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1726, 10-11, 12, vol. 1-2
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Presentedby
John
Bigelow
to the
Century.
357
Association
Mercure
MERCURE
DE
FRANCE ,
DET'E AV ROT.
OCTOBRE. 1726 .
QUE COLLIGIT SPARGIT
A PARIS ,
( GUILLAUME CAVELIER , au Palais.
! GUILLAUME CAVELIER , fils , rue
Chez S. Jacques , au Lys d'Or.
N. PISSOT, Quay de Conti à la defcente
du Pont au coin de la rue de Nevers.
M DC C. XXVI
Avec Approbation & Privilege du Roy .
1
THE NEW Y!
PUBLICER
335450
ASTOR, LENOX AND
TILDEN FOUNDATIONS
100
A VIS.
ADRESSE genérale pour toutes
tout
La
Commis au Mercure , vis - à- vis la Comedie
Françoife , à Paris . Ceux qui pour leur
commodité voudront remettre leurs Paquets
cachetez aux Libraires qui vendent le
Mercure à Paris , peuvent fe fervir de
cette voye pourles faire tenir.
On prie très - inftamment , quand on
adreffe des Lettres ou Paquets par la Pofte,
d'avoir foin d'en affranchir le Port ,
comme cela s'eft toûjours pratiqué , afin
d'épargner , à nous le déplaifir de les
rebuter , & à ceux qui les envoyent ,
celui , non - feulement de ne pas voir
paroître leurs Ouvrages , mais même de
les perdre , s'ils n'en ont pas gardé de
copie.
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les particuliers qui foubaiteront
avoir le Mercure de France de
la premiere main , & plus promptement ,
n'auront qu'à donner leurs adreffes à M.
Moreau , qui aura foin de faire leurs pa-
& de les faire quets fans perte de temps ,
porterfur l'heure à la Pofte , ou aux Meffageries
qu'on lui indiquera.
Le prix eft de 30 fois.
2183
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AV Ror
.
OCTOBRE .
***
PIECES
1726.
XXXXXX
FUGITIVES ,
en Vers & en Profe.
Traduction de la douziéme Ode d'Horace
: Quem virum .
Par M. de la Ruë.
Uel aimable & puiffant délire ,
Tout - à - coup vient troubler mes
fens ?
Quels accords naiffent de ma lyre ?
A qui s'adreffent mes accens ?
A ij vient
2184 MERCURE DE FRANCE.
Quel Dieu ! quel Heros plein de gloire ,
Va voir confacrer fa memoire ,
Par d'inefaçables Chanſons ?
Pour qui , Mufes , Troupe fçavante
Venez- vous , aux fons que j'enfante
Mêler la douceur de vos fons.
Tel
que loin des routes connues ,
S'écarte un Aigle ambitieux ,
Et déja plus voifin des nuës ,
Lance un regard audacieux :
Tel & cent fois plus intrépide ,
De Thebes le Cygne rapide ,
Pindare autrefois prit l'effor
Mais les vifs tranſports de mon ame ,
Dans la belle ardeur qui m'enflamme
N'ont rien , qui ne le paffe encor.
C'en eft fait d'une voix fidelle :
Echo répond à mes accords
A mon gré la Nymphe rappelle ,
Ce qu'elle eut de plus doux tranſports.
Que de noms repetez fans ceffe ,
Sur les bords fleuris du Permeffe ,
Vont
OCTOBRE. 1726. 2185
Vont im mortaliſer mes Vers !
Non, l'Epoux même d'Eurydice ,
A l'Enfer , qui lui fut propice ,
N'offrit pas de plus doux Concerts .
Orphée , autrefois fi celebre ,
Sçût enchaîner les Elemens ;
Tout fentit fur les bords de l'Hebre ,
Ses regrets , fes emportemens :
Les Vents , les Forêts , les Rivieres ,
Ecoutant fes plaintes ameres >
S'artendriffoient fur fes malheurs :
Mortels , par le même miracle ,
A l'Univers j'offre un Spectacle ,
Qui doit enchanter tous les coeurs.
Du Dieu , qui lance le tonnerre ,
Je chante aujourd'hui les bienfaits :
Dans le Ciel , fur l'Onde & la Terre ,
Jupiter feul regne à jamais :
Qu'il eft grand non ; rien ne l'égale ,
Sa providence liberale
Regle fes immenfes deffeins :
2 :
Etre , dont la gloire eft fans borne ,
A iij
Lui
2186 MERCURE DE FRANCE .
Lui feul conferve , lui feul orne ,
Le grand Ouvrage de fes mains.
De l'intelligence divine ,
Du Monarque des Immortels ,
Pallas tire fon origine ,
Qu'elle eft digne de nos Autels !
Fiere compagne de Bellone ,
Son char , fa lance , fa Gorgone,
Sont terribles dans les hazards ;)
Mais auffi dans l'Areopage .
La Déeffe prudente & fage ,
Aime & protege les beaux Arts,
Accourez , Déeffes du Pinde ,
Vénez , infeparables Soeurs ;
J'annonce le Vainqueur de l'Inde ,
Bacchus , le pere des buveurs :
Loin de moi , vulgaire profane ,
Je chante Apollon & Diane ,
Que tout refpecte ici ma voix :
Dieu du jour , vole , fois mon guide ,
Pendant que ta foeur intrépide ,
Fait la guerre aux hôtes des bois ,
Tel
OCTOBRE. 1726. 2187
Tel , autrefois in fatigable ,
Hercule vengea l'Univers
Tel ce Heros fi redoutable ,
Fait trembler le Roi des Enfers
Tels furent les freres d'Helene ,
Qu'invoquent fur l'humide plaine ,
Les Matelots épouvantez :
Aftres bienfaifans & paifibles' , '
Qui défarment les vents terribles ,
Et calment les flots irritez.
Mais quelle lumiere imprévuës!
Ciel mes yeux en font éblouis .
Quel éclat obſcurcit ma vûë ! -
Je tremble , je m'évanouis
Au haut de la voute azurée ,
Je découvre de l'Empirée ,
Les impenetrables refforts :
PLD
Quels chants , quels concerts , quelle joye ,
La Cour celefte me renvoye !
1 Dieux vous m'ouvrez tous vos trefors , - J
De la triomphante Italie ,
Je vois les Heros tant vantez so oft
1
A iiij Le
2188 MERCURE DE FRANCE:
(
Le fils invincible d'Ilie
Numa paifible à ſes côtez :
Tullus aux traîtres fi contraire
Ancus , au maintien populaire >
Et Tarquin avec fes faiffeaux :
Caton , dont la mort genereuſe ,
A de la Parque imperieuſe ,
Bravé les terribles ciſeaux.
Dans cette brillante Affemblée ,
Où regne un aimable repos ,
La valeur la plus fignalée
Goute le fruit de les travaux :
Là , les Regulus & les Scaures ,
Ces Vainqueurs de Grecs & de Maures
Brillent affis au premier rang :
Là , j'apperçois un Paul- Emile ,
Dont un Compagnon indocile :
Proligua le genereux fang.
La pauvreté fiere & frugale ,
Ayant formé tous ces Guerriers :
D'une force par tout égale ,
Leur fit moiffonner des lauriers,
Rome
OCTOBR.E. 1726. 2189
Rome , tu vis dans tes murailles ,
Ou dans le milieu des Batailles ,
Ton Fabricius toujours graud :
Curius , qui pourroit le croire ?
A fa valeur dut moins fa gloire,
Qu'à fon defintereffement.
Ainfi Marcellus près d'Augufte ,
Séleve , à l'ombre des Céfars :
Trop heureux , fi la Parque injufte
L'épargne au milieu des hazards !
Mais quoi ! je vois Céfar lui- même !
L'Etoile de fon Diadême
Semble effacer les autres feux :
Tel d'une Lune languiffante ,
Dans fon ardeur encor naiffante ,
Triomphe un Soleil radieux.
De fa Maiſon victorieufe ,
Jupiter , prenez toujours foin :
Que le Deftin la rende heureufe ,
Que même on la refpecte au loin.
Souverain Arbitre du monde ,
Regnez fur la terre & fur l'onde ,
2
A v Ra2190
MERCURE
DE FRANCE.
Ramenez ici l'équité :
Qu'Augufte après vous fur la terre ,
Grand dans la paix & dans la guerre
De l'Univers foit respecté.
Que fon bras par tout redoutable
Dompte le Parthe & l'Indien :
Que fon coeur , d'une paix aimable ,
Donne l'eſtimable bien :
Qu'ici-bas tout ce qui refpire ,
Redoute à jamais fon Empire ;
Qu'il ait de fuprêmes honneurs :ovaj ! lo
Et toi , Jupiter , prens ta foudre ,
Tonne , frappe , réduis en poudrel
De coupables profanateurs, pla
DISOCTOBRE.
1726. 2191
DISSERTATIONfur les Bons Mots
adreffée aux Auteurs du Mercure de
France , par M. Maillard , A. au P.
D. B. au fujet d'une Lettrefur les Bons
Mots , écrite de Dreux, par Mademoi
felle de ** & inferée dans le Mercure
du mois d'Avril dernier.
MESSIEURS
Je ne difconviens pas , que quelques
bons Mots parlemez dans un Livre , ne
puiflent contribuer à le rendre agréable ,
le Lecteur les regarde comme des délaf
femens d'efprit , femblables à ces rochers
qui fe trouvent en pleine mer , où
les oifeaux de paffage , fatiguez d'une longue
traite , fe vont repofer , pour reprendre
enfuite leur volée , avec plus de
force..
Une pen fée ingenieufe peut être , ou
une Sentence , ou un bon mot.1 "
- Une Sentence eft une petite phrafe qui
fignifie plus qu'elle n'exprime , & dont
les beautez confiftent dans la Morale , &
dans les confequences cachées , qui ſe
développent à l'efprit attentif. Les exem-
A vj ples
2192 MERCURE DE FRANCE:
ples que j'en vais rapporter , tirez de
quelques Poëtes Latins , font les premiess
qui fe préfentent à mon idée.
Virtus eft vitium fugere , & fapientia prima
Stultitiâ caruiffe..
Horat . Epift. 1.
Omnes humanos fanat Medicina dolores ,
"
Solus amor , morbi non amat artificem.
Prop. 1. z. el . r.
Omnia funt hominum tenui pendentia filo
Et fubito cafu que valuere ruunt.
Ovid. de Pont. 64. el. '3 .
O fortunates nimiùm fua fi bono norint.
Agricolas ..)
Virg. Georg, 2.
De ce dernier exemple l'efprit conclut
, que la felicité ne fe rencontre pas
dans les richeffes , la pompe , le fracas ,
les grandeurs , mais dans la frugalité , la
paix , l'innocence , la fimplicité , trefors
dont jouiffent ceux qui habitent la campagne
, qui , s'ils comparoient leur vie
douce & tranquille , avec la vie tumul
tueufe des gens du monde , ils concevroient
qu'ils n'ont pas lieu de leur por
ter envie au furplus , que les hommes
ne font heureux , qu'autant qu'ils fçavent
connoître & gouter leur onheur. J'or
mets
OCTOBRE. 1726.7 219F
mets de paraphrafer les trois autres exem
ples qui me meneroient trop loin. Ceux
qui , font curieux de belles Sentences en
notre Langue , en trouveront en grand
nombre dans les Ouvrages de Montagne
, & de Meffieurs de la Rochefour
cault , Pafcal , Nicole , de la Bruyere ,
S Evremont , & de Fontenelle.
La Sentence à qui je donne le titre de
bean Mot , bien different de celui de bon
Mot , doit être vive , modefte , utile
agréable ; elle a ces trois puiffans avantages
, ut doceat , ut moveat , ut placeat :
enfin , elle eſt d'un grand ornement dans
un Ouvrage , quand on en ménage l'emploi
, comme a fait Virgile , & qu'on ne
la prodigue pas comme les deux Seneques.
Souffrez , Meffieurs , qu'au fujet du
bon Mot , je prenne la liberté de ré
pondre à quelques endroits de la Lettre
de Mademoiſelle de *** , imprimée,
dans votre Mercure d'Avril dernier. A
Dieu ne plaife , que je prétende rien ôter
à fon efprit & à fa polite fle , l'un &
L'autre le font également remarquer dans
fa Lettre. Ce que je regarde comme er
reur , ne l'eft peut-être point , & je ne
dis pas que Jouet credule d'une fauffe:
idée, je n'aille commettre des fautes qui.
done
2194 MERCURE DE FRANCE .
donneront plus de prife furmoi fur moi que cel
les que j'ofe lui reprocher.
2
Le bon mot eft un enfant qui naît de
l'imagination & du hazard. La vitelle
avec laquelle il s'échappe , ne donne pas
le temps à l'efprit de réfléchir. Auffitôt
enfanté que conçû , le jugement qui
marche avec poids, & ne fe hâte qu'avec
lenteur , n'a pas le loifir de le perfectionner.
C'eft pourquoi les Difeurs de
bons Mots , de mille qu'ils ont pû debiter
dans leur vie , n'en ont quelquefois
pas dit deux où il ſe trouvât tout le
rapport & la juftelle neceffaite. >
En general , dit M. Baile , Dict . Crit.
p. 560. Tom. 1, tous les bons Mots ont
un côté faux . Celui que Mademoiſelle
de *** attribue à M. B, & que tout le
monde donne au fameux Pic, Comte de la
Mirandole , renferme une faulleté manifelte.
Quand les enfans , dit un Vieillard
en préfence de ce jeune Seigneur , ont
tant d'efprit dans leur tendre jeuneffe , ils
deviennent extrêmement ftupides , lorfqu'ils
font parvenus à un âge plus avancé : fice
que vous dites eft vrai , repartit le jeune
enfant , il faut que vous ayez eu un ex
cellent efprit en votre jeuneſſe. Ne s'enfuivroit-
il pas neceffairement de cette repartie
, que tous les Vieillards ftupides
devroient avoir été d'excellens efprits
dans
OCTOBRE . 1926. 2199
dans leur jeuneffe ; au lieu qu'il eft cer
tain qu'il y a des Vieillards ftupides qui
ont été ftupides toute leur vie. Or pour
rectifier ce bon mot , il faudroit que la
repartie fût ainfi conçuë ; fi ce que vous
dites eft vrai , il fe pourroit que vous
euffiez eu un excellent efprit dans votre
jeunesse.
Dans le monde une poliçonnerie façonnée
, une injure à double fens , une
médifance adroitement aiguilée , une
allufion maligne & peu chrétienne , voilà
ce qu'on batife du nom de bon mot. Je
fçais que Mademoiſelle de ** m'objectera
que les bons Mots , pour être reputez
tels , doivent être fins , fubtils , habillez
d'une délicateffe badine & enjoüée .
Je tombe d'accord de cela ; mais elle
foutient qu'ils ne doivent être ni fatyriques
ni mordans ; & de ma part je prétens
que tous ceux qu'on mêle tous les
jours dans la converfation , ne font point
autres , ni même ne peuvent l'être , &
c'eft la raison pourquoi l'on devroit , à
mon avis , les en exclure.
Il n'y a que la pointe qui faffe le bon
met ; s'il n'en a point , ou qu'elle foit
émouffée , ce ne fera plus un bon mot ,
mais une platitude , une pure niaiferie ;
or fi la pointe eft neceflaire , il faut
qu'elle tombe fur quelqu'un : fi ce quelqu'un
2196 MERCURE DE FRANCE :
qu'un eft prefent , jugez de quel dépit
il fe fent rempli , de voir toute la Compagnie
rire ou jetter fur lui des regards
mocqueurs & fournois, équivalans à la
rifée. Au contraire , fi celui à qui le trait
s'adreffe eft abfent , croyez qu'il ne fouffrira
pas , s'il le peut , ces coups portez
par derriere , & qu'il ne cherchera que
l'occafion de s'en venger.
L'amour propre eft un animal frin
gant , il n'eft pas befoin de lui enfoncer
l'éperon pour le lui faire fentir . La
paffion de dire de bons Mois eft une maladie
; l'on a vû même des gens affez imprudens
pour fe jouer à leurs maîtres ,
& s'expoler par l'intemperance de leur
langue à des perils ou douteux ou certains.
Quel excès de folie que de facrifier
ſes amis , fa fortune , & fa vie même
à la vanité paffagere de s'être fait
remarquer par une miferable faillie ? on
lit dans Athenée , que Nicomede , Roi
de Cypre , fit emprisonner Stratonique
à cauſe de ſes mots piquans , & Suetonne
rapporte dans la vie de Tibere , qu'un
Bouffon voyant paffer un Enterrement ,
chargea le mort de dire à Augufte que
les legs qu'il avoit laiffe au peuple n'étoient
pas encore payez : Tibere le fitvenir
devant lui , & après lui avoir faið
donner ce qui lui étoit dû , l'envoya aw
Lup.
OCTOBRE. 1726. 2197
plice , & lui recommanda de rapporter le
tout fidellement à fon père. Voici com◄
ment Brantome s'exprime à ce fujet dans
le Difcours fixiéme de fes Memoires . It
nefait pas bon quelquefois dire un bon
mot quand il vient à la bouche , ainsi que
j'ai vu plufieurs perfonnes qui ne s'yfçauroient
commander , car elles font plus de
brocades qu'un Cheval de Barbarie , &
trouvant un bon brocard dans leur bou
che , il faut qu'elles le crachent , fans
épargner ni parens , ni amis , ni grands.
J'en ai connu force à notre Cour de cette
bumeur, & les appelloit-on Marquis &
Marquifes de male- bouche , mais auffi bien
s'en trouvoient du guet.
Mademoiſelle de *** parmi les bons
mots qu'elle cite , ne paroît pas trouver
autant de fon goût celui des Lunettes &
de la Barbe rouffe que celui du Veau d'or.
Pour moi , je m'imagine que celui à qui
l'on faifoit entendre qu'il n'avoit pas plus
d'efprit qu'une Idole , ne devoit point
être plus content en lui -même de cette
prétendue gentilleffe , que l'un à qui l'on
reprochoit fon nez court , & que l'autre
dont on brocardoit la barbe rouffe. Il
arrive d'ordinaire que deux perfonnes ne
s'en feparent jamais en meilleure intelligence
au fond de l'ame , quoique celleci
2198 MERCURE DE FRANCE:
ci ait dit le bon mot â propos , & que
l'autre ait reparti de même .
Mademoiſelle de *** prétend dans
un autre endroit de fa Lettre que le bon
mot eft un fel qui doit faire l'affaiſonne
ment de la converſation. Elle voudra bien
me permettre , avec tout le refpect que
je dois au beau Sexe , de n'être point encore
en cela de fon fentiment. Je repete
que les bons mots ne naiffent prefque
jamais qu'aux dépens de quelqu'un de la
Compagnie , par confequent leur fel ne
fçauroit qu'en détruire la naïve dou
ceur.
La converfation eft le lien de la focieté
, c'eſt par elle que les hommes difperfez
& fauvages , au fortir des mains
de leur Createur , fe font approchez ,
fe font apprivoilez , fe font connus ,
fe font aimez. C'eft elle qui les a engagez
à bâtir des Villes , afin qu'étant
raffemblez , ils fuffent plus à portée
d'entretenir un doux commerce ;
c'est pourquoi , pour produire dans le
coeur des hommes la louable envie de fe
communiquer leurs penfées , la converfation
doit être fincere , unie , complaifante
, & circonfpe&te ; on s'y doit faire
des civilitez mutuelles , une gayeté pure
s'y doit répandre , l'urbanité facetieu fe
peut même y être admife , cette urbani-
"
té,
OCTOBRE. 1726. 2199
té , qui ne roulant que fur d'honnêtes
bagatelles , ne fert qu'à réveiller le Dif
cours. Mais voilà , me dira Mademoifelle
de ***, ce que j'appelle bons Mots.
A cela je répons , que ce que je nomme
urbanité facetieuſe , n'attaque ni les défauts
du corps , ni ceux de l'efprit , ni
le fang.
Nam nemo vitiis fine nafcitur, optimus ille
eft ,
Qui minimis urgetur.
Horat. Sat. III.
Or tous ceux qui ont lû fa Lettrea
conviendront que de tous les bons mots
qu'elle cite , il n'y a que celui du Poëte
Anglois à Charles II. qui n'ait point une
de ces mauvaiſes qualitez . Si donc le bon
mot, felon ce qu'elle avance , eft un fel
qui doit faire l'affaifonnement de la converfation
; comment s'y prendra t - on
pour y fournir , car il eft conftant qu'on
n'a qu'à feuilleter tous les Ana & les
Recueils de bons mots , à peine en trouvera-
t- on une douzaine qui foient fondez
fur la politeffe , & l'envie de rendre juf
tice au merite de fon prochain. Tous les
autres feront produits par la vengeance ,
l'emportement , le mépris , la jaloufie ,
l'orgueil & les autres paffions qui nous
tyrannifent. D'ailleurs l'efprit de l'homme
1200 MERCURE DE FRANCE.
me naturellement jaloux de fon merite
réel ou imaginaire , n'eft pas curieux de
faire à tous propos l'éloge du merite
d'autrui , on ne donne gueres de louanges
gratuites & fans interefts , & l'on s'étonneroit
de voir des perfonnes d'égale
diftinction fe jetter les unes aux autres
de l'encens avec profufion . Un autre inconvenient
qui empêche que ces mots fla
teurs foient de mife dans la converſation ,
c'eft qu'elle deviendroit gênée par la peine
continuelle où feroit le loué de répondre
au louangeur , Il peut encore y
avoir de bons mots qui ne roulent que fur
des matieres indifferentes ; mais comme
ceux- ci font au moins auffi rares que les
derniers dont je viens de parler ; qu'il
eft difficile extrêmement qu'ils revien
nent bien au fujet ; qu'il faut beaucoup
d'art pout les enchaffer ; que c'est beaucoup
à un homme d'en avoir mis au jour
quelques -uns en fa vie ; je ne vois pas
que la converfation puiffe fe les approprier.
D'ailleurs , ces penfées excellentes
doivent plutôt être appellées Sentences
que bons Mots ; & ce n'eft pas aux
Difeurs de bons Mots de profeffion ,
qu'eft refervée l'invention de ces deux
dernieres efpeces de faillies ; mais aux
genies tranfcendans , aux grands hom
mes , aux ames fublimes , defintereffées
OCTOBRE. 1726. 2201
fées & vertueufes. Le Roi Louis XIV .
donna une louange exquife au feu Duc
de Vendôme , quand il reçût la pre+
miere nouvelle de la victoire de Villavitiofa.
Quoi , cette Armée vaincuë il
a trois mois , eft aujourd'hui victorienfe ,
voilà ce que c'est qu'un homme de plus.
Il n'y a perfonne qui ne convienne de
l'excellence de cette penfée , mais où eft
le genie allez fecond pour en produire
de pareilles à tous propos ? fuppofez même
que ce Phénix fe pût trouver ; un
tiffu femblable ne renfermeroit - il
ferieux tout oppofé à la facilité coulante
de la converſation ? de là je conclus
que quoique privée de tous ces ornemens
empefez , elle peut être parée ,
ingenieufe & remplie ; & quand même
la matiere feroit feche & peu divertiffante
, on a le fecret de l'amplifier &
de l'égayer par certaines façons de parler
, des traits d'Hiftoire' des tranfitions
qui reçoivent la plus grande part
de leur prix , de l'air & de la grace qui
les affaifonnent.
,
pas un
Quant aux bons Mots , dans le fens
qu'on les prend dans le monde ; c'eſt- àdire
, fatyriques & mordans , il eſt vrai
qu'ils fe placent fouvent , d'eux -mêmes
naturellement , & très - à- propos :
cependant on doit abfolument les exclure
de
2202 MERCURE DE FRANCE.
de la converſation , puifqu'ils ne fervent
, comme je l'ai prouvé ci - devant
qu'à chagriner & mettre de mauvaiſe humeur
celui de la Compagnie fur qui l'on
en fait l'application ; alors chacun craint de
s'attirer un coup de dent , doluere cruento
dente laceffiti. On fe taît , on hefite ;
voilà la liberté bannie de la focieté civile
, dont tous les charmes font dans la
liberté. D'ailleurs , on regarde un difeur
de bons Mots , comme l'ennemi déclaré
du public , comme un Argus qui
n'a cent yeux que pour examiner malicieufement
& fans indulgence , ce qu'il
peut y avoir à reprendre en autrui , il
n'a d'amitié pour perfonne , & chacun
le paye ddee rreettoouurr ,, à peine l'apperçoit
on , qu'on fe dit auffi- tôt à l'oreille ?
Longè , fuge : dummodò rifum
Excutiat fibi , non hic cuiquam parcet amice .
Hor. Sat. IV.
J'ajoûte enfin , que , fi , comme l'infinuë
Mademoiſelle de *** on devoit
s'appliquer à remplir la converfation de
bons Mots , elle deviendroit fcabreuſe ,
heriffée & défunie , quelques bonnes que
les faillies puffent être , femblable au
ftile de Seneque , que l'Empereur Clauce
appelloit en fe mocquant , arena fine
calce , du fablefans chaux.
De
OCTOBRE. 1726. 2203
De tout ce que je viens de dire , il
refulte évidemment que ces faillies , ces
reparties , ces plaifanteries reciproques,
que dans le monde on caracteriſe de bons
Mots , font plus propres à troubler le
commerce de la vie civile , qu'elles ne
contribuent à l'entretenir qu'elles débauchent
plutôt la politeffe & la -naïveté
de la converfation , qu'elles ne fervent
à l'orner , que fans le fecours des
bons Mots la converfation peut être polie
, feconde , enjoüée & fpirituelle ; que
Mademoiſelle de *** , par les exemples
qu'elle rapporte , ne prouve pas ce
qu'elle avance en faveur des bons . Mots ;
qu'au contraire fa Lettre n'en. peut donner
qu'une idée defavantageufe ; qu'il y
a quelques bons Mots qui n'ont point
les défauts ci - devant reprochez ; mais
que les grands genies , ainfi que les occafions
de les mettre au jour n'étant point
ordinaires , les converfations , fuivant les
principes de Mademoiſelle de **
vroient être generalement languiffantess
que , quand même ces éminentes penfées
avec toute la jufteffe , la force , &
les conditions requifes pour ne bleffer
perfonne , fe préfenteroient affez fouvent
à l'efprit & en affez grand nombre
pour en farcir la converfation
pendant il faudroit fe donner bien de gardecede
2204 MERCURE DE FRANCE.
de garde d'en faire un ufage trop frequent
, parce qu'allant par cafcade & par
bonds , la converfation ainfi décomposée
perdroit la grace de la nature qui en
doit faire le principal ornement ; au furplus
, un article de bons mots ne fçauroit
qu'être agréable dans le Mercure , parce
que le Lecteur qui n'eft point partie
intereffée , s'établit comme le Juge de
ces railleries ; & que laiffant à part l'e
xamen du coeur , il ne prononce que fur
l'efprit. Je fuis , &c.
鹹淡茶茶茶茶茶茶汽·茶茶茶茶茶茶茶楽楽
LE CYGNE ET LE PAON.
FABLE.
Sur les rivages du Méandre ,
Un Cygne au loin faifoit entendre ,
Les fons harmonieux de fa touchante voix ;
De toutes parts les habitans des bois ,
Accouroient près de lui , de l'une à l'autre rive ,
Ils lui prêtoient une oreille attentive ;
I e Paon de ces honneurs jaloux ,
$
Lui dit un jour ; par où meritez - vous ,
Que
OCTOBRE. 1726. 2205
Que par tout l'on vous rende homma.
ge ;
Un
peu
rieux ,
de voix vous rend bien glo-
C'eftun foible avantage.
Si vous le comparez au fuperbe plumage ;
Que m'ont donné les Dieux :
Des plus brillans rubis , ma queue eft parfemée
,
Leurs feux font rougir le Soleil ,
Et comme lui le Paon eft fans pareil.
Hé bien ! répond le Cygne plus modefte
Vous étes beau , vous le fçavez ;
Vous l'avez dir cent fois , & qui vous le contefte
?
Mais quoi , tous les honneurs vous font- ils refervez
?
Vos plumes , j'y conferis , l'emportent fur les
nôtres ,
Par cet endroit vous étes fans défauts ,
Mais auffi par bien d'autres ,
Vous cedez à maints animaux ,
Hôtes des airs , des champs , des forêts , & des
eaux ;
Moderez cet orgueil extrême ,
Vos difcours faftueux vont être humiliez ,
B Un
2206 MERCURE DE FRANCE.
L
Un feul mot me fuffit ; connoiffez - vous vous.
même ;
Baiſſez vos yeux , & regardez vos pieds,
Le Pere Poncy , Jefuite de la
Province de Lyon.
63
12
CAUSE plaidée au College de Louis le
Grand , à Paris le 22. Août 1726. "
E tous les Exercices de College ,
Dil n'y en a point qui foit , & qui
"merite d'être mieux reçû que le Plaidoyer;
furtout quand le fujet eft intereffant.
Celui que le P. de la Sante ,
Jefuite , l'un des Profeffeurs de Rhetorique
, a choifi cette année , le feroit en
tout temps ; mais il l'eft encore plus aujourd'hui
, eu égard aux celebres conteftations
qui fe font élevées depuis peu
entre les Medecins & ies Chirurgiens .
Voici comme l'Auteur lui -même propofe
fon fujet.
R
?
» On fçait qu'une Princeffe des plus
puiffantes de l'Europe , voulant faire
» fleurir les Sciences & les Arts dans fes
» Etats , a propofé de magnifiques récom-
» penſes aux fçavans hommes & aux habiles
Ouvriers qui viendroient de Fran-
» ce,
OCTOBRE. 1726. 2207
»
ce , Royaume qu'elle regarde à jufte
» titre comme le centre des beaux Arts.
» On fuppofe que fon premier objet a
été de procurer à fes Sujets l'Art le
plus utile à leur confervation & à leur
» lanté ;que dans cette vûë , elle charge
>> une perfonne judicieuſe & intelligen-
» te , de lui trouver quelque homme ca-
» pable d'executer ce projet , elle promet
une penfion confiderable à celui
fur qui tombera le choix ; quatre Af
» pirans fe préfentent , l'un eft un Bota-
» nifte , l'autre un Chymifte, le troifié-
» me un Medecin , & le quatriéme un
Anatomiste , Tous fondent leurs pré-
» tentions , non fur leur habileté perfon-
» nelle qu'on fuppofe éminente en cha-
» cun d'eux , mais fur l'excellence & l'utilité
de leur Profeffion ; un cinquié
» me intervient , & prêtend l'emporter
fur les quatre autres concurrens. n
» 11 eft à remarquer que le Seigneur
» établi pour Juge , n'eft pas tellement
» aftreint au choix d'un feul , qu'il he .
» lui foit libre de l'étendre à pluſieurs ,
» s'il les croit neceffaires au but qu'on le
» propofe.
Après que le fils de M. le Comte de
Morville , qui faifoit la fonction de Juge,
eut avec beaucoup de grace expliqué dans
un Difcours préliminaire le fujet que
Bij nous
2208 MERCURE DE FRANCE.
nous venons d'expofer , & animé les
quatre illuftres Prétendans à être moins
fenfibles à l'attrait de la récompenfe, qu'à
l'honneur de la victoire.
1. Plaidoyer. M. Moufle de Georville
fe leva , & foutint que de toutes les
Sciences la Botanique eft celle qui fournit
des remedes & plus naturels & plus innocens
; c'eſt à- dire , des remedes tou-
Jours propres à foulager la Nature , &
jamais capables de l'affoiblir.
Le jeune Orateur commence fa premiere
partie par prouver , qu'il eft des
remedes amis de la Nature , qui fimpathifent
en quelque façon avec elle . » En
» effet , dit-il , qui peut douter que le
>> fouverain Arbitre de la vie & de la
» mort , en permettant les foiblefles de
la Nature , n'ait attaché à fon être des
reffources à fes maux ? eft- il moins li-
» beral qu'il n'eft fevere ? prodigue- t - il
>> moins fes dons que fes châtimens ?
pourquoi donc aller chercher hors de
» la Nature ce que fon Auteur y a mis?
à quoi bon défigurer fon Ouvrage , je
» veux dire , la fimplicité des remedes
» qu'il nous a départis , pour y fubftituer
un mêlange odieux , un affortiment bi-
» zarre , une compofition alambiquée ,
» qui altere tout à la fois & la nature du
remede , & le temperamment du ma-
» lade
OCTOBRE. 1726. 2209
lade ? Par plufieurs autres femblables
traits le Botanifte , en prouvant fa thefe
, attaque celle du Chymifte & de fes
autres rivaux. Enfuite , pour ne plus
lailler douter de l'excellence de fa Profeffion
, il fait une faftueufe énumeration
des excellens hommes qui s'y font ap
pliquez L'invincible Achille le fameux
Uliffe , le fage Salomon , le gene
reux Mithridate , les deux Antonins
étoient , à ce qu'il prétendit , auffi celebres
de leur temps , par la connoiffance
des Simples que par les autres grandes
qualitez. Le défenfeur de la Botanique,
pour prouver que non feulement fes remedes
étoient les plus naturels & les plus
propres à foulager la nature , mais enco
re les plus innocens & les moins capables
de l'affoiblir , rapporta ce que les
Voyageurs nous difent de ces Ifles fortunées
, où plufieurs Habitans comptent
plus d'un fiecle de vie. On a tort , dit-
» il , de regarder ces relations comme autant
de fictions amufantes. La frugali-
» té de ces Peuples , la fimplicité de leurs
» remedes , juſtifient ce qu'on rapporte
» de leur grand âge. Ils ne connoiffent
» ni les vices , ni les medecines d'Euro-
» pe. Nous traitons ces Sauvages de Bar-
» bares; peut- être le font- ils à l'égard
des Etrangers qui viennent leur ravir
B iij
» leurs
2210 MERCURE DE FRANCE.
» leurs tréfors & leur liberté ; mais ne
>> le fommes-nous pas plus qu'eux ? &
» pour peu qu'ils envifagent la maniere
>> dont nous traitons nos malades , n'ont
» ils pas droit de nous imputer une plus
» grande barbarie ? qu'ils viennent dans
ર
» nos contrées , comme nous allons dans
» les leurs ; qu'ils voyent comme nous
» en ufons envers nos Compatriotes couchez
fur le lit de douleur ; qu'ils nous
voyent leur tirer plus de fang pour leur
>> conferver la vie , qu'ils n'en ont jamais
tiré aux Europeans pour la leur
» ôter , & c.
Si nous ne craignions d'être trop longs ,
nous rapporterions ici la vive peinture
que fit l'Orateur , de l'appareil effrayant
& des potions ameres de la Medecine
& des operations cruelles de la Chirur
gie. Il conclut , en demandant la préference
fur fes rivaux , dont tous les remedes
ne feront jamais ni fi naturels , ni
fi innocens que ceux de la Botanique.
II. Plaidoyer. M. le Bourcier , qui
plaidoit pour la Chymie , avança avec
un air de confiance affez naturel à tous
les Chymiftes , que fa fcience feconde
en miracles produit ordinairement deux
effets merveilleux inconnus aux autres
Sciences fes rivales. L'un regarde le préfent
, l'autre l'avenir. Elle procure aux
ma
OCTOBRE 1926. 2210
ques ; ils
malades une prompte guérifon : voilà le
préfent ; elle leur affure une fanté conftante
, voilà l'avenir. En deux mots ,
telle eft la force des remedes chymi
ils guériffent promptement ,
guériffent pour long - temps. Toute la
premiere partie de ce Plaidoyer roula fur
les effets furprenans de la Chymie , fur
les gran is hommes qui s'y font applie
quez , & finit par la réfutation de ce
qu'avoit dit le Botaniste pour rendre cette
Science méprifable , ou ridicule. Le
Chymifte employa enfuite la feconde partie
à juftifierla violence de les remedes ,
laquelle eft neceflaire pour déraciner
entierement les maladies violentes. >> Car
» enfin , dit-il , le mal eft violent lui- mê-
» me, peut-on fe flatter qu'un remede
doux le furmonte ? n'eft- ce pas préten
» dre qu'un enfant terraffe un homme robufte
& vigoureux .
L'Orateur en finiffant, fe récria fur l'injuftice
qu'on lui avoit déja faite ,de le confondre
avec ces Empyriques, & ces fouffleurs
qui font la honte & l'opprobe du
nom refpectable de Chymifte. Quoi , ditil
, dans une efpece d'enthoufiafme , qui
plut beaucoup » Quoi , jugera - t - on de
»> notre Science par l'abus qu'en font
» quelques Avanturiers fans aveu ? au
» contraire , l'abus qu'ils en font n'eft- il
» pas B iiij
2212 MERCURE DE FRANCE .
" pas une preuve de fon excellence
» puifque les meilleures chofes font cel-
» les dont on abufe le plus ? quoi de plus
» excellent que la vertu ? eft -il rien dont
>> on abufe davantage ? fi donc quelques
» Empyriques ont debité des drogues fu-
» neftes , qui outre l'argent ayent coûté
» des larmes aux familles , s'enfuit- il que
la Chymie qu'ils ignorent ait été complice
de leurs homicides ? depuis quand
juge - t-on des dogmes par les igno
" rans , juge - t-on de la bonne Poefie
par les Chanfons du Pont-neuf ? ju-
" ge -t - on des vrais Orateurs par un tas
» d'ennuyeux Difcoureurs qui endorment
» leur Auditoire , & c.
»
"2
»
III. Plaidoyer. M. Hucherard parloit
pour la Medecine . Il avoia d'abord que
les louanges de la Botanique & de la
Chymie lui avoient fait beaucoup de
plaifir. Toutes deux étant filles de la Medecine
, tout ce qu'on avoit dit en leur
honneur , devoit , felon lui , retourner
à la gloire de leur mere. Après quoi il
prétendit que la Profeffion de Medecin
devoit l'emporter fur celles de fes concurrens
; 1º. parce qu'elle fuppofe dans
celui qui l'exerce une vafte étendue de
connoiffances acquifes par une longue.
étude ; 2. parce qu'elle demande un
difcernement exquis foutenu d'une gran
de experience,
Outre
OCTOBRE. 1726. 2213
Outre la connoiffance de l'admirable
Atructure du corps humain , des élemens,
des climats , des faiſons , des alimens
& de leurs proprietez , des aftres & de
leurs influences , des âges & de leurs
changemens des maux & de leurs fymptômes
, des remedes & de leurs prépa
rations ; outre toutes ces connoiffances,
& plufieurs autres de cette nature necellaires
à un Medecin il faut qu'il
poffede au fouverain degré une Science,
encore plus difficile à acquerir , c'eſt la
Science du monde & de tous les divers
caracteres d'efprit . » Il faut qu'il fça-
» che prendre autant de faces & de vi-
» fages differens qu'il a de malades à
驱
>
traiter. Il faut qu'il foit tout à la fois
>> complaifant & imperieux ; grave &
» gai ; ferieux & enjoüé; fevere & com-
» mode ; tantôt ferme , tantôt pliant ;
» quelquefois rigide pour vaincre l'obf-
>> tination d'un malade revolté contre
» les remedes , & qui fe porte d'autant
" plus mal , qu'il croit plus opiniâtré-
» ment le bien porter ; fouvent adroit &
» diffimulé pour ménager la foibleffe
» d'une ame timide , & ne pas redoubler
le mal par la frayeur ; quelquefois
amufant pour charmer la douleur , toun
jours infinuant pour gagner la confian
» ces toujours fage , réfervé , difcret &
B V pru
»
2214 MERCURE DE FRANCE.
ཆ་ །
» prudent ; foit qu'il s'agiffe d'un fe
» cret dont la revelation feroit fouffrir
>> l'honneur ou la délicateffe des intereflez
foit qu'il faille annoncer fans
refpect humain un peril menaçant ,
>> dont la declaration intereffe leur con-
>> fcience & leur falut éternel. Il faut en-
>> fin qu'il s'accommode , autant que le
devoir le permet , au goût , à l'hu
meur , l'inclination , à la fantaifie
» de ceux qui reclament fon fecours ,
» & c.
i
Pour donner une legere idée du difcernement
exquis que demande la Profeffion
de Medecin , le jeune Orateur
le compara à celui que demandé l'emploi
important de General d'Armée . » Il
me femble voir , dit - il , un grand Ca-
» pitaine attentif à tous les mouvemens
» de l'ennemi , toujours en garde contre
la rufe & le ftratagême , toujours.
alerte pour donner le change , fans le
prendre toujours prêt à faire tête ,
» & à déconcerter les mefures les mieux
prifes. Tel éft un Medecin difcret &
experimenté , quand il lutte contre
» les efforts du mal , & repouffe les attaques
de la mort. Comme cette com→
paraifon eft auffi foutenue que variée ,
pour n'en point omettre de traits intereffans
, il faudrait les rapporter tous
»
99
&c
OCTOBRE. 1726. 2215
& paffer les bornes d'un Extrait . Nous
nous contenterons de parler de la réponſe
qu'il fit aux reproches qu'une famille
défolée fait d'ordinaire aux Medecins
, quand les foins ont un fuccès malheureux
. Il foutint que c'eft communément
la faute des malades , quand ils
periffent entre leurs mains. Les uns efclaves
de leur plaifir & leur appetit ,
" fe livrant à la grande chere & à la
» débauche , voudroient même que le
Medecin fût d'intelligence avec eux
» pour autorifer leurs excès ; & après
» cela on prétend qu'il repare une fan-
>> té abfolument ruinée ? C'eft prétendre
» bâtir où il ne reste plus de fond fur
» lequel on puiffe pofer l'édifice.
bli
Enfin , il prétendit qu'un oracle parti
de l'efprit même de verité , lui affuroit
la preference fur fes Eleves , c'eft le
nom qu'il donne à fes Rivaux . ) Honorez
dit l'Oracle facré , honorez le
Medicin que l'Auteur de la Nature a étapour
la neceffité du genre humain.
» Or feroit ce l'honorer , que d'envahir
» la préféance fur lui , au préjudice de fes
» droits ? feroit-ce lui faire honneur que
» de lui contefter l'étendue de fes con-
» noiffances , fon difcernement exquis ,
» & fon experience confommée .
I. Plaidoyer. M. le Comte de Cha
B vj roft
2216 MERCURE DE FRANCEJ
1
1
roft , pour faire valoir l'Anatomie en faveur
de laquelle il avoit à parler , fe
borna à deux traits finguliers , qui la
diftinguent de toutes les Profeffions occupées
au foulagement de la Nature. IL
dit que c'étoit une Science unique dans
fon genre ; que c'étoit un Art fûr dans
fes operations . Elle feule peut operer.
comme elle opere ; elle feule peut répondre
du fuccès de fes operations .
On peut appeller une Science unique.
dans fon genre , celle qui ne peut être
remplacée par nulle induftrie étrangere
& qui feule fournit les moyens de réüffir
dans fon principal objet . Ce princi
pe une fois fuppofé , l'Anatomifte prétendit
qu'en mille rencontres rien ne
peut fuppléer au défaut de fon Art ; &
pour en faire convenir fes Auditeurs.:
Tranfportez vous , Meffieurs leur
dit-il , tranfportez - vous pour quelques
» momens en efprit dans une vafte plai--
» ne , où fe foit livré quelque fanglante
"
bataille : reprefentez vous une multi-
» tude innombrable de bleffez qu'on rap-
» porte au Camp , & qui d'une voix .
» mourante implorent le fecours d'une
main falutaires ou qui au défaut de la
voix faffent parler leurs playes d'où,
» coulent des ruiffeaux de fang capables
» de faire verfer des torrens de larmes
20
OCTOBRE. · 1726. 2217
» aux ames les moins fenfibles. En cet
» te conjoncture , appellera- t- on des Me
decins en voit- on jamais au Camp ?
» mais s'y en trouvaft - il quelqu'un ?
que fera- t- il pour ces infortunées vic-
» times de la Guerre ? preferira- t - il une
>> ordonnance ? l'excellent remede pour
» les playes ! operera- t - il en Chirur-
» gien ? le voilà donc au rang des Ana
» tomiftes , & c.
Après avoir prouvé que perfonne ne
peut remplacer dignement l'Anatomiſte,
il fut aifé au jeune Orateur de prouver ,
que le Chirurgien remplace fouvent
& fur mer & fur terre , ceux qui dans
fon abſence ne peuvent remplir les fonc
tions. » En effet , n'eft- ce pas à la Chirurgie
que le choix même des Mede-
» cins confie le foin d'exercer la Medecine
fur les Vaifleaux La Faculté auffi
>> curieuſe du féjour des Villes que de la
Terre ferme , ne lui abandonne - t - elle.
pas les guérifons des malades de la
» Campagne ? ceux qu'on y traite ne
» jouiffent- ils pas ordinairement d'une
» fantébeaucoup plus robuste que les gense
» de la Ville & de la Cour ? & c.
La guérifon de M. le Blanc , dont on
eft redevable à l'Anatomie chirurgicale ,
étoit un trait trop flatteur pour la Chi-:
rurgie, & trop récent pour échaper à
for
2218 MERCURE DE FRANCE.
fon ingénieux défenfeur . Quoi de plus
étonnant , dit - il , que la guérifon , inefpérée
d'un grand Miniftre , que la France
a été fur le point de perdre au moment
même où elle venoit de la recou
vrer ? une cure fi prodigieufe & fi chere
à l'Etat étoit refervée à l'Anatomie .
Dans la feconde partie de fon Difcours,
l'Anatomiste , en paroiffant prendre la
défenſe de la Medecine , fit fentir le peu
de fureté de cette Science , à laquelle il
oppola enfuite la fureté des operations de
Chirurgie. Une ingénieule comparaifon
rendit palpables les raifonnemens
qu'il avoit déja faits pour prouver ce
qu'il avoit avancé.
1
» Que penferoit -on , Meffieurs , de
deux Horlogeurs qui entreprendroient
de raccommoder une montre déran
gée. L'an la regarde , la manie , & ne
» confulte que la furface exterieure des
refforts pour juger de ce qu'il y a de
» défectueux au dedans. L'autre défait
» adroitement les refforts l'un après l'au
» tre , obferve tout l'interieur de l'ouvrage
, confidere attentivement où eft
» le défaut ; l'apperçoit , prend des mefures
pour y remedier. Lequel des
deux eft plus en état d'operer furement
. Si le premier réüffit , n'eft ce
»pas par un pur hazard ? le fuccès du
» fe-
ג נ
OCTOBRE 1726. 2219
» fecond n'eft- il pas infaillible ? Bota-
» nifte , Medecin , Chymifte , reconnoif-
» fez -vous,dans la premiere image , mais
>> en même temps reconnoiffez dans la
» feconde l'induftrieux Anatomifte, devant
>> qui la Nature porte le flambeau , &c.
Le témoignage du dernier Empereur
de la Chine , en faveur de la Chirurgie ,
conclut tout ce que l'Orateur avoit déja
dit pour la relever. » Samufa- t - il , ce
» grand Monarque , à faire traduire nos
>> Livres de Botanique , de Medecine
» & de Chimie en Langue Chinoife ou
» Tartare ? non , Meffieurs , mais char-
» mé de la feule Anatomie , il fit faire
>> avec tous les foins imaginables une
» traduction fidelle des plus curieufes Ob-
» fervations anatomiques qui fe foient
faites en France , & c.
V. Plaidoyer. Lorfqu'on étoit fur le
point de juger , M. Ditverdoing intervint
, & dit qu'il venoit offrir un remede
rare & commun , ordinaire & fingulier
, connu pour la fubftance , inconnu
pour les effets , remede fouverain , remede
univerfel , remede incomparable ,
remede , qui fous le nom de Panacée , gueriffoit
autrefois les hommes de tous leurs
maux. Après ce pompeux préambule, on
fut agréablement furpris , lorfqu'il déclara
que c'étoit de l'Eau dont il vou-
9
?
loit
2220 MERCURE DE FRANCE.
loit parler , & prendre la défenfe . H
fe borna à une feule propofition , à fçavoir
, que l'Eau , fans avoir les défauts
de tous les remed s propofez par les ri
vaux , en a toutes les vertus , & en a
même une infinité d'autres que les autres
remedes n'ont pas . Ce Difcours
qui étoit femé de beaucoup de traits fins ,
délicats , ferieux & ironiques , plut
beaucoup à toute l'Aſſemblée.
D'abord le Panegyrifte de l'Eau la compara
avec les remedes de fes Competi
teurs. » Le Botanifte , dit- il , fait valoir fes
Simples, parce qu'ils fourniffent leste-
» medes les plus naturels & les plus inno-
» cens. Ne le puis - je pas dire à plus jufte
>>
titre de l'eau commune ? Quoi de
» plus innocent , quoi de plus naturel -
» Ne femble- t- elle pas fe former des
»larmes que la Nature verfe fur les in-
»firmitez de fes enfans , & qu'elle ne
leur prodigue que pour adoucir la ri - t
gueur de leurs maux. Le Chymifte
vient de nous faire un brillant étalage
» de la force & de l'efficace attachée à fes
» poudres & à fes liqueurs quinteffenciées.
Mais quoi , fans feu , fans foyer,
» fans fourneaux , fans alambic , fans diffolution,
ni fpiritualiſation de Mineraux,
» la terre ne produit - elle pas dans les
» Eaux minerales de l'or , de l'argent
» dufer & des métaux de tous genres
OCTOBRE. 1726. 222 %
n'y trouve- t- on pas des fels & des .
» efprits de nitre , d'alun , de bitume ,
» de foufre , de vitriol , plus qu'on en
» découvre par les Analyfes chymiques ,
» & c. La Medecine ofera- t'elle s'infcrire
>> en faux contre l'éloge des Eaux minera-
» les , ne le confirmera -t'elle pas par fes
» ordonnances ? quand elle a vainement
épuifé tous les remedes fur un malade ,
quelle eft fa derniere reffource ? al-
» lez , dit elle , allez aux Eaux . N'eft-
» ce pas avouer tacitement que les Eaux
» font la derniere efperance des mala-.
» des defefperez. Ici les Eaux de Paffy
>> trouverent leur place parmi les plus
>> celebres Eaux minerales de France.
» Quant à la Chirurgie , on la croit
» trop reconnoiffante pour ne pas con-
» venir qu'elle partage avec l'Eau le
» fuccès & la gloire de fes operations. "
a N'en ufe- t-elle pas fans ceffe pour la
» ver les playes , pour nettoyer les ul
» ceres , pour épurer le fang , pour af
» fermir les chairs ?
靈
Après avoir refuté fes adverfaires , le
jeune Orateur s'étendit beaucoup fur
les effets merveilleux de l'Eau. » L'Eau ,
» dit- il dans un endroit , l'Eau eft fecon- te
» de en miracles , toute la Nature s'in-
» tereffe à fon éloge , c'eft l'Eau qui
» guérit ou prévient toutes les infirmi
» tea
2222 MERCURE DE FRANCE
tez. Laterre eft - elle alterée ? ne peutelle
remplir fes fonctions de mere
» cominune ? n'a- t - elle pas la force d'en-.
» fanter les moiffons & les fruits ? de
» l'Eau. Les fleurs qu'elle a produites fe
» courbent -elles fous le poids de leur ti
ge ? regardent- elles déja la terre dans
le fein de qui elles viennent de naître ,.
>>> comme le tombeau où elles vont être..
» enfevelies ? de l'Eau. Les hommes &
» les animaux fouffrent -ils une foif ardente
, font ils brûlez d'une fievre maligne
? font-ils confumez d'une feche-.
» reffe mortelle de l'Eau , & c. On fit
remarquer enfuite que plus des deux,
tiers du monde habitable , n'ont que de
l'eau pour boiffon ordinaire. Les peu-
» ples éloignez , avant que les Européans
leur appriffent l'ufage du vin , s'en
» portoient - ils plus mal ? étoient- ils
moins robuftes ? vivoient - ils moins.
long- temps que nous ? helas ! au con-
» traire , en leur portant nos vins , &
» nos autres liqueurs fpiritueufes , nous
» leur avons porté nos vices , nos mala-
» dies nos morts fubites & impré-
» vûës .
•
Nous ferions trop longs fi nous vou
lions citer tout ce qui fut applaudi
Contentons - nous de rapporter la fin du
Difcours, qu'il ne conclut qu'après avoir
bien
•
OCTOBRE. 1726. 2223
bien fait valoir les fameufes guériſons du
celebre M. Smith , Medecin Anglois
par le moyen de l'eau commune , & celles
du Capucin de Malthe , par
le moyen
de l'eau à la glace , qui ont tant fait de
bruit dans toute l'Europe. » De tout ce
» que j'ai dit , & de tout ce que l'ex- ,
» perience nous démontre , n'ai- je pas.
» droit de conclure , que l'Eau eft le
» meilleur , le plus utile , le plus ailé ,
» le moins defagréable de tous les reme-
» des ; enfin , que c'eft cette Medecine.
» univerfelle que l'on cherche depuis,
» long temps , & que peu de perfonnes
>> trouvent , parce qu'elle eft connue de
tout le monde , & c.
Examen de la Caufe,
Après avoir fait un précis exact de toutes
les raifons des cinq Competiteurs ,
le Juge dit que la Science medecinale
conſiſtoit en deux points , dans l'entretien
& dans le rétabliſſement de la fanté
; qu'il n'y avoit que trois moyens d'y
réüffir ; prévenir , connoître , & guérir
les maladies , de quelque genre , ou efpece
qu'elles foient. Ce principe une fois.
pofé , il examina laquelle des Profeffions
propofées réunit le plus ces divers avantages.
Il y joignit un éloge conforme
214
2224 MERCURE DE FRANCE .
au caractere de chaque Avocat..
n
» Il faut convenir que la Botanique
» contribue infiniment à la guériſon des
» maladies par fes remedes naturels & in-
» nocens ; mais les guérit - elle feule &
par elle- même ? n'a - t- elle pas befoin
» des lumieres de la Medecine pour con
» noître la qualité des maladies ? du fe
» cours de la Chymie pour préparer fes
» remedes ? réüffit - elle auf heureufe-
» ment à la cure des playes , que l'Ana
tomie chirurgicale ? n'attend- elle pas
que le mal vienne pour y remedier ? le
" prévient- elle avant qu'il arrive , &c ?
» Si nous devons beaucoup à cette Scien
» ce , elle ne doit pas moins à fon ingenieux
Panegyrifte ( a ) , dont la dou-
» ceur naturelle n'a pas moins de char-
» mes que celle de fes remedes a de ver-
» tu . Nous remarquons en lui une fa-
" geffe de conduite & une maturité d'ef
» prit au-deffus de fon âge & de nos élo-
» ges. Il a fouvent merité ceux du Pu-
» blic par la grace & la politeffe avec la-
» quelle il s'acquitte de tous nos exer-
» cices. L'eftime & l'amitié qu'ont pour
lui fes rivaux d'étude , égale prefque
» la tendreffe d'une famille qui fe con-
» noît en merite , & qui montre en l'aimant
qu'elle fçait bien placer fon af-
» fection.
( 4 ) M. Moufle de Georville. La
OCTOBRE. 1726. 222.5
»que
La Chymie fait valoir la force de fes
» poudres , de fes élixirs , de fes quinteffences
. Elle a raifon elle a l'exper
» rience pour garant. On ne languit poing
» entre ſes mains , elle guérit prompte
- ment , quand elle guérit. Elle fe pid'être
hardie , on l'accufe d'être
hazardeufe ; elle n'a pas tort , non plus
» que les accufateurs. On dit qu'elic pro
» met plus qu'elle ne tient , & moi je
prétens qu'elle tient plus qu'elle ne
» promet . Elle promet de guérir pour
» long-temps , quelquefois elle guérit
» pour toujours ... &c . Vû la préven-
» tion où l'on eft contre elle , la caufe
» paroîtroit défefperée , fi elle n'avoit
» été entreprise par un habile Défen-
» feur ( a ) , en qui la vivacité de l'hu-
» meur le trouve jointe avec l'agrément
» de l'efprit , & temperée par la folidité
» de la réflexion . Un fi riche naturel
» cultivé par une heureuſe éducation , &
» par les leçons d'honneur & de probi-
» té qu'il trouve dans la maifon pater-
» nelle , fonde de juftes efperances que
» l'avenir remplira.
» La Medecine femble plus qu'aucune
>> autre Science embraffer tout ce qui a
>> rapport aux maladies . Elle les prévient
ou tâche de les prévenir par le
( 4) M. le Bourfier.
res
2126 MERCURE DE FRANCE.
9
regime qu'elle preferit. Elle les con
» noît , ou s'étudie à les connoître par
» les conjectures ; elle les guérit , ou du
moins tente leur guerifon par les or-
» donnances . Son exercice reffemble af
» fez à celui des Devins & des Phyfio-
» nomiftes. Peu de Profeffions plus em-
» ployées & plus critiquées . Ceux qui
» la refpectent le moins dans la fanté ,
font ordinairement ceux qui la refpec-
» tent le plus dans la maladie . Elle a eu,
»' elle a encore de fçavans perfonnages.
» Ses plus grands Maitres doutent beau
» coup fes plus mediocres Eleves ne
doutent de rien . Elle a en même tems
de quoi le faire eftimer & ſe faire craindre
a - t-elle autant dequoi fe faire ai-
» mer que fon aimable Avocat ( a ) , en
qui nous voyons avec plaifir un doux
n penchant pour la vertu , qui s'eft dif-
» tingué par les talens naturels en plus
» d'une occafion d'éclat , & dont les pro-
» ches ont déja fouvent gouté les fruits
des tendres foins qu'ils prennent pour
en faire un jeune homme accompli .
>> On n'a point flatté l'Anatomie out
Chirurgie , quand on nous l'a reprefentée
comme un Art fecond en décou
» vertes , & fûr dans les operations. Ses
» prodigieux fuccès nous garantiffent fes
(4 ) M. Hucherard.
رد »pro-
น
OCTOBRE. 1726. 2227
progrès. Chaque jour eft , ce femble,
» pour elle un nouveau pas vers la per-
» fection. Son fameux Amphitheatre eft
» bien different de celui de Rome où les
» hommes s'exerçoient à fe donner la
» mort ; ici l'on s'exerce à fauver la vie
» aux hommes.L'Anatomie prétend que la
» Medecine lui eft redevable , la Mede-
» cine en dit autant de l'Anatomie . Conci-
» lions tout ; elles fe doivent mutuellement.
La Medecine guériroit- elle par-
>>faitement les playes fans l'opération ana
» tomique? l'Anatomie n'emprunte - t - elle
» pas de la Medecine la plupart de fes
» connoiffances théoriques Le befoin
» qu'elles ont l'une de l'autre , doit main-
» tenir & perpetuer la bonne intelli-
» gence entre elles . ( a ) L'illuftre Par-
» tifan de l'Anatomie nous fait juger par
» l'air dont il s'y eft pris en cette caufe
» pour l'attaque & pour la défenſe , de
» ce qu'il fera un jour pour attaquer &
» défendre une Place . Sa noble ardeur ,
» fa generofité naturelle annonce par
» avance l'Heroilme des vertus qu'il
» femble avoir puifé avec le fang des
» Heros. Nous trouvons déja dans fa
» conduite des pronoftics certains de zele
pour la Religion , le Prince & l'Etat ;
» & fur de tels augures nous ofons ré-
( 4 ) M. le Comte de Charolt.
» pondre
2228 MER CURE DE FRANCE.
pondre qu'il ne démentira jamais le nom
>> qu'il porte .
» Que dirons - nous de l'Eau commu →
ne?nous ne difconviendrons point que
>> l'ufage de l'eau eft un excellent prélervatif
contre les maladies ; mais que ce
» foit un Spécifique incomparable pour
» les guérir toutes de quelque nature
qu'elles foient , c'eſt un point ſur lequel
nous n'oferions prononcer , &c.
» L'éloquence enjouée de celui ( a ) qui
» a plaidé cette Caufe , fuffiroit pour la
» rendre probable , fi nous avions lieu
19
"
de croire qu'elle fût auffi férieuſe ,
» qu'elle nous paroît ingenieufe. Nous
» ne fommes pas furpris que dans la car-
» riere de fes études il foit un modele
» de fageffe, de pieté, de modeftie & d'at-
» tachement à tous fes devoirs , il a fans
» ceffe devant les yeux des exemples
domeftiques de prudence , de juftice,
» & des plus fublimes vertus qu'il imi-
» te par attrait , & qu'il copie d'autant
» plus volontiers , que c'est l'unique
» moyen de plaire & de reffembler à la
» perfonne du monde qu'il aime le plus
→ tendrement.
>> Toutes chofes murement éxami-
» nées , prononçons enfin ; & puifque
» la France nous fournit tant d'excel-
( a ) M. d'Averdoing.
lens
OCTOBRE. 1726. 2229
» lens hommes , reglons le rang qu'ils
» tiendront à la Cour de Mofcovie fur
>> celui qu'ils tiennent à la Cour de Fran-
>> ce. Pouvons -nous fuivre un plus par-
» fait modele ? *
JUGEMENT.
» Cette Cour juge , & nous jugeons
avec elle , que la Medecine devant
>> être inftruite de tout ce qui concerne
» la Chymie , la Botanique & l'Anato-
» mie , elle doit avoir des connoiflances
plus étendues , & par conféquent me-
>> rite une place plus diftinguée , avec des.
»appointemens plus confiderables. Ainfi
» nous affignons au Medecin le premier
rang avec fept mille florins de pen-
» fion .
» L'Anatomie chirurgicale n'ayant pas
>> un objet fi étendu , mais d'ailleurs étant
» neceflaire plus qu'aucune autre Scien-
" cer pour un certain nombre de maladies,
» fes heureufes operations paroiffent ab-
» folument requifes ; nous décernons à
» l'Anatomifte la feconde place , avec fix
» mille florins d'appointemens.
» La Botanique foulageant les mala-
» des , avec moins de peril que la Chy-
» mie , occupera la troifiéme place , & le
Botaniste fera gratifié de quatre mille flo-
Crins
2230 MERCURE DE FRANCE.
» rins , qu'on lui payera tous les ans au
» Tréfor Impérial .
» La Chymie , quoique fort eftimable,
» ne fera placée qu'au quatrième rang ,
» & fon Docteur n'aura que , trois mille
>> florins , parce que fes fecrets font un
» peu moins d'ufage , à caufe du peril
qui les accompagne.
»
Du refte , Meffieurs , nous croyons
le reglement que nous venons de fai-
» re, d'autant mieux fondé , que la fan-
» té nouvellement renduë au Roi & à
» la Reine , femble autorifer l'ordre que
» nous avons établi. La Medecine a pré-
» fidé à leur guérifon , la Chirurgie a
» prêté la main , la Botanique a fourni -
» les remedes , la Chymie les a prépa-
» rez . Toutes enfemble , avec les voeux
des François , ont confpiré à la confer-
» vation de ces deux auguftes Têtes . Leur
» fauver la vie , c'eft en quelque forte la
» fauver à leurs Sujets ; c'eft du moins
» leur épargner bien des larmes , & leur
» conferver des exemples de vertu ,
d'autant plus précieux , qu'ils font au-
»jourd'hui plus rares parmi les Grands ...
» Qu'ils vivent l'un & l'autre , & donnent
à leur Royaume des Princes ' qui
» foient l'appui des Peuples & le modele
des Souverains .
Le P. de la Sante fut bien dédommagé
par
OCTOBRE. 1726. 2231
C.
par le fuccès de fes jeunes Eleves , de la
peine qu'il s'étoit donnée pour les former.
Toute l'Affemblée fortit auffi contente
tant de la maniere vive , noble & gra
cieuſe , avec laquelle les fix Acteurs débiterent
ce qu'ils avoient à dire , que des
Difcours même qu'ils avoient prononcez.
akakakakakakakakukkijk
U
SONGE.
Nique fouci qui me refte ,
Objet aimable autant qu'aimé ,
Iris , contre un Songe funefte ,
Raffurez mon coeur allarmé.
J'ai crû voir cette nuit Dorante à vos genoux
Loin de lui témoigner ce fuperbe courroux ,
Qui troubla fi long- temps mon ame
Vous le dirai je , helas ! d'une nouvelle flamme,
Partageant les foins les plus doux ,
Vous infultiez à mes tranfports jaloux .
Eft-ce Iris , m'écriai - je ? une courte abfence
,
Cij
A
2232 MERCURE DE FRANCE .
A- t- elle éteint un feu fi beau ?
Quoi ! cette même Iris dont la tendre conf
tance ,
Devoit durer jufqu'au tombeau ,
A refervé ce prix à ma perfeverance !
Contre Dorante elle n'a fçû défendre ,
Uu coeur qui pour moi ſeul avoit pû s'enflam 、
mer !
Un coeur que l'amour le plus tendre ,
Eut tant de peine à defarmer ,
Peut-il fi lâchement fe rendre?
Iris , vous dis - je enfin , connoiffez ma dou
leur ,
De fi beaux noeuds faifoient tout mon bonheur
;
Vous me précipitez , cruelle ,
Du comble de mes voeux dans un fort plein
d'horreur ;
Je nepuis vivre & vous voir infidelle ,
Helas ! votre nouveau vainqueur
A- t-il jamais brûlé d'une flamme fi belle ?
Connoît- il comme moi le prix de votre coeur?
Succombant à ces mots fous l'image terri
ble,
Des
OCTOBRE . 1726. 2233
Des tourmens dont mon coeur fe fentoit déchirer
,
Je me perçai le fein , mais toujours inflexible
,
Vos regards achevoient de me défefperer ,
Et vous ne paroiffiez ſenſible ,
Qu'au barbare plaifir de me voir expirer.
Ayez pitié du chagrin qui me tuë ;
Je ne puis effacer de mon ame éperdue ,
Cette funefte illufion ,
Puifque d'un Songe vain la noire impreffion ,
Me fait répandre tant de larmes ,
Grands Dieux que deviendrois-je , helas
!
Si le fatal Auteur de mes tendres allarmes ,
M'enlevoit un bonheur qu'il ne merite pas.
1
Par le Chevalier de Clairac.
Nous n'avons point parlé dans nos
Mercures d'un Recueil de Brevets & de
Memoires injurieux , nouvellement imprimé
en Hollande ; dans lequel , fous
le nom du Regiment de la Calotte , on
a inferé un grand nombre de Satyres calomnieufes
, contre des perfonnes ref-
C - iij pec2234
MERCURE DE FRANCE .
"
pectables par leur naiffance & par leur
merite. Les Chefs du Regiment n'ayant
jamais eu en vûë qu'une Critique badine
des ridicules , qui ne portent ni fur les
conditions , ni fur les moeurs , ont crû
pour l'honneur du corps devoir s'élever
contre un pareil attentat ; & diffuader le
Public des idées fauffes que ce Livre
pourroit lui donner , en prefcrivant par
un Arreſt authentique toute Satyre qui a
paru ou paroîtra dans la fuite , dans laquelle
on attaquera les Etats , les moeurs
ou les facultez des perfonnes . Nous l'appellons
authentique , puis qu'il a été
imprimé avec permiffion , & que c'eft
fur un Exemplaire qui nous a été envoyé,
que nous le mettons ici.
LIKE OUROFFICIA
ARREST du Confeil du Regiment
de la Calotte.
Contre la fauffe Edition des Brevets & ans
tres Reglemens fuppofez.
Nous , par la grace de Momus ,
De fes Decrets dépofitaires ,
A tous facrileges abus,
Mort , ou châtiment exemplaire.
L'A
OCTOBRE. 1726. 2235
L'Areopage convoqué
Sur le prudent requifitoire ,
D'un de nos Scribes provoqué ,
Par fon zele pour notre gloire ,
Contre un Recueil fophiftiqué
A l'inftat de ce vieux grimoire ,
Jadis à Mercure excroqué , ( 4 )
Par deux Grecs qui l'avoient fait boire ,
Et qui des Miniftres des Dieux ,
Aux yeux d'un peuple curieux ,
Prenant les facrez caracteres ,
D'un Livre faint & précieux ,
Ofolent infecter les myfteres ;
(a ) Mercure defcend du Ciel par ordre de
Jupiter pour faire relier le Livre des Deftinées
dont il l'avoit chargé : Etant arrivé à Athenes
dans une Hôtellerie , il trouva Briphanes & Curtalius
qui lui efcarmoterent , & en mirent un
autre à fa place , contenant tous les petits pafletemps
d'amour de Jupiter , comme quand il fe
fit Taureau pour ravir Europe , quand il fe déguifa
en Cygne pour voir Leda, quand il prit
la forme d'Amphitrion , &c. T
Jupiter metamorphofa en chevaux les deux
Atheniens .
Voyez un petit Livre in 16. intitulé Cymba
lum Mundi , par Bonaventure Defperieres , Valet
de Chambre de Marguerite de Valois , Reine
de Navarre , Soeur de François I.
C iiij Par
2236 MERCURE DE FRANCE .
Par leurs difcours feditieux ,
Et fous des titres fpecieux :
Mêloient des pieces adulteres ,
Aux divins Oracles des Cieux.
Ayant établi dans la forme ,
La parité de ces deux faits ,
Conftaté l'attentat énorme ,
Fait contre nos fages Arrefts ,
Par l'examen d'un Livre informe ,
Où font inferez maints Brevets ,
Enfans bâtards & contrefaits ,
De ces cerveaux paralytiques ,
Qui fans nos Lettres authentiques ,
Et nos Pouvoirs duement vifez ,
Sefont comme mal aviſez ';
Indifcrets brouillons , temeraires ,
Calomniateurs & fauffaires ,
Pouffez du Démon de rimer ,
Ingerés de faire imprimer ,
Nos plus auguftes Ordonnances ,
Edits , Patentes , & refcrits ,
Pêle-mêle avec leurs écrits ,
Et cyniques extravagances.
Vou
OCTOBRE . 1726 2237
Voulant punir de tels abus ,
Par l'autorité de Momus ,
Failons revivre la fentence ,
Qu'en un cas d'égale importance
Prononça le grand Dieu Jupin ,
J 鹹
Metamorphofons en Alfane , ( a )
Tout facrilege Turlupin ,
Auteur , & Colporteur profane ,
De ces lambeaux mal affortis ,
Aux vrais Decrets qui font fortis
Du haut Confeil de la Marotte.
Ordonnons que ces faux Ecrits,
Biffez , déchirez & profcrits ,
Mis au Greffe de la Calotte ,'
Soient brûlez folemnellement ,
Par le Boureau du Regiment.
Déclarons faufſe & fubreptice ,
Toute piece que l'artifice ,
Contre expreffe inhibition ,
Pourroit fouftraire à la Police ,
( a ) Alfane étoit la monture du Geant Gradaſſe
, qui vint du fond de la Sericane pour
conquerir l'épée de Renaud de Montauban
Voyez l'Ariofte dans le
furiofo .
2. chant de fon Orlando
Cy De
2238 MERCURE DE FRANCE.
De notre perquifition :
Enjoignons à nos Secretaires ,
Greffiers , Ecrivains & Notaires s
Sous peine de profcription ,
De tenir avec vigilance
La main à l'execution
De notre prefente Ordonnance
Si l'on ofe y contrevenir.
Leur défendons à l'avenir ,
De répandre aucun exemplaire
De Brevet ou de Reglements
Même émané directement ,
Qu'il n'ait la forme neceffaire ,
Et ne foit juridiquement ,
Muni du Sceau du Regiment.
Juré par les Ondes du Stix , en !
Jept mil fept cent vingt -fix .
XXX XXXXXXXXXXXXXXX XXX ***** XX**
FESTE donnée par M. Dantin de S. Pie,
Lieutenant de Roi Commandant à Dax,
à l'occafion du rétabliſſement de la ſanté
du Roi, le premier Septembre 1726 .
de S. Pée ayant donné fes or-
Mires pour que toutes les Compagnies
Bourgeoifes priffent les armes ,
elles
OCTOBRE. 1726. 2239
elles s'aflemblerent à huit heures du foir
dans le grand Cloître des Cordeliers.
Les Troupes partirent en bon ordre de
ce lieu ; & après avoir traversé la Ville
, elles allerent fe mettre en bataille
fur la Place d'armes , vis -à - vis le Châ
teau .
M. de S. Pée fortit, du Château , ac
compagné de cinquante Gentilshommes
ou Officiers qu'il avoit invitez à cette
Fête ; les Troupes fe mirent en marche
, & fe rendirent fur la Place de la
Cathedrale , où le Feu de Joye étoit préparé.
Cette Place eft d'autant plus favo
rable à cette forte de Spectacle , qu'elle
eft environnée de belles maifons , propres
à contenir un grand nombre de
Spectateurs. Toutes les rues étoient illuminées
dès les huit heures du foir , &
furent jufqu'au jour ; il n'y eut point
d'Habitant qui n'eflayât de fe diftinguer,
& de témoigner fon zele & fa joye dans
une occafion auffi intereflante.
Les Troupes s'étant mifes en batailleautour
de cette Place , Meffieurs les Maire
& Echevins , revêtus de toutes les
marques de leur dignité , fe joignirent
à M. de S. Pée , qui avec fa Compa
gnie faifoit l'arriere -garde des Troupes ,
alluma le Feu , au bruit des Tambours ,
des Fifres , & des Trompettes , fi bien:
C vj con
2240 MERCURE DE FRANCE:
concerté avec le fon des Cloches , des
Violons & des Hautbois , que perfonne
ne put refufer les applaudiffemens .
1
Les décharges fucceffives de la Mouf
queterie , fur la Place où étoit le Feu
de Joye , furent réponduës fi à propos
par l'Artillerie , qui avoit été placée
avantageufement fur le Baftion , à un bout
du Rempart , que tout cela joint enfemble
, produifit un effet dont tout le monde
fut charmé.
Après que ce Feu de Joye eut duré
pendant un certain temps , M. de S. Pée
marcha vers le Château , avec le même
Cortege qui l'avoit accompagné , aux ac
clamations continuelles du peuple. Cette
nombreuſe Compagnie fut agréablement
furprife , lors qu'arrivant à la portée du
Château , elle apperçût une illumina-
- tion extraordinaire dans une allée d'Ormeaux
, qui fert d'avenue à la porte
principale , & qui va aboutir à la grande
allée du Rempart , de 150. toifes de
long , & qui étoit également illuminée.
Cette agréable furprife augmenta infiniment,
lorfque tous ces Meffieurs étant
arrivez à l'entrée de cette premiere allée
, y apperçûrent cinquante Dames ,
auffi brillantes par l'éclat de leur beauté
, que par leur parure , à la tête defquelles
étoit Madame de S. Pée ; toutes
OCTOBRE. 1728. 2241
tes formoient un Cercle magnifique &
très-galant , qui fans exagération auroit
paffé pour beau , dans quelque lieu
que ce puiffe être.
M. de S. Pée prit une des Dames des
plus diftinguées , un des Meffieurs donna
la main à Madame de S. Pée , les
autres en uferent de même , & toute
cette charmante & nombreufe Compagnie
, avec l'image de la joye & de la
gayete peinte fur le vifage & dans les
yeux , paffa de cette premiere allée dans
celle des Soupirs , ( c'eft ainfi qu'on nomme
ce lieu où il parut une table de
cent couverts , qui fans qu'on fe fut apperçû
d'aucun mouvement , fe trouva
fervie dans le moment , avec toute la
magnificence , la délicateffe , & le goût
le plus exquis .
Les Girandoles , les Luftres , & les
Lampions , étoient fi artiftement placez,
dans l'interieur & aux extrêmitez des arbres
, qui formoient une efpece de Bezceau
au-deflus de la table , que les Conviez
& les Spectateurs furent auffi agréa
blement furpris , que frappez d'admiration
de la fingularité ingénieufe de ce
Spectacle.
On dira en paffant , que la Ville de
Dax cft de tout temps en quelque répu
tation , pour l'agrément de la Societe ;
&
7
142 MERCURE DE FRANCE.
& l'on ajoûtera , fans vouloir trop flat
ter ceux qui la compofent , qu'on y a de
l'efprit , du goût , de la délicateffe , &
que les Dames y font très -polies & trèsagréables.
On fut placé à cette table avec un tel
ordre , que chaque Cavalier fe trouva
à portée de fervir fa Dame. La Simphonie
qu'on entendit pendant le fouper ,
étoit placée à une diftance affez favora
ble , pour qu'on en eut l'agrément, fans
en être incommodé.
On commença par boire la fanté du
Roi. C'eft dans cette occafion où chacun
montra l'excès de fa joye & de fon
zele ; le Conviez d'un côté , & le Peuple
ſpectateur de l'autre , faifoient retentir
l'air d leurs acclamations ; & l'Artillerie
placée à une diftance proportionnée
y fut fervie très- à - propos .
On but la fanté de la Reine avec les
mêmes acclamations , accompagnées de
falves de l'Artillerie ; jamais il n'a paru
plus de joye dans aucun repas , tout
y contribuoit , le calme & l'obfcurité de
cette belle nuit faifant briller l'illumination
d'une maniere éclatante.
Après le repas les Dames furent conduites
par les Cavaliers dans une autreallée
d'Ormeaux , garnie de fauteuils , &
également illuminée ; on avoit placé des
SenOCTOBRE.
1726. 224
Sentinelles , pour contenir le peuple
dans une diſtance convenable .
Le Bal commença aux deux extrêmitez
de cette allée ; M. de S. Pée avec
une des Dames , Madame de S. Pée avec
un des Cavaliers en firent l'ouverture ;
après quoi il ne fut plus queftion de rang
.ni de ceremonie , & chacune des Dameschoifit
à fon gré le Cavalier avec qui
Ielle voulut danfer. Pendant le Bal, les rafraîchiffemens
de toute efpece , furent
donnez avec tant de profufion , que le
: peuple même en eut à difcretion .
C
On s'apperçût enfin avec regret que le
jour commençoit à paroître , parce que
c'étoit le fignal auquel le Bal devoit finir
la retraite des Dames ne fut pas
moins brillante , qu'avoit été le refte de
la fête . M. de S. Pée voulant finir comme
il avoit commencé , & feconde par
tous les Cavaliers alla accompagner
les Dames chez elles en cet ordre.
Les Tambours les Fifres , & les
Trompettes marchoient à la tête , fuivis
d'un Détachement choifi des Compagnies
Bourgeoifes , qui efcortoient fix petites
pieces d'Artillerie ; après quoi les Vio--
lons & les Hautbois précedoient les Dames
' , qui dans leur retraite danferent
encore dans les Places publiques aux acclamations
du peuple ; & à mesure que
cha
2244 MERCURE DE FRANCE.
chacune d'elles étoit conduite dans la
maifon , on dan foit auffi devant fa porte,
en redoublant les cris de vive le Roi , &
au bruit des fix petites pieces d'Artillerie
dont on a parlé.
Toutes les Dames ayant été remenées
en cet ordre , les Mellieurs accompagnerent
le Commandant au Château.
Alors l'Artillerie du Baftion fit fa derniere
falve , & ce fut là le fignal de la
retraite generale. Enfin , cette Fête a été
des plus magnifiques , des plus galantes
& des mieux concertées qu'on
puiffe donner dans une Province.
,
Réjouiffances dans la Marine
de Provence .
MR
R Duquefne , Chef d'Efcadre des
Armées Navales du Roi , Grand-
Croix de l'Ordre de S. Louis , Commandant
la Marine à Toulon , ayant reçû
les ordres du Roi de faire chanter le
Te Deum en actions de graces du réta
bliffement de la fanté de Sa Majefté , il
fe rendit le 18. Août avec M. Mithon
Intendant , & tout le Corps de la Marine
, fur le Vaiffeau portant Pavillon
d'Aniral dans le Port . Après le Te
Deum on fit trois décharges de Moufqueterie
, & après chaque décharge , une
falve
OCTOBRE. 1726. 2245
falve de toute l'Artillerie de l'Amiral ,
& de 21. Canons placez dans le Parc
d'Artillerie. Il y eut le foir des feux &
des illuminations dans la Ville , & jamais
joye n'a été mieux marquée ni plus
fincere .
Le Marquis de Velleron , Chef d'Efcadre
, Commandant les Galeres à Marfeille
, fit illuminer le 25. Août toutes
les Galeres & l'Arcenal . Sur les 5. heures
du foir , tous les Officiers des Galeres
fe rendirent avec M. de Beauvais ,
Commiflaire general Ordonnateur , chez
le Marquis de Velleron , & l'accompagnerent
furla Galere Reale , où on chanta
le Te Deum, après lequel on tira quatre
coups de canon fur cette Galere ; on
alla enfuite fur une des Plates - formes de
l'Arfenal , pour voir les illuminations
des Galeres , qui firent trois décharges de
leurs canons , ce qui fut fuivi d'une de
boëtes dans l'Arcenal . Le Marquis de
Velleron , donna à dîner à Meffieurs les
Capitaines des Galeres , & aux perfonnes
les plus confiderables de la Ville ; on
prit la liberté d'y boire la fanté du Roi ,
au bruit d'une falve de boëtes ; M. de
Beauvais donna enfuite à fouper.
A
2246 MERCURE DE FRANCE:
A LA REINE.
Sur la convalefcence de Sa Majefté
Grande Reine ,
auguſte Sophie ,
Le Ciel propice à l'ardeur de nos voeux }
En dépit d'un mal rigoureux ,
A calmé nos douleurs au gré de notre envie ;
Il a fçû de vos jours rallumer le flambeau ,
Pour vous faire un deftin toujours brillant &
beau.
On voit en vous une ame magnanime ,
Un efprit folide & fublime ,
Une gracieuſe bonté ,
Que guide en tous les temps l'ardente pieté
Ainfi , Princeſſe genereuſe ,
Tous les coeurs à l'envi font leur felicité
De votre fanté précieuſe.
Avec éclat on celebre en tous lieux !
Votre heureufe convalefcence :
Les Mortels enchantez la fêtent dans la France
Tandis
que les Vertus la fêtent dans les Cieux.
Par Mademoiselle L'heritier.
LET
OCTOBRE. 1726 2247
LETTRE de M. Capperon , ancien
Doyen de S. Maxent , fur certains feux
extraordinaires qui brûlent quelquefois
les Bruyeres , les Bois , les Forêts ,
maifons de la Campagne , & même des
Villages entiers.
Vo
les
Ous avez fçû , Monfieur , des pre
miers , que le feu ayant pris à la
Forêt de Fontainebleau , on a eu beaucoup
de peine à en arrêter le progrès ,
& qu'il avoit pris auffi à celle de Saint
Germain en Laye ; mais vous ne fçavez
peut être pas que le même accident
eft également arrivé ici prefque dans le
même temps , & que ce n'a pas auffi été
fans inquiétude & fans peine qu'on en a
arrêté les fuites fâcheuses.
Pour vous en faire le détail Vous
,
fçaurez , Monfieur , que notre Forêt
d'Eu , qui contient dix à onze mille arpens
, & qui a huit à neuf lieuës de
longueur , commence par des bois taillis,
qui font fituez fur une montagne , diftante
de cette Ville d'environ demi - lieuë,
& fur laquelle il y a une efpace affez
confiderable qui n'eft remplie que de
bruyeres. Ce fut par ces bruyeres que
2248 MERCURE DE FRANCE:
+
le feu commença ; on s'en apperçût
le Lundi fixiéme du mois de Septembre.
Comme le vent devint alors affez
fort , le feu ne tarda pas à gagner
les bois taillis , & ce ne fut qu'avec beaucoup
de travail qu'on le coupa , pour
empêcher qu'il ne confumât ces bois &
enfuite la Forêt : mais comme on ne
prit pas le même foin à l'égard des bruyeres
, parce qu'il n'y avoit pas tant à craindre
, il y eft refté prés de quinze jours,
n'ayant été éteint que par les pluyes
abondantes qui font furvenues enfuite . :
Vous pouvez bien juger , Monfieur ;
que perfonne n'ayant connoiffance
comment
ce feu a pû prendre dans ces bruyeres
, chacun en a penfé à fa mode . Les
uns ont crû que cela venoit des petits
Vachers qui y avoient mis le feu pour
fe divertir ; mais il eft certain qu'il n'y
en a eu aucun pen lant tout le temps que
la fechereffe à duré . D'autres fe font
imaginé que cela pouvoit venir des Ouvriers
qui tirent de la terre pendant tout
1'Eté fur cette montagne pour en faire
des tuilles , lefquels fumant du tabac , ont
pû laiffer tomber du feu fur les bruyeres
, qui les a allumées facilement , à raifon
de l'exceffive fechereffe qu'il faiſoit
alors . Ces Ouvriers proteftent neanmoins
que cela n'eft pas , & que de la
inaOCTOBRE.
1726. 2249
maniere dont ils ufent pour tenir le feu
à leurs pipes , il eft impoffible que cela
puifle arriver comme on le fuppofe .
J'avoue , Monfieur , que c'eft ce dernier
fentiment qui paroît le plus vraifemblable
, & ce qui eft regardé comme
l'unique caufe de cet incendie , par tous
ceux qui , faute de connoître les differens
effets de la Nature , font perfuadez
que le feu ne peut prendre dans aucun
endroit , s'il n'y eft allumé par quelque
petite portion de notre feu ordinaire.
Comme cette penfée du Vulgaire peut
avoir des fuites , & faire foupçonner
quelquefois , que les perfonnes les plus
innocentes font coupables de ces fortes
d'accidens , il me paroît neceflaire que
je faffe voir que ces incendies peuvent
fouvent arriver , fans que qui que ce
foit y ait eu la moindre part.
Rien n'eft plus aifé , Monfieur , que
de juftifier ce que j'avance : car ceux qui
connoiffent tant foit peu la Nature , fçavent
qu'il fort fouvent de la terre des
feux capables d'allumer toutes les matieres
combustibles , par la raifonque fe trouvant
dans la terre des matieres fouffreu .
fes & inflammables , lorfque ces matieres
viennent à être mifes en mouvement
par quelque caufe que ce puiffe être
il est naturel que s'élevant jufqu'à la ſuper2250
MERCURE DE FRANCE .
>
perficie de la terre , elles peuvent s'y
allumer , & mettre le feu à tout ce qu'elles
rencontrent de combuftible. Pourquoi
cela ne feroit- il pas ainfi ? & pourquoi
ces exhalaifons fouffreufes ne pourroient-
elles pas , lorfqu'elles fortent en
abondance de la fuperficie de la terre ,
toute échauffée des rayons brûlans du Saleil,
être allumées dès ce moment 3 puifqu'échappées
dans l'air , & s'y trouvant
réunies , elles s'y allument pour y caufer
les éclairs , les tonnerres , & une infinité
d'autres meteores enflammez ? car
ce qui fait que ces exhalaifons s'allument
dans l'air , c'eft qu'étant fort agitées
par la chaleur , elles y rencontrent
un air plus groffier ou plus humide , qui
les enveloppant & les empêchant de fe
diffiper , les refferre & les fait agir les
unes contre les autres , ce qui produit la
flamme. La même chofe ne peut- elle pas
également arriver , au moment qu'elles
fortent de la terre , & lorfqu'elles ne
font encore qu'à fa fuperficie , & par ce
moyen s'y allumer de la même maniere.
Ces principes établis , on ne doit pas
être furpris , Monfieur , que le feu puiffe
prendre à des bruyeres , des bois , même
à des maifons , fans que perfonne l'y
ait mis ; puifque , comme vous venez de
voir , il fuffit qu'il s'éleve de la terre où
ces
OCTOBRE. 1726. 2251
tes chofes font fituées , des vapeurs ou
exhalaifons fouffreufes un peu abondantes
; & que fortant de la terre pour
s'exhaler dans l'air , elles foient retenues
& condenſées à fa fuperficie par la grof
fiereté ou l'humidité de ce même air.
C'est par là qu'on peut vrai-femblablement
juger qu'eft arrivé le feu qui
a allumé les bruyeres proche de la Ville
d'Eu : la montagne où elles font eft certainement
remplie de matieres minerales.
Je fçai , à n'en pouvoir douter ,
qu'un particulier y étant allé autrefois
pour s'y promener , il vit tout d'un coup
couler dans une efpece de fontaine , qui
fe trouve à fon fommet , du vif- argent
tout pur , qu'on appelle mercure vierge;
& l'ayant ramaffé dans fon chapeau , il
en vendit pour dix écus. Il s'y trouve
également une matiere ferrugineufe : ce
qui eft fi vrai , que m'y étant tranfporté
avec le Medecin de cette Ville , homme
très-habile , pour examiner les eaux qui
s'y rencontrent , nous en trouvâmes qui
étoient tellement empreignées de ces
parties ferrugineufes , que la moindre pincée
de poudre de noix de galle mife dans
ces eaux , les rendoit au même inftant
noirs comme l'encre ; or le fer contient
beaucoup de fouffre ; ce qui eft fi vrai,
que la limaille de fer s'allume lorfqu'elle
2252 MERCURE DE FRANCE .
le eft jettée à travers la flamme d'une
chandelle .
Faut-il être après cela furpris , fi d'une
pareille montagne , il a pû s'exhaler
abondamment dans quelques endroits ,
des vapeurs & des exhalaifons fouffreufes
pendant la fechereffe exceffive qu'il
a fait durant cet Eté. Et comme les chaleurs
fingulieres du mois de Septembre
faifoient toujours pouffer ces exhalaifons
, quoique l'air fut alors devenu plus
groffier & plus humide , c'eft ce qui leur
a donné lieu de s'enflammer & d'allumer
les bruyeres auffi ce feu n'a-t- il paru
que lorsque le temps s'eft difpofé à la
pluye : car ce fut la nuit du Dimanche
quinzième du mois qu'il commença à faire
une legere pluye , laquelle fut fuivie
le Mardi d'une autre très abondante &
fort defirée ; & ce fut auffi entre le Dimanche
& le Lundi , que les bruyeres
furent allumées . Ce qui confirme qu'elles
l'ont été par ces exhalaifons de la
terre , c'eft qu'elles ont commencé à s'allumer
par les racines , & dans des lieux
differens , éloignez de plus de cent pas les
uns des autres .
Qu'il s'éleve du fond de ces montagnes
des exhalaifons & des vapeurs trèsfortes
& très - abondantes , j'en eus l'année
derniere pendant l'Eté une preuve
très-
•
OCTOBRE. 1726. 2253
très fenfible , en ce que m'étant trouvé
trois quarts de lieuë plus loin , vis - àvis
la même Forêt , lorfqu'il faifoit un
gros orage , je fus furpris , quand la
pluye fut ceffée , de voir qu'il s'élevoit
de deux ou trois endroits differens une
auffi groffe fumée , que s'il y avoit eu
des Fours-à - chaux , croyant qu'au moins
il pouvoit s'y trouver du feus il me fut
dit par un Habitant du lieu où j'étois
qu'il n'y en avoit pas ; mais que cela fe
paffoit ainfi toutes les fois que dans les
grandes chaleurs il arrivoit de ces fortes
d'orages , ce qui me fit juger , que la
caufe de ce Phenomene venoit de ce
que des exhalaifons moins fouffreufes , à
la verité , fortant de la terre en plus gran- `
de abondance par ces endroits particuliers
plutôt que par tout ailleurs , elles
enlevoient violemment avec elles les particules
de l'eau qui étoit tombée pendant
T'orage fur ces mêmes endroits.
Enfin , Monfieur , ces fortes de feux
caufez par les exhalaifons fouffreufes de
la terre , & qui allument ce qui fe trouve
à leur rencontre , ne font pas ni fi
nouvelles nifi rares qu'on peut s'imaginer.
Tacite , Livre 13. parle de ceux
qui firent autrefois bien du dégât entre
Liege & Namur. Vous pouvez voir dans
le Moreri de l'Edition de 1707. ce qui
D Y
2254 MERCURE DE FRANCE.
>
y eft dit du Village de Boncourt ,
Diocèfe d'Evreux en Normandie , qui
fut de nos jours prefqu'entierement brulé
par ces fortes de feux , à differentes
Deprifes pendant les années 1666 .
1667. 1678. & 1679. où il eft remar
qué que ces feux étoient toujours plus
vifs vers la fin du mois d'Août , & vers
le commencement de Septembre , par la
Laifon ( comme j'ai dit ) que l'air de
vient alors plus groffier & plus humide
, ce qui condenfe ces exhalaifons fouf
freuſes.
La même chofe eft arrivée il y a environ
quinze ou feize ans au Village de
Beaucamp près d'Aumale. Ces feux font
beaucoup plus frequens en Italies parce
qu'outre qu'il y fait plus chaud , la
terre y contient auffi plus de fouffre.
Vous pouvez voir dans les Ocuvres mêlées
de Louis de Riperda , imprimées à
Veniſe en 1725. le ravage qu'ils y ont
fait en 1706. & 1707. & comme les
Habitans trouverent le moyen d'en diminuer
les triftes effets , en ouvrant les
portes , les fenêtres , & jufqu'aux toits
de leurs maifons , pour donner plus d'iffue
à ces exhalaifons fouffreufes & enflammées.
Je pourrois entrer dans un
plus grand détail , & vous rapporter les
differens effets de ces fortes de feux ;
mais
OCTOBRE. 1726. 2255
mais ma Lettre n'eſt déja que trop longue
, je la finis donc en vous affusant que
je fuis , Monfieur , &c..
A Eu ce 1. Octobre 1726.
Ժ
LE
JUSTE
MOURANT.
Q
SONNET.
Ue fervent , chers Amis , vos plaintes , vos
foupirs ?
Non , ne retenez plus mon ame fugitive.
Peut -on dans cet exil gouter quelquè plaifir ?
Sous l'empire des fens , l'Ame eft toujours captive.
Heureux , qui pour le Ciel garde tous fes defirs ;
Qui fans ceffe animé d'une foi pure & vive ,
Au foin de fon falut confacre fes loisirs ,
Et pour quitter les biens n'attend pas qu'on l'en
Brive.
Donner aux ris un temps qu'on doit donner aux
pleurs ,
C'est pour un vrai Chrétien le plus grand des
malheurs ,
Veiller , prier , fouffrir , voilà tout fon partage.
Dij Que
1
2256 MERCURE DE FRANCE .
Que je vous plains , helas ! vous qui plaignez
mon fort ,
Je vous laiffe agitez au milieu de l'orage ,
Et je touche au moment qui me va mettre au
port.
DE
JOURNAL
CONSTANTINOPLE.
Du premier Octobre 1725.
E bruit court que quelques Trou-
Les Turques font en marche pour
s'emparer de Zangann & de Sultanić.
Cette derniere Place n'eft qu'à une
lieue des frontieres prefcrites à l'Empire
Ottoman par le Traité de Partage.
Les nouvelles qui portoient que ( a )
Daoud ou David Pacha avoit été chaflé
de Schamakié , font fauffes . Sorkof &
Ifmia Beigs , principaux Chefs des Lefghis
, l'avoient effectivement inveſti
dans cette Place , mais cette tentative
leur a été inutile . Ces deux Generaux
fe font même actuellement la guerre en-
( a ) Chef des Lefghis qui s'eft foumis aux
Turcs. La Porte en cette confideration lui
donné le titre de Pacha.
tre
OCTOBRE . 1726. 2257
tre eux , & le Chirvan fe trouva ainfi
divifé entre ces trois Seigneurs.
Le 23. du mois dernier le bruit du
canon du Serrail & des autres batteries
du Port , annonça aux Peuples la prife
de Gandja . Les Turcs par cette nouvelle
conquête font dès - à- prefent en poffeffion
de tous les Pays qui leur font échus
par le Traité de partage.
i
Il y eut ces jours paffez une Conference
à une maifon du Reis Effendi , fituée
fur le Canal de la Mer Noire , entre
les Miniftres de Ruffie & cet Officier.
La Porte parut toujours vouloir s'en tenir
à l'execution du Traité , & le départ
des Commiffaires nommez pour le
reglement des limites , n'a été remis
au Printemps prochain , que pour donner
le temps à Sarri Muftafa , quia pris
Gandja , de diffiper les rebelles qui
avoient bloqué Schamakié & infefté tout
le Chirvan , Province dans laquelle doivent
fe faire les principales operations
du partage.
La fortune continuë de favorifer les
Armées Ottomanes. Le Roi du Loriftan,
qui fembloit avoir eu deffein de faire tête
au Pacha de Babylone , s'eft enfui dès
qu'il a fçû que fes Troupes s'avançoient,
:& par cette retraite précipitée , il a
laiffé fes Etats à la difcretion de ce Ge-
D iij neral .
2258 MERCURE DE FRANCE.
neral . La Porte , qui prétend par cette
nouvelle conquête ne déroger en rien
au Traité , continue d'aflurer les Mi
niftres de Ruffie que fon intention est
de l'obferver exactement.
Le 25. de ce même mois le feu prit à
Pera à une maiſon voiſine du Serrail des
Itch - Oglans , & de- là fe communiquant,
il forma bien- tôt un incendie confiderable
. Le fecours des Pompes , & le bon
ordre que l'on obferve ici dans ces occafions
, où le Grand Vifir , ſouvent même
le Grand Seigneur , fe trouvent en
perfonne , empêcherent qu'il ne fit de
grands progrès. C'eft dans cette ruë que
font les Palais des Ambaffadeurs de France
& de Hollande , & ceux des Minif
tres d'Allemagne & de Ruffie. Une partie
du Palais d'Angleterre fut cependant
brûlée avec une vingtaine de maifons.
Le Grand Vifir fçachant que l'Ambaffadeur
de France étoit alors à fa maifon
de Belgrade , envoya à fon Palais un
Aga & une nouvelle garde de Jannif
-faires , aux ordres des perfonnes qu'il y
auroit laiffées. La Nation avoit déja
pourvu à la feureté du Palais , par la
précaution qu'elle avoit prife d'y faire
monter tous les Matelots des Bâtimens
François qui étoient au Port , avec tout
ce qui étoit neceflaire , foit pour couper,
OCTOBRE. 1726. 2259
per , foit pour éteindre le feu , s'il eut
gagné le voilinage .
Le 3. Novembre le Vicomte d'Andrezel
traverfale Port & alla voir quelques
- unes des principales Mofquées de
Conftantinople. La premiere , dans laquelle
il entra , fut Sainte Sophie , Batiment
très magnifique , mais autant au
deffous de Saint Pierre de Rome par fa
grandeur , qu'il l'eft par fon Architec
ture . M. l'Amballadeur alla enfuite à la
Moſquée de Sultan Ahmed , puis il alla
voir quelques animaux que l'on tient
près de là dans un ancien bâtiment vouté
qui fert de Ménagerie. Il entra auffi
en revenant dans la Mofquée de la Sultane
Validée , qui , comme l'on fçait
n'eft pas éloignée des rives du Port.
Le 21. le Capitan Pacha , ayant fçû
que M. l'Ambaffadeur de Francé vouloit
voir l'Arsenal , les Vaiffeaux & les Ga
leres du Grand Seigneur , il donna les
ordres neceffaires pour l'y recevoir . Son
Excellence monta dans l'Amiral , Bâtiment
neuf , au moins de 120. pieces de
canon. Près de ce Vaiffeau il y en a deux
autres à peu près de même force , qui
ont été conftruits en dernier lieu à Sinope.
Le refte confifte en une trentaine.
de Sultanes ou de Caravelles , c'est-àdire
, de Vaiffeaux ou de Fregates , entre
lef-
D iiij
2260 MERCURE DE FRANCE.
lefquels fe voit un Navire d'un gabari
fingulier. Il eft plus large & plus court
que l'Amiral , & de chaque côté du
grand mât il y a un fabord qui reçoit un
canon dont le boulet de marbre doit pefer
, fuivant le calcul que j'en ai fait ,
362. livres poids de marc. Nous vîmes
ces pieces fur le rivage. C'eft de l'une
des deux que partit le coup , qui penfa
couler bas la Colombe , Vaiffeau Venitien
de 72. ou 76. pieces de canon , dans
le combat de l'Archipel , décrit dans le
Mercure d'Août 1717.
Le 20. Decembre il y eut des réjouiffances
à Conftantinople , au fujet de la
reduction de Roumia en Medie , Fortereffe
qui s'eft foumiſe volontairement à
Abdoullah Pacha , Seraskier ou General
d'une des Armées de la Porte.
Le 29. un Courier ayant rapporté
qu'Ardebil s'étoit auffi foûmiſe volontai
rement à ce General, le canon des batte
ries du Port fe fit entendre de nouveau.
Du 31. Janvier 1726.
Le 12. de ce mois M. de Romenfoff,
Major General , & Envoyé Extraordi
naire de Ruffie , reçût le Corden de
Saint Alexandre , Ordre Militaire inf
titué par Sa Majefté Czarienne conforOCTOBR
E. 1726. 226-1
Eformément
au projet du feu Czar.
Le 30. l'Aurgan , dépêché par
chref Kan en cette Cour , arriva à Scutari.
Il s'appelle Abdoul Azis Kan , &
fe dit Commandant à Zulfa , Ville qui
n'eft feparée d'Ifpaham que par une riviere.
Il eft parti de cette Capitale vers
la fin de Septembre ; il s'eft arrêté vingt
jours à Horomabat avec le Pacha de Babylone
, & douze à Amadan. Sa fuite eft
compofée de quinze Aurgans , d'autant
d'Armeniens , & d'une vingtaine d'Efclaves.
On apprit à fon arrivée que Schah
Uffein étoit encore en vie , mais que
tous les enfans avoient été égorgez , à
l'exception de Schah Thamas , qui eft toujours
dans le Mazandran. Que cette Province
, celle d'Eftarabat , celle dite Ef
chref , la Ville de Cafbin , & quelques
Peuples voifins , qui n'ont d'autres habitations
que leurs tentes , & que l'on dit
fe difpofer à fe joindre aux Troupes que
ce Prince pourra affembler au Printemps,
lui font demeurez fideles .
Quelques jours après , le Député d'Efchref
étant malade , il demanda qu'il lui
fut permis de paffer à Conftantinople ,
pour être plus à portée du fecours des
- Medecins. La Porte le lui accorda , mais
comme ilavoit été décidé au Divan , que
D V себ
2262 MERCURE DE FRANCE.
-me u
cet . Officier ne feroit regardé que comfimple
porteur de parole , dépêché
par un Prince de même Religion que
les Turcs , il fit ce trajet dans un bateau
ordinaire , & non dans une Galere , honneur
qui n'eft accordé qu'aux perfonnes
revêtues du caractere de Miniftres de
Princes Etrangers .
Le 22. le coeur du Comte des Alleurs,
ci - devant Ambaffadeur du Roi en cette
Cour , ayant été porté de Paris en la Chapelle
du Palais à Pera , les RR. PP . Capucins
, qui la deffervent , lui firent un
Service folemnel , dont l'Ambaffadeur
de France fit les honneurs à celui de Venife
& au Réfident d'Allemagne . La
femme de ce dernier , & la plupart des
Etrangers , Anglois , Hollandois & Ruffes
, y affifterent. Le P. Cuftode des Capucins
y prononça l'Oraifon funebre.
Son Excellence avoit fait préparer un
grand repas dans le Refectoire des Capucins
, où refterent tous ceux qui avoient
été invitez à la Ceremonie .
Fevrier 1726 .
Au commencement de ce mois , ou
vers la fin du précedent , l'on executa à
Conftantinople un Grec dont voici l'Hif
toire.
11
OCTOBRE. 1726. 2263
Il y a environ trois ans , qu'étant à
boire avec quelques Leventis , ou Soldats
de Marine , ceux - ci lui propoferent
dans le vin d'embrafler la Religion de
Mahomet ; & ayant achevé de l'enyyrer
, ils le firent circoncire en cet état.
Les vapeurs du vin diffipées , le Grec ,
qui n'avoit jamais eu deflein de changer
de Religion , perfevera dans la fienne: enfin
quelques Turcs s'étant apperçus qu'il
fréquentoit les Eglifes Grecques , & qu'il
n'alloit point aux Prieres des Mofquées,
il fut dénoncé , & le Cadi le fit compa
roître devant lui. Le Chrétien proteſta
avec fermeté contre la violence qu'on
lui avoit faite , & les menaces du Juge ,
réïterées pendant quelques jours , n'ayant
pû l'ébranler , il fut enfin condamné à
mort & décapité , ce qu'il foutint avec
beaucoup de fermeté.
Le 9. Abdoul Azis Kan , envoyé par
Efchref en cette Cour , eut Audience du
Grand Vizir : Voici quel fut l'ordre de
fon Cortege.
Le Tchorbagi , ou Capitaine des Janniffaires
de garde chez lui , ayant fur
fa gauche un autre Officier , ouvroit la
marche , tous deux en habits de ceremonie.
Ils étoient fuivis par 32. Chaoux fur
deux files , portant leurs bonnets & la
D. vj plume.
Trois
2264 MERCURE DE FRANCE.
Trois Officiers de la Porte , fçavoir
le Chaouxlar Emini , l'Achahs Bachi , &
le Tchorbagi des Janniffaires , qui fermoient
la marche , paroiffoient enfuite de
front .
-Deux Officiers d'Abdoul Azis Kan ,
marchoient enfuite l'uni
bien montez
après l'autre.
Puis Abdoul Azis Kan , entouré de
quatre Domestiques , en habirs brodez
d'or , qui marchoient à pied , à côté de fon
cheval , dix-huit de fes gens à cheval ,
& le Détachement de Janniffaires .
Il entra en cet ordrepar la grande porte
du Palais du Vizir , & ne defcendit de
cheval que dans la feconde cour. L'Audience
dura depuis neuf heures jufques à
dix & demie , & pendant ce temps on ne
laiffa entrer aucun Etranger. Le Grand
Vizir avoit fait parade d'une peliffe , ou
vefle fourrée de grand prix , tant parce
qu'elle eft de gorges de Renards noirs ,
que par les pierreries dont elle étoit enrichie
, ainfi que fon turban . Tous fes Pages
étoient en veftes de brocard d'or , &
portoient, des poignards garnis de rubis ,
émeraudes , faphirs , & c . 1
Abdoul Azis Kan ne fortit point par
où il étoit entré , mais par une porte de
derriere , pour être vû par la Sultane ,
placée fur un balcon , fous lequel on le
fit
OCTOBRE. 1726. 1265
fit paffer. Lui & les vingt perfonnes de fa
fuite reçurent le Caftan , ainfi que lesi
trois Officiers de la Porte . On dit que
le Grand Vizir lui a de plus fait prefent
du cheval qu'il montoit.
Ces honneurs ne peuvent être attri
buez qu'au fafte que le Grand Vizir a
voulu faire paroître ; car la Porte ne reconnoît
point Efcheref , & elle ne donne
aucun caractere à fon Deputé. Abdoul
Azis Kan a cependant le Tain , ou ſubfiftance
journaliere ; mais ce taïn n'eft
ni reglé , ni payé en argent ; mais feule
ment fourni en vivres , à proportion du
nombre des perfonnes qui compofent fa
fuite. Quant à la Garde qu'il a chez lui ,
elle l'empêche de communiquer avec qui
que ce foit ainfi elle lui a été donnée
plutôt pour veiller à la fureté de fa
perfonne
& à fes actions , que pour faire
honneur à celui par qui il eft envoyé.
La Porte témoigne être très choquée
des propofitions d'Efcheref , & plus en
core du Titre faftueux de Roi des Rois
qu'il prend dans fa Lettre au Grand Seigneur.
Il fe tint de grands Divans le 10.
& le 11. & le 12 le Mufti rendit un
Fetta , ou Decret par lequel il declare
que , fuivant la Loi , il ne peut y avoir
en même tems deux Chefs des Vrais
Croyans , ou: Mufulmans , à moins que
leurs
2266 MERCURE DE FRANCE .
leurs Etats ne foient féparez par quelque
grande barriere , comme le feroit la
Mer des Indes.
Voilà quel eft preſentement l'état des
affaires. La Guerre peut être regardée
comme declarée contre Efcheref , à moins
que dans le tems accordé à fon Homme
pour en avoir des nouvelles , on ne reçoive
fan acquiefcement aux conditions
que la Porte lui a envoyé propofer. On
fait cependant de grands préparatifs en
tout genre pour envoyer en Perfe.
Mars 1726.
Le 4 de ce mois quelques Troupes
pafferent de Conftantinopleà Scutari , pour
aller joindre l'Armée Ottomanne , qui en
confequence du Fetta ou Decret rendu
par le Mufty le 12 du mois paffé , doit
marcher contre les Troupes d'Efcheref.
Le 5 à l'entrée de la nuit tous les Minarets
de cette Ville furent illuminez.
Cette ceremonie s'obferve dès que l'on ap
perçoit la nouvelle Lune trois mois avant
le commencement de celle du Bayram .
Le 13. à deux heures & un quart après
midi , il y eut ici une fecouffe de tremblement
de terre , qui ne fit d'autre effet que
d'endominager la maçonnerie d'une des
portes de la Ville , non fans grande peur
de
OCTOBRE. 1726. 2267
de la part de ceux qui occupoient l'ancien
bâtiment du Palais de France , où font les
cuifines & offices de l'Amballadeur , &
qui depuis long- tems menace ruine , malgré
les étais. On a été obligé d'en démolir
une partie , & on doit conftruire
un Palais tout neuf , fuivant les plans &
devis envoyez il y a trois ans.
Le 31. Abdoul Azis Kart , envoyé par
Efcheref en cette Cour , eut une derniere
audience du G. V. Ce premier Miniſtre
lui fit prefent de dix bourfes , & en donna
de plus une à fon neveu : & une autre
à l'Iman qu'il avoit à fa fuite. Il le chargea
auffi d'une Montre d'or garnie de Diamans
pour l'Ihtimadoulet , ou premier
Miniftre d'Efcheref , en reconnoiffance
d'un fil de perle que ce dernier lui avoit
envoyé.
Le 4. Avril , Abdoul Azis Kan paffa
à Scutari pour le rendre de là auprès du
Sultan fon Maître.
la
Le 18. on fit au Palais de France la
ceremonie de la Cene & Lavement des
pieds du Jeudi Saint , qu'on avoit pour
premiere fois inftitué l'année paflée , &
dont M. le Vicomte d'Andrezel continuera
à l'avenir la louable pratique , comme
fort approuvée , & d'un très - bel
exemple.
Le 28. Mai M. de Romanfoff Envoyé
de
7
1168 MERCURE DE FRANCE.
de Ruffie , s'embarqua pour Trebifonde
fur les Galeres que le G. S. avoit deftinées
pour aller dans la Mer Noire : mais
ayant été furpris deux jours après par
une tempête , il fut obligé de relâcher à
Boujoucderé , Village fitué fur le Canal
près l'embouchure de la Mer Noire ; &
le 29. une des Galeres , qui avoit perdu .
fon Eperon , ayant été remise en état , ce
General pourfuivit fa route. Il devoit partir
cinq Galeres , mais la faifon s'avançant ,
il n'y en eut que trois de prêtes , les deux
autres refterent.
Juin 1726.
Le 2. à l'entrée de la nuit , le canon
des batteries du Port annonça au peuple
la fin de la Lune du Ramazan , ou jeûne,
Le lendemain le G. S. reçut des princi
paux Officiers de l'Empire , dans la grande
cour du Serrail , les complimens ordinaires
au fujet de la Fête du Bayram. į
Le 6. le feu prit à quelques maifons
près la Mofquée du Sultan Bajazet. Quoique
ce foit le feul incendie dont je faffe
mention ici , il faut remarquer qu'il ne ſe
paffe prefque point de mois dans le cours
duquel cet accident n'arrive , & confequemment
qu'il y auroit plus de maiſons
de brûlées chaque année que cette Ville
n'en
OCTOBRE. 1726. 2269
n'en peut contenir , fi le dommage étoit
auffi grand que le. portent
ordinairement
les nouvelles. Le même foir il y eut une
illumination à ( a Sadhiabat.
Le 20. la pluye qui duroit depuis
deux jours , augmenta à un tel point , que
quelques maifons d'un Fauxbourg fitué
fur une coline , en furent emportées .
Le 24. jour de faint Jean , il y eut au
Palais de France un grand repas , tant au
fujet de la Fête de M. l'Ambaffadeur ,
qu'au fujet du rétabliſſement de ſa ſanté .
Son Excellence fit elle-même les honneurs
de la premiere table , qui étoit de
cinquante couverts.
Vers la fin de ce mois la pefte ayant attaqué
differentes maifons à Pera & à Galata
; les Francs , ou Européens commencerent
à prendre les précautions accoutuméés
, c'est-à - dire , que les Miniftres fermerent
leurs Palais , & que la plupart
des Particuliers fe retirerent à la campagne.
Suite du Journal de Conftantinople fur les
Lettres du 20. Juillet 1726.
La Pefte eft très - violente en cette Vil-
( a ) Sadhiabat , Maifon de plaifance da
Grand Seigneur , décrite dans un de nos précedens
Mercures.
le.
2270 MERCURE DE FRANCE.
·
le. On compte que le 19. il eft forti par
la porte d'Andrinople 750. perfonnes ,
que cette cruelle maladie avoit emportées
.
Un, Armenien attaqué de ce fleau , finit
la vie dernierement avec une conftance
digne d'un Romain . Cette malheureufe
Victime de la Contagion ayant appris
qu'il n'en pouvoit pas revenir , pour
ne pas communiquer fon mal à ceux qui
le porteroient en terre , il fe traîna jufqu'au
Cimetierre , accompagné d'un homme
qu'une tendre amitié avoit attaché auprès
de lui. Là il fe mit dans une folle que
le hazard lui fit trouver , & pria fon fidel-
Compagnon , quand il auroit fini fa trifte
vie , que pour grace derniere , il daignât
le couvrir d'un peu de terre.
le
ya
Le Stamboul ( a ) Effendy faiſant il
un mois fa ronde , rencontra un Paylan
affis qui mangeoit un morceau de pain ,
& tenoit par la bride fon cheval qui avoit
une rude charge . L'Officier de Police lui
demanda s'il feroit bien aife d'être en la
place de cet animal , & qu'on n'eût pas
plus pitié de lui , qu'il en avoit de cette
pauvre bête. Le Villageois d'un air fimple
repartit au Seigneur , qu'il y avoit
bien de la difference entre un homme &
- (4) Cette Charge eft à peu près la même que
celle de Lieutenant General de Police.
une
OCTOBRE. 1726. 2271
une roffe , pour laquelle fa pitié paroif
foit émue. Hé bien , répondit gravement
l'Officier charitable , pour t'apprendre à
avoir compaffion des animaux , & à ne
les pas laiffer dans la peine , je vais faire
metire fur ton dos toute la charge de l'animal
que tu traites avec tant de rigueur ,
& tu attendras à ton tour qu'il ait mangé.
Auffi-tôt dit , auffi tôt fait ; les ordres
font promptement executez ; la bête
mange un picotin d'orge , & le reftique
devenu cheval , attend que fa monture ait
fini de manger. Cette avanture a caufé un
ordre de la part de ce Lieutenant de Police
, par lequel il défend aux Payfans de
s'arrêter dans les rues , leurs chevaux étant
chargez , & afin que ces Payfans ne montent
deffus , que quand ces animaux n'auroient
plus leurs charges , on a mis , felon
cette même Ordonnance , trois cloux les
pointes en haut fur les bâts des bêtes de
fomme.
Il a paru auffi un Commandement du
G. S. pour reformer les habillemens des
femmes , qui commençant à s'ennuyer
de l'ancienne aufterité des Dames Turques
, cherchoient par des modes nouvelles
à marcher le vifage un peu plus à
découvert , & dont le fafte & le luxe
étoient pouffez trop loin. L'ufage des peliffes
de Samour & d'Hermine leur a été
défendu
2272 MERCURE DE FRANCE .
défendu ; on a racourci près des oreilles
leurs ( a ) Talpoches , qu'elles avoient
extrémement allongez , & qui leur pendoient
jufqu'au coude. La largeur & la
grandeur qu'elles affectoient dans leurs
Pantalons , ou efpeces de Culotes , ont
été entierement profcrites. Cette reforme
n'a pas manqué d'être très agréable
aux hommes , qui pour fe delivrer de
l'importunité de leurs femmes , & contenter
leur luxe , reduifoient fouvent
leurs familles à la mendicité . On a pareillement
défendu très -expreffément à
tous les Rayas , Chrétiens , Sujets du G.
S. de porter les Couleurs affectées &
particulieres aux Mahometans , comme
le Vert & les Babouches jaunes. Les peines
font très- rigoureufes pour ceux qui
contreviennent à cette défenfe . On donnera
la baftonnade aux hommes , & l'on
fe contentera de déchirer les ajuſtemens
des femmes.
J'ai crû devoir joindre ici le recit de
la ceremonie d'un mariage à la Grecque
qui ne laiffera pas d'avoir fon agrément.
M. le Vicomte d'Andrezel étoit allé
paffer quelques jours à la campagne
avec toute fa Maifon , pas bien loin de la
Ville : nous y menions une vie agréable ,
lorfque notre tranquillité fut interrom
( a) Coëffures.
pue
OCTOBRE . 1726. 2273
pue par un mariage ruftique . On alla
chercher la Mariée au fon de differens
inftrumens, qui faifoient un étrange cha
rivari. Elle arriva au lieu nommé Belgrade
dans une charette couverte , accom
pagnée de plufieurs femmes exceffivement
fardées . On choifit un autre jour
pour la ceremonie de donner la bague &
habits , ce qui fe fait avec beaucoup
d'appareil. Cette fonction , qui tient lieu
de fiançailles , étant faite , on affigna les
nôces à deux jours de là ; & cependant
les mufettes & les tambours ne cefferent
point de faire grand bruit. Enfin le jour
folemnel étant arrivé , la Mariée ayant
fa coëffure remplie de clinquans faits en
forme de cheveux , s'achemina à l'Eglife
à petits pas ; je dis à petits pas , parce
qu'elle mit une heure & demie à y aller
de fa maifon , qui en étoit affez proche.
Le Compere & la Commere ( car on s'en
fert ici pour les mariages ) la foutenoient
par-deffous les bras , elle étoit précedée
d'une danfe à la Grecque au fon des inftrumens.
Beaucoup de femmes fermoient
la marche. Le Papas , ou Curé , vint la
recevoir à l'entree de l'Eglife avec deux
flambeaux. Son futur Mari , qui s'y étoit
rendu une heure avant , vint au devant
d'elle, & l'un & l'autre, précedez des deux
torches , entrerent dans l'Eglife.
Après
£ 274 MERCURE DE FRANCE .
Après beaucoup de prieres , on leur
donna à chacun un anneau , dont les Mariez
firent l'échange , felon la coutume.
On leur mit enfuite deux couronnes de
fleurs fur la tête , que le Compere & la
Commere changerent trois fois de la même
maniere que les deux Epoux avoient
changé leurs bagues enfuite le Papas
prefenta à boire aux Mariez , au Compere
& à la Commere'; il but enfuite , &
caffa lataffe . J'ai demandé ce que fignifioit
cette ceremonie ; on m'a aliuré que
c'étoit pour qu'on ne jettât point de fort
dans le Gobelet. Cela étant fait , les Mariez
furent reconduits chez eux avec le même
cortege qu'ils étoient. venus . La confommation
du mariage ne ſe fit , felon la coutume
, que trois jours après . En voilà
affez pour ce qui regarde le mariage.
•
Voici une Fable Turque qui m'eft tombée
entre les mains , & qui pourra vous
amufer.
Un vieux homme avoit lié une efpece
de commerce avec un ferpent : il portoit
tous les matins à l'entrée de fa grotte une
écuelle remplie de lait , & le foir quand
il la venoit reprendre , il y trouvoit tou
jours une piece d'or , que le ferpent reconnoiffant
y laiffoit. Le Vieillard ayant
refolu d'aller à la Mecque , ne manqua
pas de dire à fon fils fa bonne fortune , &
en
OCTOBRE. 1726. 227.5
en partant il lui recommanda d'avoir foin
du ferpent. Mais ce fils ayant fait un mauvais
ufage de la rente qu'il tiroit par ce
moyen,fut très allarmé à la nouvelle du retour
de fon pere; il forma le deflein de tuer
le ferpent pour pouvoir lui dire que malgré
toute fon exactitude à lui porter du
lait , cet animal avoit ceffé de paroît re.
Pour cet effet il alla à la caverne avec
le lait , & quand le ferpent vint pour le
boire , il lui déchargea un coup de fabre ,
mais avec fi peu d'adreffe , qu'il ne lui
coupa que la queue : alors cette bête irritée
s'élança fur lui , & le tua.
Le Vieillard de retour ayant appris le
malheur de fon fils , fongea à regagner
l'amitié du ferpent. Il alla de nouveau lui
porter du lait à fon ordinaire ; mais l'animal
mettant latête hors de la caverne , lui
dit ces paroles : C'eft en vain que tu veux
renouer amitié avec moi . Je n'ai plus de
queue, tu n'as plus de fils , il ne peut defor
mais y avoir entre nous ni confiance ni
amitié. Les Turcs font grand cas de cet
apologue , ils en tirent des moralitez à
leur maniere.
13
TRADUCTION
2276 MERCURE
DE FRANCE:
TRADUCTION
de la deuxième
Poëfie de Catulle.
Paffer , delitia mea Puella , &c.
H
Eureux Moineau , dont ma Mais
treffe
Fait fon plus cher amuſement ,
Que ton fort me paroît charmant
De jouer avec elle & badiner fans ceffe !
Souvent elle t'irrite avec le bout du doigt
Et fi ton bec la mord , le mal n'eft pas extrême ,
Peut être reffent - elle à ce doux jeu qu'elle aime ,
Plus de plaifir que l'on ne croit.
Ah ! que ne puis . je auffi badiner tout de même ?
Pour foulager mon amoureux defir.`
Ce badinage qui m'enchante ,
Me feroit autant de plaifir ,
Que fit la Pome d'or à la belle Atalante ,
Qui vaincue à la courſe éprouva conſtamment ,
Du côté de Venus le tendre denouement .
Par M. de Mautour
Le
OCTOBRE. 1726. 2277
Le Lecteur fe fouviendra , s'il lui plaît ,
de ce qui a été obfervé au Mercure de
Fevrier dernier , pag. 307. que ces Traductions
de Catulle font l'ouvrage de la
jeuneffe de l'Auteur.
akakakakakai
EXTRAIT d'une Lettre du Chevalier
d'Albert , Enfeigne des Vaiffeaux du
Roi , commandant le Navire la Sirene,
appartenant à la Compagnie des In
des de France , fur unfaitfingulier ap-.
perçu dans un voyage des Indes.
L
E Mardi 6. du mois de Fevrier 1725.
nous trouvant par la latitude de 35 .
degrez Sud , ou environ , & par la longitude
des Ifles de Triftandacougña, ce que
nous avons verifié à la vûe du - Cap de
Bonne-Efperance , dont nous eftimions
alors être plus proches . A une heure &
demie après midi , nous avons vû aux côtez
du Vaiffeau quantité de pierres blan
ches de diverfes groffeurs , qui furnageoient
fur l'eau , & marquoient le fillage
du navire. Nos Matelots en ramaſſerent
quelques-unes , que nous trouvânes
être de vrayes Pierres Ponces , ou calcinées
, plus blanches que celles qu'on voit .
en France. Continuant notre route , nous
crû E
2278 MERCURE DE FRANCE.
crûmes voir peu de tems après des Brifants
à une lieue de l'avant de nous , la
Mer y blanchiffant en forme d'écume.
Après avoir mis en panne , & fait fonder
fans trouver de fond , la Mer belle , petit
vent de N. Q. nous avons continué notre
route , enapprochant de ces prétendus
Brifants , qui ne nous ont plus paru fixez
au même endroit , mais beaucoup plus.
prolongez étant plus près nous avons
reconnu des efpeces de lits de marée , ou
bouillonnement , & fur tout un fort grand
courant N. & S. J'allai dans le Canot
:
pour le reconnoître y étant , nous y
avons ramaffé , avec du goemont frais ,
grand nombre de ces pierres , dont il y en
avoit de fort groffes , mais toutes legeres :
la furface de l'eau en étoit abfolument
couverte , fur tout d'un nombre infini de
petits morceaux. Nous y avons fondé encore
une fois , fans trouver de fond ; &
continuant de nouveau notre chemin à
l'Eft Sud- Eft , le Navire a paffé encore
pendant le jour fur l'une de ces efpeces
de Banc , ou lit de marée . Il faifoit , en
féparant les pierres,un bruit pareil à celui .
d'un Canot , pallant fur de gros graviers
Nous avons continué de voir de ces pierres
aux côtez dụ Vaiffeau , en plus ou moins
grande quantité , pendant le cours d'environ
18. lieues de chemin , depuis une
heure
OCTOBRE. 1726. 2279
heure & demie du premier jour , jufqu'à
dix ou onze heures du matin du len .
demain. Nous ne pouvions qu'être proche
des Ifles de Triftandacougna , quoique
nous ne les ayons pas vûes . Nous ne
fçaurions prefque pas douter qu'il n'y ait
dans ces mêmes lles , qui ne font prefque
pas connues , quelque Volcan , qui
aura vomi ce débris affreux de pierres brûlées
que nous avons vûes .
Le petit Vaiffeau de la Compagnie ,
nommé le Vautour , qui a paffé par le
même paffage dans le mois de Mai 1726 .
a reconnu les mêmes pierres pendant
l'efpace de trente lieues , auffi -bien qu'un
navire Oftandois arrivé fur la côte de
Coromandel dans le mois de Juillet fuivant
les débris de ces pierres étoient
plus difperfez. L'un & l'autre Vaiffeau
n'ont pas , je croi , rencontré comme
nous , les lits de marée , qui couvroient
toute la furface de la Mer. Voilà un
Phenomene propre à exercer la "fagacité
des Phyficiens le Public verra
avec plaifir leurs conjectures.
E ij Les
2280 MERCURE DE FRANCE .
Les trois Enigmes du mois dernier ont
dû s'expliquer par le Caffe , la Plume &
la Porte de pierre & La Porte de bois .
J
PREMIERE ENIGME.
など
E fuis Hermafroidite ancien , à la mode.
SOUT
Mon corps n'eft compofé qu'avec art & me
thode ;
P
J'ai le vifage double , & l'aſpect fombre & dur ;
L'abord très-difficile & le jargon obfcur ..
Toujours je me déguife , & je fuis fort chan
geante ;
Malgré tant de défauts l'on me trouve enga
geante
Pour tromper mes Amants , je fais tous mes
efforts ,
Et pour embaraffer les efprits les plus forts ,
Des fentiers raboteux j'implore l'aſſiſtance s
Tout raboteux qu'ils font j'y chemine en ca
dence.
A peindre les objets je fuis ingenieux :
Chez moi jufqu'à mon nom tout eft myfterieux.
DEU
OCTOBRE 1726. 2281
DEUXIE ME ENIGME.
Nous fommes d'un grand ufaga
Dedans, tin petit Ménage :
On nous vend fans nous compter ,
A qui nous veut acheter ;
Tous les jours deffus la brune ,
De nous il perit quelqu'une ,
Qui laiffe en finiffant fon fort
Quelque odeur après la mort.
TROISIEME ENIGME.
JEE n'ai qu'un pied , encore eft- il poinru.
- De mon corps la forme eſt quarrée pug bla
De quelques traits ma figure eft parée.
Je ne puis me tenir deffus un lieu tortus
Quand on me fait aller , on me prend par la
tête :
De ma chute on me fçait ou bon , ou mauvais
gré ,
Et quand je fuis en train , tout le monde s'ap
prête",
A voir comment je tomberai.
E iij NOU
2282 MERCURE DE FRANCE.
MLLAHHFEIXEKHEI
NOUVELLES LITTERAIRES
R
DES BEAUX ARTS , &c.
E'PONSE à M. l'Abbé d'Olivet , de
l'Académie Françoife , fur fon Apologie
, dans laquelle on a attaqué deux
Extraits des Memoires de Trévoux . Cette
Réponſe ne regarde que le premier
Extrait attaqué dans l'Apologie. AParis ,
Quay de Conty , à la defcente du Pontneuf
, chez Piffot , 1716. Brochure de
70. pages.
Il feroit à fouhaiter , dit M. Andri ,
dans l'Approbation de cet Ouvrage , que
tous les Auteurs qui fe défendent , le
fiffent avec la fagelle & la modération.
qui fe remarque dans cet Ecrit .
L'AMOUR PRECEPTEUR , Comédie en
trois Actes , par M. G *** , repréfentée
pour la premiere fois le 25. Juillet
1726. par les Comédiens Italiens ordinaires
du Roi. A Paris , Quay des Auguftins
, chez Flahault , in 12. de 114 .
pages .
Cette Piece eft dédiée au Chevalier
de la Valiere ; comme nous en avons
donné
OCTOBRE 1726. 2283
donné un Extrait affez étendu dans le
dernier Mercure , nous n'en dirons rien
davantage .
REPONSE aux Objections faites fur divers
endroits d'une Brochure , qui a
pour titre : Explications nouvelles des
mouvemens les plus confiderables de l'Univers
, accompagnée de Démonftrations ,
par le Jeu de differentes Machines qui les
imitent. Par M. Matulon , Docteur en
Medecine, A Paris , Quay des Auguf
ins , chez G. Debure , 1726. Brochure
in 4. de 55. pages.
LA THEOLOGIE DES PERES , Scholaftique
, Dogmatique , & Pofitive , &c.
Cette Théologie contient cinq Volumes
in folio & vingt in octavo , compofée
par le R. P. Antoine Boucat , Religieux
Minime , de la Province de France
, ancien Lecteur en Théologie. Elle
-fe vend à Paris , chez Guillaume Cavelier
, rue S. Jacques , & à Rouen , chez
Claude Jorre , rue des Juifs .
Nous avons parlé l'année paffée du
Traité que l'Auteur a donné des Sacremens
, tant en general qu'en particulier,
où l'on voit quantité de queftions fur la
perpétuité de la Foi , des fept Sacremens ,
fur les Liturgies , fur les Rites , & far.
E iiij
les
2284 MER CURE DE FRANCE.
les Ordinations d'Angleterre , tirées des
Manufcrits authentiques , des Rituels &
des Monumens les plus précieux de Pantiquités
ce qui ne s'eft point trouvé jufqu'ici
réuni dans aucun corps de Théologie.
‹
L'Auteur préfente maintenant au Public
deux Volumes in folio. Le premier
contient les Traitez de la Très - Sainte
Trinité , de Dieu Créateur & Prémoteur
, des Anges , de l'Ouvrage des fix
jours , des états de l'homme , des actes
humains bons & mauvais , & un Traité
de la Grace , felon l'opinion de S. Auguftin
& de S. Thomas. Le fecond ren
ferme les Traitez de l'Eglife & des cinq
Regles de Foi. L'on commence par les
trois Vertus Theologales, après fuivent les
Prolegomenes fur l'Ecriture Sainte , &
des Differtations fur chaque Livre de la
même Ecriture. On Traite après de la
Tradition , de l'Eglife , du Souverain
Pontife & des Peres , & enfin on y donne
le Traité de l'Incarnation du Fils de
Dieu.
Le Systême de la Prémotion phyfique
eft expliqué clairement , & fort au long
dans une Differtation particuliere , qui
contient plufieurs Articles . On parle
des Anges , de l'Ouvrage des fix jours ;
des états differens où l'homme s'eft
trouvé,
OCTOBRE. 1726. 2285
trouvé , &c. Il y a des chofes fingulieres
dans le Traité de l'Ecriture Sainte.
L'Auteur s'eft fort étendu fur l'authenticité
des Livres de l'un & l'autre Teftament.
Ce qui regarde l'Eglife , le Souverain
Pontife , les Conciles & les Peres ,
eft auffi traité à fond. Enfin l'Auteur
n'a omis aucune queſtion qui intereffe la
foi & l'Eglife. En un mot , cette Theologie
eft une espece de Bibliotheque , où
les Lecteurs trouveront tout ce qui peut
les inftruire folidement & agreablement .
>
ཧཱུྃ
LETTRE à Meffieurs Jean - François
Alphanty Blaife David. , Jacques de
Pontleroy , fieur de Beaulieu , & Alexis
Etienne Echevins & Lieutenans
Generaux de Police . Sur une Infcription
en l'honneur de Marfeille , placée
à la façade de l'Hôtel de Ville , le 12.
du mois d'Août de l'an 1726. Brochure
in 4. A Marseille , de l'Imprimerie de
Jean- Baptiste Boy , Imprimeur du Roy,
de la Ville & du College , près la Loge.
Cette Lettre fert de Prélude à l'Inf
cription qui en fait le fujet , & que
nous rapporterons ici dans fon entier.
Maffilia Phocentium filia , Romæ foror
, Carthaginis terror , Athenarum
æmula. Altrix difciplinarum , Gallo-
· Ev rum
2286 MERCURE DE FRANCE.
, rum agros mores , animos , novo
cultu ornavit. Illuftrat quam fola fides
. Muros quos vix Cæfari cefferat,
contra Carolum V. meliori omine tuetur.
Onnium ferè gentium commerciis
patens. Europam quam modo terruerat
, modo docuerat , alere & ditare
gaudet. AN . M. DCC . XXVI .
REG . LUD . XV.
Le refte de cette Brochure contient
une Interpretation affez étendue des termes
qui ont été employez dans cette
Infcription , Interprétation qui fait égaleinent
honneur à la Ville de Marfeil
le , & à l'Auteur de l'Infcription , car
on n'a rien oublié de tout ce que les
Ecrivains les plus eftimez ont dit en
l'honneur de cette ancienne Ville .
DISCOURS pour l'ouverture de l'Ecole
de Chirurgie , avec une Thefe paraphrafée
, fous ce titre : Effai d'un Traité
des Hernies , nommées Defcentes. Par
M. Reneaume de la Garanne , Docteur ,
Regent de la Faculté de Medecine en
l'Univerfité de Paris , & c . A Paris ,
Quay des Auguftins , chez la Veuve
Couftelier , 1726. in 12. de 217. pages ,
& c.
LE
OCTOBRE. 1726.2287
?
3
LE SPECTATEUR , ou le Socrate moderne
, où l'on voit un Portrait naïf des
moeurs de ce fiecle. traduit de l'Anglois
, tome 6. A Paris , ruë de la Harpe
, chez F. G. Lhermite , Libraire Ju
ré, ancien Profeffeur en l'Univerfité , 1726 .
in 12. de 471. pages . Les 5. Volumes
précedens fe trouvent chez le même
Libraire.
हूँ
,
HISTOIRE MILITAIRE du Regne de
Louis le Grand , Roi de France · οὐ
l'on trouve un détail de toutes les Batailles
, Sieges , Combats particuliers , &
generalement de toutes les actions de
guerre qui fe font paffées pendant le
cours de fon Regne , tant fur terre que
fur mer , enrichis de Plans neceffaires.
On y a joint un Traité particulier de Pratiques
& de Maximes de l'Art Militaire.
Par M. le Marquis de Quinci , Brigadier
des Armées du Roi , Lieutenant
General d' Artillerie , &c. A Paris , chez
D. Mariette J. B. Delefpine , & J. B.
Coignard , 1726. 7. vol . in 4.
&
TRAITE' de l'Algebre . Par M. de Croufas
, de l'Académie Royale des Sciences.
A Paris , Quay des Auguftins , chez
Montalant , 17 26. in 8. de 489. pages
an s la Préface , l'Epitre & les Tables.
E vj
Агно
2288 MERCURE DE FRANCE
1
APHORISMES D'HIPPOCRATE , expliquez
fuivant la Pratique medicinale , & felon
la Mecanique du corps humain . Par Me ,
de Vaux . A Paris , chez d'Houri , ruë
S. Severin , 172 6.7
LE PASTOR FIDO , Paftorale Heroique
, en trois Actes , précedez d'un Prologue.
Par M. le Chevalier, Pellegrin .
Le prix eft de 25. fols . A Paris , Quay
de Conti , chez N. Piffot , 1726. in 8.
-de 71. pages , fans la Préface qui en con
tient 15.
Ayant donné dans le dernier Mercu
re un Extrait affez étendu de cette Piece
, nous ne dirons ici qu'un mot de la
Préface.
Ce n'eft pas aux Préfaces de Comédie
, ou de Tragédie , qu'on doit appliquer
ce trait fatyrique de Defpreaux , qui
peint un Auteur fuppliant aux pieds du
Lecteur , & lui demandant grace pour
fon Ouvrage. Comme le fort des Pieces
de Theatre eft reglé avant l'impreffion ,
la Préface doit plutôt être une réponse
aux objections , qu'une humble priere
pour obtenir de l'indulgence. Celle qu'on
a mife à la tête du Paftor Fido , eft de ce
dernier genre ; elle va même un peu plus
loin. L'Auteur ne fe borne pas à prendre
foin de fa gloire, mais il devient, autant
MOCTOBRE 1726. 22 8 0
tant qu'il lui eft poffible , l'Apologifte
de celui qui lui a fourni le fujet. 11 eft
vrai que ce foin n'eft pas tout- à - fait defintereffe
. M. le Chevalier Pellegrin fe dé
fend lui- même en défendant le Guarini
& ce n'eft que de peur qu'on ne l'accufe
d'avoir fait un mauvais choix , qu'il tâche
de juftifier un fujet dont il n'eſt pas
l'inventeur . Tout le refte ne regarde
que luis l'Apologie roule prefque toute
entiere fur le fecond Acte ; il a craint
qu'on ne lui reprochât un manque de
vraisemblance dans la multiplicité d'incidens
qui le compofent . Il fait voir qu'ils
naiffent tous les uns des autres , & d'une
maniere affez naturelle , il ne dit pref
que rien du troifiéme Acte ; il fe contente
d'alleguer les raifons qui l'ont empêché
de fuivre fon original d'une maniere
trop fervile.
OEUVRES DIVERSES de M. Rouffeau .
nouvelle Edition , revûë & augmentée ,
3. Vol. in 12. A Amſterdam , chez Fran
Changuin , avec un Avertiffement fur
cette Edition .
L'Addition dans le 1. Vol . confifte
en une Odeau Roi de Pologne , & deux
Cantates , une contre l'Hyver , & une ,
pour l'Hyver. Pour le 2. Vol . 4. Epigrammes
, & dans le troifiéme un Sup
8
plément
2290 MERCURE DE FRANCE.
5.
plément de 166. pages , contenant les
Pieces que l'Auteur a rejettées de fon
Edition de Londres ; on y trouve la Mandragore
, Comédie en 5. Actes , 4. Cantates
, l'Epitaphe d'un petit Chien , 3 .
Chanfons , un Rondeau , un Sonnet , 36.
Epigrammes , & une petite Idille Latine
.
THEOLOGIE PHYSIQUE , ou Démonftration
de l'Exiftence de Dieu & de fes
Attributs , tirée des Oeuvres de la Création
, accompagnée d'un grand nombre
de Remarques & d'Obfervations curieufes.
Par G. Derham , traduite de l'Anglois.
A Roterdam , chez Beman , in 8 .
携
CONCILIUM ROMANUM , &c . Le Concile
Romain , tenu dans la Bafilique de
S. Jean de Latran , l'année du Jubilé
1725. par N. S. P. le Pape Benoiſt
XIII. A Bruxelles , chez F. Foppens ,.
1726. in 12. de 428. pages .
› BIBLIOTHEQUE hiftorique & critique
des Auteurs de la Congrégation de Saint
Maur, & c. Par D. Philippe le Cerf de
la Vieville , Religieux Benedictin , de la
même Congrégation . A la Haye , chez
P. Goffe , & le vend à Paris , chez Lottin
& Chaubert , 1726. in 12. de 492. pag.
Albert
OCTOBRE . 1726. 229T
Albert de la Haye , & Vytwerf d'Amfterdam
ont publié le quatriéme tome des
Memoires du Regne de Pierre le Grand ,
Empereur de Ruffie , Pere de la Patrie , &c.
qui en contient la derniere partie , volume
in 12. de 752. pages , fans l'Avertiſfement
, dans lequel les Libraires annoncent
que ce Livre fera fuivi de deux autres
, qui contiendront , l'un une Defcrip-
⚫tion de la Ruffie , de fes Provinces , de
fon Gouvernement & de fa Religion &
l'autre , une hiftoire Metallique du Regne
de ce Prince , où l'on raffemblera
toutes les Medailles qui ont été frappées
à ſon occafion , & dont. la plus grande
partie eft déja gravée par les plus habiles
Maîtres.
ECRANS , contenant en quatre Cartons
cinq Tables des Regles univerfelles
de la Prononciation Latine . Sixième
Table ; une Methode pour trouver le
Prefent des Verbes Latins par leur Preterit
& deux Tables des Regles univerfelles
de la Conjugaifon Françoife .
A Paris , chez Rondet , Libraire Imprimeur
juré de l'Univerfité , rue Saint Jacques
, près la Fontaine Saint Severin , au
Compas , 1726 .
Les Ecrans que le Sieur Bondet a donnez
au Public les années precedentes ,
Iem
#292 MERCURE DE FRANCE.
rempliffent juftement le Titre de fon Privilege
, puifqu'ils ne contiennent que des
Traits d'hiftoire peu ignorez , mais dont
on eſt toujours bien aife de fe rafraîchir
la Memoire .
Les quatre nouveaux Ecrans qu'il
vient de faire paroître , font bien au def
fus de ceux qui ont déja paru. Ils renferment
des Matieres traitées d'une façon
toute nouvelle . Les trois premiers Ecrans .
contiennent en fix Tables les Regles univerfelles
de la Prononciation de la Langue
Latine. Dans la premiere Table on trouve
les trois Regles generales de la Pro
nonciation ; fçavoir , de la Diphtongue ,
de la Voyelle devant une Voyelle , &
de la Voyelle fuivie de deux Confonnes,
Ces Regles , & particulierement la feconde
, font accompagnées d'un grand
nombre d'exceptions , qui font connoître
l'exactitude de l'Auteur , & les recherches
que l'on a faites pour cet Ouvrage ,
en ce qu'on y voit beaucoup de Mots ,
qui ne fe trouvent pas toûjours dans les
Dictionnaires , & dont les Grammairiens
n'ont parlé , qu'en les mettant feulement
en exception , fous le Terme genérique
des Mots tirez du Grec. La grande diffi
culté de la Prononciation , dit l'Auteur
de ces Tables , eft pour les Mots dont la
Penultieme eft fuivie d'une feule Confonne.
TouOCTOBRE.
1726. 2293
S
Toutes ces Penultiemes font renfermées
dans la Seconde & Troifiéme Tables . On
y compte jufqu'à fept cens differentes
Terminaifons , rangées en trois Claffes -
par ordre Alphabetique , & qui contiennent
expreffement , ou d'une façon impli
cite , la Penultieme de tous les Mots Primitifs
de la Langue Latine . Ces deux Tables
font fuivies des Regles de l'Accroiffement
des Noms & des Verbes. Ces Regles
font extraites de la Methode de M" de
Port-Royal ; mais on y a joint un bien
plus grand nombre d'exceptions , & l'on -
y a reduit en dix petites lignes les vingttrois
Regles generales de l'Accroiffement
des Noms. Ce qui eft de plus fingulier
dans cette Quatrième Table eft la Remarque
qu'a faite l'Auteur fur le Décroißement
des Verbes de la Seconde & Quatriéme
Conjugaifon , ce que Mrs de Port-
Royal n'ont point obfervé. Dans la Cinquiéme
Table: eft la Pratique de l'Accroiffement
des Verbes . Pour rendre ces
Regles plus fenfibles , on a mis dans ces
Tables les Quatre Conjugaifons Actives
& Paffives , avec les feules Penultiemes
saccentuées , ce qui ne fe trouve dans aucun
Rudiment , & ce qui eft néanmoins
très neceffaire pour la Jeuneffe. La Tabler
fuivante leur est encore plus utile .
C'est une Methode pour trouver le Preſent
de
1294 MERCURE DE FRANCE.
de tous les Verbes par leur Preterit. Mrs de
Port Royal dans leur Grammaire en ont
donné un Modele , mais par Analogie.
L'Auteur entrant dans leur efprit , a ſuivi
une idée plus fimple , en donnant des
Regles pour fubftituer les Caracteriſtiques
du Prefent aux Figuratives du Préterit
. On a encore joint à cette Table une
femblable Methode pour trouver le Nominatif
des Noms de la Troifiéme Declinai» .
fon parleur Genitif. L'arrangement de ces
Preterits & Genitifs eft fi fimple , que
tout Commençant peut aifément s'en fervir
après avoir lû l'Avertiffement qui eft
à la tête de tout cet Ouvrage . Le Qua
triéme Ecran contient des Regles univer,
felles de la Conjugaison Françoiſe, en deux
Tables. Dans l'une l'Auteur donne une
Formule pour conjuguer tous les Verbes
François , qu'il reduit à une feule Conjugaifon
, déclarant qu'il croit pouvoir dire
que la vraie conformité de notre Langue
avec la Latine , eft d'avoir , comme
elle , non pas quatre Conjugaiſons , mais
fes Preterits & Participes , dont les irregularitez
font la difficulté de nos Conjugaifons
, & qui font tous raflemblez dans
la premiere de ces deux Tables . Cette
nouvelle idée que l'Auteur a empruntée
du R. P. Buffier , eft mife ici dans tout
fon jour : & ces nouvelles Regles ne laiffent
OCTOBRE. 1726. 2295
fent d'irregulier , que les feuls Verbes
Aller , Avoir & Etre. On peut dire de
ces huit Tables qu'elles font ingenieufement
imaginées , fort bien dirigées , &
peuvent être très- utiles .
Cet Ouvrage fe vend en trois façons
differentes ; en Cartons d'Ecrans , en Tables
colées enfemble & en Brochure .
LETTRES EDIFIANTES ET CURIEUSES
écrites des Miffions Etrangeres par quelques
Miffionnaires de la Compagnie de
Jefus ,dix-feptiéme Recueil.A Paris , chez
Le Mercier , rue Saint Jacques , 1726 .
in 12. de 446. pages.
CATALOGUS omnium rariffimorum ac
felectiffimorum Librorum , qui in Thefauro
Antiquitatum & Hiftoriarum Italiæ
, Neapolis , Siciliæ , Sardiniæ , Corficæ
, Melitæ , & c. Joannis- Georgii Grævii
, ex confilio , & cum Præfationibus
Petri Burmanni in folio XLV . voluminibus
reperiuntur . Lugduni Batavorum
apud Petrum Vander Äa , 1725 .
Le Catalogue qui contient le détail de
l'Edition qu'on prépare de ce grand Ouvrage
, eft imprimé à Leyde , chez Vander
Aa , & fe trouve à Paris , chez Noël
Piffot, Libraire , Quai de Conty , à la defcente
du Pont Neuf. Le prix de tout l'Ouvrage
Y
2296 MERCURE DE FRANCE :
vrage fera de 1200. livres pour le grand
papier , & de 900. livres pour le petit
papier.
REFLEXIONS & Inftructions Chrétiennes
fur la Ceremonie de la Benediction
des Cloches . A Paris , & ſe vend à
Rheims , chez François Godard , rue des
Tapiffiers , 1726. Brochure in 12.
Ce petit Livre dedié à Mademoifelle
de Roye , merite d'être lû ; il contient
des Remarques curieufes fur ce fujet , &
ne refpire d'ailleurs que la pieté & la
Religion.
ON trouve chez Pierre Giffart , Li
braire à Paris , les Livres fuivans :
Rerum Italicarum Scriptores à Ludovico-
Antonio Muratorio Collecti , 9. vol.
in fol. Mediolani 1723.
£ Noviffimæ Ephemerides motuum coeleftium
è Caffinianis tabulis ad Meridia
num Bononiæ fupputate , Auctore Euſtachio
Manfredio. Ab anno 1726. in annum
1750. 2. vol . in 4. Bononiæ , 1725 .
Vita Latino - Græca S. P. Benedicti .
Textus Latinus , Auctore Gregorio Magno.
Verfio Græca , Auctore Zachariâ Pa--
pâ , &c. in 4. Venetiis , 1723.
SONAOCTOBRE.
1726. 2297
i
SONATES à Violon feul , avec ac
compagnement
de Baſſe & Clavecin. Par
M. Antonio , Livre premier de 24. pages
, contenant 6. Sonates : grand in 4.
1726. Il fe vend s . livres en blanc , à
Paris , chez l'Auteur , rue Montmartre
vis-à- vis la rue Juffienne ; & chez Boivin,
à la Regle d'Or , rue Saint Honoré.
Le Sieur Boifmortier , Auteur de quantité
d'ouvrages de Mufique , donnera fur
la fin du mois prochain , fon quinziéme
Oeuvre, qui fera des Concerts à 5. Flutes
traverfieres, fans Baffe, & qu'on peut
jouer avec une Baffe ; ce qui n'avoit pás
encore été imaginé . Son feiziéme Oeuvre
, qui paroîtra prefqu'en même- tems ,
fera un Recueil d'airs à chanter. Et fon
dix-feptiéme Oeuvre le gravera dans le
mois de Decembre fuivant. Il ira juſqu'à
trente de fuite , fi le Public continue
le rechercher , comme il fait aujourd'hui,
Tous ces Ouvrages fe vendent chez l'Auteur
, rue Saint Antoine , vis- à - vis les Je
fuites.
VILLETTE, Fils' , Libraire , rue S. Jacques
, à S. Bernard , qui a donné le Calendrier.
choisi pour l'année 172 6. dont le
Public a paru fort content , avertit les Librais
219 8 MERCURE
DE FRANCE
braires & autres Marchands de Province ,
que ledit Calendrier choifi pour l'année
1727. enrichi de Cartes Geographiques
& d'un nouveau Plan de Paris , & nouvellement
augmenté de plufieurs articles
tiles & curieux , fera prêt de bonne heures
ainfi qu'ils ayent à lui écrire le nombre
qu'ils en voudront , parce qu'ils pourront
les recevoir dans le courant du mois
de Novembre.
LE SIEUR JACQUES FAULCON de Poitiers
imprims un Livre fort intereffant pour le
Barreau , & pour les Gens de Pratique ,
qui a pour Titre : Corps & Compilation
de tous les Commentateurs fur la Coutume
de Poitou Conferences des autres Coutumes
, Notes de M. Charles du Moulin fur.
le tout nouvelles Obfervations tant de
Coutumes , que de Droit Ecrit , par M.
Boucheul , Avocat au Siege de.Dorat. Ce
Livre comprend tous les differens Auteurs
qui ont ci - devant fait des Obfervations
fur ladite Coutume du Poitou , avec
leurs décifions . Le Public qui le demande
depuis plufieurs années avec beaucoup
d'empreffement , eft averti qu'il contiendra
deux gros Volumes infolio , & qu'il
fera en vente au mois de Février prochain.
Les Curieux qui voudront voir
cet Ouvrage , peuvent aller chez ledit
ImOCTOBRE.
1726. 2299
Imprimeur , qui leur en fera voir plus
des trois quarts d'imprimé , ne doutant
pas qu'ils n'en foient auffi contens que
de l'Impreffion & du Fapier , ' ayant
rien épargné pour rendre ce Livre parfait.
EXTRAIT du Journal des Experiences
faites par M. Sully des Horloges de
Mer ,dans le Portde Bordeaux.
J'arrivai à Bordeaux le 13. Août , chargé
d'une Lettre de M. l'Abbé Bignon
pour Mrs de l'Académie de Bordeaux
qui les prioient de me favorifer dans mes
Experiences , & de vouloir bien y prêter
leurs attentions , puifqu'il s'agilloit
de l'avancement des Sciences dans un
point des plus importans , & que le témoignage
de cette Académie feroit fuffifant
pour affurer le Public du fuccès de
mon Entrepriſe.
J'eus l'honneur de me prefenter à l'Académie
le 18. & d'y expliquer les proprietez
de mes Horloges : la Compagnie
eut la bonté de me prêter toute fon áttention
; & M. le Prefident de Montefquiou ,
Directeur pour lors de l'Académie , nom.
ma M. de Caupos , Confeiller au Parlement
, & le Pere Faux , Religieux de la
Mercy , pour examiner les Experiences
que
2300 MERCURE DE FRANCE.
que je devois faire fur un Vaifleau.
M. le Preſident de Monteſquiou , M.
le Prefident Barbot , & M. Sarrau , Secretaire
de l'Academie , s'offrirent volontairement
d'affifter à cet Examen , pour
en rendre compte à la Compagnie . Ces
Meffieurs ont bien voulu donner beaucoup
de leur tems les jours fuivans pour
s'éclaircir avec moi des faits & des matieavec
res qui regardent la conftruction de ces
Horloges , & les arrangemens qu'il falloit
prendre pour les experiences qu'on
devoit faire . Je ne puis affez me louer
des égards qu'ils ont pour la recommandation
de M. l'Abbé Bignon en ma
faveur , de leur application pour ſe mettre
en état de porter fur mes Experiences
un jugement digne d'eux & du Fublic.
Dès le jour que j'eus été à l'Académie ,
je fis travailler à une Machine de ſufpenfion
pour mon Horloge à levier ; je
la fis faire de bois & de fer , femblable à
celle de la Montre marine , planche 3 :
fig. 2. de ma Deſcription , à l'exception
que celle de l'Horloge eft quarrée , pour
fe conformer à la figure de fa boëte , foutenue
pareillement de trois picas de 18.
pouces de haut.
Le 7. Septembre , je fis tranfporter
mes Horloges fur la Garonne jufqu'à
Clairac , maifon de Campagne de M. Sarray
OCTOBRE. 1726. 23or
rau , à une lieuë au - deffous de Bordeaux .
où elles refterent deux jours pour comleurs
mouvemens avec celui d'une
pendule à fecondes. -
parer
Le 9. à10 , heures du matin , on s'embarqua
dans un petit bateau de 3. à 4..
tonneaux , l'horloge à lévier dans ſa fulpenfion
, la montre marine de même
laiffant la pendule à fecondes dans la
maifon , en mouvement , M. de Caupos
& M. Sarrau , prefens avec moi. On
prit auffi dans le bateau une petite pendule
de 5 à 6. pouces , pour mieux faire
la comparaifon : il y eut d'abord un
peu de mouvement , & la petite pendule
s'arrêta au bout de trois minutes: nous
defcendîmes à la rame , & avec la marée
jufqu'à Blaye , où nous prîmes fur
notre bord M. le Roy , Commiffaire de
la Marine , & nous allâmes moüiller à
Bechevel , à une petite lieuë de Blaye ,
& à 7. à 8. lieues de Bordeaux . A une
heure aprés midi nous remontâmes avec
la marée , & avec peu de vent , & la riviere
fi calme , qu'ayant mis la petite
pendule en mouvement , elle alla bien
pendant une demi-heure avant de s'arrêter
, & nous arrivâmes à Clayrac à 5.
heures du foir. Nous remîmes les horloges
à côté de la pendule à fecondes
& nous obfervâmes que le mouvement
F de
2302 MERCURE DE FRANCE.
de l'horloge à levier , qui étoit dans le
bateau , ne differoit pas de fon mouvement
en repos d'une demi- feconde par
heure , comparé à fon mouvement en
repos,, à côté de la pendule à fecondes,
nonobftant le peu de mouvement que
fouffrit le bateau . Dans cette experien
ce , les arcs de vibration indiquez par
l'aiguille , 9. o . planche premiere , alloient
quelquefois jufqu'à 70. degrez de
côté & d'autre , d'où l'on peut conclure ,
& encore mieux de la feconde experience
, dont je vais rendre compte , de
quelle importance eft la courbe de compenfation
pour l'Ifochroniſme des vi
brations.
Le 11. avant midi nous allâmes à
Pichon , autre maifon de campagne , रे
un demi-quart de lieuë de la premiere,
prenant avec nous la montre- marine ,
le meridien portatif univerfel , & une
bouffole de 4 pouces , montée dans un
cadre de bois , & nous fimes des experiences
fur la maniere de trouver le
midi vrai , le temps du paffage du Dif
du Soleil
par le meridien , & la
hauteur du pole , le tout fur le meridien
portatif univerfel ; & ces experiences
fervoient à faire voir une partie
des utilitez de ce nouvel inftrument :
j'en donnerai ailleurs le détail .
que
Le
OCTOBRE. 1726. 2303
Le même jour à 5. heures après midi ,
nous nous embarquâmes avec toutes nos
machines à Clayrac , & nous arrivâmes
par un grand calme à fix heures
à Bordeaux .
"
Dès les premiers jours que je fus à´
Bordeaux , Meffieurs de l'Académie vou
lurent bien me préfenter à M. l'Intendant
, qui eut la bonté de me recevoir
très- gracieuſement. Attentif à tout ce
qui regarde le fervice du Roi , & l'útilité
du Public , il eut la bonté de nous
offrir fon Brigantin pour repeter notre
experience. Le Marquis de Harville ,
fon gendre , M. de Caupos , de l'Académie
des Sciences , le Chevalier de
la Rochette , Chevalier de Malte , &
M. Roberic , Grand- Prevôt de la Guienne
, s'offrirent pour être du voyage.
•
Le 16. je mis mes horloges juftes avec
la pendule à fecondes , afin d'obferver
leurs mouvemens , en repos, jufqu'à l'embarquement.
Le 17. M. de Caupos , comme Commiffaire
de l'Académie , & le feul , qui
à caufe des Vendanges étoit libre de fe
trouver à cette experience , fe rendit
chez moi , avec les perfonnes ci - deffus .
nommées , & marquà en leur prefence
l'état de mes horloges, en repos . Enfuite
nous les mêmes fur notre bord , & nous
Fij nous
2304 MERCURE DE FRANCE.
t
nous embarquâmes à la porte Defpeaux,
dans le Brigantin dont je viens de parler,
qui eft de 8. à 10. tonneaux , & à 18.
rames ; il faifoit un vent de Sud- Oueſt,
vent qu'on fent toujours le plus fort dans
ces quartiers , & qui cauſe ſur la Garonne
les plus groffes tourmentes , auffi la
riviere en fut- elle extrêmement agitée ;
on remarqua au milieu de ces mouvemens
violens , le bon effet de la fufpenfion
, & que l'horloge y confervoit trèsbien
fa direction perpendiculaire à l'horifon
, pendant que le Vaiffeau s'inclinoit
par intervales jufqu'à 25. à 30. degrez
, & les arcs de vibration alloient
quelquefois en diminuant , quelquefois
en augmentant , depuis 30. jufqu'à 80 .
degrez de côté & d'autre.
Nous n'avions fait encore que deux
lieues , que le vent fouffloit avec tant de
violence , & les lames rouloient fi haut,
? que ce fut pour nous une veritable tempête
; on ne pouvoit aller plus loin
Lans danger , rien ne fe tenoit plus , &
l'horloge avec fa fufpenfion , faute de la
précaution de l'amarrer , fe renverſoit
deux fois fur le plancher de la chambre,
fans pourtant s'arrêter , & fans avoir
fouffert le moindre dommage ; nous fûmes
donc obligez de gagner le bord à
Montferrant , où nous mîmes pied à ters
re
OCTOBRE. 1726. 2305
re , laiffant les horloges dans le Vailleau
à l'ancre , où il fouffrit un roulis confi
derable pendant plus de trois heures que
nous étions à terre. Nous nous rembarquâmes
vers les cinq heures , nous remontâmes
à la voile contre la marée , &
' nous arrivâmes à Bordeaux à 6. heures
& demie.
Toute la Compagnie fe rendit chez
moi pour comparer l'horloge à levier
à la pendule à fecondes , qui avoit refté
dans ma chambre , & nous remarquâmes
que le mouvement de l'horloge à
levier , ainfi agitée dans le Vaiffeau , n'avoit
differé de fon mouvement, étant pofée
à côté de la même pendule à fecon
des , dans ma chambre , que d'une demifeconde
tout au plus par
plus par heure.
. I feroit même facile de faire voir
comme je le ferai dans la fuite , que même
cette très- petite variation ne vient
pas du mouvement du Vaiffeau. Ce qui
Je prouve certainement , c'eſt que la variation
dans la derniere experience , n'a
point paru plus grande que dans la premiere
, quoiqu'il n'y ait point de comparaifon
des mouvemens du Vaiffeau danst
l'une & dans l'autre. * PORN
*
Ces feules experiences font voir avec
la derniere évidence , qu'il n'eft point à
craindre que les mouvemens ordinaires
Fij d'un
2306 MERCURE DE FRANCE.
d'un Vaiffeau fur mer , puiffent fenfiblement
déranger le mouvement de cette
nouvelle horloge , ce qui feul reftoit à
fçavoir , pour ne plus douter de fon utilité
dans la Navigation.
Ce Memoire nous a été remis avec
une Lettre que M. de Caupos nous a
fait l'honneur de nous écrire , dans laquelle
il affure que toutes les circonf
tances rapportées fur l'experience de
l'horloge à levier , dont il a été témoin,
font conformes à la verité , & fidelement
renduës. Le témoignage de cet illuftre
Académicien fera fans doute d'un
grand poids auprès du Public , & donnera
de très- grandes efperances pour la
perfection de l'Ouvrage de M. Sully .
La Czarine eft toujours très attentive
, & n'épargne ni foins , ni dépenfe
pour faire fleurir la nouvelle Académie
établie à Petersbourg , fous la conduite de
perfonnes fçavantes & habiles . On travaille
actuellement à la conſtruction des
bâtimens qui font neceffaires , & à l'établiſſement
d'une Imprimerie & d'une
Bibliotheque , avec un Cabinet de Médailles
, & un autre de curiofitéz & productions
de la Nature & de l'Art, Outre
les Leçons publiques des Profeffeurs,
aux heures ordinaires , il fe tient encore
deux
OCTOBRE. 1726. 2307
deux fois la femaine des Conferences
publiques , où l'un des Profeffeurs traite
quelque point particulier fur les Arts ou
les Sciences. On doit tenir chaque année
trois Affemblées folemnelles.
M. Nicolas Bernoüilly , l'aîné des deux
freres de ce nom , celebre Geometre ,
que la Czarine avoit engagé de prendre
place dans la nouvelle Académie de Peterfbourg
, y mourut au commencement
du mois dernier d'une maladie de poitrine.
Le Docteur Burget , Profeffeur en
Chymie & en Medecine , Membre de la
même Académie , eft mort auffi depuis
peu.
L'Académie des Sciences & Arts de
Bordeaux , a élû le Comte de Morville,
Miniftre & Secretaire d'Etat , Chevalier
de la Toifon d'Or , pour Protecteur,
à la place du feu Duc de la Force . Ce
Miniftre a accepté cette qualité.
On mande de Londres , que les Ouvrages
de Peinture du Chevalier Thornhill
, qui doivent être placez à la fuíte
des autres du même Auteur , dans la
grande Salle de l'Hôpital de Grenwich,
font finis & fort applaudis. Ils reprefentent
le débarquement du Roi Guillau-
F iiij me,
2308 MERCURE DE FRANCE.
me , fon Portrait , avec celui de la Rei
ne Marie , & ceux de la Reine Anne ,
du Roi Georges , & de toute la Famille
Royale.
Les Religieux de la Charité de Paris
, Ordre de S. Jean de Dieu , toujours
zelez & , attentifs au bien des Malades
qui leur font confiez , firent la démonftration
publique de la Theriaque le 19.
Aouft dernier , où se trouverent Meffieurs
Burette & Reneaume , Medecins
de cet Hôpital. Les drogues furent expofées
pendant quinze jours , après en
avoir fait un choix exact , auquel ils ont
travaillé pendant fix mois. La quantité
étoit de fix vingt livres . Le Difcours fur
la qualité de chaque drogue , & les effets
de cette Antidote fut prononcé par
M. Reneaume , Medecin de quartier.
Le fieur Dugeron , ancien Chirurgien
d'Armée , établi par Juftice , don '
ne avis qu'il a un remede fecret fans
goût , qui préferve les dents de fe gåter
& de tomber ; pour cet effet , il faut
s'en fervir dans le temps qu'elles font
bontes ; ceux qui le confulteront s'en .
trouveront bien ; il donne la maniere.
facile de s'en fervir , & met fon nom
fur les boëtes. Sa demeure avec Tableau
LUDOVICUS
XV
.
DU
VIVIER
REX
CHRISTIANISS
VIRTUTIS
ET
JUSTITIE
TURCAS INTER ETRUSSOS
PAX CONSTITUTA
VIII .JULIL MDCCXXIVFAMA
OCTOBRE: 1726. 2309
bleau , eſt à Paris , Cloître faint Oportune.
MEDAILLES DU ROI.
Il n'y a rien qui faffe éclater davantage
la reputation d'un Etat , que lorfque les
Puiffances les plus éloignées recherchent
fa mediation pour prévenir les differends
qui pourroient naître entre elles . Le
Grand Seigneur & le Czar ayant été déterminez
par ce motif à rechercher la Médiation
du Roi ; & ayant conclu un Trai
ré très important par cette Mediation
dont le Marquis de Bonac , Ambaffadeur
de Sa Majefté à la Porte Ottomanne , s'étoit
trouvé chargé. ( a ) On a crû devoir
conferver la memoire de cet évenement
par la Medaille qui fut prefentée à Sa
Majefté le jour de faint Louis 1726. On
3"
(a ) Il eft à remarquer qué quelque épineufe
que fut cette Negociation , le Marquis de Bon
nac avoit eu le bonheur de s'y conduire d'une
maniere , qu'il avoit merité des marques publiques
de la fatisfaction des deux Parties , le feu
Czar l'ayant honoré à cette occafion , du confen--
tement du Roi , du Colier de fon Ordre de Saint:
André de Ruffie ; & le Grand Seigneur l'ayant
fait revêtir à fon Audience de Congé , d'une Pe
deffe de Marte Zibeline , qui eft le plus grand
honneur que ces Princes puiffent accorder , &
qui n'avoit jufqu'alors été fait à aucun Ambaffadeur
de France.
Ev y voit
2310 MERCURE DE FRANCE .
y voit d'un côté le Bufte du Roi avec la
legende ordinaire : LUDOVICUS XV. REX
CHRISTIANISS . & fur le revers , la France
reprefentée fous la figure d'une femme, la
Couronne fur la tête , le Sceptre à la
main , & revêtuë d'un grand Manteau
fleurdelifé ; elle eſt affife fur un globe terreftre
, ayant à fes pieds , d'un côté les
Symboles de la Guerre ; & de l'autre
ceux de la Paix ; avec cette infcription :
VIRTUTIS ET JUSTITIE FAMA ; & dans
l'Exergue : TURCAS INTER ET RUSSOS
PAX CONSTITUTA , VIII. JULII
M. DCC. XXIV.
SPECTACLES.
Lque donna le 20. Septembre , la
'Opera Comique du Sieur Francifpremiere
reprefentation d'une Piece nouvelle
, intitulée Les Comediens Corfaires,
dont voici l'Extrait , tel qu'il nous a été
donné.
Il y a dans la Troupe des Comediens
François , un partage d'opinions , touchant
les Pieces d'Agrémens , telles qu'on
les donne aujourd'hui les uns croyant
qu'il y va de leur honneur de ne pas fouffrir
OCTOBRE. 1726. 2311
frir fur la Scene Françoiſe ces fortes de
Pieces , quoique très lucratives , ne s'accordent
point avec les autres , qui préférent
l'utile à l'honorable. Ce partage d'o
pinions ( joint à la Comedie Italienne ,
qui vient d'être jouée , & qui a pour titre
les Comediens Efclaves ) a fourni le
fujet de la Piece des Comediens Corfaires:
La Scene eft dans une Iſle voiſine des
Côtes de Provence . M. Des -Brontilles ,
qui s'eft fait Chef de la Troupe Françoife
, a engagé tous fes Camarades à le fuivre
, fans leur dire le grand deffein qu'il
médite pour le profit commun . Il arrive
dans cette Ifle un Brigantin , dans lequel
font les Comediens Italiens , revenant
d'Alger , où ils ont été Efclaves . Pendant
que les Italiens font une relation deleur
voyage , on vient avertir que le
Vaiffeau de l'Opera- Comique va paffer
à la vûe de l'Ile , pour fe rendre à Marfeille.
Là-deffus M. Des- Broutilles paroît
ému >
& dit qu'il attend là fes
Camarades pour tenir un Confeil important.
Les Italiens veulent ſe retirer ,
mais il les retient , en leur difant qu'ils
peuvent refter , & qu'ils font même intereffez
dans fon projet . Les Comediens
François arrivent , & M. Des - Broutilles
leur tient ce difcours :
F vj Ap2312
MERCURE DE FRANCE.
Approchez , mes amis. Enfin l'heure eft venue
Qu'il faut que mon fecret éclate à votre vûë
A mon jufte deffein vous devez confpirer ;
Il ne me refte plus qu'à vous le déclarer.
Depuis qu'aux Tabarins les Foires font ouvertes ,
Nous voyons le Préau s'enrichir de nos perres ;
Et là les Spectateurs de couplets alterez ,
Vantent les Mirlitons qui les ont attirez .
Ils y courent en foule entendre des fornettes :
Nous , pendant ce tems - là , nous groffiffons nos
dettes.
Moliere & les Auteurs qui l'ont fuivi de près ,
De nos tables jadis ont foutenu les frais ;
Mais , vous le fçavez tous , notre noble Comique
Prefentement n'eft plus qu'un beau Garde-bouti
que.
Lorfque nous le jouons , quels font nos Specta
teurs ?
Trente Contemporains de ce fameux Auteur.
Ainfi donc , nous devons , fans tarder davantage .
Four rappeller Paris , donner du bâtelage.
Si vous me demandez où nous l'irons chercher
Amis , c'eft aux Forains que nous devons mac
cher.
Le Comique Opera , pour se rendre à Marseille
V.a
OCTOBRE.
1726. 2318
Va paffer par ici. Vîte , qu'on appareille !
Attaquons fon Vaiffeau , pillons tous fes effets ,
Ses morceaux poliffons , fes burleſques couplets.
Voilà quel elt mon but. La Troupe Italienne.
Secondera l'effort de la Troupe Romaine ,
A notre Bâtiment joindra fon Brigantin ,
Et nous partagerons entre nous le butin .
Il faudra dans la fuite en faire un tel uſage ,
Que le Parifien , voyant le bâtelage
Dans fa Ville regner de l'un à l'autre bout ,
Doute où fera la Foire , & la trouve par tout..
Les deux Troupes applaudiffent en
chorus à l'entreprife de M. Des- Broutilles
, & ils vont tous enfemble attaquer
les Forains , qui fe défendent vigoureu--
fement ; mais ils font obligez de ceder à
la force , & ils font faits prifonniers . Les
Vainqueurs les chargent de fers , & les
amenent en triomphe , en chantant ces
Vers parodiez de l'Opera de Rolland.
Triomphons , pillons la Foire ,
Triomphons de fes Acteurs >
Pillons auffi tous fés Auteurs,
A notre gain immolons notre gloire.
Après
2314 MERCURE DE FRANCE.
Après ce Chceur , les Comediens partagent
les dépouilles des Forains . Les Italiens
prennent pour leur part un gros
ballot de Parodies d'Opera ; & les François
fe faififfent de plufieurs Pieces dans
le gout forain , entr'autres de deux , dont
l'une a pour titre : L'Obftacle favorable ;
& l'autre : Les Amours déguiſez. M. Des-
Broutilles ne fe contente pas de s'être
rendu maître des Pieces de l'Opera - Comique
: Croyez-moi , dit- il aux Italiens ,
il faut tout à l'heure obliger nos Captifs à
reprefenter ces deux Pieces - ci devant nous ,
afin que nous puissions attrapper leur gouts
car, diable ! lafauffe vaut encore mieux que
Le poiffon. Pierrot , Chefdes Forains , veut
s'en défendre : Ce n'est donc point affez
dit- il , de nous voler nos Marchandifes ,
vous voulez encore que nous vous apprenions
à les débiter. Mais il a beau refifter,
on lui met le piftolet fur la gorge , & on
lui déclare que ce n'eft qu'à ce prix - là
que les Forains peuvent recouvrer leur
liberté. Pierrot fe rend en chantant ce
couplet , fur l'air , Je nefuis né ni Roi , ni,
Prince.
Je ne fais plus de refiſtance ,
Je cede à votre violence .
Nous allons jouer devant vous ,
Seulement pour vous fatisfaire ;
Car
OCTOBRE. 1726. 23.15
Car vousjourez tout comme nous
En jouant à votre ordinaire.
Pendant que les Forains fe préparent à
jouer les deux Pieces , les Comediens
François & Italiens , pour célébrer leur
victoire , forment un Balet. Après quoi
les Acteurs de l'Opera-Comique reprez
fentent.
L'Obstaclefavorable .
La Scene eft dans un Village aux environs
de Paris . Blaife , Fermier du Châ
teau , en a loué une portion à M. Trouffe-
Galand , Medecin , qui eft venu avec
Valere & Argentine , fes enfans , demeurer
à la campagne. Il a quitté Paris de
chagrin de voir que les Chirurgiens ofent
tenir tête aux Medecins , & veulent s'affranchir
de la dépendance de la Faculté .
Pour furcroît de déplaifir , il a découvert
que Dorante , jeune Chirurgien , eft
amoureux d'Argentine , & que Valere
aime Spinette , foeur de Dorante . Il net
veut pas faire alliance avec eux , quoique
ce foient des partis avantageux pour fes
enfans , tant il a d'averfion pour les Chirurgiens.
Il tient Valere & Argentine
comine prifonniers , pour rompre leurs
com316
MERCURE DE FRANCE.
.
commerces amoureux. Toutes les précautions
du Docteur ne fervent qu'à fournir
aux Amans des occafions de le tromper.
Spinette , fous un habit de Berger ,
Dorante & Arlequin , fon Frater , déguis
fez ; celui- ci en Duégne , & l'autre en Efpagnolette
, paffant pour fille de la Duégne
, s'introduifent dans le Château ; &
cela de concert avec Blaife . Il arrive
qu'on vient chercher le Docteur de la
part du Bailli du Village , qui a la fievre.
Le Medecin va le voir , & ordonne des
remedes . Pendant ce tems - là les Anans
fe réjouiffent d'être enfemble , & le mêlent
parmi des Payfans , qui viennent ce
febrer le lendemain des nôces d'une Niece
de Blaife. Ils font interrompus par
l'arrivée du Docteur , qui revient de
chez le Bailli , avec Maître Martin , Marêchal
du Village , lequel , ayant guéri le
cheval du Medecin , lui demande s'il eſt
content de la maniere dont il l'a traité.
M. Trouffe- Galand lui répond qu'oui , &
lui offre de l'argent pour fon falaire ;
mais le Maréchal le refufe , en difant
qu'on ne doit rien prendre de fon Confrere.
Ce terme de Confrere choque le
Docteur , & donne occafion à une Scene
très comique. Sur la fin de cette Scene ,
Ies Valets du Bailli , qui vient de moucir
, arrivent armez de fourches & de bâ
tons
OCTOBRE. 1726. 2317
.
tons , dans le deffein de venger la mort
de leur Maître fur le Medecin , qu'ils en
croyent l'Auteur. Il cherche à fe dérober
à leur fureur ; mais en fuyant , il
reçoit un coup für la tête. Les Valets fe
retirent. Le Docteur crie au fecours . Ses
Enfans , Dorante , Spinette , Arlequin &
Blaife accourent à fes cris. Dorante vifite
fa bleffure ; & , après avoir fait comprendre
par les geftes à la compagnie que
le mal n'eft pas confiderable , il l'exagere
, pour faire peur à M. Trouffe Galand ,
& pour en venir à fes fins. Valere propofe
d'envoyer chercher un Chirurgiens
fon pere fe revolte contre la propofition.
Blaife lui dit qu'il n'a que faire de tant
réjetter le fecours des Chirurgiens , qu'il
n'y en a pas un qui voulût le tirer du
danger où il eft , après tout ce qu'il a dit
& écrit contre eux. Dorante fe décou
vre , l'aflure de fon amitié , & promet de
lui fauver la vie , s'il veut confentir aux
deux mariages. La crainte de mourir arrache
au Docteur fon confentement , &
il finit en declamant ces deux Vers :
Ciel ! aux Chirurgiens je vais devoir la vie !
N'ai- je donc tant vêcu que pour cette infamie L
Les
2318 MERCURE DE FRANCE .
Les Amours déguiſez .
Le Théatre reprefente le Palais du
Dieu de Cythere . Venus a ordonné une
revûe générale des Amours. Elle veut
que tous les Amans s'y trouvent , & ele
le charge les Amours d'y entraîner ceux
qui croyant n'avoir que de l'amitié , de
l'eftime , de la reconnoiffance , de la pitié
, & c. ont de veritables fentimens d'amour.
Arlequin qui dans cette Piece fait le
perfonnage d'un Aide de Camp de Mercu
re,Commiffaire de la Revûe, interroge les
perfonnes que les Amours amenent de force
à Cythere ; ce qui fait autant de Scenes
détachées, dont les principales font cellesci
, Mademoiſelle Rafinot , Précieuſe moderne
, fe plaint en termes finguliers de
la violence qu'on lui fait , & prétend
qu'elle n'a que de l'eftime pour Dorimon ,
Bel - Efprit qui donne , comme elle , dans
le Phabus. M. Piédemouche , Procureur ,
fe prefente fur un avenir que les Amours
ont fignifié à fa femme , pour comparoître
à la Revûe. Il foutient qu'elle n'a
point d'autre paffion , après l'amour qu'el
le a pour lui , que la haine qu'elle porte
à fon Maître- Clerc. Arlequin approfon
dit cette haine fort plaifamment , & découvre
que les Amours ont rendu juſtice
OCTOBRE. 1726. 2319
à Madame Piédemouche. Colette , jeune
Pay fane , qui croit n'avoir que de l'amitié
pour Léandre , fon coufin , eft obligée
, après une Scene où l'Amant fait
femblant de fe détacher d'elle , d'avouer
que c'eft de l'amour qu'elle a pour lui , La
Piece finit par un Ballet general de toutes
les Nations mêlées aux Amours & aux
Plaifirs .
Les Comédiens François ont remis au
Theatre le 29. Septembre , le Mari fans
femme , Comédie mêlée d'Intermedes
de Chants & de Danfes. Elle a été repréfentée
par les Acteurs qui font reſtez
à Paris pendant le Voyage de Fontainebleau
, elle a fait un fi grand plaifir par
la maniere dont ils l'ont joüée , qu'on
ne s'eft prefque point apperçu de l'abfence
de leurs Camarades. Nous avons
crû devoir contribuer à une gloirè fi
bien meritée , en mettant ici leurs noms.
ACTEURS.
Dom Brufquin d'Alvarade , Gentilhom-
Le fieur Poiffon. me Efpagnol ,
Julie Dame Efpagnole , La Dile le
Grand.
Carlos , Amant de Julie , Le fieur le
Grand , le fils.
Fatiman ,
1320 MERCURE DE FRANCE .
Fatiman , Gouverneur d'Alger , Le fieur
de Fontenay.
2
Celime , Dame Turque , La Dile la
Mothe.
Zaïre , Naine , Efclave de Celime , La
D'le Mariane Dangerville.
Marine , Suivante de Julie , La Dlle du
Bocage.
Tomire , Valet de Carlos , Le fieur Ar
mand.
Gufinan , Valet de Dom Brufquin , Le
fieur du Mirail.
Stamorat , Turc , Le fieur de la Thorilliere
, le fils.
Suite de Turcs .
La Scene eft dans Alger.
Cette Piece étant entre les mains de
tout le monde , nous n'en donnerons
pas un Extrait exact & fuivi comme
nous tâchons de le faire , au fujet des
Pieces nouvelles . Nous nous contenterons
de rendre compte du jugement
qu'on a porté fur le Mari fans femme.
On en a trouvé le ftyle affez moderne ,
quoiqu'il y ait très -long -temps que la
Piece a paru pour la premiere fois ;
Montfleuri étoit contemporain de Moliere
, ils couroient enfemble la même
carriere , & chacun d'eux avoit fes partifans.
C'eſt une affez grande gloire , que
d'avoir
OCTOBRE, 1726. 2321
d'avoir été concurrent du Terence & du
Plaute François , & de n'en avoir pas été
tout-à-fait vaincu ; on peut dire quelque
chofe de plus à la louange de Montfleuri
; c'eft peu que le grand Moliere ne
l'ait pas effacé , il a brillé quelquefois
autant que lui , & a toujours reparu avec
éclat fur le Theatre. Cette derniere reprife
du Mari fans femme , en fait foi , le
plaifir de revoir cette Comédie , a augmenté
à chaque repréſentation , on a
trouvé la Piece , à la verité , un peu libre
, mais bien conduite exactement
écrite , pleine de feu , de bons mots de
faillies , & de varietez . L'expofition ya
paru ménagée avec un art infini . En voici
un échantillon . C'eft dans la feconde
Scene.
>
Julie , Carlos , Marine , Tomire,
Julie,
Ah
! Ah ! Carlos !
Carlos.
Ah ! Julie !
Tomire,
Ah ! Marine !
Marine.
Ah ! Tomire !
Julie,
2322 MERCURE DE FRANCE.
Julie.
Quels ennuis !
Carlos.
Quels chagrins !
Tomire.
J'en créve.
Marine.
J'en foupite.
Carlos.
Helas ! que
notre fort ....
Julie.
Helas ! que nos malheurs ...
Carlos.
Me va coûter d'ennuis !
Julie.
Me va coûter de pleurs !
Carlos.
Si vous pouviez fçavoir , Julie , à quoi m'expoſe
,
Le cruel défefpoir d'en avoir été caufe ;
Car enfin c'eft moi feul que j'en dois accufer';
Ceft moi de qui l'orgueil crut pouvoir tout
ofer.
De
OCTOBRE . 1726. 2323
De vos reffentimens rien ne peut me défendre
:
Ma forte paffion me fit tout entreprendre ; -
C'est moi feul c'eft enfin ce trop fenfible
Amant ,
Que l'Amour fit réfoudre à votre enlevement
; 1
Pour finir mon malheur , j'ai feul cauſé le vôtre
;
Mais enfin vous veniez d'en époufer un autre ;
On vous avoit forcée à prendre cet Epoux ;
Vous m'aimiez tendrement , je n'adorois que
Vous ;
Malgré ce que l'Amour m'avoit femblé promettre
,
Dans fon lit , dans fes bras , l'Hymen vous alloit
mettre ;
Je voyois vos chagrins ; vous entendiez mes
cris ;
Quel autre en cet état n'eut pas tout entrepris
!
Julie.
Dans toutes ces raifons ne cherchez point
d'excufe ;
Ce n'eft que mon malheur , Carlos , que j'en
~ accuſe ;
Ouy; c'est moi qui depuis cette funeſte nuit,
Qu ,
1
1
2324 MERCURE DE FRANCE:
Ou , prémices cruels du malheur qui me fuit ,
Sans égard pour mes pleurs , une Mere inhumaine,,
Me venoit de livrer à l'objet de ma haine ,
Je fortois de l'Autel troublée , & dans mon
coeur ,
Cet Hymen avoit mis tant de crainte & d'hor
reur ,
Que , fans confiderer quelle en feroit la ſuite ,
Je crus que mon bonheur dépendoit de ma
fuite.
Marine m'en preffa , même elle me fit voir ,
Que fuir fes ennemis eft le premier devoir , &c.
Tout le monde a fenti la fineffe avec
Jaquelle cette expofition eft ménagée ;
d'abord c'eft un Amant qui s'accufe d'avoir
caufé le malheur de ce qu'il aime ,
mais qui fe juftifie par l'excès de fon
amour ; fon Amante l'excufe , & n'im
pute qu'au fort tous les maux aufquels
elle fe voit livrée ; par là le Spectateur
eft mis au fait , fans qu'il paroiffe qu'on
ait eu deffein de l'inftruire ; il apprend
que Carlos a enlevé Julie , le jour de
fon Hymen avec un Řival odieux . Les
fâcheufes fuites de cet enlevement font
expofées avec le même art par Tomire
& par Marine : cette derniere fait même
OCTOBRE. 1726. 2325
me entendre qu'elle a écrit à Dom Brufquin
d'Alvarade , à qui Jule a été mariée
malgré elle ; Dom Brufquin acheve
d'éclaircir les Spectateurs dès le commencement
du fecond Acte , en leur apprenant
que le Mariage dont on a parlé
n'a pas été confommé.
Entre plufieurs Scenes qui ont fait
beaucoup de plaifir , il y en a une dans
le troifiéme Acte qui a paru
a paru la plus fine
de toutes . Nous nous flattons qu'on ne
fera pas fâché de la voir ici . Voici de
quoi il s'agit : Celime amoureuſe de Carlos
, & jaloufe de Julie , qu'elle foupçonne
d'être fa Rivale , veut penetrer
ce fecret , & s'y prend d'une maniere
tout - a-fait ingénieufe auprès de Tomire,
Valet de Carlos.
Celime.
Viens. Autrefois Carlos étoit fervi par toi
Parle.
Tomire
Il n'a jamais eu d'autre Valet que moi.
Celime.
Es tu l'aimes ?
Tomire.
Autant qu'un Valet aime un Maître : & c .
G Calime
2326 MERCURE DE FRANCE.
Celime.
Parlons d'autres chofes, Ecoute ,
Carlos t'ouvroit fon coeur , te connoiffant prudent
?
Tomire.
J'ai toujours,quoi qu'indigne , été fon Confident .
Celime
Conte moi fes amours.
Tomire lui paroiffant plus difcret &
plus fidele qu'elle ne voudroit , elle dreffe
une autre batterie , four lui arracher
le fecret qu'elle veut apprendre de lui ,
Voici comme elle lui parle :
Celime.
Caelos eft bienheureux que ta condition
Lui conferve un tel zèle ; & ta diſcretion
Me paroît à la fois fi rare & fi loüable.
Que le plaifir que j'ai de t'en trouver capablo ;
Elle lui donne une Bague.
Eft payé de ce prix.
Tomire.
Oh ! c'eft ....
Celime.
Prens : j'aime à voir
Que tien contre Carlos n'ébranle ton devoir.
Son
OCTOBRE.. 1726. 2327
Son intereft m'eft cher : qu'à l'avenir toa
zele ,
Ne démente jamais une ardeur fi fidele.
Tu fçais tous fes fecrets , garde - tor d'en pare
ler :
Et meurs plutoft cent fois , que de les reve
ler.
Tomire.
Oh !
Celime.
Quant à les amours qu'on auroit peine
croire ,
Carlos m'en a conté tantôt toute l'hiftoire.
Ce n'eft plus à prefent un myftere pour moi.
Il m'a dit qu'il aimoit Julie.
Tomire .
Ah ! je le croi :
Cela n'eſt pas nouveau.
Gelime.
Qu'une ardeur mutuelle
Rendoit , malgré leurs fers leur amour (ter
nelle ,
Par quel hazard ils ont perdu la liberté ,
Leurs trayerfes , leurs pleurs .
Gij
Tamire
2328 MERCURE DE FRANCE .
Tomire.
Il vous a donc conté , &c.
Tomire lui raconte alors toutes les
particularitez des amours de fon Maître
& de Julie , & va jufqu'à blâiner l'indifcretion
de Carlos , par ces Vers :
Eh bien ; voyez un peu le caprice d'un Mattre
:
Il l'a dit ; il n'auroit point ceffé de crier ,
Si j'en avois ouvert la bouche le premier :
Le monde eft aipfi fait.
Ces traits doivent fuffire , pour don
ner une idée de toute la Piece ; un Auteur
qui a de pareilles reffources d'imagination
ne peut gueres fe démentir . -
Après ce jufte éloge de la Piece , il ne
nous refteroit qu'à rendre à tous ceux qui
l'ont repréſentée la juftice qui leur eft
dûë ; mais comme cela nous meneroit
trop loin , nous nous bornerons à deux
qui s'y font diftinguez . Le fieur Poiffon
nous a fait voir qu'il a herité des talens
de fes peres , & la Damoifelle d'Angeville
, qui commence , comme fon incomparable
tante , nous a fait efperer
qu'elle continuera comme elle ; on peut
dire même qu'elle a un talent de plus
Mademoiſelle des Marres ; elle dan- que
f
OCTOBRE. 1726. 2329
fe au deffus de tout ce qu'on peut at
tendre de fon âge , ayant à peine atteint
quelles nouvelles graces
ne nous promet- elle pas d'acquérir
dans la fuite ?
fa dixièmeannée.ant
- Nous avons déja parlé de Montfleury
& de fon caractere , dans le Mercure de
Janvier 1725. où l'on trouvera un Catalogue
de fes Pieces . Celle- ci n'avoit
pas paru depuis 28. ans , que le fieur
Poillon y jouoit le principal rôle , ainſi
que fon fils le joue aujourd'hui.
Les Airs à chanter , qui font du corps
de la Piece , & tous les Airs de Violon
du Divertiffement , font tous du fieur
Gillier , dont le merite eft très - connu .
Il les fit en ce temps - là , à la place de
ceux que le fieur Charpentier avoit com
pofez dans la nouveauté de cette Comés
die qui fe trouvoient perdus .
Le 17. de ce mois l'Académie Royale de
Mufique donna la premiere reprefentation
dePyrame & Thifoe, Tragédie qui fot
fort applaudie par la nombreuſe Aflemblée
qui s'y trouva . S. A. R. Madame la Ducheffe
d'Orleans , & les deux Princeffes
fes filles , l'honorerent de leur préfence.
Les paroles de cet Opera font de la
compofition de M. de la Serre , & la Mufique
des fieurs Rebel , le fils , & Fran-
G iij coeur,
2330 MERCURE DE FRANCE.
coeur , le cadet , tous deux ordinaires de
l'Académie Royale de Mufique .
EXTRAIT.
Comme il n'y a perfonne qui ignore
le fujet de cet Opera , nous n'en dirons
qu'un mot Pyrame & Thyfbé étoient
nez dans les fuperbes murs de Babylo ~
ne . Ovide , dans fon quatrième Livre
des Metamorphofes , les celebre moins
par la nobleffe de leur extraction , que
par la grandeur de leur amour. Leurs
coeurs étoient faits l'un pour l'autre, mais
la haine qui regnoit entre leurs parens,
ne leur permettoit pas de fe voir en li
berté ; ils ne pouvoient fe parler qu'à
la faveur d'une ouverture , que l'Amour
leur fit appercevoir dans le mur com
mun de leurs maifons. La contrainte irritant
leurs defirs , ils formerent enfin
la refolution de fe mettre en liberté ; ils
fe déterminerent à tromper la vigilance
de leurs cruels parens par une fuite fecrette
, ils convinrent de fe rendre auprès
du tombeau de Ninus pendant la
nuit. Thisbé s'y trouva la premiere . Une
Lionné alterée étant venue à une fontaine
, Thyfbé en fut faifie de crainte , &
courut fe cacher dans le fond d'une Forêt
voifine ; elle laiffa tomber ſon échar
pe,
OCTOBRE. 1726. 2331
pe , que la Lionne enfanglanta de fes
dents encore teintes de carnage. La vûë
de cette écharpe perfuada au malheureux
Pirame , qui furvine un moment
après , que fa chere Thyfbé avoit été
dévorée . Il s'accufa de la mort de fon
Amante , & s'en punit par un coup more
tel . Thyfbé revenue au lieu du rendezvous
, le trouva prefque expirant . Il lui
apprit la caufe de fon défefpoir , & rendit
le dernier foupir , en prononçant le
nom de fa chere Thyfbé. Cette infortunée
Amante ne voulut pas lui furvivre
d'un moment elle fe perça le coeur de
la même épée qui avoit ôté la vie à fon
cher Pyrame. Leurs peres les ayant trouvez
embraffez enfemble , même après
leur mort , confentirent , mais trop
tard, à les unir à jamais, en ne leur donnant
qu'un même tombeau.
Voilà , à peu de chofe près , tout ce
que l'Auteur de ce Poëme a trouvé dans
Ovide. La fituation eft très- intereflante ;
mais comme elle ne pouvoit faire que
la matiere d'un cinquiéme Acte , il a été
obligé d'être Créateur des quatre premiers
; il l'a fait avec beaucoup de fuccès
, & ce n'eft pas un art mediocre d'entretenir
agréablement les Spectateurs ,
avant que de les faire arriver à une ca
taftrophe auffi touchante que celle qui
Ġ iiij cou2332
MERCURE DE FRANCE:
couronne l'Ouvrage. Voici quelle eft la
nouvelle Fable fur laquelle ce Poëme
roule.
Dans le I. Acte le Theatre repréſente
la façade du superbe Palais de Ninus.
Nous parlerons plus au long de cette
riche & ingénieufe Décoration .
Ninus , fils de Semiramis , avoit été
destiné par cette fuperbe Reine à Zoraïde
, fille du grand Zoroaftre , Roi
des Bactriens , & Inventeur de la Magie.
Cette Princeffe étoit élevée à la
Cour de la Reine d'Affyrie dans cette
efperance. La mort de Semiramis , &
quelques guerres qui furvinrent , retarderent
cet Hymen concerté. Ninus fut
long- temps occupé à faire rentrer dans
leur devoir quelques Royaumes de fon
vafte Empire , qui avoient fecoué le joug.
Pyrame , Prince de fon Sang , qui l'accompagna
dans cette expédition , y fignala
fi bien fa valeur , qu'il eut la plus
grande part dans fes conquêtes . Les Rebelles
étant enfin rangez fous l'obéïffance
de leur legitime Souverain , Ninus
revint dans Babilone ; mais par malheur
pour Zoraïde
il vit Thyfbé. Cette
Princeffe enleva fon coeur à Zoraïde.
C'est ici que l'Action theatrale com-
"
mence.
Zoraïde , qui s'eft apperçûë de l'infidelité
1
OCTOBRE. 1726. 2333
de lité de Ninusy en témoigne fa douleur
à Thyfbé. Dans la premiere Scene , elle
lui fait connoître la délicateffe de fes fenstimens
pour le plus grand Roi de l'Univers
, en ces termes :
Quand Parrivai fur les bords de l'Euphrate ,
Mon coeur n'étoit qu'ambitieux :
La gloire de regner n'a plus rien qui me flattes
Ah ! fiNinus , privé du rang de fes Ayeux ,
Brûloit encor pour moi d'une flamme conſtante ,
Exilée avec lui dans les plus triftes lieux ,
De mon fort je ferois contente.
Zoraide apprend à Thifbé que c'eft elle
qui lui enleve un coeur qu'elle préfere à
tous les Trônes du monde. Thyfbé lui
apprend à fon tour qu'elle ne fe prévaudra
jamais de fa nouvelle conquête , puifqu'elle
aime Pirame , & qu'elle ne peut
aimer que lui.
Dans la feconde Scene , Ninus découvre
à Pirame fon nouvel amour pour
Thifbé Pirame qui aime cette Prin
ceffe autant qu'il en eft aimé , n'oublie
rien pour porter Ninus à être fidele à
Zoraïde , fans pourtant lui laiffer penetrer
qu'il est tout à la fois fon Confident
& fon Riyal.Voici comment Ninus
exprime fon amour en parlant à Pirame.
د ل ا
Gv Dans
$334 MERCURE DE FRANCE.
Dans les combats & le carnage ,
Loin de ces lieux la Reine occupoit mon cou
rage ;
J'ignorois les plaifirs d'une tendre langueur :
Un feul inftant de notre fort décide ;-
Je croyois aimer Zoraïde ,
Je voi Thyfbé , je connois mon erreur :
L'Amour , ce Dieu perfide ,
Arme fa main d'un trait vainqueur ,
Le trait vofe , & perce mon coeur.
Ces deux Scenes qui expofent le fujet
de la piece , font fuivies d'une fête que
les Affyriens viennent celebrer par l'ordre
de Ninus en l'honneur de Pirame ,
dont la valeur les a fait triompher des
Peuples revoltez . Cette Fête finit le premier
Acte.
Au fecond Acte , le Theatre repréfente
Les Jardins du Palais de Ninus.
Dans la premiere Scene , Pirame apprend
à Thyfbé que Ninus l'aime. Il
lui témoigne d'abord un peu de défiance ;
il craint qu'un grand Roi , mettant tou
te fa grandeur à fes pieds , ne lui falfe oublier
fon premier amour ; Thifbé s'en offenfe
, & lui fait de nouveaux fermens.
d'une fidelité éternelle . Cette conſtance
llarme Pirame ; il craint qu'elle ne potte
3 OCTOBRE. 1726. 2335
.te Ninus aux dernieres extrémitez contre
elle : il femble vouloir la porter à accepter
une Couronne qu'on lui offre : Voici
comme il s'explique ..
La gloire au Thrône vous appelle ;
Oubliez un Amant fidelle ;
Qu'il gémiffe en fecret , qu'il dévore fes pleurs :
Qu'une prompte mort le delivre
Du cruel tourment de furvivre
A la perte d'un bien dont il s'étoit flatté :
Que jamais un retour d'inutile tendreffe ,
I
* De fon adorable Princeffe
Ne trouble la felicité,
Cette Scene eft interrompue par l'ars
rivée de Ninus.
A la troifiéme Scene , Pirame veut fe
retirer à l'approche de Ninus ; mais Ninus
le prie de refter , & lui dit que fa
prefence lui eft neceffaire. Il déclare à
Thyfbé l'amour qu'il a pour elle. Cette
Princefle oppofe à fa nouvelle ardeur
fes premiers engagemens avec Zoraïde.
Ninus lui répond que Pirame dégagera
fa foi en époulant Zoraïde ; & pour de
rendre plus digne de cette Princeffeil
veut le faire Roi ; Pirame fe refuſe à fes
dons , & le prie , pour toute recompen
G vj
fe
2336 MERCURE DE FRANCE.
fe de fes heureux exploits , de lui laiffer
la liberté de difpofer de fon coeur.
Ninus ordonne au nombre prodigieux
d'Esclaves de toutes les parties du monde
qui font raffemblez dans Babilone, de rendre
leurs hommages à Thyfbé leur nouvelle
Souveraine. Cette Fête a paru trèsbrillante.
Zoraïde vient la troubler ; à fon
abord chacun fe retire , hors Ninus sàiqui
elle demande fiérement , à qui s'adreffent
ces nouveaux hommages qu'on rend à fon
infçu . Ninus lui avoue que c'eft à Thyfbé.
Zoraïde lui reproche fon parjure ; elle
le menace du reflentiment de Zoroastre
fon pere : & dans la fureur qui la tranfporte
, elle dit que Pirame la vengera
dans le coeur de Thyfbé.Zoraïde fe retire
après avoir porté ce coup mortel à Ninus..
Ce Prince jure de fe venger. L'amitié &
la reconnoiffance ont beau lui parler en
fayeur de fon Rival ; il lui fait un crime
de lui avoir caché fon amour pour Thyf-
-bé , dont le fincere aveu l'auroit peutêtre
gueri d'une paffion encore naiffante ,
& l'auroit empêché de devenir parjure
envers Zoraïde. Il finit ce fecond Acte
par des Vers qui font voir qu'il eſt encore
irrefolu fur le parti qu'il doit pren
dre.
Аи
OCTOBRE. 1728 2337
Au troifiéme Acte , le Théatre reprefente
une belle campagne : on voit dans
O le fond un Temple de Cerès.
Dans la premiere Scene , Zoraïde s'excufe
auprès de Thyfbé d'une indiferétion
qui lui eft échappée . Thyfbé lui répond
triftement , qu'en découvrant à Ninus
que Pirame eft fon rival , elle l'a rendue
malheureufe , fans avoir rien fait pour elle
-même. Zoraïde lui promet, en la quittants
de ne rien oublier auprès de Ninus ,
pour le defarmer en faveur de Pirame.
Thyfbé témoigne quelques fentimens
de jaloufie dans la Scene fuivante ; elle
craint que Pirame ne facrifie l'amour à
l'ambition. Is
A la troifiéme Scene Pirame offenfe
des foupçons de Thylbé , s'emporte jufqu'à
lui dire qu'il va percer le coeur de
Ninus , & s'immoler lui -même, après fon
Roi.Thyfbé éperdue l'arrête , en lui difant
qu'elle ne doute plus de fa fidelité . Pirame
fort pour aller fléchir Ninus par fes larmes
. Zoraïde revient , elle dit à Thyfbé
que Ninus la fuit : elle tâche de lui donner
quelque peu d'efperance . On vient
celebrer une Fête en l'honneur de Cerès
Thyfbé y prefide en qualité de premiere
Princeffe du Sang. La Fête eft interrom-
рыё
1338 MERCURE DE FRANCE.
neurs ,
pue par l'arrivée de Zoroaftre , & par les
clameurs des Bergers & des Moillonqui
font caufées par le ravage
qu'un Monftre affreux fait dans la Campagne
; tous ceux qui compofent la Fête s'enfuyent.
Zoroaftre qui paroît dans les airs ,
arrête Zoraïde fa fille , prête à fe retirer
avec Thyfbé & tous les autres : il lui dit
qu'il vient de la venger . Zoraïde tremble
pour Ninus , tout parjure qu'il eft.
Zoroaftre la raffure fur les jours d'un infidele
, qui s'eft rendu indigne d'une fi tende
frayeur. Voici comment il lui parle :
De mon courroux je fufpens les effets :
Je n'ai point de mon art employé les fecrets ,
Et je fçai teffcter le noeud qui nous engage :
De ce Monftre nourri dans le fond des forêts ,
Je ne fais qu'animer la rage.
Je veux
lais ;
que Ninus tremble au fond de fon Pa-
Je veux de mille horreurs lui prefenter l'image ::
C'eſt par le malheur des Sujets
Qu'on peut punir des Rois les injuftes projets.
Ces Vers n'ont rien perdu de leur beauté
dans la bouche du Sieur Chaffé , qui
joue le rôle de Zoroastre ; il a joint beaucoup
de noblefle & de feu à une des plus
belles
OCTOBRE .. 1726. 2339
;
belles voix de balle taille qu'on puiffe entendre
..
Le Théatre reprefente , au quatriéme Acte ,
une cour d'une Architecture ruftique.On
voit dans le fond une espece de Fort,
compofé de groffes Tours.
Dans la premiere Scene , Zoraïde reproche
à Ninus fon ingratitude envers
un Prince à qui il doit fes plus brillantesconquêtes
, & qu'il vient cependant de
charger d'indignes fers.Cette Scene a paru
une des plus pathetiquesson a fur tout été
charmé d'un morceau que Zoraïde a chanté
: il fuffit de dire que c'eft Mademoiſelle
Antier qui reprefente cette fille de Zoroaftre
, pour donner une grande idée de
l'execution. Voici les Vers en queftion :
Zoraïde.
Mais des Dieux le jufte courroux
Se fait fentir fur ce rivage ,
Armez contre un Parjure , ils vengent mon ou
trage ,
"
Tu ne peux éviter leurs coups.
Un Monftre qu'anime la rage
Forte déja par tout l'horreur & le trépas ;
Cruel à tes Sujets , tu tiens dans l'esclavage
Le
2340 MERCURE DE FRANCE :
Le feul Heros dont le courage
Pourroit de tant de maux délivrer ces climats.
Dans les Scenes fuivantes , Zoraïde &
Thyfbé ne font occupées qu'à déplorer
leurs communs malheurs : Zoroastre vient
les raffurer au fujet de Pirame : il ordonne
aux Efprits foumis à fa puiffance d'abattre
la prifon où Ninus le tient enfermé
; ce qui fait la Fête de ce quatrième
Acte . Les tours font abattuës ; Pirame paroît
enchaîné ; Zoroaftre ordonne aux
Efprits qu'il tient fous fon empire , de
brifer fes chaînes : il preffe Pirame de
s'enfuir avec Thyfbé ; ils fe retirent , en ſe
promettant de fe rendre au Tombeau des
Rois d'Affyrie . Cet Acte finit par un excellent
du entre Zoroaftre & Zoraïde :
en voici les Vers .
Dieux tout puiffans , les Rois font votre image ;
Ils doivent aux mortels l'exemple des vertus :
parjure vous outrage ;
Un Roi
Trop fier de fon pouvoir , il ne fe connoît plus :
Tonnez , Dieux immortels , lancez fur lui la fou
dre ,
Et reduifez fon Trône en poudre.
at
Аи
OCTOBRE TEL
. 1726. 2341
Au cinquiéme Acte , le Théatre repreſente
un bois épais : on voit à travers des ar
bres , les Tombeaux des Rois d'Affyrie.
La Scene commence quelques momens
avant l'aurore.
Thybe arrivée avant Pirame au lieu
du rendez- vous chante un beau Monologue
, qui exprime l'impatience qu'elle
a de revoir fon cher Pirame , & la crainte
dont elle eft agitée à fon égard . L'Actrice
qui a exprimé les differentes paf
fions que morceau raffemble , s'y eft
furpane C'eft Mademoiſelle Pellicier :
quoiqu'elle n'eft pas une voix des plus
clatantes , elle chante d'une maniere
fe faire entendre d'un bout de la Sale a
l'autre , & articule tous les mots fi diftinctement
, qu'on n'en perd pas une fyllabe
; fon action ajoute encore de nouvelles
graces à fon chant .
Il eft tems de finir cet Extrait. Comme
ce dernier Acte eft très- conforme à cé
que nous avons d'abord dit du fujet , nous
ne nous y arrêterons pas plus long- tems.
La même erreur dont nous avons parlé,
porte Pirame à fe tuer . On auroit voulu
que Thyfbé fe tuât fur le champ , & de
la même épée ; mais l'execution a paru
très difficile , & peut- être impoffible à
"
l'Au
342 MERCURE DE FRANCE.
l'Auteur du Poëme : peut- être auffi n'y
a -t-on rien perdu ; Thyfbé ne s'en tue
pas moins & comme c'eft en preſence
de Ninus qu'elle fe poignarde , elle punit
le crime en vengeant le fang innocent
aux yeux de celui qui eft cauſe qu'il a été
répandu .
Le Prologue de cet Opera a paru brillant
, la Gloire & Venus en font le fujet :
ces deux Divinitez s'uniffent pour rendre
les Mortels heureux , fans qu'il en
coute rien à leur gloire . La Dile Antier
s'y eft diftinguée à fon ordinaire , par la
maniere charmante dont elle a chanté le
rôle de Venus . L'union de l'Amour avec
. 'Heroïfme en a formé la Fête , dont les
chants & les danfes ont attiré beaucoup
d'applaudiffemens , tant aux Auteurs ,
qu'aux Acteurs.
Il reste à dire quelque chofe de la de
coration du premier Acte , qui fait , quoique
fimple , l'admiration de tout le monde.
Elle reprefente le fuperbe Palais de
Ninus , dont on voit le veftibule vouté ,
foutenu par huit colonnes de pierre d'or
dre Tofcan avec des boffages ruftiques
vermiculez . A droite & à gauche font
deux grands paffages qui conduisent à des
portiques du même ordre d'Architecture,
par où s'échapent des accidens de lumiere
qui font un effet furprenant.
Aux
OCTOBRE. 17 26. 2343
Aux deux côtez de la grande entrée du
Palais on a placé deux groupes de figures
qui reprefentent des élevemens , en marbre
blanc , fur leurs piedeftaux , difpofez avec
beaucoup d'art.
La façade du Palais eft d'ordre Dorique,
depuis le Rez- de - chauffée jufqu'au tiers
de l'élevation , avec des colonnes ifolées
de marbre , canelées , qui ſoutiennent le
grand arc du milieu, de a 5 pieds de haut ,
furmonté de fon archivolte , où l'on voit
deux Renommées appuyées fur le fommet
, avec des trophées de chaque côté ,
de grande maniere.
Au Rez- de- chauffée , il y a une conti
nuation de pilaftres , de même ordre , entre
lefquels font des niches , bas- reliefs &
Statues antiques. Les metopes de la corniche
font ornées de trophées d'armes , &
au deffus de cet ordre regne une fuite
d'arcades , avec des baluftres dans les arcades
.
Le milieu du dedans du Palais reprefente
une grande galerie en enfilade d'arcades
très-élevées , foutenue par 2 4. colonnes
ifolées , avec contrepilaftres ; interrompue
fur la longueur par deux
grands Talons circulaires , ouverts par le
haut , avec une balustrade en terraffe , qui
communique aux divers appartemens.
Le premier falon eft foutenu par des
+
colon
344 MERCURE DE FRANCE :
colonnes ifolées , entre lefquelles font
des Statues de marbre blanc , allifes fur des
piedeftaux. Aux deux côtez de ce falon
on voit deux grands efcaliers pour monter
aux terraffes.
Une Staftue equeftre en bronze fur fon
piedestal de marbre blanc , qui fait un
effet admirable , eft placée au milieu du
fecond falon , qui communique à droite.
& à gauche à des colonades circulaires
d'ordre Dorique, de marbre jaune antique,
ainfi que toutes les colonnes & pilaftres
du Rez-de - chauffée du Palais .
L'effet le plus furprenant que cette de-
*coration produife aux yeux , après la richeffe
de la compofition , & l'excellent
goût de l'Architecture , c'eft la grandeur
du lieu que l'innocente magie de la perfpective
, jointe à l'union du coloris & à
T'entente des lumieres , fait paroître fi
vafte , qu'on en eft frappé d'admiration &
d'étonnement. Cependant le Sieur Servandoni
, Peintre Florentin , qui a compofé
& peint toute cette Decoration , à
l'exception des figures , qui font du Sieur
du Mont , Peintre François de l'Académie
Royale de Peinture , a été extrémement
contraint ; car le Theatre de l'Opera n'eſt
ni profond ni exhauffé . Malgré cet inconvenient
, il a trouvé l'art d'y placer 62.
colonnes ou pilaftres , vifibles aux yeux
聊
des
OCTOBRE. 1726. 2345
des Spectateurs, Les premieres colonnes
ont 30. pouces de diametre .
Le Sieur Servandoni n'eft en France
que depuis deux ans , & il s'y eft déja acquis
beaucoup de reputation dans les ouvrages
de perfpective , aufquels il excelle.
Il eft Eleve du celebre Jean - Paul
Panini , Peintre Parmefan , dont les
ouvrages font auffi précieux.que recherchez
& admirables , pour imiter les
effets de la natute par la perfpective. Son
Eleve a déja fait beaucoup d'ouvrages de
cette efpece en Italie & en Angleterre .
On voit à l'Opera de Londres fept Deco
rations de fa main.
Le 14. les Comediens François donne
rent fur leur Théatre à Paris', la premiere
reprefentation de la Chaffe du Cerf , Piece
en trois Actes , avec un Prologue & des Intermedes
du Sieur Le Grand , Comedien du
Roi . Comme cette Comedie n'a pas été reçue
favorablement, & que l'Auteur en doit
retrancher le premier Acte & le Prologue,
nous renvoyons au Mercure prochain à
en parler plus amplement.
Le premier de ce mois , les Comediens
François repreſenterent devant Leurs
Majeftez , à Fontainebleau , la Tragedie
de Rodogune , de P. Corneille, & la petite
Comedie de Florentin.
Le
2346 MERCURE DE FRANCE .
3
Le 3. les Comediens Italiens reprefenterent
Arlequin Sauvage , Piece Françoife
en trois Actes , de M. L'Ifle ; & la petite
Comedie Italienne de l'Impatient.
Le 5. le Misantrope & le Medecin malgré
lui , de Moliere , par les François.
Le 8. les Comediens Efclaves , en trois
Actes , avec un Prologue , fuivi d'Arlequin
dansl'Ile de Ceylan , petite Comedie
Italienne .
Le 10. Andromaque , & pour petite
Piece le Cocherfuppofé.
Le 12. l'Amour Precepteur , Comedie
nouvelle en trois Actes , & Arlequin vo
leur , petite Comedie Italienne.
Le 15. la Coquette & les trois Freres
Rivaux
, par , par les François.
Le 17. Arlequin Muet par crainte ,
Comedie Italienne en trois Actes ; &
pour petite Piece , Arlequin poli par l'Amour
, Comedie Françoife.
Le 21.1gnes de Caftro , Tragedie de M.
de la Motte , & l'Avocat Patelin.
Le 22. Arlequin , Enfant , Statuë , &
Perroquet , Comedie Italienne en cinq Ac
tes ; & pour petite Piece , Agnez de Chaillot,
Parodie d'Ignès de Caftro, par le Sieur
Dominique , Comedien du Roi.
Le 24. la Ch ffe du Cerf par les Comediens
François qui étoient reftez à Paris
, avec le Prologue de l'Impromptu de
la
OCTOBRE. 1726. 2347
la Folie , & la Françoife Italienne , ouvrages
du Sieur Le Grand , Comedien du
Roi.
Le 25. Electre , Tragedie de M. de Cre
billon , & Le Grondeur.
L'Opera Comique , qui a joué plufieurs
fois depuis la clôture de la Foire S.
Laurent , fur le Théatre du Palais Royal ,
prit congé du Fublic le Mécredi 23 Octobre
: le Sieur Francifque prononça le
Difcours fuivant , qui fut applaudi.
MESSIEURS ,
Permettez
-
que nonous
de vous rendre de trèshumbles
graces de l'extrême indulgence que
Vous avez eue pour nous pendant le cours de
la derniere Foire. Satisfaits des efforts
tre Troupe faifoit pour vous plaire , vous avez
excufé nos fautes , & votre bonté a prévalu fur la
délicateffe de votre goût. Auffi ne fommes -nous
pas affez vains pour regarder comme une juſtice
les applaudiffemens dont vous nous avez quelquefois
honorez. Nous fçavons bien que vous.
nous les avez donnez , feulement pour nous encourager
à les mériter ; & c'eft ce qui fera deformais
toute notre attention . Oui , Meffieurs , nous
allons nous appliquer , mes Camarades & moi , à
vous rendre plus contens de nous à la Foire prochaine.
Puiffent nos Auteurs nous donner de fi
bonnes Piccés , qu'elles vous dérobent nos defauts
, ou puiffions nous devenir allez habiles pour
faire valoir les mediocres.
Le
2948 MERCURE DE FRANCE .
Le 8. & le 22. de ce mois , cette Troupe
donna deux nouveautez , l'une fous le
titre du Bois de Boulogne , que le Public
ne gouta point ; & l'autre fous le titre du
Retour de la Chaffe du Cerf, qui eft une
efpece de Parodie critique de la Piece
nouvelle qu'on joue au Théatre François.
On a eu avis qu'on avoit reprefenté
pour la premiere fois , le premier de ce
mois , fur le grand Théatre de Bruxelles
, en prefence de l'Archiduchelſe
Gouvernante des Pays - Bas , un Opera
intitulé : le Jugement de Pâris.
CHANSON.
Comment Omment voulez -vous que je chante ?
Un Rhume affreux nuit & jour me tourmente ,
Et je ne ceffe de touffer.
Le mal augmente ;
m'étouffe ; je meurs . Hâtez- vous de verfer.
Verfez tout plein , la toux eft vielente.
Quel changement
Doux & charmant !
A peine ai-je vuidé mon verre ,
Déja
"TREBE
THE
NEW
YORK
PUBLIC
LIBRARY.
ASTOR,
LENOX
AND
TILDEN
FOUNDATIONS.
LOLL
* YORD
UNLICERARY.
ASTOR, LENOK AND
TILDEN FOUNDATIONS
OCTOBRE. 1726. 2349.
Déja mes fons brillans s'élevent dans les airs ;
Je roule , je fredonne , & du fond des Enfers,
J'éleve mes éclats au deſſus du tonnerre.
O Bacchus ! fans ton jus tout languit fur la terre.
La voix que tu me rends ne ceffera jamais
D'annoncer aux mortels ta gloire & tes bienfaits,
Ces paroles ont été mifes en Mufique
par M. Guillon , Auteur de l'air du Mercure
de Février dernier : Je n'ai jamais
appris ut re mi fa fol la .
******** XXXXXXX**
NOUVELLES DU TEMPS.
O
TURQUIE.
N apprend d'Alep , que le 15. Avril dernier
, à midi & un quart , on avoit fenti
trois fecouffes de tremblement de terre affez
fortes de l'Eft à l'Oueft , qui ne durerent que
deux minutes , & qui n'ont caufé d'autre
dommage que quelques pans de vieilles mutailles
qui font tombez . Il y eut le même jour
& à la même heure , un pareil tremblement de
terre à Alexandrette.
Les Lettres de Smirne portent , que la maladie
contagieufe n'y faifoit plus de fi grands
ravages au commencement du mois dernier
non plus qu'à Chio , & en quelques autres
H Ville's
2250 MERCURE DE FRANCE.
Villes du Levant , mais que la mortalité étoit
toujours fort grande à Conftantinople , & que
le Gr. S. avoit donné ordre de faire des Prieres
publiques dans toutes les Mofquées . Le
nombre des morts eft fi confiderablement
augmenté , qu'il eft prefque impoffible de leur
donner la fepulture , & l'infection de l'air eſt
fi grande, que l'on n'efpere pas de pouvoir
être délivré de cette calamité avant les premieres
gelées . Le Grand Seigneur s'eft enfermé
dans l'interieur de fon Serrail ; il ne
communique avec aucun de fes Officiers du
dehors .
La maladie ne s'eft pas encore communiquée
aux maifons de Campagne , où les Miniftres
Etrangers fe font retirez. Ils y font
faire une garde très - exacte. Leurs Confes
rences avec les Miniftres du Divan ont été interrompues
pendant quelque temps.
Les dernieres Lettres de Smyrne portent ,
que la maladie contagieufe y eft entierement
ceffée , & que les Habitans ont recommencé
leur commerce ordinaire .
On apprend en même temps de Conftantinople
, que le nombre des morts y étoit diminué
de plus de la moitié , & qu'au 9. Septembre
il n'y mouroit plus que cent perfonnes
par jour. Les pluyes furvenues ont fait
toutner en fievre le venin de la contagion .
Le 4. Septembre , le Vice- Amiral Somerf
dick arriva à Alger avec fon Efcadre , pour
traiter de la paix entre les Eta ts des Provinces
Unies & la Regence. Le lendemain , il
envoya des Députez avec un prefent de 20 .
barils de poudre à canon pour le Dey , qui
reçût fort gracieufement les Députez & le
prefent. Enfuite on entra en Conference , & le
Traité de Paix fut conclu & figné le 8. tur le
pied
OCTOBRE. 1926. 2351
pied de celui de 1712. dont voici le précis .
Il y aura paix ferme & ftable entre L. H. P.
&le Pacha d'Alger , &c. à commencer dujour
de la fignature de ce Traité, ta
Les droits d'entrée feront payez ſur le pied
du Traité de 17.12 . fçavoir cing pour cent.
Les munitions de guerre autres Marebandifes
de contrebande ne feront fujettes à
aucuns droits.
Les Etrangers qui fe trouveront à bord des
Vaiffeaux Hollandois , ne pourront en être enlevez
ni inquiétez par les Algeriens.
Les Vaiffeaux Hollandois venant à échoüer
fur la côtede Barbarie , les Algeriens nepourront
fe faifir des Effets , ni en prétendre aucun
droit d'entrée & les Equipages de ces
Navires ne feront point fujets à être faits Ef
claves. Aucun Vaiffeau Algorien ne pourra
faire la courfe vers les Villes , Forts , ou Ha
vres de la domination des Etats Generaux.
Lorfque quelque Vaiſſeau de guerre Hollan
dois aura mouillé devant Alger , on lui fournira
, fuivant l'ancienne coûtume , les provi
fions rafraichiffemens neceffaires.
Aucun Marchand , ou autre Sujet Hollan
dois , ne pourra être enlevé , vendu , ou fait
Efclave dans aucun endroit de la dépendance
Alger, fous quelque pretexte que ce puiffe
être.
Lefdits Sujets Hollandois venant à mourir à
Alger , le Gouvernement ne pourra mettre la
main fur leurs Effets.
Les differends qui pourront ſurvenir entre un
Hollandois un Algerien , feront jugez par
le Dey; & ceux qui s'éleveront entre les Hollandois
, feront terminez par le Conful de leur
Nation.
Ce Confuljouira nonfeulement de toute for-
Hij tee
2352 MERCURE DE FRANCE.
te de protection , tant pour fa Perfonne que
pour ses effets , mais il aura encore, la liberté
de faire faire le Service divin dans fa maifon
, d'y admettre les Efclaves Chrétiens
Protestans.
Les Paffeports qu'on accordera aux Vaif
Jeaux Marchand's Hollandois , feront renou
vellez au bout de trois ans.
Toutes les hoftilitez commifes depuis la rupture
de la derniere Paix jufqu'a prefent , foront
regardées comme non avenuës ,
ON
RussIE.
N mande de Derbent , que nos Officiers
Generaux avoient rrouvé à propos de
former un Camp de 25000, hommes aux environs
d'Andreoff , pour obferver les mouvemens
des Turcs en Perfe , qui font poftez &
fix lieuës d'Ifpaham, au nombre de 180000.
hommes , dans le deffein de reduire cette Ville
par la famine.
I
Le General Matueof , qui eft à Derbent,
avoit envoyé un Détachement de 1500. hommes
vers Schiras pour couvrir , contre les Tartales
, la vendange que les Ruffiens avoient
refolu de faire , pour avoir une bonne provifion
de vin de ces quartiers- là , qui paffe
pour le plus exquis de toute la Perfe.
La Czarine a envoyé des ordres à tous fes
Miniftres dans les Cours Etrangeres , de déclarer
que dans le Traité d'alliance défenfive
qu'elle à conclu avec l'Empereur , il eft ftipulé
qu'elle ne fera obligée en aucune maniere
de prendre part aux differends qui pourroient
furvenir par rapport à l'établiffement
de la Compagnie de Commerce des Pays-
Bas
La
OCTOBRE. 1726. 2353
La Czarine s'eft déterminée , fur les avis
de fon Confeil , à laiffer à Revel 22. Vaiffeaux
de la Flotte , 11. Fregates & 36. Galeres.
Les autres Bâtimens ont reçû ordre
de retourner à Cronfloot , afin d'y arriver
avant que l'entrée de ce Port foit fermée par
les glaces.
S. M. Cz. ayant pris la refolution d'avoir
l'année prochaine 12000. Matelots fur fes
Vailleaux ; & ne pouvant en faire venir des
Pays Etrangers qu'avec beaucoup de difficulté
, on a commencé par fes ordres , à faire
choix dans les Regimens d'Infanterie , des
Soldats qu'on croit être les plus propres au
fervice de la Marine
LE
3
POLOGNE.
E 19. Septembre le Roife rendit à Grod
no , où il fut complimenté par les Senateurs
& par les Nonces de la prochaine
Diette.
Les Regimens Mofcovites qui s'étoienr approchez
des frontieres du Duché de Curlande,
ont reçû ordre de retourner dans leurs
anciens quartiers.
On attend à Mittau M. Jagofinski , Mi❤
niftre de la Czatine , avec les Pleins- pouvoirs
de cette Princelle , pour terminer à l'amiable
les differends furvenus à l'occafion de
l'élection du Comte Maurice de Sáxe..
L'ouverture de la Diette generale fe fit à
Grodno le 28. du mois dernier. Vers les 9.
heures du matin , le Roi fe rendit, à pied, au
Palais de l'Eglife Cathedrale , précedé des
Nonces du premier Ordre , du Primat du
Royaume , accompagné de tous les Senateurs
& des Maréchaux , portant leur Bâton éle
H iij vé.
2354 MERCURE DE FRANCE.
vé Il étoit fuivi du Grand Chambellan de la
Couronne , des Referendaires , des Commandans
des Gardes , & des Officiers de la Cour :
24. Gardes du Corps fermoient la marche. Le
Trône de Sa Majesté étoit élevé près de l'Au-'
tel, & les Gardes étoient rangez en haye depuis
la porte de l'Eglife jufqu'aux degrez du
Sanctuaire La Meffe étant finie , le Roi re-
Tourna au Palais dans le même ordres après
quoi le Maréchal de la Diette & les Nonces
fe rendirent à la Salle des Nonces. Le Maréchal
, après avoir fait l'éloge de S. M. fit
rapport du Decret & de l'execution de ce
Decret.
Le Comte Maurice de Saxe eft attendu à
Grodno , pour faire part à la Diette de la
sefolution nouvellement prife par la Noble ffe
& les Etats de Curlande , de confirmer fonélection
, & de lui fournir tous les fecours ne◄
ceffaires pour- fe mettre en poffeffion de ce
Duché après la mort du Duc Ferdinand.
SUBDE.
Oaufquelles le Roi de Suede a ratifié l'Acte
Na publié à Stockolm les conditions
d'Acceffion de l'Empereur au Traité de Nydftadt.
Il paroît par deux Articles particuliers
de l'Acte de ratification , qu'en cas qu'il s'élevât
des troubles contre l'Empereur , en Italie
, ou dans quelqu'autre Etat hors de l'Europe
, la Couronne de Suede ne fera pas obligée
d'y prendre part , ni d'envoyer en des
Pays fi éloignez les fecours ftipulez d'ailleurs
par le Traité. Que fi la Paix generale , qui
regne dans l'Europe , venoit à être troublée
par l'inobſervation de quelques-uns des Articles
des Traitez de Paix de Weltphalie & d'Olivas
OCTOBRE. 1726. 235
va , ou des autres Traitez aufquels ils fervent
de fondement , par rapport aux affaires de
Religion; & que dans ces differens cas l'Em--
pereur ou le Roi de Suede fuffent engagez
dans ces nouveaux troubles, ils ne feront obligez,
ni l'un ni l'autre , à fournir aucun des
fecours convenus entr'eux pour les autres cas ,
dautant que dans le Traité d'alliance défenfive
, conclu entre la Couronne de Suede &
la Czarine , le 22. Fevrier 1724, auquel l'Empereur
a auffi accedé , il eft ftipulé par l'Arti
cle 16. que les Traitez citez ci - deffus , doivent
refter en toute leur force , comme n'étant
aucunement contraires à la nouvelle Alliance.
Le 17. Septembre , les Députez de la Nobleffe
fe rendirent dans la Chambre du Senat à
Stockolm pour proceder à l'élection d'un
Maréchal de la prochaine Affemblée des Etats
du Royaume. Les deux Concurrens furent le
Comte d'Horn , premier Senateur , & le Baron
de Stromfeld ; Prefident du Confeil : le
premier fut élû à la pluralité de 125. voix .
Le 21. le Roi & les Deputez des Etats du
Royaume , fe rendirent vers les onze heures
du matin à l'Eglife de S. Nicolas ; & après
y avoir entendu la Prédication & le Service
divin , S. M. revêtuë de fes habits Royaux , &
accompagnée des Senateurs avec leurs habits
de Ceremonie, & des Deputez , alla en grand
Cortege à la Salle destinée pour l'Affemblée .
Le Roi étant fur fon Trône fut complimenté
de la part des Etats , après quoi l'Affemblée
fe fépara jufqu'au 23. qu'on tint la pre
miere Séance.
On écrit de Stockolm , que le bruit s'étoit
répandu que les Etats avoient approuvé le 1.
Hij
2356 MERCURE DE FRANCE 2356 .
de ce mois , le Projet d'Acceffion de la Coup
zonne de Suede au Traité d'Hanover.g
ALLEMAGNE.
71
Aga Turc qui eft à Vienne ,ayant eu permilion
du Clergé , de voir l'Eglife de la
Cour de S. Michel , on lui fit jouer les Orgies
, dont il adinira la beauté & la ftructure.
En fortant de l'Eglife il fe rendit dans le Cloître
& dans le Refectoire , où on lui prefenta
du pain & du vin ; il en prit quelque peu , &
fe retira fort fatisfait. 11
On mande de Prague , que le feu ayanıb
pris à un Château fitué dans le voifinage de
cette Ville , qui appartient à la Princeffe de
Lichtenſtein , Epoufe du Comte de Soiffons
neveu du Prince Eugene , il avoit été confu
mè en moins de trois heures , & que le Village
voifin avoit auffi été reduit en cendres.
C
ITALIE
La les Minitres reflet un état des re
E bruit court que le Pape a donné ordre
venus de toutes les Eglifes de Rome ; & de
l'argenterie qu'elles poffedent, ce qui fait croire
qu'il a deffein de les obliger à fournir quelque
contribution pour l'entretien des Hôpitaux.
Le 2. de ce mois , il y eut à Venife une
Courfe de Gondoles fur le grand Canal . Elles
étoient divifées en quatre Quadrilles , & on
diftribua des Prix aux Rameurs qui arriverent
les premiers au but qu'on avoit marqué..
On écrit de Florence , que le Grand Duc
y jouit d'une parfaite fanté , qu'il paroît trèsfoavent
en public , & que le 9. du mois dernier
il affifta à la réprefentation d'une des
Comedies ,
OCTOBRE . 1726 235 7
Comédies , dite , Improviste , qui ont été jouées
pendant un mois fur le Théâtre de S. Benoît.
Le 11. de Septembre , le Pape tint au Pa-
Fais du Quirinal , un Confiftoire fecret , dans
lequel le Cardinal de Polignac propofa , au
nom du Cardinal Ottoboni , Protecteur des
affaires de France , qui eft abfent , l'Abbaye
" Reguliere de la Ferté fur Crofne , Ordre de
Citeaux , Diocèle de Châlons fur Saone , pour
Dom Jean- Charles Defcriveux , Religieux du
même Ordre. no 107
A la fin du Confiftoire , S. S. fit Cardinal
M. André Hercule de Fleury , ancien Evêque
dé Fréjus , Miniftre d'Etat du Roy T. Ch. &
Grand Aumônier de la Reine de France.
Le même jour il arriva à Rome un Courrier
de S. Ildefonfe , avec des dépêches pour
M. Cornejo , chargé des affaires du Roy d'Ef
pagne auprès du Pape , & le bruit fe répandit
vers le foir que S. M. C. avoit accordé fa
nomination au Cardinalat , au Prince Emanuel
de Portugal , qui eft actuellement à la Cour.
On écrit de Rome , que le Chevalier Geraldin
, Chevalier de l'Ordre de S. Jean de
Jerufalem , originaire du Royaume d'Irlande,
& defcendant des anciens Milords , Comtes
de Defmond , Vice-Rois d'Irlande , a obtenu
du Pape , à la follicitation du Chevalier de
S. George & du Grand - Maître de Malthe ,
un Bref d'Expectative du Grand Prieuré d'Angleterre
, dont eft actuellement Titulaire le
Bailly de Ferretti.
Le 14. Septembre , l'Abbé Gualterio , Camerier
d'honneur du Pape , & neveu du Cardinal
de ce nom , fut nommé par S. 5. pour
aller en France porter le Bonnet au Cardinal
de Fleury.
"
On mande de Florence que M. Pallavicini ,
Ну Nonge
2358 MERCURE DE FRANCE.
f
Nonce du Pape , & le Marquis de la Batie',
Envoyé extraordinaire du Roy de France ,
avoient fait illuminer leurs Palais , à l'occafion
de la Promotion de l'ancien Evêque de
Fréjus au Cardinalat . Ces Lettres ajoûtent que
le 29. du mois dernier , l'Abbé Gualterio ,
Camerier d'honneur du Pape , paffa par cette
Ville , allant en France porter le Bonnet au
Cardinal de Fleury.
On a reçû avis de Gennes , que le 25. du
mois dernier , on y avoit reffenti quelques
fecouffes de tremblement de Terre , qui n'avoient
caufé aucun dommage.
Tremblement de Terre à Palerme,
La Ville de Palerme , dans la Vallée de
Mazare , avec Port de Mer , eft la Capitale &
une des plus belles Villes du Royaume de
Sicile par fa fituation , dans une Campagne
très fertile , par fon commerce, par la magnificence
de fes édifices & par la Nobleffe
& les biens de fes Habitans.
L'Ile de Sicile eft extremement abondante
& fertile en toute forte de grains & de fruits.
Elle fut autrefois appellée le Grenier de Rome.
C'eft la plus grande de toute la Mer Méditerranée
; quelques Hiftoriens affurent quelle
étoit anciennement jointe à l'Italie . Le Mont
Etna ou Mont Gibel y eft celebre , à caufe des
flammes qu'il jette.
La Sicile fouffrit une très grande défolation
par un tremblement de terre , arrivé les
9. & 11. Janvier 1693. Les Villes de Catane
Agoufte , Siracufe , Jaci , Lentini , Carlentini ,
Noto , Morica , Cieli . Nagufa , furent prefque
entierement abîmées . Trente-fix autres petites.
Villes & Villages furent en partie détruits
&
OCTOBRE. 17261 2355
23 & 13. autres fort endommagés . La perte
des perfonnes fut eftimée à près de 150000.
C'eft encore un tremblement de terre qui
donne lieu aujourd'hui à ce article. Le premier
Septembre 1726. on commença à fentir
à Palerme quelques fecoufles de tremblement
de terre , qui d'abord ne furent pas fort confiderables
, mais qui redoublerent enfuite d
trois differentes repriſes dans l'efpace de 25.
minutes , & d'une maniere fi violente que la
plupart des Eglifes , des Edifices publics &
environ la fixième partie des Maifons de la
Ville furent renverfez & ruinez de fond en
comble. Une rue du quartier de fainte Claire
s'ouvrit avec un bruit effroyable , & il en
fortit des flammes , une grande quantité de
pierres calcinées & un torrent de matieres
bitumineufes enflammées qui réduifit tout ce
quartier en cendre en moins d'une demie heure.
Le Gouverneur , le Senat & les Magiftrats
de la Ville , firent tous leurs efforts pour tâcher
de calmer l'allarme & de retenir les habitans
qui fuyoient à la campagne , afin de
pouvoir les employer à éreindre le feur ; mais,
fa frayeur étoit fi grande qu'on ne put les
retenir , non- plus que la Garnifon de la Citadelle.
Les habitans du côté de la Marine
s'embarquerent fur des Bâtimens qui étoient
dans le Port. Tout étoit en defordre & en
confufion.
On croit qu'il y a eu environ 1800 per
fonnes enfevelies fous les ruines, fans compter
celles qui s'étoient fauvées aux premieres fecouffes
, dans la place du quartier de fainte
Claire , dont on vient de parler , & qui fu
rent englouties.
Voici les noms des Quartiers de la Ville,
des Eglifes des Palais , & c . qui ont été ren-
*
>
H vj
verfez
2360 MERCURE DE FRANCE.
verfez où fort endommagez.'
L'Eperon de l'Esplanade de la Marine , qui fe
joint à S. Jean , entierement renverfé! Le
Palais du Prince Roccapalumbo. La Fonderie.
La Cour de Arcenal. La rue des Chan-3
deliers. La Place de la Draperie du Mont
de Pieté. La rue de Peperito , & la Place de
la Panterie. Le Quartier de Latterini. Le Pa-
· lais du Duc de Montalto , appellé , Di Aïutami
Chrifto. Les Maifons del Giardinazzo .
Le nouveau Bâtiment de S. Nicolas de Tolentin
. Le Palais du Baron Michelli Buzacca .
Le Palais de l'Avocat Selvaggio. La Place
de la Maifon Profeffe des Jefuites. Le Clocher
& le toit de la Cathédrale. Le Convent de
la Mifericorde des Cordeliers Chauffez , &
partie de celui de la Grace , des Cordeliers
Dechauffez. L'Ouvrage du Port Salvo. La
Galerie du Chantier. La Place au lait. La
rue des Fourbiffeurs . La Plaine Dazerne. La
Place de la Chair. La rue de la Loge , celle
des laitiers , celle de Ferrare, le Convent &
Eglife des Auguftins Réformez , & c.
On a remarqué que pendant les plus vio→
lentes fecouffes du tremblement de terre , le
fen avoit pris à plufieurs Palais & Maifons
qui furent bientôt réduites en cendres ; ce qui
augmenta la terreur & l'épouvente des ha
bitans.
Les Lettres du 6. portent que le tremble
ment s'eft fait fentir dans quelques Villes &
prefque dans tous les Bourgs de l'Ifle. Elles
ajoûtent que la veille on obferva une intemperie
extraordinaire dans l'air , & que le ciel
étoit couvert de nuages épais ; qu'entre les
& 6. heures du foir il s'éleva un vent de
midy très chaud , & que peu après il
commença à tomber une groffe pluye , qui
nean-
J
OCTOBRE. 1726. 2361
néanmoins n'empêcha pas le vent de devenir
plus violent ; qu'à l'entrée de la nuit , la tempête
parut un peu calmée , mais qu'entre les
9. & 10. heures , le vent fe renforça , de
même que la pluye
Les Lettres du 10. marquent qu'une demie
heure avant le tremblement de terre , on avoit
entendu dans l'air un bruit épouvantable qui
avoit duré près d'un quart- d'heure fans dif-..
continuer , que vers le heures de la nuit,
on avoit apperçu deux colomnes de feu , formant
un angle, dont un des côtez s'étendoit
vers la Renelle, l'autre , du côté du Cap de
Zafrana que ce Phénomene , après s'être
approché de la Ville pendant quelques minutes
, avoit paru être pouffé vers la Mer
avec tant de violence , qu'il s'y étoit enfoncé
dans un inftant , mais fans s'éteindre d'abord,
fa clarté ayant été remarquée au fond de
l'eau , par l'Equipage d'un Vaiffeau qui étoit
à l'entrée du Port & près duquel il tomba ::
que le tremblement de terre avoit commencé
enfuites que ce n'avoit été d'abord qu'une
fimple agitation qui s'étoit changée enfuite
en mouvemens irreguliers & très - violens qui
avoient renverfé pendant l'efpace de s . à 6.
minures la plupart des maifons voifines
de l'Eglife de la Mifericorde , du Peperio
& de la Fonderie. On compte parmi les perfonnes
qui ont péri par ce tremblement , la
Princeffe de Rocca- Palomba , belle-mere du
Marquis de Sainte Marine & un de fes neveux
qu'elle tenoit entre fes bras ; que du
côté de la Mer , toute l'Ifle des Maifons qui
faifoit face à la grande rue Caffaro , depuis PEglife
de Porto Santo , jufqu'à celle de Saint:
Jean des Napolitains , avoit été renverfée ,
mais qu'avec le fecours des travailleurs que
1362 MERCURE DE FRANCE :
le Prince de Refutano , Préteur de Palerme
y avoit envoyé , on avoit retiré de deffous
les ruines plufieurs perfonnes en état de recevoir
encore da foulagement : que l'efcalier
& les planchers de la grande Safle , des Galleries
& des autres Appartemens du Palais.
Royal , étoient , ou refendus ou détachez
de leurs murs ; que le Quartier de la Garnifon
, le Château de la Marine & celui de
la Ville , n'avoient çû aucun dommage ;
que la plupart des habitans s'étoient rétirez
dans les Places du Palais & de l'Eglife Cathedrale
, & lerefte dans la Campagne , où ils
s'étoient barraquez avec des debris de leurs
maifons : qu'on faifoit à toute heure des Proceffions
aufquelles les Religieux , les Confrairies
& les Dames même affiftoient , couronnées
d'épines , & c.
On écrit de Naples du 18. Septembre , que le
nombre des habitans de Palerme , ensevelis
fous les ruines des Bâtimens , étoit beaucoup
plus considerable qu'on ne le croyoit d'abord,
& qu'on en avoit déja retiré près de 3500.
ESPAGNE.
Na fait par ordre du Roy , un dénombrement
general des Familles dans les 25.
Provinces de ce Royaume , il s'eft trouvé monter
à 1084633. fans compter les maifons privilegiées
, ce qui fait 5423165. perfonnes , à
raifon de 5. perfonnes par famille.
Le Dimanche premier du mois de Septembre,
le Tribunal de l'Inquifition de Barcelone
rendit un Acte , par lequel deux Juifs relaps
furent condamnez à être brûlez , l'un en effigie
& l'autre en perfonne , le premier Anglois
& le fecond Portugais . Celui - cy après avoir
été
OCTOBRE. 1746. 1263
été étranglé , fut jetté dans un grand bucher
il y a cent ans qu'on n'avoit vu une pareille
execution..
On écrit de Madrid qu'on a fait fur la fin
du mois dernier un détachement de dix hommes
par Compagnie d'Infanterie , ce qui formera
un Corps de Troupes de près de 15000
hommes , qu'on croit deftinez à la garde des
Côtes de la Mediterranée.. Les
trois
nouveaux Vaiffeaux de Guerre
qu'on a conftruits à San - Andero , en font
partis pour Cadiz. On travaille encore dans la
premiere de ces deux Villes , & dans les Chan
tiers des Ports de Galice & d'Andaloufie ,
la Conftruction de plufieurs autres Navires
qui feront en état d'être mis en Mer au Prin
tems prochain.rad
Le Roi a nommé pour fon Confeffeur le
P Klarck Recteur du College des Ecoffois
de Madrid . à la place du Pere Gabriël Bermudez.
Le Marquis de Grimaldo a quitté l'Emploi de
Secretaire d'Etat , le Roi lui en a conſervé tous
les Apointemens. S.M. C. adonné le Département
general des Affaites Etrangeres à Dom
Jean Baptifte Orendain , Marquis de la Paz ;
& la Charge de Prefident du Confeil de Hazienda
, ou des Finances , à Dom Jofeph Pa
tinho , Secretaire de ce Département ; & de
ceux des Indes & de la Marine ; à Dom Thomas
d'Yriberri , la Charge de Grand Treforier
de S. M. dont M. Nicolas de Hynojoza avoit es
ordre de remettre fa Demiffion.
PORTUGAL.
N écrit deLisbonne que le premier de Sep
tembre le Vice- Aimiral Jennings remit à la
voile
2364 MERCURE DE FRANCE .
Toile avec fon Efcadre , très - fatisfait des hon
neurs qu'il avoit reçûs à la Cour de Portugali
Le Roi a accordé au Marquis de Valence
le Titre de Comte-Neveu , Titre dont S. M.
honore ceux qu'Elle reconnoît pour les parens. I
GRANDE-BRETAGNE.
6
Ur la fin du mois dernier , les Officiers de
la Douane à Deptford , découvrirent deux
Marchands de Thé , qui en faifoient de contrefait
, en le teignant , & y mêlant des feuil
les de prunier fauvage , & d'autres feuilles : ils
ont été condamnez a une amende de livres
fterling chacun , & leur Thé & Drogues ont
été confifquez.
50.
On a appris par la voye de Cadiz que l'Amiral
Jennings avoit paru le 11. du mois dernier
à la vue de cette Ville , où il avoit envoyé
le Lord Forbes , l'un des Capitaines de fon Efcadre
, pour demander permiffion au Gouver →
neur de faire acheter quelques provifions dont
il avoit befoin , ce qui lui ayant été accordé ,
il avoit remis à la voile deux jours après , pour
fe rendre à Gibraltar.
Les Lettres de Lisbonne du 11. Septembre
portent que le Contre- Amiral Hopfon y étoit
arrivé avec quatre Vaiffeaux de l'Efcadre du
Vice-Amiral Jennings , après avoir croisé pen
dant quelques jours à la hauteur de la Corogne
,que le Roi de Portugal avoit donné ordre
qu'on lui fournit tous les rafraîchiffemens dont
il auroit befoin , & qu'il devoit remettre inceffamment
à la voile pouraller rejoindre le refte
de l'Eſcadre.
On écrit de Briftol de la Jamaique , que le
Diamant , Vaiffeau Hollandois , avoit été pris
par les Espagnols , fur la Côte des Caraques
où
7
OCTOBRE. 1726. 2365
où il faifoit la traite ; & que c'étoit la confor
mité de fon nom avec un des Vaiſſeaux de
Guerre du Roi , qui avoit fait courir le bruit de
la perte de ce dernier ; qu'un autre Vaiffeau
Hollandois ayant été attaqué par un petit *
Vaiffeau de Guerre Efpagnol du Port de la Trinité
, s'étoit defendu fi vigoureufement , qu'il
s'étoit rendu maître du Navire Efpagnol ,
après avoir tué 9's Hommes de fon Equipa
ge; & que le Rich Galley , Vaiffeau Anglois
Commandé par le Capitaine Thomas Harruc
avoit été pris par les Vaiffeaux Garde - Côtes
Efpagnols de l'Ile de S. Domingue
PAYS-BAS.
Nécrit de Bruxelles que l'Abbaye de Flo
Oreétur Bambre , àdeux lieues & demie
de Namur , avoit été confumée par le feu le 17
du mois dernier ; mais que l'Eglife n'avoit pas
été beaucoup endommagée.
Le 6. de ce mois , le Marquis de Fenelon ,
Ambaffadeur du Roi Très- Chrétien à la Haye .
& M. Finch , Envoyé Extraordinaire du Roi
d'Angleterre , firent avec les Deputez des Etats
Generaux l'Echange des Ratifications de l'Ac
te d'Acceffion de Leurs Hautes Puiffances , au
Traité d'Hanover , lequel eft prefentement fans
referve d'aucune des Provinces , celles d'U.
trecht & des Ommelands y ayant donné leur
confentement depuis quelques jours . Le 9. ces
deux Miniftres échangerent entre eux les Actes
de Ratification de leurs Souverains .
Les Directeurs de la Compagnie d'Oftende
fe propofent d'envoyer cette année fept Vaiffeaux
aux Indes. Ils indiqueront inceffamment
une Affemblée generale des Intereffez pour fai
re approuver ce Projet.
FRANCED
# 366 MERCURE DE FRANCE.
FRANCE
Nouvelles dela Cour , de Paris
Lie
E 23. du mois dernier , vers les 5.
heures du foir , le Tonnerre tomba
devant le grand Portail de S. Euftache ;
il entra dans l'Eglife , alla rompre un
bout du bras de la Croix qui eft fur le
Jubé , & fortit par la porte collaterale , à
droite, fans bleffer perfonne.
Le T 25. après midi , on chanta un Te
Deum dans l'Eglife de l'Hôtel Royal
des Invalides , pour rendre graces à Dieu
du rétabliffement de la fanté de M. le
Blanc , & l'on fit plufieurs décharges de
canons & de boëtes .
Le 26. l'Affemblée du Clergé alla , felon
la coutume , faluer le Cardinal de
Noailles . Archevêque de Paris .
Le même jour , à l'arrivée de la Rei
ne à Fontainebleau , le Procureur du Roi,
& les autres Officiers de Juftice , allerent
à la Croix du grand Veneur,, à
une lieue du Château , complimenter
S. M. & lui préfenterent une grande
Corbeille de fruit, La Reine fit arrêter
fon Caroffe , en mangea , & en donna
aux
OCTOBRE. 1726. 2367
>
aux Dames de fa fuite. En arrivant au
Château fur les fix heures du foir ,
elle trouva dans fon Antichambre le General
des Mathurins , à la tête des Religieux
de cet Ordre , qui deffervent lạ
Chapelle de Fontainebleau : il com.
plimenta la Reine fur le rétabliſſement
de fa fanté , & fur fon heureuſe arrivée
.
Le 6. de ce mois , la Reine entendit
dans la Chapelle de la Cour ovale du
Château de Fontainebleau , la Meffe , à
la fin de laquelle S. M. communia par
les maius du Cardinal de Fleury , fon
Grand-Aumônier. 2
Le même jour la Reine fit rere les
Pains Benits à l'Eglife de la Paroiffe , où
ils furent préfentez par l'Abbé de Saint
Aulaire , Aumônier de S. M. en quartier
, accompagné d'un Maître d'Hôtel
& d'un Contrôleur. I es Tambours des
Cent- Suifles , ceux de la Chambre , les
Trompettes & les Hautbois de la Chambre
précedoient les fix Pains - Benits , ornez
de banderolles , & c.
Une Famille , compofée de fix perfonnes
, & d'un enfant à la mammelle,
a été affaffinée depuis peu dans un Village
entre Lyon & Bourg- en Breffe , par
des Voleurs qui étoient entrez dans la
maifon
1368 MERCURE DE FRANCE.
maifon à dix heures du foir & qui n'en
fortirent qu'à la pointe du jour , ayant
emporté tout ce qu'ils avoient pû , après
avoir affemblé tous les cadavres au milieu
de la cour , & les avoir couvert de
paille & de fagots pour les brûler , mais
le feu s'éteignit peu de temps après. Une
petite fille de la même famille , qui s'étoit
endormie dans une Etable auprès
des moutons , & qui s'éveilla au bruit ,
échapa feule à ce maflacre ; elle a rapporté
des circonftances très- inhumaines
de ce meurtre.
Le 11. de ce mois le Courrier de Lyon
à Paris , & fon Poftillon , furent al affinez
& volez à 9. heures du foir , auprès
de la Tour , à deux lieues de Lyon.
Quoique la recolte du vin ait été trésmediocre
cette année dans prefque tout
le Royaume on affure qu'elle a été
fort abondante dans la Generalité de la
Rochelle , principalement dans le Pays
d'Aunis .
,
Les Religieux de la Charité du Fauxbourg
S. Germain , firent celebrer le 18.
du mois dernier , un Service folemnel
pour le repos de l'ame de feu Madame
la Ducheffe d'Orleans , en reconnoiffan
ce des grandes aumônes que cette cha
titable Princeffe faifoit à cet Hôpital ,
pour le foulagement & l'affiftance des
Ma
OCTOBRE 1726. 2369
Q
2
Malades , dont cette Maiſon eft toujours
très - chargée . M.l'Abbé de Riquety , Prédicateur
ordinaire du Roi ,fit la Ceremo
nie , & tous les Malades unirent leurs-
Prieres au Sacrifice qu'il offrit à Dieu ,
pour le repos de l'ame de la Princelle
& pour la confervation de toute la Maifon
d'Orleans , Protectrice de cet Hô
pital,
S
Le Lundi 14. de ce mois , on exécuta
pour la feconde fois devant la Reine , un
divertiffement intitulé Le Retour des
Dieux fur la terre. Les paroles font de
M. Tanevot dont nous avons fait déja
paroître plufieurs morceaux qui ont été
bien reçûs ; la Mufique eft de la compofition
de M. de Blamont, l'un des deux
Sur Intendans de la Mufique de la Chambre
du Roi , Auteur du Ballet des Fêtes
Greques & Romaines,
Le divertiffement qui donne lieu à
cet Article , fut fort goûté de toute la
Cour par le caractere tendre & galant
du récitatif , & la varieté piquante des
Simphonies. On ajoûta à la fin du dernier
choeur , une fuite de petits airs dé
tachez , parmi lesquels l'Auteur mêla la
fanfare fi connuë de M. de Dampierre ,
qu'on appelle la Royale : la Demoiſelle
Desjardins chanta des paroles qui ont été
faites fur cette fanfare , qui furent extrê
me ment-applaudies,
Le
2370 MERCURE DE FRANCE.
Le Mercredi 16. le fieur Quinault l'afné
, Comédien du Roi , eut l'honneur de
faire chanter devant la Reine , un Divertiflement
qu'il a mis en Muſique , &
qu'il a déja fait executer avec fuccès à
Lifle Adam , chez le Prince de Conti.
La Lieutenance de Roi des Ville & Citadelle
de Boulogne , vacante par la mort
de M. Colemberg a été donnée à M.
Conti de la Pierre , Major du Regiment
de Cavalerie de Conti,
›
Le Commandement du Port de Vendre
, vacant par la mort de M. de Valabri
, à M. de la Comme , Capitaine au
Regiment d'Infanterie d'Hainault.
Celui du Château - Neuf de Bayonne ,
vacant par la mort de M. de Framboifie
re , à M. d'Arzigalouve , Commandant du
deuxième Bataillon du Regiment du Roi
Infanterie.
La Lieutenance de Roi d'Arras , va
cante par la mort, de M. de la Broffe , à
M. de Chaftuix , Brigadier d'Infanterie
ci - devant Commandant à Givet.
Celle d'Antibes , vacante par la mort
de M. Niquet , au Marquis de Muys ,
Sous Lieutenant de la Compagnie des
Gendarmes Bourguignons.
·
L'Abbaye de Cormeille , Ordre de S.
Benoît , Diocefe de Lizieux , a été donpar
le Roi à l'Abbé de Rothelin. née
L'Abbays
OCTOBRE. 1726. 2371
L'Abbaye Reguliere de Doué , Ordre
de Premontré , Diocéſe du Puy , au Pere
Irail.
Celle d'Arciffe , Ordre de S. Benoît
Diocéfe de Chartres , à la Dame Roffignol.
}
ز
Le Pape ayant communiqué au Sacré
College le deffein qu'il avoit de nommer
M. l'Ancien Evêque de Frejus au Cardinalat
, tous les Cardinaux y applaudirent ,
& le Cardinal Del- Giudice donna fon
fuffrages en ces termes , au nom de tous :
Beatiffime Pater , & c. c'est - à - dire :
Très Saint Pere , il y a long- tems que la
Pourpre était dûe aux merites du très - excellent
Perfonnage M. André Hercule and
cien Evêque de Frejus . Le Sereniffime Roi
de France, Louis, rempli de reconnoiffance
envers fon Précepteur bien- aimé , le deman
de avec inftance à Votre Sainteté , ce qui
arrive bien rarement . La demande a été
précedée d'un applaudiffement general des
autres Puiffances. Que pouvoit- il donc arriver
à Votre Sainteté de plus gracieux & de
plus honorable que d'élever à la Dignité du
Cardinalatun Prélatfi reconnu & firenommé
dans l'efprit des Souverains , très - agréable
au Roifon Maître , qui en toutes chofes
a toujours été inceffamment attaché au Saint
Siege Apoftolique , refpecté & admiré de
toutes
2372 MERCURE DE FRANCE .
Boutes les Nations , qui eft generalement
eftimé de tout le monde ? Je rends en mon
particulier de très -humbles actions de gra
ces à Votre Sainteté du deßein qu'elle a de
nous donner en la perfonne de ce Prélat un
Confrere , qui par ces moeurs , fa vertu &
Ses exemples nous aide & nous excite à tendre
toujours à ce qui eft de mieux & de
plus grand à la gloire & à l'avantage du
Saint Siege Apoftolique.
Sur la nouvelle de la promotion de
M. l'ancien Evêque de Fréjus au Cardinalat
, la Maiſon de Sorbonne , pour quâ
ce Prélat a toujours eu une confideration
particuliere , nomma huit de fes anciens
Docteurs , pour lui aller faire compliment
; fçavoir , M. Lullier , Curé de
S. Louis en l'Ile , Senieur de la Maifon
, Meffieurs Pocquelin , Curé de Saint
Sauveur Tournely , Chanoine de la
Sainte Chapelle, ancien Profeffeur Royal
en Theologie , dont les Ecrits qu'il a dictez
en Sorbonne font imprimez & eftimez
de tous les Sçavans ; Le Moyne , le
plus ancien des Docteurs qui demeurent
actuellement en Sorbonne ; du Mans ,
Confeiller au Parlement ; Romigny ,
Syndic de la Faculté ; Gaillande & Cour
cault , Procureur de la Maiſon , & Sous-
Chancelier de l'Eglife & Univerfité de
Paris,
OCTOBRE . 1726. 2373
Paris . Ces Meffieurs étant arrivez à
Fontainebleau , eurent Audience du nouveau
Cardinal le Jeudi 25. de Septembre
, M. Lullier fit ce Compliment.
MONSEIGNEUR ,
(3
Les applaudiffemens que donne le Public
à ce nouveau degré d'élevation où vous
venez d'étre placé par le Souverain Ponti
fe , fait tout l'éloge de Votre Eminence.
Choifi pour l'éducation de notre jeune Mo-,
narque , vous avez juftifié le choix qui fut
fait de vous de cet important Emploi; Dieu
s'eft fervi de vous pour en faire un Roifelon
fon coeur & les fentimens de pieté & de
vertu que vous lui avez infpire , loin de
• s'affoiblir , croiffent & fe fortifient avec
l'âge.
39
ל כ
Sa Majefté vous a honoré de fa confiance
pour l'aider à foutenir le pefant far
deau du gouvernement de ce vafte Empi
re , dont elle s'eft voulu charger elle- même.
Que ne fe promet- on pas , Monfeigneur
, de ia fageffe de vos.confeils pour le
» bien de l'Eglife & de l'Etat ? On conçoit des
efperances d'autant plus certaines d'un ave
» nir heureux , qu'on eft très- convaincu que la
Religion , la juftice , & la felicité des Peuples
font les grands objets que vous avez
på en vûës, & les feuls & uniques motifs
qui vous font agir .
»
39
Parmi tant de juftes acclamations nous
Vous fupplions , Monfeigneur , d'entrevoir
» celles de la Maifon de Sorbonne ; elle a
i déja éprouvé en plus d'une occafion les ef-
Ifess
2374 MERCURE DE FRANCE.
» fets de votre bonté , & elle a la joye de
trouver en V. E. un Protecteur auffi vrai ,
» auffi puiffant , & auffi favorable que le fut.
autrefois le Grand Cardinal de Richelieu.
59
Faffe le Ciel , Monfeigneur , que
vous
foyez
pendant une longue fuite d'années témoin
du profond refpect , & de la fincere reconnoiffance
de cette Compagnie. Pour
moi , comblé de vos bienfaits en mon particulier
, je conferverai toute ma vie les
» mêmes fentimens de refpect & de veneration
pour Votre Eminence .
M. le Cardinal de Fleury répondit à ce
Compliment avec beaucoup de politeffe &
d'honnêteté pour la Maifon de Sorbonne.dont
il parla avec grande eftime ; fit l'honneur à
ces Meffieurs de les retenir à dîner , & ils
prirent congé de Son Eminence fort fatisfaits
de la maniere gracieufe dont elle les
avoit reçûs.
Le 23. Septembre , M. de Valincour
l'un des Députez de l'Académie Fran,
Goife , complimenta à Fontainebleau ,
M. le Cardinal de Fleury en tes
termes :
MONSEIGNEUR
,
>
L'Académie Françoife nous a chargez de
venir témoigner à Votre Eminence , la joye
qu'elle a reffentie en apprenant la nouvelle
dignité dont vous êtes revêtu , & qu'elle vous
fouhaittoit depuis fi long- temps.
Vous fçavez , Monfeigneur , les raifons qui
attacheat cette Compagnie à votre perfonne ,
&
1
OCTOBRE. 1726 2375
& qui l'obligent à regarder tous vos avanta
ges comme les fiens. propres 12 12
3. C'eſt à V. E. que nous devons l'honneur
que nous a fait le plus grand Roi du monde
forfqu'à l'exemple de fon augufte Bifayeul il
s'eft déclaré notre Protecteur , loriqu'il a bien
voulu affifter lui-même à nos exercices , &
qu'il nous a donné avec fon Portrait , un gage
précieux de la bonté que vous lui avez
infpirée pour nous.
Nous vous fommes encore redevables de
bien d'autres graces , dont nous ne ferons
point ici le détail , mais qui ne fortiront jamais
de notre fouvenir.
Jugez , Monfeigneur , quels effets cela doit
produire dans les coeurs d'une Compagnie ,
qui faifant profeffion d'aflervir fon langage
au caprice de l'ufage & aux regles pointilleufes
de la Grammaire croit encore plus
obligée de former fes fentimens fur les prin-
-cipes invariables de la juſtice & de la reconnoiffance.
fe
Nous efperons , Monfeigneur , qu'en deye .
nant un des Membres du Sacré College , vous
n'oublierez pas que vous êtes un des Membres
de l'Académie Françoife ; & fi nous avons
le regret de ne vous plus voir à nos Affem-
-blées , nous nous flatons que vous regretterez
quelquefois de n'y pouvoir affiſter.
Nous dirons en regardant votre Portrait :
Il feroit ici lui -même parmi nous , & comme
un de nous , fi le fervice du Roi & le bien
de l'Etat ne le demandoient ailleurs .
Pendant que nous fommes occupez à tracer
des regles & des confeils pour bien écrire, il
infpire à notre Augufte Monarque , le defir de.
faire des actions dignes d'être écrites & de fervir
de modele aux Rois qui viendront après
Iij lui ;
2376 MERCURE DE FRANCE .
lui ; il lui reprefente que le premier & plus
grand devoir d'un bon Prince , eft de rendre
Tes Sujets heureux , & qu'il lui eft bien plus
glorieux , de travailler à n'avoir jamais d'ennemis
, que de fe mettre dans la trifte necef
fité de remporter fur eux des victoires qu'il
paye toujours trop cher , quand elles lui coûtent
le fang de fes Sujets , & la ruine de fon
Peuple.
Voilà , Monfeigneur , de quoi nous nous entretiendrons
en votre abfence , perfuadez d'ailleurs
que les grandes & importantes affaires
dont vous avez la conduite , ne diminueront
rien de la genereufe attention que vous ave
bien voulu donner jufqu'à prefent à tout ce
qui regarde notre Compagnie. Dans votre
vigilance bienfaifante , femblable à ce fage
Oeconome , qui s'appliquant à rendre les
campagnes fertiles , & les moiffons abondantes
, ne neglige pas la culture ni l'ornement
des jardins , fçachant bien que les fleurs
qui s'embelliffent par fes foins , embelliront
elles- mêmes tous les lieux où elles font cultivées.
Comme il connoît parfaitement la valeur de
chaque chofe , il fçait auffi qu'il n'y en a aucune
qui ne merite fon attention , & qui n'ait
fon utilité particuliere quand elle eft employée
à fon veritable ufage.
Il ne nous refte plus , Monfeigneur , qu'à
fouhaiter à V. E. des fuccès dignes de vos
bonnes intentions , & que votre fanté puiffe
refifter aux fatigues de yos glorieux emplois,
comme votre coeur & votre efprit refifteront
toujours aux charmes flateurs des dignitez &
de la grandeur , où vos vertus & la confiance
eu Roi viennent de vous élever.
Réponse
OCTOBRE 1726. 2377
1
Réponse de Son Eminence.
MESSIEURS ,
L'honneur que me fait l'Académie , & la
part qu'elle veut bien prendre à ma nouvelle.
Dignité, me la rendent encore plus précieufe
& je ne pouvois recevoir ce témoignage de fa
bonté par des Confreres qui me fuffent plus
chers , & que j'honoraffe davantage. Je vous
fupplie , Meffieurs , de vouloir bien marquer
à la Compagnie toute l'étendue de ma reconnoiffance
, & de l'affurer que de tous les honneurs
dont le Roi puiffe me combler , il n'y
en a point dont je faffe plus de cas , que de
celui que j'ai d'être affocié à un fi illuftre
Corps,
Le 30. Septembre , l'Ouverture folemnelle
de l'Affemblée du Clergé
fe fit à Paris, dans l'Eglife des Grands
Auguftins par la Meffe du Saint-
Efprit , à laquelle les Prélats & les
autres Députez qui compofent PA
femblée , affifterent. L'Archevêque de
Narbonne y officia pontificalement , &
M. Madot , Evêque de Châlons fur Saône
, fit un très beau Sermon , fur la dignité
& les devoirs de l'Epifcopat.
L'Affemblée du Clergé , après avoir
élû pour Prefidens , l'Archevêque d'Aix ,
1'Archevêque de Narbonne l'Evê
que de Châlons- fur - Saône & PE-
>
.
I iij vêque
6783
2378 MERCURE DE FRANCE
vêque de Limoges , l'Abbé de Valras
pour Promoteur , & l'Abbé de Maugi-
Ton pour Secretaire , a choifi le Cardinal
de Fleury , Miniftre d'Etat , pour
Premier Prefident , & l'Affemblée députa
pour prier S. E. d'accepter ce
choix.
Le 3. de ce mois , l'Archevêque d'Aix
harangua le Roi à Fontainebleau , en ces
termes :
SIRE ,
Le Clergé de votre Royaume affemblé de
nouveau par votre ordre , s'empreffe de porter
aux pieds de votre Majefté les affurances
de fa fidelité & de fa foumiffion.
la
Tout nous engage , SIRE, à vous en donner
des preuves ; tout les exige de nous ,
Religion , la naiffance: & l'amour que Votre
Majefté vient de marquer à fes Peuples,
en prenant la glorieufe refolution de les gouverner
par Elle- même , excite le defir d'y fatisfaire
,
Vos Sujets trouveront en vous , SIRE, un
coeur de Pere qui fçaura compatir à leurs befoins
; & l'Eglife maintenue dans des droits
que la pieté de vos auguftes Prédeceffeurs , &
l'ufage de tous les temps ont confacrez , s'ap
-plaudira de voir dans fon Souverain des fentimens
dignes de fon Fils aîné.
La piété que nous admirons en vous , ce
profond refpect pour nos facrez Myfteres ,
fruit de l'heureufe éducation que Votre Majelté
OCTOBRE. 1726. 2379
&
jefté a reçûë , annoncent à l'Eglife aujour
d'hui agitée , le calme & le repos ; & l'exemple
que vous vous propofez de fuivre
en imitant ce grand Roi , toujours l'objet
de nos regrets , comme il fera à jamais la
gloire du Trône, lui affurent une protection
conftante , pour l'aider à ramener à la foûmiffion
ceux qui s'en éloignent , & qui la troublent
depuis tant d'années.
C'eft le fecours qu'elle attend , SIRE, de
youre Religion ; c'eft ce qui contribuera le
plus au bonheur & à la tranquillité de vos
Etats, Par là le Dieu de Mifericorde rendra
votre Regne toujours jufte , toujours glorieux
, en accompagnant tous vos deffeins de
fon efprit de fageffe & de confeil ; & après
l'avoir affermi par une nombreufe pofterité ,
vous le verrez pour la confolation & le repos
de la France porté jufqu'aux temps les
plus reculez.
-Le même Prélat harangua la Reine , en
cette maniere
MADAME ,
Le Clergé de France affemblé au temps de
Votre Avenement à la Couronne , eut l'honneur
de rendre fes hommages à Votre Majefté,
& de lui témoigner combien il s'eftimoit heureux
de vous poffeder pour Reine.
Aujourd'hui affemblé extraordinairement
par les ordres du Roi , il vient renouveller à
Votre Majefté , les affurances de fa foumiffion
, & vous marquer combien il a reffenti le
danger de vous perdre.
On la vû, MADAME, profterné aux pieds
I iiij des
1380 MECRURE DE FRANCE.
des Autels animer la ferveur du Peuple par la
fienné , pour conjurer le malheur dont nous
étions tous menacez.
Nous fentions fur tout, MADAME, ce que
la Religion devoit perdre , fi nous étions privez
d'une Reine qui met fa principale gloire
à la foûtenir par fes exemples . C'est ce qui
Tanctifioit nos voeux , & ce qui les a fait pénetrer
jufqu'au Trône du fouverain Arbitre
de la vie.
Le Ciel vous a rendu ,MADAME,à nos juf
tes inftances ; nous les continuerons avec le
même zele , & nous les unirons aux vôtres,
pour que nous puiffions voir naître au plutôt
des heureux fruits de l'augufte Alliance à laquelle
tant de qualitez naturelles , & vos vertus
vous ont élevée.
"
Le 10. de ce mois , M. le Pelletier
des Forts , Confeiller d'Etat ordinaire
& du Confeil Royal des Finances , &
Contrôleur General des Finances , M. Fagon
, Confeiller d'Etat ordinaire , & du
Confeil Royal des Finances ; le Comte
de Maurepas , Secretaire d'Etat ; & M.
d'Ormeflon Confeiller d'Etat & Intendant
des Finances , Commiffaires du
Roi , allerent à l'Affemblée du Clergé
, où ils furent reçûs avec les Ceremonies
ordinaires . M. le Pelletier des
Forts fit un Difcours , auquel l'Arche
vêque d'Aix répondit au nom de l'Af
femblée.
•
›
Le 12. les mêmes Commiffaires retour-
"
OCTOBRE. 1726. 2381
tournerent à l'Affemblée , & demande
rent au nom de S. M. un fecours de
cinq millions de livres , qui fut accordé
unanimement .
COMPLIMENT fait à M. le Comie
de Tavannes , Lieutenant General de la
Province de Bourgogne , à son entrée
Và Autun le 7. Août 1726. par Dom
Edmond Damoifeau , Grand- Prieur de
PAbbaye S. Martin d'Autun.
0
MONSIEUR .
Un de nos plus agreables & de nos plus
effentiels devoirs , eft de joindre le tribut de
nos refpects à ceux que l'on vous rend aujourd'hui
avec autant de plaifir que de juftice.
La joye que nous avons reffentie à votre
arrivée dans cette Ville , nous eft commune
avec tous les Corps & tous les particuliers
qui la compofent ; & s'ils témoignent tant
de fatisfaction de fe ( a ) retrouver fous vos
ordres , nous ne fommes pas moins ravis de
les voir eftimer, comme ils doivent le bonheur
dont ils jouiffent.
Déja ils ont éprouvé ce que peut la fageffe
"de votre conduite. Plus d'une fois ils ont eu
Tieu d'admirer cette grandeur d'ame , qui elt
comme hereditaire dans votre illuftre Mailon.
L'heureufe experience du paflé leur donne
(a ) M. le Comte de Tavannes , avoit deja
été Lieutenant de Roi de l'Autunois après
M. fon pere.
851
Iv das
2382 MERCURE DE FRANCE.
des affurances pour l'avenir. L'épreuve qu'ils
ont faite de vos anciennes bomez , excite
aujourd'hui leur reconnoiflance , & refferre
les noeuds de leur refpectueux attachement.
Il n'eft perfonne dans cette Province, heureufement
confiée à vos foins , qui ne fe fou-.
vienne , & qui ne publie , que vous fçavez
commander en la place du Roi , comme il
commanderoit lui même.
Quand on a , en effet , comme vous l'avez,
Monfieur , l'avantage de s'être formé fur le
modele des vertus du Prince , on reprefente
toujours fa Perfonne avec dignité . Combien de
fois , ne penfant qu'à travailler pour fa gloire
, avez- vous donné un nouvel éclat à la
vôtre ? Dans fa Maifon , comme Chef d'un
Corps refpectable ; à la Guerre , comme Brigadier
de fes Armées ; à la tête des Etats
de cette Province , comme dépofitaire de fes
droits, & l'homme de fa confiance ; vous
êtes montré par tout en Heros , parce que
yous en avez rempli en toute occafion les
devoirs .
Vous
C'eft de la voix publique , qui n'eſt point
fufpecte fur le vrai merite , que nous avons
appris le vôtre. C'eft cette voix qui annonce
par tout que vous marchez parfaitement fur
les traces de vos illuftres Ayeux , que vous
foutenez avec honneur le grand nom de Tavannes
, & que vous en faites plus aux emplois
dont vous êtes revêtu , que vous n'en
recevez d'eux .
Le Clergé , la Nobleffe , & le Tiers Etat ,
n'ont qu'un même fentiment fur ce que j'avance,
& ils reconnoiffent tous ce qu'ils penfent
dans ce que j'ai l'honneur de vous dire.
Ils vous l'ont témoigné eux- mêmes dans tou-
VI
OCTOBRE. 1726. 2383
: tes les occafions qui s'en font prefentées les
marques de leur dévouement & de leur reconnoiffance
ont répondu , autant qu'il leur
étoit poffible , aux effets de votre bienveillance
, de votre generofité , & de votre defintereffement.
On les a vû rendre volontiers à Cefar , tout
ce que vous pouviez defirer , de ce qui eft du
à Cefar ils ont toujours porté leurs defirs , &
fouvent leurs offres au delà de votre attente.
Ils n'ont jamais confulté que l'ardeur de leur
zele , & ils ont remis avec tranquillité le foin
de leurs interefts , entre les mains d'un Chef,
qui , comme vous , Monfieur , ne fçait point
oublier les befoins du Peuple , en maintenant
les droits du Souverain. Ce qui leur a infpiré
tant de confiance , c'eft qu'ils reconnoiffoient
en vous les fentimens naturels de la bonté &
de la juftice du Roi.
Cette Ville qui vous eft toute dévouée , fe
fatte de la continuation de vos bontez & de
votre attention . Voyant revivre en vous le
fang, l'efprit & les vertus de Monfieur le
Comte de Tavanne , votre illuftre pere , elle
efpere qu'elle y retrouvera auffi la même bienveillance
& le même appui . Nous fçavons ,
Monfieur , combien il ett glorieux d'avoir
part à l'honneur de votre, protection , j'ofe
vous la demander pour ma Communauté en
general, & pour moi en particulier .
་
M. Gervaife , Prevôrde l'Eglife Roya-
Te de S. Martin de Tours , ayant été facré
Evêque d'Horen , par le Pape , fait
Evêque Affiftant du Frône , Vicaire &
Commillaire Apoftolique dans l'Ameri-
1 vj que
2384 MERCURE DE FRANCE.
7
que meridionale , eut fon audience de
congé de Sa Sainteté le 1. du mois d'Août
dernier , où elle continua de lui donner
des marques d'une bienveillance particu
liere , comme elle avoit toujours fait pendant
fon fejour à Rome. Il en partit le g
au foir , & M. le Cardinal de Polignac,
accompagné de plufieurs Prélats , & autres
perfonnes de diftinction , voulut bien
lui faire l'honneur de le conduire dans
fes Carolles au delà de Ponte-Mole.
Il arriva à Toulon le 25. & le Dinanche
26. il fut prié par M. l'Evêque d'officier
à l'occafion du Te Deum chanté en ..
action de grace du rétabliffement de la
fanté du Roi dans l'Eglife Cathedrale ,
où ce Prélat celebra la Melle pontificalement.
3
I paffa enfuite à Avignon , & vifita
M. le Vice- Legat , qui le lendemain lui
rendit fa vifite avec tout fon Cortege ,
& l'emmena à fon Palais où il dîna
avec tout ce qu'il y avoit de perfonnes
de diftinction à la Ville & aux environs.
Il arriva à Fontainebleau le 22. Sep
tembre , & le 23. il eut l'honneur de
faluer le Roi , prefenté par M. le Cardinal
de Rohan & par M. le Cardinal de
Fleury. Voici le Compliment qu'il fit
.à S. M.
OCTOBRE 1726. 2385
1. 1
SIRE ,
Quoique je ne tienne pas l'honneur de l'E
pifcopat de la nomination de Votre Majefté ,
comme je ne l'aurois jamais accepté fans fon
confentement , je viens lui rendre mes très
humbles actions de graces d'avoir bien voulu
le donner. Le S. Perem'a chargé de vous affurer
, SIRE , dede toute fa tendteffe paternelle,
Il m'envoye ouvrir une carriere immenfe ,
une
& porter l'Evangile à des Peuples qui n'ont
jamais entendu parler de Jefus Chrift. Je peux
être utile aux sujets de votre Majefté , qui
font aux environs , je viens lui offrir ce qui dé
pend du facré miniftere , & lui demander, fa:
Royale protection pour une oeuvre fi importante
à la Religion .
+
Le 19. du mois dernier , les Officiers:
de la Ville & Principauté de Joinville ,
firent celebrer un Service folemnel dans
l'Eglife Paroiffiale, pour le repes de l'as
me de la Ducheffe d'Orléans. M. Cle
ment , Docteur de Sorbonne , prononça
l'Oraifon funebré avec beaucoup d'élo
quence
Le 16. de ce mois , le Roi Stanislas
& la Reine fon Epoufe , arriverent à Ravanes
, Château fitué à deux lieues de
Fontainebleau , où ils allerent le 19 .
& le 20 pour voir le Roy & la Rei
ne , gardant l'Incognito , fous le nom du
Comte & de la Comteffe de Saint Pierre.
La
2386 MERCURE DE FRANCE .
La Princeffe Palatine leur coufine les accompagnoit.
Le Roi a accordé à M. Robert , Intendant
de la Marine à Breft , un Brevet
de Confeiller d'Etat , la diftinction avec
laquelle il a fervi depuis 1682. dans les
Ports , à la fuite des Armées navales , &
en plufieurs autres Commiffions impor
tantes , lui a fait meriter cette preuve de
la fatisfaction que Sa Majesté a de fes
longs fervices.
Le 17. de ce mois , S. M. nomma
Abbé de la Châtre à l'Evêché d'Agde.
Les Archevêques de Lyon & de Sens,
ay ant demandé au Pape la Bulle du Jubilé
de l'Année Sainte , le Saint Pere la
leur a envoyée ; l'ouverture s'en fit dans
le Diocèfe de Sens le 28. de ce mois
Comme le Château de Fontainebleau fe
trouve dans ce Diocèfe , le Roi , la Rei
ne , & toute la Cour y gagnerent le Jubilé.
Il n'y aura ni Comedie ni Concert
pendant tout ce temps - là,
PHENOMENE.
Ce Phenomene qui a paru à Paris le 19
Octobre au foir, n'eft autre chose que ce que
l'on appelle , Lumiere Boreale ou Septentrio
nale , affez femblable à la Defcription qui a été
donnée de celle qui fut obfervée le 17. Mars
1716. en Angleterre , & qui a été obfervée
plufieurs fois depuis jufqu'au 21 Octobre
17210
A
CTOBRE . 1726. 2387
&
1721 à l'Obfervatoire Royal. On n'en a guere
vue de fi confiderable que celle ci , tant par.
fa durée , que par fes differentes circonftances.
On commença à l'obferver à fept heures &
demie , & il ett vraisemblable qu'elle ne faifoit
que
de commencer. Ce ne fut d'abord
qu'un grand arc lumineux , au deffous duquel
il y en avoit un autre un peu plus obfcur. On
voyoit encore les Etoiles à travers l'un & l'autre
: cet arc tenoit depuis le coucher du Soleil
jufqu'au lever de la Lune, à peu près , étant
élevé fur l'horifon de 3 degrez , ou environ ;
de tems en tems ilen fortoit des colomnes de
lumiere fort blanche , & très - déliée , dont les
ures & les autres s'élevoient plus ou moins ,
fans garder entre elles aucun ordre fenfible dansleur
progreffion, ne paffant gueres 10 degrez au
deffus de arc lumineux. Ces colomnes duroient
peu, & d'autres fuccedoient à leurs places,
ce quifaifoit un fpectacle fort agréable .
Vers les huit heures la lumiere commençoit a
être telle , qu'on lifoit fort aifement une petite
écriture : à huit heures un quart , on remasqua
dans le Phenomene des ondulations de lumiere
, & un mouvement affez confiderable en
tout fens, qui pouvoit être regardé comme une
agitation caufée par la fermentation . Quelques
endroits, tant de l'arc lumineux , que du tenebreux
, parurent s'ouvrir , en laiffant voir des
efpeces de globes d'un feu fortblanc. Auffi- tôt
il fortit une quantité prodigieufe de colomnes
de lumiere, ou rayons éclatans qui en un inftant
couvrirent tout le Ciel , excepté environ la hauteur
de 30. degrez vers le Sud , & répandirent
par tout une espece de nuage ou vapeur trèsrare
, blanc & agité , de la même maniere que
de la flamme expofée au Soleil.Ces mouvemens
durerent fort long - tems , & la couleur fut
prefque
2388 MERCURE DE FRANCE .'
prefque toujours la même , excepté du côté
du Couchane , où il fe forma un groupe de
nuages fort étendu , d'un rouge très- vif, &
aufi , peu après , une femblable apparence du
-côté de l'Orient ; mais ce dernier n'étoit pas fi
éclatant. Il y eut un endroit vers le Zenith
dont l'étendue étoit circulaire , que ces nuées
enflammées ne couvrirent pas ; & quoique de
tems en tems ces vapeurs fe diffipaffent , & qu'il
len revint de nouvelles , cet endroit en fut toujours
garanti.
D'auttes ont obfervé que les colomnes
fe réunifloient de prefque toute la circon
ference de l'orifon à un centre commun , qui
étoit près du Zenith , & dans lequel les émifffons
de la lumiere , qui fe faifoient par ondu
· lacions affez précipitées , reprefentoient differentes
figures dans lefquelles le bas Peuple
étonné , crut reconnoître des Villes , des Châteaux
, des Croix , des Aigles , & tout ce que
Timagination échauffée.fecourue de l'ignorance
, peut fe former de plus bizarre . La varieté
-de ces diverfes apparences , dependoit fans
- doute , du mouvement d'une efpece de nuage
qui reflechifoit la lumiere , & qui difparoifloit
fréquemment.tel
D'autres encore ont obfervé que quelques-
-unes de ces colomnes de lumiere reffembloient
affez à de groffes fufées ; que le feu qui pa
roiffoit dans le Ciel , fembloit venir princi
2 palement des bords de l'horifon , & fe communiquer
peu à -peu , en s'agitant aux parties
-les plus élevées vers le Zenith . Que du côté
d'Occident , il parut un nuage épais , d'une figure
extraordinaire , & d'un rouge fort écla
tant , qui dura de cette maniere prefque une
heure entiere. Que vers l'Orient , il parut auf
un femblable nuages mais moins ronge que
le
OCTOBRE 1726, 2389.
le precedent. Qu'il y eut entre autres , immediatement
au deus de Paris , un endroit rond ,
Tamineux & agité , qui parut toujours d'un
bleu celefte fort vif , & où ces nuages enfiammez
ne parvinrent point.
Tout ce Phenomene dura jufqu'à 1o. heures
& demie dans fa plus grande force , & diminuant
peu- à-peu , on ceffa de le voir vers
les deux heures après minuit.
On en a obfervé très - fouvent de femblables
en differens tems , & en differens lieux, M.
Maraldi , Aftronome de l'Academie Royale
des Sciences , a rapporté dans les Memoires de
cetre Academie des années 1716. & 1721. les.
Phenomenes femblables , qui ont été obfervez
à Paris dans cet intervalle de tems. Quelquefois
on en a vû en même- tems dans toute l'Eu
rope & dans une partie de l'Afie , comme ce
lui du 12. Septembre 1621. dont parle Gaffen
di , qui fut apperçu à Bordeaux & à Alep
dans la même nuit. Il y en a un de l'an 537. de
Ere Chrêtienne qui dura une année entiere.
Les Voyageurs dans la Norwegue , l'Iflande
& Spitsberg , rapportent qu'ils font prefque
contnuels dans ces pays voifins du Pole dans.
le tems des équinoxes, où ils répandent une lu
miere affez vivé pour les éclairer pendant l'abfence
de la Lune...
On donnera le mois prochain , d'autres Ob
fervations de ce Phenomene , faites en Nor
mandie , en Bourgogne , &c.
MORTS
2390 MERCURE DE FRANCE.
****************
A
MORT S.
Ntoine de Comps , Marquis de Vefc , mourut
le 24. du mois dernier dans fon Château
de Dieulefit, en Dauphiné, âgé d'environ
66. ans. Quoique d'une Famille qui a eu deux
Grands- Maîtres de Malthe , il étoit né dans la
Religion Proteftante , de laquelle il avoit fait
abjuration dans fa jeuneffe , entre les
mains
de
feu M. Boffuct , Evêque de Meaux . Il a vêcu
& eft mort avec une pieté édifiante. Après
avoir long- tems fervi le Roi , dont il étoit
penfionnaire , il fe retira chez lui , & époufa
Dame Jeanne de La Faye , qu'il laiffe veuve
fans enfans ..
M. François Gaffé , Prêtre , Docteur en
Théologie de la Faculté de Paris , Principal du
College de Lizieux , & Sous - Chancelier de
l'Univerfité, mourut le 27. Septembre dernier,
âgé de 62. ans.
M. André de Flori , Seigneur de Laiffart
Confeiller du Roi , Prefident des Treforiers de
France , mourut le 3. Octobre , âgé d'environ
68. ans.
Dame Marie-Julie- Michelle de Sainte Maure
de Jonfac , époufe de Pierre Bouchard Defparbes
de Luffan , Comté d'Aubeterre , Chevalier
des Ordres du Roi , Lieutenant General
de fes Armées , Gouverneur de la Ville & de
la Citadelle de Collioure , mourut le 7. d'Oc
tobre , âgée de 65. ans.
Le 15. d'Octobre , mourut dans la foixante &
douzième année de fon âge Jules de Gravel ,
Marquis de Marly , Seigneur de Neufmoutier ,
&C
OCTOBRE. 1716. 2391
& c. Confeiller du Roi en fes Confeils , ci- deyant
Envoyé Extrordinaire de Sa Majefté près
les Cantons Suiffes , à Mayence, à Cologne ,
en Brandebourg , & en Pologne.
Il etoit fils de M. Robert de Gravel , & de
Marie Henriette de Villiers ; ce Robert de Gravel
mourut à Soleurre , en 1684. Confeiller
d'Etat & Ambaffa deur Extraordinaire près des
Cantons Suiffes. Il étoit alors nommé à l'Ambaffade
Extraordinaire de Dannemark. Il avoit
fervi le Roi avec diftinction pendant plus de
quarante ans , dans toutes les Cours d'Allemagne,
& à Ratisbonne , où il fut Plenipotentiaire.
Jacques de Gravel , Abbé d'Argentan , frere
de Robert de Gravel , a long- tems auffi fervi le
Roi dans les Negociations , & en qualité d'Envoyé
Extraordinaire près des Electeurs de Treve
& de Mayence.
Jules de Gravel , qui vient de mourir , laiffe
de Marie - Therefe Bernard du Chemin , fon
Epoufe , Maximilien Henri de Gravel , Lieu
tenant aux Gardes Françoifes , & Chevalier
de Saint Louis ; Guillaume- François de Gravel
, Religieux Benedictin ; Anne- Henriette de
Gravel , Religieufe Benedictine à la Magdelaine
deTrefnel ; & Marie-Therefe de Gravel,
non mariée , Maximilien Henri de Gravel
Abbé de Saint Simphorien , à Metz , eft frere .
de Jules de Gravel qui vient de mourir.
AVIS AU PUBLI C..
LE
E Sieur Lefcure , Chirurgien des Gardes
du Corps de S. M. C. la Reine d'Espagne ,
diftribue au Public un Sel d'or , qu'il peut affurer
fpécifique pour la guérifon de l'Epilepfie .
ell
2392 MERCURE DE FRANCE .
ou Haut-Mal , les Vapeurs & toutes Maladies
convulfives . L'excellence de ce Remede
dont il eft feul & unique poffeffeur , eft d'autant
plus autentique & certaine , que les expé .
riences en ont été faites fous les yeux de M. le
-Premier Medecin de S. Majefté, réiterées par
fes ordres , fous ceux de plufieurs Medecins
de la Faculté de Paris ; & enfin , pour n'en
laiffer aucun doute , confirmée par celles qui
-ont été faires par le même ordre , dans l'Hôpital
General fur des Malades de tout fexe , de
differens âges & temperamens .Ce font les merveilleux
effets que ce Remede a produits für
tous ces differens fujets , qui lui ont merité
Approbation de Meffieurs les Medecins de
la Faculté de Paris , & le Privilege de Sa Majefté.
Ce Sel opere la guerifon de ces terribles Ma-
Jadies avec autant de douceur que de certitu
de. Il purifie la maffe du fang , débarraſſe les
parties engorgées , diffipe les obftructions , &
fortifie les parties affoiblies & dérangées de
Ieurs fonctions naturelles : il eft ami de la nature
, & n'agit que fuivant le temperament du
Malade ; enfin , il est très- aifé à prendre , &
n'oblige le Malade à aucun régime particulier ,
ni à fe déranger de fes occupations ; il confer
ve toujours fa vertu , & peut fe tranſporter
par tout , fans fouffrir la moindre alteration .
Le Sieur Lefcure demeure ruë de Grenelle S
Honoré , dans la Porte Cochere , vis-à-vis l'Imperatrice.
EDITS,
OCTOBRE. 1726. 2393
茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶
EDITS , ARRESTS ,
- SENTENCES DE POLICE , & c.
que
RREST du Juillet , qui ordonne
Ales Droits des Canaux d'Orleans & de Lolu
continueront d'être payez par préference par
les Marchands & Voituriers qui pafferont fur
iceux , de quelques efpeces de Grains ou Marchandifes
dont leurs Bateaux puiffent être chargez
; Déclarant Sa Majesté n'avoir entendu décharger
par les Arrefts de fon Confeil des 24.
Aoult & 31 , Décembre 1725. les Bleds & Grains
deftinez pour la Provifion de Paris , des Droits
defdits Canaux , Et en confequence caffe & an
nulle une Sentence des Juges Confuls de Pa .
ris du 3. May dernier , avec défenſes d'en repdre
de pareilles à l'avenir.
LETTRES PATENTES du 28. Juillet , regif
trées au Parlement le 23. Août , qui renvoyent
au Parlement de Paris les accufations intentées
contre le nommé Sallot de la Martiniere.
LETTRES de renvoi au Parlement , Four faire
le procès au nommé Bouret & Complices , accufées
de complicité & d'infidelité dans leurs
Emplois , données à Fontainebleau le 27. Août
1276. Regiftrées en Parlement le 3. Septembre
1726.
3
ORDONNANCE du même jour. M. le Com
de fainte Maure, Chevalier , Marquis d'Ar
chiard,
2394 MERCURE DE FRAN CE .
1
chiard , Baron de la Tour- Blanche , Seigneur de
la Feuillade , premier Ecuyer - Commandant la
grande Ecurie du Roi , Confeiller du Roi , Bailli
& Capitaine des Chaffes de la Varenne des
Thuilleries , Pont de S. Cloud , Plaine de S. Denis
, Genevilliers & dépendances ; portant regle
ment pour les Chaffes : & qui fait défenſes à toutes
perfonnes de quelque qualité & condition
qu'elles foient , de chaffer pendant l'efpace de
deux années , conformément aux ordres du Roi
des 26. Juin & 16. Août , &c.
ARREST du même jour , qui maintient les
Habitans de la Paroiffe de Bredom en la Haute
Auvergne , dans le privilege de fe fervir du Sel de
Guyenne & de Poitou.
APPROBATION.
lû ordre de Monfeigneur le Garde
Ides Sceaux le Mercure de France du mois
Ottobre , & j'ay crû qu'on pouvoit en permettre
l'impreffion. A Paris , le 4. Novembre
1726. HARDION.
TABLE
Ieces fugitives : Traduction de la 12. Ode
d'Horace ,
Differtation fur les Bons Mots ,
Le Cigne & le Paon , Fable ,
2183
2191
2204
Caufe
1395
Caufe plaidée au College des Jefuites
Examen de la Cauſe
Jugement ,
Songe en Vers ,
Arreſt du Regiment de la Calotte ,
Fête donnée à Dax ,
2206
2223
2229
2231
2233
2238
Autres Réjouiflances pour la fanté du Roi , 2244
Vers à la Reine fur la convalefcence de S. M.
2246 ,
Lettre fur les feux des Bruyeres , des Forêts , &c.
Le Jufte mourant , Sonnet
"
2247
2255
Journal de Conftantinople , &c. 2256
Traduction de la 2. Poëfie de Catulle
2276
Lettre fur un fait fingulier , 2277
Enigmes , 2280
Nouvelles Litteraires , des beaux Arts , &c.
La Theologie des Peres , & c.
2282
2283
Lettre aux Echevins de Marſeille fur une Inf
cription , & c.
Le Paftor Fido , Paftorale ,
Qeuvres diverfes de M. Rouffeau ,
Nouveaux Ecrans , & c.
2285
2288
2289
2291
Experience de M. Sully ,fur fon Horloge à levier
,
2299
Medaille du Roi gravée en taille douce , 2309.
Spectacles , les Comediens Corfaires , Extrait ,
Le Mari fans femme , &c.
Pirame & Thibé , Opera nouveau , Extrait
Decoration nouvelle ,
L'Opera Comique ,
Le Rhume , Chanfon notée ,
2310
2319
2329
2342
2347
+2348
Nouvelles de Turquie , de Ruffie , de Pologne,
de Suede , d'Allemagne , d'Italie , &c.
Tremblement de terre à Palerme ,
2349
2358
NUO
2396
Nouvelles d'Espagne , de Portugal , d'Angleter- ,
re & des Pays- Bas ,
Nouvelles de Paris , &c.
2362
2366
Compliment des Docteurs de Sorbonne au Cardinal
de Fleury fur la dignité , 2371
Autre Compliment à S. E. de l'Académie Francoife
.
Aflemblée du Clergé Harangue au Roi & à la
-Reine ,
2384
1387
Compliment au Comte de Tavanes , 2391
Compliment de l'Evêque d'Horen au Roi, 2395
Phenomene ,
Morts des perfonnes illuftres ,
Avis au Public ,
Edits , Arrefts ,
Errata de Septembre.
2386
2390
2391
2393-
Page 2046. 1. 2. femble être , lifez femble e■
ctre .
Ibid. 1. 13. privé , liſez brûlé.
Fantes à corriger dans ce Livre.
Page 2190. I. 8. l'eftimable , lifez l'incſtimas
Page 2234 ligne 9. prefcrivant , profcrivant .
Page 2251.1.3 . du bas , noirs , 7. noires.
Page 23261. 15. Cacios , 1. Carlos .
Médaille du Roi ,
Chanson notée ,
2309
2348
MERCURE
DE FRANCE ,
DEDIE AU ROT
NOVEMBRE . 1726 .
QUE COLLIGIT SPAR GIT
A PARIS ,
( GUILLAUME CAVELIER , au Palais
GUILLAUME CAVELIER , fils , rue
Chez S. Jacques , au Lys d'Or.
IN. PISSOT, Quay de Conti à la defcen
te du Pont,au coin de la rue de Nevere
M.DC C. XXVI.
Avec Approbation & Privilege du Ro
លើក
L
AVIS.
>
'ADRESSE generale pour toutes.
chofes eft à M. MOREAU
Commis au Mercure¸vis - à- vis la Comedie
Françoife , à Paris . Ceux qui pour leur
commodité voudront remettre leurs Paquets
cachetez aux Libraires qui vendent le
Mercure à Paris , peuvent fe fervir de
Cette voye pour les faire tenir.
On prie très - inftamment , quand on
adreffe des Lettres ou Paquets par la Pofte,
d'avoir foin d'en affranchir le Port ,
comme cela s'eft toûjours pratiqué , afin
d'épargner à nous le déplaifir de les
rebuter , & à ceux qui les envoyent
celui , non- feulement de ne pas voir
paroître leurs Ouvrages , mais même de
les perdre , s'ils n'en ont pas gardé de
copie.
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les particuliers qui fouhaiteront
avoir le Mercure de France de
la premiere main , & plus promptement
n'auront qu'à donner leurs adreffes à M.
Moreau , qui aura foin de faire leurs paquets
fans perte de temps , & de les faire
porter fur l'heure à li Pofte , ou aux Meffageries
qu'on lui indiquera.
Le prix eft de 30. fols.
2397
MERCURE
DE FRANCE ,
DĚDIE AU
ROT
NOVEMBRE.
1726.
PIECES FUGITIVES ,
en Vers & en Profe.
EPITRE de Mademoiselle l'Heritier,
à Madame S ***
en lui envoyant
>
l'Elegie fuivante.
Ous fi chere aux neuf Soeurs , gras
cieuſe Ericine ,
Vous qui fçavez calmer l'ame la plu
chagrine :
Vous dont l'efprit fi vif, fi rempli de clarté ,
Eft le charme innocent de la focieté ;
A ij
Male
2398 MERCURE DE FRANCE.
Malgré tous les talens que vous avez pour
plaire ,
Votre aimable entretien ne pourroit point dif
traire
Un Amant accablé fous les rigoureux fers ,
Dont ma Muſe a tracé l'image dans ces Vers.
Mais un pareil amour dans le fiecle où nous
fommes ,
Regne fipeu parmi les hommes ,
Que vos difcours pleins d'agrémens ,
Ne perdront rien chez ceux qui ſe diſent Amans,
Ils s'embarraffent peu de la délicateffe :
Pour faire un vrai contraſte aux Heros des Ro
mans ,
Tranquilles dans leurs fentimens :
Ce que pour leurs Iris ils ont d'empreffemens
Ne leur caufent jamais ni trouble ni triſteſſe ;
Non , on n'outre plus la tendreffe :
Le Tircis dont je peins la vive ardeurici ,
C'eft peut-être le feul qu'on voit aimer ainsi.
Agreable ennemi , cher tyran de mon ame ,
Amour dont je me plains , Amour que je reclame
,
Tu fçais avec tant d'art enchanter ma raifɔn ,
Que je crains aujourd'hui de fortir de prison .
Mais
NOVEMBRE. 1726. 2399
Mais que dis-je , en fortir , temeraire penſée ,
Capricieuſe erreur de mon ame bleffée ,
M'offufques - tu l'efprit en captivant mes fens !
Mes fers pour être doux en font - ils moins
puiflans ?
Non , non , l'aimable chaîne où je fuis tributaire
,
Eft fi forte , qu'un Dieu ne pourroit s'en dé◄
faire :
J'adore Celimene , & fçai que mon amour ,
Ne doit pas moins durer que le flambeau du
jour :
Bel Aftre qui fais voir , & qui vois toutes
chofes ,
Pere de la clarté , qui jamais ne repoſes ,
Toi , qui ne prends plaifir qu'à changer de maifon
,
Toi , qui vois chaque jour l'un & l'autre hori
zon ,
Soit en fuyant la nuit , foit en fuivant l'Au
rore ,
Vois-tu rien de pareil à celle que j'adore ?
Et ne juges - tu pas qu'elle doit en ces lieux ,
Tenir le même rang que tu tiens dans lea
Cieux ?
Regne au- deffus des airs où fe fait le tonnerre .
Et la laiffe regner tranquille fur la terre.
A iij Vante2400
MERCURE DE FRANCE.
Vante-toi d'être l'oeil des celeftes flambeaux ,
Dis que tu fais briller les Aftres les plus beaux ,
Que tu pares le Ciel , qu'au gré de ta carriere ,
On voit dans fes Palais plus ou moins de lu
miere ;
Je puis bien dire auffi que celle que je fers ,
Par fes charmes brillans fçait orner l'Univers:
Elle efface l'éclat de cent beautez eclebres ,
Sans ce flambeau l'Amour ne marche qu'en tenebres
;
Elle a mille trefors de charmes & d'appas :
Les Graces ne font point où ma Belle n'eft
pas.
Dieux ! c'eft votre chef- d'oeuvre , & la Nature
avare ,
Sans vous n'eut point fait naître une Beauté £
rare ;
Tant de perfections & d'efprit & de corps ,
Ne fe pouvoient puifer qu'en vos divins tres
fors.
Mais quand la terre enfin produit ce bel Ouvrage,
Le Ciel ne craint- il point de perdre un avang
tage ,
Et de voir Celimene au milieu des Mortel
Dieux ! recevoir l'encens qu'on doit à vos Au
tels ! L'Amour
NOVEMBRE 1726. 2401
L'Amour d'un tel defordre auroit feul tout
blâme.
Ma Bergere n'eft point complice de ſa flâmes
Le foin de vous fervir & de vous honorer ,
L'empêche d'en avoir pour fe faire adorer.
La grace qui la pare eft modefte & naïve :
En dépit de fon coeur fa beauté nous captive.
Voyant que les attraits de fes divins regards ,
Sont aux mains de l'Amour des foudres & des
dards :
Elle interrompt fouvent l'ufage de fes charmes
,
Pour épargner nos voeux , nos foupirs & nos
larmes.
Vous fçavez , bel objet , arrêter le pouvoir ,
Dont vos yeux font brûler dès qu'on ofe les
voir :
Ils déchirent les coeurs par un fi doux martyre
,
Qu'il n'eft point de Mortel digne de votre em
pire ;
Ou le feul qui merite un bonheur fi charmant ;
Eft un coeur qui pour vous plein d'un tendre
tourment ,
A de vos doux regards reçû quelque préfage ,
Qu'ils ne font point fâchez de voir fon eſcla
yage.
A iiij D'un
1402 MERCURE DE FRANCE.
D'un préfage fi cher je flatte mes defirs :
De Tircis fans dédain vous voyez les foupirs ;
Et lorfque je vous peins tout le poids de ma
chaîne ,
Je crois voir dans votre air que vous plaignez
ma peine .
Amour , s'il eſt ainfi , que mon fort elt heureux
Et que je dois cherir mon fupplice amou
reux !
Oui , je reconnois bien que fes yeux adora
bles ,
A mes empreffemens fe montrent favorables :
Et fij'ofe flater encore ma langueur ,
Je crois que pour moi feul fon ame eft fans ri
gueur.
Lors qu'un trifte retour fur mon foible me
rite ,
Rend mon efprit confus , rend mon ame interdite
;
Qu'un fcrupule amoureux me fait defefperer ,
D'atteindre où le deftin me force d'afpirer ;
Un feul de fes regards calme tout cet orage
Son gracieux accueil rauime mon courage ,
Et je me crois déja poffeffeur glorieux ,
:
Du plus charmant objet qu'on ait vû ſous les
Cieux :
Mais
NOVEMBRE. 1726 2403
ſeduit
Mais d'un trop doux efpoir l'Amour fed uit ma
flâme ;
Quand Celimene , helas ! m'auroit donné fon
ame ,
Cette rare Beauté dont j'adore les loix ,
Du fevere devoir fuit fans ceffe la voix.
Quand mes feux à fon coeur paroîtroient pleins
de charmes ,
Quand toute fa fierté m'auroit rendu les ar
mes :
On ne la verra point couronner mon amour
Sans l'aveu de Lycas qui lui donna le jour :
Ciel ce Pafteur rendra mon efperance vaine,
De fes nombreux troupeaux il inonde la plaine ,
Et je fuis accablé d'un deftin rigoureux :
Lycas arrachera Celimene à mes voeux.
En vain j'aurai pour moi la candeur , la conf
tance ,
Le cruel ne cherit que la fiere opulence ;
Et le riche Alcidon mon fuperbe Rival ,
Malgré les vils défauts peut bien m'être fatal .
Je fçai toute l'horreur qu'a pour lui Celimene :
Mais , helas ! n'écoutant ni tendreffe ni haine,
Quoique puiffe alleguer l'Amour au défeſpoir ,
Elle immolera tout au barbare devoir :
A v Gé2404
MERCURE DE FRANCE.
Gémiflant en fecret d'une dure contrainte
,
Mais bornant fa douleur à quelque tendre plaine
te :
En dépit de fon coeur qui lui parle pour moi ,
Un autre aura le don de fa main , de fa foi ,
Ah Ciel ! quoi ! je verrois cet objet adorable ,
Et prévenu pour moi d'un penchant favorable ,
Dans les bras d'un Rival cruellement languir !
Détournons ce malheur , ou bien allons mourir.
海興
RELATION des derniers troubles arrivez
en Egypte , envoyée de Conftantinople
aux Auteurs du Mercure.
LE
Es troubles qui divifent de temps en
temps l'Egypte , doivent moins être
regardez comme un effet du hazard ,
que comme une fuite neceflaire de la
conftitution de fon Gouvernement . La
diftance de cette Province à la Capitale
de l'Empire , le grand nombre & le
genie de les Peuples , la licence des Troupes
que le Grand- Seigneur y entretient
y feroient ou méprifer l'autorité du
Pacha , ou la rendroient trop redoutable
aux yeux de la Porte , s'il étoit poffible ,
,
que
NOVEMBRE. 1726. 2405
que fept ordres differens , dont la Milice
du Pays eft compofée , & vingt- qua
tre Beigs qui gouvernent la Campagne,
puffent être exempts d'animofité & d'envie
, & concourir toujours aux mêmes
deffeins. Ce font donc , à proprement
parler , ces jaloufies particulieres , qui
établiffant une espece de balance dans le
Pays , le maintiennent dans la dépendan
ce de l'Empire Turc ; mais comme cette
balance n'eft pas toujours égale , il arrive
quelquefois des cas qui donnent bien
de l'inquiétude à la Porte : tels font les
derniers troubles qui ont partagé cette
Province.
La Victoire remportée par les ( a )
Azabs , & la mort du Chef & de l'auteur
de la revolte , ayant terminé la fedition
de 1712. l'Egypte joüiffoit depuis
quelques années d'une tranquillité
qui fembloit devoir être durable , lorf
que la haine & l'ambition fufciterent
tout- à - coup une nouvelle guerre , &
plus longue & plus cruelle que la précedente
.
L'humeur fiere & hautaine d'Ifmael
Reig, Emir ( b ) Hadgi, ou peut être les
(a ) L'un des fept Corps de la Milice d'E
gypte.
( b ) C'eft le titre que l'on donne au Beig ,
chargéde la conduite de la Caravane de la Meque.
A vj
2406 MERCURE DE FRANCE.
richeffes immenfes & le credit de ce.
jeune Seigneur , lui avoient fufcité plufieurs
ennemis . Le 6. Juin 1719.comme
il alloit au Divan à fon ordinaire , on
lui tira plufieurs coups de piftolets par les
fenêtres , qui blefferent quelques perfonfonnes
de fa fuite ; ce qui ne lui laiſſant
aucun lieu de douter qu'il n'y eut un complot
formé contre fa vie , il pouffa fon
cheval à toute bride jufques au Château ,
à la porte des Azabs , où Ibrahim Chorbadgi
, le Saboundgi , avec qui il étoit
lié d'interêts , le reçût à bras ouverts .
Cherkés - Mehemed Bey , qui avoit été
Seraskier , ou General des Troupes de
l'Egypte , à la Campagne de Bellegrade ,
étoit ennemi declaré d'Ifmael ; il
avoit même depuis quelques jours donné
azyle à un certain Ahmed Effendi
de Lodgiak , ou quartier des Cavaliers ,
que ce premier perfecutoit : il n'en fallut
pas davantage à Ifmael pour déterminer
fes foupçons ; il envoya au Pacha
pour ſe plaindre de Cherkés , & demanda
en même temps aux Imams , ou
gens de Loi , un Fetua ou Decret , qui
le mit en droit de l'attaquer , & de le
forcer dans fa propre maiſon .
Cherkés , averti de ce qui fe paffoit,
raffembla chez lui une partie de fes creatures
, & ayant
fait mettre quelques pie
ces .
NOVEMBRE. 1726. 2407
ces de canon en batterie , il fe trouva
préparé à tout évenement.
Cependant , comme il defavoüoit , non
feulement l'entrepriſe formée contre Ifmael
, mais encore qu'il demandoit qué
cette affaire fut jugée fuivant les Loix ;
le lendemain le Pacha & les gens de Loi
declarerent qu'ils ne pouvoient rien décider
contre lui , qu'en obfervant les formalitez
ordinaires ; fur quoi l'Emir - Hadgi
, qui fçavoit d'ailleurs que fon ennemi
ne fe laifferoit pas forcer aifément ,
fit infinuer fous main au Pacha d'accommoder
cette affaire en perfuadant à
Cherkés de fe retirer jufqu'à ce que
toutes chofes fuffent affoupies , dans un
des Villages de la Bahné , dont il eft Kachif
ou Gouverneur.
›
و ou
Soit que Cherkés crut cette retraite
moins feure que fa propre maifon
plutôt qu'il ne voulut pas ceder cet avantage
à fon ennemi , il refufa abfolument
de fortir du Caire , à moins que l'Emir
Hadgi n'en fortit auffis ajoûtant , qu'il
vouloit de plus que Guedik Mehemed
Kyaya , ou Lieutenant des JanniЛlaires ,
& Saboundgi Ibrahim , Tchorbadgi des
Azabs , fe rendiffent caution de ce qui
pourroit lui arriver , donnant à connoître
par
là , que ces deux Officiers étoient
entierement dévoüez aux interêts de fon
ennemi . Ce2408
MERCURE DE FRANCE.
›
Cependant Cherkés donna ordre aux
Kiachefs de fa Province , de s'approcher
avec leurs Troupes. Il prodiguoit de
groffes fommes dans la Ville pour attirer
des gens dans fon parti , & le 8. du
même mois de Juin , le bruit courut
qu'un grand nombre d'Arabes de fes terres
, étoient venus camper à Cizé , pour
être à portée de le fecourir . L'Emir Hadgi
, pour ne pas demeurer en refte , envoya
demander ce jour- là huit canons aux
Janniflaires , mais ceux- ci les lui ayant
refufez , il prit le parti de tenter de
nouveau un accommodement. Cherkés ne
parut pas s'en éloigner ; mais ayant exigé
que les Charges & les Emplois ne
s'obtinffent plus par le credit de l'Emir
Hadgi , que les éxilez fuffent rappellez ,
& que leurs biens leur fuffent rendus
en conformité d'un ordre du G. S. qu'il
difoit avoir , la Negociation fut rompuë.
Le 9. quelques Officiers des Janniffaires
allerent par des ordres du Pacha >
à l'Odgiak , ou quartier des Azabs , pour
tâcher de pacifier ces troubles . L'Emir
Hadgi , qui s'y étoit retiré , ne leur répondit
, qu'en leur offrant une fomme.
d'argent confiderable , pour engager leur
corps dans fes interêts ; à quoi Guedik
Mehemed repliqua au nom de tous , que
les
NOVEMBRE. 1726. 2409
les Janniffaires n'étant entretenus que
pour le fervice du G. S. ils ne fe mêleroient
jamais d'une affaire particuliere ;
qu'ainfi c'étoit à lui de fe tirer comme il
pourroit de la fienne.
Ce même jour , le parti de ce Beig fut
fortifié par l'arrivée d'Abdoullah Beig ,
fon beau -frere , & d'Aly Beig , qui vinrent
avec les Troupes de leurs Provinces.
Cherkés , de fon côté , aidé des
foins & de la bourfe d'Ahmed Effendi,
à qui on avoit dit qu'il avoit donné azyle
, fit placer quelques nouvelles pieces
d'Artillerie , tant dans fa maifon , que
dans une Moſquée voifine , & à un autre
lieu , nommé Calautel Kebitk , &
s'empara des principales portes qu'il y a
en allant à la Place de la Romelle , voifine
de l'Odgiak des Azabs .
Le lendemain le Pacha prononça , que
puifqu'on ne pouvoit faire entrer les
deux Beigs en aucun accommodement ,
ils n'avoient qu'à décider leurs differends
entre eux , & en même temps il fit défenfes
aux fept Ordres de la Milice , de
fe mêler dans cette querelle. Cependant
les vagabonds profitant de ces circonftances
, commençoient à faire du defordre ;
ils avoient déja maltraité le Soubachi, ou
Prevôt de la Ville , pendant qu'il faifoit
la ronde , ce qui avoit fait fermer les
Mar2410
MERCURE DE FRANCE .
Marchez ce jour -là , en confequence
d'une Ordonnance du Pacha. L'Aga des
Janniffaires fit publier de fon côté , que
les Marchands euffent à fermer leurs
boutiques , & à fe retirer chez eux ; ce
qui fut executé.
Quelque peu de fuccès qu'euffent eu
les démarches précedentes , on en fit le
11. de nouvelles , pour effayer de ramener
la tranquillité publique. Les gens de
Loi s'affemblerent fur ce fujet dans la
grande Mofquée , où plufieurs des principaux
Cheiks , ou Seigneurs , s'étoient
rendus. Le refultat des mouvemens qu'ils
fe, donnerent enfuite , & des vives remontrances
du Pacha , fut que l'Emir
Hadgi s'engageât par écrit , de fe trouver
à une Affemblée generale , & de
paſſer par ce qui y feroit refolu ; mais
ayant fait quelques réflexions depuis , il
propofa le lendemain d'y envoyer un
homme en fa place , ce qui ayant été
rejetté , chacune des factions retint les
Emiffaires de celle qui lui étoit of pofée ;
cependant les Janni ffaires fe mêlerent de
cette derniere affaire , & non - feulement
ces Emiffaires furent rendus de part &
d'autre dès le foir même , mais encore
Ifmael Bey Tefterdar , ou Treforier General
, & Solak Ahmed Beig , créatu
res du feu Ibrahim Belg , & par confequent
NOVEMBRE. 1726. 2411
›
fequent tous dévouez aux interêts de
Cherkés furent relâchez par l'Emir
Hadgi qui les faifoit garder dans l'Odgiak
des Azabs.
,
Abdoullah beau - frere de l'Emir
Hadgi , commença enfin le 13. les hoftilitez.
Ce Beig , qui s'étoit déja faifi de
la maifon de l'ancien Beig Caytas , en
ayant percé trois ou quatre autres pour
s'emparer auffi de celle de Rifuan Âga ,
fituée fur la ( a ) Birque , prefque vis -àvis
de Cherkés. Ce dernier envoya de
fes gens qui l'en délogerent . Mehemed
Bey perdit dans cette occafion un de fes
Kiaia , ou Lieutenans , & Abdoullah perdit
fon Kiaya , & deux pieces d'Artillerie.
Le lendemain , l'attaque recommença
dans le même quartier. Les gens de l'Emir
Hadgi , furent chaffez des autres
maifons dont ils s'étoient emparez la
veille ; mais quoiqu'une partie des murs
de celle de Caytas Beig , & même de
celle de Demich Beig , qui y eft contiguë
, fut abbatue , l'on ne put forcer Abdoullah
dans cette premiere où il s'étoit
retranché.
Aly , l'un des Beigs qui étoient venus
de la campagne au fecours de l'Emir
Hagi , ayant voulu de fon côté fe faifir
(a ) C'eft un Etang formé par le Nil.
d'une
2412 MERCURE DE FRANCE.
d'une porte voifine de la Place de la Romelle
, & s'emparer de deux Moſquées
pour être plus à portée de l'Odgiak des
Azabs , fut repouffé par Cherkés , &
obligé ainfi que Mehemed Beig , frere
de l'Emir Hadgi , de fe retirer dans l'Odgiak
des Azabs , Ces derniers perdirent
dans ce combat quelques hommes & trois
pieces de canon .
On ne fut guere plus tranquille pendant
la nuit , qu'on l'avoit été pendant le
jour il y eut des efcarinouches continuelles
entre les gens d'Abdoullah &
ceux de Cherkés , & ce dernier remporta
toujours tout l'avantage . Mehemed Beig
fongea de fon côté à fe retrancher dans
fa maifon , fit pofer des chevaux de frize
dans la Birque , qui pour lors étoit à ſec,
& il y eut de ce côté- là un feu continel
de moufqueterie jufqu'au lendemain
15. à midi.
Ce même jour , le bruit courut que
l'Emir Hadgi avoit reçû un fecours.
d'hommes & d'argent de fes Villages ,
& qu'il avoit engagé dans fa querelle
le Corps de la Cavalerie. Ces derniers
demanderent effectivement au Pacha un
commandement pour aller forcer Cherkés
dans fa maifon. Le Pacha refufa cet
ordre , & il ordonna en même temps
que l'affaire feroit décidée dans une Affemblée
NOVEMBRE. 1726. 2413
femblée de gens de Loi . L'Affemblée fe
tint ; mais ces Docteurs ayant prononcé
qu'ils ne pouvoient donner de Fetua,
que
le Pacha n'eut donné un ordre on
ne conclut rien , & l'on foupçonna qu'une
partie d'entre eux s'étoit laiffé ga
gner. Ils écrivirent cependant au Pacha
, que c'étoit à lui , qui avoit en
main l'autorité du G. S. à faire executer
fes ordres , & qu'il n'avoit qu'à con--
voquer une Affemblée generale ; que
pour lors ils déclareroient librement leurs
fentimens.
Sur ces entrefaites le Kiaya des Janniffaires
étant mort prefque fubitement,
on foupçonna le Saboundgi de l'avoir
fait empoifonner le jour qu'il avoit été
à l'Odgiak des Azabs .
Le 16. fe palla en efcarmouches. Les
Cheiks & les gens de Loi , s'étant raſfemblez
de nouveau , ils ne purent trouver
aucun moyen d'accommodement , &
l'Emir Hadgi obtint enfin un commandement
du Pacha , pour que la maifon
de Cherkés fut forcée , ce qui n'empêcha
point que Cherkés ne chaffa la nuit
fuivante Aly & Mehemed Beigs de plufieurs
quartiers
.
Quoique le Pacha eut , comme on vient
de le rapporter , donné ordre de marcher
contre Cherkés , les Janniffaires ,
qui
2414 MERCURE DE FRANCE .
qui avoient toujours été neutres dans cet
te querelle , ne voulurent point s'en mêler
, perfiftant à dire qu'ils n'étoient point
payez pour terminer le differend de deux
particuliers. Les Azabs même ayant été
convoquez le 17. au matin par leur
Chiaoux , ou Huiffier , refuferent de marcher
, fi l'Emir Hadgi , pour qui ils s'alloient
battre , ne fe mettoit à leur tête
; mais celui - ci , auffi poltron que fon
ennemi eft brave , s'en étant excufé , il
envoya à fa place Kur Abaza Beig .
Les Azabs s'avancerent cependant contre
l'ennemi, le combat dura jufques à
midi avec une égale fureur , & le Kiaya
des Azabs ayant été tué , Cherkés , quoiqu'abandonné
depuis le matin par 150.
homines de fon parti , eut jufques là
tout l'avantage ; mais enfin accablé par
le nombre , & fe fentant hors d'état de
refifter plus long- temps , il fe jetta , le fabre
à la main , au milieu des ennemis , &
fe faifant jour , il fe fauva avec quelques-
uns des fiens , & gagna la campagne.
Dès ce moment fa maifon fut pillée
& démolie .
On donnera lereste de cette Relation dans
le prochain Mercure
དང་ འབྲུ་པར
-A
NOVEMBRE. 1726. 2415
A Madame la Comteffe de Fiennes , fur
la mort de Madame la Marquife
d'Estampes, fa mere.
ELEGI E.
Nfin , c'eft trop gemir , calmez, belle Com
teffe , EN
Les cruels mouvemens d'une longue trifteffe
Votre mere n'eft plus , fon fort en eſt plus
beau :
Jettez,au lieu de pleurs, des fleurs fur fon tombeau
.
C'eſt dans le fein des Dieux que repofe fon
ame ,
Et cette portion d'une celefte flamme ,
Cet inviſible trait de la Divinité ,
Sur les aîles du temps à fon centre est monté,
Ces Dieux qui des Mortels reglent les deftinées
,
Du fein du neant même en comptent les ans
nées ,
Pofent l'ordre éternel de leurs juftes decrets.
Il eft comme à nos jours un terme à nos re
grets.
Ceffez de vous montrer defolée & mourante,
ou
2416 MERCURE DE FRANCE.
i
Où l'ombre d'une mère autour de vous errante
,
De fes triftes clameurs affiegeant vos ef
prits ,
Viendra de fon amour redemander le prix:
Garde-toi de troubler ma dé poüille mortelle ,
Je veux de ta douleur d'autres fruits , dira-
» t- elle ,
Songe à ces droits facrez que je t'ai con-
5 fiez ,
Et que déja le Ciel a trop juftifiez,
» Deton fang dans tes mains la fortune eft'remife
, 33
Tu lui dois tous les foins d'une fage entremife
,
ود
Et voyant fes honneurs & fa gloire expofez
, 33
Rapproche , s'il fe peut , des coeurs trop di .
viſez.
Voilà , belle Comteffe , en confu nant vos
charmes ,
Où va fe terminer tout le fruit de vos larmes.
Songez à quel emploi vos jours font refervez
,
A ces jeunes Epoux à qui vous vous devez ,
A la tendre amitié de tant d'égards fuivie ,
Vous nous devez à tous compte de votre vie.
NOVEMRE. 1762. 2417
Sur vous-même aujourd'hui tentez un noble
effort ,
Sans pâlir , d'une mere enviſagez la mort.
Vous la ferez revivre en marchant fur fes
traces :
Ses vertus égaloient le nombre de vos graces.
De combien de trefors fon grand coeur fut
formé !
De quel fouffle divin fon courage animé ,
D'une vie agitée a bravé les orages ,
Et des plus cheres mains effuyé les outras
ges ,
Sans que d'aucun effort fon amour combattu ,
Intereffât fa gloire ou furprît fa vertu !
' De l'honneur de fon fexe uniquement jaoufe
,
Cultivant les devoirs & de mere & d'Epoufe
,
Foulan aux pieds le fafte , & fuyant le grand
jour ,
Elle fe déroboit aux honneurs de la Cour ,
Fuyoit des vains plaifirs la foule enchantereffe
:
Vous occupiez alors fes foins & fa tendreffe.
Elevée en fon fein , fous fes yeux furveillans
,
Croif
2418 MERCURE DE FRANCE .
Croiffoient en vous ces dons dangereux &
brillans ,
Les dons de la beauté , fources de tant d'allarmes
,
Dans fes chagrins fouvent arrofez de fes larmes
;
D'un rapide fuccès fes voeux furent fuivis ,
Sa tendreffe toujours corrigea fes avis.
Son auftere vertu n'avoit rien de farouche,
Les Dieux même avoient mis leur prudence
en fa bouche ;
De fes foins vigilans ils hâtoient les moiffons
,
Et l'exemple chez elle abregeoit les leçons.
Des feux d'un chafte Hymen à fon repos fu
neftes ,
Long temps dans la retraite elle a traîné les
rettes .
C'est là que partageant fes foins & fes dou
leurs :
Vos mains , vos feules mains , ont effuyé fes
pleurs ,
Ont verfé dans fon coeur une innocente joye.
Dans quels fecours ardens votre amour fe déploye
!
Des jeux & des plaifirs les confeils fedui
fans ,
Refpectoient fa vieilleffe & la glace des ans.
Par
NOVEMBRE. 1726. 2419
Par tout votre tendreffe écartant tout obflacle
,
De fa fille à fes yeux offre le doux ſpecta-
.cle ,
Sans ceffe elle vous cherche & yous trouve
toujours ;
Mais contre les deftins que peuvent nos fe
cours ?
De fon dernier tribut l'inftant fatal arrive ,
La mort fourde à vos cris l'appelle fur la
rive.
Je vois malgré les pleurs que vous lui dé
robez
,
Ses yeux levez fur vous dans l'ombre retombez.
C'en eft fait , elle meurt , le Ciel tranche une
vie ,
De trouble , d'amertume , & de gloire fui
vie ,
Et fon coeur expirant au gré de ſes defirs
Dans vos embraffemens rend les dernier
foupirs.
B LET
2420 MERCURE DE FRANCE :
*******************
头
LETTRE écrite de Baurgagné aux Au
teurs du Mercure , touchant le Pheno•
mene celeſte du 19. Octobre 1726
MESS ESSIEURS,
Je ne me flate pas d'être le premier
qui vous aura donné avis du Phenomene
qui a été apperçû hier au foir : mais je
fçai que vous recevez avec plaifir toutes
les Lettres qui roulent fur ces fottes de
fujets , parce qu'elles fervent à prouver
qu'ils ont été vûs en plus d'un endroit ,
& à des heures quelquefois differentes.
Et dans cette confiance je me joints aux
autres dont vous recevrez des Lettres de
toute la France , & même de dehors le
Royaume , étant auffi utile de lire ce
qu'on aura vû ailleurs , qué de décrire ce
que j'ai vu ici .
On a commencé à s'en appercevoir
vers les fept heures du foir ; auquel
temps le Ciel étoit fort ferein ; mais ce
qu'il y a eu de plus extraordinaire ne
s'eft fait voir qu'après fept heures & demie
& huit heures. La circonftance du
pallage de quelques Troupes , qui du
Poiteu
NOVEMBRE. 1726. 2420
Poitou tirent du côté du Rhin , a fait d'a
bord craindre que le feu n'eut pris à
quelques bâtimens aux extrêmitez de la
Ville. On ne fait que trop par experience
, que ces fortes de malheurs font
fouvent caufez par des excès de vin , aus
quel il eft aifé que dans le grand nom
bre quelques particuliers fe laiffent aller,
furtout après unè recolte d'un vin auffi
exquis que l'est celui de la prefente année
, dont la qualité fert de compenſation
à la quantité : ces frayeurs font d'au
tant mieux fondées dans ce Pays- ci , qu'on
entend fouvent dire aux Troupes qui
viennent d'au- delà de la Loire & d'ailleurs
, que notre Ville eft la premiere
de leur route, où ils ont trouvé du bon
vin. Mais les perfonnes qui étoient en
état de porter leur vûë depuis l'Occi
dent jufqu'à l'Orient sont vir tout auffitôt
que c'étoit l'efpace entier de la region
étherée du côté du Septentrion qui étoît
comme enflammé ; enforte qu'on auroit
dit qu'il y avoit plaffeurs fourneaux embrafez
, d'où il fortoit des flammes par
tourbillons , qui toutes aboutilloient au
point où le Soleil eft en plein midi au
Solftice d'Eté ; de maniere cependant ¸
que fi quelques - unes de ces exhalaifons
paffoient au - delà de ce point , elles fembloient
enfuite rebrouiler pour venir s'y
Bij re- •
2422 MERCURE DE FRANCE.
}
rejoindre & s'y étouffer , en laiffant au
milieu de l'endroit où elles fe terminoient
, une espece de difque qui reſtoit
azuré. Les unes de ces flammes étoient
blanches , d'autres rougeâtres ; mais toutes
enfemble , elles produifoient la même
clarté qu'on a au crepufcule , une de◄
ini-heure avant que le Soleil fe leve , &
ceta fans aucune contribution de la part
de la Lune , pas
I certainement i
encore fur l'horizon . Cela a duré ainfi
jufqu'à neuf heures , auquel temps le
mouvement des tourbillons a ceflè , nè
fe reprenant que de moment à autre , &
fort foiblement , jufqu'à ce qu'enfin vers
les dix heures & demie on n'a plus rien
vu du côté du Septentrion , qu'un refte
de blancheur traversé par une bande noire.
Le peuple qui n'eft pas accoûtumé à
ces fortes de vifions , n'a pas manqué
d'en raifonner , chacun à la mode. La
peur a faifi les plus foibles d'entre ceux
qui n'avoient jamais oui parler d'Obfervations
phyfiques : & quoiqu'il ne foit
pas d'ufage de fonner les cloches en ce
Diocèle après huit heures du foir , fi ce
n'eft pour des neceffitez publiques , on a
entendu d'ici plufieurs Villages à la ronde
les fonner fortement , foit pour appeller
à l'Eglife , foit pour avertir de
préparer de l'eau contre l'incendie que
chacun
1
NOVEMBRE. 1726. 2423
chacun croyoit être allumé chez fon
voifin.
Les perfonnes qui ont lû les Memoires
de l'Académie , en jugeoient autre
ment ; en mon particulier , j'ai crû que
ce Phenomene , ou Meteore , n'étoit autre
que celui qu'on appelle la Lumiere
Septentrionale , au fujet duquel je vous
envoyai , il y a deux ans en ce tempsci
, un Memoire que j'avois dreflé à
l'occafion de ce que le Journal des Scavans
du mois de Septembre 1724. marquoit
touchant le fentiment de M. Maraldi
. ( a ) En lifant ce Memoire imprimé
dans votre Journal du mois de Novembre
fuivant , on y remarquera que
ce qui a été vu la nuit derniere , avoic
été vu de la même maniere l'an 1099 .
au rapport de Hugues , Abbé de Flavigni
, Auteur contemporain , dans la nuit
où fe donna un fanglant combat des Chrétiens
contre les Infideles dans la Terre-
Sainte. En effet , plufieurs ont crû appercevoir
comme des Armées en bataille
dans ces tourbillons qui s'éle voient en
l'air , & quelques- uns plus hardis que
cet ancien Hiftorien qui n'ofe rien
decider , ont voulu nous perfuader qu'il
(a ) Voyez dans le Journal des Sçavan's
( Avril 1715. ) la lettre qu'écrivit le fçavant
Académicien à M. l'Abbé Bignon.
Biij en
3424 MERCURE DE FRANCE..
en arriveroit des confequences funeftes.
Mais s'ils fçavoient , comme M. Maral
di le marque , que dans Paris on a vù
vingt fois cette lumiere depuis l'an 1716 .
jufqu'en l'an 1721. fans qu'il foit arri
vé aucune guerre ni aucun malheur , ils
ne prendroient pas ce Phenomene pour
un pronoftic fi fâcheux , & ils tomberoient
d'accord qu'on peut s'y accoûtumer
auffi aifément , qu'à voir des Eclypfes,
ou plutôt que l'Arc-en- Ciel qui n'a point
de moment fixe qu'on puiffe prédire.
La remarque que j'ai crû devoir faire
à cette occafion , eft que plus je parcou
re les anciens Hiftoriens , plus j'y trou
ve des apparitions de cette lumiere : ce
qui fert à prouver qu'anciennement
elles
n'étoient pas plus rares que de nos jours.
Outre celle que j'ai tirée en 1724 de la
Chronique Verdunoife de Hugues de Fla
vigni , qui en indique,deux ou trois plus
anciennes , & celle de la Chronique de
Saint Marien d'Auxerre , arrivée l'an
1204. j'en trouve deux dans l'Hiftoire
d'Aimoin . Moine de S. Germain des
Prez, qui a compilé à la fin du IX. fiecle
ceux qui l'avoient précedé. L'une
eft au 4 Livre , Chapitre 115. l'autre,
au Livre 5. Chapitre 42. L'Hiftorien,
après avoir rapporté les Conquêtes faites
en Espagne,Pan 8.27.par Abdiraman,
Boi
NOVEMBRE . 1726. 2427
i
Roi des Sarrazins , & avoir dit que les
Troupes envoyées par l'Empereur Louis
le Debonnaire , fous la conduite de Pepin
fon fils , arriverent trop tard au fecours
des Efpagnols , ajoûte , qu'on crut que
ce malheur avoit été prédit par les illuminations
frequentes qu'on avoit vûes
dans l'air pendant la nuit , mais des illuminations
qui étoient en mouvement,
& qui ayant la figure d'Armées en bataille
, produifoient la terreur dans les
efprits : Hujus cladis prafagia credita
funt , vifa multoties in coelo acies & illi
terribiles nocturna corufcationis in aëre
difcurfus. Dans l'autre endroit , l'Auteur
ne dit point qu'on eut tiré aucune
confequence d'une femblable lumiere ,
qui parut le 14. Fevrier de l'an 937.
depuis trois heures du matin jufqu'à la
pointe du jour mais il ajoûte auffi - tôt,
que dès le 2 4. du mois fuivant les Hongrois
commencerent à mettre à feu & à
fang la France , la Bourgogne & l'Aquitaine
. Secundo anno poft hac ( c'eſtà
- dire , aprés le Couronnement de Louis
d'Outremer fait à Laon ) XVI. Kalendas
Martias circa Gallorum cantum ufque
ad illucefcentem diem fanguinea acies
per totam cæli faciem apparuerunt. Sequenti
auten menfe ix . Kalendas Aprilis
Hungari adhuc Pagani Franciam , Bur-
Biiij gun2426
MERCURE de france.
gundiam, atque Aquitaniam ferro & igne
depopulari coeperunt. S'il ne paroît pas
clairement que l'Auteur ni fon Continuateur
ayent pris ces feux extraordinaires
pour un préfage de guerre , on ne
voit pas plus évidemment ce rapport de
l'un à l'autre dans la Chronique de
Fredegaire, lorfqu'il parle de ceux qui
parurent l'an 600. I fe contente de
dire tout de fuite que la même année
les Rois Theodebert & Thierri firent
marcher leurs Armées contre celle du
Roi Clotaire , & que l'ayant jointe fur
la Riviere d'Ouaine en Gâtinois , ( ou
de Venne en Senonois ) les Troupes de
Clotaire furent taillées en pieces , & que
le Roi ayant pris la fuite avec fes gens,
tout ce qu'il avoit de Villes & de Bourgades
fur les bords de la Seine fut mis
au pillage : Anno quinto regni Theuderici
iterum figna que anno fuperiore vifa
fuerant , globi ignei per cælum currentes ,
& ad inftar multitudinis hastarum ignearum
ad Occidentem apparuerunt : Ipfoque
anno Theudebertus & Theudericus Reges
contra Clotarium regem movent exercitum
, & fuper fluvium Aroanna nec
procul à Doromello vico pralium confligentes
junxerunt , ibique , &c. Je ne
joindrois point ici ce fait, fi ce n'étoit qu'un
grand Prélat fit autrefois faire attention.
,
au
NOVEMBRE. 1726. 2427
&
au Roi Robert à ces mêmes feux de l'an
600. fuivant ce qu'il en avoit lû dans
P'Hiftoire des Lombards. ( a ) Aurefte,
il n'eft point dit que ces feux apparus
fous le Regne de Clotaire , fous celui de
-Louis le Débonnaire , & fous Louis d'Outremer
, fuffent du côté du Septentrion ,
enon plus que ceux qui parurent à Soiffons
l'an 582. le jour de Pâques , felon
S. Gregoire de Tours , & qu'un autre
Evêque ( b ) rappella dans la memoire
du Roi Robert. Mais il y a grande apparence
qu'ils ne procedoient gueres d'un
autre endroit que ceux d'hier au foir ,
ou ceux dont parlent les autres Annaliftes
que je vous ai cité en 1724. c'eſtà-
dire , depuis l'Occident d'Eté juſqu'à
P'Orient , en s'élevant du Septentrion au
Midi . Comme les Hiftoriens ne font
pas
obligez de tout dire , il ne faut pas tou
jours s'attendre de trouver dans leurs
écrits , que ces lumieres celeftes & ces
feux volans ayent été pris pour des pronoftics
de guerre. Il n'en faut cependant
}
( a) Item Hiftoria Longobardorum , lib . 4.
c. 16 Tempore Theodeberti Regis Francorum
,fignum fanguineum in coelo apparuit ,
& quali hafte fanguinex. Eo tempore ipfe
Theodebertus cum Lotario avunculo foo bellum
gerens exercitum vehementer afflixit .
Epift . Gauzleni Archiep. Bitur. ad Rob. Reg.
inter Ep . Fulberti Carnot . Ep . 96.
( 2 ) Fulbert de Chartres ."
2428 MERCURE DE FRANCE.
pas douter , & on voit affez de preuves,
qu'après l'apparition de ces Meteores
chacun fe tenoit fur fes gardes. A Dien
ne plaife , que je conclue de là qu'il en
doive être de même de nos jours , & j'elpere
que notre nouveau Phenomene n'en
dera pas un pronoftic plus affuré que PEclyple
de Soleil du 25. du mois dernier.
Mais peut- on efperer de defabufer les
Peuples fur ces fortes de penfées , aprés
qu'on a lû que les Rois même & les
Empereurs ont eu de la peine à fe tranquilifer
au moment de l'apparition des
Cometes ou de quelque autre Signe , &
qu'ils en ont appréhendé les funeftes
fuites ? 11 en parut une l'an 837. fous
Louis le Débonnaire , à l'occafion de laquelle
on vit un effet de la pieté de ce
Prince. Je traduirai avec plaifir en notre
Langue le Texte Latin de l'Hiflorien ,
( a ) qui eft digne d'attention , afin de me
( a) Aimoin , lib . 3. c. 17. Cet Auteur a
copié les Annales de Lauresheim , Abbaye
du Diocèfe de Wormes , écrites un peu avant
lui , & la Vie de Louis le Debonnaire , écrite
par un autre Anonyme , qu'on connoît fous
le nom d'Aftronome , à cause de la Conference
que l'Empereur eut avec lui fur cette Cometre.
Le Pere Mabillon , T. II Ann. Bened.
p. 589. eft du fentiment que ce nom ne lui
vient que de là . Mais il paroît par fes mêmes
paroles que ce ne fut pas la premiere fois que
Louis: s'entretint avec lui de Phenomenes ,
Cometes , Mercores , & autres Signes..
NOVEMBRE. 1726. 2425
S
rendre intelligible à tous ceux qui fe
ront curieux de lire ma Lettre . » Lorf-
» que l'Empereur eut apperçu cette Comete
( à Aix -la -Chapelle aux Fêtes de
» Pâques ) comme il étoit attentif à ces
» fortes de Signes , il s'arrêta tout-àcoup
; & avant que de fe coucher , il
fit venir un homme de fa Cour avec
» moi qui ai écrit ceci , qu'il prenoit
» pour un Perfonnage
fort verfé dans
la connoiffance
de l'Aftronomie
; &
« il nous demanda notre avis . Je le
priai de me donner du temps pour
» confiderer cette Comete , afin de m'inf
<<
65
truire de la verité , & lui en faire le
» lendemain un plus fidele rapport.
>> L'Empereur crut que c'étoit une défaite
dont je me fervois ; ( ce qui étoit
>> veritable
, ) & il fe perfuada
que je
» n'ufois de délai que pour m'exempter
» de lui dire quelque
chofe de trifte.
» Allez , dit -il , dans l'Appartement
» contigu à celui - ci , & rapportez
-nous
» ce que vous en penferez . Je fuis affu
ré de n'avoir point vû cette Etoile hier:
» au foir , & vous- même ne l'avez pas
» encore remarquée : mais je vois bien
» que c'eft une de ces Cometes dont nous
» parlions ces jours derniers : Dites--
» moi toujours ce que vous croyez qu'elle
prédit. Je lui tins là - deffus quelques
B vj dif
"
2430 MERCURE DE FRANCE.
» cours , & je m'arrêtai. Il y a , medita
il , encore quelque chofe que vous paf-
>> fez fous filence : car on dit que ce pro-
» dige fignifie un changement de Regne
» & la mort du Prince . Je lui citai l'en-
>> droit du Prophete où il eft dit : N'ap
» préhendez point les Signes du Ciel com-
» ine font les Gentils. Auffi - tôt , fans
S
autre préparation , & par un effet de
» fa feule vertu , nous ne devons crain-
» dre , me dit- il , que celui qui nous a
>> créez nous & cet Aftre ; mais nous ne
» fçaurions affez admirer ni louer fa cle-
» mence , puifqu'il n'envoye ces Signes
>> que pour nous réveiller de l'affoupif-
» fement où nous fommes , nous autres
» pecheurs & impenitens . Ce prodige
» me regardant donc , & tous les autres
en general , hâtons nous de faire mieux ›
» que par le paflé , de crainte que Dieu,
aprés nous avoir excité à la penitence , t
>> fans que nous y ayons correfpondu ,
»> ne nous trouve indignes de fes mife-
» ricordes. Après avoir dit cela , il prit.
D
quelques coups de vin ; & voulut que
» tous en fiffent de même. Enfuite il
» leur ordonna de fe retirer. On nous
» apprit depuis qu'il avoit paffé toute la
» nuit en prieres. A la pointe du jour
» il fit venir tous fes Miniftres : il.com-
» manda qu'on fît des aumônes très - abon-
» dan-
"
NOVEMBRE. 1726. 243
dantes aux pauvres & aux ferviteurs
» de Dieu , tant Moines que Chanoines ;
» il fit dire des Meffes par tous les Prê
» tres qu'on put trouver , n'appréhendant
» pas tant pour lui que pour l'Eglife qui
» lui étoit confice.
- On dira , fans doute , qu'il y a de
la difference entre une Comete &
cette lumiere de peu de durée ; & que
ces illuminations celeftes ne font pas un
Signe fi certainement envoyé de Dieu
que les Cometes & les autres Signes don't
les Saintes Ecritures parlent. Pour moi ,
fans blâmer aucunement les pieufes pratiques
des ames timorées , je crois que
ces Phenomenes ne doivent être remarquez
que pour faire des obfervations qui
puiffent perfectionner la connoiffance des
caufes naturelles , & en louer enfuite la
caufe fuprême qui eft le Createur de toutes
choſes ; & en attendant que quel
qu'un trouve mieux , je m'attache au
fentiment du fçavant M. Maraldi , fur
l'affemblage des vapeurs vers le Septentrion
, dans les années où il y a eu
de grandes, fechereffes ou de violentes
chaleurs. Il feroit bon toujours que chacun
donnât fes obfervations à ce fujet ,
& que les uns ajoûtaffent , s'il étoit poffible
, aux raifonnemens phyfiques des
autres. Il ne feroit peut- être pas
"4
inu-
D
tile
2432 MERCURE DE FRANCE .
tile de rechercher ce que les anciens
Payens & Philofophes peuvent en avoir
dit . Il a da ? de leur temps des fecherelles
comme il en arrive de nos jourss
& par confequent ils ont dû s'appercevoir
de ces lumieres feptentrionales , eux
furtout qui ne dormoient pas les nuits
entieres. Lorfqu'il fut tombé en Aquitaine
une pluye de fang , ily a fept cens
ans , le Roi Robert , qui en avoit été
averti par le Duc Guillaume , Comte
de Poitiers , voulut approfondir ce prodige
il y avoit cela de fort particulier
dans cette pluye tombée trois jours avant
1a S. Jean , que les goutes qui étoient
fur la pierre , fur des étofes , ou fur la
chair humaine , ne pouvoient difparoître
en les lavant , au lieu que celles qui
étoient fur le bois , difparoiffoient aifement
, en les mouillant . Le Roi fouhaita
fçivoir fil'on trouveroit quelque chofe
de femblable dans l'Antiquité , & en ce
cas , fi quelque malheur avoit fuivi ce
prolige. Il s'adrella pour cela à Fulbert ,
Evêque de Chartres , qui étoit l'un d's
plus fçavans Prélats de fon fiecle , & à
Gauflin , Archevêque de Bourges . Celuici
lui écrivit qu'on lifoit dans Valere
Maxime , Auteur ( a ) Payen , un femblable
prodige , arrivé fous le Confulat
( a ) Inter Ep. Fulb. Ep . 96;
AL
"
de
NOVEMBRE. 1726. 2433
de Caius Volumnius & de Servilius
Sulpitius , & qu'il avoit pronoftiqué une
guerre civile . Il lui cita enfuite la Chronique
d'Eufebe de Cefarée , fur la lu -´´
miere qui parut vers le Septentrion fous-
1 Empereur Valerien après le Soleil couché
, & qui fut fuivie d'une défaite chez
les Barbares : Il y ajoûta ce qu'on lifoit
dans l'Hiftoire des Lombards touchant la
défaite du Roi Clotaire II. apr
l'apparition
des feux celeftes de l'an 600. Fulbert
marqua ( a ) en general , dans fa
réponſe au Roi , qu'il avoit lû dans Tite-
Live , Valere Maxime , Orofe & autres
, des prodiges de l'efpece de celui
qui étoit arrivé en Aquitaine : mais il
ne lui cita en particulier , que ceux que
S. Gregoire de Tours rapporte à lan
582. entre lefquels eft l'apparition des
deux tourbillons de feu vns à Soiffons le
jour de Pâques , & qui s'étant réunis aubout
de deux heures , avoient formé une
grande lumiere , & étoient difparus enfuite.
Le Prelat finit fa Lettre par des
applications qui font voir , qu'il cherchoit
plutôt en cela la converfion des
-pecheurs , que des nouvelles découvertes
dans la Phyfique . Quant à moi , j'abandonne
les pieufes reflexions à ceux
qui font chargez du foin des ames ,
( a) Ep. 975
&
je
1434 MERCURE DE FRANCE.
je laiffe à faire les obfervations phylques
à ceux qui s'appliquent. particu
lierement à la connoiffance des corps.
Le Lecteur peut
feulement remarquer,
que j'avois bien raison de croire , qu'il
y avoit des Auteurs qui parloient de la
lumiere feptentrionale entre le temps de
S. Gregoire de Tours & l'an 1554. &
que peut - être il n'eft pas exactement
vrai de dire , que le plus ancien Obfer.
vateur de ce Meteore foit cet Hiftorien
des François , fi ce que Gauzlin , Archevêque
de Bourges , a cité comme
de la Chronique d'Eufebe , s'y trou
ve veritablement , & eft de ce celebre
Hiftoriographe. Je fuis , & c.
4
A Auxerre , ce 20. Octobre 1726 .
Depuis que j'ai écrit ceci , j'ai appris
qu'à la Campagne on a apperçu dans
l'air quelque chofe d'extraordinairement
lumineux dans quelques- unes des nuits
de la Semaine derniere ; mais qui n'étoit
pas de la force de ce qui parut hier,
Peut-être en paroîtra- t- il autant les nuits
prochaines. Quelques Hiftoriens marquent
que ces Phenomenes ont recommencé
plufieurs nuits de fuite. Quoi
qu'il en foit , j'ajoûterai encore ici en
propres termes ce que je viens de trou- .
ver
NOVEMBRE. 1726. 2435
ver dans un Necrologe des Cordeliers
de notre Ville , où les Religieux mare
quoient les évenemens de leur temps
j'y lus ceci au mois de Septembre 1575 •
Le vingt - huit après les dix heures du
foir jufqu'à minuit , lorsqu'il n'étoit aucune
lumiere de Lune , s'éleva en l'air un
Arc d'une autre couleur que celui qui
apparoift au Ciel au temps de pluye. Il
étoit tout blanc , & fi lumineux , qu'il
donnoit une lumiere plus grande que celle
de Pleine Lune. Dans cet Arc étoit vifion
merveilleufe de lances bataillantès les
unes contre les autres. Après furent vûs
Chefs & têtes d'hommes avec les morions
d'Armée. Cela épouventa le Peuple, fo
fut our prefque par tout le Royaume. Le
10. Octobre M. le Duc de Guife défit les
Allemans. Et à l'an 1583. il est écrit
de la main d'un autre Cordelier , Docteur
, & depuis Vicaire General d'un de
nos Evêques , que la nuit du 13. Septembre
on vit une grande lumiere , qui.
s'étendoit de l'Orient à l'Occident . I
femble que ce foit encore là la lumiere
Septentrionale par ce qu'on lit enfuite
, qu'il regnoit alors une espece de
contagion , qui avoit commencé par de
grandes fechereffes.
"
AUTRE
2436 MERCURE DE FRANCE.
.
冁浩茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶
•
AUTRE Lettre écrite aux Auteurs du
Mercure par M. Meynier , Profeffeur
Royal d'Hydrographie au Havre,
le 21. Octobre 1726. fur le Phenomene
celifte qui a paru le 19. du même
mois. B
Lit
A nuit du 19. au 10. de ce mois ,
il a paru en ce Pays - ci , Meffieurs
un Phenomene très - extraordinaire , qui
étonna bien du monde ; je ne doute pas
qu'il n'ait été apperçu ailleurs , même à
Paris ; mais comme on aura pu ne pas
le voir par tout avec les mêmes circonftances
, je vous en envoye un détail
exact , & tel que je l'ai obfervé moimême
avec beaucoup d'attention , & en
même temps ce que j'en penfe , afin que
vous en faffiez part au Public.
Il y avoit ce foir- là dans l'air des petits
brouillards très - legers , qui n'étoient
pas affez épais pour cacher les moindres
Etoiles , ils les empêchoient feulement de
temps en temps d'être fi brillantes , ils
formoient une efpece de voute fur notre
horifon , qui paroiffoit s'appuyer feulement
fur l'horifon de l'Hemifphere feptentrionale,
& qui n'étoit continuée dans
L'HeNOVEMBRE.
1726 2437
1'Hemiſphere meridionale , que depuis
le Zenith jufques à environ 40. degrez,
on ne voyoit diftinctement ces broüil
lards qu'à la faveur de l'éclat du Phe
nomene.
Il avoit regné le même jour , avant
9. heures du matin , un brouillard fort
épais . Le Soleil fut affez bea le refte de
Ja journée , le temps prefque tout à -fait
calme , & affez frais , il continua de même
pendant la durée du Phenomene ,
qui commença à paroître à l'entrée de
la nuit.
D'abord Phorifon du côté du Nord
parut comme enflammé dans tout l'ef
pace d'environ 20. degrez , depuis le
Nord allant vers l'Eft , & d'environ autant
depuis le Nord allant vers l'Oueft.-
On y voyoit une quantité furprenante de
rayons de lumiere de differente grandeur,
tantôt plus , & tantôt moins colorez de
rouge & de jaune , qui fe terminoient
irregulierement en pointes à meſure
qu'ils étoient élevez fur l'horifon , de la
même maniere que s'ils avoient été produits
par un incendie general dans toutes
ces campagnes.
·
Leur baze étoit à peu près large depuis
environ un degré jufques à trois ,
tantôt elle augmentoit , & tantôt elle diminuoit.
L'efpace qui étoft entre chaque
alyour
2438 MERCURE DE FRANCE.
rayon paroiffoit fort noir , la pointe de
cet efpace paroiffoit éclairé , comme s'il
y eut eu des feux confiderables par derriere
, le fommet de ce Phenomene étoit
élevé inégalement fur l'horifon , les pointes
les plus élevées l'étoient d'environ
40. degrez , & les moindres l'étoient
d'environ 25.
Sur les 9. heures, ce Phenomene acheva
de remplir prefque tout l'horifon de
1'Hemifphere feptentrional . J'ai remarqué
qu'il n'a janais paffe dans l'horifon
de l'Hemifphere meridional où les Etoiles
étoient très-brillantes , & où on ne
diftinguoit pas le moindre brouillard.
Son circuit fur l'horifon étoit de près
de 180. degrez , on l'a vû croître , comme
fi c'eut été un veritable incendie qui
eut fait le même progrès.
On voyoit s'élever de temps en temps
de l'horifon , des rayons lumineux d'environ
2. ou 3. degrez de largeur , qui
s'élevoient tantôt plus , tantôt moins , &
quelquefois jufques près du Zenith en
moins de deux minutes de temps .
A fept heures & trois quarts il y eur
une très grande quantité de ces rayons
qui partirent en même temps de l'horifon
, & qui s'éleverent jufques au Zenith
, où ils fe réunirent tous par leur
pointe , & y formerent une figure trèsluNOVEMBRE.
1726. 2439
lumineufe , affez reguliere & agréable à
voir : car tous ces rayons , après s'être
croifez au Zenith , continuerent leur
route dans l'Hemiſphere meridional juſques
à environ 40. degrez du Zenith
où ils formerent d'autres rayons qui
avoient de même leur pointe au Zenith;
& comme tous ces rayons fubfiftoient
en même temps , cette figure reffembloit
à un pavillon formé par des rayons de
lumière qui avoit fa pointe au Zenith ,
& qui étoit appuyé du côté du Nord
par les rayons qui l'avoient formé , de
forte qu'il n'étoit ouvert que du côté du
Midi .
11 n'a exifté dans cet état qu'environ 3 .
minutes , il s'en eft formé enfuite une grande
quantité d'autres , dont les figures n'étoient
pas fi
étoient formé gulieres , parce qu'elles
une
té de rayons , qui ne s'élevoient pas de
thorifon en même temps , & qui ne fe
croifoient pas toujours au Zenith.
Outre le mouvement qui portoit tous
ces rayons de l'horifon vers le Zenith ,
ils en avoient un fecond très- fenfible ,
que j'appelle de trépidation , tel à peu ,
près qu'on le remarque quelquefois à
Ia flamme d'une chandelle , ce fecond
mouvement les faifoit paroître inconftans
, ces mêmes rayons reffembloient af-
و
lez2440
MERCURE DE FRANCE.
fez bien dans leurs mouvemens à des flámes
très -legeres, fur lefquelles on auroit
jetté de temps en temps de l'efprit de
vin , avec un afperfoir , qui leur auroit
procuré pour un inftant un peu plus de
mouvement , & un peu plus de lueur.
La plupart de ces rayons qui fe portoient
vers le Zenith , en fe féparant de
ceux qui exiftoient toujours à l'horifon ,
ne fuivoient pas regulierement une ligne
droite , mais ils s'écartpient tantôt
d'un côté , tantôt d'un autre , plus ou
moins , felon la forme & la grandeur des
petits brouillards qui fe trouvoient dans
leur route on voyoit par le travers de
ces rayons les Etailes très -diftinctement ;
il n'en étoit pas de même vers l'horifon,
où le Phenomene ne permettoit de les
voir que de temps en temps en quelques
endroits .
Toutes ces lueurs entretenoienr l'air
fort clair , de forte que je voyois trèsdiftinctement
l'heure à ma montre d'allez
loin , & je diftinguois affez.bien toutes
les parties d'une coline qui eft du côté
du Nord , à une demi-lieue de la Ville ,
ce qui m'a fait conclure , que ce Phenomene
devoit être plus éloigné , & renfermer
dans font étendue un elpace, de
plufieurs lieues dans la campagne.
Vous jugez bien , Meffieurs , qu'à cette
NOVEMBRE. 1726. 2441
te heure- là toute la Ville en fut témoin,
une partie du peuple crut être à la fin
du monde , & que la terre alloit perir
par le feu la porte de l'Eglife Paroiffiale
étoit entourée d'une nombreuſe populace
, qui étoit à genoux & en prieres
jufques dans le milieu de la rue. V
>
Ce Phenomene commença à diminuer
à neuf heures & demie , à onze heures
il ne paroiffoit plus que legerement , il
difparut enfin tout - à -fait environ vers le
minuit , au lever de la Lune , ce qui
prouve que cette Planete n'y a nullement
contribué. Nodar
Il n'eſt pas non plus vrai - ſemblable
que le Soleil ait pu produire cet effet ,
étant alors fort bas fous l'horifon. Je
voudrois en attribuer la caufe à des ex-"
halaifons de la terre qui étoient affemblées
à cet endroit , & difpolées à pro
duire la lumiere par l'humidité , & même
des effets plus violens , comme des
éclairs & des tonnerres , fi quelque orage
les eut mifes en mouvement , mais
comme le temps étoit très - calme , &
que la rofée du foir eft trés - abondante
dans cette faifon , fur ces côtes , il
paroît
affez probable , qu'elle peut avoir été
capable d'agir legerement fur des matieres
déja difpofées , & n'avoir produit
que peu à peu , en plufieurs heures de
temps,
2442 MERCURE DE FRANCE .
temps , d'une maniere particuliere , ce
qu'un orage auroit pû produire en peu
de minutes • par des éclairs &
tonnerres .
par
des
Pour
ce qui
eft des
lueurs
qui
s'élevoient
en forme
de rayons
, depuis
l'horifon
jufques
vers
le Zenith
, & qui
paffoient
affez
fouvent
bien
avant
dans
l'autre
Hemifphere
, en peu
de minutes
de temps
, je les ai confiderées
comme
de très- petits
éclairs
, qui
étoient
mis
en mouvement
par
une
caufe
fort
legere
, qui
leur
permettoit
feulement
de
parcourir
la fuperficie
des
petits
brouillards
,, dont
j'ai
déja
parlé
, qui
étoient
allez
contigus
, & qui
ne paroiffoient
pas
fort
. L'inégalité
de leur
fuperficie
pouvoit
bien
procurer
à ces lueurs
un mouvement
inconftant
, tel qu'on
le remarquoit
, ils differoient
des
éclairs
ordinaires
, en ce que
leur
lueur
étoit
beau
coup
moindre
, de même
que
leur
mou
vement
, que
leur
direction
étoit
un arc
de cercle
d'environ
30.
degrez
, qu'ils
laiffoient
par
tout
où ils paffoient
la même
lueur
qu'ils
confervoient
en euxmêmes
, laquelle
lueur
fe détruifoit
en
fuite
prefque
dans
tout
le rayon
en nême
temps.
Tous ces effets fi vaftes , & d'une auffi
longue durée , me font conclure , que
fi
NOVEMBRE . 1726. 2443°
"
files caufes qui ont produit ce Phenomene
, avoient été agitées par quelque
gros vent , mêlé d'orage , qui eut affemblé
tous les differens effets que nous
avons vûs , à un nombre beaucoup moindre
, & en beaucoup moins de temps.
elles nous auroient procuré beaucoup
d'éclairs & beaucoup de tonneries . Je
crois qu'il doit avoir été vifible de plus
d'ici du côté du Nord, que du côté du Sud.
Je fuis , &c.
jkjkjkjkjkjkjkkkkkkk
TROISIE ME LETTRE de M. Capperon
, ancien Doyen de S. Maxent ,
à M……… . fur la Lumiere Borcale , qui
a paru à la Ville d'Eu le 19. Octobre
1726.0
Monfieur , qu'ayant
lú les Memoires de l'Académie des
Sciences , & divers autres Journaux Lit
teraires , vous ne fçachiez ce que c'eft
quecertaine lumiere blanchâtre, qui pa-
-roit quelquefois le foir à l'horifon , particulierement
du côté du Nord , s'étendant
vers l'Orient , & de laquelle on
voit fouvent fortir des rayons , ou des
efpeces de colomnes de lumiere , qui s'é-
Lancent vers le point vertical du Ciel ,
C ой
2444 MERCURE DE FRANGE.
€2
où après avoir refté quelques momens
elles difparoiffent pour faire place à
d'autres qui leur fuccedent en differens
endroits & de differentes façons .
auffi , qu'on
Vous fçavez également , Monfieur ,
que l'on a donné à ce Phenomene le
nom de Lumiere Boreale , à caule que
c'eft par le Nord qu'il commence à paroître.
Vous n'ignorez pas auffi ,
a fait connoître au Public. que ce Phe
nomene n'étoit pas nouveau , les Anciens
en ayant fouvent parlé ; & de nos
jours il est même devenu affez fre
quent cependant , parce que celui que
nous avons vû ici ces jours paffez , a été
plus confiderable & plus fingulier que
ceux qui ont paru ci-devant , je crois
qu'il ne vous déplaira pas que je vous
en faffe le détail , & que j'y joigne ce
que je penfe fur ces fortes de Phenomenes.
*
Ce fut le Samedi dix- neuvième d'Octobre
, qu'on commença d'appercevoir ,
le temps étant très calme , fur les fix
heures du foir , une lumiere blanchâtre
vers le Nord , tant foit peu élevée audeflus
de l'horifon , pendant que du côté
du Midi le Ciel paroiffoit plus fombre
, comme: s'il y avoit eu un leger
brouillard , au travers duquel on ne laiſfoit
pas que de voir les Etoiles.
En-
4
NOVEMBRE . 1726. 2445
&
Environ une heure après, on commença
de voir au Nord - Eft quelques endroits
plus lumineux , qui le formerent
enfuite en rayons plus ou moins étendus
en largeur & en hauteur , lefquels fe
fuccedoient , paroiffant tantôt dans un
endroit & tantôt dans un autre , ce qui
gagna peu- à - peu toute la circonference
de l'horifon. Ces rayons ou colomnes
qui partoient ainfi de tous les côtez , formerent
enfin pendant un temps affez confiderable
diverfes lignes ou colomnes de
lumiere permanentes , demeurant étendues
& prolongées jufqu'au Zenith comme
à leur centre , n'y laillant qu'un petit
ou
Vuide , où paroiffoit un corps lumineux
formé en demi- cercle.
Les chofes étant dans cet état , il pas
Srut du côté de l'Orient des ondulations
de lumiere , qui s'élançoient avec une
efpece de tremouffement & une précipitation
furprenante , s'étendant auffi vers
le haut du Ciel au travers des rayons ;
fans heanmoins les diffiper , de pareilles
ondulations parurent peu après du côté
du Midi .
Dans le même temps il fe forma vers
l'Occident une forte de feu fombre &
immobile , d'une étendue affez confide-"
rable , qui demeura fixé au même en
droit durant un bon efpace de temps ; c'é-
Cij toit
446 MERCURE DE FRANCE.
foit environ fur les huit heures que le
Ciel paroiffoit ainfi lumineux , & com
me en feu de toutes parts , tout le mon
de étoit dans les rues pour voir ce fpectacles
qui ne qlaiffoit pas que d'en effrayer
plufieurs peu- à- peu neanmoins
ces lumieres fe diffiperent , enforte qu'il
n'en reftoit prefque plus rien à minuit.
Pour vous dire Monfieur ma ppenfee
fur ces fortes de lumieres je vous
dirai que ce font des efpeces d'éclairs
qui ne different des éclairs ordinaires
qu'en ce qu'ils font d'une lumiere plus
pâle , & qu'ils restent visibles & perma
nents pendant quelque efpace de temps,
se qui vient de ce que les éclairs ordi
naires font produits par un fouffre plus
pur que rien n'empêche de s'enflam
meritotalement , & en un inftant , & He
faire fon exploſion tout d'un coup , &
d'une maniere fort vive ; au lieu que la
matiere qui compofe cette lumiere blan
châtre , eſt, à la verité, un fouffre fubtil,
mais enveloppé de parties falines , lef
quelles moderant fon activité , font cau
fe qu'il s'enflamme avec moins de vi
vacité , & que la lumiere qu'il produit,
refte plus long- temps vifible.an
Que le fel joint au fouffre ait le pouvoir
de donner plus de blancheur à
la flamme , c'est ce qui eft facile d'ob
きこveferver
,
CHAREST SAUDAIM UN
25
2
l
NOVEMBRE. 11726. 2449
ferver , lorfqu'on met du fel commun
dans de l'eau - de- vie qu'on fait brûler a
car alors la lumiere de cette flamme eft
fi pâle,que ceux qui font prefens , paroif
fent comme des trépaffezi, & l'on eft
d'ailleurs fi perfuadémique des felutend
l'inflammabilité des fouffres plus lente
& plus durable , que plufieurs ont crû,
que pour faire durer plus longtemps
T'huile d'une lampe il fuffifoit d'y me
fer du fel bien pulveriférfib on imp
Pour bien comprendre , Monfieury
comment fe fait la lumiere boreale
faut done fe perfuadereque s'étant exe
balé de la terre une grande quantité de
parties fouffreufes mêlées de beaucoup
de parties falines , & cet amas d'exha
laiſons remplifiant une portion confide
rable de la moyenne region de l'air , s'il
arrive que ces exhalaiſons , loin d'être
diffipées par le vent , viennent à fe troue
ver ramaffées dans l'air pendant un tems'
ferain & calme , il eft, fort naturel que
les parties qui les compofent , confers
vant toujours l'agitation que le Soleif
leur
a communiquée pendant le jour , fi
la maffe qui les contient vient à être
condenfée par le froid de la nuit , alors
ees parties fe rapprochant les unes des
autres , & fe heurtant reciproquement,
elles doivent le procurer un mouvement
F
Ciij affez
2448 MERCURE DE FRANCE .
4
la
allez fort pour caufer une inflammation
qui paroifle . Tout ce qui refferre une
maffe de parties agitées , augmente toujours
le mouvement interieur de cette
malle. C'eft ce que les Anciens entendoient
par le terme d'antiperiftafe , & ce
qui fait que la chaleur du feu eft plus
grande , lorfqu'en hyver l'air devient
plus froid ; & c'eft ce que fçavent
auffi ceux qui forgent le fer , puifque
pour rendre leur feu plus vif, ils y jettent
de temps entemps de l'eau froide,
Il ne faut pas être furptis , que
fumiere boreale commence toujours par
le Nord , ce qui lui a fait donner fon
nom , & que le côté du Midi foit celui
où elle paroît le moins puifqu'étant
formée par le refferrement & la conden
fation des exhalaifons fulphuro - falines ré
pandues dans l'air & la plus grande
fraîcheur de l'air étant toujours de ce
côté-là , il s'enfuit que s'y condenfant
plutôt ,
Cette matiere qu'il renferme doit
condenfer plutôt qu'ailleurs , ce
qui ne doit non plus furprendre , que de
voir de la cire ou du fuif fondus , commencer
à fe prendre & à fe durcir par
l'endroit où l'air fe trouve le plus frais.
auffi s
و
Suivant que l'agitation interieure de
cette maffe , devenue lumineufe par fon.
refferrement , eft plus grande , l'explo
fion
NOVEMBRE. 1726, 3449
fon qui produit les rayons , étant auffi
& plus forte , & plus frequente , c'eft
ce qui les multiplie davantage ; & fi la
matiere fulphuro- faline y eft fort abondante
& bien étendue , c'eft ce qui les
rend plus larges & plus étendus , &
qu'il s'en forme de tous les côtez de l'horifon
, d'où ils peuvent être pouffez juf
qu'au Zenith , parce que c'eft ce point
vertical qui eft le centre de l'horifon.
Quant a la diverfité des couleurs , elle
vient de la diverfité des fouffres , & de
leurs differens mêlanges avec les fels , ou
des matieres plus ou moins groffieres , lefquelles
ne le font pas neanmoins fuffifamment
, pour caufer par leur condenfation
une opacité capable de cacher les Etoiles.
Que fi outre les rayons on remarque des
ondulations , cela ne dépend que de la
maniere dont les explofions fe peuvent
faire par la matiere agitée ; & fi ces élancemens,
en forme d'ondulations, fe font ,
foit au-deffus ou au-deffous des rayons .
ce fera alors qu'elles fe feront fans caufer
la moindre confufion dans ces mêmes
rayons. Je fuis , & c.
A Eu le 26. Octobre 1726 .
M. Richer , Avocat au Parlement de
Normandie , fi connu dans la Republi
C
Ci
que
2448 MERCURE DE FRANCE:
que des Lettres par fes excellentes tra
ductions en Vers des Bucoliques de Vir
gile , & des Heroïdes d'Ovide , & par
plufieurs Poëfies dignes du fiecle d'Augufte
, l'enrichit encore tous les jours
par quelque nouvel Ouvrage. Voici une
Fable de fa façon , auffi délicate dans fa
édicace , qu'ingénieufe dans fon appli
cation.
LES PER ROQUETS
FABLET GO DA
A M. du Ruiffean , Avocat an
Parlement.
Her du Ruiffeau , qui fais un bon
Cufage
Des doces leçons de maint fage ,
Qui fais unir par un accord charmant,
A l'étude des loix un aimable enjouëment,
Et copier fi bien les graces ?
Des Terences & des Horaces
Dont les Ecrits pleins de douceur s
T'ont formé l'efprit & le coeur.
Ennemi de tout pedantifme ,
Ma Muſe , ami , feroit un folecifing,
ST
ORA
NOVEMBRE 1726. 245.2
Si je ne t'adrefois ces Vers , きゅ
Ou je dépeins des Efprits de travers;
Antipodes du tien , & dans qui la ſcience ,
N'eft qu'un mauvais butin pire que ignor
rance.
A les railler , voi fi j'ai réüffi.
C'est ce que j'entreprens ioi
Au Cap Vert, une Perrique ;
Sçut de quelques Voyageurs ,
I
Qu'enFrance Perroquets devenoient Orateursk
Sur ce recit Cathos quitté l'Affrique .
Curieufe d'apprendre auffi la Rhetorique ,
Arrive en ces Climats , voit ces nouveaux
Docteurs Karl Fig
Et leur rend fes humbles hommages.
Mais nos Sçavans orgueilleux babillards,
Se croyant de grands perfonnages ,
Laiffoient tomber für elle à peine leurs regard.
Ayant ouvert le bec devantleur Compagnie,
Quel jargon ! quelle barbarie !
Crierent- ils , d'un ton pedɛnt & précieux
De quels fauvages lieux venez- vous , je vous
prie
€ Eft il
2452. MERCURE DE FRANGE.S
Eft-il un Climat fous les Cieux ,
Où l'on foit fi groffier ? A cette raillerie ,
Cathos fçur repliquer à ces ambitieux ;
Ainfi
Cevil jargon que vous blâmez , dît- elle ,◄
Elt votre langue naturelle ,
Et qu'ont parlé vos peres , vos ayeux ,
que
font encor vos freres , vos neveux;
Ou prenez- vous tant d'arrogance ?
Je préfumois que la fcience ,
Rendoit civils les Perroquets ,
J'ai mal tiré ma confequence ;
Mais puifque du fçavoir les fruits font fi mau
vais ,
=
Je m'en tiens à mon ignorance,
Et repaffe en Afrique en toute diligence.
Le fçavoir fe corrompt dans un cerveau mal
fait ,
Tel que celui d'un Perroquet.
Nous avons parlé dans le Mercure du
mois paffé, d'un Divertiffement qui fut,
reprefenté devant la Reine le 14. du
même mois. Le fuccès qu'il a eu nous
a perfuadé que le Public ne feroit'
pas fâché d'en trouver ici les paroles.
Nous fçavons qu'en general elles ont
été
NOVEMBRE. 1726. 2453
été très goûtées , & que particulierement
elles ont été honorées d'illuftres
fuffrages. Leurs Majeftez ont páru y
être loüées d'une maniere auffi délicate
que folide ; Et enfin on a fçû gré à
l'Auteur d'avoir purgé fa Piece de tous
ces lieux communs , & de ces phraſes
triviales & rebattues , qui remplillent la
plus grande partie des Poemes que l'on
compofe pour le Chantes map heik
Jakakakakakakakikikikik jik
LE RETOUR DES DIEUX
SUR LA TERRE.
OR LATE
Divertißement en forme de Prologue.
Q
SCENE
Th as anel
I.
La Nymphe de la Seine.
Uelle pure clarté fe répand fur ces
bords !
pornobinler is bot
Qui produit de ces fons la celefte harmonie !
Jamais je n'en goûtai la douceur infinie ,
Et mon coeur ne connut de fi charmans tranfports.
Les Dieux vont ils , quittant le féjour du
Tonnerre ,
Une feconde fois habiter fur la Terre ?
Cvj SCENE
2454 MERCURE DE FRANCE ,
SCENE II.
Aftrée , la Nymphe de la Seine.
Aftrée.
Nymphe , n'en doute point , ma prefence en
ces lieux ,
T'annonce le retour & la faveur des Dieux .
De ton Roi , de ta Reine ils couronnent le
zele.
C'eſt leur vertu qui les rappelle.
Par leur augufte exemple enfin les Immor
tels ,
Dans les coeurs des humains. vont trouver des
Autels .
Le Ciel verfe en leur fein fa fageſſe profonde,
Des Rois , comme des Dicux naît le bonheur
du monde.
La Nymphe de la Seine.
Peuples foumis au pouvoir de LOUIS,
Vous qu'on voit habiter cette riche contrée ,
Celebrez à jamais là prefence d'Aftrée ,
Chantez des Dieux les bienfaits inouis.
Choeurs d'Habitans. -
Celebrons àjamais la prefence d'Aftrée.
Charr
NOVEMBRE. 1726. 2455-
Chantons des Dieux les bienfaits inouis;
Qu'il eft doux d'habiter cette riche contrée,
Qu'il eft doux d'obéir aux ordres de LOUIS.
One Bergere
La fimple Nature
Renaît ici- bas .
La verité pure
Guidera
nos pas.
La foi , la droiture
Và dans nos
vergers,
Du coeur des Bergers
Bannir l'impofture.
Point d'Amans ingrats. »
La fimple Nature
Kenaît ici bas.
Un Berger.
Be Ciel fait éclore
Un âge nouveaur
L'Univers encóré '
Et à fon berceau .
Des Dieux la preſence
Donne à nos ardeurs
La douce efperance,
2456 MERCURE
DE FRANCE.
De voir la conftance
Regner fur les cours.
On reprend le Chour.
Celebrons à jamais la preſence d'Aftrée , &c.
SCENE III.
Minerve , Aftrée , la Nymphe de la Seine.
Minerve à la Nymphe.
Nymphe , dans ces climats reconnois k
Déeffe ,
Qui toujours pour ton Roi ſignala ſa tendreffe.
Tout l'Olympe à l'envi l'a comblé de biene
faits.
Il reçut de Phebus l'éclat qui l'environne,
Du Souverain des Dieux l'air brille en fa perfonne.
Les graces , l'amour mème one deffiné fes
traits ,
Et le Dieu de la Thrace a formé fon cou
rage.
I
Mais fa fageffe eft mon ouvrage.
Par un pareil deftin j'ai la gloire en ce jour
D'avoir formé dès la premiere aurore ,
Cette
NOVEMBRE . 1726. 2 457
Cette Princeffe qu'il adore ,
Cette Reine , l'objet d'un éternel amour.
Choeur de la fuite de Minerve.
Minerve a la gloire en ce jour , oubles)
D'avoir formé dès fa premiere aurore ,
Cette Princeffe qu'il adore
éternel
amour.
Cette Reine , l'objet d'un éternel amours
SCENE I V.
Minerve , Aftree, Apollon , la Nymphe
les Genies des Arts .
Apollon.
Au Regnes de LOUIS je dois toutes mes
veilles.
Miniftres de ma volonté ob es la
- De la celebre Antiquité inor ? uti
Faites revivre les merveilles.
300 2620 TUMB
Fortu nez Sujets
the
De ce vafte Empire ,
Suivez les projets
Qu'un Dieu vous inſpire .
Que fous le pinceau
La toile refpire.
Que
1458 MERCURE DE FRANCE.
Que fous le cizeau
Le marbre s'anime ;
Que de toutes parts
Regne pour les Arts
Úu goût unanime.
Le Choeur des Genies des Arts repetes
Fortunez Sujets
De ce vafte Empire , &c.
La Poëfie à la Nymphe.
Tufçais , Nymphe , que les deftins
Ont voulu que ma fainte yyreffe
Fit couler au coeur des humainsauk
Les maximes de la Sagelſe. By roban)
Mais pour mieux remplir cette loi ,
Il fuffit d'infpirer aux hommes ,
Les Vertus qu'au fiecle où nous fommes ,
Font briller ta Reine & con Ro
Patio La Muſique. **
La noble ardeur qui m'enflame
Prend fa fource dans les Cieux :
Et je fais goûter à l'ane
La felicité des Dieux.
Je
NOVEMBRE 1726 , 245 )
Je veux avec Uranie ,
Celebrer dans mes tranfports
Cet Empire où l'harmonie
Regne comme en mes accords.
5
asi sung 50
SCENE V.
Amour , les Divinitez des Scents
précedentes .
L'Amour à Minerve.
Je croi que fans trop de licence ,
Deeffe , je puis deformais
De l'Amour & vos yeux faire briller les traits
Mes coups ont affez bien fervi votre pru
dence alcatel wh water
Qu'on doute encor de ma Puiffance.
On m'oppofoit la Chaffe & fes nobles plai
firs : 57417
Qui , l'Amour
defirs .
difoit- on, forme de vaing
De fes traits dans les bois on brave la blef-
" fure. do nos andal sapore
Il ne peut jufquez- là , faire craindre fo
nom ,
Affife auprès d'Andímion ,
Diane vous dira fi la retraite eft füre
Mi1460
MERCURE DE FRANCE.
Minerve.
Que les Echos des Bois, que les Champs d'a
lentour
air Retentiffent du nom d'Amour
Minerve applaudit à fa gloire , si 35
તારા સુર
Quel triomphe ! quelle victoire !
(410) 90plete Le Choeur..
Que les Echos dés Bois, que les Champs d'a
lentour
Retentiffent du nom d'Amour;
Minerve applaudit à fa gloire,
Quel triomphe ! quelle victoire !
are M. Tanevet.
#kakakakakakaka
RELATION hiftorique des dernieres
Révolutions de Perfe , pendant les années
1722. 23. 24. 25.
Ne Relation exacte & fidelle du
U commencement et du progrès de
la guerre qui vient de defoler la Perſe ,
l'une des plus grandes & des plus floriffantes
Monarchies de l'Afie , doit inte
reffer le Public , qui n'a eu jufqu'à prefent
de notion de ce grand évenement ,
que
NOVEMBRE 1726. 246
que ce que quelques Gazettes en ont pú
pprendre. Le prefent que nous faisons
ici au Lecteur eft tiré d'une Lettre écri
te à M. le Maire , Conful de France
Tripoli de Syrie , par un Miffionnaire
de la Compagnie de Jefus , témoin de
la plupart des évenemens contenus dans
cet Ouvrage .
Les Perfans qui fuivent, preſque tous ,
lesas
de Mal
83%
›
partagez
en deux feces ; les uns fuivent l'Alco
ran , felon l'explication & les Commen .
taires d'Aly , qu'ils nomment Coadjuteur
ou Lieutenant de Dieu ; & les
autres fuivent la doctrine d'Omar .
Les premiers font ceux qu'on appelle
proprement Perlans , & ils ont toujours
eu dans leur parti le Roi , les Princes
& la plupart des Grands du Royaume !
Les feconds , font appellez Aghuës ,
& leur Secte n'a jamais fait de grands
progrès que dans les Provinces de Candahar
, Korafan , Siziftan & Kirman . Ce
pendant ennemis déclarez des Perfans ,
dont ils étoient quelquefois maltraitez
ils ne penfoient qu'à chercher l'occafion
de fe révoler contre eux , & de fecouer
entierement leur jong. Ils avoient befoin
pour cela d'un homme de tête qui pût
Aghues , ou Aghuains , grands Soldats
un fe bat contre cing Perfans.
les
2462 MERCURE DE FRANCEIV
el
*
les conduire & les foûtenir dans leur end
treprife. Ils ne le chercherent pas long
temps ; ils le trouverent bien -tôt tel
qu'ils le fouhaitoient, dans la perfonne
de Mahmoud , fils de Mirveis , de leur
Sectes ab mag af eroimolov maliards
Cet homme qui étoit extraordinaire
ment ambitieux , quoique né deida plus
vile populace , & qui fongeoit depuis
quelques années , fous prétexte de deft
fendre les droits & les privileges de la
Religion , à fe rendre indépendant, dans
fa Province de Candahar , & même à
s'emparer du Trône , fi la fortune venoit
à feconder fes defirs , profita volontiers
de la bonne difpofition des Aghues , &
commença à en lever un corps confidera
ble de troupes dans la Montagnes & pour
réullir encore plus furement dans les
vaftes deffeins qu'il méditoit , il eſſaya
de gagner les Guebres anciens peuples
de Perfe,qui pallent pour être extreme
ment courageux , & qui font en effet les
meilleurs Soldats du Royaume. Ses foins
eurent tout le fuccès qu'il pouvoit fou
haiter, Ainfi Mahmoud fe voyant fou
tenu de ces Peuples , il ramaffa envi
ron 10000. hommes , qu'il joignit à un
corps de troupes d'environ 15000 €
Aghues, & alla fe jetter au commence
ment de Janvier 1722. fur Kirman
Ville
NOVEMBRE 1726
Ville capitale d'une Province qui porte
le même nom . Cette Ville ne refifta pas
long-temps ; car outre qu'elle ne s'atten
doit pas à une pareille attaque , elle fe
trouva renfermer dans fon enceinte une
troupe confiderable de Guebres q
› qui
embraffant volontiers le parti de ceux de
leur Secte , obligerent bien - tôt le refte
des habitans à fe rendre & à livrer la
l'Ennemi.
Ville à e prifugon say
doit Mahmoud maître de la Province de
Kirmangell'encouragea
extraordinaires
ment, & lui fit prendre la refolution d'aller
droit à Hifpaham , Capitale de tout
le Royaume.
fb tote
έρου
Il partit de Kirman , à la tête d'envi
ron 40000. hommes , laiffant feulement
dans la Ville mille Soldats pour la gar
der. Il ne trouva fur fon chemin pref
que perfonne qui s'opposât à fa marche
fes troupes groffiffoient chaque jour par
Le grand nombre de vagabonds , qui venoient
fe joindre à lui : les Pples épouventez
, abandonnoient leurs Bourgs &
leurs Villages pour le dérober à la cruauté
de l'Ennemi.Deux hommes feulement,
Mirgua Roftom , frere du Prince de Georgie
, Commandante de la Cavalerie de
Perfe , & Alimerdan- Kan , Prince de
Lariftan , voulurent l'arrêter dans fa
marche. Ils vinrent au- devant du Rebelle
I
avee
2464 MERCURE DE FRANCE .
&
511
&
avec 4 ou sooo . hommes d'élite : ils
l'attaquerent brufquement ; mais après
quelques petits avantages remportez , fe
voyant comme accablez par le grand
nombre des Ennemis , ils furent obligez
pour fauver leur vie , de prendre la fuite
, avec quelques - uns de leurs gens , qui
avec bien de la peine , s'étoient échapez
à la futeur des Rebelles. Ily eut dans ce
combat près de 7000. hommes de tuez ;
le plus grand nombre fut du côté des
Ennemis..
2
Cependant , Mahmoud continua fa
route vers Ipaham ; cette Ville étoit
alors dans la derniere confternation , dépourvûe
de troupes , de munitions & de
vivres ; elle ne fçavoit comment s'op
pofer à un ennemi redoutable , dont elle
ne devoit efperer aucun quartier. Le
Roi , le plus confterné de tous , ayant
fes Soldats difperfez dans les differentes
Provinces de fon Royaume , & fe voyant
dans l'impoffibilité de les raffembler affez
à temps , fit lever fit lever promptement
dans la
Ville , 40000. hommes qu'il divifa en
deux corps , dont il donna le commandement
au Prince d'Havouza , appellé
Valy , & à l'iktimadoulet ou premier
Miniftre de fa Cour. Ces deux
Generaux fortirent de la Ville à la tête
de leurs troupes pour aller combattre
l'ennemi
NOVEMBRE. 1726: 2465
en ve
Tennemi çoit toujours à
granqui
des journées . Ils le rencontrerent le 8,
de Mars 1722 , à quatre lieues d'Ifpaham
. Les deux Armées s'arrêterent en
prefence l'une de l'autre , fans qu'aucune
osât commencer le combat &
nir aux mains . On entendit bien des cris ,
& il y eut bien des coups de fuzil tirez
inutilement de part & d'autre ; mais cela
décidoit de rien . Le Prince d'Havouza
fut celui qui commença le 9. au foir à
s'avancer vers l'Ennemi . Son attaque
fut fi vive que fans donner le temps
aux Rebelles de fe reconnoître , il fit
main-balle fur tout ce qu'il rencontra ;
& malgré les précautions qu'on avoit
prifes de bien munir le Camp de Mahmoud
, ce Prince y pénetra le fabre à la
main , fe fit jour à la faveur d'une grêle
de bales , & fe faifit de tous les trefors
qui y étoient. Un fuccès de cette nature
l'éblouit , & loin de l'animer , amolit
fon courage. Il ne fongea plus qu'à
conferver fes richeffes ; & au lieu de
poursuivre l'ennemi , il fe retira honteufement
, pleinement fatisfait des dépouilles
qu'il emportoit.
Son avarice coûta cher à toute la Perfe;
car les Ennemis , qui s'apperçurent bientôt
de fa fuite , entrerent dans le Camp
tuerent le refte des Soldats Perfans qui
to. &
n'avoient
#466 MERCURE DE FRANCE.
n'avoient pis fuivi le Prince , & fe
mirent à le pourfuivre lui même avec
tant de promptitude & de chaleur , qu'après
avoir fait un carnage confiderable
de fon arriere garde , ils parvinrent
jufqu'aux bagages & aux trifors , les
reprirent & les rapporterent dans leur
Camp.
·
Cette défaite du Prince d'Havouza ra
nima le courage des Rebelles ; mais en
même temps elle rallentit fort celui de
l'Iktimadoulet. Ce General , qui de fon côté
combattoit vaillamment , & même avec
avantage contre les Ennemis , fe voyant,
par la fuite de l'autre General , hors d'état
de refifter davantage , réfolut de faire
une honorable retraite & d'aller camper
auprès de la Ville , dans un lieu
avantageux & où il ne pût pas être attaqué
facilement : c'eſt ce qu'il fit , mais
cela n'empêcha pourtant pas qu'il ne fût
vivement pourfuivi & qu'il ne perdît
bien des Soldats dans fa retraite.
La nouvelle de cette défaite , où plus
de 15000. Perfans avoient été tuez ,
les bagages pris , & 25. pieces de Canon
enlevées , fut bientôt fçûë à Ifpaham .
Elle infpira tant de terreur aux habitans
& au Roi même , que fi les Ennemis
euffent voulu profiter de leur victoire, ils
auroient pris ce jour là même & la Ville
&
NOVEMBRE. 1726. 2467
& le Roi. Mais Mahmoud qui pouvoit
à peine croire fon bonheur , craignant
d'ailleurs qu'on ne lui dreffat quelques
embûches , fe contenta d'avancer à petit
pas , s'arrêtant çà & là à piller les ri
cheffes que les Grands de Perfe avoient
Taillées dans les maifons de campagne
qu'ils avoient autour de la Ville .
Cependant les efpions que le Rebelle
avoit envoyé dans la Ville pour fçavoir
ce qui s'y paffoit , lui ayant rapporté le
defordre où tout étoit , il fe repentit
mais trop tard , de fes délais . Ainfi fans
s'amufer davantage à ramaffer des richeffes
qui ne pouvoient pouvoient pas lui échapfi
fon deffein réüffiffoit , il fit avan per,
cer fes
troupes promptement , les conduifant
lui - même , il vint camper le 19.
Mars à Zulfa , gros Bourg , habité par
les Armeniens , qui n'eſt éloigné que
d'une lieuë d'Ifpaham , dont il n'eut pas
de peine à fe rendre maître ; les habitans
fe foumirent d'abord à un homme
à qui ils ne pouvoient refifter impunément.
De-là il envoya un Corps de 10000.
Soldats , pour effayer s'ils ne pourroient
point penetrer dans la Ville , fa furprendre
& s'en rendre maître , il les fit fuivre
lentement par un autre corps bien
plus confiderable , afin que' fi cespremiers
Ď ves
2468 MERCURE DE FRANCE .
venoïent à avoir un heureux fuccès , ils
fuffent promptement foutenus. Mais cela
ne réüffit pas ; la négligence de Mahmoud
à pourſuivre la premiere victoire , & à
en tirer tout l'avantage qu'il pouvoit , fut
regardée par les habitans d'Ifpaham comme
une crainte exceffive qui avoit com.
mencé à s'emparer du coeur des Rebelles
, & leur fit concevoir dès - lors quelque
efperance de fe défaire d'un ennemi qui
ne paroiffoit s'approcher qu'en tremblant.
Ils fortifierent la Ville du mieux qu'il
lear fut poffible dans de pareilles circonftances
, & mirent de bonnes troupes
partout où ils croyoient que l'Ennemi
pourroit les attaquer. Leurs foins ne furent
pas inutiles ; car les roooo hommes
de Mahmoud s'étant approchez , ils furent
repouffez vigoureufement & avec perte,
ce qui les obligea ,auffi -bien que ceux qui
venoient après eux , à prendre la fuite .
Le General des Rebelles , toûjours
fâché du temps que fa lenteur avoit donné
à la Ville de ſe reconnoître , & de ſe
fortifier , ne voulut pas lui en donner davantage
il réfolut de s'avancer avec
toute fon armée , compofée de près de 100.
mille hommes , & de donner un affaut
general à la Ville. Cet affaut fut déterminé
au 2 2. de Mars 172 1. mais la petite
Riviere de Zenderu , fur le bord de
laquelle
NOVEMBRE. 1726. 2469
laquelle eft fitué Ifpaham , groffit tellement
ce jour là , que les Ennemis n'oferent
entreprendre de la paffer . Ils
attendirent au 23. que les eaux s'étant
fuffifamment écoulées , donnerent à l'armée
la facilité de paffer fans danger.
Les Aghuanis commencerent l'attaque
fous la conduite de Jacques Curland ,
autrefois Charron . Ce Chrétien ayant
appris les fuccès de Mahmoud , avec qui
il étoit d'intelligence depuis long- temps ,
ayoit quitté fon Métier & étoit venu ſe
joindre à lui avec plufieurs Aghuanis ,
qui l'avoient fuivi . L'attaque fut fort vive
, tout plia d'abord devant les Ennemis
, & peu s'en fallut qu'ils n'entraffent
dès ce jour - là même dans la Ville ;
mais les Aghuanis , fur ces premiers avantages
, fe croyant déja maîtres d'Ifpaham ,
commencerent à fe débander & à courir
fans aucun ordre , les uns d'un côté
& les autres de l'autre , en faifant de
grands cris & des décharges prefque
continuelles. Les Perfans ayant laiſſé paſfer
ce premier feu , & voyant le defordre
où étoient les Affiegeans , firent une vigoureuſe
fortie qui déconcerta fi fort les
Aghuanis , qu'après une foible réſiſtance,
ils prirent la fuite & avec eux le reste
le l'armée.
Cette premiere attaque n'ayant pas
Dij réüff
2470 MERCURE DE FRANCE.
réüffi , les Ennemis n'eurent pas envie
d'en tenter une ſeconde , du moins fi tôt.
Témoins de la vigoureufe deffenfe des
Affiegez , ils comprirent trop bien ce
qu'illeur en coûteroit s'ils venoient à donner
un autre aflaut. Ainfi ayant changé de
réfolution , ils ne penferent qu'à inveftir
la Ville , & à fe faifir de tous les palſages
par où on pouvoit y faire entrer des
vivres , afin que s'ils ne pouvoient pas
la prendre par force , ils la réduififfent par
famine. Cette entrepriſe n'étoit pas
facile
à executer.
La Ville d'Ifpaham eft , fans contre,
dit , une des plus grandes Villes du Monde
, elle a pour le moins dans fon circuit
dix lieuës communes de France ' ,
fans compter plufieurs Fauxbourgs confiderables
& affez bien fortifiez . Il eſt
vrai qu'elle n'eft pas peuplée à proportion
de fa grandeur ; car outre les Places
publiques , qui font en grand nombre &
d'une grande étendue, il n'y a aucune maifon
, même d'Artifan , qui n'ait une cour
& un vafte & magnifique jardin , avec
quantité d'arbres en forte que lorfqu'on
apperçoit de loin cette Ville , on s'imagine
de voir une grande & vafte foreft , où
l'on a bâti quelques maifons.
:
Les Ennemis n'étoient pas en affez
grand nombre pour pouvoir , fans rif"
quer
1
NOVEMBRE . 1726. 2471
fe
quer de perdre tout , partager en
autant de corps qu'il y avoit de poftes à
garder autour de la Ville pour en faire
le blocus . Dailleurs tous ces poftes étoient
parfaitement bien gardez, & ils ne pouvoient
s'en faifir fans s'expofer à être
défaits, & par confequent à affoiblir leur
armée.
Mahmoud réfolut de fe tenir tranquille
dans fes retranchemens au de - là de la
Riviere , entre Zulfa & Ifpaham , & de
ne rien entreprendre qu'il n'eut reçû un
corps confiderable de troupes qui lui venoit
des Provinces de Candahar , Siziſtan
& Kirman. Il ne laiffa pourtant pas de
faire de temps en temps quelques legeres
tentatives , & d'effayer s'il ne pourroit
point s'emparer de quelque pofte avantageux
qui pût lui faciliter la prife de
la Ville. Le refte du mois de Mars fe
paffa auffi bien que tout le mois d'Avril,
dans de petites & inutiles attaques de
part & d'autre.
la
Cependant le Roy de Perfe , qui vit
bien que le deffein de Mahmoud étoit
d'inveftir la Ville; & de le forcer
par
famine à fe rendre , fongea férieuſement
à prévenir ce malheur . Pour y réüffir ,
il réfolut , à la follicitation des Grands
& du peuple , de faire faire une fortie
avec plus de cent mille hommes , pour
D iij aller
2472 MERCURE DE FRANCE.
aller forcer l'Ennemi jufques dans fes
retranchemens , ou du moins pour l'obliger
à s'éloigner. Il propofa fon deffein
à l'Iktimadoulet & à Vali , Prince
d'Havouza. Le premier.étoit fort de cet
avis , & fi on l'avoit crû , on n'auroit
même pas tant differé ; mais le Prince
d'Havouza fut d'un fentiment tout contraire.
Ce Prince , qui par fon avarice
avoit été , comme on l'a déja dit , la cauſe
de la perte de la premiere bataille , craignant
, avec raifon , d'être difgracié , fi
on venoit une fois à battre l'Ennemi , &
à n'avoir plus befoin de lui , favorifoit
en fecret le parti de Mahmoud , & tichoit
d'éloigner adroitement , & fans
qu'on s'en apperçût , tout ce qui pouvoit
être préjudiciable à l'Ennemi. Le Roi
qui eftimoit ce Prince , à caufe de fa bravoure
& de fon experience dans l'Art
Militaire , & qui d'ailleurs ne le foup.
Connoit point d'infidelité , défera malheureuſement
à fon fentiment & deffendit
abfolument de faire aucune fortie fans
l'ordre du General Valy , à qui il con
fioit le foin de la Ville. Cette deffenſe à
laquelle on ne devoit pas certainement
s'attendre , vû la neceffité & les bonnes
difpofitions où paroiffoient être tous les
habitans de bien combattre , furprit &
affligea en même - temps tout le monde. "
On
NOVEMBR E. 1726. 2478
Onfut cependant un peu confolé au départ
du Prince Thainas , fils du Roy de Perfe.
Ce Prince doué de toutes les vertus
qui font les Heros ; doux , affable , libesal
, magnanime , & à qui il ne manque
que le Chriftianiſme & une Couronne
digne de lui , ayant été déclaré par fon
Pere , heritier préfomptif du Royaume,
& reconnu pour tel par tous les autres
Princes du Sang & les Grands de la Cour,
fortit de la Ville le 21. Avril , accompagné
feulement de 400. Soldats choifis
. Son deffein étoit de ramaffer dans
les Provinces , le plus de troupes qu'il
pourroit , d'en faire un corps confiderable
, & de revenir enfuite au fecours de
la Ville. Perfonne ne doutoit que la
prefence d'un fi aimable Prince n'attirâc
en foule les peuples à fon parti , & que
l'amour que tous paroiffoient avoir pour
lui , ne leur fit faire les derniers efforts
pour le mettre bientôt en état de réfifter
à l'Ennemi . Mais , quel fond faire
fur la fidelité des hommes ? Les Princes
auffi bien que les autres , tandis
qu'ils font dans la profperité , voyent
autour de leur perfonne une foule de
Courtifans , qui tous , à l'envi , tâchent
de leur donner des marques d'un inviolable
attachement ; mais dès que l'adverfité
furvient, tout difparoît , les meil-
D´iiij leurs
-
2474 MERCURE DE FRANCE.
leurs amis , en apparence , prennent la
fuite, & les laiffent fouvent feu les victimes
de leur malheur.
C'eft ce qu'a éprouvé le jeune Prince
dont on parle . Le trifte état où il alloit
être réduit , s'il n'avoit un prompt fecours
, ne fit aucune impreffion fur l'efprit
de fes Sujets. Les Peuples les plus
voifins d'Ifpaham , frappez d'une trop
grande crainte fur les nouvelles qu'ils
avoient euë de la défaite des Perfans
avoient quitté leurs demeures , s'étoient
difperfez de côté & d'autre dans les Montagnes,
& ne pouvoient , ni ne vouloient
même le réunir : les autres qui étoient
plus éloignez , fous prétexte de conferver
les limites du Royaume du côté de
la Turquie, s'excuferent de venir à lui :
d'autres enfin croyant que c'étoit pour
eux une belle occafion de fatisfaire leur
ambition , ne penfoient qu'à fe rendre
abfolus & indépendans dans leurs Provinces.
Ainfi cet infortuné Prince fe
voyant abandonné de tout le monde &
n'ayant pas dans ces defordres du Royaume
, l'autorité neceffaire pour le faire
obéir , réfolut de revenir à Ifpaham & de
deffendre cette Ville du mieux qu'il loi
feroit poffible , avec le fecours des habitans
& des Etrangers qui s'y étoient
réfugiez en grand nombre. Mais alors il
n'étoit
NOVEMBRE. 1726. 2475
n'étoit plus temps de revenir feul ; la
Ville étoit entierement inveftie , & tous
les paffages occupez par les Ennemis.
Voici comment .
-
-
Dès que Mahmoud eut appris le départ
& le deffein du Prince Thamas , il comprit
tout ce qu'il avoit à craindre , fi
avant le retour de ce Prince , il ne fe
mettoit en état de ne pouvoir être attaqué.
Il n'avoit fur cela que deux partis
à prendre d'abandonner fon entrepriſe
& fe retirer , ou bien de pouffer fi vigoureuſement
le Siege , que la Ville fût
enfin obligée à fe rendre avant l'arrivée
du fecours. Le premier parti ne fut pas
de fon goût , il s'étoit trop avancé Four
pouvoir reculer. Le fecond lui paroiffoit
bien dangereux : la réfolution où il fçavoit
qu'étoient les Affiegez de fe deffendre
jufqu'à la derniere extremité , lui
faifoit tout apprehender pour les troupes
qu'il ne vouloit point affoiblir dans de
pareilles circonflances . Cependant , dans
la neceffité où il fe croyoit être de vaincre
ou de périr bien-tôt , il ne balança
pas un moment à embraffer ce dernier
parti , & la fortune , malheureufement
pour Ifpaham , ſeconda fa réſolution .
Il y avoit fur la Riviere à une des extremitez
de la Ville , un Pont fort large ,-
au de- là duquel étoit un petit Fort qui
D v domi2476
MERCURE DE FRANCE
dominoit fur toute la campagne & commandoit
en même - temps une partie de
la Ville. Ce Fort une fois pris , Mahmoud
pouvoit fans courir aucun rifque , s'emparer
ailément de toutes les autres Fortifications
fucceffivement , battre la Ville
tant qu'il le jugeroit à propos , & couper
le paffage à tous les vivres.
· ·
Il s'agiffoit de fe rendre maître de
ce pofte ; l'occafion fe prefenta , & il
fçut bien en profiter. Les Georgiens
à qui on avoit confié la garde du Pont
& du Fort , ayant enlevé par hazard
une petite provifion d'eau de vie
qui venoit à l'armée de Mahmoud , en
burent tous avec tant d'excès qu'ils s'enyvrerent
, & dans leur yvreffe laifferent
le Fort fans garde & fans defenſe . Mahmoud
en ayant été d'abord averti par
fes efpions , envoya auffi- tôt 1500 .
Aghuanis , qui fe faifirent le dernier jour
d'Avril , du Pont & de fon Château
firent main baffe fur tous les Géorgiens
& drefferent contre la Ville toutes les
differentes Pieces d'Artillerie , qui s'y
trouverent en quantité. Cette prife
facilita à Mahmoud le paffage de fon
armée de l'autre côté de la Riviere ,
où il étoit néceffaire d'aller pour enlever
aux Perfans & furtout à l'iktimadoulet
, les poftes avantageux qu'ils oce
cupoient
NOVEMBRE. 1726. 2477
cupoient & fans lefquels il eut été bien
difficile de prendre la Ville.
Un fecours de 20000 hommes que
-Mahmoud , comme on l'a déja dit , attendoit
des Provinces de Candahar , Siziftan
& Kerman , étant venu fur ces entrefaites
, ne lui fervit pas peu dans cette
occafion. Après avoir affigné à ces nouvelles
troupes les poftes qu'elles devoient
garder dans les retranchemens
qu'il s'étoit fait au commencement du.
Siege , entre Zulfa & Ifpaham , il divifa
fon armée en deux corps ; il fit paffer
la Riviere aux deux extremitez de la
Ville, & en peu de temps il fe vit maître
& des Fortifications qui défendoient
Ifpaham & de tous les paffages par où
les vivres & les fecours pouvoient y
entrer.
1
"
Les Affiegez voyant leur Ville ainfi
bloquée de tous côtez fans efperance d'aucun
fecours de la part du Prince Thamas
, qu'ils avoient appris être fort embarraffe
lui- même , commençant d'ail
leurs à fe reffentir des miferes de la faim ,
demandoient avec inftance qu'on leur
permit de fortir pour aller combattre
Ï'Ennemi ; mais le Prince d'Havouza ,
qui favorifoit en fecret le parti de Mahmoud
, n'oublioit rien pour les en détourner
, difant qu'il n'étoit pas encore
temps , D vj
<
2478 MERCURE DE FRANCE.
temps , que l'intention du Roi étoit qu'on
attendit , & qu'il ne manqueroit pas de
les avertir, dès que l'occafion ſe preſenteroit.
Cette occafion cependant differoit
bien à venir & les provifions qui diminuoient
chaque jour , commençoient à
manquer, & plufieurs mouroient de faim.
Les Grands auffi - bien que le Peuple , fentoient
tous la neceffité qu'il y avoit d'attaquer
l'Ennemi & d'ouvrir un paffage
aux vivres qui n'étoient pas fort éloi
gnez ; mais le Roi , qu'une trop grande
crainte , jointe à une honteufe lâcheté ,
' avoit fait renfermer dans fon Palais , ne
voulut jamais écouter leurs demandes s
au contraire , s'en offenfant , comme fi
ç'eût été une révolte contre fa perfonne,
il ordonna , par une imprudence & une
cruauté inouie , qu'on tirât fur eux &
qu'on les écartât abfolument de fon Pa
lais .
Une conduite auffi extraordinaire , auroit
infailliblement caufé une fédition
generale dans toute la Ville , fi Akmed
Aga , homme vaillant & genereux , &
qui étoit trés attaché aux interêts de fon
Roi , n'eut appaiſé les efprits déja fort
aigris , & ne le fût mis à la tête des troupes
& des habitans pour aller combattre
l'ennemi.
Ce fut au commencement de Juillet
qu'il
NOVEMBRE. 1726 2479
fortit de la Ville , fuivi de plus de 30000
hommes. Il commença fon attaque ; foutenu
foiblement par le Prince d'Havouza
& il eut d'abord tout le fuccès qu'il pouvoit
efperer. Après avoir tué 2000.
Aghuanis & obligé les autres à fe reti
rer , il fe faifit de certains paffages par
où il pouvoit affez aifément faire venir
des provifions dans la Ville.
Cette heureuſe expedition donna beau
coup de joye aux habitans , mais elle ne
dura guéres . Le Prince d'Havouza , qui
jufques - là n'avoit favorifé le parti de
Mahmoud qu'en fecret , fe déclara alors
hautement pour lui , & joignant fes troupes
à celles de l'Ennemi , il vint fondre
fur Akmed Aga, le chaffa des poftes qu'il
occupoit , fit paffer au fil de l'épée tous
les Perfans qui s'y trouverent & pourfuivit
les autres avec tant de chaleur , que
pour
fe fauver , ils eurent bien de la peihe
à gagner la Ville. Cette trahifon du
Prince d'Havouza & la défaite d'Achmet
Aga , abbatirent extraordinairement
le courage des Affiegez & leur firent
prefque perdre toute efperance de poud
voir fe fouteni
La fuite pour le Mercure prochain . I
1480 MERCURE DE FRANCE .
A M. le Blanc , Secretaire d'Etat
de la Guerre.
E Blanc , de tes révers le François conf-
Le
terné ,
Aux plaintes , aux regrets étoit abandonné ,
Quand toujours intrépide au plus fort de
Forage ,
Tu donnas aux Guerriers l'exemple du courage.
Accablé par l'envie , & jamais abbatu ,
Quel Heros comme toi fignala fa vertu ?
Plus grand que Regulus au milieu des allarmes
,
Toi feul à tes malheurs tu refufas des lar
mes :
Au commun des mortels lai ffant les vains
foupirs ,
Ta gloire , & non ta vie , occupa tes defirs.
Les Dieux ont couronné cette rare conftance
;
Ils font à l'Univers briller ton innocence ;
En elle uniquement notre efpoir étoit mis ;
Elle afçû triompher des Deftins ennemis.
Au
NOVEMBRE . 1726. 2451
Au gré de nos fouhaits tu domptes la fortune.
Tel Ulyffe autrefois fut vainqueur de Nepa
tune.
Tout l'Acheron envain s'arme contre tes
‹ jours ,
Le Ciel qui te cherit en prolonge le cours .
Attendri par nos pleurs , il arrête la Pärque
;
Il te rend aux bontez d'un augufte Monarque.
Grand Miniftre , aujourd'hui qu'eſt - il à defirer
?
Que dix luftres encor nous puiffions t'ad
mirer
Defommevefle.
XXXXXXXXXXXX XXXXXX XXX
OBSERVAT 10 NS generales de
M. l'Abbé de S. Pierre , fur le Livre
intitulé, Dictionnaire univerfel de la
France , &c. chez Sangrain , 3. Vola
in folio.
Pour
Our avoir une connoiffance plus
exacte de mon Pays , j'ai fouvent defiré
deux Ouvrages ; le premier , c'étoit
un dénombrement des lieux habitez,
& du nombre des Habitans divifez par
Intendances, les Intendances divifées par
Elections
2482 MERCURE DE FRANCE:
Elections ou équivalens , & les Elec
tions divifées par Villes , par Bourgs ,
par Paroiffes , & même par Villages ,
lorfque ces Villages font employez dans
les Rôles des Subfides , & taxez feparément
, comme s'ils étoient de petites
Paroilles , j'eule été bien aife , de même
que fous chaque article on mit les
chofes particulieres & dignes de curiofité
de chaque lieu .
Le fecond Ouvrage étoit un Catalo
gue alphabetique , ou un Dictionnaire
des mêmes lieux , dans lequel on eut repeté
à peu près les mêmes faits avec quelque
difference , par exemple , il faut
dans le Dictionnaire alphabetique le nom
& l'explication des Rivieres , des Montagnes
, des Forêts , & c.
Il y a deux methodes de s'inftruire,
l'une par des principes generaux , qui
defeendent des methodes generales à des
objets moins generaux & plus particu
liers , c'eft la methode du premier Ouvrage
; l'autre , en remontant des lieux
particuliers aux divifions generales , &
à mesure que l'on a befoin de la connoiffance
d'un lieu particulier , ce qui
ne fe peut faire plus commodément que
par un Dictionnaire ou dénombrement
alphabetique de tous ces lieux.
Le mot lieu habité eft fort generique ,
-
&
NOVEMBRE. 1726. 2483
& comprend Ville , Bourg , Paroifle
Village , & c. ainfi j'appellerois l'un dénombrement
des lieux habitez , & pour:
abreger dénombrement topographique
de France , topos grec fignifie lieu , &
pour l'autre Ouvrage je l'appellerois
Dictionnaire topographique de France ; or
heureuſement j'ai vû renaître le Dénombrement
topographique in 4. & j'ai
même contribué à le perfectionner , &
je vois naître avec plaifir le Dictionnaire
topographique in fol. chez les mêmes
Libraires .
•
Les Auteurs du Dictionnaire fçavent
que tous les Ouvrages humains , & fur
tout les Dictionnaires , peuvent fe per
fectionner,& fe perfectionnent effectivement
aux differentes Editions qui s'en
font ,foit par les foins des premiers Auteurs
, foit par les foins de ceux qui leur
fuccedent dans le même travail ; on
voit dans le Programe de leur Ouvra
ge pour la foufcription , qu'ils connoiffent
, & qu'ils efperent le rendre meilleur
à chaque Edition .
Un Dictionnaire topographique ne
contient que des faits , ainfi nous avons
deux efpeces principales de perfectionnemens
à efperer pour ce Dictionnaire.
Le premier , c'eft que les faits rapportez
foient vrais en gros , & vrais dans
toutes
2 :484 MERCURE DE FRANCE.
,
toutes leurs circonstances
ce qui eft
très- difficile , & même fujet à differen
tes variations , parce que le nombre des :
habitans augmente & diminuë , & c.
D'ailleurs l'Auteur qui fe trompe ,
tantôt fur le principal , tantôt fur les
circonftances , fe corrige lui- même , &
fon fucceffeur le corrigera : cette eſpe→
ce de perfectionnement confifte dans les
corrections des erreurs , pour avancer
d'Edition en Edition vers l'exactitude .
La feconde espece de perfectionne
ment , c'est l'augmentation des faits omis,
Loit par rapport aux lieux omis , foit
par rapport à certaines circonftances
principales d'un lieu qui n'eft pas omis.
Il y a deux manieres de donner à un
Dictionnaire ces differens degrez de perfection
. La premiere fe fait en faveur de
ceux qui ont acheté la premiere Edition,
& c'est par un Supplément ou Tome feparé
, qui contient par ordre alphabeti❤
que , & les corrections , & les omiſ
fions.
La feconde maniere fe fait par une
feconde Edition de tout l'Ouvrage. En
faveur de ceux , qui ne pouvant plus
trouver d'Exemplaires de la premiere
Edition , en demandent une feconde ,
& c'eft dans cette feconde › que l'on
remet fous chaque article , dans l'ordre
alphaNOVEMBRE.
1726. 2489
alphabetique , toutes les corrections &
toutes les omiffions qui avoient été mifes
dans le Supplément avec des renvois.
J'ai oui dire , que tel a été le deffein
des Auteurs du Dictionnaire & des Libraires
, qui ont entrepris la grande dépenfe
de l'Edition , & qu'ils ont obtenu
durant l'impreffion de cet Ouvrage , de
differentes perfonnes diftinguées , divers
Memoires , dont ils n'ont pû faire
ufage : parce que l'ordre alphabetique
déja imprimé les en avoit empêché , mais
qu'ils fe préparent à en faire ufage dans
Fimpreffion d'un Tome de Supplément ,
dont ils préparent une Edition .
.
J'ai parcouru cet Ouvrage à l'occafion
des lieux , dont j'ai une connoillance
affez exacte , afin de juger par cet
échantillon fur les lieux queje connois ,
de l'exactitude des Auteurs fur les lieux
que je ne connois point ; j'y ai trouvé
peu de fautes & peu confiderables , &
j'ai compris qu'en faveur du grand nom
bre de veritez de fait très - curieuſes
que j'y apprenois , je devois avoir beau
coup d'indulgence pour des erreurs qui
étoient incomparablement
moins nombreufes
que les veritez , & beaucoup
moins importantes , furtout quand je
fçai qu'ils travaillent inceffamment à diminuer
1486 MERCURE DE FRANCE.
minuer ces erreurs , & à multiplier ces
veritez .
Il m'eft tombé en même temps une
Critique de ce Dictionnaire entre les
mains , qui a été faite par M. de Launay
, qui , quoiqu'il ait lui-même fou
vent befoin d'indulgence , n'en a point
du tout pour les autres , ainfi il s'en faut
bien que cette Critique me paroiffe digne
de louange.
Le Connoiffeur , qui eft jufte , bienfaifant
& bon Citoyen , fait quelquefois
des Critiques , c'eſt-à- dire , il porte fon
jugement , & fait quelquefois des obfervations
fur ce qu'il y a de bon & de
mauvais dans les Ouvrages des autres ,
mais il les fait en honnête homme , alors
Il fe propofe deux fins ; la premiere , de
louer fuffifamment & convenablement les
Auteurs fur ce qu'ils ont apporté ou d'agrément
ou d'utilité au Lecteur , de forte
qu'ils foient fuffisamment encouragez par
ces louanges à continuer leurs travaux
pour l'augmentation du bien public. Par
cette conduite il s'acquitte d'un côté de
ce qu'il leur doit , ce qui eft une action
de reconnoiffance ou de juftice , & de
l'autre , il tâche par fes louanges d'augmenter
le bien public , ce qui eft du devoir
du bon Citoyen , & une action de
bienfaifance.
La
NOVEMBRE . 1726. 2487
>
La feconde fin qu'il fe propofe , c'eſt
de montrer aux Auteurs les moyens de
rendre dans une feconde Edition leur
Ouvrage plus agréable & plus utile au
Public , en leur faifant obferver ou
quelques fautes , ou quelques omiflions,
& cela même eft encore du devoir d'un
bon Citoyen , & une autre action de
bienfaiſance envers le Public . Mais il y
a une chofe importante à remarquer dans
cet article , c'eft que le Critique doit me
furer tellement les expreffions de Critique
, & les mêler tellement avec des
termes de louanges , qu'elles ne bleffent
point les Auteurs , & qu'à tout prendre,
il lui foit évident qu'ils choifiroient plu
tôt que cette Critique parut en public ,
que de la laiffer enfevelir dans l'oubli.
A
Quiconque n'obferve pas fcrupuleu-.
fement ces deux regles dans la Criti
que , defoblige les Auteurs qui ont tâché
de lui plaire , & les décourage autant
qu'il eft en lui de travailler pour
l'utilité publique , ainfi il agit en homme
injufte ; il fait contre les autres ce
qu'il ne voudroit pas qu'ils fiffent contre
lui en pareilles circonstances ; de forte
que s'il acquiert par fa Critique la reputation
d'homme d'efprit & de connoiffeur
, il fe fait en même temps contre
les propres interêts la reputation d'in-
Lgrat,
2488
MERCURE DE
FRANCE .
grat , d'injufte , de malhonnête homme
en cette partie , & de mauvais Citoyen.
Or fi l'on
compare la
Critique du
Dictionnaire , dont il eft
queftion , avec
ces regles fi
équitables , je doute que
l'Auteur lui - même y
trouve ces regles
bien
obfervées ; je doute , que pour fa
reputation il ait
effectivement plus gagné
que perdu à la rendre
publique.
Ce n'est pas que les Auteurs du Dictionnaire
ne doivent profiter de ce qu'il
y a de bon dans cette Critique , s'ils ne
Pont pas déja fait avant fa
Critique , par
les
obfervations qu'ils ont reçûës durant
l'Edition , mais ils n'auront pas à le remercier
de fa bonne volonté à leur
égard .
On voit bien par un mot qui eft échap
au Critique , la raifon qui , lui a mis
la plume à la main , c'eft le defir de ven
ger fon ami , ou peut-être lui- même , du
chagrin que lui ont caufé les Auteurs du
Dictionnaire. En le
prévenant dans un
pareil deffein de
Dictionnaire
topogra
phique , il eft vrai que leur travail rend
le fien inutile ; il eft vrai que c'eft un
malheur
pour lui , mais ce n'eft pas un
crime
pour eux ; il eft jufte au contraire
, que ceux qui ont les premiers commeucé
l'Ouvrage , & qui l'ont même
mieux
NOVEMBRE. 1726. 248
mieux executé que lui qui ont déją
amaflé une grande partie des materiaux
du Tome du Supplément , & qui ont
déja fait de grandes dépenfes & de grandes
avances , foient favorifez par le Public , &
fortement encouragez à donner leur Supplément
, & à perfectionner tous les jours
un Ouvrage commode , curieux , &
d'une fi grande étendue.
C'est même pour contribuer en quel
que chofe à ce perfectionnement , que
je ferai les obfervations fuivantes , pour
rendre la feconde Edition de leur Ouvrage
plus utile & moins imparfaite ,
ils en adopteront ce qu'ils jugeront à
propos.
1. Il feroit à fouhaiter pour la cu
riofité du Lecteur , que tant le Dénombrement
que le Dictionnaire , marquât
la fomme de Taille ou de Subfide , que
chaque lieu porte ou doit porter à l'Etat,
foit en Taille , en Capitation , en Fourages
, en Uftanciles , & c. foit en droits
d'Entrées à la place de la Taille , & cela
pour telle année , & de marquer 1 ° . fi
c'eſt année de guerre ou année de paix.
2°. A combien de livres eft le marc d'ar
gent.
2. It eft bon d'obferver de quelle
Election & Generalité , de quelle Juftice,
de quel Parlement , & de quel Evêché
eft
2490 MERCURE DE FRANCE:
!
eft un lieu mais fi on vouloit encore
mettre toutes les autres petites fubordinations
, comme de quelle Lieutenan
ce de Roi , de quel Gouvernement , de
quel Miniftre , &c. ces Editions iroient
trop loin , & cauferoient plus de dépen
fe , & de longueur dans l'Ouvrage
qu'ils n'apporteroient de plaifir ou d'utilité
au commun des Lecteurs , & ce
feroit une nouvelle fource intariffable
d'erreurs de fait.
3 °. Il feroit à fouhaiter , que dans le
Dénombrement topographique , il y eut
trente Cartes pour les trente Intendances
, on y auroit recours pour voir les
fituations & les diftances des lieux , les
uns à l'égard des autres , non feulement
en lifant le Dénombrement , mais encore
après avoir confulté le Dictionnaire.
4°. Il faudroit obferver l'ordre alphabetique
dans le Dénombrement du total
de chaque Election , & ne plus divifer
les Elections en Sergenteries , divifion
qui ne fert de rien , & qui empêche
l'ordre alphabetique pour le total de l'Election
, & puis la Carte feroit bien tôt
connoître le voisinage , & l'éloignement..
des autres lieux .
5. Il y a une équivoque dans le Dénombrement
fur le mot de Feu en cer
taines Provinces , qui font en petit nombre
NOVEMBRE. 1726. 2491
bre. Il ne fe prend point pour une Famille
, pour un Chef de Famille , mais
pour une certaine quantité de Subfide ,
il vaut mieux retrancher tout- à -fait ce
terme dans ces Provinces , jufqu'à ce
les Auteurs du Dénombrement ayent
appris le nombre des Familles.
que
ce
6. La fupputation que j'ai obfervée
la plus jufte , pour fçavoir ce qu'un Feu
ou une Famille contient de perfonnes ,
foit males fit femelles , foit enfans foit
domeftiques , c'eft de prendre deux Familles
pour neuf perfonnes dans le total
d'une Intendance. On peut fe contenter
de mettre cette remarque une fois
dans l'Avertiffement pour n'avoir plus
à la repeter dans le cours de l'Ouvrage.
70. Entre les curiofitez qui regardent
certains lieux , il eft à propos de ne faire
mention que des curiofitez publiques ,
c'eſt-à -dire , de celles qui intereffent le
plus grand nombre des Lecteurs , & d'éviter
les curiofitez très particulieres ,
c'eft- à-dire , celles qui n'intereffent que
certaines Communautez ou certaines
Familles particulieres , & ce choix , ce
difcernement , pour ne mettre dans un
Ouvrage public , que les chofes qui peuvent
plaire au Public , n'eft pas fi facile
ni fi commun qu'on pourroit fe l'imaginer
; il faut que les Auteurs les plus
E habiles
2492 MERCURE DE FRANCE.
habiles confultent fouvent fur cela les
gens du monde qui aiment à lire.
و ا
8 ° . Entre les goûts du Public , je
trouve les étimologies des noms anciens,
furtout de ceux qui font dans les Auteurs
anciens , tels que font les Commentaires
de Cefar & de plufieurs Auteurs
pofterieurs le lieu de la naiffance des
Hommes illuftres , les Sieges , les Batailles
enfin , tout ce qui tient , foit , à
1'Hiftoire ancienne , foit à Hiftoire ge
nerale du Royaume , ou de la Province ,
foit à l'Histoire particuliere des Hommes
illuftres , il est toujours de l'interêt
public d'honorer la memoire des Hommes
illuftres , & furtout des grands
Hommes.
L'Enigme , les Allumettes , & le Toton
, étoient les vrais mots des trois
Enigmes du mois paffé .
ENIGM E.
Ar mon heureux fecours , aux ravages des
PA ans ,
La Science n'eft point fujette ;
Je fais parler beaucoup de gens ,
QuoiNOVEMBRE
1726. 2493
Quoique je fois toujours muerte.
Grace aux Mortels induſtrieux
Je me trouve prefqu'en tous lieux ;
D'un bout du monde à l'autre, avec foin je
difperfe ,
¿ Ce que j'amaffe de tréfors ; i
Et je fçais établir un éternel commerce ,
Entre les Vivans & les Morts ;
Reconnois- moi , Lecteurs à cette illuftre
marquesh bo
Je trompe la Fatalité
Malgré le cifeau de la Parque ,
Je donne l'immortalité.
AUTRE.
ON doit me fuir comme la pefte
Puis qu'à peine je fuis , que j'entens dire à
tous ;
Qu'en me faifant , mon pere & ma mere
étoient fous
Tant l'un & l'autre me détefte .
Foible enfant que produit un efprit de travers
;
Sçavez- vous quel eft mon Ouvrage ?
C'eft fouvent de troubler tout ce vafte Univers
E ij
Sans
2494 MERCURE DE FRANCE.
Sans avoir le bon fens , j'ai pourtant l'avantage
,
D'inftruire quelquefois le fage.
******************
NOUVELLES LITTERAIRES
DES BEAUX ARTS , &c.
1
1
SSAY SUR LE MOUVEMENT Cou
l'on traite de fa nature , de fon ori
gine , de fa communication en general
,
.
& en particulier du choc des corps
qu'on fuppofe parfaitement folides , &
des effets qui doivent refulter de leurs
differentes fituations , & à cette occafion
on examine encore la queftion du Plein
& du Vuide , & la nature de la reaction.
Par M. de Crouzas , de l'Académie
Royale des Sciences , &c. A Groningue,
chezite ,
J. 1726. in 4. de $35.
pages.
ANNALES DES PROVINCES- UNIES. Par
M.Bafnage . Ala Haye , chez Ch.Levier,
2. vel. in fol. de 1800. pages .
OLUVRES de M. de la Fon aine ,
velle Edition , 1726.3 . vol . in 4.
nou
Cet
NOVEMBRE. 1726 2495
vers par
Cet Ouvrage paroît imprimé à Anle
nom de
om de cette Ville qui eſt à
la premiere page. Le premier Tome contient
les Contes , le 2. lès Fables , &
le 3. les Oeuvres diverfes du même
Auteur. Le papier & les
carac
fermée
3
font
fort beaux chaque page eft enfermée
dans une bordure. On voit le Portrait
de M. de la Fontaine à la tête. Il n'y a
fa
rien dans ce nouveau Recueil qui n'ait
déja paru , fi on en excepte le Poëme de
la captivité de S. Male , Ouvrage pieux ,
qui fe trouve tout à la fin du troifiéme
Volume.
M. Jean Bion a traduit de l'Anglois,
un Traité , où l'on examine entr'autres
chofes les fuites que les Anglois & les
Hollandois ont à craindre de l'établiſſement
de la Compagnie d'Oftende . J. Van-
Septoran d'Amfterdam , a imprimé ce
Traité en François & en Hollandois .
CONSULTATIONS CANONIQUES fur les
Sacremens , fondées fur l'Ecriture - Sainte
, les Conciles , les Statuts fynodaux ,
les Ordonnances Royaux , & fur l'ufages
où l'on explique ce qu'il y a de
plus important dans les Commandemens
de Dieu & de 4'Eglife & dans le's
Loix civiles qui les font executer. Par
E iij M.
2496 MERCURE DE FRANCE.
<
M. Gibert , Docteur en Theologie , &
Canonifte . A Paris rue S. Jacques
chez J. Mariette , 1725. 6. volumes
in 12 .
>
DISSERTATION fur la Pauvreté Re
ligieufe , où l'on fait voir que les petites
rentes ou penfions , & l'argent mis
endépôt , ne peuvent s'accorder avec le
vou que l'on fait en s'engageant dans la
Religion. Par le Pere Thorrentier , Pretre
de l'Oratoire. A Paris , rue S. Jacques,
chez Babuti, 17 26. in 16. de 142
pages.
T
NOUVEAU TRAITE' des Maladies Ve
neriennes , dans lequel on explique les
meilleures methodes pour les guerir , &
pour éviter tous les accidens qui peuvent
arriver , fuivant les regles ordinaires
; & où l'on propofe en même
temps les remedes pour les guerir furement
& facilement , fans fe détourner
de les affaires ordinaires. Par A. J. du
Bois , Maitre Chirurgien de Paris , &c.
A Paris , rue de la Harpe , chez Ch .
M. d'Houry , 1725. in 12. de 217. pages
, & c.
OBSERVATIONS & Reflexions fur la
petite Verole , & fur un remcde préfervatif
NOVEMBRE, 1726. 2497
vatif contre cette maladie . Par le même
Auteur , chez le même Libraire , in 12.
de 91 pages. , Muza kis
NOUVEAU TRAITE' DES SCROFULES
ou Tumeurs froides , des Chancres &
Loupes , où l'on enfeigne la méthode de
traiter &
guérir
radicalement les Cancers
fans operation , les remedes qui conviennent
pour leur guerilon. Par le même
, à Paris , au Palais , chez Paulus -du-
Menil , 1726. in 12. de 203. pages ,
fans la Preface , les Approbations , & c.
2.
VERITABLE CALENDRIER CHRONOLO
GIQUE pour
Traité 27. contenant un-
Traité Hiftorique du Calendrier , un
Abregé Geographique & Chronologique
des plus interellants , & à chaque jou
une Conference de Pufage Romain de
compter avec le nôtre ; enfemble , une
Relation Hiftorique de tout ce qu'il y a
de plus curieux à fçavoir dans la focieté
Civile , comme Antiquitez , Etabliffemens
, Reglemens , Sieges , Batailles ,
Traitez de Paix & d'Alliances , Entrées ,
Amballades & autres événemens mémorables.
Les Naiffances des Princes &
Princeffes , les Sacres , Mariages , Morts,
&c. avec un Tarif verifié en Cour des
Monnoyes , du prix auquel on reçoit pres
E iiij fentes
1498 MERCURE DE FRANCE,
fentement le Marc de toutes fortes d'El-.
peces & Matieres d'Or & d'Argent , &
une Table Alphabetique & Chronologique
des Matieres . Dédié à M. LE DUC
D'ORLEANS , Premier Prince du Sang. A
Paris , chez HS. P. Giffey , Rue de la
vieille Bouclerie , au bas du Pont Saint
·Michel, à l'Arbre de Jeffé, u
tr
Cet Ouvrage peut fer vir ( outre le Calendrier
qui eft difpofé d'une maniere
mode
) à recréer l'efprit & rafraîchir
la mémoire fur l'époque de toutes
fortes d'évenemens , tant anciens que
modernes , dont la varieté eft auffi curieufe
& amufante , qu'elle eft utile à
toutes fortes de perfonnes , en ce que
l'Hiftoire Sacrée & Profane y eft mêlée
& diverfifiée des Loix , Coûtumes, Ufages
& Etablilemens faits par differens Edits,
Déclarations , Arrêts & Reglemens ; &
enfin , en ce que differentes particularitez
qui ont rapport , tant au Calendrier qu'à
Hiftoire , y font avec foin & curieufement
développées par origine , étymologies
, fignifications , &c . De plus le
Tarif pour les Efpeces & Matieres d'Or
& d'Argent , tant Françoifes qu'Etrangeres
, qui eft à la fin de cet Ouvrage ,
eft d'une utilité reconnue ; beaucoup de
perfonnes ayant témoigné dans les Me-
' moires qu'ils ont adrellez à l'Auteur ,
fouhaiter
NOVEMBRE. 1726. 2459
fouhaiter entr'autres chofes cette derniere
partie de l'Ouvrage. Outre la connoiffance
fidelle du prix du Marc des dif
ferentes Matieres d'Or &
d'Argent
par
titres & fabriques que donne ce Tarif ,
on y pourra encore reconnoître la comparaifon
& balance du prix & valeur
intrinfeque d'une forte d'Efpece avec
une autre , exprimées par leurs differens
noms , fuivant les Royaumes & Pays de
leurs fabriques, buses & far tomo
Le Public ayant témoigné prendre
quelque forte de part à ce petit Ouvrage ,
par l'attention qu'il a euë de faire part
( au
au defir de l'Avis inferé en la derniere
Edition ) de differens Memoires , qui contribuent
de beaucoup à rendre l'Ouvrage
curieux ; on le prie de vouloir continuer
d'en communiquer de nouveaux ,
dont on fe fera un plaifir de faire ufage ,
à fa fatisfaction. On pourra adreffer ces
Memoires à l'Imprimeur dudit Ouvrage.
On avertis que l'Auteur s'eft affujetti
de parapher tous les Exemplaires dudit
Ouvrage , au commencement & à la fin.
E v EX
2500 MERCURE
DE FRANCE
.
C
EXTRAIT du Difcours prononcé
par M. Miraband , à fa Reception à
l'Academie Françoife , le Samedi 18 .
Septembre 1726 Pangla
M
R. Mirabaud commence cet éloquent
Difcours , par un trait de
modeftie. L'honneur , dit- il , que je reçois
aujourd'hui , eft d'autant plus flatteur pour
moi , que je m'étois moins promis de le recevoir,
ne.
Il avoue pourtant un moment après
que l'accueil favorable que fa Traduction
du Talle reçût du Fublic , développa en
lui des fentimens qu'il n'avoit pas encore
pénetrez , & qu'il reconnut , que
vouloir plaire au Grand Prince à qui il
confacroit fon travail , c'étoit afpirer tacitement
aux fuffrages de l'Academie
Françoife, puifqu'il étoit impoffible qu'elle
ne pensât comme lui. Protecteur cheri,
ajoûte- t-il des Mufes que vous fervez ,
il connoît parfaitement le prix des recompenfes
qu'elles donnent ; il regarde le Laur
rier que votre main difpenfe , comme la
Couronne la plus précieufe dont elle ceigne
le front de leurs favoris.
De- là il paffe à un éloge qu'il fait de
l'Academie Françoife : Compagnie celebire
, dit- il , formée de ce qu'il y a de plus
diftingué
NOVEMBRE 1726. 2501
C
diftingué dans les differens Ordres de l'Etat.
Le lieu où elle s'affemble , pourfuit- il ,
donne une idée du fejour de la Divinité :
la paroisentconfondus les rangs , la naiffance
, les dignitez. Det sydania: 2
Il attribue cette efpece de miracle à
l'efprit , qui feul a droit de donner entrée
dans cette illuftre Compagnie , & fa
modeftie l'empêchant de le flatter , ou du
moins d'avouer que c'eft à l'efprit qu'il
doit l'honneur d'être devenu Academicien
, il dit avec beaucoup de fineffe, que,
fi ce n'est l'esprit , ce font du moins les ufages
de fes nouveaux Confrères qui lui ont
infpiré l'heureufe audace que leur choix a
justifiée ayar D
De l'éloge de l'Académie Françoiſe
M. Mirabaud paffe à celui de fon glorieux
Fondateur , le Cardinal de Richelieu à
ce fecond éloge fuccede celui du Chancelier
Seguier ; ce jufte tribut fe termine
en la perfonne de fon augufte Protecteur,
Louis le Grand. Voici comment s'expri-”
me M. Mirabaud : Les Mufes reconnoiffantes
& équitables ont , à l'envi , pendant
près de quinze luftres , celebré les vertus
-les exploits de ce Héros . Jamais Prince
n'a reçû de plus magnifiques ni de plus
legitimes louanges : a t- il ceßé de regner ;
la gloire de fon nom s'augmente à mesure
que le temps de fon regne s'éloigne , & c..
Evj II
2502 MERCURE DE FRANCE.
R
Il finit ce jufte éloge par ce beau trait
Le nom de Louis XIV. devient comme ces
noms fameux après lefquels nous ne voyons
plus marcher un inutile éloges il fuffira
deformais ddeeleepropnoncer.
1981 , in
La tranfition eft toute naturelle de
Louis XIV. à Lou's y
mais le tour
que le nouvel Academicien y a donné ,
y a prêté des graces ; on le verra pars
cette maniere de l'amener : Quel fujer
d'émulation pourle Succeffeur d'un fi grand
Roy ou plutôt , Meffieurs , quel avantage
pour un jeune Prince , en qui le Ciel a mis
les difpofitions que d'avoir
de pareils exemples , comme prefents
à fes yeux ! tout l'invite à les fuivre :
tout nous annonce qu'il les fuivra.
Plusz
Cela lui donne occafion de louer la noble
impatience que le Roi témoigne de mar
cher fur les traces de fon augufte Bifayeul
puifqu'il prend en main les rênes du Gou .
vernement , dans un âge, où la docilité fait
encore le plus grand mérite des Rois. C'eft
Louis le Grand , ajoûte- t- il , qui regne
encore fur nous. Il finit l'éloge du Roi
Par ce trait :
P
Telle eft l'impreffion que des exemples
fi beaux & fi récens , ont fait fur
L'efprit de notre augufte Monarque ; tel eft
le fruit des fages confeils qu'il écoute &
des maximes falutaires qu'on a fëmées dans
Готь
NOVEMBRE. 1726. 2503
2
for coeur. Il n'y a perfonne qui ne voye
à qui fes dernieres paroles s'adreffent .
Après de fi jjuuftfestéelsogtesr,eM. Mirabaud
pafle à celui de l'illuftre Academieien
qu'il remplace , c'eft M. le Duc de
la Force,
1989 new citerons qu'un ri
ero sunt
Sa haute Naiffance, dit - il , qui l'appeltoft
à d'autres occupations que celles d'un hom.I
me de Lettres , ne lui a pas permis
de fer
donner tour entier a lo
tout entier à fes talens il s'y livrait
pourtant quelquefois , & toujours
avec fuccès , mais avec réserve ; & comme
comme
difoit un defes amis , il fembloit qu'il ne les
fit que pour n'être point taxé d'ingratitu
de envers la Nature , s'il eut toujours dif
fimulé les faveurs fingulieres qu'il en avoit
reçues.
Notre Extrait feroit trop long , fi nous
y faifions entrer tout ce que le Difcours
de M. Mirabaud renferme de brillant ,
ainfi nous le finirons par cet éloge qu'il
fait des grandes Princelles qu'on a mifes qu'on a mifes
fous fa conduite ; c'eft à fes fçavants Confreres
qu'il s'adreffe : Une raifon plus
puiffante en moi que mon interêt particulier
, m'engage à profiter des leçons que
vous m'allez donner. Chargé moi- même
dufoin d'inftruire deux jeunes Princeffes en
qui la Nature à joint à tous les agremens de
leurfexe , les plus rares avantages de l'ef
prit , auffi-bien que les plus eftimables
qualitez
2564 MERCURE DE FRANCE.
qualitez du coeur , je ne dois rien ou
blier pour leur marquer mon zele , & leur
rendre mes inftructions plus utiles. Heureux
fi , voulant orner leur efprit , mes
foins pouvoientrépondre à ceux qu'onprend
pour leur infpirer la vertu
EXTRAIT du Difcours de M. de
Fontenelle , Doyen de l Academie Fran-
Toife , & alors Directeur, à la reception'
a de M. Miraband.
M-Mirabaud avec cette
éloquence
R de Fontenelle répondit à M.
vive , legere & précise qui lui eft fi naturelle
.
Il commence par un trait qui le caracterife
parfaitement , & qui fait voir
qu'il ne s'eft jamais laifle entraîner au
torrent des opinions , qui , pour trop éle
ver les Anciens , femblent vouloir jeeter
le defefpoir dans le coeur des Modernes .
On craint quelquefois, dit - il , que les
Lettres ne confervent pas encore longtemps
dans ce Royaume tout l'éclat qu'elles
ont acquis . Il femble qu'elles ne foient plus
affex confiderées ; en effet , une certaine
familiarité qu'on a contractée avec elles
peut leur être nuifible. Beaucoup d'excellens
Ouvrages ont porté tous les genres d'éarire
à un point qu'il feroit très - difficile de
paffer :
NOVEMBRE. 1726. 250 f
paffer; & dès que l'esprit ne s'éleve plus ,
on croit qu'il tombe. La prompte décadence
des Grecs & des Romains nous font peur ,
car nous pouvons , fans trop de vanité ,
nous appliquerces grands exemples .
Après avoir expofé ces fentimens timides
qui regnent parmi certaines gens
de Lettres , il prouve combien ils font
frivoles , par le grand nombre de concurrens
qui de préfentent pour remplir
une place d'Academicien auffi- tôt qu'elle.
vaque. Quel eft notre embarras ? ajoûtet-
il , est le nombre des bons Sujets . Peutil
rien dire de plus flatteur pour ceux
qui ont difputé la place vacante , & pour
celui qui l'a emportée.
Ca été , dit - ià M. Mirabaud , votre
belle Traduction du Taffe qui a brigué nos
voix. Il s'en faut bien que M. de Fontenelle
ne traite là Poëfie de ce celebre Italien
, de clinquant. Il donne le troifiéme
rang dans le genre Epique à la Jerufalem
" délivrée. Vous avez appris aux François
continue- t- il , en s'adreffant à M. Mirabaud
, combien étoit eftimable ce Poëte Italien
, qu'ils eftimoient déja tant ; dès qu'il
a parlé par votre bouche , il a été reçû par·
tout , par tout il a été applaudi : les hommes
ont trouvé dans fon Ouvrage tout le
grand du Poeme Epique , & les femmes:
wout l'agréable du Roman..
Après
2506 MERCURE DE FRANCË.
Après ce trait , qui ne loue pas moins
la copie que l'original , M. de Fontenelle
paffe legerement fur quelques circonftances
qui ont accompagné l'élection de
M. Mirabaud. Il fait voir que la protection
d'un grand Prince n'a fervi qu'à
mieux déterminer fes Confreres à donner
leurs fuffrages au merite déja reconnus
& parlant de ceux qui n'en ont point
d'autre que celui d'une protection refpectable
, il s'explique d'une maniere capable
de détourner d'une voye fi indigne
d'un homme de Lettres . Ces grandes protections
, dit - il , font une preuve pour le
merite , mais elles n'en font pas un ; &
quand on veut les employer dans toute leur
force , quand on ne veut pas qu'elles trouvent
de résistance , ofons le dire , elles desbonorent
le merite lui-même. Tous les fuffrages
auront été unanimes , mais quelle
triffe unanimité ! On aura été d'accord ,
non à preferer celui qu'on nomme , mais à
redouterfon protecteur.
Après avoir fait connoître que les fuffrages
ont été parfaitement libres dans la
reception de M. Mirabaud , il ajoûte , en
fe jouant agréablement : J'avouerai cependant,&
peut-être, Monfieur, ceci ne devroit-
il être qu'entre vous & moi , que mon
Suffrage pourroit n'avoir pas été tout- à -fait
auffi libre que ceux du refte de l'Academie;
M
NOVEMBRE
. 1726. 2507
mie ; vous fçavez qui m'a parle pour
vous. Peut- il paffer d'une maniere plus
neuve & plus fine aux juftes louanges
qu'il veut donner aux jeunes Princeffes
que M. Mirabaud a l'honneur d'inftruire
? En même temps , lui dit - il , que les
charmes de leurs perfonnes croîtront fous
vos yeux ceux de leur efprit croîtront
auffi par vos foins . Et je puis vous annoncer
de plus que les inftructions qu'elles recevront
de vous ne vous feront pas inutiles
à vous- même, & qu'elles vous en rendront
d'autres à leur tour. La neceffité de vous
accommoder
à leur age , & à leur délicateffe
naturelle, vous accoûtumera
à dépouiller
tout ce que vous leur apprendrez
d'une
fechereffe , d'une dureté trop ordinaires
an
fçavoir, &c.
La crainte de paffer les bornes qu'un
fimple Extrait nous prefcrit , nous empêche
de fatisfaire pleinement la curiofité
du Lecteur ; d'ailleurs , comme ces fortes
d'ouvrages doivent être entre les mains de
tout le monde , nous y renvoyons ceux
qui n'en veulent rien perdre , parce que
tout en eft précieux .
L'HISTOIRE de la Comteffe de Savoye.
A Paris , Quai de Conti , chez Piffot.
1726. in 12. 2. liv.
Quoique l'Auteur de ce Roman , en
fup2508
MERCURE DE FRANCE.
fupprimant fon nom , ait eu affez de mo
deftie fe dérober aux louanges qui
pour
lui font dûes , les Vers qui font à la
tête de fon Ouvrage la décelent affez ;
ils nous apprennent que c'eft une illuftret
Comtelle. Nous ne penetrerons pas plus
loin , pour la laiffer jouir de l'incognito
qu'il lui plaît de garder..
Get Ouvrage a paru parfaitement bien
écrit , & plein de fentiment , aux yeux de
tous les Connoiffeurs. On en a trouvé let
principal incident trop cruel , mais la cataſtrophe
en devient plus frappante.
L'époque de cette Hiftoire eft prife du
regne de Henri I.
Odon , Comte de Morienne & de Sa
voye , faifoit fon féjour dans Turin
qu'Adelaide de Sufe lui avoit apporté en
dot , avec Sufe & la Valdoefte. Il avoit
épousé en fecondes nôces une foeur d'Edouard
, Roi d'Angleterre , qui paffoit
pour un chef- d'oeuvre de la Nature.
C'eft l'Heroine de cette Hiftoire.
Le Comte de Savoye , fon époux , fe
voyant obligé d'aller en perfonne au fecours
d'Edouard , contre le Comte de Godevin
, Sujet rebelle , & jugeant que fon
voyage pourroit être long , trouva à propos
de nommer un Tuteur aux enfans
qu'il avoit de fon premier mariage , &
un Regent pour gouverner fes Etats ent
fon
NOVEMBRE. 1726. 2509
fon abfence. Son choix pour ces deux
importans emplois fe réunit en la perfonne
du Comte de Pancalier. Il étoit
vaillant jufqu'à l'intrépidité , mais la
noirceur de fon ame deshonoroit toutes
les grandes qualitez qu'il pouvoit avoir
d'ailleurs . L'amour acheva d'en faire un
monftre de cruauté ; il eut le malheur de
trouver trop de charmes dans l'épouſe
de fon Maître . L'abfence du Comte de
Savoye , & le rang où il venoit d'être
élevé , le rendirent temeraire ; il ofa déelarer
à la Comteffe de Savoye le coupable
feu dont il brûloit pour elle. Elle en
fut fi offenfée , qu'elle le menaça d'en
inftruire le Comte fon époux , s'il net
rentroit dans le refpect qu'il devoit à ſa
Souveraine .
Le Comte de Pancalier fremit de cette
menace , & fe hâta d'autant plus d'en
prévenir les effets , que le Comte de Savoye
venoit de lui annoncer fon prochain
retour par une lettre. Rempli de fa
vengeance , il ne fongea qu'à l'executer ,
fans examiner aux dépens de quel fang.
It ne balança pas à choifir fon propre neveu
, l'unique heritier de fes biens & de
fon nom , pour premiere victime de fa
fureur. Le jeune Pancalier étoit affez
bien fait pour fonder un foupçon qui devoit
fervir à la vengeance d'un oncle fi
dénaturé.
2510 MERCURE DE FRANCE .
dénaturé. Ce barbare lui perfuada qu'il
avoit le bonheur d'avoir fçû plaire à la
Comteffe de Savoye. L'amour propre
ferma les yeux du jeune homme fur le
piege qu'on lui tendoit ; & d'ailleurs aufoit
- il pû fe défier d'un oncle , dont il fe
pu
croyoit la derniere efperance. Dans cette
dangereufe fecurité , il fit le foûpirant
avec tant d'éclat , que perfonne ne douta
qu'il ne fut heureux ; la Comteffe fut la
feule à ne s'en point appercevoir , ou du
moins elle le diffimula par fierté.
Le Comte de Pancalier n'avoit pas fait ce
pas pour reculer; il fe hâta d'arriver au but
que fa vengeance s'étoit propofé, il preffa
fon neveu de fe mettre en poffeffion de fa
conquête.Vous êtes trop heureux, lui dit-il ,
on vous aime à n'en pouvoir douter. Profitez
des fentimens qu'on a pour vous ; obtenez
par votre hardieffe les dernieres faveurs
de la Comteffe forcez- la à ne rien refuſer
à vos defirs : on ne traite pas
l'amour avec
les Princeffes comme avec les autres femmes
; il faut tout ofer quand on est sûr de
plaire ; le refpect les importune , elles y font
trop accoûtumées.
Ce fut avec des paroles fi flatteufes
pour un jeune orgueilleux , qu'il déter
mina fon neveu à fe cacher dans la chambre
de la Comteffe , pour la furprendre
dans fon lit. L'imprudent jeune homme
lui
NOVEMBRE . 1726. 2511
lui fit confidence du jour , de l'heure , &
de l'endroit même où il fe cacheroit. Ce
il
jour fatal étant arrivé , le Comte de Pancalier
appella auprès de lui ce qu'il y
avoit de plus confiderable dans la Cour,
fous prétexte d'une affaire très - importante
qui regardoit fon Maître . Je veux ,
dit- il à tous ces Seigneurs , que vous
foyez témoins qu'il n'y a rien de facré pour
noi , lorsqu'ils'agit de venger l'honneur du
Comte, notre Souverain.
t
•
En finiffant ces mots , il s'avança avec
eux vers l'appartement de la Princefle
il en fit enfoncer la porte ; il alla vers la
portiere où fon neveu lui avoit dit qu'il
Te tiendroit caché : Meurs , traître , lui
dit-il , en lui enfonçant un poignard dans le
fein, qui lui fit perdre la vie fur le champ.
Après cette fanglante execution , dont
tous les Spectateurs furent épouvantez ,
le cruet Pancalier s'affura de la perfonne
de la Comteffe , à qui le faififfement
avoit ôté l'ufage de la voix. Le
Comte de Savoye, inftruit par fon infidele
Miniftre , abandonna cette innocente
victime à la rigueur des Loix. Elle eut .
beau protefter contre la calomnie , toutes
les apparences dépofoient contre elle ;
elle n'eût plus d'autre recours que celui
d'une coûtume établie , c'étoit de prouver
fon innocence parle fort des armes.
Un
2512 MERCURE DE FRANCE .
Un feul guerrier l'aimoit affez pour la
défendre aux dépens de fes jours , c'étoit
Mandoce . Ce nom étoit très - celebre par
mi les Efpagnols , par la haine de ceux de
fa Mailon contre les Toledes. Mandoce.
aimoit la Comtefle de Savoye , & n'en
étoit pas hais c'étoit là le feul crime que
fon coeur eût à fe reprocher. Sa vertu lui
défendoit d'implorer fon fecours , mais le
foin de fa gloire l'emporta. Cet illuftre
amant étoit alors affiegé dans Cartagenes
; il n'avoit appris que l'amour prétendu
de la Comteffe , & point du tout
le danger cù elle étoit de perdre la vie
d'une maniere fi ignominieufe : il en fut
inftruit par cette Lettre.
Lettre de la Comteffe de Savoye
à Mandoce.
Le
рец
d'attachement que j'ai pour la
vie, m'a fait jusqu'ici négliger le foin de
la conferver; mais quand je fais reflexion
que , fi je la perds , je paroîtrai coupable
d'un crime dont le fimple foupçon me fair
horreur , je me reproche à moi - même cette
indifference , & je me détermine enfin à
vous fairefçavoir mes malheurs : le frere
d'Emilie vous en inftruiras je m'en épargne
le récit trop cruel. Malgré les apparences
qui me condamnent aux yeux de
de
1
NOVEMBRE. 1726. 2513
tout le monde , j'ofe me flatter que je ne le
ferai point par vous . Vous avez mes fentimens
les plus fecrets ; l'aveu que vous
m'en avez arraché , & dontje me fuis punie
fi feverement , me juftifie auprès de
vous. Il m'eft permis de le rappeller dans.
L'etat où je fuis , il doit vous engager à
prendre ma défense : mais d'affreufes idées
me perfuadent que peut-être il ne fera plus
temps , & qu'une mort indigne de ma vie
préviendra votre ſecours. Qui auroit ph.
eroire qu'une fin fi funefte termineroit des
jours qui étoientfi tranquils avant que je
vous euffe vu ? Ne refufez pas des larmes
une deftinée fi peu meritée , & fi malbeureufe
, & n'oubliez jamais que je vous
donne aujourd'hui la plus forte preuve
de
confiance & d'eftime , que pendant fa vie
en mourant , pouvoit vous donner lå
Comteffe de Savoye.
Cette Lettre produifit un effet plus
heureux que la Comteffe ne pouvoit l'ef
perer. Son fideles amant vint à fon fecours
, il combatit pour elle ; fon calomniateur
fut vaincu , & avoia fon crime
avant que d'expirer . Mandoce ne fe fit
pas connoître , de peur d'expofer une fe
conde fois la vie & la gloire de fon
Amante. Le Comte , ſon époux , étant
mort quelque temps après Edouard
Roi d'Angleterre , & frere de la Com-
-
tele
2514 MERCURE DE FRANCE.
telle de Savoye , recompenfa la genero
fité de Mandoce par le don de fon aimable
foeur.
Nous ne parlerons point des amours
du Comte d'Eu & de Mademoiſelle
d'Hiefme. Cet Epiſode nnee ttiieenntt pas fi fort
à l'action principale , qu'on ne puiffe l'en
détacher dans un fimple Extrait , où l'on
doit plus fe picquer d'inftruire que d'as
mufer.
>
On vient de publier dans une feuille
volante le Titre & le Plan en racourci
d'un Ouvrage qui manquoit à la Repu
blique des Lettres & qui s'imprime
actuellement. L'importance de cet Ouvrage
, le merite de l'Auteur , & ce que
nous devons au Public , tout nous engage
à ne pas differer de lui faire part de cette
nouveauté.
LA RELIGION DES GAULOIS , tirée
des plus pures fources de l'Antiquité. Par le
R. P. Dom *** Religieux Benedictin de la
Congregation de S. Maur. Ouvrage enrichi
de Figures en Taille - douce. A Paris chez
Saugrain , Fils , Quai des Auguftins 1726.
avec Privilege du Roi.
Un titre f fimple n'exprime & ne reprefente
que très imparfaitement l'objet & le
deffein de l'Auteur : car fon Livre en lui - même
renferme la connoiffancé parfaite de la
Religion de toutes les Nations , que les Anciens
NOVEMBRE. 1726. 2515
ciens appelloient Celtiques ; les Gaulois , les
anciens Bretons , les Germains,depuis le Rhin
jufqu'au Danube , & de là jufqu'au Boriténe
& au Pont- Euxin , les Celtiberes ; les habitans
de la Gaule Cifalpine , les Galates de
Phrygie , les Scordiftes de Pannonie , les
Celto - Scythes , & autres Peuples , dans les
veines defquels couloit le fang Gaulois . Mais
le moyen qu'un Frontispice put foûtenir une
telle énumeration ?
On a donc pris le parti de s'arrêter au Titre
, qu'on voit aujourd'hui à la tête de l'Ouvrage
, comptant que les perfonnes verfées
dans l'Antiquité , & qui fçavent la parfaite
reffemblance de Moeurs , de Coûtumes , de
Loix , de Religion , de Gouvernement & d'Ufages
, qui regnoient parmi toutes ces Nations
, ne pourroient s'y méprendre ; & qu'à
l'égard du refte , un article de la Preface y
Suppléeroit.
L'ordre , la clarté & la précifion demandoient
qu'on traitât la Religion des Gaulois
en cinq Livres , qui feront deux Volumes In
quarto. Cette divifion fert à ranger les matieres
chacune en fa place , & à en bannir le
cahos & la confufion qui en feroient infeparables.
On ne dit rien qui ne foit tiré du fein
même des Originaux , foit Auteurs , foit Monumens
Antiques : & la quantité de recherches
qu'on met en oeuvre , fait qu'on fe flatte
de n'avoir prefque rien laiffé échapper , qui
merite quelque attention.
La matiere fur laquelle on a travaillé eft
toute neuve , auffi bien que les principes que
l'on avance. La Religion des Gaulois paroît
n'avoir été connuë ni des Anciens , ni des
Modernes. Des recherches long - tems meditées
, des reflexions rapprochées les unes des
F
2516 MERCURE DE FRANCE .
autres , & comparées enfemble , de profondes
lectures ; enfin l'approbation des meilleurs
Antiquaires , donnent lieu de fe flatter que
l'on a fait des découvertes , & que l'on a
trouvé la clef des myiteres , que perfonne n'a
encore développez . Par là on s'elt vû en étap
de relever bien des méprifes fur des points
effentiels de la Religion , même des Grecs &
des Romains , qui avoient liaifon avec quel
ques traits de la Religion des Gaulois ..
Les Figures qui feront jettées dans les endroits
de l'Ouvrage , qui leur font propres ,
feront très - fideles , & la gravure fe fera par
un habile Maître. On fera frappé d'étonnement
de voir comme reffufciter plufieurs differens
Portraits de Druides & de Druideffes , &
ceux de tant de Dieux , dont on ne connoiffoit
gueres ni le nom ni la figure , ou dont on
avoir des idées & des notions diametralement
oppofées. La draperie , les fymboles , l'attitude
même de toutes les Divinitez y feront expliquées
, auffi- bien que les marques de diftinc
tion , qui étoient propres aux Druïdes & aux
Druïdeffes.
Pour juftifier toutes ces veritez , que l'on
auroit peut - être de la peine à fe perfuader fur
la foi d'un Programme , où l'on feroit intereffé
à les avancer , on choifit exprès les monumens
de la Cathedrale de Paris , que tous les Antiquaires
regardent comme le morceau le plus
authentique , le plus curieux , & le plus facré
de la Religion des Gaulois. Le fouvenir de la
découverte qui en a été faite , eft encore tout
récent , & les Differtations que tant de Sçavans
de France & d'Allemagne ont publiées
pour les expliquer , font entre les mains de
tout le monde. Qu'on compare ces excurfions
litteraires , & cet amas confus d'érudition
Grecque ,
NOVEMBRE. 1726. 2517
Grecque , Romaine , Gauloife , Teutonique
& Saxonne, avec les feuls Articles fuivans ou
l'on réduit fous un point de vue tout ce qu'on
dit dans l'Ouvrage avec plus d'étendue.
I. La premiere face de la premiere pierre
contient le fens de cette Infcription : Sous
L'EMPIRE DE TIBERE CESAR AUGUSTE , LES
NAUTES du Pays ou Canton , dont PARIS
étoit la Métropole , ONT CONSACRE SOLEMNELLEMENT
CET AUTEL A JUPITER TRE SBỒN
, TREŠ GRAND . ?
H. Les NAUTES font reprefentez fur les
reliefs de la feconde & de la troifiéme face de
la même pierre , le mot Celtique EURISES ,
qui fignifie Nautés ou Bateliers , eft la preuve
de cette verité. Ces Nautes affiftent à la dédicace
de l'Autel de Jupiter ; & pour la rendre
plus éclatante , ils confacrent une Couronne
de grand prix , que le plus qualifié de la troupe
offre au nom de tous. Ils font armez , felon
la coûtume conftante des Gaulois , de ne faire
aucun acte de Religion fans être armez de
toutes pieces.
·
III. Le premier mot de l'Infcription de la
derniere face , dit tout feul que les perfonna
ges fculptez au- deffous font des Druides , qui
font la dédicace de l'Autel. Ces Druides forment
un groupe difpofé en un fers different
de ceux des autres faces , pour des raisons qui
font expliquées dans le corps de l'Ouvrage.
L'autre mot de l'Infcription apprend que le
GUI de chêne , cette plante qui étoit l'objet
du culte le plus intime & le plus religieux du
Druidifme , avoit fervi à rendre la confecra
tion de l'Autel plus augufte , plus pompeufe ,
plus magnifique .
IV. La feconde pierre n'a que deux faces ,
dont les infcriptions & les bas - reliefs foient
Eij
inte-
>
2518 MERCURE DE FRANCE .
intereffans. La premiere de ces faces reprefen
te l'Etre fuprême que les Gaulois avoient
d'abord uniquement reconnu , mais qu'ils
avoient enfin partagé en plufieurs autres Di
vinitez. Cet Etre fuprême eft ESUS, terme
qui fignifie Dieu. Efus eft lettre pour lettre
le ZEYE des Grecs , le Dieu Inconnu des
Athéniens , le Dieu fans nom des Samaritains
& le Dieu ineffable des Juifs. Efus , eft ici reprefenté
coupant le Gui de chêne avec une
faulx d'or : cérémonie fi fainte & fi relevée
pour les Gaulois , que toute leur Religion s'y
rapportoit,
V. La derniere face eft chargée d'une Di
vinité extraordinaire , que les Gaulois honoroient
fous le nom de TARVOS TRIGARANUS ,
c'eft- à- dire , Taureau à trois Gruës . En effet le
Taureau eft ici reprefenté avec trois Gruës.
Ce Taureau étoit d'airain , & placé dans un
lac , qui portoit fon noin. Les Gaulois qui
avoient des procès , fe rendoient à ce lac fur
un lieu élevé , où les parties chacune à part
mettoient des gâteaux fur une même planche.
Les Grues venoient dévorer les gâteaux
des uns , & éparpiller ceux des autres. Les
Gaulois prenoient cela pour un Arrêts &
ceux dont les gâteaux étoient éparpillez ,
avoient gain de caufe.
VI. la derniere pierre , de même que la
précedente , n'a que deux bas - reliefs qui méritent
l'attention des Sçavans . Le premier offre
la Figure d'un Dieu Cornu ; auffi s'appelle- t - il
CERNUNNOS , terme Gaulois qui fignifie Corne,
qui perce comme un fer de lance , ou comme
un foc de Charruë. Sur quoi on doit remar
quer que les Anciens donnoient au foc de
charrue la forme d'un fer de lance. Les Cornes
de Cernunnos font fingulieres ; elles font
droites >
NOVEMBRE. 1726, 2519
€
droites , longues & fourchues . Ces Cornes
font accompagnées de deux oreilles de Satyre,
& dans ces Cornes font paffez deux colliers
de chiens de chaffe faits à l'inftar des Armilla, -
(a ) que les Anciens portoient à leurs bras.
Le culte de Cernunnos étoit le plus fouvent
renfermé dans les bois & les forêts : il avoit
pour objet les voeux , que les Gaulois lui
adreffoient dans l'exercice de la chaffe des bêtes
fauves , qui étoient chez eux fi frequent &
fi noble Les bêtes fauves qu'ils couroient
avec le plus d'ardeur , étoient l'Elan , l'Ure ,
le Cerf & le Dain. Quatre Cernunnos differens
que l'on produit , font foi que les Gaulois
donnoient à ce Dieu les Cornes de toutes
ces fortes d'animaux , parce que les Gau
lois imploroient fon fecours , pour éviter les
de de
la force & l'adreffe étan contre lefquels
fouvent
Toutefois la Jeuneffe Gauloife n'acqueroit de
gloire & de réputation , qu'à proportion du
nombre des Ures qu'elle prenoit on en expofoit
les Cornes dans les lieux publics ; on
les gardoit foigneufement , & on les faifoit
border d'argent pour les étaler , & les faire
fervir dans les feftins d'éclat.
VII. Enfin la derniere face de la troifiéme
pierre , femble être l'original , fur lequel Pline
a fait la defcription de la maniere curieufe ,
dont les Druides épioient le moment de fe
faifir de l'OEUF ANGUINUM , élevé en l'air
par les fifflemens d'une multitude de ferpens .
qui l'avoient formé. Ces animatix irritez qu'on
leur enlevâtle chef-d'oeuvre de leur art , cher-
(a ) Bracelet que l'on portoit au bras , affez
près de l'épaule , appellé en latin Armus , d'où
Armilla elt dérivé.
Fiij cher2510
M
DE FRANCE
.
cherchoient à s'élancer fur le Druide qui avoit
fait le coup , & couroient après lui tous à
la fois pour ratrapper leur tréfor. Cet Oeuf,
fource d'un cercle perpetuel de bonheur &
d'élevation pour celui qui le poffedoit , n'étoit
dans fon origine qu'une fiction ingenieufe ,
dont les premiers Philofophes s'étoient fervi
pour expliquer le fiftême de la création du
monde , & du germe des créatures .
C'est tout ce que les bornes d'un Livre de la
nature de celui ci , permettent de dire fur les
bas - reliefs de l'Eglife de Notre- Dame de Paris
. On hazarde ces réflexions , afin que le
Public puiffe li- deffus porter un jugement
exempt de toute prévention fur tout l'Ouvrage.
Les Sçavans qui ont confacré leurs veilles
à déchiffrer ces Antiques , ne doivent pas
inferer de là qu'on ait en vue , ni de décréditer
leurs recherches , ni même de vouloir
fe mefurer avec eux , on ne veut que preffentir
le goût des meilleurs Critiques , & les
porter cax-mêmes à nous enrichir de chofes
infiniment. meilleures que celles qu'on veut
produire,
Au refte les Monumens de la Cathédrale
de Paris , qui ont paffé jufqu'ici pour le meilleur
morceau d'Antiquitez Gauloifes , qui foir
venu jufqu'à nous , auront bien de la peine
à foutenir, j'ofe dire, cette réputation , quand
ils feront en parallele avec plufieurs autres ,
aufquels on doit faire voir le jour. Les derniers
, outre leur excellence & leur rareté ,
auront toûjours fur les premiers l'avantage
d'avoir été refpectez par les temps , & d'of
frir aux Antiquaires les plus délicats un coup
d'oeil capable de fatisfaire leur curiofité.
Tous ces Monumens enfemble occuperont
environ quarante cinq Planches. Ces Figures
feront
NOVEMBRE . 1726. 2521
feront accompagnées de quantité d'Infcriptions
rares , choifies , inftructives , décifives ,
dont on ne connoiffoit gueres le prix . Enfin
l'Ouvrage fera encore enrichi de plufieurs
Médailles Gauloifes , dont l'explication , d'inconnue
& de problématique , ou d'incertaine
qu'elle étoit , fera mife dans tout le jour, dans
toute la clarté & la verité dont les Antiques
font fufceptibles .
Quoique l'objet principal de l'Auteur foit
de faire connoître la Religion des Gaulois
dans toute fa pureté , la neceffité où il a été
de remonter jufqu'aux fources & de fuivre
fidelement les feules traces qui pouvoient
y conduire , lui a fait faire des découvertes
confiderables fur les points les plus intereffans
; & en meme-temps les plus brouil
lez de l'Hiftoire des Gaulois , Et comme ces
points fervent de bafe & de fondement aux
principes qu'il avance , il s'eft trouvé en
tre ces matieres , quoiqu'un peu diverſes ,
je ne fai quel rapport réciproque , qui les
fait concourir à ne faire toutes qu'un même
corps.
<
Sur ce pied , on trouvera ici d'un côté la
Religion des Gaulois telle qu'elle étoit dans
fon origine , & telle qu'elle étoit enfeignée
& pratiquée par les Druïdes ; Religion , ifo
lée , particuliere , qui n'avoit rien de commun
avec la Religion des autres Peuples ; & pour
la défigner par le caractere qui la diftingue , &
& la peindre avec fes propres couleurs , Religion
de PHILOSOPHES . D'autre part on verra
l'origine des Gaulois , des Victimes humaines,
de l'Or de Touloufe , du culte du Chêne &
des Fontaines ; l'origine & la forme des caracteres
Gaulois , la nature de la Langue qui
avoit cours dans les Gaules , le moyen de
Fiiij l'en2522
MERCURE DE FRANCE.
7
l'entendre ; fçavoir fi les Gaulois avoient des
Galles de leur Nation ; quelle Ville des Eduens
étoit BIBRACTE & plufieurs autres points &
& queltions femblables , à l'eclairciffement
defquels on fait fervir tout ce que l'Antiquité
facrée & profane a de tréfor & des richeffes.
Le Public eft averti qu'on diftribue à Paris
un nouveau Livre qui concerne les Finances.
Comme cer Ouvrage eft unique dans fon efpece
, & qu'il renferme dans un ordre nouveau
generalement tout ce qui regarde les Finances
& la pratique des Bureaux , on fe flatte qu'il
fera goûté du Public ; en voici le titre : Dictionnaire
des Finances , contenant la fignifica
tion de tous les termes de Finance , leur définition
, leur ufage & leurs differentes applications
dans toutes fortes d'affaires.
L'explication de tous les droits qui concer
nent les Domaines du Roy , les Aydes , les
Gabelles , les cinq groffes Fermes , les Tailles
, le Taillon , la Capitation & autres Droits
& Impolitions qui fe levent dans l'étendue
du Royaume.
L'établiffement des Confeils du Roi & des
Cours Souveraines , qui ont rapport aux Finances
, l'étendue de leur Reffort & les differentes
matières dont elles connoiffent .
Les Départemens de Meffieurs les Secretai
res d'Etat & des Intendans des Finances , avec
le détail des affaires dont ils font chargez
La création de toutes les Charges de Finance,
es obligations , les fonctions & les Privileges
dont jouiffent les Officiers qui en fontpourvûs.
Le tout prouvé par les Ordonnances de nos
Rois , & appuyé fur l'ufage reçû & pratiqué
dans tous les Bureaux des Financiers. Cet Ouvrage
eft necefaire aux Receveurs , Treforiers
NOVEMBRE 1726 2523
riers & Fermiers Generaux , Traitans , Sou-
Traitans , & generalement à tous les Intereffez
dans les affaires du Roi , ou chargez de quelque
recouvrement & perception de deniers
Royaux, A tous les Commis employez dans
les Bureaux , qui ne peuvent fe difpenfer d'en
avoir un pour le mettre au fait de toute
forte d'Emplois . Vol. in 12. A Paris chez Jac
ques Joffe , Imprimeur - Libraire , rue faint
Jacques , à la Colombe Royale . Theodore le
Gras , au troifiéme Pillier de la grand'Salle du
Palais , à l'L couronnée. Guillaume Caveliers
rue faint Jacques , au Lys d'or. La Veuve Sau
grain, au milieu du Quai de Gêvres , à la
Croix Blanche.
و ر
On trouve chez les mêmes Libraires , & du
même Auteur le BANQUIER FRANÇOIS , ou la
Pratique des Lettres de Change , fuivant l'ufage
des principales Places de France. Seconde
Edition revue& corrigée.
BRIASSON , Libraire à Paris , ruë
faintFacques , à la Science , imprime un
Ouvrage qui a pour titre , Memoires pour
Servir à l'Hiftoire des Hommes Illuftres
dans la Republique des Lettres , in 12. Ce
volume paroîtra à la fin du mois de Novembre
prochain , & ne fera que le commencement
d'un Ouvrage d'une longue
fuite.
L'Auteur s'eft propofé de recueillir
tout ce qui peut concerner la Vie de ceux
qui fe font diftinguez dans la Republique
des Lettres. Il marque leur naiffance
, leur religion , leurs differens em-
Fv plois ,
2524 MERCURE DE FRANCE.
pois , leurs fentimens , leurs voyages ,
le temps , le lieu où elle eft arrivée ; en
fin tout ce qui peut intereffer l'Hiftoire
des Sçavans , & finira par le Catalogue
raifonné de leurs Ouvrages , dont il marquera
les differentes Editions , & ce qu'il
y a de fingulier.
Il ne borne fes recherches à aucun
Pays , & parlera des Sçavans de tous
âges , à mesure qu'il aura pu ramaffer
tout ce qu'il aura à en dire. Comme il
ne donne que des Memoires , ils feront
feparez les uns des autres , & dans l'ordre
qu'il les aura recueillis.
L'Auteur efpere que fon deffein fera
approuvé des Sçavans & des Curieux , &
qu'ils feront fenfibles à la gloire qui doit
leur en revenir. Mais comme l'Ouvrage
eft d'une longue haleine , & demandé
beaucoup de recherches , qu'il fent qu'il
a befoin de ces mêmes Sçavans & de
leurs lumieres pour le remplir avec
exactitude , il les invite à lui faire part
de leurs connoiffances dans l'Hiftoire , &
à lui communiquer les Memoires qu'ils
peuvent avoir , leur promettant de fa
part la plus parfaite reconnoiffance.
Le Libraire de PARIS qui entreprend
l'impreffion de cet Ouvrage , fatisfera
bien ceux qui fe donneront la peine de
faire quelques recherches utiles & conNOVEMBRE.
1926. 2525
formes à l'idée de l'Auteur , & au plan
de cet Ouvrage.
On recevra les Memoires , Eclairciffemens
, Anecdotes , & autres Pieces fur
l'Hiftoire Litteraire , dont on fera fidellement
ufage. Et pour la fatisfaction de
ceux qui voudront travailler des Memoires
& Pieces entieres , l'Auteur confent
que leurs Ouvrages foient imprimez
fans y rien changer, & avec leurs noms ,
pourvû que cela fe puifle , & ne dérange
rien dans fon deffein .
sy
Il faudra s'adreffer pour cet Ouvrage
au Libraire de PARIS , dont l'adreffe eft
cy-deffus , à qui on prie d'envoyer les
Memoires , ou bien à Amfterdam, a Hermam
Vytvverf, Libraire , chez qui on
trouvera auffi ce Livre dès qu'il fera
imprimé.
Jacques Vincent , Imprimeur Libraire
à Paris , imprime l'Hiftoire de la Medecine
depuis Gallien . Cet Ouvrage a fait
beaucoup de bruit en Angleterre , où il
s'en eft fait plufieurs Editions dans une
même année. On a traduit cet Ouvrage
en François. M. Freind , qui en eft l'Auteur
, a revû la Traduction qui a été
faite fous les yeux . Il ya ajoûté beaucoup
d'Obfervations , qui rendront l'Edition
Françoife encore plus parfaite que l'OF
vj riginal..
2526 MERCURE DE FRANCE.
"
riginal. On lui a donné une forme fem .
blable à celle de la derniere Edition de
M. Le Clerc.
On vient de réimprimer les deux
Inftructions Paftorales fur les Promeffes
de Jefus-Chrift à fon Eglife , par feu M.,
Bolluet , Evêque de Meaux . A Paris
che Deluffeux , rue S. Etienne d'Egrès .
On a commencé dès le mois de Mai de
cette année 1726. d'imprimer à Londres
en deux vol . in fol. le veritable Etat de
la France , dans lequel on voit tout ce
qui regarde le Gouvernement Ecclefiaftique
, le Militaire , la Juftice , les Finances
, le Commerce , &c. & en general
tout ce qui peut faire connoître à fond &
en détail cette Monarchie : extrait des
Memoires dreffez par les Intendans du
Royaume par l'ordre du feu Roi , & à la
follicitation du Duc de Bourgogne . Par
M. le Comte de Boulainviliers , auquel
on a joint des Memoires abregez fur l'ancien
Gouvernement de la France , par le
même Auteur .
On mettra à la tête de cet Ouvrage
une Carte nouvelle & exacte de la France
, divifée dans toutes fes Generalitez.
Cette Carte fe fait à Paris par M. d'Anville
; Geographe ordinaire du Roi. On
la
NOVEMBRE. 1726. 2527
la promet plus exacte & plus précife
qu'aucune qui ait paru jufqu'à préfent.
L'exactitude de cette Edition , la beauté
du papier & du caractere ne feront pas
un petit avantage à un Ouvrage auffi
utile au Public.
Cet Ouvrage fera achevé d'imprimer
en Mars prochain , & les Soufcriptions
fe recevront à Londres jufqu'en Janvier
chez les Sieurs Dunoyer dans le
Strand , à l'enfeigne d'Erafme. Les Freres
Inniff , vis - à - vis faint Paul . Rocairol
, près de Leiceſterfields. Pierre Co- .
derc dans Little Nieuport - Street &
Jackfon , dans le Pallimall , près de faint
James.
FIGURES de differens caracteres , de
Payfages & d'Etudes , deffinées d'après
Nature . Par ANTOINE WATTEAU ,
Peintre du Roi en fon Academie Royale
de Peinture & de Sculpture , gravées à
l'eau-forte par les plus habiles Peintres
& Graveurs du temps , tirées des plus
beaux Cabinets de Paris. Tome premier, in
fol. A Paris , chez Audran , Graveur du
Roi , en fon Hôtel Royal des Gobelins ;
& chez F. Chereau , Graveur du Roi
rue faint Jacques, aux deux Pilliers d'Or.
1726. Prix 48. liv.
Voici un grand Ouvrage que les Cu
rieux
2528 MERCURE DE FRANCE.
rieux en Peinture & en Estampes atten
dent avec beaucoup d'impatience. Il y a
tout lieu de croire qu'ils feront extrêmement
fatisfaits du foin & de l'habileté
des Graveurs , qui ont confervé par tout
l'efprit , le feu , la fineffe & l'elegance
du deffein des airs de tête , & c . &
ce je ne fçai quoi de galant , de vif,
& de vrai qui picque fi agréablement
les gens de goût , & qui caracteriſe
les Ouvrages du celebre Watteau , qu'on
eftime & qu'on recherche de plus en plus
avec une grande avidité..
Qui doute que ce Recueil ne foit infiniment
agréable au Public , qui pour une
fomme modique pourra fatisfaire fa curiofité
au défaut des Originaux , & pofle
der les plus beaux Ouvrages de cet habile
Maître.
Ce Volume , qui fera fuivi de quelques
autres , où l'on trouvera l'Oeuvre entier
deWatteau, eft compofé de 108.pages qui
font 133. Planches , fans y comprendre
l'abregé de la Vie de l'Auteur , fon Epitaphe
en Vers Latins , d'une excellente
main , & la Traduction en Vers François ,
qui fait fentir bien des beautez de l'Oririginal.
La voici.
EPITAPHE
NOVEMBRE. 1726. 2529
༦ ༩༠
EPITAPHE DE WATTEAU ,
PEINTRE FLAMAND.
SI l'aimable vertu pour ton coeur eut des
charmes,
Si de l'Art du Pinceau tu fentis les attraits ,
Du celebre Watteau confidère les traits
P
Et les honore de tes larmes.
no zulg sh M
Noble dans fes Contours , correct en fes
Deffeins, lisino
Il fçût rendre à nos yeux la Nature vivante
* }
Tel autrefois Apelle à la Grece fçavante
BAJO Montra fes Chefs-d'oeuvres divins .
讚
2 303
Heureux en s'écartant du fentier ordinaire ,
Sous des Groupes nouveaux il fit voir les
Amours ,
Et nous reprefenta les Nymphes de nos jours
Auffi charmante qu'à Cythere.
Sous les habits galants du fiecle où nous vi
vons ,
J
Si-tôt qu'il nous traçoit quelques dances nouvelless
Les
1536 MERCURE DE FRANCE .
Les Graces à l'envi de leurs mains immor
telles
Venoient conduire fes Crayons.
諾
Avec quelle élegance , au fond d'un Payſage
Plaçoit - il les Forêts , les Grottes , les Hameaux
,
On croyoit voir encor ces fertiles Coteaux
Si chers aux Dieux du premier âge.
3
Quelque nom qu'il s'acquit par ces rares
talens ,
'
Ce nom, par fes vertus , fut encore plus illuftre
;
peine à la moitié de fon huitiéme luftre ,
La mort vint terminer les ans.
諾
Son efprit plein de feu , dès fa tendre jeunefe
A de longues douleurs affujettit fon corps ,
Une nolte Phtifie en ufa les refforts .
Et mêla fes jours de trifteffe.
Mais que fert de former d'inutiles regrets !
Il vit dans fes amis , il vit dans fes ouvrages .
De
NOVEMBRE. 1726. 253.T
De ma vive amitié ces Vers feront les ga
ges,
Je les lui confacre à jamais.
M. l'Abbé Fremy , Auteur de la Differta
tion préliminaire , ou Effai d'une nouvelle Me
thode pour l'explication des Auteurs Latins ,
& pour la compofition des Themes , à la faveur
d'une Regle monofyllabique , & de certains
Hieroglyphes qui foulagent la memoire
& covient de faire voir à plufieurs Sçavans ,
tant par theorie que par experience , que deans
il
les idées
avantageufes qu'oup encheri fur
a découvert qu
de cette :
Methode les Journaux de Paris & de Trevoux.
Il a fe prêtoit à plus
de so. Operations grammaticales , que tout
Septiéme pouvoit executer lui feul & par luimême.
Par là , il prétend exempter les Maîtres
d'entrer dans une infinité de minuties &
d'ennuyeux détails qui confomment leur tems,
épuifent leur patience , & font les fources
trop ordinaires des larmes des Ditciples , &
de ne leur laiffer que la flatteufe occupation
qu'il defigne dans fon Livre , qui eft » de
produire leur érudition , afin d'étendre les
» idées naiffantes de leurs Eleves , tantôt par
l'expofition des principes du Chriftianilines
tantôt le recit d'un fait hiftorique ....
par
Enfin , par mille curieutes remarques , qui
» en réveillant l'attention des Difciples , fer-.
viroient à faire fentir la force des expref-
» fions & la beauté des pensées d'un Auteur ,
avec la jufte application qui s'en pourroit
faire, pour former le coeur & l'efprit .
D2
ל כ
95
3
A l'égard de ce grand nombre d'Operations
7
2532 MERCURE DE FRANCE.
tions de Grammaire , M Fremy en démontre
fix chofes. 1. Qu'il n'a point encore paru
de Methode qui ait fuffi au plus fpirituel
Difciple , pour faire une feule de ces Operations
fans le fecours d'un Maître , du moins
avec autant de facilité & de préciſion . 2.
Que cette facilité de faire fans Maître ces
Operations eft abfolument neceffaire , fi avec
M. Rollin on fuppofe , comme la raifon & la
bonne éducation le demandent , que la prin .
cipale fonction des Maîtres doit être d'enſeigner
les Belles- Lettres par rapport à l'efprit
& au coeur. Autrement il affure qu'il fau
droit au moins deux Maîtres pour chaque
Ecolier. 3. Que de ces so . Operations , qui
fuivant la Methode ordinaire , exceptoient
chacune pour être pratiquée des expediens
particuliers & penibles , il s'en trouve 40.
réunies dans une feule , qui eft fi facile , ditil
, qu'il fuffit de fçavoir fire pour l'exécuter ,
dautant qu'elle bannit la peine & les dégouts,
que les commençans furtout éprouvent
chercher dans les Dictionnaires les plus commodes.
4. Que ces Operations renferment
toutes les voyes les plus naturelles & les plus
courtes , qu'il femble qu'on puiffe imaginer,
pour apprendre une Langue qui n'eft plus
vivante , & que leur totalité peut fervir de
regle certaine pour apprecier chaque Metho
de écrite en ce genres . Que cette Metho
de eft toujours accompagnée d'une espece de
démonftration proportionnée à la capacité
des moins intelligens , tant pour enfeigner les
autres , que pour apprendre foi - même : enſorte
que dès la premiere Leçon on peut être
également Maître & Difciple , à commencer
par l'Auteur le plus difficile comme par le
plus aifés Perfe & Tacite le trouvant , pour
ainfi
NOVEMBRE. 1726. 25338
ainfi dire , de niveau avec Phedre & Eutro-.
pe. Le tout affaifonné d'une maniere fi intereffante
, que l'étude de la Langue Latine eft
moins pour toute forte de perfonnes de l'un
& de l'autre fexe , de quelque âge qu'elles
foient , une occupation ferieufe , qu'un amufement
des plus recreatifs . 6. Qu'il n'eft
befoin que d'une demi heure pour convaincre
de l'efficacité de cette Methode le fçavant
ou le non fçavant le plus incredule.
Il faut efperer qu'enfin M. Fremy dévelop- ,
pera bien- tôt tout le fyftême de cette Methode
, qui pourra être utile aux Belles- Lettres
, & d'un grand foulagement pour la
jeuneffe dans fes études , fi tout ce que l'Au
teur vient d'en dire eft bien veritable .
9 490
Nous avons donné dans le Mercure
du mois d'Avril dernier , l'Eloge de
M. le Cerf de la Vieville , Garde des
Sceaux du Parlement de Normandie. Le
R. P. le Cerf, Religieux Benedictin de
l'Abbaye de Fecamp , Auteur de cet Eloge
, & digne frere de feu M. de la Vieville
, en nous faifant l'honneur de nous
écrire depuis peu fur un autre fujet ,.
nous marque qu'il s'eft gliffé une erreur
de datte confiderable dans cet Eloge
: il eft dit , page 678. du Mercure ,
que le Roi Charles IX. donna des Let .
tres de Nobleffe à Pierre le Cerf , if
falloit dire Charles VII . Cette erreur
faure aux yeux , & fe rectifie • pour
ainfi dire , d'elle- même dans la même
page,
2534 MERCURE DE FRANCE .
page , où il eft dit , que ces Lettres de
Noblefle font dattées de l'an 1449. Nous
fommes au refte bien mortifiez de ne
pouvoir pas imprimer ce que le R. P.
le Cerf vient de nous envoyer : l'exacte
neutralité qui nous convient , & que
nous avons refolu de garder dans les
conteftations littéraires qui s'élevent entre
les Auteurs , ne nous permet pas
de fuivre l'inclination que nous aurions
de lui faire plaifir en toute autre oc
cafion.
Le Mardi 12. de ce mois , à l'Affem
blée publique de la rentrée de l'Acadé
mie Royale des Infcriptions & Belles-
Lettres , où il y eut un fort grand concours
, M. l'Abbé Gedouin ouvrit la
Scéance , par la lecture d'une Differtation
fur le bon goût dans les Ouvrages
d'efprit. Il prouva que le goût naturel ne
peut acquerir toute fa perfection en fait
de Pocfie & d'Eloquence , que par la
lecture des anciens , comme Homere ,
Virgile & Cicerón , & que tous ceux
qui fe font écartez de ces Modeles ,
modernes & autres , n'ont employé qu'un
goût mefquin ou defectueux dans leurs
Ouvrages. Le ftile ou le fujet de cette
Differtation firent beaucoup de plaifir .
Le
NOVEMBRE. 1726. 2535
Le R. P. Dom Bernard de Montfaucon
, Benedictin , lut enfuite une Dif
fertation fur le Nimbus des Anciens
Cercle lumineux
A
ཇ་
ou Couronne à
ou
rayons , qu'on voit aux Portraits de
quelques uns de nos premiers Rois fur
deur Monnoye. Les Payens mettoient
cette Couronne autour de la tête de leurs
Divinitez , & les Romains en ornoient
les têtes des Empereurs , fur leurs Médailles
, après leur confecration , furtout
celles des Empereurs du bas Empire. Ce
même Cercle a été employé dans le
Chriftianifine , autour de la tête de Jefus-
Chrift , des Martyrs , & des Saints
dans leurs Images . Ce Difcours , appuyé
de preuves & d'exemples , tirées de
'Antiquité & de notre Hiftoire , étoit
rempli de recherches très- fçavantes &c
très-curieufes .
Cette Scéance finit par une Differtation
de M. l'Abbé Sallier , fur l'origine,
le progrès , & le caractere des Parodies
, chez les Grecs , chez les Romains
& chez les François . Il donna des regles
pour la compofition de ces fortes
d'Ouvrages. Ce Difcours , qui a paru
très- curieux & très - bien écrit , fut generalement
applaudi .
Le Mercredi 13. l'Académie Royale
des
2536 MERCURE DE FRANCE .
des Sciences tint auffi fon Affemblée publique.
M. de Fontenelle lut d'abord l'Eloge
de feu M. de Lifle , aflocié Aftronome
, & premier Geographe du Roi ,
connu par les grands talens pour la Geographie
ancienne & moderne. Enfuite
M. de Mayran lut les obfervations qu'il
avoit faites en Normandie de deux Phenomenes
, ou Lumiere , Boreale , l'une
du 26. Septembre , & l'autre du 19 ,
Octobre de cette année. M. Gaudin lut
auffi celle du dernier qu'il avoit faite à
l'Obfervatoire Royal , & donna fes
conjectures pour expliquer la caufe de
ce Phenomene. M. Bolduc , le fils , fi
nit la Sceance par la lecture d'un Memoire
, dans lequel il donna une nouvelle
Analyſe des nouvelles Eaux minerales
de Paffy.
M. l'Abbé Bignon , qui préfida à
P'une & à l'autre Académie , réfuma à
la fin de chaque lecture ce qui avoit
été dit , il parla avec beaucoup d'éloquence
& de précifion , donnant aux
Académiciens qui avoient parlé , les
Eloges convenables à leurs Ouvrages.
On mettra dans le prochain Mercure
les Extraits de ces Differtations.
On
NOVEMBRE. 1726. 2537, -
Ouverture du College Royal
Les Profeffeurs du College Royal de
France , fondé à Paris par François 1 ,
ont repris leurs Exercices , & commencé
leur Année Académique le Lundi
18. de ce mois Voici les noms des Profeffeurs
qui rempliffent actuellement les
Chaires de ce fameux College . ece
Pour la Langue Hebraïque,
Mrs Sallier & Henry.
Pour la Langue Grecque,
Mrs Capperonnier & N *
Pour les Mathematiques .
Mrs Chevalier & Pothenot , en l'abfence
de M. de Lifle , qui eft en Mofcovie.
Pour la Philofophie Grecque & Latine,
Mrs Terraffon & Privat de Molieres .
Pour l'Eloquence Latine.
Mrs Couture & Rollin.
Pour la Medecine , la Chirurgie , la
Pharmacie , & la Botanique.
Mrs Preaux , Andry , Geoffroy , & Bus
rette.
La Chaire de M. Boivin , mort depuis
peu, n'est pas encore remplie .'
Pour
2538 MERCURE DE FRANCE.
- Pour la Langue Arabe.
Mrs de Fiennes & E. Fourmont .
Pour le Droit Canon .
Mrs Capon & le Merre .
Pour les Langues Syriaque , Chaldaïque,
Ethiopienne , Copte , &c.
M. M. Fourmont.
Ecoles de Medecine.
Le Dimanche 17. du même mois de
Novembre , la Faculté de Medecine de
Paris , fit auffi l'ouverture de fes Ecoles.
On commença par un Difcours Latin
, qui fut prononcé par M. de la Hire,
Docteur Regent , Membre de l'Académie
Royale des Sciences , & c. L'Orateur
traita de l'utilité & de la neceffité
de la Géometrie , pour pratiquer la Medecine
avec fuccès . Le Difcours fut fort
gouté , & l'Orateur fut fort applaudi par
une nombreuſe Affemblée qui s'y trouva.
Le lendemain les Docteurs- Regens
qui profefferont cette année , commencerent
à donner leurs Leçons en cet ordre,
M. Brunet , la Pathologie.
M. de la Hire , la Phifiologie.
M. Bourdelin , la Chirurgie Latines
M. Mattot , la Matiere Medicale.
M. Mongin , la Pharmacie,
M. Coutier doit donner en Langue
FranNOVEMBRE
. 1726. 2539.
Françoife des Leçons de Pathologie Chirurgicale.
Les dernieres découvertes de M. du
Quet, intereffent les Proprietaires des Fo- .
rêts,parce que les Adjudicataires des coupes
de bois pourront les faire exploiter à
moindres frais , par le fecours d'un Moulin
à vent , établi fur une Charette
laquelle peut être fixée folidement au
vent dans la place la plus convenable ,
& la plus proche de la coupe . Outre
que ces fortes de Moulins à vent pourront
refendre le bois à bâtir , de même
que les Moulins à vent de Hollande ,
ils pourront auffi le tirer de bas en haut
par le fecours de leurs aîles , & d'une
corde pour le mettre à portée d'être refendu
en planches ou autrement par plufieurs
feuillets de fcies appliquées fur
une même monture. On pourra aufli
faire fervir ces Moulins , à faire mou-.
voir les outils neceffaires à faire du
merain , de la latte ; on les employera à
faire jouer les outils , à faire des fabots
des gamelles , des plats , des affiettes
& avec la faculté de pouvoir tranfplanter
ces Moulins par tout où le vent pourra
avoir fon action .
On peut avoir tous ces mêmes avantages
par le fecours d'une autre forte de
conftruction de Moulin à vent , dont
G chaque
9
2540 MERCURE DE FRANCE.
•
chaque piece fe démonte , pour être
transportée en détail , & pour être re ,
monté aux endroits où l'on jugeroit à
propos de l'employer.
On pourra deformais tranfporter vingt
ou trente cordes de bois , tout à la fois,
par le fecours de quatre chevaux feulement
, avec vingt ou trente Charettes
à vent , depuis le bord de la Forêt jufque
à la plus prochaine Ville , ou la plus
prochaine Riviere , furtout dans les Pays
où le vent pourra avoir fon action ; les
quatre chevaux ferviront à fortir le bois
de la Forêt , & à faire paffer ces Charettes
à vent les unes après les autres ,
aux endroits couverts où le vent ne pourroit
pas agir.
Des efpeces de tombereaux qui piquent
la terre & s'en chargent en marchant
, pour la porter d'un lieu à l'aufoit
par le fecours du vent , foit
par celui des chevaux , dans les lieux où
le vent ne peut pas agir.
tre ,
Ces fortes de tombereaux feront trèsutiles
& très- expeditifs , pour les deffeehemens
des marais , pour former des
canaux promptement , pour détourner des
Rivieres , pour faigner des foffez , même
pour apporter des fables ou autres
terres de la Campagne , dans les Villes
, & pour charger le fumier plus
prompNOVEMBRE
. 1726. 2541 .
promptement , & le porter de la Ferme
dans les champs.
Les pieces qui fervent à ces tombereaux
, réunillent en elles plufieurs avantages
confiderables ; elles pourront être
employées à labourer plus facilement
que par le foc de la charue ordinaire
parce que la terre fera coupée & retournée
, avec cet avantage , que deux chévaux
en feront autant que quatre pendant
le même temps.
Elles ferviront à nettoyer les Ports de
mer à moindres frais , & plus promptement
que par l'ufage des machines.ordinaires
, en les appliquant fur un veif
feau convenable , & en les Y confor
mant.
Elles feront très - neceflaires pour le
deffablement de la Riviere de Loire , &
pour toutes les autres Rivieres qui en
auront befoin. On en retirera aufli de
grands fervices pour les ouvrages des
Ponts , Chauffées & Levées , en y joignant
les autres découvertes mentionnées
ci- deflus.
Pour répondre à toutes les difficultez
qui pourroient fe prefenter à l'efprit de
ceux qui s'intereflent à ces differens travaux
, ou aux Curieux , l'Inventeur a
fait conftruire des modeles de ces découvertes
que l'on fait voir au Public
Gij moyen2542
MERCURE DE FRANCE.
moyennant une petite retribution de douze
fols par perfonne, pour payer le Commis
qui prendra le foin de les montrer,
& d'expliquer ce qui fera neceffaire. II
faut s'adreffer , rue de l'Arbre- fec , visà-
vis le petit Paradis , au premier Appartement.
Il y aura une Affiche à la
porte.
Le fieur de l'Erpiniere , âgé de dixneuf
ans , de la Ville de Poitiers , fans
avoir appris la Géometrie , ni rien qui
regarde les Sciences , a fait un allemblage
de dix-neuf machines differentes ,
telles qu'un Moulin à poudre , un Moulin
à papier , un Moulin à bled , un
Moulin à foulon , la Machine de Marly,
une Machine pour ramer , un Metier
pour la Toile, & c . qui toutes enfemble
travaillent par un feul mouvement.
Cet affemblage ayant été preſenté à l'Académie
Royale des Sciences , cette Compagnie
a jugé que comme l'Auteur n'a
pas eu la pratique en . vûë , & qu'il n'a
longé qu'à donner dans un modele portatif
, l'idée d'un grand nombre de Macines
differentes , il avoit fallu de l'induftrie
pour les difpofer de façon qu'une
feule Manivelle les fit toutes travailler
auffi facilement qu'elles font .
M.
NOVEMBRE . 1726. 2543
M. de Moz , Prêtre de la Communauté
de S. Sulpice , voulant fe rendre
utile à l'Eglife , a travaillé à un nouveau
Syſteme de Chant , beaucoup plus court ,
plus facile à imprimer & à pratiquer
que tous ceux dont on s'eft fervi jufqu'à
prefent. Il eft exempt de toutes les difficultez
& embarras des anciens , ne confiftant
que dans un feul principe qui conf
titue tout ce qui eft effentiel au Chant ,
fans aucun bouleversement de Notes ni
confufion de differens intervales , qui
arrivent très-fouvent dans les anciens &
fatiguent extrémement . On aura par ce
moyen le Pfautier ; l'Antiphonier , le
Proceffional , le Graduel , generalement
tout le Chant de l'Eglife , dans un petit
in douze , pour 40. fols , qui fervira em
même-temps de Diurnal.
On mande de Londres , qu'au fujet
d'un fameux Plongeur , qui a fervi à tirer
quelques tréfors que la Mer avoit engloutis
, quelques curieux fe font appli
quez à perfectionner les Machines dont
on peut fe fervir en pareille occafion :
on en a conftruit une qui peut contenir
diverfes perfonnes , qu'on baifle & qu'on
rehauffe , & qui peut être conduite fous
l'eau d'un endroit à l'autre , au gré de
ceux qui font dedans . On y peut condui
G iij
2544 MERCURE DE FRANCE :
re Fair , le rarefier & faire circuler fon
mouvement. On y peut refpirer pendant
tout un jour , auffi librement qu'en plein
air. On ajoûte qu'il y a des ouvertures
pour pouvoir agir & travailler fur ce
qu'on trouve de précieux , le tirer du
fond de la Mer.
L'Académie Royale de Peinture &
Sculpture a perdu M. Barrois , habile
Sculpteur , qui étoit Adjoint à Recteurs.
Il mourut le 10. de Sept. dern . & le 26?
fuivant elle élut à fa place M. Courton le
jeune, Sculpteur, dont la place de Profeffeur
a été remplie par M. Maffon , auffi
Sculpteur , & celle d'Adjoint à Profeffeur
de ce dernier , par M. d'Ulin , Peintre.
1.24
La République des Lettres a perdu
M. Boivin , Garde de la Bibliotheque
du Roy , Profeffeur Royal en Langue
Greque , l'un des Quarante de l'Acadé
mie Françoife , & Penfionnaire de celle
des Infcriptions & belles Lettres , qui
mourut à Paris le 29. du mois dernier ,
âgé d'environ 65. La place de Garde de
la Bibiotheque du Roi , vacante par cette
mort , fut donnée le z . de ce mois à M.
Sallier , Profeffeur Royal en Langue Hébraïque
& Affocié de l'Académie Royale
des Inferiptions & Belles- Lettres.
CHANmbre
1726.
1
C.
LIN
Lo
THE NEW
YORK
PUBLIC
LIBRARY
.
ASTOR, LENOX AND
TILDEN FOUNDATIONS
,
3 J
NOVEMBRE. 1726. 2545
*******************
CHANSON EN MUSETTE .
DA
Ans nos Hameaux tout nous engage
A chanter de l'Amour les invincibles
traits 3
Sans en connoître l'efclavage ,
Sans ceffe nous goûtons fes plus tendres are
traits.
с
Toujours heureux .
Et toûjours amoureux ,
Nous paflons nos jours fans tourment.
Plaifirs des Dieux ,
Plaifirs délicieux ,
Coulez plus lentement.
Tranquille à l'ombre d'un Ormeau y
Le Berger fur fon Chalumeau ,
Repette à chaque inftant :
Douce felicité,
Charmante volupté ,
Coulez plus lentement.
Dans nos Hameaux , & c.
G iiij
SPEC
2546 MERCURE DE FRANCE:
L
SPECTACLES.A
' Académie Royale de Mufique continue
les Repreſentations de Pirame
Thibé, avec grand fuccès. C'eft un
magnifique Spectacle. Le Public goûte
de plus en plus la Mufique des fieurs
Rebel & Francoeur, qui en font les Auteurs
, & il attend de ces jeunes gens ,
qu'ils foutiendront la réputation qu'ils
fe font faite dans ce premier Ouvrage.
Le fieur Pecour , dont le génie n'a jamais
été plus fécond , a compofé fes Balets
de la maniere du monde la plus variée ,
la plus noble & la plus propre à chaque
caractere. La Demoiſelle Prevôt y danfe
plufieurs Entrées avec le fieur du Moulin,
d'une maniere inimitable . On ne sçauroit
defcendre dans le détail de tous ceux
& celles qui s'y diftinguent , on ne peut
neanmoins s'empêcher de faire remarquer
le plaifir que fait le fieur Blondi en
danfant fur la Chaconne , qui eft un des
plus beaux morceaux de Symphonie qui
ait paru depuis long - tems à l'Opera. Il y
a d'autres Airs de Violon d'une grande
beauté , & de beaux Choeurs , fur tout
celui du fecond Acte .
On
NOVEMBRE. 1726. 2547
On donnera l'Opera de Proferpine
après celui- cy.
EXTRAIT de la Comedie nouvelle de
la Chaffe du Cerf. 2
N a rendu compte dans le Merdu
mois pallé de la maniere
donc
piece
a été
reçue
du
Public
à la premiere Répreſentation . Pour laiffer
au Lecteur la liberté de juger fi elle
a mérité un meilleur fort , nous nous
contenterons d'en donner icy un Extrait
fuccinct & defintereffé.
Premiere Entrée.
Le Theatre reprefente une Foreft ou
Diane permet que le Prince Acteon vienne
chaffer avec fa fuite . L'Amour n'y
trouve pas le même accès ; c'eft lui qui
ouvre la Scene ; il fait entendre aux Spectateurs
, qu'il ne s'y eft introduit que furtivement
& à la faveur des Faunes &
des Sylvains , qui ont pris foin de dérober
cette efpece d'irruption aux yeux de
Diane & de toutes fes Nimphes. Il fait
un monologue , dans lequel on apprend
qu'il a déja rendu Zacorin amoureux de
Lucinete : celle- cy eft une des Nymphies
de Diane celui -là eft le Fol du Prince
G v Ac
548 MERCURE DE FRANCE
4
"
Acteon . Ce n'est là que le prélude de
ce que l'Amour veut faire ; il prétend ,
pour le vanger de l'infenfibilité d'Acteon
, rendre ce Prince amoureux de
Diane. L'approche de quelques Chaffeurs.
de la fuite d'Acteon , ou plutôt le deffein
qu'il a formé fur le coeur d'Acteon , l'oblige
à fe retirer . Dans les Scenes fuivantes
on parle d'une Chaffe dans les
termes de l'Art. Acteon vient tout éperdu
, il dit que l'Amour a triomphe de
fon coeur , par les yeux de Diane : Za
corin lui apprend qu'il eft dans le même
cas que lui , & qu'il aime Lucinette. Zacorin
refte feul . Ses ennuis amoureux
ou fa laffitude , le forcent à gouter les
douceurs du fommeil. A peine s'eſt - il
jetté fur un lit de gazon , que l'Amour
vient & commande aux fonges de lui
prefenter l'image de Lucinette. L'Auteur
à tâché de juftifier cet emploi , auquel
l'Amour s'abbaiffe , en lui faifant dire :
que les plus grands Dieux fe plaifent
quelquefois à defcendre à des foins qui
regardent les plus fimples Mortels . Čes
fonges font une espece de Parodie de
ceux d'Atys , en retranchant ce qu'il y
a de funefte dans ces derniers . Dromon ,
Garde- Chaffe de Diane , arrive ; il cherche
un Singe qui a difparu depuis quelques
jours. Zacorin fe rellouvient que
les
NOVEMBRE. 1726. 2549
les Chaffeurs d'Acteon en ont tué un à
peu près depuis le même temps , dont
ils ont confervé la peau , ce qui lui inf
pire un deffein qu'il execute dans la feconde
Entrée .
Seconde Entrée.
"
Diane ouvre la Scene , fuivie de fes
Nymphes , à qui elle recommande de
fuir l'approche des Chaffeurs d'Acteon
& même celle des Dieux des Forêts. Ces
Nymphes ont beau lui réprefenter qu'elle
porte trop loin l'averfion qu'elle a
pour l'Amour ; elle perfifte dans fa réfolution
, & promet , en quittant fes Nym
phes , un prix à celle qui dira le plus de
mal de l'Amour. A peine s'eft - elle retirée
, qu'elles murmurent toutes contre
fa feverité. Elles regrettent fur tout
un Singe , qu'elles ont perdu & qui les
amufoit. Elles font agréablement furprifes
'de voir für des arbres un animal qui reffemble
à leur Singe. C'eft Zacorin qui
s'eft couvert de fa peau pour tromper
Lucinette, fous cette forme nouvelle. On
P'appelle : il vient à la voix de Lucinette ;
con lui fait faire fes exercices ordinaires ;
mais par malheur Dromon , qui fuivi
d'une troupe de Valets , cherche le Singe .
perdu , arrive & fe faifit du pauvre Zaco-
Gvj rin ..
2550 MERCURE DE FRANCÈ.
rin. Le faux Singe , qui s'eft déja fait
connoître à Lucinette , prie Dromon de
le remettre en liberté . Dromon n'y confent
pas ; Zacorin fe fauve malgré les
foins de la fuite de Dromon. Les Nymphes
de Diane reviennent & font le divertiffement
de cette feconde Entrée.
Elles danfent & chantent : leurs chants
font tels que Diane les leur a preferits .
L'Amour ne tarde pas à en tirer raiſon . 11
vient , fuivi d'une troupe de Faunes &
de Sylvains. Il enchante fi bien les Nymphes
qu'elles fe livrent à ees Dieux des
Forêts .
Dans une des Scenes précedentes Acteon
a prié Dromon , fon ancien Domelque
, de parler de fon amour à Diane ,
il s'en eft chargé à recret . Zacorin lui a
demandé la même grace auprès de Lucinette
, il s'en eft mocqué, il a decouvert
à Diane l'amour qu'Acteon à pour elle.
Dianne irritée , lui a ordonné de dire à
fon ancien Maître , que fi , elle entend
jamais parler de fa témerité , elle en fera
un exemple terrible. Dromon veut fe
vanger für Zacorin du mauvais fuccès
de fa commiffion ; il lui dit que l'affai
red' Acteon ya à merveille , & qu'ils n'ont
tous deux qu'à fe prefenter à Diane &
à Lucinette pour en être parfaitement.
bien reçûs. Peut - être l'ordre des Scenes
n'eft
NOVEMBRE. 1726. 255x
n'eft bien obfervé dans cet Extrait ;
pas
mais comme la Piece a été réformée & réduite
à deux Entrées l'ordre n'a pas fubfiftétel
qu'il étoit aux deux premieresreprefentations
& peut nous avoir trompé.
Troifiéme Entrée.
Diane apprenant de deux de fes Nymphes
la victoire que l'Amour vient de
remporter fur leurs Compagnes , eft fort
irritée.Zacorin trompé parDromon , vienť
avec une grande fecurité lui demanderLucinette.
La Déelle veut l'en punir avec
la derniere feverité , mais les deux Nymphes
demandent grace pour ce malheu
reux & l'obtiennent ; elles confeillent à
Dianne d'aller fe mettre au bain ; elle
y va : Acteon vient & demande à Zacorin
en quel lieu peut être la Déelle.
Zacorin n'ofe lui indiquer l'endroit cu
il peut la trouver , de peur d'expofer fon
Maître à quelque funefte fort ; mais Acteon
lui parle d'un ton fi abfolu , qu'il eft
forcé de lui obéir . Acteon court à la Fontaine
où Diane fe baigne avec fes Nymphes
; Zacorin n'ofe l'y fuivre, il tremble
pour lui-même. Un moment après il entend
un grand cri qui lui annonce qu'Ac
teon a trouvé ce qu'il cherchoit . Ce Prince
revient avec un bois deCerf fur fa tête.
Charmé
1
2554 MERCURE DE FRANCE .
Zoraïde , fille de Zoroastre , La Dille'
Lalande.
Thifbé , Amante de Pirame , Le Chan
teur en femme.
Zoroastre , Sorcier , Le fieur Riccoboni ,
fils.
Troupe d'Efclaves,
Troupe de Sorciers & de Sorcieres.
Troupe de Poëtes & de Muficiens .
Les cinq Actes de l'Opera qui a don
né lieu à cette Parodie , y font fuivis
pied à pied , & reduits à un : le même
fond fubfifte. Ninus , Chef de Flibuf
tiers , devient Amoureux de Thyfbé ,
malgré fon premier engagement avec
Zoraïde , fille du Sorcier Zoroaftre. It
declare fon amour à fa nouvelle Maîtref
fe en prefence de Pirame ; & comme ce
dernier ne répond que par monofyllabes ,
Ninus lui reproche fa taciturnité ; dont
Pirame s'excufe fur le confeil que fes amis
lui ont donné , de ne guere parler. Nous
n'approfondirons pas le fens de cette réponfe
; on prétend que c'est une Epigramme
des plus vives ; mais ce n'eft
nous à mettre au fait ceux qui n'y
font pas Ninus donne une Fête à Thylbé
ceux qui la compofent font des Élclaves
. Leur Chef chante ces paroles ,
fur l'Air du fecond Acte de l'Opera en
pas
à
queſtion.
NOVEMBRE . 1726. 2555
queftion. Laiffons - nous charmer , & c.
Que de nos tranſports
Naiffent des accords
Qui furpaffent Lully
En vif , en joli ;
Si par fois nos vers
Vont un peu de travers ,
Un bon air à danfer
Les fait paffer.
La Mufique ,
Quoi qu'antique ,
Par nos foins fe recrepit
Et la Mufe ,
La plus bufe ,
Peut plaire en dépit
Méme de l'efprit .
Que de nos tranſports , &e.
Un Spectacle parfait
Ne va point fans ballet ;
Que furtout ici l'entrechat brille ,
Que la Fille ,
Y fautille,
4556 MERCURE
DE FRANCE,
Et nous faffe voir
Tout fon fçavoir.
Que de nos tranfports , &c.
Dans le refte de cette Parodie il yy a
beaucoup de Vers de l'Opera employez
quelques -uns le font affez heureufement,
& portent le trait de Critique. Nous
avons déja dit que l'action marche à peu
près comme à l'Opera ; c'eft pourquoi
on ne juge pas à propos de la fuivre exactement.
Nous ne pouvons pas nous difpenfer
de dire un mot en paffant , au fu
jet de la Chaconne de Pirame & Thylbé
; quoique ce foit un morceau de Symphonie
, dont tout le monde a été enchanté
, il n'a pas été respecté par la Parodie
; on a fubftitué à fa place une Chaconne
des plus ufées , où les Baffons ont
tenu lieu de Baffes, de Violon , comme
dans celle de l'Opera ; mais on s'eft trompé
, fi l'on a crù faire entendre par là ,
que les Baffons font tout le prix de celle
des fieurs Francreur & Rebel . Le Pu
blic trouve qu'elle brille par mille autres
endroits , & tout Paris leur rend
encore , malgré la Parodie , toute la juftice
qui leur eft dûë.
Zoroastre vient au fecours de Pirame
emprifonné ; il defcend dans un Char ,
fur
NOVEMBRE. 1726. 2557
2
fur lequel on lit cette Infeription : Le
Lanterne magique. Pirame paroît au travers
d'une grille , & prie Zoroaftre de
prendre garde , en détruifant la Tour
de l'écrafer fous les ruiness il le fupplic
auffi de ne point faire danfer les Sorciers
& les Sorieres de fa fuite , párce
que , s'ils commencent une fois , ils ne
finiront point on a prétendu par là critiquer
la longueur & la multiplicité des
danfes de l'Opera nouveau . Zoroastre ,
après avoir delivré Pirame , lui confeille
de fuir avec Thyfbé , pour le dérober
à la pourfaite de Ninus. Ils fuivent
fon confeil. Thyfbé arrive la premiere
au rendez- vous . La catastrophe eft la
même que dans l'Opera , avec cette difference
, qu'on y voit un Cerfau lieu d'un
Lion . C'est un Cerf , dit un des Acteurs
, échappé du Faubourg Saint Germain.
On a bien entendu que ce trait
de Critique portoit fur la Comedie qui
2 pour titre la Chaffe du Cerf. La piece
finie par la refurrection de Pirame , fuivie
d'une Fête , dont les Acteurs chantans
& danfans , font Poëtes & Muficiens.
On les reprefente comme des malheureux
qui meurent de faim , & qui
invoquent Cerès , fous le nom de Déeffe
de Goneffe. Il n'y a prefque point de Piece
où les Poëtes ne foient avilis ; mais ce
qu'il
2558 MERCURE DE FRANCE.
qu'il y de furprenant, c'eft que cet avid
liffement eft l'Ouvrage des Poëtes mê
mes,
On ajoûtera ici quelques Couplets ré
pandus dans la Parodie qui ont été applaudis.
Dans la feconde Scene , entre
Ninus & Pirame..
Ninus , Air des Trembleurs
Elevé dans les allarmes ,
Dans le tumulte des Armes ,
Je ne goutois point les charmes ,
Qu'un tendre amour nous produit ;
Mais en mettant pied à terre ,
J'ai vu la fille du frere ,
De la femme de mon pere
Ma coufine autrement dit.
Pirame & Thyfbé , Duo , fur l'Ais
des Frailes.
Amufons -nous à pleurer ;
Puifqu'Amour nous affemble .
On ne peut nous envier
Le plaifir de foupirer
EaNOVEMBRE,
1726. 2559
Enfemble , enfemble , enfemble, ..
Thyfbé pendant la nuit , fur l'Air ,
Roffignolet d'un vert Boccage.
Amour , que ton flambeau me guide
Dans ce moment ,
Conduis une fille timide ,
Vers fon Amant,
Pirame , après avoir tué le Monftre , Juv
Air , Lâche la bride à fon Bidet,
Thyfbé , Thyfbé ,
Qu'êtes - vous devenuë ?
Thyfbé , Thyfbé ,
Offrez- vous à ma vûë?
A force de crier ,
Thyfbé , Thyfbé ,
Thyfbé , je m'en vais m'enroüer.
Dans la même Scene , quand Pirame la
croit tuée par le Monftre , fur l'Air ,
Margot fur la brune.
Thyfbé fur la brune ,
Pour attendre fortune :
Thybe fur la brune ,
Jamais
2560 MERCURE DE FRANCE .
Jamais ne reviendra.
Mais fon Pirame ,
Par cette lamė ,
Toute fa flamme ,
Lui prouvera ,
En mourant comme à l'Opera. Il fe tue
en mettant fon coutelas jous le bras.
Thybe appercevant Pirame mort , Aie
du Confiteor.
Ciel ! quel objet frappe mes yeux !
Pirame.
Pirame.
Quelle voix m'appelle?
Thyfbé ; c'est vous , fort rigoureux !
Thyfbé.
"O Ciel ! quelle main criminelle ...
Pirame.
Je fuis venu trop tard tantôt.
Et je me fuis tué trop tôt.
NOU
NOVEMBRE. 1726. 2561
NOUVELLES DU TEMPS .
LE
TURQUIE.
Es Lettres du Levant portent que la conta
gion étoit entierement ceffée à Alexandrie
depuis le commencement du mois d'Août
dernier que tous les Etrangers qui s'étoient
barricadez dans leurs quartiers , pour n'avoir
pas de communication avec les Turcs, avoient
ouvert leurs Magafins , & recommencé leur
commerce ; & qu'on avoit fait la même chofe
à Rofette & au Grand Caire , d'où l'on mande
que le débordement du Nil avoit monté plus
haut cette année que la derniere : ce qui faifoit
efperer une meilleure recolte de bled en
Egypte. Ces Lettres ajoûtent que le Pacha qui
gouverne aujourd'hui , avoit réduit les Grands
du Pays à l'obéiffance du Grand Seigneur, par
de frequentes executions ; qu'il avoit reçu
l'argent & les munitions de guerre dont il
avoit befoin pour achever de foûmettre le
refte de la Baffe Egypte ; que cependant on
avoit toujours lieu d'apprehender une feconde
revolte au Caire , à caufe de la fuppreffion des
privileges des Habitans de cette Ville , ordonnée
par le G. S.
TRAS
2562 MERCURE DE FRANCE.
TRADUCTION de la Lettre écrite
par le Dey d'Alger aux Etats Generaux
des Provinces Unies , au fujet de la paix
conclue avec L. H. P.
Prince des Princes Abdi Pacha , Chef de
la Contrée Occidentale d'Alger .
Regents d'Hollande , nos grands Amis ,
Salut honorable de la part de l'excellent Seigneur
Abdi Pacha ( à qui Dieu donne profperité
) Chef & Regent de l'Oeconomie Mili
taire pour la garde & confervation de la Contrée
Occidentale d'Alger , ( Royaume de la
frontiere la plus reculée de la Haute Porte de
Sa Majesté notre Empereur Sultan Achmed
Chan ) que nous gouvernons par la grace de
Dieu & l'afitance de Sa Très- Haute Majefté
Imperiale , le refuge du monde , à qui Dieu
donne un long regne jufqu'au jour du Retour.
Dieu très-faint & très- haut nous accorde à
tous la profperité dans le bien. Amen.
Nos GRANDS AMIS ,
Comme par votre commandement huis
Vaiffeaux de Guerre font arrivez dans le Gouvernement
d'Alger , pour convertir l'inimicié
qui étoit entre nous , en amitié , paix & cons
Corde ; & que de la part de cette Regence ,
(par le confentement des Membres du Divan ,
des Janiffaires , de notre victorieufe Milice , &
autres fages & prudens Magiftrats ) on a été
d'accord d'avoir la paix avec vous nos amis :
A ces caufes , notre paix & notre amitié foit
avec
NOVEMBRE. 1726 2563
t
avec vous , & demeure conclue aux conditions
& articles ci - devant reglez par feu (Ali
Pacha , de bonne memoire , fous l'expreffe ftipulation
de toutes les chofes ci- devant promifes
à notre préfente Regence. Ainfi donc ,
nos Amis , le Dieu très - faint & très haut
veuille que la paix & l'amitie foit durable auffi.
de votre part. Amen.
Ecrite dans la Refidence confervée d'Alger ,
le 13. jour du mois Muharrem Elkaram de
T'année 1159. & de l'Ere de Jefus , fur qui foit
benediction , l'année 1726.
RUSSIE.
N continue les nouvelles levées pour
mettre quarante nouveaux Regimens fur
pied vers le Printems prochain , dont chacun
Tera compofé de 2000. hommes.
Le 28. Septembre , le Comte de Rabutin
Ambaffadeur de l'Empereur , ayant été averti
de fe trouver au Confeil particulier qui fe
tint ce jour là , S. M. Cz . y ratifia en la préfence
le Traité d'Alliance figné à Vienne par
fon Miniftré le 6. du mois d'Août dernier , &
qu'on vient de rendre public. Il contient une
obligation réciproque de travailler de concert
à chercher les moyens les plus efficaces de
conferver la paix dans l'Europe : une acceffion
formelle de la Czarine au Traité de Paix conclu
à Vienne le 30. Avril 1725. entre S. M. I.
& le Roi d'Efpagne ; une garentie fpeciale de
la part de cette Princeffe de tous les Royaumes
& Provinces poffedez actuellement par
1'Empereur en Europe une garentie reciproque
de la part de S. M. I de toutes les Provinces
poffedées pareillement en Europe par
la Czarine ; une promeffe mutuelle de fe fe-
H courir
2564 MERCURE DE FRANCE.
courir en cas d'attaque , & de ne point faire
de paix avec les agreffeurs , fans avoir tiré
raifon des dommages , ou fans l'approbation
& le confentement de S. M. Cz. une injonction
reciproque aux Miniftres des deux Puilances
contractantes , réfidens dans les Cours Etran
geres , de s'entr'aider mutuellement pour ce
qui concerne leurs interêts communs ; une
promeffe de n'accorder de part & d'autre aucun
refuge , fecours ni protection aux Sujets
rebelles , & de fe découvrir reciproquement
les deffeins des ennemis ; une promeffe de fe
fecourir en cas de guerre , & de fournir à la
premiere des deux Puiffances attaquée 30000
hommes de troupes reglées ; fçavoir 20000.
hommes d'infanterie , & 10000. dragons ,
pour la fubfiftance defquels il fera fait une
convention particuliere ; comme aufli de convenir
, en cas de guerre ouverte , des moyens
de repouffer l'ennemi commun , & de le chaffer
des Provinces où il pourroit s'être fair
paffage dans les premieres campagnes ; une
retraite affurée promife tant au nom de
l'Empereur que du Roi d'Efpagne dans tous
les Ports qui leur appartiennent dans l'Ocean
& la Mediterranée , pour tous les Vaiffeaux
de la flote que la Czarine pourroit mettre en
mer du confentement de l'Empereur. Il eft
auffi convenu par ce Traité , d'inviter le Roi
& la Republique de Pologne d'acceder à cette
nouvelle Alliance ; & en cas de refus de la
part de la Republique , d'engager le Roi à une
acceffion particuliere en qualité d'Electeur de
Saxe ; de la propofer pareillement aux autres
Puiffances , & de leur donner le terme d'une
année pour s'y déterminer, L'Empereur premet
d'employer fes bons offices pour que la
paix , qui n'eft pas encore bien affermie entre
,
la
NOVEMBRE. 1726. 2565
la Couronne de Suede & la Pologne , puiffe
devenir ferme & durable par la mediation de
la Czarine ; & de faire à l'égard du Duc
d'Holstein , tout ce qu'il peut exiger de S.M. I.
comme garante du Traité de Travendahl , tant
par rapport au Roi de Dannemarc , qu'aux
autres Rois ou Princes Etrangers qui font
obligez à la garantie du même Traité ; le tout
fuivant la convention particuliere qui a été
faite à ce fujet entre les Parties contractantes.
" ... Le Czarowits a repris fes Etudes , qu'il doit
encore continuer pendant deux ans , après
quoi il fera declaré Protecteur de l'Univerfité
& de l'Academie de Petersbourg..
POLOGNE.
Ans la féance du s . Octobre de la Diete
Dde Grodno , on convint , après beaucoup
de débats , que le Decret rendu contre la ville
de Thorn , feroit executé dans toutes fes par-
Sies : que les Lutheriens feroient obligez de
remettre les fonds appartenans à l'Eglife de
Sainte Marie , qui leur a été ôtée , & que le
Magiftrat feroit tenu d'admettre les nouveaux
Confeillers Catholiques .
Le 12. le Roi , après avoir pris les avis des
Senateurs Ecclefiaftiques & Seculiers , donna
le Baton de Grand General de l'Armée de la
Couronne à M. Rzewski , Palatin de Podlachie
, celui de Petit General , avec le Palatinat
de Mazovie à M. Chomentowski , Marechal de
la Cour , & la Charge de Caftellan de Cracovie
au Prince Wielnowieski.
Le Roi de Pologne ayant accordé à la requifition
des Nonces , un Diplome revocatoire
de l'Election du Comte Maurice de Saxe
, pour fucceder au Duc Ferdinand de Cur-
Hij lande ,
2566 MERCURE DE FRANCE.
lande , la lecture qui en fut faite le 9. Ocbre
dans la Chambre des Nonces , caufa une
joye univerfelle , & fut fuivie de plufieurs acclamations
de Vive le Roi enfuite on y lut
& on approuva le projet de l'incorporation
du Duché de Curlande à la République de
Pologne , au défaut d'heritiers mâles du Duc
Ferdinand , de la Branche de Ketllers , fans
préjudice de fes droits , poffeffions & libertez
, auffi long- temps qu'il vivra , en le déchargeant
, à caufe de fon grand âge & de
fes fervices envers la République , du devoir
de venir en perfonne faire hommage , fuivant
la teneur de la Conftitution de 1683. & lui
permettant de faire faire cet hommage par
un Plenipotentiaire.
Par cet Acte , la Chambre des Nonces réünit
à la Couronne de Pologne & au Grand-
Duché de Lituanie , le Duché de Curlande &
de Semigalle , & le Territoire de Plitten , comme
ils l'ont été de tout temps , avec leurs
dépendances & annexes. Elle déclaré que les
habitans des 60. Bailliages de ces Duchez
feront reçus comme Bourgeois inféparables de
la Pologne & du Duché de Lithuanie ; qu'ils
jouiront de tous les droits , libertez & Privileges
qui leur ont été accordez autrefois ,
& qu'ils feront protegez par la République
qui employera toutes les forces pour les deffendre.
Elle caffe & annulle toute entreprife
faite contre les deffenfes & Mandemens de
la République , & tous les Actes qu'une
Affemblée illegitime des Etats pourroit avoir
faits par rapport à une prétendue fucceffion
éventuelle , comme contraire à la Souveraineté
immédiate de la République . Elle permet
& aure aux Curlandois le libre exercice
de la Religion , fuivant la Confeffion
d'Aufbourg
NOVEMBRE. 1726. 2567
d'Aufbourg; promettant qu'aucun d'eux ne
fera forcé à le quitter , fans préjudice néan
moins du droit & exercice de la Religion
Catholique dans le Duché de Curlande , fuivant
qu'il eft prefcrit par la forme du Gouvernement
établi , & tels qu'ils font approu
vez par la Conftitution de 1676. Elle nomme
des Commiffaires pour éxaminer les demandes
& remontrances des Curlandois , touchant
divers Reglemens pour la direction interieure
du Pays & autres prétentions domestiques
& étrangeres , dont ces Commiffaires feront
tenus de faire rapport à la République. Elle
deffend à tous les habitans des Duchez de Curlande
, de Semigalle , & du Territoire de
Plitten , d'entretenir aucune correfpondance
avec les Miniftres Etrangers , de tramer aucune
entrepriſe au préjudice de la République,
directement ou indirectement , à peine d'être t
traitez comme criminels de leze Majefté , &
de haute- trahifon ,fuivant la rigueur des Loix , D
& en conformité de ce qui eft établi par le
Traité de Warfovie.
ALLEMAGNE.
meal deVienne, commence-
N apprend de Vienne qu'au commence
loredo , Grand- Maréchal de la Cour , alla
chez le Duc de Richelieu , Ambaffadeur Extraordinaire
du Roy T. Ch. pour lui dire que
l'Empereur avoit donné ordre que les Cavaliers
du Regiment de Vifconti , qui infulterent
il y a quelque temps la livrée de ce Duc ,
fuffent condamnez à être paffez par les baguettes,
l'affurant en même temps que S. M. I
ne demanderoit pas une plus grande fatisfaction
pour fon Aimbaffadeur , fi pareil cas lúi
Hij étoit
1568 MERCURE DE FRANCE.
étoit arrivé ; & que par confequent elle ne
croyoit pas pouvoir lui donner une plus grande
démonftration du chagrin qu'elle avoit de
tout ce qui s'étoit paflé . Sur cela , le Duc
de Richelieu pria le Grand-Maréchal de vouloir
obtenir de l'Empereur , à fa très - humble
demande , la grace des Soldats , & de faire
cet acte de clémence après celui de juftice qu'il
venoit d'ordonner , ce que le Grand - Maréchal
ayant promis de reprefenter à S. M. I,
il envoya deux heures après un Gentilhomme
au Duc de Richelieu , pour l'informer que
l'Empereur avoit accordé la grace qu'il avoit
demandée , laquelle ne fut annoncée aux Soldats
que dans le temps qu'ils alloient au fupplice
qui étoit déja préparé , tous les autres
Soldats étant rangez en haye pour l'execution.
Un Courier arrivé à Vienne de Stokolm ,
a rapporté que les Etats de Suede paroiffoient
difpofez à acceder au traité d'Hanover , com
me étant plus convenable à leurs interêts.
Le bruit court qu'on travaille à un projet
d'union de la Compagnie Orientale de Trieſte
avec la Compagnie d'Oftende , & que l'Empereur
fait negocier à Conftantinople une
Treve de plufieurs années avec la Regence
d'Alger.
ITALIE .
Es Lettres de Sicile font monter à deux
caufez
Palerme par le dernier tremblement de terre.
On a reçû avis que le Sénat de Palerme
avoit fait publier une Ordonnance , par laquelle
il eft enjoint à tous les habitans de
faire reconstruire o réparer inceflamment les
maifons qui ont été abbatues ou endommagées
NOVEMBRE . 1726. 2569
gées par le dernier tremblement de terre ;
qu'après le terme indiqué , elles feroient regardées
comme abandonnées , & que le Sénat
devenant proprietaire du fond , fera faire les
réparations à fes frais.
On apprend de Rome , que le 28. de Sep
tembre dernier , le Chevalier de Saint- George
qui étoit revenu la veille d'Albano , alla au
Monaftere de Sainte Cecile , rendre vifite à
Ja Princeffe Clementine Sobieska , fon époufe
, & le z. d'Octobre il partit de Rome pour
fe rendre à Bologne , dont fes deux Fils
avoient pris la route deux jours auparavant,
La Chambre Apoftolique a fait retirer du
Palais du Chevalier de Saint- George tous les
meubles , dont le Pape Clement XI . lui avoit
donné l'ufage , ce qui fait croire qu'il ne reviendra
pas fi - tôt.
Les Lettres de Venife du 12. Octobre portent
que le 7. le Doge , accompagné de la
Seigneurie & du Nonce du Pape , alla tenir
Chapelle , felon la coûtume , dans l'Eglife dédiée
à fainte Juftine , à caufe de l'anniverfaire
de la Victoire remportée fur les Turcs , dans le
Golfe de Lépante , à pareil jour de l'année
1571 par les Flotes réunies du Pape Pie V.
de Philippe II. Roi d'Efpagne & de la République
, fous le commandement de Marc-
Antoine Colonne , de Dom Jean d'Autriche
& de Sébastien Venier.
On mande de Bologne , que le Chevalier
de Saint George y étoit arrivé le 9. Octobre .
que la Nobleffe qui étoit allé le recevoir hors
-de la Ville l'avoit accompagné depuis la porte
de Rome jufqu'au Palais Belloni , où il avoit
été complimenté le lendemain par une Députation
du Sénat , qui lui avoit envoyé un
prefenta de 140. Corbeilles couvertes , rem-
Hiiij plies
CD
2570 MERCURE DE FRANCE.
*
plies de toute forte de Gibier & de Fruits
confis , & que le même jour au foir , le Cardinal
Ruffo , Légat du S. Siege, étoit allé lui
rendre vifite , ainfi que le Cardinal Archevéque
& le Vice- Légat.
M. Banchieri , Gouverneur de Rome , a fait
publier depuis peu une nouvelle Ordonnance
, portant peine de bannillement contre tous
ceux qui ont pris interêt aux Loteries de Genes
, de Venile & de Naples , adjugeant aux
dénonciateurs les lots qui écheront aux Intereffez
, déclarant en même temps que ceux
qui auront pû les dénoncer, & qui ne l'auront
pas fait pour quelque raifon que ce puiffe
être, feront fujets à des peines arbitraires ,
telles qu'il plaira au Pape les ordonner.
On mande de Naples que l'Envoyé de la
Regence de Tripoli à la Cour de l'Empereur,
y étoit arrivé lè 14. du mois dernier avec fes
deux Fils , & une fuite de 13. perfonnes. Le
Cardinal Viceroi lui a fait donner un Appar
rement dans le Château neuf, où il fera défrayé
par la Chambre Royale jufqu'à fon dépars
pour Vienne , où l'on dit qu'il eft chargé de
négocierune Tréve de plufieurs années avec
les Miniftres de S. M. I.
Le 22. du mois dernier au foir , le Duc
Salviati revenant à Rome d'Albano , rencontra
en chemin le Prince de Monte- Mileto ,
dans un paffage étroit , & aucun de ces deux
Seigneurs n'ayant voulu ordonner à fon
Cocher de reculer , ils fe prirent de paroles ,
mirent pied à terre & tirerent l'épée ; mais le
Cardinal del Giudice , qui étoit avec le Prin-
' ce de Monce- Mileto , fut l'arbitre de leur dif
ferend, & il empêcha les fuites de cette quereile.
Le 24. le Marquis Lancetti revenant auffi
de
NOVEMBRE. 1726. 25715
de la campagne avec quelques Prélats de fes
amis , rencontra le Comte Carpegne , qui
ayant une nombreuſe fuite , voulut l'obliger
à reculer pour le laiffer paffer. Le Marquis
Lancetti & les Prélats defcendirent de Caroffe
; & pendant qu'ils attendoient paifiblementqu'on
eût débaraffé le chemin qui étoit en
cet endroit là fort étroit , un Domeftique du
Comte de Carpegne vint , un couteau à la
main , attaquer le Marquis Lancetti , qui eut
le temps de fe jetter fur un fuzil , dont il caffa
le bras à ce Domestique..
Le Miniftre du Roi de Sardaigne dépêcha
le 24. un Courrier de Rome à Turin , pour y
donner avis que l'accommodement des differends
du S. Siege avec la Cour de Turin , venoit
d'être conclu , & qu'il devoit être rendu
public dans le prochain Confiftoire.
On apprend de Rome & de Naples que le
19. du même mois au foir , on vit dans le
Ciel une lumiere extraordinaire du côté du
Nord , qui caufa beaucoup d'effroi au peuple.
Un Courier venant de Rome , a affùré que
la Ville d'Aquila , Capitale de l'Abruzze ulterieure
, dans le Royaume de Naples , avoit
été entierement détruite par un tremblement
de terre.
Le Serment du renouvellement des Capitu
lations du Milanez avec les Grifons , fut faite
à Milan le 24. du mois dernier , avec beaucoup
de folemnité , le Comte de Daun , Gouverneur
general du Duché de Milan,s'étant rendu
le même jour au matin , de Niguarda à fon
Palais , les Députez des Ligues Grifes y furent
conduits dans les Caroffes de ce Comte , accompagnez
de plufieurs Sénateurs . L'Acte fut
figné au bruit des falves réiterées de l'Arril
lerie des Remparts & du Château . Après la
H'v figna2572
MER CURE DE FRANCE.
12.
fignature, les Députez furent reconduits chez
eux , où on les alla prendre enfuite avec douze
Caroffes à fix chevaux pour les conduire à
Niguarda. Ils y furent traitez avec toute la
magnificence imaginable . Les deux Princes de
Saxe Gotha , le Prince de Lichtenftein & plus
de 60, autres perfonnes de la premiere confideration
, furent invitez à ce feftin qui dura
jufqu'à minuit.
On eft convenu dans ce nouveau Traité ,
qu'il pourroit paffer tous les jours 400. hommes
des troupes de l'Empereur par le Pays
des Grifons , au lieu qu'elles n'y pouvoient
paffer autrefois qu'au nombre de 220. On a
retranché de l'article XX. ce qui pouvoit être
préjudiciable aux interêts de la France. L'Empereur
eft convenu de payer tous les ans les
anciennes Penfions & quelques- unes des nouvelles
. Les Proteftans établis dans la Valteline, »
n'ont point été foumis à l'obfervance des jours
de Fêtes des Catholiques , comme l'Evêque de
Come le prétendoit , parce que le Pays eft de
fa Jurifdiction Ecclefiaftique , & les Grifons
ont confervé la liberté de permettre à leurs
Sujets d'entrer au fervice des Puiffances qui
pourroient avoir guerre contre l'Empereur.
ESPAGNE.
Es nouvelles de la Havane du 7. About
Ldernier portent que la Flotte ,partie de
la Vera Cruz le 8. Juin , y étoit arrivée le
Juillet , fous le commandement de Dom Antoine
de Serrano . On ajoûte que le 12. Juins
I'Efcadre Angloife , compofée de quatre Vaif
feaux de ligne , de quatre grandes Fregates.
& de quatre petites , étant arrivée devant Por-
80- Bello , le Commandant des Gallions les
avoit:
NOVEMBRE. 1726. 2573
t
avoit fait décharger , ayant envoyé le trefor
a las Cruzes , petite Ville fituée à dix lieues
de Porto Bello.
Outre le Saint Philippes & le Saint Charles
, Vaiffeaux de Guerre de foixante pieces de
canon chacun , qui partirent pour les Indes
Occidentales le 25. Septembre dernier , avec
fix cens Soldats , on en équipe encore trois
autres de pareille force , qui feront en état de
mettre à la voile inceffamment.
Le Duc de Bournonville , nommé Ambaf:
fadeur Extraordinaire auprès de l'Empereur ,
partit le 23. Octobre pour le rendre à Vienne.
Le Roi lui donne 12000. piftolés par an , autant
pour fon voyage, & 30000 , pilloles pour
Les équipages.
Le Gouverneur de Cadix ayant declaré aux
Capitaines des Vaiffeaux de Guerre Hollandois
qui étoient dans la Baye , que l'intention
du Roi Catholique étoit qu'ils euffent à fe retirer
dans les vingt - quatre heures , les Capitaines
Wittenhorit , Elias & Ymans mirent à
la voile le 4. d'Octobre , & fe retirerent à
Rotta pour y attendre les Vaiffeaux Marchands
de leur Nation qui font encore à Ca--
dix , avec lefquels ils doivent retourner en
Hollande.
•
Le Vice -Amiral Jennings eft parti avec
quelques-uns de fes Vaiffeaux pour retourner
en Angleterre , & on dit que le Contre , Ami-"
ral Hopfon doit croifer encore pendant quelque
temps à la hauteur du Cap de Finisterre..
Le Pere Clarke , Jefuite Ecoffois , à préfent
Confeffeur du Roi , eft âgé d'environ foixante
ans. Il a été Recteur de differens Colleges en
Italie. Il vint de Rome à Madrid il y a trois
ans , & il fut fait Recteur du College des Je--
fuites Ecoffois,
Havj
On
2574 MERCURE DE FRANCE.
On apprend de Libone que la flore qui y eff
arrivée de Rio de Janeiro , a apporté trois
millions de Cruzades pour le Roi de Portugal
, & cinq millions pour le compte des Particuliers
.
Le bruit court à Madrid que le Duc d'Or
mond , Seigneur Anglois , qui eft depuis quel
que temps en Espagne , fera nommé à l'Ambaffade
de Mofcovie.
On travaille aux moyens de trouver des
fonds pour le payement des troupes , & des
fubfides promis à l'Empereur. Le Marquis de
San-Iago , fameux Banquier de Madrid , M.
Flon , autre Banquier , & les Chefs de plu
fieurs Compagnies , ont été mandez par Dom
Jofeph Patinho , qui leur a demandé s'ils
étoient en état de faire au Roi une avance de
"300 mille Pistoles , dont S. M. a befoin,
*
Le bruit court auffi qu'il a été réfolu dans
le Confeil de vendre plufieurs Titres d'Emplois
confiderables dans les Indes.
Le 19. du mois dernier à huit heures du foir,
on apperçût à Madrid , du côté du Nord , unelumiere
extraordinaire , qui reprefentoit un
cercle d'où partoient plufieurs colomnes , qui
rendoient une clarté auffi vive que la lumière
de la pleine Lune.
Les Lettres de Cadiz portent qu'un Vaiffeau
de Guerre Maltois & un Genois, actuellernent
dans le Port de cette Ville , devoient entrer aul
fervice du Roi , & qu'on en attendoit encore
trois autres d'Italie..
GRANDE BRETAGNE.
E 20. du mois dernier , le Roi & le Prince
de Galles affifterent à une nouvelle Comedie
Italienne , qui a pour titre › Arlequin ..
Prince par enchantement. Оп
NOVEMBRE. 1726. 2875
On a eu avis que le r . Octobre les Efcadres
d'Angleterre & de Dannemarc avoient levé
T'ancre de devant l'Ifle de Nargin , pour retourner
dans leurs Ports.
On renvoya ces jours paffez le Courier da
Colonel Stanhope , Ambaffadeur du Roi à la
Cour du Roi d'Espagne , avec des ordres au
Vice- Amiral Jennings de revenir en Angle
térre avec quatre de fes plus gros Vaiffeaux ,
& de laiffer le refte de fon Efcadre dans la Mediterranée.
Le 19. d'Octobre au foir , à fix heures trois
quarts , on vit à Londres une lumiere Boreale
très-éclatante qui dura juſqu'à trois heures du
matin.
Le Vice Amiral Jean Jennings , arrivé depuis
peu à Portsmouth avec cinq Vaiffeaux de
Guerre de l'Efcadre de la Mediterranée , fe
rendit le 8. de ce mois à Kenfington , où il eut
Phonneur de faluer le Roi.
L
PAYS-BAS.
E- 19. d'Octobre , vers les fept heures du
foir , on vit à Bruxelles une lumiere extraordinaire
du côté du No: d qui dura jufqu'à
onze heures & demie.
Les Directeurs de la Compagnie d'Oftende ,
font convenus d'envoyer cette année deux
Vailleaux à Bengale , & deux à la Chine. Les
deux premiers font partis le 9. de ce mois , &
las deux autres doivent les fuivre inceffamment.
Les Etats d'Hollande & de Weftfrife , ont .
donné le 6. de ce mois leur confentement à
l'augmentation des Troupes de la Republique,
qui doit être de 10000, hommes.
NAISE
(
ནཱ ཙྪཱ ཏི ཏི མསྶཨ་
2576 MERCURE DE FRANCE.
NAISSANCES , MORTS
des Pays Etrangers,
E Sieur Bourgeois , Chirurgien Juré de
Paris , qui a été envoyé pour accoucher la
Princelle Epoufe du Prince hereditaire de
Modene , a mandé qu'elle étoit heureuſement
accouchée d'une Princeffe à Reggio , le 6 du
mois dernier à cinq heures & demie du foir.
Le 19. Octobre , entre quatre & cinq heures
du matin , la Princeffe Epoufe du Prince Royal
de Dannemarc, acconcha à Copenhague d'une
Princeffe , qui fut baptifée l'après midi , &
nommée Louife .
On a reçû avis de Brunſwick que le Prince
Cafimir Guillaume , Frere du Landgrave de
Heffe- Hombourg, y étoit mort le 9. d'Octobré
dans fa trente feptiéme année , fans laiffer
de pofterité de Chriftine- Charlotte , Comteffe
de Solms Brawnfeld , qu'il avoit épousée le 31 .
Octobre 17224
MMMMMMMMMMMMMMMMMNS
FRANCE
Nouvelles de la Cour , de Paris , & ca!
L
*
E 13. du mois dernier , le Duc d'Orleans
fit rendre les Pain-benits à la
Paroiffe de Fontainebleau avec beaucoup
de magnificence.
Le
NOVEMBRE 1726. 2577
६
Le 18. M. Morofini , Ambaffadeur de
la République de Venife , eut Audience
de Congé de S. A. R. Madame la Ducheffe
d'Orleans , & des jeunes Princeffes
fes filles.
Le 14. & le 20. de ce mois , la Rei
ne entendit dans la Chapelle du Château
de Fontainebleau , le Sermon du Pere
Segaut , de la Compagnie de Jefus , &
le 17. S. M. affifta à la Prédication du
Pere Peruffeau de la même Compagnie.
M. Ogier , Receveur General du
Clergé , n'a plus cette Charge , M. Oli
vier de Senozan , a éténommé par l'Af
femblée du Clergé pour la remplir .
-fous le titre d'Intendant General des Af
faires du Clergé de France , avec l'a
grément du Roi. Il aura fous lui un
Treforier dont il fera la caution ..
Le Roi a fait remife au Clergé , fur
} le Don gratuit accordé d'une fomme de
750000. livres pour les frais des deuxdernieres
Affemblées.
On a appris par un Courrier dépêché
par le Maréchal d'Eftrées , que l'ouverture
des Etats de Bretagne s'étoit faite
à S. Brieux le 15. du mois dernier , &
que le 16 les Etats avoient unanimement
accordé au Roi le Don gratuit demandé
de la fomme de 1800000. liv..
Ge
*578 MERCURE DE FRANCE.
Ce Marêchal donna à manger le même
jour aux Députez avec beaucoup de magnificence.
Il y avoit 4. tables de 45 .
Couverts chacune & 8. de 12.
" Le 28. de l'autre mois la grande
Gondole , dans laquelle le Roi va à la
Chaffe , verfa fur les fables de la Forêt
de Fontainebleau , fans que S. M. fut
bleſſée , ni aucun des onze Seigneurs qui
étoient avec Elle.
M. de Sauroy a été rétabli dans fa
Charge de Treforier General de l'Extraordinaire
des Guerres ; il fera l'exercice
de 1727-
Le 11. du mois dernier , deux fils
d'un Procureur au Parlement , l'un âgé..
de 8 ans & l'autre de 9. joiiant au Volant
, eurent une petite difpute d'enfant;
l'aîné dit en badinant à fon frere qu'il le
theroit avec un piftolet qu'il trouva fous
fa main , mais le coup partit , & il tua
effectivement fon frere.
Le Roi Staniflas & la Reine fon Epoufe
qui étoient
arrivez
le 16 , au Château
de
Ravannes
près
de
Moret
, en partirent
le
24.
pour
Chambord
. Pendant
leur
féjour
dans
cette
maifon
, ce Prince
& cette
Princelle
, alloient
tous
les
jours
à Fontainebleau
, incognito
, chez
la Reine
, où
le Roi
les
a vûs
deux
fois,
Le
NOVEMBRE. 1726. 2579
Le Roia nommé le Marquis de Bonac ,
ci-devant Ambaffadeur de S. M. à la Porte
Othomane , pour remplacer le Marquis
d'Avarey dans l'Ambaffade de Suiffe .
$
Le premier de ce mois , Fête de la
Touflaints , le Concert fpirituel recommença
au Château des Tuilleries on y
chanta Exurgat Deus , & Dominus regnavit
, deux anciens Motets de feu M.
de la Lande , qui furent très-bien executez
Les Diles Antier & Peliffier ,
& le fieur Chaffé , de l'Académie Roya
le de Muſique , y chanterent quelques
morceaux qui furent très.applaudis le
feur Blavet , dont on a déja parlé , y jous
des Concerto fur fa Flute traverfiere ,
qui firent un extrême plaifir à la nombreufe
Affemblée qui s'y trouva. Le même
Concert doit recommencer le 8. du
mois prochain , Fête de la Conception
de la Vierge , de même que la veille &
le jour de Noël .
Le premier de ce mois , Fête de tous
les Saints ; le Roi & la Reine entendi--
rent dans la Chapelle du Château de
Fontainebleau , la grande Melle , celebrée
pontificalement par l'Evêque de Va-
1nce , & chantée par la Mufique. L'a-
.près midi L. M. entendirent le Sermon
de l'Abbé Hardouin , enfuite les Vêpres
& celles des Morts , qui furent chantées
2580 MERCURE DE FRANCE .
tées par la Mufique , & aufquelles le
même Prélat officia.
Le 2. jour des Trépaflez , le Roi &
la Reine entendirent la Melle de Requiem
, pendant laquelle le De profundis
fut chanté par la Mufique..
Le 3. la Reine €3. entendit dans la même
Chapelle , le Sermon du P. Perufſeau
Jefuite , & le 6. S. M. affifta à la Prédication
du P. Segaut , auffi Jefuite.
Le 7. de ce mois , le Roi , après avoir
entendu la Meffe dans la Chapelle du
Château de Fontainebleau , commença
fes Stations pour gagner le Jubilé de
l'Année Sainte , qui a été ouvert dans
le Diocèfe de Sens le 28. du mois der→
nier. S. M. fit fa feconde Station dans la
Chapelle de S. Saturnin de la Cour Ova→
le , & elle les continua dans l'Eglife de
la Paroiffe , devant le grand Autel , &
à la Chapelle de la Sainte Vierge. Le
Roi a continué depuis à faire tous les
jours quatre Stations .
Le in. la Reine communia par les
mains du Cardinal de Fleury , fon Grand
Aumônier ; & l'après-midi L. M. en- .
tendirent dans la Chapelle du Château
la Prédication du P. Segaut , de la Com
pagnie de Jefus. Le foir , la Reine commença
fes Stations du Jubilé , & elle continua
de les faire tous les jours. S. M.
affifta
NOVEMBRE. 1726. 258 1
"
affifta le 13. au Sermon du Pere Pe
Juffeau.
Le 12. l'Ouverture du Parlement fe
fit avec les Ceremonies accoûtumées ,
par une Meffe celebrée pontificalement
dans la grand' Salle du Palais , par l'Es
vêque , Comte de Châlons , Pair de France
, à laquelle M. Portail , Premier Préfident
, & les Chambres affifterent .
BENEFICES DONNEZ.
L'hebaye de
'Abbaye de Faremoutier , de l'Or
dre de S. Benoift , au Diocèſe de
Meaux , vacante par le décès de Mada
me de Beringhen , a été donnée à la Dame
Olimpe - Felicité- Therefe. Sophie de
Beringhen Religieufe dans la même
Abbaye .
.
L'Abbaye Commandataire de Fonte
nelles , Ordre de S. Auguſtin , Diocès
fe de Luçon , vacante par le décès de
M. de Beaumont , en faveur de l'Abbé
Dandigné , Prêtre & Grand- Vicaire de
PEvêché de Luçon.
L'Abbaye de S. Remy des Landes
Ordre de S. Benoift , Diocèfe de Chattres
, vacante par le décès de Madame
de Caylus , en faveur de Madame de
S. Fargeux , Religieufe du même Ordre.
-
L'Ab
4582 MERCURE DE FRANCE .
L'Abbaye du Pont -aux -Dames , Or
dre de Cîteaux , Diocèfe de Meaux ,
vacante par la démiffion de Madame
d'Ormeſſon , en faveur de la Dame Catherine
- Ifidore de Bourlamaque , Reli
gieufe dans la même Abbaye .
La Prevôté de Favart , au Diocèſe de
Tulle , qui a vaqué en Regale de fait
ou de droit , dans le temps qu'elle étoit
ouverte , en l'Evêché de Tulle , en faveur
du fieur Jean Flotte , Prêtre.
*
;
L'Abbé Gualterio , Camerier d'Honneur
du Pape , arriva à Paris le 24. du
mois dernier il logea dans l'Appartement
du Cardinal de Fleury au Palais des
Thuilleries ; il fe rendit à Fontainebleau
le 2. de ce mois. La Ceremonie
de la Barette fe fit le 5. en cette maniere.
Le Chevalier de Sainctot , Introducteur
des Ambaſſadeurs , alla prendre dans les
Caroffes du Roi & de la Reine , le Cardinal
de Fleury , & le conduifit chez le
Roi avec l'Abbé Gualterio , envoyé par
S. S. pour porter le Bonnet au Cardinal
de Fleury . Cet Abbé fut introduit , avec
les Ceremonies ordinaires , à l'Audience
que le oi lui donna dans fon Cabi
net ; il préfenta à Sa Majefté le Bref du
Pape
Après
NOVEMBRE . 1726. 2583
Après cette Audience , le Roi defcendit
à la Chapelle du Château , où S. M.
entendit la Meffe , à la fin de laquelle le
Cardinal de Fleury fe rendit , conduit
le Chevalier de Sainctot.
par
2
·
Le Marquis de Dreux , Grand-Maître
des Ceremonies , & M. des Granges ,
Maître des Ceremonies , reçûrent Son
Eminence à la porte de la Chapelle ; elle
alla fe placer auprès du Prie Dieu du
Roi du côté de l'Evangile , où on lui
porta un carreau . L'Abbé Gualterio ,
revêtu de fon habit de Ceremonie , remit
entre les mains du Cardinal de Fleu
ry le Bref du Pape , & alla prendre enfuite
, fur une Crédence , préparée pour
cet effet du côté de l'Epitre , un baffin de
vermeil -doré , fur lequel étoit le Bon-.
net , & il le préfenta au Roi . S. M. prit le
Bonnet, & le mit fur la tête du Cardinal ,
qui le reçût avec une profonde inclination
, & à l'infant même fe découvrit.
Dès que le Roi fut en marche pour fortir
de la Chapelle , le Cardinal de Fleury
entra dans la Sacriftie , où il prit les
habits de fa nouvelle Dignité . Il monta
enfuite chez le Roi , étant accompagné
du Marquis de Dreux , Grand - Maître
des Ceremonies , & de M. des Granges,
Maître des Ceremonies : le Chevalier de
Sainctot , Introducteur des Ambaffadeurs ,
qui
2584 MERCURE DE FRANCE.
•
qui étoit toujours refté auprès de lui,
P'introduifit dans le Cabinet du Roi , où
le Cardinal fit fon remerciement à S. M.
en ces termes :
SIRE ,
La nouvelle Dignité dont je viens rendre
hommage à VOTRE MAJESTE quelque grande
qu'elle foit en elle- même , m'eft encore
infiniment plus précieufe , parce que je la
tiens uniquement de fa mains & , fi je l'ofe
dire , parce qu'elle ne lui fait pas moins d'honneur
qu'à moi - même .
Qu'il me foit pérmis , SIRE , de publier
aujourd'hui ce que la bonté de votre coeur
Nous avoit infpiré en ma faveur , dans un
temps où vous n'étiez pas encore le difpenfateur
des graces. Non- feulement vous m'a
viez deftiné votre nomination au Cardinalat ,
fans que j'euffe jamais pris la liberté de vous
en parler : mais vous aviez encore , fans me
le dire , demandé avant le terme ordinaire 3
que cette grace me fut accordée.
J'avoue, SIRE , qu'il y a peut - être quel
que retour fecret de complaifance fur moimême
, en apprenant au Public cette marque
d'attention de VOTRE MAJESTE' , fi honorable
pour moi: mais ne ferois - je pas auffia
avec raifon , taxé d'ingratitude , fi je n'annonçois
pas à la France qu'il y a en vous un fond
de bonté , de fentiment , & je ne crains pas
de le dire , de reconnoiffance qui doit faire
la plus douce confolation de vos Sujets ?
La majefté du Trône attire naturellement
le refpect ; les grands talens des Princes excitens
NOVEMBRE. 1726. 2585
;
citent l'admiration : leur puiffance infpire la
crainte mais c'eft la bonté , la douceur, Phumanité
qui les rendent maîtres des coeurs :
& qu'eft que les François ne font pas capables
d'ofer , de faire , de fouffrir même ,
quand ils fe croyent aimez de leur Maître ?
Les Nations de l'Orient rendent à leurs
Souverains un culte prefqu'égal à celui de la
Divinité: parmi celles de l'Europe , il y en a
qui veulent gouverner leurs Rois : d'autres ,
quoique très- attachez à eux & très fideles ,
Les refpectent encore plus qu'elles ne les ai
ment ; mais le propre caractere des François,
eft l'amour pour leur Roi , le defir de lui
plaire de le voir , d'en approcher , & d'en
être aimez.
VOTRE MAJESTE a reçû des marques de
cet amour dès fa plus tendre enfance. Ils
vous ont aimé , SIRE , avant que vous fuffiez
en âge de les aimer vous- même : leur
confternation dans vos maladies , a été égale
à celle d'une famille qui eût tremblé pour
la perte de celui qui en faifoit le foutien ;
lesmarques de leur joye pour votre gué
rifon , ont été portées à des excès qui ont
prefque paffé quelquefois les bornes de la
moderation.
Avec quelles acclamations vos fideles Peuples
n'ont- ils pas reçû la déclaration que Vo-
TRE MAJESTE a faite , de vouloir prendre en
main le Gouvernement de fon Royaume ? &
de quel heureux avenir ne le croyent-ils pas
en droit de fe flater , quand ils voyent fe développer
de plus en plus en VOTRE MAJESTE ,
les grandes qualitez de fon Augufte Bifayeul,
que vous vous êtes propofé pour modele ?
Un efprit d'ordre & de Justice , une conception
à laquelle rien n'échape ; un fecret
im2586
MERCURE DE FRANCE.
*
impenetrable ; une droiture de jugement ; un
fervice doux & facile : jamais d'impatience,
ni d'humeur ; jamais un mot , un feul mot de
fâcheux contre perfonne ; un éloignement du
luxe en tout genre : mais ce qui ett infiniment
au- deffus de tout , un attachement invariable
à la Religion , & un refpect pour
nos faints Myfteres , qu'aucune diftraction
étrangere , ni les mauvais exemples ne peuvent
interrompre.
Voilà , SIRE , ce qu'on admire déja en
VOTRE MAJESTE' , & qui fonde la jufte eſperance
que vos Sujets ont de vous voir un
jour égaler nos plus grands Rois.
Rien n'eft plus dangereux , ni plus diffici
le à foûtenir , qu'une grande attente ; mais
j'ofe affurer qu'il ne tiendra qu'à VOTRE MAJESTE'
de ne point tromper la nôtre. Puiffiezvous
, SIRE , la remplir dans toute l'éten
duë que le demandent nos befoins, Puiffionsnous
avoir la confolation de voir retracer
en votre Perfonne facrée , la fageffe du Roi
votre Bifayeul dans l'art de gouverner , toute
la bonté du Dauphin votre Grand-Pere ,
& la pieté de votre Augufte Pere. Ce fera ,
SIRE , la récompenfe la plus glorieufe &
la plus touchante pour moi que je puiffe ja
mais recevoir de mon refpectueux , & , s'il
m'eft permis de parler ainfi , de mon tendre
attachement pour VOTRE MAJESTE' ,
Ce Difcours frappa d'admiration tous
ceux qui l'entendirent ; le Roi en parut
extrêmement fatisfait ; & après une
réponſe remplie des témoignages de la
plus parfaite affection , S. M, fit au Cardinal
de Fleury , Phonneur fingulier de
L'embrafler. Le
NOVEMBRE. 1728. 2587.
Le Cardinal alla enfuite chez la Reine
, & après qu'il eut fait fon Compliment
, on lui apporta un tabouret . H
préfenta à la Reine l'Abbé Gualterio
qui remit à S. M. le Bref du Pape , &
la complimenta . Cette Audience étant
finie , le Cardinal de Fleury fut reconduit
chez lui par le Chevalier de Sainctot
Introducteur des Ambaffadeurs ,
dans les Carolles du Roi & de la Reine
, avec les mêmes Ceremonies obfervées
lorfqu'il étoit arrivé chez le Roi.
Il eft quelquefois arrivé que nos Rois,
faifant la Ceremonie de donner le Bonnet
à un Nonce du Pape , ou autre Prelat
Etranger , nouvellement nommé Cardinal
lui ont fait l'honneur de les
faire manger à leur table : on obferve
dans cette occafion , que le nouveaut
Cardinal ne mange pas fur la même nape
du Roi.
On dira ici à cette occafion quelques
circonftances au fujet de la Dignité de
Cardinal , principalement fur la maniere
de donner la Calotte , le Bonnet , ou
Barette , le Chapeau , &c. fur lefquelles
nous avons vû beaucoup de perfonnes
mal inftruites .
Autrefois le nombre des Cardinaux n'étoit
pas fixe. Sixte V. en 1588. le fixa à 70. qui
font partagez en trois Ordres ou Claffes ;
I´~´fça-
1.
1
2488 MERCURE DE FRANCE.
fçavoir , celle des Evêques , celle des Prétres
, & celle des Diacres. La Claffe des Cardinaux
Evèques en contient fix , qui oht
comme Cardinaux Evêques , de petits Eve
chez près de Rome. Le 1. eft Evêque d'Ofties
à qui la Dignité de Doyen du Sacré College
eft attachée. Le 2. de Porto , avec la qualité
de Sous - Doyen. Les 4. autres font Evêques
de Sabine , de Paleftrine , de Frafcati , &
d'Albano. Ces fix Evêchez font compatibles
avec d'autres Evêchez ou Archevêchez,
La Claffe des Cardinaux Prêtres eft de so.
& celle des Diacres eft de 14..
Le rang entre les Cardinaux fe regle felon
les differens Ordres ; de forte que l'Ordre des
Evêques précède tout l'Ordre des Prêtres ,
& celui- ci a le pas fur tout l'Ordre des Dia
cres , fans égard , ni à l'ancienneté au Car
dinalat , ni aux differentes Dignitez Ecclefiaf
tiques dont on peut être revêtu . Dans chaque
Ordre , on regle le rang felon l'ancienneté
au Cardinalat , fans aucun égard , non
plus aux diverfes Dignitez Ecclefiaftiques
qu'un Cardinal peut avoir. Mais entre plu
fieurs Cardinaux du mêfie Ordre , & de la
même promotion , ce rang fe regle par lå
Dignité Ecclefiaftique dont le Cardinal eft
revêtu , le Patriarche précedant l'Archevê
que , celui ci l'Evêque , & c. En cas de parité
en Dignité Ecclefiaftique , c'eft l'ancienneté
dans cette Dignité qui donne le rang.
Quand un Cardinal paffe d'un Ordre inferieur
dans un Ordre fuperieur , il prend dans
P'Ordre où il entre fon rang par rapport à fon
ancienneté au Cardinalat . Il faut cependant
excepter de cette regle dans l'Ordre des Cardinaux
Evêques , les Evêques d'Oftie & de
Porto , qui ne font jamais déplacez , quoiqu'un
NOVEMBRE 1726. 2689
qu'un Cardinal plus ancien Cardinal qu'eux ,
devienne Cardinal - Evêque. Ces deux Evêques
reftent toujours à la tête de l'Ordre des Car
dinaux Evêques , quand ils y font une fois
parvenus , & font toujours par confequent les
deux premieres perfonnes du Sacré College.
De même , dans l'Ordre des Prêtres , le premier
des Cardinaux Prêtres ne perds jamais
fon rang , quoiqu'un Cardinal plus ancien
que lui , paffe de l'Ordre des Diacres dans
celui des Prêtres , & il refte toujours à la tête
de l'Ordre des Prêtres , tant qu'il ne veut
pas paffer de cetOrdre dans celui des Evêques .
Pour devenir Doyen ou Sous Doyen du
Sacré College , il faut être dans l'Ordre des
Evêques , comme auffi pour devenir Caralmal
premier Prêtre; il faut étre dans l'Ordre ou
Ja Claffe des Prêtres. Il faut de plus pour devenir
Cardinal Doyen , fe trouver en perfonne
à Rome, quand la Dignité de Doyen vient
à vaquer. On peut remarquer en paffant , que
le Cardinal Doyen, en qualité de Doyen du
Sacré College , .porte le Palliam d'Archevêque
, quoiqu'il ne foir qu'Evêquep vot
On ne peut paffer de l'Ordre des Cardinaux
Diacres dans celui des Cardinaux Evêques
fans avoir été auparavant dans l'Ordre
des Cardinaux -Prêtress E .
Pour être Cardinal Evêque , il faut avoir
reçu l'Ordre de l'Epifcopato duodu moins fe
difpofer à le recevoir inceffamanent Pour être
Cardinal- Prêtre il faut avoir tēçu l'O¢â?¢
de Prêtrife on du moins celui du Diaconat,
& travailler à fe faire inceffamment crdonner
Prêtres mais on peut être Cardinal - Diacre
fans être en aucune façon engagé dans
les Ordres facrez. Le Cardinal Barberin , qui
en 1690 ne prit
fut fait Cardinal - Diacre qui
I ij TON
2590 MERCURE DE FRANCE.
么
J'Ordre du Diaconat qu'en 1719.
Le Doyen du Sacré College , qui eft le premier
des Cardinaux-Evêques , le premier Car
dinal- Prêtre , & le premier Cardinal- Diacre ,
font ce qu'on appelle les trois Chefs -d'Ordres
: il y a des occafions où ils ont de l'auto-
.rité.
On a parlé du titre des fix Cardinaux Evêques
: pour les Cardinaux Prêtres & les Cardinaux
Diacres , ils ont pour titre chacun une
des Eglifes de la ville de Rome.
Lorsqu'il y a un titre d'Evêque vacant , le
Cardinal Prêtre qui afpire à ce titre , & qui
veut paffer de l'Ordre des Prêtres dans celui
des Evêques , doit fe trouver en perfonne dans
le premier Confiftoire qui fe tient , après que
le titre d'Evêque a vacqué , & y declarer qu'il
demande l'Evêché vacant : c'eft ce qu'on ap
-pelle opter un titre. Lorfqu'un titre de Pretre
vient à vacquer , le Cardinal Diacre qui y af
pire fait la même chofe, & c. En ces cas , c'eft
au plus ancien des Cardinaux Prêtres , ou des
Cardinaux Diacres à opter. Il arrive trèsfouvent
que des Cardinaux aiment mieux
refter dans l'Ordre où ils font , que de paffer
dans un Ordre fuperieur.
Quand le Pape veut faire une promotion de
Cardinaux , il écrit les noms de ceux qu'il
veut élever à cette Dignité , & il les fait lire
dans un Confiftoire tenu exprès , après avoir
dit aux Cardinaux préfens , Habetis Fratres,
. Vous avez pour Freres , &c.
Les nouveaux Cardinaux qui fe trouvent à
Rome , viennent recevoir le Bonnet de la
main du Pape , qui dans le Confiftoire fuivant
leur donne le Chapeau , & un titre de Cardinal
Prêtre ou de Cardinal Diacre.
A l'égard des nouveaux Cardinaux abſens,
gitanda
baupanj
NOVEMBRE . 1726. 2591
le Pape leur envoye la Calote par un Courier
puis le Bonnet , qui n'eft autre choſe qu'un
petit Bonner quarré , qu'on appelle quelque
fois Barete , du mot Italien Beretta , par un
de fes Cameriers d'honneur ; & fi celui par
qui le Pape veut envoyer le Bonnet n'eft pas
actuellement Camerier d'honneur , le Pape lui
donne ce titre pour cette fonction . Quand le
nouveau Cardinal eft à la Cour d'un Roi , le
Roi lui fait ordinairement l'honneur de lui
mettre le Bonnet fur la tête après la Melle.
Pour le Chapeau , le Pape ne l'envoye points
il faut que le nouveau Cardinal aille lui - même
le recevoir à Rome . Il eft cependant quelquefois
arrivé que le Pape , pał une faveur parti
culiere , a envoyé le Chapeau à un Cardinal ,
fans qu'il ait été le recevoir en perfonne som
Il arrive quelquefois dans une promotion
de Cardinaux , que le Pape , après avoir fait
Lire dans le Confiftoire les noms de ceux qu'il
honore de la Pourpre , prend la parole , &
dit qu'il referve de plus tant de Cardinaux in
petto celt- à - dire , qu'il ne juge pas à propos
de declarer leurs noms fi-tôt. Ces Cardinaux
refervez in petto , prennent leur rang dans le
Sacré College , non du jour que le Pape declare
leur nom dans un Confiftoire , mais du
jour de la promotion dans laquelle le Pape les
a refervez in petto.
Quand un Cardinal va à Rome pour la pre
miere fois depuis fon élevation au Cardina
lat , pour recevoir le Chapeau , il fait une Entrée
publique. Les Cardinaux , les Princes
Romains , & les principaux Prelats le font
complimenter hors de la Ville , & lui envoyent
leur Caroffe pour lui faire cortege. I
fait fon Entrée dans le Caroffe du Cardinal Secretaire
d'Etat , & va au Palais baifer les pieds
I iij du
292 MERCURE DE FRANCE.
du Pape ; quelquefois le Pape exempte , pour
Certaines raifons , de l'Entrée publique ou
Cavalcade.
Quelques jours après le Pape tient un Confiftoire
public , & lui donne le Chapeau s
après quoi il lui donne , dans le même Confiftoire
, un titre de Cardinal Prêtre , ou de
Cardinal Diacre.
Après que le nouveau Cardinal a reçû le
Chapeau & un titre , le Pape fait dans un Confiftoire
particulier la ceremonie de lui fermer
la bouche , & dans le Confiftoire fuivant il
fait la ceremonie de la lui ouvrir. Après ces
ceremonies , le Pape met le nouveau Cardinal
dans quelque Congregation.
Autrefois plufieurs Cardinaux étoient nommez
plutôt par le nom de leur titre , que par
celui de leur Maiſon ; aujourd'hui on në nomme
les Cardinaux par le nom de leur titre , que
pour les diftinguer des autres Cardinaux de
même famille. Le frere du Cardinal Mazarin ,
Archevêque d'Aix & Cardinal , étoit appellé
le Cardinal de Sainte Cecile , du nom de fon
titre. Une autre maniere de diftinguer les Cardinaux
de même Maifon , eft d'appeller l'un
par fon furnom , & l'autre par fon nom de
baptême. On a quelquefois nommé les Cardinaux
par le nom de leur Archevêché ou Evêché:
Alphonfe , Archevêque de Lyon, Grand
Aumônier de France , & frere du Cardinal de
Richelieu , étoit appellé le Cardinal de Lyon.
Le titre de Saint Laurent in Damafo ', eft attaché
à la Charge de Vice Chancelier de l'E
glife. Le titre de Saint Laurent in Lucina , eft
affecté à la place du premier Cardinal Prêtre
Le titre de Saint Marc eft affecté au plus ancien
Cardinal Venitien qui peut refider à Rome.
Le Titre d'Eminence ; qu'on donne aujour
d'hui
NOVEMBRE. 1726. 2593
d'hui aux Cardinaux , n'eft en ufage que depuis
environ un fiecle. Luc Holftem , fun des
Sçavans da fiecle paffé , ayant , dans un Difcours
public , traité d'Eminentiffimus. le Catdinal
François Barberin , fon Patron , tous les
autres Cardinaux voulurent être traitez de
même ; ce qui donna lieu au Decret , par lequel
le Pape Urbain VIII . ordonna le ro . Juin
1630 , que les Titres d'Eminence & d'Eminentiffime
fuffent attribuez aux Cardinaux . Avant
ce Decret , on donnoit aux Cardinaux le titre
de Seigneurie Illuftriffime : Titre qui fe donnoit
rarement à d'autres qu'aux Cardinaux .
Depuis le Decret d'Urbain VIII. on a donné
le titre de Seigneurie Illuftriffime aux Archevêques
& aux Evêques , aufquels on n'avoit
encore donné que le Titre de votre Seigheurie.
Il fut reglé dans le Concile de Conftance ,
que les Cardinaux feroient choifis dans toutes
les Nacions Chrétiennes. Les Papes fuivirent
ce Reglement , honorant pourtant de la
Pourpre plus d'Italiens que d'Etrangers.
Comme les Papes choififfoient pour Cardinaux
les fujets qu'ils vouloient , il arriva fouvent
qu'ils éleverent à la Dignité de Cardinal
des Etrangers qui n'étoient point agréables à
leurs Souverains : ce qui caufa des plaintes .
Vers l'an 1600. on convint que les Papes
prendroient pour Cardinaux Nationaux les
fujets qui leur feroient nommez par les Princes
, pourvû que ce fuflent des perfonnes de
merite,
Dans le
le temps que les nominations des
Cardinaux pour les Princes furent reglées de
cette façon , l'Angleterre n'étoit plus Catholique
, & le Portugal étoit foumis à la Couronne
d'Eſpagne. Ainfi il n'y eut proprement
I iiij que
2594 MERCURE DE FRANCE:
que l'Empereur , le Roi de France & le Roi
d'Espagne qui curent le droit de nomination .
On n'en priva pourtant pas tout à fait le Roi
de Pologne, qui n'eft que Roi électifimais comme
les Evêques Polonois ne veulent pas ceder
aux Cardinaux, & que chez eux le rang des Archevêques
& desEvêques eft reglé uniquement
par la Dignité duSiege,fans égard à la Dignité
du Sacre , ou aux Dignitez perfonnelles , les
Rois de Pologne , pour ne pas perdre abſolu
ment leur droit de nomination , nommerent
ordinairement au Cardinalat les Prelats qui
avoient refidé auprès d'eux en qualité de
Nonces. Dans les derniers temps ils ont quelquefois
nommé des Etrangers , mais cela n'a
pas été reçû à Rome fans difficulté. On a fait
une autre difficulté au Roi de Pologne ; les
Papes ont dit que ces Princes , comme Rois
électifs , n'avoient qu'une nomination pendan
sout leur regne.
La Republique de Venife , qui a dans Rome
les mêmes traitemens que les Têtes couronnées
, a auffi prétendu avoir quelque droit de
nom ner des Cardinaux. On ne lui a pas accordé
abfolument tout ce qu'elle demandoit ;
mais ordinairement , quand le Pape fait des
Cardinaux pour l'Empereur & pour les Rois ,
ce qu'on appelle Promotion des Couronnes ,
le Pape , de concert avec l'Ambaffadeur de la
Republique , choifit quelque fujer de merite
pour l'élever au Cardinalat.
Le Roi d'Angleterre , qui n'avoit point eu
de nomination pendant que les Rois étoient
Proteftans , eft rentré en quelque façon dans
ce droit . En 1712. le Cardinal de Polignac fut
élevé à cette Digité à la recommandation du
Prince qui eft aujourd'hui à Rome , & que le
Pape reconnoît pour Roi d'Angleterre.
Pour
NOVEMBRE. 1726. 2595
$
Pour le Portugal , depuis qu'il s'eft fouftrait
à la domination d'Efpagne , les Rois ont prétendu
avoir des Cardinaux de leur nomination
; c'est pourquoi Jofeph de Pereyra , Evê
que des Algarves en Portugal , fut compris
dans la promotion du 29. Novembre 1719.
Comme le Pape , pendant ces dernieres
guerres , avoit été obligé de reconnoître l'Empereur
pour Roi d'Efpagne , ce Prince a prétendu
avoir en qualité de Roi d'Efpagne un
droit à la nomination , & c'eft à la nomination
de l'Empereur , comme Roi d'Espagne ,
que dans la derniere promotion le Pape a fair
Cardinal le P. Cinfuegos , Jefuite Arragonois,
a qui avoit embraffé depuis long- temps le parti
de l'Empereur.
Ordinairement la premiere promotion que
font les Papes depuis leur élevation au Pontificat
, eft abfolument pour des fujets qui ont
fervi le S Siege dans les Nonciatures ou dans
les Emplois de la Cour de Rome. Dans la promotion
fuivante , ils font Cardinaux ceux qui
ont été nommez par les Princes. Ces fecon
des promotions ne font pas néanmoins uniquement
pour les Couronnes ; avec les Nationnaux
, le Pape nomme les fujets qui lui
font attachez , les Nonces , & c .
Quand le Pape fait Cardinal un de fes ne
veux , ou un Prince , ou un parent des derniers
Papes , ce qu'on appelle rendre le Chapeau
, ces petites promotions n'empêchent pas
que la promotion fuivante ne foit toute du
choix du Pape.
Le Pape ayant fait une feconde promotion ,
dans laquelle il a compris les fujets nommez
par les Princes , il en fait une troifiéme uniquement
de fon choix , & la quatrième cft une
promotion des Couronnes ; c'est- à- dire , que
Is y lec
2596 MERCURE DE FRANCE.
le Pape y met des fujets à la nomination des
Princes, & ainfi de fuite alternativement.
Il arrive quelquefois qu'un Prince voulant
honorer promptement de la Pourpre un fujet
de diftinction , prie le Pape de le faire Cardinal
avant la promotion des Couronnes , &
declare que ce Chapeau tiendra lieu de celui
qu'il auroit eu droit de demander dans la premiere
promotion, & c'est ce qui vient d'arriver
à l'égard du Cardinal deFleury.
M. de Sennecé , qui étoit Premier
Valet de- Chambre de la feuë Reine ,
ayant perdu fa Charge à la mort de S. M ,
fe retira dans une Terre qui lui reftoit
près de Mâcon & comme c'eft un homme
de mérite , & qui aime les Lettres
fon grand âge n'ayant rien changé à ſon
fçavoir & à la vivacité de fon efprit , il a
continué de faire des Vers , & a confervé
commerce avec plufieurs perfonnes de
diftinction de la Cour , & fur tout avec
S. E. Monfeigneur le Cardinal de Fleu
ry , auquel il adreffa les Vers fuivans au
mois de Juillet dernier.sk .
r
Ou d'Apollon la lumière n'eft claire
Sur l'avenir , ou vous effacerezo : rote
Armand & Jule , à qui le miniſtere
A fait des noms fi grands , fi reverez.
Seul heritier vous ferez de leur gloire ,
De leurs défauts franc & débatraffé :
.Car
NOVEMBRE . 1726. 2592
Car fut l'un d'eux , au rapport de l'Hiftoire
Vindicatif, & l'autre întereffé.
Or en deux points qui me font quelque
peine ,
Vous ont paffé ces fameux devanciers ;
L'un , c'eft l'éclat de la Pourpre Romaine ,
L'autre eft le rang de Miniftres Premiers.
Pour celui - ci , LOUIS peut à toute
heure
>.
Vous honorer d'un nom fi refpecté :
Qu'importe , au fond , fi fans Titre en demeure
Pardevers vous toute l'autorité ?
Quant au furplus , bien feroit Rome ingrate
,
De n'envoyer au jeune fucceffeur
Du vieux Pepin , ce large donateur , ( a )oup,
Pour fon mentor Barrette d'écarlatte.
Et depuis l'élevation de ce Prelat aut
Cardinalat , il lui a encore adreffé ces
autres Vers , quoique directement ils ne
le loüent pas , mais il felicite tous les
( a ) Le Roi Pepin , pere de l'Empereur
Charlemagne , a donné à l'Eglife Romaine
outes les Terres dont elle jouit en Souverai
eté,
I vj.
Etat
2598 MERCURE DE FRANCE.
Etats d'une maniere affez ingenieuſe &
nouvelle.
Au Pape.
Honneur & joye , Vous notre Saint
Pere
"
,
Pape Benoît , dont le goût délicat
Du meilleur choix qu'euffiez oncques pa
faire
A fignalé votre Pontificat..
Plus beau préfent ne fit à fon Epoufe
Le Saint- Eſprit , depuis qu'en traits de feu.
Il defcendit fur les Soixante & douze (4)
Qui l'invoquoient dans le Conclave He
breu.
Au Roi.
Honneur & joye , à vous , jeune Monarque
Dont la faveur a mis dans un grand jour
Tant de vertus , & d'une illuftre marque
A rehauffé l'éclat de votre Cour.
Les nobles foins qu'il prit de votre en
fance ,
Dont le progrès fi rapide & fi beau
(a ) Nombre des Diſciples qui reçûrent le
Saint- Elprit. Va
NOVEMBRE. 1726. 2599
Va contrafter aux plus grands Rois de France,
Meriteroient plus haut prix qu'un Chapeau.
Mieux feriez - vous. Mais à Triple Cous
ronne
Ultramontains n'admettent compagnon :
Leur coeur jaloux , qui de peur e
en friffonne
Trop fe fouvient du Siege d'Avignon. (a)
Au Clergé
Honneur & joye , Eglife Gallicane ,
Aux grands Degrez votre Eleve eft monté.
Vous allez voir en vermeille Soutane
Avec Frejus briller la probité:
Alors de Reims (b) rappellant la memoire:
D'un beau refus vous verrez un beau fruit
Cueillir Fleury. La veritable gloire
Buit qui la cherche , & cherche qui la fuit.
L'autorité foutenant la fcience ,
Ces longs débats par lui pourront ceffer,
(a) Il y a plus de trois fiecles que le Saint
Siege de Rome ayant été transferé à Avignon
par un Pape François , ily demeura foixante &
dix ans fous fept ou huit autres Papes.
(b) On fait combien glorieufement il refuſa
l'Archevêché de Reims.
Dont
2600 MERCURE DE FRANCE
Dont il paroît qu'en faine confcience
Peuples Chrétiens pourroient bien fe paffer.
Aux Etats.
Honneur & joye , à la Cour , aux Provins
ces ,
Au Tiers Etat , aux Gens de qualité :
Quand Cardinaux ont l'oreille des Princes
Regnent douceur , juſtice & pieté.
Bien l'éprouva Louis (a) qui fi grand noiſe
Eut avec Jule (b) , à fa perte animé ;
Sans les confeils du Cardinal d'Amboife ,
Pere du Peuple il n'eût été nommé.
Aux Gens de Lettres.
Honneur & joye , à vous , Efprits fubli
mès
Doctes rivaux d'Orphée & d'Amphion
Limez la Profe , & poliffez les Rimes ,
Or avez-vous haute protection .
Surpaffez vous , fameux Corps des Quarante
, (c)
Chantant Fleury , rendez graces à Dieu
( a) XII .
(b) II.
(c) L'Academie Françoife.
D'un
NOVEMBRE. 1728. 2601
D'un tel Patron. L'Eminence naiffante
Moins ne promet qu'un nouveau Richelieu.
E 16 de ce mois , le Roi fit couper fes cheveux
, & prit la perruque...
Le 23. le Roi & la Reine finirent leurs Sta
tions du Jubilé.
3
Le 24. le Roi, revêtu du Grand Collier de
l'Ordre du Saint Efprit , fe rendit à la Chapelle
du Château de Fontainebleau , où S. M.
entendit la Meffe, & communia par les mains
de l'Abbé de la Viouville , Aumônier du Roi
en quartier. Enfuite, le Roi toucha un grand
nombre de Malades . Le même jour la Reine
communia par les mains du Cardinal de Fleury
, fon Grand Aumônier.
Le 25. le Roi & la Reine partirent de Fontainebleau
pour aller paffer quelques jours à
Petitbourg chez le Duc d'Antin . Voici la lifte
des Princes Prince fles , des Seigneurs & des
Dames qui font du voyage.
Mademoiſelle de Chafolois,
Mademoiſelle de Clermont.
Mademoiſelle de la Roche-fur-Yon.
La Comteffe de Touloufe.
La Marechale de Bouflers , la Comteffe de
Mailly, la Maréchale de Villars , les Ducheffes
de Talard , d'Antin , d'Epernon , de Boufers
, de Briffac , de Gontaud. Les Marquifes
d'Alincour , de Rupelmonde , de Charoft , de
Nefle , de Mailly. Les Comteffes d'Egmont ,
de Buffy , d'Alegre , de Riberac , de Graces.
Le Comte de Clermont.
Le Comte de Toulouſe.
Le Prince de Dombes.
Le
2602 MERCURE DE FRANCE.
Le Cardinal de Fleury , le Prince de Rohan,
les Ducs d'Aumont , d'Antin , d'Epernon
, d'Harcour , de Charoft , de la Rocheguyon
, de Grammont , de Chaulnes , d'Humieres
, de Gefvres , de Luxembourg , d'O
lonne. M. le Premier. Les Marquis de Souvray
, de Courtenvaux , de Croilly , de Nefle,
de Pezé , de Nangis , de Meuze. Les Comtes
de Grammond , de la Suze , Do , de Froulay ,
de Livri , de Teffé.
Officiers des Gardes du Corps.
M de Brizac , du Planti de Maiſon- Neuve,
de la Billarderie , de Verceil , de Fauvel , Daugé
, de Montbrun , de Calviere , Dautichamp,
de Verceil , Dumefnil , des Landes , de la
Luzerne.
Le Samedi 30. de ce mois , le Roi & la
Reine partirent de Petit - Bourg vers les cinq
heures du foir & arriverent à Verfailles en
parfaite fanté le même jour .
MORTS , BAPTE MES.
Oüife-Charlotte-Eugenie de Berenghen ,
Luiferemoutier
, mourut dans cette Abbaye le 28.
du mois dernier , âgée de 40. ans.
M. Jean- Baprifte- Nicolas Defmé de la Chefnaye
, Porte-Cornetre Blanche, Premier Ecuyer
Tranchant, & Gouverneur de Meulan , mourut
le s . de ce mois , âgé de 68 ans , dans fon
Château de Rougemont. Le Roi lui avoit acor
dé il y a quelques années , la furvivance
de
NOVEMBRE. 1726. 2603
de les Charges & de fon Gouvernement , en
faveur de fon fils.
Le 26. Octobre 1726. mourut Madame
Louife- Ifabelle de la Chauffée Deu Darreft ,
de l'illuftre & très - ancienne Maifon des Comtes
d'Eu. Louis XIV. la nomma en 1691. Abbeffe
de la celebre Abbaie de Royallieu , près
Compiegne , où elle eft très regrettée. C'eft
Madame de Grimaldi , fa Coadjutrice , qui
lui fuccede.
Charles Amelot , Chevalier , Seigneur de
Combronde & de Maugerard- Amelot , Baron
de Salvert , Seigneur du Mefnil, la Planchette,
& c. Confeiller du Roi en tous fes Confeils
Préfident de la troifiéme Chambre des Enquêtes
du Parlement , mourut âgé de 82. ans , le
5. de ce mois , dans fon Château de Salveri
en Auvergne , d'où fon corps a été transporté
à l'Eglife des Capucins du Fauxbourg S. Jacques
, où il a été inhumé le 25. de ce mois.
Dame Marie Tudor , Comteffe de Deren Water
, fille naturelle de Charles II . Roi d'Angleterre
, époufe de M. Rook , Colonel Anglois
, mourut à Paris le 12. de ce mois , âgée
de 60. ans ou environ.
Pierre-Claude de l'Hôpital , fieur du Hallier,
Chevalier de l'Ordre Militaire de S Louis,
cy-devant Major de Longwy , mourut à Paris
le 13. âgé de 72. ans.
Le 18. Octobre , les céremonies du Baptême
furent fuppléées dans la Chapelle du Pa
lais Royal , au fils de M. Jacques de Boiffimene
, Ecuyer , Chevalier de S. Louis , Colonel
des Troupes de S. M. Catholique , & de
Dame Gracieufe Leone du Vergier : Le Pa
rain , le Duc d'Orleans , la Maraine , Mademoifelle
de Beaujollois.
Dame Anne- Julie de Montmorency, époufe
de
2604 MERCURE DE FRANCE.
de Emmanuel de Rouffelet , Comte de Chateaurenault
, de Crozon , & c. Chevalier de
T'Ordre Militaire de S. Louis , Capitaine des
Vailleaux du Roi , Lieutenant General de la
Haute & Baffe Bretagne , &c. accoucha le
20. Octobre dernier , d'une fille , qui fut baptilée
le même jour , & nommé Marie Anne
par Anne- Leon de Montmorency , Premier
Baron Chrétien , & par Dame Marie Magdeleine
de l'Etoille de Montbrifeul , époule de
Leon de Montmorency , Chef de nom & armes
de fa Maiſon.
La femme du fieur Thomaffin , Arlequin
de la Comedie Italienne , étant accouchée à
Fontainebleau , le Duc d'Aumont , Premier
Gentilhomme de la Chambre du Roi , & Ja
Marquise de Nelle , Dame du Palais de la
Reine , nommerent l'enfant au nom de Leurs
Majeftez. Nous avons eu occafion plus d'unc
fois de parler de la legereté, des graces , & de
la naiveté de cet excellent Comedien .
蔼
EDITS , ARRESTS,
SENTENCES DE POLICE , & c,
RDONNANCE de Reglement du 29.Aofit,
Opour les Chaffes & exccutions des ordres du
Roi ,portant défenfes à toutes perfonnes de quelque
qualité & condition qu'elles foient, de chaffer
pendant deux années dans l'étendue de la Capitainerie
de la Varenne du Louvre. Ladite Ordonnance
rendue par M. Bontemps , Premier Valet
de Chambre ordinaire du Roi , Capitaine Gou- verneur du Palais des Thuilleries , Commandeur
& Prevôt des Ordres de Saint Lazare de N. D.
de
NOVEMBRE. 1726. 2605
de Montcarmel , Bailli & Capitaine des Chaffe
de la Varenne du Château du Louvre , &c.
....
ARREST de la Cour de Parlement du même
jour , qui ordonne que le Libelle intitulé : Paral-
·lele de la Doctrine des Païens avec celle des Jefuites
& de la Conftitution du Pape Clement XI.
qui commence par ces mots : UNIGENITUS
DEI FILIUS , fera laceré & brûlé par l'Executeur
de la Haute Juftice.
SENTENCE DE POLICE du 30. Août , qui
condamne les nommées Saint Jean , foeurs ,
Poilloux & Collo , Regratieres de Marée , en
Cinquante livres d'amende chacune , pour avoir
contrevenu aux Reglemens & Ordonnances de
Police concernant la Marée.
AUTRE du même jour , qui enjoint aux
Boulangers de marquer leur Pain du poids qu'il
doit pefer : Et qui condamne le nommé Renée
Boulanger en 30. livres d'amende pour y avoir
Contrevenu .
-AUTRE du même jour , portant défenfe aux
Marchands de Vin & Cabaretiers de fouffrir jouer
chez eux à aucuns Jeux Et qui condamne les
nommez Laideguive , Defmoulins , de Bellecourt
, Molignot , & Saint - Germain , Joueurs de
profeffion , & le nommé Chauvau Cabaretier, en
Cent livres d'amende folidairement.
AUTRE du même jour , concernant la défenſe
des Jeux de Hazard : Et quicondamne le Sieur
Saint Maurice & fa femme , felidairement avec le
Sieur Moncourt , en Trois mille livres d'amende.
- AUTRE du même jour , qui condamne le nommé
2606 MERCURE DE FRANCE .
mé Rioul , Chartier , en Dix livres d'amende
pour avoir infulté le Sieur Leloutre , Juré Vendeur
& Controlleur de Foin , dans l'exercice de
fa Charge.
JUGEMENT da 4. Sept. rendu Prevôtalement
& en dernier Reffort par M. Herault , Lieutenant
General de Police de la Ville, Prevôté & Vicomté
de Paris ; Prefident de la Commiſſion , MM. les
Officiers au Siege Préfidial du Châtelet de Paris
& par M. Piquet de Meleffe , Infpecteur General,
des Maréchauffées de France & Prevôt General
de Bretagne contre les nommez Julien de la
Haye , autrement dit l'Epine ou le petit Deu , ou
Pierre Gautier , ou le gros Jacob : Et Jacques
Mouchel dit Desjardins ou Jacob le Cottentin ,
lefquels ont été condamnez à être rouez vifs en
Place de Greve pour Vols & Affaffinats commis
fur les grands Chemins , &c.
SENTENCE DE POLICE du 6 Septembre.
Concernant la défenfe des Jeux de Hazard ; Et
qui condamne la Demoiſelle Gueny , & le Sieur
Bernard folidairement en Trois mille livres d'amende
; le Sieur Mustaphaga & autres Particu
liers auffi en Mille livres d'amende.
AUTRE du même jour , portant défenſe d'expofer
en vente des Pigeons & Lapins en vie , les
jours de Dimanches & Fêtes , fur le Quay de la
Megifferie & autres Lieux.
AUTRE du même jour , portant défenſe aux
Marchands de fer & autres , demeurans fur le
Quay de la Megifferie & ailleurs , d'embarraſſer
la voye publique par leurs Etalages.
ARREST du 10. Septembre , portant Sup
preffion
NOVEMBRE. 1726. 2607
preffion des Droits ci devant attribuez aux Offi
ces de Controlleurs. Vifiteurs des Fruits entrans
dans la Ville & Fauxbourgs de Paris ; & Quatre
Sols pour livre d'iceux,
SENTENCE du 1 1. Septembre de M. le Lieutenant
General de Police , & M. Piquet de Meleffe
, Grand- Prevôt de la Province de Bretagne ,
Commiflaires du Confeil en cette Partie , touchant
l'Affaffinat du Courier de Lyon & de fon
Poftillon : qui décharge Louis Penil pere , ci- de-"
vant Lieutenant de la Maréchauffée , & Echevin
de la Ville d'Amboife ; Jean Penil Sieur Du Verger
, Perruquier , auffi ancien Echevin de ladite
Ville d'Amboife , & procureur Fabricier de l'Eglife
du bout du Pont ; Louis Penil , fils , Mar
chand de cheveux , & Nicolas Chaumet , Bourgeois
de la Ville de Bourges, tous quatre arrêtez
Agen , & prifonniers ès Prifons du grand Châteler
, Accufez & Défendeurs , pour raifon de
l'Affaffinat commis le 30. Juillet dernier ès perfonnes
du Courier de Lyon & de fon Poftillon .
ARREST du 24. Septembre , qui décharge le
Receveur General des Domaines & Bois de la
Generalité d'Auch , des Affignations qui lui ont
été données au Parlement de Toulouſe , en vertu
des I ettres d'Appel obtenues en Chancellerie par
la Dame la Flambelle & Laurent Cournac les
18. Juiller & 26 Aoult 1726. Ordonne que les
Jugemens du Bureau des Finances d'Auch , fefont
executez felon leur forme & teneur ; enfemble
tout ce qui s'en eft enfuivi. Condamne ladite
Dame la Flambelle & Laurent Cournac a
coût de l'Arrêt liquidé à 75. livres.
SENTENCE DE POLICE du 26. Septembre ,
qui condamne les nommez Amiard , Cochard
2608
& Bourjot , Marchands de Bled , en mille livres
d'amende chacun , pout avoir vendu leurs Bleds
ailleurs que dans les Marchez.by
On donnera deux Volumes du Mercure le
mois prochain , dont le second fervira de Supplement
pour les Pieces reftées en arriere , &
il contiendra la Table generale des Matieres
employées dans les 14. Volumes de cette And
née.
APPROBATION.
'Ay lû par ordre de Monfeigneur le Garde
des Sceaux le Mercure de France du mois
de Novembre, & j'ay crû qu'on pouvoit en permettre
l'impreffion. A Paris , le 4. Decembre
$726.
HARDION.
TABLED T
༤ ) སྱཱ: ༈ ༨༧༢༨
Pleces fugitives , Epitre & Elegie , &c.
2397
Relation des derniers troubles arrivez en
Egypte ,
2 .. 2404
Elegie fur la mort de la Manquile d'Estampes,
212415
Lettre de Bourgogne fur le Phenomene ,
Autre du Havre fur le même fujet ,
Troifiéme Lettre,fur le Phenomene ,
Los Perroquets Fable,
12420
24 6
2443
Le
2609.
Le Retour des Dieux fur la terre , &c. 245 3.
Relation hiftorique des derrieres Guerres &
Revolutions de Perfe ,
Vers à M. le Blanc , Secretaire d'Etat ,
2460
2480
Obfervations generales fur le Dictionnaire
univeriel de la France ,
Enigmes ,
2481
24927
Nouvelles Litteraires des Beaux Arts , & c
2494
Veritable Calendrier chronologique , & c.
2497
Extrait des Difcours de Mrs Mirabeau & Fontenelle
,
Hiftoire de la Comteffe de Savoye , Extrait ,
La.Religion des Gaulois , & c.
2500
2507 .
2514
2522 Dictionnaire des Finances , & c,
Memoires pour fervir à l'Hiftoire des Hom
mes illuftres de la Republique, des Lettres ,
2523
Le veritable état de la France , & c. 2526
Oeuvre de Watteau gravée , &c. 2527
Son Epitaphe ,
2529
Rentrée des Académies , 2534
Ouverture du College Royal,
2537
Ouverture des Ecoles de Medecine , 2538
Découvertes de M. du Quet , 2539
Machines du fieur de l'Erpiniere ,
2542
Chanfon notée ,. 2545
Spectacles 2546
Chaffe du Cerf, Comedie nouvelle , Extrait.
ได้
Pirame & Thyfbé , Parodie:
2547
2554
Nouvelles du Temps de Turquie , Ruffie ,
Pologne , & c.
Naiffances & Morts des Pays Etrangers ,
Nouvelles de la Cour, de Paris , &c.
2561
2976
ibid.
Bene2610
Benefices donnez ,
2581
Ceremonie du Bonnet donné par le Roi au
Cardinal de Fleury ,
Difcours de ce Cardinal au Roi.
2583
2584
Reflexions historiques fur la Dignité de Cardinal
,
Vers de M. de Sennecé.
Morts , Baptêmes ,
Edits , Arretts , &c.
१
23S7
2596
2602
2604
Errata d'Octobre.
Age 2218. ligne 5. la , lifez le.
Page
Page 2251.1 24. empreignées , 1. impres
gnées .
Ibid. 1. 2. du bas , noirs , I. noires.
Page 2257. l. 1. trouva , l . fe trouve.
Ibid. 1. 14. parut , 1. paroît .
Page 2276. 1. derniere du côté 1. du Cefte.
Page 2309. 1. 5. du bas , Peleffe,, . Peliffe , ou
Robe fourrée .
Fantes à corriger dans ce Livre.
Page 2398. ligne 20. c'eſt , lifez eſt ,
Ibid. mettez immediatement avant le Vers
qui fuit la correction précedente , ELEGIR.
Page 2424. L. 14. parcoure , . parcours.
Page 2445. 9. plus d'ici , . plus loin d'ici,
Page 2474. 1. 2. feu , 1. feuls.
La Chanson notée doit regardor la page 2545
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROT
DECEMBRE. 1726.
PREMIER VOLUME
QUE COLLIGIT SPARGIT
A PARIS ,
( GUILLAUME CAVELIER , au Palais
GUILLAUME CAVELIER , fils , rue
Chez S. Jacques , au Lys d'Or.
IN. PISSOT, Quay de Conti à la defcente
du Pont,au coin de la rue de Nevers
MDCC. XXVI.
Avec Approbation & Privilege du Roi.
A VIS.
1
L
' ADRESSE generale pour toutes
chofes eft M.
MOREAU ,
A
Commis au Mercure vis - à- vis la Comedie
Françoife , à Paris. Ceux qui pour leur
commodité voudront remettre leurs Paquets
cachetez aux Libraires qui vendent le
Mercure à Paris , peuvent fe fervir de
Cette voye pour les faire tenir.
On prie très - inftamment , quand on
adreffe des Lettres ou Paquets par la Pofte,
d'avoir foin d'en affranchir le Port ,
comme cela s'eft toujours pratiqué , afin
d'épargner à nous le déplaifir de les
rebuter , & à ceux qui les envoyent ,
celui , non - feulement de ne pas voir
paroître leurs Ouvrages , mais même de
1 les perdre , s'ils n'en ont pas gardé de
copic.
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou tes particuliers qui fouhaiteront
avoir le Mercure de France de
la premiere main , & plus promptement ,
n'auront qu'à donner leurs adreffes à M.
Moreau , qui aura foin de faire leurs paquets
fans perte de temps , & de les fair
porter fur l'heure à la Pofte , on anx Mes
fageries qu'on lui indiquera,
Le prix eft de 3o. fols
MERCURE
DE FRANCE ,
DĚDIE AU ROT
DECEMBRE . 1726 .
PREMIER VOLUME.
XXXXXXXXXXXXXXXXXX XXX
PIECES FUGITIVES ,
en Vers & en Profe.
LA BEAUTE,
ODE ,
A Madame la Marquife de V *.
ParM.des Forges Maillard,A. A.P.D.B.
B
Eauté , fubtil poifon de l'ame ,
Qui nous enchantes & nous perds,
Tifon dont la rapide flamme ,
Embrafa cent fois l'Univers,
I. vol.
A ij Quel
2612 MERCURE DE FRANCE .
Quel Dieu vengeur , quel coup de foudre ,
Réduira les Autels en poudre ,
Ou ton fantôme eft encenſe ;
Et t'arrachant ton Diadême ,
T'abbatra de ce rang fuprême ,
Où le vice épris t'a placé ?
W
Aux yeux humains toûjours maſquée ,
Tu montres d'aimables dehors
Une ame interdite , offuſquée ,
>
Cede à tes magiques efforts.
Mais par quelles lâches foibleffes ,
Par quelles indignes baffeffes ,
Faut-il acheter tes faveurs
Imperieufes , tu ne donnes
Le prix honteux de tes Couronnes ,
Qu'à des captifs & des flateurs.
Tourment des coeurs , trompeufe mere ,
Des dangereux & faux plaiſirs ,
Yaine & féduifante chimere ,
Tu nous confumes en defirs.
L'impatiente jaloufic
Je vel,
•
L'efpois
DECEMBRE . 1726. 2613
L'efpoir craintif , la fantaiſie ,
L'audace aux projets effrenez ,
L'effroi , la guerre à l'oeil funefte ,
L'Adultere & l'infame incefte ,
Sont tes enfans infortunez.
Que de Batailles , que d'allarmes ,
Que de noirs forfaits enfanta ,
L'encens qu'à l'éclat de tes charmes
Le fils de Priam (4) prefenta.
Sa Patrie aux flammes en profes
Sous l'herbe , la fuperbe Troïe
Vit aneantir fon orgueil.
Et Pirrhus (6) boüillant de colere ,
Du meurtre du Fils & du Pere ,
Paya ton infidele accueil.
A ton gré , ton pouvoir perfide ,
Produit des changemens divers .
Le Héros le plus intrépide ,
Languit , avili dans tes fers .
(a) Pâris.
(6) Fils d'Achille.
1. vol.
A iiij Annibal
2614 MERCURE DE FRANCE.
Annibal marche au Capitole ,
De victoire en victoire il vole ,
Rome eft prête à fubir fa loi :
Tu paroîs ; ton aſpect l'arrête ,
Et déja fûr de fa conquête ,
Il ne la laiffe que pour toi . (a)
諾®
Par toi la raiſon révoltée ,
S'emporte en excès odieux ;
Quelquefois Lionne indomptée
Ses mouvemens font furieux ,
Quelquefois rampante , captive ,
Elle eft languiffante & plaintive ,
Toûjours yvre de ton poiſon -
Ainfi de toi feule obfedée ,
De fon Siege elle eft dégradée ,
Et ceffe d'être la Raifon.
Un feul homme en renverſe mille , (b)
Par toi feule il eft abbatu .
De David une fois fragile ,
Tu précipites la Vertu.
(a) Les délices de Capouë.
(b) Sanfon.
1. vol.
Sen
DECEMBRE. 1726. 2619
Son Fils , modele de fageffe , (a)
Devient par ta coupable adreffe ,
Un Monftre d'impudiciteza
Et de Jean , la tête facrée ,
Par un Barbare (6) t'eft livrées
Pour prix de tes lubricitez, (c) boní..
Joffe
Qué de caprice & de manie,
Tod' sodo de
Dans la façon de t'eftimer G
Selon le different génie al afinshoopg
Tu fçais differemment charmer
Tel de fon ame impetueufesion sloqué n '
Suivant l'ardeur voluptueufe , plus SMA'I
Croit te trouver dans la laideuretdout re
Et cette difforme rivale , best at Mey
Qui t'affronte & qui te ravale , pics
Sur toi remporta plus d'un coeuraalne
Amas de pouffiere & de boue ,
De quoi peux- tu t'enorgueillir se
On te méprife , on te baffoleant outw
(a)
Salomon.ol 25thto
(b) Herode.
(c) La fille d'Herodias
I. vol.
A iiij Quand
616 MERCURE DE FRANCE.
Quand tu commences à vieillir .
Au moindre mal s'évanouiffent
Tous les attraits qui t'embelliffent ;
Tu n'es plus comparable à toi:
Et la fiere mort qui nous venge ,
Survient à tout âge & te change!
En objet d'horreur & d'effroi
器
Volage & folle Courtiſanne ,
Qu'accompagne la vanité ;
Ceffe , fimulacre prophane #7
D'ufurper le nom de Beauté.varð eb LT
L'Ame feule à droit d'être belle,
Pure , humble , à fes devoirs fidele
Voilà fes folides appas, z vrnemu 9. 9
C'est par là , qu'à jamais vivante
Sa Beauté refte triomphante ,
Du temps rapide & du trépas
De ces Versi divine Marquifey
Tu me preferivis le deffein ;
Ma Veine à tes ordres foumife ,
Youlut s'en difpenfer envain .
J: vol Dieux !
DECEMBRE. 1726. 2617
Dieux ! quelle étrange complaisance !
Quelle exceffive obéiffance !
D'outrager ainfi la beauté !
Tandis qu'en toi je vois reluire ,
Mille attraits que chacun admire .
Et dont mon coeur est enchanté.
SUITE DE LA RELATION
des derniers troubles arrivez en
Egypte.
E 18. Juin 1719. deux Beigs , qui
deux
Lpourfuivoient Cherkes , revinrent
au Caire avec quatre ou cinq Prifonniers
; mais les Arabes qu'il avoit laiffez
à fes trouffes , l'ayant joint à cinq
lieuës d'Ifis , entre Hanika & Bulbeis , près
du chemin qui mene en Syrie, Cherkes
fit volte-face, & quelqu'inégale que fut
la partie , le combat recommença. Ces
Arabes conviennent qu'il fit des actions
d'une valeur furprenante. Il tua de fa
main plus de vingt perfonnes , & fon
Sabre s'étant brifé en trois pieces , il fe
fervit de celui qu'il portoit , fuivant l'ufage
du Païs , le long de fa Scelle. Enfin
bleffé en trois endroits , les forces lui
I. Vol. A V
2618 MERCURE DE FRANCE.
manquant & fes Gens s'étant mis en
fuite , il fut pris & conduit le 19. chez
fon Ennemi , d'où il partit le 21. fous
bonne garde , pour être embarqué à Damiette
& de-là paffer en Chipre , où on
le relegua .
Cherkès avoit trop d'efprit & de courage
pour fe laiffer abattre par ce revers
de fortune . A peine fut- il arrivé
au lieu de fon éxil , qu'il prit fes mefures
pour le remettre en liberté. La fortune
& la fidelité de fes amis , feconderent
fes projets. Ses Partifans freterent
une Barque ; & s'étant rendus fecrettement
à Chipre , ils le ramenerent au
Caire.
Ifinaël Beig Emir Hadgi , profitant de
fon abfence , avoit , pour ainfi - dire ,
réduit tout le païs fous fon obéïffance .
Cherkès ceda au temps ; il fe tint caché
dans la Ville , & à force d'argent &
de follicitations il obtint enfin de la
Porte , les ordres nécellaires pour fon
rétabliffement.
Cependant , Ifmaël Bey Emir Hadgr ,
n'étoit pas le feul ennemi redoutable de
Cherkès. Les liberalitez de ce jeune
Seigneur , avoient attaché fi fortement
Aly , Pacha de l'Egypte , à fes interêts
qu'ayant reçû jufques à trois Katcherifs
ou Commandemens pour le rétabliffe-
1. vol. ment:
DECEMBRE. 1726. 2619
ment du Beig fugitif , il avoit toûjours
éludé leur execution .
La Porte s'offença enfin de n'être pas
mieux obéie. Regeb , Pacha d'Alep , fut
nommé au Gouvernement de l'Egypte
& à peine y fut-il arrivé , qu'il fit renfermer
l'ancien Pacha dans la Prifon de
Jofeph , où il fut étranglé peu de temps
après , par , par ordre du G. S.
Ce n'étoit encore là , pour ainfi dire ,
qu'un prélude & non le coup de partie.
Il étoit queftion d'abattre abfolument la
faction de l'Emir Hadgi , dont le crédit
donnoit de l'ombrage à la Porte , & de
remettre en fes biens & en fes dignitez
Cherkès , qui jufques - là n'avoit ofé paroître.
Regeb prit là - deffus toutes les
mefures convenables.
Abdoullah , Beig du parti contraire ,
ayant été envoyé avec des Troupes &
des provifions , au- devant de la Caravane
de la Meque , fut attaqué & défait
par les Arabes ; quatre autres Beigs de
la même faction , furent commandez
pour aller avec leurs Troupes à fon fecours
, & les créatures de l'Emir Hadgi .
fe trouvant par là difperfées , le Pacha
executa enfin une partie des ordres dont
' il étoit chargé.
Il commença par communiquer un
Katcherif, qui lui donnoit plein pou-
A vj voir
1. vol.
2620 MERCURE DE FRANCE.
voir de faire ce qu'il jugeroit à propos
pour le bien de l'Empire ; & ayant changé
le nouveau Kiaya des Janniffaires qui
lui étoit fufpect , & mis ce Corps de Milice
dans fes interêts, le 21. Novembre,
jour de Divan , il fit appeller dans fon
Appartement , Ifmael Bey Tefterdar &
le Chaoux lar Kiayaffi ; & leur ayant reproché
leur defobéiffance aux ordres du
G. S. il les fit poignarder devant lui, &
commanda que leurs corps fuflent traînez
par les rues du Caire.
Cette action , à laquelle perfonne ne
s'attendoit , n'infpira d'autres mouvemens
que ceux de la furpriſe & de la crainte .
Regeb profita de ces circonftances . Dès
le jour même Cherkès fut rétabli & reparut
, & le lendemain les Agas des differens
Corps de Milice furent deftituez ,
& leurs emplois donnez à d'autres. Les
Azabs fe voyant feuls , & hors d'état
de fe remuer , furent obligez de fuivre
Ja même loi.
Cependant l'Emir Hadgi , qui étoit allé
au- devant de la Caravane,fe trouvoit encore
à la tête d'un parti formidable. Regeb,
pour diminuer fa puiffance par l'aug
mentation de celle de fon Concurrent ;
revêtit de la dignité de Beig , Cutchuc
Kaffim , parent de Cherkès & Ahmed
Effendi , le même à qui ce Seigneur avoit
A vola accordé
DECEMBRE. 1726. 2621
accordé azile l'année precedente. Non
content de cela il fit lire le lendemain
un Katcherif, par lequel le G. S. déclaroit
Rebelles l'Emir Hadgi & fes adherans
, & en confequence il donna ordre
d'appofer le fcellé à fa maiſon , à celle
d'Ifmael Beig de Girgé , d'Ifmaël Beig
Tefterdar , d'Abdoullah Beig & du
Chaoux-lar Kayaffi. On dit que les biens
de ces Rebelles , montoient à des fommes
fi confiderables , que la Porte n'em
a pas tiré moins de cinq à fix mille
Bourfes , c'eft - à - dire , de huit à neuf
millions de livres.
Le 25. du même mois , il fe tint par
ordre du Pacha , une Conference chez
Cherkès , dans laquelle il fut réfolu d'envoyer
contre l'Emir Hadgi quatre Beigs
avec mille hommes de Milices outre
cela mille Arabes eurent ordre de fe
trouver à portée de les foutenir . Ces
Troupes partirent le 30. on mit auffi des
gens de guerre fur toutes les avenues de
la Ville , & on changea les gardes des
paffages , pour empêcher toute communication
avec les Rebelles . On intercepta
par ces précautions des Lettres de l'Emir
Hadgi , qui recommandoient de ne
rien ménager pour traverfer le rétabliſ
fement de Cherkès , & de chaffer même
pour cela , s'il le falloit , le nouveau Pacha
Deux
1622 MERCURE DE FRANCE.
Deux ou trois jours après , de nouvelles
Troupes fortirent , pour fe joindre
aux premieres , & le 5. Decembre
le Kiaya de Regeb fe mit en Campagne
avec quatre Beigs ; & les cinq Agas des
Bouluk de Cavalerie , ayant appris que
l'Emir Hadgi avoit abandonné la Caravanne
à la defcente de la Montagne de
l'Acabe , & s'étoit enfui fur des Dromadaires
avec Ifmael Beig de Girgé , & Abdoullah
, creature de fon pere , fans que
l'on fçût le chemin qu'ils avoient pris ,
le Kiaya rentra le lendemain dans le Caire
avec les Troupes.
י
Le bruit courut le 8. qu'on l'avoit vû
à trois journées de Gaze , fur le chemin
de Syrie. La Caravanne , qui commença
d'entrer ce jour- là , fut vifitéet
avec exactitude , de crainte que quelques-
uns des feditieux n'euffent tenté
cette voye pour fe jetter dans la Ville .
Cependant les Peuples , ignorant les
deffeins de leur Pacha , s'attendoient
d'un jour à l'autre à de nouveaux évenemens
. Toutes les Milices étoient fur
pied ; les Officiers des Janiffaires envoyerent
de tous côtez pour rappeller
leurs Soldats , & ils firent , ainfi que les
Azabs , garder les poftes de leurs Odgiaks
, du côté du Château. Le 12. y
ayant eu quelques foupçons , que le Chef
*. vol. rebelle
DECEM BRE. 1726. 2623
rebelle étoit rentré fecretement dans la
Ville , le Pacha convoqua une Allemblée
generale chez Mehemed Bey , revêtu
depuis peu , par la deftitution de
l'autre , de la dignité d'Emir Hadgi ; il
y fut conclu & figné , que perfonne ne
donneroit azyle à aucun de ces profcrits,
& que fi l'on en découvroit quelqu'un
de caché , non feulement celui qui l'au
roit reçû , mais encore tout le quartier
feroient punis feverement. Cette refolution
fut confirmée le lendemain par un
Hodjet ou Acte juridique , & ce même
jour le Pacha augmenta de nouveau le
credit & la puiflance de Cherkès , en
honorant Ibrahim Kiachif , fon ami , de
la dignité de Beig . Le parti des Janiffaires
fe fortifiant ainfi tous les jours ,
au préjudice de celui des Azabs , les
quatre principaux Odabachi de ces derniers
, fe firent Janiffaires avec l'agrément
du Pacha , qui faifant fucceder
quelques marques de clemence à la feverité
dont il en avoit ufé d'abord , fit
reftituer une partie des biens des morts
& des fugitifs à leurs enfans.
On ne fut gueres plus tranquille les
années fuivantes , qu'on l'avoit été pendant
les deux dernieres. Ifmael Beig fit
à force d'argent & d'intrigues , ce qu'il
ne s'étoit pas trouvé en état d'entre-
1. vol
prendre
1624 MERCURE DE FRANCE.
prendre à force ouverte ; il rentra dans
le Caire ; il y fut rétabli dans fes dignitez
& dans fes biens , & , ce qui paroîtra
peut- être plus étonnant , il fe raccommoda
fecretement avec Cherkès ,
qui , oubliant les obligations qu'il avoit
à Regeb Pacha le fit defcendre du
Château , c'est- à - dire , le dépoüilla de fa
dignité.
La Porte Ottomane avertié de ces
mouvemens donna le Gouvernement
>
de l'Egypte à Nitchangi Mehemed
à condition d'envoyer la tête d'Ifmael-
Beig à Conftantinople. Le nouveau
Pacha vint au Caire , & fit pendant
deux ans tout ce qui lui fut poffible
pour executer fa commiffion , mais
n'y voyant aucun jour , il s'ouvrit enfin
à Cherkès, & l'engagea dans cette entrepriſe
,, par la promeffe qu'il lui fit de
la part de Sa Hauteffe , du Commandement
abfolu de l'Egypte.
Cherkès accepta aifément une propofition
fi avantageufe pour fe défaire de
fon ancien ennemi ; fon genie vif & entreprenant
, ne lui permettant point de
garder tant de mefures , il entreprit de le
faire poignarder en plein Divan , & il
executa ce hardi projet : après quoi ayant
attiré chez lui quatre Beigs , créatures
du défunt , il les fit jetter dans le Nil.
CherDECEMBRE.
1726. 2625
Cherkès , voulant faire connoître enfuite
qu'il ne fçavoit pas moins recompenfer
fes amis , que fe venger de fes
ennemis , it revêtit , du Caftan où Robe
de Beig , Jutfukar , un des complices de
l'affaffinat ; mais ayant pris depuis quel
que ombrage de fa conduite , il l'éloi
gna , en lui faifant donner un Gouvernement
, & deux jours après il en voya
des gens après lui pour le poignarder,
pendant qu'il faifoit maffacrer lui -même
, ceux qui l'avoient aidé à ſe défaire
d'Ifmaël. Jutfukar , averti à temps , évita
la mort par la fuite.
4
Si les richeffes immenfes & le nombre
des creatures d'Ifmael , qui avoit 400. Villages
à lui , avoient allarmé la Porte , la
conduite hardie de Cherkès , devant qui
tout plioit, ne lui donna pas moins d'ombrage.
Le nouveau Pacha reçut des ordres
réïterez d'envoyer la tête de ce Beig ; la
chofe étoit d'autant plus difficile qu'il n'alloit
plus au Divan : le Pacha prenantdonc
le feul parti qu'il eut à prendre , diftribua
de l'argent à ce qui reftoit de la faction
contraire , & fit défenſes aux fept
Corps de Milice de s'affembler à l'avenir
, ni chez Cherkès , ni chez le Tefterdar
, qu'il declara rebelles ; mais cette
démarche eut un fuccès tout contraire à
celui qu'il s'étoit propofé ; car les Corps
1. vol.
de
1626 MERCURE DE FRANCE.
de Milice s'étant rendus le lendemain
chez Cherkès pour l'informer de ce qui
fe paffoit , il fit allembler les gens de
Loi , & les engagea à figner l'Acte de
dépofition de Mehemed , fous prétexte
qu'il diffipoit les deniers & les grains
deſtinez pour la Mecque.
Après cette action Cherkès revêtit le
Tefterdar du Caftan de Caimacam , &
députa un Officier de chaque Corps de
Milice , pour aller annoncer au Pacha la
ceffation de fon autorité. Mehemed fit
quelque difficulté de fortir du Château ,
mais les Troupes l'ayant entouré , il fut
contraint de ceder. Il fut conduit aux
cris de la populace , qui le chargeoit d'im▾
précations , dans une maifon où il reſta
à la garde d'une Compagnie de Janiſſai,
zes , jufques à l'arrivée d'un nouveau
-Pacha.
Ce nouveau Gouverneur fut Aly .
Pacha de Candie ,› que le Chaoux Bachi
vint inſtaller au Caire , par ordre du
G. S. Il donna , dès qu'il fut arrivé , la
Charge de Tefterdar à Ahmed Beig ; &
ayant affemblé les Corps de Milice , il
leur fit lire un Commandement , par
lequel Sa Hauteffe leur demandoit s'ils
étoient rebelles ou non à fes ordres . Les
Milices ayant répondu qu'elles y étoient
foumifes , le Pacha leur dit , que , puif-
*. vol.
que
DECEMBRE. 1726. 2627
que cela étoit ainfi , le G. S. leur demandoit
les têtes de huit perfonnes , dont
les noms leur feroient déclarez le lendemain
Ce debut mit tout en mouvement dans
le Caire , les Puiflances du pays envoyerent
confeiller au Pacha de fe tenir en
repos , & Cherkès ne vouloit pas moins
que le dépofer , comme fon Prédeceffeur
l'avoit été ; mais fes amis lui ayant
confeillé de prendre des voyes plus douces
, il promit mille bourfes pour Sa
Hauteffe , & en donna trois cens au Pacha
, & autant au Chaoux Bachi , moyennant
quoi le Pacha declara le lendemain
en plein Divan , que l'Egypte étoit purgée
des Tyrans , & mit à neant toute
accufation de felonie , concuffion , pillage
, monopole , &c. Non content de cela
, il offrit à Cherkès la dignité d'E
mir-Hadgi , en effayant de lui perfua
der qu'il n'avoit deformais rien à craindre
; mais Cherkès , qui ne jugea pas à
propos de s'y fier , s'excufa de monter
au Divan.
Cependant le Chaoux Bachi , jugeant
que ce nouveau Pacha favorifoit les re
belles , fit part à l'Ancien des ordres
qu'il avoit de faire perir Cherkès . Ils
delibererent enfemble fur les mefures
qu'ils avoient à prendre , après quoi le
1. vol. Chaoux
2618 MERCURE DE FRANCE .
Chaoux Bachi alla reprefenter les mêmes
chofes à Aly Pacha ; mais celui- ci ,
irrité de ces remontrances , le prit au
collet ; & lui ayant répondu , qu'il ne
fouffriroit point que de fon temps il y
eut du fang répandu , il le menaça de
lui faire couper la tête , & l'obligea de
fe retirer .
Le lendemain Cherkès , informé de
ées démarches , demanda qué le Chaoux
Bachi fut renvoyé , fur quoi ce dernier
reçût ordre du Pacha de partir fans délai
, ce qu'il fit le jour même.
Pendant que ces chofes fe paffoient,
Mehemed,ancien Pacha, a voit tout mis en
oeuvre pour fortifier fourdement fon parti.
par la jonction de l'Odgiakdes Azabs . Ses
deffeins ayant réüffi, il envoya en prefent,
au Chaoux Bachi , qui n'étoit qu'à une
demi- lieue de la Ville , deux chevaux ,
dont l'un feulement étoit harnaché. C'étoit
apparemment un fignal convenu entre
eux , car le Chaoux Bachi ne l'eut
pas plutôt reçû , que fous prétexte de
l'en remercier , & de venir prendre fes
dépêches , il fe rendit au Caire , & defcendit
chez lui. Mehemed , feignant
d'attribuer fon retour à fon impatience ,
le reçut d'un ton irrité , l'envoya chez
fon Kiaya , attendre que fes Lettres fuffent
prêtes , mais le für- lendemain ,
Kaf
fim
DECEMBRE. 1726. 2629
fim Beig & Vau Kiaya , creatures de
Cherkès , ayant été affaffinez dans le
temps qu'ils alloient au Divan , l'on ne
garda plus de mefures. Mehemed , fon
Kiaya , & le Chaoux Bachi , s'empare
rent de l'Odgiak des Azabs , & pointerent
du canon contre la maifon de Cher
kès.
Quoique pris au dépourvû , Cherkès
foutint ce fiege pendant plufieurs jours
avec fon intrepidité ordinaire, mais enfin
le9.Fevrier 1726. la plus grande partie
de fes gens l'ayant abandonné,à la vue du
Pavillon de leur Prophete , il coupa luimême
la tête à 12. jeunes & belles Efclaves
, & à deux garçons qu'il avoit
chez luis aprés quoi , fe faifant préceder
par un de fes principaux domeſtiques
, & à la tête de cent cinquante Ca
valiers bien armez , il fortit à cheval
avec quarante Seigneurs de fon parti , &
donnant tête baiffée fur les Troupes du
Pacha , il fe fit jour , & prit la route du
Caire. Les dernieres nouvelles portent,
qu'ayant trouvé à deux journées de là le
fils du Dey d'Alger , qui revenoit de la
Mecque , ils le font joints enſemble , &
qu'ils font arrivez le quatrième Avril à
Tripoly de Barbarie , où le Bey a parfaitement
bien reçû Cherkès. Cependant
Mehemed , qui avoit eu une fi grande
1. vol.
part
2630 MERCURE DE FRANCE.
t
part dans cette action , a été rétabli dans
fon Gouvernement , & la Porte a honoré
le Chaoux Bachi du titre de Pacha à
trois queues.
De Conftantinople , ce 16. Juillet 1726,
Par L. C. D. C.
XXXXXXXXXXXX :XXX
La Converfion de Mademoiselle de Larroque
à la Religion Catholique fous
Le nom d'Artemire.
POEM E.
Ans le fein de l'erreur Artemire étoit
Danée ,
D'aveugles préjugez victime infortunée.
Au Printemps de fes jours , par mille appas
vainqueurs ,
Elle enchantoit les yeux , & raviffoit les
coeurs .
La vertu , qu'on voyoit accompagner fes
charmes ,
A fa rare beauté prêtoit encor des armes.
Que de triftes regrets , que de finceres voeux
On donnoit chaque jour à fon fort malheu
reux!
Jo vole
Mais
DECEMBRE. 1726. 2631
Mais la Religion , bien plus fenfible encore
,
Voit fon égarement , le plaint , & le déplore.
Jufques à quand, dit - elle , en répandant des
pleurs ,
Ne cefferas-tu point de me ravir des coeurs,
Herefie odieufe , implacable rivale ?
Du moins fi ton poifon , fi ton erreur fatale
,
M'enlevoit des objets moins chers , moins
précieux.
Mais puis-je refufer des larmes à mes yeux
Quand je vois du merite , & des vertus finceres
,
Dans les coeurs qu'ont feduit tes funeftes
chimeres ?
Jeune Artemire , toi digne d'un meilleur fort,
Quitte un chemin trompeur , qui te mene à la
mort ;
Viens à moi ; fois fenfible à la voix qui t'appelle
...
Tu ne m'écoutes point .... Vous , fecondez
mon zele
Grace pu iffante , entrez dans ce coeur tenebreux
,
Faites-y penetrer un rayon de vos feux :
7. vol
2632 MERCURE DE FRANCE;
1
Un feul de vos regards l'aura bien- tôt chan
gée ...
Quels tranfporrs ! quelle ardeur ! ... vous
voilà donc vengée ,
O Religion fainte ! Artemire à vos loix ,
Du préjugé , du fang immole tous les droits.
Paroiffez fentimens de cette ame fidelle ;
Montrez nous tout l'excès de fon ardeur nouvelle.
Comment avez- vous pû m'aveugler fi long
temps,
Dit- elle , faux attraits phantômes feduiſans a
Quand je vous refiftois , ô Rome ! cité fainte,
Je ne connoiffois pas que hors de votre enceinte
,
Tous les efforts ne font qu'égarer loin du
port ,
Et tous les chemins conduiſent à la mort.
Ancienne verité , quoique pour moi nouvelle ,
Si mon coeur à vos Loix fut fi long - temps rebelle
,
Vous feule deformais aurez tous mes foupirs
Et vous feule ferez ma joye & męs plaifirs.
Mais j'ai dans mon bonheur encor des voeux
à faire..
Efprit Saint , dont la grace en ce moment m'éclaire
,
No wels
Puifficz
DECEMBRE 1726. 2633
Puiffiez vous toucher ceux dont j'ay reçû le
jour.
Montrez-vous: vous allez obtenir leur amour.
Pour charmer tous les coeurs , vous n'avez
qu'à paroîtres
Et s'ils font malheureux, faute de vous con->
noître ,
Be vos celeftes feux daignez les enflammer :
Vous les verrez bien- tôt forcez de vous aimer .
A Bordeaux , ce Octobre 1726. R.D.G.
SUITE de la Relation hiftorique de la
Guerre de Perfe.
L
E. Roi de Perfe plus fenfible que tout
autre à ce malheur , & ne fçachant
dans la douleur qui l'accabloít , à qui s'en
prendre , fit appeller Achmed Aga , le
blama publiquement de la trop grande
facilité qu'il avoit euc à fuivre les defirs
du peuple , & de fon imprudence d'aller
attaquer , fans l'ordre du Prince d'Hayouza
, les Ennemis jufques dans leurs
retranchemens ajoutant, que fi ce Prin-
'ce l'avoit trahi dans cette occafion , cela
ne pouvoit venir que du chagrin qu'il
ayoit eu de voir par cette fortie fon aucabrī
, vol. Bautorité •
2634 MERCURE DE FRANCE.
authorité méprifée & fes confeil srejettez.
Achmed Aga n'oublia rien pour s'excufer,
& pour faire comprendre au Roi que
la feule neceffité , le bien de l'Etat & celui
de Sa Majefté , l'avoient engagé à une
pareille entreprife ; qu'au refte le Prince
d'Havouza avoit depuis long- temps de
fecrettes intelligences avec Mahmoud ;
& que fon peu de foin à lui refifter ,
joint à une application conftante à éloigner
tout ce qui pouvoit incommoder
ou arrêter l'Ennemi dans fa Victoire
étoit une preuve évidente de fon infidelité
, mais le Roi ne voulant rien écouter
la -deffus , Achmed Aga , trop fenfible
aux reproches qu'on venoit de lui faire ,
& ne croyant pas pouvoir furvivre avec
honneur à un pareil affront , avala la nuit
fuivante du poifon , dont il mourut quatre
ou cinq heures après.
Cette perte d'un homme dont la droiture
, la douceur & la generofité faifoient
le vrai caractere , caufa de la douleur
generalement à tout le monde , &
même au Roi , qui un peu reyenu de fes
préventions contre lui avoit déja réfo-
Ju de dui confier le foin de deffendre la
-Villes & il faut avouer qu'elle avoit
grand befoin, de fon fecours dans la trifte
Tituation où elle étoit réduite par la fa-
-mine.
.
A
Rien
DECEMBRE. 1726. 2635
Rien de plus déplorable que de voir
à quelles extremitez fe porterent alors
& dans la fuite les habitans preffez par
la plus cruelle faim. Tout ce qu'on fçait
être autrefois arrivé de plus horrible
dans la Ville de Jerufalem , pendant que
Tite & Vefpafien la tenoient affiegée ,
s'eft veritablement renouvellé de nos
jours dans la Ville d'Ifpaham , & je puis
même dire que cela a été au- delà .
D'abord au
commencement du Siege
le Roi peu experimenté dans l'Art de
la Guerre , & s'arrêtant trop ailément aux
fentimens de certaines perfonnes indi
gnes de fa confiance & incapables de
donner un bon confeil , fit publier un
Edit , par lequel il deffendoit à tous les
Citoyens & même aux Etrangers , de
fortir de la Ville , fous quelque prétexte
que ce fut. Bien plus , tous ceux qui ,
par la crainte de l'ennemi , venoient en
foule des Villages voifins , étoient reçûs
dans la Ville ; de forte qu'il y avoit une
fi grande multitude de perfonnes inutiles,
que non-feulement les maiſons , mais
encore les Jardins , les rues & les Places.
publiques en étoient remplies. Malgré
tout cela , avant que la Ville fût inveftie
& les paffages occupez , les vivres y
étoient à affez bon marché mais dès
qu'elle fut inveftie , tout commença à
Kids vol, J Bij être
2535 MERCURE DE FRANCE.
་
être à un prix exceffif ; un pain d'environ
douze livres de France , fe vendoit
au mois de Juillet 8. à 10. Piaftres ,
au mois d'Août , 30. 'au mois de Septembre
, cent , & enfin au mois d'Octobre que
la Ville fe rendit , il monta jufqu'à 200 .
Piaftres. Les chevaux dont le Roi même
étoit obligé de faire fa nourriture ordinaire
, s'achetoient 12. à 1500. Piaftres ;
les chiens & les chats furent recherchez
& mangez par les particuliers qui en
avoient ; enfin la mifere devint fi grande
, qu'on n'eut plus d'horreur de fe
nourrir de chair humaine . On voyoit des
perfonnes qui n'avoient que la peau &
les os , chercher dans des cadavres dé..
charnez , dont les rues étoient pleines, de
quoi foutenir encore les foibles reftes
d'une vie languiffante , que la faim leur
alloit bientôt ravir d'autres parcou
rant les rues en fureur , avec des maffuës
de fer , tuoient les premiers qu'ils
rencontroient fans défenfe , & s'en nourriffoient
après. Les meres mêmes n'épargnoient
pas leurs propres enfans ' ; infenfibles
à leurs cris & à leurs larmes ,
elles étoient les premieres à les mallacrer
& à les manger.
Mais ce n'étoit pas feulement parmi le
peuple que ces cruautez barbares s'éxerçoient
: les perfonnes les plus diftinguées
J. vole
après
DECEMBRĚ. 1726. 2637
après avoir confommé tout leur ar
gent , le voyoient obligées d'en venir
aux mêmes extremitez . Quelques fa
milles feulement ne pouvant par une
horreur naturelle fe réfoudre à de pa
reils excès aimerent mieux mourir
, que de vivre fi miferable
ment & d'une maniere fi contraire à l'hu→
manité..
par le poiſon , que
Telle a été à peu près la cruelle fituation
de la Ville d'Ifpaham , durant
deux mois & demi ; le nombre de ceux
qui moururent en ce temps- là , va audelà
de ce qu'on peut s'imaginer. Les
Jardins & les Places publiques étoient
comme autant de Cimetieres . On avoit
jetté une fi grande quantité de cadavres
dans la Riviere , que même l'année d'après
on n'ofoit par horreur en manger
le poiffon.
: Si Mahmoud eût voulu dans ces malheureuſes
conjonctures , attaquer la Ville,
il l'eût prife immanquablement d'affaut
& cela fans beaucoup de peine ; mais defirant
fe conferver les tréfors du Roi &
des Grands , qui , fans doute , euffent été
enlevez par les Soldats dans la chaleur du
pillage , it fe tint tranquille pendant plus
de 40 jours , amufant toûjours les Perfans
par de vaines capitulations ; affuré
qu'il étoit de fon entreprife , qui ne pou
Bij voit
1. vol.
2638 MERCURE DE FRANCE.
voit manquer de réüffir , il attendoit chas
que jour que le Roi & la Ville fe rendiffent
à diſcretion , & c'eſt ce qui arriva
en cette maniere , le 23. Octobre de la
même année 1722.
D'abord le Roi , pour adoucir la ferocité
de fon vainqueur , & pourvoir en
même- temps à la fûreté de la vie , pour
laquelle il avoit tout à craindre , choifit
parmi les Princeffes fes filles , celle qui
par fa beauté , fon efprit & fes manieres
engageantes , devoit le plus agréer à
Mahmoud , & la lui envoya avec de trèsriches
prefens , le priant inflamment de
vouloir bien l'accepter pour fon époufe .
Après quoi s'étant dépouillé de toutes
les marques de la Royauté , & revêtu
d'un habit noir , il parcourut à pied , les
larmes aux yeux & dans la pofture la
plus humiliante , les principales ruës de
la Ville , déplorant fon malheur & les
triftes ruines de fa famille , qui alloit être
bien-tôt réduite à un dur efclavage .
Le peu d'habitans qui reftoient dans If
paham , touchez d'un fpectacle fi éton - t
nant & fi digne de compaffion , ne purent
eux-mêmes retenir leurs larmes ; &
oubliant dans cette occafion leur propre
mifere , ils ne paroiffoient fenfibles qu'à
celle de leur Prince. Leurs cris redoublez
fe faifoient entendre de toutes parts,
I. vol.. &
DECEMBRE : 1726. 2639
&
& parvinrent même jufqu'à Zulfa , où
ils porterent la douleur & la compaffion
dans le coeur de tous ceux qui y étoient.
Après cette trifte & lamentable ceremonie
, le Roi reprit ſes habits ordinaires ,
ayant mis la Couronne fur fa tête , il
fortit de la Ville , accompagné d'environ
300. perfonnes des plus diftinguées de
fa Cour , & fe rendit au Camp de Mahmoud.
On n'oublia rien pour engager ce Rebelle
à aller au- devant de fon Roy ; mais
on ne put rien gagner fur un efprit , à
qui une orgueilleuſe fierté faifoit regarder
ce devoir comme une chofe indigne
d'un vainqueur. Il fe contenta feulement,
à fon arrivée , de fe lever de fon fiege
& de lui rendre fimplement le falut qu'il
n'auroit pas même pû refufer au dernier
de fa Cour.
Une maniere fi hautaine révolta tous
les efprits : les Ennemis même , & furtout.
Acheraf , un des Chefs des Aghuanis
, qui étoit proche parent de Mahmoud
, ne purent s'empêcher d'en témoigner.
publiquement de l'indignation .
Le Roi , cependant , fans rien faire paroître
du chagrin dévorant qu'il reffentoit
au fond de fon coeur , s'approche de
Mahmoud , il l'embraffe comme s'il eût
été le meilleur de fes amis , le reconnut
I. vol. B iiij pour
2640 MERCURE DE. FRANCE.
pour
fon pour fon gendre , l'adopta enfin
fils, & lui fit par écrit une ceffion authentique
de fon Royaume,à lui & à fes def
cendans , excluant même pour jamais de
la fucceffion fes propres enfans & ceux
qui en naîtroient.
Pour toute reconnoiffance d'un bienfait
fi confiderable, le Roi ne lui demanda que
deux chofes . La premiere, qu'il ne touchât
point à fes Concubines : la feconde ,
qu'il s'engageât par ferment à lui conferver
la vie & celle de fes enfans , les
Princes du Sang , qu'il devoit regarder
comme fes freres cadets , en qui il trouveroit
toûjours tout le refpect , toute la
foumiffion & toute la fidelité qu'il fouhaiteroit
. Mahmoud s'engagea fans peine
, & même volontiers, à tout ce qu'on
exigeoit de lui. Après quoi le Roi prenant
fa Couronne , la lui mit fur la tête ,
Jui prefenta le Sceptre , & lui livra en
même temps les Clefs de fon Palais &
de fes tréfors , l'affurant qu'il le reconnoiffoit
dès ce moment & le reconnoîtroit
toûjours dans la fuite pour fon maître &
fon unique Souverain .
Les Grands du Royaume & les Gene-
-raux des Aghuanis & des Guebres , fuivirent
l'exemple du Roi de Perfe & fi
rent tous leurs foumiffions . Cependant
Mahmoud , après avoir fait prendre ,
, fe-
I. vol.
lon
DECEMBRE. 1726. 2641
Jon la coûtume du païs , quelques ra
fraîchifflemens au Roi, & à ceux de fafuite
, envoya environ 40000. hommes
pour
fe faifir du Palais Royal , des che- !
mins & des Portes de la Ville , où il fit
fon Entrée publique le 25. du même
mois , dans l'ordre fuivant. 2.
Jacques Curland , précedé de dix à
douze Soldats à pied , commençoit la
marche. Il étoit monté fur un Cheval
richement harnaché , portant les Clefs
de la Ville & du Palais : immédiatement
après venoient 150. Prétoriens ou Soldats
de la Garde , marchant deux à deux ,
& portant en main le fabre élevé ,
Ceux- cy étoient fuivis de 30. Officierki
de Guerre à cheval , fuperbement vêtus,
& formant un cercle , au milieu duquel
étoit le nouveau Roi , la Couronne en
tête & le Sceptre à la main , monté fur
nn Cheval de grand prix , dont le Prince
d'Havouza lui avoit fait prefent quelques
jours auparavant . "Il avoit à fes côtez
les deux principaux Chefs de fon
Armée , Kior Sultan & Amanulla , foutenant
au-deffus de fa tête un petit Dais .
fort riche & parfemé de pierreries qui
éblouiffoient par leur grand éclat. La
marche étoit fermée par cent autres Soldats
de la Garde , ayant , comme les pre
miers, le fabre à la main , & après eux ver
Lá 1. vol. noient B v
8
2642 MERCURE DE FRANCE .
noient les Grands de Perfe , ayant à leur
tête quelques Frinces du Sang , & le
Roy nouvellement détrôné , qu'on appelloit
& qu'on appellera ici dans la fuite
Schah Huffain . Les rues qui conduifoient
au Palais étoient bordées de Soldats , le
Moufquet fur l'épaule , & de diftance
en diftance on faifoit brûler des parfums
dont l'agréable odeur fe répandant dans
toute la Ville , en chaffoit l'infection
que tant de cadavres à demi pourris y
avoient laiffée.
Dès qu'on fut arrivé au Palais Royal ,
Mahmoud fut conduit dans la Salle où
étoit le Trône , fur lequel il fe plaça , &
il fut falué pour la feconde fois en qualité
de Roi de Perfe , par Schah - Hullain,
par les Princes & par les Grands du
Royaume , qui alors étoient en grand
nombre à la Cour. Un moment après ,
on fit une décharge generale de toutes
les pieces d'Artillerie qui étoient dans la
Ville , à laquelle répondirent tous les
Forts & tous les Châteaux des environs .
Il n'y eut dans la Ville rien d'extraordinaire
dans ces réjoüiffances qui furent
ordonnées pendant quelques jours : la mifete
où étoient réduits les habitans , ne
leur permit pas de témoigner beaucoup
de joye dans cette occafion. La difette
neanmoins diminua confiderablement, &
I. vol. le
DECEMBRE. 1726. 2543
le pain que l'on vendoit auparavant 200 .
écus , fut mis par ordre de Mahmoud , à
deux écus & bien - tôt après , les provifions
venant en abondance , les chofes y
furent à un prix affez raiſonnable .
Un fuccès auffi heureux que celui- la ,
fit efperer au nouveau Roy de venir facilement
à bout de toutes les autres entrepriſes
. Maître qu'il étoit de la Capitale
du vafte Royaume de Perfe , ayant
en fon pouvoir le Roi , les Princes & la
plupart des Grands , il ne doutoit point
que les Villes & les Provinces ne le
reconnuffent , & ne fe rendiffent à lui.
Ainfi après avoir reglé toutes chofes dans
Ifpaham , & mis fous une bonne garde
Schah - Huffain & fes enfans , il envoya
à la fin de Novembre 10000, Aghuanis à
Cafuin ou Cafbin , Ville autrefois Capita
le de la Perfe & le féjour ordinaire de fes
Rois , pour l'engager à fe rendre &
à donner la premiere un exemple de
fa foumiffion . Les habitans de cette Ville
, qui n'étoient point préparez à foutenir
un Siege , fe foumirent d'abord ;
mais peu de temps après , ne pouvant
fupporter les indignes cruautez que commettoient
les Aghuanis à leur égard ,
par une fecrette confpiration ils fe révolterent
& en tuerent plus de 4000 .
Les autres ayant perdu tous leurs baga-
11. vol.
B vj ges,
#
2644 MERCURE DE FRANCE .
粉
4
+
"
ges , furent obligez de fuir , & dans le
chemin plufieurs moururent ou des bleffures
qu'ils avoient reçûës ou du froid
qui étoit exceffif, & dont ils n'avoient pas
de quoi fe garantir. Très-peu enfin arriverent
à Ifpaham au commencement de
Février 1723. & Amanulla , leur General
, eut bien de la peine à guerir d'un
coup de Moufquet qu'il avoit reçû dans
l'épaule droite .
La nouvelle de cette défaite affligca
extraordinairement Mahmoud , & lui fit
comprendre combien fa prefence étoit
neceffaire pour foumettre le reste du
Royaume à la domination. Cependant il
ne vouloit pas fi -tôt fortir d'Ifpaham ;
il craignoit que dans fon abfence il n'y
eût quelque révolution qui lui feroit perdre
en un moment tous les fruits de fes
conquêtes. A la verité , il n'avoit rien à
craindre de Schah- Huflain ni des Princes
du Sang , qu'il tenoit bien renfermez
& dont il avoit confié la garde à fes plus
fideles amis. Mais les Grands du Royaume
, à qui il avoit laiffé la liberté , pouvoient
, tandis qu'il feroit occupé à faire
la guerre ailleurs , foulever le peuple
contrelui , faire main-baffe fur les Soldats
qu'il laifferoit & fe rendre maîtres.
de la Ville & des Fortifications.
Pour prévenir cela & s'affurer de la
1. vola Ville
DECEMBRE. 1726. 2645
Ville , il fit d'abord venir de toutes les
Provinces voifines le plus de familles
qu'il put trouver de fa fecte , à qui il
diftribua une partie des maifons de ceux
qui avoient péri dans la famine ; après
quoi , fous prétexte de donner un repas
aux Grands du Royaume , il les affem
bla tous dans fon Palais & les fit poignar
der avec leurs enfans . Leurs cadavres
au nombre de 300. furent jettez dans les
Places publiques . Non -content de cette
cruauté , il fit auffi mourir mille Soldats
de la garde de Schah Huſſain , & 3000 .
Perfans.
1
Quelques jours après , tous ceux qui
étoient propres à porter les armes , furent
malfacrez , les uns dans leurs maifons
, les autres dans leurs Jardins &
beaucoup d'autres dans les rues ou dans
les Places publiques : enforte que felon
le fentiment commun , il y eut dans cette
occafion plus de 25000. hommes tuez de
propos deliberé.
Mahmoud , par un fi horrible carnage,
s'étant défait de tous ceux dont il avoit
quelque chofe à craindre ; & ne voyant
dans la Ville que des gens de fa fecte
de la fidelité defquels il ne pouvoit dou
rer , ne penfa qu'à aller faire de nouvelles
conquêtes . Ainfi après avoir donné
fes ordres & laiffé une affez bonne Gar-
L. vol..
nifor
2646 MERCURE DE FRANCE.
nifon dans la Ville & dans les Châteaux;
il fe mit à la tête de fon armée au commencement
de Mai 1723. & marcha vers
la Citadelle de Guicz.
par
Cette Place bâtie fur le haut d'une petite
colline , eft très - forte , & comme elle
n'eſt dominée par aucun endroit , il étoit
fort difficile de la prendre autrement que
la famine. Zeberdert Kan , un des
Officiers Generaux des Aghuanis , l'avoit
déja attaquée diverfes fois , mais
fans aucun fuccès ; au contraire , il avoit
été toûjours repouffé vigoureufement &
même avec perte. Mahmoud , à fon arri
vée , la fomma de fe rendre ; & fur le
refus qu'en fit le Gouverneur , il envoya
4000. Guebres fe faifir des portes ,
les rompre & forcer la Garnifon à fe
foumettre. Cette entrepriſe ne réüffit pas
felon fes fouhaits ; car ceux qui gardoient
la Citadelle , attentifs à tout ce qui fe
paffoit dans l'armée ennemie , & voyant
les Guebres , la hache à la main , s'approcher
en foule de leurs portes , firent
fi à propos une décharge de toute leur
Artillerie fur eux , qu'ils en tuerent plus
de 2000. les autres épouvantez , prirent
la fuite & retournerent au Camp.
pour
Cependant Mahmoud , prévoyant ce
qui lui en coûteroit s'il s'obſtinoit à vou
loir prendre cette Place par force , &
i. vol. ne
DECEMBRE . 1726. 2647
ne croyant pas d'ailleurs devoir employer
beaucoup de temps à l'inveftir , & atten
dre que la faim l'obligeât à fe rendre
eut recours à un moyen qui lui réüffit .
Il envoya par quelques - uns de fes plus
Confidens , une fomme confiderable d'argent
au Gouverneur , en l'affurant que
s'il vouloit livrer la Place , il en recevroit
bien davantage & auroit un Gouvernement
beaucoup meilleur que celui
qu'il avoit actuellement . Les Soldats de
la Garnifon ne furent pas oubliez , chacun
reçût fon prefent , & bien-tôt après
la Citadelle fe foumit. Mahmoud , pour
fe la conferver , y mit environ mille
Aghuanis , fous un Chef de fes amis &
en ôta le Gouverneur & fes Soldats
qu'il emmena avec lui fous prétexte de
vouloir les faire participer à fes Victoires.
Il prit enfuite fa route vers Benifpaham
: c'eft une petite Ville fituée fur le
penchant d'une colline , au bas de laquel
le s'étend une, agréable & fertile plaine ,
arrofée de divers ruiffeaux d'eau vive ,
qui en Eté rendent ce féjour un des plus
agréables de la Province d'Airak.
Cette Ville remporta plufieurs avantages
fur l'Ennemi , dont elle fit périr un
grand nombre pendant un mois que dura
le Siege ; mais enfin preffé par la mife-
I. vol.
re ,
2643 MERCURE DE FRANCE.
re , elle fe rendit à la perfuafion de Ze-'
berdert-Kan à des conditions honorables.
Les Aghuanis renfermez jufques- là
dans le feul Territoire d'Ifpaham , fon
en fortir & à aller foumettre
gerent
à
les autres Provinces .
Neanmoins comme on craignoit toûjours
quelque foudaine révolution en faveur
du Prince Thamas , que quelques
peuples commençoient à fuivre , on jugea
qu'il étoit neceffaire queMahmoud de meurât
dans le Païs conquis avec une partie de
fes Troupes , pour être à portée de reme
dier promptement aux troubles qui pour
roient y arriver , & que cependant Kior-
Sultan iroit avec l'autre partie fe rendre
maître des autres Provinces & des Villes
les plus confiderables du Royaume. Ainfi
PArmée fut divifée en deux Corps . Kior
Sultan , ayant fous lui Zeberdert Kan, prit
le plus nombreux & alla fe jetter dans
la Province de Fafiſtan , qui après une
genereufe défenſe fe foumit enfin , comme
on le dira dans la fuite. Mahmoud
retint avec lui feulement 2 5000. hommes
avec lefquels il alla attaquer Kulpekin.
Cette Ville qui n'eft éloignée d'Ifpa
ham que de 30. à 35. lieuës , & qui eft
fituée dans une plaine affez fterile , par
le défaut des eaux , tenoit fortement pour
le parti du Prince Thamas. Elle étoit bien
pourvûë
I. val.
DECEMBRE. 1726. 2649
pourvûë de Troupes , de vivres & de
munitions de guerre. La Citadelle , furrout
ne manquoit de rien dé tout ce qui
étoit neceffaire pour pouvoir fe défendre
& foutenir long- temps un Siege.
Dès que Mahmoud y fut arrivé &
qu'il eut appris par fes Efpions la réfolution
des habitans & le bon état de dé
fenfe où étoit la Place , il commença à
craindre & à fe repentir de s'être fi fort
avancé avec fi peu de monde. Cependant
ne voulant pas avoir la honte d'abandonner
fon entreprife , il difpofa tellement
toutes chofes , qu'après avoir fait
faire diverfes décharges de fon Artille
rie contre la Ville , il la fit attaquer
tout à la fois par trois endroits , & cela
avec tant d'ordre & de bravoure , que
malgré la genereufe réfiftance des Affiegez
, il eut tout l'avantage dans cette occafion
& s'empara d'une petite partie
des retranchemens qui lui fervirent beaucoup
pour réfifter dans la fuite aux continuelles
forties qu'on faifoit fur lui &
qui lui enlevoient toûjours bien des Soldats
.
Le Prince Thamas , qui n'étoit qu'à
deux journées de Kulpekin avec 8000.
hommes , fous un Chefnommé Fredronkan
, de la fecte des Aghuanis , ayant fçû
le danger où étoient les Affiegez , vine
1. vol.
4
avec
1650 MERCURE DE FRANCE .
avec fon petit corps d'armée à leur fecours
, & il vint avec d'autant plus de plaifir
, qu'il s'attendoit à avoir un heureux
fuccès. Le petit nombre des Ennemis que
des pluyes continuelles & un froid très-piquant
incommodoit extrêmement , la fidelité
des habitans à fon égard & la bonté
de ſes Troupes , l'affuroient déja par
avance de la Victoire ; mais il fut trompé
dans fon attente . Car à peine fut- il
arrivé , que Fredron- Kan , par une trahifon
des plus noires , abandonnant fon
parti pour embraffer celui de Mahmoud,
vint fe jetter fubitement avec la meilleute
partie des Troupes du Prince qui le
fuivirent , fur ceux qui gardoient les retranchemens
, fit main-baffe fur tout ce
qu'il rencontra & fe faifit de tous les
poftes avantageux qu'ils occupoient . Les
habitans abbatus & confternez de cette
révolte imprévûë , & ne fçachant dans
le trouble où ils étoient comment fe
défendre abandonnerent le refte des
tranchées & fe réfugierent dans la Fortereffe
, qui peu de temps après fut prife
par l'Ennemi , & la Ville fut livrée au
pillage & tous les Citoyens paffez au fil
de l'épée. Le Prince avec le peu de Soldats
qui lui étoient demeurez fideles , prit
la fuite & s'en alla dans la Province du
Mezanderan.
,
1. vol. La
DÉCEMBRE. 1726 2651
n
La Ville de Caffana épouventée au
bruit de ces triftes nouvelles , & craignant
de fubir bien tôt le même fort de
Kulpekin , envoya fes clefs à Mahmoud,
& fe foumit à lui : elle fut traitée avec
toute la douceur que demandoit fa foumiffion.
La fuite fera dans le fecond Volume
de ce mois.
FABLE.
LE SERIN , LA FAUVETTE
ET LE MOINE AU ,
JN Serin amoureux à perdre la raifon ,
Si la raifon chez les Serins habite
Et qui prefque pour tout merite ,
Fredonnoit affez bien une tendre Chanfon
Avoit enfin touché le coeur d'une Fauvette
Jeune , aimable , partant coquette.
Telle conquête en ce temps - ci ,
Eft un grand point . Belles de cette espece
Mal - aifément prennent de la tendreffe:
I. vol .
auf
2652 MERCURE DE FRANCE.
Auff
En coûta-t'il à notre Amant tranfi ,
Tout ce qu'en pareil cas on fçait mettre en
ufage ,
Soupirs , larmes , fermens de n'être pas vo
lage ,
Petits foins , affiduité ;
Tous ces riens qui font grandes chofes
,
Amour , lorfque tu nous expofes,
A recevoir les loix d'une fiere beauté,
Notre Oifeau n'étoit pas à fon apprentiffage
Il expofa fes maux , Fauvette en eut pitié ;
Il n'en falloit pas davantage ,
De plaindre à foupirer bien court eft le voya
ge
Parmi la Gent au petit pié.
Setin fur fes rivaux eut bien - tôt l'avantage ;
Pinçon , Chardonneret , tout fut facrifié.
Le Roffignot en vain étaloit fon ramage ,
Le Serin chantoit mieux ; & fa felicité
Bien-tôt graces aux foins de la tendre Fau
vette ,
J. vol.
Fut complette :
Et
DECEMBRE. 1726. 2653
2
Et fi vous exceptez quelque infidelité
Très legere, à la verité ,
Cet Amant préferé n'avoit plus à fe plaindre
;
Mais tels étoient les Arreſts du Deftin .
Malgré tout fon amour , de l'Oifeau feminin
Le naturel coquet ne pouvoit fe contraindre,
A la fin ce couple emplumé ,
Au milieu des plaifirs , d'aimer & d'être ai
mé ,
Eprouva les rigueurs d'un fort inévitable ;
Nul bien ici-bas n'eft durable ,
On vit finir celui dont on étoit charmé.
De la Fortune , inconftance ordinaire :
Par je ne fçai quelle neceffité ,
Cela ne fait rien à l'affaire ,
Le Serin fut forcé de faire
Un voyage plus grand qu'il n'auroit fouhaité.
Tous les efforts d'une Amante allarmée
Furent vains pour le retenir ;
A ce cruel départ il falloit confentir.
Par mille adieux touchans leur tendreffe exprimée
,
Ebranloit vainement le Serin attendri ,
vol. Je
2654 MERCURE DE FRANCE .
Il fallut s'arracher de fa Fauvette aimée ;
Il fallut voir partir fon Serin trop cheri.
Depuis long- temps une amitié fidelle ,
Avec notre Serin lioit certain Moineau ,
Jeune , mais vieux routier , bien hupé , fort
de l'aîles
Moineau des plus Moineaux , un Hercule nouveau
.
C'eft à ce cher amni que le Voyageur laiffe
Le foin de fa trifte Maîtreffe.
Il l'exhorte furtout , imprudence d'Amant ,
A la voir à toute heure , à lui parler fans
ceffe ;
Et lui demande expreffément
Cette preuve de fa tendreffe.
Le Moineau
promet tout , le Serin part content
;
Et l'autre dès le même inftant .
S'apprête à remplir fa promeffe.
?
Auprès de la Fauvette il vole en un moment ,
I'
S'efforce de calmer la douleur qui la preffe ;
b
Elle eft vive au commencement ,
On n'entend rien , on fe defole :
I. vol. Le
DECEMBRE. 1726. 2655
Le Moineau quelques jours travaille vainement.
Dans la fuite infenfiblèment
Dame Fauvette fe confole ;
Le Moineau trop exact à tenir ſa parole
Ne la quitte que rarement :
Elle devient fenfible à fon empreffement.
Faifant à l'amitié la plus cruelle injure
Mon drôle tente l'avanture ;
On l'écoute. Abregeons . Qu'arriva- t-il enfin
?
Le Moineau prit bien - tôt la place du Serin.
De ce perfide ami la trahiſon fut telle .
Mais auffi , dira- t'on , pourquoi quitter fa
Belle ?
Le Serin merita fon fort;
Le Moineau fit fort bien , la Fauvette fut
fage.
Qui. Voilà quel est l'ufage ,
Les abfens ont toujours tort
1. vol. LET
2556 MERCURE DE FRANCE .
LETTRE écrite de Bourgogne à M. de
L. R. fur quelques particularite fingulieres
de deux Manufcrits : l'un de
Toul , l'autre de Sens.
Caportée que moi , de voir le fça- Cu
Omme vous êtes , Monfieur , plus
vant Religieux , qui prépare une nouvelle
Edition du Gloffaire de M. du Cange
, vous pourriez l'engager d'ajoûter à
tout ce qu'il a recueilli fur le mot Alleluia
, ce que je vais vous en marquer içi
de fingulier:
C'eſt un terme qui me paroît avoir été
mis à prefque toute forte d'épreuves. Je
ne remonterai point jufqu'à ces fiecles
reculez , aufquels avant l'invention des
Cloches , il fervoit de fignal pour ap
peller à la Priere les Religieux & les
Religieufes. Je n'examinerai point non
plus , fi ce feroit de là que pourroit être
venue la pensée qu'eut un grand Evêque
de notre France , d'en faire le Cry de
guerre dans la conjoncture où il fe trouva
en Angleterre , qu'on appelloit alors
Bretagne. Je parle d'un fait du cinquiéme
fiecle. Mon deffein n'eft pas auffi de
yous faire remarquer ce que rapportent
I, vale cerDECEMBRE.
1726. 2657
éertains Ecrivains touchant des Concerts
extraordinaires entendus dans les airs , &
dans lefquels on diftinguoit à merveille ce
mot Alleluia. Si l'on pouvoit compter fur
l'autorité de ces Auteurs affez modernes , il
'y en auroit point qui meritât plus d'attention
que François Alvarez , qui rapporte
qu'en Afrique il y a eu un Mohaftere
appellé Alleluia , en memoire
d'un femblable évenement. Mais pour nepoint
fortir de ce qui eft de la compe
tence d'un Gloffaire , je veux me contenter
de vous faire remarquer , que ce
terme Alleluia , quoiqu'appartenant à
une Langue , avec laquelle la Latine n'a
aucun rapport , n'a pas laiflé d'en fubir
les inflexions ; & quoiqu'en lui -même
il fignifie une Sentence entiere & complete
, on en a fait un nom latin , à qui
on a donné des cas ; on a même conduit
fa fortune jufques dans les verbes ,
& on n'a pas craint de le trop défigurer,
en le conjuguant comme un verbefordinaire,
( a ) Qui vous diroit qu'on l'a
( a ) Alleluiatici Pfalmi. Dans S. Jerôme ,
& c. Alleluiaticum dans S. Gregoire de Tours,
dans la Regle de S. Aurelien d'Arles , &c.
Alleluiarium. Eucologe des Grecs , p . 102
c'eft-à dire , les Verfets des Pfeaumes préce
dez d'Alleluia.
Alleluiare. Refponforia Horarum alleluian,
J. vol.
C.
per
2658 MERCURE DE FRANCE.
perfonifié , pour lui faire fentir le fort
commun des chofes de la terre , le faire,
mourir , lui donner la fepulture , & le
voir enfuite reffufciter ? C'eſt à ce der
nier trait queje veux m'attacher.
Ce que vous avez publié touchant
la Fête des Foux dans le Mercure du
mois de Fevrier dernier , m'a donné la
curiofité de confulter tous les anciens
Statuts de Chapitres dont je pouvois
avoir des copies . Je fuis tombé fur l'Article
XVI. des Statuts de l'Eglife Ca
thedrale de Toul , redigez au XV. Siecle.
Cet Article eft ainfi intitulé : De
Fefto & Epifcopo Innocentium. J'y ai
remarqué beaucoup de curiofitez facetieufes
, & d'une espece qui correfpond
au titre de l'Article , fans compter certains
termes de la baffe Latinité , comme
capellus , romarinus , farfa , marentia
, tortitia. Cet Article eft immedia
tement précedé d'un autre qui a ainfi
pour titre : Sepelitur Alleluia. Vous ne
ferez pas fâché de le lire dans les propres
termes qui le compofent . Le voici
iranſcrit fidelement. Sabbato Septuage
Pur. Cette expreffion eft dans pluſieurs and
ciens Breviaires de 200. ou 300. ans & ay
de- là.
Alleluiatus , adjectif. Refponforia alleluia.
4. Microlog.cap. 59v
fina
3. pole
DECEMBRE. 1726. 2659
fima in Nona conveniant pueri choriferiati
in magno veftiario , & ibi ordinent
fepulturam Alleluia. Et expedito
ultimo Benedicamus , procedant cum crucibus,
torciis , aqua benedicta & incenfo
, portantefque glebam ad modum funeris
, tranfeant per chorum , & vadánt
ad clauftrum ululantes ufque ad locum
ubi fepelitur : ibique afperfà aquâ &.
dato incenfo ab eorum altero redeunt codem
itinere. Sic eft ab antiquo confuetum
. Voilà un Enterrement qui doit
vous paroître affez particulier , un Enterrement
folemnel de l'Alleluia qui fe
faifoit le Samedi , veille du Dimanche
dans la Septuagefime , entre Nones &
Vêpres , au vû & au fçû du Chapitre de
Toul . C'étoit aux Enfans de Choeur à
y officier. Il falloit qu'ils portaffent , en
traverfant le Choeur , une efpece de biere
, qui reprefentoit l'Alleluia decedé.
Le Cercueil étoit accompagné des Croix ,'
des Torches , de l'Eau -benîte & de l'Encens.
Mais il falloit de plus que ces Enfans
euffent la bonté de pleurer , de fe
répandre en plaintes & en lamentations,
jufqu'au Cloître où la foffe étoit préparée
pour l'inhumation : Ceremonie qui ,
fans doute , devoit paroître fort touchante
aux Affiftans . Cet Enterrement .
fingulier me fit naître l'envie de chercher
Je val, Cij dans
2660 MERCURE DE FRANCE.
•
dans le refte des Statuts , s'il n'y feroit
point marqué de quelle maniere l'Alleluia
avoit le bonheur de fortir du
tombeau , mais je n'y en ai rien trouvé .
Auffi étoit- ce anciennement la coutume,
que le chant de l'Alleluia fut quitté
avec plus de folemnité qu'il n'étoit repris.
Amalaire , qui a écrit au IX. Siecle
, dans la Province dont Toul fait
partie , donne à connoître , que de fon
temps on y faifoit un Office de l'Alle-
Luia , femblable à des Obfeques joyeus
fes , ce qui étoit comme une efpece d'a
dieu folemnel, On lui appliquoit à cette
occafion tous les Paffages qu'on pouvoit
de l'Ecriture Sainte. Comme cet
Ecrivain étoit en grand credit , il tâcha
de juftifier cet ufage par de pieufes moralitez
. On ne le remarqua embarraſſé
que fur le genre dont la Grammaire
youloit qu'Alleluia fut censé être ; &
comme ce nom étoit reputé du genre neutre
, il eut de la peine à trouver de la
jufteffe dans certains textes , où le propom
étoit pris au feminin. C'est dans
fon Traité de Ordine Antiphonarii , Chapitre
30. qu'on peut voir le détail de fes
explications . Ce celebre Prêtre de Metz,
mal pris par quelques Modernes pour
l'Archevêque de Treves du même nom,
Le parle pas de la Collecte , qui fervoit
E voly
de
DECEMBRE. 1726. 2661
de conclufion à cet Office ; mais je l'ai
trouvée dans un Miffel du XIII . Siecle ,
à l'ufage de notre Diocèfe , & dans un
Antiphonier felon le même ufage écrit
au XII. Vous pouvez la voir au bas de
cette Lettre , auffi-bien que le commencement
de l'Hymne * , qui fut compofée
par la fuite des temps , afin qu'il ne
manquât rien à une telle folemnité . Je
croirois donc que ce fut dans les deux
Siecles qui s'écoulerent depuis celui d'Amalaire
, qu'on s'avifa de reprefenter plus
litteralement la dépofition de l'Alleluia
par quelques actions qui répondiffent aux
paroles . L'idée que donnoit alors le mot
de dépofition , étoit la même que nous
avons aujourd'hui par celui de décès , ou de
fepulture. Et il fut d'autant plus facile de
Hymnus. Alleluia dulce carmen ,
Vox perennis gaudii :
Alleluia laus fuavis
Elt choris cæleftibus :
Quod canunt Dei manentes
In domo per fæcula .
* Oremus. Deus , qui nos concedis alleluiatici
cantici deducendo follempnia celebrare :
da nobis in æterna beatitudine cum fanctis
tuis alleluia cantantibus perpetuum feliciter
alleluia poffe cantare Per Dominum .
Ciij pren
I. vol.
2662 MERCURE DE FRANCE.
prendre le mot de dépofition dans ce fens,
qu'on étoit déja accoûtumé à réaliſer ce
ſubſtantif , & à le perfonifier , s'il eſt
permis de parler ainfi. Dès le Siecle
d'Amalaire , la Ceremonie étoit attachée
au Dimanche dans la Septuagefime. Ce
jour-là on faifoit parler Alleluia , comme
une perfonne preffée de s'en retourner.
Il difoit : Tempus eft ut revertar ad
eum qui me mifit, & c . Dans un autré endroit
de l'Office on le congedioit , en lui
difant , Revertere in thefauros tuos , &c.
Un peu après on lui faifoit inftance de
refter encore un jour , & on l'en conjuroit
par ces paroles tirées du Livre des
Juges : Mane apud nos etiam hodie, &
duc latum diem & cras proficifceris.
Dans S.Udalric , Compilateur des Ufages
de l'Ordre de Cluni , on trouve ceci de
remarquable par rapport au fujet que je
traite. In Septuagefima adeps fimul cum
Alleluia fepelitur. On ajoûtoit même ,
felon le Manufcrit du XII . Siecle que
j'ai entre les mains ; & dum ortus fuerit
dies ambulabis vias tuas : car on difoit
alors Matines au plus tard à deux
heures du matin dans les Cathedrales;
Dans un autre Répons du même Manuf
crit , l'Affemblée lui fouhaitoit un bon
voyage par ces paroles du Livre de Tobie
: Angelus Domini bonus comitetur te-
1. vol. CIN
DECEMBRE. 1726. 2663
čum , & bene difponat itinera tua , ut
iterum cum gaudio revertaris ad nos.
On peut voir dans le Traité des Rits
du P. Martenne , comment certaines
Eglifes entremêloient ce jour là le mot
Alleluia à chaque Verfet des Pleaumes
148. 149. & 150. de même que nous
le faifons encore le 26. Decembre. Le
Manufcrit ci- deffus cité renferme , aux
Laudes de l'adieu de l'Alleluia , cette
maniere de chanter. Le Venerable Heric
, Moine de S. Germain d'Auxerre ,
croyoit qu'elle étoit particuliere à fon
Eglife. C'eſt dans les Livres des Miracles
où il fait un recit à peu près femblable à
celui d'Alvarez , à l'occafion d'une Muque
celefte & nocturne , dont fut auditeur
un Prêtre , Chapelain de S. Alban
d'Auxerre , qui fe rendoit exactement
toutes les nuits aux Matines de
la Cathedrale , lefquelles fe celebroient
alors , ainfi qu'il le dit lui-même , bien
avant dans la nuit. Au refte , s'il eft vrai
que ce fut de l'Eglife de Mets , reputée
alors pour une efpece de Metropole ,
que ces coutumes fe répandirent avec
l'Antiphonier d'Amalaire dans le refte
de la France , & même au delà du Rhin ;
il y a bien de l'apparence que les Egli .
fes voifines de celle- là , & qui les premieres
avoient reçû ces ufages , ne fu-
Ciiij rent
1. vel.
2666 MERCURE DE FRANCE .
ne plus confondre en fait de pratiques
l'existence d'un ufage avec fa bonté , le
droit avec le fait , ni la ſcience de routine
avec la ſcience des principes & des
regles .
J'avois écrit jufqu'à ces lignes , lorfque
j'ai reçû de votre part la copie qu'on
vous a envoyée de Bourges de la Profe
de l'Afne tirée d'un Manufcrit de
la Collegiale de Notre-Dame de Sales.
Cette copie doit , felon moi , paffer pour
femblable à celle de Sens. ( a ) Je ne
puis attribuer les legeres differences qui
y font , qu'aux abfences d'efprit , ou à
l'ignorance de quelque ancien Copifte.
J'ai même remarqué qu'elle fe chantoit
dans l'une & l'autre Ville fur le même
chant , qui étoit un ton majeur d'une melodie
affez agreable : & il y a apparence
que c'étoit , comme parlent nos Muficiens
, d'une mefure à trois temps . Il n'y
avoit pas jufqu'au Prelude Lux hodie qui
ne fe chantât à Sens. Il étoit du chant
mineur , & conduifoit à la Profe Orien
tis partibus , qui fe commençoit une
quinte plus bas. La plus ancienne copie
qu'on voye à Sens de l'Office des Foux ,
dont cette Profe faifoit l'ouverture , eft
très digne d'attention . Elle m'a paru écrite
vers le milieu du XIII. Siecle. Le
(a ) Mercure Juillet 1725. P. 1599.
1. Vol cahier
DECEMBRE. 1726. 2667
cahier de vélin eft en forme longue contre
l'ordinaire des anciens Manufcrits :
mais on voit bien qu'on ne donna cette
forme au cahier , qu'afin de pouvoir l'enfermer
dans des Diptyques , qu'on y confervoit
probablement depuis plufieurs fie
cles , & en effet il y eft encore renfer
mé. Il eft noté & écrit fort délicatement
pour ce qui eft du caractere : mais toutes
les pieces font d'une compofition fi
bizarre , qu'on voit clairement que le
deffein des Auteurs étoit de diftinguer
par toute forte de particularitez cette infigne
Fête. Jugez- en , Monfieur , par
Alleluia qui fe difoit après Deus in adjutorium.
Ce feul mot étoit coupé par
vingt- deux autres mots ainfi diſpoſez .
9
Alle refonent omnes Ecclefiæ
t
Cum dulci melo fymphonix
Filium Maria Genitricis piæ
Ut nos feptiformis gratiæ
Repleat donis , & gloriæ :
Unde Deo dicamus luia,vo !
Je fai qu'il y a des Livres où on lit
une Profe qui commence ainfi à l'une
des folemnitez de l'année ; Alle coelefte
nec non & perenne luia. ( a ) Je n'au
(a)Vieux Livres de Sens , de Troyes , de
Chartres , d'Autun ,&c. Cyj
2668 MERCURE DE FRANCE:
.
rois pas même de peine à croire qu'on
la chante encore quelque part. Mais quatre
mots ne font pas comparables à vingtdeux
; laiffons au Manufcrit de Sens
toute la gloire qu'il merite. Comme il
falloit à la Fête des Foux , que tout ce
qu'on y chantoit fût entremêlé de quel
ques paroles extraordinaires & déplacées ,
il étoit convenable que le mot le plus
joyeux des Offices ordinaires le fût davantage.
D'ailleurs , il n'étoit pas extraordinaire
dès l'onziéme Siecle , de couper
un mot pour y en inferer d'autres,
furtout lorfqu'il s'agiffoit de faire un
Vers ou quelque chofe d'approchant. On
en voit un befexemple au quatrième Tome
du Spicilege , où on lit qu'un Poëte
de ce temps-là , voulant apprendre à
la pofterité , qu'Angelran Abbé de
Saint Riquier , fit couvrir d'argent l'Epiftolier
& Evangelier de fon Eglife ,
débute ainfi fur cette matiere :
Eft & Epiftoliber ) laṛum atque
Evangeliorum.
›
1
Mais revenons à notre Fête des Foux.
Après le magnifique Alleluia , dont je
Vous ai parlé , fuivoit une feconde annonce
de la Fête par quatre ou cinq
Chantres à groffes voix, poftez derriere
l'Autel. Là ils devoient chanter' infals
To ( c'cft l'expreffion du Manufcrit les
deux Vers fuivans :
HAG
*
DECEMBRE. 1726. 2669,
Hac est clara dies clararum clara dierum.
Hac eft fefta dies feftarum fefta dierum .
T
Vous jugez affez jufqu'à quel point
l'on pouvoit pouffer , fans grande dépenfe
, une Poefie de cette fublimité ;
& fi la Rubrique qui ordonnoit de chan
ter faux étoit bien obfervée , comme il
n'en faut pas douter , je vous laiffe à
penfer , quel effet devoit produire une
telle harmonie fur l'oreille des Auditeurs.
Lės Diptyques qui renferment ce memorable
cahier , font bordées de feuilles
d'argent , & garnies de deux planches
d'y voire , jaunies par la vetufté , où l'on
voit des Bacchanales , la Déeffe Cerès
dans fon Char , Cybele , la mere des
Dieux , & c. Sans doute que ceux qui
s'obtinoient à conferver cette Fête au
XV. Siecle , ne manquerent pas d'en
prouver l'antiquité par celle de la couverture
de ce Livre. Je ne crois pas qu'on
fçut alors d'où étoit venu l'ufage de ces
anciens Diptyques dans nos Eglifes. I'l
auroit fallu un Pere Mabillon , un Monfieur
Baudelot , un Pere Martenne , pour
raifonner jufte fur ces fortes d'antiquitez.
Gerfon & Clamengis , qui avec
quelques -uns de leurs amis , étoient pref
que les feuls veritables Sçavans de ce
1. vol.
temps
2670 MERCURE DE FRANCE.
temps -là , ne s'appliquoient gueres à ces
fortes de connoillances. Comme il ne
faut rien oublier de tout ce qui regarde
un Manufcrit de ce genre , je vous dirai
encore , Monfieur , que j'ai remarqué
au dedans de ce Livre , fix Vers Leonins,
écrits d'une main du quinziéme fiecle,
dont voici la teneur :
Feftum ftultorum de confuetudine morum .
Omnibus urbs Senonis feftivat nobilis annis
Quo gaudet Præcentor : tamen omnis honor.
Sir Chrifto Circoncifo nunc femper & almo.
TartaraBacchorum non pocula funt fatuorum ,
Tartara vincentes fic fiunt ut fapientes.
L'Auteur n'a pas daigné mettre fon
nom à la fin de ces Vers ; mais l'expreffion
fait fuffisamment connoître de quel
fond partoient les penfees . Il paroît par
le troifiéme Vers que le Préchantre avoit
tout l'honneur ou tout le plaifir de la
Fête. Les deux derniers vous laiffent
quelle idée il vous plaît de la fobrieté
des Acteurs. Mais on voit par ce cayer
que le rafraîchiffement des gofiers n'y
étoit pas oublié. Il y en a un article entier
intitulé : Conductus ad poculum , don't
voici le commencement : Kalendas Fduarias
folemnes Chriftefacias , &c.
1. vol. n
DECEMBRE. 1726. 2671
:
à
Il n'eſt pas hors de propos avant que
de finir , d'ajoûter quelques autres Remarques
curieufes qui fe prefentent à
l'inſpection de ce Livre . On voit un
Invitatoire au commencement de chaque
Nocturne : ce qui peut fervir à prouver
que ce jour-là on féparoit les trois Nocturnes
en trois veilles , d'autant plus aifément
, que les longues nuits , telles que
celles de l'hyver , étoient plus propres
cette féparation ou plutôt , il faut dire
que cet ufage étoit pour fingularifer &
privilegier la Fête. Cet Office eft une
veritable rapfodie de tout ce qui fe chante
durant le cours de l'année . Toutes
les pieces des autres Offices , au moins
les principales , y paffent en revûë. Celles
des Fêtes de Saints , comme celles
des Myfteres ; les Chants de Pâques
comme ceux du Carême , le gai eſt mêlé
indifferemment avec le trifte , le lugubre
avec le joyeux ; c'eft un affemblage le
plus heteroclite que vous puiffiez vous
P'imaginer, & il falloit l'execution de
cet Office durât deux fois plus que ceux
des plus grandes Fêtes . Jugez fi les goziers
n'avoient pas befoin d'être humectez
de temps en temps. Je fais peu de
fond pour prouver cette longueur fur les
répetitions accoûtumées d'etré faites dans
les autres Offices . Celui - ci en avoit de
1. vol.
que
fingulieres
12672 MERCURE DE FRANCE.
fingulieres & c'est la remarque par -laquelle
je finirai. Les répetitions ou redites
font anciennes dans les Offices de l'Eglife.
La maniere dont on a executé originairement
les Répons , le prouve affez .
On peut voir là- deffus la Préface du Refponforiel
du Cardinal Thomafi , imprimé
Rome en 1686. On voit d'autres exemples
de l'antiquité de ces répetitions dans
les Offertoires de l'Antiphonier Gregorien
, tel qu'il eft dans plufieurs Eglifes,
& que Dom Claude de Vert l'avoit vu .
Mais dans ces premiers temps c'étoient
des Sentences entieres qu'on repetoit &
non des mots tous feuls , comme on le
pratique dans la Mufique de nos jours.
Le Manufcrit de Sens fait appercevoir
quelques veftiges de la naiflance de ces
répetitions musicales d'un ou deux mots .
Entre le neuvieme Répons & le Te Deum
on lit en titre : Conductus ad ludos. Ce
qui fuit commence en maniere de Motet :
Natus eft , natus eft hodie Dominus ..
ut facturam redimeret & paradifum redderet.
La Piece continue ainfi : Nec , nec,
nec minuit quod erat , affumens quod non
erat. Et elle finit de cette forte : Quando
flos ifte nafcitur , diabolus confunditur ,
& moritur mors , & moritur mors , &
moritur mors. Le Chant en eft paffable .Je
croirois volontiers que c'étoit de la
Mufique de ce temps -là. QuelDECEMBRE.
1726. 267:3
3.
Quelques - uns ont conjecturé que c'eft
la répetition de l'Alleluia , introduite ou
continuée par le Chant Gregorien , qui
a fervi de modele à toutes les répétitions
ufitées depuis dans d'autres mots, & que
c'eft même de là qu'elles ont été autorifées
. Je ne m'oppofe point abfolument à
cette penfée , fi l'on entend feulement
parler de la Mufique d'Eglife ; c'eft auffi
par rapport à cette efpece de Mufique
que j'ai cru devoir vous faire part de
cette fingularité , d'autant plus digne
d'attention que le Manufcrit d'où je
la tire a environ cinq cens ans d'ancienneté.
Si jamais vous venez à Sens , vous
pourrez le voir dans la Bibliotheque públique
de cette Ville , établie l'année derniere
par M. Fenel , Doyen de l'Eglife
Metropolitaine , dont le zele pour tout
ce qui a rapport à la Litterature , ne
peut vous être inconnu . Quoiqu'il y ait
déja un allez grand nombre de Manufcrits
dans cette Bibliotheque , celui dont
je vous ai fait l'analife , y pafle pour un
des plus curieux. M. Baluze voulut en
avoir une copie , & je l'ai vûe à la Bi
bliotheque du Roi. Je fuis , & c .
Le 16. Août 1726 .
"
I
I
I. vol.
LE
1674 MERCURE DE FRANČE.
4
茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶
LE TEMPS.
ODE.
Toi qui n'admets rien de folide ,
Dont l'effence eft le changement ,
O temps que ta courfe eft rapide ! !
Que tu paffe legerement !
Ce Globe que le Ciel enferme
N'a point de puiſſance fi ferme ,
Que tu n'entraînes avec toi :
Rien ne retient ta violence ;
Et le moment même où je penſe .
S'enfuit déja bien loin de moi.
Les jours qui compofent ma vie ,
Furent comptez par les deftins :
Des uns la douceur m'eft ravie ;
Les autres me font incertains ,
Le paffé n'a plus aucun charme ;
L'avenir me trouble & m'allarme ,
Le prefent m'eft un foible appui
Ce n'eft qu'un point indivifible ;
1. νοί.
C'est
DECEMBRE. 1726. 2675
C'eft un Atôme imperceptible ,
Qui paffe & m'entraîne avec lui .
Cependant Ferreur qui nous mene ,
Nous attache à de vains objets :
Pour une fortune incertaine ,
Nous formons mille vains projets.
L'homme conduit par fes caprices ,
Semble oublier dans les délices
Que le Ciel a borné fes jours.
Plein du doux charme qui l'enyvre ,
Il montre autant d'ardeur pour vivre ,
Que s'il devoit vivre toûjours .
Vainement il voit que la Parque
Nous tient tous fujets à fes loix ,
Et que tout paffe par la Barque ,
Où jamais on n'entra deux fois ;
La raiſon , ni l'experience ,
N'ont fur fon coeur nulle puiffance ,
Il n'écoute point leurs avis ,
Il voudroit les prendre pour guides :
Mais fes vertus font trop timides ,
Et fes vices font trop hardis.
I. vol.
Jusqu'à
2676 MERCURE DE FRANCE .
Jufquà quand vanitez mondaines ,
Enchanterez- vous nos efprits ..
Tiendrez-vous toûjours dans les chaînes ,
Nos coeurs de vos charmes épris ?
Pafferons-nous dans l'esclavage ,
Toutes les faifons de notre âge ,
Sans que nous puiffions en jouir ?
Nous faudra-t'il doubles victimes ,
Donner notre jeuneffe aux crimes >
Notre vieilleffe au repentir
Non, faifons un meilleur ufage ,
D'un tréfor qui nous vient des Cieux :
Le temps veut que l'on le ménage ,
Tous les moments font précieux.
Que la vertu , que la fagetfe ,
Occupent notre ame fans ceffe ,
De tous vices fuyons l'écueil.
Trop heureux l'homme qui médite
Combien la diftance éft petite ,
Du berceau jufques au cercueil !
1. vol. QUES !
DECEMBRE , 1726. 2677
******************
QUESTION de Droit , jugée par
Arrêt du Parlement d'Aix,
I
L fut jugé au Parlement de Provence
au mois de May 1726. une Queltion
importante , & qui a partagé tous
les Jurifconfultes elle confiftoit à ſçavoir
auquel des deux , ou de l'Heritier
Grevé , ou de l'Heritier Fideicommiffaire,
doit appartenir le droit de Patronage.
L'affaire dont il s'agiffoit regardoit deux
perfones , qui par leur naiffance & par
l'importance de la matiere avoient fixé
l'attention du Public & redoublé celle des
Juges . Les Parties principales étoient la
Marquile de Simiane & le Marquis de
Vibray. Celles qui étoient en qualité &
deffendoient en leur propre nom , étoient
M. de Caftellanne , nommé par M. de
Vibray , Appellant de la Sentence renduë
contre lui & le feur Chambon , Chanoine
de Grignan .
१
Les circonftances particulieres qui devoient
fervir de motif à la décifion
étoient la difpofition de Louis Gaucher
de Grignan , qui en 1528. s'étant marié
avec Marguerite d'Ornano , fit donation
à un des enfans mâles qui naîtroit
3. vol.
S
de
2678 MERCURE DE FRANCE,
de ce Mariage , la moitié de tous fes biens,
franche de toute charge , à prendre fur
la Comté de Grignan ; fous cette condition
, que l'enfant mâle qui feroit nom-
` mé à cette donation , auroit le nom , le
titre & le Fief de Grignan , fans
autre pût y prétendre.
que
nul
Ce Louis Gaucher de Grignan , maria
en 1658. François de Grignan , fon fils ,
& le nomma à cette moitié des biens
donnez aux conditions portées par le
Contrat de Mariage de Marguerite d'Ornano
. Le même Louis Gaucher ayant
fait fon Teftament en 1661. inftitua fon
petit- fils , & de mâle en mâle , lui ſubftitua
en deffaut de cette ligne , les enfans
mâles de fes autres fils , & enfin les
mâles de fes filles. Louis de Provence
de Grignan fut fon heritier . Il déceda en
1704. & fa fucceffion fut répudiée par
François de Grignan fon pere ; il fut nommé
un Curateur à l'Hoirie vacante , avec
lequel François de Grignan & la Marquile
de Simiane tranfigerent ; ce qui
n'empêcha pas que François de Grignan
ne reconnût & n'approuvât la fubftitution.
Cependant il deceda en 1714. fans enfans
måles , & dès lors le Marquis de
Vibray fils , feul mâle du côté des filles ,
fut en droit de recueillir la fucceffion
I. vol.
DECEMBRE. 1726. 2679
de Louis Gaucher de Grignan. C'eft en
vertu de ce droit que M. de Vibray fon
pere , en qualité de legitime Adminif
trateur , d'abord après le décès de François
de Grignan , prit poffeffion de la
Comté de Grignan. La Dame de Simiane
paroiffoit n'y avoir rien à prétendre ,
puifqu'elle n'avoit d'autre qualité que
celle de François de Grignan fon pere ,
elle introduifit toutefois l'inftance beneficiaire
de la fucceffion de François de
Grignan , revint par des Lettres de Ref
cifion contre une tranfaction paffée avec
le Marquis de Vibray , qui forma fa demande
en ouverture du Fideicomis , lequel
fut ouvert en fa faveur par un Ju̟-
gement des Requêtes du Palais du 7 ,
Juin 1723. confirmé par un Arrêt d'exdient
du 14. Avril 1725. par lequel
la Dame de Simiane eft deboutée de la
guarte trebellianique & de la legitime de
grace qu'elle demandoit.
Les chofes en cet état , le Marquis de
Vibrai fe regardant comme le Patron des
Benefices de l'Eglife de Grignan , dont
la nomination eft dévolue par la Fonda
tion au poffeffeur de cette Terre , nom
ma à la Treforerie vacante par le décès
de François de Caftellane , Jofeph de
Caftellane , & la Dame de Simiane , en
qualité d'héritiere beneficiaire de Frans
. pol. çois
2680 MERCURE DE FRANCE.
çois de Grignan fon pere , prefenta le
feur Scipion Chambon .
Ces deux Competiteurs fe firent des
fommations réciproques pour la confervation
de leur droit , & pour la perception
des fruits & des revenus de ce
Benefice , & la caufe ayant été portée
devant le Lieutenant du Sénechal d'Arles
, il intervint Sentence qui adjugea
la récréance au fieur Chambon, C'eſt de
cette Sentence dont M. de Caftellane
releva Appel au Parlement , demandant
en même-temps l'évocation du fonds &
du principal.
Le Marquis de Vibray fe trouvant le
feul fuccefleur de Louis Adhemar de
Monteil , auquel & à fes fuccefleurs ,
une Bulle du 6. Septembre 1539. accordoit
le droit de Patronage , fe crut.
bien fondé de nommer à la Treforerie vacante
de l'Eglife Collegiale de Grignan ,le
fieurAbbé de Caftellane,d'autant plus que
la nomination étoit dévolue aux fuccef
feurs de Louis Adhemar de Monteil. Il
S'agifloit encore d'un Patronage réel ,
attaché à la Comté de Grignan ; Patronage
qui n'eft deferé par la Bulle , ni à la
proximité du fang , ni à la fucceffion
mais au Proprietaire, & par confequent
à l'heritier Fideicommiffaire de la Comté
de Grignan .
Je vola
DECEMBRE . 1726. 2681
Il fut avancé par le deffenfeur de M. de
Caftellane après M. de Royes , dans ſes
Prolegomenes , titre de jure Patronatus ,
ch. 8. 19. que le Marquis de Vibray
étoit au terme du Patronage réel , quod
gleba feu rei fundo poffeffioni , Caftro à
fundatore adfcriptum eft. De là il s'enfuivoit
, dit-il , qu'il étoit feul en droit de
nommer à la Treforerie vacante ; on foutenoit
de plus , qu'en qualité d'héritiere ,
la Dame de Simiane ne pouvoit jouir
du droit de nommer , quoique le Fideicommis
ne fût pas épuré,qu'il fuffifoit que
l'ouverture en eût été faite en faveur du
Marquis de Grignan , pour l'en exclure.
On établit plufieurs principes de Droit,
par lefquels on fit voir que le Patronage
réel & attaché à la Glebe , appartient à
Pheritier Fideicommiffaire , privativement
au Grevé ; on allegua que c'étoit le
fentiment de Ferrerius , fur la Queſtion
507. de Guy - Pape , de Grivel en fes
Décifions du Senat de Dole , Décifion
37. lequel cite l'Abbé de Palerme , ch.
cum faculum & ch, de jure , Du Moulin,
fur la Coûtume de Paris , §. 37. nomb.
3. ainfi que Lambertinus , de jure patronatus;
Garfias de beneficiis , part . 5. ch. 9.
n. 17. enhin Paftor , de benefic. liv. I.
tit. 20. n. 12, confirme une opinion f
vrai- femblable
To vol D Comme
2682 MERCURE DE FRANCE.
Comme la Dame de Simiane , en qualité
d'heritiere greyée, & enfuite de l'Arrêt
du 9. Juillet 1723. avoit la joüiffance
des fruits & revenus de tous les biens
jufques à l'apurement , il fe forma une
autre queftion ; fçavoir , fi en cette qualité
Je Patronage & la prefentation ne lui
appartenoient pas , faifant partie des fruits
bonorifiques. Il fut allegué plufieurs authoritez
, par lefquelles on prétendit
faire voir que les fruits honorifiques n'ont
jamais été comptez parmi les fruits utiles,
parce qu'ils ne doivent pas être reftituez
ades créanciers ; un Fermier judiciaire
n'eft certainement pas en droit de prefenter
aux Benefices qui dépendent du
Patronage du debiteur faifi ; l'heritier
grevé qui en fait toutes les fonctions ,
peut il avoir, difoit- on , ce droit, & n'eft il
pas dans le cas des Arrêts rapportez par
Mornac, fur la Loi 44. de contrahenda
emptione , par Brodeau , Brodeau , fur l'Art. 31. de
la Coûtume de Paris , nomb. 16. & par
Ferriere , en fon traité du Patronage , part.
2. ch. 3. feff.2. nomb. 34 ?
On vouloit que fi les créanciers ne
peuvent pas prefenter au Benefice pendant
la faifie de l'heritage , l'heritier
grevé ne le peut pas pendant le temps
qu'il jouit , en attendant l'apurement ;
D foutenoit que c'étoit la doctrine de
I pel
Du
DECEMBRE. 1726. 2683
Du Moulin , fur la Coûtume de Paris ,
tit. premier des Fiefs , § . 9. gloffe 3. in
verbo faifir , nomb. 5. Ainſi qu'au tit . 2 .
des Cenfives §. 83. gloffe, premiere in
verbo rachapt , nomb. 49. du Guimier ,
fur la Pragmatique Sanction , in verbo
vicario , de De Roye , en fes Prolegomenes
, de jure Patronatus , ch . 36. & de
l'Auteur du nouveau Traité des Matie
res Beneficiales , liv . 4. ch. 7 .
•
On fit voir enfuite , toûjours de la part
de M. de Caftellane , que le Patronage
eft un droit incorporel, & que l'heritier
qui n'a point encore pris poffeffion
de l'hoirie , peut nommer par confequent
aux Benefices qui dépendent du Patrona
ge; à plus forte raifon l'heritier Fideicommillaire
, en faveur duquel le Fidei
commis avoit été ouvert. On rapporta
pour cela un Arrêt de Boniface , dans fon
troifiéme tom . liv. 6. tit . 7. rendu en
faveur de la Demoiſelle Surian de la
Lande , contre un heritier grevé ; fur
quoi on fit valoir cette maxime , que quoique
l'heritier grevé ne fafle la reftitu
tion effective & réelle du Fideicommis
qu'après la liquidation & l'apurement des
dettes ; neanmoins les fruits en font dûs
au Fideicommiffaire , fouvent depuis le décès
, toûjours depuis la demande, ce qu'on
appuya par Peregrinus de Fideicommiffis,
Ja vel.
Dij art
2684 MERCURE DE FRANCE.
art. 49. nomb. 88. par Barri , de fubfti.
tutione Fideicommiſſaria , liv. 8. tit . 13 .
Toutes ces raifons ne purent déterminer
les Juges , quelque fortes & quelque
décifives qu'elles paro ffent ; il leur
fembla qu'elles devenoient inutiles , dès
que l'apurement du Fideicommis n'étoit
pas fait, & que tous les droits refidoient
en la perfonne de l'heritier grevé
jufqu'à -ce que le même apurement fût
achevé. Il fembloit en effet que cette deftinition
des droits utiles & honorifiques
étoit mal fondée , étant d'ailleurs conftant
que tous les Docteurs font partagez ; il
y- avoit plus , c'eft que quoique le Fideicommis
cût été ouvert par le Jugement
des Requêtes du Palais de 1723. lors
de la nomination , l'execution de ce Jugement
étoit fufpendue par l'Appel interjetté
de la part de la Dame de Simiane.
Envain on voulut éluder cette difficulté,
en établifant la difference que l'on doit
faire entre l'Appel en matiere criminelle,
qui éteint & aneantit le premier Juge
ment , & l'Appel en matiere civile , qui
en fufpend feulement l'execution . Cette
diftinction , toute vraye qu'elle eft , ne
parut pas appliquable à cette Caufe, parce
qu'il eft fenfible que fi ce n'étoit qu'en
onfequence de la fimple ouverture du
Fideicommis que M. de Vibray avoit
devple
nommé
DECEMBRE. 1726. 2685
Bommé le fieur de Caftellane , il n'avoit
pas encore un droit réel , mais feulement
un préjugé que les biens fideicommillaires
pourroient lui appartenir après
l'apurement , & par confequent , pour
pouvoir poffeder au cas qu'il y échut . Or
pour que l'Arreft confirmatif du Jugement
des Requêtes du Palais , eut un ef
fet retroactif, il auroit fallu que M. de
Vibray eut eu alors quelque poffeffion ,
& non la feule efperance de pouvoir
poffeder.
L'Avocat du fieur Chambon , pour
attaquer avec plus de fuccès les raifons
de M. de Caftellane , établit , ſuivant
cette idée , deux propofitions , qui fe reduifirent
à faire voir , que l'exercice du
droit de Patronage réel paffe à l'heritier,
furtout à l'heritier beneficiaire, préferablement
au fubftitué , dont le fideicomanis
n'eft pas encore apuré , & en confequence
de cette premiere propofition
il s'attacha à faire voir , que fa partie
étoit précisément dans le cas des principes
qu'il venoit d'établir par rapport
à l'état où le trouvoient les biens . Il
s'appuya d'abord de l'autorité de Bartole
, qui eft le premier qui a traité cette
queftion fur la Loi proinde ad Senatuf
confultum Trebellianum , parlant du droit
de Sepulture , qui ne paffe point à l'he-
Dij ritier
2. vol.
1686 MERCURE DE FRANCE.
ritier fideicommiffaire. Il fe fervit enfuite
avec avantage de l'autorité de Lambertinus
en fon Traité du droit de Pàtronage
, queft. 100. & de celles de Rochus
à Curte in verbo ipfe ; de Vivianus
liv. 4. chap. 2. de Peregrinus , en
fon Traité de fideicommiffis nomb. 37.
& de Fufarius , queft. 634.
i
La Rote Romaine & le Cardinal de
Luca , Difcours 36. ne lui furent pas
d'un moindre fecours ; mais l'autorité la
plus décifive , & qui ébranla le plus les
Juges , fut celle du fçavant Dumoulin
tit. p. des Fiefs §. 55. Gloff. premiere.
Le Défenfeur de M. de Caftellane allegua
inutilement , que l'autorité de Dumoulin
en cet endroit , non plus qu'au § .
55. Gloff. 10. n'étoit appliquable qu'au
cas des Patronages infeodez aux fiefs pár
le Seigneur du fief dominant . Ces raifons
furent trouvées foibles , parce que ,
fuivant le principe collatio & prafentatio
funt in fructu . Le Défenfeur du fieur
Chambon fe trouva en état d'appuyer le
fentiment de Dumoulin d'une foule d'Auteurs
, entre lefquels étoit Garcias , de
Beneficiis , part . 5. ch . 5. & il fe fervit
avec avantage de prefque tous ceux qui
avoient été citez de la part de M. de Caltellane
, tant il eft vrai que ces fçavans
Jurifconfultes n'ont pas été exempts des
1. vol. varia
DECEMBRE. 1726. 2687
variations & de Pincertitude de l'efprit
humain ; de forte qu'il trouva encore de
grands fecours pour la défenfe de fa caufe
dans le Cardinal de Luca même : dans
le Ch . Bertoldus , de re judicata ; dans
Faber , Cod. de petitione hareditatis ;- &
dans Paftor, liv . premier , tit. 2o . nomb."
13. lefquels lui fournirent les moyens
de démontrer que l'heritier par benefice
d'inventaire eft un vrai heritier , verus
hares , & que la regle , le mort faifit le
vif , ne regarde nullement les heri
tiers Fideicommiffaires , ainfi que l'obferve
Ricard , des Subftitutions , partie
3. Ch. 2. après Tiraqueau & le refident
Boyer.
Tant d'autoritez ne purent pas être
affoiblies par l'Arreft rendu en faveur de
la Demoiſelle Surian de Lalande , parce
qu'en expliquant cet Arreft, on fit voir
qu'il s'y agiffoit d'un Patronage perfonnel
& hereditaire , & non d'un Patronage
réel ; enfin , comme M. de Caftellane
avoit prétendu que la Dame de Simiane
ne pouvoit être regardée que comme
un Sequeftre , n'ayant entre fes
mains les fruits de l'heritage que pour
en rendre compte aux creanciers on
combattit cette difficulté , en difant que
l'heritier beneficiaire eft fondé en titre
qu'il poffede en fon nom , & qu'il ne
Diiijl doit
1. vol.
2688 MERCURE DE FRANCE.
doit pas être confondu avecles Sequeftres
qui ne poffedent qu'au nom d'autrui
, comme l'attefte M. de Caftellane
Liv. 14 ch. 2.
C'eft là fommairement à quoi fe bornerent
les défenfes des deux parties. La
doctrine la plus curieufe & la plus recherchée
fur cette matiere y fut étalée ;
tout le monde étoit porré pour M. de
Caftellane , & on peut dire que ce fut,
à regret que le Barreau lui vit perdre
fon procès : car par l'Arreft qui intervint
le 10. Mai 1726. en conformité des
Conclufions de M. l'Avocat General de
Gueyon , Pappellation , & ce dont étoit
appel furent mis au neant , & par nou
veau Jugement , la Cour évoquant &
retenant le fonds & principal de la matiere
, le fieur Chambon fut diffinitivement
maintenu en la poffeffion & joüiffance
de la Treforerie de Grignan , & le
ficur de Caftellane condamné à l'amende
& aux dépens . Cette affaire fut cependant
fort débattuë , & l'Arreſt ne
paffa pas tout d'une voix ; il y eut même
partage à l'Audience ; mais la Cour
ayant ordonné qu'il en feroit deliberé ſur
le Regiftre , quelques Juges changerent
d'opinion , & firent pancher la balance
pour le droit du fieur Chambon .
La Caufe fut défendue par M Hon
I. val. notê
DECEMBRE. 1726. 2589
noré pour M. de Caftellane
& par
Me le Blanc pour le fieur Chambon ,
ils foutinrent l'un & l'autre dans cette
occafion , comme dans toutes les autres ,
la jufte idée que le Public a conçû de
leur capacité.
XXXXX XXXXXX XXXXX
PORTRAIT.
LA
fageffe , la pieté ,
L'efprit
fublime
, l'équité
,
Forment le rare caractere ,
De Pilluftre Fleury que la France revere.
Ferme foutien des Loix , ennemi des abus
Il ajoûte à tant de vertus ,
L'ufage heureux qu'il en fçait faire .
Grand Miniftre , zelé Prélat ,
Il fert également , & l'Eglife , & l'Etat.
Monetra
*******************
Lettre de M.Vergier à la Comte de V
1725 pts
IL
y a long- temps , Madame , que j'ai
la provifion de Caffenoilettes que
vous me fites l'honneur de me deman
A.1. vol. D..v des
1690 MERCURE DE FRANCE:
der le dernier voyage que j'ai fait à Boisle-
Vicomte ; il y a long-temps auffi que
vous les autiez , fi je ne m'étois opiniâtré
à vouloir vous les porter moi - même
; mais des affaires qui me font furvenuës
, & de petits voyages dont je n'ai
pû me difpenfer , m'en ont empêché .
Je fuis accoutumé à trouver toujours des
obſtacles à ce qui me feroit le plus agréable
; mais cette habitude ne me rend pas
mon malheur plus fupportable , furtout
quand il me prive de l'honneur de vous
voir ; je ne pourrai pas encore cette fois
me rendre auprès de vous avec M. de
Senozan , & je me vois par là contraint
de confier au hazard , & entre les mains
de la premiere perfonne qui ira où vous
êtes , le dépôt important de la commiffion
dont vous avez bien voulu me
charger.
Parmi
Armi les Caffenoifettes ,
Il en eft un à fifflet ,
Qui, bien mieux que les Mufertes
Ni que l'aigu flageolet >
Fait danfer fous la fougere .
Une galante Bergere ;
Je l'ai furtivement pris ,
a. voly
Α
?
DECEMBRE. 17261 2621
A la Driade de Themie .
Que l'autre jour je furpris ,
Sur l'herbe tendre endormie.
Quel fut mon étonnement ,
Lorfqu'au premier fifflement
Au premier fon que je tire ,
Du fond des fombres Forefts ,
Vers moi tout-à- coup j'attire ,
Et maint Faune & maint Satyre,
Qui , traverfant les guerets !
Dans l'infant m'environnerent ,
Et fi bien me contournerent ,
3
Que je ne pus m'évader :
Mais leur ayant , fans tarder ,
Mer
Montré la Nymphe couchée .
Soudain près d'elle attachée ,
Cette troupe me laiffa ,
Et foudain je pris la fuite ,
Sans vouloit fçavoir la fuite,
De ce qui lors fe paſſa.
Je puis toutefois vous dire ,
Et je le puis fans médire ,
Qu'au travers du fon bruyant ,
I. vol.
Dvj De
12692 MERCURE DE FRANCE .
De cette agrefte Eſcouade ,
J'entendis en m'enfuyant
De grands cris de la Driade ,
Non de ces cris irritez ,
Donc , faute d'autre défenſe ;
Contre une brutale offenfe ,
S'arment les fieres Beautez ;
Mais de ces cris que la joye
Inſpire , arrache aux Amans ,
Lorfque leur coeur fe déploye ,
Aux plus tendres mouvemens.
Auffi m'a- t-on fait entendre ,
Que ce fifflement étoit ,
Le Meffager qui portoit,
Des Nymphes , laffes d'attendre ,
Aux champêtres Deitez ,
Les preffantes volonter.
Ainfi dans les promenades ,
Que vous faites dans vos Bois ,
Gardez - vous d'aller par fois ,
En guife de Serenades ,
Ou par autre jeu folet
Faire fonner ce fiffler,
I. vol.
De
DECEMBRE. 1726. 2693
De peur que quelque Brigade
De ces Chevres pieds cornus ,
Autour de vous parvenus ,
Ne vous prit pour la Driade.
Mais que dis- je ? & quel danger
Courriez-vous dans cette affaire ?
Aucun qui ne foit leger
Partant vous devez en faire
La preuve , en vous amuſant :
Les Divinitez ruftiques ,
Comme les Dieux domestiques ,
Ont un efprit bienfaifant ;
D'autre part à la Campagne ,
Où vous paffez tant de jours ,
L'on a fouvent , ou toujours
>
La trifteffe pour compagne.
Et pour s'y defennuyer
Il faut de tout eflayer ,
Ce point & la patience ,
Dont doivent dès le matin .
S'armer gens de fapience ,
Sont le fruit le plus certain ,
Detoute humaine ſcience ,
I. vol.
2694 MERCURE DE FRANCE.
Ce n'eft le tout , faites - en
Faire auffi l'experience
Par l'aimable Senozan::
Elle eft jeune & doit apprendre
Ce que c'eft qu'un Dieu Sylvain
Sans les voit de près , envain
Elle voudroit le comprendre..
Du moment qu'ils la verront ,
Combien ils treffailleront ! '
De plaifir , ils bondiront ,
Ils fauteront , danſeront ,
Pour leur Reine ils la prendront ,
Des fleurs fes pas femeront ,
Sa loüange ils chanteront ,.
Des Autels lui drefferont ,
Qui de parfums fumero
Enfin ils l'adoreront ,
Et leurs coeurs ne fuffiront ,
Aux tranſports qu'ils fentironta
J'avois deffein de faire paffer le fifflet
des mains de Madame de Senozan en
celles de Mlle de Vireville , & des mains
de Mlle de Vireville en celles de M l'a
Mufnier , & de toutes ces autres De
I. vol. &
DECEMBRE. 1726. 2695
7
& c'auroit été un nouveau Jeu de Corbillon
, qui peut- être n'auroit pas dépluc
à leur curiofité & à leur jeuneffe badine
; mais j'ai appréhendé que , plus ferieufe
qu'elles , vous ne trouvalliez ce
Jeu-la trop long , & j'ai craint d'ailleurs
que , quoique je n'euffe en tout cela donné
que de très-bonne & de très - agréable
befogne aux Dieux de vos Bois , ils
ne trouvaffent que je leur en euffe trop
donné.
A
Je defirerois fort apprendre à M. l'Abbé
quelque circonftance nouvelle, de la
nouvelle Regence de M. le Duc d'Or .
lears ; mais deux raifons m empêchent
de le faire la premiere eft , que je n'en
fçai aucune , la feconde eft , que, M. de
Senozan , qui en eft parfaitement informé
, prend le foin de l'en inftruire .
3.. [ID S
Parmi ves Bois à routes fans pareilles ,
Sous un chapeau claquant fur fes oreilles >
Etfoutenant un pieu long & pefant ,
A pas plus lents , mais plus feurs que les nô
Matres ,hib ani.
M. l'Abbé va- t-il toujours difant
D'Office faint les faintes Patenôttes ?
Mais croyez-vous que le vieil homme en
I. vol.
794
Ne
2596 MERCURE DE FRANCE .
Ne trouvât pas encore quelque appui ?
Et s'il trouvoit fous fes pas endormie ,
Bergeronette accointe & bien à point
Et que témoins ne l'y troublaffent point ,
Comme trouvai la Driade Themie ,
Jureriez - vous que , comme moi fimplet ,
'Il lui volât feulement un fifflet ?
Bien jurerois que n'en jureriez mie :
Si le voulez pourtant , je le croirai ;
Mais dans ma foi fervemment je dirai ,"
D'un tel hazard , Dieu préſerve ma Mie.
**:*XX*XX**X*X* :***
VOYAGE de Baffe Normandie
Deſcription hiftorique du Mont
S. Michel. Par M. de La R.
Premiere Lettre.
>
&
E vous tiens parole , Monfieur , &
je vous envoye , fans plus differer, la
Relation de notre dernier Voyage de
Normandie. Je dis notre Voyage , car
vous fçavez que je l'ai fait en bonne &
honorable Compagnie. On ne peut pas
en être plus fatisfait que je le fuis . Jel-
1. vol.
pere
DECEMBRE . 1726. 2697:
pere que vous le ferez auffi du compte
fidele que je vais vous en rendre.
Nous part fines de Paris le 1 z . du mois
de Septembre dernier pour aller joindre
notre Equipage , c'eft -à - dire , une bonne
Berline à fix chevaux , que nous
avions envoyée devant au Château de
Madrid , où nous déjeunâmes longuement.
Perfonne n'ignore que ce Château,
fitué dans le Bois de Boulogne , à une
petite lieuë de Paris , eft moins un Monument
de la magnificence , que de la
difgrace de François I. qui le fit bâtir.
peu de temps après fon retour d'Elpa
gne , & lui donna lui- même le nom de
Madrid.
En partant de ce Château fur le Mi
dy , & paffant par Neuilly , Nanterre ,
Chatou , S. Germain en Laye & Poiffy,
lieu de la naiſſance de S. Loüiis , qui
fignoit fouvent Louis de Foiffy par modeftie
, nous allâmes coucher à Triel,
petit Bourg auffi fur la Riviere de Seine
; on y voit une fort jolie maiſon ,
qu'on nomme le Château , bâti fur une
éminence .
Le 13. nous paffâmes la Seine en ba➡
teau à Triel même , & à deux lieues de
là , fur le Pont de Meulan , d'où après
trois heures de chemin nous arrivâmes
à Mante petite Ville encore fur la Sei-
I. vol. ney
1698 MERCURE DE FRANCE .
dont la fituation eft tout à fait agréa
ble. Il y a un Préfidial , un Chapitre de
Chanoines , & plufieurs Maifons Reli
gieufes. Le Convent & le grand Enclos
des Celeftins font hors de la Ville . Cet
Enclos eft fameux dans le Pays , & à Paris
même , à caufe de fes bons Vins . Je
ne retrouvai plus à Mante M. Boudier,
Gentilhomme de cette Ville , mon ancien
ami , grand Antiquaire , Hiftorien ,
Poëte , & parfaitement honnête homme.
Il y mourut au mois de Novembre 1723.
Vous trouverez fon Eloge dans le Mer
cure de France du mois de Decembre de
la même année. Le Duc de Sully eft
Gouverneur de la Ville de Mante.
Après avoir dîné à Mante , nous
pourfuivimes notre route par Rofny,
C'eft une Terre de confideration , érigée
en Marquifat par le Roi Henri le
-Grand , en faveur de Maximilien de Be
thune , Marquis de Rofny , puis Duc
de Sully , Pair & Maréchal de France ,
&c. lequel y fit bâtir un très- beau Château
, & des plus reguliers. C'eft là que
le Roi fon Maître le vint vifiter le jour
même que ce Prince gagna la Bataille
d'Yvry , où le Marquis de Rolny fut
dangereufement bleffé. Le Roi logea auffi
dans le même Château .
Nous arrivâmes un peu tard au Bourg
1. vol. de
DECEMBRE 1726 2699
de Pacy , fur la Riviere d'Eure , pour y
paffer la nuit , après cinq à fix heures
de marche. On ne voit rien de remarquable
à Pacy ; mais un peu au-deffus
de ce Bourg , commence la Vallée d'Eure
, ainfi appellée de la Riviere de ce
nom , qui coule dans toute fa longueur .
Elle est très - agréable par fa continuelle
verdure, & par le nombre confiderable
de belles maiſons qu'on y voit pendant
plus de fix lieuës , jufqu'au Pontde
-l'Arche, Entre ces maifons les plus
diftinguées , font l'Abbaye de la Croix.
Saint- Leufroy , Ordre de S. Benoift ,
dont les Bâtimens & les Jardins font
magnifiques le Château de la Boulaye,
dont le Duc de la Force , qui en eft le
Seigneur , a fort embelli les dehors ;
Breuil- le- Font , Bâtiment moderne d'une
grande beauté , conftruit par Louis Doubet
, Secretaire des Commandemens de
M. le Duc d'Orleans , Regent ; & Menill
, Château fort élevé , dont le Territoire
aux environs produit le meilleur
vin , ou , fi vous voulez , le moins mauvais
de tout le Pays , ce qui n'eft pas faire
une injure à la Normandie. Sa
Le 14. après avoir fait environ quatre
lieues de chemin , nous trouvâmes
la Ville d'Evreux , fituée dans une pe
tite Plaine , au pied d'une Colline , &
I. vol.
af-
1
2700 MERCURE DE FRANCE .
arrofée par la Riviere d'Iton , qui ſe jette
dans celle d'Eure , à quatre lleuës
d'Evreux. C'est une Ville Epifcopale ,
dont la Cathedrale dédiée à Notre . Dame
n'a rien de fingulier , quoique fort
bien bâtie , que dans fon exterieur , qui
eft embelli de plufieurs ornemens d'Architecture
& de fculpture affez paffables
pour le temps ; l'Ouvrage paroît être du
XII. Siecle.
Nous vîmes dans cette Eglife le Tombeau
en bronze de Jean de Harcourt ,
furnommé d'Aubergenville , fils de Rơger
de Meulean- Harcourt , I. du nom ,
Vicomte d'Evreux , & d'Elifabeth d'Anbergenville.
Il fut Doyen de S. Martin
de Tours , puis Evêque d'Evreux , &
Chancelier de France. Il affifta au Concile
General de Lyon en 1245. & fe
rendit recommandable par, fa pieté , &
par fa doctrine. Il eft repref nté ſur ce
Tombeau par une très -belle figure , auffi
de bronze, avec les habits pontificaux. Le
Tombeau eft orné partout de fleurs - delys
, & on y lit cette Epitaphe.
Summe Deus , fi fortè reus fuit ifte , reatum
Tolle fuum , quicumque tuum facis effe beitum
.
1. vol.
Civibus
DECEMBRE. 1726. 270p
Civibus Ebroicis dum præfuit ifte Johannes ;
Sub vice Pontificis vitiorum forbuit amnes.
Juni prima dies , anni quoque mille ducenti
Sex quini decies finem dant huic morienti.
Un Chien de Bronze , qui eft au pied
de la Figure de ce Prélat , tient l'Ecu de
fes Armes , qui font de gueules à deux
bandes d'argent , femées de Coquilles auffs
de gueules,
De l'Eglife nous montâmes par la Sa
criftie aux Archives du Chapitre , con
duits par quelques Chanoines , qui nous
marquerent beaucoup de politeffe ; nous
y trouvâmes un ancien Pénitentiel , d'u
ne finguliere beauté pour l'écriture , qui
paroît du 8.ou 9.fiecle, & pour la curiofité
des matieres . Il a pour titre principal
, EXCARPSUM de canonibus Catholisorum
Patrum vel poenitentia ad reme
dium animarum , Domini Eggberthti ;
Archiepifcopi Ebura Civitatis. C'eſt un
vol. in 8. qu'on avoit cru dans les temps
d'ignorance , appartenir à l'Eglife d'Es
vreux , quoiqu'il foit évident que ce
Livre a été fait pour l'Eglife d'York. "
Nous vîmes auffi un grand Miffel in
ol. Manufcrit Gothique , fur du Vêlin ',
avec des miniatures & des ornemens d'u
ne parfaite & exquife beauté , avec cette
J. vol inf
1702 MERCURE DE FRANCE.
$
inftruction au commencement , en carac
teres modernes. Ce Livre appartenoit à
Jacques Juvenal des Urfins, frere du Chancelier
de France ; Evêque de Poitiers , depuis
Archevêque de Rheims , qu'il fit faire
exprès , & l'a eû Raoul du Feou , Evêque
d'Eureux , qui a fait peindre fes Ar
mes fur celles dudit Archevêque , lequel
Raoul du Feon , l'a donné à l'Eglife d'Eureux.
On voit dans le même lieu quel-
Miffels anciens de l'Eglife d'Evreux
& une partie des Oeuvres de S. Auguf
tin , auffi manufcrites , d'une bonne antiquité.
Enfin , Meffieurs du Chapitre
d'Evreux ont auffi une Bibliotheque ,
mais peu fournie , pour avoir été longtemps
negligée.
ques
M. le Normant , Official de Paris ,
puis Chanoine de S. Honoré, eft aujour
d'hui Evêque d'Evreux , ayant fuccedé
immediatement à Jacques de Novion
fils du Premier Prefident de ce nom. I
eft auffi Abbé. Commandataire de l'Abbaye
de S. Taurin , Ordre de S. Benoît ,
dans la même Ville.
Cette Abbaye eft dans une très -belle
fituation & à l'une des extrémitez de la
Ville. On trouve dans la Bibliotheque
de cette Maiſon une partie de celle du
Cardinal du Perron , avec plufieurs Manufcrits
qui viennent du même Prélat ,
it Jo vele vola
ta
Jequel
DECEMBRE . 1726. 1703
lequel a été auffi Evêque d'Evreux &
Abbé de S. Taurin .
Il y a encore à Evreux , & à un autre
bout de la Ville , une Abbaye de Filles ,
nommée S. Sauveur , auffi de l'Ordre de
S. Benoît ; on n'y voit rien de fort fingulier
, fi ce n'eft un riche Tabernacle,
qui embellit extrémement l'Autel principal
de l'Eglife. Le fond en eft d'Ebene
,mais chargé d'ornemens d'Orfévrerie
, parmi lefquels on voit plufieurs
morceaux de Sculpture & d'Architecture
, d'un goût exquis & extrémement
finis. Madame d'Eftiffac , de la Maifon
de la Rochefoucaut , eft aujourd'hui Ab
beffe de l'Abbaye de S. Sauveur, 3
Il y a à Evreux plufieurs autres Egli
fes , Monafteres & Convents , & on y
compte jufqu'à huit ou neuf Paroiffes ,
quoique la Ville foit affez petite. Le Poëte
S. Amand , qui n'étoit pas l'homme du
monde le mieux reglé , s'en fcandalifa ,
comme vous fçavez , & vous n'aurez peutêtre
pas oublié fa petite Piece , qui come
mence ainfi .
Si jamais j'entre dans Evreux ,
Puiffe-je devenir fiévreux ,
& c.
Et le refte de l'imprécation , qui finit
par ces Vers .
J. vola
2704 MERCURE DE FRANCE .
Voilà ce qu'une ire équitable,
Fit prononcer étant à table ;
De haine ardemment excité ,
Contre cette étrange Cité,
Au plus benin de tous les hommes
Qui boivent au temps où nous fommes:
ObonYvrogne ! O cher Faret !
On y voit plus de trente Eglifes ,
Et pas un pauvre Cabaret.
S. Amand feroit obligé de fe rétrac
ter , & de chanter fur un autre ton ,
s'il revoyoit la Ville d'Evreux ; car on
y trouve aujourd'hui plufieurs bons gîtes,
entre lefquels on diftingue le Lyon d'or,
où l'on eft parfaitement bien .
Le lendemain nous allâmnes voir le
Château du Duc de Bouillon , qui eft à
une petite demie lieuë &au couchant de la
Ville. Nous y fûmes reçûs par M. de
S. G. Capitaine des Chaffes du Comté
d'Evreux , qui fit parfaitement bien les
honneurs d'une fi belle Maifon . Ce Château
, appellé Navarre , par la raiſon que
je dirai bien- tôt , a été bâti par Godefroi
Maurice , Duc de Bouillon , en l'année
1682. après en avoir pris tous les
deffeins de M. Manfard & en avoir jętté
les fondemens plus de huit ans aupara
Want Ce
DECEMBRE. 1726. 2705
م
Ce Château a été appellé Navarre par
les Comtes d'Evreux , depuis Jeanne de
France , fille du Roi Louis Hutin , &
femme de Philippe d'Evreux ,fils de Louis
d'Evreux , & petit fils de Philippe le
Hardi , heritiere du Royaume de Navarre
, qui avoit donné le nom de fon Royaume
à l'ancien Château , lequel étoit fitué
à cent pas
·
du nouveau .
C'eft un grand corps de Bâtiment tout
ifolé & quarré,dont les quatre faces font
de même hauteur , de même deffein & de
même fimétrie. If eft environné d'un
Talus en forme de Terraffe ou de Boulevart
, couvert de gazon , & élevé de
huit ou dix pieds au- deffus du niveau
de l'Esplanade , qui eft entre un Canal
d'eau vive , & qui fert de Cour au Château
, & en forme une Ifle . On entre
dans ce Bâtiment par les quatre faces ,
& on y monte par de grands & larges
Escaliers, au haut defquels eft pofée une
clôture de vitrages de 25. ou 30. pieds
de hauteur , fur quinze ou vingt de large.
La face qui regarde la Ville d'Evreux
& qui pour cela eft appellée Face principale
, a une double clôture ; car outre
celle de vitrage , dont je viens de parler
, il y en a une autre , formée par une
grande grille de fer , à peu près de même
hauteur que la premiere.
I. vol.
E De
2706 MERCURE DE FRANCE,
De quelque côté que l'on entre , on
paffe d'abord par un grand Veftibule ,
foutenu de quatre Colomnes , qui en font
comme les quatre coins . Les deux Veſ.
tibules qui font , l'un du côté du Midi
& l'autre du côté du Septentrion , onc
cela de particulier , qu'il y a quatre Buf
res de Marbre , reprefentant quatre Empereurs
Romains , pofez fur leurs Guaines
, aux côtez des deux Cheminées de
Marbre , qui font face l'une à l'autre ,
Les quatre Veftibules donnent entrée
à un très- grand Sallon , de figure ronde ,
& d'une magnificence furprenante , occupant
une bonne partie du Plan interieur
de tout le Batiment; il eft pavé
de Marbre , ainfi que les Veſtibules ,
& orné de huit Buftes , auffi de Marbre ,
qui reprefentent huit Empereurs , pofez
fur leurs Guaines , aux côtez de quatre
grandes Tables de Marbre , de diver
fe couleur , au- deffus defquelles il y a
quatre grands Quadres ,auffi de Marbre ,
d'un goût & d'une délicatele achevée ,
qui font l'attente de quatre Tableaux ou
de Glaces .
Ce Sallon eft enrichi , à la naiffance
de la voute , d'une Corniche très - délicatement
travaillée , qui regne tout autour
du Sallon , & qui porte des Trophées
d'Armes en relief , rehauffez des Ecul-
A. vol. fons
DECEMBRE. 1726. 2707
fons de la Maifon de Bouillon , avec d'autres
ornemens d'une grande beauté. Ce
Sallon eft éclairé par les grands vitrages
des Veftibules & par les grandes fenêtres
qui font dans la calotte d'un Dôme
qui le couvre , lequel est très - élevé. A
cette calotte eft attaché un Cordon ou
Moulure d'une délicateffe & d'une ftructure
admirable , fait par les nommez Noël,
& Gaillard , que M. Manfard goûta fi
fort , qu'il engagea le Duc de Bouillon de
les employer jufqu'à la perfection du
Bâtiment.
Des Veſtibules dont j'ai parlé , on entre
de plein pied dans les principaux Appartemens
, très richement meublez , audeffus
defquels font d'autres Appartemens
pour loger des perfonnes de diftinction ;
il y en a encore quantité d'autres autour
du Dôme pour loger les Officiers du
Château .
Toute la Charpente , de la façon d'Hidel
, merite l'attention des Curieux ,
pour les liaiſons & l'affemblage d'une
forêt de bois , qui forme la calotte du
Dôme , terminé par une grande Platter
Forme , couverte de plomb , fur laquelle
on avoit projetté de mettre une Statuë
Equeftre de M. de Turenne.
En defcendant , on nous fit paffer pas
les Offices , qui font conftruits fous le
1. vel.
E ij Châ2798
MERCURE DE FRANCE.
Château , & dans lefquelles on trouve
toutes les commoditez qu'on peut fouhaiter.
Les quatre faces de ce fuperbe Bâtiment
donnent chacune fur des vûës agréables
& variées ; la premiere , comme je
l'ai déja remarqué , regarde la Ville d'Evreux
, dont les Eglifes avec leurs Tours
& leurs Clochers , forment un très-bel afpect,
& vers laquelle on a formé le deffein
d'un Cours d'un quart de lieuë de longueur
, qui aboutira à la belle Place du
Portail neuf de l'Abbaye de S. Taurin ,
Occupée & embellie par les Benedictins
de la Congregation de S. Maur.
La face à l'oppofite de celle dont je
viens de parler , a fa vûë fur une vafte
Prairie qui conduit à la Forêt d'Arnieres
, ouverte par une large Allée de plus
de deux lieues de longueur. Enfin les
deux autres vûës font fur de grandes
Pieces d'Eau , fur des Bofquets renfermez
dans des Charmilles , qui forment
differentes Allées , & fur des Canaux ,
Nappes , Chutes d'Eau , & c. formez des
eaux de la Riviere d'Iton , auprès de
laquelle ce Château eft affis .
İl eft bon , Monfieur , de vous dire que
la Ville & le Comté d'Evreux , appartiennent
au Duc de Bouillon , en vertu
de l'échange fait en 1651. de la Princi
& voka
pauté
*
DECEMBRE. 1726. 2709
•
pauté de Sedan & fes dépendances , qui
étoit entré dans fa Maiſon en 1591. par
le Mariage de Charlotte de la Mark ,
Ducheffe de Bouillon , Princeffe Souve
raine de Sedan , &c. avec Henri de la
Tour d'Auvergne , Vicomte de Turenne,'
&c. Outre le Comté d'Evreux , le Roy
ceda par le même Contrat d'échange à
Frederic Maurice de la Tour - d'Auvergne,
Duc de Bouillon , &c. la Duché & Pairie
d'Albret, la Duché & Pairie de Château-
Thierry , & la Comté d'Auvergne. L'échange
fut homologué & enregistré au
Parlement , après quelques difficultez ,
par Arrêt du ro. Février 1652.
D'Evreux on va coucher ordinairement
à la Riviere Tibouville ; mais on
trouve à moitié chemin la Commanderie
de S. Etienne de Renneville , de l'Or₁
dre de S. Jean de Jerufalem , où nous
avions fait deffein de paffer quelques
jours. Nous y arrivâmes d'affez bonne
heure , nous y fumes reçus avec tous les
agrémens poffibles.
Cette
Commanderie, fituée dans la grande
Plaine de Neubourg, l'une des plus belles
& des plus fertiles de la Normandie ,
confifte en un fort beau Château & en une
Eglife attenant ; le tout enclos de murailles
, avec Parc , Jardins , grandes Avenucs
& autres
accompagnemens.
4. vol. E iij Son
2710 MERCURE DE FRANCE .
Son origine fe rapporte à Richard de
Harcourt , lequel en l'année 1150. fit
donation , de toutes les Terres qui lui
appartenoient , fous le nom de Baronie ,
avec Juftice moyenne & baffe , à l'Ordre
des Templiers , en fe rendant luimême
Religieux de cet Ordre. Ces Terres
faifoient partie du Comté d'Harcourt,
dont le Bourg n'en eft éloigné que de
trois lieuës, & les Templiers établirent là
une de leurs Maiſons , laquelle dans l'éxtinction
generale de l'Ordre , fut réünie
à celui de S. Jean de Jerufalem : Car
vous fçavez , Monfieur , que l'Ordre
des Templiers ayant tout -à-fait degeneré
de fon Inſtitut , on fut obligé de l'abolir ,
cela arriva en 1311. ou felon Mezerai ,
en 1314 par l'autorité du Concile de
Vienne , fous le Pontificat de Clement V.
& fous le Regne de Philippe le Bel ,
après avoir duré un peu moins de 200.
ans .
On voit dans l'Eglife , qui eft plus ancienne
que tous les autres Bâtimens de
la Commanderie , la Figure en pierre &
couchée fur un Tombeau de ce Richard
de Harcourt , Fondateur , habillé en Religieux
, & ayant un Bouclier à côté de
lui avec cette Epitaphe : Cy git Frere
Ricard de Harcort , Chevalier , dès le
commencement de la Chevalerie del Tem-
1. vol. ple ,
DECEMBRE. 1726. 2711
ple, Fondeur de la Maifon de S. Etien
ne. On voit auffi diverfes figures des
anciens Templiers , peintes fur le Vitrage
des fenêtres , qui eft parfaitement beau
& peu different de celui de la fainte Chapelle
de Paris.
Cette Commanderie a toûjours été poffedée
par des Chevaliers de grande dif
tinction , dont plufieurs ont été Grands-
Maîtres du Temple de Rhodes & de
Malthe , comme les Commandeurs de
Viniacourt & de la Sangle , Grands- Maî
tres de Malthe , de Sarcus , de Pacy ,
d'Aunay , de S. Luc , des Urfins , d'Elbene
, & c. Les Armoiries de tous ceux
que je viens de nommer, font peintes fur
les murailles du Choeur .
On y voit encore les Tombeaux des
Commandeurs de Mailly , de Courtebonne
, de Villerfeaux & de Bellebrune ,
qui font morts dans cette Maifon , &
aufquels ont fuccedé les Commandeurs
de Villers , de Frefnieres & le Bailly de
la Croix, qui poffede aujourd'hui la Commanderie
, dont le revenu eft au moins
de 12000. livres.
J'ay vû dans les Archives de cette
Maifon , que le Commandeur Philippe
de Mailly , dont on vient de parler , Treforier
de l'Ordre , & mort en 1515. a
fait rebâtir le Château d'aujourd'hui fur
Eij les
1. vol.
2712 MERCURE DE FRANCE.
1
les ruines du premier , édifié par la Fordateur
, & que c'eft Jean de Calonne de
Courtebonne , mort en 1669. qui fit
peindre fur les murailles du Choeur , à
droit & à gauche , les Armoiries qu'on
y voit de plufieurs Commandeurs Mo →
dernes , dans des Ecuffons pendans à des
arbres , & cela au lieu & place de quantité
d'autres anciens qu'il fit effacer , ce
qui n'a pas été approuvé .
J'ay vû auffi dans ces Archives qu'en.
Pannée 1635. & lorfque la pefte affligeoit
la Ville d'Evreux , les Religieufes de
l'Abbaye de S. Sauveur fe réfugierent
dans cette Commanderie , où elles demeurerent
plus de fix mois , avec la permiffion
de François de Vion de Tellancourt
, Grand- Prieur de Champagne &
Commandeur de S. Etienne , fous la conduite
de Loüife du Pleffis , leur Abbeſſe .
Pendant le temps que nous y reſtâmes,
nous prîmes le divertiffement de
la Chaffe dans cette belle Plaine. Cet
exercice nous mena un peu loin , &
nous donna occafion de voir plufieurs
belles Maifons , qui font aux environs
de la Plaine,ou pour parler le langage du
pays , dans la Campagne de Neubourg
qui eft ainfi nommée , à caufe du gros
Bourg de ce nom , avec titre de Marquifat
. Il y a un grand Château antique ,
Ft 1. vol • dan
DECEMBRE. 1726. 2713
dans lequel on voit encore les premieres
Machines de l'Opera , de l'invention
du Marquis de Sourdeac , Seigneur de
Neubourg .
Mais ce qui nous parut veritablement
digne de curiofité dans cette Campagne ,
c'eft le Château dit , le Champ de Bataille
, ainfi nommé à caufe d'un combat
fameux qui fe fit dans le même lieu
où il eft bâti , fous la minorité de Louis
XIII. entre Guy de Rieux , Marquis de
Sourdeac & Jean Baptifte de Crequi
Baron de Bernieules , d'un côté , & Henry
, Baron de Vieux- Pont & le Chevalier
de Vieux- Pont , fon frere , de l'autre .
Les deux premiers eurent le deffus avec
la Place difputée par le Seigneur de
Crequi.
Cette Place, fujet de la querelle , étoit
un certain terrain , peut- être de peu
d'importance, mais qui merita enfin qu'uni
"combat fi fameux décidât de fon fort. Le
Vainqueur & le principal intereffé dans
la conteftation , c'eſt - à - dire , le Seigneur
de Crequi entreprit peu de temps après
de faire bâtir le Château en queſtion
dans le même endroit où la fcene s'étoit
paffée, & nomma ce Château le Champ
de Bataille , lequel n'a été entieremen
achevé que par le Comte de Créqui
lequel s'eft occupé pen
By dart
mort en
I.vol.
1
2714 MERCURE DE FRANCE.
dant plus de vingt ans à le perfectionner.
J'oubliois , Monfieur , de vous dire que
les quatre Combattans fe touchoient tous
de parenté ou d'alliance fort proche , ce
qui fut un foible obſtacle à leur bizarre
décifion. Les trois premiers étoient beaufreres
, ayant épousé les trois foeurs ,
filles d'Alexandre de Vieux- Pont , Bapuis
Marquis de Neubourg , Amiral
de Bretagne , qui avoit épousé en
1593. Renée Tournemine , fille & heritiere
de Jacques Tournemine , Marquis
de Coëtmur & de Lucrece de Ro
han .
ron ,
J'aurois , au refte , de belles chofes à
vous dire de ce Château , fi je l'avois
vû autrement qu'en paffant & dans une
partie de Chaffe ; mais fi la réfolution
que nous avons prife d'y venir voir à
notre retour , M. le Marquis de Mailloc
, Neveu & heritier du dernier Comte
de Crequi , lequel le poffede aujourd'hui
, s'execute , je me propofe de rés
parer cette omiffion.
Nous partîmes de la Commanderie S.
Etienne le 17. pour aller coucher à la
Riviere Tibouville . C'eſt un petit Bourg
fitué dans une vallée agréable , prefque
toute en Prairie , que la petite Riviere
de ce nom arrofe ; il appartient à M.
1. чебе d'Her
DECEMBRE . 1726 274x
D
M. d'Herbigny , Maître des Requêtes ,
Subdelegué des Marêchaux de France.
Le lendemain , aprés avoir fait dire la
Meffe dans la Chapelle du Château , nous
allâmes dîner à quatre lieues de là , fur
le grand chemin qui mene à Lifieux
dans l'Hôtellerie de la Paroiffe de Duranville
, d'où , en faifant encore autant
de chemin , toujours par les plus beaux
pâturages qu'on puiffe voir , & tous rem
plis de gros bétail , nous arivâmes de trèsbonne
heure à Lifieux.
Vous me difpenferez de vous en dire
davantage pour cette fois , je vous ferai
part exactement de la fuite de notre
voyage , & je fuis , Monfieur , &c.··
Ceux qui ont expliqué les deux Enig
mes du mois dernier par l'Imprimerie &
la Faute , ont rencontré jufte.
PREMIERE ENIG ME.
Nous fommes deux freres jumeaux ,
Que l'Art autant qu'il peut forme toujours
égaux.
1.vol.
E vj Nus
2716 MERCURE DE FRANCE.
Nous avons pere & mere , & l'on nous a v
naître ;
Vivre & mourir avant que d'être.
Quoique bien differens nous nous reffemblons
bien.
Pour fe fervir de nous il faut qu'on nous affemble
,
Car fi nous ne fommes enfemble ,
Nous ne fervons prefque de rien.
Qui veut nous employer, ne doit point ſe méprendre
;
Mais rien n'eft plus aifé que l'art de nous bien
prendre.
Nous avons une gueule , & n'avons point de
dents,
Un ventre plat & creux , point de boyaux de
dans,
Chacun de nous , gourmand comme un Antropophage
,
Sans pourtant aimer le carnage ,
Se remplit de chair en tout temps.
Farcis jufqu'à crever d'une telle pâture ,
On croiroit que nous repaiffons ,
Point du tout cependant toujours nous en
graiffons ,
Sans prendre aucune nourriture ;
Mais , par un accident encor bien plus nouveau
, Quoique
DECEMBRE. 1726. 2717
Quoique nous foyons gras nous n'avons que
la peau,
Toi , Lecteur , qui prétens , comme un nouvel
Oedipe ,
Que toute obfcurité devant toi fe diffipe ;
Pour en avoir l'honneur , crois- moi , hâtes
tes pas;
Si tu n'es le premier tu ne nous auras pas.
SECONDE ENIGME.
Evous reffemble , Iris , je ne me trompe
pas , JE
Nous fommes froids & durs avec beaucoup
d'appas ;
Et fatiguons fouvent la parience ,
Des gens qui font les délicats ;
Mais voici notre difference ,
C'eft que malgré ma refiftance ,
On fait de moi tout ce qu'on veut ,
Avec le temps & la perfeverance ;
Au lieu qu'on dit , qu'Amour ne peut›
Ni de fes traits , ni de fa flâme ,
Faire impreffion fur votre ame.
I. vali
(NOU
1718 MERCURE DE FRANCE .
蛋蛋日
NOUVELLES LITTERAIRES
DES BEAUX ARTS , &c.
E DIRECTEUR DES AMES RELIGIEU
LEES SES , compofé en Latin par le Venerable
Louis Blofius , de l'Ordre de Saint
Benoift , & c. & traduit en François par
** , *, A Paris
, ruë
S.
Jacques
, chez
F.
Babuti
, 1726.
in
16.
de
204.
pages
.
ENTRETIENS de Ciceron fur les Orateurs
illuftres , avec des Notes de M. de
Villefore . A Paris , ruë S. Jacques , chez
J. Etienne , 1726. in 12. de 237. pages
, fans l'Epitre & la Préface , qui en
contient 61 .
CRITIQUE ABREGE'E fur un Livre nouveau
, ayant pour titre , Dictionnaire
univerfel de la France ancienne & moderne
, & de la nouvelle France . Par
C. M. de Launay , 1. vol . in 12. A
Paris , chez Noel Piffot & André Knapen
, 1726 .
Nous nous contenterons , fans entrer
dans le détail de cette Critique , d'en
rapporter ici un échantillon , pris au
1. vel. hazard
DECEMBRE. 1726. 2719
hazard à l'ouverture du Livre. Il eſt dit,
page 11. de l'Introduction , art. 35. que
Louis , fils de Lothaire , dit le Faineant ,
lui fucceda , fous la garde de Hugues Ca+
pet , fon coufin germain par les femmes,
& qu'il mourut comme fon pere , empoilonné
par fa mere en 987 .
Critique.
Louis le Faineant ne fut pas fils de
Lothaire , Louis , fils de Lothaire , ne
fut pas nommé le Faineant.
Louis le Faineant, vingt- huitiéme Roi de
France, fils de Carloman , auquel il fucceda
à la Couronne l'an 885. & regna environ
deux ans. Il fut furnommé le Faineant,
pour fa lâcheté & faute de coeur, il fut dé
pofé du Royaume , & tondu Moine à S.
Denis où il gît. ll tira une Religieufe de
l'Abbaye de Chelles , qu'il époufa. Ce
Roi eft regardé comme Ufur pateur , n'a
point d'Effigie au Palais , & n'eft pas
nombré entre les Louis , ni même entre
les Rois.
Louis V.trente-quatrième Roi de France,
fils de Lothaire, auquel il fucceda à la
Couronne , l'an 987. & mourut la premiere
année de fon Regne. 11 git à
S. Cornille de Compiegne , & eft le
dernier de la Race de Charlemagne. Il
eut pour femme , Blanche , fille d'Othon
II. Empereur. Aucuns ont écrit qu'elle
a vola
em2720
MERCURE DE FRANCE.
empoifonna icelui Roi fon mari .
ALMANACH DE PARIS , ou Calendrier
hiftorique , in 8. de 166. pages , chez
Chardon , Imprimeur- Libraire , ruë Sains
Severin , à la Croix d'or.
Ce Calendrier , vraiment hiftorique ,
contient , 1 ° . La datte de chaque jour
tant à notre maniere de compter , qu'à
celle des Romains par Calendes , Nones
& Ides , avec la difference de l'ancien
ftile du nouveau . 22. L'Extrait critique
de la Vie du Saint & de fes Reliques.
3 °. Ce qui fe paffe de curieux à Paris
& à la Cour. 4. La date de l'évenement
ou établiffement qui a rapport à
chaque jour. Le choix , de ces faits , rapportez
en ce Calendrier , ' fera connoître,
que ce n'eft pas les principaux points hif
toriques , qu'on ait rangé chronologiquement
fur chaque jour ; ce font au
contraire des faits intereffans , qui ont
pû échaper à l'Hiftoires tels font l'origine
de la condamnation aux dépens ;
l'établiffement des Theatres de Paris ,
leur changement ; l'époque de l'uſage
des Peruques , des Bonnets carrez , da
Tabac , du Caffé , & d'une infinité d'antres
établiſſemens concernant principalement
la Ville de Paris . Tous ces faits
dffperfez dans ce Calendrier font réü•
I. vol. nis
DECEMBRE. 1726. 2721
nis par le fecours d'une Table très - uti
le , laquelle eft précedée d'un Journal
du Palais , & des autres Tribunaux de
Paris , bien different des Journaux du
Palais qui ont parû jufqu'à ce jour , qui
marquent feulement les jours des Vacations
des Tribunaux de Juftice , qui
dans ce Calendrier hiftorique font rangez
au jour auquel cette Vacation arrive . Ce
Journal donc au lieu des jours de Vacations
, marque le jour de la Semaine ,
auquel chaque Chambre ou Jurifdiction
donne fes Audiences , enſemble les Conferences
, Conſultations , Concerts , &
autres Affemblées qui fe tiennent à un
jour reglé de chaque Semaine.
Chez le même Imprimeur on trouve
le petit Almanach de Paris , enrichi
de Vignettes gravées en bois , repreſentant
les fept Planettes dans le titre , &
le Signe du Zodiaque à chaque Mois ,
avec fon explication . La gravure en eft
fi délicate , qu'il ne s'en eft jamais vû de
pareille en ce genre , elle eft du fieur Pa
pillon , Graveur en bois , rue S. Jacques ,
au Papillon.
Quillau , Imprimeur de l'Univerfité ,
imprimeun Breviaite Romain en un feul
petit in 1 2. qui contient , 1. Un Extrait
des Rubriques, 2. Un Extrait des Ce-
1. vol.
1
remo
2722 MERCURE DE FRANCE .
remonies en François, 3. Un Reglement
du Chrétien. 4. Les Exercices du Chrétien.
5. L'Ordinaire de l'Office , 6. Le
Pleautier . 7. Le Propre du Temps . 8. Le
Propre des Saints. 9. Le Commun des
Saints. 10. Un Extrait du Rituel. 11. Une
nouvelle Methode de Plein - Chant , ſelon
un nouveau ſyſtême , dont nous avons
déja parlé plufieurs fois , trouvé par M.
Demez , felon lequel fera imprimé l'Antiphonier
, le Proceffional & le Graduel ,
generalement tout le Plein- Chant des
Matines & autres Heures de tout l'Office
Divin & des Meffes. Il y aura encore
la Mefle Royale de M. Dumont , & les
8. Tons du Plein Chant , & le Dies ira
dies illa en faux Bourdon .
Le Chant , felon ce fyftême , eft beaucoup
plus court , plus facile , & plus
feur , à imprimer , à apprendre , & à mertre
en pratique , que tous ceux qui l'ont
précede ; de forte qu'un enfant le peut
apprendre en très- peu de temps , de quoi
ont été convaincus , même les plus incrédules
, par l'experience & par plufieurs
gageures
.
Par ce nouveau Principe , tout boulevèrlement
de Notes & confufion de differens
intervalles font évitez ; la Note fe
connoît par elle - même , & conftituë tout
ce qui eft effentiel au Plein- Chant & à la
1. vol . Mu-
1
DÉCEMBRE. 1726. 2723
Mufique , fans clefs , cordes , barres , ni
tranfpofitions. Au refte , ce petit Livre,
commode à porter dans la poche , s'imprime
fur le meilleur papier qu'on a pû
trouver, & d'un beau caractere. Il fervira
en même temps d'Heures aux Da
mes & autres Laïques , de Diurnal aux
Ecclefiaftiques , & même de Breviaire , en
Faifant dans la fuite imprimer dans un
femblable Volume les Leçons de l'Office.
On aura dans ce Livre pour un écu , ce
qui coute plus de cent livres aujourd'hui .
Comme les Livres de la premiere impreffion
font prefque tous retenus , on en
commencera une feconde avant la fin de
celle- ci , qui pourra être finie à Pâques
prochain.
Ce nouveau Systême a été examiné ,
& approuvé par Meffieurs de l'Académie
Royale des Sciences , par M. Campra
, Maître de Mufique de la Chapelle
du Roi , M. Clairambaut de S. Sulpice
, M. l'Alouette , de Notre Dame , M.
la Croix , de la Sainte Chapelle , M.
Guillery , de S. Germain de l'Auxerrois,
& M. Colfai , de S. Euftache , & a fubi
plufieurs autres examens en differentes
Affemblées de Muficiens , qui ont été
convaincus des qualitez prétendues du
nouveau Systême , quant à la fpeculation
& quant à la pratique.
2. vol.
CA2724
MERCURE DE FRANCE.
CATALOGUS omnium rariffimorum ac
felectiffimorum Librorum , qui in Thefauro
Antiquitatum , & Hiftoriarum Italiæ
, & c. XLV. reperiuntur , &c.
Nous repetons le titre de ce Catalogue,
pour reparer une méprife qui s'eft gliffée
dans les Nouvelles Litteraires du
Mercure du mois d'Octobre paffé , page
2295. Il falloit ajouter , que non -feulement
ce Catalogue fe trouve à Paris,
chez Noël Piffot , mais que tout le grand
Ouvrage, dont il eſt ici queſtion , eſt entierement
achevé , & qu'il fe trouve auffi
chez le même Libraire.
ELOGES & Caracteres des Philofophes
les plus celebres , depuis la Naillance
de Jefus Chrift jufqu'à prefent. A Paris
rne de la vieille Bouclerie , chez
Giffey , in 12. de 478. pages , fans l'Epitre
& l'Avertiffement , Carattere de
S. Augustin , prix 2. livres .
Get Ouvrage eft parfaitement bien
écrit. L'Epitre, au Duc d'Orleans est
fort ingenieufe , le Prince y eft dignement
loué. Les Philofophes dont les
Eloges & Caracteres font contenus dans
ce Livre font , Seneque , Plutarque ,
Avicene , Abelard , Averroez , Albert
le Grand , S. Thomas , Scot , Cardan,
Gallendi , Descartes , Maignan , Pafcal,
1. vol. MalléDECEMBRE.
1726.
2725
Mallebranche ,
Leibnitz.
L'Auteur faic
entrer dans ces Eloges &
Caracteres tout
ce que le fujet fournit de plus propre à
rendre une lecture amufante ,
curieufe,
inftructive , en faisant
connoître les qualitez
de l'efprit , du coeur , & des Ouvrages
des Philofophes dont il eft ici
queftion . Cet
Ouvrage eft terminé par
quelques Poëfies de l'Auteur.
Nouveaux
Memoires des Miffions de
la
Compagnie de Jefus dans le Levant,
Tome 5. Vol. in 12. A Paris , chez
Guillaume Cavelier ruë S.
Jacques,
au Lys d'or. 1726 .
Il y a long-temps que ces
Memoires
en
édifiant
l'Eglife , font d'une
agréable
utilité à la
Republique
des
Lettres ;
mais de tous les
Volumes qui ont paru
jufqu'à
prefent , il n'en eft peut - être
point de plus
intereffant
que celui ci.
Il contient en quatre
Lettres , adreffées
du Levant au R. P.
Fleuriau , Préfet des
Miffions de
l'Orient , outre
plufieurs
faits qui
intereffent la
Religion , quantité
de chofes
confiderables
concernant la
Syrie , la
Paleſtine , &
l'Egypte. La
derniere de ces Lettres
merite une attention
finguliere . Elle eft du R. P. Sicard
,
Miffionnaire en Egypte , & contient
le Plan d'un
Ouvrage
entrepris par
vol, 1
2726 MERCURE DE FRANCE.
,
le même Miffionnaire fur l'Egypte ancienne
& moderne , &c. Ce Plan nous
paroît fi beau & la matiere fi curieufe ,
que nous nous propofons de le commu
niquer à nos Lecteurs , dans l'un de nos
prochains Journaux. Nous ajoûterons
que le Livre dont nous parlons ici , eft
orné de deux Cartes dreflées fur les
lieux , & très-bien gravées ; l'une de
toute la Syrie , & l'autre des Deferis de
la Baffe Thebaï de aux environs des
Monafteres de S. Antoine , & de S. Paul,
Hermites , avec le Plan des lieux par où
les Ifraëlites ont probablement pallé en
fortant d'Egypte . On y voit auffi le Plan
des Monafteres des deux fameux Anachoretes
dont on vient de parler , aujourd'hui
habitez par des Religieux Coptes.
Cette Carte eft encore un Ouvrage du
P. Sicard , qui a parcouru les lieux qu'el
le décrit avec M. Affemanni , fçavant
Maronite , aujourd'hui Bibliothecaire du
Vatican .
Les fieurs Cavelier , pere & fils , Brua
net & Goffelin , Libraires à Paris , débitent
un grand Ouvrage , annoncé de
puis quelques années dans les Journaux.
Il a pour titre , Dictionnaire des Arrêtss
ou Jurifprudence univerfelle des Parlemens
de France , & autres Tribunaux;
A. vol.
Con
DECEMBRE. 1726. 2727
contenant par ordre alphabetique les Matieres
Beneficiales , Civiles & Criminelles
, les Maximes du Droit Ecclefiaftique
, du Droit Romain , Du Droit public,
des Coutumes Ordonnances Edits
Declarations.
Cet Ouvrage qui eft en fix Volumes
in folio , a pour Auteur M. Pierre - Jacques
Brillon , ancien Avocat au Parle
ment de Paris.
La premiere Édition de ce Dictionnaire
a paru en 1711. en trois Volumes,
Elle fut fi bien reçûë du Public , que
l'Auteur a crû devoir attendre un auffi
favorable accueil pour toutes les recherches
nouvelles , additions & augmentations
comprifes dans ce Dictionnaire
qui eft le fruit d'un travail de plus de
30. années. On peut le confiderer comme
une Bibliotheque univerfelle de Jurif
prudence ; puifqu'il contient des Décifions
exactes fur toutes fortes de matieres
enforte qu'il n'eft point de titre important
, qui n'ait l'utilité , & prefque
la forme d'un Traité methodique. Il ne
faut pas au refte croire , que cet Ouvrage
ne foit propre qu'aux gens de Palais
I'Auteur s'étant attaché au Droit public
, & à celui qui convient à la Police
generale & particuliere de tous les Etats,
a tellement diftribué l'ordre de chaque
A. vol. Jujet,
2728 MERCURE DE FRANCE .
fujet , que le Lecteur , de quelque con .
dition qu'il puiffe être , y trouvera des
regles fort utiles pour éviter les mauvais
Procès , & foutenir les bons avantageufement.
On ne s'eft pas borné à ce qui appar
tient au Droit François il traite alphabetiquement
des Royaumes voifins &
étrangers , des Principautez & Souverainetez
limitrophes , pour ce qui regarde
la connoiffance du Barreau . En
un mot › on peut dire que ce Diction
naire eft l'affemblage de toutes les notions
qui dérivent de la difpofition des
Ordonnances anciennes & nouvelles , de
l'avis des meilleurs Auteurs en tout genre
& en toute efpece , & de l'autorité
des Arrêts rendus dans les Parlemens &
autres Tribunaux , tant du Royaume que
des Etats étrangers .
L'Auteur a dédié cette feconde Edition
à S. A. S. Monfeigneur Louis- Auguste
de Bourbon , Duc du Maine , Prince Sou
verain de Dombes.
M. Brillon déja connu par fes Ouvrages
de Litterature , & par la premiere
Edition de ce Dictionnaire , a augmenté
cette feconde de près de 4000. pages,
Chaubert , fur le Quay des Auguftins,
I. vol.
1
DECEMBRE. 1726 2729
à la Renommée & à la Prudence,a reçû
depuis peu d'Hollande les Livres fuivans.
Mémoires du Regne de Pierre le Grand,
Empereur de Ruffie , 4. volumes in 12.
en feuilles , 12. livres.
Bibliotheque Hiftorique & Critique
des Auteurs de la Congrégation de S.
Maur , I. vol. in 12. en feuilles , 3. liv..
Théologie Phyfique, ou Démonftration
de l'Exiftence de Dieu & de ſes Attributs,
tirée des Oeuvres de la Création , 1. vol.
in 8. en feuilles , 6. livres.
OUVRAGES DE FER & D'ACIER. La
Manufacture Royale d'Orleans , établie
à Cofnes, pour convertir le Fer enAcier,
& pour faire des Ouvrages de Fer &
d'Acier fondus , fur les principes de M.
de Reaumur , a depuis plufieurs mois
un Magazin à Paris , dans la ruë S. Thọ-
mas du Louvre , à l'Hôtel d'Uzez , qui
s'eft attiré les vifites de ce que la Cour
& Paris ont de plus connoiffeur & de
plus diftingué. Il n'eft perfonne qui n'ait
-paru frappé de la beauté & du goût des
Ouvrages qui s'y trouvent. Mais l'empreffement
même que le Public a moniré
d'en avoir , en a retardé la vente . La
Compagnie qui a entrepris cette Manufacture
, n'a pas crû devoir commencer
1. vol.
C
f F
2730 MERCURE DE FRANCE.
1
à débiter , jufques à ce qu'elle fût en état
de fournir le Royaume & les Pays Etrangers
de fes Ouvrages ; pour cela il lui
a fallu multiplier confiderablement le
nombre de fes Atteliers & de fes Ouvriers
.]
On y vend actuellement des Ouvrages
de tout genre , fondus fur d'excellens
modeles , la plupart nouveaux , & faits
par les plus grands Maîtres. Ces Ou
vrages font recherchez & finis , comme
ceux d'Orfévrerie . Le détail fuivant va
donner quelque idée de ces differens genres
d'Ouvrages .
Au lieu que les Balcons ordinaires
n'ont que des ornemens de fer roulé ,
ou de Taule emboutie ou des ornemens
de Cuivre qu'on y rapporte , les nouveaux
Balcons font d'une feule piece ,
enrichis de tout ce que la Sculpture fçait
executer en bois , de figures humaines ,
de figures d'animaux , de Guirlandes de
Heurs ; & ces fuperbes Balcons coutent
moins en fer , que de pareils ne coute
roient en bois .
Des Serrures , dont les Boëtes ou Palâtres
, ont des ornemens en bas relief,
-il en a qui font de veritables Tableaux ,
Telle en eft une , où les Acteurs de la Comedie
Italienne font reprefentez .
Des Marteaux , des Boutons de por-
1. vol, tea
DECEMBRE. 1726. 2734
te, des Entrées de Serrure , & generalement
de toutes les efpeces d'Ouvrages
de Serrurerie , avec des ornemen's , que
jufques ici on n'auroit pû , ou ofé entreprendre
de leur donner.
Quoiqu'on ne touche le Cuivre qu'à
regret , à caufe de l'odeur déteftable qu'il
laille aux doigts , il y a une infinité d'Ouvrages
qu'on a été forcé jusques à prefent
de fondre de ce Métail . On trouve
de tous ces Ouvrages en Fer , & en Acier
fondu , comme font des Feux de toute
grandeur.
1
Des Bras pour mettre des Bougies ,
des Flambeaux .
Des Luftres qui ont la blancheur & l'éclat
des Luftres de Criſtal , & des formes
qu'on ne fçauroit donner à ces derniers.
Des Pierres à papier pour mettre fur
les Bureaux .
Des Vafes pour les Jardins , de toutes
grandeurs.
Et enfin de tout ce qu'on a fait jufques
ici en cuivre.it
La feule inquiétude qu'on auroit pour
de fi beaux Ouvrages , c'eft que leur
éclat ne fût pas durable ; l'humidité eft
à craindre pour tous les Ouvrages de Fer
& d'Acier. Ceux - cy font d'un Fer &
d'un Acier , dont la nature eft de rouiller
plus difficilement que les Fers & les
Fij Aciers
1. vol.
2732 MERCURE DE FRANCE:
•
•
Aciers ordinaires. Mais M. de Reaumur,
après avoir trouvé le fecret de faire faire
des Ouvrages fi utiles , en a trouvé un qui
n'eft peut - être gueres moins important,
c'eft de leur conferver leur beauté , en
les deffendant contre toutes les atteintes
de la rouille. Il a découvert & donné
à la Compagnie qui a entrepris la nou-
-velle Manufacture , un Vernis , qui peut
être étendu fur l'Acier poli , fans en alterer
la couleur ni le brillant , & qui réfifte
aux mêmes épreuves que les Vernis
colorez de la Chine. Le Fet fur lequel
le Vernis a fuffifamment feché , ne
demande pour être nettoyé , que , que d'être
lavé avec de l'eau .
M. de Reaumur a auffi donné à la
même Compagnie , des Vernis de diffe
rentes couleurs , au moyen defquels le
Fer paroît couleur de Leton , de Cuivre
& de Bronze , fans en avoir la mauvaiſe
odeur. Ce vernis peut être expofé à toutes
les injures de l'air , fans que fa couleur
s'altere ; au moyen de quoi les Va
fes de Fer ont une couleur plus belle &
plus durable que ceux de Bronze.
On dore auffi , foit en entier , foit par
parties , tous les Ouvrages dont nous venons
de parler , ce qui fait un grand
effet Tout le monde fçait combien la
dorure fur l'Acier eft plus belle & plus
2.1. vol
durable
DECEMBRE. 1726. 2733
>
rable que la dorure fur Cuivre.
Le prix des Ouvrages eft écrit fur
chaque Piece , il ne peut que furprendre
agréablement ceux qui connoillent la
difference qu'il y a entre le Fer mis en
oeuvre avec des ornemens & le Cuivre ;
entre une garde d'épée d'Acier , & une
garde d'épée de Cuivre. Le prix des nouveaux
Ouvrages n'eft jamais au - deſſus
de celui de ceux de Cuivre , & eft fouvent
beaucoup audeffous .
*
Lorfqu'on voudra des Ouvrages qui
ne fe trouveront pas actuellement au
Magafin , ou qu'on les voudra d'un autre
deffein , ils feront executez en peu ,
pourvû qu'on en fourniffe le modele
Ja Compagnie.
On vend auffi dans le même Magazin
de l'Acier en gros & en détail , qui
ne le cede en qualité à aucun des meilleurs
Aciers connus . On le donne à dix
fols la livre il eft marqué de la marque
de la Manufacture . On garentit
de n'en livrer que d'excellent ; & s'il y
en avoit qui ne parût pas tel à ceux qui
l'auront acheté , on s'engage de leur rendre
l'argent de celui qu'ils rapporteront ,
fi mjeux ils n'aiment en reprendre d'autre
, poids pour poids.
Le R. P. Dom Bernard de Montfaucon ,
I. vol. Fiij lûr
1734 MERCURE DE FRANCE.
A
lût le 12. Novembre à l'Académie des
Belles Lettres & des Infcriptions , une
Differtation fur le Nimbe , ou le Cercle
Lumineux , que les Romains Idolâtres
mettoient à la tête de leurs Dieux , &
aux Images & Statues des Empereurs , &
que nos Rois de la premiere race mettoient
auffi à leurs Images.
Après avoir remarqué les differens fens
que les anciens Auteurs ont donné au
mot de Nimbus , il fit voir que les Romains
avoient pris des Grecs cet ufage
de mettre des Cercles Lumineux à la
tête de leurs Dieux ; que la flaterie infpira
aux Courtifans des Empereurs Romains
, de mettre cet ornement à leurs
Images ; ce qui fe prouve par plufieurs
exemples tirez des Monumens qui fe
font confervez jufqu'à nos jours , & que
les Empereurs de Conftantinople ont
confervé cette coûtume jufqu'à la prife
de cette Ville par Mahomet II. l'an
1453.
A l'exemple des Empereurs Romains ,
nos Rois de la premiere race depuis
Clovis , mirent auffi le Nimbe à leurs
Images & Statues ; & comme cet ufage
de nos Rois fait le principal fujet de cette
Differtation , il s'étendit plus fur cet ar
fur tous les autres. Il fit voir
que
d'abord que nos Rois , fur tout ceux de
I. volo
- ticle
3 la
DECEMBRE . 1726. 2735
la premiere race , prenoient les ornemens
Imperiaux ; ce qui fe prouve , tant par
l'autorité de Gregoire de Tours , que
par les monumens qui nous reftent
dont il fit l'énumeration & la deſcription.
que vers la fin de la premiere race , la
reflexion & peut - être le fcrupule , por
terent nos Rois à abolir cette coûtume
& à laiffer à Notre Seigneur , à la fainte
Vierge & à la Cour Čelefte , cet ornement
, que les Chrétiens des premiers
fiecles avoient adopté , par un esprit de
Religion.
Il fit voir que dès le commencement
de la feconde race , cet ufage étoit aboli
tout ce qu'on trouve d'Images de Pepin ,
de Charlemagne & de tous les autres
Empereurs & Rois François , n'ont ja
mais le Ninbe dans les Statues qui
reftent aujourd'hui, & qu'il rappella les
unes après les autres. Par un affez gran d
nombre d'autres exemples , il prouva
auffi que dans la feconde & troifiéme
race , lorfqu'on faifoit des Images ou Sta
tues de nos premiers Rois , on n'y met.
toit plus de Nimbe , quoique cet orne
ment fût dans celles qui avoient été faites
de leur temps . Cette Differtation fe
ra employée au commencement des Mo
numens de la Monarchie Françoiſe , que
l'Auteur prépare , fuivant le Projet dont
Fiiij on
1. vol.
1736 MERCURE DE FRANCE:
on a rendu compte au Public dans un
de nos Journaux .
On a vû l'origine & l'étimologie de
Puy , ou Palinod dans quelques - uns de
nos Journaux , & entr'autres dans le fecond
volume du mois de Juin de l'année
1725. page 1287. mais comme nous
venons de recevoir un Programme , qui
contient un détail hiſtorique du Palinod
qui fe tient tous les ans à Caen , nous
avons crû faire plaifir au Public , de donner
ici un abregé de ce Programme , fans
omettre rien d'effentiel , en nous fervant
des termes qui y font employez &
ufitez dans cet exercice académique .
Le Puy de l'Immaculée Conception ,
fera tenu à Caen , dans les grandes Ecoles
de l'Univerfité , le 8. Decembre 1726.
à une heure après midi. Ce Puy ayant
été premierement fondé de vingt livres
de rente , par Etienne du Val , Sieur de
Mondrainville , refta dix ans fans execution
, mais il fut rétabli en 1624. &
augmenté par la donation à perpetuité
de cent livres de rente , faite par Jacques
le Maire , Chanoine de l'Eglife Cathedrale
d'Avranche , Principal du College
du Bois.
Tous Poëtes , tant Latins que François,
font invitez d'envoyer Epigrammes ,
1. vol. Chants
DECEMBRE. 1726. 2737
Chants Royaux , Ballades , Sonnets &
Dixains en l'honneur de la Conception.
A la plus parfaite Epigramme Latine
du nombre de trente Vers , compriſe l'allufion
, feront données les Armes de
Univerfité. A la meilleure d'après ,
un Anneau d'or , pour debatu . Au meilleur
Chant Royal , contenant cinq Strophes
, & l'envoi , chaque Strophe étant
d'onze Vers , de dix à onze fyllabes ,
cinq couleurs fans coupes feminines , fi elles
ne font finalephées , à tel refrain Palinod
qu'il plaira au Poëte , de terminaifon
feminine , feront données les Armes
du Reftaurateur , & au debatn , ila Plume.
La Ballade aura pour Prix , les Armes
de M. de Mondrainville , le debatu,
une Etoille. Le Sonnet aura pour Prix ,
les Armes du Fondateur du College du
Bois , & le debate , une branche de Lau
rier. Le Dixain aura une Plume d'argent
Lefquels Prix feront redimez par d'au
tres Prix d'honnête valeur.
En 1627. Pierre le Marchand , Seigneur
de Saint Manvieu , & c. fonda un
Prix de cent Jettons d'argent , du poids
de deux Marcs & demis avec une Bourfe
de Velours verd , pour ufle Ode en Fran
çois, de dix Strophes , chaque Strophe
de dik Vers , dont le mafculine fera de
huit fyllabes & le feminin de neuf 1
29.1 I. vol. Fv. rime
2738 MERCURE DE FRANCE:
rime à la volonté du Poëte .
De plus , Louis Foüet , Docteur , Profeffeur
, & Prieur des Facultez des Droits
en l'Univerfiné , a fondé à perpetuité deux
Odes Latines , l'une en Vers Alcaïques ,
contenant douze Strophes , l'Allufion
compriſe , à l'imitation de celle d'Horace,
qui commence par ces mots , Odi prophanum
vulgus , arceo ; pour lequel
Prix ila laiflé la fomme de vingt livres :
Pautre en Vers Iambiques de fix pieds ,
compofée de quarante- huit vers , comprife
l'Allufion , à l'imitation de la quatriéme
Fable du quatriéme Livre de Phedre
, qui commence par ces mots , Plus
effe in uno fape , quàm in turba boni i
pour le Prix de laquelle Piece a pareillement
donné la fomme de vingt livres-
·
Toutes ces Pieces ou Poëmes Palinodiques
, doivent être conformes aux regles
du Puy , c'eft- à - dire , bien écrits ,
artographe & points bien obfervez , fans
glofes ni ratures , fur peine de perdre le
Prix .
Comme plufieurs Prix ont été réfer
ez les années précedentes , il y en aurá
cette année trois pour l'Epigramme , trois
pour le Chant Royal , trois pour la Balade
, trois pour le Sonnet , deux pour
Ode Alcaïque , & deux pour l'Ode
Iambique.
.
Smiz 1.vol. Joy . Les
DECEMBRE. 1726. 2732
Les Auteurs doivent envoyer trois
Exemplaires de chaque Piece , & doivent
payer le port de celles qu'ils envoyeront
par la Pofte.
Ce Programme , outre l'Invitation ge
nerale , contient auffi une Invitation Poëtique
, que nous rapporterons. Elle eft de
la façon de M. Heurtauld , Prêtre & Profeffeur
des Humanitez au College du Bois,
lequel a remporté plus d'une fois le Prix
du Palinod . Nous omettons une autre
Piece en Vers Latins du même Auteur ,
contenue dans le même Programme, quoi,
qu'elle ait auffi fon mérite , fur le fujet
de l'Immaculée Conception .
V
Invitation aux Poëtes .
Ous , à qui Calliope enfeigna l'art des
Vers ,
Elprits divins , troupe immortelle,
Phébus au combat vous appeller :
Préparez votre Lyre a de nouveaux concerts.
Voulez- vous trouver place au Temple de Mémoire
?
Fuyez la molle oifiveté :
Par de nobles travaux que fuivra la victoire
Tendez à l'Immortalité.
Remplis du Dieu qui vous infpire ,
1. vol.
E vị Charr
1740 MERCURE DE FRANCE.
Chantez , doctes rivaux , & formez tour-atour
De doux accens que l'Orne admire ,
Et qui puiffent charmer les échos d'alentour.
Celebrez une Vierge en miracles féconde ,
Qui porta dans fon fein l'Attente d'Ifraël :
Qui par une faveur à nulle autre feconde
En naiffant trouva grace auprès de l'Eternel.
Rappelle ici, Mortel , quelle eft ton origine :
Tu fors d'un fein impur : tu nais parmi les
: pleurs :
Tu vis dans l'efclavage ; après mille douleurs
Tu defcens au fépulcre , où ton fort fe ter
mine .
Terrible châtiment , dont Adam révolté
Accabla la Nature humaine. !
Heritiers malheureux de fon iniquité
Nous en portons la triſte peine.
Mais que vois -je Marie éprouve un fort plus
doux.
Son coeur formé dans l'innocence
N'eut jamais de part à l'offenſe ,
Qui nous rend les objets du celefte couroux :
Efther feule à l'abri d'une loi trop fevere ,
Judith tirant des fers fon peuple malheureux ,
1. vol.
Joas
DECEMBRE . 1726. 27411
Joas échappé feul aux fureurs de fa mere,
Sont les nobles tableaux de la Reine des
Cieux .
Loin , cette Mufe fcrupuleufe ,
Qui n'ofe s'écarter des divins Teftamens :
L'Hiftoire , même fabuleuse ,
Peut fournir à nos Vers d'utiles argumens.
Vantez cette illuftre Héroine ,
Dont le courage mâle , en pourfuivant l'Am✈
glois ,
Procura le falut à l'Empire François ,
Déja penché vers fa ruine.
Hercule s'offre à vous , terraffant au berceau
Deux Dragons furieux , de fon beau fang
avides :
Ou domptant ce Lyon , cette Hidre , ce Taus
reau
Dont la Grece éprouvoit les fureurs homicides.
Tous fujets peuvent plaire, ou vrais , ou fa
buleux ,
Pourvû qu'apliquez à MARIE
Par une jufte allégorie ,
Ils peignent fon triomphe & fon fort glo
reux .
Qu'attendez-vous encor ? venez troupe fça+
vante ,
J. Vol.
Veucz
2742 MERCURE DE FRANCE:
Venez dans ce beau champ moiffonner des
Lauriers
3
Differens des Vainqueurs que l'Elide nous
vante ,
Vous ne les devrez point à d'agiles cour
fiers .
Déja tous les Dieux du Parnaſſe
S'affemblent pour gouter la douceur de vos
chants :
Phebus , Virgile , Orphée , Horace ,
Eux-mêmes regleront vos nobles differends.
Qu'il eft beau pour un coeur amoureux de la
gloire ,
De fe voir couronné par leur fçavante main !
Combattez à l'envi : difputez la victoire :
Et courez à l'honneur par un fi beau chemin
,
Un Anglois eft arrivé à Paris avec
fa famille , & il a apporté avec lui une
Machine qu'il a inventée , par le moyen
de laquelle deux jeunes perfonnes , les
filles filent de la laine , du coton ,
&c. & font plus d'ouvrige en une heure
de temps , que dix des plus habiles
Fileufes ne pourroient faire en
dix jours . Bien des gens ont été voir
cette curiofité à la Communauté de M. le
Curé de Saint Sulpice , où ces deux
1. vol.
per-
翼
DECEMBRE . 1726. 2743
perfonnes travaillent & font des Eléves.
Toute l'habileté ne confifte prefque qu'à
tirer le fil également , & avec la même
adreffe ; car fi on tire le fil trop lentement
, il est trop gros , & fi on le tire
trop vite , il fe caffe. Ce fil , au reſte
eft de la plus grande fineffe qu'on puiffe
imaginer. On dit que le Bureau du Commerce
doit examiner cette Machine , &
dire fon fentiment fur les avantages &
les inconveniens qui peuvent en refulter
, par rapport à nos Manufactures.
L'Art de faire des Fleurs artificielles
eft à prefent au plus haut point de per
fection. La Demoifefle Barberi , Marchande
, dans la Salle neuve du Palais ,
la Reine d'Espagne , en a reçû depuis
peu d'Italie d'une beauté furprenante ,
qui ont tout l'éclat des plus belles fleurs
naturelles, & qui font à bon compte. Les
Curieux les plus difficiles y trouveront
à fe fatisfaire en Oeillets , Anemones ,
Géroflées , &c. & les Dames y trouveront
dequoi compofer les plus beaux
Bouquets , les ornemens de tête , &c.
On donne avis' au Public que le ve
ritable Suc de Regliffe & Guimauve
blanc , qui guerit le Rhume , fortifie la
Poitrine , détache & fait cracher la Pi-
1. vol tuite,
2744 MERCURE DE FRANCE.
tuite , & très fouverain pour les poul
moniques & afthmatiques , fe vent , fuivant
l'aveu & l'approbation de M. le
Premier Medecin du Roi , chez Mile
Defmoulins , qui demeure rue Guenegaud
, du côté de la rue Mazarine , chez
le Boulanger au premier Appartement.
, י
Briart, demeurant ruë de la Harpe ,
vis -à -vis la Croix dé Fer , continue avec
fuccès , à faire & à débiter des Cuirs excellens
à repaffer les rafoirs , par le
moyen defquels on peut abfolument fe
paffer de pierre. Pour la commodité du
Public , il en a de plufieurs grandeurs à
un & à deux côtez , & à plufieurs prix,
depuis 45. fols jufqu'à fix livres.
1
CHANSON.
Canevas rempli , für deux Menuets du
fieur Refer , Premier Violon de la
Comedie Italienne.
Quederigueur F
Que de tourmens fous votre Empire!
Envain je foupire .
J. vol.
Votre
1. Menuets de M
X
Que de rigueur. que
En vainje Soupire, vou
Sano espoir d'aucun r
mens vontfinir,Jesti
Soin de punir ceux qui
plus ou plains moy,
THE NEW YORK
PUBLIC LIBRARY .
ASTOR, LENOX AND
ILDER FOUNDATIONS,
DECEMBRE. 1726. 2745
Votre coeur confpire
Contre mon bonheur.
Sans efpoir d'aucun retour
Faut-il mourir d'amour,
Fiere Celimene ?
Quelle trifte chaîne !
Quelle dure peine !
J'en perdrai le jour.
Soyez moins belle ,
Ou moins cruelle ;
Pourquoi tout charmer ,
Si vous ne voulez rien aimer ?
Réponse.
Quelle fierté peut tenir
Contre une douleur fi tendre ?
Tous tes tourmens vont finir :
Il eft temps de nous unir.
L'Amour prend ſoin de punir.
Ceux qui tardent à fe rendre.
Ne te plains plus , ou plains moi ,
J'ai fouffert autant que toi.
I. vol. SPEC
2746 MERCURE DE FRANCE .
*******************
SPECTACLES.
A Tragedie d'Hypermnestre de M.
de Rioupeiroux , qui n'avoit paru
depuis plus de 20. ans , fut remiſe au
Theatre le mois paffé par les Comediens
François ; on l'a revue avec beaucoup de
plaifir , mais il s'en faut bien qu'elle ait
eu un fuccès auffi grand , que le faifoient
efperer les premiers applaudiffemens
qu'on lui donna dans fa naiffance ; voici
le témoignage que l'Auteur en porta
à la premiere Edition de la Piece. L'indifpofition
d'une Actrice , qui par les
grands talens qu'elle poffedepour le Theatre
, eft un des principaux ornemens de
cette Piece , en a interrompu les reprefentations
; je fouhaite qu'à la reprife elle foit
reçûë auffi favorablement , qu'elle l'a été
les quatre fois qu'elle a été reprefentée.
Les fouhaits de l'Auteur furent remplis
, la Dlle Duclos revint en fanté , &
la Piece reparut avec fon premier éclat.
C'eft cette même Actrice qui vient d'y
jouer le principal rôle avec autant de
force qu'autrefois , elle a eu le plaifir
d'y recevoir les mêmes applaudiffemens,
mais la Piece n'a eu qu'un petit nom-
Ir vol.
bre
DECEMBRE. 1726. 2747
bre de repreſentations , quoique cette excellente
Actrice ait été parfaitement bien
fecondée par les Acteurs qui ont joüé
avec elle .
Nous avons tâché de penetrer la caufe
d'un fi grand changement. Pour faire
part au Public de nos découvertes , nous
allons inferer dans cet Extrait les differentes
obſervations que nous avons recueillies
.
Argument.
par
fon am-
Egypthus & Danaus étoient freres.
Ce dernier ayant été chaffé
bitieux frere , d'un Trône qu'il devoit
partager avec lui , quitta les lieux de fa
naiffance , & vint fonder un nouvel Empire
dans la Grece. Egypthus ayant re
çu des Dieux cinquante enfans mâles ,
crut qu'ils ne lui avoient fait ce prefent,
qu'afin qu'il fe réunit par les noeuds de
' Hymen avec Danaus , qui de fon côté
étoit pere de cinquante filles. Ce fut
par ce motif, ou par quelque autre ,
qu'il fit propofer cette alliance à Danaus.
Quoique la propofition parut raifonnable
, Danaus avoit été trop maltrai
té de fon frere , pour n'avoir rien à
craindre de fon ambition . Il confulte les
Dieux ; l'Oracle lui annonce qu'il doit
fe garder d'un de fes gendres ; c'eft là
I. vel,
t
ce
2748 MERCURE DE FRANCE.
ce qui lui fait entreprendre de les faite
tous poignarder dans une même nuit ,
qui devoit être celle de leur Hymen . Il
engagea toutes fes filles , par un ferment
execrable , à porter le fer dans le
fein de leurs nouveaux Epoux , à la faveur
de la double yvreffe du vin & de
l'amour. Une feule fe rendit faintement
parjure ce fut celle qui a donné le
nom à la Tragedie dont il s'agit. Le fujet
eft des plus noirs : voyons comment
M.de Roupeiroux l'a mis fur la Scene.
ACTE I.
, que
Lyncée ouvre la Scene avec Idas fon
Confident ; nous apprenons d'abord ,
ce n'eft que depuis deux mois que Lyncée
eft dans Argos & dans la Cour de
Danaus , fous un nom étranger, ou plutôt
fous le nom d'Inconnu . Le defir d'acquerir
de la gloire , l'a arraché de la
Cour d'Egypthus fon pere. La premiere
occafion où fa valeur s'eft fignalée , lui
a été favorable , il y a fauvé le jour &
l'Empire à Danaus , en combattant contre
le Roi de Corinthe , qui vouloit expier
dans fon fang l'affront qu'il lui avoit
fait de lui refufer une de fes filles en
mariage , aprés la lui avoir promife. Danaus
invite Lyncée à venir,recevoir dans
I, vo '.
....
fa
DECEMBRE. 1726. 2749
La Cour les honneurs qui font dûs à fa
valeur . Lyncée lui cache fa naiffance , à
caufe de l'inimitié qui étoit entre fon
pere & lui. Il voit Hypermneftre fa
fille ; il l'aime , mais fans ofer découvrir
fon amour , parce qu'il a appris que
Danaus , pour des raifons qu'on ignore,
ne veut marier aucune de fes filles . Lyncée
a cependant pris foin d'informer
Egypthus fon pere de fon amour pour
Hypermneftre , il l'a fait avec d'autant
plus de confiance qu'Egypthus avoit
depuis long- temps formé le deffein d'unir
tous les fils avec les filles de Danaus
mais n'ayant aucune réponſe de
fon pere , il fe détermine à partir d'Argos
, fans même declarer fon amour à la
Princelle qui en eft l'objet.
Dans la feconde Scene Lyncée prend
congé de Danaus .
Dans la troifiéme Danaüs fait connoître
à Arcas fon Confident , pour quelle
raifon il a profcrit l'Hymen de fes filles ;
Voici l'Oracle qu'il a reçû d'Apollon.
Il faut du fang pour contenter le fort.
Tes filles dans leurs mains tiennent ta deſti
née :
De tes gendres préviens l'effort ,
Si leur trépas de près ne fuit leur hymenće ,
Tu pe peux éviter la mort
2750 MERCURE DE FRANCE.
Danaus ajoûte à cela , qu'Egypthus
lui ayant demandé fes filles en mariage
pour les fils égaux en nombre ; il lui a
envoyé Iphis , pour l'informer de l'Oracle
qu'il a reçû.
Dans la troifiéme Scene , Iphis qui
ne fait que d'arriver d'Egypte , annonce
à Danaus que fon frere eft inflexible ,
& que fes enfans font tous partis , hors
un , qui n'eft plus auprès d'Egypthus ,
& qui doit le trouver dans Argos avec
fes freres. Danaus s'emporte contre fon
cruel frere. Il ordonne à Iphis de faire
venir Hypermneftre. Il jure la mort de
tous fes gendres .
Dans la cinquiéme Scene , Danaus
demande à Hypermneftre fa fille de nouvelles
preuves de la tendreffe qu'elle lui
a toujours témoignée , & l'engage à le
lier à lui par un ferment à la face des
Dieux, Hypermnestre y conſent.
. La derniere Scene de ce premier A &te,
n'eft que pour inftruire les Spectateurs
de l'amour fecret d'Hypermneftre pour
l'Inconnu , dont elle fouhaite que le départ
foit hâté , afin qu'aucun objet ne
faffe diverfion à la tendrefle qu'elle a pour
fon pere ; mais elle le fouhaite envain :
Danaus , dans la Scene précedente , a
donné ordre à Arcas de courir après l'Etranger.
ACTE 4. vol.
DECEMBRE. 1726. 275
ACTE II.
Hypermneftre , encore troublée du ferment
terrible qu'elle vient de faire au
pied des Autels , attend avec frayeur que
Danaus lui explique ce qu'il exige de
fa foi.
Danaus apprend à Hypermneftre qu'Egypthus
le force à choifir fes enfans pour
fes gendres ; il lui dit qu'il n'a exigé
d'elle le ferment , dont les Dieux vienhent
d'être faits Dépofitaires , qu'afin
qu'elle donne l'exemple à toutes fes
foeurs , en plongeant un poignard dans
le fein de Lyncée , qui lui eft deftiné pour
Epoux. Hypermneſtre fremit à un ordre
fi cruel , mais fon pere lui difant qu'elle
lui donnera la mort à lui - même , fi elle
balance à lui donner cette derniere mar
de fa tendreffe , elle confirme fon
ferment tout execrable qu'il lui paroît.
Elle exprime l'horreur qu'elle fent
dans un Monologue , où après un com
bat , entre ce qu'elle doit à fon Epoux &
ce qu'elle doit à fon pere , ce dernier
l'emporte dans fon coeur . Cette fituation
prépare celle de l'Acte fuivant.
que
Lyncée que Danaus vient de rappeller
dans l'Acte précedent , arrive , fans fça,
voir pourquoi on le fait revenir. Il par-
Ja vol. le
(
2752 MERCURE DE FRANCE.
le pour la premiere fois de fon amour à
Hypermnestre . Cette Princeffe lui répond
d'une maniere à lui donner plus
d'efperance que de crainte , & le prie de
refter dans Argos , où Danaus peut encore
avoir befoin d'un ami auffi genereux
que luis ce qui détermine Lyncée à attendre
en ces lieux ce que les Deftins ordonneront
de lui,
ACTE III.
C'eft ici , fans contredit , le plus bel
Acte de la Piece. Hypermneftre le commence
par un Monologue , où elle paroît
tout- à- fait déterminée au grand facrifice
que fon pere & fon ferment exigent
d'elle..
Pafythée annonce aux Spectateurs que
les enfans d'Egypthus font arrivez à Argos
: elle felicite Hypermneftre fur fon
prochain Hymen , dont cette Princeffe eft
apparemment plus inftruite qu'elle , puiſqu'elle
fçait jufqu'au nom de celui qui
doit être fon Epoux , que tout le monde
ignore .
Lyncée encore moins inftruite que
Paſithée, vient ſe plaindre à Hypermneſtre
de l'infidelité qu'elle lui fait, où du mois
de la cruauté qu'elle a d'accepter un autre
Epoux , après l'aveu qu'il lui a fait de fon
amour,
1. vol.
DECEMBRE. 1726. 2753
amour. Hypermneftre s'excufe fur l'obéillance
qu'elle doit aux ordres de fon
pere & de fon Roi ; elle tâche de le
confoler , en lui difant que cet Epoux
qu'elle accepte eft plus malheureux que
lui. Lyncée , qui ignore que fes freres
foient arrivez , lui demande le nom de
cet Epoux. Hypermneftre lui nomme
Lyncée à peine a-t'elle prononcé ce
nom , que Lyncée s'abandonne à la joye,
& la prie d'aimer Lyncée , au grand étonnement
de cette Amante. Il la tire enfin
d'erreur , en lui difant , qu'il eft ce même
Lyncée , en faveur duquel il vient
de la prier . Quel coup de foudre pour
Hypermneftre ! elle a juré d'immoler fon
Amant fans le connoître , & dans l'horreur
dont elle eft faifie , elle dit , moitié
parte, & moitié à Lyncée .
Vous ! qu'ai -je entendu ? grands Dieux !
Vous , Seigneur ! quelle horreur vient frapper
ma penſée !
Je fremis .... non , Seigneur , vous n'êtes
point Lyncée.
Cette belle Scene eft interrompue par
l'arrivée du Roi , qui empêche un éclairciffement
dont l'Auteur n'avoit be :
pas
foin, ce qui eft un coup de Theatre des
plus heureux. Danaus inftruit du nom
de Lyncée par fes freres , lui fait un re-
G proche
1. vol.
2754 MERCURE DE FRANCE
proche d'ami en apparence , & lui dit
qu'il n'auroit eu qu'à fe faire connoître
pour recevoir dans fa Cour tous les honneurs
, & toutes les marques de tendreffe
qu'il meritoit . Il le preffe d'aller attendre
Hypermneftre à l'Autel , où tous
fes freres fe font deja rendus . Lyncée
y vole comme à fon bonheur fuprême.
Dans la derniere Scene de cet Acte ,
Danaus exhorte Hypermneftre , à bien
fer vir fa haine, & à affermir dans fa main
le fer vengeur dont il va l'armer , auffi
bien Les fours.
Hypermnestre , par
deux Vers qu'elle dit, à parte , prie les
Dieux de lui infpirer ce qu'elle doit
faire dans une conjoncture fi preflante,
que
ACTE IV.
La premiere moitié de ce quatrième
Acte , n'eft gueres moins belle que la
derniere du précedent . Hypermneſtre
vient arinée d'un poignard, dont elle ne
fçait pas encore bien l'ufage qu'elle doit
faire. Son trouble furprend Pafythée,
Hypermneftre lui ordonne de la laiffer
en repos attendre fon époux. Après un
Monologue où elle balance entre le devoir
de fille & celui dépoufe ; Hypermneftre
fe détermine en faveur de
Lyncée. Ce Prince arrive tranfporté de
plaifir & d'amour ; mais quelle eft fa
I. vol.
furDECEMBRE.
1726. 2755
furprise quand il entend fon Amante
& lon Epoule , le preffer de fuir , par
ces terribles mots !
Fuyez , fuyez , Lyncée.
Elle lui apprend que fa mort eft réfolue
, & que ce Poignard qu'il voit entre
fes mains , étoit deſtiné à lui percer le
coeur elle ajoûte qu'en ce même moment
, peut-être tous fes freres expirent
par les mains de leurs cruelles Epoules.
Lyncée veut courir au fecours de fes
freres ; mais Hypermneftre le détermine
malgré lui à la fuite. Danaüs vient ; il dit
à Hypermneftre que toutes fes faurs lui
ont été fidelles , animées par fon exemple.
Il demande à voir Lyncée noyé
dans fon fang ; le filence d'Hypermneftre
lui fait deviner une partie de la verité ,
-elle lui avoue tout , & lui dit qu'elle
croit s'être affez acquitée envers lui ,
en portant Lyncée à la fuite , puifque
par là elle l'a mis hors d'état de pouvoir
rien attenter contre fes jours . Danais
furieux , ordonne à Arcas de courir ,
après Lyncée avec toute fa Garde ; &
faifant arrêter Hypermneftre , la menace
de la faire mourir , après qu'elle aura vû
expirer fon Amant.
ACTE V.
Comme ce dernier Acte n'a jamais fait.
Gij grand
1. vel.
2756 MERCURE DE FRANCE .
la
grand plaifir , nous n'en dirons qu'un
mat. Lyncée eft arrêté & amené devant
Danaus , en prefence d'Hypermne ftre ; il
reproche à ce Roy cruel fon injuſtice.
Danaus ordonne qu'on le faffe périr à
porte du Palais . Le Peuple fe déclare
en faveur de ce Prince infortuné : Danaus
qui en eft ayerti , fe flatte que fa
feule prefence calmera cet orage naiffant;
mais il éprouve lui- même la fureur du
Peuple , qui lui donne cette même mort
qu'il deftinoit à Lyncée. Voici les remarques
qui ont été faites fur cette Tragedie
, & dont nous avons promis à nos
Lecteurs de leur faire part.
On trouve la Piece affez bien verifiée ,
mais on y fouhaiteroit plus de traits .
La fimplicité qui fait fouvent le prix
des autres Pieces de Théatre , eft pouffée
trop loin dans celle- cy . Tout roule fur
trois Acteurs qu'on voit trop fouvent
fur la Scene ; on auroit voulu plus de
varieté , & on croit qu'une Sour rivale
& auffi méchante qu'Hypermneftre eft
vertueufe , auroit fait un jeu & un contrafte
admirable.
Le caractere d'Hypermneftre a paru
très-beau & parfaitement bien foutenu
juſqu'au dernier Acte , où cette Princeffe
commence à perdre ce grand reſpect
qu'elle a toûjours eu pour fon Pere.
1. vol.
Celui
DECEMBRE. 1726. 2757
Celui de Danaus a révolté bien des
gens . Ce Prince craint trop la mort , &
c'eſt cette feule crainte qui lui fait répandre
le fang de fes gendres, fans en excepter
celui de Lincée qui lui a fauvé la vie.
Le deffein qu'il forme de faire cette
fanglante expedition par fes filles , auroit
été mieux fondé , fi les enfans d'Egypthus
avoient été les plus forts dans Argos
; mais cela n'étant point , on croit
qu'il auroit été plus fûr de les faire envelopper
& malfacrer par fa Garde.
Il n'a pas paru vrai- femblable que Lincée
fût le feul dans la Cour de Danaüs
qui ignorât l'arrivée de fes freres . L'Auteur
l'avoit, fans doute , fenti ; mais il avoit
befoin de paffer par deffus l'objection ,
pour donner une des plus frappantes fituations
qui ayent jamais paru fur la Scene .
Cette fituation fembloit même engager
Lyncée à avoir quelque éclairciffement
avec Hypermneftre, avant que de l'époufer;
l'Auteur l'a encore fenti ; puis qu'il a
empêché cet éclairciffement par l'arrivée
foudaine de Danais à la fin du troifiéme
Acte ; mais quelquefois une raifon trop
exacte fait perdre de grandes beautez.
Lyncée , dit-on , doit courir au fecours
ou à la vengeance de fes freres , dès qu'il
apprend d'Hypermneftre le péril qui les
menace , il n'y avoit rien de fi aifé que que
I vol.
Giij.: de
2758 MERCURE DE FRANCE .
de fui épargner cette lâcheté , qui dé- ,
ment fa valeur ordinaire .
•
Un Acte intermediaire auroit fait que
le quatrième feroit devenu le cinquième,
& pour lors Lyncée auroit fait fon der
voir en courant à la vengeance de ſes
freres. Danaus auroit été fa premiere
victime & par là l'Oracle auroit été
rempli.
Ces remarques & quelques autres qui
ne font pas venuës jufqu'à nous , peuvent
avoir contribué au peu de fuccès
que cette Tragedie vient d'avoir ; mais
pourquoi , dira -t -on , n'a- t- elle pas cû
le même fort dans fa naiffance ? On peut
répondre qu'elle a eû aujourd'hui une
beauté de moins ; c'eft la grace de la
nouveauté , & d'ailleurs on ne doit point
douter que la critique ne foit aujourd'hui
plus clairvoyante qu'elle ne l'étoit il y a
vingt ans, les Connoiffeurs fe multipliant
& fe fortifiant tous les jours ; il eft mêmé
à craindre que le Public à force de
devenir difficile , ne mette les Auteurs
dans la trifte neceffité de ne pouvoir le
contenter.
›
Le 4. de ce mois , les Comediens Italiens
ordinaires du Roy reprefenterent
fur le Theatre du Palais Royal , la Parodie
de l'Opera de Pyrame & Thifi,
1. vol,
précedée
DECEMBRE . 1726. 2759
précedée d'une Comedie Italienne intitulee
, Arlequin Muet par crainte. Ces
deux Pieces furent honorées de la prefence
de la Reine d'Efpagne , qui étoit
incognito dans la petite Loge de S. A. R.
Madame la Ducheffe d'Orleans. Ces Pieces
furent fort applaudies par la nombreufe
aflemblée qui s'y trouva . La Parodie
fit pour le moins autant de plaifir
fur ce Theatre , qu'elle en avoit déja fait
fur celui de l'Hôtel de Bourgogne . On
peut dire même qu'elle en fit davantage,
à caufe du lieu de la Scene , où tous les
endroits de l'Opera - Parodié , devenoient
également fenfibles & plaifans ; plaiſant
qui n'a rien coûté à la pudeur , chofe
remarquable & peut- être unique dans
ces fortes d'Ouvrages , où le Vaudeville
femble permettre la licence qu'on fe
donne ordinairement dans les Parodies.
Auffi le Public modefte , qui a rematqué
cette retenue , en fçait-il bon gré
aux deux jeunes Auteurs de la Parodie.
Le Mercredi 11.de ce mois , les Comediens
Italiens donnerent la premiere réprefentation
de la Femme Jalouse , Comedie
Françoiſe en trois Actes & en Vers ,
par M. Joly. Cette Piece,, dont l'Original
eft une excellente Comedie Italienne
en Profe , du fieur Lelio , fut parfaitement
bien reprefentée & très -applau
G iiij
1. vol. die
2760 MERCURE DE FRANCE:
1
die du Public ; on la trouve fort bien
écrite ; & fi l'Auteur François a travaillé
fur un fond qui n'eft pas de lui , il a au
moins la gloire d'avoir confervé les
beautez de fon Original , & d'être applaudi
dans ce qu'il y a mis du fien . C'eft
la premiere Piece de Caractere que les
Comédiens Italiens ayent joüée en Vers
François. Nous donnerons un Extrait
détaillé de cet Ouvrage dans le fecond
Volume de ce mois , qui fuivra celui- cy
de bien près.
Les les mêmes Comédiens réprefenterent
à la Cour , le double Mariage
d'Arlequin , Comédie Italienne , & la
petite Piece du Philofophe dupé fur l'Amour,
qui fit beaucoup de plaifir. Nous
en donnerons l'Extrait dans le prochain
Journal.
Le 12. ils reprefenterent auffi à la
Cour , le Temple de la verité , & Ar-
Leguin Marchand prodigue.
Le 19. la Femme Jaloufe , Piece nouvelle
, traduite de l'Italien , qui fut fort
goûtée , & l'Amour Maître de Langue ,
petite Piece Françoife réduite enun
Acte.
Le Vendredi 13 .de ce mois , on
donna fur le Théatre François pour la
premiere fois , la Tragedie de Tibere.
I. vol. Cette
DECEMBRE. 1726. + 2761
Cette réprefentation fut affez tumultueufe.
On la rejoua le fur lendemain & elle
fut beaucoup mieux écoutée & mieux
reçue du Public. Le 17. cette Piece fut
réprefentée à la Cour. Nous en donnerons
un Extrait affez étendu dans le
prochain Journal , pour mettre le Lecteur
en é tat d'en juger.
Le 3. de ce mois , les Comédiens François
réprefenterent à la Cour la Tragédie
d'Hypermnestre & la petite Comédie
de la Famille Extravagante , Piece
remife au Theatre , de la compofition
du fieur le Grand .
Le 7.1'Ecole des Femmes , & le Son
pé mal aprêté.
Le 10. la Tragédie de Phedre & la
Famille Extravagante.
Le 14. l'Andrienne , Comédie, du fieur
Baron & les Folies Amoureufes ..
7
Le Theatre François a fait une perte
confiderable en la perfonne du fieur du
Mont de la Voye , qui eft mort le 2. de
ce mois , dans la 66. année de fon age.
Il avoit une memoire excellente il
jcuoit avec beaucoup de naturel les Rôles
à Manteaux , les Valets , les Païfans
& les grands Confidens Tragiques . II
étoit dans la Troupe depuis 1695.
15vol.
GY
On
2762 MERCURE DE FRANCE.
4 . On apprend de Vienne , que le da
mois dernier , on réprefenta pour la prémiere
fois devant L. M. Imp. un Opera
nouveau , intitulé les deux Dictateurs ,
qui fut generalement applaudi .
On mande de Venife que le 27. du
mois dernier on fit l'ouverture du Théatre
de S. Chryfoftôme , par la premiere
reprefentation d'un Opera intitulé , Flavius
Olibrius , Favori de Leon , Empe-.
reur d'Orient .
******* XXXXXX XX
NOUVELLES DU TEMPS.
TURQUIE .
E Major General Romanshoff, En-
Love Extraordinaire de la Czarine
> à la Porte Ottomane , a commencé à
travailler au reglement des Limites des
Provinces conquifes fur la Perfe , avec
n Pacha , Commiffaire du Grand- Seigneur.
Schah - Thamas , fils de Schah-
Hullain , Roi de Perfe , détenu prifonnier
par les Rebelles de fon Royaume
a reçû avec beaucoup d'accueil le Miniftre
Plenipotentiaire de S. H. & il paroît
difpofé à acceder au Traité conclu
1. vol.
DECEMBRE. 1726. 2763
à Conftantinople entre le feu Czar & le
Grand - Seigneur .
Les nouvelles de la fin du mois d'Octobre
portent que l'Armée Ottomane s'étoit
éloignée d'Ifpaham , parce qu'elle ne
pouvoit y fubfifter , qu'elle étoit entrée
en quartier de rafraîchiffement dans la
Georgie , & que le G. S. avoit fait dire
au Sultan Efchreff, qu'il feroit de nouveaux
efforts pour détruire fon parti
dans la Perfe , fi dans le terme qu'il lui
a accordé pour fe déterminer , il n'acceptoit
les propofitions qui lui ont été
faites de la part de S. H.
On a reçû de Conftantinople la confirmation
des premiers avis qu'on avoit eu
de la ceffation du mal contagieux , qui
en moins de trois mois y a fait perir
150. mille perfonnes .
On mande de Conftantinople du 22 .
Octobre , que quelques jours auparavant
M. Grigorafco - Ghika , cy-devant Drogman
de la Porte , avoit été fait Prince
de Moldavie, & qu'il devoit avoir inceffamment
fon Audience du G. S. Nous attendons
le détail des céremonies qui fe
pratiquent dans ces occafions .
Ces mêmes Lettres ajoûtent que la
Pefte , qui a été très -generale & trèsviolente
, a duré plus de quatre mois
dans fa plus grande force , mais qu'elle
1. vol. Gvj eft
2764 MERCURE DE FRANCE.
eft prefque entierement ceflée . Les
Turcs , contre leur coûtume , ont commencé
à en avoir peur , à ne fe point
trop communiquer & à prendre les
autres précautions qu'on prend en Eu
rope ..
O
RUSSIE.
N celebra à Petersbourg le 25.
Octobre avec beaucoup de folemnité
, l'anniverfaire de la naiffance du
Prince Pierre Alexiowitz , Grand Duc
de Mofcovie , petit - fils du feu Czar , qui
étoit entré la veille dans la 1 2 année
de fon âge:
Il a été réfolu dans le Confeil de la
Czarine , que la Ducheffe Douairiere de
Curlande , en qualité de Princeffe de la
famille du feu Czar , auroit dorénavant
une Garde de 150. Fantaffins & de 160..
Cavaliers Mofcovites , qui demeureront
toûjours en quartier à Mittau , où l'on
ne recevra plus aucunes Troupes Polonoiſes...
La Czarine a fait rentrer dans le Duché
de Curlande 1 2000. hommes de fes
Troupes qui y refteront , à ce qu'on croit
jufqu'à ce que la République de Pologne
lui ait donné fatisfaction , par rap
port aux prétentions de cette Princelle :
fur ce Duché ..
12 vols.
S.
DECEMBRE. 1726. 2765
S. M. Cz. a fait promettre une paye
extraordinaire & d'autres avantages trèsconfiderables
aux Etrangers qui voudrone
s'engager à fon fervice pour deux ans
ce qui fait efperer qu'on levera avec plus
de facilité les quatre nouveaux Regimens
de 3000 hommes chacun , qu'on
doit mettre fur pied au commencement
du mois d'Avril prochain.
T
La Czarine a créé depuis peu un Regiment
d'Infanterie en faveur du jeune
Prince de Heffe-Hombourg , qui n'y re
cevra que des Officiers Allemans ou
Suedois.
Pour fubvenir aux frais extraordinai
res des nouvelles levées qu'on fait en
Ruffie , le Clergé eft convenu d'augmenter
d'une moitié en fus le don gratuit
des 600. mille Roubles qu'il fait remet--
tre tous les ans au mois de Janvier aux
Treforiers Generaux des deniers publics.
Il a été réfolu dans le Confeil de S.M ..
Cz. de faire entrer 24000. hommes de
Troupes Mofcovites dans le Duché de
Curlande , afin d'empêcher l'execution
des , ordres dont on a chargé la Commiffion
Polonoife qui doit fe rendre à Mittau
, conformement au réfultat de la der
niere Diette generale de Grodno.
Id vola
POLOGNE
2766 MERCURE DE FRANCE.
POLOGNE.
N mande de Grodno , où fe tient
la Diete de Pologne , que le 30.
Octobre , la Chambre des Nonces confirma
le don de l'Eglife de fainte Marie ,
qui a été fait aux Bernardins de Thorn
dans le temps de l'execution de la Sentence
rendue contre cette Ville.
Le 2. Novembre , le Maréchal de la
Diete remit fur le Bureau un Ordre du
Roy au Comte Maurice de Saxe , datté
du 11. Octobre , pour lui enjoindre
de renoncer à l'élection qui a été faite
en fa faveur , & de lui en envoyer
l'Acte ; la réponſe du Comte Maurice à
Sa Majefté par laquelle il témoigne fa
foumiffion aux ordres du Roy , fans pourtant
envoyer l'Acte d'Election que S. M.
lui demandoit , & un Mémoire fur la
même affaire , avec un ordre réïteré du
Roy à ce Comte . On dit que les principaux
Nonces de la Diete , qui témoignent
une grande animofité contre les
Curlandois , propofent d'envoyer une
Commiffion dans le Duché de Curlande ,
& de la faire foutenir par un détachement
de l'Armée de la Couronne & du
Grand-Duché de Lituanie . Le 9. de ce
mois , on chanta à Grodno un Te Deum
I. vol. L
en
DECEMBRE. 1726. 2767
en actions de graces de l'heureuſe Conclufion
de la Diete.
le
On a appris depuis de Grodno , que
Grand General du Duché de Lituanie ,
a fait revenir du Duché de Curlande les
Troupes qui y étoient envoyées pour les
interêts du Comte Maurice de Saxe , qui
eft retourné à Mitrau , dans le deffein de
fe fervir des fecours que la Czarine doit
Jui envoyer pour la validité de l'Election
qui a été faite en fa faveur . On
continue d'affurer que ce Comte époufera
la Ducheffe Douairiere de Curlande,
& que la Czarine a donné fon confentement
à cette alliance .
L&
SUEDE.
Es Etats ont confenti d'augmenter
d'un tiers les Troupes de ce Royaume,
qui font actuellement compofées de
18000 hommes de Troupes réglées , &
de 6ooo hommes de Milices. Il a auffi
été réfolu de rappeller les Officiers réformez
& d'engager de nouveau tous les Soldats
en état de fervir , aufquels on avoit
accordé des congez .
On mande de Coppenhague , qu'on a
découvert dans la Norvegue de nouvelles
Mines d'Argent , dont on croit que
le produit fera confiderable.
1. vol.
AL2768
MERCURE DE FRANCE ,
ALLEMAGNE.
N mande de Vienne , que l'échan
Ogege des ratifications de l'Acte d'Accelfion
des Electeurs de Cologne , & de
Baviere au Traité de Vienne , fe fit chez
le Prince Eugene de Savoye le 36 du
mois dernier .
L'Aga Turc qui eft à Vienne en qualité
de Conful de fa Nation , a fait arrêter
& partir pour Conftantinople trois
de fes Domestiques qui avoient projetté
de l'affaffiner , fous prétexte qu'il paroif
foit difpofé à fe faire baptifer.
On a reçû avis de Petri - Waradin ,
qu'on avoit reffenti aux environs de cette
Ville , une violente fecouffe de tremblement
de terre , pendant laquelle une
Montagne avoit été féparée en deux &
une moitié étoit tombée dans le Danube.
Le 28. du mois dernier , l'Empereur
déclara publiquement qu'il avoit nommé
pour fon Ambafladeur à la Cour du Roy
T. Ch. le Comte Etienne de Kinski ,
Confeiller Ordinaire à fon Confeil d'Etát
, cy-devant fon Miniftre auprès de la
Czarine.
3. vol.
ITALIE.
DECEMBRE . 1726. 2769
ITALIE.
Ldu foir , on reffentit à Naples deux
E 17. Octobre vers les fept heures
fecouffes de tremblement de terre , qui
furent fuivies une heure après d'une troifiéme
, mais heureuſement elles ne cauferent
aucun dommage. Le 31. entre les
dix à onze heures du foir , on reffentit
encore dans la même Ville une legere
fecouffe , qui ayant été beaucoup plus
confiderable une heure après , caufa une
épouvente fi generale , qu'une partie des
habitans abandonna fes maifons & fe fauva
à la campagne.
Le Chevalier de Saint George a fait
Jouer un fecond Palais à Bologne pour y
loger le refte des Officiers de fa Maifon.
On écrit de Rome , que le Pape s'érant
rendu le 7. du mois dernier à l'Ho
pital de S. Gallican in Traftavere , SaȘ.
y manda tous les Curez de la Ville , aufquels
elle fit un Difcours fur l'obligation
de prier pour les Morts & fur l'ancien
ufage de les enterrer dans des Cimetieres
& non dans les Eglifes ; & après
leur avoir fait remettre un nouveau Reglement
fur les ceremonies qui regardent
la fepulture , elle alla benir le nouveau
Cimetiere de cet Hôpital .
4. vol. On
2770 MERCURE DE FRANCE .
On apprend de Genes de la fin du mois
dernier , qu'il y a paru une Comete pendant
plufieurs jours.
Le 4. du mois dernier , le Comte de
Gergy , Ambalfadeur de France à Veniſe,
s'étant rendu au Monaftere des Religieux
de l'Ordre de S. François de l'Ifle du
S. Efprit , qui eft deftiné ordinairement
pour la reception des Ambaffadeurs , il
y fut complimenté de la part du Cardinal
Ottoboni , des Miniftres Etrangers , du
Patriarche de Veniſe & de tous les Agens ,
Confuls & autres perfonnes chargées des
affaires de differens Princes . M. Nicolas
Tron , Chevalier de l'Etole - d'Or , cydevant
Ambaffadeur en Angleterre , &
nommé par la Republique pour recevoir
le Comte de Gergy , fe rendit au même
Monaftere , accompagné de 60. Senateurs.
Après les complimens ordinaires , l'Ambaffadeur
monta dans la Gondole de de
Chevalier , & chaque Senateur prit dans
la fienne un Gentilhomme du Cortege
du Comte de Gergy . Les Gondoles de
P'Ambaffadeur , qui étoient d'une grande
magnificence , fuivoient immediatement
celles du Chevalier Tron , & elles étoient
fuivies de celles des Miniftres Etrangers ,
du Patriarche & de plufieurs perfonnes
de diftinction.
Le Comte de Gergy arriva à fon Pa-
I. vol. lais
DECEMBRE. 1726. 2771
lais vers les cinq heures après midi , &
il fut conduit jufques dans fon Appartement
par le Chevalier Tron & par les
Senateurs , aufquels il fit prefenter des
rafraichiffemens.
Le 5. vers les dix heures du matin ,
le Chevalier Tron , accompagné des mêmes
Senateurs , vint prendre l'Ambaffadeur
à fon Palais & le conduifit dans le
même ordre que le jour precedent , à
l'Audience du Doge. L'Ecuyer , les Pages
, les Valets de Chambre & la Livrée
du Comte de Gergy ayant pris les devants
, fe trouverent rangez en haye à
la defcente des Gondoles , & marcherent
devant lai jufqu'à l'Appartement du
Doge , où le Chevalier Tron le conduifit
, les autres Senateurs ayant chacun à
leur droite un Gentilhomme du cortege.
Le Comte de Gergy s'étant affis à la
droite du Doge , il lui prefenta fa Lettre
de créance , qui fut lûe à haute voix par
un Secretaire du College. Après quoi il
fit au Doge & à la République le Difcours
fuivant .
SERENISSIME DOGE , &c.
C'est pour moi le plus heureux de rous
les jours , que celui qui me donne entrée
1. vol. dans
2772 MERCURE DE FRANCE .
dans votre augufte Sénat ; jour où je jošïs
de l'honneur d'être l'Interprete des volon
tez du plus puiffánt des Rois vers la plus
illuftre des Republiques.
Accoûtumé depuis long- temps à étudier
cette fagefe qui prefide à vos Confeils,j'ambitionnois
un rang qui me fit voir encore
de plus près ce que je ne me laffois pas
d'admirer, & dans les divers Minifte
res dont le Roi mon Maître m'a honoré ,
je regardois comme le comble du bonheur
d'un Miniftre politique , d'être revêtu du
caractere augufte près d'une Puiffance que
la politique a rendu fi fameufe.
Mon bonheur aujourd'hui égale mes ef
perances mais mon admiration croît chaque
jours & plus je contemple de près ce
que votre Republique a de grand ce
que votre Senat a d'auguste , plus j'y di
Couvre des prodiges.
Si j'envisage cette puiffante Republique
du côté de la Religion , je vois que fi vous
lui devez en partie votre naiſſance , votre
Grandeur , votre tranquillité, vous vous
acquittez abondammeni avec elle , par la
protection qu'elle reçoit de vous en Italie:
vous en êtes le Boulevart contre les Infidelles
: Rome , le centre de la Catholicité,
offre à Dieu un culte paisible à l'ombre
de votre Puiffance , & c'eft contre cette
Puiffance même , comme contre un écueil
1. υοί. inėbranDECEMBRE
. 1726. 2773-
inébranlable , qu'eft venu échouer tant de
fois l'immenfe & orgueilleux Empire des
Ottomans .
Si j'envifage votre Republique du côté
de la durée , douze fiecles de grandeur la
rendentfuperieure aux Republiques fi vantées
de l'Antiquité. Rome , Sparie , Ather
nes , avec toute la fageffe de leurs Legiflateurs
, ont vu leur grandeur devenir en
peu de fiecles la proye des paffions & des
viciffitudes humaines qu'elles n'ont fçû
fixer. Votre Republique l'a fçû , & bien
loin d'être la proye de l'ambition de fes
Membres , elle a fouvent reprimé , corrigé
& dompté celle de fes Ennemis.
Si je l'envisage du côté des forces &
de l'étendue , je vois un nouveau prodige.
Les Empires les plus vaftes ont des
barnes , ils ont des campagnes fertiles , ils
ont des peuples nombreux. Ici je vois une
autre efpece de grandeur , à laquelle rien
ne resemble, & que rien , ce femble , n'égale.
La Mer, la vafte Mer , nonobftant fes
orages , fes agitations , fes incertitudes ,
vousfert tout à la fois de Villes , de Campagnes
, de Citadelles , de Trefor , de deffenfe.
Cette fterile étendue eft plus fertile
pour vous , que les Campagnes les plus
abondantes : Ces Ondes agitées , qui ébranleroient
dans leurfureur les plus puiſſans I. vol.
Edifices ,
2774 MERCURE DE FRANCE .
Edifices , fervent aux vôtres de folides
fondemens ; elles vous prefentent un fein
paifible , tandis qu'elles n'ont pour les audes
orages , & ce qui fert de bortres
que
ne aux autres
Empires
, femble
étendre
le
tout où il porte
votre commerce vôtre
par
& votre gloire.
Si je l'envifage du côté des grands hommes
qu'elle a porté & qu'elle porte encore ,
je vois , non comme ailleurs , un grand
peuple gouverné par un homme fage ,
mais un peuple de fages , gouverné par :
une multitude d'hommes fuperieurs en fåg+
0 .
Un Etatfe glorifie de former , de poffeder
un grand Miniftre dans un fenl
homme , il y trouve fa gloire , fa force ,
fon bonheur : ici , ce n'eft pas un homme
feul , c'est un Corps aẞemblé de Grands
hommes , c'eft , pour ainsi dire , une multitude
entiere de Miniftres , dont la fageffe
plus profonde que la Mer , qui leur fert
de Trône , fuffiroit au gouvernement de
plufieurs Etats , & s'est trouvée tant de
fais fuperieure aux forces réunies des
Puiffances conjurées contre vous.
En un mot , fans prononcer fur la préference
que les Etats meritent entre eux,
le vôre , SERENISSIME DOGE ,
fera toujours un prodige aux yeux de ceux
qui fauront en étudier la grandeur : où
1. vol. l'on
DECEMBRE. 1726. 2775
l'on voit moins de peuple & tant de forces
, moins de terre & tant de richeffes ,
moins d'hommes & tant de grands politiques
.
Voilà ce que les hommes éclairez décou
vrent dans le gouvernement de votre Republique
; mais voici ce qui ajoûte un
nouveau Lustre à fa gloire , c'est que le Roi
mon Maître , eftime fon amitié ; fes illuftres
Ayeux lui en ont donné l'exemple par
tant d'Alliances de fa Couronne avec vo-,
tre Republique , & par les diftinctions
qu'ils lui ont accordé en tant d'occafions
importantes.
Ces Alliances ne font pas moins précieuſes
au Roi mon Maître , par le fage
penchant qui le porte à copier en tout la
conduite du Grand Monarque , auquel il
a fuccedé, mais encore par la vûë qu'il
a d'affermir par votre moyen , en Italie ,
Le repos & la paix qu'il prétend conferver
dans toute l'Europe,,
Les Princes cachent fouvent les deffeins
fecrets de leurs Ambaßades. Le Roi mon
Maître , par une politique fuperieure ,
en même-temps plus droite & plus noble ,
me permet , me charge même de dire bautement
& de vous confier fans crainte le
fecret de fes Confeils : ils ne tendent qu'à
maintenir la paix , à la rendre durable
& à procurer à tous les Peuples les avan-
1. vol.
tages
2776 MERCURE DE FRANCE.
C
1
tages qu'ils en fçavent tirer.
que
C'eft ce que ce jeune Monarque , déja
grand par fes belles qualitez naturelles ,
plus grand encore par fa ferieufe applisation
au gouvernement de fon Etat , dans
un âge où les ames vulgaires ne goûtent,
ne connoiffent même les plaifirs ; c'eft,
dis-je , ce que le Roi mon Maître prefere
aux autres avantages qui excitent fouvent
Pambition des Rois. Il ne cherche pas des
Conquêtes , ni à agrandir fes Etats aux
dépens du repos public´; il eſt aſſezgrand,
affez puiffant : fa noble ambition ne le porte
qu'à maintenir la paix & l'union de
toutes les Puiffances de l'Europe , à affurer
tout-à-la fois , par cet heureux moyen,
le bonheur de fes Peuples & celui de fes
voifins , & à devenir par fa moderation ,
non le maître , mais le pere & le bienfaic
teur de tous les Empires.
,
Le même deffein eft , fans doute, l'ame
de vos Confeils la paix & le repos
de l'Italie , a toûjours été l'objet principal
de vos voeux & le fruit de votre fageffe.
ilfera encore plus folidement établi quand
vous le maintiendrez de concert avec un
Roi déja fi fage & fi moderé , qu'il mi
rite dès fa jeuneſſe & votre admiration
votre confiance.
*
Pour moi , SERENISSIME DOGE,
je m'estime beureux d'être tout- à - la fois
I. vol. lo
DECEMBRE. 1726. 2777
le Miniftre d'un fi noble deffein & Le
Spectateur des merveilles de votre Gonvernement.
Puis -je joüir long temps de ce
double avantage , & mériter par mes ref
pects & ma profonde veneration pour vos
tre Serenité pour votre augufte Senat,
l'eftime de tant de Grands Hommes qui
ont acquis eux -mêmes celle de toute l'Europe.
cours ,
Le Doge ayant répondu à ce Difl'Ambaffadeur
fut reconduit à
fon Palais , dans le même ordre qu'en
arrivant à l'Audience.
,
Le Comte de Gergy donna pendant
ces deux jours & les deux nuits une
fête magnifique , les rafraîchiffemens
furent diftribuez avec beaucoup d'ordre
& d'abondance , & le concours des Mafques
y fut prodigieux . On fit couler
des fontaines de vin dans la Place de la
Madona del Horto , voifine du Palais de
France, & l'on diftribua beaucoup de pain
au peuple.
>
L'Electrice Doüairiere de Baviere a
fait louer à Venife le Palais qu'occupoit
le Comte de Colloredo , Ambaffadeur
de l'Empereur , & l'on croit que cette
Princeffe fe rendra à Venife inceffamment
pour l'habiter , fes Equipages y étant
déja arrivez.
Le 7. du mois dernier le Grand Con-
1. vol H feil
2978 MERCURE DE FRANCE.
feil élut M. Zacharie Canale pour fon
Ambaffadeur à la Cour de France , à la
place de M. Jean Soranzo , qui avoit
été nommé le 4. Avril dernier pour relever
M. Morofini.
Mehemet - Daddi , Envoyé de la Repu→
blique de Tripoli à la Cour de l'Empe
reur, arriva de Naples à Rome le 14. du
mois dernier , avec les deux fils. Il alla
defcendre chez le Cardinal Cienfuegos ,
chargé des affaires de S. M. I. qui avoit
envoyé fes Caroffes au- devant de lui ,
& qu'il a défrayé jufqu'à fon départ pour
Vienne.
Le bruit court à Milan , que la Republique
de Genes a vendu les Terres
qu'elle poffedoit du côté de S. Georges
dans le Montferrat ; que les 900. mille
écus qu'elle en a reçûs , ont été portez à
la Caffe militaire , & qu'elle fait lever
actuellement 8. Compagnies d'Infan-
*terie.
On a reçû avis de Malthe , qu'il y étoit
arrivé un Officier de Marine, Efpagnol ,
chargé de la part de S. M. C. de traiter
avec le Grand Maître de quelques Vaifſeaux
de guerre , à des conditions particulieres
qu'on ignore.
L'Envoyé de Tripoli a fait preſent au
Cardinal de Cienfuegos , chez lequel il
eft logé avec toute fa fuite à Rome , de
7. vol.
fiz
1
DECEMBRE. 1726. 2779.
fx Chevaux barbes d'une grande beauté .
de deux Boeufs & de deux Agneaux fau
vages , de deux Tigres , mâle & femel
le , & de deux Leopards.
ESPAGNE.
N mande de Lisbonne , qu'on a re
çû avis par les derniers Vaiſſeaux
Marchands arrivez de Rio de Janeiro ,
la confirmation des premiers avis qu'on
avoit eu de la grande richeffe des Mines
qui ont été nouvellement découvertes
dans l'interieur du Brefil .
On apprend de Lisbonne , que les
Hollandois avoient brûlé , ou coulé à
fond depuis un an fur la côte de Guinée,
trois Vaiffeaux Portugais.
On a publié à Madrid in Edit, en datte
du 10. Novembre , par lequel le Roi
ordonne à tous fes Sujets de n'employer
dorénavant pour leurs habits & pour
leurs meubles , que les étoffes de foye ,
& les draps qui ſe fabriquent actuelle
ment à Valence , Grenade , Tolede , Saragoffe
, Guadalaxara , Valdemaro , Te
xil , Bexa , & autres Villes de fes Etats ,
où il s'eft établi des Manufactures depuis
quelques années. S. M. n'accorde que le
terme de fix mois à ceux qui ont des habits
ou des meubles d'étoffe de fabrique
1. vol
Hij trans
2780 MERCURE DE FRANCE.
étrangere , pour les ufer ou pour s'en défaire
, leur déclarant qu'après ce temps
elle fera proceder contre les infracteurs,
felon la rigueur des Loix & des Statuts
du Royaume.
La Reine , dont la groffeffe eft déclarée
, fe fit porter en chaife de l'Efcurial
à Madrid , où elle arriva en parfaite fanté
le 2 8. du mois dernier.
On apprend des Ports de Catalogne ,
que les Anglois continuoient de fortifier
le Port Mahon , qu'ils avoient enlevé
toute l'Artillerie de la Citadelle pour la
transporter au Fort S. Philippe , & qu'ils
faifoient autour de ce Fort des fouterrains
, qui feroient à l'épreuve de la
bombe.
Le Comte de Vander Nath , Miniftre
du Duc d'Holftein , a acheté les Equipages
de l'Abbé de Mongon , qui eft parti
pour retourner en France.
O
GRANDE-BRETAGNE
N équipe à Portsmouth cinq Vaiffeaux
de guerre , qui partiront incellamment
pour aller renforcer l'Eſcadre
du Vice-Amiral d'Hofer , dans l'Amerique.
On écrit d'Ivelcefter , que le 6. du
mois dernier , vers les 6. heures du foir,
3. vol on
DÉCEMBRE. 1926. 1781
on avoit reffenti une fecouffe de tremblement
de terre affez violente , mais qui
n'avoit caufé d'autre dommage que d'ab
batre la priſon de cette Ville.
1
Outre les quatre Vaiſleaux de guerre,
qui doivent partir inceffamment pour
aller renforcer l'Efcadre du Vice- Ami
ral d'Hofer , les ordres ont été donnez
pour en équiper encore deux autres de
70. pieces de canon , qui font auffi deftinez
pour les Indes Occidentales,
Les Lettres de la Martinique portent,
qu'un Vaiffeau Anglois de 40. canons
qui faifoit la traite des Marchandifes fur
la Côte Espagnole de l'lfte de S. Domingue
, y avoit été pris par un Vaiffeau
Efpagnol , Garde- Côte , de so . canons
, après un combat de 7. heures ,
dans lequel l'Espagnol avoit perdu 290,
hommes de fon Equipage !
209 a
HOLLANDE , PAYS - BAS.
Or ont fait publier un Placard, dat-
N mande de la Haye , que L. H
P.
té du 15. Novembre , par lequel elles
accordent un pardon general aux Cavaliers
, Dragons & Soldats , qui ont deferté
du fervice de la République , à condition
qu'avant le 1. Mars 1717. ils retourneront
aux Compagnies dans lef
1. vol.
Hiij quelles
1982 MERCURE DE FRANCE:
quelles ils ont fervi. Le même Placard
porte peine de mort contre tous ceux
qui feront arrêtez comme Deferteurs.
Les deux Vaiffeaux qui étoient à la
rade d'Oftende , en partirent le 24. du
mois dernier pour les Indes Orientale's.
On mande de la Haye , que le 1. de
ce mois le Confeil d'Etat expedia des
Lettres circulaires à tous les Colonels
des Regimens d'Infanterie , de Cavale
rie & de Dragons , pour leur permetrre
d'engager des Soldats pour un temps li
mité , qui fera de fix ans au moins , &
d'exprimer dans les billets qu'on leur
donnera , le terme de leur engagement,
à condition qu'il expirera dans le mois
de Novembre , ou dans l'un des trois
mois fuivans , & en cas que les Regimens
, dans lefquels ces nouveaux Soldats
auront pris parti , foient encore en
campagne pendant ces mois , ils feront
obligez d'y demeurer jufqu'à leur retour
dans les Garnifons .
MORTS DES PAYS ETRANGERS.
Me
Ehemet , l'un des Valets de Chamre
du Roi d'Angleterre , mourut
Siivol. V^ A le
DECEMBRE. 1726. 2781
te 12. du mois dernier à Kenfington, IL
étoit Turc de naillance , & il en avoit
toujours porté l'habit , même depuis
qu'il avoit embraffé le Chriftianifme . It
étoit extrêmement charitable & l'on
affure que depuis qu'il étoit en Angle
terre , il avoit délivré plus de soo . pri
fonniers pour de petites dettes.
Le 13. du même mois , vers les onze
heures du foir , la Princeffe Sophie - Dofothée
, Ducheffe de Zell , & c. mourut
fubitement au Château d'Ahlen , âgée de
66. ans & 9. mois .
C
> Le Cardinal Bernardin Scotti , Cardi
nal- Prêtre , du Titre de Saint Pierre in
Montorio , & Prefet de la Signature de
Juſtice , mourut à Rome le 26. du mois
dernier après midi , âgé de 70. ans moins
dix jours. Il étoit Gouverneur de Ro
me , lorfque le Pape Clement XI . le fit
Cardinal le 16. Mai 1715 , mais il ne fut
declaré que le 16. du mois de Decembre
fuivant.. Il étoit Protecteur de l'Eglife
de S. Charles & S. Ambroife , de
la Nation Milanoife , où il a demandé
d'être inhumé. Il y fut porté le 18. &
le 19. au matin on y fit fes obfeques
avec beaucoup de magnificence. Les Car
dinaux y affifterent au nombre de 18. &
le Pape , après avoir recité les Prieres,
& fait les encenfemens accoutumez , y
Hiiij cele
I. vol .
1784 MERCURE DE FRANCE.
celebra une Meffe baffe de Requiem pour
le repos de fon ame. 、
Dona Anne de la Cueva - Henriquès ,
Marquife de Cadereïta , veuve du Duc
d'Albuquerque , mourut à Madrid le 6.
de ce mois , dans la 83. année de fon
âge.
Le Marquis Leandre Roffy- Leoni de
Mont-Vibian- le-Vieux , chargé des affaires
du Roi T. Ch. à la Cour de Bruxelles
, y mourut le 18. de ce mois. Il
étoit né à Peroufe , Ville de l'Ombrie ;
il s'étoit attaché , il y a environ 24. ans,
au fervice du feu Roi Louis XIV. qui
lui accorda en 1710. des Lettrés de Naturalité
, & un Brevet d'Agent de ſes Affaires
en Cour de Rome.
FRANCE ,
Nouvelles de la Cour , de Paris , &ci
R l'Ambafladeur de Venife , qui
MR Maart inceffamment pour l'Ambalfade
de Rome, ayant eu fon Audience de
congéàFontainebleau , le Roi le reçut Chevalier,
& lui donna l'Accolade ; c'eſt- àdire
, que M. l'Ambaffadeur étant à genoux
, Sa Majesté le toucha de fon épée
... vol. nuë
BODECEMBRE. 1716. 1785
nue fur l'une & l'autre épaule , en lus
difant , par S. George & par S. Michel
je te fais Chevalier , & S. M. lui préfenta
un Baudrier brodé d'or , avec une
épée d'or qu'il porta tout ce jour - là à´la
Cour dans les vifites. Cette Ceremonie
Le pratique ordinairement par les Souverains
à l'égard des feuls Ambaffadeurs
de Venife , & par cette diftinction ils
ont droit de porter à Venife l'Etole d'or
fur l'épaule , qui eft une efpece de Chaperon
d'étoffe d'or , à la difference des
autres Nobles Venitiens , qui ne le
portent
que d'étoffe noire ; on fçait que M.
Motofini eft d'une Maifon des plus an
ciennes & des plus illuftrées de l'Etat
Venitien. Voici une Epitre qui lui a été
adreffée par M. Moreau de Mautour ,
que S. E. a honoré de fon eftime & de
fa bienveillance .
EPITRE.
Miniftre fi cheri d'un auguste Senat ,
Ton merite t'appelle en un autre climata
Tes foins ont fatisfait , & la Cour , & la
France ,
L'Italie à fon tour defire sa prefence,
Pourfuis & va jouir de ces nobles tranf
ports ,
$786 MERCURE DE FRANCE.
Que le Tybre entendra retentir fur les bords.
La Seine à ton aſpect a fenti même joye ,
Par fes Quais embellis qu'elle offroit fur ta
voye
Non lom de ton Palais , fes flots fans nuls dé
•utours ! sq 890
Sembloient par leur lenteur en fufpendre le
cours ,
Et fiers de ton fejour & de ton voi finage ,
Couloient tranquillement , & te rendoient
hommage.
Politeffe , candeur , ſageſſe , probité ,
Grandeur d'ame , efprit doux , folide pieté ,
Er les autres talens reçûs de la Nature',
Ont infpiré pour toi l'eftime la plus pure.
Cefontlà les vertus que Rome admirera ,
Et dont Paris témoin , toujours fe fouviendra.
Rome qui te prepare un accueil favorable , Prépare
Trouvera dans ton nom , fi grand , fi refpeetables
of us and
De la Religion de zelez défenfeurs ,
Du fuperbe Ottoman de glorieux Vainqueurs..
Mille exploits éclatans qu'à peine l'on pèut
croie
1. Vol.
Ont
DECEMBRE 1726. 278 % J
Ont rendu tes Ayeux celebres dans l'Hiftoire
,
Et l'Eglife & l'Etat ont vû briller en eux ,
Rangs , honneurs , dignitez , & cent titres
pompeux.
Après avoir rempli ton noble Miniftere ,
Avoir charmé long-temps une Cour Etrangere
,
Venife & le Senat te comblant de faveurs ,
Attentifs à tes foins , même à leur propre
gloire
Pour immortalifer ton nom & ta memoire ,
T'éleveront un jour au faîte des grandeurs.
M. Benard de Rezé , affocié de l'Academie
Royale des Sciences , & neveu de
l'Evêque d'Angoulême a été nommé
par le Roi fon Envoyé près de l'Electeur.
de Baviere.
د
Le 5. de ce mois , le Cardinal de Fleury,
Miniftre d'Etat , alla préfider à l'Affemblée
du Clergé , qui ayant été informée
de fon arrivée dans l'Eglife des
Grands Auguftins , députa , pour aller le
recevoir , l'Archevêque de Tours , les
Evêques de Chartres , de Rieux , d'Avranches
, de Perigueux & de Valence ..
& les Abbez de Cofnac , de Valory , de
Beaujeu , d'Hericourt, de Saint Jal &
Hvji F. vol.
de:
2788 MERCURE DE FRANCE:
+
de Bellefont. Ces Députez allerent au
devant du Cardinal de Fleury jufqu'à
l'Eglife , d'où ils le conduifirent dans la
Salle de l'Affemblée. Il prit la place de
Premier Prefident , & il fit un Difcours
très éloquent , auquel l'Archevêque
d'Aix répondit au nom de l'Affemblée .
Le Cardinal de Fleury tint la féance ; &
lorfqu'elle fut finie , il fut reconduit par
plufieurs des Prelats de l'Affemblée.
-
L'Affemblée du Clergé ayant fini fes
féances , les Prelats & autres Deputez
qui la compofent, fe rendirent à Verfailles
le 8. de ce mois , & ils eurent audience
du Roi , avec les honneurs qu'on
rend au Clergé quand il eft en Corps , &
avec les mêmes ceremonies obfervées
lorfqu'ils allerent rendre leurs refpects
à S. M. le 3. du mois d'Octobre dernier.
Le Cardinal de Fleury , Miniftre d'Etat ,
& Premier Prefident de l'Affemblée
étoit à leur tête. L'Archevêque de Tours ,
qui porta la parole , remercia le Roi par
un Difcours très éloquent , de la protection
que S. M. continuë d'accorder au
Clergé. En voici la teneur .
SIRE,
C'est un des plus justes devoirs du
1. vol
Clergé
DECEMBRE. 1726. 2789
.
Clergé de France , & en s'affemblant par
vos ordres, & en fefeparant , de venir aux
pieds duTrône rendre hommage à VOTRE
MAJESTE' , & vous temoigner fon zele.
Mais nous l'ofons dire cette fidelité inviolable
, ce dévouement fans réserve , ce
zele pour votre facrée perfonne , & pourla
fplendeur de votre regne , après des proteftations
deja fi vives & tant de fois réïterées
, eft néanmoins , par les nouveaux
accroißemens qu'il prend , un zele toujours
nouveau.
Voilà , SIRE, le glorieux caractere
des folides vertus , fur tout des vertus
royales ; fans ceffe elles s'avancent , & la
fucceffion des temps , qui les développe &
Les met dans un plus grandjour, leur attire
plus de veneration , & leur attache plus
étroitement les coeurs.
Dès vos plus jeunes années nous avons
entrevû les trésors de grace & de fageße
qu'a verſe dans votre fein ce Souverain
Seigneur, qui donne des Souverains à la
Terre , & qui fe plaît à les former ; mais
ce n'étoit encore que d'heureux préfages de
Pavenir , ce n'étoit que des efperances . Le
temps eft venu , SIRE, où ces trésors cachez
fe produisent à la lumiere ; où cet
avenir , qu'anticipoient tous les voeux de
vos Peuples , commence à nous être préfents
où des efperances , qui n'étoient pour
L. vol. neus
1790 MERCURE DE FRANCE .
nous que des préfages flateurs , fe changen;
en de falutaires effets ; où depuis que
VOTRE MAJESTE' tient elle-même les
rênes de l'Etat , l'ancienne forme du golle
vernement rétablie par vos ordres & fans
Votre conduite , va peu-à -peu ramener nos
anciennes profperite , & remettre comme
par degrez l'Empire François dans for
premierluftre.
Ce fera , SIRE , le fruit de vos foins ,
ce fera lefruit , & des exemples , & des
legons de votre augufte Bifayeul. Vousy
ferez fervir cette maturité de reflexion ,
qui dans Vous prévient de fi loin la maturité
de l'âge ce fonds de bonté , de moderation
, d'égalité d'ame , qui ne fe porte en
toutes chofes qu'à l'équité & à la droite
raifon ; cet efprit de religion de pieté, fi
rare dans l'éclat de la grandeur , & beaucoup
plus rare dans le feu de l'adolefcence
enfin , toutes ces qualitez , que d'une
main liberale l'Auteur de la Nature vous
a départies , & dont les Rois font également
refponfables, foit à Dieu , de quiïls les
ont reçûës , foi à leurs Sujets , pour qui elles
doivent être employées.
:
Entre les Sujets de VOTRE MAJESTE'
, & dans le corps de votre
Royaume , le Clergé compofe le premier
ordre mais autant que le diftingue la
Puiffance fpirituelle qui lui eft confiée
•
I.vol.
dien
DECEMBRE. 1726. 279
d'en-haut , autant est- il attentif à fe dif
tinguer par l'attachement le plus refpectueux
à la Puiffance temporelle , en qui il
reconnoit l'image , & revere la Majesté
même du Tout - Puiffant. C'eft dans ces
fentimens , SIRE , que nous avons en
"quelque maniere oublié les befoins parti-
"culiers de nos Provinces , pour ne penser
qu'au befoin commun de la Monarchie,
& qu'à fon foûtien. Ce grand interêt nous
a affemblez ; & plus il nous touche fenfiblement
, plus il nous ouvre les mains ,
nousfuggère des reffources incfperées , pourfournir
prefque au - delà de nos forces..
VOTRE MAJESTE' l'a vu Eller
même , Elle y a eu égard ; & par un trait
fingulier de fa magnificence & de fa pieté
, qui ne s'effacera jamais de notre me
moire , que nous tranfmettrons fidelle &
ment à nos Succeffeurs , Elle a voulu nous
remettre volontairement une partie de ce
que nous lui avons liberalement offert.
Nous pouvions , en de tristes , mais fideles
peintures , expofer à vos yeux la dé--
olation de tant de Diocefes épuisez par
les fréquens efforts que nous avons faits ,
dans des conjonctures auffi difficiles que·
L'ont été ces temps penibles & onereux ,
dont toute la France s'eft reffentie : nous
pouvions reprefenter à VOTRE MA--
JESTE , tam de Maifons Religienfess
•restées
Io votor
Mi
2792 MERCURE DE FRANCE.
reftées fans fonds tant d'Epoufes de Jefusà
Chrift privées des fecours les plus neceßaires
, & obligées de les mandier dans leurs
familles ; tant d'Eglifes à demi - détruites
dans les Campagnes , & fur le point de
leur ruine , faute de moyens pour les reparer
des Autels confacrez an Dien vivant
, mais tellement pauvres , que le Service
Divin ne s'y peut plus faire avec décences
des Benefices en nombre réduits à
rien , & dont il ne reste que les feuls Titres
des Pasteurs dans l'impuiffance
d'affifter leurs troupeaux pauvres & languiffans
, parce qu'eux - mêmes ils ont à
peine de quoi fubfifter.
Toutes ces confiderations , SIRE , n'ont
point retrici nos coeurs , ni refferré nos largeffes
, d'autant plus abondantes , qu'elles
Lont plus gratuites , & que nos Immunitez
facrées fubfifteront àjamais , fuivant l'expreffe
declaration de VOTRE MAJESTE
declaration memorable , declaration
dictée par le même efprit dont
furent animez les Clovis , les Charlemagne
, les faints Louis : elle paffera aux
âges futurs , elle fe perpetuera dans la
pofterité , comme un monument autentique
de nos droits , fi juftement reconnus , &ſĩ.
folemnellement confirmez
Nous n'avons donc pas feulement crê ne
devoir rien menager en faveur d'un Prince
L. vol. équiDECEMBRE.
1726. 2793
équitable & bienfaifant , qui recevra d'u
ne part & repandra de l'autre ; mais par
deffus tout , nous avons jugé que nous ne
pouvions trop nous intereffer à la gloire
d'un Prince religieux & très - Chrétien
qui lui-même , comme fils aîné de l'Eglife ,
s'intereffera toûjours pour elle , & la protegera
: qui relevera l'honneur de l'Epifco
pat , attaqué en plus d'une rencontre , &
plus d'une fois leé par les réſiſtances opiniâtres
de l'erreur qui maintiendra la foi
de fes Peres , & bannira de fon Empire
l'une des herefies la plus audacieufe, quoique
foudroyée de tant d'anathêmes.
V Puiffiez vous , SIRE , achever un ouvrage
fi digne de vous. Puiffiez - vous
être l'Ange vifible , que le Seigneur en
voye pour retrancher de ce Royaume tous
les fcandales. C'est le fujet de nos fouhaiss
les plus ardens , & c'est à quoi contribuëront
plus que tout le refte ces Conciles Provinciaux
, que fi fouvent nous avons demandez
, & que nous n'avons point en- & que
core obtenus. Et que voulons - nous , em
effet , que cherchons - nous autre chofe dans
ces faintes Affemblées , que l'affermiffement
de la Religion , que le renouvellement
de la Difcipline Ecclefiaftique & du
bon ordre , que la reformation des abus ,
que la paix des Fideles dans le fein de la
même Eglife , que la réunion des coeurs
I. vel.
par
1794 MERCURE DE FRANCE.
par la réunion des efprits , que l'entiere
extinction de toute partialité , de toutes
nouveautez en matière de créance ? Nonbeautez,
partialitez, fi dangereufes dans
La Republique , & fi fatales àfon repos !
Telles font les vies que nous nous propofons
. Que nos voeux foient exaucez , ou
que leur accompliffement foit fufpendu
nous obéirons toûjours avec foûmiſſion ; &
du refte nous nous repoferons fur l'attention
du fage & zelé Ministre , qui fut le guide
affidu , & comme le gardien de votre enfance
, qui maintenant eft le dépositaire
de tous vos Confeils , & qui dans l'émihence
de fon rang feaitfi dignement allier
enfemble & le miniftere de l'Autel , & le
miniftere de l'Etat.
Cependant , SIRE , en ces jours de
propitiation & d'indulgence , où vous
avez été pour votre Cour un exemple fi
édifiant , que le Ciel plus que jamais vous
comble de fes benedictions . C'eft dans fa
mifericorde qu'il vous a donné à la France
, c'est dans cette même mifericorde
qu'il nous confervera un don ſi précieux,
Nous aurons inceßamment la confolation ,
en retournant dans nos Diocefes , de ne
Baiffer rien ignorer à vos Sujets des moin
dres circonstances de vos vertus , qui pours
ront fervir à ranimer leur pieté , larfque
nous leur annoncerons ce temps defalui +
I. vol.
DECEMBRE. 1726. 2799
de benediction , après lequel ils fonpirents
attentifs à fe purifier par la Penitence , &
afe nourrir du pain des Anges , nous les
verrons , profternez aux pieds des faints
Autels , y porter des prieres plus vives &
plus efficaces pour VOTRE MAJESTE
Les Pafteurs fe joindront aux Peuples , &
les Peuples feconderont les Pafteurs. Tous
d'une voix nous nous adreßerons au fuprême
Arbitre de nos deftinées
و
nous le
conjurerons
avec inftance de vous donner
la vie la plus longue , fortement perfuader
d'obtenir la confervation
du Roi , c'ef
obtenir la felicité du Royaume.
que
Le 6. de ce mois le Portrait de Louis
XV.à cheval gravé d'après M. Paroffel,
par le fieur Thomaffin fils , fut préfenté
S. M. par M. le Duc d'Antin.
Le 8. le Cardinal de Fleury alla rendre
vifite à Madame la Ducheffe d'Orleans
; il fut reçû chez S. A. R. avec les
-honneurs & ceremonies accoutumées en
pareilles occafions .
Le 15. troifiéme Dimanche de l'Avent
, le Roi & la Reine entendirent
dans la Chapelle du Château de Verfailles
la Meffe chantée par la Mufique
L'après midi L. M. affifterent à la Prédication
de l'Abbé Hardouin .
Le 17. le Comte de San - Severino
Now id'Ar-
1.vol.
1796 MERCURE DE FRANCE.
d'Arragon , Envoyé Extraordinaire du
Duc de Parme , eut la premiere audience
du Roi & de la Reine , étant conduit par
le Chevalier de Sainctot , Introducteur
des Ambaffadeurs , qui étoit allé le pren
dre à Paris dans les Caroffes de L. M. &
après avoir été traité par les Officiers du
Roi , il fut reconduit à Paris dans les
mêmes Caroffes.
Le 24. veille de Noël , la Reine entendit
la Mefle dans la Chapelle du Château
de Versailles , pendant laquelle
S. M. communia par les mains de l'Evêque
Comte de Châlons , fon premier
Aumônier. L'après midi L. M. entendirent
les premières Vêpres chantées par
la Mufique , aufquelles l'Evêque d'Avranches
officia.
Le 25. jour de la Fête , le Roi & la
Reine , qui avoient entendu les trois
Meffes de Minuit , entendirent la grande
Meffe celebrée pontificalement par le
même Prelat. L'après midi L. M. affifte
rent à la Prédication de l'Abbé Har-
-doüin , & enfuite Elles entendirent les
Vêpres , aufquelles le même Prelat
-officia.
Le Mardi 19. Novembre , Madame
d'Orleans , Abbeffe de Chelles , fit faire
dans l'Eglife de fon Abbaye un Service
folemnel pour le repos de l'ame de feuë
Madame
1. vol.
4
DECEMBRE. 1726. 2797
Madame la Ducheffe d'Orleans . Le Superieur
General des Benedictins de la
Congregation de Saint Maur y officia . II
s'y étoit à cet effet rendu la veille , ac
compagné de fes Affiftans , des Prieurs
des Abbayes de Saint Denis , de Saing
Germain des Prez & de Lagny , & de
wingt autres Religieux.
Lundi 9. de ce mois , jour de la fête
de la Conception de la Vierge , le Cons
cert Spirituel recommença au Château
des Tuilleries . Le fieur Philidor fit chan,
ter deux Motets de feu M. de la Lande ,
Dixit Dominus , & Confitebor , qui fu
rent parfaitement bien executez & ap
plaudis , ainfi que les Pieces de Symphonie
qui y furent jouées . Le même Concert
recommencera à la fête de la Chandeleur
prochaine.
(
Le même jour , le Roi & la Reine entendirent
la Meffe chantée par la Mufique
dans la Chapelle du Château de Verfailles
, & l'après midi L. M. affifterent
à la Prédication de l'Abbé Hardouin , &
enfuite aux Vêpres.
Le 10. la Reine alla à la Maifon
Royale de Saint Cyr , où S. M. entendit
la Meffe , & communia par les mains
de l'Evêque Comte de Châlons, fon premier
Aumônier.
Le Duc de Bournonville , Chevalier
Je vela
de
1798 MERCURE
DE FRANCE.
de la Toifon d'Or , nommé par le Rot
d'Efpagne fon Ambaffadeur auprès de
l'Empereur , arriva à Paris le 18. du
mois dernier. Il alla le lendemain à Vincennes
rendre les refpects à la Reine
Doüairiere d'Espagne. Il a acheté ici
deux diamans brillans de grand prix ,
d'une excellente beauté , qu'il a fait met
tre en oeuvre , & qui enrichiffent l'Or
dre qu'il porte de la Toifon.
On trouva vers la fin du mois dernier
fur la Plage de Calais un Balenon
échoué de 47. pieds de long , & 42. de
circonference , mefuré par le milieu du
corps.
Le Comte de la Marche , Prince du
Sang ,fils aîné du Prince de Conti , entra
le 2. de ce mois au College des Jefuites
pour y continuer les études . Le Pere Sa
nadon doit être fon Prefet. Son appartement
eft compofé de fix chambres , & le
nombre de fes Officiers & Domeftiques
eft d'environ vingt perfonnes .
THETIS ,
DECEMBRE. 1726. 2799
THETIS , ACHILLE ,
ET CHIRON.
1
FABLE,
A S. A. S. Madame la Princeffe
de Conti ,
Sur l'éducation de Monfeigneur le Comte
de la Marche , fon Fils .
J
Amais on ne vit rien au terreftre féjour
De fibeau que Thetis. Tous les Dieux de
Cithere
Abandonnoient leur mere ,
Pour lui faire la cour.
Les Ris badinoient avec elle ;
Les Graces les Vertus , par un charmant
concours ,
L'accompagnoient toûjours .
Tant d'attraits n'ornent point une fimple
elle.
De fon Hymen augufte & glorieux
Avec un Prince iffu du fang des Dieux ,
Elle eut un fils aimable ,
Dont la beauté n'avoit point de ſemblable
,
1. vol. On
£ 800 MERCURE DE FRANCE.
On l'eût pris pour l'Amour ; mais à fes traits
heureux ,
On vit qu'il devoit être grand & genereux ;
C'étoit la vive image , & le portrait fidele
Des Heros de fon fang. Qui pourroit de
Thetis
Exprimer la tendreffe & les foins pour ce
fils ?
Cette Déeffe, auffi fage que belle ,
Pour l'inftruire joignoit ſouvent à ſa leçon ,
Des exemples fameux puifez dans fa Maiſon;
Déja le jeune Achille en fçavoit faire ufage ;
Et de quelque côté qu'il arrêtât fes yeux ,
Son Pere illuftre , & les Dieux fes
Ayeux ,
Aux nobles actions excitoient fon courage.
Thetis avec tranfport voyoit tant de progrès ;
Mais la Déeffe
Voulut encor que du Dieu du Permeffe
Son fils apprêt tous les fecrets.
Chiron de cet emploi fut feul rrouvé capable
:
C'étoit un fçavant venerable ,
Qui vivoit , dit- on , retiré
Dans un lieu de tout temps aux Mufes con
Lacré.
1. vole
Co
DECEMBRE . 1726 . 2801
Ce lieu devint plus cher aux Filles de Me
moire,
Quand Achilles l'eut habité.
Le double Mont fut prefque deferté :
Toutes fe difputoient la gloire
D'inftruire un fi cher nourriffon ,
Jaloufes de l'emploi qu'on donnoit à Chirott
Ainfi Thetis jugeoit avec prudence ,
Qu'il faut que la ſcience
S'uniffe à la valeur ,
Pour former d'un Heros & l'efprit & le
coeur.
M. Richer, Avocat au Parlement
de Roüen .
Il eft arrivé trois Vaiffeaux de la Compagnie
des Indes , venant de la Martinique
, qui ont rapporté le chargement que
' Hercule , Vaiffeau de la même Compagnie
, avoit laiffé dans fa relâche , à
caufe d'une voye d'eau , en revenant des
Indes.
2
La veille & le jour de Noël , le Concert
fpirituel recommença au Château
des Tuilleries ; on y chanta pendant ces
deux jours quatre beaux Motets de feu
M. De la Lande , Exurgat Dens , Dixit
I, vel. I Do-
}
2802 MERCURE DE FRANCE.
Dominus, Dominus regnavit , & Confe
tebor , que le fieur Philidor fit executer
avec l'applaudiffement de tout le monde.
Ces Motets furent précedez par une
fuite des plus beaux Noëls , que toute la
Simphonie joua avec accompagnement de
Timballes & Trompettes , ce qui fit un
extrême plaifir.
Le 24. de ce mois , M. le Fort , fe
cond Syndic de la Republique de Geneve
, eut Audience de Congé du Roi &
de la Reine , étant conduit par le Chevalier
de Sainctot , Introducteur des Ambaffadeurs
, & il fut traité par les Officiers
de S. M.
******************
MORTS , NAISSANCES,
& Mariages.
L
E 24. Novembre , Dame Marguerite
Manuel , Epoufe de M. Claude
Henin , Confeiller , Secretaire du
Roi , Maifon & Couronne de France,
Garde Honoraire des Rôles des Offices
de France , mourut âgé d'environ 76.
ans.
Marie- Loüife- Catherine de Nefmond,
Dame de la Roque , Capel , la Salle ;
Coubron , &c, veuve de Louis - François
1. vol
d'HarDECEMBRE.
1726 2.803
dHarcourt , Comte de Sezane , Lieutenant
General des Armées du Roi , &
Chevalier de l'Ordre de la Toifon d'or,
mourut à Paris le 10. de ce mois , âgée
d'environ 40. ans.
Loüife-le Fevre , Epoufe de M. Clair
de Creil , Chevalier , Seigneur de Bazoche
, mourut à Paris le 17. du mois
dernier , âgée de 42. ans.
M. Artor , Gouverneur de Blaye , y
eft mort le mois dernier , âgé de 109.
ans.
M. Bofnier , Receveur general des
Etats de Languedoc , eft auffi mort à
Montpellier fur la fin du mois dernier,
âgé d'environ 53. ans.
La Comteffe Doüairiere de Derwenwater
, mere du feu Comte de ce nom,
qui eut la tête tranchée à Londres pour
crime de haute trahifon , eft morte depuis
peu à Paris , où elle s'étoit retirée
pour embraffer la Religion Catholique ;
elle étoit fille naturelle du Roi Char
les II.
Gervais le Fevre d'Eaubonne , Confeiller
Honoraire au Parlement , mourut
le 26. du mois dernier , âgé de 78. ans .
Marguerite le Roux , veuve de François
le Gendre , Ecuyer , Fermier General
, morte le 11. de ce mois , âgée de
8.8 . ans.
1. vol
Jij Lø
2804 MERCURE DE FRANCE.
Le 8. de ce mois , le Marquis de Saint
Chamans , Enfeigne de Gendarmerie ,
mourut à Verdun .
Le 17. Dame Françoife le Fevre d'Or
meffon , Abbeffe du Pont- aux- Dames ,
mourut dans cette Abbaye , âgée de 73 .
ans. Elle avoit donné depuis deux mois
la démiffion de cette Abbaye , à laquelle
le Roi a nommé la Dame de Bourlamaque.
Antoine de Ricoüart d'Herouville
Chevalier , Seigneur de Ville - Parifis
ancien Maître d'Hôtel du Roi , mourut
le 20. Decembre , âgé d'environ 70 .
2115.
Dame Marie Anne- Therefe de la
Grandier de Murcé , époufe de François-
Charles de Menou , Chevalier , Lieutenant
de la Compagnie de Chevaux - Legers
d'Anjou , Brigadier des Armées du
Roi , & Chevalier de S. Louis , accoucha
le 15. Novembre d'une fille
qui fut tenuë fur les Fonts , & nommée
Auguftine par Auguftin -Roch de Menou
, Docteur de Sorbonne , Archidiacre
de Dunois , & Vicaire General de M.
l'Evêque de Chartres & par Dame
Marie- Angelique Briffon , époufe d'André
de Menou , Seigneur de Charnifay.
•
,
Le 30. du même mois , Dame Loüife-
Françoife Phelyppeaux de la Vrillie-
I. vol.
res
DECEMBRE. 1726. 2808
de
re , époufe de Louis -Robert- Hyppolyte
de Brehan , Comte de Plelo , Meftre
de Camp de Dragons , accoucha d'une
fille , qui fut nommée Loüife Felicité ,
& eut pour Parrain & Marraine , Louis
Phelippeaux , Comte de S. Florentin ,
Secretaire d'Etat , & Dame Loüife du
Pleffis de Genonville , Epoufe de René
le Fevre de la Falluere , Confeiller Honoraire
, & ci - devant Prefident à Mortier
du Parlement de Bretagne.
Le 24. Novembre , Dame Pauline
Colbert de Torcy , époufe de Louis du
Pleffis , Marquis de Chatillon & de Nonant
, Marêchal des Camps & Armées
du Roi , accoucha d'un fils , qui fut tenu
fur les Fonts , & nommé Louis -Henri-
Felix , par Etienne Bouret , reprefentant
Henri - Charles - Arnauld de Pomporne
, Confeiller d'Etat ordinaire .
Commandeur & Chancelier des Ordres
du Roi , Abbé de l'Abbaye Royale de
S. Medard de Soiffons , & c. & par Dame
Catherine- Felicité Arnauld de Pomponne.
Le 28. Novembre Dame Marie- Anne
Benard de Maifon , époufe de Louis-
Gabriel Bazin , Marquis de Befons ,
Meftre de Camp du Regiment Dauphin
Etranger , Cavalerie , Gouverneur des
Ville & Citadelle de ... accoucha
Le val. d'une I iij
1805 MERCURE DE FRANCE.
f
d'une fille , qui fut nommée Marie -Magdeleine
par Armand Bafin de Bezons ,
Abbé de S. Jean - les- Marnes , & c. &
par Dame Marie - Magdeleine de Sabine
, Epoule de Jacques Benard , Mar
quis de Maiſon , &c.
M. Louis de Montaigu de Beaune ,
Vicomte de Beaune , Chevalier des Ordres
du Roi , Lieutenant General de fes
Armées , & de la Province d'Auvergne,
époufa le 4. Decembre D. Marie Charlotte
de Montmorency , fille de Leon de
Montmorency , Premier Baron Chrétien
, Chef des nom & Armes de fa Maifon
, & de Marie- Magdeleine de Letoile
de Montbrifeüil . M. de Beaune étoit
veuf de Marie- Françoife Colbert de
Croiffy.
******KKKKKKKK
EDITS , ARRESTS ,
SENTENCES DE POLICE , &c.
ENTENCE de Monfieur le Lieutenant
Sentral,Civil,Criminel &de Police de
la Prevôté de l'Hôtel , du 27. Juillet , portant
Reglement pour les Baux des Carroffes ou Berlines
qui viennent à la fuite de la Cour. Qui
ordonne que lefdits Baux contiendront un terme
certain , qui ne pourra être plus long que d'une
année ; lefquels Baux feront notifiez aux Fer
'Γ'. vol. miers
DECEMBRE. 1726. 2807
miers Generaux des Voitures de la Cour ; que
la notification d'iceux fera paraphée par l'un
defdits Fermiers , ou leurs Commis ; & que les
Cochers , Locataires ou Proprietaires defdits Caroffes
ou Berlines , feront Porteurs defdits Baux,
avec cette formalité , à peine de nullité , &c.
ORDONNANCE DE POLICE , du 18. Septembre
, concernant la Vente des Melons.
ORDONNANCE DE POLICE du 28.Septembre,
concernant la conduite des Charettes, Tom
bereaux , Chevaux & Mulets dans la Ville de Paris
pour prevenir les accidens qui en peuvent
arriver, &c.
AUTRE du même jour , concernant les Voituriers
qui enlevent les Fumiers , ceux qui amepent
des Plâtres dans la Ville de Paris.
ORDONNANCE DU ROY , du premier
Octobre , portant deffenfe à tous Courriers de
faire conduire les Chaifes & Berlines par d'autres
Poftillons que ceux des Poftes ; de faire
préceder les Domestiques de ceux qui courreront
que d'une Pofte à l'autre , & aux Courriers de
fouetter & frapper , ni fouffrir que leurs Domestiques
foüettent & frappent aucuns des Chevaux
attelez aufdites Voitures , & qui ordonne
que la courfe fera payée d'avance à chaque Pofte
avant le départ , fuivant les Reglemens .
ARREST du même jour , qui regle les Droits
d'Enregistrement , tant des Sous- Beaux des Aydes
, Formules & Droits y joints , que des nouvelles
Procurations & Commiffions qui feront
délivrées par les nouveaux Sous- Fermiers defdits
Droits .
Lil Permed
vol.
2808 MERCURE DE FRANCE.
Permet aufdits Sous - Fermiers d'entretenir ou
réfilier en tout ou partie , les Baux , Sous Baux,
Traitez , Sous- Traitez , Abonnemens & Marchez
fairs par Charles Cordier & Martin Gi
rard.
Et déclare communs avec lefdits nouveaux
Sous-Fermiers , tous les Arrêts & Reglemens
rendus au proit des precedens Fermiers & Regiffeurs
des Aydes & Droits rétablis , &c.
EDIT DU ROY , du mois d'Octobre , postant
fuppreffion de trois Charges de Treforiers
Generaux de l'Extraordinaire des Guerres, créées
par Edit du mois de Septembre 1724. portant
création de deux autres Offices de Treforiers dudit
Extraordinaire , des ancien & alternatif , & c.
Voici ce qui eft porté par l'Article VII . de
1'Edit.
Et dautant que le fieur Jofeph de Sauroy ,
qui a été cy-devant pourvû de l'Office de Tréforier
General , Ancien dudit Extraordinaire des
Guerres , fupprimé par l'Edit de 1724. l'a exercé
pendant nombre d'années , à notre fatisfaction
& à celle de nos Troupes & du Public, & que
le remboursement lui en eft encore actuellement
dû , Nous l'avons agréé & choifi pour remplir
l'Office de Tréforier General , Ancien dudit Extraordinaire
des Guerres , créé par notre pre
fent Edit pour en faire l'exercice & les fonctions
à commencer du premier Janvier 1727. fur fes
anciennes Provifions , & Acte de reception en
notre Chambre des Comptes , que nous avons ,
en tant que de befoin , validée & validons ,
fans qu'il foit obligé d'obtenir de nous de nouvelles
Lettres de Provifions ni de ſe faire recevoir
de nouveau en notredite Chambre des
Comptes , dont nous l'avons difpenfé & difpenfons
, &c, Nous réfervant de choisir un fujet
• val capable
DE CEMBRE. 1726. 2809
capable pour remplir l'Office de Treforier General
, Alternatif dudit Extraordinaire des Guer
res , auffi créé par notre prefent Edit , pour en
faire l'exercice & les fonctions , à commencer
au premier Janvier 1728. & c.
SENTENCE DE POLICE du 4.Octobre qui
condamne à l'amende les nommez Miffonnet ,
Legez , Moinat , & autres Marchands de Foin ,
pour n'avoir pas fait amener à Paris les Foins
Etant en leur poffeffion , deftinez pour la provi
ion de cette Ville.
AUTRE du même jour , concernant la Marchandiſe
de Foin ; & qui condamne plufieurs
Particuliers , fur lefquels il en a été faifi d'un
poids plus leger que celui preferit par les Ordonnances.
AUTRE du même jour , portant défénfes de
vendre des Reftes de Viande cuite ; & qui condamne
la nommée Marfilly en Quinze livres
d'amende pour y avoir contrevenu .
AUTRE du même jour , portant défenfes de
vendre & expofer aucunes Marchandifes aux
Portes de l'Eglife du Saint Efprit, à peine de Confcation
& de Cent livres d'amende.
AUTRE du même jour , portant deffenſe à
Loutes Perfonnes d'acheter des grains ailleurs que
dans les Halles & Marchez , à peine de mille
livres d'amende.
AUTRE du même jour , qui renouvelle les
deffenfes d'enlever des Foffes publiques des Maieres
fécales , ni d'en fumer les Terres , & qui
Į. vol. con28
to MERCURE DE 2 FRANCE.
condamne dix Habitans des Villages de Venvre?
Illy & Vaugirad , en 15. livres d'amende chacun
Enor y avoir contrevenu,
ARREST du 8. O&obre , qui réitere les défenfes
de faire Commerce , Port & Ufage des
Etoffes & Toiles peintes des Indes , de la Chine
& du Levant.
par
AUTRE du même jour , qui proroge juf
qu'au premier Janvier 1727. le délai accordé
l'Arrêt du 30. Mars 1726. pour faire proceder
à la Liquidation des Offices & Droits fupprimez
, & pour en recevoir le remboursement,
fans efperance d'aucun autre délai ,
ARREST du même jour , qui éteint , amortit
& annulle au profit de Sa Majefté , & à la décharge
du Sieur Olivier , Receveur General de
La Chambre de Juftice , tous les Contrats de
Rentes fur l'Hôtel de Ville de Paris , Quittances
de Finance , pour jouir de divers Droits &
Augmentations de Gages , Provifions & Quitcances
de Finance d'Offices fupprimcz , & autres
femblables Effets remis ès mains dudit Sieur
Olivier , & à lui donnez en payement des Taxes
de la Chambre de Juftice , ou par forme de con
fignation fur lefdites Taxes.
ORDONNANCE DE POLICE du 10. Oc
tobre , portant défenfes de jouer au Volant s
Baftonnet , dans les rues & Places publiques.
ARREST du 15. Octobre , qui proroge jufqu'au
1. Avril 1727. les Délais accordez par Sa
Majefté au fujet du Remboursement qui doit êt g
fait
"DECEMBRE. 1726. 2811
fait aux Traitans , dont les Cautions font en
avance envers Sadite Majefté.
→
. SENTENCE DE POLICE du 22. Octobre ,
portant deffenfes d'expofer en vente & débiter
aucunes Marchandifes de Salines corrompues &
de mauvaiſe qualité.
AUTRE du même jour , portant deffenfes à
tous Vendeurs & Vendeufes de Legumes , Fruits ,
Herbages , Beurre , Oeufs , & autres efpeces de
Marchandifes , de s'arrêter à la pointe de Saint
Euftache , ni au-devant des Boutiques & Maifons
voifines.
DECLARATION DU ROI , portant deffenfes
à tous Couriers ordinaires , de fe charger .
dans leurs voyages d'aucunes Efpeces & Maticxes
Og & d'Argent : ce qui a donné licu depuis
quelque temps à plufieurs vols & affaffinats des
Couriers & Poftillons employez au fervice des
Poftes. Donné à Fontainebleau le 29 Octobre
1726. Regiſtrée au Grand Confeil le 12. Novembre.
-
EDIT DU ROI , portant réduction des
Rentes viageres créées depuis 1720. Donné à
Fontainebleau au mois de Novembre 1726. Regiftré
en Parlement le 3. Decembre , par lequel
il eft dit ce qui fuit : Voulons & Nous plaît , que
les rentes viageres créées , tant fur les Aydes &
Gabelles que fur les Tailles par nos Edits des
mois d'Aout 1720. Novembre 1722. Juillet
1723. & Janvier 1724. demeurent réduites à
l'avenir , & ne foient payées , à commencer du
1. Juillet 1726. fçavoir celles créées fur les Aides
& Gabelles par notre Edit du mois d'Aouſt
1. vol. - 1720
2812 MERCURE DE FRANCE.
1720, que fur le pied de cinq fixiémes ; Celles
créées auffi fur les. Aydes & Gabelles par notre
Edit du mois de Novembre 1722. que fur le
pied des trois cinquiémes ; Celles créées fur les
Tailles par notre Edit du mois de Juiller
1723. fur le pied de la moitié ; Et celles créées
auffi fur les Tailles par notre Edit du mois de
Janvier 1724. fur le pied du tiers de la joüiſſance
portée par les Contrats defdites Rentes : De laquelle
réduction fera falt mention fur lefdin
Contrats , par les Notaires dépofitaires des Minutes
, &c.
ARREST du 12. Novembre , par lequel Sa
Majefté déclase que par l'Arrêt de fon Confeil
du 28. Mai 1726. Elle n'a entendu décharger
des Droits d'Inspecteurs aux Boiffons , que les
Hameaux & Ecarts qui fe trouveront au- delà de
la diftance de cinq cens Toifes de l'Eglife Paroiffiale
d'où ils dépendent.
SENTENCE DE POLICE du 15. Novem
bre, qui condamne le nomméJacques Colleflon
en cinquante livres d'amende , pour avoir expofé
en vente du Foin d'un poids plus leger que
celui porté par l'Ordonnance.
AUTRE du même jour , pertant deffenfes de
donner retraite à aucuns Mandians , Gens fans
aveu & de mauvaiſe vie , à peine d'amende , &
d'être les maifons où on les auroit logez , musées
pendant un an .
ARREST du 19. Novembre , portant moderation
des Droits d'Entrées des Cinq Groffes
Fermes , Péages & autres , fur les Vins de Languedoc
& de la Senechauffée de Bordeaux , qui
4. vol.
ferona
DECEMBRE . 1726. 2813
feront amenez à Paris jufqu'au deraler Juin
1727.
ARREST du même jour , portant réduction
des Charges employées dans les Etats du Roi.
ORDONNANCE DU ROI du 22. Novem
bre , qui réduit les dépenfes de la Maifongde Sa
Majefté fur le pied qu'elles étoient au 1. Septembre
1715.
SENTENCE DE POLICE du même jour ,
portant deffenfes d'embaraffer la voye publique.
LETTRES PATENTES fur Arrêt du Confeil
, qui ordonnent que le Territoire & Collecte
de Saint Loup , Election d'Orleans , fera
réuni à la Paroiffe de Saint Jean de Braye. Données
à Fontainebleau le 26. Novembre 1726.
SENTENCE DE POLICE du 29. Novembre
, qui deffendaux Traiteurs , Cabaretiers &
Aubergiftes de donner à manger de la Viande
chez eux les Vendredis & Samedis , & autres
jours d'abftinence ; & aux Rotiffeurs & Chaircuitiers
de vendre aucunes Viandes cuites lefdits
jours , fous peine de mille livres d'amende , fermeture
de Boutiques , privation de Maîtrifes ; Et
qui condamne les nommez Blanchard & Fleury,
Traiteurs , & le nommé Dé , Aubergiſte , en
trente livres d'amende chacun pour y avoir contrevenu.
ORDONNANCE DE POLICE dn re. Decembre
, concernant le Cagnard ou Cul- de- Sae
entre la rue de la Barillerie & le Marché-Neuf.
AUTRE du 14. Decembre , portant deffenſes
I. vol. do
2814 MERCURE DE FRANCE .
de tenir aucuns Marchez le Mercredi- jour » de
Noël .
AUTRE du 20. Decembre , qui indique l'ou.
verture des Etaux à Boucheries pour le Samedi
4. Janvier 1727. furveille de la Fête des Rois,
AVIS.
LE Second Volume de ce Mois ; qui eft
actuellement fous preffe , & qui doit
Suivre celui-ci de près , fervira de fupplé
ment aux matieres qui n'ont pu trouver
place dans le cours de la préfente année
avec lafuite des Révolutions de Perfe , &
contiendra une Table generale , au moyen
de laquelle on trouvera aifément toutes les
differentes matieres,
JAY
APPROBATION.
lû par ordre de Monfeigneur le Garde
des Sceaux le premier Volume du Mercure
de France du mois de Decembre, & j'ay cru
qu'on pouvoit en permettre l'impreffion. A
Paris, le 2. Janvier 1727:
HARDION.
28F5
TABLE
2611
Psuite des derniers troubles d'Egypte , 26 17 Jeces fugitives , Ode,
Poëme , Converfion , & c. 2630
Relation Hiftorique de la Guerre de Perfe , 2633
Le Serin & la Fauvette , &c.
■ Lettre fur deux Manuſcrits , &c.
Le Temps , Ode ,
Queſtion de Droit jugée , &c.
Portrait en Vers ,
2651
2656
2674
2677
2689
ibid. Lettre en Vers & en Profe ,
Voyage en Baffe Normandie . Defcription du
Mont S. Michel ,
Enigmes ,
Nouvelles Litteraires , & c.
2696
2718
2718
Critique abregée fur le Dictionnaire Univerfel
de là France , ibid.
272 I
Almanach de Paris , ou Calendrier , & c. 2729
Breviaire Romain , & c.
Eloges & Caracteres des Philofophes , & c. 2724
Nouveaux Memoires des Miffions de la Compagnie
de Jefus ,,
Dictionnaire des Arrefts , &c.
2725
2726
Nouveaux Ouvrages de Fer & d'Acier , &c.
2729
Extrait de la Differtation fur le
Nimbus , &c.
2733
Programme du Palinod ,
2736
Invitation aux Poëtes , Vers , &C.
Chanfon notée ,
2739
2744
Spectacles , Tragedie d'Hypermneſtre
Nouvelles du temps , de Turquie , Ruffie , Polo-
> &c.
2746
I. vol.
gne
2816
gne, & c.
2762
Difcours de M. de Gergi au Doge de Venife ,
Morts des Pays Etrangers ,
Journal de Paris ,
Epître à M. Morofini ,
2771
2782
2784
2785
Harangue de l'Affemblée du Clergé au Roi ,
2788
Thetis , Achille & Chiron , Fable , 2799
Morts, Naiffances & Mariages ,
2802
Edits , Arrêts , 2806
La Chanson nosle regarde la pago 2744
MERCURE
DE FRANCE ,
DEDIE A ROT.
AV
DECEMBRE. 1726.
SECOND VOLUME.
JR
QUA COLLIGIT SPARGIT
A PARIS ,
( GUILLAUME CAVELIER , au Palais.
I GUILLAUME CAVELIER , fils , rue
Chez S. Jacques , au Lys d'Or.
IN. PISSOT, Quay de Conti à la defcense
du Pont au coin de la rue de Nevers
M. DC C. XXVI.
Avec Approbation & Privilege du Roi.
A V IS.
L'AD
ADRESSE generale pour toutes
chofes eft à M. MOREAU ,
Commis au Mercure , vis -à- vis la Comedie
Françoife , à Paris. Ceux qui pour leur
commodité voudront remettre leurs Paquets
cachetez aux Libraires qui vendent le
Mercure à Paris , peuvent fe fervir de
cette voye pour les faire tenir.
On prie très - inftamment , quand on
adreffe des Lettres ou Paquets par la Pofte,
d'avoir foin d'en affranchir le Port ,
comme cela s'eft toûjours pratiqué , afin
d'épargner , à nous le déplaifir de les
rebuter, & à ceux qui les envoyent ,
celui , non feulement de ne pas voir
paroître leurs Ouvrages , mais même de
les perdre , s'ils n'en ont pas gardé de
Боріе .
-
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , on les particuliers qui fonhaiteront
avoir le Mercure de France de
la premiere main , & plus promptement
n'auront qu'à donner leurs adreffes à M.
Moreau , qui aura foin de faire leurs paquets
fans perte de temps , & de les faire
porter fur l'heure à la Pofte , ou aux Mef
Jageries qu'on lui indiquera.
Le prix eft de 39. fols.
MERCURE
DE FRANCE ,
DĚDIE AU ROT
DECEMBRE . 1726.
SECOND VOLUME.
XXXXXXXX **************
PIECES
FUGITIVES ,
en Vers & en Profe.
D
ODE
Sur les miferes de l'Homme.
E trouver unbonheur folide ,
Mortels , vous vous flattez envain;
Le frivole efpoir qui vous guide ,
Vous charme & vous trompe fans fin .
Les Grands ainfi que le Vulgaire ,
2. vol.
A ij Nez
2826 MERCURE DE FRANCE,
Nez ici bas pour la mifere ,
Eprouvent un fort fi fatal :
La faveur des Rois , la puiffance ,
-Les richeffes , & la naiffance ,
Ne font fouvent qu'aigrir le mal .
讚
Comme un Vaiffeau pendant l'orage ,
Malgré l'effort des Matelots ,
Toujourss prêt à faire naufrage',
Obéit aux fureurs des flots ;
Ainfi l'Homme agité fans ceffe ,
Par la paffion qui le preffe ,
Cede toujours à fes tranſports ;
Vainement la raifon l'éclaire ,
Mieux il voit ce qu'il devroit faire ,
Plus il fent de cuifants remords .
Pendant la fougueufe Jeuneffe
L'amour tyranniſe fon coeur ;
Que je le plains dans cette yvreffe ,
Il tombe d'erreur en erreur :
Il ne cherit , il ne révere ,
Que l'aveugle Dieu de Cythere ,
2. vol.
Qui
DECEMBRE . 1726. 2827
Qui lui ravit la liberté.
Que de crimes ! que d'injuſtices ↓
Seront l'Ouvrage des caprices
D'une telle Divinité!
Enfin ces délires funeftes ,
Comme des torrens furieux ,
Paffent, laiffant de triftes reſtes.
De leurs excès impetueux.
Mortel du deftin implacable ,
N'attend pas un calme durable ,
Chaque âge a ſes égaremens :
La Fortune à fon tour t'appelle ,
Cours à fes ordres trop fidele ,
Eprouver de nouveaux tourmens.
Déja l'efperance trompeufe ,
Des tréfers & du plus haut rang ,
Afervit ton ame envieufe ,"
Aux Loix de ce cruel tyran
Au milieu des biens qu'il étale ,
Comme le malheureux Tantale ,
Je le vois toujours foupirer :
2. vol. A jij Cette
2828 MERCURE DE FRANCE.
Cette impitoyable Déeffe ,
A ton coeur laiffera fans ceffe ,
Mille bienfaits à defirer .
Vil efclave de la puiffance ,
D'une injufte Divinité ,
J'admire ta perfeverance ,
A cherir ta captivité !
Ne vois-tu pas qu'elle te jouë ?
Bien tôt du plus haut de fa rouë
Tu dois être précipité :
Préviens une chute éclatante ,
Par une retraite prudente ,
Tu peux te mettre en feureté.
Par M. de Sainte Palaye , de Montfortl'Amaury.
MMMMMMMMMMMMMM
TROISIEME fuite de la Relation
biftorique de la Guerre de Perfe.
AP
Près de pareils fuccès , Mahmoud
refolut de retourner à Ifpaham ,
tant pour le délaffer des fatigues de la
2, vol.
guerre,
DECEMBRE . 1726. 2829
guerre , que pour rafraîchir & augmenter
fes Troupes. Ainfi , ayant mis Garnifon
dans ces deux dernieres Villes , il
partit , & arriva à Ifpaham vers la fin de
Mars 1724. C'eft dans ce temps là qu'on
vit & qu'on admira le courage d'une
jeune Heroïne Georgienne ; ce qu'elle
fit contre les Aghuanis , merite bien
d'être rapporté .
Cette genereufe femme , ayant appris
que fon époux avoit été tué par les ennemis
, à la prife du Pont & de la Citadelle
d'Ifpaham , dont on a parlé plus haut , refolut
d'aller venger fa mort dans le fang
même de ceux qui l'avoient fait mourir.
Elle confia à fon frere fes biens & l'éducation
de deux petits enfans qu'elle avoit,
déguifa fon Sexe , & prit des habits convenables
, s'arma bien , & fans fe rebuter
, ni de la rigueur de la faifon , ni de
la longueur du chemin , qui étoit près
de 400. lieuës , elle fe rendit en diligence
à Ifpaham , où elle arriva lorfque Mahmoud
y faifoit fa feconde Entrée. A peine
eut - elle apperçû les Aghuanis , & le
lieu où fon mari avoit été tué , que le defir
de la vengeance s'augmentant avec
violence dans fon coeur, fans attendre davantage
, toute accablée qu'elle étoit des
fatigues d'un auffi long voyage , elle ſe
jetta avec impetuofité ,le fabre à la main,
2. vol . fur
2830 MERCURE DE FRANCE .
fur un Corps d'Aghuanis , & en tua plus
de 2o . avant qu'on eut le temps de la
ſaiſir. Mahmoud , ayant fçû l'action de
cette femme déterminée , la fit mettre en
prifon , ne voulant la punir que legerement
, & la renvoyer après ; mais les
Aghuanis , à ce qu'on affure , la firent
perir dans la prifon.
Cependant on ne fçavoit pas encore
bien quel fuccès avoit eu l'Armée , qui
étoit allé l'année précedente dans la Province
de Farfiftan. A la verité , on avoit
appris que la Ville de Schiraz , qui en
eft la Capitale , avoit été affiegée par
Kior - Sultan'; que ce General ayant été
tué d'un coup de moufquet à la premiere
attaque , il avoit été remplacé par Zeberdert
Kan , lequel pouffoit vigoureufement
le Siege , mais on ne fçavoit rien
autre chofe , & Mahmoud en attendoit.
chaque jour des nouvelles avec impatience.
Elles arriverent enfin ces nouvelles
au commencement de Mai , & elles donnerent
bien de la joye au nouveau Roi &
à tous les Partifans.
Schiraz étoit pris , & voici comment :
Cette Ville , qui eft fituée fur la Riviere
de Bendemir , pas bien loin de l'ancienne
Perfepolis , & qui paffe avec raifon
pour la feconde Ville du Roymaue de
Perfe , fut prefque entierement bloquée
2. vol. dès
DECEMBRE. 1726. 2831
dès le commencement du Siege. Le Kan,
qu Gouverneur , qui commandoit dans
la Place , & qui étoit un des plus puiffans
de la Cour de Schah- Huflain , n'oublia
rien pour empêcher le blocus.
Plufieurs petits combats furent livrez ;
mais enfin , après quelques legers avantages
remportez fur l'ennemi , il fallut
ceder à la force , & abandonner des poftes
qui étoient abfolument neceflaires'
pour pouvoir faire venir des vivres dans
la Ville. A la verité , on n'étoit pas fans
efperance d'être fecouru . On fçavoit que
Baguirchagi , Prince Arabe , venoit avec
6. ou 7000. hommes au fecours de Schiraz
; mais le defordre avec lequel il s'avançoit,
étoit tel, que 1400. Aghuanis le
défirent & le tuerent.
Le Gouverneur ayant perdu par cette
défaite l'unique reffource qui lui reítoit ,
& voyant d'ailleurs que les vivres & les
munitions manquoient entierement depuis
long- temps , que les trois quarts des
habitans étoient morts de faim , ou avoient
été tuez , & qu'enfin le nombre des ennemis
loin de diminuer , ne faifoit qu'augmenter
tous les jours , il livra la Ville le
13. d'Avril après un fiege de 8. mois
foutenu avec toute la prudénce & toute
la bravoure ' qu'on devoit attendre d'un
auffi grand Gapitaine. Il'y eut durant le
A v Siege [ 2. vel.
2832 MERCURE DE FRANCE:
Siege plus de 6000. Aguanis de tuez.
La Ville , malgré les belles promeffes
des Ennemis , fut abandonnée au pillage
& au carnage , qui fut très -grand.
Une Conquête de cette confequence ,
flatta agréablement la vanité de Zeberdert
Kan , & l'encouragea fort à en faire
de nouvelles ainfi après avoir reglé
toutes chofes dans Schiraz , & y avoir mis
une bonne garniſon , il marcha vers Lahr.
Cette Ville , qui donne fon nom à un
petit pays compris entre les Provinces
de Kufiftan & de Mogolifthan,& qui étoit
autrefois le Siege d'un Prince qui prenoit
le titre de Roi du Lahriftan , après
une foible reſiſtance , ſe foumit & reçût
dans fon enceinte & dans fa Forterelle
3000 Aghuanis deftinez à fa garde.
De là Zeberdert- Kan prit fa route vers
Benderabally : c'est l'ancien Gombru , à
qui le Roi Schah - Abbas donna ſon nom ,
Fan 1622. & y transfera le Commerce
qui fe faifoit auparavant à l'Ile d'Ormus
, qu'il enleva aux Portugais avec
le fecours des Anglois. Cette Ville fe
rendit en peu de
aufi-bien que
fon Château.
temps
Mahmoud , cependant , délafſé de toutes
les fatigues , & ayant bien rétabli &
augmenté fes troupes par le moyen de
plufieurs familles qui lui vinrent de di-
2. vol.
vers
DECEMBRE . 1726. 2833
vers endroits , & fur tout du Candahar ,
réfolut de fon côté de fuivre fa pointe
& d'aller conquerir la Province du
Kilan.
Il partit au mois de Juin , à la tête de
près de 30000. hommes ; mais fon bonheur
commença dès lors à l'abandonner
& fon expedition réüffit très - mal . A
peine fut-il arrivé dans le Kilan , que ,
foit par le mauvais air , foit par les fréquentes
incurfions des Arabes qui lui
tuoient tous les jours quantité de Soldats
, il fut obligé de revenir à Ifpaham ,
après avoir perdu tous les bagages &
prefque les trois quarts de fes Troupes.
Si le Prince Thamas eût eu dans cette
occafion feulement 8. à 10000. hommes
pour pouvoir pourfuivre Mahmoud dans
fa retraite , il l'eût entierement défait &
fe feroit bien- tôt après rendu maître de
tout ce que les ennemis avoient pris fur
lui ; mais la terreur étoit fi grande parmi
les Grands & parmi le peuple , que per
fonne n'ofoit embraffer le parti du Prince
, du moins ouvertement , à peine cè
Prince fugitif étoit -il accompagné de 2000 .
hommes
Ce revers jetta Mahmoud dans la plus
noire mélancolie. Les Hollandois que
le Commerce à attiré en aflez grand nombre
à Ifpaham , furent les premiers à fe
2. vol .
A vj reffen2834
MERCURE DE FRANCE .
reffentir de fa mauvaife humeur. D'abord
il les fit tous arrêter & les obligea
enfuite à lui payer 40000. Thomans ,
quoiqu'ils en eulent déja donné plus de
20000. Après ceux - cy les Armeniens.
furent taxez à 70000. & on fit choiſir
parmi les plus confiderables de cette Nation
50. filles pour être miles dans le
Serrail..
Les François furent un peu moins maltraitez
dans cette occafion; car on épargna,
à la verité, leur bourfe, mais pourtant
on attaqua vivement leur liberté . M. de
Gardane , Conful de la Nation Françoife
à Ifpaham , à qui on ne peut refuſer
fans injuftice , les éloges que méritent
fa fageffe , fa bonne conduite , & fon
zele pour tout ce qui regarde les
interêts du Commerce de France , reçût
défenſe auffi - bien que tous les autres Marchands
François , non - feulement de fortir
de la Ville , fous peine de mort , mais
encore d'écrire la moindre Lettre à qui
que
ce foit
, fous
la même
peine
: enforte
que
quelqu'envie
qu'eût
M. de Gardane
d'inftruire
la Cour
de France
de ce qui
fe paffoit
en Perfe
, il ne crut
pas , pour
le bien
& l'avantage
de la Nation
, devoir
fatisfaire
fa jufte
inclination
. làdeffus
.
Mais ce qui chagrina le plus Mah-
2. vol. moud ,
DECEMBRE. 1726. 2835
moud , ce fut la nouvelle de la révolte
d'Yezd , qui eſt à dix journées d'Iſpaham
, du côté de Candahar. Les habitans
de cette Ville , à la follicitation des
Guebres , qui y étoient en aflez grand
nombre , s'étoient foumis au commencement
& avoient reçû 2000. Aghuanis
qu'on leur envoya en garnifon. Mais
ayant fçû la trifte fituation des Ennemis ,
ils firent main baffe fur tous les Aghuanis
qui étoient dans la Ville & en chafferent
tous les Guebres.
Mahmoud , quelque embarraffé qu'il
fût dans fes affaires , ne voulut pas laiffer
cette action impunie : il ramaffa le plutôt
qu'il put toutes les Troupes dont il
compofa un corps d'environ 18000. hommes
, & partit le 22. Decembre pour fe
rendre à Yezd. Les attaques furent trèsfrequentes
& très - vives du côté des
Affiegeans ; mais auffi elles furent gene
reuſement ſoutenues & bien repouffées du
côté des Affiegez . Les uns & les autres
étoient uniquement attentifs à chercher
le moyen de vaincre ; & heureuſement
il s'en prefenta un aux habitans dont ils
fçurent bien profiter.
L'armée ennemie fouffroit beaucoup ,
non - feulement à caufe des neiges qut.
tomboient en abondance , mais encore plus
par la difette de toutes fortes de vivres.
24 vol. Les
2836 MERCURE DE FRANCE.
Les Payfans qui avoient abandonné leurs
Villages & s'étoient retirez dans le Mont
Taurus , avoient tout emporté avec
eux , enforte que Mahmoud fut obligé
de diminuer confiderablement le
nombre de fes Troupes & d'en envoyer
une partie d'un côté & d'autre , pour
chercher des vivres . Les Affiegez s'en
étant apperçûs , firent tout à coup deux
forties , l'une de Cavalerie & l'autre
d'Infanterie , & allerent donner fi vivement
& fi à propos fur les Ennemis ,
qu'ils en tuerent près de 3000. Mahmoud
même ſe voyant fur le point d'être
enveloppé & pris par la Cavalerie ,
fut contraint de laiffer tous fes bagages
& de prendre la fuite avec le peu de
Soldats qui lui reftolent. Cette feconde
défaite qui mettoit Mahmoud hors d'état
de pouvoir rien entreprendre , du moins
de quelque temps , le fit tomber dans un
fi grand excès de trifteffe , qu'on craignit
pour fa vie. Incommode & à charge
à lui- même & aux autres , il réfolut
de fe renfermer & de commencer les
Riadha ou exercices fpirituels que les
Mufulmans font quelquefois.
Ces exercices confiftent , à fe tenir enfermé
pendant quatorze ou quinze jours,
à ne manger autre chofe chaque jour
qu'un peu de pain & boire de l'eau ,
qu'on
2. vol .
DECEMBRE . 1726. 2837
qu'on ne prend même qu'après le Soleil
couché , & à repeter continuellement
d'une voix enrouée & tirée avec
effort du fond de la poitrine , ces mots ,
bou , bou , bou , jufqu'à - ce que l'écume
leur venant à la bouche & fur les levres,
& les forces leur manquant entierement ,
ils tombent dans des fyncopes , qu'ils appellent
extafes ; & c'eft dans ces fortes
d'extafes qu'ils prétendent que le démon
eft contraint par une puiffance fuperieure
, de leur découvrir le bon ou mauvais
fuccès des entreprifes qu'il méditent.
C'eft de ces exercices fuperftitieux
dont Mahmoud s'acquitta , au mois de
Février 1725. & d'où il ne retira qu'u➡
ne grande foibleffe d'efprit & une diſpofition
prochaine à la folie.
Sa tête fatiguée par un long & fevere
jeûne & l'humeur hypocondriaque &
atrabilaire l'emportant fur fon temperament
, fa raifon fa raifon parut confiderablement
alterée. Il s'imaginoit à tout moment
voir des perfonnes qui en vouloient à
fa vie , tout le monde lui étoit fufpect ,
mais furtout , les Princes du Sang , dont
il réfolut de fe défaire abfolument.
Pour mieux executer fon horrible deffein
, il emprunta le fecours de quelques
uns de les plus confidens amis , avec
lefquels il entra immediatement après
2. vol.
dîner
2838 MERCURE DE FRANCE .
dîner , dans une grande Salle , où étoient
alors affemblez tous les Princes avec
Schah - Huffain leur pere. C'eft là que
dans la fureur dont il étoit tranſporté , il
fe jetta , le fabre à la main , fur toute
cette Famille Royale , qu'il détruiſit entierement
, à la reſerve de deux petits
Princes , âgez de 4 ou 5. ans , que
P'horreur de la mort faifit tellement ,
qu'ils allerent fe jetter entre les bras de
leur pere , comme dans le dernier azile
qui leur reftoit. Schah-Huffain qui les
embraffoit tendrement , & les baignoit
de fes larmes , voulant parer les coups
que le Tyran leur portoit , leva fa main,
& y reçût une bleffure confiderable. La
vûe du fang , qui en fortoit avec abondance
, attendrit Mahmoud , dont le deffein
n'étoit pas de toucher à la perfonne
du Roi , & l'engagea à lui laiffer ces
deux jeunes Princes pour la confolationde
fa vieilleffe. Le nombre des morts
montoit à 105. perfonnes , parmi lefquels
il y avoit trois oncles de Schah-
Huffain , déja fort avancez en âge , avec
fept de fes neveux.
Après un fi horrible carnage , Mahmoud
parut comme poffedé , & ne trou
vant dans fa maladie aucun remede qui
le foulageât , il fit appeller des Prêtres
Armeniens , pour qu'ils vinffent lire
BE-
20 vol.
DECEMBRE. 1726. 2839'
l'Evangile fur la tête , & pour les y engager
plus facilement , il leur envoya
15000. Tomans d'or , en les affurant que
s'il revenoit en fanté , il leur feroit remettre
tout ce qui leur avoit été enlevé .
Il fit auffi quelques reftitutions à la Compagnie
des Hollandois ; mais tout cela
fut repris par fon Succeffeur.
Sa maladie cependant augmentoit de
jour en jour. Tout fon corps couvert
de lepre exhaloit une odeur infuppor
table , & fa chair fe détachant peu
à peu de fes os , tomboit lambeaux
dans les accès de fa fureur , il fe
déchiroit les mains & les bras avec fes
› par
dents , & la nature ne faifant prefque
plus fes fonctions ordinaires , il rendoit
les excrémens par la bouche.
Les Aghuanis voyant le danger où
étoit Mahmoud , penferent à lui donner
au plutôt un Succeffeur. Ils euffent bien
voulu que fon frere , à qui naturellement
le Gouvernement de la Perfe devoit
venir par la mort de Mahmoud ,
eut été prefent dans ces circonftances ;
mais il étoit encore dans la Province de
Candahar ; & quelque diligence qu'on
fit pour le faire avertir , il n'étoit pas
poffible, à caufe de la diftance des lieux,
& de la difficulté des chemins , qu'il fe
rendit à Ifpaham de huit ou dix mois.
2. vol. La
1
2840 MERCURE DE FRANCE .
La chofe pourtant preffoit beaucoup ; car
les Peuples inftruits du trifte état de
Mahmoud › commençoient à ne plus
craindre , & à fe déclarer affez hautement
en faveur du Prince Thamas . Le
bruit couroit même que ce Prince s'approchoit
avec une puiffante Armée , que
les Arabes s'étant unis aux Perfans , venoient
à fon fecours , & que les Villes
n'attendoient que fon arrivée pour ſe
foumettre à lui.
Tous ces bruits , quelque faux qu'ils
fuffent en eux mêmes , ne lailloient pas
que d'intimider les Aghuanis , & de
leur faire comprendre la neceffité indif
penfable où ils étoient , de fe choifir fans
délai un homme qui put les foutenir dans
l'embarras où ils fe trouvoient. De forte
donc que dans l'impoffibilité où ils fe
voyoient , de faire venir affez à temps le
frere de Mahmoud , pour le remplacer,
ils jetterent les yeux fur fon coufin germain
, nommé Acheraf , qui pour lors
étoit en prifon par la raifon qu'on va
dire.
Le déplorable état où parut Schah-
Huffain , à la fin du Siege d'Ifpaham ,
lorfqu'il vint mettre fon Sceptre & fa
Couronne entre les mains de Mahmoud ,
toucha tout le monde de compaffion ; les
ennemis mêmes fenfibles à fon malheur
2. vol. ne
DECEMBRE. 1726. 2841
3
ne purent retenir leurs larmes. Mais
Acheraf , comme nous l'avons déja dit ,
fut un de ceux qui parut le plus émû
& n'oublia rien pour engager Mahmoud
à recevoir cet infortuné Prince d'une
maniere moins fiere & moins hautaine.
La liberté avec laquelle il parla dans
cette occafion , le rendit fufpect à Mahmoud
, qui diffimula d'abord ; mais après
il le fit faifir & renfermer dans une étroite
& obfcure prifon .
Les Aghuanis s'étant donc affemblez ,
& ayant pris les armes le 22. Avril ,
allerent le délivrer de fon cachot , &
l'ayant conduit au Palais Royal , le firent
monter fur le Trône , & le faluerent en
qualité de Roi de Perfe .
Acheraf, pour ſe maintenir dans cette
haute Dignité, où il fe voyoit élevé contre
toute efperance , commença par faire
trancher la tête à Mahmoud , & à tous les
Miniftres qu'il fçavoit lui être les plus
attachez . Quelques jours après , ayant
été informé de certains difcours feditieux
qu'avoient tenu contre lui des Soldats de
la garde de Mahmoud , il en fit mourir
environ 500. fit emprifonner leurs Officiers
, & les dépouilla de tout . Zeberdert
Kan , qui étoit arrivé depuis près
d'un mois tout triomphant de fes Conquêtes
, fut confervé & maintenu dans
2. vol. tous
4
1842 MERCURE DE FRANCE.
1
tous les honneurs & prérogatives .
Quant aux Perfans , Acheraf fe montra
d'abord très - favorable à leur égard.
Dans le deffein où il étoit d'attirer feeretement
le Prince Thamas dans quelques
embûches , & de s'affurer par fa
mort le Royaume pour toujours ; il ne
erut pas pouvoir mieux réüffir que d'ufer
de diffimulation , de montrer exterieurement
beaucoup de zele
pour la Famille
Royale , & de marquer en toutes occafions
combien il étoit difpofé à remettre
la Couronne aux Perfans dans la per<
fonne de leur legitime Prince. C'eft pourquoi
dès le commencement de fa Royauté
, il alla rendre vifite à Schah - Huſſain,
lui témoigna fa douleur de la cruelle
mort que Mahmoud avoit fait ſouffrir à
fes enfans , & pour lui donner quelque'
confolation dans cette rencontre , il fit
recueillir leurs os difperfez de côté &
d'autre, & les ayant mis dans de magnifiques
cercueils , il les fit porter avec un
grand cortege fur des Chameaux richement
harnachez jufqu'à la Ville de Kum,
lieu de la fepulture des Rois de Perfe.
Il envoya en même temps de riches
prefens pour la Moſquée où ils devoient
être placez , & mille Tomans pour être
diftribuez aux pauvres . Après quoi , ayant
pris le Sceptre & la Couronne , il alla
2. vol. les
DECEMBRE. 1726. 2843
les mettre aux pieds de Schah- Huffain ,
le priant inftamment de reprendre luimême
le Gouvernement du Royaume , ou
du moins d'y obliger le Prince Thamas
fon fils .
Schah Huffain , à qui cette offre parut
un peu fufpecte , & qui craignoit
avec raifon pour la vie , s'il venoit à
marquer imprudemment l'envie qu'il
avoit de remonter fur le Trône , répondit
à Acheraf , qu'il lui étoit bien obligé
du zele qu'il faifoit paroître pour fa
perfonne ; que s'étant déja dépouillé voontaitement
de fes Etats , il ne penfoit
plus , ni ne penferoit jamais à les
reprendre ; que pour ce qui regardoit
fon fils , il ne vouloit point en aucune
maniere fe mêler de fes affaires , ni le
porter à accepter un Royaume qu'il gouverneroit
peut - être mal ; qu'au refte , il
étoit maître de faire là - deffus ce qu'il
jugeroit à propos.
Acheraf continuant toujours à cacher
fon mauvais deffein , parut comme fâché,
de la refolution de Schah- Huffain . Cependant
, pour ne manquer à rien de
ce que le devoir & fon inclination ( comme
il difoit ) exigeoient de lui , il envoya
une magnifique Ambaffade au Prince
Thamas , avec des prefens confiderables
& des chevaux fuperbement harna-
2. vel, chez;
844 MERCURE DE FRANCE.
chez , l'invitant à venir prendre poffef
fion de fes Etats , & le priant de vouloir
bien lui affigner un lieu où ils puffent
s'aboucher avec feureté , & déterminer
ce qui feroit jugé convenable de
part & d'autre. Le Prince trop facile à
croire ce qui lui faifoit plaifir , donna
aveuglement dans le piege , & afligna
lui - même à Acheraf la petite Plaine de
Theran pour le lieu du rendez-vous.
Acheraf ravi d'un fi heureux commencement
, fe mit en marche à la tête
de 12000. hommes , & étant arrivé le
premier , il fit placer fes Soldats de telle
maniere , qu'il put aifément s'en fervir
conformément à fon deffein . Le
Prince , qui s'avançoit avec 3000.
hommes feulement , ayant oiii dire , heureufement
pour lui , qu'Acheraf avoit
un grand nombre de Troupes , commença
à craindre , & à le foupçonner , neanmoins
n'étant pas bien alluré de la verité
du fait , pour s'en éclaircir pleine
ment , il envoya au-devant de lui Aflam
Khan avec 2000. Soldats , & n'en referva
que mille près de fa perfonne.
Aflam - Khan étant arrivé , & s'appercevant
non feulement du grand nom
bre des Aghuanis , mais encore qu'aucun
des poftes marquez n'étoit gardé ,
& qu'on ne fongeoit qu'à envelopper
2. vol. le
DECEMBRE. 1726. 2845
le Prince , il le fit auffi- tôt avertir du danger
qui le menaçoit , & lui confeilla de
pourvoir au plutôt par la fuite , à la feureté
de fa vie. En effet , il étoit temps :
car Acheraf ayant appris par les Èfpions
la prochaine arrivée du Prince ,
avoit fait paffer fecretement derriere une
colline 2500. Aghuanis pour lui aller
couper le paffage , & le mettre par là
dans l'impoffibilité d'échaper. On étoit
fur le point de tomber fur lui & de le
faifir , lorfqu'on vint lui annoncer ce qui
fe tramoit contre la perfonne.
Cet infortuné Prince fe voyant dans
un fi preffant danger , fut contraint d'abandonner
fes Troupes , que le temps ne
lui permit pas de raffembler , & de fe
refugier à la hâte avec 200. Cavaliers
dans la Ville de Theran.
Acheraf voyant fon deffein découvert,
& fon coup manqué , fit attaquer Aflam-
Khan , qui dans une fi grande inégalité
de forces , fe défendit pourtant courageufement
, & repouffa même deux fois
l'ennemi avec perte ; mais enfin ne pouvant
plus refifter , & la nuit furvenant
par bonheur pour lui , il fe retira & alla
joindre le Prince à Theran . Les ennemis
ne connoiffant point les routes , &
craignant de s'engager durant la nuit trop
avant dans les montagnes , n'oferent le
poursuivre.
Ce2846
MERCURE DE FRANCE.
Cependant Aflam-Khan , qui voyoit
bien qu'Acheraf ne manqueroit pas de
venir affieger la Ville , dans la perfuafion
où il étoit , que le Prince s'y étoit
refugié , ne fongea qu'à l'en faire fortir
au plutôt. C'eft pourquoi , ayant fait
prendre promptement quelques rafraîchiffemens
à fes Troupes , il prit le
Prince avec lui , & marcha toute la nuit
avec tant de diligence , qu'à la pointe du
jour il fe trouva à fix lieues de Theran ,
du côté du Mezanderan , où il fe ren
dit en peu de jours ; ce que Aflam-
Khan avoit prévû , arriva en effet le lendemain
, & bien plutôt que les Habitans
de la Ville de Theran ne s'y attendoient :
car Acheraf , s'imaginant que le Prince
Thamas ne fe mettroit en marche qu'à
la pointe du jour , refolut de prévenir fon
départ , & d'aller inveftir la Ville avant
qu'il en fortît.
Il prit de force des Payfans qui le conduifirent
à Theran , où il arriva deux
heures avant le jour ; mais ayant appris
que le Prince en étoit parti dès la veil
le , il entra dans une fi grande fureur ,
que s'étant emparé de la Ville dès le,premier
affaut , il ordonna à fes Soldats de
n'épargner ni hommes , ni femmes , ni
enfans , & de les faire tous paffer au fil
de l'épée.
2. vol. Cette
DECEMBRE . 1726. 2847
Cette prife fut fuivie de celle de Kom
& de Sava. Ces deux dernieres Villes
qui auroient pû refifter long-temps ài
FEnnemi , fi elles euffent été pourvûës
de vivres , fe foumirent après huit jours.
de fiege. Elles furent traitées avec moins
de cruauté que Theran : on fe contenta
feulement de piller les maiſons , & on
conferva la vie aux Habitans.
Acheraf , ne croyant pas devoir pouf
fer plus loin fes conquêtes , à cauſe du
peu de Troupes qu'il avoit avec lui , retourna
à Ifpaham , où il acheva de faire,
perir ceux des Nobles Mahmoud
avoit épargnez . Voici quelle en fut l'occafion
.
que
Le nombre confiderable de Soldats
qu'Acheraf prit avec lui , lorfqu'il partit
pour aller dans le lieu du rendez - vous
que le Prince lui avoit marqué , fit affez
comprendre aux Grands du Royaume ,
qu'il y alloit moins pour l'avantage du
Prince que pour le fien propre. Ainf
dans l'appréhenfion où ils étoient , que
le Prince qu'ils aimoient toujours tene .
drement , ne fût furpris , & ne s'enga
geât aveuglement dans quelque mauvais
pas , dont il ne pourroit le débarafler
dans la fuite , ils refolurent de lui donner
avis de ce qui fe paffoit , & lui écrivi
sent une Lettre qui fut interceptée par
B Seydal, vol.
2848 MERCURE DE FRANCE ,
Seydal , un des Generaux des Aghuanis ,
& remife entre les mains d'Acheraf. Celui-
ci , pour le venger de ce qu'avoient
fait les Grands en faveur du Prince , les
fit affembler dans le Palais Royal , fous
prétexte de vouloir leur communiquer
des affaires de la derniere importance ,
& les fit tous décapiter . Il fit en même
temps crever les yeux à un petit enfant
que Mahmoud avoit eu de la Princeffe
Sophie . On dit auffi qu'il en avoit fait
faire autant à Schah- Huſſain , mais
cette derniere nouvelle s'eft trouvée
fauffe.
On attend chaque jour des nouvelles.
du frere de Mahmoud. S'il vient à Ifpaham
, comme on n'en doute point , on
eft affuré de voir la guerre cruellement
allumée entre les Aghuanis , qui fe détruiront
peu-à -peu , & donneront occafion
à Schah-Huffain de remonter fur le Trône
, & d'y placer enfin le Prince Thamas
fon fils.
Cependant , les Princes veifins de la
Perfe , profitant de tous ces troubles qui
defoloient ce vafte Empire au dedans ,
ont tâché de ſe ſaifir des Provinces qui
leur convenoient le plus.
Les Mofcovites ont pris le Schirvan ;
un des plus beaux & des plus riches Pays
de Perfe , qui s'étend le long de la Mer
s . vol . Cafe
1
DECEMBRE. 1726. 2849
Cafpienne , & qui eft des plus commodes
pour le Commerce. Les Turcs font
ceux qui ont pouffé davantage leurs conquêtes
: car ils fe font emparez , en moins
de deux ans , de toute la Georgie , & des
Provinces d'Erivan , de Nakfuan , d'Aderbejan
, de Kilan & de Hamadan avec
leurs Villes , dont quelques unes ont genereufement
& long- temps refifté; mais
furtout Tauris , qui ne s'eftfoumife qu'après
un long & vigoureux fiege , &
après avoir vu & éprouvé les mêmes mifores
qu'avoit éprouvées la Ville d'Ifpa
ham.
Toutes ces conquêtes des Turcs , &
leur approche de la Capitale du Royaume
, dont ils ne font éloignez que de
cinq à fix journées , ont obligé Acheraf,
qui n'eft pas en état de leur refifter
d'envoyer le 2. Septembre 1725. une
Ambaflade à la Porte pour demander la
Paix au Grand Seigneur , à quelque
prix que ce foit , & aux conditions qu'il
plaira à S. H.
L'Ambaffadeur porte pour prefent
20000. Tomans d'or . Malgré tout cela
on croit que les Turcs poufferont tou
jours leurs conquêtes , & que dès qu'ils
auront pris Ifpaham , & pillé tous les
trefors du Roi & des Grands , ils mettront
fur le Trône le Prince Thamas , &
2. vol. Bij ils
1350 MERCURE DE FRANCE.
ils garderont les Provinces déja conquie
fes ; afin que, par ce retranchement ce
Prince foit hors d'état de leur nuire dans
la fuite ce foupçon n'eft pas fans fondement
, puifque Jambis Achmet , Pacha
de Babylone , a envoyé & reçû diverfes
fois des Couriers du Prince.
Voilà , Monfieur , où en font maintenant
les affaires de Perfe: Je fouhaite
que cette Relation , qui eft un peu longue
, mais que je n'ai pû faire plus courte
, vous faffe plaifir , & à ceux à qui
vous jugerez neceffaire d'en faire part.
J'ai l'honneur d'être , &c .
?
A Tripoli de Syrie , le 26. Mars 1726 .
***** *********
Imitation de la Poëfie de Catulle , qui
commence ainfi : Dicebas quondam
folum te noffe Catullum , &c.
U difois autrefois , trop volage Lef
To
bie,
Que tu m'aimois plus que ta vie.
Que Jupiter lui - même abandonnant les
Cieux ,
Pour troubler mon bonheur , & flatter ton
envie,
wo vola N'aus
DECEMBRE. 1726. 1857
N'auroit que vainement pour toi formé des
voeux.
Mon coeur brûloit alors d'une ardeur legi
time .
Et d'un amour joint à l'eftime ,
Je t'aimojs comme un pere ou comme un tendre
ami.
Mon efprit prévenu par une erreur extrê
me ;
Ne te connoifloit qu'à demi.
Je te connois enfin. Helas ! quoiqu'en moimême
;
I
Je fente encor combien je t'aime ,
Cruelle , je ne laiffe pas ,
Malgré tous tes appas ,
Ni fan's fçavoir comment ; de te hair fans
ceffe.
Mais,tu me dis , connoiffant ma foibleffe ,
Se peut- il qu'un Amant , maltraité , malheu
reux
Veuille du mal à fa Maîtreffe ,
• Et n'en foit pas moins amoureux.
Le veritable nom de la Maîtreffe' ,
pour qui Catulle a fait des Vers fi tendres
& fi galants , s'appelloit Claudia
Beauté Romaine , dont il déguifa le nom
fous celui de Leſbie , ainsi qu'Ovide
B iij
2. vol.
avoit
2852 MERCURE DE FRANCE.'
avoit déguifé celui de Julie , fille d'Augufte
, fous celui de Corinne , Claudia
étoit de l'illuftre & ancienne Famille
des Claudiens , rapportée dans les Familles
Romaines de Patin , laquelle a
donné des Empereurs à Rome , & dont
Suetone parle amplement au commencement
de la Vie de Tibere . Leſbie étoit
donc un nom fuppofé , ainfi que nous
appellons Silvie , Climene , & c. celles
pour qui l'on s'exprime en Vers . Ce même
nom a été employé par d'autres Poëtes
anciens. Dans la douzième des Epodes
d'Horace , lorfque Canidia , vieille
débauchée , lui fait des reproches , elle
lui dit :
A
Pereat malè quæ te
Lelbia quærenti taurum , monftravit inertim
.
Dans les Epigrammes d'Aufone , on
lit ce Diftique :
Tres fuerant Charites , fed dum mea Leſbia
vixit ,
Quatuor , at periit , tres numerantur item.
Parmi les Vers du Poëte Alcime , citez
dans les Catalectes de Petrone , une
Poëfie commence par ces deux Vers :
2. vol. Lux
DECEMBRE. 1926. 2853
Lux mea , Puniceum mifit mihi , Leſbia
malum ,
Jam fordent animo cætera pomà meo.
Par M. de Mautour.
***:*XXXXXXXXXXXX
L'AVEUGLE CLAIRVOYANT,
Hiftoire Perfanne.
I la valeur a quelquefois conquis des
Empires,la
moins confervé. La premiere de ces
deux vertus a plus d'éclat , mais la ſeconde
a plus de folidité ; il feroit à fouhaiter
qu'elles fe trouvaflent unies dans
un même fujet , rien ne feroit capable
de leur réfifter ; mais comme il n'eft rien
de parfait , il faut fe contenter de la vertu
qu'on poffede , & tâcher par- là de fe dédommager
de celle qu'on n'a pas.
Il fe pourroit même faire qu'un homme
qui poffederoit ces deux vertus dans
un même degré , les rendroit toutes deux
inutiles , s'il les exerçoit à contre - temps,
auquel cas il démentiroit l'une des deux ,
c'est-à -dire , la prudence , d'où l'on pourroit
tirer une confequence très- favorable
à cette derniere ; puifque da pruden-
B. iiij
2. vol. ce
2854 MERCURE DE FRANCE.
ce peut fe paffer de la valeur exercés
fans la prudence , tomberoit d'elle- même .
On verra la preuve de ce que je viens
d'avancer dans l'Hiftoire de l'Aveugle
clairvoyant , que je vais raconter . Le
Héros de cette Hiftoire étoit également
vaillant & prudent ; mais les circonftances
où il fe trouva , exigerent de lui qu'il
préferât la vertu la plus folide à la plus
éclatante , je veux dire la prudence à la
valeur.
Thamures , Roi de Perfe , après un
regne affez long & affez heureux , étant
mort fans enfans mâles dans Ifpaham ,
Capitale de fon Royaume , les Perfans
à qui fa memoire étoit chere , voulurent
conferver la Couronne à une fille unique
qu'il laiffa après lui ; mais comme les
Loix de cet Empire n'admettoient point
de femmes pour tenir les rênes de l'Etat
par elle-même , ils réfolurent de choisir
un Roi , qui ne monteroit fur le Trône
que pour s'y placer avec la fille du grand
Roi qu'ils venoient de perdre.
2. Cette Princeffe s'appelloit Rofemonde.
La Nature ne lui avoit donné aucune
des grandes qualitez qui rendoient la mé
moire de fon Pere fi recommandable ;
où plutôt elle avoit répandu fur elle tous
les vices à la fois ; elle étoit cruelle ,
perfide ambitieufe , & furtout livrée à
2. val. cette
DECEMBRE . 1726. 2855
cette aveugle paffion qui fait tant de malheureux
quand elle s'échappe au- delà des
bornes que la raifon lui prefcrit.
On entend bien que je veux parler
de l'Amour .
Rofemonde y étoit donc
livrée toute entiere , fans avoir en parrage
ce qui le fait naître dans tous les
coeurs ; en un mot , elle n'étoit ni vertueufe,
ni belle . Mais quoique la Nature
lui eût refuſé la beauté , qui eft fans'
contredit , le plus riche appanage de fon
fexe , elle l'avoit formée d'un fang à
pouvoir faire un Roi , & ce droit lur
pouvoit tenir lieu de beauté , à des yeux
ambitieux .
Ofmin , jeune Seigneur Perfan , avoit
eu le bonheur de lui plaire ; je dis le
bonheur , parce qu'il étoit ambitieux &
qu'il préferoit l'éclat d'une Couronne à
celui des plus beaux yeux . Quoiqu'il ne
fentit rien pour elle , il ne laiffoit pas
de prendre auprés d'elle la forme de l'Amant
le plus paffionné. La mort de Thamures
avoit réveillé en lui l'ardeur de
hui plaire , par l'efperance d'un Trône
qui étoit en effet l'unique objet de fes
defirs.
Rofemonde s'en apperçût avec des
tranfports de joye qui ne peuvent bien
être exprimez que par ceux à qui l'Amour
les fait fentir . Elle n'oublia rien
2% vol. By pour
2856 MERCURE DE FRANCE.
pour réunir en fa faveur les fuffrages des
grands du Royaume ; mais tous fes foins
furent inutiles.
Quoique Olmin eût de très -grandes
qualitez , & qu'il fût un des plus vaillans
hommes d'entre les Perfans , il n'avoit
pas rendu d'allez grands fervices à
l'Etat pour être preferé à Bâté , c'eſt le
nom de celui qui fucceda à Thamures.
Ce dernier avoit donné en mille occafions
des preuves éclatantes d'une valeur
extrême & d'une prudence confommée ;
& malgré les follicitations de Rofemonde,
il l'emporta fur fon concurrent. Quel
coup de foudre pour Rofemonde ; Olmin.
n'en fut gueres moins accablé qu'elle ;
mais il fçût mieux prendre fon parci. Il
diffimula fon chagrin & porta fon Amante
à diffimuler le fien .
Bâté , dont j'ai déja dit qu'il n'étoit
pas moins prudent que vaillant , n'avoit
pas befoin de l'exemple de ces deux
Amans pour fe contraindre , il n'ignoroit
pas toutes les démarches que Rofemonde
avoit faites en faveur d'Oſmin , & il n'étoit
que trop perfuadé que la même main
qui avoit voulu l'écarter du Trône , n'oublieroit
rien pour l'en précipiter ; tout
devoit lui rendre Ofmin fufpect ; & s'il
n'eût écouté que fes premiers mouvemens
il n'auroit pas balancé à immoler cette
2. vel... victime
NOVEMBRE . 1726. 2857
victime à fa feureté ; mais il crût qu'il
étoit plus à propos de feindre , & bien
loin de témoigner ni de mécontentement
à Rofemonde , ni de colere à
Ofmin , il ne s'attacha qu'à regner paifiblement
, fans pourtant négliger le foin
de fa fureté & de fa gloire .
Rofemonde étoit bien plus agitée que
lui ; c'étoit peu pour elle d'avoir vû
échouer les plus grands projets qu'elle
avoit formez pour l'élevation d'Ofmin
au Trône ; il falloit renoncer pour toûjours
à ce cher Amant , ou au rang de
fes Peres , ces deux facrifices lui coûtoient
également à faire ; elle ne tenoit
gueres moins à l'ambition qu'à l'Amour;
mais enfin ce dernier l'emporta , elle ſe
détermina abfolument à abandonner le
Trône au nouveau Roi , plutôt que de
confentir à être à un autre qu'à Ofmin.
Elle en fit la propofition à fon Amant ,
qui pour ne pas lui laiffer voir que c'étoit
la Couronne & non fa perfonne ,
qui faifoit l'objet de fes voeux , affecta
rine vive reconnoiffance qui fembloit dice
par l'Amour, le plus tendre qui fût.
jamais. Elle s'applaudit en fecret d'un defintereffement
qui lui prouvoit qu'elle
n'étoit aimée que pour elle-même & indépendemment
de l'éclat d'une Couronne
; mais cette même reconnoiffance dont
2. vol. B vj Olmin
tée
6.
2858 MERCURE DE FRANCE.
Olmin l'ébloüiffoit , ne fervit à ce jeune
ambitieux qu'à mieux colorer le refus
qu'il vouloit faire d'une main qui perdoit
tout fon prix en renonçant au Sceptre
que le droit du fang lui avoit deſtiné .
Belle Rofemonde , lui dit- il , plus
» je fuis pénetré de vos bontez , plus je
» dois à mon tour faire éclater de recon-
>> noiffance en facrifiant mon bonheur à
Votre gloire. Eft ce à moi à vous dé-
»trôner. Quand je devrois n'employer
» ce peu de valeur que les Dieux m'ont
» donné en partage , qu'à mettre de nou-
» veaux Diadêmes fur votre front ? &
comment fouffrirois- je qu'un autre dans
Ifpaham donnât des loix à la Souverai-
>> ne de mon coeur ? Non , non , je n'y
confentirai jamais ; je fens tout ce que
» je perds en vous laiffant regner avec
le trop heureux Báté ; mais enfin vos
Peuples ingrats , ont prononcé entre lui
» & moi , c'eſt à moi à foufcrire à leur
choix , & à me contenter du nom de
» votre premier fujet , fans ceffer d'être
le plus tendre & le plus fidelle de
vos adorateurs.
1
Rofemonde eut beaucoup de peine à
entrer dans des fentimens fi raiſonnables,
fon amour étoit trop violent pour écou
ter la voix de la Prudence ; mais il fallut
enfin fe rendre , ou du moins prendre
、, / des
DECEMBRE . 1726. 285
des temperamens entre l'Amour & l'ambition.
Elle fe détermina à époufer Bâté,
mais ce fut d'une maniere à pouvoir fecouer
dans des temps plus favorables un
joug qu'elle ne s'impofoit que par neceffité
: voici comment elle s'y prit.
A peine le nouveau Roi l'eût - il époufée
folemnellement , qu'elle affecta de
tomber en foibleffe . On la porta dansfon
Appartement dont l'entrée fut fermée
à tout le monde. Son principal Medecin
, qu'elle avoit gagné à force de
prefens , fit entendre que fon évanouiffement
avoit été fuivi d'une fievre ardente
qui mettoit fa vie en danger, & qui demandoit
abſolument que perfonne ne la
vit , fans excepter le Roi même.
Le Roi ne fut pas long temps à s'ap
percevoir du ftratagêmes mais bien loin.
d'en faire le moindre éclat , il fembla fer
prêter lui - même à tout ce que le prin
cipal Medecin de Rofemonde exigeoit
de lui . Cependant comme il voyoit bien
que cette perfide Reine ne fe refufoit à
fes embraflemens , que pour fe conferver
à Ofmin , il crut qu'il falloit rompre des
mefures qu'il ne doutoit pas que l'Amour
ne leur eût fait prendre pour arriver un
jour à la fin qu'ils pouvoient s'être pro
pofée.
Ce fut dans ce deffein qu'il manda
Olmi
2 . довой
1860 MERCURE DE FRANCE .
Olmin , à l'infçû de Rofemonde. Oſmin
fut d'abord allarmé de cet ordre ; mais
il y avoit trop de danger à ne pas obéir.
Il s'arma de conftance , perfuadé qu'on
ne pouvoit le convaincre de rien ; il crut
qu'avec un peu de fermeté , il pourroit
diffiper ce premier orage . Il fe rendit
donc auprès du Roi , qui l'ayant reçû
avec un air ouvert , le fit paffer dans fon
Cabinet.
»
Ofmin , lui dit- il , ce n'eft pas avec
» vous que je prétens diffimuler : vous
»avez part à l'indifpofition de la Reine ,
» j'avois déja été inftruit de l'amour qu'el-
» le vous portoit avant que les Per-
» fans me deftinaffent à fon lit & au
» Trône de fon Pere . Je l'ai obtenu ce
» Trône , malgré tout ce qu'elle a tenté
» pour vous y faire placer , j'ai même
» obtenu fa main ; mais elle ne m'a point
>> encore reçû dans fon lit ; je ne prends
» point le change fur l'indifpofition qui
» m'en a écarté jufqu'aujourd'hui ; je
» vous l'ai déja dit , Ofinin , vous y avez
» part , tout autre Roi vous en puniroit
» avec la derniere rigueur & affureroit
» fon Trône par votre mort ; mais les
fervices que votre valeur a déja ren-
» dus à la Perfe, & ceux qu'elle peut en-
» core lui rendre , me parlent en votre
faveur ; je ne veux pas vous perdre &
»priver
"
23
1 2010 vol.
DECEMBRE. 1728. 2868
priver mes nouveaux fujets des fe-
» cours qu'ils peuvent attendre de vous-
» dans la cruelle guerre que les Parthes
>> nous ont déclarée ; mais je ne veux pas
» auffi
que cette vie que je vous laifle ,
» me foit funefte . Tant Rofemonde
que
» efperera de vous placer fur le Thrône
» que j'occupe , je n'y ferai pas affuré ,
» il faut lui ôter toute efperance de pou-
» voir être à vous , & je ne le puis mieux
» qu'en vous donnant à un autre.
"
Ofnin ne put entendre ces derniers
mots fans trouble : » Quoi , Seigneur lui
» répondit- il , ce n'eft donc qu'aux dé-
» pens de ma liberté que vous voulez me
laiffer la vie ! Je ne fçai , continua - t il,
» fi les fentimens de Rofemonde pour
>> moi font tels que vous le penfez , je ne
» vous cache point qu'elle a fait quelques
≫ voeux pour moi , quand il s'eſt agi du
>> choix d'un époux , ces voeux m'étoient
>> trop glorieux pour les defavoüer : voi--
» là tout mon crime , fi c'en est un de
trop plaire ; mais dois - je l'expier par
une peine auffi cruelle que celle que
» vous m'impofez ? J'ai toujours préferé
>> ma liberté aux biens les plus précieux ;
» les Dieux n'ont rien donné de plus
» cher aux homines , ma vie eſt en votre
» pouvoir , ordonnez qu'on me l'ôte
» mais n'allez pas jufqu'à mon coeur c'eft
2. vol.
1862 MERCURE DE FRANCE:
>>
» à moi feul à en difpofer . Je vous entends
, lui répondit le Roi , vous voulez
le garder à Rofemonde ; mais cette
» même Rofemonde eft - elle en liberté de
» l'accepter , après les engagemens folem-
» nels qu'elle vient de contracter avec
» moi ? Je fçais , ajoûta t -il , que je commers
une injuftice envers vous , en vous
obligeant à époufer une perfonne que
» vous n'aimez pas ; mais n'en commet-
* » tez - vous pas une plus grande envers
>> moi , en confervant des prétentions fur
» une perfonne qui ne doit aimer que
>> moi ? Au refte , ne croyez pas , pourfuivit-
il, que l'objet que je vous deftine ,
foit indigne de votre attachement ; foit
que vous foyez Amant , foit que vous
foyez ambitieux , vous trouverez également
de quoi vous fatisfaire , & quand
je vous aurai nommé Elixene ... Elixene
interrompit Olmin , avec étonnement
; ouy , pourfuivit le Roi , la niece
de Rofemonde ; vous voyez combien je
vous approche du Trône , à mesure que
je travaille à m'y affurer.
Ces derniers mots acheverent de calmer
ce qui reftoit de trouble dans le
coeur d'Ofmin. Ce coeur ambitieux fe
trouva dédommagé d'une partie de ce qui
manquoit à fes efperances , il regarda ce
Trône qu'il perdoit , comme un bien qui
2. vol.
pourroit
1
DECEMBRE . 1726. 2863
pourroit lui appartenir un jour ; il roula
tout à coup dans fon efprit mille penfées
confufes , qui demandoient du temps pour
être développées ; auffi pria-t-il le Roy
de lui donner quelques jours pour fe
déterminer , à profiter de l'honneur qu'il
vouloit bien lui faire. Le Roi l'embraffa
tendrement & le pria de ne pas differer
à répondre à fes intentions , après quoi
il le congedia.
Ofmin n'eut pas plutôt quitté le Roi ,
qu'il alla s'enfermer dans fon Cabinet
poury rêver ferieuſement à la propofition
que fon Maître venoit de lui faire . Il n'avoit
que de l'ambition , comme je l'ai déja
dit, & quelques charmes qu'eût laPrinceffe
Elixene,il ne fongeoit qu'auTrône . Ce
Trône lui paroiffoit incertain , foit qu'il
dût y être élevé par Rofemonde , foit que
ce fût Elixene qui l'y fit parvenir. Dans
cette incertitude , il n'avoit pas plutôt
panché vers l'une , que l'autre le faifoit
repaffer de fon côté. Les difficultez lui
paroiffoient encore plus grandes du côté
de Rofemonde ; elle veut te couronner ,
fe difoit - il à lui - même , mais ce Sceptre
qu'elle te deftine n'eſt plus en ſon рон-
voir , celui qui le poffede eft maître abfolu
de tes jours , & fi tu refufes l'honneur
qu'il te veut faire , tu ne peux attendre
de lui qu'une mort certaine. Ces
2. vol.
$
premieres
2864 MERCURE DE FRANCE :
premieres reflexions furent ſuivies d'uné
infinité d'autres qui s'entre - détruifoient
à mesure qu'elles naiffoient. Il'prit enfin
fon parti , & voici quelle fut fa derniere
réfolution. Il écrivit à Rofemonde pour
P'inftruire de la perplexité où il fe trouvoit
le premier Medecin dont j'ai déja
parlé , lui parut très propre à cette confidence
; il lui confia la Lettre , qui fut
remife entre les mains de Rofemonde :
elle étoit conçûë en ces termes .
;
MADAME,
Mon Tyran & le vôtre , vient de m'or
donner d'épouser la Princeße Elixene ; je
n'aurois pas balancé un moment à lui def
obéir , quoique cette defobéiſfance dît être
fuivie de ma mort ; mais en mourant je
vous laiffois exposée à toute fa fureur&
c'est ce qui m'a engagé à lui demander da
temps pour me déterminer à obéir à des
ordres qui me paroiffent plus cruels que
cette mort dont il m'a menacé. Je n'ay
pas mal employé ce délai précieux qu'il
m'a accordé le Ciel m'a infpiré un artifice
dont nous pourrons profiter un jour;
mais il faut que la Princeffe Elixene y
entre de moitié. Elle y fera d'autant plus
portée , qu'elle aime l'illuftre inconnu qui
eft arrivé en cette Cour depuis la derniere
2. vol.
Campagne ,
DECEMBRE. 1726. 286
Campagne , où il a été fait prifonnier. Oui,
Madame , puifque Oronte eft déja maître
defon coeur & qu'il l'aime par votre aven,
je ne doute point qu'elle ne fe prête à ce
que j'ai imaginé ; j'en agirai avec elle
·comme vous en avez agi avec mon Rival.
Notre Hymen ne fe paffera qu'en ceremonies
qui puißent en impofer à celui qui
nous y force. C'est à vous , Madames, àayy
difpofer la Princeffe Elixene , & a témoi
gner à notre Ennemi commun que vous
Jouhaitez cette alliance avec autant d'ardeur
que lui. Je ne vous renouvelle pas ici
les affurances de l'inviolable attachement
que j'ai pour ma veritable Souveraine
mes actions valent bien des fermens , & tous
Les momens de ma vie ne feront employer
qu'à vous prouver qu'aucun Mortel ne
peut me difputer le titre du plus fidelle
Amant qui fut jamais.
OSMIN.
Cette Lettre , toute affligeante qu'elle
étoit , combla Rofemonde de joye ; fi
d'un côté elle lui infpiroit quelque cruauté
., par les mesures que Bâté prenoit pour
lui enlever fon cher Ofmin , de l'autre
elle lui donnoit de nouvelles preuves de
la fidelité de fon Amant. Elle n'oublia rien
pour feconder fon artifice . Elixene n'eut
pas beaucoup de peine à fe conformer à
2. vol
fes
1866 MERCURE DE FRANCE:
fes volontez . Son mariage avecOfmin für
celebré avec les folemnitez qu'exigeoit
une perfonne de fon rang & de fon fang.
Tout Ifpaham trompé comme le Roy ,
fouhaita mille profperitez aux prétendus
Epoux, & fe fatta de l'efperance de voir
perpetuer le fang du grand Thamures
par la petite niece , fi le Ciel refufoit
cette gloire à fa propre fille.
Ofmin prit avant fon Hymen une précaution
qu'il jugea neceffaire à la feureté
& à celle de Rofemonde , ce fut d'exiger
un ferment de la Princefle Elixene
& de l'inconnu Oronte , qu'il avoit fallu
mettre dans la confidence , qu'aucune des
parties intereffées ne reveleroit ce grand
fecret que du confentement des autres.
Le Soleil , principale Divinité , que les
Perfans adorent, fut attefté avec toutes les
circonftances qui pouvoient concourir à
rendre le ferment inviolable ; Rofemonde
le ratifia avec plaifir , y ayant plus
d'interêt que perfonne.
La tromperie fut ménagée avec tant
d'arts que Bâté n'en conçut pas le moindre
foupçon , il crut avec tous les Perfans
que le mariage avoit été confommé
& par là il commença à fe tranquilifer
au fujet de Rofemonde , qui pour le
mieux tromper lui fit efperer que fon
indifpofition finiroit bien - tôt .
a. vol.
Cependant
DECEMBRE. 1726 2867
Cependant le Roi des Parthes fe préparoit
à vanger la mort de fon fils
qu'il croyoit avoir été tué à la derniere
Bataille que les Perfans avoient gagnée
fur lui ; il eft vrai que quelques recherches
qu'ont eût faites , le corps de ce
Prince n'avoit pas été trouvé parmi les
morts ; mais on n'avoit pas lieu de douter
qu'il n'eût péri , puifque, s'il n'eût été
que prifonnier , il n'auroit pas manque
d'en informer le Roi fon pere.
Au premier bruit des préparatifs des.
Parthes , le nouveau Roy de Perfe fe mit
en état non feulement de fe deffendre contre
un Ennemi vaincu plus d'une fois ;
mais il crut qu'il étoit de fa gloire de le
prévenir. L'Armée Perfanne fut bientôt
affemblée , il vouloit la commander en
perfonne , mais les plus fidelles Sujets
lui repreſenterent que dans un regne
naiffant fa prefence étoit abfolument neceffaire
dans Ifpaham , pour empêcher
que la Reine n'y excitât quelques troubles
contre fon autorité. Quoique l'Hymen
d'Olmin & d'Elixene femblât le
mettre en fureté du côté de Rofe monde,
il ne laiffa pas de prendre les précautions!
que fon Confeil lui infpiroit. Il déclara
Ofmin Generaliffime de fon Armée , &
fe réferva le foin de pourvoir à tout ce
qui feroit neceffaire pour faire fubfifter
2, vol,
"
les
2868 MERCURE DE FRANCE.
des Troupes, & pour les renforcer , felon
qu'il feroit à propos , & que le fort des
armes l'exigeroit .
Le choix d'un Chef tel qu'Ofmin , fut
prefque generalement approuvé ; ce
Prince avoit donné des preuves fi éclattantes
de valeur dans les Campagnes précedentes
, qu'on ne douta point qu'il ne
remplit glorieufement celle qu'il alloit
commencer. Je dis prefque generalement
, parce qu'il fe trouva dans le Confeil
du Roy , quelques Miniftres qui ré
prefenterent à leur, nouveau Monarque,
qu'il y avoit quelque danger à mettre
une fi grande autorité entre des mains
fufpectes ; qu'à la verité Ofmin , comne
époux de la Princeffe Elixene , étoit
le plus digne qu'on pût choisir pour un
pareil commandement ; mais que ce même
Ofmin avoit été le concurrent de fon
Maître , que le dépit de s'être vû exclus
par les Perfans d'un Trône qu'il devoroit
des yeux , pourroit le porter à oublier
fon devoir , fur tout fi la victoire venoit
à feconder fes projets ambitieux ,
qu'il feroit capable de tout ofer s'il avoit
le coeur des Soldats ; ils ajoûterent de
nouvelles reflexions à ces premieres ;
mais Fâté ne s'y arrêta point , quoiqu'il
en fentît toute la force ; il craignit de
s'expofer à de plus grands inconve-
2. vol.
miens
DECEMBRE. 1726. 2869
niens , en donnant de nouveaux sujets de
mécontentement à Ofmin , par une défiance
fi hors de faifon ; il remercia ceux
qui voulurent le détourner de fon premier
deffein , d'un confeil qu'un veritable zele
les avoit portés à lui donner . Son premier
deffein fut réfolu & rendu public ; Rofemonde
fut celle qui lui témoigna moins de
reconnoiffance , foit qu'elle craignît de
reveiller fes premiers foupçons ; foit
qu'elle ne fe vit féparée qu'à regret de
Bobjet de toute fa tendreffe,
Ofmin , après avoir remercié le Roy
de l'honneur qu'il venoit de lui faire
difpofa toutes chofes pour fon départ , &
dans le congé qu'il prit de Rofemonde
il lui renouvella les fentimens de fidelité
qu'il lui avoit cent fois témoignez ;
elle lui promit de fon côté de ne rien
négliger pour le placer fur le Trône que
Bâté avoit ufurpé fur lui , c'eft ainfi qu'ils
appelloient un choix qui n'étoit rien.
moins qu'une ufurpation , mais qui leur
paroiffoit tel , parce qu'il n'avoit pas été.
fait au gré de leur defir. Ils prirent les
plus juftes mefures pour réüffir dans leur
entreprife ; & de peur que leurs Lettres
ne tombaflent entre les mains du Roy ,
ils convinrent de ne mettre dans leur
confidence que ce même Medecin , dont
la fidelité leur étoit fi connue.
2, vol,
Le
# 870 MERCURE DE FRANCE .
Le départ d'Olmin fut affez fenfible
à Rofemonde , pour apporter quelque
alteration à fa fanté. Sa langueur parut
fi vifible à fon premier Medecin , qu'il
lui confeilla de ne pas le montrer au
Roi en cet état. Elle n'eut pas beaucoup
de peine à fe priver d'une prefence , que
Pabfence de fon Anant lui rendoit encore
plus odieufe . Le Roi eut la complaifance
de fe rendre à la priere qu'on
lui fit de fa part de ne la point voir ;
ce ne fut pas fans en foupçonner un peu
la veritable caufe .
Quelques mois le pafferent , fans qu'on
reçut des nouvelles importantes de l'Armée
, & fans que Rofemonde parut recouvrer
cette fanté dont elle avoit flatté
le Roi. Ce Prince ne la voyoit point,
parce que fon premier Medecin lui difoit
toujours qu'elle n'étoit pas encore
en état de fouffrir d'autres vilites que
celles de fa fille . Cependant Ofnin , que
l'ambition poffedoit tout entier , écrivoit
lettres fur lettres à Rofemonde , aufquelles
cette Reine paffionnée répondoit
pir l'entremife de fon Medecin. Elle
ne prévoyoit pas , en y exprimant ſa
tendrelle dans les termes les plus éner
giques que fa paffion pouvoit lui fuggerer
, que ces mêmes lettres tomberoient
un jour entre les mains de Bàté ; voici
2. vol.
par
DECEMBRE . 1726. 2871
par quel accident elles vinrent en fa
puiflance.
6
Rofemonde alloit quelquefois à la
campagne , fous prétexte d'y rétablir fa
fanté. Un jour qu'elle y étoit allée , fuivie
de la Princelle Elixene , elle oublia
malheureuſement de fermer fon Cabinet,
où les lettres d'Olmin étoient renfer
mées dans un petit coffret. Le Roi entra
dans fon appartement , foit par un
fimple motif de curiofité , ſoit
pour chercher
à éclaircir les foupçons que la longue
indifpofition de la Reine lui donnoit,
& il prit foin d'y aller fans fuite 11
le parcourut tout entier avec beaucoup
d'émotion & il arriva enfin au fatal
Cabinet. Le premie robjet qui lui frappa
les yeux fut ce coffret , dans lequel
étoient renfermées toutes les lettres
d'Ofmin. Il ne le prit qu'en tremblant,
comme s'il eut fait un larcin , & fortic
en même temps pour s'aller renfermer
dans fon Cabinet , où il défendit qu'on
laiffât entrer qui que ce fut. Quels fu
rent fes tranfports à la lecture des lettres
d'Oſmin à la Reine' ? & quel fut
fon étonnement , quand il apprit que le
mariage de ce Prince avec la Princefle
Elixene , n'étoit qu'une feinte ? il ne
douta pas un feul moment , que la pérfi,
de Rofemonde n'eut differé la confomund
vol. Cmation
2872 MERCURE DE FRANCE.
mation du fien pour le conferver à fon
Amant. Il jura la perte ; mais pour rendre
fes coups plus feurs , il voulut qu'ils
fullent guidez par la prudence , & mieux
convaincre fes victimes des crimes dont
il étoit refolu à les punir, Il s'aviſa d'un
fratagemne , qui d'abord lui parut indigne
de la Majefté Royale , mais qu'il
jugea digue d'être employé contre des
coupables auffi artificieux que ceux à
qui il devoit toute fon indignation .
Comme ç'avoit été fut la foi du pre,
mier Medecin de la Reine , qu'il l'avoit
cruë veritablement indifpofée , & que
quelques unes des lettres qu'il venoit de
lire , le declaroient agent d'une intrigue
qui n'alloit pas moins qu'à le deshono ,
ser , & qu'à lui ravir l'Empire & la vie,
il voulut s'en fervir pour avoir de nou
velles convictions d'un comiterce fi cri,"
minel . Il l'envoya chercher lipar un de
fes Gardes , fous prétexte qu'il avoit bes
foin de fon art pour quelque indifpofition
qu'il commençoit à fentir.
A peine Hermocrate , c'eft le nom du
Medecin , fut- il entré dans l'Apparte
ment du Roi , que ce, Prince lui étala
tous fes crimes , en lui montrant les lettres
qu'il avoit furprifes dans le Cabinet
de la Reine. Hermocrate , trouvant fa
conviction dans des témoins fi peu recur
molto . voli fables,
DECEMBRE. 1 716. 1875
1
fables , mit tout fon efpoir dans la des
mence de fon Juge: 11fe getta a fes
pieds , & s'excufa fur la fatale neceffi
té où il étoit de perir , ou d'obéir à la
Reine , qui l'auroit puni du moindre res
fus pour fe délivrer d'un témoin dont
elle ne pouvoit s'allurer qu'en le rene
dant fon complice of nem o supi «
7
Le Roi demeura long - temps inflexi
ble , mais feignant enfin de fe laiffer at
tendrir : » Hermocrate , lui dit- il , vous
connoiffez toute l'énormité de votre
crime , & vous avez befoin de toute ma
clemence pour en éviter le juſte châtis
wment. Cependant je veux bien entfer
» dans votre foibleffe , & croire que ce
n'eft que pour avoir craint la mort que
» vous l'avez merité ; vous l'auriez , fans
a doute , brayée , vous aviez eu plus
de vertu , & vous l'auriez preferée aut
» crime ; mais il eft peu de coeurs affez
" genereux , pour prendre un parti fi he-
# roïque. Je vous pardonne donc une
» foibleffe dont vous n'avez pas été lé
» maître de vous défendre. Apprenez
» pourtant à quelles conditions je
Yous
laiffe une vie , que vous n'avez pas
» rougi de conferver aux dépens de vo-
≫tre innocence. Il faut entrer dans mes
» intereſts , & trahir ceux de Rofemons
s de. Pour la mieux obferver, je veux
S1021 vol.
Cijfefndre
2874 MERCURE DE FRANCE.
99
feindre d'avoir perdu la vûë ; c'eſt à.
vous d'appuyer ce menfonge que la
prudence m'infpire , comme vous avez
» appuyé la fauffe indifpofition de la Rei-
» ne. Au reste , ne croyez pas me trom-
» per impunément, rien ne vous garanti-
„ roit d'un fupplice que vous n'avez déja
» que trop merité ; je vous rendrai même
refponfable des faptes du hazard. C'eft
à vous à prendre, des meſures fi juf-
» tes , que rien ne puiffe vous rendre
coupable à mes yeux. Comme c'eſt par
» vous que toutes les lettres d'Ofnin pare
» viennent aux mains de Rofemonde , je
prétens qu'elles paffent d'abord aux
» miennes. Je ne vous en dis pas davan
tage ; reparez vos fautes pallées par une
" aveugle foumiffion à la peine que je
vous en impofe ; cette peine ne fera
» pas fans récompenfe , & mes bienfaits
» répandus fyr vous à pleines mains vous
dédommageront avantageulement de
» ceux dont mes ennemis peuvent vous
avoir flatté.
>>
Hermocrate ne balança pas un moment
à foufcrire à des loix dont il n'auroit
ofé fe flatter il fe chargea de la
Caffette , qu'il alla reporter au même
endroit où le Roi l'avoit prife , après y
avoir remis routes les lettres d'Ofmin
Il répandit dans toute la Cour, & dans
a7.. vol. A toute
DÉCEMBRE. 1726 2875
toute la Ville d'Ifpaham , la nouvelle de
-l'aveuglement du Roi. Rofemonde ne
fut pas celle qui s'en affligea le plus ;
elle fonda de nouveaux projets d'ambition
fur cette avanture qui lui paruc
auffi heureufe , qu'elle parut trifte à
toute la Perfe . Elle confentit même à
voir le Roi , qui la fit prier de le venir
confoler dans la nouvelle difgrace. Elle
lui trouva les yeux fi beaux , qu'elle
n'auroit jamais crû qu'il en eut perdu
l'ufage fur la foi de tout autre qu'Hermocrate
; les Medecins fubalternes fe
fangerent du fentiment du premier , foit
par ignorance , foit par politique , & il
n'y eut perfonne qui doutat un feul moment
que le Roi ne fut veritablement
aveugle.
Quel ne fut pas le nouveau dépit de
ce Prince à la vue de Rofemonde ! elle
fe fervit des termes les plus énergiques
pour lui faire entendre quelle étoit fa
douleur , tandis que fa joye éclatoit dans
fes yeux . Elle n'en demeura pas là ; fes
émiffaires prirent foin , par fon ordre ,
de répandre par tout , que les Perfans
étoient bien malheureux d'être gouvernez
par un Prince , à qui le Soleil
-Protecteur de leur Empire , refufoit la
lumiere qu'il accordoit au refte des Mortels.
Les exploits d'Ofmin , dont les
2. vol.
ciij nou#
876 MERCURE DE FRANCE.
nouvelles arrivoient tous les jours , faifoient
repentir les Peuples de la préference
qu'ils avoient donnée à fon Concurrent
Rofemonde s'applaudilloit de
ces murmures qu'elle fomentoit fous
main ; mais les Dieux la punirent de fa
perfidie par un coup qu'elle auroit dù
prévoir , & dont cependant elle ne s'étoit
pas avifées c'est que ces mêmes
Peuples , qui témoignoient vouloir fe
foultraire à la domination de Bâté , pour
reconnoître celle d'Olmin , l'excluoient
elle même du Trône , attendu que ce
Prince étoit marié à la Princelle Eli ,
xene , qui par là devoit devenir leur
nouvelle Reine.
Quoique Rofemonde fçut que le
mariage d'Ofmin & d'Elixene n'avoit
pas été confommé , ces braits ne laifferent
pas de lui faire quelque peine . Elle
connoilloit Olmin pour , un des hommes
le plus ambitieux , elle fe rendoit
même affez de juftice , pour attribuer
l'amour qu'il lui portoit , à l'efperance
d'un Trône attaché à fa poffeffion ; mais
la tendreffe que fa niece avoit pour elle,
& la conftance pour l'illuftre prifonnier,
qui s'étoit rendu maître abfolu de fon
coeur , la raffurerent contre les mouvemens
de jaloufie qui s'élevoient dans fon
ame. Laiffons - la flotter entre la crainte
2. vol. &
DECEMBRE. 1 1726. 2877
& l'efperance , & tranfportons- nous
auprès d'Ofmin , à qui le Ciel refervoit
de nouvelles avantures , du côté qu'il
l'avoit le moins prévu , je veux dire de
l'Amour. On verra dans la feconde par4
tie de cette Hiftoire , dans le prochain
Mercure , comment ce Dieu fe foumit un
coeur , qui jufqu'alors s'étoit fouftrait à
fon empire , & n'avoit jamais reconnu
d'autre Divinité que l'ambition .
CO
MEMEXYMMM淡:茶WY浴 MAN
VERS adreffez à fon jour natal , par
M. Laurens , le 26. Octobre 1725.
auquel jour il entroit dans fa quatrevingtième
année.
TA vifite de tous les ans qui mangana's ill
Me fait enfin rougit de honte, 29.
Tu veux que je te rende conté on 227 med
De l'emploi que j'ai fait du temps.font dua nol
Or que venons - nous faire au monde ?
Le premier âge eft fans raifon pli noɔ 25671 *
Et nous pallons cette faifon , zon cho
Dans une ignorance profonde , momida (O
Les beaux jours de notre Printemps gone?
2. vol. Cij Nous
•
2878 MERCURE DE FRANCE:
Nous tirent de cette ignorance ,
Et par le fecours du bon fens ,
Nous donnent quelque intelligence ;
Nous croyons avoir de l'efprit ,
Mais fouvent c'est pour notre perte :
Et l'erreur dont il fe nourrit ,
En l'abufant nous déconcerte.
On perd tout le fruit de fes foins ,
L'âge qu'on nomme raifonnable .
Devient par unfort déplorable ,
L'âge où l'on raifonne le moins ;
La raifon y tombe en delire ,
Les paffions par leur concours ,
De fes confeils troublent le cours ,
Et s'emparent de fon empire.
Quand ces premiers feux font paflez ,
Sommes-nous moins embaraffez ?
L'ambition & l'avarice ,
Par mille dangereux détours ,
Nous conduisent au facrifice ,
Que nos coeurs leur font tous les jours.
Combien de travaux & de peines ?
Vit- on lorsqu'on n'eſt plus à foi,
... 2. vol. Et
DECEMBRE. 1726. 2879
Et que ces fieres Souveraines ,
A la rai fon donnent la loi ?
Le grand âge au fecours s'avance .
Il arrivefort à propos ,
Il vient leur impoſer filence ,
Et nous donner quelque repos.
Notre ame paroît plus tranquile ,
La raiſon reprend fon flambeau ,
Mais il ne nous eft plus utile ,
Que pour nous conduire au tombeau.
Pour moi ma carriere eft remplie .
Seize luftres ont fait mon fort ,
Mais qu'ai -je fait pendant ma vie ,
Que de m'avancer vers la mort ?
Je fens l'approche de mon heure ,
Par mes jours paffez convaincu ,
Que plus fur la terre on demeure ,
Et fouvent moins on a vécu .
Ces Vers font de M. Laurens , qui les
compofa quatre mois avant fa mort . C'eft
lui qui a eu le funefte fort d'être brûlé
avec M. Colomne dans l'incendie , arrivée
au Marais la nuit du Mardi gras
de cette année 1726 .
a vol. -
C Y EX
2880 MERCURE DE FRANCE:
2999999999999999
蓁蓁蓁茶
EXTRAIT du Memoire fur l'Aurore
Boreale du 19. Octobre de cette annés
1726. lû à l'ATemblée publique dè
l'Academie Royale des Sciences , lė
22. Novembre fuivant , par M. Gaudin.
L'A
' Aurore Poreale n'avoit jamais pa
ru fi variée & fi étendue , du moins
on n'en a point de Defcription qui le
faffe connoître. Il y a beaucoup d'appasence
, à en par juger par celle du 19. O&obre
dernier , que ce Meteore a donné occafion
à divers Peuples de s'imaginer des
armées en l'air , & fans doute les Hiftoriens
l'ont auffi rapporté , ou par ignorance
de la Phyfiques ou pour le confor
mer au goût & à la maniere de penfer du
Peuple.
Ce Metéore a été nommé Lumiere ou
'Aurore Boreale , à cauſe de ſa reffemblan◄
ce à cette lumiere douteufe que le Soleil
produit lorfqu'il eft au deffous de l'Horifon
, un peu devant fon lever , ou peu
après fon coucher , & auffi parce qu'il
paroît prefque toûjours au Nord. Il est
vraife blable qu'il s'en forme de pareils
du côté Sus que l'on pourroit , par
2. vol la
DECEMBRE . 1726. 288r
2
la même raifon , appeller Aurores Auftra
lés ; mais faute d'Obfervateurs dans ces
parties de la terre , il n'eſt pas sûr qu'on
les y ait remarquées .
Il paroît par les recherches hiftoriques
de quelques fçavans Phyficiens, aufquelles
M. Gaudin en joint d'autres qui leur
avoient échappé , que de tout temps ce
Phenomene a été remarqué. Les Curieux
de ces fortes d'époques pourront conful +
ter le Pharus , five de Prodigiis Ignis Ce
leftibus , & c. Gieffe . 4. mis au jour en
172 par M. Liebknecht , fçavant Allemand.
L'Aurore Boreale du 19. Octobre dernier
a été obſervée , fuivant les Relas
tions qu'on en a reçûës depuis environ
les 35. degrez de latitude feptentrionale
jufqu'au 60. degré. Elle a peut être été
vûë encore plus loin , mais on n'en a pas
reçû de nouvelles..
=
Lés circonftances de ce Meteoré n'ont
pas été tout à fait les mêmes dans les
differens lieux où on l'a obfervé ; il feroit
étonnant qu'elles l'euffent été.
A Paris on commença de l'appercevoir
vers les fept heures & demie , & il étoit
alors compofé de trois Arcs concentriques
pofez immediatement l'un au deffus
de l'autre ce qui formoit un grand ceintre
appuye fur Phorifon. L'arc du milieu
2. vol.
C vj
étoit
2882 MERCURE DE FRANCE .
étoit obfcur , les deux autres étoient lumineux.
Tous enfeinble étoient tranfparens
; enforte qu'on voyoit les étoiles au
travers de temps en temps on voyoit
fortir de l'arc obfcur des efpeces de fufées
ou jets de lumiere qui s'élevoient
plus ou moins , & finiffoient bien- tôt.
Leur lumiere étoit blanchâtre , ainſi que
celle des arcs ; ils étoient de même tranfparens
leur nombre , leur grandeur , &
I'inftant de leur apparition n'étoient
point reglez. L'horifon paroiffoit alors
auffi éclairé que fi la Lune eut été prefente.
A huit heures ces jets de lumiere
parurent en plus grand nombre , & s'éleverent
avec tant de vîteffe , qu'en fe déployant
de tous côtez , ils couvrirent en
un inftant tout le Ciel à un petit arc près
vers le Midi , qui refta d'un bleu azuré ,
comme étoit le Ciel auparavant. Tous ces
jets de lumiere vinrent fe heurter vers
le point vertical de l'horifon , & y for
merent une couronne de quelques degrez
de largeur , qui dura prefque de la
même maniere pendant tout le Phenomene.
Quelques parties de cette matiere
repandue en l'air parurent rouges
du côté de l'Occident , & de même ,
mais avec moins de vivacité , vers l'Orient.
Le tout enfemble étoit violemment
io..2 . vol.
agité
DECEMBRE. 1726. 2883
agité , & l'on auroit dit des vagues de
flammes qui partoient de l'Arc Boreal , &
venoient fe brifer à la couronne du Ze-'
nith : ce qui dura ainfi avec action jufqu'à
dix heures , ou environ
mença dèflors à diminuer peu à peu , &
finit vers deux heures après minuit .
& com-
Après quelques remarques fur la conftitution
de l'air à Paris & ailleurs , quelque
temps devant & après ce Meteore ,
& un recit très - fuccint de quelques apparences
particulieres obfervées dans
d'autres lieux , M. Gaudin a placé les recherches
hiftoriques , qui font , pour ainfi
dire , la feconde partie de fon Memoire :
& pour contenter en quelque façon ce
grand nombre de perfonnes qui demandent
fur le champ les caufes & l'explication
de ces fortes de Phenomenes , il.a
ajoûté dans une troifiéme partie fes conjectures
tirées de la Phyfique & de la
Chymie , qui expliquent affez bien ce
Meteore. Ainfi après avoir fait fentir le
ridicule de l'opinion de Kirker , en la
rapportant feulement , & refuté celle de
Suno Arnelius , qui attribue ces lumieres
à celle du Soleil refléchie vers nous , M.
Gaudin a tâché de faire voir que toutes
les apparences de ce Meteore étoient
produites par le mêlange du Fer , du Soufre
& du Nitre , fondé fur les experien-
2. vol.
1884 MERCURE DE FRANCE.
ces de Mrs. Geoffroy & Lemery ; ila
inontré que ces trois matieres fe trou
vent par tout , & que les exhalaifons at
tirées de la terre par quelque caufe que
ce foit , en font chargées .
De - là , par le mêlange du fer & du
foufre , il a expliqué très - aifément le
Tonnerre , les Eclairs , & c. dans la Zone
Torride , & chez nous dans l'Eté ,
parce que les exhalaifons chargées de ces
matieres ne s'élevant pas alors fort haut,
font bientôt deffechées ; & fermentant
violemment , s'écartent avec détonnation.
Dans les climats voifins des Poles le peu
de chaleur les laiffe fermenter plus lentement
, & par - là elles ne produifent
qu'une lumiere , & fe dilatent fans bruit,
Les Saifons aufquelles ce Meteore pafoît
, qui font l'Automme & le Prin
temps , s'accordent donc à cette hypothefe
; & s'il ne paroît pas fi fréquemment
l'Hyver , on en doit attribuer la
caufe aux vapeurs mêlées dans les exha-
Jaifons qui détrempent trop les parties
de fer & de foufre qui y font auffi con
tenuës . M. Gau in a comparé les Meteores
de ces differentes Saifons à l'effet
de la Poudre à Canon , qui étant grainée
prend feu fubitement , & caufe une dé
tonnation violente ; au lieu que fi on l'écrafe
, ou qu'on y mêle un peu de char-
2. vol. .....bon ,
DECEMBRE. 1726. 28 85
bon , ou enfin qu'on l'humecte , cette
même poudre brulera, en fufant , fans faire
aucun bruit. * Y ONGE
Avec le Nitre & le Fer , M. Gaudin a
formé les couleurs rouges qu'on y a obfervées
de tout temps ; enfin il a expliqué
toutes les autres apparences de ce
Meteore par le même principe , & a
fait voir pourquoi il paroît un Arc ,
pourquoi on ne le voit gueres que la
nuit , d'où vient le clair & l'obfcur des
trois Arcs qui ont compofé le dernier ,
& enfin il a donné la raifon des Iris que
L'on ya remarquées dans quelques endroits.
L'HOMME SUPERBE
"dans fa mifere même.
SONNET.
I
'Homme infenfé prenant un vol auda
Lcieux ,
Dit en fon coeur qu'il eft de l'Univers le ma
: tre ; i
Què fa raiſon , fur tout , le rend victorieux ,
Des plus fiers animaux que nous voyons pa
roître:
Cet infolent , helas ! à peine ouvre les yeux , 2. VBIL
Qu'en
2886 MERCURE DE FRANCE.
Qu'en foule tous les maux lui font affez con
noître ,
Que cette raiſon même , ouvrage , & don des
Cieux ,
Le fait voir miferable autant qu'on le peut
être .
Le paffé , le préfent , ainfi que l'avenir
Sans ceffe de fa fin le font reffouvenir ,
L'affligent tour à tour , & redoublent fes
craintes.
Haine , amour , crime , ennui , foupçon , dépit
, forfait ,
Larmes , foupirs , tranſports , travaux , ſoucis
& plaintes ,
Çe font là les préfens que fa raiſon lui fait.
*******************
EXTRAIT du Memoire le à PASfemblée
publique de l'Academie Royale
des Sciences le 13. Novembre dernier,
fur les nouvelles Eaux Minerales de
Paffy.
M
R. Boulduc le fils lût vers la fin de
la féance un Difcours intitulé :
Effui d'Analyse en general des nouvelles
Eaux Minerales de Paffy , avec des raifons
fuccinctes , tant de quelques Phenome
nis, qu'on y apperçoit en differentes cir-
2. vol .
conftances,
DECEMBRE. 1726. 2887,
conftances , que des effets de quelques operations
,qu'on y a employées pour difcerner
Les matieres qu'elles contiennent dans leur
état naturel.
Il expofa d'abord ce qui l'avoit porté à
en faire de nouveau l'Analife : c'eft 1. des
nouveautez imprévues , qu'il avoit apperçues
en travaillant fur ces Eaux il
y a deux ans , & qu'il croyoit pouvoir
joindre à ce que d'autres perfonnes y
avoient déja reconnu par leur travail .
2 ° . Le bon fuccès de ces Eaux , qui aug.
mente de plus en plas . 3. Le fentiment
des , habiles Medecins , qui font perfuadez
, que plus on connoîtra les principes
des Eaux Minerales , mieux & plus heureuſement
on en fera l'application aux
maladies.
Il dit après , que les nouvelles Eaux
Minerales confiftent actuellement en
quatre Sources , dont l'Eau eft claire &
limpide en tout temps ; qu'on les appelle
également & fans diftinction Ferrugi
neufes , n'ayant eu que le fer pour objet
en leur donnant ce nom ; que toutes les
quatre en ont effectivement le goût mêlé
d'une legere adftriction & de quelque
chofe de picquant , les unes pourtant plus ,
les autres moins ; que l'odorat y diftingue
quelque chofe de volatil & de penetrant :
& que la premiere Source a le plus de
2. vol.
fer
2888 MERCURE DE FRANCE:
fers la deuxième un peu moins ; la troia
fième encore moins ; & enfin la quatriéme
en a la plus petite quantité.
Enfuite il rapporta quelques circon
ftances convenables à fon Analyſe , tant
de l'état naturel de ces Eaux , que de leur
alteration , à laquelle elles font fujettes
par la chaleur de l'air & celle du feu ;
& enfin de ce que l'on y peut remarquer
dans le temps de l'évaporation &
de la diftillation.
Cette derniere opération , ajoûta- t- il,
étant continuée jufques à ce que toute
P'humidité ou l'eau foit évaporée ; les
matieres, qui forment la refidence au fond
du vaiffeau , fe trouvent à peu près en
cet ordre : le Fer , comme le plus pefant ,
& qui fe précipite le premier , occupe
le fond ; pardeffus lui eft répandue , notamment
dans la troifiéme & quatrième
Source , une pouffiere blanche très -fine ,
qui ne fe trouve point dans les réfidences
de la premiere & deuxième Sources
enfuite on voit des Cryftaux transparents
& brillants ; & enfin une maffe confuſe ',
blanchâtre & faline du goût, qui s'humecte
infenfiblement , étant exposée à l'air &
redevient en grande partie fluide , cou
vre le tout.
Après cela M. Boulduc entra dans l'Analife
, & l'accompagna de la démonſtra
2. vol.
tion
DECEMBRE. 126. 2889
tion des matieres , qu'il avoit tirées
de ces Eaux & féparées les unes des autres
, à mesure que le fujet demandoit ,
qu'il en parlât.
,
Commençant par le Fer , il dit , que
tout le monde reconnoît fa prefence dans
ces Eaux par le goût, qu'elles ont , & que
quelques - uns comparent à celui de l'anere
; que la Noix de Galle le confirme
par les teintes plus ou moins violettes ou
rouges , qu'elle leur fait prendre ; & enfin
que le fediment , qui fe dépofe naturellement
de ces Eaux comme une
rouille de fer , le rend très-fenfible à la
vûë. Si l'on veut regarder ce fediment
avec quelques Auteurs , comme une terre
ferrugineufe , qui n'a que de la difpofition
à devenir fer , & qu'ils appellent ,
dans cette idée , Primum ens ferri , M.
Boulduc prouve , que c'eft du vrai fer
par differentes experiences , & particu
Hierement par celle cy : faites rougir de
ce fediment un temps convenable , au
feu, dans un creufet exactement couvert ,
& fans rien ajoûter , pour en diffiper un
refte de matiere faline , qu'il retient dans
la précipitation alors il s'attachera à
Aimants ce qui eft une proprieté ef
fentielle au fer parfait , & qu'une fimple
terre ferrugineule , ni même le fer , quand
ileft épuifé de fon principe inflammable,
n'ont point. Pour
2890 MERCURE DE FRANCE:
4
Four que le fer , continue M. Boulduc
s'étende dans ces Eaux & ne trouble pas
leur limpidité , il faut qu'il foit diflout
& attenué par quelque diffolvant. Par la
techerche qu'il en a faite , il a trouvé,
que ce Diffolvant eft un Acide fpiritueux
& volatil , tel que feu M. Lemery le
pere l'a cy -devant défigné en travaillant
fur de pareilles Eaux , c'eft un efprit vitriolique
très- volatil & très-leger , d'un
goût médiocrement aigre , mais d'une
odeur très- vive & penetrante , que l'on
peut affurer être dans fon genre , par
rapport à cette vivacité , ce que l'efprit
de Sel Ammoniac eft dans celui des Alcalis
.
Cet Acide volatil combiné fous terre
avec le fer , fait un Vitriol naturel , &
par cette combinaiſon & union , les Eaux
ont ce goût de fer, fuivi d'une legere ad❤
ftriction , ce goût picquant & aigreler ,
qui eft felon quelques - uns comme vineux
, & enfin cette odeur volatile &
penetrante, que l'on y remarque.
Le Vitriol de ces Eaux fubfifteroit toû
jours dans fa mixtion naturelle , ou , fi
par le fecours de la chaleur , il s'en dé
compofoit une partie , on retireroic du
moins par l'évaporation d'un certain volume
d'eau une portion de ce Vitriol en
fa propre fubftance , s'il n'y avoit en mê-
2. vol.
ine
DECEMBRE . 1726. 2891
me temps dans ces Eaux une matiere alcaline
, qui donne occafion à fa décompo
fition entiere. C'eft la pouffiere blanche
de la réfidence , dit M. Boulduc , qui eft
une terre alcaline & abforbante ; elle fermente
avec les acides , & ceux , qu'on
appelle Mineraux , la diffolvent de nouveau
. Par là il expliqué d'une maniere
très fimple , differens Phénomenes, qui'
arrivent dans ces Eaux , avec les raifons
de leur production ; comme font dans
certaines circonftances, qui regardent leur
altération , la précipitation du fer , la
perde de l'odeur, la deftruction du goût
vitriolique & autres ; & il confirme fon'
explication par ce que l'on voit arriver
dans les experiences communes & journalieres
des folutions métalliques , quand
on y mêle un alcali,
oney
Il ajoûte, que la décompofition du vitriol
fe fait dans ces Eaux par une effervefcence
lente, & à proportion du mouvement
, que la temperature de l'air &
la chaleur du feu leur impriment ; ainfi
elle fe fait lentement & d'une maniere'
imperceptible dans les faifons froides &
dans des endroits froids ; mais très - vifiblement
& avec agitation au Soleil en
Eté & fur le feu.
P Dans le vuide même de la Machine
pneumatique ces Eaux bouillonnent plus
2. vol.
que
4392 MERCURE DE FRANCE.
que certaines liqueurs fpiritueules ; &
étant retirées delà au boutd'un demi quart
d'heure & gardées dans un endroit froid,
elles blanchiffent peu à peu & dépofent
leur fer , dans la faiſon où nous fommes ,
en moins de trois jours. &
Quand ces Eaux, trop long-temps gare
dées , ont dépofé leur fer , on les regar
de communément comme gâtéés & inu
tiles : elles ne le font pourtant pas abfɑfolument
: 1
Il est vrai , qu'elles ne font plus fer
rugineufes , mais elles font encore bien
Minerales falines , & peuvent avoir leur
utilité dans des cas particuliers...
La terre alcaline , qui eft l'unique cau
fe de la décompofition du Vitriol , donne,
d'abord,des marques de fa prefence
par fes effets dans les Eaux nouvellement
puifées. Lesdeux premieres Sources vérdiffent
legerement la teinture des vio
lettes ; les deux autres beaucoup , quoique
leptement . De même , les deux premieres
Sources précipitent peu de fer
d'une folution, de Vitriol ordinaire ; les
deux autres une plus grande quantité.
Toutes les quatre Sources préfervent le
lait de fe cailler , foit qu'on l'y mêle
froid ou chaud , par rapport à cet alcali į
au lieu que le Vitriol ordinaire , mêlé
tout feul avec le lait ,le fait sailler promp
2. νοί.
tement ,
- DECEMBRE. 1726 . 2893
tement : ce qui peut autorifer la pratique
des Anglais , qui dans certaines circonftances
font prendre les Eaux Mine,
rales ferrugineufes avec du lait. Enfin
les réfidences des deux dernieres Sources
bien lexivées fermentent encore
avec les acides , à caufe d'une partie de
cette terre , qui y refte mêlée ; mais cel
les des deux premieres Sources ne le font
nullement. La raifon , que M. Boulduc
donne de cette difference , eft , que toute
la mefure de l'alcali , qu'avoient les deux
premieres Sources dans leur état natu
rel , a été juftement employeé pour faou
ler l'acide de leur Vitriol dans le temps
de leur changement ; & comme dans les
deux dernieres Sources il y a peu de Vitriol
, il faut à proportion peu d'alcali
pour abforber l'acide de ce Vitriol ; ainfi
if fe trouve un bon refte ou furplus de la
terre alcaline dans leurs réfidences . 11
ajoûte ,, que le fediment , que ces deux
Sources dépofent naturellement en cou→
lant dans leurs baffins , eft déja mêlé d'ut
ne bonne quantité de cette terre.
si Là deffus M. Boulduc demande , fi l'on
ne feroit pas bien d'appeller ces deux
dernieres Sources Eaux Minerales alca,
lines , pour les diftinguer d'avec les autres
, par rapport à ce principe dominant,
qui a les vertus particulieres.2
2. vol.
『:
Du
2894 MERCURE DE FRANCE. :
Du refte , de quelle efpece eft cette
terre ? M. Boulduc foupçonne , & pas
tout- à- faitfans fondement, mais il ne l'affure
pas encore pofitivement , que c'eſt
celle , qui peut fervir de bafe au Sel ma◄
rin , foit que la Nature ne l'ait pas encore,
impregnée de fon acide , foit qu'elle
l'en ait privée par quelque operation,
qui nous eft inconnue , & que les
Artistes cherchent depuis long-temps à
mettre en execution felon leurs idées .
En examinant la maffe faline de la refidence
, M. Boulduc y a reconnu principalement
trois matieres bien diftinctes ; c'est
du Sel de Glauber , du Sel marin , & un
Bitume liquide , ou Huile minerale.
Après avoir diffout cette maffe faline
dans de l'eau bien pure, il l'a évaporée d'u
ne maniere convenable , & expofée à fe
cryftalifer ; & il en a retiré d'abord du Sel
de Glauber, connoiffable par la fa configuration
en colomnes quarrées , taillées aux
extrêmitez en facettes de diamant , par
fon goût amer fuivi de fraîcheur , par la
facilité à fe diffoudre dans un poids égal
d'eau , & à fondre promptement fur le
Feu, & par differentes autres proprietez
qui font fon caractere.
Ce Sel exiftoit dans la Nature avant
que Glauber eut fongé à faire le fien ; cependant
nous avons obligation à cet Au-
2. vol.
teurDECEMBRE
.
2895
1726.
、
teur , de nous en avoir communiqué la
compofition , parce que c'eft par là , que
nous fçavons avec certitude , que le Sel
naturel , auffi bien que celui qu'on fait'
par art , a pour un de fes principes , la
terre du Sel marin .
Par cette connoiffance M. Boulduc a'
été enfuite conduit à penfer , qu'il pour
roit bien y avoir du Sel marin en Subftance
dans ces eaux . Il avouë , qu'il a été
long- temps à le pouvoir développer,
malgré differens indices qu'il en avoit ,
parce que ce Sel fe cryftalife , ou graine
malaifément , quand il fe trouve mêlé
avec quelques corps gras . Rien ne l'a
plus éclairci de la verité , qu'une experience
autant curieufe qu'utile dans pareil,
cas nous la rapporterons en peu de
mots pour ceux , qui voudront faire dans
la fuite une femblable recherche dans
d'autres Eaux minerales , où jufques à
prefent on ne croit pas qu'il y ait du Sel
marin : il a laiffé tomber s . à 6. goutes!
d'une forte folution d'argent coupelé ,
faite par l'efprit de Nitre , dans chaques
deux livres ou pintes de nos Eaux minerales
, & l'argent s'eft précipité en un
caillé blanc & opaque : ayant amaflé
quelque quantité de ce précipité d'un
grand volume d'eau , il l'a mêlé , après
Pavoir deffeché , avec un poids égal de
2. vol. D Cin2896
MERCURE DE FRANCE.
Cinnabre , & l'a pouffé au feu dans une
phiole , dont la moitié étoit enfoncée dans
le fable , & la partie la plus convexe dé.
couverte & à l'air ; alors le fouffre , qui
étoit dans le Cinnabre , s'eft porté fur
f'argent , & l'a arrêté au fond ; réciproquement
l'acide , qui avoit précipité
T'argent , quittant celui- ci , s'eft faifi du
vif- argent, qui étoit dans le Cinnabre, &
eft monté avec lui au haut du vaiſſeau ,
comme une vraye fublimation mercurielle
ou Mercure doux. Or pareille préparation
ne pouvant fe faire qu'avec du Sel
marin , ou fon principe Talin , il a été
bien confirmé par là de fa préfence ; &
il ne s'agifloit plus que de l'avoir cryftalifé
& en grains . Pour cet effet , voici
comme il s'y eft pris : Après avoir
feparé , par la cryftallifation , tout ce qui
étoit Sel de Glauber dans la maffe faline
, qu'il avoit de nouveau diffout , comme
nous l'avons dit , il a continué à évaporer
cette folution le plus doucement
qu'il eft poffible; & faififlant avec attention
le point, qu'à peine une nouvelle cryſtallilation
paroiffoit commencer à fe faire,
il l'a expofée d'abord à la fraîcheur de
l'air ; & quelque temps après il en a
retiré plus de Sel marin , qu'il ne pou
voit au commencement efperer d'y trou
ver; lequel eft , au refte , connoiffable
2. vol
- par
DECEMBRE. 1726. 298
par fa figure cubique , par fon goût falé
connu à tout le monde • par fa décre
pitation fur le feu , par la volatilité qu'il
imprime à l'argent en le précipitant , &
par differentes autres proprietez.
Ce Sel enlevé , il refte une eau jaune,
graffe & onctueuse au toucher , qui devient
, en continuant l'évaporation , toute
rouffe , & répand de plus en plus une
odeur de bitume , mais ne fe cryftalife
plus : après qu'elle eft deffechée au feu
elle reprend de l'humidité à l'air , &
redevient fluide. C'est l'eau- mere du Sel
marin , qui eft un mêlange de ce Sel &
du bitume , ou huile minerale. Si l'on
Y verfe de l'huile de Vitriol , elle exhale
l'efprit de Sel très -fenfiblement ; & fị
l'on y mêle du Sel de Tartre diffout
la terre du Sel marin s'en précipite .
Pour feparer ce bitume d'avec le Sel ,
on peut
faire bouillir l'eau- mere avec
quelques corps mucilagineux , comme
font le blanc d'oeufs , la colle de poif
fons , & c. Il s'y entrelafle , & s'éleve
en écume avec eux, laquelle étant emportée
, le fel graine aifément , & eft enfuite
moins fujet à s'humecter. On peut auffi
diftiller cette eau-mere mêlée avec de
'huile de Vitriol ; alors il en fort d'abord
un efprit de fel , & fur la fin il s'en fublime
un peu de fouffre mineral.
2. vola
Dij
A
2898. MERCURE DE FRANCE.
>
A cette occafion , M. Boulduc dit ,
que, quand on diftille la maffe faline tou
te entiere , elle fournit auffi du fouffre mineral
; mais il avertit en même temps, que
c'eft alors une production de l'art par le feu ,
c'est- à - dire , une combinaiſon de l'acide
vitriolique fixe contenu dans le Sel
de Glauber , & de ce qu'il y a d'inflammable
dans le bitume ; & qu'ainfi ce
fouffre n'eft pas formellement , & en ſa
propre fubftance dans nos eaux : & quoiqu'on
dife de , je ne fais , quelle odeur
de fouffre , & d'un fer élaboré en fouffre
, M. Boulduc donne , entre plufieurs
preuves du contraire , encore celle- ci ,
qui eft fondée fur des experiences conhues
generalement : le fouffre mineral
wé le mêle pas feul & par lui-même
avec l'eau , il y furnage ; ainfi on pourroit
l'appercevoir aifément ; pour qu'il
s'y mêle , il faut qu'il foit lié & combiné
avec un corps alcalin ; mais alors
ils font enfemble un bepar fulphuris ;
s'il étoit de cette maniere dans nos eaux,
elles fentiroient l'oeuf couvi , ce que
perfonne n'a jamais apperçû ; & enfin
le moindre acide l'en précipiteroit , ce
qui n'arrive pas non plus : ainfi il n'y a
point de fouffre mineral dans ces eaux .
.
Pour ce qui eft de l'Huile minerale,
elle donne d'abord des marques de fa
2. vol.
preDECEMBRE.
1726. 2899
prefence dans les verres des buveurs ,
qui croyent quelquefois , qu'ils n'ont pas
été rincez , tant ils font gras enfuite
dans la peau ou crême , qui fe forme à
la furface des eaux , quand on en évapo
re , où étant entrelaflée & arrêtée avec
les autres matieres , elle reprefente un
enduit ou vernix luifant ; après , par
l'odeur bitumineuse dans l'évaporation ,
dont nous avons parlé , & de même
dans la diftillation des eaux , par l'empireume
ou le gras brûlé , que fent la cu
curbite ; & enfin elle fe trouve refferrée
& réunie dans l'eau- mere.
Il reste une matiere de la refidence
à examiner ; c'eſt les cryftaux qui s'y
font connoître par le brillant, qu'ils ont
Dans la diftillation ils commencent à par
soître , environ à la moitié de l'évapora
tion de ces eaux , comme de petites fi
bres luifantes , lefquelles fe joignant
peu- à- peu , forment des cryftaux plus
ou moins gros en tous fens , felon le
temps qu'on leur accorde : M. Boulduc
en a de trois lignes de long, fur plus
d'une ligne de large , parmi ceux qu'il a
laiffez criftallifer lentement ; & ces cryftaux
affectent toujours une même configuration
, qui eft au premier coup d'oeil
rhomboidale , mais l'examinant de près,
on voit, que les quatre côtez étroits , qui
2. val.
י
Dj
ter2966
MERCURE DE FRANCE:
terminent cette figure , font encore re
levez par deux faces .
Ce Mixte eft un Sel particulier , qu'on
peut appeller Sel felenitique ou felenite ,
pour le diftinguer des autres. Les raifons
, que M. Boulduc a pour le mettre
au rang des Sels , font fondées fur ces
points. 1. quand on l'a précipité de l'eau
minerale par l'efprit de vin , & qu'on
fepare enfuite celui- ci en inclinant lo
vaiffeau , il fe diffout de nouveau dans
Peau commune froide. De même ces
cryftaux bien deffechez fe diffolvent dans
une quantité d'eau convenable par une
lente digeftion & alors le Sel de tartre
verfé deffus , en précipite beaucoup
de terre , que les acides diffolvent de
Houveau. 2. De prendre toujours une
même figure dans la cryftalliſation , &
de former des cryftaux , felon les circonftances
, de plus ou moins de volume
; c'eft des accidens familiers aux Sels
moyens : Celui-ci en a l'un & l'autre.
3. Certains Sels moyens peuvent , fe
lon qu'on les travaille , changer en des
compofe differens de ce qu'ils étoient
d'abord ou aranfporter un de leurs principes
fur un autre corps , & fe décom
pofer. Le Mixte , dont il eft queftion ,
fait encore l'un & l'autre: quand on le
Tougit , mêlé avec du pouffier de charbons,
2. vál.
DECEMBRE. 1720 2901
bons , un temps convenable , au feu ; ou
qu'on le calcine avec d'autres matieres
inflammables , il fe convertit en hepar
fulphuris ; Ce qu'il fait plus prompte
ment , quand on le fond , felon la metho
de de M. Stahl , avec du Sel de tartre , &
qu'on jette quelque corps inflammable
pardellus . De plus , quand il eft fondu
avec le Sel de tartre tout feul , fi l'on
diffout ce mêlange dans de l'eau commune
chaude , & qu'on le filtre , il failfe
beaucoup de terre en arriere , & l'eau
évaporée & cryftallifée donne un tartre
vitriole de figure communément octaëdre
, dur, amer , & de fes proprietez ordinaires.
Après ces preuves on ne peut regarder
ces cryftaux que comme un Sel
moyen , combiné d'une portion d'acide
vitriolique fixe , & de beaucoup de
terre.
Et voilà tout ce que M. Boulduc a pu
reconnoître dans ces eaux .
Il y a des perfonnes , qui fe laiffent
entraîner à croire , que prefque indifferemment
tous les Sels font des productions
de l'art & des créatures du feu. Pour
les convaincre du contraire , à l'égard
des Sels qu'il a tirez de ces eaux , M.
Boulduc donne un moyen fort fimple ,
& que chacun peut imiter facilement
2. vol. D iiij avec
2902 MERCURE DE FRANCE.
avec une petite quantité d'eau minerale:
C'eft de verfer , par exemple , fur huit
onces d'efprit de vin , pareille quantité
d'eau minerale de la premiere fource ,
qui ait dépofé fon fer ; on verra fur le
champ ce mêlange blanchir comme du
lait , & la felenite peu de temps après tomber
au fond : alors on peut furvuider ce
qui refte clair dans un autre vailleau , &
y ajoûter encore quatre onces d'efprit de
vin: après quoi le Sel de Glauber le condenfant
, fe formera en cryftaux , mêlez
fouvent de quelques- uns , qui tirent fur
la figure du Parallelogramme . Quand
on s'appercevra , que les cryftaux n'augmentent
plus , ni en nombre , ni en vo
lume , on peut furvuider la liqueur claire
pour la derniere fois , & y ajoûter en
core quatre onces d'efprit de vin , & le
Sel marin grainera finalement.
Il avertit là - deflus , que l'efprit de
vin doit être bien rectifié & fort ; autrement
le Sel marin refte fluide au
fond du vaiffeau , mêlé avec l'huile minerale
, & très - diftinctement ſepaté d'avec
l'efprit de vin .
Si l'on veut abreger cette espece d'Analyfe
, on peut par le froid deflegmer
l'eau minerale , en temps de gelée , à un
tiers ou quart près : les glaçons diffouts
par lachaleur ne font qu'une eau fimple,
2. vel.
mais
DECEMBRE. 1726. 2903
•
mais l'eau concentrée ( comme une autre
liqueur faline & fpiritueufe ) eſt
plus forte qu'auparavant à tous égards ;
avec laquelle on peut proceder , comme
nous l'avons déja dit , & l'efprit de vin
en feparera les Sels en moins de temps,
& fans le moindre fecours ou concur--
rence du feu . A.
De tout ce qui a été dit juſqu'ici ,
M. Boulduc conclud enfin , que les fub
ftances contenues dans ces eaux fraîches &
non alterées , font : un Vitriol naturel ,
du Sel de G'auber , du. Sel marin , un
bitume liquide , ou buile minerale , de la
terre alcaline & de la felenite ; dont le
mêlange, également étendu dans une eau
claire & bien filtrée au travers de la
terre , fait ce compofé merveilleux , que
la Nature travaille elle même , & nous
fournit abondamment : & comme toutes
ces matieres , à la felenite près , ont
des vertus connues par l'ufage qu'on en
fait tous les jours , on en peut inferer
d'avance , que ces eaux doivent être rafraichiffantes
, emolliantes , aperitives en
general , & en même temps roborantes
diuretiques & purgatives.
A l'égard de la felenite , qui n'a pas
encore été employée feparément , M.
Boulduc lui atribue par une analogie ,
fondée fur fes principes & fur fa ftru-
D v
2. vol.
Aure
1904 MERCURE DE FRANCE:
ature , un effet précipitant & roborant ?
fur quoi , dit- il en finiffant , elle attendra
neanmoins une plus ample décifion
du Tribunal de la Medecine.
****************
A URANIE.
Pour M. de S. Paul de Broglio , Religienfe
au Monaftere de la Conception.
OD E.
Azile heureux , lieu falutaire ,
Où retranché comme en un Fort ,
L'efprit avec le coeur d'accord ,
Brave les plaifirs de la terre :
Retraite où l'illuftre SAINT PAUL ,
Loin de l'artifice , & du dol ,
De fes jours fournit la carriere ;
Admirateur de ſes vertus,
Que ne puis - je ouvrir la barriere ,
Aux éloges qui lui font dus !
Docte Soeur par cent témoignages ,
Plus forts que l'empire des temps ,
La vola PK
DECEMBRE. 1726. 2905
Publiez fes heureux talens ,
Dignes des yeux de tous les âges ;
Et quoique fon humilité ,
: Dans une fainte obfcurité ,
Travaille à la rendre inconnuë :
Sur fa folide pieté ,
Que votre voix foit entenduë ,
De toute la pofterité .
Ce fut une étoile propice :
Brillante d'un feu tour divin
Qui la fit naître dans le fein ,
De la Force , & de la Juſtice. *
Mais ce fut un rayon plus fort
Qui la faifant furgir au port ,
Préferva fes jours du naufrage,
La grace formant ſes ſouhaits ,
L'affranchit du fol esclavage,
De tous les feduifans attraits.
Elle conçut la noble envie .
Dans l'Etat dont elle fit choix :
* Les Maifons de Broglio , & de Lamoi
gnon.
2. vola D vi D#
2906 MERCURE DE FRANCE.
De faire du Divin FRANCOIS ,
Le vrai modele de fa vie ,
Sans ceffe elle benit les noeuds ,
Qui l'attachent aux facrez voeux ,
D'une pauvre , & chaſte obfervance ,
Sans ceffe de fa volonté ,
Sur l'autel de l'obéiffance ,
Elle immola la liberté.
Victorieufe d'elle- même ,
Au dehors eft- il des combats ,
Qui puiffent retarder ſes pas ,
Dans le fentier du bien fuprême ?
Dans ce lieu faint & retiré ,
Son efprit eft trop épuré ,
Pour les biens que le Siecle étale ,
Sur ces objets les plus pompeux ,
La difcrete & fage Veltale , '
Ne jette qu'un oeil dédaigneux..
Je fens que mon inſuffiſance ,
Malgré le genereux deffein ,
Dont l'ardeur m'échauffe le fein ,
M'oblige au refpect , au filence .
2. vola Tol
DECEMBRE. 1726. 2997
Toi dont le deftin fuit les loix ,
Qui mets le merite en fes droits ,
Prens le Pinceau , docte Uranie ,
Que l'excellence du Tableau ,
Semble allarmer fa modeftie ,
Le Portrait en fera plus beau. Q ...
REPONSE à l'Article 79. des Memoires
de Trévoux du mois de Septembre 1726 .
au fujet d'une Methode très -aifée pour
" apprendre l'Orthographe par principes
à ceux qui n'ont pas étudié le Latin, &
utile aux perfonnes qui ont la connoiffance
des Belles- Lettres ; par le fieur Jacquier.
A Paris , chez Jacques Joffe , ruë
S.Jacques, Théodore le Gras , au Palais,
& Noël Pißot , Quai des Auguftins .
E quelque utilité que
foient au
Diublic les Nouvelles Litteraires ,
il les voit avec peine , & ne fçait quel
parti prendre , quand fans aucun avertillement
il y apperçoit des faits , qui
provenant d'une même fource , font entierement
oppofez ; c'eft ce qui eft arrivé
au fujet de la Methode du freur Jacquier.
Voici ce que les Auteurs du Journal
de Trévoux en ont dit dans celui du
Tão volon
mois.
2908 MERCURE DE FRANCE :
mois de Juillet de la prefente année ;
page 1353.
Le titre d'un Livre nouveau fur l'Orthographe
, n'eft point un titre trompeur.
La Methode que propofe le fieur Jacquier
eft veritablement très - aifee & réduite à
des Principes qui en rendent l'étude & plus
•facile & plus folide. Il n'a rien paru de
plus exact fur un fujet que tout le monde
doit apprendre.
Après un jugement fi favorable , on a
été bien furpris de voir dans leur Journal
du mois de Septembre tout le contraire
de ce qu'ils avoient avancé dans
celui de Juillet on y a pris le ton railleur
, & on a mis en oeuvre une Critique
mal fondée , & qui ne tend qu'à décrier
cet Ouvrage:malgré tout cela , on ne s'attachera
ici qu'à répondre à leurs objections
, & à démontrer qu'on en impofe au
S. J. en dilant que fa Methode n'eft
que la copie de ce qu'on trouve ailleurs
en chaque Grammaire .
Texte des Memoires , p. 1638 .
L'Auteur , page 7. parle de l'i moüillé
avant d'eux 1 , & s'énonce ainfi l'i , mis
avant deux 1, veut qu'on en prononce
un après les deux I , quoiqu'on ne l'éerive
ordinairement pas : la facilité que
promet l'Auteur , ne fe trouve point encore
Zio volo
en
DECEMBRE. 1726. 3029
en cet endroit i car dans l'occafion dont il
parle , fi nous en croions nos plus habiles
Grammairiens , ce n'eft point l'i qui eft
mouillé , c'est l'1 qui fait un fon parti
culier, qu'ils appellent I mouillée , & qui
eft defigné ordinairement par une I on
deux , précedées d'un i ; au reste , il n'est
nullement vrai qu'après les deux 1 , qui
defignent le fon de l'l mouillée , on pronon
ce un i , ce feroit une très mauvaise pronon
ciation : le fon de l'l mouillée dans bouillon,
veilla , tombe immédiatement ſur la voïelle
• ou on , fans nulle interpofition du fon.
Réponse.
1º. L'Auteur de l'Extrait fait dire au
S. J. une chofe qu'il n'a pas avancée , en
fuppofant comme il fait , que c'eft l'i qui
eft avant les deux 1 , que le S. J. appelle
i mouillé , dans le temps qu'il n'entend
autre chofe par i mouille , que cet ii, quon
prononce imperceptiblement après les
deux I , quoiqu'on ne d'écrive pas , &
qui eft la feule caufe que la derniere des
deux fe mouille .
2º. Le S. J. ne demande qu'une choſe
pour tirer une confequence évidente
fur ce qu'il avance ; fçavoir , fi la derniere
fillabe de poilon & de bouillon , ſe
prononce de même ; fi la prononciation
eft la même dans l'un comme dans l'au-
2.201 tre
1910 MERCURE DE FRANCE.
tre , il avouëra avec plaifir fon erreur :
au contraire fi la prononciation de la derniere
fillabe dans bouillon , eft differente
de la derniere dans poilon , on ne ſçauroit
lui contefter qu'il faut y admettre ,
ou un accent qui falle faire une autre prononciation
que celle de lan , ou y fuppo
fer un i , qu'on prononce imperceptiblement,
comme on le prononce dans faiance,
comme il l'a fuppofé pour ne rien innover
, & pour prévenir l'objection qu'on
auroit pû lui en faire , s'il n'en avoit pas
parlé.
Il eft à remarquer que l'Auteur de
l'Extrait , qu'on affure être le R. P. Buffier
, eft ici d'un fentiment tout contraire
à ce qu'il avance lui- même dans fa
Grammaire ; car page 505. il dit ,
La rime n'eft pas plus fupportable enare
deux mots qui riment par deux 1 , dons
Pune eft mouillée & l'autre feche ; car
ce font la encore deux fons entierement
differens : comme ,
Par ton ami rappelle
Sur ce rivage émaillé.
On ne comprend pas comment des Poëtes
recens , qui ont & qui meritent une
grande réputation , fe permettent cette forts
de rime ; puifque l'l feche & l'l mouillée
font deux lettres plus differentes , & pour
2. vale Le
DECEMBRE. 1726. 2917
le fon & pour la conformation de la bou
she , que dt : ainfi rappellé & émaillé
riment moins que bordé porté. Ce
qu'on va dire fur la Voïelle longue convaincra
encore davantage de ce qu'il
avance.
Texte des Memoires , p . 1639.
L'Auteur dans fon Avis au Lecteur,
dit, le fuccès prompt & facile , dont l'experience
m'a convaincu par plufieurs édu
cations particulieres , me fait efperer que
le Public goûtera cette Methode , qui outre
fa brieveté , ne demande qu'un fond'
de raison ; on pourroit raisonnablement fe
trouver arrêté en un grand nombre d'endroits
de fon Livre , né fut- ce qu'à la
page 193. où il dit que l'accent circon
flexe fe met fur les Voïelles longues ;
felon lui , il faudroit donc un accent cir
conflexe en ce même mot longues , puif
que la Voielle o ou on , eft longue en ce
mot , cependant il ne l'y met pas , & ne
L'y doit pas mettre
Réponse.
Si l'Auteur de l'Extrait s'étoit donné
La peine d'examiner les pages , 2. 220
23. & 191. il n'auroit pas porté un femblable
jugement ; car il auroit trouvé
page 2. pour principe, que quand on est
2. vol. mains:
1911 MERCURÉ DE FRANCE
moins de temps à prononder une Voïelle en
un endroit qu'en un autre , au premier endroit
elle eft breve & au dernier elle eft
longue ; page 22. & 13. la confirmation
très-au- long de cette définition , & ne
laiffe aucun lieu d'en douter ; voyez
cy-deffous les exemples qui en ôtent tout
foupçon , enfin , page 191. on verra ce
que c'eft qu'une Voïelle afpirée que
Auteur de Extrait veut appeller
Voïelle longue.
Voielles longues.
Voielles breves.
Maille. Maillet.
Châife , à mettre Chaffe , aller à la
des Reliques.
Chaffe.
Pôfe. Pofé.
Ainfi pour agir avec principes , nous
appellerons une Voïelle breve , celle
qui garde fa prononciation naturelle
nous appellerons au contraire une Voïelle
longue , celle qui a quelque chofe de
plus que fa prononciation naturelle ; ainfi
la premiere fillabe de maille eft longue,
parce qu'on eft plus de temps
à la pro
noncer que la premiere en maillet : de
même la premiere fillabe de pôfe eft longue
, parce qu'on eft plus de temps à
la prononcer qu'à pofè ;
Ainfi il fera donc vrai de dire que la
2. vel. premiere
DECEMBRË. 1726. 291F
premiere fillabe de pofe , n'eft pas plus
breve à l'égard de pofe , que l'eft la premiere
fillabe de mailler à l'égard de maille.
On tirera donc une confequence neceffaire
, que chaque fillabe prife féparément
eft toûjours breve dans le François
, & prefque toûjours longue dans le
Latin quant à la prononciation .
Ainfi réfultera que les Confonnes dans
le François , font afpirer la Voïelle fans
la rendre longue ; car lo n fait lon , comme
trai fait trai ; cependant trai eft
Jong dans traître , & bref en traité , pour
les raifons qu'on vient de dire.
Enfin , pour répondre & donner plus
de certitude à la regle qui traite de la
fillabe ti , qu'on prononce tantôt en ti
comme dans foutien , & tantôt en ci ,
comme dans quotiens , on fera attention
aux Regles qui fuivent.
1. Ti , commen- Tiara . Tiare.
Cant un mot, ou étant
précedé d'une s , ou
d'un x, garde toûjours
le fon propre , quoi- qu'il fuive une voiel
queftio. queftion
.
le ce principe ne
fouffre d'exception ni
en François ni en Latin
.
mixtion.
2. vol.
2914 MERCURE DE FRANCE.
2. Ti , fe pronon- Prophetia . Proce
comme ci , quand phetie.
il fuit une Voïelle :
ce Principe ne fouffre
François.
d'exceptions qu'en repetition . repetition
.
3 °. La Gillabe qui Chriftianus.Chréfe
prononcé en ti ou
en ci , dans le mot
tien
latin quand il fuit une toftus . tofti. rôtie.
Voïelle, ou qu'en l'ajoûtant
on fait le mot
François , alors cette minutus. minuti.
fillabe doit fe prononcer
de même dans le
mot François.
4. Ti , dans les
Noms qui dérivent
du verbe & les verbes
mêmes quand l'i
fe perd à l'infinitif ,
garde le fon propre.
minutie.
quoties. quotien .
maintien , de maintenir.
je foutiens. foutiens. de
foutenir.
n . portions. dễ
porter.
5°. Quand le mot amicitia. amitié.
Latin a quelques lettres
ou fillabes plus
ou moins que le mot
François, alors ti garpars. partis. parde
le fon
2. vol.
propre.
| pars.
tie.
DECEMBRE. 1726. 2915
·
pitié.
6. Ti garde 1 fon
propre quand le mot
ne tire pas fon origine
du Latin. moitié.
Le S. J. ne demande que quelques
heures pour faire entendre tous ces Principes
& s'en fervir à propos ,
à celui
qui n'aura jamais étudié le Latin ; on ne
conclura pas de là qu'il fçache le Latin ,
mais on conclura qu'on peut apprendre
l'Orthographe fans avoir étudié le Latin.
OBJECTIONS .
Sur la Grammaire Françoife , fur un nouveau
Plan , du R. P. Buffier Jefuite ,
qu'on affure être l'Auteur de l'Extrait
de la Méthode du Sieur Jacquier : ces
mêmes Objections prouveront que c'eſt
à tort qu'on lui impute que fa Méthode
n'est que la copie de ce qu'on trouve
ailleurs dans chaque Grammaire Francoife.
Premiere Objection . En parlant de l's
entre deux Voïelles , le S. J. donne pour
Principe , page 8. que l's entre deuxé
Voielles fe prononce comme un 2 : la feule
exception , & qui eft en même- temps
un Principe , eft quand l's garde fa prononciation
dans le mot fimple , elle la gar
2. vel. de
2916 MERCURE DE FRANCE.
de même dans le compofe , quoiqu'entre
deux Voielles ; ainfi on écrit & on prononce
, féance préféance , fillabe monofillabe.
Le R. P. B. au contraire a befoin de
garant dans fon exception fur la même
regle , quand il dit , p. 361. qu'il faut
prononcer préféance , comme preffeance ,
parce que pre eft alors une prépofition.
1. Il n'eft pas vrai que pre foit une prépofition
dans le François , quoique cela
foit dans le Latin . 2. Trouvant préfuppofer
& prefumer , on les prononcera
de même , ce qui ne fe doit pas ; car on
doit dire prezumer & jamais préffumer.
3. Ce Principe n'eft pas general , car on
dit parafol , monofillable où l's garde fa
prononciation , quoiqu'entre deux voïelles
au contraire , en fe fervant du Principe
du S. J. on réfoud toute forte de
difficultez.
Seconde Objection . On demande au
R. P. B. pourquoi il admet plutôt le
trait - d'union entre très -fort , qu'entre
plus fort.
Troifiéme Objection . On demande au
R. P. B. à quelle marque il connoît que
l'y dans yeux , a un double fon , & dans.
yvre un fimple : pourquoi dans frayeur
il fait fa fillabe avec la voïelle qui pre--
cede & qu'il ne la fait pas dans fayance,
2. vol.
DECEMBRE. 1726. 2917
Quatriéme Objection . Le R. P. B. auroit
mieux fait de donner à la raiſon ce
qu'il attribue à l'ufage , en difant, page
96. que c'est l'ufage qui a déterminé d'écrire
certain plutôt par a in , que par
in: faim par a im plutôt que par e im
ou ein , & voifin par ain , plutôt
qu'autrement ; car fi on écrivoit certin
par i n , on diroit au feminin certine ;
de même ſi on écrivoit voifain par ain ,
il faudroit dire voifaine pour le feminin :
enfin , fi on écrivoit feim pat eim ou
ein; on diroit que feim vient de fémine
ou de fénine ; on dira donc que
faim s'écrit par aim , parce qu'il vient
de famine , par où on voit que c'eſt la
raifon & non l'ufage qui nous fait ainfi
orthographier. L'Objection qui fuit fer--
vira de confirmation à ce qu'on vient de
dire.
Cinquiéme Objection. Le R. P. B,
dans les Memoires même , page 1641.attribue
à un long ufage la maniere de bien
orthographier les mots fuivans , Procès ,
Arrêts , mauvais , faix , difoient , difois ,
fifflets , chenaie, chenaies , ils effaient, & c,
•
Le S. J. au contraire l'attribue à des
Principes faciles & évidens , & où il net
faut que du jugement , ainfi qu'on peut
lé voir dans la Méthode , page 81. à 89.:
ear Procès , Arrêt , Sifflets , doivent s'é
C.2, vol. crire
2918 MERCURE DE FRANCE .
crire avec un e & non pas ai , parce
qu'ils tirent leur origine, Procès de Procedure
, arrêt d'arrêter & fiflets de fifler:
au contraire , mauvais , faix , chenaie ,
chenaies , fuivent la prononciation naturelle
, parce qu'ils ne tirent pas leur otigine
dun autre mot , ou s'ils la tirent ,
le mot s'écrit en as ainfi faix , de fardeau
enfin ils difoient , ils faient, difaient
, s'écrit par oi , parce qu'il eft
à l'imparfait ; car on a pour principe ,
page 116. que quand les imparfaits ou
les plufqueparfaits font terminez en a i,
on les écrit toûjours par o i , quoiqu'on
les prononce comme ai : ils effaient eft
écrit par a i , parce qu'il vient d'effaier,
ce qu'on voit évidemment prouvé en
rapportant un imparfait pour exemple ,
ils effaïoient , il eft aifé de tirer la conféquence
pourquoi la pénultiéme fillabe
s'écrit par ai , & la derniere par oi ,
quoique la prononciation foit la même.
Sixiéme Objection . Le R. P. B. page
245. en voulant réfoudre la difficulté
la plus importante de l'Orthographe ,
comme il l'avoue lui - même , preferit
neuf regles pour bien orthographier le
dernier mot d'un Verbe ou d'un Participe,
quand la chofe où le cas du Verbe eft
après fon Verbe ou fon Participe ; c'eſt
ce qui fait naître la confufion , & qu'on
2. vol.
pe
DECEMBRE . 1726. 2919
ne fçait à la fin à quoi s'en tenir , ainfi
qu'il l'avouë lui - même , en difant que
ces minuties ne méritent pas qu'on perde
le temps à en faire une trop longue difcuffion.
Le S. J. au contraire réfoud toutes ces
difficultez par un Principe inconteſtable ,
qui eft , le dernier mot du Verbe on du
Participe Actif, ne varie jamais quand
La chole directe eft après fon Verbe on
fon Participe , ainfi qu'on peut le voir
dans fa Méthode , p . 152. en n'admettant
que trois fortes de Verbes qui font
l'Actif , le Paffif &
P'Imperfonnel.
Il est à remarquer que le S. J. appelle
la chofe, ce que les Latins nomment le
eas du Verbe ou le régime direct d'un
Verbe.
t
Exemple.
2
Mes foecurs ont preferé l'or à l'argent.
On voit que l'or eft la chofe directe .
parce que quand on prefere , on prefere
quelque chofe :
Et l'argent eft la chofe
indirecte , par
ce que quand on prefere une chofe , on
la prefere à une autre , c'eſt le Datif
des Latins.
2. vol.
E
Exemples
2920
MERCURE
DE FRANCE
,
Exemple
.
1. Ayant eu la fatisfaction
de vous
voir..
2. Des hommes
habiles
aïant examine
mes raiſons.
3. J'ai reçû vos Lettres
.
4. Les perfonnes
que j'ai entendu
chanter
.
5. Ma mere s'eft preſcrit
cette regle , 6. Il a dit toutes les raifons
qu'il a
voulu
.
7. Les raifons qu'il a
prouvois
.
crû que
j'ap
8. J'ai pris la réfolution
d'aller
.
9. Les chofes
qu'ils ont le plus aimé
à faire.
"
Par où on voit , en commençant
par
1
le premier
exemple
, qu'eu , examiné
,
5
7 8
reçû , entendu
, preferit
, voulu , crû , pris,
& aimé , ne varient
pas , parce que la chofe directe
eft après le Verbe ; car en parlant
du 4. Exemple
, la chofe directe ou le cas du Verbe entendre
, eft chanter; quoique
chanter
foit un Verbe , il ne tient
2. vol. pas
DECEMBRE. 1726. 2928
pas moins lieu de la chofe directe , ce
qu'on connoîtra évidemment en tournant
la phraſe fans rien changer au fens
du difcours , & difant , les perfonnes dont
j'ai entendu la voix mélodienfe.
De même en parlant du se. Exemple ,
›
preſcrit ne varie pas , quoiqu'il foit
aidé du Verbe être , parce que la chofe
directe eft après fon Verbe , & qu'il
peut fe tourner en Actif fans rien changer
au Nominatif ni à la choſe ; car on
peut dire , ma mere a preferit cette regle
a foi ou à fa perfonne . Il faut faire le
même raifonnement pour tous les autres
Exemples .
A tant de preuves on laiffe aux Lecteurs
à juger par eux -mêmes , fi ce font
là des traits de Copiftes.
Enfin , par reprefailles au fujet de la
même fillabe ti , dont on a parlé , on
obfervera que le R. P. B. dit que ti garde
le fon propre.
1. Quand tien garde le fon propre de
re accentué nafal , & ne prend point le
fon de l'a nafal ; foutien : on oppoſe à
ce Principe quotien , où ti ne garde
le fon propre.
pas
2. Dans les temps des Verbes ; nous
battions on voit le contraire dans nous
nous impatientions , où le premier t n'a
2. vol. E ij
pas
2922 MERCURE
DE FRANCE.
pas le fon propre , quoi que ce foit un
Verbe ; de même,comment connoîtra -t on
que dans je m'impatiente , le premier t
n'a pas le fon propre , & qu'il l'a dans
je me foutienne .
*
3. Aux mots terminez en tie & en
tié, partie , amitié , &c. Exceptez 1. Prophetie
, & c. 2. Quelques noms de Païs ;
Dalmatie , &c. On demande quelle certitude
on peut tirer de cette regle & de
fes exceptions
.
En voilà , ce femble, affez défenpour
dre le Livre du S. J. contre la Critique
du R. P. B. adoptée par les Auteurs du
Journal de Trévoux.
Il ne fera pas hors de propos d'ajoûter
à fa défenſe , que les Auteurs des
autres Journaux , n'ont pas crû cette Méthode
indigne d'entrer dans leurs Nouvelles
Litteraires. Les Auteurs du Mercure
de France qui l'ont auffi rapportée
dans celui du mois d'Avril de la prefente
année , page 747. ont ajoûté que tout
ce qui eft contenu dans cet Ouvrage ,
convient parfaitement à fon titre car tout
nous y a paru clair , aife & appuyé fur
les meilleurs Principes enforte que nous
pouvons affurer , après M. de Fontenelle ,
fon Approbateur, qu'une pareille Méthode
ne peut qu'être utile au Public.
Le S.Jacquier, pour derniere juftification,
2. val. ajoûtera
DECEMBRE. 1726. 1913
ajoûtera qu'il enfeigne actuellement fa
Methode concernant l'Orthographe à toutes
fortes de perfonnes , fans avoir étudié
la langue Latine , par principes & en
peu de tems. Les Etrangers auront la
même facilité , pour peu qu'ils entendent
le François . Ceux dont les emplois
exigent neceffairement cet Art , pourront
, à plus forte raifon , l'apprendre en
moins de tems , par l'habitude & la pratique.
Il défend d'étudier de memoire,
ne demandant que du jugement & de la
pratique. Il n'avance rien dont l'experience
ne l'en ait déja convaincu , & cela
à l'aide d'un Abregé de fa Methode
qu'il a compofé depuis quatre mois
dont il fera part dans la fuite au Public
Il demeure ruë faint Denis , à côté de la
Fontaine faint Innocent , aux trois Pucelles.
A Paris.
kakakkak::
PREMIERE ENIG ME.
UN Laboureur peut fouvent efperer
De ce qu'il a femé la recolte abondante
Moi je cultive un champ que j'ai beau labourer
,
Il ne rapporte rien de tout ce que j'y plante 2. vol. E j
2924 MERCURE DE FRANCE.
Je travaille pour des ingrats ,
Froids , glacez , fans reconnoiffance :
Je n'en fçaurois tirer la moindre récompenfe.
Mais fi de ce travail ils ne me payent pas ,
Leurs parens , leurs amis , en leur propre préfence
,
Me laiffent enlever ce qu'ils ont de plus
cher ,
Sans qu'ils fe mettent en deffenſe ,
Pour m'empêcher de le leur arracher.
Mon ouvrage , quoique penible .
N'a rien pour moi de chagrinant ,
Toûjours il s'acheve en chantant ;
Bien loin qu'à la fatigue on me trouve ſenſible,
De ma profeffion fil'on fait peu de cas ,
Abus ; car fur ce point à bon droit je m'obe
ftine ,
J
Qu'on devroit lui donner le pas
D'abord après la Medecine.
SECONDE ENIGME.
E fuis une maifon qu'habite un franc piedplat
,
Et que je refferre en forçat ;
Mais aux gens du bel air ce terme fair ou
trage ;
Eh !
DECEMBRE. 1726. 2925
Eh ! pourquoi les injurier ?
Je leur dois des égards par droit de voifinage
;
Fuffent- ils du plus haut étage ,
Rois mêmes ; j'ai cet avantages.
Qu'ils logent tous dans mon quartier.
A cette loi commune aucun Mortel n'échappe
,
Je n'en excepte que le Pape.
On donnera l'explication de ces deux
Enigmes , avec les deux du premier Volume
de ce Mois dans le Mercure de
Janvier.
XX XXXXXXXXXXX :XX
NOUVELLES LITTERAIRES
DES BEAUX ARTS , &c.
DIRECTEUR DES AMES PENLLTENTES
, ou Décions de plufieurs
Queſtions importantes fur la pratique du
Sacrement de Penitence , & c. Par un
Directeur très- experimenté dans la conduite
des ames. Nouvelle Edition , revûë
augmentée . A Paris , rue faint Jac-
2. vol. E iiij ques
2926 MERCURE DE FRANCE.
ques, chez Babuti. 1726. in 12. de 496.
pages.
ELOGES HISTORIQUES DES SAINTS ,
avec les Myſtères de N. S. & les Fêtes
de la Vierge pour tout le cours de l'année.
Nouvelle édition. A Paris , chez
Guerin. 4. vol . in 2.
CRITIQUE DE LA CHARLATANERIE ,
divifée en plufieurs Difcours , en forme
de Panegyriques , faits & prononcez par
elle même. A Paris , ruefaint Jacques ,
shez la veuve Mergé, 1726. in 12. de
196. pages.
L'UTILITE' DU POUVOIR MONARCHIQUE
, contenant l'Hiftoire de Phalaris
, avec fes Lettres fur le Gouverne
ment & les Confeils d'Ifocrate , ou le
Modele des Miniftres. Par M. C. de S.
M.1726. 2. vol . in 12 .
OBSERVATIONS fur le Memoire Academ
que de M. Morand , Chirurgien de
la Charité , & Demonftrateur des Operations
de Chirurgie à Saint Cofme , inferé
dans PHiftoire de l'Academie
Royale des Sciences , de l'année 1722 .
page 25. touchant les Cataractes des
Yeux. A Paris , rue de la Harpe , chez
42. vel.
M.
DECEMBRE. 1726. 2927
'M. d'Houry. 1726. Brochure in 12. de
56. pages.
ALMANACH ROYAL pour l'année
1727. de l'Imprimerie de la veuve Laurent
d'Houry , au bas de la ruë de la
Harpe , au S. Efprit.
Feu Laurent d'Houry , Auteur de cet
Ouvrage , a merité un applaudiffement
univerfel.
Le Public trouvera cette année cet
Almanach enrichi par les foins de fa
Veuve des dates de la reception de tous
les Officiers de Robe , d'Epée & de Finance
, & augmenté de la Lifte des Colo
nels Generaux , Lieutenans Generaux ,
Marêchaux de Camp & principaux
Officiers de la Marine.
>
Il eſt calculé au Meridien de Paris.
L'on y trouve à l'ordinaire le lever & le
coucher du Soleil , ceux de la Lune , &
fes mouvemens ; les Naiflances des Princes'
& Princeffes de l'Europe. Le Clergé
de France , les Confeils du Roy , la
Grande Chancellerie & fes Officiers , le
Grand-Confeil , le Journal du Palais , le
Parlement , la Chambre des Comptes , la
Cour des Aydes , celle des Monnoyes &
des Treforiers de France , le Châtelet ,
& autres Jurifdictions . Les Payeurs des
Rentes , & leurs Contrôleurs . Les Dé-
2. vol. E v
par
2928 MERCURE DE FRANCE:
partemens & Regies des Fermiers Ge
neraux , & autres Compagnies de remarque.
Le départ des Couriers , les demeures
& Routes des Mellagers , les
Foires du Royaume , & c. avec une Table
alphabetique des Matieres . Vol . in 8 ° . de
389. pages. Le prix eft de 4. liv. broché.
PREMIER RECUEIL de Leçons de
Mathematiques dictées au College
Royal par J. Privat de Molieres , Profeffeur
de Philofophie au College Royal ,
& de l'Academie Royale des Sciences.
Dans lesquelles font contenues & démontrées
toutes les proprietez fondamentales
des Nombres , & tous les Calculs
qui ont été trouvez jufqu'à préfent.
Sçavoir , les Calculs des Nombres entiers
, des Fractions , des Radicaux , des
Polynomes ou de l'Algebre ; & celui des
Puiffances par leurs Expofans , traité à
fond , & dans toute fon étendue. Volume
in 12. contenant huit Leçons & 458. pages
, fans y comprendre les Avertiffemens.
A Paris , chez l'Auteur , au College
Royal , Place de Cambrai , & chez Robert-
Marc Defpilly , Place de Sorbonne.
Labotiere , rue faint Jacques , près la
Fonta ne faint Severin . Tabarie, Quai de
Conti , près la rue Guenegaud , vis - àvis
l'Abreuvoir..
2. vol.
Ов
DECEMBRE. 1726. 2929
On voit par l'Epître Dedicatoire de ce
Livre , adreffée à M. le Comte de Maurepas
, Miniftre & Secretaire d'Etat
que la principale vûë que l'Auteur s'eft
propofée en donnant les Leçons au Public,
a été que les Etrangers , & ceux qui
ne peuvent pas venir au College Royal ,
queFrançois I.a établi pour être l'Ecole de
toute la France , puiffent en profiter pref
que auffi - tôt qu'elles y font enfeignées.
Ce premier Recueil eft un Traité
complet du Calcul en general. Il commence
par un un font deux , & s'étend
par ordre jufqu'aux operations de l'Arithmetique
& de l'Algebre la plus fublime
; enforte qu'il ne laiffe rien à defirer
fur ce fujet , que la pratique de ces
operations , que l'Auteur donnera dans
un fecond Recueil , qui doit fuivre immédiatement
celui - ci , & qui contiendra
la methode de réfoudre non feulement
toutes les Questions de l'Arithmetique
ordinaire , mais generalement toutes les
regles de l'Analyfe.
L'Auteur prétend que pourvû que le
Lecteur fe donne la peine de le fuivre
pas a pas , il pourra , fans aucun autre fecours
que celui ,de fon attention , franchir
toutes les difficultez de cette fcience , qui
eft la bafe & le fondement de toutes les
Mathematiques.
2. volar Evj
Ces
2930 MERCURE DE FRANCE.
Cet Ouvrage a été examiné par l'Academie
des Sciences , & paroît fous fon
approbation. Voici le jugement qu'elle
en a rendu, & qui ne peut être plus avantageux
.
Extrait des Regiftres de l'Academie
Royale des Sciences , du 10. Juillet 1726.
Meffieurs Caffini , de Mairan & Nicole ,
qui avoient été nommez pour examiner
un Ouvrage de M. l'Abbé de Molieres ,
intitulé , Leçons de Mathematiques , & c.
en ayant fait le
fait le rapport , la Compagnie a
jugé que les matieres y étant arrangées
dans l'ordre qui leur convient , & les
operations bien expliquées & bien démontrées
, cet Ouvrage feroit utile à
ceux qui s'appliquent à ces Sciences . Fait
à Paris ce 13. Juillet 1726. Fontenelle ,
Secretaire perpetuel de l'Academie Roya
le des Sciences.-
TRADUCTION d'un Memoire Anglois
de M. le Docteur Littlejohn , l'un des
Medecins de la Flotte de Sa Majesté
Britannique , qui contient la maniere de
faire ufage des remedes pour la gueri
fon des Hernies. Par Bermingham , Chirurgien
Juré de faint Come à Paris , approuvépar
les Docteurs Mead , Friend,
Meffieurs Pelmer & Chifelden , Chirurgiens
Jurez de Londres préfenté à
2. vol.
La
DECEMBRE. 1726. 293 V
la Chambre des Mylords de l'Amirauté.
Lettre de ladite Chambre de l'Amiraute
aux Officiers de la Flotte de Sa Majesté
Britannique, à Londres,le 1. Juin 1726.
A. S.
MESSIEURS ,
,
+
Le Docteur Littlejohn , cy- devant l'un
des Medecins de la Flotte de Sa Majefté ,
nous ayant propofé une maniere de gue-
-rir facilement ceux qui dans nos Navires
fe trouveroient attaquez de Defcentes ,
-nous l'avons fait examiner par Meffieurs
·les Docteurs Mead
Friend , & par
Meffieurs Pelmer & Chiſelden , Chirur
-giens Jurez de Londres , lefquels nous
ont rapporté que la methode propofée
par ledit Sieur Littlejohn eft fort jufte ,
& qu'elle peut être d'une grande utilité
-pour le Public , fur tout dans les Hernies
recentes , & qu'elle fera d'un grand ſe-
>cours dans les Navires de Sa Majesté ;
c'est pourquoi nous vous envoyons la
copie du Memoire qui contient cette methode
, & vous prions de le faire mettre:
en pratique dans vos Navires , tant pour
le préfent que pour l'avenir. Signé Jennings
, Cockburn, Chetruyud & Weger..
Meffieurs les principaux Officiers de
L'A
2. vol.
1932 MERCURE DE FRANCE.
l'Amirauté nous ayant fait fçavoir qu'ils
fouhaitent que la methode de guerir les
Hernies leur fut communiquée , dans
K'intention de la rendre publique pour le
bien & l'utilité de la Marine.
pour
C'eſt obéir à leur ordre que le
Sieur Alexandre Littljeohn , M. D. cydevant
Medecin de la Flotte , à communiqué
ladite methode,
Quoique les Medecins & Chirurgiens
par mer & parterre prétendent connoître
la nature & la caufe des Defcentes ,
cependant il feroit neceffaire qu'on trouvât
remede à un fi fâcheux accident ;
ainfi l'on propoſe un moyen d'y remedier
, lequel étant duëment executé , doit
certainement faire l'effet efperé.
La premiere intention pour la guerifon
des Defcentes eft la réduction & replacement
des parties forties de leur fituation
naturelle dans les cas où il n'y a
point d'adhérence des parties ; & la réduction
cependant fe trouvant difficile ,
en quoi les prefcriptions fuivantes doi
vent être appliquées.
. Herb. Abfinthii Roman.
Centaurii minoris ,
Meliloti ,
Hyperini ,
Flor . Rofarum rubrarum ,.
Anthos ana Mi.
2.vol. Coque
DECEMBRE. 1726. 2935
Coque in aquæ fontanæ libris fex ad
libras quatuor , & adde vini rubri libras
duas , tùm coque leviter per horam , ut
fiat colatura pro fotu calidiffimo , Herniæ
, & Pubis regioni adhibendo , cùm
ftuphis leneis alternatim applicatis.
B. Sem. Sinapi Zvj.
Coque per horam, in aquæ fontanæ libris
quatuor , fiat colatura , ufurpetur ut
fuprà.
B. Rad. Liliorum alborum ,
Cicuta ana partes æquales.
Incifis & contufis , coq. S. a . in aquæ
q. S. ut fiat cataplafma , Herniæ , calidè
applicandum .
B. Rad. Polygonati Zvij .
Jalappe ,
Aloës Succotrina ana 3j .
Pulver . Subtil . & gradatim mifce , in
Mortar. marmor. fub finem addendo .
Ol. Cinamon. gut. xxx. cum Sachar.
alb. 36. m. f. pulvis dofis à 3. ad ij .
fumenda mane in jufculo avenaceo , vel
in Bolo , cùm electuarii lenitivi q. s.
On doit donner les poudres laxatives
au commencement de la guerifon pendant
huit ou dix jours confecutivement ,
après quoi il faut continuer l'efpace de
fix femaines cu de deux mois , en repetant
la même choſe deux ou trois fois la
femaine:ce qui contribuera beaucoup à la
Z.Valor
gue.
1934 MERCURE DE FRANCE .
7
guerifon . On le doit donner dans tous
les cas où l'application exterieure eft
neceflaire , afin d'en faciliter la reduction
des parties. Quand la Defcente eft toutà-
fait réduite , alors on applique un
cauftique au deffus.de l'os pubis, à la perforation
du paffage des vaiffeaux fpermatiques.
La plus forte huile de vitriol eſt
la cauftique que j'ai recommandée; on en
doit frotter la partie , jufqu'à la quantité
Tequile à faire penetrer au travers les
membranes ; car plus l'efcarre eft profonde
fans endommagement , & plus elle
répondra effectivement à la fin requiſe. !
L'application peut être réïterée deux
ou trois jours de fuite , afin de faire l'efcarre
affez profonde, en obfervant néanmoins
de couper fuperficiellement dans
F'efcarre , afin que l'huile de vitriol
puiffe mieux penetrer. L'efcarre doit
être panfée avec l'emplâtre de Paracelfe
& Oxycras , parties égales , étenduës
minces fur du cuir. Cet emplatre feul
fuffic pour feparer l'efcarre , & cicatrifer
la partie. En cas qu'il furvienne des fongus
, excroiffances , ou chair baveuſe ,
on fe trouvera gueri par les frequentes
applications de la Pierre Infernale , faite
avec de l'argent de coupel , & un plumaffeau
de charpie feche fur la partie.
Pendant que la guerifon fe fait , on
Zoo vola
met
DECEMBRE. 1726. 2935
met des comprefles graduées fur les parties
, pour empêcher la Defcente , avec
une bande de fine flanelle , de longueur
& largeur , à proportion du fujet .
Après que la partie eft cicatrifée ,
Empl. ad Herniam , y doit être appli
qué avec une trouffe ou bandage , pour
fuftenter la partie jufqu'à ce que la cicatrice
devienne fuffifamment dure &
calleufe , pour fuppléer au défaut d'une
trouffe ou bandage artificiel .
On doit bien confiderer pendant la
cure le regime du malade. Il lui faut du
repos , & fur tout au lit ; un regime moderé,&
une nourriture de facile digeftion
eft neceffaire. Des herbages , de groffes
viandes , le laitage , & tout ce qui peut
caufer des vents ou conftipation, lui font
contraires.
La methode pour guérir les Defcentes
, cy -deflus mentionnée , a tellement
réüffi dans des cas particuliers , qu'on
efpere qu'une pratique judicieufe & fidelle
le rendra très -utile au Public.
Le cauftic ne convient que dans les
Hernies incomplettes.
- BERMINGHAM , Ecuyer, ChirurgienJure
de la feue très -Haute ,très - Excel . & très-
Puiffante Princeffe Marie- Beatrix d'Eft ,
Reine -Mere Doüairiere de la Grande
Bretagne Chirurgien , tant à l'Hôtel-
Diew La vola
2936 MERCURE DE FRANCE.
Dieu qu'à l'Hôpital General de Paris
pendant dix - huit années , avec une ap
probation authentique , ayant gagné ſa
Maîtriſe par le grand foin & l'attachement
qu'il a eu pour les Pauvres dudit
Hôpital General , Chirurgien Juré de
Saint Cofme à Paris , & Chirurgien Juré
de Londres.
EXTRAIT d'une Lettre écrite de
Lyon aux Auteurs du Mercure , le 26 .
Novembre 1726 .
L'Academie des Sciences & des Belles
Lettres de cette Ville vient de tenir une
Séance publique , à laquelle le Prince
de Saxe- Gotha a affifté. Ce Prince a
demandé d'être reçû au nombre des Academiciens
Honoraires. M. Chenel y a lû
un Diſcours fur la maniere de philofopher
de M. Defcartes , dont il a fait l'Apologie
, & il a prouvé par des raifons
nouvelles que fon opinion touchant l'ame
des bêtes n'étoit contraire ni à la raifon
, ni à la Religion.
M. Peftaloffy a lû enfuite des Obfer
vations Phyfiques Medecinales fur un
fait très- fingulier & veritable , arrivé à
Vienne en Dauphiné. Un enfant à l'âge
de quatre ans & huit mois fut attaqué
d'une léthargie qui duroit vingt- quatre
heures. Dès qu'il fe réveilloit , il de-
2. vol.
manDÉCEMBRE.
1726. 2937
mandoit à manger , & il a mangé avec
tant d'apetit pendant l'efpace de quatse
mois , que fon corps a fait dans cet efpace
de quatre mois tout le progrès qu'il n'auroit
dû faire que dans quinze années , cet
enfant ayant à l'âge de cinq ans la même
grandeur , la même force & la même
groffeur d'une perfonne de vingt ans ,
ayant auffi du poil aux endroits accoutu
mez. Il portoit un grand fceau plein
d'eau , & un poids de cinquante livres .
Il étoit outre cela tout - à - fait nubile. Ce
fait, au refte, eft de notorieté publique dans
la ville de Vienne , d'où l'on mande que
ce jeune prodige eft mort d'une débauche
de vin , & que l'efprit n'avoit pas
fait le même progrès que le corps. M.
Peftaloffy a démontré par des raiſons
phyfiques & curieufement développées ,
que ce prodige a pû arriver naturellement.
M. de Regnault , Directeur , a répondu
à ces deux Academiciens , & a réſumé
leurs Difcours d'une maniere polie & ingenieufe.
Permettez -moi d'ajouter que dans
Affemblée publique d'après la Saint
Martin 1725. M. Deglatigny , le cadet ,
lût un Difcours fur l'origine & l'antiquité
de l'Ironie , & fur l'ufage que l'on
en avoit fait jufqu'alors , fur celui
qu'on
2. vol.
2938 MERCURE DE FRANCÈ :
*
qu'on en devoit faire. M. de Billy lût
enfuite une Differtation fur les changemens
qui font arrivez dans les Arts , dans
les Sciences & dans les Moeurs chez les
François , depuis la fondation de la Monarchie
, & fit le parallele de l'état où ils
étoient alors , & de celui où ils fe trouvent
aujourd'hui.
Dans l'Affemblée d'après Pâques , le
R. P. Lombard lût un Difcours fur l'enjouëment
dans les Ouvrages d'efprit , &
M. de Pont - Saint- Pierre un Difcours fur
Le Sublime.
Enfin , vous pouvez annoncer au Pu- -
blic , que les Academiciens des Sciences
& des Belles Lettres de Lyon fe préparent
& travaillent actuellement à donner
au Public un Recueil des Differtations
qui ont été lûës dans cette Academie
, à qui la Ville vient de donner une
très -belle Salle dans le fuperbe Hôtel de
Ville , pour y tenir leurs Affemblées .
Le Pere de Colonia , l'un des Academiciens
, fait imprimer l'Hiftoire Litteraire
de cette Ville en deux vol . in 4 .
M. Aubert , auffi Academicien , travaille
toujours au Dictionnaire de Richelet ,
avec des Remarques Grammaticales ,
Hiſtoriques , &c. Il fera en quatre volumes
infol. Ce Livre fera achevé d'imprimer
à la fin de l'année 1727 .
2. vel. M.
DECEMBRE. 1726. 2939
M. Broflette , Secretairé de l'Academie
, va mettre fous preffe une belle Edition
des Oeuvres de Regnier , avec des
Remarques femblables à celles qu'il a
faites fur M. Boileau.
L'Academie des beaux Arts , qui fait
un Corps à part de l'Academie des Sciences
& des Belles Lettres , vient de finir
le fuperbe édifice deftiné pour les Conferences.
Les Concerts qu'on donne toutes
les femaines , deviennent de jour en
jour plus parfaits , par le foin qu'ont les
Directeurs de faire venir de toutes parts
les meilleurs Muficiens. Le Public attend
, par la perfection de la Mufique ,
que les autres Arts , qui font l'objet de
cette Academie , auront bien - tôt leur
tour , & qu'elle deviendra enfin une
Ecole des plus habiles gens dans tous les
genres .
Lettre écrite par M, Sarrau , Secretaire
de l'Academie Royale des Sciences de
Bordeaux , aux Auteurs du Mercure
Le 28. Decembre 1726 .
J'ai lu , Meffieurs , dans le Mercure
du mois de Septembre dernier , l'Extrait
d'une Lettre écrite de Bordeaux , qui
contient une Relation de la Fête de faint .
Louis celebrée par l'Academie de cette ,
z. vol. Ville ,
1940 MERCURE DE FRANCE.
•
Ville , avec lerapport que M. Sully a
fait à cette Compagnie de fa Pendule à
levier, pour la jufte meſure du temps en
Mer, & enfin une Critique du nouveau
Dictionnaire de la France.
J'ai été furpris de voir
que P'Auteur
Anonyme de cette Lettre y parle au
Rom & comme Membre de l'Academie :
ce qui eft contraire à un article de fes
Statuts , où il eft dit qu'aucun Academicien
ne pourra faire paroître un Ouvra
ge au nom de l'Academie , ou comme
Academicien , fans qu'il ait été examiné
& approuvé par l'Academie.
Cette raison , Meffieurs , m'oblige à
déclarer publiquement que cette Lettre
( qui d'ailleurs eft pleine de fuppofitions
& d'erreurs groffieres ) n'a pû être écrite
par un Academicien , que l'Academie la
défavoue , & qu'elle défavoüera toujours
ces fortes de Pieces , quand elles
n'auront pas fubi fon examen. Je ſuis ,
& c.
Difcours prononcez au Parlemens.
Le Lundi 25. Novembre , le Parlement
ouvrit fes grandes Audiences . M.
l'Avocat General Dagueffeau y prononça
un Difcours fur le bon goût , qui fut
trouvé plein de fens & de délicateffe. Il
20 vol.
ne
DECEMBRE. 1726. 2941.
e fe renferma pas dans ce qui regardoit
feulement le Barreau , il traita fon
fujet en general ; & apres avoir donné la
définition du goût , qu'il fit confifter dans
un difcernement parfait , non- feulement
du bon d'avec le mauvais , mais encore de
l'excellent d'avec le mediocre , il fit une
vive image de ce qui pouvoit contribuer
à l'acquerir & à le perfectionner. 11 dit
que fans ce difcernement , on ne parvenoit
jamais à faire un bon Ouvrage , ni
même à en juger fainement . Il fit voir
enfuite que le goût exquis étoit de tous
les Arts , de toutes les Sciences , & de
toutes les Profeffions ; que s'il étoit abfolument
neceffaire pour exceller dans
la Peinture , dans la Mufique , & dans
la Poëfie , il l'étoit encore plus pour réüffir
dans l'Eloquence , furtout dans celle
du Barreau ce qui lui donna lieu de parcourir
les talens & les grandes qualitez
qui doivent compofer l'Orateur , & qu'il
dit ne pouvoir jamais être que le fruit
d'un travail affidu & du bon goût . Il parcourut
les temps & les Pais où ce goût
avoit paru avec le plus d'éclat , il cita la
Grece & Rome , l'une & l'autre fameufes
par tant de rares Efprits & d'Ourages
admirables en toutes fortes de
genres. Il dit , que depuis un fiecle la
France pouvoit juftement fe vanter d'ê-
2. vol. tre
2942 MERCURE DE FRANCE
tre leur Emule , qu'elle avoit eu fes Euripides
, fes Demofthenes & fes Cicerons
; mais que le bon goût , après être
parvenu au plus haut periode dans l
Grece & dans Rome , étoit infenfiblement
tombé , & y avoit pendant longtemps
fouffert une entiere décadence :
qu'il n'en étoit pas de même de la Nation
Françoîfe que le bon goût y regnoit
plus que jamais , & qu'il n'y avoit
pas lieu de craindre de l'y voir celler fi
tôt , principalement dans les Orateurs
qui brilloient au Barreau , dont la perfection
étoit de fçavoir joindre à un dif
cernement fin & délicat , l'amour de la
Patrie & de la Religion .
M. le Premier Prefident adreffa enfuite
aux Avocats , un Difcours composé
avec beaucoup d'élevation , & prononcé
avec majefté , contenant une vive reprefentation
des devoirs de leur profeffion,
& des défauts ou écueils qu'ils devoient
éviter ce qui le divifoit naturellement
en deux parties. Il fit entrer dans la preniere
l'éloge de feu M. Begon , ancien
Avocat , mort dans le cours de l'année
, & il le fit avec des traits , qui le
caracteriferent parfaitement.
Le Mercredi 27. du même mois , le
Parlement s'étant affemblé pour les Mercuriales
, M. l'Avocat General Gilbert de
2. vol. Voifine
:
DECEMBRE. 1726. 2943.
•
Voifins , parla fur l'application continuelle
qu'un Juge doit donner à toutes
les fonctions de la Magiftratufe. Il mit
dans tout fon jour la honte & le deshonneur
qui accompagnent ceux , qui
fans aucun amour pour la Juſtice , ou
blient entierement ce qu'ils lui doivent,
& paffent toute leur vie dans les plaifirs
, ou dans des occupations qui lui
font étrangeres , ou à faire leur Cour
aux Grands , aufquels ils tâchent de fe
rendre neceffaires , dans la vûë de parvenir
par leur canal à des graces & à
des honneurs , qu'ils ne pourroient acquerir
fans cette efpece de fervitude.
D'un autre côté , il fit voir toute la gloire
dont étoit environné le Magiftrat ,
qui fidele à fes devoirs , ne neglige rien
de ce que fa profeffion exige de lui , &
met toute fon ambition à bien fervir fa
Patrie , & à être utile à fes Concitoyens.
Il dit que cette gloire ne ſe bornoit pas
feulement à la vie du Magiftrat , mais
qu'elle s'étendoit encore bien loin après
fa mort. Pour le prouver il rappella da
memoire de feu M. Portail , Confeiller
de la Grand' Chambre , pere de M. le
Premier Prefident , & Ayeul de M. Portail
, qui vient d'être reçû dans la charge
de Preſident à Mortier , auquel , ditil
, on ne pouvoit rien defirer de plus
2. vol. F que
2944 MERCURE DE FRANCE ,
que de reffembler à fon illuftre pere &
à fon Ayeul. Il finit par l'éloge de M.
Amelot , ancien Prefident de la troifié.
me Chambre des Enquêtes , mort pen .
dant l'Automne ; il le peignit dans une
très longue carriere , toujours occupé
des devoirs de fon état , qu'il n'avoit ja
mais perdu de vue jufqu'au dernier moment
de la vie.
M, le Premier Prefident prononça auffi
un fort beau Difcours fur le prix & le
bon ufage du temps ; il y reprit l'éloge
de M. le Prefident Amelot , & y fit
encore entrer ceux de M. Lambert
de Torigny , Preſident de la premiere
des Requêtes , & de M. Gautier
du Bois , Confeiller de la Grand' Chambre
, morts dans le cours de l'année .
Nous apprenons par un Memoire qui
vient de nous être envoyé d'Amiens
que le fieur Lagache , qui continue de
s'appliquer à la perfection des Arts , a
bien augmenté , & a , pour ainsi dire ,
perfectionné fes moulins de bois , dont
nous avons parlé dans notre Journal du
mois de Juin 1725. L'élevation des eaux
fe fait fur un modele mouvant qu'il a
conftruit , & qui fera un mouvement
perpetuel , quand on lui aura donné le
premier branle. Il y a deux tuyaux pour
2. vol. J'éleDECEMBRE.
1726. 2945.
3
l'élevation des eaux , une roue à fabot
de .... pieds de diametre , deux foufflets
d'une nouvelle ftructure , foit pour
fouler , foit pour aſpirer l'eau d'une
maniere plus aifée que par les pompes
ordinaires , lefquels agiront fans frottement.
Chaque foufflet contiendra , par
exemple , un pied- cube d'eau , qui peze
70- livres. La rouë à fabot fait faire fix
mouvemens aux deux foufflets en un
tour , qui font 420. livres de pefanteur
d'eau , dont il y en a moitié pour le
levier de 210, livres , ce qui eft plus
que fuffifant pour
donner le
mouvement
aux deux manivelles des foufflets. Les
fabots fe rempliffent par le haut , & ſe
vuident par le bas. Le mouvement qui
fait vuider trois fois chaque foufflet en
un tour de rouë eft triangulaire , & trèscurieux.
Le fieur Lagache a encore trouvé depuis
peu la maniere de tourner au tour
toujours du même côté , avec l'archet à
la main , comme avec le pied, fans gran
de ni petite roue : il fe fert d'un crochet
qu'il applique à la piece qu'il
· veut tourner , & fait cette manoeuvre
avec beaucoup plus de facilité & d'agré
ment.
Nous avons parlé dans le Mercure
Bar Voke Fij
• de
2945 MERCURE DE FRANCE.
de Novembre dernier , page 25 26. d'une
Carte de France dreffée par M. d'Anville,
Geographe ordinaire du Roi , pour
entrer dans un Ouvrage qui s'imprime
actuellement à Londres . Ayant annoncé
cette Carte comme un Ouvrage exact
& précis , nous croyons qu'il eft à propos'
de faire connoître au Public le jugement
que l'Académie Royale des Sciences
en a porté.
:
Extrait des Regiftres de l'AcadémieRoyale
des Sciences , du 4. Decembre 17 26.
Mrs Maraldi & Chevalier, qui avoient
été nommez pour examiner une nouvelle
Carte generale de la France , dreflée
par M. d'Anville , en ayant fait leur
rapport , da Compagnie a jugé que cette
Carte étoit conforme aux obfervations
dans les déterminations des longitudes &
latitudes , autant qu'une Carte generale
le peut être , qu'elle étoit correctement
& proprement deffinée , le détail des Côtes
précis , & le choix des pofitions fait avec
connoiffance & jugement. En foi dequoi
j'ai figné le preſent Certificat , à Paris ce
5. Decembre 1726 .
Signé , FONTENELLE,
Sec. perp. de l'Ac. Roy.
des Sciences
DECEMBRE . 1726. 2947 ·
La fuite de l'Ouvrage de M: Sully .
qu'il a promis dans l'Avertiffement de
la defcription de fa nouvelle Pendule de
Mer , fera achevée d'imprimer à Bordeaux
avant la fin de ce mois. L'Auteur
y a été faire les experiences , en préfence
de Mrs de l'Académie des Sciences &
Arts de cette Ville , lefquelles experiences
ont réüli . Cette fuite , avec la defcription
déja imprimée , fera un in Quar
to d'environ 250. pages , avec Figures ,
& fe vendra fix livres en blanc . On le
trouvera à Paris , chez Briaffon
Saint Jacques à Bordeaux , chez Remond
la Bottiere , fur la Place du Palais ;
& chez J. Fred. Bernard , Libraire à
Amfterdam. Nous donnerons dans le
Mercure du mois prochain quelque
idée du contenu de ce Livre , qui , felon
ce que nous en avons déja appris , fera
très curieux & intereffant pour la Na
vigation .
ruc
On mande de Londres , qu'un Maîfre
Tifferand a inventé une Machine
par le moyen de laquelle , un homme ſeul
peut faire autant de pieces de ruban , que
12. hommes en peuvent faire avec les
Métiers ordinaires .
On mande auffi , qu'un fameux Jar
dinier de Sherborn , a cultivé dans fon
Fii jardin
2. vol.
1948 MERCURE DE FRANCE.
jardin une Rave ou Navet , qui peſoit
plus de 45. livres , & un excellent Me-
Ion mufqué , qui avoit 27. pouces de
diamettre.
Nous apprenons par une Lettre de M,
le Maire , Conful de France à Tripoli
de Syrie , écrite le 25. Juin 1726. que
le 16. Fevrier précedent , il parut fur
l'horizon de cette Ville , vers les 7. heures
du foir , deux Phenomenes celeftes .
C'étoient deux Corps lumineux & enflammez
, dont le premier avoit à peu
près la figure du Soleil , excepté qu'il
étoit un peu ovale , & qu'il avoit une
queue. Il parut à l'Occident; & parcou
rant l'horizon , termina une courſe pré
cipitée vers l'Orient , cette courfe n'ayant
duré que dix minutes . L'autre Corps
lumineux & enflammé defcendit per
pendiculairement du Ciel , & vint tomber
directement fur la Ville en fe diffipant
, ce qui ne dura que fix minutes .
Paul-Hypolite de Beauvillier , Duc de
S. Aignan , Pair de France , Chevalier
des Ordres du Roi , Comte de Montrefor
, Baron de la Ferté - Saint - Aignan ,
de la Salle- lez Cleri & de Chemeri ,
Gouverneur & Lieutenant General pour
le Roi des Ville & Citadelle du Havre
4. vol. de
DECEMBRE: 1726. 2949
de Grace & Pays en dépendans , Gou
verneur auffi pour le Roi des Ville &
Château de Loches & Beaulieu , Confeiller
au Confeil de Regence , Brigadier
des Armées de S. M. ci - devant Ambaffadeur
Extraordinaire en Efpagne
Premier Gentilhomme de la Chambre de
feu M. le Duc de Berry , fut élû par
l'Académie Françoife , le 12. de ce mois,
pour y remplir la place de feu M.
Boivin:
L'Académie Royale des Sciences a
nommé des Commiffaires , pour faire
leur rapport fur l'utilité d'une Machine,
que M. Paris l'aîné a fait venir d'Angleterre
, pour tirer des tables de plomb
entre deux rouleaux d'acier, ce qui les rend
beaucoup plus propres à refifter aux impreffions
de l'air , que celles qui font
coulées au fable , comme on fait en
France.
On s'eft avifé cette année de faire
imprimer un Almanach du Parnaffe , ou
on a mis quelques Pieces fur le compte
de gens qui les defavouent ; entr'autres
M. l'Abbé de Maccarthy , qui n'a jamais
fait de Pieces de Theatre , y eft
chargé d'un Ouvrage de la Comedie Ita-
Fiiij lienne,
2. vol.
د
2950 MERCURE DE FRANCE.
lienne , auquel tout le monde fçait qu'il
n'y a aucune part.
Le R. P. Dom Jacques Bouillart , Sacriftain
de l'Abbaye S. Germain des Prez,
& Auteur de la nouvelle Hiftoire de cette
Abbaye , publiée en 1724. mourut le
11. Decembre , âgé de 58. ans . Il a
procuré par fes foins des embelliffemens
confiderables à l'Eglife de S. Germain ,
entr'autres les dix grands Tableaux placez
dans la Nef, Ouvrages de l'émulation
de quelques Peintres de l'Académie
, qui font en reputation , & qui travaillent
avec fuccès,
donne
Le fieur Lefcure , Chirurgien des
Gardes du Corps de S. M. C. la Reine,
feconde Douairiere d'Eſpagne
avis au Public , qu'il continuë de diftribuer
fon remede contre l'Epilepfie ou
Mal caduc , Vapeurs , & Maladies convulfives.
Il n'en a obtenu le Privilege
du Roi qu'après avoir donné des preuves
de fon infaillibilité , par les experiences
qu'il en a faites à Verfailles , fous les
yeux de M. le premier Medecin de
S. M. & à Paris , dans l'Hôpital General
, fous ceux des Medecins & Chirurgiens
dudit Hôpital . Outre cela if
en avoit fait de confiderables , qui étoient
2. vol.
conDECEMBRE.
1726. 2951
connues de quelques uns d'entre Mrs.
les Medecins de la Faculté de Paris ,
& quantité , tant en Province , que dans
les Pays étrangers .
,
Il fouhaiteroit bien , pour l'avantage
du Public & fa propre fatisfaction ,
pouvoir citer les perfonnes fur lefquelles
il en a fait , & en fait tous les jours
de nouvelles ; mais tout le monde ſçait,
que la qualité de la maladie ne lui permet
pas de prendre cette liberté, Cependant
il peut fe flatter d'en pou
voir donner des preuves convainquantes.
( fans faire la moindre peine à per fonne
) à ceux à qui il refteroit encore quelque
doute , s'ils lui font l'honneur de s'a
dreffer à lui.
Son remede confifte en une prépara →
tion des métaux & mineraux , reduits
par une operation de l'art , en forme de
Sel , & fe diftribuë fous le nom de Sel
d'or ,parce que ce précieux métal en fair
une principale partie. I eft très facile
à prendre & fon action eft fi douce , qu'on
ne l'apperçoit le plus fouvent , que par
les bons effets qu'il produit ; il le conferve
auffi long - temps que l'on veut
& peut fe tranfporter par tout , fans rien
perdre de fa vertu .
Le fieur Lefcure demeure rue de Gre
2 vol. B v. nelle
2952 MERCURE DE FRANCE.
nelle S. Honoré , dans la Porte cochere ;
vis- à- vis l'Imperatrice.
Le fieur Turben a feul le fecret
de compofer le veritable Suc de Regliffe
de Guimauve , fans Sucre , fi renommé
& approuvé par Mrs les Me
decins de la Faculté de Paris , & autres,
Jefquels s'en font fervi & s'en fervent
actuellement pour toutes les Fluxions
de poitrine , Chaleurs de Gorge , Rhumes
, & Afmes : il fortifie la poitrine ,
adoucit la voix , arrêté le crachement
de fang , détache les flegmes de la poitrine
, fait cracher , adoucit la pituite, &
il eft propre auffi pour tous les Pulmon
ques : I fe porte par tout , & fe conferve
fans rien perdre de fa qualité.
Le fieur Turben , qui donne cet avis
au Public , tient ce Secret de M. Guy,
ci-devant Apotiquaire de feu M.le Prince
, & depuis reçû Premier Medecin de
Charles II. Roi d'Angleterre.
Sa demeure eft rue des Vieilles-Etuves,
abez un Menuifier , au premier Etage ,
en entrant par la rue S. Honoré , à ma in
droite , vis-à - vis un Chirurgien.
2. vol. CHANTHE
NEW
YORE
PUBLIC
LIBRARY
.
ASTOR
, LENOX
AND TRDEN
FOUNDATIONS
.
T
4.
LNOX
AND
.
PILOEN
FOUNDATIONS
.
DECEMBRE. 1726. 2953
g g g g g g g g g g jƒ ƒ įj
CHANSON.
Par le Sieur Courand.
Aprés d'un vieux Epoux , au lever de
La jeune Iris apperçut un Moineau ,
Careffer fa moitié fur un tapis de Flore ,
Et pour recommencer encore ,
Voler au fommet d'un berceau.
Pour voir le tendre amour de ce couple fidelle
,
Iris en foupirant éveille fon Epoux.
Mais au lieu d'écouter les difcours de la Belle,
1
Laifez- là vos Moineaux , lui dit- il cn cour
roux ;
Aimerez- vous toujours la bagatelle.
SPECTACLES.
E 26. de ce mois , les Comediens
Tragedie d'Electre de M. Crebillon
2. volo F vj
dans
2954 MERCURE DE FRANCE.
dans laquelle la Dlle du Seine joua le
principal rôle avec applauditlement.
Le même jour , la Dile le Maure ,
après une longue abſence , reparut fur
le Theatre de l'Opera , dans le rôle de
Thiſbé , à la grande fatisfaction du Public
, qui par des applaudiffemens redoublez
, rendit juftice à fa belle voix , & à
fon jeu fimple , noble & naturel.
On prépare l'Opera de Proferpine ,
pour donner après Pirame & Thif
bé. Le fieur Servandoni , Peintre Italien
, dont on a déja parlé , travaille à de
nouvelles Decorations pour cet Opera ,
dont on donnera la defcription dans le
temps,
Les Comediens François ont remis au
Theatre la Comedie de l'Andrienne
de M. Baron , imitée de Terence , qui
fait un extrême plaifir ; elle eft parfai
tement reprefentée dans le vrai goût de
la bonne Comedie . L'Auteur y jouë le
rôle de Simon . Les autres principaux
rôles de Pamphile , de Dave , de Glicerie
, & de Milis , font remplis par les
feurs du Frefne & la Torilliere , &
par les lles Dangeville & des Hayes.
Les mêmes Comediens preparentplu-
2... vol.
Lieurs
DECEMBRE. 1726. 2955
Geurs Pieces nouvelles pour le commen
cement de l'année. La Nouveauté , petite
Comedie du fieur le Grand , avec
des Intermedes & Vaudevilles ; la Tragedie
d'Alceste , de M. de Boiffy , & la
Comedie en Vers & en cinq Actes , de
M. Nericaut des Touches , qui a pour
titre Le Philofophe ébauché.
Les Comediens Italiens doivent donner
au commencement de Janvier Le
Portrait , petite Comedie nouvelle , &
d'autres nouveautez dont on parlera ens
leur temps
.
EXTRAIT DE LA COMEDIE
Intitulée le Philofophe dupe de l'Amour,
reprefentée fur le Theatre de
PHôtel de Bourgogne.
Quoique cette Piece n'ait pas eu beau Coup de reprefentations , l'Auteur
n'en eft pas moins eftimable , & nous
avons appris que la Cour lui a rendu la
juftice que la Ville a femblé lui refuſer.
Nous en allons donner un Extrait , pour
fatisfaire à nos engagemens envers le
Public.
Un Philofophe , appellé Pantalogue,
a été chargé de l'éducation d'un jeune
2. Vola fille
1956 MERCURE DE FRANCE.
fille , à qui l'Auteur a donné le nom de
Lucinde. Pantalogue n'a pas prétendu en
faire une agnès , mais plutôt une fçavante
; il ne lui a laiſſé ignorer que l'Amour
, perfuadé que rien n'eft plus contraire
à la vraie Philofophie , que cette
paffion tumultueule qui met toutes les
autres en mouvement. C'eft pour la fouftraire
à l'Amour , qu'il la tient dans une
efpece de prifon , dont l'approche eft défendue
au refte des hommes . Lucinde ne
voit que lui , & peut - être fe rend- il affez
de juftice , pour fe croire fans confe
quence. Mirto , fa femme , penfe autrement
de lui, elle croir qu'il eft amoureux
de fon Ecoliere, elle lui en fait des reproches
dont il ne fait pas grand cas ; elle
n'en demeure point là , elle entreprend
de lui donner quelque Rival , qui lui
enleve une fibelle proye . C'eft dans cette
vûë qu'elle en parle avantageufe ment à
un jeune Eleve de fon mari : ( ce jeune
homme s'appelle Celio . ) Le recit que lui
fait Mirto au fujet de Lucinde , pique
fa curiofité , fon coeur femble s'avancer
au-devant du trait qui doit le bleffer.
Pantalogue veut parer le coup . Il s'adreffe
à une Magicienne , appellée Urgantia
, & la prie de vouloir paroître
aux yeux de Celio , fous le nom de Lucinde.
La laideur d'Urgantia lui répond
2. vol. du
DECEMBRE. 1726. 1957
du fuccés de fon artifice . Elle voit Celio
fous le nom de Lucinde ; cette entrevûe
produit des effets bien differens dans
ces deux coeurs que l'Amour n'a pas faits
l'un pour l'autre. Celio ne doute point
que Myrto n'ait voulu le jouer , quand
elle lui a fait un portrait fi flatteur de
Lucinde, Urgantia au contraire ne trouve
Celio que trop aimable , & fe livret
toute entiere à l'amour que cette premiere
vûë lui infpire . Pour parvenir
s'en faire aimer , elle tâche de mettre
fon Valet Arlequin dans fes interêts
Elle lui promet une fortune des plus
brillantes fur la foi des Aftres qu'elle a
confultez . Elle lui donne de l'argent &
du vin , & le flatte de faire toujours
pleuvoir fur lui de fi benignes influances
, pourvû qu'il porte fon Maître à
l'aimer. A peine la fauffe Lucinde à.
elle quitté Arlequin , que la veritable
paroît à fes yeux. Arlequin l'entendant
s'appeller Lucinde , & la voyant fi belle,
ne doute point qu'une metamorphofe fi
extraordinaire ne foit un effet de la diablerie
de celle qui vient de lui faire
fentir les prémices du fort heureux que
les Aftres lui promettent. La veritable
Lucinde , qui a déja vû Celio , dont elle
a été charmée , & entendu la converfation
de Pantalogue avec Urgantia , loin
2. vol. de
1958 MERCURE DE FRANCE.
de détromper Arlequin , le laiffe dans
une erreur dont elle veut profiter . Elle
lui dit qu'elle n'eft pas fâchée que Celio
n'ait pu la fouffrir , fous la laide figure
qu'elle a d'abord expoſée à ſes yeux ;
mais qu'elle lui tiendra compte des tendres
fentimens qu'elle pourra lui infpirer
fous fa nouvelle forme. Arlequin
ne voit pas plutôt fon Maître , qu'il le
felicite fur l'amour que Lucinde a pour
lui ; il lui apprend que cette perfonne
qui lui a d'abord paru fi laide, eft belle
a charmer. Celio croit d'abord que fon
Valet a perdu l'efprit ; mais il fe doute
enfin du tour que Pantalogue lui a joüé;
il fe confirme dans fon opinion à l'approche
d'Urgantia ; & pour penetrer
tout ce myftere , il charge Arlequin de
Faflurer qu'il l'adore , & de lui dire de
à
fa
part , qu'il va l'attendre au jardin des
fleurs . Il fait connoître par un à parte,
qu'il lui donne le change , pour pouvoir
entretenir la veritable Lucinde fans être
inportuné. Urgantia , ou la fauffe Lu
cinde , donne dans le piege ; elle va
fe rendre au jardin des fleurs , tandis que
Celio adreffe fes pas vers l'appartement
où la chere Lucinde eft renfermée . Comme
ils fe cherchent l'un l'autre , il ne
leur eft pas bien difficile de fe trouver.
Leur converfation eft des plus tendres ;
2 val.
elle
DECEMBRE. 1726. 2959
>
elle a tant de charmes pour Lucinde ,
qu'elle ne s'apperçoit pas que le jour
celle de paroître. Un bruit qu'elle entend
la tire de cette efpece d'enchantement
c'eft Pantalogue qui vient la
chercher ; Urgantia vient dans le même
temps chercher Celio qu'elle n'a pas trouvé
au jardin des fleurs , où il lui avoit
fait donner rendez - vous , ils s'égarent
tous. quatre dans l'obfcurité : Lucinde ,
croyant parler à Celio , dit à Pantalogue :
Je vous défens de me retenir , on par
sette refiftance à mes volontez , vous détruire
ce que vôtre ve a commencé :
oui , Seigneur , je l'avoue , & la contrainte
où l'on me retient caufe cet aven
précipité. Je verrai avec plaifir que vous
vous intereffiez ici pour moi , & que vous
cherchiez les moyens de me delivrer de
Pantalogue, d'Urgantia, & de la Philofophie
, qui vont m'être plus defagreables
quejamais. Celio de fon côté , croyant
parler à fa chere Lucinde , dit à l'amoureufe
Urgantia : Ne me parlez point ,
belle Lucinde , de ce qui n'est pas vouss
je fuis affez puni d'avoir pu me tromper
au point de prendre tantôt pour vous cette
folle d'Aftrologue qui vous reffemble f
peu. Le Qui pro quo eft enfin tout- à-fait
éclairci , par l'arrivée de Mirto avec des
flambeaux. Pantalogue reconnoît qu'il
2. vol. ef
"
1960 MERCURE DE FRANCE:
eft la dupe de l'amour , voyant fon Eco
liere s'y livrer aveuglément , malgré le
foin qu'il a pris de le lui faire ignorer.
Celio époufe Lucinde au grand contentement
de Mirto , & au grand regret d'Urgantia
& de Pantalogue. La Piece finit
par ces Vers , qu'Urgantia prononce d'un
ton impofant & prophetique.
Amants audacieux , temeraires Epoux ,
Vous allez foulever tout le Ciel contre vous!
Je voi fur votre Hymen les Planettes , les Signes
,
Verfer tout ce qu'ils ont d'influences malignes.
Saturne va bien- tôt , de fes fombres vapeurs ,
Obſcurcir vos efprits , embaraffer vos coeurs ;
Mars , ravi de grofir ces funeftes nuages ,
Les fera chaque jour éclater en orages.
Lucinde , le Verfeau , Miniftre du Deftin ,
Mettra pour Celio de la glace en ton fein ,
Et- fera rencontrer fur fon front trifte & morne
,
Le Taureau , le Belier , avec le Capricorne.
Arlequin ajoûte à cela : en effet , c'eft
Phorofcope de tous les Maris ; & fi tous
ceux qu'il regarde battoient des mains ,
2. vol. nous
DECEMBRE. 1726. 2961
nous aurions un accompliffement prefque
general.
Tout ce que nous venons d'expofer
dans cet Argument , eft mis avec beau
coup d'art dans quinze ou feize Scenes.
Il y en a quelques unes où l'on a trouvé
que l'action étoit trop long - temps fuf
penduë ; mais on a avoué qu'elles n'étoient
pas hors du fujet, & qu'elles étoient
écrites avec beaucoup d'efprit. En voici
deux exemples. Dans la troifiéme Scene ,
Celio parlant à Pantalogue , & blâmant
l'aufterité rebutante de la Philofophie
lui dit : L'autre jour dans un des fuperbes
Jardins de cette Ville , je vis d'un côté fe
promener unejeune perfonne , belle , galamment
habillée , & dont l'efprit coquer
répandoit fur toutes fes manieres une viva™
cité charmante. Dans une autre allée marchoit
à pas lents un hommefec , trifte, négligé
dans fes manieres & dans fes habits &
C'étoit un Philofophe. La belle parfon ramage,
fes regards & fes minauderies tâchoit
de groffir la foule des Amans qui
l'accompagnoient. Le Philofophe , parfes
grimaces & par fes cris , vouloit perfuader
à fes Difciples que lui feul enfeignoit
le chemin de la verité. Il frondoit hautement
tous fes confreres , tandis que la Co
quette , par de petites railleries , infinuoit
plus finement qu'elle meritoit la préference
furfes Rivales , &c. Voici
1962 MERCURE DE FRANCE.
Voici le fecond exemple . C'eft Lucínde
qui parle à Pantalogue . Depuis ce
main deux oifeaux fur la même branche
ne fe font point quittez ; ils fe regardoieni ,
ils chantoient l'un à l'autre , ils fe répon
doient. Le filence qui fuccedoit à leur ramage
exprimoit quelque chofe d'auſſi
vif que leur chant. Je vous avoue que
leur chant , leurs regards , leur amitié
, cet oubli du reste de la nature , où les
jettoit le plaifir d'être enfemble , m'a caufè
une émotion.... des idées confufes .... ah !
qu'ils font heureux ! Il y a une infinité
de traits femblables répandus dans tout le
corps de l'ouvrage , qui groffiroient trop
cet Extrait.
LA FEMME JALOUSE , Comedie
reprefentée fur le Theatre de
l'Hôtel de Bourgogne le 11. Decembre
1726. Extrait
ACTEURS.
Flaminia , Femme de Lelio.
Lelio , Mari de Flaminia.
Silvia , Femme de Mario .
Mario , Mari de Silvia.
Pamphile , Rival de Mario . Lefieur Rica
coboni fils.
Dom Pedro , Pere de Flaminia. Le fieur
Romagnesi
CoDECEMBRE.
1726. 2963
Colombine , Suivante de Flaminia. La
Demoifelle la Lande.
Arlequin , Valet de Lelio .
Scapin , Valet de Silvia. Le fieur Domini
que.
Deux Laquais.
Un Crocheteur.
La Scene eft à Milan dans la Maifon
de Lelio.
Le fond de cette Piece , comme on l'a
déja dit , eft pris dans une Comedie Italienne
du fieur Lelio , qui porte le même
titre , & qu'on a toûjours vû reprefenter
avec beaucoup de plaifir. Le Public fouhaitoit
qu'elle fût mife en François. M.
Joli s'eft chargé du foin de répondre à ce
defir , & s'en eft heureufement acquitté.
ACTE I.
pa Dans la premiere Scene , Flaminia
roît dans un fauteuil en femme agitée
d'une violente paffion . Lelio eft en robbe
de chambre, prêt à fe faire habiller . Flaminia
reproche à fon Epoux une inconf
tance dont elle le foupçonne. Elle veut
qu'il lui ouvre une chambre , qui depuis
quelques jours eft fermée à tout le monde.
Lelio lui dit en vain qu'il a des raifons
indifpenfables pour n'y laiffer entrer
pervol.
964 MERCURE DE FRANCE.
perfonne elle s'obtine dans fa deinande
, & accable fon Mari de nouveaux reproches.
Lelio n'y pouvant plus tenir ,
ordonne à Arlequin de l'habiller promp
tement. Flaminia , fous prétexte de vouloir
rajufter fa perruque , la chifonne, &
fe retire en le menaçant de le plaider en
féparation, Lelio ne veut plus fortir .
Arlequin plaint fon Maître , d'avoir
une femme qui le tourmente fans ceffe
par fes tranfports jaloux . Lelio lui ordonne
de le laiffer feul.
Se voyant en liberté , il ouvre la porte
de la chambre où Mario eft enfermé.
Mario en fort avec un livre de l'Ariofte ,
qu'il met fur une table. Il déplore
le trifte deftin de fon ami , par rapport
à la jalouſie de fa femme. Lelio lui
répond, que tous les Maris ont leurs chagrins
:Voici comment il s'explique .
Le Ciel en nous farmant nous deſtine un fupplice
,
Par un trifte afcendant dont on fubit l'effet ;
On ne goûte ici bas aucun bonheur parfait :
En voulant me traiter avec quelque avantage
,
D'une femme jaloufe il a fait mon partage,
A le bien prendre au fond je fuis des mieux
traitez , & c.
2. vol. Lelio
DECEMBRE. 1726. 2965
Lelio apprend à fon Ami , que fes ennemis
confpirent contre fa vie , & qu'on
ne parle pas moins que de l'affalliner
pour venger fonRival Pamphile, à qui il a
enlevé Sylvia par un Hymen fecret . Il lui
donne une Lettre qu'il vient de recevoir
de Genes , & qui s'adreffe à lui. Mario
lit tout haut la Lettre , dont voici le contenu,
Songez à vous , mon cher Mario ;
Pamphile defefperé de voir que le Pere de
Sylvia lui a manqué de parole , eft parti
pour Milan , où il fait que vous vous
êtes rendu. Son deffein eft de vous appeller
en duel : mais comme fes parens ontjuré de
vous faire affaffiner , gardez- vous de paroitre
en public. Votre femme Sylvia eft
auffi partie , accompagnée du feul Scapin
dans l'efperance de vous trouver, Elle doit
aller chez le Seigneur Lelio , apprendre où
vous pouvez être. Elle fait qu'il est votre
ami , & qu'il ne vous abandonnera pas.
Depuis ma Lettre écrite , j'apprends que
vatre Pere fe difpofe à partir, & que Le
Jefouh
amphile forme le même
deßein
leur arrivée à Milan
terminer vos differends .
Cette nouvelle maniere d'expofer a
paru très - ingenieufe , & cette Lettre a
non feulement mis les Spectateurs au
fait de ce qui s'eft paffé , mais elle leur a
fait préfumer ce qui pouvoit arriver.
2. vol.
La
2966 MERCURE DE FRANCE.
La converfation de Lelio & de Mario
eft interrompue par les cris redoublez de
Flaminia , qui frappe à la porte. Lelio
fait rentrer Mario dans la chambre qui
4ui fert d'azile , & dont il referme la
porte .
Dans la Scene fuivante , Flaminia ,
avec fon courroux ordinaire , fe plaint à
Lelio de ce qu'on la fait attendre à une
porte comme un valet. Elle lui dit que
quelqu'un étoit enfermé avec lui , Lelio
le nie ; mais Flaminia lui difant que fon
oreille ne l'a point trompée, il lui répond
qu'il lifoit tout haut , & que c'eft là fans
doute ce qui lui a fait prendre le change.
Il lui montre , pour preuve de ce qu'il
avance , le Livre de l'Ariofte que Mario
a mis fur la table dans la Scene précedente.
Flaminia le prend , & le hazard lui
préſente d'abord cès Vers :
En m'éloignant de vos beaux yeux ,
Un injufte pouvoir , funeſte à ma tendreffe ,
Retranche de mes jours , dont vous êtes Maitreffe
,
Les momens les plus précieux :
Je ne puis fupporter les tourmens de l'abfence;
Le jour me devient odieux.
Ofort ! viens men priver , ou me rends la
préfence ,
2. vol. Du
DECEMBRE . 1726 2967,
Du plus parfait objet qui foit deffous les
Cieux.
Ces Vers , qui d'un côté juftifient Lelio
, le condamnent de l'autre . Flaminia
croit qu'il ne s'attache à lire des Vers fi
tendres , que pour faire une efpece de
converfation avec quelque Maîtreffe fecrete.
Elle accable Lelio de nouveaux reproches
, qui l'obligent enfin à fortir.
Flaminia ayant appellé Colombine , lui
fait confidence des fujets de plainte qu'elle
croit avoir contre Lelio. Colombine
lui témoignant fa furpriſe , elle lui répond
:
Il eft trop veritable ;
Et n'eft- ce pas pour nous un fort inévitable ?
Notre fexe eft fujet , dans le cours de fes ans
A deux fortes d'états entr'eux très- differens ,
Filles , nous exerçons un fouverain empire ;
Par les plus tendres foins on cherche à nous
féduire :
Nos Amans attentifs préviennent nos defirs ,
Sans ceffe nous paſſons de plaiſirs en plaifirs :
Nos moindres actions infpirent des allarmes ,
Nos défauts , tels qu'ils font , ont des graces,
des charmes ;
Nous avons de Venus la voix , les traits , la
port ,
2. vol. G Enfin ,
2963 MERCURE DE FRANCE.
Enfin , aucun bonheur n'égale notre ſott :
*
Dès que nous prononçons un oui qu'on demande
,
Les Amours , les Plaifirs , & leur joyeuſe
bande ,
Prennent fon l'effor , ne laiffant après
eux
Qu'un joug dont pour jamais on fe repent
tous deux.
›
Flaminia perfifte dans fes premiers
foupçons , au fujet de la chambre dont la
porte est toujours fermée. Colombine l'y
confirme en lui apprenant que Lelio
prend fain d'y entrer feul , furtout aux
heures de repas. Elle ajoûte qu'il y a uné
double ferrure , l'une en dehors , & l'autre
en dedans. Flaminia veut qu'on falle
venir fur le champ un Serrurier , pour
l'ouvrir, Colombine l'en détourne , &
lui promet de veiller fi bien fur tout ce
qui fe paffera , qu'elle fera inftruite fans
en venir à aucun éclat . Elles entendent
venir quelqu'un , ce qui les oblige à fe
retirer.
Dans la huitiéme Scene , Sylvia eft
fort furpriſe de n'avoir trouvé perfonne
à la porte , & d'être arrivée jufqu'à l'appartement
de Lelio fans avoir pû parler
à qui que ce foit. Elle dit à Scapin que
a, vol. Lans
DECEMBRE. 1726: 2969
fans doute il s'eft trompé. Scapin lui répond
, qu'il connoît la maifon de Lelio ,
pour y avoir été plufieurs fois . Il fort
pour un moment , dans le deffein de chercher
quelque Domeftique.
Dans un Monologue , Sylvia fait connoitre
fa tendrelle pour io , qu'elle
vient chercher , & fa crainte fur le peril
qui menace ce cher Epoux.
Scapin ayant rencontré Flaminia , revient
avec elle dans l'endroit où il a laillé
fa Maitreffe. Comme cette Scene entre
Flaminia & Sylvia , qui eſt joüée dans la
plus grande perfection par ces deux excellentes
Actrices a fait beaucoup de
plaifir , nous avons crû qu'on n'en auroit
pas moins à la voir inferée dans cet Extrait.
6
Flaminia , à part.
Tu ne me diras plus qu'à tort je te foup.
çonne ,
Perfide, contraignons notre reffentiment.
Sylvia.
Madame, vous voyez , j'en ufe librement : y
Mais l'état où je fuis , le temps , les circonftances
,
Me permettent fi peu les moindres bienféances
,
Que j'en rougis
B. vol. Gij
Flaminias
2970 MERCURE DE FRANCE.
Flaminia.
} Madame , il n'en eft pas beſoins,
Mon Mari ne doit pas exiger plus de foin :
Vous en avez trop fait.
Sylvia.
" Je veux qu'il m'en diſpenſe
Sans gêner les effets de ma reconnoiffance ;
Je lui dois tout , Madame.
Flaminia.
Il eft fort
genereux,
Sylvia.
Il fait plus ; il fe rend l'appui des malheu
reux ;
Le fervice important qu'il s'empreffe à me.
rendre ,
Eft tel que de lui feul j'aurois ofé l'attendre . -
Flaminia.
Je le crois , & je fais le fait dont il s'agit.
Yous le fçavez !
Sylvia.
Flaminia
Comment ? ce mot vous interdit.
Sylvia.
Je crois qu'il a très bien placé ſa confidence ;
2. vol. Er
DECEMBRE 1726. 2971
bien loin de vouloir Faccufer d'impru
dence ,
Je l'en eltime plus ; maître de tant d'attraits,
Madame , il doit pour vous avoir peu de fecrets
.
Flaminia.
Quand il voudroit fe taire en vous voyant
paroître ;
Je puis fans me tromper facilement connoître
Quel deffein vous conduit ; mais fans vous
prévaloir ,
Vous pouviez m'épargner le chagrin de vous
voir.
Sylvia.
Moi , Madame ! j'ignore en quoi ceci vous
* blefle.
**32
Flaminia.
Ah ! c'eft un peu trop loin pouffer la hardieffe.
Sylvia.
O ciel ! Scapin , où fuis -je ? & qu'eft- ce que
jentends
à Flaminia.
Vous devriez apprendre à connoître les gens ,
Madame , & ne pas prendre un ridicule ombrage
,
2. vol. Giij Qui
2972 MERCURE DE FRANCE.
Qui fait à mon honneur un fi fenfible <
trage ,
Je pourrois vous confondre en difant que
je fuis , &c.
Sylvia fe retire après avoir reproche
à Flaminia l'incivilité que fa jaloufie
vient de lui faire commettre.
Après une Scene entre Flaminia & Colombine,
fur ce qui vient d'arriver , &
que Colombine croit très innocent , Le
lio rentre, & demande ingénument à
Flaminia , fi la Dame qu'il vient de ren
contrer à la porte , eft de fes amies. Fla
minia prend cette demande pour un nouvel
outrage ou du moins pour un artifice.
Sa colere monte à un tel point qu'elle
tombe évanouie.
Dom Pedre qui furvient , eft fort
allarmé de l'état où il trouve la belle ;
il la croit morte , Lelio lui répond ironiquement
qu'elle ne mourra pas , & lui
apprend que ce qu'il voit n'eft que l'effet
d'une jaloufie la plus folle & la plus
´injufte qui fut jamais. Dom Pedre prie
fon gendre de le laiffer avec fa belle.
Flaminia reprend les efprits ; elle fe
plaint à fon pere, de l'infidelité de fon
'Mari ; & voyant que Dom Pedre ne
veut pas l'en croire , elle fe jette fur
fon épée pour s'en percer le fein.
2.wol. -ACTE
DECEMBRE. 1726. 2973
ACTE II. .
Le grand nombre des Scenes qui compofent
ce fecond Acte , nous empêche de
les donner par ordre & de les détailler ;
mais nous prendrons foin , de ne rien
omettre de l'action .
>
Flaminia toûjours plus obftinée à foupçonner
Lelio veut mettre Arlequin
dans fes interêts ; elle s'y prend d'abord
par les dons ; mais cela ne pouvant rien
fur lui , elle en vient aux plus cruelles
menaces; & lui prefentant un flacon , elle
lui dit qu'il contient un poifon qui lui
fera perdre la vie fur le champ , s'il ne
l'informe de toutes les actions de fon
Maître . Arlequin épouvanté lui promet
tout , elle le quitte en lui réiterant fes
ordres & fes menaces , elle revient
quelque temps après déguisée & contrefaifant
fa voix ; cela fait une Scene
des plus plaifantes dans le Jeu Italien
; Arlequin y excelle à fon ordinaire :
Flaminia lui donne un Portrait pour remettre
entre les mains de Lelio ; elle
fort & revient une feconde fois fans
nul déguiſement , elle demande à Arlequin
qui eft cette femme qui vient de
lui parler , Arlequin tremblant lui dit
que c'eft fa Blanchiffeufe qu'il doit époufer
au premier jour Flaminia lui fait
2. vol. G iiij en2674
MERCURE DE FRANCE .
entendre qu'elle a vû que cette femme
lui a donné quelque chofe ; Arlequin
croyant ne rien hazarder , luj avoue qu'el
le lui a donné fon Portrait Flaminia lui
ordonne de le lui montrer , il obeït :
Traitre , lui dit- elle , regardes fi tu m'as
tenu parole. Arlequin jette les yeux fur
le Portrait, & voit que c'eft celui de Fla
minia . Elle lui avoue que c'eft elle- même
qui lui a parlé pour éprouver s'il lui
tiendroit fa parole ; elle fait avancer en
même-temps Colombine avec un verre
d'eau , comme pour l'empoifonner. Arlequin
lui demande grace, & lui jure de
lui être fidele. Flaminia fait femblant
de fe laiffer attendrir ; elle repete à Arlequin
les premiers ordres qu'elle lui a
donnez , qui font de veiller fur Lelio ,
d'obferver tous fes pas & de lui en rendre
un compte exact , fincere & circonftancié.
Flaminia fe retire , Lelio vient ,
il demande à Arlequin pour quoi il ne l'a
pas fuivi. Arlequin lui demande à fon
tour d'où il vient , où il doit aller , ce
qu'il a fait , ce qu'il penfe actuellement,
& ce qu'il doit penfer dans la fuite ; cette
Scene qui eft dans le veritable jeu d'Arlequin
balourd, divertit beaucoup, fur tout
quand il compte tous les pas de fon Maître
, pour executer à la lettre les ordres
de fa Maîtrelle. On frappe à la porte,
2. vol.
Lelio
DECEMBRE. 1726. 2975
Lelio ordonne à Arlequin d'aller voir
qui c'eft , il n'obeït qu'à regret , parce
qu'il ne voudroit pas perdre fon Maître
de vûe , pour executer plus ponctuellement
les ordres de Flaminia. Pamphile ,
rival de Mario , entre avec Arlequin , il
donne une Lettre à Lelio de la part d'un
de fes amis. Lelio l'ayant lue , dit à
Pamphile qu'il n'oubliera rien pour fa
tisfaire aux devoirs que l'amitié lui pref
crit. Il s'agit dans cette Lettre de faire
connoître à Pamphile en quel lieu peut
être Mario , avec qui il prétend fe battre
en homme d'honneur. A peine Pamphile
eft-il forti , que Lelio ordonne à
Arlequin de fe retirer , & le met dehors
avec violence , voyant qu'il ne veut pas
fortir . Lelio fe trouvant en liberté , ou
vre la porte de la chambre de fon ami à
qui il apprend le deffein de Pamphile ;
Mario le prie de le laiffer fortir , puiſque
c'est pour une affaire d'honneur.
Lelio n'y confent pas , par la raison qu'il
craint que tous les ennemis ne foient pas
auffi genereux que Pamphile. Il lui propofe
de faire venir fa chere Sylvia déguifée
en cavalier. Mario lui repreſente
que ce feroit l'expofer à une nouvelle :
avanture auffi defagreable que la premie
re ; il lui dit qu'il vaut mieux qu'ils fe
déguiſent tous deux pour l'aller trouver
G.v chez
2. Vola
2976 MERCURE DE FRANCE:
chez elle. Lelio approuve ce confeil.
Il fait rentrer Mario, & écrit une Lettre
devant Arlequin , qui fait beaucoup de
lazzis pour pouvoir lire ce que fon Maître
écrit. Lelio lui dit d'aller porter cette
Lettre & s'en va. Flaminia furprend
la Lettre entre les mains d'Arlequin
elle en tire une copie qu'elle ordonne à
Arlequin d'aller porter où on lui a dit ,
elle y met une apoftille , par laquelle
Lelio s'excufe de s'être fervi d'une main
étrangere. Flaminia garde l'original pour
avoir de quoi convaincre Lelio d'infidelité
aux yeux de fon pere . La Lettre en
queftion eft fans adreſſe ; elle eft conçue
en ces termes.
MADAME ,
Je ne puis vous exprimer la grandeur
du péril que vous courez. Ne fortez point
de chez vous , je vous en conjure , &je
ferai mon poffible pour vous tirer de l'état
où vous êtes. Vous verrez bien- tôt celui
que vous aimez. Je ne puis vous en
dire davantage , n'ofant pas trop m'expliquer
dans ce Billet , qui peut être intercepté.
J'irai dans un moment chez vous.
Adieu.
Flaminia ne manque pas de montrer ce
2. vol. Billet
DECEMBRE. 1726. 2977
&
-Billet à fon Pere , qui après l'avoir lû
ne doute plus qu'elle n'ait raifon de fe
plaindre de fon Mari .
Cet Acte finit par un coup de Théatre
trés- plaifant. Lelio & Mario fe font
mafquez , comme ils en font convenus
Lelio en Cavalier & Mario en femme ,
pour aller chez Sylvia. Flaminia les furprend
dans le moment qu'ils vont fortir
; elle appelle fon Pere pour le rendre
témoin de cette derniere infidelité de
fon Mari ; mais elle en eft la dupe ; Lelio
pouflé à bout , démafque Mario , & fait
connoître que cette Maîtreffe prétenduë
n'eft autre chofe qu'un Cavalier. Flaminia
fe retire toute confuſe , & Dom
Pedre fe range du parti de fon gendre.
ACTE III
Comme cet Extrait n'eft déja que trop
long , nous pafferons legerement fur ce
dernier Acte , quoiqu'il ne foit pas inferieur
aux precedens : en voici le trait
le plus marqué. Lelio ayant vû échouer
fon premier projet de déguiſement, prend
le parti de faire entrer Sylvia chez lui ,
fous fon propre habit. Sylvia impatiente
de voir fon cher époux , fe traveftit comme
on fouhaite , & fous l'habit de Lelio
elle vient dans ce même Appartement ,
où Flaminia l'a déja ſi mal reçûë. Fla-
2. vol.
G vj minia
2978 MERCURE DE FRANCE:
•
1
minia la prend pour Lelio mais Arle
quin , à demi inftruit par quelques circonftances
qu'il a remarquées dans la
nouvelle charge d'efpion , ne prend pas
le change , il foutient que ce prétendu
Lelio eft une femme ; Flaminia lui arrache
le mafque & reconnoît cette prétendue
Rivale , qu'elle a déja chargée d'injures.
Elle appelle fon Pere pour lui faire
part de fa nouvelle découverte . Tout
femble parler contre Lelio , qui arrive
un moment après ; il n'ofe même fe juftifier
, de peur de commettre fon Ami
Mario , en revelant fon fecret ; mais Scapin
vient le tirer d'affaires , en lui aple
Pere de Mario & celui
prenant que
de Sylvia font enfin d'accord , & que
ces deux heureux époux peuvent fe montrer
fans rien craindre. Flaminia connoît
par- là que fa jaloufie contre fon Mari
étoit injufte , quoique fondée fur des
apparences capables de l'induire en erreur.
Elle finit la Piece par ces quatre
Vers.
Sur ce qui s'eft paffé , reglant mes fentimens ,
Je détefte à jamais ces jaloux mouvemens ;
Et je ne voi que trop qu'une vaine apparence
Des Epoux bien fouvent trouble l'intelligence.
A. vol. Les
DECEMBRE . 1726. 2979-
Les Vers que nous avons inferez dans
cet Extrait , doivent faire juger avantageulement
de tous les autres ; on a trouvé
la Piece très - bien écrite .
EXTRAIT de la Tragedie de Tibere
O
Na dit dans le dernier Mercure
que la premiere repreſentation de
cette Piece avoit été affez tumultueufe ,
& que la feconde avoit été goutée , la
troifiéme faifoit efperer que la Piece fe
releveroit ; mais une indifpofition d'une
des principales Actrices en ayant interrompu
le cours , a détruit les efperances
de ceux qui commençoient à rendre un
peu plus de juſtice à l'Auteur & à l'Ouvrage.
On prétend qu'on a confondu
cette Tragedie avec une autre dont on a
fait plufieurs lectures fous le nom d'Agrippa
Pofthume : c'eft veritablement le
même fujet ; mais les deux Ouvrages
ayant été examinez enfemble par des
perfonnes dignes de foi , on les a trouvez
tout - à -fait differens , tant par la maniere
dont le fujet a été pris , que par la verfification.
L'un & l'autre Auteur ont puifé
dans la même fource . Le caractere de
Tibere eft d'après Tacite : & la mort du
jeune Agrippa , dont Tibere & Livie
furent foupçonnez d'être les Auteurs fe
2. Vala
trouve
2980 MERCURE DE FRANCE ;
*
trouve dans ce celebre Hiftorien , pré:
cedé des mêmes circonstances qui ont
donné lieu à mettre ce fujet au Théatre.
Voici ce que Tacite en dit , traduit en
François , afin que tout le monde l'entende.
Peu de mois avant la mort d'Angufte
, le bruit avoit couru que ce Prince
étoit allé dans l'Ifle de Planafie , accompagné
du ferl Fabius - Maximus , Pour
y voir Agrippa : qu'il s'étoit répandu bien
des larmes d'une & d'autre part. Que
de temps après Maxime étoit mort ,
& qu'on avoit entendu Martia fa femme
Je reprocher fon trepas.
peu
C'eft fans doute ce qui a donné lieu
à l'Auteur anonyme de la Tragedie de
Tibere , de fuppofer que Martia avoit
trahi la confidence de fon époux au fujet
du voyage fecret de l'Ile de Planafie.
Cette premiere victime ne tarda pas d'être
fuivie d'une plus illuftre. Le premier
crime du nouveau regne , continue Tacite,
fut le meurtre d' Agrippa Pofthume , qu'un
Centenier maffacra à regret dans le temps
qu'il y penfoit le moins : Tibere, pourfuit-il ,
fit entendre au Senat, qu' Augufte avoit ordonné
à ce Centenier de le faire mourir
auffi- tôt qu'ilferoit mort lui-même , de peur
qu'il ne troublat Tibere dans le gouvernement
de l'Empire ; mais quelle apparence,
ajoûte - t- il , qu'Augufte qui n'avoit ja-
2. vol. mais
DECEMBRE. 1726. 498r
mais fait périr aucun de fes parens , cut
voulu facrifier fon petit -fils à la fureté
de fon beau-fils ?
Voila fur quoi eft fondée la nouvelle
Tragedie de Tibere. L'Hiftoire n'y est
pas exactement fuivie. Agrippa n'a pas
été maffacré dans Nole Augufte n'a
.point fait de Teftament qui le déclarât
fon fucceffeur .
ACTE I.
On inftruit d'abord les Spectateurs de
la maladie d'Augufte , de la confternation
de toute la Cour & de tout le Peuple ,
des allarmes de Livie , qui informée du
voyage fecret que fon époux a fait à Planafie
, ne doute point qu'il n'ait donné
des ordres fecrets pour faire revenir
Agrippa , & le déclarer fon fucceffeur.
Livie n'a pas crû pouvoir mieux parer
ce coup qu'en mettant le Conful Pompée
dans fes interêts , par le mariage d'E
milie fa fille avec fon fils Tibere : comme
elle juge des autres par elle - même
elle fe figure que Pompée ne pourra réfifter
à la gloire de voir fa fille Imperatrice
. Voici comment Livie établit fon
caractere d'ambitieuſe . Elle dit à Fauftine
fa Confidente :
2. vol.
Au
2982 MERCURE DE FRANCE
Auguffe jufques là peut-il me dédaigner .
Qu'un moment fans Livie il prétende regner ?
Et ce qu'il n'a point fait depuis que l'Hymenée,
Sur le Trône à fon fort unit ma deftinée ?
L'entreprend- il enfin dans fes derniers inftants
,
Pour détruire en un jour l'ouvrage de trente
ans ?
Qu'il ne s'en flatte point : je ſuis toûjours la
même ;
Tous les voeux de mon coeur font pour le
; rang ſuprême ,
Et ce fut pour remplir de fi fuperbes voeux ,
Que d'un premier Hymen je rompis les faints
noeuds :
Neron y confentit
pere ,
& moins époux que
Il ceda fa Livie en faveur de Tibere , &c.
Livie paroît furpriſe du retardement
de Tibere qu'elle a fait avertir par fes
courriers du danger où la vie d'Augufte
eft réduite , & des projets qu'on
forme fecrettement pour Agrippa. Tibere
arrive enfin , mais non point tel
qu'elle l'a crû jufqu'à ce jour. Il affecte
un dégout pour l'Empire , qui defefpere
Livie. Voici comment il s'explique après
2. Volo
que
DECEMBRE . 1726. 298 *
que fa mere lui a demandé qu'eft- ce qu'il
craint ?
Les vertus & le grand nom d'Augufte.i
Moi regner après lui ! Rome toûjours injufte,
Ne m'égaleroit point au Heros qu'elle perd
Quand d'autant de lauriers mon front feroir
couvert.
La vertu qui n'eft plus , en brille, davantages
Tous les coeurs attachez à leur premier homimage
,
A peine juſqu'à moi daigneroient s'abaiſſer -
Pour égaler Augufte , il faut le furpaffer.
Livie étonnée d'un difcours fi
tendu , lui répond:
peu
at
Ah ! regne feulement , je répons de ta gloire.
Du beau fang dont tu fors , perds tu donc la
memoire?
O trop indigne coeur ! à quels mortels affronts
,
Condamnes- tu le fang des Drúfus , des Nerons
!
Si celui d'Agrippa prend fa fource dans Jule,
Celui des Claudiens monte jufqu'à Romule ;
Apprends que par ton pere auffi- bien que par
moi ,
Le plus pur fang de Rome a coulé juſqu'à toi.
2. vol. D'un
2984 MERCURE DE FRANCE:
D'un fang fi glorieux , fais un plus digae
ufage ,
Rempli mieux la carriere , où le devoir t'engage
, 3
Pour t'y mieux exciter , jette un moment les
yeux
Sur les nombreux exploits de tes nobles
Ayeux ;
Voy leurs grands noms voler de l'un à l'au
tre Pole;
Voy leur Char triomphal monter au Capi
tole ;
A fuivre leur exemple applique tous ces foins,
Et fi c'eft trop , mon fils, imite moi du moins.
Tous ces reproches d'une mere ambitieufe
, ne faifant rien fur le coeur de
fon fils ; elle lui dit qu'elle le fera regner
malgré lui & finit par ces deux Vers :
Duffe-je m'immoler de nouvelles victimes ,
Non , je ne perdrai pas le fruit de tant de
crimes.
A peine Livie eft - elle fortie , que
Martian témoigne à Tibere l'étonnement
où il eft de le voir ainfi renoncer à l'Empire.
Tibere lui ouvre fon coeur ; c'eſt
avec lui feul qu'il parle fans feinte, Il
a été jufqu'alors miniftre de fes vengeances
& doit l'être de celles qu'il lui
2. vol. refte
DECEMBRE. 1726. 298
à exercer. Voici comme il expofe la raifon
qui l'a porté à diffimuler avec fa
mere.
Je ne demande point de ces grands facrifices ,
Qui de mes voeux fecrets donneroient trop
d'indices.
-Si j'avois accepté la fuprême grandeur ,
J'aurois livré ma mere aux tranſports de fo
C
coeur;
Ces tranfports auroient mis mes deffeins en
lumiere ,
Et j'ay du , Martian , la tromper la premiere
Il faut que fon dépit annonce mes refus ,
Aux Romains contre moi dès long- temps
prévenus.
Il fait plus , il veut tromper jufqu'à
Emilie qu'il adore ; mais la grande raiſon
qui l'oblige à feindre , c'est que fon armée
n'eft pas encore arrivée , & qu'Auguſte
vit encore. Ce qui refte de ce premier
Acte n'eft pas bien confiderable. Tibere
diffimule avec Emilie qui fort de chez
Livie , qui l'avoit mandée dès la premiere
Scene. Il lui fait entendre qu'il cede
`à fon deftin ; & que puiſqu'Agrippa doit
regner , c'est à lui feul à lui donner la
main. On vient annoncer l'arrivée d'Agrippa.
Tibere dit qu'il va le recevoir
2. vol.
mais
2986 MERCURE DE FRANCE.
mais d'une maniere à faire trembler Emi
lie pour les jours de fon Amant.
•
Agrippa , dont on a annoncé l'arrivée
à la fin du premier Acte , ouvre le ſecond
avec ce mêine Maxime , qui a été
de feul témoin de fon entrevûë ' avec
Augufte dans l'lfle de Planafie: Ce jeune
Prince veut d'abord aller rendre fes devoirs
à fon Ayeul ; mais Maxime l'en détourne
par un ordre exprès de l'Empe
reur : ordre fondé fur le péril auquel il
S'expofoit. Il veut aller voir Emilie , Máxime
lui apprend qu'elle eft actuellement
chez Livie cela le fait trembler pour
fon amour. Emilie arrive fortant de chez
Imperatrice ; elle raffure fon Amant
autant qu'il lui eft poffible, & le laiffe avec
Pompée , fon pere , qui acheve de le
raffarer , & qui lui rend compte des
foins qu'il a pris pour lui , en envoyant
fon Collegue à Rome. Voici comment il
s'explique :
Eh ! comptez- vous pour rien le Senat & vos
droits ?
Augufte en ce moment va déclarer fon choix,
Et Sextus , par mes foins , vient de partir pour
Rome ;
Il eft chargé , Seigneur , fi l'Empereur vous
nomme ,
De réunir pour vous les voeux de tout l'Ecaţ .
$ 2. vol.
Vous
DECEMBRE. 1726. 2987 :
Vous verrez fous vos loix cet augufte Senat ,
Ce Peuple belliqueux , qui fur les autres re
ges on folusy f "
Et qui donne à fon gré des Sceptres qu'il dé
daigne.
Après une réponse d'Agrippa , dans
laquelle ce fils de Julie fait voir que ce
n'eft que fur les cours qu'il veut re
gner ; Maxime vient dire au Conful
Pompée, qu'il eft temps d'entrer chezi
1'Empereur. Agrippa les quitte. La Scene
entre Pompée & Maxime a paru fort
belle. Maxime n'afpire qu'à rendre les
chaînes de Rome plus legeres , mais Pompée
les veut brifer abfolument. Voici
comme il parle: " 1
La vertu d'Agrippa dès long - temps m'eft
connuë ;
Et puifqu'en fa faveur ma fille eft prévenue ,
Vous la connoiffez trop , pour croire que for
coeur ,
Sans l'aveu de fon pere eût fouffert un vainqueur.
K
Şi je ne fondois pas un refte d'efperance
Sur tout ce que fur lui fes yeux ont de puiffance
,
Je ferois bien tôt voir à qui nous fait la loi ,
Que le fang de Pompée a paffé jufqu'à mois
2. vol.
Mais
2988 MERCURE DE FRANCE.
Mais quel fut l'interêt qui guida ce grand
homme ;
C'étoit peu de périr , il vouloit fauver Rome ,
Et les Dieux , jufqu'alors protecteurs des Ro
mains ,
Sembloient avoir remis leur foudre entre fes
mains.
C'est envain que de Rome approuvant l'ef
clavage ,
Et les Dieux & le fort trahirent fon courage."
Plus conftant que les Dieux , plus ferme que
le fort ,
lne ceda du moins qu'en recevant la mort.
Cette mort m'attendroit avec toute fa gloire ,
Mais dois - je la chercher fans efpoir de victoire
?
De quoi fert ma conftance aux Romains abbatus
,
Si mes derniers foûpirs font fteriles pour eux ?
Pour remplir dignement le grand nom que je
porte ,
La liberté de Rome eft ce qui plus m'importe ,
Maxime , & je perdrois le fruit de mon trepas ,
Si je mourois pour elle & ne la fauvois pas ;
Mais je puis la fauver , fans me perdre pour
elle,
Apprenez un deffein , digne fruit de mon zele,
DECEMBRE. 1726. 2989
La confidence que Pompée veut faire à
Maxime , eft fufpendue par l'approche de
Livie , qui après avoir tout tenté pour
gagner Pompée , le menace de le perdre',
en ces termes :
Mais c'est trop perdre un temps que je dois
menager:
Que fais- je ? Je me plains quand il faut me
vanger !
Conful , fongez à vous : Prévenez la temp
pête ,
Qui , prête à vous frapper , gronde fur votre
tête :
Pour quelque temps encor le coup eft fufpendu
,
Allez tout reparer , ou yous êtes perdu.
Les menaces de Livie n'empêchent
pas Pompée de perfifter dans le genereux
deffein qu'il a formé , de brifer les fers
de Rome ; il entre chez Augufte , où Ma
xime l'eſt allé attendre . Ce fecond Acte a
paru le plus foible , quoiqu'on l'ait trouvé
rempli de beaux Vers & de grands
fentimens ; mais les beautez Romaines ne
font pas celles qui frappent le plus aujourd'hui
, on veut être ému , & cela
n'eft gueres poffible dans ces fortes de
fujets , où l'efprit eft plus fatisfait que
coeur.
Z. 201.
le
Dans
1990 MERCURE DE FRANCE.
Dans le troifiéme Acte , Pompée fortant
avec Maxime de la chambre d'Augufte
, lui dit qu'il eft temps qu'il lui
déclare le grand deffein qu'il a formé
pour la liberté de Rome ; & que puifque
1'Empereur vient de défigner Agrippa
pour fon fucceffeur , par fon teftament ,
qu'il a remis entre les mains , il veut que
fa fille porte ce Prince à renoncer à l'Einpire.
Emilie vient , Maxime fe retire.
Pompée apprend à fa fille que fon Amant
doit fucceder à Augufte ; Emilie lui témoigne
une joye ſi ſage & fi moderée , à
cette grande nouvelle , qu'il ne doute
point qu'elle ne le feconde dans le deſſein
qu'il a d'affranchir Rome , puifqu'elle
n'eft pas ambitieufe.. Il lui dit qu'il faut ,
pour fe montrer digne d'un pere tel que
fui , qu'elle renonce au nom d'Imperatrice.
Emilie , qui entend qu'il lui faut
renoncer à ſon amour pour Agrippa , lui
répond :
Juftes Dieux Quel Arrêt ! Mais prête à le
fubir ,
Souffrez du moins , fouffrez qu'il m'en coûte
un foùpir,
Seigneur , & permettez à ma douleur extrê
me,
De fe plaindre un moment de mon pere à luimême.
A vol .
AgripDECEMBRE
. 1726. 2991
Agrippa vous fut cher: je l'aimai ; ce beam
feu
S'alluma dans mon coeur par votre propre
avéu :
Vos voeux , de notre Hymen , fembloient ha
ter la fête ;
Ils me faifoient fentir le prix de ma conquête.
Şi le nom d'Empereur nuifoit à mon amour ,
N'aviez - vous pas prévû qu'il le feroit un
jour
Une plainte fi jufte engage Pompée à
lui dire , qu'il ne s'agit d'immoler que
fon rang , & non pas fon amour , & que
fi Agrippa l'aime bien il doit lui faire
un facrifice de fon ambition en renon- >
çant à l'Empire. Emilie lui répond :
Sur mes foibles attraits tout votre eſpoir fe
fonde !
Quel bien oppofez - vous à l'Empire du monde
?
Songez qu'un Empereur eft prefque égal aux
Dieux :
Non , ne vous fiez pas au pouvoir de mes
yeux.
Pompée oppoſe toute la vertu Romaine
à l'amour paternel. Il dit à fa fille
qu'il faut abfolument qu'elle voye Agrip
2. vol.
H pa .
2992 MERCURE DE FRANCE .
pa , & qu'elle le porte à rendre la liberté
a Rome, Emilie lui répond triſtement :
Ciel que puis- je lui dire ?
Qu'il faut pour m'obtenir qu'il renonce à
TEmpire ?
Qu'il n'eft plus qu'un Tyran , s'il devient Empereur
,
Eh! ne le fuis- je pas moi- même de fon coeur ,
Si contre lui mes yeux ufent de leur puiffance
,
Jufqu'à le dépouiller des droits de fa naiffance
?
Pompée étant inflexible , Emilie fe réfout
à lui obéir. Elle fait connoître la
trifte fituation de fon coeur par un Monologue
dont voici la derniere moitié :
Et toi , Prince trop cher , toi, dont la trifte
vie ,
De malheurs fur malheurs fut toujours pourfuivie
,
Objet infortuné du celefte courroux ,
Attendois - tu de moi les plus fenfibles coups ?
Helas ! qu'un tendre coeur fçait peu ce qu'il
defire !
Attachée à tes jours , je les ai vù profcrire s
Mon coeur qui dans ta fuite accompagnoit tes
A
pas ,
2. vol. Croyoit
DECEMBRE. 1726 2993
Croyoit voir ton exil fuivi de ton trépas.
J'implorois ton retour , que j'étois infen fée !
Pour comble de malheurs les Dieux m'ont
exaucée ;
Les cruels , contre toi conftans à conſpirer
Ne nous ont réunis que pour nous féparer.
Agrippa vient , Emilie remplit les
ordres de fon pere ; mais fon amant refuſe
de faire ce qu'elle exige de lui , même
par un motif d'amour. Voici la réponſe :
Et c'eft ce même amour , Madame , qui m'en
gage
A vous faire du Trône un glorieux partage :
Non , je n'ai voulu voir cent Rois humiliez ,
Que pour mettre avec moi leurs Sceptres
vos pieds :
Ce triomphe éclatant , c'eft à vous qu'on l'envie
,
C'est vous qu'on desherite & que l'on facrifie
,
Vous qu'on détrône , enfin . Non , je n'y confens
pas ,
Votre exemple eft trop beau pour ne le fuivre
pas.
Abandonné , profcrit , joüet de la fortune ,
Je traînois dans l'exil une vie importune .
2. vol. Hij
Tane
2994 MERCURE DE FRANCE,
Tandis que mon Rival de la foule entouré ,
Entre le trône & lui ne voyoit qu'un degré.
Et malgré tous les foins & tous ceux de Li- ·
vie ,
J'ai triomphe de lui dans le coeur d'Emilie !
Un Trône glorieux n'a pas un feul moment,
Balancé dans ce coeur un malheureux Amant!
A cet effort fi noble il faut que je réponde ,
Vous deviendrez par moi la Maîtreffe du
monde ;
L'Empire eft votre bien , je ne puis le ceder ,
Pour vous plus que pour moi , je prétens le
garder , &c.
Tibere interrompt cette converfation
par de faux refpects qu'il vient rendre à
Agrippa cette Scene a fait beaucoup de
plaifir , elle finit par ces Vers d'Agrippa
:
Je vais de fes bienfaits rendre grace à mon
pere ,
Vous , Madame , voyez Pompée ; & vous,
Tibere ;
Pour vous juftifier , prenez foin qu'en ces
lieux ,
Je ne rencontre rien qui bleffe encor mes
yeux ;
2. vol.
Qua
1
1
DECEMBRE. 1726. 2991
Que les Pretoriens , en me voyant paroître'.
Signalent leur refpect pour le fils de leur Mat
tre :
Que l'avenir enfin démente le paffé :
Soyez Sujet fidele , & tout eft effacé.
>
Ce troifiéme Acte finit par une Sce
ne entre Tibere & Martian . Tibere irrité
de l'orgueil de fon Rival demande
à Martian s'il a tout préparé pour
fa vengeance ; Martian lui répond que
tout est prêt. Tibere lui défend de rien
executer , Augufte vivant encore . Voici
une tirade qui a été applaudie. C'eſt
Tibere qui parle :
Auguſte me trahit ; je viens de lui parler :
Du nom de fils encor il daigne m'appeller.
Dans quel temps ! contre lui c'eft ce qui plus
m'irrite ?
Il m'appelle fon fils , lorfqu'il me desherite.
Mon abord l'a furpris , il ne s'attendoit pas ,
Que je duffe fi- tôt revenir fur mes pas ;
Mais , me tendant les bras , fous des care fles
feintes ,
Il a fçû dêguiſer fes foupçons & fes craintes.
Et fa bouche affe&toit un fouris gracieux ,
2. vol. Hij Tandis
2996 MERCURE DE FRANCE.
Tandis que fon dépit éclatoit dans fes yeux,
Quelle eft donc fa penſée , & qu'est- ce qu'il
efpere ?
Croit-il par fes détours tromper jufqu'à Tibere
?
Jufqu ' au dernier moment , qu'il balance mom
fort ;
Mais prétend il fur moi regner après fa
mort ?
·
Non ; il l'efpere en vain ; & le Senat luimême
,
Trahira le premier fa volonté fuprême ;
Agrippa fur qui feul vient de tomber for
choix ,
Se flatte un peu trop tôt de me donnerdes
loix ;
Il n'a que fa naiffance , & j'ai ma renommée
;
Le Senat eft pour lui , mais j'ai pour moi
P'Armée .
Tibere finit l'Acte par la refolution de
diffimuler tant qu'Augufte vivra . Comme
cet Extrait commence à devenir long
par l'abondance de la matiere , nous abregerons
ce qu'on a remarqué fur les deux
Actes qui nous reſtent.
2. vol. ACTE
DECEMBRE. 1726. 2997
1
ACTE IV. & V.
Livie au défefpoir de la préference
qu'Agrippa vient d'emporter fur Tibere
, ne refpire que vengeance ; elle fait
entendre à Fauftine que tout eft prêt
pour la mort d'Agrippa , & que les Prétoriens
font chargez de ce grand attentat .
Elle fait une Scene avec Emilie , dans
laquelle fon dépit éclate , malgré le filence
où elle a voulu fe forcer. Albine
vient annoncer à Emilie qu'on affaffine
Agrippa , & quelle a vẫ Tibere fe
mêler aux Conjurez . Emilie ne doute
plus de la mort de fon Amant qu'elle
reproche à Livie. Elle eft bien- tôt heu--
reufement détrompée par l'arrivée d'Agrippa
, & plus agréablement furpriſe ,
quand elle apprend de fa bouche , que
c'eft Tibere même qui lui a fauvé la vie.
Tibere vient , il reçoit d'Agrippa & d'Emilie
des éloges qu'il fçait bien qu'il n'a
point meritez ; Livie le louë à ſon tour ;
mais ironiquement en ces termes :
Senfible à tant d'honneurs où je n'ofois
prétendre.
J'ai pour ma gloire auffi des graces à te rendre.
Qui l'eut crû , que fur moi pour prix de quelques
foins ,
2. vol. Hij Re
1998 MERCURE DE FRANCE.
Rejaillit tout l'éclat dont mes yeux font témoins
Et que Livie un jour dût trouver en Tibere
Un fils fi glorieux , fi digne de fa mere ,
Qui , maître de fon coeur , dans le cours d'unfeul
jour ,
Vaincroit l'ambition auffi- bien que l'amour
C'est peu qu'à ton Rival tu cedes un em- .
pire ,
L'effort te paroît foible , il ne te peut ſuffire
;
Il lui falloit encor , en lui prêtant ton bras',
Braver jufqu'au peril de faire des ingrats .
Cette ironie eft fuivie d'un coup de
Theatre inattendu . Tibere promet à
Agrippa de le venger , & de faire perir
le Chefde la conjuration , tout le premier
. Livie , à ces mots , ne pouvant plus
fe contenir , lui dit :
Eh bien frappe ; Tibere ,
Plonge ton bras vengeur dans le fein de ta
mere.
Ce quatrième Acte finit par la nouvelle
qu'on apporte de la prochaine mort
d'Augufte ; Agrippa lui veut aller fermer
les yeux : Tibere s'y oppofe avec
2. vol. fa
DECEMBR E. 1726. 2999
fa diffimulation ordinaire ; il en donne
la raiſon à Martian dans le cinquième
Acte , où il annonce aux Spectateurs la
mort d'Augufte ; il charge Martian d'aller
maflacrer Agrippa dans la chambre
même d'Augufte , où l'on doit proclamer
l'heritier de l'Empire. I oblige Livie à
prier de regner, & feint de n'y confentir
que pour la mettre à couvert de la
vengeance d'Agrippa ; il ceffe de diffimuler
avec Emilie , quand il juge que
le crime de Martian eft confommé. Pompée
vient annoncer à fa fille, la mort de
fon Amant. Tibere tâche de détourner
le foupçon loin de lui ; mais Pompée lui
dit , que Martian percé de coups , a parlé
& l'a accufé. Tibere s'emporte contre
Pompée , & lui dit qu'il ne lui fait grace
qu'en faveur d'Emilie , avec qui il veut
partager le premier Trône du monde ;
Emilie lui répond :
""
Que dis- tu , barbare ? je fremis.
Et les Dieux jufques- là feroient mes enne
mis.
Moi regner avec toi qu'ofes- tu me pref
crire ?
Mon Amann e vit plus , c'eft par toi qu'il
expire ,
Et tu veux qu'uniffant mon deſtin à tom
fort ,
2. vol.
H▾ Une
3000 MERCURE DE FRANCE.
Une feconde fois je lui donne la mort ?
Ah! que n'ai je, à mon gré, la rage qui t'anime
,
Que n'ofai -je expier le crime par le crime !
Pour te percer le coeur , je t'offrirois ma
main ;
Je vengerois mon pere & le Peuple Romain .
Ce grand art dont tu fais un fi funefte uſage ,
Jufqu'au fein d'un Epoux m'ouvriroit un
paffage ;
Mais au fang des Nerons ce crime eft re-
: fervé ,
Ètgráce à ma vertu , mon Tyran eft fauvé.
La Tragedie finit par la punition de
Livie. Tibere lui fait connoître qu'il
yeut regner feul de forte qu'elle perd
par là le fruit de tous fes crimes. On
jugera mieux de cette Piece à la lecture
nous apprenons qu'on l'imprime actuel
lément.
- 2. vola NOU.
DECEMBRE. 1726, 3001
NOUVELLES DU TEMPSTURQUIE.
Es Lettres de Conftantinople portent , que
LesLincesde Cors, fls de Schah Huffain .
Roi de Perfe détrôné , & l'Ufurpateur Acheraf,
font en termes d'accommodement , pour
unir leurs forces contre les Turcs.
RUSSIE.
Es Lettres de Derbent portent , que des
Lmaladies épidemiques avoient fait perir
près de la moitié de l'Armée du Grand
Seigneur dans la Perfe, & que les Mofcovites
avoient conftruit vers la frontiere de
la Georgie plufieurs Forts , qui mettoient en
feureté les Provinces conquifes par le feu
Czar.
On commence à travailler au nouveau
Fort , qui doit défendre l'entrée du Port de
Cronstadt , où l'on placera 80. pieces de ca
non de 36. livres de balle.
On prend auff des précautions pour la
fureté des Provinces cédées au feu Czar par
le Traité de Nidſtadt , & il a été refolu d'augmenter
jufqu'à 60000. hommes les Troupes
qui font dans les quartiers ou dans les Garnifons.
Les Lettres de Turquie portent , que le
Grand Seigneur faifoit folliciter la Czarine
de conclure avec la Porte un nouveau Trai-
2. val. H. vj
té
2002 MERCURE DE FRANCE:
té d'Alliance pour la confervation des Conquêtes
que les deux Puiffances ont faites en
Perfe.
POLOGNE .
Odu Duché de Curlande avoient pris la
Na reçu avis de Mittau , que les Etats
refolution de s'affembler pour déliberer fur
les conclufions qui ont été prifes contre eux
dans la derniere Diete de Grodno , & il y
a lieu de craindre qu'ils ne fe fervent de l'occafion
favorable des Troupes Mofcovites dans
ce Duché , pour refufer d'admettre les Commiflaires
chargez par la Diete , d'informer
contre ceux qui ont eu le plus de part à l'Election
du Comte Maurice de Saxe. Ces Lettres
ajoûtent que ce Comte avoit augmenté
fa Garde de Cavalerie jufqu'à 75. hommes
On mande de Tomitz , qu'il y étoit jarri
vé de Dantzic quelques Domestiques du Duc
de Meckelbourg , avec quelques chariots.
chargez des meubles de ce Prince : que le
bruit couroit que la Commiffion Imperiale,
établie dans le Duché de Meckelbourg , alloit
fe feparer : que ce Prince rentreroit inceffamment
dans la poffeffion de fon Duché,
& que c'étoit aux follicitations de la Czari
ne auprès de l'Empereur , qu'il étoit redevable
de fon rétabliffement.
On écrit de Peterkow , que les Députez de
la Grande Pologne , ayant voulu prendre
féance dans le Tribunal de cette Ville , en
vertu des Lettres du Roy & de la Diete generale
de Grodno , les autres Membres de
ce Tribunal s'y étoient oppofez fur differens
prétextes ; ce qui les ayant forcez d'en porter
leur lainte à S. M. & à la Diete , ils en
2. vol. atDECEMBRE.
1726. 300 3
attendoient la réponſe , lorsqu'ils avoient ap
pris que le Courier qui en étoit chargé ,
avoit été arrêté en chemin par des gens inconnus
, qui lui avoient enlevé fes papiers ;
que cette violence les ayant mis en droit d'ufer
de reprefailles , ils avoient affemblé 80.
Gentilshommes , à la tête defquels étoit M.
Balziki , & qu'ils avoient obligé le Prefident
du Tribunal de recevoir leur ferment , mais
que M. Balziki ayant voulu prendre féance
par force dans la Salle du Tribunal , un Gentilhomme
du parti oppofé lui avoit tiré un
coup de piltolet , & que l'ayant manqué , la
Nobleffe de l'un & de l'autre parti avoit mis le
fabre à la main : que le defordre ayant été
appaifé par les Gentilshommes les plus moderez
, M. Balziki avoit été declaré infame
par le Tribunal , & que de part & d'autre
on avoit deputé au Roi pour lui porter des
plaintes.
SUEDE.
}
N mande de Stokolm , que M Pointz ,
Envoyé Extraordinaire du Roi d'Angleterre
, avoit eu depuis peu une Audience par
ticuliere du Roi , dans laquelle il lui fit
part de la refolution prife par S. M. Brit .
d'envoyer encore une Eſcadre dans la Mer
Baltique , au commencement du Printemps
prochain.
L'Affemblée desEtats a confenti à l'augmentation
d'un tiers des forces maritimes du
Royaume ; elle a auffi figné les refolutions
concernant les Affaires étrangeres , & l'on
continue d'affurer qu'elle a déclaré que l'Acceffion
de cette Couronne au Traité d'Ha
2. vol. nover,
3004 MERCURE DE FRANCE:
nover , ne pouvoit être que très favorable aug
interêts particuliers de la Nation.
Le Roi ayant été informé des defordres que
caufent les Loups dans divers endroits de ce
Royaume , S. M. vient de nommer un Grand
Veneur pour chaque Province , avec ordre de
détruire ces animaux autant qu'il fera poffible.
O
DANNEMARC.
Na publié à Coppenhague une Ordonnance
du Roi , qui défend d'expofer
dans le Commerce la Monnoye de la Ville
d'Hambourg , & qui enjoint aux Negocians
de ce Royaume de faire venir directement de
France , d'Angleterre , d'Hollande , d'Italie
& d'Allemagne , les Etoffes de Laine & de
Soye les Galons d'Or & d'Argent , les Vins ,
les Eaux- de- Vie , les Tabacs , & autres Marchandifes
du ' crû ou des Manufactures de ces
Pays , fans fe fervir de l'entremife des Hambourgeois.
La même Ordonnance interdit
l'entrée des Ports de ce Royaume à toutes les
Marchandiſes fabriquées à Hambourg.
ALLEMAGNE .
N affure qu'il a été réfolu à Vienne dans
le dernier Confeil de Guerre , d'augmen
ter de 20000. hommes les Troupes qui font
actuellement dans le Duché de Milan.
On apprend de Vienne , qu'on a remis au
commencement de ce mois à M. Kattembourg
, nouveau Miniftre du Duc d'Holstein ,
gendre de la Czarine , le Decret de la Chancellerie
de l'Empire , par lequel l'Empereur a
accordé le Titre d'Alteffe Royale à ce Prince,
avec les Refcripts de Notification de S. M. I.
2. vel.
&
DECEMBRE . 1726. 3005
& les Lettres du Duc d'Holftein , qui doivent
être remiſes aux Princes & aux Etats de l'Empire.
On a auffi expedié en Chancellerie les
ordres neceffaires pour fupprimer la Commiffion
de Roftock , & pour remettre le Duc
de Meckelbourg en poffeffion de fes Etats .
ITALIE .
MFhmet Baddi , Envoyé de la Regence de
Tripoli , eft parti de Rome avec les deux
fils & fa fuite pour ſe rendre à Vienne.
On écrit de Genes qu'on avoit eu avis de
Gibraltar , que le Contre- Amiral Hopfon s'y
étoit retiré depuis peu pour y paffer l'hyver ,
avec le refte des Vaiffeaux de l'Eſcadre Angloife
du Vice-Amiral Jennings .
On mande de Venife qu'on y avoit reçû des
Lettres de Conftantinople , par lefquelles on
apprend que la maladie contagieufe s'étoit
communiquée dans plufieurs Villes de l'Albanie
, de la Morée & de la Romanie , & qu'elle
y faifoit de grands ravages.
Le feftin que le Cardinal Cienfuegos donna
à Rome le Dim. 1o. Nov: fut des plus magnifiques.
La table reprefentoit un Aigle éployé.
La tête étoit occupée par les Cardinaux Bentivoglio
, Belluga , Davia , Buffi & Cienfue
gos. Les Miniftres Etrangers occupoient le
corps ; la Prelature & la Nobleffe étoit aux
aîles & à la queuë.
On apprend de Naples du commencement
de ce mois qu'il a paru pendant plufieurs
jours au deffus de l'Ile d'Ifchia , divers Phenomenes
, qui joints avec les deux ou trois
fecouffes de tremblement de terre qu'on a
reffenties , faifoient craindre au Peuple quel.
que évenement finiftre ; mais l'effroi general
eft entierement diffipé.. Dans
3006 MERCURE DE FRANCE.
Dans le Confiftoire fecret tenu le 9. De
cembre dans le Palais du Vatican , Sa Sainteté
déclara au Sacré College , que par un Decret .
datté du 25. Octobre dernier , Elle avoit reconnu
le Roi de Sardaigne en cette qualité ; &
que pour terminer tous les differends d'n tre
ce Prince & le Saint Siege , Elle avoit confenti
qu'il nommât alternativement avec la Cour
de Rome aux Benefices Confiftoriaux du
Royaume de Sardaigne. Les Cardinaux ayant
approuvé cet accommodement , le Pape propola
divers Evêchez , &c. Le Cardinal de Pofignac
, en l'abfence du Cardinal Ottoboni ,
Protecteur des Affaires de France , propofa
l'Evêché de Couferans pour l'Abbé de Premeaux
, cy- devant Agent du Clergé de France.
Celui de Graffe pour l'Abbé d'Anthelmy,
Prevôt de la Cathedrale de Frejus. L'Abbaye
Reguliere de la Ferté fur Crofne , Ordre de Citeaux
, Diocefe de Châlons fur Saône , pour
le P. Defcrivieux , Religieux du même Ordre
, & la Coadjutorerie de l'Abbaye Reguliere
de Favernay , Ordre de S Benoît , Diocefe
de Besançon , pour le P. Coquelin , Religieux
du même Ordre.
Enfuite le Pape déclara qu'il avoit difpofé
de neuf Chapeaux qui vaquoient dans le Sacré
College ; que dans le choix qu'il avoit fait de
ceux qu'il croyoit dignes de cet honneur , il
avoit uniquement confideré le merite & la
vertu ; & qu'à l'exception de quelques Religieux
qu'il avoit choifis , conformément à la
Bulle de Sixte V. tous les autres Sujets nommez
étoient des Prelats aufquels cette Dignité
étoit dûë , pour récompenfe des fervices qu'ils
avoient rendus au Saint Siege ; qu'il avoit jugé
à propos de n'en déclarer à préfent que deux ,
qui font M Nicolas- Marie Lercari , Genois ,
z. vol.
ArDECEMBRE
. 1726. 3007..
•
'Archevêque de Nazianze , Premier Miniftre &
Secretaire d'Etat , depuis le 12. de Juin der
nier , & le P. Laurent Cozza , Gardien de la
Terre Sainte , &-General des Religieux Mi
neurs de l'Etroite Obfervance de la Regle de
Saint François , connus en France fous le nom
de Cordelier , des Religieux Réformez du même
Ordre , nommez Recollets , & des Penitens
du Tiers Ordre. Sa Sainteté déclara enfuite
qu'elle réfervoit les fept autres in petto , jufqu'à
ce qu'Elle eut trouvé l'occafion de les
pourvoir de Benefices qui les miffent en état
de foûtenir leur nouvelle Dignité.
Le 10.le Pape fit avec la folemnité accoutu
mée la Canonifation des Bienheureux Forribio
Magrobefio , Archevêque de Lima : Jacques
de la Marca , Religieux Mineur , Obfervant
de l'Ordre de S. François , & Agnès de
Montepulciano, Religieufe de l'Ordre deSaint
Dominique.
ESPAGNE.
N a renforcé depuis un mois les Gar
nifons de Lerida , de Gironne , de Re
fes & de Taragone.
Le Prince Emanuel de Portugal , fait depuis
quelque temps de frequentes retraites ,
ce qui fait croire qu'il entrera inceffamment
dans l'Etat Ecclefiaftique .
Le Comte d'Aftores , Capitaine General
de Navarre , a été nommé pour commander
l'armée qu'on affemble dans l'Andaloufie , du
côté de Gibraltar, où l'on fait marcher 10000
hommes de la Catalogne & du Royaume de
Valence, outre quelques Regimens Irlandois.
Leurs quartiers font marquez dans les Villa
ges entre Malaga & Gibraltar. Le Comte de
2. vol. Montemar
3008 MERCURE DE FRANCE.
Montemar a été nommé Capitaine General des
Ports & Villes le long des Côtes de Malaga.
Le Roi a nommé pour fon Ambaſſadeur
Extraordinaire & Plenipotentiaire à la Cour
de la Czarine , le Duc de Leria , fils aîné du
Duc de Berwick , Pair & Maréchal de France.
On a reçû avis de Gibraltár , qu'il en étoit
forti depuis peu 9. Vaiffeaux de Guerre Anglois
, lefquels devoient être inceffamment
renforcez par fix autres Vaiffeaux de Guerre
de la même Nation , deftinez comme les premiers
, à former deux Elcadres , dont l'une
doit croifer à la hauteur du Cap S. Vincent ,
& l'autre vers la Corogne. Ces Lettres ajoûtent
que les Troupes qui étoient à bord de
ces 9. Vaiffeaux , étoient reftées à Gibraltar
pour en renforcer la Garnifon qui eft à pre-
Tent fort nombreufe , & que les Anglois conftruifoient
actuellement de nouveaux Ouvrages
pour la deffenfe des dehors les plus expofez
de cette Place.
PORTUGAL.
A nuit du 25. au 26. Novembre , le feu
Lpritau Palais du Marquis de Valence à
Lifbonne , & malgré les fecours qu'on y ap
porta , il fut entierement confumé en moins
de cinq heures . Comme ce Palais , qui eft un
des plus beaux de la Ville , étoit voifin des
Ecuries du Roi & de l'ancien Palais des Ducs
de Bragance , où font confervez les Bijoux
& une partie des meubles de la Couronne ,
on prit toutes les précautions neceffaires pour
empêcher que le feu ne s'y communiquât.
Le Roi paffa la nuit à cheval avec une partie
des Seigneurs de la Cour , pour donner
fes ordres aux Soldats de la Garniſon , em-
2. vol.
ployez
DECEMBRE., 1726. 300g
loyez pour arrêter le progrès de l'incendie
GRANDE- BRETAGNE
ON a appris par un Vaiffeau arrivé de Lif- la Sainte- Rofe , Vaiffeau de
Guerre Portugais , qui fervoit d'efcorte à la
derniere Flotte arrivée du Brefil , avoit fauté
en l'air à 30. lieues ou environ du Roc de
Liſbonne ; que de 700. hommes
dont fon
Equipage
étoit compofé , il ne s'en étoit fauvé
que fept , dont deux étoient morts le lendemain
, & qu'il y avoit dans ce Vaiffeau pour
à 700.mille livres fterling de matieres d'or &
d'argent , où on les avoit chargez pour plus
de fureté par ordre exprès du Roi de Portugal.
Quelques- uns des Matelots qui ont fervi
cette année dans la Mer Baltique , ont pris
parti fur les fix Vaiffeaux qu'on a équipé à
Portſmouth pour les Indes Occidentales , &
qui font prêts à partir au premier commandement.
Le bruit court qu'il a été réfolu d'augmenter
les Troupes de trois Compagnies par Régiment
d'Infanterie & de deux par Régiment
de Cavalerie & de Dragons , ce qui monte
en tout à 6000. hommes d'augmentation . On
prendra , à ce qu'on affure , les Officiers à
à la demi paye & tous les Invalides qui font
en état de fervir , afin qu'il en coute moins
à la Nation..
Dom Antoine de la Rofe , Conful de la
Nation Efpagnole à Londres , a fait fçavoir
aux Négocians de cette Ville , qu'après le 4.
du mois de Janvier . prochain , on ne laiffera
entrer dans les Ports de la domination de
S M. C. aucun Vaiffeau Anglois , à moins
2. vol.
qu'il
Foro MERCURE DE FRANCE .
qu'il ne foit muni d'un Paffe- port figné de
ce Conful , par lequel il certifiera qu'il eft
parti directement des Ports d'Angleterre,
On affure que la Lotterie de l'Etat ne fera
pas continuée l'année prochaine , & qu'on
doit prefenter au Parlement un projet pour
recevoir des annuitez à vie , qui ne porteront
pas d'interêt pendant les fept premieres
années, mais dont le revenu fera après ce tems
égal au principal .
HOLLANDE , PAYS- BAS.
Lelled'Hollande & deWeltfine,ne
A Province de Gueldre , de même que
né fon confentement à la feconde augmentation
de Troupes qui a été propofée par le
Confeil d'Etat , & à l'armement de 18. Vaiffeaux
de Guerre , pour la fureté du Commerce
d'Hollande.
Le 13. de ce mois on celebra à Bruxelles
P'Anniverſaire de la Naiffance de l'Archiducheffe
Gouvernante des Pays- Bas , qui entroit
ce jour- là dans la 47. année de fon âge. Cette
Princeffe fit venir auprès d'elle 47. pauvres
filles qu'elle admit à lui baifer la main , &
elle leur donna à chacune une Bourfe dans
laquelle il y avoit une piece d'argent.
Le 19. il y eut à Anvers une Affemblée generale
des Intereffez de la Compagnie d'Oftende
, dans laquelle il fut réfolu de payer le Di
vident fur le pied de 12. pour cent.
2. vol. MORTS
DECEMBRE. 1726. 3014.
XX :
XXXXXXXXXXXXX
MORTS DES PAYS
Etrangers.
N'a appris de Bareich , que le Prince
George Guillaume Margrave , Regent
de ce Pays , y mourut le 18. de ce mois ,
d'une attaque d'apoplexie dans la 49. année
de fon âge. Il avoit époufé en 1699. Elizabeth
Sophie , fille de Frederic Guillaume , Electeur
de Brandebourg , & veuve de Frederic Cafimir
, Duc de Curlande , dont il ne laiffe que la
Princeffe Chriftine Sophie - Guillelmine ,
époufe du Prince Hereditaire de Danemarc,
Le Prince George Frederic Charles de Brandebourg
, fon coufin , a pris poffeffion de la
Regence de fes Etats.
-
茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶
FRANCE ,
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
L
E Roi a accordé des Lettres Patentes
pour l'établiſſement d'un Monaltere
de Religieufes Urfulines à la nouvelle
Orleans . Le Convent des Urfulines
de Magni en Normandie a fourni
fept de fes Religieufes qui ont pafle
à la Loüifiane , avec plufieurs Peres Je-
3. vol. fuites
3012 MERCURE DE FRANCE.
fuites qui doivent travailler à la converfion
des Sauvages ..
M. de Campredon qui a été chargé des
affaires du Roi pendant plufieurs années
en Mofcovie , dont il eft de retour depuis
quelque temps , doit aller à Genes en
qualité d'Envoyé de Sa Majesté .
M. de Vauverfin , Avocat au Parle
ment de Paris , a prononcé , felon l'ufage
établi , un Difcours à l'Hôtel de
Ville de Lyon , le 21. de ce mois , jour
auquel le fait tous les ans l'élection des
nouveaux Echevins de cette Ville. M.
l'Archevêque , Ms. les Comtes , M. In
tendant , M. le Prévôt des Marchands
le Préfidial & la Cour des Monnoyes l'ont
⚫honoré de leur prefence. Il a été genes
ralement applaudi , & tout le monde eft
convenu que depuis long- temps on n'avoit
entendu un Difcours auffi brillant
& en même- temps auffi folide , ni prononcé
avec plus de dignité. La Ville de
Lyon ne peut que fe loiier du goût de
M. le Chevalier Perrichon fon Secretaire
qui a fait choix pour elle d'un ſi bou
Orateur. Elle a témoigné publiquement
combien elle en étoit contente par fa ge
nerofité , par les prefens & les honneurs
dont elle a comblé M. de Vauver
fin. La fortune faifoit le fujet du Dif-
Cours en question : nous en donnerons
2. vol. 1113
DECEMBRE. 1726. 3013
en Extrait dans le Mercure prochain.
Le 18. de ce mois , il fut décidé dans
une Affemblée des Directeurs de la Compagnie
des Indes , que la vente du Caffé
en détail ,feroit remife aux Epiciers,qu'ils
prendroient en gros de la Compagnie .
La même Compagnie a fait afficher,
qu'elle payeroit le Dividend des Actions
pour l'année prochaine 1727. fur le
pied de 150. livres .
Le 10. Decembre , le feu prit à huit
heures du matin chez la veuve Guiard ,
Blanchiffeufe , au troifiéme étage , dans
une matfon , rue des Lavandieres , à la
Place Maubert. Cette femme étant fortie
à fept heures du matin , enferma fa
fille âgée de douze ans , & laiffa du feu
dans la chambre. A huit heures , foit par
manque de précaution , foit par l'impru
dence de la fille , le feu fe déclara en
fortant avec impétuofité par les fenêtres
On enfonça la porte , & deux Gardes-
Pompes l'éteignirent à force de bras . La
petite -fille fut trouvée dans les debris
brulée & réduite à la longueur d'un demi
pied.
་ ་
Le 17. du même mois , une femme veu
ve nommée Chanteau , âgée de 72. ans
s'étant endormie dans fon fauteuil , avec
une chauffrette fous fes pieds , fut trouvée
prefque brulée à huit heures du foir.
2, vol. La
3014 MERCURE
DE FRANCE .
La mauvaiſe odeur & la fumée , oblige
rent les voifins & les Gardes- Pompes du
Roy , d'enfoncer la porte de fa chambre
qu'une Servante qui la venoit fervir avoit
fermée. On éteignit le feu qui s'étoit
communiqué des habits de cette femme
à quelques meubles , & deux heures
après elle expira dans des tourmens trèsviolens.
La chambre de cette femme joi
gnoit le Magafin du fieur Guerin Epicier,
au premier étage de fa maiſon , quë de
la Verrerie .
Le 16. de ce mois , la Reine alla en
Chaiſe à Porteurs chez Mademoiſelle de
Clermont , Princeffe du Sang , Sur - Intendante
de la Maifon de S. M. qui eft
logée à la Sur-Intendance . Quelques Seigneurs
& Dames de la Cour y reprefenterent
fur un Théatre , dreflé dans la
grande Piece de l'Appartement de cette
Princeffe , la Comedie du Mifant rope
& celle de Florentin , qui furent parfaitement
bien jouées : la Reine en pas
rut très fatisfaite .
Le 31. le Roi revêtu du Grand Collier
de l'Ordre du S. Efprit , entendit la
Meffe dans la Chapelle du Château de
Verfailles , communia par les mains du
Cardinal de Rohan , Grand Aumônier
de France. Enfuite S.M. toucha un grand
nombre de Malades.
3. vol. Le
DECEMBRE. 1726. 3015
1
Le Roy ayant donné à la Reine Douaifiere
d'Efpagne le Palais du Luxembourg
,, pour y faire fa réfidence . S. M.
partit de Vincenne le 23. de ce mois fur
les trois heures après midi. La Marche
fe fit dans l'ordre fuivant : Par la ruë
S. Antoine , le Pont- Neuf , rue Dauphine
& de Tournon .
La Reine , avec la Ducheffe de Sforze,
fa Camarera Major , étoit dans le premier
Carroffe , attellé de huit beaux Chevaux
noirs. Dans le deuxième étoient la
Princefle de Robec , la Ducheffe de Nevers
, la Marquife d'Arpajou , la Marquife
de Mailly & la Marquise de Paulmy,
Dames du Palais de la Reine. Dans
le troifiéme étoient le Prince de Robec ,
Major- d'Homme Major , le Duc de Nevers
, Grand- Ecuyer , M. de Crecy ,
Premier Ecuyer , M. de Maiparo, Major
d'Homme de femaine. Après cela venoit
le quatriéme Carroffe, dans lequel étoient
" les Camarites de la Reine , qui fermoient
la Marche.
Le Carroffe de la Reine étoit precedé
de fix Gardes, & toute la Compagnie mar
choit derriere, l'épée haute , avec l'Etendart
, Timbales & Trompettes , les Of
ficiers à la tête. Les Ecuyers Cavalcadours
, les Cavalenlos del Campo , & les
Pages marchoient en bon ordre autour
2. vol.
I du
3016 MERCURE DE FRANCE.
du Carroffe de Sa Majesté.
Lorfque la Reine paffa devant la Baftille
, M. de Launay , qui en eſt Gouverneur
, fit tirer le Canon. S. M. arriva
au Luxembourg vers les quatre
heures après midi ; elle fut reçûë à la
defcente du Carroffe par le Duc d'Antin
, Sur - Intendant des Bâtimens , &
conduite dans fon Appartement. Le Corps
de Ville arriva un moment après & complimenta
la Reine ; le Duc de Trêmes
Gouverneur de Paris étoit à la tête. Le
Préfident Lambert , Prevôt des Marehands
, fit un Difcours très- éloquent ,
auquel S.M. répondit fort gracieuſement.
Le 24. veille de Noël , la Reine d'Efpagne
entendit la Meffe de Minuit dans
la Chapelle du Luxembourg , elle reçût
la fainte Communion par les mains du
Pere Catalan, Jefuite , fon Confeffeur.
Le lendemain 25. jour de Noël , S. M.
alla entendre la grande Meffe à S. Sulpice
, en grande pompe , efcortée de toute
fa Maifon , & le foir elle fut entendre
le Salut aux Carmelites de la rue
de Grenelle , avec le même cortege.
- vol.
PLACET
DECEMBRE. 1726. 3017,
PLACET
A LA REINE D'ESPAGNE.
LES
Nouvelliftes du Faubourg ,
Dans les Jardins du Luxembourg ,
S'affemblent dès long - temps , font la Paix &
la Guerre :
६
Ils percent dans les Cabinets ,
Et decident des interêts
De tous les Princes de la terre.
Là fur la puiffance des Rois ,
Sur la Religion , la Finance , les Loix
Chacun étale fon fyftême ,
Et le foûtient avec une chaleur extrême :
Souvent on les entend parler tous à la fois ,
Diſputer vivement , & s'emporter de même;
Mais depuis quelques jours , on les voit confternez
,
Se promener le manteau fur le nez ,
Suivis d'une trifte affluence
De défoeuvrez comme eux , obferver en fi
lence
Si par malheur quelque Suiffe malín ,
Ne viendra pas fermer les portes du Jardin.
2. vol.
I ij
Si
3018 MERCURE de france:
Si la chofe arrivoit , Dieux ! la trifte journée ,
Pour cette troupe infortunée :
Grande Reine , dont la bonté
Eft égale à la majeſté ,
Ne permettez jamais de telles entrepriſes ,
Laiffez à ces Speculatifs ,
A ces Politiques oififs ,
La douce liberté de tenir leurs affifes ,
Dans ces lieux fi charmans pour eux ;
Pour vos jours précieux ils y feront des voeux,
Et quelquefois leurs affemblées ,
Vous ferviront d'amufement :
Vous pourrez les voir tous de votre appartement,
Par pelotons formez dans les allées ,
Se trémouffer , gefticuler ,
Souvent même fe quereller :
Vous leur verrez tracer fur le fable docile ,
Des Camps , des Forts , un Port de Mer , une
Ifle ,
Ouvrage auffi yain que groffier,
Et qui n'eft nullement du goût du Jardinier.
Pour les femmes du voisinage ,
Four qui le Luxembourg a des appas fecrets , " a. vol.
Qui
DECEMBRE. 126. 3019
Qui pourroit exprimer leur chagrin , leurs
regrets ?
Si la porte en étoit fermée ?
Déja plus d'une Amante en paroît allarmée.
D'ailleurs quand Votre Majefté ,
Vient dans ce Jardin enchanté ,
Qu'acheve d'embellir fon augufte préſence ,
En Elle on voit briller mille & mille agré
mens ,
Qui font aujourd'hui de la France ,
Un des plus riches ornemens .
Daignez donc ordonner , favorable Princeffe ,
Qu'on vienne en ces Jardins ainfi qu'auparavant
,
Souffrez qu'auprès de vous à toute heure on
s'empreffe ,
On ne fçauroit voir trop fouvent
La vertu , la bonté , les graces , la fageffe.
M. D. G. C. D. M. S,
akakakakakakakakakak
BENEFICES DONNE Z.
LA 1
Abbaye d'Eftival en Charnye , Ordre
de faint Benoît , Dioceſe du
Mans , vacante par le decès de Mademoiz.
vol.
I iij
felle
3020 MERCURE DE FRANCE.
felle de Pezé , a été donné à Mademoiſelle
Marie Anne Charlotte de Rabodanges ,
Religieufe du même Ordre.
L'Abbaye de la Regle , Ordre de faint
Benoît , Diocefe de Limoges , vacante par
la démiffion de Mademoiſelle de Verthamon
de la Vaux , en faveur de Damoiselle
Catherine- Elifabeth de Verthamon de la
Vaux , Religieufe dans cette Abbaye , à la
charge de mille livres de penfion pour
ladite Damoifelle de Verthamon , qui s'eſt
démife .
Le Prieuré de Sainte Marie de Froitfond
, Ordre de faint Benoît , Dioceſe de
Luçon , dépendant de l'Abbaye de faint
Michel en Lherm , auquel Sa Majesté a
droit de nommer , à caufe de l'union de
cette Abbaye au College des Quatre-Nations
, vacant par le decès du Sieur Richard
, en faveur du Sieur Abbé Philibert
, Prêtre , Docteur de Sorbonne.
L'Abbaye Reguliere de Saint Airy ,
dans la Ville de Verdun , Ordre de faint
Benoît , à laquelle le Roi a droit de nommer
en vertu de l'Indult du Pape Clement
IX. vacante par le decès de Dom de
Vaitte , en faveur de Dom de Louviot ,
Religieux du même Ordre.
L'Abbaye Commandataire de Saint
Maurin , Ordre de faint Benoît , Dioceſe
d'Agen , vacante par le decès du Sieur
2. vol.
Heb it ,.
DECEMBRE . 1926. 3021.
Hebert , en faveur de M. l'Abbé Catelan
, Prêtre & Prefident du Parlement de
Toulouſe.
L'Abbaye de Saint Avy , Ordrede faint
Benoît , Diocefe de Chartres , vacante
par le decès de Mademoiſelle de Simianne
, en faveur de Mademoiſelle Bonne
Binet de Montifroy , Religieufe du même
Ordre.
MORTS , NAISSANCES ,
&
Mariages ,
E 5.de ce mois , Dame Marie Amat
Ladu Pouet , veuve de François- Augufte
de Valevoir , Marquis de Volx ,
Lieutenant General des Armées du Roi ,
& Gouverneur de Sifteron , mourut dans
fon Château de Volx , en Provence , âgée
de 93 .
Le 24. Jacques Rigollot , Marêchal
des Camps & Armées du Roi , & Lieutenant
General d'Artillerie , mourut âgé
de 90. ans , dont il en avoit employé 75.
au fervice de S. M.
Le 27. le Comte Truffy, ci-devant Envoyé
Extraordinaire du feu Duc de Mantouë,
mourut à Paris âgé d'environ 60 .
ans.
2. vol.
I iiij
Le
3022 MERCURE DE FRANCE.
Le 13. de Novembre 1726. Thomas
Charles , Marquis de Morant & de Brequigny
, Barón de Fontenay , Comte d'Epenzé
, &c. époufa à Saint Brieux , pendant
l'Affemblée des Etats de Bretagne ,
Damoiſelle Gabrielle - Felicité de la Ri
viere , quatriéme fille de Charles - Yves-
Jacques de la Riviere , Comte de Mur ;
&c. Marquis de Paulmy en Touraine ,
Vicomte de la Roche de Genes , Baron de
Boifé , Seigneur de Cyran , du Châtellier
, &c. & de Dame Marie - Françoiſe-
Celeſte de Voyer , heritiere de l'ancienne
Maifon de Paulmy.
Mademoiſelle de la Riviere eft foeur
de Charles -Yves Thibault de la Riviere,
Marquis de Paulmy , Wartigny & de
Reignac , Meſtre de Camp de Cavalerie ,
&c. Ce mariage s'eft fait en préfence
du Maréchal & de la Marêchale d'Eftrées
, du Duc & de la Ducheffe de
Bethune , de tous les Evêques , Abbez ,
Deputez , & de toute la Nobleffe qui
compofe l'Affemblée des Etats de cette
grande Province , lefquels ont donné de
grandes marques d'eftime & de confide
ration à M. le Comte de la Riviere , qui
eft un Seigneur fort confideré dans cette
Province . M. & Me la Marêchale d'Etrées
firent l'honneur aux mariez de
leur donner la chemife , & ils donnerent
2. vol. les .
DECEMBRE. 1726. 3023
les repas des nôces , où il y eut plufieurs
tables fuperbement fervies .
Claude - Loüife de Lory , époufe de
Charles de la Martelliere , Seigneur de
Chancay , &c. Gouverneur pour le Roi
de la Ville de Langres ,accoucha le 8. Dec.
dérnier d'un fils lequel fut tenu fur les
Fonts , & nommé Charles , Jacques par
Jacques de Lorry , Maître des Comptes
& par Dame Marie - Anne le Picard de
Mony , veuve de Edme Nicolas Robert ,
Chevalier Confeiller d'Etat , Confeiller
Honoraire au Grand- Confeil , & Inten
dant du Canada .
,
La nuit du 17. au 18. de ce mois , la
Marquise de Trefnel fille de M. le
Blanc , Miniftré de la Guerre , accoucha
d'un fils à Versailles .
On donnera le mois prochain , les Jettons
de l'année 1727. & la Médaille prefen "
tée au Roi le premier jour de l'an.
KKK MMKMM
TABLE
Du fecond Volume de Décembre .
De fur les miferes de l'homme , 2825
Troifiéme Suite hiftorique de la Guerre de
Perfe ,
24 vol
2828
Imitation
1
3014
Imitation de la Poëfie de Catulle , Dicebas ,
&c.
2850
L'Aveugle Clairvoyant , Hiſtoire Perſanne , 2853
Vers , &.c. 2877
Extrait du Memoire fur l'Aurore Boreale , &c.
2880
2885
Sonnet , l'Homme fuperbe ,
Memoire fur les Eaux Minerales de Paffy , 2886
Uranie , Ode , 2904
Réponse , & c, au fajet d'une Méthode très- ailée
pour apprendre l'Orthographe , &c. 2907
Enigmes ,
Nouvelles Litteraires , des beaux Arts , &c. 2925
Almanach Royal ,
2923
2927
Recueil de Leçons de Mathematiques , & c. 2928
Memoire fur la guérifon des Hernies , & c. 29 30
Extrait d'une Lettre écrite de Lyon , &c. 2936
Lettre de Bourdeaux fur l'Academie de cette
Ville ,
Difcours prononcez à l'ouverture du Parlement ,
Chanfon notée ,
Spectacles ,
2919
2940
2953
ibid.
Le Philofophe dupe de l'Amour, Extrait , 2944
La Femme Jaloufe , Comedie , Extrait , 2962
Extrait de la Tragedie de Tibere , 2979
Nouvelles du Temps , de Turquie , Ruffie , Po.
logne , &c. 3001
Morts , &c. 3011
Nouvelle de la Cour , de Paris , & c. ibid.
Placet à la Reine d'Espagne , 3017
Benefices donnez , 3019
Morts , Naiflances & Mariages
2023
LA Chanfon notée regarde la page 3913
Fautes
3025
Fautes à corriger dans ec Livre .
Age 2961. ligne premiere , accompliffement,
Ptifex applaudifiement. Page 2968. ligne 2
qu'on demande , lifez qu'on nous demande . p.
2972. ligne 19 , la belle, lifez ſa fille & lign. 2'5•
TABLE GENERALE
de l'Année 1726 .
A.
bas Cornardorum ,
ABbas
911
Académie Françoife , 2058. Reception , 2500.
2948.
des Sciences , 996. 1363. 1369. 2063 .
2-535 2949
d'Infcriptions & Belles Lettres , 759• 995•
1200, 2534 2733 .
des Jeux foraux, Prix propofez , 1425 .
Diſtribuez , 1830
de Bordeaux ,1000. 2042. 2307.2939 .
EFEE
Er
de Pau ,
153
de Belles Lettres à Marseille , 2077
EpA
Ef
Ex
}
de Lyon ,
de Madrid ,
d'Histoire à Lisbonne ,
des Sciences à Petersbourg , 347. 2064.
2306.
Albricienne
à Venife , 553
de Peinture à Paris , 2544. Prix propofez ,
1647. à Rome , 53. Prix diftribuez ,
1650
2936
1228
552. 1227
3046
de Mufique à Tours , 172. à Strasbourg →
Ajax , Opera ,
559
Aimant ( la Pierre d' ) guerit des convulfions ,
1654
1551
Air maritime. S'il eſt dangereux pour la ſanté ,
Alleluia. Ufage qu'on en a fait ,
Almanach du Parnaffe .
L'Amante capricieufe , Comedie ,
418
2656
-2949
1003.1436
364-
1653. 1871
L'Ambigu comique , Comedie ,
L'Amour Precepteur , Comedie ,
Ange ( le Pere de Rofalie. Sa mort , 149
Angleterre ( quelques particularitez d' ) 2067
Antiquitez. La Colonne de Cuffy , 1374. Tombeau
dans la Forêt d'Ardennes ,
Antiquité expliquée , &c. Reflexions critiques
fur un Article du 5. Tome du Supplément ,
1590
144
1105 Apparitions. I'eur faulleté ,
Arithmetique ( Machine pour faire toutes les
operations d') 2039
Arrefts notables du Parlement de Paris , 1060.
1065. de Provence , 1472
Affureurs. S'ils répondent des pertes arrivées
dans la quarantaine des Infirmeries ,
Atis travesti , Comedie ,
423
164 .
L'Aveugle clairvoyant , Hiftoire Perfane , 2853
B.
A Bague magique , Comedie ,
Baumes . v . Huiles.
Bernouilly Nicolas ) fa mort ;
$73
2307
Bibliotheque de l'Univerfité , 760. de Turin ,
Boivin , fa mort ,
ibid.
2544
Bouil
Bons mots ( Lettre fur les ) 703.1403.2191
3.047
Bouillart D. Jacques ) fa mort & fes Ouvrages,
2950
Bouquet › 35. 203. 204. 1476. 1697. 1785. 2001
ss. 1984. 2021. 2032 2038 Bouts rimez ,
Breviaire de Sens & d'Auxerre ,
Brutus , Tragedie ,
1163
1892
C...
Cale
761
Alendrier chronologique , 2497. hiftoriquë,
2720. fur un Porte- crayon ,
Calotte Arreft du Regiment de la )
Cange ( du ) critiqué ,
2233
2.7
Canos tirant 13. coups en une minute , 1866
Cantate , la Seine , 264. Vertumne & Pomone,
690, Ulyffe & Calypfo , 71o. l'Insonftance reciproque
, 968. Daphnis , 1098. le Retardement
affecté , 1997. le Carnaval ,
Cardinal ( remarques fur la dignité de ) 2587
Caftel le Pere ) critiqué , 43. v . Flux. Lettre
à M. de Barras , 871. à M. B.
Caſtel - Branco ( le P. Bernard de fa mort ,
>
2013
900
350
Ceremonial. La Reine d'Espagne rend vifite au
Roi & à la Reine , 826. vifite renduë par la
Reine ,
Champ de Bataille , Château ,
830
2713
Chant Gregorien , 1172. des Hymnes , 1729.
nouvelle maniere de le noter , 1421. 2543•
2722.
Chantreļ( Bâton de )
La Chaffe du Cerf, Comedie ,
18
2346. 2547
Chaftcüil - Gallaup , particularitez de fa vie , 327.
corrections & éclairciffemens fur cette Mai-
1223
fon ,
Château- Chinon ( remarque fur la Terre de )
2002
Le Chevalier errant , Comedie , 1002. 1229
Chevaux chargez ( ordre à Conftantinople pour
les ).
2270
3048
Clavecin
Le Chirurgien Medecin. Lettre delavoüiče par
la Faculté de Medecine ,
pour les
397
yeux , 277.455.653. Criti
que , 929. Réponse , 1537
Clergé Affemblée du } 2377
College Royal , 2537
603
Colone , fa mort & fon éloge ,
Les Comediens Efclaves , Comedie , 1871 .
2112.
Les Comediens Corfaires , Comedie , 2133 .
2310.
Comete apperçue à Naples , 552. à Genes ,
Concert des Tuilleries ,
2770
843
Confecration de l'Eglife de S. Louis , 1787
Coquille Hiftoire naturelle des ) 296
Corinne , fon vṛai nom , 2852
Coypel (Difcours à l'Academie de ) 1856
1593
105
Critique reflexions fur la )
Cruches fecondes ,
Curé ,l'amovibilité & la multiplicité des Curez
dans une même Paroiffe ,
D.
Edicaces ( Critique des )
DEDefructus , ce que c'eft ,
Delifle Guillaumefon éloge ,,
. 1150
2012
218
468
Defalleurs , fon coeur tranfporté à Conftantino
3144
ple ,
Delpreaux , défenfe de fa fixiéme Satire , 198 ,
Dictionnaire de Medecine , 204 des Arreſts
2726. neologique , 1700. de la France an
cienne & moderne , 1627. obfervations fur ce
Dictiounaire , 2481.2718
Difcours de M. Piat , so . de M. Gilbert , 151 .
prononcé le jour de la cinquantième année
d'un mariage ,
2. vol.
3340
Dif
3051
Ageure
d'un Porteur d'eau ,
1255
JGenie fingulier pour les Mathematiques ' ,
2065
Germanie , il a été un temps qu'on appelloit de
ce nom , tout le pays qui s'étend depuis la
Loire jufqu'à Cologne ,
Godeau critiqué
Goute ( guerifons de la ).
536
26
IS25
Guib ( Federic ) Memoire hiftorique fur fa vie ,
H.
1965
Arangue de Francifque , 2347. du Clergé ,
2388. 2788. au Comte de Tavannes ,
2391. au Doge de Venile , 2771. de la rentrée
du Parlement ,
2940
Hernies ( guerifons des ) 556. 2930. Bandage
fans acier
Hiftoire des Juifs ,
1423
638
L'Homme marin Comedie
1040
Horace ( paflagé d' ) expliqué , 2014
1556. 2299
14335
Huilles effentielles , & Baumes naturels s'en-
1369
2746
Horloge de mer ,
Hôtel de l'Enfant Jefits .
flâment par les efprits acides ,
Hypermneftre , Tragedie ,.
J
Ji
Ambe coupée. On fent les mêmes doulcurs
que fi on l'avoit encore ,
Idille de Vergier , 1579. le Printemps ,
Jettons du Roi ,
2033
1760
159
343
L'Im-
Imprimerie , Reglement à ce fujet en Hollande ,
24 volt.
3052
L'Impromptu de la Folie , Comedie , 340
Incendie à Paris , 187.603 . 3013.à Liſbone, 3008
Jofeph , deux paffages interpofez dans fes Antiquitez
,
Journaliſtes de Trevoux critiquez ,
L.
891
1844
Angues ,comment on les perfectionne , 435
leur origine ,
Latin , nouvelle methode pour l'apprendre .
Laurent , fa mort & fon éloge ,
Lethargie extraordinaire d'un enfant ,
Lefbie , fon vrai nom ,
1356
2351
604
2936
2851
Lettres de la M. de Sevigné , 970. de Vergier ,
1394. 1577. du Roi d'Angleterre à la Czarine
1906. la réponſe ,
Leucade , v . Sault.
Lione , qui a fait des petits à Londres ,
1909,
1866
Litu sgies de toutes les Eglifes Chrétiennes, 1213
Longitudes ( tentatives fur les )
S Louis ( Paroiffe de )
Lunette par reflexion ,
M.
qu'à
1386
1795
759.1225.2028
Achines hidrauliques, 194. 1944. de l'Ab-
MMaAchines
bé du Val , 554. à labourer par le fecours
du vent , 759. de du Quet , 988. 1642- 2539 .
pour mesurer le chemin que fait en mer un
Navire , 2069. inventée par un jeune homme
de 19. ans , 2542. pour plonger , 2543. pour
filer , 2742. pour faire du ruban
Mahomet IV. trait fingulier de )
2947
1397
Maladies ( Siftême d'un Medecin Anglois fur les
Mandement du C. de Noailles ,
caules des )
2. vel.
964
1264
Mante,
3013
Mante , Ville ,
Mari fans femme ( le ) Comedie ,
2697
2319
Mariage declaré nul , 350. à la Greque , 2272
Maroc , v . Fez.
Marſeille ( Infcription à l'Hôtel de Ville de)
Martial ( paffage de ) expliqué ,
Mathematiques ( Leçons de )
Maucroix ( nouvelles Oeuvres de )
May (l'offrande du )
2285
2018
2928
543
695
Medaille de Probus , 18. de la Reine , 156. 1869
de Philippe II. 322. de Benoift XIII. 557. de
Pofthume , 667, trouvées à Troyes , 1226. du
Roi,
Medecine ( Ecoles de )
Melon extraordinaire ,
2309
2538
2948
.
2725
Memoires des Miffions de la Compagnie de
Jefus ,
Metamorphofes d'Arlequin fot & fage ( les ) Co.
medie ,
Meynier , differens inftrumens qu'il a inventez ,
Mines d'argent en Norvegue ,
Modes ,
Monde ( l'immenfité & l'infinité du )
Monitum de l'Univerfité de Caen ,
Monnoye d'Orleans ,
Monttre , homme marin ,
578
413-
2767
9.399.946
1101
526
733
256
Moreau ( D. Jean - Baptifte ) la mort & fes Ouvrages
853
Morofini , le Roi le fait Chevalier , & lui donne
l'accolade , 2784
180
Mots nouveaux , fi l'on doit les condamner abſo-
N.
Morts à Londres ,
lument , v. Langue.
Aiffances à Londres ,
2. vol.
NNaufrage ( le )Comedie ,
180
563. 568
N&
3054
Navigation ( Inftrumens de Meynier pour 1 )
Nefretique ( Pierre ) .
Neubourg ,
419 .
1587
2712
Noms des Rois de France ( remarques für quelques
)
O
O.
1123
2904
De. La Modeftie , 292 Les Athées , 463 .
Du Palinod , 520. Sur le Mariage du Roi ,
661. Sur Alexiowits le Grand , 671. Les Palfions
, 940 l'Ambition , 1087. la Mert , 1301
le Solitaire , 1544. la Beauté , 2671. le tems ,
2674 , les Miferes de l'homme , 1826. à Uranie
,
Odes traduites du P. Senadon , 208. la 38. da
I. Liv. d'Horace , 326. la v . du I. Liv. 1178 .
du Cantique de Moyfe , 1156. la 23. du I.
Liv. d'Horace , 1 ( 89. Quem vinum , 2183
Oedipe , Tragedie de la Mothe , 576.770
Opera , reprefenté à Rome , 366 en Allemagne
ibid. à Londres , ibid.
1933
Orleans ( Mort de la Ducheſſe d' ) & fes obfeques
,
Orthographe . Maniere aifée de l'apprendre , 2907
Oudri , fes Tableaux , 617
Ouvrages d'efprit ( Obfervations fur les ) 1306
P
P.
Aix entre les Hollandois & les Algeriens ,
Paftor- Fido , Faftorale ,
Paftorales ,
2350
2081. 2288
1870
Patronage ( à qui doit appartenir le Droit de ).
de l'heritier grevé ou de l'heritier Fidei - commiffaire
,
Pelerins de la Meque ( les ) Comedie , 1705 .
2677
20 vol.
1879
Есл
3055
Pendule de Meynier , 754. de Thiout, 756. 1645
Perce Oreilles innombrables dans la tête d'un
jeune homme , 1355
Perfe , 174. 368. 579.816 . 1042. 1660. 1904 .
1917. 2002. 2136. 2256. 2352. 2762. 3001 .
Relation particuliere , 2460. 2633. 2828
Pefte à Conftantinople , 2135, 2269.2349.2763
Phenomene vû à Paris , 2386. 2880. en Bour
gogne , 2420. au Havre , 2436. à Eu , 2443 .
à Tripoli ,
Philippe le Marquis de S. ) fes Ouvragos , 1424
Philofephe ( le ) dupe de l'Amour , Comedie
2948
2553. 2955
Philofophes ( éloges & caracteres des ) depuis
J. C.
Pierres fuinâgeant fur la Mer ,
Pilota. Ce qu'il fignifie ,
Placet à la Reine d'Espagne ,
2724
2277
912
3017
Pluye. Il en a tombé moins en 1725. qu'il n'en
doit tomber dans une année moyenne , 151
Poemes. Le Progrès de l'Aſtronomie , 529. Saul ,
le Remors , 1351 la Guerre , 1529. le
Sacrificateur Victime , 1832. Converfion de
Mile Larroque , 2630. récitez aux Jefuites ,
1959.
2056
Poefies diverfes des Jefuites fur le Mariage du
Roy ,
114
1227
Pompe Angloife de rarefaction ,
Pont-de-l'Arche eft Pancienne Ville des Fiftes
Proceffion noire. V. May
Puy ou Palinod ,
>
887
2736
Pyrame & Thifbé , Opera , 2329. Parodie , 2553
Pyrrhus , Tragedie ,
Q₁
Q
Uarantaine. V. Affureurs.
a . vol.
2758
1001. 1023
Rave ,
3056
R.
Are extraordinaire , 2948
R Recueil des Archevêchez & autres Benchces
à la nomination Royale , 743
Reintegrande ( Arrêts fur une demande en ) 761
Religion des Gaulois ,
Renneville ( Commanderie de )
2514
2709
République des Lettres ( Memoires pour l'Hif
toire des Hommes Illuftres dans la ) 2525
Retour ( le ) de la Tragedie Françoise , Comedie
,
Rhadamifte ( critique de )
165
1802
Riccobini le fils. Son début , 163
Ridicule ( en quoi confiſte le )
7522
Rondeau , 2041
Rofni , 2698
845
Roulette (Jeu de la )
Rouflean (nouvelle édition des Oeuvres de ) 2189
Royaumes & Principautez , qui n'étoient que
des Francs-alleux , 49
S.
Ainte Marie au Voeu , Abbaye , 744
Sainte Menehoult , rebâtic , 2158
Satire à Apollon , 643
Sault de Leucade , 1203
Savoye ( Comteffe de ) Roman , 2107
Sauvages de Curlande , 1640
Science la plus utile pour la fanté ,
2206
Servandoni , Peintre Italien , 2342
764 Societé avec Dieu ,
Sonet fur Oedipe , 177. fur une retraite de la
Cour , 702. 1698. le Jufte mourant , 2255.
l'Homme fuperbe dans la mifere même , 2885
Songes ( les ) Comedie ,
Spartacus , Opera ,
2. vel
807
178
Spec
3057
Spectacles d'Italie , 81. de Venife , 241. d'Angleterre
, 2067. Moyen de les rendre plus
utiles ,
Sphere mouvante ,
715. 1091
1487
Stances à la Reine . 67. fur le Printemps , 73 1.
de M. de la Monoie ,
1
738.1361
Strat gêmes de l'Amour ( les ) Ballet, 30. 798 .
Comedie Italienne , 806
T.
Genevieve , 1859. du Mariage du Roi
1863
630. 1004 Talifman ( le ) Comedie ,
Temple de la Verité ( le ) Comedie , 1445
Teftament mutuel , 196. Teftament déclaré va
.lable , 620. 761
Tête. Coup à la tête fuivi de fimptômes extraor
dinaires ,
Theſe des Carmes ,
Tibere , Tragedie ,
Tite- Live traduit par du Laurent ,
Toilette de la Reine ,
Tour de Carnaval ( le ) Comedie ,
Traité de la Societé civile ,
100
392
2760.2979
984
2071
568
334
Tremblement de terre à Palerme , 2358. 2568,
à Aquila, 2571. à Petriwaradin , 2768 , à Naples
, 2769. à Ivelceſter ,
Allée
U.
Vafesdes Payens , les Chrétiens s'en
voient dans leurs Ceremonies ,
2780
2699
22
Wattau ( Eftampes d'après ) avec fa vie , 2527
Venile , habits , ufages & divertiffemens des
Venitiens ,
2. vol.
1601
Vers
5078
yers . Les Mufes au Roi 11. Requête au -Soleil
78. fur le premier Janvier , 195. fur l'hyver,
215 , fur le Mariage du Roi , 232, pour accompagner
un Devidoir , 253. Portrait , ; 21
à Mile P ... 417. Differend de l'Amour & de
l'Hymen , 429. à l'Abbé de Vaugency , 492.
de l'Abbé de Villiers , fur la vieillefle , 865.
15. de Lainez , 880. 889. 1385. 1652. au
Mercure , 959. à Mie 1132. l'Hymen d'accord
avec l'Amour , 1337. fur la convalefcence du
Koi , 1712. de la Reine , 2246. fonge , 2231
à M. le Blanc , 2480. fur le Cardinal de Fleuri
, 2689. de M. Laurens , 28-7
Vers imitez de Catulle , 304. 1149. 2276. 2850
de M. Huet , le Thé ,
Veuve à la mode ( la ) Comedie , $78.784
Vie des anciens Philofophes , n'eft pas de M. de
Fenelon ,
Viellefle extraordinaire , 595.610. 851. 1464.
1916
1615
994
Vieville ( J. Laurent le Cerf de la ) fes Ouvra
ges & fon Eloge , 677. faute à corriger, 2533
Univerfité ( 1 ) gagne fon procès contre les
Imprimeurs & Libraires ,
Voyage de Baffe. Normandie ,
Ufages de l'Eglife d'Auxerre ,
ISO
2696
17
Uxellodunum eft la Ville de Lufech , 316. le
veritable Auteur de cette opinion , 307 Reponſe
à l'Abbé de Vairac ,
Y.
309
Yvetot ,Memoires fur ce Royaume , 48. 1631
F la Tabir des Matieres.
FEB 18 1931
Presented by
357
the Century Association
to the
New YorkPublic
Library
John
Bigelow
to the
Century.
357
Association
Mercure
MERCURE
DE
FRANCE ,
DET'E AV ROT.
OCTOBRE. 1726 .
QUE COLLIGIT SPARGIT
A PARIS ,
( GUILLAUME CAVELIER , au Palais.
! GUILLAUME CAVELIER , fils , rue
Chez S. Jacques , au Lys d'Or.
N. PISSOT, Quay de Conti à la defcente
du Pont au coin de la rue de Nevers.
M DC C. XXVI
Avec Approbation & Privilege du Roy .
1
THE NEW Y!
PUBLICER
335450
ASTOR, LENOX AND
TILDEN FOUNDATIONS
100
A VIS.
ADRESSE genérale pour toutes
tout
La
Commis au Mercure , vis - à- vis la Comedie
Françoife , à Paris . Ceux qui pour leur
commodité voudront remettre leurs Paquets
cachetez aux Libraires qui vendent le
Mercure à Paris , peuvent fe fervir de
cette voye pourles faire tenir.
On prie très - inftamment , quand on
adreffe des Lettres ou Paquets par la Pofte,
d'avoir foin d'en affranchir le Port ,
comme cela s'eft toûjours pratiqué , afin
d'épargner , à nous le déplaifir de les
rebuter , & à ceux qui les envoyent ,
celui , non - feulement de ne pas voir
paroître leurs Ouvrages , mais même de
les perdre , s'ils n'en ont pas gardé de
copie.
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les particuliers qui foubaiteront
avoir le Mercure de France de
la premiere main , & plus promptement ,
n'auront qu'à donner leurs adreffes à M.
Moreau , qui aura foin de faire leurs pa-
& de les faire quets fans perte de temps ,
porterfur l'heure à la Pofte , ou aux Meffageries
qu'on lui indiquera.
Le prix eft de 30 fois.
2183
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AV Ror
.
OCTOBRE .
***
PIECES
1726.
XXXXXX
FUGITIVES ,
en Vers & en Profe.
Traduction de la douziéme Ode d'Horace
: Quem virum .
Par M. de la Ruë.
Uel aimable & puiffant délire ,
Tout - à - coup vient troubler mes
fens ?
Quels accords naiffent de ma lyre ?
A qui s'adreffent mes accens ?
A ij vient
2184 MERCURE DE FRANCE.
Quel Dieu ! quel Heros plein de gloire ,
Va voir confacrer fa memoire ,
Par d'inefaçables Chanſons ?
Pour qui , Mufes , Troupe fçavante
Venez- vous , aux fons que j'enfante
Mêler la douceur de vos fons.
Tel
que loin des routes connues ,
S'écarte un Aigle ambitieux ,
Et déja plus voifin des nuës ,
Lance un regard audacieux :
Tel & cent fois plus intrépide ,
De Thebes le Cygne rapide ,
Pindare autrefois prit l'effor
Mais les vifs tranſports de mon ame ,
Dans la belle ardeur qui m'enflamme
N'ont rien , qui ne le paffe encor.
C'en eft fait d'une voix fidelle :
Echo répond à mes accords
A mon gré la Nymphe rappelle ,
Ce qu'elle eut de plus doux tranſports.
Que de noms repetez fans ceffe ,
Sur les bords fleuris du Permeffe ,
Vont
OCTOBRE. 1726. 2185
Vont im mortaliſer mes Vers !
Non, l'Epoux même d'Eurydice ,
A l'Enfer , qui lui fut propice ,
N'offrit pas de plus doux Concerts .
Orphée , autrefois fi celebre ,
Sçût enchaîner les Elemens ;
Tout fentit fur les bords de l'Hebre ,
Ses regrets , fes emportemens :
Les Vents , les Forêts , les Rivieres ,
Ecoutant fes plaintes ameres >
S'artendriffoient fur fes malheurs :
Mortels , par le même miracle ,
A l'Univers j'offre un Spectacle ,
Qui doit enchanter tous les coeurs.
Du Dieu , qui lance le tonnerre ,
Je chante aujourd'hui les bienfaits :
Dans le Ciel , fur l'Onde & la Terre ,
Jupiter feul regne à jamais :
Qu'il eft grand non ; rien ne l'égale ,
Sa providence liberale
Regle fes immenfes deffeins :
2 :
Etre , dont la gloire eft fans borne ,
A iij
Lui
2186 MERCURE DE FRANCE .
Lui feul conferve , lui feul orne ,
Le grand Ouvrage de fes mains.
De l'intelligence divine ,
Du Monarque des Immortels ,
Pallas tire fon origine ,
Qu'elle eft digne de nos Autels !
Fiere compagne de Bellone ,
Son char , fa lance , fa Gorgone,
Sont terribles dans les hazards ;)
Mais auffi dans l'Areopage .
La Déeffe prudente & fage ,
Aime & protege les beaux Arts,
Accourez , Déeffes du Pinde ,
Vénez , infeparables Soeurs ;
J'annonce le Vainqueur de l'Inde ,
Bacchus , le pere des buveurs :
Loin de moi , vulgaire profane ,
Je chante Apollon & Diane ,
Que tout refpecte ici ma voix :
Dieu du jour , vole , fois mon guide ,
Pendant que ta foeur intrépide ,
Fait la guerre aux hôtes des bois ,
Tel
OCTOBRE. 1726. 2187
Tel , autrefois in fatigable ,
Hercule vengea l'Univers
Tel ce Heros fi redoutable ,
Fait trembler le Roi des Enfers
Tels furent les freres d'Helene ,
Qu'invoquent fur l'humide plaine ,
Les Matelots épouvantez :
Aftres bienfaifans & paifibles' , '
Qui défarment les vents terribles ,
Et calment les flots irritez.
Mais quelle lumiere imprévuës!
Ciel mes yeux en font éblouis .
Quel éclat obſcurcit ma vûë ! -
Je tremble , je m'évanouis
Au haut de la voute azurée ,
Je découvre de l'Empirée ,
Les impenetrables refforts :
PLD
Quels chants , quels concerts , quelle joye ,
La Cour celefte me renvoye !
1 Dieux vous m'ouvrez tous vos trefors , - J
De la triomphante Italie ,
Je vois les Heros tant vantez so oft
1
A iiij Le
2188 MERCURE DE FRANCE:
(
Le fils invincible d'Ilie
Numa paifible à ſes côtez :
Tullus aux traîtres fi contraire
Ancus , au maintien populaire >
Et Tarquin avec fes faiffeaux :
Caton , dont la mort genereuſe ,
A de la Parque imperieuſe ,
Bravé les terribles ciſeaux.
Dans cette brillante Affemblée ,
Où regne un aimable repos ,
La valeur la plus fignalée
Goute le fruit de les travaux :
Là , les Regulus & les Scaures ,
Ces Vainqueurs de Grecs & de Maures
Brillent affis au premier rang :
Là , j'apperçois un Paul- Emile ,
Dont un Compagnon indocile :
Proligua le genereux fang.
La pauvreté fiere & frugale ,
Ayant formé tous ces Guerriers :
D'une force par tout égale ,
Leur fit moiffonner des lauriers,
Rome
OCTOBR.E. 1726. 2189
Rome , tu vis dans tes murailles ,
Ou dans le milieu des Batailles ,
Ton Fabricius toujours graud :
Curius , qui pourroit le croire ?
A fa valeur dut moins fa gloire,
Qu'à fon defintereffement.
Ainfi Marcellus près d'Augufte ,
Séleve , à l'ombre des Céfars :
Trop heureux , fi la Parque injufte
L'épargne au milieu des hazards !
Mais quoi ! je vois Céfar lui- même !
L'Etoile de fon Diadême
Semble effacer les autres feux :
Tel d'une Lune languiffante ,
Dans fon ardeur encor naiffante ,
Triomphe un Soleil radieux.
De fa Maiſon victorieufe ,
Jupiter , prenez toujours foin :
Que le Deftin la rende heureufe ,
Que même on la refpecte au loin.
Souverain Arbitre du monde ,
Regnez fur la terre & fur l'onde ,
2
A v Ra2190
MERCURE
DE FRANCE.
Ramenez ici l'équité :
Qu'Augufte après vous fur la terre ,
Grand dans la paix & dans la guerre
De l'Univers foit respecté.
Que fon bras par tout redoutable
Dompte le Parthe & l'Indien :
Que fon coeur , d'une paix aimable ,
Donne l'eſtimable bien :
Qu'ici-bas tout ce qui refpire ,
Redoute à jamais fon Empire ;
Qu'il ait de fuprêmes honneurs :ovaj ! lo
Et toi , Jupiter , prens ta foudre ,
Tonne , frappe , réduis en poudrel
De coupables profanateurs, pla
DISOCTOBRE.
1726. 2191
DISSERTATIONfur les Bons Mots
adreffée aux Auteurs du Mercure de
France , par M. Maillard , A. au P.
D. B. au fujet d'une Lettrefur les Bons
Mots , écrite de Dreux, par Mademoi
felle de ** & inferée dans le Mercure
du mois d'Avril dernier.
MESSIEURS
Je ne difconviens pas , que quelques
bons Mots parlemez dans un Livre , ne
puiflent contribuer à le rendre agréable ,
le Lecteur les regarde comme des délaf
femens d'efprit , femblables à ces rochers
qui fe trouvent en pleine mer , où
les oifeaux de paffage , fatiguez d'une longue
traite , fe vont repofer , pour reprendre
enfuite leur volée , avec plus de
force..
Une pen fée ingenieufe peut être , ou
une Sentence , ou un bon mot.1 "
- Une Sentence eft une petite phrafe qui
fignifie plus qu'elle n'exprime , & dont
les beautez confiftent dans la Morale , &
dans les confequences cachées , qui ſe
développent à l'efprit attentif. Les exem-
A vj ples
2192 MERCURE DE FRANCE:
ples que j'en vais rapporter , tirez de
quelques Poëtes Latins , font les premiess
qui fe préfentent à mon idée.
Virtus eft vitium fugere , & fapientia prima
Stultitiâ caruiffe..
Horat . Epift. 1.
Omnes humanos fanat Medicina dolores ,
"
Solus amor , morbi non amat artificem.
Prop. 1. z. el . r.
Omnia funt hominum tenui pendentia filo
Et fubito cafu que valuere ruunt.
Ovid. de Pont. 64. el. '3 .
O fortunates nimiùm fua fi bono norint.
Agricolas ..)
Virg. Georg, 2.
De ce dernier exemple l'efprit conclut
, que la felicité ne fe rencontre pas
dans les richeffes , la pompe , le fracas ,
les grandeurs , mais dans la frugalité , la
paix , l'innocence , la fimplicité , trefors
dont jouiffent ceux qui habitent la campagne
, qui , s'ils comparoient leur vie
douce & tranquille , avec la vie tumul
tueufe des gens du monde , ils concevroient
qu'ils n'ont pas lieu de leur por
ter envie au furplus , que les hommes
ne font heureux , qu'autant qu'ils fçavent
connoître & gouter leur onheur. J'or
mets
OCTOBRE. 1726.7 219F
mets de paraphrafer les trois autres exem
ples qui me meneroient trop loin. Ceux
qui , font curieux de belles Sentences en
notre Langue , en trouveront en grand
nombre dans les Ouvrages de Montagne
, & de Meffieurs de la Rochefour
cault , Pafcal , Nicole , de la Bruyere ,
S Evremont , & de Fontenelle.
La Sentence à qui je donne le titre de
bean Mot , bien different de celui de bon
Mot , doit être vive , modefte , utile
agréable ; elle a ces trois puiffans avantages
, ut doceat , ut moveat , ut placeat :
enfin , elle eſt d'un grand ornement dans
un Ouvrage , quand on en ménage l'emploi
, comme a fait Virgile , & qu'on ne
la prodigue pas comme les deux Seneques.
Souffrez , Meffieurs , qu'au fujet du
bon Mot , je prenne la liberté de ré
pondre à quelques endroits de la Lettre
de Mademoiſelle de *** , imprimée,
dans votre Mercure d'Avril dernier. A
Dieu ne plaife , que je prétende rien ôter
à fon efprit & à fa polite fle , l'un &
L'autre le font également remarquer dans
fa Lettre. Ce que je regarde comme er
reur , ne l'eft peut-être point , & je ne
dis pas que Jouet credule d'une fauffe:
idée, je n'aille commettre des fautes qui.
done
2194 MERCURE DE FRANCE .
donneront plus de prife furmoi fur moi que cel
les que j'ofe lui reprocher.
2
Le bon mot eft un enfant qui naît de
l'imagination & du hazard. La vitelle
avec laquelle il s'échappe , ne donne pas
le temps à l'efprit de réfléchir. Auffitôt
enfanté que conçû , le jugement qui
marche avec poids, & ne fe hâte qu'avec
lenteur , n'a pas le loifir de le perfectionner.
C'eft pourquoi les Difeurs de
bons Mots , de mille qu'ils ont pû debiter
dans leur vie , n'en ont quelquefois
pas dit deux où il ſe trouvât tout le
rapport & la juftelle neceffaite. >
En general , dit M. Baile , Dict . Crit.
p. 560. Tom. 1, tous les bons Mots ont
un côté faux . Celui que Mademoiſelle
de *** attribue à M. B, & que tout le
monde donne au fameux Pic, Comte de la
Mirandole , renferme une faulleté manifelte.
Quand les enfans , dit un Vieillard
en préfence de ce jeune Seigneur , ont
tant d'efprit dans leur tendre jeuneffe , ils
deviennent extrêmement ftupides , lorfqu'ils
font parvenus à un âge plus avancé : fice
que vous dites eft vrai , repartit le jeune
enfant , il faut que vous ayez eu un ex
cellent efprit en votre jeuneſſe. Ne s'enfuivroit-
il pas neceffairement de cette repartie
, que tous les Vieillards ftupides
devroient avoir été d'excellens efprits
dans
OCTOBRE . 1926. 2199
dans leur jeuneffe ; au lieu qu'il eft cer
tain qu'il y a des Vieillards ftupides qui
ont été ftupides toute leur vie. Or pour
rectifier ce bon mot , il faudroit que la
repartie fût ainfi conçuë ; fi ce que vous
dites eft vrai , il fe pourroit que vous
euffiez eu un excellent efprit dans votre
jeunesse.
Dans le monde une poliçonnerie façonnée
, une injure à double fens , une
médifance adroitement aiguilée , une
allufion maligne & peu chrétienne , voilà
ce qu'on batife du nom de bon mot. Je
fçais que Mademoiſelle de ** m'objectera
que les bons Mots , pour être reputez
tels , doivent être fins , fubtils , habillez
d'une délicateffe badine & enjoüée .
Je tombe d'accord de cela ; mais elle
foutient qu'ils ne doivent être ni fatyriques
ni mordans ; & de ma part je prétens
que tous ceux qu'on mêle tous les
jours dans la converfation , ne font point
autres , ni même ne peuvent l'être , &
c'eft la raison pourquoi l'on devroit , à
mon avis , les en exclure.
Il n'y a que la pointe qui faffe le bon
met ; s'il n'en a point , ou qu'elle foit
émouffée , ce ne fera plus un bon mot ,
mais une platitude , une pure niaiferie ;
or fi la pointe eft neceflaire , il faut
qu'elle tombe fur quelqu'un : fi ce quelqu'un
2196 MERCURE DE FRANCE :
qu'un eft prefent , jugez de quel dépit
il fe fent rempli , de voir toute la Compagnie
rire ou jetter fur lui des regards
mocqueurs & fournois, équivalans à la
rifée. Au contraire , fi celui à qui le trait
s'adreffe eft abfent , croyez qu'il ne fouffrira
pas , s'il le peut , ces coups portez
par derriere , & qu'il ne cherchera que
l'occafion de s'en venger.
L'amour propre eft un animal frin
gant , il n'eft pas befoin de lui enfoncer
l'éperon pour le lui faire fentir . La
paffion de dire de bons Mois eft une maladie
; l'on a vû même des gens affez imprudens
pour fe jouer à leurs maîtres ,
& s'expoler par l'intemperance de leur
langue à des perils ou douteux ou certains.
Quel excès de folie que de facrifier
ſes amis , fa fortune , & fa vie même
à la vanité paffagere de s'être fait
remarquer par une miferable faillie ? on
lit dans Athenée , que Nicomede , Roi
de Cypre , fit emprisonner Stratonique
à cauſe de ſes mots piquans , & Suetonne
rapporte dans la vie de Tibere , qu'un
Bouffon voyant paffer un Enterrement ,
chargea le mort de dire à Augufte que
les legs qu'il avoit laiffe au peuple n'étoient
pas encore payez : Tibere le fitvenir
devant lui , & après lui avoir faið
donner ce qui lui étoit dû , l'envoya aw
Lup.
OCTOBRE. 1726. 2197
plice , & lui recommanda de rapporter le
tout fidellement à fon père. Voici com◄
ment Brantome s'exprime à ce fujet dans
le Difcours fixiéme de fes Memoires . It
nefait pas bon quelquefois dire un bon
mot quand il vient à la bouche , ainsi que
j'ai vu plufieurs perfonnes qui ne s'yfçauroient
commander , car elles font plus de
brocades qu'un Cheval de Barbarie , &
trouvant un bon brocard dans leur bou
che , il faut qu'elles le crachent , fans
épargner ni parens , ni amis , ni grands.
J'en ai connu force à notre Cour de cette
bumeur, & les appelloit-on Marquis &
Marquifes de male- bouche , mais auffi bien
s'en trouvoient du guet.
Mademoiſelle de *** parmi les bons
mots qu'elle cite , ne paroît pas trouver
autant de fon goût celui des Lunettes &
de la Barbe rouffe que celui du Veau d'or.
Pour moi , je m'imagine que celui à qui
l'on faifoit entendre qu'il n'avoit pas plus
d'efprit qu'une Idole , ne devoit point
être plus content en lui -même de cette
prétendue gentilleffe , que l'un à qui l'on
reprochoit fon nez court , & que l'autre
dont on brocardoit la barbe rouffe. Il
arrive d'ordinaire que deux perfonnes ne
s'en feparent jamais en meilleure intelligence
au fond de l'ame , quoique celleci
2198 MERCURE DE FRANCE:
ci ait dit le bon mot â propos , & que
l'autre ait reparti de même .
Mademoiſelle de *** prétend dans
un autre endroit de fa Lettre que le bon
mot eft un fel qui doit faire l'affaiſonne
ment de la converſation. Elle voudra bien
me permettre , avec tout le refpect que
je dois au beau Sexe , de n'être point encore
en cela de fon fentiment. Je repete
que les bons mots ne naiffent prefque
jamais qu'aux dépens de quelqu'un de la
Compagnie , par confequent leur fel ne
fçauroit qu'en détruire la naïve dou
ceur.
La converfation eft le lien de la focieté
, c'eſt par elle que les hommes difperfez
& fauvages , au fortir des mains
de leur Createur , fe font approchez ,
fe font apprivoilez , fe font connus ,
fe font aimez. C'eft elle qui les a engagez
à bâtir des Villes , afin qu'étant
raffemblez , ils fuffent plus à portée
d'entretenir un doux commerce ;
c'est pourquoi , pour produire dans le
coeur des hommes la louable envie de fe
communiquer leurs penfées , la converfation
doit être fincere , unie , complaifante
, & circonfpe&te ; on s'y doit faire
des civilitez mutuelles , une gayeté pure
s'y doit répandre , l'urbanité facetieu fe
peut même y être admife , cette urbani-
"
té,
OCTOBRE. 1726. 2199
té , qui ne roulant que fur d'honnêtes
bagatelles , ne fert qu'à réveiller le Dif
cours. Mais voilà , me dira Mademoifelle
de ***, ce que j'appelle bons Mots.
A cela je répons , que ce que je nomme
urbanité facetieuſe , n'attaque ni les défauts
du corps , ni ceux de l'efprit , ni
le fang.
Nam nemo vitiis fine nafcitur, optimus ille
eft ,
Qui minimis urgetur.
Horat. Sat. III.
Or tous ceux qui ont lû fa Lettrea
conviendront que de tous les bons mots
qu'elle cite , il n'y a que celui du Poëte
Anglois à Charles II. qui n'ait point une
de ces mauvaiſes qualitez . Si donc le bon
mot, felon ce qu'elle avance , eft un fel
qui doit faire l'affaifonnement de la converfation
; comment s'y prendra t - on
pour y fournir , car il eft conftant qu'on
n'a qu'à feuilleter tous les Ana & les
Recueils de bons mots , à peine en trouvera-
t- on une douzaine qui foient fondez
fur la politeffe , & l'envie de rendre juf
tice au merite de fon prochain. Tous les
autres feront produits par la vengeance ,
l'emportement , le mépris , la jaloufie ,
l'orgueil & les autres paffions qui nous
tyrannifent. D'ailleurs l'efprit de l'homme
1200 MERCURE DE FRANCE.
me naturellement jaloux de fon merite
réel ou imaginaire , n'eft pas curieux de
faire à tous propos l'éloge du merite
d'autrui , on ne donne gueres de louanges
gratuites & fans interefts , & l'on s'étonneroit
de voir des perfonnes d'égale
diftinction fe jetter les unes aux autres
de l'encens avec profufion . Un autre inconvenient
qui empêche que ces mots fla
teurs foient de mife dans la converſation ,
c'eft qu'elle deviendroit gênée par la peine
continuelle où feroit le loué de répondre
au louangeur , Il peut encore y
avoir de bons mots qui ne roulent que fur
des matieres indifferentes ; mais comme
ceux- ci font au moins auffi rares que les
derniers dont je viens de parler ; qu'il
eft difficile extrêmement qu'ils revien
nent bien au fujet ; qu'il faut beaucoup
d'art pout les enchaffer ; que c'est beaucoup
à un homme d'en avoir mis au jour
quelques -uns en fa vie ; je ne vois pas
que la converfation puiffe fe les approprier.
D'ailleurs , ces penfées excellentes
doivent plutôt être appellées Sentences
que bons Mots ; & ce n'eft pas aux
Difeurs de bons Mots de profeffion ,
qu'eft refervée l'invention de ces deux
dernieres efpeces de faillies ; mais aux
genies tranfcendans , aux grands hom
mes , aux ames fublimes , defintereffées
OCTOBRE. 1726. 2201
fées & vertueufes. Le Roi Louis XIV .
donna une louange exquife au feu Duc
de Vendôme , quand il reçût la pre+
miere nouvelle de la victoire de Villavitiofa.
Quoi , cette Armée vaincuë il
a trois mois , eft aujourd'hui victorienfe ,
voilà ce que c'est qu'un homme de plus.
Il n'y a perfonne qui ne convienne de
l'excellence de cette penfée , mais où eft
le genie allez fecond pour en produire
de pareilles à tous propos ? fuppofez même
que ce Phénix fe pût trouver ; un
tiffu femblable ne renfermeroit - il
ferieux tout oppofé à la facilité coulante
de la converſation ? de là je conclus
que quoique privée de tous ces ornemens
empefez , elle peut être parée ,
ingenieufe & remplie ; & quand même
la matiere feroit feche & peu divertiffante
, on a le fecret de l'amplifier &
de l'égayer par certaines façons de parler
, des traits d'Hiftoire' des tranfitions
qui reçoivent la plus grande part
de leur prix , de l'air & de la grace qui
les affaifonnent.
,
pas un
Quant aux bons Mots , dans le fens
qu'on les prend dans le monde ; c'eſt- àdire
, fatyriques & mordans , il eſt vrai
qu'ils fe placent fouvent , d'eux -mêmes
naturellement , & très - à- propos :
cependant on doit abfolument les exclure
de
2202 MERCURE DE FRANCE.
de la converſation , puifqu'ils ne fervent
, comme je l'ai prouvé ci - devant
qu'à chagriner & mettre de mauvaiſe humeur
celui de la Compagnie fur qui l'on
en fait l'application ; alors chacun craint de
s'attirer un coup de dent , doluere cruento
dente laceffiti. On fe taît , on hefite ;
voilà la liberté bannie de la focieté civile
, dont tous les charmes font dans la
liberté. D'ailleurs , on regarde un difeur
de bons Mots , comme l'ennemi déclaré
du public , comme un Argus qui
n'a cent yeux que pour examiner malicieufement
& fans indulgence , ce qu'il
peut y avoir à reprendre en autrui , il
n'a d'amitié pour perfonne , & chacun
le paye ddee rreettoouurr ,, à peine l'apperçoit
on , qu'on fe dit auffi- tôt à l'oreille ?
Longè , fuge : dummodò rifum
Excutiat fibi , non hic cuiquam parcet amice .
Hor. Sat. IV.
J'ajoûte enfin , que , fi , comme l'infinuë
Mademoiſelle de *** on devoit
s'appliquer à remplir la converfation de
bons Mots , elle deviendroit fcabreuſe ,
heriffée & défunie , quelques bonnes que
les faillies puffent être , femblable au
ftile de Seneque , que l'Empereur Clauce
appelloit en fe mocquant , arena fine
calce , du fablefans chaux.
De
OCTOBRE. 1726. 2203
De tout ce que je viens de dire , il
refulte évidemment que ces faillies , ces
reparties , ces plaifanteries reciproques,
que dans le monde on caracteriſe de bons
Mots , font plus propres à troubler le
commerce de la vie civile , qu'elles ne
contribuent à l'entretenir qu'elles débauchent
plutôt la politeffe & la -naïveté
de la converfation , qu'elles ne fervent
à l'orner , que fans le fecours des
bons Mots la converfation peut être polie
, feconde , enjoüée & fpirituelle ; que
Mademoiſelle de *** , par les exemples
qu'elle rapporte , ne prouve pas ce
qu'elle avance en faveur des bons . Mots ;
qu'au contraire fa Lettre n'en. peut donner
qu'une idée defavantageufe ; qu'il y
a quelques bons Mots qui n'ont point
les défauts ci - devant reprochez ; mais
que les grands genies , ainfi que les occafions
de les mettre au jour n'étant point
ordinaires , les converfations , fuivant les
principes de Mademoiſelle de **
vroient être generalement languiffantess
que , quand même ces éminentes penfées
avec toute la jufteffe , la force , &
les conditions requifes pour ne bleffer
perfonne , fe préfenteroient affez fouvent
à l'efprit & en affez grand nombre
pour en farcir la converfation
pendant il faudroit fe donner bien de gardecede
2204 MERCURE DE FRANCE.
de garde d'en faire un ufage trop frequent
, parce qu'allant par cafcade & par
bonds , la converfation ainfi décomposée
perdroit la grace de la nature qui en
doit faire le principal ornement ; au furplus
, un article de bons mots ne fçauroit
qu'être agréable dans le Mercure , parce
que le Lecteur qui n'eft point partie
intereffée , s'établit comme le Juge de
ces railleries ; & que laiffant à part l'e
xamen du coeur , il ne prononce que fur
l'efprit. Je fuis , &c.
鹹淡茶茶茶茶茶茶汽·茶茶茶茶茶茶茶楽楽
LE CYGNE ET LE PAON.
FABLE.
Sur les rivages du Méandre ,
Un Cygne au loin faifoit entendre ,
Les fons harmonieux de fa touchante voix ;
De toutes parts les habitans des bois ,
Accouroient près de lui , de l'une à l'autre rive ,
Ils lui prêtoient une oreille attentive ;
I e Paon de ces honneurs jaloux ,
$
Lui dit un jour ; par où meritez - vous ,
Que
OCTOBRE. 1726. 2205
Que par tout l'on vous rende homma.
ge ;
Un
peu
rieux ,
de voix vous rend bien glo-
C'eftun foible avantage.
Si vous le comparez au fuperbe plumage ;
Que m'ont donné les Dieux :
Des plus brillans rubis , ma queue eft parfemée
,
Leurs feux font rougir le Soleil ,
Et comme lui le Paon eft fans pareil.
Hé bien ! répond le Cygne plus modefte
Vous étes beau , vous le fçavez ;
Vous l'avez dir cent fois , & qui vous le contefte
?
Mais quoi , tous les honneurs vous font- ils refervez
?
Vos plumes , j'y conferis , l'emportent fur les
nôtres ,
Par cet endroit vous étes fans défauts ,
Mais auffi par bien d'autres ,
Vous cedez à maints animaux ,
Hôtes des airs , des champs , des forêts , & des
eaux ;
Moderez cet orgueil extrême ,
Vos difcours faftueux vont être humiliez ,
B Un
2206 MERCURE DE FRANCE.
L
Un feul mot me fuffit ; connoiffez - vous vous.
même ;
Baiſſez vos yeux , & regardez vos pieds,
Le Pere Poncy , Jefuite de la
Province de Lyon.
63
12
CAUSE plaidée au College de Louis le
Grand , à Paris le 22. Août 1726. "
E tous les Exercices de College ,
Dil n'y en a point qui foit , & qui
"merite d'être mieux reçû que le Plaidoyer;
furtout quand le fujet eft intereffant.
Celui que le P. de la Sante ,
Jefuite , l'un des Profeffeurs de Rhetorique
, a choifi cette année , le feroit en
tout temps ; mais il l'eft encore plus aujourd'hui
, eu égard aux celebres conteftations
qui fe font élevées depuis peu
entre les Medecins & ies Chirurgiens .
Voici comme l'Auteur lui -même propofe
fon fujet.
R
?
» On fçait qu'une Princeffe des plus
puiffantes de l'Europe , voulant faire
» fleurir les Sciences & les Arts dans fes
» Etats , a propofé de magnifiques récom-
» penſes aux fçavans hommes & aux habiles
Ouvriers qui viendroient de Fran-
» ce,
OCTOBRE. 1726. 2207
»
ce , Royaume qu'elle regarde à jufte
» titre comme le centre des beaux Arts.
» On fuppofe que fon premier objet a
été de procurer à fes Sujets l'Art le
plus utile à leur confervation & à leur
» lanté ;que dans cette vûë , elle charge
>> une perfonne judicieuſe & intelligen-
» te , de lui trouver quelque homme ca-
» pable d'executer ce projet , elle promet
une penfion confiderable à celui
fur qui tombera le choix ; quatre Af
» pirans fe préfentent , l'un eft un Bota-
» nifte , l'autre un Chymifte, le troifié-
» me un Medecin , & le quatriéme un
Anatomiste , Tous fondent leurs pré-
» tentions , non fur leur habileté perfon-
» nelle qu'on fuppofe éminente en cha-
» cun d'eux , mais fur l'excellence & l'utilité
de leur Profeffion ; un cinquié
» me intervient , & prêtend l'emporter
fur les quatre autres concurrens. n
» 11 eft à remarquer que le Seigneur
» établi pour Juge , n'eft pas tellement
» aftreint au choix d'un feul , qu'il he .
» lui foit libre de l'étendre à pluſieurs ,
» s'il les croit neceffaires au but qu'on le
» propofe.
Après que le fils de M. le Comte de
Morville , qui faifoit la fonction de Juge,
eut avec beaucoup de grace expliqué dans
un Difcours préliminaire le fujet que
Bij nous
2208 MERCURE DE FRANCE.
nous venons d'expofer , & animé les
quatre illuftres Prétendans à être moins
fenfibles à l'attrait de la récompenfe, qu'à
l'honneur de la victoire.
1. Plaidoyer. M. Moufle de Georville
fe leva , & foutint que de toutes les
Sciences la Botanique eft celle qui fournit
des remedes & plus naturels & plus innocens
; c'eſt à- dire , des remedes tou-
Jours propres à foulager la Nature , &
jamais capables de l'affoiblir.
Le jeune Orateur commence fa premiere
partie par prouver , qu'il eft des
remedes amis de la Nature , qui fimpathifent
en quelque façon avec elle . » En
» effet , dit-il , qui peut douter que le
>> fouverain Arbitre de la vie & de la
» mort , en permettant les foiblefles de
la Nature , n'ait attaché à fon être des
reffources à fes maux ? eft- il moins li-
» beral qu'il n'eft fevere ? prodigue- t - il
>> moins fes dons que fes châtimens ?
pourquoi donc aller chercher hors de
» la Nature ce que fon Auteur y a mis?
à quoi bon défigurer fon Ouvrage , je
» veux dire , la fimplicité des remedes
» qu'il nous a départis , pour y fubftituer
un mêlange odieux , un affortiment bi-
» zarre , une compofition alambiquée ,
» qui altere tout à la fois & la nature du
remede , & le temperamment du ma-
» lade
OCTOBRE. 1726. 2209
lade ? Par plufieurs autres femblables
traits le Botanifte , en prouvant fa thefe
, attaque celle du Chymifte & de fes
autres rivaux. Enfuite , pour ne plus
lailler douter de l'excellence de fa Profeffion
, il fait une faftueufe énumeration
des excellens hommes qui s'y font ap
pliquez L'invincible Achille le fameux
Uliffe , le fage Salomon , le gene
reux Mithridate , les deux Antonins
étoient , à ce qu'il prétendit , auffi celebres
de leur temps , par la connoiffance
des Simples que par les autres grandes
qualitez. Le défenfeur de la Botanique,
pour prouver que non feulement fes remedes
étoient les plus naturels & les plus
propres à foulager la nature , mais enco
re les plus innocens & les moins capables
de l'affoiblir , rapporta ce que les
Voyageurs nous difent de ces Ifles fortunées
, où plufieurs Habitans comptent
plus d'un fiecle de vie. On a tort , dit-
» il , de regarder ces relations comme autant
de fictions amufantes. La frugali-
» té de ces Peuples , la fimplicité de leurs
» remedes , juſtifient ce qu'on rapporte
» de leur grand âge. Ils ne connoiffent
» ni les vices , ni les medecines d'Euro-
» pe. Nous traitons ces Sauvages de Bar-
» bares; peut- être le font- ils à l'égard
des Etrangers qui viennent leur ravir
B iij
» leurs
2210 MERCURE DE FRANCE.
» leurs tréfors & leur liberté ; mais ne
>> le fommes-nous pas plus qu'eux ? &
» pour peu qu'ils envifagent la maniere
>> dont nous traitons nos malades , n'ont
» ils pas droit de nous imputer une plus
» grande barbarie ? qu'ils viennent dans
ર
» nos contrées , comme nous allons dans
» les leurs ; qu'ils voyent comme nous
» en ufons envers nos Compatriotes couchez
fur le lit de douleur ; qu'ils nous
voyent leur tirer plus de fang pour leur
>> conferver la vie , qu'ils n'en ont jamais
tiré aux Europeans pour la leur
» ôter , & c.
Si nous ne craignions d'être trop longs ,
nous rapporterions ici la vive peinture
que fit l'Orateur , de l'appareil effrayant
& des potions ameres de la Medecine
& des operations cruelles de la Chirur
gie. Il conclut , en demandant la préference
fur fes rivaux , dont tous les remedes
ne feront jamais ni fi naturels , ni
fi innocens que ceux de la Botanique.
II. Plaidoyer. M. le Bourcier , qui
plaidoit pour la Chymie , avança avec
un air de confiance affez naturel à tous
les Chymiftes , que fa fcience feconde
en miracles produit ordinairement deux
effets merveilleux inconnus aux autres
Sciences fes rivales. L'un regarde le préfent
, l'autre l'avenir. Elle procure aux
ma
OCTOBRE 1926. 2210
ques ; ils
malades une prompte guérifon : voilà le
préfent ; elle leur affure une fanté conftante
, voilà l'avenir. En deux mots ,
telle eft la force des remedes chymi
ils guériffent promptement ,
guériffent pour long - temps. Toute la
premiere partie de ce Plaidoyer roula fur
les effets furprenans de la Chymie , fur
les gran is hommes qui s'y font applie
quez , & finit par la réfutation de ce
qu'avoit dit le Botaniste pour rendre cette
Science méprifable , ou ridicule. Le
Chymifte employa enfuite la feconde partie
à juftifierla violence de les remedes ,
laquelle eft neceflaire pour déraciner
entierement les maladies violentes. >> Car
» enfin , dit-il , le mal eft violent lui- mê-
» me, peut-on fe flatter qu'un remede
doux le furmonte ? n'eft- ce pas préten
» dre qu'un enfant terraffe un homme robufte
& vigoureux .
L'Orateur en finiffant, fe récria fur l'injuftice
qu'on lui avoit déja faite ,de le confondre
avec ces Empyriques, & ces fouffleurs
qui font la honte & l'opprobe du
nom refpectable de Chymifte. Quoi , ditil
, dans une efpece d'enthoufiafme , qui
plut beaucoup » Quoi , jugera - t - on de
»> notre Science par l'abus qu'en font
» quelques Avanturiers fans aveu ? au
» contraire , l'abus qu'ils en font n'eft- il
» pas B iiij
2212 MERCURE DE FRANCE .
" pas une preuve de fon excellence
» puifque les meilleures chofes font cel-
» les dont on abufe le plus ? quoi de plus
» excellent que la vertu ? eft -il rien dont
>> on abufe davantage ? fi donc quelques
» Empyriques ont debité des drogues fu-
» neftes , qui outre l'argent ayent coûté
» des larmes aux familles , s'enfuit- il que
la Chymie qu'ils ignorent ait été complice
de leurs homicides ? depuis quand
juge - t-on des dogmes par les igno
" rans , juge - t-on de la bonne Poefie
par les Chanfons du Pont-neuf ? ju-
" ge -t - on des vrais Orateurs par un tas
» d'ennuyeux Difcoureurs qui endorment
» leur Auditoire , & c.
»
"2
»
III. Plaidoyer. M. Hucherard parloit
pour la Medecine . Il avoia d'abord que
les louanges de la Botanique & de la
Chymie lui avoient fait beaucoup de
plaifir. Toutes deux étant filles de la Medecine
, tout ce qu'on avoit dit en leur
honneur , devoit , felon lui , retourner
à la gloire de leur mere. Après quoi il
prétendit que la Profeffion de Medecin
devoit l'emporter fur celles de fes concurrens
; 1º. parce qu'elle fuppofe dans
celui qui l'exerce une vafte étendue de
connoiffances acquifes par une longue.
étude ; 2. parce qu'elle demande un
difcernement exquis foutenu d'une gran
de experience,
Outre
OCTOBRE. 1726. 2213
Outre la connoiffance de l'admirable
Atructure du corps humain , des élemens,
des climats , des faiſons , des alimens
& de leurs proprietez , des aftres & de
leurs influences , des âges & de leurs
changemens des maux & de leurs fymptômes
, des remedes & de leurs prépa
rations ; outre toutes ces connoiffances,
& plufieurs autres de cette nature necellaires
à un Medecin il faut qu'il
poffede au fouverain degré une Science,
encore plus difficile à acquerir , c'eſt la
Science du monde & de tous les divers
caracteres d'efprit . » Il faut qu'il fça-
» che prendre autant de faces & de vi-
» fages differens qu'il a de malades à
驱
>
traiter. Il faut qu'il foit tout à la fois
>> complaifant & imperieux ; grave &
» gai ; ferieux & enjoüé; fevere & com-
» mode ; tantôt ferme , tantôt pliant ;
» quelquefois rigide pour vaincre l'obf-
>> tination d'un malade revolté contre
» les remedes , & qui fe porte d'autant
" plus mal , qu'il croit plus opiniâtré-
» ment le bien porter ; fouvent adroit &
» diffimulé pour ménager la foibleffe
» d'une ame timide , & ne pas redoubler
le mal par la frayeur ; quelquefois
amufant pour charmer la douleur , toun
jours infinuant pour gagner la confian
» ces toujours fage , réfervé , difcret &
B V pru
»
2214 MERCURE DE FRANCE.
ཆ་ །
» prudent ; foit qu'il s'agiffe d'un fe
» cret dont la revelation feroit fouffrir
>> l'honneur ou la délicateffe des intereflez
foit qu'il faille annoncer fans
refpect humain un peril menaçant ,
>> dont la declaration intereffe leur con-
>> fcience & leur falut éternel. Il faut en-
>> fin qu'il s'accommode , autant que le
devoir le permet , au goût , à l'hu
meur , l'inclination , à la fantaifie
» de ceux qui reclament fon fecours ,
» & c.
i
Pour donner une legere idée du difcernement
exquis que demande la Profeffion
de Medecin , le jeune Orateur
le compara à celui que demandé l'emploi
important de General d'Armée . » Il
me femble voir , dit - il , un grand Ca-
» pitaine attentif à tous les mouvemens
» de l'ennemi , toujours en garde contre
la rufe & le ftratagême , toujours.
alerte pour donner le change , fans le
prendre toujours prêt à faire tête ,
» & à déconcerter les mefures les mieux
prifes. Tel éft un Medecin difcret &
experimenté , quand il lutte contre
» les efforts du mal , & repouffe les attaques
de la mort. Comme cette com→
paraifon eft auffi foutenue que variée ,
pour n'en point omettre de traits intereffans
, il faudrait les rapporter tous
»
99
&c
OCTOBRE. 1726. 2215
& paffer les bornes d'un Extrait . Nous
nous contenterons de parler de la réponſe
qu'il fit aux reproches qu'une famille
défolée fait d'ordinaire aux Medecins
, quand les foins ont un fuccès malheureux
. Il foutint que c'eft communément
la faute des malades , quand ils
periffent entre leurs mains. Les uns efclaves
de leur plaifir & leur appetit ,
" fe livrant à la grande chere & à la
» débauche , voudroient même que le
Medecin fût d'intelligence avec eux
» pour autorifer leurs excès ; & après
» cela on prétend qu'il repare une fan-
>> té abfolument ruinée ? C'eft prétendre
» bâtir où il ne reste plus de fond fur
» lequel on puiffe pofer l'édifice.
bli
Enfin , il prétendit qu'un oracle parti
de l'efprit même de verité , lui affuroit
la preference fur fes Eleves , c'eft le
nom qu'il donne à fes Rivaux . ) Honorez
dit l'Oracle facré , honorez le
Medicin que l'Auteur de la Nature a étapour
la neceffité du genre humain.
» Or feroit ce l'honorer , que d'envahir
» la préféance fur lui , au préjudice de fes
» droits ? feroit-ce lui faire honneur que
» de lui contefter l'étendue de fes con-
» noiffances , fon difcernement exquis ,
» & fon experience confommée .
I. Plaidoyer. M. le Comte de Cha
B vj roft
2216 MERCURE DE FRANCEJ
1
1
roft , pour faire valoir l'Anatomie en faveur
de laquelle il avoit à parler , fe
borna à deux traits finguliers , qui la
diftinguent de toutes les Profeffions occupées
au foulagement de la Nature. IL
dit que c'étoit une Science unique dans
fon genre ; que c'étoit un Art fûr dans
fes operations . Elle feule peut operer.
comme elle opere ; elle feule peut répondre
du fuccès de fes operations .
On peut appeller une Science unique.
dans fon genre , celle qui ne peut être
remplacée par nulle induftrie étrangere
& qui feule fournit les moyens de réüffir
dans fon principal objet . Ce princi
pe une fois fuppofé , l'Anatomifte prétendit
qu'en mille rencontres rien ne
peut fuppléer au défaut de fon Art ; &
pour en faire convenir fes Auditeurs.:
Tranfportez vous , Meffieurs leur
dit-il , tranfportez - vous pour quelques
» momens en efprit dans une vafte plai--
» ne , où fe foit livré quelque fanglante
"
bataille : reprefentez vous une multi-
» tude innombrable de bleffez qu'on rap-
» porte au Camp , & qui d'une voix .
» mourante implorent le fecours d'une
main falutaires ou qui au défaut de la
voix faffent parler leurs playes d'où,
» coulent des ruiffeaux de fang capables
» de faire verfer des torrens de larmes
20
OCTOBRE. · 1726. 2217
» aux ames les moins fenfibles. En cet
» te conjoncture , appellera- t- on des Me
decins en voit- on jamais au Camp ?
» mais s'y en trouvaft - il quelqu'un ?
que fera- t- il pour ces infortunées vic-
» times de la Guerre ? preferira- t - il une
>> ordonnance ? l'excellent remede pour
» les playes ! operera- t - il en Chirur-
» gien ? le voilà donc au rang des Ana
» tomiftes , & c.
Après avoir prouvé que perfonne ne
peut remplacer dignement l'Anatomiſte,
il fut aifé au jeune Orateur de prouver ,
que le Chirurgien remplace fouvent
& fur mer & fur terre , ceux qui dans
fon abſence ne peuvent remplir les fonc
tions. » En effet , n'eft- ce pas à la Chirurgie
que le choix même des Mede-
» cins confie le foin d'exercer la Medecine
fur les Vaifleaux La Faculté auffi
>> curieuſe du féjour des Villes que de la
Terre ferme , ne lui abandonne - t - elle.
pas les guérifons des malades de la
» Campagne ? ceux qu'on y traite ne
» jouiffent- ils pas ordinairement d'une
» fantébeaucoup plus robuste que les gense
» de la Ville & de la Cour ? & c.
La guérifon de M. le Blanc , dont on
eft redevable à l'Anatomie chirurgicale ,
étoit un trait trop flatteur pour la Chi-:
rurgie, & trop récent pour échaper à
for
2218 MERCURE DE FRANCE.
fon ingénieux défenfeur . Quoi de plus
étonnant , dit - il , que la guérifon , inefpérée
d'un grand Miniftre , que la France
a été fur le point de perdre au moment
même où elle venoit de la recou
vrer ? une cure fi prodigieufe & fi chere
à l'Etat étoit refervée à l'Anatomie .
Dans la feconde partie de fon Difcours,
l'Anatomiste , en paroiffant prendre la
défenſe de la Medecine , fit fentir le peu
de fureté de cette Science , à laquelle il
oppola enfuite la fureté des operations de
Chirurgie. Une ingénieule comparaifon
rendit palpables les raifonnemens
qu'il avoit déja faits pour prouver ce
qu'il avoit avancé.
1
» Que penferoit -on , Meffieurs , de
deux Horlogeurs qui entreprendroient
de raccommoder une montre déran
gée. L'an la regarde , la manie , & ne
» confulte que la furface exterieure des
refforts pour juger de ce qu'il y a de
» défectueux au dedans. L'autre défait
» adroitement les refforts l'un après l'au
» tre , obferve tout l'interieur de l'ouvrage
, confidere attentivement où eft
» le défaut ; l'apperçoit , prend des mefures
pour y remedier. Lequel des
deux eft plus en état d'operer furement
. Si le premier réüffit , n'eft ce
»pas par un pur hazard ? le fuccès du
» fe-
ג נ
OCTOBRE 1726. 2219
» fecond n'eft- il pas infaillible ? Bota-
» nifte , Medecin , Chymifte , reconnoif-
» fez -vous,dans la premiere image , mais
>> en même temps reconnoiffez dans la
» feconde l'induftrieux Anatomifte, devant
>> qui la Nature porte le flambeau , &c.
Le témoignage du dernier Empereur
de la Chine , en faveur de la Chirurgie ,
conclut tout ce que l'Orateur avoit déja
dit pour la relever. » Samufa- t - il , ce
» grand Monarque , à faire traduire nos
>> Livres de Botanique , de Medecine
» & de Chimie en Langue Chinoife ou
» Tartare ? non , Meffieurs , mais char-
» mé de la feule Anatomie , il fit faire
>> avec tous les foins imaginables une
» traduction fidelle des plus curieufes Ob-
» fervations anatomiques qui fe foient
faites en France , & c.
V. Plaidoyer. Lorfqu'on étoit fur le
point de juger , M. Ditverdoing intervint
, & dit qu'il venoit offrir un remede
rare & commun , ordinaire & fingulier
, connu pour la fubftance , inconnu
pour les effets , remede fouverain , remede
univerfel , remede incomparable ,
remede , qui fous le nom de Panacée , gueriffoit
autrefois les hommes de tous leurs
maux. Après ce pompeux préambule, on
fut agréablement furpris , lorfqu'il déclara
que c'étoit de l'Eau dont il vou-
9
?
loit
2220 MERCURE DE FRANCE.
loit parler , & prendre la défenfe . H
fe borna à une feule propofition , à fçavoir
, que l'Eau , fans avoir les défauts
de tous les remed s propofez par les ri
vaux , en a toutes les vertus , & en a
même une infinité d'autres que les autres
remedes n'ont pas . Ce Difcours
qui étoit femé de beaucoup de traits fins ,
délicats , ferieux & ironiques , plut
beaucoup à toute l'Aſſemblée.
D'abord le Panegyrifte de l'Eau la compara
avec les remedes de fes Competi
teurs. » Le Botanifte , dit- il , fait valoir fes
Simples, parce qu'ils fourniffent leste-
» medes les plus naturels & les plus inno-
» cens. Ne le puis - je pas dire à plus jufte
>>
titre de l'eau commune ? Quoi de
» plus innocent , quoi de plus naturel -
» Ne femble- t- elle pas fe former des
»larmes que la Nature verfe fur les in-
»firmitez de fes enfans , & qu'elle ne
leur prodigue que pour adoucir la ri - t
gueur de leurs maux. Le Chymifte
vient de nous faire un brillant étalage
» de la force & de l'efficace attachée à fes
» poudres & à fes liqueurs quinteffenciées.
Mais quoi , fans feu , fans foyer,
» fans fourneaux , fans alambic , fans diffolution,
ni fpiritualiſation de Mineraux,
» la terre ne produit - elle pas dans les
» Eaux minerales de l'or , de l'argent
» dufer & des métaux de tous genres
OCTOBRE. 1726. 222 %
n'y trouve- t- on pas des fels & des .
» efprits de nitre , d'alun , de bitume ,
» de foufre , de vitriol , plus qu'on en
» découvre par les Analyfes chymiques ,
» & c. La Medecine ofera- t'elle s'infcrire
>> en faux contre l'éloge des Eaux minera-
» les , ne le confirmera -t'elle pas par fes
» ordonnances ? quand elle a vainement
épuifé tous les remedes fur un malade ,
quelle eft fa derniere reffource ? al-
» lez , dit elle , allez aux Eaux . N'eft-
» ce pas avouer tacitement que les Eaux
» font la derniere efperance des mala-.
» des defefperez. Ici les Eaux de Paffy
>> trouverent leur place parmi les plus
>> celebres Eaux minerales de France.
» Quant à la Chirurgie , on la croit
» trop reconnoiffante pour ne pas con-
» venir qu'elle partage avec l'Eau le
» fuccès & la gloire de fes operations. "
a N'en ufe- t-elle pas fans ceffe pour la
» ver les playes , pour nettoyer les ul
» ceres , pour épurer le fang , pour af
» fermir les chairs ?
靈
Après avoir refuté fes adverfaires , le
jeune Orateur s'étendit beaucoup fur
les effets merveilleux de l'Eau. » L'Eau ,
» dit- il dans un endroit , l'Eau eft fecon- te
» de en miracles , toute la Nature s'in-
» tereffe à fon éloge , c'eft l'Eau qui
» guérit ou prévient toutes les infirmi
» tea
2222 MERCURE DE FRANCE
tez. Laterre eft - elle alterée ? ne peutelle
remplir fes fonctions de mere
» cominune ? n'a- t - elle pas la force d'en-.
» fanter les moiffons & les fruits ? de
» l'Eau. Les fleurs qu'elle a produites fe
» courbent -elles fous le poids de leur ti
ge ? regardent- elles déja la terre dans
le fein de qui elles viennent de naître ,.
>>> comme le tombeau où elles vont être..
» enfevelies ? de l'Eau. Les hommes &
» les animaux fouffrent -ils une foif ardente
, font ils brûlez d'une fievre maligne
? font-ils confumez d'une feche-.
» reffe mortelle de l'Eau , & c. On fit
remarquer enfuite que plus des deux,
tiers du monde habitable , n'ont que de
l'eau pour boiffon ordinaire. Les peu-
» ples éloignez , avant que les Européans
leur appriffent l'ufage du vin , s'en
» portoient - ils plus mal ? étoient- ils
moins robuftes ? vivoient - ils moins.
long- temps que nous ? helas ! au con-
» traire , en leur portant nos vins , &
» nos autres liqueurs fpiritueufes , nous
» leur avons porté nos vices , nos mala-
» dies nos morts fubites & impré-
» vûës .
•
Nous ferions trop longs fi nous vou
lions citer tout ce qui fut applaudi
Contentons - nous de rapporter la fin du
Difcours, qu'il ne conclut qu'après avoir
bien
•
OCTOBRE. 1726. 2223
bien fait valoir les fameufes guériſons du
celebre M. Smith , Medecin Anglois
par le moyen de l'eau commune , & celles
du Capucin de Malthe , par
le moyen
de l'eau à la glace , qui ont tant fait de
bruit dans toute l'Europe. » De tout ce
» que j'ai dit , & de tout ce que l'ex- ,
» perience nous démontre , n'ai- je pas.
» droit de conclure , que l'Eau eft le
» meilleur , le plus utile , le plus ailé ,
» le moins defagréable de tous les reme-
» des ; enfin , que c'eft cette Medecine.
» univerfelle que l'on cherche depuis,
» long temps , & que peu de perfonnes
>> trouvent , parce qu'elle eft connue de
tout le monde , & c.
Examen de la Caufe,
Après avoir fait un précis exact de toutes
les raifons des cinq Competiteurs ,
le Juge dit que la Science medecinale
conſiſtoit en deux points , dans l'entretien
& dans le rétabliſſement de la fanté
; qu'il n'y avoit que trois moyens d'y
réüffir ; prévenir , connoître , & guérir
les maladies , de quelque genre , ou efpece
qu'elles foient. Ce principe une fois.
pofé , il examina laquelle des Profeffions
propofées réunit le plus ces divers avantages.
Il y joignit un éloge conforme
214
2224 MERCURE DE FRANCE .
au caractere de chaque Avocat..
n
» Il faut convenir que la Botanique
» contribue infiniment à la guériſon des
» maladies par fes remedes naturels & in-
» nocens ; mais les guérit - elle feule &
par elle- même ? n'a - t- elle pas befoin
» des lumieres de la Medecine pour con
» noître la qualité des maladies ? du fe
» cours de la Chymie pour préparer fes
» remedes ? réüffit - elle auf heureufe-
» ment à la cure des playes , que l'Ana
tomie chirurgicale ? n'attend- elle pas
que le mal vienne pour y remedier ? le
" prévient- elle avant qu'il arrive , &c ?
» Si nous devons beaucoup à cette Scien
» ce , elle ne doit pas moins à fon ingenieux
Panegyrifte ( a ) , dont la dou-
» ceur naturelle n'a pas moins de char-
» mes que celle de fes remedes a de ver-
» tu . Nous remarquons en lui une fa-
" geffe de conduite & une maturité d'ef
» prit au-deffus de fon âge & de nos élo-
» ges. Il a fouvent merité ceux du Pu-
» blic par la grace & la politeffe avec la-
» quelle il s'acquitte de tous nos exer-
» cices. L'eftime & l'amitié qu'ont pour
lui fes rivaux d'étude , égale prefque
» la tendreffe d'une famille qui fe con-
» noît en merite , & qui montre en l'aimant
qu'elle fçait bien placer fon af-
» fection.
( 4 ) M. Moufle de Georville. La
OCTOBRE. 1726. 222.5
»que
La Chymie fait valoir la force de fes
» poudres , de fes élixirs , de fes quinteffences
. Elle a raifon elle a l'exper
» rience pour garant. On ne languit poing
» entre ſes mains , elle guérit prompte
- ment , quand elle guérit. Elle fe pid'être
hardie , on l'accufe d'être
hazardeufe ; elle n'a pas tort , non plus
» que les accufateurs. On dit qu'elic pro
» met plus qu'elle ne tient , & moi je
prétens qu'elle tient plus qu'elle ne
» promet . Elle promet de guérir pour
» long-temps , quelquefois elle guérit
» pour toujours ... &c . Vû la préven-
» tion où l'on eft contre elle , la caufe
» paroîtroit défefperée , fi elle n'avoit
» été entreprise par un habile Défen-
» feur ( a ) , en qui la vivacité de l'hu-
» meur le trouve jointe avec l'agrément
» de l'efprit , & temperée par la folidité
» de la réflexion . Un fi riche naturel
» cultivé par une heureuſe éducation , &
» par les leçons d'honneur & de probi-
» té qu'il trouve dans la maifon pater-
» nelle , fonde de juftes efperances que
» l'avenir remplira.
» La Medecine femble plus qu'aucune
>> autre Science embraffer tout ce qui a
>> rapport aux maladies . Elle les prévient
ou tâche de les prévenir par le
( 4) M. le Bourfier.
res
2126 MERCURE DE FRANCE.
9
regime qu'elle preferit. Elle les con
» noît , ou s'étudie à les connoître par
» les conjectures ; elle les guérit , ou du
moins tente leur guerifon par les or-
» donnances . Son exercice reffemble af
» fez à celui des Devins & des Phyfio-
» nomiftes. Peu de Profeffions plus em-
» ployées & plus critiquées . Ceux qui
» la refpectent le moins dans la fanté ,
font ordinairement ceux qui la refpec-
» tent le plus dans la maladie . Elle a eu,
»' elle a encore de fçavans perfonnages.
» Ses plus grands Maitres doutent beau
» coup fes plus mediocres Eleves ne
doutent de rien . Elle a en même tems
de quoi le faire eftimer & ſe faire craindre
a - t-elle autant dequoi fe faire ai-
» mer que fon aimable Avocat ( a ) , en
qui nous voyons avec plaifir un doux
n penchant pour la vertu , qui s'eft dif-
» tingué par les talens naturels en plus
» d'une occafion d'éclat , & dont les pro-
» ches ont déja fouvent gouté les fruits
des tendres foins qu'ils prennent pour
en faire un jeune homme accompli .
>> On n'a point flatté l'Anatomie out
Chirurgie , quand on nous l'a reprefentée
comme un Art fecond en décou
» vertes , & fûr dans les operations. Ses
» prodigieux fuccès nous garantiffent fes
(4 ) M. Hucherard.
رد »pro-
น
OCTOBRE. 1726. 2227
progrès. Chaque jour eft , ce femble,
» pour elle un nouveau pas vers la per-
» fection. Son fameux Amphitheatre eft
» bien different de celui de Rome où les
» hommes s'exerçoient à fe donner la
» mort ; ici l'on s'exerce à fauver la vie
» aux hommes.L'Anatomie prétend que la
» Medecine lui eft redevable , la Mede-
» cine en dit autant de l'Anatomie . Conci-
» lions tout ; elles fe doivent mutuellement.
La Medecine guériroit- elle par-
>>faitement les playes fans l'opération ana
» tomique? l'Anatomie n'emprunte - t - elle
» pas de la Medecine la plupart de fes
» connoiffances théoriques Le befoin
» qu'elles ont l'une de l'autre , doit main-
» tenir & perpetuer la bonne intelli-
» gence entre elles . ( a ) L'illuftre Par-
» tifan de l'Anatomie nous fait juger par
» l'air dont il s'y eft pris en cette caufe
» pour l'attaque & pour la défenſe , de
» ce qu'il fera un jour pour attaquer &
» défendre une Place . Sa noble ardeur ,
» fa generofité naturelle annonce par
» avance l'Heroilme des vertus qu'il
» femble avoir puifé avec le fang des
» Heros. Nous trouvons déja dans fa
» conduite des pronoftics certains de zele
pour la Religion , le Prince & l'Etat ;
» & fur de tels augures nous ofons ré-
( 4 ) M. le Comte de Charolt.
» pondre
2228 MER CURE DE FRANCE.
pondre qu'il ne démentira jamais le nom
>> qu'il porte .
» Que dirons - nous de l'Eau commu →
ne?nous ne difconviendrons point que
>> l'ufage de l'eau eft un excellent prélervatif
contre les maladies ; mais que ce
» foit un Spécifique incomparable pour
» les guérir toutes de quelque nature
qu'elles foient , c'eſt un point ſur lequel
nous n'oferions prononcer , &c.
» L'éloquence enjouée de celui ( a ) qui
» a plaidé cette Caufe , fuffiroit pour la
» rendre probable , fi nous avions lieu
19
"
de croire qu'elle fût auffi férieuſe ,
» qu'elle nous paroît ingenieufe. Nous
» ne fommes pas furpris que dans la car-
» riere de fes études il foit un modele
» de fageffe, de pieté, de modeftie & d'at-
» tachement à tous fes devoirs , il a fans
» ceffe devant les yeux des exemples
domeftiques de prudence , de juftice,
» & des plus fublimes vertus qu'il imi-
» te par attrait , & qu'il copie d'autant
» plus volontiers , que c'est l'unique
» moyen de plaire & de reffembler à la
» perfonne du monde qu'il aime le plus
→ tendrement.
>> Toutes chofes murement éxami-
» nées , prononçons enfin ; & puifque
» la France nous fournit tant d'excel-
( a ) M. d'Averdoing.
lens
OCTOBRE. 1726. 2229
» lens hommes , reglons le rang qu'ils
» tiendront à la Cour de Mofcovie fur
>> celui qu'ils tiennent à la Cour de Fran-
>> ce. Pouvons -nous fuivre un plus par-
» fait modele ? *
JUGEMENT.
» Cette Cour juge , & nous jugeons
avec elle , que la Medecine devant
>> être inftruite de tout ce qui concerne
» la Chymie , la Botanique & l'Anato-
» mie , elle doit avoir des connoiflances
plus étendues , & par conféquent me-
>> rite une place plus diftinguée , avec des.
»appointemens plus confiderables. Ainfi
» nous affignons au Medecin le premier
rang avec fept mille florins de pen-
» fion .
» L'Anatomie chirurgicale n'ayant pas
>> un objet fi étendu , mais d'ailleurs étant
» neceflaire plus qu'aucune autre Scien-
" cer pour un certain nombre de maladies,
» fes heureufes operations paroiffent ab-
» folument requifes ; nous décernons à
» l'Anatomifte la feconde place , avec fix
» mille florins d'appointemens.
» La Botanique foulageant les mala-
» des , avec moins de peril que la Chy-
» mie , occupera la troifiéme place , & le
Botaniste fera gratifié de quatre mille flo-
Crins
2230 MERCURE DE FRANCE.
» rins , qu'on lui payera tous les ans au
» Tréfor Impérial .
» La Chymie , quoique fort eftimable,
» ne fera placée qu'au quatrième rang ,
» & fon Docteur n'aura que , trois mille
>> florins , parce que fes fecrets font un
» peu moins d'ufage , à caufe du peril
qui les accompagne.
»
Du refte , Meffieurs , nous croyons
le reglement que nous venons de fai-
» re, d'autant mieux fondé , que la fan-
» té nouvellement renduë au Roi & à
» la Reine , femble autorifer l'ordre que
» nous avons établi. La Medecine a pré-
» fidé à leur guérifon , la Chirurgie a
» prêté la main , la Botanique a fourni -
» les remedes , la Chymie les a prépa-
» rez . Toutes enfemble , avec les voeux
des François , ont confpiré à la confer-
» vation de ces deux auguftes Têtes . Leur
» fauver la vie , c'eft en quelque forte la
» fauver à leurs Sujets ; c'eft du moins
» leur épargner bien des larmes , & leur
» conferver des exemples de vertu ,
d'autant plus précieux , qu'ils font au-
»jourd'hui plus rares parmi les Grands ...
» Qu'ils vivent l'un & l'autre , & donnent
à leur Royaume des Princes ' qui
» foient l'appui des Peuples & le modele
des Souverains .
Le P. de la Sante fut bien dédommagé
par
OCTOBRE. 1726. 2231
C.
par le fuccès de fes jeunes Eleves , de la
peine qu'il s'étoit donnée pour les former.
Toute l'Affemblée fortit auffi contente
tant de la maniere vive , noble & gra
cieuſe , avec laquelle les fix Acteurs débiterent
ce qu'ils avoient à dire , que des
Difcours même qu'ils avoient prononcez.
akakakakakakakakukkijk
U
SONGE.
Nique fouci qui me refte ,
Objet aimable autant qu'aimé ,
Iris , contre un Songe funefte ,
Raffurez mon coeur allarmé.
J'ai crû voir cette nuit Dorante à vos genoux
Loin de lui témoigner ce fuperbe courroux ,
Qui troubla fi long- temps mon ame
Vous le dirai je , helas ! d'une nouvelle flamme,
Partageant les foins les plus doux ,
Vous infultiez à mes tranfports jaloux .
Eft-ce Iris , m'écriai - je ? une courte abfence
,
Cij
A
2232 MERCURE DE FRANCE .
A- t- elle éteint un feu fi beau ?
Quoi ! cette même Iris dont la tendre conf
tance ,
Devoit durer jufqu'au tombeau ,
A refervé ce prix à ma perfeverance !
Contre Dorante elle n'a fçû défendre ,
Uu coeur qui pour moi ſeul avoit pû s'enflam 、
mer !
Un coeur que l'amour le plus tendre ,
Eut tant de peine à defarmer ,
Peut-il fi lâchement fe rendre?
Iris , vous dis - je enfin , connoiffez ma dou
leur ,
De fi beaux noeuds faifoient tout mon bonheur
;
Vous me précipitez , cruelle ,
Du comble de mes voeux dans un fort plein
d'horreur ;
Je nepuis vivre & vous voir infidelle ,
Helas ! votre nouveau vainqueur
A- t-il jamais brûlé d'une flamme fi belle ?
Connoît- il comme moi le prix de votre coeur?
Succombant à ces mots fous l'image terri
ble,
Des
OCTOBRE . 1726. 2233
Des tourmens dont mon coeur fe fentoit déchirer
,
Je me perçai le fein , mais toujours inflexible
,
Vos regards achevoient de me défefperer ,
Et vous ne paroiffiez ſenſible ,
Qu'au barbare plaifir de me voir expirer.
Ayez pitié du chagrin qui me tuë ;
Je ne puis effacer de mon ame éperdue ,
Cette funefte illufion ,
Puifque d'un Songe vain la noire impreffion ,
Me fait répandre tant de larmes ,
Grands Dieux que deviendrois-je , helas
!
Si le fatal Auteur de mes tendres allarmes ,
M'enlevoit un bonheur qu'il ne merite pas.
1
Par le Chevalier de Clairac.
Nous n'avons point parlé dans nos
Mercures d'un Recueil de Brevets & de
Memoires injurieux , nouvellement imprimé
en Hollande ; dans lequel , fous
le nom du Regiment de la Calotte , on
a inferé un grand nombre de Satyres calomnieufes
, contre des perfonnes ref-
C - iij pec2234
MERCURE DE FRANCE .
"
pectables par leur naiffance & par leur
merite. Les Chefs du Regiment n'ayant
jamais eu en vûë qu'une Critique badine
des ridicules , qui ne portent ni fur les
conditions , ni fur les moeurs , ont crû
pour l'honneur du corps devoir s'élever
contre un pareil attentat ; & diffuader le
Public des idées fauffes que ce Livre
pourroit lui donner , en prefcrivant par
un Arreſt authentique toute Satyre qui a
paru ou paroîtra dans la fuite , dans laquelle
on attaquera les Etats , les moeurs
ou les facultez des perfonnes . Nous l'appellons
authentique , puis qu'il a été
imprimé avec permiffion , & que c'eft
fur un Exemplaire qui nous a été envoyé,
que nous le mettons ici.
LIKE OUROFFICIA
ARREST du Confeil du Regiment
de la Calotte.
Contre la fauffe Edition des Brevets & ans
tres Reglemens fuppofez.
Nous , par la grace de Momus ,
De fes Decrets dépofitaires ,
A tous facrileges abus,
Mort , ou châtiment exemplaire.
L'A
OCTOBRE. 1726. 2235
L'Areopage convoqué
Sur le prudent requifitoire ,
D'un de nos Scribes provoqué ,
Par fon zele pour notre gloire ,
Contre un Recueil fophiftiqué
A l'inftat de ce vieux grimoire ,
Jadis à Mercure excroqué , ( 4 )
Par deux Grecs qui l'avoient fait boire ,
Et qui des Miniftres des Dieux ,
Aux yeux d'un peuple curieux ,
Prenant les facrez caracteres ,
D'un Livre faint & précieux ,
Ofolent infecter les myfteres ;
(a ) Mercure defcend du Ciel par ordre de
Jupiter pour faire relier le Livre des Deftinées
dont il l'avoit chargé : Etant arrivé à Athenes
dans une Hôtellerie , il trouva Briphanes & Curtalius
qui lui efcarmoterent , & en mirent un
autre à fa place , contenant tous les petits pafletemps
d'amour de Jupiter , comme quand il fe
fit Taureau pour ravir Europe , quand il fe déguifa
en Cygne pour voir Leda, quand il prit
la forme d'Amphitrion , &c. T
Jupiter metamorphofa en chevaux les deux
Atheniens .
Voyez un petit Livre in 16. intitulé Cymba
lum Mundi , par Bonaventure Defperieres , Valet
de Chambre de Marguerite de Valois , Reine
de Navarre , Soeur de François I.
C iiij Par
2236 MERCURE DE FRANCE .
Par leurs difcours feditieux ,
Et fous des titres fpecieux :
Mêloient des pieces adulteres ,
Aux divins Oracles des Cieux.
Ayant établi dans la forme ,
La parité de ces deux faits ,
Conftaté l'attentat énorme ,
Fait contre nos fages Arrefts ,
Par l'examen d'un Livre informe ,
Où font inferez maints Brevets ,
Enfans bâtards & contrefaits ,
De ces cerveaux paralytiques ,
Qui fans nos Lettres authentiques ,
Et nos Pouvoirs duement vifez ,
Sefont comme mal aviſez ';
Indifcrets brouillons , temeraires ,
Calomniateurs & fauffaires ,
Pouffez du Démon de rimer ,
Ingerés de faire imprimer ,
Nos plus auguftes Ordonnances ,
Edits , Patentes , & refcrits ,
Pêle-mêle avec leurs écrits ,
Et cyniques extravagances.
Vou
OCTOBRE . 1726 2237
Voulant punir de tels abus ,
Par l'autorité de Momus ,
Failons revivre la fentence ,
Qu'en un cas d'égale importance
Prononça le grand Dieu Jupin ,
J 鹹
Metamorphofons en Alfane , ( a )
Tout facrilege Turlupin ,
Auteur , & Colporteur profane ,
De ces lambeaux mal affortis ,
Aux vrais Decrets qui font fortis
Du haut Confeil de la Marotte.
Ordonnons que ces faux Ecrits,
Biffez , déchirez & profcrits ,
Mis au Greffe de la Calotte ,'
Soient brûlez folemnellement ,
Par le Boureau du Regiment.
Déclarons faufſe & fubreptice ,
Toute piece que l'artifice ,
Contre expreffe inhibition ,
Pourroit fouftraire à la Police ,
( a ) Alfane étoit la monture du Geant Gradaſſe
, qui vint du fond de la Sericane pour
conquerir l'épée de Renaud de Montauban
Voyez l'Ariofte dans le
furiofo .
2. chant de fon Orlando
Cy De
2238 MERCURE DE FRANCE.
De notre perquifition :
Enjoignons à nos Secretaires ,
Greffiers , Ecrivains & Notaires s
Sous peine de profcription ,
De tenir avec vigilance
La main à l'execution
De notre prefente Ordonnance
Si l'on ofe y contrevenir.
Leur défendons à l'avenir ,
De répandre aucun exemplaire
De Brevet ou de Reglements
Même émané directement ,
Qu'il n'ait la forme neceffaire ,
Et ne foit juridiquement ,
Muni du Sceau du Regiment.
Juré par les Ondes du Stix , en !
Jept mil fept cent vingt -fix .
XXX XXXXXXXXXXXXXXX XXX ***** XX**
FESTE donnée par M. Dantin de S. Pie,
Lieutenant de Roi Commandant à Dax,
à l'occafion du rétabliſſement de la ſanté
du Roi, le premier Septembre 1726 .
de S. Pée ayant donné fes or-
Mires pour que toutes les Compagnies
Bourgeoifes priffent les armes ,
elles
OCTOBRE. 1726. 2239
elles s'aflemblerent à huit heures du foir
dans le grand Cloître des Cordeliers.
Les Troupes partirent en bon ordre de
ce lieu ; & après avoir traversé la Ville
, elles allerent fe mettre en bataille
fur la Place d'armes , vis -à - vis le Châ
teau .
M. de S. Pée fortit, du Château , ac
compagné de cinquante Gentilshommes
ou Officiers qu'il avoit invitez à cette
Fête ; les Troupes fe mirent en marche
, & fe rendirent fur la Place de la
Cathedrale , où le Feu de Joye étoit préparé.
Cette Place eft d'autant plus favo
rable à cette forte de Spectacle , qu'elle
eft environnée de belles maifons , propres
à contenir un grand nombre de
Spectateurs. Toutes les rues étoient illuminées
dès les huit heures du foir , &
furent jufqu'au jour ; il n'y eut point
d'Habitant qui n'eflayât de fe diftinguer,
& de témoigner fon zele & fa joye dans
une occafion auffi intereflante.
Les Troupes s'étant mifes en batailleautour
de cette Place , Meffieurs les Maire
& Echevins , revêtus de toutes les
marques de leur dignité , fe joignirent
à M. de S. Pée , qui avec fa Compa
gnie faifoit l'arriere -garde des Troupes ,
alluma le Feu , au bruit des Tambours ,
des Fifres , & des Trompettes , fi bien:
C vj con
2240 MERCURE DE FRANCE:
concerté avec le fon des Cloches , des
Violons & des Hautbois , que perfonne
ne put refufer les applaudiffemens .
1
Les décharges fucceffives de la Mouf
queterie , fur la Place où étoit le Feu
de Joye , furent réponduës fi à propos
par l'Artillerie , qui avoit été placée
avantageufement fur le Baftion , à un bout
du Rempart , que tout cela joint enfemble
, produifit un effet dont tout le monde
fut charmé.
Après que ce Feu de Joye eut duré
pendant un certain temps , M. de S. Pée
marcha vers le Château , avec le même
Cortege qui l'avoit accompagné , aux ac
clamations continuelles du peuple. Cette
nombreuſe Compagnie fut agréablement
furprife , lors qu'arrivant à la portée du
Château , elle apperçût une illumina-
- tion extraordinaire dans une allée d'Ormeaux
, qui fert d'avenue à la porte
principale , & qui va aboutir à la grande
allée du Rempart , de 150. toifes de
long , & qui étoit également illuminée.
Cette agréable furprife augmenta infiniment,
lorfque tous ces Meffieurs étant
arrivez à l'entrée de cette premiere allée
, y apperçûrent cinquante Dames ,
auffi brillantes par l'éclat de leur beauté
, que par leur parure , à la tête defquelles
étoit Madame de S. Pée ; toutes
OCTOBRE. 1728. 2241
tes formoient un Cercle magnifique &
très-galant , qui fans exagération auroit
paffé pour beau , dans quelque lieu
que ce puiffe être.
M. de S. Pée prit une des Dames des
plus diftinguées , un des Meffieurs donna
la main à Madame de S. Pée , les
autres en uferent de même , & toute
cette charmante & nombreufe Compagnie
, avec l'image de la joye & de la
gayete peinte fur le vifage & dans les
yeux , paffa de cette premiere allée dans
celle des Soupirs , ( c'eft ainfi qu'on nomme
ce lieu où il parut une table de
cent couverts , qui fans qu'on fe fut apperçû
d'aucun mouvement , fe trouva
fervie dans le moment , avec toute la
magnificence , la délicateffe , & le goût
le plus exquis .
Les Girandoles , les Luftres , & les
Lampions , étoient fi artiftement placez,
dans l'interieur & aux extrêmitez des arbres
, qui formoient une efpece de Bezceau
au-deflus de la table , que les Conviez
& les Spectateurs furent auffi agréa
blement furpris , que frappez d'admiration
de la fingularité ingénieufe de ce
Spectacle.
On dira en paffant , que la Ville de
Dax cft de tout temps en quelque répu
tation , pour l'agrément de la Societe ;
&
7
142 MERCURE DE FRANCE.
& l'on ajoûtera , fans vouloir trop flat
ter ceux qui la compofent , qu'on y a de
l'efprit , du goût , de la délicateffe , &
que les Dames y font très -polies & trèsagréables.
On fut placé à cette table avec un tel
ordre , que chaque Cavalier fe trouva
à portée de fervir fa Dame. La Simphonie
qu'on entendit pendant le fouper ,
étoit placée à une diftance affez favora
ble , pour qu'on en eut l'agrément, fans
en être incommodé.
On commença par boire la fanté du
Roi. C'eft dans cette occafion où chacun
montra l'excès de fa joye & de fon
zele ; le Conviez d'un côté , & le Peuple
ſpectateur de l'autre , faifoient retentir
l'air d leurs acclamations ; & l'Artillerie
placée à une diftance proportionnée
y fut fervie très- à - propos .
On but la fanté de la Reine avec les
mêmes acclamations , accompagnées de
falves de l'Artillerie ; jamais il n'a paru
plus de joye dans aucun repas , tout
y contribuoit , le calme & l'obfcurité de
cette belle nuit faifant briller l'illumination
d'une maniere éclatante.
Après le repas les Dames furent conduites
par les Cavaliers dans une autreallée
d'Ormeaux , garnie de fauteuils , &
également illuminée ; on avoit placé des
SenOCTOBRE.
1726. 224
Sentinelles , pour contenir le peuple
dans une diſtance convenable .
Le Bal commença aux deux extrêmitez
de cette allée ; M. de S. Pée avec
une des Dames , Madame de S. Pée avec
un des Cavaliers en firent l'ouverture ;
après quoi il ne fut plus queftion de rang
.ni de ceremonie , & chacune des Dameschoifit
à fon gré le Cavalier avec qui
Ielle voulut danfer. Pendant le Bal, les rafraîchiffemens
de toute efpece , furent
donnez avec tant de profufion , que le
: peuple même en eut à difcretion .
C
On s'apperçût enfin avec regret que le
jour commençoit à paroître , parce que
c'étoit le fignal auquel le Bal devoit finir
la retraite des Dames ne fut pas
moins brillante , qu'avoit été le refte de
la fête . M. de S. Pée voulant finir comme
il avoit commencé , & feconde par
tous les Cavaliers alla accompagner
les Dames chez elles en cet ordre.
Les Tambours les Fifres , & les
Trompettes marchoient à la tête , fuivis
d'un Détachement choifi des Compagnies
Bourgeoifes , qui efcortoient fix petites
pieces d'Artillerie ; après quoi les Vio--
lons & les Hautbois précedoient les Dames
' , qui dans leur retraite danferent
encore dans les Places publiques aux acclamations
du peuple ; & à mesure que
cha
2244 MERCURE DE FRANCE.
chacune d'elles étoit conduite dans la
maifon , on dan foit auffi devant fa porte,
en redoublant les cris de vive le Roi , &
au bruit des fix petites pieces d'Artillerie
dont on a parlé.
Toutes les Dames ayant été remenées
en cet ordre , les Mellieurs accompagnerent
le Commandant au Château.
Alors l'Artillerie du Baftion fit fa derniere
falve , & ce fut là le fignal de la
retraite generale. Enfin , cette Fête a été
des plus magnifiques , des plus galantes
& des mieux concertées qu'on
puiffe donner dans une Province.
,
Réjouiffances dans la Marine
de Provence .
MR
R Duquefne , Chef d'Efcadre des
Armées Navales du Roi , Grand-
Croix de l'Ordre de S. Louis , Commandant
la Marine à Toulon , ayant reçû
les ordres du Roi de faire chanter le
Te Deum en actions de graces du réta
bliffement de la fanté de Sa Majefté , il
fe rendit le 18. Août avec M. Mithon
Intendant , & tout le Corps de la Marine
, fur le Vaiffeau portant Pavillon
d'Aniral dans le Port . Après le Te
Deum on fit trois décharges de Moufqueterie
, & après chaque décharge , une
falve
OCTOBRE. 1726. 2245
falve de toute l'Artillerie de l'Amiral ,
& de 21. Canons placez dans le Parc
d'Artillerie. Il y eut le foir des feux &
des illuminations dans la Ville , & jamais
joye n'a été mieux marquée ni plus
fincere .
Le Marquis de Velleron , Chef d'Efcadre
, Commandant les Galeres à Marfeille
, fit illuminer le 25. Août toutes
les Galeres & l'Arcenal . Sur les 5. heures
du foir , tous les Officiers des Galeres
fe rendirent avec M. de Beauvais ,
Commiflaire general Ordonnateur , chez
le Marquis de Velleron , & l'accompagnerent
furla Galere Reale , où on chanta
le Te Deum, après lequel on tira quatre
coups de canon fur cette Galere ; on
alla enfuite fur une des Plates - formes de
l'Arfenal , pour voir les illuminations
des Galeres , qui firent trois décharges de
leurs canons , ce qui fut fuivi d'une de
boëtes dans l'Arcenal . Le Marquis de
Velleron , donna à dîner à Meffieurs les
Capitaines des Galeres , & aux perfonnes
les plus confiderables de la Ville ; on
prit la liberté d'y boire la fanté du Roi ,
au bruit d'une falve de boëtes ; M. de
Beauvais donna enfuite à fouper.
A
2246 MERCURE DE FRANCE:
A LA REINE.
Sur la convalefcence de Sa Majefté
Grande Reine ,
auguſte Sophie ,
Le Ciel propice à l'ardeur de nos voeux }
En dépit d'un mal rigoureux ,
A calmé nos douleurs au gré de notre envie ;
Il a fçû de vos jours rallumer le flambeau ,
Pour vous faire un deftin toujours brillant &
beau.
On voit en vous une ame magnanime ,
Un efprit folide & fublime ,
Une gracieuſe bonté ,
Que guide en tous les temps l'ardente pieté
Ainfi , Princeſſe genereuſe ,
Tous les coeurs à l'envi font leur felicité
De votre fanté précieuſe.
Avec éclat on celebre en tous lieux !
Votre heureufe convalefcence :
Les Mortels enchantez la fêtent dans la France
Tandis
que les Vertus la fêtent dans les Cieux.
Par Mademoiselle L'heritier.
LET
OCTOBRE. 1726 2247
LETTRE de M. Capperon , ancien
Doyen de S. Maxent , fur certains feux
extraordinaires qui brûlent quelquefois
les Bruyeres , les Bois , les Forêts ,
maifons de la Campagne , & même des
Villages entiers.
Vo
les
Ous avez fçû , Monfieur , des pre
miers , que le feu ayant pris à la
Forêt de Fontainebleau , on a eu beaucoup
de peine à en arrêter le progrès ,
& qu'il avoit pris auffi à celle de Saint
Germain en Laye ; mais vous ne fçavez
peut être pas que le même accident
eft également arrivé ici prefque dans le
même temps , & que ce n'a pas auffi été
fans inquiétude & fans peine qu'on en a
arrêté les fuites fâcheuses.
Pour vous en faire le détail Vous
,
fçaurez , Monfieur , que notre Forêt
d'Eu , qui contient dix à onze mille arpens
, & qui a huit à neuf lieuës de
longueur , commence par des bois taillis,
qui font fituez fur une montagne , diftante
de cette Ville d'environ demi - lieuë,
& fur laquelle il y a une efpace affez
confiderable qui n'eft remplie que de
bruyeres. Ce fut par ces bruyeres que
2248 MERCURE DE FRANCE:
+
le feu commença ; on s'en apperçût
le Lundi fixiéme du mois de Septembre.
Comme le vent devint alors affez
fort , le feu ne tarda pas à gagner
les bois taillis , & ce ne fut qu'avec beaucoup
de travail qu'on le coupa , pour
empêcher qu'il ne confumât ces bois &
enfuite la Forêt : mais comme on ne
prit pas le même foin à l'égard des bruyeres
, parce qu'il n'y avoit pas tant à craindre
, il y eft refté prés de quinze jours,
n'ayant été éteint que par les pluyes
abondantes qui font furvenues enfuite . :
Vous pouvez bien juger , Monfieur ;
que perfonne n'ayant connoiffance
comment
ce feu a pû prendre dans ces bruyeres
, chacun en a penfé à fa mode . Les
uns ont crû que cela venoit des petits
Vachers qui y avoient mis le feu pour
fe divertir ; mais il eft certain qu'il n'y
en a eu aucun pen lant tout le temps que
la fechereffe à duré . D'autres fe font
imaginé que cela pouvoit venir des Ouvriers
qui tirent de la terre pendant tout
1'Eté fur cette montagne pour en faire
des tuilles , lefquels fumant du tabac , ont
pû laiffer tomber du feu fur les bruyeres
, qui les a allumées facilement , à raifon
de l'exceffive fechereffe qu'il faiſoit
alors . Ces Ouvriers proteftent neanmoins
que cela n'eft pas , & que de la
inaOCTOBRE.
1726. 2249
maniere dont ils ufent pour tenir le feu
à leurs pipes , il eft impoffible que cela
puifle arriver comme on le fuppofe .
J'avoue , Monfieur , que c'eft ce dernier
fentiment qui paroît le plus vraifemblable
, & ce qui eft regardé comme
l'unique caufe de cet incendie , par tous
ceux qui , faute de connoître les differens
effets de la Nature , font perfuadez
que le feu ne peut prendre dans aucun
endroit , s'il n'y eft allumé par quelque
petite portion de notre feu ordinaire.
Comme cette penfée du Vulgaire peut
avoir des fuites , & faire foupçonner
quelquefois , que les perfonnes les plus
innocentes font coupables de ces fortes
d'accidens , il me paroît neceflaire que
je faffe voir que ces incendies peuvent
fouvent arriver , fans que qui que ce
foit y ait eu la moindre part.
Rien n'eft plus aifé , Monfieur , que
de juftifier ce que j'avance : car ceux qui
connoiffent tant foit peu la Nature , fçavent
qu'il fort fouvent de la terre des
feux capables d'allumer toutes les matieres
combustibles , par la raifonque fe trouvant
dans la terre des matieres fouffreu .
fes & inflammables , lorfque ces matieres
viennent à être mifes en mouvement
par quelque caufe que ce puiffe être
il est naturel que s'élevant jufqu'à la ſuper2250
MERCURE DE FRANCE .
>
perficie de la terre , elles peuvent s'y
allumer , & mettre le feu à tout ce qu'elles
rencontrent de combuftible. Pourquoi
cela ne feroit- il pas ainfi ? & pourquoi
ces exhalaifons fouffreufes ne pourroient-
elles pas , lorfqu'elles fortent en
abondance de la fuperficie de la terre ,
toute échauffée des rayons brûlans du Saleil,
être allumées dès ce moment 3 puifqu'échappées
dans l'air , & s'y trouvant
réunies , elles s'y allument pour y caufer
les éclairs , les tonnerres , & une infinité
d'autres meteores enflammez ? car
ce qui fait que ces exhalaifons s'allument
dans l'air , c'eft qu'étant fort agitées
par la chaleur , elles y rencontrent
un air plus groffier ou plus humide , qui
les enveloppant & les empêchant de fe
diffiper , les refferre & les fait agir les
unes contre les autres , ce qui produit la
flamme. La même chofe ne peut- elle pas
également arriver , au moment qu'elles
fortent de la terre , & lorfqu'elles ne
font encore qu'à fa fuperficie , & par ce
moyen s'y allumer de la même maniere.
Ces principes établis , on ne doit pas
être furpris , Monfieur , que le feu puiffe
prendre à des bruyeres , des bois , même
à des maifons , fans que perfonne l'y
ait mis ; puifque , comme vous venez de
voir , il fuffit qu'il s'éleve de la terre où
ces
OCTOBRE. 1726. 2251
tes chofes font fituées , des vapeurs ou
exhalaifons fouffreufes un peu abondantes
; & que fortant de la terre pour
s'exhaler dans l'air , elles foient retenues
& condenſées à fa fuperficie par la grof
fiereté ou l'humidité de ce même air.
C'est par là qu'on peut vrai-femblablement
juger qu'eft arrivé le feu qui
a allumé les bruyeres proche de la Ville
d'Eu : la montagne où elles font eft certainement
remplie de matieres minerales.
Je fçai , à n'en pouvoir douter ,
qu'un particulier y étant allé autrefois
pour s'y promener , il vit tout d'un coup
couler dans une efpece de fontaine , qui
fe trouve à fon fommet , du vif- argent
tout pur , qu'on appelle mercure vierge;
& l'ayant ramaffé dans fon chapeau , il
en vendit pour dix écus. Il s'y trouve
également une matiere ferrugineufe : ce
qui eft fi vrai , que m'y étant tranfporté
avec le Medecin de cette Ville , homme
très-habile , pour examiner les eaux qui
s'y rencontrent , nous en trouvâmes qui
étoient tellement empreignées de ces
parties ferrugineufes , que la moindre pincée
de poudre de noix de galle mife dans
ces eaux , les rendoit au même inftant
noirs comme l'encre ; or le fer contient
beaucoup de fouffre ; ce qui eft fi vrai,
que la limaille de fer s'allume lorfqu'elle
2252 MERCURE DE FRANCE .
le eft jettée à travers la flamme d'une
chandelle .
Faut-il être après cela furpris , fi d'une
pareille montagne , il a pû s'exhaler
abondamment dans quelques endroits ,
des vapeurs & des exhalaifons fouffreufes
pendant la fechereffe exceffive qu'il
a fait durant cet Eté. Et comme les chaleurs
fingulieres du mois de Septembre
faifoient toujours pouffer ces exhalaifons
, quoique l'air fut alors devenu plus
groffier & plus humide , c'eft ce qui leur
a donné lieu de s'enflammer & d'allumer
les bruyeres auffi ce feu n'a-t- il paru
que lorsque le temps s'eft difpofé à la
pluye : car ce fut la nuit du Dimanche
quinzième du mois qu'il commença à faire
une legere pluye , laquelle fut fuivie
le Mardi d'une autre très abondante &
fort defirée ; & ce fut auffi entre le Dimanche
& le Lundi , que les bruyeres
furent allumées . Ce qui confirme qu'elles
l'ont été par ces exhalaifons de la
terre , c'eft qu'elles ont commencé à s'allumer
par les racines , & dans des lieux
differens , éloignez de plus de cent pas les
uns des autres .
Qu'il s'éleve du fond de ces montagnes
des exhalaifons & des vapeurs trèsfortes
& très - abondantes , j'en eus l'année
derniere pendant l'Eté une preuve
très-
•
OCTOBRE. 1726. 2253
très fenfible , en ce que m'étant trouvé
trois quarts de lieuë plus loin , vis - àvis
la même Forêt , lorfqu'il faifoit un
gros orage , je fus furpris , quand la
pluye fut ceffée , de voir qu'il s'élevoit
de deux ou trois endroits differens une
auffi groffe fumée , que s'il y avoit eu
des Fours-à - chaux , croyant qu'au moins
il pouvoit s'y trouver du feus il me fut
dit par un Habitant du lieu où j'étois
qu'il n'y en avoit pas ; mais que cela fe
paffoit ainfi toutes les fois que dans les
grandes chaleurs il arrivoit de ces fortes
d'orages , ce qui me fit juger , que la
caufe de ce Phenomene venoit de ce
que des exhalaifons moins fouffreufes , à
la verité , fortant de la terre en plus gran- `
de abondance par ces endroits particuliers
plutôt que par tout ailleurs , elles
enlevoient violemment avec elles les particules
de l'eau qui étoit tombée pendant
T'orage fur ces mêmes endroits.
Enfin , Monfieur , ces fortes de feux
caufez par les exhalaifons fouffreufes de
la terre , & qui allument ce qui fe trouve
à leur rencontre , ne font pas ni fi
nouvelles nifi rares qu'on peut s'imaginer.
Tacite , Livre 13. parle de ceux
qui firent autrefois bien du dégât entre
Liege & Namur. Vous pouvez voir dans
le Moreri de l'Edition de 1707. ce qui
D Y
2254 MERCURE DE FRANCE.
>
y eft dit du Village de Boncourt ,
Diocèfe d'Evreux en Normandie , qui
fut de nos jours prefqu'entierement brulé
par ces fortes de feux , à differentes
Deprifes pendant les années 1666 .
1667. 1678. & 1679. où il eft remar
qué que ces feux étoient toujours plus
vifs vers la fin du mois d'Août , & vers
le commencement de Septembre , par la
Laifon ( comme j'ai dit ) que l'air de
vient alors plus groffier & plus humide
, ce qui condenfe ces exhalaifons fouf
freuſes.
La même chofe eft arrivée il y a environ
quinze ou feize ans au Village de
Beaucamp près d'Aumale. Ces feux font
beaucoup plus frequens en Italies parce
qu'outre qu'il y fait plus chaud , la
terre y contient auffi plus de fouffre.
Vous pouvez voir dans les Ocuvres mêlées
de Louis de Riperda , imprimées à
Veniſe en 1725. le ravage qu'ils y ont
fait en 1706. & 1707. & comme les
Habitans trouverent le moyen d'en diminuer
les triftes effets , en ouvrant les
portes , les fenêtres , & jufqu'aux toits
de leurs maifons , pour donner plus d'iffue
à ces exhalaifons fouffreufes & enflammées.
Je pourrois entrer dans un
plus grand détail , & vous rapporter les
differens effets de ces fortes de feux ;
mais
OCTOBRE. 1726. 2255
mais ma Lettre n'eſt déja que trop longue
, je la finis donc en vous affusant que
je fuis , Monfieur , &c..
A Eu ce 1. Octobre 1726.
Ժ
LE
JUSTE
MOURANT.
Q
SONNET.
Ue fervent , chers Amis , vos plaintes , vos
foupirs ?
Non , ne retenez plus mon ame fugitive.
Peut -on dans cet exil gouter quelquè plaifir ?
Sous l'empire des fens , l'Ame eft toujours captive.
Heureux , qui pour le Ciel garde tous fes defirs ;
Qui fans ceffe animé d'une foi pure & vive ,
Au foin de fon falut confacre fes loisirs ,
Et pour quitter les biens n'attend pas qu'on l'en
Brive.
Donner aux ris un temps qu'on doit donner aux
pleurs ,
C'est pour un vrai Chrétien le plus grand des
malheurs ,
Veiller , prier , fouffrir , voilà tout fon partage.
Dij Que
1
2256 MERCURE DE FRANCE .
Que je vous plains , helas ! vous qui plaignez
mon fort ,
Je vous laiffe agitez au milieu de l'orage ,
Et je touche au moment qui me va mettre au
port.
DE
JOURNAL
CONSTANTINOPLE.
Du premier Octobre 1725.
E bruit court que quelques Trou-
Les Turques font en marche pour
s'emparer de Zangann & de Sultanić.
Cette derniere Place n'eft qu'à une
lieue des frontieres prefcrites à l'Empire
Ottoman par le Traité de Partage.
Les nouvelles qui portoient que ( a )
Daoud ou David Pacha avoit été chaflé
de Schamakié , font fauffes . Sorkof &
Ifmia Beigs , principaux Chefs des Lefghis
, l'avoient effectivement inveſti
dans cette Place , mais cette tentative
leur a été inutile . Ces deux Generaux
fe font même actuellement la guerre en-
( a ) Chef des Lefghis qui s'eft foumis aux
Turcs. La Porte en cette confideration lui
donné le titre de Pacha.
tre
OCTOBRE . 1726. 2257
tre eux , & le Chirvan fe trouva ainfi
divifé entre ces trois Seigneurs.
Le 23. du mois dernier le bruit du
canon du Serrail & des autres batteries
du Port , annonça aux Peuples la prife
de Gandja . Les Turcs par cette nouvelle
conquête font dès - à- prefent en poffeffion
de tous les Pays qui leur font échus
par le Traité de partage.
i
Il y eut ces jours paffez une Conference
à une maifon du Reis Effendi , fituée
fur le Canal de la Mer Noire , entre
les Miniftres de Ruffie & cet Officier.
La Porte parut toujours vouloir s'en tenir
à l'execution du Traité , & le départ
des Commiffaires nommez pour le
reglement des limites , n'a été remis
au Printemps prochain , que pour donner
le temps à Sarri Muftafa , quia pris
Gandja , de diffiper les rebelles qui
avoient bloqué Schamakié & infefté tout
le Chirvan , Province dans laquelle doivent
fe faire les principales operations
du partage.
La fortune continuë de favorifer les
Armées Ottomanes. Le Roi du Loriftan,
qui fembloit avoir eu deffein de faire tête
au Pacha de Babylone , s'eft enfui dès
qu'il a fçû que fes Troupes s'avançoient,
:& par cette retraite précipitée , il a
laiffé fes Etats à la difcretion de ce Ge-
D iij neral .
2258 MERCURE DE FRANCE.
neral . La Porte , qui prétend par cette
nouvelle conquête ne déroger en rien
au Traité , continue d'aflurer les Mi
niftres de Ruffie que fon intention est
de l'obferver exactement.
Le 25. de ce même mois le feu prit à
Pera à une maiſon voiſine du Serrail des
Itch - Oglans , & de- là fe communiquant,
il forma bien- tôt un incendie confiderable
. Le fecours des Pompes , & le bon
ordre que l'on obferve ici dans ces occafions
, où le Grand Vifir , ſouvent même
le Grand Seigneur , fe trouvent en
perfonne , empêcherent qu'il ne fit de
grands progrès. C'eft dans cette ruë que
font les Palais des Ambaffadeurs de France
& de Hollande , & ceux des Minif
tres d'Allemagne & de Ruffie. Une partie
du Palais d'Angleterre fut cependant
brûlée avec une vingtaine de maifons.
Le Grand Vifir fçachant que l'Ambaffadeur
de France étoit alors à fa maifon
de Belgrade , envoya à fon Palais un
Aga & une nouvelle garde de Jannif
-faires , aux ordres des perfonnes qu'il y
auroit laiffées. La Nation avoit déja
pourvu à la feureté du Palais , par la
précaution qu'elle avoit prife d'y faire
monter tous les Matelots des Bâtimens
François qui étoient au Port , avec tout
ce qui étoit neceflaire , foit pour couper,
OCTOBRE. 1726. 2259
per , foit pour éteindre le feu , s'il eut
gagné le voilinage .
Le 3. Novembre le Vicomte d'Andrezel
traverfale Port & alla voir quelques
- unes des principales Mofquées de
Conftantinople. La premiere , dans laquelle
il entra , fut Sainte Sophie , Batiment
très magnifique , mais autant au
deffous de Saint Pierre de Rome par fa
grandeur , qu'il l'eft par fon Architec
ture . M. l'Amballadeur alla enfuite à la
Moſquée de Sultan Ahmed , puis il alla
voir quelques animaux que l'on tient
près de là dans un ancien bâtiment vouté
qui fert de Ménagerie. Il entra auffi
en revenant dans la Mofquée de la Sultane
Validée , qui , comme l'on fçait
n'eft pas éloignée des rives du Port.
Le 21. le Capitan Pacha , ayant fçû
que M. l'Ambaffadeur de Francé vouloit
voir l'Arsenal , les Vaiffeaux & les Ga
leres du Grand Seigneur , il donna les
ordres neceffaires pour l'y recevoir . Son
Excellence monta dans l'Amiral , Bâtiment
neuf , au moins de 120. pieces de
canon. Près de ce Vaiffeau il y en a deux
autres à peu près de même force , qui
ont été conftruits en dernier lieu à Sinope.
Le refte confifte en une trentaine.
de Sultanes ou de Caravelles , c'est-àdire
, de Vaiffeaux ou de Fregates , entre
lef-
D iiij
2260 MERCURE DE FRANCE.
lefquels fe voit un Navire d'un gabari
fingulier. Il eft plus large & plus court
que l'Amiral , & de chaque côté du
grand mât il y a un fabord qui reçoit un
canon dont le boulet de marbre doit pefer
, fuivant le calcul que j'en ai fait ,
362. livres poids de marc. Nous vîmes
ces pieces fur le rivage. C'eft de l'une
des deux que partit le coup , qui penfa
couler bas la Colombe , Vaiffeau Venitien
de 72. ou 76. pieces de canon , dans
le combat de l'Archipel , décrit dans le
Mercure d'Août 1717.
Le 20. Decembre il y eut des réjouiffances
à Conftantinople , au fujet de la
reduction de Roumia en Medie , Fortereffe
qui s'eft foumiſe volontairement à
Abdoullah Pacha , Seraskier ou General
d'une des Armées de la Porte.
Le 29. un Courier ayant rapporté
qu'Ardebil s'étoit auffi foûmiſe volontai
rement à ce General, le canon des batte
ries du Port fe fit entendre de nouveau.
Du 31. Janvier 1726.
Le 12. de ce mois M. de Romenfoff,
Major General , & Envoyé Extraordi
naire de Ruffie , reçût le Corden de
Saint Alexandre , Ordre Militaire inf
titué par Sa Majefté Czarienne conforOCTOBR
E. 1726. 226-1
Eformément
au projet du feu Czar.
Le 30. l'Aurgan , dépêché par
chref Kan en cette Cour , arriva à Scutari.
Il s'appelle Abdoul Azis Kan , &
fe dit Commandant à Zulfa , Ville qui
n'eft feparée d'Ifpaham que par une riviere.
Il eft parti de cette Capitale vers
la fin de Septembre ; il s'eft arrêté vingt
jours à Horomabat avec le Pacha de Babylone
, & douze à Amadan. Sa fuite eft
compofée de quinze Aurgans , d'autant
d'Armeniens , & d'une vingtaine d'Efclaves.
On apprit à fon arrivée que Schah
Uffein étoit encore en vie , mais que
tous les enfans avoient été égorgez , à
l'exception de Schah Thamas , qui eft toujours
dans le Mazandran. Que cette Province
, celle d'Eftarabat , celle dite Ef
chref , la Ville de Cafbin , & quelques
Peuples voifins , qui n'ont d'autres habitations
que leurs tentes , & que l'on dit
fe difpofer à fe joindre aux Troupes que
ce Prince pourra affembler au Printemps,
lui font demeurez fideles .
Quelques jours après , le Député d'Efchref
étant malade , il demanda qu'il lui
fut permis de paffer à Conftantinople ,
pour être plus à portée du fecours des
- Medecins. La Porte le lui accorda , mais
comme ilavoit été décidé au Divan , que
D V себ
2262 MERCURE DE FRANCE.
-me u
cet . Officier ne feroit regardé que comfimple
porteur de parole , dépêché
par un Prince de même Religion que
les Turcs , il fit ce trajet dans un bateau
ordinaire , & non dans une Galere , honneur
qui n'eft accordé qu'aux perfonnes
revêtues du caractere de Miniftres de
Princes Etrangers .
Le 22. le coeur du Comte des Alleurs,
ci - devant Ambaffadeur du Roi en cette
Cour , ayant été porté de Paris en la Chapelle
du Palais à Pera , les RR. PP . Capucins
, qui la deffervent , lui firent un
Service folemnel , dont l'Ambaffadeur
de France fit les honneurs à celui de Venife
& au Réfident d'Allemagne . La
femme de ce dernier , & la plupart des
Etrangers , Anglois , Hollandois & Ruffes
, y affifterent. Le P. Cuftode des Capucins
y prononça l'Oraifon funebre.
Son Excellence avoit fait préparer un
grand repas dans le Refectoire des Capucins
, où refterent tous ceux qui avoient
été invitez à la Ceremonie .
Fevrier 1726 .
Au commencement de ce mois , ou
vers la fin du précedent , l'on executa à
Conftantinople un Grec dont voici l'Hif
toire.
11
OCTOBRE. 1726. 2263
Il y a environ trois ans , qu'étant à
boire avec quelques Leventis , ou Soldats
de Marine , ceux - ci lui propoferent
dans le vin d'embrafler la Religion de
Mahomet ; & ayant achevé de l'enyyrer
, ils le firent circoncire en cet état.
Les vapeurs du vin diffipées , le Grec ,
qui n'avoit jamais eu deflein de changer
de Religion , perfevera dans la fienne: enfin
quelques Turcs s'étant apperçus qu'il
fréquentoit les Eglifes Grecques , & qu'il
n'alloit point aux Prieres des Mofquées,
il fut dénoncé , & le Cadi le fit compa
roître devant lui. Le Chrétien proteſta
avec fermeté contre la violence qu'on
lui avoit faite , & les menaces du Juge ,
réïterées pendant quelques jours , n'ayant
pû l'ébranler , il fut enfin condamné à
mort & décapité , ce qu'il foutint avec
beaucoup de fermeté.
Le 9. Abdoul Azis Kan , envoyé par
Efchref en cette Cour , eut Audience du
Grand Vizir : Voici quel fut l'ordre de
fon Cortege.
Le Tchorbagi , ou Capitaine des Janniffaires
de garde chez lui , ayant fur
fa gauche un autre Officier , ouvroit la
marche , tous deux en habits de ceremonie.
Ils étoient fuivis par 32. Chaoux fur
deux files , portant leurs bonnets & la
D. vj plume.
Trois
2264 MERCURE DE FRANCE.
Trois Officiers de la Porte , fçavoir
le Chaouxlar Emini , l'Achahs Bachi , &
le Tchorbagi des Janniffaires , qui fermoient
la marche , paroiffoient enfuite de
front .
-Deux Officiers d'Abdoul Azis Kan ,
marchoient enfuite l'uni
bien montez
après l'autre.
Puis Abdoul Azis Kan , entouré de
quatre Domestiques , en habirs brodez
d'or , qui marchoient à pied , à côté de fon
cheval , dix-huit de fes gens à cheval ,
& le Détachement de Janniffaires .
Il entra en cet ordrepar la grande porte
du Palais du Vizir , & ne defcendit de
cheval que dans la feconde cour. L'Audience
dura depuis neuf heures jufques à
dix & demie , & pendant ce temps on ne
laiffa entrer aucun Etranger. Le Grand
Vizir avoit fait parade d'une peliffe , ou
vefle fourrée de grand prix , tant parce
qu'elle eft de gorges de Renards noirs ,
que par les pierreries dont elle étoit enrichie
, ainfi que fon turban . Tous fes Pages
étoient en veftes de brocard d'or , &
portoient, des poignards garnis de rubis ,
émeraudes , faphirs , & c . 1
Abdoul Azis Kan ne fortit point par
où il étoit entré , mais par une porte de
derriere , pour être vû par la Sultane ,
placée fur un balcon , fous lequel on le
fit
OCTOBRE. 1726. 1265
fit paffer. Lui & les vingt perfonnes de fa
fuite reçurent le Caftan , ainfi que lesi
trois Officiers de la Porte . On dit que
le Grand Vizir lui a de plus fait prefent
du cheval qu'il montoit.
Ces honneurs ne peuvent être attri
buez qu'au fafte que le Grand Vizir a
voulu faire paroître ; car la Porte ne reconnoît
point Efcheref , & elle ne donne
aucun caractere à fon Deputé. Abdoul
Azis Kan a cependant le Tain , ou ſubfiftance
journaliere ; mais ce taïn n'eft
ni reglé , ni payé en argent ; mais feule
ment fourni en vivres , à proportion du
nombre des perfonnes qui compofent fa
fuite. Quant à la Garde qu'il a chez lui ,
elle l'empêche de communiquer avec qui
que ce foit ainfi elle lui a été donnée
plutôt pour veiller à la fureté de fa
perfonne
& à fes actions , que pour faire
honneur à celui par qui il eft envoyé.
La Porte témoigne être très choquée
des propofitions d'Efcheref , & plus en
core du Titre faftueux de Roi des Rois
qu'il prend dans fa Lettre au Grand Seigneur.
Il fe tint de grands Divans le 10.
& le 11. & le 12 le Mufti rendit un
Fetta , ou Decret par lequel il declare
que , fuivant la Loi , il ne peut y avoir
en même tems deux Chefs des Vrais
Croyans , ou: Mufulmans , à moins que
leurs
2266 MERCURE DE FRANCE .
leurs Etats ne foient féparez par quelque
grande barriere , comme le feroit la
Mer des Indes.
Voilà quel eft preſentement l'état des
affaires. La Guerre peut être regardée
comme declarée contre Efcheref , à moins
que dans le tems accordé à fon Homme
pour en avoir des nouvelles , on ne reçoive
fan acquiefcement aux conditions
que la Porte lui a envoyé propofer. On
fait cependant de grands préparatifs en
tout genre pour envoyer en Perfe.
Mars 1726.
Le 4 de ce mois quelques Troupes
pafferent de Conftantinopleà Scutari , pour
aller joindre l'Armée Ottomanne , qui en
confequence du Fetta ou Decret rendu
par le Mufty le 12 du mois paffé , doit
marcher contre les Troupes d'Efcheref.
Le 5 à l'entrée de la nuit tous les Minarets
de cette Ville furent illuminez.
Cette ceremonie s'obferve dès que l'on ap
perçoit la nouvelle Lune trois mois avant
le commencement de celle du Bayram .
Le 13. à deux heures & un quart après
midi , il y eut ici une fecouffe de tremblement
de terre , qui ne fit d'autre effet que
d'endominager la maçonnerie d'une des
portes de la Ville , non fans grande peur
de
OCTOBRE. 1726. 2267
de la part de ceux qui occupoient l'ancien
bâtiment du Palais de France , où font les
cuifines & offices de l'Amballadeur , &
qui depuis long- tems menace ruine , malgré
les étais. On a été obligé d'en démolir
une partie , & on doit conftruire
un Palais tout neuf , fuivant les plans &
devis envoyez il y a trois ans.
Le 31. Abdoul Azis Kart , envoyé par
Efcheref en cette Cour , eut une derniere
audience du G. V. Ce premier Miniſtre
lui fit prefent de dix bourfes , & en donna
de plus une à fon neveu : & une autre
à l'Iman qu'il avoit à fa fuite. Il le chargea
auffi d'une Montre d'or garnie de Diamans
pour l'Ihtimadoulet , ou premier
Miniftre d'Efcheref , en reconnoiffance
d'un fil de perle que ce dernier lui avoit
envoyé.
Le 4. Avril , Abdoul Azis Kan paffa
à Scutari pour le rendre de là auprès du
Sultan fon Maître.
la
Le 18. on fit au Palais de France la
ceremonie de la Cene & Lavement des
pieds du Jeudi Saint , qu'on avoit pour
premiere fois inftitué l'année paflée , &
dont M. le Vicomte d'Andrezel continuera
à l'avenir la louable pratique , comme
fort approuvée , & d'un très - bel
exemple.
Le 28. Mai M. de Romanfoff Envoyé
de
7
1168 MERCURE DE FRANCE.
de Ruffie , s'embarqua pour Trebifonde
fur les Galeres que le G. S. avoit deftinées
pour aller dans la Mer Noire : mais
ayant été furpris deux jours après par
une tempête , il fut obligé de relâcher à
Boujoucderé , Village fitué fur le Canal
près l'embouchure de la Mer Noire ; &
le 29. une des Galeres , qui avoit perdu .
fon Eperon , ayant été remise en état , ce
General pourfuivit fa route. Il devoit partir
cinq Galeres , mais la faifon s'avançant ,
il n'y en eut que trois de prêtes , les deux
autres refterent.
Juin 1726.
Le 2. à l'entrée de la nuit , le canon
des batteries du Port annonça au peuple
la fin de la Lune du Ramazan , ou jeûne,
Le lendemain le G. S. reçut des princi
paux Officiers de l'Empire , dans la grande
cour du Serrail , les complimens ordinaires
au fujet de la Fête du Bayram. į
Le 6. le feu prit à quelques maifons
près la Mofquée du Sultan Bajazet. Quoique
ce foit le feul incendie dont je faffe
mention ici , il faut remarquer qu'il ne ſe
paffe prefque point de mois dans le cours
duquel cet accident n'arrive , & confequemment
qu'il y auroit plus de maiſons
de brûlées chaque année que cette Ville
n'en
OCTOBRE. 1726. 2269
n'en peut contenir , fi le dommage étoit
auffi grand que le. portent
ordinairement
les nouvelles. Le même foir il y eut une
illumination à ( a Sadhiabat.
Le 20. la pluye qui duroit depuis
deux jours , augmenta à un tel point , que
quelques maifons d'un Fauxbourg fitué
fur une coline , en furent emportées .
Le 24. jour de faint Jean , il y eut au
Palais de France un grand repas , tant au
fujet de la Fête de M. l'Ambaffadeur ,
qu'au fujet du rétabliſſement de ſa ſanté .
Son Excellence fit elle-même les honneurs
de la premiere table , qui étoit de
cinquante couverts.
Vers la fin de ce mois la pefte ayant attaqué
differentes maifons à Pera & à Galata
; les Francs , ou Européens commencerent
à prendre les précautions accoutuméés
, c'est-à - dire , que les Miniftres fermerent
leurs Palais , & que la plupart
des Particuliers fe retirerent à la campagne.
Suite du Journal de Conftantinople fur les
Lettres du 20. Juillet 1726.
La Pefte eft très - violente en cette Vil-
( a ) Sadhiabat , Maifon de plaifance da
Grand Seigneur , décrite dans un de nos précedens
Mercures.
le.
2270 MERCURE DE FRANCE.
·
le. On compte que le 19. il eft forti par
la porte d'Andrinople 750. perfonnes ,
que cette cruelle maladie avoit emportées
.
Un, Armenien attaqué de ce fleau , finit
la vie dernierement avec une conftance
digne d'un Romain . Cette malheureufe
Victime de la Contagion ayant appris
qu'il n'en pouvoit pas revenir , pour
ne pas communiquer fon mal à ceux qui
le porteroient en terre , il fe traîna jufqu'au
Cimetierre , accompagné d'un homme
qu'une tendre amitié avoit attaché auprès
de lui. Là il fe mit dans une folle que
le hazard lui fit trouver , & pria fon fidel-
Compagnon , quand il auroit fini fa trifte
vie , que pour grace derniere , il daignât
le couvrir d'un peu de terre.
le
ya
Le Stamboul ( a ) Effendy faiſant il
un mois fa ronde , rencontra un Paylan
affis qui mangeoit un morceau de pain ,
& tenoit par la bride fon cheval qui avoit
une rude charge . L'Officier de Police lui
demanda s'il feroit bien aife d'être en la
place de cet animal , & qu'on n'eût pas
plus pitié de lui , qu'il en avoit de cette
pauvre bête. Le Villageois d'un air fimple
repartit au Seigneur , qu'il y avoit
bien de la difference entre un homme &
- (4) Cette Charge eft à peu près la même que
celle de Lieutenant General de Police.
une
OCTOBRE. 1726. 2271
une roffe , pour laquelle fa pitié paroif
foit émue. Hé bien , répondit gravement
l'Officier charitable , pour t'apprendre à
avoir compaffion des animaux , & à ne
les pas laiffer dans la peine , je vais faire
metire fur ton dos toute la charge de l'animal
que tu traites avec tant de rigueur ,
& tu attendras à ton tour qu'il ait mangé.
Auffi-tôt dit , auffi tôt fait ; les ordres
font promptement executez ; la bête
mange un picotin d'orge , & le reftique
devenu cheval , attend que fa monture ait
fini de manger. Cette avanture a caufé un
ordre de la part de ce Lieutenant de Police
, par lequel il défend aux Payfans de
s'arrêter dans les rues , leurs chevaux étant
chargez , & afin que ces Payfans ne montent
deffus , que quand ces animaux n'auroient
plus leurs charges , on a mis , felon
cette même Ordonnance , trois cloux les
pointes en haut fur les bâts des bêtes de
fomme.
Il a paru auffi un Commandement du
G. S. pour reformer les habillemens des
femmes , qui commençant à s'ennuyer
de l'ancienne aufterité des Dames Turques
, cherchoient par des modes nouvelles
à marcher le vifage un peu plus à
découvert , & dont le fafte & le luxe
étoient pouffez trop loin. L'ufage des peliffes
de Samour & d'Hermine leur a été
défendu
2272 MERCURE DE FRANCE .
défendu ; on a racourci près des oreilles
leurs ( a ) Talpoches , qu'elles avoient
extrémement allongez , & qui leur pendoient
jufqu'au coude. La largeur & la
grandeur qu'elles affectoient dans leurs
Pantalons , ou efpeces de Culotes , ont
été entierement profcrites. Cette reforme
n'a pas manqué d'être très agréable
aux hommes , qui pour fe delivrer de
l'importunité de leurs femmes , & contenter
leur luxe , reduifoient fouvent
leurs familles à la mendicité . On a pareillement
défendu très -expreffément à
tous les Rayas , Chrétiens , Sujets du G.
S. de porter les Couleurs affectées &
particulieres aux Mahometans , comme
le Vert & les Babouches jaunes. Les peines
font très- rigoureufes pour ceux qui
contreviennent à cette défenfe . On donnera
la baftonnade aux hommes , & l'on
fe contentera de déchirer les ajuſtemens
des femmes.
J'ai crû devoir joindre ici le recit de
la ceremonie d'un mariage à la Grecque
qui ne laiffera pas d'avoir fon agrément.
M. le Vicomte d'Andrezel étoit allé
paffer quelques jours à la campagne
avec toute fa Maifon , pas bien loin de la
Ville : nous y menions une vie agréable ,
lorfque notre tranquillité fut interrom
( a) Coëffures.
pue
OCTOBRE . 1726. 2273
pue par un mariage ruftique . On alla
chercher la Mariée au fon de differens
inftrumens, qui faifoient un étrange cha
rivari. Elle arriva au lieu nommé Belgrade
dans une charette couverte , accom
pagnée de plufieurs femmes exceffivement
fardées . On choifit un autre jour
pour la ceremonie de donner la bague &
habits , ce qui fe fait avec beaucoup
d'appareil. Cette fonction , qui tient lieu
de fiançailles , étant faite , on affigna les
nôces à deux jours de là ; & cependant
les mufettes & les tambours ne cefferent
point de faire grand bruit. Enfin le jour
folemnel étant arrivé , la Mariée ayant
fa coëffure remplie de clinquans faits en
forme de cheveux , s'achemina à l'Eglife
à petits pas ; je dis à petits pas , parce
qu'elle mit une heure & demie à y aller
de fa maifon , qui en étoit affez proche.
Le Compere & la Commere ( car on s'en
fert ici pour les mariages ) la foutenoient
par-deffous les bras , elle étoit précedée
d'une danfe à la Grecque au fon des inftrumens.
Beaucoup de femmes fermoient
la marche. Le Papas , ou Curé , vint la
recevoir à l'entree de l'Eglife avec deux
flambeaux. Son futur Mari , qui s'y étoit
rendu une heure avant , vint au devant
d'elle, & l'un & l'autre, précedez des deux
torches , entrerent dans l'Eglife.
Après
£ 274 MERCURE DE FRANCE .
Après beaucoup de prieres , on leur
donna à chacun un anneau , dont les Mariez
firent l'échange , felon la coutume.
On leur mit enfuite deux couronnes de
fleurs fur la tête , que le Compere & la
Commere changerent trois fois de la même
maniere que les deux Epoux avoient
changé leurs bagues enfuite le Papas
prefenta à boire aux Mariez , au Compere
& à la Commere'; il but enfuite , &
caffa lataffe . J'ai demandé ce que fignifioit
cette ceremonie ; on m'a aliuré que
c'étoit pour qu'on ne jettât point de fort
dans le Gobelet. Cela étant fait , les Mariez
furent reconduits chez eux avec le même
cortege qu'ils étoient. venus . La confommation
du mariage ne ſe fit , felon la coutume
, que trois jours après . En voilà
affez pour ce qui regarde le mariage.
•
Voici une Fable Turque qui m'eft tombée
entre les mains , & qui pourra vous
amufer.
Un vieux homme avoit lié une efpece
de commerce avec un ferpent : il portoit
tous les matins à l'entrée de fa grotte une
écuelle remplie de lait , & le foir quand
il la venoit reprendre , il y trouvoit tou
jours une piece d'or , que le ferpent reconnoiffant
y laiffoit. Le Vieillard ayant
refolu d'aller à la Mecque , ne manqua
pas de dire à fon fils fa bonne fortune , &
en
OCTOBRE. 1726. 227.5
en partant il lui recommanda d'avoir foin
du ferpent. Mais ce fils ayant fait un mauvais
ufage de la rente qu'il tiroit par ce
moyen,fut très allarmé à la nouvelle du retour
de fon pere; il forma le deflein de tuer
le ferpent pour pouvoir lui dire que malgré
toute fon exactitude à lui porter du
lait , cet animal avoit ceffé de paroît re.
Pour cet effet il alla à la caverne avec
le lait , & quand le ferpent vint pour le
boire , il lui déchargea un coup de fabre ,
mais avec fi peu d'adreffe , qu'il ne lui
coupa que la queue : alors cette bête irritée
s'élança fur lui , & le tua.
Le Vieillard de retour ayant appris le
malheur de fon fils , fongea à regagner
l'amitié du ferpent. Il alla de nouveau lui
porter du lait à fon ordinaire ; mais l'animal
mettant latête hors de la caverne , lui
dit ces paroles : C'eft en vain que tu veux
renouer amitié avec moi . Je n'ai plus de
queue, tu n'as plus de fils , il ne peut defor
mais y avoir entre nous ni confiance ni
amitié. Les Turcs font grand cas de cet
apologue , ils en tirent des moralitez à
leur maniere.
13
TRADUCTION
2276 MERCURE
DE FRANCE:
TRADUCTION
de la deuxième
Poëfie de Catulle.
Paffer , delitia mea Puella , &c.
H
Eureux Moineau , dont ma Mais
treffe
Fait fon plus cher amuſement ,
Que ton fort me paroît charmant
De jouer avec elle & badiner fans ceffe !
Souvent elle t'irrite avec le bout du doigt
Et fi ton bec la mord , le mal n'eft pas extrême ,
Peut être reffent - elle à ce doux jeu qu'elle aime ,
Plus de plaifir que l'on ne croit.
Ah ! que ne puis . je auffi badiner tout de même ?
Pour foulager mon amoureux defir.`
Ce badinage qui m'enchante ,
Me feroit autant de plaifir ,
Que fit la Pome d'or à la belle Atalante ,
Qui vaincue à la courſe éprouva conſtamment ,
Du côté de Venus le tendre denouement .
Par M. de Mautour
Le
OCTOBRE. 1726. 2277
Le Lecteur fe fouviendra , s'il lui plaît ,
de ce qui a été obfervé au Mercure de
Fevrier dernier , pag. 307. que ces Traductions
de Catulle font l'ouvrage de la
jeuneffe de l'Auteur.
akakakakakai
EXTRAIT d'une Lettre du Chevalier
d'Albert , Enfeigne des Vaiffeaux du
Roi , commandant le Navire la Sirene,
appartenant à la Compagnie des In
des de France , fur unfaitfingulier ap-.
perçu dans un voyage des Indes.
L
E Mardi 6. du mois de Fevrier 1725.
nous trouvant par la latitude de 35 .
degrez Sud , ou environ , & par la longitude
des Ifles de Triftandacougña, ce que
nous avons verifié à la vûe du - Cap de
Bonne-Efperance , dont nous eftimions
alors être plus proches . A une heure &
demie après midi , nous avons vû aux côtez
du Vaiffeau quantité de pierres blan
ches de diverfes groffeurs , qui furnageoient
fur l'eau , & marquoient le fillage
du navire. Nos Matelots en ramaſſerent
quelques-unes , que nous trouvânes
être de vrayes Pierres Ponces , ou calcinées
, plus blanches que celles qu'on voit .
en France. Continuant notre route , nous
crû E
2278 MERCURE DE FRANCE.
crûmes voir peu de tems après des Brifants
à une lieue de l'avant de nous , la
Mer y blanchiffant en forme d'écume.
Après avoir mis en panne , & fait fonder
fans trouver de fond , la Mer belle , petit
vent de N. Q. nous avons continué notre
route , enapprochant de ces prétendus
Brifants , qui ne nous ont plus paru fixez
au même endroit , mais beaucoup plus.
prolongez étant plus près nous avons
reconnu des efpeces de lits de marée , ou
bouillonnement , & fur tout un fort grand
courant N. & S. J'allai dans le Canot
:
pour le reconnoître y étant , nous y
avons ramaffé , avec du goemont frais ,
grand nombre de ces pierres , dont il y en
avoit de fort groffes , mais toutes legeres :
la furface de l'eau en étoit abfolument
couverte , fur tout d'un nombre infini de
petits morceaux. Nous y avons fondé encore
une fois , fans trouver de fond ; &
continuant de nouveau notre chemin à
l'Eft Sud- Eft , le Navire a paffé encore
pendant le jour fur l'une de ces efpeces
de Banc , ou lit de marée . Il faifoit , en
féparant les pierres,un bruit pareil à celui .
d'un Canot , pallant fur de gros graviers
Nous avons continué de voir de ces pierres
aux côtez dụ Vaiffeau , en plus ou moins
grande quantité , pendant le cours d'environ
18. lieues de chemin , depuis une
heure
OCTOBRE. 1726. 2279
heure & demie du premier jour , jufqu'à
dix ou onze heures du matin du len .
demain. Nous ne pouvions qu'être proche
des Ifles de Triftandacougna , quoique
nous ne les ayons pas vûes . Nous ne
fçaurions prefque pas douter qu'il n'y ait
dans ces mêmes lles , qui ne font prefque
pas connues , quelque Volcan , qui
aura vomi ce débris affreux de pierres brûlées
que nous avons vûes .
Le petit Vaiffeau de la Compagnie ,
nommé le Vautour , qui a paffé par le
même paffage dans le mois de Mai 1726 .
a reconnu les mêmes pierres pendant
l'efpace de trente lieues , auffi -bien qu'un
navire Oftandois arrivé fur la côte de
Coromandel dans le mois de Juillet fuivant
les débris de ces pierres étoient
plus difperfez. L'un & l'autre Vaiffeau
n'ont pas , je croi , rencontré comme
nous , les lits de marée , qui couvroient
toute la furface de la Mer. Voilà un
Phenomene propre à exercer la "fagacité
des Phyficiens le Public verra
avec plaifir leurs conjectures.
E ij Les
2280 MERCURE DE FRANCE .
Les trois Enigmes du mois dernier ont
dû s'expliquer par le Caffe , la Plume &
la Porte de pierre & La Porte de bois .
J
PREMIERE ENIGME.
など
E fuis Hermafroidite ancien , à la mode.
SOUT
Mon corps n'eft compofé qu'avec art & me
thode ;
P
J'ai le vifage double , & l'aſpect fombre & dur ;
L'abord très-difficile & le jargon obfcur ..
Toujours je me déguife , & je fuis fort chan
geante ;
Malgré tant de défauts l'on me trouve enga
geante
Pour tromper mes Amants , je fais tous mes
efforts ,
Et pour embaraffer les efprits les plus forts ,
Des fentiers raboteux j'implore l'aſſiſtance s
Tout raboteux qu'ils font j'y chemine en ca
dence.
A peindre les objets je fuis ingenieux :
Chez moi jufqu'à mon nom tout eft myfterieux.
DEU
OCTOBRE 1726. 2281
DEUXIE ME ENIGME.
Nous fommes d'un grand ufaga
Dedans, tin petit Ménage :
On nous vend fans nous compter ,
A qui nous veut acheter ;
Tous les jours deffus la brune ,
De nous il perit quelqu'une ,
Qui laiffe en finiffant fon fort
Quelque odeur après la mort.
TROISIEME ENIGME.
JEE n'ai qu'un pied , encore eft- il poinru.
- De mon corps la forme eſt quarrée pug bla
De quelques traits ma figure eft parée.
Je ne puis me tenir deffus un lieu tortus
Quand on me fait aller , on me prend par la
tête :
De ma chute on me fçait ou bon , ou mauvais
gré ,
Et quand je fuis en train , tout le monde s'ap
prête",
A voir comment je tomberai.
E iij NOU
2282 MERCURE DE FRANCE.
MLLAHHFEIXEKHEI
NOUVELLES LITTERAIRES
R
DES BEAUX ARTS , &c.
E'PONSE à M. l'Abbé d'Olivet , de
l'Académie Françoife , fur fon Apologie
, dans laquelle on a attaqué deux
Extraits des Memoires de Trévoux . Cette
Réponſe ne regarde que le premier
Extrait attaqué dans l'Apologie. AParis ,
Quay de Conty , à la defcente du Pontneuf
, chez Piffot , 1716. Brochure de
70. pages.
Il feroit à fouhaiter , dit M. Andri ,
dans l'Approbation de cet Ouvrage , que
tous les Auteurs qui fe défendent , le
fiffent avec la fagelle & la modération.
qui fe remarque dans cet Ecrit .
L'AMOUR PRECEPTEUR , Comédie en
trois Actes , par M. G *** , repréfentée
pour la premiere fois le 25. Juillet
1726. par les Comédiens Italiens ordinaires
du Roi. A Paris , Quay des Auguftins
, chez Flahault , in 12. de 114 .
pages .
Cette Piece eft dédiée au Chevalier
de la Valiere ; comme nous en avons
donné
OCTOBRE 1726. 2283
donné un Extrait affez étendu dans le
dernier Mercure , nous n'en dirons rien
davantage .
REPONSE aux Objections faites fur divers
endroits d'une Brochure , qui a
pour titre : Explications nouvelles des
mouvemens les plus confiderables de l'Univers
, accompagnée de Démonftrations ,
par le Jeu de differentes Machines qui les
imitent. Par M. Matulon , Docteur en
Medecine, A Paris , Quay des Auguf
ins , chez G. Debure , 1726. Brochure
in 4. de 55. pages.
LA THEOLOGIE DES PERES , Scholaftique
, Dogmatique , & Pofitive , &c.
Cette Théologie contient cinq Volumes
in folio & vingt in octavo , compofée
par le R. P. Antoine Boucat , Religieux
Minime , de la Province de France
, ancien Lecteur en Théologie. Elle
-fe vend à Paris , chez Guillaume Cavelier
, rue S. Jacques , & à Rouen , chez
Claude Jorre , rue des Juifs .
Nous avons parlé l'année paffée du
Traité que l'Auteur a donné des Sacremens
, tant en general qu'en particulier,
où l'on voit quantité de queftions fur la
perpétuité de la Foi , des fept Sacremens ,
fur les Liturgies , fur les Rites , & far.
E iiij
les
2284 MER CURE DE FRANCE.
les Ordinations d'Angleterre , tirées des
Manufcrits authentiques , des Rituels &
des Monumens les plus précieux de Pantiquités
ce qui ne s'eft point trouvé jufqu'ici
réuni dans aucun corps de Théologie.
‹
L'Auteur préfente maintenant au Public
deux Volumes in folio. Le premier
contient les Traitez de la Très - Sainte
Trinité , de Dieu Créateur & Prémoteur
, des Anges , de l'Ouvrage des fix
jours , des états de l'homme , des actes
humains bons & mauvais , & un Traité
de la Grace , felon l'opinion de S. Auguftin
& de S. Thomas. Le fecond ren
ferme les Traitez de l'Eglife & des cinq
Regles de Foi. L'on commence par les
trois Vertus Theologales, après fuivent les
Prolegomenes fur l'Ecriture Sainte , &
des Differtations fur chaque Livre de la
même Ecriture. On Traite après de la
Tradition , de l'Eglife , du Souverain
Pontife & des Peres , & enfin on y donne
le Traité de l'Incarnation du Fils de
Dieu.
Le Systême de la Prémotion phyfique
eft expliqué clairement , & fort au long
dans une Differtation particuliere , qui
contient plufieurs Articles . On parle
des Anges , de l'Ouvrage des fix jours ;
des états differens où l'homme s'eft
trouvé,
OCTOBRE. 1726. 2285
trouvé , &c. Il y a des chofes fingulieres
dans le Traité de l'Ecriture Sainte.
L'Auteur s'eft fort étendu fur l'authenticité
des Livres de l'un & l'autre Teftament.
Ce qui regarde l'Eglife , le Souverain
Pontife , les Conciles & les Peres ,
eft auffi traité à fond. Enfin l'Auteur
n'a omis aucune queſtion qui intereffe la
foi & l'Eglife. En un mot , cette Theologie
eft une espece de Bibliotheque , où
les Lecteurs trouveront tout ce qui peut
les inftruire folidement & agreablement .
>
ཧཱུྃ
LETTRE à Meffieurs Jean - François
Alphanty Blaife David. , Jacques de
Pontleroy , fieur de Beaulieu , & Alexis
Etienne Echevins & Lieutenans
Generaux de Police . Sur une Infcription
en l'honneur de Marfeille , placée
à la façade de l'Hôtel de Ville , le 12.
du mois d'Août de l'an 1726. Brochure
in 4. A Marseille , de l'Imprimerie de
Jean- Baptiste Boy , Imprimeur du Roy,
de la Ville & du College , près la Loge.
Cette Lettre fert de Prélude à l'Inf
cription qui en fait le fujet , & que
nous rapporterons ici dans fon entier.
Maffilia Phocentium filia , Romæ foror
, Carthaginis terror , Athenarum
æmula. Altrix difciplinarum , Gallo-
· Ev rum
2286 MERCURE DE FRANCE.
, rum agros mores , animos , novo
cultu ornavit. Illuftrat quam fola fides
. Muros quos vix Cæfari cefferat,
contra Carolum V. meliori omine tuetur.
Onnium ferè gentium commerciis
patens. Europam quam modo terruerat
, modo docuerat , alere & ditare
gaudet. AN . M. DCC . XXVI .
REG . LUD . XV.
Le refte de cette Brochure contient
une Interpretation affez étendue des termes
qui ont été employez dans cette
Infcription , Interprétation qui fait égaleinent
honneur à la Ville de Marfeil
le , & à l'Auteur de l'Infcription , car
on n'a rien oublié de tout ce que les
Ecrivains les plus eftimez ont dit en
l'honneur de cette ancienne Ville .
DISCOURS pour l'ouverture de l'Ecole
de Chirurgie , avec une Thefe paraphrafée
, fous ce titre : Effai d'un Traité
des Hernies , nommées Defcentes. Par
M. Reneaume de la Garanne , Docteur ,
Regent de la Faculté de Medecine en
l'Univerfité de Paris , & c . A Paris ,
Quay des Auguftins , chez la Veuve
Couftelier , 1726. in 12. de 217. pages ,
& c.
LE
OCTOBRE. 1726.2287
?
3
LE SPECTATEUR , ou le Socrate moderne
, où l'on voit un Portrait naïf des
moeurs de ce fiecle. traduit de l'Anglois
, tome 6. A Paris , ruë de la Harpe
, chez F. G. Lhermite , Libraire Ju
ré, ancien Profeffeur en l'Univerfité , 1726 .
in 12. de 471. pages . Les 5. Volumes
précedens fe trouvent chez le même
Libraire.
हूँ
,
HISTOIRE MILITAIRE du Regne de
Louis le Grand , Roi de France · οὐ
l'on trouve un détail de toutes les Batailles
, Sieges , Combats particuliers , &
generalement de toutes les actions de
guerre qui fe font paffées pendant le
cours de fon Regne , tant fur terre que
fur mer , enrichis de Plans neceffaires.
On y a joint un Traité particulier de Pratiques
& de Maximes de l'Art Militaire.
Par M. le Marquis de Quinci , Brigadier
des Armées du Roi , Lieutenant
General d' Artillerie , &c. A Paris , chez
D. Mariette J. B. Delefpine , & J. B.
Coignard , 1726. 7. vol . in 4.
&
TRAITE' de l'Algebre . Par M. de Croufas
, de l'Académie Royale des Sciences.
A Paris , Quay des Auguftins , chez
Montalant , 17 26. in 8. de 489. pages
an s la Préface , l'Epitre & les Tables.
E vj
Агно
2288 MERCURE DE FRANCE
1
APHORISMES D'HIPPOCRATE , expliquez
fuivant la Pratique medicinale , & felon
la Mecanique du corps humain . Par Me ,
de Vaux . A Paris , chez d'Houri , ruë
S. Severin , 172 6.7
LE PASTOR FIDO , Paftorale Heroique
, en trois Actes , précedez d'un Prologue.
Par M. le Chevalier, Pellegrin .
Le prix eft de 25. fols . A Paris , Quay
de Conti , chez N. Piffot , 1726. in 8.
-de 71. pages , fans la Préface qui en con
tient 15.
Ayant donné dans le dernier Mercu
re un Extrait affez étendu de cette Piece
, nous ne dirons ici qu'un mot de la
Préface.
Ce n'eft pas aux Préfaces de Comédie
, ou de Tragédie , qu'on doit appliquer
ce trait fatyrique de Defpreaux , qui
peint un Auteur fuppliant aux pieds du
Lecteur , & lui demandant grace pour
fon Ouvrage. Comme le fort des Pieces
de Theatre eft reglé avant l'impreffion ,
la Préface doit plutôt être une réponse
aux objections , qu'une humble priere
pour obtenir de l'indulgence. Celle qu'on
a mife à la tête du Paftor Fido , eft de ce
dernier genre ; elle va même un peu plus
loin. L'Auteur ne fe borne pas à prendre
foin de fa gloire, mais il devient, autant
MOCTOBRE 1726. 22 8 0
tant qu'il lui eft poffible , l'Apologifte
de celui qui lui a fourni le fujet. 11 eft
vrai que ce foin n'eft pas tout- à - fait defintereffe
. M. le Chevalier Pellegrin fe dé
fend lui- même en défendant le Guarini
& ce n'eft que de peur qu'on ne l'accufe
d'avoir fait un mauvais choix , qu'il tâche
de juftifier un fujet dont il n'eſt pas
l'inventeur . Tout le refte ne regarde
que luis l'Apologie roule prefque toute
entiere fur le fecond Acte ; il a craint
qu'on ne lui reprochât un manque de
vraisemblance dans la multiplicité d'incidens
qui le compofent . Il fait voir qu'ils
naiffent tous les uns des autres , & d'une
maniere affez naturelle , il ne dit pref
que rien du troifiéme Acte ; il fe contente
d'alleguer les raifons qui l'ont empêché
de fuivre fon original d'une maniere
trop fervile.
OEUVRES DIVERSES de M. Rouffeau .
nouvelle Edition , revûë & augmentée ,
3. Vol. in 12. A Amſterdam , chez Fran
Changuin , avec un Avertiffement fur
cette Edition .
L'Addition dans le 1. Vol . confifte
en une Odeau Roi de Pologne , & deux
Cantates , une contre l'Hyver , & une ,
pour l'Hyver. Pour le 2. Vol . 4. Epigrammes
, & dans le troifiéme un Sup
8
plément
2290 MERCURE DE FRANCE.
5.
plément de 166. pages , contenant les
Pieces que l'Auteur a rejettées de fon
Edition de Londres ; on y trouve la Mandragore
, Comédie en 5. Actes , 4. Cantates
, l'Epitaphe d'un petit Chien , 3 .
Chanfons , un Rondeau , un Sonnet , 36.
Epigrammes , & une petite Idille Latine
.
THEOLOGIE PHYSIQUE , ou Démonftration
de l'Exiftence de Dieu & de fes
Attributs , tirée des Oeuvres de la Création
, accompagnée d'un grand nombre
de Remarques & d'Obfervations curieufes.
Par G. Derham , traduite de l'Anglois.
A Roterdam , chez Beman , in 8 .
携
CONCILIUM ROMANUM , &c . Le Concile
Romain , tenu dans la Bafilique de
S. Jean de Latran , l'année du Jubilé
1725. par N. S. P. le Pape Benoiſt
XIII. A Bruxelles , chez F. Foppens ,.
1726. in 12. de 428. pages .
› BIBLIOTHEQUE hiftorique & critique
des Auteurs de la Congrégation de Saint
Maur, & c. Par D. Philippe le Cerf de
la Vieville , Religieux Benedictin , de la
même Congrégation . A la Haye , chez
P. Goffe , & le vend à Paris , chez Lottin
& Chaubert , 1726. in 12. de 492. pag.
Albert
OCTOBRE . 1726. 229T
Albert de la Haye , & Vytwerf d'Amfterdam
ont publié le quatriéme tome des
Memoires du Regne de Pierre le Grand ,
Empereur de Ruffie , Pere de la Patrie , &c.
qui en contient la derniere partie , volume
in 12. de 752. pages , fans l'Avertiſfement
, dans lequel les Libraires annoncent
que ce Livre fera fuivi de deux autres
, qui contiendront , l'un une Defcrip-
⚫tion de la Ruffie , de fes Provinces , de
fon Gouvernement & de fa Religion &
l'autre , une hiftoire Metallique du Regne
de ce Prince , où l'on raffemblera
toutes les Medailles qui ont été frappées
à ſon occafion , & dont. la plus grande
partie eft déja gravée par les plus habiles
Maîtres.
ECRANS , contenant en quatre Cartons
cinq Tables des Regles univerfelles
de la Prononciation Latine . Sixième
Table ; une Methode pour trouver le
Prefent des Verbes Latins par leur Preterit
& deux Tables des Regles univerfelles
de la Conjugaifon Françoife .
A Paris , chez Rondet , Libraire Imprimeur
juré de l'Univerfité , rue Saint Jacques
, près la Fontaine Saint Severin , au
Compas , 1726 .
Les Ecrans que le Sieur Bondet a donnez
au Public les années precedentes ,
Iem
#292 MERCURE DE FRANCE.
rempliffent juftement le Titre de fon Privilege
, puifqu'ils ne contiennent que des
Traits d'hiftoire peu ignorez , mais dont
on eſt toujours bien aife de fe rafraîchir
la Memoire .
Les quatre nouveaux Ecrans qu'il
vient de faire paroître , font bien au def
fus de ceux qui ont déja paru. Ils renferment
des Matieres traitées d'une façon
toute nouvelle . Les trois premiers Ecrans .
contiennent en fix Tables les Regles univerfelles
de la Prononciation de la Langue
Latine. Dans la premiere Table on trouve
les trois Regles generales de la Pro
nonciation ; fçavoir , de la Diphtongue ,
de la Voyelle devant une Voyelle , &
de la Voyelle fuivie de deux Confonnes,
Ces Regles , & particulierement la feconde
, font accompagnées d'un grand
nombre d'exceptions , qui font connoître
l'exactitude de l'Auteur , & les recherches
que l'on a faites pour cet Ouvrage ,
en ce qu'on y voit beaucoup de Mots ,
qui ne fe trouvent pas toûjours dans les
Dictionnaires , & dont les Grammairiens
n'ont parlé , qu'en les mettant feulement
en exception , fous le Terme genérique
des Mots tirez du Grec. La grande diffi
culté de la Prononciation , dit l'Auteur
de ces Tables , eft pour les Mots dont la
Penultieme eft fuivie d'une feule Confonne.
TouOCTOBRE.
1726. 2293
S
Toutes ces Penultiemes font renfermées
dans la Seconde & Troifiéme Tables . On
y compte jufqu'à fept cens differentes
Terminaifons , rangées en trois Claffes -
par ordre Alphabetique , & qui contiennent
expreffement , ou d'une façon impli
cite , la Penultieme de tous les Mots Primitifs
de la Langue Latine . Ces deux Tables
font fuivies des Regles de l'Accroiffement
des Noms & des Verbes. Ces Regles
font extraites de la Methode de M" de
Port-Royal ; mais on y a joint un bien
plus grand nombre d'exceptions , & l'on -
y a reduit en dix petites lignes les vingttrois
Regles generales de l'Accroiffement
des Noms. Ce qui eft de plus fingulier
dans cette Quatrième Table eft la Remarque
qu'a faite l'Auteur fur le Décroißement
des Verbes de la Seconde & Quatriéme
Conjugaifon , ce que Mrs de Port-
Royal n'ont point obfervé. Dans la Cinquiéme
Table: eft la Pratique de l'Accroiffement
des Verbes . Pour rendre ces
Regles plus fenfibles , on a mis dans ces
Tables les Quatre Conjugaifons Actives
& Paffives , avec les feules Penultiemes
saccentuées , ce qui ne fe trouve dans aucun
Rudiment , & ce qui eft néanmoins
très neceffaire pour la Jeuneffe. La Tabler
fuivante leur est encore plus utile .
C'est une Methode pour trouver le Preſent
de
1294 MERCURE DE FRANCE.
de tous les Verbes par leur Preterit. Mrs de
Port Royal dans leur Grammaire en ont
donné un Modele , mais par Analogie.
L'Auteur entrant dans leur efprit , a ſuivi
une idée plus fimple , en donnant des
Regles pour fubftituer les Caracteriſtiques
du Prefent aux Figuratives du Préterit
. On a encore joint à cette Table une
femblable Methode pour trouver le Nominatif
des Noms de la Troifiéme Declinai» .
fon parleur Genitif. L'arrangement de ces
Preterits & Genitifs eft fi fimple , que
tout Commençant peut aifément s'en fervir
après avoir lû l'Avertiffement qui eft
à la tête de tout cet Ouvrage . Le Qua
triéme Ecran contient des Regles univer,
felles de la Conjugaison Françoiſe, en deux
Tables. Dans l'une l'Auteur donne une
Formule pour conjuguer tous les Verbes
François , qu'il reduit à une feule Conjugaifon
, déclarant qu'il croit pouvoir dire
que la vraie conformité de notre Langue
avec la Latine , eft d'avoir , comme
elle , non pas quatre Conjugaiſons , mais
fes Preterits & Participes , dont les irregularitez
font la difficulté de nos Conjugaifons
, & qui font tous raflemblez dans
la premiere de ces deux Tables . Cette
nouvelle idée que l'Auteur a empruntée
du R. P. Buffier , eft mife ici dans tout
fon jour : & ces nouvelles Regles ne laiffent
OCTOBRE. 1726. 2295
fent d'irregulier , que les feuls Verbes
Aller , Avoir & Etre. On peut dire de
ces huit Tables qu'elles font ingenieufement
imaginées , fort bien dirigées , &
peuvent être très- utiles .
Cet Ouvrage fe vend en trois façons
differentes ; en Cartons d'Ecrans , en Tables
colées enfemble & en Brochure .
LETTRES EDIFIANTES ET CURIEUSES
écrites des Miffions Etrangeres par quelques
Miffionnaires de la Compagnie de
Jefus ,dix-feptiéme Recueil.A Paris , chez
Le Mercier , rue Saint Jacques , 1726 .
in 12. de 446. pages.
CATALOGUS omnium rariffimorum ac
felectiffimorum Librorum , qui in Thefauro
Antiquitatum & Hiftoriarum Italiæ
, Neapolis , Siciliæ , Sardiniæ , Corficæ
, Melitæ , & c. Joannis- Georgii Grævii
, ex confilio , & cum Præfationibus
Petri Burmanni in folio XLV . voluminibus
reperiuntur . Lugduni Batavorum
apud Petrum Vander Äa , 1725 .
Le Catalogue qui contient le détail de
l'Edition qu'on prépare de ce grand Ouvrage
, eft imprimé à Leyde , chez Vander
Aa , & fe trouve à Paris , chez Noël
Piffot, Libraire , Quai de Conty , à la defcente
du Pont Neuf. Le prix de tout l'Ouvrage
Y
2296 MERCURE DE FRANCE :
vrage fera de 1200. livres pour le grand
papier , & de 900. livres pour le petit
papier.
REFLEXIONS & Inftructions Chrétiennes
fur la Ceremonie de la Benediction
des Cloches . A Paris , & ſe vend à
Rheims , chez François Godard , rue des
Tapiffiers , 1726. Brochure in 12.
Ce petit Livre dedié à Mademoifelle
de Roye , merite d'être lû ; il contient
des Remarques curieufes fur ce fujet , &
ne refpire d'ailleurs que la pieté & la
Religion.
ON trouve chez Pierre Giffart , Li
braire à Paris , les Livres fuivans :
Rerum Italicarum Scriptores à Ludovico-
Antonio Muratorio Collecti , 9. vol.
in fol. Mediolani 1723.
£ Noviffimæ Ephemerides motuum coeleftium
è Caffinianis tabulis ad Meridia
num Bononiæ fupputate , Auctore Euſtachio
Manfredio. Ab anno 1726. in annum
1750. 2. vol . in 4. Bononiæ , 1725 .
Vita Latino - Græca S. P. Benedicti .
Textus Latinus , Auctore Gregorio Magno.
Verfio Græca , Auctore Zachariâ Pa--
pâ , &c. in 4. Venetiis , 1723.
SONAOCTOBRE.
1726. 2297
i
SONATES à Violon feul , avec ac
compagnement
de Baſſe & Clavecin. Par
M. Antonio , Livre premier de 24. pages
, contenant 6. Sonates : grand in 4.
1726. Il fe vend s . livres en blanc , à
Paris , chez l'Auteur , rue Montmartre
vis-à- vis la rue Juffienne ; & chez Boivin,
à la Regle d'Or , rue Saint Honoré.
Le Sieur Boifmortier , Auteur de quantité
d'ouvrages de Mufique , donnera fur
la fin du mois prochain , fon quinziéme
Oeuvre, qui fera des Concerts à 5. Flutes
traverfieres, fans Baffe, & qu'on peut
jouer avec une Baffe ; ce qui n'avoit pás
encore été imaginé . Son feiziéme Oeuvre
, qui paroîtra prefqu'en même- tems ,
fera un Recueil d'airs à chanter. Et fon
dix-feptiéme Oeuvre le gravera dans le
mois de Decembre fuivant. Il ira juſqu'à
trente de fuite , fi le Public continue
le rechercher , comme il fait aujourd'hui,
Tous ces Ouvrages fe vendent chez l'Auteur
, rue Saint Antoine , vis- à - vis les Je
fuites.
VILLETTE, Fils' , Libraire , rue S. Jacques
, à S. Bernard , qui a donné le Calendrier.
choisi pour l'année 172 6. dont le
Public a paru fort content , avertit les Librais
219 8 MERCURE
DE FRANCE
braires & autres Marchands de Province ,
que ledit Calendrier choifi pour l'année
1727. enrichi de Cartes Geographiques
& d'un nouveau Plan de Paris , & nouvellement
augmenté de plufieurs articles
tiles & curieux , fera prêt de bonne heures
ainfi qu'ils ayent à lui écrire le nombre
qu'ils en voudront , parce qu'ils pourront
les recevoir dans le courant du mois
de Novembre.
LE SIEUR JACQUES FAULCON de Poitiers
imprims un Livre fort intereffant pour le
Barreau , & pour les Gens de Pratique ,
qui a pour Titre : Corps & Compilation
de tous les Commentateurs fur la Coutume
de Poitou Conferences des autres Coutumes
, Notes de M. Charles du Moulin fur.
le tout nouvelles Obfervations tant de
Coutumes , que de Droit Ecrit , par M.
Boucheul , Avocat au Siege de.Dorat. Ce
Livre comprend tous les differens Auteurs
qui ont ci - devant fait des Obfervations
fur ladite Coutume du Poitou , avec
leurs décifions . Le Public qui le demande
depuis plufieurs années avec beaucoup
d'empreffement , eft averti qu'il contiendra
deux gros Volumes infolio , & qu'il
fera en vente au mois de Février prochain.
Les Curieux qui voudront voir
cet Ouvrage , peuvent aller chez ledit
ImOCTOBRE.
1726. 2299
Imprimeur , qui leur en fera voir plus
des trois quarts d'imprimé , ne doutant
pas qu'ils n'en foient auffi contens que
de l'Impreffion & du Fapier , ' ayant
rien épargné pour rendre ce Livre parfait.
EXTRAIT du Journal des Experiences
faites par M. Sully des Horloges de
Mer ,dans le Portde Bordeaux.
J'arrivai à Bordeaux le 13. Août , chargé
d'une Lettre de M. l'Abbé Bignon
pour Mrs de l'Académie de Bordeaux
qui les prioient de me favorifer dans mes
Experiences , & de vouloir bien y prêter
leurs attentions , puifqu'il s'agilloit
de l'avancement des Sciences dans un
point des plus importans , & que le témoignage
de cette Académie feroit fuffifant
pour affurer le Public du fuccès de
mon Entrepriſe.
J'eus l'honneur de me prefenter à l'Académie
le 18. & d'y expliquer les proprietez
de mes Horloges : la Compagnie
eut la bonté de me prêter toute fon áttention
; & M. le Prefident de Montefquiou ,
Directeur pour lors de l'Académie , nom.
ma M. de Caupos , Confeiller au Parlement
, & le Pere Faux , Religieux de la
Mercy , pour examiner les Experiences
que
2300 MERCURE DE FRANCE.
que je devois faire fur un Vaifleau.
M. le Preſident de Monteſquiou , M.
le Prefident Barbot , & M. Sarrau , Secretaire
de l'Academie , s'offrirent volontairement
d'affifter à cet Examen , pour
en rendre compte à la Compagnie . Ces
Meffieurs ont bien voulu donner beaucoup
de leur tems les jours fuivans pour
s'éclaircir avec moi des faits & des matieavec
res qui regardent la conftruction de ces
Horloges , & les arrangemens qu'il falloit
prendre pour les experiences qu'on
devoit faire . Je ne puis affez me louer
des égards qu'ils ont pour la recommandation
de M. l'Abbé Bignon en ma
faveur , de leur application pour ſe mettre
en état de porter fur mes Experiences
un jugement digne d'eux & du Fublic.
Dès le jour que j'eus été à l'Académie ,
je fis travailler à une Machine de ſufpenfion
pour mon Horloge à levier ; je
la fis faire de bois & de fer , femblable à
celle de la Montre marine , planche 3 :
fig. 2. de ma Deſcription , à l'exception
que celle de l'Horloge eft quarrée , pour
fe conformer à la figure de fa boëte , foutenue
pareillement de trois picas de 18.
pouces de haut.
Le 7. Septembre , je fis tranfporter
mes Horloges fur la Garonne jufqu'à
Clairac , maifon de Campagne de M. Sarray
OCTOBRE. 1726. 23or
rau , à une lieuë au - deffous de Bordeaux .
où elles refterent deux jours pour comleurs
mouvemens avec celui d'une
pendule à fecondes. -
parer
Le 9. à10 , heures du matin , on s'embarqua
dans un petit bateau de 3. à 4..
tonneaux , l'horloge à lévier dans ſa fulpenfion
, la montre marine de même
laiffant la pendule à fecondes dans la
maifon , en mouvement , M. de Caupos
& M. Sarrau , prefens avec moi. On
prit auffi dans le bateau une petite pendule
de 5 à 6. pouces , pour mieux faire
la comparaifon : il y eut d'abord un
peu de mouvement , & la petite pendule
s'arrêta au bout de trois minutes: nous
defcendîmes à la rame , & avec la marée
jufqu'à Blaye , où nous prîmes fur
notre bord M. le Roy , Commiffaire de
la Marine , & nous allâmes moüiller à
Bechevel , à une petite lieuë de Blaye ,
& à 7. à 8. lieues de Bordeaux . A une
heure aprés midi nous remontâmes avec
la marée , & avec peu de vent , & la riviere
fi calme , qu'ayant mis la petite
pendule en mouvement , elle alla bien
pendant une demi-heure avant de s'arrêter
, & nous arrivâmes à Clayrac à 5.
heures du foir. Nous remîmes les horloges
à côté de la pendule à fecondes
& nous obfervâmes que le mouvement
F de
2302 MERCURE DE FRANCE.
de l'horloge à levier , qui étoit dans le
bateau , ne differoit pas de fon mouvement
en repos d'une demi- feconde par
heure , comparé à fon mouvement en
repos,, à côté de la pendule à fecondes,
nonobftant le peu de mouvement que
fouffrit le bateau . Dans cette experien
ce , les arcs de vibration indiquez par
l'aiguille , 9. o . planche premiere , alloient
quelquefois jufqu'à 70. degrez de
côté & d'autre , d'où l'on peut conclure ,
& encore mieux de la feconde experience
, dont je vais rendre compte , de
quelle importance eft la courbe de compenfation
pour l'Ifochroniſme des vi
brations.
Le 11. avant midi nous allâmes à
Pichon , autre maifon de campagne , रे
un demi-quart de lieuë de la premiere,
prenant avec nous la montre- marine ,
le meridien portatif univerfel , & une
bouffole de 4 pouces , montée dans un
cadre de bois , & nous fimes des experiences
fur la maniere de trouver le
midi vrai , le temps du paffage du Dif
du Soleil
par le meridien , & la
hauteur du pole , le tout fur le meridien
portatif univerfel ; & ces experiences
fervoient à faire voir une partie
des utilitez de ce nouvel inftrument :
j'en donnerai ailleurs le détail .
que
Le
OCTOBRE. 1726. 2303
Le même jour à 5. heures après midi ,
nous nous embarquâmes avec toutes nos
machines à Clayrac , & nous arrivâmes
par un grand calme à fix heures
à Bordeaux .
"
Dès les premiers jours que je fus à´
Bordeaux , Meffieurs de l'Académie vou
lurent bien me préfenter à M. l'Intendant
, qui eut la bonté de me recevoir
très- gracieuſement. Attentif à tout ce
qui regarde le fervice du Roi , & l'útilité
du Public , il eut la bonté de nous
offrir fon Brigantin pour repeter notre
experience. Le Marquis de Harville ,
fon gendre , M. de Caupos , de l'Académie
des Sciences , le Chevalier de
la Rochette , Chevalier de Malte , &
M. Roberic , Grand- Prevôt de la Guienne
, s'offrirent pour être du voyage.
•
Le 16. je mis mes horloges juftes avec
la pendule à fecondes , afin d'obferver
leurs mouvemens , en repos, jufqu'à l'embarquement.
Le 17. M. de Caupos , comme Commiffaire
de l'Académie , & le feul , qui
à caufe des Vendanges étoit libre de fe
trouver à cette experience , fe rendit
chez moi , avec les perfonnes ci - deffus .
nommées , & marquà en leur prefence
l'état de mes horloges, en repos . Enfuite
nous les mêmes fur notre bord , & nous
Fij nous
2304 MERCURE DE FRANCE.
t
nous embarquâmes à la porte Defpeaux,
dans le Brigantin dont je viens de parler,
qui eft de 8. à 10. tonneaux , & à 18.
rames ; il faifoit un vent de Sud- Oueſt,
vent qu'on fent toujours le plus fort dans
ces quartiers , & qui cauſe ſur la Garonne
les plus groffes tourmentes , auffi la
riviere en fut- elle extrêmement agitée ;
on remarqua au milieu de ces mouvemens
violens , le bon effet de la fufpenfion
, & que l'horloge y confervoit trèsbien
fa direction perpendiculaire à l'horifon
, pendant que le Vaiffeau s'inclinoit
par intervales jufqu'à 25. à 30. degrez
, & les arcs de vibration alloient
quelquefois en diminuant , quelquefois
en augmentant , depuis 30. jufqu'à 80 .
degrez de côté & d'autre.
Nous n'avions fait encore que deux
lieues , que le vent fouffloit avec tant de
violence , & les lames rouloient fi haut,
? que ce fut pour nous une veritable tempête
; on ne pouvoit aller plus loin
Lans danger , rien ne fe tenoit plus , &
l'horloge avec fa fufpenfion , faute de la
précaution de l'amarrer , fe renverſoit
deux fois fur le plancher de la chambre,
fans pourtant s'arrêter , & fans avoir
fouffert le moindre dommage ; nous fûmes
donc obligez de gagner le bord à
Montferrant , où nous mîmes pied à ters
re
OCTOBRE. 1726. 2305
re , laiffant les horloges dans le Vailleau
à l'ancre , où il fouffrit un roulis confi
derable pendant plus de trois heures que
nous étions à terre. Nous nous rembarquâmes
vers les cinq heures , nous remontâmes
à la voile contre la marée , &
' nous arrivâmes à Bordeaux à 6. heures
& demie.
Toute la Compagnie fe rendit chez
moi pour comparer l'horloge à levier
à la pendule à fecondes , qui avoit refté
dans ma chambre , & nous remarquâmes
que le mouvement de l'horloge à
levier , ainfi agitée dans le Vaiffeau , n'avoit
differé de fon mouvement, étant pofée
à côté de la même pendule à fecon
des , dans ma chambre , que d'une demifeconde
tout au plus par
plus par heure.
. I feroit même facile de faire voir
comme je le ferai dans la fuite , que même
cette très- petite variation ne vient
pas du mouvement du Vaiffeau. Ce qui
Je prouve certainement , c'eſt que la variation
dans la derniere experience , n'a
point paru plus grande que dans la premiere
, quoiqu'il n'y ait point de comparaifon
des mouvemens du Vaiffeau danst
l'une & dans l'autre. * PORN
*
Ces feules experiences font voir avec
la derniere évidence , qu'il n'eft point à
craindre que les mouvemens ordinaires
Fij d'un
2306 MERCURE DE FRANCE.
d'un Vaiffeau fur mer , puiffent fenfiblement
déranger le mouvement de cette
nouvelle horloge , ce qui feul reftoit à
fçavoir , pour ne plus douter de fon utilité
dans la Navigation.
Ce Memoire nous a été remis avec
une Lettre que M. de Caupos nous a
fait l'honneur de nous écrire , dans laquelle
il affure que toutes les circonf
tances rapportées fur l'experience de
l'horloge à levier , dont il a été témoin,
font conformes à la verité , & fidelement
renduës. Le témoignage de cet illuftre
Académicien fera fans doute d'un
grand poids auprès du Public , & donnera
de très- grandes efperances pour la
perfection de l'Ouvrage de M. Sully .
La Czarine eft toujours très attentive
, & n'épargne ni foins , ni dépenfe
pour faire fleurir la nouvelle Académie
établie à Petersbourg , fous la conduite de
perfonnes fçavantes & habiles . On travaille
actuellement à la conſtruction des
bâtimens qui font neceffaires , & à l'établiſſement
d'une Imprimerie & d'une
Bibliotheque , avec un Cabinet de Médailles
, & un autre de curiofitéz & productions
de la Nature & de l'Art, Outre
les Leçons publiques des Profeffeurs,
aux heures ordinaires , il fe tient encore
deux
OCTOBRE. 1726. 2307
deux fois la femaine des Conferences
publiques , où l'un des Profeffeurs traite
quelque point particulier fur les Arts ou
les Sciences. On doit tenir chaque année
trois Affemblées folemnelles.
M. Nicolas Bernoüilly , l'aîné des deux
freres de ce nom , celebre Geometre ,
que la Czarine avoit engagé de prendre
place dans la nouvelle Académie de Peterfbourg
, y mourut au commencement
du mois dernier d'une maladie de poitrine.
Le Docteur Burget , Profeffeur en
Chymie & en Medecine , Membre de la
même Académie , eft mort auffi depuis
peu.
L'Académie des Sciences & Arts de
Bordeaux , a élû le Comte de Morville,
Miniftre & Secretaire d'Etat , Chevalier
de la Toifon d'Or , pour Protecteur,
à la place du feu Duc de la Force . Ce
Miniftre a accepté cette qualité.
On mande de Londres , que les Ouvrages
de Peinture du Chevalier Thornhill
, qui doivent être placez à la fuíte
des autres du même Auteur , dans la
grande Salle de l'Hôpital de Grenwich,
font finis & fort applaudis. Ils reprefentent
le débarquement du Roi Guillau-
F iiij me,
2308 MERCURE DE FRANCE.
me , fon Portrait , avec celui de la Rei
ne Marie , & ceux de la Reine Anne ,
du Roi Georges , & de toute la Famille
Royale.
Les Religieux de la Charité de Paris
, Ordre de S. Jean de Dieu , toujours
zelez & , attentifs au bien des Malades
qui leur font confiez , firent la démonftration
publique de la Theriaque le 19.
Aouft dernier , où se trouverent Meffieurs
Burette & Reneaume , Medecins
de cet Hôpital. Les drogues furent expofées
pendant quinze jours , après en
avoir fait un choix exact , auquel ils ont
travaillé pendant fix mois. La quantité
étoit de fix vingt livres . Le Difcours fur
la qualité de chaque drogue , & les effets
de cette Antidote fut prononcé par
M. Reneaume , Medecin de quartier.
Le fieur Dugeron , ancien Chirurgien
d'Armée , établi par Juftice , don '
ne avis qu'il a un remede fecret fans
goût , qui préferve les dents de fe gåter
& de tomber ; pour cet effet , il faut
s'en fervir dans le temps qu'elles font
bontes ; ceux qui le confulteront s'en .
trouveront bien ; il donne la maniere.
facile de s'en fervir , & met fon nom
fur les boëtes. Sa demeure avec Tableau
LUDOVICUS
XV
.
DU
VIVIER
REX
CHRISTIANISS
VIRTUTIS
ET
JUSTITIE
TURCAS INTER ETRUSSOS
PAX CONSTITUTA
VIII .JULIL MDCCXXIVFAMA
OCTOBRE: 1726. 2309
bleau , eſt à Paris , Cloître faint Oportune.
MEDAILLES DU ROI.
Il n'y a rien qui faffe éclater davantage
la reputation d'un Etat , que lorfque les
Puiffances les plus éloignées recherchent
fa mediation pour prévenir les differends
qui pourroient naître entre elles . Le
Grand Seigneur & le Czar ayant été déterminez
par ce motif à rechercher la Médiation
du Roi ; & ayant conclu un Trai
ré très important par cette Mediation
dont le Marquis de Bonac , Ambaffadeur
de Sa Majefté à la Porte Ottomanne , s'étoit
trouvé chargé. ( a ) On a crû devoir
conferver la memoire de cet évenement
par la Medaille qui fut prefentée à Sa
Majefté le jour de faint Louis 1726. On
3"
(a ) Il eft à remarquer qué quelque épineufe
que fut cette Negociation , le Marquis de Bon
nac avoit eu le bonheur de s'y conduire d'une
maniere , qu'il avoit merité des marques publiques
de la fatisfaction des deux Parties , le feu
Czar l'ayant honoré à cette occafion , du confen--
tement du Roi , du Colier de fon Ordre de Saint:
André de Ruffie ; & le Grand Seigneur l'ayant
fait revêtir à fon Audience de Congé , d'une Pe
deffe de Marte Zibeline , qui eft le plus grand
honneur que ces Princes puiffent accorder , &
qui n'avoit jufqu'alors été fait à aucun Ambaffadeur
de France.
Ev y voit
2310 MERCURE DE FRANCE .
y voit d'un côté le Bufte du Roi avec la
legende ordinaire : LUDOVICUS XV. REX
CHRISTIANISS . & fur le revers , la France
reprefentée fous la figure d'une femme, la
Couronne fur la tête , le Sceptre à la
main , & revêtuë d'un grand Manteau
fleurdelifé ; elle eſt affife fur un globe terreftre
, ayant à fes pieds , d'un côté les
Symboles de la Guerre ; & de l'autre
ceux de la Paix ; avec cette infcription :
VIRTUTIS ET JUSTITIE FAMA ; & dans
l'Exergue : TURCAS INTER ET RUSSOS
PAX CONSTITUTA , VIII. JULII
M. DCC. XXIV.
SPECTACLES.
Lque donna le 20. Septembre , la
'Opera Comique du Sieur Francifpremiere
reprefentation d'une Piece nouvelle
, intitulée Les Comediens Corfaires,
dont voici l'Extrait , tel qu'il nous a été
donné.
Il y a dans la Troupe des Comediens
François , un partage d'opinions , touchant
les Pieces d'Agrémens , telles qu'on
les donne aujourd'hui les uns croyant
qu'il y va de leur honneur de ne pas fouffrir
OCTOBRE. 1726. 2311
frir fur la Scene Françoiſe ces fortes de
Pieces , quoique très lucratives , ne s'accordent
point avec les autres , qui préférent
l'utile à l'honorable. Ce partage d'o
pinions ( joint à la Comedie Italienne ,
qui vient d'être jouée , & qui a pour titre
les Comediens Efclaves ) a fourni le
fujet de la Piece des Comediens Corfaires:
La Scene eft dans une Iſle voiſine des
Côtes de Provence . M. Des -Brontilles ,
qui s'eft fait Chef de la Troupe Françoife
, a engagé tous fes Camarades à le fuivre
, fans leur dire le grand deffein qu'il
médite pour le profit commun . Il arrive
dans cette Ifle un Brigantin , dans lequel
font les Comediens Italiens , revenant
d'Alger , où ils ont été Efclaves . Pendant
que les Italiens font une relation deleur
voyage , on vient avertir que le
Vaiffeau de l'Opera- Comique va paffer
à la vûe de l'Ile , pour fe rendre à Marfeille.
Là-deffus M. Des- Broutilles paroît
ému >
& dit qu'il attend là fes
Camarades pour tenir un Confeil important.
Les Italiens veulent ſe retirer ,
mais il les retient , en leur difant qu'ils
peuvent refter , & qu'ils font même intereffez
dans fon projet . Les Comediens
François arrivent , & M. Des - Broutilles
leur tient ce difcours :
F vj Ap2312
MERCURE DE FRANCE.
Approchez , mes amis. Enfin l'heure eft venue
Qu'il faut que mon fecret éclate à votre vûë
A mon jufte deffein vous devez confpirer ;
Il ne me refte plus qu'à vous le déclarer.
Depuis qu'aux Tabarins les Foires font ouvertes ,
Nous voyons le Préau s'enrichir de nos perres ;
Et là les Spectateurs de couplets alterez ,
Vantent les Mirlitons qui les ont attirez .
Ils y courent en foule entendre des fornettes :
Nous , pendant ce tems - là , nous groffiffons nos
dettes.
Moliere & les Auteurs qui l'ont fuivi de près ,
De nos tables jadis ont foutenu les frais ;
Mais , vous le fçavez tous , notre noble Comique
Prefentement n'eft plus qu'un beau Garde-bouti
que.
Lorfque nous le jouons , quels font nos Specta
teurs ?
Trente Contemporains de ce fameux Auteur.
Ainfi donc , nous devons , fans tarder davantage .
Four rappeller Paris , donner du bâtelage.
Si vous me demandez où nous l'irons chercher
Amis , c'eft aux Forains que nous devons mac
cher.
Le Comique Opera , pour se rendre à Marseille
V.a
OCTOBRE.
1726. 2318
Va paffer par ici. Vîte , qu'on appareille !
Attaquons fon Vaiffeau , pillons tous fes effets ,
Ses morceaux poliffons , fes burleſques couplets.
Voilà quel elt mon but. La Troupe Italienne.
Secondera l'effort de la Troupe Romaine ,
A notre Bâtiment joindra fon Brigantin ,
Et nous partagerons entre nous le butin .
Il faudra dans la fuite en faire un tel uſage ,
Que le Parifien , voyant le bâtelage
Dans fa Ville regner de l'un à l'autre bout ,
Doute où fera la Foire , & la trouve par tout..
Les deux Troupes applaudiffent en
chorus à l'entreprife de M. Des- Broutilles
, & ils vont tous enfemble attaquer
les Forains , qui fe défendent vigoureu--
fement ; mais ils font obligez de ceder à
la force , & ils font faits prifonniers . Les
Vainqueurs les chargent de fers , & les
amenent en triomphe , en chantant ces
Vers parodiez de l'Opera de Rolland.
Triomphons , pillons la Foire ,
Triomphons de fes Acteurs >
Pillons auffi tous fés Auteurs,
A notre gain immolons notre gloire.
Après
2314 MERCURE DE FRANCE.
Après ce Chceur , les Comediens partagent
les dépouilles des Forains . Les Italiens
prennent pour leur part un gros
ballot de Parodies d'Opera ; & les François
fe faififfent de plufieurs Pieces dans
le gout forain , entr'autres de deux , dont
l'une a pour titre : L'Obftacle favorable ;
& l'autre : Les Amours déguiſez. M. Des-
Broutilles ne fe contente pas de s'être
rendu maître des Pieces de l'Opera - Comique
: Croyez-moi , dit- il aux Italiens ,
il faut tout à l'heure obliger nos Captifs à
reprefenter ces deux Pieces - ci devant nous ,
afin que nous puissions attrapper leur gouts
car, diable ! lafauffe vaut encore mieux que
Le poiffon. Pierrot , Chefdes Forains , veut
s'en défendre : Ce n'est donc point affez
dit- il , de nous voler nos Marchandifes ,
vous voulez encore que nous vous apprenions
à les débiter. Mais il a beau refifter,
on lui met le piftolet fur la gorge , & on
lui déclare que ce n'eft qu'à ce prix - là
que les Forains peuvent recouvrer leur
liberté. Pierrot fe rend en chantant ce
couplet , fur l'air , Je nefuis né ni Roi , ni,
Prince.
Je ne fais plus de refiſtance ,
Je cede à votre violence .
Nous allons jouer devant vous ,
Seulement pour vous fatisfaire ;
Car
OCTOBRE. 1726. 23.15
Car vousjourez tout comme nous
En jouant à votre ordinaire.
Pendant que les Forains fe préparent à
jouer les deux Pieces , les Comediens
François & Italiens , pour célébrer leur
victoire , forment un Balet. Après quoi
les Acteurs de l'Opera-Comique reprez
fentent.
L'Obstaclefavorable .
La Scene eft dans un Village aux environs
de Paris . Blaife , Fermier du Châ
teau , en a loué une portion à M. Trouffe-
Galand , Medecin , qui eft venu avec
Valere & Argentine , fes enfans , demeurer
à la campagne. Il a quitté Paris de
chagrin de voir que les Chirurgiens ofent
tenir tête aux Medecins , & veulent s'affranchir
de la dépendance de la Faculté .
Pour furcroît de déplaifir , il a découvert
que Dorante , jeune Chirurgien , eft
amoureux d'Argentine , & que Valere
aime Spinette , foeur de Dorante . Il net
veut pas faire alliance avec eux , quoique
ce foient des partis avantageux pour fes
enfans , tant il a d'averfion pour les Chirurgiens.
Il tient Valere & Argentine
comine prifonniers , pour rompre leurs
com316
MERCURE DE FRANCE.
.
commerces amoureux. Toutes les précautions
du Docteur ne fervent qu'à fournir
aux Amans des occafions de le tromper.
Spinette , fous un habit de Berger ,
Dorante & Arlequin , fon Frater , déguis
fez ; celui- ci en Duégne , & l'autre en Efpagnolette
, paffant pour fille de la Duégne
, s'introduifent dans le Château ; &
cela de concert avec Blaife . Il arrive
qu'on vient chercher le Docteur de la
part du Bailli du Village , qui a la fievre.
Le Medecin va le voir , & ordonne des
remedes . Pendant ce tems - là les Anans
fe réjouiffent d'être enfemble , & le mêlent
parmi des Payfans , qui viennent ce
febrer le lendemain des nôces d'une Niece
de Blaife. Ils font interrompus par
l'arrivée du Docteur , qui revient de
chez le Bailli , avec Maître Martin , Marêchal
du Village , lequel , ayant guéri le
cheval du Medecin , lui demande s'il eſt
content de la maniere dont il l'a traité.
M. Trouffe- Galand lui répond qu'oui , &
lui offre de l'argent pour fon falaire ;
mais le Maréchal le refufe , en difant
qu'on ne doit rien prendre de fon Confrere.
Ce terme de Confrere choque le
Docteur , & donne occafion à une Scene
très comique. Sur la fin de cette Scene ,
Ies Valets du Bailli , qui vient de moucir
, arrivent armez de fourches & de bâ
tons
OCTOBRE. 1726. 2317
.
tons , dans le deffein de venger la mort
de leur Maître fur le Medecin , qu'ils en
croyent l'Auteur. Il cherche à fe dérober
à leur fureur ; mais en fuyant , il
reçoit un coup für la tête. Les Valets fe
retirent. Le Docteur crie au fecours . Ses
Enfans , Dorante , Spinette , Arlequin &
Blaife accourent à fes cris. Dorante vifite
fa bleffure ; & , après avoir fait comprendre
par les geftes à la compagnie que
le mal n'eft pas confiderable , il l'exagere
, pour faire peur à M. Trouffe Galand ,
& pour en venir à fes fins. Valere propofe
d'envoyer chercher un Chirurgiens
fon pere fe revolte contre la propofition.
Blaife lui dit qu'il n'a que faire de tant
réjetter le fecours des Chirurgiens , qu'il
n'y en a pas un qui voulût le tirer du
danger où il eft , après tout ce qu'il a dit
& écrit contre eux. Dorante fe décou
vre , l'aflure de fon amitié , & promet de
lui fauver la vie , s'il veut confentir aux
deux mariages. La crainte de mourir arrache
au Docteur fon confentement , &
il finit en declamant ces deux Vers :
Ciel ! aux Chirurgiens je vais devoir la vie !
N'ai- je donc tant vêcu que pour cette infamie L
Les
2318 MERCURE DE FRANCE .
Les Amours déguiſez .
Le Théatre reprefente le Palais du
Dieu de Cythere . Venus a ordonné une
revûe générale des Amours. Elle veut
que tous les Amans s'y trouvent , & ele
le charge les Amours d'y entraîner ceux
qui croyant n'avoir que de l'amitié , de
l'eftime , de la reconnoiffance , de la pitié
, & c. ont de veritables fentimens d'amour.
Arlequin qui dans cette Piece fait le
perfonnage d'un Aide de Camp de Mercu
re,Commiffaire de la Revûe, interroge les
perfonnes que les Amours amenent de force
à Cythere ; ce qui fait autant de Scenes
détachées, dont les principales font cellesci
, Mademoiſelle Rafinot , Précieuſe moderne
, fe plaint en termes finguliers de
la violence qu'on lui fait , & prétend
qu'elle n'a que de l'eftime pour Dorimon ,
Bel - Efprit qui donne , comme elle , dans
le Phabus. M. Piédemouche , Procureur ,
fe prefente fur un avenir que les Amours
ont fignifié à fa femme , pour comparoître
à la Revûe. Il foutient qu'elle n'a
point d'autre paffion , après l'amour qu'el
le a pour lui , que la haine qu'elle porte
à fon Maître- Clerc. Arlequin approfon
dit cette haine fort plaifamment , & découvre
que les Amours ont rendu juſtice
OCTOBRE. 1726. 2319
à Madame Piédemouche. Colette , jeune
Pay fane , qui croit n'avoir que de l'amitié
pour Léandre , fon coufin , eft obligée
, après une Scene où l'Amant fait
femblant de fe détacher d'elle , d'avouer
que c'eft de l'amour qu'elle a pour lui , La
Piece finit par un Ballet general de toutes
les Nations mêlées aux Amours & aux
Plaifirs .
Les Comédiens François ont remis au
Theatre le 29. Septembre , le Mari fans
femme , Comédie mêlée d'Intermedes
de Chants & de Danfes. Elle a été repréfentée
par les Acteurs qui font reſtez
à Paris pendant le Voyage de Fontainebleau
, elle a fait un fi grand plaifir par
la maniere dont ils l'ont joüée , qu'on
ne s'eft prefque point apperçu de l'abfence
de leurs Camarades. Nous avons
crû devoir contribuer à une gloirè fi
bien meritée , en mettant ici leurs noms.
ACTEURS.
Dom Brufquin d'Alvarade , Gentilhom-
Le fieur Poiffon. me Efpagnol ,
Julie Dame Efpagnole , La Dile le
Grand.
Carlos , Amant de Julie , Le fieur le
Grand , le fils.
Fatiman ,
1320 MERCURE DE FRANCE .
Fatiman , Gouverneur d'Alger , Le fieur
de Fontenay.
2
Celime , Dame Turque , La Dile la
Mothe.
Zaïre , Naine , Efclave de Celime , La
D'le Mariane Dangerville.
Marine , Suivante de Julie , La Dlle du
Bocage.
Tomire , Valet de Carlos , Le fieur Ar
mand.
Gufinan , Valet de Dom Brufquin , Le
fieur du Mirail.
Stamorat , Turc , Le fieur de la Thorilliere
, le fils.
Suite de Turcs .
La Scene eft dans Alger.
Cette Piece étant entre les mains de
tout le monde , nous n'en donnerons
pas un Extrait exact & fuivi comme
nous tâchons de le faire , au fujet des
Pieces nouvelles . Nous nous contenterons
de rendre compte du jugement
qu'on a porté fur le Mari fans femme.
On en a trouvé le ftyle affez moderne ,
quoiqu'il y ait très -long -temps que la
Piece a paru pour la premiere fois ;
Montfleuri étoit contemporain de Moliere
, ils couroient enfemble la même
carriere , & chacun d'eux avoit fes partifans.
C'eſt une affez grande gloire , que
d'avoir
OCTOBRE, 1726. 2321
d'avoir été concurrent du Terence & du
Plaute François , & de n'en avoir pas été
tout-à-fait vaincu ; on peut dire quelque
chofe de plus à la louange de Montfleuri
; c'eft peu que le grand Moliere ne
l'ait pas effacé , il a brillé quelquefois
autant que lui , & a toujours reparu avec
éclat fur le Theatre. Cette derniere reprife
du Mari fans femme , en fait foi , le
plaifir de revoir cette Comédie , a augmenté
à chaque repréſentation , on a
trouvé la Piece , à la verité , un peu libre
, mais bien conduite exactement
écrite , pleine de feu , de bons mots de
faillies , & de varietez . L'expofition ya
paru ménagée avec un art infini . En voici
un échantillon . C'eft dans la feconde
Scene.
>
Julie , Carlos , Marine , Tomire,
Julie,
Ah
! Ah ! Carlos !
Carlos.
Ah ! Julie !
Tomire,
Ah ! Marine !
Marine.
Ah ! Tomire !
Julie,
2322 MERCURE DE FRANCE.
Julie.
Quels ennuis !
Carlos.
Quels chagrins !
Tomire.
J'en créve.
Marine.
J'en foupite.
Carlos.
Helas ! que
notre fort ....
Julie.
Helas ! que nos malheurs ...
Carlos.
Me va coûter d'ennuis !
Julie.
Me va coûter de pleurs !
Carlos.
Si vous pouviez fçavoir , Julie , à quoi m'expoſe
,
Le cruel défefpoir d'en avoir été caufe ;
Car enfin c'eft moi feul que j'en dois accufer';
Ceft moi de qui l'orgueil crut pouvoir tout
ofer.
De
OCTOBRE . 1726. 2323
De vos reffentimens rien ne peut me défendre
:
Ma forte paffion me fit tout entreprendre ; -
C'est moi feul c'eft enfin ce trop fenfible
Amant ,
Que l'Amour fit réfoudre à votre enlevement
; 1
Pour finir mon malheur , j'ai feul cauſé le vôtre
;
Mais enfin vous veniez d'en époufer un autre ;
On vous avoit forcée à prendre cet Epoux ;
Vous m'aimiez tendrement , je n'adorois que
Vous ;
Malgré ce que l'Amour m'avoit femblé promettre
,
Dans fon lit , dans fes bras , l'Hymen vous alloit
mettre ;
Je voyois vos chagrins ; vous entendiez mes
cris ;
Quel autre en cet état n'eut pas tout entrepris
!
Julie.
Dans toutes ces raifons ne cherchez point
d'excufe ;
Ce n'eft que mon malheur , Carlos , que j'en
~ accuſe ;
Ouy; c'est moi qui depuis cette funeſte nuit,
Qu ,
1
1
2324 MERCURE DE FRANCE:
Ou , prémices cruels du malheur qui me fuit ,
Sans égard pour mes pleurs , une Mere inhumaine,,
Me venoit de livrer à l'objet de ma haine ,
Je fortois de l'Autel troublée , & dans mon
coeur ,
Cet Hymen avoit mis tant de crainte & d'hor
reur ,
Que , fans confiderer quelle en feroit la ſuite ,
Je crus que mon bonheur dépendoit de ma
fuite.
Marine m'en preffa , même elle me fit voir ,
Que fuir fes ennemis eft le premier devoir , &c.
Tout le monde a fenti la fineffe avec
Jaquelle cette expofition eft ménagée ;
d'abord c'eft un Amant qui s'accufe d'avoir
caufé le malheur de ce qu'il aime ,
mais qui fe juftifie par l'excès de fon
amour ; fon Amante l'excufe , & n'im
pute qu'au fort tous les maux aufquels
elle fe voit livrée ; par là le Spectateur
eft mis au fait , fans qu'il paroiffe qu'on
ait eu deffein de l'inftruire ; il apprend
que Carlos a enlevé Julie , le jour de
fon Hymen avec un Řival odieux . Les
fâcheufes fuites de cet enlevement font
expofées avec le même art par Tomire
& par Marine : cette derniere fait même
OCTOBRE. 1726. 2325
me entendre qu'elle a écrit à Dom Brufquin
d'Alvarade , à qui Jule a été mariée
malgré elle ; Dom Brufquin acheve
d'éclaircir les Spectateurs dès le commencement
du fecond Acte , en leur apprenant
que le Mariage dont on a parlé
n'a pas été confommé.
Entre plufieurs Scenes qui ont fait
beaucoup de plaifir , il y en a une dans
le troifiéme Acte qui a paru
a paru la plus fine
de toutes . Nous nous flattons qu'on ne
fera pas fâché de la voir ici . Voici de
quoi il s'agit : Celime amoureuſe de Carlos
, & jaloufe de Julie , qu'elle foupçonne
d'être fa Rivale , veut penetrer
ce fecret , & s'y prend d'une maniere
tout - a-fait ingénieufe auprès de Tomire,
Valet de Carlos.
Celime.
Viens. Autrefois Carlos étoit fervi par toi
Parle.
Tomire
Il n'a jamais eu d'autre Valet que moi.
Celime.
Es tu l'aimes ?
Tomire.
Autant qu'un Valet aime un Maître : & c .
G Calime
2326 MERCURE DE FRANCE.
Celime.
Parlons d'autres chofes, Ecoute ,
Carlos t'ouvroit fon coeur , te connoiffant prudent
?
Tomire.
J'ai toujours,quoi qu'indigne , été fon Confident .
Celime
Conte moi fes amours.
Tomire lui paroiffant plus difcret &
plus fidele qu'elle ne voudroit , elle dreffe
une autre batterie , four lui arracher
le fecret qu'elle veut apprendre de lui ,
Voici comme elle lui parle :
Celime.
Caelos eft bienheureux que ta condition
Lui conferve un tel zèle ; & ta diſcretion
Me paroît à la fois fi rare & fi loüable.
Que le plaifir que j'ai de t'en trouver capablo ;
Elle lui donne une Bague.
Eft payé de ce prix.
Tomire.
Oh ! c'eft ....
Celime.
Prens : j'aime à voir
Que tien contre Carlos n'ébranle ton devoir.
Son
OCTOBRE.. 1726. 2327
Son intereft m'eft cher : qu'à l'avenir toa
zele ,
Ne démente jamais une ardeur fi fidele.
Tu fçais tous fes fecrets , garde - tor d'en pare
ler :
Et meurs plutoft cent fois , que de les reve
ler.
Tomire.
Oh !
Celime.
Quant à les amours qu'on auroit peine
croire ,
Carlos m'en a conté tantôt toute l'hiftoire.
Ce n'eft plus à prefent un myftere pour moi.
Il m'a dit qu'il aimoit Julie.
Tomire .
Ah ! je le croi :
Cela n'eſt pas nouveau.
Gelime.
Qu'une ardeur mutuelle
Rendoit , malgré leurs fers leur amour (ter
nelle ,
Par quel hazard ils ont perdu la liberté ,
Leurs trayerfes , leurs pleurs .
Gij
Tamire
2328 MERCURE DE FRANCE .
Tomire.
Il vous a donc conté , &c.
Tomire lui raconte alors toutes les
particularitez des amours de fon Maître
& de Julie , & va jufqu'à blâiner l'indifcretion
de Carlos , par ces Vers :
Eh bien ; voyez un peu le caprice d'un Mattre
:
Il l'a dit ; il n'auroit point ceffé de crier ,
Si j'en avois ouvert la bouche le premier :
Le monde eft aipfi fait.
Ces traits doivent fuffire , pour don
ner une idée de toute la Piece ; un Auteur
qui a de pareilles reffources d'imagination
ne peut gueres fe démentir . -
Après ce jufte éloge de la Piece , il ne
nous refteroit qu'à rendre à tous ceux qui
l'ont repréſentée la juftice qui leur eft
dûë ; mais comme cela nous meneroit
trop loin , nous nous bornerons à deux
qui s'y font diftinguez . Le fieur Poiffon
nous a fait voir qu'il a herité des talens
de fes peres , & la Damoifelle d'Angeville
, qui commence , comme fon incomparable
tante , nous a fait efperer
qu'elle continuera comme elle ; on peut
dire même qu'elle a un talent de plus
Mademoiſelle des Marres ; elle dan- que
f
OCTOBRE. 1726. 2329
fe au deffus de tout ce qu'on peut at
tendre de fon âge , ayant à peine atteint
quelles nouvelles graces
ne nous promet- elle pas d'acquérir
dans la fuite ?
fa dixièmeannée.ant
- Nous avons déja parlé de Montfleury
& de fon caractere , dans le Mercure de
Janvier 1725. où l'on trouvera un Catalogue
de fes Pieces . Celle- ci n'avoit
pas paru depuis 28. ans , que le fieur
Poillon y jouoit le principal rôle , ainſi
que fon fils le joue aujourd'hui.
Les Airs à chanter , qui font du corps
de la Piece , & tous les Airs de Violon
du Divertiffement , font tous du fieur
Gillier , dont le merite eft très - connu .
Il les fit en ce temps - là , à la place de
ceux que le fieur Charpentier avoit com
pofez dans la nouveauté de cette Comés
die qui fe trouvoient perdus .
Le 17. de ce mois l'Académie Royale de
Mufique donna la premiere reprefentation
dePyrame & Thifoe, Tragédie qui fot
fort applaudie par la nombreuſe Aflemblée
qui s'y trouva . S. A. R. Madame la Ducheffe
d'Orleans , & les deux Princeffes
fes filles , l'honorerent de leur préfence.
Les paroles de cet Opera font de la
compofition de M. de la Serre , & la Mufique
des fieurs Rebel , le fils , & Fran-
G iij coeur,
2330 MERCURE DE FRANCE.
coeur , le cadet , tous deux ordinaires de
l'Académie Royale de Mufique .
EXTRAIT.
Comme il n'y a perfonne qui ignore
le fujet de cet Opera , nous n'en dirons
qu'un mot Pyrame & Thyfbé étoient
nez dans les fuperbes murs de Babylo ~
ne . Ovide , dans fon quatrième Livre
des Metamorphofes , les celebre moins
par la nobleffe de leur extraction , que
par la grandeur de leur amour. Leurs
coeurs étoient faits l'un pour l'autre, mais
la haine qui regnoit entre leurs parens,
ne leur permettoit pas de fe voir en li
berté ; ils ne pouvoient fe parler qu'à
la faveur d'une ouverture , que l'Amour
leur fit appercevoir dans le mur com
mun de leurs maifons. La contrainte irritant
leurs defirs , ils formerent enfin
la refolution de fe mettre en liberté ; ils
fe déterminerent à tromper la vigilance
de leurs cruels parens par une fuite fecrette
, ils convinrent de fe rendre auprès
du tombeau de Ninus pendant la
nuit. Thisbé s'y trouva la premiere . Une
Lionné alterée étant venue à une fontaine
, Thyfbé en fut faifie de crainte , &
courut fe cacher dans le fond d'une Forêt
voifine ; elle laiffa tomber ſon échar
pe,
OCTOBRE. 1726. 2331
pe , que la Lionne enfanglanta de fes
dents encore teintes de carnage. La vûë
de cette écharpe perfuada au malheureux
Pirame , qui furvine un moment
après , que fa chere Thyfbé avoit été
dévorée . Il s'accufa de la mort de fon
Amante , & s'en punit par un coup more
tel . Thyfbé revenue au lieu du rendezvous
, le trouva prefque expirant . Il lui
apprit la caufe de fon défefpoir , & rendit
le dernier foupir , en prononçant le
nom de fa chere Thyfbé. Cette infortunée
Amante ne voulut pas lui furvivre
d'un moment elle fe perça le coeur de
la même épée qui avoit ôté la vie à fon
cher Pyrame. Leurs peres les ayant trouvez
embraffez enfemble , même après
leur mort , confentirent , mais trop
tard, à les unir à jamais, en ne leur donnant
qu'un même tombeau.
Voilà , à peu de chofe près , tout ce
que l'Auteur de ce Poëme a trouvé dans
Ovide. La fituation eft très- intereflante ;
mais comme elle ne pouvoit faire que
la matiere d'un cinquiéme Acte , il a été
obligé d'être Créateur des quatre premiers
; il l'a fait avec beaucoup de fuccès
, & ce n'eft pas un art mediocre d'entretenir
agréablement les Spectateurs ,
avant que de les faire arriver à une ca
taftrophe auffi touchante que celle qui
Ġ iiij cou2332
MERCURE DE FRANCE:
couronne l'Ouvrage. Voici quelle eft la
nouvelle Fable fur laquelle ce Poëme
roule.
Dans le I. Acte le Theatre repréſente
la façade du superbe Palais de Ninus.
Nous parlerons plus au long de cette
riche & ingénieufe Décoration .
Ninus , fils de Semiramis , avoit été
destiné par cette fuperbe Reine à Zoraïde
, fille du grand Zoroaftre , Roi
des Bactriens , & Inventeur de la Magie.
Cette Princeffe étoit élevée à la
Cour de la Reine d'Affyrie dans cette
efperance. La mort de Semiramis , &
quelques guerres qui furvinrent , retarderent
cet Hymen concerté. Ninus fut
long- temps occupé à faire rentrer dans
leur devoir quelques Royaumes de fon
vafte Empire , qui avoient fecoué le joug.
Pyrame , Prince de fon Sang , qui l'accompagna
dans cette expédition , y fignala
fi bien fa valeur , qu'il eut la plus
grande part dans fes conquêtes . Les Rebelles
étant enfin rangez fous l'obéïffance
de leur legitime Souverain , Ninus
revint dans Babilone ; mais par malheur
pour Zoraïde
il vit Thyfbé. Cette
Princeffe enleva fon coeur à Zoraïde.
C'est ici que l'Action theatrale com-
"
mence.
Zoraïde , qui s'eft apperçûë de l'infidelité
1
OCTOBRE. 1726. 2333
de lité de Ninusy en témoigne fa douleur
à Thyfbé. Dans la premiere Scene , elle
lui fait connoître la délicateffe de fes fenstimens
pour le plus grand Roi de l'Univers
, en ces termes :
Quand Parrivai fur les bords de l'Euphrate ,
Mon coeur n'étoit qu'ambitieux :
La gloire de regner n'a plus rien qui me flattes
Ah ! fiNinus , privé du rang de fes Ayeux ,
Brûloit encor pour moi d'une flamme conſtante ,
Exilée avec lui dans les plus triftes lieux ,
De mon fort je ferois contente.
Zoraide apprend à Thifbé que c'eft elle
qui lui enleve un coeur qu'elle préfere à
tous les Trônes du monde. Thyfbé lui
apprend à fon tour qu'elle ne fe prévaudra
jamais de fa nouvelle conquête , puifqu'elle
aime Pirame , & qu'elle ne peut
aimer que lui.
Dans la feconde Scene , Ninus découvre
à Pirame fon nouvel amour pour
Thifbé Pirame qui aime cette Prin
ceffe autant qu'il en eft aimé , n'oublie
rien pour porter Ninus à être fidele à
Zoraïde , fans pourtant lui laiffer penetrer
qu'il est tout à la fois fon Confident
& fon Riyal.Voici comment Ninus
exprime fon amour en parlant à Pirame.
د ل ا
Gv Dans
$334 MERCURE DE FRANCE.
Dans les combats & le carnage ,
Loin de ces lieux la Reine occupoit mon cou
rage ;
J'ignorois les plaifirs d'une tendre langueur :
Un feul inftant de notre fort décide ;-
Je croyois aimer Zoraïde ,
Je voi Thyfbé , je connois mon erreur :
L'Amour , ce Dieu perfide ,
Arme fa main d'un trait vainqueur ,
Le trait vofe , & perce mon coeur.
Ces deux Scenes qui expofent le fujet
de la piece , font fuivies d'une fête que
les Affyriens viennent celebrer par l'ordre
de Ninus en l'honneur de Pirame ,
dont la valeur les a fait triompher des
Peuples revoltez . Cette Fête finit le premier
Acte.
Au fecond Acte , le Theatre repréfente
Les Jardins du Palais de Ninus.
Dans la premiere Scene , Pirame apprend
à Thyfbé que Ninus l'aime. Il
lui témoigne d'abord un peu de défiance ;
il craint qu'un grand Roi , mettant tou
te fa grandeur à fes pieds , ne lui falfe oublier
fon premier amour ; Thifbé s'en offenfe
, & lui fait de nouveaux fermens.
d'une fidelité éternelle . Cette conſtance
llarme Pirame ; il craint qu'elle ne potte
3 OCTOBRE. 1726. 2335
.te Ninus aux dernieres extrémitez contre
elle : il femble vouloir la porter à accepter
une Couronne qu'on lui offre : Voici
comme il s'explique ..
La gloire au Thrône vous appelle ;
Oubliez un Amant fidelle ;
Qu'il gémiffe en fecret , qu'il dévore fes pleurs :
Qu'une prompte mort le delivre
Du cruel tourment de furvivre
A la perte d'un bien dont il s'étoit flatté :
Que jamais un retour d'inutile tendreffe ,
I
* De fon adorable Princeffe
Ne trouble la felicité,
Cette Scene eft interrompue par l'ars
rivée de Ninus.
A la troifiéme Scene , Pirame veut fe
retirer à l'approche de Ninus ; mais Ninus
le prie de refter , & lui dit que fa
prefence lui eft neceffaire. Il déclare à
Thyfbé l'amour qu'il a pour elle. Cette
Princefle oppofe à fa nouvelle ardeur
fes premiers engagemens avec Zoraïde.
Ninus lui répond que Pirame dégagera
fa foi en époulant Zoraïde ; & pour de
rendre plus digne de cette Princeffeil
veut le faire Roi ; Pirame fe refuſe à fes
dons , & le prie , pour toute recompen
G vj
fe
2336 MERCURE DE FRANCE.
fe de fes heureux exploits , de lui laiffer
la liberté de difpofer de fon coeur.
Ninus ordonne au nombre prodigieux
d'Esclaves de toutes les parties du monde
qui font raffemblez dans Babilone, de rendre
leurs hommages à Thyfbé leur nouvelle
Souveraine. Cette Fête a paru trèsbrillante.
Zoraïde vient la troubler ; à fon
abord chacun fe retire , hors Ninus sàiqui
elle demande fiérement , à qui s'adreffent
ces nouveaux hommages qu'on rend à fon
infçu . Ninus lui avoue que c'eft à Thyfbé.
Zoraïde lui reproche fon parjure ; elle
le menace du reflentiment de Zoroastre
fon pere : & dans la fureur qui la tranfporte
, elle dit que Pirame la vengera
dans le coeur de Thyfbé.Zoraïde fe retire
après avoir porté ce coup mortel à Ninus..
Ce Prince jure de fe venger. L'amitié &
la reconnoiffance ont beau lui parler en
fayeur de fon Rival ; il lui fait un crime
de lui avoir caché fon amour pour Thyf-
-bé , dont le fincere aveu l'auroit peutêtre
gueri d'une paffion encore naiffante ,
& l'auroit empêché de devenir parjure
envers Zoraïde. Il finit ce fecond Acte
par des Vers qui font voir qu'il eſt encore
irrefolu fur le parti qu'il doit pren
dre.
Аи
OCTOBRE. 1728 2337
Au troifiéme Acte , le Théatre reprefente
une belle campagne : on voit dans
O le fond un Temple de Cerès.
Dans la premiere Scene , Zoraïde s'excufe
auprès de Thyfbé d'une indiferétion
qui lui eft échappée . Thyfbé lui répond
triftement , qu'en découvrant à Ninus
que Pirame eft fon rival , elle l'a rendue
malheureufe , fans avoir rien fait pour elle
-même. Zoraïde lui promet, en la quittants
de ne rien oublier auprès de Ninus ,
pour le defarmer en faveur de Pirame.
Thyfbé témoigne quelques fentimens
de jaloufie dans la Scene fuivante ; elle
craint que Pirame ne facrifie l'amour à
l'ambition. Is
A la troifiéme Scene Pirame offenfe
des foupçons de Thylbé , s'emporte jufqu'à
lui dire qu'il va percer le coeur de
Ninus , & s'immoler lui -même, après fon
Roi.Thyfbé éperdue l'arrête , en lui difant
qu'elle ne doute plus de fa fidelité . Pirame
fort pour aller fléchir Ninus par fes larmes
. Zoraïde revient , elle dit à Thyfbé
que Ninus la fuit : elle tâche de lui donner
quelque peu d'efperance . On vient
celebrer une Fête en l'honneur de Cerès
Thyfbé y prefide en qualité de premiere
Princeffe du Sang. La Fête eft interrom-
рыё
1338 MERCURE DE FRANCE.
neurs ,
pue par l'arrivée de Zoroaftre , & par les
clameurs des Bergers & des Moillonqui
font caufées par le ravage
qu'un Monftre affreux fait dans la Campagne
; tous ceux qui compofent la Fête s'enfuyent.
Zoroaftre qui paroît dans les airs ,
arrête Zoraïde fa fille , prête à fe retirer
avec Thyfbé & tous les autres : il lui dit
qu'il vient de la venger . Zoraïde tremble
pour Ninus , tout parjure qu'il eft.
Zoroaftre la raffure fur les jours d'un infidele
, qui s'eft rendu indigne d'une fi tende
frayeur. Voici comment il lui parle :
De mon courroux je fufpens les effets :
Je n'ai point de mon art employé les fecrets ,
Et je fçai teffcter le noeud qui nous engage :
De ce Monftre nourri dans le fond des forêts ,
Je ne fais qu'animer la rage.
Je veux
lais ;
que Ninus tremble au fond de fon Pa-
Je veux de mille horreurs lui prefenter l'image ::
C'eſt par le malheur des Sujets
Qu'on peut punir des Rois les injuftes projets.
Ces Vers n'ont rien perdu de leur beauté
dans la bouche du Sieur Chaffé , qui
joue le rôle de Zoroastre ; il a joint beaucoup
de noblefle & de feu à une des plus
belles
OCTOBRE .. 1726. 2339
;
belles voix de balle taille qu'on puiffe entendre
..
Le Théatre reprefente , au quatriéme Acte ,
une cour d'une Architecture ruftique.On
voit dans le fond une espece de Fort,
compofé de groffes Tours.
Dans la premiere Scene , Zoraïde reproche
à Ninus fon ingratitude envers
un Prince à qui il doit fes plus brillantesconquêtes
, & qu'il vient cependant de
charger d'indignes fers.Cette Scene a paru
une des plus pathetiquesson a fur tout été
charmé d'un morceau que Zoraïde a chanté
: il fuffit de dire que c'eft Mademoiſelle
Antier qui reprefente cette fille de Zoroaftre
, pour donner une grande idée de
l'execution. Voici les Vers en queftion :
Zoraïde.
Mais des Dieux le jufte courroux
Se fait fentir fur ce rivage ,
Armez contre un Parjure , ils vengent mon ou
trage ,
"
Tu ne peux éviter leurs coups.
Un Monftre qu'anime la rage
Forte déja par tout l'horreur & le trépas ;
Cruel à tes Sujets , tu tiens dans l'esclavage
Le
2340 MERCURE DE FRANCE :
Le feul Heros dont le courage
Pourroit de tant de maux délivrer ces climats.
Dans les Scenes fuivantes , Zoraïde &
Thyfbé ne font occupées qu'à déplorer
leurs communs malheurs : Zoroastre vient
les raffurer au fujet de Pirame : il ordonne
aux Efprits foumis à fa puiffance d'abattre
la prifon où Ninus le tient enfermé
; ce qui fait la Fête de ce quatrième
Acte . Les tours font abattuës ; Pirame paroît
enchaîné ; Zoroaftre ordonne aux
Efprits qu'il tient fous fon empire , de
brifer fes chaînes : il preffe Pirame de
s'enfuir avec Thyfbé ; ils fe retirent , en ſe
promettant de fe rendre au Tombeau des
Rois d'Affyrie . Cet Acte finit par un excellent
du entre Zoroaftre & Zoraïde :
en voici les Vers .
Dieux tout puiffans , les Rois font votre image ;
Ils doivent aux mortels l'exemple des vertus :
parjure vous outrage ;
Un Roi
Trop fier de fon pouvoir , il ne fe connoît plus :
Tonnez , Dieux immortels , lancez fur lui la fou
dre ,
Et reduifez fon Trône en poudre.
at
Аи
OCTOBRE TEL
. 1726. 2341
Au cinquiéme Acte , le Théatre repreſente
un bois épais : on voit à travers des ar
bres , les Tombeaux des Rois d'Affyrie.
La Scene commence quelques momens
avant l'aurore.
Thybe arrivée avant Pirame au lieu
du rendez- vous chante un beau Monologue
, qui exprime l'impatience qu'elle
a de revoir fon cher Pirame , & la crainte
dont elle eft agitée à fon égard . L'Actrice
qui a exprimé les differentes paf
fions que morceau raffemble , s'y eft
furpane C'eft Mademoiſelle Pellicier :
quoiqu'elle n'eft pas une voix des plus
clatantes , elle chante d'une maniere
fe faire entendre d'un bout de la Sale a
l'autre , & articule tous les mots fi diftinctement
, qu'on n'en perd pas une fyllabe
; fon action ajoute encore de nouvelles
graces à fon chant .
Il eft tems de finir cet Extrait. Comme
ce dernier Acte eft très- conforme à cé
que nous avons d'abord dit du fujet , nous
ne nous y arrêterons pas plus long- tems.
La même erreur dont nous avons parlé,
porte Pirame à fe tuer . On auroit voulu
que Thyfbé fe tuât fur le champ , & de
la même épée ; mais l'execution a paru
très difficile , & peut- être impoffible à
"
l'Au
342 MERCURE DE FRANCE.
l'Auteur du Poëme : peut- être auffi n'y
a -t-on rien perdu ; Thyfbé ne s'en tue
pas moins & comme c'eft en preſence
de Ninus qu'elle fe poignarde , elle punit
le crime en vengeant le fang innocent
aux yeux de celui qui eft cauſe qu'il a été
répandu .
Le Prologue de cet Opera a paru brillant
, la Gloire & Venus en font le fujet :
ces deux Divinitez s'uniffent pour rendre
les Mortels heureux , fans qu'il en
coute rien à leur gloire . La Dile Antier
s'y eft diftinguée à fon ordinaire , par la
maniere charmante dont elle a chanté le
rôle de Venus . L'union de l'Amour avec
. 'Heroïfme en a formé la Fête , dont les
chants & les danfes ont attiré beaucoup
d'applaudiffemens , tant aux Auteurs ,
qu'aux Acteurs.
Il reste à dire quelque chofe de la de
coration du premier Acte , qui fait , quoique
fimple , l'admiration de tout le monde.
Elle reprefente le fuperbe Palais de
Ninus , dont on voit le veftibule vouté ,
foutenu par huit colonnes de pierre d'or
dre Tofcan avec des boffages ruftiques
vermiculez . A droite & à gauche font
deux grands paffages qui conduisent à des
portiques du même ordre d'Architecture,
par où s'échapent des accidens de lumiere
qui font un effet furprenant.
Aux
OCTOBRE. 17 26. 2343
Aux deux côtez de la grande entrée du
Palais on a placé deux groupes de figures
qui reprefentent des élevemens , en marbre
blanc , fur leurs piedeftaux , difpofez avec
beaucoup d'art.
La façade du Palais eft d'ordre Dorique,
depuis le Rez- de - chauffée jufqu'au tiers
de l'élevation , avec des colonnes ifolées
de marbre , canelées , qui ſoutiennent le
grand arc du milieu, de a 5 pieds de haut ,
furmonté de fon archivolte , où l'on voit
deux Renommées appuyées fur le fommet
, avec des trophées de chaque côté ,
de grande maniere.
Au Rez- de- chauffée , il y a une conti
nuation de pilaftres , de même ordre , entre
lefquels font des niches , bas- reliefs &
Statues antiques. Les metopes de la corniche
font ornées de trophées d'armes , &
au deffus de cet ordre regne une fuite
d'arcades , avec des baluftres dans les arcades
.
Le milieu du dedans du Palais reprefente
une grande galerie en enfilade d'arcades
très-élevées , foutenue par 2 4. colonnes
ifolées , avec contrepilaftres ; interrompue
fur la longueur par deux
grands Talons circulaires , ouverts par le
haut , avec une balustrade en terraffe , qui
communique aux divers appartemens.
Le premier falon eft foutenu par des
+
colon
344 MERCURE DE FRANCE :
colonnes ifolées , entre lefquelles font
des Statues de marbre blanc , allifes fur des
piedeftaux. Aux deux côtez de ce falon
on voit deux grands efcaliers pour monter
aux terraffes.
Une Staftue equeftre en bronze fur fon
piedestal de marbre blanc , qui fait un
effet admirable , eft placée au milieu du
fecond falon , qui communique à droite.
& à gauche à des colonades circulaires
d'ordre Dorique, de marbre jaune antique,
ainfi que toutes les colonnes & pilaftres
du Rez-de - chauffée du Palais .
L'effet le plus furprenant que cette de-
*coration produife aux yeux , après la richeffe
de la compofition , & l'excellent
goût de l'Architecture , c'eft la grandeur
du lieu que l'innocente magie de la perfpective
, jointe à l'union du coloris & à
T'entente des lumieres , fait paroître fi
vafte , qu'on en eft frappé d'admiration &
d'étonnement. Cependant le Sieur Servandoni
, Peintre Florentin , qui a compofé
& peint toute cette Decoration , à
l'exception des figures , qui font du Sieur
du Mont , Peintre François de l'Académie
Royale de Peinture , a été extrémement
contraint ; car le Theatre de l'Opera n'eſt
ni profond ni exhauffé . Malgré cet inconvenient
, il a trouvé l'art d'y placer 62.
colonnes ou pilaftres , vifibles aux yeux
聊
des
OCTOBRE. 1726. 2345
des Spectateurs, Les premieres colonnes
ont 30. pouces de diametre .
Le Sieur Servandoni n'eft en France
que depuis deux ans , & il s'y eft déja acquis
beaucoup de reputation dans les ouvrages
de perfpective , aufquels il excelle.
Il eft Eleve du celebre Jean - Paul
Panini , Peintre Parmefan , dont les
ouvrages font auffi précieux.que recherchez
& admirables , pour imiter les
effets de la natute par la perfpective. Son
Eleve a déja fait beaucoup d'ouvrages de
cette efpece en Italie & en Angleterre .
On voit à l'Opera de Londres fept Deco
rations de fa main.
Le 14. les Comediens François donne
rent fur leur Théatre à Paris', la premiere
reprefentation de la Chaffe du Cerf , Piece
en trois Actes , avec un Prologue & des Intermedes
du Sieur Le Grand , Comedien du
Roi . Comme cette Comedie n'a pas été reçue
favorablement, & que l'Auteur en doit
retrancher le premier Acte & le Prologue,
nous renvoyons au Mercure prochain à
en parler plus amplement.
Le premier de ce mois , les Comediens
François repreſenterent devant Leurs
Majeftez , à Fontainebleau , la Tragedie
de Rodogune , de P. Corneille, & la petite
Comedie de Florentin.
Le
2346 MERCURE DE FRANCE .
3
Le 3. les Comediens Italiens reprefenterent
Arlequin Sauvage , Piece Françoife
en trois Actes , de M. L'Ifle ; & la petite
Comedie Italienne de l'Impatient.
Le 5. le Misantrope & le Medecin malgré
lui , de Moliere , par les François.
Le 8. les Comediens Efclaves , en trois
Actes , avec un Prologue , fuivi d'Arlequin
dansl'Ile de Ceylan , petite Comedie
Italienne .
Le 10. Andromaque , & pour petite
Piece le Cocherfuppofé.
Le 12. l'Amour Precepteur , Comedie
nouvelle en trois Actes , & Arlequin vo
leur , petite Comedie Italienne.
Le 15. la Coquette & les trois Freres
Rivaux
, par , par les François.
Le 17. Arlequin Muet par crainte ,
Comedie Italienne en trois Actes ; &
pour petite Piece , Arlequin poli par l'Amour
, Comedie Françoife.
Le 21.1gnes de Caftro , Tragedie de M.
de la Motte , & l'Avocat Patelin.
Le 22. Arlequin , Enfant , Statuë , &
Perroquet , Comedie Italienne en cinq Ac
tes ; & pour petite Piece , Agnez de Chaillot,
Parodie d'Ignès de Caftro, par le Sieur
Dominique , Comedien du Roi.
Le 24. la Ch ffe du Cerf par les Comediens
François qui étoient reftez à Paris
, avec le Prologue de l'Impromptu de
la
OCTOBRE. 1726. 2347
la Folie , & la Françoife Italienne , ouvrages
du Sieur Le Grand , Comedien du
Roi.
Le 25. Electre , Tragedie de M. de Cre
billon , & Le Grondeur.
L'Opera Comique , qui a joué plufieurs
fois depuis la clôture de la Foire S.
Laurent , fur le Théatre du Palais Royal ,
prit congé du Fublic le Mécredi 23 Octobre
: le Sieur Francifque prononça le
Difcours fuivant , qui fut applaudi.
MESSIEURS ,
Permettez
-
que nonous
de vous rendre de trèshumbles
graces de l'extrême indulgence que
Vous avez eue pour nous pendant le cours de
la derniere Foire. Satisfaits des efforts
tre Troupe faifoit pour vous plaire , vous avez
excufé nos fautes , & votre bonté a prévalu fur la
délicateffe de votre goût. Auffi ne fommes -nous
pas affez vains pour regarder comme une juſtice
les applaudiffemens dont vous nous avez quelquefois
honorez. Nous fçavons bien que vous.
nous les avez donnez , feulement pour nous encourager
à les mériter ; & c'eft ce qui fera deformais
toute notre attention . Oui , Meffieurs , nous
allons nous appliquer , mes Camarades & moi , à
vous rendre plus contens de nous à la Foire prochaine.
Puiffent nos Auteurs nous donner de fi
bonnes Piccés , qu'elles vous dérobent nos defauts
, ou puiffions nous devenir allez habiles pour
faire valoir les mediocres.
Le
2948 MERCURE DE FRANCE .
Le 8. & le 22. de ce mois , cette Troupe
donna deux nouveautez , l'une fous le
titre du Bois de Boulogne , que le Public
ne gouta point ; & l'autre fous le titre du
Retour de la Chaffe du Cerf, qui eft une
efpece de Parodie critique de la Piece
nouvelle qu'on joue au Théatre François.
On a eu avis qu'on avoit reprefenté
pour la premiere fois , le premier de ce
mois , fur le grand Théatre de Bruxelles
, en prefence de l'Archiduchelſe
Gouvernante des Pays - Bas , un Opera
intitulé : le Jugement de Pâris.
CHANSON.
Comment Omment voulez -vous que je chante ?
Un Rhume affreux nuit & jour me tourmente ,
Et je ne ceffe de touffer.
Le mal augmente ;
m'étouffe ; je meurs . Hâtez- vous de verfer.
Verfez tout plein , la toux eft vielente.
Quel changement
Doux & charmant !
A peine ai-je vuidé mon verre ,
Déja
"TREBE
THE
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ASTOR,
LENOX
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TILDEN
FOUNDATIONS.
LOLL
* YORD
UNLICERARY.
ASTOR, LENOK AND
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OCTOBRE. 1726. 2349.
Déja mes fons brillans s'élevent dans les airs ;
Je roule , je fredonne , & du fond des Enfers,
J'éleve mes éclats au deſſus du tonnerre.
O Bacchus ! fans ton jus tout languit fur la terre.
La voix que tu me rends ne ceffera jamais
D'annoncer aux mortels ta gloire & tes bienfaits,
Ces paroles ont été mifes en Mufique
par M. Guillon , Auteur de l'air du Mercure
de Février dernier : Je n'ai jamais
appris ut re mi fa fol la .
******** XXXXXXX**
NOUVELLES DU TEMPS.
O
TURQUIE.
N apprend d'Alep , que le 15. Avril dernier
, à midi & un quart , on avoit fenti
trois fecouffes de tremblement de terre affez
fortes de l'Eft à l'Oueft , qui ne durerent que
deux minutes , & qui n'ont caufé d'autre
dommage que quelques pans de vieilles mutailles
qui font tombez . Il y eut le même jour
& à la même heure , un pareil tremblement de
terre à Alexandrette.
Les Lettres de Smirne portent , que la maladie
contagieufe n'y faifoit plus de fi grands
ravages au commencement du mois dernier
non plus qu'à Chio , & en quelques autres
H Ville's
2250 MERCURE DE FRANCE.
Villes du Levant , mais que la mortalité étoit
toujours fort grande à Conftantinople , & que
le Gr. S. avoit donné ordre de faire des Prieres
publiques dans toutes les Mofquées . Le
nombre des morts eft fi confiderablement
augmenté , qu'il eft prefque impoffible de leur
donner la fepulture , & l'infection de l'air eſt
fi grande, que l'on n'efpere pas de pouvoir
être délivré de cette calamité avant les premieres
gelées . Le Grand Seigneur s'eft enfermé
dans l'interieur de fon Serrail ; il ne
communique avec aucun de fes Officiers du
dehors .
La maladie ne s'eft pas encore communiquée
aux maifons de Campagne , où les Miniftres
Etrangers fe font retirez. Ils y font
faire une garde très - exacte. Leurs Confes
rences avec les Miniftres du Divan ont été interrompues
pendant quelque temps.
Les dernieres Lettres de Smyrne portent ,
que la maladie contagieufe y eft entierement
ceffée , & que les Habitans ont recommencé
leur commerce ordinaire .
On apprend en même temps de Conftantinople
, que le nombre des morts y étoit diminué
de plus de la moitié , & qu'au 9. Septembre
il n'y mouroit plus que cent perfonnes
par jour. Les pluyes furvenues ont fait
toutner en fievre le venin de la contagion .
Le 4. Septembre , le Vice- Amiral Somerf
dick arriva à Alger avec fon Efcadre , pour
traiter de la paix entre les Eta ts des Provinces
Unies & la Regence. Le lendemain , il
envoya des Députez avec un prefent de 20 .
barils de poudre à canon pour le Dey , qui
reçût fort gracieufement les Députez & le
prefent. Enfuite on entra en Conference , & le
Traité de Paix fut conclu & figné le 8. tur le
pied
OCTOBRE. 1926. 2351
pied de celui de 1712. dont voici le précis .
Il y aura paix ferme & ftable entre L. H. P.
&le Pacha d'Alger , &c. à commencer dujour
de la fignature de ce Traité, ta
Les droits d'entrée feront payez ſur le pied
du Traité de 17.12 . fçavoir cing pour cent.
Les munitions de guerre autres Marebandifes
de contrebande ne feront fujettes à
aucuns droits.
Les Etrangers qui fe trouveront à bord des
Vaiffeaux Hollandois , ne pourront en être enlevez
ni inquiétez par les Algeriens.
Les Vaiffeaux Hollandois venant à échoüer
fur la côtede Barbarie , les Algeriens nepourront
fe faifir des Effets , ni en prétendre aucun
droit d'entrée & les Equipages de ces
Navires ne feront point fujets à être faits Ef
claves. Aucun Vaiffeau Algorien ne pourra
faire la courfe vers les Villes , Forts , ou Ha
vres de la domination des Etats Generaux.
Lorfque quelque Vaiſſeau de guerre Hollan
dois aura mouillé devant Alger , on lui fournira
, fuivant l'ancienne coûtume , les provi
fions rafraichiffemens neceffaires.
Aucun Marchand , ou autre Sujet Hollan
dois , ne pourra être enlevé , vendu , ou fait
Efclave dans aucun endroit de la dépendance
Alger, fous quelque pretexte que ce puiffe
être.
Lefdits Sujets Hollandois venant à mourir à
Alger , le Gouvernement ne pourra mettre la
main fur leurs Effets.
Les differends qui pourront ſurvenir entre un
Hollandois un Algerien , feront jugez par
le Dey; & ceux qui s'éleveront entre les Hollandois
, feront terminez par le Conful de leur
Nation.
Ce Confuljouira nonfeulement de toute for-
Hij tee
2352 MERCURE DE FRANCE.
te de protection , tant pour fa Perfonne que
pour ses effets , mais il aura encore, la liberté
de faire faire le Service divin dans fa maifon
, d'y admettre les Efclaves Chrétiens
Protestans.
Les Paffeports qu'on accordera aux Vaif
Jeaux Marchand's Hollandois , feront renou
vellez au bout de trois ans.
Toutes les hoftilitez commifes depuis la rupture
de la derniere Paix jufqu'a prefent , foront
regardées comme non avenuës ,
ON
RussIE.
N mande de Derbent , que nos Officiers
Generaux avoient rrouvé à propos de
former un Camp de 25000, hommes aux environs
d'Andreoff , pour obferver les mouvemens
des Turcs en Perfe , qui font poftez &
fix lieuës d'Ifpaham, au nombre de 180000.
hommes , dans le deffein de reduire cette Ville
par la famine.
I
Le General Matueof , qui eft à Derbent,
avoit envoyé un Détachement de 1500. hommes
vers Schiras pour couvrir , contre les Tartales
, la vendange que les Ruffiens avoient
refolu de faire , pour avoir une bonne provifion
de vin de ces quartiers- là , qui paffe
pour le plus exquis de toute la Perfe.
La Czarine a envoyé des ordres à tous fes
Miniftres dans les Cours Etrangeres , de déclarer
que dans le Traité d'alliance défenfive
qu'elle à conclu avec l'Empereur , il eft ftipulé
qu'elle ne fera obligée en aucune maniere
de prendre part aux differends qui pourroient
furvenir par rapport à l'établiffement
de la Compagnie de Commerce des Pays-
Bas
La
OCTOBRE. 1726. 2353
La Czarine s'eft déterminée , fur les avis
de fon Confeil , à laiffer à Revel 22. Vaiffeaux
de la Flotte , 11. Fregates & 36. Galeres.
Les autres Bâtimens ont reçû ordre
de retourner à Cronfloot , afin d'y arriver
avant que l'entrée de ce Port foit fermée par
les glaces.
S. M. Cz. ayant pris la refolution d'avoir
l'année prochaine 12000. Matelots fur fes
Vailleaux ; & ne pouvant en faire venir des
Pays Etrangers qu'avec beaucoup de difficulté
, on a commencé par fes ordres , à faire
choix dans les Regimens d'Infanterie , des
Soldats qu'on croit être les plus propres au
fervice de la Marine
LE
3
POLOGNE.
E 19. Septembre le Roife rendit à Grod
no , où il fut complimenté par les Senateurs
& par les Nonces de la prochaine
Diette.
Les Regimens Mofcovites qui s'étoienr approchez
des frontieres du Duché de Curlande,
ont reçû ordre de retourner dans leurs
anciens quartiers.
On attend à Mittau M. Jagofinski , Mi❤
niftre de la Czatine , avec les Pleins- pouvoirs
de cette Princelle , pour terminer à l'amiable
les differends furvenus à l'occafion de
l'élection du Comte Maurice de Sáxe..
L'ouverture de la Diette generale fe fit à
Grodno le 28. du mois dernier. Vers les 9.
heures du matin , le Roi fe rendit, à pied, au
Palais de l'Eglife Cathedrale , précedé des
Nonces du premier Ordre , du Primat du
Royaume , accompagné de tous les Senateurs
& des Maréchaux , portant leur Bâton éle
H iij vé.
2354 MERCURE DE FRANCE.
vé Il étoit fuivi du Grand Chambellan de la
Couronne , des Referendaires , des Commandans
des Gardes , & des Officiers de la Cour :
24. Gardes du Corps fermoient la marche. Le
Trône de Sa Majesté étoit élevé près de l'Au-'
tel, & les Gardes étoient rangez en haye depuis
la porte de l'Eglife jufqu'aux degrez du
Sanctuaire La Meffe étant finie , le Roi re-
Tourna au Palais dans le même ordres après
quoi le Maréchal de la Diette & les Nonces
fe rendirent à la Salle des Nonces. Le Maréchal
, après avoir fait l'éloge de S. M. fit
rapport du Decret & de l'execution de ce
Decret.
Le Comte Maurice de Saxe eft attendu à
Grodno , pour faire part à la Diette de la
sefolution nouvellement prife par la Noble ffe
& les Etats de Curlande , de confirmer fonélection
, & de lui fournir tous les fecours ne◄
ceffaires pour- fe mettre en poffeffion de ce
Duché après la mort du Duc Ferdinand.
SUBDE.
Oaufquelles le Roi de Suede a ratifié l'Acte
Na publié à Stockolm les conditions
d'Acceffion de l'Empereur au Traité de Nydftadt.
Il paroît par deux Articles particuliers
de l'Acte de ratification , qu'en cas qu'il s'élevât
des troubles contre l'Empereur , en Italie
, ou dans quelqu'autre Etat hors de l'Europe
, la Couronne de Suede ne fera pas obligée
d'y prendre part , ni d'envoyer en des
Pays fi éloignez les fecours ftipulez d'ailleurs
par le Traité. Que fi la Paix generale , qui
regne dans l'Europe , venoit à être troublée
par l'inobſervation de quelques-uns des Articles
des Traitez de Paix de Weltphalie & d'Olivas
OCTOBRE. 1726. 235
va , ou des autres Traitez aufquels ils fervent
de fondement , par rapport aux affaires de
Religion; & que dans ces differens cas l'Em--
pereur ou le Roi de Suede fuffent engagez
dans ces nouveaux troubles, ils ne feront obligez,
ni l'un ni l'autre , à fournir aucun des
fecours convenus entr'eux pour les autres cas ,
dautant que dans le Traité d'alliance défenfive
, conclu entre la Couronne de Suede &
la Czarine , le 22. Fevrier 1724, auquel l'Empereur
a auffi accedé , il eft ftipulé par l'Arti
cle 16. que les Traitez citez ci - deffus , doivent
refter en toute leur force , comme n'étant
aucunement contraires à la nouvelle Alliance.
Le 17. Septembre , les Députez de la Nobleffe
fe rendirent dans la Chambre du Senat à
Stockolm pour proceder à l'élection d'un
Maréchal de la prochaine Affemblée des Etats
du Royaume. Les deux Concurrens furent le
Comte d'Horn , premier Senateur , & le Baron
de Stromfeld ; Prefident du Confeil : le
premier fut élû à la pluralité de 125. voix .
Le 21. le Roi & les Deputez des Etats du
Royaume , fe rendirent vers les onze heures
du matin à l'Eglife de S. Nicolas ; & après
y avoir entendu la Prédication & le Service
divin , S. M. revêtuë de fes habits Royaux , &
accompagnée des Senateurs avec leurs habits
de Ceremonie, & des Deputez , alla en grand
Cortege à la Salle destinée pour l'Affemblée .
Le Roi étant fur fon Trône fut complimenté
de la part des Etats , après quoi l'Affemblée
fe fépara jufqu'au 23. qu'on tint la pre
miere Séance.
On écrit de Stockolm , que le bruit s'étoit
répandu que les Etats avoient approuvé le 1.
Hij
2356 MERCURE DE FRANCE 2356 .
de ce mois , le Projet d'Acceffion de la Coup
zonne de Suede au Traité d'Hanover.g
ALLEMAGNE.
71
Aga Turc qui eft à Vienne ,ayant eu permilion
du Clergé , de voir l'Eglife de la
Cour de S. Michel , on lui fit jouer les Orgies
, dont il adinira la beauté & la ftructure.
En fortant de l'Eglife il fe rendit dans le Cloître
& dans le Refectoire , où on lui prefenta
du pain & du vin ; il en prit quelque peu , &
fe retira fort fatisfait. 11
On mande de Prague , que le feu ayanıb
pris à un Château fitué dans le voifinage de
cette Ville , qui appartient à la Princeffe de
Lichtenſtein , Epoufe du Comte de Soiffons
neveu du Prince Eugene , il avoit été confu
mè en moins de trois heures , & que le Village
voifin avoit auffi été reduit en cendres.
C
ITALIE
La les Minitres reflet un état des re
E bruit court que le Pape a donné ordre
venus de toutes les Eglifes de Rome ; & de
l'argenterie qu'elles poffedent, ce qui fait croire
qu'il a deffein de les obliger à fournir quelque
contribution pour l'entretien des Hôpitaux.
Le 2. de ce mois , il y eut à Venife une
Courfe de Gondoles fur le grand Canal . Elles
étoient divifées en quatre Quadrilles , & on
diftribua des Prix aux Rameurs qui arriverent
les premiers au but qu'on avoit marqué..
On écrit de Florence , que le Grand Duc
y jouit d'une parfaite fanté , qu'il paroît trèsfoavent
en public , & que le 9. du mois dernier
il affifta à la réprefentation d'une des
Comedies ,
OCTOBRE . 1726 235 7
Comédies , dite , Improviste , qui ont été jouées
pendant un mois fur le Théâtre de S. Benoît.
Le 11. de Septembre , le Pape tint au Pa-
Fais du Quirinal , un Confiftoire fecret , dans
lequel le Cardinal de Polignac propofa , au
nom du Cardinal Ottoboni , Protecteur des
affaires de France , qui eft abfent , l'Abbaye
" Reguliere de la Ferté fur Crofne , Ordre de
Citeaux , Diocèle de Châlons fur Saone , pour
Dom Jean- Charles Defcriveux , Religieux du
même Ordre. no 107
A la fin du Confiftoire , S. S. fit Cardinal
M. André Hercule de Fleury , ancien Evêque
dé Fréjus , Miniftre d'Etat du Roy T. Ch. &
Grand Aumônier de la Reine de France.
Le même jour il arriva à Rome un Courrier
de S. Ildefonfe , avec des dépêches pour
M. Cornejo , chargé des affaires du Roy d'Ef
pagne auprès du Pape , & le bruit fe répandit
vers le foir que S. M. C. avoit accordé fa
nomination au Cardinalat , au Prince Emanuel
de Portugal , qui eft actuellement à la Cour.
On écrit de Rome , que le Chevalier Geraldin
, Chevalier de l'Ordre de S. Jean de
Jerufalem , originaire du Royaume d'Irlande,
& defcendant des anciens Milords , Comtes
de Defmond , Vice-Rois d'Irlande , a obtenu
du Pape , à la follicitation du Chevalier de
S. George & du Grand - Maître de Malthe ,
un Bref d'Expectative du Grand Prieuré d'Angleterre
, dont eft actuellement Titulaire le
Bailly de Ferretti.
Le 14. Septembre , l'Abbé Gualterio , Camerier
d'honneur du Pape , & neveu du Cardinal
de ce nom , fut nommé par S. 5. pour
aller en France porter le Bonnet au Cardinal
de Fleury.
"
On mande de Florence que M. Pallavicini ,
Ну Nonge
2358 MERCURE DE FRANCE.
f
Nonce du Pape , & le Marquis de la Batie',
Envoyé extraordinaire du Roy de France ,
avoient fait illuminer leurs Palais , à l'occafion
de la Promotion de l'ancien Evêque de
Fréjus au Cardinalat . Ces Lettres ajoûtent que
le 29. du mois dernier , l'Abbé Gualterio ,
Camerier d'honneur du Pape , paffa par cette
Ville , allant en France porter le Bonnet au
Cardinal de Fleury.
On a reçû avis de Gennes , que le 25. du
mois dernier , on y avoit reffenti quelques
fecouffes de tremblement de Terre , qui n'avoient
caufé aucun dommage.
Tremblement de Terre à Palerme,
La Ville de Palerme , dans la Vallée de
Mazare , avec Port de Mer , eft la Capitale &
une des plus belles Villes du Royaume de
Sicile par fa fituation , dans une Campagne
très fertile , par fon commerce, par la magnificence
de fes édifices & par la Nobleffe
& les biens de fes Habitans.
L'Ile de Sicile eft extremement abondante
& fertile en toute forte de grains & de fruits.
Elle fut autrefois appellée le Grenier de Rome.
C'eft la plus grande de toute la Mer Méditerranée
; quelques Hiftoriens affurent quelle
étoit anciennement jointe à l'Italie . Le Mont
Etna ou Mont Gibel y eft celebre , à caufe des
flammes qu'il jette.
La Sicile fouffrit une très grande défolation
par un tremblement de terre , arrivé les
9. & 11. Janvier 1693. Les Villes de Catane
Agoufte , Siracufe , Jaci , Lentini , Carlentini ,
Noto , Morica , Cieli . Nagufa , furent prefque
entierement abîmées . Trente-fix autres petites.
Villes & Villages furent en partie détruits
&
OCTOBRE. 17261 2355
23 & 13. autres fort endommagés . La perte
des perfonnes fut eftimée à près de 150000.
C'eft encore un tremblement de terre qui
donne lieu aujourd'hui à ce article. Le premier
Septembre 1726. on commença à fentir
à Palerme quelques fecoufles de tremblement
de terre , qui d'abord ne furent pas fort confiderables
, mais qui redoublerent enfuite d
trois differentes repriſes dans l'efpace de 25.
minutes , & d'une maniere fi violente que la
plupart des Eglifes , des Edifices publics &
environ la fixième partie des Maifons de la
Ville furent renverfez & ruinez de fond en
comble. Une rue du quartier de fainte Claire
s'ouvrit avec un bruit effroyable , & il en
fortit des flammes , une grande quantité de
pierres calcinées & un torrent de matieres
bitumineufes enflammées qui réduifit tout ce
quartier en cendre en moins d'une demie heure.
Le Gouverneur , le Senat & les Magiftrats
de la Ville , firent tous leurs efforts pour tâcher
de calmer l'allarme & de retenir les habitans
qui fuyoient à la campagne , afin de
pouvoir les employer à éreindre le feur ; mais,
fa frayeur étoit fi grande qu'on ne put les
retenir , non- plus que la Garnifon de la Citadelle.
Les habitans du côté de la Marine
s'embarquerent fur des Bâtimens qui étoient
dans le Port. Tout étoit en defordre & en
confufion.
On croit qu'il y a eu environ 1800 per
fonnes enfevelies fous les ruines, fans compter
celles qui s'étoient fauvées aux premieres fecouffes
, dans la place du quartier de fainte
Claire , dont on vient de parler , & qui fu
rent englouties.
Voici les noms des Quartiers de la Ville,
des Eglifes des Palais , & c . qui ont été ren-
*
>
H vj
verfez
2360 MERCURE DE FRANCE.
verfez où fort endommagez.'
L'Eperon de l'Esplanade de la Marine , qui fe
joint à S. Jean , entierement renverfé! Le
Palais du Prince Roccapalumbo. La Fonderie.
La Cour de Arcenal. La rue des Chan-3
deliers. La Place de la Draperie du Mont
de Pieté. La rue de Peperito , & la Place de
la Panterie. Le Quartier de Latterini. Le Pa-
· lais du Duc de Montalto , appellé , Di Aïutami
Chrifto. Les Maifons del Giardinazzo .
Le nouveau Bâtiment de S. Nicolas de Tolentin
. Le Palais du Baron Michelli Buzacca .
Le Palais de l'Avocat Selvaggio. La Place
de la Maifon Profeffe des Jefuites. Le Clocher
& le toit de la Cathédrale. Le Convent de
la Mifericorde des Cordeliers Chauffez , &
partie de celui de la Grace , des Cordeliers
Dechauffez. L'Ouvrage du Port Salvo. La
Galerie du Chantier. La Place au lait. La
rue des Fourbiffeurs . La Plaine Dazerne. La
Place de la Chair. La rue de la Loge , celle
des laitiers , celle de Ferrare, le Convent &
Eglife des Auguftins Réformez , & c.
On a remarqué que pendant les plus vio→
lentes fecouffes du tremblement de terre , le
fen avoit pris à plufieurs Palais & Maifons
qui furent bientôt réduites en cendres ; ce qui
augmenta la terreur & l'épouvente des ha
bitans.
Les Lettres du 6. portent que le tremble
ment s'eft fait fentir dans quelques Villes &
prefque dans tous les Bourgs de l'Ifle. Elles
ajoûtent que la veille on obferva une intemperie
extraordinaire dans l'air , & que le ciel
étoit couvert de nuages épais ; qu'entre les
& 6. heures du foir il s'éleva un vent de
midy très chaud , & que peu après il
commença à tomber une groffe pluye , qui
nean-
J
OCTOBRE. 1726. 2361
néanmoins n'empêcha pas le vent de devenir
plus violent ; qu'à l'entrée de la nuit , la tempête
parut un peu calmée , mais qu'entre les
9. & 10. heures , le vent fe renforça , de
même que la pluye
Les Lettres du 10. marquent qu'une demie
heure avant le tremblement de terre , on avoit
entendu dans l'air un bruit épouvantable qui
avoit duré près d'un quart- d'heure fans dif-..
continuer , que vers le heures de la nuit,
on avoit apperçu deux colomnes de feu , formant
un angle, dont un des côtez s'étendoit
vers la Renelle, l'autre , du côté du Cap de
Zafrana que ce Phénomene , après s'être
approché de la Ville pendant quelques minutes
, avoit paru être pouffé vers la Mer
avec tant de violence , qu'il s'y étoit enfoncé
dans un inftant , mais fans s'éteindre d'abord,
fa clarté ayant été remarquée au fond de
l'eau , par l'Equipage d'un Vaiffeau qui étoit
à l'entrée du Port & près duquel il tomba ::
que le tremblement de terre avoit commencé
enfuites que ce n'avoit été d'abord qu'une
fimple agitation qui s'étoit changée enfuite
en mouvemens irreguliers & très - violens qui
avoient renverfé pendant l'efpace de s . à 6.
minures la plupart des maifons voifines
de l'Eglife de la Mifericorde , du Peperio
& de la Fonderie. On compte parmi les perfonnes
qui ont péri par ce tremblement , la
Princeffe de Rocca- Palomba , belle-mere du
Marquis de Sainte Marine & un de fes neveux
qu'elle tenoit entre fes bras ; que du
côté de la Mer , toute l'Ifle des Maifons qui
faifoit face à la grande rue Caffaro , depuis PEglife
de Porto Santo , jufqu'à celle de Saint:
Jean des Napolitains , avoit été renverfée ,
mais qu'avec le fecours des travailleurs que
1362 MERCURE DE FRANCE :
le Prince de Refutano , Préteur de Palerme
y avoit envoyé , on avoit retiré de deffous
les ruines plufieurs perfonnes en état de recevoir
encore da foulagement : que l'efcalier
& les planchers de la grande Safle , des Galleries
& des autres Appartemens du Palais.
Royal , étoient , ou refendus ou détachez
de leurs murs ; que le Quartier de la Garnifon
, le Château de la Marine & celui de
la Ville , n'avoient çû aucun dommage ;
que la plupart des habitans s'étoient rétirez
dans les Places du Palais & de l'Eglife Cathedrale
, & lerefte dans la Campagne , où ils
s'étoient barraquez avec des debris de leurs
maifons : qu'on faifoit à toute heure des Proceffions
aufquelles les Religieux , les Confrairies
& les Dames même affiftoient , couronnées
d'épines , & c.
On écrit de Naples du 18. Septembre , que le
nombre des habitans de Palerme , ensevelis
fous les ruines des Bâtimens , étoit beaucoup
plus considerable qu'on ne le croyoit d'abord,
& qu'on en avoit déja retiré près de 3500.
ESPAGNE.
Na fait par ordre du Roy , un dénombrement
general des Familles dans les 25.
Provinces de ce Royaume , il s'eft trouvé monter
à 1084633. fans compter les maifons privilegiées
, ce qui fait 5423165. perfonnes , à
raifon de 5. perfonnes par famille.
Le Dimanche premier du mois de Septembre,
le Tribunal de l'Inquifition de Barcelone
rendit un Acte , par lequel deux Juifs relaps
furent condamnez à être brûlez , l'un en effigie
& l'autre en perfonne , le premier Anglois
& le fecond Portugais . Celui - cy après avoir
été
OCTOBRE. 1746. 1263
été étranglé , fut jetté dans un grand bucher
il y a cent ans qu'on n'avoit vu une pareille
execution..
On écrit de Madrid qu'on a fait fur la fin
du mois dernier un détachement de dix hommes
par Compagnie d'Infanterie , ce qui formera
un Corps de Troupes de près de 15000
hommes , qu'on croit deftinez à la garde des
Côtes de la Mediterranée.. Les
trois
nouveaux Vaiffeaux de Guerre
qu'on a conftruits à San - Andero , en font
partis pour Cadiz. On travaille encore dans la
premiere de ces deux Villes , & dans les Chan
tiers des Ports de Galice & d'Andaloufie ,
la Conftruction de plufieurs autres Navires
qui feront en état d'être mis en Mer au Prin
tems prochain.rad
Le Roi a nommé pour fon Confeffeur le
P Klarck Recteur du College des Ecoffois
de Madrid . à la place du Pere Gabriël Bermudez.
Le Marquis de Grimaldo a quitté l'Emploi de
Secretaire d'Etat , le Roi lui en a conſervé tous
les Apointemens. S.M. C. adonné le Département
general des Affaites Etrangeres à Dom
Jean Baptifte Orendain , Marquis de la Paz ;
& la Charge de Prefident du Confeil de Hazienda
, ou des Finances , à Dom Jofeph Pa
tinho , Secretaire de ce Département ; & de
ceux des Indes & de la Marine ; à Dom Thomas
d'Yriberri , la Charge de Grand Treforier
de S. M. dont M. Nicolas de Hynojoza avoit es
ordre de remettre fa Demiffion.
PORTUGAL.
N écrit deLisbonne que le premier de Sep
tembre le Vice- Aimiral Jennings remit à la
voile
2364 MERCURE DE FRANCE .
Toile avec fon Efcadre , très - fatisfait des hon
neurs qu'il avoit reçûs à la Cour de Portugali
Le Roi a accordé au Marquis de Valence
le Titre de Comte-Neveu , Titre dont S. M.
honore ceux qu'Elle reconnoît pour les parens. I
GRANDE-BRETAGNE.
6
Ur la fin du mois dernier , les Officiers de
la Douane à Deptford , découvrirent deux
Marchands de Thé , qui en faifoient de contrefait
, en le teignant , & y mêlant des feuil
les de prunier fauvage , & d'autres feuilles : ils
ont été condamnez a une amende de livres
fterling chacun , & leur Thé & Drogues ont
été confifquez.
50.
On a appris par la voye de Cadiz que l'Amiral
Jennings avoit paru le 11. du mois dernier
à la vue de cette Ville , où il avoit envoyé
le Lord Forbes , l'un des Capitaines de fon Efcadre
, pour demander permiffion au Gouver →
neur de faire acheter quelques provifions dont
il avoit befoin , ce qui lui ayant été accordé ,
il avoit remis à la voile deux jours après , pour
fe rendre à Gibraltar.
Les Lettres de Lisbonne du 11. Septembre
portent que le Contre- Amiral Hopfon y étoit
arrivé avec quatre Vaiffeaux de l'Efcadre du
Vice-Amiral Jennings , après avoir croisé pen
dant quelques jours à la hauteur de la Corogne
,que le Roi de Portugal avoit donné ordre
qu'on lui fournit tous les rafraîchiffemens dont
il auroit befoin , & qu'il devoit remettre inceffamment
à la voile pouraller rejoindre le refte
de l'Eſcadre.
On écrit de Briftol de la Jamaique , que le
Diamant , Vaiffeau Hollandois , avoit été pris
par les Espagnols , fur la Côte des Caraques
où
7
OCTOBRE. 1726. 2365
où il faifoit la traite ; & que c'étoit la confor
mité de fon nom avec un des Vaiſſeaux de
Guerre du Roi , qui avoit fait courir le bruit de
la perte de ce dernier ; qu'un autre Vaiffeau
Hollandois ayant été attaqué par un petit *
Vaiffeau de Guerre Efpagnol du Port de la Trinité
, s'étoit defendu fi vigoureufement , qu'il
s'étoit rendu maître du Navire Efpagnol ,
après avoir tué 9's Hommes de fon Equipa
ge; & que le Rich Galley , Vaiffeau Anglois
Commandé par le Capitaine Thomas Harruc
avoit été pris par les Vaiffeaux Garde - Côtes
Efpagnols de l'Ile de S. Domingue
PAYS-BAS.
Nécrit de Bruxelles que l'Abbaye de Flo
Oreétur Bambre , àdeux lieues & demie
de Namur , avoit été confumée par le feu le 17
du mois dernier ; mais que l'Eglife n'avoit pas
été beaucoup endommagée.
Le 6. de ce mois , le Marquis de Fenelon ,
Ambaffadeur du Roi Très- Chrétien à la Haye .
& M. Finch , Envoyé Extraordinaire du Roi
d'Angleterre , firent avec les Deputez des Etats
Generaux l'Echange des Ratifications de l'Ac
te d'Acceffion de Leurs Hautes Puiffances , au
Traité d'Hanover , lequel eft prefentement fans
referve d'aucune des Provinces , celles d'U.
trecht & des Ommelands y ayant donné leur
confentement depuis quelques jours . Le 9. ces
deux Miniftres échangerent entre eux les Actes
de Ratification de leurs Souverains .
Les Directeurs de la Compagnie d'Oftende
fe propofent d'envoyer cette année fept Vaiffeaux
aux Indes. Ils indiqueront inceffamment
une Affemblée generale des Intereffez pour fai
re approuver ce Projet.
FRANCED
# 366 MERCURE DE FRANCE.
FRANCE
Nouvelles dela Cour , de Paris
Lie
E 23. du mois dernier , vers les 5.
heures du foir , le Tonnerre tomba
devant le grand Portail de S. Euftache ;
il entra dans l'Eglife , alla rompre un
bout du bras de la Croix qui eft fur le
Jubé , & fortit par la porte collaterale , à
droite, fans bleffer perfonne.
Le T 25. après midi , on chanta un Te
Deum dans l'Eglife de l'Hôtel Royal
des Invalides , pour rendre graces à Dieu
du rétabliffement de la fanté de M. le
Blanc , & l'on fit plufieurs décharges de
canons & de boëtes .
Le 26. l'Affemblée du Clergé alla , felon
la coutume , faluer le Cardinal de
Noailles . Archevêque de Paris .
Le même jour , à l'arrivée de la Rei
ne à Fontainebleau , le Procureur du Roi,
& les autres Officiers de Juftice , allerent
à la Croix du grand Veneur,, à
une lieue du Château , complimenter
S. M. & lui préfenterent une grande
Corbeille de fruit, La Reine fit arrêter
fon Caroffe , en mangea , & en donna
aux
OCTOBRE. 1726. 2367
>
aux Dames de fa fuite. En arrivant au
Château fur les fix heures du foir ,
elle trouva dans fon Antichambre le General
des Mathurins , à la tête des Religieux
de cet Ordre , qui deffervent lạ
Chapelle de Fontainebleau : il com.
plimenta la Reine fur le rétabliſſement
de fa fanté , & fur fon heureuſe arrivée
.
Le 6. de ce mois , la Reine entendit
dans la Chapelle de la Cour ovale du
Château de Fontainebleau , la Meffe , à
la fin de laquelle S. M. communia par
les maius du Cardinal de Fleury , fon
Grand-Aumônier. 2
Le même jour la Reine fit rere les
Pains Benits à l'Eglife de la Paroiffe , où
ils furent préfentez par l'Abbé de Saint
Aulaire , Aumônier de S. M. en quartier
, accompagné d'un Maître d'Hôtel
& d'un Contrôleur. I es Tambours des
Cent- Suifles , ceux de la Chambre , les
Trompettes & les Hautbois de la Chambre
précedoient les fix Pains - Benits , ornez
de banderolles , & c.
Une Famille , compofée de fix perfonnes
, & d'un enfant à la mammelle,
a été affaffinée depuis peu dans un Village
entre Lyon & Bourg- en Breffe , par
des Voleurs qui étoient entrez dans la
maifon
1368 MERCURE DE FRANCE.
maifon à dix heures du foir & qui n'en
fortirent qu'à la pointe du jour , ayant
emporté tout ce qu'ils avoient pû , après
avoir affemblé tous les cadavres au milieu
de la cour , & les avoir couvert de
paille & de fagots pour les brûler , mais
le feu s'éteignit peu de temps après. Une
petite fille de la même famille , qui s'étoit
endormie dans une Etable auprès
des moutons , & qui s'éveilla au bruit ,
échapa feule à ce maflacre ; elle a rapporté
des circonftances très- inhumaines
de ce meurtre.
Le 11. de ce mois le Courrier de Lyon
à Paris , & fon Poftillon , furent al affinez
& volez à 9. heures du foir , auprès
de la Tour , à deux lieues de Lyon.
Quoique la recolte du vin ait été trésmediocre
cette année dans prefque tout
le Royaume on affure qu'elle a été
fort abondante dans la Generalité de la
Rochelle , principalement dans le Pays
d'Aunis .
,
Les Religieux de la Charité du Fauxbourg
S. Germain , firent celebrer le 18.
du mois dernier , un Service folemnel
pour le repos de l'ame de feu Madame
la Ducheffe d'Orleans , en reconnoiffan
ce des grandes aumônes que cette cha
titable Princeffe faifoit à cet Hôpital ,
pour le foulagement & l'affiftance des
Ma
OCTOBRE 1726. 2369
Q
2
Malades , dont cette Maiſon eft toujours
très - chargée . M.l'Abbé de Riquety , Prédicateur
ordinaire du Roi ,fit la Ceremo
nie , & tous les Malades unirent leurs-
Prieres au Sacrifice qu'il offrit à Dieu ,
pour le repos de l'ame de la Princelle
& pour la confervation de toute la Maifon
d'Orleans , Protectrice de cet Hô
pital,
S
Le Lundi 14. de ce mois , on exécuta
pour la feconde fois devant la Reine , un
divertiffement intitulé Le Retour des
Dieux fur la terre. Les paroles font de
M. Tanevot dont nous avons fait déja
paroître plufieurs morceaux qui ont été
bien reçûs ; la Mufique eft de la compofition
de M. de Blamont, l'un des deux
Sur Intendans de la Mufique de la Chambre
du Roi , Auteur du Ballet des Fêtes
Greques & Romaines,
Le divertiffement qui donne lieu à
cet Article , fut fort goûté de toute la
Cour par le caractere tendre & galant
du récitatif , & la varieté piquante des
Simphonies. On ajoûta à la fin du dernier
choeur , une fuite de petits airs dé
tachez , parmi lesquels l'Auteur mêla la
fanfare fi connuë de M. de Dampierre ,
qu'on appelle la Royale : la Demoiſelle
Desjardins chanta des paroles qui ont été
faites fur cette fanfare , qui furent extrê
me ment-applaudies,
Le
2370 MERCURE DE FRANCE.
Le Mercredi 16. le fieur Quinault l'afné
, Comédien du Roi , eut l'honneur de
faire chanter devant la Reine , un Divertiflement
qu'il a mis en Muſique , &
qu'il a déja fait executer avec fuccès à
Lifle Adam , chez le Prince de Conti.
La Lieutenance de Roi des Ville & Citadelle
de Boulogne , vacante par la mort
de M. Colemberg a été donnée à M.
Conti de la Pierre , Major du Regiment
de Cavalerie de Conti,
›
Le Commandement du Port de Vendre
, vacant par la mort de M. de Valabri
, à M. de la Comme , Capitaine au
Regiment d'Infanterie d'Hainault.
Celui du Château - Neuf de Bayonne ,
vacant par la mort de M. de Framboifie
re , à M. d'Arzigalouve , Commandant du
deuxième Bataillon du Regiment du Roi
Infanterie.
La Lieutenance de Roi d'Arras , va
cante par la mort, de M. de la Broffe , à
M. de Chaftuix , Brigadier d'Infanterie
ci - devant Commandant à Givet.
Celle d'Antibes , vacante par la mort
de M. Niquet , au Marquis de Muys ,
Sous Lieutenant de la Compagnie des
Gendarmes Bourguignons.
·
L'Abbaye de Cormeille , Ordre de S.
Benoît , Diocefe de Lizieux , a été donpar
le Roi à l'Abbé de Rothelin. née
L'Abbays
OCTOBRE. 1726. 2371
L'Abbaye Reguliere de Doué , Ordre
de Premontré , Diocéſe du Puy , au Pere
Irail.
Celle d'Arciffe , Ordre de S. Benoît
Diocéfe de Chartres , à la Dame Roffignol.
}
ز
Le Pape ayant communiqué au Sacré
College le deffein qu'il avoit de nommer
M. l'Ancien Evêque de Frejus au Cardinalat
, tous les Cardinaux y applaudirent ,
& le Cardinal Del- Giudice donna fon
fuffrages en ces termes , au nom de tous :
Beatiffime Pater , & c. c'est - à - dire :
Très Saint Pere , il y a long- tems que la
Pourpre était dûe aux merites du très - excellent
Perfonnage M. André Hercule and
cien Evêque de Frejus . Le Sereniffime Roi
de France, Louis, rempli de reconnoiffance
envers fon Précepteur bien- aimé , le deman
de avec inftance à Votre Sainteté , ce qui
arrive bien rarement . La demande a été
précedée d'un applaudiffement general des
autres Puiffances. Que pouvoit- il donc arriver
à Votre Sainteté de plus gracieux & de
plus honorable que d'élever à la Dignité du
Cardinalatun Prélatfi reconnu & firenommé
dans l'efprit des Souverains , très - agréable
au Roifon Maître , qui en toutes chofes
a toujours été inceffamment attaché au Saint
Siege Apoftolique , refpecté & admiré de
toutes
2372 MERCURE DE FRANCE .
Boutes les Nations , qui eft generalement
eftimé de tout le monde ? Je rends en mon
particulier de très -humbles actions de gra
ces à Votre Sainteté du deßein qu'elle a de
nous donner en la perfonne de ce Prélat un
Confrere , qui par ces moeurs , fa vertu &
Ses exemples nous aide & nous excite à tendre
toujours à ce qui eft de mieux & de
plus grand à la gloire & à l'avantage du
Saint Siege Apoftolique.
Sur la nouvelle de la promotion de
M. l'ancien Evêque de Fréjus au Cardinalat
, la Maiſon de Sorbonne , pour quâ
ce Prélat a toujours eu une confideration
particuliere , nomma huit de fes anciens
Docteurs , pour lui aller faire compliment
; fçavoir , M. Lullier , Curé de
S. Louis en l'Ile , Senieur de la Maifon
, Meffieurs Pocquelin , Curé de Saint
Sauveur Tournely , Chanoine de la
Sainte Chapelle, ancien Profeffeur Royal
en Theologie , dont les Ecrits qu'il a dictez
en Sorbonne font imprimez & eftimez
de tous les Sçavans ; Le Moyne , le
plus ancien des Docteurs qui demeurent
actuellement en Sorbonne ; du Mans ,
Confeiller au Parlement ; Romigny ,
Syndic de la Faculté ; Gaillande & Cour
cault , Procureur de la Maiſon , & Sous-
Chancelier de l'Eglife & Univerfité de
Paris,
OCTOBRE . 1726. 2373
Paris . Ces Meffieurs étant arrivez à
Fontainebleau , eurent Audience du nouveau
Cardinal le Jeudi 25. de Septembre
, M. Lullier fit ce Compliment.
MONSEIGNEUR ,
(3
Les applaudiffemens que donne le Public
à ce nouveau degré d'élevation où vous
venez d'étre placé par le Souverain Ponti
fe , fait tout l'éloge de Votre Eminence.
Choifi pour l'éducation de notre jeune Mo-,
narque , vous avez juftifié le choix qui fut
fait de vous de cet important Emploi; Dieu
s'eft fervi de vous pour en faire un Roifelon
fon coeur & les fentimens de pieté & de
vertu que vous lui avez infpire , loin de
• s'affoiblir , croiffent & fe fortifient avec
l'âge.
39
ל כ
Sa Majefté vous a honoré de fa confiance
pour l'aider à foutenir le pefant far
deau du gouvernement de ce vafte Empi
re , dont elle s'eft voulu charger elle- même.
Que ne fe promet- on pas , Monfeigneur
, de ia fageffe de vos.confeils pour le
» bien de l'Eglife & de l'Etat ? On conçoit des
efperances d'autant plus certaines d'un ave
» nir heureux , qu'on eft très- convaincu que la
Religion , la juftice , & la felicité des Peuples
font les grands objets que vous avez
på en vûës, & les feuls & uniques motifs
qui vous font agir .
»
39
Parmi tant de juftes acclamations nous
Vous fupplions , Monfeigneur , d'entrevoir
» celles de la Maifon de Sorbonne ; elle a
i déja éprouvé en plus d'une occafion les ef-
Ifess
2374 MERCURE DE FRANCE.
» fets de votre bonté , & elle a la joye de
trouver en V. E. un Protecteur auffi vrai ,
» auffi puiffant , & auffi favorable que le fut.
autrefois le Grand Cardinal de Richelieu.
59
Faffe le Ciel , Monfeigneur , que
vous
foyez
pendant une longue fuite d'années témoin
du profond refpect , & de la fincere reconnoiffance
de cette Compagnie. Pour
moi , comblé de vos bienfaits en mon particulier
, je conferverai toute ma vie les
» mêmes fentimens de refpect & de veneration
pour Votre Eminence .
M. le Cardinal de Fleury répondit à ce
Compliment avec beaucoup de politeffe &
d'honnêteté pour la Maifon de Sorbonne.dont
il parla avec grande eftime ; fit l'honneur à
ces Meffieurs de les retenir à dîner , & ils
prirent congé de Son Eminence fort fatisfaits
de la maniere gracieufe dont elle les
avoit reçûs.
Le 23. Septembre , M. de Valincour
l'un des Députez de l'Académie Fran,
Goife , complimenta à Fontainebleau ,
M. le Cardinal de Fleury en tes
termes :
MONSEIGNEUR
,
>
L'Académie Françoife nous a chargez de
venir témoigner à Votre Eminence , la joye
qu'elle a reffentie en apprenant la nouvelle
dignité dont vous êtes revêtu , & qu'elle vous
fouhaittoit depuis fi long- temps.
Vous fçavez , Monfeigneur , les raifons qui
attacheat cette Compagnie à votre perfonne ,
&
1
OCTOBRE. 1726 2375
& qui l'obligent à regarder tous vos avanta
ges comme les fiens. propres 12 12
3. C'eſt à V. E. que nous devons l'honneur
que nous a fait le plus grand Roi du monde
forfqu'à l'exemple de fon augufte Bifayeul il
s'eft déclaré notre Protecteur , loriqu'il a bien
voulu affifter lui-même à nos exercices , &
qu'il nous a donné avec fon Portrait , un gage
précieux de la bonté que vous lui avez
infpirée pour nous.
Nous vous fommes encore redevables de
bien d'autres graces , dont nous ne ferons
point ici le détail , mais qui ne fortiront jamais
de notre fouvenir.
Jugez , Monfeigneur , quels effets cela doit
produire dans les coeurs d'une Compagnie ,
qui faifant profeffion d'aflervir fon langage
au caprice de l'ufage & aux regles pointilleufes
de la Grammaire croit encore plus
obligée de former fes fentimens fur les prin-
-cipes invariables de la juſtice & de la reconnoiffance.
fe
Nous efperons , Monfeigneur , qu'en deye .
nant un des Membres du Sacré College , vous
n'oublierez pas que vous êtes un des Membres
de l'Académie Françoife ; & fi nous avons
le regret de ne vous plus voir à nos Affem-
-blées , nous nous flatons que vous regretterez
quelquefois de n'y pouvoir affiſter.
Nous dirons en regardant votre Portrait :
Il feroit ici lui -même parmi nous , & comme
un de nous , fi le fervice du Roi & le bien
de l'Etat ne le demandoient ailleurs .
Pendant que nous fommes occupez à tracer
des regles & des confeils pour bien écrire, il
infpire à notre Augufte Monarque , le defir de.
faire des actions dignes d'être écrites & de fervir
de modele aux Rois qui viendront après
Iij lui ;
2376 MERCURE DE FRANCE .
lui ; il lui reprefente que le premier & plus
grand devoir d'un bon Prince , eft de rendre
Tes Sujets heureux , & qu'il lui eft bien plus
glorieux , de travailler à n'avoir jamais d'ennemis
, que de fe mettre dans la trifte necef
fité de remporter fur eux des victoires qu'il
paye toujours trop cher , quand elles lui coûtent
le fang de fes Sujets , & la ruine de fon
Peuple.
Voilà , Monfeigneur , de quoi nous nous entretiendrons
en votre abfence , perfuadez d'ailleurs
que les grandes & importantes affaires
dont vous avez la conduite , ne diminueront
rien de la genereufe attention que vous ave
bien voulu donner jufqu'à prefent à tout ce
qui regarde notre Compagnie. Dans votre
vigilance bienfaifante , femblable à ce fage
Oeconome , qui s'appliquant à rendre les
campagnes fertiles , & les moiffons abondantes
, ne neglige pas la culture ni l'ornement
des jardins , fçachant bien que les fleurs
qui s'embelliffent par fes foins , embelliront
elles- mêmes tous les lieux où elles font cultivées.
Comme il connoît parfaitement la valeur de
chaque chofe , il fçait auffi qu'il n'y en a aucune
qui ne merite fon attention , & qui n'ait
fon utilité particuliere quand elle eft employée
à fon veritable ufage.
Il ne nous refte plus , Monfeigneur , qu'à
fouhaiter à V. E. des fuccès dignes de vos
bonnes intentions , & que votre fanté puiffe
refifter aux fatigues de yos glorieux emplois,
comme votre coeur & votre efprit refifteront
toujours aux charmes flateurs des dignitez &
de la grandeur , où vos vertus & la confiance
eu Roi viennent de vous élever.
Réponse
OCTOBRE 1726. 2377
1
Réponse de Son Eminence.
MESSIEURS ,
L'honneur que me fait l'Académie , & la
part qu'elle veut bien prendre à ma nouvelle.
Dignité, me la rendent encore plus précieufe
& je ne pouvois recevoir ce témoignage de fa
bonté par des Confreres qui me fuffent plus
chers , & que j'honoraffe davantage. Je vous
fupplie , Meffieurs , de vouloir bien marquer
à la Compagnie toute l'étendue de ma reconnoiffance
, & de l'affurer que de tous les honneurs
dont le Roi puiffe me combler , il n'y
en a point dont je faffe plus de cas , que de
celui que j'ai d'être affocié à un fi illuftre
Corps,
Le 30. Septembre , l'Ouverture folemnelle
de l'Affemblée du Clergé
fe fit à Paris, dans l'Eglife des Grands
Auguftins par la Meffe du Saint-
Efprit , à laquelle les Prélats & les
autres Députez qui compofent PA
femblée , affifterent. L'Archevêque de
Narbonne y officia pontificalement , &
M. Madot , Evêque de Châlons fur Saône
, fit un très beau Sermon , fur la dignité
& les devoirs de l'Epifcopat.
L'Affemblée du Clergé , après avoir
élû pour Prefidens , l'Archevêque d'Aix ,
1'Archevêque de Narbonne l'Evê
que de Châlons- fur - Saône & PE-
>
.
I iij vêque
6783
2378 MERCURE DE FRANCE
vêque de Limoges , l'Abbé de Valras
pour Promoteur , & l'Abbé de Maugi-
Ton pour Secretaire , a choifi le Cardinal
de Fleury , Miniftre d'Etat , pour
Premier Prefident , & l'Affemblée députa
pour prier S. E. d'accepter ce
choix.
Le 3. de ce mois , l'Archevêque d'Aix
harangua le Roi à Fontainebleau , en ces
termes :
SIRE ,
Le Clergé de votre Royaume affemblé de
nouveau par votre ordre , s'empreffe de porter
aux pieds de votre Majefté les affurances
de fa fidelité & de fa foumiffion.
la
Tout nous engage , SIRE, à vous en donner
des preuves ; tout les exige de nous ,
Religion , la naiffance: & l'amour que Votre
Majefté vient de marquer à fes Peuples,
en prenant la glorieufe refolution de les gouverner
par Elle- même , excite le defir d'y fatisfaire
,
Vos Sujets trouveront en vous , SIRE, un
coeur de Pere qui fçaura compatir à leurs befoins
; & l'Eglife maintenue dans des droits
que la pieté de vos auguftes Prédeceffeurs , &
l'ufage de tous les temps ont confacrez , s'ap
-plaudira de voir dans fon Souverain des fentimens
dignes de fon Fils aîné.
La piété que nous admirons en vous , ce
profond refpect pour nos facrez Myfteres ,
fruit de l'heureufe éducation que Votre Majelté
OCTOBRE. 1726. 2379
&
jefté a reçûë , annoncent à l'Eglife aujour
d'hui agitée , le calme & le repos ; & l'exemple
que vous vous propofez de fuivre
en imitant ce grand Roi , toujours l'objet
de nos regrets , comme il fera à jamais la
gloire du Trône, lui affurent une protection
conftante , pour l'aider à ramener à la foûmiffion
ceux qui s'en éloignent , & qui la troublent
depuis tant d'années.
C'eft le fecours qu'elle attend , SIRE, de
youre Religion ; c'eft ce qui contribuera le
plus au bonheur & à la tranquillité de vos
Etats, Par là le Dieu de Mifericorde rendra
votre Regne toujours jufte , toujours glorieux
, en accompagnant tous vos deffeins de
fon efprit de fageffe & de confeil ; & après
l'avoir affermi par une nombreufe pofterité ,
vous le verrez pour la confolation & le repos
de la France porté jufqu'aux temps les
plus reculez.
-Le même Prélat harangua la Reine , en
cette maniere
MADAME ,
Le Clergé de France affemblé au temps de
Votre Avenement à la Couronne , eut l'honneur
de rendre fes hommages à Votre Majefté,
& de lui témoigner combien il s'eftimoit heureux
de vous poffeder pour Reine.
Aujourd'hui affemblé extraordinairement
par les ordres du Roi , il vient renouveller à
Votre Majefté , les affurances de fa foumiffion
, & vous marquer combien il a reffenti le
danger de vous perdre.
On la vû, MADAME, profterné aux pieds
I iiij des
1380 MECRURE DE FRANCE.
des Autels animer la ferveur du Peuple par la
fienné , pour conjurer le malheur dont nous
étions tous menacez.
Nous fentions fur tout, MADAME, ce que
la Religion devoit perdre , fi nous étions privez
d'une Reine qui met fa principale gloire
à la foûtenir par fes exemples . C'est ce qui
Tanctifioit nos voeux , & ce qui les a fait pénetrer
jufqu'au Trône du fouverain Arbitre
de la vie.
Le Ciel vous a rendu ,MADAME,à nos juf
tes inftances ; nous les continuerons avec le
même zele , & nous les unirons aux vôtres,
pour que nous puiffions voir naître au plutôt
des heureux fruits de l'augufte Alliance à laquelle
tant de qualitez naturelles , & vos vertus
vous ont élevée.
"
Le 10. de ce mois , M. le Pelletier
des Forts , Confeiller d'Etat ordinaire
& du Confeil Royal des Finances , &
Contrôleur General des Finances , M. Fagon
, Confeiller d'Etat ordinaire , & du
Confeil Royal des Finances ; le Comte
de Maurepas , Secretaire d'Etat ; & M.
d'Ormeflon Confeiller d'Etat & Intendant
des Finances , Commiffaires du
Roi , allerent à l'Affemblée du Clergé
, où ils furent reçûs avec les Ceremonies
ordinaires . M. le Pelletier des
Forts fit un Difcours , auquel l'Arche
vêque d'Aix répondit au nom de l'Af
femblée.
•
›
Le 12. les mêmes Commiffaires retour-
"
OCTOBRE. 1726. 2381
tournerent à l'Affemblée , & demande
rent au nom de S. M. un fecours de
cinq millions de livres , qui fut accordé
unanimement .
COMPLIMENT fait à M. le Comie
de Tavannes , Lieutenant General de la
Province de Bourgogne , à son entrée
Và Autun le 7. Août 1726. par Dom
Edmond Damoifeau , Grand- Prieur de
PAbbaye S. Martin d'Autun.
0
MONSIEUR .
Un de nos plus agreables & de nos plus
effentiels devoirs , eft de joindre le tribut de
nos refpects à ceux que l'on vous rend aujourd'hui
avec autant de plaifir que de juftice.
La joye que nous avons reffentie à votre
arrivée dans cette Ville , nous eft commune
avec tous les Corps & tous les particuliers
qui la compofent ; & s'ils témoignent tant
de fatisfaction de fe ( a ) retrouver fous vos
ordres , nous ne fommes pas moins ravis de
les voir eftimer, comme ils doivent le bonheur
dont ils jouiffent.
Déja ils ont éprouvé ce que peut la fageffe
"de votre conduite. Plus d'une fois ils ont eu
Tieu d'admirer cette grandeur d'ame , qui elt
comme hereditaire dans votre illuftre Mailon.
L'heureufe experience du paflé leur donne
(a ) M. le Comte de Tavannes , avoit deja
été Lieutenant de Roi de l'Autunois après
M. fon pere.
851
Iv das
2382 MERCURE DE FRANCE.
des affurances pour l'avenir. L'épreuve qu'ils
ont faite de vos anciennes bomez , excite
aujourd'hui leur reconnoiflance , & refferre
les noeuds de leur refpectueux attachement.
Il n'eft perfonne dans cette Province, heureufement
confiée à vos foins , qui ne fe fou-.
vienne , & qui ne publie , que vous fçavez
commander en la place du Roi , comme il
commanderoit lui même.
Quand on a , en effet , comme vous l'avez,
Monfieur , l'avantage de s'être formé fur le
modele des vertus du Prince , on reprefente
toujours fa Perfonne avec dignité . Combien de
fois , ne penfant qu'à travailler pour fa gloire
, avez- vous donné un nouvel éclat à la
vôtre ? Dans fa Maifon , comme Chef d'un
Corps refpectable ; à la Guerre , comme Brigadier
de fes Armées ; à la tête des Etats
de cette Province , comme dépofitaire de fes
droits, & l'homme de fa confiance ; vous
êtes montré par tout en Heros , parce que
yous en avez rempli en toute occafion les
devoirs .
Vous
C'eft de la voix publique , qui n'eſt point
fufpecte fur le vrai merite , que nous avons
appris le vôtre. C'eft cette voix qui annonce
par tout que vous marchez parfaitement fur
les traces de vos illuftres Ayeux , que vous
foutenez avec honneur le grand nom de Tavannes
, & que vous en faites plus aux emplois
dont vous êtes revêtu , que vous n'en
recevez d'eux .
Le Clergé , la Nobleffe , & le Tiers Etat ,
n'ont qu'un même fentiment fur ce que j'avance,
& ils reconnoiffent tous ce qu'ils penfent
dans ce que j'ai l'honneur de vous dire.
Ils vous l'ont témoigné eux- mêmes dans tou-
VI
OCTOBRE. 1726. 2383
: tes les occafions qui s'en font prefentées les
marques de leur dévouement & de leur reconnoiffance
ont répondu , autant qu'il leur
étoit poffible , aux effets de votre bienveillance
, de votre generofité , & de votre defintereffement.
On les a vû rendre volontiers à Cefar , tout
ce que vous pouviez defirer , de ce qui eft du
à Cefar ils ont toujours porté leurs defirs , &
fouvent leurs offres au delà de votre attente.
Ils n'ont jamais confulté que l'ardeur de leur
zele , & ils ont remis avec tranquillité le foin
de leurs interefts , entre les mains d'un Chef,
qui , comme vous , Monfieur , ne fçait point
oublier les befoins du Peuple , en maintenant
les droits du Souverain. Ce qui leur a infpiré
tant de confiance , c'eft qu'ils reconnoiffoient
en vous les fentimens naturels de la bonté &
de la juftice du Roi.
Cette Ville qui vous eft toute dévouée , fe
fatte de la continuation de vos bontez & de
votre attention . Voyant revivre en vous le
fang, l'efprit & les vertus de Monfieur le
Comte de Tavanne , votre illuftre pere , elle
efpere qu'elle y retrouvera auffi la même bienveillance
& le même appui . Nous fçavons ,
Monfieur , combien il ett glorieux d'avoir
part à l'honneur de votre, protection , j'ofe
vous la demander pour ma Communauté en
general, & pour moi en particulier .
་
M. Gervaife , Prevôrde l'Eglife Roya-
Te de S. Martin de Tours , ayant été facré
Evêque d'Horen , par le Pape , fait
Evêque Affiftant du Frône , Vicaire &
Commillaire Apoftolique dans l'Ameri-
1 vj que
2384 MERCURE DE FRANCE.
7
que meridionale , eut fon audience de
congé de Sa Sainteté le 1. du mois d'Août
dernier , où elle continua de lui donner
des marques d'une bienveillance particu
liere , comme elle avoit toujours fait pendant
fon fejour à Rome. Il en partit le g
au foir , & M. le Cardinal de Polignac,
accompagné de plufieurs Prélats , & autres
perfonnes de diftinction , voulut bien
lui faire l'honneur de le conduire dans
fes Carolles au delà de Ponte-Mole.
Il arriva à Toulon le 25. & le Dinanche
26. il fut prié par M. l'Evêque d'officier
à l'occafion du Te Deum chanté en ..
action de grace du rétabliffement de la
fanté du Roi dans l'Eglife Cathedrale ,
où ce Prélat celebra la Melle pontificalement.
3
I paffa enfuite à Avignon , & vifita
M. le Vice- Legat , qui le lendemain lui
rendit fa vifite avec tout fon Cortege ,
& l'emmena à fon Palais où il dîna
avec tout ce qu'il y avoit de perfonnes
de diftinction à la Ville & aux environs.
Il arriva à Fontainebleau le 22. Sep
tembre , & le 23. il eut l'honneur de
faluer le Roi , prefenté par M. le Cardinal
de Rohan & par M. le Cardinal de
Fleury. Voici le Compliment qu'il fit
.à S. M.
OCTOBRE 1726. 2385
1. 1
SIRE ,
Quoique je ne tienne pas l'honneur de l'E
pifcopat de la nomination de Votre Majefté ,
comme je ne l'aurois jamais accepté fans fon
confentement , je viens lui rendre mes très
humbles actions de graces d'avoir bien voulu
le donner. Le S. Perem'a chargé de vous affurer
, SIRE , dede toute fa tendteffe paternelle,
Il m'envoye ouvrir une carriere immenfe ,
une
& porter l'Evangile à des Peuples qui n'ont
jamais entendu parler de Jefus Chrift. Je peux
être utile aux sujets de votre Majefté , qui
font aux environs , je viens lui offrir ce qui dé
pend du facré miniftere , & lui demander, fa:
Royale protection pour une oeuvre fi importante
à la Religion .
+
Le 19. du mois dernier , les Officiers:
de la Ville & Principauté de Joinville ,
firent celebrer un Service folemnel dans
l'Eglife Paroiffiale, pour le repes de l'as
me de la Ducheffe d'Orléans. M. Cle
ment , Docteur de Sorbonne , prononça
l'Oraifon funebré avec beaucoup d'élo
quence
Le 16. de ce mois , le Roi Stanislas
& la Reine fon Epoufe , arriverent à Ravanes
, Château fitué à deux lieues de
Fontainebleau , où ils allerent le 19 .
& le 20 pour voir le Roy & la Rei
ne , gardant l'Incognito , fous le nom du
Comte & de la Comteffe de Saint Pierre.
La
2386 MERCURE DE FRANCE .
La Princeffe Palatine leur coufine les accompagnoit.
Le Roi a accordé à M. Robert , Intendant
de la Marine à Breft , un Brevet
de Confeiller d'Etat , la diftinction avec
laquelle il a fervi depuis 1682. dans les
Ports , à la fuite des Armées navales , &
en plufieurs autres Commiffions impor
tantes , lui a fait meriter cette preuve de
la fatisfaction que Sa Majesté a de fes
longs fervices.
Le 17. de ce mois , S. M. nomma
Abbé de la Châtre à l'Evêché d'Agde.
Les Archevêques de Lyon & de Sens,
ay ant demandé au Pape la Bulle du Jubilé
de l'Année Sainte , le Saint Pere la
leur a envoyée ; l'ouverture s'en fit dans
le Diocèfe de Sens le 28. de ce mois
Comme le Château de Fontainebleau fe
trouve dans ce Diocèfe , le Roi , la Rei
ne , & toute la Cour y gagnerent le Jubilé.
Il n'y aura ni Comedie ni Concert
pendant tout ce temps - là,
PHENOMENE.
Ce Phenomene qui a paru à Paris le 19
Octobre au foir, n'eft autre chose que ce que
l'on appelle , Lumiere Boreale ou Septentrio
nale , affez femblable à la Defcription qui a été
donnée de celle qui fut obfervée le 17. Mars
1716. en Angleterre , & qui a été obfervée
plufieurs fois depuis jufqu'au 21 Octobre
17210
A
CTOBRE . 1726. 2387
&
1721 à l'Obfervatoire Royal. On n'en a guere
vue de fi confiderable que celle ci , tant par.
fa durée , que par fes differentes circonftances.
On commença à l'obferver à fept heures &
demie , & il ett vraisemblable qu'elle ne faifoit
que
de commencer. Ce ne fut d'abord
qu'un grand arc lumineux , au deffous duquel
il y en avoit un autre un peu plus obfcur. On
voyoit encore les Etoiles à travers l'un & l'autre
: cet arc tenoit depuis le coucher du Soleil
jufqu'au lever de la Lune, à peu près , étant
élevé fur l'horifon de 3 degrez , ou environ ;
de tems en tems ilen fortoit des colomnes de
lumiere fort blanche , & très - déliée , dont les
ures & les autres s'élevoient plus ou moins ,
fans garder entre elles aucun ordre fenfible dansleur
progreffion, ne paffant gueres 10 degrez au
deffus de arc lumineux. Ces colomnes duroient
peu, & d'autres fuccedoient à leurs places,
ce quifaifoit un fpectacle fort agréable .
Vers les huit heures la lumiere commençoit a
être telle , qu'on lifoit fort aifement une petite
écriture : à huit heures un quart , on remasqua
dans le Phenomene des ondulations de lumiere
, & un mouvement affez confiderable en
tout fens, qui pouvoit être regardé comme une
agitation caufée par la fermentation . Quelques
endroits, tant de l'arc lumineux , que du tenebreux
, parurent s'ouvrir , en laiffant voir des
efpeces de globes d'un feu fortblanc. Auffi- tôt
il fortit une quantité prodigieufe de colomnes
de lumiere, ou rayons éclatans qui en un inftant
couvrirent tout le Ciel , excepté environ la hauteur
de 30. degrez vers le Sud , & répandirent
par tout une espece de nuage ou vapeur trèsrare
, blanc & agité , de la même maniere que
de la flamme expofée au Soleil.Ces mouvemens
durerent fort long - tems , & la couleur fut
prefque
2388 MERCURE DE FRANCE .'
prefque toujours la même , excepté du côté
du Couchane , où il fe forma un groupe de
nuages fort étendu , d'un rouge très- vif, &
aufi , peu après , une femblable apparence du
-côté de l'Orient ; mais ce dernier n'étoit pas fi
éclatant. Il y eut un endroit vers le Zenith
dont l'étendue étoit circulaire , que ces nuées
enflammées ne couvrirent pas ; & quoique de
tems en tems ces vapeurs fe diffipaffent , & qu'il
len revint de nouvelles , cet endroit en fut toujours
garanti.
D'auttes ont obfervé que les colomnes
fe réunifloient de prefque toute la circon
ference de l'orifon à un centre commun , qui
étoit près du Zenith , & dans lequel les émifffons
de la lumiere , qui fe faifoient par ondu
· lacions affez précipitées , reprefentoient differentes
figures dans lefquelles le bas Peuple
étonné , crut reconnoître des Villes , des Châteaux
, des Croix , des Aigles , & tout ce que
Timagination échauffée.fecourue de l'ignorance
, peut fe former de plus bizarre . La varieté
-de ces diverfes apparences , dependoit fans
- doute , du mouvement d'une efpece de nuage
qui reflechifoit la lumiere , & qui difparoifloit
fréquemment.tel
D'autres encore ont obfervé que quelques-
-unes de ces colomnes de lumiere reffembloient
affez à de groffes fufées ; que le feu qui pa
roiffoit dans le Ciel , fembloit venir princi
2 palement des bords de l'horifon , & fe communiquer
peu à -peu , en s'agitant aux parties
-les plus élevées vers le Zenith . Que du côté
d'Occident , il parut un nuage épais , d'une figure
extraordinaire , & d'un rouge fort écla
tant , qui dura de cette maniere prefque une
heure entiere. Que vers l'Orient , il parut auf
un femblable nuages mais moins ronge que
le
OCTOBRE 1726, 2389.
le precedent. Qu'il y eut entre autres , immediatement
au deus de Paris , un endroit rond ,
Tamineux & agité , qui parut toujours d'un
bleu celefte fort vif , & où ces nuages enfiammez
ne parvinrent point.
Tout ce Phenomene dura jufqu'à 1o. heures
& demie dans fa plus grande force , & diminuant
peu- à-peu , on ceffa de le voir vers
les deux heures après minuit.
On en a obfervé très - fouvent de femblables
en differens tems , & en differens lieux, M.
Maraldi , Aftronome de l'Academie Royale
des Sciences , a rapporté dans les Memoires de
cetre Academie des années 1716. & 1721. les.
Phenomenes femblables , qui ont été obfervez
à Paris dans cet intervalle de tems. Quelquefois
on en a vû en même- tems dans toute l'Eu
rope & dans une partie de l'Afie , comme ce
lui du 12. Septembre 1621. dont parle Gaffen
di , qui fut apperçu à Bordeaux & à Alep
dans la même nuit. Il y en a un de l'an 537. de
Ere Chrêtienne qui dura une année entiere.
Les Voyageurs dans la Norwegue , l'Iflande
& Spitsberg , rapportent qu'ils font prefque
contnuels dans ces pays voifins du Pole dans.
le tems des équinoxes, où ils répandent une lu
miere affez vivé pour les éclairer pendant l'abfence
de la Lune...
On donnera le mois prochain , d'autres Ob
fervations de ce Phenomene , faites en Nor
mandie , en Bourgogne , &c.
MORTS
2390 MERCURE DE FRANCE.
****************
A
MORT S.
Ntoine de Comps , Marquis de Vefc , mourut
le 24. du mois dernier dans fon Château
de Dieulefit, en Dauphiné, âgé d'environ
66. ans. Quoique d'une Famille qui a eu deux
Grands- Maîtres de Malthe , il étoit né dans la
Religion Proteftante , de laquelle il avoit fait
abjuration dans fa jeuneffe , entre les
mains
de
feu M. Boffuct , Evêque de Meaux . Il a vêcu
& eft mort avec une pieté édifiante. Après
avoir long- tems fervi le Roi , dont il étoit
penfionnaire , il fe retira chez lui , & époufa
Dame Jeanne de La Faye , qu'il laiffe veuve
fans enfans ..
M. François Gaffé , Prêtre , Docteur en
Théologie de la Faculté de Paris , Principal du
College de Lizieux , & Sous - Chancelier de
l'Univerfité, mourut le 27. Septembre dernier,
âgé de 62. ans.
M. André de Flori , Seigneur de Laiffart
Confeiller du Roi , Prefident des Treforiers de
France , mourut le 3. Octobre , âgé d'environ
68. ans.
Dame Marie-Julie- Michelle de Sainte Maure
de Jonfac , époufe de Pierre Bouchard Defparbes
de Luffan , Comté d'Aubeterre , Chevalier
des Ordres du Roi , Lieutenant General
de fes Armées , Gouverneur de la Ville & de
la Citadelle de Collioure , mourut le 7. d'Oc
tobre , âgée de 65. ans.
Le 15. d'Octobre , mourut dans la foixante &
douzième année de fon âge Jules de Gravel ,
Marquis de Marly , Seigneur de Neufmoutier ,
&C
OCTOBRE. 1716. 2391
& c. Confeiller du Roi en fes Confeils , ci- deyant
Envoyé Extrordinaire de Sa Majefté près
les Cantons Suiffes , à Mayence, à Cologne ,
en Brandebourg , & en Pologne.
Il etoit fils de M. Robert de Gravel , & de
Marie Henriette de Villiers ; ce Robert de Gravel
mourut à Soleurre , en 1684. Confeiller
d'Etat & Ambaffa deur Extraordinaire près des
Cantons Suiffes. Il étoit alors nommé à l'Ambaffade
Extraordinaire de Dannemark. Il avoit
fervi le Roi avec diftinction pendant plus de
quarante ans , dans toutes les Cours d'Allemagne,
& à Ratisbonne , où il fut Plenipotentiaire.
Jacques de Gravel , Abbé d'Argentan , frere
de Robert de Gravel , a long- tems auffi fervi le
Roi dans les Negociations , & en qualité d'Envoyé
Extraordinaire près des Electeurs de Treve
& de Mayence.
Jules de Gravel , qui vient de mourir , laiffe
de Marie - Therefe Bernard du Chemin , fon
Epoufe , Maximilien Henri de Gravel , Lieu
tenant aux Gardes Françoifes , & Chevalier
de Saint Louis ; Guillaume- François de Gravel
, Religieux Benedictin ; Anne- Henriette de
Gravel , Religieufe Benedictine à la Magdelaine
deTrefnel ; & Marie-Therefe de Gravel,
non mariée , Maximilien Henri de Gravel
Abbé de Saint Simphorien , à Metz , eft frere .
de Jules de Gravel qui vient de mourir.
AVIS AU PUBLI C..
LE
E Sieur Lefcure , Chirurgien des Gardes
du Corps de S. M. C. la Reine d'Espagne ,
diftribue au Public un Sel d'or , qu'il peut affurer
fpécifique pour la guérifon de l'Epilepfie .
ell
2392 MERCURE DE FRANCE .
ou Haut-Mal , les Vapeurs & toutes Maladies
convulfives . L'excellence de ce Remede
dont il eft feul & unique poffeffeur , eft d'autant
plus autentique & certaine , que les expé .
riences en ont été faites fous les yeux de M. le
-Premier Medecin de S. Majefté, réiterées par
fes ordres , fous ceux de plufieurs Medecins
de la Faculté de Paris ; & enfin , pour n'en
laiffer aucun doute , confirmée par celles qui
-ont été faires par le même ordre , dans l'Hôpital
General fur des Malades de tout fexe , de
differens âges & temperamens .Ce font les merveilleux
effets que ce Remede a produits für
tous ces differens fujets , qui lui ont merité
Approbation de Meffieurs les Medecins de
la Faculté de Paris , & le Privilege de Sa Majefté.
Ce Sel opere la guerifon de ces terribles Ma-
Jadies avec autant de douceur que de certitu
de. Il purifie la maffe du fang , débarraſſe les
parties engorgées , diffipe les obftructions , &
fortifie les parties affoiblies & dérangées de
Ieurs fonctions naturelles : il eft ami de la nature
, & n'agit que fuivant le temperament du
Malade ; enfin , il est très- aifé à prendre , &
n'oblige le Malade à aucun régime particulier ,
ni à fe déranger de fes occupations ; il confer
ve toujours fa vertu , & peut fe tranſporter
par tout , fans fouffrir la moindre alteration .
Le Sieur Lefcure demeure ruë de Grenelle S
Honoré , dans la Porte Cochere , vis-à-vis l'Imperatrice.
EDITS,
OCTOBRE. 1726. 2393
茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶
EDITS , ARRESTS ,
- SENTENCES DE POLICE , & c.
que
RREST du Juillet , qui ordonne
Ales Droits des Canaux d'Orleans & de Lolu
continueront d'être payez par préference par
les Marchands & Voituriers qui pafferont fur
iceux , de quelques efpeces de Grains ou Marchandifes
dont leurs Bateaux puiffent être chargez
; Déclarant Sa Majesté n'avoir entendu décharger
par les Arrefts de fon Confeil des 24.
Aoult & 31 , Décembre 1725. les Bleds & Grains
deftinez pour la Provifion de Paris , des Droits
defdits Canaux , Et en confequence caffe & an
nulle une Sentence des Juges Confuls de Pa .
ris du 3. May dernier , avec défenſes d'en repdre
de pareilles à l'avenir.
LETTRES PATENTES du 28. Juillet , regif
trées au Parlement le 23. Août , qui renvoyent
au Parlement de Paris les accufations intentées
contre le nommé Sallot de la Martiniere.
LETTRES de renvoi au Parlement , Four faire
le procès au nommé Bouret & Complices , accufées
de complicité & d'infidelité dans leurs
Emplois , données à Fontainebleau le 27. Août
1276. Regiftrées en Parlement le 3. Septembre
1726.
3
ORDONNANCE du même jour. M. le Com
de fainte Maure, Chevalier , Marquis d'Ar
chiard,
2394 MERCURE DE FRAN CE .
1
chiard , Baron de la Tour- Blanche , Seigneur de
la Feuillade , premier Ecuyer - Commandant la
grande Ecurie du Roi , Confeiller du Roi , Bailli
& Capitaine des Chaffes de la Varenne des
Thuilleries , Pont de S. Cloud , Plaine de S. Denis
, Genevilliers & dépendances ; portant regle
ment pour les Chaffes : & qui fait défenſes à toutes
perfonnes de quelque qualité & condition
qu'elles foient , de chaffer pendant l'efpace de
deux années , conformément aux ordres du Roi
des 26. Juin & 16. Août , &c.
ARREST du même jour , qui maintient les
Habitans de la Paroiffe de Bredom en la Haute
Auvergne , dans le privilege de fe fervir du Sel de
Guyenne & de Poitou.
APPROBATION.
lû ordre de Monfeigneur le Garde
Ides Sceaux le Mercure de France du mois
Ottobre , & j'ay crû qu'on pouvoit en permettre
l'impreffion. A Paris , le 4. Novembre
1726. HARDION.
TABLE
Ieces fugitives : Traduction de la 12. Ode
d'Horace ,
Differtation fur les Bons Mots ,
Le Cigne & le Paon , Fable ,
2183
2191
2204
Caufe
1395
Caufe plaidée au College des Jefuites
Examen de la Cauſe
Jugement ,
Songe en Vers ,
Arreſt du Regiment de la Calotte ,
Fête donnée à Dax ,
2206
2223
2229
2231
2233
2238
Autres Réjouiflances pour la fanté du Roi , 2244
Vers à la Reine fur la convalefcence de S. M.
2246 ,
Lettre fur les feux des Bruyeres , des Forêts , &c.
Le Jufte mourant , Sonnet
"
2247
2255
Journal de Conftantinople , &c. 2256
Traduction de la 2. Poëfie de Catulle
2276
Lettre fur un fait fingulier , 2277
Enigmes , 2280
Nouvelles Litteraires , des beaux Arts , &c.
La Theologie des Peres , & c.
2282
2283
Lettre aux Echevins de Marſeille fur une Inf
cription , & c.
Le Paftor Fido , Paftorale ,
Qeuvres diverfes de M. Rouffeau ,
Nouveaux Ecrans , & c.
2285
2288
2289
2291
Experience de M. Sully ,fur fon Horloge à levier
,
2299
Medaille du Roi gravée en taille douce , 2309.
Spectacles , les Comediens Corfaires , Extrait ,
Le Mari fans femme , &c.
Pirame & Thibé , Opera nouveau , Extrait
Decoration nouvelle ,
L'Opera Comique ,
Le Rhume , Chanfon notée ,
2310
2319
2329
2342
2347
+2348
Nouvelles de Turquie , de Ruffie , de Pologne,
de Suede , d'Allemagne , d'Italie , &c.
Tremblement de terre à Palerme ,
2349
2358
NUO
2396
Nouvelles d'Espagne , de Portugal , d'Angleter- ,
re & des Pays- Bas ,
Nouvelles de Paris , &c.
2362
2366
Compliment des Docteurs de Sorbonne au Cardinal
de Fleury fur la dignité , 2371
Autre Compliment à S. E. de l'Académie Francoife
.
Aflemblée du Clergé Harangue au Roi & à la
-Reine ,
2384
1387
Compliment au Comte de Tavanes , 2391
Compliment de l'Evêque d'Horen au Roi, 2395
Phenomene ,
Morts des perfonnes illuftres ,
Avis au Public ,
Edits , Arrefts ,
Errata de Septembre.
2386
2390
2391
2393-
Page 2046. 1. 2. femble être , lifez femble e■
ctre .
Ibid. 1. 13. privé , liſez brûlé.
Fantes à corriger dans ce Livre.
Page 2190. I. 8. l'eftimable , lifez l'incſtimas
Page 2234 ligne 9. prefcrivant , profcrivant .
Page 2251.1.3 . du bas , noirs , 7. noires.
Page 23261. 15. Cacios , 1. Carlos .
Médaille du Roi ,
Chanson notée ,
2309
2348
MERCURE
DE FRANCE ,
DEDIE AU ROT
NOVEMBRE . 1726 .
QUE COLLIGIT SPAR GIT
A PARIS ,
( GUILLAUME CAVELIER , au Palais
GUILLAUME CAVELIER , fils , rue
Chez S. Jacques , au Lys d'Or.
IN. PISSOT, Quay de Conti à la defcen
te du Pont,au coin de la rue de Nevere
M.DC C. XXVI.
Avec Approbation & Privilege du Ro
លើក
L
AVIS.
>
'ADRESSE generale pour toutes.
chofes eft à M. MOREAU
Commis au Mercure¸vis - à- vis la Comedie
Françoife , à Paris . Ceux qui pour leur
commodité voudront remettre leurs Paquets
cachetez aux Libraires qui vendent le
Mercure à Paris , peuvent fe fervir de
Cette voye pour les faire tenir.
On prie très - inftamment , quand on
adreffe des Lettres ou Paquets par la Pofte,
d'avoir foin d'en affranchir le Port ,
comme cela s'eft toûjours pratiqué , afin
d'épargner à nous le déplaifir de les
rebuter , & à ceux qui les envoyent
celui , non- feulement de ne pas voir
paroître leurs Ouvrages , mais même de
les perdre , s'ils n'en ont pas gardé de
copie.
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou les particuliers qui fouhaiteront
avoir le Mercure de France de
la premiere main , & plus promptement
n'auront qu'à donner leurs adreffes à M.
Moreau , qui aura foin de faire leurs paquets
fans perte de temps , & de les faire
porter fur l'heure à li Pofte , ou aux Meffageries
qu'on lui indiquera.
Le prix eft de 30. fols.
2397
MERCURE
DE FRANCE ,
DĚDIE AU
ROT
NOVEMBRE.
1726.
PIECES FUGITIVES ,
en Vers & en Profe.
EPITRE de Mademoiselle l'Heritier,
à Madame S ***
en lui envoyant
>
l'Elegie fuivante.
Ous fi chere aux neuf Soeurs , gras
cieuſe Ericine ,
Vous qui fçavez calmer l'ame la plu
chagrine :
Vous dont l'efprit fi vif, fi rempli de clarté ,
Eft le charme innocent de la focieté ;
A ij
Male
2398 MERCURE DE FRANCE.
Malgré tous les talens que vous avez pour
plaire ,
Votre aimable entretien ne pourroit point dif
traire
Un Amant accablé fous les rigoureux fers ,
Dont ma Muſe a tracé l'image dans ces Vers.
Mais un pareil amour dans le fiecle où nous
fommes ,
Regne fipeu parmi les hommes ,
Que vos difcours pleins d'agrémens ,
Ne perdront rien chez ceux qui ſe diſent Amans,
Ils s'embarraffent peu de la délicateffe :
Pour faire un vrai contraſte aux Heros des Ro
mans ,
Tranquilles dans leurs fentimens :
Ce que pour leurs Iris ils ont d'empreffemens
Ne leur caufent jamais ni trouble ni triſteſſe ;
Non , on n'outre plus la tendreffe :
Le Tircis dont je peins la vive ardeurici ,
C'eft peut-être le feul qu'on voit aimer ainsi.
Agreable ennemi , cher tyran de mon ame ,
Amour dont je me plains , Amour que je reclame
,
Tu fçais avec tant d'art enchanter ma raifɔn ,
Que je crains aujourd'hui de fortir de prison .
Mais
NOVEMBRE. 1726. 2399
Mais que dis-je , en fortir , temeraire penſée ,
Capricieuſe erreur de mon ame bleffée ,
M'offufques - tu l'efprit en captivant mes fens !
Mes fers pour être doux en font - ils moins
puiflans ?
Non , non , l'aimable chaîne où je fuis tributaire
,
Eft fi forte , qu'un Dieu ne pourroit s'en dé◄
faire :
J'adore Celimene , & fçai que mon amour ,
Ne doit pas moins durer que le flambeau du
jour :
Bel Aftre qui fais voir , & qui vois toutes
chofes ,
Pere de la clarté , qui jamais ne repoſes ,
Toi , qui ne prends plaifir qu'à changer de maifon
,
Toi , qui vois chaque jour l'un & l'autre hori
zon ,
Soit en fuyant la nuit , foit en fuivant l'Au
rore ,
Vois-tu rien de pareil à celle que j'adore ?
Et ne juges - tu pas qu'elle doit en ces lieux ,
Tenir le même rang que tu tiens dans lea
Cieux ?
Regne au- deffus des airs où fe fait le tonnerre .
Et la laiffe regner tranquille fur la terre.
A iij Vante2400
MERCURE DE FRANCE.
Vante-toi d'être l'oeil des celeftes flambeaux ,
Dis que tu fais briller les Aftres les plus beaux ,
Que tu pares le Ciel , qu'au gré de ta carriere ,
On voit dans fes Palais plus ou moins de lu
miere ;
Je puis bien dire auffi que celle que je fers ,
Par fes charmes brillans fçait orner l'Univers:
Elle efface l'éclat de cent beautez eclebres ,
Sans ce flambeau l'Amour ne marche qu'en tenebres
;
Elle a mille trefors de charmes & d'appas :
Les Graces ne font point où ma Belle n'eft
pas.
Dieux ! c'eft votre chef- d'oeuvre , & la Nature
avare ,
Sans vous n'eut point fait naître une Beauté £
rare ;
Tant de perfections & d'efprit & de corps ,
Ne fe pouvoient puifer qu'en vos divins tres
fors.
Mais quand la terre enfin produit ce bel Ouvrage,
Le Ciel ne craint- il point de perdre un avang
tage ,
Et de voir Celimene au milieu des Mortel
Dieux ! recevoir l'encens qu'on doit à vos Au
tels ! L'Amour
NOVEMBRE 1726. 2401
L'Amour d'un tel defordre auroit feul tout
blâme.
Ma Bergere n'eft point complice de ſa flâmes
Le foin de vous fervir & de vous honorer ,
L'empêche d'en avoir pour fe faire adorer.
La grace qui la pare eft modefte & naïve :
En dépit de fon coeur fa beauté nous captive.
Voyant que les attraits de fes divins regards ,
Sont aux mains de l'Amour des foudres & des
dards :
Elle interrompt fouvent l'ufage de fes charmes
,
Pour épargner nos voeux , nos foupirs & nos
larmes.
Vous fçavez , bel objet , arrêter le pouvoir ,
Dont vos yeux font brûler dès qu'on ofe les
voir :
Ils déchirent les coeurs par un fi doux martyre
,
Qu'il n'eft point de Mortel digne de votre em
pire ;
Ou le feul qui merite un bonheur fi charmant ;
Eft un coeur qui pour vous plein d'un tendre
tourment ,
A de vos doux regards reçû quelque préfage ,
Qu'ils ne font point fâchez de voir fon eſcla
yage.
A iiij D'un
1402 MERCURE DE FRANCE.
D'un préfage fi cher je flatte mes defirs :
De Tircis fans dédain vous voyez les foupirs ;
Et lorfque je vous peins tout le poids de ma
chaîne ,
Je crois voir dans votre air que vous plaignez
ma peine .
Amour , s'il eſt ainfi , que mon fort elt heureux
Et que je dois cherir mon fupplice amou
reux !
Oui , je reconnois bien que fes yeux adora
bles ,
A mes empreffemens fe montrent favorables :
Et fij'ofe flater encore ma langueur ,
Je crois que pour moi feul fon ame eft fans ri
gueur.
Lors qu'un trifte retour fur mon foible me
rite ,
Rend mon efprit confus , rend mon ame interdite
;
Qu'un fcrupule amoureux me fait defefperer ,
D'atteindre où le deftin me force d'afpirer ;
Un feul de fes regards calme tout cet orage
Son gracieux accueil rauime mon courage ,
Et je me crois déja poffeffeur glorieux ,
:
Du plus charmant objet qu'on ait vû ſous les
Cieux :
Mais
NOVEMBRE. 1726 2403
ſeduit
Mais d'un trop doux efpoir l'Amour fed uit ma
flâme ;
Quand Celimene , helas ! m'auroit donné fon
ame ,
Cette rare Beauté dont j'adore les loix ,
Du fevere devoir fuit fans ceffe la voix.
Quand mes feux à fon coeur paroîtroient pleins
de charmes ,
Quand toute fa fierté m'auroit rendu les ar
mes :
On ne la verra point couronner mon amour
Sans l'aveu de Lycas qui lui donna le jour :
Ciel ce Pafteur rendra mon efperance vaine,
De fes nombreux troupeaux il inonde la plaine ,
Et je fuis accablé d'un deftin rigoureux :
Lycas arrachera Celimene à mes voeux.
En vain j'aurai pour moi la candeur , la conf
tance ,
Le cruel ne cherit que la fiere opulence ;
Et le riche Alcidon mon fuperbe Rival ,
Malgré les vils défauts peut bien m'être fatal .
Je fçai toute l'horreur qu'a pour lui Celimene :
Mais , helas ! n'écoutant ni tendreffe ni haine,
Quoique puiffe alleguer l'Amour au défeſpoir ,
Elle immolera tout au barbare devoir :
A v Gé2404
MERCURE DE FRANCE.
Gémiflant en fecret d'une dure contrainte
,
Mais bornant fa douleur à quelque tendre plaine
te :
En dépit de fon coeur qui lui parle pour moi ,
Un autre aura le don de fa main , de fa foi ,
Ah Ciel ! quoi ! je verrois cet objet adorable ,
Et prévenu pour moi d'un penchant favorable ,
Dans les bras d'un Rival cruellement languir !
Détournons ce malheur , ou bien allons mourir.
海興
RELATION des derniers troubles arrivez
en Egypte , envoyée de Conftantinople
aux Auteurs du Mercure.
LE
Es troubles qui divifent de temps en
temps l'Egypte , doivent moins être
regardez comme un effet du hazard ,
que comme une fuite neceflaire de la
conftitution de fon Gouvernement . La
diftance de cette Province à la Capitale
de l'Empire , le grand nombre & le
genie de les Peuples , la licence des Troupes
que le Grand- Seigneur y entretient
y feroient ou méprifer l'autorité du
Pacha , ou la rendroient trop redoutable
aux yeux de la Porte , s'il étoit poffible ,
,
que
NOVEMBRE. 1726. 2405
que fept ordres differens , dont la Milice
du Pays eft compofée , & vingt- qua
tre Beigs qui gouvernent la Campagne,
puffent être exempts d'animofité & d'envie
, & concourir toujours aux mêmes
deffeins. Ce font donc , à proprement
parler , ces jaloufies particulieres , qui
établiffant une espece de balance dans le
Pays , le maintiennent dans la dépendan
ce de l'Empire Turc ; mais comme cette
balance n'eft pas toujours égale , il arrive
quelquefois des cas qui donnent bien
de l'inquiétude à la Porte : tels font les
derniers troubles qui ont partagé cette
Province.
La Victoire remportée par les ( a )
Azabs , & la mort du Chef & de l'auteur
de la revolte , ayant terminé la fedition
de 1712. l'Egypte joüiffoit depuis
quelques années d'une tranquillité
qui fembloit devoir être durable , lorf
que la haine & l'ambition fufciterent
tout- à - coup une nouvelle guerre , &
plus longue & plus cruelle que la précedente
.
L'humeur fiere & hautaine d'Ifmael
Reig, Emir ( b ) Hadgi, ou peut être les
(a ) L'un des fept Corps de la Milice d'E
gypte.
( b ) C'eft le titre que l'on donne au Beig ,
chargéde la conduite de la Caravane de la Meque.
A vj
2406 MERCURE DE FRANCE.
richeffes immenfes & le credit de ce.
jeune Seigneur , lui avoient fufcité plufieurs
ennemis . Le 6. Juin 1719.comme
il alloit au Divan à fon ordinaire , on
lui tira plufieurs coups de piftolets par les
fenêtres , qui blefferent quelques perfonfonnes
de fa fuite ; ce qui ne lui laiſſant
aucun lieu de douter qu'il n'y eut un complot
formé contre fa vie , il pouffa fon
cheval à toute bride jufques au Château ,
à la porte des Azabs , où Ibrahim Chorbadgi
, le Saboundgi , avec qui il étoit
lié d'interêts , le reçût à bras ouverts .
Cherkés - Mehemed Bey , qui avoit été
Seraskier , ou General des Troupes de
l'Egypte , à la Campagne de Bellegrade ,
étoit ennemi declaré d'Ifmael ; il
avoit même depuis quelques jours donné
azyle à un certain Ahmed Effendi
de Lodgiak , ou quartier des Cavaliers ,
que ce premier perfecutoit : il n'en fallut
pas davantage à Ifmael pour déterminer
fes foupçons ; il envoya au Pacha
pour ſe plaindre de Cherkés , & demanda
en même temps aux Imams , ou
gens de Loi , un Fetua ou Decret , qui
le mit en droit de l'attaquer , & de le
forcer dans fa propre maiſon .
Cherkés , averti de ce qui fe paffoit,
raffembla chez lui une partie de fes creatures
, & ayant
fait mettre quelques pie
ces .
NOVEMBRE. 1726. 2407
ces de canon en batterie , il fe trouva
préparé à tout évenement.
Cependant , comme il defavoüoit , non
feulement l'entrepriſe formée contre Ifmael
, mais encore qu'il demandoit qué
cette affaire fut jugée fuivant les Loix ;
le lendemain le Pacha & les gens de Loi
declarerent qu'ils ne pouvoient rien décider
contre lui , qu'en obfervant les formalitez
ordinaires ; fur quoi l'Emir - Hadgi
, qui fçavoit d'ailleurs que fon ennemi
ne fe laifferoit pas forcer aifément ,
fit infinuer fous main au Pacha d'accommoder
cette affaire en perfuadant à
Cherkés de fe retirer jufqu'à ce que
toutes chofes fuffent affoupies , dans un
des Villages de la Bahné , dont il eft Kachif
ou Gouverneur.
›
و ou
Soit que Cherkés crut cette retraite
moins feure que fa propre maifon
plutôt qu'il ne voulut pas ceder cet avantage
à fon ennemi , il refufa abfolument
de fortir du Caire , à moins que l'Emir
Hadgi n'en fortit auffis ajoûtant , qu'il
vouloit de plus que Guedik Mehemed
Kyaya , ou Lieutenant des JanniЛlaires ,
& Saboundgi Ibrahim , Tchorbadgi des
Azabs , fe rendiffent caution de ce qui
pourroit lui arriver , donnant à connoître
par
là , que ces deux Officiers étoient
entierement dévoüez aux interêts de fon
ennemi . Ce2408
MERCURE DE FRANCE.
›
Cependant Cherkés donna ordre aux
Kiachefs de fa Province , de s'approcher
avec leurs Troupes. Il prodiguoit de
groffes fommes dans la Ville pour attirer
des gens dans fon parti , & le 8. du
même mois de Juin , le bruit courut
qu'un grand nombre d'Arabes de fes terres
, étoient venus camper à Cizé , pour
être à portée de le fecourir . L'Emir Hadgi
, pour ne pas demeurer en refte , envoya
demander ce jour- là huit canons aux
Janniflaires , mais ceux- ci les lui ayant
refufez , il prit le parti de tenter de
nouveau un accommodement. Cherkés ne
parut pas s'en éloigner ; mais ayant exigé
que les Charges & les Emplois ne
s'obtinffent plus par le credit de l'Emir
Hadgi , que les éxilez fuffent rappellez ,
& que leurs biens leur fuffent rendus
en conformité d'un ordre du G. S. qu'il
difoit avoir , la Negociation fut rompuë.
Le 9. quelques Officiers des Janniffaires
allerent par des ordres du Pacha >
à l'Odgiak , ou quartier des Azabs , pour
tâcher de pacifier ces troubles . L'Emir
Hadgi , qui s'y étoit retiré , ne leur répondit
, qu'en leur offrant une fomme.
d'argent confiderable , pour engager leur
corps dans fes interêts ; à quoi Guedik
Mehemed repliqua au nom de tous , que
les
NOVEMBRE. 1726. 2409
les Janniffaires n'étant entretenus que
pour le fervice du G. S. ils ne fe mêleroient
jamais d'une affaire particuliere ;
qu'ainfi c'étoit à lui de fe tirer comme il
pourroit de la fienne.
Ce même jour , le parti de ce Beig fut
fortifié par l'arrivée d'Abdoullah Beig ,
fon beau -frere , & d'Aly Beig , qui vinrent
avec les Troupes de leurs Provinces.
Cherkés , de fon côté , aidé des
foins & de la bourfe d'Ahmed Effendi,
à qui on avoit dit qu'il avoit donné azyle
, fit placer quelques nouvelles pieces
d'Artillerie , tant dans fa maifon , que
dans une Moſquée voifine , & à un autre
lieu , nommé Calautel Kebitk , &
s'empara des principales portes qu'il y a
en allant à la Place de la Romelle , voifine
de l'Odgiak des Azabs .
Le lendemain le Pacha prononça , que
puifqu'on ne pouvoit faire entrer les
deux Beigs en aucun accommodement ,
ils n'avoient qu'à décider leurs differends
entre eux , & en même temps il fit défenfes
aux fept Ordres de la Milice , de
fe mêler dans cette querelle. Cependant
les vagabonds profitant de ces circonftances
, commençoient à faire du defordre ;
ils avoient déja maltraité le Soubachi, ou
Prevôt de la Ville , pendant qu'il faifoit
la ronde , ce qui avoit fait fermer les
Mar2410
MERCURE DE FRANCE .
Marchez ce jour -là , en confequence
d'une Ordonnance du Pacha. L'Aga des
Janniffaires fit publier de fon côté , que
les Marchands euffent à fermer leurs
boutiques , & à fe retirer chez eux ; ce
qui fut executé.
Quelque peu de fuccès qu'euffent eu
les démarches précedentes , on en fit le
11. de nouvelles , pour effayer de ramener
la tranquillité publique. Les gens de
Loi s'affemblerent fur ce fujet dans la
grande Mofquée , où plufieurs des principaux
Cheiks , ou Seigneurs , s'étoient
rendus. Le refultat des mouvemens qu'ils
fe, donnerent enfuite , & des vives remontrances
du Pacha , fut que l'Emir
Hadgi s'engageât par écrit , de fe trouver
à une Affemblée generale , & de
paſſer par ce qui y feroit refolu ; mais
ayant fait quelques réflexions depuis , il
propofa le lendemain d'y envoyer un
homme en fa place , ce qui ayant été
rejetté , chacune des factions retint les
Emiffaires de celle qui lui étoit of pofée ;
cependant les Janni ffaires fe mêlerent de
cette derniere affaire , & non - feulement
ces Emiffaires furent rendus de part &
d'autre dès le foir même , mais encore
Ifmael Bey Tefterdar , ou Treforier General
, & Solak Ahmed Beig , créatu
res du feu Ibrahim Belg , & par confequent
NOVEMBRE. 1726. 2411
›
fequent tous dévouez aux interêts de
Cherkés furent relâchez par l'Emir
Hadgi qui les faifoit garder dans l'Odgiak
des Azabs.
,
Abdoullah beau - frere de l'Emir
Hadgi , commença enfin le 13. les hoftilitez.
Ce Beig , qui s'étoit déja faifi de
la maifon de l'ancien Beig Caytas , en
ayant percé trois ou quatre autres pour
s'emparer auffi de celle de Rifuan Âga ,
fituée fur la ( a ) Birque , prefque vis -àvis
de Cherkés. Ce dernier envoya de
fes gens qui l'en délogerent . Mehemed
Bey perdit dans cette occafion un de fes
Kiaia , ou Lieutenans , & Abdoullah perdit
fon Kiaya , & deux pieces d'Artillerie.
Le lendemain , l'attaque recommença
dans le même quartier. Les gens de l'Emir
Hadgi , furent chaffez des autres
maifons dont ils s'étoient emparez la
veille ; mais quoiqu'une partie des murs
de celle de Caytas Beig , & même de
celle de Demich Beig , qui y eft contiguë
, fut abbatue , l'on ne put forcer Abdoullah
dans cette premiere où il s'étoit
retranché.
Aly , l'un des Beigs qui étoient venus
de la campagne au fecours de l'Emir
Hagi , ayant voulu de fon côté fe faifir
(a ) C'eft un Etang formé par le Nil.
d'une
2412 MERCURE DE FRANCE.
d'une porte voifine de la Place de la Romelle
, & s'emparer de deux Moſquées
pour être plus à portée de l'Odgiak des
Azabs , fut repouffé par Cherkés , &
obligé ainfi que Mehemed Beig , frere
de l'Emir Hadgi , de fe retirer dans l'Odgiak
des Azabs , Ces derniers perdirent
dans ce combat quelques hommes & trois
pieces de canon .
On ne fut guere plus tranquille pendant
la nuit , qu'on l'avoit été pendant le
jour il y eut des efcarinouches continuelles
entre les gens d'Abdoullah &
ceux de Cherkés , & ce dernier remporta
toujours tout l'avantage . Mehemed Beig
fongea de fon côté à fe retrancher dans
fa maifon , fit pofer des chevaux de frize
dans la Birque , qui pour lors étoit à ſec,
& il y eut de ce côté- là un feu continel
de moufqueterie jufqu'au lendemain
15. à midi.
Ce même jour , le bruit courut que
l'Emir Hadgi avoit reçû un fecours.
d'hommes & d'argent de fes Villages ,
& qu'il avoit engagé dans fa querelle
le Corps de la Cavalerie. Ces derniers
demanderent effectivement au Pacha un
commandement pour aller forcer Cherkés
dans fa maifon. Le Pacha refufa cet
ordre , & il ordonna en même temps
que l'affaire feroit décidée dans une Affemblée
NOVEMBRE. 1726. 2413
femblée de gens de Loi . L'Affemblée fe
tint ; mais ces Docteurs ayant prononcé
qu'ils ne pouvoient donner de Fetua,
que
le Pacha n'eut donné un ordre on
ne conclut rien , & l'on foupçonna qu'une
partie d'entre eux s'étoit laiffé ga
gner. Ils écrivirent cependant au Pacha
, que c'étoit à lui , qui avoit en
main l'autorité du G. S. à faire executer
fes ordres , & qu'il n'avoit qu'à con--
voquer une Affemblée generale ; que
pour lors ils déclareroient librement leurs
fentimens.
Sur ces entrefaites le Kiaya des Janniffaires
étant mort prefque fubitement,
on foupçonna le Saboundgi de l'avoir
fait empoifonner le jour qu'il avoit été
à l'Odgiak des Azabs .
Le 16. fe palla en efcarmouches. Les
Cheiks & les gens de Loi , s'étant raſfemblez
de nouveau , ils ne purent trouver
aucun moyen d'accommodement , &
l'Emir Hadgi obtint enfin un commandement
du Pacha , pour que la maifon
de Cherkés fut forcée , ce qui n'empêcha
point que Cherkés ne chaffa la nuit
fuivante Aly & Mehemed Beigs de plufieurs
quartiers
.
Quoique le Pacha eut , comme on vient
de le rapporter , donné ordre de marcher
contre Cherkés , les Janniffaires ,
qui
2414 MERCURE DE FRANCE .
qui avoient toujours été neutres dans cet
te querelle , ne voulurent point s'en mêler
, perfiftant à dire qu'ils n'étoient point
payez pour terminer le differend de deux
particuliers. Les Azabs même ayant été
convoquez le 17. au matin par leur
Chiaoux , ou Huiffier , refuferent de marcher
, fi l'Emir Hadgi , pour qui ils s'alloient
battre , ne fe mettoit à leur tête
; mais celui - ci , auffi poltron que fon
ennemi eft brave , s'en étant excufé , il
envoya à fa place Kur Abaza Beig .
Les Azabs s'avancerent cependant contre
l'ennemi, le combat dura jufques à
midi avec une égale fureur , & le Kiaya
des Azabs ayant été tué , Cherkés , quoiqu'abandonné
depuis le matin par 150.
homines de fon parti , eut jufques là
tout l'avantage ; mais enfin accablé par
le nombre , & fe fentant hors d'état de
refifter plus long- temps , il fe jetta , le fabre
à la main , au milieu des ennemis , &
fe faifant jour , il fe fauva avec quelques-
uns des fiens , & gagna la campagne.
Dès ce moment fa maifon fut pillée
& démolie .
On donnera lereste de cette Relation dans
le prochain Mercure
དང་ འབྲུ་པར
-A
NOVEMBRE. 1726. 2415
A Madame la Comteffe de Fiennes , fur
la mort de Madame la Marquife
d'Estampes, fa mere.
ELEGI E.
Nfin , c'eft trop gemir , calmez, belle Com
teffe , EN
Les cruels mouvemens d'une longue trifteffe
Votre mere n'eft plus , fon fort en eſt plus
beau :
Jettez,au lieu de pleurs, des fleurs fur fon tombeau
.
C'eſt dans le fein des Dieux que repofe fon
ame ,
Et cette portion d'une celefte flamme ,
Cet inviſible trait de la Divinité ,
Sur les aîles du temps à fon centre est monté,
Ces Dieux qui des Mortels reglent les deftinées
,
Du fein du neant même en comptent les ans
nées ,
Pofent l'ordre éternel de leurs juftes decrets.
Il eft comme à nos jours un terme à nos re
grets.
Ceffez de vous montrer defolée & mourante,
ou
2416 MERCURE DE FRANCE.
i
Où l'ombre d'une mère autour de vous errante
,
De fes triftes clameurs affiegeant vos ef
prits ,
Viendra de fon amour redemander le prix:
Garde-toi de troubler ma dé poüille mortelle ,
Je veux de ta douleur d'autres fruits , dira-
» t- elle ,
Songe à ces droits facrez que je t'ai con-
5 fiez ,
Et que déja le Ciel a trop juftifiez,
» Deton fang dans tes mains la fortune eft'remife
, 33
Tu lui dois tous les foins d'une fage entremife
,
ود
Et voyant fes honneurs & fa gloire expofez
, 33
Rapproche , s'il fe peut , des coeurs trop di .
viſez.
Voilà , belle Comteffe , en confu nant vos
charmes ,
Où va fe terminer tout le fruit de vos larmes.
Songez à quel emploi vos jours font refervez
,
A ces jeunes Epoux à qui vous vous devez ,
A la tendre amitié de tant d'égards fuivie ,
Vous nous devez à tous compte de votre vie.
NOVEMRE. 1762. 2417
Sur vous-même aujourd'hui tentez un noble
effort ,
Sans pâlir , d'une mere enviſagez la mort.
Vous la ferez revivre en marchant fur fes
traces :
Ses vertus égaloient le nombre de vos graces.
De combien de trefors fon grand coeur fut
formé !
De quel fouffle divin fon courage animé ,
D'une vie agitée a bravé les orages ,
Et des plus cheres mains effuyé les outras
ges ,
Sans que d'aucun effort fon amour combattu ,
Intereffât fa gloire ou furprît fa vertu !
' De l'honneur de fon fexe uniquement jaoufe
,
Cultivant les devoirs & de mere & d'Epoufe
,
Foulan aux pieds le fafte , & fuyant le grand
jour ,
Elle fe déroboit aux honneurs de la Cour ,
Fuyoit des vains plaifirs la foule enchantereffe
:
Vous occupiez alors fes foins & fa tendreffe.
Elevée en fon fein , fous fes yeux furveillans
,
Croif
2418 MERCURE DE FRANCE .
Croiffoient en vous ces dons dangereux &
brillans ,
Les dons de la beauté , fources de tant d'allarmes
,
Dans fes chagrins fouvent arrofez de fes larmes
;
D'un rapide fuccès fes voeux furent fuivis ,
Sa tendreffe toujours corrigea fes avis.
Son auftere vertu n'avoit rien de farouche,
Les Dieux même avoient mis leur prudence
en fa bouche ;
De fes foins vigilans ils hâtoient les moiffons
,
Et l'exemple chez elle abregeoit les leçons.
Des feux d'un chafte Hymen à fon repos fu
neftes ,
Long temps dans la retraite elle a traîné les
rettes .
C'est là que partageant fes foins & fes dou
leurs :
Vos mains , vos feules mains , ont effuyé fes
pleurs ,
Ont verfé dans fon coeur une innocente joye.
Dans quels fecours ardens votre amour fe déploye
!
Des jeux & des plaifirs les confeils fedui
fans ,
Refpectoient fa vieilleffe & la glace des ans.
Par
NOVEMBRE. 1726. 2419
Par tout votre tendreffe écartant tout obflacle
,
De fa fille à fes yeux offre le doux ſpecta-
.cle ,
Sans ceffe elle vous cherche & yous trouve
toujours ;
Mais contre les deftins que peuvent nos fe
cours ?
De fon dernier tribut l'inftant fatal arrive ,
La mort fourde à vos cris l'appelle fur la
rive.
Je vois malgré les pleurs que vous lui dé
robez
,
Ses yeux levez fur vous dans l'ombre retombez.
C'en eft fait , elle meurt , le Ciel tranche une
vie ,
De trouble , d'amertume , & de gloire fui
vie ,
Et fon coeur expirant au gré de ſes defirs
Dans vos embraffemens rend les dernier
foupirs.
B LET
2420 MERCURE DE FRANCE :
*******************
头
LETTRE écrite de Baurgagné aux Au
teurs du Mercure , touchant le Pheno•
mene celeſte du 19. Octobre 1726
MESS ESSIEURS,
Je ne me flate pas d'être le premier
qui vous aura donné avis du Phenomene
qui a été apperçû hier au foir : mais je
fçai que vous recevez avec plaifir toutes
les Lettres qui roulent fur ces fottes de
fujets , parce qu'elles fervent à prouver
qu'ils ont été vûs en plus d'un endroit ,
& à des heures quelquefois differentes.
Et dans cette confiance je me joints aux
autres dont vous recevrez des Lettres de
toute la France , & même de dehors le
Royaume , étant auffi utile de lire ce
qu'on aura vû ailleurs , qué de décrire ce
que j'ai vu ici .
On a commencé à s'en appercevoir
vers les fept heures du foir ; auquel
temps le Ciel étoit fort ferein ; mais ce
qu'il y a eu de plus extraordinaire ne
s'eft fait voir qu'après fept heures & demie
& huit heures. La circonftance du
pallage de quelques Troupes , qui du
Poiteu
NOVEMBRE. 1726. 2420
Poitou tirent du côté du Rhin , a fait d'a
bord craindre que le feu n'eut pris à
quelques bâtimens aux extrêmitez de la
Ville. On ne fait que trop par experience
, que ces fortes de malheurs font
fouvent caufez par des excès de vin , aus
quel il eft aifé que dans le grand nom
bre quelques particuliers fe laiffent aller,
furtout après unè recolte d'un vin auffi
exquis que l'est celui de la prefente année
, dont la qualité fert de compenſation
à la quantité : ces frayeurs font d'au
tant mieux fondées dans ce Pays- ci , qu'on
entend fouvent dire aux Troupes qui
viennent d'au- delà de la Loire & d'ailleurs
, que notre Ville eft la premiere
de leur route, où ils ont trouvé du bon
vin. Mais les perfonnes qui étoient en
état de porter leur vûë depuis l'Occi
dent jufqu'à l'Orient sont vir tout auffitôt
que c'étoit l'efpace entier de la region
étherée du côté du Septentrion qui étoît
comme enflammé ; enforte qu'on auroit
dit qu'il y avoit plaffeurs fourneaux embrafez
, d'où il fortoit des flammes par
tourbillons , qui toutes aboutilloient au
point où le Soleil eft en plein midi au
Solftice d'Eté ; de maniere cependant ¸
que fi quelques - unes de ces exhalaifons
paffoient au - delà de ce point , elles fembloient
enfuite rebrouiler pour venir s'y
Bij re- •
2422 MERCURE DE FRANCE.
}
rejoindre & s'y étouffer , en laiffant au
milieu de l'endroit où elles fe terminoient
, une espece de difque qui reſtoit
azuré. Les unes de ces flammes étoient
blanches , d'autres rougeâtres ; mais toutes
enfemble , elles produifoient la même
clarté qu'on a au crepufcule , une de◄
ini-heure avant que le Soleil fe leve , &
ceta fans aucune contribution de la part
de la Lune , pas
I certainement i
encore fur l'horizon . Cela a duré ainfi
jufqu'à neuf heures , auquel temps le
mouvement des tourbillons a ceflè , nè
fe reprenant que de moment à autre , &
fort foiblement , jufqu'à ce qu'enfin vers
les dix heures & demie on n'a plus rien
vu du côté du Septentrion , qu'un refte
de blancheur traversé par une bande noire.
Le peuple qui n'eft pas accoûtumé à
ces fortes de vifions , n'a pas manqué
d'en raifonner , chacun à la mode. La
peur a faifi les plus foibles d'entre ceux
qui n'avoient jamais oui parler d'Obfervations
phyfiques : & quoiqu'il ne foit
pas d'ufage de fonner les cloches en ce
Diocèle après huit heures du foir , fi ce
n'eft pour des neceffitez publiques , on a
entendu d'ici plufieurs Villages à la ronde
les fonner fortement , foit pour appeller
à l'Eglife , foit pour avertir de
préparer de l'eau contre l'incendie que
chacun
1
NOVEMBRE. 1726. 2423
chacun croyoit être allumé chez fon
voifin.
Les perfonnes qui ont lû les Memoires
de l'Académie , en jugeoient autre
ment ; en mon particulier , j'ai crû que
ce Phenomene , ou Meteore , n'étoit autre
que celui qu'on appelle la Lumiere
Septentrionale , au fujet duquel je vous
envoyai , il y a deux ans en ce tempsci
, un Memoire que j'avois dreflé à
l'occafion de ce que le Journal des Scavans
du mois de Septembre 1724. marquoit
touchant le fentiment de M. Maraldi
. ( a ) En lifant ce Memoire imprimé
dans votre Journal du mois de Novembre
fuivant , on y remarquera que
ce qui a été vu la nuit derniere , avoic
été vu de la même maniere l'an 1099 .
au rapport de Hugues , Abbé de Flavigni
, Auteur contemporain , dans la nuit
où fe donna un fanglant combat des Chrétiens
contre les Infideles dans la Terre-
Sainte. En effet , plufieurs ont crû appercevoir
comme des Armées en bataille
dans ces tourbillons qui s'éle voient en
l'air , & quelques- uns plus hardis que
cet ancien Hiftorien qui n'ofe rien
decider , ont voulu nous perfuader qu'il
(a ) Voyez dans le Journal des Sçavan's
( Avril 1715. ) la lettre qu'écrivit le fçavant
Académicien à M. l'Abbé Bignon.
Biij en
3424 MERCURE DE FRANCE..
en arriveroit des confequences funeftes.
Mais s'ils fçavoient , comme M. Maral
di le marque , que dans Paris on a vù
vingt fois cette lumiere depuis l'an 1716 .
jufqu'en l'an 1721. fans qu'il foit arri
vé aucune guerre ni aucun malheur , ils
ne prendroient pas ce Phenomene pour
un pronoftic fi fâcheux , & ils tomberoient
d'accord qu'on peut s'y accoûtumer
auffi aifément , qu'à voir des Eclypfes,
ou plutôt que l'Arc-en- Ciel qui n'a point
de moment fixe qu'on puiffe prédire.
La remarque que j'ai crû devoir faire
à cette occafion , eft que plus je parcou
re les anciens Hiftoriens , plus j'y trou
ve des apparitions de cette lumiere : ce
qui fert à prouver qu'anciennement
elles
n'étoient pas plus rares que de nos jours.
Outre celle que j'ai tirée en 1724 de la
Chronique Verdunoife de Hugues de Fla
vigni , qui en indique,deux ou trois plus
anciennes , & celle de la Chronique de
Saint Marien d'Auxerre , arrivée l'an
1204. j'en trouve deux dans l'Hiftoire
d'Aimoin . Moine de S. Germain des
Prez, qui a compilé à la fin du IX. fiecle
ceux qui l'avoient précedé. L'une
eft au 4 Livre , Chapitre 115. l'autre,
au Livre 5. Chapitre 42. L'Hiftorien,
après avoir rapporté les Conquêtes faites
en Espagne,Pan 8.27.par Abdiraman,
Boi
NOVEMBRE . 1726. 2427
i
Roi des Sarrazins , & avoir dit que les
Troupes envoyées par l'Empereur Louis
le Debonnaire , fous la conduite de Pepin
fon fils , arriverent trop tard au fecours
des Efpagnols , ajoûte , qu'on crut que
ce malheur avoit été prédit par les illuminations
frequentes qu'on avoit vûes
dans l'air pendant la nuit , mais des illuminations
qui étoient en mouvement,
& qui ayant la figure d'Armées en bataille
, produifoient la terreur dans les
efprits : Hujus cladis prafagia credita
funt , vifa multoties in coelo acies & illi
terribiles nocturna corufcationis in aëre
difcurfus. Dans l'autre endroit , l'Auteur
ne dit point qu'on eut tiré aucune
confequence d'une femblable lumiere ,
qui parut le 14. Fevrier de l'an 937.
depuis trois heures du matin jufqu'à la
pointe du jour mais il ajoûte auffi - tôt,
que dès le 2 4. du mois fuivant les Hongrois
commencerent à mettre à feu & à
fang la France , la Bourgogne & l'Aquitaine
. Secundo anno poft hac ( c'eſtà
- dire , aprés le Couronnement de Louis
d'Outremer fait à Laon ) XVI. Kalendas
Martias circa Gallorum cantum ufque
ad illucefcentem diem fanguinea acies
per totam cæli faciem apparuerunt. Sequenti
auten menfe ix . Kalendas Aprilis
Hungari adhuc Pagani Franciam , Bur-
Biiij gun2426
MERCURE de france.
gundiam, atque Aquitaniam ferro & igne
depopulari coeperunt. S'il ne paroît pas
clairement que l'Auteur ni fon Continuateur
ayent pris ces feux extraordinaires
pour un préfage de guerre , on ne
voit pas plus évidemment ce rapport de
l'un à l'autre dans la Chronique de
Fredegaire, lorfqu'il parle de ceux qui
parurent l'an 600. I fe contente de
dire tout de fuite que la même année
les Rois Theodebert & Thierri firent
marcher leurs Armées contre celle du
Roi Clotaire , & que l'ayant jointe fur
la Riviere d'Ouaine en Gâtinois , ( ou
de Venne en Senonois ) les Troupes de
Clotaire furent taillées en pieces , & que
le Roi ayant pris la fuite avec fes gens,
tout ce qu'il avoit de Villes & de Bourgades
fur les bords de la Seine fut mis
au pillage : Anno quinto regni Theuderici
iterum figna que anno fuperiore vifa
fuerant , globi ignei per cælum currentes ,
& ad inftar multitudinis hastarum ignearum
ad Occidentem apparuerunt : Ipfoque
anno Theudebertus & Theudericus Reges
contra Clotarium regem movent exercitum
, & fuper fluvium Aroanna nec
procul à Doromello vico pralium confligentes
junxerunt , ibique , &c. Je ne
joindrois point ici ce fait, fi ce n'étoit qu'un
grand Prélat fit autrefois faire attention.
,
au
NOVEMBRE. 1726. 2427
&
au Roi Robert à ces mêmes feux de l'an
600. fuivant ce qu'il en avoit lû dans
P'Hiftoire des Lombards. ( a ) Aurefte,
il n'eft point dit que ces feux apparus
fous le Regne de Clotaire , fous celui de
-Louis le Débonnaire , & fous Louis d'Outremer
, fuffent du côté du Septentrion ,
enon plus que ceux qui parurent à Soiffons
l'an 582. le jour de Pâques , felon
S. Gregoire de Tours , & qu'un autre
Evêque ( b ) rappella dans la memoire
du Roi Robert. Mais il y a grande apparence
qu'ils ne procedoient gueres d'un
autre endroit que ceux d'hier au foir ,
ou ceux dont parlent les autres Annaliftes
que je vous ai cité en 1724. c'eſtà-
dire , depuis l'Occident d'Eté juſqu'à
P'Orient , en s'élevant du Septentrion au
Midi . Comme les Hiftoriens ne font
pas
obligez de tout dire , il ne faut pas tou
jours s'attendre de trouver dans leurs
écrits , que ces lumieres celeftes & ces
feux volans ayent été pris pour des pronoftics
de guerre. Il n'en faut cependant
}
( a) Item Hiftoria Longobardorum , lib . 4.
c. 16 Tempore Theodeberti Regis Francorum
,fignum fanguineum in coelo apparuit ,
& quali hafte fanguinex. Eo tempore ipfe
Theodebertus cum Lotario avunculo foo bellum
gerens exercitum vehementer afflixit .
Epift . Gauzleni Archiep. Bitur. ad Rob. Reg.
inter Ep . Fulberti Carnot . Ep . 96.
( 2 ) Fulbert de Chartres ."
2428 MERCURE DE FRANCE.
pas douter , & on voit affez de preuves,
qu'après l'apparition de ces Meteores
chacun fe tenoit fur fes gardes. A Dien
ne plaife , que je conclue de là qu'il en
doive être de même de nos jours , & j'elpere
que notre nouveau Phenomene n'en
dera pas un pronoftic plus affuré que PEclyple
de Soleil du 25. du mois dernier.
Mais peut- on efperer de defabufer les
Peuples fur ces fortes de penfées , aprés
qu'on a lû que les Rois même & les
Empereurs ont eu de la peine à fe tranquilifer
au moment de l'apparition des
Cometes ou de quelque autre Signe , &
qu'ils en ont appréhendé les funeftes
fuites ? 11 en parut une l'an 837. fous
Louis le Débonnaire , à l'occafion de laquelle
on vit un effet de la pieté de ce
Prince. Je traduirai avec plaifir en notre
Langue le Texte Latin de l'Hiflorien ,
( a ) qui eft digne d'attention , afin de me
( a) Aimoin , lib . 3. c. 17. Cet Auteur a
copié les Annales de Lauresheim , Abbaye
du Diocèfe de Wormes , écrites un peu avant
lui , & la Vie de Louis le Debonnaire , écrite
par un autre Anonyme , qu'on connoît fous
le nom d'Aftronome , à cause de la Conference
que l'Empereur eut avec lui fur cette Cometre.
Le Pere Mabillon , T. II Ann. Bened.
p. 589. eft du fentiment que ce nom ne lui
vient que de là . Mais il paroît par fes mêmes
paroles que ce ne fut pas la premiere fois que
Louis: s'entretint avec lui de Phenomenes ,
Cometes , Mercores , & autres Signes..
NOVEMBRE. 1726. 2425
S
rendre intelligible à tous ceux qui fe
ront curieux de lire ma Lettre . » Lorf-
» que l'Empereur eut apperçu cette Comete
( à Aix -la -Chapelle aux Fêtes de
» Pâques ) comme il étoit attentif à ces
» fortes de Signes , il s'arrêta tout-àcoup
; & avant que de fe coucher , il
fit venir un homme de fa Cour avec
» moi qui ai écrit ceci , qu'il prenoit
» pour un Perfonnage
fort verfé dans
la connoiffance
de l'Aftronomie
; &
« il nous demanda notre avis . Je le
priai de me donner du temps pour
» confiderer cette Comete , afin de m'inf
<<
65
truire de la verité , & lui en faire le
» lendemain un plus fidele rapport.
>> L'Empereur crut que c'étoit une défaite
dont je me fervois ; ( ce qui étoit
>> veritable
, ) & il fe perfuada
que je
» n'ufois de délai que pour m'exempter
» de lui dire quelque
chofe de trifte.
» Allez , dit -il , dans l'Appartement
» contigu à celui - ci , & rapportez
-nous
» ce que vous en penferez . Je fuis affu
ré de n'avoir point vû cette Etoile hier:
» au foir , & vous- même ne l'avez pas
» encore remarquée : mais je vois bien
» que c'eft une de ces Cometes dont nous
» parlions ces jours derniers : Dites--
» moi toujours ce que vous croyez qu'elle
prédit. Je lui tins là - deffus quelques
B vj dif
"
2430 MERCURE DE FRANCE.
» cours , & je m'arrêtai. Il y a , medita
il , encore quelque chofe que vous paf-
>> fez fous filence : car on dit que ce pro-
» dige fignifie un changement de Regne
» & la mort du Prince . Je lui citai l'en-
>> droit du Prophete où il eft dit : N'ap
» préhendez point les Signes du Ciel com-
» ine font les Gentils. Auffi - tôt , fans
S
autre préparation , & par un effet de
» fa feule vertu , nous ne devons crain-
» dre , me dit- il , que celui qui nous a
>> créez nous & cet Aftre ; mais nous ne
» fçaurions affez admirer ni louer fa cle-
» mence , puifqu'il n'envoye ces Signes
>> que pour nous réveiller de l'affoupif-
» fement où nous fommes , nous autres
» pecheurs & impenitens . Ce prodige
» me regardant donc , & tous les autres
en general , hâtons nous de faire mieux ›
» que par le paflé , de crainte que Dieu,
aprés nous avoir excité à la penitence , t
>> fans que nous y ayons correfpondu ,
»> ne nous trouve indignes de fes mife-
» ricordes. Après avoir dit cela , il prit.
D
quelques coups de vin ; & voulut que
» tous en fiffent de même. Enfuite il
» leur ordonna de fe retirer. On nous
» apprit depuis qu'il avoit paffé toute la
» nuit en prieres. A la pointe du jour
» il fit venir tous fes Miniftres : il.com-
» manda qu'on fît des aumônes très - abon-
» dan-
"
NOVEMBRE. 1726. 243
dantes aux pauvres & aux ferviteurs
» de Dieu , tant Moines que Chanoines ;
» il fit dire des Meffes par tous les Prê
» tres qu'on put trouver , n'appréhendant
» pas tant pour lui que pour l'Eglife qui
» lui étoit confice.
- On dira , fans doute , qu'il y a de
la difference entre une Comete &
cette lumiere de peu de durée ; & que
ces illuminations celeftes ne font pas un
Signe fi certainement envoyé de Dieu
que les Cometes & les autres Signes don't
les Saintes Ecritures parlent. Pour moi ,
fans blâmer aucunement les pieufes pratiques
des ames timorées , je crois que
ces Phenomenes ne doivent être remarquez
que pour faire des obfervations qui
puiffent perfectionner la connoiffance des
caufes naturelles , & en louer enfuite la
caufe fuprême qui eft le Createur de toutes
choſes ; & en attendant que quel
qu'un trouve mieux , je m'attache au
fentiment du fçavant M. Maraldi , fur
l'affemblage des vapeurs vers le Septentrion
, dans les années où il y a eu
de grandes, fechereffes ou de violentes
chaleurs. Il feroit bon toujours que chacun
donnât fes obfervations à ce fujet ,
& que les uns ajoûtaffent , s'il étoit poffible
, aux raifonnemens phyfiques des
autres. Il ne feroit peut- être pas
"4
inu-
D
tile
2432 MERCURE DE FRANCE .
tile de rechercher ce que les anciens
Payens & Philofophes peuvent en avoir
dit . Il a da ? de leur temps des fecherelles
comme il en arrive de nos jourss
& par confequent ils ont dû s'appercevoir
de ces lumieres feptentrionales , eux
furtout qui ne dormoient pas les nuits
entieres. Lorfqu'il fut tombé en Aquitaine
une pluye de fang , ily a fept cens
ans , le Roi Robert , qui en avoit été
averti par le Duc Guillaume , Comte
de Poitiers , voulut approfondir ce prodige
il y avoit cela de fort particulier
dans cette pluye tombée trois jours avant
1a S. Jean , que les goutes qui étoient
fur la pierre , fur des étofes , ou fur la
chair humaine , ne pouvoient difparoître
en les lavant , au lieu que celles qui
étoient fur le bois , difparoiffoient aifement
, en les mouillant . Le Roi fouhaita
fçivoir fil'on trouveroit quelque chofe
de femblable dans l'Antiquité , & en ce
cas , fi quelque malheur avoit fuivi ce
prolige. Il s'adrella pour cela à Fulbert ,
Evêque de Chartres , qui étoit l'un d's
plus fçavans Prélats de fon fiecle , & à
Gauflin , Archevêque de Bourges . Celuici
lui écrivit qu'on lifoit dans Valere
Maxime , Auteur ( a ) Payen , un femblable
prodige , arrivé fous le Confulat
( a ) Inter Ep. Fulb. Ep . 96;
AL
"
de
NOVEMBRE. 1726. 2433
de Caius Volumnius & de Servilius
Sulpitius , & qu'il avoit pronoftiqué une
guerre civile . Il lui cita enfuite la Chronique
d'Eufebe de Cefarée , fur la lu -´´
miere qui parut vers le Septentrion fous-
1 Empereur Valerien après le Soleil couché
, & qui fut fuivie d'une défaite chez
les Barbares : Il y ajoûta ce qu'on lifoit
dans l'Hiftoire des Lombards touchant la
défaite du Roi Clotaire II. apr
l'apparition
des feux celeftes de l'an 600. Fulbert
marqua ( a ) en general , dans fa
réponſe au Roi , qu'il avoit lû dans Tite-
Live , Valere Maxime , Orofe & autres
, des prodiges de l'efpece de celui
qui étoit arrivé en Aquitaine : mais il
ne lui cita en particulier , que ceux que
S. Gregoire de Tours rapporte à lan
582. entre lefquels eft l'apparition des
deux tourbillons de feu vns à Soiffons le
jour de Pâques , & qui s'étant réunis aubout
de deux heures , avoient formé une
grande lumiere , & étoient difparus enfuite.
Le Prelat finit fa Lettre par des
applications qui font voir , qu'il cherchoit
plutôt en cela la converfion des
-pecheurs , que des nouvelles découvertes
dans la Phyfique . Quant à moi , j'abandonne
les pieufes reflexions à ceux
qui font chargez du foin des ames ,
( a) Ep. 975
&
je
1434 MERCURE DE FRANCE.
je laiffe à faire les obfervations phylques
à ceux qui s'appliquent. particu
lierement à la connoiffance des corps.
Le Lecteur peut
feulement remarquer,
que j'avois bien raison de croire , qu'il
y avoit des Auteurs qui parloient de la
lumiere feptentrionale entre le temps de
S. Gregoire de Tours & l'an 1554. &
que peut - être il n'eft pas exactement
vrai de dire , que le plus ancien Obfer.
vateur de ce Meteore foit cet Hiftorien
des François , fi ce que Gauzlin , Archevêque
de Bourges , a cité comme
de la Chronique d'Eufebe , s'y trou
ve veritablement , & eft de ce celebre
Hiftoriographe. Je fuis , & c.
4
A Auxerre , ce 20. Octobre 1726 .
Depuis que j'ai écrit ceci , j'ai appris
qu'à la Campagne on a apperçu dans
l'air quelque chofe d'extraordinairement
lumineux dans quelques- unes des nuits
de la Semaine derniere ; mais qui n'étoit
pas de la force de ce qui parut hier,
Peut-être en paroîtra- t- il autant les nuits
prochaines. Quelques Hiftoriens marquent
que ces Phenomenes ont recommencé
plufieurs nuits de fuite. Quoi
qu'il en foit , j'ajoûterai encore ici en
propres termes ce que je viens de trou- .
ver
NOVEMBRE. 1726. 2435
ver dans un Necrologe des Cordeliers
de notre Ville , où les Religieux mare
quoient les évenemens de leur temps
j'y lus ceci au mois de Septembre 1575 •
Le vingt - huit après les dix heures du
foir jufqu'à minuit , lorsqu'il n'étoit aucune
lumiere de Lune , s'éleva en l'air un
Arc d'une autre couleur que celui qui
apparoift au Ciel au temps de pluye. Il
étoit tout blanc , & fi lumineux , qu'il
donnoit une lumiere plus grande que celle
de Pleine Lune. Dans cet Arc étoit vifion
merveilleufe de lances bataillantès les
unes contre les autres. Après furent vûs
Chefs & têtes d'hommes avec les morions
d'Armée. Cela épouventa le Peuple, fo
fut our prefque par tout le Royaume. Le
10. Octobre M. le Duc de Guife défit les
Allemans. Et à l'an 1583. il est écrit
de la main d'un autre Cordelier , Docteur
, & depuis Vicaire General d'un de
nos Evêques , que la nuit du 13. Septembre
on vit une grande lumiere , qui.
s'étendoit de l'Orient à l'Occident . I
femble que ce foit encore là la lumiere
Septentrionale par ce qu'on lit enfuite
, qu'il regnoit alors une espece de
contagion , qui avoit commencé par de
grandes fechereffes.
"
AUTRE
2436 MERCURE DE FRANCE.
.
冁浩茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶
•
AUTRE Lettre écrite aux Auteurs du
Mercure par M. Meynier , Profeffeur
Royal d'Hydrographie au Havre,
le 21. Octobre 1726. fur le Phenomene
celifte qui a paru le 19. du même
mois. B
Lit
A nuit du 19. au 10. de ce mois ,
il a paru en ce Pays - ci , Meffieurs
un Phenomene très - extraordinaire , qui
étonna bien du monde ; je ne doute pas
qu'il n'ait été apperçu ailleurs , même à
Paris ; mais comme on aura pu ne pas
le voir par tout avec les mêmes circonftances
, je vous en envoye un détail
exact , & tel que je l'ai obfervé moimême
avec beaucoup d'attention , & en
même temps ce que j'en penfe , afin que
vous en faffiez part au Public.
Il y avoit ce foir- là dans l'air des petits
brouillards très - legers , qui n'étoient
pas affez épais pour cacher les moindres
Etoiles , ils les empêchoient feulement de
temps en temps d'être fi brillantes , ils
formoient une efpece de voute fur notre
horifon , qui paroiffoit s'appuyer feulement
fur l'horifon de l'Hemifphere feptentrionale,
& qui n'étoit continuée dans
L'HeNOVEMBRE.
1726 2437
1'Hemiſphere meridionale , que depuis
le Zenith jufques à environ 40. degrez,
on ne voyoit diftinctement ces broüil
lards qu'à la faveur de l'éclat du Phe
nomene.
Il avoit regné le même jour , avant
9. heures du matin , un brouillard fort
épais . Le Soleil fut affez bea le refte de
Ja journée , le temps prefque tout à -fait
calme , & affez frais , il continua de même
pendant la durée du Phenomene ,
qui commença à paroître à l'entrée de
la nuit.
D'abord Phorifon du côté du Nord
parut comme enflammé dans tout l'ef
pace d'environ 20. degrez , depuis le
Nord allant vers l'Eft , & d'environ autant
depuis le Nord allant vers l'Oueft.-
On y voyoit une quantité furprenante de
rayons de lumiere de differente grandeur,
tantôt plus , & tantôt moins colorez de
rouge & de jaune , qui fe terminoient
irregulierement en pointes à meſure
qu'ils étoient élevez fur l'horifon , de la
même maniere que s'ils avoient été produits
par un incendie general dans toutes
ces campagnes.
·
Leur baze étoit à peu près large depuis
environ un degré jufques à trois ,
tantôt elle augmentoit , & tantôt elle diminuoit.
L'efpace qui étoft entre chaque
alyour
2438 MERCURE DE FRANCE.
rayon paroiffoit fort noir , la pointe de
cet efpace paroiffoit éclairé , comme s'il
y eut eu des feux confiderables par derriere
, le fommet de ce Phenomene étoit
élevé inégalement fur l'horifon , les pointes
les plus élevées l'étoient d'environ
40. degrez , & les moindres l'étoient
d'environ 25.
Sur les 9. heures, ce Phenomene acheva
de remplir prefque tout l'horifon de
1'Hemifphere feptentrional . J'ai remarqué
qu'il n'a janais paffe dans l'horifon
de l'Hemifphere meridional où les Etoiles
étoient très-brillantes , & où on ne
diftinguoit pas le moindre brouillard.
Son circuit fur l'horifon étoit de près
de 180. degrez , on l'a vû croître , comme
fi c'eut été un veritable incendie qui
eut fait le même progrès.
On voyoit s'élever de temps en temps
de l'horifon , des rayons lumineux d'environ
2. ou 3. degrez de largeur , qui
s'élevoient tantôt plus , tantôt moins , &
quelquefois jufques près du Zenith en
moins de deux minutes de temps .
A fept heures & trois quarts il y eur
une très grande quantité de ces rayons
qui partirent en même temps de l'horifon
, & qui s'éleverent jufques au Zenith
, où ils fe réunirent tous par leur
pointe , & y formerent une figure trèsluNOVEMBRE.
1726. 2439
lumineufe , affez reguliere & agréable à
voir : car tous ces rayons , après s'être
croifez au Zenith , continuerent leur
route dans l'Hemiſphere meridional juſques
à environ 40. degrez du Zenith
où ils formerent d'autres rayons qui
avoient de même leur pointe au Zenith;
& comme tous ces rayons fubfiftoient
en même temps , cette figure reffembloit
à un pavillon formé par des rayons de
lumière qui avoit fa pointe au Zenith ,
& qui étoit appuyé du côté du Nord
par les rayons qui l'avoient formé , de
forte qu'il n'étoit ouvert que du côté du
Midi .
11 n'a exifté dans cet état qu'environ 3 .
minutes , il s'en eft formé enfuite une grande
quantité d'autres , dont les figures n'étoient
pas fi
étoient formé gulieres , parce qu'elles
une
té de rayons , qui ne s'élevoient pas de
thorifon en même temps , & qui ne fe
croifoient pas toujours au Zenith.
Outre le mouvement qui portoit tous
ces rayons de l'horifon vers le Zenith ,
ils en avoient un fecond très- fenfible ,
que j'appelle de trépidation , tel à peu ,
près qu'on le remarque quelquefois à
Ia flamme d'une chandelle , ce fecond
mouvement les faifoit paroître inconftans
, ces mêmes rayons reffembloient af-
و
lez2440
MERCURE DE FRANCE.
fez bien dans leurs mouvemens à des flámes
très -legeres, fur lefquelles on auroit
jetté de temps en temps de l'efprit de
vin , avec un afperfoir , qui leur auroit
procuré pour un inftant un peu plus de
mouvement , & un peu plus de lueur.
La plupart de ces rayons qui fe portoient
vers le Zenith , en fe féparant de
ceux qui exiftoient toujours à l'horifon ,
ne fuivoient pas regulierement une ligne
droite , mais ils s'écartpient tantôt
d'un côté , tantôt d'un autre , plus ou
moins , felon la forme & la grandeur des
petits brouillards qui fe trouvoient dans
leur route on voyoit par le travers de
ces rayons les Etailes très -diftinctement ;
il n'en étoit pas de même vers l'horifon,
où le Phenomene ne permettoit de les
voir que de temps en temps en quelques
endroits .
Toutes ces lueurs entretenoienr l'air
fort clair , de forte que je voyois trèsdiftinctement
l'heure à ma montre d'allez
loin , & je diftinguois affez.bien toutes
les parties d'une coline qui eft du côté
du Nord , à une demi-lieue de la Ville ,
ce qui m'a fait conclure , que ce Phenomene
devoit être plus éloigné , & renfermer
dans font étendue un elpace, de
plufieurs lieues dans la campagne.
Vous jugez bien , Meffieurs , qu'à cette
NOVEMBRE. 1726. 2441
te heure- là toute la Ville en fut témoin,
une partie du peuple crut être à la fin
du monde , & que la terre alloit perir
par le feu la porte de l'Eglife Paroiffiale
étoit entourée d'une nombreuſe populace
, qui étoit à genoux & en prieres
jufques dans le milieu de la rue. V
>
Ce Phenomene commença à diminuer
à neuf heures & demie , à onze heures
il ne paroiffoit plus que legerement , il
difparut enfin tout - à -fait environ vers le
minuit , au lever de la Lune , ce qui
prouve que cette Planete n'y a nullement
contribué. Nodar
Il n'eſt pas non plus vrai - ſemblable
que le Soleil ait pu produire cet effet ,
étant alors fort bas fous l'horifon. Je
voudrois en attribuer la caufe à des ex-"
halaifons de la terre qui étoient affemblées
à cet endroit , & difpolées à pro
duire la lumiere par l'humidité , & même
des effets plus violens , comme des
éclairs & des tonnerres , fi quelque orage
les eut mifes en mouvement , mais
comme le temps étoit très - calme , &
que la rofée du foir eft trés - abondante
dans cette faifon , fur ces côtes , il
paroît
affez probable , qu'elle peut avoir été
capable d'agir legerement fur des matieres
déja difpofées , & n'avoir produit
que peu à peu , en plufieurs heures de
temps,
2442 MERCURE DE FRANCE .
temps , d'une maniere particuliere , ce
qu'un orage auroit pû produire en peu
de minutes • par des éclairs &
tonnerres .
par
des
Pour
ce qui
eft des
lueurs
qui
s'élevoient
en forme
de rayons
, depuis
l'horifon
jufques
vers
le Zenith
, & qui
paffoient
affez
fouvent
bien
avant
dans
l'autre
Hemifphere
, en peu
de minutes
de temps
, je les ai confiderées
comme
de très- petits
éclairs
, qui
étoient
mis
en mouvement
par
une
caufe
fort
legere
, qui
leur
permettoit
feulement
de
parcourir
la fuperficie
des
petits
brouillards
,, dont
j'ai
déja
parlé
, qui
étoient
allez
contigus
, & qui
ne paroiffoient
pas
fort
. L'inégalité
de leur
fuperficie
pouvoit
bien
procurer
à ces lueurs
un mouvement
inconftant
, tel qu'on
le remarquoit
, ils differoient
des
éclairs
ordinaires
, en ce que
leur
lueur
étoit
beau
coup
moindre
, de même
que
leur
mou
vement
, que
leur
direction
étoit
un arc
de cercle
d'environ
30.
degrez
, qu'ils
laiffoient
par
tout
où ils paffoient
la même
lueur
qu'ils
confervoient
en euxmêmes
, laquelle
lueur
fe détruifoit
en
fuite
prefque
dans
tout
le rayon
en nême
temps.
Tous ces effets fi vaftes , & d'une auffi
longue durée , me font conclure , que
fi
NOVEMBRE . 1726. 2443°
"
files caufes qui ont produit ce Phenomene
, avoient été agitées par quelque
gros vent , mêlé d'orage , qui eut affemblé
tous les differens effets que nous
avons vûs , à un nombre beaucoup moindre
, & en beaucoup moins de temps.
elles nous auroient procuré beaucoup
d'éclairs & beaucoup de tonneries . Je
crois qu'il doit avoir été vifible de plus
d'ici du côté du Nord, que du côté du Sud.
Je fuis , &c.
jkjkjkjkjkjkjkkkkkkk
TROISIE ME LETTRE de M. Capperon
, ancien Doyen de S. Maxent ,
à M……… . fur la Lumiere Borcale , qui
a paru à la Ville d'Eu le 19. Octobre
1726.0
Monfieur , qu'ayant
lú les Memoires de l'Académie des
Sciences , & divers autres Journaux Lit
teraires , vous ne fçachiez ce que c'eft
quecertaine lumiere blanchâtre, qui pa-
-roit quelquefois le foir à l'horifon , particulierement
du côté du Nord , s'étendant
vers l'Orient , & de laquelle on
voit fouvent fortir des rayons , ou des
efpeces de colomnes de lumiere , qui s'é-
Lancent vers le point vertical du Ciel ,
C ой
2444 MERCURE DE FRANGE.
€2
où après avoir refté quelques momens
elles difparoiffent pour faire place à
d'autres qui leur fuccedent en differens
endroits & de differentes façons .
auffi , qu'on
Vous fçavez également , Monfieur ,
que l'on a donné à ce Phenomene le
nom de Lumiere Boreale , à caule que
c'eft par le Nord qu'il commence à paroître.
Vous n'ignorez pas auffi ,
a fait connoître au Public. que ce Phe
nomene n'étoit pas nouveau , les Anciens
en ayant fouvent parlé ; & de nos
jours il est même devenu affez fre
quent cependant , parce que celui que
nous avons vû ici ces jours paffez , a été
plus confiderable & plus fingulier que
ceux qui ont paru ci-devant , je crois
qu'il ne vous déplaira pas que je vous
en faffe le détail , & que j'y joigne ce
que je penfe fur ces fortes de Phenomenes.
*
Ce fut le Samedi dix- neuvième d'Octobre
, qu'on commença d'appercevoir ,
le temps étant très calme , fur les fix
heures du foir , une lumiere blanchâtre
vers le Nord , tant foit peu élevée audeflus
de l'horifon , pendant que du côté
du Midi le Ciel paroiffoit plus fombre
, comme: s'il y avoit eu un leger
brouillard , au travers duquel on ne laiſfoit
pas que de voir les Etoiles.
En-
4
NOVEMBRE . 1726. 2445
&
Environ une heure après, on commença
de voir au Nord - Eft quelques endroits
plus lumineux , qui le formerent
enfuite en rayons plus ou moins étendus
en largeur & en hauteur , lefquels fe
fuccedoient , paroiffant tantôt dans un
endroit & tantôt dans un autre , ce qui
gagna peu- à - peu toute la circonference
de l'horifon. Ces rayons ou colomnes
qui partoient ainfi de tous les côtez , formerent
enfin pendant un temps affez confiderable
diverfes lignes ou colomnes de
lumiere permanentes , demeurant étendues
& prolongées jufqu'au Zenith comme
à leur centre , n'y laillant qu'un petit
ou
Vuide , où paroiffoit un corps lumineux
formé en demi- cercle.
Les chofes étant dans cet état , il pas
Srut du côté de l'Orient des ondulations
de lumiere , qui s'élançoient avec une
efpece de tremouffement & une précipitation
furprenante , s'étendant auffi vers
le haut du Ciel au travers des rayons ;
fans heanmoins les diffiper , de pareilles
ondulations parurent peu après du côté
du Midi .
Dans le même temps il fe forma vers
l'Occident une forte de feu fombre &
immobile , d'une étendue affez confide-"
rable , qui demeura fixé au même en
droit durant un bon efpace de temps ; c'é-
Cij toit
446 MERCURE DE FRANCE.
foit environ fur les huit heures que le
Ciel paroiffoit ainfi lumineux , & com
me en feu de toutes parts , tout le mon
de étoit dans les rues pour voir ce fpectacles
qui ne qlaiffoit pas que d'en effrayer
plufieurs peu- à- peu neanmoins
ces lumieres fe diffiperent , enforte qu'il
n'en reftoit prefque plus rien à minuit.
Pour vous dire Monfieur ma ppenfee
fur ces fortes de lumieres je vous
dirai que ce font des efpeces d'éclairs
qui ne different des éclairs ordinaires
qu'en ce qu'ils font d'une lumiere plus
pâle , & qu'ils restent visibles & perma
nents pendant quelque efpace de temps,
se qui vient de ce que les éclairs ordi
naires font produits par un fouffre plus
pur que rien n'empêche de s'enflam
meritotalement , & en un inftant , & He
faire fon exploſion tout d'un coup , &
d'une maniere fort vive ; au lieu que la
matiere qui compofe cette lumiere blan
châtre , eſt, à la verité, un fouffre fubtil,
mais enveloppé de parties falines , lef
quelles moderant fon activité , font cau
fe qu'il s'enflamme avec moins de vi
vacité , & que la lumiere qu'il produit,
refte plus long- temps vifible.an
Que le fel joint au fouffre ait le pouvoir
de donner plus de blancheur à
la flamme , c'est ce qui eft facile d'ob
きこveferver
,
CHAREST SAUDAIM UN
25
2
l
NOVEMBRE. 11726. 2449
ferver , lorfqu'on met du fel commun
dans de l'eau - de- vie qu'on fait brûler a
car alors la lumiere de cette flamme eft
fi pâle,que ceux qui font prefens , paroif
fent comme des trépaffezi, & l'on eft
d'ailleurs fi perfuadémique des felutend
l'inflammabilité des fouffres plus lente
& plus durable , que plufieurs ont crû,
que pour faire durer plus longtemps
T'huile d'une lampe il fuffifoit d'y me
fer du fel bien pulveriférfib on imp
Pour bien comprendre , Monfieury
comment fe fait la lumiere boreale
faut done fe perfuadereque s'étant exe
balé de la terre une grande quantité de
parties fouffreufes mêlées de beaucoup
de parties falines , & cet amas d'exha
laiſons remplifiant une portion confide
rable de la moyenne region de l'air , s'il
arrive que ces exhalaiſons , loin d'être
diffipées par le vent , viennent à fe troue
ver ramaffées dans l'air pendant un tems'
ferain & calme , il eft, fort naturel que
les parties qui les compofent , confers
vant toujours l'agitation que le Soleif
leur
a communiquée pendant le jour , fi
la maffe qui les contient vient à être
condenfée par le froid de la nuit , alors
ees parties fe rapprochant les unes des
autres , & fe heurtant reciproquement,
elles doivent le procurer un mouvement
F
Ciij affez
2448 MERCURE DE FRANCE .
4
la
allez fort pour caufer une inflammation
qui paroifle . Tout ce qui refferre une
maffe de parties agitées , augmente toujours
le mouvement interieur de cette
malle. C'eft ce que les Anciens entendoient
par le terme d'antiperiftafe , & ce
qui fait que la chaleur du feu eft plus
grande , lorfqu'en hyver l'air devient
plus froid ; & c'eft ce que fçavent
auffi ceux qui forgent le fer , puifque
pour rendre leur feu plus vif, ils y jettent
de temps entemps de l'eau froide,
Il ne faut pas être furptis , que
fumiere boreale commence toujours par
le Nord , ce qui lui a fait donner fon
nom , & que le côté du Midi foit celui
où elle paroît le moins puifqu'étant
formée par le refferrement & la conden
fation des exhalaifons fulphuro - falines ré
pandues dans l'air & la plus grande
fraîcheur de l'air étant toujours de ce
côté-là , il s'enfuit que s'y condenfant
plutôt ,
Cette matiere qu'il renferme doit
condenfer plutôt qu'ailleurs , ce
qui ne doit non plus furprendre , que de
voir de la cire ou du fuif fondus , commencer
à fe prendre & à fe durcir par
l'endroit où l'air fe trouve le plus frais.
auffi s
و
Suivant que l'agitation interieure de
cette maffe , devenue lumineufe par fon.
refferrement , eft plus grande , l'explo
fion
NOVEMBRE. 1726, 3449
fon qui produit les rayons , étant auffi
& plus forte , & plus frequente , c'eft
ce qui les multiplie davantage ; & fi la
matiere fulphuro- faline y eft fort abondante
& bien étendue , c'eft ce qui les
rend plus larges & plus étendus , &
qu'il s'en forme de tous les côtez de l'horifon
, d'où ils peuvent être pouffez juf
qu'au Zenith , parce que c'eft ce point
vertical qui eft le centre de l'horifon.
Quant a la diverfité des couleurs , elle
vient de la diverfité des fouffres , & de
leurs differens mêlanges avec les fels , ou
des matieres plus ou moins groffieres , lefquelles
ne le font pas neanmoins fuffifamment
, pour caufer par leur condenfation
une opacité capable de cacher les Etoiles.
Que fi outre les rayons on remarque des
ondulations , cela ne dépend que de la
maniere dont les explofions fe peuvent
faire par la matiere agitée ; & fi ces élancemens,
en forme d'ondulations, fe font ,
foit au-deffus ou au-deffous des rayons .
ce fera alors qu'elles fe feront fans caufer
la moindre confufion dans ces mêmes
rayons. Je fuis , & c.
A Eu le 26. Octobre 1726 .
M. Richer , Avocat au Parlement de
Normandie , fi connu dans la Republi
C
Ci
que
2448 MERCURE DE FRANCE:
que des Lettres par fes excellentes tra
ductions en Vers des Bucoliques de Vir
gile , & des Heroïdes d'Ovide , & par
plufieurs Poëfies dignes du fiecle d'Augufte
, l'enrichit encore tous les jours
par quelque nouvel Ouvrage. Voici une
Fable de fa façon , auffi délicate dans fa
édicace , qu'ingénieufe dans fon appli
cation.
LES PER ROQUETS
FABLET GO DA
A M. du Ruiffean , Avocat an
Parlement.
Her du Ruiffeau , qui fais un bon
Cufage
Des doces leçons de maint fage ,
Qui fais unir par un accord charmant,
A l'étude des loix un aimable enjouëment,
Et copier fi bien les graces ?
Des Terences & des Horaces
Dont les Ecrits pleins de douceur s
T'ont formé l'efprit & le coeur.
Ennemi de tout pedantifme ,
Ma Muſe , ami , feroit un folecifing,
ST
ORA
NOVEMBRE 1726. 245.2
Si je ne t'adrefois ces Vers , きゅ
Ou je dépeins des Efprits de travers;
Antipodes du tien , & dans qui la ſcience ,
N'eft qu'un mauvais butin pire que ignor
rance.
A les railler , voi fi j'ai réüffi.
C'est ce que j'entreprens ioi
Au Cap Vert, une Perrique ;
Sçut de quelques Voyageurs ,
I
Qu'enFrance Perroquets devenoient Orateursk
Sur ce recit Cathos quitté l'Affrique .
Curieufe d'apprendre auffi la Rhetorique ,
Arrive en ces Climats , voit ces nouveaux
Docteurs Karl Fig
Et leur rend fes humbles hommages.
Mais nos Sçavans orgueilleux babillards,
Se croyant de grands perfonnages ,
Laiffoient tomber für elle à peine leurs regard.
Ayant ouvert le bec devantleur Compagnie,
Quel jargon ! quelle barbarie !
Crierent- ils , d'un ton pedɛnt & précieux
De quels fauvages lieux venez- vous , je vous
prie
€ Eft il
2452. MERCURE DE FRANGE.S
Eft-il un Climat fous les Cieux ,
Où l'on foit fi groffier ? A cette raillerie ,
Cathos fçur repliquer à ces ambitieux ;
Ainfi
Cevil jargon que vous blâmez , dît- elle ,◄
Elt votre langue naturelle ,
Et qu'ont parlé vos peres , vos ayeux ,
que
font encor vos freres , vos neveux;
Ou prenez- vous tant d'arrogance ?
Je préfumois que la fcience ,
Rendoit civils les Perroquets ,
J'ai mal tiré ma confequence ;
Mais puifque du fçavoir les fruits font fi mau
vais ,
=
Je m'en tiens à mon ignorance,
Et repaffe en Afrique en toute diligence.
Le fçavoir fe corrompt dans un cerveau mal
fait ,
Tel que celui d'un Perroquet.
Nous avons parlé dans le Mercure du
mois paffé, d'un Divertiffement qui fut,
reprefenté devant la Reine le 14. du
même mois. Le fuccès qu'il a eu nous
a perfuadé que le Public ne feroit'
pas fâché d'en trouver ici les paroles.
Nous fçavons qu'en general elles ont
été
NOVEMBRE. 1726. 2453
été très goûtées , & que particulierement
elles ont été honorées d'illuftres
fuffrages. Leurs Majeftez ont páru y
être loüées d'une maniere auffi délicate
que folide ; Et enfin on a fçû gré à
l'Auteur d'avoir purgé fa Piece de tous
ces lieux communs , & de ces phraſes
triviales & rebattues , qui remplillent la
plus grande partie des Poemes que l'on
compofe pour le Chantes map heik
Jakakakakakakakikikikik jik
LE RETOUR DES DIEUX
SUR LA TERRE.
OR LATE
Divertißement en forme de Prologue.
Q
SCENE
Th as anel
I.
La Nymphe de la Seine.
Uelle pure clarté fe répand fur ces
bords !
pornobinler is bot
Qui produit de ces fons la celefte harmonie !
Jamais je n'en goûtai la douceur infinie ,
Et mon coeur ne connut de fi charmans tranfports.
Les Dieux vont ils , quittant le féjour du
Tonnerre ,
Une feconde fois habiter fur la Terre ?
Cvj SCENE
2454 MERCURE DE FRANCE ,
SCENE II.
Aftrée , la Nymphe de la Seine.
Aftrée.
Nymphe , n'en doute point , ma prefence en
ces lieux ,
T'annonce le retour & la faveur des Dieux .
De ton Roi , de ta Reine ils couronnent le
zele.
C'eſt leur vertu qui les rappelle.
Par leur augufte exemple enfin les Immor
tels ,
Dans les coeurs des humains. vont trouver des
Autels .
Le Ciel verfe en leur fein fa fageſſe profonde,
Des Rois , comme des Dicux naît le bonheur
du monde.
La Nymphe de la Seine.
Peuples foumis au pouvoir de LOUIS,
Vous qu'on voit habiter cette riche contrée ,
Celebrez à jamais là prefence d'Aftrée ,
Chantez des Dieux les bienfaits inouis.
Choeurs d'Habitans. -
Celebrons àjamais la prefence d'Aftrée.
Charr
NOVEMBRE. 1726. 2455-
Chantons des Dieux les bienfaits inouis;
Qu'il eft doux d'habiter cette riche contrée,
Qu'il eft doux d'obéir aux ordres de LOUIS.
One Bergere
La fimple Nature
Renaît ici- bas .
La verité pure
Guidera
nos pas.
La foi , la droiture
Và dans nos
vergers,
Du coeur des Bergers
Bannir l'impofture.
Point d'Amans ingrats. »
La fimple Nature
Kenaît ici bas.
Un Berger.
Be Ciel fait éclore
Un âge nouveaur
L'Univers encóré '
Et à fon berceau .
Des Dieux la preſence
Donne à nos ardeurs
La douce efperance,
2456 MERCURE
DE FRANCE.
De voir la conftance
Regner fur les cours.
On reprend le Chour.
Celebrons à jamais la preſence d'Aftrée , &c.
SCENE III.
Minerve , Aftrée , la Nymphe de la Seine.
Minerve à la Nymphe.
Nymphe , dans ces climats reconnois k
Déeffe ,
Qui toujours pour ton Roi ſignala ſa tendreffe.
Tout l'Olympe à l'envi l'a comblé de biene
faits.
Il reçut de Phebus l'éclat qui l'environne,
Du Souverain des Dieux l'air brille en fa perfonne.
Les graces , l'amour mème one deffiné fes
traits ,
Et le Dieu de la Thrace a formé fon cou
rage.
I
Mais fa fageffe eft mon ouvrage.
Par un pareil deftin j'ai la gloire en ce jour
D'avoir formé dès la premiere aurore ,
Cette
NOVEMBRE . 1726. 2 457
Cette Princeffe qu'il adore ,
Cette Reine , l'objet d'un éternel amour.
Choeur de la fuite de Minerve.
Minerve a la gloire en ce jour , oubles)
D'avoir formé dès fa premiere aurore ,
Cette Princeffe qu'il adore
éternel
amour.
Cette Reine , l'objet d'un éternel amours
SCENE I V.
Minerve , Aftree, Apollon , la Nymphe
les Genies des Arts .
Apollon.
Au Regnes de LOUIS je dois toutes mes
veilles.
Miniftres de ma volonté ob es la
- De la celebre Antiquité inor ? uti
Faites revivre les merveilles.
300 2620 TUMB
Fortu nez Sujets
the
De ce vafte Empire ,
Suivez les projets
Qu'un Dieu vous inſpire .
Que fous le pinceau
La toile refpire.
Que
1458 MERCURE DE FRANCE.
Que fous le cizeau
Le marbre s'anime ;
Que de toutes parts
Regne pour les Arts
Úu goût unanime.
Le Choeur des Genies des Arts repetes
Fortunez Sujets
De ce vafte Empire , &c.
La Poëfie à la Nymphe.
Tufçais , Nymphe , que les deftins
Ont voulu que ma fainte yyreffe
Fit couler au coeur des humainsauk
Les maximes de la Sagelſe. By roban)
Mais pour mieux remplir cette loi ,
Il fuffit d'infpirer aux hommes ,
Les Vertus qu'au fiecle où nous fommes ,
Font briller ta Reine & con Ro
Patio La Muſique. **
La noble ardeur qui m'enflame
Prend fa fource dans les Cieux :
Et je fais goûter à l'ane
La felicité des Dieux.
Je
NOVEMBRE 1726 , 245 )
Je veux avec Uranie ,
Celebrer dans mes tranfports
Cet Empire où l'harmonie
Regne comme en mes accords.
5
asi sung 50
SCENE V.
Amour , les Divinitez des Scents
précedentes .
L'Amour à Minerve.
Je croi que fans trop de licence ,
Deeffe , je puis deformais
De l'Amour & vos yeux faire briller les traits
Mes coups ont affez bien fervi votre pru
dence alcatel wh water
Qu'on doute encor de ma Puiffance.
On m'oppofoit la Chaffe & fes nobles plai
firs : 57417
Qui , l'Amour
defirs .
difoit- on, forme de vaing
De fes traits dans les bois on brave la blef-
" fure. do nos andal sapore
Il ne peut jufquez- là , faire craindre fo
nom ,
Affife auprès d'Andímion ,
Diane vous dira fi la retraite eft füre
Mi1460
MERCURE DE FRANCE.
Minerve.
Que les Echos des Bois, que les Champs d'a
lentour
air Retentiffent du nom d'Amour
Minerve applaudit à fa gloire , si 35
તારા સુર
Quel triomphe ! quelle victoire !
(410) 90plete Le Choeur..
Que les Echos dés Bois, que les Champs d'a
lentour
Retentiffent du nom d'Amour;
Minerve applaudit à fa gloire,
Quel triomphe ! quelle victoire !
are M. Tanevet.
#kakakakakakaka
RELATION hiftorique des dernieres
Révolutions de Perfe , pendant les années
1722. 23. 24. 25.
Ne Relation exacte & fidelle du
U commencement et du progrès de
la guerre qui vient de defoler la Perſe ,
l'une des plus grandes & des plus floriffantes
Monarchies de l'Afie , doit inte
reffer le Public , qui n'a eu jufqu'à prefent
de notion de ce grand évenement ,
que
NOVEMBRE 1726. 246
que ce que quelques Gazettes en ont pú
pprendre. Le prefent que nous faisons
ici au Lecteur eft tiré d'une Lettre écri
te à M. le Maire , Conful de France
Tripoli de Syrie , par un Miffionnaire
de la Compagnie de Jefus , témoin de
la plupart des évenemens contenus dans
cet Ouvrage .
Les Perfans qui fuivent, preſque tous ,
lesas
de Mal
83%
›
partagez
en deux feces ; les uns fuivent l'Alco
ran , felon l'explication & les Commen .
taires d'Aly , qu'ils nomment Coadjuteur
ou Lieutenant de Dieu ; & les
autres fuivent la doctrine d'Omar .
Les premiers font ceux qu'on appelle
proprement Perlans , & ils ont toujours
eu dans leur parti le Roi , les Princes
& la plupart des Grands du Royaume !
Les feconds , font appellez Aghuës ,
& leur Secte n'a jamais fait de grands
progrès que dans les Provinces de Candahar
, Korafan , Siziftan & Kirman . Ce
pendant ennemis déclarez des Perfans ,
dont ils étoient quelquefois maltraitez
ils ne penfoient qu'à chercher l'occafion
de fe révoler contre eux , & de fecouer
entierement leur jong. Ils avoient befoin
pour cela d'un homme de tête qui pût
Aghues , ou Aghuains , grands Soldats
un fe bat contre cing Perfans.
les
2462 MERCURE DE FRANCEIV
el
*
les conduire & les foûtenir dans leur end
treprife. Ils ne le chercherent pas long
temps ; ils le trouverent bien -tôt tel
qu'ils le fouhaitoient, dans la perfonne
de Mahmoud , fils de Mirveis , de leur
Sectes ab mag af eroimolov maliards
Cet homme qui étoit extraordinaire
ment ambitieux , quoique né deida plus
vile populace , & qui fongeoit depuis
quelques années , fous prétexte de deft
fendre les droits & les privileges de la
Religion , à fe rendre indépendant, dans
fa Province de Candahar , & même à
s'emparer du Trône , fi la fortune venoit
à feconder fes defirs , profita volontiers
de la bonne difpofition des Aghues , &
commença à en lever un corps confidera
ble de troupes dans la Montagnes & pour
réullir encore plus furement dans les
vaftes deffeins qu'il méditoit , il eſſaya
de gagner les Guebres anciens peuples
de Perfe,qui pallent pour être extreme
ment courageux , & qui font en effet les
meilleurs Soldats du Royaume. Ses foins
eurent tout le fuccès qu'il pouvoit fou
haiter, Ainfi Mahmoud fe voyant fou
tenu de ces Peuples , il ramaffa envi
ron 10000. hommes , qu'il joignit à un
corps de troupes d'environ 15000 €
Aghues, & alla fe jetter au commence
ment de Janvier 1722. fur Kirman
Ville
NOVEMBRE 1726
Ville capitale d'une Province qui porte
le même nom . Cette Ville ne refifta pas
long-temps ; car outre qu'elle ne s'atten
doit pas à une pareille attaque , elle fe
trouva renfermer dans fon enceinte une
troupe confiderable de Guebres q
› qui
embraffant volontiers le parti de ceux de
leur Secte , obligerent bien - tôt le refte
des habitans à fe rendre & à livrer la
l'Ennemi.
Ville à e prifugon say
doit Mahmoud maître de la Province de
Kirmangell'encouragea
extraordinaires
ment, & lui fit prendre la refolution d'aller
droit à Hifpaham , Capitale de tout
le Royaume.
fb tote
έρου
Il partit de Kirman , à la tête d'envi
ron 40000. hommes , laiffant feulement
dans la Ville mille Soldats pour la gar
der. Il ne trouva fur fon chemin pref
que perfonne qui s'opposât à fa marche
fes troupes groffiffoient chaque jour par
Le grand nombre de vagabonds , qui venoient
fe joindre à lui : les Pples épouventez
, abandonnoient leurs Bourgs &
leurs Villages pour le dérober à la cruauté
de l'Ennemi.Deux hommes feulement,
Mirgua Roftom , frere du Prince de Georgie
, Commandante de la Cavalerie de
Perfe , & Alimerdan- Kan , Prince de
Lariftan , voulurent l'arrêter dans fa
marche. Ils vinrent au- devant du Rebelle
I
avee
2464 MERCURE DE FRANCE .
&
511
&
avec 4 ou sooo . hommes d'élite : ils
l'attaquerent brufquement ; mais après
quelques petits avantages remportez , fe
voyant comme accablez par le grand
nombre des Ennemis , ils furent obligez
pour fauver leur vie , de prendre la fuite
, avec quelques - uns de leurs gens , qui
avec bien de la peine , s'étoient échapez
à la futeur des Rebelles. Ily eut dans ce
combat près de 7000. hommes de tuez ;
le plus grand nombre fut du côté des
Ennemis..
2
Cependant , Mahmoud continua fa
route vers Ipaham ; cette Ville étoit
alors dans la derniere confternation , dépourvûe
de troupes , de munitions & de
vivres ; elle ne fçavoit comment s'op
pofer à un ennemi redoutable , dont elle
ne devoit efperer aucun quartier. Le
Roi , le plus confterné de tous , ayant
fes Soldats difperfez dans les differentes
Provinces de fon Royaume , & fe voyant
dans l'impoffibilité de les raffembler affez
à temps , fit lever fit lever promptement
dans la
Ville , 40000. hommes qu'il divifa en
deux corps , dont il donna le commandement
au Prince d'Havouza , appellé
Valy , & à l'iktimadoulet ou premier
Miniftre de fa Cour. Ces deux
Generaux fortirent de la Ville à la tête
de leurs troupes pour aller combattre
l'ennemi
NOVEMBRE. 1726: 2465
en ve
Tennemi çoit toujours à
granqui
des journées . Ils le rencontrerent le 8,
de Mars 1722 , à quatre lieues d'Ifpaham
. Les deux Armées s'arrêterent en
prefence l'une de l'autre , fans qu'aucune
osât commencer le combat &
nir aux mains . On entendit bien des cris ,
& il y eut bien des coups de fuzil tirez
inutilement de part & d'autre ; mais cela
décidoit de rien . Le Prince d'Havouza
fut celui qui commença le 9. au foir à
s'avancer vers l'Ennemi . Son attaque
fut fi vive que fans donner le temps
aux Rebelles de fe reconnoître , il fit
main-balle fur tout ce qu'il rencontra ;
& malgré les précautions qu'on avoit
prifes de bien munir le Camp de Mahmoud
, ce Prince y pénetra le fabre à la
main , fe fit jour à la faveur d'une grêle
de bales , & fe faifit de tous les trefors
qui y étoient. Un fuccès de cette nature
l'éblouit , & loin de l'animer , amolit
fon courage. Il ne fongea plus qu'à
conferver fes richeffes ; & au lieu de
poursuivre l'ennemi , il fe retira honteufement
, pleinement fatisfait des dépouilles
qu'il emportoit.
Son avarice coûta cher à toute la Perfe;
car les Ennemis , qui s'apperçurent bientôt
de fa fuite , entrerent dans le Camp
tuerent le refte des Soldats Perfans qui
to. &
n'avoient
#466 MERCURE DE FRANCE.
n'avoient pis fuivi le Prince , & fe
mirent à le pourfuivre lui même avec
tant de promptitude & de chaleur , qu'après
avoir fait un carnage confiderable
de fon arriere garde , ils parvinrent
jufqu'aux bagages & aux trifors , les
reprirent & les rapporterent dans leur
Camp.
·
Cette défaite du Prince d'Havouza ra
nima le courage des Rebelles ; mais en
même temps elle rallentit fort celui de
l'Iktimadoulet. Ce General , qui de fon côté
combattoit vaillamment , & même avec
avantage contre les Ennemis , fe voyant,
par la fuite de l'autre General , hors d'état
de refifter davantage , réfolut de faire
une honorable retraite & d'aller camper
auprès de la Ville , dans un lieu
avantageux & où il ne pût pas être attaqué
facilement : c'eſt ce qu'il fit , mais
cela n'empêcha pourtant pas qu'il ne fût
vivement pourfuivi & qu'il ne perdît
bien des Soldats dans fa retraite.
La nouvelle de cette défaite , où plus
de 15000. Perfans avoient été tuez ,
les bagages pris , & 25. pieces de Canon
enlevées , fut bientôt fçûë à Ifpaham .
Elle infpira tant de terreur aux habitans
& au Roi même , que fi les Ennemis
euffent voulu profiter de leur victoire, ils
auroient pris ce jour là même & la Ville
&
NOVEMBRE. 1726. 2467
& le Roi. Mais Mahmoud qui pouvoit
à peine croire fon bonheur , craignant
d'ailleurs qu'on ne lui dreffat quelques
embûches , fe contenta d'avancer à petit
pas , s'arrêtant çà & là à piller les ri
cheffes que les Grands de Perfe avoient
Taillées dans les maifons de campagne
qu'ils avoient autour de la Ville .
Cependant les efpions que le Rebelle
avoit envoyé dans la Ville pour fçavoir
ce qui s'y paffoit , lui ayant rapporté le
defordre où tout étoit , il fe repentit
mais trop tard , de fes délais . Ainfi fans
s'amufer davantage à ramaffer des richeffes
qui ne pouvoient pouvoient pas lui échapfi
fon deffein réüffiffoit , il fit avan per,
cer fes
troupes promptement , les conduifant
lui - même , il vint camper le 19.
Mars à Zulfa , gros Bourg , habité par
les Armeniens , qui n'eſt éloigné que
d'une lieuë d'Ifpaham , dont il n'eut pas
de peine à fe rendre maître ; les habitans
fe foumirent d'abord à un homme
à qui ils ne pouvoient refifter impunément.
De-là il envoya un Corps de 10000.
Soldats , pour effayer s'ils ne pourroient
point penetrer dans la Ville , fa furprendre
& s'en rendre maître , il les fit fuivre
lentement par un autre corps bien
plus confiderable , afin que' fi cespremiers
Ď ves
2468 MERCURE DE FRANCE .
venoïent à avoir un heureux fuccès , ils
fuffent promptement foutenus. Mais cela
ne réüffit pas ; la négligence de Mahmoud
à pourſuivre la premiere victoire , & à
en tirer tout l'avantage qu'il pouvoit , fut
regardée par les habitans d'Ifpaham comme
une crainte exceffive qui avoit com.
mencé à s'emparer du coeur des Rebelles
, & leur fit concevoir dès - lors quelque
efperance de fe défaire d'un ennemi qui
ne paroiffoit s'approcher qu'en tremblant.
Ils fortifierent la Ville du mieux qu'il
lear fut poffible dans de pareilles circonftances
, & mirent de bonnes troupes
partout où ils croyoient que l'Ennemi
pourroit les attaquer. Leurs foins ne furent
pas inutiles ; car les roooo hommes
de Mahmoud s'étant approchez , ils furent
repouffez vigoureufement & avec perte,
ce qui les obligea ,auffi -bien que ceux qui
venoient après eux , à prendre la fuite .
Le General des Rebelles , toûjours
fâché du temps que fa lenteur avoit donné
à la Ville de ſe reconnoître , & de ſe
fortifier , ne voulut pas lui en donner davantage
il réfolut de s'avancer avec
toute fon armée , compofée de près de 100.
mille hommes , & de donner un affaut
general à la Ville. Cet affaut fut déterminé
au 2 2. de Mars 172 1. mais la petite
Riviere de Zenderu , fur le bord de
laquelle
NOVEMBRE. 1726. 2469
laquelle eft fitué Ifpaham , groffit tellement
ce jour là , que les Ennemis n'oferent
entreprendre de la paffer . Ils
attendirent au 23. que les eaux s'étant
fuffifamment écoulées , donnerent à l'armée
la facilité de paffer fans danger.
Les Aghuanis commencerent l'attaque
fous la conduite de Jacques Curland ,
autrefois Charron . Ce Chrétien ayant
appris les fuccès de Mahmoud , avec qui
il étoit d'intelligence depuis long- temps ,
ayoit quitté fon Métier & étoit venu ſe
joindre à lui avec plufieurs Aghuanis ,
qui l'avoient fuivi . L'attaque fut fort vive
, tout plia d'abord devant les Ennemis
, & peu s'en fallut qu'ils n'entraffent
dès ce jour - là même dans la Ville ;
mais les Aghuanis , fur ces premiers avantages
, fe croyant déja maîtres d'Ifpaham ,
commencerent à fe débander & à courir
fans aucun ordre , les uns d'un côté
& les autres de l'autre , en faifant de
grands cris & des décharges prefque
continuelles. Les Perfans ayant laiſſé paſfer
ce premier feu , & voyant le defordre
où étoient les Affiegeans , firent une vigoureuſe
fortie qui déconcerta fi fort les
Aghuanis , qu'après une foible réſiſtance,
ils prirent la fuite & avec eux le reste
le l'armée.
Cette premiere attaque n'ayant pas
Dij réüff
2470 MERCURE DE FRANCE.
réüffi , les Ennemis n'eurent pas envie
d'en tenter une ſeconde , du moins fi tôt.
Témoins de la vigoureufe deffenfe des
Affiegez , ils comprirent trop bien ce
qu'illeur en coûteroit s'ils venoient à donner
un autre aflaut. Ainfi ayant changé de
réfolution , ils ne penferent qu'à inveftir
la Ville , & à fe faifir de tous les palſages
par où on pouvoit y faire entrer des
vivres , afin que s'ils ne pouvoient pas
la prendre par force , ils la réduififfent par
famine. Cette entrepriſe n'étoit pas
facile
à executer.
La Ville d'Ifpaham eft , fans contre,
dit , une des plus grandes Villes du Monde
, elle a pour le moins dans fon circuit
dix lieuës communes de France ' ,
fans compter plufieurs Fauxbourgs confiderables
& affez bien fortifiez . Il eſt
vrai qu'elle n'eft pas peuplée à proportion
de fa grandeur ; car outre les Places
publiques , qui font en grand nombre &
d'une grande étendue, il n'y a aucune maifon
, même d'Artifan , qui n'ait une cour
& un vafte & magnifique jardin , avec
quantité d'arbres en forte que lorfqu'on
apperçoit de loin cette Ville , on s'imagine
de voir une grande & vafte foreft , où
l'on a bâti quelques maifons.
:
Les Ennemis n'étoient pas en affez
grand nombre pour pouvoir , fans rif"
quer
1
NOVEMBRE . 1726. 2471
fe
quer de perdre tout , partager en
autant de corps qu'il y avoit de poftes à
garder autour de la Ville pour en faire
le blocus . Dailleurs tous ces poftes étoient
parfaitement bien gardez, & ils ne pouvoient
s'en faifir fans s'expofer à être
défaits, & par confequent à affoiblir leur
armée.
Mahmoud réfolut de fe tenir tranquille
dans fes retranchemens au de - là de la
Riviere , entre Zulfa & Ifpaham , & de
ne rien entreprendre qu'il n'eut reçû un
corps confiderable de troupes qui lui venoit
des Provinces de Candahar , Siziſtan
& Kirman. Il ne laiffa pourtant pas de
faire de temps en temps quelques legeres
tentatives , & d'effayer s'il ne pourroit
point s'emparer de quelque pofte avantageux
qui pût lui faciliter la prife de
la Ville. Le refte du mois de Mars fe
paffa auffi bien que tout le mois d'Avril,
dans de petites & inutiles attaques de
part & d'autre.
la
Cependant le Roy de Perfe , qui vit
bien que le deffein de Mahmoud étoit
d'inveftir la Ville; & de le forcer
par
famine à fe rendre , fongea férieuſement
à prévenir ce malheur . Pour y réüffir ,
il réfolut , à la follicitation des Grands
& du peuple , de faire faire une fortie
avec plus de cent mille hommes , pour
D iij aller
2472 MERCURE DE FRANCE.
aller forcer l'Ennemi jufques dans fes
retranchemens , ou du moins pour l'obliger
à s'éloigner. Il propofa fon deffein
à l'Iktimadoulet & à Vali , Prince
d'Havouza. Le premier.étoit fort de cet
avis , & fi on l'avoit crû , on n'auroit
même pas tant differé ; mais le Prince
d'Havouza fut d'un fentiment tout contraire.
Ce Prince , qui par fon avarice
avoit été , comme on l'a déja dit , la cauſe
de la perte de la premiere bataille , craignant
, avec raifon , d'être difgracié , fi
on venoit une fois à battre l'Ennemi , &
à n'avoir plus befoin de lui , favorifoit
en fecret le parti de Mahmoud , & tichoit
d'éloigner adroitement , & fans
qu'on s'en apperçût , tout ce qui pouvoit
être préjudiciable à l'Ennemi. Le Roi
qui eftimoit ce Prince , à caufe de fa bravoure
& de fon experience dans l'Art
Militaire , & qui d'ailleurs ne le foup.
Connoit point d'infidelité , défera malheureuſement
à fon fentiment & deffendit
abfolument de faire aucune fortie fans
l'ordre du General Valy , à qui il con
fioit le foin de la Ville. Cette deffenſe à
laquelle on ne devoit pas certainement
s'attendre , vû la neceffité & les bonnes
difpofitions où paroiffoient être tous les
habitans de bien combattre , furprit &
affligea en même - temps tout le monde. "
On
NOVEMBR E. 1726. 2478
Onfut cependant un peu confolé au départ
du Prince Thainas , fils du Roy de Perfe.
Ce Prince doué de toutes les vertus
qui font les Heros ; doux , affable , libesal
, magnanime , & à qui il ne manque
que le Chriftianiſme & une Couronne
digne de lui , ayant été déclaré par fon
Pere , heritier préfomptif du Royaume,
& reconnu pour tel par tous les autres
Princes du Sang & les Grands de la Cour,
fortit de la Ville le 21. Avril , accompagné
feulement de 400. Soldats choifis
. Son deffein étoit de ramaffer dans
les Provinces , le plus de troupes qu'il
pourroit , d'en faire un corps confiderable
, & de revenir enfuite au fecours de
la Ville. Perfonne ne doutoit que la
prefence d'un fi aimable Prince n'attirâc
en foule les peuples à fon parti , & que
l'amour que tous paroiffoient avoir pour
lui , ne leur fit faire les derniers efforts
pour le mettre bientôt en état de réfifter
à l'Ennemi . Mais , quel fond faire
fur la fidelité des hommes ? Les Princes
auffi bien que les autres , tandis
qu'ils font dans la profperité , voyent
autour de leur perfonne une foule de
Courtifans , qui tous , à l'envi , tâchent
de leur donner des marques d'un inviolable
attachement ; mais dès que l'adverfité
furvient, tout difparoît , les meil-
D´iiij leurs
-
2474 MERCURE DE FRANCE.
leurs amis , en apparence , prennent la
fuite, & les laiffent fouvent feu les victimes
de leur malheur.
C'eft ce qu'a éprouvé le jeune Prince
dont on parle . Le trifte état où il alloit
être réduit , s'il n'avoit un prompt fecours
, ne fit aucune impreffion fur l'efprit
de fes Sujets. Les Peuples les plus
voifins d'Ifpaham , frappez d'une trop
grande crainte fur les nouvelles qu'ils
avoient euë de la défaite des Perfans
avoient quitté leurs demeures , s'étoient
difperfez de côté & d'autre dans les Montagnes,
& ne pouvoient , ni ne vouloient
même le réunir : les autres qui étoient
plus éloignez , fous prétexte de conferver
les limites du Royaume du côté de
la Turquie, s'excuferent de venir à lui :
d'autres enfin croyant que c'étoit pour
eux une belle occafion de fatisfaire leur
ambition , ne penfoient qu'à fe rendre
abfolus & indépendans dans leurs Provinces.
Ainfi cet infortuné Prince fe
voyant abandonné de tout le monde &
n'ayant pas dans ces defordres du Royaume
, l'autorité neceffaire pour le faire
obéir , réfolut de revenir à Ifpaham & de
deffendre cette Ville du mieux qu'il loi
feroit poffible , avec le fecours des habitans
& des Etrangers qui s'y étoient
réfugiez en grand nombre. Mais alors il
n'étoit
NOVEMBRE. 1726. 2475
n'étoit plus temps de revenir feul ; la
Ville étoit entierement inveftie , & tous
les paffages occupez par les Ennemis.
Voici comment .
-
-
Dès que Mahmoud eut appris le départ
& le deffein du Prince Thamas , il comprit
tout ce qu'il avoit à craindre , fi
avant le retour de ce Prince , il ne fe
mettoit en état de ne pouvoir être attaqué.
Il n'avoit fur cela que deux partis
à prendre d'abandonner fon entrepriſe
& fe retirer , ou bien de pouffer fi vigoureuſement
le Siege , que la Ville fût
enfin obligée à fe rendre avant l'arrivée
du fecours. Le premier parti ne fut pas
de fon goût , il s'étoit trop avancé Four
pouvoir reculer. Le fecond lui paroiffoit
bien dangereux : la réfolution où il fçavoit
qu'étoient les Affiegez de fe deffendre
jufqu'à la derniere extremité , lui
faifoit tout apprehender pour les troupes
qu'il ne vouloit point affoiblir dans de
pareilles circonflances . Cependant , dans
la neceffité où il fe croyoit être de vaincre
ou de périr bien-tôt , il ne balança
pas un moment à embraffer ce dernier
parti , & la fortune , malheureufement
pour Ifpaham , ſeconda fa réſolution .
Il y avoit fur la Riviere à une des extremitez
de la Ville , un Pont fort large ,-
au de- là duquel étoit un petit Fort qui
D v domi2476
MERCURE DE FRANCE
dominoit fur toute la campagne & commandoit
en même - temps une partie de
la Ville. Ce Fort une fois pris , Mahmoud
pouvoit fans courir aucun rifque , s'emparer
ailément de toutes les autres Fortifications
fucceffivement , battre la Ville
tant qu'il le jugeroit à propos , & couper
le paffage à tous les vivres.
· ·
Il s'agiffoit de fe rendre maître de
ce pofte ; l'occafion fe prefenta , & il
fçut bien en profiter. Les Georgiens
à qui on avoit confié la garde du Pont
& du Fort , ayant enlevé par hazard
une petite provifion d'eau de vie
qui venoit à l'armée de Mahmoud , en
burent tous avec tant d'excès qu'ils s'enyvrerent
, & dans leur yvreffe laifferent
le Fort fans garde & fans defenſe . Mahmoud
en ayant été d'abord averti par
fes efpions , envoya auffi- tôt 1500 .
Aghuanis , qui fe faifirent le dernier jour
d'Avril , du Pont & de fon Château
firent main baffe fur tous les Géorgiens
& drefferent contre la Ville toutes les
differentes Pieces d'Artillerie , qui s'y
trouverent en quantité. Cette prife
facilita à Mahmoud le paffage de fon
armée de l'autre côté de la Riviere ,
où il étoit néceffaire d'aller pour enlever
aux Perfans & furtout à l'iktimadoulet
, les poftes avantageux qu'ils oce
cupoient
NOVEMBRE. 1726. 2477
cupoient & fans lefquels il eut été bien
difficile de prendre la Ville.
Un fecours de 20000 hommes que
-Mahmoud , comme on l'a déja dit , attendoit
des Provinces de Candahar , Siziftan
& Kerman , étant venu fur ces entrefaites
, ne lui fervit pas peu dans cette
occafion. Après avoir affigné à ces nouvelles
troupes les poftes qu'elles devoient
garder dans les retranchemens
qu'il s'étoit fait au commencement du.
Siege , entre Zulfa & Ifpaham , il divifa
fon armée en deux corps ; il fit paffer
la Riviere aux deux extremitez de la
Ville, & en peu de temps il fe vit maître
& des Fortifications qui défendoient
Ifpaham & de tous les paffages par où
les vivres & les fecours pouvoient y
entrer.
1
"
Les Affiegez voyant leur Ville ainfi
bloquée de tous côtez fans efperance d'aucun
fecours de la part du Prince Thamas
, qu'ils avoient appris être fort embarraffe
lui- même , commençant d'ail
leurs à fe reffentir des miferes de la faim ,
demandoient avec inftance qu'on leur
permit de fortir pour aller combattre
Ï'Ennemi ; mais le Prince d'Havouza ,
qui favorifoit en fecret le parti de Mahmoud
, n'oublioit rien pour les en détourner
, difant qu'il n'étoit pas encore
temps , D vj
<
2478 MERCURE DE FRANCE.
temps , que l'intention du Roi étoit qu'on
attendit , & qu'il ne manqueroit pas de
les avertir, dès que l'occafion ſe preſenteroit.
Cette occafion cependant differoit
bien à venir & les provifions qui diminuoient
chaque jour , commençoient à
manquer, & plufieurs mouroient de faim.
Les Grands auffi - bien que le Peuple , fentoient
tous la neceffité qu'il y avoit d'attaquer
l'Ennemi & d'ouvrir un paffage
aux vivres qui n'étoient pas fort éloi
gnez ; mais le Roi , qu'une trop grande
crainte , jointe à une honteufe lâcheté ,
' avoit fait renfermer dans fon Palais , ne
voulut jamais écouter leurs demandes s
au contraire , s'en offenfant , comme fi
ç'eût été une révolte contre fa perfonne,
il ordonna , par une imprudence & une
cruauté inouie , qu'on tirât fur eux &
qu'on les écartât abfolument de fon Pa
lais .
Une conduite auffi extraordinaire , auroit
infailliblement caufé une fédition
generale dans toute la Ville , fi Akmed
Aga , homme vaillant & genereux , &
qui étoit trés attaché aux interêts de fon
Roi , n'eut appaiſé les efprits déja fort
aigris , & ne le fût mis à la tête des troupes
& des habitans pour aller combattre
l'ennemi.
Ce fut au commencement de Juillet
qu'il
NOVEMBRE. 1726 2479
fortit de la Ville , fuivi de plus de 30000
hommes. Il commença fon attaque ; foutenu
foiblement par le Prince d'Havouza
& il eut d'abord tout le fuccès qu'il pouvoit
efperer. Après avoir tué 2000.
Aghuanis & obligé les autres à fe reti
rer , il fe faifit de certains paffages par
où il pouvoit affez aifément faire venir
des provifions dans la Ville.
Cette heureuſe expedition donna beau
coup de joye aux habitans , mais elle ne
dura guéres . Le Prince d'Havouza , qui
jufques - là n'avoit favorifé le parti de
Mahmoud qu'en fecret , fe déclara alors
hautement pour lui , & joignant fes troupes
à celles de l'Ennemi , il vint fondre
fur Akmed Aga, le chaffa des poftes qu'il
occupoit , fit paffer au fil de l'épée tous
les Perfans qui s'y trouverent & pourfuivit
les autres avec tant de chaleur , que
pour
fe fauver , ils eurent bien de la peihe
à gagner la Ville. Cette trahifon du
Prince d'Havouza & la défaite d'Achmet
Aga , abbatirent extraordinairement
le courage des Affiegez & leur firent
prefque perdre toute efperance de poud
voir fe fouteni
La fuite pour le Mercure prochain . I
1480 MERCURE DE FRANCE .
A M. le Blanc , Secretaire d'Etat
de la Guerre.
E Blanc , de tes révers le François conf-
Le
terné ,
Aux plaintes , aux regrets étoit abandonné ,
Quand toujours intrépide au plus fort de
Forage ,
Tu donnas aux Guerriers l'exemple du courage.
Accablé par l'envie , & jamais abbatu ,
Quel Heros comme toi fignala fa vertu ?
Plus grand que Regulus au milieu des allarmes
,
Toi feul à tes malheurs tu refufas des lar
mes :
Au commun des mortels lai ffant les vains
foupirs ,
Ta gloire , & non ta vie , occupa tes defirs.
Les Dieux ont couronné cette rare conftance
;
Ils font à l'Univers briller ton innocence ;
En elle uniquement notre efpoir étoit mis ;
Elle afçû triompher des Deftins ennemis.
Au
NOVEMBRE . 1726. 2451
Au gré de nos fouhaits tu domptes la fortune.
Tel Ulyffe autrefois fut vainqueur de Nepa
tune.
Tout l'Acheron envain s'arme contre tes
‹ jours ,
Le Ciel qui te cherit en prolonge le cours .
Attendri par nos pleurs , il arrête la Pärque
;
Il te rend aux bontez d'un augufte Monarque.
Grand Miniftre , aujourd'hui qu'eſt - il à defirer
?
Que dix luftres encor nous puiffions t'ad
mirer
Defommevefle.
XXXXXXXXXXXX XXXXXX XXX
OBSERVAT 10 NS generales de
M. l'Abbé de S. Pierre , fur le Livre
intitulé, Dictionnaire univerfel de la
France , &c. chez Sangrain , 3. Vola
in folio.
Pour
Our avoir une connoiffance plus
exacte de mon Pays , j'ai fouvent defiré
deux Ouvrages ; le premier , c'étoit
un dénombrement des lieux habitez,
& du nombre des Habitans divifez par
Intendances, les Intendances divifées par
Elections
2482 MERCURE DE FRANCE:
Elections ou équivalens , & les Elec
tions divifées par Villes , par Bourgs ,
par Paroiffes , & même par Villages ,
lorfque ces Villages font employez dans
les Rôles des Subfides , & taxez feparément
, comme s'ils étoient de petites
Paroilles , j'eule été bien aife , de même
que fous chaque article on mit les
chofes particulieres & dignes de curiofité
de chaque lieu .
Le fecond Ouvrage étoit un Catalo
gue alphabetique , ou un Dictionnaire
des mêmes lieux , dans lequel on eut repeté
à peu près les mêmes faits avec quelque
difference , par exemple , il faut
dans le Dictionnaire alphabetique le nom
& l'explication des Rivieres , des Montagnes
, des Forêts , & c.
Il y a deux methodes de s'inftruire,
l'une par des principes generaux , qui
defeendent des methodes generales à des
objets moins generaux & plus particu
liers , c'eft la methode du premier Ouvrage
; l'autre , en remontant des lieux
particuliers aux divifions generales , &
à mesure que l'on a befoin de la connoiffance
d'un lieu particulier , ce qui
ne fe peut faire plus commodément que
par un Dictionnaire ou dénombrement
alphabetique de tous ces lieux.
Le mot lieu habité eft fort generique ,
-
&
NOVEMBRE. 1726. 2483
& comprend Ville , Bourg , Paroifle
Village , & c. ainfi j'appellerois l'un dénombrement
des lieux habitez , & pour:
abreger dénombrement topographique
de France , topos grec fignifie lieu , &
pour l'autre Ouvrage je l'appellerois
Dictionnaire topographique de France ; or
heureuſement j'ai vû renaître le Dénombrement
topographique in 4. & j'ai
même contribué à le perfectionner , &
je vois naître avec plaifir le Dictionnaire
topographique in fol. chez les mêmes
Libraires .
•
Les Auteurs du Dictionnaire fçavent
que tous les Ouvrages humains , & fur
tout les Dictionnaires , peuvent fe per
fectionner,& fe perfectionnent effectivement
aux differentes Editions qui s'en
font ,foit par les foins des premiers Auteurs
, foit par les foins de ceux qui leur
fuccedent dans le même travail ; on
voit dans le Programe de leur Ouvra
ge pour la foufcription , qu'ils connoiffent
, & qu'ils efperent le rendre meilleur
à chaque Edition .
Un Dictionnaire topographique ne
contient que des faits , ainfi nous avons
deux efpeces principales de perfectionnemens
à efperer pour ce Dictionnaire.
Le premier , c'eft que les faits rapportez
foient vrais en gros , & vrais dans
toutes
2 :484 MERCURE DE FRANCE.
,
toutes leurs circonstances
ce qui eft
très- difficile , & même fujet à differen
tes variations , parce que le nombre des :
habitans augmente & diminuë , & c.
D'ailleurs l'Auteur qui fe trompe ,
tantôt fur le principal , tantôt fur les
circonftances , fe corrige lui- même , &
fon fucceffeur le corrigera : cette eſpe→
ce de perfectionnement confifte dans les
corrections des erreurs , pour avancer
d'Edition en Edition vers l'exactitude .
La feconde espece de perfectionne
ment , c'est l'augmentation des faits omis,
Loit par rapport aux lieux omis , foit
par rapport à certaines circonftances
principales d'un lieu qui n'eft pas omis.
Il y a deux manieres de donner à un
Dictionnaire ces differens degrez de perfection
. La premiere fe fait en faveur de
ceux qui ont acheté la premiere Edition,
& c'est par un Supplément ou Tome feparé
, qui contient par ordre alphabeti❤
que , & les corrections , & les omiſ
fions.
La feconde maniere fe fait par une
feconde Edition de tout l'Ouvrage. En
faveur de ceux , qui ne pouvant plus
trouver d'Exemplaires de la premiere
Edition , en demandent une feconde ,
& c'eft dans cette feconde › que l'on
remet fous chaque article , dans l'ordre
alphaNOVEMBRE.
1726. 2489
alphabetique , toutes les corrections &
toutes les omiffions qui avoient été mifes
dans le Supplément avec des renvois.
J'ai oui dire , que tel a été le deffein
des Auteurs du Dictionnaire & des Libraires
, qui ont entrepris la grande dépenfe
de l'Edition , & qu'ils ont obtenu
durant l'impreffion de cet Ouvrage , de
differentes perfonnes diftinguées , divers
Memoires , dont ils n'ont pû faire
ufage : parce que l'ordre alphabetique
déja imprimé les en avoit empêché , mais
qu'ils fe préparent à en faire ufage dans
Fimpreffion d'un Tome de Supplément ,
dont ils préparent une Edition .
.
J'ai parcouru cet Ouvrage à l'occafion
des lieux , dont j'ai une connoillance
affez exacte , afin de juger par cet
échantillon fur les lieux queje connois ,
de l'exactitude des Auteurs fur les lieux
que je ne connois point ; j'y ai trouvé
peu de fautes & peu confiderables , &
j'ai compris qu'en faveur du grand nom
bre de veritez de fait très - curieuſes
que j'y apprenois , je devois avoir beau
coup d'indulgence pour des erreurs qui
étoient incomparablement
moins nombreufes
que les veritez , & beaucoup
moins importantes , furtout quand je
fçai qu'ils travaillent inceffamment à diminuer
1486 MERCURE DE FRANCE.
minuer ces erreurs , & à multiplier ces
veritez .
Il m'eft tombé en même temps une
Critique de ce Dictionnaire entre les
mains , qui a été faite par M. de Launay
, qui , quoiqu'il ait lui-même fou
vent befoin d'indulgence , n'en a point
du tout pour les autres , ainfi il s'en faut
bien que cette Critique me paroiffe digne
de louange.
Le Connoiffeur , qui eft jufte , bienfaifant
& bon Citoyen , fait quelquefois
des Critiques , c'eſt-à- dire , il porte fon
jugement , & fait quelquefois des obfervations
fur ce qu'il y a de bon & de
mauvais dans les Ouvrages des autres ,
mais il les fait en honnête homme , alors
Il fe propofe deux fins ; la premiere , de
louer fuffifamment & convenablement les
Auteurs fur ce qu'ils ont apporté ou d'agrément
ou d'utilité au Lecteur , de forte
qu'ils foient fuffisamment encouragez par
ces louanges à continuer leurs travaux
pour l'augmentation du bien public. Par
cette conduite il s'acquitte d'un côté de
ce qu'il leur doit , ce qui eft une action
de reconnoiffance ou de juftice , & de
l'autre , il tâche par fes louanges d'augmenter
le bien public , ce qui eft du devoir
du bon Citoyen , & une action de
bienfaifance.
La
NOVEMBRE . 1726. 2487
>
La feconde fin qu'il fe propofe , c'eſt
de montrer aux Auteurs les moyens de
rendre dans une feconde Edition leur
Ouvrage plus agréable & plus utile au
Public , en leur faifant obferver ou
quelques fautes , ou quelques omiflions,
& cela même eft encore du devoir d'un
bon Citoyen , & une autre action de
bienfaiſance envers le Public . Mais il y
a une chofe importante à remarquer dans
cet article , c'eft que le Critique doit me
furer tellement les expreffions de Critique
, & les mêler tellement avec des
termes de louanges , qu'elles ne bleffent
point les Auteurs , & qu'à tout prendre,
il lui foit évident qu'ils choifiroient plu
tôt que cette Critique parut en public ,
que de la laiffer enfevelir dans l'oubli.
A
Quiconque n'obferve pas fcrupuleu-.
fement ces deux regles dans la Criti
que , defoblige les Auteurs qui ont tâché
de lui plaire , & les décourage autant
qu'il eft en lui de travailler pour
l'utilité publique , ainfi il agit en homme
injufte ; il fait contre les autres ce
qu'il ne voudroit pas qu'ils fiffent contre
lui en pareilles circonstances ; de forte
que s'il acquiert par fa Critique la reputation
d'homme d'efprit & de connoiffeur
, il fe fait en même temps contre
les propres interêts la reputation d'in-
Lgrat,
2488
MERCURE DE
FRANCE .
grat , d'injufte , de malhonnête homme
en cette partie , & de mauvais Citoyen.
Or fi l'on
compare la
Critique du
Dictionnaire , dont il eft
queftion , avec
ces regles fi
équitables , je doute que
l'Auteur lui - même y
trouve ces regles
bien
obfervées ; je doute , que pour fa
reputation il ait
effectivement plus gagné
que perdu à la rendre
publique.
Ce n'est pas que les Auteurs du Dictionnaire
ne doivent profiter de ce qu'il
y a de bon dans cette Critique , s'ils ne
Pont pas déja fait avant fa
Critique , par
les
obfervations qu'ils ont reçûës durant
l'Edition , mais ils n'auront pas à le remercier
de fa bonne volonté à leur
égard .
On voit bien par un mot qui eft échap
au Critique , la raifon qui , lui a mis
la plume à la main , c'eft le defir de ven
ger fon ami , ou peut-être lui- même , du
chagrin que lui ont caufé les Auteurs du
Dictionnaire. En le
prévenant dans un
pareil deffein de
Dictionnaire
topogra
phique , il eft vrai que leur travail rend
le fien inutile ; il eft vrai que c'eft un
malheur
pour lui , mais ce n'eft pas un
crime
pour eux ; il eft jufte au contraire
, que ceux qui ont les premiers commeucé
l'Ouvrage , & qui l'ont même
mieux
NOVEMBRE. 1726. 248
mieux executé que lui qui ont déją
amaflé une grande partie des materiaux
du Tome du Supplément , & qui ont
déja fait de grandes dépenfes & de grandes
avances , foient favorifez par le Public , &
fortement encouragez à donner leur Supplément
, & à perfectionner tous les jours
un Ouvrage commode , curieux , &
d'une fi grande étendue.
C'est même pour contribuer en quel
que chofe à ce perfectionnement , que
je ferai les obfervations fuivantes , pour
rendre la feconde Edition de leur Ouvrage
plus utile & moins imparfaite ,
ils en adopteront ce qu'ils jugeront à
propos.
1. Il feroit à fouhaiter pour la cu
riofité du Lecteur , que tant le Dénombrement
que le Dictionnaire , marquât
la fomme de Taille ou de Subfide , que
chaque lieu porte ou doit porter à l'Etat,
foit en Taille , en Capitation , en Fourages
, en Uftanciles , & c. foit en droits
d'Entrées à la place de la Taille , & cela
pour telle année , & de marquer 1 ° . fi
c'eſt année de guerre ou année de paix.
2°. A combien de livres eft le marc d'ar
gent.
2. It eft bon d'obferver de quelle
Election & Generalité , de quelle Juftice,
de quel Parlement , & de quel Evêché
eft
2490 MERCURE DE FRANCE:
!
eft un lieu mais fi on vouloit encore
mettre toutes les autres petites fubordinations
, comme de quelle Lieutenan
ce de Roi , de quel Gouvernement , de
quel Miniftre , &c. ces Editions iroient
trop loin , & cauferoient plus de dépen
fe , & de longueur dans l'Ouvrage
qu'ils n'apporteroient de plaifir ou d'utilité
au commun des Lecteurs , & ce
feroit une nouvelle fource intariffable
d'erreurs de fait.
3 °. Il feroit à fouhaiter , que dans le
Dénombrement topographique , il y eut
trente Cartes pour les trente Intendances
, on y auroit recours pour voir les
fituations & les diftances des lieux , les
uns à l'égard des autres , non feulement
en lifant le Dénombrement , mais encore
après avoir confulté le Dictionnaire.
4°. Il faudroit obferver l'ordre alphabetique
dans le Dénombrement du total
de chaque Election , & ne plus divifer
les Elections en Sergenteries , divifion
qui ne fert de rien , & qui empêche
l'ordre alphabetique pour le total de l'Election
, & puis la Carte feroit bien tôt
connoître le voisinage , & l'éloignement..
des autres lieux .
5. Il y a une équivoque dans le Dénombrement
fur le mot de Feu en cer
taines Provinces , qui font en petit nombre
NOVEMBRE. 1726. 2491
bre. Il ne fe prend point pour une Famille
, pour un Chef de Famille , mais
pour une certaine quantité de Subfide ,
il vaut mieux retrancher tout- à -fait ce
terme dans ces Provinces , jufqu'à ce
les Auteurs du Dénombrement ayent
appris le nombre des Familles.
que
ce
6. La fupputation que j'ai obfervée
la plus jufte , pour fçavoir ce qu'un Feu
ou une Famille contient de perfonnes ,
foit males fit femelles , foit enfans foit
domeftiques , c'eft de prendre deux Familles
pour neuf perfonnes dans le total
d'une Intendance. On peut fe contenter
de mettre cette remarque une fois
dans l'Avertiffement pour n'avoir plus
à la repeter dans le cours de l'Ouvrage.
70. Entre les curiofitez qui regardent
certains lieux , il eft à propos de ne faire
mention que des curiofitez publiques ,
c'eſt-à -dire , de celles qui intereffent le
plus grand nombre des Lecteurs , & d'éviter
les curiofitez très particulieres ,
c'eft- à-dire , celles qui n'intereffent que
certaines Communautez ou certaines
Familles particulieres , & ce choix , ce
difcernement , pour ne mettre dans un
Ouvrage public , que les chofes qui peuvent
plaire au Public , n'eft pas fi facile
ni fi commun qu'on pourroit fe l'imaginer
; il faut que les Auteurs les plus
E habiles
2492 MERCURE DE FRANCE.
habiles confultent fouvent fur cela les
gens du monde qui aiment à lire.
و ا
8 ° . Entre les goûts du Public , je
trouve les étimologies des noms anciens,
furtout de ceux qui font dans les Auteurs
anciens , tels que font les Commentaires
de Cefar & de plufieurs Auteurs
pofterieurs le lieu de la naiffance des
Hommes illuftres , les Sieges , les Batailles
enfin , tout ce qui tient , foit , à
1'Hiftoire ancienne , foit à Hiftoire ge
nerale du Royaume , ou de la Province ,
foit à l'Histoire particuliere des Hommes
illuftres , il est toujours de l'interêt
public d'honorer la memoire des Hommes
illuftres , & furtout des grands
Hommes.
L'Enigme , les Allumettes , & le Toton
, étoient les vrais mots des trois
Enigmes du mois paffé .
ENIGM E.
Ar mon heureux fecours , aux ravages des
PA ans ,
La Science n'eft point fujette ;
Je fais parler beaucoup de gens ,
QuoiNOVEMBRE
1726. 2493
Quoique je fois toujours muerte.
Grace aux Mortels induſtrieux
Je me trouve prefqu'en tous lieux ;
D'un bout du monde à l'autre, avec foin je
difperfe ,
¿ Ce que j'amaffe de tréfors ; i
Et je fçais établir un éternel commerce ,
Entre les Vivans & les Morts ;
Reconnois- moi , Lecteurs à cette illuftre
marquesh bo
Je trompe la Fatalité
Malgré le cifeau de la Parque ,
Je donne l'immortalité.
AUTRE.
ON doit me fuir comme la pefte
Puis qu'à peine je fuis , que j'entens dire à
tous ;
Qu'en me faifant , mon pere & ma mere
étoient fous
Tant l'un & l'autre me détefte .
Foible enfant que produit un efprit de travers
;
Sçavez- vous quel eft mon Ouvrage ?
C'eft fouvent de troubler tout ce vafte Univers
E ij
Sans
2494 MERCURE DE FRANCE.
Sans avoir le bon fens , j'ai pourtant l'avantage
,
D'inftruire quelquefois le fage.
******************
NOUVELLES LITTERAIRES
DES BEAUX ARTS , &c.
1
1
SSAY SUR LE MOUVEMENT Cou
l'on traite de fa nature , de fon ori
gine , de fa communication en general
,
.
& en particulier du choc des corps
qu'on fuppofe parfaitement folides , &
des effets qui doivent refulter de leurs
differentes fituations , & à cette occafion
on examine encore la queftion du Plein
& du Vuide , & la nature de la reaction.
Par M. de Crouzas , de l'Académie
Royale des Sciences , &c. A Groningue,
chezite ,
J. 1726. in 4. de $35.
pages.
ANNALES DES PROVINCES- UNIES. Par
M.Bafnage . Ala Haye , chez Ch.Levier,
2. vel. in fol. de 1800. pages .
OLUVRES de M. de la Fon aine ,
velle Edition , 1726.3 . vol . in 4.
nou
Cet
NOVEMBRE. 1726 2495
vers par
Cet Ouvrage paroît imprimé à Anle
nom de
om de cette Ville qui eſt à
la premiere page. Le premier Tome contient
les Contes , le 2. lès Fables , &
le 3. les Oeuvres diverfes du même
Auteur. Le papier & les
carac
fermée
3
font
fort beaux chaque page eft enfermée
dans une bordure. On voit le Portrait
de M. de la Fontaine à la tête. Il n'y a
fa
rien dans ce nouveau Recueil qui n'ait
déja paru , fi on en excepte le Poëme de
la captivité de S. Male , Ouvrage pieux ,
qui fe trouve tout à la fin du troifiéme
Volume.
M. Jean Bion a traduit de l'Anglois,
un Traité , où l'on examine entr'autres
chofes les fuites que les Anglois & les
Hollandois ont à craindre de l'établiſſement
de la Compagnie d'Oftende . J. Van-
Septoran d'Amfterdam , a imprimé ce
Traité en François & en Hollandois .
CONSULTATIONS CANONIQUES fur les
Sacremens , fondées fur l'Ecriture - Sainte
, les Conciles , les Statuts fynodaux ,
les Ordonnances Royaux , & fur l'ufages
où l'on explique ce qu'il y a de
plus important dans les Commandemens
de Dieu & de 4'Eglife & dans le's
Loix civiles qui les font executer. Par
E iij M.
2496 MERCURE DE FRANCE.
<
M. Gibert , Docteur en Theologie , &
Canonifte . A Paris rue S. Jacques
chez J. Mariette , 1725. 6. volumes
in 12 .
>
DISSERTATION fur la Pauvreté Re
ligieufe , où l'on fait voir que les petites
rentes ou penfions , & l'argent mis
endépôt , ne peuvent s'accorder avec le
vou que l'on fait en s'engageant dans la
Religion. Par le Pere Thorrentier , Pretre
de l'Oratoire. A Paris , rue S. Jacques,
chez Babuti, 17 26. in 16. de 142
pages.
T
NOUVEAU TRAITE' des Maladies Ve
neriennes , dans lequel on explique les
meilleures methodes pour les guerir , &
pour éviter tous les accidens qui peuvent
arriver , fuivant les regles ordinaires
; & où l'on propofe en même
temps les remedes pour les guerir furement
& facilement , fans fe détourner
de les affaires ordinaires. Par A. J. du
Bois , Maitre Chirurgien de Paris , &c.
A Paris , rue de la Harpe , chez Ch .
M. d'Houry , 1725. in 12. de 217. pages
, & c.
OBSERVATIONS & Reflexions fur la
petite Verole , & fur un remcde préfervatif
NOVEMBRE, 1726. 2497
vatif contre cette maladie . Par le même
Auteur , chez le même Libraire , in 12.
de 91 pages. , Muza kis
NOUVEAU TRAITE' DES SCROFULES
ou Tumeurs froides , des Chancres &
Loupes , où l'on enfeigne la méthode de
traiter &
guérir
radicalement les Cancers
fans operation , les remedes qui conviennent
pour leur guerilon. Par le même
, à Paris , au Palais , chez Paulus -du-
Menil , 1726. in 12. de 203. pages ,
fans la Preface , les Approbations , & c.
2.
VERITABLE CALENDRIER CHRONOLO
GIQUE pour
Traité 27. contenant un-
Traité Hiftorique du Calendrier , un
Abregé Geographique & Chronologique
des plus interellants , & à chaque jou
une Conference de Pufage Romain de
compter avec le nôtre ; enfemble , une
Relation Hiftorique de tout ce qu'il y a
de plus curieux à fçavoir dans la focieté
Civile , comme Antiquitez , Etabliffemens
, Reglemens , Sieges , Batailles ,
Traitez de Paix & d'Alliances , Entrées ,
Amballades & autres événemens mémorables.
Les Naiffances des Princes &
Princeffes , les Sacres , Mariages , Morts,
&c. avec un Tarif verifié en Cour des
Monnoyes , du prix auquel on reçoit pres
E iiij fentes
1498 MERCURE DE FRANCE,
fentement le Marc de toutes fortes d'El-.
peces & Matieres d'Or & d'Argent , &
une Table Alphabetique & Chronologique
des Matieres . Dédié à M. LE DUC
D'ORLEANS , Premier Prince du Sang. A
Paris , chez HS. P. Giffey , Rue de la
vieille Bouclerie , au bas du Pont Saint
·Michel, à l'Arbre de Jeffé, u
tr
Cet Ouvrage peut fer vir ( outre le Calendrier
qui eft difpofé d'une maniere
mode
) à recréer l'efprit & rafraîchir
la mémoire fur l'époque de toutes
fortes d'évenemens , tant anciens que
modernes , dont la varieté eft auffi curieufe
& amufante , qu'elle eft utile à
toutes fortes de perfonnes , en ce que
l'Hiftoire Sacrée & Profane y eft mêlée
& diverfifiée des Loix , Coûtumes, Ufages
& Etablilemens faits par differens Edits,
Déclarations , Arrêts & Reglemens ; &
enfin , en ce que differentes particularitez
qui ont rapport , tant au Calendrier qu'à
Hiftoire , y font avec foin & curieufement
développées par origine , étymologies
, fignifications , &c . De plus le
Tarif pour les Efpeces & Matieres d'Or
& d'Argent , tant Françoifes qu'Etrangeres
, qui eft à la fin de cet Ouvrage ,
eft d'une utilité reconnue ; beaucoup de
perfonnes ayant témoigné dans les Me-
' moires qu'ils ont adrellez à l'Auteur ,
fouhaiter
NOVEMBRE. 1726. 2459
fouhaiter entr'autres chofes cette derniere
partie de l'Ouvrage. Outre la connoiffance
fidelle du prix du Marc des dif
ferentes Matieres d'Or &
d'Argent
par
titres & fabriques que donne ce Tarif ,
on y pourra encore reconnoître la comparaifon
& balance du prix & valeur
intrinfeque d'une forte d'Efpece avec
une autre , exprimées par leurs differens
noms , fuivant les Royaumes & Pays de
leurs fabriques, buses & far tomo
Le Public ayant témoigné prendre
quelque forte de part à ce petit Ouvrage ,
par l'attention qu'il a euë de faire part
( au
au defir de l'Avis inferé en la derniere
Edition ) de differens Memoires , qui contribuent
de beaucoup à rendre l'Ouvrage
curieux ; on le prie de vouloir continuer
d'en communiquer de nouveaux ,
dont on fe fera un plaifir de faire ufage ,
à fa fatisfaction. On pourra adreffer ces
Memoires à l'Imprimeur dudit Ouvrage.
On avertis que l'Auteur s'eft affujetti
de parapher tous les Exemplaires dudit
Ouvrage , au commencement & à la fin.
E v EX
2500 MERCURE
DE FRANCE
.
C
EXTRAIT du Difcours prononcé
par M. Miraband , à fa Reception à
l'Academie Françoife , le Samedi 18 .
Septembre 1726 Pangla
M
R. Mirabaud commence cet éloquent
Difcours , par un trait de
modeftie. L'honneur , dit- il , que je reçois
aujourd'hui , eft d'autant plus flatteur pour
moi , que je m'étois moins promis de le recevoir,
ne.
Il avoue pourtant un moment après
que l'accueil favorable que fa Traduction
du Talle reçût du Fublic , développa en
lui des fentimens qu'il n'avoit pas encore
pénetrez , & qu'il reconnut , que
vouloir plaire au Grand Prince à qui il
confacroit fon travail , c'étoit afpirer tacitement
aux fuffrages de l'Academie
Françoife, puifqu'il étoit impoffible qu'elle
ne pensât comme lui. Protecteur cheri,
ajoûte- t-il des Mufes que vous fervez ,
il connoît parfaitement le prix des recompenfes
qu'elles donnent ; il regarde le Laur
rier que votre main difpenfe , comme la
Couronne la plus précieufe dont elle ceigne
le front de leurs favoris.
De- là il paffe à un éloge qu'il fait de
l'Academie Françoife : Compagnie celebire
, dit- il , formée de ce qu'il y a de plus
diftingué
NOVEMBRE 1726. 2501
C
diftingué dans les differens Ordres de l'Etat.
Le lieu où elle s'affemble , pourfuit- il ,
donne une idée du fejour de la Divinité :
la paroisentconfondus les rangs , la naiffance
, les dignitez. Det sydania: 2
Il attribue cette efpece de miracle à
l'efprit , qui feul a droit de donner entrée
dans cette illuftre Compagnie , & fa
modeftie l'empêchant de le flatter , ou du
moins d'avouer que c'eft à l'efprit qu'il
doit l'honneur d'être devenu Academicien
, il dit avec beaucoup de fineffe, que,
fi ce n'est l'esprit , ce font du moins les ufages
de fes nouveaux Confrères qui lui ont
infpiré l'heureufe audace que leur choix a
justifiée ayar D
De l'éloge de l'Académie Françoiſe
M. Mirabaud paffe à celui de fon glorieux
Fondateur , le Cardinal de Richelieu à
ce fecond éloge fuccede celui du Chancelier
Seguier ; ce jufte tribut fe termine
en la perfonne de fon augufte Protecteur,
Louis le Grand. Voici comment s'expri-”
me M. Mirabaud : Les Mufes reconnoiffantes
& équitables ont , à l'envi , pendant
près de quinze luftres , celebré les vertus
-les exploits de ce Héros . Jamais Prince
n'a reçû de plus magnifiques ni de plus
legitimes louanges : a t- il ceßé de regner ;
la gloire de fon nom s'augmente à mesure
que le temps de fon regne s'éloigne , & c..
Evj II
2502 MERCURE DE FRANCE.
R
Il finit ce jufte éloge par ce beau trait
Le nom de Louis XIV. devient comme ces
noms fameux après lefquels nous ne voyons
plus marcher un inutile éloges il fuffira
deformais ddeeleepropnoncer.
1981 , in
La tranfition eft toute naturelle de
Louis XIV. à Lou's y
mais le tour
que le nouvel Academicien y a donné ,
y a prêté des graces ; on le verra pars
cette maniere de l'amener : Quel fujer
d'émulation pourle Succeffeur d'un fi grand
Roy ou plutôt , Meffieurs , quel avantage
pour un jeune Prince , en qui le Ciel a mis
les difpofitions que d'avoir
de pareils exemples , comme prefents
à fes yeux ! tout l'invite à les fuivre :
tout nous annonce qu'il les fuivra.
Plusz
Cela lui donne occafion de louer la noble
impatience que le Roi témoigne de mar
cher fur les traces de fon augufte Bifayeul
puifqu'il prend en main les rênes du Gou .
vernement , dans un âge, où la docilité fait
encore le plus grand mérite des Rois. C'eft
Louis le Grand , ajoûte- t- il , qui regne
encore fur nous. Il finit l'éloge du Roi
Par ce trait :
P
Telle eft l'impreffion que des exemples
fi beaux & fi récens , ont fait fur
L'efprit de notre augufte Monarque ; tel eft
le fruit des fages confeils qu'il écoute &
des maximes falutaires qu'on a fëmées dans
Готь
NOVEMBRE. 1726. 2503
2
for coeur. Il n'y a perfonne qui ne voye
à qui fes dernieres paroles s'adreffent .
Après de fi jjuuftfestéelsogtesr,eM. Mirabaud
pafle à celui de l'illuftre Academieien
qu'il remplace , c'eft M. le Duc de
la Force,
1989 new citerons qu'un ri
ero sunt
Sa haute Naiffance, dit - il , qui l'appeltoft
à d'autres occupations que celles d'un hom.I
me de Lettres , ne lui a pas permis
de fer
donner tour entier a lo
tout entier à fes talens il s'y livrait
pourtant quelquefois , & toujours
avec fuccès , mais avec réserve ; & comme
comme
difoit un defes amis , il fembloit qu'il ne les
fit que pour n'être point taxé d'ingratitu
de envers la Nature , s'il eut toujours dif
fimulé les faveurs fingulieres qu'il en avoit
reçues.
Notre Extrait feroit trop long , fi nous
y faifions entrer tout ce que le Difcours
de M. Mirabaud renferme de brillant ,
ainfi nous le finirons par cet éloge qu'il
fait des grandes Princelles qu'on a mifes qu'on a mifes
fous fa conduite ; c'eft à fes fçavants Confreres
qu'il s'adreffe : Une raifon plus
puiffante en moi que mon interêt particulier
, m'engage à profiter des leçons que
vous m'allez donner. Chargé moi- même
dufoin d'inftruire deux jeunes Princeffes en
qui la Nature à joint à tous les agremens de
leurfexe , les plus rares avantages de l'ef
prit , auffi-bien que les plus eftimables
qualitez
2564 MERCURE DE FRANCE.
qualitez du coeur , je ne dois rien ou
blier pour leur marquer mon zele , & leur
rendre mes inftructions plus utiles. Heureux
fi , voulant orner leur efprit , mes
foins pouvoientrépondre à ceux qu'onprend
pour leur infpirer la vertu
EXTRAIT du Difcours de M. de
Fontenelle , Doyen de l Academie Fran-
Toife , & alors Directeur, à la reception'
a de M. Miraband.
M-Mirabaud avec cette
éloquence
R de Fontenelle répondit à M.
vive , legere & précise qui lui eft fi naturelle
.
Il commence par un trait qui le caracterife
parfaitement , & qui fait voir
qu'il ne s'eft jamais laifle entraîner au
torrent des opinions , qui , pour trop éle
ver les Anciens , femblent vouloir jeeter
le defefpoir dans le coeur des Modernes .
On craint quelquefois, dit - il , que les
Lettres ne confervent pas encore longtemps
dans ce Royaume tout l'éclat qu'elles
ont acquis . Il femble qu'elles ne foient plus
affex confiderées ; en effet , une certaine
familiarité qu'on a contractée avec elles
peut leur être nuifible. Beaucoup d'excellens
Ouvrages ont porté tous les genres d'éarire
à un point qu'il feroit très - difficile de
paffer :
NOVEMBRE. 1726. 250 f
paffer; & dès que l'esprit ne s'éleve plus ,
on croit qu'il tombe. La prompte décadence
des Grecs & des Romains nous font peur ,
car nous pouvons , fans trop de vanité ,
nous appliquerces grands exemples .
Après avoir expofé ces fentimens timides
qui regnent parmi certaines gens
de Lettres , il prouve combien ils font
frivoles , par le grand nombre de concurrens
qui de préfentent pour remplir
une place d'Academicien auffi- tôt qu'elle.
vaque. Quel eft notre embarras ? ajoûtet-
il , est le nombre des bons Sujets . Peutil
rien dire de plus flatteur pour ceux
qui ont difputé la place vacante , & pour
celui qui l'a emportée.
Ca été , dit - ià M. Mirabaud , votre
belle Traduction du Taffe qui a brigué nos
voix. Il s'en faut bien que M. de Fontenelle
ne traite là Poëfie de ce celebre Italien
, de clinquant. Il donne le troifiéme
rang dans le genre Epique à la Jerufalem
" délivrée. Vous avez appris aux François
continue- t- il , en s'adreffant à M. Mirabaud
, combien étoit eftimable ce Poëte Italien
, qu'ils eftimoient déja tant ; dès qu'il
a parlé par votre bouche , il a été reçû par·
tout , par tout il a été applaudi : les hommes
ont trouvé dans fon Ouvrage tout le
grand du Poeme Epique , & les femmes:
wout l'agréable du Roman..
Après
2506 MERCURE DE FRANCË.
Après ce trait , qui ne loue pas moins
la copie que l'original , M. de Fontenelle
paffe legerement fur quelques circonftances
qui ont accompagné l'élection de
M. Mirabaud. Il fait voir que la protection
d'un grand Prince n'a fervi qu'à
mieux déterminer fes Confreres à donner
leurs fuffrages au merite déja reconnus
& parlant de ceux qui n'en ont point
d'autre que celui d'une protection refpectable
, il s'explique d'une maniere capable
de détourner d'une voye fi indigne
d'un homme de Lettres . Ces grandes protections
, dit - il , font une preuve pour le
merite , mais elles n'en font pas un ; &
quand on veut les employer dans toute leur
force , quand on ne veut pas qu'elles trouvent
de résistance , ofons le dire , elles desbonorent
le merite lui-même. Tous les fuffrages
auront été unanimes , mais quelle
triffe unanimité ! On aura été d'accord ,
non à preferer celui qu'on nomme , mais à
redouterfon protecteur.
Après avoir fait connoître que les fuffrages
ont été parfaitement libres dans la
reception de M. Mirabaud , il ajoûte , en
fe jouant agréablement : J'avouerai cependant,&
peut-être, Monfieur, ceci ne devroit-
il être qu'entre vous & moi , que mon
Suffrage pourroit n'avoir pas été tout- à -fait
auffi libre que ceux du refte de l'Academie;
M
NOVEMBRE
. 1726. 2507
mie ; vous fçavez qui m'a parle pour
vous. Peut- il paffer d'une maniere plus
neuve & plus fine aux juftes louanges
qu'il veut donner aux jeunes Princeffes
que M. Mirabaud a l'honneur d'inftruire
? En même temps , lui dit - il , que les
charmes de leurs perfonnes croîtront fous
vos yeux ceux de leur efprit croîtront
auffi par vos foins . Et je puis vous annoncer
de plus que les inftructions qu'elles recevront
de vous ne vous feront pas inutiles
à vous- même, & qu'elles vous en rendront
d'autres à leur tour. La neceffité de vous
accommoder
à leur age , & à leur délicateffe
naturelle, vous accoûtumera
à dépouiller
tout ce que vous leur apprendrez
d'une
fechereffe , d'une dureté trop ordinaires
an
fçavoir, &c.
La crainte de paffer les bornes qu'un
fimple Extrait nous prefcrit , nous empêche
de fatisfaire pleinement la curiofité
du Lecteur ; d'ailleurs , comme ces fortes
d'ouvrages doivent être entre les mains de
tout le monde , nous y renvoyons ceux
qui n'en veulent rien perdre , parce que
tout en eft précieux .
L'HISTOIRE de la Comteffe de Savoye.
A Paris , Quai de Conti , chez Piffot.
1726. in 12. 2. liv.
Quoique l'Auteur de ce Roman , en
fup2508
MERCURE DE FRANCE.
fupprimant fon nom , ait eu affez de mo
deftie fe dérober aux louanges qui
pour
lui font dûes , les Vers qui font à la
tête de fon Ouvrage la décelent affez ;
ils nous apprennent que c'eft une illuftret
Comtelle. Nous ne penetrerons pas plus
loin , pour la laiffer jouir de l'incognito
qu'il lui plaît de garder..
Get Ouvrage a paru parfaitement bien
écrit , & plein de fentiment , aux yeux de
tous les Connoiffeurs. On en a trouvé let
principal incident trop cruel , mais la cataſtrophe
en devient plus frappante.
L'époque de cette Hiftoire eft prife du
regne de Henri I.
Odon , Comte de Morienne & de Sa
voye , faifoit fon féjour dans Turin
qu'Adelaide de Sufe lui avoit apporté en
dot , avec Sufe & la Valdoefte. Il avoit
épousé en fecondes nôces une foeur d'Edouard
, Roi d'Angleterre , qui paffoit
pour un chef- d'oeuvre de la Nature.
C'eft l'Heroine de cette Hiftoire.
Le Comte de Savoye , fon époux , fe
voyant obligé d'aller en perfonne au fecours
d'Edouard , contre le Comte de Godevin
, Sujet rebelle , & jugeant que fon
voyage pourroit être long , trouva à propos
de nommer un Tuteur aux enfans
qu'il avoit de fon premier mariage , &
un Regent pour gouverner fes Etats ent
fon
NOVEMBRE. 1726. 2509
fon abfence. Son choix pour ces deux
importans emplois fe réunit en la perfonne
du Comte de Pancalier. Il étoit
vaillant jufqu'à l'intrépidité , mais la
noirceur de fon ame deshonoroit toutes
les grandes qualitez qu'il pouvoit avoir
d'ailleurs . L'amour acheva d'en faire un
monftre de cruauté ; il eut le malheur de
trouver trop de charmes dans l'épouſe
de fon Maître . L'abfence du Comte de
Savoye , & le rang où il venoit d'être
élevé , le rendirent temeraire ; il ofa déelarer
à la Comteffe de Savoye le coupable
feu dont il brûloit pour elle. Elle en
fut fi offenfée , qu'elle le menaça d'en
inftruire le Comte fon époux , s'il net
rentroit dans le refpect qu'il devoit à ſa
Souveraine .
Le Comte de Pancalier fremit de cette
menace , & fe hâta d'autant plus d'en
prévenir les effets , que le Comte de Savoye
venoit de lui annoncer fon prochain
retour par une lettre. Rempli de fa
vengeance , il ne fongea qu'à l'executer ,
fans examiner aux dépens de quel fang.
It ne balança pas à choifir fon propre neveu
, l'unique heritier de fes biens & de
fon nom , pour premiere victime de fa
fureur. Le jeune Pancalier étoit affez
bien fait pour fonder un foupçon qui devoit
fervir à la vengeance d'un oncle fi
dénaturé.
2510 MERCURE DE FRANCE .
dénaturé. Ce barbare lui perfuada qu'il
avoit le bonheur d'avoir fçû plaire à la
Comteffe de Savoye. L'amour propre
ferma les yeux du jeune homme fur le
piege qu'on lui tendoit ; & d'ailleurs aufoit
- il pû fe défier d'un oncle , dont il fe
pu
croyoit la derniere efperance. Dans cette
dangereufe fecurité , il fit le foûpirant
avec tant d'éclat , que perfonne ne douta
qu'il ne fut heureux ; la Comteffe fut la
feule à ne s'en point appercevoir , ou du
moins elle le diffimula par fierté.
Le Comte de Pancalier n'avoit pas fait ce
pas pour reculer; il fe hâta d'arriver au but
que fa vengeance s'étoit propofé, il preffa
fon neveu de fe mettre en poffeffion de fa
conquête.Vous êtes trop heureux, lui dit-il ,
on vous aime à n'en pouvoir douter. Profitez
des fentimens qu'on a pour vous ; obtenez
par votre hardieffe les dernieres faveurs
de la Comteffe forcez- la à ne rien refuſer
à vos defirs : on ne traite pas
l'amour avec
les Princeffes comme avec les autres femmes
; il faut tout ofer quand on est sûr de
plaire ; le refpect les importune , elles y font
trop accoûtumées.
Ce fut avec des paroles fi flatteufes
pour un jeune orgueilleux , qu'il déter
mina fon neveu à fe cacher dans la chambre
de la Comteffe , pour la furprendre
dans fon lit. L'imprudent jeune homme
lui
NOVEMBRE . 1726. 2511
lui fit confidence du jour , de l'heure , &
de l'endroit même où il fe cacheroit. Ce
il
jour fatal étant arrivé , le Comte de Pancalier
appella auprès de lui ce qu'il y
avoit de plus confiderable dans la Cour,
fous prétexte d'une affaire très - importante
qui regardoit fon Maître . Je veux ,
dit- il à tous ces Seigneurs , que vous
foyez témoins qu'il n'y a rien de facré pour
noi , lorsqu'ils'agit de venger l'honneur du
Comte, notre Souverain.
t
•
En finiffant ces mots , il s'avança avec
eux vers l'appartement de la Princefle
il en fit enfoncer la porte ; il alla vers la
portiere où fon neveu lui avoit dit qu'il
Te tiendroit caché : Meurs , traître , lui
dit-il , en lui enfonçant un poignard dans le
fein, qui lui fit perdre la vie fur le champ.
Après cette fanglante execution , dont
tous les Spectateurs furent épouvantez ,
le cruet Pancalier s'affura de la perfonne
de la Comteffe , à qui le faififfement
avoit ôté l'ufage de la voix. Le
Comte de Savoye, inftruit par fon infidele
Miniftre , abandonna cette innocente
victime à la rigueur des Loix. Elle eut .
beau protefter contre la calomnie , toutes
les apparences dépofoient contre elle ;
elle n'eût plus d'autre recours que celui
d'une coûtume établie , c'étoit de prouver
fon innocence parle fort des armes.
Un
2512 MERCURE DE FRANCE .
Un feul guerrier l'aimoit affez pour la
défendre aux dépens de fes jours , c'étoit
Mandoce . Ce nom étoit très - celebre par
mi les Efpagnols , par la haine de ceux de
fa Mailon contre les Toledes. Mandoce.
aimoit la Comtefle de Savoye , & n'en
étoit pas hais c'étoit là le feul crime que
fon coeur eût à fe reprocher. Sa vertu lui
défendoit d'implorer fon fecours , mais le
foin de fa gloire l'emporta. Cet illuftre
amant étoit alors affiegé dans Cartagenes
; il n'avoit appris que l'amour prétendu
de la Comteffe , & point du tout
le danger cù elle étoit de perdre la vie
d'une maniere fi ignominieufe : il en fut
inftruit par cette Lettre.
Lettre de la Comteffe de Savoye
à Mandoce.
Le
рец
d'attachement que j'ai pour la
vie, m'a fait jusqu'ici négliger le foin de
la conferver; mais quand je fais reflexion
que , fi je la perds , je paroîtrai coupable
d'un crime dont le fimple foupçon me fair
horreur , je me reproche à moi - même cette
indifference , & je me détermine enfin à
vous fairefçavoir mes malheurs : le frere
d'Emilie vous en inftruiras je m'en épargne
le récit trop cruel. Malgré les apparences
qui me condamnent aux yeux de
de
1
NOVEMBRE. 1726. 2513
tout le monde , j'ofe me flatter que je ne le
ferai point par vous . Vous avez mes fentimens
les plus fecrets ; l'aveu que vous
m'en avez arraché , & dontje me fuis punie
fi feverement , me juftifie auprès de
vous. Il m'eft permis de le rappeller dans.
L'etat où je fuis , il doit vous engager à
prendre ma défense : mais d'affreufes idées
me perfuadent que peut-être il ne fera plus
temps , & qu'une mort indigne de ma vie
préviendra votre ſecours. Qui auroit ph.
eroire qu'une fin fi funefte termineroit des
jours qui étoientfi tranquils avant que je
vous euffe vu ? Ne refufez pas des larmes
une deftinée fi peu meritée , & fi malbeureufe
, & n'oubliez jamais que je vous
donne aujourd'hui la plus forte preuve
de
confiance & d'eftime , que pendant fa vie
en mourant , pouvoit vous donner lå
Comteffe de Savoye.
Cette Lettre produifit un effet plus
heureux que la Comteffe ne pouvoit l'ef
perer. Son fideles amant vint à fon fecours
, il combatit pour elle ; fon calomniateur
fut vaincu , & avoia fon crime
avant que d'expirer . Mandoce ne fe fit
pas connoître , de peur d'expofer une fe
conde fois la vie & la gloire de fon
Amante. Le Comte , ſon époux , étant
mort quelque temps après Edouard
Roi d'Angleterre , & frere de la Com-
-
tele
2514 MERCURE DE FRANCE.
telle de Savoye , recompenfa la genero
fité de Mandoce par le don de fon aimable
foeur.
Nous ne parlerons point des amours
du Comte d'Eu & de Mademoiſelle
d'Hiefme. Cet Epiſode nnee ttiieenntt pas fi fort
à l'action principale , qu'on ne puiffe l'en
détacher dans un fimple Extrait , où l'on
doit plus fe picquer d'inftruire que d'as
mufer.
>
On vient de publier dans une feuille
volante le Titre & le Plan en racourci
d'un Ouvrage qui manquoit à la Repu
blique des Lettres & qui s'imprime
actuellement. L'importance de cet Ouvrage
, le merite de l'Auteur , & ce que
nous devons au Public , tout nous engage
à ne pas differer de lui faire part de cette
nouveauté.
LA RELIGION DES GAULOIS , tirée
des plus pures fources de l'Antiquité. Par le
R. P. Dom *** Religieux Benedictin de la
Congregation de S. Maur. Ouvrage enrichi
de Figures en Taille - douce. A Paris chez
Saugrain , Fils , Quai des Auguftins 1726.
avec Privilege du Roi.
Un titre f fimple n'exprime & ne reprefente
que très imparfaitement l'objet & le
deffein de l'Auteur : car fon Livre en lui - même
renferme la connoiffancé parfaite de la
Religion de toutes les Nations , que les Anciens
NOVEMBRE. 1726. 2515
ciens appelloient Celtiques ; les Gaulois , les
anciens Bretons , les Germains,depuis le Rhin
jufqu'au Danube , & de là jufqu'au Boriténe
& au Pont- Euxin , les Celtiberes ; les habitans
de la Gaule Cifalpine , les Galates de
Phrygie , les Scordiftes de Pannonie , les
Celto - Scythes , & autres Peuples , dans les
veines defquels couloit le fang Gaulois . Mais
le moyen qu'un Frontispice put foûtenir une
telle énumeration ?
On a donc pris le parti de s'arrêter au Titre
, qu'on voit aujourd'hui à la tête de l'Ouvrage
, comptant que les perfonnes verfées
dans l'Antiquité , & qui fçavent la parfaite
reffemblance de Moeurs , de Coûtumes , de
Loix , de Religion , de Gouvernement & d'Ufages
, qui regnoient parmi toutes ces Nations
, ne pourroient s'y méprendre ; & qu'à
l'égard du refte , un article de la Preface y
Suppléeroit.
L'ordre , la clarté & la précifion demandoient
qu'on traitât la Religion des Gaulois
en cinq Livres , qui feront deux Volumes In
quarto. Cette divifion fert à ranger les matieres
chacune en fa place , & à en bannir le
cahos & la confufion qui en feroient infeparables.
On ne dit rien qui ne foit tiré du fein
même des Originaux , foit Auteurs , foit Monumens
Antiques : & la quantité de recherches
qu'on met en oeuvre , fait qu'on fe flatte
de n'avoir prefque rien laiffé échapper , qui
merite quelque attention.
La matiere fur laquelle on a travaillé eft
toute neuve , auffi bien que les principes que
l'on avance. La Religion des Gaulois paroît
n'avoir été connuë ni des Anciens , ni des
Modernes. Des recherches long - tems meditées
, des reflexions rapprochées les unes des
F
2516 MERCURE DE FRANCE .
autres , & comparées enfemble , de profondes
lectures ; enfin l'approbation des meilleurs
Antiquaires , donnent lieu de fe flatter que
l'on a fait des découvertes , & que l'on a
trouvé la clef des myiteres , que perfonne n'a
encore développez . Par là on s'elt vû en étap
de relever bien des méprifes fur des points
effentiels de la Religion , même des Grecs &
des Romains , qui avoient liaifon avec quel
ques traits de la Religion des Gaulois ..
Les Figures qui feront jettées dans les endroits
de l'Ouvrage , qui leur font propres ,
feront très - fideles , & la gravure fe fera par
un habile Maître. On fera frappé d'étonnement
de voir comme reffufciter plufieurs differens
Portraits de Druides & de Druideffes , &
ceux de tant de Dieux , dont on ne connoiffoit
gueres ni le nom ni la figure , ou dont on
avoir des idées & des notions diametralement
oppofées. La draperie , les fymboles , l'attitude
même de toutes les Divinitez y feront expliquées
, auffi- bien que les marques de diftinc
tion , qui étoient propres aux Druïdes & aux
Druïdeffes.
Pour juftifier toutes ces veritez , que l'on
auroit peut - être de la peine à fe perfuader fur
la foi d'un Programme , où l'on feroit intereffé
à les avancer , on choifit exprès les monumens
de la Cathedrale de Paris , que tous les Antiquaires
regardent comme le morceau le plus
authentique , le plus curieux , & le plus facré
de la Religion des Gaulois. Le fouvenir de la
découverte qui en a été faite , eft encore tout
récent , & les Differtations que tant de Sçavans
de France & d'Allemagne ont publiées
pour les expliquer , font entre les mains de
tout le monde. Qu'on compare ces excurfions
litteraires , & cet amas confus d'érudition
Grecque ,
NOVEMBRE. 1726. 2517
Grecque , Romaine , Gauloife , Teutonique
& Saxonne, avec les feuls Articles fuivans ou
l'on réduit fous un point de vue tout ce qu'on
dit dans l'Ouvrage avec plus d'étendue.
I. La premiere face de la premiere pierre
contient le fens de cette Infcription : Sous
L'EMPIRE DE TIBERE CESAR AUGUSTE , LES
NAUTES du Pays ou Canton , dont PARIS
étoit la Métropole , ONT CONSACRE SOLEMNELLEMENT
CET AUTEL A JUPITER TRE SBỒN
, TREŠ GRAND . ?
H. Les NAUTES font reprefentez fur les
reliefs de la feconde & de la troifiéme face de
la même pierre , le mot Celtique EURISES ,
qui fignifie Nautés ou Bateliers , eft la preuve
de cette verité. Ces Nautes affiftent à la dédicace
de l'Autel de Jupiter ; & pour la rendre
plus éclatante , ils confacrent une Couronne
de grand prix , que le plus qualifié de la troupe
offre au nom de tous. Ils font armez , felon
la coûtume conftante des Gaulois , de ne faire
aucun acte de Religion fans être armez de
toutes pieces.
·
III. Le premier mot de l'Infcription de la
derniere face , dit tout feul que les perfonna
ges fculptez au- deffous font des Druides , qui
font la dédicace de l'Autel. Ces Druides forment
un groupe difpofé en un fers different
de ceux des autres faces , pour des raisons qui
font expliquées dans le corps de l'Ouvrage.
L'autre mot de l'Infcription apprend que le
GUI de chêne , cette plante qui étoit l'objet
du culte le plus intime & le plus religieux du
Druidifme , avoit fervi à rendre la confecra
tion de l'Autel plus augufte , plus pompeufe ,
plus magnifique .
IV. La feconde pierre n'a que deux faces ,
dont les infcriptions & les bas - reliefs foient
Eij
inte-
>
2518 MERCURE DE FRANCE .
intereffans. La premiere de ces faces reprefen
te l'Etre fuprême que les Gaulois avoient
d'abord uniquement reconnu , mais qu'ils
avoient enfin partagé en plufieurs autres Di
vinitez. Cet Etre fuprême eft ESUS, terme
qui fignifie Dieu. Efus eft lettre pour lettre
le ZEYE des Grecs , le Dieu Inconnu des
Athéniens , le Dieu fans nom des Samaritains
& le Dieu ineffable des Juifs. Efus , eft ici reprefenté
coupant le Gui de chêne avec une
faulx d'or : cérémonie fi fainte & fi relevée
pour les Gaulois , que toute leur Religion s'y
rapportoit,
V. La derniere face eft chargée d'une Di
vinité extraordinaire , que les Gaulois honoroient
fous le nom de TARVOS TRIGARANUS ,
c'eft- à- dire , Taureau à trois Gruës . En effet le
Taureau eft ici reprefenté avec trois Gruës.
Ce Taureau étoit d'airain , & placé dans un
lac , qui portoit fon noin. Les Gaulois qui
avoient des procès , fe rendoient à ce lac fur
un lieu élevé , où les parties chacune à part
mettoient des gâteaux fur une même planche.
Les Grues venoient dévorer les gâteaux
des uns , & éparpiller ceux des autres. Les
Gaulois prenoient cela pour un Arrêts &
ceux dont les gâteaux étoient éparpillez ,
avoient gain de caufe.
VI. la derniere pierre , de même que la
précedente , n'a que deux bas - reliefs qui méritent
l'attention des Sçavans . Le premier offre
la Figure d'un Dieu Cornu ; auffi s'appelle- t - il
CERNUNNOS , terme Gaulois qui fignifie Corne,
qui perce comme un fer de lance , ou comme
un foc de Charruë. Sur quoi on doit remar
quer que les Anciens donnoient au foc de
charrue la forme d'un fer de lance. Les Cornes
de Cernunnos font fingulieres ; elles font
droites >
NOVEMBRE. 1726, 2519
€
droites , longues & fourchues . Ces Cornes
font accompagnées de deux oreilles de Satyre,
& dans ces Cornes font paffez deux colliers
de chiens de chaffe faits à l'inftar des Armilla, -
(a ) que les Anciens portoient à leurs bras.
Le culte de Cernunnos étoit le plus fouvent
renfermé dans les bois & les forêts : il avoit
pour objet les voeux , que les Gaulois lui
adreffoient dans l'exercice de la chaffe des bêtes
fauves , qui étoient chez eux fi frequent &
fi noble Les bêtes fauves qu'ils couroient
avec le plus d'ardeur , étoient l'Elan , l'Ure ,
le Cerf & le Dain. Quatre Cernunnos differens
que l'on produit , font foi que les Gaulois
donnoient à ce Dieu les Cornes de toutes
ces fortes d'animaux , parce que les Gau
lois imploroient fon fecours , pour éviter les
de de
la force & l'adreffe étan contre lefquels
fouvent
Toutefois la Jeuneffe Gauloife n'acqueroit de
gloire & de réputation , qu'à proportion du
nombre des Ures qu'elle prenoit on en expofoit
les Cornes dans les lieux publics ; on
les gardoit foigneufement , & on les faifoit
border d'argent pour les étaler , & les faire
fervir dans les feftins d'éclat.
VII. Enfin la derniere face de la troifiéme
pierre , femble être l'original , fur lequel Pline
a fait la defcription de la maniere curieufe ,
dont les Druides épioient le moment de fe
faifir de l'OEUF ANGUINUM , élevé en l'air
par les fifflemens d'une multitude de ferpens .
qui l'avoient formé. Ces animatix irritez qu'on
leur enlevâtle chef-d'oeuvre de leur art , cher-
(a ) Bracelet que l'on portoit au bras , affez
près de l'épaule , appellé en latin Armus , d'où
Armilla elt dérivé.
Fiij cher2510
M
DE FRANCE
.
cherchoient à s'élancer fur le Druide qui avoit
fait le coup , & couroient après lui tous à
la fois pour ratrapper leur tréfor. Cet Oeuf,
fource d'un cercle perpetuel de bonheur &
d'élevation pour celui qui le poffedoit , n'étoit
dans fon origine qu'une fiction ingenieufe ,
dont les premiers Philofophes s'étoient fervi
pour expliquer le fiftême de la création du
monde , & du germe des créatures .
C'est tout ce que les bornes d'un Livre de la
nature de celui ci , permettent de dire fur les
bas - reliefs de l'Eglife de Notre- Dame de Paris
. On hazarde ces réflexions , afin que le
Public puiffe li- deffus porter un jugement
exempt de toute prévention fur tout l'Ouvrage.
Les Sçavans qui ont confacré leurs veilles
à déchiffrer ces Antiques , ne doivent pas
inferer de là qu'on ait en vue , ni de décréditer
leurs recherches , ni même de vouloir
fe mefurer avec eux , on ne veut que preffentir
le goût des meilleurs Critiques , & les
porter cax-mêmes à nous enrichir de chofes
infiniment. meilleures que celles qu'on veut
produire,
Au refte les Monumens de la Cathédrale
de Paris , qui ont paffé jufqu'ici pour le meilleur
morceau d'Antiquitez Gauloifes , qui foir
venu jufqu'à nous , auront bien de la peine
à foutenir, j'ofe dire, cette réputation , quand
ils feront en parallele avec plufieurs autres ,
aufquels on doit faire voir le jour. Les derniers
, outre leur excellence & leur rareté ,
auront toûjours fur les premiers l'avantage
d'avoir été refpectez par les temps , & d'of
frir aux Antiquaires les plus délicats un coup
d'oeil capable de fatisfaire leur curiofité.
Tous ces Monumens enfemble occuperont
environ quarante cinq Planches. Ces Figures
feront
NOVEMBRE . 1726. 2521
feront accompagnées de quantité d'Infcriptions
rares , choifies , inftructives , décifives ,
dont on ne connoiffoit gueres le prix . Enfin
l'Ouvrage fera encore enrichi de plufieurs
Médailles Gauloifes , dont l'explication , d'inconnue
& de problématique , ou d'incertaine
qu'elle étoit , fera mife dans tout le jour, dans
toute la clarté & la verité dont les Antiques
font fufceptibles .
Quoique l'objet principal de l'Auteur foit
de faire connoître la Religion des Gaulois
dans toute fa pureté , la neceffité où il a été
de remonter jufqu'aux fources & de fuivre
fidelement les feules traces qui pouvoient
y conduire , lui a fait faire des découvertes
confiderables fur les points les plus intereffans
; & en meme-temps les plus brouil
lez de l'Hiftoire des Gaulois , Et comme ces
points fervent de bafe & de fondement aux
principes qu'il avance , il s'eft trouvé en
tre ces matieres , quoiqu'un peu diverſes ,
je ne fai quel rapport réciproque , qui les
fait concourir à ne faire toutes qu'un même
corps.
<
Sur ce pied , on trouvera ici d'un côté la
Religion des Gaulois telle qu'elle étoit dans
fon origine , & telle qu'elle étoit enfeignée
& pratiquée par les Druïdes ; Religion , ifo
lée , particuliere , qui n'avoit rien de commun
avec la Religion des autres Peuples ; & pour
la défigner par le caractere qui la diftingue , &
& la peindre avec fes propres couleurs , Religion
de PHILOSOPHES . D'autre part on verra
l'origine des Gaulois , des Victimes humaines,
de l'Or de Touloufe , du culte du Chêne &
des Fontaines ; l'origine & la forme des caracteres
Gaulois , la nature de la Langue qui
avoit cours dans les Gaules , le moyen de
Fiiij l'en2522
MERCURE DE FRANCE.
7
l'entendre ; fçavoir fi les Gaulois avoient des
Galles de leur Nation ; quelle Ville des Eduens
étoit BIBRACTE & plufieurs autres points &
& queltions femblables , à l'eclairciffement
defquels on fait fervir tout ce que l'Antiquité
facrée & profane a de tréfor & des richeffes.
Le Public eft averti qu'on diftribue à Paris
un nouveau Livre qui concerne les Finances.
Comme cer Ouvrage eft unique dans fon efpece
, & qu'il renferme dans un ordre nouveau
generalement tout ce qui regarde les Finances
& la pratique des Bureaux , on fe flatte qu'il
fera goûté du Public ; en voici le titre : Dictionnaire
des Finances , contenant la fignifica
tion de tous les termes de Finance , leur définition
, leur ufage & leurs differentes applications
dans toutes fortes d'affaires.
L'explication de tous les droits qui concer
nent les Domaines du Roy , les Aydes , les
Gabelles , les cinq groffes Fermes , les Tailles
, le Taillon , la Capitation & autres Droits
& Impolitions qui fe levent dans l'étendue
du Royaume.
L'établiffement des Confeils du Roi & des
Cours Souveraines , qui ont rapport aux Finances
, l'étendue de leur Reffort & les differentes
matières dont elles connoiffent .
Les Départemens de Meffieurs les Secretai
res d'Etat & des Intendans des Finances , avec
le détail des affaires dont ils font chargez
La création de toutes les Charges de Finance,
es obligations , les fonctions & les Privileges
dont jouiffent les Officiers qui en fontpourvûs.
Le tout prouvé par les Ordonnances de nos
Rois , & appuyé fur l'ufage reçû & pratiqué
dans tous les Bureaux des Financiers. Cet Ouvrage
eft necefaire aux Receveurs , Treforiers
NOVEMBRE 1726 2523
riers & Fermiers Generaux , Traitans , Sou-
Traitans , & generalement à tous les Intereffez
dans les affaires du Roi , ou chargez de quelque
recouvrement & perception de deniers
Royaux, A tous les Commis employez dans
les Bureaux , qui ne peuvent fe difpenfer d'en
avoir un pour le mettre au fait de toute
forte d'Emplois . Vol. in 12. A Paris chez Jac
ques Joffe , Imprimeur - Libraire , rue faint
Jacques , à la Colombe Royale . Theodore le
Gras , au troifiéme Pillier de la grand'Salle du
Palais , à l'L couronnée. Guillaume Caveliers
rue faint Jacques , au Lys d'or. La Veuve Sau
grain, au milieu du Quai de Gêvres , à la
Croix Blanche.
و ر
On trouve chez les mêmes Libraires , & du
même Auteur le BANQUIER FRANÇOIS , ou la
Pratique des Lettres de Change , fuivant l'ufage
des principales Places de France. Seconde
Edition revue& corrigée.
BRIASSON , Libraire à Paris , ruë
faintFacques , à la Science , imprime un
Ouvrage qui a pour titre , Memoires pour
Servir à l'Hiftoire des Hommes Illuftres
dans la Republique des Lettres , in 12. Ce
volume paroîtra à la fin du mois de Novembre
prochain , & ne fera que le commencement
d'un Ouvrage d'une longue
fuite.
L'Auteur s'eft propofé de recueillir
tout ce qui peut concerner la Vie de ceux
qui fe font diftinguez dans la Republique
des Lettres. Il marque leur naiffance
, leur religion , leurs differens em-
Fv plois ,
2524 MERCURE DE FRANCE.
pois , leurs fentimens , leurs voyages ,
le temps , le lieu où elle eft arrivée ; en
fin tout ce qui peut intereffer l'Hiftoire
des Sçavans , & finira par le Catalogue
raifonné de leurs Ouvrages , dont il marquera
les differentes Editions , & ce qu'il
y a de fingulier.
Il ne borne fes recherches à aucun
Pays , & parlera des Sçavans de tous
âges , à mesure qu'il aura pu ramaffer
tout ce qu'il aura à en dire. Comme il
ne donne que des Memoires , ils feront
feparez les uns des autres , & dans l'ordre
qu'il les aura recueillis.
L'Auteur efpere que fon deffein fera
approuvé des Sçavans & des Curieux , &
qu'ils feront fenfibles à la gloire qui doit
leur en revenir. Mais comme l'Ouvrage
eft d'une longue haleine , & demandé
beaucoup de recherches , qu'il fent qu'il
a befoin de ces mêmes Sçavans & de
leurs lumieres pour le remplir avec
exactitude , il les invite à lui faire part
de leurs connoiffances dans l'Hiftoire , &
à lui communiquer les Memoires qu'ils
peuvent avoir , leur promettant de fa
part la plus parfaite reconnoiffance.
Le Libraire de PARIS qui entreprend
l'impreffion de cet Ouvrage , fatisfera
bien ceux qui fe donneront la peine de
faire quelques recherches utiles & conNOVEMBRE.
1926. 2525
formes à l'idée de l'Auteur , & au plan
de cet Ouvrage.
On recevra les Memoires , Eclairciffemens
, Anecdotes , & autres Pieces fur
l'Hiftoire Litteraire , dont on fera fidellement
ufage. Et pour la fatisfaction de
ceux qui voudront travailler des Memoires
& Pieces entieres , l'Auteur confent
que leurs Ouvrages foient imprimez
fans y rien changer, & avec leurs noms ,
pourvû que cela fe puifle , & ne dérange
rien dans fon deffein .
sy
Il faudra s'adreffer pour cet Ouvrage
au Libraire de PARIS , dont l'adreffe eft
cy-deffus , à qui on prie d'envoyer les
Memoires , ou bien à Amfterdam, a Hermam
Vytvverf, Libraire , chez qui on
trouvera auffi ce Livre dès qu'il fera
imprimé.
Jacques Vincent , Imprimeur Libraire
à Paris , imprime l'Hiftoire de la Medecine
depuis Gallien . Cet Ouvrage a fait
beaucoup de bruit en Angleterre , où il
s'en eft fait plufieurs Editions dans une
même année. On a traduit cet Ouvrage
en François. M. Freind , qui en eft l'Auteur
, a revû la Traduction qui a été
faite fous les yeux . Il ya ajoûté beaucoup
d'Obfervations , qui rendront l'Edition
Françoife encore plus parfaite que l'OF
vj riginal..
2526 MERCURE DE FRANCE.
"
riginal. On lui a donné une forme fem .
blable à celle de la derniere Edition de
M. Le Clerc.
On vient de réimprimer les deux
Inftructions Paftorales fur les Promeffes
de Jefus-Chrift à fon Eglife , par feu M.,
Bolluet , Evêque de Meaux . A Paris
che Deluffeux , rue S. Etienne d'Egrès .
On a commencé dès le mois de Mai de
cette année 1726. d'imprimer à Londres
en deux vol . in fol. le veritable Etat de
la France , dans lequel on voit tout ce
qui regarde le Gouvernement Ecclefiaftique
, le Militaire , la Juftice , les Finances
, le Commerce , &c. & en general
tout ce qui peut faire connoître à fond &
en détail cette Monarchie : extrait des
Memoires dreffez par les Intendans du
Royaume par l'ordre du feu Roi , & à la
follicitation du Duc de Bourgogne . Par
M. le Comte de Boulainviliers , auquel
on a joint des Memoires abregez fur l'ancien
Gouvernement de la France , par le
même Auteur .
On mettra à la tête de cet Ouvrage
une Carte nouvelle & exacte de la France
, divifée dans toutes fes Generalitez.
Cette Carte fe fait à Paris par M. d'Anville
; Geographe ordinaire du Roi. On
la
NOVEMBRE. 1726. 2527
la promet plus exacte & plus précife
qu'aucune qui ait paru jufqu'à préfent.
L'exactitude de cette Edition , la beauté
du papier & du caractere ne feront pas
un petit avantage à un Ouvrage auffi
utile au Public.
Cet Ouvrage fera achevé d'imprimer
en Mars prochain , & les Soufcriptions
fe recevront à Londres jufqu'en Janvier
chez les Sieurs Dunoyer dans le
Strand , à l'enfeigne d'Erafme. Les Freres
Inniff , vis - à - vis faint Paul . Rocairol
, près de Leiceſterfields. Pierre Co- .
derc dans Little Nieuport - Street &
Jackfon , dans le Pallimall , près de faint
James.
FIGURES de differens caracteres , de
Payfages & d'Etudes , deffinées d'après
Nature . Par ANTOINE WATTEAU ,
Peintre du Roi en fon Academie Royale
de Peinture & de Sculpture , gravées à
l'eau-forte par les plus habiles Peintres
& Graveurs du temps , tirées des plus
beaux Cabinets de Paris. Tome premier, in
fol. A Paris , chez Audran , Graveur du
Roi , en fon Hôtel Royal des Gobelins ;
& chez F. Chereau , Graveur du Roi
rue faint Jacques, aux deux Pilliers d'Or.
1726. Prix 48. liv.
Voici un grand Ouvrage que les Cu
rieux
2528 MERCURE DE FRANCE.
rieux en Peinture & en Estampes atten
dent avec beaucoup d'impatience. Il y a
tout lieu de croire qu'ils feront extrêmement
fatisfaits du foin & de l'habileté
des Graveurs , qui ont confervé par tout
l'efprit , le feu , la fineffe & l'elegance
du deffein des airs de tête , & c . &
ce je ne fçai quoi de galant , de vif,
& de vrai qui picque fi agréablement
les gens de goût , & qui caracteriſe
les Ouvrages du celebre Watteau , qu'on
eftime & qu'on recherche de plus en plus
avec une grande avidité..
Qui doute que ce Recueil ne foit infiniment
agréable au Public , qui pour une
fomme modique pourra fatisfaire fa curiofité
au défaut des Originaux , & pofle
der les plus beaux Ouvrages de cet habile
Maître.
Ce Volume , qui fera fuivi de quelques
autres , où l'on trouvera l'Oeuvre entier
deWatteau, eft compofé de 108.pages qui
font 133. Planches , fans y comprendre
l'abregé de la Vie de l'Auteur , fon Epitaphe
en Vers Latins , d'une excellente
main , & la Traduction en Vers François ,
qui fait fentir bien des beautez de l'Oririginal.
La voici.
EPITAPHE
NOVEMBRE. 1726. 2529
༦ ༩༠
EPITAPHE DE WATTEAU ,
PEINTRE FLAMAND.
SI l'aimable vertu pour ton coeur eut des
charmes,
Si de l'Art du Pinceau tu fentis les attraits ,
Du celebre Watteau confidère les traits
P
Et les honore de tes larmes.
no zulg sh M
Noble dans fes Contours , correct en fes
Deffeins, lisino
Il fçût rendre à nos yeux la Nature vivante
* }
Tel autrefois Apelle à la Grece fçavante
BAJO Montra fes Chefs-d'oeuvres divins .
讚
2 303
Heureux en s'écartant du fentier ordinaire ,
Sous des Groupes nouveaux il fit voir les
Amours ,
Et nous reprefenta les Nymphes de nos jours
Auffi charmante qu'à Cythere.
Sous les habits galants du fiecle où nous vi
vons ,
J
Si-tôt qu'il nous traçoit quelques dances nouvelless
Les
1536 MERCURE DE FRANCE .
Les Graces à l'envi de leurs mains immor
telles
Venoient conduire fes Crayons.
諾
Avec quelle élegance , au fond d'un Payſage
Plaçoit - il les Forêts , les Grottes , les Hameaux
,
On croyoit voir encor ces fertiles Coteaux
Si chers aux Dieux du premier âge.
3
Quelque nom qu'il s'acquit par ces rares
talens ,
'
Ce nom, par fes vertus , fut encore plus illuftre
;
peine à la moitié de fon huitiéme luftre ,
La mort vint terminer les ans.
諾
Son efprit plein de feu , dès fa tendre jeunefe
A de longues douleurs affujettit fon corps ,
Une nolte Phtifie en ufa les refforts .
Et mêla fes jours de trifteffe.
Mais que fert de former d'inutiles regrets !
Il vit dans fes amis , il vit dans fes ouvrages .
De
NOVEMBRE. 1726. 253.T
De ma vive amitié ces Vers feront les ga
ges,
Je les lui confacre à jamais.
M. l'Abbé Fremy , Auteur de la Differta
tion préliminaire , ou Effai d'une nouvelle Me
thode pour l'explication des Auteurs Latins ,
& pour la compofition des Themes , à la faveur
d'une Regle monofyllabique , & de certains
Hieroglyphes qui foulagent la memoire
& covient de faire voir à plufieurs Sçavans ,
tant par theorie que par experience , que deans
il
les idées
avantageufes qu'oup encheri fur
a découvert qu
de cette :
Methode les Journaux de Paris & de Trevoux.
Il a fe prêtoit à plus
de so. Operations grammaticales , que tout
Septiéme pouvoit executer lui feul & par luimême.
Par là , il prétend exempter les Maîtres
d'entrer dans une infinité de minuties &
d'ennuyeux détails qui confomment leur tems,
épuifent leur patience , & font les fources
trop ordinaires des larmes des Ditciples , &
de ne leur laiffer que la flatteufe occupation
qu'il defigne dans fon Livre , qui eft » de
produire leur érudition , afin d'étendre les
» idées naiffantes de leurs Eleves , tantôt par
l'expofition des principes du Chriftianilines
tantôt le recit d'un fait hiftorique ....
par
Enfin , par mille curieutes remarques , qui
» en réveillant l'attention des Difciples , fer-.
viroient à faire fentir la force des expref-
» fions & la beauté des pensées d'un Auteur ,
avec la jufte application qui s'en pourroit
faire, pour former le coeur & l'efprit .
D2
ל כ
95
3
A l'égard de ce grand nombre d'Operations
7
2532 MERCURE DE FRANCE.
tions de Grammaire , M Fremy en démontre
fix chofes. 1. Qu'il n'a point encore paru
de Methode qui ait fuffi au plus fpirituel
Difciple , pour faire une feule de ces Operations
fans le fecours d'un Maître , du moins
avec autant de facilité & de préciſion . 2.
Que cette facilité de faire fans Maître ces
Operations eft abfolument neceffaire , fi avec
M. Rollin on fuppofe , comme la raifon & la
bonne éducation le demandent , que la prin .
cipale fonction des Maîtres doit être d'enſeigner
les Belles- Lettres par rapport à l'efprit
& au coeur. Autrement il affure qu'il fau
droit au moins deux Maîtres pour chaque
Ecolier. 3. Que de ces so . Operations , qui
fuivant la Methode ordinaire , exceptoient
chacune pour être pratiquée des expediens
particuliers & penibles , il s'en trouve 40.
réunies dans une feule , qui eft fi facile , ditil
, qu'il fuffit de fçavoir fire pour l'exécuter ,
dautant qu'elle bannit la peine & les dégouts,
que les commençans furtout éprouvent
chercher dans les Dictionnaires les plus commodes.
4. Que ces Operations renferment
toutes les voyes les plus naturelles & les plus
courtes , qu'il femble qu'on puiffe imaginer,
pour apprendre une Langue qui n'eft plus
vivante , & que leur totalité peut fervir de
regle certaine pour apprecier chaque Metho
de écrite en ce genres . Que cette Metho
de eft toujours accompagnée d'une espece de
démonftration proportionnée à la capacité
des moins intelligens , tant pour enfeigner les
autres , que pour apprendre foi - même : enſorte
que dès la premiere Leçon on peut être
également Maître & Difciple , à commencer
par l'Auteur le plus difficile comme par le
plus aifés Perfe & Tacite le trouvant , pour
ainfi
NOVEMBRE. 1726. 25338
ainfi dire , de niveau avec Phedre & Eutro-.
pe. Le tout affaifonné d'une maniere fi intereffante
, que l'étude de la Langue Latine eft
moins pour toute forte de perfonnes de l'un
& de l'autre fexe , de quelque âge qu'elles
foient , une occupation ferieufe , qu'un amufement
des plus recreatifs . 6. Qu'il n'eft
befoin que d'une demi heure pour convaincre
de l'efficacité de cette Methode le fçavant
ou le non fçavant le plus incredule.
Il faut efperer qu'enfin M. Fremy dévelop- ,
pera bien- tôt tout le fyftême de cette Methode
, qui pourra être utile aux Belles- Lettres
, & d'un grand foulagement pour la
jeuneffe dans fes études , fi tout ce que l'Au
teur vient d'en dire eft bien veritable .
9 490
Nous avons donné dans le Mercure
du mois d'Avril dernier , l'Eloge de
M. le Cerf de la Vieville , Garde des
Sceaux du Parlement de Normandie. Le
R. P. le Cerf, Religieux Benedictin de
l'Abbaye de Fecamp , Auteur de cet Eloge
, & digne frere de feu M. de la Vieville
, en nous faifant l'honneur de nous
écrire depuis peu fur un autre fujet ,.
nous marque qu'il s'eft gliffé une erreur
de datte confiderable dans cet Eloge
: il eft dit , page 678. du Mercure ,
que le Roi Charles IX. donna des Let .
tres de Nobleffe à Pierre le Cerf , if
falloit dire Charles VII . Cette erreur
faure aux yeux , & fe rectifie • pour
ainfi dire , d'elle- même dans la même
page,
2534 MERCURE DE FRANCE .
page , où il eft dit , que ces Lettres de
Noblefle font dattées de l'an 1449. Nous
fommes au refte bien mortifiez de ne
pouvoir pas imprimer ce que le R. P.
le Cerf vient de nous envoyer : l'exacte
neutralité qui nous convient , & que
nous avons refolu de garder dans les
conteftations littéraires qui s'élevent entre
les Auteurs , ne nous permet pas
de fuivre l'inclination que nous aurions
de lui faire plaifir en toute autre oc
cafion.
Le Mardi 12. de ce mois , à l'Affem
blée publique de la rentrée de l'Acadé
mie Royale des Infcriptions & Belles-
Lettres , où il y eut un fort grand concours
, M. l'Abbé Gedouin ouvrit la
Scéance , par la lecture d'une Differtation
fur le bon goût dans les Ouvrages
d'efprit. Il prouva que le goût naturel ne
peut acquerir toute fa perfection en fait
de Pocfie & d'Eloquence , que par la
lecture des anciens , comme Homere ,
Virgile & Cicerón , & que tous ceux
qui fe font écartez de ces Modeles ,
modernes & autres , n'ont employé qu'un
goût mefquin ou defectueux dans leurs
Ouvrages. Le ftile ou le fujet de cette
Differtation firent beaucoup de plaifir .
Le
NOVEMBRE. 1726. 2535
Le R. P. Dom Bernard de Montfaucon
, Benedictin , lut enfuite une Dif
fertation fur le Nimbus des Anciens
Cercle lumineux
A
ཇ་
ou Couronne à
ou
rayons , qu'on voit aux Portraits de
quelques uns de nos premiers Rois fur
deur Monnoye. Les Payens mettoient
cette Couronne autour de la tête de leurs
Divinitez , & les Romains en ornoient
les têtes des Empereurs , fur leurs Médailles
, après leur confecration , furtout
celles des Empereurs du bas Empire. Ce
même Cercle a été employé dans le
Chriftianifine , autour de la tête de Jefus-
Chrift , des Martyrs , & des Saints
dans leurs Images . Ce Difcours , appuyé
de preuves & d'exemples , tirées de
'Antiquité & de notre Hiftoire , étoit
rempli de recherches très- fçavantes &c
très-curieufes .
Cette Scéance finit par une Differtation
de M. l'Abbé Sallier , fur l'origine,
le progrès , & le caractere des Parodies
, chez les Grecs , chez les Romains
& chez les François . Il donna des regles
pour la compofition de ces fortes
d'Ouvrages. Ce Difcours , qui a paru
très- curieux & très - bien écrit , fut generalement
applaudi .
Le Mercredi 13. l'Académie Royale
des
2536 MERCURE DE FRANCE .
des Sciences tint auffi fon Affemblée publique.
M. de Fontenelle lut d'abord l'Eloge
de feu M. de Lifle , aflocié Aftronome
, & premier Geographe du Roi ,
connu par les grands talens pour la Geographie
ancienne & moderne. Enfuite
M. de Mayran lut les obfervations qu'il
avoit faites en Normandie de deux Phenomenes
, ou Lumiere , Boreale , l'une
du 26. Septembre , & l'autre du 19 ,
Octobre de cette année. M. Gaudin lut
auffi celle du dernier qu'il avoit faite à
l'Obfervatoire Royal , & donna fes
conjectures pour expliquer la caufe de
ce Phenomene. M. Bolduc , le fils , fi
nit la Sceance par la lecture d'un Memoire
, dans lequel il donna une nouvelle
Analyſe des nouvelles Eaux minerales
de Paffy.
M. l'Abbé Bignon , qui préfida à
P'une & à l'autre Académie , réfuma à
la fin de chaque lecture ce qui avoit
été dit , il parla avec beaucoup d'éloquence
& de précifion , donnant aux
Académiciens qui avoient parlé , les
Eloges convenables à leurs Ouvrages.
On mettra dans le prochain Mercure
les Extraits de ces Differtations.
On
NOVEMBRE. 1726. 2537, -
Ouverture du College Royal
Les Profeffeurs du College Royal de
France , fondé à Paris par François 1 ,
ont repris leurs Exercices , & commencé
leur Année Académique le Lundi
18. de ce mois Voici les noms des Profeffeurs
qui rempliffent actuellement les
Chaires de ce fameux College . ece
Pour la Langue Hebraïque,
Mrs Sallier & Henry.
Pour la Langue Grecque,
Mrs Capperonnier & N *
Pour les Mathematiques .
Mrs Chevalier & Pothenot , en l'abfence
de M. de Lifle , qui eft en Mofcovie.
Pour la Philofophie Grecque & Latine,
Mrs Terraffon & Privat de Molieres .
Pour l'Eloquence Latine.
Mrs Couture & Rollin.
Pour la Medecine , la Chirurgie , la
Pharmacie , & la Botanique.
Mrs Preaux , Andry , Geoffroy , & Bus
rette.
La Chaire de M. Boivin , mort depuis
peu, n'est pas encore remplie .'
Pour
2538 MERCURE DE FRANCE.
- Pour la Langue Arabe.
Mrs de Fiennes & E. Fourmont .
Pour le Droit Canon .
Mrs Capon & le Merre .
Pour les Langues Syriaque , Chaldaïque,
Ethiopienne , Copte , &c.
M. M. Fourmont.
Ecoles de Medecine.
Le Dimanche 17. du même mois de
Novembre , la Faculté de Medecine de
Paris , fit auffi l'ouverture de fes Ecoles.
On commença par un Difcours Latin
, qui fut prononcé par M. de la Hire,
Docteur Regent , Membre de l'Académie
Royale des Sciences , & c. L'Orateur
traita de l'utilité & de la neceffité
de la Géometrie , pour pratiquer la Medecine
avec fuccès . Le Difcours fut fort
gouté , & l'Orateur fut fort applaudi par
une nombreuſe Affemblée qui s'y trouva.
Le lendemain les Docteurs- Regens
qui profefferont cette année , commencerent
à donner leurs Leçons en cet ordre,
M. Brunet , la Pathologie.
M. de la Hire , la Phifiologie.
M. Bourdelin , la Chirurgie Latines
M. Mattot , la Matiere Medicale.
M. Mongin , la Pharmacie,
M. Coutier doit donner en Langue
FranNOVEMBRE
. 1726. 2539.
Françoife des Leçons de Pathologie Chirurgicale.
Les dernieres découvertes de M. du
Quet, intereffent les Proprietaires des Fo- .
rêts,parce que les Adjudicataires des coupes
de bois pourront les faire exploiter à
moindres frais , par le fecours d'un Moulin
à vent , établi fur une Charette
laquelle peut être fixée folidement au
vent dans la place la plus convenable ,
& la plus proche de la coupe . Outre
que ces fortes de Moulins à vent pourront
refendre le bois à bâtir , de même
que les Moulins à vent de Hollande ,
ils pourront auffi le tirer de bas en haut
par le fecours de leurs aîles , & d'une
corde pour le mettre à portée d'être refendu
en planches ou autrement par plufieurs
feuillets de fcies appliquées fur
une même monture. On pourra aufli
faire fervir ces Moulins , à faire mou-.
voir les outils neceffaires à faire du
merain , de la latte ; on les employera à
faire jouer les outils , à faire des fabots
des gamelles , des plats , des affiettes
& avec la faculté de pouvoir tranfplanter
ces Moulins par tout où le vent pourra
avoir fon action .
On peut avoir tous ces mêmes avantages
par le fecours d'une autre forte de
conftruction de Moulin à vent , dont
G chaque
9
2540 MERCURE DE FRANCE.
•
chaque piece fe démonte , pour être
transportée en détail , & pour être re ,
monté aux endroits où l'on jugeroit à
propos de l'employer.
On pourra deformais tranfporter vingt
ou trente cordes de bois , tout à la fois,
par le fecours de quatre chevaux feulement
, avec vingt ou trente Charettes
à vent , depuis le bord de la Forêt jufque
à la plus prochaine Ville , ou la plus
prochaine Riviere , furtout dans les Pays
où le vent pourra avoir fon action ; les
quatre chevaux ferviront à fortir le bois
de la Forêt , & à faire paffer ces Charettes
à vent les unes après les autres ,
aux endroits couverts où le vent ne pourroit
pas agir.
Des efpeces de tombereaux qui piquent
la terre & s'en chargent en marchant
, pour la porter d'un lieu à l'aufoit
par le fecours du vent , foit
par celui des chevaux , dans les lieux où
le vent ne peut pas agir.
tre ,
Ces fortes de tombereaux feront trèsutiles
& très- expeditifs , pour les deffeehemens
des marais , pour former des
canaux promptement , pour détourner des
Rivieres , pour faigner des foffez , même
pour apporter des fables ou autres
terres de la Campagne , dans les Villes
, & pour charger le fumier plus
prompNOVEMBRE
. 1726. 2541 .
promptement , & le porter de la Ferme
dans les champs.
Les pieces qui fervent à ces tombereaux
, réunillent en elles plufieurs avantages
confiderables ; elles pourront être
employées à labourer plus facilement
que par le foc de la charue ordinaire
parce que la terre fera coupée & retournée
, avec cet avantage , que deux chévaux
en feront autant que quatre pendant
le même temps.
Elles ferviront à nettoyer les Ports de
mer à moindres frais , & plus promptement
que par l'ufage des machines.ordinaires
, en les appliquant fur un veif
feau convenable , & en les Y confor
mant.
Elles feront très - neceflaires pour le
deffablement de la Riviere de Loire , &
pour toutes les autres Rivieres qui en
auront befoin. On en retirera aufli de
grands fervices pour les ouvrages des
Ponts , Chauffées & Levées , en y joignant
les autres découvertes mentionnées
ci- deflus.
Pour répondre à toutes les difficultez
qui pourroient fe prefenter à l'efprit de
ceux qui s'intereflent à ces differens travaux
, ou aux Curieux , l'Inventeur a
fait conftruire des modeles de ces découvertes
que l'on fait voir au Public
Gij moyen2542
MERCURE DE FRANCE.
moyennant une petite retribution de douze
fols par perfonne, pour payer le Commis
qui prendra le foin de les montrer,
& d'expliquer ce qui fera neceffaire. II
faut s'adreffer , rue de l'Arbre- fec , visà-
vis le petit Paradis , au premier Appartement.
Il y aura une Affiche à la
porte.
Le fieur de l'Erpiniere , âgé de dixneuf
ans , de la Ville de Poitiers , fans
avoir appris la Géometrie , ni rien qui
regarde les Sciences , a fait un allemblage
de dix-neuf machines differentes ,
telles qu'un Moulin à poudre , un Moulin
à papier , un Moulin à bled , un
Moulin à foulon , la Machine de Marly,
une Machine pour ramer , un Metier
pour la Toile, & c . qui toutes enfemble
travaillent par un feul mouvement.
Cet affemblage ayant été preſenté à l'Académie
Royale des Sciences , cette Compagnie
a jugé que comme l'Auteur n'a
pas eu la pratique en . vûë , & qu'il n'a
longé qu'à donner dans un modele portatif
, l'idée d'un grand nombre de Macines
differentes , il avoit fallu de l'induftrie
pour les difpofer de façon qu'une
feule Manivelle les fit toutes travailler
auffi facilement qu'elles font .
M.
NOVEMBRE . 1726. 2543
M. de Moz , Prêtre de la Communauté
de S. Sulpice , voulant fe rendre
utile à l'Eglife , a travaillé à un nouveau
Syſteme de Chant , beaucoup plus court ,
plus facile à imprimer & à pratiquer
que tous ceux dont on s'eft fervi jufqu'à
prefent. Il eft exempt de toutes les difficultez
& embarras des anciens , ne confiftant
que dans un feul principe qui conf
titue tout ce qui eft effentiel au Chant ,
fans aucun bouleversement de Notes ni
confufion de differens intervales , qui
arrivent très-fouvent dans les anciens &
fatiguent extrémement . On aura par ce
moyen le Pfautier ; l'Antiphonier , le
Proceffional , le Graduel , generalement
tout le Chant de l'Eglife , dans un petit
in douze , pour 40. fols , qui fervira em
même-temps de Diurnal.
On mande de Londres , qu'au fujet
d'un fameux Plongeur , qui a fervi à tirer
quelques tréfors que la Mer avoit engloutis
, quelques curieux fe font appli
quez à perfectionner les Machines dont
on peut fe fervir en pareille occafion :
on en a conftruit une qui peut contenir
diverfes perfonnes , qu'on baifle & qu'on
rehauffe , & qui peut être conduite fous
l'eau d'un endroit à l'autre , au gré de
ceux qui font dedans . On y peut condui
G iij
2544 MERCURE DE FRANCE :
re Fair , le rarefier & faire circuler fon
mouvement. On y peut refpirer pendant
tout un jour , auffi librement qu'en plein
air. On ajoûte qu'il y a des ouvertures
pour pouvoir agir & travailler fur ce
qu'on trouve de précieux , le tirer du
fond de la Mer.
L'Académie Royale de Peinture &
Sculpture a perdu M. Barrois , habile
Sculpteur , qui étoit Adjoint à Recteurs.
Il mourut le 10. de Sept. dern . & le 26?
fuivant elle élut à fa place M. Courton le
jeune, Sculpteur, dont la place de Profeffeur
a été remplie par M. Maffon , auffi
Sculpteur , & celle d'Adjoint à Profeffeur
de ce dernier , par M. d'Ulin , Peintre.
1.24
La République des Lettres a perdu
M. Boivin , Garde de la Bibliotheque
du Roy , Profeffeur Royal en Langue
Greque , l'un des Quarante de l'Acadé
mie Françoife , & Penfionnaire de celle
des Infcriptions & belles Lettres , qui
mourut à Paris le 29. du mois dernier ,
âgé d'environ 65. La place de Garde de
la Bibiotheque du Roi , vacante par cette
mort , fut donnée le z . de ce mois à M.
Sallier , Profeffeur Royal en Langue Hébraïque
& Affocié de l'Académie Royale
des Inferiptions & Belles- Lettres.
CHANmbre
1726.
1
C.
LIN
Lo
THE NEW
YORK
PUBLIC
LIBRARY
.
ASTOR, LENOX AND
TILDEN FOUNDATIONS
,
3 J
NOVEMBRE. 1726. 2545
*******************
CHANSON EN MUSETTE .
DA
Ans nos Hameaux tout nous engage
A chanter de l'Amour les invincibles
traits 3
Sans en connoître l'efclavage ,
Sans ceffe nous goûtons fes plus tendres are
traits.
с
Toujours heureux .
Et toûjours amoureux ,
Nous paflons nos jours fans tourment.
Plaifirs des Dieux ,
Plaifirs délicieux ,
Coulez plus lentement.
Tranquille à l'ombre d'un Ormeau y
Le Berger fur fon Chalumeau ,
Repette à chaque inftant :
Douce felicité,
Charmante volupté ,
Coulez plus lentement.
Dans nos Hameaux , & c.
G iiij
SPEC
2546 MERCURE DE FRANCE:
L
SPECTACLES.A
' Académie Royale de Mufique continue
les Repreſentations de Pirame
Thibé, avec grand fuccès. C'eft un
magnifique Spectacle. Le Public goûte
de plus en plus la Mufique des fieurs
Rebel & Francoeur, qui en font les Auteurs
, & il attend de ces jeunes gens ,
qu'ils foutiendront la réputation qu'ils
fe font faite dans ce premier Ouvrage.
Le fieur Pecour , dont le génie n'a jamais
été plus fécond , a compofé fes Balets
de la maniere du monde la plus variée ,
la plus noble & la plus propre à chaque
caractere. La Demoiſelle Prevôt y danfe
plufieurs Entrées avec le fieur du Moulin,
d'une maniere inimitable . On ne sçauroit
defcendre dans le détail de tous ceux
& celles qui s'y diftinguent , on ne peut
neanmoins s'empêcher de faire remarquer
le plaifir que fait le fieur Blondi en
danfant fur la Chaconne , qui eft un des
plus beaux morceaux de Symphonie qui
ait paru depuis long - tems à l'Opera. Il y
a d'autres Airs de Violon d'une grande
beauté , & de beaux Choeurs , fur tout
celui du fecond Acte .
On
NOVEMBRE. 1726. 2547
On donnera l'Opera de Proferpine
après celui- cy.
EXTRAIT de la Comedie nouvelle de
la Chaffe du Cerf. 2
N a rendu compte dans le Merdu
mois pallé de la maniere
donc
piece
a été
reçue
du
Public
à la premiere Répreſentation . Pour laiffer
au Lecteur la liberté de juger fi elle
a mérité un meilleur fort , nous nous
contenterons d'en donner icy un Extrait
fuccinct & defintereffé.
Premiere Entrée.
Le Theatre reprefente une Foreft ou
Diane permet que le Prince Acteon vienne
chaffer avec fa fuite . L'Amour n'y
trouve pas le même accès ; c'eft lui qui
ouvre la Scene ; il fait entendre aux Spectateurs
, qu'il ne s'y eft introduit que furtivement
& à la faveur des Faunes &
des Sylvains , qui ont pris foin de dérober
cette efpece d'irruption aux yeux de
Diane & de toutes fes Nimphes. Il fait
un monologue , dans lequel on apprend
qu'il a déja rendu Zacorin amoureux de
Lucinete : celle- cy eft une des Nymphies
de Diane celui -là eft le Fol du Prince
G v Ac
548 MERCURE DE FRANCE
4
"
Acteon . Ce n'est là que le prélude de
ce que l'Amour veut faire ; il prétend ,
pour le vanger de l'infenfibilité d'Acteon
, rendre ce Prince amoureux de
Diane. L'approche de quelques Chaffeurs.
de la fuite d'Acteon , ou plutôt le deffein
qu'il a formé fur le coeur d'Acteon , l'oblige
à fe retirer . Dans les Scenes fuivantes
on parle d'une Chaffe dans les
termes de l'Art. Acteon vient tout éperdu
, il dit que l'Amour a triomphe de
fon coeur , par les yeux de Diane : Za
corin lui apprend qu'il eft dans le même
cas que lui , & qu'il aime Lucinette. Zacorin
refte feul . Ses ennuis amoureux
ou fa laffitude , le forcent à gouter les
douceurs du fommeil. A peine s'eſt - il
jetté fur un lit de gazon , que l'Amour
vient & commande aux fonges de lui
prefenter l'image de Lucinette. L'Auteur
à tâché de juftifier cet emploi , auquel
l'Amour s'abbaiffe , en lui faifant dire :
que les plus grands Dieux fe plaifent
quelquefois à defcendre à des foins qui
regardent les plus fimples Mortels . Čes
fonges font une espece de Parodie de
ceux d'Atys , en retranchant ce qu'il y
a de funefte dans ces derniers . Dromon ,
Garde- Chaffe de Diane , arrive ; il cherche
un Singe qui a difparu depuis quelques
jours. Zacorin fe rellouvient que
les
NOVEMBRE. 1726. 2549
les Chaffeurs d'Acteon en ont tué un à
peu près depuis le même temps , dont
ils ont confervé la peau , ce qui lui inf
pire un deffein qu'il execute dans la feconde
Entrée .
Seconde Entrée.
"
Diane ouvre la Scene , fuivie de fes
Nymphes , à qui elle recommande de
fuir l'approche des Chaffeurs d'Acteon
& même celle des Dieux des Forêts. Ces
Nymphes ont beau lui réprefenter qu'elle
porte trop loin l'averfion qu'elle a
pour l'Amour ; elle perfifte dans fa réfolution
, & promet , en quittant fes Nym
phes , un prix à celle qui dira le plus de
mal de l'Amour. A peine s'eft - elle retirée
, qu'elles murmurent toutes contre
fa feverité. Elles regrettent fur tout
un Singe , qu'elles ont perdu & qui les
amufoit. Elles font agréablement furprifes
'de voir für des arbres un animal qui reffemble
à leur Singe. C'eft Zacorin qui
s'eft couvert de fa peau pour tromper
Lucinette, fous cette forme nouvelle. On
P'appelle : il vient à la voix de Lucinette ;
con lui fait faire fes exercices ordinaires ;
mais par malheur Dromon , qui fuivi
d'une troupe de Valets , cherche le Singe .
perdu , arrive & fe faifit du pauvre Zaco-
Gvj rin ..
2550 MERCURE DE FRANCÈ.
rin. Le faux Singe , qui s'eft déja fait
connoître à Lucinette , prie Dromon de
le remettre en liberté . Dromon n'y confent
pas ; Zacorin fe fauve malgré les
foins de la fuite de Dromon. Les Nymphes
de Diane reviennent & font le divertiffement
de cette feconde Entrée.
Elles danfent & chantent : leurs chants
font tels que Diane les leur a preferits .
L'Amour ne tarde pas à en tirer raiſon . 11
vient , fuivi d'une troupe de Faunes &
de Sylvains. Il enchante fi bien les Nymphes
qu'elles fe livrent à ees Dieux des
Forêts .
Dans une des Scenes précedentes Acteon
a prié Dromon , fon ancien Domelque
, de parler de fon amour à Diane ,
il s'en eft chargé à recret . Zacorin lui a
demandé la même grace auprès de Lucinette
, il s'en eft mocqué, il a decouvert
à Diane l'amour qu'Acteon à pour elle.
Dianne irritée , lui a ordonné de dire à
fon ancien Maître , que fi , elle entend
jamais parler de fa témerité , elle en fera
un exemple terrible. Dromon veut fe
vanger für Zacorin du mauvais fuccès
de fa commiffion ; il lui dit que l'affai
red' Acteon ya à merveille , & qu'ils n'ont
tous deux qu'à fe prefenter à Diane &
à Lucinette pour en être parfaitement.
bien reçûs. Peut - être l'ordre des Scenes
n'eft
NOVEMBRE. 1726. 255x
n'eft bien obfervé dans cet Extrait ;
pas
mais comme la Piece a été réformée & réduite
à deux Entrées l'ordre n'a pas fubfiftétel
qu'il étoit aux deux premieresreprefentations
& peut nous avoir trompé.
Troifiéme Entrée.
Diane apprenant de deux de fes Nymphes
la victoire que l'Amour vient de
remporter fur leurs Compagnes , eft fort
irritée.Zacorin trompé parDromon , vienť
avec une grande fecurité lui demanderLucinette.
La Déelle veut l'en punir avec
la derniere feverité , mais les deux Nymphes
demandent grace pour ce malheu
reux & l'obtiennent ; elles confeillent à
Dianne d'aller fe mettre au bain ; elle
y va : Acteon vient & demande à Zacorin
en quel lieu peut être la Déelle.
Zacorin n'ofe lui indiquer l'endroit cu
il peut la trouver , de peur d'expofer fon
Maître à quelque funefte fort ; mais Acteon
lui parle d'un ton fi abfolu , qu'il eft
forcé de lui obéir . Acteon court à la Fontaine
où Diane fe baigne avec fes Nymphes
; Zacorin n'ofe l'y fuivre, il tremble
pour lui-même. Un moment après il entend
un grand cri qui lui annonce qu'Ac
teon a trouvé ce qu'il cherchoit . Ce Prince
revient avec un bois deCerf fur fa tête.
Charmé
1
2554 MERCURE DE FRANCE .
Zoraïde , fille de Zoroastre , La Dille'
Lalande.
Thifbé , Amante de Pirame , Le Chan
teur en femme.
Zoroastre , Sorcier , Le fieur Riccoboni ,
fils.
Troupe d'Efclaves,
Troupe de Sorciers & de Sorcieres.
Troupe de Poëtes & de Muficiens .
Les cinq Actes de l'Opera qui a don
né lieu à cette Parodie , y font fuivis
pied à pied , & reduits à un : le même
fond fubfifte. Ninus , Chef de Flibuf
tiers , devient Amoureux de Thyfbé ,
malgré fon premier engagement avec
Zoraïde , fille du Sorcier Zoroaftre. It
declare fon amour à fa nouvelle Maîtref
fe en prefence de Pirame ; & comme ce
dernier ne répond que par monofyllabes ,
Ninus lui reproche fa taciturnité ; dont
Pirame s'excufe fur le confeil que fes amis
lui ont donné , de ne guere parler. Nous
n'approfondirons pas le fens de cette réponfe
; on prétend que c'est une Epigramme
des plus vives ; mais ce n'eft
nous à mettre au fait ceux qui n'y
font pas Ninus donne une Fête à Thylbé
ceux qui la compofent font des Élclaves
. Leur Chef chante ces paroles ,
fur l'Air du fecond Acte de l'Opera en
pas
à
queſtion.
NOVEMBRE . 1726. 2555
queftion. Laiffons - nous charmer , & c.
Que de nos tranſports
Naiffent des accords
Qui furpaffent Lully
En vif , en joli ;
Si par fois nos vers
Vont un peu de travers ,
Un bon air à danfer
Les fait paffer.
La Mufique ,
Quoi qu'antique ,
Par nos foins fe recrepit
Et la Mufe ,
La plus bufe ,
Peut plaire en dépit
Méme de l'efprit .
Que de nos tranſports , &e.
Un Spectacle parfait
Ne va point fans ballet ;
Que furtout ici l'entrechat brille ,
Que la Fille ,
Y fautille,
4556 MERCURE
DE FRANCE,
Et nous faffe voir
Tout fon fçavoir.
Que de nos tranfports , &c.
Dans le refte de cette Parodie il yy a
beaucoup de Vers de l'Opera employez
quelques -uns le font affez heureufement,
& portent le trait de Critique. Nous
avons déja dit que l'action marche à peu
près comme à l'Opera ; c'eft pourquoi
on ne juge pas à propos de la fuivre exactement.
Nous ne pouvons pas nous difpenfer
de dire un mot en paffant , au fu
jet de la Chaconne de Pirame & Thylbé
; quoique ce foit un morceau de Symphonie
, dont tout le monde a été enchanté
, il n'a pas été respecté par la Parodie
; on a fubftitué à fa place une Chaconne
des plus ufées , où les Baffons ont
tenu lieu de Baffes, de Violon , comme
dans celle de l'Opera ; mais on s'eft trompé
, fi l'on a crù faire entendre par là ,
que les Baffons font tout le prix de celle
des fieurs Francreur & Rebel . Le Pu
blic trouve qu'elle brille par mille autres
endroits , & tout Paris leur rend
encore , malgré la Parodie , toute la juftice
qui leur eft dûë.
Zoroastre vient au fecours de Pirame
emprifonné ; il defcend dans un Char ,
fur
NOVEMBRE. 1726. 2557
2
fur lequel on lit cette Infeription : Le
Lanterne magique. Pirame paroît au travers
d'une grille , & prie Zoroaftre de
prendre garde , en détruifant la Tour
de l'écrafer fous les ruiness il le fupplic
auffi de ne point faire danfer les Sorciers
& les Sorieres de fa fuite , párce
que , s'ils commencent une fois , ils ne
finiront point on a prétendu par là critiquer
la longueur & la multiplicité des
danfes de l'Opera nouveau . Zoroastre ,
après avoir delivré Pirame , lui confeille
de fuir avec Thyfbé , pour le dérober
à la pourfaite de Ninus. Ils fuivent
fon confeil. Thyfbé arrive la premiere
au rendez- vous . La catastrophe eft la
même que dans l'Opera , avec cette difference
, qu'on y voit un Cerfau lieu d'un
Lion . C'est un Cerf , dit un des Acteurs
, échappé du Faubourg Saint Germain.
On a bien entendu que ce trait
de Critique portoit fur la Comedie qui
2 pour titre la Chaffe du Cerf. La piece
finie par la refurrection de Pirame , fuivie
d'une Fête , dont les Acteurs chantans
& danfans , font Poëtes & Muficiens.
On les reprefente comme des malheureux
qui meurent de faim , & qui
invoquent Cerès , fous le nom de Déeffe
de Goneffe. Il n'y a prefque point de Piece
où les Poëtes ne foient avilis ; mais ce
qu'il
2558 MERCURE DE FRANCE.
qu'il y de furprenant, c'eft que cet avid
liffement eft l'Ouvrage des Poëtes mê
mes,
On ajoûtera ici quelques Couplets ré
pandus dans la Parodie qui ont été applaudis.
Dans la feconde Scene , entre
Ninus & Pirame..
Ninus , Air des Trembleurs
Elevé dans les allarmes ,
Dans le tumulte des Armes ,
Je ne goutois point les charmes ,
Qu'un tendre amour nous produit ;
Mais en mettant pied à terre ,
J'ai vu la fille du frere ,
De la femme de mon pere
Ma coufine autrement dit.
Pirame & Thyfbé , Duo , fur l'Ais
des Frailes.
Amufons -nous à pleurer ;
Puifqu'Amour nous affemble .
On ne peut nous envier
Le plaifir de foupirer
EaNOVEMBRE,
1726. 2559
Enfemble , enfemble , enfemble, ..
Thyfbé pendant la nuit , fur l'Air ,
Roffignolet d'un vert Boccage.
Amour , que ton flambeau me guide
Dans ce moment ,
Conduis une fille timide ,
Vers fon Amant,
Pirame , après avoir tué le Monftre , Juv
Air , Lâche la bride à fon Bidet,
Thyfbé , Thyfbé ,
Qu'êtes - vous devenuë ?
Thyfbé , Thyfbé ,
Offrez- vous à ma vûë?
A force de crier ,
Thyfbé , Thyfbé ,
Thyfbé , je m'en vais m'enroüer.
Dans la même Scene , quand Pirame la
croit tuée par le Monftre , fur l'Air ,
Margot fur la brune.
Thyfbé fur la brune ,
Pour attendre fortune :
Thybe fur la brune ,
Jamais
2560 MERCURE DE FRANCE .
Jamais ne reviendra.
Mais fon Pirame ,
Par cette lamė ,
Toute fa flamme ,
Lui prouvera ,
En mourant comme à l'Opera. Il fe tue
en mettant fon coutelas jous le bras.
Thybe appercevant Pirame mort , Aie
du Confiteor.
Ciel ! quel objet frappe mes yeux !
Pirame.
Pirame.
Quelle voix m'appelle?
Thyfbé ; c'est vous , fort rigoureux !
Thyfbé.
"O Ciel ! quelle main criminelle ...
Pirame.
Je fuis venu trop tard tantôt.
Et je me fuis tué trop tôt.
NOU
NOVEMBRE. 1726. 2561
NOUVELLES DU TEMPS .
LE
TURQUIE.
Es Lettres du Levant portent que la conta
gion étoit entierement ceffée à Alexandrie
depuis le commencement du mois d'Août
dernier que tous les Etrangers qui s'étoient
barricadez dans leurs quartiers , pour n'avoir
pas de communication avec les Turcs, avoient
ouvert leurs Magafins , & recommencé leur
commerce ; & qu'on avoit fait la même chofe
à Rofette & au Grand Caire , d'où l'on mande
que le débordement du Nil avoit monté plus
haut cette année que la derniere : ce qui faifoit
efperer une meilleure recolte de bled en
Egypte. Ces Lettres ajoûtent que le Pacha qui
gouverne aujourd'hui , avoit réduit les Grands
du Pays à l'obéiffance du Grand Seigneur, par
de frequentes executions ; qu'il avoit reçu
l'argent & les munitions de guerre dont il
avoit befoin pour achever de foûmettre le
refte de la Baffe Egypte ; que cependant on
avoit toujours lieu d'apprehender une feconde
revolte au Caire , à caufe de la fuppreffion des
privileges des Habitans de cette Ville , ordonnée
par le G. S.
TRAS
2562 MERCURE DE FRANCE.
TRADUCTION de la Lettre écrite
par le Dey d'Alger aux Etats Generaux
des Provinces Unies , au fujet de la paix
conclue avec L. H. P.
Prince des Princes Abdi Pacha , Chef de
la Contrée Occidentale d'Alger .
Regents d'Hollande , nos grands Amis ,
Salut honorable de la part de l'excellent Seigneur
Abdi Pacha ( à qui Dieu donne profperité
) Chef & Regent de l'Oeconomie Mili
taire pour la garde & confervation de la Contrée
Occidentale d'Alger , ( Royaume de la
frontiere la plus reculée de la Haute Porte de
Sa Majesté notre Empereur Sultan Achmed
Chan ) que nous gouvernons par la grace de
Dieu & l'afitance de Sa Très- Haute Majefté
Imperiale , le refuge du monde , à qui Dieu
donne un long regne jufqu'au jour du Retour.
Dieu très-faint & très- haut nous accorde à
tous la profperité dans le bien. Amen.
Nos GRANDS AMIS ,
Comme par votre commandement huis
Vaiffeaux de Guerre font arrivez dans le Gouvernement
d'Alger , pour convertir l'inimicié
qui étoit entre nous , en amitié , paix & cons
Corde ; & que de la part de cette Regence ,
(par le confentement des Membres du Divan ,
des Janiffaires , de notre victorieufe Milice , &
autres fages & prudens Magiftrats ) on a été
d'accord d'avoir la paix avec vous nos amis :
A ces caufes , notre paix & notre amitié foit
avec
NOVEMBRE. 1726 2563
t
avec vous , & demeure conclue aux conditions
& articles ci - devant reglez par feu (Ali
Pacha , de bonne memoire , fous l'expreffe ftipulation
de toutes les chofes ci- devant promifes
à notre préfente Regence. Ainfi donc ,
nos Amis , le Dieu très - faint & très haut
veuille que la paix & l'amitie foit durable auffi.
de votre part. Amen.
Ecrite dans la Refidence confervée d'Alger ,
le 13. jour du mois Muharrem Elkaram de
T'année 1159. & de l'Ere de Jefus , fur qui foit
benediction , l'année 1726.
RUSSIE.
N continue les nouvelles levées pour
mettre quarante nouveaux Regimens fur
pied vers le Printems prochain , dont chacun
Tera compofé de 2000. hommes.
Le 28. Septembre , le Comte de Rabutin
Ambaffadeur de l'Empereur , ayant été averti
de fe trouver au Confeil particulier qui fe
tint ce jour là , S. M. Cz . y ratifia en la préfence
le Traité d'Alliance figné à Vienne par
fon Miniftré le 6. du mois d'Août dernier , &
qu'on vient de rendre public. Il contient une
obligation réciproque de travailler de concert
à chercher les moyens les plus efficaces de
conferver la paix dans l'Europe : une acceffion
formelle de la Czarine au Traité de Paix conclu
à Vienne le 30. Avril 1725. entre S. M. I.
& le Roi d'Efpagne ; une garentie fpeciale de
la part de cette Princeffe de tous les Royaumes
& Provinces poffedez actuellement par
1'Empereur en Europe une garentie reciproque
de la part de S. M. I de toutes les Provinces
poffedées pareillement en Europe par
la Czarine ; une promeffe mutuelle de fe fe-
H courir
2564 MERCURE DE FRANCE.
courir en cas d'attaque , & de ne point faire
de paix avec les agreffeurs , fans avoir tiré
raifon des dommages , ou fans l'approbation
& le confentement de S. M. Cz. une injonction
reciproque aux Miniftres des deux Puilances
contractantes , réfidens dans les Cours Etran
geres , de s'entr'aider mutuellement pour ce
qui concerne leurs interêts communs ; une
promeffe de n'accorder de part & d'autre aucun
refuge , fecours ni protection aux Sujets
rebelles , & de fe découvrir reciproquement
les deffeins des ennemis ; une promeffe de fe
fecourir en cas de guerre , & de fournir à la
premiere des deux Puiffances attaquée 30000
hommes de troupes reglées ; fçavoir 20000.
hommes d'infanterie , & 10000. dragons ,
pour la fubfiftance defquels il fera fait une
convention particuliere ; comme aufli de convenir
, en cas de guerre ouverte , des moyens
de repouffer l'ennemi commun , & de le chaffer
des Provinces où il pourroit s'être fair
paffage dans les premieres campagnes ; une
retraite affurée promife tant au nom de
l'Empereur que du Roi d'Efpagne dans tous
les Ports qui leur appartiennent dans l'Ocean
& la Mediterranée , pour tous les Vaiffeaux
de la flote que la Czarine pourroit mettre en
mer du confentement de l'Empereur. Il eft
auffi convenu par ce Traité , d'inviter le Roi
& la Republique de Pologne d'acceder à cette
nouvelle Alliance ; & en cas de refus de la
part de la Republique , d'engager le Roi à une
acceffion particuliere en qualité d'Electeur de
Saxe ; de la propofer pareillement aux autres
Puiffances , & de leur donner le terme d'une
année pour s'y déterminer, L'Empereur premet
d'employer fes bons offices pour que la
paix , qui n'eft pas encore bien affermie entre
,
la
NOVEMBRE. 1726. 2565
la Couronne de Suede & la Pologne , puiffe
devenir ferme & durable par la mediation de
la Czarine ; & de faire à l'égard du Duc
d'Holstein , tout ce qu'il peut exiger de S.M. I.
comme garante du Traité de Travendahl , tant
par rapport au Roi de Dannemarc , qu'aux
autres Rois ou Princes Etrangers qui font
obligez à la garantie du même Traité ; le tout
fuivant la convention particuliere qui a été
faite à ce fujet entre les Parties contractantes.
" ... Le Czarowits a repris fes Etudes , qu'il doit
encore continuer pendant deux ans , après
quoi il fera declaré Protecteur de l'Univerfité
& de l'Academie de Petersbourg..
POLOGNE.
Ans la féance du s . Octobre de la Diete
Dde Grodno , on convint , après beaucoup
de débats , que le Decret rendu contre la ville
de Thorn , feroit executé dans toutes fes par-
Sies : que les Lutheriens feroient obligez de
remettre les fonds appartenans à l'Eglife de
Sainte Marie , qui leur a été ôtée , & que le
Magiftrat feroit tenu d'admettre les nouveaux
Confeillers Catholiques .
Le 12. le Roi , après avoir pris les avis des
Senateurs Ecclefiaftiques & Seculiers , donna
le Baton de Grand General de l'Armée de la
Couronne à M. Rzewski , Palatin de Podlachie
, celui de Petit General , avec le Palatinat
de Mazovie à M. Chomentowski , Marechal de
la Cour , & la Charge de Caftellan de Cracovie
au Prince Wielnowieski.
Le Roi de Pologne ayant accordé à la requifition
des Nonces , un Diplome revocatoire
de l'Election du Comte Maurice de Saxe
, pour fucceder au Duc Ferdinand de Cur-
Hij lande ,
2566 MERCURE DE FRANCE.
lande , la lecture qui en fut faite le 9. Ocbre
dans la Chambre des Nonces , caufa une
joye univerfelle , & fut fuivie de plufieurs acclamations
de Vive le Roi enfuite on y lut
& on approuva le projet de l'incorporation
du Duché de Curlande à la République de
Pologne , au défaut d'heritiers mâles du Duc
Ferdinand , de la Branche de Ketllers , fans
préjudice de fes droits , poffeffions & libertez
, auffi long- temps qu'il vivra , en le déchargeant
, à caufe de fon grand âge & de
fes fervices envers la République , du devoir
de venir en perfonne faire hommage , fuivant
la teneur de la Conftitution de 1683. & lui
permettant de faire faire cet hommage par
un Plenipotentiaire.
Par cet Acte , la Chambre des Nonces réünit
à la Couronne de Pologne & au Grand-
Duché de Lituanie , le Duché de Curlande &
de Semigalle , & le Territoire de Plitten , comme
ils l'ont été de tout temps , avec leurs
dépendances & annexes. Elle déclaré que les
habitans des 60. Bailliages de ces Duchez
feront reçus comme Bourgeois inféparables de
la Pologne & du Duché de Lithuanie ; qu'ils
jouiront de tous les droits , libertez & Privileges
qui leur ont été accordez autrefois ,
& qu'ils feront protegez par la République
qui employera toutes les forces pour les deffendre.
Elle caffe & annulle toute entreprife
faite contre les deffenfes & Mandemens de
la République , & tous les Actes qu'une
Affemblée illegitime des Etats pourroit avoir
faits par rapport à une prétendue fucceffion
éventuelle , comme contraire à la Souveraineté
immédiate de la République . Elle permet
& aure aux Curlandois le libre exercice
de la Religion , fuivant la Confeffion
d'Aufbourg
NOVEMBRE. 1726. 2567
d'Aufbourg; promettant qu'aucun d'eux ne
fera forcé à le quitter , fans préjudice néan
moins du droit & exercice de la Religion
Catholique dans le Duché de Curlande , fuivant
qu'il eft prefcrit par la forme du Gouvernement
établi , & tels qu'ils font approu
vez par la Conftitution de 1676. Elle nomme
des Commiffaires pour éxaminer les demandes
& remontrances des Curlandois , touchant
divers Reglemens pour la direction interieure
du Pays & autres prétentions domestiques
& étrangeres , dont ces Commiffaires feront
tenus de faire rapport à la République. Elle
deffend à tous les habitans des Duchez de Curlande
, de Semigalle , & du Territoire de
Plitten , d'entretenir aucune correfpondance
avec les Miniftres Etrangers , de tramer aucune
entrepriſe au préjudice de la République,
directement ou indirectement , à peine d'être t
traitez comme criminels de leze Majefté , &
de haute- trahifon ,fuivant la rigueur des Loix , D
& en conformité de ce qui eft établi par le
Traité de Warfovie.
ALLEMAGNE.
meal deVienne, commence-
N apprend de Vienne qu'au commence
loredo , Grand- Maréchal de la Cour , alla
chez le Duc de Richelieu , Ambaffadeur Extraordinaire
du Roy T. Ch. pour lui dire que
l'Empereur avoit donné ordre que les Cavaliers
du Regiment de Vifconti , qui infulterent
il y a quelque temps la livrée de ce Duc ,
fuffent condamnez à être paffez par les baguettes,
l'affurant en même temps que S. M. I
ne demanderoit pas une plus grande fatisfaction
pour fon Aimbaffadeur , fi pareil cas lúi
Hij étoit
1568 MERCURE DE FRANCE.
étoit arrivé ; & que par confequent elle ne
croyoit pas pouvoir lui donner une plus grande
démonftration du chagrin qu'elle avoit de
tout ce qui s'étoit paflé . Sur cela , le Duc
de Richelieu pria le Grand-Maréchal de vouloir
obtenir de l'Empereur , à fa très - humble
demande , la grace des Soldats , & de faire
cet acte de clémence après celui de juftice qu'il
venoit d'ordonner , ce que le Grand - Maréchal
ayant promis de reprefenter à S. M. I,
il envoya deux heures après un Gentilhomme
au Duc de Richelieu , pour l'informer que
l'Empereur avoit accordé la grace qu'il avoit
demandée , laquelle ne fut annoncée aux Soldats
que dans le temps qu'ils alloient au fupplice
qui étoit déja préparé , tous les autres
Soldats étant rangez en haye pour l'execution.
Un Courier arrivé à Vienne de Stokolm ,
a rapporté que les Etats de Suede paroiffoient
difpofez à acceder au traité d'Hanover , com
me étant plus convenable à leurs interêts.
Le bruit court qu'on travaille à un projet
d'union de la Compagnie Orientale de Trieſte
avec la Compagnie d'Oftende , & que l'Empereur
fait negocier à Conftantinople une
Treve de plufieurs années avec la Regence
d'Alger.
ITALIE .
Es Lettres de Sicile font monter à deux
caufez
Palerme par le dernier tremblement de terre.
On a reçû avis que le Sénat de Palerme
avoit fait publier une Ordonnance , par laquelle
il eft enjoint à tous les habitans de
faire reconstruire o réparer inceflamment les
maifons qui ont été abbatues ou endommagées
NOVEMBRE . 1726. 2569
gées par le dernier tremblement de terre ;
qu'après le terme indiqué , elles feroient regardées
comme abandonnées , & que le Sénat
devenant proprietaire du fond , fera faire les
réparations à fes frais.
On apprend de Rome , que le 28. de Sep
tembre dernier , le Chevalier de Saint- George
qui étoit revenu la veille d'Albano , alla au
Monaftere de Sainte Cecile , rendre vifite à
Ja Princeffe Clementine Sobieska , fon époufe
, & le z. d'Octobre il partit de Rome pour
fe rendre à Bologne , dont fes deux Fils
avoient pris la route deux jours auparavant,
La Chambre Apoftolique a fait retirer du
Palais du Chevalier de Saint- George tous les
meubles , dont le Pape Clement XI . lui avoit
donné l'ufage , ce qui fait croire qu'il ne reviendra
pas fi - tôt.
Les Lettres de Venife du 12. Octobre portent
que le 7. le Doge , accompagné de la
Seigneurie & du Nonce du Pape , alla tenir
Chapelle , felon la coûtume , dans l'Eglife dédiée
à fainte Juftine , à caufe de l'anniverfaire
de la Victoire remportée fur les Turcs , dans le
Golfe de Lépante , à pareil jour de l'année
1571 par les Flotes réunies du Pape Pie V.
de Philippe II. Roi d'Efpagne & de la République
, fous le commandement de Marc-
Antoine Colonne , de Dom Jean d'Autriche
& de Sébastien Venier.
On mande de Bologne , que le Chevalier
de Saint George y étoit arrivé le 9. Octobre .
que la Nobleffe qui étoit allé le recevoir hors
-de la Ville l'avoit accompagné depuis la porte
de Rome jufqu'au Palais Belloni , où il avoit
été complimenté le lendemain par une Députation
du Sénat , qui lui avoit envoyé un
prefenta de 140. Corbeilles couvertes , rem-
Hiiij plies
CD
2570 MERCURE DE FRANCE.
*
plies de toute forte de Gibier & de Fruits
confis , & que le même jour au foir , le Cardinal
Ruffo , Légat du S. Siege, étoit allé lui
rendre vifite , ainfi que le Cardinal Archevéque
& le Vice- Légat.
M. Banchieri , Gouverneur de Rome , a fait
publier depuis peu une nouvelle Ordonnance
, portant peine de bannillement contre tous
ceux qui ont pris interêt aux Loteries de Genes
, de Venile & de Naples , adjugeant aux
dénonciateurs les lots qui écheront aux Intereffez
, déclarant en même temps que ceux
qui auront pû les dénoncer, & qui ne l'auront
pas fait pour quelque raifon que ce puiffe
être, feront fujets à des peines arbitraires ,
telles qu'il plaira au Pape les ordonner.
On mande de Naples que l'Envoyé de la
Regence de Tripoli à la Cour de l'Empereur,
y étoit arrivé lè 14. du mois dernier avec fes
deux Fils , & une fuite de 13. perfonnes. Le
Cardinal Viceroi lui a fait donner un Appar
rement dans le Château neuf, où il fera défrayé
par la Chambre Royale jufqu'à fon dépars
pour Vienne , où l'on dit qu'il eft chargé de
négocierune Tréve de plufieurs années avec
les Miniftres de S. M. I.
Le 22. du mois dernier au foir , le Duc
Salviati revenant à Rome d'Albano , rencontra
en chemin le Prince de Monte- Mileto ,
dans un paffage étroit , & aucun de ces deux
Seigneurs n'ayant voulu ordonner à fon
Cocher de reculer , ils fe prirent de paroles ,
mirent pied à terre & tirerent l'épée ; mais le
Cardinal del Giudice , qui étoit avec le Prin-
' ce de Monce- Mileto , fut l'arbitre de leur dif
ferend, & il empêcha les fuites de cette quereile.
Le 24. le Marquis Lancetti revenant auffi
de
NOVEMBRE. 1726. 25715
de la campagne avec quelques Prélats de fes
amis , rencontra le Comte Carpegne , qui
ayant une nombreuſe fuite , voulut l'obliger
à reculer pour le laiffer paffer. Le Marquis
Lancetti & les Prélats defcendirent de Caroffe
; & pendant qu'ils attendoient paifiblementqu'on
eût débaraffé le chemin qui étoit en
cet endroit là fort étroit , un Domeftique du
Comte de Carpegne vint , un couteau à la
main , attaquer le Marquis Lancetti , qui eut
le temps de fe jetter fur un fuzil , dont il caffa
le bras à ce Domestique..
Le Miniftre du Roi de Sardaigne dépêcha
le 24. un Courrier de Rome à Turin , pour y
donner avis que l'accommodement des differends
du S. Siege avec la Cour de Turin , venoit
d'être conclu , & qu'il devoit être rendu
public dans le prochain Confiftoire.
On apprend de Rome & de Naples que le
19. du même mois au foir , on vit dans le
Ciel une lumiere extraordinaire du côté du
Nord , qui caufa beaucoup d'effroi au peuple.
Un Courier venant de Rome , a affùré que
la Ville d'Aquila , Capitale de l'Abruzze ulterieure
, dans le Royaume de Naples , avoit
été entierement détruite par un tremblement
de terre.
Le Serment du renouvellement des Capitu
lations du Milanez avec les Grifons , fut faite
à Milan le 24. du mois dernier , avec beaucoup
de folemnité , le Comte de Daun , Gouverneur
general du Duché de Milan,s'étant rendu
le même jour au matin , de Niguarda à fon
Palais , les Députez des Ligues Grifes y furent
conduits dans les Caroffes de ce Comte , accompagnez
de plufieurs Sénateurs . L'Acte fut
figné au bruit des falves réiterées de l'Arril
lerie des Remparts & du Château . Après la
H'v figna2572
MER CURE DE FRANCE.
12.
fignature, les Députez furent reconduits chez
eux , où on les alla prendre enfuite avec douze
Caroffes à fix chevaux pour les conduire à
Niguarda. Ils y furent traitez avec toute la
magnificence imaginable . Les deux Princes de
Saxe Gotha , le Prince de Lichtenftein & plus
de 60, autres perfonnes de la premiere confideration
, furent invitez à ce feftin qui dura
jufqu'à minuit.
On eft convenu dans ce nouveau Traité ,
qu'il pourroit paffer tous les jours 400. hommes
des troupes de l'Empereur par le Pays
des Grifons , au lieu qu'elles n'y pouvoient
paffer autrefois qu'au nombre de 220. On a
retranché de l'article XX. ce qui pouvoit être
préjudiciable aux interêts de la France. L'Empereur
eft convenu de payer tous les ans les
anciennes Penfions & quelques- unes des nouvelles
. Les Proteftans établis dans la Valteline, »
n'ont point été foumis à l'obfervance des jours
de Fêtes des Catholiques , comme l'Evêque de
Come le prétendoit , parce que le Pays eft de
fa Jurifdiction Ecclefiaftique , & les Grifons
ont confervé la liberté de permettre à leurs
Sujets d'entrer au fervice des Puiffances qui
pourroient avoir guerre contre l'Empereur.
ESPAGNE.
Es nouvelles de la Havane du 7. About
Ldernier portent que la Flotte ,partie de
la Vera Cruz le 8. Juin , y étoit arrivée le
Juillet , fous le commandement de Dom Antoine
de Serrano . On ajoûte que le 12. Juins
I'Efcadre Angloife , compofée de quatre Vaif
feaux de ligne , de quatre grandes Fregates.
& de quatre petites , étant arrivée devant Por-
80- Bello , le Commandant des Gallions les
avoit:
NOVEMBRE. 1726. 2573
t
avoit fait décharger , ayant envoyé le trefor
a las Cruzes , petite Ville fituée à dix lieues
de Porto Bello.
Outre le Saint Philippes & le Saint Charles
, Vaiffeaux de Guerre de foixante pieces de
canon chacun , qui partirent pour les Indes
Occidentales le 25. Septembre dernier , avec
fix cens Soldats , on en équipe encore trois
autres de pareille force , qui feront en état de
mettre à la voile inceffamment.
Le Duc de Bournonville , nommé Ambaf:
fadeur Extraordinaire auprès de l'Empereur ,
partit le 23. Octobre pour le rendre à Vienne.
Le Roi lui donne 12000. piftolés par an , autant
pour fon voyage, & 30000 , pilloles pour
Les équipages.
Le Gouverneur de Cadix ayant declaré aux
Capitaines des Vaiffeaux de Guerre Hollandois
qui étoient dans la Baye , que l'intention
du Roi Catholique étoit qu'ils euffent à fe retirer
dans les vingt - quatre heures , les Capitaines
Wittenhorit , Elias & Ymans mirent à
la voile le 4. d'Octobre , & fe retirerent à
Rotta pour y attendre les Vaiffeaux Marchands
de leur Nation qui font encore à Ca--
dix , avec lefquels ils doivent retourner en
Hollande.
•
Le Vice -Amiral Jennings eft parti avec
quelques-uns de fes Vaiffeaux pour retourner
en Angleterre , & on dit que le Contre , Ami-"
ral Hopfon doit croifer encore pendant quelque
temps à la hauteur du Cap de Finisterre..
Le Pere Clarke , Jefuite Ecoffois , à préfent
Confeffeur du Roi , eft âgé d'environ foixante
ans. Il a été Recteur de differens Colleges en
Italie. Il vint de Rome à Madrid il y a trois
ans , & il fut fait Recteur du College des Je--
fuites Ecoffois,
Havj
On
2574 MERCURE DE FRANCE.
On apprend de Libone que la flore qui y eff
arrivée de Rio de Janeiro , a apporté trois
millions de Cruzades pour le Roi de Portugal
, & cinq millions pour le compte des Particuliers
.
Le bruit court à Madrid que le Duc d'Or
mond , Seigneur Anglois , qui eft depuis quel
que temps en Espagne , fera nommé à l'Ambaffade
de Mofcovie.
On travaille aux moyens de trouver des
fonds pour le payement des troupes , & des
fubfides promis à l'Empereur. Le Marquis de
San-Iago , fameux Banquier de Madrid , M.
Flon , autre Banquier , & les Chefs de plu
fieurs Compagnies , ont été mandez par Dom
Jofeph Patinho , qui leur a demandé s'ils
étoient en état de faire au Roi une avance de
"300 mille Pistoles , dont S. M. a befoin,
*
Le bruit court auffi qu'il a été réfolu dans
le Confeil de vendre plufieurs Titres d'Emplois
confiderables dans les Indes.
Le 19. du mois dernier à huit heures du foir,
on apperçût à Madrid , du côté du Nord , unelumiere
extraordinaire , qui reprefentoit un
cercle d'où partoient plufieurs colomnes , qui
rendoient une clarté auffi vive que la lumière
de la pleine Lune.
Les Lettres de Cadiz portent qu'un Vaiffeau
de Guerre Maltois & un Genois, actuellernent
dans le Port de cette Ville , devoient entrer aul
fervice du Roi , & qu'on en attendoit encore
trois autres d'Italie..
GRANDE BRETAGNE.
E 20. du mois dernier , le Roi & le Prince
de Galles affifterent à une nouvelle Comedie
Italienne , qui a pour titre › Arlequin ..
Prince par enchantement. Оп
NOVEMBRE. 1726. 2875
On a eu avis que le r . Octobre les Efcadres
d'Angleterre & de Dannemarc avoient levé
T'ancre de devant l'Ifle de Nargin , pour retourner
dans leurs Ports.
On renvoya ces jours paffez le Courier da
Colonel Stanhope , Ambaffadeur du Roi à la
Cour du Roi d'Espagne , avec des ordres au
Vice- Amiral Jennings de revenir en Angle
térre avec quatre de fes plus gros Vaiffeaux ,
& de laiffer le refte de fon Efcadre dans la Mediterranée.
Le 19. d'Octobre au foir , à fix heures trois
quarts , on vit à Londres une lumiere Boreale
très-éclatante qui dura juſqu'à trois heures du
matin.
Le Vice Amiral Jean Jennings , arrivé depuis
peu à Portsmouth avec cinq Vaiffeaux de
Guerre de l'Efcadre de la Mediterranée , fe
rendit le 8. de ce mois à Kenfington , où il eut
Phonneur de faluer le Roi.
L
PAYS-BAS.
E- 19. d'Octobre , vers les fept heures du
foir , on vit à Bruxelles une lumiere extraordinaire
du côté du No: d qui dura jufqu'à
onze heures & demie.
Les Directeurs de la Compagnie d'Oftende ,
font convenus d'envoyer cette année deux
Vailleaux à Bengale , & deux à la Chine. Les
deux premiers font partis le 9. de ce mois , &
las deux autres doivent les fuivre inceffamment.
Les Etats d'Hollande & de Weftfrife , ont .
donné le 6. de ce mois leur confentement à
l'augmentation des Troupes de la Republique,
qui doit être de 10000, hommes.
NAISE
(
ནཱ ཙྪཱ ཏི ཏི མསྶཨ་
2576 MERCURE DE FRANCE.
NAISSANCES , MORTS
des Pays Etrangers,
E Sieur Bourgeois , Chirurgien Juré de
Paris , qui a été envoyé pour accoucher la
Princelle Epoufe du Prince hereditaire de
Modene , a mandé qu'elle étoit heureuſement
accouchée d'une Princeffe à Reggio , le 6 du
mois dernier à cinq heures & demie du foir.
Le 19. Octobre , entre quatre & cinq heures
du matin , la Princeffe Epoufe du Prince Royal
de Dannemarc, acconcha à Copenhague d'une
Princeffe , qui fut baptifée l'après midi , &
nommée Louife .
On a reçû avis de Brunſwick que le Prince
Cafimir Guillaume , Frere du Landgrave de
Heffe- Hombourg, y étoit mort le 9. d'Octobré
dans fa trente feptiéme année , fans laiffer
de pofterité de Chriftine- Charlotte , Comteffe
de Solms Brawnfeld , qu'il avoit épousée le 31 .
Octobre 17224
MMMMMMMMMMMMMMMMMNS
FRANCE
Nouvelles de la Cour , de Paris , & ca!
L
*
E 13. du mois dernier , le Duc d'Orleans
fit rendre les Pain-benits à la
Paroiffe de Fontainebleau avec beaucoup
de magnificence.
Le
NOVEMBRE 1726. 2577
६
Le 18. M. Morofini , Ambaffadeur de
la République de Venife , eut Audience
de Congé de S. A. R. Madame la Ducheffe
d'Orleans , & des jeunes Princeffes
fes filles.
Le 14. & le 20. de ce mois , la Rei
ne entendit dans la Chapelle du Château
de Fontainebleau , le Sermon du Pere
Segaut , de la Compagnie de Jefus , &
le 17. S. M. affifta à la Prédication du
Pere Peruffeau de la même Compagnie.
M. Ogier , Receveur General du
Clergé , n'a plus cette Charge , M. Oli
vier de Senozan , a éténommé par l'Af
femblée du Clergé pour la remplir .
-fous le titre d'Intendant General des Af
faires du Clergé de France , avec l'a
grément du Roi. Il aura fous lui un
Treforier dont il fera la caution ..
Le Roi a fait remife au Clergé , fur
} le Don gratuit accordé d'une fomme de
750000. livres pour les frais des deuxdernieres
Affemblées.
On a appris par un Courrier dépêché
par le Maréchal d'Eftrées , que l'ouverture
des Etats de Bretagne s'étoit faite
à S. Brieux le 15. du mois dernier , &
que le 16 les Etats avoient unanimement
accordé au Roi le Don gratuit demandé
de la fomme de 1800000. liv..
Ge
*578 MERCURE DE FRANCE.
Ce Marêchal donna à manger le même
jour aux Députez avec beaucoup de magnificence.
Il y avoit 4. tables de 45 .
Couverts chacune & 8. de 12.
" Le 28. de l'autre mois la grande
Gondole , dans laquelle le Roi va à la
Chaffe , verfa fur les fables de la Forêt
de Fontainebleau , fans que S. M. fut
bleſſée , ni aucun des onze Seigneurs qui
étoient avec Elle.
M. de Sauroy a été rétabli dans fa
Charge de Treforier General de l'Extraordinaire
des Guerres ; il fera l'exercice
de 1727-
Le 11. du mois dernier , deux fils
d'un Procureur au Parlement , l'un âgé..
de 8 ans & l'autre de 9. joiiant au Volant
, eurent une petite difpute d'enfant;
l'aîné dit en badinant à fon frere qu'il le
theroit avec un piftolet qu'il trouva fous
fa main , mais le coup partit , & il tua
effectivement fon frere.
Le Roi Staniflas & la Reine fon Epoufe
qui étoient
arrivez
le 16 , au Château
de
Ravannes
près
de
Moret
, en partirent
le
24.
pour
Chambord
. Pendant
leur
féjour
dans
cette
maifon
, ce Prince
& cette
Princelle
, alloient
tous
les
jours
à Fontainebleau
, incognito
, chez
la Reine
, où
le Roi
les
a vûs
deux
fois,
Le
NOVEMBRE. 1726. 2579
Le Roia nommé le Marquis de Bonac ,
ci-devant Ambaffadeur de S. M. à la Porte
Othomane , pour remplacer le Marquis
d'Avarey dans l'Ambaffade de Suiffe .
$
Le premier de ce mois , Fête de la
Touflaints , le Concert fpirituel recommença
au Château des Tuilleries on y
chanta Exurgat Deus , & Dominus regnavit
, deux anciens Motets de feu M.
de la Lande , qui furent très-bien executez
Les Diles Antier & Peliffier ,
& le fieur Chaffé , de l'Académie Roya
le de Muſique , y chanterent quelques
morceaux qui furent très.applaudis le
feur Blavet , dont on a déja parlé , y jous
des Concerto fur fa Flute traverfiere ,
qui firent un extrême plaifir à la nombreufe
Affemblée qui s'y trouva. Le même
Concert doit recommencer le 8. du
mois prochain , Fête de la Conception
de la Vierge , de même que la veille &
le jour de Noël .
Le premier de ce mois , Fête de tous
les Saints ; le Roi & la Reine entendi--
rent dans la Chapelle du Château de
Fontainebleau , la grande Melle , celebrée
pontificalement par l'Evêque de Va-
1nce , & chantée par la Mufique. L'a-
.près midi L. M. entendirent le Sermon
de l'Abbé Hardouin , enfuite les Vêpres
& celles des Morts , qui furent chantées
2580 MERCURE DE FRANCE .
tées par la Mufique , & aufquelles le
même Prélat officia.
Le 2. jour des Trépaflez , le Roi &
la Reine entendirent la Melle de Requiem
, pendant laquelle le De profundis
fut chanté par la Mufique..
Le 3. la Reine €3. entendit dans la même
Chapelle , le Sermon du P. Perufſeau
Jefuite , & le 6. S. M. affifta à la Prédication
du P. Segaut , auffi Jefuite.
Le 7. de ce mois , le Roi , après avoir
entendu la Meffe dans la Chapelle du
Château de Fontainebleau , commença
fes Stations pour gagner le Jubilé de
l'Année Sainte , qui a été ouvert dans
le Diocèfe de Sens le 28. du mois der→
nier. S. M. fit fa feconde Station dans la
Chapelle de S. Saturnin de la Cour Ova→
le , & elle les continua dans l'Eglife de
la Paroiffe , devant le grand Autel , &
à la Chapelle de la Sainte Vierge. Le
Roi a continué depuis à faire tous les
jours quatre Stations .
Le in. la Reine communia par les
mains du Cardinal de Fleury , fon Grand
Aumônier ; & l'après-midi L. M. en- .
tendirent dans la Chapelle du Château
la Prédication du P. Segaut , de la Com
pagnie de Jefus. Le foir , la Reine commença
fes Stations du Jubilé , & elle continua
de les faire tous les jours. S. M.
affifta
NOVEMBRE. 1726. 258 1
"
affifta le 13. au Sermon du Pere Pe
Juffeau.
Le 12. l'Ouverture du Parlement fe
fit avec les Ceremonies accoûtumées ,
par une Meffe celebrée pontificalement
dans la grand' Salle du Palais , par l'Es
vêque , Comte de Châlons , Pair de France
, à laquelle M. Portail , Premier Préfident
, & les Chambres affifterent .
BENEFICES DONNEZ.
L'hebaye de
'Abbaye de Faremoutier , de l'Or
dre de S. Benoift , au Diocèſe de
Meaux , vacante par le décès de Mada
me de Beringhen , a été donnée à la Dame
Olimpe - Felicité- Therefe. Sophie de
Beringhen Religieufe dans la même
Abbaye .
.
L'Abbaye Commandataire de Fonte
nelles , Ordre de S. Auguſtin , Diocès
fe de Luçon , vacante par le décès de
M. de Beaumont , en faveur de l'Abbé
Dandigné , Prêtre & Grand- Vicaire de
PEvêché de Luçon.
L'Abbaye de S. Remy des Landes
Ordre de S. Benoift , Diocèfe de Chattres
, vacante par le décès de Madame
de Caylus , en faveur de Madame de
S. Fargeux , Religieufe du même Ordre.
-
L'Ab
4582 MERCURE DE FRANCE .
L'Abbaye du Pont -aux -Dames , Or
dre de Cîteaux , Diocèfe de Meaux ,
vacante par la démiffion de Madame
d'Ormeſſon , en faveur de la Dame Catherine
- Ifidore de Bourlamaque , Reli
gieufe dans la même Abbaye .
La Prevôté de Favart , au Diocèſe de
Tulle , qui a vaqué en Regale de fait
ou de droit , dans le temps qu'elle étoit
ouverte , en l'Evêché de Tulle , en faveur
du fieur Jean Flotte , Prêtre.
*
;
L'Abbé Gualterio , Camerier d'Honneur
du Pape , arriva à Paris le 24. du
mois dernier il logea dans l'Appartement
du Cardinal de Fleury au Palais des
Thuilleries ; il fe rendit à Fontainebleau
le 2. de ce mois. La Ceremonie
de la Barette fe fit le 5. en cette maniere.
Le Chevalier de Sainctot , Introducteur
des Ambaſſadeurs , alla prendre dans les
Caroffes du Roi & de la Reine , le Cardinal
de Fleury , & le conduifit chez le
Roi avec l'Abbé Gualterio , envoyé par
S. S. pour porter le Bonnet au Cardinal
de Fleury . Cet Abbé fut introduit , avec
les Ceremonies ordinaires , à l'Audience
que le oi lui donna dans fon Cabi
net ; il préfenta à Sa Majefté le Bref du
Pape
Après
NOVEMBRE . 1726. 2583
Après cette Audience , le Roi defcendit
à la Chapelle du Château , où S. M.
entendit la Meffe , à la fin de laquelle le
Cardinal de Fleury fe rendit , conduit
le Chevalier de Sainctot.
par
2
·
Le Marquis de Dreux , Grand-Maître
des Ceremonies , & M. des Granges ,
Maître des Ceremonies , reçûrent Son
Eminence à la porte de la Chapelle ; elle
alla fe placer auprès du Prie Dieu du
Roi du côté de l'Evangile , où on lui
porta un carreau . L'Abbé Gualterio ,
revêtu de fon habit de Ceremonie , remit
entre les mains du Cardinal de Fleu
ry le Bref du Pape , & alla prendre enfuite
, fur une Crédence , préparée pour
cet effet du côté de l'Epitre , un baffin de
vermeil -doré , fur lequel étoit le Bon-.
net , & il le préfenta au Roi . S. M. prit le
Bonnet, & le mit fur la tête du Cardinal ,
qui le reçût avec une profonde inclination
, & à l'infant même fe découvrit.
Dès que le Roi fut en marche pour fortir
de la Chapelle , le Cardinal de Fleury
entra dans la Sacriftie , où il prit les
habits de fa nouvelle Dignité . Il monta
enfuite chez le Roi , étant accompagné
du Marquis de Dreux , Grand - Maître
des Ceremonies , & de M. des Granges,
Maître des Ceremonies : le Chevalier de
Sainctot , Introducteur des Ambaffadeurs ,
qui
2584 MERCURE DE FRANCE.
•
qui étoit toujours refté auprès de lui,
P'introduifit dans le Cabinet du Roi , où
le Cardinal fit fon remerciement à S. M.
en ces termes :
SIRE ,
La nouvelle Dignité dont je viens rendre
hommage à VOTRE MAJESTE quelque grande
qu'elle foit en elle- même , m'eft encore
infiniment plus précieufe , parce que je la
tiens uniquement de fa mains & , fi je l'ofe
dire , parce qu'elle ne lui fait pas moins d'honneur
qu'à moi - même .
Qu'il me foit pérmis , SIRE , de publier
aujourd'hui ce que la bonté de votre coeur
Nous avoit infpiré en ma faveur , dans un
temps où vous n'étiez pas encore le difpenfateur
des graces. Non- feulement vous m'a
viez deftiné votre nomination au Cardinalat ,
fans que j'euffe jamais pris la liberté de vous
en parler : mais vous aviez encore , fans me
le dire , demandé avant le terme ordinaire 3
que cette grace me fut accordée.
J'avoue, SIRE , qu'il y a peut - être quel
que retour fecret de complaifance fur moimême
, en apprenant au Public cette marque
d'attention de VOTRE MAJESTE' , fi honorable
pour moi: mais ne ferois - je pas auffia
avec raifon , taxé d'ingratitude , fi je n'annonçois
pas à la France qu'il y a en vous un fond
de bonté , de fentiment , & je ne crains pas
de le dire , de reconnoiffance qui doit faire
la plus douce confolation de vos Sujets ?
La majefté du Trône attire naturellement
le refpect ; les grands talens des Princes excitens
NOVEMBRE. 1726. 2585
;
citent l'admiration : leur puiffance infpire la
crainte mais c'eft la bonté , la douceur, Phumanité
qui les rendent maîtres des coeurs :
& qu'eft que les François ne font pas capables
d'ofer , de faire , de fouffrir même ,
quand ils fe croyent aimez de leur Maître ?
Les Nations de l'Orient rendent à leurs
Souverains un culte prefqu'égal à celui de la
Divinité: parmi celles de l'Europe , il y en a
qui veulent gouverner leurs Rois : d'autres ,
quoique très- attachez à eux & très fideles ,
Les refpectent encore plus qu'elles ne les ai
ment ; mais le propre caractere des François,
eft l'amour pour leur Roi , le defir de lui
plaire de le voir , d'en approcher , & d'en
être aimez.
VOTRE MAJESTE a reçû des marques de
cet amour dès fa plus tendre enfance. Ils
vous ont aimé , SIRE , avant que vous fuffiez
en âge de les aimer vous- même : leur
confternation dans vos maladies , a été égale
à celle d'une famille qui eût tremblé pour
la perte de celui qui en faifoit le foutien ;
lesmarques de leur joye pour votre gué
rifon , ont été portées à des excès qui ont
prefque paffé quelquefois les bornes de la
moderation.
Avec quelles acclamations vos fideles Peuples
n'ont- ils pas reçû la déclaration que Vo-
TRE MAJESTE a faite , de vouloir prendre en
main le Gouvernement de fon Royaume ? &
de quel heureux avenir ne le croyent-ils pas
en droit de fe flater , quand ils voyent fe développer
de plus en plus en VOTRE MAJESTE ,
les grandes qualitez de fon Augufte Bifayeul,
que vous vous êtes propofé pour modele ?
Un efprit d'ordre & de Justice , une conception
à laquelle rien n'échape ; un fecret
im2586
MERCURE DE FRANCE.
*
impenetrable ; une droiture de jugement ; un
fervice doux & facile : jamais d'impatience,
ni d'humeur ; jamais un mot , un feul mot de
fâcheux contre perfonne ; un éloignement du
luxe en tout genre : mais ce qui ett infiniment
au- deffus de tout , un attachement invariable
à la Religion , & un refpect pour
nos faints Myfteres , qu'aucune diftraction
étrangere , ni les mauvais exemples ne peuvent
interrompre.
Voilà , SIRE , ce qu'on admire déja en
VOTRE MAJESTE' , & qui fonde la jufte eſperance
que vos Sujets ont de vous voir un
jour égaler nos plus grands Rois.
Rien n'eft plus dangereux , ni plus diffici
le à foûtenir , qu'une grande attente ; mais
j'ofe affurer qu'il ne tiendra qu'à VOTRE MAJESTE'
de ne point tromper la nôtre. Puiffiezvous
, SIRE , la remplir dans toute l'éten
duë que le demandent nos befoins, Puiffionsnous
avoir la confolation de voir retracer
en votre Perfonne facrée , la fageffe du Roi
votre Bifayeul dans l'art de gouverner , toute
la bonté du Dauphin votre Grand-Pere ,
& la pieté de votre Augufte Pere. Ce fera ,
SIRE , la récompenfe la plus glorieufe &
la plus touchante pour moi que je puiffe ja
mais recevoir de mon refpectueux , & , s'il
m'eft permis de parler ainfi , de mon tendre
attachement pour VOTRE MAJESTE' ,
Ce Difcours frappa d'admiration tous
ceux qui l'entendirent ; le Roi en parut
extrêmement fatisfait ; & après une
réponſe remplie des témoignages de la
plus parfaite affection , S. M, fit au Cardinal
de Fleury , Phonneur fingulier de
L'embrafler. Le
NOVEMBRE. 1728. 2587.
Le Cardinal alla enfuite chez la Reine
, & après qu'il eut fait fon Compliment
, on lui apporta un tabouret . H
préfenta à la Reine l'Abbé Gualterio
qui remit à S. M. le Bref du Pape , &
la complimenta . Cette Audience étant
finie , le Cardinal de Fleury fut reconduit
chez lui par le Chevalier de Sainctot
Introducteur des Ambaffadeurs ,
dans les Carolles du Roi & de la Reine
, avec les mêmes Ceremonies obfervées
lorfqu'il étoit arrivé chez le Roi.
Il eft quelquefois arrivé que nos Rois,
faifant la Ceremonie de donner le Bonnet
à un Nonce du Pape , ou autre Prelat
Etranger , nouvellement nommé Cardinal
lui ont fait l'honneur de les
faire manger à leur table : on obferve
dans cette occafion , que le nouveaut
Cardinal ne mange pas fur la même nape
du Roi.
On dira ici à cette occafion quelques
circonftances au fujet de la Dignité de
Cardinal , principalement fur la maniere
de donner la Calotte , le Bonnet , ou
Barette , le Chapeau , &c. fur lefquelles
nous avons vû beaucoup de perfonnes
mal inftruites .
Autrefois le nombre des Cardinaux n'étoit
pas fixe. Sixte V. en 1588. le fixa à 70. qui
font partagez en trois Ordres ou Claffes ;
I´~´fça-
1.
1
2488 MERCURE DE FRANCE.
fçavoir , celle des Evêques , celle des Prétres
, & celle des Diacres. La Claffe des Cardinaux
Evèques en contient fix , qui oht
comme Cardinaux Evêques , de petits Eve
chez près de Rome. Le 1. eft Evêque d'Ofties
à qui la Dignité de Doyen du Sacré College
eft attachée. Le 2. de Porto , avec la qualité
de Sous - Doyen. Les 4. autres font Evêques
de Sabine , de Paleftrine , de Frafcati , &
d'Albano. Ces fix Evêchez font compatibles
avec d'autres Evêchez ou Archevêchez,
La Claffe des Cardinaux Prêtres eft de so.
& celle des Diacres eft de 14..
Le rang entre les Cardinaux fe regle felon
les differens Ordres ; de forte que l'Ordre des
Evêques précède tout l'Ordre des Prêtres ,
& celui- ci a le pas fur tout l'Ordre des Dia
cres , fans égard , ni à l'ancienneté au Car
dinalat , ni aux differentes Dignitez Ecclefiaf
tiques dont on peut être revêtu . Dans chaque
Ordre , on regle le rang felon l'ancienneté
au Cardinalat , fans aucun égard , non
plus aux diverfes Dignitez Ecclefiaftiques
qu'un Cardinal peut avoir. Mais entre plu
fieurs Cardinaux du mêfie Ordre , & de la
même promotion , ce rang fe regle par lå
Dignité Ecclefiaftique dont le Cardinal eft
revêtu , le Patriarche précedant l'Archevê
que , celui ci l'Evêque , & c. En cas de parité
en Dignité Ecclefiaftique , c'eft l'ancienneté
dans cette Dignité qui donne le rang.
Quand un Cardinal paffe d'un Ordre inferieur
dans un Ordre fuperieur , il prend dans
P'Ordre où il entre fon rang par rapport à fon
ancienneté au Cardinalat . Il faut cependant
excepter de cette regle dans l'Ordre des Cardinaux
Evêques , les Evêques d'Oftie & de
Porto , qui ne font jamais déplacez , quoiqu'un
NOVEMBRE 1726. 2689
qu'un Cardinal plus ancien Cardinal qu'eux ,
devienne Cardinal - Evêque. Ces deux Evêques
reftent toujours à la tête de l'Ordre des Car
dinaux Evêques , quand ils y font une fois
parvenus , & font toujours par confequent les
deux premieres perfonnes du Sacré College.
De même , dans l'Ordre des Prêtres , le premier
des Cardinaux Prêtres ne perds jamais
fon rang , quoiqu'un Cardinal plus ancien
que lui , paffe de l'Ordre des Diacres dans
celui des Prêtres , & il refte toujours à la tête
de l'Ordre des Prêtres , tant qu'il ne veut
pas paffer de cetOrdre dans celui des Evêques .
Pour devenir Doyen ou Sous Doyen du
Sacré College , il faut être dans l'Ordre des
Evêques , comme auffi pour devenir Caralmal
premier Prêtre; il faut étre dans l'Ordre ou
Ja Claffe des Prêtres. Il faut de plus pour devenir
Cardinal Doyen , fe trouver en perfonne
à Rome, quand la Dignité de Doyen vient
à vaquer. On peut remarquer en paffant , que
le Cardinal Doyen, en qualité de Doyen du
Sacré College , .porte le Palliam d'Archevêque
, quoiqu'il ne foir qu'Evêquep vot
On ne peut paffer de l'Ordre des Cardinaux
Diacres dans celui des Cardinaux Evêques
fans avoir été auparavant dans l'Ordre
des Cardinaux -Prêtress E .
Pour être Cardinal Evêque , il faut avoir
reçu l'Ordre de l'Epifcopato duodu moins fe
difpofer à le recevoir inceffamanent Pour être
Cardinal- Prêtre il faut avoir tēçu l'O¢â?¢
de Prêtrife on du moins celui du Diaconat,
& travailler à fe faire inceffamment crdonner
Prêtres mais on peut être Cardinal - Diacre
fans être en aucune façon engagé dans
les Ordres facrez. Le Cardinal Barberin , qui
en 1690 ne prit
fut fait Cardinal - Diacre qui
I ij TON
2590 MERCURE DE FRANCE.
么
J'Ordre du Diaconat qu'en 1719.
Le Doyen du Sacré College , qui eft le premier
des Cardinaux-Evêques , le premier Car
dinal- Prêtre , & le premier Cardinal- Diacre ,
font ce qu'on appelle les trois Chefs -d'Ordres
: il y a des occafions où ils ont de l'auto-
.rité.
On a parlé du titre des fix Cardinaux Evêques
: pour les Cardinaux Prêtres & les Cardinaux
Diacres , ils ont pour titre chacun une
des Eglifes de la ville de Rome.
Lorsqu'il y a un titre d'Evêque vacant , le
Cardinal Prêtre qui afpire à ce titre , & qui
veut paffer de l'Ordre des Prêtres dans celui
des Evêques , doit fe trouver en perfonne dans
le premier Confiftoire qui fe tient , après que
le titre d'Evêque a vacqué , & y declarer qu'il
demande l'Evêché vacant : c'eft ce qu'on ap
-pelle opter un titre. Lorfqu'un titre de Pretre
vient à vacquer , le Cardinal Diacre qui y af
pire fait la même chofe, & c. En ces cas , c'eft
au plus ancien des Cardinaux Prêtres , ou des
Cardinaux Diacres à opter. Il arrive trèsfouvent
que des Cardinaux aiment mieux
refter dans l'Ordre où ils font , que de paffer
dans un Ordre fuperieur.
Quand le Pape veut faire une promotion de
Cardinaux , il écrit les noms de ceux qu'il
veut élever à cette Dignité , & il les fait lire
dans un Confiftoire tenu exprès , après avoir
dit aux Cardinaux préfens , Habetis Fratres,
. Vous avez pour Freres , &c.
Les nouveaux Cardinaux qui fe trouvent à
Rome , viennent recevoir le Bonnet de la
main du Pape , qui dans le Confiftoire fuivant
leur donne le Chapeau , & un titre de Cardinal
Prêtre ou de Cardinal Diacre.
A l'égard des nouveaux Cardinaux abſens,
gitanda
baupanj
NOVEMBRE . 1726. 2591
le Pape leur envoye la Calote par un Courier
puis le Bonnet , qui n'eft autre choſe qu'un
petit Bonner quarré , qu'on appelle quelque
fois Barete , du mot Italien Beretta , par un
de fes Cameriers d'honneur ; & fi celui par
qui le Pape veut envoyer le Bonnet n'eft pas
actuellement Camerier d'honneur , le Pape lui
donne ce titre pour cette fonction . Quand le
nouveau Cardinal eft à la Cour d'un Roi , le
Roi lui fait ordinairement l'honneur de lui
mettre le Bonnet fur la tête après la Melle.
Pour le Chapeau , le Pape ne l'envoye points
il faut que le nouveau Cardinal aille lui - même
le recevoir à Rome . Il eft cependant quelquefois
arrivé que le Pape , pał une faveur parti
culiere , a envoyé le Chapeau à un Cardinal ,
fans qu'il ait été le recevoir en perfonne som
Il arrive quelquefois dans une promotion
de Cardinaux , que le Pape , après avoir fait
Lire dans le Confiftoire les noms de ceux qu'il
honore de la Pourpre , prend la parole , &
dit qu'il referve de plus tant de Cardinaux in
petto celt- à - dire , qu'il ne juge pas à propos
de declarer leurs noms fi-tôt. Ces Cardinaux
refervez in petto , prennent leur rang dans le
Sacré College , non du jour que le Pape declare
leur nom dans un Confiftoire , mais du
jour de la promotion dans laquelle le Pape les
a refervez in petto.
Quand un Cardinal va à Rome pour la pre
miere fois depuis fon élevation au Cardina
lat , pour recevoir le Chapeau , il fait une Entrée
publique. Les Cardinaux , les Princes
Romains , & les principaux Prelats le font
complimenter hors de la Ville , & lui envoyent
leur Caroffe pour lui faire cortege. I
fait fon Entrée dans le Caroffe du Cardinal Secretaire
d'Etat , & va au Palais baifer les pieds
I iij du
292 MERCURE DE FRANCE.
du Pape ; quelquefois le Pape exempte , pour
Certaines raifons , de l'Entrée publique ou
Cavalcade.
Quelques jours après le Pape tient un Confiftoire
public , & lui donne le Chapeau s
après quoi il lui donne , dans le même Confiftoire
, un titre de Cardinal Prêtre , ou de
Cardinal Diacre.
Après que le nouveau Cardinal a reçû le
Chapeau & un titre , le Pape fait dans un Confiftoire
particulier la ceremonie de lui fermer
la bouche , & dans le Confiftoire fuivant il
fait la ceremonie de la lui ouvrir. Après ces
ceremonies , le Pape met le nouveau Cardinal
dans quelque Congregation.
Autrefois plufieurs Cardinaux étoient nommez
plutôt par le nom de leur titre , que par
celui de leur Maiſon ; aujourd'hui on në nomme
les Cardinaux par le nom de leur titre , que
pour les diftinguer des autres Cardinaux de
même famille. Le frere du Cardinal Mazarin ,
Archevêque d'Aix & Cardinal , étoit appellé
le Cardinal de Sainte Cecile , du nom de fon
titre. Une autre maniere de diftinguer les Cardinaux
de même Maifon , eft d'appeller l'un
par fon furnom , & l'autre par fon nom de
baptême. On a quelquefois nommé les Cardinaux
par le nom de leur Archevêché ou Evêché:
Alphonfe , Archevêque de Lyon, Grand
Aumônier de France , & frere du Cardinal de
Richelieu , étoit appellé le Cardinal de Lyon.
Le titre de Saint Laurent in Damafo ', eft attaché
à la Charge de Vice Chancelier de l'E
glife. Le titre de Saint Laurent in Lucina , eft
affecté à la place du premier Cardinal Prêtre
Le titre de Saint Marc eft affecté au plus ancien
Cardinal Venitien qui peut refider à Rome.
Le Titre d'Eminence ; qu'on donne aujour
d'hui
NOVEMBRE. 1726. 2593
d'hui aux Cardinaux , n'eft en ufage que depuis
environ un fiecle. Luc Holftem , fun des
Sçavans da fiecle paffé , ayant , dans un Difcours
public , traité d'Eminentiffimus. le Catdinal
François Barberin , fon Patron , tous les
autres Cardinaux voulurent être traitez de
même ; ce qui donna lieu au Decret , par lequel
le Pape Urbain VIII . ordonna le ro . Juin
1630 , que les Titres d'Eminence & d'Eminentiffime
fuffent attribuez aux Cardinaux . Avant
ce Decret , on donnoit aux Cardinaux le titre
de Seigneurie Illuftriffime : Titre qui fe donnoit
rarement à d'autres qu'aux Cardinaux .
Depuis le Decret d'Urbain VIII. on a donné
le titre de Seigneurie Illuftriffime aux Archevêques
& aux Evêques , aufquels on n'avoit
encore donné que le Titre de votre Seigheurie.
Il fut reglé dans le Concile de Conftance ,
que les Cardinaux feroient choifis dans toutes
les Nacions Chrétiennes. Les Papes fuivirent
ce Reglement , honorant pourtant de la
Pourpre plus d'Italiens que d'Etrangers.
Comme les Papes choififfoient pour Cardinaux
les fujets qu'ils vouloient , il arriva fouvent
qu'ils éleverent à la Dignité de Cardinal
des Etrangers qui n'étoient point agréables à
leurs Souverains : ce qui caufa des plaintes .
Vers l'an 1600. on convint que les Papes
prendroient pour Cardinaux Nationaux les
fujets qui leur feroient nommez par les Princes
, pourvû que ce fuflent des perfonnes de
merite,
Dans le
le temps que les nominations des
Cardinaux pour les Princes furent reglées de
cette façon , l'Angleterre n'étoit plus Catholique
, & le Portugal étoit foumis à la Couronne
d'Eſpagne. Ainfi il n'y eut proprement
I iiij que
2594 MERCURE DE FRANCE:
que l'Empereur , le Roi de France & le Roi
d'Espagne qui curent le droit de nomination .
On n'en priva pourtant pas tout à fait le Roi
de Pologne, qui n'eft que Roi électifimais comme
les Evêques Polonois ne veulent pas ceder
aux Cardinaux, & que chez eux le rang des Archevêques
& desEvêques eft reglé uniquement
par la Dignité duSiege,fans égard à la Dignité
du Sacre , ou aux Dignitez perfonnelles , les
Rois de Pologne , pour ne pas perdre abſolu
ment leur droit de nomination , nommerent
ordinairement au Cardinalat les Prelats qui
avoient refidé auprès d'eux en qualité de
Nonces. Dans les derniers temps ils ont quelquefois
nommé des Etrangers , mais cela n'a
pas été reçû à Rome fans difficulté. On a fait
une autre difficulté au Roi de Pologne ; les
Papes ont dit que ces Princes , comme Rois
électifs , n'avoient qu'une nomination pendan
sout leur regne.
La Republique de Venife , qui a dans Rome
les mêmes traitemens que les Têtes couronnées
, a auffi prétendu avoir quelque droit de
nom ner des Cardinaux. On ne lui a pas accordé
abfolument tout ce qu'elle demandoit ;
mais ordinairement , quand le Pape fait des
Cardinaux pour l'Empereur & pour les Rois ,
ce qu'on appelle Promotion des Couronnes ,
le Pape , de concert avec l'Ambaffadeur de la
Republique , choifit quelque fujer de merite
pour l'élever au Cardinalat.
Le Roi d'Angleterre , qui n'avoit point eu
de nomination pendant que les Rois étoient
Proteftans , eft rentré en quelque façon dans
ce droit . En 1712. le Cardinal de Polignac fut
élevé à cette Digité à la recommandation du
Prince qui eft aujourd'hui à Rome , & que le
Pape reconnoît pour Roi d'Angleterre.
Pour
NOVEMBRE. 1726. 2595
$
Pour le Portugal , depuis qu'il s'eft fouftrait
à la domination d'Efpagne , les Rois ont prétendu
avoir des Cardinaux de leur nomination
; c'est pourquoi Jofeph de Pereyra , Evê
que des Algarves en Portugal , fut compris
dans la promotion du 29. Novembre 1719.
Comme le Pape , pendant ces dernieres
guerres , avoit été obligé de reconnoître l'Empereur
pour Roi d'Efpagne , ce Prince a prétendu
avoir en qualité de Roi d'Efpagne un
droit à la nomination , & c'eft à la nomination
de l'Empereur , comme Roi d'Espagne ,
que dans la derniere promotion le Pape a fair
Cardinal le P. Cinfuegos , Jefuite Arragonois,
a qui avoit embraffé depuis long- temps le parti
de l'Empereur.
Ordinairement la premiere promotion que
font les Papes depuis leur élevation au Pontificat
, eft abfolument pour des fujets qui ont
fervi le S Siege dans les Nonciatures ou dans
les Emplois de la Cour de Rome. Dans la promotion
fuivante , ils font Cardinaux ceux qui
ont été nommez par les Princes. Ces fecon
des promotions ne font pas néanmoins uniquement
pour les Couronnes ; avec les Nationnaux
, le Pape nomme les fujets qui lui
font attachez , les Nonces , & c .
Quand le Pape fait Cardinal un de fes ne
veux , ou un Prince , ou un parent des derniers
Papes , ce qu'on appelle rendre le Chapeau
, ces petites promotions n'empêchent pas
que la promotion fuivante ne foit toute du
choix du Pape.
Le Pape ayant fait une feconde promotion ,
dans laquelle il a compris les fujets nommez
par les Princes , il en fait une troifiéme uniquement
de fon choix , & la quatrième cft une
promotion des Couronnes ; c'est- à- dire , que
Is y lec
2596 MERCURE DE FRANCE.
le Pape y met des fujets à la nomination des
Princes, & ainfi de fuite alternativement.
Il arrive quelquefois qu'un Prince voulant
honorer promptement de la Pourpre un fujet
de diftinction , prie le Pape de le faire Cardinal
avant la promotion des Couronnes , &
declare que ce Chapeau tiendra lieu de celui
qu'il auroit eu droit de demander dans la premiere
promotion, & c'est ce qui vient d'arriver
à l'égard du Cardinal deFleury.
M. de Sennecé , qui étoit Premier
Valet de- Chambre de la feuë Reine ,
ayant perdu fa Charge à la mort de S. M ,
fe retira dans une Terre qui lui reftoit
près de Mâcon & comme c'eft un homme
de mérite , & qui aime les Lettres
fon grand âge n'ayant rien changé à ſon
fçavoir & à la vivacité de fon efprit , il a
continué de faire des Vers , & a confervé
commerce avec plufieurs perfonnes de
diftinction de la Cour , & fur tout avec
S. E. Monfeigneur le Cardinal de Fleu
ry , auquel il adreffa les Vers fuivans au
mois de Juillet dernier.sk .
r
Ou d'Apollon la lumière n'eft claire
Sur l'avenir , ou vous effacerezo : rote
Armand & Jule , à qui le miniſtere
A fait des noms fi grands , fi reverez.
Seul heritier vous ferez de leur gloire ,
De leurs défauts franc & débatraffé :
.Car
NOVEMBRE . 1726. 2592
Car fut l'un d'eux , au rapport de l'Hiftoire
Vindicatif, & l'autre întereffé.
Or en deux points qui me font quelque
peine ,
Vous ont paffé ces fameux devanciers ;
L'un , c'eft l'éclat de la Pourpre Romaine ,
L'autre eft le rang de Miniftres Premiers.
Pour celui - ci , LOUIS peut à toute
heure
>.
Vous honorer d'un nom fi refpecté :
Qu'importe , au fond , fi fans Titre en demeure
Pardevers vous toute l'autorité ?
Quant au furplus , bien feroit Rome ingrate
,
De n'envoyer au jeune fucceffeur
Du vieux Pepin , ce large donateur , ( a )oup,
Pour fon mentor Barrette d'écarlatte.
Et depuis l'élevation de ce Prelat aut
Cardinalat , il lui a encore adreffé ces
autres Vers , quoique directement ils ne
le loüent pas , mais il felicite tous les
( a ) Le Roi Pepin , pere de l'Empereur
Charlemagne , a donné à l'Eglife Romaine
outes les Terres dont elle jouit en Souverai
eté,
I vj.
Etat
2598 MERCURE DE FRANCE.
Etats d'une maniere affez ingenieuſe &
nouvelle.
Au Pape.
Honneur & joye , Vous notre Saint
Pere
"
,
Pape Benoît , dont le goût délicat
Du meilleur choix qu'euffiez oncques pa
faire
A fignalé votre Pontificat..
Plus beau préfent ne fit à fon Epoufe
Le Saint- Eſprit , depuis qu'en traits de feu.
Il defcendit fur les Soixante & douze (4)
Qui l'invoquoient dans le Conclave He
breu.
Au Roi.
Honneur & joye , à vous , jeune Monarque
Dont la faveur a mis dans un grand jour
Tant de vertus , & d'une illuftre marque
A rehauffé l'éclat de votre Cour.
Les nobles foins qu'il prit de votre en
fance ,
Dont le progrès fi rapide & fi beau
(a ) Nombre des Diſciples qui reçûrent le
Saint- Elprit. Va
NOVEMBRE. 1726. 2599
Va contrafter aux plus grands Rois de France,
Meriteroient plus haut prix qu'un Chapeau.
Mieux feriez - vous. Mais à Triple Cous
ronne
Ultramontains n'admettent compagnon :
Leur coeur jaloux , qui de peur e
en friffonne
Trop fe fouvient du Siege d'Avignon. (a)
Au Clergé
Honneur & joye , Eglife Gallicane ,
Aux grands Degrez votre Eleve eft monté.
Vous allez voir en vermeille Soutane
Avec Frejus briller la probité:
Alors de Reims (b) rappellant la memoire:
D'un beau refus vous verrez un beau fruit
Cueillir Fleury. La veritable gloire
Buit qui la cherche , & cherche qui la fuit.
L'autorité foutenant la fcience ,
Ces longs débats par lui pourront ceffer,
(a) Il y a plus de trois fiecles que le Saint
Siege de Rome ayant été transferé à Avignon
par un Pape François , ily demeura foixante &
dix ans fous fept ou huit autres Papes.
(b) On fait combien glorieufement il refuſa
l'Archevêché de Reims.
Dont
2600 MERCURE DE FRANCE
Dont il paroît qu'en faine confcience
Peuples Chrétiens pourroient bien fe paffer.
Aux Etats.
Honneur & joye , à la Cour , aux Provins
ces ,
Au Tiers Etat , aux Gens de qualité :
Quand Cardinaux ont l'oreille des Princes
Regnent douceur , juſtice & pieté.
Bien l'éprouva Louis (a) qui fi grand noiſe
Eut avec Jule (b) , à fa perte animé ;
Sans les confeils du Cardinal d'Amboife ,
Pere du Peuple il n'eût été nommé.
Aux Gens de Lettres.
Honneur & joye , à vous , Efprits fubli
mès
Doctes rivaux d'Orphée & d'Amphion
Limez la Profe , & poliffez les Rimes ,
Or avez-vous haute protection .
Surpaffez vous , fameux Corps des Quarante
, (c)
Chantant Fleury , rendez graces à Dieu
( a) XII .
(b) II.
(c) L'Academie Françoife.
D'un
NOVEMBRE. 1728. 2601
D'un tel Patron. L'Eminence naiffante
Moins ne promet qu'un nouveau Richelieu.
E 16 de ce mois , le Roi fit couper fes cheveux
, & prit la perruque...
Le 23. le Roi & la Reine finirent leurs Sta
tions du Jubilé.
3
Le 24. le Roi, revêtu du Grand Collier de
l'Ordre du Saint Efprit , fe rendit à la Chapelle
du Château de Fontainebleau , où S. M.
entendit la Meffe, & communia par les mains
de l'Abbé de la Viouville , Aumônier du Roi
en quartier. Enfuite, le Roi toucha un grand
nombre de Malades . Le même jour la Reine
communia par les mains du Cardinal de Fleury
, fon Grand Aumônier.
Le 25. le Roi & la Reine partirent de Fontainebleau
pour aller paffer quelques jours à
Petitbourg chez le Duc d'Antin . Voici la lifte
des Princes Prince fles , des Seigneurs & des
Dames qui font du voyage.
Mademoiſelle de Chafolois,
Mademoiſelle de Clermont.
Mademoiſelle de la Roche-fur-Yon.
La Comteffe de Touloufe.
La Marechale de Bouflers , la Comteffe de
Mailly, la Maréchale de Villars , les Ducheffes
de Talard , d'Antin , d'Epernon , de Boufers
, de Briffac , de Gontaud. Les Marquifes
d'Alincour , de Rupelmonde , de Charoft , de
Nefle , de Mailly. Les Comteffes d'Egmont ,
de Buffy , d'Alegre , de Riberac , de Graces.
Le Comte de Clermont.
Le Comte de Toulouſe.
Le Prince de Dombes.
Le
2602 MERCURE DE FRANCE.
Le Cardinal de Fleury , le Prince de Rohan,
les Ducs d'Aumont , d'Antin , d'Epernon
, d'Harcour , de Charoft , de la Rocheguyon
, de Grammont , de Chaulnes , d'Humieres
, de Gefvres , de Luxembourg , d'O
lonne. M. le Premier. Les Marquis de Souvray
, de Courtenvaux , de Croilly , de Nefle,
de Pezé , de Nangis , de Meuze. Les Comtes
de Grammond , de la Suze , Do , de Froulay ,
de Livri , de Teffé.
Officiers des Gardes du Corps.
M de Brizac , du Planti de Maiſon- Neuve,
de la Billarderie , de Verceil , de Fauvel , Daugé
, de Montbrun , de Calviere , Dautichamp,
de Verceil , Dumefnil , des Landes , de la
Luzerne.
Le Samedi 30. de ce mois , le Roi & la
Reine partirent de Petit - Bourg vers les cinq
heures du foir & arriverent à Verfailles en
parfaite fanté le même jour .
MORTS , BAPTE MES.
Oüife-Charlotte-Eugenie de Berenghen ,
Luiferemoutier
, mourut dans cette Abbaye le 28.
du mois dernier , âgée de 40. ans.
M. Jean- Baprifte- Nicolas Defmé de la Chefnaye
, Porte-Cornetre Blanche, Premier Ecuyer
Tranchant, & Gouverneur de Meulan , mourut
le s . de ce mois , âgé de 68 ans , dans fon
Château de Rougemont. Le Roi lui avoit acor
dé il y a quelques années , la furvivance
de
NOVEMBRE. 1726. 2603
de les Charges & de fon Gouvernement , en
faveur de fon fils.
Le 26. Octobre 1726. mourut Madame
Louife- Ifabelle de la Chauffée Deu Darreft ,
de l'illuftre & très - ancienne Maifon des Comtes
d'Eu. Louis XIV. la nomma en 1691. Abbeffe
de la celebre Abbaie de Royallieu , près
Compiegne , où elle eft très regrettée. C'eft
Madame de Grimaldi , fa Coadjutrice , qui
lui fuccede.
Charles Amelot , Chevalier , Seigneur de
Combronde & de Maugerard- Amelot , Baron
de Salvert , Seigneur du Mefnil, la Planchette,
& c. Confeiller du Roi en tous fes Confeils
Préfident de la troifiéme Chambre des Enquêtes
du Parlement , mourut âgé de 82. ans , le
5. de ce mois , dans fon Château de Salveri
en Auvergne , d'où fon corps a été transporté
à l'Eglife des Capucins du Fauxbourg S. Jacques
, où il a été inhumé le 25. de ce mois.
Dame Marie Tudor , Comteffe de Deren Water
, fille naturelle de Charles II . Roi d'Angleterre
, époufe de M. Rook , Colonel Anglois
, mourut à Paris le 12. de ce mois , âgée
de 60. ans ou environ.
Pierre-Claude de l'Hôpital , fieur du Hallier,
Chevalier de l'Ordre Militaire de S Louis,
cy-devant Major de Longwy , mourut à Paris
le 13. âgé de 72. ans.
Le 18. Octobre , les céremonies du Baptême
furent fuppléées dans la Chapelle du Pa
lais Royal , au fils de M. Jacques de Boiffimene
, Ecuyer , Chevalier de S. Louis , Colonel
des Troupes de S. M. Catholique , & de
Dame Gracieufe Leone du Vergier : Le Pa
rain , le Duc d'Orleans , la Maraine , Mademoifelle
de Beaujollois.
Dame Anne- Julie de Montmorency, époufe
de
2604 MERCURE DE FRANCE.
de Emmanuel de Rouffelet , Comte de Chateaurenault
, de Crozon , & c. Chevalier de
T'Ordre Militaire de S. Louis , Capitaine des
Vailleaux du Roi , Lieutenant General de la
Haute & Baffe Bretagne , &c. accoucha le
20. Octobre dernier , d'une fille , qui fut baptilée
le même jour , & nommé Marie Anne
par Anne- Leon de Montmorency , Premier
Baron Chrétien , & par Dame Marie Magdeleine
de l'Etoille de Montbrifeul , époule de
Leon de Montmorency , Chef de nom & armes
de fa Maiſon.
La femme du fieur Thomaffin , Arlequin
de la Comedie Italienne , étant accouchée à
Fontainebleau , le Duc d'Aumont , Premier
Gentilhomme de la Chambre du Roi , & Ja
Marquise de Nelle , Dame du Palais de la
Reine , nommerent l'enfant au nom de Leurs
Majeftez. Nous avons eu occafion plus d'unc
fois de parler de la legereté, des graces , & de
la naiveté de cet excellent Comedien .
蔼
EDITS , ARRESTS,
SENTENCES DE POLICE , & c,
RDONNANCE de Reglement du 29.Aofit,
Opour les Chaffes & exccutions des ordres du
Roi ,portant défenfes à toutes perfonnes de quelque
qualité & condition qu'elles foient, de chaffer
pendant deux années dans l'étendue de la Capitainerie
de la Varenne du Louvre. Ladite Ordonnance
rendue par M. Bontemps , Premier Valet
de Chambre ordinaire du Roi , Capitaine Gou- verneur du Palais des Thuilleries , Commandeur
& Prevôt des Ordres de Saint Lazare de N. D.
de
NOVEMBRE. 1726. 2605
de Montcarmel , Bailli & Capitaine des Chaffe
de la Varenne du Château du Louvre , &c.
....
ARREST de la Cour de Parlement du même
jour , qui ordonne que le Libelle intitulé : Paral-
·lele de la Doctrine des Païens avec celle des Jefuites
& de la Conftitution du Pape Clement XI.
qui commence par ces mots : UNIGENITUS
DEI FILIUS , fera laceré & brûlé par l'Executeur
de la Haute Juftice.
SENTENCE DE POLICE du 30. Août , qui
condamne les nommées Saint Jean , foeurs ,
Poilloux & Collo , Regratieres de Marée , en
Cinquante livres d'amende chacune , pour avoir
contrevenu aux Reglemens & Ordonnances de
Police concernant la Marée.
AUTRE du même jour , qui enjoint aux
Boulangers de marquer leur Pain du poids qu'il
doit pefer : Et qui condamne le nommé Renée
Boulanger en 30. livres d'amende pour y avoir
Contrevenu .
-AUTRE du même jour , portant défenfe aux
Marchands de Vin & Cabaretiers de fouffrir jouer
chez eux à aucuns Jeux Et qui condamne les
nommez Laideguive , Defmoulins , de Bellecourt
, Molignot , & Saint - Germain , Joueurs de
profeffion , & le nommé Chauvau Cabaretier, en
Cent livres d'amende folidairement.
AUTRE du même jour , concernant la défenſe
des Jeux de Hazard : Et quicondamne le Sieur
Saint Maurice & fa femme , felidairement avec le
Sieur Moncourt , en Trois mille livres d'amende.
- AUTRE du même jour , qui condamne le nommé
2606 MERCURE DE FRANCE .
mé Rioul , Chartier , en Dix livres d'amende
pour avoir infulté le Sieur Leloutre , Juré Vendeur
& Controlleur de Foin , dans l'exercice de
fa Charge.
JUGEMENT da 4. Sept. rendu Prevôtalement
& en dernier Reffort par M. Herault , Lieutenant
General de Police de la Ville, Prevôté & Vicomté
de Paris ; Prefident de la Commiſſion , MM. les
Officiers au Siege Préfidial du Châtelet de Paris
& par M. Piquet de Meleffe , Infpecteur General,
des Maréchauffées de France & Prevôt General
de Bretagne contre les nommez Julien de la
Haye , autrement dit l'Epine ou le petit Deu , ou
Pierre Gautier , ou le gros Jacob : Et Jacques
Mouchel dit Desjardins ou Jacob le Cottentin ,
lefquels ont été condamnez à être rouez vifs en
Place de Greve pour Vols & Affaffinats commis
fur les grands Chemins , &c.
SENTENCE DE POLICE du 6 Septembre.
Concernant la défenfe des Jeux de Hazard ; Et
qui condamne la Demoiſelle Gueny , & le Sieur
Bernard folidairement en Trois mille livres d'amende
; le Sieur Mustaphaga & autres Particu
liers auffi en Mille livres d'amende.
AUTRE du même jour , portant défenſe d'expofer
en vente des Pigeons & Lapins en vie , les
jours de Dimanches & Fêtes , fur le Quay de la
Megifferie & autres Lieux.
AUTRE du même jour , portant défenſe aux
Marchands de fer & autres , demeurans fur le
Quay de la Megifferie & ailleurs , d'embarraſſer
la voye publique par leurs Etalages.
ARREST du 10. Septembre , portant Sup
preffion
NOVEMBRE. 1726. 2607
preffion des Droits ci devant attribuez aux Offi
ces de Controlleurs. Vifiteurs des Fruits entrans
dans la Ville & Fauxbourgs de Paris ; & Quatre
Sols pour livre d'iceux,
SENTENCE du 1 1. Septembre de M. le Lieutenant
General de Police , & M. Piquet de Meleffe
, Grand- Prevôt de la Province de Bretagne ,
Commiflaires du Confeil en cette Partie , touchant
l'Affaffinat du Courier de Lyon & de fon
Poftillon : qui décharge Louis Penil pere , ci- de-"
vant Lieutenant de la Maréchauffée , & Echevin
de la Ville d'Amboife ; Jean Penil Sieur Du Verger
, Perruquier , auffi ancien Echevin de ladite
Ville d'Amboife , & procureur Fabricier de l'Eglife
du bout du Pont ; Louis Penil , fils , Mar
chand de cheveux , & Nicolas Chaumet , Bourgeois
de la Ville de Bourges, tous quatre arrêtez
Agen , & prifonniers ès Prifons du grand Châteler
, Accufez & Défendeurs , pour raifon de
l'Affaffinat commis le 30. Juillet dernier ès perfonnes
du Courier de Lyon & de fon Poftillon .
ARREST du 24. Septembre , qui décharge le
Receveur General des Domaines & Bois de la
Generalité d'Auch , des Affignations qui lui ont
été données au Parlement de Toulouſe , en vertu
des I ettres d'Appel obtenues en Chancellerie par
la Dame la Flambelle & Laurent Cournac les
18. Juiller & 26 Aoult 1726. Ordonne que les
Jugemens du Bureau des Finances d'Auch , fefont
executez felon leur forme & teneur ; enfemble
tout ce qui s'en eft enfuivi. Condamne ladite
Dame la Flambelle & Laurent Cournac a
coût de l'Arrêt liquidé à 75. livres.
SENTENCE DE POLICE du 26. Septembre ,
qui condamne les nommez Amiard , Cochard
2608
& Bourjot , Marchands de Bled , en mille livres
d'amende chacun , pout avoir vendu leurs Bleds
ailleurs que dans les Marchez.by
On donnera deux Volumes du Mercure le
mois prochain , dont le second fervira de Supplement
pour les Pieces reftées en arriere , &
il contiendra la Table generale des Matieres
employées dans les 14. Volumes de cette And
née.
APPROBATION.
'Ay lû par ordre de Monfeigneur le Garde
des Sceaux le Mercure de France du mois
de Novembre, & j'ay crû qu'on pouvoit en permettre
l'impreffion. A Paris , le 4. Decembre
$726.
HARDION.
TABLED T
༤ ) སྱཱ: ༈ ༨༧༢༨
Pleces fugitives , Epitre & Elegie , &c.
2397
Relation des derniers troubles arrivez en
Egypte ,
2 .. 2404
Elegie fur la mort de la Manquile d'Estampes,
212415
Lettre de Bourgogne fur le Phenomene ,
Autre du Havre fur le même fujet ,
Troifiéme Lettre,fur le Phenomene ,
Los Perroquets Fable,
12420
24 6
2443
Le
2609.
Le Retour des Dieux fur la terre , &c. 245 3.
Relation hiftorique des derrieres Guerres &
Revolutions de Perfe ,
Vers à M. le Blanc , Secretaire d'Etat ,
2460
2480
Obfervations generales fur le Dictionnaire
univeriel de la France ,
Enigmes ,
2481
24927
Nouvelles Litteraires des Beaux Arts , & c
2494
Veritable Calendrier chronologique , & c.
2497
Extrait des Difcours de Mrs Mirabeau & Fontenelle
,
Hiftoire de la Comteffe de Savoye , Extrait ,
La.Religion des Gaulois , & c.
2500
2507 .
2514
2522 Dictionnaire des Finances , & c,
Memoires pour fervir à l'Hiftoire des Hom
mes illuftres de la Republique, des Lettres ,
2523
Le veritable état de la France , & c. 2526
Oeuvre de Watteau gravée , &c. 2527
Son Epitaphe ,
2529
Rentrée des Académies , 2534
Ouverture du College Royal,
2537
Ouverture des Ecoles de Medecine , 2538
Découvertes de M. du Quet , 2539
Machines du fieur de l'Erpiniere ,
2542
Chanfon notée ,. 2545
Spectacles 2546
Chaffe du Cerf, Comedie nouvelle , Extrait.
ได้
Pirame & Thyfbé , Parodie:
2547
2554
Nouvelles du Temps de Turquie , Ruffie ,
Pologne , & c.
Naiffances & Morts des Pays Etrangers ,
Nouvelles de la Cour, de Paris , &c.
2561
2976
ibid.
Bene2610
Benefices donnez ,
2581
Ceremonie du Bonnet donné par le Roi au
Cardinal de Fleury ,
Difcours de ce Cardinal au Roi.
2583
2584
Reflexions historiques fur la Dignité de Cardinal
,
Vers de M. de Sennecé.
Morts , Baptêmes ,
Edits , Arretts , &c.
१
23S7
2596
2602
2604
Errata d'Octobre.
Age 2218. ligne 5. la , lifez le.
Page
Page 2251.1 24. empreignées , 1. impres
gnées .
Ibid. 1. 2. du bas , noirs , I. noires.
Page 2257. l. 1. trouva , l . fe trouve.
Ibid. 1. 14. parut , 1. paroît .
Page 2276. 1. derniere du côté 1. du Cefte.
Page 2309. 1. 5. du bas , Peleffe,, . Peliffe , ou
Robe fourrée .
Fantes à corriger dans ce Livre.
Page 2398. ligne 20. c'eſt , lifez eſt ,
Ibid. mettez immediatement avant le Vers
qui fuit la correction précedente , ELEGIR.
Page 2424. L. 14. parcoure , . parcours.
Page 2445. 9. plus d'ici , . plus loin d'ici,
Page 2474. 1. 2. feu , 1. feuls.
La Chanson notée doit regardor la page 2545
MERCURE
DE FRANCE ,
DÉDIÉ AU ROT
DECEMBRE. 1726.
PREMIER VOLUME
QUE COLLIGIT SPARGIT
A PARIS ,
( GUILLAUME CAVELIER , au Palais
GUILLAUME CAVELIER , fils , rue
Chez S. Jacques , au Lys d'Or.
IN. PISSOT, Quay de Conti à la defcente
du Pont,au coin de la rue de Nevers
MDCC. XXVI.
Avec Approbation & Privilege du Roi.
A VIS.
1
L
' ADRESSE generale pour toutes
chofes eft M.
MOREAU ,
A
Commis au Mercure vis - à- vis la Comedie
Françoife , à Paris. Ceux qui pour leur
commodité voudront remettre leurs Paquets
cachetez aux Libraires qui vendent le
Mercure à Paris , peuvent fe fervir de
Cette voye pour les faire tenir.
On prie très - inftamment , quand on
adreffe des Lettres ou Paquets par la Pofte,
d'avoir foin d'en affranchir le Port ,
comme cela s'eft toujours pratiqué , afin
d'épargner à nous le déplaifir de les
rebuter , & à ceux qui les envoyent ,
celui , non - feulement de ne pas voir
paroître leurs Ouvrages , mais même de
1 les perdre , s'ils n'en ont pas gardé de
copic.
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , ou tes particuliers qui fouhaiteront
avoir le Mercure de France de
la premiere main , & plus promptement ,
n'auront qu'à donner leurs adreffes à M.
Moreau , qui aura foin de faire leurs paquets
fans perte de temps , & de les fair
porter fur l'heure à la Pofte , on anx Mes
fageries qu'on lui indiquera,
Le prix eft de 3o. fols
MERCURE
DE FRANCE ,
DĚDIE AU ROT
DECEMBRE . 1726 .
PREMIER VOLUME.
XXXXXXXXXXXXXXXXXX XXX
PIECES FUGITIVES ,
en Vers & en Profe.
LA BEAUTE,
ODE ,
A Madame la Marquife de V *.
ParM.des Forges Maillard,A. A.P.D.B.
B
Eauté , fubtil poifon de l'ame ,
Qui nous enchantes & nous perds,
Tifon dont la rapide flamme ,
Embrafa cent fois l'Univers,
I. vol.
A ij Quel
2612 MERCURE DE FRANCE .
Quel Dieu vengeur , quel coup de foudre ,
Réduira les Autels en poudre ,
Ou ton fantôme eft encenſe ;
Et t'arrachant ton Diadême ,
T'abbatra de ce rang fuprême ,
Où le vice épris t'a placé ?
W
Aux yeux humains toûjours maſquée ,
Tu montres d'aimables dehors
Une ame interdite , offuſquée ,
>
Cede à tes magiques efforts.
Mais par quelles lâches foibleffes ,
Par quelles indignes baffeffes ,
Faut-il acheter tes faveurs
Imperieufes , tu ne donnes
Le prix honteux de tes Couronnes ,
Qu'à des captifs & des flateurs.
Tourment des coeurs , trompeufe mere ,
Des dangereux & faux plaiſirs ,
Yaine & féduifante chimere ,
Tu nous confumes en defirs.
L'impatiente jaloufic
Je vel,
•
L'efpois
DECEMBRE . 1726. 2613
L'efpoir craintif , la fantaiſie ,
L'audace aux projets effrenez ,
L'effroi , la guerre à l'oeil funefte ,
L'Adultere & l'infame incefte ,
Sont tes enfans infortunez.
Que de Batailles , que d'allarmes ,
Que de noirs forfaits enfanta ,
L'encens qu'à l'éclat de tes charmes
Le fils de Priam (4) prefenta.
Sa Patrie aux flammes en profes
Sous l'herbe , la fuperbe Troïe
Vit aneantir fon orgueil.
Et Pirrhus (6) boüillant de colere ,
Du meurtre du Fils & du Pere ,
Paya ton infidele accueil.
A ton gré , ton pouvoir perfide ,
Produit des changemens divers .
Le Héros le plus intrépide ,
Languit , avili dans tes fers .
(a) Pâris.
(6) Fils d'Achille.
1. vol.
A iiij Annibal
2614 MERCURE DE FRANCE.
Annibal marche au Capitole ,
De victoire en victoire il vole ,
Rome eft prête à fubir fa loi :
Tu paroîs ; ton aſpect l'arrête ,
Et déja fûr de fa conquête ,
Il ne la laiffe que pour toi . (a)
諾®
Par toi la raiſon révoltée ,
S'emporte en excès odieux ;
Quelquefois Lionne indomptée
Ses mouvemens font furieux ,
Quelquefois rampante , captive ,
Elle eft languiffante & plaintive ,
Toûjours yvre de ton poiſon -
Ainfi de toi feule obfedée ,
De fon Siege elle eft dégradée ,
Et ceffe d'être la Raifon.
Un feul homme en renverſe mille , (b)
Par toi feule il eft abbatu .
De David une fois fragile ,
Tu précipites la Vertu.
(a) Les délices de Capouë.
(b) Sanfon.
1. vol.
Sen
DECEMBRE. 1726. 2619
Son Fils , modele de fageffe , (a)
Devient par ta coupable adreffe ,
Un Monftre d'impudiciteza
Et de Jean , la tête facrée ,
Par un Barbare (6) t'eft livrées
Pour prix de tes lubricitez, (c) boní..
Joffe
Qué de caprice & de manie,
Tod' sodo de
Dans la façon de t'eftimer G
Selon le different génie al afinshoopg
Tu fçais differemment charmer
Tel de fon ame impetueufesion sloqué n '
Suivant l'ardeur voluptueufe , plus SMA'I
Croit te trouver dans la laideuretdout re
Et cette difforme rivale , best at Mey
Qui t'affronte & qui te ravale , pics
Sur toi remporta plus d'un coeuraalne
Amas de pouffiere & de boue ,
De quoi peux- tu t'enorgueillir se
On te méprife , on te baffoleant outw
(a)
Salomon.ol 25thto
(b) Herode.
(c) La fille d'Herodias
I. vol.
A iiij Quand
616 MERCURE DE FRANCE.
Quand tu commences à vieillir .
Au moindre mal s'évanouiffent
Tous les attraits qui t'embelliffent ;
Tu n'es plus comparable à toi:
Et la fiere mort qui nous venge ,
Survient à tout âge & te change!
En objet d'horreur & d'effroi
器
Volage & folle Courtiſanne ,
Qu'accompagne la vanité ;
Ceffe , fimulacre prophane #7
D'ufurper le nom de Beauté.varð eb LT
L'Ame feule à droit d'être belle,
Pure , humble , à fes devoirs fidele
Voilà fes folides appas, z vrnemu 9. 9
C'est par là , qu'à jamais vivante
Sa Beauté refte triomphante ,
Du temps rapide & du trépas
De ces Versi divine Marquifey
Tu me preferivis le deffein ;
Ma Veine à tes ordres foumife ,
Youlut s'en difpenfer envain .
J: vol Dieux !
DECEMBRE. 1726. 2617
Dieux ! quelle étrange complaisance !
Quelle exceffive obéiffance !
D'outrager ainfi la beauté !
Tandis qu'en toi je vois reluire ,
Mille attraits que chacun admire .
Et dont mon coeur est enchanté.
SUITE DE LA RELATION
des derniers troubles arrivez en
Egypte.
E 18. Juin 1719. deux Beigs , qui
deux
Lpourfuivoient Cherkes , revinrent
au Caire avec quatre ou cinq Prifonniers
; mais les Arabes qu'il avoit laiffez
à fes trouffes , l'ayant joint à cinq
lieuës d'Ifis , entre Hanika & Bulbeis , près
du chemin qui mene en Syrie, Cherkes
fit volte-face, & quelqu'inégale que fut
la partie , le combat recommença. Ces
Arabes conviennent qu'il fit des actions
d'une valeur furprenante. Il tua de fa
main plus de vingt perfonnes , & fon
Sabre s'étant brifé en trois pieces , il fe
fervit de celui qu'il portoit , fuivant l'ufage
du Païs , le long de fa Scelle. Enfin
bleffé en trois endroits , les forces lui
I. Vol. A V
2618 MERCURE DE FRANCE.
manquant & fes Gens s'étant mis en
fuite , il fut pris & conduit le 19. chez
fon Ennemi , d'où il partit le 21. fous
bonne garde , pour être embarqué à Damiette
& de-là paffer en Chipre , où on
le relegua .
Cherkès avoit trop d'efprit & de courage
pour fe laiffer abattre par ce revers
de fortune . A peine fut- il arrivé
au lieu de fon éxil , qu'il prit fes mefures
pour le remettre en liberté. La fortune
& la fidelité de fes amis , feconderent
fes projets. Ses Partifans freterent
une Barque ; & s'étant rendus fecrettement
à Chipre , ils le ramenerent au
Caire.
Ifinaël Beig Emir Hadgi , profitant de
fon abfence , avoit , pour ainfi - dire ,
réduit tout le païs fous fon obéïffance .
Cherkès ceda au temps ; il fe tint caché
dans la Ville , & à force d'argent &
de follicitations il obtint enfin de la
Porte , les ordres nécellaires pour fon
rétabliffement.
Cependant , Ifmaël Bey Emir Hadgr ,
n'étoit pas le feul ennemi redoutable de
Cherkès. Les liberalitez de ce jeune
Seigneur , avoient attaché fi fortement
Aly , Pacha de l'Egypte , à fes interêts
qu'ayant reçû jufques à trois Katcherifs
ou Commandemens pour le rétabliffe-
1. vol. ment:
DECEMBRE. 1726. 2619
ment du Beig fugitif , il avoit toûjours
éludé leur execution .
La Porte s'offença enfin de n'être pas
mieux obéie. Regeb , Pacha d'Alep , fut
nommé au Gouvernement de l'Egypte
& à peine y fut-il arrivé , qu'il fit renfermer
l'ancien Pacha dans la Prifon de
Jofeph , où il fut étranglé peu de temps
après , par , par ordre du G. S.
Ce n'étoit encore là , pour ainfi dire ,
qu'un prélude & non le coup de partie.
Il étoit queftion d'abattre abfolument la
faction de l'Emir Hadgi , dont le crédit
donnoit de l'ombrage à la Porte , & de
remettre en fes biens & en fes dignitez
Cherkès , qui jufques - là n'avoit ofé paroître.
Regeb prit là - deffus toutes les
mefures convenables.
Abdoullah , Beig du parti contraire ,
ayant été envoyé avec des Troupes &
des provifions , au- devant de la Caravane
de la Meque , fut attaqué & défait
par les Arabes ; quatre autres Beigs de
la même faction , furent commandez
pour aller avec leurs Troupes à fon fecours
, & les créatures de l'Emir Hadgi .
fe trouvant par là difperfées , le Pacha
executa enfin une partie des ordres dont
' il étoit chargé.
Il commença par communiquer un
Katcherif, qui lui donnoit plein pou-
A vj voir
1. vol.
2620 MERCURE DE FRANCE.
voir de faire ce qu'il jugeroit à propos
pour le bien de l'Empire ; & ayant changé
le nouveau Kiaya des Janniffaires qui
lui étoit fufpect , & mis ce Corps de Milice
dans fes interêts, le 21. Novembre,
jour de Divan , il fit appeller dans fon
Appartement , Ifmael Bey Tefterdar &
le Chaoux lar Kiayaffi ; & leur ayant reproché
leur defobéiffance aux ordres du
G. S. il les fit poignarder devant lui, &
commanda que leurs corps fuflent traînez
par les rues du Caire.
Cette action , à laquelle perfonne ne
s'attendoit , n'infpira d'autres mouvemens
que ceux de la furpriſe & de la crainte .
Regeb profita de ces circonftances . Dès
le jour même Cherkès fut rétabli & reparut
, & le lendemain les Agas des differens
Corps de Milice furent deftituez ,
& leurs emplois donnez à d'autres. Les
Azabs fe voyant feuls , & hors d'état
de fe remuer , furent obligez de fuivre
Ja même loi.
Cependant l'Emir Hadgi , qui étoit allé
au- devant de la Caravane,fe trouvoit encore
à la tête d'un parti formidable. Regeb,
pour diminuer fa puiffance par l'aug
mentation de celle de fon Concurrent ;
revêtit de la dignité de Beig , Cutchuc
Kaffim , parent de Cherkès & Ahmed
Effendi , le même à qui ce Seigneur avoit
A vola accordé
DECEMBRE. 1726. 2621
accordé azile l'année precedente. Non
content de cela il fit lire le lendemain
un Katcherif, par lequel le G. S. déclaroit
Rebelles l'Emir Hadgi & fes adherans
, & en confequence il donna ordre
d'appofer le fcellé à fa maiſon , à celle
d'Ifmael Beig de Girgé , d'Ifmaël Beig
Tefterdar , d'Abdoullah Beig & du
Chaoux-lar Kayaffi. On dit que les biens
de ces Rebelles , montoient à des fommes
fi confiderables , que la Porte n'em
a pas tiré moins de cinq à fix mille
Bourfes , c'eft - à - dire , de huit à neuf
millions de livres.
Le 25. du même mois , il fe tint par
ordre du Pacha , une Conference chez
Cherkès , dans laquelle il fut réfolu d'envoyer
contre l'Emir Hadgi quatre Beigs
avec mille hommes de Milices outre
cela mille Arabes eurent ordre de fe
trouver à portée de les foutenir . Ces
Troupes partirent le 30. on mit auffi des
gens de guerre fur toutes les avenues de
la Ville , & on changea les gardes des
paffages , pour empêcher toute communication
avec les Rebelles . On intercepta
par ces précautions des Lettres de l'Emir
Hadgi , qui recommandoient de ne
rien ménager pour traverfer le rétabliſ
fement de Cherkès , & de chaffer même
pour cela , s'il le falloit , le nouveau Pacha
Deux
1622 MERCURE DE FRANCE.
Deux ou trois jours après , de nouvelles
Troupes fortirent , pour fe joindre
aux premieres , & le 5. Decembre
le Kiaya de Regeb fe mit en Campagne
avec quatre Beigs ; & les cinq Agas des
Bouluk de Cavalerie , ayant appris que
l'Emir Hadgi avoit abandonné la Caravanne
à la defcente de la Montagne de
l'Acabe , & s'étoit enfui fur des Dromadaires
avec Ifmael Beig de Girgé , & Abdoullah
, creature de fon pere , fans que
l'on fçût le chemin qu'ils avoient pris ,
le Kiaya rentra le lendemain dans le Caire
avec les Troupes.
י
Le bruit courut le 8. qu'on l'avoit vû
à trois journées de Gaze , fur le chemin
de Syrie. La Caravanne , qui commença
d'entrer ce jour- là , fut vifitéet
avec exactitude , de crainte que quelques-
uns des feditieux n'euffent tenté
cette voye pour fe jetter dans la Ville .
Cependant les Peuples , ignorant les
deffeins de leur Pacha , s'attendoient
d'un jour à l'autre à de nouveaux évenemens
. Toutes les Milices étoient fur
pied ; les Officiers des Janiffaires envoyerent
de tous côtez pour rappeller
leurs Soldats , & ils firent , ainfi que les
Azabs , garder les poftes de leurs Odgiaks
, du côté du Château. Le 12. y
ayant eu quelques foupçons , que le Chef
*. vol. rebelle
DECEM BRE. 1726. 2623
rebelle étoit rentré fecretement dans la
Ville , le Pacha convoqua une Allemblée
generale chez Mehemed Bey , revêtu
depuis peu , par la deftitution de
l'autre , de la dignité d'Emir Hadgi ; il
y fut conclu & figné , que perfonne ne
donneroit azyle à aucun de ces profcrits,
& que fi l'on en découvroit quelqu'un
de caché , non feulement celui qui l'au
roit reçû , mais encore tout le quartier
feroient punis feverement. Cette refolution
fut confirmée le lendemain par un
Hodjet ou Acte juridique , & ce même
jour le Pacha augmenta de nouveau le
credit & la puiflance de Cherkès , en
honorant Ibrahim Kiachif , fon ami , de
la dignité de Beig . Le parti des Janiffaires
fe fortifiant ainfi tous les jours ,
au préjudice de celui des Azabs , les
quatre principaux Odabachi de ces derniers
, fe firent Janiffaires avec l'agrément
du Pacha , qui faifant fucceder
quelques marques de clemence à la feverité
dont il en avoit ufé d'abord , fit
reftituer une partie des biens des morts
& des fugitifs à leurs enfans.
On ne fut gueres plus tranquille les
années fuivantes , qu'on l'avoit été pendant
les deux dernieres. Ifmael Beig fit
à force d'argent & d'intrigues , ce qu'il
ne s'étoit pas trouvé en état d'entre-
1. vol
prendre
1624 MERCURE DE FRANCE.
prendre à force ouverte ; il rentra dans
le Caire ; il y fut rétabli dans fes dignitez
& dans fes biens , & , ce qui paroîtra
peut- être plus étonnant , il fe raccommoda
fecretement avec Cherkès ,
qui , oubliant les obligations qu'il avoit
à Regeb Pacha le fit defcendre du
Château , c'est- à - dire , le dépoüilla de fa
dignité.
La Porte Ottomane avertié de ces
mouvemens donna le Gouvernement
>
de l'Egypte à Nitchangi Mehemed
à condition d'envoyer la tête d'Ifmael-
Beig à Conftantinople. Le nouveau
Pacha vint au Caire , & fit pendant
deux ans tout ce qui lui fut poffible
pour executer fa commiffion , mais
n'y voyant aucun jour , il s'ouvrit enfin
à Cherkès, & l'engagea dans cette entrepriſe
,, par la promeffe qu'il lui fit de
la part de Sa Hauteffe , du Commandement
abfolu de l'Egypte.
Cherkès accepta aifément une propofition
fi avantageufe pour fe défaire de
fon ancien ennemi ; fon genie vif & entreprenant
, ne lui permettant point de
garder tant de mefures , il entreprit de le
faire poignarder en plein Divan , & il
executa ce hardi projet : après quoi ayant
attiré chez lui quatre Beigs , créatures
du défunt , il les fit jetter dans le Nil.
CherDECEMBRE.
1726. 2625
Cherkès , voulant faire connoître enfuite
qu'il ne fçavoit pas moins recompenfer
fes amis , que fe venger de fes
ennemis , it revêtit , du Caftan où Robe
de Beig , Jutfukar , un des complices de
l'affaffinat ; mais ayant pris depuis quel
que ombrage de fa conduite , il l'éloi
gna , en lui faifant donner un Gouvernement
, & deux jours après il en voya
des gens après lui pour le poignarder,
pendant qu'il faifoit maffacrer lui -même
, ceux qui l'avoient aidé à ſe défaire
d'Ifmaël. Jutfukar , averti à temps , évita
la mort par la fuite.
4
Si les richeffes immenfes & le nombre
des creatures d'Ifmael , qui avoit 400. Villages
à lui , avoient allarmé la Porte , la
conduite hardie de Cherkès , devant qui
tout plioit, ne lui donna pas moins d'ombrage.
Le nouveau Pacha reçut des ordres
réïterez d'envoyer la tête de ce Beig ; la
chofe étoit d'autant plus difficile qu'il n'alloit
plus au Divan : le Pacha prenantdonc
le feul parti qu'il eut à prendre , diftribua
de l'argent à ce qui reftoit de la faction
contraire , & fit défenſes aux fept
Corps de Milice de s'affembler à l'avenir
, ni chez Cherkès , ni chez le Tefterdar
, qu'il declara rebelles ; mais cette
démarche eut un fuccès tout contraire à
celui qu'il s'étoit propofé ; car les Corps
1. vol.
de
1626 MERCURE DE FRANCE.
de Milice s'étant rendus le lendemain
chez Cherkès pour l'informer de ce qui
fe paffoit , il fit allembler les gens de
Loi , & les engagea à figner l'Acte de
dépofition de Mehemed , fous prétexte
qu'il diffipoit les deniers & les grains
deſtinez pour la Mecque.
Après cette action Cherkès revêtit le
Tefterdar du Caftan de Caimacam , &
députa un Officier de chaque Corps de
Milice , pour aller annoncer au Pacha la
ceffation de fon autorité. Mehemed fit
quelque difficulté de fortir du Château ,
mais les Troupes l'ayant entouré , il fut
contraint de ceder. Il fut conduit aux
cris de la populace , qui le chargeoit d'im▾
précations , dans une maifon où il reſta
à la garde d'une Compagnie de Janiſſai,
zes , jufques à l'arrivée d'un nouveau
-Pacha.
Ce nouveau Gouverneur fut Aly .
Pacha de Candie ,› que le Chaoux Bachi
vint inſtaller au Caire , par ordre du
G. S. Il donna , dès qu'il fut arrivé , la
Charge de Tefterdar à Ahmed Beig ; &
ayant affemblé les Corps de Milice , il
leur fit lire un Commandement , par
lequel Sa Hauteffe leur demandoit s'ils
étoient rebelles ou non à fes ordres . Les
Milices ayant répondu qu'elles y étoient
foumifes , le Pacha leur dit , que , puif-
*. vol.
que
DECEMBRE. 1726. 2627
que cela étoit ainfi , le G. S. leur demandoit
les têtes de huit perfonnes , dont
les noms leur feroient déclarez le lendemain
Ce debut mit tout en mouvement dans
le Caire , les Puiflances du pays envoyerent
confeiller au Pacha de fe tenir en
repos , & Cherkès ne vouloit pas moins
que le dépofer , comme fon Prédeceffeur
l'avoit été ; mais fes amis lui ayant
confeillé de prendre des voyes plus douces
, il promit mille bourfes pour Sa
Hauteffe , & en donna trois cens au Pacha
, & autant au Chaoux Bachi , moyennant
quoi le Pacha declara le lendemain
en plein Divan , que l'Egypte étoit purgée
des Tyrans , & mit à neant toute
accufation de felonie , concuffion , pillage
, monopole , &c. Non content de cela
, il offrit à Cherkès la dignité d'E
mir-Hadgi , en effayant de lui perfua
der qu'il n'avoit deformais rien à craindre
; mais Cherkès , qui ne jugea pas à
propos de s'y fier , s'excufa de monter
au Divan.
Cependant le Chaoux Bachi , jugeant
que ce nouveau Pacha favorifoit les re
belles , fit part à l'Ancien des ordres
qu'il avoit de faire perir Cherkès . Ils
delibererent enfemble fur les mefures
qu'ils avoient à prendre , après quoi le
1. vol. Chaoux
2618 MERCURE DE FRANCE .
Chaoux Bachi alla reprefenter les mêmes
chofes à Aly Pacha ; mais celui- ci ,
irrité de ces remontrances , le prit au
collet ; & lui ayant répondu , qu'il ne
fouffriroit point que de fon temps il y
eut du fang répandu , il le menaça de
lui faire couper la tête , & l'obligea de
fe retirer .
Le lendemain Cherkès , informé de
ées démarches , demanda qué le Chaoux
Bachi fut renvoyé , fur quoi ce dernier
reçût ordre du Pacha de partir fans délai
, ce qu'il fit le jour même.
Pendant que ces chofes fe paffoient,
Mehemed,ancien Pacha, a voit tout mis en
oeuvre pour fortifier fourdement fon parti.
par la jonction de l'Odgiakdes Azabs . Ses
deffeins ayant réüffi, il envoya en prefent,
au Chaoux Bachi , qui n'étoit qu'à une
demi- lieue de la Ville , deux chevaux ,
dont l'un feulement étoit harnaché. C'étoit
apparemment un fignal convenu entre
eux , car le Chaoux Bachi ne l'eut
pas plutôt reçû , que fous prétexte de
l'en remercier , & de venir prendre fes
dépêches , il fe rendit au Caire , & defcendit
chez lui. Mehemed , feignant
d'attribuer fon retour à fon impatience ,
le reçut d'un ton irrité , l'envoya chez
fon Kiaya , attendre que fes Lettres fuffent
prêtes , mais le für- lendemain ,
Kaf
fim
DECEMBRE. 1726. 2629
fim Beig & Vau Kiaya , creatures de
Cherkès , ayant été affaffinez dans le
temps qu'ils alloient au Divan , l'on ne
garda plus de mefures. Mehemed , fon
Kiaya , & le Chaoux Bachi , s'empare
rent de l'Odgiak des Azabs , & pointerent
du canon contre la maifon de Cher
kès.
Quoique pris au dépourvû , Cherkès
foutint ce fiege pendant plufieurs jours
avec fon intrepidité ordinaire, mais enfin
le9.Fevrier 1726. la plus grande partie
de fes gens l'ayant abandonné,à la vue du
Pavillon de leur Prophete , il coupa luimême
la tête à 12. jeunes & belles Efclaves
, & à deux garçons qu'il avoit
chez luis aprés quoi , fe faifant préceder
par un de fes principaux domeſtiques
, & à la tête de cent cinquante Ca
valiers bien armez , il fortit à cheval
avec quarante Seigneurs de fon parti , &
donnant tête baiffée fur les Troupes du
Pacha , il fe fit jour , & prit la route du
Caire. Les dernieres nouvelles portent,
qu'ayant trouvé à deux journées de là le
fils du Dey d'Alger , qui revenoit de la
Mecque , ils le font joints enſemble , &
qu'ils font arrivez le quatrième Avril à
Tripoly de Barbarie , où le Bey a parfaitement
bien reçû Cherkès. Cependant
Mehemed , qui avoit eu une fi grande
1. vol.
part
2630 MERCURE DE FRANCE.
t
part dans cette action , a été rétabli dans
fon Gouvernement , & la Porte a honoré
le Chaoux Bachi du titre de Pacha à
trois queues.
De Conftantinople , ce 16. Juillet 1726,
Par L. C. D. C.
XXXXXXXXXXXX :XXX
La Converfion de Mademoiselle de Larroque
à la Religion Catholique fous
Le nom d'Artemire.
POEM E.
Ans le fein de l'erreur Artemire étoit
Danée ,
D'aveugles préjugez victime infortunée.
Au Printemps de fes jours , par mille appas
vainqueurs ,
Elle enchantoit les yeux , & raviffoit les
coeurs .
La vertu , qu'on voyoit accompagner fes
charmes ,
A fa rare beauté prêtoit encor des armes.
Que de triftes regrets , que de finceres voeux
On donnoit chaque jour à fon fort malheu
reux!
Jo vole
Mais
DECEMBRE. 1726. 2631
Mais la Religion , bien plus fenfible encore
,
Voit fon égarement , le plaint , & le déplore.
Jufques à quand, dit - elle , en répandant des
pleurs ,
Ne cefferas-tu point de me ravir des coeurs,
Herefie odieufe , implacable rivale ?
Du moins fi ton poifon , fi ton erreur fatale
,
M'enlevoit des objets moins chers , moins
précieux.
Mais puis-je refufer des larmes à mes yeux
Quand je vois du merite , & des vertus finceres
,
Dans les coeurs qu'ont feduit tes funeftes
chimeres ?
Jeune Artemire , toi digne d'un meilleur fort,
Quitte un chemin trompeur , qui te mene à la
mort ;
Viens à moi ; fois fenfible à la voix qui t'appelle
...
Tu ne m'écoutes point .... Vous , fecondez
mon zele
Grace pu iffante , entrez dans ce coeur tenebreux
,
Faites-y penetrer un rayon de vos feux :
7. vol
2632 MERCURE DE FRANCE;
1
Un feul de vos regards l'aura bien- tôt chan
gée ...
Quels tranfporrs ! quelle ardeur ! ... vous
voilà donc vengée ,
O Religion fainte ! Artemire à vos loix ,
Du préjugé , du fang immole tous les droits.
Paroiffez fentimens de cette ame fidelle ;
Montrez nous tout l'excès de fon ardeur nouvelle.
Comment avez- vous pû m'aveugler fi long
temps,
Dit- elle , faux attraits phantômes feduiſans a
Quand je vous refiftois , ô Rome ! cité fainte,
Je ne connoiffois pas que hors de votre enceinte
,
Tous les efforts ne font qu'égarer loin du
port ,
Et tous les chemins conduiſent à la mort.
Ancienne verité , quoique pour moi nouvelle ,
Si mon coeur à vos Loix fut fi long - temps rebelle
,
Vous feule deformais aurez tous mes foupirs
Et vous feule ferez ma joye & męs plaifirs.
Mais j'ai dans mon bonheur encor des voeux
à faire..
Efprit Saint , dont la grace en ce moment m'éclaire
,
No wels
Puifficz
DECEMBRE 1726. 2633
Puiffiez vous toucher ceux dont j'ay reçû le
jour.
Montrez-vous: vous allez obtenir leur amour.
Pour charmer tous les coeurs , vous n'avez
qu'à paroîtres
Et s'ils font malheureux, faute de vous con->
noître ,
Be vos celeftes feux daignez les enflammer :
Vous les verrez bien- tôt forcez de vous aimer .
A Bordeaux , ce Octobre 1726. R.D.G.
SUITE de la Relation hiftorique de la
Guerre de Perfe.
L
E. Roi de Perfe plus fenfible que tout
autre à ce malheur , & ne fçachant
dans la douleur qui l'accabloít , à qui s'en
prendre , fit appeller Achmed Aga , le
blama publiquement de la trop grande
facilité qu'il avoit euc à fuivre les defirs
du peuple , & de fon imprudence d'aller
attaquer , fans l'ordre du Prince d'Hayouza
, les Ennemis jufques dans leurs
retranchemens ajoutant, que fi ce Prin-
'ce l'avoit trahi dans cette occafion , cela
ne pouvoit venir que du chagrin qu'il
ayoit eu de voir par cette fortie fon aucabrī
, vol. Bautorité •
2634 MERCURE DE FRANCE.
authorité méprifée & fes confeil srejettez.
Achmed Aga n'oublia rien pour s'excufer,
& pour faire comprendre au Roi que
la feule neceffité , le bien de l'Etat & celui
de Sa Majefté , l'avoient engagé à une
pareille entreprife ; qu'au refte le Prince
d'Havouza avoit depuis long- temps de
fecrettes intelligences avec Mahmoud ;
& que fon peu de foin à lui refifter ,
joint à une application conftante à éloigner
tout ce qui pouvoit incommoder
ou arrêter l'Ennemi dans fa Victoire
étoit une preuve évidente de fon infidelité
, mais le Roi ne voulant rien écouter
la -deffus , Achmed Aga , trop fenfible
aux reproches qu'on venoit de lui faire ,
& ne croyant pas pouvoir furvivre avec
honneur à un pareil affront , avala la nuit
fuivante du poifon , dont il mourut quatre
ou cinq heures après.
Cette perte d'un homme dont la droiture
, la douceur & la generofité faifoient
le vrai caractere , caufa de la douleur
generalement à tout le monde , &
même au Roi , qui un peu reyenu de fes
préventions contre lui avoit déja réfo-
Ju de dui confier le foin de deffendre la
-Villes & il faut avouer qu'elle avoit
grand befoin, de fon fecours dans la trifte
Tituation où elle étoit réduite par la fa-
-mine.
.
A
Rien
DECEMBRE. 1726. 2635
Rien de plus déplorable que de voir
à quelles extremitez fe porterent alors
& dans la fuite les habitans preffez par
la plus cruelle faim. Tout ce qu'on fçait
être autrefois arrivé de plus horrible
dans la Ville de Jerufalem , pendant que
Tite & Vefpafien la tenoient affiegée ,
s'eft veritablement renouvellé de nos
jours dans la Ville d'Ifpaham , & je puis
même dire que cela a été au- delà .
D'abord au
commencement du Siege
le Roi peu experimenté dans l'Art de
la Guerre , & s'arrêtant trop ailément aux
fentimens de certaines perfonnes indi
gnes de fa confiance & incapables de
donner un bon confeil , fit publier un
Edit , par lequel il deffendoit à tous les
Citoyens & même aux Etrangers , de
fortir de la Ville , fous quelque prétexte
que ce fut. Bien plus , tous ceux qui ,
par la crainte de l'ennemi , venoient en
foule des Villages voifins , étoient reçûs
dans la Ville ; de forte qu'il y avoit une
fi grande multitude de perfonnes inutiles,
que non-feulement les maiſons , mais
encore les Jardins , les rues & les Places.
publiques en étoient remplies. Malgré
tout cela , avant que la Ville fût inveftie
& les paffages occupez , les vivres y
étoient à affez bon marché mais dès
qu'elle fut inveftie , tout commença à
Kids vol, J Bij être
2535 MERCURE DE FRANCE.
་
être à un prix exceffif ; un pain d'environ
douze livres de France , fe vendoit
au mois de Juillet 8. à 10. Piaftres ,
au mois d'Août , 30. 'au mois de Septembre
, cent , & enfin au mois d'Octobre que
la Ville fe rendit , il monta jufqu'à 200 .
Piaftres. Les chevaux dont le Roi même
étoit obligé de faire fa nourriture ordinaire
, s'achetoient 12. à 1500. Piaftres ;
les chiens & les chats furent recherchez
& mangez par les particuliers qui en
avoient ; enfin la mifere devint fi grande
, qu'on n'eut plus d'horreur de fe
nourrir de chair humaine . On voyoit des
perfonnes qui n'avoient que la peau &
les os , chercher dans des cadavres dé..
charnez , dont les rues étoient pleines, de
quoi foutenir encore les foibles reftes
d'une vie languiffante , que la faim leur
alloit bientôt ravir d'autres parcou
rant les rues en fureur , avec des maffuës
de fer , tuoient les premiers qu'ils
rencontroient fans défenfe , & s'en nourriffoient
après. Les meres mêmes n'épargnoient
pas leurs propres enfans ' ; infenfibles
à leurs cris & à leurs larmes ,
elles étoient les premieres à les mallacrer
& à les manger.
Mais ce n'étoit pas feulement parmi le
peuple que ces cruautez barbares s'éxerçoient
: les perfonnes les plus diftinguées
J. vole
après
DECEMBRĚ. 1726. 2637
après avoir confommé tout leur ar
gent , le voyoient obligées d'en venir
aux mêmes extremitez . Quelques fa
milles feulement ne pouvant par une
horreur naturelle fe réfoudre à de pa
reils excès aimerent mieux mourir
, que de vivre fi miferable
ment & d'une maniere fi contraire à l'hu→
manité..
par le poiſon , que
Telle a été à peu près la cruelle fituation
de la Ville d'Ifpaham , durant
deux mois & demi ; le nombre de ceux
qui moururent en ce temps- là , va audelà
de ce qu'on peut s'imaginer. Les
Jardins & les Places publiques étoient
comme autant de Cimetieres . On avoit
jetté une fi grande quantité de cadavres
dans la Riviere , que même l'année d'après
on n'ofoit par horreur en manger
le poiffon.
: Si Mahmoud eût voulu dans ces malheureuſes
conjonctures , attaquer la Ville,
il l'eût prife immanquablement d'affaut
& cela fans beaucoup de peine ; mais defirant
fe conferver les tréfors du Roi &
des Grands , qui , fans doute , euffent été
enlevez par les Soldats dans la chaleur du
pillage , it fe tint tranquille pendant plus
de 40 jours , amufant toûjours les Perfans
par de vaines capitulations ; affuré
qu'il étoit de fon entreprife , qui ne pou
Bij voit
1. vol.
2638 MERCURE DE FRANCE.
voit manquer de réüffir , il attendoit chas
que jour que le Roi & la Ville fe rendiffent
à diſcretion , & c'eſt ce qui arriva
en cette maniere , le 23. Octobre de la
même année 1722.
D'abord le Roi , pour adoucir la ferocité
de fon vainqueur , & pourvoir en
même- temps à la fûreté de la vie , pour
laquelle il avoit tout à craindre , choifit
parmi les Princeffes fes filles , celle qui
par fa beauté , fon efprit & fes manieres
engageantes , devoit le plus agréer à
Mahmoud , & la lui envoya avec de trèsriches
prefens , le priant inflamment de
vouloir bien l'accepter pour fon époufe .
Après quoi s'étant dépouillé de toutes
les marques de la Royauté , & revêtu
d'un habit noir , il parcourut à pied , les
larmes aux yeux & dans la pofture la
plus humiliante , les principales ruës de
la Ville , déplorant fon malheur & les
triftes ruines de fa famille , qui alloit être
bien-tôt réduite à un dur efclavage .
Le peu d'habitans qui reftoient dans If
paham , touchez d'un fpectacle fi éton - t
nant & fi digne de compaffion , ne purent
eux-mêmes retenir leurs larmes ; &
oubliant dans cette occafion leur propre
mifere , ils ne paroiffoient fenfibles qu'à
celle de leur Prince. Leurs cris redoublez
fe faifoient entendre de toutes parts,
I. vol.. &
DECEMBRE : 1726. 2639
&
& parvinrent même jufqu'à Zulfa , où
ils porterent la douleur & la compaffion
dans le coeur de tous ceux qui y étoient.
Après cette trifte & lamentable ceremonie
, le Roi reprit ſes habits ordinaires ,
ayant mis la Couronne fur fa tête , il
fortit de la Ville , accompagné d'environ
300. perfonnes des plus diftinguées de
fa Cour , & fe rendit au Camp de Mahmoud.
On n'oublia rien pour engager ce Rebelle
à aller au- devant de fon Roy ; mais
on ne put rien gagner fur un efprit , à
qui une orgueilleuſe fierté faifoit regarder
ce devoir comme une chofe indigne
d'un vainqueur. Il fe contenta feulement,
à fon arrivée , de fe lever de fon fiege
& de lui rendre fimplement le falut qu'il
n'auroit pas même pû refufer au dernier
de fa Cour.
Une maniere fi hautaine révolta tous
les efprits : les Ennemis même , & furtout.
Acheraf , un des Chefs des Aghuanis
, qui étoit proche parent de Mahmoud
, ne purent s'empêcher d'en témoigner.
publiquement de l'indignation .
Le Roi , cependant , fans rien faire paroître
du chagrin dévorant qu'il reffentoit
au fond de fon coeur , s'approche de
Mahmoud , il l'embraffe comme s'il eût
été le meilleur de fes amis , le reconnut
I. vol. B iiij pour
2640 MERCURE DE. FRANCE.
pour
fon pour fon gendre , l'adopta enfin
fils, & lui fit par écrit une ceffion authentique
de fon Royaume,à lui & à fes def
cendans , excluant même pour jamais de
la fucceffion fes propres enfans & ceux
qui en naîtroient.
Pour toute reconnoiffance d'un bienfait
fi confiderable, le Roi ne lui demanda que
deux chofes . La premiere, qu'il ne touchât
point à fes Concubines : la feconde ,
qu'il s'engageât par ferment à lui conferver
la vie & celle de fes enfans , les
Princes du Sang , qu'il devoit regarder
comme fes freres cadets , en qui il trouveroit
toûjours tout le refpect , toute la
foumiffion & toute la fidelité qu'il fouhaiteroit
. Mahmoud s'engagea fans peine
, & même volontiers, à tout ce qu'on
exigeoit de lui. Après quoi le Roi prenant
fa Couronne , la lui mit fur la tête ,
Jui prefenta le Sceptre , & lui livra en
même temps les Clefs de fon Palais &
de fes tréfors , l'affurant qu'il le reconnoiffoit
dès ce moment & le reconnoîtroit
toûjours dans la fuite pour fon maître &
fon unique Souverain .
Les Grands du Royaume & les Gene-
-raux des Aghuanis & des Guebres , fuivirent
l'exemple du Roi de Perfe & fi
rent tous leurs foumiffions . Cependant
Mahmoud , après avoir fait prendre ,
, fe-
I. vol.
lon
DECEMBRE. 1726. 2641
Jon la coûtume du païs , quelques ra
fraîchifflemens au Roi, & à ceux de fafuite
, envoya environ 40000. hommes
pour
fe faifir du Palais Royal , des che- !
mins & des Portes de la Ville , où il fit
fon Entrée publique le 25. du même
mois , dans l'ordre fuivant. 2.
Jacques Curland , précedé de dix à
douze Soldats à pied , commençoit la
marche. Il étoit monté fur un Cheval
richement harnaché , portant les Clefs
de la Ville & du Palais : immédiatement
après venoient 150. Prétoriens ou Soldats
de la Garde , marchant deux à deux ,
& portant en main le fabre élevé ,
Ceux- cy étoient fuivis de 30. Officierki
de Guerre à cheval , fuperbement vêtus,
& formant un cercle , au milieu duquel
étoit le nouveau Roi , la Couronne en
tête & le Sceptre à la main , monté fur
nn Cheval de grand prix , dont le Prince
d'Havouza lui avoit fait prefent quelques
jours auparavant . "Il avoit à fes côtez
les deux principaux Chefs de fon
Armée , Kior Sultan & Amanulla , foutenant
au-deffus de fa tête un petit Dais .
fort riche & parfemé de pierreries qui
éblouiffoient par leur grand éclat. La
marche étoit fermée par cent autres Soldats
de la Garde , ayant , comme les pre
miers, le fabre à la main , & après eux ver
Lá 1. vol. noient B v
8
2642 MERCURE DE FRANCE .
noient les Grands de Perfe , ayant à leur
tête quelques Frinces du Sang , & le
Roy nouvellement détrôné , qu'on appelloit
& qu'on appellera ici dans la fuite
Schah Huffain . Les rues qui conduifoient
au Palais étoient bordées de Soldats , le
Moufquet fur l'épaule , & de diftance
en diftance on faifoit brûler des parfums
dont l'agréable odeur fe répandant dans
toute la Ville , en chaffoit l'infection
que tant de cadavres à demi pourris y
avoient laiffée.
Dès qu'on fut arrivé au Palais Royal ,
Mahmoud fut conduit dans la Salle où
étoit le Trône , fur lequel il fe plaça , &
il fut falué pour la feconde fois en qualité
de Roi de Perfe , par Schah - Hullain,
par les Princes & par les Grands du
Royaume , qui alors étoient en grand
nombre à la Cour. Un moment après ,
on fit une décharge generale de toutes
les pieces d'Artillerie qui étoient dans la
Ville , à laquelle répondirent tous les
Forts & tous les Châteaux des environs .
Il n'y eut dans la Ville rien d'extraordinaire
dans ces réjoüiffances qui furent
ordonnées pendant quelques jours : la mifete
où étoient réduits les habitans , ne
leur permit pas de témoigner beaucoup
de joye dans cette occafion. La difette
neanmoins diminua confiderablement, &
I. vol. le
DECEMBRE. 1726. 2543
le pain que l'on vendoit auparavant 200 .
écus , fut mis par ordre de Mahmoud , à
deux écus & bien - tôt après , les provifions
venant en abondance , les chofes y
furent à un prix affez raiſonnable .
Un fuccès auffi heureux que celui- la ,
fit efperer au nouveau Roy de venir facilement
à bout de toutes les autres entrepriſes
. Maître qu'il étoit de la Capitale
du vafte Royaume de Perfe , ayant
en fon pouvoir le Roi , les Princes & la
plupart des Grands , il ne doutoit point
que les Villes & les Provinces ne le
reconnuffent , & ne fe rendiffent à lui.
Ainfi après avoir reglé toutes chofes dans
Ifpaham , & mis fous une bonne garde
Schah - Huffain & fes enfans , il envoya
à la fin de Novembre 10000, Aghuanis à
Cafuin ou Cafbin , Ville autrefois Capita
le de la Perfe & le féjour ordinaire de fes
Rois , pour l'engager à fe rendre &
à donner la premiere un exemple de
fa foumiffion . Les habitans de cette Ville
, qui n'étoient point préparez à foutenir
un Siege , fe foumirent d'abord ;
mais peu de temps après , ne pouvant
fupporter les indignes cruautez que commettoient
les Aghuanis à leur égard ,
par une fecrette confpiration ils fe révolterent
& en tuerent plus de 4000 .
Les autres ayant perdu tous leurs baga-
11. vol.
B vj ges,
#
2644 MERCURE DE FRANCE .
粉
4
+
"
ges , furent obligez de fuir , & dans le
chemin plufieurs moururent ou des bleffures
qu'ils avoient reçûës ou du froid
qui étoit exceffif, & dont ils n'avoient pas
de quoi fe garantir. Très-peu enfin arriverent
à Ifpaham au commencement de
Février 1723. & Amanulla , leur General
, eut bien de la peine à guerir d'un
coup de Moufquet qu'il avoit reçû dans
l'épaule droite .
La nouvelle de cette défaite affligca
extraordinairement Mahmoud , & lui fit
comprendre combien fa prefence étoit
neceffaire pour foumettre le reste du
Royaume à la domination. Cependant il
ne vouloit pas fi -tôt fortir d'Ifpaham ;
il craignoit que dans fon abfence il n'y
eût quelque révolution qui lui feroit perdre
en un moment tous les fruits de fes
conquêtes. A la verité , il n'avoit rien à
craindre de Schah- Huflain ni des Princes
du Sang , qu'il tenoit bien renfermez
& dont il avoit confié la garde à fes plus
fideles amis. Mais les Grands du Royaume
, à qui il avoit laiffé la liberté , pouvoient
, tandis qu'il feroit occupé à faire
la guerre ailleurs , foulever le peuple
contrelui , faire main-baffe fur les Soldats
qu'il laifferoit & fe rendre maîtres.
de la Ville & des Fortifications.
Pour prévenir cela & s'affurer de la
1. vola Ville
DECEMBRE. 1726. 2645
Ville , il fit d'abord venir de toutes les
Provinces voifines le plus de familles
qu'il put trouver de fa fecte , à qui il
diftribua une partie des maifons de ceux
qui avoient péri dans la famine ; après
quoi , fous prétexte de donner un repas
aux Grands du Royaume , il les affem
bla tous dans fon Palais & les fit poignar
der avec leurs enfans . Leurs cadavres
au nombre de 300. furent jettez dans les
Places publiques . Non -content de cette
cruauté , il fit auffi mourir mille Soldats
de la garde de Schah Huſſain , & 3000 .
Perfans.
1
Quelques jours après , tous ceux qui
étoient propres à porter les armes , furent
malfacrez , les uns dans leurs maifons
, les autres dans leurs Jardins &
beaucoup d'autres dans les rues ou dans
les Places publiques : enforte que felon
le fentiment commun , il y eut dans cette
occafion plus de 25000. hommes tuez de
propos deliberé.
Mahmoud , par un fi horrible carnage,
s'étant défait de tous ceux dont il avoit
quelque chofe à craindre ; & ne voyant
dans la Ville que des gens de fa fecte
de la fidelité defquels il ne pouvoit dou
rer , ne penfa qu'à aller faire de nouvelles
conquêtes . Ainfi après avoir donné
fes ordres & laiffé une affez bonne Gar-
L. vol..
nifor
2646 MERCURE DE FRANCE.
nifon dans la Ville & dans les Châteaux;
il fe mit à la tête de fon armée au commencement
de Mai 1723. & marcha vers
la Citadelle de Guicz.
par
Cette Place bâtie fur le haut d'une petite
colline , eft très - forte , & comme elle
n'eſt dominée par aucun endroit , il étoit
fort difficile de la prendre autrement que
la famine. Zeberdert Kan , un des
Officiers Generaux des Aghuanis , l'avoit
déja attaquée diverfes fois , mais
fans aucun fuccès ; au contraire , il avoit
été toûjours repouffé vigoureufement &
même avec perte. Mahmoud , à fon arri
vée , la fomma de fe rendre ; & fur le
refus qu'en fit le Gouverneur , il envoya
4000. Guebres fe faifir des portes ,
les rompre & forcer la Garnifon à fe
foumettre. Cette entrepriſe ne réüffit pas
felon fes fouhaits ; car ceux qui gardoient
la Citadelle , attentifs à tout ce qui fe
paffoit dans l'armée ennemie , & voyant
les Guebres , la hache à la main , s'approcher
en foule de leurs portes , firent
fi à propos une décharge de toute leur
Artillerie fur eux , qu'ils en tuerent plus
de 2000. les autres épouvantez , prirent
la fuite & retournerent au Camp.
pour
Cependant Mahmoud , prévoyant ce
qui lui en coûteroit s'il s'obſtinoit à vou
loir prendre cette Place par force , &
i. vol. ne
DECEMBRE . 1726. 2647
ne croyant pas d'ailleurs devoir employer
beaucoup de temps à l'inveftir , & atten
dre que la faim l'obligeât à fe rendre
eut recours à un moyen qui lui réüffit .
Il envoya par quelques - uns de fes plus
Confidens , une fomme confiderable d'argent
au Gouverneur , en l'affurant que
s'il vouloit livrer la Place , il en recevroit
bien davantage & auroit un Gouvernement
beaucoup meilleur que celui
qu'il avoit actuellement . Les Soldats de
la Garnifon ne furent pas oubliez , chacun
reçût fon prefent , & bien-tôt après
la Citadelle fe foumit. Mahmoud , pour
fe la conferver , y mit environ mille
Aghuanis , fous un Chef de fes amis &
en ôta le Gouverneur & fes Soldats
qu'il emmena avec lui fous prétexte de
vouloir les faire participer à fes Victoires.
Il prit enfuite fa route vers Benifpaham
: c'eft une petite Ville fituée fur le
penchant d'une colline , au bas de laquel
le s'étend une, agréable & fertile plaine ,
arrofée de divers ruiffeaux d'eau vive ,
qui en Eté rendent ce féjour un des plus
agréables de la Province d'Airak.
Cette Ville remporta plufieurs avantages
fur l'Ennemi , dont elle fit périr un
grand nombre pendant un mois que dura
le Siege ; mais enfin preffé par la mife-
I. vol.
re ,
2643 MERCURE DE FRANCE.
re , elle fe rendit à la perfuafion de Ze-'
berdert-Kan à des conditions honorables.
Les Aghuanis renfermez jufques- là
dans le feul Territoire d'Ifpaham , fon
en fortir & à aller foumettre
gerent
à
les autres Provinces .
Neanmoins comme on craignoit toûjours
quelque foudaine révolution en faveur
du Prince Thamas , que quelques
peuples commençoient à fuivre , on jugea
qu'il étoit neceffaire queMahmoud de meurât
dans le Païs conquis avec une partie de
fes Troupes , pour être à portée de reme
dier promptement aux troubles qui pour
roient y arriver , & que cependant Kior-
Sultan iroit avec l'autre partie fe rendre
maître des autres Provinces & des Villes
les plus confiderables du Royaume. Ainfi
PArmée fut divifée en deux Corps . Kior
Sultan , ayant fous lui Zeberdert Kan, prit
le plus nombreux & alla fe jetter dans
la Province de Fafiſtan , qui après une
genereufe défenſe fe foumit enfin , comme
on le dira dans la fuite. Mahmoud
retint avec lui feulement 2 5000. hommes
avec lefquels il alla attaquer Kulpekin.
Cette Ville qui n'eft éloignée d'Ifpa
ham que de 30. à 35. lieuës , & qui eft
fituée dans une plaine affez fterile , par
le défaut des eaux , tenoit fortement pour
le parti du Prince Thamas. Elle étoit bien
pourvûë
I. val.
DECEMBRE. 1726. 2649
pourvûë de Troupes , de vivres & de
munitions de guerre. La Citadelle , furrout
ne manquoit de rien dé tout ce qui
étoit neceffaire pour pouvoir fe défendre
& foutenir long- temps un Siege.
Dès que Mahmoud y fut arrivé &
qu'il eut appris par fes Efpions la réfolution
des habitans & le bon état de dé
fenfe où étoit la Place , il commença à
craindre & à fe repentir de s'être fi fort
avancé avec fi peu de monde. Cependant
ne voulant pas avoir la honte d'abandonner
fon entreprife , il difpofa tellement
toutes chofes , qu'après avoir fait
faire diverfes décharges de fon Artille
rie contre la Ville , il la fit attaquer
tout à la fois par trois endroits , & cela
avec tant d'ordre & de bravoure , que
malgré la genereufe réfiftance des Affiegez
, il eut tout l'avantage dans cette occafion
& s'empara d'une petite partie
des retranchemens qui lui fervirent beaucoup
pour réfifter dans la fuite aux continuelles
forties qu'on faifoit fur lui &
qui lui enlevoient toûjours bien des Soldats
.
Le Prince Thamas , qui n'étoit qu'à
deux journées de Kulpekin avec 8000.
hommes , fous un Chefnommé Fredronkan
, de la fecte des Aghuanis , ayant fçû
le danger où étoient les Affiegez , vine
1. vol.
4
avec
1650 MERCURE DE FRANCE .
avec fon petit corps d'armée à leur fecours
, & il vint avec d'autant plus de plaifir
, qu'il s'attendoit à avoir un heureux
fuccès. Le petit nombre des Ennemis que
des pluyes continuelles & un froid très-piquant
incommodoit extrêmement , la fidelité
des habitans à fon égard & la bonté
de ſes Troupes , l'affuroient déja par
avance de la Victoire ; mais il fut trompé
dans fon attente . Car à peine fut- il
arrivé , que Fredron- Kan , par une trahifon
des plus noires , abandonnant fon
parti pour embraffer celui de Mahmoud,
vint fe jetter fubitement avec la meilleute
partie des Troupes du Prince qui le
fuivirent , fur ceux qui gardoient les retranchemens
, fit main-baffe fur tout ce
qu'il rencontra & fe faifit de tous les
poftes avantageux qu'ils occupoient . Les
habitans abbatus & confternez de cette
révolte imprévûë , & ne fçachant dans
le trouble où ils étoient comment fe
défendre abandonnerent le refte des
tranchées & fe réfugierent dans la Fortereffe
, qui peu de temps après fut prife
par l'Ennemi , & la Ville fut livrée au
pillage & tous les Citoyens paffez au fil
de l'épée. Le Prince avec le peu de Soldats
qui lui étoient demeurez fideles , prit
la fuite & s'en alla dans la Province du
Mezanderan.
,
1. vol. La
DÉCEMBRE. 1726 2651
n
La Ville de Caffana épouventée au
bruit de ces triftes nouvelles , & craignant
de fubir bien tôt le même fort de
Kulpekin , envoya fes clefs à Mahmoud,
& fe foumit à lui : elle fut traitée avec
toute la douceur que demandoit fa foumiffion.
La fuite fera dans le fecond Volume
de ce mois.
FABLE.
LE SERIN , LA FAUVETTE
ET LE MOINE AU ,
JN Serin amoureux à perdre la raifon ,
Si la raifon chez les Serins habite
Et qui prefque pour tout merite ,
Fredonnoit affez bien une tendre Chanfon
Avoit enfin touché le coeur d'une Fauvette
Jeune , aimable , partant coquette.
Telle conquête en ce temps - ci ,
Eft un grand point . Belles de cette espece
Mal - aifément prennent de la tendreffe:
I. vol .
auf
2652 MERCURE DE FRANCE.
Auff
En coûta-t'il à notre Amant tranfi ,
Tout ce qu'en pareil cas on fçait mettre en
ufage ,
Soupirs , larmes , fermens de n'être pas vo
lage ,
Petits foins , affiduité ;
Tous ces riens qui font grandes chofes
,
Amour , lorfque tu nous expofes,
A recevoir les loix d'une fiere beauté,
Notre Oifeau n'étoit pas à fon apprentiffage
Il expofa fes maux , Fauvette en eut pitié ;
Il n'en falloit pas davantage ,
De plaindre à foupirer bien court eft le voya
ge
Parmi la Gent au petit pié.
Setin fur fes rivaux eut bien - tôt l'avantage ;
Pinçon , Chardonneret , tout fut facrifié.
Le Roffignot en vain étaloit fon ramage ,
Le Serin chantoit mieux ; & fa felicité
Bien-tôt graces aux foins de la tendre Fau
vette ,
J. vol.
Fut complette :
Et
DECEMBRE. 1726. 2653
2
Et fi vous exceptez quelque infidelité
Très legere, à la verité ,
Cet Amant préferé n'avoit plus à fe plaindre
;
Mais tels étoient les Arreſts du Deftin .
Malgré tout fon amour , de l'Oifeau feminin
Le naturel coquet ne pouvoit fe contraindre,
A la fin ce couple emplumé ,
Au milieu des plaifirs , d'aimer & d'être ai
mé ,
Eprouva les rigueurs d'un fort inévitable ;
Nul bien ici-bas n'eft durable ,
On vit finir celui dont on étoit charmé.
De la Fortune , inconftance ordinaire :
Par je ne fçai quelle neceffité ,
Cela ne fait rien à l'affaire ,
Le Serin fut forcé de faire
Un voyage plus grand qu'il n'auroit fouhaité.
Tous les efforts d'une Amante allarmée
Furent vains pour le retenir ;
A ce cruel départ il falloit confentir.
Par mille adieux touchans leur tendreffe exprimée
,
Ebranloit vainement le Serin attendri ,
vol. Je
2654 MERCURE DE FRANCE .
Il fallut s'arracher de fa Fauvette aimée ;
Il fallut voir partir fon Serin trop cheri.
Depuis long- temps une amitié fidelle ,
Avec notre Serin lioit certain Moineau ,
Jeune , mais vieux routier , bien hupé , fort
de l'aîles
Moineau des plus Moineaux , un Hercule nouveau
.
C'eft à ce cher amni que le Voyageur laiffe
Le foin de fa trifte Maîtreffe.
Il l'exhorte furtout , imprudence d'Amant ,
A la voir à toute heure , à lui parler fans
ceffe ;
Et lui demande expreffément
Cette preuve de fa tendreffe.
Le Moineau
promet tout , le Serin part content
;
Et l'autre dès le même inftant .
S'apprête à remplir fa promeffe.
?
Auprès de la Fauvette il vole en un moment ,
I'
S'efforce de calmer la douleur qui la preffe ;
b
Elle eft vive au commencement ,
On n'entend rien , on fe defole :
I. vol. Le
DECEMBRE. 1726. 2655
Le Moineau quelques jours travaille vainement.
Dans la fuite infenfiblèment
Dame Fauvette fe confole ;
Le Moineau trop exact à tenir ſa parole
Ne la quitte que rarement :
Elle devient fenfible à fon empreffement.
Faifant à l'amitié la plus cruelle injure
Mon drôle tente l'avanture ;
On l'écoute. Abregeons . Qu'arriva- t-il enfin
?
Le Moineau prit bien - tôt la place du Serin.
De ce perfide ami la trahiſon fut telle .
Mais auffi , dira- t'on , pourquoi quitter fa
Belle ?
Le Serin merita fon fort;
Le Moineau fit fort bien , la Fauvette fut
fage.
Qui. Voilà quel est l'ufage ,
Les abfens ont toujours tort
1. vol. LET
2556 MERCURE DE FRANCE .
LETTRE écrite de Bourgogne à M. de
L. R. fur quelques particularite fingulieres
de deux Manufcrits : l'un de
Toul , l'autre de Sens.
Caportée que moi , de voir le fça- Cu
Omme vous êtes , Monfieur , plus
vant Religieux , qui prépare une nouvelle
Edition du Gloffaire de M. du Cange
, vous pourriez l'engager d'ajoûter à
tout ce qu'il a recueilli fur le mot Alleluia
, ce que je vais vous en marquer içi
de fingulier:
C'eſt un terme qui me paroît avoir été
mis à prefque toute forte d'épreuves. Je
ne remonterai point jufqu'à ces fiecles
reculez , aufquels avant l'invention des
Cloches , il fervoit de fignal pour ap
peller à la Priere les Religieux & les
Religieufes. Je n'examinerai point non
plus , fi ce feroit de là que pourroit être
venue la pensée qu'eut un grand Evêque
de notre France , d'en faire le Cry de
guerre dans la conjoncture où il fe trouva
en Angleterre , qu'on appelloit alors
Bretagne. Je parle d'un fait du cinquiéme
fiecle. Mon deffein n'eft pas auffi de
yous faire remarquer ce que rapportent
I, vale cerDECEMBRE.
1726. 2657
éertains Ecrivains touchant des Concerts
extraordinaires entendus dans les airs , &
dans lefquels on diftinguoit à merveille ce
mot Alleluia. Si l'on pouvoit compter fur
l'autorité de ces Auteurs affez modernes , il
'y en auroit point qui meritât plus d'attention
que François Alvarez , qui rapporte
qu'en Afrique il y a eu un Mohaftere
appellé Alleluia , en memoire
d'un femblable évenement. Mais pour nepoint
fortir de ce qui eft de la compe
tence d'un Gloffaire , je veux me contenter
de vous faire remarquer , que ce
terme Alleluia , quoiqu'appartenant à
une Langue , avec laquelle la Latine n'a
aucun rapport , n'a pas laiflé d'en fubir
les inflexions ; & quoiqu'en lui -même
il fignifie une Sentence entiere & complete
, on en a fait un nom latin , à qui
on a donné des cas ; on a même conduit
fa fortune jufques dans les verbes ,
& on n'a pas craint de le trop défigurer,
en le conjuguant comme un verbefordinaire,
( a ) Qui vous diroit qu'on l'a
( a ) Alleluiatici Pfalmi. Dans S. Jerôme ,
& c. Alleluiaticum dans S. Gregoire de Tours,
dans la Regle de S. Aurelien d'Arles , &c.
Alleluiarium. Eucologe des Grecs , p . 102
c'eft-à dire , les Verfets des Pfeaumes préce
dez d'Alleluia.
Alleluiare. Refponforia Horarum alleluian,
J. vol.
C.
per
2658 MERCURE DE FRANCE.
perfonifié , pour lui faire fentir le fort
commun des chofes de la terre , le faire,
mourir , lui donner la fepulture , & le
voir enfuite reffufciter ? C'eſt à ce der
nier trait queje veux m'attacher.
Ce que vous avez publié touchant
la Fête des Foux dans le Mercure du
mois de Fevrier dernier , m'a donné la
curiofité de confulter tous les anciens
Statuts de Chapitres dont je pouvois
avoir des copies . Je fuis tombé fur l'Article
XVI. des Statuts de l'Eglife Ca
thedrale de Toul , redigez au XV. Siecle.
Cet Article eft ainfi intitulé : De
Fefto & Epifcopo Innocentium. J'y ai
remarqué beaucoup de curiofitez facetieufes
, & d'une espece qui correfpond
au titre de l'Article , fans compter certains
termes de la baffe Latinité , comme
capellus , romarinus , farfa , marentia
, tortitia. Cet Article eft immedia
tement précedé d'un autre qui a ainfi
pour titre : Sepelitur Alleluia. Vous ne
ferez pas fâché de le lire dans les propres
termes qui le compofent . Le voici
iranſcrit fidelement. Sabbato Septuage
Pur. Cette expreffion eft dans pluſieurs and
ciens Breviaires de 200. ou 300. ans & ay
de- là.
Alleluiatus , adjectif. Refponforia alleluia.
4. Microlog.cap. 59v
fina
3. pole
DECEMBRE. 1726. 2659
fima in Nona conveniant pueri choriferiati
in magno veftiario , & ibi ordinent
fepulturam Alleluia. Et expedito
ultimo Benedicamus , procedant cum crucibus,
torciis , aqua benedicta & incenfo
, portantefque glebam ad modum funeris
, tranfeant per chorum , & vadánt
ad clauftrum ululantes ufque ad locum
ubi fepelitur : ibique afperfà aquâ &.
dato incenfo ab eorum altero redeunt codem
itinere. Sic eft ab antiquo confuetum
. Voilà un Enterrement qui doit
vous paroître affez particulier , un Enterrement
folemnel de l'Alleluia qui fe
faifoit le Samedi , veille du Dimanche
dans la Septuagefime , entre Nones &
Vêpres , au vû & au fçû du Chapitre de
Toul . C'étoit aux Enfans de Choeur à
y officier. Il falloit qu'ils portaffent , en
traverfant le Choeur , une efpece de biere
, qui reprefentoit l'Alleluia decedé.
Le Cercueil étoit accompagné des Croix ,'
des Torches , de l'Eau -benîte & de l'Encens.
Mais il falloit de plus que ces Enfans
euffent la bonté de pleurer , de fe
répandre en plaintes & en lamentations,
jufqu'au Cloître où la foffe étoit préparée
pour l'inhumation : Ceremonie qui ,
fans doute , devoit paroître fort touchante
aux Affiftans . Cet Enterrement .
fingulier me fit naître l'envie de chercher
Je val, Cij dans
2660 MERCURE DE FRANCE.
•
dans le refte des Statuts , s'il n'y feroit
point marqué de quelle maniere l'Alleluia
avoit le bonheur de fortir du
tombeau , mais je n'y en ai rien trouvé .
Auffi étoit- ce anciennement la coutume,
que le chant de l'Alleluia fut quitté
avec plus de folemnité qu'il n'étoit repris.
Amalaire , qui a écrit au IX. Siecle
, dans la Province dont Toul fait
partie , donne à connoître , que de fon
temps on y faifoit un Office de l'Alle-
Luia , femblable à des Obfeques joyeus
fes , ce qui étoit comme une efpece d'a
dieu folemnel, On lui appliquoit à cette
occafion tous les Paffages qu'on pouvoit
de l'Ecriture Sainte. Comme cet
Ecrivain étoit en grand credit , il tâcha
de juftifier cet ufage par de pieufes moralitez
. On ne le remarqua embarraſſé
que fur le genre dont la Grammaire
youloit qu'Alleluia fut censé être ; &
comme ce nom étoit reputé du genre neutre
, il eut de la peine à trouver de la
jufteffe dans certains textes , où le propom
étoit pris au feminin. C'est dans
fon Traité de Ordine Antiphonarii , Chapitre
30. qu'on peut voir le détail de fes
explications . Ce celebre Prêtre de Metz,
mal pris par quelques Modernes pour
l'Archevêque de Treves du même nom,
Le parle pas de la Collecte , qui fervoit
E voly
de
DECEMBRE. 1726. 2661
de conclufion à cet Office ; mais je l'ai
trouvée dans un Miffel du XIII . Siecle ,
à l'ufage de notre Diocèfe , & dans un
Antiphonier felon le même ufage écrit
au XII. Vous pouvez la voir au bas de
cette Lettre , auffi-bien que le commencement
de l'Hymne * , qui fut compofée
par la fuite des temps , afin qu'il ne
manquât rien à une telle folemnité . Je
croirois donc que ce fut dans les deux
Siecles qui s'écoulerent depuis celui d'Amalaire
, qu'on s'avifa de reprefenter plus
litteralement la dépofition de l'Alleluia
par quelques actions qui répondiffent aux
paroles . L'idée que donnoit alors le mot
de dépofition , étoit la même que nous
avons aujourd'hui par celui de décès , ou de
fepulture. Et il fut d'autant plus facile de
Hymnus. Alleluia dulce carmen ,
Vox perennis gaudii :
Alleluia laus fuavis
Elt choris cæleftibus :
Quod canunt Dei manentes
In domo per fæcula .
* Oremus. Deus , qui nos concedis alleluiatici
cantici deducendo follempnia celebrare :
da nobis in æterna beatitudine cum fanctis
tuis alleluia cantantibus perpetuum feliciter
alleluia poffe cantare Per Dominum .
Ciij pren
I. vol.
2662 MERCURE DE FRANCE.
prendre le mot de dépofition dans ce fens,
qu'on étoit déja accoûtumé à réaliſer ce
ſubſtantif , & à le perfonifier , s'il eſt
permis de parler ainfi. Dès le Siecle
d'Amalaire , la Ceremonie étoit attachée
au Dimanche dans la Septuagefime. Ce
jour-là on faifoit parler Alleluia , comme
une perfonne preffée de s'en retourner.
Il difoit : Tempus eft ut revertar ad
eum qui me mifit, & c . Dans un autré endroit
de l'Office on le congedioit , en lui
difant , Revertere in thefauros tuos , &c.
Un peu après on lui faifoit inftance de
refter encore un jour , & on l'en conjuroit
par ces paroles tirées du Livre des
Juges : Mane apud nos etiam hodie, &
duc latum diem & cras proficifceris.
Dans S.Udalric , Compilateur des Ufages
de l'Ordre de Cluni , on trouve ceci de
remarquable par rapport au fujet que je
traite. In Septuagefima adeps fimul cum
Alleluia fepelitur. On ajoûtoit même ,
felon le Manufcrit du XII . Siecle que
j'ai entre les mains ; & dum ortus fuerit
dies ambulabis vias tuas : car on difoit
alors Matines au plus tard à deux
heures du matin dans les Cathedrales;
Dans un autre Répons du même Manuf
crit , l'Affemblée lui fouhaitoit un bon
voyage par ces paroles du Livre de Tobie
: Angelus Domini bonus comitetur te-
1. vol. CIN
DECEMBRE. 1726. 2663
čum , & bene difponat itinera tua , ut
iterum cum gaudio revertaris ad nos.
On peut voir dans le Traité des Rits
du P. Martenne , comment certaines
Eglifes entremêloient ce jour là le mot
Alleluia à chaque Verfet des Pleaumes
148. 149. & 150. de même que nous
le faifons encore le 26. Decembre. Le
Manufcrit ci- deffus cité renferme , aux
Laudes de l'adieu de l'Alleluia , cette
maniere de chanter. Le Venerable Heric
, Moine de S. Germain d'Auxerre ,
croyoit qu'elle étoit particuliere à fon
Eglife. C'eſt dans les Livres des Miracles
où il fait un recit à peu près femblable à
celui d'Alvarez , à l'occafion d'une Muque
celefte & nocturne , dont fut auditeur
un Prêtre , Chapelain de S. Alban
d'Auxerre , qui fe rendoit exactement
toutes les nuits aux Matines de
la Cathedrale , lefquelles fe celebroient
alors , ainfi qu'il le dit lui-même , bien
avant dans la nuit. Au refte , s'il eft vrai
que ce fut de l'Eglife de Mets , reputée
alors pour une efpece de Metropole ,
que ces coutumes fe répandirent avec
l'Antiphonier d'Amalaire dans le refte
de la France , & même au delà du Rhin ;
il y a bien de l'apparence que les Egli .
fes voifines de celle- là , & qui les premieres
avoient reçû ces ufages , ne fu-
Ciiij rent
1. vel.
2666 MERCURE DE FRANCE .
ne plus confondre en fait de pratiques
l'existence d'un ufage avec fa bonté , le
droit avec le fait , ni la ſcience de routine
avec la ſcience des principes & des
regles .
J'avois écrit jufqu'à ces lignes , lorfque
j'ai reçû de votre part la copie qu'on
vous a envoyée de Bourges de la Profe
de l'Afne tirée d'un Manufcrit de
la Collegiale de Notre-Dame de Sales.
Cette copie doit , felon moi , paffer pour
femblable à celle de Sens. ( a ) Je ne
puis attribuer les legeres differences qui
y font , qu'aux abfences d'efprit , ou à
l'ignorance de quelque ancien Copifte.
J'ai même remarqué qu'elle fe chantoit
dans l'une & l'autre Ville fur le même
chant , qui étoit un ton majeur d'une melodie
affez agreable : & il y a apparence
que c'étoit , comme parlent nos Muficiens
, d'une mefure à trois temps . Il n'y
avoit pas jufqu'au Prelude Lux hodie qui
ne fe chantât à Sens. Il étoit du chant
mineur , & conduifoit à la Profe Orien
tis partibus , qui fe commençoit une
quinte plus bas. La plus ancienne copie
qu'on voye à Sens de l'Office des Foux ,
dont cette Profe faifoit l'ouverture , eft
très digne d'attention . Elle m'a paru écrite
vers le milieu du XIII. Siecle. Le
(a ) Mercure Juillet 1725. P. 1599.
1. Vol cahier
DECEMBRE. 1726. 2667
cahier de vélin eft en forme longue contre
l'ordinaire des anciens Manufcrits :
mais on voit bien qu'on ne donna cette
forme au cahier , qu'afin de pouvoir l'enfermer
dans des Diptyques , qu'on y confervoit
probablement depuis plufieurs fie
cles , & en effet il y eft encore renfer
mé. Il eft noté & écrit fort délicatement
pour ce qui eft du caractere : mais toutes
les pieces font d'une compofition fi
bizarre , qu'on voit clairement que le
deffein des Auteurs étoit de diftinguer
par toute forte de particularitez cette infigne
Fête. Jugez- en , Monfieur , par
Alleluia qui fe difoit après Deus in adjutorium.
Ce feul mot étoit coupé par
vingt- deux autres mots ainfi diſpoſez .
9
Alle refonent omnes Ecclefiæ
t
Cum dulci melo fymphonix
Filium Maria Genitricis piæ
Ut nos feptiformis gratiæ
Repleat donis , & gloriæ :
Unde Deo dicamus luia,vo !
Je fai qu'il y a des Livres où on lit
une Profe qui commence ainfi à l'une
des folemnitez de l'année ; Alle coelefte
nec non & perenne luia. ( a ) Je n'au
(a)Vieux Livres de Sens , de Troyes , de
Chartres , d'Autun ,&c. Cyj
2668 MERCURE DE FRANCE:
.
rois pas même de peine à croire qu'on
la chante encore quelque part. Mais quatre
mots ne font pas comparables à vingtdeux
; laiffons au Manufcrit de Sens
toute la gloire qu'il merite. Comme il
falloit à la Fête des Foux , que tout ce
qu'on y chantoit fût entremêlé de quel
ques paroles extraordinaires & déplacées ,
il étoit convenable que le mot le plus
joyeux des Offices ordinaires le fût davantage.
D'ailleurs , il n'étoit pas extraordinaire
dès l'onziéme Siecle , de couper
un mot pour y en inferer d'autres,
furtout lorfqu'il s'agiffoit de faire un
Vers ou quelque chofe d'approchant. On
en voit un befexemple au quatrième Tome
du Spicilege , où on lit qu'un Poëte
de ce temps-là , voulant apprendre à
la pofterité , qu'Angelran Abbé de
Saint Riquier , fit couvrir d'argent l'Epiftolier
& Evangelier de fon Eglife ,
débute ainfi fur cette matiere :
Eft & Epiftoliber ) laṛum atque
Evangeliorum.
›
1
Mais revenons à notre Fête des Foux.
Après le magnifique Alleluia , dont je
Vous ai parlé , fuivoit une feconde annonce
de la Fête par quatre ou cinq
Chantres à groffes voix, poftez derriere
l'Autel. Là ils devoient chanter' infals
To ( c'cft l'expreffion du Manufcrit les
deux Vers fuivans :
HAG
*
DECEMBRE. 1726. 2669,
Hac est clara dies clararum clara dierum.
Hac eft fefta dies feftarum fefta dierum .
T
Vous jugez affez jufqu'à quel point
l'on pouvoit pouffer , fans grande dépenfe
, une Poefie de cette fublimité ;
& fi la Rubrique qui ordonnoit de chan
ter faux étoit bien obfervée , comme il
n'en faut pas douter , je vous laiffe à
penfer , quel effet devoit produire une
telle harmonie fur l'oreille des Auditeurs.
Lės Diptyques qui renferment ce memorable
cahier , font bordées de feuilles
d'argent , & garnies de deux planches
d'y voire , jaunies par la vetufté , où l'on
voit des Bacchanales , la Déeffe Cerès
dans fon Char , Cybele , la mere des
Dieux , & c. Sans doute que ceux qui
s'obtinoient à conferver cette Fête au
XV. Siecle , ne manquerent pas d'en
prouver l'antiquité par celle de la couverture
de ce Livre. Je ne crois pas qu'on
fçut alors d'où étoit venu l'ufage de ces
anciens Diptyques dans nos Eglifes. I'l
auroit fallu un Pere Mabillon , un Monfieur
Baudelot , un Pere Martenne , pour
raifonner jufte fur ces fortes d'antiquitez.
Gerfon & Clamengis , qui avec
quelques -uns de leurs amis , étoient pref
que les feuls veritables Sçavans de ce
1. vol.
temps
2670 MERCURE DE FRANCE.
temps -là , ne s'appliquoient gueres à ces
fortes de connoillances. Comme il ne
faut rien oublier de tout ce qui regarde
un Manufcrit de ce genre , je vous dirai
encore , Monfieur , que j'ai remarqué
au dedans de ce Livre , fix Vers Leonins,
écrits d'une main du quinziéme fiecle,
dont voici la teneur :
Feftum ftultorum de confuetudine morum .
Omnibus urbs Senonis feftivat nobilis annis
Quo gaudet Præcentor : tamen omnis honor.
Sir Chrifto Circoncifo nunc femper & almo.
TartaraBacchorum non pocula funt fatuorum ,
Tartara vincentes fic fiunt ut fapientes.
L'Auteur n'a pas daigné mettre fon
nom à la fin de ces Vers ; mais l'expreffion
fait fuffisamment connoître de quel
fond partoient les penfees . Il paroît par
le troifiéme Vers que le Préchantre avoit
tout l'honneur ou tout le plaifir de la
Fête. Les deux derniers vous laiffent
quelle idée il vous plaît de la fobrieté
des Acteurs. Mais on voit par ce cayer
que le rafraîchiffement des gofiers n'y
étoit pas oublié. Il y en a un article entier
intitulé : Conductus ad poculum , don't
voici le commencement : Kalendas Fduarias
folemnes Chriftefacias , &c.
1. vol. n
DECEMBRE. 1726. 2671
:
à
Il n'eſt pas hors de propos avant que
de finir , d'ajoûter quelques autres Remarques
curieufes qui fe prefentent à
l'inſpection de ce Livre . On voit un
Invitatoire au commencement de chaque
Nocturne : ce qui peut fervir à prouver
que ce jour-là on féparoit les trois Nocturnes
en trois veilles , d'autant plus aifément
, que les longues nuits , telles que
celles de l'hyver , étoient plus propres
cette féparation ou plutôt , il faut dire
que cet ufage étoit pour fingularifer &
privilegier la Fête. Cet Office eft une
veritable rapfodie de tout ce qui fe chante
durant le cours de l'année . Toutes
les pieces des autres Offices , au moins
les principales , y paffent en revûë. Celles
des Fêtes de Saints , comme celles
des Myfteres ; les Chants de Pâques
comme ceux du Carême , le gai eſt mêlé
indifferemment avec le trifte , le lugubre
avec le joyeux ; c'eft un affemblage le
plus heteroclite que vous puiffiez vous
P'imaginer, & il falloit l'execution de
cet Office durât deux fois plus que ceux
des plus grandes Fêtes . Jugez fi les goziers
n'avoient pas befoin d'être humectez
de temps en temps. Je fais peu de
fond pour prouver cette longueur fur les
répetitions accoûtumées d'etré faites dans
les autres Offices . Celui - ci en avoit de
1. vol.
que
fingulieres
12672 MERCURE DE FRANCE.
fingulieres & c'est la remarque par -laquelle
je finirai. Les répetitions ou redites
font anciennes dans les Offices de l'Eglife.
La maniere dont on a executé originairement
les Répons , le prouve affez .
On peut voir là- deffus la Préface du Refponforiel
du Cardinal Thomafi , imprimé
Rome en 1686. On voit d'autres exemples
de l'antiquité de ces répetitions dans
les Offertoires de l'Antiphonier Gregorien
, tel qu'il eft dans plufieurs Eglifes,
& que Dom Claude de Vert l'avoit vu .
Mais dans ces premiers temps c'étoient
des Sentences entieres qu'on repetoit &
non des mots tous feuls , comme on le
pratique dans la Mufique de nos jours.
Le Manufcrit de Sens fait appercevoir
quelques veftiges de la naiflance de ces
répetitions musicales d'un ou deux mots .
Entre le neuvieme Répons & le Te Deum
on lit en titre : Conductus ad ludos. Ce
qui fuit commence en maniere de Motet :
Natus eft , natus eft hodie Dominus ..
ut facturam redimeret & paradifum redderet.
La Piece continue ainfi : Nec , nec,
nec minuit quod erat , affumens quod non
erat. Et elle finit de cette forte : Quando
flos ifte nafcitur , diabolus confunditur ,
& moritur mors , & moritur mors , &
moritur mors. Le Chant en eft paffable .Je
croirois volontiers que c'étoit de la
Mufique de ce temps -là. QuelDECEMBRE.
1726. 267:3
3.
Quelques - uns ont conjecturé que c'eft
la répetition de l'Alleluia , introduite ou
continuée par le Chant Gregorien , qui
a fervi de modele à toutes les répétitions
ufitées depuis dans d'autres mots, & que
c'eft même de là qu'elles ont été autorifées
. Je ne m'oppofe point abfolument à
cette penfée , fi l'on entend feulement
parler de la Mufique d'Eglife ; c'eft auffi
par rapport à cette efpece de Mufique
que j'ai cru devoir vous faire part de
cette fingularité , d'autant plus digne
d'attention que le Manufcrit d'où je
la tire a environ cinq cens ans d'ancienneté.
Si jamais vous venez à Sens , vous
pourrez le voir dans la Bibliotheque públique
de cette Ville , établie l'année derniere
par M. Fenel , Doyen de l'Eglife
Metropolitaine , dont le zele pour tout
ce qui a rapport à la Litterature , ne
peut vous être inconnu . Quoiqu'il y ait
déja un allez grand nombre de Manufcrits
dans cette Bibliotheque , celui dont
je vous ai fait l'analife , y pafle pour un
des plus curieux. M. Baluze voulut en
avoir une copie , & je l'ai vûe à la Bi
bliotheque du Roi. Je fuis , & c .
Le 16. Août 1726 .
"
I
I
I. vol.
LE
1674 MERCURE DE FRANČE.
4
茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶
LE TEMPS.
ODE.
Toi qui n'admets rien de folide ,
Dont l'effence eft le changement ,
O temps que ta courfe eft rapide ! !
Que tu paffe legerement !
Ce Globe que le Ciel enferme
N'a point de puiſſance fi ferme ,
Que tu n'entraînes avec toi :
Rien ne retient ta violence ;
Et le moment même où je penſe .
S'enfuit déja bien loin de moi.
Les jours qui compofent ma vie ,
Furent comptez par les deftins :
Des uns la douceur m'eft ravie ;
Les autres me font incertains ,
Le paffé n'a plus aucun charme ;
L'avenir me trouble & m'allarme ,
Le prefent m'eft un foible appui
Ce n'eft qu'un point indivifible ;
1. νοί.
C'est
DECEMBRE. 1726. 2675
C'eft un Atôme imperceptible ,
Qui paffe & m'entraîne avec lui .
Cependant Ferreur qui nous mene ,
Nous attache à de vains objets :
Pour une fortune incertaine ,
Nous formons mille vains projets.
L'homme conduit par fes caprices ,
Semble oublier dans les délices
Que le Ciel a borné fes jours.
Plein du doux charme qui l'enyvre ,
Il montre autant d'ardeur pour vivre ,
Que s'il devoit vivre toûjours .
Vainement il voit que la Parque
Nous tient tous fujets à fes loix ,
Et que tout paffe par la Barque ,
Où jamais on n'entra deux fois ;
La raiſon , ni l'experience ,
N'ont fur fon coeur nulle puiffance ,
Il n'écoute point leurs avis ,
Il voudroit les prendre pour guides :
Mais fes vertus font trop timides ,
Et fes vices font trop hardis.
I. vol.
Jusqu'à
2676 MERCURE DE FRANCE .
Jufquà quand vanitez mondaines ,
Enchanterez- vous nos efprits ..
Tiendrez-vous toûjours dans les chaînes ,
Nos coeurs de vos charmes épris ?
Pafferons-nous dans l'esclavage ,
Toutes les faifons de notre âge ,
Sans que nous puiffions en jouir ?
Nous faudra-t'il doubles victimes ,
Donner notre jeuneffe aux crimes >
Notre vieilleffe au repentir
Non, faifons un meilleur ufage ,
D'un tréfor qui nous vient des Cieux :
Le temps veut que l'on le ménage ,
Tous les moments font précieux.
Que la vertu , que la fagetfe ,
Occupent notre ame fans ceffe ,
De tous vices fuyons l'écueil.
Trop heureux l'homme qui médite
Combien la diftance éft petite ,
Du berceau jufques au cercueil !
1. vol. QUES !
DECEMBRE , 1726. 2677
******************
QUESTION de Droit , jugée par
Arrêt du Parlement d'Aix,
I
L fut jugé au Parlement de Provence
au mois de May 1726. une Queltion
importante , & qui a partagé tous
les Jurifconfultes elle confiftoit à ſçavoir
auquel des deux , ou de l'Heritier
Grevé , ou de l'Heritier Fideicommiffaire,
doit appartenir le droit de Patronage.
L'affaire dont il s'agiffoit regardoit deux
perfones , qui par leur naiffance & par
l'importance de la matiere avoient fixé
l'attention du Public & redoublé celle des
Juges . Les Parties principales étoient la
Marquile de Simiane & le Marquis de
Vibray. Celles qui étoient en qualité &
deffendoient en leur propre nom , étoient
M. de Caftellanne , nommé par M. de
Vibray , Appellant de la Sentence renduë
contre lui & le feur Chambon , Chanoine
de Grignan .
१
Les circonftances particulieres qui devoient
fervir de motif à la décifion
étoient la difpofition de Louis Gaucher
de Grignan , qui en 1528. s'étant marié
avec Marguerite d'Ornano , fit donation
à un des enfans mâles qui naîtroit
3. vol.
S
de
2678 MERCURE DE FRANCE,
de ce Mariage , la moitié de tous fes biens,
franche de toute charge , à prendre fur
la Comté de Grignan ; fous cette condition
, que l'enfant mâle qui feroit nom-
` mé à cette donation , auroit le nom , le
titre & le Fief de Grignan , fans
autre pût y prétendre.
que
nul
Ce Louis Gaucher de Grignan , maria
en 1658. François de Grignan , fon fils ,
& le nomma à cette moitié des biens
donnez aux conditions portées par le
Contrat de Mariage de Marguerite d'Ornano
. Le même Louis Gaucher ayant
fait fon Teftament en 1661. inftitua fon
petit- fils , & de mâle en mâle , lui ſubftitua
en deffaut de cette ligne , les enfans
mâles de fes autres fils , & enfin les
mâles de fes filles. Louis de Provence
de Grignan fut fon heritier . Il déceda en
1704. & fa fucceffion fut répudiée par
François de Grignan fon pere ; il fut nommé
un Curateur à l'Hoirie vacante , avec
lequel François de Grignan & la Marquile
de Simiane tranfigerent ; ce qui
n'empêcha pas que François de Grignan
ne reconnût & n'approuvât la fubftitution.
Cependant il deceda en 1714. fans enfans
måles , & dès lors le Marquis de
Vibray fils , feul mâle du côté des filles ,
fut en droit de recueillir la fucceffion
I. vol.
DECEMBRE. 1726. 2679
de Louis Gaucher de Grignan. C'eft en
vertu de ce droit que M. de Vibray fon
pere , en qualité de legitime Adminif
trateur , d'abord après le décès de François
de Grignan , prit poffeffion de la
Comté de Grignan. La Dame de Simiane
paroiffoit n'y avoir rien à prétendre ,
puifqu'elle n'avoit d'autre qualité que
celle de François de Grignan fon pere ,
elle introduifit toutefois l'inftance beneficiaire
de la fucceffion de François de
Grignan , revint par des Lettres de Ref
cifion contre une tranfaction paffée avec
le Marquis de Vibray , qui forma fa demande
en ouverture du Fideicomis , lequel
fut ouvert en fa faveur par un Ju̟-
gement des Requêtes du Palais du 7 ,
Juin 1723. confirmé par un Arrêt d'exdient
du 14. Avril 1725. par lequel
la Dame de Simiane eft deboutée de la
guarte trebellianique & de la legitime de
grace qu'elle demandoit.
Les chofes en cet état , le Marquis de
Vibrai fe regardant comme le Patron des
Benefices de l'Eglife de Grignan , dont
la nomination eft dévolue par la Fonda
tion au poffeffeur de cette Terre , nom
ma à la Treforerie vacante par le décès
de François de Caftellane , Jofeph de
Caftellane , & la Dame de Simiane , en
qualité d'héritiere beneficiaire de Frans
. pol. çois
2680 MERCURE DE FRANCE.
çois de Grignan fon pere , prefenta le
feur Scipion Chambon .
Ces deux Competiteurs fe firent des
fommations réciproques pour la confervation
de leur droit , & pour la perception
des fruits & des revenus de ce
Benefice , & la caufe ayant été portée
devant le Lieutenant du Sénechal d'Arles
, il intervint Sentence qui adjugea
la récréance au fieur Chambon, C'eſt de
cette Sentence dont M. de Caftellane
releva Appel au Parlement , demandant
en même-temps l'évocation du fonds &
du principal.
Le Marquis de Vibray fe trouvant le
feul fuccefleur de Louis Adhemar de
Monteil , auquel & à fes fuccefleurs ,
une Bulle du 6. Septembre 1539. accordoit
le droit de Patronage , fe crut.
bien fondé de nommer à la Treforerie vacante
de l'Eglife Collegiale de Grignan ,le
fieurAbbé de Caftellane,d'autant plus que
la nomination étoit dévolue aux fuccef
feurs de Louis Adhemar de Monteil. Il
S'agifloit encore d'un Patronage réel ,
attaché à la Comté de Grignan ; Patronage
qui n'eft deferé par la Bulle , ni à la
proximité du fang , ni à la fucceffion
mais au Proprietaire, & par confequent
à l'heritier Fideicommiffaire de la Comté
de Grignan .
Je vola
DECEMBRE . 1726. 2681
Il fut avancé par le deffenfeur de M. de
Caftellane après M. de Royes , dans ſes
Prolegomenes , titre de jure Patronatus ,
ch. 8. 19. que le Marquis de Vibray
étoit au terme du Patronage réel , quod
gleba feu rei fundo poffeffioni , Caftro à
fundatore adfcriptum eft. De là il s'enfuivoit
, dit-il , qu'il étoit feul en droit de
nommer à la Treforerie vacante ; on foutenoit
de plus , qu'en qualité d'héritiere ,
la Dame de Simiane ne pouvoit jouir
du droit de nommer , quoique le Fideicommis
ne fût pas épuré,qu'il fuffifoit que
l'ouverture en eût été faite en faveur du
Marquis de Grignan , pour l'en exclure.
On établit plufieurs principes de Droit,
par lefquels on fit voir que le Patronage
réel & attaché à la Glebe , appartient à
Pheritier Fideicommiffaire , privativement
au Grevé ; on allegua que c'étoit le
fentiment de Ferrerius , fur la Queſtion
507. de Guy - Pape , de Grivel en fes
Décifions du Senat de Dole , Décifion
37. lequel cite l'Abbé de Palerme , ch.
cum faculum & ch, de jure , Du Moulin,
fur la Coûtume de Paris , §. 37. nomb.
3. ainfi que Lambertinus , de jure patronatus;
Garfias de beneficiis , part . 5. ch. 9.
n. 17. enhin Paftor , de benefic. liv. I.
tit. 20. n. 12, confirme une opinion f
vrai- femblable
To vol D Comme
2682 MERCURE DE FRANCE.
Comme la Dame de Simiane , en qualité
d'heritiere greyée, & enfuite de l'Arrêt
du 9. Juillet 1723. avoit la joüiffance
des fruits & revenus de tous les biens
jufques à l'apurement , il fe forma une
autre queftion ; fçavoir , fi en cette qualité
Je Patronage & la prefentation ne lui
appartenoient pas , faifant partie des fruits
bonorifiques. Il fut allegué plufieurs authoritez
, par lefquelles on prétendit
faire voir que les fruits honorifiques n'ont
jamais été comptez parmi les fruits utiles,
parce qu'ils ne doivent pas être reftituez
ades créanciers ; un Fermier judiciaire
n'eft certainement pas en droit de prefenter
aux Benefices qui dépendent du
Patronage du debiteur faifi ; l'heritier
grevé qui en fait toutes les fonctions ,
peut il avoir, difoit- on , ce droit, & n'eft il
pas dans le cas des Arrêts rapportez par
Mornac, fur la Loi 44. de contrahenda
emptione , par Brodeau , Brodeau , fur l'Art. 31. de
la Coûtume de Paris , nomb. 16. & par
Ferriere , en fon traité du Patronage , part.
2. ch. 3. feff.2. nomb. 34 ?
On vouloit que fi les créanciers ne
peuvent pas prefenter au Benefice pendant
la faifie de l'heritage , l'heritier
grevé ne le peut pas pendant le temps
qu'il jouit , en attendant l'apurement ;
D foutenoit que c'étoit la doctrine de
I pel
Du
DECEMBRE. 1726. 2683
Du Moulin , fur la Coûtume de Paris ,
tit. premier des Fiefs , § . 9. gloffe 3. in
verbo faifir , nomb. 5. Ainſi qu'au tit . 2 .
des Cenfives §. 83. gloffe, premiere in
verbo rachapt , nomb. 49. du Guimier ,
fur la Pragmatique Sanction , in verbo
vicario , de De Roye , en fes Prolegomenes
, de jure Patronatus , ch . 36. & de
l'Auteur du nouveau Traité des Matie
res Beneficiales , liv . 4. ch. 7 .
•
On fit voir enfuite , toûjours de la part
de M. de Caftellane , que le Patronage
eft un droit incorporel, & que l'heritier
qui n'a point encore pris poffeffion
de l'hoirie , peut nommer par confequent
aux Benefices qui dépendent du Patrona
ge; à plus forte raifon l'heritier Fideicommillaire
, en faveur duquel le Fidei
commis avoit été ouvert. On rapporta
pour cela un Arrêt de Boniface , dans fon
troifiéme tom . liv. 6. tit . 7. rendu en
faveur de la Demoiſelle Surian de la
Lande , contre un heritier grevé ; fur
quoi on fit valoir cette maxime , que quoique
l'heritier grevé ne fafle la reftitu
tion effective & réelle du Fideicommis
qu'après la liquidation & l'apurement des
dettes ; neanmoins les fruits en font dûs
au Fideicommiffaire , fouvent depuis le décès
, toûjours depuis la demande, ce qu'on
appuya par Peregrinus de Fideicommiffis,
Ja vel.
Dij art
2684 MERCURE DE FRANCE.
art. 49. nomb. 88. par Barri , de fubfti.
tutione Fideicommiſſaria , liv. 8. tit . 13 .
Toutes ces raifons ne purent déterminer
les Juges , quelque fortes & quelque
décifives qu'elles paro ffent ; il leur
fembla qu'elles devenoient inutiles , dès
que l'apurement du Fideicommis n'étoit
pas fait, & que tous les droits refidoient
en la perfonne de l'heritier grevé
jufqu'à -ce que le même apurement fût
achevé. Il fembloit en effet que cette deftinition
des droits utiles & honorifiques
étoit mal fondée , étant d'ailleurs conftant
que tous les Docteurs font partagez ; il
y- avoit plus , c'eft que quoique le Fideicommis
cût été ouvert par le Jugement
des Requêtes du Palais de 1723. lors
de la nomination , l'execution de ce Jugement
étoit fufpendue par l'Appel interjetté
de la part de la Dame de Simiane.
Envain on voulut éluder cette difficulté,
en établifant la difference que l'on doit
faire entre l'Appel en matiere criminelle,
qui éteint & aneantit le premier Juge
ment , & l'Appel en matiere civile , qui
en fufpend feulement l'execution . Cette
diftinction , toute vraye qu'elle eft , ne
parut pas appliquable à cette Caufe, parce
qu'il eft fenfible que fi ce n'étoit qu'en
onfequence de la fimple ouverture du
Fideicommis que M. de Vibray avoit
devple
nommé
DECEMBRE. 1726. 2685
Bommé le fieur de Caftellane , il n'avoit
pas encore un droit réel , mais feulement
un préjugé que les biens fideicommillaires
pourroient lui appartenir après
l'apurement , & par confequent , pour
pouvoir poffeder au cas qu'il y échut . Or
pour que l'Arreft confirmatif du Jugement
des Requêtes du Palais , eut un ef
fet retroactif, il auroit fallu que M. de
Vibray eut eu alors quelque poffeffion ,
& non la feule efperance de pouvoir
poffeder.
L'Avocat du fieur Chambon , pour
attaquer avec plus de fuccès les raifons
de M. de Caftellane , établit , ſuivant
cette idée , deux propofitions , qui fe reduifirent
à faire voir , que l'exercice du
droit de Patronage réel paffe à l'heritier,
furtout à l'heritier beneficiaire, préferablement
au fubftitué , dont le fideicomanis
n'eft pas encore apuré , & en confequence
de cette premiere propofition
il s'attacha à faire voir , que fa partie
étoit précisément dans le cas des principes
qu'il venoit d'établir par rapport
à l'état où le trouvoient les biens . Il
s'appuya d'abord de l'autorité de Bartole
, qui eft le premier qui a traité cette
queftion fur la Loi proinde ad Senatuf
confultum Trebellianum , parlant du droit
de Sepulture , qui ne paffe point à l'he-
Dij ritier
2. vol.
1686 MERCURE DE FRANCE.
ritier fideicommiffaire. Il fe fervit enfuite
avec avantage de l'autorité de Lambertinus
en fon Traité du droit de Pàtronage
, queft. 100. & de celles de Rochus
à Curte in verbo ipfe ; de Vivianus
liv. 4. chap. 2. de Peregrinus , en
fon Traité de fideicommiffis nomb. 37.
& de Fufarius , queft. 634.
i
La Rote Romaine & le Cardinal de
Luca , Difcours 36. ne lui furent pas
d'un moindre fecours ; mais l'autorité la
plus décifive , & qui ébranla le plus les
Juges , fut celle du fçavant Dumoulin
tit. p. des Fiefs §. 55. Gloff. premiere.
Le Défenfeur de M. de Caftellane allegua
inutilement , que l'autorité de Dumoulin
en cet endroit , non plus qu'au § .
55. Gloff. 10. n'étoit appliquable qu'au
cas des Patronages infeodez aux fiefs pár
le Seigneur du fief dominant . Ces raifons
furent trouvées foibles , parce que ,
fuivant le principe collatio & prafentatio
funt in fructu . Le Défenfeur du fieur
Chambon fe trouva en état d'appuyer le
fentiment de Dumoulin d'une foule d'Auteurs
, entre lefquels étoit Garcias , de
Beneficiis , part . 5. ch . 5. & il fe fervit
avec avantage de prefque tous ceux qui
avoient été citez de la part de M. de Caltellane
, tant il eft vrai que ces fçavans
Jurifconfultes n'ont pas été exempts des
1. vol. varia
DECEMBRE. 1726. 2687
variations & de Pincertitude de l'efprit
humain ; de forte qu'il trouva encore de
grands fecours pour la défenfe de fa caufe
dans le Cardinal de Luca même : dans
le Ch . Bertoldus , de re judicata ; dans
Faber , Cod. de petitione hareditatis ;- &
dans Paftor, liv . premier , tit. 2o . nomb."
13. lefquels lui fournirent les moyens
de démontrer que l'heritier par benefice
d'inventaire eft un vrai heritier , verus
hares , & que la regle , le mort faifit le
vif , ne regarde nullement les heri
tiers Fideicommiffaires , ainfi que l'obferve
Ricard , des Subftitutions , partie
3. Ch. 2. après Tiraqueau & le refident
Boyer.
Tant d'autoritez ne purent pas être
affoiblies par l'Arreft rendu en faveur de
la Demoiſelle Surian de Lalande , parce
qu'en expliquant cet Arreft, on fit voir
qu'il s'y agiffoit d'un Patronage perfonnel
& hereditaire , & non d'un Patronage
réel ; enfin , comme M. de Caftellane
avoit prétendu que la Dame de Simiane
ne pouvoit être regardée que comme
un Sequeftre , n'ayant entre fes
mains les fruits de l'heritage que pour
en rendre compte aux creanciers on
combattit cette difficulté , en difant que
l'heritier beneficiaire eft fondé en titre
qu'il poffede en fon nom , & qu'il ne
Diiijl doit
1. vol.
2688 MERCURE DE FRANCE.
doit pas être confondu avecles Sequeftres
qui ne poffedent qu'au nom d'autrui
, comme l'attefte M. de Caftellane
Liv. 14 ch. 2.
C'eft là fommairement à quoi fe bornerent
les défenfes des deux parties. La
doctrine la plus curieufe & la plus recherchée
fur cette matiere y fut étalée ;
tout le monde étoit porré pour M. de
Caftellane , & on peut dire que ce fut,
à regret que le Barreau lui vit perdre
fon procès : car par l'Arreft qui intervint
le 10. Mai 1726. en conformité des
Conclufions de M. l'Avocat General de
Gueyon , Pappellation , & ce dont étoit
appel furent mis au neant , & par nou
veau Jugement , la Cour évoquant &
retenant le fonds & principal de la matiere
, le fieur Chambon fut diffinitivement
maintenu en la poffeffion & joüiffance
de la Treforerie de Grignan , & le
ficur de Caftellane condamné à l'amende
& aux dépens . Cette affaire fut cependant
fort débattuë , & l'Arreſt ne
paffa pas tout d'une voix ; il y eut même
partage à l'Audience ; mais la Cour
ayant ordonné qu'il en feroit deliberé ſur
le Regiftre , quelques Juges changerent
d'opinion , & firent pancher la balance
pour le droit du fieur Chambon .
La Caufe fut défendue par M Hon
I. val. notê
DECEMBRE. 1726. 2589
noré pour M. de Caftellane
& par
Me le Blanc pour le fieur Chambon ,
ils foutinrent l'un & l'autre dans cette
occafion , comme dans toutes les autres ,
la jufte idée que le Public a conçû de
leur capacité.
XXXXX XXXXXX XXXXX
PORTRAIT.
LA
fageffe , la pieté ,
L'efprit
fublime
, l'équité
,
Forment le rare caractere ,
De Pilluftre Fleury que la France revere.
Ferme foutien des Loix , ennemi des abus
Il ajoûte à tant de vertus ,
L'ufage heureux qu'il en fçait faire .
Grand Miniftre , zelé Prélat ,
Il fert également , & l'Eglife , & l'Etat.
Monetra
*******************
Lettre de M.Vergier à la Comte de V
1725 pts
IL
y a long- temps , Madame , que j'ai
la provifion de Caffenoilettes que
vous me fites l'honneur de me deman
A.1. vol. D..v des
1690 MERCURE DE FRANCE:
der le dernier voyage que j'ai fait à Boisle-
Vicomte ; il y a long-temps auffi que
vous les autiez , fi je ne m'étois opiniâtré
à vouloir vous les porter moi - même
; mais des affaires qui me font furvenuës
, & de petits voyages dont je n'ai
pû me difpenfer , m'en ont empêché .
Je fuis accoutumé à trouver toujours des
obſtacles à ce qui me feroit le plus agréable
; mais cette habitude ne me rend pas
mon malheur plus fupportable , furtout
quand il me prive de l'honneur de vous
voir ; je ne pourrai pas encore cette fois
me rendre auprès de vous avec M. de
Senozan , & je me vois par là contraint
de confier au hazard , & entre les mains
de la premiere perfonne qui ira où vous
êtes , le dépôt important de la commiffion
dont vous avez bien voulu me
charger.
Parmi
Armi les Caffenoifettes ,
Il en eft un à fifflet ,
Qui, bien mieux que les Mufertes
Ni que l'aigu flageolet >
Fait danfer fous la fougere .
Une galante Bergere ;
Je l'ai furtivement pris ,
a. voly
Α
?
DECEMBRE. 17261 2621
A la Driade de Themie .
Que l'autre jour je furpris ,
Sur l'herbe tendre endormie.
Quel fut mon étonnement ,
Lorfqu'au premier fifflement
Au premier fon que je tire ,
Du fond des fombres Forefts ,
Vers moi tout-à- coup j'attire ,
Et maint Faune & maint Satyre,
Qui , traverfant les guerets !
Dans l'infant m'environnerent ,
Et fi bien me contournerent ,
3
Que je ne pus m'évader :
Mais leur ayant , fans tarder ,
Mer
Montré la Nymphe couchée .
Soudain près d'elle attachée ,
Cette troupe me laiffa ,
Et foudain je pris la fuite ,
Sans vouloit fçavoir la fuite,
De ce qui lors fe paſſa.
Je puis toutefois vous dire ,
Et je le puis fans médire ,
Qu'au travers du fon bruyant ,
I. vol.
Dvj De
12692 MERCURE DE FRANCE .
De cette agrefte Eſcouade ,
J'entendis en m'enfuyant
De grands cris de la Driade ,
Non de ces cris irritez ,
Donc , faute d'autre défenſe ;
Contre une brutale offenfe ,
S'arment les fieres Beautez ;
Mais de ces cris que la joye
Inſpire , arrache aux Amans ,
Lorfque leur coeur fe déploye ,
Aux plus tendres mouvemens.
Auffi m'a- t-on fait entendre ,
Que ce fifflement étoit ,
Le Meffager qui portoit,
Des Nymphes , laffes d'attendre ,
Aux champêtres Deitez ,
Les preffantes volonter.
Ainfi dans les promenades ,
Que vous faites dans vos Bois ,
Gardez - vous d'aller par fois ,
En guife de Serenades ,
Ou par autre jeu folet
Faire fonner ce fiffler,
I. vol.
De
DECEMBRE. 1726. 2693
De peur que quelque Brigade
De ces Chevres pieds cornus ,
Autour de vous parvenus ,
Ne vous prit pour la Driade.
Mais que dis- je ? & quel danger
Courriez-vous dans cette affaire ?
Aucun qui ne foit leger
Partant vous devez en faire
La preuve , en vous amuſant :
Les Divinitez ruftiques ,
Comme les Dieux domestiques ,
Ont un efprit bienfaifant ;
D'autre part à la Campagne ,
Où vous paffez tant de jours ,
L'on a fouvent , ou toujours
>
La trifteffe pour compagne.
Et pour s'y defennuyer
Il faut de tout eflayer ,
Ce point & la patience ,
Dont doivent dès le matin .
S'armer gens de fapience ,
Sont le fruit le plus certain ,
Detoute humaine ſcience ,
I. vol.
2694 MERCURE DE FRANCE.
Ce n'eft le tout , faites - en
Faire auffi l'experience
Par l'aimable Senozan::
Elle eft jeune & doit apprendre
Ce que c'eft qu'un Dieu Sylvain
Sans les voit de près , envain
Elle voudroit le comprendre..
Du moment qu'ils la verront ,
Combien ils treffailleront ! '
De plaifir , ils bondiront ,
Ils fauteront , danſeront ,
Pour leur Reine ils la prendront ,
Des fleurs fes pas femeront ,
Sa loüange ils chanteront ,.
Des Autels lui drefferont ,
Qui de parfums fumero
Enfin ils l'adoreront ,
Et leurs coeurs ne fuffiront ,
Aux tranſports qu'ils fentironta
J'avois deffein de faire paffer le fifflet
des mains de Madame de Senozan en
celles de Mlle de Vireville , & des mains
de Mlle de Vireville en celles de M l'a
Mufnier , & de toutes ces autres De
I. vol. &
DECEMBRE. 1726. 2695
7
& c'auroit été un nouveau Jeu de Corbillon
, qui peut- être n'auroit pas dépluc
à leur curiofité & à leur jeuneffe badine
; mais j'ai appréhendé que , plus ferieufe
qu'elles , vous ne trouvalliez ce
Jeu-la trop long , & j'ai craint d'ailleurs
que , quoique je n'euffe en tout cela donné
que de très-bonne & de très - agréable
befogne aux Dieux de vos Bois , ils
ne trouvaffent que je leur en euffe trop
donné.
A
Je defirerois fort apprendre à M. l'Abbé
quelque circonftance nouvelle, de la
nouvelle Regence de M. le Duc d'Or .
lears ; mais deux raifons m empêchent
de le faire la premiere eft , que je n'en
fçai aucune , la feconde eft , que, M. de
Senozan , qui en eft parfaitement informé
, prend le foin de l'en inftruire .
3.. [ID S
Parmi ves Bois à routes fans pareilles ,
Sous un chapeau claquant fur fes oreilles >
Etfoutenant un pieu long & pefant ,
A pas plus lents , mais plus feurs que les nô
Matres ,hib ani.
M. l'Abbé va- t-il toujours difant
D'Office faint les faintes Patenôttes ?
Mais croyez-vous que le vieil homme en
I. vol.
794
Ne
2596 MERCURE DE FRANCE .
Ne trouvât pas encore quelque appui ?
Et s'il trouvoit fous fes pas endormie ,
Bergeronette accointe & bien à point
Et que témoins ne l'y troublaffent point ,
Comme trouvai la Driade Themie ,
Jureriez - vous que , comme moi fimplet ,
'Il lui volât feulement un fifflet ?
Bien jurerois que n'en jureriez mie :
Si le voulez pourtant , je le croirai ;
Mais dans ma foi fervemment je dirai ,"
D'un tel hazard , Dieu préſerve ma Mie.
**:*XX*XX**X*X* :***
VOYAGE de Baffe Normandie
Deſcription hiftorique du Mont
S. Michel. Par M. de La R.
Premiere Lettre.
>
&
E vous tiens parole , Monfieur , &
je vous envoye , fans plus differer, la
Relation de notre dernier Voyage de
Normandie. Je dis notre Voyage , car
vous fçavez que je l'ai fait en bonne &
honorable Compagnie. On ne peut pas
en être plus fatisfait que je le fuis . Jel-
1. vol.
pere
DECEMBRE . 1726. 2697:
pere que vous le ferez auffi du compte
fidele que je vais vous en rendre.
Nous part fines de Paris le 1 z . du mois
de Septembre dernier pour aller joindre
notre Equipage , c'eft -à - dire , une bonne
Berline à fix chevaux , que nous
avions envoyée devant au Château de
Madrid , où nous déjeunâmes longuement.
Perfonne n'ignore que ce Château,
fitué dans le Bois de Boulogne , à une
petite lieuë de Paris , eft moins un Monument
de la magnificence , que de la
difgrace de François I. qui le fit bâtir.
peu de temps après fon retour d'Elpa
gne , & lui donna lui- même le nom de
Madrid.
En partant de ce Château fur le Mi
dy , & paffant par Neuilly , Nanterre ,
Chatou , S. Germain en Laye & Poiffy,
lieu de la naiſſance de S. Loüiis , qui
fignoit fouvent Louis de Foiffy par modeftie
, nous allâmes coucher à Triel,
petit Bourg auffi fur la Riviere de Seine
; on y voit une fort jolie maiſon ,
qu'on nomme le Château , bâti fur une
éminence .
Le 13. nous paffâmes la Seine en ba➡
teau à Triel même , & à deux lieues de
là , fur le Pont de Meulan , d'où après
trois heures de chemin nous arrivâmes
à Mante petite Ville encore fur la Sei-
I. vol. ney
1698 MERCURE DE FRANCE .
dont la fituation eft tout à fait agréa
ble. Il y a un Préfidial , un Chapitre de
Chanoines , & plufieurs Maifons Reli
gieufes. Le Convent & le grand Enclos
des Celeftins font hors de la Ville . Cet
Enclos eft fameux dans le Pays , & à Paris
même , à caufe de fes bons Vins . Je
ne retrouvai plus à Mante M. Boudier,
Gentilhomme de cette Ville , mon ancien
ami , grand Antiquaire , Hiftorien ,
Poëte , & parfaitement honnête homme.
Il y mourut au mois de Novembre 1723.
Vous trouverez fon Eloge dans le Mer
cure de France du mois de Decembre de
la même année. Le Duc de Sully eft
Gouverneur de la Ville de Mante.
Après avoir dîné à Mante , nous
pourfuivimes notre route par Rofny,
C'eft une Terre de confideration , érigée
en Marquifat par le Roi Henri le
-Grand , en faveur de Maximilien de Be
thune , Marquis de Rofny , puis Duc
de Sully , Pair & Maréchal de France ,
&c. lequel y fit bâtir un très- beau Château
, & des plus reguliers. C'eft là que
le Roi fon Maître le vint vifiter le jour
même que ce Prince gagna la Bataille
d'Yvry , où le Marquis de Rolny fut
dangereufement bleffé. Le Roi logea auffi
dans le même Château .
Nous arrivâmes un peu tard au Bourg
1. vol. de
DECEMBRE 1726 2699
de Pacy , fur la Riviere d'Eure , pour y
paffer la nuit , après cinq à fix heures
de marche. On ne voit rien de remarquable
à Pacy ; mais un peu au-deffus
de ce Bourg , commence la Vallée d'Eure
, ainfi appellée de la Riviere de ce
nom , qui coule dans toute fa longueur .
Elle est très - agréable par fa continuelle
verdure, & par le nombre confiderable
de belles maiſons qu'on y voit pendant
plus de fix lieuës , jufqu'au Pontde
-l'Arche, Entre ces maifons les plus
diftinguées , font l'Abbaye de la Croix.
Saint- Leufroy , Ordre de S. Benoift ,
dont les Bâtimens & les Jardins font
magnifiques le Château de la Boulaye,
dont le Duc de la Force , qui en eft le
Seigneur , a fort embelli les dehors ;
Breuil- le- Font , Bâtiment moderne d'une
grande beauté , conftruit par Louis Doubet
, Secretaire des Commandemens de
M. le Duc d'Orleans , Regent ; & Menill
, Château fort élevé , dont le Territoire
aux environs produit le meilleur
vin , ou , fi vous voulez , le moins mauvais
de tout le Pays , ce qui n'eft pas faire
une injure à la Normandie. Sa
Le 14. après avoir fait environ quatre
lieues de chemin , nous trouvâmes
la Ville d'Evreux , fituée dans une pe
tite Plaine , au pied d'une Colline , &
I. vol.
af-
1
2700 MERCURE DE FRANCE .
arrofée par la Riviere d'Iton , qui ſe jette
dans celle d'Eure , à quatre lleuës
d'Evreux. C'est une Ville Epifcopale ,
dont la Cathedrale dédiée à Notre . Dame
n'a rien de fingulier , quoique fort
bien bâtie , que dans fon exterieur , qui
eft embelli de plufieurs ornemens d'Architecture
& de fculpture affez paffables
pour le temps ; l'Ouvrage paroît être du
XII. Siecle.
Nous vîmes dans cette Eglife le Tombeau
en bronze de Jean de Harcourt ,
furnommé d'Aubergenville , fils de Rơger
de Meulean- Harcourt , I. du nom ,
Vicomte d'Evreux , & d'Elifabeth d'Anbergenville.
Il fut Doyen de S. Martin
de Tours , puis Evêque d'Evreux , &
Chancelier de France. Il affifta au Concile
General de Lyon en 1245. & fe
rendit recommandable par, fa pieté , &
par fa doctrine. Il eft repref nté ſur ce
Tombeau par une très -belle figure , auffi
de bronze, avec les habits pontificaux. Le
Tombeau eft orné partout de fleurs - delys
, & on y lit cette Epitaphe.
Summe Deus , fi fortè reus fuit ifte , reatum
Tolle fuum , quicumque tuum facis effe beitum
.
1. vol.
Civibus
DECEMBRE. 1726. 270p
Civibus Ebroicis dum præfuit ifte Johannes ;
Sub vice Pontificis vitiorum forbuit amnes.
Juni prima dies , anni quoque mille ducenti
Sex quini decies finem dant huic morienti.
Un Chien de Bronze , qui eft au pied
de la Figure de ce Prélat , tient l'Ecu de
fes Armes , qui font de gueules à deux
bandes d'argent , femées de Coquilles auffs
de gueules,
De l'Eglife nous montâmes par la Sa
criftie aux Archives du Chapitre , con
duits par quelques Chanoines , qui nous
marquerent beaucoup de politeffe ; nous
y trouvâmes un ancien Pénitentiel , d'u
ne finguliere beauté pour l'écriture , qui
paroît du 8.ou 9.fiecle, & pour la curiofité
des matieres . Il a pour titre principal
, EXCARPSUM de canonibus Catholisorum
Patrum vel poenitentia ad reme
dium animarum , Domini Eggberthti ;
Archiepifcopi Ebura Civitatis. C'eſt un
vol. in 8. qu'on avoit cru dans les temps
d'ignorance , appartenir à l'Eglife d'Es
vreux , quoiqu'il foit évident que ce
Livre a été fait pour l'Eglife d'York. "
Nous vîmes auffi un grand Miffel in
ol. Manufcrit Gothique , fur du Vêlin ',
avec des miniatures & des ornemens d'u
ne parfaite & exquife beauté , avec cette
J. vol inf
1702 MERCURE DE FRANCE.
$
inftruction au commencement , en carac
teres modernes. Ce Livre appartenoit à
Jacques Juvenal des Urfins, frere du Chancelier
de France ; Evêque de Poitiers , depuis
Archevêque de Rheims , qu'il fit faire
exprès , & l'a eû Raoul du Feou , Evêque
d'Eureux , qui a fait peindre fes Ar
mes fur celles dudit Archevêque , lequel
Raoul du Feon , l'a donné à l'Eglife d'Eureux.
On voit dans le même lieu quel-
Miffels anciens de l'Eglife d'Evreux
& une partie des Oeuvres de S. Auguf
tin , auffi manufcrites , d'une bonne antiquité.
Enfin , Meffieurs du Chapitre
d'Evreux ont auffi une Bibliotheque ,
mais peu fournie , pour avoir été longtemps
negligée.
ques
M. le Normant , Official de Paris ,
puis Chanoine de S. Honoré, eft aujour
d'hui Evêque d'Evreux , ayant fuccedé
immediatement à Jacques de Novion
fils du Premier Prefident de ce nom. I
eft auffi Abbé. Commandataire de l'Abbaye
de S. Taurin , Ordre de S. Benoît ,
dans la même Ville.
Cette Abbaye eft dans une très -belle
fituation & à l'une des extrémitez de la
Ville. On trouve dans la Bibliotheque
de cette Maiſon une partie de celle du
Cardinal du Perron , avec plufieurs Manufcrits
qui viennent du même Prélat ,
it Jo vele vola
ta
Jequel
DECEMBRE . 1726. 1703
lequel a été auffi Evêque d'Evreux &
Abbé de S. Taurin .
Il y a encore à Evreux , & à un autre
bout de la Ville , une Abbaye de Filles ,
nommée S. Sauveur , auffi de l'Ordre de
S. Benoît ; on n'y voit rien de fort fingulier
, fi ce n'eft un riche Tabernacle,
qui embellit extrémement l'Autel principal
de l'Eglife. Le fond en eft d'Ebene
,mais chargé d'ornemens d'Orfévrerie
, parmi lefquels on voit plufieurs
morceaux de Sculpture & d'Architecture
, d'un goût exquis & extrémement
finis. Madame d'Eftiffac , de la Maifon
de la Rochefoucaut , eft aujourd'hui Ab
beffe de l'Abbaye de S. Sauveur, 3
Il y a à Evreux plufieurs autres Egli
fes , Monafteres & Convents , & on y
compte jufqu'à huit ou neuf Paroiffes ,
quoique la Ville foit affez petite. Le Poëte
S. Amand , qui n'étoit pas l'homme du
monde le mieux reglé , s'en fcandalifa ,
comme vous fçavez , & vous n'aurez peutêtre
pas oublié fa petite Piece , qui come
mence ainfi .
Si jamais j'entre dans Evreux ,
Puiffe-je devenir fiévreux ,
& c.
Et le refte de l'imprécation , qui finit
par ces Vers .
J. vola
2704 MERCURE DE FRANCE .
Voilà ce qu'une ire équitable,
Fit prononcer étant à table ;
De haine ardemment excité ,
Contre cette étrange Cité,
Au plus benin de tous les hommes
Qui boivent au temps où nous fommes:
ObonYvrogne ! O cher Faret !
On y voit plus de trente Eglifes ,
Et pas un pauvre Cabaret.
S. Amand feroit obligé de fe rétrac
ter , & de chanter fur un autre ton ,
s'il revoyoit la Ville d'Evreux ; car on
y trouve aujourd'hui plufieurs bons gîtes,
entre lefquels on diftingue le Lyon d'or,
où l'on eft parfaitement bien .
Le lendemain nous allâmnes voir le
Château du Duc de Bouillon , qui eft à
une petite demie lieuë &au couchant de la
Ville. Nous y fûmes reçûs par M. de
S. G. Capitaine des Chaffes du Comté
d'Evreux , qui fit parfaitement bien les
honneurs d'une fi belle Maifon . Ce Château
, appellé Navarre , par la raiſon que
je dirai bien- tôt , a été bâti par Godefroi
Maurice , Duc de Bouillon , en l'année
1682. après en avoir pris tous les
deffeins de M. Manfard & en avoir jętté
les fondemens plus de huit ans aupara
Want Ce
DECEMBRE. 1726. 2705
م
Ce Château a été appellé Navarre par
les Comtes d'Evreux , depuis Jeanne de
France , fille du Roi Louis Hutin , &
femme de Philippe d'Evreux ,fils de Louis
d'Evreux , & petit fils de Philippe le
Hardi , heritiere du Royaume de Navarre
, qui avoit donné le nom de fon Royaume
à l'ancien Château , lequel étoit fitué
à cent pas
·
du nouveau .
C'eft un grand corps de Bâtiment tout
ifolé & quarré,dont les quatre faces font
de même hauteur , de même deffein & de
même fimétrie. If eft environné d'un
Talus en forme de Terraffe ou de Boulevart
, couvert de gazon , & élevé de
huit ou dix pieds au- deffus du niveau
de l'Esplanade , qui eft entre un Canal
d'eau vive , & qui fert de Cour au Château
, & en forme une Ifle . On entre
dans ce Bâtiment par les quatre faces ,
& on y monte par de grands & larges
Escaliers, au haut defquels eft pofée une
clôture de vitrages de 25. ou 30. pieds
de hauteur , fur quinze ou vingt de large.
La face qui regarde la Ville d'Evreux
& qui pour cela eft appellée Face principale
, a une double clôture ; car outre
celle de vitrage , dont je viens de parler
, il y en a une autre , formée par une
grande grille de fer , à peu près de même
hauteur que la premiere.
I. vol.
E De
2706 MERCURE DE FRANCE,
De quelque côté que l'on entre , on
paffe d'abord par un grand Veftibule ,
foutenu de quatre Colomnes , qui en font
comme les quatre coins . Les deux Veſ.
tibules qui font , l'un du côté du Midi
& l'autre du côté du Septentrion , onc
cela de particulier , qu'il y a quatre Buf
res de Marbre , reprefentant quatre Empereurs
Romains , pofez fur leurs Guaines
, aux côtez des deux Cheminées de
Marbre , qui font face l'une à l'autre ,
Les quatre Veftibules donnent entrée
à un très- grand Sallon , de figure ronde ,
& d'une magnificence furprenante , occupant
une bonne partie du Plan interieur
de tout le Batiment; il eft pavé
de Marbre , ainfi que les Veſtibules ,
& orné de huit Buftes , auffi de Marbre ,
qui reprefentent huit Empereurs , pofez
fur leurs Guaines , aux côtez de quatre
grandes Tables de Marbre , de diver
fe couleur , au- deffus defquelles il y a
quatre grands Quadres ,auffi de Marbre ,
d'un goût & d'une délicatele achevée ,
qui font l'attente de quatre Tableaux ou
de Glaces .
Ce Sallon eft enrichi , à la naiffance
de la voute , d'une Corniche très - délicatement
travaillée , qui regne tout autour
du Sallon , & qui porte des Trophées
d'Armes en relief , rehauffez des Ecul-
A. vol. fons
DECEMBRE. 1726. 2707
fons de la Maifon de Bouillon , avec d'autres
ornemens d'une grande beauté. Ce
Sallon eft éclairé par les grands vitrages
des Veftibules & par les grandes fenêtres
qui font dans la calotte d'un Dôme
qui le couvre , lequel est très - élevé. A
cette calotte eft attaché un Cordon ou
Moulure d'une délicateffe & d'une ftructure
admirable , fait par les nommez Noël,
& Gaillard , que M. Manfard goûta fi
fort , qu'il engagea le Duc de Bouillon de
les employer jufqu'à la perfection du
Bâtiment.
Des Veſtibules dont j'ai parlé , on entre
de plein pied dans les principaux Appartemens
, très richement meublez , audeffus
defquels font d'autres Appartemens
pour loger des perfonnes de diftinction ;
il y en a encore quantité d'autres autour
du Dôme pour loger les Officiers du
Château .
Toute la Charpente , de la façon d'Hidel
, merite l'attention des Curieux ,
pour les liaiſons & l'affemblage d'une
forêt de bois , qui forme la calotte du
Dôme , terminé par une grande Platter
Forme , couverte de plomb , fur laquelle
on avoit projetté de mettre une Statuë
Equeftre de M. de Turenne.
En defcendant , on nous fit paffer pas
les Offices , qui font conftruits fous le
1. vel.
E ij Châ2798
MERCURE DE FRANCE.
Château , & dans lefquelles on trouve
toutes les commoditez qu'on peut fouhaiter.
Les quatre faces de ce fuperbe Bâtiment
donnent chacune fur des vûës agréables
& variées ; la premiere , comme je
l'ai déja remarqué , regarde la Ville d'Evreux
, dont les Eglifes avec leurs Tours
& leurs Clochers , forment un très-bel afpect,
& vers laquelle on a formé le deffein
d'un Cours d'un quart de lieuë de longueur
, qui aboutira à la belle Place du
Portail neuf de l'Abbaye de S. Taurin ,
Occupée & embellie par les Benedictins
de la Congregation de S. Maur.
La face à l'oppofite de celle dont je
viens de parler , a fa vûë fur une vafte
Prairie qui conduit à la Forêt d'Arnieres
, ouverte par une large Allée de plus
de deux lieues de longueur. Enfin les
deux autres vûës font fur de grandes
Pieces d'Eau , fur des Bofquets renfermez
dans des Charmilles , qui forment
differentes Allées , & fur des Canaux ,
Nappes , Chutes d'Eau , & c. formez des
eaux de la Riviere d'Iton , auprès de
laquelle ce Château eft affis .
İl eft bon , Monfieur , de vous dire que
la Ville & le Comté d'Evreux , appartiennent
au Duc de Bouillon , en vertu
de l'échange fait en 1651. de la Princi
& voka
pauté
*
DECEMBRE. 1726. 2709
•
pauté de Sedan & fes dépendances , qui
étoit entré dans fa Maiſon en 1591. par
le Mariage de Charlotte de la Mark ,
Ducheffe de Bouillon , Princeffe Souve
raine de Sedan , &c. avec Henri de la
Tour d'Auvergne , Vicomte de Turenne,'
&c. Outre le Comté d'Evreux , le Roy
ceda par le même Contrat d'échange à
Frederic Maurice de la Tour - d'Auvergne,
Duc de Bouillon , &c. la Duché & Pairie
d'Albret, la Duché & Pairie de Château-
Thierry , & la Comté d'Auvergne. L'échange
fut homologué & enregistré au
Parlement , après quelques difficultez ,
par Arrêt du ro. Février 1652.
D'Evreux on va coucher ordinairement
à la Riviere Tibouville ; mais on
trouve à moitié chemin la Commanderie
de S. Etienne de Renneville , de l'Or₁
dre de S. Jean de Jerufalem , où nous
avions fait deffein de paffer quelques
jours. Nous y arrivâmes d'affez bonne
heure , nous y fumes reçus avec tous les
agrémens poffibles.
Cette
Commanderie, fituée dans la grande
Plaine de Neubourg, l'une des plus belles
& des plus fertiles de la Normandie ,
confifte en un fort beau Château & en une
Eglife attenant ; le tout enclos de murailles
, avec Parc , Jardins , grandes Avenucs
& autres
accompagnemens.
4. vol. E iij Son
2710 MERCURE DE FRANCE .
Son origine fe rapporte à Richard de
Harcourt , lequel en l'année 1150. fit
donation , de toutes les Terres qui lui
appartenoient , fous le nom de Baronie ,
avec Juftice moyenne & baffe , à l'Ordre
des Templiers , en fe rendant luimême
Religieux de cet Ordre. Ces Terres
faifoient partie du Comté d'Harcourt,
dont le Bourg n'en eft éloigné que de
trois lieuës, & les Templiers établirent là
une de leurs Maiſons , laquelle dans l'éxtinction
generale de l'Ordre , fut réünie
à celui de S. Jean de Jerufalem : Car
vous fçavez , Monfieur , que l'Ordre
des Templiers ayant tout -à-fait degeneré
de fon Inſtitut , on fut obligé de l'abolir ,
cela arriva en 1311. ou felon Mezerai ,
en 1314 par l'autorité du Concile de
Vienne , fous le Pontificat de Clement V.
& fous le Regne de Philippe le Bel ,
après avoir duré un peu moins de 200.
ans .
On voit dans l'Eglife , qui eft plus ancienne
que tous les autres Bâtimens de
la Commanderie , la Figure en pierre &
couchée fur un Tombeau de ce Richard
de Harcourt , Fondateur , habillé en Religieux
, & ayant un Bouclier à côté de
lui avec cette Epitaphe : Cy git Frere
Ricard de Harcort , Chevalier , dès le
commencement de la Chevalerie del Tem-
1. vol. ple ,
DECEMBRE. 1726. 2711
ple, Fondeur de la Maifon de S. Etien
ne. On voit auffi diverfes figures des
anciens Templiers , peintes fur le Vitrage
des fenêtres , qui eft parfaitement beau
& peu different de celui de la fainte Chapelle
de Paris.
Cette Commanderie a toûjours été poffedée
par des Chevaliers de grande dif
tinction , dont plufieurs ont été Grands-
Maîtres du Temple de Rhodes & de
Malthe , comme les Commandeurs de
Viniacourt & de la Sangle , Grands- Maî
tres de Malthe , de Sarcus , de Pacy ,
d'Aunay , de S. Luc , des Urfins , d'Elbene
, & c. Les Armoiries de tous ceux
que je viens de nommer, font peintes fur
les murailles du Choeur .
On y voit encore les Tombeaux des
Commandeurs de Mailly , de Courtebonne
, de Villerfeaux & de Bellebrune ,
qui font morts dans cette Maifon , &
aufquels ont fuccedé les Commandeurs
de Villers , de Frefnieres & le Bailly de
la Croix, qui poffede aujourd'hui la Commanderie
, dont le revenu eft au moins
de 12000. livres.
J'ay vû dans les Archives de cette
Maifon , que le Commandeur Philippe
de Mailly , dont on vient de parler , Treforier
de l'Ordre , & mort en 1515. a
fait rebâtir le Château d'aujourd'hui fur
Eij les
1. vol.
2712 MERCURE DE FRANCE.
1
les ruines du premier , édifié par la Fordateur
, & que c'eft Jean de Calonne de
Courtebonne , mort en 1669. qui fit
peindre fur les murailles du Choeur , à
droit & à gauche , les Armoiries qu'on
y voit de plufieurs Commandeurs Mo →
dernes , dans des Ecuffons pendans à des
arbres , & cela au lieu & place de quantité
d'autres anciens qu'il fit effacer , ce
qui n'a pas été approuvé .
J'ay vû auffi dans ces Archives qu'en.
Pannée 1635. & lorfque la pefte affligeoit
la Ville d'Evreux , les Religieufes de
l'Abbaye de S. Sauveur fe réfugierent
dans cette Commanderie , où elles demeurerent
plus de fix mois , avec la permiffion
de François de Vion de Tellancourt
, Grand- Prieur de Champagne &
Commandeur de S. Etienne , fous la conduite
de Loüife du Pleffis , leur Abbeſſe .
Pendant le temps que nous y reſtâmes,
nous prîmes le divertiffement de
la Chaffe dans cette belle Plaine. Cet
exercice nous mena un peu loin , &
nous donna occafion de voir plufieurs
belles Maifons , qui font aux environs
de la Plaine,ou pour parler le langage du
pays , dans la Campagne de Neubourg
qui eft ainfi nommée , à caufe du gros
Bourg de ce nom , avec titre de Marquifat
. Il y a un grand Château antique ,
Ft 1. vol • dan
DECEMBRE. 1726. 2713
dans lequel on voit encore les premieres
Machines de l'Opera , de l'invention
du Marquis de Sourdeac , Seigneur de
Neubourg .
Mais ce qui nous parut veritablement
digne de curiofité dans cette Campagne ,
c'eft le Château dit , le Champ de Bataille
, ainfi nommé à caufe d'un combat
fameux qui fe fit dans le même lieu
où il eft bâti , fous la minorité de Louis
XIII. entre Guy de Rieux , Marquis de
Sourdeac & Jean Baptifte de Crequi
Baron de Bernieules , d'un côté , & Henry
, Baron de Vieux- Pont & le Chevalier
de Vieux- Pont , fon frere , de l'autre .
Les deux premiers eurent le deffus avec
la Place difputée par le Seigneur de
Crequi.
Cette Place, fujet de la querelle , étoit
un certain terrain , peut- être de peu
d'importance, mais qui merita enfin qu'uni
"combat fi fameux décidât de fon fort. Le
Vainqueur & le principal intereffé dans
la conteftation , c'eſt - à - dire , le Seigneur
de Crequi entreprit peu de temps après
de faire bâtir le Château en queſtion
dans le même endroit où la fcene s'étoit
paffée, & nomma ce Château le Champ
de Bataille , lequel n'a été entieremen
achevé que par le Comte de Créqui
lequel s'eft occupé pen
By dart
mort en
I.vol.
1
2714 MERCURE DE FRANCE.
dant plus de vingt ans à le perfectionner.
J'oubliois , Monfieur , de vous dire que
les quatre Combattans fe touchoient tous
de parenté ou d'alliance fort proche , ce
qui fut un foible obſtacle à leur bizarre
décifion. Les trois premiers étoient beaufreres
, ayant épousé les trois foeurs ,
filles d'Alexandre de Vieux- Pont , Bapuis
Marquis de Neubourg , Amiral
de Bretagne , qui avoit épousé en
1593. Renée Tournemine , fille & heritiere
de Jacques Tournemine , Marquis
de Coëtmur & de Lucrece de Ro
han .
ron ,
J'aurois , au refte , de belles chofes à
vous dire de ce Château , fi je l'avois
vû autrement qu'en paffant & dans une
partie de Chaffe ; mais fi la réfolution
que nous avons prife d'y venir voir à
notre retour , M. le Marquis de Mailloc
, Neveu & heritier du dernier Comte
de Crequi , lequel le poffede aujourd'hui
, s'execute , je me propofe de rés
parer cette omiffion.
Nous partîmes de la Commanderie S.
Etienne le 17. pour aller coucher à la
Riviere Tibouville . C'eſt un petit Bourg
fitué dans une vallée agréable , prefque
toute en Prairie , que la petite Riviere
de ce nom arrofe ; il appartient à M.
1. чебе d'Her
DECEMBRE . 1726 274x
D
M. d'Herbigny , Maître des Requêtes ,
Subdelegué des Marêchaux de France.
Le lendemain , aprés avoir fait dire la
Meffe dans la Chapelle du Château , nous
allâmes dîner à quatre lieues de là , fur
le grand chemin qui mene à Lifieux
dans l'Hôtellerie de la Paroiffe de Duranville
, d'où , en faifant encore autant
de chemin , toujours par les plus beaux
pâturages qu'on puiffe voir , & tous rem
plis de gros bétail , nous arivâmes de trèsbonne
heure à Lifieux.
Vous me difpenferez de vous en dire
davantage pour cette fois , je vous ferai
part exactement de la fuite de notre
voyage , & je fuis , Monfieur , &c.··
Ceux qui ont expliqué les deux Enig
mes du mois dernier par l'Imprimerie &
la Faute , ont rencontré jufte.
PREMIERE ENIG ME.
Nous fommes deux freres jumeaux ,
Que l'Art autant qu'il peut forme toujours
égaux.
1.vol.
E vj Nus
2716 MERCURE DE FRANCE.
Nous avons pere & mere , & l'on nous a v
naître ;
Vivre & mourir avant que d'être.
Quoique bien differens nous nous reffemblons
bien.
Pour fe fervir de nous il faut qu'on nous affemble
,
Car fi nous ne fommes enfemble ,
Nous ne fervons prefque de rien.
Qui veut nous employer, ne doit point ſe méprendre
;
Mais rien n'eft plus aifé que l'art de nous bien
prendre.
Nous avons une gueule , & n'avons point de
dents,
Un ventre plat & creux , point de boyaux de
dans,
Chacun de nous , gourmand comme un Antropophage
,
Sans pourtant aimer le carnage ,
Se remplit de chair en tout temps.
Farcis jufqu'à crever d'une telle pâture ,
On croiroit que nous repaiffons ,
Point du tout cependant toujours nous en
graiffons ,
Sans prendre aucune nourriture ;
Mais , par un accident encor bien plus nouveau
, Quoique
DECEMBRE. 1726. 2717
Quoique nous foyons gras nous n'avons que
la peau,
Toi , Lecteur , qui prétens , comme un nouvel
Oedipe ,
Que toute obfcurité devant toi fe diffipe ;
Pour en avoir l'honneur , crois- moi , hâtes
tes pas;
Si tu n'es le premier tu ne nous auras pas.
SECONDE ENIGME.
Evous reffemble , Iris , je ne me trompe
pas , JE
Nous fommes froids & durs avec beaucoup
d'appas ;
Et fatiguons fouvent la parience ,
Des gens qui font les délicats ;
Mais voici notre difference ,
C'eft que malgré ma refiftance ,
On fait de moi tout ce qu'on veut ,
Avec le temps & la perfeverance ;
Au lieu qu'on dit , qu'Amour ne peut›
Ni de fes traits , ni de fa flâme ,
Faire impreffion fur votre ame.
I. vali
(NOU
1718 MERCURE DE FRANCE .
蛋蛋日
NOUVELLES LITTERAIRES
DES BEAUX ARTS , &c.
E DIRECTEUR DES AMES RELIGIEU
LEES SES , compofé en Latin par le Venerable
Louis Blofius , de l'Ordre de Saint
Benoift , & c. & traduit en François par
** , *, A Paris
, ruë
S.
Jacques
, chez
F.
Babuti
, 1726.
in
16.
de
204.
pages
.
ENTRETIENS de Ciceron fur les Orateurs
illuftres , avec des Notes de M. de
Villefore . A Paris , ruë S. Jacques , chez
J. Etienne , 1726. in 12. de 237. pages
, fans l'Epitre & la Préface , qui en
contient 61 .
CRITIQUE ABREGE'E fur un Livre nouveau
, ayant pour titre , Dictionnaire
univerfel de la France ancienne & moderne
, & de la nouvelle France . Par
C. M. de Launay , 1. vol . in 12. A
Paris , chez Noel Piffot & André Knapen
, 1726 .
Nous nous contenterons , fans entrer
dans le détail de cette Critique , d'en
rapporter ici un échantillon , pris au
1. vel. hazard
DECEMBRE. 1726. 2719
hazard à l'ouverture du Livre. Il eſt dit,
page 11. de l'Introduction , art. 35. que
Louis , fils de Lothaire , dit le Faineant ,
lui fucceda , fous la garde de Hugues Ca+
pet , fon coufin germain par les femmes,
& qu'il mourut comme fon pere , empoilonné
par fa mere en 987 .
Critique.
Louis le Faineant ne fut pas fils de
Lothaire , Louis , fils de Lothaire , ne
fut pas nommé le Faineant.
Louis le Faineant, vingt- huitiéme Roi de
France, fils de Carloman , auquel il fucceda
à la Couronne l'an 885. & regna environ
deux ans. Il fut furnommé le Faineant,
pour fa lâcheté & faute de coeur, il fut dé
pofé du Royaume , & tondu Moine à S.
Denis où il gît. ll tira une Religieufe de
l'Abbaye de Chelles , qu'il époufa. Ce
Roi eft regardé comme Ufur pateur , n'a
point d'Effigie au Palais , & n'eft pas
nombré entre les Louis , ni même entre
les Rois.
Louis V.trente-quatrième Roi de France,
fils de Lothaire, auquel il fucceda à la
Couronne , l'an 987. & mourut la premiere
année de fon Regne. 11 git à
S. Cornille de Compiegne , & eft le
dernier de la Race de Charlemagne. Il
eut pour femme , Blanche , fille d'Othon
II. Empereur. Aucuns ont écrit qu'elle
a vola
em2720
MERCURE DE FRANCE.
empoifonna icelui Roi fon mari .
ALMANACH DE PARIS , ou Calendrier
hiftorique , in 8. de 166. pages , chez
Chardon , Imprimeur- Libraire , ruë Sains
Severin , à la Croix d'or.
Ce Calendrier , vraiment hiftorique ,
contient , 1 ° . La datte de chaque jour
tant à notre maniere de compter , qu'à
celle des Romains par Calendes , Nones
& Ides , avec la difference de l'ancien
ftile du nouveau . 22. L'Extrait critique
de la Vie du Saint & de fes Reliques.
3 °. Ce qui fe paffe de curieux à Paris
& à la Cour. 4. La date de l'évenement
ou établiffement qui a rapport à
chaque jour. Le choix , de ces faits , rapportez
en ce Calendrier , ' fera connoître,
que ce n'eft pas les principaux points hif
toriques , qu'on ait rangé chronologiquement
fur chaque jour ; ce font au
contraire des faits intereffans , qui ont
pû échaper à l'Hiftoires tels font l'origine
de la condamnation aux dépens ;
l'établiffement des Theatres de Paris ,
leur changement ; l'époque de l'uſage
des Peruques , des Bonnets carrez , da
Tabac , du Caffé , & d'une infinité d'antres
établiſſemens concernant principalement
la Ville de Paris . Tous ces faits
dffperfez dans ce Calendrier font réü•
I. vol. nis
DECEMBRE. 1726. 2721
nis par le fecours d'une Table très - uti
le , laquelle eft précedée d'un Journal
du Palais , & des autres Tribunaux de
Paris , bien different des Journaux du
Palais qui ont parû jufqu'à ce jour , qui
marquent feulement les jours des Vacations
des Tribunaux de Juftice , qui
dans ce Calendrier hiftorique font rangez
au jour auquel cette Vacation arrive . Ce
Journal donc au lieu des jours de Vacations
, marque le jour de la Semaine ,
auquel chaque Chambre ou Jurifdiction
donne fes Audiences , enſemble les Conferences
, Conſultations , Concerts , &
autres Affemblées qui fe tiennent à un
jour reglé de chaque Semaine.
Chez le même Imprimeur on trouve
le petit Almanach de Paris , enrichi
de Vignettes gravées en bois , repreſentant
les fept Planettes dans le titre , &
le Signe du Zodiaque à chaque Mois ,
avec fon explication . La gravure en eft
fi délicate , qu'il ne s'en eft jamais vû de
pareille en ce genre , elle eft du fieur Pa
pillon , Graveur en bois , rue S. Jacques ,
au Papillon.
Quillau , Imprimeur de l'Univerfité ,
imprimeun Breviaite Romain en un feul
petit in 1 2. qui contient , 1. Un Extrait
des Rubriques, 2. Un Extrait des Ce-
1. vol.
1
remo
2722 MERCURE DE FRANCE .
remonies en François, 3. Un Reglement
du Chrétien. 4. Les Exercices du Chrétien.
5. L'Ordinaire de l'Office , 6. Le
Pleautier . 7. Le Propre du Temps . 8. Le
Propre des Saints. 9. Le Commun des
Saints. 10. Un Extrait du Rituel. 11. Une
nouvelle Methode de Plein - Chant , ſelon
un nouveau ſyſtême , dont nous avons
déja parlé plufieurs fois , trouvé par M.
Demez , felon lequel fera imprimé l'Antiphonier
, le Proceffional & le Graduel ,
generalement tout le Plein- Chant des
Matines & autres Heures de tout l'Office
Divin & des Meffes. Il y aura encore
la Mefle Royale de M. Dumont , & les
8. Tons du Plein Chant , & le Dies ira
dies illa en faux Bourdon .
Le Chant , felon ce fyftême , eft beaucoup
plus court , plus facile , & plus
feur , à imprimer , à apprendre , & à mertre
en pratique , que tous ceux qui l'ont
précede ; de forte qu'un enfant le peut
apprendre en très- peu de temps , de quoi
ont été convaincus , même les plus incrédules
, par l'experience & par plufieurs
gageures
.
Par ce nouveau Principe , tout boulevèrlement
de Notes & confufion de differens
intervalles font évitez ; la Note fe
connoît par elle - même , & conftituë tout
ce qui eft effentiel au Plein- Chant & à la
1. vol . Mu-
1
DÉCEMBRE. 1726. 2723
Mufique , fans clefs , cordes , barres , ni
tranfpofitions. Au refte , ce petit Livre,
commode à porter dans la poche , s'imprime
fur le meilleur papier qu'on a pû
trouver, & d'un beau caractere. Il fervira
en même temps d'Heures aux Da
mes & autres Laïques , de Diurnal aux
Ecclefiaftiques , & même de Breviaire , en
Faifant dans la fuite imprimer dans un
femblable Volume les Leçons de l'Office.
On aura dans ce Livre pour un écu , ce
qui coute plus de cent livres aujourd'hui .
Comme les Livres de la premiere impreffion
font prefque tous retenus , on en
commencera une feconde avant la fin de
celle- ci , qui pourra être finie à Pâques
prochain.
Ce nouveau Systême a été examiné ,
& approuvé par Meffieurs de l'Académie
Royale des Sciences , par M. Campra
, Maître de Mufique de la Chapelle
du Roi , M. Clairambaut de S. Sulpice
, M. l'Alouette , de Notre Dame , M.
la Croix , de la Sainte Chapelle , M.
Guillery , de S. Germain de l'Auxerrois,
& M. Colfai , de S. Euftache , & a fubi
plufieurs autres examens en differentes
Affemblées de Muficiens , qui ont été
convaincus des qualitez prétendues du
nouveau Systême , quant à la fpeculation
& quant à la pratique.
2. vol.
CA2724
MERCURE DE FRANCE.
CATALOGUS omnium rariffimorum ac
felectiffimorum Librorum , qui in Thefauro
Antiquitatum , & Hiftoriarum Italiæ
, & c. XLV. reperiuntur , &c.
Nous repetons le titre de ce Catalogue,
pour reparer une méprife qui s'eft gliffée
dans les Nouvelles Litteraires du
Mercure du mois d'Octobre paffé , page
2295. Il falloit ajouter , que non -feulement
ce Catalogue fe trouve à Paris,
chez Noël Piffot , mais que tout le grand
Ouvrage, dont il eſt ici queſtion , eſt entierement
achevé , & qu'il fe trouve auffi
chez le même Libraire.
ELOGES & Caracteres des Philofophes
les plus celebres , depuis la Naillance
de Jefus Chrift jufqu'à prefent. A Paris
rne de la vieille Bouclerie , chez
Giffey , in 12. de 478. pages , fans l'Epitre
& l'Avertiffement , Carattere de
S. Augustin , prix 2. livres .
Get Ouvrage eft parfaitement bien
écrit. L'Epitre, au Duc d'Orleans est
fort ingenieufe , le Prince y eft dignement
loué. Les Philofophes dont les
Eloges & Caracteres font contenus dans
ce Livre font , Seneque , Plutarque ,
Avicene , Abelard , Averroez , Albert
le Grand , S. Thomas , Scot , Cardan,
Gallendi , Descartes , Maignan , Pafcal,
1. vol. MalléDECEMBRE.
1726.
2725
Mallebranche ,
Leibnitz.
L'Auteur faic
entrer dans ces Eloges &
Caracteres tout
ce que le fujet fournit de plus propre à
rendre une lecture amufante ,
curieufe,
inftructive , en faisant
connoître les qualitez
de l'efprit , du coeur , & des Ouvrages
des Philofophes dont il eft ici
queftion . Cet
Ouvrage eft terminé par
quelques Poëfies de l'Auteur.
Nouveaux
Memoires des Miffions de
la
Compagnie de Jefus dans le Levant,
Tome 5. Vol. in 12. A Paris , chez
Guillaume Cavelier ruë S.
Jacques,
au Lys d'or. 1726 .
Il y a long-temps que ces
Memoires
en
édifiant
l'Eglife , font d'une
agréable
utilité à la
Republique
des
Lettres ;
mais de tous les
Volumes qui ont paru
jufqu'à
prefent , il n'en eft peut - être
point de plus
intereffant
que celui ci.
Il contient en quatre
Lettres , adreffées
du Levant au R. P.
Fleuriau , Préfet des
Miffions de
l'Orient , outre
plufieurs
faits qui
intereffent la
Religion , quantité
de chofes
confiderables
concernant la
Syrie , la
Paleſtine , &
l'Egypte. La
derniere de ces Lettres
merite une attention
finguliere . Elle eft du R. P. Sicard
,
Miffionnaire en Egypte , & contient
le Plan d'un
Ouvrage
entrepris par
vol, 1
2726 MERCURE DE FRANCE.
,
le même Miffionnaire fur l'Egypte ancienne
& moderne , &c. Ce Plan nous
paroît fi beau & la matiere fi curieufe ,
que nous nous propofons de le commu
niquer à nos Lecteurs , dans l'un de nos
prochains Journaux. Nous ajoûterons
que le Livre dont nous parlons ici , eft
orné de deux Cartes dreflées fur les
lieux , & très-bien gravées ; l'une de
toute la Syrie , & l'autre des Deferis de
la Baffe Thebaï de aux environs des
Monafteres de S. Antoine , & de S. Paul,
Hermites , avec le Plan des lieux par où
les Ifraëlites ont probablement pallé en
fortant d'Egypte . On y voit auffi le Plan
des Monafteres des deux fameux Anachoretes
dont on vient de parler , aujourd'hui
habitez par des Religieux Coptes.
Cette Carte eft encore un Ouvrage du
P. Sicard , qui a parcouru les lieux qu'el
le décrit avec M. Affemanni , fçavant
Maronite , aujourd'hui Bibliothecaire du
Vatican .
Les fieurs Cavelier , pere & fils , Brua
net & Goffelin , Libraires à Paris , débitent
un grand Ouvrage , annoncé de
puis quelques années dans les Journaux.
Il a pour titre , Dictionnaire des Arrêtss
ou Jurifprudence univerfelle des Parlemens
de France , & autres Tribunaux;
A. vol.
Con
DECEMBRE. 1726. 2727
contenant par ordre alphabetique les Matieres
Beneficiales , Civiles & Criminelles
, les Maximes du Droit Ecclefiaftique
, du Droit Romain , Du Droit public,
des Coutumes Ordonnances Edits
Declarations.
Cet Ouvrage qui eft en fix Volumes
in folio , a pour Auteur M. Pierre - Jacques
Brillon , ancien Avocat au Parle
ment de Paris.
La premiere Édition de ce Dictionnaire
a paru en 1711. en trois Volumes,
Elle fut fi bien reçûë du Public , que
l'Auteur a crû devoir attendre un auffi
favorable accueil pour toutes les recherches
nouvelles , additions & augmentations
comprifes dans ce Dictionnaire
qui eft le fruit d'un travail de plus de
30. années. On peut le confiderer comme
une Bibliotheque univerfelle de Jurif
prudence ; puifqu'il contient des Décifions
exactes fur toutes fortes de matieres
enforte qu'il n'eft point de titre important
, qui n'ait l'utilité , & prefque
la forme d'un Traité methodique. Il ne
faut pas au refte croire , que cet Ouvrage
ne foit propre qu'aux gens de Palais
I'Auteur s'étant attaché au Droit public
, & à celui qui convient à la Police
generale & particuliere de tous les Etats,
a tellement diftribué l'ordre de chaque
A. vol. Jujet,
2728 MERCURE DE FRANCE .
fujet , que le Lecteur , de quelque con .
dition qu'il puiffe être , y trouvera des
regles fort utiles pour éviter les mauvais
Procès , & foutenir les bons avantageufement.
On ne s'eft pas borné à ce qui appar
tient au Droit François il traite alphabetiquement
des Royaumes voifins &
étrangers , des Principautez & Souverainetez
limitrophes , pour ce qui regarde
la connoiffance du Barreau . En
un mot › on peut dire que ce Diction
naire eft l'affemblage de toutes les notions
qui dérivent de la difpofition des
Ordonnances anciennes & nouvelles , de
l'avis des meilleurs Auteurs en tout genre
& en toute efpece , & de l'autorité
des Arrêts rendus dans les Parlemens &
autres Tribunaux , tant du Royaume que
des Etats étrangers .
L'Auteur a dédié cette feconde Edition
à S. A. S. Monfeigneur Louis- Auguste
de Bourbon , Duc du Maine , Prince Sou
verain de Dombes.
M. Brillon déja connu par fes Ouvrages
de Litterature , & par la premiere
Edition de ce Dictionnaire , a augmenté
cette feconde de près de 4000. pages,
Chaubert , fur le Quay des Auguftins,
I. vol.
1
DECEMBRE. 1726 2729
à la Renommée & à la Prudence,a reçû
depuis peu d'Hollande les Livres fuivans.
Mémoires du Regne de Pierre le Grand,
Empereur de Ruffie , 4. volumes in 12.
en feuilles , 12. livres.
Bibliotheque Hiftorique & Critique
des Auteurs de la Congrégation de S.
Maur , I. vol. in 12. en feuilles , 3. liv..
Théologie Phyfique, ou Démonftration
de l'Exiftence de Dieu & de ſes Attributs,
tirée des Oeuvres de la Création , 1. vol.
in 8. en feuilles , 6. livres.
OUVRAGES DE FER & D'ACIER. La
Manufacture Royale d'Orleans , établie
à Cofnes, pour convertir le Fer enAcier,
& pour faire des Ouvrages de Fer &
d'Acier fondus , fur les principes de M.
de Reaumur , a depuis plufieurs mois
un Magazin à Paris , dans la ruë S. Thọ-
mas du Louvre , à l'Hôtel d'Uzez , qui
s'eft attiré les vifites de ce que la Cour
& Paris ont de plus connoiffeur & de
plus diftingué. Il n'eft perfonne qui n'ait
-paru frappé de la beauté & du goût des
Ouvrages qui s'y trouvent. Mais l'empreffement
même que le Public a moniré
d'en avoir , en a retardé la vente . La
Compagnie qui a entrepris cette Manufacture
, n'a pas crû devoir commencer
1. vol.
C
f F
2730 MERCURE DE FRANCE.
1
à débiter , jufques à ce qu'elle fût en état
de fournir le Royaume & les Pays Etrangers
de fes Ouvrages ; pour cela il lui
a fallu multiplier confiderablement le
nombre de fes Atteliers & de fes Ouvriers
.]
On y vend actuellement des Ouvrages
de tout genre , fondus fur d'excellens
modeles , la plupart nouveaux , & faits
par les plus grands Maîtres. Ces Ou
vrages font recherchez & finis , comme
ceux d'Orfévrerie . Le détail fuivant va
donner quelque idée de ces differens genres
d'Ouvrages .
Au lieu que les Balcons ordinaires
n'ont que des ornemens de fer roulé ,
ou de Taule emboutie ou des ornemens
de Cuivre qu'on y rapporte , les nouveaux
Balcons font d'une feule piece ,
enrichis de tout ce que la Sculpture fçait
executer en bois , de figures humaines ,
de figures d'animaux , de Guirlandes de
Heurs ; & ces fuperbes Balcons coutent
moins en fer , que de pareils ne coute
roient en bois .
Des Serrures , dont les Boëtes ou Palâtres
, ont des ornemens en bas relief,
-il en a qui font de veritables Tableaux ,
Telle en eft une , où les Acteurs de la Comedie
Italienne font reprefentez .
Des Marteaux , des Boutons de por-
1. vol, tea
DECEMBRE. 1726. 2734
te, des Entrées de Serrure , & generalement
de toutes les efpeces d'Ouvrages
de Serrurerie , avec des ornemen's , que
jufques ici on n'auroit pû , ou ofé entreprendre
de leur donner.
Quoiqu'on ne touche le Cuivre qu'à
regret , à caufe de l'odeur déteftable qu'il
laille aux doigts , il y a une infinité d'Ouvrages
qu'on a été forcé jusques à prefent
de fondre de ce Métail . On trouve
de tous ces Ouvrages en Fer , & en Acier
fondu , comme font des Feux de toute
grandeur.
1
Des Bras pour mettre des Bougies ,
des Flambeaux .
Des Luftres qui ont la blancheur & l'éclat
des Luftres de Criſtal , & des formes
qu'on ne fçauroit donner à ces derniers.
Des Pierres à papier pour mettre fur
les Bureaux .
Des Vafes pour les Jardins , de toutes
grandeurs.
Et enfin de tout ce qu'on a fait jufques
ici en cuivre.it
La feule inquiétude qu'on auroit pour
de fi beaux Ouvrages , c'eft que leur
éclat ne fût pas durable ; l'humidité eft
à craindre pour tous les Ouvrages de Fer
& d'Acier. Ceux - cy font d'un Fer &
d'un Acier , dont la nature eft de rouiller
plus difficilement que les Fers & les
Fij Aciers
1. vol.
2732 MERCURE DE FRANCE:
•
•
Aciers ordinaires. Mais M. de Reaumur,
après avoir trouvé le fecret de faire faire
des Ouvrages fi utiles , en a trouvé un qui
n'eft peut - être gueres moins important,
c'eft de leur conferver leur beauté , en
les deffendant contre toutes les atteintes
de la rouille. Il a découvert & donné
à la Compagnie qui a entrepris la nou-
-velle Manufacture , un Vernis , qui peut
être étendu fur l'Acier poli , fans en alterer
la couleur ni le brillant , & qui réfifte
aux mêmes épreuves que les Vernis
colorez de la Chine. Le Fet fur lequel
le Vernis a fuffifamment feché , ne
demande pour être nettoyé , que , que d'être
lavé avec de l'eau .
M. de Reaumur a auffi donné à la
même Compagnie , des Vernis de diffe
rentes couleurs , au moyen defquels le
Fer paroît couleur de Leton , de Cuivre
& de Bronze , fans en avoir la mauvaiſe
odeur. Ce vernis peut être expofé à toutes
les injures de l'air , fans que fa couleur
s'altere ; au moyen de quoi les Va
fes de Fer ont une couleur plus belle &
plus durable que ceux de Bronze.
On dore auffi , foit en entier , foit par
parties , tous les Ouvrages dont nous venons
de parler , ce qui fait un grand
effet Tout le monde fçait combien la
dorure fur l'Acier eft plus belle & plus
2.1. vol
durable
DECEMBRE. 1726. 2733
>
rable que la dorure fur Cuivre.
Le prix des Ouvrages eft écrit fur
chaque Piece , il ne peut que furprendre
agréablement ceux qui connoillent la
difference qu'il y a entre le Fer mis en
oeuvre avec des ornemens & le Cuivre ;
entre une garde d'épée d'Acier , & une
garde d'épée de Cuivre. Le prix des nouveaux
Ouvrages n'eft jamais au - deſſus
de celui de ceux de Cuivre , & eft fouvent
beaucoup audeffous .
*
Lorfqu'on voudra des Ouvrages qui
ne fe trouveront pas actuellement au
Magafin , ou qu'on les voudra d'un autre
deffein , ils feront executez en peu ,
pourvû qu'on en fourniffe le modele
Ja Compagnie.
On vend auffi dans le même Magazin
de l'Acier en gros & en détail , qui
ne le cede en qualité à aucun des meilleurs
Aciers connus . On le donne à dix
fols la livre il eft marqué de la marque
de la Manufacture . On garentit
de n'en livrer que d'excellent ; & s'il y
en avoit qui ne parût pas tel à ceux qui
l'auront acheté , on s'engage de leur rendre
l'argent de celui qu'ils rapporteront ,
fi mjeux ils n'aiment en reprendre d'autre
, poids pour poids.
Le R. P. Dom Bernard de Montfaucon ,
I. vol. Fiij lûr
1734 MERCURE DE FRANCE.
A
lût le 12. Novembre à l'Académie des
Belles Lettres & des Infcriptions , une
Differtation fur le Nimbe , ou le Cercle
Lumineux , que les Romains Idolâtres
mettoient à la tête de leurs Dieux , &
aux Images & Statues des Empereurs , &
que nos Rois de la premiere race mettoient
auffi à leurs Images.
Après avoir remarqué les differens fens
que les anciens Auteurs ont donné au
mot de Nimbus , il fit voir que les Romains
avoient pris des Grecs cet ufage
de mettre des Cercles Lumineux à la
tête de leurs Dieux ; que la flaterie infpira
aux Courtifans des Empereurs Romains
, de mettre cet ornement à leurs
Images ; ce qui fe prouve par plufieurs
exemples tirez des Monumens qui fe
font confervez jufqu'à nos jours , & que
les Empereurs de Conftantinople ont
confervé cette coûtume jufqu'à la prife
de cette Ville par Mahomet II. l'an
1453.
A l'exemple des Empereurs Romains ,
nos Rois de la premiere race depuis
Clovis , mirent auffi le Nimbe à leurs
Images & Statues ; & comme cet ufage
de nos Rois fait le principal fujet de cette
Differtation , il s'étendit plus fur cet ar
fur tous les autres. Il fit voir
que
d'abord que nos Rois , fur tout ceux de
I. volo
- ticle
3 la
DECEMBRE . 1726. 2735
la premiere race , prenoient les ornemens
Imperiaux ; ce qui fe prouve , tant par
l'autorité de Gregoire de Tours , que
par les monumens qui nous reftent
dont il fit l'énumeration & la deſcription.
que vers la fin de la premiere race , la
reflexion & peut - être le fcrupule , por
terent nos Rois à abolir cette coûtume
& à laiffer à Notre Seigneur , à la fainte
Vierge & à la Cour Čelefte , cet ornement
, que les Chrétiens des premiers
fiecles avoient adopté , par un esprit de
Religion.
Il fit voir que dès le commencement
de la feconde race , cet ufage étoit aboli
tout ce qu'on trouve d'Images de Pepin ,
de Charlemagne & de tous les autres
Empereurs & Rois François , n'ont ja
mais le Ninbe dans les Statues qui
reftent aujourd'hui, & qu'il rappella les
unes après les autres. Par un affez gran d
nombre d'autres exemples , il prouva
auffi que dans la feconde & troifiéme
race , lorfqu'on faifoit des Images ou Sta
tues de nos premiers Rois , on n'y met.
toit plus de Nimbe , quoique cet orne
ment fût dans celles qui avoient été faites
de leur temps . Cette Differtation fe
ra employée au commencement des Mo
numens de la Monarchie Françoiſe , que
l'Auteur prépare , fuivant le Projet dont
Fiiij on
1. vol.
1736 MERCURE DE FRANCE:
on a rendu compte au Public dans un
de nos Journaux .
On a vû l'origine & l'étimologie de
Puy , ou Palinod dans quelques - uns de
nos Journaux , & entr'autres dans le fecond
volume du mois de Juin de l'année
1725. page 1287. mais comme nous
venons de recevoir un Programme , qui
contient un détail hiſtorique du Palinod
qui fe tient tous les ans à Caen , nous
avons crû faire plaifir au Public , de donner
ici un abregé de ce Programme , fans
omettre rien d'effentiel , en nous fervant
des termes qui y font employez &
ufitez dans cet exercice académique .
Le Puy de l'Immaculée Conception ,
fera tenu à Caen , dans les grandes Ecoles
de l'Univerfité , le 8. Decembre 1726.
à une heure après midi. Ce Puy ayant
été premierement fondé de vingt livres
de rente , par Etienne du Val , Sieur de
Mondrainville , refta dix ans fans execution
, mais il fut rétabli en 1624. &
augmenté par la donation à perpetuité
de cent livres de rente , faite par Jacques
le Maire , Chanoine de l'Eglife Cathedrale
d'Avranche , Principal du College
du Bois.
Tous Poëtes , tant Latins que François,
font invitez d'envoyer Epigrammes ,
1. vol. Chants
DECEMBRE. 1726. 2737
Chants Royaux , Ballades , Sonnets &
Dixains en l'honneur de la Conception.
A la plus parfaite Epigramme Latine
du nombre de trente Vers , compriſe l'allufion
, feront données les Armes de
Univerfité. A la meilleure d'après ,
un Anneau d'or , pour debatu . Au meilleur
Chant Royal , contenant cinq Strophes
, & l'envoi , chaque Strophe étant
d'onze Vers , de dix à onze fyllabes ,
cinq couleurs fans coupes feminines , fi elles
ne font finalephées , à tel refrain Palinod
qu'il plaira au Poëte , de terminaifon
feminine , feront données les Armes
du Reftaurateur , & au debatn , ila Plume.
La Ballade aura pour Prix , les Armes
de M. de Mondrainville , le debatu,
une Etoille. Le Sonnet aura pour Prix ,
les Armes du Fondateur du College du
Bois , & le debate , une branche de Lau
rier. Le Dixain aura une Plume d'argent
Lefquels Prix feront redimez par d'au
tres Prix d'honnête valeur.
En 1627. Pierre le Marchand , Seigneur
de Saint Manvieu , & c. fonda un
Prix de cent Jettons d'argent , du poids
de deux Marcs & demis avec une Bourfe
de Velours verd , pour ufle Ode en Fran
çois, de dix Strophes , chaque Strophe
de dik Vers , dont le mafculine fera de
huit fyllabes & le feminin de neuf 1
29.1 I. vol. Fv. rime
2738 MERCURE DE FRANCE:
rime à la volonté du Poëte .
De plus , Louis Foüet , Docteur , Profeffeur
, & Prieur des Facultez des Droits
en l'Univerfiné , a fondé à perpetuité deux
Odes Latines , l'une en Vers Alcaïques ,
contenant douze Strophes , l'Allufion
compriſe , à l'imitation de celle d'Horace,
qui commence par ces mots , Odi prophanum
vulgus , arceo ; pour lequel
Prix ila laiflé la fomme de vingt livres :
Pautre en Vers Iambiques de fix pieds ,
compofée de quarante- huit vers , comprife
l'Allufion , à l'imitation de la quatriéme
Fable du quatriéme Livre de Phedre
, qui commence par ces mots , Plus
effe in uno fape , quàm in turba boni i
pour le Prix de laquelle Piece a pareillement
donné la fomme de vingt livres-
·
Toutes ces Pieces ou Poëmes Palinodiques
, doivent être conformes aux regles
du Puy , c'eft- à - dire , bien écrits ,
artographe & points bien obfervez , fans
glofes ni ratures , fur peine de perdre le
Prix .
Comme plufieurs Prix ont été réfer
ez les années précedentes , il y en aurá
cette année trois pour l'Epigramme , trois
pour le Chant Royal , trois pour la Balade
, trois pour le Sonnet , deux pour
Ode Alcaïque , & deux pour l'Ode
Iambique.
.
Smiz 1.vol. Joy . Les
DECEMBRE. 1726. 2732
Les Auteurs doivent envoyer trois
Exemplaires de chaque Piece , & doivent
payer le port de celles qu'ils envoyeront
par la Pofte.
Ce Programme , outre l'Invitation ge
nerale , contient auffi une Invitation Poëtique
, que nous rapporterons. Elle eft de
la façon de M. Heurtauld , Prêtre & Profeffeur
des Humanitez au College du Bois,
lequel a remporté plus d'une fois le Prix
du Palinod . Nous omettons une autre
Piece en Vers Latins du même Auteur ,
contenue dans le même Programme, quoi,
qu'elle ait auffi fon mérite , fur le fujet
de l'Immaculée Conception .
V
Invitation aux Poëtes .
Ous , à qui Calliope enfeigna l'art des
Vers ,
Elprits divins , troupe immortelle,
Phébus au combat vous appeller :
Préparez votre Lyre a de nouveaux concerts.
Voulez- vous trouver place au Temple de Mémoire
?
Fuyez la molle oifiveté :
Par de nobles travaux que fuivra la victoire
Tendez à l'Immortalité.
Remplis du Dieu qui vous infpire ,
1. vol.
E vị Charr
1740 MERCURE DE FRANCE.
Chantez , doctes rivaux , & formez tour-atour
De doux accens que l'Orne admire ,
Et qui puiffent charmer les échos d'alentour.
Celebrez une Vierge en miracles féconde ,
Qui porta dans fon fein l'Attente d'Ifraël :
Qui par une faveur à nulle autre feconde
En naiffant trouva grace auprès de l'Eternel.
Rappelle ici, Mortel , quelle eft ton origine :
Tu fors d'un fein impur : tu nais parmi les
: pleurs :
Tu vis dans l'efclavage ; après mille douleurs
Tu defcens au fépulcre , où ton fort fe ter
mine .
Terrible châtiment , dont Adam révolté
Accabla la Nature humaine. !
Heritiers malheureux de fon iniquité
Nous en portons la triſte peine.
Mais que vois -je Marie éprouve un fort plus
doux.
Son coeur formé dans l'innocence
N'eut jamais de part à l'offenſe ,
Qui nous rend les objets du celefte couroux :
Efther feule à l'abri d'une loi trop fevere ,
Judith tirant des fers fon peuple malheureux ,
1. vol.
Joas
DECEMBRE . 1726. 27411
Joas échappé feul aux fureurs de fa mere,
Sont les nobles tableaux de la Reine des
Cieux .
Loin , cette Mufe fcrupuleufe ,
Qui n'ofe s'écarter des divins Teftamens :
L'Hiftoire , même fabuleuse ,
Peut fournir à nos Vers d'utiles argumens.
Vantez cette illuftre Héroine ,
Dont le courage mâle , en pourfuivant l'Am✈
glois ,
Procura le falut à l'Empire François ,
Déja penché vers fa ruine.
Hercule s'offre à vous , terraffant au berceau
Deux Dragons furieux , de fon beau fang
avides :
Ou domptant ce Lyon , cette Hidre , ce Taus
reau
Dont la Grece éprouvoit les fureurs homicides.
Tous fujets peuvent plaire, ou vrais , ou fa
buleux ,
Pourvû qu'apliquez à MARIE
Par une jufte allégorie ,
Ils peignent fon triomphe & fon fort glo
reux .
Qu'attendez-vous encor ? venez troupe fça+
vante ,
J. Vol.
Veucz
2742 MERCURE DE FRANCE:
Venez dans ce beau champ moiffonner des
Lauriers
3
Differens des Vainqueurs que l'Elide nous
vante ,
Vous ne les devrez point à d'agiles cour
fiers .
Déja tous les Dieux du Parnaſſe
S'affemblent pour gouter la douceur de vos
chants :
Phebus , Virgile , Orphée , Horace ,
Eux-mêmes regleront vos nobles differends.
Qu'il eft beau pour un coeur amoureux de la
gloire ,
De fe voir couronné par leur fçavante main !
Combattez à l'envi : difputez la victoire :
Et courez à l'honneur par un fi beau chemin
,
Un Anglois eft arrivé à Paris avec
fa famille , & il a apporté avec lui une
Machine qu'il a inventée , par le moyen
de laquelle deux jeunes perfonnes , les
filles filent de la laine , du coton ,
&c. & font plus d'ouvrige en une heure
de temps , que dix des plus habiles
Fileufes ne pourroient faire en
dix jours . Bien des gens ont été voir
cette curiofité à la Communauté de M. le
Curé de Saint Sulpice , où ces deux
1. vol.
per-
翼
DECEMBRE . 1726. 2743
perfonnes travaillent & font des Eléves.
Toute l'habileté ne confifte prefque qu'à
tirer le fil également , & avec la même
adreffe ; car fi on tire le fil trop lentement
, il est trop gros , & fi on le tire
trop vite , il fe caffe. Ce fil , au reſte
eft de la plus grande fineffe qu'on puiffe
imaginer. On dit que le Bureau du Commerce
doit examiner cette Machine , &
dire fon fentiment fur les avantages &
les inconveniens qui peuvent en refulter
, par rapport à nos Manufactures.
L'Art de faire des Fleurs artificielles
eft à prefent au plus haut point de per
fection. La Demoifefle Barberi , Marchande
, dans la Salle neuve du Palais ,
la Reine d'Espagne , en a reçû depuis
peu d'Italie d'une beauté furprenante ,
qui ont tout l'éclat des plus belles fleurs
naturelles, & qui font à bon compte. Les
Curieux les plus difficiles y trouveront
à fe fatisfaire en Oeillets , Anemones ,
Géroflées , &c. & les Dames y trouveront
dequoi compofer les plus beaux
Bouquets , les ornemens de tête , &c.
On donne avis' au Public que le ve
ritable Suc de Regliffe & Guimauve
blanc , qui guerit le Rhume , fortifie la
Poitrine , détache & fait cracher la Pi-
1. vol tuite,
2744 MERCURE DE FRANCE.
tuite , & très fouverain pour les poul
moniques & afthmatiques , fe vent , fuivant
l'aveu & l'approbation de M. le
Premier Medecin du Roi , chez Mile
Defmoulins , qui demeure rue Guenegaud
, du côté de la rue Mazarine , chez
le Boulanger au premier Appartement.
, י
Briart, demeurant ruë de la Harpe ,
vis -à -vis la Croix dé Fer , continue avec
fuccès , à faire & à débiter des Cuirs excellens
à repaffer les rafoirs , par le
moyen defquels on peut abfolument fe
paffer de pierre. Pour la commodité du
Public , il en a de plufieurs grandeurs à
un & à deux côtez , & à plufieurs prix,
depuis 45. fols jufqu'à fix livres.
1
CHANSON.
Canevas rempli , für deux Menuets du
fieur Refer , Premier Violon de la
Comedie Italienne.
Quederigueur F
Que de tourmens fous votre Empire!
Envain je foupire .
J. vol.
Votre
1. Menuets de M
X
Que de rigueur. que
En vainje Soupire, vou
Sano espoir d'aucun r
mens vontfinir,Jesti
Soin de punir ceux qui
plus ou plains moy,
THE NEW YORK
PUBLIC LIBRARY .
ASTOR, LENOX AND
ILDER FOUNDATIONS,
DECEMBRE. 1726. 2745
Votre coeur confpire
Contre mon bonheur.
Sans efpoir d'aucun retour
Faut-il mourir d'amour,
Fiere Celimene ?
Quelle trifte chaîne !
Quelle dure peine !
J'en perdrai le jour.
Soyez moins belle ,
Ou moins cruelle ;
Pourquoi tout charmer ,
Si vous ne voulez rien aimer ?
Réponse.
Quelle fierté peut tenir
Contre une douleur fi tendre ?
Tous tes tourmens vont finir :
Il eft temps de nous unir.
L'Amour prend ſoin de punir.
Ceux qui tardent à fe rendre.
Ne te plains plus , ou plains moi ,
J'ai fouffert autant que toi.
I. vol. SPEC
2746 MERCURE DE FRANCE .
*******************
SPECTACLES.
A Tragedie d'Hypermnestre de M.
de Rioupeiroux , qui n'avoit paru
depuis plus de 20. ans , fut remiſe au
Theatre le mois paffé par les Comediens
François ; on l'a revue avec beaucoup de
plaifir , mais il s'en faut bien qu'elle ait
eu un fuccès auffi grand , que le faifoient
efperer les premiers applaudiffemens
qu'on lui donna dans fa naiffance ; voici
le témoignage que l'Auteur en porta
à la premiere Edition de la Piece. L'indifpofition
d'une Actrice , qui par les
grands talens qu'elle poffedepour le Theatre
, eft un des principaux ornemens de
cette Piece , en a interrompu les reprefentations
; je fouhaite qu'à la reprife elle foit
reçûë auffi favorablement , qu'elle l'a été
les quatre fois qu'elle a été reprefentée.
Les fouhaits de l'Auteur furent remplis
, la Dlle Duclos revint en fanté , &
la Piece reparut avec fon premier éclat.
C'eft cette même Actrice qui vient d'y
jouer le principal rôle avec autant de
force qu'autrefois , elle a eu le plaifir
d'y recevoir les mêmes applaudiffemens,
mais la Piece n'a eu qu'un petit nom-
Ir vol.
bre
DECEMBRE. 1726. 2747
bre de repreſentations , quoique cette excellente
Actrice ait été parfaitement bien
fecondée par les Acteurs qui ont joüé
avec elle .
Nous avons tâché de penetrer la caufe
d'un fi grand changement. Pour faire
part au Public de nos découvertes , nous
allons inferer dans cet Extrait les differentes
obſervations que nous avons recueillies
.
Argument.
par
fon am-
Egypthus & Danaus étoient freres.
Ce dernier ayant été chaffé
bitieux frere , d'un Trône qu'il devoit
partager avec lui , quitta les lieux de fa
naiffance , & vint fonder un nouvel Empire
dans la Grece. Egypthus ayant re
çu des Dieux cinquante enfans mâles ,
crut qu'ils ne lui avoient fait ce prefent,
qu'afin qu'il fe réunit par les noeuds de
' Hymen avec Danaus , qui de fon côté
étoit pere de cinquante filles. Ce fut
par ce motif, ou par quelque autre ,
qu'il fit propofer cette alliance à Danaus.
Quoique la propofition parut raifonnable
, Danaus avoit été trop maltrai
té de fon frere , pour n'avoir rien à
craindre de fon ambition . Il confulte les
Dieux ; l'Oracle lui annonce qu'il doit
fe garder d'un de fes gendres ; c'eft là
I. vel,
t
ce
2748 MERCURE DE FRANCE.
ce qui lui fait entreprendre de les faite
tous poignarder dans une même nuit ,
qui devoit être celle de leur Hymen . Il
engagea toutes fes filles , par un ferment
execrable , à porter le fer dans le
fein de leurs nouveaux Epoux , à la faveur
de la double yvreffe du vin & de
l'amour. Une feule fe rendit faintement
parjure ce fut celle qui a donné le
nom à la Tragedie dont il s'agit. Le fujet
eft des plus noirs : voyons comment
M.de Roupeiroux l'a mis fur la Scene.
ACTE I.
, que
Lyncée ouvre la Scene avec Idas fon
Confident ; nous apprenons d'abord ,
ce n'eft que depuis deux mois que Lyncée
eft dans Argos & dans la Cour de
Danaus , fous un nom étranger, ou plutôt
fous le nom d'Inconnu . Le defir d'acquerir
de la gloire , l'a arraché de la
Cour d'Egypthus fon pere. La premiere
occafion où fa valeur s'eft fignalée , lui
a été favorable , il y a fauvé le jour &
l'Empire à Danaus , en combattant contre
le Roi de Corinthe , qui vouloit expier
dans fon fang l'affront qu'il lui avoit
fait de lui refufer une de fes filles en
mariage , aprés la lui avoir promife. Danaus
invite Lyncée à venir,recevoir dans
I, vo '.
....
fa
DECEMBRE. 1726. 2749
La Cour les honneurs qui font dûs à fa
valeur . Lyncée lui cache fa naiffance , à
caufe de l'inimitié qui étoit entre fon
pere & lui. Il voit Hypermneftre fa
fille ; il l'aime , mais fans ofer découvrir
fon amour , parce qu'il a appris que
Danaus , pour des raifons qu'on ignore,
ne veut marier aucune de fes filles . Lyncée
a cependant pris foin d'informer
Egypthus fon pere de fon amour pour
Hypermneftre , il l'a fait avec d'autant
plus de confiance qu'Egypthus avoit
depuis long- temps formé le deffein d'unir
tous les fils avec les filles de Danaus
mais n'ayant aucune réponſe de
fon pere , il fe détermine à partir d'Argos
, fans même declarer fon amour à la
Princelle qui en eft l'objet.
Dans la feconde Scene Lyncée prend
congé de Danaus .
Dans la troifiéme Danaüs fait connoître
à Arcas fon Confident , pour quelle
raifon il a profcrit l'Hymen de fes filles ;
Voici l'Oracle qu'il a reçû d'Apollon.
Il faut du fang pour contenter le fort.
Tes filles dans leurs mains tiennent ta deſti
née :
De tes gendres préviens l'effort ,
Si leur trépas de près ne fuit leur hymenće ,
Tu pe peux éviter la mort
2750 MERCURE DE FRANCE.
Danaus ajoûte à cela , qu'Egypthus
lui ayant demandé fes filles en mariage
pour les fils égaux en nombre ; il lui a
envoyé Iphis , pour l'informer de l'Oracle
qu'il a reçû.
Dans la troifiéme Scene , Iphis qui
ne fait que d'arriver d'Egypte , annonce
à Danaus que fon frere eft inflexible ,
& que fes enfans font tous partis , hors
un , qui n'eft plus auprès d'Egypthus ,
& qui doit le trouver dans Argos avec
fes freres. Danaus s'emporte contre fon
cruel frere. Il ordonne à Iphis de faire
venir Hypermneftre. Il jure la mort de
tous fes gendres .
Dans la cinquiéme Scene , Danaus
demande à Hypermneftre fa fille de nouvelles
preuves de la tendreffe qu'elle lui
a toujours témoignée , & l'engage à le
lier à lui par un ferment à la face des
Dieux, Hypermnestre y conſent.
. La derniere Scene de ce premier A &te,
n'eft que pour inftruire les Spectateurs
de l'amour fecret d'Hypermneftre pour
l'Inconnu , dont elle fouhaite que le départ
foit hâté , afin qu'aucun objet ne
faffe diverfion à la tendrefle qu'elle a pour
fon pere ; mais elle le fouhaite envain :
Danaus , dans la Scene précedente , a
donné ordre à Arcas de courir après l'Etranger.
ACTE 4. vol.
DECEMBRE. 1726. 275
ACTE II.
Hypermneftre , encore troublée du ferment
terrible qu'elle vient de faire au
pied des Autels , attend avec frayeur que
Danaus lui explique ce qu'il exige de
fa foi.
Danaus apprend à Hypermneftre qu'Egypthus
le force à choifir fes enfans pour
fes gendres ; il lui dit qu'il n'a exigé
d'elle le ferment , dont les Dieux vienhent
d'être faits Dépofitaires , qu'afin
qu'elle donne l'exemple à toutes fes
foeurs , en plongeant un poignard dans
le fein de Lyncée , qui lui eft deftiné pour
Epoux. Hypermneſtre fremit à un ordre
fi cruel , mais fon pere lui difant qu'elle
lui donnera la mort à lui - même , fi elle
balance à lui donner cette derniere mar
de fa tendreffe , elle confirme fon
ferment tout execrable qu'il lui paroît.
Elle exprime l'horreur qu'elle fent
dans un Monologue , où après un com
bat , entre ce qu'elle doit à fon Epoux &
ce qu'elle doit à fon pere , ce dernier
l'emporte dans fon coeur . Cette fituation
prépare celle de l'Acte fuivant.
que
Lyncée que Danaus vient de rappeller
dans l'Acte précedent , arrive , fans fça,
voir pourquoi on le fait revenir. Il par-
Ja vol. le
(
2752 MERCURE DE FRANCE.
le pour la premiere fois de fon amour à
Hypermnestre . Cette Princeffe lui répond
d'une maniere à lui donner plus
d'efperance que de crainte , & le prie de
refter dans Argos , où Danaus peut encore
avoir befoin d'un ami auffi genereux
que luis ce qui détermine Lyncée à attendre
en ces lieux ce que les Deftins ordonneront
de lui,
ACTE III.
C'eft ici , fans contredit , le plus bel
Acte de la Piece. Hypermneftre le commence
par un Monologue , où elle paroît
tout- à- fait déterminée au grand facrifice
que fon pere & fon ferment exigent
d'elle..
Pafythée annonce aux Spectateurs que
les enfans d'Egypthus font arrivez à Argos
: elle felicite Hypermneftre fur fon
prochain Hymen , dont cette Princeffe eft
apparemment plus inftruite qu'elle , puiſqu'elle
fçait jufqu'au nom de celui qui
doit être fon Epoux , que tout le monde
ignore .
Lyncée encore moins inftruite que
Paſithée, vient ſe plaindre à Hypermneſtre
de l'infidelité qu'elle lui fait, où du mois
de la cruauté qu'elle a d'accepter un autre
Epoux , après l'aveu qu'il lui a fait de fon
amour,
1. vol.
DECEMBRE. 1726. 2753
amour. Hypermneftre s'excufe fur l'obéillance
qu'elle doit aux ordres de fon
pere & de fon Roi ; elle tâche de le
confoler , en lui difant que cet Epoux
qu'elle accepte eft plus malheureux que
lui. Lyncée , qui ignore que fes freres
foient arrivez , lui demande le nom de
cet Epoux. Hypermneftre lui nomme
Lyncée à peine a-t'elle prononcé ce
nom , que Lyncée s'abandonne à la joye,
& la prie d'aimer Lyncée , au grand étonnement
de cette Amante. Il la tire enfin
d'erreur , en lui difant , qu'il eft ce même
Lyncée , en faveur duquel il vient
de la prier . Quel coup de foudre pour
Hypermneftre ! elle a juré d'immoler fon
Amant fans le connoître , & dans l'horreur
dont elle eft faifie , elle dit , moitié
parte, & moitié à Lyncée .
Vous ! qu'ai -je entendu ? grands Dieux !
Vous , Seigneur ! quelle horreur vient frapper
ma penſée !
Je fremis .... non , Seigneur , vous n'êtes
point Lyncée.
Cette belle Scene eft interrompue par
l'arrivée du Roi , qui empêche un éclairciffement
dont l'Auteur n'avoit be :
pas
foin, ce qui eft un coup de Theatre des
plus heureux. Danaus inftruit du nom
de Lyncée par fes freres , lui fait un re-
G proche
1. vol.
2754 MERCURE DE FRANCE
proche d'ami en apparence , & lui dit
qu'il n'auroit eu qu'à fe faire connoître
pour recevoir dans fa Cour tous les honneurs
, & toutes les marques de tendreffe
qu'il meritoit . Il le preffe d'aller attendre
Hypermneftre à l'Autel , où tous
fes freres fe font deja rendus . Lyncée
y vole comme à fon bonheur fuprême.
Dans la derniere Scene de cet Acte ,
Danaus exhorte Hypermneftre , à bien
fer vir fa haine, & à affermir dans fa main
le fer vengeur dont il va l'armer , auffi
bien Les fours.
Hypermnestre , par
deux Vers qu'elle dit, à parte , prie les
Dieux de lui infpirer ce qu'elle doit
faire dans une conjoncture fi preflante,
que
ACTE IV.
La premiere moitié de ce quatrième
Acte , n'eft gueres moins belle que la
derniere du précedent . Hypermneſtre
vient arinée d'un poignard, dont elle ne
fçait pas encore bien l'ufage qu'elle doit
faire. Son trouble furprend Pafythée,
Hypermneftre lui ordonne de la laiffer
en repos attendre fon époux. Après un
Monologue où elle balance entre le devoir
de fille & celui dépoufe ; Hypermneftre
fe détermine en faveur de
Lyncée. Ce Prince arrive tranfporté de
plaifir & d'amour ; mais quelle eft fa
I. vol.
furDECEMBRE.
1726. 2755
furprise quand il entend fon Amante
& lon Epoule , le preffer de fuir , par
ces terribles mots !
Fuyez , fuyez , Lyncée.
Elle lui apprend que fa mort eft réfolue
, & que ce Poignard qu'il voit entre
fes mains , étoit deſtiné à lui percer le
coeur elle ajoûte qu'en ce même moment
, peut-être tous fes freres expirent
par les mains de leurs cruelles Epoules.
Lyncée veut courir au fecours de fes
freres ; mais Hypermneftre le détermine
malgré lui à la fuite. Danaüs vient ; il dit
à Hypermneftre que toutes fes faurs lui
ont été fidelles , animées par fon exemple.
Il demande à voir Lyncée noyé
dans fon fang ; le filence d'Hypermneftre
lui fait deviner une partie de la verité ,
-elle lui avoue tout , & lui dit qu'elle
croit s'être affez acquitée envers lui ,
en portant Lyncée à la fuite , puifque
par là elle l'a mis hors d'état de pouvoir
rien attenter contre fes jours . Danais
furieux , ordonne à Arcas de courir ,
après Lyncée avec toute fa Garde ; &
faifant arrêter Hypermneftre , la menace
de la faire mourir , après qu'elle aura vû
expirer fon Amant.
ACTE V.
Comme ce dernier Acte n'a jamais fait.
Gij grand
1. vel.
2756 MERCURE DE FRANCE .
la
grand plaifir , nous n'en dirons qu'un
mat. Lyncée eft arrêté & amené devant
Danaus , en prefence d'Hypermne ftre ; il
reproche à ce Roy cruel fon injuſtice.
Danaus ordonne qu'on le faffe périr à
porte du Palais . Le Peuple fe déclare
en faveur de ce Prince infortuné : Danaus
qui en eft ayerti , fe flatte que fa
feule prefence calmera cet orage naiffant;
mais il éprouve lui- même la fureur du
Peuple , qui lui donne cette même mort
qu'il deftinoit à Lyncée. Voici les remarques
qui ont été faites fur cette Tragedie
, & dont nous avons promis à nos
Lecteurs de leur faire part.
On trouve la Piece affez bien verifiée ,
mais on y fouhaiteroit plus de traits .
La fimplicité qui fait fouvent le prix
des autres Pieces de Théatre , eft pouffée
trop loin dans celle- cy . Tout roule fur
trois Acteurs qu'on voit trop fouvent
fur la Scene ; on auroit voulu plus de
varieté , & on croit qu'une Sour rivale
& auffi méchante qu'Hypermneftre eft
vertueufe , auroit fait un jeu & un contrafte
admirable.
Le caractere d'Hypermneftre a paru
très-beau & parfaitement bien foutenu
juſqu'au dernier Acte , où cette Princeffe
commence à perdre ce grand reſpect
qu'elle a toûjours eu pour fon Pere.
1. vol.
Celui
DECEMBRE. 1726. 2757
Celui de Danaus a révolté bien des
gens . Ce Prince craint trop la mort , &
c'eſt cette feule crainte qui lui fait répandre
le fang de fes gendres, fans en excepter
celui de Lincée qui lui a fauvé la vie.
Le deffein qu'il forme de faire cette
fanglante expedition par fes filles , auroit
été mieux fondé , fi les enfans d'Egypthus
avoient été les plus forts dans Argos
; mais cela n'étant point , on croit
qu'il auroit été plus fûr de les faire envelopper
& malfacrer par fa Garde.
Il n'a pas paru vrai- femblable que Lincée
fût le feul dans la Cour de Danaüs
qui ignorât l'arrivée de fes freres . L'Auteur
l'avoit, fans doute , fenti ; mais il avoit
befoin de paffer par deffus l'objection ,
pour donner une des plus frappantes fituations
qui ayent jamais paru fur la Scene .
Cette fituation fembloit même engager
Lyncée à avoir quelque éclairciffement
avec Hypermneftre, avant que de l'époufer;
l'Auteur l'a encore fenti ; puis qu'il a
empêché cet éclairciffement par l'arrivée
foudaine de Danais à la fin du troifiéme
Acte ; mais quelquefois une raifon trop
exacte fait perdre de grandes beautez.
Lyncée , dit-on , doit courir au fecours
ou à la vengeance de fes freres , dès qu'il
apprend d'Hypermneftre le péril qui les
menace , il n'y avoit rien de fi aifé que que
I vol.
Giij.: de
2758 MERCURE DE FRANCE .
de fui épargner cette lâcheté , qui dé- ,
ment fa valeur ordinaire .
•
Un Acte intermediaire auroit fait que
le quatrième feroit devenu le cinquième,
& pour lors Lyncée auroit fait fon der
voir en courant à la vengeance de ſes
freres. Danaus auroit été fa premiere
victime & par là l'Oracle auroit été
rempli.
Ces remarques & quelques autres qui
ne font pas venuës jufqu'à nous , peuvent
avoir contribué au peu de fuccès
que cette Tragedie vient d'avoir ; mais
pourquoi , dira -t -on , n'a- t- elle pas cû
le même fort dans fa naiffance ? On peut
répondre qu'elle a eû aujourd'hui une
beauté de moins ; c'eft la grace de la
nouveauté , & d'ailleurs on ne doit point
douter que la critique ne foit aujourd'hui
plus clairvoyante qu'elle ne l'étoit il y a
vingt ans, les Connoiffeurs fe multipliant
& fe fortifiant tous les jours ; il eft mêmé
à craindre que le Public à force de
devenir difficile , ne mette les Auteurs
dans la trifte neceffité de ne pouvoir le
contenter.
›
Le 4. de ce mois , les Comediens Italiens
ordinaires du Roy reprefenterent
fur le Theatre du Palais Royal , la Parodie
de l'Opera de Pyrame & Thifi,
1. vol,
précedée
DECEMBRE . 1726. 2759
précedée d'une Comedie Italienne intitulee
, Arlequin Muet par crainte. Ces
deux Pieces furent honorées de la prefence
de la Reine d'Efpagne , qui étoit
incognito dans la petite Loge de S. A. R.
Madame la Ducheffe d'Orleans. Ces Pieces
furent fort applaudies par la nombreufe
aflemblée qui s'y trouva . La Parodie
fit pour le moins autant de plaifir
fur ce Theatre , qu'elle en avoit déja fait
fur celui de l'Hôtel de Bourgogne . On
peut dire même qu'elle en fit davantage,
à caufe du lieu de la Scene , où tous les
endroits de l'Opera - Parodié , devenoient
également fenfibles & plaifans ; plaiſant
qui n'a rien coûté à la pudeur , chofe
remarquable & peut- être unique dans
ces fortes d'Ouvrages , où le Vaudeville
femble permettre la licence qu'on fe
donne ordinairement dans les Parodies.
Auffi le Public modefte , qui a rematqué
cette retenue , en fçait-il bon gré
aux deux jeunes Auteurs de la Parodie.
Le Mercredi 11.de ce mois , les Comediens
Italiens donnerent la premiere réprefentation
de la Femme Jalouse , Comedie
Françoiſe en trois Actes & en Vers ,
par M. Joly. Cette Piece,, dont l'Original
eft une excellente Comedie Italienne
en Profe , du fieur Lelio , fut parfaitement
bien reprefentée & très -applau
G iiij
1. vol. die
2760 MERCURE DE FRANCE:
1
die du Public ; on la trouve fort bien
écrite ; & fi l'Auteur François a travaillé
fur un fond qui n'eft pas de lui , il a au
moins la gloire d'avoir confervé les
beautez de fon Original , & d'être applaudi
dans ce qu'il y a mis du fien . C'eft
la premiere Piece de Caractere que les
Comédiens Italiens ayent joüée en Vers
François. Nous donnerons un Extrait
détaillé de cet Ouvrage dans le fecond
Volume de ce mois , qui fuivra celui- cy
de bien près.
Les les mêmes Comédiens réprefenterent
à la Cour , le double Mariage
d'Arlequin , Comédie Italienne , & la
petite Piece du Philofophe dupé fur l'Amour,
qui fit beaucoup de plaifir. Nous
en donnerons l'Extrait dans le prochain
Journal.
Le 12. ils reprefenterent auffi à la
Cour , le Temple de la verité , & Ar-
Leguin Marchand prodigue.
Le 19. la Femme Jaloufe , Piece nouvelle
, traduite de l'Italien , qui fut fort
goûtée , & l'Amour Maître de Langue ,
petite Piece Françoife réduite enun
Acte.
Le Vendredi 13 .de ce mois , on
donna fur le Théatre François pour la
premiere fois , la Tragedie de Tibere.
I. vol. Cette
DECEMBRE. 1726. + 2761
Cette réprefentation fut affez tumultueufe.
On la rejoua le fur lendemain & elle
fut beaucoup mieux écoutée & mieux
reçue du Public. Le 17. cette Piece fut
réprefentée à la Cour. Nous en donnerons
un Extrait affez étendu dans le
prochain Journal , pour mettre le Lecteur
en é tat d'en juger.
Le 3. de ce mois , les Comédiens François
réprefenterent à la Cour la Tragédie
d'Hypermnestre & la petite Comédie
de la Famille Extravagante , Piece
remife au Theatre , de la compofition
du fieur le Grand .
Le 7.1'Ecole des Femmes , & le Son
pé mal aprêté.
Le 10. la Tragédie de Phedre & la
Famille Extravagante.
Le 14. l'Andrienne , Comédie, du fieur
Baron & les Folies Amoureufes ..
7
Le Theatre François a fait une perte
confiderable en la perfonne du fieur du
Mont de la Voye , qui eft mort le 2. de
ce mois , dans la 66. année de fon age.
Il avoit une memoire excellente il
jcuoit avec beaucoup de naturel les Rôles
à Manteaux , les Valets , les Païfans
& les grands Confidens Tragiques . II
étoit dans la Troupe depuis 1695.
15vol.
GY
On
2762 MERCURE DE FRANCE.
4 . On apprend de Vienne , que le da
mois dernier , on réprefenta pour la prémiere
fois devant L. M. Imp. un Opera
nouveau , intitulé les deux Dictateurs ,
qui fut generalement applaudi .
On mande de Venife que le 27. du
mois dernier on fit l'ouverture du Théatre
de S. Chryfoftôme , par la premiere
reprefentation d'un Opera intitulé , Flavius
Olibrius , Favori de Leon , Empe-.
reur d'Orient .
******* XXXXXX XX
NOUVELLES DU TEMPS.
TURQUIE .
E Major General Romanshoff, En-
Love Extraordinaire de la Czarine
> à la Porte Ottomane , a commencé à
travailler au reglement des Limites des
Provinces conquifes fur la Perfe , avec
n Pacha , Commiffaire du Grand- Seigneur.
Schah - Thamas , fils de Schah-
Hullain , Roi de Perfe , détenu prifonnier
par les Rebelles de fon Royaume
a reçû avec beaucoup d'accueil le Miniftre
Plenipotentiaire de S. H. & il paroît
difpofé à acceder au Traité conclu
1. vol.
DECEMBRE. 1726. 2763
à Conftantinople entre le feu Czar & le
Grand - Seigneur .
Les nouvelles de la fin du mois d'Octobre
portent que l'Armée Ottomane s'étoit
éloignée d'Ifpaham , parce qu'elle ne
pouvoit y fubfifter , qu'elle étoit entrée
en quartier de rafraîchiffement dans la
Georgie , & que le G. S. avoit fait dire
au Sultan Efchreff, qu'il feroit de nouveaux
efforts pour détruire fon parti
dans la Perfe , fi dans le terme qu'il lui
a accordé pour fe déterminer , il n'acceptoit
les propofitions qui lui ont été
faites de la part de S. H.
On a reçû de Conftantinople la confirmation
des premiers avis qu'on avoit eu
de la ceffation du mal contagieux , qui
en moins de trois mois y a fait perir
150. mille perfonnes .
On mande de Conftantinople du 22 .
Octobre , que quelques jours auparavant
M. Grigorafco - Ghika , cy-devant Drogman
de la Porte , avoit été fait Prince
de Moldavie, & qu'il devoit avoir inceffamment
fon Audience du G. S. Nous attendons
le détail des céremonies qui fe
pratiquent dans ces occafions .
Ces mêmes Lettres ajoûtent que la
Pefte , qui a été très -generale & trèsviolente
, a duré plus de quatre mois
dans fa plus grande force , mais qu'elle
1. vol. Gvj eft
2764 MERCURE DE FRANCE.
eft prefque entierement ceflée . Les
Turcs , contre leur coûtume , ont commencé
à en avoir peur , à ne fe point
trop communiquer & à prendre les
autres précautions qu'on prend en Eu
rope ..
O
RUSSIE.
N celebra à Petersbourg le 25.
Octobre avec beaucoup de folemnité
, l'anniverfaire de la naiffance du
Prince Pierre Alexiowitz , Grand Duc
de Mofcovie , petit - fils du feu Czar , qui
étoit entré la veille dans la 1 2 année
de fon âge:
Il a été réfolu dans le Confeil de la
Czarine , que la Ducheffe Douairiere de
Curlande , en qualité de Princeffe de la
famille du feu Czar , auroit dorénavant
une Garde de 150. Fantaffins & de 160..
Cavaliers Mofcovites , qui demeureront
toûjours en quartier à Mittau , où l'on
ne recevra plus aucunes Troupes Polonoiſes...
La Czarine a fait rentrer dans le Duché
de Curlande 1 2000. hommes de fes
Troupes qui y refteront , à ce qu'on croit
jufqu'à ce que la République de Pologne
lui ait donné fatisfaction , par rap
port aux prétentions de cette Princelle :
fur ce Duché ..
12 vols.
S.
DECEMBRE. 1726. 2765
S. M. Cz. a fait promettre une paye
extraordinaire & d'autres avantages trèsconfiderables
aux Etrangers qui voudrone
s'engager à fon fervice pour deux ans
ce qui fait efperer qu'on levera avec plus
de facilité les quatre nouveaux Regimens
de 3000 hommes chacun , qu'on
doit mettre fur pied au commencement
du mois d'Avril prochain.
T
La Czarine a créé depuis peu un Regiment
d'Infanterie en faveur du jeune
Prince de Heffe-Hombourg , qui n'y re
cevra que des Officiers Allemans ou
Suedois.
Pour fubvenir aux frais extraordinai
res des nouvelles levées qu'on fait en
Ruffie , le Clergé eft convenu d'augmenter
d'une moitié en fus le don gratuit
des 600. mille Roubles qu'il fait remet--
tre tous les ans au mois de Janvier aux
Treforiers Generaux des deniers publics.
Il a été réfolu dans le Confeil de S.M ..
Cz. de faire entrer 24000. hommes de
Troupes Mofcovites dans le Duché de
Curlande , afin d'empêcher l'execution
des , ordres dont on a chargé la Commiffion
Polonoife qui doit fe rendre à Mittau
, conformement au réfultat de la der
niere Diette generale de Grodno.
Id vola
POLOGNE
2766 MERCURE DE FRANCE.
POLOGNE.
N mande de Grodno , où fe tient
la Diete de Pologne , que le 30.
Octobre , la Chambre des Nonces confirma
le don de l'Eglife de fainte Marie ,
qui a été fait aux Bernardins de Thorn
dans le temps de l'execution de la Sentence
rendue contre cette Ville.
Le 2. Novembre , le Maréchal de la
Diete remit fur le Bureau un Ordre du
Roy au Comte Maurice de Saxe , datté
du 11. Octobre , pour lui enjoindre
de renoncer à l'élection qui a été faite
en fa faveur , & de lui en envoyer
l'Acte ; la réponſe du Comte Maurice à
Sa Majefté par laquelle il témoigne fa
foumiffion aux ordres du Roy , fans pourtant
envoyer l'Acte d'Election que S. M.
lui demandoit , & un Mémoire fur la
même affaire , avec un ordre réïteré du
Roy à ce Comte . On dit que les principaux
Nonces de la Diete , qui témoignent
une grande animofité contre les
Curlandois , propofent d'envoyer une
Commiffion dans le Duché de Curlande ,
& de la faire foutenir par un détachement
de l'Armée de la Couronne & du
Grand-Duché de Lituanie . Le 9. de ce
mois , on chanta à Grodno un Te Deum
I. vol. L
en
DECEMBRE. 1726. 2767
en actions de graces de l'heureuſe Conclufion
de la Diete.
le
On a appris depuis de Grodno , que
Grand General du Duché de Lituanie ,
a fait revenir du Duché de Curlande les
Troupes qui y étoient envoyées pour les
interêts du Comte Maurice de Saxe , qui
eft retourné à Mitrau , dans le deffein de
fe fervir des fecours que la Czarine doit
Jui envoyer pour la validité de l'Election
qui a été faite en fa faveur . On
continue d'affurer que ce Comte époufera
la Ducheffe Douairiere de Curlande,
& que la Czarine a donné fon confentement
à cette alliance .
L&
SUEDE.
Es Etats ont confenti d'augmenter
d'un tiers les Troupes de ce Royaume,
qui font actuellement compofées de
18000 hommes de Troupes réglées , &
de 6ooo hommes de Milices. Il a auffi
été réfolu de rappeller les Officiers réformez
& d'engager de nouveau tous les Soldats
en état de fervir , aufquels on avoit
accordé des congez .
On mande de Coppenhague , qu'on a
découvert dans la Norvegue de nouvelles
Mines d'Argent , dont on croit que
le produit fera confiderable.
1. vol.
AL2768
MERCURE DE FRANCE ,
ALLEMAGNE.
N mande de Vienne , que l'échan
Ogege des ratifications de l'Acte d'Accelfion
des Electeurs de Cologne , & de
Baviere au Traité de Vienne , fe fit chez
le Prince Eugene de Savoye le 36 du
mois dernier .
L'Aga Turc qui eft à Vienne en qualité
de Conful de fa Nation , a fait arrêter
& partir pour Conftantinople trois
de fes Domestiques qui avoient projetté
de l'affaffiner , fous prétexte qu'il paroif
foit difpofé à fe faire baptifer.
On a reçû avis de Petri - Waradin ,
qu'on avoit reffenti aux environs de cette
Ville , une violente fecouffe de tremblement
de terre , pendant laquelle une
Montagne avoit été féparée en deux &
une moitié étoit tombée dans le Danube.
Le 28. du mois dernier , l'Empereur
déclara publiquement qu'il avoit nommé
pour fon Ambafladeur à la Cour du Roy
T. Ch. le Comte Etienne de Kinski ,
Confeiller Ordinaire à fon Confeil d'Etát
, cy-devant fon Miniftre auprès de la
Czarine.
3. vol.
ITALIE.
DECEMBRE . 1726. 2769
ITALIE.
Ldu foir , on reffentit à Naples deux
E 17. Octobre vers les fept heures
fecouffes de tremblement de terre , qui
furent fuivies une heure après d'une troifiéme
, mais heureuſement elles ne cauferent
aucun dommage. Le 31. entre les
dix à onze heures du foir , on reffentit
encore dans la même Ville une legere
fecouffe , qui ayant été beaucoup plus
confiderable une heure après , caufa une
épouvente fi generale , qu'une partie des
habitans abandonna fes maifons & fe fauva
à la campagne.
Le Chevalier de Saint George a fait
Jouer un fecond Palais à Bologne pour y
loger le refte des Officiers de fa Maifon.
On écrit de Rome , que le Pape s'érant
rendu le 7. du mois dernier à l'Ho
pital de S. Gallican in Traftavere , SaȘ.
y manda tous les Curez de la Ville , aufquels
elle fit un Difcours fur l'obligation
de prier pour les Morts & fur l'ancien
ufage de les enterrer dans des Cimetieres
& non dans les Eglifes ; & après
leur avoir fait remettre un nouveau Reglement
fur les ceremonies qui regardent
la fepulture , elle alla benir le nouveau
Cimetiere de cet Hôpital .
4. vol. On
2770 MERCURE DE FRANCE .
On apprend de Genes de la fin du mois
dernier , qu'il y a paru une Comete pendant
plufieurs jours.
Le 4. du mois dernier , le Comte de
Gergy , Ambalfadeur de France à Veniſe,
s'étant rendu au Monaftere des Religieux
de l'Ordre de S. François de l'Ifle du
S. Efprit , qui eft deftiné ordinairement
pour la reception des Ambaffadeurs , il
y fut complimenté de la part du Cardinal
Ottoboni , des Miniftres Etrangers , du
Patriarche de Veniſe & de tous les Agens ,
Confuls & autres perfonnes chargées des
affaires de differens Princes . M. Nicolas
Tron , Chevalier de l'Etole - d'Or , cydevant
Ambaffadeur en Angleterre , &
nommé par la Republique pour recevoir
le Comte de Gergy , fe rendit au même
Monaftere , accompagné de 60. Senateurs.
Après les complimens ordinaires , l'Ambaffadeur
monta dans la Gondole de de
Chevalier , & chaque Senateur prit dans
la fienne un Gentilhomme du Cortege
du Comte de Gergy . Les Gondoles de
P'Ambaffadeur , qui étoient d'une grande
magnificence , fuivoient immediatement
celles du Chevalier Tron , & elles étoient
fuivies de celles des Miniftres Etrangers ,
du Patriarche & de plufieurs perfonnes
de diftinction.
Le Comte de Gergy arriva à fon Pa-
I. vol. lais
DECEMBRE. 1726. 2771
lais vers les cinq heures après midi , &
il fut conduit jufques dans fon Appartement
par le Chevalier Tron & par les
Senateurs , aufquels il fit prefenter des
rafraichiffemens.
Le 5. vers les dix heures du matin ,
le Chevalier Tron , accompagné des mêmes
Senateurs , vint prendre l'Ambaffadeur
à fon Palais & le conduifit dans le
même ordre que le jour precedent , à
l'Audience du Doge. L'Ecuyer , les Pages
, les Valets de Chambre & la Livrée
du Comte de Gergy ayant pris les devants
, fe trouverent rangez en haye à
la defcente des Gondoles , & marcherent
devant lai jufqu'à l'Appartement du
Doge , où le Chevalier Tron le conduifit
, les autres Senateurs ayant chacun à
leur droite un Gentilhomme du cortege.
Le Comte de Gergy s'étant affis à la
droite du Doge , il lui prefenta fa Lettre
de créance , qui fut lûe à haute voix par
un Secretaire du College. Après quoi il
fit au Doge & à la République le Difcours
fuivant .
SERENISSIME DOGE , &c.
C'est pour moi le plus heureux de rous
les jours , que celui qui me donne entrée
1. vol. dans
2772 MERCURE DE FRANCE .
dans votre augufte Sénat ; jour où je jošïs
de l'honneur d'être l'Interprete des volon
tez du plus puiffánt des Rois vers la plus
illuftre des Republiques.
Accoûtumé depuis long- temps à étudier
cette fagefe qui prefide à vos Confeils,j'ambitionnois
un rang qui me fit voir encore
de plus près ce que je ne me laffois pas
d'admirer, & dans les divers Minifte
res dont le Roi mon Maître m'a honoré ,
je regardois comme le comble du bonheur
d'un Miniftre politique , d'être revêtu du
caractere augufte près d'une Puiffance que
la politique a rendu fi fameufe.
Mon bonheur aujourd'hui égale mes ef
perances mais mon admiration croît chaque
jours & plus je contemple de près ce
que votre Republique a de grand ce
que votre Senat a d'auguste , plus j'y di
Couvre des prodiges.
Si j'envisage cette puiffante Republique
du côté de la Religion , je vois que fi vous
lui devez en partie votre naiſſance , votre
Grandeur , votre tranquillité, vous vous
acquittez abondammeni avec elle , par la
protection qu'elle reçoit de vous en Italie:
vous en êtes le Boulevart contre les Infidelles
: Rome , le centre de la Catholicité,
offre à Dieu un culte paisible à l'ombre
de votre Puiffance , & c'eft contre cette
Puiffance même , comme contre un écueil
1. υοί. inėbranDECEMBRE
. 1726. 2773-
inébranlable , qu'eft venu échouer tant de
fois l'immenfe & orgueilleux Empire des
Ottomans .
Si j'envifage votre Republique du côté
de la durée , douze fiecles de grandeur la
rendentfuperieure aux Republiques fi vantées
de l'Antiquité. Rome , Sparie , Ather
nes , avec toute la fageffe de leurs Legiflateurs
, ont vu leur grandeur devenir en
peu de fiecles la proye des paffions & des
viciffitudes humaines qu'elles n'ont fçû
fixer. Votre Republique l'a fçû , & bien
loin d'être la proye de l'ambition de fes
Membres , elle a fouvent reprimé , corrigé
& dompté celle de fes Ennemis.
Si je l'envisage du côté des forces &
de l'étendue , je vois un nouveau prodige.
Les Empires les plus vaftes ont des
barnes , ils ont des campagnes fertiles , ils
ont des peuples nombreux. Ici je vois une
autre efpece de grandeur , à laquelle rien
ne resemble, & que rien , ce femble , n'égale.
La Mer, la vafte Mer , nonobftant fes
orages , fes agitations , fes incertitudes ,
vousfert tout à la fois de Villes , de Campagnes
, de Citadelles , de Trefor , de deffenfe.
Cette fterile étendue eft plus fertile
pour vous , que les Campagnes les plus
abondantes : Ces Ondes agitées , qui ébranleroient
dans leurfureur les plus puiſſans I. vol.
Edifices ,
2774 MERCURE DE FRANCE .
Edifices , fervent aux vôtres de folides
fondemens ; elles vous prefentent un fein
paifible , tandis qu'elles n'ont pour les audes
orages , & ce qui fert de bortres
que
ne aux autres
Empires
, femble
étendre
le
tout où il porte
votre commerce vôtre
par
& votre gloire.
Si je l'envifage du côté des grands hommes
qu'elle a porté & qu'elle porte encore ,
je vois , non comme ailleurs , un grand
peuple gouverné par un homme fage ,
mais un peuple de fages , gouverné par :
une multitude d'hommes fuperieurs en fåg+
0 .
Un Etatfe glorifie de former , de poffeder
un grand Miniftre dans un fenl
homme , il y trouve fa gloire , fa force ,
fon bonheur : ici , ce n'eft pas un homme
feul , c'est un Corps aẞemblé de Grands
hommes , c'eft , pour ainsi dire , une multitude
entiere de Miniftres , dont la fageffe
plus profonde que la Mer , qui leur fert
de Trône , fuffiroit au gouvernement de
plufieurs Etats , & s'est trouvée tant de
fais fuperieure aux forces réunies des
Puiffances conjurées contre vous.
En un mot , fans prononcer fur la préference
que les Etats meritent entre eux,
le vôre , SERENISSIME DOGE ,
fera toujours un prodige aux yeux de ceux
qui fauront en étudier la grandeur : où
1. vol. l'on
DECEMBRE. 1726. 2775
l'on voit moins de peuple & tant de forces
, moins de terre & tant de richeffes ,
moins d'hommes & tant de grands politiques
.
Voilà ce que les hommes éclairez décou
vrent dans le gouvernement de votre Republique
; mais voici ce qui ajoûte un
nouveau Lustre à fa gloire , c'est que le Roi
mon Maître , eftime fon amitié ; fes illuftres
Ayeux lui en ont donné l'exemple par
tant d'Alliances de fa Couronne avec vo-,
tre Republique , & par les diftinctions
qu'ils lui ont accordé en tant d'occafions
importantes.
Ces Alliances ne font pas moins précieuſes
au Roi mon Maître , par le fage
penchant qui le porte à copier en tout la
conduite du Grand Monarque , auquel il
a fuccedé, mais encore par la vûë qu'il
a d'affermir par votre moyen , en Italie ,
Le repos & la paix qu'il prétend conferver
dans toute l'Europe,,
Les Princes cachent fouvent les deffeins
fecrets de leurs Ambaßades. Le Roi mon
Maître , par une politique fuperieure ,
en même-temps plus droite & plus noble ,
me permet , me charge même de dire bautement
& de vous confier fans crainte le
fecret de fes Confeils : ils ne tendent qu'à
maintenir la paix , à la rendre durable
& à procurer à tous les Peuples les avan-
1. vol.
tages
2776 MERCURE DE FRANCE.
C
1
tages qu'ils en fçavent tirer.
que
C'eft ce que ce jeune Monarque , déja
grand par fes belles qualitez naturelles ,
plus grand encore par fa ferieufe applisation
au gouvernement de fon Etat , dans
un âge où les ames vulgaires ne goûtent,
ne connoiffent même les plaifirs ; c'eft,
dis-je , ce que le Roi mon Maître prefere
aux autres avantages qui excitent fouvent
Pambition des Rois. Il ne cherche pas des
Conquêtes , ni à agrandir fes Etats aux
dépens du repos public´; il eſt aſſezgrand,
affez puiffant : fa noble ambition ne le porte
qu'à maintenir la paix & l'union de
toutes les Puiffances de l'Europe , à affurer
tout-à-la fois , par cet heureux moyen,
le bonheur de fes Peuples & celui de fes
voifins , & à devenir par fa moderation ,
non le maître , mais le pere & le bienfaic
teur de tous les Empires.
,
Le même deffein eft , fans doute, l'ame
de vos Confeils la paix & le repos
de l'Italie , a toûjours été l'objet principal
de vos voeux & le fruit de votre fageffe.
ilfera encore plus folidement établi quand
vous le maintiendrez de concert avec un
Roi déja fi fage & fi moderé , qu'il mi
rite dès fa jeuneſſe & votre admiration
votre confiance.
*
Pour moi , SERENISSIME DOGE,
je m'estime beureux d'être tout- à - la fois
I. vol. lo
DECEMBRE. 1726. 2777
le Miniftre d'un fi noble deffein & Le
Spectateur des merveilles de votre Gonvernement.
Puis -je joüir long temps de ce
double avantage , & mériter par mes ref
pects & ma profonde veneration pour vos
tre Serenité pour votre augufte Senat,
l'eftime de tant de Grands Hommes qui
ont acquis eux -mêmes celle de toute l'Europe.
cours ,
Le Doge ayant répondu à ce Difl'Ambaffadeur
fut reconduit à
fon Palais , dans le même ordre qu'en
arrivant à l'Audience.
,
Le Comte de Gergy donna pendant
ces deux jours & les deux nuits une
fête magnifique , les rafraîchiffemens
furent diftribuez avec beaucoup d'ordre
& d'abondance , & le concours des Mafques
y fut prodigieux . On fit couler
des fontaines de vin dans la Place de la
Madona del Horto , voifine du Palais de
France, & l'on diftribua beaucoup de pain
au peuple.
>
L'Electrice Doüairiere de Baviere a
fait louer à Venife le Palais qu'occupoit
le Comte de Colloredo , Ambaffadeur
de l'Empereur , & l'on croit que cette
Princeffe fe rendra à Venife inceffamment
pour l'habiter , fes Equipages y étant
déja arrivez.
Le 7. du mois dernier le Grand Con-
1. vol H feil
2978 MERCURE DE FRANCE.
feil élut M. Zacharie Canale pour fon
Ambaffadeur à la Cour de France , à la
place de M. Jean Soranzo , qui avoit
été nommé le 4. Avril dernier pour relever
M. Morofini.
Mehemet - Daddi , Envoyé de la Repu→
blique de Tripoli à la Cour de l'Empe
reur, arriva de Naples à Rome le 14. du
mois dernier , avec les deux fils. Il alla
defcendre chez le Cardinal Cienfuegos ,
chargé des affaires de S. M. I. qui avoit
envoyé fes Caroffes au- devant de lui ,
& qu'il a défrayé jufqu'à fon départ pour
Vienne.
Le bruit court à Milan , que la Republique
de Genes a vendu les Terres
qu'elle poffedoit du côté de S. Georges
dans le Montferrat ; que les 900. mille
écus qu'elle en a reçûs , ont été portez à
la Caffe militaire , & qu'elle fait lever
actuellement 8. Compagnies d'Infan-
*terie.
On a reçû avis de Malthe , qu'il y étoit
arrivé un Officier de Marine, Efpagnol ,
chargé de la part de S. M. C. de traiter
avec le Grand Maître de quelques Vaifſeaux
de guerre , à des conditions particulieres
qu'on ignore.
L'Envoyé de Tripoli a fait preſent au
Cardinal de Cienfuegos , chez lequel il
eft logé avec toute fa fuite à Rome , de
7. vol.
fiz
1
DECEMBRE. 1726. 2779.
fx Chevaux barbes d'une grande beauté .
de deux Boeufs & de deux Agneaux fau
vages , de deux Tigres , mâle & femel
le , & de deux Leopards.
ESPAGNE.
N mande de Lisbonne , qu'on a re
çû avis par les derniers Vaiſſeaux
Marchands arrivez de Rio de Janeiro ,
la confirmation des premiers avis qu'on
avoit eu de la grande richeffe des Mines
qui ont été nouvellement découvertes
dans l'interieur du Brefil .
On apprend de Lisbonne , que les
Hollandois avoient brûlé , ou coulé à
fond depuis un an fur la côte de Guinée,
trois Vaiffeaux Portugais.
On a publié à Madrid in Edit, en datte
du 10. Novembre , par lequel le Roi
ordonne à tous fes Sujets de n'employer
dorénavant pour leurs habits & pour
leurs meubles , que les étoffes de foye ,
& les draps qui ſe fabriquent actuelle
ment à Valence , Grenade , Tolede , Saragoffe
, Guadalaxara , Valdemaro , Te
xil , Bexa , & autres Villes de fes Etats ,
où il s'eft établi des Manufactures depuis
quelques années. S. M. n'accorde que le
terme de fix mois à ceux qui ont des habits
ou des meubles d'étoffe de fabrique
1. vol
Hij trans
2780 MERCURE DE FRANCE.
étrangere , pour les ufer ou pour s'en défaire
, leur déclarant qu'après ce temps
elle fera proceder contre les infracteurs,
felon la rigueur des Loix & des Statuts
du Royaume.
La Reine , dont la groffeffe eft déclarée
, fe fit porter en chaife de l'Efcurial
à Madrid , où elle arriva en parfaite fanté
le 2 8. du mois dernier.
On apprend des Ports de Catalogne ,
que les Anglois continuoient de fortifier
le Port Mahon , qu'ils avoient enlevé
toute l'Artillerie de la Citadelle pour la
transporter au Fort S. Philippe , & qu'ils
faifoient autour de ce Fort des fouterrains
, qui feroient à l'épreuve de la
bombe.
Le Comte de Vander Nath , Miniftre
du Duc d'Holftein , a acheté les Equipages
de l'Abbé de Mongon , qui eft parti
pour retourner en France.
O
GRANDE-BRETAGNE
N équipe à Portsmouth cinq Vaiffeaux
de guerre , qui partiront incellamment
pour aller renforcer l'Eſcadre
du Vice-Amiral d'Hofer , dans l'Amerique.
On écrit d'Ivelcefter , que le 6. du
mois dernier , vers les 6. heures du foir,
3. vol on
DÉCEMBRE. 1926. 1781
on avoit reffenti une fecouffe de tremblement
de terre affez violente , mais qui
n'avoit caufé d'autre dommage que d'ab
batre la priſon de cette Ville.
1
Outre les quatre Vaiſleaux de guerre,
qui doivent partir inceffamment pour
aller renforcer l'Efcadre du Vice- Ami
ral d'Hofer , les ordres ont été donnez
pour en équiper encore deux autres de
70. pieces de canon , qui font auffi deftinez
pour les Indes Occidentales,
Les Lettres de la Martinique portent,
qu'un Vaiffeau Anglois de 40. canons
qui faifoit la traite des Marchandifes fur
la Côte Espagnole de l'lfte de S. Domingue
, y avoit été pris par un Vaiffeau
Efpagnol , Garde- Côte , de so . canons
, après un combat de 7. heures ,
dans lequel l'Espagnol avoit perdu 290,
hommes de fon Equipage !
209 a
HOLLANDE , PAYS - BAS.
Or ont fait publier un Placard, dat-
N mande de la Haye , que L. H
P.
té du 15. Novembre , par lequel elles
accordent un pardon general aux Cavaliers
, Dragons & Soldats , qui ont deferté
du fervice de la République , à condition
qu'avant le 1. Mars 1717. ils retourneront
aux Compagnies dans lef
1. vol.
Hiij quelles
1982 MERCURE DE FRANCE:
quelles ils ont fervi. Le même Placard
porte peine de mort contre tous ceux
qui feront arrêtez comme Deferteurs.
Les deux Vaiffeaux qui étoient à la
rade d'Oftende , en partirent le 24. du
mois dernier pour les Indes Orientale's.
On mande de la Haye , que le 1. de
ce mois le Confeil d'Etat expedia des
Lettres circulaires à tous les Colonels
des Regimens d'Infanterie , de Cavale
rie & de Dragons , pour leur permetrre
d'engager des Soldats pour un temps li
mité , qui fera de fix ans au moins , &
d'exprimer dans les billets qu'on leur
donnera , le terme de leur engagement,
à condition qu'il expirera dans le mois
de Novembre , ou dans l'un des trois
mois fuivans , & en cas que les Regimens
, dans lefquels ces nouveaux Soldats
auront pris parti , foient encore en
campagne pendant ces mois , ils feront
obligez d'y demeurer jufqu'à leur retour
dans les Garnifons .
MORTS DES PAYS ETRANGERS.
Me
Ehemet , l'un des Valets de Chamre
du Roi d'Angleterre , mourut
Siivol. V^ A le
DECEMBRE. 1726. 2781
te 12. du mois dernier à Kenfington, IL
étoit Turc de naillance , & il en avoit
toujours porté l'habit , même depuis
qu'il avoit embraffé le Chriftianifme . It
étoit extrêmement charitable & l'on
affure que depuis qu'il étoit en Angle
terre , il avoit délivré plus de soo . pri
fonniers pour de petites dettes.
Le 13. du même mois , vers les onze
heures du foir , la Princeffe Sophie - Dofothée
, Ducheffe de Zell , & c. mourut
fubitement au Château d'Ahlen , âgée de
66. ans & 9. mois .
C
> Le Cardinal Bernardin Scotti , Cardi
nal- Prêtre , du Titre de Saint Pierre in
Montorio , & Prefet de la Signature de
Juſtice , mourut à Rome le 26. du mois
dernier après midi , âgé de 70. ans moins
dix jours. Il étoit Gouverneur de Ro
me , lorfque le Pape Clement XI . le fit
Cardinal le 16. Mai 1715 , mais il ne fut
declaré que le 16. du mois de Decembre
fuivant.. Il étoit Protecteur de l'Eglife
de S. Charles & S. Ambroife , de
la Nation Milanoife , où il a demandé
d'être inhumé. Il y fut porté le 18. &
le 19. au matin on y fit fes obfeques
avec beaucoup de magnificence. Les Car
dinaux y affifterent au nombre de 18. &
le Pape , après avoir recité les Prieres,
& fait les encenfemens accoutumez , y
Hiiij cele
I. vol .
1784 MERCURE DE FRANCE.
celebra une Meffe baffe de Requiem pour
le repos de fon ame. 、
Dona Anne de la Cueva - Henriquès ,
Marquife de Cadereïta , veuve du Duc
d'Albuquerque , mourut à Madrid le 6.
de ce mois , dans la 83. année de fon
âge.
Le Marquis Leandre Roffy- Leoni de
Mont-Vibian- le-Vieux , chargé des affaires
du Roi T. Ch. à la Cour de Bruxelles
, y mourut le 18. de ce mois. Il
étoit né à Peroufe , Ville de l'Ombrie ;
il s'étoit attaché , il y a environ 24. ans,
au fervice du feu Roi Louis XIV. qui
lui accorda en 1710. des Lettrés de Naturalité
, & un Brevet d'Agent de ſes Affaires
en Cour de Rome.
FRANCE ,
Nouvelles de la Cour , de Paris , &ci
R l'Ambafladeur de Venife , qui
MR Maart inceffamment pour l'Ambalfade
de Rome, ayant eu fon Audience de
congéàFontainebleau , le Roi le reçut Chevalier,
& lui donna l'Accolade ; c'eſt- àdire
, que M. l'Ambaffadeur étant à genoux
, Sa Majesté le toucha de fon épée
... vol. nuë
BODECEMBRE. 1716. 1785
nue fur l'une & l'autre épaule , en lus
difant , par S. George & par S. Michel
je te fais Chevalier , & S. M. lui préfenta
un Baudrier brodé d'or , avec une
épée d'or qu'il porta tout ce jour - là à´la
Cour dans les vifites. Cette Ceremonie
Le pratique ordinairement par les Souverains
à l'égard des feuls Ambaffadeurs
de Venife , & par cette diftinction ils
ont droit de porter à Venife l'Etole d'or
fur l'épaule , qui eft une efpece de Chaperon
d'étoffe d'or , à la difference des
autres Nobles Venitiens , qui ne le
portent
que d'étoffe noire ; on fçait que M.
Motofini eft d'une Maifon des plus an
ciennes & des plus illuftrées de l'Etat
Venitien. Voici une Epitre qui lui a été
adreffée par M. Moreau de Mautour ,
que S. E. a honoré de fon eftime & de
fa bienveillance .
EPITRE.
Miniftre fi cheri d'un auguste Senat ,
Ton merite t'appelle en un autre climata
Tes foins ont fatisfait , & la Cour , & la
France ,
L'Italie à fon tour defire sa prefence,
Pourfuis & va jouir de ces nobles tranf
ports ,
$786 MERCURE DE FRANCE.
Que le Tybre entendra retentir fur les bords.
La Seine à ton aſpect a fenti même joye ,
Par fes Quais embellis qu'elle offroit fur ta
voye
Non lom de ton Palais , fes flots fans nuls dé
•utours ! sq 890
Sembloient par leur lenteur en fufpendre le
cours ,
Et fiers de ton fejour & de ton voi finage ,
Couloient tranquillement , & te rendoient
hommage.
Politeffe , candeur , ſageſſe , probité ,
Grandeur d'ame , efprit doux , folide pieté ,
Er les autres talens reçûs de la Nature',
Ont infpiré pour toi l'eftime la plus pure.
Cefontlà les vertus que Rome admirera ,
Et dont Paris témoin , toujours fe fouviendra.
Rome qui te prepare un accueil favorable , Prépare
Trouvera dans ton nom , fi grand , fi refpeetables
of us and
De la Religion de zelez défenfeurs ,
Du fuperbe Ottoman de glorieux Vainqueurs..
Mille exploits éclatans qu'à peine l'on pèut
croie
1. Vol.
Ont
DECEMBRE 1726. 278 % J
Ont rendu tes Ayeux celebres dans l'Hiftoire
,
Et l'Eglife & l'Etat ont vû briller en eux ,
Rangs , honneurs , dignitez , & cent titres
pompeux.
Après avoir rempli ton noble Miniftere ,
Avoir charmé long-temps une Cour Etrangere
,
Venife & le Senat te comblant de faveurs ,
Attentifs à tes foins , même à leur propre
gloire
Pour immortalifer ton nom & ta memoire ,
T'éleveront un jour au faîte des grandeurs.
M. Benard de Rezé , affocié de l'Academie
Royale des Sciences , & neveu de
l'Evêque d'Angoulême a été nommé
par le Roi fon Envoyé près de l'Electeur.
de Baviere.
د
Le 5. de ce mois , le Cardinal de Fleury,
Miniftre d'Etat , alla préfider à l'Affemblée
du Clergé , qui ayant été informée
de fon arrivée dans l'Eglife des
Grands Auguftins , députa , pour aller le
recevoir , l'Archevêque de Tours , les
Evêques de Chartres , de Rieux , d'Avranches
, de Perigueux & de Valence ..
& les Abbez de Cofnac , de Valory , de
Beaujeu , d'Hericourt, de Saint Jal &
Hvji F. vol.
de:
2788 MERCURE DE FRANCE:
+
de Bellefont. Ces Députez allerent au
devant du Cardinal de Fleury jufqu'à
l'Eglife , d'où ils le conduifirent dans la
Salle de l'Affemblée. Il prit la place de
Premier Prefident , & il fit un Difcours
très éloquent , auquel l'Archevêque
d'Aix répondit au nom de l'Affemblée .
Le Cardinal de Fleury tint la féance ; &
lorfqu'elle fut finie , il fut reconduit par
plufieurs des Prelats de l'Affemblée.
-
L'Affemblée du Clergé ayant fini fes
féances , les Prelats & autres Deputez
qui la compofent, fe rendirent à Verfailles
le 8. de ce mois , & ils eurent audience
du Roi , avec les honneurs qu'on
rend au Clergé quand il eft en Corps , &
avec les mêmes ceremonies obfervées
lorfqu'ils allerent rendre leurs refpects
à S. M. le 3. du mois d'Octobre dernier.
Le Cardinal de Fleury , Miniftre d'Etat ,
& Premier Prefident de l'Affemblée
étoit à leur tête. L'Archevêque de Tours ,
qui porta la parole , remercia le Roi par
un Difcours très éloquent , de la protection
que S. M. continuë d'accorder au
Clergé. En voici la teneur .
SIRE,
C'est un des plus justes devoirs du
1. vol
Clergé
DECEMBRE. 1726. 2789
.
Clergé de France , & en s'affemblant par
vos ordres, & en fefeparant , de venir aux
pieds duTrône rendre hommage à VOTRE
MAJESTE' , & vous temoigner fon zele.
Mais nous l'ofons dire cette fidelité inviolable
, ce dévouement fans réserve , ce
zele pour votre facrée perfonne , & pourla
fplendeur de votre regne , après des proteftations
deja fi vives & tant de fois réïterées
, eft néanmoins , par les nouveaux
accroißemens qu'il prend , un zele toujours
nouveau.
Voilà , SIRE, le glorieux caractere
des folides vertus , fur tout des vertus
royales ; fans ceffe elles s'avancent , & la
fucceffion des temps , qui les développe &
Les met dans un plus grandjour, leur attire
plus de veneration , & leur attache plus
étroitement les coeurs.
Dès vos plus jeunes années nous avons
entrevû les trésors de grace & de fageße
qu'a verſe dans votre fein ce Souverain
Seigneur, qui donne des Souverains à la
Terre , & qui fe plaît à les former ; mais
ce n'étoit encore que d'heureux préfages de
Pavenir , ce n'étoit que des efperances . Le
temps eft venu , SIRE, où ces trésors cachez
fe produisent à la lumiere ; où cet
avenir , qu'anticipoient tous les voeux de
vos Peuples , commence à nous être préfents
où des efperances , qui n'étoient pour
L. vol. neus
1790 MERCURE DE FRANCE .
nous que des préfages flateurs , fe changen;
en de falutaires effets ; où depuis que
VOTRE MAJESTE' tient elle-même les
rênes de l'Etat , l'ancienne forme du golle
vernement rétablie par vos ordres & fans
Votre conduite , va peu-à -peu ramener nos
anciennes profperite , & remettre comme
par degrez l'Empire François dans for
premierluftre.
Ce fera , SIRE , le fruit de vos foins ,
ce fera lefruit , & des exemples , & des
legons de votre augufte Bifayeul. Vousy
ferez fervir cette maturité de reflexion ,
qui dans Vous prévient de fi loin la maturité
de l'âge ce fonds de bonté , de moderation
, d'égalité d'ame , qui ne fe porte en
toutes chofes qu'à l'équité & à la droite
raifon ; cet efprit de religion de pieté, fi
rare dans l'éclat de la grandeur , & beaucoup
plus rare dans le feu de l'adolefcence
enfin , toutes ces qualitez , que d'une
main liberale l'Auteur de la Nature vous
a départies , & dont les Rois font également
refponfables, foit à Dieu , de quiïls les
ont reçûës , foi à leurs Sujets , pour qui elles
doivent être employées.
:
Entre les Sujets de VOTRE MAJESTE'
, & dans le corps de votre
Royaume , le Clergé compofe le premier
ordre mais autant que le diftingue la
Puiffance fpirituelle qui lui eft confiée
•
I.vol.
dien
DECEMBRE. 1726. 279
d'en-haut , autant est- il attentif à fe dif
tinguer par l'attachement le plus refpectueux
à la Puiffance temporelle , en qui il
reconnoit l'image , & revere la Majesté
même du Tout - Puiffant. C'eft dans ces
fentimens , SIRE , que nous avons en
"quelque maniere oublié les befoins parti-
"culiers de nos Provinces , pour ne penser
qu'au befoin commun de la Monarchie,
& qu'à fon foûtien. Ce grand interêt nous
a affemblez ; & plus il nous touche fenfiblement
, plus il nous ouvre les mains ,
nousfuggère des reffources incfperées , pourfournir
prefque au - delà de nos forces..
VOTRE MAJESTE' l'a vu Eller
même , Elle y a eu égard ; & par un trait
fingulier de fa magnificence & de fa pieté
, qui ne s'effacera jamais de notre me
moire , que nous tranfmettrons fidelle &
ment à nos Succeffeurs , Elle a voulu nous
remettre volontairement une partie de ce
que nous lui avons liberalement offert.
Nous pouvions , en de tristes , mais fideles
peintures , expofer à vos yeux la dé--
olation de tant de Diocefes épuisez par
les fréquens efforts que nous avons faits ,
dans des conjonctures auffi difficiles que·
L'ont été ces temps penibles & onereux ,
dont toute la France s'eft reffentie : nous
pouvions reprefenter à VOTRE MA--
JESTE , tam de Maifons Religienfess
•restées
Io votor
Mi
2792 MERCURE DE FRANCE.
reftées fans fonds tant d'Epoufes de Jefusà
Chrift privées des fecours les plus neceßaires
, & obligées de les mandier dans leurs
familles ; tant d'Eglifes à demi - détruites
dans les Campagnes , & fur le point de
leur ruine , faute de moyens pour les reparer
des Autels confacrez an Dien vivant
, mais tellement pauvres , que le Service
Divin ne s'y peut plus faire avec décences
des Benefices en nombre réduits à
rien , & dont il ne reste que les feuls Titres
des Pasteurs dans l'impuiffance
d'affifter leurs troupeaux pauvres & languiffans
, parce qu'eux - mêmes ils ont à
peine de quoi fubfifter.
Toutes ces confiderations , SIRE , n'ont
point retrici nos coeurs , ni refferré nos largeffes
, d'autant plus abondantes , qu'elles
Lont plus gratuites , & que nos Immunitez
facrées fubfifteront àjamais , fuivant l'expreffe
declaration de VOTRE MAJESTE
declaration memorable , declaration
dictée par le même efprit dont
furent animez les Clovis , les Charlemagne
, les faints Louis : elle paffera aux
âges futurs , elle fe perpetuera dans la
pofterité , comme un monument autentique
de nos droits , fi juftement reconnus , &ſĩ.
folemnellement confirmez
Nous n'avons donc pas feulement crê ne
devoir rien menager en faveur d'un Prince
L. vol. équiDECEMBRE.
1726. 2793
équitable & bienfaifant , qui recevra d'u
ne part & repandra de l'autre ; mais par
deffus tout , nous avons jugé que nous ne
pouvions trop nous intereffer à la gloire
d'un Prince religieux & très - Chrétien
qui lui-même , comme fils aîné de l'Eglife ,
s'intereffera toûjours pour elle , & la protegera
: qui relevera l'honneur de l'Epifco
pat , attaqué en plus d'une rencontre , &
plus d'une fois leé par les réſiſtances opiniâtres
de l'erreur qui maintiendra la foi
de fes Peres , & bannira de fon Empire
l'une des herefies la plus audacieufe, quoique
foudroyée de tant d'anathêmes.
V Puiffiez vous , SIRE , achever un ouvrage
fi digne de vous. Puiffiez - vous
être l'Ange vifible , que le Seigneur en
voye pour retrancher de ce Royaume tous
les fcandales. C'est le fujet de nos fouhaiss
les plus ardens , & c'est à quoi contribuëront
plus que tout le refte ces Conciles Provinciaux
, que fi fouvent nous avons demandez
, & que nous n'avons point en- & que
core obtenus. Et que voulons - nous , em
effet , que cherchons - nous autre chofe dans
ces faintes Affemblées , que l'affermiffement
de la Religion , que le renouvellement
de la Difcipline Ecclefiaftique & du
bon ordre , que la reformation des abus ,
que la paix des Fideles dans le fein de la
même Eglife , que la réunion des coeurs
I. vel.
par
1794 MERCURE DE FRANCE.
par la réunion des efprits , que l'entiere
extinction de toute partialité , de toutes
nouveautez en matière de créance ? Nonbeautez,
partialitez, fi dangereufes dans
La Republique , & fi fatales àfon repos !
Telles font les vies que nous nous propofons
. Que nos voeux foient exaucez , ou
que leur accompliffement foit fufpendu
nous obéirons toûjours avec foûmiſſion ; &
du refte nous nous repoferons fur l'attention
du fage & zelé Ministre , qui fut le guide
affidu , & comme le gardien de votre enfance
, qui maintenant eft le dépositaire
de tous vos Confeils , & qui dans l'émihence
de fon rang feaitfi dignement allier
enfemble & le miniftere de l'Autel , & le
miniftere de l'Etat.
Cependant , SIRE , en ces jours de
propitiation & d'indulgence , où vous
avez été pour votre Cour un exemple fi
édifiant , que le Ciel plus que jamais vous
comble de fes benedictions . C'eft dans fa
mifericorde qu'il vous a donné à la France
, c'est dans cette même mifericorde
qu'il nous confervera un don ſi précieux,
Nous aurons inceßamment la confolation ,
en retournant dans nos Diocefes , de ne
Baiffer rien ignorer à vos Sujets des moin
dres circonstances de vos vertus , qui pours
ront fervir à ranimer leur pieté , larfque
nous leur annoncerons ce temps defalui +
I. vol.
DECEMBRE. 1726. 2799
de benediction , après lequel ils fonpirents
attentifs à fe purifier par la Penitence , &
afe nourrir du pain des Anges , nous les
verrons , profternez aux pieds des faints
Autels , y porter des prieres plus vives &
plus efficaces pour VOTRE MAJESTE
Les Pafteurs fe joindront aux Peuples , &
les Peuples feconderont les Pafteurs. Tous
d'une voix nous nous adreßerons au fuprême
Arbitre de nos deftinées
و
nous le
conjurerons
avec inftance de vous donner
la vie la plus longue , fortement perfuader
d'obtenir la confervation
du Roi , c'ef
obtenir la felicité du Royaume.
que
Le 6. de ce mois le Portrait de Louis
XV.à cheval gravé d'après M. Paroffel,
par le fieur Thomaffin fils , fut préfenté
S. M. par M. le Duc d'Antin.
Le 8. le Cardinal de Fleury alla rendre
vifite à Madame la Ducheffe d'Orleans
; il fut reçû chez S. A. R. avec les
-honneurs & ceremonies accoutumées en
pareilles occafions .
Le 15. troifiéme Dimanche de l'Avent
, le Roi & la Reine entendirent
dans la Chapelle du Château de Verfailles
la Meffe chantée par la Mufique
L'après midi L. M. affifterent à la Prédication
de l'Abbé Hardouin .
Le 17. le Comte de San - Severino
Now id'Ar-
1.vol.
1796 MERCURE DE FRANCE.
d'Arragon , Envoyé Extraordinaire du
Duc de Parme , eut la premiere audience
du Roi & de la Reine , étant conduit par
le Chevalier de Sainctot , Introducteur
des Ambaffadeurs , qui étoit allé le pren
dre à Paris dans les Caroffes de L. M. &
après avoir été traité par les Officiers du
Roi , il fut reconduit à Paris dans les
mêmes Caroffes.
Le 24. veille de Noël , la Reine entendit
la Mefle dans la Chapelle du Château
de Versailles , pendant laquelle
S. M. communia par les mains de l'Evêque
Comte de Châlons , fon premier
Aumônier. L'après midi L. M. entendirent
les premières Vêpres chantées par
la Mufique , aufquelles l'Evêque d'Avranches
officia.
Le 25. jour de la Fête , le Roi & la
Reine , qui avoient entendu les trois
Meffes de Minuit , entendirent la grande
Meffe celebrée pontificalement par le
même Prelat. L'après midi L. M. affifte
rent à la Prédication de l'Abbé Har-
-doüin , & enfuite Elles entendirent les
Vêpres , aufquelles le même Prelat
-officia.
Le Mardi 19. Novembre , Madame
d'Orleans , Abbeffe de Chelles , fit faire
dans l'Eglife de fon Abbaye un Service
folemnel pour le repos de l'ame de feuë
Madame
1. vol.
4
DECEMBRE. 1726. 2797
Madame la Ducheffe d'Orleans . Le Superieur
General des Benedictins de la
Congregation de Saint Maur y officia . II
s'y étoit à cet effet rendu la veille , ac
compagné de fes Affiftans , des Prieurs
des Abbayes de Saint Denis , de Saing
Germain des Prez & de Lagny , & de
wingt autres Religieux.
Lundi 9. de ce mois , jour de la fête
de la Conception de la Vierge , le Cons
cert Spirituel recommença au Château
des Tuilleries . Le fieur Philidor fit chan,
ter deux Motets de feu M. de la Lande ,
Dixit Dominus , & Confitebor , qui fu
rent parfaitement bien executez & ap
plaudis , ainfi que les Pieces de Symphonie
qui y furent jouées . Le même Concert
recommencera à la fête de la Chandeleur
prochaine.
(
Le même jour , le Roi & la Reine entendirent
la Meffe chantée par la Mufique
dans la Chapelle du Château de Verfailles
, & l'après midi L. M. affifterent
à la Prédication de l'Abbé Hardouin , &
enfuite aux Vêpres.
Le 10. la Reine alla à la Maifon
Royale de Saint Cyr , où S. M. entendit
la Meffe , & communia par les mains
de l'Evêque Comte de Châlons, fon premier
Aumônier.
Le Duc de Bournonville , Chevalier
Je vela
de
1798 MERCURE
DE FRANCE.
de la Toifon d'Or , nommé par le Rot
d'Efpagne fon Ambaffadeur auprès de
l'Empereur , arriva à Paris le 18. du
mois dernier. Il alla le lendemain à Vincennes
rendre les refpects à la Reine
Doüairiere d'Espagne. Il a acheté ici
deux diamans brillans de grand prix ,
d'une excellente beauté , qu'il a fait met
tre en oeuvre , & qui enrichiffent l'Or
dre qu'il porte de la Toifon.
On trouva vers la fin du mois dernier
fur la Plage de Calais un Balenon
échoué de 47. pieds de long , & 42. de
circonference , mefuré par le milieu du
corps.
Le Comte de la Marche , Prince du
Sang ,fils aîné du Prince de Conti , entra
le 2. de ce mois au College des Jefuites
pour y continuer les études . Le Pere Sa
nadon doit être fon Prefet. Son appartement
eft compofé de fix chambres , & le
nombre de fes Officiers & Domeftiques
eft d'environ vingt perfonnes .
THETIS ,
DECEMBRE. 1726. 2799
THETIS , ACHILLE ,
ET CHIRON.
1
FABLE,
A S. A. S. Madame la Princeffe
de Conti ,
Sur l'éducation de Monfeigneur le Comte
de la Marche , fon Fils .
J
Amais on ne vit rien au terreftre féjour
De fibeau que Thetis. Tous les Dieux de
Cithere
Abandonnoient leur mere ,
Pour lui faire la cour.
Les Ris badinoient avec elle ;
Les Graces les Vertus , par un charmant
concours ,
L'accompagnoient toûjours .
Tant d'attraits n'ornent point une fimple
elle.
De fon Hymen augufte & glorieux
Avec un Prince iffu du fang des Dieux ,
Elle eut un fils aimable ,
Dont la beauté n'avoit point de ſemblable
,
1. vol. On
£ 800 MERCURE DE FRANCE.
On l'eût pris pour l'Amour ; mais à fes traits
heureux ,
On vit qu'il devoit être grand & genereux ;
C'étoit la vive image , & le portrait fidele
Des Heros de fon fang. Qui pourroit de
Thetis
Exprimer la tendreffe & les foins pour ce
fils ?
Cette Déeffe, auffi fage que belle ,
Pour l'inftruire joignoit ſouvent à ſa leçon ,
Des exemples fameux puifez dans fa Maiſon;
Déja le jeune Achille en fçavoit faire ufage ;
Et de quelque côté qu'il arrêtât fes yeux ,
Son Pere illuftre , & les Dieux fes
Ayeux ,
Aux nobles actions excitoient fon courage.
Thetis avec tranfport voyoit tant de progrès ;
Mais la Déeffe
Voulut encor que du Dieu du Permeffe
Son fils apprêt tous les fecrets.
Chiron de cet emploi fut feul rrouvé capable
:
C'étoit un fçavant venerable ,
Qui vivoit , dit- on , retiré
Dans un lieu de tout temps aux Mufes con
Lacré.
1. vole
Co
DECEMBRE . 1726 . 2801
Ce lieu devint plus cher aux Filles de Me
moire,
Quand Achilles l'eut habité.
Le double Mont fut prefque deferté :
Toutes fe difputoient la gloire
D'inftruire un fi cher nourriffon ,
Jaloufes de l'emploi qu'on donnoit à Chirott
Ainfi Thetis jugeoit avec prudence ,
Qu'il faut que la ſcience
S'uniffe à la valeur ,
Pour former d'un Heros & l'efprit & le
coeur.
M. Richer, Avocat au Parlement
de Roüen .
Il eft arrivé trois Vaiffeaux de la Compagnie
des Indes , venant de la Martinique
, qui ont rapporté le chargement que
' Hercule , Vaiffeau de la même Compagnie
, avoit laiffé dans fa relâche , à
caufe d'une voye d'eau , en revenant des
Indes.
2
La veille & le jour de Noël , le Concert
fpirituel recommença au Château
des Tuilleries ; on y chanta pendant ces
deux jours quatre beaux Motets de feu
M. De la Lande , Exurgat Dens , Dixit
I, vel. I Do-
}
2802 MERCURE DE FRANCE.
Dominus, Dominus regnavit , & Confe
tebor , que le fieur Philidor fit executer
avec l'applaudiffement de tout le monde.
Ces Motets furent précedez par une
fuite des plus beaux Noëls , que toute la
Simphonie joua avec accompagnement de
Timballes & Trompettes , ce qui fit un
extrême plaifir.
Le 24. de ce mois , M. le Fort , fe
cond Syndic de la Republique de Geneve
, eut Audience de Congé du Roi &
de la Reine , étant conduit par le Chevalier
de Sainctot , Introducteur des Ambaffadeurs
, & il fut traité par les Officiers
de S. M.
******************
MORTS , NAISSANCES,
& Mariages.
L
E 24. Novembre , Dame Marguerite
Manuel , Epoufe de M. Claude
Henin , Confeiller , Secretaire du
Roi , Maifon & Couronne de France,
Garde Honoraire des Rôles des Offices
de France , mourut âgé d'environ 76.
ans.
Marie- Loüife- Catherine de Nefmond,
Dame de la Roque , Capel , la Salle ;
Coubron , &c, veuve de Louis - François
1. vol
d'HarDECEMBRE.
1726 2.803
dHarcourt , Comte de Sezane , Lieutenant
General des Armées du Roi , &
Chevalier de l'Ordre de la Toifon d'or,
mourut à Paris le 10. de ce mois , âgée
d'environ 40. ans.
Loüife-le Fevre , Epoufe de M. Clair
de Creil , Chevalier , Seigneur de Bazoche
, mourut à Paris le 17. du mois
dernier , âgée de 42. ans.
M. Artor , Gouverneur de Blaye , y
eft mort le mois dernier , âgé de 109.
ans.
M. Bofnier , Receveur general des
Etats de Languedoc , eft auffi mort à
Montpellier fur la fin du mois dernier,
âgé d'environ 53. ans.
La Comteffe Doüairiere de Derwenwater
, mere du feu Comte de ce nom,
qui eut la tête tranchée à Londres pour
crime de haute trahifon , eft morte depuis
peu à Paris , où elle s'étoit retirée
pour embraffer la Religion Catholique ;
elle étoit fille naturelle du Roi Char
les II.
Gervais le Fevre d'Eaubonne , Confeiller
Honoraire au Parlement , mourut
le 26. du mois dernier , âgé de 78. ans .
Marguerite le Roux , veuve de François
le Gendre , Ecuyer , Fermier General
, morte le 11. de ce mois , âgée de
8.8 . ans.
1. vol
Jij Lø
2804 MERCURE DE FRANCE.
Le 8. de ce mois , le Marquis de Saint
Chamans , Enfeigne de Gendarmerie ,
mourut à Verdun .
Le 17. Dame Françoife le Fevre d'Or
meffon , Abbeffe du Pont- aux- Dames ,
mourut dans cette Abbaye , âgée de 73 .
ans. Elle avoit donné depuis deux mois
la démiffion de cette Abbaye , à laquelle
le Roi a nommé la Dame de Bourlamaque.
Antoine de Ricoüart d'Herouville
Chevalier , Seigneur de Ville - Parifis
ancien Maître d'Hôtel du Roi , mourut
le 20. Decembre , âgé d'environ 70 .
2115.
Dame Marie Anne- Therefe de la
Grandier de Murcé , époufe de François-
Charles de Menou , Chevalier , Lieutenant
de la Compagnie de Chevaux - Legers
d'Anjou , Brigadier des Armées du
Roi , & Chevalier de S. Louis , accoucha
le 15. Novembre d'une fille
qui fut tenuë fur les Fonts , & nommée
Auguftine par Auguftin -Roch de Menou
, Docteur de Sorbonne , Archidiacre
de Dunois , & Vicaire General de M.
l'Evêque de Chartres & par Dame
Marie- Angelique Briffon , époufe d'André
de Menou , Seigneur de Charnifay.
•
,
Le 30. du même mois , Dame Loüife-
Françoife Phelyppeaux de la Vrillie-
I. vol.
res
DECEMBRE. 1726. 2808
de
re , époufe de Louis -Robert- Hyppolyte
de Brehan , Comte de Plelo , Meftre
de Camp de Dragons , accoucha d'une
fille , qui fut nommée Loüife Felicité ,
& eut pour Parrain & Marraine , Louis
Phelippeaux , Comte de S. Florentin ,
Secretaire d'Etat , & Dame Loüife du
Pleffis de Genonville , Epoufe de René
le Fevre de la Falluere , Confeiller Honoraire
, & ci - devant Prefident à Mortier
du Parlement de Bretagne.
Le 24. Novembre , Dame Pauline
Colbert de Torcy , époufe de Louis du
Pleffis , Marquis de Chatillon & de Nonant
, Marêchal des Camps & Armées
du Roi , accoucha d'un fils , qui fut tenu
fur les Fonts , & nommé Louis -Henri-
Felix , par Etienne Bouret , reprefentant
Henri - Charles - Arnauld de Pomporne
, Confeiller d'Etat ordinaire .
Commandeur & Chancelier des Ordres
du Roi , Abbé de l'Abbaye Royale de
S. Medard de Soiffons , & c. & par Dame
Catherine- Felicité Arnauld de Pomponne.
Le 28. Novembre Dame Marie- Anne
Benard de Maifon , époufe de Louis-
Gabriel Bazin , Marquis de Befons ,
Meftre de Camp du Regiment Dauphin
Etranger , Cavalerie , Gouverneur des
Ville & Citadelle de ... accoucha
Le val. d'une I iij
1805 MERCURE DE FRANCE.
f
d'une fille , qui fut nommée Marie -Magdeleine
par Armand Bafin de Bezons ,
Abbé de S. Jean - les- Marnes , & c. &
par Dame Marie - Magdeleine de Sabine
, Epoule de Jacques Benard , Mar
quis de Maiſon , &c.
M. Louis de Montaigu de Beaune ,
Vicomte de Beaune , Chevalier des Ordres
du Roi , Lieutenant General de fes
Armées , & de la Province d'Auvergne,
époufa le 4. Decembre D. Marie Charlotte
de Montmorency , fille de Leon de
Montmorency , Premier Baron Chrétien
, Chef des nom & Armes de fa Maifon
, & de Marie- Magdeleine de Letoile
de Montbrifeüil . M. de Beaune étoit
veuf de Marie- Françoife Colbert de
Croiffy.
******KKKKKKKK
EDITS , ARRESTS ,
SENTENCES DE POLICE , &c.
ENTENCE de Monfieur le Lieutenant
Sentral,Civil,Criminel &de Police de
la Prevôté de l'Hôtel , du 27. Juillet , portant
Reglement pour les Baux des Carroffes ou Berlines
qui viennent à la fuite de la Cour. Qui
ordonne que lefdits Baux contiendront un terme
certain , qui ne pourra être plus long que d'une
année ; lefquels Baux feront notifiez aux Fer
'Γ'. vol. miers
DECEMBRE. 1726. 2807
miers Generaux des Voitures de la Cour ; que
la notification d'iceux fera paraphée par l'un
defdits Fermiers , ou leurs Commis ; & que les
Cochers , Locataires ou Proprietaires defdits Caroffes
ou Berlines , feront Porteurs defdits Baux,
avec cette formalité , à peine de nullité , &c.
ORDONNANCE DE POLICE , du 18. Septembre
, concernant la Vente des Melons.
ORDONNANCE DE POLICE du 28.Septembre,
concernant la conduite des Charettes, Tom
bereaux , Chevaux & Mulets dans la Ville de Paris
pour prevenir les accidens qui en peuvent
arriver, &c.
AUTRE du même jour , concernant les Voituriers
qui enlevent les Fumiers , ceux qui amepent
des Plâtres dans la Ville de Paris.
ORDONNANCE DU ROY , du premier
Octobre , portant deffenfe à tous Courriers de
faire conduire les Chaifes & Berlines par d'autres
Poftillons que ceux des Poftes ; de faire
préceder les Domestiques de ceux qui courreront
que d'une Pofte à l'autre , & aux Courriers de
fouetter & frapper , ni fouffrir que leurs Domestiques
foüettent & frappent aucuns des Chevaux
attelez aufdites Voitures , & qui ordonne
que la courfe fera payée d'avance à chaque Pofte
avant le départ , fuivant les Reglemens .
ARREST du même jour , qui regle les Droits
d'Enregistrement , tant des Sous- Beaux des Aydes
, Formules & Droits y joints , que des nouvelles
Procurations & Commiffions qui feront
délivrées par les nouveaux Sous- Fermiers defdits
Droits .
Lil Permed
vol.
2808 MERCURE DE FRANCE.
Permet aufdits Sous - Fermiers d'entretenir ou
réfilier en tout ou partie , les Baux , Sous Baux,
Traitez , Sous- Traitez , Abonnemens & Marchez
fairs par Charles Cordier & Martin Gi
rard.
Et déclare communs avec lefdits nouveaux
Sous-Fermiers , tous les Arrêts & Reglemens
rendus au proit des precedens Fermiers & Regiffeurs
des Aydes & Droits rétablis , &c.
EDIT DU ROY , du mois d'Octobre , postant
fuppreffion de trois Charges de Treforiers
Generaux de l'Extraordinaire des Guerres, créées
par Edit du mois de Septembre 1724. portant
création de deux autres Offices de Treforiers dudit
Extraordinaire , des ancien & alternatif , & c.
Voici ce qui eft porté par l'Article VII . de
1'Edit.
Et dautant que le fieur Jofeph de Sauroy ,
qui a été cy-devant pourvû de l'Office de Tréforier
General , Ancien dudit Extraordinaire des
Guerres , fupprimé par l'Edit de 1724. l'a exercé
pendant nombre d'années , à notre fatisfaction
& à celle de nos Troupes & du Public, & que
le remboursement lui en eft encore actuellement
dû , Nous l'avons agréé & choifi pour remplir
l'Office de Tréforier General , Ancien dudit Extraordinaire
des Guerres , créé par notre pre
fent Edit pour en faire l'exercice & les fonctions
à commencer du premier Janvier 1727. fur fes
anciennes Provifions , & Acte de reception en
notre Chambre des Comptes , que nous avons ,
en tant que de befoin , validée & validons ,
fans qu'il foit obligé d'obtenir de nous de nouvelles
Lettres de Provifions ni de ſe faire recevoir
de nouveau en notredite Chambre des
Comptes , dont nous l'avons difpenfé & difpenfons
, &c, Nous réfervant de choisir un fujet
• val capable
DE CEMBRE. 1726. 2809
capable pour remplir l'Office de Treforier General
, Alternatif dudit Extraordinaire des Guer
res , auffi créé par notre prefent Edit , pour en
faire l'exercice & les fonctions , à commencer
au premier Janvier 1728. & c.
SENTENCE DE POLICE du 4.Octobre qui
condamne à l'amende les nommez Miffonnet ,
Legez , Moinat , & autres Marchands de Foin ,
pour n'avoir pas fait amener à Paris les Foins
Etant en leur poffeffion , deftinez pour la provi
ion de cette Ville.
AUTRE du même jour , concernant la Marchandiſe
de Foin ; & qui condamne plufieurs
Particuliers , fur lefquels il en a été faifi d'un
poids plus leger que celui preferit par les Ordonnances.
AUTRE du même jour , portant défénfes de
vendre des Reftes de Viande cuite ; & qui condamne
la nommée Marfilly en Quinze livres
d'amende pour y avoir contrevenu .
AUTRE du même jour , portant défenfes de
vendre & expofer aucunes Marchandifes aux
Portes de l'Eglife du Saint Efprit, à peine de Confcation
& de Cent livres d'amende.
AUTRE du même jour , portant deffenſe à
Loutes Perfonnes d'acheter des grains ailleurs que
dans les Halles & Marchez , à peine de mille
livres d'amende.
AUTRE du même jour , qui renouvelle les
deffenfes d'enlever des Foffes publiques des Maieres
fécales , ni d'en fumer les Terres , & qui
Į. vol. con28
to MERCURE DE 2 FRANCE.
condamne dix Habitans des Villages de Venvre?
Illy & Vaugirad , en 15. livres d'amende chacun
Enor y avoir contrevenu,
ARREST du 8. O&obre , qui réitere les défenfes
de faire Commerce , Port & Ufage des
Etoffes & Toiles peintes des Indes , de la Chine
& du Levant.
par
AUTRE du même jour , qui proroge juf
qu'au premier Janvier 1727. le délai accordé
l'Arrêt du 30. Mars 1726. pour faire proceder
à la Liquidation des Offices & Droits fupprimez
, & pour en recevoir le remboursement,
fans efperance d'aucun autre délai ,
ARREST du même jour , qui éteint , amortit
& annulle au profit de Sa Majefté , & à la décharge
du Sieur Olivier , Receveur General de
La Chambre de Juftice , tous les Contrats de
Rentes fur l'Hôtel de Ville de Paris , Quittances
de Finance , pour jouir de divers Droits &
Augmentations de Gages , Provifions & Quitcances
de Finance d'Offices fupprimcz , & autres
femblables Effets remis ès mains dudit Sieur
Olivier , & à lui donnez en payement des Taxes
de la Chambre de Juftice , ou par forme de con
fignation fur lefdites Taxes.
ORDONNANCE DE POLICE du 10. Oc
tobre , portant défenfes de jouer au Volant s
Baftonnet , dans les rues & Places publiques.
ARREST du 15. Octobre , qui proroge jufqu'au
1. Avril 1727. les Délais accordez par Sa
Majefté au fujet du Remboursement qui doit êt g
fait
"DECEMBRE. 1726. 2811
fait aux Traitans , dont les Cautions font en
avance envers Sadite Majefté.
→
. SENTENCE DE POLICE du 22. Octobre ,
portant deffenfes d'expofer en vente & débiter
aucunes Marchandifes de Salines corrompues &
de mauvaiſe qualité.
AUTRE du même jour , portant deffenfes à
tous Vendeurs & Vendeufes de Legumes , Fruits ,
Herbages , Beurre , Oeufs , & autres efpeces de
Marchandifes , de s'arrêter à la pointe de Saint
Euftache , ni au-devant des Boutiques & Maifons
voifines.
DECLARATION DU ROI , portant deffenfes
à tous Couriers ordinaires , de fe charger .
dans leurs voyages d'aucunes Efpeces & Maticxes
Og & d'Argent : ce qui a donné licu depuis
quelque temps à plufieurs vols & affaffinats des
Couriers & Poftillons employez au fervice des
Poftes. Donné à Fontainebleau le 29 Octobre
1726. Regiſtrée au Grand Confeil le 12. Novembre.
-
EDIT DU ROI , portant réduction des
Rentes viageres créées depuis 1720. Donné à
Fontainebleau au mois de Novembre 1726. Regiftré
en Parlement le 3. Decembre , par lequel
il eft dit ce qui fuit : Voulons & Nous plaît , que
les rentes viageres créées , tant fur les Aydes &
Gabelles que fur les Tailles par nos Edits des
mois d'Aout 1720. Novembre 1722. Juillet
1723. & Janvier 1724. demeurent réduites à
l'avenir , & ne foient payées , à commencer du
1. Juillet 1726. fçavoir celles créées fur les Aides
& Gabelles par notre Edit du mois d'Aouſt
1. vol. - 1720
2812 MERCURE DE FRANCE.
1720, que fur le pied de cinq fixiémes ; Celles
créées auffi fur les. Aydes & Gabelles par notre
Edit du mois de Novembre 1722. que fur le
pied des trois cinquiémes ; Celles créées fur les
Tailles par notre Edit du mois de Juiller
1723. fur le pied de la moitié ; Et celles créées
auffi fur les Tailles par notre Edit du mois de
Janvier 1724. fur le pied du tiers de la joüiſſance
portée par les Contrats defdites Rentes : De laquelle
réduction fera falt mention fur lefdin
Contrats , par les Notaires dépofitaires des Minutes
, &c.
ARREST du 12. Novembre , par lequel Sa
Majefté déclase que par l'Arrêt de fon Confeil
du 28. Mai 1726. Elle n'a entendu décharger
des Droits d'Inspecteurs aux Boiffons , que les
Hameaux & Ecarts qui fe trouveront au- delà de
la diftance de cinq cens Toifes de l'Eglife Paroiffiale
d'où ils dépendent.
SENTENCE DE POLICE du 15. Novem
bre, qui condamne le nomméJacques Colleflon
en cinquante livres d'amende , pour avoir expofé
en vente du Foin d'un poids plus leger que
celui porté par l'Ordonnance.
AUTRE du même jour , pertant deffenfes de
donner retraite à aucuns Mandians , Gens fans
aveu & de mauvaiſe vie , à peine d'amende , &
d'être les maifons où on les auroit logez , musées
pendant un an .
ARREST du 19. Novembre , portant moderation
des Droits d'Entrées des Cinq Groffes
Fermes , Péages & autres , fur les Vins de Languedoc
& de la Senechauffée de Bordeaux , qui
4. vol.
ferona
DECEMBRE . 1726. 2813
feront amenez à Paris jufqu'au deraler Juin
1727.
ARREST du même jour , portant réduction
des Charges employées dans les Etats du Roi.
ORDONNANCE DU ROI du 22. Novem
bre , qui réduit les dépenfes de la Maifongde Sa
Majefté fur le pied qu'elles étoient au 1. Septembre
1715.
SENTENCE DE POLICE du même jour ,
portant deffenfes d'embaraffer la voye publique.
LETTRES PATENTES fur Arrêt du Confeil
, qui ordonnent que le Territoire & Collecte
de Saint Loup , Election d'Orleans , fera
réuni à la Paroiffe de Saint Jean de Braye. Données
à Fontainebleau le 26. Novembre 1726.
SENTENCE DE POLICE du 29. Novembre
, qui deffendaux Traiteurs , Cabaretiers &
Aubergiftes de donner à manger de la Viande
chez eux les Vendredis & Samedis , & autres
jours d'abftinence ; & aux Rotiffeurs & Chaircuitiers
de vendre aucunes Viandes cuites lefdits
jours , fous peine de mille livres d'amende , fermeture
de Boutiques , privation de Maîtrifes ; Et
qui condamne les nommez Blanchard & Fleury,
Traiteurs , & le nommé Dé , Aubergiſte , en
trente livres d'amende chacun pour y avoir contrevenu.
ORDONNANCE DE POLICE dn re. Decembre
, concernant le Cagnard ou Cul- de- Sae
entre la rue de la Barillerie & le Marché-Neuf.
AUTRE du 14. Decembre , portant deffenſes
I. vol. do
2814 MERCURE DE FRANCE .
de tenir aucuns Marchez le Mercredi- jour » de
Noël .
AUTRE du 20. Decembre , qui indique l'ou.
verture des Etaux à Boucheries pour le Samedi
4. Janvier 1727. furveille de la Fête des Rois,
AVIS.
LE Second Volume de ce Mois ; qui eft
actuellement fous preffe , & qui doit
Suivre celui-ci de près , fervira de fupplé
ment aux matieres qui n'ont pu trouver
place dans le cours de la préfente année
avec lafuite des Révolutions de Perfe , &
contiendra une Table generale , au moyen
de laquelle on trouvera aifément toutes les
differentes matieres,
JAY
APPROBATION.
lû par ordre de Monfeigneur le Garde
des Sceaux le premier Volume du Mercure
de France du mois de Decembre, & j'ay cru
qu'on pouvoit en permettre l'impreffion. A
Paris, le 2. Janvier 1727:
HARDION.
28F5
TABLE
2611
Psuite des derniers troubles d'Egypte , 26 17 Jeces fugitives , Ode,
Poëme , Converfion , & c. 2630
Relation Hiftorique de la Guerre de Perfe , 2633
Le Serin & la Fauvette , &c.
■ Lettre fur deux Manuſcrits , &c.
Le Temps , Ode ,
Queſtion de Droit jugée , &c.
Portrait en Vers ,
2651
2656
2674
2677
2689
ibid. Lettre en Vers & en Profe ,
Voyage en Baffe Normandie . Defcription du
Mont S. Michel ,
Enigmes ,
Nouvelles Litteraires , & c.
2696
2718
2718
Critique abregée fur le Dictionnaire Univerfel
de là France , ibid.
272 I
Almanach de Paris , ou Calendrier , & c. 2729
Breviaire Romain , & c.
Eloges & Caracteres des Philofophes , & c. 2724
Nouveaux Memoires des Miffions de la Compagnie
de Jefus ,,
Dictionnaire des Arrefts , &c.
2725
2726
Nouveaux Ouvrages de Fer & d'Acier , &c.
2729
Extrait de la Differtation fur le
Nimbus , &c.
2733
Programme du Palinod ,
2736
Invitation aux Poëtes , Vers , &C.
Chanfon notée ,
2739
2744
Spectacles , Tragedie d'Hypermneſtre
Nouvelles du temps , de Turquie , Ruffie , Polo-
> &c.
2746
I. vol.
gne
2816
gne, & c.
2762
Difcours de M. de Gergi au Doge de Venife ,
Morts des Pays Etrangers ,
Journal de Paris ,
Epître à M. Morofini ,
2771
2782
2784
2785
Harangue de l'Affemblée du Clergé au Roi ,
2788
Thetis , Achille & Chiron , Fable , 2799
Morts, Naiffances & Mariages ,
2802
Edits , Arrêts , 2806
La Chanson nosle regarde la pago 2744
MERCURE
DE FRANCE ,
DEDIE A ROT.
AV
DECEMBRE. 1726.
SECOND VOLUME.
JR
QUA COLLIGIT SPARGIT
A PARIS ,
( GUILLAUME CAVELIER , au Palais.
I GUILLAUME CAVELIER , fils , rue
Chez S. Jacques , au Lys d'Or.
IN. PISSOT, Quay de Conti à la defcense
du Pont au coin de la rue de Nevers
M. DC C. XXVI.
Avec Approbation & Privilege du Roi.
A V IS.
L'AD
ADRESSE generale pour toutes
chofes eft à M. MOREAU ,
Commis au Mercure , vis -à- vis la Comedie
Françoife , à Paris. Ceux qui pour leur
commodité voudront remettre leurs Paquets
cachetez aux Libraires qui vendent le
Mercure à Paris , peuvent fe fervir de
cette voye pour les faire tenir.
On prie très - inftamment , quand on
adreffe des Lettres ou Paquets par la Pofte,
d'avoir foin d'en affranchir le Port ,
comme cela s'eft toûjours pratiqué , afin
d'épargner , à nous le déplaifir de les
rebuter, & à ceux qui les envoyent ,
celui , non feulement de ne pas voir
paroître leurs Ouvrages , mais même de
les perdre , s'ils n'en ont pas gardé de
Боріе .
-
Les Libraires des Provinces & des Pays
Etrangers , on les particuliers qui fonhaiteront
avoir le Mercure de France de
la premiere main , & plus promptement
n'auront qu'à donner leurs adreffes à M.
Moreau , qui aura foin de faire leurs paquets
fans perte de temps , & de les faire
porter fur l'heure à la Pofte , ou aux Mef
Jageries qu'on lui indiquera.
Le prix eft de 39. fols.
MERCURE
DE FRANCE ,
DĚDIE AU ROT
DECEMBRE . 1726.
SECOND VOLUME.
XXXXXXXX **************
PIECES
FUGITIVES ,
en Vers & en Profe.
D
ODE
Sur les miferes de l'Homme.
E trouver unbonheur folide ,
Mortels , vous vous flattez envain;
Le frivole efpoir qui vous guide ,
Vous charme & vous trompe fans fin .
Les Grands ainfi que le Vulgaire ,
2. vol.
A ij Nez
2826 MERCURE DE FRANCE,
Nez ici bas pour la mifere ,
Eprouvent un fort fi fatal :
La faveur des Rois , la puiffance ,
-Les richeffes , & la naiffance ,
Ne font fouvent qu'aigrir le mal .
讚
Comme un Vaiffeau pendant l'orage ,
Malgré l'effort des Matelots ,
Toujourss prêt à faire naufrage',
Obéit aux fureurs des flots ;
Ainfi l'Homme agité fans ceffe ,
Par la paffion qui le preffe ,
Cede toujours à fes tranſports ;
Vainement la raifon l'éclaire ,
Mieux il voit ce qu'il devroit faire ,
Plus il fent de cuifants remords .
Pendant la fougueufe Jeuneffe
L'amour tyranniſe fon coeur ;
Que je le plains dans cette yvreffe ,
Il tombe d'erreur en erreur :
Il ne cherit , il ne révere ,
Que l'aveugle Dieu de Cythere ,
2. vol.
Qui
DECEMBRE . 1726. 2827
Qui lui ravit la liberté.
Que de crimes ! que d'injuſtices ↓
Seront l'Ouvrage des caprices
D'une telle Divinité!
Enfin ces délires funeftes ,
Comme des torrens furieux ,
Paffent, laiffant de triftes reſtes.
De leurs excès impetueux.
Mortel du deftin implacable ,
N'attend pas un calme durable ,
Chaque âge a ſes égaremens :
La Fortune à fon tour t'appelle ,
Cours à fes ordres trop fidele ,
Eprouver de nouveaux tourmens.
Déja l'efperance trompeufe ,
Des tréfers & du plus haut rang ,
Afervit ton ame envieufe ,"
Aux Loix de ce cruel tyran
Au milieu des biens qu'il étale ,
Comme le malheureux Tantale ,
Je le vois toujours foupirer :
2. vol. A jij Cette
2828 MERCURE DE FRANCE.
Cette impitoyable Déeffe ,
A ton coeur laiffera fans ceffe ,
Mille bienfaits à defirer .
Vil efclave de la puiffance ,
D'une injufte Divinité ,
J'admire ta perfeverance ,
A cherir ta captivité !
Ne vois-tu pas qu'elle te jouë ?
Bien tôt du plus haut de fa rouë
Tu dois être précipité :
Préviens une chute éclatante ,
Par une retraite prudente ,
Tu peux te mettre en feureté.
Par M. de Sainte Palaye , de Montfortl'Amaury.
MMMMMMMMMMMMMM
TROISIEME fuite de la Relation
biftorique de la Guerre de Perfe.
AP
Près de pareils fuccès , Mahmoud
refolut de retourner à Ifpaham ,
tant pour le délaffer des fatigues de la
2, vol.
guerre,
DECEMBRE . 1726. 2829
guerre , que pour rafraîchir & augmenter
fes Troupes. Ainfi , ayant mis Garnifon
dans ces deux dernieres Villes , il
partit , & arriva à Ifpaham vers la fin de
Mars 1724. C'eft dans ce temps là qu'on
vit & qu'on admira le courage d'une
jeune Heroïne Georgienne ; ce qu'elle
fit contre les Aghuanis , merite bien
d'être rapporté .
Cette genereufe femme , ayant appris
que fon époux avoit été tué par les ennemis
, à la prife du Pont & de la Citadelle
d'Ifpaham , dont on a parlé plus haut , refolut
d'aller venger fa mort dans le fang
même de ceux qui l'avoient fait mourir.
Elle confia à fon frere fes biens & l'éducation
de deux petits enfans qu'elle avoit,
déguifa fon Sexe , & prit des habits convenables
, s'arma bien , & fans fe rebuter
, ni de la rigueur de la faifon , ni de
la longueur du chemin , qui étoit près
de 400. lieuës , elle fe rendit en diligence
à Ifpaham , où elle arriva lorfque Mahmoud
y faifoit fa feconde Entrée. A peine
eut - elle apperçû les Aghuanis , & le
lieu où fon mari avoit été tué , que le defir
de la vengeance s'augmentant avec
violence dans fon coeur, fans attendre davantage
, toute accablée qu'elle étoit des
fatigues d'un auffi long voyage , elle ſe
jetta avec impetuofité ,le fabre à la main,
2. vol . fur
2830 MERCURE DE FRANCE .
fur un Corps d'Aghuanis , & en tua plus
de 2o . avant qu'on eut le temps de la
ſaiſir. Mahmoud , ayant fçû l'action de
cette femme déterminée , la fit mettre en
prifon , ne voulant la punir que legerement
, & la renvoyer après ; mais les
Aghuanis , à ce qu'on affure , la firent
perir dans la prifon.
Cependant on ne fçavoit pas encore
bien quel fuccès avoit eu l'Armée , qui
étoit allé l'année précedente dans la Province
de Farfiftan. A la verité , on avoit
appris que la Ville de Schiraz , qui en
eft la Capitale , avoit été affiegée par
Kior - Sultan'; que ce General ayant été
tué d'un coup de moufquet à la premiere
attaque , il avoit été remplacé par Zeberdert
Kan , lequel pouffoit vigoureufement
le Siege , mais on ne fçavoit rien
autre chofe , & Mahmoud en attendoit.
chaque jour des nouvelles avec impatience.
Elles arriverent enfin ces nouvelles
au commencement de Mai , & elles donnerent
bien de la joye au nouveau Roi &
à tous les Partifans.
Schiraz étoit pris , & voici comment :
Cette Ville , qui eft fituée fur la Riviere
de Bendemir , pas bien loin de l'ancienne
Perfepolis , & qui paffe avec raifon
pour la feconde Ville du Roymaue de
Perfe , fut prefque entierement bloquée
2. vol. dès
DECEMBRE. 1726. 2831
dès le commencement du Siege. Le Kan,
qu Gouverneur , qui commandoit dans
la Place , & qui étoit un des plus puiffans
de la Cour de Schah- Huflain , n'oublia
rien pour empêcher le blocus.
Plufieurs petits combats furent livrez ;
mais enfin , après quelques legers avantages
remportez fur l'ennemi , il fallut
ceder à la force , & abandonner des poftes
qui étoient abfolument neceflaires'
pour pouvoir faire venir des vivres dans
la Ville. A la verité , on n'étoit pas fans
efperance d'être fecouru . On fçavoit que
Baguirchagi , Prince Arabe , venoit avec
6. ou 7000. hommes au fecours de Schiraz
; mais le defordre avec lequel il s'avançoit,
étoit tel, que 1400. Aghuanis le
défirent & le tuerent.
Le Gouverneur ayant perdu par cette
défaite l'unique reffource qui lui reítoit ,
& voyant d'ailleurs que les vivres & les
munitions manquoient entierement depuis
long- temps , que les trois quarts des
habitans étoient morts de faim , ou avoient
été tuez , & qu'enfin le nombre des ennemis
loin de diminuer , ne faifoit qu'augmenter
tous les jours , il livra la Ville le
13. d'Avril après un fiege de 8. mois
foutenu avec toute la prudénce & toute
la bravoure ' qu'on devoit attendre d'un
auffi grand Gapitaine. Il'y eut durant le
A v Siege [ 2. vel.
2832 MERCURE DE FRANCE:
Siege plus de 6000. Aguanis de tuez.
La Ville , malgré les belles promeffes
des Ennemis , fut abandonnée au pillage
& au carnage , qui fut très -grand.
Une Conquête de cette confequence ,
flatta agréablement la vanité de Zeberdert
Kan , & l'encouragea fort à en faire
de nouvelles ainfi après avoir reglé
toutes chofes dans Schiraz , & y avoir mis
une bonne garniſon , il marcha vers Lahr.
Cette Ville , qui donne fon nom à un
petit pays compris entre les Provinces
de Kufiftan & de Mogolifthan,& qui étoit
autrefois le Siege d'un Prince qui prenoit
le titre de Roi du Lahriftan , après
une foible reſiſtance , ſe foumit & reçût
dans fon enceinte & dans fa Forterelle
3000 Aghuanis deftinez à fa garde.
De là Zeberdert- Kan prit fa route vers
Benderabally : c'est l'ancien Gombru , à
qui le Roi Schah - Abbas donna ſon nom ,
Fan 1622. & y transfera le Commerce
qui fe faifoit auparavant à l'Ile d'Ormus
, qu'il enleva aux Portugais avec
le fecours des Anglois. Cette Ville fe
rendit en peu de
aufi-bien que
fon Château.
temps
Mahmoud , cependant , délafſé de toutes
les fatigues , & ayant bien rétabli &
augmenté fes troupes par le moyen de
plufieurs familles qui lui vinrent de di-
2. vol.
vers
DECEMBRE . 1726. 2833
vers endroits , & fur tout du Candahar ,
réfolut de fon côté de fuivre fa pointe
& d'aller conquerir la Province du
Kilan.
Il partit au mois de Juin , à la tête de
près de 30000. hommes ; mais fon bonheur
commença dès lors à l'abandonner
& fon expedition réüffit très - mal . A
peine fut-il arrivé dans le Kilan , que ,
foit par le mauvais air , foit par les fréquentes
incurfions des Arabes qui lui
tuoient tous les jours quantité de Soldats
, il fut obligé de revenir à Ifpaham ,
après avoir perdu tous les bagages &
prefque les trois quarts de fes Troupes.
Si le Prince Thamas eût eu dans cette
occafion feulement 8. à 10000. hommes
pour pouvoir pourfuivre Mahmoud dans
fa retraite , il l'eût entierement défait &
fe feroit bien- tôt après rendu maître de
tout ce que les ennemis avoient pris fur
lui ; mais la terreur étoit fi grande parmi
les Grands & parmi le peuple , que per
fonne n'ofoit embraffer le parti du Prince
, du moins ouvertement , à peine cè
Prince fugitif étoit -il accompagné de 2000 .
hommes
Ce revers jetta Mahmoud dans la plus
noire mélancolie. Les Hollandois que
le Commerce à attiré en aflez grand nombre
à Ifpaham , furent les premiers à fe
2. vol .
A vj reffen2834
MERCURE DE FRANCE .
reffentir de fa mauvaife humeur. D'abord
il les fit tous arrêter & les obligea
enfuite à lui payer 40000. Thomans ,
quoiqu'ils en eulent déja donné plus de
20000. Après ceux - cy les Armeniens.
furent taxez à 70000. & on fit choiſir
parmi les plus confiderables de cette Nation
50. filles pour être miles dans le
Serrail..
Les François furent un peu moins maltraitez
dans cette occafion; car on épargna,
à la verité, leur bourfe, mais pourtant
on attaqua vivement leur liberté . M. de
Gardane , Conful de la Nation Françoife
à Ifpaham , à qui on ne peut refuſer
fans injuftice , les éloges que méritent
fa fageffe , fa bonne conduite , & fon
zele pour tout ce qui regarde les
interêts du Commerce de France , reçût
défenſe auffi - bien que tous les autres Marchands
François , non - feulement de fortir
de la Ville , fous peine de mort , mais
encore d'écrire la moindre Lettre à qui
que
ce foit
, fous
la même
peine
: enforte
que
quelqu'envie
qu'eût
M. de Gardane
d'inftruire
la Cour
de France
de ce qui
fe paffoit
en Perfe
, il ne crut
pas , pour
le bien
& l'avantage
de la Nation
, devoir
fatisfaire
fa jufte
inclination
. làdeffus
.
Mais ce qui chagrina le plus Mah-
2. vol. moud ,
DECEMBRE. 1726. 2835
moud , ce fut la nouvelle de la révolte
d'Yezd , qui eſt à dix journées d'Iſpaham
, du côté de Candahar. Les habitans
de cette Ville , à la follicitation des
Guebres , qui y étoient en aflez grand
nombre , s'étoient foumis au commencement
& avoient reçû 2000. Aghuanis
qu'on leur envoya en garnifon. Mais
ayant fçû la trifte fituation des Ennemis ,
ils firent main baffe fur tous les Aghuanis
qui étoient dans la Ville & en chafferent
tous les Guebres.
Mahmoud , quelque embarraffé qu'il
fût dans fes affaires , ne voulut pas laiffer
cette action impunie : il ramaffa le plutôt
qu'il put toutes les Troupes dont il
compofa un corps d'environ 18000. hommes
, & partit le 22. Decembre pour fe
rendre à Yezd. Les attaques furent trèsfrequentes
& très - vives du côté des
Affiegeans ; mais auffi elles furent gene
reuſement ſoutenues & bien repouffées du
côté des Affiegez . Les uns & les autres
étoient uniquement attentifs à chercher
le moyen de vaincre ; & heureuſement
il s'en prefenta un aux habitans dont ils
fçurent bien profiter.
L'armée ennemie fouffroit beaucoup ,
non - feulement à caufe des neiges qut.
tomboient en abondance , mais encore plus
par la difette de toutes fortes de vivres.
24 vol. Les
2836 MERCURE DE FRANCE.
Les Payfans qui avoient abandonné leurs
Villages & s'étoient retirez dans le Mont
Taurus , avoient tout emporté avec
eux , enforte que Mahmoud fut obligé
de diminuer confiderablement le
nombre de fes Troupes & d'en envoyer
une partie d'un côté & d'autre , pour
chercher des vivres . Les Affiegez s'en
étant apperçûs , firent tout à coup deux
forties , l'une de Cavalerie & l'autre
d'Infanterie , & allerent donner fi vivement
& fi à propos fur les Ennemis ,
qu'ils en tuerent près de 3000. Mahmoud
même ſe voyant fur le point d'être
enveloppé & pris par la Cavalerie ,
fut contraint de laiffer tous fes bagages
& de prendre la fuite avec le peu de
Soldats qui lui reftolent. Cette feconde
défaite qui mettoit Mahmoud hors d'état
de pouvoir rien entreprendre , du moins
de quelque temps , le fit tomber dans un
fi grand excès de trifteffe , qu'on craignit
pour fa vie. Incommode & à charge
à lui- même & aux autres , il réfolut
de fe renfermer & de commencer les
Riadha ou exercices fpirituels que les
Mufulmans font quelquefois.
Ces exercices confiftent , à fe tenir enfermé
pendant quatorze ou quinze jours,
à ne manger autre chofe chaque jour
qu'un peu de pain & boire de l'eau ,
qu'on
2. vol .
DECEMBRE . 1726. 2837
qu'on ne prend même qu'après le Soleil
couché , & à repeter continuellement
d'une voix enrouée & tirée avec
effort du fond de la poitrine , ces mots ,
bou , bou , bou , jufqu'à - ce que l'écume
leur venant à la bouche & fur les levres,
& les forces leur manquant entierement ,
ils tombent dans des fyncopes , qu'ils appellent
extafes ; & c'eft dans ces fortes
d'extafes qu'ils prétendent que le démon
eft contraint par une puiffance fuperieure
, de leur découvrir le bon ou mauvais
fuccès des entreprifes qu'il méditent.
C'eft de ces exercices fuperftitieux
dont Mahmoud s'acquitta , au mois de
Février 1725. & d'où il ne retira qu'u➡
ne grande foibleffe d'efprit & une diſpofition
prochaine à la folie.
Sa tête fatiguée par un long & fevere
jeûne & l'humeur hypocondriaque &
atrabilaire l'emportant fur fon temperament
, fa raifon fa raifon parut confiderablement
alterée. Il s'imaginoit à tout moment
voir des perfonnes qui en vouloient à
fa vie , tout le monde lui étoit fufpect ,
mais furtout , les Princes du Sang , dont
il réfolut de fe défaire abfolument.
Pour mieux executer fon horrible deffein
, il emprunta le fecours de quelques
uns de les plus confidens amis , avec
lefquels il entra immediatement après
2. vol.
dîner
2838 MERCURE DE FRANCE .
dîner , dans une grande Salle , où étoient
alors affemblez tous les Princes avec
Schah - Huffain leur pere. C'eft là que
dans la fureur dont il étoit tranſporté , il
fe jetta , le fabre à la main , fur toute
cette Famille Royale , qu'il détruiſit entierement
, à la reſerve de deux petits
Princes , âgez de 4 ou 5. ans , que
P'horreur de la mort faifit tellement ,
qu'ils allerent fe jetter entre les bras de
leur pere , comme dans le dernier azile
qui leur reftoit. Schah-Huffain qui les
embraffoit tendrement , & les baignoit
de fes larmes , voulant parer les coups
que le Tyran leur portoit , leva fa main,
& y reçût une bleffure confiderable. La
vûe du fang , qui en fortoit avec abondance
, attendrit Mahmoud , dont le deffein
n'étoit pas de toucher à la perfonne
du Roi , & l'engagea à lui laiffer ces
deux jeunes Princes pour la confolationde
fa vieilleffe. Le nombre des morts
montoit à 105. perfonnes , parmi lefquels
il y avoit trois oncles de Schah-
Huffain , déja fort avancez en âge , avec
fept de fes neveux.
Après un fi horrible carnage , Mahmoud
parut comme poffedé , & ne trou
vant dans fa maladie aucun remede qui
le foulageât , il fit appeller des Prêtres
Armeniens , pour qu'ils vinffent lire
BE-
20 vol.
DECEMBRE. 1726. 2839'
l'Evangile fur la tête , & pour les y engager
plus facilement , il leur envoya
15000. Tomans d'or , en les affurant que
s'il revenoit en fanté , il leur feroit remettre
tout ce qui leur avoit été enlevé .
Il fit auffi quelques reftitutions à la Compagnie
des Hollandois ; mais tout cela
fut repris par fon Succeffeur.
Sa maladie cependant augmentoit de
jour en jour. Tout fon corps couvert
de lepre exhaloit une odeur infuppor
table , & fa chair fe détachant peu
à peu de fes os , tomboit lambeaux
dans les accès de fa fureur , il fe
déchiroit les mains & les bras avec fes
› par
dents , & la nature ne faifant prefque
plus fes fonctions ordinaires , il rendoit
les excrémens par la bouche.
Les Aghuanis voyant le danger où
étoit Mahmoud , penferent à lui donner
au plutôt un Succeffeur. Ils euffent bien
voulu que fon frere , à qui naturellement
le Gouvernement de la Perfe devoit
venir par la mort de Mahmoud ,
eut été prefent dans ces circonftances ;
mais il étoit encore dans la Province de
Candahar ; & quelque diligence qu'on
fit pour le faire avertir , il n'étoit pas
poffible, à caufe de la diftance des lieux,
& de la difficulté des chemins , qu'il fe
rendit à Ifpaham de huit ou dix mois.
2. vol. La
1
2840 MERCURE DE FRANCE .
La chofe pourtant preffoit beaucoup ; car
les Peuples inftruits du trifte état de
Mahmoud › commençoient à ne plus
craindre , & à fe déclarer affez hautement
en faveur du Prince Thamas . Le
bruit couroit même que ce Prince s'approchoit
avec une puiffante Armée , que
les Arabes s'étant unis aux Perfans , venoient
à fon fecours , & que les Villes
n'attendoient que fon arrivée pour ſe
foumettre à lui.
Tous ces bruits , quelque faux qu'ils
fuffent en eux mêmes , ne lailloient pas
que d'intimider les Aghuanis , & de
leur faire comprendre la neceffité indif
penfable où ils étoient , de fe choifir fans
délai un homme qui put les foutenir dans
l'embarras où ils fe trouvoient. De forte
donc que dans l'impoffibilité où ils fe
voyoient , de faire venir affez à temps le
frere de Mahmoud , pour le remplacer,
ils jetterent les yeux fur fon coufin germain
, nommé Acheraf , qui pour lors
étoit en prifon par la raifon qu'on va
dire.
Le déplorable état où parut Schah-
Huffain , à la fin du Siege d'Ifpaham ,
lorfqu'il vint mettre fon Sceptre & fa
Couronne entre les mains de Mahmoud ,
toucha tout le monde de compaffion ; les
ennemis mêmes fenfibles à fon malheur
2. vol. ne
DECEMBRE. 1726. 2841
3
ne purent retenir leurs larmes. Mais
Acheraf , comme nous l'avons déja dit ,
fut un de ceux qui parut le plus émû
& n'oublia rien pour engager Mahmoud
à recevoir cet infortuné Prince d'une
maniere moins fiere & moins hautaine.
La liberté avec laquelle il parla dans
cette occafion , le rendit fufpect à Mahmoud
, qui diffimula d'abord ; mais après
il le fit faifir & renfermer dans une étroite
& obfcure prifon .
Les Aghuanis s'étant donc affemblez ,
& ayant pris les armes le 22. Avril ,
allerent le délivrer de fon cachot , &
l'ayant conduit au Palais Royal , le firent
monter fur le Trône , & le faluerent en
qualité de Roi de Perfe .
Acheraf, pour ſe maintenir dans cette
haute Dignité, où il fe voyoit élevé contre
toute efperance , commença par faire
trancher la tête à Mahmoud , & à tous les
Miniftres qu'il fçavoit lui être les plus
attachez . Quelques jours après , ayant
été informé de certains difcours feditieux
qu'avoient tenu contre lui des Soldats de
la garde de Mahmoud , il en fit mourir
environ 500. fit emprifonner leurs Officiers
, & les dépouilla de tout . Zeberdert
Kan , qui étoit arrivé depuis près
d'un mois tout triomphant de fes Conquêtes
, fut confervé & maintenu dans
2. vol. tous
4
1842 MERCURE DE FRANCE.
1
tous les honneurs & prérogatives .
Quant aux Perfans , Acheraf fe montra
d'abord très - favorable à leur égard.
Dans le deffein où il étoit d'attirer feeretement
le Prince Thamas dans quelques
embûches , & de s'affurer par fa
mort le Royaume pour toujours ; il ne
erut pas pouvoir mieux réüffir que d'ufer
de diffimulation , de montrer exterieurement
beaucoup de zele
pour la Famille
Royale , & de marquer en toutes occafions
combien il étoit difpofé à remettre
la Couronne aux Perfans dans la per<
fonne de leur legitime Prince. C'eft pourquoi
dès le commencement de fa Royauté
, il alla rendre vifite à Schah - Huſſain,
lui témoigna fa douleur de la cruelle
mort que Mahmoud avoit fait ſouffrir à
fes enfans , & pour lui donner quelque'
confolation dans cette rencontre , il fit
recueillir leurs os difperfez de côté &
d'autre, & les ayant mis dans de magnifiques
cercueils , il les fit porter avec un
grand cortege fur des Chameaux richement
harnachez jufqu'à la Ville de Kum,
lieu de la fepulture des Rois de Perfe.
Il envoya en même temps de riches
prefens pour la Moſquée où ils devoient
être placez , & mille Tomans pour être
diftribuez aux pauvres . Après quoi , ayant
pris le Sceptre & la Couronne , il alla
2. vol. les
DECEMBRE. 1726. 2843
les mettre aux pieds de Schah- Huffain ,
le priant inftamment de reprendre luimême
le Gouvernement du Royaume , ou
du moins d'y obliger le Prince Thamas
fon fils .
Schah Huffain , à qui cette offre parut
un peu fufpecte , & qui craignoit
avec raifon pour la vie , s'il venoit à
marquer imprudemment l'envie qu'il
avoit de remonter fur le Trône , répondit
à Acheraf , qu'il lui étoit bien obligé
du zele qu'il faifoit paroître pour fa
perfonne ; que s'étant déja dépouillé voontaitement
de fes Etats , il ne penfoit
plus , ni ne penferoit jamais à les
reprendre ; que pour ce qui regardoit
fon fils , il ne vouloit point en aucune
maniere fe mêler de fes affaires , ni le
porter à accepter un Royaume qu'il gouverneroit
peut - être mal ; qu'au refte , il
étoit maître de faire là - deffus ce qu'il
jugeroit à propos.
Acheraf continuant toujours à cacher
fon mauvais deffein , parut comme fâché,
de la refolution de Schah- Huffain . Cependant
, pour ne manquer à rien de
ce que le devoir & fon inclination ( comme
il difoit ) exigeoient de lui , il envoya
une magnifique Ambaffade au Prince
Thamas , avec des prefens confiderables
& des chevaux fuperbement harna-
2. vel, chez;
844 MERCURE DE FRANCE.
chez , l'invitant à venir prendre poffef
fion de fes Etats , & le priant de vouloir
bien lui affigner un lieu où ils puffent
s'aboucher avec feureté , & déterminer
ce qui feroit jugé convenable de
part & d'autre. Le Prince trop facile à
croire ce qui lui faifoit plaifir , donna
aveuglement dans le piege , & afligna
lui - même à Acheraf la petite Plaine de
Theran pour le lieu du rendez-vous.
Acheraf ravi d'un fi heureux commencement
, fe mit en marche à la tête
de 12000. hommes , & étant arrivé le
premier , il fit placer fes Soldats de telle
maniere , qu'il put aifément s'en fervir
conformément à fon deffein . Le
Prince , qui s'avançoit avec 3000.
hommes feulement , ayant oiii dire , heureufement
pour lui , qu'Acheraf avoit
un grand nombre de Troupes , commença
à craindre , & à le foupçonner , neanmoins
n'étant pas bien alluré de la verité
du fait , pour s'en éclaircir pleine
ment , il envoya au-devant de lui Aflam
Khan avec 2000. Soldats , & n'en referva
que mille près de fa perfonne.
Aflam - Khan étant arrivé , & s'appercevant
non feulement du grand nom
bre des Aghuanis , mais encore qu'aucun
des poftes marquez n'étoit gardé ,
& qu'on ne fongeoit qu'à envelopper
2. vol. le
DECEMBRE. 1726. 2845
le Prince , il le fit auffi- tôt avertir du danger
qui le menaçoit , & lui confeilla de
pourvoir au plutôt par la fuite , à la feureté
de fa vie. En effet , il étoit temps :
car Acheraf ayant appris par les Èfpions
la prochaine arrivée du Prince ,
avoit fait paffer fecretement derriere une
colline 2500. Aghuanis pour lui aller
couper le paffage , & le mettre par là
dans l'impoffibilité d'échaper. On étoit
fur le point de tomber fur lui & de le
faifir , lorfqu'on vint lui annoncer ce qui
fe tramoit contre la perfonne.
Cet infortuné Prince fe voyant dans
un fi preffant danger , fut contraint d'abandonner
fes Troupes , que le temps ne
lui permit pas de raffembler , & de fe
refugier à la hâte avec 200. Cavaliers
dans la Ville de Theran.
Acheraf voyant fon deffein découvert,
& fon coup manqué , fit attaquer Aflam-
Khan , qui dans une fi grande inégalité
de forces , fe défendit pourtant courageufement
, & repouffa même deux fois
l'ennemi avec perte ; mais enfin ne pouvant
plus refifter , & la nuit furvenant
par bonheur pour lui , il fe retira & alla
joindre le Prince à Theran . Les ennemis
ne connoiffant point les routes , &
craignant de s'engager durant la nuit trop
avant dans les montagnes , n'oferent le
poursuivre.
Ce2846
MERCURE DE FRANCE.
Cependant Aflam-Khan , qui voyoit
bien qu'Acheraf ne manqueroit pas de
venir affieger la Ville , dans la perfuafion
où il étoit , que le Prince s'y étoit
refugié , ne fongea qu'à l'en faire fortir
au plutôt. C'eft pourquoi , ayant fait
prendre promptement quelques rafraîchiffemens
à fes Troupes , il prit le
Prince avec lui , & marcha toute la nuit
avec tant de diligence , qu'à la pointe du
jour il fe trouva à fix lieues de Theran ,
du côté du Mezanderan , où il fe ren
dit en peu de jours ; ce que Aflam-
Khan avoit prévû , arriva en effet le lendemain
, & bien plutôt que les Habitans
de la Ville de Theran ne s'y attendoient :
car Acheraf , s'imaginant que le Prince
Thamas ne fe mettroit en marche qu'à
la pointe du jour , refolut de prévenir fon
départ , & d'aller inveftir la Ville avant
qu'il en fortît.
Il prit de force des Payfans qui le conduifirent
à Theran , où il arriva deux
heures avant le jour ; mais ayant appris
que le Prince en étoit parti dès la veil
le , il entra dans une fi grande fureur ,
que s'étant emparé de la Ville dès le,premier
affaut , il ordonna à fes Soldats de
n'épargner ni hommes , ni femmes , ni
enfans , & de les faire tous paffer au fil
de l'épée.
2. vol. Cette
DECEMBRE . 1726. 2847
Cette prife fut fuivie de celle de Kom
& de Sava. Ces deux dernieres Villes
qui auroient pû refifter long-temps ài
FEnnemi , fi elles euffent été pourvûës
de vivres , fe foumirent après huit jours.
de fiege. Elles furent traitées avec moins
de cruauté que Theran : on fe contenta
feulement de piller les maiſons , & on
conferva la vie aux Habitans.
Acheraf , ne croyant pas devoir pouf
fer plus loin fes conquêtes , à cauſe du
peu de Troupes qu'il avoit avec lui , retourna
à Ifpaham , où il acheva de faire,
perir ceux des Nobles Mahmoud
avoit épargnez . Voici quelle en fut l'occafion
.
que
Le nombre confiderable de Soldats
qu'Acheraf prit avec lui , lorfqu'il partit
pour aller dans le lieu du rendez - vous
que le Prince lui avoit marqué , fit affez
comprendre aux Grands du Royaume ,
qu'il y alloit moins pour l'avantage du
Prince que pour le fien propre. Ainf
dans l'appréhenfion où ils étoient , que
le Prince qu'ils aimoient toujours tene .
drement , ne fût furpris , & ne s'enga
geât aveuglement dans quelque mauvais
pas , dont il ne pourroit le débarafler
dans la fuite , ils refolurent de lui donner
avis de ce qui fe paffoit , & lui écrivi
sent une Lettre qui fut interceptée par
B Seydal, vol.
2848 MERCURE DE FRANCE ,
Seydal , un des Generaux des Aghuanis ,
& remife entre les mains d'Acheraf. Celui-
ci , pour le venger de ce qu'avoient
fait les Grands en faveur du Prince , les
fit affembler dans le Palais Royal , fous
prétexte de vouloir leur communiquer
des affaires de la derniere importance ,
& les fit tous décapiter . Il fit en même
temps crever les yeux à un petit enfant
que Mahmoud avoit eu de la Princeffe
Sophie . On dit auffi qu'il en avoit fait
faire autant à Schah- Huſſain , mais
cette derniere nouvelle s'eft trouvée
fauffe.
On attend chaque jour des nouvelles.
du frere de Mahmoud. S'il vient à Ifpaham
, comme on n'en doute point , on
eft affuré de voir la guerre cruellement
allumée entre les Aghuanis , qui fe détruiront
peu-à -peu , & donneront occafion
à Schah-Huffain de remonter fur le Trône
, & d'y placer enfin le Prince Thamas
fon fils.
Cependant , les Princes veifins de la
Perfe , profitant de tous ces troubles qui
defoloient ce vafte Empire au dedans ,
ont tâché de ſe ſaifir des Provinces qui
leur convenoient le plus.
Les Mofcovites ont pris le Schirvan ;
un des plus beaux & des plus riches Pays
de Perfe , qui s'étend le long de la Mer
s . vol . Cafe
1
DECEMBRE. 1726. 2849
Cafpienne , & qui eft des plus commodes
pour le Commerce. Les Turcs font
ceux qui ont pouffé davantage leurs conquêtes
: car ils fe font emparez , en moins
de deux ans , de toute la Georgie , & des
Provinces d'Erivan , de Nakfuan , d'Aderbejan
, de Kilan & de Hamadan avec
leurs Villes , dont quelques unes ont genereufement
& long- temps refifté; mais
furtout Tauris , qui ne s'eftfoumife qu'après
un long & vigoureux fiege , &
après avoir vu & éprouvé les mêmes mifores
qu'avoit éprouvées la Ville d'Ifpa
ham.
Toutes ces conquêtes des Turcs , &
leur approche de la Capitale du Royaume
, dont ils ne font éloignez que de
cinq à fix journées , ont obligé Acheraf,
qui n'eft pas en état de leur refifter
d'envoyer le 2. Septembre 1725. une
Ambaflade à la Porte pour demander la
Paix au Grand Seigneur , à quelque
prix que ce foit , & aux conditions qu'il
plaira à S. H.
L'Ambaffadeur porte pour prefent
20000. Tomans d'or . Malgré tout cela
on croit que les Turcs poufferont tou
jours leurs conquêtes , & que dès qu'ils
auront pris Ifpaham , & pillé tous les
trefors du Roi & des Grands , ils mettront
fur le Trône le Prince Thamas , &
2. vol. Bij ils
1350 MERCURE DE FRANCE.
ils garderont les Provinces déja conquie
fes ; afin que, par ce retranchement ce
Prince foit hors d'état de leur nuire dans
la fuite ce foupçon n'eft pas fans fondement
, puifque Jambis Achmet , Pacha
de Babylone , a envoyé & reçû diverfes
fois des Couriers du Prince.
Voilà , Monfieur , où en font maintenant
les affaires de Perfe: Je fouhaite
que cette Relation , qui eft un peu longue
, mais que je n'ai pû faire plus courte
, vous faffe plaifir , & à ceux à qui
vous jugerez neceffaire d'en faire part.
J'ai l'honneur d'être , &c .
?
A Tripoli de Syrie , le 26. Mars 1726 .
***** *********
Imitation de la Poëfie de Catulle , qui
commence ainfi : Dicebas quondam
folum te noffe Catullum , &c.
U difois autrefois , trop volage Lef
To
bie,
Que tu m'aimois plus que ta vie.
Que Jupiter lui - même abandonnant les
Cieux ,
Pour troubler mon bonheur , & flatter ton
envie,
wo vola N'aus
DECEMBRE. 1726. 1857
N'auroit que vainement pour toi formé des
voeux.
Mon coeur brûloit alors d'une ardeur legi
time .
Et d'un amour joint à l'eftime ,
Je t'aimojs comme un pere ou comme un tendre
ami.
Mon efprit prévenu par une erreur extrê
me ;
Ne te connoifloit qu'à demi.
Je te connois enfin. Helas ! quoiqu'en moimême
;
I
Je fente encor combien je t'aime ,
Cruelle , je ne laiffe pas ,
Malgré tous tes appas ,
Ni fan's fçavoir comment ; de te hair fans
ceffe.
Mais,tu me dis , connoiffant ma foibleffe ,
Se peut- il qu'un Amant , maltraité , malheu
reux
Veuille du mal à fa Maîtreffe ,
• Et n'en foit pas moins amoureux.
Le veritable nom de la Maîtreffe' ,
pour qui Catulle a fait des Vers fi tendres
& fi galants , s'appelloit Claudia
Beauté Romaine , dont il déguifa le nom
fous celui de Leſbie , ainsi qu'Ovide
B iij
2. vol.
avoit
2852 MERCURE DE FRANCE.'
avoit déguifé celui de Julie , fille d'Augufte
, fous celui de Corinne , Claudia
étoit de l'illuftre & ancienne Famille
des Claudiens , rapportée dans les Familles
Romaines de Patin , laquelle a
donné des Empereurs à Rome , & dont
Suetone parle amplement au commencement
de la Vie de Tibere . Leſbie étoit
donc un nom fuppofé , ainfi que nous
appellons Silvie , Climene , & c. celles
pour qui l'on s'exprime en Vers . Ce même
nom a été employé par d'autres Poëtes
anciens. Dans la douzième des Epodes
d'Horace , lorfque Canidia , vieille
débauchée , lui fait des reproches , elle
lui dit :
A
Pereat malè quæ te
Lelbia quærenti taurum , monftravit inertim
.
Dans les Epigrammes d'Aufone , on
lit ce Diftique :
Tres fuerant Charites , fed dum mea Leſbia
vixit ,
Quatuor , at periit , tres numerantur item.
Parmi les Vers du Poëte Alcime , citez
dans les Catalectes de Petrone , une
Poëfie commence par ces deux Vers :
2. vol. Lux
DECEMBRE. 1926. 2853
Lux mea , Puniceum mifit mihi , Leſbia
malum ,
Jam fordent animo cætera pomà meo.
Par M. de Mautour.
***:*XXXXXXXXXXXX
L'AVEUGLE CLAIRVOYANT,
Hiftoire Perfanne.
I la valeur a quelquefois conquis des
Empires,la
moins confervé. La premiere de ces
deux vertus a plus d'éclat , mais la ſeconde
a plus de folidité ; il feroit à fouhaiter
qu'elles fe trouvaflent unies dans
un même fujet , rien ne feroit capable
de leur réfifter ; mais comme il n'eft rien
de parfait , il faut fe contenter de la vertu
qu'on poffede , & tâcher par- là de fe dédommager
de celle qu'on n'a pas.
Il fe pourroit même faire qu'un homme
qui poffederoit ces deux vertus dans
un même degré , les rendroit toutes deux
inutiles , s'il les exerçoit à contre - temps,
auquel cas il démentiroit l'une des deux ,
c'est-à -dire , la prudence , d'où l'on pourroit
tirer une confequence très- favorable
à cette derniere ; puifque da pruden-
B. iiij
2. vol. ce
2854 MERCURE DE FRANCE.
ce peut fe paffer de la valeur exercés
fans la prudence , tomberoit d'elle- même .
On verra la preuve de ce que je viens
d'avancer dans l'Hiftoire de l'Aveugle
clairvoyant , que je vais raconter . Le
Héros de cette Hiftoire étoit également
vaillant & prudent ; mais les circonftances
où il fe trouva , exigerent de lui qu'il
préferât la vertu la plus folide à la plus
éclatante , je veux dire la prudence à la
valeur.
Thamures , Roi de Perfe , après un
regne affez long & affez heureux , étant
mort fans enfans mâles dans Ifpaham ,
Capitale de fon Royaume , les Perfans
à qui fa memoire étoit chere , voulurent
conferver la Couronne à une fille unique
qu'il laiffa après lui ; mais comme les
Loix de cet Empire n'admettoient point
de femmes pour tenir les rênes de l'Etat
par elle-même , ils réfolurent de choisir
un Roi , qui ne monteroit fur le Trône
que pour s'y placer avec la fille du grand
Roi qu'ils venoient de perdre.
2. Cette Princeffe s'appelloit Rofemonde.
La Nature ne lui avoit donné aucune
des grandes qualitez qui rendoient la mé
moire de fon Pere fi recommandable ;
où plutôt elle avoit répandu fur elle tous
les vices à la fois ; elle étoit cruelle ,
perfide ambitieufe , & furtout livrée à
2. val. cette
DECEMBRE . 1726. 2855
cette aveugle paffion qui fait tant de malheureux
quand elle s'échappe au- delà des
bornes que la raifon lui prefcrit.
On entend bien que je veux parler
de l'Amour .
Rofemonde y étoit donc
livrée toute entiere , fans avoir en parrage
ce qui le fait naître dans tous les
coeurs ; en un mot , elle n'étoit ni vertueufe,
ni belle . Mais quoique la Nature
lui eût refuſé la beauté , qui eft fans'
contredit , le plus riche appanage de fon
fexe , elle l'avoit formée d'un fang à
pouvoir faire un Roi , & ce droit lur
pouvoit tenir lieu de beauté , à des yeux
ambitieux .
Ofmin , jeune Seigneur Perfan , avoit
eu le bonheur de lui plaire ; je dis le
bonheur , parce qu'il étoit ambitieux &
qu'il préferoit l'éclat d'une Couronne à
celui des plus beaux yeux . Quoiqu'il ne
fentit rien pour elle , il ne laiffoit pas
de prendre auprés d'elle la forme de l'Amant
le plus paffionné. La mort de Thamures
avoit réveillé en lui l'ardeur de
hui plaire , par l'efperance d'un Trône
qui étoit en effet l'unique objet de fes
defirs.
Rofemonde s'en apperçût avec des
tranfports de joye qui ne peuvent bien
être exprimez que par ceux à qui l'Amour
les fait fentir . Elle n'oublia rien
2% vol. By pour
2856 MERCURE DE FRANCE.
pour réunir en fa faveur les fuffrages des
grands du Royaume ; mais tous fes foins
furent inutiles.
Quoique Olmin eût de très -grandes
qualitez , & qu'il fût un des plus vaillans
hommes d'entre les Perfans , il n'avoit
pas rendu d'allez grands fervices à
l'Etat pour être preferé à Bâté , c'eſt le
nom de celui qui fucceda à Thamures.
Ce dernier avoit donné en mille occafions
des preuves éclatantes d'une valeur
extrême & d'une prudence confommée ;
& malgré les follicitations de Rofemonde,
il l'emporta fur fon concurrent. Quel
coup de foudre pour Rofemonde ; Olmin.
n'en fut gueres moins accablé qu'elle ;
mais il fçût mieux prendre fon parci. Il
diffimula fon chagrin & porta fon Amante
à diffimuler le fien .
Bâté , dont j'ai déja dit qu'il n'étoit
pas moins prudent que vaillant , n'avoit
pas befoin de l'exemple de ces deux
Amans pour fe contraindre , il n'ignoroit
pas toutes les démarches que Rofemonde
avoit faites en faveur d'Oſmin , & il n'étoit
que trop perfuadé que la même main
qui avoit voulu l'écarter du Trône , n'oublieroit
rien pour l'en précipiter ; tout
devoit lui rendre Ofmin fufpect ; & s'il
n'eût écouté que fes premiers mouvemens
il n'auroit pas balancé à immoler cette
2. vel... victime
NOVEMBRE . 1726. 2857
victime à fa feureté ; mais il crût qu'il
étoit plus à propos de feindre , & bien
loin de témoigner ni de mécontentement
à Rofemonde , ni de colere à
Ofmin , il ne s'attacha qu'à regner paifiblement
, fans pourtant négliger le foin
de fa fureté & de fa gloire .
Rofemonde étoit bien plus agitée que
lui ; c'étoit peu pour elle d'avoir vû
échouer les plus grands projets qu'elle
avoit formez pour l'élevation d'Ofmin
au Trône ; il falloit renoncer pour toûjours
à ce cher Amant , ou au rang de
fes Peres , ces deux facrifices lui coûtoient
également à faire ; elle ne tenoit
gueres moins à l'ambition qu'à l'Amour;
mais enfin ce dernier l'emporta , elle ſe
détermina abfolument à abandonner le
Trône au nouveau Roi , plutôt que de
confentir à être à un autre qu'à Ofmin.
Elle en fit la propofition à fon Amant ,
qui pour ne pas lui laiffer voir que c'étoit
la Couronne & non fa perfonne ,
qui faifoit l'objet de fes voeux , affecta
rine vive reconnoiffance qui fembloit dice
par l'Amour, le plus tendre qui fût.
jamais. Elle s'applaudit en fecret d'un defintereffement
qui lui prouvoit qu'elle
n'étoit aimée que pour elle-même & indépendemment
de l'éclat d'une Couronne
; mais cette même reconnoiffance dont
2. vol. B vj Olmin
tée
6.
2858 MERCURE DE FRANCE.
Olmin l'ébloüiffoit , ne fervit à ce jeune
ambitieux qu'à mieux colorer le refus
qu'il vouloit faire d'une main qui perdoit
tout fon prix en renonçant au Sceptre
que le droit du fang lui avoit deſtiné .
Belle Rofemonde , lui dit- il , plus
» je fuis pénetré de vos bontez , plus je
» dois à mon tour faire éclater de recon-
>> noiffance en facrifiant mon bonheur à
Votre gloire. Eft ce à moi à vous dé-
»trôner. Quand je devrois n'employer
» ce peu de valeur que les Dieux m'ont
» donné en partage , qu'à mettre de nou-
» veaux Diadêmes fur votre front ? &
comment fouffrirois- je qu'un autre dans
Ifpaham donnât des loix à la Souverai-
>> ne de mon coeur ? Non , non , je n'y
confentirai jamais ; je fens tout ce que
» je perds en vous laiffant regner avec
le trop heureux Báté ; mais enfin vos
Peuples ingrats , ont prononcé entre lui
» & moi , c'eſt à moi à foufcrire à leur
choix , & à me contenter du nom de
» votre premier fujet , fans ceffer d'être
le plus tendre & le plus fidelle de
vos adorateurs.
1
Rofemonde eut beaucoup de peine à
entrer dans des fentimens fi raiſonnables,
fon amour étoit trop violent pour écou
ter la voix de la Prudence ; mais il fallut
enfin fe rendre , ou du moins prendre
、, / des
DECEMBRE . 1726. 285
des temperamens entre l'Amour & l'ambition.
Elle fe détermina à époufer Bâté,
mais ce fut d'une maniere à pouvoir fecouer
dans des temps plus favorables un
joug qu'elle ne s'impofoit que par neceffité
: voici comment elle s'y prit.
A peine le nouveau Roi l'eût - il époufée
folemnellement , qu'elle affecta de
tomber en foibleffe . On la porta dansfon
Appartement dont l'entrée fut fermée
à tout le monde. Son principal Medecin
, qu'elle avoit gagné à force de
prefens , fit entendre que fon évanouiffement
avoit été fuivi d'une fievre ardente
qui mettoit fa vie en danger, & qui demandoit
abſolument que perfonne ne la
vit , fans excepter le Roi même.
Le Roi ne fut pas long temps à s'ap
percevoir du ftratagêmes mais bien loin.
d'en faire le moindre éclat , il fembla fer
prêter lui - même à tout ce que le prin
cipal Medecin de Rofemonde exigeoit
de lui . Cependant comme il voyoit bien
que cette perfide Reine ne fe refufoit à
fes embraflemens , que pour fe conferver
à Ofmin , il crut qu'il falloit rompre des
mefures qu'il ne doutoit pas que l'Amour
ne leur eût fait prendre pour arriver un
jour à la fin qu'ils pouvoient s'être pro
pofée.
Ce fut dans ce deffein qu'il manda
Olmi
2 . довой
1860 MERCURE DE FRANCE .
Olmin , à l'infçû de Rofemonde. Oſmin
fut d'abord allarmé de cet ordre ; mais
il y avoit trop de danger à ne pas obéir.
Il s'arma de conftance , perfuadé qu'on
ne pouvoit le convaincre de rien ; il crut
qu'avec un peu de fermeté , il pourroit
diffiper ce premier orage . Il fe rendit
donc auprès du Roi , qui l'ayant reçû
avec un air ouvert , le fit paffer dans fon
Cabinet.
»
Ofmin , lui dit- il , ce n'eft pas avec
» vous que je prétens diffimuler : vous
»avez part à l'indifpofition de la Reine ,
» j'avois déja été inftruit de l'amour qu'el-
» le vous portoit avant que les Per-
» fans me deftinaffent à fon lit & au
» Trône de fon Pere . Je l'ai obtenu ce
» Trône , malgré tout ce qu'elle a tenté
» pour vous y faire placer , j'ai même
» obtenu fa main ; mais elle ne m'a point
>> encore reçû dans fon lit ; je ne prends
» point le change fur l'indifpofition qui
» m'en a écarté jufqu'aujourd'hui ; je
» vous l'ai déja dit , Ofinin , vous y avez
» part , tout autre Roi vous en puniroit
» avec la derniere rigueur & affureroit
» fon Trône par votre mort ; mais les
fervices que votre valeur a déja ren-
» dus à la Perfe, & ceux qu'elle peut en-
» core lui rendre , me parlent en votre
faveur ; je ne veux pas vous perdre &
»priver
"
23
1 2010 vol.
DECEMBRE. 1728. 2868
priver mes nouveaux fujets des fe-
» cours qu'ils peuvent attendre de vous-
» dans la cruelle guerre que les Parthes
>> nous ont déclarée ; mais je ne veux pas
» auffi
que cette vie que je vous laifle ,
» me foit funefte . Tant Rofemonde
que
» efperera de vous placer fur le Thrône
» que j'occupe , je n'y ferai pas affuré ,
» il faut lui ôter toute efperance de pou-
» voir être à vous , & je ne le puis mieux
» qu'en vous donnant à un autre.
"
Ofnin ne put entendre ces derniers
mots fans trouble : » Quoi , Seigneur lui
» répondit- il , ce n'eft donc qu'aux dé-
» pens de ma liberté que vous voulez me
laiffer la vie ! Je ne fçai , continua - t il,
» fi les fentimens de Rofemonde pour
>> moi font tels que vous le penfez , je ne
» vous cache point qu'elle a fait quelques
≫ voeux pour moi , quand il s'eſt agi du
>> choix d'un époux , ces voeux m'étoient
>> trop glorieux pour les defavoüer : voi--
» là tout mon crime , fi c'en est un de
trop plaire ; mais dois - je l'expier par
une peine auffi cruelle que celle que
» vous m'impofez ? J'ai toujours préferé
>> ma liberté aux biens les plus précieux ;
» les Dieux n'ont rien donné de plus
» cher aux homines , ma vie eſt en votre
» pouvoir , ordonnez qu'on me l'ôte
» mais n'allez pas jufqu'à mon coeur c'eft
2. vol.
1862 MERCURE DE FRANCE:
>>
» à moi feul à en difpofer . Je vous entends
, lui répondit le Roi , vous voulez
le garder à Rofemonde ; mais cette
» même Rofemonde eft - elle en liberté de
» l'accepter , après les engagemens folem-
» nels qu'elle vient de contracter avec
» moi ? Je fçais , ajoûta t -il , que je commers
une injuftice envers vous , en vous
obligeant à époufer une perfonne que
» vous n'aimez pas ; mais n'en commet-
* » tez - vous pas une plus grande envers
>> moi , en confervant des prétentions fur
» une perfonne qui ne doit aimer que
>> moi ? Au refte , ne croyez pas , pourfuivit-
il, que l'objet que je vous deftine ,
foit indigne de votre attachement ; foit
que vous foyez Amant , foit que vous
foyez ambitieux , vous trouverez également
de quoi vous fatisfaire , & quand
je vous aurai nommé Elixene ... Elixene
interrompit Olmin , avec étonnement
; ouy , pourfuivit le Roi , la niece
de Rofemonde ; vous voyez combien je
vous approche du Trône , à mesure que
je travaille à m'y affurer.
Ces derniers mots acheverent de calmer
ce qui reftoit de trouble dans le
coeur d'Ofmin. Ce coeur ambitieux fe
trouva dédommagé d'une partie de ce qui
manquoit à fes efperances , il regarda ce
Trône qu'il perdoit , comme un bien qui
2. vol.
pourroit
1
DECEMBRE . 1726. 2863
pourroit lui appartenir un jour ; il roula
tout à coup dans fon efprit mille penfées
confufes , qui demandoient du temps pour
être développées ; auffi pria-t-il le Roy
de lui donner quelques jours pour fe
déterminer , à profiter de l'honneur qu'il
vouloit bien lui faire. Le Roi l'embraffa
tendrement & le pria de ne pas differer
à répondre à fes intentions , après quoi
il le congedia.
Ofmin n'eut pas plutôt quitté le Roi ,
qu'il alla s'enfermer dans fon Cabinet
poury rêver ferieuſement à la propofition
que fon Maître venoit de lui faire . Il n'avoit
que de l'ambition , comme je l'ai déja
dit, & quelques charmes qu'eût laPrinceffe
Elixene,il ne fongeoit qu'auTrône . Ce
Trône lui paroiffoit incertain , foit qu'il
dût y être élevé par Rofemonde , foit que
ce fût Elixene qui l'y fit parvenir. Dans
cette incertitude , il n'avoit pas plutôt
panché vers l'une , que l'autre le faifoit
repaffer de fon côté. Les difficultez lui
paroiffoient encore plus grandes du côté
de Rofemonde ; elle veut te couronner ,
fe difoit - il à lui - même , mais ce Sceptre
qu'elle te deftine n'eſt plus en ſon рон-
voir , celui qui le poffede eft maître abfolu
de tes jours , & fi tu refufes l'honneur
qu'il te veut faire , tu ne peux attendre
de lui qu'une mort certaine. Ces
2. vol.
$
premieres
2864 MERCURE DE FRANCE :
premieres reflexions furent ſuivies d'uné
infinité d'autres qui s'entre - détruifoient
à mesure qu'elles naiffoient. Il'prit enfin
fon parti , & voici quelle fut fa derniere
réfolution. Il écrivit à Rofemonde pour
P'inftruire de la perplexité où il fe trouvoit
le premier Medecin dont j'ai déja
parlé , lui parut très propre à cette confidence
; il lui confia la Lettre , qui fut
remife entre les mains de Rofemonde :
elle étoit conçûë en ces termes .
;
MADAME,
Mon Tyran & le vôtre , vient de m'or
donner d'épouser la Princeße Elixene ; je
n'aurois pas balancé un moment à lui def
obéir , quoique cette defobéiſfance dît être
fuivie de ma mort ; mais en mourant je
vous laiffois exposée à toute fa fureur&
c'est ce qui m'a engagé à lui demander da
temps pour me déterminer à obéir à des
ordres qui me paroiffent plus cruels que
cette mort dont il m'a menacé. Je n'ay
pas mal employé ce délai précieux qu'il
m'a accordé le Ciel m'a infpiré un artifice
dont nous pourrons profiter un jour;
mais il faut que la Princeffe Elixene y
entre de moitié. Elle y fera d'autant plus
portée , qu'elle aime l'illuftre inconnu qui
eft arrivé en cette Cour depuis la derniere
2. vol.
Campagne ,
DECEMBRE. 1726. 286
Campagne , où il a été fait prifonnier. Oui,
Madame , puifque Oronte eft déja maître
defon coeur & qu'il l'aime par votre aven,
je ne doute point qu'elle ne fe prête à ce
que j'ai imaginé ; j'en agirai avec elle
·comme vous en avez agi avec mon Rival.
Notre Hymen ne fe paffera qu'en ceremonies
qui puißent en impofer à celui qui
nous y force. C'est à vous , Madames, àayy
difpofer la Princeffe Elixene , & a témoi
gner à notre Ennemi commun que vous
Jouhaitez cette alliance avec autant d'ardeur
que lui. Je ne vous renouvelle pas ici
les affurances de l'inviolable attachement
que j'ai pour ma veritable Souveraine
mes actions valent bien des fermens , & tous
Les momens de ma vie ne feront employer
qu'à vous prouver qu'aucun Mortel ne
peut me difputer le titre du plus fidelle
Amant qui fut jamais.
OSMIN.
Cette Lettre , toute affligeante qu'elle
étoit , combla Rofemonde de joye ; fi
d'un côté elle lui infpiroit quelque cruauté
., par les mesures que Bâté prenoit pour
lui enlever fon cher Ofmin , de l'autre
elle lui donnoit de nouvelles preuves de
la fidelité de fon Amant. Elle n'oublia rien
pour feconder fon artifice . Elixene n'eut
pas beaucoup de peine à fe conformer à
2. vol
fes
1866 MERCURE DE FRANCE:
fes volontez . Son mariage avecOfmin für
celebré avec les folemnitez qu'exigeoit
une perfonne de fon rang & de fon fang.
Tout Ifpaham trompé comme le Roy ,
fouhaita mille profperitez aux prétendus
Epoux, & fe fatta de l'efperance de voir
perpetuer le fang du grand Thamures
par la petite niece , fi le Ciel refufoit
cette gloire à fa propre fille.
Ofmin prit avant fon Hymen une précaution
qu'il jugea neceffaire à la feureté
& à celle de Rofemonde , ce fut d'exiger
un ferment de la Princefle Elixene
& de l'inconnu Oronte , qu'il avoit fallu
mettre dans la confidence , qu'aucune des
parties intereffées ne reveleroit ce grand
fecret que du confentement des autres.
Le Soleil , principale Divinité , que les
Perfans adorent, fut attefté avec toutes les
circonftances qui pouvoient concourir à
rendre le ferment inviolable ; Rofemonde
le ratifia avec plaifir , y ayant plus
d'interêt que perfonne.
La tromperie fut ménagée avec tant
d'arts que Bâté n'en conçut pas le moindre
foupçon , il crut avec tous les Perfans
que le mariage avoit été confommé
& par là il commença à fe tranquilifer
au fujet de Rofemonde , qui pour le
mieux tromper lui fit efperer que fon
indifpofition finiroit bien - tôt .
a. vol.
Cependant
DECEMBRE. 1726 2867
Cependant le Roi des Parthes fe préparoit
à vanger la mort de fon fils
qu'il croyoit avoir été tué à la derniere
Bataille que les Perfans avoient gagnée
fur lui ; il eft vrai que quelques recherches
qu'ont eût faites , le corps de ce
Prince n'avoit pas été trouvé parmi les
morts ; mais on n'avoit pas lieu de douter
qu'il n'eût péri , puifque, s'il n'eût été
que prifonnier , il n'auroit pas manque
d'en informer le Roi fon pere.
Au premier bruit des préparatifs des.
Parthes , le nouveau Roy de Perfe fe mit
en état non feulement de fe deffendre contre
un Ennemi vaincu plus d'une fois ;
mais il crut qu'il étoit de fa gloire de le
prévenir. L'Armée Perfanne fut bientôt
affemblée , il vouloit la commander en
perfonne , mais les plus fidelles Sujets
lui repreſenterent que dans un regne
naiffant fa prefence étoit abfolument neceffaire
dans Ifpaham , pour empêcher
que la Reine n'y excitât quelques troubles
contre fon autorité. Quoique l'Hymen
d'Olmin & d'Elixene femblât le
mettre en fureté du côté de Rofe monde,
il ne laiffa pas de prendre les précautions!
que fon Confeil lui infpiroit. Il déclara
Ofmin Generaliffime de fon Armée , &
fe réferva le foin de pourvoir à tout ce
qui feroit neceffaire pour faire fubfifter
2, vol,
"
les
2868 MERCURE DE FRANCE.
des Troupes, & pour les renforcer , felon
qu'il feroit à propos , & que le fort des
armes l'exigeroit .
Le choix d'un Chef tel qu'Ofmin , fut
prefque generalement approuvé ; ce
Prince avoit donné des preuves fi éclattantes
de valeur dans les Campagnes précedentes
, qu'on ne douta point qu'il ne
remplit glorieufement celle qu'il alloit
commencer. Je dis prefque generalement
, parce qu'il fe trouva dans le Confeil
du Roy , quelques Miniftres qui ré
prefenterent à leur, nouveau Monarque,
qu'il y avoit quelque danger à mettre
une fi grande autorité entre des mains
fufpectes ; qu'à la verité Ofmin , comne
époux de la Princeffe Elixene , étoit
le plus digne qu'on pût choisir pour un
pareil commandement ; mais que ce même
Ofmin avoit été le concurrent de fon
Maître , que le dépit de s'être vû exclus
par les Perfans d'un Trône qu'il devoroit
des yeux , pourroit le porter à oublier
fon devoir , fur tout fi la victoire venoit
à feconder fes projets ambitieux ,
qu'il feroit capable de tout ofer s'il avoit
le coeur des Soldats ; ils ajoûterent de
nouvelles reflexions à ces premieres ;
mais Fâté ne s'y arrêta point , quoiqu'il
en fentît toute la force ; il craignit de
s'expofer à de plus grands inconve-
2. vol.
miens
DECEMBRE. 1726. 2869
niens , en donnant de nouveaux sujets de
mécontentement à Ofmin , par une défiance
fi hors de faifon ; il remercia ceux
qui voulurent le détourner de fon premier
deffein , d'un confeil qu'un veritable zele
les avoit portés à lui donner . Son premier
deffein fut réfolu & rendu public ; Rofemonde
fut celle qui lui témoigna moins de
reconnoiffance , foit qu'elle craignît de
reveiller fes premiers foupçons ; foit
qu'elle ne fe vit féparée qu'à regret de
Bobjet de toute fa tendreffe,
Ofmin , après avoir remercié le Roy
de l'honneur qu'il venoit de lui faire
difpofa toutes chofes pour fon départ , &
dans le congé qu'il prit de Rofemonde
il lui renouvella les fentimens de fidelité
qu'il lui avoit cent fois témoignez ;
elle lui promit de fon côté de ne rien
négliger pour le placer fur le Trône que
Bâté avoit ufurpé fur lui , c'eft ainfi qu'ils
appelloient un choix qui n'étoit rien.
moins qu'une ufurpation , mais qui leur
paroiffoit tel , parce qu'il n'avoit pas été.
fait au gré de leur defir. Ils prirent les
plus juftes mefures pour réüffir dans leur
entreprife ; & de peur que leurs Lettres
ne tombaflent entre les mains du Roy ,
ils convinrent de ne mettre dans leur
confidence que ce même Medecin , dont
la fidelité leur étoit fi connue.
2, vol,
Le
# 870 MERCURE DE FRANCE .
Le départ d'Olmin fut affez fenfible
à Rofemonde , pour apporter quelque
alteration à fa fanté. Sa langueur parut
fi vifible à fon premier Medecin , qu'il
lui confeilla de ne pas le montrer au
Roi en cet état. Elle n'eut pas beaucoup
de peine à fe priver d'une prefence , que
Pabfence de fon Anant lui rendoit encore
plus odieufe . Le Roi eut la complaifance
de fe rendre à la priere qu'on
lui fit de fa part de ne la point voir ;
ce ne fut pas fans en foupçonner un peu
la veritable caufe .
Quelques mois le pafferent , fans qu'on
reçut des nouvelles importantes de l'Armée
, & fans que Rofemonde parut recouvrer
cette fanté dont elle avoit flatté
le Roi. Ce Prince ne la voyoit point,
parce que fon premier Medecin lui difoit
toujours qu'elle n'étoit pas encore
en état de fouffrir d'autres vilites que
celles de fa fille . Cependant Ofnin , que
l'ambition poffedoit tout entier , écrivoit
lettres fur lettres à Rofemonde , aufquelles
cette Reine paffionnée répondoit
pir l'entremife de fon Medecin. Elle
ne prévoyoit pas , en y exprimant ſa
tendrelle dans les termes les plus éner
giques que fa paffion pouvoit lui fuggerer
, que ces mêmes lettres tomberoient
un jour entre les mains de Bàté ; voici
2. vol.
par
DECEMBRE . 1726. 2871
par quel accident elles vinrent en fa
puiflance.
6
Rofemonde alloit quelquefois à la
campagne , fous prétexte d'y rétablir fa
fanté. Un jour qu'elle y étoit allée , fuivie
de la Princelle Elixene , elle oublia
malheureuſement de fermer fon Cabinet,
où les lettres d'Olmin étoient renfer
mées dans un petit coffret. Le Roi entra
dans fon appartement , foit par un
fimple motif de curiofité , ſoit
pour chercher
à éclaircir les foupçons que la longue
indifpofition de la Reine lui donnoit,
& il prit foin d'y aller fans fuite 11
le parcourut tout entier avec beaucoup
d'émotion & il arriva enfin au fatal
Cabinet. Le premie robjet qui lui frappa
les yeux fut ce coffret , dans lequel
étoient renfermées toutes les lettres
d'Ofmin. Il ne le prit qu'en tremblant,
comme s'il eut fait un larcin , & fortic
en même temps pour s'aller renfermer
dans fon Cabinet , où il défendit qu'on
laiffât entrer qui que ce fut. Quels fu
rent fes tranfports à la lecture des lettres
d'Oſmin à la Reine' ? & quel fut
fon étonnement , quand il apprit que le
mariage de ce Prince avec la Princefle
Elixene , n'étoit qu'une feinte ? il ne
douta pas un feul moment , que la pérfi,
de Rofemonde n'eut differé la confomund
vol. Cmation
2872 MERCURE DE FRANCE.
mation du fien pour le conferver à fon
Amant. Il jura la perte ; mais pour rendre
fes coups plus feurs , il voulut qu'ils
fullent guidez par la prudence , & mieux
convaincre fes victimes des crimes dont
il étoit refolu à les punir, Il s'aviſa d'un
fratagemne , qui d'abord lui parut indigne
de la Majefté Royale , mais qu'il
jugea digue d'être employé contre des
coupables auffi artificieux que ceux à
qui il devoit toute fon indignation .
Comme ç'avoit été fut la foi du pre,
mier Medecin de la Reine , qu'il l'avoit
cruë veritablement indifpofée , & que
quelques unes des lettres qu'il venoit de
lire , le declaroient agent d'une intrigue
qui n'alloit pas moins qu'à le deshono ,
ser , & qu'à lui ravir l'Empire & la vie,
il voulut s'en fervir pour avoir de nou
velles convictions d'un comiterce fi cri,"
minel . Il l'envoya chercher lipar un de
fes Gardes , fous prétexte qu'il avoit bes
foin de fon art pour quelque indifpofition
qu'il commençoit à fentir.
A peine Hermocrate , c'eft le nom du
Medecin , fut- il entré dans l'Apparte
ment du Roi , que ce, Prince lui étala
tous fes crimes , en lui montrant les lettres
qu'il avoit furprifes dans le Cabinet
de la Reine. Hermocrate , trouvant fa
conviction dans des témoins fi peu recur
molto . voli fables,
DECEMBRE. 1 716. 1875
1
fables , mit tout fon efpoir dans la des
mence de fon Juge: 11fe getta a fes
pieds , & s'excufa fur la fatale neceffi
té où il étoit de perir , ou d'obéir à la
Reine , qui l'auroit puni du moindre res
fus pour fe délivrer d'un témoin dont
elle ne pouvoit s'allurer qu'en le rene
dant fon complice of nem o supi «
7
Le Roi demeura long - temps inflexi
ble , mais feignant enfin de fe laiffer at
tendrir : » Hermocrate , lui dit- il , vous
connoiffez toute l'énormité de votre
crime , & vous avez befoin de toute ma
clemence pour en éviter le juſte châtis
wment. Cependant je veux bien entfer
» dans votre foibleffe , & croire que ce
n'eft que pour avoir craint la mort que
» vous l'avez merité ; vous l'auriez , fans
a doute , brayée , vous aviez eu plus
de vertu , & vous l'auriez preferée aut
» crime ; mais il eft peu de coeurs affez
" genereux , pour prendre un parti fi he-
# roïque. Je vous pardonne donc une
» foibleffe dont vous n'avez pas été lé
» maître de vous défendre. Apprenez
» pourtant à quelles conditions je
Yous
laiffe une vie , que vous n'avez pas
» rougi de conferver aux dépens de vo-
≫tre innocence. Il faut entrer dans mes
» intereſts , & trahir ceux de Rofemons
s de. Pour la mieux obferver, je veux
S1021 vol.
Cijfefndre
2874 MERCURE DE FRANCE.
99
feindre d'avoir perdu la vûë ; c'eſt à.
vous d'appuyer ce menfonge que la
prudence m'infpire , comme vous avez
» appuyé la fauffe indifpofition de la Rei-
» ne. Au reste , ne croyez pas me trom-
» per impunément, rien ne vous garanti-
„ roit d'un fupplice que vous n'avez déja
» que trop merité ; je vous rendrai même
refponfable des faptes du hazard. C'eft
à vous à prendre, des meſures fi juf-
» tes , que rien ne puiffe vous rendre
coupable à mes yeux. Comme c'eſt par
» vous que toutes les lettres d'Ofnin pare
» viennent aux mains de Rofemonde , je
prétens qu'elles paffent d'abord aux
» miennes. Je ne vous en dis pas davan
tage ; reparez vos fautes pallées par une
" aveugle foumiffion à la peine que je
vous en impofe ; cette peine ne fera
» pas fans récompenfe , & mes bienfaits
» répandus fyr vous à pleines mains vous
dédommageront avantageulement de
» ceux dont mes ennemis peuvent vous
avoir flatté.
>>
Hermocrate ne balança pas un moment
à foufcrire à des loix dont il n'auroit
ofé fe flatter il fe chargea de la
Caffette , qu'il alla reporter au même
endroit où le Roi l'avoit prife , après y
avoir remis routes les lettres d'Ofmin
Il répandit dans toute la Cour, & dans
a7.. vol. A toute
DÉCEMBRE. 1726 2875
toute la Ville d'Ifpaham , la nouvelle de
-l'aveuglement du Roi. Rofemonde ne
fut pas celle qui s'en affligea le plus ;
elle fonda de nouveaux projets d'ambition
fur cette avanture qui lui paruc
auffi heureufe , qu'elle parut trifte à
toute la Perfe . Elle confentit même à
voir le Roi , qui la fit prier de le venir
confoler dans la nouvelle difgrace. Elle
lui trouva les yeux fi beaux , qu'elle
n'auroit jamais crû qu'il en eut perdu
l'ufage fur la foi de tout autre qu'Hermocrate
; les Medecins fubalternes fe
fangerent du fentiment du premier , foit
par ignorance , foit par politique , & il
n'y eut perfonne qui doutat un feul moment
que le Roi ne fut veritablement
aveugle.
Quel ne fut pas le nouveau dépit de
ce Prince à la vue de Rofemonde ! elle
fe fervit des termes les plus énergiques
pour lui faire entendre quelle étoit fa
douleur , tandis que fa joye éclatoit dans
fes yeux . Elle n'en demeura pas là ; fes
émiffaires prirent foin , par fon ordre ,
de répandre par tout , que les Perfans
étoient bien malheureux d'être gouvernez
par un Prince , à qui le Soleil
-Protecteur de leur Empire , refufoit la
lumiere qu'il accordoit au refte des Mortels.
Les exploits d'Ofmin , dont les
2. vol.
ciij nou#
876 MERCURE DE FRANCE.
nouvelles arrivoient tous les jours , faifoient
repentir les Peuples de la préference
qu'ils avoient donnée à fon Concurrent
Rofemonde s'applaudilloit de
ces murmures qu'elle fomentoit fous
main ; mais les Dieux la punirent de fa
perfidie par un coup qu'elle auroit dù
prévoir , & dont cependant elle ne s'étoit
pas avifées c'est que ces mêmes
Peuples , qui témoignoient vouloir fe
foultraire à la domination de Bâté , pour
reconnoître celle d'Olmin , l'excluoient
elle même du Trône , attendu que ce
Prince étoit marié à la Princelle Eli ,
xene , qui par là devoit devenir leur
nouvelle Reine.
Quoique Rofemonde fçut que le
mariage d'Ofmin & d'Elixene n'avoit
pas été confommé , ces braits ne laifferent
pas de lui faire quelque peine . Elle
connoilloit Olmin pour , un des hommes
le plus ambitieux , elle fe rendoit
même affez de juftice , pour attribuer
l'amour qu'il lui portoit , à l'efperance
d'un Trône attaché à fa poffeffion ; mais
la tendreffe que fa niece avoit pour elle,
& la conftance pour l'illuftre prifonnier,
qui s'étoit rendu maître abfolu de fon
coeur , la raffurerent contre les mouvemens
de jaloufie qui s'élevoient dans fon
ame. Laiffons - la flotter entre la crainte
2. vol. &
DECEMBRE. 1 1726. 2877
& l'efperance , & tranfportons- nous
auprès d'Ofmin , à qui le Ciel refervoit
de nouvelles avantures , du côté qu'il
l'avoit le moins prévu , je veux dire de
l'Amour. On verra dans la feconde par4
tie de cette Hiftoire , dans le prochain
Mercure , comment ce Dieu fe foumit un
coeur , qui jufqu'alors s'étoit fouftrait à
fon empire , & n'avoit jamais reconnu
d'autre Divinité que l'ambition .
CO
MEMEXYMMM淡:茶WY浴 MAN
VERS adreffez à fon jour natal , par
M. Laurens , le 26. Octobre 1725.
auquel jour il entroit dans fa quatrevingtième
année.
TA vifite de tous les ans qui mangana's ill
Me fait enfin rougit de honte, 29.
Tu veux que je te rende conté on 227 med
De l'emploi que j'ai fait du temps.font dua nol
Or que venons - nous faire au monde ?
Le premier âge eft fans raifon pli noɔ 25671 *
Et nous pallons cette faifon , zon cho
Dans une ignorance profonde , momida (O
Les beaux jours de notre Printemps gone?
2. vol. Cij Nous
•
2878 MERCURE DE FRANCE:
Nous tirent de cette ignorance ,
Et par le fecours du bon fens ,
Nous donnent quelque intelligence ;
Nous croyons avoir de l'efprit ,
Mais fouvent c'est pour notre perte :
Et l'erreur dont il fe nourrit ,
En l'abufant nous déconcerte.
On perd tout le fruit de fes foins ,
L'âge qu'on nomme raifonnable .
Devient par unfort déplorable ,
L'âge où l'on raifonne le moins ;
La raifon y tombe en delire ,
Les paffions par leur concours ,
De fes confeils troublent le cours ,
Et s'emparent de fon empire.
Quand ces premiers feux font paflez ,
Sommes-nous moins embaraffez ?
L'ambition & l'avarice ,
Par mille dangereux détours ,
Nous conduisent au facrifice ,
Que nos coeurs leur font tous les jours.
Combien de travaux & de peines ?
Vit- on lorsqu'on n'eſt plus à foi,
... 2. vol. Et
DECEMBRE. 1726. 2879
Et que ces fieres Souveraines ,
A la rai fon donnent la loi ?
Le grand âge au fecours s'avance .
Il arrivefort à propos ,
Il vient leur impoſer filence ,
Et nous donner quelque repos.
Notre ame paroît plus tranquile ,
La raiſon reprend fon flambeau ,
Mais il ne nous eft plus utile ,
Que pour nous conduire au tombeau.
Pour moi ma carriere eft remplie .
Seize luftres ont fait mon fort ,
Mais qu'ai -je fait pendant ma vie ,
Que de m'avancer vers la mort ?
Je fens l'approche de mon heure ,
Par mes jours paffez convaincu ,
Que plus fur la terre on demeure ,
Et fouvent moins on a vécu .
Ces Vers font de M. Laurens , qui les
compofa quatre mois avant fa mort . C'eft
lui qui a eu le funefte fort d'être brûlé
avec M. Colomne dans l'incendie , arrivée
au Marais la nuit du Mardi gras
de cette année 1726 .
a vol. -
C Y EX
2880 MERCURE DE FRANCE:
2999999999999999
蓁蓁蓁茶
EXTRAIT du Memoire fur l'Aurore
Boreale du 19. Octobre de cette annés
1726. lû à l'ATemblée publique dè
l'Academie Royale des Sciences , lė
22. Novembre fuivant , par M. Gaudin.
L'A
' Aurore Poreale n'avoit jamais pa
ru fi variée & fi étendue , du moins
on n'en a point de Defcription qui le
faffe connoître. Il y a beaucoup d'appasence
, à en par juger par celle du 19. O&obre
dernier , que ce Meteore a donné occafion
à divers Peuples de s'imaginer des
armées en l'air , & fans doute les Hiftoriens
l'ont auffi rapporté , ou par ignorance
de la Phyfiques ou pour le confor
mer au goût & à la maniere de penfer du
Peuple.
Ce Metéore a été nommé Lumiere ou
'Aurore Boreale , à cauſe de ſa reffemblan◄
ce à cette lumiere douteufe que le Soleil
produit lorfqu'il eft au deffous de l'Horifon
, un peu devant fon lever , ou peu
après fon coucher , & auffi parce qu'il
paroît prefque toûjours au Nord. Il est
vraife blable qu'il s'en forme de pareils
du côté Sus que l'on pourroit , par
2. vol la
DECEMBRE . 1726. 288r
2
la même raifon , appeller Aurores Auftra
lés ; mais faute d'Obfervateurs dans ces
parties de la terre , il n'eſt pas sûr qu'on
les y ait remarquées .
Il paroît par les recherches hiftoriques
de quelques fçavans Phyficiens, aufquelles
M. Gaudin en joint d'autres qui leur
avoient échappé , que de tout temps ce
Phenomene a été remarqué. Les Curieux
de ces fortes d'époques pourront conful +
ter le Pharus , five de Prodigiis Ignis Ce
leftibus , & c. Gieffe . 4. mis au jour en
172 par M. Liebknecht , fçavant Allemand.
L'Aurore Boreale du 19. Octobre dernier
a été obſervée , fuivant les Relas
tions qu'on en a reçûës depuis environ
les 35. degrez de latitude feptentrionale
jufqu'au 60. degré. Elle a peut être été
vûë encore plus loin , mais on n'en a pas
reçû de nouvelles..
=
Lés circonftances de ce Meteoré n'ont
pas été tout à fait les mêmes dans les
differens lieux où on l'a obfervé ; il feroit
étonnant qu'elles l'euffent été.
A Paris on commença de l'appercevoir
vers les fept heures & demie , & il étoit
alors compofé de trois Arcs concentriques
pofez immediatement l'un au deffus
de l'autre ce qui formoit un grand ceintre
appuye fur Phorifon. L'arc du milieu
2. vol.
C vj
étoit
2882 MERCURE DE FRANCE .
étoit obfcur , les deux autres étoient lumineux.
Tous enfeinble étoient tranfparens
; enforte qu'on voyoit les étoiles au
travers de temps en temps on voyoit
fortir de l'arc obfcur des efpeces de fufées
ou jets de lumiere qui s'élevoient
plus ou moins , & finiffoient bien- tôt.
Leur lumiere étoit blanchâtre , ainſi que
celle des arcs ; ils étoient de même tranfparens
leur nombre , leur grandeur , &
I'inftant de leur apparition n'étoient
point reglez. L'horifon paroiffoit alors
auffi éclairé que fi la Lune eut été prefente.
A huit heures ces jets de lumiere
parurent en plus grand nombre , & s'éleverent
avec tant de vîteffe , qu'en fe déployant
de tous côtez , ils couvrirent en
un inftant tout le Ciel à un petit arc près
vers le Midi , qui refta d'un bleu azuré ,
comme étoit le Ciel auparavant. Tous ces
jets de lumiere vinrent fe heurter vers
le point vertical de l'horifon , & y for
merent une couronne de quelques degrez
de largeur , qui dura prefque de la
même maniere pendant tout le Phenomene.
Quelques parties de cette matiere
repandue en l'air parurent rouges
du côté de l'Occident , & de même ,
mais avec moins de vivacité , vers l'Orient.
Le tout enfemble étoit violemment
io..2 . vol.
agité
DECEMBRE. 1726. 2883
agité , & l'on auroit dit des vagues de
flammes qui partoient de l'Arc Boreal , &
venoient fe brifer à la couronne du Ze-'
nith : ce qui dura ainfi avec action jufqu'à
dix heures , ou environ
mença dèflors à diminuer peu à peu , &
finit vers deux heures après minuit .
& com-
Après quelques remarques fur la conftitution
de l'air à Paris & ailleurs , quelque
temps devant & après ce Meteore ,
& un recit très - fuccint de quelques apparences
particulieres obfervées dans
d'autres lieux , M. Gaudin a placé les recherches
hiftoriques , qui font , pour ainfi
dire , la feconde partie de fon Memoire :
& pour contenter en quelque façon ce
grand nombre de perfonnes qui demandent
fur le champ les caufes & l'explication
de ces fortes de Phenomenes , il.a
ajoûté dans une troifiéme partie fes conjectures
tirées de la Phyfique & de la
Chymie , qui expliquent affez bien ce
Meteore. Ainfi après avoir fait fentir le
ridicule de l'opinion de Kirker , en la
rapportant feulement , & refuté celle de
Suno Arnelius , qui attribue ces lumieres
à celle du Soleil refléchie vers nous , M.
Gaudin a tâché de faire voir que toutes
les apparences de ce Meteore étoient
produites par le mêlange du Fer , du Soufre
& du Nitre , fondé fur les experien-
2. vol.
1884 MERCURE DE FRANCE.
ces de Mrs. Geoffroy & Lemery ; ila
inontré que ces trois matieres fe trou
vent par tout , & que les exhalaifons at
tirées de la terre par quelque caufe que
ce foit , en font chargées .
De - là , par le mêlange du fer & du
foufre , il a expliqué très - aifément le
Tonnerre , les Eclairs , & c. dans la Zone
Torride , & chez nous dans l'Eté ,
parce que les exhalaifons chargées de ces
matieres ne s'élevant pas alors fort haut,
font bientôt deffechées ; & fermentant
violemment , s'écartent avec détonnation.
Dans les climats voifins des Poles le peu
de chaleur les laiffe fermenter plus lentement
, & par - là elles ne produifent
qu'une lumiere , & fe dilatent fans bruit,
Les Saifons aufquelles ce Meteore pafoît
, qui font l'Automme & le Prin
temps , s'accordent donc à cette hypothefe
; & s'il ne paroît pas fi fréquemment
l'Hyver , on en doit attribuer la
caufe aux vapeurs mêlées dans les exha-
Jaifons qui détrempent trop les parties
de fer & de foufre qui y font auffi con
tenuës . M. Gau in a comparé les Meteores
de ces differentes Saifons à l'effet
de la Poudre à Canon , qui étant grainée
prend feu fubitement , & caufe une dé
tonnation violente ; au lieu que fi on l'écrafe
, ou qu'on y mêle un peu de char-
2. vol. .....bon ,
DECEMBRE. 1726. 28 85
bon , ou enfin qu'on l'humecte , cette
même poudre brulera, en fufant , fans faire
aucun bruit. * Y ONGE
Avec le Nitre & le Fer , M. Gaudin a
formé les couleurs rouges qu'on y a obfervées
de tout temps ; enfin il a expliqué
toutes les autres apparences de ce
Meteore par le même principe , & a
fait voir pourquoi il paroît un Arc ,
pourquoi on ne le voit gueres que la
nuit , d'où vient le clair & l'obfcur des
trois Arcs qui ont compofé le dernier ,
& enfin il a donné la raifon des Iris que
L'on ya remarquées dans quelques endroits.
L'HOMME SUPERBE
"dans fa mifere même.
SONNET.
I
'Homme infenfé prenant un vol auda
Lcieux ,
Dit en fon coeur qu'il eft de l'Univers le ma
: tre ; i
Què fa raiſon , fur tout , le rend victorieux ,
Des plus fiers animaux que nous voyons pa
roître:
Cet infolent , helas ! à peine ouvre les yeux , 2. VBIL
Qu'en
2886 MERCURE DE FRANCE.
Qu'en foule tous les maux lui font affez con
noître ,
Que cette raiſon même , ouvrage , & don des
Cieux ,
Le fait voir miferable autant qu'on le peut
être .
Le paffé , le préfent , ainfi que l'avenir
Sans ceffe de fa fin le font reffouvenir ,
L'affligent tour à tour , & redoublent fes
craintes.
Haine , amour , crime , ennui , foupçon , dépit
, forfait ,
Larmes , foupirs , tranſports , travaux , ſoucis
& plaintes ,
Çe font là les préfens que fa raiſon lui fait.
*******************
EXTRAIT du Memoire le à PASfemblée
publique de l'Academie Royale
des Sciences le 13. Novembre dernier,
fur les nouvelles Eaux Minerales de
Paffy.
M
R. Boulduc le fils lût vers la fin de
la féance un Difcours intitulé :
Effui d'Analyse en general des nouvelles
Eaux Minerales de Paffy , avec des raifons
fuccinctes , tant de quelques Phenome
nis, qu'on y apperçoit en differentes cir-
2. vol .
conftances,
DECEMBRE. 1726. 2887,
conftances , que des effets de quelques operations
,qu'on y a employées pour difcerner
Les matieres qu'elles contiennent dans leur
état naturel.
Il expofa d'abord ce qui l'avoit porté à
en faire de nouveau l'Analife : c'eft 1. des
nouveautez imprévues , qu'il avoit apperçues
en travaillant fur ces Eaux il
y a deux ans , & qu'il croyoit pouvoir
joindre à ce que d'autres perfonnes y
avoient déja reconnu par leur travail .
2 ° . Le bon fuccès de ces Eaux , qui aug.
mente de plus en plas . 3. Le fentiment
des , habiles Medecins , qui font perfuadez
, que plus on connoîtra les principes
des Eaux Minerales , mieux & plus heureuſement
on en fera l'application aux
maladies.
Il dit après , que les nouvelles Eaux
Minerales confiftent actuellement en
quatre Sources , dont l'Eau eft claire &
limpide en tout temps ; qu'on les appelle
également & fans diftinction Ferrugi
neufes , n'ayant eu que le fer pour objet
en leur donnant ce nom ; que toutes les
quatre en ont effectivement le goût mêlé
d'une legere adftriction & de quelque
chofe de picquant , les unes pourtant plus ,
les autres moins ; que l'odorat y diftingue
quelque chofe de volatil & de penetrant :
& que la premiere Source a le plus de
2. vol.
fer
2888 MERCURE DE FRANCE:
fers la deuxième un peu moins ; la troia
fième encore moins ; & enfin la quatriéme
en a la plus petite quantité.
Enfuite il rapporta quelques circon
ftances convenables à fon Analyſe , tant
de l'état naturel de ces Eaux , que de leur
alteration , à laquelle elles font fujettes
par la chaleur de l'air & celle du feu ;
& enfin de ce que l'on y peut remarquer
dans le temps de l'évaporation &
de la diftillation.
Cette derniere opération , ajoûta- t- il,
étant continuée jufques à ce que toute
P'humidité ou l'eau foit évaporée ; les
matieres, qui forment la refidence au fond
du vaiffeau , fe trouvent à peu près en
cet ordre : le Fer , comme le plus pefant ,
& qui fe précipite le premier , occupe
le fond ; pardeffus lui eft répandue , notamment
dans la troifiéme & quatrième
Source , une pouffiere blanche très -fine ,
qui ne fe trouve point dans les réfidences
de la premiere & deuxième Sources
enfuite on voit des Cryftaux transparents
& brillants ; & enfin une maffe confuſe ',
blanchâtre & faline du goût, qui s'humecte
infenfiblement , étant exposée à l'air &
redevient en grande partie fluide , cou
vre le tout.
Après cela M. Boulduc entra dans l'Analife
, & l'accompagna de la démonſtra
2. vol.
tion
DECEMBRE. 126. 2889
tion des matieres , qu'il avoit tirées
de ces Eaux & féparées les unes des autres
, à mesure que le fujet demandoit ,
qu'il en parlât.
,
Commençant par le Fer , il dit , que
tout le monde reconnoît fa prefence dans
ces Eaux par le goût, qu'elles ont , & que
quelques - uns comparent à celui de l'anere
; que la Noix de Galle le confirme
par les teintes plus ou moins violettes ou
rouges , qu'elle leur fait prendre ; & enfin
que le fediment , qui fe dépofe naturellement
de ces Eaux comme une
rouille de fer , le rend très-fenfible à la
vûë. Si l'on veut regarder ce fediment
avec quelques Auteurs , comme une terre
ferrugineufe , qui n'a que de la difpofition
à devenir fer , & qu'ils appellent ,
dans cette idée , Primum ens ferri , M.
Boulduc prouve , que c'eft du vrai fer
par differentes experiences , & particu
Hierement par celle cy : faites rougir de
ce fediment un temps convenable , au
feu, dans un creufet exactement couvert ,
& fans rien ajoûter , pour en diffiper un
refte de matiere faline , qu'il retient dans
la précipitation alors il s'attachera à
Aimants ce qui eft une proprieté ef
fentielle au fer parfait , & qu'une fimple
terre ferrugineule , ni même le fer , quand
ileft épuifé de fon principe inflammable,
n'ont point. Pour
2890 MERCURE DE FRANCE:
4
Four que le fer , continue M. Boulduc
s'étende dans ces Eaux & ne trouble pas
leur limpidité , il faut qu'il foit diflout
& attenué par quelque diffolvant. Par la
techerche qu'il en a faite , il a trouvé,
que ce Diffolvant eft un Acide fpiritueux
& volatil , tel que feu M. Lemery le
pere l'a cy -devant défigné en travaillant
fur de pareilles Eaux , c'eft un efprit vitriolique
très- volatil & très-leger , d'un
goût médiocrement aigre , mais d'une
odeur très- vive & penetrante , que l'on
peut affurer être dans fon genre , par
rapport à cette vivacité , ce que l'efprit
de Sel Ammoniac eft dans celui des Alcalis
.
Cet Acide volatil combiné fous terre
avec le fer , fait un Vitriol naturel , &
par cette combinaiſon & union , les Eaux
ont ce goût de fer, fuivi d'une legere ad❤
ftriction , ce goût picquant & aigreler ,
qui eft felon quelques - uns comme vineux
, & enfin cette odeur volatile &
penetrante, que l'on y remarque.
Le Vitriol de ces Eaux fubfifteroit toû
jours dans fa mixtion naturelle , ou , fi
par le fecours de la chaleur , il s'en dé
compofoit une partie , on retireroic du
moins par l'évaporation d'un certain volume
d'eau une portion de ce Vitriol en
fa propre fubftance , s'il n'y avoit en mê-
2. vol.
ine
DECEMBRE . 1726. 2891
me temps dans ces Eaux une matiere alcaline
, qui donne occafion à fa décompo
fition entiere. C'eft la pouffiere blanche
de la réfidence , dit M. Boulduc , qui eft
une terre alcaline & abforbante ; elle fermente
avec les acides , & ceux , qu'on
appelle Mineraux , la diffolvent de nouveau
. Par là il expliqué d'une maniere
très fimple , differens Phénomenes, qui'
arrivent dans ces Eaux , avec les raifons
de leur production ; comme font dans
certaines circonftances, qui regardent leur
altération , la précipitation du fer , la
perde de l'odeur, la deftruction du goût
vitriolique & autres ; & il confirme fon'
explication par ce que l'on voit arriver
dans les experiences communes & journalieres
des folutions métalliques , quand
on y mêle un alcali,
oney
Il ajoûte, que la décompofition du vitriol
fe fait dans ces Eaux par une effervefcence
lente, & à proportion du mouvement
, que la temperature de l'air &
la chaleur du feu leur impriment ; ainfi
elle fe fait lentement & d'une maniere'
imperceptible dans les faifons froides &
dans des endroits froids ; mais très - vifiblement
& avec agitation au Soleil en
Eté & fur le feu.
P Dans le vuide même de la Machine
pneumatique ces Eaux bouillonnent plus
2. vol.
que
4392 MERCURE DE FRANCE.
que certaines liqueurs fpiritueules ; &
étant retirées delà au boutd'un demi quart
d'heure & gardées dans un endroit froid,
elles blanchiffent peu à peu & dépofent
leur fer , dans la faiſon où nous fommes ,
en moins de trois jours. &
Quand ces Eaux, trop long-temps gare
dées , ont dépofé leur fer , on les regar
de communément comme gâtéés & inu
tiles : elles ne le font pourtant pas abfɑfolument
: 1
Il est vrai , qu'elles ne font plus fer
rugineufes , mais elles font encore bien
Minerales falines , & peuvent avoir leur
utilité dans des cas particuliers...
La terre alcaline , qui eft l'unique cau
fe de la décompofition du Vitriol , donne,
d'abord,des marques de fa prefence
par fes effets dans les Eaux nouvellement
puifées. Lesdeux premieres Sources vérdiffent
legerement la teinture des vio
lettes ; les deux autres beaucoup , quoique
leptement . De même , les deux premieres
Sources précipitent peu de fer
d'une folution, de Vitriol ordinaire ; les
deux autres une plus grande quantité.
Toutes les quatre Sources préfervent le
lait de fe cailler , foit qu'on l'y mêle
froid ou chaud , par rapport à cet alcali į
au lieu que le Vitriol ordinaire , mêlé
tout feul avec le lait ,le fait sailler promp
2. νοί.
tement ,
- DECEMBRE. 1726 . 2893
tement : ce qui peut autorifer la pratique
des Anglais , qui dans certaines circonftances
font prendre les Eaux Mine,
rales ferrugineufes avec du lait. Enfin
les réfidences des deux dernieres Sources
bien lexivées fermentent encore
avec les acides , à caufe d'une partie de
cette terre , qui y refte mêlée ; mais cel
les des deux premieres Sources ne le font
nullement. La raifon , que M. Boulduc
donne de cette difference , eft , que toute
la mefure de l'alcali , qu'avoient les deux
premieres Sources dans leur état natu
rel , a été juftement employeé pour faou
ler l'acide de leur Vitriol dans le temps
de leur changement ; & comme dans les
deux dernieres Sources il y a peu de Vitriol
, il faut à proportion peu d'alcali
pour abforber l'acide de ce Vitriol ; ainfi
if fe trouve un bon refte ou furplus de la
terre alcaline dans leurs réfidences . 11
ajoûte ,, que le fediment , que ces deux
Sources dépofent naturellement en cou→
lant dans leurs baffins , eft déja mêlé d'ut
ne bonne quantité de cette terre.
si Là deffus M. Boulduc demande , fi l'on
ne feroit pas bien d'appeller ces deux
dernieres Sources Eaux Minerales alca,
lines , pour les diftinguer d'avec les autres
, par rapport à ce principe dominant,
qui a les vertus particulieres.2
2. vol.
『:
Du
2894 MERCURE DE FRANCE. :
Du refte , de quelle efpece eft cette
terre ? M. Boulduc foupçonne , & pas
tout- à- faitfans fondement, mais il ne l'affure
pas encore pofitivement , que c'eſt
celle , qui peut fervir de bafe au Sel ma◄
rin , foit que la Nature ne l'ait pas encore,
impregnée de fon acide , foit qu'elle
l'en ait privée par quelque operation,
qui nous eft inconnue , & que les
Artistes cherchent depuis long-temps à
mettre en execution felon leurs idées .
En examinant la maffe faline de la refidence
, M. Boulduc y a reconnu principalement
trois matieres bien diftinctes ; c'est
du Sel de Glauber , du Sel marin , & un
Bitume liquide , ou Huile minerale.
Après avoir diffout cette maffe faline
dans de l'eau bien pure, il l'a évaporée d'u
ne maniere convenable , & expofée à fe
cryftalifer ; & il en a retiré d'abord du Sel
de Glauber, connoiffable par la fa configuration
en colomnes quarrées , taillées aux
extrêmitez en facettes de diamant , par
fon goût amer fuivi de fraîcheur , par la
facilité à fe diffoudre dans un poids égal
d'eau , & à fondre promptement fur le
Feu, & par differentes autres proprietez
qui font fon caractere.
Ce Sel exiftoit dans la Nature avant
que Glauber eut fongé à faire le fien ; cependant
nous avons obligation à cet Au-
2. vol.
teurDECEMBRE
.
2895
1726.
、
teur , de nous en avoir communiqué la
compofition , parce que c'eft par là , que
nous fçavons avec certitude , que le Sel
naturel , auffi bien que celui qu'on fait'
par art , a pour un de fes principes , la
terre du Sel marin .
Par cette connoiffance M. Boulduc a'
été enfuite conduit à penfer , qu'il pour
roit bien y avoir du Sel marin en Subftance
dans ces eaux . Il avouë , qu'il a été
long- temps à le pouvoir développer,
malgré differens indices qu'il en avoit ,
parce que ce Sel fe cryftalife , ou graine
malaifément , quand il fe trouve mêlé
avec quelques corps gras . Rien ne l'a
plus éclairci de la verité , qu'une experience
autant curieufe qu'utile dans pareil,
cas nous la rapporterons en peu de
mots pour ceux , qui voudront faire dans
la fuite une femblable recherche dans
d'autres Eaux minerales , où jufques à
prefent on ne croit pas qu'il y ait du Sel
marin : il a laiffé tomber s . à 6. goutes!
d'une forte folution d'argent coupelé ,
faite par l'efprit de Nitre , dans chaques
deux livres ou pintes de nos Eaux minerales
, & l'argent s'eft précipité en un
caillé blanc & opaque : ayant amaflé
quelque quantité de ce précipité d'un
grand volume d'eau , il l'a mêlé , après
Pavoir deffeché , avec un poids égal de
2. vol. D Cin2896
MERCURE DE FRANCE.
Cinnabre , & l'a pouffé au feu dans une
phiole , dont la moitié étoit enfoncée dans
le fable , & la partie la plus convexe dé.
couverte & à l'air ; alors le fouffre , qui
étoit dans le Cinnabre , s'eft porté fur
f'argent , & l'a arrêté au fond ; réciproquement
l'acide , qui avoit précipité
T'argent , quittant celui- ci , s'eft faifi du
vif- argent, qui étoit dans le Cinnabre, &
eft monté avec lui au haut du vaiſſeau ,
comme une vraye fublimation mercurielle
ou Mercure doux. Or pareille préparation
ne pouvant fe faire qu'avec du Sel
marin , ou fon principe Talin , il a été
bien confirmé par là de fa préfence ; &
il ne s'agifloit plus que de l'avoir cryftalifé
& en grains . Pour cet effet , voici
comme il s'y eft pris : Après avoir
feparé , par la cryftallifation , tout ce qui
étoit Sel de Glauber dans la maffe faline
, qu'il avoit de nouveau diffout , comme
nous l'avons dit , il a continué à évaporer
cette folution le plus doucement
qu'il eft poffible; & faififlant avec attention
le point, qu'à peine une nouvelle cryſtallilation
paroiffoit commencer à fe faire,
il l'a expofée d'abord à la fraîcheur de
l'air ; & quelque temps après il en a
retiré plus de Sel marin , qu'il ne pou
voit au commencement efperer d'y trou
ver; lequel eft , au refte , connoiffable
2. vol
- par
DECEMBRE. 1726. 298
par fa figure cubique , par fon goût falé
connu à tout le monde • par fa décre
pitation fur le feu , par la volatilité qu'il
imprime à l'argent en le précipitant , &
par differentes autres proprietez.
Ce Sel enlevé , il refte une eau jaune,
graffe & onctueuse au toucher , qui devient
, en continuant l'évaporation , toute
rouffe , & répand de plus en plus une
odeur de bitume , mais ne fe cryftalife
plus : après qu'elle eft deffechée au feu
elle reprend de l'humidité à l'air , &
redevient fluide. C'est l'eau- mere du Sel
marin , qui eft un mêlange de ce Sel &
du bitume , ou huile minerale. Si l'on
Y verfe de l'huile de Vitriol , elle exhale
l'efprit de Sel très -fenfiblement ; & fị
l'on y mêle du Sel de Tartre diffout
la terre du Sel marin s'en précipite .
Pour feparer ce bitume d'avec le Sel ,
on peut
faire bouillir l'eau- mere avec
quelques corps mucilagineux , comme
font le blanc d'oeufs , la colle de poif
fons , & c. Il s'y entrelafle , & s'éleve
en écume avec eux, laquelle étant emportée
, le fel graine aifément , & eft enfuite
moins fujet à s'humecter. On peut auffi
diftiller cette eau-mere mêlée avec de
'huile de Vitriol ; alors il en fort d'abord
un efprit de fel , & fur la fin il s'en fublime
un peu de fouffre mineral.
2. vola
Dij
A
2898. MERCURE DE FRANCE.
>
A cette occafion , M. Boulduc dit ,
que, quand on diftille la maffe faline tou
te entiere , elle fournit auffi du fouffre mineral
; mais il avertit en même temps, que
c'eft alors une production de l'art par le feu ,
c'est- à - dire , une combinaiſon de l'acide
vitriolique fixe contenu dans le Sel
de Glauber , & de ce qu'il y a d'inflammable
dans le bitume ; & qu'ainfi ce
fouffre n'eft pas formellement , & en ſa
propre fubftance dans nos eaux : & quoiqu'on
dife de , je ne fais , quelle odeur
de fouffre , & d'un fer élaboré en fouffre
, M. Boulduc donne , entre plufieurs
preuves du contraire , encore celle- ci ,
qui eft fondée fur des experiences conhues
generalement : le fouffre mineral
wé le mêle pas feul & par lui-même
avec l'eau , il y furnage ; ainfi on pourroit
l'appercevoir aifément ; pour qu'il
s'y mêle , il faut qu'il foit lié & combiné
avec un corps alcalin ; mais alors
ils font enfemble un bepar fulphuris ;
s'il étoit de cette maniere dans nos eaux,
elles fentiroient l'oeuf couvi , ce que
perfonne n'a jamais apperçû ; & enfin
le moindre acide l'en précipiteroit , ce
qui n'arrive pas non plus : ainfi il n'y a
point de fouffre mineral dans ces eaux .
.
Pour ce qui eft de l'Huile minerale,
elle donne d'abord des marques de fa
2. vol.
preDECEMBRE.
1726. 2899
prefence dans les verres des buveurs ,
qui croyent quelquefois , qu'ils n'ont pas
été rincez , tant ils font gras enfuite
dans la peau ou crême , qui fe forme à
la furface des eaux , quand on en évapo
re , où étant entrelaflée & arrêtée avec
les autres matieres , elle reprefente un
enduit ou vernix luifant ; après , par
l'odeur bitumineuse dans l'évaporation ,
dont nous avons parlé , & de même
dans la diftillation des eaux , par l'empireume
ou le gras brûlé , que fent la cu
curbite ; & enfin elle fe trouve refferrée
& réunie dans l'eau- mere.
Il reste une matiere de la refidence
à examiner ; c'eſt les cryftaux qui s'y
font connoître par le brillant, qu'ils ont
Dans la diftillation ils commencent à par
soître , environ à la moitié de l'évapora
tion de ces eaux , comme de petites fi
bres luifantes , lefquelles fe joignant
peu- à- peu , forment des cryftaux plus
ou moins gros en tous fens , felon le
temps qu'on leur accorde : M. Boulduc
en a de trois lignes de long, fur plus
d'une ligne de large , parmi ceux qu'il a
laiffez criftallifer lentement ; & ces cryftaux
affectent toujours une même configuration
, qui eft au premier coup d'oeil
rhomboidale , mais l'examinant de près,
on voit, que les quatre côtez étroits , qui
2. val.
י
Dj
ter2966
MERCURE DE FRANCE:
terminent cette figure , font encore re
levez par deux faces .
Ce Mixte eft un Sel particulier , qu'on
peut appeller Sel felenitique ou felenite ,
pour le diftinguer des autres. Les raifons
, que M. Boulduc a pour le mettre
au rang des Sels , font fondées fur ces
points. 1. quand on l'a précipité de l'eau
minerale par l'efprit de vin , & qu'on
fepare enfuite celui- ci en inclinant lo
vaiffeau , il fe diffout de nouveau dans
Peau commune froide. De même ces
cryftaux bien deffechez fe diffolvent dans
une quantité d'eau convenable par une
lente digeftion & alors le Sel de tartre
verfé deffus , en précipite beaucoup
de terre , que les acides diffolvent de
Houveau. 2. De prendre toujours une
même figure dans la cryftalliſation , &
de former des cryftaux , felon les circonftances
, de plus ou moins de volume
; c'eft des accidens familiers aux Sels
moyens : Celui-ci en a l'un & l'autre.
3. Certains Sels moyens peuvent , fe
lon qu'on les travaille , changer en des
compofe differens de ce qu'ils étoient
d'abord ou aranfporter un de leurs principes
fur un autre corps , & fe décom
pofer. Le Mixte , dont il eft queftion ,
fait encore l'un & l'autre: quand on le
Tougit , mêlé avec du pouffier de charbons,
2. vál.
DECEMBRE. 1720 2901
bons , un temps convenable , au feu ; ou
qu'on le calcine avec d'autres matieres
inflammables , il fe convertit en hepar
fulphuris ; Ce qu'il fait plus prompte
ment , quand on le fond , felon la metho
de de M. Stahl , avec du Sel de tartre , &
qu'on jette quelque corps inflammable
pardellus . De plus , quand il eft fondu
avec le Sel de tartre tout feul , fi l'on
diffout ce mêlange dans de l'eau commune
chaude , & qu'on le filtre , il failfe
beaucoup de terre en arriere , & l'eau
évaporée & cryftallifée donne un tartre
vitriole de figure communément octaëdre
, dur, amer , & de fes proprietez ordinaires.
Après ces preuves on ne peut regarder
ces cryftaux que comme un Sel
moyen , combiné d'une portion d'acide
vitriolique fixe , & de beaucoup de
terre.
Et voilà tout ce que M. Boulduc a pu
reconnoître dans ces eaux .
Il y a des perfonnes , qui fe laiffent
entraîner à croire , que prefque indifferemment
tous les Sels font des productions
de l'art & des créatures du feu. Pour
les convaincre du contraire , à l'égard
des Sels qu'il a tirez de ces eaux , M.
Boulduc donne un moyen fort fimple ,
& que chacun peut imiter facilement
2. vol. D iiij avec
2902 MERCURE DE FRANCE.
avec une petite quantité d'eau minerale:
C'eft de verfer , par exemple , fur huit
onces d'efprit de vin , pareille quantité
d'eau minerale de la premiere fource ,
qui ait dépofé fon fer ; on verra fur le
champ ce mêlange blanchir comme du
lait , & la felenite peu de temps après tomber
au fond : alors on peut furvuider ce
qui refte clair dans un autre vailleau , &
y ajoûter encore quatre onces d'efprit de
vin: après quoi le Sel de Glauber le condenfant
, fe formera en cryftaux , mêlez
fouvent de quelques- uns , qui tirent fur
la figure du Parallelogramme . Quand
on s'appercevra , que les cryftaux n'augmentent
plus , ni en nombre , ni en vo
lume , on peut furvuider la liqueur claire
pour la derniere fois , & y ajoûter en
core quatre onces d'efprit de vin , & le
Sel marin grainera finalement.
Il avertit là - deflus , que l'efprit de
vin doit être bien rectifié & fort ; autrement
le Sel marin refte fluide au
fond du vaiffeau , mêlé avec l'huile minerale
, & très - diftinctement ſepaté d'avec
l'efprit de vin .
Si l'on veut abreger cette espece d'Analyfe
, on peut par le froid deflegmer
l'eau minerale , en temps de gelée , à un
tiers ou quart près : les glaçons diffouts
par lachaleur ne font qu'une eau fimple,
2. vel.
mais
DECEMBRE. 1726. 2903
•
mais l'eau concentrée ( comme une autre
liqueur faline & fpiritueufe ) eſt
plus forte qu'auparavant à tous égards ;
avec laquelle on peut proceder , comme
nous l'avons déja dit , & l'efprit de vin
en feparera les Sels en moins de temps,
& fans le moindre fecours ou concur--
rence du feu . A.
De tout ce qui a été dit juſqu'ici ,
M. Boulduc conclud enfin , que les fub
ftances contenues dans ces eaux fraîches &
non alterées , font : un Vitriol naturel ,
du Sel de G'auber , du. Sel marin , un
bitume liquide , ou buile minerale , de la
terre alcaline & de la felenite ; dont le
mêlange, également étendu dans une eau
claire & bien filtrée au travers de la
terre , fait ce compofé merveilleux , que
la Nature travaille elle même , & nous
fournit abondamment : & comme toutes
ces matieres , à la felenite près , ont
des vertus connues par l'ufage qu'on en
fait tous les jours , on en peut inferer
d'avance , que ces eaux doivent être rafraichiffantes
, emolliantes , aperitives en
general , & en même temps roborantes
diuretiques & purgatives.
A l'égard de la felenite , qui n'a pas
encore été employée feparément , M.
Boulduc lui atribue par une analogie ,
fondée fur fes principes & fur fa ftru-
D v
2. vol.
Aure
1904 MERCURE DE FRANCE:
ature , un effet précipitant & roborant ?
fur quoi , dit- il en finiffant , elle attendra
neanmoins une plus ample décifion
du Tribunal de la Medecine.
****************
A URANIE.
Pour M. de S. Paul de Broglio , Religienfe
au Monaftere de la Conception.
OD E.
Azile heureux , lieu falutaire ,
Où retranché comme en un Fort ,
L'efprit avec le coeur d'accord ,
Brave les plaifirs de la terre :
Retraite où l'illuftre SAINT PAUL ,
Loin de l'artifice , & du dol ,
De fes jours fournit la carriere ;
Admirateur de ſes vertus,
Que ne puis - je ouvrir la barriere ,
Aux éloges qui lui font dus !
Docte Soeur par cent témoignages ,
Plus forts que l'empire des temps ,
La vola PK
DECEMBRE. 1726. 2905
Publiez fes heureux talens ,
Dignes des yeux de tous les âges ;
Et quoique fon humilité ,
: Dans une fainte obfcurité ,
Travaille à la rendre inconnuë :
Sur fa folide pieté ,
Que votre voix foit entenduë ,
De toute la pofterité .
Ce fut une étoile propice :
Brillante d'un feu tour divin
Qui la fit naître dans le fein ,
De la Force , & de la Juſtice. *
Mais ce fut un rayon plus fort
Qui la faifant furgir au port ,
Préferva fes jours du naufrage,
La grace formant ſes ſouhaits ,
L'affranchit du fol esclavage,
De tous les feduifans attraits.
Elle conçut la noble envie .
Dans l'Etat dont elle fit choix :
* Les Maifons de Broglio , & de Lamoi
gnon.
2. vola D vi D#
2906 MERCURE DE FRANCE.
De faire du Divin FRANCOIS ,
Le vrai modele de fa vie ,
Sans ceffe elle benit les noeuds ,
Qui l'attachent aux facrez voeux ,
D'une pauvre , & chaſte obfervance ,
Sans ceffe de fa volonté ,
Sur l'autel de l'obéiffance ,
Elle immola la liberté.
Victorieufe d'elle- même ,
Au dehors eft- il des combats ,
Qui puiffent retarder ſes pas ,
Dans le fentier du bien fuprême ?
Dans ce lieu faint & retiré ,
Son efprit eft trop épuré ,
Pour les biens que le Siecle étale ,
Sur ces objets les plus pompeux ,
La difcrete & fage Veltale , '
Ne jette qu'un oeil dédaigneux..
Je fens que mon inſuffiſance ,
Malgré le genereux deffein ,
Dont l'ardeur m'échauffe le fein ,
M'oblige au refpect , au filence .
2. vola Tol
DECEMBRE. 1726. 2997
Toi dont le deftin fuit les loix ,
Qui mets le merite en fes droits ,
Prens le Pinceau , docte Uranie ,
Que l'excellence du Tableau ,
Semble allarmer fa modeftie ,
Le Portrait en fera plus beau. Q ...
REPONSE à l'Article 79. des Memoires
de Trévoux du mois de Septembre 1726 .
au fujet d'une Methode très -aifée pour
" apprendre l'Orthographe par principes
à ceux qui n'ont pas étudié le Latin, &
utile aux perfonnes qui ont la connoiffance
des Belles- Lettres ; par le fieur Jacquier.
A Paris , chez Jacques Joffe , ruë
S.Jacques, Théodore le Gras , au Palais,
& Noël Pißot , Quai des Auguftins .
E quelque utilité que
foient au
Diublic les Nouvelles Litteraires ,
il les voit avec peine , & ne fçait quel
parti prendre , quand fans aucun avertillement
il y apperçoit des faits , qui
provenant d'une même fource , font entierement
oppofez ; c'eft ce qui eft arrivé
au fujet de la Methode du freur Jacquier.
Voici ce que les Auteurs du Journal
de Trévoux en ont dit dans celui du
Tão volon
mois.
2908 MERCURE DE FRANCE :
mois de Juillet de la prefente année ;
page 1353.
Le titre d'un Livre nouveau fur l'Orthographe
, n'eft point un titre trompeur.
La Methode que propofe le fieur Jacquier
eft veritablement très - aifee & réduite à
des Principes qui en rendent l'étude & plus
•facile & plus folide. Il n'a rien paru de
plus exact fur un fujet que tout le monde
doit apprendre.
Après un jugement fi favorable , on a
été bien furpris de voir dans leur Journal
du mois de Septembre tout le contraire
de ce qu'ils avoient avancé dans
celui de Juillet on y a pris le ton railleur
, & on a mis en oeuvre une Critique
mal fondée , & qui ne tend qu'à décrier
cet Ouvrage:malgré tout cela , on ne s'attachera
ici qu'à répondre à leurs objections
, & à démontrer qu'on en impofe au
S. J. en dilant que fa Methode n'eft
que la copie de ce qu'on trouve ailleurs
en chaque Grammaire .
Texte des Memoires , p. 1638 .
L'Auteur , page 7. parle de l'i moüillé
avant d'eux 1 , & s'énonce ainfi l'i , mis
avant deux 1, veut qu'on en prononce
un après les deux I , quoiqu'on ne l'éerive
ordinairement pas : la facilité que
promet l'Auteur , ne fe trouve point encore
Zio volo
en
DECEMBRE. 1726. 3029
en cet endroit i car dans l'occafion dont il
parle , fi nous en croions nos plus habiles
Grammairiens , ce n'eft point l'i qui eft
mouillé , c'est l'1 qui fait un fon parti
culier, qu'ils appellent I mouillée , & qui
eft defigné ordinairement par une I on
deux , précedées d'un i ; au reste , il n'est
nullement vrai qu'après les deux 1 , qui
defignent le fon de l'l mouillée , on pronon
ce un i , ce feroit une très mauvaise pronon
ciation : le fon de l'l mouillée dans bouillon,
veilla , tombe immédiatement ſur la voïelle
• ou on , fans nulle interpofition du fon.
Réponse.
1º. L'Auteur de l'Extrait fait dire au
S. J. une chofe qu'il n'a pas avancée , en
fuppofant comme il fait , que c'eft l'i qui
eft avant les deux 1 , que le S. J. appelle
i mouillé , dans le temps qu'il n'entend
autre chofe par i mouille , que cet ii, quon
prononce imperceptiblement après les
deux I , quoiqu'on ne d'écrive pas , &
qui eft la feule caufe que la derniere des
deux fe mouille .
2º. Le S. J. ne demande qu'une choſe
pour tirer une confequence évidente
fur ce qu'il avance ; fçavoir , fi la derniere
fillabe de poilon & de bouillon , ſe
prononce de même ; fi la prononciation
eft la même dans l'un comme dans l'au-
2.201 tre
1910 MERCURE DE FRANCE.
tre , il avouëra avec plaifir fon erreur :
au contraire fi la prononciation de la derniere
fillabe dans bouillon , eft differente
de la derniere dans poilon , on ne ſçauroit
lui contefter qu'il faut y admettre ,
ou un accent qui falle faire une autre prononciation
que celle de lan , ou y fuppo
fer un i , qu'on prononce imperceptiblement,
comme on le prononce dans faiance,
comme il l'a fuppofé pour ne rien innover
, & pour prévenir l'objection qu'on
auroit pû lui en faire , s'il n'en avoit pas
parlé.
Il eft à remarquer que l'Auteur de
l'Extrait , qu'on affure être le R. P. Buffier
, eft ici d'un fentiment tout contraire
à ce qu'il avance lui- même dans fa
Grammaire ; car page 505. il dit ,
La rime n'eft pas plus fupportable enare
deux mots qui riment par deux 1 , dons
Pune eft mouillée & l'autre feche ; car
ce font la encore deux fons entierement
differens : comme ,
Par ton ami rappelle
Sur ce rivage émaillé.
On ne comprend pas comment des Poëtes
recens , qui ont & qui meritent une
grande réputation , fe permettent cette forts
de rime ; puifque l'l feche & l'l mouillée
font deux lettres plus differentes , & pour
2. vale Le
DECEMBRE. 1726. 2917
le fon & pour la conformation de la bou
she , que dt : ainfi rappellé & émaillé
riment moins que bordé porté. Ce
qu'on va dire fur la Voïelle longue convaincra
encore davantage de ce qu'il
avance.
Texte des Memoires , p . 1639.
L'Auteur dans fon Avis au Lecteur,
dit, le fuccès prompt & facile , dont l'experience
m'a convaincu par plufieurs édu
cations particulieres , me fait efperer que
le Public goûtera cette Methode , qui outre
fa brieveté , ne demande qu'un fond'
de raison ; on pourroit raisonnablement fe
trouver arrêté en un grand nombre d'endroits
de fon Livre , né fut- ce qu'à la
page 193. où il dit que l'accent circon
flexe fe met fur les Voïelles longues ;
felon lui , il faudroit donc un accent cir
conflexe en ce même mot longues , puif
que la Voielle o ou on , eft longue en ce
mot , cependant il ne l'y met pas , & ne
L'y doit pas mettre
Réponse.
Si l'Auteur de l'Extrait s'étoit donné
La peine d'examiner les pages , 2. 220
23. & 191. il n'auroit pas porté un femblable
jugement ; car il auroit trouvé
page 2. pour principe, que quand on est
2. vol. mains:
1911 MERCURÉ DE FRANCE
moins de temps à prononder une Voïelle en
un endroit qu'en un autre , au premier endroit
elle eft breve & au dernier elle eft
longue ; page 22. & 13. la confirmation
très-au- long de cette définition , & ne
laiffe aucun lieu d'en douter ; voyez
cy-deffous les exemples qui en ôtent tout
foupçon , enfin , page 191. on verra ce
que c'eft qu'une Voïelle afpirée que
Auteur de Extrait veut appeller
Voïelle longue.
Voielles longues.
Voielles breves.
Maille. Maillet.
Châife , à mettre Chaffe , aller à la
des Reliques.
Chaffe.
Pôfe. Pofé.
Ainfi pour agir avec principes , nous
appellerons une Voïelle breve , celle
qui garde fa prononciation naturelle
nous appellerons au contraire une Voïelle
longue , celle qui a quelque chofe de
plus que fa prononciation naturelle ; ainfi
la premiere fillabe de maille eft longue,
parce qu'on eft plus de temps
à la pro
noncer que la premiere en maillet : de
même la premiere fillabe de pôfe eft longue
, parce qu'on eft plus de temps à
la prononcer qu'à pofè ;
Ainfi il fera donc vrai de dire que la
2. vel. premiere
DECEMBRË. 1726. 291F
premiere fillabe de pofe , n'eft pas plus
breve à l'égard de pofe , que l'eft la premiere
fillabe de mailler à l'égard de maille.
On tirera donc une confequence neceffaire
, que chaque fillabe prife féparément
eft toûjours breve dans le François
, & prefque toûjours longue dans le
Latin quant à la prononciation .
Ainfi réfultera que les Confonnes dans
le François , font afpirer la Voïelle fans
la rendre longue ; car lo n fait lon , comme
trai fait trai ; cependant trai eft
Jong dans traître , & bref en traité , pour
les raifons qu'on vient de dire.
Enfin , pour répondre & donner plus
de certitude à la regle qui traite de la
fillabe ti , qu'on prononce tantôt en ti
comme dans foutien , & tantôt en ci ,
comme dans quotiens , on fera attention
aux Regles qui fuivent.
1. Ti , commen- Tiara . Tiare.
Cant un mot, ou étant
précedé d'une s , ou
d'un x, garde toûjours
le fon propre , quoi- qu'il fuive une voiel
queftio. queftion
.
le ce principe ne
fouffre d'exception ni
en François ni en Latin
.
mixtion.
2. vol.
2914 MERCURE DE FRANCE.
2. Ti , fe pronon- Prophetia . Proce
comme ci , quand phetie.
il fuit une Voïelle :
ce Principe ne fouffre
François.
d'exceptions qu'en repetition . repetition
.
3 °. La Gillabe qui Chriftianus.Chréfe
prononcé en ti ou
en ci , dans le mot
tien
latin quand il fuit une toftus . tofti. rôtie.
Voïelle, ou qu'en l'ajoûtant
on fait le mot
François , alors cette minutus. minuti.
fillabe doit fe prononcer
de même dans le
mot François.
4. Ti , dans les
Noms qui dérivent
du verbe & les verbes
mêmes quand l'i
fe perd à l'infinitif ,
garde le fon propre.
minutie.
quoties. quotien .
maintien , de maintenir.
je foutiens. foutiens. de
foutenir.
n . portions. dễ
porter.
5°. Quand le mot amicitia. amitié.
Latin a quelques lettres
ou fillabes plus
ou moins que le mot
François, alors ti garpars. partis. parde
le fon
2. vol.
propre.
| pars.
tie.
DECEMBRE. 1726. 2915
·
pitié.
6. Ti garde 1 fon
propre quand le mot
ne tire pas fon origine
du Latin. moitié.
Le S. J. ne demande que quelques
heures pour faire entendre tous ces Principes
& s'en fervir à propos ,
à celui
qui n'aura jamais étudié le Latin ; on ne
conclura pas de là qu'il fçache le Latin ,
mais on conclura qu'on peut apprendre
l'Orthographe fans avoir étudié le Latin.
OBJECTIONS .
Sur la Grammaire Françoife , fur un nouveau
Plan , du R. P. Buffier Jefuite ,
qu'on affure être l'Auteur de l'Extrait
de la Méthode du Sieur Jacquier : ces
mêmes Objections prouveront que c'eſt
à tort qu'on lui impute que fa Méthode
n'est que la copie de ce qu'on trouve
ailleurs dans chaque Grammaire Francoife.
Premiere Objection . En parlant de l's
entre deux Voïelles , le S. J. donne pour
Principe , page 8. que l's entre deuxé
Voielles fe prononce comme un 2 : la feule
exception , & qui eft en même- temps
un Principe , eft quand l's garde fa prononciation
dans le mot fimple , elle la gar
2. vel. de
2916 MERCURE DE FRANCE.
de même dans le compofe , quoiqu'entre
deux Voielles ; ainfi on écrit & on prononce
, féance préféance , fillabe monofillabe.
Le R. P. B. au contraire a befoin de
garant dans fon exception fur la même
regle , quand il dit , p. 361. qu'il faut
prononcer préféance , comme preffeance ,
parce que pre eft alors une prépofition.
1. Il n'eft pas vrai que pre foit une prépofition
dans le François , quoique cela
foit dans le Latin . 2. Trouvant préfuppofer
& prefumer , on les prononcera
de même , ce qui ne fe doit pas ; car on
doit dire prezumer & jamais préffumer.
3. Ce Principe n'eft pas general , car on
dit parafol , monofillable où l's garde fa
prononciation , quoiqu'entre deux voïelles
au contraire , en fe fervant du Principe
du S. J. on réfoud toute forte de
difficultez.
Seconde Objection . On demande au
R. P. B. pourquoi il admet plutôt le
trait - d'union entre très -fort , qu'entre
plus fort.
Troifiéme Objection . On demande au
R. P. B. à quelle marque il connoît que
l'y dans yeux , a un double fon , & dans.
yvre un fimple : pourquoi dans frayeur
il fait fa fillabe avec la voïelle qui pre--
cede & qu'il ne la fait pas dans fayance,
2. vol.
DECEMBRE. 1726. 2917
Quatriéme Objection . Le R. P. B. auroit
mieux fait de donner à la raiſon ce
qu'il attribue à l'ufage , en difant, page
96. que c'est l'ufage qui a déterminé d'écrire
certain plutôt par a in , que par
in: faim par a im plutôt que par e im
ou ein , & voifin par ain , plutôt
qu'autrement ; car fi on écrivoit certin
par i n , on diroit au feminin certine ;
de même ſi on écrivoit voifain par ain ,
il faudroit dire voifaine pour le feminin :
enfin , fi on écrivoit feim pat eim ou
ein; on diroit que feim vient de fémine
ou de fénine ; on dira donc que
faim s'écrit par aim , parce qu'il vient
de famine , par où on voit que c'eſt la
raifon & non l'ufage qui nous fait ainfi
orthographier. L'Objection qui fuit fer--
vira de confirmation à ce qu'on vient de
dire.
Cinquiéme Objection. Le R. P. B,
dans les Memoires même , page 1641.attribue
à un long ufage la maniere de bien
orthographier les mots fuivans , Procès ,
Arrêts , mauvais , faix , difoient , difois ,
fifflets , chenaie, chenaies , ils effaient, & c,
•
Le S. J. au contraire l'attribue à des
Principes faciles & évidens , & où il net
faut que du jugement , ainfi qu'on peut
lé voir dans la Méthode , page 81. à 89.:
ear Procès , Arrêt , Sifflets , doivent s'é
C.2, vol. crire
2918 MERCURE DE FRANCE .
crire avec un e & non pas ai , parce
qu'ils tirent leur origine, Procès de Procedure
, arrêt d'arrêter & fiflets de fifler:
au contraire , mauvais , faix , chenaie ,
chenaies , fuivent la prononciation naturelle
, parce qu'ils ne tirent pas leur otigine
dun autre mot , ou s'ils la tirent ,
le mot s'écrit en as ainfi faix , de fardeau
enfin ils difoient , ils faient, difaient
, s'écrit par oi , parce qu'il eft
à l'imparfait ; car on a pour principe ,
page 116. que quand les imparfaits ou
les plufqueparfaits font terminez en a i,
on les écrit toûjours par o i , quoiqu'on
les prononce comme ai : ils effaient eft
écrit par a i , parce qu'il vient d'effaier,
ce qu'on voit évidemment prouvé en
rapportant un imparfait pour exemple ,
ils effaïoient , il eft aifé de tirer la conféquence
pourquoi la pénultiéme fillabe
s'écrit par ai , & la derniere par oi ,
quoique la prononciation foit la même.
Sixiéme Objection . Le R. P. B. page
245. en voulant réfoudre la difficulté
la plus importante de l'Orthographe ,
comme il l'avoue lui - même , preferit
neuf regles pour bien orthographier le
dernier mot d'un Verbe ou d'un Participe,
quand la chofe où le cas du Verbe eft
après fon Verbe ou fon Participe ; c'eſt
ce qui fait naître la confufion , & qu'on
2. vol.
pe
DECEMBRE . 1726. 2919
ne fçait à la fin à quoi s'en tenir , ainfi
qu'il l'avouë lui - même , en difant que
ces minuties ne méritent pas qu'on perde
le temps à en faire une trop longue difcuffion.
Le S. J. au contraire réfoud toutes ces
difficultez par un Principe inconteſtable ,
qui eft , le dernier mot du Verbe on du
Participe Actif, ne varie jamais quand
La chole directe eft après fon Verbe on
fon Participe , ainfi qu'on peut le voir
dans fa Méthode , p . 152. en n'admettant
que trois fortes de Verbes qui font
l'Actif , le Paffif &
P'Imperfonnel.
Il est à remarquer que le S. J. appelle
la chofe, ce que les Latins nomment le
eas du Verbe ou le régime direct d'un
Verbe.
t
Exemple.
2
Mes foecurs ont preferé l'or à l'argent.
On voit que l'or eft la chofe directe .
parce que quand on prefere , on prefere
quelque chofe :
Et l'argent eft la chofe
indirecte , par
ce que quand on prefere une chofe , on
la prefere à une autre , c'eſt le Datif
des Latins.
2. vol.
E
Exemples
2920
MERCURE
DE FRANCE
,
Exemple
.
1. Ayant eu la fatisfaction
de vous
voir..
2. Des hommes
habiles
aïant examine
mes raiſons.
3. J'ai reçû vos Lettres
.
4. Les perfonnes
que j'ai entendu
chanter
.
5. Ma mere s'eft preſcrit
cette regle , 6. Il a dit toutes les raifons
qu'il a
voulu
.
7. Les raifons qu'il a
prouvois
.
crû que
j'ap
8. J'ai pris la réfolution
d'aller
.
9. Les chofes
qu'ils ont le plus aimé
à faire.
"
Par où on voit , en commençant
par
1
le premier
exemple
, qu'eu , examiné
,
5
7 8
reçû , entendu
, preferit
, voulu , crû , pris,
& aimé , ne varient
pas , parce que la chofe directe
eft après le Verbe ; car en parlant
du 4. Exemple
, la chofe directe ou le cas du Verbe entendre
, eft chanter; quoique
chanter
foit un Verbe , il ne tient
2. vol. pas
DECEMBRE. 1726. 2928
pas moins lieu de la chofe directe , ce
qu'on connoîtra évidemment en tournant
la phraſe fans rien changer au fens
du difcours , & difant , les perfonnes dont
j'ai entendu la voix mélodienfe.
De même en parlant du se. Exemple ,
›
preſcrit ne varie pas , quoiqu'il foit
aidé du Verbe être , parce que la chofe
directe eft après fon Verbe , & qu'il
peut fe tourner en Actif fans rien changer
au Nominatif ni à la choſe ; car on
peut dire , ma mere a preferit cette regle
a foi ou à fa perfonne . Il faut faire le
même raifonnement pour tous les autres
Exemples .
A tant de preuves on laiffe aux Lecteurs
à juger par eux -mêmes , fi ce font
là des traits de Copiftes.
Enfin , par reprefailles au fujet de la
même fillabe ti , dont on a parlé , on
obfervera que le R. P. B. dit que ti garde
le fon propre.
1. Quand tien garde le fon propre de
re accentué nafal , & ne prend point le
fon de l'a nafal ; foutien : on oppoſe à
ce Principe quotien , où ti ne garde
le fon propre.
pas
2. Dans les temps des Verbes ; nous
battions on voit le contraire dans nous
nous impatientions , où le premier t n'a
2. vol. E ij
pas
2922 MERCURE
DE FRANCE.
pas le fon propre , quoi que ce foit un
Verbe ; de même,comment connoîtra -t on
que dans je m'impatiente , le premier t
n'a pas le fon propre , & qu'il l'a dans
je me foutienne .
*
3. Aux mots terminez en tie & en
tié, partie , amitié , &c. Exceptez 1. Prophetie
, & c. 2. Quelques noms de Païs ;
Dalmatie , &c. On demande quelle certitude
on peut tirer de cette regle & de
fes exceptions
.
En voilà , ce femble, affez défenpour
dre le Livre du S. J. contre la Critique
du R. P. B. adoptée par les Auteurs du
Journal de Trévoux.
Il ne fera pas hors de propos d'ajoûter
à fa défenſe , que les Auteurs des
autres Journaux , n'ont pas crû cette Méthode
indigne d'entrer dans leurs Nouvelles
Litteraires. Les Auteurs du Mercure
de France qui l'ont auffi rapportée
dans celui du mois d'Avril de la prefente
année , page 747. ont ajoûté que tout
ce qui eft contenu dans cet Ouvrage ,
convient parfaitement à fon titre car tout
nous y a paru clair , aife & appuyé fur
les meilleurs Principes enforte que nous
pouvons affurer , après M. de Fontenelle ,
fon Approbateur, qu'une pareille Méthode
ne peut qu'être utile au Public.
Le S.Jacquier, pour derniere juftification,
2. val. ajoûtera
DECEMBRE. 1726. 1913
ajoûtera qu'il enfeigne actuellement fa
Methode concernant l'Orthographe à toutes
fortes de perfonnes , fans avoir étudié
la langue Latine , par principes & en
peu de tems. Les Etrangers auront la
même facilité , pour peu qu'ils entendent
le François . Ceux dont les emplois
exigent neceffairement cet Art , pourront
, à plus forte raifon , l'apprendre en
moins de tems , par l'habitude & la pratique.
Il défend d'étudier de memoire,
ne demandant que du jugement & de la
pratique. Il n'avance rien dont l'experience
ne l'en ait déja convaincu , & cela
à l'aide d'un Abregé de fa Methode
qu'il a compofé depuis quatre mois
dont il fera part dans la fuite au Public
Il demeure ruë faint Denis , à côté de la
Fontaine faint Innocent , aux trois Pucelles.
A Paris.
kakakkak::
PREMIERE ENIG ME.
UN Laboureur peut fouvent efperer
De ce qu'il a femé la recolte abondante
Moi je cultive un champ que j'ai beau labourer
,
Il ne rapporte rien de tout ce que j'y plante 2. vol. E j
2924 MERCURE DE FRANCE.
Je travaille pour des ingrats ,
Froids , glacez , fans reconnoiffance :
Je n'en fçaurois tirer la moindre récompenfe.
Mais fi de ce travail ils ne me payent pas ,
Leurs parens , leurs amis , en leur propre préfence
,
Me laiffent enlever ce qu'ils ont de plus
cher ,
Sans qu'ils fe mettent en deffenſe ,
Pour m'empêcher de le leur arracher.
Mon ouvrage , quoique penible .
N'a rien pour moi de chagrinant ,
Toûjours il s'acheve en chantant ;
Bien loin qu'à la fatigue on me trouve ſenſible,
De ma profeffion fil'on fait peu de cas ,
Abus ; car fur ce point à bon droit je m'obe
ftine ,
J
Qu'on devroit lui donner le pas
D'abord après la Medecine.
SECONDE ENIGME.
E fuis une maifon qu'habite un franc piedplat
,
Et que je refferre en forçat ;
Mais aux gens du bel air ce terme fair ou
trage ;
Eh !
DECEMBRE. 1726. 2925
Eh ! pourquoi les injurier ?
Je leur dois des égards par droit de voifinage
;
Fuffent- ils du plus haut étage ,
Rois mêmes ; j'ai cet avantages.
Qu'ils logent tous dans mon quartier.
A cette loi commune aucun Mortel n'échappe
,
Je n'en excepte que le Pape.
On donnera l'explication de ces deux
Enigmes , avec les deux du premier Volume
de ce Mois dans le Mercure de
Janvier.
XX XXXXXXXXXXX :XX
NOUVELLES LITTERAIRES
DES BEAUX ARTS , &c.
DIRECTEUR DES AMES PENLLTENTES
, ou Décions de plufieurs
Queſtions importantes fur la pratique du
Sacrement de Penitence , & c. Par un
Directeur très- experimenté dans la conduite
des ames. Nouvelle Edition , revûë
augmentée . A Paris , rue faint Jac-
2. vol. E iiij ques
2926 MERCURE DE FRANCE.
ques, chez Babuti. 1726. in 12. de 496.
pages.
ELOGES HISTORIQUES DES SAINTS ,
avec les Myſtères de N. S. & les Fêtes
de la Vierge pour tout le cours de l'année.
Nouvelle édition. A Paris , chez
Guerin. 4. vol . in 2.
CRITIQUE DE LA CHARLATANERIE ,
divifée en plufieurs Difcours , en forme
de Panegyriques , faits & prononcez par
elle même. A Paris , ruefaint Jacques ,
shez la veuve Mergé, 1726. in 12. de
196. pages.
L'UTILITE' DU POUVOIR MONARCHIQUE
, contenant l'Hiftoire de Phalaris
, avec fes Lettres fur le Gouverne
ment & les Confeils d'Ifocrate , ou le
Modele des Miniftres. Par M. C. de S.
M.1726. 2. vol . in 12 .
OBSERVATIONS fur le Memoire Academ
que de M. Morand , Chirurgien de
la Charité , & Demonftrateur des Operations
de Chirurgie à Saint Cofme , inferé
dans PHiftoire de l'Academie
Royale des Sciences , de l'année 1722 .
page 25. touchant les Cataractes des
Yeux. A Paris , rue de la Harpe , chez
42. vel.
M.
DECEMBRE. 1726. 2927
'M. d'Houry. 1726. Brochure in 12. de
56. pages.
ALMANACH ROYAL pour l'année
1727. de l'Imprimerie de la veuve Laurent
d'Houry , au bas de la ruë de la
Harpe , au S. Efprit.
Feu Laurent d'Houry , Auteur de cet
Ouvrage , a merité un applaudiffement
univerfel.
Le Public trouvera cette année cet
Almanach enrichi par les foins de fa
Veuve des dates de la reception de tous
les Officiers de Robe , d'Epée & de Finance
, & augmenté de la Lifte des Colo
nels Generaux , Lieutenans Generaux ,
Marêchaux de Camp & principaux
Officiers de la Marine.
>
Il eſt calculé au Meridien de Paris.
L'on y trouve à l'ordinaire le lever & le
coucher du Soleil , ceux de la Lune , &
fes mouvemens ; les Naiflances des Princes'
& Princeffes de l'Europe. Le Clergé
de France , les Confeils du Roy , la
Grande Chancellerie & fes Officiers , le
Grand-Confeil , le Journal du Palais , le
Parlement , la Chambre des Comptes , la
Cour des Aydes , celle des Monnoyes &
des Treforiers de France , le Châtelet ,
& autres Jurifdictions . Les Payeurs des
Rentes , & leurs Contrôleurs . Les Dé-
2. vol. E v
par
2928 MERCURE DE FRANCE:
partemens & Regies des Fermiers Ge
neraux , & autres Compagnies de remarque.
Le départ des Couriers , les demeures
& Routes des Mellagers , les
Foires du Royaume , & c. avec une Table
alphabetique des Matieres . Vol . in 8 ° . de
389. pages. Le prix eft de 4. liv. broché.
PREMIER RECUEIL de Leçons de
Mathematiques dictées au College
Royal par J. Privat de Molieres , Profeffeur
de Philofophie au College Royal ,
& de l'Academie Royale des Sciences.
Dans lesquelles font contenues & démontrées
toutes les proprietez fondamentales
des Nombres , & tous les Calculs
qui ont été trouvez jufqu'à préfent.
Sçavoir , les Calculs des Nombres entiers
, des Fractions , des Radicaux , des
Polynomes ou de l'Algebre ; & celui des
Puiffances par leurs Expofans , traité à
fond , & dans toute fon étendue. Volume
in 12. contenant huit Leçons & 458. pages
, fans y comprendre les Avertiffemens.
A Paris , chez l'Auteur , au College
Royal , Place de Cambrai , & chez Robert-
Marc Defpilly , Place de Sorbonne.
Labotiere , rue faint Jacques , près la
Fonta ne faint Severin . Tabarie, Quai de
Conti , près la rue Guenegaud , vis - àvis
l'Abreuvoir..
2. vol.
Ов
DECEMBRE. 1726. 2929
On voit par l'Epître Dedicatoire de ce
Livre , adreffée à M. le Comte de Maurepas
, Miniftre & Secretaire d'Etat
que la principale vûë que l'Auteur s'eft
propofée en donnant les Leçons au Public,
a été que les Etrangers , & ceux qui
ne peuvent pas venir au College Royal ,
queFrançois I.a établi pour être l'Ecole de
toute la France , puiffent en profiter pref
que auffi - tôt qu'elles y font enfeignées.
Ce premier Recueil eft un Traité
complet du Calcul en general. Il commence
par un un font deux , & s'étend
par ordre jufqu'aux operations de l'Arithmetique
& de l'Algebre la plus fublime
; enforte qu'il ne laiffe rien à defirer
fur ce fujet , que la pratique de ces
operations , que l'Auteur donnera dans
un fecond Recueil , qui doit fuivre immédiatement
celui - ci , & qui contiendra
la methode de réfoudre non feulement
toutes les Questions de l'Arithmetique
ordinaire , mais generalement toutes les
regles de l'Analyfe.
L'Auteur prétend que pourvû que le
Lecteur fe donne la peine de le fuivre
pas a pas , il pourra , fans aucun autre fecours
que celui ,de fon attention , franchir
toutes les difficultez de cette fcience , qui
eft la bafe & le fondement de toutes les
Mathematiques.
2. volar Evj
Ces
2930 MERCURE DE FRANCE.
Cet Ouvrage a été examiné par l'Academie
des Sciences , & paroît fous fon
approbation. Voici le jugement qu'elle
en a rendu, & qui ne peut être plus avantageux
.
Extrait des Regiftres de l'Academie
Royale des Sciences , du 10. Juillet 1726.
Meffieurs Caffini , de Mairan & Nicole ,
qui avoient été nommez pour examiner
un Ouvrage de M. l'Abbé de Molieres ,
intitulé , Leçons de Mathematiques , & c.
en ayant fait le
fait le rapport , la Compagnie a
jugé que les matieres y étant arrangées
dans l'ordre qui leur convient , & les
operations bien expliquées & bien démontrées
, cet Ouvrage feroit utile à
ceux qui s'appliquent à ces Sciences . Fait
à Paris ce 13. Juillet 1726. Fontenelle ,
Secretaire perpetuel de l'Academie Roya
le des Sciences.-
TRADUCTION d'un Memoire Anglois
de M. le Docteur Littlejohn , l'un des
Medecins de la Flotte de Sa Majesté
Britannique , qui contient la maniere de
faire ufage des remedes pour la gueri
fon des Hernies. Par Bermingham , Chirurgien
Juré de faint Come à Paris , approuvépar
les Docteurs Mead , Friend,
Meffieurs Pelmer & Chifelden , Chirurgiens
Jurez de Londres préfenté à
2. vol.
La
DECEMBRE. 1726. 293 V
la Chambre des Mylords de l'Amirauté.
Lettre de ladite Chambre de l'Amiraute
aux Officiers de la Flotte de Sa Majesté
Britannique, à Londres,le 1. Juin 1726.
A. S.
MESSIEURS ,
,
+
Le Docteur Littlejohn , cy- devant l'un
des Medecins de la Flotte de Sa Majefté ,
nous ayant propofé une maniere de gue-
-rir facilement ceux qui dans nos Navires
fe trouveroient attaquez de Defcentes ,
-nous l'avons fait examiner par Meffieurs
·les Docteurs Mead
Friend , & par
Meffieurs Pelmer & Chiſelden , Chirur
-giens Jurez de Londres , lefquels nous
ont rapporté que la methode propofée
par ledit Sieur Littlejohn eft fort jufte ,
& qu'elle peut être d'une grande utilité
-pour le Public , fur tout dans les Hernies
recentes , & qu'elle fera d'un grand ſe-
>cours dans les Navires de Sa Majesté ;
c'est pourquoi nous vous envoyons la
copie du Memoire qui contient cette methode
, & vous prions de le faire mettre:
en pratique dans vos Navires , tant pour
le préfent que pour l'avenir. Signé Jennings
, Cockburn, Chetruyud & Weger..
Meffieurs les principaux Officiers de
L'A
2. vol.
1932 MERCURE DE FRANCE.
l'Amirauté nous ayant fait fçavoir qu'ils
fouhaitent que la methode de guerir les
Hernies leur fut communiquée , dans
K'intention de la rendre publique pour le
bien & l'utilité de la Marine.
pour
C'eſt obéir à leur ordre que le
Sieur Alexandre Littljeohn , M. D. cydevant
Medecin de la Flotte , à communiqué
ladite methode,
Quoique les Medecins & Chirurgiens
par mer & parterre prétendent connoître
la nature & la caufe des Defcentes ,
cependant il feroit neceffaire qu'on trouvât
remede à un fi fâcheux accident ;
ainfi l'on propoſe un moyen d'y remedier
, lequel étant duëment executé , doit
certainement faire l'effet efperé.
La premiere intention pour la guerifon
des Defcentes eft la réduction & replacement
des parties forties de leur fituation
naturelle dans les cas où il n'y a
point d'adhérence des parties ; & la réduction
cependant fe trouvant difficile ,
en quoi les prefcriptions fuivantes doi
vent être appliquées.
. Herb. Abfinthii Roman.
Centaurii minoris ,
Meliloti ,
Hyperini ,
Flor . Rofarum rubrarum ,.
Anthos ana Mi.
2.vol. Coque
DECEMBRE. 1726. 2935
Coque in aquæ fontanæ libris fex ad
libras quatuor , & adde vini rubri libras
duas , tùm coque leviter per horam , ut
fiat colatura pro fotu calidiffimo , Herniæ
, & Pubis regioni adhibendo , cùm
ftuphis leneis alternatim applicatis.
B. Sem. Sinapi Zvj.
Coque per horam, in aquæ fontanæ libris
quatuor , fiat colatura , ufurpetur ut
fuprà.
B. Rad. Liliorum alborum ,
Cicuta ana partes æquales.
Incifis & contufis , coq. S. a . in aquæ
q. S. ut fiat cataplafma , Herniæ , calidè
applicandum .
B. Rad. Polygonati Zvij .
Jalappe ,
Aloës Succotrina ana 3j .
Pulver . Subtil . & gradatim mifce , in
Mortar. marmor. fub finem addendo .
Ol. Cinamon. gut. xxx. cum Sachar.
alb. 36. m. f. pulvis dofis à 3. ad ij .
fumenda mane in jufculo avenaceo , vel
in Bolo , cùm electuarii lenitivi q. s.
On doit donner les poudres laxatives
au commencement de la guerifon pendant
huit ou dix jours confecutivement ,
après quoi il faut continuer l'efpace de
fix femaines cu de deux mois , en repetant
la même choſe deux ou trois fois la
femaine:ce qui contribuera beaucoup à la
Z.Valor
gue.
1934 MERCURE DE FRANCE .
7
guerifon . On le doit donner dans tous
les cas où l'application exterieure eft
neceflaire , afin d'en faciliter la reduction
des parties. Quand la Defcente eft toutà-
fait réduite , alors on applique un
cauftique au deffus.de l'os pubis, à la perforation
du paffage des vaiffeaux fpermatiques.
La plus forte huile de vitriol eſt
la cauftique que j'ai recommandée; on en
doit frotter la partie , jufqu'à la quantité
Tequile à faire penetrer au travers les
membranes ; car plus l'efcarre eft profonde
fans endommagement , & plus elle
répondra effectivement à la fin requiſe. !
L'application peut être réïterée deux
ou trois jours de fuite , afin de faire l'efcarre
affez profonde, en obfervant néanmoins
de couper fuperficiellement dans
F'efcarre , afin que l'huile de vitriol
puiffe mieux penetrer. L'efcarre doit
être panfée avec l'emplâtre de Paracelfe
& Oxycras , parties égales , étenduës
minces fur du cuir. Cet emplatre feul
fuffic pour feparer l'efcarre , & cicatrifer
la partie. En cas qu'il furvienne des fongus
, excroiffances , ou chair baveuſe ,
on fe trouvera gueri par les frequentes
applications de la Pierre Infernale , faite
avec de l'argent de coupel , & un plumaffeau
de charpie feche fur la partie.
Pendant que la guerifon fe fait , on
Zoo vola
met
DECEMBRE. 1726. 2935
met des comprefles graduées fur les parties
, pour empêcher la Defcente , avec
une bande de fine flanelle , de longueur
& largeur , à proportion du fujet .
Après que la partie eft cicatrifée ,
Empl. ad Herniam , y doit être appli
qué avec une trouffe ou bandage , pour
fuftenter la partie jufqu'à ce que la cicatrice
devienne fuffifamment dure &
calleufe , pour fuppléer au défaut d'une
trouffe ou bandage artificiel .
On doit bien confiderer pendant la
cure le regime du malade. Il lui faut du
repos , & fur tout au lit ; un regime moderé,&
une nourriture de facile digeftion
eft neceffaire. Des herbages , de groffes
viandes , le laitage , & tout ce qui peut
caufer des vents ou conftipation, lui font
contraires.
La methode pour guérir les Defcentes
, cy -deflus mentionnée , a tellement
réüffi dans des cas particuliers , qu'on
efpere qu'une pratique judicieufe & fidelle
le rendra très -utile au Public.
Le cauftic ne convient que dans les
Hernies incomplettes.
- BERMINGHAM , Ecuyer, ChirurgienJure
de la feue très -Haute ,très - Excel . & très-
Puiffante Princeffe Marie- Beatrix d'Eft ,
Reine -Mere Doüairiere de la Grande
Bretagne Chirurgien , tant à l'Hôtel-
Diew La vola
2936 MERCURE DE FRANCE.
Dieu qu'à l'Hôpital General de Paris
pendant dix - huit années , avec une ap
probation authentique , ayant gagné ſa
Maîtriſe par le grand foin & l'attachement
qu'il a eu pour les Pauvres dudit
Hôpital General , Chirurgien Juré de
Saint Cofme à Paris , & Chirurgien Juré
de Londres.
EXTRAIT d'une Lettre écrite de
Lyon aux Auteurs du Mercure , le 26 .
Novembre 1726 .
L'Academie des Sciences & des Belles
Lettres de cette Ville vient de tenir une
Séance publique , à laquelle le Prince
de Saxe- Gotha a affifté. Ce Prince a
demandé d'être reçû au nombre des Academiciens
Honoraires. M. Chenel y a lû
un Diſcours fur la maniere de philofopher
de M. Defcartes , dont il a fait l'Apologie
, & il a prouvé par des raifons
nouvelles que fon opinion touchant l'ame
des bêtes n'étoit contraire ni à la raifon
, ni à la Religion.
M. Peftaloffy a lû enfuite des Obfer
vations Phyfiques Medecinales fur un
fait très- fingulier & veritable , arrivé à
Vienne en Dauphiné. Un enfant à l'âge
de quatre ans & huit mois fut attaqué
d'une léthargie qui duroit vingt- quatre
heures. Dès qu'il fe réveilloit , il de-
2. vol.
manDÉCEMBRE.
1726. 2937
mandoit à manger , & il a mangé avec
tant d'apetit pendant l'efpace de quatse
mois , que fon corps a fait dans cet efpace
de quatre mois tout le progrès qu'il n'auroit
dû faire que dans quinze années , cet
enfant ayant à l'âge de cinq ans la même
grandeur , la même force & la même
groffeur d'une perfonne de vingt ans ,
ayant auffi du poil aux endroits accoutu
mez. Il portoit un grand fceau plein
d'eau , & un poids de cinquante livres .
Il étoit outre cela tout - à - fait nubile. Ce
fait, au refte, eft de notorieté publique dans
la ville de Vienne , d'où l'on mande que
ce jeune prodige eft mort d'une débauche
de vin , & que l'efprit n'avoit pas
fait le même progrès que le corps. M.
Peftaloffy a démontré par des raiſons
phyfiques & curieufement développées ,
que ce prodige a pû arriver naturellement.
M. de Regnault , Directeur , a répondu
à ces deux Academiciens , & a réſumé
leurs Difcours d'une maniere polie & ingenieufe.
Permettez -moi d'ajouter que dans
Affemblée publique d'après la Saint
Martin 1725. M. Deglatigny , le cadet ,
lût un Difcours fur l'origine & l'antiquité
de l'Ironie , & fur l'ufage que l'on
en avoit fait jufqu'alors , fur celui
qu'on
2. vol.
2938 MERCURE DE FRANCÈ :
*
qu'on en devoit faire. M. de Billy lût
enfuite une Differtation fur les changemens
qui font arrivez dans les Arts , dans
les Sciences & dans les Moeurs chez les
François , depuis la fondation de la Monarchie
, & fit le parallele de l'état où ils
étoient alors , & de celui où ils fe trouvent
aujourd'hui.
Dans l'Affemblée d'après Pâques , le
R. P. Lombard lût un Difcours fur l'enjouëment
dans les Ouvrages d'efprit , &
M. de Pont - Saint- Pierre un Difcours fur
Le Sublime.
Enfin , vous pouvez annoncer au Pu- -
blic , que les Academiciens des Sciences
& des Belles Lettres de Lyon fe préparent
& travaillent actuellement à donner
au Public un Recueil des Differtations
qui ont été lûës dans cette Academie
, à qui la Ville vient de donner une
très -belle Salle dans le fuperbe Hôtel de
Ville , pour y tenir leurs Affemblées .
Le Pere de Colonia , l'un des Academiciens
, fait imprimer l'Hiftoire Litteraire
de cette Ville en deux vol . in 4 .
M. Aubert , auffi Academicien , travaille
toujours au Dictionnaire de Richelet ,
avec des Remarques Grammaticales ,
Hiſtoriques , &c. Il fera en quatre volumes
infol. Ce Livre fera achevé d'imprimer
à la fin de l'année 1727 .
2. vel. M.
DECEMBRE. 1726. 2939
M. Broflette , Secretairé de l'Academie
, va mettre fous preffe une belle Edition
des Oeuvres de Regnier , avec des
Remarques femblables à celles qu'il a
faites fur M. Boileau.
L'Academie des beaux Arts , qui fait
un Corps à part de l'Academie des Sciences
& des Belles Lettres , vient de finir
le fuperbe édifice deftiné pour les Conferences.
Les Concerts qu'on donne toutes
les femaines , deviennent de jour en
jour plus parfaits , par le foin qu'ont les
Directeurs de faire venir de toutes parts
les meilleurs Muficiens. Le Public attend
, par la perfection de la Mufique ,
que les autres Arts , qui font l'objet de
cette Academie , auront bien - tôt leur
tour , & qu'elle deviendra enfin une
Ecole des plus habiles gens dans tous les
genres .
Lettre écrite par M, Sarrau , Secretaire
de l'Academie Royale des Sciences de
Bordeaux , aux Auteurs du Mercure
Le 28. Decembre 1726 .
J'ai lu , Meffieurs , dans le Mercure
du mois de Septembre dernier , l'Extrait
d'une Lettre écrite de Bordeaux , qui
contient une Relation de la Fête de faint .
Louis celebrée par l'Academie de cette ,
z. vol. Ville ,
1940 MERCURE DE FRANCE.
•
Ville , avec lerapport que M. Sully a
fait à cette Compagnie de fa Pendule à
levier, pour la jufte meſure du temps en
Mer, & enfin une Critique du nouveau
Dictionnaire de la France.
J'ai été furpris de voir
que P'Auteur
Anonyme de cette Lettre y parle au
Rom & comme Membre de l'Academie :
ce qui eft contraire à un article de fes
Statuts , où il eft dit qu'aucun Academicien
ne pourra faire paroître un Ouvra
ge au nom de l'Academie , ou comme
Academicien , fans qu'il ait été examiné
& approuvé par l'Academie.
Cette raison , Meffieurs , m'oblige à
déclarer publiquement que cette Lettre
( qui d'ailleurs eft pleine de fuppofitions
& d'erreurs groffieres ) n'a pû être écrite
par un Academicien , que l'Academie la
défavoue , & qu'elle défavoüera toujours
ces fortes de Pieces , quand elles
n'auront pas fubi fon examen. Je ſuis ,
& c.
Difcours prononcez au Parlemens.
Le Lundi 25. Novembre , le Parlement
ouvrit fes grandes Audiences . M.
l'Avocat General Dagueffeau y prononça
un Difcours fur le bon goût , qui fut
trouvé plein de fens & de délicateffe. Il
20 vol.
ne
DECEMBRE. 1726. 2941.
e fe renferma pas dans ce qui regardoit
feulement le Barreau , il traita fon
fujet en general ; & apres avoir donné la
définition du goût , qu'il fit confifter dans
un difcernement parfait , non- feulement
du bon d'avec le mauvais , mais encore de
l'excellent d'avec le mediocre , il fit une
vive image de ce qui pouvoit contribuer
à l'acquerir & à le perfectionner. 11 dit
que fans ce difcernement , on ne parvenoit
jamais à faire un bon Ouvrage , ni
même à en juger fainement . Il fit voir
enfuite que le goût exquis étoit de tous
les Arts , de toutes les Sciences , & de
toutes les Profeffions ; que s'il étoit abfolument
neceffaire pour exceller dans
la Peinture , dans la Mufique , & dans
la Poëfie , il l'étoit encore plus pour réüffir
dans l'Eloquence , furtout dans celle
du Barreau ce qui lui donna lieu de parcourir
les talens & les grandes qualitez
qui doivent compofer l'Orateur , & qu'il
dit ne pouvoir jamais être que le fruit
d'un travail affidu & du bon goût . Il parcourut
les temps & les Pais où ce goût
avoit paru avec le plus d'éclat , il cita la
Grece & Rome , l'une & l'autre fameufes
par tant de rares Efprits & d'Ourages
admirables en toutes fortes de
genres. Il dit , que depuis un fiecle la
France pouvoit juftement fe vanter d'ê-
2. vol. tre
2942 MERCURE DE FRANCE
tre leur Emule , qu'elle avoit eu fes Euripides
, fes Demofthenes & fes Cicerons
; mais que le bon goût , après être
parvenu au plus haut periode dans l
Grece & dans Rome , étoit infenfiblement
tombé , & y avoit pendant longtemps
fouffert une entiere décadence :
qu'il n'en étoit pas de même de la Nation
Françoîfe que le bon goût y regnoit
plus que jamais , & qu'il n'y avoit
pas lieu de craindre de l'y voir celler fi
tôt , principalement dans les Orateurs
qui brilloient au Barreau , dont la perfection
étoit de fçavoir joindre à un dif
cernement fin & délicat , l'amour de la
Patrie & de la Religion .
M. le Premier Prefident adreffa enfuite
aux Avocats , un Difcours composé
avec beaucoup d'élevation , & prononcé
avec majefté , contenant une vive reprefentation
des devoirs de leur profeffion,
& des défauts ou écueils qu'ils devoient
éviter ce qui le divifoit naturellement
en deux parties. Il fit entrer dans la preniere
l'éloge de feu M. Begon , ancien
Avocat , mort dans le cours de l'année
, & il le fit avec des traits , qui le
caracteriferent parfaitement.
Le Mercredi 27. du même mois , le
Parlement s'étant affemblé pour les Mercuriales
, M. l'Avocat General Gilbert de
2. vol. Voifine
:
DECEMBRE. 1726. 2943.
•
Voifins , parla fur l'application continuelle
qu'un Juge doit donner à toutes
les fonctions de la Magiftratufe. Il mit
dans tout fon jour la honte & le deshonneur
qui accompagnent ceux , qui
fans aucun amour pour la Juſtice , ou
blient entierement ce qu'ils lui doivent,
& paffent toute leur vie dans les plaifirs
, ou dans des occupations qui lui
font étrangeres , ou à faire leur Cour
aux Grands , aufquels ils tâchent de fe
rendre neceffaires , dans la vûë de parvenir
par leur canal à des graces & à
des honneurs , qu'ils ne pourroient acquerir
fans cette efpece de fervitude.
D'un autre côté , il fit voir toute la gloire
dont étoit environné le Magiftrat ,
qui fidele à fes devoirs , ne neglige rien
de ce que fa profeffion exige de lui , &
met toute fon ambition à bien fervir fa
Patrie , & à être utile à fes Concitoyens.
Il dit que cette gloire ne ſe bornoit pas
feulement à la vie du Magiftrat , mais
qu'elle s'étendoit encore bien loin après
fa mort. Pour le prouver il rappella da
memoire de feu M. Portail , Confeiller
de la Grand' Chambre , pere de M. le
Premier Prefident , & Ayeul de M. Portail
, qui vient d'être reçû dans la charge
de Preſident à Mortier , auquel , ditil
, on ne pouvoit rien defirer de plus
2. vol. F que
2944 MERCURE DE FRANCE ,
que de reffembler à fon illuftre pere &
à fon Ayeul. Il finit par l'éloge de M.
Amelot , ancien Prefident de la troifié.
me Chambre des Enquêtes , mort pen .
dant l'Automne ; il le peignit dans une
très longue carriere , toujours occupé
des devoirs de fon état , qu'il n'avoit ja
mais perdu de vue jufqu'au dernier moment
de la vie.
M, le Premier Prefident prononça auffi
un fort beau Difcours fur le prix & le
bon ufage du temps ; il y reprit l'éloge
de M. le Prefident Amelot , & y fit
encore entrer ceux de M. Lambert
de Torigny , Preſident de la premiere
des Requêtes , & de M. Gautier
du Bois , Confeiller de la Grand' Chambre
, morts dans le cours de l'année .
Nous apprenons par un Memoire qui
vient de nous être envoyé d'Amiens
que le fieur Lagache , qui continue de
s'appliquer à la perfection des Arts , a
bien augmenté , & a , pour ainsi dire ,
perfectionné fes moulins de bois , dont
nous avons parlé dans notre Journal du
mois de Juin 1725. L'élevation des eaux
fe fait fur un modele mouvant qu'il a
conftruit , & qui fera un mouvement
perpetuel , quand on lui aura donné le
premier branle. Il y a deux tuyaux pour
2. vol. J'éleDECEMBRE.
1726. 2945.
3
l'élevation des eaux , une roue à fabot
de .... pieds de diametre , deux foufflets
d'une nouvelle ftructure , foit pour
fouler , foit pour aſpirer l'eau d'une
maniere plus aifée que par les pompes
ordinaires , lefquels agiront fans frottement.
Chaque foufflet contiendra , par
exemple , un pied- cube d'eau , qui peze
70- livres. La rouë à fabot fait faire fix
mouvemens aux deux foufflets en un
tour , qui font 420. livres de pefanteur
d'eau , dont il y en a moitié pour le
levier de 210, livres , ce qui eft plus
que fuffifant pour
donner le
mouvement
aux deux manivelles des foufflets. Les
fabots fe rempliffent par le haut , & ſe
vuident par le bas. Le mouvement qui
fait vuider trois fois chaque foufflet en
un tour de rouë eft triangulaire , & trèscurieux.
Le fieur Lagache a encore trouvé depuis
peu la maniere de tourner au tour
toujours du même côté , avec l'archet à
la main , comme avec le pied, fans gran
de ni petite roue : il fe fert d'un crochet
qu'il applique à la piece qu'il
· veut tourner , & fait cette manoeuvre
avec beaucoup plus de facilité & d'agré
ment.
Nous avons parlé dans le Mercure
Bar Voke Fij
• de
2945 MERCURE DE FRANCE.
de Novembre dernier , page 25 26. d'une
Carte de France dreffée par M. d'Anville,
Geographe ordinaire du Roi , pour
entrer dans un Ouvrage qui s'imprime
actuellement à Londres . Ayant annoncé
cette Carte comme un Ouvrage exact
& précis , nous croyons qu'il eft à propos'
de faire connoître au Public le jugement
que l'Académie Royale des Sciences
en a porté.
:
Extrait des Regiftres de l'AcadémieRoyale
des Sciences , du 4. Decembre 17 26.
Mrs Maraldi & Chevalier, qui avoient
été nommez pour examiner une nouvelle
Carte generale de la France , dreflée
par M. d'Anville , en ayant fait leur
rapport , da Compagnie a jugé que cette
Carte étoit conforme aux obfervations
dans les déterminations des longitudes &
latitudes , autant qu'une Carte generale
le peut être , qu'elle étoit correctement
& proprement deffinée , le détail des Côtes
précis , & le choix des pofitions fait avec
connoiffance & jugement. En foi dequoi
j'ai figné le preſent Certificat , à Paris ce
5. Decembre 1726 .
Signé , FONTENELLE,
Sec. perp. de l'Ac. Roy.
des Sciences
DECEMBRE . 1726. 2947 ·
La fuite de l'Ouvrage de M: Sully .
qu'il a promis dans l'Avertiffement de
la defcription de fa nouvelle Pendule de
Mer , fera achevée d'imprimer à Bordeaux
avant la fin de ce mois. L'Auteur
y a été faire les experiences , en préfence
de Mrs de l'Académie des Sciences &
Arts de cette Ville , lefquelles experiences
ont réüli . Cette fuite , avec la defcription
déja imprimée , fera un in Quar
to d'environ 250. pages , avec Figures ,
& fe vendra fix livres en blanc . On le
trouvera à Paris , chez Briaffon
Saint Jacques à Bordeaux , chez Remond
la Bottiere , fur la Place du Palais ;
& chez J. Fred. Bernard , Libraire à
Amfterdam. Nous donnerons dans le
Mercure du mois prochain quelque
idée du contenu de ce Livre , qui , felon
ce que nous en avons déja appris , fera
très curieux & intereffant pour la Na
vigation .
ruc
On mande de Londres , qu'un Maîfre
Tifferand a inventé une Machine
par le moyen de laquelle , un homme ſeul
peut faire autant de pieces de ruban , que
12. hommes en peuvent faire avec les
Métiers ordinaires .
On mande auffi , qu'un fameux Jar
dinier de Sherborn , a cultivé dans fon
Fii jardin
2. vol.
1948 MERCURE DE FRANCE.
jardin une Rave ou Navet , qui peſoit
plus de 45. livres , & un excellent Me-
Ion mufqué , qui avoit 27. pouces de
diamettre.
Nous apprenons par une Lettre de M,
le Maire , Conful de France à Tripoli
de Syrie , écrite le 25. Juin 1726. que
le 16. Fevrier précedent , il parut fur
l'horizon de cette Ville , vers les 7. heures
du foir , deux Phenomenes celeftes .
C'étoient deux Corps lumineux & enflammez
, dont le premier avoit à peu
près la figure du Soleil , excepté qu'il
étoit un peu ovale , & qu'il avoit une
queue. Il parut à l'Occident; & parcou
rant l'horizon , termina une courſe pré
cipitée vers l'Orient , cette courfe n'ayant
duré que dix minutes . L'autre Corps
lumineux & enflammé defcendit per
pendiculairement du Ciel , & vint tomber
directement fur la Ville en fe diffipant
, ce qui ne dura que fix minutes .
Paul-Hypolite de Beauvillier , Duc de
S. Aignan , Pair de France , Chevalier
des Ordres du Roi , Comte de Montrefor
, Baron de la Ferté - Saint - Aignan ,
de la Salle- lez Cleri & de Chemeri ,
Gouverneur & Lieutenant General pour
le Roi des Ville & Citadelle du Havre
4. vol. de
DECEMBRE: 1726. 2949
de Grace & Pays en dépendans , Gou
verneur auffi pour le Roi des Ville &
Château de Loches & Beaulieu , Confeiller
au Confeil de Regence , Brigadier
des Armées de S. M. ci - devant Ambaffadeur
Extraordinaire en Efpagne
Premier Gentilhomme de la Chambre de
feu M. le Duc de Berry , fut élû par
l'Académie Françoife , le 12. de ce mois,
pour y remplir la place de feu M.
Boivin:
L'Académie Royale des Sciences a
nommé des Commiffaires , pour faire
leur rapport fur l'utilité d'une Machine,
que M. Paris l'aîné a fait venir d'Angleterre
, pour tirer des tables de plomb
entre deux rouleaux d'acier, ce qui les rend
beaucoup plus propres à refifter aux impreffions
de l'air , que celles qui font
coulées au fable , comme on fait en
France.
On s'eft avifé cette année de faire
imprimer un Almanach du Parnaffe , ou
on a mis quelques Pieces fur le compte
de gens qui les defavouent ; entr'autres
M. l'Abbé de Maccarthy , qui n'a jamais
fait de Pieces de Theatre , y eft
chargé d'un Ouvrage de la Comedie Ita-
Fiiij lienne,
2. vol.
د
2950 MERCURE DE FRANCE.
lienne , auquel tout le monde fçait qu'il
n'y a aucune part.
Le R. P. Dom Jacques Bouillart , Sacriftain
de l'Abbaye S. Germain des Prez,
& Auteur de la nouvelle Hiftoire de cette
Abbaye , publiée en 1724. mourut le
11. Decembre , âgé de 58. ans . Il a
procuré par fes foins des embelliffemens
confiderables à l'Eglife de S. Germain ,
entr'autres les dix grands Tableaux placez
dans la Nef, Ouvrages de l'émulation
de quelques Peintres de l'Académie
, qui font en reputation , & qui travaillent
avec fuccès,
donne
Le fieur Lefcure , Chirurgien des
Gardes du Corps de S. M. C. la Reine,
feconde Douairiere d'Eſpagne
avis au Public , qu'il continuë de diftribuer
fon remede contre l'Epilepfie ou
Mal caduc , Vapeurs , & Maladies convulfives.
Il n'en a obtenu le Privilege
du Roi qu'après avoir donné des preuves
de fon infaillibilité , par les experiences
qu'il en a faites à Verfailles , fous les
yeux de M. le premier Medecin de
S. M. & à Paris , dans l'Hôpital General
, fous ceux des Medecins & Chirurgiens
dudit Hôpital . Outre cela if
en avoit fait de confiderables , qui étoient
2. vol.
conDECEMBRE.
1726. 2951
connues de quelques uns d'entre Mrs.
les Medecins de la Faculté de Paris ,
& quantité , tant en Province , que dans
les Pays étrangers .
,
Il fouhaiteroit bien , pour l'avantage
du Public & fa propre fatisfaction ,
pouvoir citer les perfonnes fur lefquelles
il en a fait , & en fait tous les jours
de nouvelles ; mais tout le monde ſçait,
que la qualité de la maladie ne lui permet
pas de prendre cette liberté, Cependant
il peut fe flatter d'en pou
voir donner des preuves convainquantes.
( fans faire la moindre peine à per fonne
) à ceux à qui il refteroit encore quelque
doute , s'ils lui font l'honneur de s'a
dreffer à lui.
Son remede confifte en une prépara →
tion des métaux & mineraux , reduits
par une operation de l'art , en forme de
Sel , & fe diftribuë fous le nom de Sel
d'or ,parce que ce précieux métal en fair
une principale partie. I eft très facile
à prendre & fon action eft fi douce , qu'on
ne l'apperçoit le plus fouvent , que par
les bons effets qu'il produit ; il le conferve
auffi long - temps que l'on veut
& peut fe tranfporter par tout , fans rien
perdre de fa vertu .
Le fieur Lefcure demeure rue de Gre
2 vol. B v. nelle
2952 MERCURE DE FRANCE.
nelle S. Honoré , dans la Porte cochere ;
vis- à- vis l'Imperatrice.
Le fieur Turben a feul le fecret
de compofer le veritable Suc de Regliffe
de Guimauve , fans Sucre , fi renommé
& approuvé par Mrs les Me
decins de la Faculté de Paris , & autres,
Jefquels s'en font fervi & s'en fervent
actuellement pour toutes les Fluxions
de poitrine , Chaleurs de Gorge , Rhumes
, & Afmes : il fortifie la poitrine ,
adoucit la voix , arrêté le crachement
de fang , détache les flegmes de la poitrine
, fait cracher , adoucit la pituite, &
il eft propre auffi pour tous les Pulmon
ques : I fe porte par tout , & fe conferve
fans rien perdre de fa qualité.
Le fieur Turben , qui donne cet avis
au Public , tient ce Secret de M. Guy,
ci-devant Apotiquaire de feu M.le Prince
, & depuis reçû Premier Medecin de
Charles II. Roi d'Angleterre.
Sa demeure eft rue des Vieilles-Etuves,
abez un Menuifier , au premier Etage ,
en entrant par la rue S. Honoré , à ma in
droite , vis-à - vis un Chirurgien.
2. vol. CHANTHE
NEW
YORE
PUBLIC
LIBRARY
.
ASTOR
, LENOX
AND TRDEN
FOUNDATIONS
.
T
4.
LNOX
AND
.
PILOEN
FOUNDATIONS
.
DECEMBRE. 1726. 2953
g g g g g g g g g g jƒ ƒ įj
CHANSON.
Par le Sieur Courand.
Aprés d'un vieux Epoux , au lever de
La jeune Iris apperçut un Moineau ,
Careffer fa moitié fur un tapis de Flore ,
Et pour recommencer encore ,
Voler au fommet d'un berceau.
Pour voir le tendre amour de ce couple fidelle
,
Iris en foupirant éveille fon Epoux.
Mais au lieu d'écouter les difcours de la Belle,
1
Laifez- là vos Moineaux , lui dit- il cn cour
roux ;
Aimerez- vous toujours la bagatelle.
SPECTACLES.
E 26. de ce mois , les Comediens
Tragedie d'Electre de M. Crebillon
2. volo F vj
dans
2954 MERCURE DE FRANCE.
dans laquelle la Dlle du Seine joua le
principal rôle avec applauditlement.
Le même jour , la Dile le Maure ,
après une longue abſence , reparut fur
le Theatre de l'Opera , dans le rôle de
Thiſbé , à la grande fatisfaction du Public
, qui par des applaudiffemens redoublez
, rendit juftice à fa belle voix , & à
fon jeu fimple , noble & naturel.
On prépare l'Opera de Proferpine ,
pour donner après Pirame & Thif
bé. Le fieur Servandoni , Peintre Italien
, dont on a déja parlé , travaille à de
nouvelles Decorations pour cet Opera ,
dont on donnera la defcription dans le
temps,
Les Comediens François ont remis au
Theatre la Comedie de l'Andrienne
de M. Baron , imitée de Terence , qui
fait un extrême plaifir ; elle eft parfai
tement reprefentée dans le vrai goût de
la bonne Comedie . L'Auteur y jouë le
rôle de Simon . Les autres principaux
rôles de Pamphile , de Dave , de Glicerie
, & de Milis , font remplis par les
feurs du Frefne & la Torilliere , &
par les lles Dangeville & des Hayes.
Les mêmes Comediens preparentplu-
2... vol.
Lieurs
DECEMBRE. 1726. 2955
Geurs Pieces nouvelles pour le commen
cement de l'année. La Nouveauté , petite
Comedie du fieur le Grand , avec
des Intermedes & Vaudevilles ; la Tragedie
d'Alceste , de M. de Boiffy , & la
Comedie en Vers & en cinq Actes , de
M. Nericaut des Touches , qui a pour
titre Le Philofophe ébauché.
Les Comediens Italiens doivent donner
au commencement de Janvier Le
Portrait , petite Comedie nouvelle , &
d'autres nouveautez dont on parlera ens
leur temps
.
EXTRAIT DE LA COMEDIE
Intitulée le Philofophe dupe de l'Amour,
reprefentée fur le Theatre de
PHôtel de Bourgogne.
Quoique cette Piece n'ait pas eu beau Coup de reprefentations , l'Auteur
n'en eft pas moins eftimable , & nous
avons appris que la Cour lui a rendu la
juftice que la Ville a femblé lui refuſer.
Nous en allons donner un Extrait , pour
fatisfaire à nos engagemens envers le
Public.
Un Philofophe , appellé Pantalogue,
a été chargé de l'éducation d'un jeune
2. Vola fille
1956 MERCURE DE FRANCE.
fille , à qui l'Auteur a donné le nom de
Lucinde. Pantalogue n'a pas prétendu en
faire une agnès , mais plutôt une fçavante
; il ne lui a laiſſé ignorer que l'Amour
, perfuadé que rien n'eft plus contraire
à la vraie Philofophie , que cette
paffion tumultueule qui met toutes les
autres en mouvement. C'eft pour la fouftraire
à l'Amour , qu'il la tient dans une
efpece de prifon , dont l'approche eft défendue
au refte des hommes . Lucinde ne
voit que lui , & peut - être fe rend- il affez
de juftice , pour fe croire fans confe
quence. Mirto , fa femme , penfe autrement
de lui, elle croir qu'il eft amoureux
de fon Ecoliere, elle lui en fait des reproches
dont il ne fait pas grand cas ; elle
n'en demeure point là , elle entreprend
de lui donner quelque Rival , qui lui
enleve une fibelle proye . C'eft dans cette
vûë qu'elle en parle avantageufe ment à
un jeune Eleve de fon mari : ( ce jeune
homme s'appelle Celio . ) Le recit que lui
fait Mirto au fujet de Lucinde , pique
fa curiofité , fon coeur femble s'avancer
au-devant du trait qui doit le bleffer.
Pantalogue veut parer le coup . Il s'adreffe
à une Magicienne , appellée Urgantia
, & la prie de vouloir paroître
aux yeux de Celio , fous le nom de Lucinde.
La laideur d'Urgantia lui répond
2. vol. du
DECEMBRE. 1726. 1957
du fuccés de fon artifice . Elle voit Celio
fous le nom de Lucinde ; cette entrevûe
produit des effets bien differens dans
ces deux coeurs que l'Amour n'a pas faits
l'un pour l'autre. Celio ne doute point
que Myrto n'ait voulu le jouer , quand
elle lui a fait un portrait fi flatteur de
Lucinde, Urgantia au contraire ne trouve
Celio que trop aimable , & fe livret
toute entiere à l'amour que cette premiere
vûë lui infpire . Pour parvenir
s'en faire aimer , elle tâche de mettre
fon Valet Arlequin dans fes interêts
Elle lui promet une fortune des plus
brillantes fur la foi des Aftres qu'elle a
confultez . Elle lui donne de l'argent &
du vin , & le flatte de faire toujours
pleuvoir fur lui de fi benignes influances
, pourvû qu'il porte fon Maître à
l'aimer. A peine la fauffe Lucinde à.
elle quitté Arlequin , que la veritable
paroît à fes yeux. Arlequin l'entendant
s'appeller Lucinde , & la voyant fi belle,
ne doute point qu'une metamorphofe fi
extraordinaire ne foit un effet de la diablerie
de celle qui vient de lui faire
fentir les prémices du fort heureux que
les Aftres lui promettent. La veritable
Lucinde , qui a déja vû Celio , dont elle
a été charmée , & entendu la converfation
de Pantalogue avec Urgantia , loin
2. vol. de
1958 MERCURE DE FRANCE.
de détromper Arlequin , le laiffe dans
une erreur dont elle veut profiter . Elle
lui dit qu'elle n'eft pas fâchée que Celio
n'ait pu la fouffrir , fous la laide figure
qu'elle a d'abord expoſée à ſes yeux ;
mais qu'elle lui tiendra compte des tendres
fentimens qu'elle pourra lui infpirer
fous fa nouvelle forme. Arlequin
ne voit pas plutôt fon Maître , qu'il le
felicite fur l'amour que Lucinde a pour
lui ; il lui apprend que cette perfonne
qui lui a d'abord paru fi laide, eft belle
a charmer. Celio croit d'abord que fon
Valet a perdu l'efprit ; mais il fe doute
enfin du tour que Pantalogue lui a joüé;
il fe confirme dans fon opinion à l'approche
d'Urgantia ; & pour penetrer
tout ce myftere , il charge Arlequin de
Faflurer qu'il l'adore , & de lui dire de
à
fa
part , qu'il va l'attendre au jardin des
fleurs . Il fait connoître par un à parte,
qu'il lui donne le change , pour pouvoir
entretenir la veritable Lucinde fans être
inportuné. Urgantia , ou la fauffe Lu
cinde , donne dans le piege ; elle va
fe rendre au jardin des fleurs , tandis que
Celio adreffe fes pas vers l'appartement
où la chere Lucinde eft renfermée . Comme
ils fe cherchent l'un l'autre , il ne
leur eft pas bien difficile de fe trouver.
Leur converfation eft des plus tendres ;
2 val.
elle
DECEMBRE. 1726. 2959
>
elle a tant de charmes pour Lucinde ,
qu'elle ne s'apperçoit pas que le jour
celle de paroître. Un bruit qu'elle entend
la tire de cette efpece d'enchantement
c'eft Pantalogue qui vient la
chercher ; Urgantia vient dans le même
temps chercher Celio qu'elle n'a pas trouvé
au jardin des fleurs , où il lui avoit
fait donner rendez - vous , ils s'égarent
tous. quatre dans l'obfcurité : Lucinde ,
croyant parler à Celio , dit à Pantalogue :
Je vous défens de me retenir , on par
sette refiftance à mes volontez , vous détruire
ce que vôtre ve a commencé :
oui , Seigneur , je l'avoue , & la contrainte
où l'on me retient caufe cet aven
précipité. Je verrai avec plaifir que vous
vous intereffiez ici pour moi , & que vous
cherchiez les moyens de me delivrer de
Pantalogue, d'Urgantia, & de la Philofophie
, qui vont m'être plus defagreables
quejamais. Celio de fon côté , croyant
parler à fa chere Lucinde , dit à l'amoureufe
Urgantia : Ne me parlez point ,
belle Lucinde , de ce qui n'est pas vouss
je fuis affez puni d'avoir pu me tromper
au point de prendre tantôt pour vous cette
folle d'Aftrologue qui vous reffemble f
peu. Le Qui pro quo eft enfin tout- à-fait
éclairci , par l'arrivée de Mirto avec des
flambeaux. Pantalogue reconnoît qu'il
2. vol. ef
"
1960 MERCURE DE FRANCE:
eft la dupe de l'amour , voyant fon Eco
liere s'y livrer aveuglément , malgré le
foin qu'il a pris de le lui faire ignorer.
Celio époufe Lucinde au grand contentement
de Mirto , & au grand regret d'Urgantia
& de Pantalogue. La Piece finit
par ces Vers , qu'Urgantia prononce d'un
ton impofant & prophetique.
Amants audacieux , temeraires Epoux ,
Vous allez foulever tout le Ciel contre vous!
Je voi fur votre Hymen les Planettes , les Signes
,
Verfer tout ce qu'ils ont d'influences malignes.
Saturne va bien- tôt , de fes fombres vapeurs ,
Obſcurcir vos efprits , embaraffer vos coeurs ;
Mars , ravi de grofir ces funeftes nuages ,
Les fera chaque jour éclater en orages.
Lucinde , le Verfeau , Miniftre du Deftin ,
Mettra pour Celio de la glace en ton fein ,
Et- fera rencontrer fur fon front trifte & morne
,
Le Taureau , le Belier , avec le Capricorne.
Arlequin ajoûte à cela : en effet , c'eft
Phorofcope de tous les Maris ; & fi tous
ceux qu'il regarde battoient des mains ,
2. vol. nous
DECEMBRE. 1726. 2961
nous aurions un accompliffement prefque
general.
Tout ce que nous venons d'expofer
dans cet Argument , eft mis avec beau
coup d'art dans quinze ou feize Scenes.
Il y en a quelques unes où l'on a trouvé
que l'action étoit trop long - temps fuf
penduë ; mais on a avoué qu'elles n'étoient
pas hors du fujet, & qu'elles étoient
écrites avec beaucoup d'efprit. En voici
deux exemples. Dans la troifiéme Scene ,
Celio parlant à Pantalogue , & blâmant
l'aufterité rebutante de la Philofophie
lui dit : L'autre jour dans un des fuperbes
Jardins de cette Ville , je vis d'un côté fe
promener unejeune perfonne , belle , galamment
habillée , & dont l'efprit coquer
répandoit fur toutes fes manieres une viva™
cité charmante. Dans une autre allée marchoit
à pas lents un hommefec , trifte, négligé
dans fes manieres & dans fes habits &
C'étoit un Philofophe. La belle parfon ramage,
fes regards & fes minauderies tâchoit
de groffir la foule des Amans qui
l'accompagnoient. Le Philofophe , parfes
grimaces & par fes cris , vouloit perfuader
à fes Difciples que lui feul enfeignoit
le chemin de la verité. Il frondoit hautement
tous fes confreres , tandis que la Co
quette , par de petites railleries , infinuoit
plus finement qu'elle meritoit la préference
furfes Rivales , &c. Voici
1962 MERCURE DE FRANCE.
Voici le fecond exemple . C'eft Lucínde
qui parle à Pantalogue . Depuis ce
main deux oifeaux fur la même branche
ne fe font point quittez ; ils fe regardoieni ,
ils chantoient l'un à l'autre , ils fe répon
doient. Le filence qui fuccedoit à leur ramage
exprimoit quelque chofe d'auſſi
vif que leur chant. Je vous avoue que
leur chant , leurs regards , leur amitié
, cet oubli du reste de la nature , où les
jettoit le plaifir d'être enfemble , m'a caufè
une émotion.... des idées confufes .... ah !
qu'ils font heureux ! Il y a une infinité
de traits femblables répandus dans tout le
corps de l'ouvrage , qui groffiroient trop
cet Extrait.
LA FEMME JALOUSE , Comedie
reprefentée fur le Theatre de
l'Hôtel de Bourgogne le 11. Decembre
1726. Extrait
ACTEURS.
Flaminia , Femme de Lelio.
Lelio , Mari de Flaminia.
Silvia , Femme de Mario .
Mario , Mari de Silvia.
Pamphile , Rival de Mario . Lefieur Rica
coboni fils.
Dom Pedro , Pere de Flaminia. Le fieur
Romagnesi
CoDECEMBRE.
1726. 2963
Colombine , Suivante de Flaminia. La
Demoifelle la Lande.
Arlequin , Valet de Lelio .
Scapin , Valet de Silvia. Le fieur Domini
que.
Deux Laquais.
Un Crocheteur.
La Scene eft à Milan dans la Maifon
de Lelio.
Le fond de cette Piece , comme on l'a
déja dit , eft pris dans une Comedie Italienne
du fieur Lelio , qui porte le même
titre , & qu'on a toûjours vû reprefenter
avec beaucoup de plaifir. Le Public fouhaitoit
qu'elle fût mife en François. M.
Joli s'eft chargé du foin de répondre à ce
defir , & s'en eft heureufement acquitté.
ACTE I.
pa Dans la premiere Scene , Flaminia
roît dans un fauteuil en femme agitée
d'une violente paffion . Lelio eft en robbe
de chambre, prêt à fe faire habiller . Flaminia
reproche à fon Epoux une inconf
tance dont elle le foupçonne. Elle veut
qu'il lui ouvre une chambre , qui depuis
quelques jours eft fermée à tout le monde.
Lelio lui dit en vain qu'il a des raifons
indifpenfables pour n'y laiffer entrer
pervol.
964 MERCURE DE FRANCE.
perfonne elle s'obtine dans fa deinande
, & accable fon Mari de nouveaux reproches.
Lelio n'y pouvant plus tenir ,
ordonne à Arlequin de l'habiller promp
tement. Flaminia , fous prétexte de vouloir
rajufter fa perruque , la chifonne, &
fe retire en le menaçant de le plaider en
féparation, Lelio ne veut plus fortir .
Arlequin plaint fon Maître , d'avoir
une femme qui le tourmente fans ceffe
par fes tranfports jaloux . Lelio lui ordonne
de le laiffer feul.
Se voyant en liberté , il ouvre la porte
de la chambre où Mario eft enfermé.
Mario en fort avec un livre de l'Ariofte ,
qu'il met fur une table. Il déplore
le trifte deftin de fon ami , par rapport
à la jalouſie de fa femme. Lelio lui
répond, que tous les Maris ont leurs chagrins
:Voici comment il s'explique .
Le Ciel en nous farmant nous deſtine un fupplice
,
Par un trifte afcendant dont on fubit l'effet ;
On ne goûte ici bas aucun bonheur parfait :
En voulant me traiter avec quelque avantage
,
D'une femme jaloufe il a fait mon partage,
A le bien prendre au fond je fuis des mieux
traitez , & c.
2. vol. Lelio
DECEMBRE. 1726. 2965
Lelio apprend à fon Ami , que fes ennemis
confpirent contre fa vie , & qu'on
ne parle pas moins que de l'affalliner
pour venger fonRival Pamphile, à qui il a
enlevé Sylvia par un Hymen fecret . Il lui
donne une Lettre qu'il vient de recevoir
de Genes , & qui s'adreffe à lui. Mario
lit tout haut la Lettre , dont voici le contenu,
Songez à vous , mon cher Mario ;
Pamphile defefperé de voir que le Pere de
Sylvia lui a manqué de parole , eft parti
pour Milan , où il fait que vous vous
êtes rendu. Son deffein eft de vous appeller
en duel : mais comme fes parens ontjuré de
vous faire affaffiner , gardez- vous de paroitre
en public. Votre femme Sylvia eft
auffi partie , accompagnée du feul Scapin
dans l'efperance de vous trouver, Elle doit
aller chez le Seigneur Lelio , apprendre où
vous pouvez être. Elle fait qu'il est votre
ami , & qu'il ne vous abandonnera pas.
Depuis ma Lettre écrite , j'apprends que
vatre Pere fe difpofe à partir, & que Le
Jefouh
amphile forme le même
deßein
leur arrivée à Milan
terminer vos differends .
Cette nouvelle maniere d'expofer a
paru très - ingenieufe , & cette Lettre a
non feulement mis les Spectateurs au
fait de ce qui s'eft paffé , mais elle leur a
fait préfumer ce qui pouvoit arriver.
2. vol.
La
2966 MERCURE DE FRANCE.
La converfation de Lelio & de Mario
eft interrompue par les cris redoublez de
Flaminia , qui frappe à la porte. Lelio
fait rentrer Mario dans la chambre qui
4ui fert d'azile , & dont il referme la
porte .
Dans la Scene fuivante , Flaminia ,
avec fon courroux ordinaire , fe plaint à
Lelio de ce qu'on la fait attendre à une
porte comme un valet. Elle lui dit que
quelqu'un étoit enfermé avec lui , Lelio
le nie ; mais Flaminia lui difant que fon
oreille ne l'a point trompée, il lui répond
qu'il lifoit tout haut , & que c'eft là fans
doute ce qui lui a fait prendre le change.
Il lui montre , pour preuve de ce qu'il
avance , le Livre de l'Ariofte que Mario
a mis fur la table dans la Scene précedente.
Flaminia le prend , & le hazard lui
préſente d'abord cès Vers :
En m'éloignant de vos beaux yeux ,
Un injufte pouvoir , funeſte à ma tendreffe ,
Retranche de mes jours , dont vous êtes Maitreffe
,
Les momens les plus précieux :
Je ne puis fupporter les tourmens de l'abfence;
Le jour me devient odieux.
Ofort ! viens men priver , ou me rends la
préfence ,
2. vol. Du
DECEMBRE . 1726 2967,
Du plus parfait objet qui foit deffous les
Cieux.
Ces Vers , qui d'un côté juftifient Lelio
, le condamnent de l'autre . Flaminia
croit qu'il ne s'attache à lire des Vers fi
tendres , que pour faire une efpece de
converfation avec quelque Maîtreffe fecrete.
Elle accable Lelio de nouveaux reproches
, qui l'obligent enfin à fortir.
Flaminia ayant appellé Colombine , lui
fait confidence des fujets de plainte qu'elle
croit avoir contre Lelio. Colombine
lui témoignant fa furpriſe , elle lui répond
:
Il eft trop veritable ;
Et n'eft- ce pas pour nous un fort inévitable ?
Notre fexe eft fujet , dans le cours de fes ans
A deux fortes d'états entr'eux très- differens ,
Filles , nous exerçons un fouverain empire ;
Par les plus tendres foins on cherche à nous
féduire :
Nos Amans attentifs préviennent nos defirs ,
Sans ceffe nous paſſons de plaiſirs en plaifirs :
Nos moindres actions infpirent des allarmes ,
Nos défauts , tels qu'ils font , ont des graces,
des charmes ;
Nous avons de Venus la voix , les traits , la
port ,
2. vol. G Enfin ,
2963 MERCURE DE FRANCE.
Enfin , aucun bonheur n'égale notre ſott :
*
Dès que nous prononçons un oui qu'on demande
,
Les Amours , les Plaifirs , & leur joyeuſe
bande ,
Prennent fon l'effor , ne laiffant après
eux
Qu'un joug dont pour jamais on fe repent
tous deux.
›
Flaminia perfifte dans fes premiers
foupçons , au fujet de la chambre dont la
porte est toujours fermée. Colombine l'y
confirme en lui apprenant que Lelio
prend fain d'y entrer feul , furtout aux
heures de repas. Elle ajoûte qu'il y a uné
double ferrure , l'une en dehors , & l'autre
en dedans. Flaminia veut qu'on falle
venir fur le champ un Serrurier , pour
l'ouvrir, Colombine l'en détourne , &
lui promet de veiller fi bien fur tout ce
qui fe paffera , qu'elle fera inftruite fans
en venir à aucun éclat . Elles entendent
venir quelqu'un , ce qui les oblige à fe
retirer.
Dans la huitiéme Scene , Sylvia eft
fort furpriſe de n'avoir trouvé perfonne
à la porte , & d'être arrivée jufqu'à l'appartement
de Lelio fans avoir pû parler
à qui que ce foit. Elle dit à Scapin que
a, vol. Lans
DECEMBRE. 1726: 2969
fans doute il s'eft trompé. Scapin lui répond
, qu'il connoît la maifon de Lelio ,
pour y avoir été plufieurs fois . Il fort
pour un moment , dans le deffein de chercher
quelque Domeftique.
Dans un Monologue , Sylvia fait connoitre
fa tendrelle pour io , qu'elle
vient chercher , & fa crainte fur le peril
qui menace ce cher Epoux.
Scapin ayant rencontré Flaminia , revient
avec elle dans l'endroit où il a laillé
fa Maitreffe. Comme cette Scene entre
Flaminia & Sylvia , qui eſt joüée dans la
plus grande perfection par ces deux excellentes
Actrices a fait beaucoup de
plaifir , nous avons crû qu'on n'en auroit
pas moins à la voir inferée dans cet Extrait.
6
Flaminia , à part.
Tu ne me diras plus qu'à tort je te foup.
çonne ,
Perfide, contraignons notre reffentiment.
Sylvia.
Madame, vous voyez , j'en ufe librement : y
Mais l'état où je fuis , le temps , les circonftances
,
Me permettent fi peu les moindres bienféances
,
Que j'en rougis
B. vol. Gij
Flaminias
2970 MERCURE DE FRANCE.
Flaminia.
} Madame , il n'en eft pas beſoins,
Mon Mari ne doit pas exiger plus de foin :
Vous en avez trop fait.
Sylvia.
" Je veux qu'il m'en diſpenſe
Sans gêner les effets de ma reconnoiffance ;
Je lui dois tout , Madame.
Flaminia.
Il eft fort
genereux,
Sylvia.
Il fait plus ; il fe rend l'appui des malheu
reux ;
Le fervice important qu'il s'empreffe à me.
rendre ,
Eft tel que de lui feul j'aurois ofé l'attendre . -
Flaminia.
Je le crois , & je fais le fait dont il s'agit.
Yous le fçavez !
Sylvia.
Flaminia
Comment ? ce mot vous interdit.
Sylvia.
Je crois qu'il a très bien placé ſa confidence ;
2. vol. Er
DECEMBRE 1726. 2971
bien loin de vouloir Faccufer d'impru
dence ,
Je l'en eltime plus ; maître de tant d'attraits,
Madame , il doit pour vous avoir peu de fecrets
.
Flaminia.
Quand il voudroit fe taire en vous voyant
paroître ;
Je puis fans me tromper facilement connoître
Quel deffein vous conduit ; mais fans vous
prévaloir ,
Vous pouviez m'épargner le chagrin de vous
voir.
Sylvia.
Moi , Madame ! j'ignore en quoi ceci vous
* blefle.
**32
Flaminia.
Ah ! c'eft un peu trop loin pouffer la hardieffe.
Sylvia.
O ciel ! Scapin , où fuis -je ? & qu'eft- ce que
jentends
à Flaminia.
Vous devriez apprendre à connoître les gens ,
Madame , & ne pas prendre un ridicule ombrage
,
2. vol. Giij Qui
2972 MERCURE DE FRANCE.
Qui fait à mon honneur un fi fenfible <
trage ,
Je pourrois vous confondre en difant que
je fuis , &c.
Sylvia fe retire après avoir reproche
à Flaminia l'incivilité que fa jaloufie
vient de lui faire commettre.
Après une Scene entre Flaminia & Colombine,
fur ce qui vient d'arriver , &
que Colombine croit très innocent , Le
lio rentre, & demande ingénument à
Flaminia , fi la Dame qu'il vient de ren
contrer à la porte , eft de fes amies. Fla
minia prend cette demande pour un nouvel
outrage ou du moins pour un artifice.
Sa colere monte à un tel point qu'elle
tombe évanouie.
Dom Pedre qui furvient , eft fort
allarmé de l'état où il trouve la belle ;
il la croit morte , Lelio lui répond ironiquement
qu'elle ne mourra pas , & lui
apprend que ce qu'il voit n'eft que l'effet
d'une jaloufie la plus folle & la plus
´injufte qui fut jamais. Dom Pedre prie
fon gendre de le laiffer avec fa belle.
Flaminia reprend les efprits ; elle fe
plaint à fon pere, de l'infidelité de fon
'Mari ; & voyant que Dom Pedre ne
veut pas l'en croire , elle fe jette fur
fon épée pour s'en percer le fein.
2.wol. -ACTE
DECEMBRE. 1726. 2973
ACTE II. .
Le grand nombre des Scenes qui compofent
ce fecond Acte , nous empêche de
les donner par ordre & de les détailler ;
mais nous prendrons foin , de ne rien
omettre de l'action .
>
Flaminia toûjours plus obftinée à foupçonner
Lelio veut mettre Arlequin
dans fes interêts ; elle s'y prend d'abord
par les dons ; mais cela ne pouvant rien
fur lui , elle en vient aux plus cruelles
menaces; & lui prefentant un flacon , elle
lui dit qu'il contient un poifon qui lui
fera perdre la vie fur le champ , s'il ne
l'informe de toutes les actions de fon
Maître . Arlequin épouvanté lui promet
tout , elle le quitte en lui réiterant fes
ordres & fes menaces , elle revient
quelque temps après déguisée & contrefaifant
fa voix ; cela fait une Scene
des plus plaifantes dans le Jeu Italien
; Arlequin y excelle à fon ordinaire :
Flaminia lui donne un Portrait pour remettre
entre les mains de Lelio ; elle
fort & revient une feconde fois fans
nul déguiſement , elle demande à Arlequin
qui eft cette femme qui vient de
lui parler , Arlequin tremblant lui dit
que c'eft fa Blanchiffeufe qu'il doit époufer
au premier jour Flaminia lui fait
2. vol. G iiij en2674
MERCURE DE FRANCE .
entendre qu'elle a vû que cette femme
lui a donné quelque chofe ; Arlequin
croyant ne rien hazarder , luj avoue qu'el
le lui a donné fon Portrait Flaminia lui
ordonne de le lui montrer , il obeït :
Traitre , lui dit- elle , regardes fi tu m'as
tenu parole. Arlequin jette les yeux fur
le Portrait, & voit que c'eft celui de Fla
minia . Elle lui avoue que c'eft elle- même
qui lui a parlé pour éprouver s'il lui
tiendroit fa parole ; elle fait avancer en
même-temps Colombine avec un verre
d'eau , comme pour l'empoifonner. Arlequin
lui demande grace, & lui jure de
lui être fidele. Flaminia fait femblant
de fe laiffer attendrir ; elle repete à Arlequin
les premiers ordres qu'elle lui a
donnez , qui font de veiller fur Lelio ,
d'obferver tous fes pas & de lui en rendre
un compte exact , fincere & circonftancié.
Flaminia fe retire , Lelio vient ,
il demande à Arlequin pour quoi il ne l'a
pas fuivi. Arlequin lui demande à fon
tour d'où il vient , où il doit aller , ce
qu'il a fait , ce qu'il penfe actuellement,
& ce qu'il doit penfer dans la fuite ; cette
Scene qui eft dans le veritable jeu d'Arlequin
balourd, divertit beaucoup, fur tout
quand il compte tous les pas de fon Maître
, pour executer à la lettre les ordres
de fa Maîtrelle. On frappe à la porte,
2. vol.
Lelio
DECEMBRE. 1726. 2975
Lelio ordonne à Arlequin d'aller voir
qui c'eft , il n'obeït qu'à regret , parce
qu'il ne voudroit pas perdre fon Maître
de vûe , pour executer plus ponctuellement
les ordres de Flaminia. Pamphile ,
rival de Mario , entre avec Arlequin , il
donne une Lettre à Lelio de la part d'un
de fes amis. Lelio l'ayant lue , dit à
Pamphile qu'il n'oubliera rien pour fa
tisfaire aux devoirs que l'amitié lui pref
crit. Il s'agit dans cette Lettre de faire
connoître à Pamphile en quel lieu peut
être Mario , avec qui il prétend fe battre
en homme d'honneur. A peine Pamphile
eft-il forti , que Lelio ordonne à
Arlequin de fe retirer , & le met dehors
avec violence , voyant qu'il ne veut pas
fortir . Lelio fe trouvant en liberté , ou
vre la porte de la chambre de fon ami à
qui il apprend le deffein de Pamphile ;
Mario le prie de le laiffer fortir , puiſque
c'est pour une affaire d'honneur.
Lelio n'y confent pas , par la raison qu'il
craint que tous les ennemis ne foient pas
auffi genereux que Pamphile. Il lui propofe
de faire venir fa chere Sylvia déguifée
en cavalier. Mario lui repreſente
que ce feroit l'expofer à une nouvelle :
avanture auffi defagreable que la premie
re ; il lui dit qu'il vaut mieux qu'ils fe
déguiſent tous deux pour l'aller trouver
G.v chez
2. Vola
2976 MERCURE DE FRANCE:
chez elle. Lelio approuve ce confeil.
Il fait rentrer Mario, & écrit une Lettre
devant Arlequin , qui fait beaucoup de
lazzis pour pouvoir lire ce que fon Maître
écrit. Lelio lui dit d'aller porter cette
Lettre & s'en va. Flaminia furprend
la Lettre entre les mains d'Arlequin
elle en tire une copie qu'elle ordonne à
Arlequin d'aller porter où on lui a dit ,
elle y met une apoftille , par laquelle
Lelio s'excufe de s'être fervi d'une main
étrangere. Flaminia garde l'original pour
avoir de quoi convaincre Lelio d'infidelité
aux yeux de fon pere . La Lettre en
queftion eft fans adreſſe ; elle eft conçue
en ces termes.
MADAME ,
Je ne puis vous exprimer la grandeur
du péril que vous courez. Ne fortez point
de chez vous , je vous en conjure , &je
ferai mon poffible pour vous tirer de l'état
où vous êtes. Vous verrez bien- tôt celui
que vous aimez. Je ne puis vous en
dire davantage , n'ofant pas trop m'expliquer
dans ce Billet , qui peut être intercepté.
J'irai dans un moment chez vous.
Adieu.
Flaminia ne manque pas de montrer ce
2. vol. Billet
DECEMBRE. 1726. 2977
&
-Billet à fon Pere , qui après l'avoir lû
ne doute plus qu'elle n'ait raifon de fe
plaindre de fon Mari .
Cet Acte finit par un coup de Théatre
trés- plaifant. Lelio & Mario fe font
mafquez , comme ils en font convenus
Lelio en Cavalier & Mario en femme ,
pour aller chez Sylvia. Flaminia les furprend
dans le moment qu'ils vont fortir
; elle appelle fon Pere pour le rendre
témoin de cette derniere infidelité de
fon Mari ; mais elle en eft la dupe ; Lelio
pouflé à bout , démafque Mario , & fait
connoître que cette Maîtreffe prétenduë
n'eft autre chofe qu'un Cavalier. Flaminia
fe retire toute confuſe , & Dom
Pedre fe range du parti de fon gendre.
ACTE III
Comme cet Extrait n'eft déja que trop
long , nous pafferons legerement fur ce
dernier Acte , quoiqu'il ne foit pas inferieur
aux precedens : en voici le trait
le plus marqué. Lelio ayant vû échouer
fon premier projet de déguiſement, prend
le parti de faire entrer Sylvia chez lui ,
fous fon propre habit. Sylvia impatiente
de voir fon cher époux , fe traveftit comme
on fouhaite , & fous l'habit de Lelio
elle vient dans ce même Appartement ,
où Flaminia l'a déja ſi mal reçûë. Fla-
2. vol.
G vj minia
2978 MERCURE DE FRANCE:
•
1
minia la prend pour Lelio mais Arle
quin , à demi inftruit par quelques circonftances
qu'il a remarquées dans la
nouvelle charge d'efpion , ne prend pas
le change , il foutient que ce prétendu
Lelio eft une femme ; Flaminia lui arrache
le mafque & reconnoît cette prétendue
Rivale , qu'elle a déja chargée d'injures.
Elle appelle fon Pere pour lui faire
part de fa nouvelle découverte . Tout
femble parler contre Lelio , qui arrive
un moment après ; il n'ofe même fe juftifier
, de peur de commettre fon Ami
Mario , en revelant fon fecret ; mais Scapin
vient le tirer d'affaires , en lui aple
Pere de Mario & celui
prenant que
de Sylvia font enfin d'accord , & que
ces deux heureux époux peuvent fe montrer
fans rien craindre. Flaminia connoît
par- là que fa jaloufie contre fon Mari
étoit injufte , quoique fondée fur des
apparences capables de l'induire en erreur.
Elle finit la Piece par ces quatre
Vers.
Sur ce qui s'eft paffé , reglant mes fentimens ,
Je détefte à jamais ces jaloux mouvemens ;
Et je ne voi que trop qu'une vaine apparence
Des Epoux bien fouvent trouble l'intelligence.
A. vol. Les
DECEMBRE . 1726. 2979-
Les Vers que nous avons inferez dans
cet Extrait , doivent faire juger avantageulement
de tous les autres ; on a trouvé
la Piece très - bien écrite .
EXTRAIT de la Tragedie de Tibere
O
Na dit dans le dernier Mercure
que la premiere repreſentation de
cette Piece avoit été affez tumultueufe ,
& que la feconde avoit été goutée , la
troifiéme faifoit efperer que la Piece fe
releveroit ; mais une indifpofition d'une
des principales Actrices en ayant interrompu
le cours , a détruit les efperances
de ceux qui commençoient à rendre un
peu plus de juſtice à l'Auteur & à l'Ouvrage.
On prétend qu'on a confondu
cette Tragedie avec une autre dont on a
fait plufieurs lectures fous le nom d'Agrippa
Pofthume : c'eft veritablement le
même fujet ; mais les deux Ouvrages
ayant été examinez enfemble par des
perfonnes dignes de foi , on les a trouvez
tout - à -fait differens , tant par la maniere
dont le fujet a été pris , que par la verfification.
L'un & l'autre Auteur ont puifé
dans la même fource . Le caractere de
Tibere eft d'après Tacite : & la mort du
jeune Agrippa , dont Tibere & Livie
furent foupçonnez d'être les Auteurs fe
2. Vala
trouve
2980 MERCURE DE FRANCE ;
*
trouve dans ce celebre Hiftorien , pré:
cedé des mêmes circonstances qui ont
donné lieu à mettre ce fujet au Théatre.
Voici ce que Tacite en dit , traduit en
François , afin que tout le monde l'entende.
Peu de mois avant la mort d'Angufte
, le bruit avoit couru que ce Prince
étoit allé dans l'Ifle de Planafie , accompagné
du ferl Fabius - Maximus , Pour
y voir Agrippa : qu'il s'étoit répandu bien
des larmes d'une & d'autre part. Que
de temps après Maxime étoit mort ,
& qu'on avoit entendu Martia fa femme
Je reprocher fon trepas.
peu
C'eft fans doute ce qui a donné lieu
à l'Auteur anonyme de la Tragedie de
Tibere , de fuppofer que Martia avoit
trahi la confidence de fon époux au fujet
du voyage fecret de l'Ile de Planafie.
Cette premiere victime ne tarda pas d'être
fuivie d'une plus illuftre. Le premier
crime du nouveau regne , continue Tacite,
fut le meurtre d' Agrippa Pofthume , qu'un
Centenier maffacra à regret dans le temps
qu'il y penfoit le moins : Tibere, pourfuit-il ,
fit entendre au Senat, qu' Augufte avoit ordonné
à ce Centenier de le faire mourir
auffi- tôt qu'ilferoit mort lui-même , de peur
qu'il ne troublat Tibere dans le gouvernement
de l'Empire ; mais quelle apparence,
ajoûte - t- il , qu'Augufte qui n'avoit ja-
2. vol. mais
DECEMBRE. 1726. 498r
mais fait périr aucun de fes parens , cut
voulu facrifier fon petit -fils à la fureté
de fon beau-fils ?
Voila fur quoi eft fondée la nouvelle
Tragedie de Tibere. L'Hiftoire n'y est
pas exactement fuivie. Agrippa n'a pas
été maffacré dans Nole Augufte n'a
.point fait de Teftament qui le déclarât
fon fucceffeur .
ACTE I.
On inftruit d'abord les Spectateurs de
la maladie d'Augufte , de la confternation
de toute la Cour & de tout le Peuple ,
des allarmes de Livie , qui informée du
voyage fecret que fon époux a fait à Planafie
, ne doute point qu'il n'ait donné
des ordres fecrets pour faire revenir
Agrippa , & le déclarer fon fucceffeur.
Livie n'a pas crû pouvoir mieux parer
ce coup qu'en mettant le Conful Pompée
dans fes interêts , par le mariage d'E
milie fa fille avec fon fils Tibere : comme
elle juge des autres par elle - même
elle fe figure que Pompée ne pourra réfifter
à la gloire de voir fa fille Imperatrice
. Voici comment Livie établit fon
caractere d'ambitieuſe . Elle dit à Fauftine
fa Confidente :
2. vol.
Au
2982 MERCURE DE FRANCE
Auguffe jufques là peut-il me dédaigner .
Qu'un moment fans Livie il prétende regner ?
Et ce qu'il n'a point fait depuis que l'Hymenée,
Sur le Trône à fon fort unit ma deftinée ?
L'entreprend- il enfin dans fes derniers inftants
,
Pour détruire en un jour l'ouvrage de trente
ans ?
Qu'il ne s'en flatte point : je ſuis toûjours la
même ;
Tous les voeux de mon coeur font pour le
; rang ſuprême ,
Et ce fut pour remplir de fi fuperbes voeux ,
Que d'un premier Hymen je rompis les faints
noeuds :
Neron y confentit
pere ,
& moins époux que
Il ceda fa Livie en faveur de Tibere , &c.
Livie paroît furpriſe du retardement
de Tibere qu'elle a fait avertir par fes
courriers du danger où la vie d'Augufte
eft réduite , & des projets qu'on
forme fecrettement pour Agrippa. Tibere
arrive enfin , mais non point tel
qu'elle l'a crû jufqu'à ce jour. Il affecte
un dégout pour l'Empire , qui defefpere
Livie. Voici comment il s'explique après
2. Volo
que
DECEMBRE . 1726. 298 *
que fa mere lui a demandé qu'eft- ce qu'il
craint ?
Les vertus & le grand nom d'Augufte.i
Moi regner après lui ! Rome toûjours injufte,
Ne m'égaleroit point au Heros qu'elle perd
Quand d'autant de lauriers mon front feroir
couvert.
La vertu qui n'eft plus , en brille, davantages
Tous les coeurs attachez à leur premier homimage
,
A peine juſqu'à moi daigneroient s'abaiſſer -
Pour égaler Augufte , il faut le furpaffer.
Livie étonnée d'un difcours fi
tendu , lui répond:
peu
at
Ah ! regne feulement , je répons de ta gloire.
Du beau fang dont tu fors , perds tu donc la
memoire?
O trop indigne coeur ! à quels mortels affronts
,
Condamnes- tu le fang des Drúfus , des Nerons
!
Si celui d'Agrippa prend fa fource dans Jule,
Celui des Claudiens monte jufqu'à Romule ;
Apprends que par ton pere auffi- bien que par
moi ,
Le plus pur fang de Rome a coulé juſqu'à toi.
2. vol. D'un
2984 MERCURE DE FRANCE:
D'un fang fi glorieux , fais un plus digae
ufage ,
Rempli mieux la carriere , où le devoir t'engage
, 3
Pour t'y mieux exciter , jette un moment les
yeux
Sur les nombreux exploits de tes nobles
Ayeux ;
Voy leurs grands noms voler de l'un à l'au
tre Pole;
Voy leur Char triomphal monter au Capi
tole ;
A fuivre leur exemple applique tous ces foins,
Et fi c'eft trop , mon fils, imite moi du moins.
Tous ces reproches d'une mere ambitieufe
, ne faifant rien fur le coeur de
fon fils ; elle lui dit qu'elle le fera regner
malgré lui & finit par ces deux Vers :
Duffe-je m'immoler de nouvelles victimes ,
Non , je ne perdrai pas le fruit de tant de
crimes.
A peine Livie eft - elle fortie , que
Martian témoigne à Tibere l'étonnement
où il eft de le voir ainfi renoncer à l'Empire.
Tibere lui ouvre fon coeur ; c'eſt
avec lui feul qu'il parle fans feinte, Il
a été jufqu'alors miniftre de fes vengeances
& doit l'être de celles qu'il lui
2. vol. refte
DECEMBRE. 1726. 298
à exercer. Voici comme il expofe la raifon
qui l'a porté à diffimuler avec fa
mere.
Je ne demande point de ces grands facrifices ,
Qui de mes voeux fecrets donneroient trop
d'indices.
-Si j'avois accepté la fuprême grandeur ,
J'aurois livré ma mere aux tranſports de fo
C
coeur;
Ces tranfports auroient mis mes deffeins en
lumiere ,
Et j'ay du , Martian , la tromper la premiere
Il faut que fon dépit annonce mes refus ,
Aux Romains contre moi dès long- temps
prévenus.
Il fait plus , il veut tromper jufqu'à
Emilie qu'il adore ; mais la grande raiſon
qui l'oblige à feindre , c'est que fon armée
n'eft pas encore arrivée , & qu'Auguſte
vit encore. Ce qui refte de ce premier
Acte n'eft pas bien confiderable. Tibere
diffimule avec Emilie qui fort de chez
Livie , qui l'avoit mandée dès la premiere
Scene. Il lui fait entendre qu'il cede
`à fon deftin ; & que puiſqu'Agrippa doit
regner , c'est à lui feul à lui donner la
main. On vient annoncer l'arrivée d'Agrippa.
Tibere dit qu'il va le recevoir
2. vol.
mais
2986 MERCURE DE FRANCE.
mais d'une maniere à faire trembler Emi
lie pour les jours de fon Amant.
•
Agrippa , dont on a annoncé l'arrivée
à la fin du premier Acte , ouvre le ſecond
avec ce mêine Maxime , qui a été
de feul témoin de fon entrevûë ' avec
Augufte dans l'lfle de Planafie: Ce jeune
Prince veut d'abord aller rendre fes devoirs
à fon Ayeul ; mais Maxime l'en détourne
par un ordre exprès de l'Empe
reur : ordre fondé fur le péril auquel il
S'expofoit. Il veut aller voir Emilie , Máxime
lui apprend qu'elle eft actuellement
chez Livie cela le fait trembler pour
fon amour. Emilie arrive fortant de chez
Imperatrice ; elle raffure fon Amant
autant qu'il lui eft poffible, & le laiffe avec
Pompée , fon pere , qui acheve de le
raffarer , & qui lui rend compte des
foins qu'il a pris pour lui , en envoyant
fon Collegue à Rome. Voici comment il
s'explique :
Eh ! comptez- vous pour rien le Senat & vos
droits ?
Augufte en ce moment va déclarer fon choix,
Et Sextus , par mes foins , vient de partir pour
Rome ;
Il eft chargé , Seigneur , fi l'Empereur vous
nomme ,
De réunir pour vous les voeux de tout l'Ecaţ .
$ 2. vol.
Vous
DECEMBRE. 1726. 2987 :
Vous verrez fous vos loix cet augufte Senat ,
Ce Peuple belliqueux , qui fur les autres re
ges on folusy f "
Et qui donne à fon gré des Sceptres qu'il dé
daigne.
Après une réponse d'Agrippa , dans
laquelle ce fils de Julie fait voir que ce
n'eft que fur les cours qu'il veut re
gner ; Maxime vient dire au Conful
Pompée, qu'il eft temps d'entrer chezi
1'Empereur. Agrippa les quitte. La Scene
entre Pompée & Maxime a paru fort
belle. Maxime n'afpire qu'à rendre les
chaînes de Rome plus legeres , mais Pompée
les veut brifer abfolument. Voici
comme il parle: " 1
La vertu d'Agrippa dès long - temps m'eft
connuë ;
Et puifqu'en fa faveur ma fille eft prévenue ,
Vous la connoiffez trop , pour croire que for
coeur ,
Sans l'aveu de fon pere eût fouffert un vainqueur.
K
Şi je ne fondois pas un refte d'efperance
Sur tout ce que fur lui fes yeux ont de puiffance
,
Je ferois bien tôt voir à qui nous fait la loi ,
Que le fang de Pompée a paffé jufqu'à mois
2. vol.
Mais
2988 MERCURE DE FRANCE.
Mais quel fut l'interêt qui guida ce grand
homme ;
C'étoit peu de périr , il vouloit fauver Rome ,
Et les Dieux , jufqu'alors protecteurs des Ro
mains ,
Sembloient avoir remis leur foudre entre fes
mains.
C'est envain que de Rome approuvant l'ef
clavage ,
Et les Dieux & le fort trahirent fon courage."
Plus conftant que les Dieux , plus ferme que
le fort ,
lne ceda du moins qu'en recevant la mort.
Cette mort m'attendroit avec toute fa gloire ,
Mais dois - je la chercher fans efpoir de victoire
?
De quoi fert ma conftance aux Romains abbatus
,
Si mes derniers foûpirs font fteriles pour eux ?
Pour remplir dignement le grand nom que je
porte ,
La liberté de Rome eft ce qui plus m'importe ,
Maxime , & je perdrois le fruit de mon trepas ,
Si je mourois pour elle & ne la fauvois pas ;
Mais je puis la fauver , fans me perdre pour
elle,
Apprenez un deffein , digne fruit de mon zele,
DECEMBRE. 1726. 2989
La confidence que Pompée veut faire à
Maxime , eft fufpendue par l'approche de
Livie , qui après avoir tout tenté pour
gagner Pompée , le menace de le perdre',
en ces termes :
Mais c'est trop perdre un temps que je dois
menager:
Que fais- je ? Je me plains quand il faut me
vanger !
Conful , fongez à vous : Prévenez la temp
pête ,
Qui , prête à vous frapper , gronde fur votre
tête :
Pour quelque temps encor le coup eft fufpendu
,
Allez tout reparer , ou yous êtes perdu.
Les menaces de Livie n'empêchent
pas Pompée de perfifter dans le genereux
deffein qu'il a formé , de brifer les fers
de Rome ; il entre chez Augufte , où Ma
xime l'eſt allé attendre . Ce fecond Acte a
paru le plus foible , quoiqu'on l'ait trouvé
rempli de beaux Vers & de grands
fentimens ; mais les beautez Romaines ne
font pas celles qui frappent le plus aujourd'hui
, on veut être ému , & cela
n'eft gueres poffible dans ces fortes de
fujets , où l'efprit eft plus fatisfait que
coeur.
Z. 201.
le
Dans
1990 MERCURE DE FRANCE.
Dans le troifiéme Acte , Pompée fortant
avec Maxime de la chambre d'Augufte
, lui dit qu'il eft temps qu'il lui
déclare le grand deffein qu'il a formé
pour la liberté de Rome ; & que puifque
1'Empereur vient de défigner Agrippa
pour fon fucceffeur , par fon teftament ,
qu'il a remis entre les mains , il veut que
fa fille porte ce Prince à renoncer à l'Einpire.
Emilie vient , Maxime fe retire.
Pompée apprend à fa fille que fon Amant
doit fucceder à Augufte ; Emilie lui témoigne
une joye ſi ſage & fi moderée , à
cette grande nouvelle , qu'il ne doute
point qu'elle ne le feconde dans le deſſein
qu'il a d'affranchir Rome , puifqu'elle
n'eft pas ambitieufe.. Il lui dit qu'il faut ,
pour fe montrer digne d'un pere tel que
fui , qu'elle renonce au nom d'Imperatrice.
Emilie , qui entend qu'il lui faut
renoncer à ſon amour pour Agrippa , lui
répond :
Juftes Dieux Quel Arrêt ! Mais prête à le
fubir ,
Souffrez du moins , fouffrez qu'il m'en coûte
un foùpir,
Seigneur , & permettez à ma douleur extrê
me,
De fe plaindre un moment de mon pere à luimême.
A vol .
AgripDECEMBRE
. 1726. 2991
Agrippa vous fut cher: je l'aimai ; ce beam
feu
S'alluma dans mon coeur par votre propre
avéu :
Vos voeux , de notre Hymen , fembloient ha
ter la fête ;
Ils me faifoient fentir le prix de ma conquête.
Şi le nom d'Empereur nuifoit à mon amour ,
N'aviez - vous pas prévû qu'il le feroit un
jour
Une plainte fi jufte engage Pompée à
lui dire , qu'il ne s'agit d'immoler que
fon rang , & non pas fon amour , & que
fi Agrippa l'aime bien il doit lui faire
un facrifice de fon ambition en renon- >
çant à l'Empire. Emilie lui répond :
Sur mes foibles attraits tout votre eſpoir fe
fonde !
Quel bien oppofez - vous à l'Empire du monde
?
Songez qu'un Empereur eft prefque égal aux
Dieux :
Non , ne vous fiez pas au pouvoir de mes
yeux.
Pompée oppoſe toute la vertu Romaine
à l'amour paternel. Il dit à fa fille
qu'il faut abfolument qu'elle voye Agrip
2. vol.
H pa .
2992 MERCURE DE FRANCE .
pa , & qu'elle le porte à rendre la liberté
a Rome, Emilie lui répond triſtement :
Ciel que puis- je lui dire ?
Qu'il faut pour m'obtenir qu'il renonce à
TEmpire ?
Qu'il n'eft plus qu'un Tyran , s'il devient Empereur
,
Eh! ne le fuis- je pas moi- même de fon coeur ,
Si contre lui mes yeux ufent de leur puiffance
,
Jufqu'à le dépouiller des droits de fa naiffance
?
Pompée étant inflexible , Emilie fe réfout
à lui obéir. Elle fait connoître la
trifte fituation de fon coeur par un Monologue
dont voici la derniere moitié :
Et toi , Prince trop cher , toi, dont la trifte
vie ,
De malheurs fur malheurs fut toujours pourfuivie
,
Objet infortuné du celefte courroux ,
Attendois - tu de moi les plus fenfibles coups ?
Helas ! qu'un tendre coeur fçait peu ce qu'il
defire !
Attachée à tes jours , je les ai vù profcrire s
Mon coeur qui dans ta fuite accompagnoit tes
A
pas ,
2. vol. Croyoit
DECEMBRE. 1726 2993
Croyoit voir ton exil fuivi de ton trépas.
J'implorois ton retour , que j'étois infen fée !
Pour comble de malheurs les Dieux m'ont
exaucée ;
Les cruels , contre toi conftans à conſpirer
Ne nous ont réunis que pour nous féparer.
Agrippa vient , Emilie remplit les
ordres de fon pere ; mais fon amant refuſe
de faire ce qu'elle exige de lui , même
par un motif d'amour. Voici la réponſe :
Et c'eft ce même amour , Madame , qui m'en
gage
A vous faire du Trône un glorieux partage :
Non , je n'ai voulu voir cent Rois humiliez ,
Que pour mettre avec moi leurs Sceptres
vos pieds :
Ce triomphe éclatant , c'eft à vous qu'on l'envie
,
C'est vous qu'on desherite & que l'on facrifie
,
Vous qu'on détrône , enfin . Non , je n'y confens
pas ,
Votre exemple eft trop beau pour ne le fuivre
pas.
Abandonné , profcrit , joüet de la fortune ,
Je traînois dans l'exil une vie importune .
2. vol. Hij
Tane
2994 MERCURE DE FRANCE,
Tandis que mon Rival de la foule entouré ,
Entre le trône & lui ne voyoit qu'un degré.
Et malgré tous les foins & tous ceux de Li- ·
vie ,
J'ai triomphe de lui dans le coeur d'Emilie !
Un Trône glorieux n'a pas un feul moment,
Balancé dans ce coeur un malheureux Amant!
A cet effort fi noble il faut que je réponde ,
Vous deviendrez par moi la Maîtreffe du
monde ;
L'Empire eft votre bien , je ne puis le ceder ,
Pour vous plus que pour moi , je prétens le
garder , &c.
Tibere interrompt cette converfation
par de faux refpects qu'il vient rendre à
Agrippa cette Scene a fait beaucoup de
plaifir , elle finit par ces Vers d'Agrippa
:
Je vais de fes bienfaits rendre grace à mon
pere ,
Vous , Madame , voyez Pompée ; & vous,
Tibere ;
Pour vous juftifier , prenez foin qu'en ces
lieux ,
Je ne rencontre rien qui bleffe encor mes
yeux ;
2. vol.
Qua
1
1
DECEMBRE. 1726. 2991
Que les Pretoriens , en me voyant paroître'.
Signalent leur refpect pour le fils de leur Mat
tre :
Que l'avenir enfin démente le paffé :
Soyez Sujet fidele , & tout eft effacé.
>
Ce troifiéme Acte finit par une Sce
ne entre Tibere & Martian . Tibere irrité
de l'orgueil de fon Rival demande
à Martian s'il a tout préparé pour
fa vengeance ; Martian lui répond que
tout est prêt. Tibere lui défend de rien
executer , Augufte vivant encore . Voici
une tirade qui a été applaudie. C'eſt
Tibere qui parle :
Auguſte me trahit ; je viens de lui parler :
Du nom de fils encor il daigne m'appeller.
Dans quel temps ! contre lui c'eft ce qui plus
m'irrite ?
Il m'appelle fon fils , lorfqu'il me desherite.
Mon abord l'a furpris , il ne s'attendoit pas ,
Que je duffe fi- tôt revenir fur mes pas ;
Mais , me tendant les bras , fous des care fles
feintes ,
Il a fçû dêguiſer fes foupçons & fes craintes.
Et fa bouche affe&toit un fouris gracieux ,
2. vol. Hij Tandis
2996 MERCURE DE FRANCE.
Tandis que fon dépit éclatoit dans fes yeux,
Quelle eft donc fa penſée , & qu'est- ce qu'il
efpere ?
Croit-il par fes détours tromper jufqu'à Tibere
?
Jufqu ' au dernier moment , qu'il balance mom
fort ;
Mais prétend il fur moi regner après fa
mort ?
·
Non ; il l'efpere en vain ; & le Senat luimême
,
Trahira le premier fa volonté fuprême ;
Agrippa fur qui feul vient de tomber for
choix ,
Se flatte un peu trop tôt de me donnerdes
loix ;
Il n'a que fa naiffance , & j'ai ma renommée
;
Le Senat eft pour lui , mais j'ai pour moi
P'Armée .
Tibere finit l'Acte par la refolution de
diffimuler tant qu'Augufte vivra . Comme
cet Extrait commence à devenir long
par l'abondance de la matiere , nous abregerons
ce qu'on a remarqué fur les deux
Actes qui nous reſtent.
2. vol. ACTE
DECEMBRE. 1726. 2997
1
ACTE IV. & V.
Livie au défefpoir de la préference
qu'Agrippa vient d'emporter fur Tibere
, ne refpire que vengeance ; elle fait
entendre à Fauftine que tout eft prêt
pour la mort d'Agrippa , & que les Prétoriens
font chargez de ce grand attentat .
Elle fait une Scene avec Emilie , dans
laquelle fon dépit éclate , malgré le filence
où elle a voulu fe forcer. Albine
vient annoncer à Emilie qu'on affaffine
Agrippa , & quelle a vẫ Tibere fe
mêler aux Conjurez . Emilie ne doute
plus de la mort de fon Amant qu'elle
reproche à Livie. Elle eft bien- tôt heu--
reufement détrompée par l'arrivée d'Agrippa
, & plus agréablement furpriſe ,
quand elle apprend de fa bouche , que
c'eft Tibere même qui lui a fauvé la vie.
Tibere vient , il reçoit d'Agrippa & d'Emilie
des éloges qu'il fçait bien qu'il n'a
point meritez ; Livie le louë à ſon tour ;
mais ironiquement en ces termes :
Senfible à tant d'honneurs où je n'ofois
prétendre.
J'ai pour ma gloire auffi des graces à te rendre.
Qui l'eut crû , que fur moi pour prix de quelques
foins ,
2. vol. Hij Re
1998 MERCURE DE FRANCE.
Rejaillit tout l'éclat dont mes yeux font témoins
Et que Livie un jour dût trouver en Tibere
Un fils fi glorieux , fi digne de fa mere ,
Qui , maître de fon coeur , dans le cours d'unfeul
jour ,
Vaincroit l'ambition auffi- bien que l'amour
C'est peu qu'à ton Rival tu cedes un em- .
pire ,
L'effort te paroît foible , il ne te peut ſuffire
;
Il lui falloit encor , en lui prêtant ton bras',
Braver jufqu'au peril de faire des ingrats .
Cette ironie eft fuivie d'un coup de
Theatre inattendu . Tibere promet à
Agrippa de le venger , & de faire perir
le Chefde la conjuration , tout le premier
. Livie , à ces mots , ne pouvant plus
fe contenir , lui dit :
Eh bien frappe ; Tibere ,
Plonge ton bras vengeur dans le fein de ta
mere.
Ce quatrième Acte finit par la nouvelle
qu'on apporte de la prochaine mort
d'Augufte ; Agrippa lui veut aller fermer
les yeux : Tibere s'y oppofe avec
2. vol. fa
DECEMBR E. 1726. 2999
fa diffimulation ordinaire ; il en donne
la raiſon à Martian dans le cinquième
Acte , où il annonce aux Spectateurs la
mort d'Augufte ; il charge Martian d'aller
maflacrer Agrippa dans la chambre
même d'Augufte , où l'on doit proclamer
l'heritier de l'Empire. I oblige Livie à
prier de regner, & feint de n'y confentir
que pour la mettre à couvert de la
vengeance d'Agrippa ; il ceffe de diffimuler
avec Emilie , quand il juge que
le crime de Martian eft confommé. Pompée
vient annoncer à fa fille, la mort de
fon Amant. Tibere tâche de détourner
le foupçon loin de lui ; mais Pompée lui
dit , que Martian percé de coups , a parlé
& l'a accufé. Tibere s'emporte contre
Pompée , & lui dit qu'il ne lui fait grace
qu'en faveur d'Emilie , avec qui il veut
partager le premier Trône du monde ;
Emilie lui répond :
""
Que dis- tu , barbare ? je fremis.
Et les Dieux jufques- là feroient mes enne
mis.
Moi regner avec toi qu'ofes- tu me pref
crire ?
Mon Amann e vit plus , c'eft par toi qu'il
expire ,
Et tu veux qu'uniffant mon deſtin à tom
fort ,
2. vol.
H▾ Une
3000 MERCURE DE FRANCE.
Une feconde fois je lui donne la mort ?
Ah! que n'ai je, à mon gré, la rage qui t'anime
,
Que n'ofai -je expier le crime par le crime !
Pour te percer le coeur , je t'offrirois ma
main ;
Je vengerois mon pere & le Peuple Romain .
Ce grand art dont tu fais un fi funefte uſage ,
Jufqu'au fein d'un Epoux m'ouvriroit un
paffage ;
Mais au fang des Nerons ce crime eft re-
: fervé ,
Ètgráce à ma vertu , mon Tyran eft fauvé.
La Tragedie finit par la punition de
Livie. Tibere lui fait connoître qu'il
yeut regner feul de forte qu'elle perd
par là le fruit de tous fes crimes. On
jugera mieux de cette Piece à la lecture
nous apprenons qu'on l'imprime actuel
lément.
- 2. vola NOU.
DECEMBRE. 1726, 3001
NOUVELLES DU TEMPSTURQUIE.
Es Lettres de Conftantinople portent , que
LesLincesde Cors, fls de Schah Huffain .
Roi de Perfe détrôné , & l'Ufurpateur Acheraf,
font en termes d'accommodement , pour
unir leurs forces contre les Turcs.
RUSSIE.
Es Lettres de Derbent portent , que des
Lmaladies épidemiques avoient fait perir
près de la moitié de l'Armée du Grand
Seigneur dans la Perfe, & que les Mofcovites
avoient conftruit vers la frontiere de
la Georgie plufieurs Forts , qui mettoient en
feureté les Provinces conquifes par le feu
Czar.
On commence à travailler au nouveau
Fort , qui doit défendre l'entrée du Port de
Cronstadt , où l'on placera 80. pieces de ca
non de 36. livres de balle.
On prend auff des précautions pour la
fureté des Provinces cédées au feu Czar par
le Traité de Nidſtadt , & il a été refolu d'augmenter
jufqu'à 60000. hommes les Troupes
qui font dans les quartiers ou dans les Garnifons.
Les Lettres de Turquie portent , que le
Grand Seigneur faifoit folliciter la Czarine
de conclure avec la Porte un nouveau Trai-
2. val. H. vj
té
2002 MERCURE DE FRANCE:
té d'Alliance pour la confervation des Conquêtes
que les deux Puiffances ont faites en
Perfe.
POLOGNE .
Odu Duché de Curlande avoient pris la
Na reçu avis de Mittau , que les Etats
refolution de s'affembler pour déliberer fur
les conclufions qui ont été prifes contre eux
dans la derniere Diete de Grodno , & il y
a lieu de craindre qu'ils ne fe fervent de l'occafion
favorable des Troupes Mofcovites dans
ce Duché , pour refufer d'admettre les Commiflaires
chargez par la Diete , d'informer
contre ceux qui ont eu le plus de part à l'Election
du Comte Maurice de Saxe. Ces Lettres
ajoûtent que ce Comte avoit augmenté
fa Garde de Cavalerie jufqu'à 75. hommes
On mande de Tomitz , qu'il y étoit jarri
vé de Dantzic quelques Domestiques du Duc
de Meckelbourg , avec quelques chariots.
chargez des meubles de ce Prince : que le
bruit couroit que la Commiffion Imperiale,
établie dans le Duché de Meckelbourg , alloit
fe feparer : que ce Prince rentreroit inceffamment
dans la poffeffion de fon Duché,
& que c'étoit aux follicitations de la Czari
ne auprès de l'Empereur , qu'il étoit redevable
de fon rétabliffement.
On écrit de Peterkow , que les Députez de
la Grande Pologne , ayant voulu prendre
féance dans le Tribunal de cette Ville , en
vertu des Lettres du Roy & de la Diete generale
de Grodno , les autres Membres de
ce Tribunal s'y étoient oppofez fur differens
prétextes ; ce qui les ayant forcez d'en porter
leur lainte à S. M. & à la Diete , ils en
2. vol. atDECEMBRE.
1726. 300 3
attendoient la réponſe , lorsqu'ils avoient ap
pris que le Courier qui en étoit chargé ,
avoit été arrêté en chemin par des gens inconnus
, qui lui avoient enlevé fes papiers ;
que cette violence les ayant mis en droit d'ufer
de reprefailles , ils avoient affemblé 80.
Gentilshommes , à la tête defquels étoit M.
Balziki , & qu'ils avoient obligé le Prefident
du Tribunal de recevoir leur ferment , mais
que M. Balziki ayant voulu prendre féance
par force dans la Salle du Tribunal , un Gentilhomme
du parti oppofé lui avoit tiré un
coup de piltolet , & que l'ayant manqué , la
Nobleffe de l'un & de l'autre parti avoit mis le
fabre à la main : que le defordre ayant été
appaifé par les Gentilshommes les plus moderez
, M. Balziki avoit été declaré infame
par le Tribunal , & que de part & d'autre
on avoit deputé au Roi pour lui porter des
plaintes.
SUEDE.
}
N mande de Stokolm , que M Pointz ,
Envoyé Extraordinaire du Roi d'Angleterre
, avoit eu depuis peu une Audience par
ticuliere du Roi , dans laquelle il lui fit
part de la refolution prife par S. M. Brit .
d'envoyer encore une Eſcadre dans la Mer
Baltique , au commencement du Printemps
prochain.
L'Affemblée desEtats a confenti à l'augmentation
d'un tiers des forces maritimes du
Royaume ; elle a auffi figné les refolutions
concernant les Affaires étrangeres , & l'on
continue d'affurer qu'elle a déclaré que l'Acceffion
de cette Couronne au Traité d'Ha
2. vol. nover,
3004 MERCURE DE FRANCE:
nover , ne pouvoit être que très favorable aug
interêts particuliers de la Nation.
Le Roi ayant été informé des defordres que
caufent les Loups dans divers endroits de ce
Royaume , S. M. vient de nommer un Grand
Veneur pour chaque Province , avec ordre de
détruire ces animaux autant qu'il fera poffible.
O
DANNEMARC.
Na publié à Coppenhague une Ordonnance
du Roi , qui défend d'expofer
dans le Commerce la Monnoye de la Ville
d'Hambourg , & qui enjoint aux Negocians
de ce Royaume de faire venir directement de
France , d'Angleterre , d'Hollande , d'Italie
& d'Allemagne , les Etoffes de Laine & de
Soye les Galons d'Or & d'Argent , les Vins ,
les Eaux- de- Vie , les Tabacs , & autres Marchandifes
du ' crû ou des Manufactures de ces
Pays , fans fe fervir de l'entremife des Hambourgeois.
La même Ordonnance interdit
l'entrée des Ports de ce Royaume à toutes les
Marchandiſes fabriquées à Hambourg.
ALLEMAGNE .
N affure qu'il a été réfolu à Vienne dans
le dernier Confeil de Guerre , d'augmen
ter de 20000. hommes les Troupes qui font
actuellement dans le Duché de Milan.
On apprend de Vienne , qu'on a remis au
commencement de ce mois à M. Kattembourg
, nouveau Miniftre du Duc d'Holstein ,
gendre de la Czarine , le Decret de la Chancellerie
de l'Empire , par lequel l'Empereur a
accordé le Titre d'Alteffe Royale à ce Prince,
avec les Refcripts de Notification de S. M. I.
2. vel.
&
DECEMBRE . 1726. 3005
& les Lettres du Duc d'Holftein , qui doivent
être remiſes aux Princes & aux Etats de l'Empire.
On a auffi expedié en Chancellerie les
ordres neceffaires pour fupprimer la Commiffion
de Roftock , & pour remettre le Duc
de Meckelbourg en poffeffion de fes Etats .
ITALIE .
MFhmet Baddi , Envoyé de la Regence de
Tripoli , eft parti de Rome avec les deux
fils & fa fuite pour ſe rendre à Vienne.
On écrit de Genes qu'on avoit eu avis de
Gibraltar , que le Contre- Amiral Hopfon s'y
étoit retiré depuis peu pour y paffer l'hyver ,
avec le refte des Vaiffeaux de l'Eſcadre Angloife
du Vice-Amiral Jennings .
On mande de Venife qu'on y avoit reçû des
Lettres de Conftantinople , par lefquelles on
apprend que la maladie contagieufe s'étoit
communiquée dans plufieurs Villes de l'Albanie
, de la Morée & de la Romanie , & qu'elle
y faifoit de grands ravages.
Le feftin que le Cardinal Cienfuegos donna
à Rome le Dim. 1o. Nov: fut des plus magnifiques.
La table reprefentoit un Aigle éployé.
La tête étoit occupée par les Cardinaux Bentivoglio
, Belluga , Davia , Buffi & Cienfue
gos. Les Miniftres Etrangers occupoient le
corps ; la Prelature & la Nobleffe étoit aux
aîles & à la queuë.
On apprend de Naples du commencement
de ce mois qu'il a paru pendant plufieurs
jours au deffus de l'Ile d'Ifchia , divers Phenomenes
, qui joints avec les deux ou trois
fecouffes de tremblement de terre qu'on a
reffenties , faifoient craindre au Peuple quel.
que évenement finiftre ; mais l'effroi general
eft entierement diffipé.. Dans
3006 MERCURE DE FRANCE.
Dans le Confiftoire fecret tenu le 9. De
cembre dans le Palais du Vatican , Sa Sainteté
déclara au Sacré College , que par un Decret .
datté du 25. Octobre dernier , Elle avoit reconnu
le Roi de Sardaigne en cette qualité ; &
que pour terminer tous les differends d'n tre
ce Prince & le Saint Siege , Elle avoit confenti
qu'il nommât alternativement avec la Cour
de Rome aux Benefices Confiftoriaux du
Royaume de Sardaigne. Les Cardinaux ayant
approuvé cet accommodement , le Pape propola
divers Evêchez , &c. Le Cardinal de Pofignac
, en l'abfence du Cardinal Ottoboni ,
Protecteur des Affaires de France , propofa
l'Evêché de Couferans pour l'Abbé de Premeaux
, cy- devant Agent du Clergé de France.
Celui de Graffe pour l'Abbé d'Anthelmy,
Prevôt de la Cathedrale de Frejus. L'Abbaye
Reguliere de la Ferté fur Crofne , Ordre de Citeaux
, Diocefe de Châlons fur Saône , pour
le P. Defcrivieux , Religieux du même Ordre
, & la Coadjutorerie de l'Abbaye Reguliere
de Favernay , Ordre de S Benoît , Diocefe
de Besançon , pour le P. Coquelin , Religieux
du même Ordre.
Enfuite le Pape déclara qu'il avoit difpofé
de neuf Chapeaux qui vaquoient dans le Sacré
College ; que dans le choix qu'il avoit fait de
ceux qu'il croyoit dignes de cet honneur , il
avoit uniquement confideré le merite & la
vertu ; & qu'à l'exception de quelques Religieux
qu'il avoit choifis , conformément à la
Bulle de Sixte V. tous les autres Sujets nommez
étoient des Prelats aufquels cette Dignité
étoit dûë , pour récompenfe des fervices qu'ils
avoient rendus au Saint Siege ; qu'il avoit jugé
à propos de n'en déclarer à préfent que deux ,
qui font M Nicolas- Marie Lercari , Genois ,
z. vol.
ArDECEMBRE
. 1726. 3007..
•
'Archevêque de Nazianze , Premier Miniftre &
Secretaire d'Etat , depuis le 12. de Juin der
nier , & le P. Laurent Cozza , Gardien de la
Terre Sainte , &-General des Religieux Mi
neurs de l'Etroite Obfervance de la Regle de
Saint François , connus en France fous le nom
de Cordelier , des Religieux Réformez du même
Ordre , nommez Recollets , & des Penitens
du Tiers Ordre. Sa Sainteté déclara enfuite
qu'elle réfervoit les fept autres in petto , jufqu'à
ce qu'Elle eut trouvé l'occafion de les
pourvoir de Benefices qui les miffent en état
de foûtenir leur nouvelle Dignité.
Le 10.le Pape fit avec la folemnité accoutu
mée la Canonifation des Bienheureux Forribio
Magrobefio , Archevêque de Lima : Jacques
de la Marca , Religieux Mineur , Obfervant
de l'Ordre de S. François , & Agnès de
Montepulciano, Religieufe de l'Ordre deSaint
Dominique.
ESPAGNE.
N a renforcé depuis un mois les Gar
nifons de Lerida , de Gironne , de Re
fes & de Taragone.
Le Prince Emanuel de Portugal , fait depuis
quelque temps de frequentes retraites ,
ce qui fait croire qu'il entrera inceffamment
dans l'Etat Ecclefiaftique .
Le Comte d'Aftores , Capitaine General
de Navarre , a été nommé pour commander
l'armée qu'on affemble dans l'Andaloufie , du
côté de Gibraltar, où l'on fait marcher 10000
hommes de la Catalogne & du Royaume de
Valence, outre quelques Regimens Irlandois.
Leurs quartiers font marquez dans les Villa
ges entre Malaga & Gibraltar. Le Comte de
2. vol. Montemar
3008 MERCURE DE FRANCE.
Montemar a été nommé Capitaine General des
Ports & Villes le long des Côtes de Malaga.
Le Roi a nommé pour fon Ambaſſadeur
Extraordinaire & Plenipotentiaire à la Cour
de la Czarine , le Duc de Leria , fils aîné du
Duc de Berwick , Pair & Maréchal de France.
On a reçû avis de Gibraltár , qu'il en étoit
forti depuis peu 9. Vaiffeaux de Guerre Anglois
, lefquels devoient être inceffamment
renforcez par fix autres Vaiffeaux de Guerre
de la même Nation , deftinez comme les premiers
, à former deux Elcadres , dont l'une
doit croifer à la hauteur du Cap S. Vincent ,
& l'autre vers la Corogne. Ces Lettres ajoûtent
que les Troupes qui étoient à bord de
ces 9. Vaiffeaux , étoient reftées à Gibraltar
pour en renforcer la Garnifon qui eft à pre-
Tent fort nombreufe , & que les Anglois conftruifoient
actuellement de nouveaux Ouvrages
pour la deffenfe des dehors les plus expofez
de cette Place.
PORTUGAL.
A nuit du 25. au 26. Novembre , le feu
Lpritau Palais du Marquis de Valence à
Lifbonne , & malgré les fecours qu'on y ap
porta , il fut entierement confumé en moins
de cinq heures . Comme ce Palais , qui eft un
des plus beaux de la Ville , étoit voifin des
Ecuries du Roi & de l'ancien Palais des Ducs
de Bragance , où font confervez les Bijoux
& une partie des meubles de la Couronne ,
on prit toutes les précautions neceffaires pour
empêcher que le feu ne s'y communiquât.
Le Roi paffa la nuit à cheval avec une partie
des Seigneurs de la Cour , pour donner
fes ordres aux Soldats de la Garniſon , em-
2. vol.
ployez
DECEMBRE., 1726. 300g
loyez pour arrêter le progrès de l'incendie
GRANDE- BRETAGNE
ON a appris par un Vaiffeau arrivé de Lif- la Sainte- Rofe , Vaiffeau de
Guerre Portugais , qui fervoit d'efcorte à la
derniere Flotte arrivée du Brefil , avoit fauté
en l'air à 30. lieues ou environ du Roc de
Liſbonne ; que de 700. hommes
dont fon
Equipage
étoit compofé , il ne s'en étoit fauvé
que fept , dont deux étoient morts le lendemain
, & qu'il y avoit dans ce Vaiffeau pour
à 700.mille livres fterling de matieres d'or &
d'argent , où on les avoit chargez pour plus
de fureté par ordre exprès du Roi de Portugal.
Quelques- uns des Matelots qui ont fervi
cette année dans la Mer Baltique , ont pris
parti fur les fix Vaiffeaux qu'on a équipé à
Portſmouth pour les Indes Occidentales , &
qui font prêts à partir au premier commandement.
Le bruit court qu'il a été réfolu d'augmenter
les Troupes de trois Compagnies par Régiment
d'Infanterie & de deux par Régiment
de Cavalerie & de Dragons , ce qui monte
en tout à 6000. hommes d'augmentation . On
prendra , à ce qu'on affure , les Officiers à
à la demi paye & tous les Invalides qui font
en état de fervir , afin qu'il en coute moins
à la Nation..
Dom Antoine de la Rofe , Conful de la
Nation Efpagnole à Londres , a fait fçavoir
aux Négocians de cette Ville , qu'après le 4.
du mois de Janvier . prochain , on ne laiffera
entrer dans les Ports de la domination de
S M. C. aucun Vaiffeau Anglois , à moins
2. vol.
qu'il
Foro MERCURE DE FRANCE .
qu'il ne foit muni d'un Paffe- port figné de
ce Conful , par lequel il certifiera qu'il eft
parti directement des Ports d'Angleterre,
On affure que la Lotterie de l'Etat ne fera
pas continuée l'année prochaine , & qu'on
doit prefenter au Parlement un projet pour
recevoir des annuitez à vie , qui ne porteront
pas d'interêt pendant les fept premieres
années, mais dont le revenu fera après ce tems
égal au principal .
HOLLANDE , PAYS- BAS.
Lelled'Hollande & deWeltfine,ne
A Province de Gueldre , de même que
né fon confentement à la feconde augmentation
de Troupes qui a été propofée par le
Confeil d'Etat , & à l'armement de 18. Vaiffeaux
de Guerre , pour la fureté du Commerce
d'Hollande.
Le 13. de ce mois on celebra à Bruxelles
P'Anniverſaire de la Naiffance de l'Archiducheffe
Gouvernante des Pays- Bas , qui entroit
ce jour- là dans la 47. année de fon âge. Cette
Princeffe fit venir auprès d'elle 47. pauvres
filles qu'elle admit à lui baifer la main , &
elle leur donna à chacune une Bourfe dans
laquelle il y avoit une piece d'argent.
Le 19. il y eut à Anvers une Affemblée generale
des Intereffez de la Compagnie d'Oftende
, dans laquelle il fut réfolu de payer le Di
vident fur le pied de 12. pour cent.
2. vol. MORTS
DECEMBRE. 1726. 3014.
XX :
XXXXXXXXXXXXX
MORTS DES PAYS
Etrangers.
N'a appris de Bareich , que le Prince
George Guillaume Margrave , Regent
de ce Pays , y mourut le 18. de ce mois ,
d'une attaque d'apoplexie dans la 49. année
de fon âge. Il avoit époufé en 1699. Elizabeth
Sophie , fille de Frederic Guillaume , Electeur
de Brandebourg , & veuve de Frederic Cafimir
, Duc de Curlande , dont il ne laiffe que la
Princeffe Chriftine Sophie - Guillelmine ,
époufe du Prince Hereditaire de Danemarc,
Le Prince George Frederic Charles de Brandebourg
, fon coufin , a pris poffeffion de la
Regence de fes Etats.
-
茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶茶
FRANCE ,
Nouvelles de la Cour , de Paris , &c.
L
E Roi a accordé des Lettres Patentes
pour l'établiſſement d'un Monaltere
de Religieufes Urfulines à la nouvelle
Orleans . Le Convent des Urfulines
de Magni en Normandie a fourni
fept de fes Religieufes qui ont pafle
à la Loüifiane , avec plufieurs Peres Je-
3. vol. fuites
3012 MERCURE DE FRANCE.
fuites qui doivent travailler à la converfion
des Sauvages ..
M. de Campredon qui a été chargé des
affaires du Roi pendant plufieurs années
en Mofcovie , dont il eft de retour depuis
quelque temps , doit aller à Genes en
qualité d'Envoyé de Sa Majesté .
M. de Vauverfin , Avocat au Parle
ment de Paris , a prononcé , felon l'ufage
établi , un Difcours à l'Hôtel de
Ville de Lyon , le 21. de ce mois , jour
auquel le fait tous les ans l'élection des
nouveaux Echevins de cette Ville. M.
l'Archevêque , Ms. les Comtes , M. In
tendant , M. le Prévôt des Marchands
le Préfidial & la Cour des Monnoyes l'ont
⚫honoré de leur prefence. Il a été genes
ralement applaudi , & tout le monde eft
convenu que depuis long- temps on n'avoit
entendu un Difcours auffi brillant
& en même- temps auffi folide , ni prononcé
avec plus de dignité. La Ville de
Lyon ne peut que fe loiier du goût de
M. le Chevalier Perrichon fon Secretaire
qui a fait choix pour elle d'un ſi bou
Orateur. Elle a témoigné publiquement
combien elle en étoit contente par fa ge
nerofité , par les prefens & les honneurs
dont elle a comblé M. de Vauver
fin. La fortune faifoit le fujet du Dif-
Cours en question : nous en donnerons
2. vol. 1113
DECEMBRE. 1726. 3013
en Extrait dans le Mercure prochain.
Le 18. de ce mois , il fut décidé dans
une Affemblée des Directeurs de la Compagnie
des Indes , que la vente du Caffé
en détail ,feroit remife aux Epiciers,qu'ils
prendroient en gros de la Compagnie .
La même Compagnie a fait afficher,
qu'elle payeroit le Dividend des Actions
pour l'année prochaine 1727. fur le
pied de 150. livres .
Le 10. Decembre , le feu prit à huit
heures du matin chez la veuve Guiard ,
Blanchiffeufe , au troifiéme étage , dans
une matfon , rue des Lavandieres , à la
Place Maubert. Cette femme étant fortie
à fept heures du matin , enferma fa
fille âgée de douze ans , & laiffa du feu
dans la chambre. A huit heures , foit par
manque de précaution , foit par l'impru
dence de la fille , le feu fe déclara en
fortant avec impétuofité par les fenêtres
On enfonça la porte , & deux Gardes-
Pompes l'éteignirent à force de bras . La
petite -fille fut trouvée dans les debris
brulée & réduite à la longueur d'un demi
pied.
་ ་
Le 17. du même mois , une femme veu
ve nommée Chanteau , âgée de 72. ans
s'étant endormie dans fon fauteuil , avec
une chauffrette fous fes pieds , fut trouvée
prefque brulée à huit heures du foir.
2, vol. La
3014 MERCURE
DE FRANCE .
La mauvaiſe odeur & la fumée , oblige
rent les voifins & les Gardes- Pompes du
Roy , d'enfoncer la porte de fa chambre
qu'une Servante qui la venoit fervir avoit
fermée. On éteignit le feu qui s'étoit
communiqué des habits de cette femme
à quelques meubles , & deux heures
après elle expira dans des tourmens trèsviolens.
La chambre de cette femme joi
gnoit le Magafin du fieur Guerin Epicier,
au premier étage de fa maiſon , quë de
la Verrerie .
Le 16. de ce mois , la Reine alla en
Chaiſe à Porteurs chez Mademoiſelle de
Clermont , Princeffe du Sang , Sur - Intendante
de la Maifon de S. M. qui eft
logée à la Sur-Intendance . Quelques Seigneurs
& Dames de la Cour y reprefenterent
fur un Théatre , dreflé dans la
grande Piece de l'Appartement de cette
Princeffe , la Comedie du Mifant rope
& celle de Florentin , qui furent parfaitement
bien jouées : la Reine en pas
rut très fatisfaite .
Le 31. le Roi revêtu du Grand Collier
de l'Ordre du S. Efprit , entendit la
Meffe dans la Chapelle du Château de
Verfailles , communia par les mains du
Cardinal de Rohan , Grand Aumônier
de France. Enfuite S.M. toucha un grand
nombre de Malades.
3. vol. Le
DECEMBRE. 1726. 3015
1
Le Roy ayant donné à la Reine Douaifiere
d'Efpagne le Palais du Luxembourg
,, pour y faire fa réfidence . S. M.
partit de Vincenne le 23. de ce mois fur
les trois heures après midi. La Marche
fe fit dans l'ordre fuivant : Par la ruë
S. Antoine , le Pont- Neuf , rue Dauphine
& de Tournon .
La Reine , avec la Ducheffe de Sforze,
fa Camarera Major , étoit dans le premier
Carroffe , attellé de huit beaux Chevaux
noirs. Dans le deuxième étoient la
Princefle de Robec , la Ducheffe de Nevers
, la Marquife d'Arpajou , la Marquife
de Mailly & la Marquise de Paulmy,
Dames du Palais de la Reine. Dans
le troifiéme étoient le Prince de Robec ,
Major- d'Homme Major , le Duc de Nevers
, Grand- Ecuyer , M. de Crecy ,
Premier Ecuyer , M. de Maiparo, Major
d'Homme de femaine. Après cela venoit
le quatriéme Carroffe, dans lequel étoient
" les Camarites de la Reine , qui fermoient
la Marche.
Le Carroffe de la Reine étoit precedé
de fix Gardes, & toute la Compagnie mar
choit derriere, l'épée haute , avec l'Etendart
, Timbales & Trompettes , les Of
ficiers à la tête. Les Ecuyers Cavalcadours
, les Cavalenlos del Campo , & les
Pages marchoient en bon ordre autour
2. vol.
I du
3016 MERCURE DE FRANCE.
du Carroffe de Sa Majesté.
Lorfque la Reine paffa devant la Baftille
, M. de Launay , qui en eſt Gouverneur
, fit tirer le Canon. S. M. arriva
au Luxembourg vers les quatre
heures après midi ; elle fut reçûë à la
defcente du Carroffe par le Duc d'Antin
, Sur - Intendant des Bâtimens , &
conduite dans fon Appartement. Le Corps
de Ville arriva un moment après & complimenta
la Reine ; le Duc de Trêmes
Gouverneur de Paris étoit à la tête. Le
Préfident Lambert , Prevôt des Marehands
, fit un Difcours très- éloquent ,
auquel S.M. répondit fort gracieuſement.
Le 24. veille de Noël , la Reine d'Efpagne
entendit la Meffe de Minuit dans
la Chapelle du Luxembourg , elle reçût
la fainte Communion par les mains du
Pere Catalan, Jefuite , fon Confeffeur.
Le lendemain 25. jour de Noël , S. M.
alla entendre la grande Meffe à S. Sulpice
, en grande pompe , efcortée de toute
fa Maifon , & le foir elle fut entendre
le Salut aux Carmelites de la rue
de Grenelle , avec le même cortege.
- vol.
PLACET
DECEMBRE. 1726. 3017,
PLACET
A LA REINE D'ESPAGNE.
LES
Nouvelliftes du Faubourg ,
Dans les Jardins du Luxembourg ,
S'affemblent dès long - temps , font la Paix &
la Guerre :
६
Ils percent dans les Cabinets ,
Et decident des interêts
De tous les Princes de la terre.
Là fur la puiffance des Rois ,
Sur la Religion , la Finance , les Loix
Chacun étale fon fyftême ,
Et le foûtient avec une chaleur extrême :
Souvent on les entend parler tous à la fois ,
Diſputer vivement , & s'emporter de même;
Mais depuis quelques jours , on les voit confternez
,
Se promener le manteau fur le nez ,
Suivis d'une trifte affluence
De défoeuvrez comme eux , obferver en fi
lence
Si par malheur quelque Suiffe malín ,
Ne viendra pas fermer les portes du Jardin.
2. vol.
I ij
Si
3018 MERCURE de france:
Si la chofe arrivoit , Dieux ! la trifte journée ,
Pour cette troupe infortunée :
Grande Reine , dont la bonté
Eft égale à la majeſté ,
Ne permettez jamais de telles entrepriſes ,
Laiffez à ces Speculatifs ,
A ces Politiques oififs ,
La douce liberté de tenir leurs affifes ,
Dans ces lieux fi charmans pour eux ;
Pour vos jours précieux ils y feront des voeux,
Et quelquefois leurs affemblées ,
Vous ferviront d'amufement :
Vous pourrez les voir tous de votre appartement,
Par pelotons formez dans les allées ,
Se trémouffer , gefticuler ,
Souvent même fe quereller :
Vous leur verrez tracer fur le fable docile ,
Des Camps , des Forts , un Port de Mer , une
Ifle ,
Ouvrage auffi yain que groffier,
Et qui n'eft nullement du goût du Jardinier.
Pour les femmes du voisinage ,
Four qui le Luxembourg a des appas fecrets , " a. vol.
Qui
DECEMBRE. 126. 3019
Qui pourroit exprimer leur chagrin , leurs
regrets ?
Si la porte en étoit fermée ?
Déja plus d'une Amante en paroît allarmée.
D'ailleurs quand Votre Majefté ,
Vient dans ce Jardin enchanté ,
Qu'acheve d'embellir fon augufte préſence ,
En Elle on voit briller mille & mille agré
mens ,
Qui font aujourd'hui de la France ,
Un des plus riches ornemens .
Daignez donc ordonner , favorable Princeffe ,
Qu'on vienne en ces Jardins ainfi qu'auparavant
,
Souffrez qu'auprès de vous à toute heure on
s'empreffe ,
On ne fçauroit voir trop fouvent
La vertu , la bonté , les graces , la fageffe.
M. D. G. C. D. M. S,
akakakakakakakakakak
BENEFICES DONNE Z.
LA 1
Abbaye d'Eftival en Charnye , Ordre
de faint Benoît , Dioceſe du
Mans , vacante par le decès de Mademoiz.
vol.
I iij
felle
3020 MERCURE DE FRANCE.
felle de Pezé , a été donné à Mademoiſelle
Marie Anne Charlotte de Rabodanges ,
Religieufe du même Ordre.
L'Abbaye de la Regle , Ordre de faint
Benoît , Diocefe de Limoges , vacante par
la démiffion de Mademoiſelle de Verthamon
de la Vaux , en faveur de Damoiselle
Catherine- Elifabeth de Verthamon de la
Vaux , Religieufe dans cette Abbaye , à la
charge de mille livres de penfion pour
ladite Damoifelle de Verthamon , qui s'eſt
démife .
Le Prieuré de Sainte Marie de Froitfond
, Ordre de faint Benoît , Dioceſe de
Luçon , dépendant de l'Abbaye de faint
Michel en Lherm , auquel Sa Majesté a
droit de nommer , à caufe de l'union de
cette Abbaye au College des Quatre-Nations
, vacant par le decès du Sieur Richard
, en faveur du Sieur Abbé Philibert
, Prêtre , Docteur de Sorbonne.
L'Abbaye Reguliere de Saint Airy ,
dans la Ville de Verdun , Ordre de faint
Benoît , à laquelle le Roi a droit de nommer
en vertu de l'Indult du Pape Clement
IX. vacante par le decès de Dom de
Vaitte , en faveur de Dom de Louviot ,
Religieux du même Ordre.
L'Abbaye Commandataire de Saint
Maurin , Ordre de faint Benoît , Dioceſe
d'Agen , vacante par le decès du Sieur
2. vol.
Heb it ,.
DECEMBRE . 1926. 3021.
Hebert , en faveur de M. l'Abbé Catelan
, Prêtre & Prefident du Parlement de
Toulouſe.
L'Abbaye de Saint Avy , Ordrede faint
Benoît , Diocefe de Chartres , vacante
par le decès de Mademoiſelle de Simianne
, en faveur de Mademoiſelle Bonne
Binet de Montifroy , Religieufe du même
Ordre.
MORTS , NAISSANCES ,
&
Mariages ,
E 5.de ce mois , Dame Marie Amat
Ladu Pouet , veuve de François- Augufte
de Valevoir , Marquis de Volx ,
Lieutenant General des Armées du Roi ,
& Gouverneur de Sifteron , mourut dans
fon Château de Volx , en Provence , âgée
de 93 .
Le 24. Jacques Rigollot , Marêchal
des Camps & Armées du Roi , & Lieutenant
General d'Artillerie , mourut âgé
de 90. ans , dont il en avoit employé 75.
au fervice de S. M.
Le 27. le Comte Truffy, ci-devant Envoyé
Extraordinaire du feu Duc de Mantouë,
mourut à Paris âgé d'environ 60 .
ans.
2. vol.
I iiij
Le
3022 MERCURE DE FRANCE.
Le 13. de Novembre 1726. Thomas
Charles , Marquis de Morant & de Brequigny
, Barón de Fontenay , Comte d'Epenzé
, &c. époufa à Saint Brieux , pendant
l'Affemblée des Etats de Bretagne ,
Damoiſelle Gabrielle - Felicité de la Ri
viere , quatriéme fille de Charles - Yves-
Jacques de la Riviere , Comte de Mur ;
&c. Marquis de Paulmy en Touraine ,
Vicomte de la Roche de Genes , Baron de
Boifé , Seigneur de Cyran , du Châtellier
, &c. & de Dame Marie - Françoiſe-
Celeſte de Voyer , heritiere de l'ancienne
Maifon de Paulmy.
Mademoiſelle de la Riviere eft foeur
de Charles -Yves Thibault de la Riviere,
Marquis de Paulmy , Wartigny & de
Reignac , Meſtre de Camp de Cavalerie ,
&c. Ce mariage s'eft fait en préfence
du Maréchal & de la Marêchale d'Eftrées
, du Duc & de la Ducheffe de
Bethune , de tous les Evêques , Abbez ,
Deputez , & de toute la Nobleffe qui
compofe l'Affemblée des Etats de cette
grande Province , lefquels ont donné de
grandes marques d'eftime & de confide
ration à M. le Comte de la Riviere , qui
eft un Seigneur fort confideré dans cette
Province . M. & Me la Marêchale d'Etrées
firent l'honneur aux mariez de
leur donner la chemife , & ils donnerent
2. vol. les .
DECEMBRE. 1726. 3023
les repas des nôces , où il y eut plufieurs
tables fuperbement fervies .
Claude - Loüife de Lory , époufe de
Charles de la Martelliere , Seigneur de
Chancay , &c. Gouverneur pour le Roi
de la Ville de Langres ,accoucha le 8. Dec.
dérnier d'un fils lequel fut tenu fur les
Fonts , & nommé Charles , Jacques par
Jacques de Lorry , Maître des Comptes
& par Dame Marie - Anne le Picard de
Mony , veuve de Edme Nicolas Robert ,
Chevalier Confeiller d'Etat , Confeiller
Honoraire au Grand- Confeil , & Inten
dant du Canada .
,
La nuit du 17. au 18. de ce mois , la
Marquise de Trefnel fille de M. le
Blanc , Miniftré de la Guerre , accoucha
d'un fils à Versailles .
On donnera le mois prochain , les Jettons
de l'année 1727. & la Médaille prefen "
tée au Roi le premier jour de l'an.
KKK MMKMM
TABLE
Du fecond Volume de Décembre .
De fur les miferes de l'homme , 2825
Troifiéme Suite hiftorique de la Guerre de
Perfe ,
24 vol
2828
Imitation
1
3014
Imitation de la Poëfie de Catulle , Dicebas ,
&c.
2850
L'Aveugle Clairvoyant , Hiſtoire Perſanne , 2853
Vers , &.c. 2877
Extrait du Memoire fur l'Aurore Boreale , &c.
2880
2885
Sonnet , l'Homme fuperbe ,
Memoire fur les Eaux Minerales de Paffy , 2886
Uranie , Ode , 2904
Réponse , & c, au fajet d'une Méthode très- ailée
pour apprendre l'Orthographe , &c. 2907
Enigmes ,
Nouvelles Litteraires , des beaux Arts , &c. 2925
Almanach Royal ,
2923
2927
Recueil de Leçons de Mathematiques , & c. 2928
Memoire fur la guérifon des Hernies , & c. 29 30
Extrait d'une Lettre écrite de Lyon , &c. 2936
Lettre de Bourdeaux fur l'Academie de cette
Ville ,
Difcours prononcez à l'ouverture du Parlement ,
Chanfon notée ,
Spectacles ,
2919
2940
2953
ibid.
Le Philofophe dupe de l'Amour, Extrait , 2944
La Femme Jaloufe , Comedie , Extrait , 2962
Extrait de la Tragedie de Tibere , 2979
Nouvelles du Temps , de Turquie , Ruffie , Po.
logne , &c. 3001
Morts , &c. 3011
Nouvelle de la Cour , de Paris , & c. ibid.
Placet à la Reine d'Espagne , 3017
Benefices donnez , 3019
Morts , Naiflances & Mariages
2023
LA Chanfon notée regarde la page 3913
Fautes
3025
Fautes à corriger dans ec Livre .
Age 2961. ligne premiere , accompliffement,
Ptifex applaudifiement. Page 2968. ligne 2
qu'on demande , lifez qu'on nous demande . p.
2972. ligne 19 , la belle, lifez ſa fille & lign. 2'5•
TABLE GENERALE
de l'Année 1726 .
A.
bas Cornardorum ,
ABbas
911
Académie Françoife , 2058. Reception , 2500.
2948.
des Sciences , 996. 1363. 1369. 2063 .
2-535 2949
d'Infcriptions & Belles Lettres , 759• 995•
1200, 2534 2733 .
des Jeux foraux, Prix propofez , 1425 .
Diſtribuez , 1830
de Bordeaux ,1000. 2042. 2307.2939 .
EFEE
Er
de Pau ,
153
de Belles Lettres à Marseille , 2077
EpA
Ef
Ex
}
de Lyon ,
de Madrid ,
d'Histoire à Lisbonne ,
des Sciences à Petersbourg , 347. 2064.
2306.
Albricienne
à Venife , 553
de Peinture à Paris , 2544. Prix propofez ,
1647. à Rome , 53. Prix diftribuez ,
1650
2936
1228
552. 1227
3046
de Mufique à Tours , 172. à Strasbourg →
Ajax , Opera ,
559
Aimant ( la Pierre d' ) guerit des convulfions ,
1654
1551
Air maritime. S'il eſt dangereux pour la ſanté ,
Alleluia. Ufage qu'on en a fait ,
Almanach du Parnaffe .
L'Amante capricieufe , Comedie ,
418
2656
-2949
1003.1436
364-
1653. 1871
L'Ambigu comique , Comedie ,
L'Amour Precepteur , Comedie ,
Ange ( le Pere de Rofalie. Sa mort , 149
Angleterre ( quelques particularitez d' ) 2067
Antiquitez. La Colonne de Cuffy , 1374. Tombeau
dans la Forêt d'Ardennes ,
Antiquité expliquée , &c. Reflexions critiques
fur un Article du 5. Tome du Supplément ,
1590
144
1105 Apparitions. I'eur faulleté ,
Arithmetique ( Machine pour faire toutes les
operations d') 2039
Arrefts notables du Parlement de Paris , 1060.
1065. de Provence , 1472
Affureurs. S'ils répondent des pertes arrivées
dans la quarantaine des Infirmeries ,
Atis travesti , Comedie ,
423
164 .
L'Aveugle clairvoyant , Hiftoire Perfane , 2853
B.
A Bague magique , Comedie ,
Baumes . v . Huiles.
Bernouilly Nicolas ) fa mort ;
$73
2307
Bibliotheque de l'Univerfité , 760. de Turin ,
Boivin , fa mort ,
ibid.
2544
Bouil
Bons mots ( Lettre fur les ) 703.1403.2191
3.047
Bouillart D. Jacques ) fa mort & fes Ouvrages,
2950
Bouquet › 35. 203. 204. 1476. 1697. 1785. 2001
ss. 1984. 2021. 2032 2038 Bouts rimez ,
Breviaire de Sens & d'Auxerre ,
Brutus , Tragedie ,
1163
1892
C...
Cale
761
Alendrier chronologique , 2497. hiftoriquë,
2720. fur un Porte- crayon ,
Calotte Arreft du Regiment de la )
Cange ( du ) critiqué ,
2233
2.7
Canos tirant 13. coups en une minute , 1866
Cantate , la Seine , 264. Vertumne & Pomone,
690, Ulyffe & Calypfo , 71o. l'Insonftance reciproque
, 968. Daphnis , 1098. le Retardement
affecté , 1997. le Carnaval ,
Cardinal ( remarques fur la dignité de ) 2587
Caftel le Pere ) critiqué , 43. v . Flux. Lettre
à M. de Barras , 871. à M. B.
Caſtel - Branco ( le P. Bernard de fa mort ,
>
2013
900
350
Ceremonial. La Reine d'Espagne rend vifite au
Roi & à la Reine , 826. vifite renduë par la
Reine ,
Champ de Bataille , Château ,
830
2713
Chant Gregorien , 1172. des Hymnes , 1729.
nouvelle maniere de le noter , 1421. 2543•
2722.
Chantreļ( Bâton de )
La Chaffe du Cerf, Comedie ,
18
2346. 2547
Chaftcüil - Gallaup , particularitez de fa vie , 327.
corrections & éclairciffemens fur cette Mai-
1223
fon ,
Château- Chinon ( remarque fur la Terre de )
2002
Le Chevalier errant , Comedie , 1002. 1229
Chevaux chargez ( ordre à Conftantinople pour
les ).
2270
3048
Clavecin
Le Chirurgien Medecin. Lettre delavoüiče par
la Faculté de Medecine ,
pour les
397
yeux , 277.455.653. Criti
que , 929. Réponse , 1537
Clergé Affemblée du } 2377
College Royal , 2537
603
Colone , fa mort & fon éloge ,
Les Comediens Efclaves , Comedie , 1871 .
2112.
Les Comediens Corfaires , Comedie , 2133 .
2310.
Comete apperçue à Naples , 552. à Genes ,
Concert des Tuilleries ,
2770
843
Confecration de l'Eglife de S. Louis , 1787
Coquille Hiftoire naturelle des ) 296
Corinne , fon vṛai nom , 2852
Coypel (Difcours à l'Academie de ) 1856
1593
105
Critique reflexions fur la )
Cruches fecondes ,
Curé ,l'amovibilité & la multiplicité des Curez
dans une même Paroiffe ,
D.
Edicaces ( Critique des )
DEDefructus , ce que c'eft ,
Delifle Guillaumefon éloge ,,
. 1150
2012
218
468
Defalleurs , fon coeur tranfporté à Conftantino
3144
ple ,
Delpreaux , défenfe de fa fixiéme Satire , 198 ,
Dictionnaire de Medecine , 204 des Arreſts
2726. neologique , 1700. de la France an
cienne & moderne , 1627. obfervations fur ce
Dictiounaire , 2481.2718
Difcours de M. Piat , so . de M. Gilbert , 151 .
prononcé le jour de la cinquantième année
d'un mariage ,
2. vol.
3340
Dif
3051
Ageure
d'un Porteur d'eau ,
1255
JGenie fingulier pour les Mathematiques ' ,
2065
Germanie , il a été un temps qu'on appelloit de
ce nom , tout le pays qui s'étend depuis la
Loire jufqu'à Cologne ,
Godeau critiqué
Goute ( guerifons de la ).
536
26
IS25
Guib ( Federic ) Memoire hiftorique fur fa vie ,
H.
1965
Arangue de Francifque , 2347. du Clergé ,
2388. 2788. au Comte de Tavannes ,
2391. au Doge de Venile , 2771. de la rentrée
du Parlement ,
2940
Hernies ( guerifons des ) 556. 2930. Bandage
fans acier
Hiftoire des Juifs ,
1423
638
L'Homme marin Comedie
1040
Horace ( paflagé d' ) expliqué , 2014
1556. 2299
14335
Huilles effentielles , & Baumes naturels s'en-
1369
2746
Horloge de mer ,
Hôtel de l'Enfant Jefits .
flâment par les efprits acides ,
Hypermneftre , Tragedie ,.
J
Ji
Ambe coupée. On fent les mêmes doulcurs
que fi on l'avoit encore ,
Idille de Vergier , 1579. le Printemps ,
Jettons du Roi ,
2033
1760
159
343
L'Im-
Imprimerie , Reglement à ce fujet en Hollande ,
24 volt.
3052
L'Impromptu de la Folie , Comedie , 340
Incendie à Paris , 187.603 . 3013.à Liſbone, 3008
Jofeph , deux paffages interpofez dans fes Antiquitez
,
Journaliſtes de Trevoux critiquez ,
L.
891
1844
Angues ,comment on les perfectionne , 435
leur origine ,
Latin , nouvelle methode pour l'apprendre .
Laurent , fa mort & fon éloge ,
Lethargie extraordinaire d'un enfant ,
Lefbie , fon vrai nom ,
1356
2351
604
2936
2851
Lettres de la M. de Sevigné , 970. de Vergier ,
1394. 1577. du Roi d'Angleterre à la Czarine
1906. la réponſe ,
Leucade , v . Sault.
Lione , qui a fait des petits à Londres ,
1909,
1866
Litu sgies de toutes les Eglifes Chrétiennes, 1213
Longitudes ( tentatives fur les )
S Louis ( Paroiffe de )
Lunette par reflexion ,
M.
qu'à
1386
1795
759.1225.2028
Achines hidrauliques, 194. 1944. de l'Ab-
MMaAchines
bé du Val , 554. à labourer par le fecours
du vent , 759. de du Quet , 988. 1642- 2539 .
pour mesurer le chemin que fait en mer un
Navire , 2069. inventée par un jeune homme
de 19. ans , 2542. pour plonger , 2543. pour
filer , 2742. pour faire du ruban
Mahomet IV. trait fingulier de )
2947
1397
Maladies ( Siftême d'un Medecin Anglois fur les
Mandement du C. de Noailles ,
caules des )
2. vel.
964
1264
Mante,
3013
Mante , Ville ,
Mari fans femme ( le ) Comedie ,
2697
2319
Mariage declaré nul , 350. à la Greque , 2272
Maroc , v . Fez.
Marſeille ( Infcription à l'Hôtel de Ville de)
Martial ( paffage de ) expliqué ,
Mathematiques ( Leçons de )
Maucroix ( nouvelles Oeuvres de )
May (l'offrande du )
2285
2018
2928
543
695
Medaille de Probus , 18. de la Reine , 156. 1869
de Philippe II. 322. de Benoift XIII. 557. de
Pofthume , 667, trouvées à Troyes , 1226. du
Roi,
Medecine ( Ecoles de )
Melon extraordinaire ,
2309
2538
2948
.
2725
Memoires des Miffions de la Compagnie de
Jefus ,
Metamorphofes d'Arlequin fot & fage ( les ) Co.
medie ,
Meynier , differens inftrumens qu'il a inventez ,
Mines d'argent en Norvegue ,
Modes ,
Monde ( l'immenfité & l'infinité du )
Monitum de l'Univerfité de Caen ,
Monnoye d'Orleans ,
Monttre , homme marin ,
578
413-
2767
9.399.946
1101
526
733
256
Moreau ( D. Jean - Baptifte ) la mort & fes Ouvrages
853
Morofini , le Roi le fait Chevalier , & lui donne
l'accolade , 2784
180
Mots nouveaux , fi l'on doit les condamner abſo-
N.
Morts à Londres ,
lument , v. Langue.
Aiffances à Londres ,
2. vol.
NNaufrage ( le )Comedie ,
180
563. 568
N&
3054
Navigation ( Inftrumens de Meynier pour 1 )
Nefretique ( Pierre ) .
Neubourg ,
419 .
1587
2712
Noms des Rois de France ( remarques für quelques
)
O
O.
1123
2904
De. La Modeftie , 292 Les Athées , 463 .
Du Palinod , 520. Sur le Mariage du Roi ,
661. Sur Alexiowits le Grand , 671. Les Palfions
, 940 l'Ambition , 1087. la Mert , 1301
le Solitaire , 1544. la Beauté , 2671. le tems ,
2674 , les Miferes de l'homme , 1826. à Uranie
,
Odes traduites du P. Senadon , 208. la 38. da
I. Liv. d'Horace , 326. la v . du I. Liv. 1178 .
du Cantique de Moyfe , 1156. la 23. du I.
Liv. d'Horace , 1 ( 89. Quem vinum , 2183
Oedipe , Tragedie de la Mothe , 576.770
Opera , reprefenté à Rome , 366 en Allemagne
ibid. à Londres , ibid.
1933
Orleans ( Mort de la Ducheſſe d' ) & fes obfeques
,
Orthographe . Maniere aifée de l'apprendre , 2907
Oudri , fes Tableaux , 617
Ouvrages d'efprit ( Obfervations fur les ) 1306
P
P.
Aix entre les Hollandois & les Algeriens ,
Paftor- Fido , Faftorale ,
Paftorales ,
2350
2081. 2288
1870
Patronage ( à qui doit appartenir le Droit de ).
de l'heritier grevé ou de l'heritier Fidei - commiffaire
,
Pelerins de la Meque ( les ) Comedie , 1705 .
2677
20 vol.
1879
Есл
3055
Pendule de Meynier , 754. de Thiout, 756. 1645
Perce Oreilles innombrables dans la tête d'un
jeune homme , 1355
Perfe , 174. 368. 579.816 . 1042. 1660. 1904 .
1917. 2002. 2136. 2256. 2352. 2762. 3001 .
Relation particuliere , 2460. 2633. 2828
Pefte à Conftantinople , 2135, 2269.2349.2763
Phenomene vû à Paris , 2386. 2880. en Bour
gogne , 2420. au Havre , 2436. à Eu , 2443 .
à Tripoli ,
Philippe le Marquis de S. ) fes Ouvragos , 1424
Philofephe ( le ) dupe de l'Amour , Comedie
2948
2553. 2955
Philofophes ( éloges & caracteres des ) depuis
J. C.
Pierres fuinâgeant fur la Mer ,
Pilota. Ce qu'il fignifie ,
Placet à la Reine d'Espagne ,
2724
2277
912
3017
Pluye. Il en a tombé moins en 1725. qu'il n'en
doit tomber dans une année moyenne , 151
Poemes. Le Progrès de l'Aſtronomie , 529. Saul ,
le Remors , 1351 la Guerre , 1529. le
Sacrificateur Victime , 1832. Converfion de
Mile Larroque , 2630. récitez aux Jefuites ,
1959.
2056
Poefies diverfes des Jefuites fur le Mariage du
Roy ,
114
1227
Pompe Angloife de rarefaction ,
Pont-de-l'Arche eft Pancienne Ville des Fiftes
Proceffion noire. V. May
Puy ou Palinod ,
>
887
2736
Pyrame & Thifbé , Opera , 2329. Parodie , 2553
Pyrrhus , Tragedie ,
Q₁
Q
Uarantaine. V. Affureurs.
a . vol.
2758
1001. 1023
Rave ,
3056
R.
Are extraordinaire , 2948
R Recueil des Archevêchez & autres Benchces
à la nomination Royale , 743
Reintegrande ( Arrêts fur une demande en ) 761
Religion des Gaulois ,
Renneville ( Commanderie de )
2514
2709
République des Lettres ( Memoires pour l'Hif
toire des Hommes Illuftres dans la ) 2525
Retour ( le ) de la Tragedie Françoise , Comedie
,
Rhadamifte ( critique de )
165
1802
Riccobini le fils. Son début , 163
Ridicule ( en quoi confiſte le )
7522
Rondeau , 2041
Rofni , 2698
845
Roulette (Jeu de la )
Rouflean (nouvelle édition des Oeuvres de ) 2189
Royaumes & Principautez , qui n'étoient que
des Francs-alleux , 49
S.
Ainte Marie au Voeu , Abbaye , 744
Sainte Menehoult , rebâtic , 2158
Satire à Apollon , 643
Sault de Leucade , 1203
Savoye ( Comteffe de ) Roman , 2107
Sauvages de Curlande , 1640
Science la plus utile pour la fanté ,
2206
Servandoni , Peintre Italien , 2342
764 Societé avec Dieu ,
Sonet fur Oedipe , 177. fur une retraite de la
Cour , 702. 1698. le Jufte mourant , 2255.
l'Homme fuperbe dans la mifere même , 2885
Songes ( les ) Comedie ,
Spartacus , Opera ,
2. vel
807
178
Spec
3057
Spectacles d'Italie , 81. de Venife , 241. d'Angleterre
, 2067. Moyen de les rendre plus
utiles ,
Sphere mouvante ,
715. 1091
1487
Stances à la Reine . 67. fur le Printemps , 73 1.
de M. de la Monoie ,
1
738.1361
Strat gêmes de l'Amour ( les ) Ballet, 30. 798 .
Comedie Italienne , 806
T.
Genevieve , 1859. du Mariage du Roi
1863
630. 1004 Talifman ( le ) Comedie ,
Temple de la Verité ( le ) Comedie , 1445
Teftament mutuel , 196. Teftament déclaré va
.lable , 620. 761
Tête. Coup à la tête fuivi de fimptômes extraor
dinaires ,
Theſe des Carmes ,
Tibere , Tragedie ,
Tite- Live traduit par du Laurent ,
Toilette de la Reine ,
Tour de Carnaval ( le ) Comedie ,
Traité de la Societé civile ,
100
392
2760.2979
984
2071
568
334
Tremblement de terre à Palerme , 2358. 2568,
à Aquila, 2571. à Petriwaradin , 2768 , à Naples
, 2769. à Ivelceſter ,
Allée
U.
Vafesdes Payens , les Chrétiens s'en
voient dans leurs Ceremonies ,
2780
2699
22
Wattau ( Eftampes d'après ) avec fa vie , 2527
Venile , habits , ufages & divertiffemens des
Venitiens ,
2. vol.
1601
Vers
5078
yers . Les Mufes au Roi 11. Requête au -Soleil
78. fur le premier Janvier , 195. fur l'hyver,
215 , fur le Mariage du Roi , 232, pour accompagner
un Devidoir , 253. Portrait , ; 21
à Mile P ... 417. Differend de l'Amour & de
l'Hymen , 429. à l'Abbé de Vaugency , 492.
de l'Abbé de Villiers , fur la vieillefle , 865.
15. de Lainez , 880. 889. 1385. 1652. au
Mercure , 959. à Mie 1132. l'Hymen d'accord
avec l'Amour , 1337. fur la convalefcence du
Koi , 1712. de la Reine , 2246. fonge , 2231
à M. le Blanc , 2480. fur le Cardinal de Fleuri
, 2689. de M. Laurens , 28-7
Vers imitez de Catulle , 304. 1149. 2276. 2850
de M. Huet , le Thé ,
Veuve à la mode ( la ) Comedie , $78.784
Vie des anciens Philofophes , n'eft pas de M. de
Fenelon ,
Viellefle extraordinaire , 595.610. 851. 1464.
1916
1615
994
Vieville ( J. Laurent le Cerf de la ) fes Ouvra
ges & fon Eloge , 677. faute à corriger, 2533
Univerfité ( 1 ) gagne fon procès contre les
Imprimeurs & Libraires ,
Voyage de Baffe. Normandie ,
Ufages de l'Eglife d'Auxerre ,
ISO
2696
17
Uxellodunum eft la Ville de Lufech , 316. le
veritable Auteur de cette opinion , 307 Reponſe
à l'Abbé de Vairac ,
Y.
309
Yvetot ,Memoires fur ce Royaume , 48. 1631
F la Tabir des Matieres.
FEB 18 1931
Presented by
357
the Century Association
to the
New YorkPublic
Library
Qualité de la reconnaissance optique de caractères