit jamais
fait des affaires aux Partisans de cet Ouvrage
MARS. 17336
457
vrage , et n'en auroit pas même porté
ses plaintes dans des Cours Etrangeres
,
si le Ministere n'étoit composé que de
Membres
de l'Eglise Grecque ; voilà ce
que c'est que le prétendu Libelle dont
il est parlé dans la Gazette citée cy -dessus ."
Si vous voulez , avant que d'imprimer
ma Lettre , avoir une plus ample connoissance
de l'Ouvrage du P. Ribera ,.
vous en trouverez un Exemplaire chez
le R. P. le Quien , sçavant et celebre Do
miniquain du Convent de la Ruë S. Ho-'
noré , il se fera , sans doute , un plaisir
de vous le communiquer
. Je crois que
Pinterêt de la Religion doit engager les
Auteurs de differens Journaux Litteraires
d'en donner un Extrait.
Quoique ce ne soit pas le P. Ribera
qui vous écrit cette Lettre , si vous avez
besoin de quelques éclaircissemens sur
son contenu , vous pouvez vous adresser
à lui en droiture dans son Convent
à Vienne en Autriche , d'où je vous écris
ce 20 , Décembre 1732.
Je vous envoye en même-temps une
Traduction ou Imitation des fameux Vers
de Seneque. Stet quicumque volet , &c.
Elle a été faite pour le fameux Maréchal
Guy' de Staremberg , qui répetoit continuellement
et s'étoit appliqué ces Vers ;
Ç c'est
458 MERCURE DE FRANCE
que
c'est lui
le Traducteur
fait parler.
Avant que de publier la Lettre dont
on vient de lire l'Extrait , nous avons
cr devoir la communiquer
au R. P le
Quien, qui a bien voulu nous envoyer les
Observations
suivantes ,
OBSERVATIONS du R. P. le Quien.
Il paroît par la Réponse que le P. Ri
bera a publice contre le Livre du Ministre
Luthérien François Buddeus , que
celui de l'Exarque Moscovite est un Ouvrage
de conséquence , et que c'est à bon.
droit que plusieurs Personnes judicieuses
ont écrit ici de ce Pays - là , qu'il est important
pour l'interêt de l'Eglise Catholique
qu'on le traduise en Latin , comme
on a fait en Grec un semblable Ecrit,
mais plus succint , de Pierre Mogilas ,
Archevêque et Métropolitain de la petite
Russie.
L'Ouvrage de l'Archevêque de Rezan ,
est solide et sérieux , très- digne du rang
que son Anteur a tenu dans son Eglise ;
et il n'a mérité d'être traité de Libelle
le Gazetier Hollandois, que parce que
par
ayant été composé pour prémunir ceux
de la Nation Kussienne contre les Nouveautez
pernicieuses qu'on vouloit y semer,
il a été à propos d'entrer dans quelque
M.ARS. 1733
459
que détail de la vie et des moeurs des
premiers Apôtres du nouvel Evangile.
Ce Prélat a crû , avec raison , que les
Moscovites faisant la comparaison de ces
Nouveautez avec les SS. Peres de l'Eglise
, dont ils ont , graces à Dieu , conservé
les Dogies , concevroient pour eux
plus d'éloignement et d'aversion . Rien ;
à la verité , n'est plus mortifiant pour
les Sectes Protestantes , qu'après les tentatives
réïterées et fréquentes qu'ils ont
faites pour introduire leur Doctrine chez
les Grecs Schismatiques , ils n'ayent obtenu
d'eux que des anathêmes , qu'ils
leur ont lancez dans plusieurs Conciles ;
et que dans un vaste Pays comme la Moscovie
, qui a si long - temps été fermé ,
pour ainssi - dire , aux Etrangers , la même
Doctrine que les Catholiques professent
et deffendent contre les Protestans , s'y
soit conservée pute et sans tache jusqu'à
présent.
Avant notre Exarque , Adam Olearius
tout Luthérien obstiné qu'il étoit , ne l'a
pas dissimulé en décrivant ses Voyages.
Il l'a même confirmé dans une Lettre
qu'il écrivit à M. du Cambout de Pont-
Château en 1667. témoignage qu'on ne
sçauroit dire avoir été obtenu par quelque
fraude que ce puisse être ; mais
C ij - donné
460 MERCURE DE FRANCE
donné par une personne non suspecte ,
pour détruire ce qu'un Ministre Calviniste
avoit crû devoir dire , qu'il avoit
écrit cela sans reflexion .
Les Protestans ont traité de Grecs latinisez
, ceux qui ont aussi donné des
témoignages de la conformité de la Doctrine
de leur Eglise avec celle de l'Eglise
Romaine , sur les Articles qui nous divisent
; on les a si solidement réfutez
qu'ils devroient rougir d'alleguer encore
une telle deffaite . C'est un lieu commun
des plus usez ; mais c'est en quoi Buddeus
, qui s'en sert pour s'y retrancher
a fait voir combien la Cause qu'il deffend
est insoutenable. C'est pourtant son
unique ressource , il veut qu'on croye
que l'Exarque Javorski , s'est voulu vens
dre et prostituer aux Romains , en pu
bliant son Ouvrage contre Luther.
Le Livre du P. Ribera merite d'être lû,
en attendant que nous ayions une Traduc
tion exacte de celui de l'Archevêque de
Rezan. Il est intitulé : RESPONSUM ANTAFOLOGETICUM
Ecclesia Catholica contra'
calumniosas Blasphemias Joan, Francisci
Buddei nomine vulgatas in Orthodoxos La
tinos et Gracos , quo PETRÆ FIDEI , à
Stephano Favorskio Resanensi Metropolita
&c. ad evertendum Lutheri Pantheon
jacte
MARS. 1733. 461
6
jacle , repetitus ictus . Datum ad omnes Fideles
et Sereniss . Altiss. et Potentiss. Domina
ANNE JOANNOWE , totius Russia Imperatrici
, & c. dicatum . A. R. P. F. Bernar
do Ribera , Barchinonensi ex Ord. Prad.
Sacra Theol. Doctore et Regio Prof. Publ.
apud Excell. D. Ducem DE LIRIA , &C.
Catholici Hispaniarum Regis Legatum in
Russiam , Missionario Apostolico . VIENNE
Typis Maria Theresia Volgein viduæ ,
Univ. Typogr. M. DCC . XXX I.
Cet ouvrage est d'une érudition exacte
et solide , et beaucoup plus ample que
ne l'est ordinairement celle des Théologiens
Espagnols , qui ne s'appliquent
guere à traiter de la Théologie Dogmatique.
L'Auteur témoigne qu'il ne l'a
publié qu'après l'avoir fait lire et examiner
par les Evêques de Russie , qui l'ont
exhorté à le faire au plutôt imprimer. Les
fréquentes Conférences qu'il a eûës avec
ces Prélats , lui font rendre d'eux ce témoignage
, que , quoiqu'ils se trouvent
aujourd'hui séparez de l'Eglise par la dépendance
où ils ont été de l'Eglise de
Constantinople , qui a fait schisme avec
celle de Rome , il n'a rien trouvé en eux.
de cette aversion et de cette haine que
les Grecs Schismatiques ont marqué dans
leurs Ecrits contre les Latins.
#
Ciij A
462 MERCURE DE FRANCE
! ! ! ! ! ! ! ! ! !
AMADEMOISELLE de Malcrais
de la Vigne , par le Poëte de S. Denis
Combarnazai , en Auvergne.
A Saint Denis combarnazar ,
Auriez -vous cru , Malcrais , qu'on vous préconisat
?
L'autre jour Alcidon , Magistrat respectable ,
A Table ,
Chanta sur un Bachique ton
Tout cou-ou- ouleroit dans le gosier * Breton.
Un Chanteur pointilleux , reprit sur la notte ,
Alcidon l'endormit en sifflant - la Linotte.
Belle Malcrais , vos accens gracieux ,
Annoncent vosre Gloire aux plus sauvages Lieux
Votre Muse inspire ses charmes
Aux climats où César vit arrêter ses armes
Par la valeur de Vercingetorix ;
Vous pourriez vous flater d'humaniser le Stix .
Chanson de Mlle de Malcrais.
**
{DIS=
MARS. 1733 . 463
****:***********
DISCOURS prononcé dans l'Hôtel
de Ville de la Rochelle , le 18 Juillet
1732. par M.Regnaud , l'un des Membres
de la nouvelle Académie Royale , à
la tête de la Compagnie.
M
ESSIEURS ,
Nous venons partager avec vous la
joïe que nous cause un Etablissement
aussi glorieux pour cette Ville , qu'il lui
sera utile dans la suite. Cette Société Litteraire
qui s'est formée sous vos yeux, qui
des son commencement a eu l'approba
tion de M. Bignon , Intendant de la Province
, est aujourd'hui honorée de la Protection
de Monseigneur le Prince de
Conti , et érigée en Corps Académique ,
par les Lettres Patentes , qu'il a plû au
Roy de nous accorder .
L'amour de l'Etude avoit fait naître
l'idée de cet Etablissement , la Sagesse
l'a conduit , la Vertu l'a protegé , et l'authorité
Souveraine vient de le rendre stable
, par une de ces graces singulieres que
S. M. ne répand que sur les Villes qui lúi
sont les plus attachées , les plus soumises ,
Ciiij et
464 MERCURE DE FRANCE
et , si je l'ose dire , les plus cheres.
Prérogative bien glorieuse pour nous
mais encore plus interressante ! elle nous
découvre le caractere bienfaisant du Prince,
sous les Loix duquel nous avons le bonheur
de vivre , son zele à étendre l'Empire
des Lettres jusqu'aux extrémitez de la
France , et, ce qui doit nous toucher plus
vivement, son attention à procurer à cette
Ville , tout ce qui peut lui être avantageux.
En effet , MESSIEURS , nos besoins
sont satisfaits , dès qu'il les connoît ; il
sçait que le commerce de cette Ville a
perdu de son activité et de son étenduë
que notre Port est devenu inaccessible
aux Vaisseaux ; il en ordonne le rétablis
sement , l'ouvrage est commencé , et l'expérience
de celui à qui il est confié , nous
assure du succès .
ོ་
བ་
Vraiment Pere de ses Peuples , il veille
sans cesse à leur conservation ; des maladies
Périodiques affligent les habitans de
cette Ville ; il ordonne d'en chercher la
cause, on la découvre, et déja nous voïons
près de cette Digue fameuse , qui sembloit
devoir nous éloigner de la Mer en lui
prescrivant de nouvelles bornes , mille
bras occupez au salut public.
Mieux instruit que nous sommes de
"no"
MARS. 1733.
465
nos propres interêts , il prévient les suites
funestes de cette avidité qui avoit porté
les Contrées voisines à changer l'usage de
leurs Terres , sans faire attention , qu'en
multipliant à l'excès , les fruits d'une
même espece , elles causoient une abondance
capable de ruiner la principale ressource
de cette Province.
Il semble , MESSIEURS , que cet Astre
ne soit placé sur nos têtes que pour
nous faire sentir la douceur de ses influences
; toujours attentif à recompenser
le mérite et les services de ses Sujets , il
vient de répandre un nouveau lustre
sur une Compagnie encore plus - respectable
par les qualitez de l'esprit et
du coeur , que par le nouvel éclat dont
S. M. a bien voulu l'honorer.
Secondant les voeux d'un Corps qué la
piété et le sçavoir ont toujours distingués
il veut , à l'honneur de la Religion élever
des Autels , dignes de sa Magnificence
Royale , dans les mêmes lieux où l'on regrete
encore ceux que la Guerre et l'Hérésie
ont renverses avec tant de fureur.

Notre reconnoissance se ranime à la
vûë de tous ces bienfaits ; mais eussionsnous
pû , MESSIEURS la marquer
d'une manière assez éclatante , si la nouvelle
faveur que nous recevons de S. M.
C v
ne
466 MERCURE DE FRANCE
ne nous mettoit en état de la rendre publique
, et de la faire passer jusqu'à la
posterité la plus reculée.
L'amour des Letttes , et leurs progrès
dans un Etat sont des marques assurées
de grandeur et de prosperité , et leur Etablissement
dans une Ville , et pour tous
les Citoiens , une source de gloire , à laquelle
chacun a droit de prétendre,à proportion
de ses talens .
Vous le sçavez , MESSIEURS , et j'ose
le dire , vous le sçavez par expérience
quels sont les avantages que l'on retire de
la connoissance et de l'amour des belles
Lettres ; jamais l'ame n'est mieux préparée
à la vertu que lorsque les Sciences y
ont répandu la lumiere , plus on est instruit
, micux on est en état de remplir ses
devoirs.
Pour nous en convaincre , parcourons
les differens états d'une Ville où les Lettres
et les Sciences sont cultivées ; nous y
verrons tous les Postes également bien
remplis ; l'authorité y esr sans aigreur ;
Pobéissance sans contrainte ; un heureux
Equilibre y entretient l'harmonie et la
paix ; il regne entre ses habitans , " une
émulation sans envie ; des moeurs douces.
et policées y rendent la société agréable ;
les Arts sont portez à leur perfection , la
ReliMAR
S. 1733 .
467
Religion est honorée et respectée, les Loix
sont en vigueur, chacun est occupé au milieu
de l'abondance.
.. Ce sont-là , MESSIEURS , les fruits
des Sciences et des Belles - Lettres , dont
vous avez jetté les premieres semences
dans cette Province , par l'établissement
de ces Ecoles publiques , où l'on cultive
sans cesse les biens les plus précieux de la
vie , la sience et la vertu.
De là sont sortis ces grands sentimens ,
ces nobles idées , qui se sont dévelopées
peu à peu , et ausquelles il ne manquoit
que le temps et l'occasion pour éclater.
Telle est aussi , MESSIEURS , l'origine de
cette Société Litteraire , à la gloire de laquelle
vous vous trouvez interressez par
des motifs si pressans.
Jettez les yeux pour un moment , sur
un avenir , qui n'est peut - être pas si
éloigné ; et vous verrez les effets de la
noble émulation que cet établissement
va exciter dans tous les coeurs de nos Concitoiens
; vous verrez que ces Plantes si
cheres que vous cultivez avec tant de précaution
, que ces Enfans , dignes de tout
votre amour , comme de tous vos soins ;
seront les premiets à profiter de tous ces
avantages ; ces genies propres aux plus
grandes choses , cultivez par une heu-
C vi reuse
468 MERCURE DE FRANCE
reuse éducation et animez par des exem-
-ples domestiques , rempliront dignement
la place de leurs Peres , et deviendront.
un jour comme eux l'honneur et la gloire
de leur Patrie.
Si le coeur se porte sans cesse vers l'objet
qu'il aime , avec quelle impatience,
MESSIEURS , n'attendez vous point
ces heureux momens où vous pourrez
faire usage de ces sentimens de générosité
qui vous sont si naturels , et qui conviennent
si - bien au poste que voire mérite
semble vous avoir procuré avant le
temps ?
Vous n'aurez , MESSIEURS, qu'à laisser
agir . votre reconnoissance , envers les
Lettres , nos désirs seront remplis , et
l'Académie aura lieu de se féliciter d'une
si heureuse circonstance.
Tour se déclare en notre faveur ; vous.
connoissez ; MESSIEURS , le prix des
Lettres , et vous en faites la matiere de
vos plus douces occupations , les uns par
d'élégantes traductions que le public attend
avec impatience ; les autres par des
Discours aussi solides qu'éloquens , prononcez
avec grace en diverses occasions ;
d'autres , par des recherches et des Anecdotes
aussi utiles à tous les Etats , que
glorieuses à ceux qui se sont appliquez à
former
MARS. 1733.
469
former ces précieux dépôts. Enfin , MESSIEURS,
Votre gout pour les Sciences et
votre zele pour l'intérêt public , nous
donnent lieu d'esperer que vous contribuerez
de tout votre pouvoir à soutenir
un Etablissement qui ne sauroit être indifferent
à ceux qu'une heureuse éducation
distingne du yulgaire.
La gloire du Roy , celle du Prince
notre Auguste Protecteur, le Bien public,
nos interêts communs . Voilà , MESSIEURS ,
les motifs qui doivent nous réunir , pour
faire éclater notre juste reconnoissance ret
pour apprendre à la postérité que les plus
brillantes Victoires des Regnes précédens
cedenr aux douceurs dont nous
jouissons sous le meilleur de tous les
Rois.

REPONSE à la Missive du Chevalier
de Leucotece , Protecteur de l'Infante
Malerais , imprimée dans le premier Volume
du Mercure de Décembre.
Honneur Onneur vous soit , Seigneur de Leucotece ;
Preux Chevalier Errant sur le Permesse ,
Vos Vers obscurs , votre stile gaulois ,
Doivent occir le Rimeur Marseillois ;
Vous
470 MERCURE DE FRANCE
Vous discourez comme un vrai Dom Quixote ,
Et méritez bon Brévet de Calotte ;
Puisqu'aussi - bien vous dites sans façon ,
Que vous n'avez ni rime ni raison ;
Mais , direz-vous , ce n'est que pour la rimés
Il me falloit faire rimer Escrime ,
Loin de manquer à ce point important ,
"J'ai mieux aimé me taxer d'ignorant ,
Bien répondu ; le Public charitable ,
En cela seul vous trouve raisonnable ;
Mais entre -nous, Chevalier valeureux
Votre courage est tant soit peu
douteux ;
Vous frissonnez à l'aspect de Voltaire ,
Avec raison votre bras le révere ,
Mais en voulant excepter l'Hélicon ,
Vous nous montrez l'image d'un Poltron.
Quant au Berger des Rives de la Seine ,
On s'apperçoit que ce Rival vos gêne ;
Vous l'attaquez en timide Soldat ,
Quin'ose point hazarder le Combat.
Et pour couvrir votre poltronnerie ,
Vous le voulés par votre calomnie ,
Faire passer pour malin Enchanteur :
Fuyez , fuyez , Chevalier sans valeur ,
Malcrais n'a pas besoin pour la deffendre ,
Que votre voix ici se fasse entendre ,

Ni qu'en l'honneur de ses charmans appas,
De yos Rivaux coupiez têtes et bras ;
Point
MARS.
47%
1733
Point de lui faut le secours de votre ordre ;
D'autres sans vous sçauront frapper et mordre
Le moindre mot de son aimable voix ,
Pourroit forcer le Rimeur Marseillois
A confesser que malgré son mérite ,
Et ses talens , dans son corps il habite ,
Certain esprit , qui , quoiqu'il soit divin ,
N'en est pas moins de Sexe feminin ;
Que cette Fille habile et toute aimable ,
N'est point chimere et qu'elle est très - palpable ;
Ainsi , Seigneur , n'exposez plus au vent ,
Votre Harnois de Chevalier Errant ;
Soyez tranquille , et gardez le silence ,
Ou regagnez la Manche en diligence ;
Là renfermé dans votre vieux Château ,
Pour affermir votre foible cerveau ,
Et
pour calmer l'ire qui vous transporte
Avalerez une dose un peu forte
D'un Hellebore éprouvé , bien récent,
C'est mon avis , Seigneur , profitez - en.
V. D. G.
LETTRE
472 MERCURE DE FRANCE
LETTRE écrite à M. D. L. R. par
M. L. B. Chanoine et Sous -Chantre
d'Auxerre , sur l'usage des Habits Canoniaux
et Militaires , à l'occasion de
ce qui est rapporté dans le Mercure du
mois deJuin dernier , de la Réception de
M. le Comte de Chastellux.
J
' Aurois bien souhaité , Monsieur ,
que
le Mémoire qu'on vous a envoyé touchant
la Réception de M. le Comte de
Chastellux , en qualité de premier Chanoine
Hereditaire de notre Eglise , eût
été plus érendu , pour la satisfaction du
Public , qui goûte assez ces sortes de détails
de Ceremonies rares ; mais cela n'a
pas dépendu de moi , et il a fallu déferer
au sentiment de quelques personnes que
je respecte , qui avoient recommandé la
brieveté .
Je suis bien aise qu'au moins on y ait
inseré l'origine du droit de la Maison de
Chastellux , et qu'on y ait parié de la
Ville de Cravan ou Crevan , conformé
ment aux Titres du XV . Siecle. Le peu
qu'on en dit me confirme dans l'idée que
j'ai eue depuis que j'ai pris connoissance
de
MARS. 1733 .
473
de nos Antiquitez , qu'on a voulu l'honorer
dans l'Eglise d'Aux erre à perpetuité
, par ce droit de Restituteur de la
principale Terre du Chapitre , de même
qu'on y honote le Donateur par des marques
d'une veneration particuliere presque
tous les jours de l'année , depuis le
temps de sa mort , arrivée au X. Siecle.
Ce seroit en effet s'exposer à être taxé
d'ingratitude , que d'en agir autrement :
Alias de ingratitudinis vitio , quod abominabile
meritò judicatur , et à quibusvis
fidelibus , præsertim viris Ecclesiasticis debet
effectualiter abhorreri , possemus non immeritò
reprehendi , disoient nos
Predecesseurs.
Les mêmes personnes qui s'exprimoient
ainsi il y a trois cent ans , te
noient par tradition de ceux qui les
avoient précedez , les marques de gratitude
qu'ils nous ont transmises envers
l'Evêque Guy le Sénonois , le premier de
tous ceux qui ont eu l'Eglise Cathédrale
pour sépulture ; et sa mémoire ne pourra
jamais tomber dans l'oubli , quoique
quelques personnes ayent contribué de
nos jours par inadvertance et peutêtre
sans le vouloir , à faire perdre de
vûë les vestiges qui restent de la reconnoissance
de ce bienfait. Je ne dis rien
sur l'origine de cette donation , qui ne
soit
474 MERCURE DE FRANCE
soit déja tout publié , et dont l'on n'ait
la preuve dans l'Histoire imprimée des
Evêques d'Auxerre aux pages 445. et
446. du premier Volume de la Bibliotheque
des Manuscrits du P. Labbe ,
Jesuite ; et les Etrangers qui examinent
soigneusement les Peintures de l'Eglise
Cathédrale d'Auxerre , ne manquent pas
d'y lire sous la figure de ce Guy, Beatus
Guydo , et d'en conclure quelque chose.
Mais ceci M. n'est pas le sujet de l'apostille
que vous avez faite au Memoire
qui vous fut envoyé au mois de Juin.
Il paroit que vous souhaiteriez sçavoir
si l'usage de voir des habits Militaires ou
Seculiers réunis avec les habits Canoniaux
sur une même personne est ancien , et s'il
est à present singulier à l'Eglise d' Auxerre.
Je ne sçaurois vous parler de l'Antiquité
de cet usage qu'en vous apprenant
en même temps qu'autrefois il n'étoit
pas si rarequil l'est de nos jours . Il étoit
assez commun de voir de gros Seigneurs
Bienfacteurs d'une Eglise avoir rang parmi
les Chanoines et se placer au Choeur
en habit Militaire , même avec des Eperons
et des Armes. Les Statuts du Chapitre
de Toul , compilez l'an 1491. s'expliquent
ainsi au Chapitre IV . Nobiles
Scutiferi et Milites specialiter hujus Ecclesia
M.A R 6. 1733. 479
sia Vassalli , cùm intrant Chorum , admitts
debent portare calcaria et arma ; et collo
cantur inter Archidiaconos et Canonicos ,
quia Defensores sunt Ecclesia pro debito
sue Nobilitatis. Ce petit Monument rédigé
en Latin , n'est point encore si curieux
à lire que celui que M. Baluse a
publié dans ses Preuves de l'Histoire de
la Maison d'Auvergne , à la page 471 .
Pour vous épargner la peine de le consulter
dans le Livre même , je transcrirai
ici en entier la Notice qu'en a donnée
ce celebre Antiquaire .
Extrait des Memoires d'André Duchesne
» Acte en datte du xxvij. Noyembre
1405. en présence de Jean Guineau ,
» Clerc Notaire , par lequel il appert
» comme Noble et Puissant Messire Gui-
» chard Dauphin , Chevalier Baron de
» la Ferté- Chauderon , Seigneur de Jali-
" gny , se transportą à la Porte de l'E-
>> glise Cathédrale de Nevers , les Epe
>> rons dorez chaussez , l'Epée ceinte et
>> le Faucon sur le poing : où étant vin-
>> rent au-devant de lui le College de la
dite Eglise , Chanoines et Chapelains ,
revétus de Chappes , avec la Croix
» l'Eau - Benite et les Cierges allumez . Et
» Messire Pierre le Clerc , Archidiacre de
» Desise
476 MERCURE DE FRANCE
"
» Desise en ladite Eglise , le prenant par
» la main , le mena en l'état cy - dessus
en l'Eglise jusques devant le Grand-
» Autel. Puis la Grand'Messe étant dite ,
>>
le menerent dans le Chapitre , où ils
>> le reçurent pour leur Confrere et Cha-
» noine , ainsi qu'il avoit été fait à ses
» Prédecesseurs , après qu'il eut donné
» son Serment sur les saints Evangiles , et
protesté qu'il ne réveleroit jamais les se-
>> crets du Chapitre en choses qui lui
» pourroient préjudicier. Puis baisa à la
» bouche ledit Archidiacre , Messire Jacques
de Besson , Jean de Maurigny et
» autres Chanoines d'icelle Eglise. Puis
>> remenerent ledit Baron en l'Eglise , et
» le firent asseoir au quatriéme Siege du
» côté de l'Archidiacte de Nevers , présens
Nobles hommes Messire Pierre de
» Veaulce , Jean de Montagu le Belin
Joseph de Citin , et Claudin Bastard
» de Jaligny , Chevaliers , Philippes de
» Villaines , Guichard de Villiers , Etien-
>> ne de Poisson, Guillaume de Chevenon,
Jean Chauderon , Jean d'Aligny le jeu
» ne , et Antoine d'Armes , Ecuyers.
Etant tombé sur un Livre intitulé ,
Le Chanoine , composé par Vital Bernard,
Chanoine du Puy en Vellay , et imprimé
en 1645. j'y ai lû aux pages 8o. et 81 .
ce
MARS. 1733
477
ce qui suit. » Le Duc de Brabant est Cha-
» noine né de l'Eglise Archiepiscopale
» d'Utrecht. Charles V. Empereur et Roy
» d'Espagne ; en cette qualité de Duc ,
» ( comme il alloit recevoir la Couronne
Imperiale en la Ville d'Aix -la - Chapelle)
» passant à Utrecht , y prit le Surplis et
>> assista au Service , comme les autres
» Chanoines, le 13. Octobre 15 20. Même
» Privilege est acquis au Seigneur de Tour-
» non , en l'Eglise de S. Just de Lyon .
"
Ici l'Auteur déclare son sentiment sur
l'origine de ce droit du Seigneur de Tournon
qu'il fait venir d'une Fondation du
quatriéme Siecle ; mais je ne veux pas
en être garant. Puis il ajoûte ce trait , qui
test plus curieux . » Paradin , en son His-
» toire de Lyon , dit qu'il assista en 1542 .
à la Prise de Possession de ce Droit
» honorifique d'un Seigneur de Tournon ,
et que Jacques de Tournon , Evêque
de Valence , son frere , le voyant re
» vétu d'une courte Robbe de Damas
» avec un Surplis dessus , l'Aumusse au
» bras et l'Epée au côté. Voilà , mon frere ,
❤ ( dit- il en le raillant ) qui représente bien
les trois Etats.
Je ne m'étends point sur un droit assez
semblable, dont jouissent 4 ou 5 Seigneurs
dans l'Eglise Cathedrale d'Auch , si on en
croit
478 MERCURE DE FRANCE
croît le même Chanoine , parce que je
n'en connois point assez les circonstances
, non plus que sur les droits de certains
Seigneurs dans l'Eglise de S. Martin
de Tours , où l'on dit que le Comte d'Anjou
est Chanoine ; de consuetudine et habet
Prebendam in blado et vino et nummis ; en
mémoire du Comte d'Anjou Ingelger ,
qui fit rapporter d'Auxerre à Tours , le
Corps de S. Martin , au neuvième siècle.
Voyez encore Héméré , en son Histoire
de S. Quentin , à la page 201.
Au reste , plus ces Auteurs sont succincts
sur ces sortes de matieres , plus ils
laissent d'obscurité
après eux ; et c'est
pour cela que je croi que le Cérémonial
observé en ces occasions , ne sçauroit être
trop expliqué. Pouvez - vous , en off.t ,
comprendre
ce que veut dire Platina ,
quand il écrit que le jour que Charles-
Quint assista au Service , dans la Cathedrale
d'Utrecht , il étoit talari indutus
linteo et sacra amictus vesie ? Vital Bernard
a tort de traduire , talare linteum , par le
mot de Surplis ; ce doit être une Aube
traînanté jusqu'aux
talons . Il laisse aussi
à deviner ce qu'étoit ce Sacra vestis qui le
couvroit ; c'étoit apparemment
une Chape
ou une Dalmatique
.
Je vous ai fait remarquer , Monsieur ,
en
MAR S. 1733- 479
en.1726. que les Empereurs lisoient encore
à Rome au xiy siécle , une Leçon à
P'Office des Grandes Fêtes , la Chape sur
le Corps , et l'Epée nuë à la main a . J'y
ajoutai une remarque touchant les Trésoriers
de quelques Cathédrales , qui anciennement
pouvoient assister à l'Office
avec des marques de distinction , sembla
bles à celles de M. de Chastellux . C'est
tout ce qui est de ma connoissance dans
la matiere dont il s'agit ; cat il ne me
reste aucune preuve qu'un semblable usag
existe dans l'Eglise de Chartres , ainsį
qu'on l'avoit divulgué , et il ne faut pas
confondre avec notre usage , celui de
Chartres, de faire présenter à l'Offrande ,
le 15 jour d'Août , par un Officier de la
Terre de Maintenon , un Epervier , pre
nant Proye ; lequel Oyseau doit être porté
par le Diacre au Régent de la Prébende
, duquel les Officiers de Maintenon
le rachetent, Ce que vous avez lû ci-dessus
, tiré des Statuts du Chapitre de Toul ,
avec ce que nous voyons dans le Nécrologe
de l'Eglise d'Auxerre , écrit au xr et
XIe siècles , et publié en partie par Dom
Martene b , où quantité de Seigneur sont
ainsi désignez ; Obiit N... Miles Sancti
a Mercure , Janvier 1726. pag. 31 et 32,
b Ampliss, Colleic, Tom. 6
Stephani
48 MERCURE DE FRANCE
Stephani , ou bien , Miles hujus Ecclesia.
Tout cela , dis- je , peut appuyer la pensée
qui vient naturellement , que le Chanoine
revêtu du Canonicat héréditaire
d'Auxerre , est à peu près dans l'état
où se trouvoient- ces anciens Deffenseurs
et Protecteurs des biens de l'Eglise .
M. Ducange , qui avoit vû cet Ouvrage
en manuscrit , n'a pas oublié dans
son Glossaire , celui qui est qualifié au
4 jour d'Avril dans ce Nécrologe : Hujus
Ecclesia Vexillarius ; et il paroît que
ce Titre de Vexillarius n'étoit pas fort
commun , puisqu'il ne rapporte que cet
exemple de Léoteric , Vicomte d'Auxer
re , qu'il joint à celui de Jacques , Roy
d'Arragon , qualifié en 1309. S. Romana
Ecclesia Vexillarius.
A Auxerre , le 10 Decembre 1732.
22 22222222
CONTE ,
Par Me de Malcrais de la Vigne , du
Croisic , en Bretagne .
UN gars Meunier , frapoit avec furie ,
Un Baudet maigre , accablé sous le faix ;
Deux Avocats au softir du Palais ,
A
MARS.
1733-
481
A ce spectacle eurent l'ame attendrie.
Hò , cria l'un , tourne icy , gros Manant ,
Epargne un peu cette chétive Bête ,
Autant vaudroit l'écorcher à l'instant.
Alors le Drôle , ôtant d'un air honnête ,
Un vieux Chapeau , qui flotoit sur sa tête ,
Moins noir que blanc , par trop long- temps
porté ,
Excusez - donc , dit- il , ma liberté ,
Monsieur , mon Asne , entre- nous sans rancune,
Foint, jusqu'icy , noble Roy des Baudets ,
Foy de Meunier , n'avois croïance aucune
Qu'eussiez amis , ni parens au Palais.
HHHHHHHHXXXXXXXXXXX
LETTRE à M Titon du Tillet , ancien
Commissaire Provincial des Guerres
& c. sur la nouvelle Edition de son
Livre , intitulé Le Parnasse François
J
>
" Ai lu , Monsieur , avec beaucoup d'attention
et de plaisir la Descripilon du
Parnasse François , dont vous venez de
donner une nouvelle Edition . Cet Ouvrage
ne peut qu'être d'une extrême utilité
, et d'un agrément infini à ceux qui
voudront connoître le génie des Portes
et des Musiciens que votre zéle et vos
travaux n'immortalisent pas moins que
D les
482 MERCURE DE FRANCE
les beaux Ouvrages qu'ils ont laissez . Cependant
comme il n'est pas possible que
dans un Ouvrage si étendu , et qui a dû
vous coûter beaucoup de soins et de recherches
, il ne soit échapé quelques fau
tes ;je me suis flatté, Monsieur, que vous
ne trouveriez pas mauvais que je vous
fisse part de quelques Remarques que j'y
ai faites. C'est dans cette confiance. que
j'ai l'honneur de vous les addresser,
I
Pag. 211 , 212 , 213. ce n'est point des
Fueteaux qu'il faut écrire , mais des Yveteaux.
Pag, 225 , article de Voiture ; il nâquit
à Amiens en 1598 , & c. Selon la Lettre
de Balzac , citée par M. l'Abbé d'Olivet ,
dans son Histoire de l'Académie Françoise
, Voiture devoit être né en 1594,
Pag. 24 % Du Ryer n'est point mort en
1656 , mais en 1658, Voyez l'Histoire de
l'Académie Françoise,
Pag. 257. Guill. Colleter n'est point
mort le 25 Février , mais le 19 Février,
La date de sa naissance est omise ; c'est
le 12 Mars 196. selon Moréry.
Pag. 269. article de Saint - Amant, Il
mourut en 1661 , c'étoit sur la fin de Dé
cembre ; il étoit dans sa 67 ° année,
Pag. 281. au lieu de Pillet , il faut
écrire Pilet.
Pag.
MARS. 1733- 483
Pag. 293. article de Loret , mort en 16.5
ou 1666, il est certainement mort en 1665.
Voyez la Muse Historique , tome 4. tout
à la fin.
Pag. 294. article de Racan ; au lieu de
Honorat de Beuil , on doit écrire Honorat
de Bueil.
Pag. 334. Chapelain n'est point mort
le 2 Février , mais le 22 Février.
Pag. 344. d'Andilly n'est point mort
le 7 Septembre , mais le 17 Septembre.
Pag. 36c . Le P. Vavasseur n'est point
mort le 16 Decembre , mais le 14 De-.
cembre.
Pag. 365. Claude Nicole , il faut écrire
Nicolle , selon Bayle.
Pag . 380. Thomas Corneille , né en
165 ajoutez , le 20 Août ; et mettez par
conséquent , mort dans sa quatre- vingtcinquième
année , au lieu de dans sa quatre
vingt quatrième.
Pag. 393. et suivantes. Il faut écrire
Lulli , et non pas Lully ; car c'est faire un
nom François d'un nom Italien .
Pag. 396. ligne 34. Au lieu de Marais
des Marets , il faut lire Marais Desmarets,
car ce sont deux personnes différentes.
Pag. 437. Ménage n'est point mort le
13 Juillet , mais le 23 Juillet.
Pag 444. ( tout au bas . ) On doit écrire
Dij Mon484
MERCURE DE FRANCE
Montreul , &c. M. l'Abbé d'Olivet , dans
son Histoire de l'Académie Françoise ,
dit qu'il faut écrire Montereul.
Pag. 465. article de Santeul , né à Paris
, le 12 Mars 1630. mort le 5 Aout 1697 .
dans sa soixante-septième année. puisqu'il
étoit né au mois de Mars 1630 , il est clair
qu'au mois d'Août 1697. il couroit sa
soixante huitième année .
Pag. 473. Racine ne vint pas au monde
en 1640 mais le 21 Decembre 1639 .
Voyez son Eloge , au devant de l'Edition
de Londres , et encore l'Histoire de
l'Académie Françoise .
Pag. 478. article de Ségrais. La date de
sa naissance est omise ; c'est le 22 Août
1624. Voyez Segraisiana.
Pag. 5oz. Joseph - François Duché. Cet
Auteur signe Duché de Vancy , au bas de
l'Epître Dédicatoire de sa Tragédie de
Jonathas. On a oublié de dire qu'il est
Auteur de la Traduction anonyme des
Préceptes de Phocylide , qui fut imprimée à
Paris , chez Delaulne , en 1698 .
Pag. 519. article de Fléchier. On a oublié
de mettre la date de sa naissance ; il
nâquit le 10 Juin 1632 .
Pag. 533. article de Boileau Despréaux.
il n'est point mort le 11 Mars , mais le 13
Mars.
Pag.
MARS . 485 1733
Pag. 541. Ferme - l'Huis , c'est Fermelhuis.
mais de Piles.
Ce n'est point De Pilles ,
Pag. 553. article de Tourreil , né le 8
Novembre ; il faut mettre le 18 Novembre.
Voyez son Eloge , par M. de Boze ;
Histoire et Mémoires de l'Académie des
Inscriptions et Belles - Lettres .
Pag. 574. M. Huet n'est point mort en
1711. mais en 1721 .
Pag. 584. article de Campistron.
M. le Duc de Vendôme lui demanda de
composer les paroles d'un Divertissement
- pour son Château d'Anet. Il n'eût été
pas
hors de propos de mettre le Titre de cette
Piéce , et en quel temps elle fut fatte.
Vous sçavez , Monsieur , que c'est la Pastorale
d'Acis et Galatée , qui fut mise en
Musique par le celebre Jean Baptiste
Lulli , en 1686. et représentée la même
année à Anet , et l'année suivante à Paris,
avec un succès prodigieux.
·
Pag. 612. au lieu de Richard de la Lande
, il faut écrire , Richard de Lalande.
Pag. 629. M. de la Monnoye , nâquit le
16 Juin 1641. Cette date est omise.
Voyez son Eloge , par M. de Sallengre ,
il est à la tête de ses Poësies .
Pag. 647. Celle de M. de Valincour n'y
Diij est
486 MERCURE DE FRANCE
est point non plus ; il nâquit le 1 Mars
153. Voyez , Monsieur , son Eloge , par
M. de Fontenelle , Histoire et Mémoires
de l'Académie des Sciences , année 1730.
Pag. 650. celle de M. du Cerceau est
aussi oubliée ; c'est le 12 Novemb. 1670 .
Pag. 655 celle de M. de la Motte a
échappé pareillement ; il nâquit le 26
Janvier 1672. Voy.la Lettre de M.l'Abbé
Trublet.
Article de Chaulieu. Ce n'est point
Guillaume Auffrie , ni Guiaume Ansfric,
comme l'écrit M. l'Abbé d'Olivet
, mais Guillaume Amfrye. Sa famille
étoit originaire d'Angleterre , ce nom le .
désigne assez . Il nâquit en 1639. Voyez
la nouvelle Edition de ses Oeuvres.
Le nom d'une Illustre Chanteuse est
tout- à fait défiguré; on doit écrire Mlie de
Leufroy, et non Milele Froid.
On doit être surpris de ne point trouver
parmi les Poëtes le célebre Jean de
Lingendes , qui étoit un Poëte fort tendre :
et fort châtié dans ses expressions Il n'est
pas obligé dans le Recueil de Barbin .
Voicy le Titre d'un de ses Ouvrages :
Les Changemens de la Bergere Iris. Paris
Toussaint du Bray , 1618 in 12. Ce Volume
est d'environ 300 pag. Ce ne sont
d'un bout à l'autre que des Stances sur le
même sujet. M.
MARS. 7733. 487
M. Doujat , de l'Académie Françoise ,
devoit aussi avoir un article dans votre
Livre. Quoique ce Sçavant homme n'ait
pas tiré sa principale gloire de ses Poësies;
il y en a pourtant de lui qui ne sont pas
à mépriser . Il en a fait de Latines et de
Françoises en assez grand nombre , mais
qui n'ont point été recueillies en un corps.
Voici le Titre d'un de ses Ouvrages , en
Vers , qu'il a fait imprimer l'année même
de sa mort : Eloges des Personnes Illustres
de l'ancien Testament , pour donner
quelque teinture de l'Histoire Sacrée : A
Pusage de Monseigneur le Duc de Bour
gogne. Paris , Gab. Martin , 1688. in 8 .
Vous deviez sans doute, Monsieur, par
ler de cet Auteur , comme vous avez fait
mention de Charpentier , et de quelques
autres , dont les Vers ne sont pas , à la vé→
rité , dans la bouche de tout le monde ,
mais que le Public , et sur- tout les Gens
de Lettres , sont bien aises de connoître.
- Entre les Musiciens François , il n'est
point fait mention des deux Boësset , Pere
et Fils , qui pourtant avoient beaucoup
de réputation , et qui sont encore trèsconnus
aujourd'hui par une infinité de
beaux Airs , qui ont été imprimez et que
tout le monde admire ; le Pere est Auteur
entr'autres de celui qu'on appele
D`iiij les
488 MERCURE DE FRANCE
les Folies d'Espagne , sur lequel M. de Sé
grais a fait des paroles charmantes.
Voilà , Monsieur , les Remarquès et les
Observations que j'ai faites sur votre excellent
Ouvrage .J'ai l'honneur d'être, & c.
C. G. M.
AUTRE CONTE .
Par Me de Malerais de la Vigne.
'Etois à la Campagne , et tout haut' , par ha
zard ,
J'
Devant un Païsan attentif , à l'écart ,
Je lisois la brillante histoire ,
Du grand Henri , dont la Mémoire ,
Doit être pour toujours respectable aux Fran
çois.
Quand j'en fus à l'endroit de son Illustre Vie ;
Cer endroit déplorable , où le traître Angoû
mois ,
Perça d'une pointe ennemie ,
Ce Prince en cent combats dans la Guerre
épargné.
Le gros Rustre soudain , se levant indigné ,
Vit-il encor , ce misérable ;
Me dit- il , d'un air renfrogné ?
Non , répondis -je , le coupable ,
fut
MAR S. 1733.
489
Fut tôt après exterminé .
Morgué , tant mieux pour lui , j'eusse à ce trop
tôt né ,
Tout exprès à Paris couru bailler la gratte ,
Reprit-il , en jurant comme un déterminé ,
Et si dans l'autre monde , il tombe sous ma
*
patte ;
Oui , je veux , Maugrebi , lui flanquer pour le
moins , •
Avec cent coup de pieds , autant de coups de
poings.
EXTRAIT d'une Lettre écrite de Chálons
en Champagne , au mois de Decembre
1732. dans laquelle il est parlé des
Ouvrages de differens Peintres renammez.
E n'ai pas de meilleur moïen pour
prévenir les accès de l'ennui que de
me rappeller ces beaux jours dont nous
avons passé ensemble la plus grande
partie. Je me transporte en esprit auprès
de vous . Il me semble que nous allons encore
, avec M. le Chevalier Dorigny, voir
le riche Cabinet de M. de Julienne aux
Gobelins. L'esprit également rempli des
idées riantes , que nous ont données les
Ouvrages de Katean, et de celles lais
J ledeche de
que
D v sept
490 MERCURE DE FRANCE

sent les manieres gracieuses de l'illustre
Curieux qui travaille avec tant de succès
à l'immortaliser ; nous courons chercher
de nouveaux plaisirs chez M. d'Argenville.
Il nous ouvre le Porte - feü: lle qui
contient un grand nombre de desseins
Originaux des meilleurs Maîtres des
Païs bas. Alors je ne me crois plus renfermé
dans l'enceinte de son appartement.
Je me promene avec vous dans les agréa
bles Païsages de Brugbel. Herman Svavenwelt
nous conduit auprès des Ruines
et des Solitudes des environs de Rome ,
dans lesquelles il se retiroit pour étudier
plus tranquillement la nature. Fosse de
Mompré nous égare quelquefois dans de
vastes Déserts , er du Sommet d'un Montagne
escarpée , où son génie nous transport
, il nous fait découvrir une prodigieuse
étendue de Païs . Ici nous voïons
des Vallées profondes ; là des Forêts de
Chênes et de Sapins , qui les couvrent de
leur ombre ; un amas de Cabannes nous
présente un peu plus loin l'Image de la
retraite de l'Innocence .
ť
A quelque distance s'éleve un Château
, dont les Jardins délicieux s'étendent
jusqu'aux bords d'un Fleuve , qui
serpente en formant plusieurs Isles . Ne
diroit- on pas que ses Eaux portent l'abonMAR
S. 1733 . 491
bondance dans les Campagnes qu'il ar-
Fose , et qu'elles facilitent le commerce
d'un nombre de Villes et de Bourgades
qui se perdent dans l'éloignement ? A
peine sommes - nous descendus de la Mon
tagne de Mompré , que Bloemaert nous
invite à nous reposer avec ses Bergers.
Appuyez contre le Tronc noüeux d'un
vieux Chesne , nous les considerons quel
que- temps ; leur simplicité , leur candeur
nous disposent à trouver du plaisir dans
une Chaumine enfumée , dans laquelle
Rinbrant nous conduit.
Après que nous avons raisonné sur la
Phisionomie d'un vieux Pere de famille
qui fixe Pattention de son Epouse et de
ses Enfans , par la lecture qu'il leur fait ,
à la clarté d'une Lampe. D. Teniers , nous
tire de ce réduit , pour nous donner le
Spectacle d'une . Fête de Village, Pierre
de Laert , Brauver et Van Ostade , nous
font entrer au Cabaret : par bonheur malgré
ce qu'ils nous y montrent de divertissant
nous n'aimons pas à y rester autant
qu'eux ; nous sortons pour prendre
dans les Champs un plaisir plus digne de
nous. Bergheim nous le Procure ; nous
entendons le Bêlement de ses Brebis , et le
Mugissement de ses Boeufs , auprès d'une
Cascade qui se précipite à travers des Ro
Dvj chers
492 MERCURE DE FRANCE
chers qui ne paroissent accessibles qu'aux
Chévres qui vont y dépouiller les Buissons.
Cette vûë nous porte à d'agréables réveries
; mais tout à'coup nous voïons accourir
une troupe de Dames et de Cavaliers
, montez sur les plus beaux Chevaux
de l'Ecurie de Vanverman. Ils reviennent
ensemble de la Chasse ; nous
nous en appercevons aux Veneurs , aux
Fauconniers , aux Chiens , aux Оyseaux
de Proye , aux Valets chargez de Gibier ,
qui les suivent. Les Païsans sortent de
feurs Maisons pour admirer leur Equipage
leste et galant ; d'un côté les Meres
font remarquer à leurs Enfans la grosseur
énorme du Sanglier qui vient d'être
pris ; et d'un autre elles retirent avec
précipitation ceux qu'une curiosité témeraire
expose trop à la vivacité des
Chevaux .
Que dirai - je du Regal dont nous sommes
redevables aux attentions de Jean
Bol? Rien ne lui a échappé dans la nature
de tout ce qui pouvoit nous réjouir
la Chasse , la Pêche , les Occupations
, les Amusemens de la Campagne ,
les Oyseaux , les Animaux , les Poissons ,
les Insectes , les Reptiles , les Fleurs , les
Fruits , les Plantes et les Coquillages
pous
MAR S. 1733-
493
nous sont offerts dans le petit espace de
son Domaine. Enfin Corneille Poclenbourg
permet à Diane et à ses Nimphes de se
baigner devant nous , et Rotenhamer n'a
pas moins de complaisance.
Voilà , Monsieur , les douces illusions
que je ne cesse d'entretenir ; voilà les temedes
les plus efficaces que j'employe
pour détourner la mélancolie , qui pourroit
répandre sur mon esprit autant de
nuages que la triste saison de l'Hyver répand
autour de moi de Brouillars et de
Frimats. C'est ainsi que j'écarte l'ennui
de ma solitude je suis aidé par quelques:
Estampes que je viens de recevoir d'Allemagne
, le dessein et la gravure ne les
rendent pas recommandables . Qu'importe
? Elles m'ainusent par la variété des objets
qu'elles représentent , et, mon imagination
prend plaisir à finir ce qu'ellės:
n'ont fait qu'ébaucher ; je m'y promene
dans de vastes Jardins sans me lasser, j'en
parcours les Labyrintes sans m'égarer , je
m'y retire dans des Grottes dont je ne
crains pas que l'humidité m'incommode
; j'y vois de près les Ours et les Sangliers
sans redouter ni les Grifes des uns ,
ni les Deffenses meutrieres des autres; j'y
partage les travaux des Païsans de Souabe
sans me fatiguer , et leurs divertissemens
Sans
494 MERCURE
DE FRANCE
sans me compromettre
; enfin il me sems
ble ( n'est- ce pas ce que l'on peut penser
de plus flateur ? ) que je fais l'amour aux
plus jolies Bergeres sans avoir rien à
craindre , ni de la satire des envieux , ni
de la persécution des jaloux.
おの
ODE IVe du premier Livre d'Horace .
N
Solvitur acris hyems.
E craignons plus l'Hyver et ses ra
vages ;
Enfin il fait place au Printemps' ;
Nos Vaisseaux quittent les Rivages ,
Et les Troupeaux bondissent dans les
Champs.
Déja , Vénus se montre , et sur ses traces,
Folâtrent les Ris et les Jeux ,
Et l'on voit par tout avec eux ,
Danser les Nimphes et les Graces ,
Tandis qu'au Mont Æthna , Vulcain dans ses
Fourneaux ,
De ses noirs compagnons anime les Travaux.
Qu'il sied bien à présent de couronner sa têtë ;
De Myrthe ou de nouvelles Fleurs ;
Faune
.MARS . 1733.
498
Faune nous appelle à sa fête ,
Portons-lui nos voeux et nos coeurs
Ami du temps qui fuit , faisons un bon usage ,
La mort inexorable abbat des mêmes traits ,
" Les Pauvres sous le Chaume et les Rois sous le
Dais.
Le temps de cette vie est un trop court passage .
Pour former de vastes projets ,
Bien- tôt sujets du Roy des ombres ,
Nous descendrons dans ses Royaumes sombres,
Alors , plus d'amoureux désirs ,
Plus de festins , plus de plaisirs
P. R. T.
LETTRE de M. Renauld, Horloger ,
écrite de Châlons en Champagne , le so
Février 1733. sur l'Horlogerie.
J'A
'Ai l'honneur de vous envoyer , Mon
sieur , un petit Memoire , concernant
une abréviation dans des Ouvrages d'Horlogerie
, que je vous prie de faire inserer
dans le Mercure , qui est telle :
J'ai trouvé le moyen de faire faire l'ef
fet du Réveil à l'Angloise , à une Montre
à Répetition à doubles quarts , sans
aug496
MERCURE DE FRANCE
augmentation d'aucune Rouë ni Marteaux
; sinon d'un double Rocher , et
d'une Détente ; de sorte que le mouvement
ou ravage , et les Marteaux de la
Répétition servent pour le Reveil ; sans
neanmoins que l'effet de l'un puisse nuire
à l'autre , de façon que quand on auroit
disposé le Réveil le soir, pour sonner
le lendemain matin , on peut faire sonner
la Répetition la nuit , tant que l'on
veut.
Il se trouve plusieurs avantages dans
cette construction de Montre. Le premier
,eft que l'on a dans un même tems , la
Répetition et le Réveil , sans la rendre
plus pesante ; le second est que nonobstant
ces utilitez , la Machine n'en est pas
plus composée ; et qu'avec deux mouvemens
, qui sont celui qui fait marquer
les heures et celui de Répetition , on a
l'effet de trois.
Je fais aussi sonner à une Pendule , le
quart, la demie , les 3 et 4 quarts sur plusieurs
Timbres , et les heures ensuite sur
un autre ; le tout par le même mouvement
, en retranchant le troisiéme , que
l'on a coutume de mettre à celles qui
sonnent les quarts , au moïen de quoi je
diminue l'ouvrage presque d'un tiers.
Je fais , de plus , sonner la demie sur
deux
MARS. 1733. 497
deux Timbres , de même que la sonnent .
les Pendules à quarts , à celles qui ont
été construires pour ne frapper qu'un
coup; sans autre augmentation que d'une
levée d'un Marteau et d'un Timbre , qui
soit d'un ton plus haut que celui qui sert
pour les heures , sans que les coups de cette
demie puissent frapper en distance différente
, quand même on voudroit la
faire faire par l'Eguille.
Ceci est d'autant plus commode , que
lorsque l'on entend la nuit , frapper un
coup aux autres Pendules , on ne sçait si
c'est une heure après minuit , ou une
demie ; ce que l'on peut distinguer par
cette derniere façon.
Je ne crois pas que ces choses ayent jamais
paru , sur tout dans la maniere plus,
simple dont je les construis , n'en ayant
vû ,aucune de ce goût dans Paris ni ailleurs.
J'ai l'honneur d'être , &c .
Vous me ferez plaisir , Monsieur, de me
faire sçavoir le nom de la personne qui
cite sa demeure à Villeneuve- lez- Avignon
, dans le dernier Mercure , et qui
y a donné un Discours touchant l'impos
sibilité du Mouvement perpetuel , parce
que je lui communiquerai quelque
chose.
IMF498
MERCURE DE FRANCE
1MITATION de l'Ode d'Horace
qui commence par ces mots Ocium
Divos , & c .
Si tôt que sur l'Egée un tenebreux nuage ,
Ravit aux Matelots la lumiere des Cieux ,
Le plus hardi Pilote effrayé de l'orage ,
Demande le repos aux Dieux .
M
Grosphe , le Mede même et la Thrace indomptée,
Desirent ardemment ce précieux trésor ,
Dont la possession ne peut être achetée
në Ni par la Pourpre , ne par l'or.
Un magnifique Train , le Crédit , la Richesse ,
Inutiles secours , ne banniront jamais ,
Les Chagrins , les ennuis qui voltigent sans cesse
Autour des superbes Palais.
Celui- là vit heureux , qui frugal et modeste ,
Est content d'un repas simple et sans appareil
Qu'un sordide desir , qu'une crainte funeste ,
N'éloignent jamais du sommeil.
Pourquoi
MARS. 1733- 499
Pourquoi tant de projets avec si peu de vie ?
Dans un autre Climat pourquoi nous transporter?
Quél homme assez heureux , en fuyant sa Patric
A pû soi- même s'éviter ?
Dans les riches Vaisseaux le noir souci demeure
Pour y gêner sans fin l'avare Nautonnier.
Plus leger que le Cerf, plus rapide que l'Eure
Il suit par tout le Cavalier ,
Occupez du présent , sur l'avenir tranquilles à
Sçachons par le plaisir temperer la douleur :
Au surplus , renonçons à des soins inutiles :
Il n'est point de parfait bonheur.
M
Achille , jeune encor termine sa carriere :
Tithon accablé d'ans , languit foible et miné¿
Et ce que le Destin refuse à ta priere ,
Me sera peut-être donné.
M
Tandis qu'à cent Troupeaux tu fournis la pâture
Que pour traîner ton Char ces Coursiers sont
nourris ,
Et que de ton habit la superbe teinture ,
Attire les regards surpris.
La
388778
500 MERCURE DE FRANCE
La Parque favorable , avec un bien modiqué ,
*
Du Chantre de Lesbos m'accordant le talent ,
Entretient en mon ame un mépris héroïque ,
Four le vulgaire petulant.
* Alcée , Poëte Lyrique , qu'Horace a imité.
F. M. F.
LETTRE de M. C. Avocat au Parlement
de Normandie , écrite à M...
au sujet de quelques Epithetes et Qualifications
singulieres , & c.
'Etude des Loix et le tumulte du
Barreau , ne m'empêchent pas ,
Monsieur
, de donner toujours quelque tems
à une certaine Litterature agréable , qui
en instruisant , délasse des études sérieuses
qu'éxige notre Profession . Vous m'avze
envoyé un peu tard le Mercure * dans lequel,
à l'occasion d'un Extrait de la Bibliotheque
Italique , les Auteurs de ce Journal
ont donné un dénombrement des Académics
d'Italie , surtout de celles qui ont
pris des noms tout-à- fait bizares . Je vous
avoue que cette lecture m'a beaucoup
• Mercure de Janvier 17 32. page 123.
réjoui ,
MARS. 1733
Sor
réjoui , et que n'en déplaise à ces Messicurs
du Mercure , qui veulent qu'on
garde là- dessus le sérieux. Risum teneatis
Amici , j'aurai bien de la peine de ne
pas rire un peu des noms de Mrs les En- `
dormis , les Immobiles , les Fantasques , les
Etourdis , les Opiniâtres , les Insensez , les
Enchainez , les Absurdes , & c.
Il est vrai que la Lettre d'un habile
Italien , rapportée sur ce sujet dans le
même Livre , engage à suspendre son jugement
, et à présumer que les noms en
question n'auront pas été donnez au hazard
par des Iraliens , naturellement spirituels
et par des Italiens Gens de Lettres.
En attendant qu'il vienne là- dessus quelbonne
instruction de l'Italie même ,
que
comme il semble qu'on le fait esperer
dans le Mercure , j'ai pensé qu'il ne seroit
peut-être pas impossible de trouver
des exemples de pareilles ou d'approchantes
Qualifications hors de l'Italie ,
en France même , où je sçai qu'en certains
Cantons les Epithetes burlesques ct les
sobriquets ont été et sont peut- être encore
en vogue ; mais où chercher ces
preuves et ces autoritez je vous en laisse
le soin , Monsieur , yous qui êtes le maître
de tout votre temps et qui ne manquez
ni de curiosité ni de lumieres.
Je
502 MERCURE DE FRANCE
Je vous dirai cependant ce que j'ai
trouvé depuis peu là- dessus , sans le cherchet
et en feuilletant un Livre des plus
sérieux qui puissent tomber entre les
mains d'un Avocat ; cela justifiera d'ail
leurs ce que je viens de vous dire des
Sobriquets plaisants et des Qualifications
burlesques , usitées dans plusieurs endroits
du Royaume . Ce Livre est celui
dont voici le Titre : OBSERVATIONS et
Maximes sur les Matieres Criminelles ,
Avec des Remarques , & c . Par M. Antoine
Bruneau , Avocat au Farlement. 1 .
vol. in 4. Paris , chez Guill. Cavelier
fils , 1715.
Une Procedure Criminelle dont je
suis chargé , m'engagea de lire cet Auteur
, et je trouvai dans la I. Partie
T. XXIII . De la maniere de faire le Procès
aux Communautez des Villes , Bourgs
et Villages , Corps et Compagnies , ce qui
suit , page 215 .
» Je n'ai point prétendu parler de ces
Societez burlesques des Pertantineux à
» Paris , de ceux d'Orleans de la Poule
» à quatre oeufs , des Enfans de quatre
» heures à Amiens , des Goulifats à Mon-
» targis , des Mirandolins de Joigny , de
» la Gueuse à Boulogne - sur - Mer , et à
>> Montreuil des Enfans de la Lune , et
>> de
MARS. 1733 .
de la Messe de Minuit à Clermont en
593
» Auvergne ; à la fin de cette Liste réjouissante
, l'Auteur cite Jover , en sa
Bibliotheque , in verbo , Jeux de hazard ;
il cite aussi , mais je n'en vois pas bien
l'application , le III. L. des Instituts
Tit, 26. de Societate , quale de illicitis factionibus
timeri solet.
Si vous vous embarquez dans cette Recherche
, observez , s'il vous plaît , que
M. Bruneau s'appuye aussi un peu auparavant
, de l'autorité de Cujas , qu'il cite
de cette maniere , Sunt quarum usus , & c.
Recherches de la France et de celle de
Mezeray , dans l'Histoire de Clotaire I.
lesquels ont , dit il , parlé de l'origine de
notre Langue , et dans l'Histoire de Phi
lippe Auguste , de l'origine des Noms,
Vous verrez quel rapport tout cela peut
avoir au sujet en question ; car encore
une fois , je n'ai pas le temps
d'entrer
moi- même dans cette discussion , qui ne
consiste pas tant à rapporter
des cxemples
de pareilles dénominations , qu'à en
découvrir l'origine ou la cause , ce qui
peut fournir des Faits anecdotes et servir
même à l'Histoire generale et partiliere.
Je suis , Mousieur , & c.
A Paris le premier Février 1733 .
LA
504 MERCURE DE FRANCE
La Pipe et le Moucheron , sont les mots
des deux Enigmes du mois de février.Les
deux Logogriphes doivent s'expliquer par
Trente et Collier.
ENIGM E.
Venez ,Iris , que j'orne votre scia ;
Quoique je sois d'une couleur fort brune ,
Ma beauté n'est pas si commune ,
Plus d'un Mortel me cherche le matin .
Je dois ma naissance à l'Aurore ,
Et peut-être je suis un des premiers présens ,
Que ses larmes fassent éclore ,
Je
Pour exciter un de vos Sens.
ENIGME-LOGOGRYHE
E suis à tous Vivans funeste et favorable ;
On me trouve souvent dans l'eau ;
Je ne fus jamais agréable ,
Cependant en Latin on peut me trouver beau ;
Pourvu qu'on me tranche la tête ;
Pour mon ventre , daignez lui préter un zero
Vous y verrez une méchante bête ,
Un Loup; en le nommant , c'est la féve au gâteau›
Mais
MARS.
505 17338
Mais non ; mes pieds encore augmentent le mistere
,
J'en ai quatre qui font la moitié du Chrétien ;
Voilà dequoi rêver sur nouveau frais ; oh bien ,
Devine si tu peux , Lecteur , c'est ton affaire.
**
LOGOGRYPHE.
N peut prendre mon tout d'une double maniere
;
Dans l'une je galoppe avec legereté ;
Dans l'autre de Métail , je deviens meurtriere ,
Si je ne donne de côté ;
De mes cinq pars retranchez la finale ,
Et celle qui tient le milieu ,
Je prends effrontément la place principale ,
Et me campe au milieu du feu.
Rognez encore un peu , je suis une Riviere ,
Fameuse par le sort d'un jeune témeraire.
Cherchez-moi bien , Lecteur , vous me tiendrez
dans peu.
De
AUTRE.
E plusieurs animaux je suis la nourriture ;
Le Villageois souvent n'a de moi qu'à demi :
Maint Cavalier , pour trouver avanture ,
Me cherche en Pays ennemi.
De mes sept parts prenez les trois premieres ,
Vous trouverez un attribut ,
E Qui
5c6 MERCURE DE FRANCE
Qui convient en mille manieres ,
A tous Poëtes de rebut ,
A tous Soufleurs et suppôts de Musique ;
Qui tous dans la cervelle ont quelque vertigo ;
Joignez -y la suivante , et dans l'Histoire antique, ·
Vous verrez que dans moi chanterent à gogo ,
Midrac , Sidrac , Abdenago ,
Et que plus d'un Métier me place en sa Boutique,
Mettez ces quatre à part , les trois qui resteront ,
Forment ce que chacun porte écrit sur son front,
Et que de cacher on se picque ,
Quoique le divulguer ne soit point un affront.
Remettez mon tout à sa place ,
Et vous verrez que deux , quatre , cinq , six en
sept ,
D'une juste frayeur est souvent le sujet.
}
Un , deux , quatre , six , sept , à des gens pleine
de crasse ,
Fait suivre nuit et jour le Métier de Vulcain..
Deux , quatre , six , sept , est un grain ;
Et deux , quatre , un Métail qu'avec soin Po
entasse,
AUTRE LOGOGRYPHE.
JE
E suis en vous ce qui vous fait connoître ;
Objet aimable ou peu charmant,
Un membre à part , ce changement ,
Exprime un Fruit que vous aimez peut- être,
L. H. D.
MAR S. 1733. 507
~
NOUVELLES LITTERAIRES
Bo
DES BEAUX ARTS , &c.
IBLIOTHEQUE RAISONNE'E des
Ouvrages des Sçavans de l'Europe ,
T. VI. et VII . de 482. pages chacun ,
sans les Tables , pour l'année 1734. A
Amsterdam , chez les Wetsteins et Smith,
M. DCC. XXXI.
Nous allons faire connoître quelques
Ouvrages dont on trouve les Extraits
dans ce Recueil.
AMENITEZ DE MEDECINE , où l'on décrit
son origine , ses progrès , son excellence
, sa necessité , son usage , les récompenses
, les honneurs et les privile
ges accordez aux Medecins. On y examine
encore si la Médecine a été autrefois
une étude qui n'appartenoit qu'aux
Esclaves. Par Dan . Vink. A Vtrecht ,
1730. in 8. de $ 28. pages , sans l'Epitre
Dédicatoire , la Préface et la Table. L'Ouvrage
est en Latin.
Pour donner une idée de ce Livre et de
l'Extrait du Journaliste , nous emprunterons
ce raisonnement de la page 121 .
L'obe E ij
1508 MERCURE
DE FRANCE
L'objet de la Medecine est l'Homme ,
le plus noble de tous les Animaux , qui
a été fait à l'Image de Dieu , son Créateur
, de qui il a reçû un Empire absolu
sur toutes les autres Créatures. Une autre
raison qui prouve encore cette excellence
, c'est que la fin de la Medecine est
la santé , le plus grand de tous les biens.
Supposez , dit l'Auteur , qu'un homme
soit élevé aux honneurs , qu'il jouisse des
plaisirs et des richesses ; supposez même
qu'il possede la plus belle de toutes les
femmes , et qu'il ait une vaste connoissance
de tous les Arts et de toutes les
Sciences ; il n'en sera pas pour cela plus ,
heureux , si la santé lui manque, Il reste
donc à conclurre que la Médecine est préferable
à tous les autres Arts , et qu'il n'y
a rien dont les Hommes doivent faire
plus de cas. Mais on est bien éloigné de
porter ce jugement , dès qu'on vient à
reflechir sur les abus qui se commettent
aujourd'hui dans la Médecine, Ces abus
sont en si grand nombre et de telle consequence
, qu'il seroit avantageux au Genre
Humain , que personne n'exerçât cette
Profession , et qu'on laissât plutôt agir la
Nature toute seule. De cent personnes
qui s'ingerent de prescrire des Remedes,
n'y en a peut-être pas dix à qui on
dûr
MARS. 1733. 509
dût se confier. Les femmelettes , les Barbiers
, les Apotiquaires , et sur tout les
Empiriques , sont à present ceux qui ont
le plus de vogue. Ces gens- là qui n'ont
ni étude ni principes , sont , pour l'ordinaire
les premiers à donner leurs avis ,
et le Peuple qui n'est pas en état d'examiner
ce qu'on lui propose, n'a recours
aux Médecins qu'à l'extremité , et lorsque
la Nature n'est plus en état de seconder
les Remedes. L'Auteur pouvoit
employer ici l'Epigramme connuë d'un
Poëte Anglois.
Fingunt se cuncti Medicos Idiota , sacerdos ,
Fudaus , Monachus , Histrio , Rasor , Anni,
Une chose qui rend la Médecine moins
estimable, c'est qu'après tant d'experiences
qu'on a faites dans tous les siecles , et
malgré tous les sistêmes qui ont été inventez
depuis quelques temps , on n'est pas
encore convenu de la Méthode qu'il seroit
à propos de suivre dans le traite
ment d'une seule maladie.
On lit à la page 134. que Mithridate
Roy de Pont , n'étoit pas moins curieux
de la Médecine qu'Attalus. Dès que Pompée
se fut rendu maître du Palais de ce
Prince , il fit foüiller dans toutes ses Cas- .
settes et ses Cabinets , et on y trouva
E iij plu310
MERCURE DE FRANCE
plusieurs Livres qui contenoient des se
crets contre la plupart des Maladies. Ce
qui engagea ce General de donner ordre
à Pompeius- Lenæus , son Affranchi ,
de traduire ces Livres en Latin , afin que
le Peuple Romain pût faire usage de ces
Remedes . Il y avoit entre autres Remedes
le fameux Antidote qui porte le nom
de ce Roy , et qui consistoit en 20. feüilles
de Rue , un grain de Sel , deux Noix
et deux Figues seiches. C'étoit là tout le
secret. Il falloit piler ces Drogues avec
du vin et prendre le Remede tous les
matins à jeun.
L'Auteur avoit observé plus haut , au
sujet de l'Anatomie , que du temps d'Aristote
on n'avoit encore dissequé que
des bêtes , et personne n'avoit osé fouiller
dans les Corps Humains , qu'on regardoit
comme quelque chose de sacré
Dans la suite , les Rois passerent par dessus
le scrupule qu'on s'étoit fait jusqu'alors
, et ils accorderent aux Medecins les
corps des Criminels qui avoient été suppliciez
. Il y a même des Auteurs qui
prétendent qu'on remit entre les mains
d'Erasistrate et d'Hérophile, plusieurs de ces
malheureux pour les dissequer tout vifs ;
afin qu'on pût découvrir des choses qu'il
n'étoit pas possible de découvrir autrement.
Sur
1
MARS. 1733- Sti
Cela étoit fondé sur la coûtume que certains
Peuples avoient d'exposer les Mala
des dans les Carrefours et dans les Places
publiques. Cette méthode , qui étoit fort
simple, s'est, dit- on , pratiquée long -temps
chez les Babyloniens , les Assyriens et les
Egyptiens. Les Babyloniens, dit Herodote,
font porter les Malades dans les Places
publiques , afin que les Passans qui les
voyent, et qui ont eu une maladie sembla
ble à la lueur , ou qui ont vû quelqu'un
malade, leur donnent conseil et les encouragent
à pratiquer ce qu'eux- mêmes ont
pratiqué avec succès en de semblables
cas ; ensorte qu'il n'est permis à personne
de passer auprès des Malades sans s'informer
de leurs maladies .
LES VOYAGES et Avantures du Capitaine
Robert Boyle , &c. traduit de l'Anglois.
A Amsterdam , chez les Wetsteins
et Smith , 1730. deux volumes in 12. de
341. pages pour le premier , et 276. pour
le second , sans la Table , la Préface et .
PEpitre Dédicatoire au Chevalier Guill .
Jonge , Commissaire de la Trésorerie et
Chevalier du Bain.
HISTOIRE DE LA MEDECINE , depuis le
commencement du Monde jusqu'à l'an
É iiij
de
412 MERCURE DE FRANCE
de Rome DXXXV. par M. Schulze ;
Docteur en Medecine et Professeur public
à Altorf, Membre de l'Académie
des Curieux de la Nature . A Leipsik,
&c. 1728. in 4. de 437. pages . L'Ouvrage
est en Latin.
Entre diverses Remarques que fournissent
les détails de la Médecine des
Malabares , disent les Journalistes , page
177. nous nous bornerons à une seule ,
qui regarde les grands Privileges qu'ont
les Prêtres de cette Nation. Il n'y a aucun
Clergé en Europe qui en possede
d'aussi considerables.
Car ceux-là sont tout à la fois d'une
maniere despotique , Médecins de l'ame
et du corps. Maîtres absolus des consciences
, ils les dirigent à leur gré . Préparateurs
des Remedes qu'il leur plaît d'employer
, ils n'ont personne à qui en
rendre compte. Joignez à ces avantages
une troisiéme prérogative dont jouissent
les principaux d'entre eux ; c'est d'avoir
un droit à cette faveur de leur Souveraine
, à laquelle les Epoux seuls parmi
nous peuvent prétendre. Voici comment
s'exprime sur ce point un Géographe
François Les Bramins ont un employ
» assez étrange , puisque l'un des principaux
est obligé de passer la premiere
:
» nuit
MARS. 1733 513
nuit avec la Reine quand elle est mariée
, et il y a beaucoup d'apparence
»que le plus vieux n'est pas ordinaire-
» ment choisi. Le Roy envoye la valeur
» de 4. ou 500. ducats pour cette fatigue,
>> et quand il est prêt de voyager , il
» confie ses femmes à l'un de ces Prêtres
» qui contribue , autant qu'il le peut , à
les consoler de son absence . Les Fils ›
>> ne succedent point par cette raison ,
» parce qu'ils pourroient bien n'être pas
» du Sang Royal , mais après la mort du .
» Roy , on prend le fils de sa Soeur pour
» remplir sa place , & c.
Les Grecs ne se bornerent point , uniquement
à la Médecine Pharmaceutique .
ils tirerent encore parti des exercices qui ,
étoient en vogue parmi eux , pour en
former une Médecine particuliere que.
nous nommerons Médecine Gymnastique,
qui consistoit dans l'Art de s'exercer pour
la santé , et dont on attribue l'invention .
à Herodicus ou Prodicus , contemporain
et Précepteur d'Hippocrate.
Tous les Exercices relevoient de la Médecine
, en ce qu'ils étoient d'abord dirigez
par des Médecins , les principales
Villes et les Académies un peu celebres,
se faisant un Titre d'en avoir un , qui eut
inspection sur ces exercices. Dans la suite,
E v di514
MERCURE DE FRANCE
diverses personnes , sans avoir étudié la
Médecine , usurperent cette Charge , et
non seulement se chargerent du soin qui
regardoit les Bains , les Frictions , les Oignemens
, mais même entreprirent de
panser les blessures et de remettre les
membres disloquez.
Ces gens - là étoient ceux qui dans les
commencemens ne s'acquittoient de ces
sortes de fonctions , que selon les Ordonnances
des Médecins , lesquels on nommoit
pour cette raison , Aliptas , Baigneux
Reunctores , Oigneurs; gens de
condition basse et servile , de qui Pline
parle , quand il dit que Prodicas procura
le premier un bon revenu aux Domestiques
qui oignoient . Ceux d'entr'eux qui
s'acquirent quelque expérience en ce
genre , s'arrogerent peu à peu le Titre de
Médecins oignans , puis enfin celui de
Médecins proprement dits. La chose fut
portée si loin , à la honte des vrais Médecins
, qu'on acheta à bas prix plusieurs.
Esclaves , qui dans leur service avoient
appris cet Art , pour exercer cet emploi
chez les Grands Seigneurs de Rome. D'où
est venu le reproche de condition abjecte
, dont on a assuré qu'étoient autrefois
les Médecins parmi les Romains ; ce
qu'on ne peut neanmoins prouver que de
ceux
MARS. 1733 .
Sis
ceux qui portent parmi nous le nom de
Baigneux , lesquels répondent parfaite
ment aux Baigneux de ce temps - là.
RECUEIL de Discours , sur diverses matieres
importantes ; traduits ou compo
sez par J.Barbeyrac, Professeur en Droit ,
dans l'Université de Groningue. Il y a
joint un Eloge historique de feu M.Noodt,
en 2 tom. in 12. dont le 1er . contient en
tout 417 pag. et le 28 344. A Amsterdam,
chez P. Humbert , 1731.
Dans la Dissertation sur les Duels , on
fait d'abord une énumeration des différentes
sortes de Duels ou Combats singuliers
, et des diverses causes pour lesquelles
on en est venu à ces combats
chez différentes Nations , selon ce que
l'Histoire nous en apprend . On en trou
ve jusqu'à onze sortes , dont la derniere
est le Duel , qu'on se propose de com
battre , ou celui, qui se rapporte à la repa
Fation d'honneur.
Cette espece de Duel étoit absolument
hors d'usage , non seulement chez les
Grecs et les Romains , mais encore chez
les Egyptiens , et les anciens Peuples de
PAsie. Il doit uniquement son origine à
des Peuples barbares , venus des Parties
Septentrionales de l'Europe , qui ne pau-
E vi
vans
516 MERCURE DE FRANCE
vant souffrir la discipline des Loix , ou
des Magistrats , vouloient décider toute.
sorte de differents à la pointe de l'épée.
Delà nâquit le Duel , qu'on introduisit
pour se purger de quelque crime , dans la
pensée que Dieu déclareroit par l'évé
nement du combat , qui avoit raison du
Diffamateur , ou du Diffamé .
Les Lombards porterent en Italie cette
mauvaise coutume ; et les autres Peuples
du Nord l'introduisirent dans tous
les Païs , au dedans et au dehors de l'Empire
Romain , où ils s'établirent ; les Saxons
, par exemple , en Angleterre. On
fit des Loix là- dessus aussi sérieusement
que s'il se fut agi de la chose du monde
la plus raisonnable et la plus légitime.
Lorsque le Droit Romain eut été remis
en vogue , les Commentateurs tâcherent
d'y trouver de quoi autoriser le
Duel. A cela se joignirent les Croisades ,
et l'institution des Ordres de Chevalerie.
Ces Chevaliers vinrent à former des Regles
du point d'honneur . Les Jurisconsultes
traiterent cette matiere comme une
partie de la Jurisprudence ; d'autres, comme
une science particuliere et toute nouvelle
; cela produisit une infinité de Livres
sur le Duel , sur la science de la Chevalerie,
comme parlent les Italiens , et sous di-
<
vers
MARS. 1733 2 517
vers autres Titres semblables ; on en pourroit
composer une Bibliotheque , et quelques-
uns étant devenus rares aujourd'hui,
il s'est trouvé en Italie des Gens qui ont
promis d'en faire imprimer un Recueil
de dix volumes in fol.
-
Il est facile de montrer combien l'usage
du Duel est contraire à la raison , à
la Loy naturelle , et sur tout aux maximes
de la Religion Chrétienne ; aussi suppose
t'on cela , comme suffisamment
démontré par divers Auteurs . La grande
difficulté consiste à trouver les moïens de
déraciner de l'esprit des Sots , dont le
nombre est fort grand , le préjugé du
point d'honneur , qui empêche que toutes
les Loix les plus sévéres , faites jusqu'icy
, contre cette mode pernicieuse ,
ne soient assez efficaces pour l'abolir.
M. Flicher veut qu'on tire le remede du
mal même , et que l'on retienne par la
crainte d'un plus grand deshonneur
ceux qui croïent être deshonorez , s'ils
n'ont recours au Duel . Il faudroit, dit- il ,
faire des nouvelles Loix, qui exposassent
les contrevenans au mépris et à la risée
publique ; ordonner , par exemple , que
les Corps de ceux qui auroient été tuez
en Duel , fussent traitez de même que
ceux des Criminels , punis du dernier
sup318
MERCURE DE FRANCE
supplice ; deffendre de porter les Armes
aux Duellistes , à qui on auroit fait grace
de la vie ; et cela , sous condition que
s'ils les portoient depuis , leur pardon
deviendroit nul ; exclure de tout emploi.
Militaire ceux qui auroient appellé quelqu'un
en Duel , ou qui auroient rêpondu
à l'appel ; en un mot , faire ensorte
que de telles gens , qui , par une pure folie
, auroient ainsi violé les Loix de la
Société humaine , fussent désormais bannis
de la Société et du commerce des
Sages.
REFUTATION des Erreurs de Benoît
de Spinosa , par M. de Fénelon , Archevêque
de Cambray , par le P. Lami , Bẹ-
nedictin , et par M.le Comte de Boulain .
villiers , avec la Vie de Spinosa , écrite
par M. Jean Colerus , Ministre de l'Eglise
Luthérienne de la Haye ; augmentée
de beaucoup de particularitez , tirées d'une
Vie manuscrite de ce Philosophe , faite
par un de ses amis. A Bruxelles , chez
François Foppens , 1731. in 8º .
TRAITE' de la sûreté des Grands Chemins
, divisé en trois parties , par M.Everard
Otton , Jurisconsulte et Professeur ;
in 8. de $70 pag. A 2 chez Ofmans
et
MARS.
1733 F19
et Bosch , 1731. L'Ouvrage est en Latin.
L'UTILITE , LA VE'RITE' et L'EXCELLENCE
de la Révélation Chrétienne , def
fendues contre un Livre publié depuis
peu , qui a pour Titre : La Religion Chré
tienne , aussi ancienne que la Création, &c.
ParJacques Foster ; en grand in 8. pages
367. sans la Préface ; seconde Edition, augmentée
d'un Postscript. A Londres , chez.
J. Noon. 1731. L'Ouvrage est en Anglois
.
SUPPLEMENT à un des Ouvrages ,
faits pour la deffense de la validité des
Ordinations Anglicanes , pour servir de
derniere réponse au nouvel Ouvrage du
P. le Quien , et aux Censures de quelques,
Evêques de France. Par le P. le Courayer,
Chanoine Régulier de Sainte Géneviéve.
A Amsterdam, 1732. in 12. pag. 636. sâns.
la Préface et les Preuves.
IMAGES DES HEROS et des Grands
Hommes de l'Antiquité, dessinées sur des
Médailles , des Pierres antiques , et autres
anciens Monumens , par Jean- Ange
Canini , gravées par Picart le Romain , &c.
avec les Observations de Jean - Ange et
Marc- Ant. Canini ; données en Italien
ر و پ
Sur
320 MERCURE DE FRANCE
sur ces Images , diverses Remarques du
Traducteur , et le Texte Original à côté
de la Traduction . A Amsterdam, chez B..
Picart et J. F. Bernard , 1731. in 4. pag.
377. et 115. Figures .
On apprend icy que cet Ouvrage parut
en 1669. in fol. que Jean- Ange Canini
joignoit à une assez grande connoissance
de l'Histoire ancienne et de la Mythologie
, le talent de dessiner les Pierres gravées
, et les Médailles avec une légéreté
de main admirable , qu'il avoit sur tout
l'art, peu commun , de conserver toute la
finesse des airs de tête de l'antiquité, & c.
Entre un grand nombre de Portraits
d'Alexandre , que Canini avoit dessinez ,
il en choisit quatre , préférablement aux
autres , tant à cause de la différence des
traits du visage , que parce qu'il n'y en a
pas un qui ne lui fournisse l'occasion de
faire part à ses Lecteurs de recherches
curieuses ; il fait d'abord quelques réfléxions
sur la délicatesse de ce Prince , qui 、
ne lui permit jamais de souffrir que des
Ouvriers médiocres travaillassent à rendre
ses traits , et il regrette sur tout le
Tableau d'Apelles , où Aléxandre étoit si
ressemblant ,, que son. Cheval se mit à
hennir à cette vûë , preuve évidente qu'il
reconnoissoit son Maître. Cette Histoire ,
rap
MARS: 1733. Str
rapportée un peu trop légérement par
Pline , mais digne de tenir sa place parmi
les Fables , dont l'Histoire diverse d'Elien
est remplie , prouve au moins l'idée
qu'on avoit de l'habileté du Peintre,et ne
permet pas de douter qu'il n'eut réussi à
attraper la Physionomie d'Alexandre.
I
Nous avons omis de dire quelque chose
d'un Article curieux , qui est le dernier
des Nouvelles Litteraires de la premiere
Partie du 1 vol. du Journal , dont nous
rendons compte. Cet article est datté de
Constantinople , et regarde l'Etablisse
ment , les progrès et les productions de
la nouvelle Imprimerie,établie dans cette
Capitale de l'Empire Turc. Les principales
circonstances de ces choses se trouvent
aussi dans le Journal des Sçavans , mais
écrites avec plus d'exactitude ; et nous
avons aussi fait part au Public de ce qui
nous est venu à droiture de Constanti
nople , sur le même sujet. Il est à propos
que plus d'un Journal fasse mention d'un
Evenement si singulier , et qui interesse
toute la République des Lettres. Les Livres
les plus considérables dont on fait
mention icy , qui sont nouvellement
sortis de cette Imprimerie , et dont on
marque le prix , sont :
Tarichi
322 MERCURE DE FRANCE
Tarichi Missiri gadin - vve gedid , ou
Histoire des Antiquitez d'Egypte , & c.
On y trouve aussi l'Histoire de tous les
Princes qui ont regné dans l'Egypte ,
jusqu'à la Conquête des Turcs , &c. Le
prix est de trois Piastres .
Gulseni Chalefa. Le Chapelet des Califes
, par Naimi Radé. On rapporte l'origine
et l'Histoire de Babylone , avec celle
des Princes qui y ont regné depuis l'an
127. de l'Hégire , 744. de J. C.
que le
premier Califes des Abassides commença
à regner jusqu'à l'an 1130. de l'Hégire ,
1717. de J. C. que regnoit le Sultan Achmet
, Empereur des Turcs .
On avertit dans le même Article, qu'on
va travailler dans cette Imprimerie, à un
Atlas Turc , Ouvrage d'un Mahometan
moderne, qui traite de l'Histoire et de la
Géographie de tous les Etats de l'Asie.
On ajoutera un Livre de Mathématique ,
avec Figures , une Mappe - Monde , et les
Cartes Generales des 4 Parties du Monde,
la Carte de l'Egypte , et une autre des
Royaumes et des Provinces de l'Asie.
Au reste il y a bien des fautes dans tout
cet Enoncé , soit de la part du Journaliste
, soit de celle de l'Imprimeur ; nous
venons de corriger la plus considérable ,
qui se trouve au bas de la pag. 236. où
pour
MARS. 1733 . 523
,
pour dire le premier Calife des Abassides
on a imprimé des Abissins ; dans la page
précédente , Mehemet Tixclebi pour
Tchelibi. Holdemian , pour Holderman ,
nom d'un R. P. Jesuite , page 237. &c.
Enfin on fait Achmet III, qui vient d'être
détrôné , le 115. Empereur des Turcs,
qui n'est tout au plus que le XXVII .
LA RELIGION DEFFENDUE , Poëme.
Brochure in 8. de 46. pages , 1733.
Rien n'est plus loüable et plus digne
d'un Poëte Chrétien , que le sujet de ce
Poëme , auquel une autre Piece de Poësie
d'une trempe toute differente , qui
n'a trouvé aucun Approbateur parmi les
honnêtes Gens , a donné lieu . Il paroît
au contraire que celle- cy a été goutée
de tous les Gens de bien et de plusieurs
Connoisseurs , à la tête desquels nous
n'hésiterons point de mettre M.leCardinal
de Polignac , dont le suffrage est important.
S. E. ne s'est pas contentée de loüer
le Poëme , mais nous apprenons qu'elle
s'est fait un plaisir d'en distribuer plusieurs
Exemplaires. La Piece mérite
en effet cette distinction. L'Auteur ,
que nous sçavons être un homme du
monde , connu par d'autres Ouvrages
y répond exactement à l'Epitre à Uranie,
em
524 MERCURE DE FRANCE
en ornant des agrémens de la Poësie les
preuves sensibles et invincibles de la Religion
Chrétienne . Donnons ici quelques
de ce que nous venons de dire preuves
par deux ou trois Endroits de ce Poëme,
dont le commencement est tel.
Un Lucrece nouveau prétend que ton Génie ,
De la Religion sonde la verité :
J'y consens , sçavante Uranie
La Foi de la Raison ne craint point la clarté.
Mais ne présumons pas de notre intelligence ,
Que tout à ses efforts soit pleinement ouvert.
Nous jugeons des faits seuls et de leur évidence
Et le reste est pour nous de tenebres couvert.
Ces Globes enflamez qui roulent sur nos têtes ,
Et ceux qui des premiers empruntent leur splen
deur ,
Mon esprit veut avec ardeur ,
>
Les mettre au rang de ses conquêtes ;
Il n'apperçoit de ces grands Corps ,
Que les mouvemens , l'ordre etles divers rapports
Mais leur harmonie admirable ,
Le ressort qui les meut , et leur germe
Sont un abyme impenetrable ,
Qui me surpasse et me confond.
fécond ,
Le Poëte passe ensuite à la connoissance
de l'Homme , et s'exprime ainsi :
Si
MARS. 1733.
525
Je n'ose m'observer , eh ! que suis- je moi-même ?
Prodige merveilleux , autant qu'il est commun !
Deux Etres distinguez qui n'en composent qu'un,
Vivant et sublime Problême ;
Deux Etres ennemis qui font societé ,
Deux Etres assortis qui souvent sont en guerre ;
Un Atome enchaîné dans un coin de la Terre ,
Comme un point de l'Immensité ;
Un Esprit qui , brisant le joug de la matiere ,
Par sa grande velocité ,
unit dans un moment à la Nature entiere
Se plonge dans l'infinité ,
Et par les plus sûrs témognages ,
Trouve enfin la Divinité ,
Peinte et cachée en ses Ouvrages .
De l'Ame avec le Corps je connois l'union ,
Je sens l'alternative étrange et réguliere
De leur mutuelle action ;
Mais j'en ignore la maniere,
Puis refléchissant sur ce qu'il vient
d'exposer si noblement , il conclud .
C'est ainsi que nos connoissances ,
Se bornent toutes à des faits ,
Dont nous tirons des conséquences ,
pour nous la Source est sous un voile
Mais dont
épais.
Aces Principes il en ajoûte d'autres
aussi
$ 26 MERCURE DE FRANCE
aussi solidement établis , et il les oppose
en ces termes à la Doctrine erronée de
l'Auteur de l'Epitre à Uranie.
Voilà des Principes sacrés ,
Et d'une éternelle origine ;
Que l'Esprit fort qui t'endoctrine , `
Ou te cache, Uranie , ou n'a point penetrés ,
C'est eux que ta raison doit recevoir pour guides
. Dans l'examen qu'elle entreprend ;
Devant eux passeront de même qu'un Torrent ,
Ces Vers bien cadencés , mais de sens toujours
vuides ,
Qui du Dieu des Chrétiens font un Monstre
odieux .
De ton Lucrece alors les routes détournées ,
Par toi seront abandonnées ,
Et le sentier du Christ plaira seul à tes yeux.
Nous sommes forcez par la necessité
de nos bornes , de nous arrêter là et de
ne pas suivre le Poëte Chrétien dans le
reste de son Ouvrage , qui contient proprement
l'Histoire abregée et une Apologie
solide de notre sainte Religion ;
on y trouve des traits charmans et lumineux
, avec une réfutation , toujours
invincible , des Argumens proposez par
l'Esprit d'erreur et de mensonge.
Nous ne sçaurions omettre en finissane
MARS. 1733 527
sant , que rien n'est plus heureusement
développé que le salutaire Mystere de
la Grace , exposé , suivant la Doctri
ne de l'Eglise : la bonté et la justice de
Dieu y sont conciliées selon le même esprit
; et le Poëte termine enfin cette importante
matiere , et tout son Ouvrage ,
par ces Vers cy , que le temps où nous
sommes , particulierement consacré à la
Religion et à la pieté, rendra encore plus
dignes dattention.
Aces fideles traits reconnois , Uranie ,
Le Dieu qu'adorent les Chrétiens,
Non , ce n'est point ce Dieu qui dans sa tyrannic
Des vertus qu'il prescrit nous ôtant les moyens ,
Nous punit de sa barbarie ;
Ce Dieu plein de fureur en son aveuglement ,
Ce Dieu ridicule et volage ,
Qui n'agit qu'au hazard et toujours se dément ;
Tel enfin que l'Impie en a tracé l'image.
Notre Dieu , juste , égal et rempli de bonté,
N'ordonne rien qu'il n'aide à faire ,
Ne punit que l'iniquité ,
Se donne à la vertu lui-même pour salaire ,
Et sa sagesse éclate en tout ce qu'il opere.
Pour un Dieu qui n'a pas limité ses bienfaits ;
Oserions-nous borner notre reconnoissance ?
Soyons de son amour embrasez à jamais ;
Qu'il
28 MERCURE DE FRANCE
Qu'il soit toute notre esperance .
Si nous devons l'aimer , nous devons le servir
Dans la Religion qu'il établit lui- même ,
Afin que nous puissions ravir
La Palme du bonheur suprême.
Sans doute que de l'homme un si juste retour
N'acroîtra point de Dieu la gloire ou la puissance.
Mais il a mis sa complaisance ,
Dans ce tribut de notre amour.
Tout autre culte est un outrage
Qui le rend contre nous un Juge rigoureux ;
Et la forme de notre hommage
Lui fait seule adopter nos vertus et nos voeux .
L'ART DE MONTER A CHEVAL , OU
Description du Manége moderne , écrit
et dessiné par le Baron d'Eifemberg ;
il y a 60. Planches , toutes gravées par
B. Picart. Le prix est de 12. florins en
petit papier , et de 18. florins en grand .
A la Haye,chez Gosse et Neaulme , in fol.
PRINCIPES DE L'HISTOIRE , Contenant
les Elemens de la Chronologie ; un petit
Traité de la Sphere et du Globe Terrestre
, pour servir d'Introduction à la
Géographie , accompagné de la division
Géographique et Historique de l'Empire
la
MAR S. 1733 529
Romain en ses Provinces . L'Abregé de
la Vie des meilleurs Historiens , avec un
Jugement sur leurs Ouvrages. Quelques
Refléxions sur l'usage de l'Histoire et
sur la maniere de l'étudier utilement .
Une idée generale du Gouvernement
des principaux Etats de l'Europe , anciens
et modernes. Par M. de Juvenek. A Paris
, chez Barth. Alix , ruë S. Jacques ,
1733.
>
DICTIONNAIRE ABREGE DE LA FABLE ,
pour l'intelligence des Poëtes et la connoissance
des Tableaux et des Statuës , dont
les Sujets sont tirez de la Fable. Par
M. Chompré , Maître de Pension . Seconde
Edition , revue , corrigée et augmentée. A
Paris , chez Jean Dessaint , rue S. Jan de
Beauvais , 733. in 12. de 278 pages.
Cet Ouvrage est considerablement augmenté
, quoique la petitesse du volume et
du caractere qu'on a employé dans cette
seconde Edition , semble ne le pas annoncer
d'abord. M. Chompré dit dans 1 Avertissement
qui est à la tête , qu'on a donné
cette forme au Livre , afin qu'on puisse
le porter sans embarras , lorsqu'on voudra
faire usage du peu d'Iconologie qu'il
y a répandue , et dont on trouve la clef
dans le même Avertissement. Il paroît
F qu'on
530 MERCURE DE FRANCE
qu'on a imprimé ce petit Ouvrage avec
soin , et il y a lieu de présumer que le
Public ne le goûtera pas moins que le
premier , d'autant plus que l'Auteur a
évité avec attention tout ce qui pouvoit
donner atteinte aux bonnes moeurs , s'é
tant proposé sur tout l'utilité des jeunes
gens à l'éducation desquels il travaille.
Nous ajoûterons que l'Ouvrage peur n'ê
tre pas indifferent aux gens plus avancez
pour se rappeller des traits qui échapent
à la memoire , et qu'on retrouve sur le
champ dans ce petit Dictionnaire.
SPECTACLE DE LA NATURE, & C.
La veuve Etienne , ruë S. Jacques , et
Jean Dessaint , vis - à - vis le College de
Beauvais , viennent d'exposer en vente
la nouvelle Edition de ce bel Ouvrage ,
dont le débit est encore plus rapide que
celui de la premiere . C'est le sort de
tous les bons Livres . On a réimprimé,
le même Ouvrage à Utrech ; mais il ne
paroît pas que cette Edition d'Hollande
soit fort recherchée , parce que celle qu'on
donne ici de nouveau est augmentée de
quatre Planches qui contiennent bien des
figures , et de plusieurs Observations
considerables sur la Cochenille , sur les
Coquillages et en particulier sur les Plantes
MARS. 17337
53Y
dont l'Auteur explique la structure
dans un grand détail.
tes ,
Il promet dans une nouvelle Préface ,
de donner avec le second Tome , un
Supplément pour le premier , en faveur
de ceux qui ont acquis la premiere Edition
. Il répondra à quelques objections
assez legeres qu'on a faites sur le choix
de ses Interlocuteurs , & c.
Une Vignette très - bien inventée et
d'une belle execution , orne le Frontispice
de cette nouvelle Edition. Elle est
de la composition de M. Robert , qui
vient de poser dans l'Eglise des RR . PP.
Capucins du Marais , deux grands Tableaux
qui attirent beaucoup de Curieux.
Le Sujet de cette Gravûre est Salomon
occupé de l'Etude de la Nature. Il s'entretient
sur les Plantes avec un Vieillard , et
lui montre un Arbre qui se meurt, parce
qu'on a fait une entaille dans son écorce,
ce qui empêche que la séve ne puisse refluer
ou circuler vers les racines .
L'inclination du Roy de Judée , marquée
dans l'Ecriture , où ses Ordres lui
attirent des Curiositez naturelles de differens
Endroits . Un Vigoureux Matelot
vient ici lui présenter le Poisson
appellé Scie , à cause de la Scie énorme .
dont il a la tête armée. D'un autre côté un
Fij Egyp532
MERCURE DE FRANCE
Egyptien lui apporte un Crocodile. Un
petit Enfant paroît sur le devant , chargé
d'un panier , rempli de differens Coquillages
qu'il veut aussi présenter ; mais
la vue de l'épouventable Crocodile lui
fait tout tomber des mains , et il se jette
tout éperdu du côté du Matelot , qu'il
saisit par l'habit. Tout sent l'habile main
dans ces differentes expressions , et on
peut dire
que le Frontispice est digne du
Livre.
MEMOIRES pour servir à l'Histoire
des Hommes Illustres dans la République
des Lettres , & c. Tome XIX . de 408.
pages . A Paris , chez Briasson , à la
Science , M. DCC . XXXII.
Dans ce nouveau Volume des Memoires
du R. P. Niceron , executé sur le
même plan de ceux qui ont precedé , on
trouve un abregé de la vie de XXIX.
Sçavans en divers genres d'érudition ,
avec un Catalogue raisonné de leurs Ouvrages
, ce qui fait la matiere d'une lecture
également agréable et instructive ;
on en pourra juger par le nom et le
mérite de ces Sçavans , qui sont ainsi rangez
dans la Table qui suit le Frontispice
' du Livre .
Ambroise Camaldule , Marc Battaglini ,
Olans
MARS. 1733.
$33
Olaus Borrichius , fean de la Bruyere , Joachim
Camerarius, Herman Conringius, Jean
de Cordes , Helene Lucrece Cornara Piscopia
, Quinto Mario Corrado , Sébastien
Corrado , Pierre Danés , Antoine Faure
Claude Faure de Vaugelas , foachim Frideric
Feller , Nicodême Frischlin , Jacques
Goar, Hugues Grotius , Pierre Guilleband
Chrétien Huygens , Thomas James , Engelbert
Kaemfer , Martin Lippenius , Hippolyte
Jule Pilet de la Menardiere , François
de la Mothe le Vayer , Bernardin Ochin ,
Jean- Isaac Pontamus , Jean- Pierre de Valbonnais
, Degorée Whear , Guillaume Xi ,
lander.
Le plus ancien de tous ces Sçavans est
Ambroise Camaldule , qui étant né en
1378. mourut en l'année 1439. C'est aussi
l'un des plus recommandables par sa pieté
et par son Erudition.L'Article qui le concerne
est fort bien rempli , ct le Catalogue
de ses Ouvrages travaillé avec soin .
L'Article de Bernardin Ochin , mort
en 1564. est curieux dans son genre. Ce
Personnage est une espece de Problême,
parmi les Sçavans ; on peut en dire du
bien et du mal sans s'écarter de la verité.
Notre Editeur n'a rien oublié pour débrouiller
tout ce qui regarde Ochin , en
quoi on peut dire qu'il a réussi beaucoup
Fii mieux
634 MERCURE DE FRANCE
mieux que les Critiques qui l'ont precedé
, sans en excepter M. Bayle , qui dans
son Dictionnaire s'est fort égayé sur
son Chapitre. Au reste , loin qu'Ochin ait
été l'Instituteur des Capucins , selon l'erreur
de plusieurs Ecrivains , on soutient
ici qu'il n'entra chez eux qu'en l'année
1534. dans le temps que cette Réforme
de l'Ordre de S. François commençoit
à faire du bruit. On avertit en mêmetemps
que pour être bien et sûrement
instruit au sujet de cet Auteur , il ne
faut point se fier tout- à - fait à l'Ecrivain
des Annales des Capucins.
Parmi les plus modernes d'entre les
Sçavans , dont il est fait mention dans
ce Volume , il n'en est point dont l'Article
fasse plus de plaisir à lire que celui
de Jean Pierre Moret de Bourchenu , Marquis
de Valbonnais , né à Grenoble en
1651. et mort le 2. Mars 1730. Premier
Président de la Chambre des Comp-"
tes de Dauphiné. Il a tenu un rang considerable
dans la République des Lettres
et il l'a enrichie de plusieurs Ouvrages ,
dont le Catalogue paroît ici avec une
Critique exacte de la part de l'Editeur.
L'Article VIII . de ce Catalogue indique
une Lettre de notre sçavant Magistrat
sur une Epitaphe Grecque, inserée dans
les
MARS. 1733.
535
les Memoires de Trévoux, Décembre 1715.
page 2246. Cette Epitaphe , pour le dire
en passant et par occasion , est celle d'une
Dame Grecque , trouvée à Marseille il
y a déja bien des années , sur une petite
Colomne de Marbre blanc , que M. Rigord
, Subdelegué de l'Intendant de Provence
en cette Ville , fit enlever et placer
à l'entrée de son Cabinet. Il en envoya
peu de temps après une copie à
Paris à un de ses Amis , pour la communiquer
aux Antiquaires .
Cet Ami l'ayant examinée , il en envoya
une Explication à M. Rigord dans
ane Lettre qui fut imprimée dans le Journal
de Trévoux du mois d'Octobre 1714.
à laquelle les Auteurs du Journal donnerent
en même- temps une autre Expli
cation .
M. Rigord , de son côté , ayant trouvé
quelque difficulté dans ces deux Explications
, en proposa une autre dans une
Dissertation adressée à M.le PrésidentBon,
qui fut rendue publique dans le même
Journal , Juillet 1715 .
Ces differentes Explications réveillerent
l'attention de M. de Valbonnais , qui dans
une Lettre aussi adressée au Président
Bon , et imprimée dans le mois de Décembre
1716. du même Journal , prit le
Fiiij ton
536 MERCURE DE FRANCE
ton de Maître , et censurant tout ce qui
avoit parû sur ce sujet , donna sa propre
Explication de l'Epitaphe Grecque ,
Explication qui , pour ne rien dissimuler
, ne fut pas heureuse .
Car l'Auteur de la premiere Interpretation
dont le sens avoit paru le plus
naturel à M. Rigord , à M. Galland et
à d'autres Antiquaires distinguez , démontra
par une Lettre imprimée dans le
Mercure du mois d'Août 1721. que celle
de M. de Valbonnais étoit insoutenable,
en ce que , pour l'admettre , il falloit admettre
aussi un Paradoxe capable de ré
volter tous les Antiquaires , sçavoir que
du temps de Marseille Payenne , temps
de la composition de l'Epitaphe , la Langue
Grecque étoit éttangere dans cette
Ville , et qu'un Grec n'entendoit rien
dans la Langue qu'on y parloit ; à Marseille
Colonie Grecque , où l'on a trouvé
tant de Monumens Grecs , et où encore
aujourd'hui on reconnoît des traces
de son origine dans la Langue vulgaire
qu'on y parle , &c.
Il faut rendre ici justice à M. de Valbonnais
, qui ayant vécu encore près de
dix ans depuis la publication de cette Lettre
dans le Mercure , n'a pas jugé à propos
d'y répondre , plus amateur de la
verité
MARS. 1733 .
537
verité , qu'il avoit sans doute reconnue
la reflexion , qu'attaché à ses propres
sentimens.
par
Pour ne pas déroger à notre coûtume
, sans exceder les bornes qui nous sont
prescrites , nous employerons ici l'Article
entier qui précede celui de M. de Valbonnais
et qui regarde l'Illustre Lucrece Cornara,
prasuadez que tous nos Lecteurs , et
surtout les Dames , nous en sçaurons gré.
HELENE Lucrece Cornara Piscopia,
naquit à Venise le 5. Juin 1646. de Jean-
Baptiste Cornaro , Procurateur de Saint
Marc. Dès sa plus tendre Enfance elle
donna des marques de ce qu'elle devien
droit un jour. Jean - Baptiste Fabris , homme
docte , et ami de son pere , ayant remarqué
en elle des dispositions heureuses
pour les Sciences , l'engagea à s'y appliquer.
A peine avoit elle sept ans -
qu'on lui donna des Maîtres pour lui apprendre
la Langue Latine. Ce furent Jean
Valesio , Chanoine de S. Marc , et le Docteur
Bartolotti . Les progrès qu'elle fit
bien-tôt en cette Langue par leurs instructions
, déterminerent son Pere à lui
faire apprendre aussi la Langue Grecque.
Fabris lui en donna les premieres leçons;
mais étant mort peu de temps après , Loüis
Gradenigo , Préfet de la Bibliotheque pu-
Fy blique
$ 38 MERCURE DE FRANCE
blique de Venise , prit sa place et continua
ce qu'il avoit commencé.
La june Cornara apprit ces Langues
avec beaucoup de facilité, et passa ensuite
à l'Hébraïque , à la Grecque vulgaire , à
l'Espagnole et à la Françoise , dans lesquelles
elle ne fit pas de moindres progrès
, elle voulut aussi sçavoir quelque
chose de l'Arabe.
Lorsqu'elle fut suffisamment instruite
de ce côté là , on l'appliqua à la Philosophie
et aux Mathématiques , dans lesquelles
elle eut pour Maître Charles Ri
naldini , qui les professoit à Padoue , et
ensuite à la Théologie , dont Hipolite
Marcheti , Prêtre de l'Oratoire , lui donna
des leçons.
Cette science lui plut particulierement
et elle s'y rendit si habile , que l'on consulta
les plus habiles gens de la France
et de l'Italie , pour sçavoir si l'on pouvoit
lui donner les degrez du Doctorat
en Théologie ; quelques Italiens composerent
même des Dissertations pour prouver
que cela se pouvoit , et que ce n'étoit
pas une chose opposée au précepte de l'Apôtre,
qui deffend aux femmes de parler
dans l'Eglise Charles Rinaldini son
Maître de Philosophie , fut de ce nombre.
Mais quelques obstacles qui se rencontrerent
MARS. 1733. 539
trerent dans cette affaire , obligerent le
Pere de la jeune Cornara , qui souhaitoit
avec passion de voir sa fille honorée
d'un titre singulier , à renoncer à son
premier dessein et à se tourner du côté
de la Philosophie , où il esperoit trouver
moins d'oppositions.
Il songea donc alors à la faire recevoir
Docteur en Philosophie dans l'Université
de Padoüe ; l'exemple étoit nouveau.
On n'avoit point encore vû de
Fille élevée au Doctorat. On sçavoit bien
que sainte Gertrude parloit souvent des
Mysteres de la Religion dans des Assemblées
nombreuses , et que sainte Catherine
de Sienne avoit harangué un jour
le Pape en présence des Cardinaux ; mais
ces actions particulieres étoicnt quelque
chose de moins considerable que de donner
en forme le Bonnet de Docteur à
une Fille . Quelques inconveniens qu'il y
cût à craindre de celle - cy, on crut devoir
passer par- dessus. On marquà le jour pour
la leçon d'épreuve de Lucrece Cornara ,
qui aussi humble que sçavante , eut d'abord
de la peine à accepter l'honneur que
l'on vouloit lui faire , et ne se rendit
que par obéîssance pour la volonté de
son Pere.
Ce jour qui étoit le 25. Juin 1678 .
Fvj étant
$40 MERCURE DE FRANCE
étant venu , on s'assembla , non point
dans les Ecoles publiques , suivant la coûtume
mais dans une Chip lle de la Cathédrale
, dédiée à la Vierge , que l'on
crut plus propre à contenir l'affluence
du Monde que la nouveauté du Spectacle
sembloit devoir y attirer. Cornara
y fit un Discours très-sc vant et trèséloquent
sur un Texte d'Aristote , qui
mérita les applaudissemens de toute l'Assemblée
et reçut ensuite le Bonnet de
Docteur , avec toutes les ceremonies usitées
en cette occasion .
Cette action attira sur elle les
yeux de toute l'Europe , et depuis ce
temps là elle fut visitée par tous les Curieux
qui voyagerent en Italie.
Elle avoit déja été auparavant aggrégée
à plusieurs Académies comme à celles
des Infecondi de Rome , des Intronati
de Sienne , & c .
Plusieurs personnes de mérite la rechercherent
en mariage , mais elle avoit
fait voeu de virginité dès l'âge d'onze ans,
et elle persista toute sa vie , dans le dessein
de l'observer quoique ses paren en
eussent obtenu la dispense de Rome
pour l'engager à se marier Elle vouloit
même se retirer entierement du Monde ;
mais la répugnance que sa famille témoigna
MARS .
540 1733
permoigna
pour cette résolution , ne lui
mit pas de l'exécuter; elle se contenta donc
de faire des voeux simples de Religion , en
qualité d'Oblate, de l'Ordre de S Benoît ,
entre les mains de Corneille Codanini
Abbé de S. George , et de recevoir de lui
l'habit des Religieuses de cet Ordre , qu'el
le porta toujours depuis , sous ses habits,
séculiers.
Son attachement extraordinaire à l'étu
de , et particulierement à celle des Langues
Grecque et Hébraïque , affoiblir si
fort sa complexion , qui étoit déja foible
d'elle - même, qu'elle tomba dans une langueur
et dans differentes infirmitez , qui
la conduisirent peu à peu au tombeau.
Elle mourut le 25 Juillet 1604. dans la
38 année de son âge , et fut enterrée à
Sainte Justine de Padoue , avec cette Epitaphe.
D. O. M.
HELENA Lucretia Cornelia Piscopia
, Joan. Bapti te D Marci Procuratoris
Filia , que moribus et Doctrina supra sexum
, et Laurea ad memoriam Posteritatis.
insignis , privatis votis coram Cornelio Codanino
Abbate S. Georgii Majoris emissis,
S. Benedicti Institutum ab ineunte alate
complexa , et religiosè prosecuta , in Monachorum
$42 MERCURE DE FRANCE
chorum Conditorium ut vivens optaverat ,
post acerba fata , admissa est Monachis H.
M. PP. Anno D. 1684.
Les Académies dont elle étoit , s'empresserent
à lui faire des Pompes Funebres
, et l'on a sur ce sujet l'Ouvrage suivant
: Le Pompe Funebri celebrate da Signori
Academici Infecondi in Roma per la
morte dell' Illust. Sign. Elena Lucretia Cornara
Piscopia , Accademica detta linalterabile.
In Padoua 1685. infol.
Catalogue de ses Ouvrages.
1º . Lettera o vero colloquio di Christo nostro
Redentore all' Anima devota composta
dal R.P. D. Giovanni Lanspergio Cartusiano
in Lingua Latina Transportata poscia
in idioma Spagnuolo dal P. F. Andrea Capiglia
, Monaco della Certosa , Prior del
Paular: Or vien tradotte di Spagnulo in
Italiano dall' Ill. Sign . Elena Lucretia Cornara
Piscopia , In Venezia , 1673. in 24.
Cette traduction a été réimprimée dans le
Recueil suivant .
2º . Helena Lucretia ( que et Scholastica)
Cornelia Piscopia l'irginis pietate et eruditione
admirabilis Ordinis D. Benedicti privatis
votis adscripta Opera que quidem haberi
potuerunt. Parma 1688. in 8. pag. 310
Cette
MARS. 1733.
548
Cette Edition des Ouvrages de Cornara
donnée par Benoit Bacchini , qui a mis
la tête une vie fort ample de cette Sças
vante , est divisée en trois Parties ; la
premiere contient un Panégyrique Italien
de la République de Venise , tout
rempli de Fleurs et de Saillies Italiennes ,
et l'Explication de deux Problêmes de
Politique , aussi en Italien . On voit dans
la seconde , des Eloges Latins , en Stile
Lapidaire , de l'Empereur , du Roy de
Pologne , du Pape Innocent XI . &c. Enfin
la troisiéme renferme quelques Lettres
Latines et Italiennes de notre Sçavante
, ou qui lui ont été écrites , avec
la Traduction dont il est parlé cydessus.
C'est à cela que se termine tout le
contenu de ce Recueil . Le nom de Scholastique
, qu'elle porte dans le titre , lui
avoit été donné par l'Abbé Codadini, lorsqu'elle
fit ses voeux entre ses mains .
Voyez sa Vie par Benoît Bicchini , à la
tête de ses Oeuvres , et dans un Recueil
intitulé , Vita Selecta Vratislavia , 1711.
in 8. Sa Vie écrite en Italien pir Maximilien
Deza , et imprimée en 1617 Les
Pompes, funebres des Infecondi de Rome.
Gregorio Leti Italia Regnante; T. 4. p. 44 .
Nous ajoûterons , avec la permission
du
344 MERCURE DE FRANCE
du R. P. Niceron , que cette celebre Fille
étant aussi aggregée à l'Académie des Ricovrati
de Padoüe , on fit son Eloge dans
cette Académie , dans une Assemblée publique
à laquelle présida un illustre Acadé
micien François; sçavoir Charles Patin ,fils
du fameux Guy , Professeur en Medecine
dans l'Université de Padoüe et Chevalier
de S. Marc .
Prault, Libraire sur le Quay de Gêvres,
débite une Brochure in 12. intitulée :
LETTRE de M. le Marquis Maffei ,
contenant le Récit et l'Explication d'un Feu
rare et singulier sorti du corps d'une
Femme , &c.
>
Nous n'avons point encore vû cette
Lettre imprimée , mais nous avons reçû
sur son contenu le petit Memoire que
voici.
On donne cette Lettre comme traduite
de l'Italien de M. Maffei , mais
ceux qui l'auront vûë en Italien , connoîtront
qu'elle est très - differente en
beaucoup d'endroits et que dans cette
Traduction on a ajoûté des pages entieres
et retranché d'autres , qui étoient trèsessentielles
; desorte que ceux qui en seroient
curieux , le sujet l'étant vraiment
delui - même , doivent la voir en Italien.
Et
MARS. 1733. 545
Et même pour bien entendre celle- cy il
seroit necessaire d'en avoir vû une autre
que le même Auteur écrivit il y a plu-,
sieurs années à M. Valisnieri , dans laquelle
il lui propose une nouvelle opinion
sur la formation des Foudres , sans
quoi on ne peut avoir de plaisir à lire
celle-la . Ce nouveau sentiment nommé
dans plusieurs Livres , Découverte sur la
Foudre , est déja fameux en d'autres Pays ;
un Saxon a écrit un Livre en Latin pour
le confirmer , mais il n'est pas encore
connu en France , par la négligence des
Libraires à faire venir les Livres d'Italie,
Nous avons dit quelque chose dans
le Mercure de Janvier , p. 120. au sujet
de l'Histoire de Veronne , de la composition
de M. le Marquis Maffei . Nous
sommes aujourd'hui en état de rendre un
compte plus détaillé de cet Ouvrage ,
par l'honneur que nous a fait cet illustre
Sçavant , qui est actuellement à Paris , de
nous communiquer sur ce sujet un Mémoire
également instructif et abregé ;
dont voici le contenu .
VERONA ILLUSTRATA , Ouvrage
de M. le Marquis Maffei , divisé en quatre
Parties.
Dans la premiere Partie , en faisant
l'Histoire
$ 46 MERCURE DE FRANCE
I'Histoire de Verone et de l'ancienne Région
des Venetes , on traite de plusieurs
points nouveaux et curieux. On fait voir
l'ordre , l'état et le gouvernement des
Villes qui étoient soumises aux Romains.
On fait des corrections à plusieurs Passages
importans qui sont corrompus dans
les Auteurs Grecs et Latins . On découvre
plusieurs équivoques de grande conséquence
, qui jusques à present ont fait
méprendre la meilleure partie des Gens
de Lettres . On fait connoître où sont et
ce qu'étoient plusieurs Civitates nommées
dans les anciennes Inscriptions que
personne n'avoit encore pû découvrir.
On traite amplement la matiere des anciennes
Métropoles , et on fait voir comme
on a confondu jusques à present les
Provinces Géographiques avec les Romaines
, et comme delà est venu l'erreur
commune de croire que les Provinces
Romaines avoient une Capitale de
même que les Géographiques. On démontre
que l'Empire Romain n'a jamais
été une Monarchie .
En parlant de la fondation de Venise .
on prouve clairement sa liberté , originaire
, mais par des refléxions tout - à - fait
differentes de celles qu'on a faites jusques
ici . On explique aussi quel étoit le
gouMAR
S.
1733. 547
gouvernement des Lombards , ce qui n'étoit
pas encore développé; on détruit l'opinion
qu'on a de croire que la Langue
Italienne soit née du mêlange du Latin
avec les Langues des Barbares . Pareillement
celle de croire que les Nations barbares
ayent introduit differentes manieres
d'écrire le Latin ; c'est pourquoi l'on
fait voir clairement que les caracteres Gotiques
, Lombards , Saxons et Francogalliques
, ne sont autre chose que le caractere
courant des Romains. On parle
encore du commencement de la Religion
Chrétienne en Occident , et l'on
fait remarquer combien l'Histoire Ecclesiastique
est corrompuë en ce qui regarde
les Histoires des Eglises particulieres
et en même temps comme le seul moyen
de la corriger , c'est de s'en tenir aux
anciens Catalogues qui sont dérivez des
Diptiques Sacrez.
La seconde Partie contient une Notice
historique de tous les Ecrivains Véronois
depuis Catulle jusques à Bianchini , qui
est mort depuis peu , et qui étoit Membre
de l'Académie des Sciences . Cela renferme
une bonne partie de l'Histoire Litteraire
d'Italie. On y a aussi inseré beaucoup
de belles choses nouvellement dé
couvertes dans les Manuscrits.
La
548 MERCURE DE FRANCE
La troisiéme Partie , dans le même
temps qu'elle traite des choses les plus
singulieres de Verone , fait connoître
plusieurs méprises des Antiquaires et des
Architectes en matiere d'anciens bâtimens
et des précieux restes que nous en
avons . On y fait l'Histoire de la Fortification
moderne , et on y découvre quel
en fur le premier inventeur. En parlant
des Tableaux , on montre que c'est une
erreur de croire que la Peinture étoit
perdue , er que ce fut Cimabue qui la
fit revivre . En faisant connoître les Cabinets
et les Musées , on publie quantité
de Médailles qui n'avoient jamais parus
et aussi plusieurs Statues , Bustes antiques
et Bas- reliefs excellens , qui n'as
voient jamais été publiez . On y donne
encore le Catalogue d'une Bibliotheque
de Manuscrits recueillis au commencement
du neuviéme siecle.
La quatriéme Partie contient le Traité
des Amphithéatres , et en particulier de
celui de Verone , qui est le seul qui
puisse apprendre la structure interieure
et pour ainsi- dire cachée , de ces sortes
d'Edifices . Ce Traité est réïmprimé en
meilleure forme , et dans cette seconde
Edition il est aussi augmenté de Figures.
Il y a dans toutes ces quatres Parties
près
MARS. 1733
549
près de quatre-vingt Planches. Les Figures
sont dessinées par un des plus
grands Peintres de l'Italie , et bien gravées.
L'Ouvrage est imprimé en deux
manieres , c'est- à - dire dans un grand in
folio pour les Bibliotheques , et en quatre
Tomes petit in 4. qui sera plus commode
pour l'usage ; mais dans l'une et
l'autre maniere les Planches et l'impres
sion est la même . On y rapporte aussi
environ soixante et dix Inscriptions choisies
, la plupart desquelles n'avoient jamais
été publiées Cet Ouvrage se vend
à Paris , chez MONTALANT , Libraire
Quay des Augustins.
QUESTION.
Pourquoi a- t-on plus de peine à pardonner
à ceux qui prennent plaisir à voir
les personnes calomniées , qu'à ceux qui
sont Auteurs des calomnies ?
L'Auteur de la Question ajoûte ce qui
suit,pour faire mieux entendre sa pensée :
Cette demande , dit- il , suppose ce qui
n'est que trop constant , sçavoir , qu'il
est bien plus difficile de pardonner à ceux
qui approuvent les calomnies ou qui s'en
réjouissent , qu'à ceux mêmes qui en sont
les Auteurs. Cela supposé, il s'ensuit qu'il
faut garder une conduite différente à l'égard
550 MERCURE DE FRANCE
gard de ceux qui distinguent deux sortes
d'ennemis , les uns qui ne cherchent
qu'à faire du mal aux autres , et ceux
qui se réjouissent du mal qui est fait .
Comme le coeur de l'homme est impénetrable
, on souhaiteroit sçavoir ce
que les personnes occupées d'elles- mêmes
pensent sur un sujet de cette importance
, et comme dans cette demande
on peut distinguer question de fait et
question de droit , de droit , on est tout prêt
à satisfaire sur la premiere , ceux qui
voudront bien éclairer de leurs lumieres
sur la seconde.
On écrit de Lisbonne , qu'on y avoit appris
de Santarem , que le 11. Janvier , vers les six
heures du soir , on avoit apperçu dans le Ciel
une espece de Globe lumineux , qui demeura sur
Phorison pendant plusieurs minutes ; que pendant
tout le temps qu'il fut sensible , il suivit la
même route que la Lune , et qu'il disparut lorsqu'il
fut proche de cette Planette.
Selon les Lettres de Prague , les Terres embrasées
des environs de cette Ville , continuoient
de jetter beaucoup de fumées et de flammes.
Sur le bruit qui s'est répandu à Rome qu'on
avoit découvert à Viterbe une Carriere d'Albatre
extrêmement beau , plusieurs Sculpteurs sont
partis pour l'aller visiter. ' Le Pape a déclaré que
si tout l'Albatre que cette Carriere produit , est
aussi
MARS.
551
1733
aussi parfait que les échantillons qui lui ont été
présentez , on s'en servira pour la Chapelle Corsini
et pour la façade de l'Eglise de S. Jean de
Latran.
On écrit de Chartres , que le 7. Mars , jour auquel
on celebre la Fête de S. Thomas d'Aquin ,
Docteur de l'Eglise , M. l'Evêque de Chartres
prononça le Panégyrique du Saint , dans l'Eglise
des Dominicains de la même Ville , devant un
nombreux Auditoire , qui applaudit autant à l'éloquence
de ce Prélat , qu'au fond du sujet , qu'il
traita avec autant d'édification que de dignité.
Il s'étendit sur tout sur la solidité de la doctrine
du S. Docteur , faisant voir l'estime que les Conciles
en ont fait , et l'autorité qu'elle a dans l'Eglise.
fut
J. Baptiste Surian Evêque de Vence ,
reçû dans l'Académie Françoise le 11. de ce mois,
à la place vacante par la mort du Duc de Coislin
, Evêque de Metz ; il fit un Discours de remerciment
, auquel M. Danchet , Chancelier de
l'Académie , répondit , et ils parlerent l'un et
l'autre avec beaucoup d'éloquence.
Le 14. Février , M. Jean - Baptiste Souchai , de
l'Académie Royale des Belles- Lettres , et nommé
pour remplir au College Royal une place de Professeur
en Eloquence Latine, prononça , selon l'usage
, dans une Salle du même College , un fort
beau Discours Latin , en présence d'une nombreuse
Assemblée. Le Sujet sur lequel il parla
étoit énoncé en ces termes dans un Programme
de sa façon. Utrum et quid conferat ad Ġallicam
Eloquentiam Ciceronis imitatio,
Le
552 MERCURE DE FRANCE
Le R. P. Pierre-François d'Arerés de la Tour ,
Supérieur General de la Congrégation de l'Oratoire
, mourut à Paris dans la Maison de la ruë
S. Honoré , le 13. Février , âgé de 80. ans . Il
étoit né à Paris en l'année 1653. fils d'Henry
d'Arerés de la Tour , Premier Ecuyer de Mademoiselle
de Montpensier, et de D. Marie - Sybille
de Malleval.
Il entra dans la Congrégation de l'Oratoire
au mois d'Août 1672 y professa la Philosophie
pendant six ans , puis fut appellé en 1680. au
Séminaire de S. Magloire , dont il a été Directeur
et Superieur jusqu'en l'année 1696. qu'il
fut éû le 14 Septembre Superieur General de
la Congrégation , prêchant durant ce temps là
dans les principales Chaires de Paris , avec une
grande réputation , et dirigeant avec fruit la
conscience de plusieurs personnes de distinction .
C'étoit un homme d'un génie rare , d'une prudence
consommée , d'un secret impenetrable ,
d'une discretion infinie dans ses paroles , très insinuant
pour gagner les coeurs , en ayant lui - même
un très- officieux , très - noble et genereux ,
ayant l'estime et la confiance universelle de ce
qu'il y avoit de plus distingué dans les divers
Ordres de l'Etat . Il la méritoit par la pureté de
ses moeurs , par une régularité exemplaire , par
une modestie , une douceur , une gravité digne de
sa place , et par un grand nombre de talens marquez
; homme d'esprit , homme de Lettres , qui
sçavoit à fond la Théologie et l'Histoire , qui
parloit de Dieu et des veritez de la Relig! on d'une
maniere très - lumineuse.
Il a été universellement regretté et des siens
et de tout ce qu'il y a de plus considerable dans
P'Etat. Il fut inhumé au milieu de la Nef, sous.
une
MARS. 1733.
553
?
neTombe particuliere dans un Cercueil dePlomb,
comme les autres Superieurs Generaux ses Prédecesseurs
, dont il étoit le sixième .
Le lendemain il fut fait un Service solemnel ,
dans la même Eglise pour le repos de son ame ,
auquel assisterent un grand nombre de Personnes
de la premiere distinction , et où il y eut une
affluence extraordinaire de Gens de toutes les
conditions.
M. Aubert , Ecuyer , de l'Académie Royale
des Sciences de la Ville de Lyon , connu par
plusieurs Dissertations inserées dans divers fournaux,
et par laderniere Edition de Richelet, qu'il a
enrichie de sçavantes Notes de Grammaire, d'Histoire
et de Belles - Lettres , est mort depuis peu à
láge de 94 ans, ayant conservé jusqu'à la fin de sa
carriere presque tout le feu et la vigueur de la jeunesse,
n'ayant commencé à travailler à l'augmentation
qu'il a donnée de Richelet qu'à l'âge de so.
ans, et il en préparoit une nouvelle Il a donné à la
Ville de Lyon sa belle et nombreuse Bibliotheque,
à la charge de la rendre publique. M.Perrichon ,
Prévôt des Marchands de cette Ville , qui n'oublie
rien pour son embellissement , lui a procuré
cet avantage , et on a lieu d'esperer , par les soins
qu'il prend à faire refleurir les Lettres et les Arts
dans cette seconde Ville de France , qu'il lui rendra
bien- tôt le seul lustre qui lui manque.
Corneille Van - Cleve , natif de Paris , origi
naire de Flandres , Chancelier , ancien Directeur
de l'Académie Royale de Peinture et Sculpture ,
mourut à Paris le 31. Décembre , dans la 89 .
année de son âge. C'étoit un de nos meilleurs
Sculpteurs , fort connu par quantité de beaux
Ou554
MERCURE DE FRANCE
Ouvrages qu'on voit de lui dans les Eglises à
Paris , dans les Maisons Royales et dans les Provinces.
M. Conston l'aîné , a été élu Chancelier
sa place.
Il vient de paroître chez Prault , Quay de Gêvres
, un grand in 8. de 370. pag. sous le titre de
Bibliotheque des Théatres , contenant le Catalogue
alphabetique des Pieces Dramatiques , Opera ,
Parodies , Opera Comiques , et le temps de leurs
représentations ; avec des Anecdotes sur la plupart
des Pieces contenues en ce Recueil , et sur ,
la Vie des Auteurs . Musiciens et Acteurs. C'est
un Ouvrage très- laborieux , qu'une infinité de
Curieux voudront avoir. Il se vend 3 , livres.
On a mis depuis peu en vente à Paris , chez la
veuve Chereau , rue S. Jacques , aux deux Pilliers
d'or , et chez Surugue , Graveur du Roy , ruë des
Noyers , une Estampe nouvellement gravée en
Angleterre par le sieur Baron , d'après un Tableau
de feu Watteau , qui est dans le Cabinet
de M. Mead , Medecin du Roy de la Grande-
Bretagne. 11 le fit faire à Watteau dans le
voyage qu'il fit à Londres. Ce Tableau est
gravé sous le titre des Comediens Italiens ; ce
sont presque tous Portraits de gens habiles dans
leur Art , que Watteau peignit sous les differens
habits des Acteurs du Théatre Italien .
On trouve chez les mêmes , toute la suite des
Estampes gravées d'après les Tableaux de ce
gracieux Peintre,
Le Portrait historié de la Dlle Sallé , peint
par le sieur Lancret, Peintre de l'Académie Roya
le , et gravé par le sieur Larmessin , Graveur de
la
MARS. 1732: 5e5
la même Académie ,de la même grandeur que celui
de la Dile Camargo , se vend à Paris chez le sieur
Lancret , à l'entrée du Quay de la Feraille , piès
le Pont Neuf , à la Croix de Perles ; le sieur
Larmessin , tue du Plâtre , fa quatriéme porte
cochere à droite par la rue S. Jacques ; et la veu
ve Chereau , rue S. Jacques , aux deux Pilliers
d'or.
On nous prie d'avertir que la vente des Tableaux
des plus grands Maîtres d'Italie , de France
, de Flandre et d'Hollande , du Cabinet de feu
M. de la Chataigneraye , Argentier des Enfans
de France , se fera publiquement le 20. Avril prochain
et jours suivans , en l'Abbaye S. Victor
Paris.
On donne aussi avis que le 15 d'Avril prochain
et jours suivans , on fera la vente du Cabinet de
M. du Rondray , qui consiste en Desseins de Décorations
et d'habillemens de Théatre, de Fêtes et
Réjouissances publiques , de Mausolées et Pompes
funebres ; en Desseins de grands Maîtres'
François et Etrangers , Tableaux à Gouache , et
autres Desseins colorez Estampes , Planches
gravées par le Clerc, Simoneau etAudran , un nombre
considerable de Médailles antiques et modernes
;
,
Livres , &c. Livres imprimez et manuscrits,
Bibles anciennes , en gotiques , avec Miniatures ,
Heures ou Ordinaires de la Messe , écrites à la
main , enrichies de très- belles Miniatures , et
plusieurs Livres de Musique , d'Opera et autres
Airs des plus grands Maîtres Italiens et François,
manuscrits er imprimez. Cette Vente se fera à
Paris , rue du Doyenné S. Thomas du Louvre ,
dans la Maison du Doyenné.
Gij On
556 MERCURE DE FRANCE
On nous prie encore d'avertir què M. Schultze
, de Berlin, a fait graver par Souscription , les
six premieres Simphonies du premier Livre de
ses douze Quatuor , sous le titre , Tratamento de
l'Harmonia , per Simfonie da Camera à quatro
Instrumenti , Violino , Flauto Traverso , e Viola
da gamba , o vero Violon cello , con il suo Basso
fondamentale , ils se vendent chez l'Auteur , ruë
de la Juifverie , près Notre- Dame , chez Veron ,
Luthier à Paris . On les trouve aussi chez le sieur
Boivin , rue S. Honoré , et chez le sieur le
Clerc , rue du Roule,
L'Auteur fera graver incessamment les six dernieres
Symphonies. Il avertit ceux qui voudrone
souscrire d'envoyer 24. livres aux adresses cydessus
, on leur délivrera le premier Livre déja
gravé et une Souscription signée de l'Auteur et
de celui qui le leur délivrera , au dos de laquelle
sera mis un reçû dudit premier Livre.
On avertit encore qu'il n'y aura que les Souscripteurs
à qui on remettra les douze Quatuor
en blanc pour 24. livres ,
Le Sicur Garreau donne avis au Public , qu'il
s'est appliqué avec soin à faire les Plans en relief
, c'est- à - dire , de représenter au naturel les
Maisons , Parterres , Jardins , Fortifications , et
generalement tout ce qui regarde le Civil et le
Militaire, il est aisé de comprendre que le relief est
infiniment au- dessus des représentations ordinaires
qui se font sur le papier.Il en a executé plusieurs
Morceaux pour differens Particuliers . CesReliefs se
font ou en bois , ou en carton , ou en terre glaise;
il fait aussi toutes sortes de Plans et Desseins à
executer . Il demeure rue de Vaugirard , chez
M. d'Armancourt , Maître de Mathématique
For
M-AR S. 1733 . SS
Fortifications et Architecture à l'Académie de
M. de la Gueriniere, â Paris Il ne recevra ni Paquets
ni Lettres dont le port ne sera pas payé.
M. Chicoineau , premier Medecin du Roy ,
desirant connoître le Remede particulier dont
M. Petit , ancien Chirurgien Major des Gardes
du Corps du Roy , se sert pour la guérison de la
Maladie Venerienne , a obtenu un ordre de
M. Dangervilliers , Ministre de la Guerre , pour
mettre le sieur Petit en état de traiter des Malades
à l'Hôtel Royal des Invalides ; cer ordre ,
qui a été envoyé à M. Duchy , Intendant dudit
Hôtel , porte que le traitement sera fait sous les
yeux du Medecin et du Chirurgien Major des
İnvalides. En conféquence , le Medecin et le Chirurgien
Major , ont dressé Procès verbal des
simptômes veroliques qu'ils ont trouvez aux Malades
qu'on a donnez à guérir au sieur Petit ,
lequel a commencé à leur donner son Remede
le 7. Janvier et a fini le 14. Février. Après ce
temps on a visité de nouveau les Malades , on a
reconnu que tous les accidens et simptômes qu'ils
avoient , étoient disparus , qu'ils se portoient
bien , même en embonpoint. Ce qui a été certifié
par le Medecin et le Chirurgien Major , au
dos du Procès verbal qu'il avoit dressé de l'état
des Malades. Ce Remede agit par de grandes
sucurs, sans que le Malade en soit affoibli , ni qu'il
perde l'appétit ; au contraire il mange beaucoup
mieux qu'auparavant ; le Remede ne gêne en
rien , et on peut sortir dans la journée , pourvû
qu'on ait sué trois ou quatre heures le matin , ce
qui se fait en dormant. Ceux qui sont en Province
n'ont que faire de venir à Paris , ce Remede
s'envoye dans une Lettre avec le Memoire
G iij instruc558
MERCURE DE ANCE
inssructif pour le prendre. La deme Schult-
Petit est toujours rue des Saints Peres ,"
de Brissac .
Le sieur Giraudein , Apoticaire ordinaire de
Roy, donne avis qu'il a deux Remedes specifiques,
l'un pour guérir les Cancers accidentels o
autres , sans appliquer aucune chose dessus , c.
l'autre pour guérir toute sorte de Coliques. Lal
dose est depuis quatre goutes jusqu'à huit . La
sieur Giraudein demeure rue S. Louis au Marais
à Paris.
Le veritable Suc de Reglisse et Guimauve blanc,
si estimé pour les maladies du Poulmon , inflammations
, enrouemens , toux , rhumes , pituite
asthme , poulmonie , continue à se debiter depuis
plus de trente ans , de l'aveu et approbation
de M. le Premier Medecin du Roy , chez la
Dile Desmoulins , qui est la seule qui en a le secret
de feu Mlle Guy.
On peut s'en servir en tout temps , le tranpor .
ter par tout , et le garder si long temps que l'on
veut , sans jamais se gâter , ni rien perdre de sa
qualité.
La Dlle Desmoulins demeure ruë Guenegaud ,
Fauxbourg S. Germain , du côté de la ruë Maza .
rine , chez M. Toulin , au premier Appartement.
2
AIR
ر ا
Fortification
M. de l
M
THE
NEW
YORK
PUBLIC
LIBRARY
.
ASTOR
, LENOX
AND
TILDEN
FOUNDATIONS
.
THE
NEW
YORK
PUBLIC
LIBRARY
.
Le
ore.
STOR
, LENOX
AND
TIDEN
FOUNDATIONS
,
MAR S. 1733 . $59
***** XX :X : XXXXXXX
AIR. Récit de Basse.
C'Est en vain que parmi les pots
Je cherche un remede à ma flâme ;
Le feu qui dévore mon ame ,
Ne me laisse point de repos.
Bacchus , vien deffendre ta gloire ;
Rends-toi le Maître de mon coeur ;
Ou bien je vais cesser de boire >
Et me livrer à mon vainqueur.
SPECTACLES
.
EXTRAIT de la Comedie des Etrennes
ou la Bagatelle , représentée le 19.
Janvier sur le Théatre Italien.
A
Près l'annonce que nous avons déja
faite de cette ingénieuse Piece , il
reste pour remplir nos engagemens , à
en donner une idée au Lecteur . C'est
Janus , Dieu des Etrennes , qui fait l'exposition
; il parle ainsi à la Déesse de la
Bagatelle.
G iiij Voicy
560 MERCURE DE FRANCE
Voicy le nouvel an , brillante Bagatelle ;
Dans ce Palais je viens vous installer ,
Qu'aujourd'hui notre Fête ici se renouvelle ;
Aux regards curieux , hâtez - vous d'étaler ,
Les chefs- d'oeuvres nouveaux qu'a produits l'industrie.
Dans ces lieux où vos mains vous dressent tant
d'Autels ,
Recevez les tributs qu'imposent aux Mortels ,
Le Caprice , l'Orgueil , la Mode et la Folie ;
Vendez cher vos faveurs dans ces jours solemnels
;
Il vous sont consacrez par le Dieu des Etrennes ;
Profitez avec moi des sottises humaines .
La Raison crie en vain contre de tels abus ;
Elle ne peut abolir ces Tributs ,
Ni des Humains séduits nous enlever l'hom
mage ,
Quand nous avons pour nous leurs Maîtres ab→
solus ,
La Vanité , l'Amour , l'Interêt et l'Usage.
Janus , après avoir parlé de tout ce
qui se pratique à la Ville le jour des
Etrennes , dit un mot de ce qui se passe
à la Cour à pareil jour, et s'exptime ainsi :
C'est peu qu'un tel délire ait pour nous des appas;
Je me propose encor un plaisir plus sensible ;
C'est d'aller à la Cour , Théatre du fracas ,
Pour
MARS.
560 1733.
Pour y jouir du Spectacle visible ,
De voir des Concurrens précipiter leurs pas ,
Pour s'embrasser tout haut et s'étouffer tout bas.
Cette premiere Scene , qui sert à l'exposition
du sujet , est suivie d'une autre
qui promet beaucoup plus de plaisir et
qui tient ce qu'elle promet ; il suffit
pour en persuader le Lecteur , de dire
que la Dile Sylvia y joue un Rôle de
Chevalier Colifichet , cy devant Abbé
Bagatelle. Voici quelques tirades qu'elle
débite avec cette grace qu'elle met à
tout ce qui sort de sa bouche. Elle parled'un
Ouvrage en cinq volumes ; voici
le titre du premier : Traité des Riens , avec
une Dissertation sur la Babiole , dédiez aux
Dames , par M. l'Abbé Bagatelle , premier
volume. Elle poursuit ainsi en parlant
du Rien :
De tout ce qui se fait , c'est la source féconde ;
Tout consiste en des Riens ; heureux qui les
saisit ;
Ils décident de tout , ils sont l'ame du monde ;
C'est un rien qui nous place , un rien qui nou
détruit ;
Un Amant pour un Rien révolte une Maî
tresse ,
Et par un Rien un autre la séduit ,
G v U
562 MERCURE
DE FRANCE
Un Rien fait tomber une Piece ;
Un' Rien fait qu'elle réussit.
Voici le titre du second volume : l'A:
B. C. du grand Monde , ou l'Art de soutenir
la conversation à peu de frais. Le Chevalier
Colifichet dit à la Bagatelle.
Un bon jour , dit de bonne grace ,
Deux ou trois complimens polis ,
Qu'on se renvoye et qu'on ressasse ,
Avec un air de tête et des gestes choisis.
Un jargon décoré de phrases joliettes ,
Et de vingt termes favoris ,
Qu'on accompagne d'un soûris ;
Sçavoir des intrigues secrettes ,
Et de la Ville et de la Cour ;
Posseder l'Histoire du jour ;
En poche avoir toujours brevets et chanson
nettes ,
Et repetter aux Dames tour - à-tour ,
Mille tendres sornettes
Que l'on a soin d'orner de mots à double sens ;
Parler éloquemment cornettes ,
Et prononcer sur des rubans ;
De tout ce qui paroît juger sans connoissance ;
Hors de propos prodiguer son encens ,
Et placer bien sa médisance;
Voilà
MARS. 1733.
563
Voilà des Aimables du temps ,
Ce qui fait le mérite et toute la science.
Nous passcrions les bornes d'un Extrait
si nous citions tous les jolis traits dont
cette Piece est semée , nous finissons par
quatre Vers que tout le monde a retenus
par coeurs ils portent leur titre avec
eux et s'adressent à un grand partisan
de l'Opera
.
Au Théatre chantant ,
Avis très-important ,
Veux -tu fixer la Fortune qui flotte ,
Et te voir de nouveau couru !
Fais au plutôt redanser la Vertu ;
Et remeis l'Amour en culotte.
Personne n'ignore que ces vers regardent
les Dlles Sallé et le Maure.
Cette Piece , dont la premiere Edition
a été enlevée dans peu , paroît imprimée
pour la seconde fois chez Prault , Quay
de Gêvres , avec des prédictions nouvelles
sur quelques Ouvrages qui ont parû
depuis peu.
VERS de M. de Boissy , à la Dlle Sallė ,
en lui envoyant sa Piece .
LA Bagatelle au jour vient de paroître,
Et son Auteur ose te l'envoyer.
G vj Vers
364 MERCURE DE FRANCE
Vertueuse Sallé , par le titre peut- être ,
Que l'Ouvrage va t'effrayer !
Rassure-toi , l'enjoûment l'a fait naître ,
Mais j'y respecte la vertu.
Je t'y rends sous son nom l'hommage qui t'es dû.
Pâris avec plaisir a sçû t'y reconnoître ;
Je n'eus jamais que le vrai seul pour Maître;
J'y fais ton Portrait d'après lui ;
J'en demande un Prix aujourd'hui :
C'est le bonheur de te connoître.
Le 26. Février , second Jeudi de Carême
, l'A adémie Royale de Musique
remit au Théatre Jephté , Tragédie , dont
le sujet est tiré de l'Ecriture Sainte ; cette
Piece a fait autant de plaisir qu'elle en
avoit fait dans sa nouveauté , et fair présumer
qu'on la reverra avec satisfaction
tous les Carêmes. On y a fait quelques
changemens que les Connoisseurs ont
approuvez ; les voici.
Dans la quatriéme Scene du second
Acte , Iphise avouoit à Almasie , sa Mere,
l'amour qu'elle avoit pour Ammon ; comme
elle faisoit un pareil aveu à Jephté
son Pere , au dernier Acte , on a jugé
à propos de supprimer celui du second
Acte ; on se contente de lui faire avoüer
qu'elle est coupable , sans lui faire specifier
MARS. 17331
56 F
cifier son crime ; c'est ce qu'elle fait par
ce Vers.
Quand le Ciel est armé , peut - on être sans
crime ?
On finit cette Scene par ce Duo :
Maître des vastes Cieux , Dieu vivant , Dieu jaloux
,
Sur de foibles roseaux , pourquoi déployezvous
,
Tout l'éclat de votre puissance ?
Cet amas de sable mouvant ,
Que dissipe un souffle de vent ,
Est digne de pitié plutôt que de
Maître des vastes Cieux , &c.
vengeance..
Ce Duo , chanté par les Diles Antier
et le Maure , a été generalement applaudi.
On a supprimé la Fête par où la Piece
finissoit , et qu'on n'avoit ajoûtée que
par condescendance au désir des Amateurs
outrez de la danse ; on a subtitué à
cette Fête des Actions de gracès comprises
dans ces quatre Vers :
Du plus beau de nos jours , consacrons la me
moire ;
Tendres voeux , doux transpors
, sans cesse renaissants
,
De
366 MERCURE DE FRANCE
De nos coeurs enflammez , volez comme Pen
cens ,
Jusqu'au Trône du Roy de gloire.
On a mis ces Vers en Trio , et ce Trio
est chanté par les trois plus belles voix
de l'Opera ; le Trio repeté par le Choeur
finit la Piece. Il n'y a point de changement
dans les principaux Acteurs de
la Tragédie ; il n'en est pas de même
dans le Prologue , et l'absence de la
Dlle Eremans en auroit diminué le prix ,
si toute autre que la Dlle Antier eût
été substituée à sa place. Le sieur Chassé ,
après une indisposition de quelques jours,
n'a parû qu'avec plus d'éclat , et tout
le monde convient que la Dlle le Maure
n'a jamais si bien chanté , ni si bien joüé
que dans cette reprise de Jephté .
Le 16. et 21. l'Académie Royale de
Musique donna , par extraordinaire, pour
la Capitation des Acteurs , comme cela
se pratique toutes les années , l'Opera
d'Isis , qui fut suivi du Pas de Trois ,
dansé par la Dile Camargo et par les sieurs
Dumoulin et Dupré , dans la plus grande
perfection .
On prépare un Balet nouveau , qui a
pour titre l'Empire de l' Amour , pour être
joué à l'ouverture du Théatre.
Le
MARS . 1733. 567
Le 8. du mois dernier , on représenta à Ve
nise , sur le Théatre de S. Ange , le nouvel Opera
de Tigrane , qui eut un très- grand succès.
Le 5. Mars , les Comédiens Italiens donnerent™
la premiere Représentation des Quatre Semblables
, ou les deux Lelio et les deux Arlequins ; ancienne
Piece jouée ici en Prose en 1716. et composée
à l'imitation des Menechmes de Plaute ; Lelio
y joue les deux Lelio comme Arlequins.Arlequin
y joue les deux Arlequins , avec quelque sorte de
difference dans les habits. Le sicur Dominique
vient de mettre cette Piece en Vers François
laquelle a été reçûë très -favorablement du Public
; il y a fait plusieurs changemens , pour s'accommoder
aux regles de ce Théatre , et pour
conserver et mettre dans tout leur jour les situations
picquantes de cette ingénieuse Comédie.
On en jugera par l'Extrait que voicy.
Chrisante .
ACTEURS.
Hortenfe, Fille de Chrisante.
Lisette , Suivante d'Hortense.
Fabrice.
Les deux Lelio , Fils Jumeaux de Fabrice.
Leonore .
Leandre , Frere de Leonore.
Les deux Arlequins , Valets Jumeaux.
Scapin , Aubergiste.
La Scene est à Naples
Chrisante , dont le caractere est simple et in
genu , ouvre la Scene avec Hortense , sa fille , à
qui il demande le sujet de sa mélancolie , et lui
propose
568 MERCURE DE FRANCE
propose , pour la réjouir , des Livres nouveaux
des ajustemens , des bijoux , &c. Lisette , qui
s'impatiente de tous ces raisonnemens qui ne
vont point au fait , lui dit brusquement .
Comment vous n'êtes pas encor assez habile
Pour sçavoir ce que veut une fille nubile ? ...
"
Chrisante dit qu'il n'entend point ce que signifie
ce terme , Lisette le lui explique en disant
que c'est un mary qu'il faut à sa fille . Chrisante
demande quel est l'objet de sa tendresse , et on
lui apprend que c'est Lélio qu'elle aime. Chrisante
dit que son Pere est son ancien ami ; on
l'oblige d'en aller faire la demande , & c.
Hortense remercie Lisette , en ces termes :
Je ne puis trop payer tes soins officieux ;
Tu m'as fort bien instruite
mieux ;
et je m'en trouve
Avant qu'à tes leçons je me fusse prêtée ,
D'une extrême langueur sans cesse tourmentée ,
Je ne connoissois point ce trouble interieur
Qui souvent , malgré moi , s'élevoit dans mon coeur;
De mes fréquens soupirs la douce violence ,
Ces pleurs qui m'échappoient , ces desirs, ce silence,
Cette mélancolie et ces chagrins secrets ,
Ces jours longs écoulez , ces ennuis , ces regrets ,
Enfin de tous les maux ausquels l'Amour expose ,
Sans toi , sans ton secours j'ignorerois la cause
Hortense rentre ; Lisette apperçoit Arlequin ,
son Amant , et lui témoigne le plaisir que sa
présence
MARS. 1733.
569
présence lui cause ; Arlequin lui demande avec
empressement , quand arrivera le jour tant souhaité
de leur mariage , et l'assure qu'elle sera fort
heureuse avec lui , qu'il sera un mari fort commode
, & c.
Et pourvû qu'au logis je fasse bonne chere .
Que je ne manque pas sur tout du nécessaire ,
Qu'il me soit quelquefois permis de m'enyvrer ,
Sans crainte à ton penchant tu pourras te livrer.
Lisette satisfaite , se retire . Lélio arrive et dit à
Arlequin qu'il devient bien rare ; il répond que
c'est son amour pour Lisette qui en est cause ,
&c. Leonore paroît ; Lelio lui fait les protestations
les plus vives , Arlequin P'interrompt et dit
bas à Leonore que son Maître ne pense pas sérieusement
à tout ce qu'il lui dit , de quoi Leonore
est fort allarmée ; Lelio la rassure et lui
témoigne son impatience d'être unie avec elle .
& c.
Fabrice qui survient , arrête Arlequin qui veut
l'éviter , et lui demande la raison pourquoi il ne
voit presque plus son fils Lélio , Arlequin répond
que l'amour qu'il a pour Léonore en est cause ;
Fabrice lui dit qu'il est fort content de cette alliance
, & c.
Il parle ensuite de son autre fils Lelio , dont il
ignore le sort depuis plus de vingt ans qu'il a
quitté la Maison paternelle ; ce souvenir lui arrache
des larmes ; il ajoûte que cette perte fut
cause qu'il quitta Venise sa Patrie , pour venir
s'établir à Naples. Arlequin se rappelle en même
temps le départ de son frere qui avoit suivi Lelio;
Fabrice ne doute point qu'ils ne soient morts
tous deux. Il expose le sujet de la Piece en ces
termes :
570 MERCURE DE FRANCÉ
Tous deux le même jour reçurent là naissance ;
Ils avoient mêmes traits et même ressemblance ,
Ta mere , qui chez moi servoit fidellement ,
Mit au monde deux fils dans le même moment
Tonpere en ressentit une allegresse extrême ,
Et suivant mon exemple il les nomma de même ;
Tonfrere s'appelloit Arlequin comme toi ...
Fabrice ajoûte qu'il veut aussi reprendre un
femme, puisque son fils Lelio épouse Leonore ; i
nomme Hortense , fille de son ami Chrysante
qu'il trouve fort à son gré.
Lelio étranger arrive à Naples avec son Vale
Arlequin aussi étranger , chargé d'une valise
il témoigne la joye qu'il ressent d'être heureuse
ment débarqué , après vingt ans d'absense , i
se livre tout entier à l'espoir de revoir bien
tôt à Venise , sa Patrie , et son pere et son frer
qu'il y a laissez , et ne veut , dit - il , rester qu
deux jours à Naples.
Scapin , qui les reçoit dans son Hôtellerie , le
appelle d'abord par leurs noms , croyant pat
ler à Lelio et à Arlequin qui sont à Naples e
qu'il connoît depuis long - temps , leur fait de
offres de service , & c. Lelio est fort étonné de s
voir déja connu à Naples ; Arlequin ne l'est pa
moins de voir que son Hôte l'appelle mon che
ami , &c. ils arrêtent un Appartement , Arlequi
y porte la valise et ils y commandent à dîner.
Lelio étranger reste snr la Scene , Leonore 1
prenant pour son Amant , vient lui demande
avec empressement s'il a vû son Pere , et l'assur
que son frere Leandre souhaite avec ardeur leu
union. Lelio étonné prend Leonore pour un
Avanturiere et lui répond dans des termes pe
graciou
MARS. 1733:
571

acieux. Leonore irritée , se repent d'avoir été
op crédule , et de n'avoir pas profité des avis
Arlequin et se retire. Leandre , frere de Leopre
, paroît ensuite et court embrasser Lelio en
ippellant son beaufrere futur ; Lelio le désabuse
r le champ en l'assurant qu'il ne sera jamais
n parent , ne le connoissant pas , non plus que
soeur , et se retire avec Arlequin .
Scapin vient avertir Lelio et Arlequin que le
né est prêt , mais il ne trouve personne ; un
oment après Arlequin Citadin arrive et court
abrasser son ami Scapin , qui lui annonce un
ès- bon dîné et qu'il n'a pas oblié les Macarrons.
lequin est charmé de cette agreable nouvelle ,
autant mieux qu'il ne s'y attendoit nullement.
apin lui apporte le dîné dans uu panier court
, qu'Arlequin emporte .
Lelio et Arlequin Etrangers , arrivent ; Lelio
parle que de l'aimable personne qu'il a vûë
promenade et dont les appas ont touché son
eur ; Scapin vient un moment après et demanà
Arlequin si les Macarrons étoient bons ;
lio dit à Scapin de ne pas plaisanter et de le
vir à dîner , celui- cy soutient qu'Arlequin a
porté le dîner , &c. Cette dispute devient trèsve
et finit le premier Acte par des coups de
ton dont Arlequin régale Scapin.
Au second Acte , Fabrice confie à son ami
hrisante , la passion qu'il a pour Hortense sa
le , et le dessein qu'il a de l'épouser ; Chrisante
t fort surpris de cette proposition , d'autant plus
ie sa fille , dit-il , aime Lelio son fils, je venois,
oute-t'il , vous proposer cette alliance ; Fabrice
rejette , d'autant plus que Lélio est sur le point
épouser Leonore, et enfin Chrisante lui dit qu'il
donnera son consentement , pourvû que
le Hortense y donne le sien
572 MERCURE DE FRANCE
Fabrice écrit à Hortense pour lui déclarer son
amour ; il ne sçait comment faire pour lui faire
rendre sa Lettre ; il apperçoit Arlequin Citadin
qui s'en charge, et promet de la rendre ,
nant quatre ducats que Fabrice lui donne.
moyen-
Arlequin va pour rendre la Lettre à Hortense
qui est dabord charmée de voir Arlequin , ne dou
tant nullement qu'il ne vienne de la part de Lelio,
mais elle est bien surprise après avoir lû la Lettre
de voir qu'elle vient de la part de l'Amoureux
Fabrice. La maniere dont cette Lettre est renduë
et lûë et la finesse avec laquelle cette Scene est
jouée par la Dile Silvia et par le sieur Thomassin
, fait un extrême plaisir . Hortense régale le
Porteur de coups de bâton , et lui ordonne de porter
cette réponse à Fabrice , lequel arrivant dans
le moment , demande avec empressement des
nouvelles de sa Lettre ; Arlequin l'assure qu'Hortense
l'a reçûë avec de grands transports de joye
et ajoûte :
Que mon sort est heureux !
J'aipú , m'a-t'elle dit , faire naître ses feux!
A mafélicité, non , rien n'est comparable ....
Fabrice , persuadé que c'est de lui qu'Hortense
a parlé , est au comble de sa joye , il récompense
largement Arlequin , mais il est bien surpris en
apprenant qu'Hortense a changé de visage en
lisant la fin de la Lettre et qu'elle a reconnu
qu'elle étoit de lui ; mais enfin a-t'elle fait réponse
, dit Fabrice ? oui , très - exactement ,
pond Arlequin , et en même- temps il rend à ce
Vieillard les coups de bâton dont il a été luimême
régalé. Fabrice transporté de colere contre
ce Valet , jure de s'en yenger ; il trouve un
rémoment
MARS. 1733. 573
rnoment après Arlequin étranger , qu'il charge
de mille coups , abusé par la ressemblance , et
dit en s'en allant ;
Faquin , apprend à me connoître ,
On ne maltraite pas impunément son Maître.
મે
soeur ,
Arlequin étranger est fort étonné de se vois
maltraité sans rime ni raison , son Maître ,
à qui il s'en plaint , n'y peut rien comprendre ,
& c. Lelio dit ensuite qu'il ne veut plus rester
dans l'Auberge de Scapin , à qui il ordonne de
remettre sa valise à son Valet Arlequin , &c .
Léandre , outré du procedé de Lelio avec sa
vient dans le dessein de s'en venger ; il
voit Arlequin étranger , qu'il prend pour le Citadin
, instruit des mauvais discours qu'il a tenus;
le maltraite. Arlequin étranger prend la fuite ;
Lelio Citadin surpris de voir courir Arlequin
avec tant de vitesse , veut l'arrêter , et un instant
après Arlequin Citadin arrive ; Lelio lui demande
par quelle raison il couroit si vîte il n'y a
qu'un moment ; Arlequin ne sçait ce qu'il veut
dire , & c.
Leonore vient faire des reproches à Lelio-
Citadin , sur la maniere dont il l'a reçû ; Lelio
veut en vain se justifier , et ne sçai à quoi
attribuer un si prompt changement ; Leonore le
quitte avec indignation , &c.
Scapin sort de son Auberge et rend à Lelio et
à Arlequin Citadins la Valise qui lui a été remise
par l'autre Lelio , &c. ils ne comprennent
pas pourquoi Scapin leur remet cette Valise ,
qu'Arlequin emporte , en disant qu'il en sera
quitte pour la rendre. Lelio Citadin reste ; plus
s'examine et moins il peut comprendre co
qui
$74 MERCURE DE FRANCE
qui peut lui avoir attiré les reproches de Leonore.
Chrisante appercevant Lelio veut lui parler
et lui proposer sa fille , il ne fait nulle attention
aux discours de Chrisante , tant il est accablé
de chagrin d'avoir pû déplaire à sa Maîtresse;
il se plaint ensuite à Leandre du retardement
de son bonheur , lui témoigne l'impatience qu'il
a d'être uni avec sa soeur , et le prie de le presenter
à elle pour la désabuser de ses soupçons injustes
. Leandre entre avec Lelio chez Leonore
et Arlequin - Citadin reste. Lelio étranger paroît;
Arlequin lui demande pourquoi il quitte si -tôt
Leonore , Lelio croit qu'il veut parler de l'Inconnue
qu'il a rencontrée à la promenade , et
dont il est si éperduement amoureux ; Arlequin
lui dit qu'il parle de Leonore , ce qui irrite fort
Lelio ; il lui ordonne de ne lui en parler jamais ,
et s'en va ; Arlequin reste .
Lelio Citadin sort de la maison de Leonore et
vient apprendre à Arlequin qu'elle est appaisée ,
et qu'elle ne doute plus de sa fidelité ; Arlequin
demande ensuite à son Maître des nouvelles de
P'Inconnue , Lelio ne comprend rien à cette demande
, et lui dit qu'il n'est occupé que de Leonore
, et il rentre dans sa maison , et Arlequin
reste. Lelio Etranger survient et trouve Arlequin
qui lui parle encore de Leonore , de Scapin
, &c. A tous ces discours extravagans Lelio
croit que son Valet est devenu fou, et celuici
croit la même chose de son Maître , &c . Le
Lecteur comprend aisément que toutes ces situations
sont tres- comiques et fort propres à
faire rire le Spectateur de l'erreur dans laquelle
sont tous les Acteurs.
Fabrice , pour se vanger des coups de bâtons
qu'Arlequin Cîtadin lui a donné au commencemeat
MARS. 1733.
ment de l'Acte , fait arrêter Arlequin Etranger
575
par des Archers qui le menent en prison.
Au troisiéme Acte , Hortense , à qui son Pere,
vient d'apprendre que Lelio épouse Leonore, témoigne
la douleur qu'elle en ressent , et voyant
paroître Lelio Etranger, veut se retirer, mais elle
ne sçauroit s'y résoudre à la vûë de son Amant ;
celui -ci la reconnoît pour la personne qu'il a
rencontrée à la promenade ; il l'aborde poliment
et lui fait un compliment des plus gracieux . Hortense
surprise de cette politesse, lui déclare qu'el
le a appris qu'il va bien- tôt épouser Leonore.Lelio
la désabuse et lui declare en même temps la
passion qu'elle lui a inspirée , cet aveu charme,
Hortense. Lelio lui demande son nom et sa demeure
, et ajoûte :
Belle Hortense , l'Amour me soumet à ses Loix ,
Je n'avois pas encor éprouvé sa puissance ,
Et mes premiers soupirs vous doivent leur naissance

Hortense étonnée , lui dit que ce n'est que par
l'Hymen qu'il peut obtenir et son coeur et sa
main. Lelio promet de la demander à son Pere
&c.
2
Lelio est fort surpris en rentrant , de voir Arlequin
en prison ; il croit que Scapin l'y a fait
mettre,par rapport à toutes les discussions qu'ils
ont eu ensemble , et promet de l'en retirer,
Chrisante et Fabrice arrivent , ce dernier s'applaudit
d'avoir fait mettre Arlequin en prison
pour les coups de bâton qu'il en a reçus , Arlequin
l'accable d'injures à travers sa grille. Un
moment après Arlequin Citadin arrive , et demande
ses gages à Fabrice ; ils sont fort surpris
de le voir en liberté , Payant vû un instant aupara
376 MERCURE DE FRANCE
paravant dans la prison; il se retire , et l'Etranger
reparoît en prison ; ce qui étonne si fort ces
deux vieillards , qu'ils croyent que c'est un enchantement,
et ils sont bien plus étonnez lorsqu'ils
le revoyent un moment après dans la prison.
Lelio Citadin vient prier son pere de hâter son
bonheur en l'unissant à Leonore ; Fabrice lui
donne avec plaisir son consentement. Lelio apprend
en même- temps à Leonore , qui survient ,
cette agreable nouvelle , et rentre avec elle dans
sa maison. Lelio Etranger arrive presque aussitôt
, et Fabrice lui reproche son impolitesse d'avoir
quitté si-tôt Leonore ; le même Lelio ne
comprend encore rien à ce raisonnement. Il frappe
en même temps chez Hortense et lui dit :
Pour vous prouver l'excès de l'ardeur qui me presse,
Hortense , je suis prêt à remplir ma promesse ,
Acceptez- vous ma main ?
Hortense répond qu'elle en fait tout son bonheun
, Lelio la quitte pour dire aux deux Vieillards
:
Allez dire à present à votre Leonore ,
Que la charmante Hortense est celle que j'adore ,
Et que de notre Hymen vous êtes les témoins ,
Croyez moi , desormais , employez mieux vos
soins.
Chrisante et Fabrice restent interdits , tandis
que Lelio Citadin, sortant de la maison de Leonore,
prie son pere avec instance d'envoyer chercher
le Notaire pour dresser le Contrat ; Fabrice
y consent , mais il demande en même- temps à
SON
MARS. 1733.
577
son fils , si c'est pour Hortense qu'il parle , on
pour Leonare ; Lelio assure que c'est pour Leonore
, et que son pere même ne doit pas l'ignorer,
Fabrice dit qu'il ne comprend plus rien à tant
de contrariétez , et que la tête commence à lui
tourner.
Lelio Etranger sortant de la maison d'Hortense
pour procurer la liberté à son Valet , a dit aux
vieillards qu'il va revenir dans l'instant auprès
de sa chere Hortense ; il revient en effet aussi
tot avec Arlequin qu'il a fait sortir de prison ;
Arlequin voyant Scapin et les deux Vieillards ,
s'emporte encore contre enx , et dit à son Maî→
tre ( en montrant Fabrice ) que c'est lui qui l'a
fait emprisonner. Lelio lui demande quel droit i
asur son Valet , et Fabrice lui demande à son
tour quel est le motif qui l'engage à épouser
deux femmes dans un mêmë jour , et lui dit :
Je suis las à la fin d'éprouver ton caprice :
Pour un homme d'honneur on reconnoît Fabrice.
A ce nom de Fabrice , Lelio étonné , lui dit
Fabrice est votre nom , ah ! vous êtes mon pere.
Fabrice.
Vraiment oui , je le suis , à ce que dit ta mere.
Veus voyez Lelio.
Lelio .
Fabrice .
La grande nouveauté!
Lelio.
Qüi , je suis Lelio , cefils si regretté,
H Qu'
Qu'a toujours poursuivi la Fortune cruelle
Depuis qu'il a quitté la Maison Paternelle.
Cette reconnoissance arrache des larmes à fa¬
brice , qui embrasse tendrement son fils en disant
à son ami Chrisante.
Du plus parfait bonheur le Ciel m'a donc comblé
Le voilà ce cher fils , dont je vous ai parlé ,
Dont la trop longue absence a causé mes allarmes ,
Et qui tarit enfin la source de mes larme:.
Lelio demande à son pere des nouvelles de son
frere ; Arlequin fait la même chose ; ils apprennent
qu'ils sont encore vivans et courent l'un et
l'autre pour les embrasser . Ils reviennent et témoignent
à Fabrice combien ils ont été sensibles
à cette entrevûë. Enfin Lelio supplie son pere de
consentir à son bonheur , en lui permettant d'épouser
sa chere Hortense , puisque son frere doit
épouser Leonore ; le plaisir qu'à Fabrice d'avoir
retrouvé son fils , le fait consentir à tout ; Arlequin
veut aussi , dit - il , celebrer ce grand jous
en épousant son aimable Lisette , ils entrent to
chez Hortense , par où la Piece finit.
Le 21. on donna pour la clôture du Théatre
la Piece dont on vient de parler , elle fut suivie
des Amusemens à la mode et d'une Chacone trèsbien
dansée par la Dlle Roland et par le sieur
Riccoboni. Le sieur Romagnesy fit un Compliment,
selon la coûtume dialogué , avec la
Dlle Silvia , très - ingénieusement composé , très
bien débité et joué , et generalement applaudi.
MARS. 1733. 579
Le même jour 21. les Comédiens François fi
rent la clôture de leur Théatre par la Tragédie
de Polieucte , et par la petite Comedie de l'Ecole
des Maris, Le sieur Dufresne fit un Compliment
au Public qui lui attira beaucoup d'applaudissemens.
On fut également content de la composition
, de l'élegance et de la maniere dont il fut
prononcé.
康海
NOUVELLES ETRANGERES.
¿
ON
TURQUIE ET PERSE.
Na appris que les Troupes Persanes_n'avoient
encore remporté aucun avantage sur
celle des Turcs depuis la déposition de Schah-Thamas
, mais que les deux Armées étoient en présence
auprès de Bagdad , que celle de Perse se
fortifioit de plus en plus par l'arrivée des Milices
de diverses Provinces , ou Thamas- Kouli- Kan
avoit fait prendre les armes à tous les Habitans
qui étoient en âge de les porter , et que ce Premier
Ministre témoignoit toujours ne vouloir
entendre parler d'aucun accommodement avec la
Porte Ottomane , à moins que les Turcs ne consentissent
de rendre auxPersans les Pays que Schah
Thamas avoit été forcé d'abandonner par le dernier
Traité , que l'autorité de Kouli- Kan augmentoit
de jour en jour , qu'il affectoit de paroître
occupé du soin de rétablir l'ordre dans
l'administration des Finances , er de faire observer
aux Troupes une exacte discipline ; qu'il s'efforçoit
aussi de faire croire que s'il returoit des
Hij mains
380 MERCURE DE FRANCE
mains des Turcs les Provinces dont ils se sont emparez
, il penseroit à faire rentrer sous la dominas
tion des Persans , celles qui ont été conquises pak
les Moscovites.
D'autres Lettres de Constantinople portent ;
que le Divan avoit envoyé de nouveaux secours
d'hoinmes et d'argent au Pacha de Bagdad, et que
la Porte étoit résoluë de défendre jusqu'à la der
niere extremité toutes les conquêtes faites sur la
Perse avant la derniere Révolution.
D'autres avis portent , que l'Armée Persanë
n'avoit point livré bataille à celle des Turcs ; que
les Kans d'Ormus et de Bender Abássi , étoient
convenus d'unir leurs forces contre Thamas
Kouli-Kan , et que la Perse étoit menacée d'une
nouvelle Révolution.
EXTRAIT d'une Lettre écrite de Cons
tantinople le 24. Janvier 1733. sur les
affaires de Perse , &c.
L
Es Nouvelles qu'on a reçûës ici de Perse , il y
a 15.jours, portent que Thamas Kouli-Kan
étant subitement arrivé à Kirmancha , avec une
Armée de 60. mille hommes , avoit fait couper,
la tête à Abdi- Baki , Pacha de cette Place , qu'il
sçavoit être attaché aux intérêts du G. S. et qui
n'avoit été conservé dans ce poste que par un
Article du dernier Traité de Paix , à la sollicitation
d'Achmet- Pacha de Babilonne , son Protecteur.
On ajoute que Kouli- Kan , après avoir mis
dans cette Place un Gouverneur sur la fidelité
Juquel il pût compter , s'étoit avancé à grandes
journées vers Bagdad , dont on appréhendoit
qu'il ne voulût former le Siege , et dont il ravageoir
MARS: 1733. 581
"
geoit toutes les Campagnes voisines , aussi bien
que celles de Mossoul et du Diarbekir , ou ik
avoit envoyé de gros Détachemens .
La Porte a parû d'autant plus sensible à ces
nouvelles , que peu de temps avant qu'elles arri
vassent , le G. V. avoit reçu des Lettres d'Achmes
Pacha , par lesquelles celui- cy lui marquoit que
și Thamas -Kouli -Kan approchoit de Bagdad”, il
seroit obligé de s'y renfermer , ne pouvant en
aucune façon tenir la Campagne devant l'Armée
Persane , et n'ayant précisément que ce qu'il lui
falloit de Troupes pour soutenir le Siege.
Ces nouvelles , qui ont causé ici beaucoup d'al
tération dans les esprits , ont donné lieu à la
tenue d'un grand Conseil , composé de tous les
Ministres de la Porte et de beaucoup des plus
distinguez parmi les Gens de Loy.
Il y fut résolu d'envoyer incessamment trois
ou quatre mille Bourses aux Pachas qui com
mandent differens Corps de Troupes Ottomanes
en Perse , et des ordres plus pressans pour faire
marcher du côté de Bagdad , non seulement
tout ce qui se trouvoit de Gens de guerre en Asie,
mais encore une bonne partie de ceux qui étoient
en Europe.
·
Le Khan des Tartares a pareillement reçû des
ordres pour aller penetrer avec le plus de dili
gence qu'il lui seroit possible jusques dans le
eceur de la Perse , à la tête de 30. mille hommes
tandis que le Khan qui commande les Lesguis
Peuple du Degestan , doit y entrer d'un autre
côté avec tout ce qu'il pourra rassembler de for
ces ; moyennant tout cela les Turcs esperent faire
une assez puissante diversion , pour obliger
Chaque Bourse est de s00. Piastres.
H iij Kouli
82 MERCURE DE FRANCE
Kouli -Kan d'abandonner le projet d'assieger
Bagdad , et de courir à la deffense des propres
Etats de Perse , dont il a la Régence.
2. Malgré tous ces mouvemens , qui semblent
n'annoncer que la continuacion d'une guerre opiniâtre
, bien des gens prétendent qu'il y a des
propositions de Paix sur le tapis , et que la Czarine
pourroit bien en être la Médiatrice. ~
On n'entend plus parler de l'infortuné Schah-
Thamas ; on présume seulement qu'il est toujours
en vie et renfermé dans quelque Forteresse
au fond du Corassan. On ne dit rien non plus du
jeune Priuce son fils , que Thamas Kouli -Kan
avoit fait proclamer Roy de Perse.
Le Sultan déposé Achmet III . a perdu depuis
quelques mois quatre de ses Enfans ; deux Princes
et deux princesses ; la plus jeune de ces der
nieres étoit encore fille et mourut cet Eté au
vieux Serrail , les uns disent de la petite verole ,
les autres de la peste . L'autre Sultane étoit femme
d'Ali-Pacha , cy devant Nichandgi , sous le
Regne précedent . On l'appelloit la Sçavante et la
Sainte ; elle étoit si prévenue en faveur de sa Rcligion
, qu'elle avoit coûtume de dire qu'une
bonne Musulmane ne pouvoit parler avec des
Chrétiens ni même les regarder , sans commertre
un grand peché. Elle est morte de langueur
après une longue maladie.
Des deux Princes qui sont aussi morts, mais
dont le Public ignore la cause , l'un étoit Sultan
Suleiman âgé d'environ 25 ans , et l'Aîné de
tous les Enfans mâles d'Achmet. Il fut inhumé
le 12. Décembre dernier à la Mosquée dite la
Validé , ou de la Reine Mere, avec toute la pompe
due à sa naissance. L'autre Prince , qui étoit
le cinquième , et avoit 12, ou 13. ans , mourut
le
MARS. 1733- 583
le 27. du même mois et fut porté le lendemain
à la même Mosquée.
Du 16. Janvier.
P. V. D.
Il vient d'arriver deux Courriers de Perse ;.
qui ont apporté pour nouvelle que le Pacha de
Ghendgé avoit défait un Corps de trois mille
Persans , et que Thamas - Kouli -Kan , s'étoit retiré
des environs de Bagdad.
RUSSIE.
N mande de Petersbourg , que le Prince
Antoine -Ulric de Beveren y étoit arrivé le
11 Fevrier , et qu'il y avoit été reçu avec de
grands honneurs. On ne doute plus que la Prinesse
de Meckelbourg ne lui soit destinée.
POLOGNE.
N écrit de Warsovie , que le Corps du
Roy ayant été transporté le jour de sa
mort , du Palais du Fauxbourg de Cracovie , au
Château de cette Ville . Il fut embaumé et mis
sur un Lit de parade avec toutes les marques de
sa dignité. Il y demeurera exposé jusqu'à ce qu'il
soit transporté à Cracovie.
Le jour de la mort du Roy, M. Potocski , Archevêque
de Gnesne , Primat du Royaume , prit
possession du Gouvernement qui lui appartient
durant l'Interregne , en qualité d'Archevêque de
Gnesne. Il a assemblé les Sénateurs pour leur
faire part de la mort du Roy , et il a donné ses
Ordres pour tout ce qui regarde les affaires publiques.
On a appris ces particularitez sur la maladie
Hiiij ct
584 MERCURE DE FRANCE
et la mort du Roy. Le 12 Janvier , étant parti
de Crossen , et sortant le soir de son Carrosse
il se blessa à son pied malade, à l'endroit où étoit
l'ancienne playe , qui se rouvrit , en sorte que le
sang en sortit en abondance ; on pansa d'abord
la playe , mais le Roy passa une tres-mauvaise
uit. S. M. ne laissa pas pour cela de continuer
son voïage , et Elle arriva le 21 à Warsovie fort
indisposée. Le lendemain et le jour suivant , le
Roy paroissoit mieux , mais le 28 et le 29. il se
trouva plus mal , et ne put donner Audience aux
Députez des Nonces. La fiévre ayant redoublé
et la Gangrene s'étant mise à la playe , le Roy
Congédia ses confidens , après leur avoir parlé
en particulier ; et voyant que son heure approehoit,
résolut d'abandonner toutes autres affaires
pour ne s'occuper que de celles de l'Eternité .
L'Abbé de S. Germain , Confesseur du Roy, qui
demeura assidûment auprès de S. M. lui ayant
demandé si elle n'avoit rien à lui dire ; le Roy
Jui répondit que pendant sa vie il avoit souvent
offensé Dieu , que la foiblesse où il se trouvoit ,
me lui permettoit pas d'entrer dans le détail de
ses pechez , mais que comme il s'en repentoit
sincerement , il esperoit que le Tout - Puissant
les lui pardonneroit. L'Abbé de S. Germain lui
donna l'Absolution . Le Roy un peu avant sa:
mort , mit une de ses mains sur ses yeux , et
mourut dans cette situation.
Le Roy n'ayant point fait, comme on l'avoit,
eru , un Testament , pour demander d'être inhu-.
mé à Freyberg , dans le Tombeau des Electeurs
de Saxe ; son Corps sera inhumé à Cracovie , selon
la coutume , lorsqu'on fera la ceremonie du
Couronnement du Roy qui sera élu .
Les avis qu'on a eus de la résolution prise par
L'Ent
MARS. 1733. 385
PEmpereur , d'assembler des Troupes dans la
Silesie , a causé quelques allarmes , et elles ont
été augmentées par les Discours que quelques
Ministres étrangers ont tenus , par rapport a
l'Election d'un Roy de Pologne ; mais la fermeté
avec laquelle le Primat s'est expliqué avec ces
Ministres, fait esperer qu'aucune Puissance n'en
treprendra de donner atteinte à la liberté des
suffrages.
On écrit de Dantzick , que selon les derniers
avis reçus de Mittau , le Duc Ferdinand de Curlande
étoit à l'extrêmité ; que la Czarine avoit
envoyé de nouvelles Troupes dans les Etats de
ce Prince , et qu'on ne doutoit plus qu'elle ne fut
dans la résolution de procurer ce Duché au Prince
Antoine Ulric de Beveren.
DANNEMARCK.
Ar un Edit du Roy , la Milice qui avoit été
PAabolie , est presentement rétablie. Il est porté
par cet Edit que chaque Milicien , âgé depuis
16 ans jusqu'à 30 servira huit ans ; et que ceux
qui auront passé 30 ans , ne serviront que six
ans ; après lequel temps on leur donnera lens
congé.
ALLEMAGNE.
N apprend de Vienne que le 2 de ce mois ,
on celebra dans l'Eglise Aulique des Augustins
Déchaussez , un Service solemnel pour le
repos de l'ame du Roy de Pologne : L'Empereur
et l'Imperatrice , les Archiduchesses , les Ministres
étrangers , les Seigneurs et Dames de la
Cour y assisterent en longs habits de deüil .
Toute l'Eglise étoit tenduë de noir jusqu'à la
Hr voûte; *
586 MERCURE DE FRANCE
voûte;et on avoit élevé dans le milieu du Chaur
un magnifique Catafalque , chargé d'Ecussons et
de divers ornemens funebres , et environné de
Statues, qui representoient les Vertus.Ce Catafalque
avoit été exécuté sur les desseins de M. Jos.
Galli Bibiena , premier Architecte de S. M.Imp.
et les Inscriptions étoient de M. Jean-Charles de
Neven. Le Pr. Maurice Adolphe , Charles de Saxe-
Zeitz , Archevêque in partibus , et Evêque de
Konigsgrats. , officia Pontificalement à la Messe,
et il fit les Encensemens et les. Absoutes
On mande de Vienne que le Camp que les
Troupes commandées pour aller en Silesie doivent
occuper , est marqué entre Oppelen et le
Fort de Brieg, que quo que quelques Regimens
soient déja partis pour ce Camp , on ne croir
pas qu'il soit entierement formé avant la fin
d'Avril.
Selon les avis reçûs de Schiverin , les Troupes
que l'Empereur a envoyées pour mettre le Duc
Chrétien Louis en possession de l'administration
du Duché de Meckelbourg , n'attendent ,
pour entrer dans la Ville , que l'arrivée du nouveau
Decret de l'Empereur , par lequel il est enjoint
aux habitans de reconnoître ce Prince pour
Administrateur du Duché. Mais on apprend en
dernier lieu de Vienne que le bruit y couroit que
S. M. Imp . par égard pour les Instances que la
Czarine a faites en faveur du Duc Charies Léopol
; elle ne signera point le Decret pour faire
reconnoître le Duc Chrétien- Louis en qualité
d'Administrateur du Duché de Meckelbourg.
*
ITALIK
MAR S. 17337 587
Lo
ITALIE.
E Pape a fait publier un nouveau Decret
pour reprimer le luxe dans l'Etat Ecclesiastique
, et pour deffendre à toutes personnes.
de porter dans les Païs de sont obéissance de
For ou de l'argent sur leurs habits.
Sa Sainteté a envoyé ordre à M. Cavalieri ,
son Nonce à la Cour de Portugal , de confirmer
par une nouvelle signature , les Immunitez accordées
à la Couronne et à la Nation Portugais
se , par Benoît XIII .
;
Le 21 Fevrier , veille du jour qu'on avoit choi
si pour transporter le Corps du feu Pape Benoît
XIII. de l'Eglise de S. Pierre du Vatican ,
dans celle de Sainte Marie sur la Minerves les
Cardinaux , au nombre de 18. tinrent Chapelle
Pontificale dans la Chapelle Pauline du Palaisdu
Quirinal , et ils assisterent à un Service solemnel
, pour le repos.de l'ame du Pape deffunt
le Cardinal Altieri de S. Mathieu celebra la Messe.
Le soir, on fit dans l'Eglise de S. Pierre du
Vatican l'ouverture du Cercueil de ce Pape , et
la reconnoissance de son Corps , en presence des.
Cardinaux Otthoboni , Petra , Lercari , Altieri
de S. Marhieu , Fini , Caraffe, Olivieri , Borghese
, Albani et del Giudice , et le Card. Albani
de S, Clement , Archiprêtre de cette Eglise , remit
le Corps au P. Jean - Benoît Zuanelli , Dominicain
, Maître du sacré Palais , et chargé par
le General de son Ordre , et par les Religieux de
Sainte Marie sur la Minerve , de le recevoir en
leur nom . Ensuite on porta processionnellement
le Cercueil dans la Nef de l'Eglise , au milieu
de laquelle on avoit élevé un magnifique Cata
Hvj falque
588 MERCURE DE FRANCE
falque , où on l'exposa. Il y fut gardé jusqu'au
moment du transport par les Religieux Dominicains
, qui réïtererent des Prieres pendant toute
la nuit.
Le 22 , les Chanoines de l'Eglise de S. Pierre
du Vatican firent un Service solemnel , qui fut
chanté à plusieurs Choeurs de Musique , auquel
M. Cervini , Archevêque titulaire de Nicomedie
officia Pontificalement. Après la Messe , M.Assemani
, Camerier d'honneur du Pape , prononça
en Latin l'Oraison Funebre , après quoi le
Prelat officiant , assistê des Evêques titulaires de
Gerapolis , de Cirene , de Costanza et de Marciana
, fit les Encensemens et les Absoutes. Le
même jour , après midi , tout le Clergé Secuhier
et Regulier s'étant rendu à l'Eglise de Saint
Pierre , on transporta le Corps dans celle de
Sainte Marie sur la Minerve , et la marche se fit
dans l'ordre suivant :
Les Domestiques de presque tous les Cardimaux
qui sont à Rome ; les Enfans du College
de S. Michel , et de celui de Salviati ; les Orphelins
, les Religieux de differens Ordres , les
Clercs reguliers ; le Clergé de chaque Paroisse ,
et les Chanoines de tous les Chapitres de la Ville.
400 Religieux Franciscains , marchant quatre à
quatre , et les Dominicains marchant 6 à 6,précedoient
le Brancard sur lequel étoit le Corps. Ils .
portoient tous des Flambeaux , ainsi que te reste
du Clergé et les autres personnes qui composoient
le Cortege. Les Hallebardiers de la Garde marchoient
autour du Brancard ; les deux Maîtres des
Ceremonies , les Evêques , les Clercs de Chambre
, et la Chambre secrete , venoient ensuite .
la marche étoit fermée par 40 Valets de pied du
Pape , et par les Equipages du Majordome de
S. S.
Le
MARS. 1733 589
Le Corps arriva vers les 7 -heures du soir à l'Eglise
de Sainte Marie sur la Minerve , qui étoit
toute tenduë de noir , et magnifiquement décorée.
Il y fut reçu par les Cardinaux Otthoboni
, Borghese et J. Bapt. Altieri , et on le plaça
au milieu de la Nef, sur une Estrade , au dessus
de laquelle étoit un riche Baldaquin , où il demeura
exposé pendant toute la nuit et le jour
suivant.
Le lendemain , il y eut Chapelle Pontificale
dans cette Eglise. 26 Cardinaux assisterent a
Service , qui fut chanté solemnellement ; après
la -Messe , qui fut celebrée par le Cardinal Altieri
de S. Mathieu , M. Philippe Piersanti , Chanoine
de S. Pierre du Vatican , et Maître des
Ceremonies du Pape , prononça l'Oraison Funebre
avec beaucoup d'éloquence , et les Absoutes
furent faites par les Cardinaux Petra
Fini , Caraffe et Lercari . Pendant le reste de la
journée l'Eglise fut ouverte , et il y eut un grand
concours de peuple ; le soir , les Religieux en
ayant fermé les Portes , se rendirent processionlement
dans la Nef, et après avoir récité les
Prieres accoutumées, ils porterent le Corps dans
une Chapelle , où il demeurera jusqu'à ce que le
Mausolée qu'on lui destine , soit achevé.
"
On vient d'apprendre que dans le Consistoire ;
tenu le 2 de ce mois , le Pape avoit nominé Cardinal
, M. Dominique Riviera , Protonotaire
Apostolique , et Secretaire de la Congrégation
de la Consulte. S. S. a donné la Charge de Secretaire
de la Congrégation de la Consulte ,
M. Bardi.
Par une Liste , publiée à Naples , des Dommages
, causez dans la Calabre , par le tremblement
de Terre , du 29 Novembre dernier , il pa-
πολύ .
F90
MERCURE DE FRANCE
Foît qu'il a péri en divers endroits 1940 petsonnes
, sans compter 1455 blessez , que les Villes
et Bourgs d'Ariano , Fiumari , Vallata , Lioni
, et S. Angelo , avoient été entierement renversez.
Les Bourgs de Mirabella et Carisi , réduits
en un Monceau de Pierres; y ayant eu dans
ces deux endroits 970 morts , parmi lesquels on
compte le Seigneur de Carisi , avec son épouse ,
et toute sa famille ; que la Ville Archiepiscopale
de Conza étoit dans un état pitoyable, la Cathedrale
ayant été entierement détruite, et que parmi
les autres Villes et Bourgs qui ont le plus
souffert , on compte Monte- Fiscoli , Capitale de
la Province , Bonito , Pietra de Fuci , Manical
ciati Frevico , S. Martin di Servinara , Monte
Rocheto , & c.
Le 15. Janvier on promena , selon la coûtume,
dans les rues de Naples , le Char de Triomphe
des Boulangers , sur lequel étoit représentée l'Aurore
conduite par les Crépuscules : ce Char qur
avoit été executé sur les desseins de M. Domique
Vaccard , celebre Architecte , fut conduit
par
la rue de Tolede à la Place du Palais , où il
tut abandonné au Peuple en presence du Viceroy.
Les Rhumes et Fluxions avec fiévre , ont regné
dans toute l'Italie et ont emporté bien du monde
, sur tout les personnes âgées ; on écrit de
Florence , qu'il y a encore en cette Ville bien
des gens attaquez de cette maladie ; de Rome et
de Naples , que les Rhumes y sont aussi communs
que dans le reste de l'Europe , et de Venise
que les plaisirs du Carnaval y ont été moins vis
Cette année , à cause des mêmes maladies.
ESPAGNE
MARS. $733• 59
ESPAGNE..
Es Lettres d'Oran du 6. Fevrier , portent que
leurs étant sortis de cette Place pour reconnoître
des Palmiers qu'on avoit abbattus la veille , cinq
d'entre eux qui s'avancerent plus que les autres ,
tomberent dans une embuscade des Ennemis qui
les auroient enveloppez , s'ils ne se fussent retirez
précipitamment. Ils avertirent les Piquets qui
soutenoient les Travailleurs du Fort de S. Philippe
, de se tenir sur leurs gardes , et aussi -tôt les
Piquets marcherent en bon ordre aux Ennemis ,
dont le nombre pouvoit monter à 1500. Il y eut
grand feu de part et d'autre , mais les Ennemis.
curent à soutenir , non seulement celui des Pi→✩
quets , mais encore celui de l'Artillerie des Forts
de S. Philippe et de S. André Les Grenadiers
eurent ordre d'aller au secours des Piquets , et on
fit monter la Cavalerie à cheval pour soutenir
les Grenadiers, Ceux- ci étant arrivez les premiers
au poste des Ennemis , se rangerent.en bataille ,
dans le dessein de couper les Ennemis , qui s'en
étant apperçus , se retirerent. La Cavalerie Espagnole
, pour engager un combat entre les Trou
pes d'Infanterie , feignit deux fois de prendre la
fuite , afin d'attirer les Ennemis , mais ce fut inutilement.
Les Maures ont perdu ffo . hommes ,
et du côté des Espagnols il y a eu un Enseigne et
deux Soldats tuez et 17. blessez.
On a appris depuis le détail qu'on va lire au
sujet de cette Action: Quatre Compagnies de Grenadiers
commandez pour couvrir des Travailleurs
qui coupoient du bois au bas de la Montagne de
da la Mazetta , étant sorties de la Place au point dujour
192 MERCURE DE FRANCE
jour , apperçurent un nombre considerable d'Ennemis
qui se voyant découverts , firent feu et les ›
obligerent de se retirer jusqu'à ce qu'elles eussent
été jointes par cinq autres Compagnies de
Grenadiers qu'on envoya du Fort S. Philippe à s
leur secours ; soutenuës de ce renfort , elles retournerent
à l'Ennemi , et l'action s'engagea vi→
vement de part et d'autre. Le Commandant de la
Place , averti que ces gens étoient aux mains avec
les Maures , sortit avec 300. chevaux et huit
Compagnies d'Infanterie , et se mit en bataille
plaçant sa Cavalerie au centre , et son Infanterie
sur les aîles. Aussi-tôt les Maures firent avancer
un Corps de Cavalerie pour attaquer la Cavalerië
Espagnole , qui recula afin que les Ennemis , la
poursuivant , fussent pris en flanc des deux côtez
par l'Infanterie. Cette feinte réussit ; les Ennemis
s'étant trop avancez , les deux ailes se replierent
, et les ayant mis entre deux feux , leur tue
rent beaucoup de monde ; le reste ne s'étant sauvé
qu'avec peine , alla se rallier près d'un Corps
d'Infanterie et de Cavalerie , qui étoit posté à
quelque distance dans la Plaine des Salines.
Cependant le Bey Bigotillo s'étoit avancé avec
dix Drapeaux , et s'étoit mis en bataille vis- à - vis
le front des Travailleurs ; le Commandant Espagnol
et le Gouverneur du Fort de Sainte Croix
l'ayant apperçu , firent chacun un détachement
pour le couper , l'un du côté de la Montagne
l'autre par le Barranco , ou Vallon creux ; mais
Bigotillo ayant vû ce mouvement , se retira a■
plus vite,et alla rejoindre le gros des Ennemis qui
prirent la fuite. Les Espagnols poursuivirent les
Fuyards pendant un assez long espace , et après .
s avoir chassez jusques hors de la vûë d'Oran ,
rentrerent dans la Place avec une grande quantité
MARS. 1733. 195
tité de chevaux pris sur les Ennemis. Cette action
a durédepuis le point du jour jusqu'à quatre heures
du soir , et les Maures ont perdu près de 600.
hommes , au lieu que les Espagnols n'ont cu
qu'un Lieutenant de Dragons et deux Soldats
de tuez.
On a reçu avis de Barcelone , que l'Escadre que
le Roy avoit dans la Méditerranée
, étoit rentrée
dans ce Port , selon les mêmes Lettres , cette Escadre
étant sur les Côtes de Barbarie
, découvrit
près du Golfe d'Arseo , à la hauteur de Mostagan
, un Vaisseau
de 46. pieces de Canon , qui
servoit cy-devant de Capitane
à l'Escadre
d'Alger
; Don Blaise de Lezo, qui commandoit
l'Escadre
du Roy , fit force de voiles pour donner
la chasse à ce Vaisseau
; mais comme le Vaisai –
seau ennemi avoit deux lieües d'avance
, la nuit
survint
avant qu'on pût le joindre , et le Capi
taine en profita pour débarquer
300. Turcs et
quelques
vivres qu'il transportoit
d'Alger
au
Camp des Maures. Le lendemain
au point du
jour , on apperçut
ce Vaisseau
derriere un Cap
et vers les neuf heures et demie on commença
le canoner. Il essuya pendant
près de deux heures
les bordées de tous les Vaisseaux
de l'Escadre
Espagnole
, sans être beaucoup
endommagé
. Cependant
le Capitaine
Algerien
voyant que le feu
de l'Artillerie
des Espagnols
ne discontinuoit
point et perdant l'espoir de conserver
son Vaisseau
, songea à sauver l'Equipage
qu'il fit débarquer.
Don Blaise de Lezo , après avoir canoné
pendant
cinq heures le Vaisseau
Algerien
, détacha
les Gardes de la Marine et 200. bommes
pour le couler à fond , ce qui fut executé malgré
le grand feu des Algeriens
rangez en bataille sous
une batterie que les Maures avoient sur le Rivage.
Les
394 MERCURE DE FRANCE
Les Espagnols qui ont enlevé les cordages , le
Canon et tout ce que les Eunemis avoient laissé
dans le Vaisseau , n'ont eu dans ce combat, que
7. hommes tuez et 33. blessez .
On apprend par des Lettres d'Allemagne , que
plusieurs Officiers Espagnols qui sont au service
de PElecteur Palatin , ont obtenu la permission
de venir en Espagne pour faire la prochaine
Campagne d'Afrique en qualité de Volontaires.
LE
GRANDE BRETAGNE.
E 20. Février , la Chambre des Communes
en grand Comité , résolut d'accorder au
Roy la somme de 164835. livres sterlin pour
Pentretien des Gardes et Garnisons dans les Plantations
, à Minorque , à Gibraltar , à Annapolis
Royale , et a Plaisance pendant l'année 1733 .
25128. liv. sterl. pour les Pensionnaires externes
de Chelsea ; 10000. livres sterl. pour l'Hôpital
de Greenwich , et 7256. pour quelques dépenses
extraordinaires ausquelles le Parlement n'avoit
pas encore pourvû.
Dans l'Assemblée que les Commissaires de
PAmirauté tinrent le 26. du mois dernier , il a
été reglé qu'on équiperoit 13. Vaisseaux Gardes-
Côtes , et que le Contre- Amiral Stewart en auroit
le commandement.
La Chambre des Communes , sur une Requête
des Négocians en Diamans , a résolu en grand
Comité , qu'à l'avenir les Diamans et les autres
Pierres précieuses ne payeroient aucun droit d'entrée
ni de sortie dans tous les Ports de la domimarion
de la Grande- Bretagne.
MORTS.
MARS. 1733. 5.95.
ا ذ
MORTS DES PAYS ETRANGERS.
Liati,
E 24. Février , le Cardinal Alamanno Salmourut
à Rome , âgé de près de 65 .
ans , étant né à Florence le 20. d'Avril 1668 , II
avoit été fait Cardinal le 8. Février 1730. par
le Pape Benoît XIII qui lui donna le Titre de
Sainte Marie d'Ara- Coeli , et le fit Préfet de la
Signature de Justice. Le 25. le Corps de ce Cardinal
fut porté à l'Eglise de Sainte Marie d'Ara
Coli, dans un Carosse , accompagné de plusieurs
autres où étoient ses Gentilshommes ; le lendemain
, 21. Cardinaux assisterent à ses Obseques
qui furent celebrées avec beaucoup de solemnité.
Le 5. Mars après midi , Muley Achmet , petitfils
du feu Roy de Maroc , et neveu du Roy regnant
, fut baptisé par le Cardinal Guadagni ,
dans l'Eglise de S. Pierre du Vatican , où le Čardinat
Belluga , qui a pris soin de l'instruction de
ce Prince depuis qu'il est à Rome , le conduisit
dans son Carosse ; il eut pour Parrein le Prince
Don Barthelemi Corsini , frere du Cardinal de ce
nom , et neveu du Pape. Il fut nommé Laurent-
Barthelemi-Trajan-Louis. Le Cardinal Annibal
Albani de S. Clement , lui administra le Sacrement
de Confirmation , et l'exhorta par un Discours
très-touchant , à demeurer fidele anx obligations
qu'il contractoit en embrassant la Reli
gion Catholique, Le Chevalier de S. George assista
à cette Ceremonie , qui se fit en presence de
17. Cardinaux et de la plus grande partie de la
principale
1
596 MERCURE DE FRANCE
principale Noblesse , après quoy le Prince nouvellement
baptisé fut conduit par le Cardinal
Belluga , à l'Audience de S. S. qui le reçut avec
beaucoup de marques de tendresse , et l'assura
d'une protection particuliere .
XXXX:XXX** X ******
FRANCE ,
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
LE
E Roy a donné l'Abbaye de Ville-
Longue , Ordre de Citeaux , Diocèse
de Carcassonne , à l'Abbé Novy ; et le
Prieuré de S. Maurice de Senlis , Ordre
de S. Augustin , à l'Abbé de Noë.
Le 1s de ce mois , 4e Dimanche de Carême
, le Roy entendit dans la Chapelle
du Château de Versailles , la Messe chantée
par la Musique , pendant laquelle l'Evêque
de Mâcon prêta serment de fidelité
entre les mains de S. M.
Le Roy a donné le Gouvernement
d'Huningue , au Marquis de Guerchy ,
Lieutenant General de ses Armées.
La Charge de Premier Maître d'Hôtel
de la Reine , a été donnée au Marquis de
Chamarande , qui a été Premier Maître
d'Hôtel de Madame la Dauphine, Aycule
du Roy. Il prêta serment de fidelité entre
MARS . 1733-
197
tre les mains de la Reine , le 15 de ce.
mois.
Le 4. Fevrier , la Cour étant à Marly,
on chanta devant la Reine le Prologue et
le premier Acte de l'Opera de Cadmus ,
qu'on continua le 7.et le 9.Les principaux
Rôles furent chantez par les sieurs d'Angerville
, Dubourg , Ducros , et par la Dlle
Mathieu, laquelle chanta à la fin de la Piece
uneAriette Françoise de la composition
du sieur Mathieu , qui fut très- goûtée.
Le 11. on concerta l'Opera d'Issé , de
la composition de M. Destouches ; la
même Dlle Mathieu remplit le Rôle
d'Issé , avec beaucoup de succès et de
précision ; l'execution des Choeurs et
de la Simphonie fit aussi beaucoup de
plaisir.
Le 17. on chanta le Prologue et la
troisiéme Entrée du Ballet des Stratagemes
de l'Amour , du même Auteur. La
mort de Madame de France troisiéme
fut cause qu'il n'y eut plus de Concert
le reste du mois.
On apprend de Rome , que dans le
Consistoire secret que le Pape tint le 2 .
de ce mois , le Cardinal Othoboni proposa
l'Abbaye de S. Pierre de Flavigny 2
Dio558
MERCURE DE FRANCE
cèse d'Autun , pour l'Evêque de Luçon ,
et celle de N. Dame de Font- Froide
Diocèse de Narbonne, pour l'Abbé de
Brissac ; il préconisa ensuite l'Evêque de
Rennes , pour celle de N. Dame de Joüy,
Diocèse de Sens.
Le 19 de ce mois , le Duc de Sully et le
Duc de Gontault , Pairs de France , prêterent
serment et prirent séance au Pare
lement en la maniere accoutumée.
Le Roy a donné le Gouvernement des
Ville et Citadelle de Metz , et du Païs
Messin , au Comte de Belle- Isle . Il prêta
serment de fidelité entre les mains de Sa
Majesté , le 17 de ce mois.
Le 30. de ce mois , la Reine n'ayant
pû , à cause de sa grossesse , se rendre à
I'Eglise de la Paroisse , communia dans
la Chapelle du Château , par les mains.
du Cardinal de Fleury , son Grand -Aumônier.
Le 24. Mars , la Loterie de la Compagnie des
Indes , établie pour le remboursement des Actions
, fut tirée en la maniere accoûtumée , à
P'Hôtel de la Compagnie. La Liste des Numeros
gagnans des Actions et Dixièmes d'Actions qui
doivent être remboursées , a été renduë publique
MARS. 1733 599
que , faisant en tout le nombre de 314, Actions
Le 22. Mars , Dimanche de la Passion , tous
les Théatres ayant été fermez à l'occasion des
Lois semaines de Pâques, il y eut Concert Spirituel
au Château des Tuilleries , dans lequel les
Diles le Maure et Erremens , chanterent differens
Récits dans les Motets, avec applaudissement ; on
y executa aussi un nouveau Motet à grand Choeur
de l'Abbé Gaycau, qui fut très - goûté. Le Miserera
de M. de la Lande termina le Concert.
Le 25. , Fête de l'Annonciation , il y eut aussi
Concert Spirituel , les Diles Courvasier et Lenaer
, chanterent un nouveau Motet du sieur le
Maire , qui fur très- goûté ; on executa ensuite
la Cantate de M. de la Lande , ou la Dile le
Maure chanta le beau Récit de Viderunt , à la
satisfaction d'une très -nombreuse Assemblée. Le
même Concert doit continuer jusqu'à la Quasimodo.
Au dernier jour de ce mois , le froid a été ici
encore aussi vif comme au fort de l'hyver , les
Rhumes et les autres Maladies de cette espece ,
sont cependant fort diminués.En sorte qu'on n'entend
presque plus le bruit importun et presque
continuel de ceux qui toussoient , crachoient,
se mouchoient dans les Eglises , dans les Assemblées
et aux Spectacles sur tout , où le Garçon
Limonadier , qui offroit des rafraichissemens ,
crioit aussi du Jus de Reglisse et de la Conserve
de Guimauve.
co MERCURE DE FRANCE
A SON EMINENCE.
Sage Dispensateur d'une vaste Puissance ,
Qui fait des voeux pour toi , s'acquitte envers la
France
FLEURY , puissent les Dieux ne plus compter les
ans ,
Et puisse leur séjour t'attendre encor long-tems !
Que ta vigueur durable à nos besoins réponde.
Soutien toujours le nom de Bienfaicteur du
Monde.
De l'Europe à ta foy le destin fut remis ,
Et nos Voisins jaloux devinrent nos amis.
Tu rends l'obeïssance et certaine et facile
Le Soldat est payé, le Rentier est tranquille,
Même le Courtisan dispensé de flatter ,
Pour atteindre aux honneurs n'a qu'à les mériter;
Pilote vigilant , joui des vents propices.
D'un Monarque ombrageux essuyant les caprices
,
Armand, voyoit par lui ses projets combattus ;
Lours t'ouvrit son coeur en l'ouvrant aux Vertus.
Possede de ton Roy l'auguste confiance s
Son bonheur t'a placé ; le remps , l'experience ,
Lui font à chaque instant renouveller son choix
Ses regards de tes soins soulagent tout le poids.
L'Histoire , qui souvent prend la haine pour
guide ,
Peint Armand trop severe et Jules trop avide
Veit
Voit-on la cruauté t'inspirer ses transports ?
L'Avarice occupée à compter tes trésors ?
FLEURY , la paix du coeur regne sur ton visage ,
Jamais les Passions n'y forment de nuage ,
Aux Graces ton accueil ajoute un nouveau prix;
Le refus nécessaire est au moins sans mépris ;
Le culte seul en toi trouve un vengeur austeres
La Politique en fait un frein pour le vulgaire ,
Mais il est à tes yeux le vrai devoir des Rois ,
Le principe du bien et la source des Loix.
Poursui sans te lasser ta carriere immortelle ,
Cherche dans ta vertu le seul prix digne d'elles
Les titres, les respects , les éloges pompeux ,
Sont une récompense au - dessous de tes voeux ;
Loin de toi ces Rimeurs que le besoin altere ,
Qui font d'un talent noble- un métier merce
naire ;
Reçoi l'hommage pur que le coeur m'a dicté ;
Mes Vers n'ont d'autre prix que leur sincerité.
MORTS , NAISSANCES
& Mariages.
Ame Marie de la Garde , veuve
Dde François Bertaut , Seigneur de
Freauville , Conseiller au Parlement , en
la Grand'Chambre > mourut les Fé-
I vrier ,
vrier , âgée de 0 ans . Son Corps fut
transporté de l'Eglise de S. Sulpice en
celle des PP. Jacobins de la rue S. Dominique.
Bernard Angelique de Cremean d'Entragues
, Abbé de Jondieux , mourut le
24 Février , âgé de 83 ans.
M. de Pellevé , Curé de Bussy S.Geor
ge , près de Lagny , Diocèse de Paris ,
nous écrit que le 26 Fevrier dernier mourut
dans sa Paroisse Perrette Chevalier,
veuve d'Etienne Racquenard , Laboureur
, âgée de 106 ans 7 mois, après avoir
reçu les Sacremens avec beaucoup d'édification
, de jugement et de tranquilité ,
et fans avoir jamais ressenti durant toute
sa vie le moindre accès de fiévre . Elle est
décedée au lieu de Collegien , dans la
Maison d'Etienne Racquenard , son Fils
Laboureur et Fermier de M. le Marquis
de Torcy. Le Marquisat de Torcy est
dans la Brie.
Dame Louise- Elizabeth Vallot , veuve
de M. Denys de Bannes , Comte d'Avejan
, Grand- Croix de l'Ordre Royal et
Militaire de S. Loüis , Lieutenant General
des Armées du Roy , Lieutenant Colonel
du Régiment des Gardes Françoises
, et Gouverneur de Furnes , mourut à
Paris le 26 Février , âgée de 81 ans.
M.
MAR S. 1733 . 603
M. Guillaume de la Vieuville , mourut
à Paris le 23 , âgé de 50 ans. Il avoit
été Secretaire des Commandemens de la
Reine , et il avoit eu la même Charge
chez feue Madame la Dauphine , mere du
Roy .
Le même jour , M. Jean Bonnevie ,
Ecuyer Secretaire du Roy , Fermier General
, mourut à Paris , âgé de 72 ans.
D. Bonne Barillon , veuve de M. Arnault
de la Briffe , Procureur General du
Parlement , mourut en son Château d'Amilly
, vers la fin de Février , àgée de 65
ans .
Charlotte - Armande, Gaston de Rohan
, cy - devant Abbesse de l'Abbaye
Royale de Jouarre , mourut à Paris , dans
la 38 année de son âge.
,
D. Marie Edmée Terrier , veuve de
Charles d'Hosier Chevalier des Ordres
du Roy et de Savoye ; Genealogiste
de la Maison de Sa Majesté , Garde de
son Armorial , et Juge General des Blazons
de France , Prevôt du Regiment
du Roy , Infanterie , et Grand Forrestier
de la Ville d'Hesdin en Artois , mourut
à Paris , le 1 Mars , âgée de soixante
er dix- neuf ans.
Pierre - Gilbert Colbert , Marquis de
Villacerf et de Payenne , Seigneur de
E
I ij S
604 MERCURE DE FRANCE
A
S. Mesmin , Courlange. , &c. Premier
Maître d'Hôtel de la Reine , mourut à
Paris le 3 Mars , âgé de 61 ans .
Frere Henry Perrot de S. Dié , Grand-
Croix , de l'Ordre de S. Jean de Jerufalem
, Bailly de la Morée , et Commandeur
de la Commanderie de Villers
près Liege , mourut à Paris , le 4 ,
de 88 ans.
,
âgé
On écrit de Marseille , que le Comte
de Forbin , Chef d'Escadre des Armées.
Navales , Chevalier de S. Louis , étoit
mort dans cette Ville le 4. de ce mois ,
qu'on lui avoit fait de magnifiques Funérailles
, ausquelles tous les Officiers de
la Marine et autres avoient assisté. Il
s'étoit acquis une grande réputation dans
le Service de Mer , qu'il avoit quitté depuis
plusieurs années pour se retirer dans
sa Maison de campagne de S. Marcel ,
à deux lieues de Marseille , où il a vécu
depuis fort chrétiennement jusqu'à l'âge
de 77. ans , étant né en l'année 1656.
Il a été transporté de cette Ville dans
l'Eglise de S. Marcel , pour y être inhumé.
On a imprimé en l'année 1729.
des Mémoires sous son nom , qui con
tiennent l'Histoire de sa Vie , 2. vol.
in 12. à Amsterdam , chez F. Girardi.
M. Guillaume-Denys Ravissar, Prêtre,
Docteur
MARS. 1733 305
Docteur en Théologie , Curé de la Paroisse
S. Hypolite , Fauxbourg S.Marcel,
mourut le 5 , âgé de 44 ans.
Le 7 Mars. Marie- Magdeleine de Bran
cas , fille de Louis de Brancas , Duc de
Villars , mourut à Paris , âgée d'environ
63 ans. Elle avoit épousé le 26 Octobre
1694. Gabriel-Henry de Beauvau , Marquis
de Montgauger , cy-devant Capi
taine des Gardes du Corps de Philippe
de France , Duc d'Orleans , Frere unique
du Roy Lois XIV. dont elle a eu
Anne Agnès de Beauvau , épouse d'Agesilan
Gaston de Grossolles , Marquis
de Flamarcus , Seigneur de Bazet , &c.
cy - devant Capitaine - Lieutenant des
Chevaux Legers de Bourgogne , Brigadier
des Armées du Roy , et plusieurs
autres filles.
-
Yves , Marquis d'Alegre , Prince d'Orange
, Baron de Flagêne , Aubusson
Aurouze , Comte de Champeix , Baron
de S. Ciergues , Seigneur de Mishault ,
Tourzel , Montaigu , & c. Maréchal de
France , Chevalier des Ordres du Roy ,
Gouverneur des Villes et Citadelles de
Metz et du Païs Messia , Commandant
en Chef dans les trois Evêchez , mourut
à Paris , le 9 de ce mois ; âgé d'environ
8 ans. Son Corps a été transporté
I iij de
606 MERCURE DE FRANCE
de l'Eglise de S. Sulpice à Alegre en
Auvergne.
M. Mathurin Prochant , Docteur en
Théologie ,Chanoine de l'Eglise de Paris ,
Prieur de S. Lo du Boucachard , mourut
le 11 , âgé de 84 ans.
Le R. P. Michel le Quien , de l'Ordre
de S. Dominique , Bibliothequaire du
Convent de la rue S. Honoré , mourut
le 12 Mars , âgé d'environ 70 ans , aussi
recommandable pour sa piété , que par
son Erudition . Nous avons souvent parlé
de ce Sçavant Religieux , dans nos Journaux
, et nous ne présumions pas , en insérant
dans celui- cy, les Remarques qu'il
nous avoit communiquées , sur un Ouvrage
important pour la Religion , que
nous serions obligez d'annoncer sa mort
sur la fin du même Livre. En attendant
que nous puissions rendre à sa Mémoire
de plus amples devoirs , nous avons la
consolation d'apprendre au Public que
son grand Ouvrage : Oriens Christianus
et Affrica , déja avancé , et qui s'imprime
au Louvre , sera continué par des Religieux
choisis , de la même Maison , que
l'Autheur a instruits , &c.
Dame Catherine Bouchart , veuve de
M. Antoine Barillon de Morangis , Me des
Requêtes , mourut en son Château de
MoMARS.
1733
607
Morangis , le 15 de ce mois , dans la 69
année de son âge.
,
D. Magdelaine de Bachys Daubais ;
veuve de Jacques de Cassagnet Villadet ,
Narbonne , Ĉomague , Marquis de Fimarcon
, Chevalier des Ordres du Roy
Lieutenant General des Armées de S. M.
Lieutenant General de la Province de
Roussillon et Gouverneur de Mont-
Loüis , mourut à Paris le 18 , dans la so
année de son âge.
2
D.Renée Suzanne de Longueil de Maisons
, Abbesse de l'Abbaye Royale de
Sainte Perrine de la Vilette , y mourut
le 28 , âgée de 75 ans 2 mois.
Le 2 Mars , M. l'Archevêque de Sens ;
administra le Sacrement de Baptême dans
l'Eglise des Carmelites du Fauxbourg
S. Germain , à Louis Levi , surnommé
Féermer, âgé d'environ 36 ans , à Marie--
Louise Genevieve Jacob son épouse ,âgée
de 35 ans , à Charles Lévi leur fils , agé
de 12 ans ; et à François Levi Féermer ,
frere de Louis , âgé de 18 ans , tous Juifs
' de Religion . Ils curent l'honneur d'avoir
'pour Parrain Monseigneur le Duc d'Orjeans
, Premier Prince du Sang , et pour
Maraine , la Reine d'Espagne , seconde
Doüairiere .
I iiij D.
8 MERCURE DE FRANCE :
D. Loüise-Françoise de Belhomme de
Veuville, épouse de Pierre - François d'Espinassy
, Seigneur de Marignole , & c.
Colonel de Dragons , accoucha le 8 Mars
d'un Fils , qui fut nommé Charles Loüis
par Louis Robert, Chevalier de la Mark,
et par D. Marie- Eleonor de Maillé, fille
de Donatien de Maillé , Marquis de Carman
, & c.
· D. Magdelaine - Catherine Therese
Carrel , épouse de Charles , Marquis de
Houdetot, Brigadier des Armées du Roy,
Colonel du Regiment d'Artois , accoucha
le 14 Mars d'une fille , qui fut nommée
Charlotte - Loüise- Magdelaine , par
Louis de Bec- de- Liévre , Marquis de Cany,
et par D. Charlotte - Marie de Houdetot,
fille de feu Louis - Pierre de Houdetot ,
Colonel du Regiment d'Artois .
Joachim de Zuniga , Comte de Betaleazar,
&c. fils de Don Jean Manuel Diego
Lopez de Zuniga Soto Mayor Mendeza
; et Gusman , Duc de Lujars , de
Plovizance , & c. Marquis de Gibralcon ,
&c. Grand Justicier hereditaire des
Royaumes de Castille et de Léon , &c.
Chevalier de l'Ordre de la Toison d'or,
Grand Maître de la Maison du Prince
des Asturies , et de feuë Dame Raphaë

le
MARS. 1733 . 609
I
le de Castro , Duchesse de Béjars , épou
sa le 1 Mars Léopoldine - Elizabeth- Charlotte
de Loraine , Dame de Remiremont,
fille de Louis de Lorraine, Prince de Pons
et de Mortagne , Marquis de Miranbeau ,
&c. Chevalier des Ordres du Roy , Colonel
d'Infanterie , et de D. Elizabeth de
Roquelaure , Princesse de Pons , &c.
Le Marquis de Wargemont, Enseigne
des Gendarmes de la Garde du Roy ,
épousa la nuit du Lundi au Mardi 10 de
Mars , Mademoiselle de S. Chamant ,fille
de feu Marquis de S. Chamant , Maréchal
des Camps et Armées du Roi , Licutenant
des Gardes du Corps et Gouver
neur de Puits-Laurent . La ceremonie s'est
faite dans la Chapelle du Château de Villenaux,
où plusieurs Seigneurs ont assisté.
Il y a eu par les Bourgeois de la Ville
bien des réjouissances au bruit du Canon
, et le Prince de Tingri , mit le feu à
un tres beau Feu d'Artifice , qui fut tiré
le soir , précedé d'un grand nombre de
Fusées volantes.
Le 16. Mars , l'Archevêque de Paris
fit dans la Chapelle du Palais Archiepiscopal
, la Celebration du Mariage de
M. Aymard - Jean , Marquis de Nicolai ,
Conseiller au Parlement , Premier Président
en survivance de la Chambre des
I v Comptes
}
610 MERCURE DE FRANCE
Comptes , fils de M. Jean- Aymard de
Nicolai , Marquis de Goussainville , Premier
Président , et de D. Marie- Jeanne
de Lamoignon , avec D. Magdeleine-
Charlotte- Guilelmine - Leonine de Vintimille
, des Comtes de Marseille , fille
de Gaspard- Hubert Magdelon de Vintimille
, des Comtes de Marseille , Marquis
du Luc , Brigadier des Armées du
Roy , Colonel d'un Régiment de Cavalerie
de son nom , Gouverneur des Ifles .
de Porquerolles , et de D. Marie- Charlotte
de Réfuge.
POUR le Mariage du Marquis de
Nicolai reçu en survivance Premier
Président de la Chambre des Comptes ,
et le neuvième pourvû de sa Famille .
Pour accomplir la destinée”,
De l'heureuse journée
Qui doit unir par les noeuds les plus doux,
Deux illustres Epoux ,
Que tant d'éclat et de gloire environne ,
Thémis d'accord avec Bellone ,
L'Hymen d'accord avec l'Amour ,
2>
Ont rassemblé dans leur brillante Cour ,
Les Graces , les Vertus , la Valeur , la Sagesse ;.
Les Plaisirs et les Jeux , les Ris et la Jeunesse.
MAR S. 1733 :
611
Ovous , fidelle Epoux , sans cesser d'être Amant ›
Joüissez des douceurs d'un tendre engagement.
Vous, qui par vos Ayeux , ainsi que par vousmême
,
Perpetuez le rang d'un premier Magistrat ,
Songez qu'à votre nom , comme au bien de
l'Etat ,.
Vous serez dans un an débiteur d'un dixième.
1
ARRESTS NOTABLE S.-
RDONNANCE DU ROY , du 17.
Février,contre les prétendus Convulsion
naires , par laquelle il est dit :
Que Sa Majesté étant informée que depuis
l'Ordonnance qu'elle a rendue le 27. Janvier .
1732. pour faire fermer le petit Cimetiere de
S. Medard , plusieurs personnes , par un déreglement
d'imagination , ou par un esprit d'imposture
, se prétendent attaquées de convulsions , et
qu'elles se donnent même en spectacle dans des
maisons particulieres , pour abuser de la crédulité
du Peuple , et faire naître un fanatisme déja trop
semblable , par de chimeriques Propheties à celui
qu'on a vu dans d'autres temps . Et comme
rien n'est plus important que d'arrêter , par les
voyes les plus efficaces et les plus promptes , de
pareils excès , toujours dangereux pour la Religion
, et contraires à toutes les loix de la police ,
qui ont été faites pour empêcher toute sorte de
Concours du peuple et d'assemblées illicites ;
1 vj
S.
612 MERCURE DE FRANCE
S. M. a crû devoir encore interposer son autorite
sur un sujet aussi important pour la tranquillité
publique, et marquer de nouveau toute son indignation
contre les Auteurs d'un pareil scandale :
A ces causes , S. M. a fait très- expresses inhibitions
et deffenses à toutes personnes se prétendant
attaquées de convulsions , de se donner en
spectacle au Public , ni même de souffrir dans
leurs maisons , dans leurs chambres ou autres
lieux , aucuns concours ou assemblées , à peine
d'emprisonnement de leur personne , et d'être
poursuivis extraordinairement comme séducteurs
et perturbateurs du repos public . Deffend
pareillement à tous ses Suiets , sous peine de
desobéissance , d'aller voir , ni visiter lesdites
personnes , sous prétexte d'être témoins de leurs
prétendues convulsions : enjoint S. M. au sieur
Heraut , Conseiller d'Etat , Lieutenant General
de Police de la Ville , Prévôté et Vicomté
de Paris , et aux sieurs Intendans départis dans
les Provinces , de faire toutes les diligences nécessaires
pour l'execution de la présente Ordonnance
, & c .
ARREST du 24. Février , qui ordonne
l'execution de plusieurs Sentences et Arrêts rendus
par les Juges des Fermes en Languedoc er
Provence ; par lesquels il a été prononcé des
confiscations , amendes et peines de Galeres contre
differens Patrons et Matelots Catalans , convaincus
de fauxsaunage et d'introduction de faux
Tabacs et autres Marchandises de contrebande ;
et cependant , par grace et sans tirer à conséquence
, leur fait main- levée de partie desdites
Marchandises et amendes.
AUTRE
MARS. 1733. G13
AUTRE du 8. Mars , qui permet la sortie
à l'Etranger des vieux linges , vieux drapeaux ,
drilles et pattes , rogneures de peaux et parchemin
et autres semblables matieres servant à la
fabrication du papier , en payant trente livres du
cent pesant.
ARREST DU GRAND CONSEIL ,
du 17. Mars , qui ordonne la suppression d'un
Livre , &c.
Ce jour , les Gens du Roy sont entrez , et Maître
Armand- Jerôme Bignon , Avocat dudit Sei
gneur Roy , portant la parole , ont dit :
MES.SIEURS ,
On nous remit le dernier jour à votre Audien
ce le Livre que vous voyez entre nos mains ; il est
imprimé sans Privilege à Lyon en 1729. On y
donne à cette Ville le nom de Colonia Munatia→
na , qui n'est pas celui sous lequel elle est connue
ordinairement.
Quelqu'étonnant qu'il soit que des Libraires
osent en France hazarder l'impression d'un Livre,.
sans y être autorisez par les formalitez ordinaires
si justement établies , il est plus étonnant encore
qu'un Religieux demeurant dans le Royaume
, s'écarte si extraordinairement des principes
fondamentaux de la Doctrine de l'Eglise Gallicane.
Mais ce qui nous semble de plus surprenant
encore , c'est qu'il paroisse à la tête d'un Ouvrade
cette nature l'Approbation et la Permission
d'imprimer données par l'Abbé general de Cîge
teaux .
Ce seroit abuser de votre Audience que de s'é
tendre en longs discours sur les propositions qui
vous ont été dénoncées ; elles sont repetées en
differens
614 MERCURE DE FRANCE
differens endroits du corps de l'Ouvrage , et no
tamment à la fin dans un petit Traité qui paroît
séparé du reste du Livre , et auquel on a donné
le titre particulier de Parerga ex Theologia specu
lativa. Vous y verrez entr'autres , Messieurs
dans le corps du Livre , page 12. Papa utitur
plenitudine potestatis sua , et alii Pralati Ecclesiastici
suam quam habent potestatem , habent immediatè
à Papa.
>
Pag. 13. Christus concessit potestatem jurisdictionis
per Claves Ecclesia , concessit autem Claves
Ecclesia soli Petro : adeòque potestatem jurisdictionis
soli Petro immediatè commissit , et per Petrum ,
aut ejus Successorem Episcopis . Unde Papa potest
Episcopos à se institutos , electos et confirmatos deponere
, et potestatem jurisdictionis per electionem et
confirmationem illis concessam , auferre ab illis .
Page 17. Neque etiam Concilium Generale poestatem
habet immediatè à Christo , sed à Papá
et separatum à Papâ non annuente vel influente ,
potest errare , ejusque decreta non confirmata nullans .
veritatem , quoad fidem et mores , stabilire possunt ,
quia autoritas Concilii non procedit autoritate Episcoporum
, quia sicut unus illorum sic singuli errare
possunt ; sed ab autoritate Papa universaliter convocante
et approbante Concilium Generale.
Et dans le Parerga pag. 7. Solus divus Petrus
ejusque legitimi Successores Romani Pontifices , à
Christo Domino obtinuerunt primatum et regimen
monarchicum in Ecclesiâ militante , Autoritas Summi
Pontificis in definiendis et declaran is rebus fi→
dei , in ferendis sententiis et legibus pro totâ Ecclesia,
tam intra quam extra Concilium est infaillibi -
lis ; bocque est de fide.
A concilio, etiam ecumenico, licita est appellatio
ad Papam , sed à Papâ ad Concilium Generale non
licet appellare..
MARS . 1733. 615
Ces propositions ont été tant de fois condamnées
, et sont si directement contraires aux plus
précieuses Maximes du Royaume , qu'il suffit de
les lire et de les entendre , pour concevoir combien
elles sont repréhensibles . Nous ne croyons
donc pas necessaire de les combattre plus particulierement
, et nous sommes persuadez que la
simple lecture de ces propositions excitera votre
indignation , et que vous en préviendrez les dan,
gereuses consequences par un Arrêt digne de votre
zele et de votre juste séverité .
C'est ce qui nous a déterminés , Messieurs , à
prendre les conclusions que nous laissons par .
écrit avec ledit Livre.
Eux retirez :
Vu le Livre intitulé : Elenchus Privilegiorum
Regularium tam mendicantium quàm non mendicantium
maximè Cisterciensium , &c. Congestus à
P. Raphaële Kondig , c. Colonia Munatiana
apud Thurnisios Fratres anno 1729. après lequel
Ecrit est un autre intitulé : Parerga ex Theologia
speculativa : ensemble les conclusions du Procu
reur Generál du Roy. La matiere mise en déliberation.
Le Conseil ordonne , que le Livre intitulé :
Elenchus Privilegiorum Regularium tam Mendicantium
quam non mendicantium maximè Cisterciensium
, &c. Congestus à P. Raphaële Kondig
c. Colonia Munasiana apud Thurnisios Fratres ,
sera et demeurera supprimé , comme contenant
des propositions contraires aux droits de la Couronne
, à ceux de l'Episcopat , aux Loix et aux
Maximes du Royaume , aux Libertez de l'Eglise -
Gallicane , à l'autorité des Conciles Generaux
et notamment aux Décrets des Sessions 4. et 5 .
du Concile de Constance , et à ceux de la Session
16.
616 MERCURE DE FRANCE
16. du Concile de Basle. Enjoint à tous les Supe
rieurs Reguliers de l'Ordre de Câteaux , chacun
en ce qui le regarde , de tenir la main à ce qu'il
ne soit soutenu , ni enseigné directement ni indirectement
dans leurs Maisons , aucunes de ces
propostions ni autres contraires aux Maximes du
Royaume. Enjoint à tous ceux qui en auroient
des Exemplaires de les apporter au Greffe du
Conseil pour y être supprimez. Fait deffenses à
toutes personnes de les retenir , vendre et debiter.
Permet au Procureur General du Roy d'informer
contre les Auteurs , Libraires , Imprimeurs,
Distributeurs , pardevant Maître Jean Duchastelet
, Conseiller au Conseil , que le Conseil a commis
et commet à cet effet . Enjoint au Procureur
General du Roy de tenir la main à l'execution
du present Arrêt.
ARREST du Parlement , au sujet d'un
Libelle , & c.
Ce jour les Gens du Roy sont entrez , et
Maître Pierre-Gilbert de Voisins , Avocat dudit
Seigneur Roy , portant la parole , ont dit :
MESSIEURS ,
Egalement surpris et indiguez , nous croyons
ne pouvoir trop tôt vous déferer le Libelle le plus
punissable , que depuis long-temps on ait va se
répandre dans le Public. La nécessité de le réprimer
et d'en poursuivre la vengeance , ne nous
permet pas de vous épargner ce qu'il offrira
d'odieux à vos regards , et dont sans ce devoir
indispensable nous craindrions que la
Majesté de cet auguste Sanctuaire ne fût en quelque
forte profanee.
Une Lettre insolente et séditieuse emprunte le
nona
MARS. 617 r༡༣༣ .
nom du feu Roy pour s'adresser au Roy lui- même,
et par un double attentat, ose compromettre deux
noms si sacrez , dans ce que la malignité et la calomnie
peuvent exhaler de plus noir et de plus
atroce. Rien n'est à couvert de ses traits empoisonnez;
ni la plus auguste naissance, ni le rang le plus
élevé , ni la plus sublime vertu , ni le caractere le
plus respectabe . La memoire du feu Roy , consacrée
à jamais par une gloire immortelle , s'y voir
outragée. L'oserons- nous dire ? Une plume audacieuse
porte jusqu'au Roy lui- même des atteintes
criminelles qui retombent sur ses fideles Sujets.
Depuis le jour heureux de sa naissance, objet continuel
de nos affections , de nos empressemens er
de nos soins ; si cher à ses Peuples , si digne de
l'être , on voudroit le faire douter d'un amour
qui les portera toujours à lui sacrifier jusqu'à
leur vie.
Serons-nous surpris que ceux qu'il honore de
sa confiance , et qu'il appelle à ses Conseils , malgré
leurs infatigables travaux , leur zele et leur
attachement inviolable à sa Personne , soient en
butte à un Ecrivain dont l'aversion est honorable,
et de qui les louanges blessent davantage que ses
traits les plus amers et les plus injurieux.
Quelque méprisable que soit l'Ouvrage en lu
même , ce qui ne l'est pas , c'est l'attentat qu'il
commet contre la Majesté du Prince , contre la
dignité et la grandeur de son Etat , contre la réputation
et la gloire de notre Nation , dont elle a
toujours été si jalouse ; c'est l'exemple pernicieux
qu'il donne d'une licence jusqu'à present inouie ,
et d'un désordre digne des plus severes châtimens.
Que ce Libelle criminel , ouvrage odieux de
tenebres , en éprouve en ce moment la rigueur ;
que flétri des titres qui lui appartiennent , s'il en
618 MERCURE DE FRANCE
est qui puissent exprimer sa noirceur , il soit expié
par les flammes. Que l'Auteur et ceux qui ont
pû se rendre les complices de son crime , n'échappent
pas , s'il est possible , à toutes les voyes légitimes
que notre Ministere employe pour la
recherche des Coupables. Ce sont , Messieurs , les
principales vûes des Conclusions que nous ap--
portons à la Cour , accompagnées des Exemplaires
du Libelle qui sont tombez entre nos mains.
Eux retirez ;
Vu le Libelle imprimé , intitulé : Lettre de
LOUIS XIV . à LOUIS XV. contenant
dix-huit pages in 4. La matiere sur ce mise en
déliberation.
La Cour a ordonné et ordonne , que ledit Li
belle sera laceré et brulé en la Cour du Palais , au
pied du grand Escalier d'icelui par l'Executeur de
la haute Juftice , comme séditieux , calomnieux
et injurieux à la Majesté et à l'autorité Royale.
Fait très- expresses inhibitions et deffenses à tous
Libraires , Imprimeurs , Colpolteurs , et à tous
autres de l'imprimer , vendre et debiter , ou autrement
distribuer en quelque maniere que ce
puisse être , sur peine d'être poursuivis comme
criminels de léze - Majesté. Enjoint à tous ceux
qui en ont ou qui en auroient des Exemplaires ,
de les remettre incessamment au Greffe de la.
Cour , pour y être supprimez ; ordonne qu'à la
requête du Procureur General du Roy , il sera
informé pardevant Maître Anne- Charles Goislard,
Conseiller , contre ceux qui ont composé
imprimé , vendu , débité ou distribué ledit Libelle
ou qui pourroient l'imprimer , le vendre , débiter
ou distribuer à l'avenir en quelque sorte et
maniere que ce pût être ; et que pareillement il en
sera informé contre iceux à la requête du Procureur
MARS. 1733 . 619
reur General du Roy , poursuite et diligence de
ses Substituts , devant les Lieutenans Criminels ,
ou autres premiers Officiers des Bailliages et Sénechaussées
, ou autres Juges des cas Royaux ,
pour les témoins qui pourroient se trouver dans
P'étendue desdits Sieges , et les contraventions
qui auroient pû être faites , ou seroient faites à
l'avenir à ce sujet ; permet à cet effet au Procureur
General du Roy d'obtenir , et faire publier
Monitoires en forme de Droit ; pour les informations
faites , rapportées et communiquées au
Procureur General du Roy , être par lui requis ,
et par la Cour ordonné ce qu'il appartiendra ; et
qu'à cet effet un des exemplaires dudit Libelle
sera et demeurera déposé au Greffe de la Cour ,
et paraphé par ledit Conseiller et par un des Substituts
du Procureur General du Roy pour servir
à conviction , et que copies collationnées du présent
Arrêt seront envoyées aux Bailliages et Sénéchaussées
du Ressort , pour y être lû , publié
er enregistré , et affiché par tout où besoin sera .
Enjoint aux Substituts du Procureur General du
Roy d'y tenir la main , et d'en certifier la Cour
dans le mois. Fait en Parlement le 20. Mars 1720.
Signé , YSA BE A U.
Et le 21. Mars 1733. à la levée de la Cour en
execution du susdit Arrêt , le Libelle y mentionné a
étélaceré et jetté aufeu par l'Executeur de la haute
Justice , au bas du grand Escalier du Palais , en
présence de nous Etienne -Henry Tsabeau , l'un das
trois premiers et principaux Commis pour la Grand-
Chambre , assisté de deux Huissiers de ladite
Cour. Signé Y SABEAU.
ARREST du Grand - Conseil du 26. Mars
1733. rendu après une Plaidoirie de 18. Audiances
,
620 MERCURE DE FRANCE
ces , en faveur de l'Abbé de Cîteaux , Chef es
General de son Ordre , contre les Abbez de la
Ferté , de Clairvaux et de Pontigny , au sujet du
College établi dans la Ville de Toulouse , concernant
les Religieux Etudians des Abbayes situées
dans les Ressorts des Parlemens de Toulou-.
se , de Bordeaux et de Pau , quoique de differentes
Filiations , conformément aux Conclusions
de M. Bignon , Avocat General , dont le Discours
, rempli d'éloquence et digne de son nom
a tenu deux Séances entieres.
TABLE

Ieces Fugitives. Dépit contre le Temps ;
PieOde,
Lettre sur le nom de Bordeaux ou Bourdeaux
411
416
Vers François et Provenceaux sur une Figure de
Capucin en sucre ›
Réponse sur l'Histoire d'Emilie ,
Elegie de Madlle de la Vigne ,
422
426
431
Lettre de Constantinople sur quelques sujets de
Litterature , 435
Vers â Madlle de la Vigne , contre le Poëte Marscillois
, 442
Remarques sur quelques endroits du Voyage de
Normandie &c.
Imitation des Vers de Seneque
ibide
453
Lettre sur l'état de la Religion en Moscovie , 454
Vers à Madlle de la Vigue ,
Discours prononcé à l'Académie de la Rochelle,
Réponse du Chevalier de Leucotece , &c .
462
463
469
Lettre
Lettre sur l'usage des habits Canoniaux et Mili
taires ,
Conte ,
& c.
472
480
Lettre sur la nouvelle Edition du Parnasse François
,
481
Autre Conte ,
Lettre sur les Ouvrages de differens Peintres, 489
488
Ode imitée d'Horace
Lettre de Châlons sur l'Horlogerie ,
494
495
Imitation d'une autre Ode d'Horace , 498
Lettre au sujet de quelques Qualifications singu
lieres , & c.
soo
Enigmes , Logegryphes , 504
Nouvelles Litteraires , des Beaux Arts . Bibliotheque
Raisonnéee , &c. 507
La Religion deffenduë , Poëme , 523
Dictionnaire abregé de la Fable , &c, 549
Spectacle de la Nature ,
530
Memoires pour servir à l'Histoire des Hommes
Illustres , & c. 532
Lettre du Marquis Maffei , sur un feu rare et
singulier , $44
Verona Illustrata,Ouvrage du même Auteur, 545
Question ,
Morts d'Hommes Illustres ,
Nouvelles Estampes gravées ,
549
552
554
Vente de Tableaux , Miniatures , Estampes , Médailles
, Bronzes , Desseins , &c.
Air noté ,
555
559
Spectacles. Les Etṛennes ou la Bagatelle , Extrait
,
Vers à la Dlle Sallé ,
L'Opera de Jephté , &c .
Les Quatre Semblables , Comédie
ibid.
563
164
·
567
Nouvelles Etrangeres , de Turquie et Perse ,
1
197
Lettre
Lettre de Constantinople sur la Perse ; 580 De Russie et Pologne , 583
585 Dannemarc , Allemagne et Italie ,
Transport et Obseques du Pape Benoît XIII.
D'Espagne et d'Angleterre ,
587
591
Morts des Pays Etrangers , 595
France , Nouvelles de la Cour , de Paris , & c. 596
Vers à son Eminence ,
600
Morts , Naissances et Mariages , 60I
61X Arrêts Notables ,
Errata de Février..
Age 391. ligne 31. qui répandoient , lisez
PAgequi se.
P. 394
P.
1. 21. feu , ôtez ce mot.
Fantes à corriger dans ce Livre.
Age 407. ligne 17. mois , lisez , moins.
P. 427. l. 7. infortuné , l' informé.
dans de , ôtez dans .
445.
1. 13 . >
P. 462. l . 11. reprit , l . le reprit.
P. 486. 1. 25. oubligé , l. oublié .
P. 493. 1. 2. Poilembourg , l. Polembourg,
P. 496. 1. 4. ravage , l, rouage.
P. 1: 497. 9. la , l. le..
P. 543 1. 27. 1617. l. 1687.
P. 561. 1. 1. visible , risible.
La Chanson notée doit regarder la page S59
LISTE DES LIBRAIRES
qui débitent le Mercure dans les
Provinces du Royaume , &c.
A Toulouse , chez Enaut et Forest.
Bordeaux , chez Raymond Labouriere , et chez
Chapui , fils , au Palais , et à la Poste.
Nantes , chez Julien Maillard , et chez du Verger.
Rennes , chez Joseph Vatar , Julien Vatar , Guil
laume Jouanet Vatar et la veuve Garnier.
Blois , chez Masson .
Tours, chez Gripon.
Rouen , chez Herault .
Châlons-sur - Marne , chez Seneuse.
Amiens , chez la veuve François , Godard et Redé
le fils.
Arras , chez C. Duchamp.
Orleans chez Rouzeaux .
Angers , chez Fourreau et à la Poste..
Chartres , chez Fetil , et chez J. Roux.
Dijon , chez la veuve Armil , et à la Poste.
Versailles , chez Pigeon .
Besançon , chez Briffaut , à la Poste.
Sat Germain , chez Doré.
Lyons, à la Poste.
Reims , chez Godard .
Vitry- le- François , chez Vitalis.
Buvais , chez De Saint.
Douay , chez Willerval.
Charleville , chez P. Thesin .
fils , Moulins , chez Faure .
Mâcon , chez De Saint ,
Mets , chez la Veuve Barbier.
Boulogne-sur- Mer , chez Parasol.
J
Août , Septembre , Octobre, Novembre
CATALOGUE des Mercures de France,
depuis l'année 1721. jusqu'à present.
Uin et Juillet 1721. 2. vol.
et Decembre ,
Janvier et Fevrier 1722.
Mars 1722.
Avril ,
s. vol.
2. vol.
vol. 2.
I. vol.
May , 2. vol.
Juin , Juillet et Août ,
3. vol. Septembre ,
2. vol.
Octobre ,
I. vol.
Novembre ,
2. vol.
Decembre ,
Année les mois de Juin ,
Année 1726. les mois de Juin et de De-
Année 1723 le mois de Decembre double, 13 . vol .
Année 1724.
cembre doubles ,
1725.
tembre et Decembre doubles ,
1. vol.
les mois de Juin et de De-
14. vol.
de
Sep-
IS. vol.
cembre doubles ,
Année 1727. les mois de Juin et de De-
14. vol.
cembre doubles ,
Année 1728. les mois de Juin et de De-
14. vol.
cembre doubles ,
Année 1729. les mois de Juin , de Sep-
14. vol.
tembre et Decembre doubles ,
Année 1730. les mois de Juin er de De-
Is. vol.
cembre doubles ,
Année 1731. les mois d'Avril , de Juin
14.
vol.
et de Decembre doubles ,
Année 1732. les mois de Juin et de De-
Is. vol.
cembre doubles ,
14. vol.
Janvier , Fevrier et Mars 1733 .
3. vol.
169 .vol.
MERCURE
DE FRANCE ,
DEDIE AU ROT.
AVRIL. 1733 .
RICOLLIGIT
SPARGIT
4
A PARIS ,
GUILLAUME CAVELIER
ruë 5. Jacques.
Chez LA VEUVE PISSOT , Quay de
Conty , à la descente du Pont- Neuf.
JEAN DE NULLY, au Palais.
M. DCC . XXXIII.
Avec Approbation & Privilege du Roy
AVIS.
L
و
>
'ADRESSE generale eft à
Monfieur MOREAU Commis an
Mercure vis - à - vis la Comedie Frangoife
, à Paris. Ceux qui pour leur commodité
voudront remettre leurs Paquets cachetez
aux Libraires qui vendent le Mercure,
à Paris , peuventfe fervir de cette voye
pour les faire tenir.
On prie très - inftamment , quand on adreffe
des Lettres ou Paquets par la Pofte , d'avoir
foin d'en affranchir le Port , comme cela s'eft
toujours pratiqué , afin d'épargner , à nous
le déplaifir de les rebuter , & à ceux qui
les envoyent , celui , non-feulement de ne
pas voir paroître leurs Ouvrages , mais
même de les perdre , s'ils n'en ont pas gardi
de copie.
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les Particuliers qui fouhaiteront
avoir le Mercure de France de la premiere
main , & plus promptement , n'auront
qu'à donner leurs adreffes à M. Moreau ,
qui aura foin de faire leurs Paquets fans
perte de temps , & de les faire porter fur
T'heure à la Pofte , ou aux Meſſageries qu'on
lui indiquera.

PRIX XXX . SOLS.
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROT.
AVRIL. 1733.
PIECES FUGITIVES ,
en Vers et en Prose.
LES DEUX TEMPLES.
S
Ur la cime d'un Mont , élevé jus
qu'aux Cieux ,
Est un Temple inconnu , que bâti
rent les Dieux ,
Le temps a respecté son antique structure ,
Le Marbre en fait briller la noble Architecture ,
Les portes sont d'argent , la couverture est d'or ,
Autour de l'Edifice il regne un Coridor ,
Trois Ordres élegants , composent la façade ,
A ij Le
822 MERCURE DE FRANCE
Le Parvis est fermé par une Colonnade :
Les Dieux ont au- dehors, prodigué leurs présents:
Et les Mortels devoient enrichir le dedans ,
Ils le devoient , hélas ! chimérique esperance !
Les Mortels sont- ils faits pour la RECONNOISSANCE
?
C'est la Divinité qu'on adore en ce lieu,
Un Autel presque nud occupe le milieu ;
Là , des voeux des Humains on ne voit nulles
traces ,
Tout y ressent l'oubli des faveurs et des graces ;
Et des seuls animaux les hommages sacrez ,
Ont fourni les sujets dont les murs sont parez.
On apperçoit un chien , sans songer à repaître ,
Qui meurt , comme en arrêt , au Tombeau de
son Maître ,
Ce Lion qu'un Mortel garantit du trépas ,
Passe après lui les Mers et suit par tout ses pas.
Penetré d'un bienfait , Damon vint dans c
Temple ,
D'un coeur reconnoissant , donner comme eux
l'exemple :
La Justice d'abord , et la Fidelité ,
Le conduisent aux pieds de la Diviniré :
Je te rends , lui dit-il , un tribut légitime ,
Déesse , sois propice à l'ardeur qui m'anime ,
Daigne, daigne en faveur d'un ami genereux ,
Couronner aujourd'ui mes soupirs et mes voeux
Toi qui devrois regner sur tout ce qui respire ,
Exerce
AVRIL. 623
1733
Exerce au moins sur moi ton adorable Empire ,
Porte , sans hesiter , mon zele au plus haut point ,
Exige tout ; mon coeur ne t'en dédira point :
Cet ami bienfaisant pour qui je te reclame , `
Ariste , désormais , aura toute mon ame ,
Travaille à le combler et d'honneurs et de biens
Retranche de mes jours pour ajoûter aux siens ,
Rends - moi , par la ferveur d'un zele infatigable ,
De sa félicité la source inépuisable.
Si je lui survivois ( Ciel ne le permets pas . )
Fais qu'avec ses enfans je pleure son trépas ,
Et que de ma fortune agréant le partage ,
İls retrouvent en elle un second héritage.
Se peut- il que ton joug ne puisse être porté !
Et que ce Temple saint soit ainsi déserté !
Toutesfois , au moment d'une grace récente ,
Ecoutez un Mortel ; Vous passez son attente ,
Que ne vous doit-il point ? il en perd la raison ,'
Il vous offre son bien , sa table , sa maison ,
Que de voeux ! que d'encens ! vous êtes son Idole,
Rien ne lui coûte enfin , qu'à vous tenir parole :
Ainsi de ses transports le ridicule excès ,
Se calmant tout à coup , passe comme un accès,
He ! quoi ? pour s'acquitter de quelques bons of
fices ,
Exigerois
- tu donc
de si grands
Sacrifices
?
Non , tu veux seulement un simple souvenir ,
Déesse , tu le yeux , et ne peux l'obtenir .
A iij
Loin
624 MERCURE DE FRANCE
Lon de punir en moi leurs offenses mortelles ,
Par ma fidelité confonds ces coeurs rebelles ,
Et que sur tout je puisse ôter le voile épais ,
Dont Ariste prend soin de couvrir ses bienfaits.
Il dit et de l'Autel une vive lumiere ,
Se répandant sur lui consacra sa Priere.
Damon s'en retournoit lorsqu'il vit dans les
champs ,
Un immense concours de Peuples differens.
Où s'adresse , dit-il , cette foule innombrable :
Est -ce ici ? non , reprit un vieillard venerable ,
Au culte des Autels de tout temps consacré ;
Un Temple , ajoûta- t'il , prophane et reveré,
Dirige tous les pas de cette multitude ,
Et paroît insulter à notre solitude.
Celui- cy fut construit par de divines mains
Cet autre fut jadis, l'ouvrage des Humains ,
C'est leur premier labeur , leur honteux do
micile ,
Placé dans un Vallon , la route en est facile.
Le Bâtiment est rond , cent Portiques divers ,
S'ouvrent aux Habitans de ce vaste Univers .
Là , du Fleuve Lethé l'on découvre la source ,
Par une Onde paisible il commence sa course
Puis tombe en écumant , dans un abysme affreux,
Pour se creuser un lit au séjour ténebreux.
Un Monstre qu'avec peine , ici , je vous retrace
Dans ce Temple pervers étale son audace ;
L'inAVRIL.
1733. 625
L'INGRATITUDE enfin est l'objet odieux ,
A qui tous les Mortels y prodiguent leurs voeux
Dans un enfoncement son triste Sanctuaire ,
N'a pour toute clarté qu'un foible luminaire :
Mere du sombre Accueil , et fille de la Nuit ,
Jusques sur son Autel l'Obscurité la suit ,
Elle en fait son triomphe , et ce sont ces ted
nebres ,
Qui rendent en tous lieux ses Mysteres celebres.
Là, sont ensevelis dans un affreux néant ,
Les jours qu'on a passez au service d'un Grand
On vient s'y délivrer avec impatience ,
Du pénible fardeau de la reconnoissance ;
Chacun de sa memoire , efface jusqu'aux traits ,
Du Mortel qui jadis le combla de bienfaits.
Les sermens violez font regner le Parjure .
Toutes graces enfin passent pour une injure
Et ce Monstre superbe engloutit à nos yeux ,
Les faveurs des Mortels , celles même des Dieux,
Car son impieté , sans crainte du tonnerre
Voudroit aneantir leur culte sur la terre :
Pour une ame sensible il n'a que du mépris.
Les Forfaits des Ingrats sout peints sur les Lambris.

On voit un malheureux tiré de la misere ,
Méconnoître l'ami qui lui servit de pere.
Un fils dénaturé , souffre à regret le cours ,
Des ans que le Ciel compte à l'Auteur de ses
jours.
A iiij UM
526 MERCURE DE - FRANCE
Un Esclave affranchi, comme un infame traître,
A la proscription s'en va livrer son Maître ,
Ou plutôt , prévenant de cruels ennemis ,
Court , sa tête à la main , en demander le prix.
De perfides sujets attentent à la vie ,
D'un Prince qui s'immole au bien de la Patrie
Et leur fureur hâtant son tragique destin ,
Sur son Trône sanglant place son assassin.
Cessez , reprit Damon , un détail si funeste.
Troublé de tant d'horreurs épargnez moi le
reste ,
Et craignons de soüiller par ce récit affreux ,
De vos jours innocens l'azile bienheureux .
M. Tanevot.
EXTRAIT d'une Lettre écrite de Caën,
sur la Mort du R. P. de la Tour , Superieur
General de la Congrégation de
POratoire.
Elui que nous pleurons si justement,
CEL
د
n'a point été de ces Hommes qui
enlevez de bonne heure et comme au
commencement de leur carriere , laissent
à la liberté des conjectures ce qu'ils
auroient été , s'ils eussent long- temps
vécu et qu'ils eussent eu le loisir de répondre
AVRIL. 1733 627
pondre à toutes les esperances qu'ils faisoient
concevoir ; le R. P. de la Tour a
tenu tout ce qu'on pouvoit se promettre
de lui ; il a été même beaucoup au - delà ;
il semble n'avoir passé par tous les degrez
de la vie humaine , que pour faire
sentir de quoi est capable un grand génie
cultivé par l'étude
l'étude , exercé par la
varieté et par la difficulté des conjonc
tures .
Son enfance brilla par tous les succès
litteraires qui recommandent un mérite
naissant. Ces fleurs qui contiennent ordinairement
d'heureux germes , produisirent
des fruits auffi exquis qu'abondans.
Il ne fut point de ces arbres qui
s'épuisent par une fécondité prématurée ;
il promit et accorda une longue et heureuse
fertilité. Né de parens dont la noblesse
recevoit un nouvel éclat de la probité
et de la Religion , son enfance fut
cultivée par une éducation qui dévelopa
promptement un naturel riche et propre
à toutes les Sciences.
La réputation de M. Cally , Professeur
de Philosophie dans l'Université de
Caën , attira le jeune de la Tour en cette
Ville , que les études ont rendue depuis
long- temps fameuse . La Philosophie de
Descartes y avoit été réduite à l'usage
A v des
628 MERCURE DE FRANCE
des Ecoles par ce celebre Professeur qui
eur Phonneur le premier de la rendre
méthodique et de la mettre à la portée
des jeunes gens , par cette clarté et par
cet air de démonstration qui éclatent
dans tout ce qu'il a écrit. Son Eleve ,
âgé de 17. ans , squtint des Theses publiques
à la fin de son Cours avec une
éclatante distinction .
Ce fut dans la Congrégation de l'O
ratoire où Dieu l'appella pour l'execution
de ses desseins sur lui , qu'il se trouva
au bout de quelque temps libre des
préjugez qui retiennent un esprit ordinaire
toujours captif. Sa penetration lui
fit concevoir que tous les sistêmes ne
sont en eux - mêmes qu'un arrangement ,
arbitraire d'idées , plus ou moins heureux
, suivant l'étendue et la force du
génie de ceux qui en sont les Auteurs.
>
Des vûës si saines éclairées par la Religion
, que le P. de la Tour étudia
avec le goût que la solidité de l'esprit
et la pureté des moeurs ne manquent
jamais d'inspirer , l'appliquerent de bonne
heure aux Instructions publiques . Un
stile pur sans affectation , noble sans en-
Aure une composition réguliere sans
être gênée , plus nourrie de l'Ecriture
Sainte et de la lecture des Peres qu'abondante
AVRÍL. · 1733 . 629
dante en ornemens et en descriptions
Aleuries ; une déclamation douce , un ton
gracieux , un geste naturel caracteriserent
ses discours et le firent écouter dans
Paris avec autant d'applaudissement que
de concours ; et ce qui fait la solide gloire
des Prédicateurs , ses Discours furent
accompagnez de beaucoup de fruits et
de succès bien marquez.
On ne tarda guéres à souhaiter d'a
voir pour Conducteur un homme en qui
on remarquoit tant de lumiere et tant
d'onction . Des pécheurs touchez , jugerent
qu'il leur préteroit volontiers une
main secourable pour rompre leurs chaînes
et pour les tirer de la région des
tenebres où les passions conduisent . Les
personnes qui avoient déja gouté le don
du Ciel , le regarderent comme un guide
assuré qui les meneroit par degrez vers
la perfection , &c.
Quelque éclat que jettât au- dehors le
mérite du P. de la Tour , on peut dire
qu'il n'en laissoit voir que la superficie.
Des talens beaucoup plus rares que celui
de l'Eloquence et de la Direction , se développoient
dans l'exercice de ses emplois
aux yeux de ceux qui avoient le
plus de droit d'en profiter. Ses Superieurs
et ses amis découvroient en li ce que
A vj l'hu630
MERCURE DE FRANCE
l'humilité chrétienne et une sincere mo
destie ne lui permettoient pas d'apper-
1
cevoir.
La démission volontaire du R. P. de
Sainte Marthe , cinquiéme General de
l'Oratoire , laissa une place où beaucoup
pouvoient aspirer , en considerant séparément
leurs grandes qualitez ; mais elle
ne pouvoit être glorieusement remplie
que par celui qui rassembloit , pour ainsi
dire , tous les divers mérites en sa personne.
(4) Ce Pere indiqua lui - même le
P. de la Tour , et tous les suffrages se
réünirent en faveur de la personne désignée.
Il falloit à la tête d'une Congréga
tion, protegée par ce qu'il y avoit de plus
distingue dans l'Eglise et dans l'Etat , un
homme d'une condition qui lui donnât
des entrées faciles chez les Grands , que
la naissance prévient toujours favorablement
. (b ) Le P. d'Arerez de la Tour étoit
d'une noblesse honorable. et attachée au
service du Prince . Ce privilege de la nais
sance , qui ne peut être difficilement suppléé
, étoit soutenu dans le P. de la Tour
par une taille avantageuse , par des traits
(a) Il étoit alors Directeur du Seminaire de Saint
Magloire
(b) Né à Paris en 1653 .
réguliers
AVRIL. 1733 631
réguliers et par une de ces belles phisionomies
qui sont comme l'image de
l'esprit et les premiers gàrants de la vertu .
Son exterieur sembloit avoir été fait pour
annoncer les qualitez d'une belle ame.
Il suffisoit de l'envisager pour être prévenu
en sa faveur . Lorsqu'il entreprenoit
d'insinuer quelque chose , son mérite
exterieur avoit déja préparé les voïes
à la persuasion .
Il falloit à la Congrégation de l'Oratoire
un genie assorti de toutes les
qualitez nécessaires à la constitution de
cet illustre Corps , qui se conduit par
des princips differens du Gouvernement
des Communautez Régulieres , et même
de presque toutes les Communautez Sé
culieres. On peut comparer cette Congrégation
à ces Etats politiques , où la
liberté a le plus d'étendue , où la subordination
ne fait point oublier à ceux qui
commandent qu'ils sont sujets , ni aux
sujets que leur obéissance est volontaire ,
et si j'ose me servir de ce terme , toute
spontanée.
La superiorité dans l'Oratoire y est
évitée avec autant de soin , qu'elle est
quelquefois recherchée ailleurs ; et la dépendance
, qui n'a rien de contraint ni
de servile , y jouit de presque toutes les
préro632
MERCURE DE FRANCE
prérogatives de l'égalité. On y est sans
défiance , parce qu'on n'a point d'interêt
de s'y supplanter . On ne s'y appréhende
point les uns les autres , parce que personne
n'y peut exercer une impérieuse
domination , et que le seul châtiment qui
y soit redoutable , est le malheur d'être
exclus d'une si aimable Societé.
Ce qui fait l'agrément de ceux qui dépendent
, rend dans l'Oratoire toute superiorité
onereuse et multiplie les difficultez
de la superiorité generale . Que de
talens divers ne faut il pas avoir pour en
remplir dignement les obligations ! Le
R. P. de la Tour étoit peut - être l'unique
qui pût en soutenir le poids auffi longtemps
sans s'affaiblir . Ce qui ne sera
point contesté , c'est qu'il a toûjours
mon ré une superiorité de vûës et une
fécondité de ressources .
Sa douceur toujours inalterable , lorsqu'il
ne s'agissoi que de ses propres interêts
, cedoit le plus tard et le plus rarement
qu'il étoit possible à une séverité
quelquefois nécessaire. Il accompagnoit
toujours les ordres que la nécessité lui
arrachoit , de tant de politesse et d'humanité
, que ceux à qui ils étoient envoyez
, étoient obligez de se blâmer euxmêmes
, dès que le trouble de la surprise
avoit
AVRIL. 1733 633
avoit fait place à de paisibles refléxions.
Ni les murmures enhardis par sa douceur
, ni les remontrances hors d'oeuvre ,
ni les plaintes trop peu respectueuses
qu'elle occasionna , ne purent jamais le
porter à user de ressentiment contre ceux
qui s'oublioient de la sorte à son égard .
Souvent ces indécens procedez ne faisoient
que reveiller son attention à multiplier
ses bons offices envers ceux qui
n'avoient lieu d'attendre que des mortifications.
Aussi peut- on dire que personne ne
connoissoit mieux les caracteres de la
charité que le R. P. de la Tour. C'étoit
le sujet ordinaire des discours qu'il faisoit
dans le cours de ses visites . Il mettoit
dans tour leur jour les traits que l'Apôtre
a employez pour peindre cette aimable
Vertu. Sa conduite étoit un sûr
interprete , son exemple un lumineux
commentaire. Que ceux qui ont eû le
-bonheur de le connoître , examinent
chacun de ces caracteres et le rapprochent
de la conduite de ce grand Homme
ils les trouveront tous , j'en suis
sûr , réalisez et réduits en pratique , sans
affoiblissement et sans interruption.
>
De-là ce désinteressement et cette génerosité
, dont le siécle présent n'a presque
334 MERCURE DE FRANCE
que conservé
que les noms. Ces sentimens
rares et encore respectez ,
pas
de ceux
mêmes qui n'ont la force de s'en revêtir
, ont passé par une heureuse émulation
du chef dans les membres .
Tant de réserve n'alloit pas à retenir
dans sa source la liberalité des personnes
riches : au contraire,en détournant la pente
de ces eaux qui auroient coulé dans
la Congrégation , il n'en étoit que plus
attentif à les conduire vers les lieux que
l'indigence ou des revers de fortune
avoient dessechez. Instruit des besoins
de plusieurs familles , qui pour sauver
l'éclat de leur nom , luttoient contre la
honte de la pauvreté , il avoit soin de
kur procurer des secours qui leur épargnoient
le pénible aveu de leur misere .
Rien ne feroit plus d'honneur à sa charité
que ce détail , s'il n'avoit caché ses .
bons offices avec plus de précaution que les
personnes nécessiteuses ne celoient leurs
besoins. Cependant on ne sçauroit taire
les génereux secours qu'il a fournis , non
seulement à plusieurs sujets de sa Congrégation
, mais encore à leurs parens ,
lorsqu'ils se trouvoient dans des conjonctures
fâcheuses. Il sembloit que leurs fa
milles cussent contracté une espece d'affinité
avec lui et eussent acquis un droit
à
A V RIL: 1733. 635
à son patrimoine. Il ne s'en réservoit que
ce qu'il ne pouvoit refuser à la simple
nécessité , aussi prodigue de son propre
bien qu'il étoit éloigné de recevoir celui
d'autrui.
L'usage qu'il a fait de son crédit ne
pouvoit pas aisément éviter les yeux du
Public. Comme il ne se déclaroit que
pour l'innocence attaquée et qu'il ne s'in
teressoit que pour des malheurs involontaires
, il ne craignoit point que ses démarches
fussent éclairées de trop près. Sa
candeur et sa probité ne lui permirent
jamais de surprendre la Religion des premiers
Magistrats en faveur de quelque
cause qui lui fut suspecte . Si leur confiance
pour lui alla jusqu'à le rendre dépositaire
des secrets de leur conscience ,
jamais il ne songea à retirer de ces marques
d'estime d'autre avantage que de
fournir de solides appuis à une Congrégation
qui lui étoit infiniment chere.
Une preuve indubitable de fa tendreffe
pour ce Corps célebre , est l'éloignement
qu'il témoigna pour les premieres dignitez
de l'Eglise. Son mérite étoit fort connu
à la Cour et ses amis songerent à lui
procurer le poids honorable de l'Episcopat
; mais il les pria de l'oublier à cet
égard , marquant un attachement pour
1
le
636 MERCURE DE FRANCE
le poste que la Providence lui avoit confié
, quoique moins éclatant.
Ce n'étoit pas le travail qu'il fuyoit.
Quels que soient les soins et la sollicitude
attachés à la qualité de Successeur des
Apôtres , la place qu'occuppoit le R. P.
de la Tour n'étoit ni moins difficile , ni
moins laborieuse . On peut dire qu'elle
étoit même plus pénible à plusieurs
égards , tant par les combats qu'il falloit
soûtenir au dehors , que par les craintes
qui regnoient au dedans. Borné , en apparence
, son emploi avoit une vaste étendûë
et tenoit à d'immenses détails. Il
vouloit tout voir et tout connoître par
lui -même. Toutes les réponses étoient de
sa main. La multitude des affaires ne
jettoit ni confusion dans ses idées , ni
désordre dans ses desseins , ni méprise
dans . l'execution . Consulté au-dehors et
au-dedans , il répondoit à toutes les questions
avec une netteté et une précision
toujours admirées. Admis au Conseil des
premiers Prélats du Royaume , sa facilité
à prévoir les inconveniens , la fécondité
de son génie pour découvrir des expédiens
, son habileté à prendre des tempéramens
justes entre des avis opposez ,
ramenoient souvent les opinions au sien ,
sans blesser la délicatesse des opinans .
La
AVRIL.
1733. 637
La
sagesse de ses décisions
sur toutes
les
questions
difficiles
, étoit
si connuë
, qu'il
étoit la ressource
ordinaire
et certaine
de
ceux
qui dans la nécessité
d'agir
, avoient
de la peine
à calmer
leurs
doutes
, et à
fixer
leur hésitation
. Ce qui donnoit
tant
de force
et un si grand
poids
à ses décisions
, c'étoit
une grande
connoissance
des
Loix
et de leurs
principes
, de la
Morale
et de ses sources
. Ces lumieres
qui dirigeoient
l'esprit
, avoient
une application
d'autant
plus
sure , qu'ennemie
des préjugez
, il étoit
toujours
en
garde
contre
la préocupation
. Des qualitez
si rares , même
dans
ceux qui gouvernent
, lui avoient
acquis
la confiance
de toute
la Congrégation
.
En tout cela , M. vous n'appercevez
que le mérite qui frappe les gens du
monde , pénetration d'esprit , étenduë de
génie , abondance de lumieres , connoissance
profonde des hommes ; en un mot ,
tout ce qui fait un grand homme capa
ble de gouverner les autres. Vous attendez
que j'acheve de vous montrer un
mérite qui subsiste au- delà des temps.
Vous admireriez quelques momens le
R. P. de la Tour , s'il n'avoit été pré
cisément qu'un génie sublime ; vous le
placeriez avec les grands Politiques , dont
les
638 MERCURE DE FRANCE
les noms sont conservez pour servir de
modeles à ceux qui occupent des postes
qu'ils ont laissez ; mais vous n'en seriez
que plus porté à gémir sur son sort , en
le voyant confondu avec tous ceux qui
après avoir fait un peu de bruit , descendent
et s'évanouissent dans l'obscurité
du tombeau . Vous le regarderiez en
soupirant comme un flambeau consumé
dont il ne resteroit qu'une inutile
cendre.
*
Rassurez - vous , M. cet homme , qui
au jugement d'un illustre Cardinal , *
juste estimateur du mérite , dont il avoit
obtenu l'amitié , avoit toutes les qualitez
propres pour gouverner ; cet homme
à qui M. le Premier Ministre , en loüant
sa sagesse , vient de donner un éloge
qu'il a emprunté de lui- même ; ce grand
homme étoit aussi pieux qu'éclairé. La
Religion présidoit à tout ce qu'il faisoit .
Toutes ces qualitez et toutes ses vertus
portoient sur le fondement solide de l'humilité
, simplicité parfaite en toutes choses
; simple dans son exterieur , simple
dans ses meubles , simple dans sa nourriture.
Point d'affectation , point de distinction
, point d'autre prééminence que
celle de son mérite . Son affabilité qui à
* Le Cardinal Gualterio,
augmenté
AVRIL. 17336 639
3
augmenté à mesure qu'il a jugé l'air grave
plus inutile , l'avoit rendu si populaire ,
qu'il paroissoit de niveau avec tout le
monde. Il ne pouvoit souffrir aucun respect
servile . Il étoit devenu l'Homme de
toutes les heures et de tous les momens.
Quoique chargé d'un grand nombre d'af
faires,et d'occupations , il ne faisoit point
sentir par un air distrait ou empressé
qu'on lui devenoit importun .
L'esprit d'Oraison qui fait un des plus
essentiels exercices de la Congrégation
de l'Oratoire ne s'affoiblit jamais en lui .
C'étoit dans sa communication avec Dieu
qu'il se délassoit de ses fatigues et qu'il
prenoit de nouvelles forces pour soutenir
le poids d'un travail continuel , G'étoit
aux pieds de Jesus - Christ qu'il portoit
ses tendres inquiétudes pour une
Congrégation qui a eté principalement
établie , afin de faire connoître et aimer
ce divin Sauveur. Il consultoit sans cesse
la Sagesse incarnée , qui est la lumiere
des Esprits , et il faisoit voir dans toute
sa conduite combien son commerce avec
ce Maître invisible , étoit intime et familier.
La tendresse du R. P. de la Tour pour
tous les Sujets de sa Congrégation ne se
terminoit pas à des soins généraux à l'égard
640 MERCURE DE FRANCE
gard de ceux qui étoient sous ses yeux.
Il ajoutoit sa vigilance à celles des Supericurs
, envers les malades qu'il visitoit
très-souvent. Il ne s'en tenoit point
à une stérile compassion , qui ne
vient quelquefois que d'un retour sur
soi-même , il ouvroit le chemin à des
consolations spirituelles par certaines
questions obligeantes , dont les malades
sentent tout le prix.
Je ne le suivrai point , M. dans toutes
les autres pratiques de pieté , ni dans
les augustes fonctions du Sacerdoce . Je
me contenterai de vous dire que l'esprit
de Religion les animoit toutes. Il étoit
aisé d'appercevoir qu'il étoit tout pénetré
de cet esprit qui donne le prix à nos
actions. Il n'en évitoit pas moins toute
singularité . On n'en remarquoit point
d'autre en lui , que celle de marcher toujours
d'un pas égal dans le chemin de la
Vertu. Comme il étoit par état le modele
d'une Congrégation entiere , il ne
laissoit voir que ce qui devoit être imité
de tous .
Il manqueroit un trait essentiel à la
foible esquisse que j'ai l'honneur de vous
envoyer , M. si j'oubliois que personne
n'avoit plus de qualitez pour se faire des
amis et pour les conserver . Son titre de
Superieur
AVRIL. 1733
641
Superieur ne le priva point des douceurs
d'une amitié intime , qu'il accorda à plusieurs
Sujets de la Congrégation . Sa charité
pour tous prenoit cette forme pour
des personnes dont le mérite approchoit
de plus près du sien , Cette disposition
à cultiver une vertu , dont le nom est
infiniment plus commun que la chose ,'
lui fit contracter au- dehors des amitiez
illustres , dont la seule mort a été le terme
inévitable.
per- Voilà , M. une légere idée de la
sonne que nous pleurons : Peinture trop
foible et trop imparfaite pour un Eloge ,
mais suffisante pour justifier l'étendue de
notre douleur, Les Amateurs de la probité
pleurent un modele , les Admirateurs
du mérite regrettent un homme
rare , les Personnes pieuses un guide
sûr et fidele , les Sujets de l'Oratoire ,
un Pere tendre et compatissant , la Congrégation
, son Protecteur et son plus
ferme appui .
2
Sa mort ne fut pas plutôt sçûë , qu'il
n'y eut personne de ceux qui sont éclairez
sur les veritables interêts de leur Corps ,
qui ne s'écriât comme Elisée lorsqu'Èlic
se sépara de lui . O mon Pere , mon Pere ;
vous nous êtes donc enlevé , vous qui étiez
le Char d'Israël et son Conducteur. Nous.
demeu842
MERCURE DE FRANCE
> demeurâmes saisis , consternez comme
si ce présent du Ciel nous avoit été donné
pour toûjours. Personne n'a refléchi
d'abord sur les avantages que l'illustre
mort acqueroit en quittant cette vie.
Nous n'avons été occupez jusqu'à présent
que de notre malheur."
Daigne le Ciel , si la Congrégation lui
est toujours chere , susciter un Elisée , en
qui l'efprit d'Elie se reproduise . Un homme
de Dieu dont la sage conduite soit
une imitation , ou plutôt une copie fidele
de celle à qui nous devons notre conservation
.
G. P. D. L.
A Caën , le 28. Février 1733 .
MADRIGAL.
A M. Chevaye , Auditeur à la Chambre
des Comptes de Bretagne , par Mlle de
Malerais de la Vigne , du Croisic en
Bretagne , sur l'Ode qu'il lui a adressée
dans le premier volume du Mercure de
Décembre , page 2594.
C'est toi qui le premier m'appris ,
choisir des fleurs immortelles ,
Daks
་ ་ ་
* 755° 543
Dans les Jardins charmans des neuf doctes Pucelles
,
Par toi je sçus bien- tôt en connoître le prix :
Ainsi , mon cher , l'éloge extrême ,
Que ta main seulement paroît verser sur moi ,
Retombe entierement sur toi ,
Depuis quand convient- il de se louer soi - même?
XXXXX XX:X:XXXXXXX
NEUVIE' ME LETTRE de
M. D. L R. écrite à M. le Marquis
de B. au sujet des Villes d'Oran et de
Ceuta , en particulier sur M. le Marquis
de Santa-Cruz;
'Ous me faites , Monsieur , l'honneur de me
V demander ceque je pense de certains bruits
qui se sont répandus , et dont on a même imprimé
quelque chose dans des Nouvelles publiques
, au sujet du Marquis de Santa- Cruz , qu'on
a prétendu n'avoir pas été tué dans l'Action du
21. Novembre devant Oran , et être actuellement
prisonnier à Alger . Votre demande ne pouvoit
jamais me venir plus à propos ; une Lettre tout
récemment reçuë d'Alger , me met en état d'y
répondre pertinemment. Elle est de la même personne
, dont vous avez déja vû une autre Lettre,
insérée dans une des miennes. Voici , Monsieur,
tout ce qu'elle contient sur ce sujet.
93
MONSIEUR,
J'ai reçû le premier jour de cette année la
B Lettre
644 MERCURE DE FRANCE
>>
రు
95
» Lettre que vous m'avez fait l'honneur de mé
crire pour avoir quelque éclaircissement sur le
>> triste sort de M. le Marquis de Santa- Cruz ,
dans la malheureuse sortie qu'il fit le 21. Novembre
dernier. Les motifs que vous me détaillez
pour m'y engager , font connoître la
haute estime qu'on avoit pour ce grand hommè,
et que son mérite personnel rend sa perte
» veritablement digne des regrets les plus amers ;
mais il n'en falloit pas tant pour me porter
faire une chose à laquelle je m'interesse et je
» prens autant de part que personne ; heureux si
dans mes perquisitions je pouvois trouver de
quoi flatter les foibles esperances de Madame
la Marquise son Epouse, et temperer un peu sa
juste douleur ; mais la mort de ce Seigneur ne
» me paroît que trop certaine ; les Turcs et les
»Maures d'une part , et de l'autre les Officiers er
» les Soldats faits prisonniers , et arrivez ici de-'
» puis huit jours , l'assurent tous unanimement ;
גכ
و د
il y en a même plusieurs qui certifient avoir
» été témoins oculaires de la barbare cruauté avec
laquelle ce brave Géneral a été traité ; enfin ,
Monsieur , quelques Algeriens ajoûtent les fus
» nestes circonstances que voici.
ɔɔ
Ayant été d'abord renversé de son cheval
par un coup de fusil à la cuisse , et le cheval s'é-
" tant échappé , le General fut aussi - tôt saisi par
cinq ou six Maures , ausquels il se fit connoî-
» tre , avec promesse d'une grande récompense
»si on le traitoit humainement ; ces Barbares lui
" arracherent d'abord tout ce qu'il avoit de pré
" cieux , en commençant par la chaîne d'or à laquelle
étoient attachez ses Ordres de Chevale-
Prie , ensuite une Montre et une Bague de grand
prix , l'or qu'il avoit sur lui , & c . Il survint
un
AVRIL. 1733- 645

» un moment après une dispute entre les Maures
au sujet du Prisonnier , chacun voulant le
posseder ; mais enfin craignant que le Commandant
des Turcs ne se le fit rendre d'autorité
avec toutes ses dépouilles , ils prirent le
cruel parti de lui couper la tête et de met-
» tre ensuite son corps en pieces : voilà ce
» que j'ai entendu dire à plusieurs personnes ,qui,
comme je l'ai dit , se donnent pour témoins
D de l'action.
» Ce qu'il y a de bien certain , Monsieur , c'est
» que M. de Santa - Cruz n'est ni à Alger ni dans
»le Camp des Algeriens ; il n'y a pas non plus
םכ
23
d'apparence qu'il soit prisonnier parmi les
» Maures. Après les grandes diligences qu'a fait
Bigotillos pour le découvrir mort ou vif, il
» n'auroit pas manqué de le trouver , s'il étoit
» en vie , je crois que sa tête et son corps ont été
»si fort défigurez qu'il n'aura pas été possible
» de le reconnoître. Une partie de ceux qui fu-
» rent faits prisonniers dans cette même journée,
au nombre de 119. sont ici, comme je l'ai
marqué cy- dessus ; j'en ai questionné plusieurs,
» les autres Font été par les Religieux Espagnols
de laRédemption,que j'ai employez pour ce sujet,
lesquels m'ont donné une Liste des Officiers,
la même que le General Turc fit faire par une
» feinte qui lui réussit ; car pour bien reconnoî-
> noître les Officiers , il fit dire à toute la troupe
»des Prisonniers , qu'il vouloit envoyer les Soldats
à Alger , mais qu'à l'égard des Officiers ,
»son intention étoit de négocier leur rançon
par argent ou par échange , et cependant les
renvoyer à Oran ; alors chacun s'empressa de
>> se faire connoître pour ce qu'il étoit ; mais le
» General Turc ayant fait le discernement qu'il
Bij souhaitoit
"
646
MERCURE
DE FRANCE
souhaitoit , les a tous envoyez à Alger avec la
Liste contenant leurs qualitez . Aucun de ces
Officiers n'est François, mais il y a beaucoup de
» Soldats ; on assure qu'il y en a encore un grand
nombre de toutes les Nations de l'Europe , qui
» sont restez au pouvoir des Maures , lesquels
> ne veulent ni les rendre ni les vendre aux
Turcs, dans l'esperance d'en tirer un plus grand
prix d'ailleurs.
כ כ
ם כ
Voilà , Monsieur , tout ce que j'ai pû apprendre
de la fatale destinée de M. le Marqnis
» de Santa- Cruz . La perte d'un General si plein
» de valeur , si expérimenté , si zelé pour la Religion
et pour sa Patrie , ne peut être assez
» pleurée ; sur tout , s'il est vrai , comme on le
» dit, qu'elle ait été occasionnée par la mauvaise
>> manoeuvre de quelques Régimens , qui auroient
dû se sacrifier mille fois pour la conservation
de ce grand Capitaine . Nous commençons d'être
ici un peu plus tranquiles, ce qui m'engagera
à continuer de vous donner de mes nouvelles.
» J'ai l'honneur d'être , &c.
>>
A Alger , le 6. Janvier 1733 .
Je n'aurai pas , Monsieur , beaucoup de cho
ses à vous dire aujourd'hui au sujet d'Ōran et de
Ceuta 3 vous sçavez , sans doute , les nouvelles
courantes et l'inaction qu'il y a eû de
part et d'autre à l'égard de ces deux Places jusqu'au
. Février , jour auquel il y eut une action
assez vive entre les Troupes de la Garnison d'Oran
et les Maures , laquelle dura depuis le matinjusqu'au
soir , et fut tout à l'avantage des Espagnols.
La saison où nous allons entrer , fournira
, sans doute , d'autres Evenemens , et je
17
compte
AVRIL. 1733. 647
compte fort sur mes Correspondances pour avoir
le plaisir de continuer de vous instruire des nouvelles
d'Affrique , sur tout si dans ce temps-là
vous n'êtes point à Paris .
En attendant je crois , Monsieur , que vous
ferez bien de continuer votre lecture de Marmol,
Auteur Espagnol , qui a fait un Ouvrage assez
instructif sur cette grande Partie du Monde ;
vous y apprendrez des choses curieuses , et qui
vous mettront au fait de plusieurs sujets qui se
présentent souvent , et sur lesquels on n'a ordinairement
que des idées superficielles ; mais lisez
, s'il est possible , cet Auteur dans sa Langue
naturelle , n'ayez pas , du moins , trop de confiance
en la Traduction qu'en a faite M. d'Ablancourt
, qui n'eut ni le temps de la revoir ni
de publier lui-même son travail. Outre que les
noms Arabes composez, des Lieux et des Personnes
, déja assez mal traitez pár Marmol , sont
encore plus défigurez dans d'Ablancourt , je
trouve en quelques endroits sa Version fort deffectueuse
, peu limée , même par rapport à notre
Langue , qu'il devoit sçavoir mieux qu'un autre ,
vous pourrez en juger par la maniere dont il
s'exprime à l'égard du fameux Port de Marsalquibir
, qui est auprès d'Oran , et dont le nom
signifie en Arabe ce que les Romains ont dit en
Latin , Portus Magnus . Notre Traducteur écrit
Marsa-qui-Vir , ce qui est une veritable corruption.
Cette Place , dit - il ensuite , qui signifie le
grand Port , &c. Je vous demande , Monsieur , si
c'est là du François ? une place qui signifie , &c .
Je puis vous assurer que ce n'est pas non plus le
sens de la phrase Espagnole.
Je vois aussi avec plaisir que vous prenez goût
à la Géographie d'Abulfeda , cet Auteur Arabe ,
B iij
dont
648 MERCURE DE FRANCE
dont je vous ai parlé à l'occasion de la Ville de
Ceuta , et dont l'Edition entiere doit être présentement
publiée à Londres. Vous me demandez
si ce Géographe , qui vivoit dans le XIV . siecle ,
a fait quelque mention d'Oran . Il n'a assurément
pas oublié cette Ville dans la courte Description
qu'il fait de la Côte de Barbarie. » Oran,
ou Ouahran , dit - il , est une Ville du Pays des
» Bereberes,du côté du Couchant située sur le bord
» de la Mer , distante d'une journée de chemin
de Tremecen ; ceux qui l'ont vûë rapportent
qu'elle sert de Port à Tremecen ; elle est située
» à l'Orient , tant soit peu Septentrional de cette
Capitale. Sa longitude est d'environ 15. D. 20.
M. et sa latitude de 18 : D. 5o . M. Le Cherif
Edrisi dit dans sa Géographie , que cette Ville
» Maritime est ceinte d'une très forte Muraille ,
et qu'elle est située vis - à- vis d'Almerie en Espagne.
39
Marmol n'a pas connu ce Géographe qui auroit
pû le redresser en plusieurs endroirs de son
Affrique , Ouvrage , comme je l'ai déja dit , qui a
son merite et ses deffauts . L'Auteur est presque
toujours prévenu en faveur de la prétendue antiquité
des Lieux dont il parle . C'est lui qui le
premier a fait d'Oran , de Ceuta , et de quelques
autres Places de l'Affrique , des Colonies Romai
nes , ce qui n'a pas le moindre fondement dans
l'Histoire ni ailleurs . La plupart de ces Villes
doivent leur origine aux Califes ou à des Princes
Mahométans leurs Successeurs.
Il me reste à vous dire un mot des affaires de
Ceuta , qui n'ont pas changé de situation depuis
mes dernieres Lettres. L'inaction est encore plus
grande de la part des Maures qui sont devant
cette Place , que de ceux qui sont aux environs
d'Oran
AVRIL. 1733. 649
d'Oran. On prétend même que les Troupes du
Camp de Ceuta sont fort diminuées par la retrai
te de près de 2000. Noirs , occasionnée par les
troubles du Royaume de Maroc , que le nouveau
Roy a bien de la peine à appaiser. Quoiqu'il en
soit c'est une grande entreprise pour d'aussi mauvais
guerriers , que celle de prendre par force une
telle Place .
Je suis encore plus fortifié dans mon opinion
depuis que j'en ai vu le Plan ces jours passez tel
qu'il a été levé sur les lieux par d'habiles Ingénieurs
Espagnols ; ce qui me donne une grande
idée de la Ville et des Fortifications , qui sont en
grand nombre et bien entendues. Comme rien
n'est oublié dans ce Plan , et que tous les environs
de Ceuta y sont exactement décrits , j'y ai
remarqué avec plaisir jusqu'à l'ancienne Eglise
de S. Samson , qui subsiste encore à une lieue du
corps de la Place , dans laquelle Jean I. Roy de
Portugal , fit les Princes ses fils Chevaliers , après
la Prise d'Oran , suivant le Projet dont je vous
ai parlé dans ma précédente Lettre. J'ai l'honneur
d'être , Monsieur , &c.
A Paris le 14. Mars 1733-
Biiij RON650
MERCURE DE FRANCE
RONDEAU
De Me de Malcrais de la Vigne , pour
répondre à celui de M. F. M. F. inseré
dans le Mercure de Février dernier et
qui commence , Pour un Normand.
Our un Normand , témoins * Jean, Pierre ,
Isac , pour
Onc Apollon de l'eau du docte Lac ,
Ne fut échars ; ains il vous indemnise ,
De n'avoir vin , et par tant il vous grise ,
De sa fine eau , valant du Cotignac.
En avez bû , beau Rimeur , un plein bac ,
Mais me loüant , pensez -vous qu'en son Lac ,
Orgueil me happe , et qu'il me dévalise ,
Pour un Normand ?
Bien moins courtois est le Prestol d'Iac ;
Lequel broyant Barthole et Bergerac ,
Prétend qu'à tort mes Vers on préconise ;
Défendez moi , Chevalier que je prise ,
Mais , non , trop foible est ce tireur de crac
Pour un Normand.
* Sarrasin , Corneille , Benserade.
L
LETTRE
AVRIL. 1733. 651
LETTRE de M. L... à M. l'Abbé
S .... en lui renvoyant la Lettre de
M. Rousseau , sur la Zaïre de M. de
Voltaire.
Stes -vous , Monsieur , du sentiment
M. de Voltaire ? 11 me semble qué sa Critique
est un peu chargée . Il prétend , que
tout le sentiment qui regne dans cette Piece
tend seulement à faire voir que tous les
efforts de la grace n'ont aucun pouvoir sur
les passions.
Il est pourtant impossible de n'y point
appercevoir une espece de triomphe que
la misericorde divine remporte sur la
foiblesse humaine . Dès le second Acte
Zaïre ne répond- elle pas à son pere , qui
la presse de se déclarer Chrétienne ...
Oui ... Seigneur ...je le suis . Au troisiéme
Acte, elle le dit avec un peu plus
de fermeté. Dans le quatrième et le cinquiéme
, son sacrifice est encore plus
avancé , elle va jusqu'au pied de l'Autel.
Enfin elle implore en expirant le Dieu
qu'elle vouloit connoître. Je me meurs ,
↑ mon Dieu!.
B v A
652 MERCURE DE FRANCE
A ces traits , M.M. on reconnoît que la
Grace n'a pas été absolument impuissante
sur cette ame. Ce n'est point un dogme,
impie, comme le dit M.Rousseau , qui fait
le fondement de la Piece ; c'est un dogme,
qui ne montre à la verité , que le premier
trait de la puissance divine , et les premieres
étincelles de la Foy. La moralité qui résulte
de cette Tragédie , tend à prouver
que l'on ne peut être trop en garde
contre l'emportement des passions , si
l'on ne veut s'exposer aux chutes et aux
excès les plus honteux. En effet dans
quels précipices la passion de Zaïre ne
la conduit- elle point ? Son Amant est
son Dieu , il fait sa Religion avant qu'u
ne lueur de Foy brille pour elle. Eh ! qui
peut ne pas mettre à profit pour soimême
un si funeste exemple ?
Selon la Critique , Zaïre perd deux
Occasions qui se présentent de déclarer
au Soudan qu'elle est Chrétienne , en
s'enfuyant sans aucune raison ; mais estil
bien vrai qu'elle fuit , comme il le
dit ? S'il veut parler des deux momens
où elle paroît devant Orosmane , et où
elle le prie de la laisser à elle- même dévorer
ses amertumes , on ne sçauroit dire
qu'alors elle fuit ; elle se retire pour ne
pas réveler un secret dont dépend la li
berté ,
AVRIL. 1733. 953
berté , peut- être la vie de son frere et
des autres Chrétiens. On ne peut pas dire
non- plus qu'elle fuit sans raison , quand
elle entreprend de sortir du Serrail ,
puisque c'est pour aller au rendez - vous
que son frere lui a marqué , et où elle
ne va que dans la résolution d'obéïr.
Vous allez croire , M. en me voyant
repousser ces traits de la Critique , que
je suis aveugle adorateur de Zaïre , et
que peut- être je place cette Piece au même
rang que Poliencte et Athalie ; non
en verité , je ne pense point ainsi ; mais
enfin il y a des places honorables à côté
ou même un peu au - dessous des Césars ;
et si j'écrivois ce que je pense de cette
Piece , en l'attaquant par les mêmes en--
droits que M. Rousseau a choisis , je hazarderois
de dire qu'elle n'est que le revers
de Polieucte .
"
Corneille nous a donné de la Religion
une image majestueuse , pleine de force
et de dignité , qui ne peut que toucher:
et saisir ceux qui s'arrêtent à la contempler
, et afin que la Grace agît dans toute
l'étendue de sa puissance , Polieucte
reçoit le Baptême dès le commencement
de la Piece ; M. de Voltaire , au contraire
, n'a fait que l'ébauche d'une grace ,
qui n'est qu'à son aurore , ébauche , par
B.vj. cec
654 MERCURE DE FRANCE
cet endroit même, infiniment inferieure à
la noblesse du premier tableau ,et afin qu'il
eût un prétexte de soutenir jusqu'à la
fin cette foible imagination , il ne fait
point recevoir à Zaïre l'Eau salutaire qui
fortifie le Chrétien . Si Polieucte est irrésolu
, s'il balance , s'il differe , cet étaz
ne dure qu'un instant ; cet instant passé,
quelle foi vive ! quelle admirable fermeté
! mais comme il ne peut être accusé
d'impieté pour avoir chancell ' quelques
momens ; de même Zair ( qui vraisemblablement
a été imaginée sur les deux
premieres Scenes de Polieucte ) ne doit
point être regardée comme impie , quoi
que son irrésolution et son combat du
rent plus long temps.
Mais il fut convenir avec M. Rous
seau , que M. de Voltaire , maître comme
il l'étoit de sa Fable , a manqué dans le
choix qu'il en a fur et dans celui des
situations ausquelles il s'est restraint ;
pour avoi trop écouté son imagination ,
il n'a pû voir qu'il donnoit à sa Piece un
fondement trop foible du côté de la Religion
, qui doit toujours triompher pleinement
quand elle agit.Que n'a-t'il écarté
la premiére illusion dont il a été frappé;
Lusignan et Nerestan font preuve qu'il
pouvoit donner de la Foi , un systême
plus
AVRIL. 1733 655
plus fort et plus juste qu'il n'a fait.
Ce seroit sur ce Plan , M. que j'examinerois
le fonds de la Fable de Zaïre ,
et passant aux deffauts que j'ai remarquez
dans l'execution , jobserverois que l'Art
Y laisse. peu ou point de place au vrai ,
je parle de celui que l'on veut trouver
dans les Romans et de l'Art même , le Poëte
en a employé les détours et la finesse ,
plutôt que la justesse et la précision.
L'action de son Poëme , s'il y en a une ,
est peu digne de la majesté de la Tragé
die. Le caractere d'Orosmane est hors du
vrai ; car en supposant même que la Nature
puisse former un Soudan aussi peu
attaché que l'est Orosmane aux moeurs ,
aux usages de sa Patrie , aussi convaincu
de la fidelité de son Amante , qu'il veüille
bien lui épargner la contrainte des surveillants
; pourquoi ce beau Portrait se
termine- t'il en un Monstre ? Pourquoi
ce coeur si noble est- il si promptement
défiguré ? En vain M. de Voltaire a tâché
d'insinuer que son Héros porte tout
à l'excès , que son coeur est né violent
et qu'il est blessé ; il ne pourra justifier
ni dans la Nature ni dans la vrai semblance
, li contrarieté de ce caractere. La
catastrophe sous un air de ressemblance
avec celle de l'Opera d'Athys , est plus
dure
656 MERCURE DE FRANCE
dure que celle- cy ; Athys tuë Sangaride ,
sans volonté de commettre ce meurtre ;
il agit aveuglé par la jalouse Cybele , qui
déguise à ses yeux l'objet qu'il immole.
Orosmane poignarde , assassine l'Amante
qu'il adoroit un instant auparavant, poussé
à faire ce meurtre par une folle jalousie
qui n'a que des prétextes chimériques
et mal appuyez ; il se tuë ensuite
de sens froid et sans sçavoir pourquoi.
Mon dessein n'est pas de m'engager
dans une plus longue décision ; il me
suffit de vous avoir prouvé que j'ai vû
Zaïre sans me laisser ébloüir , et qu'en
même temps j'ai raison de remarquer
que quelques- unes des. Observations de
M. Rousseau ne sont pas tout- à- fait
exactes. Au reste , tout ce qui sort de
sa Plume est bien digne d'être lû ; je
vous suis très obligé de m'avoir envoyé
sa Lettre , si elle n'est pas en tout
exactement judicieuse , c'est que , selon
toutes les apparences , il n'avoit fait qu'u
ne lecture rapide de Zaïre quand il en
a porté son jugement. Je suis , Monsieur
, & c.
·
A Paris , ce 8. de Mars 1733 .
L'AUAVRIL.
1733 657
XX : XXXXXXXX - XXXXX
L'AURORE ,
CANTATE.
Vous , que dans la nuit on implore ,
Disparoissez , sombres pavots ;
Cedez à la brillante Aurore ,
Qui sort du vaste sein des flots.
Un Essein de Zéphirs annonce sa venuë
Je vois son Char qui fend les Airs
Les Echos et la nuë ,
;
Retentissent au loin de mille chants divers.
Sa Pourpre éclatante ,
Embellit les Cieux ,
Sa beauté naissante ;
Réjouit les Dieux ;
Pan , Silene , Faune ,
Vertumne , Pomone ,
Quittent les Roseaux ,
La jeune Naïade ,
La chaste Driade ,
Paroît sur les Eaux .
Heureux Coursiers , qui trainez cette Belle ,
Suspendez pour un temps vos pas précipitez ,
Ne nous dérobez pas de si vives clartėz ,
Par une fuite si cruelle
Mais
658 MERCURE DE FRANCE
Mais quel nuage épais obscursit ses Rayons ?
Qu'est devenu l'éclat de sa face brillante ,
Je vois languir son Char sous sa main noncha
lante ,
Et les Renes flotter au gré des Aquilons ;
Elle gémir , elle soupire ,
Elle veut exprimer l'excès de son martyre ,
Je reconnois à ses sanglots ,
Le cruel Auteur de ses maux .
Volez , Coursiers , volez , vers le celeste Em
pire ,
Hâtez - vous d'arriver au lieu de son repos ;
Les Ris et les Graces ,
Qui suivent ses traces ,
Pleurent son malheur
Et Zéphire même ,
La flatte qu'il l'aime ,
Pour calmer son coeur.
Fuvez ; laissez-moi , lui dit - elle ;
Ah ! c'est assez qu'un infidelle ,
Ait trahi mes tendres amours ;
N'esperez pas qu'une chaîne nouvelle ,
Puisse jamais unir nos jours ;
Le perfide Céphale ,
Se rit de mes tourmens
Une fiere Rivale ,
Jouit de ses empressemens.
Ah ! c'est assez qu'un Infidelle , &c.
Quel
A VRIL. 1733. 655
Quel changement ! ô Ciel ;
Quelle vertu divine >
Fertilise des Champs ,
Que l'inutile épine ,
Occupoit au plus beau Printemps ,
Ce sont les larmes de l'Aurore.
Je voi de toutes parts mille brillantes fleurs ,
Sous ses pas s'empresser d'éclore ;
Ah ! tout est précieux , Amour , jusqu'à tes
pleurs.
Par R. B.
のののの
REPONSE à la Lettre inseree dans
le Mercure du mois dernier , au sujet
du nom de Bordeaux ou Bourdeaux.
Lo
'Habitude dans laquelle je vois pres
toute
que tout le monde , Monsieur , de
dire et d'écrire Bordeaux et non Bourdeaux
, ne m'a pas empêché de trouver
tout ce que vous dites pour soutenir ce
dernier sentiment , fort ingénieux ; mais
trouvez bon aussi que je vous dise ce
qu'on peut alleguer en faveur de Bordeaux.
Je ne conviens pas dabord que cette
derniere prononciation ne soit fondée
que
660 MERCURE DE FRANCE
que sur l'imagination de ceux qui ont
crû que cette Ville avoit pris son nom
du bord des Eaux où elle est située . Leur
raison pourroit y avoir encore plus de
part , et s'il n'est rien de si ordinaire que
de donner aux hommes des noms pris
des lieux de leur naissance , n'aura- t'il
pas été permis aux Fondateurs de cette
Ville d'avoir tiré son nom de sa situation
et de l'avoir appellée Bordeaux , à
cause qu'ils l'avoient bâtie sur le bord
des eaux Elle est , en effet , toute entourée
d'eaux , ayant au Levant celles de
la Garonne ; au Couchant , celles qui
viennent des Landes , qui forment pendant
quelques mois une petite Mer au
derriere du Palais Archiepiscopal , et au
Midy , les Ruisseaux qui viennent de
Begle , ce qui a fait porter à cette Capitale
de la Guyenne le nom de Bordeaux
, par une très- juste et très - judicieuse
Etymologie.
S'il se trouve quelques Auteurs qui
l'ayent nommée Bourdeaux , en y ajou
tant un u , il faut plutôt regarder cette
addition comme un deffaut du Pays et
une corruption du nom , que comme une
prononciation naturelle.
Ainsi , puisque nous trouvons la véritable
cause de ce nom dans la propre
assiette
AVRIL. 1733. 661
assiette de la Ville , il est inutile d'aller
la chercher dans ces sales idées de débauche
; car quel rapport y a t'il entre
les bords de ces eaux et ses endroits qu'on
ne sçauroit nommer sans blesser la pudeur?
L'exemple d'un Romain , qui par
magnificence , fait poser des Tentes sur
un Rivage , et qui s'y va réjouir avec de
petites Bourgeoises, parmi tous les excès de
la profusion et du luxe , n'établit aucune
preuve de l'allusion que vous faites.
Quoiqu'Ausone ait dit que Bordeaux
étoit le lieu de sa naissance , Burdigala
natale solum , ce n'est pas une conséquence
que le mot Latin Burdigala soit plus
ancien que celui que cette Ville porte
aujourd'hui , se pouvant faire qu'il ait
été inconnu dans la Guyenne jusqu'au
temps que les Romains conquirent cette
Province et que les vaincus commencerent
à y parler la Langue des vainqueurs,
c'est- à - dire , près de deux siecles et demi
avant la naissance d'Ausone.
Ce n'est donc pas dans le Latin qu'on
doit chercher l'origine du nom de Bordeaux
, et il semble que vous en convenez
, puisque vous voulez bien avoir
recours au Ruisseau de la Bourde et de
Falle , qui sont deux noms que la Latinité
ne revendiquera jamais. Ils ne sont
pas,
662 MERCURE DE FRANCE
- pas , dites - vous , éloignez de la Ville ;
vous en portez vous- même la preuve ,
puisque vous les faites entrer dans la Garonne
par l'endroit où est à présent l'Eglise
S. Pierre ; mais , Monsieur , tout le
monde ne conviendra pas avec vous de
la jonction que vous faites de ces deux
Ruisseaux , étant très - constant que la
Bourde se décharge dans la Garonne à
un quart de lieue au -dessus de Bordeaux
et la Jalle a plus d'une licüe au - dessous.
Il n'y a pas même d'apparence qu'un petit
Ruisseau tel que la Bourde , presque
inconnu , ait donné le nom à une grande
Ville arrosée de la Garonne et entou
rée de Marais .
Laissant donc là la Bourde , vous me
permettrez , s'il vous plaît , Monsieur ,
de m'en tenir à mon premier sentiment.
Je demeure d'accord que l'u des Latins
se change souvent dans le François en
ou; les exemples que vous en citez sont
familiers , mais vous ne disconviendrez
pas aussi que les Gascons ne changent
l'o des François en ou ; par exemple , nous
disons en François mordu , corde , borner ,
orner , border , cocher , orme , & c . et les
Gascons changeant l'o en on , disent mourdt
, courde , bourna , ourna , bourda , couchei,
ourme , &c. ce qui fait qu'au lieu de
proAVRIL.
1733 663
prononcer Bordeaux , conformément à
son Etymologie , on a prononcé en Gascon
Bourdeaux , et comme cette prononciation
a été generale , lorsque dans la
suite on a parlé François , on y a retenu
l'ou de la prononciation Gasconne , et delà
vient qu'on a dit Bourdeaux , le vulgaire
par ignorance , et les habiles gens par fau
te d'attention . Il s'en est cependant trouvé
qui ont retenu la pureté de la prononciation
Françoise, et qui out dit Bordeaux
, suivant l'Etymologie naturelle du
nom. Tels sont le P. Monet et l'illustre
M. Nicod , Maitre des Requêtes , dans
les deux sçavans Dictionnaires qu'ils ont
faits , où ils ne paroissent pas moins habiles
dans lå Langue Françoise que dans
la Latine. Calepin prononce Bordeaux
comme eux , et Michel - Antoine Baudran
dans sa Géographie , imprimée à Paris
en 1661. expliquant ces mots Burdigalensis
ager , dit , le Pays Bordelois. Burdipalensis
sinus , la Baye de Bordeaux .
Vous m'opposerez , sans doute , que
ces autoritez ne sont pas du poids de
celles de M. le Maître , de M. Pelisson
et du Pere Bouhours ; mais je répondrai
à l'égard de ce dernier , que s'il a décidé
en faveur de Bourdeaux , peut - être
ya- t'il eu dans sa décision un peu d'amour
664 MERCURE DE FRANCE
mour
propre ,
en conservant
l'ou dans
la premiere
sillabe du nom de Bourdeaux
,
parce qu'il se trouve dans la premiere
du sien. Pour l'autorité
de M. le Maître,
il se peut faire que quand il a composé
son Plaidoyer
, il se soit plus attaché à
la substance
des choses , qu'à l'écorce des
paroles , suivant la maxime
du Jurisconsulte.
Scire leges non est earum verba , seď
mentem tenere .
Lorsque M. Pelisson a écrit l'Histoire
de l'Académie , il n'a pas prétendu y
donner des regles pour la Langue , non
plus que M. le Maître dans son Plaidoyer.
Les Géographes que vous alleguez ont
laissé Bourdeaux écrit dans leurs Cartes,
comme ils l'ont trouvé dans celles qu'ils
ont réformées , et ils n'ont eu en vûë
que cette réformation et non pas celle
de la Langue ; en un mot, il faut toû
jours revenir à l'ancienne Etymologie ,
qui se trouvant autorisée par l'usage , on
ne doit pas balancer à se déterminer en
sa faveur. Ainsi l'usage d'aujourd'hui
étant pour Bordeaux , comme on peut le
remarquer en tous ceux qui parlent le
mieux , il faut suivre, cet usage qui n'a
rien que de doux et d'agréable à l'oreille.
Après le Latin vous avez eu recours au
Grec. Les Grecs prononcent , dites - vous,
Bour
AVRIL. 1733. 665
Bourdegala , le François qui a beaucoup
d'affinité avec le Grec , selon vous , doit
retenir la prononciation de l'ou; mais puisque
notre Langue n'en a pas moins avec
le Latin , qui de votre aveu , prononce
l'u comme les Grecs , témoin yotre Loucoullous
, il faudroit par la même raison
prononcer les venant du Latin ;
comme s'il y avoit ou. Ainsi au lieu de
muse , venant de musa , on diroit mouse ,
au lieu de peinture , pictura , on diroit
peintoura , ce qui produiroit de très - grandes
difformitez dans la Langue , et montre
assez que dans la prononciation Françoise
, on ne doit avoir égard ni à la Grecque
ni à la Latine , et qu'il faut suivre
uniquement celle qui se trouve établic
par le bel usage.
Mais enfin , Monsieur , pourquoi voulez
-vous persuader que Bordeaux vienne
de Burdigala , puisqu'il est plus naturel
que Burdigala ait été formé de Bordeaux,
cette Ville , comme je l'ai déja remarqué,
ayant été très- considerable , suivant le
témoignage de Strabon , dans le temps
que les Romains y mirent le pied ? Ainsi
le nom de Bordeaux imposé à la Ville
par ceux qui la bâtirent , étoit plus ancien
que le Latin Burdigala , à moins de
dire , pour favoriser notre décision que
Bur666
MERCURE DE FRANCE
Burdigala est composé du mot Espagnol
Burgo. , qui signifie Bourg , et de Gala ,
qui veut dire propreté et bonne grace ;
desorte la Ville n'étant encore qu'une
que
Bourgade dans son commencement , il
se pourroit faire qu'elle fût appellée par
ses Habitans , qui avoient eû , sans doute,
commerce avec les Espagnols , et qui parloient
quelque peu leur langage , Burgo
de Gala , c'est - à- dire , Bourg dont les Habitans
étoient propres et de bon air , et
par succession de temps , en retranchant
go , on en fit Burdegala , qui est le mot
Latin dont l'origine vous a assez occupé.
Voilà , Monsieur , une Etymologie heureuse
, puisqu'elle a l'avantage de tomber
dans votre sens , et elle ne convient pas
mal aux Habitans de cette Ville , singulierement
aux femmes , n'y en ayant gueres
ailleurs qui se mettent plus propre.
ment. Mais puisque je vous donne une
Etymologie qui doit , sans doute , vous
faire plaisir , vous ferez bien cette justice
au Public de lui passer celle de Bordeaux
et de ne pas refuser aux Rivages de cette
Ville qui présentent à toutes les Nations
un abord si agréable , l'honneur de lui
avoir donné le nom. Je suis , &c.
F
Į
ZE
AVRIL. 1733 667
LE TRIOMPHE D'HEBE' ,
DEesse
O D E.
dont la main chérie ,
Du Tout- Puissant Pere des Dieux ,
Jadis lui servoit l'ambrosie ,
Et le Nectar délicieux .
Féconde source d'Allegresse.
Hebé , Reine de la Jeunesse ;
Dissipe nos folles erreurs ,
Qui par un criminel usage ,
Du plus précieux avantage ,
Font la source de nos malheurs
L'âge soumis à ton Empire ,
Forme les plus beaux de nos jours
Sous tes douces Loix tout respire ,
Les Jeux , les Ris , et les Amours.
Au gré du torrent qui l'entraîne ,
L'homme s'abandonne sans peine ,
Dans cette agréable saison ;
Heureux si le cours d'une vie ,
Aux passions moins asservie ,
Lui laissoit encor la raison.
с Maie
668 MERCURE DE FRANCE
Mais , Hélas ! Jeunesse imprudente,
Tes mouvemens impetueux ,
De la volupté qui t'enchante ,
Suivent les sentiers: tortueux;
Tantôt un aveugle caprice ,
Te fait chercher un sort propice.,
Dans tes fréquens engagemens ;
Tantôt déplorable victime ,
Tu cours te plonger dans l'abysme,,
Des plus honteux égaremens.
Comblez des dons de la Fortune ,
Rois , Princes , demi- Dieux mortels
Vous voyez la foule, importune,
Prête à vous dresser des Autels ;
La valeur , la haute naissance.
Les richesses et la puissance ,
Sont des biens en tous lieux chéris ;
Mais ta vigueur et ton adresse ,
Tes graces , aimable Jeunesse ,
Toujours en relevent le prix .
Que j'aime l'heureuse Nature
Qui de ses attraits innocens
Forme son unique parure ,
Et ses charmes les plus puissants.
Lorque le Printemps nous présente ,
I

AVRIL: 1733 . 669
La verdure encore naissante ,
Dans nos Champs émaillez de fleurs
Tandis que Vertumne et que Flore,
Etalent aux yeux de l'Aurore ,
Leurs plus agréables couleurs.
De Zéphire la douce haleine ,
Succede aux fougueux Aquilons ,
Le Dieu Nourrisson de Sylenne ,
De Pampre couvre nos Valons.
Déja Philomele éplorée ,
Plaint le triste sort de Terée ,
Et ravit les Echos des Bois.
Quittant leurs Ondes fugitives ,
Les Nayades sont attentives ,
Aux tendres accens de la voix.
Mortels , imitez la Nature ,
Dans le doux Printemps de vos ans ;
Votre joye en sera plus pure ,
Vos chagrins seront moins cuisans ,
Souvent au sein de la jeunesse ,
On a vû briller la Sagesse ,
Et les plus sublimes vertus.
Minerve aima le fils d'Ulysse ;
Et le départ de Berenice ,
Combla la gloire de Titus.
C ij
670 MERCURE DE FRANCE
O vous dont le coeur idolâtre ,
Court après les nouveaux plaisirs ,
Jeunes Amans , troupe folâtre ,
Calmez vos injustes desirs ,
N'allez pas ainsi que Thésée ;
De quelque Ariane abusée ,
Trahir les faux infortunez ,
Et par votre langue indiscrete ,
Augmenter la douleur secrette ,
D'un coeur que vous abandonnez.
De l'implacable jalousie ,
Gardez - vous d'écouter la voix ,
La plus terrible phrenesie ,
Est moins funeste quelquefois.
Si ce fier tyran vous obsede ,
Appellez Bacchus à votre aide ;
Cette aimable Divinité
Dissipera votre tristesse ;
Et sa Liqueur enchanteresse ,
Vous rendra la tranquillité,
>
Au gré d'une ardeur témeraire ,
Raison , ne m'abandonne pas ,
Puisse ton flambeau salutaire ,
Eclairer sans cesse mes pas ;
Qu'un choix judicieux et sage ,
DR
A VRI L. 1733. 671
Des plaisirs permis à mon âge ,
Me soit par toi -même tracé ;
Je préfere cette Science ,
A la tardive experience ,
De l'âge le plus avancé.
Par M. de M. D. S. d'Aix.
XXXX:XXXX:XXXXXXX
DESCRIPTION des Curiositez
Naturelles et autres , du Cabinet de
M. Capperon , ancien Doyen de S. Maxent
, dans la Ville d'Eu en Normandie.
'Avois addressé à un de mes amis à
Paris , un Détail de mon Cabinet pour
sa satisfaction particuliere , et j'étois fort
éloigné de croire que ce Détail méritât
d'être publié. Mon ami et plusieurs personnes
éclairées sur ces sortes de choses
en ont jugé autrement , et m'ont engagé
à le laisser imprimer.J'espere du moins
que cela pourra exciter d'autres Curieux
qui possedent des raretez considerables ,
à en donner connoissance au Public par
la même voye , ce qui fera plaisir , sans
doute , à beaucoup de personnes , et en
excitera d'autres à faire de semblables Recherches
, capables de faire admirer les
Pro-
1 C iij
672 MERCURE DE FRANCE
Productions singulieres de la Nature et
l'immensité de la sagesse de son Auteur..
MINERA U X.
Un morceau de Mine d'argent , de la
grosseur d'un oeuf, où sont quantité de
filets d'argent qui sortent de la Pierre ;
deux morceaux de Mine de Cuivre ; deux
autres où le Cuivre se trouve incorporé
dans de la pierre d'Ardoise ; deux morceaux
de Mine d'Etain de Cornouaille ;
plusieurs morceaux de Mine de Fer.
Pierres précieuses on curieuses.
Deux morceaux d'Emeraude brute, dont
P'un est gros comme un oeuf de Pigeon .
Plusieurs morceaux de Turquoise brute.
Un morceau d'Ametiste brute. Pierre
d'Hyacinthe brute. Plusieurs Grenats .
Autres Grenats de Bohême . Diverses Agathes
de differentes couleurs , dont quelques-
unes sont gravées. Pierre d'Azur.
Pierre de Jade. La Pierre Selenite , qui
se couppe par filets argentez , dont les
Turcs font des Aigrettes . Des Pierres ,
dites de la Croix . Plusieurs morceaux de
la Pierre Hematite. Des Pierres Crapau
dines. Plusieurs Pierres d'Hirondelles . Des.
Pierres Judaïques. Differentes Pierres Stel
laires. Trois Pierres nommées Cornes
d'Ammon;
手画
AVRIL. 1733 .
873
Ammon , à l'une desquelles il se trouve
une Coquille fossile attachée; ce qui prouve
la verité de ce qui a été dit à l'Académie
des Sciences , que ces Pierres ne
sont formées que par le suc pétrifiant
qui s'est introduit dans le creux d'une
sorte de Coquille , où il s'est durci en
pierre, et moulé selon la figure interieure
de la Coquille. J'ai plusieurs Cailloux
qui prouvent la même chose , gardant la
figure des Coquilles dans lesquelles ils se
sont formez . Plusieurs Pierres nommées
Pyrites , toutes hérissées de pointes trèsaiguës,
en forme de pointes de Diamans.-
Deux de ces Pierres fort grosses , attachées
à de gros Cailloux , sur lesquels
elles se sont formées . Autres Pierres qu'on
peut nommer Cerebellites , parce qu'elles
ont la figure du Cerveau humain . Quatre
differentes sortes de Pierres d'Aigles ,
dont quelques- unes se nomment Geodes.
Plusieurs Pierres où paroissent diverses
figures peintes au naturel , qu'on nomme
Camayeux. La premiere représente
un Lyon entier. La 2. un Christ , dont
les lineamens du visage , du nez , des
yeux , de la bouche ; les cheveux sont
tracez par la Nature seule. La 3. un homme
avec un bonnet de couleur diferente,
ayant les mains croisées. La 4. une autre
C iiij formée
374 MERCURE DE FRANCE
formée en buste . La 5. une femme avec
sa coëffure très - bien faite. La 6. autre
figure d'homme avec un long bonnet. La
7. une tête de Loup très- naturelle . La
8. une tête de Cochon aussi très - naturelle.
La 9. une autre où la Nature seule
a peint d'un côté une Vipere , et de
l'autre côté un Brochet. La 10. une Pierre
dite de Florence , où est représentée
une Ville. La Pierre nommée Dendrite ,
où sont représentées naturellement des
herbes très -menuës. Enfin une Pierre
d'Aiman armée , dont la force est sensible
à deux pieds de distance.
Le Systême de la formation des Pierres
parfaitement démontré par les Pierres
mêmes , rangées pour cela sur une Tablette.
On voit premierement un Caillou ,
au centre duquel est la Coquille d'un
Oursin ou Hérisson de Mer totalement
devenue Caillou , par la raison que le suc
pétrifiant qui a formé le Caillou , l'ayant
enveloppée, il s'est insinué dans cette Coquille
par les deux trous qui y sont naturellement
, et l'ayant par ce moyen remplie
, il en a fait un Caillou parfait , qui
ne tenoit au Caillou qui l'enveloppoit
que par ces deux endroits , ayant par là
une même continuité ; ce qui démontre
qu'il
AVRIL. 1733. 675
qu'il y a dans la terre un suc pétrifiant
ou Cristalin , lequel étant d'abord liquide
se durcit et se congele ensuite , et
forme par ce moyen les Pierres et les Cailloux.
Une Pierre de Grez , où sont plusieurs
petits Cailloux de differentes couleurs
et séparez , laquelle Pierre s'est formée
par le suc pétrifiant , qui s'étant insinué
dans du sable où étoient ces petits
Cailloux , en a fait une seule masse de
pierre. Divers Cailloux où sont differentes
empreintes . Dans le premier est une
très- belle empreinte de six especes de
boutons , et quatre longues figures d'éguilles.
Un autre où est l'empreinte d'une
Coquille. Trois autres cù sont les empreintes
des Coquilles des Hérissons de
Mer ou Oursins . Autre où est une belle
empreinte d'une portion de Coquille singuliere.
Autre Pierre comme l'Ardoise
venant de l'Ifle d'Acadie , où est l'empreinte
d'une espece de Fougere d'un côté,
et de l'autre est l'empreinte de deux Plantes
de Capilaire. Toutes ces empreintes
justifient que les Pierres sont formées
d'un suc pétrifiant , lequel se congelant
contre certains corps , en prend la figure
et l'empreinte.
Un morceau de Cristal de Roche , gros
comme une balle de Jeu de Paume , for-
Cy mé
376 MERCURE DE FRANCE
mé en pointe et à six pans. Autre sorte
de Cristal de Roche formé par éguilles ;
ce qui n'est autre chose que le suc pétrifiant
et Cristalin congelé dans toute
sa pureté . Autre morceau de Cristal de
Roche , formé aussi à six pans , et coloré
de verd en partie ; ce qui démontre que
toutes les Pierres précieuses , sont formées
de suc cristalin très- pur , lequel se
colore diversement , suivant les Métaux
et autres corps sur lesquels il lesquels passe. Autre
Caillou , pierre à fusil , haut de trois
pouces et de pareille largeur , d'où le
suc pétrifiant , ayant abondamment exu-`
dé et comme vegeté , a formé plusieurs
branches rondes et grosses comme le petit
deigt. Autre semblable Caillou , où
ce suc a exudé en élevations rondes
comme la Gomme exude quelquefois des
Cerisiers. Plusieurs autres semblables Cailloux
, dans le creux desquels se voyent
une infinité de brillants ; ce qui vient
de ce que le suc cristalin ayant exudé
du Caillou , au centre duquel il se trouvoit
de l'eau , ce suc s'est cristalisé à facettes
, ce qui lui arrive toutes les fois
qu'il se cristalise , se formant toujours à
six pans dans sa cristalisation. Suivent
diverses congellations de ce suc , tant sur
des pierres , que sur des Coquilles . En-
,
fin
AVRIL. 1733
677
in paroissent differentes pétrifications ,
qui viennent de ce que le suc pétrifiant
s'étant rencontré dans la terre où étoient
certains corps , et les ayant penetrez comme
le sucre pénetre une Confiture seche ,
les a durcis et pétrifiez .
Pétrifications.
Un morceau de bois de Hêtre parfaitiement
pétrifié , jettant du feu comme
un autre Caillou . Autre morceau de bois
pourri pétrifié. Un Caillou qui paroît
avoir été une branche d'arbre pétrifiée.
Autre , qui paroît une Poire pétrifiée.
Une Figue parfaitement pétrifiée . Une
Huitre entiere parfaitement pétrifiée.
Quatre ou cinq autres moins parfaites.
Grand nombre d'autres Coquillages dans
tout leur entier , parfaitement pétrifiés ,
dont plusieurs sont encore attachez aux
Cailloux. Des Cupules de glands pétrifiez ,
Herbe espece de Coraline pétrifiée , dont
une est attachée au Caillou . Grand nombre
de têtes de l'herbe nommée Presle ,
et autres fragmens de la même Herbe
pétrifiée. Noyau de Prune séparé en deux
parties , pétrifié. Oeil et Dent de Serpent
pétrifiez. Plusieurs Glossopetres , qu'on
dit être des Langues de Serpents pétrifiées
; mais qui sont plutôt des Dents du
C vj Poisson
678 MERCURE DE FRANCE
Poisson nommé Requein , comme il m'est
aisé de le justifier. Trois Ossemens de
Morts , faisant partie du Tibia , pétrifiez ; -
sur l'un desquels sont attachez des fragmens
de Coquilles , également pétrifiez.
Une Plante Marine, espece d'Ortie de Mer
pétrifiée. Garnd nombre de très - petites
Etoiles qui se trouvent dans une Fontaine
proche d'Alençon et ailleurs , que je crois
être des Embrions des Etoiles de Mer
pétrifiées .
Plantes pierreuses de la Mer.
Une Plante de Corail. Deux Madre
ports de differentes façons . Autre Plante
pierreuse nommée Rétepore . Autre d'un
beau rouge , formée de differens petits
tuyaux , couchez les uns sur les autres ;
elle se nomme Tabularia. Autre plus
grosse , de couleur grise et dont les tubes
sont rangez par ordre comme les
tuyaux des Orgues , pourquoi on peut
la nommer Orgue de Mer. Autre blanche
, formée sur un petit Caillou , qui est
agréablement frisée. Autre , formée en
vrai Champignon , qu'on peut justement
nommer Champignon de Mer. Deux Ombilics
de Mer , venant de la Méditerranée.
Quantité d'une sorte de Rocaille, couleur
de gris - de-lin , qu'on peut dire être une
espece
AVRIL 1733 679
espece de Corail. Il y en a aussi de blancs.
Differentes pieces d'autres Rocailles formées
de Tubes , où se nichent certains
Vers dans la Mer.
Coquillages.
Plusieurs Coquillages qu'il seroit en
nuyeux de nommer les uns après les
autres ; il y a entr'autres un beau Burgos
de la plus belle Nacre. Un Nautile ,
travaillé , sur lequel on a laissé une espece
de filigramme et qu'on a couppe
de sorte qu'il s'y trouve un Casque parfait.
La grande et la petite Pinna , &c.
11 y a aussi quantité de Coquilles fossilles
differentes , que j'ai trouvées dans
le creux des Montagnes , qualquefois
20. et 30. toises de profondeur , dont
plusieurs sont encore attachées aux Cailloux
et aux moilons , qui ne sont pas
connues ici. J'ai fait quelques Dissertations
sur l'origine de ces Coquilles , qui
ont été inserées dans les Mercures.
Poissons
Un petit Requein entier. La mâchoire
d'un autre plus gros , avec le nombre
prodigieux de ses dents. Des Orbes à Bouclier
, en Latin Orbis Scutatus. Un Polipe
desseché. Une grande Aragnée de
Mer
680 MERCURE DE FRANCE
Mer. Une autre plus petite , sur le dos
de laquelle plusieurs Ecailles d'Huitres se
trouvent attachées et incorporées. Differentes
especes d'Etoiles belles et curieuses,
sorte de Poisson . Plusieurs grandes et petites
Coquilles de l'Oursin , nommé en
Latin Echinus Spatagus.Des Poissons nommez
Eguilles de Mer , dont le corps n'est
pas rond, mais à plusieurs pans. Il y a aussi
quelques Plantes curieuses de la Mer , et des
Plumes de Mer , qui se tirent du dos du
Poisson nommé pour cela Calamar ; parce
qu'il a en même-temps dans le corps de
l'Encre dont on peut écrire. L'Oyseau
nommé dans Jonstons Anser Magellanicus
, lequel , quoique beaucoup plus gros
qu'une Oye , a des aîles qui n'ont que 4 .
pouces de longueur ; il m'a été envoyé de
Dieppe depuis peu .
Animaux differens.
Un petit Crocodile long de trois pieds
bien conservé. Quelques Ecailles de Tortuës
, très belles. Ecaille du dos de l'Armadillo
, Animal des Indes. Deux Senembys
ou Iguana , Lézard du Bresil . Une
Salamandre . Un Crapau à queue. Une
figure d'Aspic , qui paroît naturel. Plusieurs
petits Chevaux Marins. Un petit
Canard à deux têtes , desseché. Le Sauelete
AVRIL. 1733. 681
lete d'une Grenoüille. Le Taureau volant
du Brezil , sorte de gros Insecte .
Plusieurs autres Insectes curieux. Un Papillon
dont les aîles étendües ont quatre
pouces de longueur , qui a sur le dos la
figure d'une tête de Mort , et qui étant
vivant , pousse un cri assez haut. Un Lezard
singulier qui se conserve dans de
l'esprit de vin,
Autres choses curieuses .
Une espece de Passement fait avec l'Amiante
ou Lin incombustible. Racine
singuliere , dont toutes les fibres sont séparées
et à jour. Deux Oeufs d'Autruche.
Un grand Verre ardent et un Miroir
ardent. Une Urne Sépulchrale , et
les Portraits des 12. Césars , en Email.
Plusieurs differens Microscopes avec lesquels
j'ai trouvé la méthode de voir quels
sont les Sels qui sont dans l'air ; et les
figures specifiques de tous les Sels . Plusieurs
figures de Fruits. Un Dévidoir et
une grosse tête de Pavot , dans deux Bouteilles
de verre , dont le goulot est fort
étroit , de ma façon , Un Portefeuille rempli
de belles Estampes et Desseins curieux.
Une petite Ecuelle faite d'Ecorce
d'arbre proprement travaillée à l'usage
des Sauvages.
Le reste pour le prochain Mercure.
682 MERCURE DE FRANCE
4
LES PLAISIRS CHAMPETRES
Quoi
EPITRE
"
à M. D ***
Uoi le sort en est donc jetté ,
Et dans le dépit qui te presse ,
Cher ami , ton coeur révolté ,
Se dérobe au Finde , au Permesse !
Oui , j'abandonne le Valon ,
Dis - tu , pénetré de colere ,
Habitant d'une autre Hémisphere ;
Chez le Sarmate ou le Lapon ,
Je prétends à mon gré me faire ,
Un tout autre Dieu qu'Apollon .
Eh ! crois-moi , jamais nul Poëte ,
Propre Artisan de son malheur ,
Ne sacrifia de bon coeur ,
Ni sa Lire , ni sa Musette ,
Aux voeux d'une injuste douleur .
En divorce avec Uranie ,
'Avec Euterpe et Polymnie ,
Pourras- tu d'un amusement ,
Qui de tout temps sous leurs auspices ,
A fait tes plus cheres délices ,
Te priver jusqu'au Monument ?
3
Sa
AVRIL
683 1733
Se dérider avec les Muses ,
Tu le sçais , rien n'est plus charmant ;
Et dans ton fol
emportement ,
A leurs bontez tu le réfuses !
Qui peut ,
hélas sans leur secours ,
Saisi de la divine yvresse ,
Que donne l'Onde du Permesse ,
Soupirer les tendres Amours ?
Dans cette sombre inquiétude ,
Qui ne fait qu'amortir nos feux ;
Il n'est plus de ces Vers heureux ,
Qu'enfante une paisible étude ,
A l'honneur des Héros , des Dieux.
Quoi ! prétendre , au mépris des Cieux ,
Sans Entousiasme , sans verve ,
Chanter les Combats , les beaux- Arts ,
Peindre aux yeux les travaux de Mars ,
Ou raconter ceux de Minerve
D'un bel esprit , qui se dément ,
Quelle illusion ! quel délire !
Ami , révoque ton serment ,
Contre un Dieu qui t'aide et t'inspire ,
Etouffe un vain ressentiment ,
Et reconnois son doux Empire ;
Phébus lui-même en ce moment ,
Où ta plume , ingrat , le déchire
Phébus daigne encor te sourire.
Sur les Coteaux de Beauregard
Viɔns
684 MERCURE DE FRANCE
Viens , cher ami , d'un tel écart ,
Expier la courte folie ,
Viens d'un serment fait au hazard ,
Abjurer la vaine saíllic.
Là, sans façons et sans apprêts ,
Bacchus assis auprès d'un Hêrre ,
Nous présents , à ses propres frais,
Avec Apollon notre Maître
Le verre en main fera ta paix .
Vers ce champêtre domicile ,
Où loin du tumulte et du bruit ,
J'offre à ta Muse un doux azile ,
Quelquefois la mienne me fuit ,
Elle m'y fuit sous les Portiques ,
D'un riche et superbe Lointain
Que vous formez , Ormes antiques ,
A travers un vaste terrain.
Dans cet agréable Hermitage ,
Séjour de la simplicité ; ·
Je ris , ô fortune volage ,
De ta folle malignité ,
Là , guidé par un doux caprice ;
Je prends ma Lire et me soustraits ,
Au noir Destin , à l'injustice ,
Dont j'ai trop ressenti les traits.
Contre le chagrin , mes Terrasses ,
Me forment un triple Rampart ,
Fortifié de toute part ,
J'y
AVRIL . 689 1733
Ty brave ses vaines menaces .
Le sort irrité me poursuit ,
Mais à ma Muse fugitive ,
Dans plus d'une route furtive ,
Mes Bosquets ouvrent un Réduit.
Sous leur délicieux ombrage ,
Où le Rossignol amoureux
Exprime et soulage ses feux ,
Par les sons d'un tendre ramage ,
La Marne forme un long Canal ,
Et dans son liquide Cristal ,
Fait revivre un riant feüillage.
Sous mes yeux , avec majesté ,
Son Onde incessamment voyage ,
Et servant à ma sureté ,
Elle semble me rendre hommage.
Sur un immense Paysage ,
Où s'égare l'oeil enchanté ,
De mes Balcons et du Rivage ,
Je commande avec liberté ,
Et m'en fais un riche appanage.
Oh ! vous que de ses propres mains ,
A tracez le Dieu des Jardins ,
Vergers , Palissades , Parterres ,
Boulingrins , qui m'environnez >
C'est de ce Dieu que vous tenez ,
Vos beautez , vos graces legeres.
Isolé dans tous ses appas
686
MERCURE DE
FRANCE
Un Pavillon , dont la structure
N'offre en racourci que les traits ,
D'une très-simple Architecture ,
M'y tient lieu d'un vaste Palais.
Construit avec assez d'entente ,
Sur un Tertre uni , spacieux ,
Dont la vue est toute charmante ,
Cet Edifice gracieux ,
Embellit mon petit Domaine.
C'est-là qu'étranger à la Plaine ,
Et presque Citoyen des Cieux ,
Je puis sans effort et sans gêne ,
Lier commerce avec les Dieux.
Dans cette Région moyenne ,
Où j'ai conçu l'heureux dessein ,
De fixer ma course incertaine ,
Je respire un air pur et sain.
Mieux placé que les Zoroastres ,
Spéculateur audacieux ,
D'un coup d'oeil j'atteins jusqu'aux Astres ,
Et j'en démêle tous les feux .
Soit au Printemps , soit en Automne
S'offrent à mes sens satisfaits ,
Les dons de Flore et de Pomone ,
Ceux de Bacchus et de Cerés.
Que vois-je armée à la legere ,
Et brossant les Taillis épais ,
Diane se presse de fairs ,

Aux
A
687
L:
17330
Aux Hôtes des sombres Forêts ,
Jusques dans leurs Antres secrets ,
Une vive et
bruyante guerre ;
Le lond du Fleuve avec succès ,
Glaucus d'une Pêche abondante ,
A mes yeux remplit ses Filets.
Sur le sein de l'Onde écumante ,
Mercure vogue à pleins Vaisseaux ;
Je le vois planant sur les Flots ,
Porter à la Reine des Villes ,
Les Trésors de nos Champs fertiles ,
Et le tribut de nos travaux.
Au son d'une Flute élegante ,
Pan conduit sur l'herbe naissante
De nombreux et de gras Troupeaux.
D'une herbe tendre et nourissante ,
Dans les Bois , le jeune Silvain ,
Dans les Vergers la jeune Amante ,
Font au loin un riche butin .
La Nymphe Echo , dans nos Campagnes ,
Où tout retentit de ses sons ,
Du fond des Forêts , des Vallons ,
Vers les Rochets et les Montagnes ,
Promene ses courtes Chansons.
Vous rappellez , vertes Saisons ,
A mes yeux le siecle de Rhée ,,
Siecle heureux , qui dans sa dutée ,
Servit aux Graces de Berceau ,
E
688 MERCURE DE FRANCE
Et d'Epoque à la belle Astrée ,
Je vois du haut de mon Côteau ,
D'un verd incessamment nouveau
Vertumne embellir la Contrée.
A peine le fougueux Borée ,
Par son souffle a glacé les airs ,
D'une haleine plus temperée ,
Zéphire en chasse les Hyvers.
Dès son lever l'aimable Aurore ,
Sur nos Collines fait éclore ,
Un Soleil brillant et serain
Par le vif éclat de son teint ,
Hesperus à mes yeux encore ,
Le promet pour le lendemain.
Divinitez , que je revere ,
Vous prétez ainsi vos grands noms ,
A la Nature notre Mere ,
Qui sur nous repand tous ces dons.
Mais que dis-je ! d'un faux sistême ,
Par un vieux zele accrédité ;
Je hais l'antique absurdité ,
J'en meprise l'erreur extréme.
Non , non , le seul Etre suprême ,
Quiseul merite des Autels ,
Se communique ainsi lui même ,
Aux besoins des foibles Mortels.
Que ne puis-je en cette Retraite
Où ses dons étonnent mes sens ,

Lui
AVK TL.
1733. 889
Lui consacrer tous les accens ,
D'une Muse trop satisfaite !
Agréable tranquillité ,
Où sans orgueil et sans envie ,
A profit s'écoule la vie ,
Inestimable obscurité ,
Où mon propre goût me convie ,
C'est en vous que du vrai bonheur ,
L'ame extasiée et ravie ,
Sçait goûter toute la douceur ,
Graces à la Philosophie ,
Qui salutaire aux Nourrissons ,
Que la main d'un Dieu lui confie
Leur en fait d'utiles Leçons .
Sous sa conduite toujours sûre ,
Epiant la sage Nature ,
Je la suis d'un oeil curieux.
De ses progrès ingénieux ,
Si l'uniformité constante ,
A mon esprit se fait sentir ;
Leur varieté qui m'enchante ,
Irritant en moi le desir ,
Et comblant toujours mon attente
Semble ajoûter à mon plaisir.
Sans cesse attentif à saisir ,
Les instans qu'elle est agissante ,
Je sonde , je pese à loisir ,
Ses merveilles les plus secrettes ,
Souvent
90 MERCURE DE FRANCE
Souvent même par le bienfait ,
De la Lentille et des Lunettes ,
J'aime à la prendre sur le fait.
A ses mysteres respectables .
Elle daigne m'initier ,
Et de ses ressorts admirables ,
Me donne le Spectacle entier.
C'est -là que s'offrent à ma vûë ;
Quelle gloire pour un Mortel !
Dans leur force et leur étendue ,
Les Miracles de P'Eternel .
Le Moucheron imperceptible ,
Le Globe entier du Firmament ;
M'y démontrent également ,
La Sagesse immense , indicible ,
De la main qui les a formez.
A l'aspect de leur excellence ,
Mes sens éperdus et charmez ,
Adorent la Toute- Puissance
Qui d'objets si grands , si divers ,
Enrichit
pour
moi l'Univers .
D'une Nature toujours belie ,
Toujours la même en ses Concerts ,
Crayon imparfait , mais fidele ,
A peine ébauché dans ces Vers !
Or , qu'êtes- vous , en parallele ,
Vous qu'on estime uniquement ,
Vous qu'on adore aveuglément ,
HonAVRIL
1733.
691
Honneurs ,
voluptez ,
opulence ,
Idoles de notre
ignorance ,
Faitris de fumée et de vent ,
Qu'êtes- vous ? un vuide , un néant.
Je sens qu'à la honte des hommes ,
Qui de vous follement jaloux ,
Sont mille fois plus vains que
vous ,
Vous vous perdez , foibles Atômes ,
Dans les lointaias
prodigieux ,
De
l'admirable
Perspective ,
Dont sans cesse , à
l'aide des
yeux ,
Jouit ici l'ame attentive .
Cher ami , c'est en ces beaux lieux ,
Qu'à l'ombre d'un profond silence ,
Etudiant avec
constance ,
La précieuse verité ,
J'éprouve une félicité ,
Qui suivant que je le projette ,
Dans notre petit Comité ,
Ne peut être que plus complette.
D. V.

SUITE
692 MERCURE DE FRANCE .
(
SUITE du Voyage de Basse Normandie.
J
LETTRE X.
E partis de Bayeux , Monsieur , d'assez
bon matin , accompagné seulement
d'un domestique à cheval, non sans
quelque regret de quitter si - tôt des personnes
qui m'avoient traité avec tant de
politesse , et de n'avoir pas salué M. Evêque
, qui étoit alors occupé à la visite
de son Diocèse. J'eus aussi de la peine à
me séparer du sçavant et obligeant Medecin
qui m'avoit tenu si - bonne compagnie
à Caen et à Bayeux. Sa profession
et ses affaires domestiques le redeman
doient chez lui .
J'arrivai avant midi à l'Abbaye de Cé
risy , en me détoufnant un peu du droit
chemin qui mene à Torigny. Les Bene
dictins de la Congrégation de S. Maur ,
qui l'occupent , me firent un accueil tresgracieux
et fort bonne chere à diner, après
lequel je visitai toute la Maison , qui est
fort-bien bâtie et spacieuse. Sa situation
est dans une Forêt , qui a donné son nom
à l'Abbaye,à 4 lieues desVilles de Bayeux
et de S. Lo . Robert , surnommé le Magnifi'
AVRIL:
17333 693
nifique , Duc de Normandie , Pere de
uillaume le
Conquerant , la fonda en
année 1032. Elle porte dans les anciens
tres , le nom de S. Vigor de Cerisy :
anctus Vigor Ciriacensis . Ce Saint , dont
ous avons déja parlé au sujet du Prieué
de S. Vigor , près de Bayeux , en a été
'un des premiers Evêques . La tradition
orte que ce fut un grand destructeur
e Serpens , qui infestoient alors le Pays
t sur tout les Terres d'un grand Seineur
, lequel en reconnoissance donna
S. Vigor celle de Cérisy , où fut ensuie
bâti un Monastere,que le Duc de Normandie
, dont je viens de parler , restaura
, et dont il fit une belle Abbaye , à laquelle
il donna des biens considérables.
Elle possede encore aujourd'hui environ
12000 liv. de rente ; et c'est M. de Vendôme
, Grand Prieur de France , qui en
est Abbé .
On n'a que 4 lieues de chemin à faire
pour aller de cette Abbaye à Torigny.et
par un Pays fort agréable. J'arrivai donc
de fort bonne heure , le même jour à ce
magnifique Château , où je trouvai une
illustre et
nombreuse compagnie , et où
je fus reçu avec tous les agrémens possibles
; principalement de la part du Seigneur,
dont je n'oublierai jamais les bon-
Dij
tez.
694 MERCURE DE FRANCE
tez. Ce Seigneur est, comme vous le sçavez
, Monsieur , Jacques de Matignon ,
Comte de Torigny , &c. Chevalier des
Ordres du Roy , Lieutenant General des
Armées du Roy , et Lieutenant General
de la Basse- Normandie. J'allongerois extrémement
ma Lettre , si je vous parlois
à cette occasion , de l'ancienneté , des
grandes alliances , et des illustrations de
la Maison de Matignon, qui a possedé et
possede encore les plus hautes Dignitez
de l'Eglise et de l'Epée ; et je ne vous apprendrois
rien en le faisant j'ajouterai
seulement que M. le Comte de Matignon,
dont je viens de parler, frere aîné du Marêchal
de Matignon , est aujourd'hui le
Chef de toute cette Illustre Maison , et
qu'il n'a de son mariage avec D.Charlotte
de Matignon , qu'un Fils unique ,
François-Léonor-Jacques de Matignon ,
qui porte le nom de Comte de Torigny
et qui dans un âge peu avancé , a déja
donné des marques de valeur et de conduite
, à la tête d'un Régiment distingué.
Je n'aurois jamais fait , s'il falloit entrer
icy dans un détail de tous les plaisirs
auxquels j'ai pris part pendant les
huit ou dix jours que j'ai demeuré à Torigni
; espace qui m'a semblé bien court,
par
AVRIL. 1733. 695
par la variété de ces innocens plaisirs ,
par l'attention et par les politesses continuelles
du Maître , et sur tout par cette
liberté aimable , si peu ordinaire dans les
Maisons des Grands , qui bannit toute
gêne , toute contrainte ; et qu'on goûte
si parfaitement à Torigny .
Vous me croirez , sans peine , Monsieur
, quand je vous dirai que le jour
même de mon arrivée je fis usage
de cette
liberté , pour satisfaire l'extrême passion
que j'avois de voir de mes propres
yeux le fameux Marbre de Torigny,dont
il a été parlé dans mes précedentes Lettres
; c'est - à - dire , le Pié - destal de la
Statuë de TITUS SENNIUS SOLLEMNIS ,
chargé d'une longue et curieuse Inscription
Romaine , dont je n'ai vû jusqu'à
present que des Copies imparfaites. Heureusement
je n'étois pas le seul homme
curieux de la compagnie ; deux autres
personnes de cette aimable Cour, avoient
formé le dessein de prendre cette Inscription
; mais on s'étoit rebuté par les
difficultez dont je vais parler. En effet ,
Monsieur , l'Inscription est aujourd'hui
extrêmement frustré , endommagée , interrompue
par l'injure du temps et par
d'autres accidens. Elle a suivi enfin le
sort du Pié - destal qui la contient , et
D iij
dont
696 MERCURE DE FRANCE
dont voici l'histoire en peu de mots.
Une tradition generale et constante
dans tout le Païs , principalement à Torigny
, veut que ce Monument ait été
trouvé à Vieux , près de Caën , dans les
ruines , qu'on a toujours crû être celles
d'une ancienne Ville ; ruines qui sont amplement
décrites , et sur lesquelles il y a
une Dissertation dans la huitiéme Lettre
du Voyage de Normandie. Une chose
encore plus certaine , c'est qu'en l'année
1580. ce Monument fut transporté au
Château de Torigny , par les ordres du
Maréchal de Matignon , qui le fit apparemment
placer dans un lieu convenable
; mais après la mort de ce Seigneur ,
arrivée en 1594. il y a tout lieu de croire
qu'il fût déplacé et mis dans une espece
d'oubli , jusqu'au temps de Dame Anne
Malon de Bercy , veuve de François de
Matignon , Comte de Torigny , &c. Il
fut alors trouvé dans des mazures, qu'on
achevoit de démolir , pour creuser les
fondemens d'un Bâtiment , destiné au lo
gement des Domestiques. On le laissa
tout auprès et il ne sortit de cette place
que pour être transporté dans l'Orangerie
, par ordre de M. le Comte de Matignon
d'aujourd'hui . L'Orangerie ayant
* Mercure d'Avril 1732.
été
AVRIL. 1733. 697
été brûlée en 1712. et n'ayant point été
rebâtie , le Monument resta exposé aux
injures du temps , et par surcroît d'infortune
des Couvreurs prirent la liberté ,
en l'absence des Maîtres , de tailler dessus
leurs ardoises , pendant un espace de
temgs considérable ; ce qui , comme on
peut penser, a extrêmement endommagé
l'Inscription : Quelle barbarie ! vous
écrierez -vous ; mais c'est le sort des plus
belles choses d'essuyer de pareilles disgraces
.
C'est , Monsieur , dans cet état et dans
cette situation que je trouvai , en arrivant
à Torigny , le Marbre en question ; Il est
de couleur rougeâtre et de même espece
et qualité que celui de la Carriere d'au
près de Vieux , dont on voit divers Ouvrages
dans quelques Eglises de Caën
comme je l'ai observé ailleurs. Pour peu
qu'on soit initié dans les Monumens antiques
, on reconnoît aisément celui - ci
pour avoir été le Pié-destal d'une Statuë ;
il est sans base , cet ornement ayant été
ou détruit, ou étant resté dans les ruines,
d'où il a été enlevé ; sa hauteur totale est.
d'un peu plus de quatre pieds , en y comprenant
le Plinthe , sur lequel posoit la
Statue, qui a environ trois pouces de saillie;
la face ou la largeur du Pié- destal est
de
698 MERCURE DE FRANCE
de deux pieds deux pouces ; et l'épaisseur
ou la largeur de chaque côté est d'environ
vingt pouces.
S'il avoit été aussi facile de copier l'Inscription
telle qu'elle a été gravée sur ce
Pié-destal ,, comme il le fût , d'en sçavoir
l'histoire , et d'en prendre les dimensions
, nous aurions eû une satisfaction
entiere; mais l'état dans lequel j'ai representé
ce Marbre , ne nous permit autre
chose que de le tenter ; ce que nous fimes
,avec le plus d'attention qu'il nous
fût possible , et ce travail ne laissa pas
de nous coûter.
Nous fûmes un peu raillez au retour,
pendant le souper , d'avoir , disoit - on ,
employé tant de temps après un Monument
qui n'offre presque plus rien aux
Antiquaires , que des regrets et des tortures
. La raillerie fût suivie d'un trait de
bonté et de politesse de la part du Maître
de la Maison , qui prit notre deffense
d'une maniere qui me fit esperer quelque
chose . Je ne me trompai point .
Le Repas fini , après avoir vû joüer
quelque-temps , je ne fus pas plutôt retiré
dans ma chambre, que je vis arriver
un Officier de la Justice de Torigny, c'étoit
, si je m'en souviens bien , le Procureur
Fiscal , lequel me mit entre les
mains
CAVRI L. 1733. 699
mains une coppie de l'Inscription , tirée ,
dit - il, des Papiers de feù son pere ; exacte
, ajouta- t -il , et faite d'après le Marbre,
avant les disgraces qui lui sont arrivées
par un habile homme qui n'avoit rien
épargné pour en venir à bout. Je le remerciai
, comme vous pouvez croire ;
et après avoir examiné cette Piece , qui
avoit l'air ancien , je reconnus qu'elle
suppléoit à beaucoup de Lacunes , et
qu'elle formoit un sens plus parfait que
tout ce que j'avois vû jusqu'alors de cette
Inscription .
Le lendemain je me trouvai au lever
du Seigneur , pour le remercier de ce
que son Officier m'avoit communiqué ,
sans doute par son ordre. Il me dit qu'il
avoit lui- même quelque chose de plus
important à me montrer et à me dire sur
ce sujet ; et me faisant entrer dans son
Cabinet , il me donna à lire une autre
copie de l'Inscription , plus ancienne que
la précedente , et tout au moins d'une
aussi habile main ; il étoit aisé de s'en appercevoir,
car cette autre copie étoit parfaitement
imitée de l'original ; mêmes caracteres
romains , mêmes abbreviations
même nombre de mots à chaque ligne
mêmes distances , &c . enfin , un scrupule
entier : Vous jugez bien , Monsieur ,
que D v
,
>
700
MERCURE DE FRANCE
que cette nouvelle découverte me fit un
extrême plaisir, et que je profitai de toutes
ces lumieres , pour avoir le Monument
presque dans son entier ; je dis presque ,
car il y a certains mots que l'injure du
temps a entierement détruits , sur tout sur
la premiere Face du Pié- destal.
Mais ce qui me causa une veritable
joye , c'est l'assurance que me donna le
même Seigneur , qu'un Sçavant du premier
ordre, avoit non seulement lû l'Ins
cription de la maniere qu'elle doit l'être,
mais qu'il l'avoit expliquée totalement
par des Remarques critiques , capables de
satisfaire. Il n'avoit pas ces Remarques ,
mais il eût la bonté de me donner des
ouvertures , dont je profitai , étant de retour
à Paris , pour les découvrir et pour
les avoir. Vous en profiterez aussi , Monsieur
, car je vais les inserer icy de suite ,
pour ne pas vous parler deux fois sur la
même matiere ; et je renvoïe pour cela à
une autre Lettre tout ce que j'ai à vous
dire au sujet de Torigny , &c.
Remarques de M... , .. sur l'Inscription
Romaine du Marbre de Torigny.
Voici d'abord comme je crois qu'il faut
lire cette Inscription.
SVR
AVRIL. 1733. got
SUR LE DEVANT.
Tito Sennio Sollemni Sollemnini Filie
non sine solido marmore statue honorem deferre
cupimus , heredes mandamus. Vir erat
Sennius Mercurii , Martis , atque Diana
Sacerdos , cujus curâ omne genus Spectaculorum,
atque Epinicia Diana data , recepta
millia nummorum -XXVII . ex quibus per quatriduum
sine tntermissione ediderunt *
fuit commendabilis
consummate peritia. Ex
Civitate Viducassium Oriundus . Iste Sollemnis
amicus bene merentis Claudii Plantini
Legati .Cæsaris Augusti Proprætore
Provincia Lugdunensis fuit. Cui postea
Britannia Legato Augusti penes eum ad
Legionem sextam adsedit , cui obsalarium
militia [ de sextertiis viginti quinque num→
mos ] in auro aliaque munera longe pluris
missa. Fuit Cliens Probatissimus AEdinii
Juliani Legati Augusti Provincia Lugdu-
Il y icy un espace qui est effacé , et qu'on
ne sçauroit rétablir , dit l'Auteur des Remarques
en cet Endroit.Selon l'inspection du Marbre , et suivant
les copies que j'ai vuë , cet cspace n'est pas considerable
, il est même rétabli par une de ces copies
faite apparamment avant la ruine de l'original.
D vj
nensis
702 MERCURE DE FRANCE
nensis cui semper affectus fuit , sicut Epistula
que ad nos scripta est declaratur. Adsedit
etiam in Provinciam Lugdunensem
Valerio Floro Tribuno militum cobortis ter
tia Augusta Judici Arca Ferrariorum.
Tres Provincia Galliarum Monumentum
in Civitate pofuerunt , locum ordo civitatis
Viducassium libenter dedit pedum XVIIII.
Annio Pio et Proculo Consulibus.
D'un côté du même Marbre , on lit :
Exemplum Epistula Claudi Paulini Legati
Augusti Proprætore Provincia Britannie
ad Sennium Sollemnem gratiam profitentis.
Licet plura moerenti tibi , à me pauca
tamen , quoniam honoris causa offeruntur ,
velim accipias libenter , Chlamidem Carbasinam
, Dalmaticum Laodicenam , fibulam
auream , cum gemmis , Lacernas duas , Trossulam
Britannicam , Pellem vituli marini
semestris. Alteram Epistulam ubi propediem
vacare coeperis , mittam ob cujus militia
salarium de sextertiis viginti quinque_nummos
in aura suscipe . Diis faventibus et
Majestate sancta Imperatoris deinceps pro
meritis adfectionis magis digna consequuturus,
concordia, &c.
Ce mot , Concordia , ne paroît avoir
aucune liaison avec ceux qui le précédent
; ainsi la Lettre de Paulinus reste
imAVRIL
703 1733 .
imparfaite , comme la suivante , écrite.au
Tribun Comnianus.
De l'autre côté du Marbre .
Exemplum Epistula AEdini Juliani Prafecti
Pratorio ad Badium Comnianum Tribunam
Vice Presidis agentem.
AEdinnis Juliano Badio Comniano sa-
Lutem in Provincia Lugdunensi quinquenmalia
fiscalia dum exigerem plerosque bones
viros prospexit , inter quos sollemnem istum
oriundum ex civitate viducassium Sacerdotem
quem propter sectam , gravitatem et
honestos mores amare coepi , his accedit quod
cum Claudio Paulino Decessori meo in Concilio
Galliarum instinctu quorumdam qui ab
eo propter merita sua ladi videbantur quasi
ex consensu accusationem instituere tentarunt
, Sollemnis iste meus proposito eorum
restitit. Provocatione fcilicet interjecta quod
Patria ejus cum inter cæteros Legatum eum
creasset nihil de accusatione mandassem , imo
contra laudarent. Qua ratione effectum est ut
omnes ab accufatione desisterent , quem magis
magisque amare et comprobare coepi . Is
certus honoris mei erga eum ad videndum
me in urbem venit proficifcens petiit ut eum
ibi commendarem . Recte itaque feceris si
desiderio illius annueris , & c.
RI704
MERCURE DE FRANCE
REMARQUES.
I. Ce Marbre avec son Inscription ;
a été dédié à l'honneur de Solemnis ,
Citoyen de Bayeux , par les trois Provinces
des Gaules sous le Consulat d'Annius
Pius et de Proculus en CCXXXVIII.
de l'Ere Chrétienne , l'an 991. de la Fondation
de Rome , qui est le temps auquel
Censorinus publia son Livre de Die
Natali , où l'on voit au Chapitre XV.
que dans la même année Ulpius et Pontianus
avoient été Consuls ordinaires . Notre
Inscription démontre d'abord qu'au
lieu d'Ulpius il faut lire Pius, dans le Texte
de Censorin , qui n'a pû se tromper
sur un fait dont il a été témoin oculaire
, on doit donc rejetter cette faute
sur les Copistes . On lit le même nom
de Pius , non - seulement dans l'Inscription
de notre Marbre , mais dans une
autre , rapportée par Gruter , page 104.
N. 3. dans trois Rescrits de l'Empereur
Gordien , inserez au Code de Justinien ,
L. II . T. X. Leg. 2. et au T. XXII . L. V.
T. 58. aussi bien que dans les Fastes trèsanciens
et très - exacts , tirez de la Bibliotheque
Impériale , dans ceux d'idace et
de Cassiodore , et dans les Fastes Grecs ,
qui sont en Angleterre , donnez à la fin
d'un
A VRLI.
1733. 705
d'un Manuscrit de Theon desquels
M. Dodwel a imprimé une partie à la
fin de ses Dissertations sur S. Cyprien .
Il n'y a que les Fastes de Sicile qui
donnent pour Collegue à Pontien Ulpicius
ΟΥΑΠΙΚΙΟΣ , qui est un mot visi
blement corrompu par les Grecules . Les
deux noms d'Ulpius et de Pius , se
trouvent d'ailleurs dans les Fastes de
Victorius , qui a crû qu'Ulpius étoit
le Prenom de ce Consul , mais il s'esttrompé
; car ces Lettres A N. de l'Inscription
de notre Marbre , marquent le
Prenom du Consul Pius , appellé Annius
Pius , et non pas Antonius , ni Antoninus
, ni Ulpius. Le nom d'Annius
Pius , se trouve encore gravé sur un
Marbre dans la Collection du Comte
Malvasia , page 346. L'autre Consul
de cette année est appellé Pontianus
dans les Constitutions de Gordien ;
dans l'Inscription de Gruter , et aut
Chapitre XV . du Livre de Censorinus.
Les Fastes de la Bibliotheque Imperiale ,
ceux d'Idace et les Fastes de Sicile , ont
tous le nom de Pontianus. Mais les Fastes
de Cassiodore ceux de Victorinus , et les
Fastes Grecs de Dodwel , marquent le
nom de Proculus. Comme ces derniers
sont appuyez de l'autorité de notre Inscription
706 MERCURE DE FRANCE
1
cription , on ne peut douter que le Col
legue d'Annius Pius n'ait été appellé
Pontianus Proculus. Chaque Consul Romain
ayant plusieurs noms , les Ecrivains
choisissoient indifferemment celui des
surnoms ou des Prenoms qui lui plaisoit s
ce qui étoit aussi pratiqué par ceux qui
gravoient les Inscriptions , aussi- bien que
par les Empereurs dans leurs Rescrits ou
Constitutions , et par ceux qui dressoient
les Actes publics , ou qui rédigeoient les
Fastes.
II. Tres Provincia Galliarum Monumentum
posuerunt in civitate. Ces trois Provinces
étoient la Lyonnoise , la Belgique.
et l'Aquitaine , qui composoient la Gaule
Cheveluë . Elles avoient ensemble une
étroite union , et étoient distinguées de
la Narbonnoise ; car lorsqu'on agita si
on donneroit le droit de Bourgeoisie à
toutes les Gaules , et si on recevroit dans
le Sénat les Naturels de ce Pays , l'Empereur
Claude fit une . Harangue dans le
Sénat , qui fut gravée sur des Tables de
cuivre. Gruter , p . 502. rapporte cet ancien
Monument après Paradin . Claude
*
* Ces Tables furent trouvées en 1528. auprès de
Lyon , en creusant pour chercher des Eaux. Elles
sont aujourd'hui exposées dans le Vestibule de l'Hôtel
de Ville , avec une Inscription Latine de M. de
dans
A VRIL. 1733.
707
dans cette Harangue dit en s'apostrophant
soi-même , Tempus est jam Tiberi Casar
Germanicè ( id est Claudius Imperator )
detegere te Patribus conscriptis quò tendat
oratio tua. Jam enim ad extremos fines Gallia
Narbonensis venisti ( Viennam nempe
) ...... Ensuite addressant la parole
aux Sénateurs , il dit : Quod si ita esse consensitis
, quid ultra desideratis quam ut
vobis digito demonstrem solum ipsum ultra
fines Provincie Narbonensis jam vobis Senatores
mittere , quando ex Lugduno habere
nos nostri ordinis viros non poenitet , timide
quidem , Patres conscripti , egressus assuetos
familiaresque Urbis Provinciarum terminos
sum. Sed districta jam Comate Gallia
causa agenda est .....
Une Inscription rapportée par Grüter ,
page 375. N. III. en l'honneur d'un
Vermandois , fait encore voir que la Gaule
Belgique étoit des trois Proivinces des
Gaules. Lucio Bessio Superiori Viromanduo
Equiti Romano omnibus honoribus apud
suos ( Belgas ) functo .... ob allecturam fideliter
administratam tres Provincia Galliarum.
Bellierre . Le P. de Colonia rapporte la teneur des
Tables , avec une Traduction , dans la I. Partie
de son Histoire Litteraire de la Ville de Lyon ,
page 136.
De -là
708 MERCURE DE FRANCE
De-là on doit conclure que les Belges
Compatriotes des Bessins , étoient compris
dans les trois Provinces. Aussi la
Gaule étoit souvent considerée comme
un Pays qui étoit séparé de la Narbonnoise
, et qui ne comprenoit que trois
Provinces ; la Celtique ou Lyonnoise ,
l'Aquitaine et la Belgique . Gallia omnis ,
dit César au commencement de ses Commentaires
, Divisa in partes tres , quarum
unam incolunt Belga , aliam Aquitani , tertiam
qui ipsorum lingua Celta , nostra Galli
appellantur.
Pline regarde la Narbonnoise ou Gallia
Bracchata , comme un Pays entierement
distingué de la veritable Gaule ,
appellée Cheveluë. Il décrit ainsi les confins
de cette Province , L. II. Ch. I V.
Narbonensis Provincia appellatur pars Galliarum
que interno mari allutitur , Bracchata
ante dicta , amni Varo ab Italia discreta ,
alpiumque saluberrimis Romano Imperio jagis
; reliqua vero Gallia Latere Septemtrionali
montibus Gibenna et Jura. Ensuite au
L. IV. Ch . XVII. il décrit la Gaule
Cheveluë qui comprenoit trois Provinces.
Gallia omnis Comata , dit - il , uno nomine
appellata in tria populorum genera
dividitur , amnibus maxime distincta , Ascaldi
ad Sequanam Belgica , ab co ad Garumnam
AVRIL . 1733. 709
rumnam Celtica , eademque Lugdunensis ;
inde Pyrenei Montis excursum Aquitania.
Il ajoûte encore ces mots : Agrippa universarum
Galliarum inter Rhenum et Pyrenaum
atque Oceanum ac Montes Gebennam
ac Juram quibus Narbonensem Gal,
liam excludit longitudinem quadringinta viginti
millia passuum , latitudinem trecentatredecim
computavit.
Enfin Auguste , après avoir partagé
les Provinces de l'Empire Romain avec
le Sénat et le Peuple , ceda au Peuple la
Gaule Narbonnoise , et ne se réserva que
la Cheveluë , divisée en trois Provinces
comme nous l'apprenons de Dion , Liv.
LIII. pag. 54. desorte que ces trois
Provinces des Gaules , qui étoient Imperiales
, avoient entre elles une plus
étroite union , et tenoient en commun
leurs Assemblées generales , soit pour
de
mander justice des concussions de leurs
Magistrats , soit pour reconnoître par des
témoignages publics les bons offices qu'el
les avoient reçus de ceux qui s'étoient
acquitez dignement de leurs Emplois ; et
elles en userent ainsi à l'égard de Sennius
Solemnis , qui est celui qui fut honoré
de l'Inscription gravée sur le Marbre
de Torigny; et à l'égard de Bessus
Superior , dont il est fait mention dans
l'Inscrip710
MERCURE DE FRANCE
l'Inscription de Gruter , citée cy - dessus .
Je m'arrête ici , Monsieur. Vous jugerez
par ces premieres Remarques sur
la principale des trois Inscriptions gravées
sur le Marbre en question , de la
capacité de l'Auteur et du mérite que
peuvent avoir celles qui suivent. J'espere
les faire entrer toutes dans ma premiere
Lettre , en continuant de petites
Notes où je les trouverai necessaires , c'est
pour ne pas trop allonger celle - cy que
je ne vous envoye pas l'Inscription écrite
conformément à l'original , ou aux
meilleures copies ; c'est - à dire , dans les
mêmes caracteres Romains et avec les abbreviations
bizares , qu'elle a été gravée
selon l'usage de ce temps - là . Cela seroit
dailleurs inutile par rapport à l'impression
, si vous publiez ma Lettre ; il
faudroit des caracteres faits exprès qui
manquent aux Imprimeurs ordinaires .
On ne peut y suppléer que par la
gravûre
, et c'est à quoi je vous promets de
penser. Je suis , Monsieur , &c.
EPITRE
AVRIL. . 1733 .
711
EPITRE d'un Suisse à Mile Malcrais
Pon
de la Vigne.
On chour, Mameselle la Figne ;
Sti nom me paroître plus tigne ,
Que sti l'autre nom de Malcrais ;
Pour infenter un choli frase ,
Moi chafre foulu tout exprès ,
Monter sur sti chefal Pégase ;
Mais par mon foi sti tiable t'animal,
Il être un peu peaucoup prutal ;
Pour lui faire un petit caresse ,
Moi l'y fouloir padinement ,
Approcher mon main sur son fesse ,
Mais charniplé tout incifilement ,
Il m'afre fait un petarrade ,
Et fouloir lui par un ruade ,
Sans tonner afertissement ,
Casser tout - à- fait mon cerfelle.
Moy poufoir pas comprendre , Mameselle
Comme tiable peut faire fous ,
Pour aprifoiser sti farouche ;
Chamais pour fous lui ne prendre la mouche,
Quand fous lui parle , on dit qu'il être toux ,
Comme un mouton , chafre tans mon pensée ,
Que sti grand aprifoisement ,
Estre
712 MERCURE DE FRANCE
Estre fait par sorcellement ,
Et gager moi , que fous l'y être un Fée ;
Car quelqu'un hafre téja tit ,
Et Monsir Mercure te France ,
L'hafre par tout fort pien écrit ,
Que toute fotre corporance ,
N'être par mon foi qu'en l'esprit ;
Sti houfelle être fort étranche ,
Et tire moi tans mon refléxion ,
Que si n'être pas fous Sorciere , fous être Anche
Mais chafre un étonnation ,
1
C'est que sti Chanteurs te loüanche ,
Quant eux chanter fotre renom
Hafrent tous fait un faute insigne
T'afoir tit rien sur fotre choli nom :
La Figne , charniplé , la Figne ,
Etre un nom d'admiration ,
Et sti nom tout seul être tigne ,
T'un pelle déclaration ;
Moi fenir tonc tout exprès , Mameseile ,
Sur sti peau nom faire à fous compliment ;
Chafre toujours aimé le trinquement ,
Et pour témoignement t'un tendresse noufelle ;
Puisque fous la Figne s'apelle ,
Moi poire encor pour fous plus crantement ,
Car par mon foi la Figne être un pon Element ,
Sti raison être un assurance ,
Te mon fidelité , comme t'un crand constance ,
Et
AVRIL. 1733 .
713
Et chafre encore un folonté ,
T'être moi Suisse à fotre porte.
chens d'un crande sorte, On m'afre dit que
A foir un curiosité
Te foir fotre étranche personne :
Parblé tans mon Loche planté ,
Plus fier moi , qu'un Roi sur son Trône ;
Un proc te fin en main , à chêfal sur un Tonne ,
Moi tire à sti Calands,, en crand cifilité ,
T'afalir un rasade à fotre pon santé.
Si l'être un incifil pas conten de sti prône ,
Moi tire,alle;fa t'en, il n'être point personnes,
Et si fouloir sti tonneur te Cartel ,
Sti Chefalier te * Leucotece ,
Fenir encor charconner son tendresse ;
Tans mon Loche à Croisic, moi l'y faire un tuel;
Lui faire un peu peaucou le tiable à quatre ,
Et parler touchours lui contre cheants combatre,
Te cerfelle et te bras cassement , brisement.
Moi l'y craindre point sti tapache ,
Et tans un brafe trinquement ,
Moi fouloir noyer son courache
Puis tire à lui , malgré son rache ,
T'entrer tehors sans fâchement.
Serfiteur , ponchour , Mameselle ,
Moi conserfer pour fous un soif touchours fidelle.
* Voyez la Missive du Chevalier de Leucotece à
P'Infante de Malcrais , dans le premier Volume du
Mercure de Decembre dernier.
714
MERCURE
DE, FRANCE
XXXXXXXXXXXXXXX
NOUVELLE Idée Physique sur les
Acides et les autres Principes chimiques.
Par le P. C. J.
M
Lettre à M. L. P. &c.
***
Puisqu'on vous a parlé de
mon idée sur les Acides et sur le
Systême physique de la Chymie , je ne
vous tiendrai pas long- temps en suspens;
et pour renfermer même plus de choses
en moins de paroles , je prendrai le stile
le plus géométrique que je pourrai . J'entre
donc en matiere.
L'Acide , selon l'idée la plus commune,
est un petit corps roide , long , aceré pat
les bouts , de la forme d'un fuseau. J'adopte
cette idée.
J'y ajoûte que cet Acide percé par un
bout , est creux en dedans et plein d'air
enveloppé d'une pellicule d'eau fortement
congélée. C'est là comme le
de la Machine.
corps
Son Méchanisme est celui d'un Souflet,
qui par un mouvement de systole et de
diastole , comme le coeur, ou par une espece
de respiration , comme le poulmon
chasse sans cesse et attiré l'air alternativement.
Je
TL. 1733. 7IS
Je parle de l'Acide primitif , de cet
Acide de l'air , que les Chimistes qualifient
d'Esprit Universel , d'Esprit Aerien ,
propre à nourrir le feu , les Plantes , les
animaux mêmes ; ou , si vous voulez ,
quelque chose de précis , de l'Esprit de
Nitre , ou de l'Acide de Salpêtre.
Tous les Acides , en effet , ne sont que
des Esprits Aeriens , un air enveloppé ,
un air condensé.
Or l'Air tout pur .n'a jamais trop paru
capable de condensation ; et il faut absolument
l'engrainer , le mêler , l'entraver
de quelque substance qui lui donne
du corps au milieu de l'air même , et
l'empêche de s'y confondre avec l'air
pur.
La Terre seroit , ce semble , assez bonne
pour le captiver. L'Alcali , qui est
une substance terreuse , captive bien l'Acide
; mais l'Acide est Acide indépendamment
de l'Alcali , puisqu'on les sépare
sans les détruire ni l'un ni l'autre.
Dailleurs la Terre et l'Air sont dans
la Nature comme deux extrêmes , entre
lesquels l'eau tient le milieu pour les
concilier.
L'Acide est de soi froid et rafraîchissant.
En approchant la main du Salpêtre
et même de la Poudre , en entrant
E dans
716 MERCURE DE FRANCE
dans les lieux où - se forme l'Acide , on
sent un air froid qui saisit. Les Philosophes
Chimistes et Physiciens veulent
qu'en hyver l'Air soit chargé d'Acides ,
et que l'eau ne se glace que par leur se-
Cours .
L'Acide , selon moi , sera froid , et par
le glaçon qui l'enveloppe , et par le soufle
subtil qu'il exhale sans cesse avec rapidité
par des ouvertures bien resserrées.
Les Acides glacent les dents et les agacent
; ils y causent une espece de Stupeur
et de Paralisie passagere .
Que sçait- on même si le goût picquant
des Acides vient plutôt de leur pointe
acerée , dont la subtilité est peut- être
trop grande pour se faire sentir , que de
ce petit soufle aigu et pénetrant qui des
seche , qui glace tout devant lui ?
Le Nitre se forme dans des lieux hu
mides et frais. Il se forme non dans l'air,
mais à l'air , à la surface des terres voisines
de l'air. L'air l'attire même sans cèsse
en dehors. On diroit que c'est un pè
tit animal vivant qui a besoin de respi
rer et qui cherche à respirer. Enfoüissezle
dans la terre , toujours vous le ver
rez remonter à la surface.
La vapeur humide chargée d'air concentré
, pénetre les murs poreux et alcalins
AVRIL: 1733. 717
calins dans un temps où les pores sont
un peu ouverts , tels que sont tous les
temps moites et humides.
Un petit froid survient , seche la surface
des murs , en resserre les pores exterieurs.
Les vapeurs s'y trouvent prises
en dedans.
L'Air dont le ressort ne souffre aucune
condensation extraordinaire , sur tout de
la part de la terre , se ramasse d'abord
tout entier au centre de la goute , y forme
une bulle , comme lorsque l'eau se
glace , et son ressort cherchant à se dilater
, l'eau environnante se condense et
par l'effet du froid et beaucoup plus par
,
celui de ce ressort interne .
L'air fait plus ; il repousse cette eau
vers l'ouverture du pore en dehors , et
la fait filer peu à peu comme par une
filiere.
Remplissez au temps de - la gelée une
olipite d'eau , à mesure que la gelée
augmentera , vous verrez sortir de l'æolipile
un fil de glace qui pourra devenir
long de cent toises sans se casser .
La moindre chaleur le fond ; que ne
fond-elle aussi nos Acides ? 1º . Ils ne'
sont ni si longs ni si gros , et ne donnent
que bren peu de prise à la chaleur
beaucoup moins à une chaleur grossiere,
un feu grossier. E ij 2º.
718 MERCURE DE FRANCE
1
2. Leur congellation est plus naturelle,
plus lente à se former. Elle vient plu
tôt d'un resserrement de parties bien engrainées
à loisir , causé par le retrécis
sement du pore par où elle file , que du
froid même. Ce que la Nature fait à
loisir sur tout en petit , est à l'épreuve
de bien des assauts que l'art grossier des
hommes peut y livrer.
3. La glace ordinaire est toute semée
de bulles d'air. La chaleur bande le ressort
de cet al. Ce ressort brise la glace
et la fond. Ici le ressort de l'air est éventé
par la petite ouverture qui lui donne une
issue libre ; et la congellation est bien au
trement forte n'étant point mêlée d'air, si
ce n'est tout au plus d'un air engrainé
et non ramassé en bulles.
Pour bien entendre cette generation
de l'Acide , remarquez que par des observations,
constantes on a découvert que
les petits grains de vapeur , de brouillard
, de rosée , sont en effet de petites
bulles déja toutes pleines d'air , comme
autant de petit balons,
Lorsque l'eau ayant été versée de bien
haut dans un verre , vient à petiller , les
petits grains qui retombent après s'être
élevez comme en jets d'eau sont de pegites
bulles qu'on reconnoît pleines d'air
avec
AVRIL. 17336 719
avec des loupes , ou à leur blancheur.
Pour le dire en passant , la nege , qui
n'est qu'une goute d'eau naturellement
ronde , mais toute comme déchirée en
filamens par sa congellation , fait bien
voir que les grains de vapeurs dont elle
est formée , étoient tous pleins de bulles
d'air.
Un floccon de nege est la réunion de
plusieurs grains de vapeurs . Chaque petit
corps d'Acide n'est qu'un grain allongé
et filé lentement par un trou régulier ,
et que le ressort même de l'air arrondit.
Pour remonter rout- à- fait à l'origine
du Nitre , tout est fort mêlé dans la
Nature. Dans la terre sur tout il y a
un grand mêlange d'eau et d'air . Mais
dans ce mêlange les loix les plus géométriques
de l'hydrostatique doivent s'observer.
L'air et la terre ne se mêlent pas volontiers
; mais on les y force. Le Labourage
sur tout souleve la terre au milieu
de l'air et le force de s'y nicher dans
une infinité de petites cellules qui s'affaissent
peu à peu , et retiennent l'air
malgré tous ses efforts pour se dégager . '
L'eau , la pluye , survient à son secours
, délaye la terre , fait couler les cellules.
L'air pouvant couler et s'étendre ,
E iij
se
720 MERCURE DE FRANCE
se dégage plus vîte de la terre pour s'en
gager à l'eau dont il s'accommode mieux.
Le Soleil , la chaleur de la terre ou du
temps , seche la terre. L'air rarefie cette
eau et tâche à rompre son enveloppe
en attendant , l'eau se trouvant plus legere
et un peu agitée , se dégage de la
terre et s'envole dans l'air avec l'air mê
me qui lui donne cette legereté.
Desormais l'air renfermé agit d'autant
moins pour se dégager , et l'eau se fortifie
pour le retenir. Pressée entre deux
airs , l'un interieur , l'autre exterieur , elle
acquiert une sorte de viscosité ; transportée
même dans une région plus froide ,
peu peu elle se condense et se dispose
à se condenser tout à fait dans quelque
de mur ou de terre , où le hazard la
fait aboutir pour achever de s'y façonner
en Acide. En voilà toute l'histoire .
pore
à
En se formant l'Acide forme l'Alcali.
Car comme l'air qui est dans une bulle
d'eau renfermée dans un pore de terre ,
ne peut sortir sans entraîner cette eau
après lui , de -même cette eau ne peut sortir
sans traîner après soi la couche mince
de terre qui forme l'interieur du pore .
Car le ressort de l'air , en comprimant son
enveloppe d'eau contre la terre qui l'environne
, comprime aussi et arrondit cettę
AVRIL. 1733- 721
te enveloppe de terre et l'entraîne avec
Feau congelée.
Mais ce qui entraine va toujours devant
ce qui est entrainé. l'Alcali n'est
pas aussi long que l'Acide , il ne l'enve-
Toppe qu'à demi corps ; et le corps solide
de l'Acide , ou l'eau congelée qui enveloppe
l'air , ne s'étend pas aussi loin
que le filet ou le soufle d'air qui lui est
assujetti.
Une molecule de terre qui a servi de
matrice à plusieurs grains de Nitre , restę
percée de plusieurs pores assez grands ,
comme une éponge ou une pierre de ponce.
C'est ce qui forme la terre bitumineuse
qui accompagne le Salpêtre. Cette terre
imbibée d'air après que le Nitre en est
sorti , n'a besoin que d'être un peu exaltée
, un peu rarefiée , un peu assouplie ,
pour former un petit corps molasse, spongieux
, aerien , sulphureux , en un mot ,
et combustible..
Et voilà les trois Elemens chymiques
véritablement Principes. Car le Sel est un
composé d'Alcali et d'Acides , et l'esprit
est quelquefois un Acide , quelquefois
un Alcali , quelquefois un Souffre.
Desorte qu'il y a trois Elemens naturels
primitifs , la Terre , l'Eau et l'Air ;
et trois artificiels , Chimiques et secon-
E iiij daires ,
722 MERCURE DE FRANCE
daires , l'Alcali , qui répond à la Terres
l'Acide , qui répond à l'Eau , et le Soufre
à l'Air. Je ne dis rien du feu qui penetre
tout.
a un
Je reviens à l'Acide , qui est mon principal
objet. Quand je le compare
souflet , je ne dis rien que n'ayent presque
dit tous les Chimistes et les vrais
Physiciens avant moi.
Il est flatueux ou venteux , disoient les
Anciens , il exalte la flâme , il soufle le feu,
disent les Modernes . Tout le monde , en
jettant du Salpêtre sur les charbons allumez
, peut le voir se boursoufler tout luimême
et faire un bruit pareil à celui d'un
million de petits souflets de Forge qui
soufleroient un feu ardent et qu'on entendroit
de loin.
La Poudre n'est que flâme , grace au
Salpêtre qui la compose . Qu'on imagine
en effet un million de petits souflets qui
donnent tout à coup sur un charbon qui.
est en feu ; ne conçoit- on. pas que par
l'action de ces souflets , ce charbon s'en
iroit aussi- tôt tout en flâme ?
L'esprit de Nitre fume toujours . Le
feu , en le retirant de son Alcali qui con--
traignoit un peu ses flancs , l'a rarefié
et rendu son soufle plus violent et plus
étendu. Ces petits souflets s'agitent donc
sans
AVRIL. 1733 . 723
sans cesse et se chassent les uns les autres
dans l'air qui est tout autour.
Cet Esprit mêlé avec l'Esprit de vin ,
fermente et le fait bouillonner avec chaleur.
L'Esprit de vin est un demi feu , les
souflets qu'on y mêle l'augmentent en le
souflant. Cela est très - naturel .
Le Nitre est impregné , est plein des
Esprits de l'air ; qu'est- ce que les Esprits
de l'air ? Si on veut parler clair en Phisicien
qui raisonne , c'est de l'air enveloppé
de quelqu'autre, substance , c'està
- dire de particules d'eau .
Le Nitre rafraîchit , le Nitre échauffe .
Tout Systême doit démêler cette contradiction
apparente ; mais un souflet qui
soufle le froid et le chaud , n'est pas une
chose rare dans la Nature.
Le Nitre a sur tout la proprieté de
fertiliser la terre et de faire vegeter les
Plantes. L'air qui est dans le Nitre , cherche
toujours à monter , il donne donc
de la legereté à l'eau congelée qu'il traine
après soi , et la congellation de cette eau
donne à l'air la force de penetrer , de
percer , de développer les fibres dont les
entrelacemens s'opposent à son mouvement
en enhaut ; c'est la grande vertu
du Nitre de chercher toujours l'air superieur
comme pour y respirer à son aise.
E v
Le
724 MERCURE DE FRANCE
Le Nitre se redresse volontiers comme
les Plantes. Il pese plus par un bout
que par l'autre , et l'air doit surnâger
Peau.
La cristalisation du Nitre vient delà.
Les petits souflets se chassent , se repoussent
et s'agitent jusqu'à ce qu'ils soient .
paralleles un à l'autre , et dans cet état
rien n'empêche et tout favorise leur réunion.
Je crois avoir observé il y a long tems,
je n'oserois l'assurer , que les cristaux
du Salpêtre sont percez à leur pointe
, avec un canal qui regne dans l'interieur
. La Poudre n'a bien sa force que
lorsque divisée en petits grains arrondis
elle est tonte entremêlée d'air . Des sou-
Alets veulent un air libre autour d'eux
et tout ce qui respire se ménage de l'air
pour respirer.
J
L'Acide coagule ; froid par son enveloppe
, il soufle le froid par son interieur ,
il fait plus ; semé dans l'interieur d'un
il se redresse comme autant de
longs pieux roides qui contiennent le liquide
et lui ôtent son mouvement.
corps ,
Mais c'est sa fermentation avec les Alcalis
et generalement avec les matieres
terreuses , qui est le grand Phénomene
de la Chimie et de la Phisique.
J'ai
AVRIL. 1733. 725
J'ai déja dit que l'Air et la Terre sont
deux extrêmes , et tout ce qu'il y a de
plus antagoniste dans la Nature. La
terre resserre et bande trop le ressort de
l'air. Ils ne vivent pas volontiers ensemble.
Vous les mêlez voilà un combat et
une guerre déclarée.
L'Air est l'Ame de l'Acide . Il en est
le mobile et le gouvernail. en mêmetemps
que l'Acide le pousse par un bout.
il repousse l'Acide par l'autre bout ,
comme le recul du canon .
Les particules de Terre ou d'Alcali
tombant sur les Acides , viennent lourdement
les appesantir , ils se relevent ;
les culbuter , ils se redressent ; boucher
. leur soupirail , ils les repoussent ; les resserrer
, ils battent des flancs . Ils se deffendent
par tous les bouts.
Il y a pourtant une façon de les prendre
et un bout foible. Que l'Alcali qui
selon tout le monde , une guaine ,
un fourreau , présente son ouverture à
la pointe massive de derriere de l'Acide , -
par son propre mouvement , par son re-~
cul l'Acide va y entrer.
a
En l'absence de l'Acide , l'Alçali est
naturellement plein d'air . Mais cet air
n'y tient pas et n'y est que parce qu'il
n'y a autre chose. La Terre et l'Air one
E vj leurs
726 MERCURE DE FRANCE
leurs roues disproportionnées , fort inégales
, incapables de s'engrainer sans la
médiation de, l'eau.
Aussi mettez l'Alcali dans l'eau , il va
la boire avec une espece d'avidité. Mettez
le même en lieu plein de vapeurs , il s'en
imbibera de même.
L'eau entre librement dans l'Alcali ,
et en y entrant l'air trouve un passage
ou une retraite paisible entre les parties
divisées de l'eau . L'Acide entre fort juste
dans l'Alcali , et l'air ne divise pas cet
Acide si facilement en sortant de cet Alcali
pour lui ceder la place . Et de-là les
combats , les broüillemens , les frottemens
, la chaleur , quelquefois le feu et
la fâme.
Dans le Raisin verd , l'acide est comme
garotté par les fibres courtes et terreuses
qui forment le tissu interieur du grain.
Peu à peu l'Acide développe , étend ,
rend souple ces fibres ; et la liqueur qui
abonde , facilite un peu son mouvement.
Lorsqu'on écrase le Raisin et qu'on
l'exprime , on rompt le tissu , les fibres
et desormais l'Acide nâge en pleine liqueur.
L'air qui abonde dans le Raisin¸
lui aide par son ressort qui se trouve
bandé par Paffaissement de la liqueur.
Secondé
AVRIL 1733. 727
Secondé de cet air , l'Acide dont le
ressort est encore plus bandé par là ,
fait des efforts , souleve , agite , échauffe ,
jusqu'à ce qu'une portion étant absorbée
dans le Tartre qui tombe au fond , et
une autre dans le Souffre qui se développe
et s'exalte , l'équilibre et le repos
soient rétablis au moins pour un temps ,
ce qui fait le vin.
Car avec le temps , le Souffre s'exaltant
tout à fait et s'évaporant , l'Acide
se manifeste de nouveau , soit celui que
le Souffre laisse en se dissipant , soit
celui qu'un nouveau mêlange de lie et
de tartre y introduit ; d'où résulte enfin
le vinaigre.
L'HY VER.
DE'ja les charmantes Dryades ,
Ont cessé de danser à l'ombre des Ormeaux ;
Déja de l'Empire des eaux
Le Roy des Aquilons a chassé les Nayades.
Nos Bois et nos Champs sont déserts ;
Zéphir ne caresse plus Flore ,
Et les Oyseaux , par leur Concerts ,
Ne nous annoncent plus le lever de l'Aurore.
Le
728 MERCURE DE FRANCE
La Nege a blanchi nos Guérets ,
De nos plus hauts Rochers , elle couvre les
Cimes ;
Et les Arbres de nos Forêts ,
Du courroux de l'hyver , innocentes victimes ,
A peine en supportent le poids.
Les Faunes , les Sylvains ont quitté leurs Hautbois
;
Et le vieux Sylene lui-même ,
Pour modérer ce froid extrême ,
En buvant , souflé dans ses doigts.
Déja par la bruyante haleine
Des Aquilons fougueux , les flots sont enchaî
nez ;
Et des Elemens consternez ,
La ruine semble prochaine,
Fiers de leurs coups audacieux ,
Ils osent se promettre une pleine victoire ;
Amis , pour les chasser , du plus puissant des
Dieux ,
Implorons le secours , et celebrons la gloire
Que les dépouilles des Forêts ,
Dans un large Foyer, promptement entassées ,
Raniment nos forces glacées ;
Que d'un joyeux festin , on fasse les apprêts ;
Vite , qu'on m'apporte mon verre ,
Qu'à l'instant il soit couronné
De
AVRIL. 17337
729
De ce jus que Bacchus aux Mortels a donné ;
De ce jus pétillant , qui croît près de Tonnere,
C'ett à ce Dieu vainqueur à regler les Saisons.
La nature , à ses Loix , doit être assujettie ;
Partez , rentrez dans vos prisons.
Impetueux sujets , de l'Epoux d'Orithie..
Bacchus rassure l'Univers .
Il a parlé , fuyez les traits de sa colère ,
Et cessant de troubler l'un et l'autre Hémisphere,
Reprenez pour jamais vos fers.
D'un obscur avenir ne perçons point les om
bres ;
Le succès en est incertain ;
Le destin sous des voiler sombres ,
A caché notre sort ; sans attendre à demain ,
Jouissons de notre jeunesse
Aux Jeux, aux Ris , cher ami, fais ta cour,
Enfin partage ta tendresse 2
Entre les Dieux du Vin , des Vers et de l'Amour,
MALALE TAD730
MERCURE DE FRANCE
2222222
ADDITION à la Lettre , inferée
dans le Mercure de Mars dernier , sur
P'usage des Habits Canoniaux et Militaires
, & c.
P
Ermettez , Monsieur , que je vous
fasse part de ce que j'ai encore trouvé
de ressemblant au droit de M. de
Chastellux , depuis que je vous ai envoyé
mes Observations sur l'habillement
des Chanoines Honoraires Laïques
M. Hubert rapporte parmi les Preuves de
son Histoire de l'Eglise Royale de Saint-
Agnan d'Orleans , à la page 142. la reception
de 2 Doyens de ce Chapitre. Le 1
nommé Louis de Villers , pourvu par
Madame la Duchesse d'Orleans , fut reçû.
le 31 May 1480. On lit que dans la
cérémonie de sa reception au Chapitre , on
lui donna une Ceinture dorée , une Epée
aussi dorée , une Gibeciere , des Eperons
dorez , et un Oiseau sur le poing. Cui
tradiderunt Zonam deauratam , enfem deauratum,
unam Gibessariam, et Calcaria deanrata
, et Avem fupra pugnum ut moris est ,
prastitisque folitis ... Juramentis , & c.
Ayant été fait Evêque de Beauvais au
bout de 17 ans , M. le Duc d'Orleans
conAVRIL.
1733 731
confera la même dignité à Jacques Hurault
, à la reception duquel furent pratiquées
les mêmes Ceremonies l'an 1497 .
le 20 Septembre. Vous appercevez , sans
doute , de la difference entre notre Chanoine
Honoraire , Hereditaire , qui est
Laïc ; et ce Doyen , qui est un homme
d'Eglise , et dont la dignité n'est point
héréditaire.Illy a encore cela de different,
que le Doyen de S. Agnan d'Orleans devoit
être revêtu de Robe longue, au lieu
que nos Messieurs de Chastellux sont en
habit court , quoique couvert du Surplis
. Mais quand la ressemblance seroit
plus grande , etet quand même elle seroit
entiere pour ce qui est de l'habillement , et
du droit successif , on ne pourroit de nos
jours , mettre ce Doyen en parallele avoc
M. de Chastellux , parce que les Doyens
de S. Agnan ne sont plus reçûs avec l'équipage
dont j'ai parlé. Le même M.Hubert
nous apprend qu'en l'an 1546.
Charles Guillard prit possession du
Doyenné , le 8 Octobre , avec le Surplis
et l'Aumusse seulement ; qu'il ne voulut
point être installé suivant l'ancienne
Cérémonie , et qu'il 'se contenta que le
Chapitre lui donnât une déclaration ,
comme le Doyen pouvoit être mis en
* Page tent onzième.
*
pos732
MERCURE DE FRANCE
possession avec l'Epée au côté , la Gibeciere
, les Eperons dorez et l'Oiseau sur le
poing. Il ajoute que depuis ce temps - là
cette maniere d'investiture a cessé d'être
en usage , et qu'il n'en paroît plus d'exemples
dans les Archives de S. Agnan.Quoiqu'elle
soit affez remarquable , je ne
la trouve point dans le grand nombre
d'exemples d'investiture , rapportez par
M. Ducange , ou par ses illustres Augmentateurs.
L'Epée et le Ceinturon ou la
Ceinture paroissent bien dans ces sortes
de ceremonie ; mais il n'y est fait aucu
ne mention de Gibeciere ni d'Oyseau , non
plus que d'Eperons .
Violette , est le mot de la premiere
Enigme du mois de Mars ; la seconde
doit s'expliquer par Sepulchre; et les trois
Logogryphes , par Poste , Fourage , Verité.
LE
ENIG ME.
E Peintre passeroit pour homme incomparable
,
S'il pouvoit par son art peindre le mouvement ,
Moi, plus adroit que lui , et bien plus admirable
,
Je fais sans me mouvoir cet effet surprenant.
AUTRE
AVRIL. 1733- 733
AUTRE.
1 Ris , cruelle et fierre , autant qu'elle est charmante
,
Ne dissimule point l'amour qu'elle a pour moy.
Elle se pique fort de conserver sa foy ,
De n'avoir point l'humeur changeante.
Cependant tout ce grand amour
Dure pour moi rarement plus d'un jour.
Son inégalité n'est-elle pas extrême ?
Quoique jamais son feu ne puisse m'enflammer,
La bizare qu'elle est , fait gloire de m'aimer :
Elle se fait honneur de me changer de même
Mais comme rougissant de son esprit leger ,
Elle se cache en me voulant changer.
J'A
AUTRE.
'Ai dans le Cabinet des Rois ,
Part aux plus secrettes affaires ,
Et j'y couvre bien des mysteres ,
Qui sont pour leurs Sujets d'inviolables Loix.
Mon corps n'est rien qu'un composé
D'une infinité de parties
Qui, quoique sans rapport , et toutes désunies ,
Reçoivent de la main un mouvement aisé
Je n'ai science , ni lumiere ;
Je n'ai jamais rien lû , ni jamais rien écrit ,
Cependant le plus bel esprit
fait sur son travail repasser la derniere.
LO734
MERCURE DE FRANCE
LOGOGRY P.HE.
Il ne faut L pas chercher jusques chez les Arabes,
Puisqu'Europe m'enferme,où sont quatre sillabes.
La premiere à nos ans , met toujours un surcroît
;
Joignez-y la seconde , en pointe l'on me voit,
Par deux lignes formé. Quant à l'autre moitié ,
C'est notre mere à tous , qu'on ouvre sans pitié,
Avec m
LA MOTTE TILLOY
AUTR E.
Vec mes quatre pieds , je presente une Ville,
Pris d'une autre façon , on me trouve aux repas.
Combine , ami lecteur , mon emploi t'est utile ;
Pour toy je finirai , lorsque tu finiras ,
Dieu te donne en ce temps , l'esprit libre et tranquille
,
Une immortelle vie , après un doux trépas.
Par M. D GLAT.
AUTRE , d'une nouvelle espece.
Ans le nom d'un François celebre ,
On pourroit trouver , sans Algebre ,
Cinq mors de bon latin je crois ;
Des
AVRIL:
7351
1733.
Des onze pieds , prends d'abord trois ,
Tu te désignes avec d'autres ,
Pour nommer les biens qui sont nostres.
Joins y les trois qui sont après ;}
Les cinq derniers font voir un homme ,
Complaisant Epoux à l'excès,
Et qui vivoit bien avant Rome ;
Sa tête à bas , par piété ,
Orgueil ou générosité ,
Pour bienfaicteurs on nous renomme
Achevons de voir ce qui suit ;
La sillabe qui nous termine ,
Est une bête de rapine ,
Que la peur tient dans un réduit .
LA MOTTE TILLO Y.
*******::********
NOUVELLES LITTERAIRES
H
DES BEAUX ARTS , & c.
)
Istoire de l'Academie Royale des .
SCIENCES , année 1730. avec les Mémoires
de Mathématique et de Physique,
pour la même année , tirez des Registres
de cette Académie . A Paris , de l'Imprimerie
Royale , 1732. in 4. de 143 pages ,
pour l'Histoire , et 580. pour les Mémoires.
736 MERCURE DE FRANCE
res. 25 Planches détachées. C'est lè 33 ° vos
lume , et l'un des plus gros , depuis 1699.
LE DICTIONNAIRE DES CAS DE CONSCIENCE
, décidez suivant les principes de
la morale , les usages de la Discipline Ecclesiastique
, l'authorité des Conciles et des
Canonistes , et là Jurisprudence du Royaume:
Par feu Mess . de Lamet et Fromageau,
Docteurs de la Maison et Société de Sorbonne
. A Paris , chez J.B. Coignard, fils,
et Hippolyte - Louis Guerin , Libraire , ruë
S. Jacques , 1733. 2 vol. in fol, tom . 1. 878
pag. tom. 2.820 pag. sans la Préface et la
Table des Matieres . Prix , 30 liv. reliez.
Le Recueil des Décisions de ces deux
Sçavans Docteurs , étoit désiré avec ardeur
depuis vingt ans . On peut regarder
cet Ouvrage comme un excellent
supplément au Dictionnaire de Pontas.
Le nom de M" de Lamet et Fromageau ,
fait l'éloge du Livre. Le premier sorti
d'une famille noble et illustre , s'étoit
consacré à l'étude de la Théologie dès
son bas âge. Il avoit été long- temps attaché
au Cardinal de Retz ; ensuite il s'étoit
joint à M. de Sainte- Beuve , pour décider
les cas de conscience qu'on leur
proposoit alors ; delà vient que la plu
part des cas de M. de Sainte- Beuve sonr
aussy
AVRIL . 1733 737
aussi signez de M. de Lamet. C'est dans
ce saint exercice qu'il avoit passé la plus.
grande partie de sa vie , jusqu'à sa mort
arrivée en 1691. à l'âge de 70 ans,
M. Fromageau , mort en 1705. nâquic
à Paris , d'une famille honnête , alliée à
plusieurs autres , distinguées dans la Robe.
Il fut nommé par M. de Lamet pour
être son Exécuteur Testamentaire . Il lui
avoit été associé très - long- temps dans la
décision des Cas de Conscience , dont ces
Docteurs avoient toujours eu attention
de retenir des Minutes sur des Registres
Journaux , qui sont les mêmes sur lesquels
on a imprimé ce Recueil,
Ces deux Docteurs ont été consultez
de leur temps , sur toutes les especes de
Cas ; leurs décisions ont souvent servi à
appuyer des Arrêts , et à terminer des
conteftations de la plus grande impor
tance. Comme ce Livre est déja répandu
dans le public , nous n'entrerons pas
dans un plus grand détail , pour en faire
connoître le mérite ; nous nous arrêterons
seulement à l'article des Malefices
page 13. &c. par le rapport que cette
matiere a avec un Mérnoire sur les Wampires
, que nous avons imprimé dans le
Mercure de May , 1732. pag. 890.
Demande. En Pologne et en Russie on
trou738
MERCURE DE FRANCE
trouve dans des Cadavres humains , qu'on
appelle Siviges , une certaine liqueur que
les peuples et quelques Sçavans même
croïent être du sang. On prétend que le
Demon le prend en des personnes vivantes
, et qu'il le porte dans ces Cadavres.
On dit que cet Esprit en sort de temps
en temps pour tourmenter les hommes ,
et qu'après bien des vexations , il rentre
dans ces Cadavres et y fait couler le sang
qu'il a succé , et qu'on y trouve en si
grande abondance , qu'il sort par la bouche
, par le nez , et sur tout par les oreil
les du Cadavre , qu'on voit nager dans
son Cercueil . Il mange aussi , dit- on , les
linges qui l'enveloppent. Pour l'en empêcher
, on prend garde lorsqu'on enselit
un mort , qu'aucun linge ne soit près
de sa bouche , et on la couvre de terre
aussi-bien que la gorge.
>
L'Esprit , qui sort de ce Cadavre , va la
nuit troubler le repos de ceux avec qui le
deffunt avoit de plus grandes liaisons . Il
les serre , il les embrasse , et leur fait tant
de mal, qu'ils s'éveillent en sursaut , criant
au secours , et assurant qu'ils voïent le
Spectre comme s'il étoit vivant. Ces hommes
ainsi tourmentez , deviennent maigres
et meurent en peu de temps. Le mal
s'étend quelquefois à des familles entieres
AVRIL 1738:
739
res , qui périssent l'un après l'autre.
Quelques -uns de ces esprits attaquent
les hommes , d'autres s'acharnent sur les
Bestiaux dont ils portent aussi le sang
dans les Cadavres , ce qui les fait languir
et mourir. Pour remedier à un si grand
mal , on fait du pain que l'on pétrit avec
le sang qui coule de ces Cadavres , on le
porte sur soy et on en mange , et par là
on se trouve soulagé; mais le grand remede
est de couper la tête du Cadavre.
Il eft à remarquer que quand on va visiter
les corps morts , dont la figure est
apparue en songe , on les trouve mols ,
fléxibles , enflez et rubiconds ; mais dès
qu'on leur a coupé la tête , le démon ne
va plus inquietter ceux qu'il tourmentoit
auparavant , et en peu
ils reprennent
leur embonpoint.
de temps
Une fille ayant été attaquée en dormant
, par un de ces Esprits , se reveilla ,
et criant par la douleur qu'elle sentoit ,
on courut pour la secourir; elle dit qu'el
le avoit vû la figure de sa mere , qui étoit
morte depuis long - temps. Comme on
voyoit qu'elle maigrissoit , on alla au
Cadavre , qu'on trouva mol , flexible et
rubicond. On lui coupa la tête , et on lui
ouvrit le coeur ; il en sortit beaucoup de
sang , après quoi la fille fut soulagée et se
porta très-bien depuis.
Ов
740 vi
On demande s'il est permis d'avoir recours
aux remedes dont on vient de parler
, pour faire cesser les véxations de ces
Esprits ?
On répond qu'on doit avant toutes
choses examiner scrupuleusement la vérité
des faits qui y sont rapportez . Car
ils sont si extraordinaires , qu'on a tout
sujet de craindre qu'il n'y ait beaucoup
d'illusion , et on n'y doit point ajouter .
foy qu'ils ne soient prouvez d'une maniere
si évidente qu'il soit impossible de
les révoquer en doute .
L'imagination, l'ignorance, la créduli-'
té excessive , la superstition , la grossiereté
de ceux qui content de parcilles avantures
, doivent faire craindre qu'il n'y en-'
tre de la fiction , de l'exageration , de
l'imposture , de l'illusion .
Mais supposé que ceux qui consultent
là- dessus , voyent sur les lieux que le peuple
, ou trompé , ou véritablement tourmenté
, employe pour se délivrer , les
deux remedes expliquez cy dessus , on
estime que ceux qui les employent , et
ceux qui demandent qu'on s'en serve
pour eux , pêchent également , et par
deux raisons .
1.Parce qu'on a toujours porté un grand
respect aux Corps des Deffunts , jusqu'à
vouA
V RI L. 1733 . 741
vouloir même que les Sépulchres fussent
inviolables; sur quoi , voyez le tit . 19.du
Code Leg. où il est dit qu'on doit punir
comme sacrilege , les Violateurs des Sépulchres.
Or c'est un attentat énorme
d'entrer dans un Sepulchre pour couper
la tête à un Cadavre. On peut voir enco
re là - dessus dans le Droit Canon les Excommunications
prononcées en pareils
cas. Dans celui dont il s'agit , le prétexte
est moins pardonnable , et plus contraire
au respect que méritent les Corps des
Fidéles. L'Authentique , ut defuncti , tit.
13. coll . 5. avoit dit auparavant , qui hominis
naturam non erubuit , dignus est et
gloriâ et aliis omnibus condemnari.
2º. La fin qu'on se propose dans ce qui
se pratique en Pologne et en Russie rend
encore la chose plus mauvaise . C'est, diton
, pour se délivrer de la véxation du
malin esprit et pour recouvrer la santé
qu'on mange un pain pétri du sang qui
sort des Cadavres , et qu'on leur coupe la
tête. Or il y a tout lieu de présumer que
si ce remede réussit , c'est en vertu d'un
pacte exprès ou tacite fait avec le démon
et qu'on chasse un Malefice par un autre;
car le pain pétri de sang , aussi - bien que
la tête coupée; ne peut pas naturellement
guérir une personne qui se meurt , ni
| Fij chasser
742 MERCURE DE FRANCE
chasser le démon qui la tourmente. On
ne peut pas dire non plus que Dieu fasse
des miracles dans ces occasions ; il faut
donc , supposé le fait vrai , y reconnoître
un pacte et reconnoître aussi que le démon
a promis de se retirer à la presence
du maléfice, après l'avoir lui - même conseillé.
Gerson , dans un Opuscule contre
la doctrine d'un Médecin de Montpellier
, dit , que la Faculté de Paris en a
jugé ainsi,
Or , selon S. Thomas , in 4. dist. 34.Q
1. art. 3. et selon le Decret de la Faculté
de Paris , de l'année 1318. rapporté à la
fin des Oeuvres du Maître des Sentences ,
art. 6. il n'est point permis de chasser
un maléfice par un autre,
Il suit de tout cela deux choses ; la premiere
, qu'on doit condamner la coutume
des Païs dont on vient de parler
comme réprouvée par l'un et l'autre
Droit , et par l'Ecriture , qui deffend de
faire un mal pour procurer un bien.
La seconde, que si après avoir consulté
de pieux et habiles Medecins, on ne peut
découvrir une cause naturelle de ces
maux , ni les guérir par des remedes naturels
, on doit recourir à ceux qui sont
marquez contre les véxations du démon,
dans le chapitre , şi per sortiarias 33.Q.2,
atqne
AVRIL. 1733. 743
atque maleficas occulto , sed numquam injusto
Deijudicio, permittente et Diabolo procurante
, &c. C'est le sentiment de Barthelemi
de Spina , Maître du Sacré Palais,
dans son Traité de Strigibus , cap . 33
Déliberé en Sorbonne , & c.
LA BIBLIOTHEQUE DES ENFANS , ou les
premiers Elemens des Lettres , contenant
le Systême du Bureau Typographique , à
l'usage de Monseigneur le Dauphin , et
de Messeigneurs les Enfans de France . A
Paris , rue de la Harpe , chez P. Simon , ruë
1732. in 4. de 110 pag.
PRINCIPES DE L'HISTOIRE, &C Par M.de
Juvenel , 1 vol . 12. de 237 pag. A Paris ,
che Barthelemi Alix , Libraire , ruë saint
Jacques , au Griffon .
Cet Ouvrage contient cinq Parties. La
premiere renferme les Elemens de la
Chronologie. L'Auteur , après avoir parlé
de l'Année solaire des Egyptiens , des
Hebreux et des Romains ; de la Correction
du Calendrier Romain, par Jules-
César , et par Grégoire XIII . de la maniere
de compter les heures , et les jours
des mois, usitée chez les anciens ; de l'Année
lunaire des Grecs et des Juifs ; de la
Période Julienne , et des Années du Mon-
Fiij de,
744 MERCURE DE FRANCE
>
de; parcourt les differentes Eres , suivant
l'ordre des temps. Il s'étend davantage.
sur les Consulats et la puissance Tribunitienne
, à cause de leur importance
poun rapporter la connoissance des Médailles
, et des Inscriptions à celle de
l'Histoire ; il finit par les trois principes
de la Chronologie , et par de courtes
observations sur l'Histoire d'Egypte ,'
et d'Assyrie , et sur la Chronologie Grec
que.
La seconde Partie est une Introduction
à la Géographie , subdivisée en deux
Sections ; dont la premiere est un petit
Traité du Globe terrestre et de la Sphere ,
pour faciliter l'usage des Globes et des
Mappes -Mondes.
La deuxième, presente une Description
Géographique et Historique de l'Empire
Romain , divisé en ses Provinces Proconsulites
, et Proprétoriennes. Cette Des--
cription en forme de Table , pour la
commodité du Lecteur, marque le temps
auquel chaque Province a été unie à l'Empire
, les changemens les plus considérables
, arrivez dans leur Gouvernement, er
leurs Villes Capitales , que
ractérise de plusieurs traits d'Histoire.
La troisième Partie est un abrégé de la
Vie des anciens Historiens , avec un jugement
sur leurs Ouvrages.
l'Auteur ca-
La
AVRIL. 1733. 745
La quatrième contient des Réfléxions
sur l'usage de l'Histoire , et des avis sur
la maniere de l'étudier. Il ne suffit pas ,
nous dit- on icy , de connoître les meil
leurs Historiens et de sçavoir les principes
de la Chronologie et de la Géographie
, si on ne les rapporte à l'étude de
'Histoire, à laquelle elles servent de fondement.
L'Auteur propose ensuite l'usage
des Tables Chronologiques , comme
tres - important à la lecture des Historiens
. En rapportant ce qu'on lit dans
les Tables , les principaux faits , et les actions
les plus éclatantes s'arrangent dans
la mémoire , sans confusion , et sins cmbarras
; et par là les lectures deviennent
plus utiles et même plus agréables.
L'usage des Cartes Géographiques est
aussi absolument necessaire pour l'intelligence
de l'Histoire ; il faut en avoir des
meilleurs Auteurs et des plus détaillées ,
les avoir sans cesse devant les yeux en lisant
, por y chercher les Royaumes, les
Provinces et les Villes , dont les Auteurs
font mention .
pat
Il donne trois moyens d'apprendre la
Géographie par l'Histoire , et l'Histoire
la Géographie et pour éviter la sécheresse
de cette étude , qui cause bientôt
le dégoût, le 1. de lire d'abord un bon
Fiiij abrégé
746 MERCURE DE FRANCE
abrégé , pour avoir une connoissance generale
des differens Païs ; le 2. de remar
quer les faits particuliers qui caractérisent
chaque Ville ; un Siége , une Bataille
, la tenuë d'un Concile , la naissance
d'un Homme Illustre , &c. la 3º . de rapporter
l'ancienne Géographie à la nouvelle
, et la nouvelle à l'ancienne , observant
les divers noms que chaque Ville
a eu sous divers Maîtres.
Mais avant toutes choses il est nécessaire
de connoître les moeurs et les cou
tumes de chaque Nation ; la constitution
de chaque Etat , et la forme du gouvernement
de chaque Peuple.
On ne sçauroit lire utilement l'an
cienne Histoire , si l'on ignore les fonc
tions des Magistrats , et les prérogatives
de leurs Charges ; si l'on ne connoît ni les
Archontes , ni les Ephores , si célebres
dans l'Histoire ancienne : comme dans la
nouvelle celui-là , dit notre Auteur , auroit
un Livre scellé , qui n'ayant aucune
notion du Droit public de l'Empire Germanique
, dont les principales sources
sont la Bulle d'or , les Capitulations Impériales
, la Paix publique et Religieuse,
&c. étudieroit l'Histoire d'Allemagne.
Dans le choix des Histoires , il faut
donner le premier rang à l'Histoire Sainte.
On
AVRIL. 1733. 747
On y apprend la Religion et la Morale
par une méthode abrégée et facile ; on y
peut joindre l'Histoire Grecque et Ro
maine , à cause du rapport des temps.
L'Histoire de France viendra ensuite
on y pourra rapporter les Histoires Etrangeres
, selon que les affaires de nos voisins
se trouveront mêlées avec les nôtres.
Au choix des Histoires doit succeder
celui des Historiens ; il faut prendre les
meilleurs et s'y arrêter , si on veut aider
la mémoire et former le jugement , suivant
ce conseil de Seneque : Certis ingeniis
immorari et innutriri oportet , si velis
aliquid trabere quod in animo fideliter sedear.
Ep.2. L'Auteur fait ensuite plusieurs
réfléxions sur la maniere dont nous devons
porter notre jugement sur certains
points d'Histoire qu'il est nécessaire de
discuter , et sur les discussions mêmes des
Sçavans. Les bornes d'un Extrait ne nous
permettent pas d'entrer dans ce détail.
DISCOURS sur les differentes figures des
Astres , d'où l'on tire des conjectures sur
Les Etoiles qui paroissent changer de
grandeur , et sur l'Anneau de Saturne ;
avec une exposition abrégée des Systê
mes de M. Descartes , et de M. Newton.
Par M. de Maupertuis , de l'Académic
F v Roya
748 MERCURE DE FRANCE
Royale des Sciences , et de la Société
Royale de Londres. 4 Paris , de l'Imprimerie
Royale , 1732. in 8. de 83 pag.
ARITHMETIQUE DE MONTRE'E , par un
Prêtre de l'Oratoire , cy devant Professeur
Royal de Mathématique , dans l’Université
d'Angers. A Rennes , rue du Bec,
chez P. Cabut , 1732. in 12. de 216 pages,
sans la Préface et la Table .
ANECDOTES de la Cour de Philippe Auguste
, 3. vol . in 12. chez fosse , ruë S.Jaques
, et chez la veuve Pissot , Quai de
Comi. Cet Ouvrage qui est actuellement
sous Presse , est de Mlle de Lussan ; elle a
déja donné au public l'Histoire de Madame
de Gondez et les Veillées de Thessalie
, que le public a si- bien reçuës.
EXPLICATION DU LIVRE DE LA Genese,
où selon la Méthode des SS. Peres , l'on
s'attache à découvrir les Mystères de J.C.
et les Regles des Moeurs , renfermées
dans la Lettre même de l'Ecriture . A
Paris , raë S. Jacques , chez Fr. Babuty
6 vol . in 12 .
و
EXPLICATION DU LIVRE DE JOB , où selon
la Methode des SS . Peres , on s'attache
AVRIL. 1733. 749
che à découvrir les Mysteres de J. C. et
les Regles des Maurs , renfermées dans
la Lettre même de l'Ecriture , chez le même
Libraire , 1732.4 vol . in 12 .
JOURNAL des principales Audiences du
Parlement , avec les Arrêts qui y ont été
rendus. Nouvelle Edition , revuë , corrigée
et augmentée de plusieurs Questions
et Reglemens , placez dans l'ordre des
temps . A Paris , par une Compagnie de
Libraires , 1733. 4 vol . in fol.
L'EPOUSE INFORTUNE'E , Histoire Ita
lienne , Galante et Tragique. Par M. D.
P.B. A Paris , chez P. Prault , Quai de
Gévres , 1733. in 12. de 200 pag.
"
TRAITE' de la Main -Morte et des Retraits
, Par M.T.F. Dunod , ancien Avocat
au Parlement et Professeur Royal , en
l'Université de Besançon, A Dijon , chez
du Fay. 1733. in 4.
HISTOIRE UNIVERSELLE , Sacrée et Pro
phane, depuis le commencement du mon
de jusqu'à nos jours . Par le R. P. Dom
Augustin Calme , Abbé de Senones.
CetOuvrage vas'imprimer à Strasbourg,
par Souscription , en 6 vol.in 4. chezJ. R.
F vj Doul750
MERCURE DE FRANCE
Doulseker , le pere ; on compte qu'il sera
achevé dans trois ans . On sçait l'empressement
du Public et le cas qu'il fait de
tout ce qui sort de la plume de cet excellent
Auteur. Le prix de la Souscription
entiere est de so . livres , dont on
payera 10. livres seulement en souscrivant
, et 8. livres en recevant successivement
l'Exemplaire de chaque volume.
9:
DESCRIPTION Géographique , Historique
, Chronologique , Politique et
Physique de l'Empire de la Chine et de
la Tartarie Chinoise , enrichie des Cartes
generales et particulieres de ces Païs , de
la Carte generale et des Cartes particulieres
du Thibet et de la Corée ; et or-
'née d'un grand nombre de Figures et
de Vignettes , gravées en Taille douce.
En trois ou quatre volumes in folio . Par
le P. J. B. du Halde , de la Compagnie
de Jesus.
Des motifs qui ne sçauroient trop être
loüez , ont déterminé le R. P. du Halde
à travailler sans relâche depuis plusieurs
années à une Description complette du
grand Empire de la Chine et de la Tartarie
qui lui est présentement soumise.
Les Recherches qu'il a faites avec discernement
dans des Memoires imprimez.
04
AVRIL: 1733. 750
ou manuscrits d'Auteurs qui ont demeuré
à la Chine ; et sur tout le commerce
assidu qu'il a depuis 22. ans avec les Missionnaires
répandus dans toutes ses Provinces
, l'ont mis en état de remplir fi
delement un si vaste dessein .
De plus , un ancien Missionnaire Jé
suite ( le Pere Conțancin ) qui a passé plus
de trente ans à la Chine , partie dans
la Capitale, partie dans les differentes parties
de l'Empire , ayant été député l'année
derniere en France pour des affaires
particulieres de sa Mission , a eu tout le
loisir pendant le séjour d'un an qu'il a
fait à Paris , de lire plus d'une fois et
d'examiner çet Ouvrage avec la plus sérieuse
attention et avec la plus sévere critique.
C'est un avantage considerable auquel
l'Auteur ne devoit pas s'attendre.
En profitant des lumieres de ce Missionnaire
, ou pour discuter certains faits
douteux , ou pour y ajoûter des particularitez
interessantes , le P. du Halde
s'est assuré de l'entiere exactitude de
tout ce qu'il avance.
2
Les Cartes toutes nouvelles , au nombre
de 41. qui font partie de l'Ouvrage
seroient capables elles seules d'enrichir
la République des Lettres . On sçait que
nos plus habiles Géographes n'ont connu
que
752 MERCURE DE FRANCE
que
très-confusément tous ces vastes Pays
renferme la Chine , la- Tartarie Chinoise,
la Corée et le Royaume de Thibet.
que
Les Missionnaires qui ont été employez
par les ordres et aux frais de l'Empereur
Cang- hi , à en dresser les Cartes , ont parcouru
, la mesure actuelle à la main , ces
Pays immenses de la Chine et de la Tartarie
, et n'ont épargné ni soins ni fatigues
pour nous les donner comme ils
sont , avec une exactitude et une précision
qu'on ne trouve gueres dans les Cartes
que nous avons depuis long- temps
des Pays les plus connus.
"
Mais pour mieux donner le Plan d'un
Ouvrage qui est en état de paroître et
qui ne peut être retardé que par la gravûre
des Cartes et d'un grand nombre
de figures dont il sera orné , le R. P. du
Halde a crû devoir defferer au sentiment
de personnes d'un grand mérite , qui lui
ont conseillé , 1 ° . D'instruire le Public
en détail de toutes les matieres qu'il renferme.
2. D'expliquer la Méthode que
les Missionnaires Mathématiciens ont ob
servée en dressant les Cartes .
Ce détail est fort long et fait en deux
Chapitres la matiere d'un Prospectus de
8. pages infolio , qui vient de paroître et
dont nous venons de donner le titre avec
un
AVRIL. 1733: 753
un Extrait du Préliminaire , bien fichez
d'être assujettis à des bornes qui ne nous
en permettent pas davantage Cette annonce
, ainsi détaillée , interessera sans doute
la République des Lettres . L'Ouvrage est
digne de ses empressemens. Il contiendra
même plus que l'Auteur ne promet en
general à l'égard de la Géographie ; on
voit en effet à la fin du Prospectus que
dans la Carte qui doit être à la tête de
l'Ouvrage et qui comprendra toutes les
autres en general , outre la vaste étenduë
de tous les Pays dont on a parlé ,
on se portera jusques sur la Mer Caspienne.
Car les R. P. Jesuites, en ont eû
quelques connoissances , et ils ont souhaité
qu'on en fit usage , après les avoir
comparées et jointes aux connoissances
qu'on peut rassembler d'ailleurs , ce que
M. d'Anville , dont la capacité est connuë
, s'est engagé de faire.
Outre les Cartes , les Planches et les
Plans de Villes , qui seront en grand
nombre , les Cartouches et les Vignettes
seront ornées de Figures , de Symboles ,
d'Animaux et des Plantes les plus singulieres
de la Chine.
On avertit enfin que comme la quantité
de Cartes et de Planches , que contient
ce grand Ouvrage , obligera à n'en
tirer
754 MERCURE DE FRANCE
tirer qu'un certain nombre d'Exemplai
res ; ceux qui en voudront avoir doivent
les retenir de bonne heure , en s'adres
sant ou au P. du Halde , à la Maison Professe
, rue S. Antoine , ou à P. G. le Mercier,
fils , Imprimeur- Libraire , rue Saint
Jacques , au Livre d'Or à Paris . On aura
soin d'informer ceux qui auront retenu
des Exemplaires , du temps auquel on
commencera l'impression de l'Ouvrage, et
du prix auquel il leur sera livré . Ce sera
au plus tard dans 4. ou´5 . mois.
Ce Prospectus , qui peut passer seul pour
un bon et curieux Ouvrage , est.orné à
la tête d'une très - belle Vignette , dans
laquelle est représenté en Buste dans un
Cartouche l'Empereur de la Chine Canghi
, mort en 1722. peint à l'âge de 32 .
ans. Le Cartouche est accompagné de divers
Symboles des Arts Liberaux , de la
Guerre , & c.
Nous osons hazarder ici par occasion ,une
priere à qui elle appartient,au nom de tout
le Public éclairé , qui attend avec empressement
la publication du grand Ouvrage
du feu P. Sicard , sur l'Egypte , dont nous
avons donné le Plan dans l'un de nos Journaux
; Ouvrage dont plusieurs personnes
nous demandent souvent des nou
velles , et qui doit être utile à tout le
Monde Litteraire,
AVRIL. 1733. 755
L'ASTRE'E DE M. D'URF ' , Pastorale
Allégorique , avec la Clé . Nouvelle
Edition , où sans toucher ni au fonds
ni aux Episodes , on s'est contenté de
corriger le langage et d'abreger les conversations.
Chez Pierre Vitte , ruë S. Jacques,
et Didot , Quay des Augustins , 1733 .
in 12. 10. volumes , avec 60. figures en
Tailles-douces.
Il paroît un Livre nouveau intitulé , Traité
de l'Opinion ou Mémoire pour servir à l'Histoire
de l'Esprit humain . Le point de vûë de cet
Ouvrage est la Science de douter à propos , et
une sage défiance également éloignée de la crédulité
et du Pyrrhonisme. L'Auteur qui ne s'est
point nommé , execute ce Projet , en suivant les
Sciences prophanes , et en faisant voir par les
sentimens des Anciens et des Modernes , à quel
point l'opinion regne dans ces Sciences. Le premier
Livre roule sur les Belles - Lettres , les differens
Jugemens des Critiques , le Pyrrhonisme de
l'Histoire , les difficultez les plus celebres de la
Chronologie. Le second Livre est une Histoire
de toutes les Sectes Philosophiques ; Histoire , qui
selon l'Auteur , est proprement celle de l'opinion.
Le troisiéme renferme les questions les plus
importantes de la Métaphisique , les égaremens
de l'Idolâtrie , les prétendus Miracles du Paganisme
, les contradictions des Philosophes sur les
ames , sur les bêtes ; les divinations fondées sur
le commerce des Esprits par la Magie , la cabale,
les augures , présages , songes et autres moyens ,
dont on a souvent abusé pour séduire les esprits
faibles
56 MERCURE DE FRANCE
foibles Le quatriéme Livre traite de la Physique,
de l'Astronomie , de la Medecine , de la Chimie,
de l'Astronomie Judiciaire , et autres divinations
prétendues naturelles , les Fables débitées par les
Naturalistes y servent d'exemples de la licence
des Auteurs. Une contradiction du Systême de
Descartes est relevée dans le Chapitre de la Physique
, où l'on trouve en même-temps une réforme
de ce Systême , qui en y rétablissant l'uniformité
conserve tout ce que l'idée des Tourbillons
de Descartes a de brillant et de magnifique.
Le cinquiéme Livie contient deux . Chapitres ,
P'un sur les diferentes especes de Gouvernemens ,
Pantre sur les maximes politiques. La veritable
constitution du Gouvernement de France y est
expliquée , avec des Dissertations importantes
sur les Parlemens et Etats Generaux . Le sixiéme
Livre est un précis des pensées les plus remarqua
bles des Anciens sur la Morale. Les diferentes
Loix et Coûtumes des Peuples y sont exposées.
Tout l'Ouvrage est rempli d'une parfaite connoissance
de l'Antiquité et d'une profonde érudition
; le style en est clair et poli ; tant de sujets
si diversifiez contiennent des recherches immenses
en tous genres , chaque Science y est
traitée suivant son caractere particulier , et il en
résulte un assemblage d'excellens Mémoires pour
servir à l'Hist. de l'Esprit humain , qui peut égale
ment y reconnoître ses erreurs et y considerer les
monumens de ses Travaux les plus illustres.
Ce Livre est en six volumes in 12, dont
le dernier renferme quatre Tables très- amples ,
la premiere , des Chapitres ; la seconde, des noms
propres ; la troisiéme , des Mutieres , et la quatrieme
, des Aureurs citez . Le Prix est de 15. liv.
relié et de 12 liv.12. sols broché. Il se vend
chez
AVRIL. 1733.. 757
chez Guillaume de Bure , le pere , sur le Quay
des Augustins , à l'Image Saint Claude ; chez
Charles Osmons , ruë S. Jacques , à l'Olivier , et
chez Grégoire- Antoine du Puis , au Palais, à l'Enseigne
du S. Esprit.
Nous donnerons un Extrait plus étendu de cet
Ouvrage , que nous n'avons encore fait que parcourir.
La cinquiéme Suite des Cent Nouvelles Neuvelles
, de Made de Gomez , paroît chez la veuve
Guillaume , et se fait lire agréablement , ainsi
que les précedentes . On donnera la sixième Partie
le mois prochain.
Les freres Guerin , Libraires à Paris , impriment
actuellement un Traitégeneral des Horloges,
par le P Dom Noël Alexandre , Benedictin ; en
un volume in 8. avec près de 30. Planches en
Taille-douce .
L'Auteur a traité dans cet Ouvrage de toutes
les especes de Machines dont on s'est servi dans
tous les temps pour mesurer les differentes parties
du jour et de la nuit , et pour les indiquer.
Il s'étend suffisamment sur les Cadrans Solaires
, sur les Clepsidres , les Horloges de gros et
moyen volume , sur les Pendules et les Montres
de poche. L'Histoire de l'Horlogerie y est exac
tement rapportée , et à la fin de l'Ouvrage on
trouvera une Bibliographie de l'Horlogerie , ou
tous les Auteurs qui ont traité de ces matieres ,
soit par des Traitez particuliers , soit par occasion
, y sont rapportez fidelement , avec une idée
de leurs Ouvrages et des Observations.
L'Auteur a lui - même travaillé depuis longtemps
à faire des Pendules dont quelques- unes
ont été présentées en leur temps à l'Académie
Royale
758 MERCURE DE FRANCE
Royale des Sciences , et ont été trouvées trèsingénieuses.
Les Figures de cet Ouvrage ont été
dessinées avec attention et gravées avec propreté;
nous en parlerons plus en détail lorsqu'il sera
mis au jour.
ORDONNANCE DE LOUIS XV. Roy
de France et de Navarre , pour fixer la Jurispru
dence sur la nature , la forme , les charges et les
conditions des Donations ; donnée à Versailles
au mois de Février 173 1. avec des Observations
autorisées par les Ordonnances , le Droit Romain
et les Arrêts des Parlemens. Par Me Jean-
Baptiste Surgolle , Avocar au Parlement de Toulouse.
Premiere Partie , Questions remarquables
sur la matiere des Donations , avec plusieurs Arrêts
du Parlement deToulouse, pour servir de Supplément
aux Observations sur l'Ordonnance du
mois de Février 1731. par le même. Deuxième
et troisiéme Partie , in folio. A Toulouse , chez
Jean-François Forest , rue de la Porterie , à la
Couronne d'or.
La Bibliotheque des Théatres , qui paroît depuis
peu , est un Livre qui nous manquoit ; ces
sortes d'Ouvrages se perfectionnent de plus en
plus avec le temps ; voici une Observation qui
nous a été communiquée et qui pourra trouver
place dans une seconde Edition . Articles de Caton
, d'Artaxerce et du Parvenu. M. Deschamps
n'a point fait la Comédie du Parvenu , qui fut
jouée sur le Théatre Italien au mois de Février
1721. on la lui avoit déja attribuée dans l'Almanach
du Parnasse , où il négligea de faire recti .
fier cet Article.
La Tragédie d'Artaxerce fut lue à l'Assemblée
des
AVRIL. 1733. 759
des Comédiens François , au mois d'Octobre
1720. et reçûe avec applaudissement pour être
jouée au mois de Novembre 1721. mais apparemment
l'Auteur a cu des raisons particulieres
pour ne la pas donner , car elle n'a jamais été représentée.
On pourroit ajoûter à l'Article de Caton que
cette Tragédie , qui parut sur le Théatre François
en 1715. a été traduite en Vers Anglois par
M. Ozell , représentée à Londres , et que dès
1716. il y en avoit plusieurs Editions.
On peut aussi y ajoûter la Tragédie de Judith,
de l'Abbé Poncy de Neuville ; elle fut représentée
plusieurs fois à S. Cyr en 1726. Cette Piece
n'est point imprimée,
Troisiéme Feüille de la Carte Topographique
des Environs de Paris , de M. l'Abbé Delagrive ,
laquelle comprend le Parc et la Varenne S.Maur,
la Plaine de Creteil jusqu'à la Ville- neuve saint
George, le Château de Gros- Bois et ses Environs,
et la partie de la Brie , comprise entre Emery et
Servon ; se vend chez l'Auteur , Cloitre S. Benoît.
M.Adam, Curé de S. Thomas d'Evreux en Normandie
, qui travaille depuis long-temps à une
Histoire complette de l'Eglise d'Evreux , c'est - àdire
à une Histoire Ecclesiastique de la Ville Episcopale
et de tout le Diocèse , ce qui renferme les
Abbayes , Paroisses et Communautez Séculieres
et Régulieres qui s'y rencontrent, avertit les Personnes
, Maisons et Familles interessées , soit du
Pays dont on fait l'Histoire , soit étrangeres ,
que l'Ouyrage est fort avancé. Ceux qui voudront
bien lui fournir des Preuves , sur tout du
dehors , ou même Domestiques , c'est - à-dire
du
750 MERCURE DE FRANCE
que
du même Diocèse , ou qui voudront avoir quel-
Eclaircissement avec l'Auteur avant l'entiere
execution de l'Ouvrage qu'il prépare , sont priez
de les lui faite tenir en bonne forme , en 'affranchissant
, s'il leur plaît , leurs Lettres ou Paquets,
à l'adresse génerale du Mercure de France , ou
aux Libraires qui distribuent le Mercure à Paris.
L'Auteur ne manquera pas de marquer publiquement
sa reconnoissance aux personnes qui voudront
bien lui envoyer des Mémoires , er de faire
réponse à celles qui demanderont des Eclaircis
semens.
Le Catalogue des Livres de feu M. Huguet de
Semonville, Doyen du Parlement , se distribuë
chez Martin et Guerin , Libraires , ruë S. Jacques.
La vente de cette Bibliotheque se fera en détail
au commencement du mois de May prochain.
On apprend de la Haye , qu'Adrien Moetjens,
a mis en vente une seconde Edition des Observations
sur les Vers de Mer. Par M. Roussel ,
Membre de la Societé Royale des Sciences de
Berlin , augmentée de près de la moitié , l'Auteur
y ayant joint une Description des Digues et un
Examen des expédiens et remedes contre les Vers.
On trouve dans cette Edition trois Planches ,
dont une ajoûtéc , contient le Plan et le Profil
d'une Digue.
EXTRAIT d'une Lettre écrite de la
Rochelle , le 7. Mars 1733. sur une Operation
d'Agriculture.
Lin
'Amour que j'ai toûjours eu pour l'Agriculture,
m'ayant engagé il y a 5. à 6. ans à faire
dea recherches sur la maniere de provigner les
Arbres
AVRI L. I-33. 761
Arbres et les Arbrisseaux étrangers , je fis des
essais d'autant de manieres que j'en trouvai de
décrites , et de toutes celles que j'imaginai ; mais*
tout ce que je fis la premiere année répondit assez
mal à mon attente ; celle de M. Lignon ( qu'a décrite
M. de Vallemont , p . 406. ) me fit esperer
quelque réussite pour l'avenir. Dans cette esperance
, je la refis l'année suivante avec toute l'atténtion
dont je puis être capable , mais mes soins
furent presque tous infructueux , elle ne répondit
guere mieux à mes esperances que la premiere
année ; car par cette Méthode de 10. Sujets que
j'ai mis en experience , à peine m'n a - t'il réussi
deux ou trois , et qui le plus souvent sont morts /
Pannée suivante.
Après beaucoup de recherches , dont je craindrois
, Monsieur, que le long dêtail ne vous filt
ennuyeux,j'ai enfin été assez heureux pour réussir
à provigner par des boutures les Arbres et les
Arbrisseaux étrangers , ( chose tant souhaitée
par M. de Laquintinic ) puisque de dix boutures
souvent il n'en manque pas une par ma Méthode,
qui est entierement differente de celle de M. Lignon
, si l'on en excepte l'eau. J'ai actuellement
des Grenadiers nains , Citronniers et Jasmins
jaunes, odorés d'Inde , que j'ai provignés de boutu
re. Il est vrai qu'il y a un grand choix à faire
des branches qu'il faut prendre pour réussir
àtte multiplication . Le temps le plus convenable
est le mois d'Avril et de May , où il est facile
d'en transporter , en mettant les boutures
dans de la mousse fraiche et dans une boëte bien
fermée , comme on le pratique depuis long- temps
pour les Greffes des Arbres fruitiers qu'on transporte
d'une Province et même d'un Royaume
dans un autre.
Si
762 MERCURE DE FRANCE
Si vous jugez , Monsieur , que ce que je viens
d'avoir l'honneur de vous écrire puisse être utile
aux Amateurs de l'Agriculture , je vous serai
obligé si vous voulez bien en mettre un Extrait
dans votre Journal ; et si quelques Amateurs veulent
s'assurer de ce que j'ai écrit , ils n'auront
qu'à m'envoyer des morceaux des Arbrisseaux
qu'ils desireront provigner , et je me ferai un
vrai plaisir de les leur provigner avec les miens, et
de les leur renvoyer. Signé, Faneuil de la Croix.
Le 12. Mars 1733. M. l'Evêque de Vence fut
reçû dans l'Académie Françoise , à la place de
feu M. le Duc de Coaslin , Evêque de Metz. Il fit
un Discours de remerciement , auquel M. Danchet
, Chancelier de l'Académie , répondit , et ils
parlerent l'un et l'autre avec beaucoup d'éloquence.
L'Académie Françoise a fait sçavoir au Public
que le 25. jour d'Août prochain 1733. elle donñera
le Prix d'Eloquence , fondé par M. de Balzac.
Le sujet sera , De la moderation dans la dispute
; selon ces paroles de l'Ecriture Sainte : Responsio
mollis frangit iram. Cap. 15. vers. 1 .
Le même jour elle donnera le Prix de Poësie ,
fondé par M. de Clermont de Tonnerre. Le Sujet
sera: Les progrès de la Sculpture sous le Regne de
LOUIS LE GRAND. Celui qui remportera
le Prix de Prose de cette année 1733. recevra
deux Médailles d'or au lieu d'une , parce que l'Académie
n'a point encore donné le Prix de Prose
en 1731.
Le Mardi 14. d'Avril , l'Académie Royale des
Belles Lettres tint son Assemblée publique.
-
M.
A
1733• 763
M. le Cardinal de Polignac y présida. D'abord
M. de Boze , Secretaire perpetuel , fit la lecture
d'un Programme , dont voicy la teneur :
PRIX LITTERAIRE , fondé
dans l'Académie Royale des Inscriptions
et Belles - Lettres , par M. Durey de
Noinville , Maître des Requêtes Ordinaires
, Président au Grand- Conseil , et
Membre de cette Académie.
L'Aca
'Académie Royale des Inscriptions et Belles-
Lettres distribuera tous les ans, à commencer
à Pâques prochain , une Médaille d'or de la valeur
de quatre cent livres , à l'Auteur qui aura le
mieux traité le Sujet d'Histoire ou de Littérature
qu'elle aura indiqué.
Toutes personnes , de quelque Pays et condition
qu'elles soient , excepté celles qui composent
ladite Académie , seront admises à concourir
pour ce Prix , et leurs Ouvrages pourront être
écrits en François ou en Latin , à leur choix . Il
faudra seulement les borner à une heure de lecture
au plus .
Les Auteurs mettront simplement une Devise
à leurs Ouvrages ; mais pour se faire connoître
ils y joindront , dans un papier cacheté et écrit
de leur propre main , leur nom , demeure et qualitez
, et ce papier ne sera ouvert qu'après l'adju
dication du Prix.
Les Pieces affranchies de tous ports , seront
mises entre les mains du Secretaire de l'Académie
avant le premier Decembre de chaque année.
On déclarera dans l'Assemblée publique d'après
Pâques , la Piece qui aura remporté le Prix , et
G -ón

on y indiquera ensuite le Sujet que l'Académie
aura déterminé pour le concours de l'année suivante.
Celui que l'Académie donne à traiter cette
année est l'Etat des Sciences dans l'étenduë de la
Monarchie Françoise sous Charlemagne.
Après cette Lecture , M. de Boze ouvrit la
Séance par un très- bel Eloge de M. le Duc de
Coaflin , Evêque de Metz.
M. l'Abbé Gédoin lût ensuite l'Histoire de la
Vie et des Ouvrages de Phidias , celebre Statuaire
de la Grece , et Auteur de la Statue de Jupiter
Olympien , l'une des sept Merveilles du Monde.
M. de Foncemagne lût pour M. Bonami , une
Dissertation sur les differens Systêmes dès anciens
Philosophes , au sujet de la pluralité des
Mondes.
Et M. Freret termina la Séance , en lisant pour
M. Lancelot une Dissertation sur les Figures
qu'on croit être du temps de Charlemagne , qui
se voyent au Portail de l'Eglise de l'Abbaye de la
Magdelaine de Châteaudun , que cet Académieien
est allé examiner lui - même , et qu'il a fair
dessiner exactement sur les Lieux .
Le Mercredi 4. Mars , l'Académie Royale des
Sciences accorda la veterance à M. de Lagni ,
Pensionnaire Géometre.
Le Mercredi 11. pour remplir cette place vacante
, l'Académie élût pour les trois Sujets , dont
l'un , au choix du Roy , doit avoir cette Place ;
Mrs Pitot et Clairaux , Membres de la Compagnie
, et M. Fontaine , Externe .
Le Mercredi 18. le Comte de Maurepas , Ministre
d'Etat , fit part à la Compagnie du choix
de S M. en faveur de M. Pitot , qui par cette
élevation laisse vacante une Place d'Associé Méchanicien
AVRIL.
1733 765
Le Mardi
24. pour remplir cette derniere Place
d'Associé , l'Académie élût pour les deux Sujets,
dont l'un doit avoir cette place , au choix du
Roy , Mrs Camus et Clairaux , pour le Membre
de la Compagnie , attendu qu'ils avoient cû par
l'Election , égalité de voix , et M. Fontaine pour
Externe. Quelques jours après le Comte de Mau
repas écrivit à la Compagnie, que le Roi avoit
choisi Mrs Camus et Clairaux, pour remplir cette
seale place , et ordonna que la premiere place de
ce genre qui viendra à vacquer , ne sera point
remplie.
Le Mercredi 15. Avril , cette Académie tint
son Assemblée publique , à laquelle présida M.le
Cardinal de Polignac .
M. de Fontenelle ouvrit la Séance , en annon
çant que le Prix qui avoit été proposé par l'Académie
pour cette année 1733. sur la meilleure
maniere de mesurer en Mer le Sillage d'un Vaisseau
, ou le chemin qu'il parcourt , étoit adjugé à là
Piece , dont l'Auteur est M. le Marquis Poléni ,
Professeur de Mathématique à Padoue.
M. de Fontenelle lût ensuite l'Eloge de M. le
Chevalier de Louville , Pensionnaire Astronome,
mort dans le dernier Sémestre de 1732 .
Après cela M de Reaumur lût un Discours
qui doit être à la tête de son grand et curieux
Ouvrage de l'Histoire des Insectes.
M. Buache lût ensuite un Memoire de Géographie
, et M. Dufay finit la Séance par la lec
ture d'un Memoire sur l'Electricité des Corps.
Voici le Programme du Prix proposé par cette
Académie pour l'année 1733.
Feu M. Rouillé de Meflay , ancien Conseiller
iu Parlement de Paris , ayant conçu le noble
dessein de contribuer au progrès des Sciences , et
Gij
766 MERCURE DE FRANCE
44
à l'utilité que le Public en doit retirer , a legué à
l'Académie Royale des Sciences un fonds pour
deux Prix , qui seront distribuez à ceux , qui au
jugement de cette Compagnie , auront le mieux
réussi sur deux differentes sortes de Sujets , qu'il
a indiquez dans son Testament , et dont il a donné
des exemples.
Les Sujets du premier Prix regardent le Sistê
me general du Monde,et l'Astronomie Physique .
Ce Prix devroit être de 2000. livres , aux termes
du Testament , et se distribuer tous les ans.
Mais la diminution des Rentes a obligé de ne le
donner que tous les deux ans , afin de le rendre
plus considerable , et il sera de 2500. livres.
Les Sujets du second Prix regardent la Navigation
et le Commerce.
Il ne se donnera que tous les deux ans , et sera
'de 2000 . livres.
L'Académie se conformant aux vûës et aux
intentions du Testateur , propose pour Sujet du
second Prix qui tombe dans l'année 1735 .
Quelle doit être la meilleure construction des Anres
, tant par rapport à leur figure qu'à la maniere
de les forger , et quelle est la meilleure maniere de
les éprouver.
Les Sçavans de toutes les Nations sont invitez
à travailler sur ces Sujets , et même les Associez,
Etrangers de l'Académie. Elle s'est fait la Loi
d'exclure les Académiciens regnicoles de prétendre
aux Prix .
Ceux qui composeront sont invitez à écrire en
François ou en Latin , mais sans aucune obligation.
Ils pourront écrire en telle Langue qu'ils
voudront , et l'Académie fera traduire leurs Ou
vrages .
On les prie que leurs Ecrits soient fort lisibles,
sue
AVRIL: 1733 . 767

sur- tout quand il y aura des Calculs d'Algebre
Ils ne mettront point leur nom à leurs Ouvrages
, mais seulement une Sentence ou Devise . Ils
pourront, s'ils veulent , attacher à leur Ecrit unBil.
let séparé et cacheté par eux ,où seront avec cette
même Sentence , leur nom , leurs qualitez et leur
adresse , et ce Billet ne sera ouvert par l'Acadé
mie , qu'en cas que la Piece ait remporté le Prix.
Ceux qui travailleront pour le Prix , adresseront
leurs Ouvrages à Paris , au Secretaire perpetuel
de l'Académie , ou les lui feront remettre entre
les mains. Dans ce second cas le Secretaire en
donnera en même- temps à celui qui les lui aura
remis, son Recepissé , où sera marquée la Sentence
de l'Ouvrage et son numero , selon l'ordre ou
le temps dans lequel il aura été reçû .
Les Ouvrages ne seront reçûs que jusqu'au premier
Septembre 1734. exclusivement.
L'Académie à son Assemblée publique d'après
Pâques 1735. proclamera la Piece qui aura rem
porté ce Prix.
S'il y a un Recepissé du Secretaire pour la Piece
qui aura remporté le Prix , le Trésorier de l'Académie
délivrera la somme du Prix à celui qui
lui rapportera ce Recepissé. Il n'y aura à cela
nulle autre formalité .
S'il n'y a pas de Recepissé du Secretaire , le
Trésorier ne délivrera le Prix qu'à l'Auteur même
, qui se fera connoître , ou au Porteur d'une
Procuration de sa part.
Le 13. Mars , le Pere Porée , l'un des Professturs
de Réthorique au College de Louis le Grand,
prononça avec beaucoup d'éloquence un Discours
Latin , dans lequel il examina si le Théatre
est , ou peut être une Ecole propre à former les
Gij moeurs
768 MERCURE DE FRANCE
moeurs. L'Assemblée étoit composée des Cardi →
naux de Polignac et de Bissy , du Nonce du Pape
, de plusieurs Prélats et d'un grand nombre
personnes de distinction . Nous donnerons le
mois prochain un Extrait de cette Piece d'Elaquence.
de
·
Le 14. Février , M. l'Abbé Souchay , de l'Académie
des Belles - Lettres , fut installé Professeur
d'Eloquence au College Royal , et prononça
à cette occasion dans le même College un Discours
Latin , en présence d'un Auditoire nombreux
et choisi ; il s'étoit proposé sur tout de
montrer en quoi la lecture de Ciceron peut
contribuer à l'Eloquence Françoise.
Dans la premiere Partie , après avoir établi la
nécessité des modeles dans tous les Arts , et par
conséquent et à plus forte raison , dans l'Art Ora
toire , il prouva par le caractere des Orateurs anciens
et modernes , que Ciceron est de tous les
Orateurs celui qui peut le plus contribuer à notre
Eloquence , parce qu'il a excellé dans tous les
genres , et que sa maniere s'accorde parfaitement
avec notre génie.
qui
M. l'Abbé Souchay commença sa seconde Partie
par un Tableau de l'Eloquence de Ciceron.
C'est l'Orateur le plus touchant qui ait jamais
été , qui ait le mieux observé les bienséances ,
ait répandu dans ses compositions plus d'agrémens
naturels ; et jamais Ecrivain ne fut plus éloquent.
C'est par l'application de ces differens
traits au caractere de la Nation , que M. l'Abbé
Souchay établit en quoi Ciceron peut contribuer
à notre Eloquence. Nous aimons , être touchez ;
nous sommes frappez de la nécessité des bienséances
, nous sommes ravis de les avoir obser-
γεις ;
AVRIL. 1733 769
vées ; les pensées ingénieuses nous plaisent ; mais
nous voulons qu'elles soient naturelles . L'élocu
tion de Ciceron peut mieux servir à former la
nôtre . Elle nous apprendra à éviter les Métapho
res ou trop hardies ou trop recherchées , et à
mettre dans nos Discours ce nombre qui doit
flatter l'oreille pour aller au coeur. Quel modele
plus convenable pour nous , conclut M. l'Abbé
Souchay , mais sur tout aujourd'hui que la plupart
semblent donner la préference aux Plines et
aux Pacats sur Ciceron même , et se picquer de
dire tout avec esprit , et de ne parler , pour ainsi
dire , que par Enigmes,
L'Académie de Chirurgie , établie à Paris sous
la protection du Roy , propose pour Sujet du
Prix de l'année 1733. la Question suivante :
Quels sont , selon les differens cas , les avantages es
les inconveniens de l'usage des Tentes et autres Dilatans.
Les Ouvrages pour le concours seront remis
ou adressez francs de port , à M. Morand, Secretaire
de l'Académie , et ne seront reçûs que jusques
au dernier jour de l'année 1733 .
Le meilleur Memoire sur la Question propo
sée , sera couronné par le Prix , qui consistera en
une Médaille d'or de la valeur de 200. livres .
Le R. P. Claude- Edme Boursault , Superieur
des Théatins , Prédicateur ordinaire du Roy,
mourut le 13. Mars , dans la 63. année de son
âge , étant né à Paris en 1670. de N. Boursault
fort connu par ses Ouvrages et par son mérite ,
lequel prit lui - même les prémiers soins de l'éducation
de son fils , ayant reconnu en lui un beau
maturel , et un fonds digne d'être cultivé. Ce Pere
Gi éclairé
770 MERCURE DE FRANCE
éclairé exerçoit sur tout la mémoire de son Err
fant , qu'il avoit dès lors des plus heureuses , en
lui faisant apprendre par coeur tout ce qu'il y
avoit de plus amusant dans ses Ouvrages , et des
lâge de six à sept ans il avoit l'honneur de déclamer
avec beaucoup de grace , des Vers à la
louange de Louis XIV. en présence de ce grand
Prince , se trouvant à son lever avec son Pere ,
ce qui lui attiroit les bontez du Roy et les caresses
de toute la Cour.
Il fit ensuite ses Etudes au College des Jesuites ,
se distinguant sur tout dans la Réthorique , qu'il
apprit sous le P. le Jay , lequel l'a toujours regardé
comme l'un de ses Disciples qui lui ont
fait le plus d'honneur .
A l'âge de 15 ans il entra dans la Congrégation
des Théatins , où il fit profession une année
après. Il étudia en Philosopie et en Théolo
gie sous le P. Caffaro , avec un succès qui commença
sa réputation.
Dès qu'il eut reçû le Diaconat , il commença
à prêcher , et il fit voir un des plus beaux talens
qui eût parû depuis long- temps pour la Chaire .
Un exterieur majestueux et édifiant , un esprit
sublime et solide , une imagination noble et brilkante
, une éloquence naturelle , en sorte qu'on
peut dire qu'il traitoit la vertu et la sagesse avec
magnificence. Pour être le premier Prédicateur
de son siecle , il ne lui manquoit que de la santé;
la sienne étoit fort foible et souvent attaquée de
diverses infirmitez qui le tenoient presque toujours
dans un état de langueur. Il a prêché devant
le Roy , avec beaucoup de succès , les Avents
de 1716. et de 1732. et le Carême de 1720. Il a
prêché d'ailleurs plusieurs Sermons détachez , er
des Panégyriques , pour lesquels il avoit un talent
particulier, En
AVRIL. 1733. 772
En l'année 1713. le P. Boursault fit le voyage
d'Angleterre avec le Duc d'Aumont , Ambassadeur
de France , qui l'y avoit engagé, Il s'attira
la consideration et l'estime de tous les Seigneurs
Anglois , et celle des Ministres des Cours Etrangeres.
Il cût sur tout une liaison tres- étroite
avec leMarquis deMonteleon , Ambassadeur d'Es
pagne , qui l'honora d'une amitié particuliere.
Il a été deux fois Supérieur de la Maison des
Théatins de Paris , laquelle a tout lieu de le regreter
, à cause de ses lumieres , de la douceur de
son caractere, de sa modestie et de son crédit.
La Cour et la Ville ont pris part à sa derniere
maladie et à sa mort , à l'exeinple du Roy et de
la Reine , qui ont bien voulu honorer sa mémoire
de leurs regrets . La seule et la plus solide
consolation qui reste à tous ceux qui ont connu
particulierement le P. Boursault , c'est la maniere
toute Religieuse et édifiante avec laquelle il
a profité de ses infirmitez pendant sa vie et à sa
mort.
La conformité du sujet nous engage à proffter
de cette occasion pour réparer une omission
faite sur la mort du R. P. George- Thomas de
Jinville , Dominiquain du Convent de la ruë
S. Jacques , arrivée le 24 Février dernier , dans la
93e année de son âge , étant né à Toul , au mois
de Février 1640. Ce Religieux , après avoir enseigné
et prêché avec succès , après avoir rempli
avec applaudissement toutes les Charges de son
Ordre , s'est particulierement distingué par une
rare piété, par le talent de la direction, et en particulier
par celui de sçavoir ramener et conduire
les personnes les plus égarées des voies du
salut. Le Seigneur avoit joint à ces dons estimables
, celui d'une santé , qui n'a presque jamais
GY été
772 MERCURE DE FRANCE.
été altérée , ayant conservé jusqu'à la fin une
prodigieuse mémoire , une présence d'esprit admirable
, et la facilité d'étudier et de lire , sans
aucun des secours ordinaires .
Il paroît depuis peu , chez la veuve Chereau
rue S. Jacques , aux deux Pilliers d'or ; et chez
Surrugues , Graveur du Roy , rue des Noyers ,
une Estampe nouvellement gravée d'après un
des plus beaux Tableaux de fen Watteau , Peintre
Flamand , de l'Academie Royale de Peinture
et de Sculpture. Le Sujet aussi galand qu'allégorique
, represente l'Embarquement des Pellerins
pour l'Isle de Cithere . Le Tableau original est
d'une grande composition et d'un effet charmant
; il est dans le Cabinet de M. de Jullienne,
lequel continue depuis plus de douze années à
faire graver tous les Ouvrages de ce gracieux
Peintre , nous pouvons assurer que celui - cy est
un de ceux qui fait le plus de plaisir. Il est tresheureusement
gravé par le sieur Tardieu , grande
Estampe en largeur.
Il paroît aussi une nouvelle Estampe en large ;
gravée par le sieur L. Desplaces , d'après un Tableau
du Parmesan , représentant Venus et l'Amour.
Elle se vend chez l'Auteur , ruë de la Jussienne.
Il paroît encore depuis peu deux fort belles
Estampes en large , qui ont un fort grand débit ,
chez le sieur Odieuvre , Marchand d'Estampes
sur le Quay de l'Ecole , vis -à - vis la Samaritaine
. Les Sujets sont la Naissance et la Mort dAdonis
tres- bien gravez , par le S Aubert , d'après
deux Tableaux originaux de M. Boucher ,
dont le Pinceau et le Dessein répondent à la
beauté de la composition.
r
L'Estam
AVRIL. 1733. 773
L'Estampe de la Dille Sallé , dont on a parlé
dans le dernier Mercure , pag. 54. a tres-bien
réussi , et fait tres - grand plaisir aux Curieux .
Cette admirable Danseuse est representée dansant
au son de quatre Instrumens , et suivie do
trois autres Danseuses , dans un beau Païsage
orné d'un riche morceau d'Architecture. Cette
Planche , qui fait directement pendant à celle de
la Dile Camargo, est tres - bien gravée par le sieur
Delarmessin , d'après l'original , peint par le sieur
Lancret , Peintre distingué de l'Académie. On
lit ces Vers au bas :
Maîtresse de cet Art , que guide l'Harmonie ,
Je peins les passions , j'exprime la gayeté ;
Je joints des pas brillans , au feu de mon génie ,
Les Graces , la Justesse et la Légereté ,
Sans offenser l'aimable modestie ,
Qui de mon sexe augmente la beauté.
Cette Estampe se vend chez le sieur Lancrer
à l'entrée du Quay de la Ferraille , à la Croix de
Perles ; chez N. Delarmessin , ruë du Platre ; et
chez la veuve Chereau , ruë S Jacques.
Le sieur Garnier , Serrurier, Entrepreneur dans
les Bâtimens du Roy, a attiré dans son Attellier,
à l'entrée de la Cour des Princes du Château des
Thuilleries, un tres -grand concours de Curieux et
de gens de distinction de la Cour et de la Ville,
ainsi que les Entrepreneurs et Architheques des
Bâtimens de S. M. pour voir une magnifique
Grille , ordonnée par le Roy de Portugal , sous
la direction de M. Mendés de Goisse , et exécutée
par ledit sieur Garnier , dont tout le monde
a paru tres- satisfait.
6. vj
Ce
774 MERCURE DE FRANCE
Ce bel Ouvrage de Serrurerie doit être posé
dans l'Eglise des Capucins de Mafre , de fondation
Royale , à six lieuës de Lisbonne , et servir
de clôture au Choeur de cette Eglise , où est la
Sépulture des Rois de Portugal.
Ce grand Ouvrage , qui fut commencé au
mois de Juin 1730. et fini au mois de Mars
1733. sera incessamment embarqué sur la Seine
, jusqu'au Havre de Grace , et de là transporté
à Lisbonne.
La Grille a 15 pieds de hauteur , compris la
Corniche , et le Socle d'en bas et de pourtour
54 pieds , compris les Pans coupez et retour.
Elle est composée de 16 Panneaux , compris
les petits des côtez , et de 14 Pilastres . Au inilieu
est une Porte , à deux Vanteaux , portant
13 pieds de haut , sur 6 de large.
Les Panneaux sont composez de 6 Balustres
par en bas, qui sont garnis de 2 Consolles coudées
, avec deux Roulleaux carrez par en bas ,
qui forment leurs bases , portant des queues de
poireaux , avec leurs ovalles entretoisez , er arriere
corps , garnis d'ornemens en bronze , fleurons
, agraphes , feuilles d'eau , rosette et des
Liens à cordons.
Au dessus des Panneaux d'en - bas est une
traverse double où est incrutée une Frise en cuivre
, ornée de feuilles de Lauriers et autres.
2
Au-dessus de cette traverse il y a 7 Barreaux,
et demi Barreaux qui forment les panneaux
du haut. Ces barreaux sont cannelés sur :
fasses , depuis le haut de la Corniche jusques sur
la traverse, où est la Frise, à 9 pieds de hauteur,
bien ajustée et profilée , tout d'égale grosseur ,
tres- bien finis et poussez au rabot et autres ouails
faits exprès,
Chaque
AVRIL: 1733. 779
Chaque barreau est monté sur 2 consolles ,
avant -corées avec leurs bases, garnies d'ornemens
de bronze , fleurons , agraphes , ovalles et feüilles
de revers.
Le haut des Barreaux est aussi garni de Consolles
sous la barre du Linteau , avec leurs bases
et avant corps , ornez de liens à cordon , agraffes
, fleurons , et feuilles de refend .
Ces Pilastres , sur quoi la Corniche est posée
ont 8 pouces de large,et sont ornez de leurs Socles
et Baze , avec une Cimaise vis-à- vis la Frise,
et un Chapiteau au - dessus ; le tout tres-bien assemblé
avec la Corniche , où lon voit des or
nemens de bronze , têtes de Cherubins , Astragalle
, grandes palmettes, coquilles et des Cadres
par en haut et par bas , avec des moulures et des
guirlandes de feuilles de Lauriers et Rosettes , le
tout à double face . En bas est un Socle , qui fait
le pourtour à deux faces , garni de moulure en
bronze.
La Corniche d'un pied de hauteur , et de deux
de largeur , à double face , faisant le pourtour
des Pans coupez et retour de la grille , avec saut
et ressaut et onglet bien assemblé , avec moulures,
congez et carderons , ornez de bronzé , Une
bordure profilée , avec moulures carrées , et carderons
regne sur la face d'en bas de cette bordure
, garnie de 200 fleurons , ainsi qu'au dessous
de la même corniche , garnie de feuilles de
revers et de refends , dans le pourtour de la
grille ,
, pans coupez et ressauts.
Sur la Corniche sont posez à l'aplomb des
Pilastres , 8 Chandeliers triangulaires, de 6 pieds
de haut , avec leurs bassins de fer, recouverts en
cuivre , et ornez de plusieurs Aeurons et têtes de
Cherubins , &c .
La
776 MERCURE DE FRANCE
La Serture de la porte , sa garniture et la Clef
en acier cizelé, ont fait l'admiration de plusieurs
personnes de goût ; le canon tournant de la clef
est canelé en trefle , limé et poli dans la plus
grande perfection ; l'anneau est formé par deux
cornes d'abondance , et la Couronne de Portugal
au-dessus ; dans le Paneton on voit d'autres attributs
de l'Ecusson de S. M. Portugaise.
AIR A BOIRE.
Portez vos cimes dans les Cieux ,
Fendez la nue à votre honte ,
Cedres et Pins audacieux ,
Un bois tortu rempant , vous passe , vous surmonte.
Bien mieux que vous il charme les regards ,
La Vigne est pour Hebé la corne d'abone
dance ,
Espoir plus doux pour les Vieillards ,
C'est la Fontaine de Jouvence.


Air de M
Portes vos Cimes &
Nu. e a vôtre
ho
crux,
Vn bows tor ... ti
Gayement
..mon ....te Bien mieu
+
1 *

TH


AVRIL. 1733- 777
t
V
SPECTACLES.
Oici le Discours que le sieur du
Fresne prononça le 21. du mois
dernier.
MESSIEURS ,
Si en fermant le Théatre , l'usage de vous
remercier de vos bontés , n'étoit pas un usage
reçû depuis long- tems , il faudroit qu'il s'établit
de lui- même cette année , puisque nous
n'en sçaurions rappeller une où vous ayés
marqué plus de goût pour notre Spectacle
et plus d'indulgence pour les Acteurs.
,
L
Il est vrai , MESSIEURS , que votre
curiosité a dû être piquée par les productions
de deux Auteurs , qui également jaloux de
Phonneur de vous plaire , se sont présentez.
successivement sur la Scene tragique , concours
qui ne s'y étoit point rencontré depuis
nombre d'années , surtout avec le même fuccès.
Vous avez rendu , MESSIEURS , une
justice égale à deux mérites différens.
Dans la Tragédie de Zaïre , vous avez
applandi à cette simplicité de fonds d'om
l'Auteur
778 MERCURE DE FRANCE
l'Auteur a sçûtirer ces mouvemens attendrissans
, et donner aux paffions ce choc , et
cette étenduë de jeux si nécessaires dans le
Dramatique. Dans Gustave Vous avez
loné la préparation des incidens , la clarté
de leur développement , le respect des régles ,
la convenance des interêts , et la précision
des détails.
Le genre comique n'a pas été moins heureux.
Combien Auteur du Complaisant
a-t-il dû être flaté des applaudissemens
que
vous avez donnez à l'ingénieux arrangement
des Scenes de fa Piéce où il a sçû d'un Caractere
mitoyen faire un Caractere isolé , et
où le ton du monde , et la pureté du langage
se font remarquer d'un bout à l'autre , tant
dans la noblesse du Dialogue , que dans la
justesse des expressions.
Ce baut comique que vous avez jugé ;
MESSIEURS , le plus digne de vos suffrages
, et de vos louanges , mérite que vous
le mainteniés inviolablement sar la Scene.
Oserions - nous sur ce fondement vous annoncer
pour l'ouverture du Théatre. La Comédie
du Paresseux , que l'Auteur semble
avoir travaillée dans cet esprit , que nous
avons reçuë de même , mais dont nous ne
vous parlons que pour vous rendre compte
son intention et de la nôtre ; toutes deux éga
lement subordonnées à vos lumieres et à vos
de
Juge
AVRIL. 1733. 779
MES
jugemens : Puissions- nous toujours ,
SIEURS , les réunir l'un et l'autre en notre
faveur , rouvrir la Scene aussi glorieusement
que nous la fermons , et la fermer l'année
prochaine, en vous rendant graces comme
aujourd'hui.

Le Théatre François vient de faire une
grande perte en la personne du sieur Quinault
l'aîné , qui s'est retiré dans un âge
encore assez peu avancé , au grand regret
des amateurs de la bonne Comédie. Son
principal emploi dans ces derniers tems
étoit de jouer les Amoureux Comiques ,
en quoi il excelloit.
La Dlle Labat a aussi demandé à se retirer
, quoiqu'elle soit encore fort jeune.
Elle joüoit également bien et avec beaucoup
de noblesse , les Amoureuses Tragiques
et Comiques , avec une figure
agréable , & beaucoup d'agrémens dans
sa personne ; elle dansoit admirablement ,
et avoit l'art de se parer avec beaucoup
de goût selon les divers Caracteres qu'elle
représentoit.
25
Le Samedi de ce mois , le S' Fleury-
Liard , Acteur nouveau , qui a été dans
les Provinces , joüa ici pour la premiere
fois le Rôle d'Achilles , dans la Tragédie
d'Iphi
780 MERCURE DE FRANCE
d'Iphigenie , et il fut fort applaudi
,
ainsi
que
y
dans celui du Comte d'Essex
qu'il joua le surlendemain . C'est un jeune
homme fort bien fait.
LE COMPLAISANT , Comédie en
cing Actes , représentée sur le Théatre
François en Fanvier 1732 .
ACTEURS.
M. Orgon , mari de Me Orgon , le sieur
Duchemin.
Me Orgon , femme de M. Orgon , la
Dlle Quinault.
Angélique , fille de M. et de Me Orgon ,
la Dlle Gaussin,
Cléante, frere de M. Orgon , M. du Brežil.
Argant , cousin de M. Orgon , le sieur
1 Damis
Eraste ..
Peisson.
Amans d'Angélique , les sieurs
Montmesnil et Grandval.
Le Marquis , ami de Damis , le sieur
Dufresne.
Lisette , Suivante d'Angélique , la Dile
Dangeville.
La Scene eft dans la maison de M. Orgon ,
L'élégance qui régne dans toute cette
Piéce , fait un honneur infini à la plume
de l'Auteur anonyme , qui , à ce
qu'on
л VRT L. 1733. 781
qu'on a dit d'abord , en a voulu faire présent
au Théatre François. On assûre que
c'est son premier Ouvrage , auquel cas
il est à souhaitter que ce ne soit pas son
dernier. Comme l'ingénieux inconnu à
qui nous devons cet admirable coup d'essai
, ne s'est attaché qu'à bien traiter tous
ses Caracteres , et surtout celui qui donne
le titre à sa Piéce ; il a négligé ce
qu'on appelle intrigue ; on pourra juger
par ce court argument de ce qui constitue
l'action théatrale.
M. Orgon a un procès à faire juger , et
une fille à marier ; Mad. Orgon , sa femme
, se met très peu en peine du procès
de son mari , et ne s'occupe que du choix
d'un Gendre dont l'humeur convienne à
la sienne ; Damis lui paroît tel , parce
qu'il est le plus complaisant de tous les
hommes ; M. Orgon s'accorde pour la
premiere fois avec elle , et panche du
côté de Damis , grace à cette même complaisance
qui a gagné le coeur de sa femme.
Eraste , dont le Caractere est noble
et sincere , s'est acquis l'estime d'Angélique
c'est le nom de la Fille que M. et
Me Orgon conviennent qu'il faut donher
à Damis, ) mais cette estime n'empê
che pas qu'elle ne préfére l'agrément exterieur
de l'un de ses deux Amans au mérite
782 MERCURE DE FRANCE
rite solide de l'autre. Cette préférence
n'est pourtant pas si déclarée , qu'elle
ôte aux Spectateurs l'espérance de voir
revenir Angélique de l'agrément au solide
, et c'est là tout ce qui constituë le
noeud de la Piéce ; en voici le dénoiiment :
le vice est puni , et la vertu est récompensée
; la complaisance outrée de Damis
fait qu'il manque de parole à Orgon , à
que ce manque de parole lui fait perdre
le procès ; elle irrite Mad. Argante , parce
que Damis , pour complaire à son
mari , a congedié des Musiciens qu'elle
avoit mandés pour un Divertissement de
sa façon ; elle le détruit enfin dans le
coeur d'Angélique , par une espéce d'infidelité
qu'elle lui a fait commettre envers
elle. Pour achever le dénouement ,
Eraste qui s'étoit déja emparé de l'estime
d'Angélique par la noblesse de ses procédés
, lui inspire une tendre reconnoissance
par la generosité avec laquelle il
paye secretement cinquante mille écus
somme à laquelle M. Orgon vient d'être
condamné par corps en perdant son
procès.
On voit par ce petit argument que la
Piéce , quoiqu'elle soit en cinq Actes ,
n'est pas beaucoup chargée d'action , mais
en récompense le Caractere dominant y
est
AVRIL. 1733 78;
est soutenu du commencement à la fin.
On auroit souhaité que ce Caractere fût
un peu plus mis en oeuvre , et qu'il se
développât plutôt par des actions que
par des conversations ; ce défaut n'est.
que trop commun dans les Piéces modernes
; on y parle beaucoup plus qu'on n'y
agit , comme si l'on ignoroit que l'action
est l'ame de la Comédie et de la Tragédie.
On auroit voulu surtout qu'immédiatement
après que Damis a promis
à M. Orgon de faire différer le jugement
de son procès , ce même Damis eut été
prié par Mad. Orgon de le faire avancer,
et qu'il eut manqué à sa parole par complaisance
, ou, pour mieux dire , il auroit
encore mieux valu que l'Auteur lui eut
sauvé une perfidie , qui fait un crime de
ce qui ne devoit être qu'un ridicule .
A ce Caractere dominant , on en joint
d'autres purement accessoires , où l'Auteur
a fait voir qu'il est excellent Peintre,
tant qu'il ne faut employer d'autre pinceau
que sa plume ; on lui reproche même
comme un défaut, une éloquence dont
bien d'autres tireroient vanité ; il a tant
d'esprit qu'il ne peut s'empêcher d'en
donner à tous ses personnages . Voilà ce
qu'on a presque generalement observé
dans la Comédie du Complaisant ; il ne
nous
484 MERCURE DE FRANCE.
nous reste plus , pour la satisfaction de
nos Lecteurs , qu'à donner quelques traits
de la maniere d'écrire de l'Auteur , qui
pourroit servir de modele aux Orateurs
les plus élégans , et qui n'a que le malheur
de n'être pas bien en sa place.
Nous ne citerons que ce qui concerne
le caractere dominant. Voici comment
Cléante , frere de M. Orgon , le'définit dans
le premier Acte. Damis rassemble les qualitez
les plus contraires , il en a du moins
les apparences. Sans caractere , sans humeur
, il se livre aux impressions étrangeres ;
il prend chez les autres sa tristesse et sa
joye ; elles s'emparent de son visage sans
passer dans son coeur; toutes les opinions ,
sous les sistêmes lui plaisent également ; il
les adopte , il les abandonne , il les réfute
il les soutient ; la vrai-semblance qui le
séduit , Paide encore à tromper les autres.
tout paroît probable à ses yeux , tout devient
probable dans sa bouche . Il ne pense point ;
il ne sent point , tout son talent est d'exprimer
avec facilité des sentimens et des
pensées. Son esprit , chargé des idées d'antrui
, ne sçauroit en produire aucune ; si
quelquefois il a le courage de juger par luimême
, la plus foible contradiction le rebute
et l'effraye bien- tôt il assujettit ce
qu'il pense au désir de plaire ; bien- tôt même
AVRI L. 1733. 781
ne il oublie ce qu'il a pensé. Sa conduite
n'est pas moins inégale ; son gout , son inclination
, ses moeurs , sont soumis aux caprices
de ceux qui l'environnent. Esclave de
La Societé, le même excès de complaisance qui
dicte ses paroles , dirige aussi ses démarches.
Voici comme Damis se définit lui- même
, parlant à Cléante , qui veut lui faire
sentir les inconvéniens qui peuvent naître
d'un excès de complaisance.
Mon Sistême , puisqu'enfin vous m'ordonnez
d'en avoir un , n'est pas de m'assujettir
à ces regles arbitraires qu'on n'ose
jamais perdre de vie , à ces loix importunes
et rigoureuses qu'on impose souvent
sans necessité , et que vous appellez des
principes. Leur effet ordinaire est de contrarier
les idées d'autrui , sans rectifier les nôtres.
Pour vivre avec tout le monde , il faut
se persuader, si l'on peut, que tout le monde
a raison ; à force de le souhaiter on s'accous
tume à le croire.
de mau-
Et comme Cléante le soupçonne de
mauvaise foi , il ajoûte : Ne cherchez point
à m'allarmer par un odieux soupçon
vaise foi; on n'est point faux , quand on
ne veut point l'être. Peu jaloux de ce que
je pense peu attaché à ce que je veux
ma facilité naturelle me fait entrer avecplai
sir dans les mouvemens qu'on veut m'inspirer
786 MERCURE DE FRANCE
pirer; une prévention toujours favorable
et toujours sincere , me peint les objets sous
les couleurs les plus heureuses. Je voi les
hommes tels qu'ils veulent me paroître ; je
ne m'attacke point à sonder les replis de leurs
coeurs ; indulgent pour leurs travers , admirateur
de leurs bonnes qualitez , je cherche
moins à démêler leurs vices , qu'à profiter
de leurs vertus .
Cléante lui faisant un dernier reproche
sur son caractere , qui du moins ,
dit-il , le fait tomber dans la flatterie ,
deffaut dont tout le monde doit rougir,
il lui répond : deffaut dont personne ne doit
m'accuser. Un flatteur est sans cesse occupé
de vues interessées , et la honte d'une adulation
servile le touche beaucoup moins que
les avantages personnels qu'il en tire. Pour
moi , sans former de projets , sans exiger de
reconnoissance , j'apporte dans la Societé des
dispositions d'autant plus commodes , que
chacun y peut trouver son compte , sans qu'il
m'en coûte rien . En un mot , voici toute ma
Philosophie , et je me sçais bon gré d'en être
redevable à la Nature plutôt qu'à la refle
xion; j'écoute volentiers , j'approuve aisé
ment , je ne contredis jamais , et pour peu
que la conversation durât , je pourrois bien
prendre votre avis contre moi-même ; peutétre
l'aurois -je déjafait , si vous m'aviez atraqué
moins vivement. Le
A VRL I. 1733. 787
Le Lecteur doit convenir qu'il faut avoir
bien de l'éloquence pour soutenir si bien
une si mauvaise cause. Au reste l'Auteur
n'est pas moins élegant qu'éloquent ; on
peut même dire qu'il est un peu trop exact
dans le choix des termes , et qu'il n'est
pas dans la nature que des conversations
ordinaires ressemblent à des discours étudiez
avec un art aussi continu que cellescy
le paroissent ; aussi tout le monde est-il
convenu que l'Auteur de cette Comédie
est encore plus Orateur qu'Auteur ; il
faut pourtant lui rendre justice sur cette
derniere qualité. Sa Piece , quoiqu'un peu
vuide d'action, ne laisse pas d'être ornée de
ce qu'on appelle jeu de Théatre ; il y en
a- un entre autres dans le quatrième Acte
, qui soutenu de la vivacité du sieur
et de la Dile Quinault , a fait un plaisir
infini , on peut même dire que c'est quelque
chose de plus qu'un jeu de Théatre :
puisqu'il produit un coup de Théatre ;
Voici de quoi il s'agit . M. Orgon ayant
annoncé à Damis la perte de son Procès
, ce dernier en est si penetré , qu'on
croiroit que c'est lui - même qui vient d'ê
tre condamné par corps à payer les cinquante
mille écus dont il s'agit. M. Or
gon va chercher son frere pour le convaincre
de la sensibilité de son gendre
H futur
788 MERCURE DE FRANCE
futur, Mad. Orgon arrive bien- tôt après,
et fait part à Damis d'un Divertissement
qu'elle a fait. Damis s'y prête si bien.
par complaisance , qu'il chante et danse
avec elle , aussi gayement , qu'il vient
de s'affliger tristement avec M. Orgon,
Ce dernier survient avec son frere , et
trouve son Héraclite métamorphosé en
Démocrite . Damis se tire d'affaire comme
il peut , et lui dit que de peur de
succomber à sa douleur , il cherche à
s'égayer.
Il s'en faut bien que le cinquiéme Acte
ait répondu au quatrième. De tous les
motifs qui font punir le Complaisant ,
il n'y en a qu'un de vrai , et qui va jusqu'à
la trahison ; c'est d'avoir , par complaisance
pour Mad. Orgon , acceleré le
jugement d'un procès qu'il avoit promis
à M. Orgon de faire differer. L'infidelité
prétendue dont Angelique l'assure , ne
mérite aucune punition , non-plus que le
soin qu'il a pris de renvoyer les Musiciens
de Mad. Orgon : or tout ce qui
autorise le dénoûment , c'est la generosité
d'Eraste qui a payé les cinquante mille
mille écus ausquels M. Orgon étoit condamné
par corps ; ainsi c'est plutôt la
vertu recompensée , que le vice puni ,
qui termine cette Piece.
Le
AVRIL
1733. 789
Elle paroît très - bien imprimée chez le
Breton, Quay des Augustins , et a un fort
grand debit.
La Tragédie de Gustave , qu'on a reprise
à l'ouverture du Théatre , reçoit les mémes
applaudissemens , et fait autant de
plaisir qu'avant qu'on en eut cessé les ; ›
Représentations.Cette
Piéce paroît impri
mée , chez le Breton , fils , Quai des An
gustins , in 8. de 8. pages. On peut dire
que l'impression
répond à la beauté du
Po me , dont la lecture fait beaucoup de
plaisir . Le prix est de 30 sols.
< Le 13. Avril , les Comédiens Italiens
firent l'ouverture de leur Théatre par la
Tragi- Comédie de Simson. Le sicur Ric
coboni prononça, une Ode qui tint lieu ,
du Compliment qu'on fait toutes les années
à parcil jour , laquelle fut fort applaudie.
La voici .
O DE.
શું
Toi , qui de nos' Jeux est le guide , from
aux , q
Juge aimable de nos travaux
MOR ..
Toi , dont le seul Arrêt décide ,
Du prix des Ouvrages nouveaux ;
Dieu du Goût , qu'Apollon revére
Tu ne sçais point d'un ton severe it d'un ton severe side com
Condamner avec dureté 2007
Hij
Mais
3
790 MERCURE DE FRANCE
Mais flatté d'une noble audace ,
Au défaut tu sçais faire grace ,
S'il est suivi d'une beauté.

C'est toi , Dieu puissant , que j'implore ;
Daigne m'accorder ton appui ,
Conduits mes pas , tremblans encore
Loin de nous écarte l'Ennui.
C'est l'ennemi que je redoute ;
Cent fois il traverse ma route ,
Quand je te cherche en mes transports
Il est le fléau du Théatre ,
Et , même en un sujet folâtre ,
Fait bâiller , malgré nos efforts .
Apprens-moi quel est ton azile ;
Dis-moi qui pourra m'aplanir ,
Ta route à l'esprit difficile ,
Quel mortel peut y parvenir ;
C'est en vain qu'un brillant génie
Chéri du Dieu de l'harmonie ,
De ton nom voudroit se parer ,
Il croit en vain , par son exemple ,
Montrer les chemins de ton Temple
C
Il ne fait que nous égarer.

Non , ton séjour ne sçauroit être ,
Celui qu'on nous veut indiquer ;
Comment
AVRIL.
791 1733
Comment pouvoir le reconnoître
Tu ne t'y fais point remarquer.
J'y vois Peinture , Architecture ,
Vers , Danse , Musique , Sculpture ;
Tous les Arts , sans choix entassez :
La Critique et la Raillerie ,
Y font succomber le génie ;
L'ordre et la grace en sont chassez .
M
>
Mais quel objet s'offre à ma vûë ¿
Le Dieu qui daigne m'écouter ,
Vient , par une grace imprévûë ,
A mes regards se présenter ;
Je vois le séjour respectable ,
Où sa puissance redoutable ,
Sans se tromper , juge de tout ;
Je vois l'équitable Parterre ,
'Au mauvais déclarer la guerre .
C'est- là le vrai Temple du Goût.
Le judicieux assemblage ,
De tous les Etats réunis ,
De l'esprit est l'Aréopage ;
Les préjugez en sont bannis.
En vain , après la réussite ,
Le Censeur en blâmant s'excite
'A faire briller son sçavoir ;
Le Public ne peut se dédire.
Hiij Voit
792 MERCURE DE FRANCE
Soit : l'Ouvrage est mauvais à lire ;
Mais il est agréable à voir .
Par sa Critique raisonnée .
Un seul cause peu de terreur ;
Après une étude obstinée ,
Rarement il connoît l'Erreur.
Guidé par un sens infaillible ,
Le Public irrépréhensible ,
Voit et prononce sen un moment's
Respectons ses Arrêts augustes ,
Les décisions les plus justes ,
Ne partent que
du sentiment.
Puisse - t'il nous être propice!
Puissions - nous le voir à nos Jeux ,
Par bonté , comme par justice ,
Approuver nos soins plus heureux !
Que la Critique envenimée ,
Contre ce Théatre animée ,
Méprise tout ce qui s'y dit ;
Au-dessus de la Raillerie ,
Nous en méprisons la furie ,
Si le Public nous applaudit.
Le 15. les mêmes Comédiens donnerent
une Piece nouvelle , en Mers et en
trois Actes, avec un Divertissement , in
titulé Arlequin Philosophe
AVRIL. 1733. 793
au
-LETTRE à l'Auteur du Mercure
sujet du Ballet Héroïque , intitulé : l'Empire
de l'Amour , représenté pour la
premiere fois au Théatre de l'Opéra , le
14 Avril 1733.
Ette Lettre , Monsieur contient
Extrait que vous avez bien voulu
me demander du Poëne Lirique que je
viens de donner au Public. Jy joins les
changemens qui y ont été faits depuis la
premiere Représentation ; j'en expose
motifs , c'est- à -dire , les mécontentemens
que le Public avoit témoignés , et par
conséquent mes torts .
les
Le Prologue se passe dans l'Isle de Naxos
; on voit dans le fond du Théatre un
Temple de Jupiter. Bacchus , environné
des Nimphes, à qui son enfance a été confiée
, les voit avec regret accablées d'une
extrême vieillesse qu'elles déplorent par
ces Vers :
Ne peux- t - on enchaîner le tems ?
Le cruel nous poursuit sans cesse :
Il fait de nos plus doux instans
Autant de pas vers la vieillesse
Bacchus invoque Jupiter ; il en est éxaucé;
il l'annonce aux Nimphes , qui mar-
Hiiij chent
794 MERCURE DE FRANCE
chent alors vers le Temple avec cette
langueur ordinaire à la vieillesse ; à peine
ont- elles embrassé la Statuë de Jupiter
, qu'elles sortent du Temple ayant
repris tous les attraits de la Jeunesse , dansant
et chantant autour de Bacchus , et
le mot de Plaisir est le premier qu'elles
prononcent.
La Fête des Nimphes rajeunies, est interrompue
par l'arrivée des Menades
des Baccantes et des Corybantes ; qui en
formant des Jeux , invitent Bacchus à
faire la conquête du monde. A la fin des
Jeux Bacchus déclare aux Nimphes qu'il
part pour aller répandre les Arts dont
il est l'Inventeur , et le reste de la Scene
qui se passe entre Autonoé , la principale
Nimphe , et lui , expose le sujet des trois
Entrées dont ce Ballet est composé.
Je veux ( dit Bacchus ) pour le bonheur du
monde >
Devenir le plus grand des Dieux.
Autonoé.
Helas ! il en est un qui des Dieux est le maî
tre ,
Enfant impérieux , l'Univers est sa Cour .
Votre repos et vos vertus peut- être ,
Dépendront de lui quelque jour !
Bac
AVRIL 1733 795 .
Bacchus.
Eh i quel est donc enfin ce Tyran !
Autonoé.
C'est l'Amour.
Bacchus.
Ne peut- on, en fuyant , échapper à ses armes ?
Autonoé.
Pour mieux braver l'Amour n'en prenés point
d'allarmes ;
Voyés tous ses bienfaits surpassés par ses
maux ,
L'éloignement ne sert qu'à nous montrer ses
charmes
Et nous tromper sur ses deffauts.
Avant que vous quittés Naxos ,
Nous allons dans nos Jeux peindre sa tyranie
,
Vous le verrés ternir la gloire d'un Heros ;
Tromper l'art enchanteur du plus puissang
génie ,
Et lui- même troublé de craintes , de soupirs ,
Ne pouvoir séparer ses maux de ses plaisirs.
Les Nimphes sortent pour aller préparer
les Jeux ; Bacchus reste avec les
Menades et leurs Troupes , qui terminent
ce Prologue par un Choeur , dont
Voici les Vers : Hv..
796 MERCURE DE FRANCE
Dieu charmant , cedez la victoire ,
Si le fils de Venus vous appelle à sa Cour
On
i.
peut être amoureux et voler à la gloire L
Le loisir des Héros appartient à l'Amour..
·PREMIERE ENTREE.
Phedre et Ariane
Phedre se reproche son amour pour
Thésée qu'elle vient de lui découvrir ;
après l'avoir long- temps combattu et
caché ,elle rappelle à Thésée tout ce qu'Ariane
, dont il est aimé , a fait pour lui..
Elle déclare qu'elle va avouer à sa soeur
la trahison qu'elle lui a faite. Thésée
cherche à l'en détourner , il lui dit ::
D'un malheur qu'elle ignore ,
Fuyez le vain éclat ;
Vous ne lui rendrez qu'un ingrat,,
Et vous perdrez qui vous adore..
Ariane survient; elle annonce à Thésée
que Minos va rompre ses fers et accorder
la paix aux Athéniens. Elle ne voit plus
qu'un avenir heureux ; elle ne doute pas
que Minos apprenant leur amour ne con
sente à leur union . Thésée dans le trouble
que cette nouvelle lui cause , va joindre
le Roy qui l'attend ; et craignantque
Phedre ne parle à sa soeur comme elle
Pa
AVRIL 1733. 797
l'a projetté , il lui dit en sortant , sans
être entendu d'Ariane :
Si vous l'aimez ? laissez- lui - son erreur .
Les deux soeurs restent ensemble: Ariane
marque une confiance extrême dans
l'amitié de sa soeur pour elle ; elle craint
seulement que Phedre n'ayant jamais aimé
, ne regarde comme une foiblesse l'amour
qu'elle a pour Thiste. Elle ne conçoit
pas qu'on puisse n'avoir point d'amour.
Phedre qui marque l'intention
qu'elle a d'ouvrir les yeux à Ariane , luidit
, en parlant de l'Amour :
On porte au pied de ses Autels ,
Plus de regrets que de reconnoissance .
Mais Ariane aime de trop bonne foy
pour soupçonner son Amant. Phédre s'explique
plus clairement; elle nomme Thé
sée. Ariane toujours aveuglée par sa tendresse
, répond :
Il est sûr de mon coeur , il m'aimera toujours .
Le tendre penchant qu'il m'inspire ,
A sçu lui conserver le jour !
Ah ! quel plaisir , désormais je puis dire
Tous les momens où mon Amant respire ,
Sent l'ouvrage de mon amour.
Je dois vous dire , Monsieur , qu'il y
H vj avoit
798 MERCURE DE FRANCE
avoit dans ces Vers deux fautes de dica
tion tres- grossieres , et contre lesquelles
on s'est récrié avec beaucoup de justice.
Je reviens à mon Extrait :
Phedre enfin prend le parti de faire un
aveu ingénu à sa soeur ; mais le Roy arrive
avec Thésée , et Ariane ' n'entend et
ne voit plus que son Amant .
Après une fête en l'honneur de Thésée
, vainqueur du Minotaure , Minos
dit à Ariane qu'il sçait son amour pour
Thésée , il l'approuve par ces Vers :
L'amour n'est plus une foiblesse ,
Quand un Héros en est l'objet.
Et il les emmene pour préparer leur
Hyménée . Phédre qui reste seule , sent
alors des mouvemens qu'elle n'avoit
point éprouvez . Elle trouve que céder
son Amant pour ne point trahir sa soeur ,
eut été une consolation pour elle ; au lieu
que de le perdre par la volonté du Roy
uniquement , ne lui laisse que la douleur,
de voir sa rivale heureuse.
>
Thesée qui a laissé Ariane au Temple
de Venus , où elle prépare un Sacrifice
revient joindre Phedre; il cherche à augmenter
le trouble où il la trouve ; il lui
propose enfin de se rendre à la Cour du
Roy d'Athénes, son pere, qui verra avec
plaisir
AVRIL. 1733. 799
plaisir leur Hymenée. Phedre alors ne
connoît plus que ce qu'elle doit à la vertuj
elle dit à Thesée de fuir er de l'abandonner
: Thesée feint de se rendre
comme elle , aux droits du devoir . Il lui
dit qu'il va épouser Ariane ; que l'ayant
aimée , le noeud qui va les unir et le
temps rameneront cette premiere tendresse
; cette résolution apparente produit
par dégrés l'effet qu'il en attendoit .
Phedre le découvre par ces Vers :
Vous l'armeriez ? ah ! tout me désespere ,
Ma soeur , de quels transports mon coeur se sent
saisir ?
Quoi , n'ai-je plus de choix à faire ,
Que vous tromper , ou vous hair ?
On voit paroître alors des Prêtresses de
Venus : Thesée conjure Phédre de profiter
du seul moment qui leur reste,pour
s'éloigner , et la Scene finit par ces Vers :
Thesée .
Je meurs , si je vous perds : Prononcez ,
Phedre.
Je vous aime.
Ariane entre sur la Scene , précédée
des Prêtresses de Venus , qui commencent
des Jeux , et dans le moment où elle
se
800 MERCURE DE FRANCE
se livre davantage à l'espoir d'épouser 'ce'
qu'elle aime , elle apprend la trahison de
son Amant et de sa soeur ; elle apperçoit
de Navire qui les conduit et qui s'éloigne
et les Vers que voicy , qui sont à la fin
de son Monologue , terminent l'Acte .
Hélas ! de l'infidele ,
Avec tant de plaisir , j'avois sauvé les
jours.
Dieux ! quel en est le prix ? Il va vivre pour
elle ;
Mais tout sert leur fuite cruelle ,
Le Vaisseau disparoît : O com ble de malheurs !
Barbare , sois content , tu me trahis ? je meurs.
Il me reste , Monsieur , une remarque
à faire sur cet Acte. C'est le dégoût avec
fequel il fut reçu à la premiere Représentation
, depuis le départ de Phédre et .
de Thésée. Il n'avoit pas besoin , pour
produire cet effet - là , de l'ennui qu'y apporte
la Scene, qui parut tres-longue, où
Minos venoit apprendre à Ariane ses
malheurs.
L'action étoit finie au départ de Phédre
et de Thésée , mais le mal venoit de
plus loin encore. Comment intéresser
par un sujet aussi rebattu que celui d'A--
riane , quoique peut- être j'aye mis de las
nouveauté dans la maniere de le traiter ?
jai
AVRIL. 1733. 801
J'ai fort mal fait de la choisir. Pour réparer
une partie de mes torts , j'ai supprimé
cette malheureuse Scene de Minos ,
et cet Acte à
blement.
present est reçu
SECONDE ENTRE'E.
L'Amour et Psiché..
favora
Cet Acte , suivant l'ordre , annoncé
dans le Prologue , auroit dû être le dernier
, mais il a fallu le placer le second
pour éviter des difficultez dans l'exé
cution..
La Scene est dans l'Isle de Paphos .
Psiché , esclave de Venus , se croit oubliée
de l'Amour et cette crainte l'afflige
bien plus que les tourmens les tourmens que Venus lui
fait souffrir. L'Amour survient et la rassure.
Ils sont interrompus par Venus quiprécipite
Psiché aux Enfers.
Le jour de la premiere Représentation
de çet Acte, l'Amour en perdant Psiché ,
après un Monologue de déchaînement
contre sa mere , voïoit arriver du Ciel
un Jupiter , aussi peu secourable pour
lui , qu'il devenoit ennuyeux pour
Spectateur.
le
On m'a assuré que c'est le sort des
Jupiters, dans la plupart des Pieces où ils
sont
802 MERCURE DE FRANCE
sont employez , de déplaire souverainement
, et je puis dire que le mien a bien
confirmé cette destinée . J'ai donc étouffé
le Monstre dès son Berceau , il n'a
point paru à la seconde Représentation .
L'Amour dans un Monologue veut
d'abord détruire l'Empire de sa mere ;
mais bien-tôt il songe que de lui ôter
ses charmes n'est pas le moyen de l'appaiser.
Il a blessé Adonis pour elle , et
projette de la fléchir , à force de la rendre
heureuse.
N'employons que des soins flateurs ;
Cachons bien à Venus tout ce qui lui rappelle ,
Qu'elle est une Mortelle ,
Que lui préferent tous les coeurs ;
Le charmant Adonis que j'ai blessé pour elle ,
Peut seul adoucir ses fureurs ,
N'employons que des soins flateurs , &c
Ces soins ont successivement leur effet,
Venus et Adonis s'expliquent ; la Déesse
appelle les Bergers de Paphos pour celebrer
le choix qu'elle vient de faire.
Après la fête, Adonis transporté de son
bonheur , s'attendrit sur les persécutions
que Venus fait souffrir à un Dieu à qui il
a tant de graces à rendre. Il dit à la
Déesse :
Quel
7
AVRIL 803 1733.
Quel bonhenr l'Amour sçait répandre ,
Sur un coeur qu'il tient engagé !
Hélas ! ce Dieu charmant , par vous même ontragé
,
Cede à l'ennui qui le dévore ;
Eh ! comment s'en est - il vangé !
que vous aimez vous adore ; Ce
Rien n'ose vous troubler dans un bonheur si
doux .
Pourriez-vous bien le dérober encorè ,
A ces mêmes plaisirs qu'il a versez sur vous.
Alors Venus est trop heureuse pour
que la colere puisse avoir encore place
dans son coeur ; elle rappelle Psiché des
Enfers , et la rend à son Amant.
Psiché exprime à Venus par ces Vers,la
reconnoissance dont elle est pénétrée.
Ay-je pû vous faire une offense ?
Eh ! comment de Venus partager les honneurs ?
Consultez vos beaux yeux , lisez dans tous les
coeurs
Vous y verrez mon innocence .
La suite de Venus et de l'Amour vient
celebrer l'Hymenée de Psiché et de l'Amour.
Venus annonce enfin l'immortalité
de Psiché , par ce Choeur qui finit l'Acte.
Qu'une Divinité nouvelle
Jouisse parmi nous d'un éternel bonheur
Psiche
804 MERCURE DE FRANCE
Psiché , du Dieu d'Amour , sçait enchanter le
coeur ,
Elle est digne d'être immortelle.
Depuis les changemens , cet Acte a toujours
été reçu avec indulgence. L'idée
d'appaiser Venus pour la rendre extrêmement
heureuse , n'est dans aucun des
Auteurs qui ont écrit l'histoire de Psiché.
J'ai esperé qu'elle me feroit pardonner
d'avoir pris un sujet tant de fois traité.
F
TROISIEME ET DERNIERE
ENTRE'E .
Zelindor , Roy des Génies du feu.
Le Théatre représente le Palais du Génie.
Ismene , mortelle aimée du Génie ,
expose de sujet par ce Monologue.
Cher Alcidon , tu m'aimeras toujours ,
Si ta fidelité dépend de ma constance ;-
Notre Hymen s'apprêtoit , quels étoient not
beaux jours ,
Lorsqu'un cruel Génie en termina le cours ?
Souveraine en ces lieux , où brille sa puissance ,
Ay-je un instant cessé de pleurer ton absence ?
Cher Alcidon , tu m'aimeras toujours ,
Si ta fidelité dépend de ma constance.
Le reste du Monologue acheve d'expo
ser
AVRIL. 1733. 805
ser la fidelité qu'Ismene garde pour le
mortel dont elle est séparée.
Avant les changemens qui ont été
faits , le Génie, dans la Scene qui suivoit
ce Monologue , n'y étoit qu'un Amant
tres-tendre , mais rien ne marquoit en
lui le caractere de Génie .
J'ai cru devoir changer cette Scene ;
quoique le public cut paru recevoir cet
Acte avec le plus d'indulgence , et voicy
comme elle est depuis la cinquième Représentation
.
Zelindor arrive , Ismene veut l'éviter.
Il lui parle ainsi :
Arrêtes un moment : concevez l'esperance
Des destins glorieux que je viens vous offrir
Il est temps de vous découvrir ,
Quel est mon sort et ma puissance
L'instant où je suis aimé ,
De la beauté qui m'a charme,
Rend la jeunesse éternelle !
Aimez ; vous serez toujours belle.
Pour obtenir ce bien quel secret est plus doux !!
Aimez ; le don d'être immortelle
Est le seul que l'Amour n'ait point versé sur
vous.
Ismene paroît toujours aussi peu touchée
806 MERCURE DE FRANCE
chée des soins du Génie ; elle lui dit enfin
que la superiorité que lui donne sur
elle son pouvoir merveilleux , l'éloigne
de lui , et que s'il l'aimoit bien , il lui auroit
enseigné son art. Zélindor paroît
soupçonner ce reproche ; il montre à Ismene
une Urne qui est dans le fond du
Théatre .
Regardez cette Urne fidele ,
Par elle , je remplis tous les voeux que je fais ;
Elle peut tout sur moi , je ne puis rien sans elle ;
Ce secret que je vous revéle ,
M'assujettit moi- même à remplir vos souhaits
Zélindor la laisse seule avec PUrne. Is
méne s'empresse d'en éprouver le pouvoir
; elle demande que le Palais du Génie
s'évanouisse , et que celui où elle a reçu
la naissance paroisse. Elle est obéïe ; on
voit un Jardin , orné de Statues , et terminé
dans l'enfoncement par une Façade
'd'Architecture. Isméne n'est pas encore
assez assurée de son pouvoir sur l'Urne ;
elle ordonne que les Statues s'animent ;
à l'instant la Statue de l'Amour s'anime
la premiere , et va par ses pas et par ses
attitudes animer les autres Statues , qui
toutes forment une fête à l'honneur d'Isméne.
Voici un Canevas qu'on a trouvé extréAVRIL
: 1733. 807
rémement ingénieux ; je lui rends cette
justice , parce qu'il n'est pas de moi .C'est
ane Statue qui chante ces Vers , sur un
air qui vient d'être dansé .
Quel bonheur digne d'envie !
Tes voeux nous donnent la vie.
A ta voix ,
L'Univers change ;
Tout se range ,
Sous tes Loix.
7
Tout reconnoît ton Empire ,
Tu le veux , le marbre respire ;
Tes beaux yeux ,
Nous donnent l'être
Nous font naître
Sont nos Dieux .
Quel bonheur , &c.
Pour nos jours quel doux présage !
C'est l'ouvrage
De tes traits ;
De nos coeurs reçoi l'hommage ;
C'est le
gage
Des bienfaits .
Quel bonheur , &c.
Après la fête , Isméne s'addresse à
PUrne.
Remplis mes derniers voeux , c'est mon coeur
qui t'implore ;
Qui
808 MERCURE DE FRANCE
Sers - moi contre un Tyran , de mon bonheu
jaloux ,
Un mortel amoureux , devenoit mon Epoux ,
Accorde à mes regards , cet Amant que j'adore.
A peine a - t- elle achevé , qu'il paroît
un Char brillant de lumiere : Isméne
en voit sortir le Génie , sous l'habit qu'il
avoit lorsqu'il s'étoit présenté à elle , avec
les traits et le nom d'Alcidon . Ce qu'il lui
explique par ces Vers :
Aprenez mon destin; le Roy de la lumiere,
A qui je dois cet Empire et le jour,..
M'imposa la Loy sévére ,
D'éprouver , malgré- moi , la beauté qui m'est
chere ;
Sous les traits d'Alcidon j'eas le bonheur de
plaire ;
༄ རྞྞ་ །
Je vous transportai dans ma Cour,
C
A vos premiers sermens vous demeurez soumise;
Tant de constance immortalise ,
Votre beauté, vos feux et mon
งา
1 201
amour
Il appelle les Génies ' qui viennent
reconnoître leur Reine , er eelebrent son
immortalité par une fête qui termine
l'Actè.
Les changemens , Monsieur , que je
viens de vous exposer , n'existoient que
depuis
1733. 009
}
depuis la cinquiéme Représentation. Dans
mon premier Plan , Zélindor n'étoit point
à la fois le Génie et Alcidon ; Isméne demandoit
à l'Urne , ce mortel qu'elle aimoit.
Il paroissoit , et tandis qu'elle désiroit
d'être soustraite à la dépendance
du Génie,il venoit tout-à coup, et voyant
qu'il ne pouvoit être aimé d'Isméne , il
prenoit le parti de la rendre heureuse.
Voici les Vers qui terminoient l'Acte.
Par quelle erreur , hélas ! me laissois je ébloüir?
Messoins -vous outrageoient en cherchant à vous
#plaire ;
Du moins cessez de me hair.
En faveur de l'effort que mon coeur va se faire
Revoyez le séjour où tendent vos souhaits ;
Possedez de mon Art les plus heureux secrets ;
Conservez long - temps la jeunesse ;
Mon malheur vous a fait mépriser ma tendresse
,
Recevez du moins mes bienfaits.
Ce trait de générosité ne touchoit point
du tout ; on ne s'interroissoit point pour
Alcidon ; le Génie paroissoit plus aimable
; enfin , j'avois trouvé le moyen de
traiter assez mal un Sujet ingénieux , et
dont un autre eut , sans doute , fait un
meilleur usage. Un fort grand nombre
de personnes ont eu l'idée de faire qu'Alcidon
810 MERCURE DE FRANCE
cidon et le Génie ne fussent qu'une même
personne ; elles me l'ont communiquée
, et le conseil que m'a donné M.de
Voltaire de la suivre , m'a déterminé.
Ne croïez-pas, je vous prie, Monsieur,
que je présume , par les changemens que
j'ai faits , avoir remédié à toutes mes fautes.
Je ne m'attribuë point l'empressement
que le public a marqué pour toutes
les Représentations de ce Ballet; je sçai
que j'en dois rendre graces au mérite de
la Musique , et je dois le dire encore , à
l'Art et au zéle des Acteurs. J'ai l'hon
neur d'être , &c.
Nous croyons devoir remercier publiquement
M. de Moncrif , de l'honneur
et du plaisir qu'il nous fait de nous adresser
l'Extrait de son Poëme , avec l'aveu
modeste des défauts qui peuvent lui être
échappés ; le Public lui en sçaura sans doute
bon gré : Son exemple puisse- t- il être
suivi par ses Confreres . Il y a long - tems
que nous désirons ardemment qu'ils veuillent
faire ce petit sacrifice , qui ne leur
féroit point de tort. Nous les en avons
encore priez dans l'Avertissement , mis à
la tête du Mercure de Janvier de cette
année.
Au reste , la modestie de l'Auteur de
ce
T
"
AVRIL. 17337 811
J
ee Poëme nous engage à ne pas laisser
ignorer au Public
que fon
Ouvrage
est plein d'esprit , et fort orné de traits
fins et délicats .
Nous
parlerons plus au long des Représentations
de ce Ballet , et de la magnifique
et éclatante
Décoration du troisiéme
Acte.
NOUVELLES
ETRANGERES.
TURQUIE ET PERSE.
Na cu avis d'Ispaham , que Thamas-
Kouli -Kan avoit fait mourir plusieurs Seigneurs
Persans qui avoient formé une conspiration
pour se saisir de sa personne et de celle du
jeune Roy , et pour remettre Schah- Thamas sur
le Trône; que ce Ministre tenoit l'Armée des
Turcs bloquée dans Babylone, et que le Pacha de
cette Place attendoit des secours
considérables de
Constantinople. Que Topal Osman-Pacha avoit
été choisi par le G. S. pour
commander en Chef
l'Armée contre les Persans.
O
POLOGNE.
N n'espere point que le Prince de Vienoviski
puisse engager les Gentils- hommes du Palatinat
de Cracovie et des
Principautés de Sator
et
d'Oswieczin , qui ont signé et fait une con-
I fédé
812 MERCURE DE FRANCE
fédération le 23 Février à y renoncer; mais sa
présence a du moins empêché que leur nombre
n'augmentât , et à moins qu'il n'arrive quelque
changement , leur parti sera le plus foible dans
les Diettes particulieres de leurs Palatinats.
Le 3. de ce mois il arriva à Warsovie un Député
des Gentilhommes du Palatinat de Cracovie
et des Principautez de Sator et d'Oswieczin qui
ont signé la Confédération . Le Primat lui a refusé
l'Audience qu'il lui a demandée , ne voulant
écouter aucune proposition des Confédérés ,
qu'ils n'eussent formellement renoncé à leur
Confédération , qui étoit également contraire
aux loix et aux interêts du Royaume.

On a recommandé aux Nonces , qui ont été
élus dans les Diettes particulieres , de faire leurs
efforts dans la prochaine Diette générale , pour
qu'on exclut de la Couronne tous les Etrangers
, et particulierement ceux dont les biens ne
sont pas en Pologne , et pour qu'on déclarat
rebelles ceux qui oseroient former des factions
pour élire un Roy , et assembler des Troupes
sans y être autorisez par la République.
On continue d'assurer que la Républiqre mettra
une Armée sur pied , si les Puissances voisines
se déterminent à entreprendre de donner atteinte
à la liberté des suffrages dans la prochaine
Election.
EXTRAIT d'une Lettre écrite de Malte
le 15 Mars.
E Conseil de l'Ordre ayant reçû avis que six
geri , dans le Golfe de Smirne pour y engager
des hommes , et que le G. S. avoit donné
<
1
deux
AVRIL. 1733. 813
deux Sultanes et un autre Vaisseau chargé de
poudre et d'autres munitions de Guerre avec lesquels
ils doivent repasser , a ordonné que les
quatre Vaisseaux que la Religion fait équiper ,
dont on doit augmenter l'armement de 400 .
hommes et de 32 Chevaliers , fussent prêts à
mettre incessamment à la voile pour aller à la
rencontre des Algériens du côté de Ponant , dans
les Croisières . Don André de Reggio , Chef
d'Escadre du Roi d'Espagne , qui a été envoyé
à Malte par S. M. Cat . avec deux Vaisseaux
dont l'un est de 60 Canons , et l'autre de so
pour joindre l'Escadre de la Religion , en attendant
que l'Espagne fournisse des forces plus considérables
, doit aller avec cette Escadre combattre
celle des Algériens
S
ESPAGNE.
>
>
Elon plusieurs avis reçus , Don Blaise de Lezo
est arrivé avec l'Escadre qu'il commande
dans le Canal de Malte , où il doit être joint incessamment
par les Vaisseaux de Guerre Espagnols
qui sont dans le Port de la Specia , et par
les quatre Vaisseaux de Guerre de Malte , poun
fermer le passage aux Vaisseaux Turcs qui sont
destinés à transporter les Troupes que le G. S.
envoye en Afrique , afin de mettre les Maures en
état de recommencer le Siege d'Oran.
GRANDE BRETAGNE.

L'Yorck, Grand- Aumônier du Roi , lava
E2 de ce mois , Jeudi - Saint , l'Archevêque
les pieds , selon l'usage , à autant de Pauvres
que S. M. á d'années . et il leur distribua les au
mônes ordinaires.
I ij
814 MERCURE DE FRANCE
Le 21. le Roi , la Reine , le Prince de Galles ,
le, Duc de Cumberland , et les Princesses , virent
au Théatre du Marché au foin , une Représenta
tion de l'Opéra de Débora,
FRANCE ,
Nouvelles de la Cour , de Paris , &G.
L
E jour du Jeudi Saint , 2. Avril , le Roy en
tendit le Sermon de l'Abbé Poncet de la Ri
iere , Grand- Vicaire de l'Evêque de Sécz , après
quoi l'Evêque de Dijon fit l'Absoute. Ensuite le
Roy lava les pieds à douze pauvres , et S. M.
les servit à tacle, Le Duc de Bourbon , Grand-
Maître de la Maison du Roy , à la tête des Maîtres
d'Hôtel , précedoit le Service , dont les plats
étoient portez par le Comte de Charolois , le
Comte de Clermont , le Prince de Conty , le Prince
de Dombes , le Comte d'Eu et par les principaux
Officiers de S. M. Après cette Ceremonie
le Roy se rendit à la Chapelle du Château , ou
S. M. entendit la grande Messe , et assista à la
Procession et ensuite aux Vêpres .
Monseigneur le Duc d'Anjou mourut à Versailles
le 7. de ce mois vers les neuf heures du
matin , âgé de deux ans , sept mois et huit jours ,
étant né le 30. Août 1730. Le Roy et la Reine ,
qui avoient donné de grandes marques de sensibilité
à la mort de Madame de France , ont été
extrémement touchez de la perte de ce Prince.
Son Corps fut porté le même jour au soir , de
Versailles au Palais des Tuilleries . Le lendemain
'A VRÍL .
1733. 815
fat ouvert , embaumé , et mis dans le cercueil .
Le 9. vers les 7. heures du soir , il fut porté à
l'Abbaye Royale de S. Denis. La marche se fit
dans l'ordre suivant : Deux carosses du Roi , dans
lesquels étoient les femmes de Chambre de Mon
seigneur le Duc d'Anjou ; un troisième carosse
de S. M. où étoient les huit Gentilshommes otdinaires
, destinez à porter le Cercueil , et les
quatre coins du Poële de drap d'argent , qui le
couvroit. Un détachement de la seconde Compagnie
des Mousquetaires ; un pareil détachement
de la premiere Compagnie ; un détachement da
Quartier des Chevaux-Legers ; des Pages de la
grande et de la petite Ecurie du Roy , et des Pa
ges de la Reine , étoient à cheval devant le Carosse
dans lequel étoit le Corps'; des Valets de
pied de L. M. entouroient ce Ĉarosse , après lequel
marchoient un détachement des Gardes du
Corps et celui du Quartier des Gendarmes ; ils
portoient tous des flambeaux.
M. le Duc d'Orleans menoit le deüil ; M. l'Abbe
de Bellefonds , Aumônier du Roy de Quartier,
étoit à la droite dans le fond , portant le coeur z
M. le Duc d'Orleans à sa gauche , Mad. la Du
chesse de Tallard , Gouvernante des Enfans de
France , étoit vis - à- vis le Coeur. M: le Due de
Brissac , vis-à- vis de M. le Duc d'Orleans , avec
qui il étoit. A la Portiere droite , M. l'Abbé de
Brancas , Aumônier du Roy , et à la gauche
Mad, de Villefort , Sous- Gouvernante des Enfans
de France. Après le Carosse du Corps , celui de
M. le Duc d'Orleans , celui de Mad. la Duchesse
de Tallard , et celui de M. le Duc de Brissac fermoit
le Cortege. Les Carosses de la suite formoient
devant le même ordre.
Le Convoi arriva à l'Abbaye de S. Denis vers
I iij les
816 MERCURE DE FRANCE
les dix heures du soir ; l'Abbé de Bellefonds , pré
senta le Corps au Prieur de l'Abbaye , et il fit
Pinhumation. Après cette Ceremonie , le Coeur
fut porté dans le même Carosse à l'Abbaye Roya
le du Val de Grace.
Le Jeudy Saint 2. Avril , le Concert Spirituel
continua au Château des Tuilleries. Le sieur Bo
noncini , dont on a déja parlé , fit chanter un,
Miserere de sa composition , dans lequel la Dlle,
Erremens chanta differens Récits dans le goût ,
Italien , qui firent plaisir . La Dlle le Maure chanta
aussi un nouveau Pange lingua , alternativement
avec les Choeurs , sur la Sarabande du quatriéme
Acte de Jephté , dont les paroles sont
Nous vivons dans l'innocence , et sur le chant de
la Bergerie de Roland , quand on vient dans ce
Bocage , &c. M. Mouret y a ajoûté quelques
Versets en Musique.de sa composition. Cette
nouveauté a été très - applaudie .
Le même Concert fut interrompu pendant trois
jours à l'occasion de la mort du Duc d'Anjou ,
et fut continué le reste de la Semaine , jusques et
compris le Dimanche de Quasimodo. Les Diles
Erremens , Le Maure , Courvasier et Lenner , de
la Musique de la Reine , y ont chanté pendant
les trois semaines , differents petits Motets nouveaux
, à une et à deux voix , de la composition
des sieurs Mouret , le Maire et du Bousset , qui
ont été très- goûtez. Le sieur Massé , qui a une
très-belle voix de haute -contre et qui est de la Musique
de la Reine , a chanté pour la premiere fois
differens Récits avec justesse et applaudissement,
Le sieur Sommis , fameux joueur de Violon du
Roy de Sardaigne , y a executé differentes Son
nates et des Concerto , dans la derniere perfection,
et
AVKI L. 1733 . 817
et a été très- applaudi par de nombreuses Assem
blées , que la justesse et la brillante execution de
ce grand Maître y a attirées.
Le Pseaume , Exultate justi , à grand Choeur et
Symphonie, de la composition du sieur Bordier,
Maître de Musique de S. Innocent , executé lé
10. Avril , fut generalement applaudi .
Le 25. Mars , l'Abbé de Fitzjames , fils du Ma
réchal de Berwik , Abbé de l'Abbaye Royale de
S. Victor , y chanta solemnellement sa premierę
Messe , plusieurs Prélats et quantité de Personnes
de distinction , assisterent à cette Ceremonie
après laquelle M. l'Abbé donna un splendide
Repas.
Le 25. Avril , La Loterie de la Compagnie des
Indes , établie pour le remboursement des Actions
, fut tirée en la maniere accoûtumée à l'Hôtel
de la Compagnie. La Liste des Numero gagnans
des Actions etDixiémes d'Actions qui doi
vent être remboursées , a été rendue publique ,
faisant en tout le nombre de 314. Actions.
BENEFICES DONNEZ
le 4. Avril 1733.
'Abbaye Commandataire de Bardoüe , Ordre
Lde Citraux ,Diocèse d'Auch , vacante par le
décès de M. de Montesquiou Préchac , en faveur
de M. Jean-Marie Henrion, Evêque de Boulogne .
L'Abbaye Commandataire de S. Ligaire , Or
dre de S. Benoît, Diocèse de Saintes , vacante par
le décès du dernier Commandataire , en faveur
de l'Abbé d'Harcourt , Prêtre et Doyen de Notre-
Dame de Paris...
I išiji.. L'Ab
818 MERCURE DE FRANCE
L'Abbaye Commandataire de Notre-Dame de
Beaulieu , Ordre de Citeaux, Diocèse de Langres,
vacante par la démission de M. de Bonsens des
Epinetz , en faveur de M. Savary , Bachelier de
Sorbonne .
L'Abbaye Commandataire de Barzelles, Ordre
de Citeaux , Diocèse de Bourges , vacante par le
déceds de M. Bruel , en faveur de M. du Mans ,
Prêtre , Conseiller au Parlement de Paris.
L'Abbaye Commandataire de Basse Fontaine ,
Ordre de Prémontré, Diocèse de Troye , vacante
par la démission de M. le Febvre des Chevaliers ,
en faveur de M. de Cicery , Prédicateur ordinaire
de la Reine.
L'Abbaye d'Espagne , Ordre de Citeaux , Diocèse
d'Amiens , vacante par la démission de la
Dame Lambert de Thorigny , en faveur de la
Dame de Castellane , Religieuse de l'Ordre de
sainte Claire Urbaniste.
L'Abbaye de Bonneville , Ordre de Citeaux ,
Diocèse de Rouen , vacante par le décès de la
Dame d'Aubigny , en faveur de la Dame de
Lausans , Religieuse du même Ordre.
L'Abbaye Réguliere de Barbery , Ordre de
Citeaux , Diocèse de Bayeux , vacante par le décès
-de Dame de Lastour , en faveur de Dame Fitshabert
, Abbesse Réguliere de la Pieté- Dieu , da
même Ordre.
L'Abbaye Commandataire de Theulley, Ordre
de Citeaux , Diocèse de Langres , vacante par le
décès de M. Trudaine , en faveur de M. de Quéselin
, Aumônier du Roy.
Le Prieuré Commandataire et Electif de Boscachard
, Ordre de Saint Augustin , Diocèse de
Rouen , vacant par le décès de M, Brochand ,
en faveur de M. François-Firmin Trudaine,Evê
que de Senlis.

AVRIL. 1733. 819
Y
L'Abbaye Commandataire de Murceaux , Ordre
de Prémontré , Diocèse de Toul , vacante
par le décès de M. de l'Aigle , en faveur de M.de
Foyal de Donnery , Docteur en Théologie.
L'Evêché de Dacqs , vacant par le décès de
M.d'Abbadie d'Arboucave,en faveur de M.d'Audigue
, Doyen , et Vicaire General de Luçon,
MORTS
N
?
NAISSANCES
et Mariages.
Icolas de Vatteville , Lieutenant des Gar¬
des du Corps , Compagnie d'Harcourt ,
mourut à Paris , le 3 Février dernier , àgé de 32
ans.
> Le Marquis de Nerestang , Duc de Gadagne
Brigadier des armées du Roy , cy- devant Gui
don de Gendarmerie , y mourut le 7 du même
mois , âgé de 60 ans.
N. Cailly Delpech , premier Avocat General
de la Cour des Aydes , mourut à Paris le & Mars
Agé d'environ 60 ans.
Le Chevalier de Belfond , chef de Brigade
Gardes du Corps, Compagnie d'Harcourt,mourut
à Versailles , le 9 du même mois , âgé de 66
ans.
N. de Chausserais, mourut au Château de Madrid
, dans le Bois de Boulogne , le 24 Mars ,
âgée de 75 ans. Elle avoit été fille d'honneur de
feue MADAME.
Louis - Euverte Angran , Maître des Requêres
, Intendant du Commerce , mourut le 17 de
ee mois , âgé d'environ 51 ans.
I'v Pierre
820 MERCURE DE FRANCE
Pierre- Jacques -Joseph Ferdinand de , Blondel,
Chevalier , Baron d'Oud nove , Seigneur de Michelbek
, Lillers , Villiers , &c. Brigadier des
Armées du Roy , mourut le même jour , âgé de-
62 ans.
Louis de la Vergne de Tressan , Archevêque
de Rouen , Abbé des Abbayes de Long- pont , de
Bonneval , et d'Espau , mourut à Gaillon le 18
de ce mois , âgé de 63 ans. Il avoit été premier
Aumônier de feu Monsieur le Duc d'Orleans.
D. Marie-Madelaine le Franc , veuve de Claude
Arnould Poncher , Maître des Requêtes
, &c. mourut le 19 , âgée d'environ 70
ans.
Louis - Pierre Scipion de Grimoard , Comte du
Roure , déceda en son Château de Barsac , le 24
Avril , âgé de 86 ans et 7 mois ; il étoit Lieutenant
General de la Province de Languedoc , et
Gouverneur de la Ville et Citadelle du Pont Saint
Esprit ; à l'âge de 22 ans , le feu Roy , qui l'aimoit
beaucoup et qui l'a toujours honoré de ses
bontez , lui donna un Régiment de Cavalerie ; et
connoissant son mérite , il lui confia le Commandement
de toutes les Troupes qui étoient en
Languedoc , dans la premiere Guerre des Huguenots
, et un détachement considérable de Sa
Maison , qui étoit aussi à ses Ordres , quoique
commandée par d'anciens Officiers Généraux .
Il laisse le Comte du Roure , fils , Gouverneur
de la Ville et Citadelle du Pont- Saint-Esprit, Brigadier
des Armées du Roy , et le Marquis du
Roure , son petit - fils , Cornette des Mousquetaires
Gris.
e. D. Françoise - Elizabeth de Lamoignon , épouse
de Jean Aymar Nicolaï , Marquis de Goussainille,
Premier Président de la Chambre des Comptcs
AVRIL. 1733 821
ptes , mourut à Paris le 27 , dans la 55 année de
son âge.
D. Henriette de Fitzjames , Dame du Palais de
la Reine , épouse de Jean- Baptiste - Louis Clermont
d'Amboise , Marquis de Resnel , Comte
de Chiverni , &c. Gouverneur de Chaumont , eg
Grand-Baillif de Provins , Colonel du Régiment
de Santerre , accoucha le 21 Mars , d'une fille ,
qui fut baptisée par l'Abbé de Fitzjames , Abbé
de l'Abbaie Royale de S. Victor, et nommée Diane-
Jacquete-Louise- Henriette , par Jacques de
Fitzjames , Duc de Liria , premier Gentilhomme
de la Chambre du Roy d'Espagne , Chevalier de
la Toison d'or, et de l'Aigle blanc , Grand d'Es
pagne , de la premiere Classe , cy- devant Ame
bassadeur de S M. C. auprès de l'Empereur es
de la Czarine, et par D. Diane de Clermont Gal
lerande , Epouse du Marquis de Clermont Saint
Aignan , Inspecteur General de la Cavalerie.
Dame Marie Elisabeth de Chamillard , Epouse
de Daniel- Marie - Anne de Talegrand de Périgord
, Marquis de Talegrand , accoucha le 23
d'Avril , à Versailles , d'une fille , qui fut nom
mée Marie-Henriette , par Henry de Chamil
lard. , Marquis de Courcelles , et par Demoisel
le Marie-Marguerite - Françoise de Talegrand de
Périgord , fille de Jean - Charles de Talegrand
de Périgord , Prince de Chalais , Grand d'Es
pagne ; et de Marie. Françoise de Rochechouart
de Mortemar , Dame du Palais de la Reine.
Nous avons parlé dans le Mercure du mois
passé du Mariage de M. le Marquis de Warges
mont , avec Madamoiselle de Saint-Chamant
sur quoi nous avons omis quelques circonstan
1 aj
ces
822 MERCURE DE FRANCE
ces , faute d'instruction , ausquelles nous sup
plérons volontiers icy.
La Cérémonie de la Célébration fut faite la
nuit du 10 Mars , par M. de la Chaize , Docteur
en Théologie et Curé des Paroisses de Vitlenauxce
, en l'absence de M. l'Evêque de Troyes,
qui devoit faire cette Célébration.
Dès les six heures du matin on sonna toutes
les Cloches des deux Paroisses , et de l'Abbaye
des Bénédictins , ce qui dura jusqu'au soir ; on
fit sur les Remparts et aux environs du Château,
dé fréquentes décharges de Canon .
La Milice Bourgeoise, au nombre de 400 hommes
, ayant à leur tête les Principaux Officiers ,
et les Chevaliers de l'Arquebuse , parût sous les
Armes, et accompagna , au son des Tambours
des Trompettes , des Haut bois , & c. le Corps
de Justice de la Ville , quand il alla complimenter
les nouveaux mariez.
M. Joblet , Procureur Fiscal , et de l'Elections,
porta la parole pour le Corps de Justice ; et M.
Rivet , Maire de la Ville , parla pour les Habitans.
M. de Wargemont répondit avec toute la
politesse possible ; le peuple ne cessoit cependant
de faire des acclamations , et la Milice termina
cette cérémonie par une décharge generale .
A l'entrée de la nuit la Façade du Château qui
regarde la Prairie , parut toute illuminée , avec
autant de goût que de magnificence , par le
moyen de plusieurs grands Lustres , et de quantité
de Flambeaux , outre une infinité de Lampions
, dont on avoit bordé les croisées . De plus
on avoit placé autour des Fossez et du principal
Canal , un tres -grand nombre de Terrines, dont
les lumieres éclairoient doublement par la réverbération
des Eaux, Un monde infini répandu
dans
AVRIL. 17338 825
dans toute cette grande Prairie , coupée par divers
Canaux , attiré par le bruit de la Fête,chargé
de Falots, de Lanternes, &c. formoit une autre
espece d'illumination , qui éclairoit toute la
campagne aux environs.
Au milieu de cette Prairie et en face du Château ,
on avoit dressé sur quatre Pilliers un grand Feu
d'Artifice , orné de Peintures , d'Emblemes et de
Devises convenables au sujet. Le Prince de Tingry
y mit le feu , et l'exécution suivit avec une si
agréable variété et tant de succès , que tout le
monde en parut satisfait ; on tiroit en mêmetemps
des Fusées et d'autres Artifices de la Tour
de la principale Eglise. Enfin des Gerbes et des
Soleils de feu terminerent tout ce brillant Spectacle
qui dura pendant deux heures.
Il y eut ensuite dans le Château un magnifique
Repas . On tira le Canon à l'entrée et à la sortie
de Table. On avoit aussi dressé des Tables pour
les principaux Officiers de Justice et Bourgeois
de la Ville ; les Cours et les avenuës du Château
étoient pleines de Fontaines de Vin , que Mada.
me de Saint Chamant cut soin de faire couler
en abondance.
Le Dimanche suivant le Marquis et la Marquise
de Wargemont , nouveaux mariez, le Prin
ce de Tingry , le Marquis de Savines , Lieutenant
General des Armées du Roy , vinrent avec
la Marquise de Saint - Chamant, assister à la Messe
Paroissiale; ils furent reçus à la Porte de l'Eglise
par le Clergé Séculier et Régulier.. A la fin
de la Messe , chantée solemnellement par le mê.
me Clergé , on chanta le Te Deum , au bruit du
Canon et de la Mousqueterie de la Milice Bourgeoise
, qui étoit autour de l'Eglise. A la sortie,
Te Marquis de wargemont fit. distribuer des Au
mânes
824 M
MERCERE
DE
FRANCE
mones considerables aux Pauvres de la Paroisse.
On ne vit jamais un plus grand empressement,
à marquer de la joie et du zéle , que celui qui a
paru de la des Habitans de cette Ville , qui
conserveront un souvenir éternel des bienfaits,
qu'ils ont reçûs en differentes occasions de feu
M. le Marquls de Saint-Chamant , & c.
part
ARRESTS NOTABLE S.
RDONNANCE DU ROY , du 3 Janvier ,
concernant les Déserteurs du Régiment des
Gardes Françoises , par laquelle S. M. a ordonné
, veut et entend , que lorsqu'un Soldat dudit
Régiment de ses Gardes Françoises aura manqué
de se trouver à une des revûës , que le Commissaire
des Guerres chargé de sa police en doit
faire chaque mois , sans en être dispensé pour
cause de maladie connue de son Capitaine , ou
par congé expedié dans les formes prescrites par
ladite Ordonnance , il soit , à la diligence du
Prévôt des bandes , sommé au son du Tambour,
et à cri public , au lieu de sa derniere demeure ;
de se trouver à la revûë prochaine , sous peine
d'être puni comme déserteur , de laquelle sommation
il sera dressé par lui procès verbal ; et
que faute ledit Soldat de se trouver à cette
seconde revue , il soit réputé déserteur , et puni
comme tel par jugement du Conseil de guerre
s'il peut être arrêté , sinon condamné par coutu
mace , huit jours après ladite seconde revûë , sans
autre formalité que la déposition et le recolle
ment de deux témoins qui déclareront avoir connoissance
de son enrollement et de son absence
et la représentation de ladite sommation , & c.
par
ORAVRIL.
1733. 825
ORDONNANCE DU ROY du 28 Janvier
, portant que le Régiment de Cavalerie de
Conty , ci -devant Villeroy , prendra rang dans
la Cavalerie après celui de Clermont , et avant
le Régiment du Maine , nonobstant ce qui est
porté par l'Ordonnance du premier Mai 1699.
qui avoit fixé le rang de ce Régiment après celui
de Villars , &c.
ORDONNANCE DU ROY , du 8 Février
pour établir quatre Officiers nouveaux dans les
Régimens de Cavalerie de trois Escadrons , et
dans ceux de Dragons ; et deux seulement dans
les Brigades de Carabiniers , et Régimens de Cavalerie
de deux Escadrons.
ARREST du 25 Février , concernant les Parcs
et Pescheries qui sont sur les gréves du ressort de
l'Amirauté de Saint Brieuc , par lequel S. M. ordonne
que les 20 Articles contenus dans l'Arrêt
soient éxécutez selon leur forme et teneur.
AUTRE du 3 Mars , concernant les marques
qui doivent être apposées sur les toiles de
coton blanches , mousselines et mouchoirs , provenant
des ventes de la Compagnie des Indes.
AUTRE du 17 Mars , qui ordonne que pendant
dix années , â commencer du premier Janvier
1734. les morues , tant vertes que séches
et les huiles qui proviendront de la pêche des sujets
de Sa Majesté à l'Isle Royale , appellée cidevant
l'Isle du Cap-Breton , demeureront déchargées
dans tous les Ports du Royaume , tant
de l'Ocean que de la Méditerrannée et à Ingrande
, de tous les droits d'entrée des cinq
grosses Fermes.
AUTRE du 24 Mars, concernant les Parcs e
Péche
627 MERCURE DE FRANCE
que
Pécheries qui sont sur les Gréves du Ressort de
P'Amirauté de Brest , par laquelle S. M. ordonne
les Articles LXXXIV . et LXXXV. de l'Ordonnance
du mois de Mars 1584. et ceux du Livre
V. du Titre III . de l'Ordonnance du mois
de Novembre 1684. soient éxécutez selon leur
forme et teneur ; et en conséquence , a ordonné
et ordonne que les XIV . Articles contenus dans
ledit Arrêt soient éxécutez selon leur forme et
reneur , &c .
ORDONNANCE DU ROY , du 25 Mars ,
par laquelle S. M. ordonne , que tous les Offieier's
absens par semestre , qui se rendront à leurs
charges au premier du mois de Mai prochain ,
soit à la garnison , soit en route , si leurs Régimens
étoient alors en marche , jouiront de leurs
appointemens pour tout le tems qu'ils auront été
absens , ety seront payez en vertu de la présente
Ordonnance , nonobstant le tems fixé par
celles du 10 Septembre 1732. qui seront au surplus
éxécutées en tout ce qu'elles contiennent.
AUTRE du 28 Mars , qui ordonne , que les
Couvertures de laine qui se fabriquent à Montpellier
, jouiront à la sortie du Royaume de la
même modération de droits que celle portée par
l'Arrêt du 14 Novembre 1716. en faveur des
petites étoffes de laine qui se fabriquent dans la
Province de Languedoc .
AUTRE du 31 Mars , qui proroge pendant
une année seulement, la permission accordée aux
Négocians des ports et villes maritimes du
Royaume , d'envoyer leurs vaisseaux directement
en Irlande , pour y acheter des boeufs salez
, et les transporter ensuite aux Isles et Colo
mies Françoises de l'Amérique,
7
Ir

S
AVRIL.
1733.
627
ARREST DU PARLEMENT , au sujet d'un
Libelle , &c.
Ce jour les Gens du Roy sont entrez , et Maître
Pierre Gilbert de Voisins , Avocat dudit
Seigneur Roy portant la parole , ont dit :
-
MESSIEURS ,
Attentifs depuis quelque- tems à la recherche
T'un Ecrit fugitif, qui s'annonçoit sous le titre de
Reflexions pour les Evéques de France , nous venons
enfin d'en découvrir un Exemplaire que
nous apportons à la Cour. Elle y reconnoîtra les
saracteres du Libelle le plus emporté , le plus séditieux
, et le plus digne d'éprouver toute la șéverité
de la censure publique.
On y représente l'Eglise et la Religion comme
abandonnées aujourd'hui en France , à la violence
et aux entreprises des Magistrats séculiers ,
et n'ayant rien à espérer de l'appui du Gouverne
ment , ni de l'autorité du Prince , dont elles ont
à regreter d'avoir attendu envain le secours.
Les couleurs les plus noires y sont employées ,
pour former les traits de l'idée qu'on voudroit
donner de l'état présent des affaires de l'Eglise.
On ne craint point de rappeller à ce sujet l'image
de ces tems funestes , dignes d'un éternel oubli
, où les troubles de la Religion firent éprouver
à nos Peres l'extrémité des plus grands maux.
Ce n'est pas assez de nous menacer de les voir
renaître. Peu s'en faut qu'on ne les préfère à la
situation du tems où nous sommes , er que l'on
ne forme des voeux pour voir succeder à sa place
de pareils malheurs.
La moderation des Prélats les plus sages et les
mieux intentionnez est décriée. Au gré de ce
Libelle téméraire , il n'y aura plus de vrai zele
que celui qu'on verra toujours prêt à se porter
aux

28 MERCURE DE FRANCE
aux partis extrêmes , plus de difficultez dans l'Eglise
qui ne soient fatales , plus de troubles qui
se puissent appaiser charitablement , plus de dissentions
qui ne produisent un schisme , dont
l'Auteur semble envisager les suites avec une espéce
de satisfaction .
Ce Schisme en effet est l'objet qu'il se propose.
C'est , dit - il , la seule ressource qui reste aux
Evêques, dans la cause qu'ils soutiennent, et dans
l'usage de l'autorité et du Caractere divin dont
ils sont revêtus. Ou plutôt , si on l'écoute , ce
Schisme est formé ; il éxiste , et la foiblesse des
Prélats est seule cause de ce qu'il n'a pas encore
éclaté.
Nous ne faisons , MESSIEURS, que vous
tracer une légere idée des excès que renferme
cet Ecrit. La fidelité même de la Cour s'y voit
attaquée et sensible autant qu'on le sçauroit
être à un reproche si contraire aux véritables
sentimens dont elle sera toujours pénetrée , elle
verra en même-tems avec encore plus d'indigna
tion , les traits injurieux qui sont portez jusqu'à
la Majesté Royale.
Graces au Ciel , de tels Ecrits sont impuissans.
La fureur qui les dicte , de quelque côté que se
portent ses excès , ne sçauroit qu'inspirer de l'a
version er de l'horreur , pour peu qu'on l'envi
sage de sang froid, et fait d'autant mieux sentir
l'avantage et la nécessité d'une conduite modé
rée. Mais leur licence et leur scandale doivent
être réprimez : Et pour obtenir contre celui- ci
la condamnation qu'il merite , nous avons pris
les Conclusions par écrit que nous laissons en ce
moment à la Cour.
Eux retirez :
Vû le Libelle intitulé : Refléxions pour les Evêques
AVRIL. 1733. 629
es de France. La matiere sur ce mise en déliération.
La Cour a ordonné et ordonne que ledit Libelsera
laceré et brûlé en la Cour du Palais , au
ied du grand Escalier d'icelui par l'Exécuteur
e la haute Justice , comme injurieux à l'autorié
Royale , et à l'honneur des Parlemens , exci
ant au schisme , et tendant à sédition . Fait inibitions
et deffenses à tous Libraires , Imprineurs
, Colporteurs , et à tous autres , de l'im
›rimer , vendre et débiter , ou autrement distriuèr
, sur peine d'être procedé contre eux ex-?
raordinairement. Enjoint à tous ceux qui en au '
oient des Exemplaires , de les remettre incess
amment au Greffe Civil de la Cour , pour y être
upprimez ; permet au Procureur General du
Roy , de faire informer contre ceux qui ont
composé , imprimé , vendu , débité , ou distri
ué ledit Libelle , pardevant Maître Louis de
Vienne , Conseiller , même pardevant les Lieu
enans Criminels ou autres premiers Officiers
les Siéges Royaux du Ressort , pour les témoins
qui se trouveroient dans l'étendue desdits Siéges
poursuite et diligence des Substituts du Procureur
General du Roy en iceux ; pour les informations
faites , rapportées et communiquées au
Procureur General du Roy , être par lui requis ,
t par la Cour ordonné ce qu'il appartiendra
ordonne que Copies collationnées du présent Ar
rêt seront envoyées aux Bailliages et Sénéchausées
du Ressort , pour y être lû , publié et regis
ré. Enjoint aux Substituts du Procureur Gene
tal du Roy d'y tenir la main , et d'en certifier
la Cour dans le mois. Fait en Parlement le 14
Avril 1733. Signé , YSABEAU.
Et le 14 Avril 1733. à la levée de la Cour en
éxé730
MERCURE DE FRANCE.
éxécution du susdit Arrêt , le Libelle y mentionné
a été laceré et jetté au feu par l'Executeur de la
baute Justice , au bas du grand Escalier du Falais
en présence de nous Etienne -Henry Ysabeau , l'un
des trois premiers et principaux Commis pour la
Grande Chambre , assisté de deux Huissiers de ladite
Cour. Signé , YSABEAU.
ARREST DU PARLEMENT ; du 25 Avril,
au sujet de deux Livres , &c.
Ce jour , toutes les Chambres assemblées , Monsieur
le Premier Président ayant dit que les
Gens du Roy étoient en état de rendre compte
la Cour des ordres dont elle les avoit chargés
par son Arrêté du 15 du présent mois , ils ont
été mandez ; entrez en la Cour , ils ont été entendus
en leurs Conclusions ; et eux retirez , la
matiere mise en déliberation.
:
La Cour a ordonné que les Livres intitulez :
L'un , Nouvelle deffense de la Constitution , où l'or
montre qu'elle est régle de Foi , &c. par M. Claude
le Pelletier , Prêtre , Docteur en Théologie , Chamoine
de PEglise de Reims , à Rouen , chez Phie
lippe-Pierre Cabut , rue du Becq 1729. et l'autre :
Traité de l'Amour de Dieu , tiré des Livres Saints,
dans lequel , &c. dédié au Roy , par M. l'Abbé.
de Pelletier , Chanoine de l'Eglise de Reims , 2 vol.
à Paris , chez Henry , ruë S. Jacques , vis -à-vis
S. Tues 1732. seront supprimez comme contenant
des Propositions séditieuses , contraires au
respect dû au Caractere et à la Personne de plus
sieurs Prélats , à l'honneur et à l'autorité des
Parlemens , excitantes au Schisme , et tendantes
à troubler l'ordre et la tranquillité publique , en
proposant la Constitution Unigenitus commé
une régle de Foi : Fait deffenses à toutes personnes
de quelque état et condition qu'elles
soient
AVRIL. -17-33. 631
soient , de faire à l'occasion de ladite Constitu
tion aucun Acte ou Ecrit tendant au Schisme
à peine d'être procedé extraordinairement conre
les contrevenans : Ordonne qu'à la requête
du Procureur General du Roy , pardevant Me
Anne-Charles Goislard Conseiller , il sera informé
contre l'Auteur desdits Livres , comme
aussi qu'il sera informé contre le Frere Coiffrel ,
des faits portez en la dénonciation mentionnée
en l'Arrêté du 15 de ce mois , et Exploit du 12
audit mois y énoncé , pour les informations faites
et communiquées au Procureur General du
Roy , et rapportées, toutes les Chambres assem→
blées , être par la Cour ordonné ce qu'il appartiendra.
Ordonne que le present Arrêt sera imprimé
, lû , publié et affiché par tout où besoin
sera , et que Copies collationnées d'icelui seront
envoyées aux Bailliages et Senechaussées du Res➡
sort ; pour y être lû , publié et registré . Enjoint
aux Substituts du Procureur General du Roy d'y
tenir la main , et d'en certifier la Cour dans un
mois.
ARREST DU CONSEIL D'ETAT ,
du as Avril.
Le Roy ayant fait examiner , en son Conseil ;
un Ouvrage qui se répand dans le Public , et
u'on a voulu accréditer en lui donnant le titre
Instruction Pastorale de M. l'Evêque de Montpellier
, adressée au Clergé et aux fidelles de son
Diocèse , au sujet des miracles que Dieu fait enfaveur
des Appellans de la Bulle Unigenitus. Sa Majesté
auroit reconnu que cet Ouvrage imprimé
ans Privilege et sans nom d'Imprimeur , n'est
qu'un tissu de déclamations injurieuses à l'autoité
du Roy , et encore plus à celle de l'Eglise
qu'on y représente comme menacée d'une des
ruction prochaine , et d'une révolution qui
632 MERCURE DE FRANCE
fera succeder une Eglise nouvelle , composée de
ceux qui résistent à l'Eglise présente : Que de si
étranges idées y sont annoncées d'un ton prophetique
, et dans un stile qui seroit plus conve
nable à une satyre , qu'au Mandement d'un Evêque
, ensorte qu'il n'a pû être jamais paru de
Libelle plus propre à répandre de vaines terreurs
et de fausses impressions dans l'esprit des peuples
, à leur inspirer de l'aversion ou du mépris
pour le Pape et pour les premiers Pasteurs , et &
diminuer ou affoiblir dans leur coeur , le respect
pour la Religion même , à quoi étant necessaire
de pourvoir , pour éloigner tout ce qui peut en
tretenir ou augmenter un feu que le Roi ne cher
che qu'à éteindre dans son Royaume. Sa Majesté
étant en son Conseil , a ordonné et ordonne que
ledit Ouvrage intitulé , Instruction Pastorale de
M. l'Evêque de Montpellier , adressée au Clergé et
aux Fideles de son Diocèse , au sujet des miracles
que Dieufait en faveur des Appellans de la Bulls
Unigenitus , 1733. sera et demeurera supprimé ,
comme contraire au respect dû à l'Eglise et au
Roy , tendant à émouvoir les esprits et à trou
bler la tranquillité publique. Enjoint à tous ceux
qui en ont des exemplaires , de les remettre incessamment
au Greffe du Conseil , pour y êtr
supprimez et lacerez. Fait deffenses à tous Imprimeurs
, Libraires et autres , de quelque état
qualité et condition qu'ils soient , d'en vendre ,
débiter ou autrement distribuer , à peine de punition
exemplaire ; et sera le present Arrêt lû , publié
, &c.
TABLE
Ieces Fugitives , les deux Temples ,
621
Lettre sur la mort du Pere de la Tour, & c . 626
Madrigal de Mlle de la Vigne ,
642
Neuviéme Lettre sur Oran , Ceuta , &c.
Rondeau de Mlle de Malcrais ,
Lettre de M. & c. sur Zaire ,
L'Aurore , Cantate ,
643
650
651
656
667
Réponse à la Lettre, sur le nom de Bordeaux, 659
Le Triomphe d'Hebé , Ode.
Cabinet de M. Caperon , Description , &c. 671
Les Plaisirs Champêtres , Epitre.
Suite du Voyage de Basse-Normandie ,
Epitre d'un Suisse à Mlle de la Vigne ,
682
692
711
Nouvelle idée Physique sur les Acides , &c. 714)
L'Hyver , Poeme ,
727
Addition à la Lettre sur les Habits Canoniaux,7 30
Enigmes, Logogryphes , &c.
Nouvelles Litteraires des Beaux Arts , & c.
Dictionnaire des Cas de conscience , & c.
Principes de l'Histoire , & c.
Histoire Universelle , Sacrée , &c.
732
735
736
743
749
Description , & c. de l'Empire de la Chine , 750
Traité de l'Opinion , & c. 755
717
Bibliotheque des Théatres , &c. 748
759
Traité general des Horloges , &c.
Histoire complette de l'Eglise d'Evreux ,
Opération d'Agriculture , sur la maniere de provigner
les arbres , & c.
19
760
Assemblées publiques des Académies des Belles-
Lettres et des Sciences ;
762
Prix Litteraire fondé dans l'Académie des Belles-
763 Lettres ›
Programme du Prix de l'Acad. des Sciences, 765
Eloge du P. Boursault , 769-
Du P. G. Tho. de Jainville , Dominiquain , 771
Nouvelles Estampes , 772
Grille faite pour le Roy de Portugal , 713
Air à boire gravé , 776
Spectacles , Discours auPublic ; 777
Le Complaisant , Comédie nouvelle , 780
Ode , Compliment au Parterre , 789
L'Empire de l'Amour , Ballet , 793
Nouvelles Etrangeres , Turquie et Perse , Polos
811
gne , &c.
Extrait
d'une
Lettre
écrite
de Malte
, &c. 812
Espagne
, Grande
- Bretagne
, 813
France , nouvelles de la Cour , de Paris,&c. 814
Bénéfices donnez , &c.
Morts , Naissances et Mariages ,
Arrêts Notables.
Errata de Mars 1733.
817
819
824
PAge 445. ligne 13. dans de Bayeux , lisez de
P. 451. ligne 24. 1. et par un autre.
Ligne 27. et réimprimé , l. qui est réimprimé.
P. 452. ligne 1. Juillet , on apprend.
P.473 . ligne 3.1. par ce droit , le Restituteur,
P. 474. ligne 1. publié . I. Public .
Ligne 10. l. Guido.
P. 424. ligne 18. Danguau , 1. Dauguau,
P. 5oo. ligne 10. m'auze , l . m'avez.
P. 606. 1. 3. du b . Bouchart , l. Boucherat.
Fautes à corriger dans ce Livre .
Page 620, ligne 25. être difficilement , lisex ?
que difficilement. P. 660. ligne 17. au derrie
re du , 1. derriere le. P. 670. I. 7. faux , l feux.
P. 677.1. Cupules , l. Capsules. P. 695. ligne 4.
du b. frustré , l . frustre. P. 719. l. 3. du b. l'eau,
la, l. l'eau de la. P. 756. ligne 3. l'Astronomie judiciaire
, l . l'Astrologie judiciaire. P. 759. 1. 19.
a , ôtez ce mot. P. 769. ligne 11. Pacats , 1. Pascals.
P. 771. l. 25. jinville , l. Jainville. P. 771.
1. 28. Architeques l. Architectes. P. 782. l . 9. à
que , l. et que. P. 802. 1. n'est pas, l. ce n'est pas.
P. 808. 1. dern. n'éxistoient , l. n'éxistent,
La Chanson notée doit regarder lapage
DY
B
770



THE NEW YORK PUBLIC LIBRARY
REFERENCE DEPARTMENT
This book is under no circumstances to be
taken from the Building
Qualité de la reconnaissance optique de caractères
Soumis par lechott le