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1732, 09-10
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John
Bigelow
tothe
Century Association
* DM
Mercure



Welder
*
IM

MERCURE
DE FRANCE ,
DEDIE AU ROT.
AV
SEPTEMBRE. 1732 .
CITY SPARCI
OUR
COLLIGIT
Papilive
A PARIS ,
GUILLAUME CAVELIER,
ruë S. Jacques.
Chez LA VEUVE PISSOT , Quay de
Conty , à la descente du Pont- Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais.
M. DCC. XXXII.
Avec Approbation & Privilege du Roy.
THE NEW YORK
PUBLICLIBRARY
ASTOR, LENOX AND
TILDEN
905
A VIS.
ADRESSE generale eft à
Monfieur MOREAU , Commis an
Mercure , vis - à - vis la Comedie Frangoife
, à Paris. Ceux qui pour leur commodité
vondront remettre leurs Paquets cachetez
aux Libraires qui vendent le Mercure,
à Paris , peuventfe fervir de cette voye
pour lesfaire tenir,
On prie très-inſtamment , quand on adreſſe
des Lettres on Paquets par la Pofte , d'avoir
foin d'en affranchir le Port , comme cela s'eft
toujours pratiqué , afin d'épargner , à nous
le déplaifir de les rebuter , & à ceux qui
les envoyent , celui , non -feulement de ne
pas voir paroître leurs Ouvrages mais
même de les perdre , s'ils n'en ont pas garde
de copie.

Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , on les Particuliers qui fouhaiteront
avoir le Mercure de France de la premiere
main , & plus promptement , n'auront
qu'à donner leurs adreffes à M. Moreau ,
qui aura foin de faire leurs Paquets fans
perte de temps, & de les faire porterfur
T'heure à la Pofte , ou aux Meſſageries qu'on
lui indiquera,
PRIX XXX. SOLS.
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROT.
SEPTEMBRE . 1732 .
*************************PIECES FUGITIVES .
en Vers et en Prose.
REPONSE
A Me de Malcrais de la Vigne , par
M. de Voltaire , en lui envoyani la
Henriade et l'Histoire de Charles XI I.
T
Oy , dont la voix brillante a volé
sur nos Rives ,
Toi , qui tiens dans Paris nos Muses
attentives ,
Qui sçais si bien associer ,
Et la science et l'art de plaire ,
A ij Et
1888 MERCURE DE FRE
Et les talens de Deshoulieres ,
Et les études de Dacier ,
J'ose envoyer aux pieds de ta Muse divine ,
Quelques foibles Ecrits , enfans de mon repos ;
Charles fut seulement l'objet de mes travaux .
Henry quatre fut mon Heros ,
Et tu seras mon Héroïne .
En te donnant mes Vers , je te veux avoüer ,
Ce que je suis , ce que je voudrois être ,
Te peindre ici mon ame et te faire connoître ,
Celui que tu daignas loüer .
'Apollon présidoit au jour qui m'a vu naître ;
J'aurai vu dans trois ans passer quarante hyvers .
Au sortir du Berceau j'ai bégayé des Vers.
Bien tôt ce Dieu puissant m'ouvrit son Sanc
ruaire ;
Mon coeur vaincu par lui fut soumis à sa Loi.
D'autres ont fait des Vers par le desir d'en faire ;
Je fus Poëte malgré moi.
Tous les goûts à la fois sont entrez dans mon
ame ;
Tout Art à mon hommage , et tout plaisir m'enflamme
;
La Peinture me charme; On me voit quelquefois
Au
SEPTEMBRE. 1732. 1889
Au Palais de Philippe , ou dans celui des Rois ,
Sous les efforts de l'Art , admirer la Nature.
Du brillant Cagliari , * saisir l'Esprit divin ,
Et devorer des yeux la touche noble et sûre ,
De Raphaël et du Poussin.
De ces Apartemens qu'anime la Peinture ,
Sur les pas du Plaisir je vole à l'Opera ;
J'applaudis tout ce qui me touche :
La fertilité de Campra ,
La gayeté de Mouret , les graces de Destouches.
Pelissier par son Art , le Maure par sa voix.
L'agile Camargo, Sallé l'Enchanteresse ,
Cette austere Sallé faite pour la tendresse ,
Tour à tour ont mes voeux , et suspendent mon
choix.
Quelquefois embrassant la science hardie ,
Que la curiosité ,
Honora par vanité ,
Du nom de Philosophie ,
Je cours après Newton dans l'abîme des Cieux.
Je veux voir si des nuits la courriere inégale ,
Par le pouvoir changeant d'une force centrale ,
Paul Veronese.
A iij
En
1890 MERCURE DE FRANCE
En gravitant vers nous s'approche de nos yeux ,
Et pese d'autant plus qu'elle est près de ces lieux
Dans les limites d'une ovale.
J'en entends raisonner les plus profonds esprits ;
Je les vois qui des Cieux franchissent l'intervale ,
Et je vois avec eux que je n'ai rien compris.
De ces obscuritez je passe à la morale ;.
Je'lis au coeur de l'homme, et souvent j'en rougis
J'examine avec soin les informes Ecrits ,
Les monumens épars et le stile énergique ,
De ce fameux Pascal , ce dévot satyrique.
Je vois ce rare esprit trop prompt à s'eflammer.
Je combats ses rigueurs extrêmes ,
Il enseigne aux humains à se haïr eux-mêmes ;
Je voudrois, s'il se peut , leur apprendre à s'aimer..
Ainsi mes jours égaux , que les Muses remplissent
,
Sans soins , sans passions, sans préjugez fâcheux ,
Commencent avec joye , et vivement finissent ,
Par des soupers délicieux .
L'amour dans mes plaisirs ne mêle plus ses
peines ;
J'ai quitté prudemment ce Dieu qui m'a quitté.
J'ai passé l'heureux temps fait pour la volupté .
*Les Pensées de M. Pascal.
Il
SEPTEMBRE. 7732. 18 ) F
Il est donc vrai , grands Dieux , il ne faut plus
que j'aime !
La foule des beaux Arts dont je veux tour à tour,
Remplir le vuide de moi - même ,
N'est point encor assez pour remplacer l'Amour
Je fais ce que je puis , hélas ! pour être sage ,
Pour amuser ma liberté ;
Mais si quelque jeune Beauté
Empruntant ta vivacité ,
Me parloit ton charmant langage
Je rentrerois bien- tôt dans ma captivité .
A Paris ce 15. Août 1732.
SUITE DE LA TRADUCTION
de la Relation Turque , sur les Conferences
pour la Paix entre les Turcs
et les Persans.
V. CONFERENCE , tenue le 9. Janvier,
entre Raghib- Effendi et les Ministres
de Chah- Thamas.
A négociation n'avançant point , les
Plénipotentiaires de la Porte , pour
intriguer les Persans , laisserent couler
quelques jours sans les faire inviter à
continuer les Conférences ; mais ceux- cy
paroissant rester tranquilles chez eux ,
A iiij les
1892 MERCURE DE FRANCE
4
les Turcs se déterminerent à leur envoyer
Raghib -Effendi . Ce Defterdar , conformément
aux instructións que ses Collegues
lui avoient données , signifia en termes
formels aux Ministres de Perse ,
qu'il n'étoit pas possible de déferer aux
prieres qu'ils avoient faites jusqu'alors ,
et que tant qu'ils s'aheurteroient à la restitution
des Pays conquis au - delà de l'Araxe
, il étoit inutile qu'ils se flatassent
de réussir dans leur Mission . Nous connoissons
votre état mieux que vous - mêmes
, leur dit- il , à quoi bon vous fixer
à rebattre continuellement les mêmes instances
, puisque vous ne pouvez vous
promettre aucun fruit de cette conduite ?
Pour moi je vous parle à coeur ouvert ;
si vous voulez travailler avec succès à
la réunion de nos Souverains , croyezmoi
, ne réclamez plus rien de tout ce
que nous avons au- delà de l'Araxe ; car
en faisant la paix et gardant chacun ce
que nous possedons , il se trouvera que
l'avantage sera encore de votre côté .
2
Raghib- Effendi ayant sondé le terrain.
de cette maniere , et s'étant tourné et retourné
de tous les sens pour découvrir
les plus secrets sentimens des Ministres
de Perse , et les désabuser de leurs esperances
, Mehemet Riza-Khan , répondit
à
SEPTEMBRE. 1732. 1893
à ce Defterdar. Je vous jure sur la tête
de Mourteza- Ali , * qu'absolument je
n'ai pas le pouvoir de me desister en entier
des Pays que vous nous avez enlevez
au - delà de l'Araxe ; cependant en consideration
de la Paix , et pour mettre la
derniere main à un ouvrage si salutaire ,
je veux bien risquer de m'attirer tout le
courroux de notre Roy par mon trop de
condescendance , et je vous abandonne
contre ses deffenses précises , tout ce qui
est au- delà de ce Fleuve ; mais que leurs
Excellences , le Seraskier Achmet , ne
prétende plus garder rien des Pays endeçà
, car je suis résolu de tout hazarder
plutôt que de me relâcher de la moindre
chose sur cet article. Voilà tout ce
que nous avons à vous dire .
VI. CONFERENCE , tenue sous les Pavillons
du Seraskier Achmet- Pacha , où assisterent
, outre les Ministres ordinaires , tous
les Visirs qui se trouverent à l'Armée et
les principaux Chefs des Troupes..
Le 11. Janvier , deux jours après la
Ali , Gendre de Mahomet , dont les Persans
suivent la Secte.
** N. B. C'est une politesse de la Langue
Turque, de parler en plurier, quoiqu'on ne patle
qu'à une ou que d'une personne.
Av derniere
1894 MERCURE DE FRANCE
derniere Conference , les Plénipotentiaires
de Turquie et de Perse , les Visirs:
et les principaux Officiers de l'Armée
Ottomane s'étant assemblez sous la Tente
du Seraskier Achmet , ce Pacha prit la
parole et dit : Suivant le rapport qu'on
m'a fait jusqu'à present , presque toutes
les Conferences précedentes se sont passées
en discours infructueux de part et
d'autres ; mais , graces à Dieu , continuat'il,
en regardant les Ministres du Roy de
Perse , vous venez d'augmenter la haute
idée que je m'étois déja faite de votre
sagesse , puisqu'ayant reconnu avant hier
dans votre entretien avec Raghib Effendi
, que les propositions que vous nous
aviez faites cy-devant n'étoient pas recevables
, vous convintes avec lui de
renoncer à la restitution des Pays que
nous avons conquis au- delà de l'Araxe
; desorte que nous pouvons dire que
ce n'est proprement que de ce jour que
notre négociation a commencé , tâchons.
de la continuer er de la finir même aujourd'hui
, à la satisfaction commune ;
il ne s'agit plus maintenant que de disputér
sur les Pays qui sont en - deçà de
ce Fleuve ; examinons cette matiere
l'amiable.
Dès que nous avons cedé les Pays au
à
dela
SEPTEMBRE. 1732. 1895
delà , interrompirent les Persans , nous
ne voyons pas qu'il y ait plus rien à regler
entre nous , car pour ceux de deçà
ils ne méritent pas , dans la désolation
où vous les avez mis , que nous tenions
une seule Conference à leur sujet.
Nous ne pensons pas de même, reprirent
les Turcs , et nous jugeons , au
contraire , que parmi ces Contrées il y a
beaucoup de Lieux et de Places qui de
route necessité , et surtout par rapport
à la convenance doivent être annexez
à notre Empire , comme , par exemple
, les Ville et Province de Tauris , que
des raisons tres- essentielles nous empê
chent absolument de vous restituer.
>
Nous ne pouvons que vous repeter
roûjours ce que nous vous avons déja
dit tant de fois , répartirent les Persans ;
nous ne sommes pas ici pour disputer
d'égal à égal , sur ce qu'il convient que
vous nous donniez et que nous vous
donnions ; et nous en revenons , à l'ordinaire
, à vous supplier de prendre en
consideration notre état , et sur tout
Phonneur de la Porte. Hé ! ne le faisons
nous pas , répliquerent les Turcs ; comment
! quand nous vous rendons la Pro
vince d'Hamadan , qui est si belle et si
grande , cette grace n'est- elle pas assez
A vj Con
1896 MERCURE DE FRANCE
considerable pour vous inspirer plus de
retenue dans vos demandes ?
Nous conviendrons bien , dirent les
Persans , que la restitution de cette Province
seroit effectivement une faveur ,
si le Suppliant pour lequel nous parlons ,
n'étoit pas un Roy qui se jette entre les
bras du plus grand Monarque du monde ,
son unique réfuge et l'azile de la Foy
Ortodoxe; mais lorsque nous envisageons
votre Empereur sous cette idée sublime ,
il nous paroît qu'il est de sa grandeur de
nous traiter plus favorablement. Enfin ,
c'est de vous que sont partis les coups
qui nous ont terrassez ; nos playes sont
encore toute sanglantes , vous seuls pouvez
y appliquer les remedes les plus propres
à les guérir promptement ; nous ne
pouvons vous dire rien de plus.
Le Ministre de Chah-Thamas s'en tenant
toûjours à renouveller leurs prieres
aux Turcs , et à leur remettre continuellement
devant les yeux l'honneur de la
Porte , et le malheureux Etat de la Perse ;
ceux- cy leur dirent encore , comme ils
avoient déja fait dans d'autres Conferences
, de réfléchir de nouveau sur les prétentions
qu'ils formoient , et c'est par- là
que finit cette Séance.
VI
SEPTEMBRE . 1732. 1897
VII. CONFERENCE , qui fut generale.
comme la précedente , et se tint de même.
chez le Seraskier , le 13. de Janvier.
Très -honorez Plénipotentiaires , dirent
les Turcs aux Persans , dans la derniere
Conference que nous eûmes ensemble
, nous vous priâmes de faire de
plus mures refléxions sur l'état de vos
affaires et sur la nature de vos prétentions
. Dites - nous donc aujourd'hui à quoi
vous êtes résolus ; car enfin si vous pensez
tour de bon à pacifier les troubles qui
agitent votre Monarchie , pourquoi n'agissez
- vous pas consequemment , et le
plutôt que vous pourrez , puisque ce ne
peut être que le plus avantageux pour
vous ? la décision de l'affaire est toute entiere
entre vos mains ; il ne tient qu'à
vous que nous ne finissions dans un
instant.
Vos Excellences ont vû , répondirent
les Ministres de Perse , qu'en renonçant
pour notre Roy aux Etats que Vous possedez
au - delà de l'Araxe , nous vous
avons accordé , pour accelerer l'ouvrage
de la Paix , beaucoup plus que Sa Majesté
ne nous avoit permis de le faire. C'est
à votre tour à suivre notre exemple.
Hé bien ! répartirent les Turcs , quoique
1898 MERCURE DE FRANCE
y
que notre pouvoir ne s'étende pas aussi
à vous restituer rien au delà d'Amadan ,
nous voulons bien , pour que vous ayez
lieu d'être tout-à- fait contens de nous , y
ajoûter encore Kirmancha ( 1 ) et le Pays
d'Herdelan , au risque des reproches que
notre Empereur pourra nous en faire ,
mais il faut que de votre côté vous vous
désistiez de vos vûës sur la Province/de
Tauris , qu'il nous est impossible de vous :
rendre .
Sur cette derniere proposition , les Ministres
de Perse repliquerent : Nous n'avons
cessé de vous prier , et de vous supplier
de rétablir notre Souverain dans
rous ses Etats, et de faire revivre en lui l'éclat
de la gloire de ses Ancêtres ; nous vous
avons démontré que cela ne se pouvoit
faire qu'en lui remettant tous les Païs que
vous avez subjuguez dans son Royaume ;
et nous vous avons fait voir qu'en prenant
une voïe si honorable , l'Empereur,
votre Maître , s'immortaliseroit , er que
toutes les Puissances de la Terre, témoinsd'un
procédé si noble , ne pourroient se
lasser d'admirer et de publier sa clémen-
( 1 ) Kirmancha , ou Kerman , Ville d'une
Province du même nom , autrefois la Caramanic.
ce
SEPTEMBRE. 1732. 1899
ee et sa générosité. Surpris de trouver vos
Excellences peu sensibles à cette gloire
suprême , qu'il leur étoit si facile d'aquerir
, nous avions du moins esperé de les
fléchir , en leur cédant de notre bon gré
1 ) Ghendge , Tiflis , ( 2 ) Erivan , Kiat
Kiartil , le ( 3 ) Daguestan , Chamakić
et d'autresContrées si considérables , qu'elles
formeroient chacune un grand Etat ; }
et cependant la sublime Porte, sans avoir
égard à nos miséres , à nos humiliatious ,
et aux efforts que nous faisons , malgré
notre abbatement , pour applanir toutes
les difficultez qui s'opposent à notre ré
conciliation avec elle , s'amuse encore à
vouloir se conserver quelques Cantons
ruinez et des Déserts qu'elle vient de nous
( 1 ) Ghendgé , ou Ghendgea , Ville considérable
de la Géorgie , ainsi que Tiflis ou Téflis , qui
en est la Capitale.
(2 ) Erivan ou Irvam, Capitale d'une Provin
ce du même nom , qui fait partie de la grande
Armenie. Kiat , et Kiartil sont dans la même:
Contrée.
( 3 ) Le Daguestan, dont Chamakié est la Capitale
, est un Païs de Montagnes , comme son
nom le signifie,qui fait partie de la Médie-Atropaterre.
Il est habité par les Lesquis , qui dans le
commencement des Troubles , se mirent d'euxmêmes
sous la protection des Turcs, pour se ga
rantir des invasions des Moscovites..
prendre
630175
1900 MERCURE DE FRANCE
14
H
prendre en deçà de l'Araxe. Que vos Excellences
y pensent- bien , et qu'elles jugent
elles mêmes , si tant d'attachement
à des bagatelles , répond dignement à l'élevation
du Trône que remplit avec tant
de Majesté , votre auguste Empereur ? Les
Ministres Persans prononcerent ce Discours
avec toute la véhémence imaginable
, et ajouterent gen se levant , avec un
air plein d'altération , que vos Excellences
nous envoient , s'il leur plaît , Raghib
- Effendi , nous leur ferons sçavoir, par
són Canal , nos dernieres intentions.
CONTINUATION DE LA VII CONFERENCE
entre le Defterdar Raghib- Effendi , seulement,
et les Ministres de Chab-Thamas .
Ce Defterdar s'étant rendu chez les Plénipotentiaires
Persans , ils lui dirent : De
la même maniere que le Seraskier Achmet
Pacha a ordre de votre Maître de
ne pas restituer à la Perse aucun des Païs
au- delà de l'Araxe , nous vous jurons ,
par le Dieu Tout- puissant , que nous
avons aussi ordre du nôtre , de ne pas
ceder à la Porte , un pouce de terre en
deçà. Ainsi , dites à leurs Excellences
ajouterent- ils, que nous leur sommes bien
obligez des soins qu'elles ont pris pour
mettre fin à nos principales disputes, puisque
SEPTEMBRE . 1732. 1955
que tout ce qui nous en reste à vuider ,
ne regarde plus que la possession de Tauris
; mais suppliez - les de notre part , comme
nous vous en supplions vous - même,
de lever encore ce leger obstacle , en
nous restituant cette Province, qui n'of◄
fre plus aux yeux que des dégâts et des
mazures ; et si la chose est aussi impossi
ble que le Seraskier nous l'a assuré , engagez
du moins cet illustre Pacha à trouver
bon que nous congédions la plupart
de nos domestiques , et que nous puissions
nous retirer avec ce qui reste de nos
gens à ( 1 ) Gherbelaï - Mahaladé , pour y
passer le reste de nos jours.
Raghib-Effendi ayant rendu compte à ses
Collégues de ce que venoient de lui dire
les Ministres de Perse ; ceux de Turquie
laisserent passer deux jours sans leur donner
de leurs nouvelles , comme s'ils n'avoient
pas daigné faire attention au rapport
de ce Defterdar.
La négociation cependant se renoua le
(1 ) C'est un lieu situé près de Bagdat, où le fils
d'une des filles de Mahomet est inhumé ; sa mémoire
est en si grande vénération parmi les Persans
, qu'entr'autres superstitions du culte religieux
qu'ils lui rendent , ils se font une dévotion
de porter des Chapelets d'une espece de
Terre glaise , qui se trouve à l'endroit où est son
Tombeau.
163

1902 MERCURE DE FRANCE
16 , que se tint la derniere Conférence
avec la même assemblée , et chez le Seraskier.
VIII ET DERNIERE CONFERENCE.
Si vos Excellences , dirent les Plénipotentiaires
Turcs , souhaitent véritablement
la Paix ; au nom de Dieu , ne perdons
plus le temps en Discours superflus ,
et cessez de nous faire des propositionsque
nous ne puissions pas recevoir ; mais
au contraire finissons tout - à - l'heure ,
comme rien n'est plus facile , si vous en
avez bien envie ?
Nous n'aspirons à autre chose , répon
dirent les Persans , qu'à nous trouver parfaitement
d'accord avec vos Excellences
ordonnez , prescrivez - nous ce qu'il faut
que nous fissions ; nous sommes prêts de
concourir de tout notre pouvoir avec
vous , à la conclusion d'un accommodement
ferme et durable entre nos deux
Nations.
Vous nous avez priez de vous traiter
favorablement, reprirent les Turcs, et nous
y.avons acquiesce avec plaisir. Premierement
, en vous rendant la Province d'Amadan
, et ensuite sur de nouvelles instances
de votre part , le Païs d'Herdelan ,
et Kirmancha.Contentez - vous de ces graces
SEPTEMBRE. 1732. 1903
ces que nous vous faisons gratuitement ,
sans qu'aucune Loy divine ni humaine
nous y oblige , et ne pensez plus à répéter
Tauris sur nous.
Avant que de répondre à vos Excellenecs
,reprirent les Ministres de Perse,qu'elles
nous permettent de leur faire une
question et une comparaison tout ensemble.
Supposons un homme opulent et liberal
, à qui un pauvre ayant demandé douze
mille ( 1 ) Tomans , les lui auroit donnés
de bonne grace ; dites nous , si l'indigent
avoit encore besoin d'un seul Toman ; seroit-
il vrai - semblable , et croyez vous ,
que cet homme si généreux le lui refusât?
Votre parallele seroit juste , repartirent
les Turcs , si nous pouvions disposer
des Païs que vous nous demandez , comme
cet homme le pourroit de son bien
et que nous n'eussions pas de plus for--
tes raisons de retenir Tauris , qu'il en
auroit d'épargner un Toman ; mais nous
ne sommes pas dans le même cas, et quoiqu'il
soit vrai , comme nous en convenons
, que nous vous ayions cedé des
Provinces d'assez grande conséquence ,
( 1 ) Le Toman vaut environ 45 liv . de notre
monnoye , et n'est pas une espece, mais une maniere
de compter comme nous disons une Pistole
, pour signifier 10 francs.
"
pour
1904 MERCURE DE FRANCE
pour y joindre encore celle- ci qui est ruinée,
sans nous faire tant prier , c'est précisément
notre résistance inébranlable à
vous satisfaire sur cette restitution , qui
doit vous convaincre qn'elle passe absolument
notre pouvoir. Mais il faut sans
doute qu'il y ait quelque chose de surna
turel , caché derriere le rideau de la prédestination
, et qui doive bien-tôt se manifester
, puisque nous ne saurions parvenir
à vaincre l'entêtement avec lequel
vous persistez dans vos demandes ; surquoi
nous ne pouvons vous dissimuler , qu'à
la fin il sera peut-être cause de la rupture
de notre négociation , dont la consommation
étoit si prochaine.
L'Empire Ottoman est si puissant , et sa
grandeur si relevée , dirent alors les Ministres
Persans , que toutes les adversitez
qui pourront encore nous venir de sa
part , nous seront plus supportables que
les reproches et les mépris que nous aurions
à essuyer , non seulement du Roy ,
notre Maître , mais de nos Compatriotes
de tous Etats , jusqu'à la plus vile popu
lace , si nous faisions la Paix aux conditions
que vous voulez nous imposer .
Ce n'est pas notre obstination , comme
vous en accusez , c'est l'honneur , mille
fois plus cher pour nous que la vie , qui
nous
SEPTEMBRE. 1732. 1905
nous force à les rejetter ; et nous aimons
encore mieux nous exposer aux maux les
plus terribles , qu'à nous voir flétris pour
jamais par le désaveu et l'indignation de
toute la Perse. Du reste , si après nous
avoir tant accordé , vous croyez qu'il y
aille de votre gloire de nous refuser si peu
de chose , et à nous renvoyer , sans avoir
pû rien conclure , nous n'en murmurerons
point contre vous , et nous ne nous
plaindrons que du destin ; mais souffrez
qu'avant que de finir cette Conférence ,
nous vous rappellions pour la derniere
fois que Chah-Thamas s'est remis sans restriction
, à la clémence et à la générosité
de votre Empereur, et permettez- nous du
moins d'implorer votre intercession auprès
de Sa Hautesse . Nous osons encore
nous flater , que si des personnes de votre
rang , et d'un mérite aussi distingué que
le vôtre, veulent bien s'intéresser pour no
tre Roy , et faire à la Porte quelques representations
en sa faveur , elles n'auront
pas de peine à lui procurer la triste consolation
de recouvrer une Ville et une
Province si ravagées , qu'on ne peut pres
que plus les reconnoître que par le lieu
qu'elles occupent sur la terre.
Immédiatement après la tenue de cette
derniere Conference , qui se termina de la
sorte ,
1906 MERCURE DE . FRANCE

sorte , Mustapha- Khan alla rendre visite
à chacun en particulier des Plénipotentiaires
Turcs , des Visirs , et autres principaux.
Chefs de l'Armée Ottomane. Il
les pressa , les sollicita , les carressa tant
et leur fit de nouveau des Instances si
fortes , d'écrire et d'interceder même pour
leur Maître , qu'à la fin les Ministres du
G. S. persuadez que ceux de Chah - Thamas
n'avoient pas le pouvoir de se relâcher
sur Tauris , et que n'étant pas non
plus autorisez de leur côté à s'en dessaisir
, dresserent un Mémoire détaillé de
tout ce qui s'étoit dit et passé depuis l'ouverture
des Conférences , et l'envoyerent
à la Porte.
Il se tint à ce sujet consécutivement
plusieurs Conseils Généraux au Sérail , en
présence de S. H. où la matiere vivement
agitée , partagea souvent les opinions , et
dont le dernier résultat , fut cependant de
rendre Tauris à la Perse , avec tous les autres
Païs conquis en deçà de l'Araxe ; au
moyen de quoi la Paix , également désirée
des deux Peuples ennemis , fut conclue
et signée quelque temps après.
P. V. D.
LES
SEPTEMBRE . 1907

1732.
22 999
LES PROGREZ de la Tragédie ,
sous LOUIS XIV.
DEscends , Divine Melpoméne ( 1 ) ,
Prête à ma voix ces sons vainqueurs ;
Qui savent sur ta double scene ,
Ravir et charmer tous les coeurs.
Je celebre aujourd'hui ta gloire ,
Sous un Monarque dont l'histoire ,
Efface les noms les plus grands ( 2 ),
Et qui joignit à sa puissance , 2
Ce goût , cette magnificence ,
Si glorieuse aux Conquerans.
Quel noir cahos s'offre à ma vûë ( 3 )
Où vais-je en cette affreuse nuit ?
Un foible éclair perce la nuë ,`
Je n'entrevois qu'un jour qui fuit ;
Sur nos bords , un Théatre s'ouvre ,
Quels fantômes mon oeil découvre ,
Sous le Cothurne des Héros ;
O Dieux , Melpomene avilie ( 4 )
( 1 )L'Opera et la Comédie.
( 2 ) LOUIS XIV,
( 3 ) Etat de l'ancienne Tragédie en France.
(4 ) Pieces de Jodelle , Garnier , Hardy.
Porte
1908 MERCURE DE FRANCE
Porte le masque de Thalie ,
Orné des Myrthes de Paphos ,
Disparoissez , nuages sombres ( 1 );
Tout change ; à mes yeux éblouis ,
Le plus beau jour chassant les ombres ,
Se leve en faveur de Louis ;
Armand fait briller son Aurore ( 2 ) ;
Que de Fleurs s'empressent d'éclorre ,
Le temps augmente leurs attraits ;
Le Théatre se renouvelle ,
Le Dieu des Muses me révele ,
Le cours de ses heureux progrès.
Que vois -je ? d'une aîle hardie ,
Un Aigle fend le sein des airs ; ( 3 )
Par sa touchante Mélodie ,
Un Cygne attendrit l'Univers ( 4 ) ;
O prodige ; à la voix d'un homme ,
Renaissent les Héros de Rome , ( s ) ;
Plus grands encor , plus généreux ;
Est -ce la vertu qui s'exprime ( 6 ) .
( 1 ) Progrès de la Tragédie.
( 2 ) Le Cardinal de Richelieu. Pieces des s Au
geurs .
(3 ) Corneille , l'aîné.
(4 ) Racine
.
( s ) Pieces de Corneille
( 6 ) Mitridate.
Est-ex
SEPTEMBR E. 1732 1909
Est-ce l'amour tendre Monime , ( 1 ) ,
Vous les réunissez tous deux .
Les Regles long-temps négligées ,
Rentrent enfin dans tous leurs droits ;
Les bien- séances sont vangées ,
J'entens les Rois , parler en Rois ;
Du fard méprisant l'imposture
Melpomene dans la nature ,
Puise sa nouvelle splendeur ;
Et sa Pompe moins fastueuse ,
En devient plus majestueuse ,
Et plus digne de sa grandeur.
A tes Progrès , Muse sublime , ( 2)
L'Etranger dresse des Autels ;
L'Anglois , Emule magnanime ,
Leur rend des honneurs immortels ;
Nos Sophocles portent ta gloire ,
Aussi-loin que par la victoire ,
Le nom de Louis fut porté.
Tel du Midy , jusques à l'Ourse ,
(1 ) Mitridate , Piece de Racine.
( 2 ) Les Progrès de la Tragedie se sont étendus
fort loin sous LOUIS XI V. et continuent encore
après lui. Les Anglois ont traduit plusieurs de nos
Pieces , le Cid , l'Andromaque , le Caton ,
B Phoebus
1910 MERCURE DE FRANCE
Phoebus dans sa brillante course ,
Dispense au monde la clarëté.
Suis -je dans l'Empire des Fées ?
Est- ce icy le Palais des Dieux ? ( 1 )
L'Art des Zeuxis et des Orphées ,
Triomphe en ces superbes lieux ;
Nouveau genre où le fier tragique ,
S'unit aux sons de la Musique !
Où le chant nous peint les douleurs !
Triste Eglé , malheureuse Armide ,
Thétis , Clorinde , Sangaride ,
Vos accens m'arrachent des pleurs.
Le François est né trop sensible
Son goût par les amours flatté ,
Sembloit oublier le terrible ,
Qu'idolatroit l'antiquité ( 2 )
>
3 ) Echyle revit ; mais plus sage ;
S'il m'offre une barbare image ›
Il sait en adoucir l'horreur ( 4 ) ;
Et sur sa scene interressante >
Toujours la pitié gémissante ,
Est compagne de la terreur.
( 1 ) L'Opera,
( 2 ) Pieces de Sophocle et d'Euripe.
( 3 ) M. de Crebillon.
.14 ) Astrée , Electre ,
Zénobie.
Dieuz
SEPTEMBR E. 1732 1911
Dieux vains que celebre ma Lyre ,
Cedez au Dieu de vérité ;
Un Spectacle auguste m'attire ,
Où préside la Piété . ( 1 )
Icy la grace est triomphante ; ( 2 )
C'est dans les tourmens qu'elle enfante , ( 3 )
Des Chrétiens vainqueurs du trépas ; ( 4 )
Là , périt une Reine impie , ( s )
Plus loin , un fils rebelle expie ,
Ses Parricides attentats. ( 6 )
Des grands Maîtres suivons l'exemple ;
Que notre Théatre épuré ,
Par nos mains se change en un Temple,
Aux seules vertus consacré ;
Heureux qui les choisit pour guides ;
Et qui mêle les fruits solides
Avec le vif éclat des fleurs !
Fidele au flambeau qui l'éclaire ,
Il n'a recours à l'art de plaire ,
Que pour
faire regner les moeurs.
( 1 ) Pieces Saintes.
( 2 ) Polyeucte de Corneille.
( 3 ) Gabinie , de M. Bruys. "
( 4 ) Adrien , de M. de Campistron.
(s ) Athalie , de Racine.
6 ) Absalon , de M. Duché.
Bij PRIERE
1912 MERCURE
DE FRANCE
PRIERE
.
Toi , qui regles des Rois les hautes destinées ;
En faveur de Louis , exauce nos souhaits ;
Dieu saint , à ses vertus égale ses années ,
Et rends toujours son coeur digne de tes bienfaits.
- Vivat io , LODOIX , hoc unum poscimus omnes.
Par M. l'Abbé PONCY DE NEUVILLE .
LETTRE aux Auteurs du Mercure , sur
la Réponse insérée dans le Mercure du
mois de Mars dernier , à l'Ordonnance
de Bacchus.
J
E trouve , Messieurs, une grande inadvertance
, presqu'au
commencement
de la Réponse en question . Elle paroît
dès la fin de la seconde Période , c'est-àdire
, à la page 488 , lig. 6. du Mercure.
Le raisonnement
est si louche , que je serois
plus volontiers
porté à croire , que
celui qui a composé
cette Piéce , étoit
moins attentif à ce qu'il écrivoit , qu'à ce
qu'il avoit envie d'écrire.
Il a , au reste , fort mauvaise
grace de
reprocher
aux Gens tenans le Conseil du
Dieu
SEPTEMBRE. 1732. 1973
Dieu Bacchus , de n'avoir pas répondu à
ce que Virgile a écrit. Ce Conseil recon-.
noit , avec ce Poëte , que les lieux où il
y a une grande profondeur de terre , sont
meilleurs pour le bled , que les endroits
qui ont peu de fond , et que les superficies
moins épaisses , que celles -là , conviennent
au vin par préférence . Mais il
ajoute , que c'est abuser du texte Poëtique
, que d'en inférer qu'il n'y a que
Joigny qui soit dans le cas d'avoir un territoire
propre à la Vigne , ou que son exposition
a cette propriété par excellence .
Chacun sçait que c'est un avantage commun
à tous les lieux qui ont été les premiers
cultivez en Vignes. Ce qui fait le
Vin délicat , c'est que les racines s'étendent
plutôt en longueur qu'en profondeur
; mais ce n'est pas toujours ce qui le
fait bon et irreprochable . Il ne mérite pas
cette qualité , dès que cette petite épaisseur
de terre est couchée et appliquée sur
des Bancs de craye et de tuf , comme est
le territoire de Joigny , au vû et au sçu
de tout le monde . Loin donc d'ici le prétendu
Privilege singulier de cette Ville ;
Privilege exclusif, si on en croit le Député
qui parle pour elle ; mais dont ses habitans
ne peuvent se glorifier sans une vaine
présomption.
B iij Ce
1914 MERCURE DE FRANCE
Ce Député veut que nous marquions d'un
grand sérieux , ce que nous avons lû des
Poësies du P. Vaniere. Quoique l'Ordonnance
de Bacchus l'insinue assez , et qu'il y
soit dit en termes formels, autant qu'une
Ordonnance en style burles quepeut le permettre
, que la proposition du Poëte, prise
trop généralement est fausse et démen .
tie par l'expérience , on ne laissera pas de
faire encore icy quelques réfléxions. C'est
être en effet scrupuleux jusqu'au ridicule,
que de prétendre qu'on doit laisser sans
Vignes , des Côtes qui ne regardent pas
géométriquement le point de Midy en
face ,quoique le grain de terre en soit bon;
comme s'il étoit besoin de tirer un allignement
, et avoir son quart de cercle en
main lorsqu'on plante une Vigne , de
même que lorsqu'on dresse un Cadran .
Ce même Ecrivain convient qu'il ne faut
pas disputer des faits Or c'est un fait certain
et prouvé par l'expérience de quinze
cens ans au moins , que des Côtes qui ne
sont point obverses directement au Midy
, mais qui regardent un peu l'Orient ,
ou qui sont tournées vers le déclin du
Soleil , produisent du Vin aussi excellent
et même souvent meilleur que des Coteaux
qui font face , en droite ligne , au
point méridional.
II
*
SEPTEMBRE . 1732. 1915.
Il est vrai qu'entre les Vignes situées
obversement au Midy ; il y en a quelquefois
qui produisent un vin brulant : Mais si
ce Vin est bon , ce n'est pas toujours à cause
de leur exposition géométrique. C'est le
grain de terre qui fournit la substance
que les ardeurs du Soleil ne font que perfectionner.
Un bon fond produit de ses
entrailles un bon raisin ; et c'est la chaleur
de la nuit, aussi bien que celle du jour qui
opere le dégré de maturité qui convient.Il
faut donc éviter de tirer une conclusion
trop generale en matiere de Physique
d'une proposition avancée par un Poëte
qui s'attache plus à rendre son Vers bien
harmonieux , qu'à approfondir les secrets
de la Nature; sans quoy l'on court risque
de tomber dans le Sophisme , qui prend
pour cause , ce qui n'est point cause. Une
preuve de cela , est que si c'étoit la plus
grande chaleur , tombant à plomb , qui
fait le meilleur raisin , il s'ensuivroit qu'il
seroit à propos d'ôter les feuilles de dessus
le raisin pour le rendre meilleur ; ce
qu'on n'a garde de faire, parce que l'expe
rience fait connoître qu'une chaleur refléchie
ou de réverbération , rend le fruit
plus sain et plus propre à faire de bon Vin ,
qu'une chaleur directe.
Mais l'Ecrivain de Joigny est admira-
B iiij
ble
1916 MERCURE DE FRANCE
ble,lorsqu'il nous dit que le P.Vaniere fait
l'éloge de l'exposition de tout le Vignoble
de Joigny , en marquant le regard vers le
Midy , comme le plus favorable. La Providence,
disoit- il au mois de Février 1731 .
nous a bien favorisez , en nous environnant
de Collines , dont l'exposition nous répond
de la bonté de nos Vignobles. Il semble
que dès qu'une Ville est environnée de
Collines , il est impossible que toutes ces
Collines soient tournées vers le Midy
ou il faut s'abstenir de dire que la Ville
en est environnée , ou bien il faut avouer
qu'il y a de ces Collines qui sont tournées
vers l'Orient , d'autres vers l'Occident, et
d'autres encore autrement. Ce raisonnement
louche me persuade que l'Auteur
n'y pensoit pas lorsqu'il a fait l'exclamation
, qui contient ce que je viens d'allé
guer, et qu'alors il croyoit être à Auxerre,
qui véritablement est environné de tous les
côtez de Collines , qui produisent un Vin
de soutien , un Vin agréable et salutaire,au
lieu que je suis moralement assuré que les
habitans de Joigny , renieront presque
tout ce qui est au delà de leur Pont , ce
qui certainement comprend plus de la
moitié de l'Hémisphere, par rapport à
leur Ville.
Non seulement l'Ecrivain est refractaire
SEPTEMBRE . 1732. 1917
que
taire à l'Ordonnance de Bacchus , mais
encore il ose lui donner de fausses interprétations.
Lorsque Bacchus , par exemple
, nomme les Régions basses , moyenne
et supérieure il s'imagine que ce Dieu entend
parler de celles de l'air ; et cela pour
avoir le plaisir de dire que cette Divinité
tient un langage qui sent le Copernic , et
qu'elle s'est répandue en propos vagues.
Peut on se figurer , sans être enlevé, comme
Gyrano de Bergerac, dans les Régions sublunaires
, que les Vignes soient plantées
dans une matiere aussi fluide et légere
l'air ;et que
la basse Région , dont
Bacchus parle , ne soit pas celle qui est de
niveau avec les Champs et les Prairies ?
Cette Divinité a déclaré , sans ambiguité,
que la moyenne Région d'un côteau , est
cet endroit où se rassemble la portion
la plus nourrissante du sol ,après les pluyes ,
et que la Région supérieure est celle du
terrain qui reste la plus dénuée de substance
nutritive , et qui n'a , pour ainsi
dire , que les os. Le Conseil du Dieu
Bacchus n'a pû être si mal avisé , que de
confondre un Element avec l'autre , et de
prendre l'air pour la terre. Ainsi la remarque
, que son langage conviendroit
mieux à un Traité d'Astronomie , qu'à
une déclaration sur la primauté des Ter-
B v ritoires
1918 MERCURE DE FRANCE
ritoires , est mal placée et hors de son lieu .
Mais peut-on pardonner ce qui se lit
dans la page 490 ? Il faut être sujet à des
inattentions extrêmes , pour attribuer au
vulgaire de notre Ville une expresion qui
y est absolument inconnuë , que ni homme,
ni femme , ni enfant , n'y ont jamais
employée. L'on s'y sert pour exprimer
l'ustancile en question , du même nom
qu'à Paris. Le Critique a pris , sans doute,
le Dictionnaire des environs de Montbar
et de Sainte - Reine , pour le Dictionnaire
d'Auxerre . Ce sont deux volumes
si differens , que je puis vous assurer que
Benatron n'est pas un terme plus usité
dans le langage de notre Ville , que l'herbe
de la Saingeon l'est dans les assaisonnemens,
et que l'on n'y entend pas plus parler
de l'un que de l'autre.
La Géographie du Défenseur des vins
de Joigny , me paroît aussi être un peu
embroüillée . On voit par ce qu'il dit au
bas de la même page 490. que ce n'est qu'à
regret qu'il avoue que Joigny appartient
au Pays Senonois , et qu'il aimeroit mieux
qu'il fût compris dans l'Auxerrois , afin
d'être de la Bourgogne. Il fait tout ce
qu'il peut pour accrocher sa Ville à cette
Province. Mais les Cartes citées dans l'Ordonnance
de Bacchus , y sont contraires ;
et
SEPTEMBRE 1732. 1919
et contre cela point d'Appel . Ceux qui
sçavent l'origine des Impositions , n'ignorent
point que le Pont de Joigny a
été regardé comme le premier sur la Riviere
d'Yonne, qui soit situé dans la France
, et que la formalité que ce Pont occasionne
, vient de cette diversité de Territoire.
Ainsi c'est encore une faute qui
s'est glissée dans le Memoire inseré dans
le Mercure du mois de Mars dernier ,
lorsqu'on y lit à la page 550. au sujet du
sieur Ferrand , celebre Peintre , qu'il naquit
à Joigny en Bourgogne : les deux der
niers mots sont de trop .
'
Lorsque l'Ecrivain de cette Ville dit
que
l'on a hazardé une Note sur l'Ordonnance
de Bacchus , touchant le prix du
vin d'Auxerre , il a quelque espece de
raison. On lui avoue que la Note n'est
pas tout -a- fait exacte , en ce qu'elle ne
met pas le prix des vins d'Auxerre encore
assez au dessus de ceux de Joigny. L'Auteur
Auxerrois apprehendant d'encourir
les peines portées par l'Ordonnance contre
ceux qui ne disent pas la pure verité,
a couru promptement chez l'Imprimeur ,
et a fait mettre la chose dans toute son
exactitude ; sçavoir , que les vins d'Auxerre
ont été vendus en 1730 , non 130 .
et 140. livres au plus haut prix , mais
140. et 150, livres, B vj L'A
1920 MERCURE DE FRANCE
L'Apologiste de Joigny devoit avant que
d'écrire , se donner la peine de consulter
l'Errata imprimé à la fin du Mercure d'Octobre
dernier , et il y auroit lû , que le
prix de 150. livres le muid fut celui du
vin de M. d'Orchy, alors digne Prieur de
Saint-Marien . C'est ce qu'il déclara 15 .
jours avant son décès , lorsqu'il eut pris
communication de l'Ordonnance. On ne
peut se dispenser de vanger la memoire
de ce Religieux , à qui on voit bien que
le Citoyen de Joigny en veut , lorsqu'on
fait attention à un petit mot qui lui est
échappé au haut de la page 49. Mais
pour suivre pas-à - pas ses Observations
Apologetiques , il est bon de lui faire remarquer
qu'il a encouru la même peine
de l'Ordonnance , parce qu'il a allegué
faux en matiere grave , et de la compétence
du Tribunal Bacchique , usant outre
cola d'une réticence , dont les suites
pourroient tirer à grande consequence.
S'il s'est vendu à Auxerre du vin à pot
ou en détail à un prix plus modique qu'on
n'a fait à Joigny , ce n'étoit pas le meil
leur vin , comme il a la hardiesse de le
dire ; puisque sa bonne qualité le fait enlever
encore tout chaud , et le fait conduire
à Paris , en Normandie , en Picardie
, en Flandres , en Artois et encore
plus
SEPTEMBRE. 1732. 1921
plus loin , mais c'étoit du vin de quelques
Villages de la Vallée d'Aillant , qui
sont de l'Election de Joigny , que
les
Habitans de ces lieux font voiturer à
Auxerre , pour y en trouver le débit
à la faveur du grand passage et de la modicité
des droits , sans quoi , ils leur resteroient
infalliblement ; et ces vins servent
à la boisson des Paysans et des Artisans
qui y affluent en bien plus grand
nombre qu'à Joigny.
Et quand même il y auroit eu du vin du
cru d'Auxerre , vendu à pot sur le pied
du prix de Joigny , cela ne viendroit que
de cette modicité des Droits d'Aydes
fondée sur les Privileges de la Bourgoconfirmez
les Rois
gne et autres , par
Louis XI . et Henry IV. comme aussi de
ce que la mesure est plus petite à Auxerre
qu'à Joigny. L'Avocat de nos Adversaires
, qui n'allegue que l'excedent
des Droits , nous prend apparamment
pour ces bons Limousins , à qui un Pape
de leur Nation promit , dit-on , de faire
avoir double récolte par an , à condition,
cependant, qu'au lieu que par tout ailleurs
on ne compte que douze mois par chacune
année >
on en compteroit vingtquatre
dans leur Pays. Des que
la pinte
est plus grande à Joigny qu'à Auxerre ,
il
1922 MERCURE DE FRANCE
il est juste qu'il y ait de l'augmentation
à proportion dans le prix de la vente qui
se fait en détail .
Cet Ecrivain devient plus hardi à mesure
qu'il approche de l'endroit où il veut
tirer son coup de pistolet . Sans sentir la
fausseté de son raisonnement , toute palpable
qu'elle est , il dit qu'il suffit que
les vins de Joigny se trouvent bons pendant
deux ou trois ans , pour qu'on puisse
les transporter par tout où l'on voudra.
Mais où est la preuve que ces vins se trouvent
bons pendant deux ou trois ans ?
C'est ce qu'il suppose et ce qu'il falloit
prouver. Il se peut faire que quelques
bouteillles tirées à propos d'un tonneau
se soient conservées sur le lieu , c'està-
dire à Joigny même jusqu'à deux et
trois ans dans le fond d'une cave très profonde
, ou dans un autre souterrain bien
frais. Mais il n'en suit pas de-là
que ce
vin étant conduit bien loin , sur tout par
les voitures de terre , n'essuie pas de ces
revers de fortune dont l'Ordonnance à
parlé , qui seront tels que la fraicheur des
lieux les plus bas ne pourra le racommoder
, et qu'on sera alors forcé pour le soutenir
, de le couper avec du vin qui ait
du corps et de la moëlle. Bacchus à donc
décidé juste , parce qu'il étoit fondé sur
a
l'expe
SEPTEMBRE . 1732. 1923
l'experience. De sorte qu'il ne reste point
d'autre conseil à donner aux gens de Joigny
, pour remedier à cet inconvenient ,
que de trouver un secret de transporter
leurs caves toutes entieres et sans fracture
, jusques dans les Pays où ils veulent
leur vin arive sain et sauf; encore
y conservera- t'il toujours son goût de terroir
, c'est- à dire , de Craye et de Tuf,
qu'il a apporté en venant au monde.
que
La tournure des premieres lignes de
la page 492. fait voir que l'Ecrivain de
Joigny est accoûtumé à croire les choses
legerement , et surtout celles qui renferment
des suppositions sans preuve.
Peut-être auroit- il été plus réservé au
mois de Décembre 1731. si celui qu'il
attaque eut été encore vivant . Mais ayant
appris son décès , arrivé vers la S. Martin
précedente,il a crû que ce qu'il avanceroit
contre lui resteroit sans replique. Bien
plus , il se flatte peut-être que cette mort
fera que les vins d'Auxerre ne soutiendront
plus leur réputation . Mais il se
trompe encore ; la mort d'un seul homme
n'a rien changé dans le Pays. Les
Vignes sont restées dans le même état ,
même sol , même exposition , même plan
de Pinot noir , clair et délié , même situation
et même grain de terre ; nous ne
voyons
1924 MERCURE DE FRANCE
voyons pas qu'aucun tremblement ait
donné au Territoire une autre superficie
que celle qu'il avoit , et on ne peut lui
reprocher d'être fondé sur la craye ni impregné
de pierres à fusil. Le Ciel , de son
côté , favorisera des mêmes benignes influences
et des mêmes regards un terrain
si bien composé : Les mêmes grapes
paroîtront chaque année aux mois accoûtumez
. On continuera d'apporter la même
exactitude à tenir les Vignes exemptes
d'herbes et de toutes plantes étrangeres .
On aura la même attention à se servir de
perches transversales , pour ne pas laisser
ramper les grapes sur la terre , et afin que
la reverberation qui en résulte soit plus
forte et plus salutaire , à ne point prévenir
la maturité pour les jours de la
récolte ; à mettre à part pour la boisson
populaire les plus communs , s'il s'en
trouve à ne permettre l'entrée de la
Cuve à aucun de ces rameaux nerveux
et acres , qui supportent le grain et que
le Peuple appelle la Ralle. On aura la
même vigilance sur le grain du Raisin,
pendant qu'il baignera dans le mol de
la Cuve , ensorte que le degré de chaleur
qui s'y forme , contribuë à la délicatesse
comme à la couleur.
,
De tout cela il résulte un composé d'at
tention
SEPTEMBRE . 1732. 1925
tention , de prudence et de connoissance
experimentale , qui est la seule drogue
que l'on puisse imputer à feu M. le Prieur
de Saint - Marien et à ceux qui ont pris
la peine de l'imiter ; ( a) drogue , comme
l'on voit , bien innocente , et dont les
grains ou les dragmes , qu'elle qu'en soit
la dose , ne peuvent produire qu'un bon
effet. Ces attentions coûtent des soins
et une dépense plus grande qu'on ne
croit ; mais ce sont des avances qui servent
à faire travailler le petit Peuple ,
et dont l'achepteur dédommage bien vo
lontiers le vendeur . Au reste , quelque
forte que soit la dose d'attention et de
vigilance que M de Joigny puissent employer
à la culture de leurs Vignes et à
la façon de leur vin , nous posons pour
certain , que jamais le vin de leur cru n'aura
la bonté de celui d'Auxerre , parce
que la cause productive peche in radice.
Aussi est - il vrai de dire qu'on voit bien
des Commissionnaires de Joigny remonter
jusqu'à Auxerre pour y acheter du
vin , dont ils accommodent leurs Correspondans
; mais on ne voit jamais ceux
(a) Celui qui s'en glorifie le plus ouvertement
est son plus proche voisin , M. du Pile , dont les
Cuvées de vin sont toûjours d'une très -grande
réputation.
d'Auxerre
1926 MERCURE DE FRANCE
d'Auxerre aller acheter du vin de Joigny,
et la raison en est qu'on peut bien jetter
du vin d'Auxerre sur celui de Joigny
pour l'améliorer , mais non pas du vin
de Joigny sur celui d'Auxerre. C'est ainsi
qu'en agissent les bons Connoisseurs ; et
si le commun des Habitans de Joigny ,
au lieu de s'accoûtumer à faire une infusion
de quelques pintes de vin d'Orleans
ou de Blois sur chacun de leurs
tonneaux , lorsque leur vin commence à
jaunir , prenoient la loüable coûtume d'y
mettre de bonne heure un broc de vin
d'Auxerre , ils verroient leurs vins augmenter
de prix comme ils auroient augmenté
en vigueur.
Autre supposition erronée de l'Ecrivain
Champenois , qui mérite que Bacchus
en fasse un exemple: c'est lorsqu'en
finissant il dit que l'Auteur de l'Ordonnance
s'approprie sans scrupule les Pays
voisins , qu'il comprend dans le Territoire
d'Auxerre tous les Vignobles de dix lieuës
à la ronde , et qu'il s'égare même jusques
dans les Vignes de Dijon. C'est en imposer
au public, sans faire attention que
c'est lui-même qui s'égare , et qu'il a
avoué que Joigny n'est qu'à six lieuës
d'Auxerre . Comment donc Bacchus auroit-
il pû comprendre dans le Pays Auxerrois
SEPTEMBRE . 1732. 1927
rois tout ce qui est à dix lieuës de cette
Ville à la ronde , et en même- temps en exclure
joigny par un article formel de son
Ordonnance ? Il y auroit une contradiction
manifeste.Très - constamment cette Topograpie
est des plus mal en ordre. Il est
visible que d'une licue l'Ecrivain en fait
trois et même davantage . Il s'en faut donc
bien que le Territoire d'Auxerre ait ou
tant d'étenduë qu'il veut nous le faire
dire.Loin de le faire aller jusqu'à dix lieuës ,
nous n'y comprenons pas même Chablies,
qui n'en est éloigné que de quatre. Mais
nous avons seulement donné à entendre
que ce Territoire commence à une lieuë
ou environ d'Auxerre vers le Septentrion ,
et qu'il remonte jusqu'à six lieuës ou environ
le long des rivages de l'Yonne et de
la Cure , en y comprenant ce qui est éloigné
d'une lieuë ou à peu près , du bord
de ces Rivieres .
En effet , il ya dans tous ces Pays - là ,
même superficie , même fond de terre, et
même culture de Vignes ; au lieu qu'à
Chablies , qui est à l'Orient et dans la
Champagne , tout change , Territoire
plan et façon de Vignes ; il en est de même à
Joigny,qui est vers le Septentrion ou plutôt
au Nord- Ouest , changement total
en genre de Terrain et de culture, et jus-
>
ques
1928 MERCURE DE FRANCE
ques dans le langage du métier. On n'y
connoît point , par exemple , le nom de
Pinot , si reveré à la Cour de Bacchus ;
mais on y parle de Houche , de Houchean ,
comme de Raisins du premier ordre.
Admirons donc à notre tour le Partisan
des vins de Joigny , qui entousiasmé
de son Pere Vaniere , d'ailleurs Poëte
naturel et Auteur d'un bon Livre , croit
qu'il faut toujours planter la Vigne sur
des Côteaux les plus approchans du perpendiculaire
que faire se pourra. Bacchus
l'a renvoyé à des exemples de differens
climats de Bourgogne , dont le vin est
délicieux , quoiqu'en Pays presque plat ;
mais comme il n'est pas fait au langage
d'une Ordonnance qui combat ses prétentions
, il dit que c'est s'égarer en pro-
-pos vagues , que d'apporter exemple sur
exemple du contraire de ce qu'il s'est
imaginé . C'est donc temps perdu que
d'alleguer tous les differens autres Vignobles
du Royaume , pour confondre ces
prétentions , dès qu'on traite d'égarement
les preuves des Adversaires
les exemples qui pulverisent le systême
opposé ; c'est une affaire enfin dont il faut
laisser la décision au Public et demeurer
ensuite dans le silence , en se reposant
sur la fidelité et la vigilance des Offiet
ciers
SEPTEMBRE . 1732. 1929
ciers de Bacchus , qui en pareil cas ne
peuvent manquer de faire leur devoir.
Je suis , & c.
OD E.
SUR LE JUGEMENT DERNIER.
Qu
Uelle puissance souveraine ,
Trouble l'ordre de l'Univers !
Quels crls de fureur et de haine !
De quels feux s'allument les Airs !
Les Cieux , de leurs voûtes brisées ,
Ouvrent les portes embrasées ,
Aux Eclairs , aux Foudres brulans,
J'entens une voix menaçante ,
Qui dit à la Terre tremblante ,
Ce jour est le dernier des temps.
>
Mais que vois-je ! quels tas terrible ,
D'ossemens et de membres morts !
Le son d'une Trompette horrible
En ranime tous les ressorts .
Quel divin rayon de lumiere ,
poussiere ,
Donne à cet amas de
De la chaleur , du mouvement !
Quel esprit , quel souffle de vie ,
Agite,
1930 MERCURE DE FRANCE
Agite , échauffe , vivifie,
Les cendres de ce Monument !
Quels cris de joye et de victoire !
Voici le Juge des Humains ,
Le CHRIST sur un Trône de gloire ,
Ouvre le Livre des Destins ,
Au pied du Trône inaccessible ,
Sont la Justice incorruptible ,
Et l'immuable verité .
Tremblez , Mortels , je vois la Foudre ,
Qui va bien- tôt réduire en poudre ,
Le mensonge et l'iniquité .
Satan , du funeste volume ,
Transcrit les fastes criminels.
Ah ! quelle source d'amertume ,
Pour vous , ô malheureux Mortels !
Sur le fer , l'airain et le cuivre ,
Sont gravez dans l'immense Livre ,
Les trahisons , les noirs projets.
Egalement on y découvre ,
Et de la Cabane et du Louvre ,
Les attentats les plus secrets .
Sur le marbre , l'or et l'yvoire ,
Un Chérubin majestueux ,
A le soin de tracer l'Histoire ,
Des
SEPTEMBRE . 1732. 1931
Des faits des hommes vertueux.
Du haut de son Trône suprême ,
Le Fils d'un Dieu pese lui - même ,
Et les vices et les vertus.
Au mouvement de la balance ,
Sa main punit ou récompense ,
Les Réprouvez ou les Elus.
Du Seigneur , la voix redoutable ,
Trouble les Airs épouvantez.
Je frémis. Sa bouche équitable ,
Va m'anoncer ses volontez.
Qu'entens-je ! quelle horreur soudaine ...
Ciel ! un Fleuve de sang m'entraîne ,
Dans l'éternelle obscurité.
Ah ! Seigneur , je suis ton Ouvrage ,
Voudrois-tu détruire l'Image ;
De ta divine Majesté.
Suspens les coups de ton Tonnerre ,
Qu'ont allumé tant de forfaits ;
Ne me déclare plus la guerre ;
Je fus l'objet de tes bienfaits .
Jadis dans le sein de Marie ,
L'Esprit- Saint te donna la vie ,
Qui me garantit du trépas ,
Et victime de ta Justice ,
Tu
1932 MERCURE DE FRANCE
Tu t'offris toi - même au supplice ,
Que méritoient mes attentats .
Contre moi ta juste colere ,
Devroit armer ton bras vengeur ;
Du Châtiment le plus sévere ,
Mon crime égale la rigueur .
Mais souviens- toi qu'en Pere tendre ,
Tu voulus autrefois répandre ,
Tout ton Sang pour briser mes fers ,
Ce Sang dont une seule goute ,
Auroit pû racheter , sans doute ,
Les crimes de tout l'Univers.
Dieu de bonté , mes cris funebres
Sont parvenus jusques à toi ;
Ton éclat perce les tenebres ,
Dont l'horreur me glaçoit d'effroi ;
Oui , déja ta main secourable ,
Comble l'abîme épouventable ,
Où m'entraînoit l'iniquité.
Tu m'appelles . O joye extrême !
Je touche à mon bonheur suprême ,
Et je le dois à ta bonté.
Cavaliez , Avocat à Montpellier.
EXSEPTEMBRE.
1732 1933
į į į į į į į į į ! § &
EXTRAIT d'une Lettre écrite par
M. D. L. R. à M*** sur la
Litterature
des
Mahometans , et sur celle des Turcs
en particulier.
'Orient a
toûjous eu et a
encore au-
Lo
Lettres
fession ; on y cultive les Sciences et les
Beaux -Arts la
plupart des
Européens
sont là-dessus dans une étrange préjugé,
croyant que le
Mahometisme a absolument
détruit, dans son Empire tout ce
qui s'appelle bon goût et érudition . Je
sortirois trop du sujet
principal de ma
Lettre , si
j'entreprenois de
combattre ce
préjugé , avec quelque étendue , et je ne
dirois rien qui ne vous fût en
quelque
façon connu. Je me
contenterai de faire.
ici
quelques
Remarques pour
prouver ce
que je viens d'avancer.
Premierement , dans
l'Alcoran même,
la Science en general est fort exaltée et
recommandée aux
Musulmans ,
jusquesfà
qu'un des plus anciens
Docteurs Mahométans
, disoit que celui qui s'exerce
dans les bonnes oeuvres sans la Science ,
est
semblable à l'âne d'un Moulin qui tour-
C no
1934 MERCURE DE FRANCE
"
ne toujours sans avancer chemin. Le
Monde , dit une des Traditions Mahometanes
, ne subsiste que par quatre choses
; par la science des Docteurs , par la
justice des Princes , par les prieres des
gens de bien , et par la valeur des Braves.
Enfin un des plus grands Personnages de
cette Secte , étant au lit de la mort ,
disoit à ses Enfans , apprenez toutes les
Sciences , si vous pouvez , à l'exception
de trois , qui sont l'Astrologie judiciaire ,
la Chimie , qui n'a pour but que la Pierre
Philosophale , et la Controverse ; car la
premiere ne sert qu'à augmenter les chagrins
de la vie ; la seconde , à consumer
son bien , et la troisième , qu'à causer des
doutes , qui font enfin perdre la Religion .
Depuis l'établissement des Califes , successeurs
de Mahomet , et la fondation
de leur Monarchie , plus vaste que celle
des Romains , il y a toujours eu parr i
les Arabes une infinité de gens qui s
sont appliquez à l'étude des Sciences
des Arts ; ils ont traduit en leur Langu
l'une des plus anciennes , les meilleu
Livres Grecs , Hebreux , &c. qu'ils or
pû trouver. Plusieurs même de ces C
lifes ont été sçavans et ont aimé et pro
regé les Gens de Lettre ; ils ont fon
des Colleges , établi des Académies
SC
SEPTEMBRE . 1732: 1935
sont celebres dans l'Histoire Orientale.
Il faut avouer , dit le Pere Rapin dans
ses Refléxions sur l'Histoire , que les
Arabes , par la qualité de leur esprit et
par le loisir que la prosperité de leurs
Armes et l'abondance leur procurerent ,
s'appliquerent tellement à l'étude de la
Philosophie et des Mathématiques , qu'ils
devinrent les premiers Sçavans du Monde.
Les autres Princes Mahométans contemporains
ou successeurs des Califes
sur tout les Princes Asiatiques , se sont
piquez de science , et de faire fleurir les
Lettres dans leurs Etats. L'Histoire Orientale
parle d'un Sultan si studieux , qu'il
faisoit porter à l'armée et dans tous ses
voyages , une Bibliotheque , qui faisoit
seule la charge de 400. Chameaux. Le
Grand Visir Kupruli , tué à la Bataille
de Salamkemen , a fait la même chose
de nos jours.
J'ajoûterai l'exemple de deux autres
Sultans amateurs des Sciences ; le preier
est Kedder Kan , qui regnoit dans
a Transoxane , ou le Turquestan , dans
te Ve Siecle de l'Hegire. C'étoit un Prince
- puissant , sçavant et des plus magnifiques
de son temps. Il avoit formé une Acaémie
qui s'assembloit en sa présence
nt assis sur une Estrade élevée , au
Cij pied
1936 MERCURE DE FRANCE
pied de laquelle étoient quatre grands
bassins remplis d'or et d'argent , qu'il
distribuoit aux Académiciens , suivant le
prix et le mérite de leurs Ouvrages . Ce
Prince avoit toûjours à sa Cour une centaine
de Sçavans d'élite , qui l'accompagnoient
partout, et auxquels il donnoit
de grosses pensions.
L'autre Prince est Atsiz , Sultan de Karisme
, qui se distinguoit par sa liberalité
envers les Gens de Lettres. Il assembloit
souvent au milieu de sa Cour une Académie
pour conferer sur les Sciences et
sur les Belles Lettres , et il récompensoit
les Sçavans suivant leur mérite et celui
de leurs productions. Ce Prince vivoit
vers le milieu du VI. siecle de l'Hegire
le XII. de J. C.
On dira peut- être , Monsieur , que ces
traits recueillis des Auteurs Orientaux ,
regardent des temps fort éloignez du
nôtre , et que depuis les conquêtes des
Turcs dans le Levant , sur tout depuis la
prise de Constantinople , cette Nation ,
qu'on suppose toujours ennemie des Lettres
et des études , a aboli toute espece
de science et d'érudition en ce Pays- là .
On le dira , si on veut , mais on le dira
sans autorité et sans fondement . Il est
rai que cette Nation a fait dès le com
mencement
SEPTEMBRE. 1732. 1937
mencement une profession particuliers
des armes , mais il est vrai, aussi qu'elle n'a
jamais méprisé l'étude des Lettres , qu'elle
s'est polie dans la suite , qu'elle a eu pour
Maîtres dans les Sciences , ces mêmes Arabes
dont elle a détruit l'Empire , qu'elle
les a même surpassez en plusieurs choses ';
et qu'enfin les Turcs ont traduit en leur
Langue les plus beaux Ouvrages des Arabes
et des Persans . Mahomet II . les deux
Bajazets , Selim I. et le grand Soliman ,
dont nous avons des Lettres écrites à
François I. étoient des Princes curieux et
sçavans. Les Lettres de Soliman se trouvent
dans la Bibliotheque du Roy , dans
celle du Chancelier Seguier , aujourd'hui
de M. l'Evêque de Metz , Duc de Coislin ,
et dans des Cabinets particuliers . J'en
possede deux , dont l'une est l'original
Turc , lesquelles ne se trouvent point ailleurs.
J'ajoûterai à cette occasion qu'à la
fin du premier volume de la nouvelle
Edition de Gallia Christiana on trouve
la Traduction Latine d'une Lettre assez
singuliere de Bajazet II . écrite au Pape
Alexandre VI . pour le prier de faire Cardinal
Nicolas Cibo , Archevêque d'Arles ,
Cette Lettre n'est pas dattée à la maniere
des Musulmans , par l'Hegite , mais par
la Naissance du Messie , ce qui ne peut-
C iij
ërre
1938 MERCURE DE FRANCE
de
être regardé que comme une espece
politesse de la part de Bajazet , écrivant
au Souverain Pontife des Chrétiens .
Nous voyons enfin dans la Bibliotheque
Orientale de Hagi Kalfah , Turc
moderne de Constantinople , qui contient
un ample Recueil alphabetique de
tous les Auteurs Orientaux , et de leurs
Ouvrages , depuis l'origine du Mohometisme
jusqu'à son temps ; nous voyons ,
dis-je , par ce Recueil , que les Turcs ont
écrit sur toute sorte de matieres , et qu'ils
ont une très - bonne part dans cette Bibliotheque
, laquelle contient une Encyclopedie
de toutes les Sciences et des Arts.
Ce Hagi Kalfah , natif , comme je l'ai dit,
de Constantinople , étoit fils du premier
Secretaire du Divan ; il fut premier Commis
du Secretaire d'Etat en Chef de la
Cour Ottomane , et il a passé pour un
des plus habiles hommes de son temps .
Sa Bibliographie est dans la Bibliotheque
du Roy et dans celle de M. Colbert ,
M. Petis de la Croix , mort en 1713. en
a laissé une Traduction en notre Langue ,
qui contient plusieurs volumes in folio s
il avoit dessein de la publier.
Je finis en disant que ceux qui ont fait
le voyage du Levant avec les dispositions
necessaires pour en profiter , sçavent que
dans
SEPTEMBR E. 1732. 1939
dans la Capitale et dans les principales
Villes de l'Empire Turc , il y a des Professeurs
publics , des Maîtres particuliers
et des Livres en toute sorte de Sciences
et sur les Beaux Arts , et que les Empereurs
Ottomans n'ont jamais fait bâtir
de Mosquées sans y joindre un College
magnifiquement fondé et entretenu . Il y
en a plusieurs de cette espece à Constantinople.
Il y en a aussi au Grand Caire , à
Damas , à Alep , &c. Je suis , Monsieur
, &c.
>
Comme vous n'êtes pas à portée de
voir dans le nouveau Gallia Christiana
la Lettre dont je viens de parler , j'ai
crû que vous ne seriez pas fâché de la
trouver ici telle que le R. P. de Sainte-
Marthe l'a rapportée , T. I. page 103 .
N°. 32. parmi les titres qui regardent la
Métropole d'Arles.
SULTAN BAJAZET KAN , Dei Gratia
Rex Maximus et Imperator utriusque Continentis
Asia et Europe ; Christianorum
excellenti, Patri et DD . Alexandro , divinâ
Providentia Romana Ecclesia Pontifici dignissimo.
Post convenientem et justam Sa
iutationem ; notum sit tuo supremo Pontificio
, quemadmodum Reverendus Dominus
Nicolaus Cybo , Archiepiscopus Arelatensis
est dignus et fidelis homo ipsius et à tem-
Cij pore
1940 MERCURE DE FRANCE
pore precedentis Papa Supremi Pontificis
Domini Innocentii usque in hodiernum diem
in tempus sue Magnitudinis , continuè ad pacem
et amicitiamfestinat , semperque animò et^
corpore in fidelissimâ fide duabus Partibus
servivit et adhuc servit. Hujus rei causâ
justum est et vobis decet majori in ordine
ipsum esse debere ; et rogavimus Supremum
Pontificem ut faceret illum Cardinalem
, et assensus est nostre petitioni , adeò
ut litteris nobis significaverit quod petitum est
daturum fuisse ipsi. Verùm quia non erat
tempus , Idibus Septembris mensis non sedet
in ordine suo , et ut requirit consuetudo. Intereà
verò jussu Dei dedit Pontifex commune
debitum , et sic ipse remansit. Ea igitur
de causâ scribimus et rogamus tuam Magnitudinem
propter amicitiam et pacem quam
inter nos habuimus , et propter mutuum cor ,
ut ad impleat ipsi tuum Pontificium , videlicet
, ut faciat ipsum perfectum Cardinalem
, habebimus et nos id in magnâ gratiâ.
·Datum in Aulâ nostra Sultania Auctoritatis
in Constantinopoli , M. ccccxcrv .
Anno à Jesu Propheta Nativitate VIII.
Septembris.
IDILLE
SEPTEMBRE. 1732. 1941
**:******** :*****
IDYLL E.
A M. de Fontenelle , de l'Academie Françoise
, par Me de Malcrais de la Vigne,
du Croisic en Bretagne.
Corisque.
Vous m'aimez, Ménalis ? à quoy sert ce langage
?
Ces mots étudiez , ces complimens polis ,
D'un esprit déguisé m'apportent le message ;
Mais le coeur s'adresse à Philis .
Finissons un discours dont la douceur m'outrage.'
Vos sermens dans les airs semez ' ,
Je n'ai
Des Zephirs inconstans deviendront le partage ,
que trop d'égards pour un Berger volage ;
Ce n'est pas moi que vous aimez.
Menalis.
Croyez -vous , après tout , puisque votre injustice
M'oblige à dévoiler les sentimens d'un coeur !
Qui s'exprime sans artifice ,
Vous figurez- vous que je puisse ,
Ne point être sensible aux traits de votre humeur?
Vous m'aimez, je l'avoue , un instant par caprice;
Où pour me voir languir auprès de vos appas ,
Yous feignez de m'aimer, et vous ne m'aimez pss.
Cv Corisque
1942 MERCURE DE FRANCE
Corisque.
Hé bien , s'il est ainsi , sans se causer de peine ,
Ménalis , il vaut mieux pour toujours se quitter.
Ménalis.
Vous pensez m'allarmer > votre entreprise est
vaine ;
Je fuis , je pars , vos yeux me voudroient arrêter.
Corisque.
Mes yeux moi ? non.
· Ménalis.
Pourquoi rester donc la derniere a
Corisque.
Yous qui partez , pourquoi regarder par derriere?
Ménalis.
Adieu , Bergere , adieu , coeur ingrat et leger.
Corisque.
Adieu , perfide , adieu , témeraire Berger.
Ménalis.
Vous fuyez est - il vrai ? pouvez -vous ●● •
cruelle !
Me laisser si facilement !
Je ne m'éloignois seulement ,
• ah
Que pour voir à quel point vous me seriez fidelle,
Revenez , cher objet que j'aime uniquement ;
Inflexible
SEPTEMBRE. 1732. 1943
Inflexible ! avec vous vous emportez mon ame.
Corisque.
Non, je n'emporte rien que mon coeur.
Ménalis.
Pour un autre Berger.
Tout en flamme
Corisque.
Non , trompeur , non , c'est toi ,
Qui m'ôtes lâchement le tribut de ta foi.
Ménalis.
Elle vole ; et le Fan timide ,
Par un bruit soudain effrayé ,
Fuit moins vîte où la peur le guide.
Zéphirs , opposez vous à sa course rapide ,
Vous , Ronces, qui bordez ce chemin peu frayé,
De grace enlassez - vous dans sa robbe flotante ,
Afin de retenir ses pas ;
Mais prenez garde aussi qu'une pointe piquante ,
Ne blesse ses pieds délicats .
Devenez , s'il se peut , de coton sous sa trace .
Haliers , écartez -vous , moderez votre audace ,
Respectez son beau sang , ah cuels ! tout le mien
Seroit payé trop cher d'une goute du sien.
Je vous ai joint , enfin me voici hors d'haleine ;
Un Eclair sur ses feux m'a porté jusqu'à vous ;
Cvj Adou
1944 MERCURE DE FRANCE
Adoucissez - vous , inhumaine ,
Calmez un injuste couroux.
Corisque.
Je te haïs , le dépit et les transports jaloux ,
Contre un Berger volage ónt allumé ma haine ;
Que ne puis-je à mon gré t'accabler sous ses coups!
Ménalis .
Vos funestes rigueurs rendent ma mort certaine
Du fer de ma houlette ouvrez , ouvrez mon sein ;
Si sur lui vous daignez mettre un moment la
main ,
Vous sentirez que ma tendresse ,
Vous porte tous ses sentimens ,
;
Et que mon coeur brulé dans ses chauds battemens
,
Repete Corisque sans cesse.
Ah!Corisque , Corisque , au moins apprenez-moi
Le forfait inconnu qui m'arrache à la vie.
Le coupable qui sçait pourquoi ,
Du plus affreux trépas , sa sentence est suivie ,
Par avance en lui -même obéït à la Loi.
Corisque.
2.
Mon ame en ta faveur , malgré moi s'est fléchie ,
Et mon secret échappe à ma langue affranchie ,
Mais après cet aveu , ne me parle jamais.
Te souvient-il de la journée ,
Où sous des Cerisiers épais
On celebroit d'Hilas l'agréable Hymenée !
On
SEPTEMBRE. 1732. 1945
Ménalis.
Quel brillant , ce jour - là , relevoit vos attraits !
L'Amour s'étoit peint dans VOS
Venus vous avoit amenée,
traits.
Les Roses et les Lys ....
Corisque.
Puisque tu m'interromps ;
Je me tais.
Ménalis.
Achevez ; les tourmens les plus prompts
Sont pour les malheureux la moitié de leur grace.
Corisque.
Le Soleil à la nuit , alloit ceder la place ;
Jusques -là sur le vert gazon ,
Tous les Amans colez auprès de leurs Amantes ,
Les amusoient , assis en rond ,
Par des jeux differens et des farces galantes ;
Attendant à passer en cette âpre Saison ,
Du grand Astre enflammé qui jaunit la moisson ,
La chaleur qui sembloit ce jour- là redoublée ;
Quand les tiedes Zéphirs soufflant dans les Rameaux
,
Le son joyeux des Chalumeaux ,
Sur le champ pour danser fit lever l'Assemblée.
Tu me donnas la main , et de l'autre aussi- tôt ,
Tu tiras Philis dans la Danse ,.
Tu lui parlois tout bas , et souvent ton silence ,
S'ex1946
MERCURE DE FRANCE
S'expliquoit plus qu'à demi mot ; *
Mais ce qui m'irrita , juste Ciel ! quand j'y
pense ....
Tu lui serras la main , et sans attention ,
Tu serras tant-soit - peu la mienne ,
Dirigeant autre part un oeil plein d'action ;
Et tu te souviendrois qu'en cette occasion ,
Je fus prête à quitter la tienne ,
Si l'amoureuse émotion ,
T'avoit encor laissé quelque refléxion .
Ménalis.
Falloit-il que ma foi fût si - tôt soupçonnée ,
Que dis-je ? en un moment sans appel condamnée
,
Si vous m'eussiez vraiment aimé ?
Vit-on une petite pluye ,
Quand le feu dans un Bois fut long- temps
allumé ,
Arrêter sur le champ le rapide incendie ?
Je parlois à Philis , et lui disois tout bas ,
Sans dessein lui pressant le bras ,
Et lui montrant Daphné , cette Etrangere ai
mable ,
Dont les Bergers font tant de cas ,
Regardez si Daphné , qu'enflent ses vains appas ,
Peut se croire à Corisque , à bon droit comparable
?
Corisque a dans un de ses yeux
Plus
SEPTEMBR E. 1732. 1947
Plus d'attraits que Daphné , dans sa personne
entiere.
Corisque.
Le parallele est glorieux ,
Tu m'honorois , Berger ; par son air , sa maniere
,
Daphné peut briller en tous lieux,
Ménalis à ton tour dis - moi sur quelle injure ,
Ton amour a fondé la nouvelle imposture ,
Des reproches que tu me fais ?
Ménalis.
Le souvenir en est trop frais ;
Mon doigt , en la touchant , aigriroit ma blessure
,
Et , peut - être , au surplus , que niant l'aven;
ture ,
Et , bravant mes justes douleurs ,
Vous vous offenseriez du sujet de mes pleurs.
Corisque.
Non , non , tu peux parler sans péril ; je t'assure
Que je rendrai injuſtice à ton sincere aveu ,
Tu devrois me connoître un peu ,
Et d'un coeur qui t'aimoit avoir meilleur augure.
Ménalis.
Avant-hier Mirtil conduisant son Troupeau ,
Cheminoit à pas lents sur la molle Prairie
Du
"
1948 MERCURE DE FRANCE
Du plus loin qu'il me vit , il montra son Chapeau
,
Dont le Bouton s'ornoit de l'OEillet le plus
beau ;
C'est , dit- il , de Corisque une galanterie ;
Ses faveurs ne sont pas pour moi du fruit nouveau.
Je Pen remerciai , je voulus le lui rendre ,
Mais son empressement me força de le prendre
Pour le dire en deux mots , Corisque et ses presens
,
Me sont assez indifferens.
Ace discours j'eus peine à cacher ma colere.
Cent fois agité dans l'esprit ,
Je fus prêts d'arracher cette fleur par dépit ;
Mais par respect pour vous , je m'abstins de le
faire.
Corisque.
L'Efronté ce fut lui qui malgré moi la prit ;
J'en atteste Cloris , Célimene et Florise ,
Pour r'avoir cet OEillet , d'abord je l'attaquai
Par les moyens civils que l'usage authorise 3.
Sur son honneur je le piquai ,
>
Mais m'ayant mise à bout , alors je le brusquai ,
Comme on use à l'égard d'un Berger qu'on méprise.
J'éclatai , j'employai d'inutiles efforts ,
Dont le Scélérat osoit rire .
Que mes bras contre lui n'étoient- ils assez forts!
Dans
SEPTEMBRE. 1732. 1949
Dans les fougueux excès que la fureur inspire ,
Je lui dis , l'arrêtant , tout ce que je pus dire ;
Il m'échapa , le traitre , et quand il fut enfui ,.
Vainement , et très- loin , je courùs après-lui.
Cette fleur , dont les soins occupoient ma pensée
,
Avoit exprès pour toi la saison devancée ;-
Je l'allois visiter le matin et le soir ,
Et lui disois tout bas en tenant l'arrosoir ,
Croissez , aimable Eillet , et couronnant ma
peine ,
Pour le seul Ménalis réservez votre halcine.
Croissez , et que de mon Berger ,
Dont le coeur m'a promis de ne jamais changer
Puisse ainsi croître la tendresse !
Dès qu'ils seront épanouis...
Mos apas en un jour seront évanouis 2.
Mais son feu durera sans cesse .
Ménalis.
J'accusois donc à tort votre fidélité !
Mirtil par sa malignité ,
Me rendoit moi-même infidéle !
Que d'un vif repentir , je me sens tourmenté !
Vous en croirai - je ? O Dieux ! quoi mon coeur
se rappelle ,
De ses premiers soupçons , l'allarme criminelle?
Aux Amans , par un sort contraire à leurs dêsirs
, Dans
1950 MERCURE DE FRANCE
ļ
Dans le sein même des plaisirs ,
L'inquiétude est naturelle .
Permettez qu'à vos pieds , mes sanglots , mes
soupirs...
Corisque.
Léve- toi, Méñalis , que les Vents , et la Grêle
Puissent ravager , si je mens ;
L'esperance , hêlas ! rare , et frêle
De nos Jardins et de nos Champs.
Mais moi , dois-je , à tes assurances ,
Livrer de ses soupçons mon esprit revenu ?
M'offrirois- tu les apparences ,
D'un amour autre part , peut-être retenu ?
Ménalis.
Ciel ? que Pan courroucé , laisse ma Bergerie ,
En Proye, aux Loups impétueux !
Puissai-je sous mes pas , foulant l'herbe fleurie
Ne rencontrer qu'Aspics , qu'Animaux
venimeux.
..
Corisque.
Arrête , Berger , je te prie ,
C'en est trop ; la bonté des Dieux ,
S'offenseroit de la furie ,
De tes sermens audacieux .
Je te crois; je vais même en coucher sur ta levre »
Le gage apétissant d'un baiser gracieux.
Ménalis:
SEPTEMBRE. 1732. 1951
Ménalis.
Le Miel du Mont Himette est moins délicieux .
Suis - je icy ? Me trompai- je ? Ah votre amou»
me sevre ,
Trop-tôt d'un bien précieux ,
Le baiser apprêté , dont la brillante Flore ,
Enivre son Zéphir de ses charmes épris ,
Celui dont la naissante Aurore ,
Régale l'Epoux de Procris ,
Les baisers de Diane , et tous ceux de Cypris ,
Au vôtre comparez sont languissans encore ,
Mais souffrez qu'au lieu d'un , je vous en rende
deux.
Le Dieu , qui pour Psiché , jadis sentit éclore
Le germe impatient ? Des désirs amoureux ,
Se plaît en nombre impair , à seconder nos -jeux.
Corisque.
Ah ! dans mon coeur brulant , j'ai Paphos et Cithere
:
Berger , mon cher Berger , je ne suis plus à
moi ,
Mais que dis-je ! Est- il temps de garder du mystere
?
Tu me montres assez que je suis toute à toi.
Ainsi se réconcilierent ,
Corisque et Ménalis imprudemment fâchez ;
Et les chaînes qui les lierent ,
Re1952
MERCURE DE FRANCE
Retinrent à jamais leurs deux coeurs attachez ;
Les tendres Rossignols dans les Rameaux cachez
,
Jaloux des douceurs qu'ils goûterent ,
Les virent et les imiterent ,
Et leurs petits goziers , sans être interrompus ,
La nuit suivante repeterent
Et leurs propres plaisirs , et ceux. qu'ils avoient
vûs.
Fontenelle , la gloire et l'honneur de notre âge ,
Toi , qui par des talens divers ,
As fait voir de nos jours que la Prose , et les
Vers ',
Sur les siècles passez , remportent l'avantage ;
Suspens tes illustres emplois ,
Pour entendre un moment mon rustique Hautbois
,
Je lis et je relis tes Eglogues sans cesse ,
Et les admire à chaque fois.
Tes Bergers par un tour de ta subtile adresse ,
Sont moins fardez , moins pointilleux,
Que ceux dont en ses Vers doux , faciles , heureux
,
Racan fit parler la tendresse ,
Quoique ceux de Ségrais soient galans , ingénus,
Ils sont trop copiez , et de Rome , et de Grèce ,
Leur style un peu rude me blesse ,
Et leurs discours par tout ne sont pas soutenus ,
Des
SEPTEMBRE. 1732. 1953
Des tiens je prise beaucoup plus ,
L'originale politesse .
N'ont-ils pas réüni tous les suffrages dûs
A leur douce délicatesse ?
Les miens dépourvûs d'agrément ,
N'entreront point en parallele ;
Il seront trop fiers seulement ,
S'ils attirent les yeux du Sçavant Fontenelle,
TROISIEME
J
LETTRE écrite
par M. D. L. R. à M. le Marquis de
B. au sujet de l'Armement du Roy d'Es
pagne , et de la Conquête d'Oran.
E suis ravi , Monsieur , que vous soyez un peu
content de moi , par l'exactitude que j'ai apportée
à vous instruire de tout ce qui regarde la
prise de la Ville d'Oran , du Port et de la Forteresse
de Marsalquibir ; c'est ce qui m'oblige de
continuer de vous écrire sur le même sujet , pour
ne vous laisser rien ignorer de tout ce qui peut y
avoir quelque rapport . Vous me faites cependant
Monsieur, quelques demandes ausquelles il est de
mon devoir de satisfaire avant toutes choses.
D'abord vous êtes surpris de n'avoir pas reçu
avec ma premiere Lettre le Dessein de la Médailie
du celebre André Doria , qui devoit l'accompagner
, et vous me faites l'honneur de me demander
ce Dessein . Pour réparer cette omission ,
qui vient moins de moi que du Dessinateur , lequel
ne fut pas prêt lorsque ma Lettre vous fut
envoyée
1954 MERCURE DE FRANCE
envoyée ; je joins à celle- cy la Medaille en question
, que j'ai fait graver par une habile main ,
et dont j'espere que vous serez content . Je ne
repete point la Description que j'en ai déja faite
dans l'autre Lettre ; mais vous ne me sçaurez pas
mauvais gré,si j'ajoûte ici quelque chose d'histo
rique sur ce grand Homme, après m'être instruit
plus que je ne l'étois avant la gravure de la Médaille.
André Dorianaquit à Oneille * le 30. Novembre
, jour de S. André , 1468. d'une des plus anciennes
, des plus illustres et des plus illustrées cr
Maisons de l'Etat de Genes. Il aima la Marine
dès son enfance , et dans un âge peu avancé il acquit
la réputation du plus grand Homme de
Mer de son temps. Il servit dabord sa Patrie en
cette qualité très- utilement , puis passa au service
du Roy François I. qui le fit General des Galeres
de France et lui donna le Collier de ses Ordres ;
mais un chagrin , reçû à l'occasion de quelques
Prisonniers de distinction , faits dans une Bataille
Navalle , fomenté et menagé d'ailleurs par les Ennemis
de la France , fit déclarer Doria pour l'Empereur
Charles V. qui lui confia toutes ses forces
Maritimes , avec lesquelles il fit plusieurs conquêtes
en Barbarie et dans la Morée et gagna plusieurs
Batailles , malgré la bravoure et l'experience
de Barberousse , Amiral de Soliman II . son
Concurrent . La fortune né lui tourna le dos presque
qu'une seule fois , ce fut en l'année 1552 .
que Dragut Rais, Capitaine General des Corsaires
Barbaresques , à qui André Doria avoit cy - devant
accordé la vie et la liberté , le surprit lors-
* Ou Oneglia , Ville Maritime , située entre
Nice et Genes , dont le Pere de Doria étoit Seigneur .
qu'il
REAS
DORIA
KS
NEW
YORK
PUBLIC
LIBRARY
.
ASTOR
, LENOX
AND TILDEN
FOUNDATIONS
.
SEPTEMBR E. 1732. 1955
qu'il y pensoit le moins , et lui prit plusieurs
Vaisseaux dans une retraite précipitée . Il se dédommagea
de cet Echet deux ans après en prenant
Sansiotenzo , dans l'Isle de Corse , Place
occupée par les François. Les Grands Hommes
ne sont pas exempts de défauts ; une severité
quelquefois outrée,peut être necessaire, fut, dit on ,
celui de Doria; il parloit de faire jetter à la Mer,
et de pendre, comme d'un châtiment familier ;
témoin ce Pilote , qui après l'avoir déja importuné
, se présenta encore devant lui pour le
prier de lui laisser dire seulement trois paroles .
Je le veux bien , répondit le General , mais si tu
en dis davantage je te ferai pendre. Le Pilote ,
sans s'émouvoir , répliqua , argent ou congé. Doria
, très -satisfait de sa hardiesse , le fit payer sur
le champ et continua de se servir de lui. Notre
Heros reçut . du Ciel une faveur singuliere , lorsque
sur la fin d'une longue et glorieuse carriere ,
il se retira dans le Palais qu'il avoit fait bâtir dans`
le principal Fauxbourg de Genes , où il ne s'oc
cupa que de sa Religion , et où il mourut âgé
d'environ 94. ans , en l'année 1560. on l'inhuma
sans pompe , suivant ses ordres précis ; mais
quelques jours après le Sénat lui fit des Obseques
magnifiques dans la grande Eglise , et toute la
Ville de Gennes , sans distinction de Sexe ni de
condition , prit le deuil.
Jamais Maison , au reste , n'a été plus féconde
en Grands Hommes dans l'Italie , et sur tout en
Grands Hommes de Mer , que celle de Doria. Je
me contenterai de vous nommer ici par occasion
les principaux sujets qui ont illustré cette Maison.
André Doria épousa vers l'année 1150. la
fille de Barrison , Roy de Sardaigne . Jacques Doria
, qui vivoit en 1170. fut un des quatre Sçavans
1956 MERCURE DE FRANCE
vans Citoyens de Genes , nommez pour écrire
'Histoire de la République. Perceval et Simon
D. qui vivoient dans le même siecle , se firent
admirer par leur capacité et par leur politesse à
la Cour de Charles -I . Roy de Naples , &c. Comte
de Provence. Le premier étoit grand Philosophe
, et tenoit le premier rang parmi les Poëtes
Provençaux ; il eut beaucoup de part à la faveur
de la Reine Beatrix , et mourut à Naples en 1276.
après avoir été Podestat d'Arles et d'Avignon."
Hilaire D. épousa en 1397.une fille d'Emmanuel,
Empereur de Constantinople.
Jerôme Doria , Comte de Cremolin , rendit
de grands services à la République de Genes qui
l'envoya en 1512. auprès du Pape Jules II. pour
une négociation importante. 11 embrassa l'Etat
Ecclesiastique après la mort de son Epouse , fur
Evêque de Nebbi , puis de Jacca et de Huesca
reçut le Chapeau de Cardinal en 1530. à la solli
citation d'André Doria , et enfin fut fait Archevêque
de Tarragone. Il mourut à Genes en 1550.
Philippe Doria défit en 1518. l'Armée Navale
des Espagnols devant Naples , et fit beaucoup de
Prisonniers. Jannetin Doria , fils de Thomas , fut
choisi par notre André Doria , qui n'avoit point
d'enfans , pour son heritier , comme son plus
proche parent , et il lui donna le commandement
de vingt Galeres. Le jeune Doria , marchant sur
les traces de son Oncle , fit diverses Expeditions
glorieuses , dont la plus flateuse et la plus importante
fut la défaite et la prise du fameux Corsaire
Dragut , trouvé dans un Port de l'Ile de Corse.
Il lui enleva treize Galeres et mit le Pyrate à la
chaîne. Ce brave homme fut tué en 1547. dans
fa malheureuse Conjuration des Fiesques , si connue
dans l'Histoire.
Jean
SEPTEMBRE. 1732. 1957
Jean-André Doria , son fils , élevé par son
grand-oncle et institué son heritier , commanda
l'Armée Navale d'Espagne en 1560 à l'entreprise
de Tripoly , se signala en 1564. en l'Isle
de Corse , offrit l'année suivante d'aller secourir
Malte , assiegée par les Turcs , commanda encore
en 1570. l'Armée d'Espagne destinée au secours
de l'Isle de Chypre , et l'année d'après il eut
beaucoup de part à la Victoire de Lepante.
J'omets ; Monsieur , plusieurs autres Illustres -
de cette Maison , en particulier divers Doges de
Genes de ce même nom et d'un rare mérite . Je
finis par Antoine Doria , autre grand Capitaine ,
qui se rendit celebre sous Charles V. Il est Auteur
d'une Histoire de son temps fort estimée ,laquelle
fut publiée en 1571. sous le titre de Compendia
d'Antonio Doria , delle Cose di sua Notitia
et Memorie Occorse al Mondo , nel tempo dell' Im-,
peratore Carlo V. Elle mérite une place dans vo~
tre Cabinet.
Il y a depuis deux cent ans , au moins , une
Branche de cette Maison établie à Marseille , qui
est devenue toute Françoise. Je trouve que Lazarin
Doria fut premier Consul de cette Ville en l'année
1558. Pour posseder cette Charge , il falloit
être né à Marseille et d'une noblelle qualifiée . Jean
Doria fut Assesseur de Marseille en 1564
Les Doria avoient une Maison magnifique ou
plutôt un Palais presque dans le coeur de la Ville .
Ceux qui connoissent Marseille , pourront juger
de sa grandeur de la beauté de l'Emplacement
et de ses Jardins , en leur apprenant que tout cela
forme aujourd'hui le Monastere des Dames Reeuses
Augustines. Dans ma jeunesse on voyo it
encore sur l'une des Portes les Armes de Doria
dans un Ecu de Marbre blanc , artistement travail-
D lé ,
1958 MERCURE DE FRANCE .
lé , où , malgré l'injure du temps , on remarquoit
un Aigle à aîles éployées. L'Ecu est panché,comme
étoit représenté dans ce temps - là celui des
plus grandes et des plus anciennes Maisons .
Avant que de finir , je reviens encore une fois
à la Médaille d'André Doria , pour faire deux
Remarques : la prémiere , sur la Légende du côté
de la tête , qui est telle , ANDREAS DORIA PP.
ces deux P P. selon moi , ne peuvent s'expliquer
que par ces mots imitez des Médailles Romaines,
PATER PATRIA , et fort justement appliquez à
notre Héros , qui , selon l'Histoire de sa Vie ,
écrite par Sigonius , fut veritablement le Pere et
leiberateur de sa Patrie , sur tout depuis que
pour la servir plus utilement , il eut quitté le serviće
de François I. après que ce grand Prince eut
fait la conquête de Genes 1527. & c. Et je ne
doute point que la Médaille n'ait été frappée par
P'ordre du Sénat ; s'il est vrai , comme je viens de
le lire dans un Auteur anonyme contemporain ,
que la Patrie de Doria lui fit ériger une belle et
grande Statue de Marbre dans la principale Place
de Genes , au Piedestal de laquelle on lisoit ces
deux mots PATRI PATRIA, J'apprens par le
même Auteur, que l'Empereur Charlequint , dans
toutes ses Lettres , et en parlant de vive voix à
A Doria , l'appelloit toujours son Pere , et l'accabloit
de caresses.
Ma seconde Remarque est une suite de ce que
je vous ai déja dit , Monsieur , au sujet du Revers
de notre Médaille , où l'on voit la tête d'un
Captif, et autour , des Chaînes et d'autres symboles
d'esclavage. J'ai pensé d'abord que cette
Tête pouvoit être prise pour celle du fame
* Doria porte d'Or à l'Aigle à deux Têtes
de sable,
..
Bar
SEPTEMBRE . 1732. 1959

Barberousse , homme obscur dans son origine ,
Esclave de Soliman II . puis Capitan Pacha , l'Emule
et le Rival de Doria , qui le batit en 1536 .
et reprit ensuite Tunis , &c. mais il seroit peutêtre
plus naturel de croire que c'est ici la tête du
Pyrate Dragut , que Jannetin Doria batit avec
les Galeres et sous les auspices de son Oncle
comme je l'ai dit cy- dessus , qu'il lui amena
Genes chargé de chaînes , pour augmenter ses
triomphes, et que le genereux Doriamit en liberté.
Quoiqu'il en soit , voilà , Monsieur , tout ce
que j'ai pu vous dire en peu de mots d'André
Doria et de sa Maison. Si je n'avois pas été si
pressé de vous envoyer ma Lettre par les circonstances
du temps , &c. j'aurois pû profiter d'un
Memoire Historique , que M. le Marquis Doria,
actuellement Envoyé de la République de Genes
auprès du Roy , a eu la bonté de me promettre
et qu'il attend tous les jours , dans lequel peuvent
être d'autres faits curieux et Anecdotes ; en tout
cas je pourrai vous en faire part dans une autre
occasion. Il est temps de revenir à la Ville
d'Oran.
Vous me demandez , Monsieur , si je crois cette
Ville aussi ancienne que je vous l'ai exposé dans
ma premiere Lettre , sur la foi de quelques Auteurs
modernes. Je vous avoue avec franchise que
je les crois dans l'erreur sur ce sujet , et que
M. Corneille en particulier , s'est fort abusé
quand il nous dit dans son Dictionnaire Universel
, Géographique et Historique, que du temps des
Romains, on appelloit la Ville d'Oran Unica Colonia.
Il est vrai qu'Ortelius , dans son Trésor
Geographique , donne le nom d'Unuca à une
Ville de l'Afrique , proprement dite , en citant
là-dessus l'Itineraire d'Antonin , ce qui peut avoir
Dij donné
1960 MERCURE DE FRANCE
donné lieu à l'erreur de M. Corneille ; mais cet
Itineraire consulté , je trouve seulement qu'il y
est fait mention d'une Ville nommée Unaca , et
non pas Unuca , ni Unica , laquelle est située dans
la Mauritanie Cesarienne , qui comprend , si vous
voulez , le Pays où est Oran ; ce qui ne suffit pas
pour se déterminer en faveur de l'Antiquité de
cette Ville ; outre que l'Unaca de l'Itineraire n'est
en aucune façon qualifiée de Colonie.
Mais quelle antiquité peut- on donner à Oran?
Vous l'allez voir , Monsieur, dans le petit Narré
qui suit ; et par- là je répons aussi à une autre
question que vous me faites au sujet de l'Eglise
d'Oran , que vous avez lû quelque part avoir été
une Cathédrale , dont l'Evêque étoit suffragant
de l'Archevêque de Tolede , depuis la conquête
du Cardinal Ximenés.
Lorsque ce Prélat forma le projet de cette conquête
, qu'il devoitent reprendre , comme il fit en
personne et à ses dépens , il stipula expressément
avec le Roy Catholique, que la Ville et le Territoire
d'Oran dépendroient pour le spirituel de
' Archevêché de Tolede . Cette dépendance , dit
un Historien , étoit coinme un Monument de sa
conquête , qui devoit en conserver le souvenir à
la Posterité. C'étoit aussi pour engager tous ses
Successeurs dans cet Archevêché d'avoir une attention
particuliere sur la Ville d'Oran , au cas
qu'elle fût attaquée ou reprise par les Infideles. Il
Jeur avoit donné un exemple trop signalé de son
zele pour la Religion , et d'un parfait désinteresşement
, pour n'être pas imité.
Cependant Ximenés fut traversé dans la
possession d'un droit si clairement énoncé et si
bien acquis. Cette affaire lui donna même beaucoup
de peine et de chagrin. Un Religieux Franciscain
Q
SEPTEMBRE . 1732 1961
ciscain , nommé Fr. Louis - Guillaume , ayant
sollicité en Cour de Rome le titre d'Evêque in
Partibus , obtint enfin des Bulles , qui le nommoient
Episcopum Aurensem , avant qu'il fût ques
tion de l'Expedition d'Oran , et il fut sacré en
cette qualité. Cette Ville n'eut pas plutôt été conquise
, que la ressemblance des noins lui fit ima.
giner que ce pouvoit bien être son Evêché , ne
sçachant pas auparavant en quelle partie du Mon
de étoit situé son Diocèse. Là - dessus il se fit appeller
l'Evêque d'Oran , et sans faire la moindre
honnêteté au Cardinal , il lui fit signifier ses prétentions
, &c. avec déclaration qu'il alloit pren
dre possession , & c.
Ce grand homme , quoique bien fondé et persuadé
que les prétentions du Cordelier Espagnol
étoient frivoles , les fit examiner en sa présence.
par un esprit d'équité et de Religion avec la derniere
exactitude. Deux principes furent d'abord
établis. 1 ° . Que quand le Pape confere un Evêque
in Partibus on supposoit toujours que cer
Evêché avoit existé lorsque les Chrétiens étoient
en possession du Pays où il étoit situé. 2 °. Que
le Pape n'avoit point érigé Oran en Evêché ; qu'il
n'avoit pû par consequent le conferer sans prétendre
que c'en étoit un dès le temps que les Chrétiens
étoient les maîtres de l'Afrique , et que
Christianisme y Aeurissoit,Principe que la Patrie
interessée ne pouvoit pas contester.
le
Il n'y avoit donc proprement qu'à examiner
si Oran avoit été un Evêché avant que lesArabes
eussent conquis l'Affrique , n'étant pas possible
d'imaginer qu'il l'eût été depuis. Là - dessus on
Koceda à l'examen de tous les Auteurs qui
avoient traité des Antiquitez Ecclesiastiques et
Civiles d'Affrique. On lut les Conciles qui y
Diij avoient
1962 MERCURE DE FRANCE
avoient été tenus , et les autres Conciles où les
Évêques Affricains s'étoient trouvez , on parcoufut
toutes les Souscriptions ; aucun Concile ne
faisoit mention de l'Evêché ni de l'Evêque d'Oran
ou d'Aure. Même silence parmi les Cosmographes
anciens , & c.
Pour n'avoir rien à se reprocher , le Cardinal
fit faire avec le même soin et par d'habiles gens
une recherche exacte de l'origine d'Oran , et on
trouva que cette Ville avoit été bâtie récemment
par les Habitans de Trémesen , qui étant attirez
par la beauté et par la commoditể du Port , y
avoient envoyé une Colonie. La conclusion étoit
aisée à tirer contre les prétentions de l'Evêque * in
Partibus.
Celui - cy , loin de se rendre à une pareille Démonstration
, et de renoncer à des esperances
mal fondées , eut la témerité de dire en face au
Cardinal et avec émotion , que le Pape avoit prétendu
lui conferer un Evêché , et qu'il falloit bien
que ce fût Oran , puisqu'il ne se trouvoit point
ailleurs. Vous le chercherez où il vous plaira , lai
répondit Ximenés , mais contez que tant que je
vivrai vous ne serez point Evêque d'Oran.
Il est étonnant , Monsieur , que ce Moine ayant
à faire à un homme du rang et de l'autorité de
Ce qui donnoit lieu à l'erreur du Prélat Cordelier
, c'est que dans la Province Ecclesiastique de
Carthage on comptoit parmi les Villes Episcopales
Aurian ou Auran , mais cette Ville étoit éloignée
d'Oran , dont il s'agisso t de plus de 20. lieuës , et
c'est apparemment le titre de cet Evêché , que le Pape
avoit voulu lui conferer ; l'esprit d'interêt et l'entête
ment ne permirent pas à ce Religieux d'ouvrir les
yeux.
P'Archevêque
SEPTEMBRE . 1732. 1963
PArchevêque Cardinal , ne se rendit pas à cette
réponse. Il partit au contraire pour la Cour et
fit tant par ses intrigues , qu'il obtint du Roy des
Lettres pour le Cardinal , par lesquelles S. M.
le prioit de lui donner toute la satisfaction qu'il
se pourroit. Il ne restoit plus pour embrouiller
cette affaire et pour la faire devenir de consequence
, que le Pape , sollicité de soutenir sa no.
mination , vint à s'en mêler.
C'est ce qui engagea Ximenés à proposer
an accommodement qui fut qu'on établiroit
à Oran une Collégiale dont on donneroit
à ce Prétendant la premiere Dignité , avec le
le titre d'Abbé , et un revenu égal à celui des
Dignitez du Chapitre de Tolede , parmi lesquelles
il auroit un rang, sans être obligé à la résidence,
sans renoncer même ni à son titre d'Evêque , ni
à ce prétendu Diocèse , s'il se trouvoit jamais être
quelque chose de réel ; accommodement qui fut
réfusé.
Alors le Cardinal envoya au Roy les Recherches
qu'il avoit faites au sujet d'Oran , et le projet
d'accommodement , suivi d'un refus opiniâtre,
suppliant S. M. de trouver bon que les choses
restassent à cet égard dans l'état dont on étoit
convenu ; ce que ce Prince trouva si juste , qu'il
ne voulut plus entendre parler de cette affaire ;
desorte que durant la vie de Ximenés , ni après sa
mort , il n'y eut jamais d'Evêque d'Otan. On n'y
établit pas même la Collégiale dont il avoit fait
le projet , et tout se réduisit à l'établissement d'un
Grand - Vicaire et d'un Official , que l'Archevêque
de Tolede tient à Oran pour l'exercice de sa
Jurisdiction .
Vous voyez , Monsieur , deux choses également
vrayes par cet Exposé; la premiere , que la
Diiij Ville
1964 MERCURE DE FRANCE
Ville d'Oran n'a pas l'antiquité prétendue par
quelques Auteurs , puisqu'elle doit sa fondation
aune Ville qui n'est connue que depuis la conquête
de l'Afrique par les Mohometans Arabes ,
et que les Califes ont vrai - semblablement bâtie.
La seconde verité est qu'il n'y a jamais eu d'Eyêque
ni d'Eglise Cathédrale à Oran , comme le
veut Davity , dans sa Description generale de
l'Affrique Tom . VI . de l'Edit de Rocolles , falio ,
Paris, 1660.
Il y auroit plus de fondement à croire la petite
Ville de Marsalquibir , voisine d'Oran , veritablement
ancienne, et de lui appliquer cet Endroit
de Ptolomée , où en décrivant la situation Maritime
de la Mauritanie Césarienne , ce fameux
Géographe fait mention d'un lieu qu'il a nommé
πορτος μαγνος selon la dénomination de son
temps , Portus magnus et Fretum magnum , selon
le Traducteur Latin. Marsalquibir, qui d'ailleurs
est un mot Arabe signifiant la même chose
mérite assurément ce nom et cette croyance ,
cause de la grandeur de son Port , qui forme un
petit Golfe sur cette Côte.
Davity , dont je viens de parler , en faisant
mention de ces deux Places , qualifie Oran de
Marquisat ; je ne vois pas trop sur quel fondement
, et il dit que Marsalquibir fut enlevé aux
Maures par le Marquis de Comarez en isos. Ce
n'est pas ici le lieu d'éclaircir ces faits et d'autres
Circonstances historiques que l'Auteur ajoûte sur
P'une et sur l'autre Ville.
Mais laissons ces temps éloignez pour venir
aux affaires présentes d'Oran, Vous vous étonnez,
Monsieur , avec raison , que les Maures fortifiez
par un secours considerable de Turcs , ayant une
pombreuse Artillerie , prévenus d'ailleurs et mepaccz
SEPTEMBRE . 1732. 1965

nacez d'une prochaine descente de l'Armée Espagnole,
ne se soient pas opposez plus vigoureusement
à cette entreprise ; que du moins la descente
étant faite , Oran et Marsalquibir , bien
munis comme ils étoient , n'ayent pas merité ,
pour ainsi dire , l'honneur d'un Siége , et qu'une
Bataille , imprudemment engagée de leur part ,
ait presque , en arrivant , décidé du sort de ces
Places. Cela vous a fait juger qu'elles étoient
peut être sans deffense du côté de l'Art
les Maures n'ayant pas eu soin de se fortifier ,
d'entretenir du moins les Ouvrages faits depuis
la Conquête de Ximenés.
-
Mais c'est tout le contraire , suivant toutes
les Lettres les plus exactes et les mieux circonstanciées
, qui nous sont venues de ce Païs- là.
Vous en jugeriez ; Monsieur , autant que personne
, si le Plan de ces deux Places et de leurs environs,
qui vient de m'être communiqué par un
ami de distinction , qui l'a reçu depuis peu de la
Cour d'Espagne, pouvoit vous être envoyé avec
ma Lettre . On y voit Oran entouré de Fortifications
, attachées au Corps de la Place , dont le
principal Ouvrage est ce qu'on appelle le Donjon.
Dans les dehors sont les Châteaux de Rosal-
Casar , de S. André , de S. Philippe , de Sainte
Croix , de S. Grégoice , avantageusement situez
sur des hauteurs , et dans des distances convenables,
sans parler de la Tour du Madrigal et de
la grosse Tour. Marsalquibir est à proportion
fortifié de même , deffendu aux environs par le
Fort de S. Sauveur , et par le Fortin , qui est le
plus près de la Ville , avec un chemin de communication
d'une Ville à l'autre , qui cottoye le
fonds du Golphe ou du grand Port de Marsalquibir
. DV
3
1966 MERCURE DE FRANCE
1
Ce Golphe represente un demi Cercle presque
parfait.Oran est situé sur la pointe Orientale , et
Marsalquibir,vis- à- vis ,sur la pointe Occidentale;
l'espace de l'une à l'autre pointe , ou l'ouverture
du Golphe , est de plus de 900 toises , avec en
viron 700 toises de profondeur . De plus, la Ville
d'Oran a son Port particulier, mais qui n'est pas,
à beaucoup près , si considérable,
Le même Plan me confirme qu'Oran ne manque
point d'Eaux . Il y a auprès de la Ville une
Riviere , sur laquelle est le Pont de Trémésen ,
et un grand Ruisseau encore plus près des Murailles
, qui arrose des Jardins Potagers et des
Vergers. De sorte Monsieur , que dans toutes
ces circonstances réunies , c'est une espece de Miracle
, que cette Conquête ait été si subitement
décidée par le sort d'un Bataille generale, laquelle
, selon toutes les Regles de la Guerre , ne devoit
pas si- tôt se donner , et qui n'a été engagée
que casuellement, comme parle l'Autheur de
la Relation Espagnole que j'ai
Il y a eu cependant de part et d'autre beaucoup
de bravoure dans le combat; et sur tout du
côté des Espagnols , des Actions d'une valeur
peu commune. Il m'est venu là- dessus de nouveaux
détails , qui allongeroient trop ma Lettre;
mais je n'obmettrai point l'Action plus que hardie
d'un simple Sergent , qui fut commandé avec
16 Soldats le jour du débarquement , pour
s'emparer d'un Poste. Il fut d'abord enveloppé
par un détachement de 300 Cavaliers Turcs ;
mais le Sergent et sa foible Trouble , sans s'embarrasser
de la superiorité , se deffendirent avec
tant de courage et chargerent si à propos , qu'ils !
gagnerent enfin le Poste en question , et obligerent
les Turcs de se retirer.
Оц
SEPTEMBRE. 1732. 1967
On ne peut,au reste.rien ajoûter à la pieuse reconnoissance
du Roy d'Espagne envers le Ciel ,
pour un succès si heureux . Toutes les nouvelles
publiques sont remplies des Actes de sa piété , et
du zéle de ses Sujets à célébrer cet Evenement.
Le Cardinal d'Astorga , Archevêque de Tolede ,
Primat des Espagnes , &c. s'est particulierement
distingué en cette occasion , ainsi que le Chapitre
de son Eglise , la Ville d'Oran étant de la Jurisdiction
de cet Archevêché . Dès le 27 Juin , il
y avoit eu à Tolede une Procession Generale de
tout le Clergé Séculier et Régulier , suivie des
Magistrats , de joutes les Personnes de distinction
, et d'un Peuple infini . On y porta l'Etendart
avec lequel le Cardinal Ximenés entra en
triomphe dans Oran. La Procession se rendit de
l'Eglise Métropolitaine à celle de l'Hôpital
Royal , où se conserve une Image celebre de
Notte-Dame , Patrone de la Ville d'Oran , d'où
elle a été transportée à Tolede , après la derniere
invasion des Maures . Il y a eu depuis des Actions
de Graces tres - solemnelles dans la même
Ville de Tolede.
Sa M, C. rendit quelques jours après justice
aux Officiers qui ont servi dans cette Expédition.
Elle fit le Comte de Montemar , Commandant
en Chef , Capitaine General de ses Armées ; plusieurs
Lieutenans Generaux , parmi lesquels est
le Marquis de Santa Cruz que vous connoissez ;
plusieurs Marêchaux de Camp, et Brigadiers. On
y voit aussi plusieurs Capitaines , qui ont été faits
Colonels .
Cependant depuis la Bataille d'Oran et la
prise des deux Places , on n'a été occupé qu'à
débarquer l'Artillerie , les Munitions et les Equi--
D vj pages
1968 MERCURE DE FRANCE
pages , et à réparer et augmenter les Fortifications
, à fortifier le Camp , à faire enfin les dispositions
necessaires pour s'assurer du plat Païs,
afin d'en tirer des Vivres , &c. On écrit même
déja que les Habitans de plus de vingt lieuës à
la ronde , sont venus se soumettre.
Je ne vous parle point d'une petite disgrace, arrivée
aux Espagnols le 16 Juillet. Un Détachement
de leur Armée , envoyé pour attaquer les
Maures dans les Montagnes , est tombé dans
une Embuscade des Ennemis , ce qui a coûté la
vie environ à 300 hommes, sans compter le Due
de S. Blas , et quelques autres Personnes de
moindre considération , qui ont été tuées dans
cette rencontre Disgrace , dont les Troupes Espagnoles
ont eu leur revanche quelques jours
après , par un détachement de mille Grenadiers ,
placez dans une Embuscade , avec du Canon .
chargé à cartouche, qui a fait périr plus de mille
Maures , sans compter plusieurs autres avantages
remportez depuis , et la prise de quelques
Convois des Infideles ; un entr'autres de mille
Chameaux chargez , &c.
Les dernieres Lettres parlent de l'arrivée au
Camp Espagnol , d'un Grand du Païs , que les
nouvelles publiques ont appellé Bacha , terme
impropre et inusité parmi les Maures , pour
offrir au Comte de Montemar de mettre 30000
Maures en Campagne pour le service de S. M.
C. et d'autres avantages , à de certaines conditions
; pour la seureté desquelles offres il ajoutoit
celle de laisser son fils , qui l'accompagnoit,
en otage. Le bruit couroit même à Madrid, que
Ice Prince Maure devoit y arriver incessamment
avec un train considérable.
Les mêmes Lettres parlent d'un nouveau Détache
SEPTEMBRE . 1732 1969
tachement que le Comte de Montemar venoit
de faire sous les Ordres du Marquis de Villadarias
, composé de 5000 hommes d'Infanterie .
et de 2000 de Cavalerie , pour aller assiéger
Mazagran , Ville située à is lieuës d'Oran et
sur la même Côte, dans le temps que 2 Vaisseaux
de Guerre et 7 Galeres devoient attaquer la Place
par Mer.
Je finis , Monsieur , en vous confirmant que
le Marquis de Santa- Cruz a été fait Gouverneur
des Villes d'Oran et de Marsalquibir. Ces Places
ne pouvoient être confiées à un plus digne Sujer
et qui entendît mieux l'art de les fortifier et de
les deffendre en cas de besoin , sans parler de ses
autres excellentes qualitez . On a publié icy une
Traduction Françoise du X I. Tome de son
grand Ouvrage , intitulé : Reflexiones Militares..
Cette Traduction compose un vol. in 4. imprimé
à Paris , chez Langlois . Pour vous mettre au
fait de ce Livre , que je ne puis pas vous faire
tenir présentement , je vous envoye le Journal
de Trévoux , du mois de Janvier dernier , où
vous en trouverez l'Extrait . J'ai l'honneur d'ê
tre , Monsieur , & c.
A Paris , les Aoust 17322-
Le R. P. Mouchoux , Jésuite , Professeur
de Rhétorique au Collège Royal de
Nismes ,proposa et fit expliquer l'Enigme
qui suit , par des Ecoliers choisis , en présence
d'une belle et nombreuse Assemblée
, le 16 Aoust. Les Acteurs réussirent
parfaitement , et les Auditeurs se retirerent
tres - satisfaits , soit de la Piéce , qui
étoit
1970 MERCURE DE FRANCE
·
étoit fort belle , soit de la maniere dont
les Rôles furent récitez. Les Magistrats
de Nismes qui étoient présens , firent
ensuite , selon leur liberalité ordinaire , la
distribution des Prix , au son des Trompettes
, à ceux d'entre les Ecoliers de ce
Collége , qui s'étoient distinguez en toute
sorte de compositions. Voici cette Enigme
, dont nous donnerons l'explication
dans le prochain Mercure .
Fille , d'une ame Raisonnable,
Je n'en puis naître cependant ,
Que lorsque sa raison s'abandonne au penchant
Le moins sage et le plus coupable.
Sous mille habillemens divers
Je roule par tout l'Univers ;
Tantôt grande , tantôt petite ,
Je fais du mal , je fais du bien ,
J'attaque qui ne me dit rien ,
Mais je respecte le mérite.
Que les Sots soient petits ou grands , "
Riches ou Gueux , il ne m'importe ;
Tout tombe , hors les grands talens ,
Sous les coups certains que je porte.
J'ha
SEPTEMBRE . 1732. 1971
J'habite sur la terre , et je vais jusqu'aux
Cieux ,
Attaquer , sans crainte , les Dieux ;
Je suis esprit sans corps , et sans voix je m'exprime
,
Quelquefois je fais rire , et pleurer plus souvent ;
Je cours plus vîte que le vent ,
Quand c'est à l'aide de la rime.
Je n'ai ni pieds , ni dents , ni mains ,
Je déchire pourtant , je mords dans ma furie ;
J'ai d'un Dieu des Forêts le nom chez les humains
,
J'en ai même un peu le génie.
Mon seul aliment est le sel ,
Il se change portant en fiel
Si mal à propos l'on m'offense ;
Dieu vous garde que la vengeance
Pour arme me prenne jamais ,
Rien ne guérit alors les grands maux que je fais.
La Grece connut peu ma forme véritable ,
Rome me connut mieux , et bien - tôt m'exila ,
Mais d'un Crieur public le fils m'y rappella ,
Et je m'y rendis agréable.
Sous deux Bourbons , plus que jamais ;
Je
1972 MERCURE DE FRANCE
Je me fis icy bas connoître ;
Sous l'un , un Collet blanc sçut me faire re
naître ,
Mais sous l'autre , un Greffier m'orna de tant
d'attraits ,
Qu'après lui , vainement peut- être ,
On voudra rendre plus parfaits ,
Les atours sous lesquels son Art me fit paroître.
Je fais rire ceux que je mords ,
Et pleurer qui je ne mords guére ;
Enfin pour ne pas trop découvrir un mystere ;
Assez digne de vos efforts ,
Par ces traits opposez , qui font mon caractëre
A travers les détours , par lesquels je vous fuis
Deyinés , Lecteurs , qui je suis..
[XX: XXXXXXXXXXXXX
ENIGM E.
ENfant Nfant d'une vive chaleur ,
Dans le froid je prens ma naissance
Du plus beau Vetmillon l'éclatante rougeur ,
Est l'ordinaire effet que produit ma presence ,
A ceux que le Destin range sous ma puissance
Je les traite si mal , ces malheureux sujets ,
Qu'ils tremblent de mes noirs projets.
Dès
SEPTEMBRE . 1732. 1973
Dès que j'entre chez eux , j'y porte le ravage ;
Mais de mon implacable rage ,
On s'empresse à les garantir ;
On m'y poursuit à coups d'épée ;
Et le sang dont j'y suis trempée ,
Me force bien-tôt d'en sortir .
J
LOGOGRYPHE .
E cause aux mortels bien des maux ;
A ma tête est un des métaux.
Avec mes cinq lettres premieres ,
Je rend des sons mélodieux ;
Et qui n'a pas les trois dernieres ,
peut se servir des deux yeux . Ne
LAMOTTE TILLO Y
AUTRE LOGOGRYP HE
Mon nom indique un assemblage ;
De gens , nez en differens lieux ,
Qui s'accordent en dépit d'eux ,
Il a de l'Alphabet huit lettres en partage.
Quatre , ( si tour à tour on les tire des huit }
Désignent un Arbre , une Ville ,
Vn Saint , un Etranger , aux Confiseurs utile ,
Vac Amante afligée , une Riviere , un Fruit ,
Et
1974 MERCURE DE FRANCE
Et ce qu'on ne voit pas au milieu de la nuit ,
Mais qu'avec le Soleil , on peut voir à toute
heure .
Cinq , une maladie , une Etoffe , un Poisson ,
Une assez petite maison , į
Six , un des habitans , dont elle est la demeure ,
Lecteur , je vous attens à la combinaison.
Par M. de M ...
Du
AUTR E.
U vrai sage je fais le charme , le délice ;
Il n'a rien de plus cher que mon doux exercice ;
Avec mon chef tout seul je puis représenter ,
L'Infini , tout le Monde , et l'Univers entier.
Je puis marquer
tique ,
encore en bonne Arithmé-
,
Rien , ou peu ; mais beaucoup , selon qu'on me
pratique.
De mes six pieds restans , point de combinaison .
Heureux qui m'a pour guide, il a toujours raison.
Si l'on veut à mon chef , ajouter le deuxième ,
On me poursuit , souvent avec ardeur extrême.
Du tout , ôté deux , trois , on voit facilement ,
En plume un animal , Symbole d'ignorant .
Chiffrez deux , quatre et cinq , je fournis par nature
,
En un Païs lointain , cominune nourriture.
Puis dans un autre sens , on cherché mes appas ,
Je
SEPTEMBRE. 1732. 1975
Je regne plus souvent aux Festins , aux Repas.
Pour tout dire en deux mots , je ne sçaurois pas
roître ,
Que joïe et que plaisir ne m'ayent donné l'Etre :
Ma derniere syllabe enfin présente aux yeux ,
L'ame de la Musique, icy bas, comme aux Cieux.
On a dû expliquer l'Enigme du Mercure
d'Aoust , par Coquette ; et les deux
Logogryphes , par Chien , et Castor.
8888888
NOUVELLES LITTERAIRES ,
DES BEAUX ARTS , & C.
ETTRES PASTORALES de M. l'Evê-
Laurade PASTOR,ALEX die eles de ven
ر
Diocèse , contre les Libertins et les Incrédules
, traduites de l'Anglois , par
Abrah. le Moine , Prêtre de l'Eglise Anglicane
, et Chapelain du Duc de Portland
. A la Haye , chez Gosse et Neaulme ,
1732. in 18. 1 Lettre, pag. 82. 2de Lettre,
pag. 108. 3 Lettre , avec un Appendix
aux Lettres Pastorales , pag. 158.
BIBLIOTHEQUE RAISONNE'E des Ouvrages
des Sçavans de l'Europe, pour les mois
de Juillet, Aoust, Septembre , 1730. tom .
5.
1976 MERCURE DE FRANCE
5. e Partie d'Octobre , Novembre , et
Decembre. Amsterdam , chez les Wetsteins
et Smith , 1730. in 12. de 483. pag.
sans les Tables.
·
Le premier article de ce Recueil repre
sente TOUTES LES OEUVRES de François.
Bacon, Seigneur de Verulam , Vicomte de
S. Alban , et Grand Chancelier d'Angleterre
; en 7. vol. nouvelle Edition , à
laquelle on a ajouté ses Opuscules historiques
et politiques , traduits depuis peu
de l'Anglois. A Amsterdam, chez les Wetsteins
et Smith. 1730. Tout l'ouvrage est en
Latin .
NOTICE du Trésor d'Anciennes Médail
les , qui appartiennent au Pr. Frederic II.
Duc de Saxe- Gotha. Par M. Chret . Sigism.
Liebe , qui y a ajouté un Extrait de l'Essai
d'Andre Morel , sur toutes les Antiquitez
de ce genres et trois Lettres de feu Mons.
Ezech. Spanbein , où sont expliquées les
Médailles les plus curieuses qui se trouvent
dans ce Cabinet. A Amsterdam
1730. in fol. pag. 26. pour la Préface , et
544. pour le Corps de l'Ouvrage , sans
parler de l'Epître dédicatoire , d'un court
Avis au Lecteur , et de deux Indices.
L'Ouvrage est en latin.
Dans l'article des Nouvelles Litteraires,
,
SEPTEMBR E. 1732. 1977 .
res , on apprend que M. Lamotte a donné
en Anglois , à Londres : Essay sur la Poësie
et sur la Peinture , par rapport à l'Histoire
Sacrée et Prophane . Avec un Appendice
touchant les obscenitez , en écrit ou en
peinture , in 12.
Le Cyrus de M. Ramsay , paroît dans
la même Ville, en François et en Anglois,
in 4. On ajoute que l'Auteur a sçu profiter
également des avis qu'on lui a
donnez , pour perfectionner cet ouvrage
, tant pour les choses , que pour le
style.
LA RELIGION CHRETIENNE , aussi ancienne
que la Création , ou Traité dans
lequel on montre que l'Evangile est une
nouvelle publication de la Religion naturelle.
A Londres , 1730. in 4. de 432 pag.
Ce Livre est en Anglois.
ESSAY SUR LA PEINTURE et sur la Poësie
, relativement à l'Histoire Sacrée et
profane , avec un Appendice, concernant
l'obscenité chez les Ecrivains et chez les
Peintres. Par Charles Lamotte , Docteur en
Théologie,Membre de la Société Royale,
et de la Société des Antiquaires , &c. A
Londres , chez Fr. Fayrman , 1730. in 8 .
de 202 pag. en Anglois .
Cet Ouvrage est divisé en trois Lettres
. Dans la seconde , l'Auteur remarque
ct
1978 MERCURE DE FRANCE
1
et blâme , dans un Tableau de la mort
d'Abel,la Machoire d'Asne , dont on prétend
que Caïn se servit pour tuer son
frere ; ce qui n'a pas , dit l'Auteur , le
moindre fondement dans l'Ecriture , ni
dans la Tradition . S. Jérôme prétend que
c'étoit une Epée. S. Irenée , une Faucille.
Prudence , un Rateau , &c.
Dans le Sacrifice d'Abraham , Isaac est
representé trop jeune, dit-il ; et c'est avec
un Couteau qu'il devoit être sacrifié , et
non pas avec un Sabre.
Job doit être représenté assis sur la Cendre
, et non pas sur un Fumier,
Sur le Tableau de Suzanne il y a une
équivoque , dans le mot de Vieillard ou
d'Ancien ; c'étoit le nom de leur Charge ;
ce qui est encore en usage dans l'Orient .
Une Ecurie n'est pas le lieu dans lequel
vrai- semblablement les Mages rendirent
leurs hommages au Sauveur. Ils étoient
Philosophes , et ne doivent pas être representez
en Rois avec des Couronnes
&c.
>
C'est une faute de ne pas représenter
JESUS-CHRIST plongé dans l'eau , comme
il le fut lors de son Baptême , et non
point arrosé .
Ce n'est pas le S. Esprit en forme de
Colombe , comme les Peintres s'opiniâtrent
SEPTEMBRE. 1732. 1979
trent à le représenter , dans la descente
du S. Esprit , & c. mais descendant , comme
feroit une Colombe,
Dans un Tableau de la Cene , l'Agneau
Pascal ne devoit nullement être lardé, car
tout le monde doit sçavoir que le lard
étoit en abomination aux Juifs ; et J. C.
et les Apôtres ne devroient pas être assis
à notre maniere .
Dans le sujet de J. C. disputant dans
le Temple, c'est une faute contre la vraisemblance
de le peindre dans une Chaire,
plutôt que sur un banc , parmi les autres
Disciples des Docteurs.
Raphaël a aussi fait une faute en peignant
le Portique du Temple en Marbre,
car il est d'Airain ; il ne devoit pas non
plus orner les Colomnes de figures , puisque
les Juifs les abhorroient. C'est dans
le Miracle du Boiteux , guéri par S. Pierre
et S. Jean , à la belle Porte du Temple.
Dans le sujet de la Résurrection de J.C.
la Garde paroît dans un profond sommeil
autour du Sépulcre.. Quoique directement
opposé au fait et contre le témoignage
de l'Ecrivain Sacré , qui dit que ce
sommeil des Soldats étoit une invention
des Prêtres Juifs , une imposture qu'ils
mirent dans la bouche des Soldats , pour
éluder et étoufer la Résurrection de J. C.
L'Au1980
MERCURE DE FRANCE
L'Auteur ne peut concevoir quelle est la
raison d'une erreur, en effet,si grossiere. Il
remarque très judicieusement que ce n'est
pas pour l'avantage de la composition que
le Peintre choisit de représenter les Soldats
endormis, puisqu'il seroit sans doute
plus avantageux de les représenter agitez
de passions différentes ; il donne une idée
très- pitoresque et pleine de feu d'un Tableau
de ce sujet , & c .
C'est une erreur de mettre Hector à
Cheval. On doit le représenter sur un
Char.
Ganimede ne doit pas paroître assis sur
l'Aigle. La Tradition fabuleuse veut que
l'Aigle de Jupiter l'enleva par les Che
veux .
L'Appendice , concernant l'obscenité ,
chez les Ecrivans, et chez les Peintres , ne
contient que 18. pag . Le Journaliste remarque
que l'Auteur y tombe tres-fort
dans le vice qu'il y condamne. Il me souvient
, à ce sujet , dit-il , d'avoir assisté à
un Sermon , sur ces paroles de S. Paul :
Que ces choses ne soient pas seulement nommées
parmi vous dans lequel le Prédicateur
faisoit une longue énumération des
choses qu'il ne falloit pas nommer. C'est
ainsi que le Discours et les Notes de l'Auteur
ne sont que les obscénitez qu'il condamne.
LET
SEPTEMBRE . 1732. 1981
LETTRES DE M. BAYLE , publiées sur les
Originaux , avec des Remarques . Par
M. des Meaux, Membre de la Société
Royale . A Amsterdam , 1729. 3 vol.in 12 .
pag. 1125. sans la Dédicace , la Préface ,
la Table , & c .
NOUVELLES DECOUVERTES , Philosophiques
et Pratiques , contenant la Culture
des Jardins , où on explique le mouvement
de la Séve des Plantes , et leur Génération
; avec d'autres Découvertes qui
n'ont point été publiées touchant la maniere
de cultiver avec succès les Forêts .
et les Parterres , et où on a joint la Des--
cription d'un Instrument par le moyen
duquel on peut trouver en une heure de
temps plus de Plans de Jardin , que n'en
contiennent tous les Livres ensemble , qui
traitent de cette mariere , et enfin plu
sieurs beaux Secrets tendant à perfectionner
la Culture des Vergers , des Jardins
potagers et des Orangeries. se Edition .
Par R. Bradley , Membre de la Société
Royale , &c. A Londres , in 8. pag . 684 .
sans compter 9 Tailles douces. L'Ouvrage
est en Anglois.
LE POUVOIR DE L'IMAGINATION DE LA
MERE sur le Foetus , examiné, en réponse
E à
1982 MERCURE DE FRANCE
à un Livre de M. Turner , intitulé : Deffense
du Chapiire XII.de la premiere Partie
d'un Ouvrage latin, sur les Maladies Cutanées.
Par Jacq. Aug. Blondel , Doct. en
Medecine et Membre de la Faculté de
Médecine à Londres . A Londres , 1729 .
in 8. pag. 11. pour l'Avertissement et
pour la Préface , et 143. pour le Corps
del'Ouvrage.
PENSE'ES SECRETTES , divisées en deux
Parties. Premiere Partie : Réfléxions sur la
Religion , avec des Résolutions pratiques
qui en sont tirées . Seconde Partie : Réflé
xions sur la vie chrétienne , par G.Beveridge
, Doct, en Théologie , Evêque de
S. Asaph , traduit de l'Anglois , sur l'onziéme
Edition , A Amsterdam , chez les
Wetsteins et Smith , 1731. 2. vol . in 12.
pag. 245. pour le 1 tom. et 280 , pour
le 2d , sans les Préfaces.
er
Les Nouvelles Litteraires de Londres
marquent qu'on venoit d'y publier en
Anglois, l'Etat present du Cap de Bonne-
Esperance , ou Relation des differentes
Nations des Hottentots , de leur Religion
, leur Gouvernement , leurs Loix ,
&c. enrichi de Figures,&c. vol. 8.
D'Amterdam. LesWetsteins et Smith don
neront bien-tôt une nouvelle Edition de
ThuSEPTEMBRE.
1732. 1983
Thucydide, Grec, Latin, fol. où le Texte
et le Scholiaste seront corrigez sur les
meilleurs manuscrits . On y trouvera une
infinité de Notes des plus curieuses pour
l'éclaircissement du Texte , de l'Histoire,
de la Géographie , et de la Chronologie
ancienne , & c. Par M. Jean Wasse , sçavant
Anglois , qui a donné une belle Edition
de Salluste , in 4. &c. avec de nouveaux
Indices tres- interessans.
On commence à vendre , avec grand
succès , chez la veuve Etienne, ruë S. Jacques
, et chez Jean Desaint , vis - à- vis le
College de Beauvais , un nouvel Ouvrage
qui peut être fort utile.Il est intitulé:
LE SPECTACLE de la Nature , ou Entretien
sur les particularitez de l'Histoire naturelle ,
qui ont paru les plus propres à rendre les
jeunes gens curieux , et à leurformer l'esprit,
vol. in 12. de 520 pages.
L'Auteur fait voir dans une courte Pré-
-face que de tous les moyens qu'on peut
employer pour former l'esprit , il n'y en
a point de plus sûr ni de plus efficace que
la curiosité . Pour la faire naître ou pour
l'augmenter , il employe en divers Entretiens
ce que le Spectacle de la nature lui
offre de plus interessant. Il commence
par les plus petits objets, et parcourt successivement
la plupart des choses qui
Eij nous
1984 MERCURE DE FRANCE
nous environnent , sans fatiguer l'esprit
de ses Lecteurs , par des recherches pénibles
, sur les Principes et sur la Structure
intérieure de chaque objet ; il découvre
par tout dans les seuls dehors , de quoi
fatter les yeux , de quoi éclairer et nourrir
l'esprit,de quoi remplir le coeur de reconnoissance
et de religion ,
Le premier Entretien roule sur les Insectes
; et pour amorcer le Lecteur à l'étude
de choses , en apparence si méprisables
, on lui fait entrevoir leurs parures ,
leurs armes offensives et deffensives, et les
divers Instrumens dont la nature les a
pourvûs pour les faire subsister . On examine
ensuite leur origine , qui ne peut
être que
la génération. Le 2 Entretien
roule sur les Chenilles , sur les Singes et
sur les Papillons. Le 3 , sur les Vers à
Soye. Le 4 , sur les Araignées. Le se, sur
les Guêpes. Le 6 et le 7 , sur les Abeil,
les.
Le 8 , contient ce qui regarde les Mou-
´ches communes et les Mouches luisantes ;
l'histoire des Moucherons , celles du Taupe
grillon , de la Fourmi, du Fourmillon
et des Demoiselles. Le 9 Entretien contient
l'histoire des Moules , des Pinnes
Marines , des Limaçons et des Coquillages.
Le 10 passe à l'histoire generale des
Oyseaux
SEPTEMBRE . 1732. 1985
Oyseaux . Le 11 ° , descend dans l'histoire
particuliere des Oyseaux les plus remarquables
. Le 12° , traite des Animaux ,
tant Domestiques que Sauvages. Le 13 ,
traite des Poissons . Le 14° et le 15 roulent
sur les Plantes . Ce premier Volume . qui
paroît devoir être suivi de quelques
tres , finit
par une Lettre , où l'on examine
jusqu'à quel point il est permis d'être
curieux dans la recherche de la vérité.
L'Auteur s'attache à faire voir quels sont
les justes droits et les bornes necessaires
de la raison , par où il regle aussi les droits
et les bornes de la curiosité. .
Cet Ouvrage interessant par sa matiere
est encore estimable par la propreté
des Gravures , et par la beauté de l'Impression.
n
Un tres habile homme a déja jugé du
sort de ce Livre, et nous ne risquons rien
de souscrire à son jugement. » Il va pa-
>> roître, dit- il , un Livre, qui a pour titre :
Spectacle de la Nature , &c. On y dévelope
d'une maniere agréable et spiri
tuelle,ce qu'il y a de plus curieux dans
» la Nature , pour ce qui regarde les Ani-
» maux terrestres , les Oyseaux , les In-
» sectes , les Poissons . S'il m'étoit permis
» de juger du succès de ce Livre , par le
plaisir que la lecture m'en a fait ; je
"
E iij pour
1986 MERCURE DE FRANCE
pourrois assurer, par avance , qu'il sera
» grand. C'est à ma priere et sur mes vi-
>> ves sollicitations que l'Auteur a entre-
» pris cet Ouvrage , et qui peut être beau-
» coup augmenté , s'il se trouve au gout
» du Public. M. Rollin , dans l'Avertissement
du Ive Tom. de l'Histoire ancienne .
EXPOSITION ANATOMIQUE de la Structure
du Corps humain ; par Jacques - Benigne
Winslow , de l'Academie Royale
des Sciences , Docteur , Regent de la Faculté
de Médecine , en l'Université de
Paris , ancien Professeur en Anatomie et
en Chirurgie , dans la même Faculté
Interprete du Roy en Langue Teutonique
, et de la Societé Royale de Berlin .
A Paris , chez Guill. Desprez, et Jean
Desessards , rue S. Jacques , 1732. in 4º .
de 739 pages.
>
RECUEIL des principales Décisions sur
les Matieres Beneficiales , extraites des
Canons, des Conciles, et des plus celebres
Auteurs , conformes aux Edits et Décla
rations du Roy, et à la Jurisprudence des
Parlemens du Royaume et du Grand-
Conseil. Nouvelle Edition , revûë , corrigée
et augmentée de plus de moitić. Par
M. R. Drapier , Avocat au Parlement. 2
vol,
SEPTEMBRE . 1732 1987
vol. in 12. prix s liv . relié . A Paris, chez
Nic. P. Armand , ruë S. Jacques , 1732 .
CONDUITE DE LA PROVIDENCE , dans l'é
tablissement de la Congrégation de N.
Dame, qui a pour son Instituteur le Bienheureux
Pere Pierre Fourier , dit vulgairement
de Mataincourt , Superieur General
et Reformateur des Chanoines Reguliers
de la Congregation de N. Sauveur . Presentée
à Nosseigneurs les Evêques , com
me premiers Superieurs de cette Congré
gation. Avec une Préface , en forme de
Discours , aux Filles de cer Institut. A
Toul , chez Cl. Vincent , 1732. 2.vol.grand
in 89 .
REMARQUES historiques et critiques sur
l'histoire de Charles XII . Roy de Suéde ;
par M. de Voltaire , pour servir de Supplément
à cet Ouvrage . Par M.de la Motraye.
Nouvelle Edition , corrigée et augmentée.
A Londres , et se vend à Paris ,
chez Mich. Etienne David , Quai des Augustins
, et Antoine Heuqueville , au coin
de la rue Gisle- Coeur. Broch. in 12. de 80
pag.On voit à la tête ie Portrait, en pied ,
de Charles XII . fort bien caractérisé.
RECUEIL DES REGLEMENS , concernant
E iiij
le
1988 MERCURE DE FRANCE
le Contrôle des Exploits et Saisies mobi
liaires , rendus depuis leur établissement
jusqu'à present. Avec le précis de ce qu'ils
contiennent , et une Table Alphabétique
des Matieres qui y ont rapport, pour
en faciliter l'intelligence et l'exécution .
Ouvrage utile et necessaire à tous les Officiers
de Justice , aux Employez dans
toutes les Fermes et Droits de S. M.et aux
Parties. A Paris , chez P. Prault , Quai
de Gêvres , 1732. gros in 12 de 588 pag.
sans l'Avertissement , les Tables , et le
précis des Reglemens , concernant le Contrôle
des Exploits et les Saisies mobiliaires
d'environ so pag.
>
OBSERVATIONS MATHEMATIQUES , AStronomiques
, Géographiques et Physiques
, tirées des anciens livres Chinois
ou faites nouvellement aux Indes & ailleurs
; par les PP. de la Comp. de JESUS.
Rédigées et publiées par le P. Et. Souciet
, de la même Compagnie . Tome 2 .
contenant une Histoire de l'Astronomie
Chinoise , avec des Dissertations ; par le
P. Gaubil Jesuite . Tom. 3 contenant un
Traité de l'Astroromie Chinoise par le
même P Gaubil. A Paris, chez Rollin pere ,
Quai des Augustins , 1732. in 4. tom . 2.
pages 178. tome 3. pages 373.sans la Préface
SEPTEMBRE. 1732 1989
face du second Tome , et sans les Planches.
ABREGE ' DE L'HISTOIRE de 24 Peres de
Eglise.Histoire abregée des Empereurs Romains
, depuis Jules Cesar jusqu'à Constantin
le Grand . Caracteres de 58 des meilleurs
Historiens , Orateurs et Poëtes Grecs ,
Latins et François ; ouvrage tres - utile , sur
tout aux jeunes gens de l'un et de l'autre
sexe , qui pourront en tres- peu de temps
acquerir une connoissance générale des
matiéres annoncées cy - dessus. Chez Tautin
, rue Judas , Montagne sainte Geneviéve
, Morel le jeune, au Palais , et Musier
fils , Quai des Augustins , 1732 . in 12 .
HISTOIRE ANCIENNE des Egyptiens ,
des Carthaginois , des Assyriens , des
Babiloniens , des Medes et des Perses , des
Macédoniens , des Grecs ; par M. Rollin,
Tome IV . Chez la Veuve Etienne , ruë
S. Facques , 1732. in 12.
APOLOGIE DES BESTES , ou leurs rafsonnemens
et connoissances prouvez
contre le Systême des Cartesiens , qui
prétendent que les Bêtes ne sont que des
Machines Automates . Ouvrage en Vers .
Par M. Morfouace de Beaumont. Paris ,
E v Quay
1990 MERCURE DE FRANCE
Quay de Gevres , chez Prault , 1732. in 8,
>
DICTIONNAIRE des Arts et des Sciences
, & c . P. M. D. C. de l'Académie
Françoise nouvelle Edition revûë
corrigée et augmentée par M ... de l'Académie
Royale des Sciences, 1732. in fol.
2 vol . Chez Coignard pere et fils, Den. Mariette
, J. B. Delespine , rue S. Jacques , et
Jacques Rollin , Quay des Augustins.
NOUVEAU TRAITE'
D'ARITHMETIQUE,
ou Description des proprietez er usages
d'un nouveau Tarif de réduction Arithmetique
et Géometrique . Avec une Instruction
familiere pour faire méchaniquement
, par le moyen de ce Tarif , les
principales operations des Regles , tant
d'Arithmetique que deTrigonométrie rectiligne
, comme aussi de Gnomonique et
de Navigation. Le tout par des exemples
simples qui facilitent la pratique de cet
Ins.rument , inventé et mis en lumiere
par M. J. B. de Mean , Ingenieur , qui
demeure chez M. Homet , Marchand Cartier
et Paperier , ruë de Seine , Fauxbourg
S. Germain. In 8. 1732. Quay des Augustins
, chez P. Martin , et Gab. Valeyre,
rue de la vieille Bouclerie.
Li
SEPTEMBRE . 1732. 1991
LE NOUVEAU Secretaire de la Cour ,
ou Lettres Familieres sur toutes sortes de
Sujets , avec des Réponses ; derniere Edition
. A Paris , au Palais , chez Th. le
Gras , 1732. in 12. de 560. pages , so,
sols relié.
LE TRIOMPHE DE LA CATHOLICI
TE' , ou Réponse d'un Protestant nouvellement
converti , aux difficultez que
lui propose sa Soeur , sur la Religion Prétendue
Réformée , avec une Dissertation
sur la dispute que S. Paul cut avec Céphas
. Par M. l'Abbé D *** . A Paris ,
ruë de la Harpe , au bon Pasteur , 1732.
in 12. de 250. pages.
OEUVRES DIVERSES , de M. Patru , contenant
ses Plaidoyers , Harangues , Lettres
et Vies de quelques- uns de ses Amis.
Quatrième Edition considerablement
augmentée. Chez N. Gosselin , au Palais ,
1732. 2, vol. in 4.
2
› DICTIONNAIRE ECONOMIQUE conte
nant divers moyens d'augmenter son bien
et de conserver sa santé , avec plusieurs
Remedes assurez et approuvez pour un
très- grand nombre de maladies , et de
beaux secrets pour parvenir à une lon-
E、vj que
1992 MERCURE DE FRANCE
>
gue et heureuse vieillesse . Quantité de
moyens pour élever , nourrir , guerir et
faire profiter toutes sortes d'Animaux domestiques
, comme Brebis , Moutons
Boeufs , Chevaux , Mulets , Abeilles et
Vers à Soye. Differen filets pour la Pêche,
de toutes sortes de Poissons et pour la
Chasse de toutes sortes d'Oiseaux et d'Animaux
. Une infinité de secrets découverts
dans le Jardinage , la Botanique ,
l'Agriculture , les Terres , les Vigne , les
Arbres ; comme aussi la connoissance des
Plantes des Pay Etrangers et leurs qualit
z specifiques. Les moy ns de tirer tout
l'avantage des Fabriques de Savon , d'Amidon
, filer le Coron , de faire à peu
de frais des Pierreries artificielles , fort
ressemblantes aux na urelles ; de peindre
en Miniature sans sçavoir le De sein , et
travailler Bayettes ou Eroffes établies nouvellement
en ce Royaume , pour l'usage
de ce Pays et pour l'Espagne . Les moyens
dont se servent les Marchands pour faire
de gros établissemens ; ceux par lesquels
les Anglois et les Hollandois se sont enrichis
, en trafiquant des Chevaux , des
Chevres et des Brebis . Tout ce que doi
vent faire les Artisans , Jardiniers , Vignerons
, Marchands , Négocians , Banquiers
, Commissionnaires , Magistrats ,

Officiers
SEPTEMBRE. 1732 1993
Officiers de Justice , Gentilshommes et
autres d'une qualité ou d'un emploi plus
relevé , pour s'enrichir . Chacun pourra
se convaincre de toutes ces veritez en
cherchant ce qui peut lui convenir , chaque
chose étant rangée par ordre alphabetique
, comme dans les autres Dictionnaires
. Par M. Nel Chomel¸ Prêtre , Curé
de la Paroisse de S. Vincent de Lyon.
Troisiéme Edition , revûë , corrigée et
augmenté d'un très-grand nombre de
nouvelles Découvertes et Secrets utiles
à tout le monde. Par M Danjou , Prêtre ,
enrichie d'un grand nombre de figures.
A Lyon , et se vend à Paris , ruë S Jacques
, chez Etienne Gineau , et ch z la
veuve Elienne. 2. vol. in folio . Prix 40.
livres relié.
, GALLIA CHRISTIANA in Provincias
Ecclesiasticas distributa , &c. Tomus V.
c'est-à - dire , LA GAULE CHRETIENNE ,
divisée
en Provinces Ecclésiastiques , dans
laquelle on voit la suite et l'Histoire des
Archevêques , des Evêques , et des Abbez
de tous les Pays compris dans l'ancienne
Gaule , depuis l'origine des Eglises
jusqu'à notre tems , avec des Preuves
tirées des Monumens autentiques ; par
des Religieux Bénédictins de la Congré
gation
1994 MERCURE DE FRANCE
gation de S. Maur. Tome V. A Paris , de
l'Imprimerie Royale 1731. Fol . de 1114.
pages , sans les Preuves et les Tables.
Les grands Diocèses de Malines et de
Mayence , et ceux de leurs Suffragants ,
font la matiere de ce cinquiéme Volume
de la Gaule Chrétienne . Cette matiere est
des plus abondantes , puisqu'elle embrasse
presque toute la Flandre généralement
prise , et une partie considerable de l'Allemagne.
Malines , qui d'abord fut du
Diocèse de Liege , attachée pour le spirituel
à l'Evêché de Cambray , fut érigée
en Archevêché en 1559. et a pour Suffragants
les Evêques d'Anvers , de Bois - le-
Duc , de Gand , de Bruges , d'Ipres , et
de Ruremond , qui est dans la Gueldre.
Le premier Archevêq e de Malines fut
le Cardinal Perrenot de Granvelle , fort
connu dans l'Histoire. On trouve quelques
Sçavans parmi les Suffragants de
cette Métropole , entr'autres Sonnius
Evêque d'Anvers , qui publia en 1556.
des Dimonstrations tirées de la parole de
Dieu sur les VI. Sacremens , et des Staturs
Synodaux ; et Corneille Jansen
Evêque de Gand Auteur de quantité
d'Ouvrages , dont le plus estimé est la
Concorde Evangelique , & c.
>
Mayence peut se vanter d'avoir été éclai-
τές
SEPTEMBRE. 1732 1995
rée dès les premiers tems des lumieres de
la Foi , s'il est vrai ,comme on le prétend ,
que S. Crescent , Disciple de S. Paul , air
été son premier Evêque. Du moins la
Mission de Crescent dans les Gaules , ou
dans la Germanie , vers l'an 8o. de J. C.
ne sçauroit être contestée après le témoignage
d'Eusebe , qui assure que ce Disciple
souffrit le martyre à Mayence , où il
comme le marque aussi
S. Jerôme dans son Catalogue des Hommes
Illustres.
fût inhumé
3
?
Carloman et Pepin firent ériger Mayence
en Métropole Le Pape Zacharie soumit
à ce te Eglise Tongres , Cologne
Wormes , Spire , Utrech , et toutes les
autres parties de la Germanie dont
S. Boniface avoit été l'Apôtre. Le premier
des Archevêques de Mayence qui porta
le titre d'Electeur fut , selon nos Auteurs ,
Sillegi e , d'une condition basse , mais extrêmement
relevé par sa science et par
ses vertus. Sa modestie alla jusqu'à prendre
pour armoiries une Rouc , en mémoire
de la profession de son pere qui étoit
Charron , ou Charpentier . Les Archevêques
de Mayence ont depuis conservé les
mêmes Armoiries.
La Ville de Constance , qui tire son
nom de Constant , pere de Constantin
est
و
1996 MERCURE DE FRANCE
est aussi un Evêché suffragant de Mayence
. Elle est située dans la Souabe. Ce Diocèse
étoit autrefois le plus étendu de toute
l'Allemagne , et malgré la P. Réformation
il contient encore aujourd'hui un
très-grand nombre deParroisses.L'Evêque
possesseur de plusieurs grandes Seigneuries
dans l'Empire , est Directeur du cercle
de Souabe , avec le Duc de Wittemberg
; et les Barons de Zeweyer , sont ses
Echansons héréditaires.
Il y a lieu de croire que ce dernier Volume
era aussi favorablement reçû que les
précédens. L'ordre alphaberique , suivi
par les sçavans Auteurs de cet Ouvrage ,
promet dans le Tome suivant les Métropoles
de Narbonne et de Paris.
M. de Merville , ancien Avocat au Parlement
de Paris , vient de donner un nouvel Ouvrage de
Jurisprudence au Public , qui a pour titre Traité
des Matieres Criminelles , à l'usage de tous les
Tribunaux du Royaume , tant inferieurs que superieurs.
On sçait qu'il n'y a rien de plus important
que cette matière , à cause des conséquences
sur les accusations , et dont la connoissance soit
plus nécessaire dans l'ordre judiciaire pour l'instruction
et le jugement des Procès criminels ; les
régles que l'Auteur propose dans son Ouvrage ,
sont d'autant plus à suivre qu'elles sont du droit
positif , c'est à dire , tirées des Ordonnances
Arrêts et Réglemens , avec un ordre et une netteté
qui fera plaisir au Lecteur , & portera le
Public
SEPTEMBRÈ. 1732. 1997
Public à donner à cet Ouvrage l'approbation
qu'il mérite. Ce Livre se vend à Paris , chez
Théodore Le Gras , Libraire au Palais .
Montalant , Libraire à Paris , qui imprimoit
par souscription l'Ouvrage des R Ř. PP. Martene
Durand , Religieux Benedictins de la Congrégation
de S. Maur , intitulé : Veterum Scriptorum
& Monumentorum Historicorum, Dogmaticorum
Moralium amplissima Collectio , dont il a
ci-devant donné les six premiers Volumes aux
Souscripteurs , doune avis au public , qu'il livrera
à la S. Martin prochaine , les 7. 8. 9. qui sont
les derniers Volumes de cette Collection ; que le
prix pour les non- Souscripteurs des 9. Voluines
sera de 200. liv . de France , au lieu de 150. liv.
que les Souscrivans l'ont payé. L'on trouve aussi
chez le même Libraire , et des mêmes Auteurs
l'Ouvrage qui a pour titre : Thesaurus novus
Anecdotorum complectens Regum ac Principum
aliorumque Virorum Illustrium Epistolas et Diplomata
, fol. s vol pour 90. 1. aussi de France. Il
débite encore L'Histoire de l'Eglise Gallicane du
P. Longueval , de la Compagnie de Jesus , in-4.
6. volumes , dont on vend séparément les cing
& six.
L'attention continuelle & particuliere que nous
avons sur tout ce qui regarde les beaux Arts ,
nous oblige à ne pas garder le silence sur un Ouvrage
public et singulier. On le voit à Paris dans
la Chapelle de la Vierge de l'Eglise Paroissiale
de S. Sauveur , où l'on a fait un heureux alliage
de la Peinture , de la Sculpture et de l'Architecture.
Cette Chapelle est peinte par M. Noël - Nico1998
MERCURE DE FRANCE
las Coypel , Peintre ordinaire du Roi , et Adjoint-
Professeur en son Académie. L'Architecture
de l'Autel est de M. Blondel , Architecte du
Roi , d'un ordre composite. Il est adossé contre
le mur des bas côtez de l'Eglise ; on le découvre
aisément par trois grandes arcades par où l'on
entre dans la Chapelle. Quatre pilliers dans les
encoigneures reçoivent la retombée de quatre
pendentifs qui rachetent le tambour d'une coupole
de 22 pieds de diametre .
Le Tableau represente l'Assomption de la sainte
Vierge. Elle paroît dans un ravissement de
joye convenable au Sujet ; plusieurs Anges l'environnent
dans différentes actions d'admiration
et de
respect ; ce morceau comme sujet principal
occupe la partie qui eft précisément au- dessus de
P'Autel , & attire les premiers regards . Plusieurs
Groupes d'Anges , les uns peints , les autres en
sculpture de relief , sont representés dans les
pendentifs et sur le couronnement de l'Autel ;
quelques-uns forment des concerts , et la plus
grande partie pour honorer le Triomphe de la
Vierge , exposent à la vûë l'Arche d'Alliance ' et
ses autres symboles. Toutes ces Peintures et
Sculptures sont au- dessous de la Corniche , c'està-
dire , à 19 ou 20 pieds de haut.
Le Plafond represente un Ciel qui s'ouvre pour
recevoir la sainte Vierge , le S. Esprit descend
au devant d'elle , le Pere Eternel est assis , ayant
J. C. à sa droite ; il est environné d'Anges et de
Saints Patriarches , et de quelques Saints du
nouveau Testament , n'y ayant introduit que
ceux qui y étoient placez lorsque la sainte Vierge
y fut reçûe.
Cette voûte est presque platte , et n'a que sept
pouces de bombement. Les Sculptures que l'on
voit
SEPTEMBR E. 1732. 1999
Voit dans cet Ouvrage sont de M. Jean - Baptiste
le Moine , le fils , Sculpteur de l'Académie Roya
le , qui dans une grande jeunesse a déja tout le
mérite d'un homme consommé dans son Art ,
& qui a sçû traiter sa Sculpture avec toute l'intelligence
possible, pour qu'elle se liât avec la Peinture
, M. Coypel ne s'étant servi de sculpture que
dans les endroits où les saillies de l'Architecture
ne lui permettoient pas d'introduire la Peinture
et en même tems pour lier toute sa composition ;
ensorte que cela pût produire un même tout , et
donner plus de mouvement à tout le Sujet. Les
Curieux qui ont été voir cet Ouvrage , l'unique
que nous ayons en France de cette espece , ont
trouvé que les liaisons étoient justes , et que l'habile
Peintre avoit heureusement rempli ce qu'on
attendoit de lui pour l'effet de cet Ouvrage singulier.
>
M. le Moine , dont nous venons de parler est
le même qui a fait depuis peu le Portrait du Roi
en Buste , d'une ressemblance parfaite , où l'on
trouve toutes les finesses de l'Art . Ce Buste doit
servir de modele pour la Statue Equestre en bronze
, à laquelle M. le Moine travaille actuellement
pour la Ville de Bordeaux . On en voit
avec grand plaisir le modele dans son Attelier
au Roule.
DE
2000 MERCURE DE FRANCE
DELIBERATION de l Académie Royale
de Danse , du 10. Août 1731. pour le
maintien de l'ancienne et vraye Choregraphie.
L
A perfection que l'on doit chercher dans la
pratique des beaux Arts , doit aussi engager
ne souffrir aucune sorte d'abus ou de relachement
dans cette pratique. C'est dans cet esprit
que M. Hardouin , habile Maître à Danser de
Paris résident dans la Ville de Caen , s'étant
apperçû qu'un de ses Confreres avoit détruit dans
un Ouvrage de sa façon , la Choregraphie ancienne
, en y substituant d'autres caracteres , ce
qui ruine entierement l'art de la Danse dans tous
les Pays où cet usage s'est introduit , il s'est rendu
à Paris , et s'est donné tous les soins possibles
pour soutenir la perfection de son Art , et
pour prouver son zele à tous ses Confreres qui
pensent comme lui sur ce sujet. Sur quoi l'Aca
démie Royale de Danse a fait un Réglement en
connoissance de cause après une meure déliberation
, en vertu duquel on ne distribuera rien à
l'avenir concernant la Danse , qui ne soit conforme
à l'ancienne Méthode , et à la Coregraphicde
M. Feuillet. La Déliberation est écrite en ces
germes :
Aujourd'hui 10. Août 1732. P'Académie de
Danse s'est assemblée à la réquisition duficur Hardouin
, Maitre à Danser de Paris , demeurant à
Caën en Normandie , deputé de la part de tous les
Maîtres à Danser , tant du Royaume que des au
ges Pays , comme étant très - experimenté dans l'Art
de
SEPTEMBRE . 1737. 2001
de la Choregraphie , comme aussi étant le seul qui
reste des Eleves de M. Feuillet , Maitre à Danser
de Paris , et Auteur de la Danse écrite , pour representer
à l'Academie.
Que M. Rameau , seul Privilegié du Roi pour
vendre et débiter les danses écrites , a entierement
détruit la Choregraphie ancienne , en y substituant
des Caracteres ausquels il est impossible de rien connoitre
, ce qui fait un tort considerable à tous les
Maitres éloignez de Paris , et à tous les amateurs
de la danse ; qu'il demandoit à entrer en lice en
notre présence avec le sieur Rameau , pour lui démontrer
l'absurdité et la fausseté de son nouveau
système , ne voulant pour preuve que le Livre même
des Principes dudit fieur Rameau ; à quoi ledit sieur
Hardouin a entierement satisfait. Il a prouvé en
pleine Académie que l'ancienne Choregraphie étoit
si conforme à la Musique , que c'est pour ainsi dire ,
la Musique même , que toutes ses dérivations étoient
sensibles , que sa façon de tourner étoit tout-à -fait
géometrique , qu'on y remarquoit le vraisemblable à
chaque pas , qu'elle étoit facile , claire et expressive ,
>
que tous les Etrangers la sçavent et la suivent
et que d'ailleurs le Dictionnaire de M. Feuillet est
traduit en toutes les Langues.
Surquoi , Nous soussignez , Membres de ladite
Académie de danse , après avoir entendu les raisons
de part & d'autre , nous nous sommes trouvez indispensablement
obligez d'accorder audit sieur Hardouin
et à tous les intereffez dans sa réquisition , le
rétablissement de l'ancienne Choregraphie ; nous
avons même allegué les raisons qui nous ont déterminez
en faveur dudit sieur Hardouin , aufquelles
Ledit fieur Rameau a volontairement acquiescé, conwenant
lui -même de la justesse des reflexions que
dit sieur Hardouin faites sur ses Ouvrages. Et
le.
4.20
2002 MERCURE DE FRANCE
en conséquence de tout ce que dessus , ledit sieur
Rameau nous a promis et est demeuré d'accord qu'à
l'avenir il ne vendra ni distribuera rien concernant
la danse qui ne soit conforme à l'ancienne Méthode.
En foi de quoi nous avons delivré audit fieur
Hardouin la présente Expedition , afin de le mettre
en état de certifier à tous les Maîtres à danser et
autres, au nom desquels il a parlé , que l'Académie
a bien voulu avoir égard à leurs remontrances , comme
nous ayant paru très -justes et intereffantes.
Nous permettons de plus audit sieur Hardouin
d'éxaminer à l'avenir les Ouvrages dudit sieur Rameau
, et de nous adresser ses plaintes en cas qu'il y
trouve quelque chose de non conforme à notre intention
et aux promesses dudit sieur Rameau Fait à
Paris , dans notre Académie , et enregistré le 14.
Août 1732. Signé , Balon , Blondy , Lestang
Germain, Malter pere , Javillier , Dangeville ,
Laval, Desmoulins , Malter l'ainé , Syndic , Malter
cadet , Desmoulins , et Marcel.
Le parallele qu'on va lire peut trouver ici heureusement
sa place , d'autant plus que M. Har
douin en est l'Auteur.
RONDEAU.
DE Camargo , de Salé , de Roland ,
Maint Connoisseur exalte le talent.
Salé , dit l'un , l'emporte par la grace ;
Roland , dit l'autre , excelle en enjoüment;
Et chacun voit avec étonnement
Les pas hardis , la noble et vive audace
De Camargo .
Entre
SEPTEMBRE . 1732. 2003
Entre les trois , la Victoire balance
Mais , si j'étois le Berger fabuleux ,
Je ne sçais quoi de grand , de merveilleux
Me forceroit à couronner la Danse
De Camargo,
M. le Marquis de Courtenvaux , qu'on ose
nommer ici , étant allé à son Régiment il y a
quelques mois , on lui raconta à S. Pourçain , ou
étoit son quartier , un fait arrivé depuis peu , qui
lui parut aussi extraordinaire que singulier le
voici . Une Vache prête à mettre bas son Veau ,
a rendu en même- tems la quantité de deux boisseaux
d'Hérissons vivans et deux espéces de
Serpens. Le Marquis de Courtenvaux , qui a raconté
ce fait à des personnes de la plus grande
considération , l'apuye d'un certificat dont voici
la teneur.
Je,subdelegué au département de la Ville de Saint
Pourcain , souffigné , certifie que les nommez Guilmins
et Mer , Laboureurs d'un Domaine que j'ai
en la Paroisse de Montord , près S. Pourçain , m'ont
dit avoir eu ces jours derniers , dans ledit Domaine
une Vache , laquelle en faisant son Veau a rendus
par la Nature nombre d'Herissons tous vivans , environ
deux boisseaux , mesure de Paris , avec deux
especes de Serpens d'une demie toise de longueur ,qui
étoient enveloppez dans leurs toilles particulieres ;
ee que le nommé Antoine Boudignon , mon valetdomestique
m'a aussi assûré avoir vû ; ladite Vache
a été très- malade , mais elle se porte beaucoup
mieux et son veau aussi , semblable choſe est arrivée
A4-
2001 MERCURE DE FRANCE
autrefois dans ledit Domaine , et arrive assez communément
dans la Province . Fait audit S. Pourçain
le 6. Juin 1732. Signé , DELACODRE .
Nous soussignez certifions avoir vu plusieurs
fois arriver le cas ci - dessus énoncé . Fait à Saint
Pourçain , ce 6. Juin 1732 Signé , DELYONNE ,
Capitaine au Régiment Royal Roussillon
CHERIEUX.
>
On a appris de Rome , que le 17 Août , les
Pensionnaires du College Clementin céicbrerent
selon l'usage , la Fête de l'Assomption de la Sainte
Vierge par plusieurs Poemes et Discours d'Eloquence
faits à son honneur , et qui furent récitez
par Don Jean- Charles Boschi , Don Nicolas-
Antoine de Genaro , de la Famille des Princes de
S. Martin , et par Don Joseph Spinelli , en présence
de 13 Cardinaux et d'un grand nombre de
Prélats.
On a fait à Naples l'ouverture d'un nouveau
College , établi pour apprendre les Langues des
Indes Orientales à de jeunes Ecclésiastiques qu'on
a dessein d'envoyer ensuite en Mission dans les
Indes , afin de les opposer aux progrès que pourroient
faire dans le pays les Missionnaires Lutheriens
ou Calvinistes que les Anglois et les Danois
y envoyent.
On écrit de Londres que la Reine a fait construire
une Grotte magnifique à Richmond , ou
elle fera placer les Bustes de feu M. Locke , du
Chevalier Isaac Nevvton , de M. Vvolston, Auteur
du Livre intitulé : La Religion de Nature
démontrée , et du feu Docteur Clarck .
Ол
SEPTEMBRE . 1732. 200
On a recommandé aux Sçavans des deux Colle
ges d'Eaton et de Westminster, de faire des Ins-
Criptions Latines, convenables à la situation de ce
lieu de Retraite,à la Reine qui l'a fait bâtir, et aux
quatre Philosophes Angiois qu'on vient de nom
mer. Ceux qui réussiront auront une récompen
se , et S. M. les honorera de sa protection.
On apprend de Copenhague , que le Roy de
Dannemarck , à l'occasion de l'anniversaire de
son Mariage , qui fut celebré le 7 d'Aoust , a
institué un nouvel Ordre de Chevalerie , en faveur
des Seigneurs et Dames de sa Cour, dont la
Reine est la Grande Maîtresse . Les Comtes de
Plessen , de Rosencrantz et de Blohm , Conseillers
au Conseil Privé ; le Baron de Plessen , Grand
Chambellan ; le Comte de Gramm , Grand Veneur
; les Comtesses de Hardegg , de Witzleben
et de Raaben , et la Baronne de Sohlendahl ont
été honorés de ce nouvel Ordre , qu'on nomme
l'Ordre de la Fidelité. La marque d'honneur est
une Croix coupée , d'or , émaillée de blanc , ate
tachée à un Cordon large , de Soye bleu-turquin
ondé,tissu d'argent aux extrémitez , au milieu
de cette Croix est d'un côté à droite en
champ de gueule , le Lion du Nord , au dessus
d'un Aigle , et à gauche , un Aigle et le Lion au
dessous ; le tout chargé du Chiffre de L. M. en
champ d'azur.Au revers de la Croix , on lit cette
Légende : Infoelicissima unionis memoriam .
On mande de Vienne qu'il y étoit arrivé de
Breslaw un Officier Suedois , avec une Hyene ,
et plusieurs Rennes de Laponie , dont le Ray de
Suede fait present à l'Empereur , pour sa Ménagerie,
Peu de gens ignorent que la Hyene est un
F ani1006
MERCURE DE FRANCE
animal dont le corps est aussi grand que celui
d'un Loup , excepté que les jambes ne sont pas si
hautes ; son poil est plus rude , et sa peau mouchetée
de diverses couleurs.
La Renne , que quelques- uns appellent Ranne ,
et Rangier , est une bête de somme qui ne se
trouve et ne peut vivre que dans les Pais froids.
Elle ressemble au Cerf , plus grande toutefois ,
mais moindre que l'Elan , qui est ordinairement
de la taille d'un Cheval. Elle a 3 rangs de Cor
nes,deux sur le devant , et un sur le derriere de la
tête. Chaque rang a deux Perches chevillées sur le
devant, comme celles du Cerf, et quelquefois chacune
est de 25 Cors ; et sur le derriere elle porte
la figure d'une tête de Daim , avec Cornichons
et Perches plattes et larges . Elle se rend domestique
et traitable, et sert aux Lapons à tirer leurs
Traineaux sur la glace , avec une grande vitesse,
jusqu'à faire 30 lieues par jour . Elle leur sert
aussi de nourriture , et c'est leur principale richesse
; mais elle est de courte vie , et ne passe
pas quinze ans.
Le R. P. Joseph de la Fontaine de la Boissiere,
Prêtre de l'Oratoire , mourut le 18 Aoust , dans
la Maison de la rue S. Honoré , âgé d'environ
84 ans. Il s'étoit acquis la réputation d'un celebre
Prédicateur . Ses Sermons et ses Panégyriques
ont été imprimez en 6 vol. in 12. et se
trouvent chez Henri , rue S. Jacques , vis - à- vis
' S. Yves.
Avis qu'on nous prie d'inserer.
M. Chicoyneau , premier Médecin du Roy,su
la connoissance qu'il a des bons effets de la Poudre
FORE
PUBLIC
LIBRARY
.
ASTOR
, LENOX
AND
TILDEN
FOUNDATIONS
2
ORK
RUDES
LIERARY
.
ASTOR
, LENOX
AND
TILDEN
FOUNDATIONS
.
SEPTEMBRE. 1732. 2007
dre Spécifique , pour la guérison radicale des
Hémoroides , de quelque nature qu'elles soient ,
a confirmé le Privilege accordé par M. Chirac ,
son Prédecesseur.
Cette Poudre purifie le sang , appaise les inflammations
, gonflemens et douleurs , ordinairement
en à 6 prises ; facilite les Selles et les
Urines , n'a point de mauvais goût , et ne fait
aucune révolution . On peut vivre à son ordinaire
, vaquer à ses affaires , elle se conserve , et on
peut l'envoyer par tout,
Il faut s'addresser à Paris , au sieur de la Coste,
rue du Petit-Lyon , Fauxbourg S. Germain , chez
Mad. Frontier. Il donne les Frises cachetées , avec
un Paraphe et la maniere de les prendre. Il est le´
seul qui en a la distribusion. 3 liv . la Prise.
****:***********
LE PERE SIROT.
A
Vaudeville Bachique.
Cette joïeuse table ,
Chantons le Pere Sirot ,
Il a l'esprit agréable ,
L'enjoûment est son vrai lot ;
Comme il sifle la Linote !
Admirez comme il sirote !
Oh ! oh oh ! oh ! oh ! oh ! oh ! oh !
Vive le Pere Sirot.
Quand des meilleurs Vins du monde ,
Il a bû quinze oy vingt coups ,
Fij
La
2008 MERCURE DE FRANCE
La joye éclate à la ronde ,
Les Convives chantent tous , `
Comme il, & c.
Le venerable Silene
Qui buvoit si largement ,
N'auroit imité qu'à peine ,
Notre Siroteur charmant,
Comme il, &c.
" L'Histoire par tout nous vante
Mille et mille grands Vainqueurs ,
Mais le Héros que je chante ,
Est le plus grand des Buveurs,
Comme il , & c.
Desormais à chaque Table ,
Où le bon vin coulera ,
Chacun d'une voix aimable ,
Avec transport
Comme il , &c.
chantera .
Qu'on lui dresse une Statue ,
Buvant un Verre de Vin ,
Et qu'au bas brille à la vûë ,
Pour devise ce refrain .
Comme il, &c.
7
SPEGE
SEPTEMBRE. 1732. 2009
9999
SPECTACLE S.
E Mercredy 6 Aoust, on representa au
LE ›
gédie de Sennacherib , Roy des Assiriens ,
pour la distribution des Prix . En voici le
sujet.
SENNACHERIB ayant perdu devant Jerusalemi
18f000 hommes, tuez dans une nuit, par la main
d'un Ange , retourna à Ninive plein de fureur et
de confusion. Il crut que ce malheur lui étoit are
rivé , parce que son Dieu tutelaire étoit irrité .
Tandis qu'il songeoit à se le rendre favorable , il
fut immolé au pied de son Idole , par ses deux
fils aînez , Adramelech et Sarasar, 45 jours après
la défaite de fon Armée. Liv. 4. des Rois . c . 19 .
Tob. c. I.
Ainsi s'accomplit la Prophetie faite par Isaic
au Roy Ezechias , environ deux mois auparavant.
Ifa. c. 37.
La Tradition des Hébreux rapportée par S.Jerôme
, est que Sennacherib vouloit immoler ses
deux fils pour fléchir son Dieu par ce Sacrifice ,
que ceux- ci le prévinrent et lui porterent les
coupsqu'il leur destinoit.
. On suppose , comme il est vrai -semblable
que Sennacherib vouloit fléchir son Dieu pour
tenter une seconde fois la conquête de Jerusalem,
La Scene est à Ninive , dans le Palais
du Roy.
Fiij La
2010 MERCURE DE FRANCE
*
Le Ballet qui fut dansé après la Tragé
'die , porte pour titre : Histoire de la Danse.
Voici le dessein et la division de ce
Ballet.
Comme on ne sçauroit donner dans un
seul Ballet tout ce qui concerne la Danse,
`on se borne icy à en exposer la naissance
et les quatres âges.

te
La Danse , selon le sentiment de la
plupart des Auteurs , doit son origine
aux Egyptiens ; on croit qu'elle est née
de l'observation des Planettes ; comme
elle. sert à exprimer les differentes passions
des hommes , et sur tout celles qui
ont la joye pour principe , on la suppose
presqu'aussi ancienne que le monde , parce
que les passions attachées à l'humanité
ont existé plus ou moins dans tous les
temps.
Dans la premiere Entrée , des Bergers ,
forment des pas sur le mouvement des
Airs champêtres,avant même que les Ins
trumens de Musique soient inventez.Dans
la seconde , des Personnes de différentes
conditions dansent plus méthodiquement,
au son des Instrumens, nouvellement inventez.
De la naissance de la Danse on
passe à ses quatre différens âges .
PreSEPTEMBR
E. 1732. 2013
Premier âge de la Danse.
Les Egyptiens sont les Peuples chez qui
la Danse ait fait de plus grands progrès
l'Histoire leur donne l'honneur de l'avoir
inventée , et de l'avoir employée à plu
sieurs différens usages.
"
Danse Astronomique.
Des Astronomes Egyptiens , après avoir
rendu hommage au Soleil , observent le
cours des Astres et leurs Eclipses , avec
des Tubes ; ce qui est exprimé par leurs
Danses.
Danse Magique.
Des Magiciens évoquent les ombres dos
Morts,
Danse Idolatrique.
Dans cette Danse, les habitans des Villes
et des Champs adorent les Divinitez
de leurs Païs , sous la figure de divers
animaux.
Second âge de la Danse.
Les Grecs ont la gloire d'avoir inven
té , ou du moins perfectionné tous les
beaux Arts , et sur tout la Danse.
Fiiij Danse
2012 MERCURE DE FRANCE
Danse Politique et Militaire.
Licurgue établit une Danse politique
dans Lacédémone , pour concilier tous les
Membres de l'Etat ; les Citoyens de differens
âges et de differentes conditions ,
se mêlent ensemble. Les Lacédémoniens
avoient déja introduit chez eux la Danse
Militaire , pour se représenter l'image des
combats comme un jeu.
Danse de Fête solemnelle.
La Danse faisoit une des principales
Fêtes des Thébains ; on represente
dans cette Entrée les Orgies ; on en retranche
toute image de licence , à la fureur
près.
Danse Théatrale.
Les Poëtes Athéniens introduisirent la
Danse dans leurs Pieces ; on donne dans
cette Entrée l'idée d'une Scene Tragique
et d'une Scene Comique , dans le gout
d'Euripide et d'Aristophane.
Troisiéme âge de la Danse.
Les Romains n'eurent pas beaucoup
d'estime pour la Danse ; l'Art Militaire
leur fit long-temps oublier tous les Arts
pacifiques , et ce ne fut que sous les Empercurs
SEPTEMBRE. 1752. 2013 :
pereurs que la Danse occupa un Peuple
oisif et amolli , à qui on vouloit faire
oublier son ancienne liberté.
Danse Triomphale:
Les Saliens , Prêtres de Mars , furent
admis dans les Marches de Triomphes ;
c'est cette Danse guerriere qu'on exprime
dans cette premiere Entrée.
Danse Italique . s *
Les Pantomimes , Sérieux et Comiques,
furent inventez sous Auguste; on en donne
icy.une légere idée; pour rendre cette
Danse plus intelligible aux Spectateurs
on a choisi les Caracteres Comiques ,
qui leur sont les plus connus , préférablement
à ceux des Comédies Romaines .
Danse d'Animaux.
On prend pour modeles de cette Danse
les Sibarites , Peuples de la basse Italie ,
qui eurent tant de passion pour la Danse ,
qu'ils y firent entrer leurs Chevaux , et
d'autres animaux .
Quatrième âge de la Danse, sous les Nations
modernes , et principalement sous
lés François.
On appelle Nations modernes , celles
Fy qui
2014 MERCURE DE FRANCE
qui ont été démembrées de l'Empire
Romain, Elles ont toutes cultivé la Dan-'
chacune selon son génie ; aucun de
>
ces Peuples ne s'y est tant distingué que
les François.
Bal de Ceremonie. abs
Un Prince donne un Bal aux Seigneurs
de sa Cour , ou à des Etrangers de dis
tinction , arrivez de divers Païs .
Bal de Spectacle.
La France, qui a reçu de l'Italie les Ballets
avec Machines , a beaucoup encheri
sur elle dans ce genre de Spectacle ; c'est
ce qu'on représente dans cette Entrée.
Bal Bourgeois.
Des Bourgeois et des Artisans forment
une espece de Mascarade , où chacun est
admis , sans distinction .
La Danse des Academies Litteraires.
Les Danses figurées ont été introduites
dans plusieurs Académies littéraires . On
y represente des Ballets nouveaux ou historiques
, pour relever la solemnité d'un
Spectacle établi et souvent fondé par des
Rois , pour distribuer avec éclat des Prix
à la jeunesse qu'on y éleve dans l'étude
des Belles Lettres,
Apollon
SEPTEMBRE. 1732. 2015
Apollon , Minerve et Mercure distribuent
des Couronnes de Laurier aux Eleves
qui se sont distinguez dans les Exercices
Litteraires.
La jeunesse couronnée , exprime par la
Danse , le plaisir qu'elle ressent du Prix
glorieux qu'elle a remporté.
Des Bergers ont chanté des Vers dans
la premiere Entrée de l'ouverture; nous en
donnerons une légere idée par ceux qu'on
va voir.
Bergers , qu'un doux repos assemble ,
Venez sous ces tendres Ormeaux
Nous y devons former ensemble
Des jeux innocens et nouveaux..
C'est icy que la Danse ,
Va prendre sa naissance.
Sur mes chants composez vos pas ;
Que tous les mouvemens de vos pieds, de vosbras
D'accord avec ma voix , en suivent la cadance.
Que sans voltiger ,
Les naïves Graces ,
Marchent sur vos traces,
D'un pas coulant et leger , &c.
La Décoration de ce grand et pompeux Spec
tacle , representoit une grande Cour exterieure
d'un Palais magnifique,d'Ordre composite , formant
un plan circulaire de cent pieds de face , et:
faisant par la Perspective 150 pieds de circonfe-
F vj rence
2016 MERCURE DE FRANCE
rence sur 35 pieds d'élévation. Au milieu est un
corps avancé , soutenu par des Colonnes et Pilastres
de breche violette; les Chapiteaux et Bases
en or. Dans les entre-Colonnes sont placez des
Grouppes de Figures de Marbre blanc sur des
piedestaux de forme ronde : sçavoir , à la droite ,
Médée Jason; à la gauche le Sacrifice d'Iphigenie.
Sur les devants de la partie circulaire,à la droite
Oedipe qui se perce les yeux ; à la gauche , Herrule
sur le bucher ; sur le devant de ces deux extrêmitez
sont des Amphitheatres terminés par
une Balustrade , en forme de demi - fer à cheval ,
au bas de laquelle on voit les SStatues des deux
plus fameux Poëtes Grecs ; sçavoir , à la droite
Sophocle; à la gauche Euripide. ?
Au milieu de la Décoration est une grande et
magnifique Arcade surmontée des Armes de
France , soutenues par des Génies , au travers
de laquelle on apperçoit un grand Salon cintré ,
soutenu par des colonnes couplées , et dans les
deux passages , aux côtez des Galeries ingénieusement
percées d'une Architecture noble et simple
, ornée de Bustes sur des scabellons ; au- dessus
des quatre Groupes de colonnes , sont dea
trophées de Guerre , et sur les corps avancez qui
terminent les côtez de la Décoration des Trophées
de Poësie en or , ainsi que les Armes du
Roi et les autres Trophées et Consolles qui sont
sous la Corniche , sur laquelle est une Balustrade
qui régne au pourtour de cette magnifique Ordonnance.
ges
M. Le Maire , déja connu par plusieurs ouvrade
cette espece qui ont eu l'applaudissement
du Public . est Auteur de celui -ci , qui a été fort
approuvé. L'Estampe qu'il en a fait graver avec
soin
SEPTEMBRE . 1732. 2017
soin , se vend chez lui dans la Cour des Quinze
Vingts.
EXTRAIT de l'Ecole des Meres , Comédie
en Prose , en un Acte , de M. de
Marivaux , representée pour la premiere
fois sur le Théatre Italien , le 26 Juilles
1732.
CErre
intrigue.se
Ette intrigue se passe entre Mme Argante
, Angelique , sa fille , Lizette ,
sa Suivante , Eraste, Amant d'Angelique,
sous le nom de la Ramée , Damis , pere
d'Eraste est aussi Amant d'Angelique ,
Frontin et Champagne , Valets de Mme Argante
et de Damis , La Scene est dans l'Appartement
de Mme Argante.
Eraste travesti en Valet commence la
Piece avec Lisette , laquelle veut lui menager
un entretien avec Angelique, dont
il est autant aimé qu'il l'aime. Frontin
Valet de Me Argante , arrive et se défie
du prêtendu parantage du faux la Ramée
avec Lizette , dont il est amoureux
et le prend sur un ton qui oblige Lisette
à le mettre dans la confidence ; il se charge
de l'entrevûë qu'il s'agit de ménager
à Eraste , qui veut parer le mariage qu'on
est prêt à conclure entre son Amante et
le vieux Damis , c'est un nom que le peré
d'Eraste a pris pour dérober la connoissance
H
2018 MERCURE DE FRANCE
noissance de son futur Hymen à tout le
monde , et sur tout à son fils , quoiqu'il
ne sçache pas encore qu'il est son Rival
et Rival aimé .
Mme Argante vient ; le faux la Ramée
ne pouvant se retirer sans se rendre suspect
, Frontin le fait passer pour un Cousin
qui cherche condirion ; Mme Argante
le trouvant bien fait , lui ordonne de rester
dans la maison , et lui promet de le
mettre au service de M. Damis . Mme Argante
demande à Lisette dans quelles dispositions
elle trouve sa fille Angelique ;
Lisette lui répond d'une maniere à ne répondre
de rien : voici la fin de la Scene:
entre la Maîtresse et la Suivante ..
Md. Argante.
M. Damis est un peu vieux , à la verité ,
mais doux , complaisant , attentif , aimable.
Lisette.
Aimable ! prenez donc garde , Madame ; il a
soixante ans,
Mad. Argante.
Il est bien question de l'âge d'un mari avec
une fille élevée comme la mienne.
Lisette.
Oh ! s'il n'en est pas question avec Mademoi
selle
SEPTEMBRE . 1732. 2619
selle votre fille , il n'y aura guere eu de prodige
de cette force-là.
Mad. Argante.
Qu'entendez -vous avec votre prodige ?
Lisette.
J'entends qu'il faut le plus qu'on peut , mettre
la vertu des gens son aise , et que celle d'Ange
lique ne le sera pas sans fatigue.
Mad.
Argante.
Vous avez de sottes idées , Lisette ; les inspirez-
vous à ma fillers
Lisette.
Oh que non , Madame ; elle les trouvera bien,
sans que je m'en mêle.
Mad, Argante.
Hé pourquoi , de l'humeur dont elle est ,
seroit - elle pas heureuse ?
Lisette,
1
ne
C'est qu'elle ne sera point de l'humeur dont
yous dites ; cette humeur- là n'est nulle part.
Mad. Aviante.
Il faudroit qu'elle l'eût bien difficile , si elle
ne s'accommodoit pas d'un homme qui l'a
dorera ,
Lisette.
On adore mal à son âge.
Mad.
2020 MERCURE DE FRANCE
Mad. Argante.
Qui ira audevant de tous ses desirs.
Lisette.
Ils seront donc bien modestes , &c.
>
L'arrivée d'Angelique interrompt la
suite de cette conversation ; ce rôle est
joué par la Dule Sylvia avec une grace et
une intelligence qu'on ne sauroit trop
admirer ; comme c'est un rôle d'Agnés
elle y met une ingenuité qui enchante les
Spectateurs ; et cette ingenuité est accompagnée,
coup sur coup, de profondes
révérences qui la caracterisent d'une maniere
à n'y reconnoître que la simple nature
, quoique ce ne soit pas sans y mettre
un art infini. Voici quelques morceaux
de la Scene qui se passe entr'elle et sa
mere.
Mad. Argante.
Vous voyez , ma fille , ce que je fais aujour
d'hui pour vous ; ne tenez -vous pas compte
ma tendresse du mariage que je vous procure &
Angelique faisant la réverence.
Je ferai tout ce qui vous plaira , ma mere.
Ma . Argante.
Je vous demande si vous me sçavez gré da
parti
SEPTEMBRE. 1732 2021
parti que je vous donne , &c. allons ; répondez , ma fille.
Angelique.
Vous me l'ordonnez donc ?
Mad. Argante.
Qui , sans doute. Voyons ; n'êtes-vous pas satisfaite
de votre sort ?
Angelique.
Mais.
Mad. Argante.
Quoi ? mais ! je veux qu'on me réponde raisonnablement
; je m'attendois à votre reconnoissance
, et non pas à des mais...
Angelique saluant.
Je n'en dirai plus , ma mere.
Mad. Argante.
Je vous dispense des révérences ; dites- moi ce
que vous pensez.
Ce que je pense
Angelique.
Mad. Argante.
Oui , comment regardez-vous le mariage en
question ?
! Mais,
Angelique.
Mad. Argante .
Toujours des mais !
Am
2022 MERCURE DE FRANCE
Angelique.
Je vous demande pardon ; je n'y songeois pas ,
ma Mere , &c.
Toute cette Scene , qui est à peu près
sur le même ton , fait beaucoup de plaisir ,
tant de la part de l'Auteur , que de l'Actrice.
La De Sylvia ne parle pas toujours
avec la même innocence dans le reste de
cette Piéce ; elle est très hardie quand elle
s'entretient avec Lisette , le Lecteur en
pourra aisément juger par ce commencement
de Scene .
Lisette.
Eh bien? Mademoiselle , à quoi en êtes - vous ?
Angelique.
J'en suis à m'affliger , comme tu vois,
Lisette.
Qu'avez-vous dit à votre Mere !
Angelique.
Hé tout ce qu'elle a voulu.
4
Lisette.
Vous épouserez donc Monsieur Damis
Angelique.
Moi , l'épouser ! je t'assûre que non c'est
bien assez qu'il m'épouse.
Lisette,
SEPTEMBRE . 1732. 2023
>
Lisette.
Oui mais vous n'en serez pas moins sa
femme.
sant
"
Angelique.
Hé bien; ma Mere n'a qu'à l'aimer pour nous
deux ; car pour moi je n'aimerai jamais qu'Eraste
, &c, c'est lui qui est aimable , qui est complai
et non pas ce Monsieur Damis , que ma
mere a été prendre je ne sçai où , qui feroit bien
mieux d'être mon grand pere , que mon mari ,
qui me glace quand il me parle , et qui m'appelle
toujours ma belle personne , comme si on s'embarassoit
beaucoup d'être belle ou laide avec lui ;
au lieu
que tout ce que me dit Eraste est si touchant
; on voit que c'est du fond du coeur qu'il
parle ; et j'aimerois mieux être sa femme huit
jours , que de l'être toute ma vie de l'autre
&c.
On vient annoncer à Angelique qu'un
Laquais d'Eraste a une Lettre à lui rendrę
de la part de cet Amant si tendrement ai
mé ; elle marque un tendre empressement;
mais son activité éclate bien plus quand
elle voit Eraste même à ses pieds après la
lecture de sa Lettre , &c . Comme cet Extrait
commence à devenir un peu trop
long pour une Piéce en un Acte , nous ne
parlerons plus que de ce qui concerne
l'action théatrale.
Le faux Damis , pere de Léandre vient
pour
2024 MERCURE DE FRANCE
pour épouser Angelique ; il prie Mad .
Argante de lui permettre un moment
d'entretien avec sa future Epouse . C'est
dans cet entretien qu'Angelique lui avoüc .
avec sa naïveté ordinaire qu'elle ne l'aime,
pas ; il apprend même ,qu'elle en aime un
autre , et à la faveur d'un rendez - vous
nocturne , il reconnoît cet Amant aimé
pour son fils. Cette nuit donne lieu à
beaucoup de méprises , qui finissent par
des lumieres que Madame Argante fait
apporter. Le pere se rendant justice , et
d'ailleurs attendri pour son fils , conseille
à Mad. Argante de rendre ces deux Amans
heureux , elle y consent. On commence
une Fête que Damis avoit fait préparer
pour lui -même ; il consent qu'elle serve
pour le mariage de son fils avec Angelique
; Lisette est aussi récompensée pour
avoir contribué au mariage d'Eraste ;
Mad: Argante consent qu'elle épouse son
cher Frontin ; la Piéce finit par des Danses
et des Divertissemens , dont la Musi
que , qui a été goûtée , est de M. Mouret
: voici deux Couplets du Vaudeville
qui termine le Divertissement.
Si mes soins pouvoient t'engager
Me dit un jour le beau Sylvandre ,
D'un air tendre
Que
SEPTEMBRE , 1732
2025
Que ferois -tu ? dis -je au Berger ?
Il demeura comme un Idole ,
Et ne répondit pas un mot.
Le grand sot !
Il faut l'envoyer à l'Ecole,
L'autre jour à Nicole il prit ,
Une vapeur auprès de Blaise ,
Sur sa chaise :
La pauvre enfant s'évanouit ;
Blaise , pour secourir Nicole ,
Fut chercher du monde aussi - tôt ;
Le nigaut !
Il faut l'envoyer à l'Ecole,
La Dile Roland et le sieur Lelio ont
dansé dans ce Divertissement un Pas de
Deux, composé d'une Loure et d'un Tambourin
, avec toute la justesse et la vivacité
possible , et ont été généralement ap
plaudis ; cette nouvelle Danseuse est de
plus en plus goûtée du Public .
EX2026
MERCURE DE FRANCE
EXTRAIT des Piéces représentées à l'Opéra
Comique le 19 Août , elles sont de
la composition de M. Carolet. Le Prologue
a pour titre le Réveil de l'Opéra
Comique.
LE
E Théatre représente une Guinguette.
Les Acteurs paroissent au fond
du Théatre endormis sur les Tables , de
même que Colombine et l'Opéra Comique
personnifié. Ils se réveillent au bruit d'u
ne Symphonie extravagante . La premiere
Scene est une Parodie du Prologue d'Amadis
de Gaule. L'Opéra Comique , Colombine
chantent ensemble.
Ah! j'entends un bruit qui nous presse
De nous rassembler tous ;
Le charme cesse ,
Eveillons - nous.
Esprits empressés à nous nuire ,
Vous , qui nous avez mis dans cet état affreux
,
Votre soin pourroit nous réduire
A fermer désormais la porte de nos Jeux.
Que Momus annonce au Parterre ,
La fin de notre accablement i
Brûlez
SEPTEMBR E. 1732. 2027
Brillez Eclairs , grondez Tonnere ,
Sappez ce Cabaret jusques au fondement.
Le Tonnere tombe et réduit en poudre
toute la Guinguette ; le Théatre' s'éclaire
, les Danseurs se réjouissent à leur
réveil : la Folie arrive ; la Sagesse qui sur
vient , prétend l'emporter sur elle , mais
on la chasse. Une jeune personne paroît
et se plaint a l'Opéra Comique qu'elle à
perdu la Sagesse en entrant à la Foire ;
cette Scene occasionne une morale plaisante
; la Folie la console de cette perte ,
et la reçoit Actrice. Ce Prologue finit par
une Danse de Fous et de Poctes , et par
un Vaudeville dont voici quelques Couplets.
Loin de nous l'Amant ennuyeux ,
Qui de grands mots remplit l'oreille ;
L'Amant badin réussit mieux ;›
Le sage endort , le fou réveille.
Dans l'époux tout est sérieux ,
Fut-il la plus rare merveille ;
Dans l'Amant tout est gracieux,
Le sage cadort , &c.
La Lanterne véridique , Piéce en un
Acte, est dans un goût métaphysique.
Le
7
2028 MERCURE DE FRANCE
Le Théâtre represente le Parnasse et
ses avenues ; Apollon est surpris d'y trouver
Mercure , il lui déclare qu'il a résolu
de confondre les faux Sçavans et de
leur faire connoître la portée de leur génie.
Il charge Mercure de leur ordonner
de se rendre au Parnasse . Mercure obéit
comme Messager des Dieux ; la Fortune
personifiée paroît , Apollon en est sur
pris , elle lui dit qu'elle ne vient au Parnasse
que par hazard , puisque le Parnasse
n'est point le lieu de sa résidence , elle
témoigne à Apollon son mépris pour la
Science. Diogene paroît ensuite avec sa
Lanterne , il l'offre à Apollon pour lui
aider à connoître à fond les génies subal
ternes dont il se plaint. Apollon la reçoit ;
Diogene fait une Scene comique , &c.
Mercure arrive , et dit à Apollon qu'il
a trouvé dans certains Caffés de Paris les
Sçavans en question . Apollon le charge
de donner audience pour lui , en lui remettant
la Lanterne de Diogene , et après
lui en avoir appris les proprietez merveil
leuses.
Les faux Sçavans arrivent entr'autres
une jeune fille qui se croit Poëte , et qui
ne fait des Vers que parce qu'elle est
amoureuse. Un Auteur qui croit exceller
en tout , et qui n'est que plagiaire. Ceste
Scene
SEPTEMBRE . 1732. 2029
Scene est parfaitement renduë par le
sieur Droin , habile Acteur. Un petit Maî
tre , soi- disant bel esprit , et qui n'est
qu'un fat . Une femme qui se pique de
posseder la Satyre , et qui n'est que médisante.
Ensuite paroît le Suisse de la Troupe
, qui croit en cette qualité avoir la
quintessence de l'esprit . Mercure , qui au
nom d'Apollon a confondu tous les faux
Sçavans , donne la Palme au Suisse ; il
trouvé en lui un bon sens naturel qui le
charme . La Scene du Suisse à été joüée
par le sieur Duperier avec applaudissement.
L'Acte finit par un Divertissement
composé de Suisses et de François , et par
ún Vaudeville dans ces goûts- là , que le
Suisse dit être de sa composition : on en
va juger.
Le Suisse.
On blâme à tort notre façon ;
Nous ne suivons pas le caprice,
Un Suisse entend toujours raison ,
Puisque la raison est un Suisse.
1
Tel Plumet courtise un tendron
En vrai fat dans une coulisse ,
Qui souvent n'a pas le teston
our graisser la patte du Suisse.
G Si
2030 MERCURE DE FRANCE
Si Bacchus n'inspire Apollon ,
Une Piéce est toujours trop grave,
Pour briller au sacré Vallon ,
Il faut descendre dans la cave,
On trouvera l'Air gravé de ce Vaudeville,
an bas de la Chanson.
Le Parterre merveilleux sert de Prologue
à l'Acte des petits Comédiens..
Le Théatre représente les Jardins d'un
Serrail ; une jeune Esclaye ouvre la Scene ;
elle se plaint à sa Suivante de l'absence de
son Amant , qui est un Cavalier François;
l'Amant paroît ; le Bostangy qui écoute
leur conversation les effraye ; mais il les
rassûre , et déclare à la Suivante qu'il l'ai-,
me. Il offre à la jeune Esclave de favoriser
son évasion ; et pour lui prouver qu'il
peut même quelque chose de plus , il fait
sortir sur le champ de la terre six grands
Pots de fleurs , qui disparoissent aussi - tôt,'
et font voir à leur place six enfans qui représentent
une Piece en Vers , intitulée
le Rival de lui-même dont voici le
sujet.
د
Orgon a une fille unique nommée Julie
promise à Eraste . Le mariage doit se conclure
le jour même ; mais Orgon reçoit
une Lettre du pere d'Eraste , crû mor
depuis
SEPTEMBRE . 17 32. 2031

depuis très - long - tems. Orgon qui veut
éprouver l'amour d'Eraste pour sa fille
feint de vouloir changer de résolution ;
il montre cette Lettre à Eraste , qui y
celui de son
voyant un autre nom que
pere , fulmine contre Orgon , lequel s'excuse
sur un ancien engagement contracté
entre ce vieillard et lui au sujet de leurs
enfans. Eraste qui apprend par cette Lettre
que Julie voit tous les jours le fils de
Pamphile , nom du prétendu vieillard signé
dans la Lettre , et que Loüison , Suivante
de Julie , conduit cette intrigue
déplore sa malheureuse situation ; Crispin,
son valet , se livre à l'exemple de son
Maître , à des excès de jalousie contre
Loüison . Julie et Loüison sont surprises
de se voir traiter d'infidéles par deux
Amans qu'elles aiment tendrement . Eraste
qui a appris par Orgon que son prétendu
rival doit arriver le soir même et épouser
Julie , l'attend de picd ferme pour
l'immoler à sa rage ; au moment qu'il
menace, le pere , qui avoit pris le nom de
Pamphile au lieu de celui d'Orgon , paroît
, embrasse son fils , lui conte l'artifice
innocent dont il s'est servi pour le
surprendre , et lui assurer de gros biens
avec la possession de Julie. Crispin rassuré
de son côté dit à son Maître qu'il doit
Gij
1 se
1631 MERCURE DE FRANCE
se tranquilliser , et qu'il n'a point d'autre
Rival que lui - même. La Piéce finit par
un Divertissement , aussi éxécuté par les
petits Comédiens qui ont representé la
Piéce d'une maniere à se faire applaudir,
Voici quelques Couplets.
Crispin.
Je suis petit Comédien ,
A mon jeu vous le voyez bien
Mais près de l'aimable Lutine ,
Dont l'oeil fripon , me porte au coeur
Tirelironfa , tourelontontine ,
deviendrois un grand Acteur,
Fulie.
L'Amour est un Comédien
Qui nous façonne en moins d'un rien ;
Envain notre coeur se mutine ,
Contre cet aimable Vainqueur ;
Tirelironfa , tourelontontine
;
L'Amour en fait un grand Acteur,
Eraste.
L'Amour , à mes tendres desirs ,
Prépare les plus doux plaisirs ;
A présent rien ne me chagrine ,
Charmé du don de votre coeur ,
Tire
SEPTEMBRE . 1732 ; 2033
Tirelironfa , tourelontontine ;
Je promets d'être un grandActeur.
Loüison au Public.
Messieurs , je connois à vos yeux ,
Que d'ici vous sortez joyeux ;
Faites -nous toujours bonne mine.
Ah ! quel plaisir pour un Auteur ,
Tirelironfa , tourelontontine ,
Quand il entend claquer l'Acteur.
Le 5. le même Opéra Comique donna
la premiere Représentation d'une petite
Piéce en un Acte , avec des Divertissemens
, qui a pour titre les Vandanges de
Champagne , qui a été goûtée.
Les Comédiens François ont remis au
Théatre la Parisienne , petite Comédie de
feu M. Dancourt , que le Public revoit
avec plaisir. Nous en avons parlé au mois
d'Août 1725. p . 1869. tems auquel on
l'a repris.
Ils ont aussi remis l'Indiscret , Comédie
de M. de Voltaire , dont nous avons donné
l'Extrait dans le second Volume du
Mercure de Septembre 1725. p. 2276.
Le Lundi 15 de ce mois , les mêmes
Comédiens donnerent la premicre Re-
Giij pré
2034 MERCURE DE FRANCE
présentation de la Fausse Inconstance
Comédie en trois Actes , et en Vers
dont nous parlerons plus au long.
Ils vont donner la Soeur Ridicule , Comédie
en quatre Actes , de Montfleury.
Il y a plus de 25 ans que cette Piéce n'a
été representée , on la connoissoit sous le
titre du Comédien Poëte , en quatre Actes
et un Prologue. A la place de ce Prologue
qu'on a retranché , on donnera un
nouveau Prologue en Vers , dont les principaux
Personnages sont la Ressource et
le Caprice personnifiez .
>
Le Jeudi 11 de ce mois l'Académie
Royale de Musique remit au Théatre Scylla
, Tragédie representée dans sa nouveauté
au mois de Septembre 1701. et reprise
en Octobre 1720. Le Poëme et la
Musique sont de M. Duché et de M.Theobalde.
Nous en donnerons l'Extrait en parlant
de l'xécution . Nous ajoûterons seulement
ici que cet Opéra est très bien remis
, bien habillé et bien décoré . Un
morceau sur tout , cssentiel à caracteriser
le lieu de la Scene , a été trouvé admirable
; c'est la représentation du Tombeau
de Tiresie , d'une Architecture rustique ,
simple , noble et vraie. Les gens du meilleur
goût n'y désirent rien pour le coloris
SEPTEMBRE. 1732. 2035
ris , pour la juste distribution des lumieres
et des ombres , pour le relief des différentesparties
, et pour l'effet du tout ensemble.
,
Le Balet est très- bien composé par le
sieur Blondi , et très - varié. Les airs de
Violons y sont harmonieux , dansans
d'une très - grande beauté , et caracterisez
au mieux principalement la fameuse
Passacaille du second Acte , qui est un
morceau au- dessus de tout ce que nous
avons vû en ce genre. La Musique en général
est fort goûtée et mérite de l'être ,
le Poëme ne l'est pas tant.
On apprend d'Allemagne qu'on représenta
à la Cour Impériale à Lintz , le 28.
du mois dernier , à l'occasion de l'Anniversaire
de la Naissance de l'Impératrice,
un Opéra qui a pour titre l'Azile de l'Amour
, de la composition du sieur Antoine
Caldara , Sous- Maître de la Chapelle
de Musique de l'Empereur.
1
NOU:
2036 MERCURE DE FRANCE
NOUVELLES ETRANGERES
DE TURQUIE ET DE PERSE.
O
Na appris que toutes les Provinces de la
Perse avoient envoyé des Députés à Ispahan
pour feliciter le Roi de Perse sur la résolution
qu'il a prise de ne point éxécuter le dernier
Traité conclu avec le Grand Seigneur , et pour
l'assurer qu'elles lui fourniront tous les secours
nécessaires pour reprendre les Villes que la situa
tion de ses affaires l'avoit obligé de ceder ; que
chaque Province lui avoit envoyé un état des
Troupes qu'elle pouvoit lui fournir , avec offre
de les payer et entretenir pendant deux ans ; que
le Roi de Perse avoit actuellement une Armée de
soooo, hommes en Georgie ; une autre de
60000. hommes qui s'étoit emparée des passages
par lesquelles les Turcs sont entrés dans le Pays
pendant la guerre précédente ; et une troisiéme
avec laquelle le Roi de Perse faisoit le Siege d'Erivan.
Cette Place n'est point prise comme le
bruit en a couru , mais on ne doute pas qu'elle
ne le soit bien - tôt , les vivres et les munitions de
guerre y manquant.
Les Lettres reçues depuis portent , que les
Troupes Persanes qui avoient leurs quartiers le
long de la Mer Caspienne , en étoient parties
pour se rendre en Armenie , que le Roi de Perse
avoit déja repris plusieurs petites Places de la
Georgie
SEPTEM BR E. 1732. 2037
Georgie qui avoient été cedées au 6. S. par le
dernier Traité qu'une autre armée étoit en
marche vers Tauris , que la Ville de Bagdat
étoit bloquée , et qu'on attendoit un renfort de
Isoon. hommes pour ouvrir la tranchée .
Les dernieres Lettres de Constantinople portent
, que la maladie contagieuse continuoit de
faire de grands ravages , tant dans la Ville que
dans les environs ; qu'on recevoit très-souvent
de mauvaises nouvelles de Perse ; que le peuple
paroissoit toujours disposé à se soulever ; que le
Divan étoit divisé et ne prenoit aucune résolution
pour prévenir les maux dont l'Empire Ottoman
est menacé , que le Gr . Viz . ayant eu quelque
differend avec l'Aga des Janissaires , avoit obtenu
du G. S. sa déposition , dont les Troupes paroissoient
mécontentes ; qu'on avoit eu des preuves
que le feu avoit été mis par des mal - intentionnés
aux maisons qui furent brûlées il y a quelque
tems près de l'Arsenal , et que le G. V. avoit fait
arrêter huit de ces Incendiaires , qui avec plusieurs
autres séditieux avoient formé le dessein
de mettre le feu à dix ou douze endroits de la
Ville.
LETTRE écrite de Constantinople le 12 .
Juillet 1732. Suite des affaires
de Perse et de Turquie.
Récisément le même jour , Monsieur , c'est-
Padise,et le du mois passé ,que je vous
envoyai la Relation desConferences tenues àAmadan
, au mois de Janvier dernier , entre les Plénipotentiaires
de Perse et de Turquie , et dont le
GV Résul2038
MERCURE DE FRANCE
Résultat servit de base au Traité de Paix qu'ils
signerent quelque - tems après , un Chokadar
d'Achmet , Pacha de Babilonne , arriva ici en
douze jours seulement , diligence extrême , qui
répondoit à l'importance des dépêches dont son
Maître l'avoit chargé , et par lesquelles ce Pacha
informoit la Porte , que Thamas Kouli- Khan
Eatemad- Doulet , ou premier Ministre du Roi
de Perse , après avoir remporté plusieurs victoires
sur les Efghans ou Aghuans , qu'il avoit rencognez
dans leurs Montagnes du Candahar, étoit
revenu en triomphe à Ispaham , qu'enflé de ses
heureux succès , et se prévalant de ce qu'il a mis
en quelque façon Chah- Thamas sur le Trône de
ses Ancêtres , il avoit déclaré avec hauteur on arrivant
, qu'il ne vouloit absolument point ratifier
Traité honteux qu'on venoit de faire avec
les Turcs sans sa participation , prétendant qu'il
étoit en état d'en obtenir un plus honorable et
plus avantageux à la Perse , et qu'en conséquence
ce Ministre lui avoit écrit , à lui Achmet , une
Lettre conçue à peu près en ces termes :
Vous qui êtes Pacha de Babilonné , nous vous
faisons sçavoir en premier lieu , que nous voulons
et prétendons être les maîtres d'aller en pleine liberté
et toutes les fois qu'il nous plaira , visiter les Tombeaux
de ⋆ l'Imam- Ali , de Gherbelai - Mahaladé ,
de Mousa et d'Hussein . Secondement , que pour
faire nos pélerinages à ces faints Lieux avec la dé-
Ali , Gendre de Mahomet , Gherbelaï , fils
de la fille de ce dernier ; Mousa et Hussein , fils
d'Ali , ont chacun leur Sépulture aux environs
de Babilonne , et tous ces Tombeaux font l'objet
de la plus profonde véneration des Persans.
cence
SEPTEMBRE . 1732. 2039
il
tence , et les dispositions que notre Loi demande ,
faut auparavant que tous les Persans , qui ont été
pris dans la derniere guerre soient délivrez de leur
esclavage , et que comme le sang de nos autres freres
, qui y ont peri fume encore , et crie vangeance
à leur Souverain , il faut aussi qu'il y en ait autant
de répandu des Sujets du G. S. que ceux-ci en ont
fait couler des Sujets du Roi de Perse . Nous sommes
bien-aises de vous faire part de nos sentimens , afin
que vous ne puissiez pas nous accuser de vous avoir
surpris, et que vous vous teniez sur vos gardes, Quant
à nous,nous nous préparons à aller bien- tôt à la tête de
uotre Armée goûter la douceur de l'air que l'on respire
dans les belles plaines de Bagdat , etfaire repaser
nos Troupes fatiguées à l'ombre de ses murs.
A cette extraordinaire Lettre du premier Ministre
de Perse , Achmet- Pacha en avoit joint
une autre de Baki- Pacha , Gouverneur de Kirman-
cha , par laquelle ce dernier se plaignoit
que contre la foi du Traité on avoit voulu le dépoüiller
de son Gouvernement. Il faut sçavoir
pour entendre ceci , que depuis longues années
ce Gouvernement est dans la famille de Baki-
Pacha , et qu'à la sollicitation d'Achmet- Pacha
son Protecteur , on étoit convenu par un article
du dernier Traité de Paix , qu'il resteroit en place
, quoiqu'il fut Turc et Sujet du G. S. et quoi
que Kirmancha rentrât sous la domination Permais
que l'Edatemad- Donlet s'étant recrié
avec quelque raison contre cet article , dont l'exécution
pourroit être pernicieuse à la Perse , et
ne voulant point garder de mesures avec les´
Turcs , avoit déposé de son autorité ce Gouverneur
, et lui avoit fait ordonner de remettre le
Commandement à un Persan qu'il envoyoit pour
G vi
sane ,
le
2040 MERCURE DE FRANCE
le relever. Baki- Pacha écrivoit donc tout cela au
Seraskier- Achmet , et ajoûtoit , que non - seulement
il avoit refusé l'entrée de la Ville au Successeur
qu'on lui avoit envoyé , mais qu'il en
avoit fait fermer les portes , et qu'il étoit résolu
de s'y deffendre jusqu'à la derniere extrémité
avant que
de ceder son poste à personne , que
d'ailleurs il pouvoit l'assurer qu'il y avoit plus
de 20000. hommes dans le Kirman , qui lui
étoient entierement dévoüez , et qu'il attendoit
ses ordres pour sçavoir de quelle maniere il devoit
se comporter ; surquoi Acmet - Pacha lui *
avoit répondu , qu'il ne pouvoit lui en donner
aucun qu'il n'en eut reçû lui-même de la Porte
où il alloit mander tout ce qui se passoit.
La Porte aussi surprise qu'indignée des faux
prétextes et de l'air de fierté que prenoit Thamas-
Kouli- Khan pour rompre une paix recente , que
les Persans avoient demandée , pour ainsi - dire à
genoux , et cela dans le tems qu'elle venoit de licencier
une partie de ses Troupes , et de retirer
l'autre des Frontieres , la Porte , dis-je , se trouva
comme elle se trouve encore dans un grand
embarras Cependant le Grand-Visir ayant convoqué
pendant plusieurs jours des Assemblées
générales au Serrail pour décider sur le partî
qu'il y avoit à prendre dans une conjoncture si
délicate , et celui de la guerre ayant parû d'une
nécessité inévitable , l'opinion génerale fut de la
recommencer avec plus de . vigueur que jamais
et de ne la finir que pour la destruction des Persans
, de la part desquels il ne falloit plus écouter
aucune proposition.
On expédia en même- tems des Courriers à Topal-
Osman , Pacha de Trebisonde , ci - devant
Grand
>
SEPTEMBRE. 1732. 2041
Grand Vizir , et a d'autres Pachas pour leur
porter des ordres d'assembler à la hâte le plus
de Troupes qu'ils pourroient , et de passer en
toute diligence en Géorgie , afin de mettre à
couvert , s'il étoit possible , Ghendge , Tiflis
Erivan , &c. des entreprises du premier Ministre
Persan ; et le G. S. donna le Commandement
de la nouvelle Armée à ce même Topal - Osman ,
comme le plus capable de faire tête à l'ennemi.
En effet , tout le monde convient que le Sultan
ne pouvoit en cette occasion honorer personne
de sa confiance qui en fut plus digne que Topal-
Osman : outre que ce Pacha est d'une bravoure
et d'une expérience éprouvée par un grand nombre
de campagnes et de belles actions , il doit
être animé de la plus terrible vangeance contre
les violateurs de la derniere paix , proprement
son ouvrage , et pour la conclusion de laquelle
on peut dire , qu'il s'étoit comme sacrifié luimême
; sans compter que , s'il y a jour à la renoüer
, il sera encore plus propre que personne
à profiter des moyens que les circonstances pourront
lui en offrir .
-La Porte appréhendant d'un autre côté , que
Thamas Kouli Khan ne tombe sur Bagdad avec
son Armée , que l'on dit être de 60000. hommes
, et qu'il ne sempare de cette importante
Place , quoiqu'Achmet- Pacha ait mandé en s'y
renfermant , qu'il étoit en état de tenir trois
mois , des ordres ont été expédiez par tout l'Empire
, pour envoyer à ce Gouverneur des secours
d'hommes et de munitions ; et afin de vaincre la
répugnance que les Soldats témoignent de retourner
en Perse , on leur a augmenté à tous.
leur paye de quelques aspres.
Од
2042 MERCURE DE FRANCE
On ne peut pas encore sçavoir de quel succès
aura été suivi ce renouvellement de guerre ,
soit
pour les Turcs , soit pour les Persans ; mais un
bruit se répandit ici le même jour qu'on y
apprit la rupture de la paix , sçavoir que Chah-
Thamas n'y avoit aucune part , ce bruit vient
de se confirmer par les dernieres dépêches
d'Achmet- Pacha , qu'un Tartare a remises à la
Porte le 4. de ce mois.
Ce Seraskier en envoyant une Lettre que le
Roi de Perse lui avoit adressée pour le G. S.
mande que ce Prince lui en avoit aussi écrit une
par laquelle il l'assuroit qu'il étoit dans la ferme
intention d'éxécuter de sa part tous les articles
du Traité conclu depuis peu ; qu'il désavoüoit
en tout son premier Ministre , et que le regardant
comme un Sajet qui s'étoit soustrait à l'obéissance
de son Roi , il alloit non- seulement le
poursuivre , mais que dans l'incertitude , si le
sort favoriseroit ses armes , il prioit le G. S. de
se joindre à lui , pour employer leurs forces de
concert à réduire ce rebelle , et à faire rentrer
dans leur devoir les Troupes qu'il commande ;
ajoutant que l'histoire fournissoit assez d'éxemples
que des Pachas avoient désolé l'Empire Ottoman
par des révoltes contre leurs Empereurs
que l'Eatemad - Doulet les imitoit aujourd'hui
mais qu'il esperoit que Sa Hautesse ayant égard
à la malheureuse situation des affaires de Perse
maintiendroit dans son entier le dernier Traité
de Paix qu'ils avoient conclu ensemble par leurs
Plénipotentia.res respectifs , et duquel il protestoit
de nouveau qu'il ne vouloit s'écarter en rien.
Malgré ces belles assûrances , et quoique d'autres
avis portent , qu'effectivement Thamas-
>
Koali
SEPTEMBRE. 1732
2043
Kouli-Khan enorgueilli d'avoir subjugué le Candahar
, fait mourir Acheraf , et extermine jusqu'au
dernier de la race de ce fameux usurpateur,
abusoit du crédit qu'il s'étoit acquis en Perse , et
donnoit lieu de soupçonner par son humeur altiere
et ambitieuse , qu'il songeoit à usurper la
Couronne de son Maître ; inalgré tout cela
, dis- je , la bonne-foi des Persans est si fort
décriée , que bien des gens pensent ici , que c'est
un nouvel artifice , et que ce Prince d'intelligence
avec son premier Ministre et avec quelques
Puissances voisines , ne cherche qu'à amuser les
Turcs , au moins à ralentir l'activite des mouvemens
qu'ils se donnent , afin d'avoir le tems de
reprendre sur eux les pays qu'il leur a cedez par
la derniere paix , avant qu'ils ayent assemblé des
forces suffisantes pour s'y opposer , ou pour se
préparer des voyes de raccommodement avec la
Porte , supposé qu'il échoue dans ses desseins
en rejettant sur l'Eatemaddoullet toute l'iniquité
de l'infraction du Traité. Je passe sous silence
beaucoup d'autres raisonnemens qui se font ici
sur les causes de cette infraction , en attendanţ
que
le tems nous en ait dévoilé le mistere .
Bekir- Pacha , qui étoit Gouverneur de Cutaya,
ayant été nommé Capitan - Pacha , arriva ici
le 13 du mois passé , et fut instalé dans cette dignité
avec les cérémonies ordinaires , Marabou ·
son Prédécesseur fut renvoyé chez lui . Le lendemain
, ce nouveau Général de la Mer , épousa une
Sultane , soeur du G. S. régnant , et veuve du
G. V. Numan. Pacha , de la Famille des Cuperlis.
Les nouveaux mariez furent un peu troublez la
premiere nuit de leurs nôces par un incendie qui
arriva au Fauxbourg de Cassum-Pacha , et qui
étant
2041 MERCURE DE FRANCE
étant dans le voisinage de l'Arcenal , obligea le
Pacha- Bekir , à quitter la couche nuptiale pour
aller donner du secours ; mais sa présence , ni
celle du G. V. ni même le G. S. qui vint jus
qu'au bord de la Mer , ne pûrent empêcher que
le feu ne consummât en peu de tems une centaine
de maisons ou de boutiques , dont la plupart
étoient à peine rebâties depuis l'embrasement qui
détruisit une partie de ce Fauxbourg l'année
passée.
La nuit du 19 au 16. il y eut encore un autre
incendie aux environs : le feu prit dans l'Arcenal
même , chez le Tersana-Emini , ou Intendant
de la Marine ; son vaste Palais fut réduit en cendres
avec tous ses meubles ; les Archives ; les
Registres , et les autres papiers de la Marine
dont on ne pût rien sauver du tout encore ce
fut un grand bonheur que l'air se trouva calme:
pour peu qu'il eut fait de vent , il auroit été
presqu'impossible de garantir des flammes tour
P'Arsenal , et les Vaisseaux du G. S. qui sont auprès.
Quoique Marabou , Capitan- Pacha déposé ,
soit généralement reconnu pour un bon homme,
ces deux incendies arrivez coup sur coup , firent
soupçonner que pour se vanger de sa déposition ,
il étoit complice des incendiaires ; car on trouva ,
dit on , des matieres combustibles en plusieurs
endroits , mais on n'a pû découvrir aucun incendiaire.
Quoiqu'il en soit , la Porte l'avoit éxilé
à Lemnos , et il y fut embarqué pour cet effer
sur une Galere ; cependant ses amis ayant intercedé
fortement pour lui , et prouvé son innocence
, on le renvoya dans sa maison pour la seconde
fois , au bout de huit ou dix jours.
La
SEPTEMBRE . 1732. 2045
La peste , qui a fait beaucoup de ravages en
Sirie cette année - ci , s'est manifestée à Constantinople
depuis le commencement de ce mois ,
d'où elle s'est répanduë à Galata , à Pera , et dans
les autres Fauxbourgs , et s'il en faut juger par
la Saison où elle commence , il est à craindre
qu'elle ne fasse de terribles progrès. Je suis , &c.
L
P. V. D.
POLOGNE .
E bruit est commun à Warsovie , que les
Maisons de Saxe et de Baviere avoient signé
depuis peu un nouveau Traité d'amitié pour la
sûreté de leurs interêts communs.
Du Camp de Villa - Nova.
Suite du Journal.
'Armée n'ayant fait aucun mouvement le s
L'Armée, fain ufu 1 paire l'exercice
à la Cavalerie. Les grands Mousquetaires étant
venus se ranger au front du Centre de l'Armée
et la Cavalerie des 2 aîles s'étant mise en Bataille
par Compagnie , à la tête de son Camp , alla
se joindre aux grands Mousquetaires par une
contre-marche , à droite et à gauche. Le Regiment
de Nassau , qui formoit la gauche de Paîle
droite , prit la gauche de toute la Cavalerie , et
fut remplacé par 4 Escadrons détachez.
Tout étant en ordre, le Regimentaire en donna
le signal par 2 coups de Canon; sur quoi le Roy
en fit tirer un , qui donna le signal pour l'exercice
de la Cavalerie , rangée par Compagnies.
Celles qui étoient impaires , ayant marché 100
pas en avant , la Cavalerie parut sur 2 lignes , et
! les
2016 MERCURE DE FRANCE
les Compagnies paires ayant passé dans les in
tervalles de la premiere Ligne , formerent la leur
110 pas devant celle - ci . Chaque Ligne ayant fait
3 fois ce mouvement , la 2 Ligne remplit au
3e mouvement ; les intervalles de la premiere , et
les Compagnies paires ayant fait demi- tour à
droite , sur le même terrain , formerent la premiere
ligne en retournant vers le Camp.
Les Compagnies impaires firent le même demitour
à droite , passant dans les intervalles de la
premiere Ligne ; en sorte que les deux Lignes
s'entrepasserent , comme elles avoient fait , en
venant vers le Pavillon , et à chaque fois qu'elfes
s'arrêterent , elles firent demi - tour à droite
sur la Place, pour faire face au Pavillon du Roy, "
qui est scitué sur une Butte , dite des Lapins ; il
est occupé par S. M. depuis que ce Camp est
formé.
Les Compagnies impaires de la 2e Ligne , ne
passerent en retournant que 2 fois dans les Intervalles
, afia de rester derricre les Compagnies
paires , qui alors formoient la premiere Ligne
laquelle ayant fait demi - tour à droite , rentra
dans le Pavillon ; et par ce dernier mouvement ,
la Cavalerie se retrouva sur une Ligne , comme
elle avoit été au commencement.
Les 8 Escadrons de la droite ayant ensuite fait
un mouvement à droite par Compagnies , & les
8 Escadrons de la gauche en ayant fait un autre
à gauche , ils marcherent quelques pas ; après
quoi la droite fit la conversion à gauche , et la
gauche à droite , pour venir en 2 colones vers le
Pavillon. Les grands Mousquetaires resterent à
leur place , et y furent dans l'inaction jusqu'au
mouvement du centre. Les 2 Colones étant arrivées
à une certaine distance , par une conversion
SEPTEMBRE. 1732. 2047
sion à droite et à gauche , formerent deux Lignes
qui se faisoient face et avoient le Flanc au Pavillon.
Les Compagnies impaires de chaque Ligne
ayant marché 80 pas en avant , chaque Ligne
se partagea en 2 Lignes.
Les Trompettes ayant sonné la Charge , les 2
premieres Lignes marcheient l'une contre l'autres
elles s'entrepasserent dans les Intervalles , firent
demi tour à droite, se rechargerent une seconde
fois , et passerent dans les Intervalles des secondes
I ignes, qui étoient déja en mouvement pour
se charger , et qui firent la même manoeuvre
que ces premieres. Cette manoeuvre fut répétée
une seconde fois par l'une et l'autre Ligne. Les
secondes rentrerent ensuite dans les premieres ,
et par une conversion de chaque Ligne sur le
centre , elle se joignirent aux grands Mousque
taires , qui avoient marché en même temps en
avant ; en sorte que toute la Cavalerie se retrouva
sur une même Ligne,faisant face au Pavillon.
·
Toute la Cavalerie , excepté les Mousquetaires
qui resterent en place , ayant ensuite fait la
conversion à gauche par 4 Escadrons , où huit
Compagnies,forma 4 Lignes , qui marcherent en
avant , ayant le Pavillon à droite , qu'elles passerent,
et ayant fait une conversion à droite elles
marcherent encore en avant jusqu'à une certaine
distance , où ces 4 Lignes ayant fait une autre
conversion à droite par Compagnies , formefent
4 Colones qui marcherent en avant , ayant le
Pavillon à gauche , et par une conversion par
Compagnie , formerent de nouveau 4 Lignes visà
- vis du Pavillon . Les grands Mousquetaires
s'étoient avancez avant la marche des Colones
à une distance marquée pour se trouver au centre
des 4 Colones et des 4 Lignes.
Leg
2048 MERCURE DE FRANCE
Les 4 Lignes par un mouvement formerent un
Quarré , au Centre duquel étoient les Mousquetaires
, et par une conversion à droite et à gauche
par Compagnie , les Troupes qui formoient le
Quarré se remirent en ordre pour le rompre , ce
qui se fit par une marche des Mousquetaires dans
Fenceinte . Ils furent suivis par le Regiment de Gog
tha, qui le fut du reste de la Cavalerie , et par plu
sieurs Marches en Coloñes faites dans l'enceinte ;
ils donnerent le temps au Quarté de se développer
et en sortirent pour passer devant le Pavillon.
Les Officiers saluerent le Roy et reconduisirent
leurs Troupes au Camp.
Le 8 , jour destiné pour l'exercice des Grenadiers
, les deux Compagnies de Rutowki et ide
Promnitz , qui pendant tout l'exercice demeurerent
unies , furent jointes à droite et à gauche
par les 8 Compagnies des deux Bataillons des
Grenadiers , et chaque Corps détacha ses Char
pentiers qui se rangerent à trois de hauteur , et
formerent 4 Pelotons , 20 pas devant les Compagnies
de Rutowki et de Promnitz.Les 10 Com,
pagnies de Grenadiers se rangerent sur 2 Lignes;
4 de ces Compagnies ; sçavoir , 3 des Cardes de
la Couronne , et une de celles de Lithuanie , s'ésant
jointes à la droite et à la gauche de celles
de Rutowki et de Promnitz , firent la premiere
Ligne' ; et les 4 autres ; sçavoir , celles de Flemming,
de Lublin , de Campenhausen et de Denhoff
, formerent la seconde . Ce Corps étoit com
mandé par le Major General le Prince de Czartoriski.
Au premier signal ordinaire , pour avertir le
Roy que tout étoit rangé , S. M. donna le sien
pour former la Phalange sur la droite. Les Charpentiers
qui faisoient la pointe de la Phalange ,
ayant
SEPTEMBRE. 1732. 2049
Ayant marché en avant , les Compagnies de Rutowki
et de Promnitz formerent la premiere
Ligne de la Phalange,celles de Lublin et de Campenhausen
la seconde ; celles du second et du
troisiéme Bataillon des Gardes de la Couronne
la troisiéme , celles de Denhoff et de Flemining
la 4 , et celle du premier Bataillon des Gardes
de la Couronne avec celle des Gardes de Lithuanie
la cinquième. La Phalange ainsi formée , elle
marcha dans cet ordre , vers le Pavillon , jusqu'à
une certaine distance,
Par un second signal , la Phalange se forma en
triangle par un demi- quart de conversion à gauche
et à droite des Corps qui la composoient, et
les Charpentiers passerent en même- temps à la
droite et à la gauche des Compagnies de Rutowki
et de Promnitz qui marcherent en avant pour
prendre leur terrain. On fit ensuite le feu coulant
qui commença par l'Angle de la droite , et fut
répété par l'Angle de la gauche .
Par le troisiéme signal , les Troupes se remirent
en Phalange , et chaque ligne fit une Salve
P'une après l'autre.
Au quatriéme signal , la Phalange se rompit
pour former 2 Lignes , ce qui s'exécuta ainsi.Les
4 Compagnies des Gardes marcherent en avant ,
et vinrent s'alligner avec celles de Rutowki et de
Promnitz , ce qui forma la premiere Ligne. Les
4 autres Compagnies marcherent aussi en avant
pour s'alligner avec les Charpentiers, ce qui forma
la seconde Ligne ; et par une contre - imarche
à droite et à gauche , vers le Centre , les Compa
gnies qui formoient cette seconde Ligne, se trouverent
vis à - vis les Intervalles de la premiere , qui
cominença ensuite son feu par demi Compa
gnies , dont 2 rangs tirerent à la fois , ce qui se
Tépeta trois fois.
En
2050 MERCURE DE FRANCE
En même -temps que la premiere Ligne commençoit
son feu , la seconde avança pas pas , et
ayant passé dans les Intervalles de la premiere
elle fit , 30 pas en avant , le même feu qu'avoit
fait la premiere Ligne ; celle - cy ayant repassé
dans les Intervalles de la seconde Ligne , 30 pas
en avant , elle se prépara pour jetter les Grenanades
, ce qui se fit par pelotons. Pendant cette
manoeuvre , la seconde Ligue passa dans les Intervalles
de la premiere , 20 pas en avant , et
jetta les Grenades de la même maniere.
Par le cinquiéme signal , les deux lignes formerent
trois Brigades ; ce qui s'executa ainsi . La
Compagnie de la droite de la premiere Ligne
vint remplir l'Intervalle des deux Compagnies
de la droite de la seconde , ce qui forma la Brigade
de la droite, La Compagnie de la droite de
la seconde ligne fit la même chose à l'égard de
la premiere , et forma ainsi la Brigade de la gauche
; ces 2 Brigades marcherent 40 pas en avant.
Les 2 autres Compagnies de la seconde ligne ,
joignirent la droite et la gauche de celles de Rutowki
et de Promnitz , ce qui forma la Brigade
du Centre , qui passa dans l'Intervalle des deux
autres , 30 pas en avant , et les trois Brigades
s'étant mises sur une même ligne , toutes les
Compagnies jetterent en même -temps leurs Grenades
, les Charpentiers s'étant placez à la droite
et à la gauche de ligne,
Au sixiéme signal , la ligne forma un zig-zag
à dix faces , avec un Drapeau sur chaque Angle .
Les Grenadiers ainsi rangez , firent le feu de
Haye , qui fut suivi d'une décharge generale ;
enfin les dix Compagnies s'étant remises sur une
ligne par une conversion à droite par pelotons ,
se mirent en marche pour passer devant le Pavillon
, et retourner au Camp.
LS
I
C
10
SEPTEMBRE . 1732. 2051
Le 9 , il n'y eut point de mouvement dans
l'Armée , et le 10 , jour destiné à l'exercice des
Piquiers,l'Infanterie ayant formé 9 Bataillons de
256 chacun , avec un Drapeau , un Officier de
P'Etat Major , 2 Capitaines , 6 Subalternes , 16
bas Officiers et 8 Tambours , chaque Bataillon se
rangea à la tête du Camp , en 8 pelotons , à 4 de
hauteur , de 32 hommes chacun . Les 2 Pelotons
du centre étoient de Piquiers. Ensuite chaque
Bataillon forma un Quarré plein , à 16 de hauteur
et 16 de front , de sorte que les 64 Piquiers
formoient un Quarré dans le centre de celui du
Bataillon ,
par
le
Les neuf Bataillons s'étant joints , se range,
rent à trois de hauteur et 8 de front ; ce qui forma
un Quarré plein de 48 hommes de hauteur
et de 48 de front , chaque Bataillon ayant ses Piquiers
au centre , et chaque file et chaque rang
étant à 3 pas de distance . Outre les Officiers
commandez à chaque Bataillon, il y avoit 4 Majors
et 4 Ajudans . Les Majors se placerent aux
Angles du Quarré , qui étoit commandé
Major Ceneral Campenhausen.
Au signal donné du Quartier du Roy, le Quar
ré marcha dans cet ordre vers le Pavillon , jusqu'à
une certaine distance , où le General Commandant
ordonna les feux autour dn Quarré ,
qui se firent par les quatre premiers rangs , dont
le quatrième , qui s'étoit doublé dans le premier,
commença le feu ; s'étant retiré, il fut remplacé
par le troisiéme Rang ; ensuite par le second , et
puis par le premier ; ce qui se répeta trois fois
Après ce feu , le General fit occuper les 2 premiers
Rangs autour du Quarré par les Piquiers
des coins et des faces des 8 Bataillons ; ce qui se
fir par une contre- marche de ceux- cy, et par une
de
2052 MERCURE DE FRANCE
de ceux qui occuperent ces deux Rangs , et qui
vinrent se ranger à la place des Piquiers. Le rèste
de ces Piquiers , par une autre contre- marche
qui se fit en même- temps , formerent 2 Rangs
autour du Bataillon du Centre , celui cy gardant
ses Piquiers ne fit aucun mouvement .
Les Piquiers ainsi rangez , le General ordonna
le feu qui se fit par les 12 premiers Kangs , dont
doublerent dans les Rangs des Piquiers du tour
du Quarré , qui pendant les Salves , baisserent
tous leurs Piques , excepté ceux qui étoient dans
le centre ; ce feu se repeta 3 fois , et après le feu
des Rangs , on commanda la Salve generale de
tout le Quarré;ensuite on fit remettre les Piquiers
leur premiere place par les mêmes contie
marches qui la leur avoient fait quitter.
Par un second signal du Pavillon , le Quarré
se rompit en cette maniere ; Les 4 Bataillons des
coins ayant fait une contre - marche à droite et à
gauche , marcherent sur la ligne de la face qui
regardoit le Pavillon , et celle qui lui étoit op ÷
posée , jusqu'à ce que leurs dernieres files fussent
3 pas hors du Quarre.
Au troisiéme signal , les deux Bataillons qui
étoient à droite et à gauche de celui du Centre ,
sortirent du Quarré par une contre - marche à
droite et à gauche , et marcherent jusqu'à ce que
leurs dernieers Files fussent 3 pas au delà des premieres
Files des Bataillons des coins ; les 3 autres
Bataillons resterent en place , et après chaque
mouvement , les Bataillons faisoient face au Pavillon.
Au quatriéme signal , les 2 Bataillons des coins
qui faisoient face au Pavillon , ayant fait une
contre marche à droite et à gauche , marcherent
de nouveau sur la même ligne , jusqu'à ce que
leurs
SEPTEMBRE. 1732. 2053
leurs dernieres Files fussent 3 pas au delà des 2
Bataillons , qui avoienr fait le dernier mouve
ment.
Au cinquiéme signal , les 2 autres Bataillons
des Coins ayant marché en avant , jusqu'à ce
qu'ils fussent sur la ligne, qui faisoit face au Pavillon
, et le Batalllon du Centre , avec celui qui
étoit derriere , étant venu par une contre - marche
se placer derriere les Intervalles de la droite
et de la gauche du Bataillon du Centre de la premiere
ligne , en formerent une seconde avec les
deux autres Bataillons qui étoient demeurez cn
place.
Par un sixième signal , les 9 Bataillons se préparerent
à se mettre à 8 de hauteur , ce qui se fit
ainsi : Les 4 Bataillons des aîles de la premiere
ligne , et les 4 qui formoient la seconde , gagnerent
, par une contre - marche à droite et à gauche,
le terrain necessaire pour faire un plus grand
front , observant de garder toujours leurs trois
pas de distance ; après quoi , tous les Pelotons de
chaque Bataillon qui avoient doublé , se rangerent
sur les Angles de leur Bataillon , et ceux de
derriere ayant marché pour se joindre au Corps
dePiquiers, ils se trouverent à 8 de hauteur , ayant
ensuite doublé leurs rangs en avant , ils se trouverent
à quatre de hauteur , les Officiers étant
à leurs places ordinaires . Au septiéme signal, les
4 Bataillons de la seconde ligne , ayant rempli
les Intervalles de la premiere , paiurent sur une
ligne, et le General ayant fait mettre les Piquiers
dans le quatrième rang , on commença les feux
qui finirent par une décharge geaerale ; les Piquiers
présenterent leurs Piques pendant le feu .
Ces derniers étant ensuite rentrés dans le Centre ,
toute la ligne fit la conversion à droite par Pelo-
H tons
"
2054 MERCURE DE FRANCE
tons pour venir passer devant le Pavillon du
Roy , et s'enretourna au Camp , par la ligne da
Centre.
ALLEMAGNE.
Na appris de Ratisbonne , qu'on y avoit
la Dictature,qu'e Lettre dit
communiqué à la Dictature , une Lettre du
Commandant de Kehl,par laquelle il donne avis,
que si on ne lui envoye incessamment une certaine
somme pour achepter les Matériaux necessaires
, et faire travailler aux Fortifications de la
Place , il ne falloit pas esperer de sauver cette
Forteresse , qui étoit sur le point d'être emportée
par les eaux ; et qu'en attendant , il avoit résolu
d'en sortir avec la Garnison , l'Artillerie , les
Vivres et les Munitions , pour se retirer à Offenbourg
, et de ne laisser à Kehl qu'un Capitaine ,
avec cent Soldats , qu'on pourra toujours retirer
avec des Bâteaux.
Ces Lettres ajoutent que les Ministres des Prin
ces Protestans de l'Empire avoient reçu des aumônes
considérables de plusieurs endroits , pour
Jes Fugitifs du Diocèse de Saltzbourg , et qu'ils
en avoient fait remettre 3000 Florins à Meinmingen
, 2000 à Ausbourg , 1000 à Ottingen ,
1000 à Norlingue, et 1500 à Kauf- Heure , pour
leur être distribuez en passant.
On assure que les Etats d'Hongrie ont résolu
d'accorder au Duc de Lorraine un don gratuit
de oo mille Florins par an , outre les sommes
fixées pour l'entretien de ce Prince , en qualité
de Viceroy de ce Royaume.
N
S
On mande de Milan, qu'en vertu d'un Brefdu
Pape , le Cardinal , Archevêque de cette Ville
avoit fait pnblier un Mandement qui ordonne à
fous les Prêtres de son Diocèse de réciter pendanc
SEPTEMBRE. 1732 2055

dant une année la Collecte pour obtenir du Ciel
un héritier mâle à la Maison d'Autriche. Cette
Collecte se rêcite actuellement dans toutes les
Eglises du Royaume de Naples et dans la plupart
de celles de la Haute et de la Basse- Autriche.
Le 25 Aoust , on essuya à Hambourg une
Tempête terrible qui causa beaucoup de domma
ge , tant dans la Ville , qu'à la Campagne. Plusieurs
Navires qui étoient à l'Ancre dans l'Elbe ,
firent naufrage , et entre autres un sur lequel il y
avoit 28 personnes qui furent toutes noyées.
Les dernieres Lettres du Duché de Meckelbourg
portent que les Commissaires subdélégués de la
Commission Impériale étoient dans la disposition
de faire le Siége de Domitz , pour obliger
le Duc Charles Léopold , à se soumettre aux Decrets
du Conseil Aulique , et qu'on n'attendoit
que le consentement du Roy de Prusse , pour
Commencer ce Siége.
D
ITALIE.
Ans le Consistoire secret que le Pape tint
au Quirinal , le r2 du mois dernier, le Cardinal
Otthoboni proposa l'Evêché d'Autun, pour
l'Abbé de la Valette.
Le 13 du même mois , on tira le Canon du
Chateau S. Ange , par ordre du Pape , on sonna
toutes les Cloches de la Ville , et le soir il y cut
des Feux et des Illuminations dans toutes les rues.
à l'occasion de la prise d'Oran , par l'Armée du
Roy d'Espagne.
Le 15, Fête de l'Assomption , le Pape accompagné
dans son Carosse des Cardinaux Banchieti
, Secretaire d'Etat , et Corsini , neveu de S. S.
se rendit en Cortege à l'Eglise de fainte Marie
Hij Ma
2056 MERCURE DE FRANCE
Majeure , où il tint Chapelle Pontificale , à laquel
le lesCardinaux fe trouverent au nombre de 29.La
Messe y fut célébrée par le Cardinal Pie de la Mirandole
, Archiprêtre de cette Eglise . Après la
Messe on chania le Te Deum à plusieurs Choeurs
de Musique , pour rendre graces à Dieu de la
prise d'Oran sur les Infideles , et on fit une seconde
décharge générale de l'Artillerie du Châ
teau S. Ange,
t
Le bruit court à Rome que pour dédommager
le Roy d'Espagne des grandes dépenses qu'il a
été obligé de faire pour l'Expedition d'Oran , le
Pape a promis de proroger pour 3 ans la levée
des Décimes Ecclesiastiques dans toute l'étenduë
des Etats de S. M. Cat.
Le Cardinal Camerlingue a fait arrêter l'Anti
quaire Ficarone , auquel on croit qu'il veut faire
faire le Procès , pour avoir vendu plusieurs Médailles
et Statues antiques , sans le consentement
de ce Cardinal.
Le 24 Aoust , le Cardinal Coscia fut interrogé
pour la quatorziéme fois , et l'après midi , le
Prieur du Couvent de Sainte Praxede , où il est
logé , ayant demandé à lui parler , l'Officier qui
commande la Garde qu'on a mise auprès de ce
Cardinal , refusa de le laisser entrer dans son appartement.
Cette Eminence subit le 26 un quinziéme
interrogatoire , et un seizième et dix - sep
tiéme le 28 et 31 du mois dernier,
On a appris que le Roy de Sardaigne a fait
saisir les revenus de l'Abbaye de Ste Agathe en
Savoye , qui possedes Fiefs , qu'on a cru jusqu'à
present relever du S. Siege , et que ce Prince prétend
relever de son Domaine.
On mande de la Marche d'Ancone, que les Villes
d'Imola , de Forly et de Faenza , avoient été
fore
SEPTEMBRE . 1732. 2057
fort incommodées pár trois secousses violentes
d'un tremblement de terre qu'on y ressentit la
nuit du 9 au 1 Aoust.
On apprend des côtes d'Italie que quelques Capitaines
de Bâtimens Genois ayant appris en
Mer que sur une grosse Barque qui venoit de
Smirme , il étoit mort 13 personnes en deux
jours ; le Magistrat de la Santé en a fait donner
avis à tous les Gouverneurs des Places Maritimes
de la République , avec ordre de faire canoner
ce Bâtiment s'il se présentoit pour entrer dans
leurs Ports .
On écrit de Gênes qu'il s'y est tenu trois
Conseils à l'occasion du Traité fait avec les Rebelles
de l'ifle de Corse sous la garantie de l'Empereur
; et comme ce Traité paroît trop onéreux
à la République , on a dépêché un Courier à
Lintz pour proposer quelques changemens à
S. M. Imp. Le Général Wachtendonc a reçû ordre
de rester à Gênes jusqu'à ce que cette affaire
soit entierement terminée , et qu'on ait rendu la
liberté aux quatre Chefs des Rebelles.
ESPAGNE.
DEs Lettres d'Oran du
19 Août
portent que
le onzième du même mois , les Maures au
nombre de seize mille , s'étoient présentez devant
le Fort S. Philippe , l'un de ceux qui défendent
et soutiennent la Ville : qu'ils y étoient venus
avec tant d'impetuosité , qu'ils avoient fait
la descente du Fossé avant que le Commandant
de la Place pût mettre en deffense les cinquante
Espagnols qui sont dans ce Fort ; mais dès
qu'ils furent apperçus on chargea toute l'Artille
Hij rie
2058 MERCURE DE FRANCE
rie à cartouche : elle fut servie si à propos que
4500. Maures resterent étendus dans le Fossé..
Le reste qui fut extrêmement maltraité fut obligé
de se retirer avec beaucoup de précipita
fion.
Les mêmes Lettres portent que le 18 du même
mois le Marquis de Santa - Cruz , Gouverneur
et Capitaine Général de la Côte de Barbarie
étoit sorti de cette Place avec 500. Grenadiers
et 300. Dragons. Il étoit accompagné du Comte
Mariani , Maréchal de Camp , et de Don
Philippe Ramirez , Brigadier. Ils poursuivirent
et mirent en fuïte un corps de Cavallerie Mauses
de deux mille Chevaux , qui s'étoient approchez
d'Oran . Les Espagnols n'ont perdu en tout.
que trois Chevaux , et quelques Soldats blessez.
M. Keene , Ministre Plénipotentiaire du Roi
d'Angleterre , ayant representé au Roi d'Espagne -
que la Garnison de Gibraltar ne pouvoit qu'avec
de grandes difficultez tirer des provisions des
côtes voisines de cette Place , S. M. a donné ordre
aux Gouverneurs et Commandans des côtes.
de l'Andalousie et des Royaumes de Grenade et
de Murcie , de faire livrer à cette Garnison tous
les vivres et provisions dont elle pourra avoir
besoin , à condition qu'elle ne pourra les faire
transporter qu'avec des Passeports des Gouverneurs
, et que ces provisions ne lui seront livrées
que dans les Ports où il y a des Bureaux de Doüa-
Re établis.
Les Lettres de Seville portent , que confor
mément aux intentions du Roi , le Comte de
Montemar avoit donné ordre au Marquis de
Villadarias qui étoit allé avec 7000. hommes fai
re le Siege de la petite Ville de Mazagran , de revenir
SEPTEMBRE. 1732. 2099
venir au Camp avec ses Troupes , et que depuis
ce Général faisoit tous les préparatifs nécessaires ™
pour faire rembarquer toutes les Troupes du Roi,
à l'exception de 7 à 8000. hommes qui doivent
rester en Garnison à Orán et à Marzaquibir
pour la deffense de ces deux Places , dont le Roi
a donné le Gouvernement au Marquis de Santa-
Cruz , ci-devant Plénipotentiaire d'Espagne au-
Congrès de Soissons .
S. M. a fait Chevalier de l'Ordre de la Toison
d'Or , Don Joseph Patinho , son Ministre de la »
Marine , et le Comte de Montemar , Lieutenant
- Général de ses Armées .
On a reçû avis que le Comte de Montemar
étoit retourné à Alicante avec la Flotte d'Espa
gne , et qu'on avoit congedié tous les Bâtimens
de transport . On a appris depuis que ce Général
qui a commandé en chef l'Armée en Afrique ,
arriva à Seville le 18 du mois dernier , et qu'il
eut une Audience très- favorable du Roi et de la
Reine , et lui marquerent leur satisfaction sur
l'heureuse expédition d'Oran .
>
On augmente par ordre du Roi les Régimens
d'Infanterie , de Cavalerie et de Dragons de
cinq hommes par Compagnie , et le bruit courtqu'on
fera au Printems prochain un nouvel armement
plus considérable que le dernier ; mais
on ne dit pas encore à quelle expédition il est
destiné.
Le nommé Jacob , Ingénieur , et fils naturel
du Duc de Riperda , qu'on avoit arrêté il y a
quelque tems à Ceuta où il étoit allé pour lever
le plan de cette Place , et pour séduire quelques
Officiers de la Garnison , a eu la question à Seville
, et on assure qu'il a déclaré des choses trèsimportantes.
Hiiij Less
vi
2060 MERCURE DE FRANCE
Les Lettres de Miquenez portent que le Roi
Muley - Abdallah avoit fait couper la tête à plu
sieurs Chefs de l'Armée des Noirs , qui depuis
les Victoires remportées sur les Arabes et autres
Sujets rebelles à ce Prince , étoient devenus si
insolens , qu'ils vouloient imposer des loix au
Roi même , et qu'ils refusoient d'obéïr à ses ordres
; que les Deputez de Sainte Croix avoient
obtenu de ce Prince une diminution considerable
des impositions exorbitantes qu'on faisoit
payer
à cette Ville depuis la Guerre civile , et
qu'au commencement du mois de Juillet dernier
, le Roi de Maroc avoit donné ordre au
Gouverneur de Tetuan d'assembler des Troupes
qu'on croyoit destinées à faire le Siege de Ceuta ;
qu'on publioit que ce Prince se mettroit à leur
tête , et que le Duc de Riperda auroit la direc
tion du Siege.
のののののの
FRANCE ,
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
E 27 Juillet , la Reine se rendit vers
Les to heures du matin de Marly à
la Maison Royale de S. Cyr : S. M. y donna
le voile de Profession et le voile de Religion
à deux Demoiselles de cette Maison
et elle entendit le Sermon de l'Abbé
de la Pause , Prédicateur ordinaire du
Roi.
,
Le
SEPTEMBRE . 17327 2061
Le 8 de ce mois , Fête de la Nativité de
la Sainte Vierge , le Roi revêtu du grand
Collier de l'Ordre du S. Esprit , se rendit
à la Chapelle du Château de Versailles
, où S. M. entendit la Messe et com
munia par les mains de l'Abbé de Brancas
, Aumônier du Roi en quartier. Pendant
la Messe , l'Abbé de Vaureal , Evêque
de Rennes , prêta Serment de fidelité
entre les mains de S. M. Il avoit été Sacré
le 24 Août dans l'Eglise Cathedrale de
Meaux , par le Cardinal de Bissy , assisté
des Evêques de Nantes et de Bayeux.
3
Le même jour il y eut Concert Spirituel
au Château des Thuilleries où
l'on chanta l'Exurgat Deus , Motet de
M. de la Lande , dont l'éxécution fit beaucoup
de plaisir ; il fut suivi d'un autre
Motet nouveau à deux voix , chanté par
la De Petitpas , et par le sieur Ducros
de la Musique du Roi , qui fut très-goûté,
et après plusieurs Piéces de simphonies ,
le Concert fut terminé par le Dominus regnavit
Le 9 , le Roy partit de Versailles " vers
les onze heures du matin pour aller cou
cher au Château de Fontainebleau ..
>
Le 10 , la Reine alla coucher à Petit-
Hv Bourg
2062 MERCURE DE FRANCE
Bourg , pour se rendre le lendemain à
Fontainebleau.
La Cour y est encore. Le Roy prend
le divertissement de la chasse du Cerf,
du Sanglier et du Chevreuil , presque
tous les jours , hors les Dimanches et
les Jeudis , que Sa Majesté va se promener
le soir au Château de la Rivicchez
le Comte de Toulouze.
re ,
Les jours où il n'y a point de chasse , le
Roy voit jouer quatre des plus fameux-
Joueurs de Paume de Paris.
Il y a Comédie Françoise le Mardy et
le Jeudy ; Samedi , Comédie Italienne ,
et Concert chez la Reine le Lundy et le
Mercredi ,
Le 20 de ce mois , les 4 Bataillons du
Régiment du Roy , vinrent camper dans
la Prairie de Tomery, sur les bords de la
Seine , à une lieuë de Fontainebleau .
Le 22 ,S.E.M. le Cardinal de Fleury vins
voir le Regiment, qu'il trouva en Bataille
. M. le Garde des Sceaux , M. d'Angervilliers
, les autres Secretaires d'Etat , et
plusieurs Seigneurs de la Cour étoient:
avec lui.
S. E passa au front des 4 Bataillons , et
enfuite dans tous les Rangs ; après que le
RéSEPTEMBRE.
1732. 2063
Régiment eut fait l'exercice et quelques
évolutions , comme il défiloit de vant elle,
le Roy qu'on n'attendoit point , arriva.
Il ordonna qu'on continuât à marcher,
et fit ensuite remettre le Regiment en Bataille,
à la tête de son Camp, où il voulut
qu'on rentrat et que les Soldats prissent
leurs Surtouts et leurs Bonnets. Le Roy
mit aussi -tôt pied à terre et passa dans les
rues du Camp, en s'informant si les Soldats
avoient suffilamment de la Paille . S. M.
alla ensuite aux Cuisines pour voir par
Elle- même si rien ne manquoit à leur
subsistance. Le Soleil étant couché , S. M.-
ordonna qu'on battit la Retraite , après
quoi Elle se retira .
Le 23 , le Roy ayant déclaré lé matin
qu'il vouloit faire une Revûë tres - exacte
de son Regiment , il ordonna que toutes
les Compagnies fussent mises en haye ; l'après
midy , s'étant rendu au Camp sur les
3 heures , il les trouva dans cet ordre et
vit les 68 Compagnies dont est composé
le Regiment , homme par homme ; il en
reforma même quelques- uns. Sa Majesté
fit toute cette inspection à pied , quol
qu'elle y employa près de 2 heures .
Lorsqu'elle eut passé en Revue la derniere
Compagnie , Elle voulat que le Re-
Hvp gimene
2064 MERCURE DE FRANCE
giment se rémit en Bataille: aussi - tôt après
elle le fit mettre en Colonne par Bataillon
entier. Lorsqu'il eut marché en cet
ordre , environ cent pas , Elle commanda
qu'on format un Bataillon quarré ; ce qui
fut exécuté avec ordre et promptitude.
S. M. le fit marcher sur toutes les faces ;
faisant faire alte de temps en temps. A
chaque fois qu'elle donnoit le signal pour
s'arrêter, un rang tiroit. Elle fit tirer ainsi
successivement les 4 Rangs.
+
Elle ordonna ensuite qu'on rompit le
Bataillon pour se remettre en Bataille ; ce
qui étant exécuté , elle le fit mettre en
Colonne , par quart de Rang , et le fit défiler
dans cet ordre. La nuit qui approchoit
empêcha S. M. d'exercer plus longtemps
son Regiment , elle le fit rentrer
dans son Camp..
Le 25 , L. M: arriverent au Camp sur
les 3 heures; elles trouverent le Regiment
qui les attendoit , rangé en Bataille : Elles
passerent ensuite au front des 4 Bataillons
où elles furent faluées.
L'intention du Roy ayant été que les
Sergens passassent à la queue ; il les y examina
sur une même ligne ; après quoi
S. M. retourna se poster au Centre pour
y voir faire l'exercice au son du . Tambour
, lequel étant exécuté, Elle ordonna
qu'on
SEPTEMBRE. 1732. 2065
qu'on le renouvellat à la muette et elle fut
se placer à cet effet au flanc gauche du
quatriéme Bataillon . L'Exercice à la Gre
nade fut fait ensuite par l'ordre du Roy ,
et de pied ferme et en marchant , et toutes
les deux fois on jetta des Grenades de
Carton ; après quoi S. M. voulut qu'on
executat les à droits et les à gauches par
cinq.
Le Régiment s'étant retrouvé en Ba
taille , se rompit par demi quart de rang.
Dans cet ordre , il défila devant Elle et
fut se ranger en Bataille à la tête du Camp
où il rentra . S. M. voulut revoir les Sol
dats en Surtout et en Bonnet à la tête des
Ruës.
Le Regiment ayant un armement neuf,
le Roy voulur, en passant devant les Fais
seaux , qu'on lui montrat un Fuzil; après
l'avoir lui-même examiné , il ordonna
qu'on en démontat le Canon et la Platine
pour le voir encore plus exactement.
Le 28. le Roy ayant ordonné que son
Régiment prît les armes , S. M. arriva au
Camp à 3. heures et demie. En passant
à la tête des Bataillons elle dit à M.de Cadeville
, Lieutenant Colonel , qu'elle l'avoit
fait Brigadier , pour lui témoigner
la satisfaction qu'elle avoit de lui et du
Régiment
Elle
2066 MERCURE DE FRANCE
Elle ordonna qu'on lui fit faire des
quarts de conversion par quatt de rang.
Ce mouvement fut repeté quatre fois
à droit et quatre fois à gauche ; le même
mouvement s'executa par demi Bataillon.
Lorsqu'il fut fini , le Roy destra voir tirer
, et ordonna qu'on commençât à le
fairé pat un peloton de chaque Bataillon
à la fois ; ensuite par deux , puis par ttrrooijss-…
Compagnies siill ffiitt après tirer par Bataillon
entier , ensuite par chaque rang
des 4. Bataillons à la fois. Le feu roulant
suivit en commençant par la droite du
quatrième rang , il vint reprendre la gau..
che du troisième , et ainsi de suite les
autres rangs. Cet Exercice finit par une
décharge géneraie de tout le Régiment.
Après cela S. M. le fit rompre par quart
de rang , pour marcher sur quatre colomnes
, chaque Bataillon en formant
une , avec ordre de ne se point débor--
der en marchant et de se porter jusqu'à
trois cent pas en avant du Champ de Bataille.
A moitié de cet intervale elle fit
réformer les Bataillons pour les voir tous
quatre en colonne . Ensuite le Roy les
fit rompre pour continuer à marcher jus
qu'au terrain qu'elle leur avoit d'abord
marqué. Lorsqu'ils y furent arrivés , ils
se remit ent en batailie sur la même lignes:
Lorsque
SEPTEMBRE. 1732. 2067-
7
Lorsque S. M. eut vû s'ils s'étoient bienalignez
, Elle fit de nouveau rompre le-
Régiment sur huit colonnes , marchant
par ordre renversé , pour revenir sur le
même Champ de Bataille, d'où ils étoient
dabord partis. A moitié de la marche
Elle ordonna que chaque colonne se mît
en bataille , ce qui en forma une seule
de huit demi Bataillons ; après quoi s'étant
encore rompu pour se mettre sur
les huit colonnes , il arriva dans cet or--
dre sur son premier terrain , où il se reforma
en bataille.
Le Roy fit après marcher en avanttout
le Régiment en bataille.Lorsqu'il eut
fait environ cent- cinquante pas dans cet
ordre , S. M. ordonna qu'on lui fit faire
un moulinet , pour voir tourner sur leur
centre les 4. Bataillons. Elle fit repeter.
2 fois ce mouvement , après lequel Elle
ordonna qu'on rentrât dans le Camp.
S. M. vit encore défiler et reformer le
Régiment à la tête du Camp. Alors Elle
fit appeller six Officiers qu'elle avoit
nommez le matin Chevaliers de S. Louis,
et les recût à la tête du Régiment , nonobsrat
la pluye qu'il faisoit et qui n'avoit
pas discontinué un moment depuisl'arrivée
de S. M.
Lorsque le Régiment fut rentré dans
2068 MERCURE DE FRANCE
le Camp , Elle fit l'honneur au Marquis
de Pezé , d'aller souper chez lui , comme
Elle avoit fait le 23 .
Le 4 Août on chanta au Concert de la Reine le
Prologue et le premier Acte de Bellerophon ; il
fut continué le 6 et le 11. Les principaux rôles
furent remplis par les Sieurs d'Angerville , Tribou
, Chassé et du Bourg , et par les Diles Duhamel
, Courvasier et Robelin , lesquels furent
très- bien éxécutéz .
Le 13. on chanta le Prologue et le premier
'Acte de Jephté.
Le 18. le second et le troisiéme Acte ; on répéta
le Choeur du premier Acte que la Cour souhaita
d'entendre encore une fois , et on finit cet
Opéra le 20. par le quatriéme et cinquième Acte
; le Rôle d'Apollon dans le Prologue fut chanté
par le sieur Dubourg , et ceux de Polymnie, Terpsicore
, Venus et la Verité , par les Des Courvasier
, Robelin , Mathieu et Lenner ; les principaux
Rôles de la Piéce furent chantez par les
Ds Antier et le Maure , et par les Sieurs Chas◄
sé , le Begue , Ducros et Petillot . Ce Concert >
dont l'éxécution fut parfaite , fit beaucoup de
plaisir à la Reine et à toute la Cour , les Auteurs
du Poëme et de la Musique en reçûment des
complimens très-gracieux.
Le 25. jour de S. Louis , les 24 Violons de la
Chambre exécuterent au dîné et au souper du
Roi plusieurs Piéces de Simphonies de la composition
de M. de Blamont , Sur - Intendant de la
Musique du Roi .
Le 27. on concerta chez la Reiné le Prologue
le premier Acte des Fêtes Grecques et Romai
nes &
SEPTEMBRE . 1732. 2069
TIES du même Auteur , qu'on continua le
trente par le second et le troisiéme Acte ; il y
eut le même jour au Souper du Roi une grande
Simphonie , composée de toute sorte d'Instru
mens.
Le 15. 17. et 22. Septembre , on chanta chez
la Reine le Prologue et les cinq Entrées de l'E
rope Galante dont l'éxécution fut parfaite ; les
principaux Rôles furent chantés par les meilleurs
Sujets de la Musique du Roi..
Le 16 Septembre les Comédiens François représenterent
à Fontainebleau la Tragédie d'Habis
, qui fut suivie de la petite Comédie de l'Indiscret
, de M. de Voltaire.
Le 18. Les Femmes Sçavantes.
Le 23. La Tragédie de Venceslas et l'Epreuve
Réciproque.
Le 25. Le Médisant.
Le 30. Rhadamiste et l'Amour Diable.
Le 13. les Comédiens Italiens représenterent
l'Embarras des Richesses et la petite Comédie de
l'Ecole des Meres. Le sicur Roland´ , dont il a été
parlé , dansa à la fin de la premiere Piéce une
Entrée de Sabotier , et la D Roland , sa fille ,
dansa ensuite un Pas de Deux avec le sieur Lélio
qui fit beaucoup de plaisir.

Le 20. Le Jeu de l'Amour et du Hazard ,
fut suivi de la Comédie de la Silphide.
qui
Le 24. Démocrite prétendu Fon , et les Effets du
Dépit.
Le 25. Septembre la Lotterie de la Compagnie
des Indes , établie pour le remboursement des
Actions fut tirée en la maniere accoutumée à
PHO
2070 MERCURE DE FRANCE
l'Hôtel de la Compagnie. La Liste des Numeros
gagnans des Actions et dixièmes d'Actions qui
doivent être remboursées a été renduë publique,
aisant en tout le nombre de 319. Actions.
On écrit de Joigny le 4 Septembre , que le
25. du mois passé , jour de S. Louis , vers les g.
heures du soir , un Orage mêlé de pluye et de
grêle , a ravagé une grande étendue de Païs aux
environs . On compte une partie de cette Election,
au nombre de 17 Villages ou Hameaux , très -endommagez.
Les habitans du Territoire qui est
entre Villeneuve- le- Roi et Joigny , ont souffert
des maux irréparables. Il y a quantité de maisons
abbatues , la plupart des Vignes sont déracinées
, les bois taillis même sont hachez par la
grêle. Il s'en est trouvé du poids de cinq quarte.
rons ; quantité de Gibier a péri par ce fleau , et
peu de volatile en a échappée; ensorte que le lendemain
on a trouvé dans un seul Jardin jusqu'à
six douzaines de Moineaux morts. Les Emblures :
des menus grains sont entierement perdus. Le
vent étoit des plus violens , et donnoit,pour ainsi
dire , une augmentation de force à la grêle. Enfin
, l'eau est tombé avec tant d'impetuosité pendant
quelques heures , qu'elle n'a pas épargné la
récolte des Bleds , faite et serrée dans les Granges.
On ne sçauroit voir tant de pauvres gens
désolez sans beaucoup de compassion . C'est un
bonheur que l'Orage ne soit pas arrivé deux
heures plutôt tous les bestiaux auroient péri
par la campagne où ils paissoient dans ce temslà
. Nos Côteaux , ces fameux Côteaux , ditl'Auteur
de la Lettre , si recommandables par
leurs Vins délicieux , ont été heureusement préservés
, et l'on espere encore de faire ici des Vins
excellens , &c.
LET
SEPTEMBRE. 1732. 207
FESTE donnée an Pavillon , Maison de
Plaisance près de la Ville d'Aix. Ex--
trait d'une Lettre du cinquiéme Septembre.
L
E Roi vient de faire à Mrs de Lenfant une ·
grace considerable , en accordant à un fils
aîné , encore assez jeune , la survivance et l'éxercice
des Charges de Commissaire Provincial des
Troupes en Provence , et d'Intendant de la
Garnison Françoise de la Principauté de Monaco
que M. De Lenfant pere remplit depuis plusieurs
années avec approbation .
Le Pavillon est une fort belle Maison qui leur
appartient , située dans un des plus beaux lieux
de la Provence , fréquentée presque toute l'année
par beaucoup de personnes de condition de l'un
et de l'autre sexe , qui aiment à goûter pendant
quelque tems la tranquillité d'une agréable solitude
, et à respirci un air plus pur que celui des
Villes.
La Maison est assez vaste , bien distribuée , et
d'une agréable Architecture. Le plus précieux
meuble qu'on y trouve est une Bibliotheque de
Livres choisis , commencée et très - augmentée
par M. de Lenfant pere , qui ne se lasse point de
T'enrichir. Son goût particulier pour la Peinture
paroît aussi par quantité de Tableaux des meil
leurs Auteurs Italiens , François et Flamands
qui ornent les Salons , avec un grand nombre
d'Estampes des plus habiles Maîtres ,
Les dehors présentent différens agrémens , sans
parler de la vue charmante des Paysages des environs
, &c. On arrive au Pavillon par deux
gran- >
2072 MERCURE DE FRANCE
grandes Allées des plus beaux Maroniers. Entre
ces Allées il y en a une autre , plantée de diffe
rens Arbres choisis , et propres à recevoir par
la taille toutes les formes qu'on veut leur don
ner. On y voit avec plaisir les quatre Saisons en
grandes Statues , Mercure prêt à voler , -Bellone'
avec ses Attributs et plusieurs autres Sujets de
P'Histoire fabuleuse.
Les eaux jaillissantes contribuent encore à em
bellir ces dehors. La Piéce la plus confi térable
est au bout de l'Allée du milieu , en face du På→
villon: c'est une Statue colossalle d'Hercule , qui
avec sa Massuë , abbat les têtes de l'Hydre , d'ou
sortent autant de jets d'eau , lesquels en tombant
forment une grande nape d'eau. On ne dit rient
de plusieurs autres jets d'eau distribuez en divers
endroits , pour ne pas oublier deux belles Cascades
qui forment devant le Pavillon un grand
Réservoir , où l'on nourrit des Poissons.
Le Parterre est des mieux entendus pour le
dessein général , et des plus heureusement éxécu
tez par la varieté et par le goût des compartimens.
On croira sans peine que les plus beaux Orangers,
les Citroniers et les plus belles fleurs du Pays
abondent dans ce Parterre , et qu'on y trouve un
Printems presque continuel .
C'est dans un si agréable Lieu qu'a été célebrée
la Fête en question. Elle commença le 24. Août
au soir , veille de S. Louis , dès qu'on cut reçu
Pagréable nouvelle dont on a parlé .
M. de Lenfant , fils aîné , qui y étoit le plus
interessé , fit d'abord dresser les appareils d'un
grand Feu au bout de l'Allée de la Bibliotheque ;
on l'orna de Banderoles , de Guidons armoriez
et de plusieurs Panaches de diverses couleurs . A
Pentrée de la nuit il fut allumé par M. de Len
fant
SEPTEMBRE . 1732 2073
fant pere , et par M. l'Abbé , son frere , avec des
flambeaux qui leur furent présentez en cérémonie
par les jeunes Mrs de Lenfant. On tira en mê→
me-tems plusieurs coups de Canon , on entendir
le son des Tambours et des Fifres , et la joye
éclata encore par un grand nombre de Fusées ,
et de Serpentaux , qui furent tirez par les Domes
tiques,
* Il n'en fallut pas davantage ; ce fut un signal
pour attirer au Pavillon une Assemblée nombreuse
de Dames et de Cavaliers. Ce fut aussi un
signal pour attirer tout ce qu'il y avoit aux envi
Lons de Jeunesse d'élite , la plus vive et la plus
experte en Danses Provençales . Il se forma en
peu de tems plusieurs Bandes de Bergeres et de
Bergers , qui danserent toute la nuit en différens
endroits , et le Spectacle n'étoit pas indifférent.
Au déclin du Feu , on servit un grand Soupé ,
dont la gayete fut un des meilleurs mets ; et on
n'oublia pas de faire donner en abondance des rafraichissemens
aux Amateurs de la Danse et à
tous les Spectateurs. Ce ne fut là que le prélude
de la Fête,
Elle commença le lendemain jour de S. Louis,
par la célébration de plusieurs Messes à la Chapelle
de la Maison , extraordinairement ornée et
illuminée. On chanta ensuite une grande Messe
en Musique, composée par M Pellegrin, si connų
par ses belles compositions. A l'Elevation , la pe
tite Artillerie se fit entendre.
On servit là dîner , sur deux Tables , dressées
dans l'Orangerie ; la délicatesse égala la profusion.
On en étoit aux Liqueurs les plus exquises
et sur la fin du repas , quand les Tambours et les
Hautbois de la Ville , envoyez pour contribuer à
la joie de cette journée,en redoublerent la gayeté,
On
2074
MERCURE DE FRANCE
On s'amusa après le dîner à plusieurs parties de
Jeu et à la Danse jusqu'à l'heure de Vespres , qui
furent chantées en grande Symphonie ; et après
le Service , les mêmes Musiciens de la Ville , qui
- avoient pris la peine de venir en grand nombre,
› donnerent un- Concert , où l'on exécuta les Piéces
les mieux choisies.
Après le Concert il y eut une double Danse
sçavoir , des Dames & des Messieurs au son des
violons , et des Bergeres et Bergers au son des
Tambourins , des Flutes et des Fifres.
A l'entrée de la nuit , on fit une grande décharge
de Boëtes , ce qui servit de signal pour
illuminer le Vaisseau qui est dans la grande
Piece d'Eau. Il ne manque à ce Vaisseau , qu'on
peut dire un ouvrage parfait , rien de ce qui se
trouve aux plus grands Bâtimens de mer , cordages
, agrets &c. où toutes les parties étant artistement
éclairées , on ne pouvoit rien voir en
son genre de plus agréable et de plus frapant
C'étoit une imitation et un abrégé de ces illuminations
brillantes et ingénieuses que l'on voit
à Marseille sur les Galeres du Roi en certaines
grandes occafions.
On fe mit à table pour le fouper au bruit des
Boëtes qui se firent encore entendre en beuvant
la santé de M. Lebret , Conseiller d'Etat , Premier
Président , Intendant de la Province & du
Commerce , & Commandant en Chef en Provence.
La Fête finit par des acclamations & par
les voeux les plus ardens ponr la continuation de
la santé du Roi , de la Reine et de toute la Famille
Auguste.
On écrit de Valence que le Marquis de
Sassenage , Lieutenant Général de la Province de
Dauphiné
SEPTEMBRE. 1732. 2075
Dauphiné , où il commandoit en chef , en est
parti le 28. du mois dernier pour se rendre à
Paris. Il étoit venu dans cette Province pour
prendre possession de la Lieutenance Générale.

Le 11.Juillet , les Consuis et le Corps de Ville
de Grenoble allerent à sa rencontre au bourg
de Moirans , qui est à trois lieues de cette Ville.
Il trouva à S. Robert , qui en est éloigné d'une
lieue , M. de Grammont , Premier Président du
Parlement , & M. de Fontanieux , Intendant de
La Province , avec un grand nombre de persons
du Corps de la Noblesse , & de ceux de la
agistrature qui s'y étoient rendus en Carosse
ur lui faire cortege . Arrivant à Grenoble , il
contra à la porte de France le Marquis de
ircieux , Gouverneur de la Ville qui l'attenit
pour lui en présenter les clefs . 11 fit son ene
au bruit du Canon et précédé de la Com
nie de ses Gaides , de toute la Maréchaussée
la Province , le Prévost Géneral à la tête , et
ne multitude de gens à cheval ; quantité de
rosses à six chevaux et à quatre , remplis de
x qui étoient venus à sa rencontre , fermoient
narche. Le Bataillon de Romillé du Régiment
yal Artillerie , et la Milice bourgeoise sous les
ies , formoient une double haye depuis la
Porte de France jusqu'à l'Hôtel de ce Seigneur:
il le trouva rempli de personnes de condition
de l'un et de l'autre sexe , qui l'y attendoient
pour lui témoigner leur joie de son arrivée qui
en a causé une générale. Les boutiques furent
fermées ce jour - là ; le soir toute la Ville fut ili
Juminée , on tira une grande quantité de fusées ,
et il y eut des feux de joie dans les divers ·quar-·
tiers.
Le Marquis de Sassenage alla fouper chez M.
Inten
2076 MERCURE DE FRANCE
Intendant ; le repas étoit magnifique , la com
pagnie nombreuse et composée de ce qu'il y a
de plus distingué dans tous les Etats de cette
ville. Le lendemain il recut les Complimens du
Parlement , de la Chambre des Comptes et du
Bureau des Finances par les Députez de ces différentes
Compagnies. Les Magistrats inférieurs
et la Ville , vinrent le complimenter en Corps :
les Chapitres et tous les Corps du Clergé seculier
et regulier s'acquitterent de ce devoir dans
la même forme.
Le 17. du même mois , il fit son entrée au Parlement
, la Compagnie de ses Gardes le précedoit
dans la marche qui se fit à pied depuis son
Hôtel jusqu'au Palais , suivi par deux Conseillers
deputez pour le recevoir et le conduire à la
Grand- Chambre , où il prit sceance à la tête du
Parlement , les Chambres assemblees , et il fit un
discours qui fut trés appiaudi. Il fut reconduit
avec les mêmes ceremonies.
Un quart d'heure après qu'il fut retiré
dans son Hôtel , le Parlement alla lui rendre
visite en corps. Le même jour , il donna à dîner
à Messieurs du Parlement , à la Noblesse et aux
Officiers des Troupes . Il y avoit cent quarante
Couverts en differentes tables qui toutes furent
servies avec beaucoup de magnificence et de délicatesse.
Ce jour-là les boutiques furent fermées,
et le soir il y eut une illumination generale.
Le 23. il fit son entrée à la Chambre des
Comptes , dans le même ordre et avec le même
céremonial obfervé au Parlement. Il alla ensuite
prendre séance à la tête du Bureau des Finances ,
où il fit un autre discours qui fut très applaudi
Le même jour il donna à dîner à Messieurs de
la Chambre et du Bureau et à plusieurs hommes
dg
SEPTEMBRE . 1732. 2077
de condition ou Militaires , au nombre de cent
yingt personnes.
Toutes ces Céremonies achevées , le Marquis
de Sassenage a été visiter les places frontieres de
la Province. On l'a reçû par tout
avec de
vives démonstrations de joie , les troupes sous
les armes, et au bruit du Canon &c. et il s'est
attiré tous les coeurs par ses manieres affables ,
nobles et engageantes.
O
EPITRE ,
A M. Lefort , Echevin , & c.
Frere , tendrement et justement aimé ,
De mes jours les plus beaux voici l'heurense
époque ,
De vos nouveaux honneurs que mon coeur est
charmé !
Vous sçavez si pour vous mon zéle est équi
voque.
Mais les Muses que l'on invoque ,
Ne servent pas à point nommé.
Au gré de mes désirs enfin elles m'inspirent ,
Et mon tribut , quoique tardif ,
N'en est ni moins vrai , ni moins vif.
A le justifier que de vertus conspirent !
Le Ciel , dès vos plus jeunes ans ,
Répandit sur vous ces présens .
Qui de vos Citoyens vous acquirent l'estime ,
De tout ce qu'on admire en vous ,
La Pourpre consulaire est le prix légitime.
I Digne
7
2078 MERCURE DE FRANCE
Digne moitié d'un digne Epoux,
Par vous seule heureuse et contente ,
Ma soeur en ce grand jour voit combler son attente
,
L'objet de sa pudique ardeur ,
Sans qu'elle en puisse être jalouse ,
Desormais partage son coeur ,
Entre son Peuple et son Epouse.
Mais n'y bornez pas votre amour.
La Nature a ses droits , et le sang.vous engage ;
A faire entrer dans ce partage ,
Celle qui vous donna le jour.
Ne cessez point d'aimer la plus tendre des meres
Eh ! qui peut le mériter mieux ?
Daignez aussi jetter les yeux ,
Et sur vos soeurs et sur vos freres.
Mais que dis -je ? Est- ce à vous qu'on dicte ces
leçons ?
A vous que l'on choisit pour en donner sans
cesse ?
Et puis -je sur votre tendresse ,
Concevoir les moindres soupçons
Non ; vous sçavez trop - bien comme il faut
P'on aime ,
L'interêt general à vos soins est commis ;
que
Etrangers , Citoyens, freres, soeurs, Mere même,
Nourris dans votre sein , nous sommes tous vos
fils.
De vos soins paternels la trop courte durée ,.
De
SEPTEMBRE. 1732 2079
Par le cours de trois ans en vain est mesurée ,
Vos bienfaits à venir seront toujours presens ;
ceux qui vous suivront, laissez- en la mémoire;
C'est en éterniser la gloire ;
C'est être Echevin tous les ans.
1

MORTS , MARIAGES.
DdeVincent
>
Ame Agnès Bouvart de Fourqueux , Epousé
de Vincent Maynon , Seigneur de Ville
manche , & c. Conseiller Honoraire au Parlement,
mourut le 28 Aoust , âgée de 40 ans.
Charles de Roye de la Rochefoucaud , Comte
de Blanzac , Lieutenant General des Armées du
Roy et Gouverneur de Bapaume, mourut à Faris,
le 4 de ce mois , âgé de 67 ans. Son. Gouverne
ment a été donné au Comte de Rouci , son fils
Colonel du Regiment de Conti , Infanterie.
Dame Charlotte - Magdelaine Huguet de Sémonville
, veuve de M. Charles César , Marquis
dé Costentin , cy- devant Colonel du Regiment
Dauphin , Cavalerie , mourut le même jour, âgée
de 52 ans.
M. Pierre de Vienne , Prêtre , Ancien Archidiacre
de la Cathedrale de Troye,mourut à Paris
les Septembre , âgé de 82 ans.
Marc-Antoine Vallentin de Rollinde , Cheva
lier , Baron de Biozat , Seigneur de Chantraine ,
&c. Conseiller de la grande Chambre du Parle
ment , mourut le 6 , âgé d'environ 52 ans .
Mre Jean Danthon , Abbé , Supérieur general
des Chanoines Reguliers, de S. Augustin Congrégation
de S. Antoine , est mort dans son Ab-
I ij baye
2080 MERCURE DE FRANCE
baye de S. Antoine de Vienne en Dauphiné , le
6 de ce mois , âgé de 83 ans. Cette Congrégation
qu'il a gouvernée pendant 30 années avec un
désinteressement de coeur sans égal , avec une
sagesse , une régularité et une vertu qui ne s'est
jamais démentie , a sujet d'être infiniment sensible
à la grande perte qu'elle vient de faire. Les
derniers momens de sa vie ont également marqué
la pureté de ses intentions et la solidité de
sa piété , et on lui doit cette justice , qu'il n'est
point d'exemple de modestie , de douceur , et de
véritable attachement à son Ordre , dont il tenoit
à grand honneur d'être le Chef,qu'il n'aïe laissé à
ses Successeurs,
"
Hercule Meriadec , Prince de Rohan , Duc de
Rohan , Pair de France , Capitaine Lieutenant de
la Compagnie des Gens - d'Armes de la Garde
du Roy, Lieutenant General de ses Armées, Gouverneur
et Lieutenant General pour S. M. des
Provinces de Champagne et Brie , veuf de Dams
Anne- Geneviève de Lévi de Vantadour , épousa
le à Septembre , Dame Marie Sophie de Courcillon
, veuve de Charles- François Dalbert Dailly,
Duc de Péquigny , Pair de France , et Fille de feu
Philippe Egon , Marquis de Courcillon , et de
Dame Marie- Françoise de Pompadour.
LIT DE JUSTIC E.
E Parlement qui avoit reçu le 2. de ce mois
Lies ordres du Roi par le Marquis de Dreux,
Grand- Maître des Céremonies , se rendit le len
demain à Versailles vers, les dix heures, pour le
Lit de Justice que S. M. avoit résolu de tenir.
Le Parlement s'étant assemblé dans la Salle qui
avoir
SEPTEMBRE . 1732. 2087
avoit été préparée ; toutes les séances furent pri
ses en la maniere ordinaire. Aussitôt que le Roi
qui étoit revenu de Matly le même jour , fut
sorti de son appartement pour aller tenir son
Lit de Justice , quatre Présidens à Mortier et six
Conseillers allerent recevoir S. M avec les cérémonies
accoutumées &c. Le Roi s'assit_sous son
Dais & c.
PROCES VERBAL de ce qui s'est passé
au Lit de Justice.
EXTRAIT des Registres de Parlement du mecredy
trois Septembre 1732 , du matin.
LE ROY LOUIS XV . du nom tenant son Lit
de Justice en son Château de Versailles.
A sa droite aux hauts Sieges.
Le Duc d'Orleans , le Duc de Bourbon , le Comte
de Charolois , le Comte de Clermont , le Prince
de Conty , Princes du Sang.
Sur le reste du banc.
Les Ducs de Luynes , de la Rochefoucault
d'Estrées , de Gramont , de Gesvres , de Charost
de Villars , de Fitz-james , de Rohan Rohan
d'Ostun , de Valentinois , d'Aiguillon , Pairs
Laïcs.
Sur le même banc.
Le Gouverneur de Paris.
Sur les trois bancs couverts de tapisserie dans
le Parquet , et sur les bancs répondant au premier
et second Barreau , vis- à- vis de Messieurs
les Présidens , les Conseillers d'honneur , Maîtres
des Requestes , Conseillers de la Grand - Chambre,
Présidens des Enquestes et Requestes .
L'Abbé de Clugny , Conseiller d'honneur.
Présidens
I iij
2082 MERCURE DE FRANCE
Présidens des Enquêtes et Requêtes.
du
Roland , Berthier , Moreau , de Fourcy , Roujault
, Feideau , Crozat , le Peletier , Bernard ,
Bois , Poncer , Durey , Fremont , Masson .
Conseillers de la Grand- Chambre.
Canaye , de Vienne , Pallu , de la Guillaumie ,
Daverdoing , Nigot , le Moine , Soullet , Loren.
chet , Goislart , Nau , de Tourmont , Racine ,
Droüin , Coste.
A la gauche du Roi aux hauts Sieges.
L'Evêque Comte de Beauvais , Pair Ecclésias
tique.
A ses pieds.
Charles Godefroy de la Tour d'Auvergne
Grand Chambellan ..
>
A droite sur un tabouret , au bas des degrez
du Siege Royal , Charles de Lorraine , Grand
Ecuyer de France , portant au col l'Epée de Parement
du Roi .
A gauche sur un banç , au dessous de celui des
Pairs Ecclésiastiques.
Le Duc de Noailles, le Duc de Villeroi , le Duc
de Charost , le Duc d'Harcourt , Capitaine des
Gardes du Corps du Roi , & le Marquis de
Courtenvaux , Commandant la Compagnie des
Cent Suisses de la garde.
En une Chaise à bras, couverte de l'extrémité
du tapis de velours violet , semé de fleur - de lys
servant de drap de pied au Roi.
M. Henry- François Daguesseau , Chancelier
de France , vêtu d'une robe de velours violet.
CSur
le banc répondant à celui où sieient Messieurs
les Présidens au Conseil en la Chambre du
Parlement , MM. le Pelletier , de Maupeou , de
....
la
SEPTEMBR E. 122. 2083
la Moignon , d'Aligre , Portail , Molé, Talon
Présidens. •
Dans le Parquet , sur deux tabourets devant
M le Chancelier , à droite , le sieur Dreux, Grand-
Maitre , et à gauche , le sieur des Granges, Maitre
des Céremonies.
Dans ledit Parquet , au milieu , à genoux devant
le Roi , deux Huissiers- Massiers du Roi ,
tenant leurs Masses d'argent doré , & six Herauts
d'Armes.
A côté droit sur les deux bancs couvèrs de tapis
de fleur-de- lys , les Conseillers d'Etat et les
Maîtres des Requêtes venus avec M. le Chancelier.
Conseillers d'Etat.
L'Abbé Bignon , Desmarests de Vaubourg , le
Goux de la Berchere , Fagon , De la Moignon
de Courson , le Guerchois , Berryer de la Ferriere
, de Bernage , d'Argenson , Meliand , de
Machaut , de Harlay , Orry.
Maitres des Requêtes.
Le Fevre de Caumartin , Chopin , de la Moignon
de Bournan, Camus de Pontcarré,d'Aguesseau
de Fresne , de Machault.
Sur une forme à gauche , en entrant vis- à- vis
Messieurs les Présidens.
MM. Phelypeaux de Maurepas , Phelypeaux
de S. Florentin ee Bauyn d'Angerviliers Secretaires
d'Etat.
Sur trois autres bancs à gauche dans le Parquet
, vis- à vis les Conseillers d'Etat , les sieurs ,
Chevaliers de l'Ordre.
De Goesbriand , de Livry , de Matignon , de
Nesle , de Beauveau , de Tavannes , de Clermont-
Tonnere,
I iiij
2084 MERCURE DE FRANCE
J
Tonnerre , de Simiane, Comte de Grammont , de
Beringhein , de la Farre.
Gouverneurs de Provinces.
D'Arpajon , de . Fervaques,
Lieutenans Géneraux de Provinces.
De Buron , de Joyeuse , de Souvré , de Bonnelles
, de Givry , de Château - Regnaud , d'Enonville
, de Lignerac , de Seignelay , d'Isanghien..
A côté de la forme où étoient les Secretaires
d'Etat , Mirey Secretaire de la Cour , faisant les
fonctions de Gieffier en chef.
A côté de lui , à gauche , un des trois principaux
Commis pour la Grand -Chambre , tenant
la plume , ayant devant eux chacun un Bureau
couvert de velours violet.
Sur une autre forme derriere eux , Dufranc ,
Secretaire de la Cour.
Sur une autre forme , le Grand - Prévôt de
l'Hôtel.
Sur un siege à l'entrée du Parquet , Delauge
premier Huissier.
En la pláce répondant à celle qu'ils occupent
toutes les Chambres assemblées .
M. Pierre Gilbert de Voisins Avocat.
M. Guillaume -François Joly de Fleury
Procureur General.
M. Louis Chauvelin , Avocat.
M. Guillaume- François - Louis Joly
de Fleury , Avocat.
>du Roy:
Dans le surplus des Bancs , les Conseillers des
Enquêtes et Requêtes , Neyret , de Monthulé ,
Lamblin, le Rebours , Benoise , Robert , Tubeuf.
Fermé , de Blair , Alexandre , Pineau Henin ,
Rulleau , Bertin , Pajot , Lemée , Carré , Clement,
le Clerc , Thomé , Fieubet , Latteignant , Montholon
7
SEPTEMBRE . 1732. 2085
tholon , Dumans , Lamouche , Dupré , de Beze ,
Pajot , de Paris , Boucher, Chambennat , le Clerc,
Seguier , de Paris , de la Michaudiere , Lespine ,
fe Maistre , Henin , le Gendre , de Bragelogne ,
Langlois , Pichon , Pasquier , Anjorrant , Nouet,
Barally , de la Forest , le Riche , Boutin , Mayneau
, Parent , Salaberry , Barré , Leveque , le
Prestre , Moufle , le Boindre , Michau , Jassault ,
Guillier , Aubin , le Fer , de la Guillaumie , de
Favieres , Macé , Chalmette , Boulanger , Baudry,
Berger , de la Guillaumie , Godheu , de Vougny ,
Roland , Feydeau , le Bel , Doublet , de la Live ,
Lescalopier , Boulet , le Tourneur , Chevalier ,
Aymerec , de Berny , Amyot, Goujon , Moriceau
le Lay , Petit , Berthier , de Tourmont , Potier ,
Pineau , Blondeau , Boucher , Brayer , du Trousset
, de Selle , Maissat , Berrier , Ravot , Theve
nin , Doublet , de Nicolay , Lozandiere , Lamoignon
, du Rousset , Durand , Aubourg , Michau,
Foucault , le Gars , Caze , du Noyer , Jacquier
Hermant , Thiroux.
Ce jour , la Cour , toutes les Chambres assemblées
, en robes et chaperons d'écarlate , dans la
grande Salle des Gardes du Corps du Roi , préparée
pour tenir son Lit de Justice , Messieurs les
Presidens revêtus de leurs Manteaux , qu'ils
avoient été prendre dans une piéce voisine , tenant
leurs Mortiers à la main , attendant la venuë
du Roi , le Grand - Maître des Cérémonies
ayant averti la Compagnie que le Roi étoit prêt ,
ont été députez pour l'aller recevoir et saluer
Messieurs les Présidens de Maupeou , de Lamoignon
, d'Aligre et Portail , et Mrs Canaye
Pallu , de la Guillaumie et Daverdoing , Laics
et Mrs de Vienne et le Moyne Clercs , Conseillers
en la Grand-Chambre, lesquels l'ont conduit
Iz
f
2086 MERCURE DE FRANCE

en son Lit de Justice , Mrs les Présidens marchant
à ses côtez , Mrs les Conseillers derriere
lui , et le Premier Huissier entre les deux Massiers
du Roi , immédiatement devant sa Person
ne Le Roi étoit précedé de M. le Duc d'Or
leans , de M. le Duc de Bourbon , de M. le
Comte de Charollois , de M. le Comte de Clermont
, et de M. le Prince de Conty , Princes du
Sang , qui ont pris leur place traversant le Parquet
le Roi étoit aussi précedé du Marquis de
Courtenvaux , commandant la Compagnie des
Cent Suisses de la garde , du Grand Chambellan,
et du Grand Ecuyer de France , et étoit suivi
des quatre Capitaines des gardes.
Les Chevaliers de l'Ordre , Gouverneurs et
Lieutenans generaux de Provinces , avoient pris
peu avant leurs places , pour éviter la confusion ,
quoiqu'ils n'ayent droit que d'accompagner let
Roi , et d'entrer à sa suite étant mandez.
Après le Roi , est entré M. le Chancelier , lequel
a traversé le Parquet , et a pris place dans
un siége à bras , placé aux pieds du Roi , coùvert
de l'extrêmité du même tapis de velours
violet , semé de fleurs-de-lys , qui servoit de tapis
de pied au Roi , et un Bureau devant lui
avec lui sont entrez les Conseillers d'Etat et Maîtres
des Requêtes ci-dessus nommez , qui se sont
de- placez dans le Parquet sur deux bancs ,
vant les bas siéges , étant au--dessous des Pairs
Laïcs.
1
Le Roi s'étant assis et couvert , M. le Chancelier
a dit par son ordre que Sa Majesté commandoit
qu'on prît séance ; après quoi le Roi
ayant ôté et remis son chapeau , a dit :
Messieurs , je vous ai fait venir pour vous faire
51-
SEPTEMBRE. 1732. 2007
sçavoir mes volontez , mon Chancelier va vous
les expliquer.
M. le Chancelier étant ensuite monté vers le
Roi , agenouillé à ses pieds pour recevoir ses or
drès , descendu , remis en sa place , assis et couvert
, après avoir dit que le Roi permettoit qu'on
se couvrit , a dit :
MESSIEURS ,
La conduite passée de Sa Majesté vous a fait
voir l'indulgence d'un Pere , plutôt que la severité
d'un Roy. Elle a voulu tout attendre de votre reconnoissance
, et ne regner sur vous que par sa bonté,
Le succès a-t'il répondu à des dispositions si favor
rables ?
Au lieu des actions de graces qui étoient dûes au
Roy , les Remontrances qu'il n'a pas refusé de recevoir
n'ont presque été remplies que de traits capables
de rappeller tout ce que S. M. avoit bien vous
lu oublier. Mais malgré cet esprit qui y regnoit ,
malgré ces mouvemens prématurez et peu respectueux
, dont elles ont été suivies , la moderation du
Roy a encore étouffé tout autre sentiment .
Toujours maître de lui-même , et aussi exempt
depassion que la Loy , il ne s'est expliqué qu'en Legislateur
attentif à regler l'avenir , plutôt qu'à réparer
le passé ; et en éloignant tout ce qui pouvoit
être une occasion de lui déplaire , il a voulu encore
plus s'épargner à lui- même la peine de se voir forcé
à donner des marques de son mécontentement.
Des sentimens si dignes du Roy ont dicté la Déclaration
qui vous a été adressée , et c'est cependant
à la premiere lecture d'une telle Loy , que le Parle
ment se porte à y resister , dans des termes qne son
respect pour le Roy devroit lui faire ignover ; et ily
ajoûte en même temps la résolution encore plus -
I vj prenante
2088 MERCURE DE FRANCE
"f
·prenante , de suspendre le jugement de toutes les affaires
particulieres; comme si en cessant de faire son
devoir , il vouloit contraindre S M. par l'amour
même qu'elle a pour la Justice , à recevoir la loy de
ceux à qui elle doit la donner Etoit-ce donc la le
moyen d'obtenir la grace sur laquelle on avoit resolu
de faire encore de nouvelles instances auprès de
Sa Majesté ?
La volonté du Roy , declarée plus d'une fois , n'a
pû vaincre la resistance de cette Compagnie , et c'est
ainsi que contre la Religion du serment qui consacre
les Magistrats au ministere de la Justice , contre l'obligation
essentiellement attachée à un caractere
dont le Roy seul peut suspendre l'exercice , comme le
Roy seul peut l'imprimer , le service du public demeure
abandonné par ceux mémes dont la plus
grande gloire est de s'y devouer
Le Roy veut bien cependant vous donner encore
une derniere marque de son indulgence ; et n'ayant
pour objet en ce moment , que de faire respecter la
Majesté Royale , par la publication de sa Loy , il
se contente de montrer qu'il possede la plenitude de
la Justice et qu'il est la source de toute autorité.
Vous , à qui il veut bien en communiquer une
partie si importante , vous n'en étes que plus obligez
à donner l'exemple de la soumission qui lui est dûe ,
et à lui montrer par votre conduite , comme vos Peres
le disoient autrefois , que si l'obéïssance étoit
per due dans ce Royaume , on la retrouveroit
dans votre Compagnie.
Avec de telles dispositions , vous pouvez être sûrs
obtenir un accès favorable auprès du Trône de
S. M. Que le zele qui vous y amene soit toûjours
accompagné de ces sentimens respectueux et soumis
qui animoient vos Prédecesseurs , et qui donnoient
tant de poids à leurs representations , lorsqu'ils protestoient
>
SEPTEMBRE. 1732. 2089
testoient hautement que parlant devant leur Roy
et leur Maître , leurs Remontrances ne signifioient
que des supplications et des prieres .
Tel a été le langage des Magistrats , qui dans des
temps moins tranquilles que ceux où nous vivons ,
·portoient au Roy les voeux de cette Compagnie ; et
quel Maitre fut jamais plus digne que celui qui
nous gouverne , d'être servi avec ces sentimens ? Le
Ciel nous l'a donné pour faire le bonheur de tout
son Royaume, mettez-le en état de faire toujours
le votre et de suivre son inclination naturelle , en
ne vous faisant jamais sentir que les effets de sa
protection et de sa bonté
Après quoi M. le Président le Peletier , et tous
Messieurs les Présidents et Conseillers découverts,
ont mis le genou en terre , M le Chancelier leur
a dit , Le Roi ordonne que vous vous leviez , eux
relevez , debout , et découverts, M. le Président le
Peletier a dit :
SIRE ,
Il n'est point de douleur plus sensible pour des Sujets
uniquement occupez de l'amour le plus tendre et
le plus respectueux pour la sacrée personne de VOTRE
MAJESTE' , et du zele le plus ardent et le plus sincere
pour ses interêts , que d'apprendre en ce moment
qu'ils ont eu le malheur de lui déplaire.
Puissions- nous , SIRE , découvrir à V. M. les
veritables sentimens de nos coeurs , Elle y verroit
gravez ceux de la soumission la plus parfaite , et de
Pobéissance la plus respectueuse , dont nous sommes
chargez par état de donner l'exemple à ses Sujets.
Toujours animez du desir de plaire à V. M. , et de
remplir l'obligation que nous avons contractée de la
servir , nous ne redoutons que sa colere.

Mais lorsque votre bras s'appesantit sur nous
nas
,
2090 MERCURE DE FRANCE
nos jours ne sont plus que des jours d'amertume et
de douleur ; nos esprits sont saisis d'une consternation
, que la bonté seule de V. M. peut dissiper.
Rendez-nous , SIRE , ces marques de votre bonté
accoûtumée , et rien ne sera jamais capable de
nous arrêter dans la carriere penible de nos devoirs.
Qu'il nous soit encore permis , SIRE , en suivant
les traces de ceux qui nous ont precedez , de repre
senter a V. M. , ce qu'ils n'ont jamais obmis de
témoigner en semblables occasions à V. M, même ,
et aux Rois ses prédecesseurs .
L'examen le plus exact , et la liberté d'esprit la
plus entiere , peuvent seuls nous mettre en état de satisfaire
dignement aux devoirs que nous impose
P'honneur que V. M. nous fait de nous consulter
sur les matieres les plus importantes .
Tout occupez du respect que la présence de V. M.
leur inspiroit , ils l'ont toujours assûrée qu'ils ne
pouvoient en ce moment remplir d'autre devoir que
celui du silence.
Penetrez de ces mêmes sentimens dans un jour ,
où tout , jusqu'au lieu même où nous sommes assemblez
, nous annonce le courroux de V. M. nous devons
, SIRE , à plus forte raison , adresser en tour
respect et toute humilité les mêmes voeux à V. M,
et la supplier pour le bien de son service et l'acquit
de nos honneurs et consciences , de nous faire remettre
la Declaration sur laquelle il veut bien consulter
son Parlement , pour en déliberer en la maniere
accoûtumée.
La Declaration du 18. Août 1732. se trouve
dans des circonstances differentes ; l'examen que votre
Parlement en a fait , le met en état de represen
ter à V. M. tout ce qu'il craint pour le bien de son
service , et celui de son Etat , des dispositions de
cette
SEPTEMBRE . 132. 2090
cette loy . S'il obmettoit une occasion d'en represen
ter les conséquences , il croiroit manquer à ce qu'exigent
de lui le zele infatigable et l'attachement
inviolable dont il ne cessera jamais de donner des
preuves à V. M.
Le Discours de M. le Président le Peletier fini,
M. le Chancelier est monté vers le Roi , pour
prendre ses ordres le genou en terre , descendu ,
remis en sa place , assis et couvert , a fait ouvrir
les portes , et a ordonné áu Secretaire de la
Cour , faisant les fonctions de Greffier en chef
de faire lecture de la premiere Déclaration.
D
Les portes ayant été ouvertes , et le Secretaire
de la Cour ayant fait lecture , debout et découvert
, de ladite Déclaration , M. le Chancelier a
dit aux Gens du Roi qu'ils pouvoient parler
aussitôt les Gens du Roi se sont mis à genoux.

M. le Chancelier leur a dit , que le Roi ordonnoit
qu'ils se levassent , eux relevez , debout
et découverts , Maître Pierre Gilbert de Voisins
portant la parole , ils ont dit :
SIRE ,
En vain nous voudrions étouffer la douleur dons
nous sommes pénetrez , elle échapperoit malgré nous;
et nous osons croire qu'elle ne peut etre imprévûë à
V. M. même. Frappez de la Déclaration que
V. M. nous fit remettre il y a quinze jours en sai
présence , assujettis par le commandement absolu de
sa propre bouche , nous vous avons rendu , SIRE ,
cette aveugle obéissance que vous nous aviez imposée.
Nous pouvions flater nos voeux de quelque ressource
; le Ciel ne l'a pas permis , SIRE ; n'attribuons
qu'à sa disgrace l'extrémité où une affaire si
fâcheuse se trouve réduite aujourd'hui.
Obéis1092
MERCURE DE FRANCE
-
Obéissons encore en ce moment , où V. M. fate
publier cette même Déclaration avec tout l'appareil
de sa puissance. Faudroit- il pour nous d'autre sujet
de douleur , que ces termes de menaces et d'indignation
qui en marquent la plupart des dispositions , et
que la Posterité pourra voir dans cette Loy tracée
par V. M. pour la premiere Compagnie de son
Royaume.
Lorsqu'on voit qu'elle met des bornes au zele de
votre Parlement pour votre service , et pour le bien
de vos Sujets , on ne peut s'empêcher de craindre ,
qu'Elle n'en mette aussi entre le coeur de V. M. et
ce Corps qui tient d'Elle seule tout ce qu'il a de
caractere et de pouvoir. Ceux qui , comme nos Rois,
trouvent en eux la plénitude de la souveraine puissance
, semblent n'avoir pas besoin d'assigner des
termes , aux prieres , aux supplications , aux humbles
remontrances de leurs Officiers ; Dieu même
dont ils sont l'image , attend souvent de nous des
voeux réiterez , et , s'il est permis de le dire , quelquefois
sa bonté veut être en quelque sorte impor
tunée.
Jamais votre Parlement , SIRE , n'a mieux servi
les Rois vos Prédecesseurs , que lorsqu'il a été plus
libre , et qu'il s'est vu plus honoré de leur confiance
et de leur bonté.
Si ceux qui le composent ont eu le malheur de déplaire
à V. M. quel surcroît d'affliction pour eux et
pour nous , que le contre-coup en pût porter quelque
jour sur le bien public , et sur votre service , dont il
est inséparable !
Attendons tout de V. M. de sa bonté et de sa sageffe
: Ces Loix que la fatalité des conjonctures fait
éclore , marquées d'un ressentiment sous lequel on
ne sçauroit trop s'humilier , dépendent sur tout du
retour de la bienveillancé du Prince. Votre coeur,
SIRE
SEPTEMBRE . 1732. 2093
SIRE , si genereux et si noble , est facile à s'appai
ser. La colere de nos Rois n'est jamais durable , et
le plus souvent avec elle , s'efface ce qu'elle n'avoit
produit qu'à regret.
Soutenus de cette esperance , nousfaisons à V. M.
puisqu'Elle l'ordonne , l'humble sacrifice de nos
propres sentimens ; et de son très- exprès commandement
, nous requerons que sur la Déclaration
dont la lecture vient d'être faite , il soit mis, qu'elle
a été lûë etpubliée ; V.M. séant en son Lit de Justice,
et registrée au Greffe de la Cour , pour être
exécuté selon sa forme et teneur.
Ensuite Monsieur le Chancelier , monté vers le
Roy , pour prendre sa volonté , ayant mis un
genou en terre , a été aux opinions à Messieurs
les Princes du Sang , à Messieurs les Pairs Laïcs,
et revenu , passé devant le Roy , lui a fait une
profonde reverence , a pris l'avis de l'Evêque et
Comte de Beauvais , Pair Ecclesiastique , et des
quatre Capitaines des Gardes ci - dessus nommez ;
puis descendant dans le Parquet à Messieurs les
Présidens de la Cour , aux Conseillers d'Etat et
Maîtres des Requêtes venus avec lui, à l'Abbé de
Clugni, Conseiller d'honneur, Présidens des Enquêtes
et Requêtes , et Conseillers de la Cour , est
remonté vers le Roy , comme cy - dessus , redefcendu
, assis et couvert , a prononcé :
Le Roy séant en son Lit de Justice , a ordonné et
ordonne que la Declaration qui vient d'être lûë,sera
enregistrée au Greffe de son Parlement , et que sur
le repli d'icelle il soit mis, que lecture en a étéfaite,
et l'enregistrement ordonné , ce requerant son Procureur
general , pour être le contenu en icelle executé
selon sa forme et teneur.
Ensuite Monsieur le Chancelier remonté vers
le Roy , pour prendre ses Ordres , le genou en
terre
2004 MERCURE DE FRANCE
térre , descendu , remis en sa place, assis et couvert
, a dit :
Si la Justice est toujours le premier objet de l'attention
du Roy , S. M. ne doit pas oublier ce qu'exige
d'Elle la necessisé indispensable de soutenir les
charges de l'Etat , qui nepeuvent être supportées que
par l'Etat même.
Sensible à tous les besoins de ses Sujets , $ M. est
bien éloignée de vouloir les augmenter par de nouvelles
dépenses : Elle ne travaille au contraire qu'à
diminuer les anciennes , et Elle voudroit pouvoir
parvenir , par ce seul moren , à la liberation de l'Etat
, sans étre obligée de proroger encore la durée de
plusieurs droits, dont la perception , continuée pour 6
ans , par des Lettres Patentes de 1726 , doit cesser .
suivant les mêmes Lettres , dans le cours de cette
année. $
Mais si les conjonctures presentes et la situation
actuelle des affaires de S. M. ne lui permettent pas
encore de suivre tous les mouvemens de son affection
pour ses Peuples , Elle leur donne au moins de plus
grandes esperances pour l'avenir , en ordonnant dèsa-
present la suppression entiere d'une partie des Droits
qui avoient été rétablis, etla modération de plusieurs
autres.
F
- Tel est le sujet de la Loy , dont vous allez entendre
la lecture. Vous y verrez que dans l'adminis
tration même de ses Finances , le Roy est toujours
occupé de ce qui regarde la Justic´ .
'Le soulagement qu'il a accorde aujourd'hui,tombe
entierement sur ceux qui sont obligez de la reclamer
dans les Tribunaux . S. M ne cherche qu'à en applanir
les voies , à les rendre également accessibles
à toutes les conditions , et à empêcher que la crainte
des frais excessifs n'étouffe les plaintes du pauvre et
nefavorise l'oppression du riche..
Recevez donc avec respect une Loy qui tend à
preSEPTEMBRE
1732. 2093
procurer successivement un sï grand bien, et à faci
liter cette prompte expédition des affaires , qui fais
une partie si essentielle de la Justice.
Après quoi , Monsieur le Chancelier a ordon
né au Secretaire de la Cour , faifant la fonction
de Greffier en chef , de lire ladite Declaration ; et
après la lecture , Monsieur le Chancelier ayant
dit ; les Gens du Roy peuvent parler ; lesd. Gens du
Roy se sont mis à genoux , et Monsieur le Chancelier
leur ayant dit : Le Roy ordonne que vous»
vous leviez. Eux relevez , debout et découverts ;.
Me Pierre Gilbert de Voisins portant la parole,
on dire.
I.
SIRE ,
Nous ne pouvons douter de l'intention ni des dé➡
sirs de VOTRE MAJESTE' pour le soulagement de
ses Sujets : Et lorsqu'Elle déclare que la situation
présente de ses Finances ne lui permet pas encore de
leur épargner la prorogation de ces impositions di
verses rassemblées dans un même Edit ; nous som
mes persuadez que sa bonté en est plus touchée que
nous-mêmes . Le retranchement ou la diminution de
quelques- unes dès-à-present , en est un gage assûré
Achevez , SIRE , l'ouvrage de votre bonté
Royale pour vosPeuples , le plutôt que l'état de vos.
affaires le pourra permettre Nous ne pouvons en
supplier V. M. avec trop d'instance , ni trop de
respect.
Qu'Elle nous permette de la supplier “aussi trèsi
humblement , de faire une attention . Ces Charges
de l'Etat dont Elle sent le poids , et qui retardent
les effets de son coeur vraiement paternel pour ses
Peuples , se sont accumulées de longue main dans l'a
diversité des occasions . Peut-être qu'un peu plus
instances humbles et respectueuses , faites dans le
temps
2096 MERCURE DE FRANCE
temps , en eussent épargné quelque partie , et V. M.
elle même en recueilleroit le fruit aujourd'hui.
Nous requerons que sur la Déclaration , dont la
lecture vient d'être faite , il soit mis , qu'elle a été
Izë et publiée , V. M séant en son Lit de Justice , et
registrée au Greffe de la Cour , pour être exécutée
selon sa forme et teneur : Et que Coppies collationnées
en soient envoyées aux Bailliages et Sénéchaussées
du ressort , pour y être pareillement lûë, publiée
et en registrée. Enjoint aux Substituts de votre Procureur
General d'y tenir la main , et d'en certifier
la Cour au mois.
S
2
Après quoi Monsieur le Chancelier est monté
vers le Roy pour prendre fa volonté, le genou en
terre , a été aux avis , ainsi que la prémiere fois
Revenu en son Siége , assis et couvert,a prononcé:
Le Roy seant en son Lit de Justice , a ordonné es
ordonne que la Declaration qui vient d'être lie
sera enregistrée au Greffe de son Parlement , et que
sur le repli d'icelle il soit mis que lecture en a été
faite et l'enregistrement ordonné , ce requerant son
Procureur General , pour être le contenu en icelle
executé selon sa forme et teneur , et copies collationnées
envoyées aux Bailliages et Senechaussées du
Ressort, pour y être pareillement lûe, publiée et enregistrée.
Enjoint aux Substituts de son Procureur General
dy tenir la main, et d'en certifier la Cour au
mois.
Ensuite a dit que pour la plus prompte execution
de ce qui venoit d'être ordonné , le Roy
vouloit que par le Greffier de son Parlement , il
fût mis présentement sur le repli des deux Décla
rations qui avoient été publiées , ce que ledit Seigneur
Roy avoit ordonné qui y fût mis , ce qui
a été executé à l'instant.
Ensuite M. le Chancelier remonté vers le Roy
pour
SEPTEMBRE. 1-32 . 2097
$
pour prendre ses ordres , le genou en terre , descendu,
remis en son siege , assis et couvert a dit :
Le Roy voulant finir cette Seance dans le même
esprit avec lequel S. M. l'a commencée , m'ordonne
de vous dire qu'il regarde l'obligation de faire rendre
la justice à ses Sujets , comme le premier et le
plus essentiel des devoirs de la Royauté.
Il juge que son aatorité et sa conscience sont éga
lement blessées , lorsque ceux qu'il a établis роит
remplir une fonction si necessaire , en son nom et à
sa décharge , cessent de s'en acquitter ; et S. M. n'a
pû voir sans une extrème surprise , que son Parlement
ait suspendu l'expedition de toute affaire particuliere
, sous pretexte qu'il avoit arrêté que les
Chambres demeureroient assemblées .
Le Roy vous ordonne donc très- expressément et
avec toute l'autorité qu'il a sur vos Charges et sur
vos personnes , de rendre assidument la justice que
vous devez à ses Peuples , et de prendre de telles mesures
pour la tenue des assemblées de Chambre , que
le service ordinaire puisse être continué ; S. M.
ordonnant à toutes et chacunes les Chambres ,
s'en acquitter exactement , et de n'en interrompre
jamais le cours d'elles- mêmes et sans son aveu , pour
quelque raison et sous quélque prétexte que ce puisse
tre.
de
Après quoi le Roy ayant pris la parole , a dit :
Je vous ordonne de ma propre bouche d'executer tout
ce qui vient de vous être dit , et principalement sur
l'exercice de la Justice : S'est levé et est sorti danş
le même ordre qu'il étoit entré.
Signé, MIREY.
DECLARATION DU ROY , qui proroge
pendant six années , à commencer au premier
Octobre prochain , la levée de differens droits y
énoncez
2093 MERCURE DE FRANCE
énoncez ; et ordonne la suppression ou modération
d'une partie desdits droits . Donnée à Ver-
<sailles le 3. Août 1732. Registrée en Parlement
le . Septembre , le Roy tenant son Lit de Justice.
AUTRE Déclaration du Roy , donnée à
Marly le 18. Août , Registrée en Parlemene
le même jour 3. Septembre.
ARREST du 2 Aoust , qui proroge jusqu'au
dernier Decembre 1734. l'exemption des Droits
d'entrée sur les Bestiaux , venant des Païs Etrangers
dans le Royaume.
ARREST DU CONSEIL , dus Aoust , concernant
les Droits d'Insinuation des substitutions
testamentaire , par lequel S. M. ordo nne
que l'Article V. du Tarif des Insinuations , du
29 Septembre 1722 , sera exécuté suivant sa forme
et teneur ; en conséquence , qu'il ne pourra
être perçu plus de quatre Droits d'Insinuation
pour
les Substitutions contenues dans les Testamens
ou dispositions de derniere volonté , en
quelque nombre que soient les héritiers instituez
ou légataires grévez de substitution . Lesquels
Droits seront payez au domicile du Testateur ,
sans préjudice du centiéme denier , dans le cas
où il est dû. Ordonne pareillement S. M. que
lesdites substitutions seront insinuées dans les
Bureaux de la situation des biens , en payant
seulement le centiéme denier , et au cas que le
centiéme denier ne fût pas dû , il sera payé un
seul Droit , suivant la qualité du Testateur conformément
aux Classes de l'Art . V. du Tarif ,
du 29 Septembre 1722. dans chacun desdits Bu-*
xcaux , pour l'Insinuation desdites substitutions.
TABLE
TABLE
Ieces Fugitives. Réponse en Vers de M. de
Voltaire à Mile de la Vigne , 1887
Suite des Conférences sur la paix entre les Turcs
et les Persans ,
Le Progrès de la Tragédie , Ode.
Ode sur le Jugement, Dernier ,
Lettre sur l'Ordonnance de Bacchus ,
1891
1907
1912
1929
Lettre sur la Litterature des Mahometans , &c.
1933
Idylle à M. de Fontenelle par Mie de la Vigne
Troisiéme Lettre sur Oran , & c.
Enigmes , Logogryphes ,
que raisonnée , &c.
Essai sur la Peinture et sur la Poësie ,
Le Spectacle de la Nature , Histoire naturelle
1941
1953
1970
Nouvelles Litteraires des beaux Arts , Bibliothe-
·1975
1977
1983
1991
1993
2000
Rondeau sur les Des Camargo , &c.
Hérissons vivans rendus par une Vache
Inscription Latine proposée à faire ,
2002
> 2003
2004
&C.
Dictionnaire Economique , & c.
Gallia Christiana , &c. Tome V.
Déliberation sur la Coregraphic , &c.
Nouvel Ordre de Chevalerie en Dannemarck
Chanson notée ,
-9
2005
2007
Spectacles , Tragédie et Ballet , et Décoration du ,
College de Louis Le Grand , 2009
L'Ecole des Meres , Comédie , Extrait.
2017
L'Opéra Comique , Extrait des Piéces • 2026
Scylla , Tragédie en musique , 2034
Nouvelles Etrangeres , de Turquie et de Perse
2036
Lettre écrite de Constantinople , &c. 2037
Journal du Camp de Villa-Nova,en Pologne, 2047
D'Allemagne , d'Ita ie et d'Espagne ,
2014
France , nouvelles de la Cour , de Paris , &c. 2c6C
Camp du Régiment du Roi à Fontainebleau , 2061
Orage à Joigny ,
2070
Fête donnée en Provence , 2071
Récéption du Marquis de Sassenage à Grenoble ,
2074
Epitre en Vers , 2077
Morts , Mariages , 2078
Lit de Justice , Déclarations et Arrêts. 2080
Errata d'Août.
Page 1727. ligne 25. connectaretur , lisez concitaretur
P. 1883. l. 13. Chevalier , l . Seigneur.
P. 1885. 1. 24. proposera , l. présentera.
Fautes à corriger dans ce Livre.
PAge 1888. ligne 3. du bas ,' à , lisez a.
P. 1904. 1. 2. du b. vous en , l. vous nous en
1. der. Astrée , l. Attréc.
P. 1910.
1.
P. 1913 , 18. longueur , l . largeur.
P. 1915. 1. 8. de ses entrailles , ôtez ces mots.
P. 1931. 1. 7. ou , 1. et.
P. 1942. 1. 13. par derriere
, 1 .
f.
en arriere.
P. 1966. l. du b. trouble , 1. troupe.
1. 17. est , l, étoit.
P. 1979.
P. 2033. 1. 2. repris , l . reprit.
P. 2035. 1. 12. vu , ôtez ce mot.
P. 2050. 1. 29. de ligne , l . de la ligne.
La Médaille doit regarder la page
La Chanson , page
1954
200%
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROT.
OCTO BRE. 1732.
RACOLLIGIT
SPARCIT
A PARIS ,
GUILLAUME CAVELIER,
ruë S. Jacques.
Chez LA VEUVE PISSOT , Quay de
Conty , à la descente du Pont- Neuf.
JEAN DE NULLY , au Palais .
M. DCC. XXXII.
Avec Approbation & Privilege du Roy.
A VIS.
L
'ADRESSE generale eft à
Monfieur MORE AU Commis an
,
Mercure , vis - à - vis la Comedie Fran-
Coife , à Paris. Ceux qui pour leur commodité
voudront remettre leurs Paquets cashetez
aux Libraires qui vendent le Mercure,
à Paris , peuvent fe fervir de cette voye
pour les faire tenir.
On prie très-inftamment, quand on adreſſe
des Lettres ou Paquets par la Pofte , d'avoir
foin d'en affranchir le Port , comme cela s'eft
toujours pratiqué , afin d'épargner , à nous
-le déplaifir de les rebuter ; & à ceux qui
les envoyent , celui , non -feulement de ne
pas voir paroître leurs Ouvrages , mais
même de les perdre , s'ils n'en ont pas gardé
de copie.
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les Particuliers qui fouhaiteront
avoir le Mercure de France de la
premiere
main , & plus promptement , n'auront
qu'à donner leurs adreffes à M. Moreau
qui aura foin de faire leurs Paquets fans
Perte de temps : de les faire porter fur
T'heure à la Pofte , on anx Meffageries qu'on
lui indiquera.
.
PRIX XXX. SOLS.
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROT.
OCTOBRE . 1732 .
PIECES FUGITIVES ,
F
en Vers et en Prose.-
ODE
A M. l'Evêque de Metz , Duc et Pair
S
de France,
Cavantes Nymphes du Permesse ,
Secondez-moi de vos leçons ;
Je veux soutenir la Noblesse ,
De vos immortelles Chansons ;
Dans le doux transport qui m'inspire ,
Je pense déja que ma Lyre ,
Traîne les Rochers et les Bois ;
Et que de la Mozelle au Gange ,
A ij Elle
2100
MERCURE DE FRANCE
Elle va porter la loüange ,
Du grand Prélat dont j'ai fait choix.
Coislin , l'ornement de notre âge .
Ce fut pour nous un grand bonheur
Quand des Monarques le plus sage
Te choisit pour notre Pasteur ;
D'abord ta sage vigilance ,
Loin de toi bannit l'ignorance ,
Qui se glissoit dans ton Clergé ;
Qui ne sait que dans tes Ecoles ,
Nourri des divines paroles ,
Dans peu de temps il fut changé a?
Tendre Pere pour tes ouailles ,
Tu ne bornes pas là tes soins ;
Leurs maux déchirant tes entrailles ,
Tu pourvois à tous leurs besoins,
Pour tirer la Fille égarée ,
D'un lieu qui l'a deshonorée ,
Tu fais élever un Saint lieu ;
C'est là que , grace au bon exemple ,
Son coeur souillé devient le Temple ,
De l'amour qu'on doit au vrai Dicu.
Bientôt en faveur du malade ,
Denué de soulagement ,
Ta
OCTOBRE . 1732. 2101
·
Ta charité te persuade,
De faire un vaste logement s
Là , par ta sage prévoyance
reçoit avec abondance , I1
Les secours les plus précieux ;
Pour prix de cet amour si tendre ,
N'es- tu pas en droit de prétendre
Une couronne dans les Cieux ?
Par les voix de la Renommée ,
Qui vole en cent climats divers ,
Ta vertu se trouve semée
Dans tous les coins de l'Univers.
Pour la garantir des naufrages,
Qui peuvent suivre les orages ,
Du vaste Ocean où tu cours
La Piété te sert de guide ,
Et te prete un secours solide ,
Contre les vices de nos jours.
Dans ses yeux , la grace allumée ,
D'un feu pur et rempli d'appas
Te fait d'inutile fumée ,
Traiter tous les biens d'ici -bas.
>
Ton coeur ne connoît leur usage ,
Que par le genereux partage ,
Qu'il en accorde aux malheureux ;
A iij
Come
2102 MERCURE DE FRANCE
Combien languiroient dans les chaînes,
Qui sont délivrez de leurs peines ,
Par tes dons répandus ( 1 ) sur eux ?
Icy je vois un Seminaire ,
Fondé pour le Clerc indigent ;
Là , des Temples tombez par terre
Relevez par ton zele ardent.
Tel
que , dans sa vaste carriere
Le Soleil porte sa lumiere ,
Aux differentes Nations ;
Telles tes bontez secourables ,
S'étendent sur les misérables ,
De toutes les conditions .
Des doux effets de ta largesse ,
Quels sont ces nouveaux monumens !
J'admire ta haute sagesse ,
Dans ces suberbes ( 2 ) bâtimens :
C'est peu d'embellir notre Ville ;
Ils servent de frein et d'azile ;
Le Soldat s'y tient rassemblé ;
( 1 ) A la naissance de Monseigneur le Dauphin,
il a payé les dettes d'un grand nombre de Prisonniers
, qui ont été mis en liberté.
( 2 ) Il a fait construire deux grands Corps de
Cazernes , qui forment avec leurs Pavillons , une
Place magnifique.
Par
5
OCTOBRE . 1732.
2103
Par tes soins la foible innocence ,
N'est plus en proye à la licence ;
Notre sommeil n'est plus troublé.
Mais de quelle affreuse misere ,
L'humble Artisan est délivré !
Il est maître de son salaire ,
Du Soldat jadis ( 1 ) dévoré ;
Tranquille , à couvert des insultes ;
De cet Hôte , ami des tumultes ,
Il benit l'auteur de son sort ;
Et dans un sort si favorable ,
Il baise la main secourable
Qui l'a fait entrer dans le Port.
C'est pour consacrer la mémoire
De tant de celebres bienfaits ,
Qu'au Ciel nous élevons ta gloire ,
Qui ne s'effacera jamais ;
Parmi des accords magnifiques ,
On n'entend que sacrez Cantiques
Dans les Temples du Dieu jaloux ,
Là , nos coeurs , d'une sainte audace ,
Lui demandent
pour toute grace
Que tu vives cent ans pour nous.
( 1 ) Avant qu'il y eut des Cazernes , on fourpissoit
aux Soldats le logement , le lit , le bois , la
chandelle et toutes les ustancilles du ménage.
A iiij Dans
2104 MERCURE DE FRANCE
>
Dans ce jour de réjouissance
Qui ne s'empresse avec ardeur
A marquer la reconnoissance
Qui le pénétre jusqu'au coeur
On ne voit que Tables riantes ,
Que Feux dont les flammes brillantes ,
Font de la nuit un nouveau jour.
Mais tous nos efforts pour te plaire ,
Ne sont qu'une image légere
Des sentimens de notre amour.
O toy , dont le ferme courage ,
A travers les Ondes du Rhin ,
Se fit un glorieux passage ,
Qui nous mit les Palmes ( 1 ) en main ;
Que dis- tu des travaux illustres
lustres ,
Qui sans cesse depuis sept
Occupent ton sage héritier ?
Digne fils d'un si noble Pere ,
De la vertu la plus austere ,
Il suit le pénible sentier.
Que dis- tu quand tu consideres
Ce prodige d'humilité
Y
( 1 ) En 1672. son pere Armand du Cambout ;
Duc de Coislin, Pair de France , et Lieutenant General
des Armées du Roy , se signala avec éclat an
fameux passage du Rhin.
Se
OCTOBRE. 1732
2105
Se plaindre des respects sinceres ,
Que nous rendons à sa bonté ? ,
Dans sa contenance modeste ,
Eclate une vertu celeste ,
En qui nous mettons notre appui
Quel témoignage plus fidele
Qu'un jour il sera le modele ,
De ceux qui viendront après lui ?
****:***XX:XXXXXX *
REMARQUES sur la nouvelle publica--
tion de l'Inscription qu'on voyoit cy devant
auPortail defainte Croix d'Orleans ,
adressées aux Auteurs du Mercure.
A
Yant appris, Messieurs , de ceux qui
ont vû le Mercure de Juin avant
moi , qu'il contenoit l'explication d'une
Inscription , trouvée à Orleans , je me
fuis d'abord perfuadé qu'il s'agissoit de
quelque Inscription du premier ou duscond
siécle , depuis Jesus - Christ , sembla
ble à quelques - unes de celles qu'on a
trouvées l'année derniere à Lyon , proche
S. Irénée , suivant les Mémoires de Tre-
Voux , Octobre 1731. et qu'elle pourroit
servir à prouver que le lieu où est cette
Ville , a été habité par les Romains en
qualité de Colonie , avant le Regne de
A v Em
2106 MERCURE DE FRANCE
(
l'Empereur Aurelien. Mais j'ai été bien
surpris de trouver à l'ouverture de ce
Journal , qu'il n'est question que d'une
Inscription des bas siecles , une Inscription
Ecclesiastique . Comme cependant je
me ressouviens de l'avoir vûë en 1706. à
sa premiere place , et que depuis on m'en
a fait voir les Pieces détachées , dans le
Trésor litteraire , ou dans les Archives
du Chapitre ; j'ai relû avec plaisir et tout
de suite dans votre Journal, ce que je n'avois
vû que confusément l'an 1727.
>
L'explication qu'en a donné M. Polluche,
m'a aussi paruë très - bonne, et je n'ai
rien qui puisse la contredire . Mais j'aurois
souhaité qu'il se fut dispensé d'y avancer
trois choses , qui ne sont pas exactement
véritables . La premiere est , lorsqu'il
assure qu'avant lui personne n'a fait
encore graver cette Inscription telle qu'elle
est ; c'est - à- dire , avec les mêmes caracteres
dans lesquelles elle est formée. Il est
certain qu'elle se trouve dans le dernier
Tome des Annales Benedictines de Dom
Mabillon , et que même elle y est mieux
gravée que dans le Mercure, où je trouve
les Lettres u n peu moins droites que dans
l'Inscription,que j'ai vûë deux fois sur les
lieux. En second lieu , j'aurois souhaité
que M. P. n'eut pas fait semblant d'ignorer
OCTOBR E. 17320 2107
rer qu'outre les neuf Auteurs , où il dit
avoir lû cette Inscription , il y en a un
dixième , sans compter le P. Mabillon , du.
quel je viens de parler . Ce dixiéme Ecris
vain est le fieur de Moleon , dans son
Voyage Liturgique , imprimé à Paris , l'an
1718. Il sera d'autant moins reçu à dire
qu'il n'a pas eu connoissance de ce Livre,
que c'est un Ouvrage composé à Orleans.
dans le siecle présent , et dont l'Auteur
n'a pû être inconnu à un homme de Lettres
comme lui. J'avoue que le titre de ce
Livre a pû ne pas lui remettre à l'esprit
qu'on dût y trouver une telle Inscriptions
mais il pouvoit faire attention qu'un homme
qui voyage pour d'écrire la variété
des Liturgies , n'a dû rien oublier de ce
qui regarde de loin ou de près, en ce gen
re de science , l'Eglise de la Ville où il faisoit
sa résidence. C'est pour cela que l'ar
ticle d'Orleans y est traité d'une maniére
très étendue , aussi bien que celui de
Rouen , où cet 'Ecrivain avoit pris naissance.
Je ne sçai si à ces traits vous ne reconnoissez
pas M. le Brunt surnommé :
Desmarettes , qui s'est caché quelquefois
sous le nom de Moléon , et duquel on a
plusieurs Ouvrages sur des sujets plus in
teressans.
- -
L'Inscription d'Orleans n'est point, au
A vj
Leste
2108 MERCURE DE FRANCE
reste, une matiere étrangere à la Liturgie,
puisque les affranchissemens se sont faits
dans les Eglises pendant plusieurs siècles ,
et que quelques uns prétendent même que
certaines expressions de la Préface de la
Dédicace , contenue dans nos Missels ,
font allusion à cet usage de la manumission
( a ). Mais pourquoi n'y a - t- il eu que
le feul affranchissement de Letbert qui ait
été gravé sur la Pierre, à l'entrée de l'Egli
se d'Orleans ? C'étoit ce qu'il falloit dire ,
N'y avoit-il pas , en effet, d'autre voye de
le rendre public que celle- là ? Les autres
affranchiffemens qui ont pû être fait , ne
méritoient - ils pas également d'être connus
de la Posterité ? S'il y a eu à l'égard
de celui là quelques raisons de préférence,
c'est ce qui méritoit d'être remarqué. En
troisiéme lieu, est - il exactement vrai
que
les Serfs n'ont subsisté en France que jusqu'à
la moitié du treiziéme siécle? J'ai vû
plusieurs affranchissemens de Villages entiers
faits bien plus tard , et jusques dans
le quatorziéme. Je connois même un Village
de Bourgogne , qui ne passe pas de
( a ) Hinc pietas absoluta redeat. ( Absoluta , on
souséntend , selon eux , à vinculo servitutis . ) On
a lû par tout constamment redeat , et non pas
credat , comme font de nos jours les esclaves des
mauvais usages ou des fautes d'impression.....
nos
OCTOBRE. 1732 2103
nos jours pour être entierement affranchi
. On dit que la coûtume est encoreen
certains Chapitres, que lorsqu'un Chanoine
se fait recevoir , il jure entr'autres
choses qu'il n'est pas de condition servile .
J'avoue que cela insinue seulement , que
lorsque la formule fut redigée il y avoit
encore de ces sortes de Serfs : mais une
preuve que la servitude n'a pas été si universellement
éteinte au * treizième siècle,
que M. P. l'avance , est que l'an 1421. un
Ecclésiastique qui s'étoit fait recevoir à
une Prébende de notre Eglise , fut fort
inquieté, parce qu'on reconnut qu'il étoit
né Serfdu Chapitre de Troyes , étant ve
nu au monde dans le Village de S. Georges
de Valene. Il falloit , en effet , qu'un
Serf obtint de ses Seigneurs la permission
avant que de se faire tonsurer , et ces permissions
étoient enregistrées.
Enfin , je ne comprends pas bien ce que
veut dire le Publicateur de l'Inscription ,
lorsqu'en finissant il écrit que les Lettres
de Philippe Auguste du mois de Septembre
1204. servirent en 1224. à l'affranchissement
des Fiefs de la Terre de Mes--
nil Girault , près d'Etampes , et que ces.
Lettres furent confirmées par le Roi
L'Imprimeur a fait dire à M. P. troisiéme
giecle au lieu de treixiéme.
Louis
215 MERCURE DE FRANCE
Louis VIII, au mois de Février- On trouve
dans deux Recüeils différens les Lettres
de Louis VIII . elles sont du mois de
Janvier 1224. et loin de supposer cette
manumission faite , elles sont au contraite
pour permettre d'y proceder ; ensorte
que cet affranchissement ne fut fait qu'au
mois de Février. Le Sçavant d'Orleans
pouvoit consulter là - dessus le Glossaire
de M. Du Cange au mot Manumissio
page 416. Il y auroit vû ces Lettres Pa
tentes aussi bien que dans le premier volume
du Trésor des Anecdotes de Dom
Martenne , p . 914. Toute la différence de
ces deux Editions consiste en ce que dans
la premiere, tirée d'une copie manuscritę
de M. de Peiresc , la permission du Roi
Louis est donnée à Sens , et paroît plus
éxacte , au lieu que la seconde , tirée des
Annales manuscrites de Grammont , nẹ
marque point le lieu où cette permission
fut expediée.
Je ne sçai pas en détail en quoi consistoient
les formalitez de la manumission
d'un Serf,lorsqu'elle se faisoit more Ecclesiastico.
On voit au même volume du Pere
Martenne , p. 183. celle que fit le Roi
Henri étant à Tours , l'an io56 . à la priere
d'un Ecclésiastique de la petite Ville
de Sainte Maure. L'Acte qui est fort
court
OCTOBRE. 1732. 2111
"
court , marque que le nommé Ainard s'étant
présenté devant le Roi avec un denier
sur la paume de la main , ce Prince
fit sauter à terre cette pièce , cela s'appelloit
affranchir more Regio. M. Du Cange
qui rapporte plusieurs exemples de manumission
n'a pas connu celui - là . L'effet
de la cérémonie est exprimé au même endroit.
On y lit ces mots : Ut pateant ei
ut libero via quadrati orbis . Je suis sûr ,
Messieurs , que vous n'avez guéres vâ
l'Epith te quadratus donnée à la machine.
du monde. Si le monde est rond comme
un globe , et quarré en même- tems , voilà
tout d'un coup la quadrature du cercle
qu'on se fatigue tant à chercher . Pasquier
s'est diverti à la faire remarquer
dans un bonnet de forme quarrée , qui
coëffe une tête ronde . Si par quadratus or
bis on doit entendre les quatre parties.
du monde on peut demander s'il est
donc vrai que celle qu'on appelle l'Amérique
fut dès- lors connue. Mais je finis
car je m'appe çois qu'insensiblement je
m'éloigne du sujet qui ma engagé à vous
écrire . Je suis , & c.
>
A Auxerre , ce is.
15.
Juillet 1732.
>
LE
2112 MERCURE DE FRANCE
LE PROGRE'S
DE LA TRAGEDIE ,
V
Sous le Regne de Louis le Grand.
O D E.
Oiś- tu , divine Melpomene
Cette foule de Spectateurs ?
C'est toi qui venant sur la Scene
En fais autant d'admirateurs :
Pleins d'un trouble qui les enchante
Saisis d'une terreur charmante ,
Touchés de tes tristes soupirs ;
Leurs coeurs partagent tes allarmes ;
Et verser avec toi des larmes
Est le plus doux de leurs plaisirs.-
>
Rappelle ces jours pleins de gloire ,
Où le plus grand de tous nos Rois ,
Suivi par tout de la victoire
Faisoit par tout suivre ses loix ;
Où seul , de l'Europe étonnée ,
Dissipant la Ligue effrennée 2
Vaing
OCTOBRE . 1732. 211
Vainqueur de cent Peuples divers ,
LOUIS faisoit par sa prudence ,
Et les délices de la France ,
Et la terreur de l'Univers.
O qu'avant ce Régne héroïque ,
Tu brillois peu dans nos Etats ?
Envain sur la Scene Tragique ,
Eut -on cherché de vrais appas.
Quel amas de pointes frivoles !
Quel cahos de gaines paroles !
Que de sang versé quelle horreur !
Fades Sujets , Heros vulgaires ,
Sans art , sans choix , sans caractere ,
Que dis- je , souvent sans pudeur.
Mais Ciel ! est ce erreur ou miracle &
La Scene change ; ô doux momens !
Je vois à ce grossier spectacle
Succeder mille enchantemens.
Déja les passions émûës
Les sources du beau reconnuës ,
Tout frappe mes yeux éblouis.
Fuyez loin , ignorance vaine ,
Triomphez, raison souveraine ,
C'est le siécle du Grand Lo U I S.
Siécle
2114 MERCURE
DE FRANCE
Siécle heureux , où les doctes Fées
Admirant ses nobles travaux ,
Dressent chaque jour des Trophées ,
A la vertu de ce Heros.
Où sur ses Conquêtes rapides ,
Nos Sophocles nos Euripides ,
Forment leurs plus pompeux Concerts ,
Plus animés dans leurs ouvrages ,
Par l'espoir d'avoir ses suffrages ,
Que par le feu du Dieu des Vers.
Oui , grand Roi , de leurs doctes veilles;
Tu fus toujours l'objet flateur ;
Les Racines et les Corneilles ,
A ta gloire doivent la leur..
Jamais leur Muse dramatique
Ne nous eut du vrai pathetique ,
Fait sentir toutes les beautés ,
Si dans leurs immortelles rimes ,
On n'eut vù tes vertus sublimes ,
Briller sous des noms empruntés,
Et toi jadis deshonorée ,
Dans plus d'un spectacle indécent ,
Goute enfin, Probité sacrée ,
Le plaisir le plus ravissant
Voi l'utile joint à l'aimable ,
Le merveilleux au vraisemblable ,
Le
OCTOBRE . 1732. 2115
Le simple et le grand tour à tour
Voi même , ô merveille étonnante
Voi la sagesse triomphante ,
Eclater jusques dans l'Amour.
Louerai- je ici cette élegance
Qui brille dans l'expression è
Décrirai -je la véhemence
Qui régne dans la passion ?
Rappellerai -je ces figures >
Ces beaux traits , ces vives peintures
Qui charment si bien mes ennuis
Toujours sûr de m'y reconnoître
Peint tantôt tel que je dois être ,
Et tantôt peint tel que je suis ,
[ Ah ! que dans mon ame attendrie ,
J'éprouve un doux ravissement !
Polieucte , Esther , Athalie ,
Que vous m'instruisés noblement !
Que je t'adinire vieil Horace !
Cinna , que je plains ta disgrace !
Que ta candeur me plaît , Burrhus !
Ainsi , par un sage artifice ,
Ou fut le Théatre du vice
S'ouvre l'Ecole des vertus.
2.
Poursui,
2116 MERCURE DE FRANCE
Poursui , trop aimable Déesse ,
Et pour avancer tes progrès ,
Hâte-toi de former sans cesse
Sur Louis les plus beaux Portraits.
Quel vaste champ , quelle abondance !
Un Prince , l'amour de la France ,
L'Arbitre et la gloire des Rois ,
Aussi cher par la paix qu'il donne ,
Que celui dont il tient le Trône ,
Fut redouté par ses exploits..
Quod si me lyricis , &c. Hor..
PRIERE POUR LE ROI.
S Eigneur , écoutez nos prieres
Voulez - vous nous combler de vos dons les plus
beaux ?
Daignés sur ce jeune Heros ,
Verser vos faveurs les plus cheres !'
Dans des Princes digne de lui ,
Il se voit déja reproduire :
Poursuivés , ô mon Dieu ! soyez toujours
l'appui ,
Et du Monarque et de l'Empire ,
Nous ne demandons pas qu'au gré de sa valeur
,
Un jour de ses hauts faits il remplisse le monde ;
Qu'il
OCTOBRE. 1732 2117
Qu'il vive seulement ; sa sagesse profonde
Nous répond de sa gloire et de notre bon
heur.
?
Par M. l'Abbé Portes Chanoine du
Chapitre Royal de S. Louis , à la Fere.
SUITE du Voyage de Basse - Normandie ,
par M. D. L. R.
*
IX. LETTRE,
Lséjourner à Caen , énoncées dans mes
Es raisons que j'avois , Monsieur , de
dernieres Lettres , subsistoient toujours:
elles m'engagerent de profiter de cette
occasion pour aller voir la Ville de
Bayeux , et l'Abbaye de Cerisy , l'une
des plus considérables de ce Diocèse . Le
même Docteur en Médecinè , homme
comme je vous ai dit , d'érudition , et
d'un agréable commerce ,
voulut encore
m'accompagner dans cette course. Nous
partîmes de Caën d'assez bon matin , et
comme Bayeux n'en est éloigné que de
six licuës , nous y arrivâmes avant l'heu-
* Ces Lettres sont dans le Mercure de Juin 1730 .
vol.11 . et dans le Mercure d'Avril 1732.
re
2118 MERCURE DE FRANCE
re de dîner. Nous allâmes d'abord à la
Cathedrale , où après avoir entendu la-
Messe , nous fumes abordez fort gracieusement
par M. l'Abbé de... Chanoine de
la connoissance du Médecin , qui nous
fit voir tout ce qu'il y a de remarquable
dans cette Eglise dédiée à la Vierge , et
nous instruisit de tout ce que des Voyageurs
de notre espéce étoient bien aises
de ne pas ignorer. Le Bâtiment est un
Vaisseau assez spacieux , d'une Architecture
gothique , mais bien éxécutée L'Autel
principal , placé au fond du Choeur ,
est d'une simplicité noble et édifiante.
Le Choeur est seulement orné d'une Tapisserie
qui représente la vie de la sainte
Vierge , à qui l'Eglise est dédiée , et les
Mysteres qui y ont du rapport. Leon Conseil
, Chancelier de cette Eglise , en fit
faire les desseins , qui furent assez bien éxécutez
, et lui en fit présent.
Une autre Tapisserie d'une fabrique
bien différente , régne autour de la Nef.
Elle n'a pas plus de deux pieds et demi
de hauteur ; c'est cependant un ornement
instructif et des plus curieux qu'on
puisse trouver en ce genre. On y trouve
toute l'Histoire du fameux Guillaume II.
Duc de Normandie , par rapport à sa
Conquête du Royaume d'Angleterre , et
on
OCTOBRE . 1732. 2119
on peut dire
que pour le tems auquel
cet ouvrage
a été fait , il n'y a presque
rien à désirer
pour les Figures
, qu'un
peu plus de correction
de dessein
. Tous
les fonds
restent
à remplir
, ce qui fait pré- sumer
que le projet
étoit de faire ces fonds
en or ou en argent
mais
il ne manque
rien aux personnages
, et aux Fi- gures , qui composent
ensemble
un Mo- nument
respectable
et instructif
. Tout le monde
veut que la Princesse
Mathilde fille de Baudouin
, Comte
de Flandres Niéce
du Roi Robert
et de la Reine Constance
, Epouse
du Duc Guillaume
fit faire cette Tapisserie
pour immortali- ser ses Exploits
. Apparemment
cette Princesse
ne vêcut
pas assez pour faire achever
entierement
l'ouvrage
. M. Fou- cault , qui en connoissoit
le mérite
, en
avoit
fait dessiner
quelques
morceaux
qu'on
a vûs à Paris dans sa Bibliotheque
.
Depuis mon Voyage de Normandie , et après
la mort de M. Foucault , ce qu'il en avoit fait copier
est heureusement tombé entre les mains de
M. Lancelot , qui a composé là - dessus un très-beau .
Discours qu'il a lû à l'Académie , dont il en est un
très-digne Membre ; et le R. P. de Montfaucon a
fait graver le même Monument dont il donne aussi
l'explication dans les premiers Volumes de ses
Monumens de la Monarchie.
Nous
2120 MERCURE DE FRANCE
2 que
Nous passâmes dans la Sacristie , où
nous vîmes le Trésor , et beaucoup de riches
Ornemens : nous y vîmes le petit
Coffre d'yvoire , de fabrique Moresque
qui renferme la Chasuble de S. Renobert,
second Evêque de Bayeux , fermé d'une
espéce de serrure d'argent , sur laquelle
est gravée une Inscription Arabe. J'ai
parlé,comme vous le sçavez , de ce Coffre
et de l'Inscription avant de les
avoir vûs , dans une de mes Lettres écrite
à M. Rigord , qui est imprimée dans
les Mémoires de Trévoux du mois d'Octobre
1714. vous sçavez , dis je ,
sieur , par cette Lettre , que l'Inscription
éxactement copiée et apportée à M. Petist
de la Croix , Interpréte du Roi , chez qui
j'étois alors , se trouva être une Sentence
Mahometane , dont le sens est tel . Au
NOM DE DIEU. Quelque honneur que nousrendions
à Dieu , nous ne pouvons pas l'honorer
autant qu'il le mérite ; mais nous l'honorons
par son Saint Nom.
Mon-
Je dis à cette occasion dans ma Lettre
que tout se peut concilier par le moyen
de l'Histoire et de la raison , mais que je
n'entreprenois pas de démêler comment ,
par qui , et en quel tems , deux choses
aussi opposées , que le sont la Relique
de S. Kenobert et le Coffret à Inscription
OCTOBRE.
1732 2121
tion
Mahometane , ont pû se
rencontrer
ensemble dans le lieu où elles sont
aujourd'hui.
Le R. P.
Tournemine , qui dirigeoit
alors le
Journal de
Trévoux , proposa
là - dessus une
conjecture qui paroît
plausible , et qu'il fit
imprimer à la fin de
ma Lettre dans le même
Journal.
» On sçait , dit- il , que Charles Martel
»
vainquit les
Sarrazins proche de Tours ,
leur Camp fut pillé , la Cassete marquée
de
l'Inscription Arabe aura été
» prise en cette occasion , et la Reine
»
Ermantrude, Epouse de Charles le Chauve
, à qui cette Cassete venoit de la suċcession
de son
Trisayeul , l'ayant euë de
» son mari , la
consacra à
renfermer les
»Reliques de S.
Renobert , qui avoit guéri
le Roi son époux . Cette guérison et
la
magnifique
reconnoissance
d'Ermantrude
, sont
marquées dans les Historiens.
Cette Cassete étoit
apparemment
» celle du Prince Sarrazin
Abdarrha-
> man.
Quoiqu'il en soit , deux
Auteurs nouveaux
, sçavoir Dom
Beaunier , Benedictin
, et M.
Piganiol de la Force , ont profité
de ce que j'avois appris au public làdessus
dès l'année 1714. l'un dans son
Recueil
Historique, & c. des
Archevêchez e
Evêchez de France , &c. Tom. II . p. 714.
B publié
2122 MERCURE DE FRANCE
publié en 1726. et l'autre dans son nou
veau Voyage de France , pag. 582. qui a
paru presque en même tems. Ils ont trouvé
à propos l'un et l'autre de s'en faire
honneur , et de ne pas déclarer où ils ont
pris cette découverte , ce qui n'arrive jamais
aux véritables Sçavans.
Le Chapitre de 1Eglise de Bayeux est
un des plus considérables qu'il y ait en
France il est composé de douze Digni
tez , dont la premiere est celle de Doyen ,
et de cinquante Chanoines. Cette Eglise
reconnoît pour son premier Evêque saint
Exupere , vers la fin du deuxième, * siecle
: pour second , S. Renobert , auquel
plusieurs autres saints Evêques ont succedé.
Elle a eu aussi des Cardinaux et des
Prélats très - distinguez par leur naissance ,
par leur doctrine et par leur pieté.. Les
Cardinaux sont Renaud , ou René de
Prie , Augustin Trivulce , Arnaud Dossat
, Charles d'Humieres .
Au sortir de l'Eglise nous allâmes voir
le Subdelegué de M. l'Intendant , qui
* C'est la Chronologie d'un Historien Moderne
laquelle est rejettée par les meilleurs Critiques.
5. Renobert , second Evêque de Bayeux , assista
en 1630. à un Concile de Rheims , et par conséquent,
&c.
nous
OCTOBRE. 1732.
nous retint à dîner, et nous engagea , puis-
2723
que nous
devions
coucher à Bayeux , d'aller
l'après dîner nous
promener à S. Vigor
, qui n'en est éloigné que d'un bon
quart de lieuë. Le Chanoine
dont j'ai
parlé se joignit à nous , et j'appris encore
bien des choses dans cette
promenade.
S. Vigor ,
surnommé le Grand , pour
le
distinguer de plusieurs
Paroisses de même
nom,dans le même pays , est un Prieuré
de
Benedictins de la
Congrégation de
S. Maur ; le lieu est fort élevé , ensorte
qu'il y a beaucoup à monter pour y arriver
; mais il est très-agréable , et on découvre
de- là une grande étendue de
Il est en même tems fort
renommé par pays.'
la dévotion des Peuples envers le Saint
de ce nom , qui a été l'un des
premiers
Evêques de Bayeux , et par la cérémonie
qui s'y fait à chaque
changement d'Evêque
, lorsque le Prélat fait pour la premiere
fois son Entrée
publique dans la
Ville , et prend
possession de son Eglise.
a
On ne voit rien à S. Vigor qui mérite
une
attention
singuliere.
L'Eglise du
Prieuré paroît bâtie sur une autre plus
ancienne et ce qu'il y de
nouveau
n'est pas achevé. Celle de la Paroisse est
très- moderne et fort propre. Les Bene-
Bij dic
,
2124 MERCURE DE FRANCE
dictins de S. Maur , qui sont là en assez
petit nombre , ont bien réparé le Monastere
, et ils édifient par leur éxacte régularité.
Nous fûmes très- contens de leur
réception . Je trouvai dans leur petite
Bibliotheque , où sont aussi quelques titres
, et les papiers de la Maison , une
Copie du Procès Verbal de la cérémonie
dont je viens de parler , telle qu'elle se
passa , lorsque François de Nesmond fit
sa premiere entrée dans la Ville de Bayeux.
Un Religieux âgé de près de 9o . ans ,, qui
ayoit assisté à cette cérémonie , me don-"
na l'Extrait qu'il avoit fait de ce Procès
Verbal , qui me parut curieux , et sur le
quel j'ai fait le petit narré que vous ne serez
pas fâché de trouver ici.
M. l'Evêque ayant fixé le jour de son
Entrée solemnelle dans la Ville de Bayeux
au 15 Mai 1662. Il se rendit , selon la
coûtume , le matin du jour précédent à la
Chapelle de Notre Dame de la Délivrande.
M. Buhot de Cartigny , Docteur de
Sorbonne , Directeur de cette Chapelle
le reçût à la Porte , revêtu d'une Chape
assisté des Prêtres qui la desservent , et le
harangua, L'Evêque étant entré , et s'étant
mis à genoux sur un Prie- Dieu , le
même Chanoine lui présenta la Croix à
baiser. Après avoir fait sa priere , il célébra
OCTOBRE . 1732. 2125
6
bra la Messe , il se rendit ensuite à saing
Vigor, monté sur une Haquenéé blanche
pour y passer le reste du jour , et coucher
dans le Monastere .
Le Prélat fut conduit-une partie du chemin
les Vassaux et les Habitans sous
par
les armes de la Baronie de Douvres. Il
rencontra à deux ou trois lieues de Saint
Vigor les Députez du Chapitre deBayeux,
quatre Dignitez , et quatre Chanoines
qui le complimenterent. La Noblesse
vint aussi en grand nombre le saluer , le
Marquis de Colombieres , quoique de la
Religion P. R. portant la parole , ce
Marquis et les principaux de la Noblesse
l'accompagnerent jusqu'au Prieuré.
M. de Choisy , Seigneur du Fief de
Beaumont , qui releve de l'Evêché , se
trouva à la descente , et tint l'étrier , suivant
l'obligation de son Fief ; le Prélat
étant descendu , le Gentilhomme se saisit
de la Haquenée , qu'il envoya , montée
par un autre Gentilhomme,à son Ecurie ,
selon le droit du même Fief.
L'Evêque se mit tout de suite sous un
Dais porté par quatre Religieux ; et prenant
le chemin de l'Eglise , il fût reçû à
l'entrée du Cimetiere de la Paroisse par
le Prieur des Benedictins . Quand il fût arrivé
à l'Eglise du Prieuré , on chanta le
B iij Te
2126 MERCURE DE FRANCE
1
Te Deum , et ensuite il fut conduit à sor
Appartement parles principaux de la Ng
blesse , & c. A l'heure du souper on lu
servit en maigre un Repas fort frugal
suivant le Cérémonial.
Le lendemain de grand matin , tout I
Clergé Séculier et Régulier de la Vill
s'étant assemblé au son des grosses Clo
ches dans l'Eglise Cathedrale , il se form
une Procession , dont le Corps du Cha
pitre faisoit la queue , laquelle se rendi
au Prieuré de S. Vigor. Le Doyen et le
principaux du Chapitre monterent à
l'appartement du Prélat , qu'ils trouve.
rent en prieres. Après de profondes révé
rences , le Doyen le conduisit dans un
Chapelle de l'Eglise , où le Sacristain lu
ôta ses souliers et ses bas , et lui mit ur
espéce de sandales fort minces. On le r
vêtit en même-tems d'une Chappe blan
che , et on lui mit une Mitre toute sir
ple. Il alla ainsi se placer dans une ancie
ne Chaire de marbre, couverte d'un Dai
qui est près le grand Autel , où M.
Franqueville de Longaulnay le harai. ;
en présence du Clergé. L'Evêque se le
immédiatement après , et partit de S. Y
gor pour se rendre à Bayeux en
ordre.
Il étoit placé entre Mrs de Chois
Bai
OCTOBRE . 1732. 2127
le Baron deBeaumont , et le Baron de Bosqbrunville
, représentant le Seigneur d'E
trehan , soutenant l'un et l'autre les bouts
de sa Chappe , dont deux Aumoniers portoient
la queue . Derriere étoit un Gentilhomme
armé de toutes piéces à l'antique,'
portant une Hallebarde sur l'épaule , seÎon
le devoir de son Fief, et un autre
Vassal marchoit immédiatement devant
le Prélat , semant de la paille depuis saint
Vigor jusqu'à la Porte de l'Eglise de
S. Sauveur de Bayeux. Les Compagnies
Bourgeoises qui étoient sous les armes ,
formerent cependant une double haye
depuis le Monastere des Capucins jusqu'à
l'Eglise Cathedrale.
L'Evêque entra , suivant la coûtume ,
dans l'Eglise de S. Sauveur , on lui lava
les mains et les pieds . Le Bassin et l'Aiguiere
d'argent appartiennent au Curé
de cette Eglise ; mais le Curé étant alors
en * Déport , ils furent donnez au Chapitre.
Après avoir pris des Habits pontificaux
, plus riches que les précedens , il
$ rendit à la Porte de l'Eglise Cathedra
qu'il trouva fermée , et qui fût ou-
* Déport est le nom qu'on donne au droit qu'ont
les Evêques de Normandie , de joüir des revenus des
Cures de leurs Diocèses la premiere année de la vacance
de chacun de ces Benefices.
B iiij verte
2128 MERCURE DE FRANCE
1
verte un moment après par quatre Chanoines
.
Le Prélat se mit à genoux , à l'entrée ,
sur un Carreau de velours violet ; et après
avoir fait la priete , il fit le serment accoutumé.
On le conduisit tout de suite
au Choeur jusqu'à sa Chaire Episcopale ,
et après qu'on eut chanté solemnellement
le Te Deum , il entra dans la Sacristie ,
il prit les plus magnifiques ornemens. Il
celebra la Messe pontificalement , assisté
de quatre Diacres , et de quatre Soudiacres.

La Messe étant finie , l'Evêque fut conduit
en son Palais par le Chapitre , qu'il
retint à dîner , ainsi que les Barons , et
plusieurs autres personnes de condition
qui s'étoient trouvez à la cérémonie. Le
même jour il reçut les complimens de
tous les Corps de la Ville. Il reçut même
celui du Ministre de la Religion P.R.qui
fut éloquent , respectueux , et fort applaudi.
* La même ceremonie icy décrite , a été renouvellée
depuis peu à la prise de possession de M. de
Luynes , actuellement Evêque de Bayeux ; et il en
a paru une Relation en forme de Lettre , addressée
par le Chevalier de S. Jory , à Madame la Duchesse
de Chevreuse, imprimée à Caen. Cette Relation oùs
il ne falloit que de la simplicité et de l'exactitude ,
est si pleine d'emphase et de choses déplacées , &e,
qu'on peut dire qu'elle n'a contenté personne.
OCTOBRE . 1732. 2129
Nous rentrâmes de fort bonne heure
dans la Ville , ce qui me donna lieu de retourner
à l'Eglise Cathedrale, pour voir la
Bibliotheque et le Chartrier du Chapitre ;
c'est presque la même chose . Quoique cette
Bibliotheque , comme la plupart de
celles des autres Chapitres , Abbayes et
Monasteres ait souffert beaucoup de diminution
par la vicissitude et par les malheurs
des temps , on y trouve encore de
bons Manuscrits , qui regardent non- seu
lement l'Eglise , et le Diocèse de Bayeux,
mais qui pourroient encore beaucoup servir
pour 'Histoire generale de la Province
, même pour l'Histoire d'Angleterre ;
à cause de la part qu'ont eû quelques Evêques
de Bayeux aux affaires d'Etat des
Ducs de Normandie , devenus Rois de la
Grande Bretagne . On tireroit sur tout
beaucoup de lumieres des Ecrits d'Eusebe
l'Angevin , docte Chanoine de Bayeux ;
qui sont dans ce Chartrier.
On y apprend que l'Evêque deBayeux a
droit de sacrer le Métropolitain , Primat
de Normandie , en qualité de Doyen des
Evêques de la Province,et que cette qualité
de Doyen lui fut confirmée dans un
Synode de la même Province, tenu à Caën
en 1061. en présence du Duc Guillaume ,
à cause de l'ancienneté de son Eglise , an-
B v te
2130 MERCURE DE FRANCE
.
térieure même à celle de Rouen , et à toutes
les autres Eglises de la Normandie.
Les Evêques y sont nommez en
cer ordre : Bayeux , Avranches , Evreux
Séez , Lisieux , Coûtances ; ce qui se trouve
ainsi établi dans tous les Conciles Provinciaux
, jusqu'au différend survenu entre
Louis du Moulinet , Evêque de Séez
et Bernardin de S. François , Evêque de
Bayeux.
anco.com-
,
Le premier prétendoit la préséanc
me plus ancien Evêque dans le Concile
Provincial tņu à Rouen en 1581 , où
pré -idoit le Cardinal Chales de Bourbon .
Le second la lui disputoir par la prééminence
don Siege , et par l'usage. On jugea
par provision en faveur de lEvêque
de Bayeux comme Doyen de la Provin
ce Ecclésiastique . Il est vrai que le Pape
Grégoire X II. consulté sur cetre contestation
, ordonna par son Rescrit de la même
année 1581. qu'on se regleroit à l'avenir
sur l'ancienn té de l'ordination ou
du Sacre des Evêques.
On trouve aussi dans ce même Lieu les
Ecrits historiques de Robert Cénalis ,
Chanoine de Bayeux , puis Evêque d'Avranches
, l'un des meilleurs Esprits de
son temps , et dont l'ouvrage sur l'Histoire
Topographyque de France est plein
de recherches curieuses. On
OCTOBRE. 1732. 21L
On apprend encore bien des choses.dans
un grand Cartulaire, nommé le Livre noir,
tout rempli de Titres et d'Actes autentiques.
C'est dans ce lieu qu'on est informé surement
du mérite distingué, de plusieurs
Personnages illustres du Chapitre de cette
Eglise , entr'autres , de Robert Vaice, ou
de Vace , Chanoine sous Philippe de Harcourt
, Auteur du Roman de Rou et des
Normans , écrit en Vers François , vers
l'an 1160. et dédié à Henry II. Roy d'Angleterre,
dans lequel on apprend bien des
faits historiques , & c.
,
De Roger du Hommet , Archidiacre de
Bayeux , élu Evêque de Dol en 1160. d'Arnoul
, Trésorier de la même Eglise , puis
Evêque de Lisieux , sçavant homme et
Auteur de plusieurs Ouvrages , mort en
1182. et enterré à S. Victor de Paris , où il
s'étoit retiré . De Pierre de Blois , Chanoine
, Précepteur , puis Sécretaire de Guillaume.
II. Roy de Sicile , ensuite Chancelier
de Richard , Archevêque de Cantorbery,
grand Homme d'Etat , et qui a beaucoup
écrit , mort vers l'année 1200.
D'Etienne , Chanoine de Gavrai , neveu
du Pape Innocent III . qui le fit Cardinal,
mort en 1254 .
D'Henry de Vezelai , Archidiacre , l'un
B vj des
2132 MERCURE DE FRANCE
/
des Exécuteurs du Testament de S.Louis,
puis l'un des Regens du Royaume , sous
Philippe le Hardy , enfin Chancelier de
France , mort vers l'année 1280.
De Raoul ou Radulphe de Harcourt ,
Chancelier de l'Eglise de Bayeux , Archidiacre
et Chanoine de Rouen , Chantre de
la Cathedrale d'Evreux , Archidiacre de
Coutance , puis premier Aumônier du
Comte de Valois , fils de Philippe le Hardi
, Conseiller d'Etat , &c. mort en 1301 .
Les Eclaircissemens Historiques , pris
dans cette Bibliotheque et dans les Archives
de l'Evêché , que nous visitâmes ensuite
, me fourniroient une ample matiere
de parler aussi de plusieurs Evêques de
Bayeux Illustres par la naissance , par la
doctrine ou par la piéré ; mais je dois me
souvenir que j'écris une Lettre et non pas.
une Hi toire. Je me contenterai de faire
icy mention de deux ou trois des plus distinguez
de ces Prélats.
Ŏdon ou Eudes , surnommé le Grand,
fils de Herluin ou Hellouin , Comte de
Conteville , et d'Arlete ,qui fut aimée par
Robert , Duc de Normandie , amour qui
donna naissance au fameux Duc Guillaume
, fut le trentiéme Evêque de Bayeux ,
en 1055. Il fit bâtir l'Eglise Cathedrale
et peindre dans la voute du Chanr , les
Ενέ
OCTOBRE. 1732. 2133
Evêques de Bayeux , réputez Saints. Il fit
faire aussi le grand Vitrage de la Nef,
peint suivant l'art de ce temps -là , qui s'est
perdu depuis , avec diverses représentations
instructives et convenables au Lieu.
Ce Prélat donna , par une Charte , en
108 2. le Prieuré de S. Vigor , dont nous
avons parlé , à Gerenton , Abbé de saint
Benigne de Dijon , qui lui avoit rendu
favorable le Pape Urbain II. et choisit
pour sa sépulture , et pour celle de ses
Successeurs et de son Clergé , l'Eglise de
S. Vigor. Ce qui fut confirmé par une
Bulle de l'année 1096.
Le même Evêque a joué un grand rôle
en Angleterre unie à la Normandie sous
un même Prince , dès l'année 1065. Il en
fut le Viceroy ; mais l'Histoire remarque
que son Gouvernement fut dur , et qu'il
usurpa souvent l'autorité souveraine ; ce
qui lui causa bien des disgraces.
Il partit enfin pour la Terre- Sainte avec
le Duc Robert son neveu ; ce voyage lui
fut fatal , car étant arrivé en Sicile , il tomba
malade , et mourut à Palerme en l'année
1097. Gilbert , Evêque d'Evreux, prit
soin de ses Obseques , le fit inhumer dans
la Cathedrale , et Roger , Comte de Sicile
, honora son Tombeau d'une Epitaphe.
Ce Prélat régit l'Eglise de Bayeux pendant
2134 MERCURE DE FRANCE "
dant so années. Il assista à 7 Conciles ou
Assemblées de la Province.
Philippe de Harcourt , 35 Evêque , est
celui qui après Odon , a fait le plus de
bien à l'Eglise de Bayeux . Il étoit Fils de
Robert , Sire de Hircourt , premier du
nom , et Frere de Guillaume Richard
Chevalier du Temple , qui en l'année
1150. fonda la Commanderie 1150 de S. Etien- .
ne de Renneville , au Diocèse d'Evreux ,
dont j'ai parlé dans ma premiere Lettre ,
et où , comme je l'ai dit, on voit le Tombeau
du Fondateur.
*
Ce Prélat fut d'abord Archidiac re d'Evreux
; puis étant Evêque , il fonda l'Abbaye
du Val- Richer , Ordre de Citeaux
et fit rebâtir en 1159. l'Eglise Cathédrale
, où l'on voit son Tombeau , d'un Mar◄
bre grisatre. Sa mort arriva en l'année
1163 .
Pierre de Benais , Doyen , puis 42º Evêque
de Bayeux , tint un Concile Diocésain
, pour le rétablissement de la Disclpline
, dans lequel furent faits 113 Statuts
, qui sont insérez dans la Collection
des PP. Labbe et Cossart de l'année 1671.
et fort louez par le Sçavant P. Sirmond
qui les a aussi donnez dans son Recueil
* Cette Lettre est dans le Mercure de Decembre
1726. vol. 1. pag. 2696,
des
4
OCTOBRE . 1732. 2135
'des Conciles de France . Ce Prélat mourut
en 1306. six ans après la publication de ces
Statuts , dont il y a un beau Manuscrit
dans la Biblioteque de S. Victor de Paris.
C'est le même qui fonda le Collège de
Bayeux à Paris , qui subsiste encore dans
la rue de la Harpe .
que
A son imitation François Servien , Evêde
Bayeux , publia long-temps après
des Ordonnances Synodales , qui furent
imprimées en 1656. Et à propos de ce
dernier Prélat, nous apprimes que quand
on voulut l'inhumer en 1659.on ouvrit le
Tombeau de l'Evêque Guy, mort en 1259.
Son Corps fut trouvé entier , mais l'air le
réduisit bientôt en poussiere ; on lui trouva
un Anneau d'or , enrichi d'un Saphir ,
qui nous fut montré dans le Trésor de '
l'Eglise Cathédrale .
Jean de Bayenx n'a pas gouverné ce
Diocèse , mais il mérite de tenir un rang
distingué parmi les Hommes Illust es qui
y sont nez. Ce vertueux Prélat fut d'abord
Evêque d'Avranches, et ensuite Archevêque
de Rollen . Grand amateur de la
Discipline il tint en l'année 1074. un Concile
à Rouen , dans lequel on érigea en
Abbaye le Prieuré de S. Victor en Caux ,
à la priere de Roger de Mortemer. C'est
lui qui fit la Dédicace solemnelle de l'Eglise
2136 MERCURE DE FRANCE
glise de S. Etienne de Caën en présence
du Duc Guillaume , qui en est le Fondateur.
Ce Prélat composa un Ouvrage estimé
: De Divinis Officiis , qui a été imprimé
en 1641 .
Nous apprîmes encore dans le Chartrier
de l'Evêché , qui peut fournir beaucoup .
de fait, historiques , principalement dans
un Cartulaire , nommé Le Livre Rouge ;
nous apprîmes , dis- je , qu'il y a une ancienne
union entre PEglise Cathedrale
d'Auverre et celle de Bayeux , fondée sur
ce qu'on croit qu'Exupere venant d'Italie
, passa par la Ville d'Auxerre , et y précha
le Christianisme . Cette union fut renouvellée
en 1520. par la Députation que
fit le Chapitre d'Auxerre , d'un de ses
Chanoines lequel reçut dans l'Eglise de
Bayeux les mêmes honneurs et jouit des
mêmes droits qui sont dûs aux Chanoines
de cette Eglise .
François Armand de Lorraine , fils de
Louis de Lorraine ,Comte d'Armagnac &c.
Grand Ecuyer de France , et de Catherine
de Neufville- Villeroy , est aujourd'hui
Evêque de Bayeux depuis l'année
714. Il a succedé à François de Nesmond
, Prélat d'un mérite accompli.
Je ne vous dirai rien , Monsieur, de la
Ville de Bayeux , qui n'est pas considé
rable
OCTOBRE . 1732. 2137
1
rable , quoique la Capitale du Païs Bessin ,
à une lieue et demie de la Mer , ce qui
peut lui donner de grandes commoditez.
On y compte plus de quinze Paroisses ,
cependant elle est assez mal peuplée .Cette
Ville a été long - temps au pouvoir des
Anglois ; mais le fameux Comte de Dunoit
l'ayant assiégée pour le Roy Charles
VII . il la prit par Capitulation , suivant
laquelle tous les Anglois en sortirent
desarmez , et un bâton à la main . Ce qui
arriva en 1450.
Comme nous étions sur le point de monter
à Cheval , pour voir l'Abbaye de Cérisi
, et retourner à Caën , je vis arriver un
Exprès qu'on m'envoyoit de Torigny, lequel
ne m'ayant point trouvé dans cette
Ville , crut devoir faire le voyage de
Bayeux, pour me rendre une Lettre , par la
quelle j'étois invité le plus gracieusement
du monde , à me rendre dans ce beau
séjour , sous peine de ne revoir de longtemps
mes compagnons de voyage, et d'ê
tre privé des plaisirs de plus d'une espece .'
On ajoutoit que je trouverois - là de l'Antique
et du Moderne , pour contenter ma
curiosité et pour grossir mes Memoires.
Il ne fallut qu'un moment pour me déterminer;
mais comme il étoit déja un peu
tard , je pris le parti de coucher à Bayeux
et
2138 MERCURE DE FRANCE
#
et d'aller à Torigny , par l'Abbaye de
Cérisy , sans repasser par Caën. Je passai
le reste du jour à revoir mon Memoire sur
Bayeux , et je le lus à deux ou trois personnes
intelligentes et instruites , qui y
trouverent de l'exactitude ; à un parent ,
sur tout de feu M. Petite ,Chanoine et Of
ficial de Bayeux , qui lui a laissé quantité
de Memoires d'un travail immense
sur l'Histoire Ecclesiastique et Civile de
Bayeux , qu'il avoit dessein de publier, et
qui manque à ce grand Diocèse .
*
Ce Chanoine étoit aussi fort curieux de
Médailles Antiques et Modernes , dont
il avoit amassé un très - grand nombre; les
Antiques furent acquises après sa mort ,
par M. Foucault ; et une partie des Modernes
sont encore au pouvoir de ce proche
Parent , qui voulut bien me les com-
* On peut dire que cette Histoire manque au Diocèse
de Bayeux. Celle qui a été écrite par M. Hermant,
Curé de Maltot , et imprimée à Caën en
1705. ne peut gueres passer que pour une ébauche;
outre que des trois Parties , dont elle devoit être composée
, l'Autheur n'en a encore publié que la premiere,
qui est peu exacte du côté de la Chronologie ,
at qui ne donne pas une grande idée de sa Criti
que , &c. J'apprens que Dom Toussaints du Plessis
qui a écrit avec succès l'Histoire du Diocèse de
Meaux, et qui compose actuellement celle de l'Archevêché
de Rouen, a pris des engagemens pour écrive
aussi l'Histoire du Diocèse de Bayeux.
niquer
THE
NEW
YORK
PUBLIC
LIBRARY
.
ASTOR
, LENOX
AND TILDEN
FOUNDATION8
.
VALENTINORVA
DVX
DIANA
CLARISSIMA
AE
I
WAINWO
REM
VICI
OCTOBRE . 2139 1732
muniquer aussi obligemment que les Manuscrits.
Il fit plus , il me donna celle de
Diane de Poitiers , Duchesse de Valentinois ,
celebre dans notre Histoire , qui ne m'étoit
point encore tombée entre les mains :
vous en trouverez ici un Dessein qui sarisfera
, sans doute , votre curiosité ; il est
de la grandeur de l'Original . On y voit
d'un côté le Buste de cette Dame coëffée
et habillée suivant l'usage de son tems
avec cette Inscription : DIANA DUX VALENTINORUM
CLARISSIMA , et de l'autre la
figure de Diane en pied avec son équipade
Chasse ,foulant fierement l'Amour ,
qui est terrassé à ses pieds , et ces mots auge
tour : OMNIUM VICTOREM VICI . Vous sentez
, sans doute , l'allusion et la justesse
de ce symbole , pour le moins aussi flateur
pour la Dame que pour le Grand et
Victorieux Monarque dont elle avoit fait
la conquête , il n'est pas nécessaire de
vous en dire davantage , ni de vous avertir
que ma premiere Lettre vous rendra
un compte fidele de mon Voyage de Torigny.
Je suis , Monsieur , &c.
PA2140
MERCURE DE FRANCE
PALINO DIE.
Jamjam efficaci do manus scientia.
O Ui , je crois à la Médecine ,
Et j'en sens l'efficacité ,
Depuis que la malignité
D'une humeur traîtresse ,
Une exhalaison du Lethé ,
assassine
Chez moi , glissée à la sourdine ,
Ayant tout d'un coup affecté ,
Tout un côté de ma Machine ;
Par Arrest de la Faculté.
Là cruelle enfin m'a quitté.
Contre ingrédiens de Chimie ,
Je chante la Palinodie ;
Et chez lui s'il fut ironie
Qu'il soit icy sincerité ,
Pour l'ami que je remercie.
Une affreuse Paralysic ,
Avoit subitement gâté ,
Le Siége de ma Poësie;
Mon oeil de sa place écarté ,
Ma
OCTOBRE.
2148 1732.
Majoue horriblement bouffie;
Tournant ma bouche de côté,
D'une étrange difformité ,
Couvroient ma Phisionomie.
Un Rhumatisme aux reins planté ,
Et la Goutte , sa bonne amie ,
Travailloient en société ,
A borner le cours de ma vie.
Si près de ma caducité ,
Leur tâche étoit presque finic.
Par ce Livre bien inventé ,
Pour la publique utilité ,
Je veux que tout le monde sçache ,
Que de ces trois maux tourmenté ,
Je dois au celebre Vinache ,
Le doux retour de ma santé.
Qu'à ce fait plein de vérité ,
Ces petits Vers servent d'attache ,
C'est tout ce qui m'en a couté ;
Pour si peu , m'étant acquitté
A Dieu ne plaise que je cache
Ce trait de générosité ,
Ni cet effet d'habileté.
Bien , est- il vrai qu'il m'est resté,
Quelque obstruction dans la veine ;
2142 MERCURE DE FRANCE
Ces Vers-cy ne sortent qu'à peine ;
D'un Chef encor débilité ,
Mais à qui faut-il qu'on s'en prenne ?
Guérir de toute infirmité ,
Un Buveur des Eaux d'Hyppocrene
Lui rendre la tête bien saine ,
Qui ne l'a jamais trop
été ,
Surpasse la science humaine ;
C'est une impossibilité ;
Et c'est ce qu'il n'a pas tenté ,
Son entreprise eut été vaine.
6.
AUTREAU.
LETTRE écrite de Marseille le 3. Sepau
sujet du mot de Guespin tembre
attribué aux Orleanois.
E
N relisant , Monsieur , le Mercure du
mois de mai dernier , j'ai fait attention
à une petite Dissertation , faite par
M. P. au sujet du mot de Guespin , qu'on
donne aux Orléanois. Quelque sçavant
que m'ait parû son Ouvrage , je n'ai pas
laissé de m'appercevoir qu'il n'avoit pour
fondement qu'une erreur populaire , à laquel-
1
OCTOBRE. 1732. 2143
quelle je m'étonne qu'un homme versé
comme lui dans l'Antiquité soumette si
facilement son jugement ; il ne devroit
pas, ce me semble, ignorer qu'Orleans est
une des plus anciennes Villes des Gaules ,
fondée par une Colonie Grecque sortie
des environs de l'Epire , 250. ans après la
destruction de Troyes; et comme dans ces
tems là les Grecs étoient les seuls Peuples
addonnez aux Sciences , ils firent par leur
nouvelle Colonie, d'Orleans, la plus sçavante
Ville des Gaules. On remarqubit
dans ses habitans un certain génie vif et
brillant , qu'on ne distinguoit point dans
les autres Gaulois : aussi leur donna - t'on
dès lors le nom de Guespos , qui en Grec
signifie ( comme il est facile de le voir )
Pierre brillante , c'étoit une espece de
caillou transparant qui se trouvoit aux
environs de l'Epire , et qui a long - tems
decoré les Temples des Grecs . Ce nom
leur est resté depuis , et par corruption
de langage a été changé en celui de Guespin.
Je n'ignore pas que ce même mot entraîne
une autre idée , que quelques ignorans
lui ont donnée , par rapport à une
sorte de Mouche appellée Guespe , dont
la piqueure est mauvaise . Je pardonnetois
à tout autre qu'à un Orleanois éclai-
τέ
2144 MERCURE DE FRANCE
ré , de donner dans une idée si grossiere ;
la franchise qu'il affecte dahs son Ecrit
n'est , ce me semble , qu'un voile dont
il couvre adroitement sa négligence pour
la recherche de la verité .
Au reste , les qualitez qu'il attribuë
aux Orleanois sont très- bien fondées , et
à l'exception du génie mordant , dont il
prétend les taxer pour autoriser son explication
, je n'y trouve rien que de conforme
aux sentimens de tous les Etrangers
qui les connoissent . J'ai l'honneur d'être
, &c.
V. D. G.
LE SINGE ,
HERITIER PRESOMPTIF
DU LION.
FABLE.
LA soif de l'or souvent démasque un politique
:
Sous ce voile , grands Dieux , que
l'homme es
different !
D'être ami genereux tel hardiment se pique ,
Qui
O.CTOBRE 1732. 2145
Qui n'est , mis au creuzet , qu'un avide
rent.
Mais à ce propos veritable ,
S'il faut un exemple ajoûter ;
Sur ce point le Singe en ma Fable
Ne laisse rien à souhaiter.
>
Seigneur Lion au plus fort de son âge ,
Avoit trois Châteaux à choisir
Hôtel en ville ; avec tel appanage ,
On peut varier son plaisir.
Item , chez lui table friande
Où l'on trouvoit tout à foison ,
Mets exquis , Gibier de saison
Vins délicats , bonne provende ;
Au reste point de successeur ,
Foible ressource de la vie ,
Mais qui sert de frein à l'envie
Contre un paisible possesseur.
Enfin , parmi sa parentelle ,
Un Singe étoit collateral ;
Singe amusant , mais animal
Manquant quelquefois de cervelle ,
Je dis quelquefois seulement ;
Car le matois jouoit son rôle
Pour l'ordinaire habilement
Et manioit bien la parole.
Jamais , à l'entendre parler ,
A Plutus ne fit la courbette ;
paz
C Hon
2146 MERCURE
DE FRANCE
Honneurs et fortune complette
N'avoient rien qui pût l'ébranler.
Soins empressés , minauderies ,
Caresses , jeux et singeries ,
S'adressoient à son cher Parent
Et rien du tout à son argent.
Arriva pourtant le contraire :
Un jour que le Seigneur Lion
Aux champs étoit , où nulle affaire
Ne l'attiroit que la belle saison ,
Le Singe en ville entend à ses oreilles
Par un frelon ces trois mots bourdonner
.
Lion est mort ! Singe de s'étonner !
Bien -tôt après de s'écrier merveilles !
Ce coup
flate trop
ses desirs ;
Pas un doute sur la nouvelle !
Il n'apperçoit
que des plaisirs.
Est- ce -là cet ami fidelle ?
Le perfide à l'instant
quitte table et fats
teuil
,
Se compose
et se met en deuil ,
Demande
pour escorte un supôt de justice ;
D'abord , l'Ours du quartier requis pour cet of
fice ,
Accourt chez notre Singe , arrive mal leché ,
Pour Scribe suit un Chat d'une plume har
naché ,
L'heritier avec eux monte en leste équipage ,
Où Levriers déja sont mis en attelage ;
2

OCTOBRE. 1732. 2147
Un Barbet sur le siege assis grotesquement ,
Prend les renes fouette et fond chez le pa
rent .
>
Un Dogue grommelant se présente à la porte ,
Demande ce que veut la vorace cohorte ?
On l'instruit , on l'effraie , il deffend son pa
lier ,
Le grand nombre l'accable , on gagne l'escalier.
D'un Cabinet bien - tôt les effets on cachete ;
Paroît dans le moment un Renard , fine tête ,
Qui voit qu'en étourdis l'on procede en ce
lieu ,
: Dit Messieurs , cessez.... vîte et nous dites
adieu.
Il faut premierement constater l'aventure ,
Et prouver par extrait la mort la sépul
ture.
>
Pour sçavoir ce qu'il craint il ,
tient ;
part impa
Il trouve le Lion gros , gras , se bien portant.
Menageant sa harangue en Orateur habile ,
Lui dit deux nors du tour qu'on lui jouoit en
ville ,
Et ces deux mots allumerent sa bile.
Le Renard très - joyeux s'en retourne aussitôt
,
Dit que notre défunt mange et boit comme il
faut ;
Cij Qu'en
2148 MERCURE
DE FRANCE
Qu'en dépit de l'envie il est encor des nô- .
tres ;*
Qu'il ne veut chez Pluton si -tôt suivre tant
d'autres. La joye au même instant fut chez tous les voisins
, Et Bacchus
tout au mieux fit l'honneur
de ses
vins.
A la tristesse
enfin , loin de ces lieux bannie
Succederent
les ris , les jeux et l'harmonie
,
Chacun
fut satisfait
, mais le. Singe chagrin , Bien penaut , ruminoit
, craignoit
fâcheux
des
tin ;
Pour prévenir l'orage , il va demander
grace ,
Mais une telle faute aisément ne s'efface ;
A peine on l'apperçoit
qu'on lui lâche mi
raut ;
Celui - ci n'est pas seul ,.
arrive encor Brifaut ;
Le Singe délogea sans Tambour ni Trompete
tes ,
Et ses chausses de peur n'en sont pas encor
nettes.
LETTRE
OCTOBRE. 1732 2149
ตั้ง
LETTRE écrite à Madame Meheul ,
Auteur de l'Histoire d'Emilie , ou des
Amours de Mlle de...
J
E vous envoye Madame , le Livre.
que vous avez eu la bonté de me prêter
, je l'ai lû deux fois avec un plaisir et
une avidité qu'il seroit bien difficile d'ex
primer. Je n'ai guére vû d'Ouvrage en ce
genre , mieux écrit et plus interessant.
Le sujet en est parfaitement bien conçû
et bien conduit ; le dénoüement ( écüeil
ordinaire de la plupart des Auteurs ) est
très-heureusement amené ; le stile en est
bien varié , serré et rapide : les Caracteres
bién marquez et bien soutenus , on peut
dire même qu'il y a beaucoup d'expressions
neuves ou heureusement hazardées ,
d'Antitheres et de Sentences fort justes .
>
L'action est simple , et entierement dégagée
de ces ornemens monstrueux , de
ce merveilleux et de ces aventures extraordinaires
qui ne trouvent aucune
créance dans l'esprit , et qui sont la ressource
ordinaire d'un génie borné , comme
l'a fort bien remarqué le plus grand
Auteur tragique que nous ayons eu . Amu-
C iij
Scr
2150 MERCURE DE FRANCE
ser agréablement l'esprit , émouvoir , interesser
et attendrir le coeur , par le tour
heureux des pensées et de l'expression ;
par la varieté et la beauté des Images , la
noblesse et l'élévation des sentimens ; voilà
le dernier effort de l'esprit humain
c'est aussi par-là que vous avez excellé .
Si tant de beautez ne sont que des coups
d'essais , que ne doit- on donc pas attendre
de vous , Madame , dans la suite. Cette
considération me conduiroit naturellement
à faire ici l'éloge de votre Livre
mais plus la matiere est belle , et moins
je dois l'entreprendre , les loüanges que
mérite ce bel ouvrage sont trop au - dessus
de ma portée. Ainsi , je me bornerai seulement
à m'acquitter de la promesse que
je vous ai faite , de vous rendre compte
des jugemens divers que le Public
sur cet Ouvrage .
>

porte
Ne vous flattez pas , Madame, d'une appro
bation universelle , jamais aucun Auteur
n'a joui de cet avantage , Homere , Virgile
, Corneille , Racine et Despreaux , ont
eu leurs Censeurs , vous avez aussi les vôtres.
Je pense même qu'il est avantageux
qu'il y ait des Critiques. Boileau , cet
Horace Moderne , ce fameux satirique ,
qui a critiqué tant d'Auteurs , n'a pas
feint de dire qu'il étoit redevable à ses
enne
OCTOBRE. 1732. 2151
ennemis même , d'une partie de la répu
tation qu'il s'étoit acquise , en le relevanc
de quantité de fautes dont il ne s'appercevoit
point. D'ailleurs , c'est un grand préjugé
pour la réussite d'un Livre , que cet
acharnement que les Critiques font paroftre
pour le décrier ; un Ouvrage médiocre
n'excite guére la mauvaise humeur
d'un Censeur , il tombe de lui-même parce
qu'aucun mérite ne le soûtient ; au contraire
, un bon Ouvrage triomphe tôt ou
tard de la malignité de ses ennemis , réünit
en sa faveur tous les suffrages , et fait
benir dans la Posterité la plus reculée la
mémoire et le nom de son Auteur.
Tel sera , Madame , le sort d'Emilie
son vrai mérite et ses rares beautez feront
taire la critique et l'envie ; sûre de l'estime
publique , elle partagera avec justice
les applaudissemens que l'on ne se lasse
point de donner à Zaïde et à la Princesse
de Cléves. Votre nom , Madame , sera
porté par la Renommée au Temple de
Mémoire , et placé à côté de ceux de ces
Dames sçavantes qui ont illustré par leurs
doctes Ecrits la République des Lettres.
Mais que fais-je ? je tombe insensiblement
dans l'inconvenient que je voulois éviter ,
ceci ne sent- il pas un peu trop le Panegytique
? quelle témerité ! mais , Madame
Cij jc
2152 MERCURE DE FRANCE
je suis sincere , et de quelque façon que
je m'exprime , mon coeur n'écoute plus
rien , lorsqu'il s'agit de rendre justice au
vrai . J'espere , Madame , que vous me
pardonnerez mon écart en faveur de cette
consideration ; je reviens aux jugemens
que l'on fait de votre Livre , permettezmoi
de commencer par vos Critiques.
Dès que l'on est informé que l'amour
d'Emilie pour M. de S. Hillaire n'est
qu'une feinte , l'esprit n'est plus occupé
>
ils
rien , il ne s'interesse plus à rien , ce
vuide est rempli par de longues conversations
qui ennuyent extrêmement le Lecteur.
Les Amours de votre Heroïne et du
Comte viennent trop subitement
sont toujours remplis d'allarmes et de
plaintes lorsque rien ne semble les traverser
; on vous accuse aussi d'avoir trop fait
mourir de personnes sans aucune utilité
pour votre sujet. A l'égard du pauvre
M. de S. Hillaire , chacun est surpris que
vous ayez si peu menagé sa réputation ;
on est , dit- on , scandalisé de le voir si
maltraité par Emilie après son Escapade ;
vous deviez lui donner des sentimens
plus humains dans sa situation présente
et faire connoître à vos Lecteurs , que si
Emilie ne payoit pas de sa main les importans
services qu'elle avoue avoir reçû
de
OCTOBRE . 1732 2153
de M. de S. Hillaire , c'est qu'elle ne se
croyoit plus digne de lui . Enfin , on vous
reproche d'avoir rapporté les affreux exemples
de Julie , de Faustine , et de Marie
de Valois , comme très - pernicieux pour
une jeunesse , à qui on doit toujours exposer
des exemples de vertu plutôt que
ceux du libertinage.
Voilà , Madame , les principaux chefs
de critiques que l'on vous objecte ; au
reste , tout le monde en general vous
rend toute la justice qui vous est dûë , et
ces éloges à cet égard ne peuvent être ni
plus flateurs , ni plus complets.
Il ne me reste plus , Madame , qu'à
vous demander pardon d'avoir gardé votre
Livre si long- tems ; deux ou trois
personnes ausquelles j'en avois fait un
rapport avantageux ont marqué tant
d'empressement pour le voir , que je n'ai
pas pû me dispenser de le leur prêter ; ma
déference n'est pas demeurée sans fruit
j'ai eu la satisfaction de me voir comblé
de remerciemens par ces mêmes personnes
, pour leur avoir procuré la lecture
d'un Livre qui leur a fait , m'ont- ils dit ,
un plaisir infini. J'avoue que je finis ma
Lettre par où je la devois commencer ;
quelle transposition , ou plutôt quelle
Cv faute
2154 MERCURE DE FRANCE
faute de jugement , oserois-je aprés cela
vous dire que je suis , &c.
C ***.

IMITATIONE
D'Alcuni Madrigaletti , del Signor Ca
valiere Battista Guarini , fatta la Madamigella
Malcresia della Vigna , del
Crusico in Bretagna.
Madrigale xvii. La bella Cacciatrice.
D Onna , lasciate i Boschi :
Che fù ben Cintia cacciatrice anch'ella ,
Ma non fù ; comme voi Leggiadra , e Bella.
Voi havete beltate
Da far preda di cori , e non di Belve.
Venar infra le selve ,
Star non conviene e se convien , debbiate
Fera solo à le fere , à me benigna ,
Cintia ne , Boschi , e nel mio sen Ciprigna..
Abandonnez Iris , les Monts et les Forêts ;
Si Diane autrefois se plaisoit à la chasse
Eut-elle à menager de si rares attraits ?
Loin
OCTOBRE. 1732. 2155
Loin d'aller contre un Cerf essayer votre audace
,
Ahi c'est sur les Humains qu'il faut lancer vos
traits.
Ce plaisir dont la peine est le seul avantage ,
Certes s'ajuste mal avec tant de beauté.
Mais si le sort en est jetté ;
Si votre humeur guerriere à chasser vous en
gage ;
Bornez à terrasser quelqu'Animal sauvage ,
Votre impitoyable rigueur
Et soyez ,
tage ,
chere Iris , par un charmant par-
Diane dans les Bois et Venus dans mon
coeur .
>
Cangiati Sguardi , Madr . xxiv .
Oechi , un tempo mia vita ,
Occhi di questo cor dolci sostegni ,
Voi mi negate aita.
Questi son ben de la mia morte i segni.
Non più speme, ò conforto.
Tempo è sol di morire ; à che più tardo ?
Occhi ch'a si gran terro ,
Morirme fate , à che torcete il guardo ?
Forse per non mirar , come va dora ,
Mirate almen ch'io more.
S vi Les
2156 MERCURE DE FRANCE
Les Regards changez , Imit.
Beaux yeux qui secondant autrefois mon en
vie ,
Eclairiez de vos feux l'orison de mes jours ,
En me refusant du secours ,
Vous annoncez ma mort, vous qui faisiez ma
vie.
Mon espoir s'est enfui , le Destin me convie
A voler sans retour au trépas qui m'attend.
Daignez avant ma mort trop aimable ennemie
,
Tourner vos yeux cruels sur un Berger cons
tant ;
Et si ce n'est pour voir sa tendresse infinie
Si vous voulez le perdre au lieu de le guérir ;
Ah ! c'est à vos genoux que l'Amour vous en
prie ,
Du moins regardez- le mourir..
L'Huomo è picciol mondo . Mad. CLX.
E l'huomo un picciol mondo ,
Ma , grande à l'hor ch'è con la Donna unito ,
Che l'un per l'altro hà la Natura ordito.
Hà l'huom del mondo frale
Quanto enlui di caduco e di mortale ;
Ma ne la Donna si contien l'eterno.
Il volto è l'Paradiso , e'l cor l'Inferno.
Hom
OCTOBRE . 1732 2157
L'Homme est un petit monde , alors que sans
appui
Il languit séparé de son autre Hemisphere ;
Mais quand un double accord sombre ami du
mistere ,
Compose un tout vivant de la femme et de
lui.
La féconde Nature en ce moment ravie
De se voir tendrement servie ,
De l'homme illustré forme un grand monde
aussi tôt
Et l'homme à la femme en un mot
Devroit - il s'enhardir de contester l'Empire ?
Le Ciel ne lui donna que ce qu'il cut de pire ,
De caduc , de pesant , de grossier , de mortel ,
Mais la femme au contraire eut par un beat
partage ,
Le vif , le volatil , le charmant , l'éternel ,
Le brulant , l'immateriel.
Qui pourroit s'il n'étoit peu sage ,
En ceci me taxer d'erreur ?
Puisque , sur son divin visage ,
Elle a le Paradis , et l'Enfer dans son coeur.
Auventurosa Augello . LII.
O comme se' gentile ,
Caro Augellino , è quanto
E'l mio stato amoroso al tuo simile !
Th
2158 MERCURE DE FRANCE
Tu prigion , io prigion , tu canti , io canto;
Tu canti per colei
Che t'ha legato , ed io canto per lei.
Mà in questo è differente
La mia sorte dolente ,
Che giova pur à te l'esser canoro ;
Vivi cantando , ed io cantando more.
ODE Anacréontique. Imitation.
L'Oiseau plus heureux que
Serin qu'Iris tient en cage ,
Mon état ressemble au tien
Tu lui dois ton esclavage ,
C'est elle qui fit le mien.
l'Amant.
Nous chantons tous deux pour celle
Dont nous sommes prisonniers ;
pour Et 's'amuser , la Belle
Nous entend les jours entiers.
Mais que le mal qui m'enigre
Rend notre sort different !
C'est ton chant qui te fait vivre ,
Et moi je meurs en chantant.
Donna
OCTOBRE. 1732. 2159,
Donna che❜n Vecchia. XXXIX.
Gia commincia à sentire
La bella Dona mia , l'ingiurie e i danni
De l'etate , e de gli anni ,
Ne però il mio desire
Vien , che s'intepidisca , o si rallenti.
O veloci , e possenti
Armi del Tempo al mio soccorso tarde !
Lafiamma mia incenerisce , e'l cor mio arde.
IMITATION.
Les ans de mon Iris qui deviennent nombreux
Sur ses attraits brillans exercent leur ravage ;
Cependant aujourd'hui mon coeur bravant leur
rage ,
Est embrasé de mille feux ,
O Tems ; ô cruel Tems , ton dévorant Em
pire ,
Soumet tout à ses loix , excepté mes amours.
Ta fureur ne sçauroit leur nuire ,
Mon brasier tombe en cendre , et je brûle ton
jours .
ME
2160 MERCURE DE FRANCE
XXXXXXX: X: XXXXXX *
METHODE pour gouverner un Vaisseau
, et pour en retarder le Sillage dans
une Mer qui n'a point defond.
' Art de la Navigation facilite le Sil-
L'lage du Vaisseau, en augmentant. Sos
volume supérieur , et en diminuant son
volume inférieur ( ou la partie du Vaisseau
qui est dans l'eau ) et par ce moyen ,
avec un peu de vent, on fait beaucoup de
chemin.
i
Sur ce príncipe , il est évident qu'on
retardera le Sillage du Vaisseau en faisant
le contraire ; c'est à - dire, en diminuant le
volume du Vaisseau qui est hors de l'eau,
et en augmentant celui qui est dans l'eau .
Il n'est pas question de la diminution
du volume superieur du Vaisseau pendant
la tempête ; c'est une chose connuë;
mais il y a lieu d'être surpris qu'on n'ait
pas songé plutôt à la nécessité d'augmen
ter le volume inférieur du Vaisseau ; ce
qui est pourtant aussi sûr et aussi facile
qu'il est necessaire. Or il
être aug
peut
nienté tout contre le Corps du Navire ,
ou à quelque distance ; chacune de ces
deux augmentations peut - être exécutée
atilement en bien des manieres. On ne
donnera
OCTOBRE. 1732 2167
donnera icy que deux manieres de faire
cette augmentation loin du Vaisseau , parce
qu'elles out toutes les qualitez qu'on
peut désirer. Elles sont sures , simples ,
d'une exécution facile , et de peu de dépense
; outre l'effet ordinaire de retar
der le mouvement du Bâtiment, elles ont
encore celui de le gouverner; en sorte que
par ces opérations , le Sillage du Vaisseau
est retardé considérablement , et le Navire
reste toujours dans la même situation
à l'égard du vent , quelque changement
qui arrive dans le vent.
La premiere augmentation de volume
consiste en une voile de la forme qu'on
voudra , qui sera attachée par ses bords ,
à peu près comme le sont des Bassins de
Balance , à un Cable, d'une longueur convenable
amaré au Vaisseau. Cette surface
étant chargée d'un poids qui ne luž
permettra point de rester sur l'eau , lors
qu'elle n'agit point , fera deux effets.
Le premier de retarder le mouvement
du Vaisseau , parce qu'elle ne pourra le
suivre , sans entraîner en même temps le
volume d'eau ; ce qui diminuera le mouvement
du Vaisseau , à propertion de la
grandeur de cette surface.
Son second effet de gouverner le Bâti
ment , parce que la partie à laquelle le
Cable
2162 MERCURE DE FRANCE
Cable sera attaché , sera toujours exposée
au vent. Ainsi,supposant qu'on aura présenté
au vent la partie du Vaisseau la plus
favorable , pour résister à la tempête , il
est vrai de dire qu'un Navire sera gouverné
de la maniere la plus avantageuse , car
on peut aisément changer la situation du
Vaisseau. En un mot , cette furface aussibien
que celle qu'on va proposer , seront
de vraies Ancres flotantes , qui procureront
les avantages d'une Ancre qui labou
re ; avec cette difference , que la résistance
de l'eau étant de beaucoup plus douce
que celle de la terre , l'impression du vent
et des vagues sur le Vaisseau , sera bien
moins préjudiciable avec les Ancres flotantes
, qu'avec les Ancres ordinaires.
La seconde maniere d'augmenter le volume
du Vaisseau , est aussi simple ; elle
consiste uniquement en une Vergue qu'on
attache par les bouts à une corde ; laquelle
pour cet effet est divisée en deux
son extrêmité , et forme un triangle
avec la Vergue. Or la Vergue suivra le
Vaisseau en travers , et trouvera par conséquent
de la résistance dans toute sa longueur.
Cette Vergue doit être comme la
surface précedente , accompagnée d'un
poids suffisant pour l'attirer en bas lorsqu'elle
cesse d'être traînée par le Vaisseau.
Ов
OCTOBRE . 1732 : 2163
On n'entrera point à presént dans plusieurs
détails , qui contribueront à perfectionner
le moyen qu'on propose . On les
expliquera dans la suite.
Les avantages de ces nouvelles opérations
seront tres - considérables ; car outre
le retardement du Sillage et le gouvernement
du Vaisseau , qui se feront d'euxmêmes,
à la faveur des nouvelles Ancres,
et sans que l'équipage ait besoin de travailler
, ni même d'être exposé au mauvais
temps sur le Tillac ; on peut dire
que le Capot sera tres - difficile , pour ne
rien dire de plus ; et qu'un Vaisseau sera
bien foible , s'il est brisé par les Vagues ;
étant si aisé de le tenir dans la situation la
plus avantageuse.
Je ne parle pas de la facilité de ces opérations
, persuadé qu'on sent assez qu'un
Equipage qui n'auroit pas la force de les
faire , seroit peu en état de naviguer.
Le cas de Tempête ne sera pas le seul
où l'augmentation du volume inférieur
du Vaisseau sera utile. On fera voir
qu'il le sera en bien d'autres occasions importantes
. Les Expériences qu'on a faites
quoiqu'en petit ) rendent tout ce qu'on
vient de dire , tres- sensible.
L'Auteur de ce Mémoire , prétend qu'on
pourra par les moyens qui y sont proposea
2164 MERCURE DE FRANCE
sez , prévenir beaucoup de Naufrages . qui
seroient inévitables d'ailleurs . Il se flatte
que la proposition qu'il fit l'année derniere
, de rendre la Navigation plus sûre
et plus facile , ne sera plus regardée , comme
elle l'a été jusqu'icy , et qu'on pren
dra ce qu'il donne aujourd'hui pour une
preuve suffisante de la premiere Partie de
sa proposition . A l'égard de l'autre Par
tie qui a la facilité de la Navigation pour
objet ; en attendant la maniere , dont l
premiere sera reçue. Il ne craint point d'a
vancer qu'il mettra les chofes aú poing
que le moindre Pilote fera en état de dé .
cider une question qui embarrasseroit le
plus habiles du métier , et cela sans une
grande étude , ni même beaucoup d'ap
plication . Dès la premiere explication i!
sera en état de décider , sans crainte de se
tromper. La proposition est un peu forte
aussi ne l'ai -je voulu faire , dit il , qu'après
avoir donné de nouvelles preuves de
suffisance . Ainsi sans retracter rien de c
que j'ai avancé , je crois pouvoir dire que
sans avoir trouvé les longitudes , je dônnerai
des moyens qui feront un effet fort
approchant. Je ferai voir , par exemple ,
que la grande difference qui se trouve
dans la route de plusieurs Pilotes également
habiles , ne vient que des courans .
Le
OCTOBRE . 1732. 2169
Le remede à cette erreur sera un moyen
de connoître les courans que je donnerai,
Le moyen sera de pratique , je n'en proposerai
jamais d'autre ; je donnerai ure
maniete de mesurer le Sillage bien plus
exacte et même plus facile que toutes celles
dont on s'est servi jusqu'à aujourd'hui;
en un mot , sans parler de bien d'autres
choses de moindre conséquence , j'espere
que le public n'aura pas moins lieu
d'être content des moyens que je donnerai
pour la facilité de la Navigation , que
je crois qu'il le sera de ceux que je donne
aujourd'hui,
LES
SONNET sur les Bouts - rimez
proposez dans le Mercure de May.
Es Suppôts de Bacchus ne parlent que de
Boire
Le Corsaire Phorbas ne pense qu'au
Busin
Le suberbe Pedant ne dit que du Latin ,
Le jargon du Marchand n'est que commerce et
Foire.
Damon qui n'a rien vû que les bords de la
Loire ,
moins que d'emprunter le secours d'un Latin ,
Ne
2166 MERCURE DE FRANCE
Ne sçauroit discourir , si ce n'est de
Satin ,
De Moire , de Tabis , ou de Pomme et de Poire.
Tour moi qui fais des Vers, un mystique Rabot,
M'a dressé , m'a poli lors que j'étois
Mais le temps écoulé m'a fait devenir
Nabot ,
Souche ;
Cependant jusqu'icy j'ai conduit mon Bateau,
Et quand dans ce Sonnet j'aurai mis un Ruisseau
S'il n'est droit à vos yeux , c'est que vous êtes
Louche.
*****:*:*********
LETTRE d'un Chirurgien de Soissons,
à M. FOUBERT , Maître Chirurgien
de Paris , sur l'Opération de la Taille.
V
Ous connoissez sans doute , Monsieur
, une Lettre de M. Morand
Chirurgien de Paris , insérée dans le Mercure
d'Aoust , et qui contient le détail de
quelques Tailles faites selon la Méthode
de M. Cheselden. J'ai appris avec étonnement
par cette Lettre , que vous aviez
fait deux Tailles , selon la Méthode Angloise
, ou du moins avec si peu de changemens
, que M. Morand se croit en droit
de rapporter à la Méthode de M. Cheselden
, le succès de vos Opérations.
Seroit
OCTOBRE . 1732. 2167
Seroit- il donc vrai , Monsieur , que
vous auriez abandonné la Méthode dont
je vous ai cru l'inventeur , et que je vous
vis pratiquer icy il y a quelques mois ?
Au premier coup d'oeil elle me parut
pour le manuel entierement differente
de celle de M. Ch selden; mais vous eûtes
la bonté de me faire connoître que le lieu
de l'incision la rendoit encore plus diffé
rente ; en effet , vous incisicz , si je ne me
trompe , le corps même de la Vessie , au
dessus des Prostates ; et au contraire , M.
Cheselden , dans son Opération , coupe le
col de la Vessie , la Prostate et le com-"
mencement de l'Uretre.
Ces deux Opérations sont si differentes
que je ne puis me persuader que M. Morand
les ait regardées comme semblables;
mandez moi donc , je vous supplie , ce
qui vous détermine à quitter votre ancienne
façon d'opérer .
Au reste , le malade que je vous ai vû
tailler se trouve parfaitement guéri ; mais
c'est moins sur ce succès que sur les raisons
que vous me donnâtes dans le tems
que j'ai jugé de la bonté de votre opération
.
Je vous avouerai que l'argument qu'on
voudroit tirer d'un grand nombre de guérisons
faites par une méthode , est , à
mon
2168 MERCURE DE FRANCE
mon avis , l'argument le moins décisif
qu'on puisse employer pour prouver que
cette Méthode mérite la préference sur
toutes les autres.
Pour qu'on pût décider de l'excellence
d'une Méthode , sur ce qu'elle auroit
operé des guérisons plus nombreuses , il
faudroit que le concours des circonstances
se fut trouvé précisement le même .
dans les opérations faites selon les unes et
les autres Méthodes , ce qui est moralement
impossible ; aussi arrive- t'il souvent
qu'après la guérison , une cicatrice cache
aux yeux des plus habiles gens , les fautes
qui ont peut -être été commises dans une
opération ; lors qu'au contraire on trouve
quelquefois dans l'ouverture du cadavre
de quoi justifier pleinement et l'Operareur
et la Methode qu'on a suivie.
Les illustres Lithotomistes que vous
possedez à Paris , sentent bien , à ce qu'il
paroît , Monsieur , le peu de fondement
qu'on doit faire sur les listes semblables
à celles que produit M. Morand: sans cela
nous verrions les nouvelles publiques
remplies de leurs promesses . Mais si les
listes dont il s'agit font peu d'impression
sur l'esprit des gens éclairés , ou de ceux
qui libres de préjugés et d'interêts , cherchent
sincerement la verité , elles servent
du
OCTOBRE. 1732. 2169
du moins à faire observer avec attention
ceux qui les fournissent.
Pour moi , j'approuve beaucoup les efforts
qu'on fait pour se rendre habile ;
mais je voudrois que le bien general' n'en
souffrit jamais ; cependant rien ne me paroît
plus dangereux que de prévenir le
Public en faveur d'une opération à laquelle
il ne doit néanmoins donner sa
confiance que lorsque les gens les plus
fameux dans l'Art l'auront approuvée.
Donner avec appareil dans le Mercure des
listes de guérisons , ce n'est pas sculement
vouloir remettre au Public la décision
d'une question sur laquelle il ne peut ju
ger ; c'est presque , j'ose le dire , le séduire
, en lui présentant l'état de la question
dans un point de vûë tout different
de celui dans lequel il conviendroit de
l'envisager.
Les guérisons que M. Morand publie ,
sont des faits qu'il n'est peut- être pas
inutile de conserver ; j'en conviens avec
vous , Monsieur , mais je pense qu'il eut
encore mieux valu les laisser dans l'oubli
que de les divulguer sans mettre le Public
en garde contre l'abus qu'il en peut
faire. Pourquoi ne se pas contenter d'annoncer
ces cures aux gens de la Profession
? Votre Académie de S. Côme ne
D de2170
MERCURE DE FRANCE
devoit-elle point naturellement en être
la dépositaire , elle de qui le Public attend
la perfection de la Lithotomie , comme
celle de toutes les autres opérations
de Chirurgie. J'ai l'honneur d'être , &c.
F. J.
A Soissons , le 14 Septembre 1732.
REPONSE de M. Foubert , Maître
Chirurgien de Paris , à M. F. J.
V
Ous êtes surpris , Monsieur , de me
voir dans le Mercure du mois
d'Août , au nombre des Lithotomistes
qui suivent la Méthode de M. Cheselden.
J'en ai été aussi étonné que vous , nonseulement
parce que je n'avois pas prié
M. Morand de m'annoncer au Public
mais encore parce qu'il y a une trèsgrande
difference entre la Méthode qu'il
suit , et celle que je pratique. J'ai cu
l'honneur de présenter à l'Académie
de Chirurgie un Mémoire qui ne
permet pas à M. Morand d'ignorer
la Méthode dont je suis l'Auteur , Il doit

y avoir vû que pour faire l'Opération de
la Taille ,, jjee nn''oouuvvrree que le corps de la
vessie entre le col et la vesicule seminale
gauche , et que je n'endommage point
les
OCTOBRE. 1732. 2171
les parties qu'il coupe par l'opération
Angloise , sçavoir l'uretre , la prostate
le col , le sphincter de la vessie , &c. Il
connoît mes instrumens , il sçait que je
ne me sers que d'un trois- cart crenellé ,
sur lequel je dirige un coûteau fort different
de celui de M. Cheselden , sans avoir
besoin de sonde dans l'uretre , ni d'un
homme extrêmement adroit pour la tenir.

Depuis deux ans je n'ai point eu d'autre
façon d'opérer , et jamais je n'ai fait '
sur les vivans l'opération de M. Che
selden.
Du reste Monsieur vos refléxions
me paroissent très-judicieuses , et je vous
prie de croire que le succès de mes opérations
, n'eût jamais été annoncé en cette
maniere , si M. Morand ne l'eût fait sans
mon aveu , croyant sans doute m'obliger.
Je suis très - parfaitement , Monsieur
, &c .
A Paris , ce 20 Septembre 1732.
Dij A
2172 MERCURE DE FRANCE
De
A M. Nericault Destouches.
E nos jours,aimable Terence ,
Jouis des applaudissemens ,
Dont le bon goût qui reste en France ,
Et que tu fais revivre, honore tes talens.
Ton Art , ami de la Nature ,
Donne de l'ame à ses portraits ,
Et par une heureuse imposture
De la réalité la feinte a tous les traits.
J'admire dans chaque partie
Ce qui me charme dans le tout ;
La Scene à la Scene assortie
De plaisirs en plaisirs me conduit jusqu'au bout.
Le Philosophe m'interesse ,
La Coquette me divertit ,
Mélite surprend ma tendresse ,
Et je pleure et je ris quand l'Oncle s'attendrit .
La noblesse des caracteres
Me charme dans le Glorieux ;
Com
OCTOBRE . 1732 2173
Combien de mouvemens contraires
Agitent tour à tour son coeur impérieux.
L'orgueil , ce vice détestable ,
Malgré lui se voit confondu ,
9
Que la soeur du Comte est aimable !
Son coeur répare bien tout ce qu'elle a perdu
Par tout , d'ingénieux contrastes
Naissent sous ta féconde main ;
Tu sçais mieux que les Teophrastes ,
Déployer avec art le fond du coeur humain.
Tu découvres de nos caprices
Jusques aux traits les moins connus ;
Ton esprit sçait peindre les vices ,
Et ton coeur sans effort exprime les vertus.
En vain l'envieuse Critique
Maigrit et séche de dépit ,
Lors
Laisse gronder ce monstre étique
que pour te venger tout Paris t'aplaudit.
G. D. V.
D iij QUA174
MERCURE DE FRANCE
****:**** *******
QUATRIEME Lettre écrite par M. D.
L. R. à M- le Marquis de B. au sujet de
la conquête d'Oran , &c.
Idire au sujet de la Conquête d'Oran en elle-
L me reste , Monsieur , peu de chose à vous
même. C'est une affaire heureusement copsommée
par rapport au principal objet de larement
et de l'Expédition. Sçavoir la prise de deux
Places importantes , qui assûrent la Navigation
et le Commerce dans une partie de la Mer Méditerrannée
, contre les courses des Pyrates, Maures
, et qui font aussi la sûreté des côtes d'Espagne
très- peu éloignées de celles de Barbarie ; outre
que la Religion et la Couronne d'Espagne rentrent
par là dans leur ancienne possession . IL
est vrai , Monsieur , que par ma derniere Lettre
vous vous attendez d'apprendre de nouveaux
progrez des Armes de S. M. C. en Affrique. En
effet , le Comte de Montemar , après avoir sou
mis beaucoup de Païs aux environs , avoit fait ,
comme je vous l'ai mandé,un détachement considérable
d'Infanterie et de Cavalerie , commandé
par le Marquis
de Villa - Darias , pour aller
faire le Siége de Mostagran
, Ville située à l'embouchure
de la Riviere
de Chilef , à IS lieuës
d'Oran
, du côté d'Alger
; à laquelle
embouchure
il avoit envoyé
des Vaisseaux
de Guerre
et des
Galleres
pour ' attaquer
en même- temps
la Place
par Mer. Mais les Vents
contraires
ayant
empêché
pendant
plusieurs
jours l'Escadre
d'avancer
, temps dont les ennemis
ont sçu profiter
pour
OCTOBRE . 1732. 2175
pour se fortifier et pour recevoir des secours , le
Comte de Montemar envoya ordre au Marquis
de Villa- Darias de revenir au Camp avec ses
Troupes, remettant cette Expédition à une conjoncture
plus favorable.
Depuis , ce General ayant reçu du Roy d'Espagne
des Ordres précis de faire rembarquer
toutes les Troupes , à l'exception de ce qui doit
composer les Garnisons des Places conquises , il
y a satisfait , et on a eu avis que la Flote et tous
les Bâtimens de transport étoient heureusement
arrivez dans les Ports d'Espagne. Le Comte de
Montemar s'est ensuite embarqué lui - même
venir rendre compte au Roy du succès de l'Expédition.
On apprend qu'il est arrivé à la Cour
le 17 d'Aoust que S. M. l'avoit fait Chevalier
de la Toison d'or , ainsi que Don Joseph Pathino
, et qu'elle avoit honoré le Comte d'un
accueil des plus favorables.
pour
Pour ce qui regarde le Prince Maure,dont toutes
les Nouvelles publiques ont parlé , qui offroit
la jonction de ses Troupes , pour réduire une
grande étendue de Païs , de donner son Fils en
Otage , &c. et qu'on attendoit même à Madrid ,
je n'en ai encore rien appris que je puisse
vous donner pour certain. Mais la chose est
très -vraisemblable , et il n'est pas nouveau que
des Princes Mautes ayent recherché l'alliance des
Rois d'Espagne. Pour ne point sortir du sujet
ni du Pays d'Oran , je vous dirai , Monsieur
ce que l'Histoire m'apprend à cet égard.
pour
A peine le Cardinal Ximenés étoit repassé en
Espagne , de retour de sa conquête , qu'il arriva
à la Cour des Ambassadeurs faire des propositions
de la part du Roi de Tremesen ,
quelques moindres Princes de la Mautitanic , of-
Diiij frant
et de
9
2176 MERCURE DE FRANCE
frant de rendre tous les Esclaves Chrétiens , de
payer même un tribut à la Couronne d'Epagne , en
faisant de grandes instances pour l'ouverture du
commerce entre Oran et les Etats de ces Princes.
Ces Ambassadeurs , entr'autres choses , présenterent
au Roi dix des plus beaux chevaux du pays,
magnifiquement harnachez , dix Faucons tout
dressez , de riches tapis , et un Lion apprivoisé
d'une grandeur et d'une beauté extraordinaire .
Je ne doute pas , Monsieur , qu'à mesure que
le Roi d'Espagne s'affermira dans sa nouvelle
conquête , et que ses Armes auront du progrès
dans le pays , les Puissances voisines ne tiennent
une pareille conduite .
Vous avez sçû , sans doute , que l'allarme a
été grande à Alger avant même la prise d'Oran ,
qui faisoit partie de cette Régence ; Alger , dis - je,
Ville si fiere , si bien munie , et si redoutable à la
Navigation , et au Commerce de la Chrétienté.
Aux seuls préparatifs de l'armement , la terreur
a été telle que les Algeriens avoient envoyé les
femmes , les enfans et leurs meilleurs effets dans
les Montagnes , et que la Régence avoit envoyé
une députation au Grand Seigneur pour demander
du secours. Le Bailli de Vattan étant allé
dans le même tems à Alger avec l'Escadre des
Vaisseaux du Roi , qu'il commande , il a trouvé
les choses sur le pied que je viens de dire ; quelques
Lettres ajoûtent que le Dey allarmé lui
avoit demandé si la France s'unissoit à l'Espagne
contre cette Régence , à quoi M. de Vattan
avoit répondu que quand le Roi son Maître auroit
sujet de se plaindre d'elle il sçauroit la punir,
sans avoir besoin d'autré puissance que dela sienne.
Veuille le Ciel humilier de plus en plus ces ennemis
du Christianisme et du Genre humain. Et
puisOCTOBRE
. 1732. 2177
puissent enfin les Vainqueurs d'Oran y faire
reporter ces fameuses Cloches qui en furent
' enlevées lors de la derniere invasion , et menées ,
pour ainsi dire , Captives à Alger.
D
Cependant vous ne sçauriez croire , Monsieur,
combien tout le Monde chrétien à été sensible
à l'heureux succès des Armes du Roi d'Espagne
à commencer par la capitale . Le Cardinal Ben
tivoglio , Ministre de cette Couronne à Rome
reçût l'heureuse nouvelle le 2.1 . Juillet , sans parler
des dépêches du Nonce d'Espagne , qu'un autre
Courrier apporta le même jour. Le Pape reçût
cette nouvelle avec un excès de joye. S. S. en
donna sur le champ des marques publiques Après
avoir fait l'éloge de la pieté et du zele de S. M. C.
elle assura le Cardinal B. qu'elle feroit tout ce
qui seroit en son pouvoir pour seconder ses
grands et ses pieux desseins . Le Pape résolut en
même-tems d'envoyer au Roi d'Espagne un Bref
de félicitation , d'exhortation , &c. Le Cardinal
Alberoni partit quelques jours après pour Florence
pour complimenter l'Infant Don Carlos
sur cet évenement.
Ce Prince qui avoir reçu la même nouvelle le
20. se rendit d'abord à l'Église de l'Annonciade ,
où il fit chanter le Te Deum , en actions de gra
ces. Le Grand Duc le fit chanter dans l'Eglise
Métropolitaine de Florence..
* Ce sont les grandes Cloches que le C. Ximenés
fit fondre pour la principale Eglise d'Oran , qu'il
nomma Notre- Dame de la Victoire. Les Maures
Les enleverent en l'année 1708. les porterent à Alger
, et affecterent de les placer à une des Portes de
La Ville , où on les voit encore comme une espece de
triomphe sur les Chrétiens..
D Y
2178 MERCURE DE FRANCE
Je reviens à Rome , pour ajouter que le Pape
fit part au Sacré Collège de la prise d'Oran, &c.
dans un Consistoire particulier,tenu le 11 Aoust;
et le 13 , on commença par ordre de S. S. les ré
jouissances publiques . On sonna toutes les Cloches
de la Ville , on tira le Canon du Château
S. Ange , et le soir il y eut des Feux et des Illuminations
par toute la Ville. Le 15. Fête de l'Assomption,
le Pape se rendit , en grand Cortege , à
l'Eglise de Sainte Marie Majeure , où S. S. tint
Chapelle Pontificale , à laquelle le Sacré Collége
assista. La Messe y fut célebrée par le Cardinal de
la Mirandole, Archiprêtre de cette Eglise, et aprèsla
Messe on chanta le Te Deum à plusieurs
Choeurs de Musique . Il y eut un grand concours
de personnes de distinction , et une affluance
extraordinaire de Peuple . Le Château S. Ange
fit plusieurs décharges de toute son Artillerie .
Le Cardinal Bentivoglio avoit déja fait chanter
le Te Deum solemnellement dans l'Eglise Nationnale
des Espagnols , le 25 Juillet , jour de St
Jacques , auquel le Cardinal Belluga , Protecteur
des Affaires d'Espagne , celebra , avec beaucoup
de pompe , la Fête de cet Apôtre , Patron des
Espagnes.
- Je m'attens bien d'apprendre dans peu de jours:
que de pareilles actions de graces ont été renduës
dans Oran même , et que l'exercice de la vraie
Religion s'y fait actuellement dans les mêmes
Temples , dont le Mahométisme s'étoit emparé;
que les Livres d'Eglise y sont à la place de l'Alcoran
et de la à Sunnah , et que la Foy pourroit
a C'est ainsi que les Mahometans appellent le
Recueil des Faits et Dits de Mahomet , conservez
par tradition , &c. C'est comme la Miscnah des
Hebreux; la seconde Loy , la Loy Orale . c.
enfin
OCTOBRE. 1732. 2179
enfin penetrer delà dans le reste de cette Partie
de l'Affrique , où elle a été autrefois si florissante
.
Vous me demanderez peut être , Monsieur , si
on n'a point rapporté parmi les dépouilles des
deux Places conquises , quelques Manuscrits de
Littérature Arabe ? Cela se pourroit fort bien ;
les Sciences n'ont pas moins fleuri sous les Califes
d'Affrique que sous ceux de l'Asie, et particulierement
dans les Païs circonvoisins d'Oran , sur
tout après l'expulsion des Arabes de toute l'Espagne
; expulsion qui contribua beaucoup à faire
de cette Ville , l'une des plus grandes , des plus:
celebres et des plus riches Villes du Mahométisme,
où se retirerent les Personnages les plus considérables
en tout genre.
Les Historiens Espagnols m'apprennent que
lorsque le Cardinal Ximenés fit son entrée solemnelle
dans Alcala , après la Conquête d'Oran ; la
seconde chose qui parut dans son triomphe, après
plusieurs Chameaux , conduits par des Esclaves
chargez de Pieces d'or et d'Argent destinées pour
le Roy , ce fut une quantité de Livres Arabes
d'Histoire , de Médecine , d'Astrologie , & c. qui
furent placez dans la Bibliotheque du Cardinal ,
lequel les laissa depuis à la Bibliotheque de l'Université
d'Alcala , qu'il avoit fondée , où on les
voit encore aujourd'hui.
Ximenês n'a pas sans doute tout enlevé, et dans
Fespace d'environ 25 années qu'a duré la derniere
invasion , il peut être entré dans Oran d'au
tres Manuscrits Arabes , curieux et utiles ; le
Païs des environs et sur tout la Ville de Trémé
sen , qui a fondé celle d'Oran , ne doivent pas em
être dépourvûs. Je connois deux Autheurs de réputation
, originaires de cette même Ville , done
D vi les:
3 MERCURE DE FRANCE
-
les Ouvrages sont fort estimez par les Bibliogra
phes Orientaux. Le premier est Assifeddin , Soliman
Ben Ali , surnommé Telmessani ou de
Tremesen , Autheur d'un Scharh , ou Commentaire
sur le Poeme du celebre Ebn * Faredh , intitulé
, Taiiah . Ce Commentateur est mort l'an
690 de l'Hégire 1291. de J. C. L'autre Ecrivain
Arabe est Schamseddin , Mohammed Ben Amed,
Ebn Al Merousi , Marzouk , aussi surnommé
Talmessani, ou de Trémésen . Il est Autheur d'un
Livre , intitulé : AschrafAl Thoraf l'Almalek Al
Aschraf: C'est un Recueil de Eons Mots et de
Contes agréables , dédié à Malek Al Aschraf
Roy d'Egypte , avec un Traité de l'Egypte, dans
lequel l'Autheur prétend prouver que c'est le
meilleur Pais de toute la Terre habitable Il mourut
l'an 781. de l'H.gire ou l'an 1379. de notre
époque . Mais lais ons à l'illustre Gouverneur
d'Oran 1 soin de recueillir tout ce qui peut être
resté de bon dans le Païs , en fait d'Erudition
Arabe Il est plus en état que personne de le faire ,
avec un juste discernement , et d'en enrichir un
jour la République des Lettres.
Vous me paroissez touché du mérite d'André
Doria , le Liberateur d'Oran , et content de la
Médaille de ce grand Homme , dont je vous ai
Scharfeddin Omar Ebn' Faredh , originaire
de Hamal , en Syrie , né au Caire l'an 577 de
l'Hegire , ou 1181. de J. C. fut l'un des plut Illustres
Poëtes Arabes. Le Recueil de ses Poësies , sous le
nom de Divan , est tres- estimé , et a eu plusieurs
Commentateurs. Il composa le Taiiah , en faveur
des Sofis , espece de Religieux Musulmans qui
donnent dans la Mysticité , & c . Les Foësies de cet
Autheur sont dans la Bibliotheque du Roy..
entre
1
OCTOBRE . 1732. 2181
entretenu dans ma derniere Lettre. Je puis bien
avoir fait quelque omission sur ce sujet , car , je
vous avoue , Monsieur , que ce n'est qu'en finissant
cette Lettre , que j'étois pressé de faire partir,
que j'ai sçu que Doria avoit eu un Historien,
et que cet Historien est le fameux Jesuite Sigonius
, dont les Ouvrages , en grand nombre, sont
en réputation et ne se trouvent pas tous ensemble
bien aisément . J'ai cependant eû le plaisir de
lire depuis dans cet Autheur la Vie a d'André
Doria , et d'avoir trouvé en lui un garant des
principales choses que je vous ai écrites sur ce
sujet.
de
Il en faut seulement excepter l'article de la
Statue , érigée par la République de Génes , en
l'honneur de Doria Elle est de Marbre blanc ,
selon mes Mémoires , et suivant le rapport
ceux qui l'ont vûë placée dans le Vestibule du
Palais où s'assemble le Sénat , et élevée sur un
Pié d'Estal , sur lequel est l'Inscription que j'ai
rapportée.
A prendre littéralement le Narré de Sigonius,
qui rapporte tout du long le Decret du Sénat , la
Statue seroit de Bronze , et placée dans la grande
Sale de ce Palais . Mais cela me paroît aisé a
concilier. Dans ce Decret , datté du mois d'Octobre
1578. le Sénat , après avoir fait un Előge
magnifique de Doria , qui avoit, dit - il , rendu
la liberté à sa Patrie , &c . s'exprime ainsi , au su
a Cette Vie se trouve dans un des Volumes des
Oeuvres de Sigonius , intitulé : Caroli Sigonii ,
Historia de Rebus Bononiensibus , Libri VIII.
Ejusdem de vita ANDREE DORIE , Libri duo..
quibus accesserunt , &c . 1. vol. Fol. Francofurti ,
1603
jer
2182 MERCURE
DE FRANCE
jet de la Statuë : Decrevit ut Andrea Doria Enea
Statua in magna Pratorii Aula , quoadfieri possit
ornatissima , cum ipsius nominis Inscriptione ponatur.
Il est sans doute arrivé que dans l'exécution
de ce Décret , le Sénat , toujours le Maitre de ses
Décisions , ait , par des raisons qui nous sont inconnues
, trouvé à propos de changer la matiere
et la situation de ce Monument , qui en effet se
trouve plus exposé à la vénération publique à
l'entrée du Palais , qu'il ne le seroit dans l'enté- rieur de ce Bâtiment. L'intention du Sénat est
toujours remplie , et l'Historien qui a écrit , et
qui est mort avant l'exécution , n'a point de
tort.
à
Je n'ai pû trouver, au reste , dans cet Historien, ni dans aucun autre Ecrivain le nom et la famille
de l'Epouse d'André Doria , dont le même Historien
éleve si fort le rare génie et le mérite superieur,
dont il fait, en un mot , une Héroïne , laquelle l'Empereur Charles V. voulut rendre visite
en passant par Génes et qui donna à ce
Prince des Conseils admirables , &c Je ne compart
de Sigoprens
pas trop cette omission de la
nius , d'ailleurs si exacts qu'en nommant la Mere
de Doria , il nous fait entendre qu'elle étoit de la
même Maison que son Epoux. J'ai aussi appris de cet Autheur que la Principauté
de Melphe , donnée par Charles V. à Doria
, et généreusement
refusée d'abord, est située
dans le Royaume de Naples , relevant de cette.
Couronne. Elle Y avoit été réunie par la défection
, ou la félonie de Jean Carracioli , Prince de
Melphe.
Vous avez vû , Monsieur , dans ma derniere
Lettre , que le fameux Pyrate Dragut , pris par
charles
Galeres de Doria , fut amené à Génes ,

OCTOBRE. 1732. 218
é de chaînes , & c. Sigonius décrit élégamment
Phumanité et la générosité exercée par A. Doria
envers ce Captif , que je crois plus que jamais ,
après cette lecture , être representé sur le Revers
de notre Médaille , et non pas Barbarousse, com
me je l'avois d'abord pensé. Ce Captif , dis- je ,
homme féroce et barbare , s'il en fut jamais , est
bien connu sur ce pied-là par Doria Norat enim
feros illius. moreş , et immanem naturam , dit notre
Historien. Je crois que vous le reconnoîtrez à
ces traits sur la Médaille même , tant l'habileté
du Graveur a été grande àexprimer tout cela, par
son Burin.
Rien,au reste, n'est plus pathétique et plus moral
que le Discours de Doria fait à Dragut en le
mettant en liberté. Il mérite d'être lû dans cet
Autheur: Morale et Eloquence perduës ! les monstres
ne s'apprivoisent presque jamais . Vous sçavez
de quelle ingratitude Dragut paya dans la
suite son Libérateur, qui pensa être la Dupe d'une
générosité sans exemple.
J'apprens encore dans le même Livre , que les
Génois avoient fait Doria leur Généralissime de
Terre et de Mer. C'est la matiere du 38 Chap .
du onzième Livre , intitulé : De Maritimo ac
Terrestri Imperio ei à Genuensib , delato.
Je trouve enfin une circonstance singuliere dans
le 43 et dernier Chapitre , qui donne une grande
idée de l'attachement et de la reconnoissance
de ce General , pour l'Empereur Charles V. en
ordonnant par l'Acte solemnel de ses dernieres
volontez, qu'on mit avec lui dans son Tombeau
Les Lettres de ce Prince par lesquelles il l'avoit
créé Chevalier de la Toison d'or.
Une autre circonstance non moins singuliere ,
que j'ai tirée d'un Mémoire particulier, venu depuis
2184 MERCURE DE FRANCE
puis peu de Génes , c'est qu'André Doria , né
pour ainsi dire , pour les Armes et pour les Exploits
Guerriers, ne porta jamais d'Epée ni de Poignard
; il disoit sur cela que toute sa force êtoit
dans sa tête et dans l'amour de ses Concitoyens.
Ne vous semble - t - il pas, Monsieur , être
transporté dans les meilleurs temps de la Republique
Romaine , et voir revivre les Fabius , les
Lucullus , les Catons , dans ce grand Personnage
?
Finissons par un court Eloge , consacré à sa
Mémoire , et composé à Génes , en 158 6. à l'occasion
de la Statue dont nous avons déja parlé ,
par l'Editeur de Sigonius :
Hic tam ferventi Patria flagravit amore ,
Illius ut chara pro libertate tuenda
Horribiles Regum non formidaverit iras ,
Hic quoque cum Patria Regno , Sceptroque potiri
Posset et aurata frontem redimire corona ,
Contempsit Regni fastus , nomenque Tyranni.
Huic maris Imperium vasti , sævumque tridentem
Neptunus , Pelagique leves concessit habenas :
Quin etiam aratis premerit cum classibus &quor,
Haud Pauci impavidi admirantes pectoris ausa.
Neptunum , aut sacro Neptuni è sanguine cretum
Mortalesque Deum vultus sumpsisse putarunt .
Hoc certum est , nullas Neptunum amplectier oras
Quá non ille simul fama penetrarit et armis,
Je finirois ici ma Lettre , Monsieur , si par vo
tre Réponse à ma précedente , je n'étois pas obligé
OCTOBRE . 1732. 2185
gé de revenir à Oran , pour vous dire en trèspeu
de mots , qu'après quelques recherches je n'ai
rien trouvé qui autorise ce que Davity * en a dit,
sçavoir , qu'elle est la Capitale d'un petit Etat
nommé le Marquizat d'Oran , &c. et qu'à l'égard
de Marzalquibir , dépendant , dit il , de ce
Marquisat, cette Ville fut enlevée aux Maures par
le Marquis de Comarez en 1555. Ce dernier fait
me paroît contredit par les meilleurs Historiens ,
qui s'accordent tous à mettre la premiere conquête
de Marzalquibir par les Espagnols en 1508.
ce fut comme le prélude de celle d'Oran , qui ne
fut réduit que l'année d'après. Don Fernand de
Cordoue commandoit l'Armée qui prit Marzalquibir
, et non pas le Marquis de Comarez.
Dans mes Recherches j'ai trouvé quelquefois
cette expression dans certains Auteurs le Royaume
d'Oran , cela n'est peut- être pas exact, mais il
sert à prouver que cette Ville , Colonie , comme
je l'ai dit ailleurs , de celle de Tremesen et dans
l'entiere dépendance des Rois de Tremesen , devenue
extrêmement puissante par le commerce
et par la navigation , avoit secoué le joug de ses
prémiers Maîtres pour se faire Capitale d'un Etat
particulier , qui obéissoit apparemment à quelque
Chef qui prit le nom de Roy , Etat qui devint
ensuite presque Républiquain et qui étoit
tel lorsque les Espagnols conquirent Oran et ses
dépendances.
A l'égard de la puissance de cette Ville lors de
la Conquête , l'Historien du Ministere du Cardinal
Ximenés , dit que les Maures chassez d'Espagne
qui s'y étoient retirez , l'avoient tellement peu-
* Description generale de l'Affrique. Edition de
Rocolles , T. VI, in fol . Paris 1660.
plée
2186 MERCURE DE FRANCE

*
plée et enrichie, qu'elle pouvoit mettre sur pied des
Armées assez considerables . On peut juger , ajoûtet'il
, de la grandeur et des richesses d'Oran par son
commerce et de son commerce par le nombre de
1500. Boutiques qui y étoient lorsque Ximenés la
prit.Le butin, sans y comprendre ce qui fut détourné,
fut estimé 500. mille écus d'or ; toute l'Armée s'enrichit
à cetteprise , et il y eut tel particulier qui
en rapporta jusqu'à dix mille ducats. Les richesses
d'Oran n'étoient pas ce qui contribuoit le plus à sa
réputation; sa grandeur , le nombre de ses habitans ,
sa situation , son Port , son Arcenal , où l'on trouva
plus de 60 Pieces de gros Canons , sans compter les
moindres , et un nombre infini de toutes sortes d'armes
>
la faisoient passer pour la plus importante
Ville de toute l'Afrique.
Il est vrai qu'il y a eu du changement dans la
fortune de cette Ville ; mais sa situation maritime,
et ses autres avantages naturels étant toûjours les
mêmes , c'est un coup important pour l'Espagne
d'en avoir fait la conquête , contre la pensée de
certaines gens mal instruits et peu éclairez , qui
font des raisonnemens contraires et qui comptent
pour peu de chose la prise de ces deux Places. La
seule prise du Port de Marzalquibir met toute la
Côte d'Espagne même en sureté,et ouvre une entrée
à la conquête de l'Affrique. C'est ainsi que
s'est exprimé sur ce sujet un Historien Espagnol
des plus sensez .
Qu'il me soit permis , Monsieur , en finissant
Jerome Julien , Historien , qui étoit à la conquête
d'Oran , dit les avoir comptées , par le nom
de Boutiques ilfaut entendre des Magazins remplis
de Marchandises , c.
* Alvar-Gomez de Castro de reb. gestis Ximen.
d'observer
OCTOBRE. 1732.
2187
d'observer ici une méprise de M. d'Herbelor
dans sa Bibliotheque Orientale au sujet de notre
Marzalquibir , page 558 , que l'Auteur confond
avec le Port et la Ville de Velez , autrement le
Penon de Velez, situez sur la même Côte de Barbarie
, mais c'est si peu la même chose , que selon
les meilleurs Géographes et selon la nouvelle
Carte de la Mer Méditerranée , il y a de Marzalquibir
à Velez , situé près le Détroit , plus de
deux cens cinquante milles , ou environ soixante
et dix lieuës Françoises. M. d'Herbelot ajoûte
que Garcia de Tolede , Capitaine Espagnol , prit
Velez en 1564. ce qui ne s'accorde
pas avec l'Histoire
de la conquête d'Oran par Ximenés ; l'Auteur
Espagnol qui l'a écrite , marque expressément
que peu de temps avant la prise d'O
*
ran , le même Pierre de Navarre , dont il est tant
parlé dans cette Histoire , avoit réduit cette Ville
de Velez sous l'obéissance du Roy d'Espagne. Ce
General après le départ de Ximenés fit encore
d'autres conquêtes ; il prit Bugie , Capitale du
Royaume de ce nom , puis Tripoly , & c. et se
rendit la terreur de toute l'Affrique. Enfin Alger
se rendit tributaire de la Couronne d'Espagne.
,
Je souhaite aux Armes de S. M. C. de pareils
succès et de plus considerables pour le bien de la
Chrétienté , pour la gloire de ce grand Prince et
pour celle de la Religion. Je m'engage en même
temps de vous instruire avec la même exactitude
de la suite des Evenemens. Je suis, Monsieur, &c.
A Paris , le 26. Septembre 1732..
* Pierre Quintanilla Mendoza , Religieux Minime.
2188 MERCURE DE FRANCE
***************
A MILE M ALCRAIS DE LA VIGNE
du Croisy.
Docte Malcrais , dont les gentils Ecrits ,
Dans le Mercure obtiennent toûjours place ,
Lorsque je lis vos Vers remplis de grace ,
Certain soupçon se forme en mes esprits.
Je vous le dis , quand devrois vous déplaire ,
Vous n'êtes femme en aucune façon ,
Si fin génie et sçavoir si profond ,
Dans votre Sexe est extraordinaire ,
Ainsi je vois ; confirmant mon soupçon ,
Que Malcrais n'est qu'un Estre imaginaire,
V. D. G.
De Marseille le 3. Septembre 17 32 .
į į į į į į į į į į į į į į į l į į
Ꭳ .
EXTRAIT d'une Lettre écrite de
Provence au mois de Juillet dernier, an
sujet d'une quantité d'ancienne Monnoye
trouvée à Marseille.
La
E 16. du mois passé des Massons
travaillant à faire creuser une Cavę
dans une Maison nouvellement alignée et
qu'on
OCTOBRE. 1732. 2189
qu'on rebâtit à Marseille dans la ruë de
Rome près de la Fontaine Longue , trouverent
un vase de terre fait en forme de
bouteille à l'Angloise , et l'ayant cassé,
il en sortit de l'eau avec une quantité
de petite Monnoye d'argent , toute de
la même qualité en grandeur , qui est à
peu près comme celle de nos Liards . Sept
Ouvriers se partagerent entre eux ces Especes.
Le sieur Fortoul Bourgeois et Proprietaire
de la Maison , en fut averti et
prétendit se les faire restituer ; le Receveur
du Domaine agit aussi de son côté
et établit des Gardes sur les Lieux , mais
ces Travailleurs , à ce qu'on assure , en
avoient déja vendu à des Changeurs pour
quatre ou 500. livres , et ce qui étoit
encore entre les mains de quelques- uns
fût déposé à la Police , le tout ensemble
pouvant valoir environ mille livres. On
a depuis continué à creuser au même endroit
, où l'on prétend que les Templiers
avoient eu une Maison , ce qui d'abord
avoit fait présumer quelque trésor enfoui
, &c . mais on n'a plus rien trouvé.
J'ai trouvé le moyen d'avoir de la
Monnoye quelques-unes de ces Pieces
. On y voit d'un côté la tête d'un
Comte de Provence et pour Legende Co.
MES PROVINCIE , et de l'autre MASSIL
>
CI2190
MERCURE DE FRANCE
CIVITAS. en caracteres du temps >
c'est-à-dire fort gothiques . M. de Ruffy
le Pere a fait graver une pareille Monnoye
dans le x. Liv. de son Histoire de
Marseille , page 444. publiée en 1642. ce
que son fils a obmis dans la seconde Edition.
Cette Monnoye s'appelloit dans les
Titres Solidi minuti Massilienses , et vulgairement
Menus Marseillois . Elle pese
suivant l'essai que j'en ai fait faire à la
Monnoye sur une Piece des plus entieres
, un denier douze grains , et est au
titre de onze deniers de fin.
Comme le nom du Comte de Provence
n'y est pas exprimé , on ne peut pas sçavoir
précisément à quel Prince on doit
la rapporter. Elle peut être de Charles
d'Anjou, frere de S. Louis, avant qu'il fut
Roy de Sicile ; mais aussi elle pourroit
bien être de quelqu'un des Berengers , ce
qui me paroît assez difficile à déterminer.
Il est parlé de cette Monnoye dans les
Chapitres de Paix , où le fameux Traité
fait en 1257. entre Charles d'Anjou et
la Ville de Marseille , lorsque cette Ville
se donna et se soumit à ce Prince.
Avant que d'avoir reçû la Lettre dont
on vient de lire l'Extrait , qui est d'une
Personne de consideration et fort intelligente
, on nous avoit envoyé de Marseille
S.
OCTOBR E. 1732. 2191
,
5. ou 6. de ces mêmes Pieces ; nous n'aurions
pas pû en faire une description plus
exacte , ni donner là- dessus des Remarques
plus justes . Nous ajoûterons seulement
ici que sur le côté de cette Monnoye
où se lit Massil civitas , on voit comme
le Frontispice d'un Bâtiment avec
une Croix au sommet. M. de Ruffy * le
fils , veut que ce soit la Ville même
ayant ses Clochers élevez , ce qui , en tout
cas , est fort grossierement représenté.
Nous observerons encore que les cinq
Pieces qui nous ont été envoyées sont
de differens coins , et ont été frappées
sous differens Princes . Deux même de
ces Têtes ont une Coëffure et un air de
femme , ce qui peut donner lieu à des
conjectures et à des recherches ' curieuses;
matiere que nous laissons volontiers à
éclaircir à M " de la nouvelle Académie
de Marseille , qui ont formé le dessein
d'en écrire l'Histoire . L'Article des Monnoyes
frappées dans cette Ville , et de son
autorité , par un droit anciennement acquis
et exercé pendant plusieurs siecles ,
ne sera pas le moins important , et il
mérite d'autant plus d'attention que ce
sujet paroît confusément traité par les
* Hist. de Marseille , Liv . XIII . pag. 324. 58-
Corde Edition 1696.
Ecrivains
2192 MERCURE DE FRANCE
Ecrivains qui ont précedé nos Académiciens.
************** :**
"
MADRIGAL
.
De Me de Malcrais de la Vigne , au
Poëte des bords de la Marne , Auteur de
l'Ode à sa loйange , imprimée dans le
Mercure de May 1732.
Berger , dont l'aimable Musette ,
Sçut raisonner pour moi sur un si joli ton ,
Que l'écho de mon coeur sans cesse le repete ;
dites -moi votre nom .
De
grace ,
beau Berger ,
Mais non , non , taisez vous: Sur le riant gazon ,
Le hazard se plairoit à nous mener peut - être .
Un coeur n'est pas toûjours son maitre ;
Et vous chantez si tendrement ,
Vos sons flateurs entrent si doucement ,
Non , je ne veux pas vous connoître.
On a dû expliquer les Enigmes et les
Logogryphes de Septembre , par la Satyre,
la Fieure , Orgueil , Chiourme , Oraison.
ENIGME
OCTOBRE. 1732. 2198
ENIGM E.
J
Oliette ,
Rondelette
C'est aux champs ,
Qu'on me cueille ,
Et ma feuille ,
Aux Amans ,
Sert d'ombrage.
Heureux l'âge ,
Où la dent ,
Aisément ,
De ma loge ,
Me déloge ;
Quelquefois ,
De mon bois
Retirée ,
Et sucrée ,
Je parois,
Bien blanchette ;
De grisette ,
Que j'étois.
J ... de Paris.
XXXXX
LOGOGRYPHE.
S Ept membres arrangez font mon individu ,
Dont les quatre premiers , sans les changer de
place , E For
2194 MERCURE DE FRANCE
Forment, un autre Tout , au Lecteur fort connu
suffisoit pour Ho-
Qui peu propre et grossier ,
race , I
Dans les trois quarts du monde on en fait tres
grand cas ,
Le besoin prétend qu'on en fasse.
Cependant autre part un Roy même s'en passe,
Et l'homme ne le cherche pas
Tant qu'aimant Dieu plus qué lui-même ,
La sincere innocence eut pour lui des
appas.
Si vous doublez le quatrième
Ajustant l'un des deux aux trois autres restez ;
Des deux parts de mon tout vous verrez la der
niere ,
Dans les Prez , les Valons , et les lieux écartez ,
Sans cesse porter la premiere ,
Avant qu'à la Nature humble et simple ouvriere,
L'Art superbe faisant de sçavantes leçons ,
L'embellisse et la change en diverses façons ,
Pour servir aux Humains en plus d'une maniere.
Mais si les trois derniers sont pris séparément ,
Vous trouverez un Element ,
Réunissez mon corps , et d'abord dans la guerre,
D'un air fier , et pompeux, vous me verrez marcher
,
Et de Mars en couroux , défier le tonnerre,
I .. ? toga qua deffendere frigus ,
Quamvis crassa , queat. Sat. 111,
Prenez
7
Σ
OCTOBRE. 1732. 2195
Prenez - moi , dans un autre sens ,
Ma fonction est basse et vile ;
Alors je ne deviens utile
Sur tout qu'aux plus petits enfans .'
AUTRE LOGOGRYPHE.
J E suis mere de sept enfans ,
Qui de moi n'ont point pris naissance ,
Et par une autre circonstance ,
Nous dattons tous du mênre-temp
Le fils d'un Patriarche au début se présente ,
Une riviere vient après
Ma premiere de moins , ainsi que sa suivante
A l'instant vous reconnoîtrezé
Une des Provinces de France ,

En cet état , mon second membre à part ,
Je plais , ou je déplais sur la simple apparence¿
Pris dans un autre sens , je suis pour le Soudart
Un sujet de travail ainsi que de science ,
Voulez -vous autrement m'interpreter encor
A bon droit je suis un trésor ; ;
Le susdit remis en sa place ,
Si mon dernier est retranché
Tel humain est bien empêché ,
Qui de moi , par force se passe,
Rognez encor , et puis à découvert ,
E ij Vous
2196 MERCURE DE FRANCE
Vous verrez que jamais on ne me prend sang
verd.
NOUVELLES LITTERAIRES
DES BEAUX ARTS , &c.
I
NSTRUCTIONS CHRETIENNES sur les
huit Béatitudes , par Demandes et par
Réponses , tirées des SS . P P. et en particulier
de S. Augustin ; avec des Prieres et
Aspirations sur chaque Instruction . A Paris
, rue S. Jacques , chez Witte et Henry !
in 12. avec fig. en Taille - douce.
COUTUMES GENERALES , LOCALES , du
Duché de Bourbonnois; avec un Commentaite
, dans lequel ces Coûtumes sont expliquées
suivant les Observations manuscrites
et les sentimens des plus Sçavans
Magistrats , et des plus habiles Avocats
de la Province qui ont vécu depuis la réduction
de ces Coutumes , jusqu'à present
, &c. Par M.Math- Auroux des Pommiers
, Prêtre , Docteur en Théologie
Conseiller- Clerc en la . Sénéchaussée de
Bourbonnois et Siége de Moulins . Chez le
Breton , fils , Quai des Augustins , 2. vol.
in fol.
>
VOYAGE
OCTOBRE . 17327 2197
VOYAGE DE CONSTANTINOPLE , pour
Rachapt des Captifs. Par le R.P.Jehannot,
Docteur en Théologie de la Faculté de
Paris , Ministre et Supérieur de la Maison
de Beauvoir sur Mer , de l'Ordre de la
Sainte Trinité. Chez de Lormel , ruë du
Foin , et René Josse , au coin du Marché
Neuf, 1732. in 12 .
SERMONS CHOISIS , sur les Mysteres , la
Vérité de la Religion et sur differens fujets
de la Morale Chrétienne.Tom. 12. conte
nant l'Octave du S. Sacrement et autres
Sermons et Discours. 1732. in 12. Chez
Herissant , et Lottin , rues Neuve Notre
Dame et S. Jacques.
L'IMITATION DE JESUS-CHRIST , traduite
et revûë par M. du Fresnoi , D. de S.
sur l'ancien Original François , d'où l'on
a tiré un Chapitre qui manque dans les
autres Editions. Avec l'Ordinaire de la
Sainte Messe ; in 8 ° . 1731. Chez P. Gans
douin , Quai des Augustins.
OEUVRES de Maître François Rabelais ;
publiées sous le Titre de Faits et Dits du
Géant Gargantua , et de son fils Pantagruel
; avec la Pronostication Pantagrue
line , l'Epître du Limosin , la Crême Phi-
E iij loso
198 MERCURE DE FRANCE
losophale , deux Epîtres à deux Vieilles
de moeurs et d'humeurs differentes , et
des Pemarques Historiques et Critiques
de M. le Duchat , sur tout l'Ouvrage.
Nouvelle Edition , augmentée de quelques
Remarques nouvelles. 1732. in 8 °.
6 vol. Par la Compagnie des Libraires.
LETTRES du Cardinal d'Ossat , avec des
Notes Historiques et Politiques , de M.
Amelot de la Houssaye. Nouvelle Edition ,
corrigée sur le Manuscrit original , considérablement
augmentée et enrichie de
nouvelles Notes de M. Amelot de la .
Houssaye , qui ne se trouvent point dans
la derniere Edition de Paris de 1697. §
vol. in 12. Par la Compagnie des Libraires.
...
LIVRES nouveaux, d'Impression Etran
gere , qui se trouvent chez Briasson , ruë
S. Jacques..
ELIANI( CL. ) Varia Historia Gr. et
Lat. cum Notis variorum et abr. Gronovii.
2 vol. 4°. Amst. 1731 .
EXCELLENCE de la Religion , par Bernard
, avec sa Vie. 2 vol. in 12. Amst.
17321
HISTOIRE de l'Eglise et de l'Empire , par
Le Sueur, continuée par Pictet, 11 . vol . 4°.
Amst. 1729. et 173 1 .
IDE'E
OCTOBRE. 1732 2199
IDE'E d'une République heureuse ou
PUtopie, de Thomas Morus, traduite par
Gueudeville , in 12. avec figures, Amst.
1730.
INTRODUCTION à l'Etude des Sciences
et des Belles Lettres , par la Martiniere,
89. La Haye 1731 .
LETTRES sur la formation des Sels et
des Cristaux , et sur la Generation , et le
Méchanisme Organique des Plantes et des
Animaux , par Bourguet , in 12. avec figures.
Amst. 1730 .
MEMOIRES et Négociations pour servir
à l'Histoire du XVIIIe siecle , par M. Lamberty
, 10 vol. in 4° . avec figures . A la
Haye, 1727. 1731. les derniers vol. se vendent
séparement.
MORT des Justes , ou l'Art de bien
mourir , par M. de la Placette. 2 vol . in
8°. La Haye. 1730.
OEUVRES de Clement Marot , avec celles
de Jean et de Michel Marot, très-auganentées
, avec des Notes , &c. 4 vol. in
49. La Haye , 1731. grand et petit papier.
Les mêmes , in 12. 6 vol.
و
RECUEIL de Chansons notées , 6 vol.in
12. la Haye , 1731. On vend séparément
le s et 6º vol.
THEOLOGIE Physique , ou Démonstrátion
de l'Existence de Dieu par ses créa
E iiij tures
200 MERCURE DE FRANCE
tures , traduit de l'Anglois de Derham .
2 vol. 8 °. fig. Rotterd. 1731 .
TRAITEZ Géographiques , pour l'Intelligence
de l'Ecriture Sainte , recueillis de
divers Auteurs , par la Martiniere, 2 vol.
in 12. la Haye , 1730.
THUCYDIDIS Opera omnia , Gr. et Lat.
cum Notis variorum et D. Wasse , et variis
Dissertationibus.Fol. cum fig. Amst. 173 1.
WOLFII ( Christian . ) Elementa Matheseos
, in 4. fig. Geneva. 1731 .
ZODIAQUE de la vie , traduit du Latin
de Marcel Pallingene , par M. de la Monnerie
, 2 vol. in 12. la Haye , 1731.
PHILIPPI Cluverii Introductio ad Geogra
phiam , cum Notis variorum et Editoris,
cum Tabulis et Fig. Æneis . 4. Amst . 1731.
L'Editeur de ce Livre est M. de la Martiniere.
JOAN.FOY Vaillant Seleucidarum Imperium
, seu Historia Regum Syria. fig. Hage
Comitis , 1732. Le sieur Briasson vend
aussi les autres Ouvrages de ce celebre
Antiquaire.
L'ART d'orner l'Esprit en l'amusant ;
ou nouveau choix de traits vifs , saillans
et legers , soit en Vers , soit en Prose , et
de Morceaux d'Histoires singulieres , & c.
Par M. Gayot de Pitaval , 4. vol . in 12. à
Paris , chez Briasson , rue Saint Jacques ,
1732
OCTOBRE . 1732 1732 2701
1732. C'est une nouvelle édition à laquelle
la 3 et la 4 partie sont ajoutées , et que
l'on vend séparément , en faveur de ceux
qui ont déja les deux premieres Parties de
la premiere Edition .
SAILLIES d'Esprit ou Choix curieux de
Traits utiles et agréables pour la conversation
, entrelassez d'Histoires singulieres
, d'Anecdotes intéressantes , de Réfléxions
Critiques , morales , de Jugemens
sur plusieurs Poëtes modernes , et
de l'élite de leurs Poësies. Par M. Gayot
de Pitaval : Nouvelle Edition , augmentée ,
revue et corrigée , 4 vol. in 12.
7 La 3 et la 4 Partie sont pareillement
ajoutées à cette nouvelle Edition , et on
les vend séparement à ceux qui , dans la
premiere Edition , ont déja les deux premieres
Parties. Il y a une grande variété
dans ce double Recueil ; on peut y ap
prendre bien des faits particuliers ,propres
à amuser agréablement , sans parler de
plusieurs morceaux de Poësie , répandus
dans chaque volume .
1
MANDEMENT de M. l'Evêque de Marseille
, pour l'Etablissement des Priéres pu--
bliques pour la conservation de ses Diocésains
, qui vont sur la Mer , et pour

prosperité du commerce de Marseille. A
E v
Mare
#202 MERCURE DE FRANCE
1
Marseille,de l'Imprimerie de Jean Brebion.
C'est icy un nouveau Monument de
la piété de M. l'Evêque de Marseille et de
sa charité pastorale pour ses Diocésains ,
pour ceux en particulier que leur état et
cur profession engagent de s'exposer aux
périls de la Mer,et qui sont en tres grand
nombre dans ce Diocèse : Le Seigneur,
dit- il avec l'Ecriture , qui a formé seul la
vaste étendue des Cieux , qui marche sur les
Flots de la Mer, qui fait à son gré sortir les
Vents du secret de ses Trésors , qui prescrit
une Loy aux Pluies , et qui marque le chemin
aux foudres et aux tempêtes , est le seul
qui puisse les préserver et les délivrer des
fâcheux et funestes accidents qui peuvent
leur arriver dans des Navigations pénibles
et toujours dangereuses. Il est le salut
de son Peuples il écoute les cris que l'on
pousse vers lui dans la tribulation et dans
le péril addressons nous donc à lui avec
la confiance que doivent nous inspirer
et sa puissance et sa bonté , &c.
A la fin du Mandement , donné le re
Aoust 1732. est la Liste des Eglises où
tous les jours de l'année on donnera dans
quelqu'une d'icelles la Benediction du
tres-Saint Sacrement , dans l'intention du
Mandement. Après la Listé , suivent les
Prieres qui seront dites pour le même sujet
OCTOBRE . 1732. 2203
jet entre lesquelles est le Pseaume 68. en
Latin et en François , et en particulier le
Pseaume 129. pour le repos des ames de
tous ceux qui ont péri sur la Mer.
. PRINCIPES GENERAUX et raisonnez de
la Grammaire Françoise , avec des observations
sur l'Orthographe , les Accens , la
Ponctuation et la Prononciation ; et un
Abregé des Regles de la Versification
Françoise ; dédiez à Monseigneur le Duc
de Chartres. Par M. Restant , nouvelle
?
Edition , corrigée et augmentée. A Paris
chez le Gras , au Palais : Lottin, rue S. Jacques
; De Saint , rue S. Jean de Beauvais;
Chaubert , Quai des Augustins. 1732. in
12. pag. 552. voyez en l'Extrait dans le
Journal des Sçavans , d'Octobre , p . 60s,
OBSERVATIONS DE MEDECINE PRATIQUE,
par Louis Jean le Thieullier, Docteur Regent
de la Faculté de Médecine en l'Université,
Conseiller du Roy , et son Medecin
ordinaire dans le grand Conseil , 1732 .
A Paris , chez Charles Osmont , P. Mich.
Huart et Jacques Clousier , ruë S. Jacques
vol. in 12. pag. 395. L'Ouvrage est en Latin.
Nous renvoïons pour l'idée juste
qu'on en peut donner , à l'Extrait qui est
dans le Journal des Sçavans , de ce mois ,
-page $96. E vj

LIS
1204 MERCURE DE FRANCE
LES ENTRETIENS PHYSIQUES d'Ariste et
d'Eudoxe , ou Physique nouvelle en Dialogues
, qui renferme précisément ce qui
s'est découvert de plus curieux et de plus
utile dans la nature.Enrichis de beaucoup
de Figures. Nouvelle édition , revûë et
augmentée d'un volume. Par le P. Regnault,
de la Compagnie de JESUS. A Paris , chez
Jacq. Clouzier , ruë S. Jacques , 1732. 4
vol, in 12. premier vol. pag. 385. 2ª vol.
pag. 416.3 vol. pag. 376. 4 vol . pag.421 .
sans les Tables , qui font ensemble 122.
pag. Voyez- en l'Extrait dans le même
Journal.
LES BAINS DES TERMOPYLES , à la Prine
cesse de Milet. Par feu Mlle Scudery. A
Paris , rue de la Comédie Françoise , chez
la veuve Ribou , 1732. brochure de 73. p.
ANA Ou Bigarures Calotines . Premier Recueil.
A Paris , rue Gisle-Coeur , chez Antoine
de Henqueville , et Quai des Augustins
, chez Louis- Antoine de Henqueville,
1732. Brochure in 12.de 73 pag. avec une
Préface , dans laquelle l'Auteur dit qu'on
trouvera icy quantité d'Anecdotes curieuses
et Litteraires , qui n'ont jamais été imprimées
, et qui pour la plus grande partie
ne sont connues que d'un très - petit
nombre
OCTOBRE : 1732 2205
Hombre de personnes. Je les ai recueillies
dit-il , des conversations des plus beaux
esprits , et des plus sçavans hommes de ce
temps.
LA VOYE E'TROITE , qui conduit à la
voïe marquée dans les 8 Béatitudes , avec
les moïens pour les acquerir , et les Priéres
pour les demander à Dieu. Par le R.P.
Barbaza , Religieux de l'Observance de
S. François. A Lyon , chez Claude Journet
1731. in 12.
LE ZODIAQUE DE LA VIE , ou Préceptes
pour diriger la conduite et les moeurs
des hommes ; traduit du Poëme Latin de
Marcel Palingene , celebre Poëte de la
Stellada.Par M.de la Monnerie A la Haye ,
cbez Jean Swart , 1731. 2. vol. in 12. de
520. pag. les 2. vol .
RELATION FIDELLE des troubles arrivez
dans l'Empire de Pluton , au sujet de
Histoire de Sethos ; en 4 Lettres , écrites
des Champs Elisées , à M. l'Abbé * ***
Auteur de cette Histoire. Amsterdam ;
chez les Westins. 1751. in 8. de 211. pag.
HISTOIRE NATURELLE DES OYSEAUX
&c. en 101 Planches gravées , dessinées
2206 MERCURE DE FRANCE
et enluminées d'après des Oyseaux vivans.
Le nom de chaque Oyseau est marqué
en Anglois et en Latin , avec des Remarques
et Explications . Par M. Eleazar
Albin , Auteur de l'Histoire naturelle des
Insectes . A Londres , chez Janys. in 46
DISCOURS qui ont été présentez à l'Académie
des Belles - Lettres de Marseille
pour le Prix de l'année 1732. Brochure in
12. de 63. pag. A Marseille , chezla veuve
Boy.
Un Avertissement , qui est à la tête de
ce Recueil , apprend que M. le Maréchal
Duc de Villars , Protecteur de l'Académie,
vient de fonder sur sa Principaúté de
Martigues en Provence, le Prix annuel de
300 liv.qu'il a bien voulu lui fournir tous
les ans, depuis son Institution, fondation
qui assure à la Ville de Marseille , et à
toute la Province , l'avantage de récompenser
le mérite , et aux Muses une source
immortelle d'émulation de gloire et de
couronnes.
On apprend aussi dans cette petite Préface
que le Prix sera toujours une Médaille
d'or de la valeur de 300 liv.mais au lieu
que cette Médaille portoit d'un côté les
Armes de M. le Maréchal , et sur le Revers
, la Devise de l'Académie ; elle portera
OCTOBRE. 1732. 2207
tera désormais d'un côté le Buste , et sur
le Revers la Devise de M. de Villars . Le
jour de l'adjudication du Prix , qui étoit
cy- devant fixé au premier Mécredy après
Quasimodo , le sera à l'avenir pour toujours
au 25 Aoust , jour de la Fête de S.
Louis ; ce qui ne commencera d'avoir lieu
que l'année prochaine 173 3. par les raisons
énoncées.
Le Prix sera adjugé à une Piéce de Poësie
de 100 Vers au plus , et de 80 au moins,
qui sera une Ode , ou un Poëme à rimes
Plattes , dont le sujet sera ; l'Utilité des
Prix Académiques , à l'occasion de la fondation
de celui de l'Academie des Belles
-Lettres de Marseille , par M. le Maré
chal de Villars , son Protecteur.
On addressera jusqu'au premier jour de
May inclusivément , les Ouvrages destinez
au concours , à M. Chalamont de la
Visclede , Secretaire perpétuel de l'Acadé
mie , rue de l'Evêché , en affranchissant
les Paquets.Les Auteurs ne mettront point
leurs noms , mais une Sentence de l'Ecriture
, des Peres ou des Auteurs pròfanes
, & c.
L'Auteur qui aura remporté le Prix ,
viendra le recevoir dans la Salle de l'Académie
, le jour de la Séance publique, s'il
est à Marseille , sinon il enverra à une
per2208
MERCURE DE FRANCE
t
personne domiciliée , le Récepissé de M.
fe Secretaire , à qui les Auteurs auront
eu soin de donner leurs addresses , et
moïennant le Récepissé on delivrera le
Prix à cette personne
.
Les Discours imprimez dans cette Brochure
, sont au nombre de quatre, et roulent
sur ces paroles de Seneque : Neminem
adversa Fortuna comminuit nisi quem secunda
decepit.L'adversité n'abat que ceux que
la prosperité avoit aveuglés. Le premier
qui se presente est celui qui , au jugement
de l'Académie , a remporté le prix. Il est
du R. P. Raynaud , de l'Oratoire. Nous
n'entrerons là - dessus dans aucun détail ,
pour ne point exceder nos bornes ordinaires.
Nous ne dirons rien par la même raison
d'une Lettre anonyme , dattée d'Aix, le 3
Juillet 1732. imprimée à Marseille sans
nom d'Imprimeur , et sans aucune marque
d'authorisation , intitulée : Réfléxions
critiques sur le Discours qui a remporté le
Prix de l'Académie des Belles Lettres de
Marseille , en l'année 1731. addressées à
M. de*** brochure in 12. de 42 pag.
EX
OCTOBRE. 1732 2209
EXTRAIT d'une Lettre écrite de Constantinople
par le R. P. Romain de Paris ;
Capucin , Conseiller des Missions de
Grece , et Préfet du College des Enfans
de Langues , sur diverses Traductions .
N
pl

Ous avons vu ici , Monsieur , avec
plaisir et reconnoissance l'anonce
faite dans l'un des Mercures de l'année
1731. de la Traduction Françoise de deux
Ouvrages Orientaux ; fruits de l'applica
tion des jeunes gens de notre Nation , qui
étudient les Langues dans le College dont
nous avons la direction . Depuis ce temslà
, la même Jeunesse a donné plusieurs
autres Traductions d'Ouvrages estimez
lesquelles ont été envoyées en France à
Monseigneur le Comte de Maurepas , et
dont nous vous prions de vouloir bien.
publier la liste ci-jointe. Il est bon
que le
Public n'ignore pas ce que nous faisons
dans ce pays éloigné sous la puissante protection
du Roi , et pour le bien du servi
ce de S. M. l'institution de ce College
n'ayant point d'autre but que celui- là.
J'ai envoyé en même tems que ces
Traductions tous les Mémoires que j'ai
crû nécessaires pour l'éclaircissement du
Projet de mon Dictionnaire en sept Langues
420 MERCURE DE FRANCE
gues , dont M. l'Ambassadeur a bien vou-
Ju depuis proposer l'impression . Sice Pro
jet réussit , comme je commence de l'esperer
, son éxécution procurera un grand
avantage à tous ceux qui s'appliquent à
l'étude des Langues Orientales . L'Allemagne
a la gloire d'en avoir donné un
qui commence par le Turc , mais on a
toujours souhaité depuis qu'on en produisit
un autre qui commençât par le
François. Celui que j'ai anoncé et dont
vous avez publié l'essai dans votre Jour
nal , imprimé dans la nouvelle Imprimerie
de cette Ville , aura tous les avantages
qu'on peut souhaiter , et sera utile à
notre Nation et à la Litterature en gé
néral.
TRADUCTIONS faites dans le College
des Enfans , ou Jeunes de Langues de
France , par les soins et sous la direction
du R. P. Romain de Paris , jusqu'au mois
de Décembre 1731.
L
E Pendattar , ou Instructions et Conseils
à un Prince pour se bien gou
verner dans l'administration de ses Etats ,
avec des Remarques et des Notes curieuses
pour une plus facile intelligence de
cette Traduction , faite par le sieur Șiel-
1
ve ,
OCTOBRE. 1732. 2211
ve , à présent Interprete du Roi à Alep.
Instruction d'un Pere à ses enfans , traduite
par le sieur de Latine , Interprete
au Caire .
Histoire du dernier Siége de Vienne ,
par Kara Mustafa , Gr. Vizir , traduit par
le même .
Avanture extraordinaire , arrivée à Scutary
, à un certain Yaya Tcheleby , Corroyeur
de Constantinople , traduite
te sieur Legrand.
par
Histoire du Siége de Canize en Hongrie,
par les Allemands , traduite par le sieur
de Fiennes , Pensionnaire au College des
Jeunes de Langues , et fils de M. de Fiennes
, Interprete du Roi à la Cour .
Histoire d'Achraseb , Roi de Scythie ',
traduite par M. Imbault.
Conte Turc , intitulé Temim Davi , traduit
par le sieur Galland.
Conquêtes des Turcs dans la Mer blanche
, depuis l'établissement de leur Monarchie
jusqu'à Khaireddin Pacha
Barberousse , Ouvrage traduit
*Roques.
ou
par le sieur
le
Histoire extraordinaire de Selim de
Vasite , Ville de Chaldée , traduite par
sieur Berault .
Histoire des dernieres Révolutions de
Perse , imprimées en Turc à Constantinople,
211 MERCURE DE FRANCE
par
ple , traduite
le sieur Choquet
.
Tous ces Ouvrages sont écrits en Langue
Turque , et les Traducteurs
sont actuellement
, ou ont été du College des
Enfans François , ou Jeunes de Langues,
établi à Constantinople
aux dépens et
sous la protection
du Roi.
*
L'occasion et la confirmité du sujet nous
engageroient de dire ici quelque chose
de la Grammaire Turque , &c. imprimée à
Constantinople , vol . in 4. 1730. de 194.
pages , dont nous avons reçû presqu'en
même-tems un Exemplaire ; si Mrs les
Auteurs du Journal des Sçavans n'avoient
déja rendu de cet Ouvrage un
compte très- éxact dans le mois de Mai
dernier , l'article est curieux , et mérite
d'être lû. Nous nous contenterons de
nommer l'Auteur principal de cette Grammaire
; sçavoir , le R. P. Olderman , Jésuite
Allemand , lequel a eu pour Adjoint
Ibrahim Effendi, Hongrois , Directeur de
la nouvelle Imprimerie. Nous nous sommes
apperçus dans la sixième partie de
cette Grammaire , contenant un Recueil
des Noms et des Verbes , &c . de la sterilité
de la Langue Turque , et des emprunts
qu'elle a faits dans les Langues des
Peuples voisins ; mais cette sterilité a
quelquefois donné lieu à des expressions
heu
OCTOBRE. 1732. 221
heureuses , et qui supposent , contre la
croyance ordinaire , que les Turcs n'ignorent
pas l'Histoire fabuleuse des Grecs
et des Romains : faute , par exemple , de
terme pour exprimer le Laurier, ils l'ap
pellent Daphne Aghadgi , &c,
On trouve chez Gabriel Martin , Libraire , rue
3. Jacques , un Livre qui a pour titre : Le Triomphe
de la Pauvreté et des Humiliations , ou la Vie
de Madlle de Bellere du Tronchay , appellée Sou
Louise de la Misericorde , 1732. in- 12.
On trouve aussi chez Chaubert , Quai des Augustins
, quelques Exemplaires d'une nouveauté
qui paroît en brochure , sous le titre de Journées
Calotines , en deux Dialogues , &c. Cet Ouvrage
qui nous paroît ingénieux , et d'un caractere
fort singulier , sera sans doute bien reçû du Public
, nous en parlerons plus au long.
Quand nous avons parlé ci - devant du mérite
t des Ouvrages devenus rares de Sigonius , Auteur
de la Vie d'André Doria, & c . nous ignorions
qu'on en prépare actuellement une belle Edition
en Italie, Nous venons de l'apprendre par un Prospectus
Latin , qui nous a été envoyé de la part du
sçavant M Argelati , de Boulogne, Chefde l'Illus
tre Societé Palatine de Milan , et qui a tant de
part au fameux Recueil des Ecrivains de l'Histoire
d'Italie , & c. C'est M. Argelati qui a entrepris
cette nouvelle Edition de Sigonius. Son Prospecus
est si curieux , si interessant , si instructif, que
nous ne manquerons pas d'en parler au long
dans notre prochain Journal , ce qu'il nous est
impos
2214 MERCURE DE FRANCE

impossible de faire dès-à- présent. Nous nous
contentons de donner aux Sçavans cette agréa
ble nouvelle , et d'avertir le Public que le premier
volume de cette Edition se trouve , tant en
grand qu'en petit papier , chez le sieur Debure
Libraire, Quai des Augustins , à l'Image S. Ger
main , lequel délivrera des Billets de Souscription
, signez de M. Argelati , à ceux qui voudront
souscrire pour les volumes suivans.
D
On apprend de Seville , que le 4 du mois der
mier , quatre Académiciens de l'Académie Royale
Espagnole , eurent audience du Roi , de la Rei
ne , et des Princes et Princesses de la Famille
Royale , ausquels ils présenterent , au nom de
cette Compagnie,le troisième Tome du Dictionnaire
de la Langue Castillanne , qui a été achevé
d'imprimer depuis peu . Don Jean Curiel , Auditeur
de cette Académie , porta la parole , et fit
un Discours très éloquent.
On mande de Cobourg , dans le Cercle de
Franconie , qu'on y avoit apperçu au commencement
du mois passé un Phénomene du côté du
Nord , qui ressembloit à la Fusée Parabolique
d'une Bombe , au bout de laquelle paroissoit un
Globle embrasé , qui dura près de six minutes en
l'air , et qui disparut ensuite insensiblement. Le
même Phénomene a été vû à Bamberg , mais fi→
guré diféremment.
Nous avons une nouvelle Estampe à annoncer
véritablement digne de la curiosité des plus
grands Connoisseurs. Elle est excellemment gravée
par C. N. Cochin , d'après un petit Tableau
de chevalet en hauteur , de M. le Moine , repré-
*SCROCTOBRE
. 1732. 22.1 S
sentant Jacob arrivant en Mésopotamie , apperce
vant Rachel , et se faisant connoître à elle. Ce Tableau
est dans le Cabinet de la Comtesse de Ver
rue. Le sieur Cochin , chez qui se vend cette
Estampe, rue S. Jacques , à S. Prosper , n'avoit pas
encore gravé de si grandes Figures ; il ne connoissoit
pas tout son talent. Il a sçû allier dans
cet Ouvrage tout ce que son Burin a de tendre et
de pittoresque , avec l'harmonie enchanteresse
la suavité , les graces naïves et touchantes du
Pinceau de M. le Moine. Cette Estampe est dédiée
au Cardinal de Poligna , aussi illustre par
les lumieres de l'esprit , l'amour et la connoissance
des beaux Arts , que par la grande naissance
et les éminentes Dignitez.
Voici une autre Estampe en hauteur et moins
grande , qu'on peut comparer à celle qu'on vient
d'annoncer , quoique dans un genre très - différent
, et c'est en faire un fort grand éloge. Nous
croyons que les Auteurs de ces deux excellens
morceaux ne se plaindront pas du parallele , et
que le Public confirmera notre suffrage .
Cette nouvelle Estampe du sieur Lepicié , d'après
un Tableau estimé de M. Charles Coypel
est le pendant de celle que nous avons annoncée
dans le Mercure de Juillet , p. 1609. dont le Sujet
est l'Amour de Village , ou l'Amour Naïf. Cel
le-ci porte pour titre , l'Amour de Ville , ou l'Amour
Coquet. On lit ces Vers au bas.
Loin de l'innocence des Bois ,
Pour le fidele Amour il n'est point de retraite :
A la Ville on suit d'autres loix ;
3
Ee
213 MERCURE DE FRANCE
1
Et c'est un jeu pour la Coquette ,
De tromper deux coeurs à la fois.
Ce Sujet est traité d'une maniere élégante et
ine , avec des expressions justes et délicates ; une
très-belle personne , galamment ajustée , reçoit
la déclaration et les sermens de son Amant , dans
le moment qu'elle glisse adroitement un Poulet
à un petit More , qui le reçoit de même , et fait
connoître par an souris malin , la legereté du
coeur de sa Maîtresse. Le sieur Lepicie demeure
rue S. Louis , au coin de l'Abrevoir du Quai des
Orfévres , chez M. Marlié.
Le 27. Septembre , le sieur Charles Léopold
de Grevenbroeck , fut reçû à l'Académie Royale
de Peinture et Sculpture , présenté par M. Caze ,
ancien Professeur à l'Assemblée ou tous les Professeurs
se trouverent. M. de Boullongne , Chevalier
de l'Ordre de S. Michel , Secretaire du Roi ,
son premier Peintre , Directeur et Recteur de
l'Académie , lui donna des marques de sa bonté
et de sa politesse ordinaire, et toute l'Académie fut
si contente desOuvrages du sieur deGrevembroëck,
que pour lui en donner des marques , il fut dans
la même Assemblée agréé et reçû ; êt les deux
Tableaux de Marine qu'il présenta à l'Académie
furent acceptez ; et en même-tems , par considération
particuliere , il fut dispensé des droits que
l'on a coûtume de payer en pareille occasion .
Le sieur de Grevembroëch est originaire d'Hol
lande , de la Maison de Grevembroëck , et né à
Milan. Après avoir voyagé par toute l'Italie .
où il a appris la Peinture , il est venu à Paris , sur
La haute réputation de notre Académie , pour tâcheg
OCTOBRE . 1732. 2217
ther de s'y faire recevoir. Les Projets de cet habile
Etranger ont été suivis d'un plein succès.
Les lumieres et la politesse de l'Académie ont
parfaitement répondu à ses souhaits .
PROGRAMME de l'Académie Royale
des Belles- Lettres , Sciences et Arts
de Bordeaux.
'Académie ayant été obligée de réserver yn
L'des deux Prix de cette année , elle en propose
encore deux aux Sçavans de l'Europe , qui seront
distribués le 25 d'Août 1733. Elle destine
un de ces Prix à celui qui expliquera avec le plus
de probabilité
le Systême de la Circulation de la
Séve dans les Plantes , ou qui établira le mieux
l'opinion contraire. L'autre est destiné à celui qui
donnera l'explication
la plus probable de la Nature
de l'Air, et de ses proprietez . Il sera libre d'envoyer
les Dissertations
en François ou en Latin.
On demande qu'elles soient écrites en caracteres
lisibles , elles ne seront reçûës pour le concours
que jusqu'au premier Mai prochain inclusivement.
Au bas des Dissertations
il y aura une Sentence
, & l'Auteur mettra dans un billet séparé et
cacheté la même Sentence avec son nom et son
adresse. Les paquets seront affranchis et adressez
à M. Sarrau , Secretaire de l'Académie , ruë de
Gourgues , ou au sieur Brun , Imprimeur de l'Académie
, ruë S. Jâmes . M. l'Abbé de la Quintine
est l'Auteur de la Dissertation sur le Magnetisme
des corps qui a remporté un des deux Prix proposez
pour l'année 1732.
A Bordeaux , ce 25. Août.
F L.
2218 MERCURE DE FRANCE
Le sieur Lescure , ci- devant Chirurgien des Gardes
du Corps de la Reine d'Espagne , donne avis au
Public qu'il continue à distribuer ( avec beaucoup
de succès ) un Reméde en forme de Sel spécifique .
pour la guérison de l'Epilepsie ou mal caduc , vapeurs
bisteriques, convulsives , et simples vertiges ou
étourdissement , paralisie , tremblement , et foiblesses
de nerfs ; il est très-souverain dans toutes les maladies
qui attaquent le genre nerveux. Les preuves de
l'excellence de ce Reméde sont les expériences qui en
ont étéfaites, tant à l'Hôpital General , que dans le
Public , sous les yeux de plusieurs célebres Médecins
de la Faculté de Paris , sur un grand nombre
de malades de tout sexe , de differens âges et tempéramens
qui lui ont merité leurs approbations , et le
Privilege du Roi , pour le distribuer dans toute l'étendue
du Royaume.
Ce Reméde opere la guérison de ces fâcheuses maladies
avec autant de douceur que de certitude ; il
purifie la masse du sang , dissipe les obstructions , et
corrige les humeurs acides et gluantes qui piccotent
et embarassent les nerfs ; il n'agit que suivant le
tempérament du malade , et ne l'oblige à aucun
régime particulier , ni à se déranger de ses occupations.
Il est très - aisé à prendre , conserve toujours sa
vertu , et peut se transporter par tout sans souffrir
la moindre alteration. Il donne la maniere de s'en
servir. 1
Le sieur Lescure demeure rue du Jour, vis - àvis
le grand Portail de S. Eustache , à Paris. Ceux
qui lui écriront de Province auront soin d'affranchir
leurs Lettres.
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NEW
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PUBLIC LIBRARY
ASTOR, LENOX AND
TILDEN FOUNDATIONS.
CHAN
OCTOBRE 1732. 2219
XXXX:XX* X* XX ******
CHANSON.
Amis ,
bénissons le lien ,
Qui joint votre sort et le mien ,
Des Dieux unis à notre bien ,
C'est l'harmonie.
Je sens leur douce sympathie ,
Des Graces j'entens l'entretien ;
Je vois Iris ; mon verre est plein ;
L'aimable vie !
Nous rassemblons ici les Jeux ,
Les Ris , les transports amoureux ,
Le Nectar , la Table , les Dieux
Et la Folie..
L'Amour , sous le nom de Sylvie ,
Nous consume de ses beaux yeux ,
Mais Bacchus par ses divins feux
Nous rend la vie.
Nous ne poussons point de soupirs ;
La jouissance des plaisirs ,
Nous ôte le soin des désirs ,
Et de l'envie,
Fij Qu'à
2220 MERCURE DE FRANCE
Qu'à jamais mon ame ravie ,
Goûte un aussi charmant loisir ,
Je n'aspire point à joüir
D'une autre vie.
Que ce Nectar a de saveur !
Que ce bel oeil est enchanteur !
'Aisément à leurs coups mon coeur
Se sacrific,
Par cette douce sympathie,
Des Dieux j'égale le bonheur ;
Fixer Iris , être bûveur ,
L'aimable vie !
Couplets sur le Camp de Tomery.
Belles , venez sur la Seine ,
Pour y camper avec nous ;
Sous un jeune Capitaine ,
Vous irez sans peur aux coups,
Un coeur s'enrôle sans peine ,
Quand l'exercice est si doux.
M
Sous les loix que Mars enseigne ,
Jamais l'Amour n'a tremblé ,
Mars et l'Amour n'ont qu'un régne ,
L'un
OCTOBRE. 1732 2221
L'un par l'autre est enrôlé ;;
Venus a porté l'Enseigne
Pendant que Mars a filé.
SPECTACLE S.
Ldonna le premiere Représentation
E 19 Septembre , l'Opera Comique
d'une Piéce nouvelle en un Acte , qui a
pour titre la Mere Jalouse , dont voici le
sujet .
Pierot et Olivette expliquent d'abord le
Caractere de la Mere Jalouse , qui regarde
sa fille de travers à cause qu'elle est plus
jeune qu'elle , et qui a dessein de lui enlever
Clitandre , son Amant. Araminte
mere d'Henriette paroît , et laisse voir à
Pierot et à Olivette son inclination pour
l'adorateur de sa fille ; Clitandre arrive et
parle à Araminte de son Mariage avec
Henriette , comme d'une cerémonie fort
prochaine la mere amoureuse soupire"
et enfin déclare sans façon son amour à
son Gendre futur , qui se retire fort chagrin
et fort confus. Araminte confie ses
nouveaux tourmens à Olivette , qui ne
l'épargne pas , et lui remontre impitoya-
Fiij ble
222 MERCURE DE FRANCE
blement qu'Henriette convient mieux
qu'elle à Clitandre. Araminte sort , et
Henriette apprend, en arrivant, avec étonnement
et avec douleur qu'elle a sa mere
pour Rivale. Clitandre survient ; ils tiennent
conseil sur le péril que court leur
tendresse , et Henriette s'abandonne enticrement
à la conduite de Clitandre , qui
ne sçait que résoudre ; il fait part de son
chagrin à un Financier de ses amis qui le
raille sur sa constance , et lui conseille le
célibat. Il chante sur l'air: Le plaisirpasse
la peine.
Reste garçon , mon cher Clitandre ,
L'Hymen n'est pas un Dieu bien tendre ;
La peine passe le plaisir.
Mais quand on méprise la chaîne
De ce Dieu qui fait tant souffrir ,
Le plaisir passe la peine .
Après les plaisanteries , le spirituel Fi
nancier propose à Clitandre de feindre
de l'amour pour Araminte , tandis que
lui demandera sa fille en mariage , et qu'il
arrangera cette intrigue avec le Notaire.
Cette idée se réalise dans le moment . Hen
riette qui n'est pas prévenuë en est accablée
; Araminte accorde sa fille au Financier
, qui sort pour aller achever son projet.
OCTOBRE. 1732. 2223
jet. Clitandre reste seul troublé du cha
grin que sa feinte inconstance vient de
Causer à l'aimable Henriette. Olivette
l'avertit que sa Maîtresse est seule dans sa
chambre , et que sa mere est allée chez
le Notaire avec le Financier ... l'Eveillé
Paysan du Château d'Araminte , qui est
venu pour la prier des Vendanges , apprend
son Mariage avec Clitandre , et en
raisonne avec Olivette . Le Notaire dénoue
l'intrigue en apportant le Contract ,
où Araminte a signé comme mere d'Henriette
qu'elle a marié à Clitandre , et le
Financier s'applaudit d'avoir imaginé cette
ruse. Le Divertissement termine l'Acte
par des chants de Danses , et du Vaudeville
dont voici les Couplets. Il est gravé
avec la Chanson.
Vieille,qui prend jeune Mari
Doit s'attendre au Charivari
Dans son ménage ;
Jeune,qui prend un v ieux barbon
pas un meilleur carillon , N'a
C'est-là l'usage.

Femme,qui trompé son Mari ,
Ne fait jamais charivari
Dans son ménage :
Fiiij Fem
2224 MERCURE DE FRANCE
Femme, dont la vertu tient bon ,
A chaque instant fait carillon ;
C'est-là l'usage.
Un Traitant par tout est cheri ;
Il ne fait point charivari
Dans un ménage.
C'est le Perou d'une maison ,
11 paye faisant carillon ;
C'est-là l'usage.
M
L'Amant qui veut être Mari ,
Dit qu'il hait le charivari
Dans le ménage ;
Mais est - il époux tout de bon
Pour un rien il fait carillon
C'est-là l'usage .
Epoux , l'aspect d'un Favori ,
Cause toujours charivari
Dans un ménage.
Femmes , suivez cette leçon ;
A bas bruit faites carillon ;
C'est-là l'usage.
Le 25 Septembre le même Opera Comique
OCTOBRE. 1732. 2225
mique donna la premiere Représentation
du Cheveu , Parodie de Scylla , éxecutée
par les petits Comédiens. La Scene ouvre
par Doris, qui dit à Scylla : Il y a une heure
que je vous cherche , qui diantre auroit cri
vous trouver ici dans le beau milieu de la
campagne , et près du camp des ennemis ?
est-ce là une promenade pour une Princesse
assiegée ? Doris lui apprend que la paix
va se conclure entre le Roi Nisus , Pere
de la Princesse ambulante , et Minos , et
même que son Mariage pourra s'achever
avec Dardanus , à qui elle est promise
cette nouvelle réjouit peu Scylla , qui
avoüe franchement à sa Confidente qu'elle
est charmée du Roi de Crete , et de la
grace qu'il avoit en tuant les Sujets de
son Pere. Dardanus arrive et confirme la
nouvelle de la paix et de son Mariage.
Scylla le reçoit assez froidement , et lui
dit à propos de rien , sur l'air : Cela m'est
bien dur.
Mon Pere , du Dieu de la Guerre ,
Est le fils le mieux partagé ;
Il n'est aucun Roi sur la terre
Qui soit si bien avantagé ;
Un seul Cheveu -le rend invulnerable ,
Quel poil admirable !
Fv Ni
2226 MERCURE DE FRANCE
Nisus peut se battre à coup
Il a le cuir dur.
sûr ;
Ovide , par parentese , nous apprend
que le Cheveu qui établissoit l'invulnerabilité
de Nisus étoit couleur de pourpre ;
Scylla , après quelques mauvaises défaites
se retire en voyant Capis et Dardanus
qui ne s'apperçoit pas que c'est lui seul
qu'elle fuit ; il la suit pourtant impitoya
blement. Capis apprend à sa Confidente
Ismene , qu'elle est jalouse de Scylla , et
amoureuse de Dardanus ; Il n'est rien , lui
répond Ismene , que je ne fasse pour votre
service , et chante sur l'air : Tourelontonton.
Dans votre Cour où j'ai reçû la vie ,
On m'a donné bonne éducation ,
Partant je sçai joliment la Magie ,
Et de l'Enfer j'ai la protection ,
Et tourelontonton ,
De notre diablerie
Je vous ferai voir un échantillon.
Capis qui doit être accoûtumée aux
Fêtes infernales ( puisqu'elle a une Sorciere
pour Femme de chambre ) refuse la
galanterie d'Ismene , et reste pour être
témoin de la succinte cérémonie qui se
fait
OCTOBRE 1732. 2227
fait en plein vent pour jurer la paix que
Nisus , Minos et Dardanus se promettent,
le verre à la main . Leur serment est
interrompu par le Tonnere , et qui pis
est par la pluye. Les Princes mouillés
prennent le parti d'aller consulter l'Oracle
de Pallas sur cette subite ondée . Scylla
revient dans cette campagne cherie , où
Minos la trouve et lui reproche son indévotion.
Princesse , quel sujet dans ce lieu vous arrête ?
Le peuple court en foule au Temple de Pallas.
و
,
1
Ensuite il lui parle en jaloux de Dardanus.
Scylla qui est sincere outre mesure
, ne le laisse pas long - tems dans
l'erreur et l'instruit charitablement de
P'amour qu'elle ressent pour lui , et enfin
lui promet d'obtenir de son pere Nisus
qu'il differe son Mariage. Minos
content d'un si heureux début , quitte
Scylla qui est abordée par Capis ; Scylla
laisse deviner à Capis qu'elle n'aime pas
trop Dardanus , et se sépare d'elle séchement.
Capis conjure sa Sorciere domestique
de se servir de sa noire science pour
sçavoir positivement le destin de sa tendresse
, qui à l'Opéra est pompeusement
et inutilement éclaircie par une évocation
F vj pos2228
MERCURE DE FRANCE
و
postiche. Ismene foraine se refuse à
cette ridicule opération en s'écriant
quelle imagination ! A-t-on jamais chargé
le Diable d'une déclaration d'amour ? et
chante sur l'air : J'en jurerois presque sur sa
laideur.
Je n'aurai pas la sotte fantaisie
De remuer tout l'Enfer pour un rien
Et d'évoquer l'ombre de Tirésie
Pour dire un mot que je dirai fort bien .
Elle tient sur le champ sa parole , et
déclare intelligiblement à Dardanus la
passion de Capis , qui est reçûë , Dieu
sçait ce qui fait dire à la Reine rebutée
, sur l'air du nouveau monde...
J'admire l'opération
De notre déclaration !
Dardanus assez peu s'y prête s
Il la reçoit tout aussi mal ,
Que si par un charme infernal ;
Un mort obligeant l'avoit faite.
Minos et Scylla reviennent faire une
Scene très-singuliere , puisque la Tréve
est rompuë ; Minos se trouve dans une
Ville ennemie , et y fait l'amour en veritable
Chevalier errant ; quelle étourderie
pour
OCTOBRE . 1732 2229
pour Minos , qui devoit être après sa mort
un flegmatique Juge des Enfers ! il part
désesperé , et la Princesse , allarmée du
péril qu'il va courir en se battant contre
l'invulnerable Nisus , éxamine quel reméde
elle apportera dans cette dangereuse
conjoncture; elle se détermine enfin contre
son Pere en fille qui n'a
jugés. Allons , dit- elle ,
pas de pré-
Puisqu'un cheveu rend Nisus invincible ,
Qu'il soit rasé : mettons tous ses cheveux i
bas...
Mais quel conte ! non
sible ,
non , cela
n'est
pas pos
Un cheveu braveroit cent et cent coutelas .
Sur l'air : Pour voir comment ça fera.
".
O Dieux ! sont - ce là de vos soins ;
Comment voulés- vous qu'on les nomme ?
Quoi d'un Poil de plus ou de moins
Dépendroit la valeur d'un homme
Il faut couper ce cheveu là
Pour voir un peu comment ça fera.
Cette louable résolution est d'abord ac
complie , après pourtant que la paix et la
discorde ont fourni des épisodes em
brouillés et mal cousus ; la Princesse ,
après.
2230 MERCURE DE FRANCE
après avoir tondu son pere , sent l'énormité
de son crime , qui lui est détaillé par
Doris dans un seul Couplet qui contient
une liste de morts à l'instar de l'Opera ;
Scylla s'empoisonne , et Minos vient à
propos pour la voir mourir. Le poison
n'empêche pas l'agonisante d'avoir une
assez longue conversation avec le prudent
Minos ; ah ! lui dit- elle :
L'arsenic dans le corps , pâle foible mou
rante ›
>
Je veux jaser autant que la Scylla chantante.
Viens , soutiens -moi , Doris , car ce petit vilain
,
>
Songe- t'il seulement à me donner la main ?
C'est ainsi qu'un Heros trépasse sur la Scene
Qu'il gobe du poison , qu'il perce sa bedaine ,
On le laisse languir et crever comme un
chien
,
Ou sans Orvietan , ou sans Chirurgien ;
Et le Vainqueur orné des Palmes les plus
belles ,
Ne voit à son trépas qu'un moucheur de chandelles
.
Minos.
C'est la régle au Théatre , on a beau se blesser
,
Personne ne s'occupe à vous faire panser...
Mais vous agonisés , je crois , et je l'endure
Sans
OCTOBRE. 1732. 2238
Sans risquer , par honneur , la moindre égrati→
gnure.
C'est mon Rôle ceci.
Scylla.
Dites du moins un mor.
Minos.
J'imite l'Opera, je m'en vais comme un sot .
En chantant , ô grands Dieux, trop soigneux de
ma gloire ,
Ce n'est donc qu'un Cheveu que coûte ma victoire.
Scylla.
Ce n'est donc qu'un Cheveu qui fait mourir.
Scylla ,
Ce n'est donc qu'un Cheveu qui lie un Opera.
Le 27. on donna sur le même Theatre.
la premiete Représentation de l'Allure.
La fortune de ce mot l'a presque suivie
sur le Théatre , et l'Allure personifiée
a fort réussi.
La Scene ouvre par la Mode et le Goût ,
qui paroît triste ; la Mode lui demande
le sujet de son chagrin ... Il lui cite le
dernier affront qu'il a reçû à Paris sous le
nom d'Ergone dans le Ballet des Sens , et
chante :
Helas
2232 MERCURE DE FRANCE
Helas en plein Parterre ,
Le Goût s'est vû , ma chere ,
Siffler à l'Opera.
Ecoutez , lui dit la Mode , vous ne serés
plus guére suivi. Le Caprice fait mieux ses
affaires que vous ; il a une fille bâtarde nouvellement
établie ici qui vous coupe l'herbe
sous le pied , elle s'appelle l' Allure.
Le Goût se récrie sur ce nom pitoyable
et sur l'imbecilité enfantine du Public ,
qui s'amuse souvent , sans sçavoir pourquoi,
d'un rien , qui n'est pas même ingénieux.
La mode insiste sur les miracles de
l'Allure .
Par tout l'Allure est nécessaire :
Une Vieille veut -elle plaire ?
L'Allure vient à son secours ;
Tel que pour sincere on renomme ,
Sans l'Allure seroit toujours
Connu pour un malhonnête homme.
Le goût piqué , prend congé de Paris ;
dont il n'est pas content , et n'a pas tort.
L'Allure paroît , qui est extrêmement
complimentée par la Mode . Elle reste
seule sur le Théatre ; un Campagnard
l'aborde , et la prie de façonner ses deux
filles qu'il lui présente : l'Allure les interroge
, et les trouvent dignes de son atten
OCTOBRE. 1732 : 2235
tention et de figurer dans la bonne Ville
de Paris ; voici , dit- elle
manque. Air de Joconde.
Un peu moins d'ingénuité
Et des façons plus fieres ,
Une fine naïveté
Sur les tendres matieres ;
C'est le manége qu'à Paris ,
Un chacun nomme Allure ,
Et qui procure à tant d'Iris
Le bien et la parure.
tout ce qui leur
Au Campagnard succede un Auteur
qui vient demander à l'Allure le don de
plaire à l'Opera Comique .
L'Auteur est suivi d'une Plaideuse Normande
, qui implore à son tour la protection
de l'Allure , pour engager ses Juges
dans ses interêts . Après la Plaideuse paroît
une jeune et jolie Procureuse , mariée
à un vieux jaloux ; elle expose son
sort dans le Couplet suivant
sur l'air
De la Syrene du Ballet des Sens .
D'un époux je subis les loix ,
Si l'Amour en eût fait le choix ,
Cet époux auroit l'art de plaire. . .
Je maudis mon sort mille fois ;
Si l'Himen a tant de rigueurs ,
.
Pour2234
MERCURE DE FRANCE
Pourquoi donc force- t'on nos coeurs
A donner à ce Dieu sévere
La plus belle des fleurs ?
Les beaux jours sont pour les Amans ,
Les Epoux n'ont que des tourmens ,
Des malheurs toujours renaissans ,
Et des maux plus ou moins rebutans.
D'un époux je subis , & c...
Les maris sont toujours jaloux ;
Avec eux il n'est point de charmes ;
Ils font sentir leur couroux ;
Dieu d'Himen , te rend - on les armes ♪
On est tourmenté ,
Plus d'amour , adieu la liberté .
D'un époux , je subis , &c.
Une Comédienne de Campagne qui
veut débuter à Paris , se présente ensuite
et dit :
'Ah ! j'ai brillé dans plus d'un Rôle ,
Mais Paris veut de grands talens.
L'Allure.
Oui , c'est une excellente Ecole
Pour se former en peu de tems.
Vous réussirés , je vous jure ;
Du Théatre voici l'Allure :

Suivés
OCTOBRE . 1732. 2235
Suivés bien ce principe-là ,
Résistés... jusqu'à ce point- là.
Ces derniers mots se chantent en faisant
le lazzi de compter de l'argent . La
Comédienne céde la place à un Paysan
qui
demande
à
l'Allure
d'ôter
à sa
petite
femme
ce
que
les
autres
vont
chercher
à
son
Audience
. Un
Fiacre
yvre
le
chasse
et
conte
ses
proüesses
de
Cocher
à la
Déesse
nouvelle
.
Un Maître de Ballet des bords de la
Garone couronne l'oeuvre par ses gasconades
, voici comme il commence , air :
Quand Iris pron plaisir à boire.
A mes talens , aimable Allure ,
Répondés , je vous en conjure ,
Je suis le Heros de mon Art ;
Mes pas divins me font assés connoître
Ceux que je fais même au hazard ,
Sont des pas où l'Amour a part ,
De tous les coeurs je suis le maître.
Il donne à l'Allure un Ballet de sa composition
, qui est terminé
ville suivant .
par
le Vaude-
Aujourd'hui pour faire figure ,
On se passe fort bien d'esprit ;
Qu'un faquin porte la dorure
2236 MERCURE DE FRANCE
On trouve bon tout ce qu'il dit ,
En lui qu'est- ce qu'on applaudit
C'est l'Allure.
>
Plus d'un Fat , rempli de roture ,
Que la fortune a mis fur pié ,
Cache de sa naissance obscure ,
A nos yeux plus de la moitié ,
A chacun il feroit pitié ,
Sans l'Allure.
Un Amant qui craint la coëffure ,
Que portent nombre de Maris ,
Epouse fille qui lui jure ,
Que sa vertu n'a point de prix
Qui fait que ce Benès est pris è
C'est l'Allure.
Une Iris , qui cent fois vous jure ,
Que ses feux sont toujours constans
Saisit la premiere avanture ,
Que l'amour offre à ses talens ,
Qu'est-ce qui trompe tant d'Amans ?
C'est l'Allure.
Un Cocher de Fiacre.
Qu'un Galant presne ma voiture ,
Et
OCTOBRE . 1732 2237.
Et me faffe sortir Paris ,
Je me mocque de l'avanture ;
S'il vient à bout de son Iris ,
Il ne dispute point du prix ;
C'est l'Allure.
1
Au Public.
Lorsque le Public nous censure ,
il prononce équitablement ;
La Piece qu'on croît la plus sûre ,
Reçoit un fâcheux compliment ,
Consultons son discernement
C'est l'Allure.
Couplet du Gascon , sur l'air de l' Allure.
C'est dans notre Païs ,
Cadedis ;
Qu'on voit vriller l'Allure ;
Sans un teston ,
Par tout un Gascon
Vit à son aise , et fait le fanfaron ,
Voilà du Païs
L'Allure ,
Mes Cousis ,
Du Païs ,
Cousis ,
C'est l'Allure .
Les Octobre , on donna la derniere
Re2238
MERCURE DE FRANCE
Représentation des Piéces dont on vient
de parler , pour la clôture de la Foire ; la
Dlle Delisle , premiere Actrice de l'Opéra
Comique , fit un compliment en Vaudeville
, que voici . Elle chante , sur l'a
Belle Iris , vous avez deux pommes.
Notre Troupe aujourd'hui m'honore
Du soin de faire ses adieux ; *
L'emploi , sans doute , est glorieux ,
Mais le chagrin qui me dévore ,
Etouffe en ce moment ma voix ,

Cet adieu nous met aux abois.
Air : Charmante Gabrielle.
Votre aimable présence ;
Combloit tous nos désirs
De votre complaisance ,
Naissoient tous vos plaisirs.
Cruelle départie !
Malheureux jour ;
Que ne suis- je sans vie ,
Ou sans amour !
Air : Si Margoton avoit voulu.
C'en est donc fait , il faut ce soir ,
Renoncer au bien de vous voir ,
Messieurs , je gage
Que vous vous sentez attendris ,
Ah
OCTOBRE . 1732
2239
Ah ! quel dommage ,
De quitter de si bons amis.
Air , de Biriby.
Mais j'ai trop de présomption ,
En tenant ce langage ,
Ce n'est qu'à la perfection ,
Qu'est dû votre suffrage ;
Ne nous flatons pas sans raison ,
La faridondaine , la faridondon ,
Puisque nous avons réussi , biriby ,
A la façon de Barbari , mon ami.
Air , du Confiteor.
Nous avons fait tous nos efforts
Pour mériter votre présence ,
Sensibles à nos vifs transports ,
Vous avez eu de l'indulgence ,
Pour un nouvel Entrepreneur ,
Comme pour un nouvel Autheur.
"
Air : Je ne suis né ni Roy , ni Prince.
Oui , pour nous vos bontez sont telles 1
Que préférant des bagatelles ,
Vous humanisez votre goût ;
Trop heureux d'avoir sçu vous plaire ;
Cela nous prouve bien qu'en tout ,
Un peu
d'Allure est necessaire.
La Mere jalouse , PAllure , et le Compliment
2240 MERCURE DE FRANCE
pliment sont de la composition de M.
Carolet.
L'Académie Royale de Musique re
mit au Théatre le 11 Septembre la Tra
gédie du Scylla ; dont le Poëme est de
M. Duché , et la Musique de M. Théobalde
: En voicy un Extrait .
Au Prologue. Le Théatre représente
le rivage de la Mer. Thétis environnée des
Fleuves et des Nayades , qui forment sa
Cour , expose le sujet , par ces Vers :
Astre du jour , flambeau du monde ,
Sortez du vaste sein de l'Onde ;
Répandez vos feux dans les airs ;
Embellissez les champs , éclairez ces rivages ;
Soyez les témoins des hommages ,
Que nous rendous au Dieu qui regit l'Univers
&c.
Elle fait entendre que c'est l'Anniver
saire de la victoire que Jupiter remporta
sur les Titans , qu'il s'agit de celebrer ;
elle invite les Dieux des Champs et des
Bois à cette auguste fête ; ils se rangent
auprès d'elle , le choeur prie Jupiter de
descendre des Cieux , pour être témoin
des hommages qu'on lui rend. Mars er
descend et annonce à Thétis ce qui empêche
OCTOBRE . 1732 2241
pêche Jupiter de venir lui- même; il s'explique
ainsi :
L'ordre de Jupiter sur ces rives m'attire ;
Ce Dieu , pour consacrer vos jeux ,
Descendroit du celeste Empire ;
Mais les Géants contre lui rassemblez
Cherchent à vanger leur outrage ;
Le dépit , la fureur les a tous aveuglez , &c.
Mars prédit la nouvelle deffaite des
Titans , il n'y a pas leu de douter que
Fallégorie ne tombe sur la dertiere victoire
de Louis le Grand , qui fut suivie
de la paix , Mars et Thétis le font assez
entendre par ces Vers :
Que chacun en ces lieux jouisse
Des douceurs d'une heureuse paiz ;
Que dans les fers la Discorde gémisse ;
Jupiter va combler vos plus ardens souhaits ;
Qu'il vainque , qu'il triomphe , et l'enchaîne
jamais.
Les Divinitez , des Eaux , des Champs
et des Bois - forment la fête de ce Prologue
, lequel est different de celui qui
fut donné à la naissance de cet Opéra ;
l'Envie précipitée dans les Enfers par la
France , en faisoit le sujet .
Au premier Acte de la Tragédie , le
Théatre représente une Place entre la Ville
G de
2242 MERCURE DE FRANCE .
de Megare et le Camp de Minos , qui assiége
cette Ville : Scylla , fille de Nisus
Roy de Mégare , ouvre la Scene par ces
Vers :
,
Quel trouble ! quel chagrin malgré moi me
dévore !
L'Amour seul dans mon coeur veut se faire obéiïr,
J'aime un vainqueur cruel , que je devrois haïr ,
Et je cesse d'aimer un Amant qui m'adore , &c,
Doris , confidente de Scylla , vient lui
annoncer que la paix va réünir Nisus avec
Minos , Scylla en paroît affligée ; parce
que cette paix va presser son Hymen avec
Dardanus qu'elle n'aime plus. Doris l'oblige
à lui ouvrir son coeur. Scylla lui
confesse qu'elle aime Minos , Roy de
Crete, tout ennemi qu'il est de Nisus son
Pere. Voici comment elle lui fait entendre
la naissance de ce nouvel amour.
Tu te souviens du jour qu'un désir curieux
Me fit chercher à voir ce Héros glorieux;
J'allai sur nos remparts , attaquez par ses armes,
Je le vis ; je sentis de secrettes allarmes ;
Et mon coeur , trahi par mes yeux ,
Fut séduit , malgré moi , par d'agréables charmes
, &c.
Dardanus vient se réjouir avec Scylla
du bonheur que la Paix leur va procurer;
il
OCTOBRE.
17320 2243
il lui dit tendrement que le Roy son Pere
ne veut plus differer leur Hymen , qui
n'avoit été retardé que par la Guerre ; if
est surpris de la froideur avec laquelle
Scylla reçoit une nouvelle qui devroit lui
faire plaisir ; elle ne le satisfait gueres par
sa réponse , et sur tout par la priere qu'elle
lui fait de differer cet Hymen . Dardanus
se livre à des soupçons jaloux , qu'il
fait connoître par ces Vers :
Vous déguisez en vain le trouble de votre amne
Je vous ai vûë , à mes yeux ,
mille fois ,
De nos fiers ennemis relever les Exploits ,
i
Vous vantez leurs vertus , vous dédaignez ma
flamme .
De Nisus en ce jour condamnez- vous le choix x
Scylla feint d'être offensée des soupçons
de Dardanus ; l'arrivée de Capys , Reine
de Beotie , l'empêche d'éclater en de plus
longs reproches ; elle se retire. Dardanus
la suit , pour tâcher de l'appaiser .
Capys se plaint à Ismene , magicienne , et
sa parente , de l'infidelité de Dardanus ,
par ces Vers :
Dardanus a troublé le repos de mes jours ;
Il épouse Scylla , si la paix est certaine ;
Voi quel sort funeste m'entraîne
Voi tous les malheurs où je cours.
Gij Ismene
/
2244 MERCURE DE FRANCE
Ismene lui promet d'empêcher
cette
Paix si funeste par la force de ses enchantemens
et de ceux d'Artemidor , son frere,
Nisus et Minos viennent se jurer la
Paix , en présence des Mégatiens
et des
Candiots , qui font la Fête de ce premier
Acte, Voici quel est le serment des deux
Rois.
Dieux immortels , qui regnez sur les Roix,
Vous qui les protegez , et vangez leurs injures
Dieux , quipunissez les parjures ,
Daignez écouter notre voix ;
Approuvez le serment que nous allons vous faire
De rendre à ces lieux pour jamais .
Les douceurs d'une heureuse paix.
Nous jurons ...
Le serment est interrompu par un éclat
de Tonnerre . Nisus et Minos vont consulter
le Devin , sur un évenement qui
n'est produit que par les charmes d'Ismene
.
Scylla fait entendre par un Monologue ,
au second Acte, quelle eft la situation de
son coeur.
3
{
Vain espoir , qui trompez un coeur crédule
tendre ,
Cessez de flatter ma langueur ;
En vain vous voulez me surprendre ,
MonOCTOBRE.
1732. 2245
Mon amour n'a rien à prétendre ;
Je dois fuir pour jamais un trop charmant vaing
queur, &c.
Minos vient apprendre à Scylla que le
Peuple court au Temple de Pallas , pout
en obtenir une Paix , qui doit être suivie
de son Hymen avec Dardanus ; il lui die
avec un sentiment d'envie :
Un Héros vous plaît , il vous aime
L'Hymenée et l'Amour,vont l'offrir à vos voeux!
Que votre bonheur est extrême !
-Et que Dardanus est heureux !
yeux Scylla regarde à son tour , avec des
d'envie , la prétendue indifference'de Minos
; elle lui dit ,
Que votre sort paroît digne d'envie !
Rien ne trouble la paix de votre illustre vie ;- ~
Tout cede à vos faits éclatants ,
Du Dieu qui fait aimer , vous bravez la puissance
;
Hélas ! les coeurs soûmis à son obéissance`,
Quand ils semblent les plus contents ,
Souvent voudroient jouir de votre indifference.
Minos lui répond :
Des troubles amoureux , j'ai craint d'être agité
Heureux si toujours invincible
Ce coeur que l'on croit insensible ,
G iij Avoit
2246 MERCURE DE FRANCE
Avoit pu jusqu'icy garder sa liberté , &c.
.Hélas ! adorable Princesse ,
Si j'osois découvrir la douleur qui me presse ,
Și mon coeur à vos yeux se montroit en ce jour
Vous ne m'accuseriez que d'avoir trop d'amour
Après ces Vers , Minos déclare à Scylla
que c'est elle seule qui est l'objet de cet
amour. Scylla l'invite à se livrer à l'esperance
; elle lui promet d'obtenir de
Nisus qu'il differe son Hymen avec
Dardanus. L'arrivée de Capys les oblige
à se retirer..
Capys voïant Scylla se retirer avec
Minos , commence à soupçonner leurs
amours ; elle se flatte de l'esperance de
voir rompre son Hymen avec Dardanus.
Ismene l'affermit dans cette esperance , et
pour lui faire voir quelle est la force
des enchantemens qu'elle veut employer
pour la rendre heureuse , elle lui en donne
une épreuve; elle évoque des Démons ,
transformez en plaisirs ; cette Fête a parur
frivole ; mais elle a donné lieu à une tresbelle
passacaille , qui , dansée par la De
Salle , fait un plaisir inexprimable. Il auroit
été à souhaiter pour Capys ; qu'elle
eut produit sur elle l'effet qu'Ismene s'en
étoit promis ; elle fait connoître à cette
Magicienne combien il s'en faut qu'elle
n'ait
OCTOBRE . 1732. 2247
n'ait rendu le calme à son coeur , par ces
quatre Vers :
Quel vain espoir , hélas ! peut flater mes souhaits
!
Si Dardanus pour moi consent d'être infidelle
Qui pourra m'assurer qu'une flamme nouvelle
Ne le dérobe un jour à mes foibles attràirs ?
Le Théatre représente un Parc au troisiéme
Acte. Capys fait connoître à Artemidor
et à Ismene que leur art ne sçauroit
soulager ses ennuis , si Dardanus ne
lui donne son coeur indépendamment du
secours de leurs enchantemens . Dardanus
vient; Capys sort de peur que son amour
ne la trahisse . Artemidor et Ismene se tirent
à l'écart pour entendre les plaintes
de cet Amant désesperé , lequel exprime
ses regrets par ce Monologue :
Paisibles ennemis du jour ,
Arbres épais , retraites sombres ,
Cachez dans l'horreur de vos ombres
Mon désespoir et mon amour.
Une indifference cruelle
Fait naître ma douleur mortelle ;
Je voi ce que j'adore insensible à mes feux ;
Et mon coeur trop constant , en cessant d'être
heureux ,
Ne peut cesser d'être fidelle .
Giiij
Arte2248
MERCURE DE FRANCE
Artemidor et Ismene s'approchent de
Dardanus et lui offrent le secours de leur
Art, pour éclaircir ses doutes au sujet de
Scylla . Il consent qu'ils évoquent l'ombre
de Tirésie ; il assiste à leurs enchante
mens.Le Frere et la Soeur appellent d'autres
Magiciens ; cette Fête a été tres - ap
plaudie; le St Dupré s'y est distingué à son
ordinaire ; il fait voir tous les jours qu'on
ne l'a jamais surpassé ,pour ne rien dire de
plus ; après l'évocation , la Statuë de Tiresie,
qui paroit couchée sur son tombeau
semble animée , on entend ces Vers :
Sans vouloir penetrer dans les Arrêts du sort ,
Songe à rompre les noeuds d'une chaîne cruelle
Tu dois faire un heureux effort ,
Et quitter pour jamais une Amante infidelle ;
Capys t'offre un destin tranquille et plein d'ap
pas ;
Que de maux si ton coeur trahit ton esperance
J'en ai trop dit , le ciel m'impose le silence ,
Et je dois retomber dans la nuit du trépas.
Après cet Oracle , qu'on a trouvé trop
long , Capys vient pour consoler Dardanus
, qui ne lui répond rien , taht il est
plongé dans la douleur , et saisi de deses
poir ; il se retire dans le dessein de se
donner la mort. Capys outrée de son silence
OCTOBRE. 1732. 2249
lence et de son départ , finit cet Acte
ce beau Monologue.
Haine , dépit , rage , vangeance
par
Je veux suivie aujourd'hui vos plus barbares
loix ;
Mes maux et vos fureurs m'agitent à la fois ,
Et je cede à leur violence ;
Haine , &c.
Amour , je n'entends plus ta voix
Assez de tes malheurs j'ai fait l'expérience :
Il faut en me vangeant d'un ingrat qui m'of
fense ,
Moi- même me punir de mon funeste choix ;
Haine , dépit , rage , vangeance ,
Je veux suivre aujourd'hui vos plus barbaresloix.
Ce morceau , tres- beau par lui- même
reçoit une nouvelle force , par la belle
voix et le jeu expressif de l'Actrice qui le
chante ; on doit reconnoître à ce juste
éloge la Dile Antier , qui soutient parfaitement
le nom de premiere Actrice ,
que personne ne lui conteste .
Au 4 Acte , le Théatre represente un
Bois. Capys s'abandonne à la douleur ;
mais à cette douleur succede un désespoir
affreux , à la nouvelle qu'Artemidor lui
apporte. Il lui apprend que Nisus consent
enfin à la Paix ; Capys juge par là que
Gov Dar-
1
2250 MERCURE DE FRANCE
Dardanus va bientôt épouser Scylla ; elle
presse Artemidor de servir sa fureur ; ils
chantent un Duo , qui fait un grand effet ;
en voici les paroles :
Que le fer, que la flamme ,
le désespoir qui regne votre
A Désolent ces climats ;
Suivez
Suivons dans
Portez
2 mon }
ame;
Portons } par tout l'effroi , la terreut, le trépas ;
Que le fer , que la flamme ,
Désolent ces climats.
Artemidor appelle les Furies et leur:
ordonne de s'emparer du coeur de Nisus ,
afin qu'il rallume le flambeau de la guer
re. Des Bergers et des Bergeres viennent
chanter les douceurs de la Paix , et forment
une Fête gracieuse , dans laquelle
les Dlies Camargo et Sallé dansent un Pas
de Deux, des plus charmans qu'ont ait jamais
vûs .
Scylla vient inviter les Bergers à aller
répandre par tout la joïe , où la Paix les
livre. Dans l'esperance qu'elle a que Minos
l'obtiendra de la main de son Pere , elle .
chante un Monologue , avec un Double ,
qui fait admirer de tout le monde la legéreté
de sa voix et la propreté et l'ame
de son chant , c'est la De Pellissier; elle
s'y
OCTOBRE. 1732. 2251
·
s'y fait generalement applaudir.
Minos vient changer la joie de Scylla
en une douleur mortelle ; il lui apprend
que Nisus veut continuer la guerre , et
que pour lui il n'a plus à chercher que
la plus prompte mort , puis qu'il ne sçauroit
vivre sans elle ; cette Scene est trèspatétique
, et le S Chassé la jote et la
chante également bien , secondé de la
Dile Pellissier.
Scylla au desespoir , fait entendre aux
Spectateurs qu'elle est capable de tour entreprendre
, pour sauver son Amant, aux
dépens même du sort de son Pere , qui' .
est attaché à un de ses Cheveux , comme
on l'a exposé dans le premier Acte. '
L'Action du Ve Acte est si odieuse que
nous ne sçaurions passer trop légerement
par dessus . Scylla dans l'entr'Acte a coupé
le Cheveu fatal , d'où dépendoit le
sort de son Pere . Elle l'annonce dès la
premiere Scene , non , sans de vifs remords
; une troupe de Magiciens vient
celebrer la victoire de Nisus ; ce qui fait
une espece de contradiction avec le Cheveu
coupé , à moins que l'Auteur n'ait
voulu supposer que le crime de la Fille
envers son pere n'étoit pas encore com- ›
mis. On apprend enfin le véritable fort
G vj
de.
A
2252 MERCURE DE FRANCE
de Nisus; c'est Doris qui l'annonce par ce
Vers :
Nisus vient d'éprouver un funeste trépas.
Minos vainqueur , fait grace aux vain.
cus ; il demande Scylla , qui se presente
à ses yeux empoisonnée ; elle confesse
son crime à celui pour qui elle l'a commis
;elle expire enfin , en disant ces cinq ,
Vers , addressez à l'ombre de Nisus :
Manes sacrez , je meurs pour vous vanger ;.
Appaisez - vous par ce promt sacrifice ,.
Après mon crime affreux , je ne devois songer
Qu'à vous faire , en mourant , une promte justice.
Manes sacrez , je meurs pour vous vanger .
On prépare pour le commencement
du mois prochain un Opera nouveau ,
qui a pour titre Biblis , dont nous parle
rons en son temps.
Les Comédiens François ont remis au
Théatre les trois Cousines , que le Public .
revoit toujours avec le même plaisir. Les
quatre principaux Rôles , de la Meuniere,.
de Colette , de Blaise , et de M. de Lorme
sont parfaitement joüez par les Dlles Lamotte
et d'Angeville , et par les Sieurs
Armand et Montmenil.
II
>
OCTOBRE . 1732. 2253-
Ils ont aussi remis la petite Comédie.
du Florentin, dans laquelle la Dule Legrand
joue le Rôle d'Hortense avec applaudissement.
NOUVELLES ETRANGERES
DE TURQUIE ET DE PERSE.
O
Na appris que les Troupes du Roi de
Perse avoient taillé en piéces un détache--
ment de 4000. Turcs , servant d'escorte à un
Convoy de coo Chameaux qui portoient des .
vivres et des munitions de Guerre à Bagdat .
On apprend par les nouvelles de Constantinople
qu'on voyoit dans cette Capitale une grande
disposition à une nouvelle révolte , que le peuple
étoit dans une grande consternation par rapport
aux mouvemens séditieux des Janissaires ; que le
Grand Seigneur pour sa propre sûreté faisoit as- ·
sembler aux portes de la Ville une Armée de 30.
mille hommes , dans laquelle il n'y auroit aucun -
Janissaire.
Les dernieres Lettres confirment les premiers
avis , et ajoutent que le G. S. et le G. Viz. pour
prévenir l'effet du mécontentement général des
Janissaires et de leurs menaces , avoient fait ,
étrangler en une nuit plus de 60. de ces sédi
tieux.
EX
2254 MERCURE DE FRANCE
EXTRAIT d'une Lettre de Constantinople
du mois de Juin 1732 .
Oici ce que des
Vinstruits
assûlent
quant à la cause principale
gens qui passent pour bien
de la déposition du G. Viz. Topal Osman Pamettant
à offices le
cha ,
les
mauvais
part
que
Kislar
-Aga
a pú
lui
rendre
d'ailleurs
auprès
du
Sultan.
Topal - Osman , disent-ils , ne fut pas plutôt
appellé au Visiriat , qu'après avoir appaisé les
plaintes du peuple , et s'être acquis son affection
par le bon ordre qu'il rétablit dans la police , il
tourna tous ses soins et toute son application
trouver les moyens de terminer bientôt la
Guerre de Perse ; mais comme la distance des
lieux ne lui permettoit pas de pouvoir profiter
par lui-même des conjonctures favora
bles qui pourroient se présenter , s'il prenoit en
vie à Chah - Thamas , Roi de Perse , de demander
la paix , il s'unit avec le Mufti Pasmadgiszade
, pour insinuer de concert au G. S. qu'outre
que cette Guerre étant tout - à- fait ruineuse à
PEmpire Sa Hautesse ne seroit jamais bien affermie
sur le Trône qu'elle n'y mit fin .
Surquoi le Sultan leur ayant demandé quels
expédiens ils avoient à lui proposer pour y par
venir. Le G. V. s'excusa d'abord de lui en indiquer
aucun , dans la crainte , disoit- il , qu'il au
roit de se tromper , parce qu'ayant toujours servi
en Europe , il ne connoissoit point du tout la
Perse ; qu'il sçavoit seulement que les prédécesseurs
de Sa Hautesse n'avoient jamais pû se conserver
que très -peu des conquêtes qu'ils y avoient
faites
OCTOBRE. 1732. 2255
faites , et qu'ayant reconnu par leur propre expérience
, que ces contrées étoient le Cimetiere
des Turcs , ils avoient donné leur malediction
au pays et à ceux de leurs successeurs qui y por
teroient la Guerre.
Après que Topal -Osman eut ainsi préparé l'esprit
du G. S. le Mufti prenant la parole , dit
qu'Achmet , Pacha de Babilone , avoit toujours
montré beaucoup de capacité et d'attachement
l'Empire , et qu'ayant été élevé sous les yeux
d'Osman - Pacha , son pere , dont le zele s'étoit
pareillement signalé pendant 32 ans qu'il avoit
été Beglierbey de cette grande Province , il n'y
avoit personne qui connut mieux qu'Achmet , et
la Perse , et l'état où s'y trouvoient les affaires :
qu'ainsi il lui paroissoit ( ce qu'appuya le G. V. )
que S. H. n'avoit pas de meilleur parti à prendre
que celui de remettre entierement les interêts de
la Porte entre ses mains , en l'autorisant par des
pleins pouvoirs à traiter avec Schah Thamas ;
comme il le jugeroit le plus convenable , sans
s'amuser à contester sur le plus ou le moins de
pays à garder de ceux qu'on avoit conquis sur
Schah Thamas.
Le G. S. ayant goûté cet avis , fit expédier des
Plein-pouvoirs , effectivement si amples , que
S. H. s'y engageoit sans restriction à approuver
tout ce qu'Achmet régleroit . Il est à remarquer
qu'alors Tauris n'étoit pas encore pris , et que
Fayant été peu de tems après que ce Pacha eut
reçû ses Plein-pouvoirs , il se hâta de conclure
la paix avec les Persans , avant que la nouvelle
de cette derniere conquête eut pû arriver jusqu'à
la Porte , ou du moins qu'il eut pu en recevoir
de nouveaux ordres , dans la crainte qu'éblouie
par ce surcroît de victoires , elle n'en voulut
tires
2256 MERCURE DE FRANCE
titer avantage , et n'étendit ses prétentions d'une
maniere à faire échouer le Traité qu'il médi
toit , et qu'il vouloit consommer promptement ,
soit qu'il fut persuadé que l'Empire y trouveroit
son compte , soit qu'il eut des ordres secrets du
G. V. de finir sans délai la Guerre à quelque prix
que ce fut.
,
Mais Ali Pacha , Seraskier de l'autre Armée
Turque , qui sur les informations que lui avoit
demandées Achmet, comme s'il n'eut voulu rien
conclure sans le consulter , et sans agir de concert
avec lui , avoit détaillé à son Collegue l'extrêmi
té où il venoit de réduire Schah Thamas par la
prise de Tauris , & c . apprenant tout d'un coupe
qu'au mépris de ses avis , ce Pacha avoit fait la
paix , en fut piqué au dernier point, Mortifié de
ce qu'on ne l'avoit pas employé dans cette négo¬
ciation , où il lui paroissoit si naturel qu'il fut
appellé ; jaloux de ce qu'Achmet en recueilloit.
tout l'honneur , et ne pouvant se résoudre à
joiiir si peu des derniers succès de ses armes il.
écrivit à la Porte à l'occasion de ce Traité , que
lui et tous les Officiers de son Armée se confor→
meroient avec soumission aux volontez du G. S.….
mais qu'ils ne répondoient pas de trouver la mê
me obéissance dans les Soldats , qui bien loin
delà , commençoient déja à murmurer hautement
sur la connoissance qu'ils avoient d'un
Traité , par lequel on restituoit Tauris et tous
les pays en- deçà de l'Araxe , dont ils ne s'étoient
rendus maîtres qu'au prix de leur sang
et qu'avec des travaux infinis ; que d'ailleurs on
ne pouvoit comprendre parmi ces Troupes pourquoi
on avoit fait une paix si désavantageuse et
si peu honorable à l'Empire , dans le tems que
Schah Thamas étoit aux abois , et qu'il ne fai
lois
OCTOBR E. 1732. 2257
Loit plus qu'une campagne pour envahir le reste
de ses Etats.
Ce que mandoit Ali-Pacha étant venu à la connoissance
du G. S. à l'insçû du G.V.les nouvelles.
dePerse arrivées le 2 Avril,portant d'ailleurs que la
Garnison et les habitans Turcs de Tauris s'étoient
révoltés,quand on avoit voulu évacuer cette place,,
S. H. craignit d'un côté d'indisposer les gens de
guerre contre Elle , et que leur rébellion ne devint
contagieuse à tous ses Sujets , si elle paroissoit
approuver la restitution de Tauris , et de l'au
tre elle appréhenda , comme on le lui representa.
fortement , de se deshonorer dans le monde , si
elle refusoit de ratifier ce qu'Achmet-Pacha n'avoit
fait qu'en conséquence de l'autorité illimitée..
dont elle l'avoit revêtu.
Ces deux points si difficiles à concilier , furent
la matiere épineuse qui fut tant débattue dans ces .
Assemblées générales , convoquées au Serrail , et
dont les nouvelles publiques ont beaucoup parlé..
Tellement que le G. Sne trouva enfin d'autre .
moyen pour se tirer d'un pas si délicat , que de
déclarer en plein Conseil qu'on l'avoit séduit , en
le sollicitant d'envoyer des pouvoirs sans bornes à
Achmet , lesquels il n'auroit jamais signés , s'il
avoit pû prévoir que ce Pacha en eut fait un si
mauvais usage ; mais que ce mal étoit sans remede
, et ne que pouvant se rétracter sans blesser
Phonneur de la Majesté Imperiale , il étoit forcé
de confirmer ce que ses Plénipotentiaires avoient .
arrêté aux Conférences d'Hamadan .
Après bien des contestations , le plus grand
nombre des avis s'étant enfin réüni à celui du
G. S. S. H. fit deux choses qui lui réussirent également.
Premierement pour se disculper dans l'es
prit des Troupes et des Gens de Loi , qui n'étoient
2258 MERCURE DE FRANCE
J
J
toient pas moins opposés que la Soldatesque à
la ratification du Traité d'Achmet , elle déposa
d'abord le Mufti , et quelque tems après , Topal
Osman , comme une preuve qu'elle rejettoit sur
ces deux Ministres , la faute toute entiere que
sa déference à leurs avis lui avoit fait commettre
et voulant donner par cette disgrace qui fut pourtant
plus apparente que réelle , une espece de satisfaction
aux mécontens de la paix ; en second
lieu , craignant que si le Seraskier Ali Pacha
restoit en Perse , il ne fomentat lui-même sous
main la disposition que les Soldats avoient à se
soulever , pour éluder l'éxécution du Traité fait
par Achmet , elle l'attira à Constantinople en le
nommant G. V. et en lui ordonnant d'évacuer
Tauris , avant que de venir prendre les renes de
l'Empire , de sorte que cette évacuation se fit
sans autre obstacle ni inconvenient que celui de
la mutinerie de quelques séditieux , à sept ou huit
des principaux , desquels Ali- Pacha ayant fait
couper la tête , le reste intimidé rentra dans le
devoir.
LE
RUSSIE.
E Canal de Ladoga , auquel on a fait cette
année des réparations considérables , est présentement
dans sa perfection ; ila 104, verstes
de long , 70. pieds de large , et ro. à 12. pieds
de profondeur. La Czarine qui l'a visité deux
fois cette année , a donné des ordres pour y faire
placer deux piramides ; l'une dans l'endroit où ce-
Canal entre dans le Lac qui lui donne son nom
et l'autre près de Schlusselbourg , où il se décharge
dans la Riviere de Neva.
>
POLO
OCTOBRE . 1732. 2259
POLOGNE.
SUITE du Journal du Camp de
Villa- Nova.
E r Août , tous les mouvemens militaires
Ldu Camp furent suspendus . ; ce spectacle
pompeux et guerrier recommença le lendemain
par l'éxercice des Lanciers. Ils s'assemblerent au
nombre de neuf Compagnies, ou demi Escadrons
à la tête de leur Camp , et vinrent ensuite se
ranger à deux de hauteur devant le centre de
' Infanterie. Le Major Général Klingenberg.
commandoit cette Troupe , qui étoit en cuirasse
avec des Casques à aîles , et armée de Lances
garnies de flammes ; les Casques des Officiers
étoient ornés de plumes.
Au premier signal , les neufCompagnies se mirent
en mouvement , et marcherent vers le Fa
villon sur trois colonnes. Les trois Compagnies
du centre formerent la colonne du centre , et les
trois Compagnies de chaque aîle , celles de la
droite et de la gauche : chaque Compagnie marchoit
par neuf, les Timbales et Trompettes étant
à la tête de la colonne du centre, i
Les colonnes étant arrivées à une certaine dis
tance , les Compagnies marcherent par trois jusqu'à
une place marquée , où au deuxième signal ,
Les Compagnies de chaque colonne ayant fait la
conversion à gauche par Brigades , les colonnes
formerent trois lignes à deux de hauteur , qui
marcherent en même tems en avant.
Au troisiéme signal , les trois lignes firent demi
tour à droite , et au quatrième signal , la
Compa
2260 MERCURE DE FRANCE

Compagnie du centre de chaque ligne ayant
marché so pas en avant , les trois lignes se mirent
en mouvement dans cet ordre , et marche .
rent jusqu'à ce que celle du centre se trouvar sur
la ligne du Pavillon qu'elles avoient à gauche
où elles firent alte.*
Au cinquiéme signal, chaque Compagnie ayant
fait un quart de conversion à gauche , elles se
retrouverent sur trois lignes , faisant face au Pavillon
; et au sixième signal , elles se remirent
comme elles étoient , par une conversion
à droite.
Au septiéme signal, les Compagnies se mirent
sur deux lignes : la seconde , ayant fait un demi
tour à droite , elles marcherent en avant jusqu'ài
une certaine distance , se tournant le dos ; ayant
ensuite fait demi tour à droite , elles se trouve
rent vis-à-vis l'une de l'autre pour la charge.
Au huitiéme signal , les deux lignes marche→
rent l'une contre-l'autre, les Lances baissées, s'entrepasserent
dans les intervalles , firent defnit
tour à droite , se chargerent de nouveau , et s'é-*
tant remises sur leur premier terrain , elles se
chargerent encore une fois.
;
- Au neuviéme signal , les deux lignes marche
rent l'une contre l'autre la deuxième ayant
rempli les intervalles de la premiere , elles s'ar
rêterent et se mirent en état de faire la conversion
sur le centre ; ce qui s'éxécuta au dixiéme³
signal ; et au onziéme signal , la droite ayant
fait le demi tour sur la Place , les neuf Compagnies
parurent sur une ligne , faisant face au Pa→→
villon. ซี เ
Au douziéme signal , les cinq Compagnies
ayant marché so pas en avant , les Lanciers se
trouverent-sur-deux lignes. Et au treiziéme si →→
gnal ,
OCTOBRE. 1732. 2261
gnal , la premiere ligne marcha au grand trot
vers le Pavillon , comme pour charger , baissa
les lances , et ayant fait demi tour à droite , passa
dans les intervalles de la seconde , qui avançoit
pour faire la même manoeuvre : chaque ligne la
fit deux fois , après quoi la seconde étant ren
ée dans la premiere , les Officiers de toute la
ne saluerent en même -tems le Roi , et on
Daissa les Etendarts et les Lances. Les Lanciers
ayant mis ensuite leurs Lances dans les Porte-
Lances , et tiré l'épée , ils passerent devant le
Pavillon , et par une marche en échelle elles re
tournerent au Camp.
Le sur- lendemain , 14 Août , toute l'Armée
fit divers mouvemens , et après qu'elle eut été
en bataille quelques tems,à la tête du Camp , sur
une seule ligne , P'Infanterie par une contremarche
à gauche et à droite vers le centre , se
joignit sans laisser d'intervalle entre les bataillons
; la Cavalerie par les mêmes contre- marches
se joignit aux aîles de l'Infanterie : celle - ci
partagea ensuite ses bataillons en deux ; le Colonel
et les deux Majors se mettant avec deux drapeaux
à la tête du premier demi- bataillon , et
le Lieutenant, Colonel et les deux Aides- Majors
avec deux Drapeaux à la tête du deuxième. Les
Compagnies deRutowski et de Promnitz formoient
un demi bataillon derriere celui du
Centre.
La Cavalerie se partagea aussi par Compa
gnies ou demi-Escadrons. Toutes les premieres
Compagnies de chaque Escadron , et chaque
premier demi bataillon , avec les deux du centre ,
ayant marché cent pas en avant , l'Armée se
forma sur deux lignes , le demi - bataillon de
Lutowski , ayant marché en avant pour occu-
PS
2262 MERCURE DE FRANCE
per le terrain que les deux du centre venoient
de
quitter.
L'Armée étant en bataille , et le signal donné
du Pavillon , elle se mit en marche sur treize
colonnes ; sçavoir , 8. de Cavalerie , et 5. d'Infanterie
, qui s'avancerent vers le Pavillon jusqu'à
une certaine distance . Chaque colonne de
Cavalerie étoit composée de deux Compagnies de
la premiere ligne , et de deux de la seconde.
Chaque colonne d'Infanterie de quatre demi
bataillons de la premiere ligne , et de deux de la
seconde , excepté la colonne du centre , qui n'avoit
que les deux demi -bataillons de Frise et celui
de Rutowski et de Promnitz : le Régimentaire
et le Comte de Denhoff marchoient à la tête
de cette derniere , et les autres Généraux étoient
distribués aux autres colonnes.
Au deuxième signal , l'Armée se remit sur
deux lignes , les têtes des colonnes restant , et
les suites par des contre - marches à droite et à
gauche , venant se remettre dans l'ordre où elles
étoient avant que de partir de la tête du
Camp.
Au troisiéme signal , le feu coulant commença
à la droite de la premiere ligne , et finit à la
droite de la seconde ; et au quatriéme signal , les
deux lignes formerent le premier ordre de bataille
mêlé , ce qui s'éxécuta de la maniere suivante
: les quatre Compagnies de la droite et de
la gauche de la Cavalerie de l'une et de l'autre
ligne , resterent en place , aussi bien que les
quatre demi-bataillons du centre de la premiere
ligne , et les trois du centre de la seconde , mais
les quatre Compagnies de Cavalerie qui joigroient
la droite et la gauche de l'Infanterie de
Pune et de l'autre ligne , ayant marché 20 pas
-
en
OCTOBRE. 1732. 2263
en avant , firent une contre-marche à droite et á
gauche pour se former à la tête des trois bataillons
de la droite et de la gauche de l'une et de
l'autre ligne. Ceux-ci firent en même tems leur
contre-marche pour occnper le terrain que la Cavalerie
qui les joignoit , venoit de quitter , et
toute l'Infanterie aussi -bien que les aîles de Ca
valerie de l'une et de l'autre ligne , ayant aussi
marché 20 pas en avant , toute l'Armée se trou
va en ordre de bataille mêlé d'Infanterie et de
Cavalerie .
L'Armée étant ainsi rangée , on ordonna le
signal pour le feu , qui se fit ainsi : la premiere,
Compagnie qui fermoit l'aîle droite de la premiere
ligne , et celle qui fermoit l'aîle gauche , tirerent
en même- tems : le feu continua ainsi par
une troupe de la droite et une de la gauche de la
premiere ligne en venant vers le centre , et suivit
par le centre de la seconde ligne en s'étendant vers
les aîles..
Le feu étant fini , on donna le cinquiéme signal
pour faire le second ordre de bataille mêlé
qui s'éxécuta ainsi : les quatre Brigades d'Infan
terie de la droite et de la gauche de l'une et de
Pautre ligne , et les deux bataillons de la droite
et de la gauche de chaque Brigade , par une contre-
marche changerent de place avec les deux
Compagnies de Cavalerie , qui les joignoient , de
sorte que l'Armée se trouva aux aîles de deux
Compagnies de Cavalerie , avec un demi - Bataillon
, et un Corps d'Infanterie au centre de chaque
ligne.
Au sixième signal , le feu de chaine commença
par les demi-Escadrons de la droite de la premiere
ligne , et étant venu à la droite de la se
conde ligne , il recommença par demi batail-
Lons
1
1
' ,
54 MERCURE DE FRANCE
ons de la droite de la premiere jusqu'à la droite
de la seconde.
Au septième signal , l'Armée se remit dans son
ordre de bataille non- mêlé , par les mêmes contre-
marches , dont chaque Troupe s'étoit servie
pour se mettre en ordre mêlé ; ensuite l'Infanterie
de la premiere ligne fit feu sur la Place par
divisions , et ayant fait demi-tour à droite , se
retira par les intervalles de la seconde , et se forma
derriere ; les deux lignes- firent successivement
cette manoeuvre jusqu'au Camp , en continuant
leur feu , et la Cavalerie de chaque ligne se retira
en même-tems que l'Infanterie.
Le 16. Août on fit l'attaque d'un retranchement
qui s'étendoit depuis la hauteur de la gauche
du Pavillon du Roi , jusqu'à cent pas vers
la tête du Camp . Les quatre Compagnies de Grenadiers
Rutowski , Promnitz , Denhoff et Flemming
, bordoient le retranchement dans les intervalles
de cinq Batteries de quatre piéces de
Canon chacune , outre lesquelles on en avoit
placé huit plus petites sur les aîles du Retranchement.
Au premier signal , la Cavalerie de la droite ,
rangée par Compagnies , et commandée par le
Major -Général Klingnberg , se mit en marche
sur deux colonnes pour venir soutenir le Retranchement
, et se forma derriere l'Infanterie sur
deux lignes ; la premiere , composée des quatre
Escadrons de Nassau, étoit à cent pas du Retranchement
; et la deuxième , composée des quatre
Escadrons de Grenadiers de Gotha , étoit à 80.
pas derriere la premiere , dès qu'elles furent rangées
, le Major- Général fit mettre pied à terre
aux Grenadiers de Gotha , qui vinrent renforcer
Le
OCTOBRE. 1732. 2265
JeRetranchement où le Lieutenant - ColonelFranckenberg
commandoit.
Pendant cette manoeuvre , les huit Escadrons
de la gauche vinrent se former sur deux lignes ,
à l'extrêmité de la gauche de la Place d'Armes ,
qui étoit la face opposée à celle du Retranchement
, et resterent dans l'inaction jusqu'à l'attaque
du Quarré.
Pendant que la Cavalerie se rangeoit ainsi ,
toute l'Infanterie , partagée comme le jour des
divers mouvemens de l'Armée ,
marcha par divisions
sur sept colonnes , formant une Phalange
qui pouvoit faire face de tous côtez , figurée
en lozange ; et lorsqu'elle fut arrivée à une certaine
distance , elle fit alte .
Au deuxième signal toutes les divisions ayant
fait la Conversion à droite , la phalange parut sur
sept lignes , faisant face au Retranchement :
deux Compagnies de Grenadiers rangées en trois
divisions faisoient la pointe de l'attaque.
Au troisiéme signal , la Phalange marcha vers
le Retranchement ; et quand elle fut à deux cent
pas , les Batteries qui le défendoient , commencerent
à tirer , et furent servies avec tant de
promptitude , que chaque piéce tiroit au moins
cinq coups par minute , de sorte que le feu se
soutint pendant toute l'attaque avec la même vivacité.
La Phalange étant arrivée à cinquante pas
du Retranchement , l'Infanterie qui attaquoit et
-celle qui défendoit , commencerent leur fen
chaque ligne de la Phalange faisant le sien en
-même- tems demi- divisions ; et dès qu'une
ligne avoit tiré , toutes les divisions qui la com
posoient se coupoient par le milieu pour se retirer
par les intervalles de toute la Phalange , et se
reformerent sur le terrain qu'elles avoient occupé
H avant
par
266 MERCURE DE FRANCE
avant l'attaque , ce qui fut répeté une seconde
fois la Phalange étant ensuite- retournée à son
premier terrain , on distribua 96 Piques à chademi-
Bataillon , et pendant ce tems là les
Grenadiers de Gotha remonterent à cheval.
que
Au quatriéme signal , la Phalange se rompit
et forma un grand quarré autour d'un petit , le
premier rang de chaque quarré étant garni de
Piques ; la Cavalerie qui étoit derriere le Retranchement
, en sortit par les deux extrêmitez
et vint se former sur deux lignes devant le Retranchement
, au moyen de quoi le Quarré se
trouva entre la Cavalerie de la droite et de la
gauche , rangée sur deux lignes,
9
Au cinquième signal , la premiere ligne de la
Cavalerie de la gauche , chargea le Quarré par
la face et les angles qui étoient de leur côté , et
se retira par les intervalles de la deuxième ligne
ayant été repoussée par le feu du Quarré , les
Grenades et les Piques que les Piquiers tenoient
présentées. La deuxième ligne fit la même manoeuvre;
ce qui fut pareillement éxécuté par la
Cavalerie de la droite , et répeté plusieurs fois
par l'un et par l'autre chaque Troupe de Cavalerie
faisoit deux charges ; après quoi le Quarré
fut attaqué par la Cavalerie des aîles tout
la fois.
Au sixième signál , l'Infanterie se mit en marche
pour rentrer dans le Camp , en conservant
toujours son Quarré. Elle fut attaquée pendant
sa retraite par la Cavalerie ; le feu , pour repousser
ces attaques , se faisoit par rangs . L'Armée ,
en faisant cette manceuvre , arriva à la tête du
Camp , où chaque Corps se forma sur la Place
d'Armes , et rentra .
Le 17 , le Roi donna dans son Pavillon un magnifique
OCTOBRE . 1732 . 2267
gnifique Souper , suivi d'un Bal , à tout ce qu'il
y avoit de Seigneurs et de Dames.
Le 18. jour destiné pour la séparation de l'Armée
, les Trouples plierent leurs Tentes , et s'étant
mises en bataille à la tête du Camp , le Roi
fit tirer la grande Batterie qui étoit au bas du Pavillon
de S. M. pour leur donner le signal de
leur séparation . L'Artillerie de campagne y répondit
, et l'on fit ensuite le feu coulant , ce qui
fut éxécuté une seconde fois ; et à la troisiéme
fois , la grande Batterie fit une salve de ses 18 .
piéces l'Armée y répondit par une salve générale
avec toute son Artillerie ; après quoi toute
l'Armée se mit en marche sur cinq colonnes
chaque aîle de Cavalerie en formoit une. Les
Grenadiers détachez qui formoient deux Batail
lons , étoient rentrez dans leurs Régimens. Les
colonnes d'Infanterie de la droite et de la gauche
étoient composées de trois Bataillons chacune
; celle du centre avoit le Régiment de Frise
à la tête , qui étoit suivi de l'Artillerie de campagne
, et elle étoit fermée par les deux Compagnies
de Grenadiers de Lublin et de Compenhauson.
L'Armée se rendit dans cet ordre au nouveau
Camp qu'elle devoit occuper sur la hauteur
, à la droite et à la gauche du Pavillon ,
le 20 Août , le Roi ayant quitté son Pavillon
pour retourner à Warsovie , les Régimens du
Camp se mirent en marche pour retourner dans
leurs anciens Quartiers . On a appris depuis que
ces Troupes sont arrivées à leurs Garnisons, fort
satisfaites des liberalitez du Roi de Pologne , qui
a fait de forts beaux présens aux Officiers , et
donné à chaque Soldat deux mois de solde audeà
de leur paye ordinaire.
et
Le Marquis de Minti, Ambassadeur de France ,
Hij -fit
168 MERCURE DE FRANCE
fit le 19 Septembre son Entrée publique à Warsovie
, ayant été reçu hors des Portes de la Ville,
par le Prince de Lubowirski, Palatin de Cracovie,
qui l'accompagna . La Marche de cette Entrée se
fit dans l'ordre suivant. Un détachement du Régiment
du General Méer , Cavalerie , avec ses
Timbales et Trompettes , précédoient plusieurs
Ecuyers et Palefreniers conduisant les Chevaux
de main des Sénateurs. Ils étoient suivis de 600
Cavaliers Polonois , de 84 Carosses à , 6 Chevaux,
que les Grands Officiers de la Couronne et du
Duché de Lithuanie avoient envoyé pour lui
faire cortege , et du Carosse du Roy, dans lequel
étoient le Marquis de Monti et le Palatin de Cracovie
assis vis - à-vis de lui. Ce Carosse étoit précédé
des Pages de l'Ambassadeur, de ses Ecuyers,
de sa Livrée et de ses Carosses. Un second déta
chement du Régiment de Méer fermoit la marche.
On avoit mis en Haye,et sous les Armes dans
toutes les rues de son passage , trois Regimens de
Dragons, le Regiment d'Infanterie du Grand Maréchal
, et celui des Gardes de la Couronne.
Le 21 , le Marquis de Monti cut sa premiere
Audience publique du Roy, le 22 , il donna un repas
de plus de 155 couverts , aux Sénateurs et aux
autres Seigneurs Polonois qui sont à Varsovie
après le tepas il y eut un Bal , qui dura jusqu'à
heures du matin.
Toutes les Séances de la Diéte Générale se sont
passées en contestations, quoiqu'il y ait beaucoup
de Nonces disposez à entrer dans les vûes du Roy
pour le bien du Royaume. Quelques uns prétendent
que les Ordres de l'Etat se trouvant assemblez
, le Roy peut disposer des Charges vacantes
de la Couronne, d'autres soutiennent le contraire
et proposent une Diette à Cheyal ou une Confédération.
Le
OCTOBRE . 1732. 2269
Le 27, il y eut un Nonce qui se leva et qui
protesta , sans donner aucune raison de sa profestation
.
L'Acte de Protestation remis par les Nonces du
Duché de Lithuanie , porte en substance que ce
qui les a déterminez à protester contre la Diette
suivant leurs instructions ; n'est pas un dessein
formé de s'opposer aux intentions de S. M. mais
parce que dans la Diette convoquée extraordinairement
pour 15 jours , il se trouve compris dans
cette quinzaine trois jours qui appartiennent
au terme ordinaire de la Diette Generale , qui se
lon l'alternative établie par les Constitutionrs de
P'Etat , doit se tenir à Grodno. Ils prétendent
d'ailleurs qu'il n'y a aucune necessité d'assembler
une Diette extraordinaire puisque le Royaume
est sans Guerre , et que l'on ne doit se servir de
ce remede que dans les cas de danger évident ;
non contents de protester contre la tenue de la
Diette , ils ont protesté aussi d'avance contre
tout ce que pourroit décider le Conseil d'Etat ow
des Sénateurs , sur des affaires qui demandent let
consentement unanime des Députez des deux Nátions.
Le 30 , il y eut plusieurs Négociations entre
les Sénateurs et les Nonces , au sujet de la nomination
aux Charges vacantes de la Couronne
mais le nombre des opposans s'étant augmenté
jusqu'à 1zo.le Regent de la Couronne fit en leur
nom une protestation contre cette Nomination
et l'on ne doute pas que les Nonces ne se séparent
le z de ce mois , qui est le dernier des quinze
jours , sans que cette affaire soit terminée .
Les Commissaires du Roy et de la République ,
nommez pour conférer avec les Ministres Etrangers
, ont fait remettre au Ministre du Roy de
Hiij Prusse ,
2270 MERCURE DE FRANCE
Prusse , comme Marquis de Brandebourg , un
Mémoire , contenant les articles suivans : Qu'on
continuera les Négociations commencées l'année
derniere , au sujet du Titre de Roy que la République
n'a pas encore accordé au Roy de Prusse;
que les Commissaires rendront à ce Ministre
Plénipotentiaire les mêmes honneurs qu'ils ontrendu
à ses Prédecesseurs , et qu'ils lui donneront
le Titre d'Excellence ; qu'on observera de
même à l'égard du Résident de Brandebourg
zout ce qui a été observé avec ses Prédecesseurs ,
L
DANNEMARCK .
E Roy ayant résolu de mettre sa Flote sur le
même pied que celle du Roy de Suede , a donné
des Ordres pour faire construire incessamment
Vaisseaux de Guerre de 60. 80. et 90. pieces de
Canon , de sorte que la Flote de S. M. Dan , sera
l'année prochaine de 42 Vaisseaux de ligne et de
22 Frégates , sans compter les autres Bâtimens
qu'on peut armer en guerre en cas de necessité .
ALLEMAGNE .
E bruit court à Vienne que l'Empereur a re
fusé d'entendre les nouvelles Représentations
que le Marquis Palavicini , Envoïé de la Répu
blique de Génes , vouloit lui faire de la part de
cette République , et que S. M. Imp. lui a fait
dire qu'elle ne lui accorderoit d'Audience que
quand il viendroit pour lui apprendre que la République
avoit satisfait à toutes les conditions
du Traité conclu entre Elle et les Peuples de
' Isle de Corse ´et qu'elle auroit fait mettre
OCTOBRE. 1722. 227
un liberté les quatre Chefs de cette Nation.
Leurs Majestez Impériales arriverent à Vienne
en parfaite santé de leur voyage de Lieutz , &c.
le 7 de ce mois.
On apprend de Demitz que le Duc Charles
Léopold avoit fait remettre aux Commissaires
Subdelegués de la CommissionImpériale une protestation
de nullité contre tous les Réglemens que
l'Empereur pourroit faire publier par rapport aux
affaires du Duché de Meckelbourg. On a vû de→
puis un Décret de S. M. I. qui porte en substan
ce que le Duc Chrétien- Louis de Meckelbourg
Schwerin son frere , sera confirmé et établi Administrateur
du Duché ; qu'on lui donnera pour
Adjoints quatre Conseillers qui seront nommés
par le Roi d'Angleterre comme Electeur d'Hanover
, par le Roi de Prusse comme Electeur de
Brandebourg , par le Roi de Suede comme Duc
de Pomeranic , et par le Duc de Brunswick Wol
fembutel ; tous les quatre en qualité de Directeurs
du Cercle de la Basse Saxe ; qu'on mettra
dans Domitz une Garnison de Troupes de ce
Cercle ; qu'on réglera les revenus annuels des
deux Princes de Meckelbourg , et que la Nobles
se du Duché sera rétablie dans la jouissance de
ses anciens Privileges et prérogatives.
Les Etats de Hongrie ont fait présent au Duc
de Lorraine , avant son départ de Presbourg pour
Bude , &c. de cent Boeufs , de mille Moutons
de cent mesures de vin de Tockoy , et d'une
grande quantité d'autres vins de Hongrie.
·
On mande de Francfort que le 29 Septembre
on avoit essuyé à Wertheim un orage terrible
qu'il y étoit tombé une pluye si abondante
qu'en moins de deux heures la Riviere de Tauber
étoit sortie de son lit , et qu'elle avoit empor
Hij té
2272 MERCURE DE FRANCE
té le Pont de Bateaux de cette Ville , l'Hôpital
P'Eglise voisine et toutes les maisons du Faubourg
; que les eaux de cette Riviere qui tom→
bent dans le Mein ,l'avoient aussi enflée si considerablement
, qu'il s'étoit répandu dans les Magazins
bas de Francfort , où il avoit endommagé
une grande quantité de Marchandises , et qu'une
des Arches du Pont avoit été emportée .
D
ITALIE.
3.
Ans le Consistoire que le Pape tint le
Septembre , le Cardinal Ottoboni préconisa
F'Abbé de Souillac pour l'Evêché de Lodeve , et
l'Abbé le Mercier pour l'Abbaye de S. Jacques
de Provins ; et à la fin du Consistoire , S. S. accorda
le Pallium pour l'Archevêque Titulaire de
Naxivan en Amérique , pour l'Archevêque de
Mayence , et pour le nouvel Evêque d'Autun.
La Congrégation de Non Nullis a donné quinze
jours au Cardinal Coscia pour rédiger le Mémoire
qu'il veut publier pour sa défense : l'Avocat
Toppi ayant refusé d'y travailler avec lui , il a
été obligé de faire venir deux Jurisconsultes Napolitains.
>
On a appris que le Roi de Portugal avoit
donné ordre au Gouverneur de la premiere Villefrontiere
de son Royaume , par laquelle M. Cavalieri
nouveau Nonce du Pape , passera , de
déclarer à ce Prélat que l'entrée du pays lui étoit
interdite , à moins qu'il ne voulut à son arrivée
à Lisbonne rendre la premiere visite à l'Archevêque
et au Patriarche de cette Ville ..
1
Sur les differends de la Cour de Rome avec la
Cour de Turin , on apprend que le Roi de Sardaigne
a fait publier une Déclaration par laquelle
OCTOBRE. 1732. 2273
* ! p6
il est ordonné à tous ses Sujets , qui à l'occasion
de ces différends , ont quitté leur pays pour se
retirer dans l'Etat Ecclésiastique , de revenir dans
deux mois , à peine de punition corporelle , et de
confiscation de leurs biens.
Les Chanoines Réguliers de l'Eglise de Sainte
Marie dans le Montferrat , ayant fait démolir
quelques anciens Bâtimens de leur maison , ont
trouvé dans une chambre,dont la porté étoit mus
rée deux cercueils de plomb , où étoient les
Corps des Papes Alexandre VI . et Sixte II. dont .
on ignoroit le lieu de la sépulture ..
On mande en dernier lieu de Rome , que le
premier de ce mois , le Pape avoit tenu un Con
sistoire , dans lequel il avoit fait Cardinaux
M. Aquaviva , Majordome de S. S. et M. Mosca ,
Clerc de la Chambre , et Chanoine de l'Eglise de
S. Pierre .
La réponse de l'Empereur à la République de
Genes , au sujet du retardement de l'éxécution du
dernier Traité fait avec les habitans de l'Isle de
Corse , porte en substance que S. M. I. éxige
que la République fasse partir incessamment
pour Milan les quatre Chefs des mécontens
qu'elle retient prisonniers qu'elle renvoye dans
leurs familles les otages que les mécontens ont
remis à la Bastia pour sûreté de leur parole , et
qu'elle fasse jouir les peuples de l'Isle de toutes
fes conditions stipulées par le Traité qui a été
fait sous la garantie de l'Empereur.
On a appris en dernier lieu que le Gouverneur
de Milan a reçu ordre d'envoyer un détaches
ment de Cavalerie au- devant desisquatre Chefs des
mécontens de l'Isle de Corse que la République
de Genes doit mettre en liberté 3 .16 1
On écrit.de Naples que le Président de Cosen
Hv Za
2274 MERCURE DE FRANCE
za , dans la Calabre ulterieure , avoit été tué par
un Gentilhomme dans la Salle de son Tribunal ;
que ce Gentilhomme s'étant sauvé , s'étoit mis
depuis à la tête de 6 ou 700. hommes qui commtttoient
de grands désordres dans la Province
que le Comte d'Harrach et le Général Caraffe
avoient envoyé un Détachement de Cavalerie
après cette troupe de Brigands , mais que jusqu'à
présént on n'avoit pû les attaquer avec sureté.
Le Comte d'Harrach a fait arrêter et conduire.
au Château de S. Elme le Duc de Minutillo, qu'on
accuse d'avoir fait assassiner, à prix d'argent, un
Gentilhomme qui fut tué il y a près d'un an sur
le Fief d'Orta. Les assassins qui s'étoient refugiés
dans l'Eglise Cathedrale d'Aversa , en ont été
enlevés par ordre du Viceroy , qui a prétendu que
les Eglises ne devoient point servir d'azile pour
de tels criminels.
L
ESPAGNE.
pour
E Roi a donné des ordres faire lever
deux nouveaux Régimens et les Recruës né
cessaires pour ceux qui ont servi cette année sux
la Côte d'Afrique.
On écrit de Madrid que la nuit du sau 6 Septembre
il y eut une tempête terrible du côté
de l'Escurial ; le Tonnere étant tombé sur ce
magnifique Couvent , mit le feu à la charpente
de la couverture du côté du Nord. Comme on
ne s'en apperçut que deux heures après , l'embra
sement étoit déja si considérable , que tous les
secours qu'on apporta pour éteindre le feu , furent
inutiles ; il se communiqua au centre de ce
Monastere , du côté du Palais du Roi ; il détruisic
1
la


OCTOBRE. 1732. 2275
la Tour , embrasa l'Appartement du Patriarche et
le quartier des Chapelains , avec tant de violence
qu'on ne pouvoit en approcher pour l'éteindre.
Les Religieux se mirent en priere pour implorer
le secours divin , et ils y porterent ensui
te le S. Sacrement en procession : aussi-tôt que
le Prieur eut donné la bénédiction , on s'apperçût
que les flammes faisoient moins de progrès ;
et leur violence s'étant ralentie , on acheva de
les éteindre : cependant le dommage que cet incendie
a causé , est très - considérable , et on sera
obligé de rebâtir à neuf tout ce que le feu a
attaqué , parce que toutes les pierres sont cal
cinées.
Les Gouverneurs de Cadix , de Cartagene
d'Alicante et de Barcelone , ont ordre de rassembler
des provisions dans les Magazins de ces
Villes , et le bruit court qu'on doit y armer
dans peu une Escadre de vingt-quatre vaisseaux
de Guerre.
Les derniers Vaisseaux richement chargez , arrivez
en dernier lieu des Indes à Cadix , ont ap
porté pour le Roi une Perle d'une très-grande
beauté , estimée 7500. Piastres .
Des Lettres de Tetouan portent , que le Roi
de Maroc paroissoit avoir abandonné son projet
de faire le Siége de Ceuta ; que ses Troupes qui
s'étoient approchées de cette Place , s'étoient retirées
depuis un mois dans les Montagnes , et
qu'on ne doutoit pas que ce Prince ne fit ressentir
au Duc de Riperda les effets de son indignation
à l'occasion de cette entreprise dont il lui
avoit promis la réussite , en lui faisant accroire
qu'il avoit des intelligences dans la Ville .
Le 29 Septembre , l'Evêque de Laren fit la
sérémonie de la Dédicace de la nouvelle Eglise
H vj
de
2275 MENUURE DE ΓΙΑΝVUE
de l'Hôpital que les Prêtres de la Congrégation
de S. Pierre , natifs de Madrid , ont fait bâtir.
pour nourrir , habiller et inhumer les pauvres
Prêtres , tant Espagnols qu'Etrangers , qui auront
besoin du secours de cet Hôpital.
GRANDE BRETAGNE.
ON apprend de Londres que les Directeurs
de la Compagnie d'Afrique avoient reçû
plusieurs animaux du pays , entr'autres un jeune
Lion , un Loup des Deserts , une Autruche de
sept pieds et demi de haut et deux Oiseaux
Royaux , ou couronnez .

Il paroit par le dernier Etat des dettes de la
Nation qu'on a rendu public , qu'elles montoient
le 31 Décembre dernier à 48 millions , 985 ..
mille 438 liv. sterling.
Le Roi d'Angleterre étant arrivé d'Hanover à
Helleroetsluys en Hollande le 27 Septembre , y
fut retenu par les vents contraires jusqu'au 5 de
ce mois que S. M. s'embarqua et partit avec un
vent favorable . Elle aborda heureusement le 7 .
en Angleterre , et arrivé vers les cinq heures du
soir à Kinsington.
HOLLANDE , PAÏS-BAS.
Es Troupes Hollandoises , et à la solde des
Généraux campées la
Plaine d'Oosterhent , s'occuperent le 6 et le 9 .
Septembre à applanir les hauteurs , combler les
ornieres de la bruyere , &c . quelques jours après
la Cavallerie et l'Infanterie passerent en revûe
devant le Comte de Hompsech , Général en chef,
et le 25. les Troupes se rendirent sur quatre co
lomOCTOBRE.
173. 227777
fomnes au Camp nouvellement tracé entre les
cinq Chesnes et Raye , et s'y mirent en ordre de
bataille. Elles s'avancerent au premier signal les
unes contre les autres , et firent tous les mouvemens
convenables à une bataille générale .. L'Infanterie
fit un feu continuel , tant dans ses attaques
que dans ses retraites. La Cavalerie ne tira
point , &c. Ces Troupes se sont séparées le premier
de ce mois pour retourner dans leurs Garnisons..
の雨の方の
MORTS , NAISSANCES
et Mariages des Pays Etrangers.
L
A Duchesse Jeanne-Madeleine- Louise d'Holstem
Sleswich,de la branche de Wissembourg ,.
mourut à Neustadt le 3. Aout , âgée de 65. ans.
Le Cardinal Essurick Czaki de Keresztzek ,.
Archeveque de Colocza en Hongrie , Eveque du
Grand Varadin et Conseiller ordinaire au Conseil
d'Etat de l'Empereur , mourut le 28. d, Aout dans
une de ses Terres , dans la 60. année de son âge ,,
étant né le 10. Octobre 1672. Il avoit été nommé
Cardinal dans la promotion que le Pape Cle--
ment XI. fit le 12 Juillet 1717. mais ayant été
reservé in petto , il ne fut declaré que le 1. Octobre
suivant. Il avoit reçu le Chapeau dans le Consistoire
du 21 du même mois, il avoit été nommé:
pour être de laCongregation des Evêques et Réguliers
de celle de Propaganda Fide , et de celles
de l'indice et des Indulgences.
L'Abbé Vidania , Chapelain Honoraire du
Royaume de Naples , y mourut au commencement
2278 MERCURE DE FRANCE
ment du mois dernier , âgé de 110. ans.
On apprend de Bruxelles que la Comtesse
d'Harrach , Epouse du nouveau Grand- Maître de
la Maison de l'Archiduchesse , descendant le
Rhin pour se rendre à Cologne , y accoucha le 2
de ce mois de deux enfans mâles qui se portent
très-bien , ainsi que leur mere qu'on a transportée
à Cologne , où elle demeurera jusqu'au 20 .
du mois prochain.
La femme d'un Bourgeois de Glocester , nom
mé Jean Sedwel de Shealinh , accoucha le 4 Oc
tobre de trois garçons qui furent baptisez le
même jour , et nommez Abraham Isaac et
Jacob .
>
Cinq jours auparavant , l'Epouse du Chevalier
Guillaume Harvey de Sudbury , accoucha de
trois filles qui furent nommées l'Amour , la Paix
et l'Unité.
On apprend de Rothembourg que la jeune
Princesse de Hesse-Rheinfelds qui doit épouser
le Prince Louis de Carignan , se préparoit à
partir pour se rendre à la Cour du Roi de Sardaigne
, où la cérémonie de ce Mariage doit se
faire incessamment.
Et on mande de Genes que le Prince Eugene
de Soissons , Neveu du Prince Eugene de Savoye,
y étoit arrivé de Turin , qu'il devoit s'embarquer
à la Spezzia sur les Galeres du Roi de Sardaigne
, pour se rendre à Massa auprès de la
jeune Duchesse de ce nom , qu'il doit épouser.
FRANCE
OCTOBRE . 1732. 2279
FRANCE ,
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
Lede ruse ,avant ouvert
Es Augustins Déchaussez de la Congrégation
France
, ayant ouvert leur Chapitre géné
ral à Paris le 26. de Septembre , ils ont élu le
P. Paulin de la Province de Provence , pour leur
Vicaire General.
Le Roi a donné au fils du Marquis de Bissy
l'agrément du Régiment d'Anjou , Cavalerie , vacant
par la démission volontaire du Duc de Gontault.
S. M. a accordé 3000 livres de pension &
M. d'Audiffret , cy- devant Envoyé Extraordinai
re de S. M. à la Cour de Lorraine.
Le 9. de ce mois , il y eut une espece de Vendange
au Château de Versailles. La Duchesse de
Ventadour , Gouvernante des Enfans de France
conduisit Monseigneur le Dauphin dans la Salle
des Gardes , où l'on avoit mis et disposé d'une
maniere commode , des seps de Vigne chargez
de raisins , que ce Prince coupa fort adroitement
avec une serpette , et les distribua avec les graces
qui lui sont naturelles , à tous ceux qui étoient
présens.
17
Le 7 Octobre , le Duc de Chartres , fils unique
du Duc d'Orleans , se trouva indisposé à
Se
2285 MERCURE DE FRANCE
,
S. Cloud d'un grand mal de tête et de la fièvre ,
ce qui fit appréhender la petite verole ; elle parut
en effet le lendemain au visage en petite quantité,.
mais beaucoup plus abondamment sur tout le
reste du corps. Le Duc d'Orleans ayant une en--
tiere confiance au sieur Marsolan , son premier
Chirurgien et au sieur Imbert son premier:
Apotiquaire , confia à leurs soins la maladie du
Prince , âgé de 7 ans et demi son attente n'a
pas été trompée , puisqu'au bout de dix jours
il a été hors de tout danger ; il fut purgé lègerement
le 18. et depuis ce tems-là sa santé s'est
entierement rétablie. Le Duc d'Orleans ne l'a
point quitté pendant les dix premiers jours , c'està-
dire qu'après sa parfaite guérison. S. A. R. qui
a été penetrée d'une vive douleur sur la maladie
de ce Prince a été régulierement tous les jours
S. Cloud pour le voir , ainsi que la-Reine d'Espagne
, sa Tante.
Le 2 Octobre , les Comédiens François reprécenterent
à Fontainebleau l'Important de Cour..
Le 7. Iphigenie , et l'Aveugle Clairvoyant .
Le 9. Le Tartuffe et le Florentin.
Le 14. Herode et Mariamne, et le Medecin malgré
lui.
Le 16. L'Homme à bonnes fortunes , et la Com
esse d'Escarbagnas..
• Le 21. La Mere Coquette et le Grondeur.
Le 23. Britannicus et l'Amour Medecin.
Le 30. Andromaque et la Serenade..
Le 27 Septembre , les Comédiens Italiens représenterent
devant la Reine à Fontainebleau la
Comédie dArlequin Sauvage , qui fut suivie de la
petite Piéce d'Arlequin Hulla , après laquelle ta
Duc
OCTOBRE. 8732. 228x
De Roland dansa une Entrée seule.
Le 4 Octobre , Arlequin Enfant , Statue et
Perroquet , Comédie Italienne en cinq Actes qui
divertit beaucoup L. M. et toute la Cour.
Le les Amusemens à la mode , qui furent
suivis de la Parodie de l'Opera d'Alceste , la Dile
Roland y dansa encore une Entrée qui fit beau→
coup de plaisir.
Le 18. L'Amour Précepteur , Comédie Fran→
çoise , en trois Actes.
Le 25. La Surprise de l'Amour , et Arlequin
toujours Arlequin .
Le 24 et le 29 Septembre il y eut Concert à
Fontainebleau chez la Reine , M. de Blamont
Sur- Intendant de la Musique du Roi , fit chanter
le Prologue et trois Entrées du Ballet des Sens
dont les Principaux Rôles furent chantez par les
Des Courvasier , Duhamel et Pitron , de la Mu--
sique du Roi , et par la De Petitpas , qui fit le
Rôle de l'Amour avec applaudissement.
Le 4. Octobre , on finit par les deux dernieres
Entrées du même Ballet , lequela fait autant de
plaisir à la Cour qu'il en avoit fait sur le Théatre
de Paris.
Le 20
Le 6 , le 8 , et le 15. on chanta l'Opera de
Thetis et Pelée , dont les premiers Rôles ont été
chantez par les Sieurs d'Angerville , Ducros , et
le Prince , et par les De Mathieu et Drouin.
on executa le Prologue et le premier
Acte de la Pastorale Héroïque de Diane et Endimion
, l'Auteur y joignit le Retour des Dieux sur
la Terre , Divertissement de, M. de Blamont.
chanté plusieurs fois devant L. M. et qui a tou
jours servi de Prologue à cet Opera ; la De Pe
gitpas chanta le Rôle de l'Amour ,. en un morceau
ajouté
2
2282 MERCURE DE FRANCE
ajouté pour être chanté par elle.
Le 22 , on finit le même Opéra par le second
et le troisiéme Acte , dans lequel le sieur Tribou
chanta le Rôle d'Endimion ; ces deux derniers
Concerts furent éxecutez avec beaucoup de
succès , et ont été generalement applaudis de tou
te la Cour.
Le 25 Octobre , la Lotterie de la Compagnie
des Indes , établie pour le remboursement des
Actions , fut tirée en la maniere accoûtumée à
l'Hôtel de la Compagnie. La Liste des Numeros
gagnans des Actions et Dixiémes d'Actions qui
doivent être remboursées,a été rendue publique ,
faisant en tout le nombre de 319 Actions.
CE'REMONIE de la Bénédiction des
nouvelles Cloches de l'Abbaye
de Sainte Geneviève.
Es Chanoines Réguliers de l'Abbaye Royale
Lde Sainte Geneviève ont été obligez de faire
refondre leurs Cloches . Celles qu'ils avoient
étoient déja anciennes ; il suffit de dire
que la
plus récente étoit de 1611. et que des deux prin
cipales l'une étoit cassée , et l'autre fellée ; les
autres menaçoient d'un semblable accident . La
difficulté de bien assortir des Cloches travaillées
en différens tems , les à déterminez à une refonte
entiere : et quoiqu'on fut assez content de la force
et de l'harmonie de celles que l'on a entenduës
jusqu'ici , ils ont tâché d'avoir encore quelque
chose de plus fort et de plus mélodieux en ce
genre. Selon ce projet on a fondu six Cloches
qui dans leur total , vont,pour la pesanteur, à une
·
moiti
OCTOBRE. 1732. 2283
moitié aude- là des anciennes. L'harmonie y est
menagée à proportion : les sieurs Brocards et
Chauchards , habiles Fondeurs , déja connus par
le succès des Cloches de la Cathedrale de Chartres
, y ont seuls travaillé , et l'entreprise heureusement
finie , les jours ont été fixez pour la Bénédiction
des nouvelles Cloches.
Le Mardi 16 Septembre , la Reine seconde
Douairiere d'Espagne , se rendit vers les dix heures
du matin à sainte Geneviève en habit de cérémonie
, accompagnée de toute sa Maison , pour
être Marraine de la premiere des grosses Cloches ;
Monseigneur le Duc d'Orleans , premier Prince
du Sang , arriva peu de tems après pour être
Parrain.
La Reine fut reçûë à la porte de l'Eglise au son
des Tambours , Trompettes , Timbales et Hautbois
; par l'Abbé en Habits pontificaux à la tête
de son Chapitre . Il lui présenta P'Eau benite , et
offrit la vraye Croix à baiser , Sa Majesté Catholique
à genoux sur un riche carreau adora le
Crucifix , puis s'étant levée , l'Abbé l'encensa , lui
fit un compliment et la conduisit au son des Instrumens
à son Prie -Dieu , placé du côté de l'Evangile
sous un Dais de Velour cramoisi , brodé
d'or.
M. le Duc d'Orleans se mit à la droite de la
Reine , qui avoit à sa gauche les Dames de sa
Cour , et ses grands Officiers. Ceux de M. le
Duc d'Orleans et d'autres personnes de distinc- /
tion , formoient une assemblée brillante .
La cérémonie se fit dans la Nef de l'Eglise ,
décorée de plusieurs rangs de riches Tapisseries.
Au dessus d'un Autel , dressé au fond de la Nef,
s'élevoit un Dais de Velour Cramoisy , semé de
Fleurs de Lys d'or , orné de six Cartouches , reprem
2284 MERCURE DE FRANCE
presentant divers sujets de la vie de sainte Géné
viéve. Sur l'Autel , manifiquement paré, étoit un
grand nombre de Chandeliers d'argent , tres-bien
disposez , portant des Cierges aux Armoiries de
La Reine d'Espagne , et de M. le Duc d'Orleans .
Auprès de l'Autel , du côté de 'Epître , étoit placé
l'Abbé de sainte Géneviève , avec ses Officiers;
les uns en Tuniques , les autres en Chappes
magnifiques.
La Cloche suspendue au milieu de la Néf , attiroit
par sa grosseur l'admiration des Spectateurs
, et une Etoffe d'or , des plus riches , qui
la couvroit entierement , marquoit la libéralité
vraiment Royale de S. M. Cet de M. le Duc
d'Orleans. Tout l'appareil de cette Cloche , ornée
superbement , environnée de grands Flambeaux
aux mêmes Armes que les Cierges , et soutenuë
par un assemblage de Pieces de Charpente , cou--
vertes de Damas Cramoist, representoite me espece
de riche Pavillon , qui étoit surmonté par
une grande Couronne de Fleurs artificielles.
2
2
La Reine et M. le Duc d'Orleans donnerent à
la Cloche le nom de MARIE LOUISE ELIZABETH
, et la tinterenr chacun trois fois, immédiatement
après que l'Abbé l'eut tintée . Les
Connoisseurs sentirent dèslors la justesse de l'harmonie.
On n'entrera pas icy dans le détail des
la Cérémonie Ecclésiastique qui est marquée dans
les Rituels , & c..
Entre les Antiennes et les autres Prieres on entendoit
par intervalles , un Concert d'Instruments
choisis. Enfin le Pseaume CL . fut chanté alternavement
avec l'Orgue , accompagné de Flutes
Douces et Allemandes.
La Cérémonie finie , l'Abbé donna la Bénédiction
Pontificale ; et alla ensuite , précédé de
tes
OCTOBRE. 1732 2285
ses Officiers , complimenter la Reine à son Trome
, et la reconduisit au bruit d'une agréable
Symphonie , toute la Communauté étant rangée
sur plusieurs lignes dans la Nef.
Le tout fut terminé par des liberalitez dont
S. M. C. et M. le Duc d'Orleans gratifierent
les Ouvriers ; une multitude de Pauvres reçut
aussi des aumônes considérables.
·
Le lendemain Mercredy , 17 Septembre, M. le
Duc et Madame la Duchesse de Noailles furent
Parrain et Marraine de la seconde Cloche, qu'ils
nommérent GENEVIL'VE FRANCOISECHARLOTTE.
Ils furent reçus à l'entrée de
P'Eglise , vers les quatre heures du soir , au son
de's Trompettes et des Tambours , par le Prieur
de l'Abbaie et par plusieurs députez de la Communauté.
La Cloche étoit couverte d'un beau Velours
cramoisi , donné par M. le Duc et Madame la
Duchesse de Noailles. La Cérémonie se passa
peu près comme la veille. Il y eut grand concours
de Peuple.L'Abbé de Ste Geneviève , après la
Benediction, remercia M. et Madame de Noailles
, et retourna au Trésor , où M.le Duc et Madame
la Duchesse vinrent lui faire compliment.
als firent pareillement distribuer des libéralite
aux Ouvriers , et des aumônes aux Pauvres.
La Bénédiction des quatre autres Cloches se
fera après la St Martin.
FESTE donné à Dampierre.
Ers les Monts escarpez , près de ces som❤
"VVErsbres Bois ,
Que LOUIS de sa vûë honore quelquefois ;
12
* Rambouillet.
Dans
2286 MERCURE DE FRANCE
·
Dans le fond d'un Vallon un superbe Edifice,
Offre aux regards surpris , un riant frontispice.
Charmez de sa beauté , d'impétueux ruisseaux
Y suspendent le cours de leurs rapides eaux ;
Tantôt se promenant dans de vastes Prairies ,
Ils semblent se cacher sous les Herbes fleuries ,
Puis coulant vers les Murs , comme pressez d'a
mour ;
Sans pouvoir les quitter , les baignent nuit e
jour.
De stériles Côteaux , dans un profond silence
Admirent du Jardin la brillante abondance.
La vertu qui se plaît dans ce séjour charmant
En fait , par son éclat , le plus bel ornement.
Un jour qu'elle voulut y donner une Fête ,
Que tout icy , dit -elle , à m'obéir s'apprête.
Il me faut des Soldats, des Tentes , des Hautbois?
Tout s'empresse à l'instant d'obéir à sa voix.
De ses mains elle dresse un Camp sur le Rivage
Et trace de la Guerre une innocente Image.
Ne pensant qu'à former son tendre nourrisson ,
Elle donne à Chevreuse une utile leçon .
Apollon , décris-moi la Fête qu'elle ordonne ,
Je connois peu cet Art , qui nous vient de Bele
lonne ;
Feins-- nous le Pavillon dans le Centre placé ,
D'un somptueux Festin tout l'appareil dressé.
Les Etendarts flottans , les Soldats sous la tente ;
Auprès
OCTOBRE. 1732. 2287
Auprès du General , la Garde vigilante .
On allume des feux ; l'Herbe au loin en jaunit ,
Le Coursier au Piquet fremit , bondit , hannit.
Icy , dans la Prairie , on s'arrange , on manoeu
vre ,
Là , contre l'ennemi la ruse est mise en oeuvre,
Du foudroïant Canon déja- j'entens le bruit ;
Le Faune se réveille , et la Nymphe s'enfuit.
* Le Chef , le jeune Chef , de sa valeur future ,
Dans ces jeux simulez , donne une preuve sûre
Que de graces en lui ! Quelle naissante ardeur !! {
Que sur son noble front , j'apperçois de grandeur
!
J'y vois peins tous les traits de ses illustres
Peres ,
Leur douceur , leur courage , et leurs vertus sinceres
;
Leur haine
Rois ;
pour l'erreur , leur amour pour nos
Comme eux il se rendra fameux par ses Exploits.
*
Il attire en son Camp deux Augustes Duches
ses ,
Que la Grece autrefois eut prises pour Déesses.-
Parmi leurs doux attraits , brille la Majesté ,
Caractere certain de la Divinité .
Le Soldat animé par leur présence heureuse ,
Le Duc de Chevreuse.
* Les Duchesses d'Uzès et de Luynes,
Il
2288 MERCURE DE FRANCE
Exerce sous leurs yeux son ardeur valeureuse.
Il attaque , il combat , enleve des Drapeaux ;
Dispute à qui fera les Exploits les plus beaux.
Couronné de Laurier , il vient leur faire ho
mage ,
Des Captifs que leur main tire de l'esclavage.
Un nouveau jeu succede à l'appareil guerrier ;
Notre Chef se transforme en sage Nautonier.
Sur les paisibles eaux , s'avance une Chaloupe ,
Et reçoit dans son sein notre brillante Troupe.
Pourquoi craindre en entrant? Nymphes ne tremblez
pas ,
L'Onde va respecter vos aimables appas.
Chevreuse vous conduit , sous ses heureux aus
pices ,
L'Eau , les Vents ,,et les Cieux vous deviendront
propices.
* Un Pasteur révéré , la gloire du Hameau
Médite des accords sur son doux Chalumeau.
Du Ciel et de la Terre il chante les merveilles ;
Et par sa voix divine , il charme nos oreilles .
Dans les Bois écartez , Echo porte ses sons ,
Et les Bergers , en Choeur , repetent ses chansons
Heureux qui les retient , les médite sans cesse
Il y trouve les fruits d'une haute sagesse.
De nos jeux innocens les Arbres sont jaloux ;
Ils semblent s'agiter , et courir après nous.
L'Evéque de Bayeux,

LES
OCTOBRE. 1732. 2289
Les Graces , les Plaisirs , la Concorde fidelle ,
S'empressent à l'envi de remplir la Nacelle.
Fuyez, Fils de Venus , portez ailleurs vos coups ;
Une autre Déïté sçait l'emporter sur vous.
C'est l'Amitié constante, au coeur tendre et sincere
,
Des secrets mutuels sage dépositaire.
De Luynes et d'Uzès, en lui livrant leurs coeurs ,
Goutent dans ses liens ses plus vives douceurs.
Ainsi l'on voltigeoit sur la Plaine liquide ,
On jouoit , on chantoit , on admiroit son Guide:
Quand la nuit importune , enviant notre sort
Avertit les Rameurs de voguer vers le Port.
RECEPTION du Marquis de COUR
BONS , en la survivance de la Charge
du Marquis de GAUBERT son Pere , premier
Président au Parlement de Navarre.
Es Provisions de M. de Courbons ayant été
portées à l'Audience , le Syndic des Avocats
a fait un Discours , après lequel il a conclu à ce
qu'il plut à la Cour d'ordonner la Lecture et Publication
desdites Provisions . Messieurs les Gens
du Roy se sont levez , et M. de Mesplez , Avocat
General dudit Seigneur Roy , portant la pa
role , ont dit :
MESSIEURS ,
Dans l'obligation où nous sommes de concourir de
notre Ministere à l'enregistrement dee Provisions
I dons
2290 MERCURE DE FRANCE
dont vous venez d'entendre la Lecture ;› c'est une
grande satisfaction pour nous d'avoir tout lieu de
croire que notre voix serafavorablement écoutée.
Organes des volonsex du Roy auprès de vous ,
mous sommes toujours assurez de trouver dans vos
coeurs des dispositions à la plus parfaite soumission
mais nous parlons avec bien plus de confiance , lorsque
nous sommes persuadez que l'Arrêt que nous
devons vous demander , n'aurapas le seul merite de
l'obeissance.
Nous nous rappellons la joye que vous temoignétes
lors de la publication des Provisions de M. de
Gaubert , est un heureux prejugé pour celles que
M.de Courbons vient d'obtenir Naissance, services,
mérite personnel,tout parloit enfaveur du Pere ; ces
mêmes avantages vous parlent en faveur du Fils."
› Si M. de Courbons vous étoit moins connu 078
pourroit vous prevenir en sa faveur par le recit des
vertus de ss
es Peres , soit que le merite se transmette
Avec le sang, soit que l'éducation ordinaire aux
personnes distinguées , fasse éclore en elles de plus
grandes qualitez , vons presumeriez avantageusement
d'un Homme de sa naissance ; mais il n'a
pas besoin de se parer à vos yeux de l'éclat de ses
Ancêtres , il s'est fait connoître dans le peu de
tems qu'il a été parmi vous par des endroits moins
équivoques et plus essentiels. La naissance , il est
vrai , est un grand relief dans les personnes en pla
ce; elle previent le public , elle augmente le " respect
et la soumission : mais c'est le sçavoir , la droisure
, la bonté qui fait le fondement de la confiance
des Peuples.
Il paroit que M. de Courbons, est né avec un
esprit droit et facile , et il l'a cultivé par les connoissances
qu'exige un Emploi où l'on est des
tine discuter avec autant de solidité que d'élo1-
quence
OCTOBRE 1732 229N
$
quence le droit public et particulier : la Renommée,
ce temoignage qui n'est jamais suspect , n'a cessé
de nous dire combien il a brillé dans cette premiere
Charge ; ses lumieres , son equité , son habileté
à manier la parole , lui firent toûjours prevenir
les decisions d'une Compagnie caracterisée par la
sagesse de ses Arrêts ; sa douceur , sa bonté , son
accès aisé pour les Parties , sa patience à les enten
dre , lui attirerent l'estime et la veneration de ses
concitoyens.
Du Parquet de Provence , où il a , pour ainsi
·dire , été élevé , il a passé dans ce Parlement ,
il a bien soûtenu la reputation qui l'avoit devan
cé. Vous avez souvent vú avec surprise que ses
judicieuses reflexions enlevoient vos suffrages dans
les affaires mêmes qui devoient être nouvelles pour
lui , soit par rapport à nos Loix municipales , soit
par rapport à notre Jurisprudence ; ensorte que plùsieurs
d'entre vous, penetrez de son merite, lui defevoient
déja par estime la Place à laquelle le Roi a
trouvéjustě de Pélever.
Sil lui manquoit encore quelque perfection pour
remplir un Ministere aussi étendu qu'il est imporsant,
l'experience suppleroit bientôt à ce que l'âge
ne lui auroit pas permis d'acquerir , et les exem-
"ples domestiques sont un secours qu'il aura ( à
ce que nous esperons ) long-tems encore devant les
yeux.
Où pourroit- il puiser avec plus d'abondance , des
sentimens de zele pour la Religion , pour le Roi ,
et pour le Bien Public , et pour tout dire , un plus
grand attachement à tous les devoirs d'un Premier
Magistrat Quipourroit mieux que ce digne Pere
Ini apprendre à soutenir tout à la fois l'honneur
de sa Place , la dignité et les droits de la Com
Spagnier
મૈં મું
Assidu
2292 MERCURE DE FRANCE
$
tent?
Assidu et infatigable au travail , il ne se con
pas
de dispenser ici une justice rigoureuse
il a établi dans sa maison une espece de Tribunal
domestique , où il se plaît encore plus à terminer
les dissentions , et surtout celles qui peuvent aigrir
les esprits et perpetuer les haines ; d'ailleurs bienfaisant
par inclination , on le trouve toujours disposé
à s'employer pour ceux qui ont recours à lui ; il n'épargne
ni ses soins pour faire plaisir , ni son credit
pour procurer des graces.
A ces traits , MESSIEURS , vous reconnoissez
votre illustre Chef; à ces mêmes traits vous
reconnoîtrez sans doute le digne successeur que le
Roi lui a donné. Dans cette confiance , nous nou
bâtons de vous demander de mettre le dernier sceau
la grace que Sa Majesté leur a accordée.
Nous requerons ordonner , que sur le repli des
Lettres Patentes dont lecture vient d'être faite , il
sera écrit qu'elles ont été luës , publiées et registrées,
pour être executées selon lenr forme et teneur ,
pour jouir l'Impetrant de leur profit et utilité,
SURQUOI la Cour a rendu un Arrêt qui ordonne
la lecture et publication desdites Provisions
, qui a été faite à l'instant.
Le 31. Août 1732. la Ville de Pau avertie de
l'arrivée de M. de Courbons , députa vers ce
Magistrat deux Jurats et deux Notables . Ils parzirent
avec la Bourgeoisie , et allerent attendre
M. de Courbons à l'extremité du Territoire de
Tau. Lors que M. de Courbons y fut arrivé , les
Jurats et Notables mirent pied à terre ; et M. de
Courbons descendit de son carrosse avec Mrs
d'Esquille,Président à Mortier , de Carrere, d'Abbadie
et de Labarthe, Conseillers en la Cour , qui
lui étoient allez au- devant . L'ancien des Jurats ,
CA
OCTOBR E. 1732. 2295
en livrée Royale , harangua M. de Courbons
et la harangue finie M. de Courbons remonta
dans son carrosse ; et les Jurats et Notables à
cheval, à la tête de la Bourgeoisie , précedez par
les Trompettes de la Ville , marchant sur deux
colonnes , l'épée nuë à la main , accompagnerent
M. de Courbons jusqu'à son Hôtel.
Un moment après son arrivée il reçut les complimens
des six Jurats, en livrée Royale , accompagnez
des Officiers et du Corps de Ville , de
l'Université , de l'Ordre des Avocats , et de tous
les Corps de la Ville .
EXTRAIT du Registre fecret du
Parlement de Navarre .
Le 2. Septembre 1732. les Chambres ont
été assemblées par ordre de M. de Casaus , Président
, qui a dit que M. de Courbons lui a fait
presenter sa Requête pour être reçû en la place
de Premier Président survivancier ; laquelle lue
avec les Conclusions du Procureur General , la
Cour a ordonné que M. de Courbons sera reçû
en la forme qu'on observe aux receptions de Messieurs
les Premiers Présidens .
Et la Cour ayant ordonné au Sieur de Perpi-1
gna Greffier, en Chef, d'aller en l'Hôtel de M.
de Courbons , pour l'avertir de sa part qu'elle
étoit assemblée et qu'elle l'attendoit , M. de.
Courbons s'est rendu au Palais . Mrs les Gens du
Roy , précedez par le premier Huissier , ont été
l'accueillir au bas de l'escalier par ordre , de la
Cour , et étant remontez avec M. de Courbons ,
ils sont entrez dans la Grand - Chambre . M. de
Courbons, en coupant le Bureau , s'est allé asseoir
au banc des Conseillers , au- dessus de Mrs les
Chevaliers d'honneur ; et à l'instant M. de Ca
I iij saus
22294 MERCURE DE FRANCE
saus , Président, ayant prononcé l'Arrêt de recep
sion à M. de Courbons , il s'est levé et a prêté
le Seriment ordinaire ; s'étant relevé M. de Casaus
l'a pris par la main droite , et l'a fait sieger
en la place de Premier Président ; après quoi M...
de Courbons a dit :
MESSIEURS ,
Ce jour seroit peu inserressant pour moi , s'il de
voit seborner à une ceremonie d'usage : plus jaloux
des droits que j'ai sur vos coeurs , des bonneurs
que
attachez à la Place que le Roy m'a destinée , je në
dois penser aujourd'hui qu'à vous rappeller les sensimens
que j'ai déja temoignés à tous les dignes
Magistrats de cette auguste Compagnie , et à vous
assurer que lafidelité en sera toujours le partage.
Fondé sur de pareils titres , j'ose me flater de votre
bienveillance et de votre attachement ; vous ne
sçauriez me les refuser , sans donner atteinte à cette
exacte justice que vous êtes en possession de rendre
depuis si longtems.
Mais leprincipe de cet attachement qui fait tous
mes desirs , vous devez le prendre dans l'union qui
doit regner parmi vous vous en connoissez l'importance
et la necessité ; la division entraîne la
décadence des Puissances les mieux établies ; elle
diminue les droits d'une Compagnie , elle en affoiblit
l'éclat et la dignité ; sa force et sa splendeur
dépendent moins de ses attributs , que des engagemens
reciproques que doivent contracter les coeurs
de ceux qui la composent : ce merveilleux accord
des uns aux autres lui donne des liens , qui en
P'unissant , affermissent son authorité , et lui attirent
la veneration des Peuples.
Cette union que le devoir fait naître , que la
wertu dirige , que la justice entretient, est indépendante
OCTOBRE. 1732. 2295
pendante des Evenemens , bien differente de celle
qui dans l'occasion où elle doit se montrer , dispa
roit comme ces lueurs qui n'ont que l'apparence.
C'est cette union qui est le partage des grands
Magistrats , et la seule digne de vous. Pourrionsnous
en cimenter d'autres , nous qui formons un
Corps , où nous avons les mêmes intérêts à défendre,
les mêmes fonctions à remplir , le même caractère à
soutenir ?
C'est enfin avec cette union que nous devons tous
concourir à soutenir dans son équilibre la balance
de la Justice , et n'admettre d'autre poids pour
faire pancher que les interêts du Prince , le bien des
Peuples , et l'amour de la verité.
A ces traits vous connoissez déja que je serai
bren plus touché du rang que vous m'accordérez
dans une solide amitié , que de celui où je me
trouve aujourd'hui : vous me devez l'un comme
une dette que mes sentimens m'ont acquise ; l'autre
est une grace dont chacun de vous seroit bien plus
digne. Fusse le Ciel que je sois éloigné de ce dernier
honneur ; que le Pere consacre encore longtems
ses travaux dans ce Templs de la Justice
et que le nombre de ses lauriers puisse accroître le
nombre de ses années , tandis que le fils n'aura
jamais d'autre ambition que celle de présider sur
vos coeurs.
M. de Casaus , Président , a répondu à M. de
Courbons , que le Parlement avoit pris toute la
part possible à la grace que Sa Majesté lui avoit
accordée ; que la singularité du bienfait dur
Prince en sa faveur , étoit une preuve de celle
de son mérite ; que la Compagnie en connoissolt
tout le prix , de même que les avantages de l'union
qui doit regner dans un Corps , et surtout
entre le Chef et les Membres , et qu'elle aurit
I iiij toûjours
2295 MERCURE DE FRANCE
toûjours une atention particuliere à l'entretenir
sans alteration.
Ce fait , M. de Courbons s'est levé , et les
Chambres se sont séparées .
MORTS , et NAISSANCES.
Ame Marie-Louise- Angelique Favier du
D Boulay ,veuve de M. Denys Talen , Prési

dent à Mortier du Parlement , mourut le 28 de
Septembre , en son Château du Boulay en Beauce
, âgée d'environ 88 ans.
Dame Marie- Anne le Feron , épouse de M. Julien-
Denis Coignet , Chevalier , Seigneur de
S. Clair de la Courneuve , Conseiller du Roi en
sa Cour de Parlement , mourut le 8 Octobre
1732. âgée de 40 ans ou environ.
>
Helie de Lauriere , Marquis de Pompadour ,
Menin de feu Monseigneur Colonel d'In- ,
fanterie Gouverneur et Grand- Sénéchal Honoraire
de Perigord , âgé de 78 ans , mourut
Paris le 8 Octobre , il ne laisse de son alliance
avec N. de Navailles qu'une fille , mariée à
M. Dangeau , Marquis de Coursillon , laquelle
n'a eu aussi qu'une fille , mariée en premiores
Nôce au Duc de Pequigny , fils aîné du Duc de
Chaulne ; et en secondes Nôces au Prince de Rohan
Soubise.Le Marquis de Pompadour avoit ver
du il y a plusieurs années sa Charge de Gouver
neur et de Grand- Sénéchal de Perigord au Comte
de Vertillac : la Maison de Pompadour est illus
tre et ancienne ; voyez sa Généalogie dans le
Pere Anselme , article des premiers Aumôniers
du Roi.
OCTOBRE . 1732 2297
François Annibal , Comte de Bethune , Chef
d'Escadre des Armées Navalles de S. M. mourut
à Paris le 18 Octobre , âgé d'environ 90 ans
étant né en 1643. Il étoit fils d'Hyppolite de
Bethune , Comte de Selles , &c. Chevalier des
Ordres du Roi , Chevalier d'Honneur de la Reine
Marie Therese d'Autriche Epouse de Louis XIV . et de Dame Anne- Marie de Beauvilliers
de S. Aignan , Dame d'Atour de la Reine.
René Prosper de Longueil , Marquis de Poissy
et de Maisons , fils de Jean-René de Longueil
, Président à Mortier du Parlement de Paris
, et de Dame Marie- Louise Bauyn d'Argenvilliers
, mourut le 21 Octobre âgé d'environ 20
mois. Son corps fut porté à l'Eglise de S. Sulpice
, sa Paroisse , puis transporté en celle des
Cordeliers , pour être inhumé dans la Sépulture
de ses Ancêtres . M. l'Abbé Cazotte , Prêtre de
la Communauté de S. Sulpice , en le présentant
au R. P. Gardien , prononça le Discours suivant,
A
J'ai l'honneur de vous présenter , mon R. P.
les tristes restes d'une Maison qui depuis plusieurs
siécles a donné à l'Eglise des Pontifes recommandables
en science et en sainteté , et à l'Etat de
grands Capitaines , des Ministres éclairez et d'illustres
Magistrats.
Que ne devoit-on pas attendre du successeur de
tant de grands Hommes , que la mort enleve
dans la plus tendrè enfance à une mere dont la
vertu et la naissance nous étoient de nouveaux
garans du mérite et des rares qualitez qui auroient
éclaté dans le fils .
Nous ne pouvons refuser nos regrets et nos
Larmies à la juste douleur que ressentent tous
ceux
2298 MERCURE DE FRANCE
ceux qui sont attachez par les liens du sang
cette Maison, qui perd dans un jour l'unique fordement
de toutes ses esperances , celui qui seul
pouvoit la consoler de la mort d'un pere enlevé
dans la fleur de son âge , orné déja de toutes les
qualitez du coeur et de l'esprit , qui font les Hommes
Illustres.
• Cette perte nous devient encore plus sensible
parce qu'elle interesse et touche vivement un
Ministre , dont le nom sera à jamais en veneration
parmi nous , qui a merité par sa probité er
par l'étendue de ses lumieres la confiance de son
Roi.
Après avoir satisfait à ce que notre sensibilité
éxige , après avoir pleuré avec ceux qui pleurent
, après nous être affligé avec toute la France
, nous devons , comme Ministres du Seigneur,
élever nos vûës plus haut , adorer la divine Pro- -
vidence , qui dispose de tout pour sa plus grande
gloire et pour le bonheur de ses Elûs.
Quelle source inépuisable de consolations , de
penser que celui que l'on pleure comme mort .
est vivant , que celui dont on plaint le sort jouit
du bonheur ineffable de posseder son Dieu, qu'il
n'y a désormais pour lui ni danger ni péril à
craindre , qu'il a été enlevé de peur que la corruption
du siécle ne changeât son coeur , malgré
les heureuses inclinations d'une haute naissance
soutenues et fortifiées par les exemples domestiques
, et par une sainte éducation ; de penser enfin
que Dieu en le trouvant mur pour le Ciel
dans un âge encore si tendre , a voulu récompenser
la vertu de ses Parens , et leur préparer des
consolations plus pures et plus solides , que celles
qu'ils pouvaient esperer du côté du monde..
2
Le Seigneur qui veut conserver tous les ossemens
OCTOBRE . 1732. 2299
mens de ses Saints , récompense par cette mort
précieuse à ses yeux la Religion de ses Ancêtres
qui ont choisi leur sépulture dans cette Eglise
afin de participer aux prieres d'un Ordre aussi
respectable par sa solide pieté , qu'il est illustre
et distingué par sa profonde érudition.
>
Il ne faut pas que la mort sépare ceux que les
liens du sang et de l'amitié ont unis pendant leur
vie , recevez done M. R. P. le corps de René-
Prosper de Longueil , Marquis de Poissy , de
Maisons et autres lieux , fils de très - Haut et
très- puissant Seigneur Monseigneur Jean-René
de Lorgueil , Président du Parlement et de
très-haute et très- puissante Dame , Madame Marie-
Louise Bauyn d'Argenvilliers , decedé le 21.
Octobre 1732. âgé de 20 mois.
Au commencement du mois dernier , la nommée
Catherine Fort , âgée de 40 ans , accoucha
à Tayrac,en Agenois,de quatre filles , qui toutes
reçûrent le Baptême.
D. Genevieve Paulmier de la Bucaille , épouse
de Jean-Baptiste-Elie Camus de Pontcarré de
Vierme , Maître des Requêtes , accoucha le 6.
Octobre d'une fille , qui fut nommée Jeanne-
Geneviève.
D. Marguerite Delphine de Valbelle Tourvés ,
épouse d'André Geoffroy de Valbelle , Marquis
de Mayrargues , Mestre de Camp de Cavalerie ,
accoucha le 10 Octobre d'une fille qui fut
nommée Magdelaine , par Joseph Dancezune
Doraison, Marquis Dancezune , Mestre de Camp
de Cavalerie , et par Dame Magdelaine Dancezune
de Caderousse , Epouse d'Yves , Marquis
d'Alegre , Maréchal de France , Chevalier des
Ordres du Roi , Gouverneur de la Ville et Cita-
Lovj delle
2300 MERCURE DE FRANCE
delle de Metz , et du Pays Messin , et Verdunois,
Commandant en chef dans les trois Evêchez .
శ్రీ
(Į į į į į į į į į į jį i̟ ! ! ! ! ♣ ♣ ♣
ARRETS NOTABLES.
RREST du Parlement de Besançon , pour
Aréprimer la licence des Jeusesur la
quête ce jourd'hui presentée à la Cour , par le
Procureur General du Roy , contenant , que la
condescendance que l'on a eu jusqu'à present
dans cette Ville et dans toute la Province, sur le
fait des Jeux de hazard , a amené les choses à un
tel point , qu'il n'est plus possible de le dissimu
ler. Cet amusement , qui , dans son principe
avoit été introduit pour délasser l'esprit , est devenu
la source d'une infinité de désordres et d'inconveniens
, par la fureur avec laquelle on s'y
livre ; combien de Familles dérangées par les pertes
considérables que les Jeux occasionnent ? de- là
naissent des Querelles fréquentes , et une infinité
de mauvaises actions , dont les de bien sont
gens
scandalisez; la Jeunesse exposée à tous ces écueils,
a peine de s'en deffendre ; elle se trouve entraî
née par l'exemple auquel elle n'a pas la force de
résister ; l'usure vient au secours de la disette
d'argent ; jamais ce crime n'a été plus pratiqué
qu'il l'est de nos jours.
L'on doit ajoûter à cette premiere idée de la
manie du Jeu , cette multitude de personnes trop
avides du gain qui la favorise , en livrant leur
maison le jour et la nuit à tous ceux qui veulent
y entrer ; la licence inséparable de ces sortes d'assemblées
y fait admettre des gens de toutes espéces
; les juremens , les blasphemes qu'on y profére
OCTOBRE . 1732. 2301
fere , font frémir ceux qui les entendent ; souvent
même cela arrive pendant le temps des Offices
divins.
La Cour est sans doute indignée d'entendre le
récit des funestes suites que les Jeux de hazard
entraînent ; c'est à Elle à veiller à la sûreté des
Citoyens, et à prévenir par la sagesse de ses Ordres
les malheurs qui troublent la société civile
et altérent les régles d'une bonne Police ; le Pu
blic attend de son amour pour le bien general de
Ja Province , et pour l'exécution des Ordonnances
de nos Rois , un Reglement propre à déra- ·
ciner une passion qu'il faut détruire jusques dans
son principe , s'il est possible ; c'est dans cetre
vûë que le Procureur General a requis , &c .
1
1
Vû ladite Requeste , Signé DoRoz . Oui le Rapport
de Messire Henry Coquelin , Conseiller ,
Commissaire- Rapporteur , et tout considéré . LA
COUR a fait et fait deffenses à toutes personnes,
de quelque qualité et condition qu'elles soient ,de
donner à jouer aux Dez , et aux Jeux appellez le
Hocca , le Biriby , la Bassette , le Pharaon , le
Lansquenet , la Dupe , le Brelan , et generalement
à tous Jeux de hazard , sous quelques noms
et formes qu'ils puissent être déguisez ; même à
toutes personnes de quelque état et condition
qu'elles soient de jouer ausdits Jeux , à peine
contre ceux qui auront permis qu'il soit joué
chez eux , de 3000 liv. d'amende , applicables un
tiers au Roy , un tiers à l'Hôpital General des
Lieux , l'autre tiers au Dénonciateur ; sauf à imposer
autre et plus grande peine , suivant l'exides
cas ;
gence et contre ceux ou celles qui au
ront joué ausdits Jeux , de 1000 liv. d'amende •
applicables comme dessus . A déclaré et déclare
qu'à l'égard des maisons , où il aura été donné à
jouer
2302 MERCURE DE FRANCE
jouer , les Peres et Maris demeureront responsas
bles des amendes , sans pouvoir en être excusez ,
sur aucun prétexte , ni d'ignorance , ni de la modicité
du jeu , ni même du simple amusement
des personnes. A fait et fait aussi deffenses en particulier
à tous Cabaretiers , Limonadiers , teneurs
de Billards , Vendeurs de Caffé , de donner à
jouer , ou de permettre qu'il soit joué chez eux ,
non seulement aux Jeux de hazard ; mais encore
à aucune sorte de jeux , ni de Cartes , ni de Dez,
de quelques especes qu'ils soient ; même de tenir
chez eux , ou publiquement , ou sous la clef, des
Cartes , des Dez , ni des Cornets , à peine de
3000 liv. d'amende , et en outre d'être prononcé
contre les Contrevenans , la peine de bannisse
ment du lieu de leur résidence , pour un temps ,
ou pour toujours , suivant l'exigence des cas.Enjoint
aux Officiers de Police , de faire chaque
jour , pour l'exécution du present Arrest , des vi
sites et recherches exactes dans les Maisons soup
çonnées de tenir Académie ou Assemblée de Jeux
prohibez , ainsi que dans celles où il est deffendu
de conserver des Cartes et des Dez , et de jouer à
aucune sorte de Jeux , à peine en cas de diffimulation
, négligence ou connivence desdits Officiers
d'en répondre en leur propre et privé nom,
et d'être punis comme Fauteurs et Complices.
Leur a ordonné et ordonne, châcun en droit soi,
de prononcer les peines ci -dessus imposées dans
lés différens cas de contravention , sur le simple
Procès verbal d'un Officier de Police , ou la déposition
de témoins singuliers . sans qu'ils puissent
moderer lesdites peines. A condamné et
condamne les Propriétaires des Maisons , dont
les Locataires donneront à jouer ( après en avoir
été avertis par les Officiers de Police ) solidaire--
ment
OCTOBRE. 1732 2303
2.
ment avec les Locataires, au payement dés amen
des , jusqu'à la somme de mille liv. applicable.
comme dessus : Ordonne en outre , que les Maisons
seront fermées pendant six mois , à moins
que les Propriétaires n'ayent donné congé aux
Locataires de sortir de leurs Maisons : A fait et...
fait inhibitions et deffenses à toutes personnes ,
de quelque qualité et condition qu'elles soient
de troubler directement , ni indirectement lesdits
Officiers de Police , dans leurs fonctions , visites
et recherches , à peine de 3000 liv. d'amende ,
applicables comme dessus , même de punition
corporelle. A déclaré et déclare tous Billets, Promesses
et dettes contractées pour Jeu et dans le
Jeu , quoique ftipulez sous des noms déguisez
nals et de nul effet , et déchargez de toutes obligations
civiles et naturelles ; sans que sous aucun
prétexte , les Porreurs desdits Actes en puissent
exiger le payement. A permis et permet au Pro
cureur General , même aux Procureurs de Police
, et Syndics des Villes , d'obtenir Monitoire :
pour parvenir à la preuve des contraventions au
présent Arrest . A ordonné et ordonne qu'il serala
et publié dans les Bailliages et Jurisdictions du
Ressort , et affiché aux Carrefours et Places publiques
, pour que personne n'en prétende cause
d'ignorance , et ensuite exécuté : nonobstant opposition
, appellation et empêchement quelcon
que : Que ladite Publication et Affiche sera faite
et renouvellée de 6 mois en 6 mois et à son de
Trompe , à la diligence des Syndics et Procureurs
de Police , tant de la Ville de Besançon ,
que des autres Villes du Ressort , ausquels la
Cour enjoint de tenir la main à l'exécution du
présent Arrest , sans avoir égard , ni acception
pour
2304 MERCURE DE FRANCE
pour personne ; d'avertir le Procureur General
des contraventions qui viendront à leur connoissance
et de certifier la Cour de leurs diligences
dans le mois. Fait en Parlement à Besançon , le
3 Mars 1732. Signé , CHALON. Collationné,
Signé , HUOT.
>
ARREST DU PARLEMENT, au sujet d'un
Imprimé , &c. Ce jour , les Gens du Roy sont
entrez , et Maître Pierre Gilbert de Voisins ,
Avocat dudit Seigneur Roy , portant la parole ,
ont dit :
Qu'ils apprennent que depuis quelques jours il
se répand dans cette Ville , des Imprimez , portant
le nom du Nonce du Pape auprès du Roy
par lesquels il accorde à differentes personnes la
permission de lire les Livres que l'on désigne
comme deffendus , soit par l'Indice Romain , ou
en quelqu'autre maniere que ce puisse être. Qu'aussi-
tôt qu'il en est tombé un Exemplaire entre
leurs mains, ils ont senti que leur devoir ne leur
permettoit pas de differer d'en arrêter le cours.
Que sans entrer dans le détail des clauses contraires
aux droits des Evêques et aux Maximes
du Royaume , qu'on pourroit relever dans cet
Ecrit , il leur suffit de rappeller ce qu'ont maintenu
de tout temps leurs Prédecesseurs , qu'en
France il n'y a aucune Jurisdiction attachée au
Caractere de Nonce ; et que tout ce qui pourroit
en être , ou un exercice, ou une suite, ne peut
être toléré. Qu'en soutenant une Maxime si inviolable
, ils ne cesseront jamais de donner aussi
en toute occasion , des marques de leur veneration
pour le Chef de l'Eglise et le Pere commun
des Fideles , ni d'avoir pour son Nonce , tous les
égards qui sont dûs à son Caractere d'Ambassadeux
OCTOBRE. 17320 2305
deur , auquel se rapportent toutes les fonctions
qu'il a dans le Royaume. Que c'est sans se départir
de ces sentimens , et dans la vûë de satisfaire
à un devoir indispensable , qu'ils ont pris
les conclusions qu'ils laissent à la Cour avec
l'Exemplaire imprimé , d'une des Permissions
dont il s'agit.
Eux retirez : Vû un Ecrit imprimé, intitulé : Rainerius
ex Comitibus de Ilcio , Dei et Apostolica Sedis
gratia Archiepiscopus Rhodionsis ac SS.DD N.D.
Papa Clementis XII. ejusdemque S. Sedis apud
Regem Christianissimum , Nuncius Apostolicus , c.
signé à la fin , R. Arshiep . Rhod . Nunc. Aposto
licus ; portant permission de lire les Livres deffendus
et condamnez , aux exceptions y portées !
Our le tepport de M. Pierre de Paris , Conseiller
La matiere sur ce mise en déliberation:
LA COUR ordonne que les Exemplaires dudit
Ecrit , seront supprimez ; enjoint à ceux qui en
auroient des Exemplaires , de les rapporter à cet
effet au Greffe de la Cour : Fait inhibitions et
deffenses à toutes sortes de personnes , de quelque
état et condition qu'elles soient , d'obtenir
pareilles Permissions , comme contraires aux
droits des Ordinaires , aux maximes et usages
du Royaume : Fait pareilles inhibitions et deffenses
à tous Imprimeurs d'imprimer de pareils
Ecrits ; leur enjoint de se conformer aux Ordonnances
, Edits et Déclarations du Roy , registrez
en la Cour , sous les peines y contenues. FAIT en
Parlement , le 4 Aoust 1732. Signé, YSABEAU .
AUTRE ARREST DU PARLEMENT , da
II Aoust , au sujet d'une These , & c .
Ce jour , les Gens du Roy sont entrez , et Mał
tre Pierre Gilbert de Voisins , Avocat dudit Seigneur
2306 MERCURE DE FRANCE
gneur Roy, portant la parole , ont dit : Que le
Syndic de la Faculté de Théologie supplioit la
Cour de l'entendre , et demandoit à lui rendre
compte de sa conduite , au sujet de la These soutenue
en Sorbonne le 18 Juillet derniers qu'il
s'étoit adressé à eux au Parquet à ce sujet , er at
zendoit ce qu'il plaira à la Cour d'ordonner,
Ledit Syndic mandé , est entré en la Grand'-
Chambre par la porte du Greffe , a passé au se→ ´
cond Barreau , et a dit :
MESSIEURS,
Allarsué et affligé des soupçons que l'on a répandus
contre une These , soutenue en Sorbonne
le 18 Juillet dernier , par le sieur Madgett , Ba
chelier , actuellement en Licence ; j'ai crû que
mon devoir étoit de venir rendre à la Cour un
compte fidele de ma conduite, et lui exposer mes
veritables sentimens .
J'ose protester à la Cour que le silence que l'on
paroît reprocher au Bachelier qui a soutenu cette
These n'a rien d'affecté . Si dans l'Article où il
parle de la Constitution, il n'a pas fait une mention
expresse des clauses ou conditions portées
par l'Arrêt d'enregistrrement des Lettres Patentes
de 1714. c'est uniquement parce que l'usage est
d'énoncer les Theses dans les termes les plus gé
néraux , sans y inserer les preuves et explications
dont le Répondant se réserve à faire usage
dans le tems de la dispute ; et si le sieur Madgete
çût été attaqué sur la matiere de la Proposition
91. il n'auroit pas manqué d'employer dans ses
réponses les mêmes principes qui ont servi de
fondemens aux sages précautions que la Cour a
srú devoir prendre à cet égard. {
La Faculté a toujours adhéré à ces sages précautions
de tout son coeur , et elle a déclaré plus
d'une fois , que se conformant aux principes
cons
OCTOBRE. 1732.
2309
constans des Théologiens et des Canonistes , elle
regarde non seulement comme injustes , mais
comme notoirement nulles , les Censures dont
P'Autorité Ecclésiastique voudroit se servir pour
donner atteinte à l'obéissance que les Sujets doivent
à leur Souverain:
Attachée inviolablement aux Maximes du
Royaume , et aux Libertez de l'Eglise Gallicane
, la Faculté ne souffrira jamais qu'aucuns de
ses Membres s'en écartent.
Les Bacheliers soutiennent tous les jours ces
Maximes dans des Theses , où l'on traite ces sor
tes de matieres ..
Je suis chargé par mon Emploi d'y veiller ,
et c'est un devoir dont je tâcherai de m'acquiter
avec tout le zele dont je suis capable ; et j'espere
mériter par ce moyen la protection de la Cour
pour laquelle je conserverai toujours un tres-profond
respect.
Lui retiré , les Gens du Roy , Maître Pierre
Gilbert de Voisins , Avocat dudit Seigneur Roy,
portant la parole , ont dit :
Qu'après la déclaration que le Syndic de la Faculté
de Théologie venoit de faire à la Cour en
leur presence , et après avoîr vû la These sur la
quelle il s'étoit expliqué , ils croyoient que leur
ministerë se bornoit en cette occasion à propo
ser à la Cour de lui donner acte de sa déclara
tion , et de le charger de veiller plus que jamais -
à ce que dans la Faculté de Théologie il ne se
passe rien qui puisse donner atteinte directement
ou indirectement aux Maximes et Usages du
Royaume , notamment aux dispositions de l'Arrêt
de la Cour , du 15 Février 1714, et ont remis
ladite These sur le Bureau.
Eux retirez , la matiere mise en déliberation
a été arrêté , que faisant droit sur les Conclusions
2368 MERCURE DE FRANCE
sions du Procureur General du Roy, il sera don
né acte au Syndic de la Faculté de Théologie de
sa déclaration, et qu'il sera chargé de veiller plus
que jamais à ce qu'il ne soit soutenu pareille .
These à l'avenir dans la Faculté de Théologie ,
& à ce qu'il ne s'y passe rien qui puisse donner
atteinte directement ni indirectement aux Maximes
et Usages du Royaume , et notamment aux
dispositions de l'Arrêt de la Cour , du 15 Février
1714. Et à l'instant les Gens du Roy et e Syndic
ayant été mandez , Monsieur le Premier Président
a fait entendre au Syndic , en presence des
Gens du Roy , l'arrêté de la Compagnie. Fait en .
Parlement , &c.
AUTRE ARREST du Parlement, du 13 Aout,
au sujet d'un Libelle , & c.
Ce jour,les Gens du Roy sont entrez , et Maître
Pierre Gilbert de Voisins , Avocat dudit Seigneur
Roy , portant la parole , ont dit :
MESSIEURS ,
Nous avons vû avec douleur , la licence de
quelques Ecrits porter depuis peu ses atteintes
jusqu'à l'autorité Royale ; mais aucun jusqu'à
present ne l'avoit si ouvertement attaquée , que
celui que vous voïez entre nos mains Ce que nous
devons au Roy , aux Loix de l'Etat , à l'honneur
de cette Compagnie auguste , ne nous permet
pas de differer d'un moment nos poursuites contre
un Ecrit si condamnable ; et sans prodiguer
les paroles , nous n'avons besoin que de le mettre
sous vos yeux.
Vous n'y pourrez voir , sans indignation , les
fausses et les pernicieuses couleurs , par lesquel
les on essaye de confondre et d'effacer les vérita
bles principes de l'ordre public pa mi nous , ¿' ébranler
jusqu'aux Loix fondamentales du Royau-.
me
OCTOBRE . 1732: 2309
›me , et d'alterer , s'il se pouvoit , cette Autorité
Souveraine , qui résidant en la Personne de nos
Rois , est l'unique source de tout pouvoir légiti
me et de toute puissance publique dans l'Etat.
Mais un attentat , dont la Cour ne sera pas
moins indignée , c'est que dans des vues aussi
criminelles , on ose se couvrir du prétexte de
vanter son institution et de relever ses prérogatives
; comme si elle connoissoit pour elle d'autre
grandeur et d'autre gloire que le dépôt inviolable
de cette Autorité sacrée , qu'il a plû à nos
Rois de lui confier.
C'est à vous , MESSIEURS , de vanger l'injure
faite en même- tems et au Roy et à la Cour,
Animez avec vous d'un même zele , Nous avons
pris les Conclusions que Nous laissons à ce sujet.
Eux retirez : VEU le Libelle intitulê: Memoire
touchant l'Origine et l'Autorité du Parlement de
France , appellé : Judicium Francorum , La matiere
sur ce mise en déliberation. LA COUR , a
ordonné et ordonne , que ledit Libelle sera laceré
et brûlé en la Cour du Palais , au pied du grand
Escalier d'icelui , par l'Exécuteur de la Haute-
Justice , comme attentatoire à la Souveraineté
du Roy , et contraire aux Loix fondamentales
du Royaume ; fait deffenses à tous Libraires, Imprimeurs
et autres , de l'imprimer , vendre , débiter
, ou autrement distribuer , à peine d'être
poursuivis extraordinairement ; enjoint à tous
ceux qui en auroient des Exemplaires , de les remertre
incessamment au Greffe de la Cour pour
y être supprimez. Ordonne qu'à la Requête du
Procureur General du Roy , il sera informé pardevant
M. Louis de Vienne , Conseiller , contre
ceux qui auroient composé , imprimé , vendu
débité, ou autrement distribué ledit Libelle ,
- même pardevant les Lieutenans generaux des
>
Bail2310
MERCURE DE FRANCE
Bailliages , Sénéchaussées et autres Juges des
cas Royaux , pour l'impression , vente ,
débit ou
distribution dudit Libelle , qui auroient été
faits dans l'étendue desdites Jurisdictions , ou pour
les témoins qui pourroient être entendus dans
lesdits lieux , et ce à la requête du Procureur
General du Roy , poursuite et diligence des Substituts
dudit Procureur General du Roy esdits
Sieges ; permet à cet effet au Procureur General
du Roy d'obtenir et faire publier Monitoires en
forme de droit , pour ce fait rapporté et communiqué
audit Procureur General du Roy , être
par lui requis , et par la Cour ordonné ce qu'il
appartiendra : Ordonne en outre, que Copies collationnées
du present Arrêt 3 seront envoïées
aux Bailliages et Sénéchaussées du Ressort , pour
y être lues , publiées et registrées ; enjoint aux
Substituts du Procureur Général du Roy d'y tenir
la main , et d'en certifier la Cour dans un
mois. Fait en Parlement , le 13 Août 1732.
Signé , YSABEAU.
Et le 13 Août 1732 à la levée de la Cour , ex
execution du susdit Arrêt , le Libelle y mentionné a
été laceré et jetté au feu par l'Executeur de la
Haute-Justice , au bas de grand Escalier du Pa-
Lais , en presence de Nous Etienne-Henry Ysabease.
Pun des trois premiers et principaux Commis pour la
Grand Chambre , assisté de deux Huissiers de ladite ·
Cour. Signé , Y SABEAU.
TABLE.
IECES FUGITIVES . Ode à l'Evêque de Metz,
PIECES 2099
Remarque sur une ancienne Inscription, &c.2 105
Le
Le Progrès de la Tragédie , Ode, 2112
Suite du Voyage de Normandie, 9 Lettre. 2117
Palinodie , vers , &c.
Lettre au sujet du mot Guespin.
Le Singe , heritier du Lion. Fable.
Lettre à Mad. M. sur l'Hist. d'Emilie.
Imitation de Madrigaux , Italiens , & c.
2140
2142
2144
2149
2114
Methode pour gouverner un Vaisseau dans une
Mer sans fond.
Bouts- Rimez.
2160
2165
Lettre sur l'opération de la Taille. Et Réponse
Vers à M. Nericaut Destouches.
2166
2172
Quatriéme Lettre , sur la Conquête d'Oran. 2174
Ancienne Monnoye, trouuvée à Marseille,&c.ibid.
Vers à Mile de la Vigne.
Madrigal à Mlle de la Vigne.
Enigme. Logogryphes , & c.
2188
2192
2193
MOUVELLES LITTERAIRES des Beaux Arts , & c.
2096
Discours présentez à l'Academie de Marseille
pour les Prix , &c . 2281
Lettre de Constantinople , sur diverses Traductions.
2209
Nouvelles traductions faites à Constantinople.
Estampes nouvelles.
2210
2214
Prix de l'Acad. de Bordeaux. Programme. 2217
Chanson notée.
Spectacles. La Mere Jalouse , &c.
Le Cheveu. Parodie de Scylla.
L'Allure. Complimeut.
Compliment en Vaudeville , &c.
Scylla , Tragédie . Extrait.
2219
2221
24225
2231
2238
2240
Nouvelles Etrangeres,de Turquie, et Perse, 2253
De Russie. De Pologne.Suitedu Journal du Camp
de Villanova 2259
Entré du Marquis de Monti , Ambassadeur de
France à Warsovie ,
Diete Generale de Pologne , &c .
De Danemarc, et Allemagne ,
d'Italie
>
d'Espagne , et Hollande ,
Morts Naissances , &c.
France , Nouvelle , & c.
Feste donnée à Dampierre ,
Benediction des Cloches de S.Genevieve ,
Reception du Premier Président du Parlement de'
2267
2268
2270
2272
2274 1
2277
2279
2282
2285
Navarre ,
Morts , Naissances , &c ,
Arrets Notables ,
2289
2296
2300
Errata de Septembre .
Age 1957. ligne 26. Noblelle , lisez Noblesse
Pp. 1961. 1. 20. Evêque , l . Evêché . ibid. l. 28 .
Patrie , l. Partie.
P. 2095. l. 13. on dire , l. ont dit.
Fautes à corriger dans ce Livre .
Age 2106. lig. 22. lesquelles , lisex , lesquels.
P. 2122. 1. 2. du bas , 1630. l, 630.
P. 2212. 1. 8. confirmité , l. conformité.
P. 2271. 1. 3 Lieutz l. Lintz .
P. 181. 1. derniere en l. et.
La Médaille gravée doit regarder la page
La Chanson notée doit regarder la page
2139
22 19
Qualité de la reconnaissance optique de caractères
Soumis par lechott le